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in 2010 with funding from
University of Ottawa
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BIOGPiAPHIE
UNIVERSELLE ,
ANCIENNE ET MODERNE.
MOiSTM — NAZ.
DE L'IMPRIMERIE D'EVERAT,
RUE DU CADRAN, K". l6.
BIOGPtAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE,
ou
niSTOTRE, PAR ORDRE ALPHABETIQUE^ DE LA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE
TOUS LES IIOMMLS QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR LEURS ECRITS,
LEURS ACTIONS, LEURS TALENTS, LEURS VERTUS OU LEURS CRIMES.
OUVRAGE ENTIÈREMENT NEUF,
RÉDIGÉ PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
Ou doit des égards aux TÏvaots; ou \:e doit aux morts
que la vérité, {y OLT. , première Lettre sur OUd'ipe.)
TOME TRENTIEME
/
A PARIS,
CHEZ L. G. MICHAUD, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
nUE DE CLÉRY, N». I 5.
182 I.
BISUOTHÊCA
143
V. 30
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SIGNATURES DES AUTEURS
DU TRENTIEME VOLUME.
MM.
MM.
B— T.
BErCHOT.
L D — X.
Laborieux.
A— D— R
, Amar-Durivier.
L-o.
Léo.
A— R.
AlliER-d'HaL TEROCHE.
L — p — E.
HiPPOLYTE DE LaPORTE,
A. R— T.
Abel-Remusat.
L— s.
Langlès.
A— T.
H. Audiffreï.
L — s — E.
Lasalle.
B— p.
De BEAtJcnAMP,
L— T_L.
Lally-Tollendal.
B— ss.
BoiSSOADE.
L— u.
Ledru,
B-u.
Eeauheu.
L-Y.
Lécut.
C— AU.
Catteau-Calleville.
M-DJ.
MicHAUD jeune.
C— L.
De Choiseul-d'Aillecourt.
M— É.
MONÎIERQUÉ.
C. M. P.
PiLLET.
M— I.
IVIoTOWSKI.
C — P — N.
Campesox.
M— N — D
. Mo.VOD.
C— T— D.
Chateaubriand.
M — os.
Marron.
C. T— y.
Coquebert de Taizy.
M -s.
' De Marcellus.
C — V — R.
Cuvier.
M— s— t.
MONSEIGNAT.
D— B— S.
Dubois ( I.ouis ).
P-c-t.
Picot.
D— G.
Deppixg.
P— E.
Ponce.
D— is.
Duplessjs ( Adolphe ).
P. et L.
Percv: et Laurent.
D. L. C.
De La Combe.
P. L.
PrÉvôt-Lutkens.
D— L— E.
Delambre.
P— s.
PÉRIÈS.
D— R— s.
Desrexaudes.
E— D.
Reinaud.
D-s.
Desportes-Boscherox.
R— D— N.
Renauldin.
D— u.
DUVAU.
R— TE.
De Rocheplate.
D— z— s.
Dezos de la Roquette.
S. M— N.
Saint-Martin.
E— s.
Eyriès.
S-R.
Stapfer.
F. P-T.
Fabien-Pillet.
S.S— I.
SiMONDE SiSMONDI.
F^R.
Fournier-Pescay.
S — V— s.
De Sevelinges.
F— T.
Foisset aîné.
S— Y.
De Salaberby.
F— TJ.
Foisset jeune.
T— D.
Tabaraud.
G — CE.
Gence.
U— I.
LTstéri.
G— T— R.
Gautier.
V. s. L.
Vincens-Sai.nt-Lauf.ext.
H— DT.
De Humboldt.
V. s— N.
Van-Swinden.
H— Q— N.
IIKNNEQUI^.
V— VE.
YiLLENAVE.
H— T.
Uumbert.
W— R.
Walcrenaer.
L.
Lefebvke-Caucht.
W— s.
Weiss.
L — E — E.
Labouderie.
z.
Anonyme.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
V\\\.V\iVVVVVVVVVVVVVVVi'VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVV\;VVVV\\\VVVVVVVVVVVVVV>^
M
MoNTMARTIN ( Antoinktte
UE ), l'une des dames les plus aima-
bles et les plus spirituelles de son
siècle, était ncc, en i5u4, dans le
comte' de Bourgogne , d'une ancicinic
t't noble famille. Elle joignait à une
rare beauté un esprit vif", et des ma-
nières simples et polies qui char-
maient tous les cœurs. Elle jiarlait
avec une égale facilite' le français ,
l'italien , l'allemand et l'espagnol •
composait des vers , cullivait la mu-
sique, et se montrait la protectrice
généreuse de tous les talents. Ayant
cpousc, à l'âge de vingt ans , Jean de
Ponpet, gentilhomme de l'empereur
Charles-Quint , elle le suivit à la cour
de Bruxelles, dont elle fut l'un des
principaux ornements. Madame de
Montmartin mourut, le i-i mars
1 553, dans sa vingt-neuvième année,
emportant les regrets universels ; ses
restes furent transférés à Poligny, et
déposés dans le caveau des seigneurs
tle Poupet. Les poètes franc-comtois
et flamands déplorèrentla fin préma-
turée de cette dame,, par des vers que
Gilbert Cousin a réunjs, et qu'il a
publiés à la fin d'un recueil très-rare ,
intitulé: Eintaphia, Epigrammata
et Eleglœ aliquot doctorum et illus-
irium vironim, etc. ( Baie ) , i556,
in-8^. p. 73-87. W — s.
MOxMMAUR (Pierre de) , h-
meux. parasite j tient dans l'histoire
littéraire ( i ) une place qu'il ne doit ,
comme Colin , qu'au ridicule dont il
a été couvert par ses contemporains.
Né, selon l'abbé de Vitrac, à Bétaiîle,
près de Martel (enQnerci), en 1576,
il vint à Bordeaux, à l'âge de douze
ans, et fut admis comnie élè^e au
collège des jésuites , où il se fit bien-
tôt remarquer de ses maîtres par l'é-
tendne de sa mémoire. Après avoir
terminé ses études , il fut reçu dans la
Société, remplit les fonctions de ré-
gent, au collège de Perigueux, et fut
envoyé à Rome, où il enseigna la
grammaire latine. Il sortit ensuite de
la Société, soit à raison de sa mau-
vaise santé, soit, comme le dit Ni-
colas Bourbon, parce qu'il fut con-
vaincu d'avoir contrefait le seing du
P. provincial. Il vint à P«ris, fut
chargé de l'éducation du fils aîné du
marquis de Praslin, et succéda, eu
1623, à Jérôme Goulu, dans la
chaire de professeur de grec au
collège de France ( r. J. Goulu). On
ne peut guère se persuader que Mont-
maur fût un homme sans mérite
comme ses ennemis l'ont représenté:
mais sa vanité l'avait rendu ridicule,
etil devint odieux à tous les écrivains
par le mépris avec lequel il parlait de
leurs ouvrages et de leurs personnes.
Admis pour ses bons mots à la table
{i) Yov. Bgjleau, saliie 1", , vers 80.
a IMON
des grands, il y étalait une. érudition
pcdantesque, et citait à tout propos
de longs passages des auteurs grecs
et latins les moins connus. C'était le
moyen d'éviter toute contradiction.
Cependant un jour qu'il expliquait
un passage des Épitres de Saint-
Paul, chez le chancelier Séguier ,
en présence de plusieurs savants,
il s'appuya de l'autorité d'Hésy-
chius , de Strabon et de Pausanias.
Nicolas Bourbon, qui se défiait de
la fidélité de ses citations, eut la
curiosité de consulter ces trois au-
teurs, et s'assura qu'ils n'avaient rien
dit de pareil. Montrnaur fut con-
vaincu d'avoir cité à faux : mais
cette mortification l'humilia sans le
corriger ; et il n'en continua pas
moins à disserter dans les salons de
Paris. Il s'y trouvait sans doute plus
à son aise que dans sa chaire; car il
se dispensait de faire ses leçons sous
les plus légers prétextes. On lui en
fit des reproches; et il annonça , par
une affiche pleine de forfanterie ,
qu'd expliquerait publiquement He-
sychiiis, au collège de France, tous
les jours non fériés, à sept heures du
matin. Le choix d'une heure où il
était presque certain de n'avoir
point d'auditeurs, fut un sujet de rail-
leries, qu'il supporta, dit-on, avec
un merveilleux sang- froid. Balzac
avait , dès i6i i , sonné le tocsin ( i )
contre Montrnaur; mais ce ne fut
que long -temps après, qu'il se for-
ma , suivant l'expression plaisante
de Bayle , une espèce de croisade
contre ce parasite , dans laquelle
se signalèrent Ménage, Adrien de
Valois, Sirmond, Sarrazin , Dali-
(i^ta plupart dps biographes, fl Bay'e lui mênip,
assurent que ce fut Ménage qui écrivit le premier
contre Monttnaur. mais la Vie de ce parasite n'a pa-
ru au plutôt 4u'eu i(i3tj.
MON
bray , l'abbé Le Vayer , etc. (i){F.
dans la Biographie ces différents ar-
ticles.) Comme Montrnaur était loge
gratuitement au collège de Boncourt,
on feignit qu'il avait choisi son ha-
bitation dans le quartier le plus élevé
de Paris, pour mieux observer les
fumées des cuisines : on lui donna
pour emblème, un âne, entouré de
chardons , avec cette devise : Pun-
gant ilùm saturent. On le représenta
à cheval, désespéré à la vue d'un
cadran qui annonce que l'heure du
dîner est passée. On le peignit dans
unechaudière, faisant une leçon aux
marmitons assemblés; on le méta-
morphosa enépervitr, en perroquet
(2) , en cheval , eu marmite. On at-
taqua ses mœurs, son honneur, sa
probité ; on l'accusa des vices les
plus infâmes, des actions les plus
odieuses. A ce déluge d'épigrammes
et de libelles, il n'opposa que le
mépris et quelques bous-mots (3) ,
que ses amis lui conseillèrent de
faire imprimer ; mais il ne put s'y
résoudre, l'amour du repos lui liant
les mains (Voy. les Mélang. de Yi-
gneul-Marville, ou plutôt d'Argonne
t. I, p. 106). Montrnaur jouissait.
(i) Bayle s'est Irompé en plaç.-int Nicol. Rigault
dans la liste des sa^aulsqui ont pris part à la croisade
cou re Moulniaur ( V. Nie. RlGAUI.T ).
(ï) Quand on lui dit que Ménage l'avait inétauior-
jibosé eu pirroquet : Bon, répoudit-il , je ne manque-
rai ni de vin pour me réjouir, ni di- bec pour me dé-
fendre; et coiiune on louait celte Métamorphose de-
vant lui ; Ce n'est pas merveille , dit-il , qu'un grand
parleur vumiue Ménage ait fait un bon perroquet.
( mélanges de Ki«neul-MarviUe. )
(3) Bayle itSallengre out recueJli quelques-unes
des reparties de Moutinaur. Uu jour qa'il dînait che^
le cl ancelier Séguier, le donnstique, en desservwit,
fît tomber sur sa rube un plat de potage ; il soupçonna
le ctianceliir de lui avoir fait jouer cette pièce , et
se contenta de dire en le regardant : Summum jus ,
summa injuria , allusion au mot jus , qui siguiue la
justice et du i)ouillon. Dae autrttbis, ud avocat, lils
d'un huissier, convint avec ses arni.> de ne point lais-
ser pari» r Montrnaur . qui devait dîner cliex le pré-
sident de Mesmes. Sitôt qu'il entra , l'avocat lui
cria : Guerre, gue,re. Vous dégénérez bieu , rcpoai.
ditMoutmaur, car votre [ère ne fait que crier -.Paix
là .' Ce mot fut un cjup de foudre qui déconcerta le»-
conjnrés.
IVION
dit-on , (le 5ooo livres de rente ,
somme plus que snirisante pour le
faire vivre honorablement; mais il
était d'une extrême avarice, et tou-
jours à la quête d'im dîner : « Four-
nissez, disait-il, les viandes et le
vin, et moi je fournirai le sel. » Il
mourut le 7 septembre 16 (8. L'abbc
Sabaticr dit (Voy. les Trois siècles
de la littérature), que les poe'sies de
Montmaur ne sont dignes d'entrer
dans aucun recueil ; mais il a évi-
demment confondu notre parasite
avec Hubert de Montmort , dont
ou connaît quelques pièces de vers
agréables. Quant à Montmaur , il
mérite à peine d'être compte parmi
les écrivains. Outre un in-fol. assez
mince, cité par l'abbé de MaroUes
( dans ses Mémoires ) , contenant
des devises et inscriptions en vers
ç;recs et latins , défigurées par de
pitoyables allusions aux noms des
pt^rsonues, que Ménage nommaitdes
Montmaurisrnes , on ne connaît de
l;ii que deux petites pièces fort mé-
diocres : une Invective en prose
contre le célèbi-c Auger Busbec , et
une Elégie sur la mort d'Éléonor
d'Oi'léans , duc de Fronsac , tué au
siège de Montpellier, précédée d'une
dédicace à sou précepteur. Ce sont
ces deux pièces qu'Adr. de Valois,
fit réimprimer sous ce titre pom-
pcîux : P. Montmauri , ^rcecarum
litterarum professoris regii, opéra
in duos tomos divisa' quorum alter
sulutam oralionem, alter versus
complectitur ; iterùm édita et notis
mine primùm illustrata à Janua-
rio Frontone , Paris, i643, in-4".
Les notes de Valois sont pleines de
louanges ironiques, qui auraient dé-
solé tout autre que Montmaur. Les
différentes satires publiées contre
lui ont été recueillies par Sallengre
sous ce titre : Histoire de Pierre de
MON 3
Montm)aur, la Haye, 1715, a vol,
in-8". fig. , avec une préface de l'édi-
teur, qui contient toutes les particula-
rités qu'il avait recueillies sur sou
héros, ou qu'd avait reçues de La
Monnoye. Le tome i'"'. renferme
les pièces latines au nombre de quin-
ze : Macrini parasita • grammafici
//il/£:P^,poèmedeCIi.Feramusius;
Fita Gargilii Mamurrœ ^ par Mé-
nage ; sa Gargilii Macronis parasi-
tosophistœ metamorphosis , du mê-
me auteur ; les OEuvres de Mont-
maur déjà citées avec quelques addi-
tions; le Bellum parasiticum de Sar-
razin ( dont une traduction française
parut en 1757 , iu-rj ); Mommori
parasitosjcophantosophistœ apoxj-
trapotheosis ( ou métamorphose de
Montmaur en marmite ), médiocre
imitation de V Apocolokintosis de Sé-
nèque ; la Metamorphosis parasiti in
cahallum , par Ab, Rémi, etc. , etc.
Le tome 11 , les pièces françaises : le
Testament de Goulu; la Requête de
Montmaur au parlement, l'^zifi Go-
mor, recueil d'épigrammes par d'A-
libray ; le Barbon de Balzac , et le
Parasite Mormon , histoire comi-
que , par l'abbé La Mothe Le Vayer.
On peut en outre consulter l'article
très-curieux que Bayle a consacré à
Montmaur^ dans son Dictionnaire^
avec les remarques de Joly, et le
Mémoire sur le collège Rojal , par
l'abbé Goujet, tome ler. , 555-66.
Sa grande mémoire et son peu de
jugement avaient donné lieu à l'épi-
taphe si connue :
Sons celle casaque noire,
Kepuse bien tluucement ,
iVlontmaur , d'heureuse mémoire ,
AllLiidaut le jugement.
W— S.
MONTMENIL. V. Lesage ,
XXIV, 264.
4 MON
. MONTMIRAIL (GnARLES-FRAN-
çois-CÉSAR leTellier, maïqiiis de) ,
ne en 1734, laissa, dès sa plus ten-
dre jeunesse , apercevoir un carac-
tère aimable, et des dispositions heu-
reuses , qui lui concilièrent l'estime
et la confiance de ses maîtres, comme
de SCS condisciples. Tacite et Polybe
étaient ses auteurs favoris. La physi-
que et l'histoire naturelle eurent des
attraits pour lui. Il fit sa première
campagne en 1757, enqualitèd'aide-
de-camp du maréchal d'Estre'es, son
oncle ; sa conduite et son intelligence
donnèrent de lui une bonne opinion
dansTarmèe. Il montra des talents et
de la prudence dans les négocia-
tions secrètes et délicates dont il fut
charge pendant cette camjiagnc. Il
lit celle de 1761, à la tête de son ré-
giment des carabiniers , lorsque sou
oncle reprit le commandement des
troupes. Le marquis de Montmirail
fut nommé brigadier des armées du
roi , en 1762 , et p!us tard colonel
des Cent-Suisses sur la démission du
marquis de Courtanvaux son père.
Admis à l'académie des sciences en
17G1 , il en devint président eu
1763. Il s'était fait distinguer à la
cour par sa douceur , par la régula-
rité de ses mœurs , par sou lespect
pour la religion , par s Jii amour
du travail. Il mourut cti i']6^. Scu
Eloi^e }ù$loTUjue , mis à la tète du
dixième volume des Mélanges inté-
ressants et curieux , par Surgy, a été
imprimé séparément , Paris , i jGQ ,
in-8<'. , avec son portrait. ï — d.
MONTMORENCI (Matthieu P'".
de) , n'est pas le ]>remicr person-
nage connu de son illustre faniilh? ;
mais c'est le premier sur lequel Ihis-
toire donne quelques détails certains.
La grandeur de la maison de Mont-
morenci a fait rccberclier son ori-
gine. Appuyés sur de simples coajec-
MON
tures , des auteurs hardis ont vonîu
percer la nuit des temps , et faire
remonter son existence au temps de
la fondation de la monarchie , et
même plus haut : les uns leur don-
nent pour auteur Lisoie , un des j)lus
puissants seigneurs de France, qui
reçut le baptême avec Clovis; et les
autres , Lisbius on Lisbieus (1), qui
exerça l'hospitalité envers saint De-
nys , fut converti par l'apôtre au
christianisme, et partagea avec lui
la palme du martyre. Ces traditions
prouvent l'antiquité de la maison de
IMontraorenci ; mais elles ne peu-
vent être justifiées par aucun titre^
Ce n'est que dans le dixième siècle,
que les membres des familles adop-
tèrent un nom cojumun : jusqu'alors
ils n'étaient distingués que par des
noms propres ou de baptême. Au-
delà de cette époque , il n'existe ni
chartes, ni diplômes. Mais l'incerti-
tude cesse sur la maison de Monirao-
renci , vers l'an gSo. On voit alors
un Bouchard, sire de Montmorenci ,
se distinguer dans les armées fran-
çaises ; et depuis celte époque la fi-
liation de ses descendants est au-
thcntiquemcnt prouvée sans aucune
interruption. La puissance de ce
Bouchard, qui se qualifiait, ainsi
que le firent ses descendants , du
titre de Sire de Montmorenci ^ par
la grâce de Dieu, porte à croire
qu'elle étoit pour lui l'héritage d'une
longue suite d'aïeux. Voilà ce qui
fait, de la maison dont il s'agit ,
une des plus anciennes de l'Europe.
Cette antiquité ne serait pour elle
qu'une gloire médiocre, si depuis
ces temps reculés elle n'avait été
relevée par les alliances les plus
(l) La rcsscinblaDiX' des nouis de Lisoie el de Lis-
bius, dint l'un seiiible être l,i traduction de Vautre ,
altère eucore le peu de loi qu'où voudi'ait ajouter 4
la rerite de la coujeclurc.
MON
brillantes , par l'exercice ries cliar-
ges les plus importantes de l'état,
par de grands talents, des vertus
éclatantes , et des services e'mineuts
rendus aux. rois et à la patrie. C'est
celle véritable grandeur , attachée
pendant tant de siècles à cette fa-
mille, qui fit dire à Henri IV, que
si la maison de Bourbon venait à
périr en France , nulle n'était plus
digne de la remplacer que celle de
Montraorenci. La charge de conné-
table, possédée six fois par des Mont-
morenci, le fut d'abord par Albéric ,
qui vivait en 1060. Avant lui, cet
oliice répondait à sa dénomination
(cornes stabuli) ; ce n'était qu'une
charge de la maison du prince, et à
jieu-près ce qu'est aujourd'hui celle
de grand-écuyer : Albéric en fit un
oiFice de la couronne, et un office
militaire ', cette charge fut alors la
première de la maison du roi , lors-
qu'il n'y eut plus de sénéchaux. Thi-
baut de IMontmorenci, neveu d'AI-
béric , devint connétable vers 1 090.
Il brillait à la cour de Philippe P''. :
de même que son oncle, il signait
tous les actes du gouvernement , et
V était traité de noble prince , prince
du royauTïi'i. Tels étaient déjà l'il-
lustration et le pouvoir de la mai-
son de Montmorenci , lorsque , vers
1 1 3o , Matthieu , petit - neveu de
Thibaut , reçut la charge de con-
nétable. Cette dignité , l'immense
fortune de Matthieu, sa première
alliance avec Aline, fille naturelle
d'Henri pJ". , roi d'Augleteri'e, et
surtout son second mariage avec
Alix ou Adélaïde de Savoie, le ren-
dirent le plus puissant seigneur de
son temps. Alix était veuve de Louis-
le-Gros et mère du roi Louis VII ,
dit le Jeune : ce dernier prince con-
genlit que sa mère épousât le conné-
table , de l'avis des états-généraux. ,
!\rON S
qui déclarèrent qu'il fallait faire
ce mariage , pour procurer au roi
mineur l'appui des Montmorenci.
Louis-le Jeune avait résolu d'entre^
prendre une croisade contre les in-
fidèles : lorsqu'il quitta la France
( 1147 ) , il laissa la régence du
royaume à Suger, et à Raoul, comte
de Vermandois. Matthieu de Mont-
morenci, depuis qu'il était devenu
beau-père du roi , avait toute la con-
fiance de ce prince, toujours ten-
drement attaché à sa mère. Il est
étonnant que , revêtu d'une charge
importante et devenue militaire, il
n'ait pas suivi le roi dans sa croisade:
resté en France , il partagea l'admi-
nistration avec Suger et le comte de
Vermandois. Matthieu mourut com-
blé d'honneurs et de richesses , en
1 160 , laissant plusieurs enfants de
sa première femme , et une seule fille
de la seconde. D — is.
MONTMORENCI (Matthieu II
de), surnommé le Grandet le Grand-
Connétable, était petit-fils de Mat-
thieu I^''. Philippe- Auguste avait cité
devant la cour des pairs de France,
Jeansans-Terre, devenu roi d'An-
gleterre, pour le meurtre d'Artus ,
légitime héritier du trône. D'après le
relus de Jean , il marcha sur la Nor-
mandie, dont il arvait fait pronon-
cer la confiscation, ainsi que celle
des autres biens du roi d'Angleterre ,
qui étaient situés en France. Mat-
thieu suivit Philippe - Auguste , et
signala sa valeur , principalement
au siège de Château-Gaillard, place-
forte près des Andelys. Toute la
Normandie fut bientôt conquise , et
réunie à la couronne de France
( i'2o3), après en avoir été sépa-
rée près de trois cents ans. Matthieu
prit part à toutes les guerres , jus-
qu'en 1 2 1 4 1 qu'eut lieu la célèbre
bataille de Bouvines : la victoire fut
6 MON
duc en t^rande partie à Montraorenci,
qui , dans l'action, enleva de sa main
(jiiatre étendards de l'arrace impé-
riale (i). La croisaHc contre les Al-
bi{];eois et le comte de Toulouse, com-
mencée en I .;o6 , durait toujours:
Matthieu se réunit aux croisés en
I'2i5 , et trouva plus d'une occasion
de signaler son courage. En 1218,
il reçut la charge de connétable; et
rehaussant l'éclat de celle dignité
de tout celui dont il s'était déjà en-
touré, il en fit bientôt la première
de l'étal. Ses talents militaires lui
avaient valu plus d'une fuis le com-
mandement des armées : il joignit
pour toujours ce commandement au
titre de connétable. Cette dernière
charge l'enrichit encore des dépouil-
les de celle de sénéchal , supprimée
en 1191. Matthieu jouit de la plus
grande autorité sous le règne de
Louis YIII. Il seconda ce prince
dans le projet qu'il avait de chasser
de France les Anglais j il commanda ,
sous le roi , l'armée qui assiégea et
prit Niort, Saint- Jean-d'Angeli , et
qui s'empara du Limousin , du Pé-
rigord, de l'Aunis et de La Ro-
chelle. Louis Vni ayant aban-
donné cette entreprise pour com-
battre les Albigeois , Matthieu mar-
cha contre eux , et les combattit
jusqu'à l'accommodement qui eut
lieu en 122G. Louis VIII n'existait
déjà plus : à l'approche d'une mort
})rématurée , ce monarque , plein de
confiance dans les talents et la fidéli-
té de Montmorenci , lui avait iustam-
inent recommandé son fils encore eu
bas âge. Matthieu jura de soutenir
(1) Ces éteadards «latent ornés de Taiglc de l'em-
pire. Le roi permit à Mathieu d'.ijouler • »rs armoi-
ïie» quatre aigles ou alariuus. pour r.unservtr le sou-
-ïenir de c tte belle action. Les armes Je la maison
de Moiitmoveiici portaient déjà douze ai|jles, à l'oc-
c.4sion de d'>uie bunuières impériales eulevée* par ua
ùat autètrei de Matthieu.
MON
l'enfant de son roi , et de verstr
]i()iir lui , s'il le fallait, jusqu'à lader-
nière goutte de son sang. 11 eut bien-
tôt occasion d'accomplir son ser-
ment. Les grands vassaux de la cou-
ronne crurent pouvoir profiter de la
ininoritédu roi et de la régence d'une
femme. Mais l'intrépide Blanche de
(>astille , aidée des conseils du légat
du pape et surtout de l'épée de Mont-
morenci, les réduisit à l'obéissance,
et conserva, dans toute son intégrité,le
pouvoir de son fils. Matthieu com-
mandait l'armée qui s'empara de Bé-
lesme dans le Perche , sous les yeux
du roi, en l'^'iS. L'année suivante ,
il poursuivit l'armée des rebelles réu-
nis , les battit et les força de se sou-
mettre. 11 n'eut pas le temps de voir
se consolider son ouvrage : il mou-
rut, justement regretté de son maître,
le 24 novembre ii3o. Matthieu II ,
mérita le surnom de Grand par sou
courage , par son habileté dans les
alFaires et plus encore par ses vertus.
On doit rappeler une preuve écla-
tante de son désintéressement et de
son humanité. Possesseur de biens
immenses , il affranchit, moyennant
une faible redevance , tous ses vas-
saux, des corvées et autres imposi-
tions qu'il avait droit d'exiger d'eux.
Le connétable de Montmorenci nepre-
nait que le titre de baron ( i); et par
ses alliances et celles de ses ancêtres .
il se trouvait grand-oncle , oncle ,
beau-frère , neveu , petit-fils de deux
empereurs , de six rois , et allié de
tous les souverains de l'Europe. Cette
(i) Pla* tard ses descendants prirent les titres de
premier chrétien , premier baron de Fiance. Celui
ue premier cliretien de France, ne peiit venir ijue de
la tr.tdilion dont il a été parle au couimeucemcnt i;.
l'urticle précèdent ; 1 autre a plus de fondement. C.e
tut Jacques de Montmorenci, <jui le prit, eu 1390 ,
tt seulement aprës avoir prouvé au parlennul, qu'il
était le plus aiicii n baron du r-'yaumr. Ce titre e.-.t
donné aux Muutuureuci dans plusieurs 'jrdoiMt-ince.4
d» uu» ruis.
MON
parente est rexcmplc le pins frap-
pant de l'illustration de la maison de
Montmorcnci , qui ne le cède qu'aux
maisons souveraines , et qui a donne'
à la France six connétables , onze
maréchaux , quatre amiraux , des
grands-maîtres , des grauds-cham-
bellans , etc. Matthieu II fut marie
trois fois , et eut beaucoup d'enfants :
de sa troisième femme , héritière de
la maison de Laval , il eut les chefs
de la branche des Montmorenci-La ■
val , encore existante aujoui'd'hui :
Jeanne , qui était de cette branche et
petite-fille de Matthieu, épousa Louis
de Bourbon, trisa'ieul d'Henri IV;
ce qui fait descendre du grand con-
nétable presque tous les souverains
de l'Europe. D — is.
MONTMORENCI ( Anne de ) ,
connétable de France , naquit à Chan-
tilli , en i493 : la reine Anne de
Bretagne, femme de Louis XII , fut
sa marraine , et lui donna son nom.
Plus âge d'un an seulement que le
comte d' Ang[oulème , il se lia étroite-
ment avec ce prince qui , étant monté
sur le trône , fut heureux de trouver
un héros dans l'ami de son enfance.
Telle fut l'origine de l'immense auto-
rité dont Moutmorenci jouit si long-
temps sous François P'". ; elle ne
pouvait que s'accroître encore par
l'éclat de ses services , et par l'ardente
ambition qui le caractérisait. II com-
mença le métier des armes en Italie:
il vit, à RaAenne, Gaston de Foix
trouver ensemble la victoire et la
mort ; exemple qu'il devait retra-
cer lui-même soixante ans après.
On ne dira rien de ses premières
campagnes , sinon qu'il sut faire ad-
mirer sa valeur au milieu de tant de
personnages dont la bravoure allait
jusqu'à l'audace. Il eut l'honneur de
seconder notre Bayard dans sa belle
défense de Mézières , en 1021; ce
MON 7
fut là qu'on le vit renouveler un trait
de l'ancienne chevalerie. Un des
premiers officiers de l'armée impé-
riale, le comte d'Egmont, avait en-
voyé un défi au plus brave de la
f^arnison; c'était appeler Bayard ou
Montmorenci : celui-ci se présente,
la lance au poing, attaque son en-
nemi , et rentre vainqueur dans la
place. Nommé maréchal de France,
en 13 23 , peu de temps après avoir
rempli une mission politique auprès
du roi d'Angleterre, Montmorenci dut
cette haute dignité à l'action la plus
courageuse. Les Suisses qui servaient
sous Lautrec , en Italie , mécontents
de ne point recevoir leur paye , dé-
clarèrent qu'ils allaient se retirer, à
moins qu'on ne les menât contre
l'ennemi, qui était retranché dans
l'imprenable château de la Bicoque,
près de Milan. Montmorenci , étant
leur colonel-général , ne négligea
rien pour vaincre leur opiniâtreté.
Contraint de leur céder, il voulut,
du moins , se mettre à leur tète , at-
taqua le château; et, après des pro-
diges de valeur , il tomba couvert
de blessures parmi la multitude des
mourants. Retenu à Lyon , par le
besoin de se remettre des suites de
ce combat , il y apprend que le con-
nétable de Bourbon , précipité dans
la rébellion, vient d'entrer en Pro-
vence, et même d'assiéger Marseille :
il marche à l'instant contre lui, le
force de lever le siège , et bientôt
d'évacuer toute la province. En
1 523 , Montmorenci avait fortement
combattu , dans le conseil du roi ,
le projet d'une nouvelle expédition
sur le Milanez; mais l'amiral Boni-
vet, favori de François P'". , fît déci-
der cette guerre qui devait être si
funeste: les malheurs de cette en-
treprise justilicrent l'avis du ma-
réchal. A la journée de Parie ( 25
s ï\ION
février \5'i5 ) , une commission l'a-
vait éloigné du conseil; la bataille
était déjà perdue , lorsqu'il accourut
dans l'espoir de faire changer la
fortune : ses efforts furent infruc-
tueux , et il pai'tagea la captivité du
roi avec le sire delà Kochepot , son
frère, et GuideMontmorenci-Laval,
seigneur de Lezay , son proche pa-
rent. François I'^'". voidut d'abord
l'avoir auprès de lui pour compa-
gnon de prison : mais il sut persuader
à ce prince qu'il le servirait plus
utilement en Fr.uice ; et ayant traite
de sa rançon, il revint plein d'impa-
tience de voir ton)ber aussi les fers
de son roi. On sait tous les obstacles
que l'heureux Charles-Q;;inl mit à la
liberté de son rival; Montmorenci
contribua puissamment à les sur-
monter : le gouvernement du Lan-
guedoc , la charge de grand-maître
de France , et l'administration des
affaires , en furent la récompense.
Jaloux d'opposer des ennemis k l'em-
pereur , il conclut ensuite d'impor-
tantes négociations avec le roi d'An-
gleterre et le pape jusqu'en i536, où
il reprit l'épée: alors Charles-Quint,
enflé de l'étendue de sa domination
et du bonheur inoui de ses armes,
lie respirait que la con(}uêîe de la
France, et tout semblait concourir
pour la lui assurer. François I'^'". se
voyait près d'être euAcloppépar trois
armées formidables ; et ses moyens
de défense étaient bien au-dessous
de ses dangers: Montmorenci se jette
sur la Provence, que l'empereur , en
personne , venait ravager à la tète de
60,000 hommes; et par des manœu-
vres savantes , évitant toujours une
bataille dont la perte eût entraîué
celle de la monarchie , il force l'en-
nemi à une retraite tellement malheu-
reuse, que Cliarlcs y perd plus du
tiers de sou armée , et ses meilleurs
MON
généraux , enlevés par le fer et les
maladies (^'. Levé ). Montmorenci,
dont l'habile temporisation avait ex-
cité souvent les murmures d'une
bouillante noblesse, en reçut dans
celte occasion les plus magnifirpies
éloges : les noms de sage cuncta-
teur , de Fabius français, lui fu-
rent prodigués. Rappelé de la Picar-
die , qu'il venait de préserver aussi
des impériaux, il passe en Piémont
avec une activité incroyable, et dé-
fait l'ennemi à Suze. Il allait envahir
le Milanez, qui avait déjà coûté tant
de sang à la France , quand Charles-
Quint arrêta ses succès par des négo-
ciations. Le 10 février ij38, il fut
nommé coimétable ; c'était la cinquiè-
me fois que l'épéede France était con-
fiée à cette famille: une si hauie di-
gnité, jointe à celles de grand-maî-
tre et de chef des conseils , fit de cet
illustre capitaine comme l'arbitre
suprême de toutes les affaires; aussi
tous les monarques de la chrétienté
lui écrivaient-ils , le consultant et le
comblant de présents , à l'égal du roi
lui-même. On lit , dans Brantôme ,
(pie le grand Soliman et le fameux
Barberousse avaient coutume de lui
envoyer tout ce que leurs étals of-
fraient de plus curieux et de plus
rare. Sa puissance était trop haute
pour être durable : l'austérité de ses
mœurs et la rudesse de ses ma-
nières lui avaient suscité autant d'en-
nemis que l'éclat de ses prospérités.
On attribue généralement sa chute
au conseil qu'il donna de laisser
passer librement Charles -Quint eu
France , pour aller châtier les Gan-
tois révoltés ; mais la générosité che-
valeres([ue de François I'^'". est trop
connue pour (pi'on puisse doulci:
qu'en recevant ainsi sou rivalet son
ennemi, ce prince ne fît autre chose
que suivre sou propre sentiment. Ç^
MON
plus, cet événement est de la fin de
lÔSçj; et ]a disgrâce du connc'table
date seulement de i54i-Ou adonne,
à cette disgrâce, une autre cause plus
raisonnable. La cour était comme
divisée en deux partis , celui du
dauphin , depuis Henri II, et celui
du duc d'Orléans, son frère cadet. Le
roi favorisait ce dernier ; et devenu
morose par rafTaiblissement de sa
santé, il avait conçu contre sou suc-
cesseuruuejalousie dont les exemples
ne sont pas rares , et que des intrigues
de femmes entretenaient d'ailleurs
et augmentaient chaque jour. Le
dauphin aimait beaucoup Montmo-
renci , sous lequel il avait fait ses
premières armes ; et l'exil de ce-
lui-ci ne servit T au grand déplaisir
du roi , qu'à resserrer l'attacliement
qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre:
il est permis de croire que les flat-
teurs du monarque qui , sans doute ,
e'taient aussi les envieux de IMont-
morenci , ne manquèrent pas de
prêter à cette liaison si intime, des
motifs criminels. Ou reprochait en-
core au connétable son immense for-
tune , une trop grande avidité de
tous les moyens de Taccroître, enfin
un désir immodéré d'ajouter à l'éclat
et à la puissance de sa maison. A la
tête de ses ennemis , on compte la
fameuse duchesse d'Etan)pcs , maî-
tresse du roi, l'amiral d'Aunebaut et
le cardinal de Tournon. Retiré à
r.hantilli, en i54i , et peu après à
Écouen, il supporta son exil avec
la même hauteur de caractère qu'il
apportait au cojumandement des ar-
mées ou au maniement des affai-
res. Sa disgrâce ne cessa qu'avec
la vie de François P^. , en 154",
et sans que ce prince qui l'avait tant
aimé , témoignât , même au dernier
moment , le moindre retour vers
lui j on assure , au conlraire , qu'il
IVION {}
engagea son fils à ne jamais le re-
prendre : le succès de cette exhor-
tation devait être peu probable. En
effet , Henri II , à peine monté sur
le troue, s'empressa de rappeler son
ami , et de lui rendre l'administra-
tion avec plus de pouvoir que ja-
mais. L'année suivante ( i548) , les
habitants de Bordeaux, ceux de la
Guienne et de la Saintouge, se révol-
tèrent , à l'occasion de la gabelle.
Le lieutenant de roi de Bordeaux fut
tué. jMontmorenci marcha eu per-
sonne coMtre les rebelles, entra dans
la ville , refusa toutes leurs soumis-
sions ; et après avoir condamné les
notables à déterrer avec leurs ongles
le cadavre du gouverneur, et à lui
donner une honorable sépulture ,
il eu lit périr un grand nombre, et
infligea tant d'autres peines , que le
le roi fut obligé ensuite de les révo-
quer. Eu i55y , le connétable voulut
secourir Saint-Quentin, assiégé par
les Espagnols , et défendu par l'a-
miral de Coligni , son neveu. Ce
dernier lui découvrit un moyeu de
jeter du monde dans la place. Il
lésolut alors de s'avancer sur la
ville avec toute ^ou armée, par un
chemin diiiicile et peu connu. En
vain le maréchal de Saint- André lui
démoutra-t il le danger de réunir tant
de troupes dans une semblable posi-
tion : r>Ionlmoreuci lui imposa si^
lence avec son autorité accoutumée,
et se mit à réaliser cette marche pé-
rilleuse. Bientôt embaiTassé et re-
tardé par le nombre de ses soldats ,
il manqua le moment propice de pé-
nétrer dans la place ; et, pour com-
ble de malheur , attaqué dans sa re-
traite, ainsi que l'avait prévu Saint-
Andi'é , il fut battu et fait prison-
nier. Il s'était long-temps défendu
comme un lion ; mais renversé de
son cheval , et tout blessé, il fut
lo MON
réduit a se rendre , avec le quatrième
de ses (ils, qui, à peine âge' lie quinze
ans , n'avait cessé de combattre à
ses cotés. Depuis cette époque, la for-
tune semble avoir abandonné ÎNIont-
raoreuci sans retour. Prisonnier de
l'Espagne, qui lui demanda iGjooo
écus de ce temps-là ( plus de deux mil-
lions de la valeur actuelle) pour sa
rançon et pour celle de son fils , il eut
encore la douleur de voir les Guises ,
déjà si puissants , profiter de son dé-
sastre, et s'emparer de l'opinion et de
l'autorité. Le connétable conclut, en
1559 , la paix de Gateau-Cambrésis ;
et on lui reproche , avec raison ,
d'avoir plutôt consulté sa jalousie
contre ces princes lorrains , que le
véritable intérêt de l'état. Cette paix
fut nommée malheureuse , parce
qu'elle enlevait à la France tout ce
que celte puissance avait gagné p ir
une guerre longue et ruineuse : mais
elle enchaînait le courage et l'acrivilé
des Guises ; et c'était tout alors pour
Moutmorcnci. Il allait ressaisir tout
son pouvoir, lorsque Henri II fut
mortellement Liesse dans un tournoi
( l^. MoNTGOMMERY ). La prépoudé-
cîérance du connétable s'évanouit.
Ecarté des affaires pendant les dix-
sept mois du règne de François If ,
il reparut cependant à la cour , sous
Charles IX : mais il n'était plus
qu'un poids que les partis cherchaient
à s'assurer pour faire pencher la ba-
lance en leur faveur. On sait com-
bien de malheurs ont signalé cette
époque de notre histoire : ennemis
et amis tour-à-tour , suivant le ca-
price d'une politique astucieuse et
mobile , on vit Catherine de Médicis ,
les princes français , ceux de la mai-
son de Lorraine , et le connétable ,
se coraî.attre ou s'unir entre eux :
les innovations religieuses , et l'intO'
lérance, qui en est le fruit ordinaire ,
MON
vinrent mettre le comble à tant de
calamités. C'est alors qu'eut lieu le
fameux triumvirat , dont le nom seul
annonce le fléau des guerres civiles.
On a remarqué que le connétable , le
duc de Guise et le maréchal de vSaint-
André, qui le composaient , périrent
tous les trois de mort violente. Par
suite de ce déplorable entraînement ,
Montraorenci , attaché fortement à
la religion catholique , comme pre-
mier baron chrétien , n'en fit pas
moins cause commune avec le prince .
de Coudé et le roi de Navarre , les '
chefs des Huguenots , afin de s'op-
poser aux Guises j puis il se joignit
à ceux-ci, en vue d'extirper le cal-
vinisme , et montra tant de zèle,
qu'on lui donna une, fois le surnom
de capitaine brûlehancs , pour être
allé disperser et détruire lui-même
quelques prêches ou assemblées hu-
guenotes qui se tenaient vers Po- ,'
pincourt. En i56j , il gagna la ba-
taille de Dreux , sur le prince de .
Condé. Par une singularité remar-
quable, le général victorieux , comme
celui qu'il venait de vaincre , y per-
dit la liberté. Il sortit de prison l'an-
née suivante ; et , secondé par le
maréchal de Montraorenci, son fils ,
il chassa les Anglais du Havre. Tou-
tes les intrigues de Catherine ne pu-
rent empêcher plus long-temps que
les deux partis , fl-itlés puis maltraités
successivement par elle, n'en vins-
sent aux mains une seconde fois. Le
fer devait seul trancher les nœuds
inextricables de sa politique. On se
trouva aux prises , le 10 novembre
1567 , dans les plaines de Saint-De-
nis. Les protestants , après une opi-
niâtre et sanglante défense, succom-
bèieat encore. Montmorenci , tou-
jours intrépide , mais toujours mal-
heureux , même au sein de la vic-
toire , fut atteint d'au coup mortel
MON
par un Ecossais , Hommc Robert
Suiart ( I ). Il conserva assez de force
)iour frapper son meurtrier du pom-
meau de son e'pëe rompue, avec une
telle violence , qu'il lui cassa plusieurs
dents. Apprcuant que l'armée du roi
ttait maîtresse du champ de bataille :
a Mon cousin , dit-il à M. de Sanzay ,
» je suis mo't ; mais ma mort est
1^ fort heureuse de mourir ainsi : je
y> n'eusse su mourir ni m' enterrer en
» un plus beau cimetière que celui-
« ci ; dites à mon roi et à la reine ,
» que j'ai trouvé l'heureuse et belle
» mort dans mes plaies , que tant
» de fois j'avais , pour ses frère et
» àieul , recherchée. . . . portez-leur
» V assurance de la f délité que j'ai
» toujours portée à leur service. »
En même temps il prend son ëpée ,
dont le pommeau figurait une croix ,
et il la baise à plusieurs reprises , en
recommandant son ame à Dieu. Ce
héros voulait mourir sur le champ
de bataille ; et l'on eut de la peine à
le transporter dans son hôtel , à
Paris (u) : il vécut encore deuxjours.
Ce fut alors qu'il fit cette réponse si
connue au cordelier qui l'exhortait :
Crojez-vous qu'un homme qui a su
vivre près de quatre-vingts ans avec
htinneur , ne sache pas mourir un
quart-d'heure ? Il expira le 12 no-
vembre 1567 , âgé de soixante-qua-
torze ans : on lui fit des obsèques
royales ; son effigie fut portée à
NotreDame , honneur réservé aux
rois de France. La reine voulait qu'il
fût enterré à Saint-Denis ; mais il
avait désigné , par sou testament ,
l'église de Montmorenci pour lieu de
sa sépulture: son cœur fut porté aux
(i)Stiiarti>eritapi«Iab:il3ille .le Jar.iac , de U
maiii de Villars , beau-frère du connétable.
"> j Rue Sa-ote-Aïois ; c'fSt là quVst maintenant
1 afiniMiiçtration des coutributioi'S iudlrertes. Cue rue
voisine porte encore le nom de Mv-ulmorenti.
MON j r
Célestins de Paris, dans la chapelle de
la maison d'Orléans , à côté de celui
du roi Henri II, son maître et son ami.
Telle fut la fin de ce fameux conné-
table qui apparaît à la postérité
comme un des géants de la vieille
monarchie. Mais sa vie ne fut point
exempte de reproche; et Voltaire à
été juste eu tout lorsqu'il a dit de lui :
« Homme intrépide à la cour comme
» dans les armées , plein de grandes
» vertus et de défauts , général mal-
» heureux, esprit austère , difficile,
» opiniâtre, mais honnête homme ,
y> et pensant avec grandeur. » Ajou-
tons que ia politique de Montmo-
renci ne fut point assez éclairée ;
qu'elle pouvait prévenir bien des
maux pour la France , ce qui n'eut
pas lieu , parce qu'elle ne se laissa
pas diriger par des considérations
toujours supérieures ; enfin qu'elle
servit trop des ressentiments et des
intérêts de position , aux dépens du
bien public : mais ce dernier repro-
che doit s'étendre à tous les person-
nages contemporains. Si l'on n'a
point dissimulé les défauts d'Anne
de Montmorenci , on doit dire aussi
que l'histoire n'ofl're point un sujet
plus fidèle à son roi et à son pays. U
détestait les Guises , indépendam-
ment de l'émulation de pouvoir qui
existait entre eux et lui ; parce qu'il
les regardait comme des étrangers
jaloux d'envahir le gouvernement :
il le fit bien connaître à Catherine de
Médicis , quand il osa lui dire , à la
mort de Henri II , que le Finançais
ne se lasse jamais de servir ses rois ,
m.ais qu'il est incapable de s'accou-
tumer aux lois des étrangers. Bran-
tôme a laissé du connétable une His-
toire abi ég<''e, qu'il faudrait copier en
entier , si elle n'était pas aussi con-
nue : c'est dans cet historien si ori-
ginal , qu'où peut voir quelles étaient
12 MON
l'austérité habituelle de Montmo-
reiici , sa brustfueiic , son inflexible
rigueur pour tout ce qui touchait à
la discipline, et comme il rabrouait
ses gens pour la moindre faute. Il ne
manquait jamais de dire ses prières
même à la tète des troupes ; et si le
prévôt venait eu ce moment lui ren-
dre compte de quelque délit , il ne
s'interrompait quepour lui prescrire
des peiues sévères , reprenant ensuite
son pater ou son credo avec la plus
Jurande tranquillité ; ce (|ui faisait
^ouvc■nt répéter à ses soldats : Dieu
nuits garde des patenôtres de mon-
sieur le connétable. Satisfait d'ins-
pirer la crainte et le respect, il sem-
bla toujours dédaigner de se faire des
amis : dès sa première jeunesse il se
glorifiait du surnom de Caton qui lui
avait été donné de si bonne heure au
sein de la brillante cour de François
!*'■. ; sa présence y imposait plus
que celle du roi lui-raèrae, et le plus
grand silence régnait devant lui,
Catherine de IMédicis ne parut point
regretter Montmorenci ; on préteird
même qu'en apprenant sa mort, elle
s'écria : a J'ai encejour deux grandes
» obbgations au ciel ; l'une q'jc le
» connétable ait vengé la France
» de ses ennemis , et l'autre que les
» ennemis m'aient débarrassée du
» connétable, w La baronie de î\Iont-
morenci fut érigée en duché-pai-
rie , eu 1 55 1 j et cette distinction
fut d'autant plus éclatante, qu'il n'y
avait eu jusqu'alors que des prin-
ces dit sang qui r<'ussent reçue.
Le connétable eut de Madelène de
Savoie - Tende , sa femme , cinq
fils , qui marchèrent dignement sur
ses traces : i^. François , maréchal
et duc de Montmorenci , grand ca-
pitaine et négociateur habile j '1°.
Henri, pair , maréchal et connéta-
ble, doût l'ariicle suit; 3^. CharleS;
MON
duc d'Amville, seigneur de Méru ,
amiral (i); 4^. Gabriel de Montmo-
renci, baron de Monlberon, capi-
taine de cinquante hommes d'armes ,
tué à la journée de Dreux ; 5°. et
Guillaume, seigneur de Thoré, aussi
capitaine de cinquante hommes d'ar-
mes, et conseiller d'état, mort en
i594.0n peut consulter, relativement
au connétable Anne , cette foule
d'ouvrages consacrés en totalité ou
en partie à son illustre famille : in-
dépendamment de Brantôme, nous
citerons la grande Histoire de la mai-
son de Montmorenci, parDuchesne,
cette même histoire , par Désor-
meaux; l'Histoire des hommes illus-
tres de France, par d'Auvigny; enfin,
tous les Mémoires particuliers sur
l'histoire de France , pendant celt^e
époque. Ou peut consulter encore le
Triianphe d'honneur contenant les
louanges , faits et gestes de très-
illustre seigneur Anne de Mont-
morenci, connétable, grand mai-'
tre et premier baron de France ,
composé en rjme française et pré-
senté ùuroj François I*"^ .,V an 1537,
]\Is. sur velin , avec miniatures ,
in- 4°. ; et V Eloge historique d'An-
ne de Montmorenci , par M™^. de
Chàteau-Pingnault , qiîi a obtenu, eu
1 783 , l'accessit , au jugement de
l'académie de la Rochelle. R-te.
MONTMORENXI ( Henri I".,
duc DE ) . était le second des cinq fils
du connétable Anne de Montmoren-
ci , et de Madelène de Savoie de Ten-
de. H sut honorer le nom de Dam-
ville, sous lequel il fut connu pendant
la vie de son père et celle de son
frère aîné. 11 avait fait sa première
(il Ce fal pour lui que Charles IX , par IfUres-
paîfulcs du fj juin i57« , crfa en titre d'office. 1.-V
cliôrg'; de cnloncl- gênerai des .Soifses et Gri»OLS . la-
quelle , lostiu'.i cette époque , n'Wait qu'uue siiai'!»
couiuûia.oo pour une oa aeu» csinpigu» s.
MON
campagne eu Allciin^nc et en Lor-
raine ( I 55ci ) , et s'était signale à la
défense de Metz , assiège par Charles-
Quint. Ayant passe ensuite à l'arme'c
de Piémont , il y commanda la cava-
lerie-lcgèro , et mérita les éloges du
maréchal de Brissac. A son retour en
France ( i557 ) , il éprouva l'accueil
Je plus distingué de la part du roi
Henri II , qui était son parrain , et
des mains duquel il reçut le collier
de l'ordre de Saint-Micliol , n'étant
âgé que de 24 ans. Bientôt après, il
épousa Antoinette de La Mark , pe-
tite-fdlc de la duchesse de Valenti-
nois. Sa belle et courageuse conduite
pendant la guerre civile , lui valut la
dignité d'amiral de France , qu'il
garda jusqu'à la paix, et qu'il remit
alors à son cousin Goligni. En 1 502,
à la Lataille de Dreux, il fit prison-
nier le prince de Condé, et continua
de servir avec beaucoup de zèle et de
gloire , son roi, ainsi que la cause
cathoUque. L'année suivante, il ob-
tint le gouvernement de Languedoc ,
et, en i5G6, le bâton de maréchal de
France. La guerre de religion s'étant
rallumée en i56'7,ilfut présent, avec
trois de ses frères, à la bataille de
Saint-Denis , où leur père, cet illus-
tre vieillard , blessé à mort , jouit en-
coi'e du. bonheur de voir ses enfants
arracher à l'ennemi le? lauriers dont
ils devaient couvrir son tombeau. Le
cardinal de Lorraine, craignant de
trouver dans la maison de Montrao-
rencilcs obstacles les plus redouta-
bles aux projets ambitieux qu'il for-
mait pour ses neveux, chercha tous
les moyens d'exciter contre elle Ca-
therine de Médicis : en conséquence ,
les fils du connétable Anne auraient
été du nombre des A^climes de la'
nuit de la Saint-Barthéicmi , si l'aîné
( le maréchal de iMontmorenci ) ne
s'était retiré à GhantilU^ deux jours
MON
i3
avant les massacres, en avertissant
seslières de se tenir. sur leurs gardes,
et de quitter Paris. Damville se ren-
dit alors en Languedoc. Quand il ap-
pj'it que Henri III revenait de Polo-
gne ( \5'j^),i\ accepta la médiation
et les bons offices du duc de Savoie,
aAMnt d'aller joindre le monaïqne;
maisaverti dequclqu'^s machinations
de l'artificieuse Médicis, il crut de-
voir regagner son gouvernement ,
dans lequel il se mit à la tête des c -
tholiques mécontents , qu'on appe-
lait les /jo/jfz^we^, et qui s'unissaient
ans. calvinistes , dans l'intérêt d'une
défense commime. Damville Ijatfit
les troupes envoyées contre lui , et
vécut en souverain, dans le Langue-
doc , y levant des troupes et de l'ar-
gent, fortifiant ou rasant les places ,
et finissant par faire, à sa volonté ,
ou la guerre ou la paix avec les Hu-
guenots. Des que la nouvelle de la
mort de Henri III lui fut parvenue ,
il fit proclamer Henri IV, dans tor-
tes les villes où il commandait , et
continua pendant plusieurs années
à rendre d'importants services à sou
prince. Henri-le-Grand ,^ qui l'appe-
lait son compère, et lui doniiait ce
litre dans le corps des lettres qu'il
lui écrivait, et même sur la suscrip-
lion , lui envoya l'épée de connétable,
en 1 593. Montmorenci - Damville
mourut à Agde , le i'^''. avril 1G14,
âgé de 70 ans. Il était, dans sa je:>
nesse , un des plus beaux hommes du
royaume, et l'un des plus adroits.
On admirait en lui, parmi un grard
nombre de bonnes qualités , toute la
galanterie des chevaliers français. Jl
aima passioncment IMarie Stuart ,
veuve de François II; et il en fut si
tendrement aimé, que, s'il eût éîch-
bre, cette princesse l'aurait épousé.
Il la suivit en Ecosse, lorsqu'elle fut
obligée, par la jalousie et la haine
41
i4 MON
de Citlierine de Mcdicis , d'abandon-
ner la France. Corarae général , il
passait pour être plus heureux qu'ha-
bile. Du reste, il nioiitra beaucoup
de discernement et de droiture dans
le maniement des afiaires publiques,
et dans les négociations dont il fut
charge. Brantôme dit qu'il ne savait
pas lire, et que sou seing n'était
qu'une marque. D'Aubigné ( p. 85 de
SCS Mémoires > raconte que « se
» trouvant un jour sur le bord de la
» Drogue, ledit maréchal se mit à
» faire de grands soupirs; et qu'ar-
» rachant un morceau d'écorce d'un
» arbre qui était en sève, il y écrivit
» six. vers latins au sujet d'une dame
» qu'il aimait alors. » D'Aubigné rap-
porte même les vers. On pourrait se
demander lequel il faut croire ou de
lui , ou de Brantôme , tous deux
ayant vécu à la cour avec Damville,
si nos idées, à cet égard, n'étaient
fixées par le mot si connu de Hen-
ri IV : « Tout peut me réussir par le
» moyen d'un connétable, qui ne sait
« pas écrire, et d'un chancelier ( Sil-
Icry ) qui ignore le latin. » Henri P'".
deMontmorenci lut marié trois fois j
et il eut de son second mariage,
avec Louise de Budos , Henri II, duc
de Montmorcnci, dont l'arliclesuit,
et la princesse de Condé. L-p-e.
MONTMORENGl (Henri II, duc
DE ) , tîls du précéilont, marécjial de
France, etc., naquit à Ch,uitilli , en
iSgô. Le roi Henri IV voulut le te-
nir sur les fonts de baptême, et lui
assura dcs-lors la survivance du
gouvernement de Languedoc , qu'a-
vait le connétable son père. Il ne
l'appela jamais qi\e son fils, lui don-
nant toutes les marques de la plus
constante affection. Louis XIII le fît
amiral , en 1 6 1 '2 , à l'âge de 1 7 ans ,
et chevalier du Saint-Esprit^ eu
1619. De tous les grands seigneurs
MON
de son temps , le jeune duc de Moiil-
juorenci fut le plus aimable et le plus
aimé. Joignant à la valeur la plus
brillante, le nom le plus français, i»;s
formes les plus attachantes, le ca-
ractère le plus généreux , il était l'ido-
le de la cour et des provinces, du peu-
ple et de l'armée. Il se signala , pour
la première fois , en \6io, époque
où les intrigues et les troubles dont
la religion était le prétexte, agitaient
la cour et déchiraient le royaume.
Le fils de Henri IV^ commençait à
régner par lui-même, ou plutôt il
régnait par ses favoris. Montmorcn-
ci , quelques instances et quelques
promesses que lui eût faites Marie de
Médicis, à laquelle il était allié de
très-près , se souvint des conseils
qu'il avait reçus de son père ; et il
resta fidèle à son maître , bien que
la cour ne se montrât ])as toujours
juste à son égard. 11 reprit aux pro-
testants plusieuis places importan-
tes ; il se trouva ensuite au siège de
Montauban , et à celui de Monpellier ,
où il fut blessé. Cette première guer-
re de religion , dont le Languedoc
fut le principal théâtre , finit en
1622 ; mais elle se ranima eu \6'i5.
Le duc fut chargé du commande-
ment de la flotte envoyée par les
Hollandais à Louis XIII. Les com-
mandants de cette flotte avaient re-
çu l'ordre d'éviter de combattre les
protestants , qu'ils regardaient com-
me leurs fières. Montmorenci sut
persuader les chefs, et s'attirer l'ad-
miration des soldats : les ayant rem-
plis de zèle et d'ardeur , il reprit,
à leur tête les îles de Rhé et d'Olé-
ron. Ce fut dans cette occasion , qu'il
abandonna pour plus de cent mille
écus de munitions qui lui apparte-
naient comme amiral. « Je ne suis
» pas venu ici pour gagner de l'ar-
» gent , » répondit - il noblement à
MON
ceux qui lui représentaient que c'é-
tait faire un trop giiiml sacrifice;
« je suis venu pour acquérir de la
» {gloire. » Pendant le mémoral)!e
siège de la Rochelle ( 1G28 ), Mont-
morenci se mesurait , en Languedoc ,
avec le fameux duc de Rolian , et
sortait vainqueur de cette Itilte. Il
contril)ua ensuite à l'amnistie qui fut
accordée aux protestants. Le roi , qui
ne songeait plus qu'à se venger de ses
ennemis du dehors, l'cmuicna, en
i(i'29 et i63o, dans le Piémont,
comme lieutenant-général de ses ar-
mées. Ce fut dans cette campagne ,
que Montmorenci livra (le 10 juil-
let 1629 ) le combat de Vedlauc ,
un des plus beaux faits d'armes de
toute cette guerre. Il faisait fder ses
troupes dans la montagne pour aller
joindre le maréchal de La Force ,
lorsque Doria attaqua son arrière-
garde avec un gros corps d'impé-
riaux. Le duc marcha vers lui, à la
tête des gendarines du roi , et , ayant
sauté un fossé, poussa jusqu'au i<^'".
escadron , oii il blessa lui-même Do-
ria de deux coups d'épée. Il char-
gea la cavalerie qui venait au secours
du prince, et la mit en désordre;
puis s'abandonnant à son impétuo-
sité, il alla droit à un bataillon alle-
mand , qui, sans considérer que le
duc n'était suivi presque de person-
ne , prit l'épouvante et la fuite. Les
impériaux eurent 700 hommes tues
ou noyés , et 600 faits prisonniers
avec Doria. Le prince de Piémont
vit l'action du haut des retranche-
ments , et n'osa les quitter. Louis
XIII écrivit au vainqueur de Veilla-
ne : « Je me sens obligé envers vous ,
» autant qu'uu roi le puisse être ; »
et il le fit maréchal de France. C'est
de iGSa , que date la déploz'able épo-
que où le duc de Montmorenci ternit
toute sa gloire, et imprima à son
MON I ">
nom illustre la tache du crime le
plus punissable , la rébellion confie
son souverain. Le roi l'avait traité
moins en sujet qu'en ami; le canlinal
de Richelieu affectait de le traiter
comme l'homme de la cour qu'il
ai;uait le mieux , et sur lequel il
comptait le plus : aussi Louis XIII à
Lyon, dans la maladie qui le con-
duisit aux portes du tombeau , crai-
gnant de laisser en mourant le car-
dinal en butte à la vengeance de la
reine sa mère et à l'animosité des
courtisans de cette princesse et de
Gaston , ne s'en fia qu'au duc de
Montmorenci, di; salât de son minis-
tre : « Donnez-moi, lui dit il, votre
» parole d'honneur , qu'à la pre-
» mière demande de M. le cardinal ,
» vous prendrez une bonne escorte,
» et que vous le conduirez vous-
» même à Brouage. » Mais bientôt
après , tous les intrigants des deux
cours ( celle de la reine et celle de
Gaston ), « gens qui , comme le disait
» Louis XIII lui-même, px'éféraient
» leur intérêt particulier à celui du
.> royaume, » essayèrent de persua-
der au duc , qu'après le grand service
qu'il avait rendu au carlinal , il n'y
avait pas de dignité si haute à la-
quelle il n'eût droit de prétendre.
Mais en vain se flatterait - il , lui
disait-on , d'obtenir la charge de
co!!nétable, presque héréditaire jus-
qu'alors dans sa famille, par le ca-
nal de ce ministre , dont il n'avait
guère éprouvé depuis plusieurs an-
nées que des dégoûts. Ils lui répé-
taient adroitement que le système du
cardinal était d'abattre les autorités
particulières, afin de les réunir toutes
en sa personne. Il ne restait pour
Montmorenci , lui disaient-ils , qu'un
seul moyen de réussir ; c'était de se
rendre médiateur entre le roi et sa
famille. Leduc d'Épernou avait bien
/
iG
INION
su tirer la reine-mcre de Blois , et la
réconcilier avec son fils : ce que d'É-
pernon avait su faire , le duc de Mont-
niorcnci pouvait bien le tenter. S'il
l'c'ussissait , l'epée de conne'table de-
venait pour lui une conquête assurée.
On aime à penser que ce ne furent pas
des motifs d'amljition qui de'terjui-
ncrent le duc de Montniorenci, mais
que son ame ge'nërcuse lui fit trou-
ver beau de se sacrifier pour finir ia
mésintelligence de la famille royale,
dont gémissaient tous les bons Fran-
çais. Il se laissa toucher par les ins-
tances du frère du roi. Le sort de
Marie de Médicis , réfugiée dans une
cour étrangère, l'intéressa peut-être
d'autant plus, que les raisons de la
protéger lui étaient remises sans ces-
se sous les 5'eux par la ducbesse de
Montmorenci , parente de la reine-
mère. Quoi qu'il en soit , IMontmo-
renci essaya de faire soulever le Lan-
guedoc dont il avait le gouvernement.
Richelieu, qui n'e'tait pas exempt de
craintes à ce sujet, mit en avant le
souA'cnir de leur ancienne liaison ,
pour engager des amis communs à
démontrer au duc l'inutilité' de ses
efforts, et l'impossibilité' du succès.
Ils lui représentèrent qu'il exposait
sa vie, et que s'il tirait l'cpee contre
son roi, il n'y aurait pour lui ni grâce
ni pardon. Le duc n'en continua pas
moins ses mene'es , fit de nouvelles
levées d'hommes et d'argent, et re-
çut, en i632, dans le Languedoc,
Gaston , qui venait de rentrer en
France, à la tcte de deux mille hom-
mes , étrangers pour la plupart, et
qu'il avait rassembles du côte de
Trêves. Montmorenci , déconcerte
dans ses mesures par l'arrivée prc-
cipite'c du duc d'Orléans , s'était as-
sure de Lodève, Albi , Uzès , Alais ,
Bëziers , Saint - Pons , Lunel , etc. ;
maislsîmes, quoique peuplé de reli-
MON
gionnaires, Narbonne, Montpellier,
Carcassone, Toulouse, avaient refuse'
de se joindre à luij mais le maréchal
de La Force entrait d'un côte' jtar
le Ponî-Saint-Esprit , à la suite du
frère du roi ; et Schomberg mar-
chait par le Haut-Languedoc, pour
envelopper simultanément Gaston
et Montmorenci , qui avaient levé
l'étendard et re'uni leurs forces, for-
mant six à sept mille hommes en
tout. On jugea nécessaire que liOuis
XI] j s'approchât en personne , et
qu'il se rendît à Lyon. Ce fut alors
que Riclielieu envoya vers le maré-
chal un négociateur, dont tous les
efiforls furent inutiles. L'archevêque
de Narbonne, ami de Montmorenci ,
entreprit également de le ramener a
son devoir j il se rendit auprès de lui,
et ne réussit pas mieux que l'émis-
saire du cardinal. Ce qui avait ache-
vé d'exaspérer le duc , était la dé-
claration du 23 aoi'it, datée de Gosne,
qui venait de le déclarer criminel de
lèse-majesté, et déchu de tous ses
honneurs , grades et dignités , avec
confiscation de ses biens , et l'or-
di'e donné au parlement de Tou-
louse de lui faire son procès ; car
une fois que Richelieu vit que toute
la France, une seule province excep-
tée, restait dans le devoir, il ne vou-
lut plus enteudi-e à aucune con;posi-
lion. Cependant Schomberg n'avan-
çait qu'avec circonspection contre
l'héritier présoraplif cle la couronne;
et au moment d'être forcé d'engager
une action , il prit suv lui d'envover
Cavoie proposer d'entrer en accom-
modement; mais Montmorenci, qui
affectait, dit Dupleix, de mépriser
ses ennemis, et q.ù mettait toute
confiance dans sa s^ule bravoure,
répondit, par dés^-spoir ou par pré-
somption : « On parlementera après
V la bataille. » Et le i'=*. seplcmbie
MON
i63'i, le combat de Caslclnaudari
fut livre. Ce ne lut , à pioprcincnt
parler, qu'une i-cncontrc, qui ne dura
qu'une donii-heurc , et ne coula pas
la vie à cent hommes ( Histoire du
Languedoc ). Le duc dut son mal-
heur à celte valeur impétueuse qui ,
à la vue du danger, lui f;ùsait ou-
blier qu'il était gênerai , et non sim-
ple soldat. La même ardeur qui
avait décide' sou triomphe à Vcilla-
iie, le perdit à Castelnaud^iri. Il mon-
tait un cheval gris-pommele , tout
couvert de plumes incarnat, bleu
et isabelle. S' étant mis a la tèîe d'un
seul escadron , il s'avança jusqu'à
•j5 ou 3o pas du camp des royalis-
tes. Mais il essuya une si rude de'ehar-
i^edc mousquetcrie, qu'une douzaine
des siens tombèrent morts sur la pla-
ce ; plusieurs autres furent mis hors
de combat, et le reste prit la fuile.
Montmorenci, ayant reçu un coup de
feu à la gorge, entra en fureur; et
poussant son cheval , il franchit le
fossé , Jargede trois ou quatre toises ,
qui Je sepai'ait des fantassins de
Schomberg. Cinq ou six de ses amis ,
parmi lesquels était le comte de
Kieux , avaient pu seuls le suivre. Il
abat devant lui tout ce qui se pré-
sente, se fait jour, et pénèlre jus-
qu'au septième rang, à travers une
i;rèle de balles. Enfin, d'un coup de
])istolet , il casse le bras à Gadagne ,
capitaine des chevau- légers , qui se
présentait pour le combattre. Gada-
gne , de la main droite , tira sur l'il-
lustre chef des rebelles , lui perça ,
de deux balles , la joue droite aupr,' s
de l'oreille , et lui fracassa plusieurs
dents. IMoutmorenci n'en renversa
pas moins un autre officier nommé le
baron de Laurières , et déchargea un
si furieux coup d'épée sur la tête de
Bourdet , fds du baron, qu'il le fit
chanceler : mais presqu'aussitôt sou
XXX.
MON 17
cheval, atteint de plusieurs coups,
bronche , se iclève , et tombe enfin
roide mort. Le duc , ne pouvant se
débarasscr, s'écrie : « A moi , Mont-
» morenci; « et il jirie deux sergents
aux gardes françaises , qui se trou-
vaient auprès de lui, de ne point l'a-
bandonner, et de lui procurer nn
confesseur. Porté dans une métairie,
à un quart de lieue du champ de ba-
taille, confessé par l'aumonier du
maréchal de Schomberg, pansé par
le chirurgien des chevau -légers du
roi , qui banda les plaies de la tête
et du cou ; ce fut sur une échelle où
l'on avait mis une planche, de la
paille et plusieurs manteaux , qu'd fut
amené à Castelnaudari. L'émotion du
peuple fut si grande lorsqu'il y ar-
riva, qu'il fallut que les gens-d'armcs
qui le conduisaient tirassent leurs
épées pour écarter la foule qui fon-
dait en larmes , et témoignait publi-
quement sa douleur. Le maréchal de
Schomberg , ne jugeant pas pouvoir,
dans une place aussi peu sûre , ré
pondre d'un prisonnier de si haute
importance , le conduisit lui - même
au château de Leitoure , dont Roque-
laure était gouverneur : Schomberg
mit tout ses soins à veiller sur ce
grand coupable : pourquoi faut - il
dire qu'il avait la promesse d'héri-
ter des dépouilles de Montmorenci ?
Louis XIII arriva le 'xi octobre à
Toulouse; et, conforraénieut à la
déclaration de Cosne, le duc y fut
transporté le 'i'] , pour être jugé par-
le parlement , auquel le roi annonça
que sa volonté était que le garde-
des-sceaux, en vertu d'un pouvoir
extraordinaire , présidât au juge-
ment. Dans sou interrogatoire, Mont-
morenci montra le plus noble et le
plus touchant repentir. 11 est remar-
quable que ledjyen du parlement de
Toulouse crut avoir des égards pour
i8
MON
le duc, en se dispeusant d'opiner de
Vive voix comme ses confrères, et
C!i ue le couda m liant à la mort qr.c
par un billet cachclé, qu'il envoya à
la chambre des juges. Le LilJcl con-
tenait ces paroles : « Jc,iN\ filleul du
connétable Anne de jMontmorenci ,
suis d'avis que le duc Henri de Mont-
morenci soit décapité.» (Yittorio
Siri, Memorierecondite, tome vu.)
La mort de ce grand personnage avait
été résolue , à ce qu'il parait , dans
un conseil secret où le cardinal et le
père Joseph , en présentant à Louis
XII 1 , sous toutes les faces, la rai-
son d'état, obtinrent de lui qu'il serait
inflexible; et le roi n'osa pas man-
quer à l'engagement qu'on lui avait
fait prendre. Eu vain toute la cour ,
les princes, les grands du royaume ,
se jetèrent à ses pieds pour qu'il ac-
cordât la grâce du coupable (i).
C'était contre eux - mêmes , contre
les intrigues , les machinations de
plusieurs d'entre eux , que ce ter-
rible exemple était dirigé par une
politique nécessaire. Les marques
de l'intérêt le plus vrai, de la compas-
sionla plus profonde, furent données
par toutes les classes à l'infortuné
duc de Montmoreuci , mais ne du-
rent rien changer à son sort. La prin-
cesse de Gondé, sa sœur, accourut,
ot, après s'être abaissée à supplier
l'iichelieu, épia vainement l'occasion
d'iraploreraussià gcnouxla clémence
du roi; il se rendit inaccessible pour
demeurer inexorable. Yittorio Siri
dit avec raison, qu'il ny avait -pas
de juges qui n'eussent condamné
Montmorenci ; mais il ne devait pas
(i") T.€ fiuc d'Orlcaiis , qni fit son accimmodempnt
iv^ luoi-s après le comltat (je CasUlitaudari , préteodit
toujours , et le lait paraît certain » qu'une dos prinri-
l'ales conditions avait été la prâce de Montmorenci ,
ft qu'elle lui avait été promise d»? la part du roi,
|»ar Te secret:iire-dVlat , Builioti. Oq n'en avait pai
i>arléd»nslp traité, voulaut laijîs.'i au moDai que tout
le uieritc du partlou.
MON
ajouter , ni de roi qui ne lui eût fait
grâce. L'autorité ne chercha point
à retenir l'explosion de la douleur
publique, qui se nianifestail partout
a ïoiiloiise, et qui fut constamment
la même pendant les cinq jours que
dura le proc. s. Dans la "soirée du m)
octobre , la ville se remplit de trou-
pes : aussi j)éniblement aflè( tées que
le peuple, elles paraissaient n'exécu-
ter qu'à regret les ordres donnés
pour empêcher tout mouvement.
Lorsque le maréchal lut introduit
dans la giand'chambic, la plupart
des juges se couvrirent le visage de
leur mouchoir pour cacher leurs
larmes. Guitaut, capitaine aux gar-
des , étant inler])ellé par les juges
jiour déclarer s'il avait reconnu
le duc dans le combat, « Le ieii,
» le sang et la fumée dont il était
» couvert , répondit cet oiUcier les
» larmes aux yeux , m'ont empêche'
» d'abord de le distinguer ; mais
» voyantun homme qui, après avoir
» rompu six de nos jaugs , tuait en-
» core des soldats au "t*^. , j'ai jugé
» que ce ue pouvait être que I\I. de
» Montmorenci. Je ne l'ai su certai-
» nement que lorsque je l'ai aperçu
» à terre , percé de coups , sous sou
» cheval mort. » Après la condam-
nation , de nouveaux eirorîs furent
faits de toute part auprès du roi.« Le
» visage et les yeux de ceux qui sont
» devant vous, dit le maréchal de
» Chàtillou au monarque lui-même,
» font assez cennaîtrea votre Majesté
» qu'elle consolerait bien des per-
» sonnes, si elle daignait pardonner
» au duc de Montmorenci. » Louis
XIII lui répondit qu'il ue serait pas
roi , s'il avait les sentiments des par-
ticuliers. L'infortuné duc se disposa
donc à terjniner son sacrifice. Tous
les actes de sa vie , pendant sou
agonie de cinq journées que dura son
MON
firocl'S , furent marques du spcau de
a piété la plus .simirc. Ou lui avait
accorde d'èlro dccapitc dans l'iuié-
rieur de riiôlel-dc-vill*', et non pas
publiqucmcut sur la place du Saliu,
comme l'arrêt le portait: cette appa-
reutc coudescendauce ne réserva a sa
fin qu'une douleur de plus ; car il fut
exécuté devant la statue du roi Henri
IV, son parrain, q'.ii était en partie
redevable du trône de France au feu
connétable de Monlraorenci.»Il s'a-
vança vers l'écliafaud avec fernieté,
mit la tête sur le billot, et dit au
l)0urreau d'une voix haute: Frappe
hardiment , et il reçut le coup mortel
en disant : Domine Jesii , accipe spi-
rituni meum. Ainsi périt, le 3o oc-
tobre iG3'2 , à l'âge de trenle-huit
ans , le maréchal duc de Montmo-
renci , aussi intéressant que coupa-
ble. Avec lui finit la branche cadette
de cette maison si féconde en grands
hommes , et la première branche
ducale des Montmorenci. Comme
il mourait sans enfants , tous ses
biens restèrent à sa sœur , mère du
grand Condé. Son corps fut lavé ,
embaumé par les dames de la Misé-
ricorde, et conduit dans un carrosse
à réj:;lise de Saint-Seruin. Son cœur
fut déposé dans celle de la maison
professe des Jésuites. En i645, la
duchesse sa veuve fit transférer le
corps à Moulins, et lui fit élever un
magnifique tombeau de marbre, qui,
par une circonstance singulière, exis-
te encore aujourd'hui ( i ). Qn assure
que Louis XIIT , étant au lit de la
mort, déclara au prince de Condé
l'extrême regret qu'il avait toujours
(i") En I703 , des jacobius eutraieDt dan;; l*eglise
pour le Jelruiie , lorscju'au tuiliru d'eux uue voix
s'écria : *< Quoi î vous allez renverser Ir inuiiuuienl
» d'uu bon républicain , puisqu'il est mort victime
Î-» du despotisme. » Le marteau révolutiouuaire leur
tomba des mains , et le tuBibeau d'un Montuioieuii
/ut respecté.
MON
'0
eu , et que jusqu'alors il avait tenu
caché, de n'avoir pas jiardonné en
celte occiisiuu (i). H n'en demeure
pas moins incontestable, en bonne
politique , que de tous les actes de
ligueur qui ont allcrmi l'autorité
rovale , sous le règne dillicile du
prince, fils de Henri IV , et pré-
décesseur de Louis XIV , l'arrêt
de mort du duc de Montmorenci ,
pris les armes à la main, fut la me-
sure la plus exemplaire et la plus
conforme aux devoirs d'un roi ,
blessé et bravé dans les droits de sa
légitime puissance. Quelque intérêt
qu'inspirent aux pailiculicrs la vie
entière et la dernière destinée de cet
iufortiiné seigneur, issu du sangle
plus illustre de France , après les
souverains, il n'en est que plus vrai-
semblable que ce n'f st pas le supplice
de Chalais, ni celui de Marillac, de
Cinq-Mars , de Thoc-., mais ceux de
Bouleville et du maiéchaj_xie JMont-
morenci, qui ont mérité à Louis XIII
le surnom de Louis-le- Juste. L'HiS'
toiie de Henri , dernier duc de
Montmorenci , pair et maréchal de
France^ a été publiée à Paris, en
i6G3, in- 4''., par Simon Ducros ,
qui , en iG3i , sei^vait sous lui com-
me oiHcicr. Il paraît qu'il a redonné,
en iGGG, la même histoire sous le
titre de Mémoires. Lenglet Dafres-
Dois qualifie ce livre de u pitoyable,
quoicjue fait sur un beau et magnifi-
que sujet. » S — Y.
MOMI^IORENCI ( Marie Feu-
CE Orsim , duchesse de ) , femme du
précédent, née à Rome, en iGoo,
(1) Plusieurs historiens out avancé qu'après le
combnt ùc Castelitaudari , on trouva au bras de 3Iout-
inoreiici . im bracelet avec le portrait d'Anue-d'Au-
tricbe . et que ce fut un des grands motifs de l'inflexi-
bilité de Louis XIII , qui n'avait pu ignorer le fait.
11 est certain que , quelques années auparavant , oa
avait répandu di-s 1-ruits sur la liaisou intia;e de 1a
rfiue et ^u maréchal ; mais l'iu]ustice et la mécbau*
icte i« c«U« iiu^utittwu luicut iei.oiiuu«s.
9.0 MON
était nièce , à la mode de Bretagne ,
de Marie de Médicis , qui lui fit épou-
ser , en iGi4, le (ils du connétable
Henri I"^"". de Moutniorenci. Dans la
vie de cette illustre dame, publiée
en 1G84, par Marsollier , ou s'est
attaché beaucoup plus à décrire ses
actions éJitiantes , comme supérieu-
re des Visitan.lines de Moulins, (ju'à
faire connaître le secret de ses senti-
ments , et sa conduite dans la révolte
du duc, son époux, qu'elle aimait
passionnément. Cependant ou y dit
d'mie m mière positive, qu'elle n'ou-
blia rien pour le détourner de se ren-
dre aussiconpable envers son roi.D'un
autre coté, l'auteur anonyme d'une
Vie du duc de Montmorenci, impri-
mée en lOijf), présente la duel. esse,
non - seulement comme complice,
mais comme cause ]>nn<npale des
torts si graves du niaréclial. Presque
tous les historiens, et Désormeaus
entre autre-; , ont répété la même as-
sertion. Deux relations composées
peu de temps après la mort de la
personne dont il s'agit, et qui difFè-
rent autant sur le même point , ont
de quoi nous surprendre. Au surplus ,
dans une lettre adressée au père Ber-
thier, jésuite ( Voy. Nouveau choit
de pièces , tirées des anciens Mercu-
re s et autres journaux , par Lapla-
ce, tome 87*=., p. 6'2 ), on met en
fait que la duchesse de Montmorenci
manifesta toujours une véritable op-
position à l'entreprise téméraire du
duc ; et l'on ajoute que, lorsqu'elle
eut les premiers soupçons du traité
conclu enUe lui et Gaston, duc d'Or-
léans , elle dit avec énergie, qu'elle
ne le verrait point engagé dans une
pai'cilie ligue, sans nionri" de dou-
lettr. Ce fi?t alors que Montmoren-
ci Im montra les lettres pressantes
qu'il avrtiî reçues du frère du roi;
qu'il parla de ses raisons d'attache-
MON
mont pour ce prince, et des espé-
rances (ju'il avait conçues d'un projet
dont l'exécution lui paraissait nssu-
rée. Toutes les représentations , les
prières mêmes de la duchesse , fu-
rent inutiles. Cette scène s'était pas-
sée la veille même de l'entrée de
Gaston dans Beziers , où se trou-
vaient les deux époux. Le duc
d'Orléans rendit visite à M™*^. de
Montmorenci, qui était malade; et
ne doutant pas qu'elle n'eût, comme
parente de la reine-mère, et comme
ayant de grands sujets de méconten-
tement contre le cardinal de Riche-
lieu , approuvé le parti que prenait
le maréchal, ce futà elle qu'il adressa
ses remercîments, de l'asile qu'il
recevait dans la province de Lan-
«Tuedoc. La duchesse désabusa Gas-
ton par une déclaration très positive,
dont celui-ci avoua ensuite avoir eu
le cœur frappé. Dans un séjour qu'il
fit à Moulins, en i6-')4, il la justifia
hautement d'avoir pris la moindre
part à ce qui s'était passé de con-
traire à l'autorité du roi , dans le gou-
vernement de son mari. L'historien
du duc de Montmorenci a donc ca-
lomnié volontairement sa veuve ; ou
bien il n'a fait que reproduire des
bruits populaires , répandus contre
cette dame , à la suite de la catasti'o-
phe de Toulouse. Huit jours après
qu'elle avait eu lieu, un exempt des
gardes la conduisit , prisonnière ,
au château de Moulins. On lui
permit , au bout d'un an , de sor-
tir, et de s'établir partout où elle
voudrait ; mais elle n'en profita que
pour acheter une maison dans l'en-
droit le plus écarté de la ville. Là ,
elle habitait constamment un cabinet
tendu de noir, et éclairé seulement
par quelques bougies. Lorsqu'enfin ,
à la sollicitation de ses parents, et
de quelques amis, elle consentit à
MON
quiller cette triste demeure , ce fut
popr se retirer dans le couvent de la
Visitation. Louis \I1I, passant par
Moulins dix ans après la mort du
duc de jMontiuoreuci, ne crut pas
j)Ouvoir se dispenser d'envoyer un
i;ciiliihomme complimcnler , de sa
part, une princesse qui lui apparte-
nait de si près. Celui qui tut charge'
de ce message, la trouva le visage
couvert d'un mouchoir, et livrée à
la j)lus profonde aifliction: « Remer-
» cicz le roi , dit-elle, de l'honneur
» qu'il veut bien faire à une femme
» malheureuse. Mais, de grâce, n'ou-
» Liiez pas de lui rapporter ce que
» vous voyez. » L'épreuve fut encore
plus terrible pour elle, et toutes ses
plaies se rouvrirent, lorsqu'elle aper-
çut un page de Richelieu , qui avait
cru devoir imiter la démarche du
roi; et elle s'écria : « Assurez mon-
» sieur le cardinal, que depuis dix
» ans mes larmes n'ont pas encore
» cessé de couler. » Après avoir fait
élever, en i652, par quatre fameux
sculpteurs ( Anguier , Reguaudiu ,
-Coustou et Poissant ) , un superbe
mausolée où le corps de son époux
fut transféré de Toulouse, elle prit
i'.' voile, le 3o septembre lôS^, et
passa le reste de sa vie auprès des
cendres -si chères à sa douleur , ne
cherchant de consolations que dans
la pratique des vertus chrétiennes.
La reine d'Angleterre , Henriette de
France, A crsa dans son sein les lar-
mes amères que lui arrachait le sou-
venir de Charles 1'^''. , immolé à la
rage de ses sujets. C'est aussi auprès
d'elle que Mademoiselle et les du-
chesses de Lougueville et de Cliâ-
tu] on venaient chercher le caîrue
qu'elles ne pouvaient trouver dans
les agitations et les intrigues de la
cour. Louis XIV, et Aune d'Autri-
ciic, l'honorèrent plusieurs fois de
MON 2 1
leur visite; et il n'y eut pas jusqu'à
la reine Christine de Suède, qui ne
voulût voir cette illustre veuve dans
sa retraite. Elle fit beaucoup de bien
aux dames de la Visitation , leur bâ-
tissant une église , et les assistant
dans leurs besoins temporels. Elle
mourut supérieure de ce couvent ,
le 5 juin iGG6 , âgée de 60 ans. Son
corps fut déposé auprès de celui du
duc, son mari, dans l'église de la
Visitation , qui sert maintenant de
chapelle au lycée de Moulins..
L P E.
MONTMORENCI ( Charlotte-
IMarguerite de ) , sœur du duc
Henri II , décapité à Toulouse , et
femme de Henri II de Condé , naquit
le I I mai 1 394. Elle était a peine
âgée de quinze ans lorsqu'elle parut
à la cour , et y fit uue extrême sen-
sation par sa rare beauté. Ce fut A^ers
la fin de l'année i6og, qu'elle ins-
pira au roi Henri IV la passion la
plus ardente peut-être qu'il eût éprou-
vée. Son père , le connétablede Mont-
morenci - Damville , l'avait destinée
à êire l'épouse de Bassompierre , et
elle ne paraissait pas disposée à le
refuser. Le roi ayant fait a ce sei-
gneur la confidence de sou amour,
et l'ayant pressé de renoncer au ma-
riage que celui-ci avouait pourtant
desirertrès-vivement, le sujet céda de
bonne grâce , mais non sans un vrai
chagrin, ce qu'il n'eût pu raisonna-
blement contester à son maître. Hen-
ri n'écouta pifs les conseils de Sully;
et conformément à sa volonté . M^^*^.
de Montmoreuci devint princesse de
Condé. La marquise de Verneuil di-
sait au sujet de ce mariage , que le roi
l'avait fait « pour abaisser le cœur
» au prince de Condé, et Ivii Iiausser
» la tèîe. » On assure que Charlotte
de Muntmorcuci n'avait pas encore
soupçonné les sentiments du mouar-
22 . MON
que pnnr elle; mais ils étaient trop
vils pour ne pas inquiéter le jeune
prince son époux , qui en consé-
([uencela lit partir pourSainl-Valcri,
et l'éloigna tel!enieiit de la cour qu'on
ne l'y vit presque ])lus paraître. IjC
roi usa d'aiiurd de jirc'textes pour
cn^^ager Condc à la faire revenir. Il
traploya successivement les dégui-
sements , les ordres , les menaces. Le
prince , quoique les représentations
ne lui eussent pas c'te épargnées à ce
sujet, ei nommément par Sully, prit
alors le parti d'emmener en toute
liâte la princesse à Bruxelles. Henri
IV furieux fait courir après les fugi-
tifs, que la politique espagnole mit
Lientôlsousla protection spéciale de
rarcliicliic.il entreprit de faire enle-
ver l'objet de sa passion ; et l'on pré-
tend que, comme elle n'avait jamais
eu une forte inclination pour son
ïnari, elle ne répugnait pas beaucoup
à y donner les mains; mais le ])rojet
fut découvert , et il fallut l'abandon-
ïiei". Condé craignit pour sa propre
sûreté : il quitta la Flandre au m.ois
de février i G i o, y laissant sa fcm me,
qui se regardait elle-même comme
prisonnière ; et il se rendit à Milan.
On ne manqua ])as de dire avec mé-
chanceté qu'elle était le vrai sujet de
la guerre dont Henri IV faisait les
jiréparatifs, lorsqu'un assassin enle-
va ce monarque adoré à la France
f i ). A peine la nouvelle de cette mort
fut-elle répandue, que Condé retour-
na en poste à Bruxelles. H ne vit pas
d'abord la princesse; mais leur rac-
commodement eut lieu à Paris, lors-
qu'il y rentra comme en triomphe ,
(i) La po]in!arilé de Hpnri n'cmjiccha jio*nt que
ce iepiocl;e iic fût i't-|>rodtiit à la Iribiiiie dt- Tass. in-
Mce cotoliluniite. Du des eiithoosîâstps courtl!>ans du
])cup]e , Cliai Ips de Laini th , s'nppiija de crt(e iu-
(i>l]ioliuii caluiiiiiiviis,- , puiir |j|'Upn>i:i- que le droll
«If faire la [iiiii tt 1.» jHcric lût disirait de la pr.:-
MON
et moins en premier prince du sang
qu'en roi. Cette réconciliation fut
sincère ; et la princesse de Condé
le prouva bien, lorsqu'en 1G17,
n'ayant pu obtenir de Louis XTIJ ,
l'élargissement de son époux qui
était a la Bastil'e, elle demanda
la permission d'y rester en prison
avec lui. Elle fut ainsi son conseil /
et sa consolation pend;int plus de
deux ans que dura la détention de
Condé. Ce prince ayant encore quitté
la cour en 1G2.O, elle s'y montra
et agit très-utilement pour les inté-
rêts de sa maison et de son mari. Sa
tendresse pour son frère l'infortuné
maréchakkMontmorenci, biidom:a
le courage de se jeter aux genoux
du cardinal de Richelieu, qui crut
faire assez en se prosternant devant
eiiedela même manièrc.Restée veuve
en 1G46, elle mourut âgée de cin-
quante-sept ans, le ^décembre i65o,
àChâtiilonsur-Loing. Elle était mère
du Grand-Condé , du prince de Con-
ti ; et de la duchesse de Longueville.
L — p E.
MONTMORENGI (Jeanne-Mar-
GUi:r.rrE be ), connue sous la déno-
mination de la Solitaire des rochers,
fit quelque bruit à la cour , vers
1G94 > P^'i' '3 singularité de ses aven-
turcs; ce qui donna lieu à des recher-
ches sur ce qui la concernait. Voici
ce qu'on put en apprendre. Elle était
née vers iG^Q. On n'a aucun rensei-
gnement sur ses premières années ,
ni même rien de positif sur sa fa-
mille; on sait seulement que sa nais-
sance élait très-distinguée. La ferme
résolution de Jeanne-Marguerite de
demeurer inconnue et entièrement
('trangère au monde, a jeté sur ce
qu'elle était, un voile qu'écartent à
])cine quelques aveux de sa part et
la co'iucidence de la disparition d'une
demoiselle de la maisou de Mouimo-
IMON
ion ci , fin même àp;c , en iGGG,
temps où Jeanne - Miiii:;ucritc , àgce
d'environ dix - scpl ans , se A^oua au
p;cnre de vie le pins extraordinaire.
Ne sentant prévenue , dès son en-
fance, d'une grâce particulière, elle
(it le vœu de consacrer à Dieu sa
virsinilc. Elle fut contrariée dans ce
dessein par ses parents, qui lui des-
tinaient un mariage proportionne à
sa hante naissance , et fut envoyée
chez une tante , à lacjuelle ou croyait
du pouvoir sur son esprit. Elle ne
vit d'antre moyen de fc délivrer des
S((llici(ations continnelles auxquelles
elle était sans cesse exposée, qu'eu
se dérobant à sa famille : elle eu
trouva l'occasion dans un pélcî'i-
nap;e qu'on lui permit de faire au
Mont- Vaie'rien. 8'cchappant à tra-
vers le bois de Boulogne, elle chan-
gea ses babils avec ceux d'une pauvre
femme qui lui demandait l'aumône,
et se commit à la Providence. Des
ecclésiastiques auxipicls die inspira
de l'intérêt, lui procurèrent une con-
dition chez une femme riche et d'une
humeur difficile , dont elle eut bcaii-
conp à souffrir. Elle y demeura dix
ans, supportant avec une paiienc.^
admirable les caprices et les duretés
do sa maîtresse. Cette dame vint à
mourir," laissant à Jeanne- Blargue-
rite une somme assez considérable
pour une fille de l'état dont on la
croyait. Jeannc-?Jarguerite la distri-
bua aux pauvres, et entra an service
d'im menuisier-sculpteur, chez qui,
avec la connaissance qu'elle avait
déjà du dessin, elle prit avec fruit
des leçons de l'un et l'autre art qu'il
exerçait. Ne se croy^ant point en-
core assez humiliée, elle sorîit de cet-
te maison , sans dessein arrêté , et
demandant son pain. Le hasard
la conduisit à Château - Fort, près
Chevreuse, où elle trouva, dans kpc-
MON 23
rc Debray rordelierct desservant de
cette paroisse, nu directeur tel qu'elle
le souhaitait. Elle accorda toute s.i
confiance à ce religieux. Souvent elle
lui fit ])art d'inspirations secrètes qui
la portaient à se retirer dans quelque
désert; mais toujours il s'v oppo>a.
Ce père étant tombé dangen-usement
malade, et le dcsii- de fuir le monde
la ])0ursuivant toujours, elle se mit
en rouie pour chercher une retraite
où elle pût c!rc entièrement ignorée.
Deux ans se passèrent sans qu'elle dé-
couvrît un lieu propre à ses vues. En-
fin, un réduit sauvage, pratiqué entre
des roches, dans une gorge des Pvré-
néos, lui parut être l'endroit que Dieu
lui destinait ; elle lui donne le nom
ûc Solitude des rochers : elle y vé-
ciU pendant quatre ans, de racines,
de fi-iiits sauvages , et de <]uelqnes
aumônes qu'elle recevait de deux
abbayes voisines , où elle trouvait
aussi ies sccouis spirituels. Sa soli-
tude ayant é!e découverte malgré le.<v
soins qu'elle prenait pour ia dérober
à tous les veux , elle se rendit à tren-
te lieues de !à , et plus près del'Espa-
gne, dans une antre, qu'elle nomme la
Solitude de l'ah) vie des ruisseaux^
parce que celle-ci était er.trecou-
pée de ruisseaux qui allaient se per-
dre dans des précipices. Elle y passa
trois ans, et y continua les exerci-
ces de sa vie péni'cnte. Cependant ,
ayant trouvé une occasion iavorable,
pile avait hasardé pour le pi' re De-
bray une lettre, qui parvint .'î sou
adresse, et amena entre la solitaire et
son ancien directeur une correspon-
dance qui dura huit ans, et dont ou
a recueil'i trente - huit lettres , aux-
quelles on doit ce qu'on sait de cette
fille extraordinaire. La cinquième de
ces letires articule positivement quo
toutes les personnes qui tenaient à la
solitaire p.^.r parenté ou affii.iîé, an-
n
MON
parlciiaienl par les mêmes liens à la
iiKiison de Montmoiruci. Uue der-
nière leltie du l'y stptcinlae 1699,
par laquelle Jeanne- IMaif^ueri te tai-
sait part à ce religieux de son désir
(i'ailcrà Rome, pour y recueillir avec
];liis d'abondance les grâces du jubi-
le, étant dcjnoiire'e sans rëjionse, elle
jjrc'siima ijiie le père Dcbray était
mort. Elle partit pour Rome; et de-
p'.iis ce tcnjps ou n'eut sur elle au-
cun indice , quelques perquisitions
qu'on ait laites; ce qui a fait pen
ser qu'elle avait fini ses jours dans
ce voyage. Elle devait avoir environ
ciuquanle - un ans. Quelque merveil-
leux et e'ioigué du cours ordinaire
des choses que soit ce récit , des preu-
ves suffisantes se réunissent pour en
attester 1 1 certitude. Quoique le père
Dcbray se fût obligé au secret , des
circonstances ont échappe , qui ont
mis sur la voie. Les lettres originales,
.'i]n-ès lui, ont passé entre les mains
de M"^*=, deMaintenon, qui connais-
sait ce pèle, l'estimait, et s'adressait
(jiielquefois à lui pour la confession;
et bien qu'on n'ait pu en recouvrer
que des copies , elles sont revêtues
c!e tant de caractères de véracité, il
serait si difficile de les imiter, qu'elles
C(piivalent aux originaux. Un crucifix
d'un travail exquis, fait par la soli-
taire pour le père Dcbray , fut légué
par lui à la même dame, et a passé,
après sa mort , aux Capucines de Pa-
lis , où tout le monde a pu le voir et
s'assurer du titre de son authenticité,
écrit, au revers de la croix, d'une
manière fort lisible. Il a paru , en
1 787 , une fie de la Solitaire des
ruchers. ( P'. V Histoire ecclésiasti-
que de l'abbé Berault de Bercastel ,
livre Lxxx"^. ) L — y
MONTMORET ( HuMDtr.r ue ) ,
en latin Monsmoretanus , orateur
et poète latin , était né au quin-
MON
zième siècle, dans le comté de Bour-
gogne , d'une des plus illustres fa-
milles de la province. Ou apprend ,
par ses ouvrages, qu'il avait visité,
dans sa jeunesse, les principales cours
de rEuro])e, et qu'il n'avait pas tou-
jours su se garantir des séductions de
l'amour. 11 finit par renoncer aux
vains plaisirs du monde, et prit l'ha-
bit de Saint - Benoît, à l'abbaye de
Vendôme , où l'on conjecture qu'il
mourut, après l'an ijtio. Ou a de
lui : 1. Bellonnn britanniconiin à
Carolo Fil , Fravcorum rege , in
J/enricum , Analorum regem .Jelici
diictii, auspice Puelld francà, ges-
tojum ; prima pars versihus expres-
sa , Paris, i5i'2, in-4''. Ce poème
est divisé en sept chants, et com-
prezid l'histoire de la guerre contre
les Anglais, depuis le siège de Cre-
vant , jusqu'à la bataille de Patai ,
gagnée par les Français, en 1429.
Quelques belles descriptions , et le
tableau vrai des anciennes raœui's,
peuvent faire oublier les légers dé-
tauts de cet ouvrage. La poésie eu
est facde et harmonieuse , la lati-
nité pure , et digne quelquefois du
siècle d'Auguste. L'intérêt qui règne
dans cette histoire, avait déterminé
M. Gauthier deColines, médecin de
Bourg , à en publier une nouvelle
édition, qu'il aurait accompagnée
d'une traduction frant^aise ; mais ce
projet n'a point eu de suite ( V.
le journal des savants, décembre
1788 ;. II. Liber primas Caroleidos
de miserlis helli anglicani. Le ma-
nuscrit de cet ouvrage est conservé
à la bibliothèque du roi, n". \gS3.
I M.Christiados lihri X complectentes
purissimam salvaluris nostri Jesu
7iativitatem, prceclara dicta, mira-
cula , passionem , descensum ad in-
Jernos ac ascensionem , — ad dom.
Joann. Rocelletum thesaurariumpa-
nc^yricus, Lyon , s. d., in-8°.; très-
rare. Le pocnio est dcilic à Jean Cal-
vel , élu deMonthrisoii, que l'aulcùr
nomme son Mécène; il y règne iuk;
grantle na'ivetè. IV. De hello Raven-
nali. C'est l'Iiistoire des gnerres de
Loiiis XII en Italie. V. De laudihus
superioris Bar^nndiœ syivœ. Gil-
bert Cousin a publie ce petit poème
à la suite de sa Descriptio comitalds
Biirgundice {F. Gilb, Cousin). VI.
Herveis poëma , Paris , Edmond
Lefèvre, in- 4°. Le sujet du poème
est la mort héroïque du capitaine
Hervé', qui aima mieux faire sauter
le. vaisseau la Cordelière^ qu'il mon-
tait , que de se rendre aux Anglais.
\II. Parthenices marijuane, Jean
de la Porte, in-4". Cet ouvrage est
indique' dans le Catal. de Crevenna,
11°. [^'}.'6'i. Bauer attribue encore à
MoTilmoretune belle et rare édition
du Traité delà consolai i onde Boccc,
sans nom de ville , 1 5-2 1 , iu-l'ol. ( P''.
le Catal. de Bauer, v, 23o ); et l'e'-
diteur l'a fait suivre d'un traite : De
ingénias adolescentûm moribus.
W— s.
IMONTMORIN SAINÏ-HÉREM
( J.-B. -Fra;\çois, marquis de ) ,
lieuteuanl-ge'nèral des armées du
roi , che.valier-commandeur de ses
ordres, gouverneur de Fontaine-
bleau et de Belle-Isle, ne en 1704,
était chef de la branche aînée d'ime
ancienne maison d'Auvergne, alliée
à la famdle régnante et à celle de Lor-
raine (1). Entré fort jeune au ser-
vice, il devint successivement capi-
taine au régiment de Brissac cava-
lerie, colonel du régiment de Forest
(^i)Ile(a;t (le la même f.imille que Montmorin-
S.int-Hireio, qui, était g„»vtrueur de l'AuversDe
M«>.< Charirs I X, et .'i qui Voltaire {Essai uir les guei-
rcs cii'iles de Fiance ; lait, tuais À toi t , l'iionoeur de
5é:rc refusé à faire massacrer les protestnutsen iS-?..
A. B— X.'
MON '2 7
infanterie , à la tète duquel il se
trouva aux batailles de Parme et de
Guastalla,ct colonel A\\ régiment de
son nom , qu'il mena au secours de
Prague , tenant l'arrière-garde quanrl
l'armée repassa le Rhin. Fait briga-
dier , il força le premier , en 1744 >
les lignes de Weissenbourg, où il fut
blessé. Devenu maréehal-de-camp, il
fit, sous le maréchal de Saxe, les
campagnes de 1745 et 174^^ , où il se
distingua principalement à la bataille
de Raucoux. L'année suii'ante , dé-
taché par le maréchal de Lovvendal,
il fit les sièges du Sas-de Gand et de
l'Ecluse , dont il eut le gouverne-
ment ; prit le fort Philippine ; re-
joignit , quelque temps après , l'armée
du maréchal de Saxe ; et se trouva
à la bataille de Laufeld , et au siège
de Berg-op Zoom , où les troupes ,
sous ses ordres , montèrent des pre-
mières à l'assaut. Commandant vingt
batadlons en 1 748, il investit Macs-
tricht , et contribua à la reddition
de cette place. Après cinquante-cinq
ans de services , il mourut en 1779.
— Louis -Victoire Lux comte de
McHVTMORiiv, fils du précédent, et,
comme lui , gouverneur de Fontai-
nebleau , naquit en i76'2,et fut le
seul de ses sujets que Louis XV eût
tenu , e;i personne ,.snr les fonts de
baptême. Il servit d'abord dans
Royal-Piémont, devint ensuite colo-
nel en second , puis titulaire du régi-
ment de Flandre, dont, au com-
mencement de la révolution, il main-
tint la fidélité aussi long-temps qu'il
fut possdjle. Ses drapeaux ayant été
enlevés , dans la nuit du 5 au 6 oc-
tobre 1789, il marcha avec deux
compagnies à l'hôtel- de-ville, se
les fit rendre , et servit d'escorte
au roi que menaçaient les factieux.
Dénoncé de toutes paris, à cause de
sa conduite ferme cl loyale , il sortit
25
i\:o?f
*!e France ; m-iis cioyant pouvoir
être encore utile dans l'intérieur , il
revint a Paris , où le roi , pour l'avoir
plus près lie ?a ]iersonne , le fit loger
au eli.lfeau. Il l'ut massacre', le ■! sep-
tembre i7<)'.i, après avoir donne à
la famille royale les preuves du plus
entier dévouement. Z.
MONTMOHIN-SAIIST-HEREM
(Ar.MAiND-MAnc comte du), pajent
des prc'cédcnis, mais de la branche
radettc, fut menin du dauphin ,
depuis Louis XVI, et devint am-
bassadeur de France à IMadrid ,
chevalier de la Toison-d'Or et du
Saint-Esprit , puis commandant en
Bretagne. Louis XYÏ l'appela à la
première assemblée des notables, en
1787 , et le chargea ensuite du por-
teleuille des affaires étrangères. Son
dcliut dans le conseil fut un Mémoi-
re très-solidement raisonne sur l'in-
te'rêt que la France avait à prévenir
l'occupation de la Hollande par les
Prussiens. Il était ainsi ministre
lors de l'ouverture des e'tats-gené-
raux, en 1789. La nature de ses
occupations devait lui donner peu
de rapports avec cette assemblée,
jusqu'au moment où elle s'empara
de toute la puissance souveraine.
Ce ne fut donc qu'à celte époque que
eoraraeuça réellement son rôle poli-
tique. Il n'était certainement pas dé-
pourvu de moyens : mais la tâche du
ministère était bien difficile dans de
pareilles circonstances ; aucun des
hommes d'état de cette époque ne
se montra capable de les diriger.
P^Iontraorin, pénétré du plus entier
dévouement pour i^ouis X\I, crut
entrer dans ses intentions, en se
rapprochant du parti révolutionnai-
re, sans toutefois prendre aucune
part à ses violences. Il parut d'abord
suivre, dans le conseil du roi , les opi-
nions et les principes de Kccktr,
qui tendait à introduire qnelqnci
mcdifications dans l'ancienne cons .
titution du royainre. Gomme le mi-
iiistie genevois , il fut renvoyé, le
12 juillet 1789, pour avoir refuse'
son adhésion à la déclaration d'i
23 ji>in [F. Neckkr) ; et l'un et
l'autre furent rappelés , quelques
jours après la révolution du J 4 juil-
let, moins par la volonté du loi,
que par la puissance à biquelle le
monarque ne pouvait résister. Le
ministre se trouva ensuite précipité,
])ar la violence révolutionnaire, jus-
que dans le club des Jacobins, qui
à la vérité n'avait encore que le
titre de Société des cimis de !a cons-
titution, Lien que celte constitution
n'existât pas. Montmorin se trouva
fort déplacé dans une pareille réu-
nion; il avait trop de modération dans
l'esprit pour partager les opinions
des cluLisies. Ceux-ci s'en aperçu-
rent bientôt; ils le dénoncèrent com-
me un traître vendu aux puissances
éliangères, et l'expulsèrent de leur
sein, dans les premiers jours de
juin 1791. Il échappa cependant
à l'analhèmc qui avait frappe Necker
et ses collègues de 1789; seul il
resia debout, en louvoyant avec
assez d'adresse, et fut même chargé
par intérim du ministère de l'inté-
rieur. Lors du voyage de Varenne ,
il fut exposé aux violences de la po-
pulace , qui l'accusait d'avoir donné
des passeports à la famille royale.
Mandé à la barre de l'assemblée, il
se justifia sans peine; car il n'avait
réellement eu aucune part à cet évé-
nement , et le roi ne l'avait pas
mis dans sa confidence. Picnvoyé à
ses fonctions, il les continua ])en-
dant quelques semaines, sous l'as-
semblée législative, et rendit compte
à celle assemblée des réponses os-
teusiblcmcut faites par les divers
RTON
souverains à la notilication qui leur
avait é»e adressée , de la part de
Louis XVI , de sou acreptatiou de
la coHslituliou. Ou sait qtic touUs
tes rëpouscs fureut dilatoires , et
que la plupart exprimaient l'ojù-
nioH que le roi u'était pas libre. Ce
fdt UH nouveau motif d'accusa-
tion contre les ministres. Tous
fureut mandes à la barre {F. La-
croix, XXllI, 70); Moulmoriu
répondit avec une noblesse et une fer-
meté' que la modération de sou carac-
tère et l'adresse de sa politique ne
faisaient pas supposer : ii offrit sa
démission, et resta à Paris, oîi il
fut, avec Malouet, Bertrand de Mo-
leville, et quelques autres réforma-
teurs mixtes, du nomlire des conseils
particuliers de Louis XVL Ils don-
naient souvent à ce malheureux
prince d'excellents avis j mais il ne
les suivit pas toujours, et il était
d'ailleurs alors impossible de maî-
triser les événements. Dans le mois
de juillet 1795, les Jacobins, qui
préparaient le i o août , l'ayant dé-
noncé comme un des chefs du pré-
tendu comité autrichien, il attaqua
devant la justice de paix, le jour-
naliste Carra ( F. ce nom ) , qui
s'était rendu l'organe de la dé-
nonciation : mais cette plainte de-
vait coûter la vie à celui qui l'avait
faite, et même au magistrat qui
l'avait reçue ( F. Bazire et Chabot).
Après le 10 août, Montmorin alla se
réfugier chez une blanchisseuse du
faubourg Saint- Antoine, où il fut
découv"ert le 21 du même mois.
Amené à la barre de l'assemblée lé-
gislative, il répondit avec une noble
fermeté à toutes les impertinentes
questions qui lui furent adressées.
Celte assemblée l'envoya en prison,
l't il périt peu de temps après sur
l'cchafaud révoiutioanairc. M. Fcr-
MON 27
rand a fait un portrait assez vrai de
Montmorin , dans sa Tléorie des ré-
vohuions : «C'était, dit-il, un niinis-
» tre faible, mais pur et lioiuicte;
» il aimait le roi , et en était aiinc,
» comme un véritable ami ; cette
w amitié fut même un malheur.
«Trompé par JNecker, qui avait
» pris un giand ascendant sur lui ,
» il était son soutien auprès du roi :
w par lui , il fut, sans le savoir , un
» des grands véhicules de la révolu-
» tioi) , et perdit le monarque et la
» monarchie , pour qui il aurait
» donné sa vie. « B — u.
MONTMORT ( Pierre Ré-
~ MOND DE ) , mathématicien , mem-
bre de l'académie des sciences, et de
la société royale de Londres , était
né en 1678, à Paris, d'une famil-
le noble. Son père le destinait à sui-
vre la carrière de la magistrature ;
mais fatigué de l'étude du droit, le fils
se sauva en Angleterre, d'où il passa
en Allemagne , près d'un de ses pa-
rents , plénipotentiaire à la diète de
Ratisbonne. La lecture des ouvrages
de Blalebranche lui inspira le goût
de la métaphysique. De retour en
France en 1G99, et devenu, parla
mort de son père, maître d'une for-
tune assez considérable, il s'appli-
qua entièrement à l'étude de la phi-
losophie et des mathématiques , par
le conseil de Malebranche son maî-
tre, son guide et sou intime ami. Il
apprit de Carré et Guisnée , les élé-
ments de géométrie et d'algèbre ,
mais rien de plus. Sa pénétration
naturelle et son ardeur pour le tra-
vail lui firent faire un chemin prodi-
gieux. Il Cl un second voyage à Lon-
dres, en i-'oo, pour voir un pays si
fertile en savants, et présenta ses
hommages à Newton. Peu de temps
après, cédant aux instances de son
frère cadet, il lui succéda dans uu
u8
]\roN
raiionicat rie Notre-Dame , et devint
l'exemple de ses nunvcaiix contrères
par son assidiiilc à sesr'evoirs. Ce-
pendant il ne négligeait pas los ma-
thématiques : il y travaillait avec \m
jeune iioraine dont l'ardeur ép;alait
la siemiej el ['cmulati(/n qui s'était
e'tablie entre eux contribuait a leurs
]n-ogrès mutuels ( F. Fr. Nicole ).
Il employait une partie de sas reve-
luis à faire imprimer de boas ou-
vrages dont les libraires n'auraient
pas ose' se charger (i); et il consa-
crait l'autre à des œuvres de charité,
n'exigeant de ceux qu'il obligeait que
le silence le plus absolu sur le bien-
faiteur. Aytnt acheté, en 1704, la
terre de I\Ioutmort, il alla rendre ses
respects à la duchesse d'Angoulèrae,
qiii habitait dans le voisinage. Parmi
les dames de sa suite , il distiugua
M''^. de Romicourt, petite-nièce de
la princesse , et sa filleule. Dès ce
moment , le canonicat qu'il n'avait
accepté que par complaisance, lui
devint de plus en plus à charge: il y
icnonça , eu 1706, pour épouser
M'I'^. de Romicourt j et par un bon-
heur que Fontenelle trouve assez ^m-
guUer. le mariage lui ayant rendu sa
maison plus agréable , il ne se livra
qu'avec plus 'd'assiduité aux mathé-
matiques. Il s'était atîarhé particu-
lièrement à cultiver la théorie de la
jirobabilité, dont presqu'ancun géo-
mètre ne s'était encore occupé; et il
publia, en 1708, V Essai d'analyse
sur les jeux de hasard, ouvrage qui
eut un grand succès , qu'il iiedut pas
nniquement à la notiveaulé du sujet.
Dans le même temps , Nicolas Ber-
uoulli tournait ses vues du même
coté: la conformité des p;(>ûts fit naî-
(0 li fil ;..jiirliuei le T/ai/é de G uisnée de l'ap-
plh.alion (le l'al^ehre à la géométrie , et l.i Qua-lra-
tufi dc> cvuibcs . lie Newtou.
MON
tre enfre eux l'amitié; et Bernoulli
étant venu à Paris , Montmort l'em-
mena à sa campagne, où ils passè-
rent trois mois , dans un combat
contimiel de problèmes dignes des
plus grands géomètres. Montmort ne
lut pis aussi coulent d'Abr. Moivre ,
qu'd l'avait été de Bernoulli ; il l'a-
v;dt d'abord soupçonne d'avoir fait
le trai'éZ^e mensurd sortis , d'après
celui des Jeux de lia^ard; mais il
fut ensuite le premier à reconnaître
son ei reur, et a le justifier du repro-
che de plagiat ( F. iNIon re ). Nom-
mé , eu 1713, exécufeur testameutai
re de la duchesse d'Angouième , il
eut à souteuiilcs embarras de deux
procès que le testament avait fait
naître : et malgré sa répugnance pour
les allaiies, il les suivit avec tant
d'activité, cju'il les gagna tous les
deux. 11 fit, en 1715, un troisième
voyage en Angletene, pour obser-
ver l'éctipse solaire qui devait y être
tot,de;etil ne quitia pas Lonr.res
sans être agrégé à la société royale*
Comme il n'habitait que rarement la
capitale; l'académie des sciences
n'avait pu l'admettre au nombre de
ses membres : il entra , en 1 7 1 G ,
dans la classe des associés liijres,
nouvellement créée. Quelques a flaires
l'avant conduit a Paris , au mois de
septembre 1719, il y mourut, le 7
octobre suivant, victime de la fa-
meuse épidémie de petite-vérole , qui
fit tant de ravages. Montmort était
plein de candeur et de modestie, et,
quoique vif , d'un caractère très-
doux. Il avait une force de tête qui
lui permettait de travailler aux pro-
blèmes les plus embarrassants, dans
la même chambre où l'on jouait du
clavecin, pendant que son fils cou-
rait et le lutiuait. Le P. Malebran-
che, ajoute Fontenelle , eu a été plu-
sieius fois témoin avec élonnemcuî.
INION
îMonîmorl donna une seconde ciU-
liou de V Essai d'analj se sur les
jeux de hasard, Paris, 1713 ou
1714, in-4'^. ; elle est ;ingmentce de
sa cuiieiise CoirCij)ondance <,uv cette
rnalière, avec Jean et Nicol. Jjoi-
noulli. On a encore de lui un Trai-
té des suites infinies, que Taylor ,
son ami, fit imprimer dans les Tran-
sactions de \'j l'j.aiXcc une adiiifion.
Il travaillait à une Hi loire de la
géométrie; et l'on regrette que ce
qu'il eu avait tait soit perdu. Voy.
son Eloge, par Fontenelle, Ilisl. de
l'acad. de sciences, 1719. W — s.
MONTPENSIER ( FrI^çois de
Bourbon duc DE ), connu aussisous le
nom de prince Dauphin , parce qu'il
était daupliin d'Auvergne, naquit en
1 539 II était fils de Louis II de Bour-
bon , duc de Montpeusier ;; et mon-
tra de bonne heure qu'il avait hérité
de la valeur et des vertus de ses an-
cêtres. Il se signala au siège de Rouen ,
en i56u, et aux batailles de Jarnao
etdeMontcontour,en 1 56g. Il obtint,
en 1574 ■) 'c commandement d'une
des trois armées chargées d'agir con-
tre les protestants ; il pénétra dans
leDâuphiné, enleva quelques places
an brave Montbrun , mais tut obligé
de lever le siège de Livron. Il passa
en Flandre à la suite du duc d'Anjou ,
et contribua à rallier les tlébris de
l'armée , après la déroute d'An-
vers ( F. Anjou, ii , 187 ). Honoré
de la confiance de Henri III , il fut
envoyé par ce prince en Angleterre,
pour solliciter des secours contre la
Ligue; et après l'horrible attentat de
Jacques Clément , il fut l'un des pre-
miers à reconnaître les droits incon-
testables deHenri IV à la couronne. H
se distingua, en 1 590, aux batailles
d'Arqués et d'Ivri , soumit Avran-
clies , et mourut à Lisieux , le 4 juin
iSgu, laissant un fils unique, nommé
Henri, qui lui succt'da dans le (Inclié
de Montj)eii.'-ier. C'était un jirincc
généreux, compatissant , et exa( t i
remplir ses promesses. Il baissait la
flatterie; et lorsque des courtisans
lui raj)pelaienl les succès qu'il avait
obtenus : « Oui, disait-il; mais dans
d'autres occasions, j'ai commis des
fautes. » W — s.
MONTPENSIER ( Catherine-
Marie DE Lorraine, duchesse de ;,
fille du duc de Guise assassiné de-
vant Orléans, était née en i55'.i , et
fut mariée, en 1570, à Louis II, duo
de Monlpcnsier. Cette priiicesseélait
boiietse; et l'on dit que la haine fu-
rieuse qu'elle manifesta contre Hen-
ri III venait de ce que ce monarque
l'avait raillée à ce sujet : mais il
est plus probable qu'elle ne put li.i
pardonner la mort de ses frères ; et
en effet, ce n'est que depuis la tenue
des étals de Blois qu'en la retrouve
dans toutes les conspirations qui se
succédèrent contre l'état ou contre
la personne du roi. Elle eut des pré-
dicateurs à ses gages pour insulter
Henri III en chaire ; et elle poussa
l'audace jusqu'à tenter de le faire
enlever. Il se contenta de lui don-
ner l'ordre de sortir de Paris ; mais
elle n'obéit point , et continua do se
montrer publiquement avec les li-
gueurs les plus forcenés : elle por-
tait ordinairement à sa ceinture des
ciseaux d'or, et elle répéta plusieurs
fois que ces ciseaux lui serviraient
à tondre frère Hciiri de Valois. Les
succès qu'obtenait son frère, le duc de
Maïenne , augmentèrent encore son
exaltation. La reine lui eu ayant fait
un jour des reproches : « Que vou-
lez-vous , répondit-elle ; je ressemble
à ces braves soldats qui ont le cœur
gros de leurs victoires. » Elle sauta
au col du premier qui lui annoiiça que
Henri III venait d'être assassiné, et
3o MON
l'on assure que dans son délire elle
s'ëcria : « Jene suis marrie (jiic d'une
chose, c'est qu'il n'ait pas su avant
de mourir que c'est moi qui ai fait le
coup: » paroles horribles, et qui ont
donne lieu de conjecturer que c'était
elle qui s'était charf;;ée de séduire Jac-
ques Clément , et qu'elle avait tout sa-
crifié pour y réussir ( Voy. \e Journal
d'Henri IH^ la Satire Menippée et
les autres écrits du temps \ Elle
monta en carrosse avec la duchesse
de Nemours, sa mère, et parcourut
les rues de Paris criant : Bonne nou-
velle I et distribuant aux passants des
écharpes vertes. Celte princesse res-
ta ensuite enfermée dans Paris ,
«'exposant à toutes les horreurs du
siège , pour affermir, par ses dis-
cours et par son exemple, les habi-
tants dans leur l'ebellion. Eu appre-
nant que les portes avaient été ou-
vertes aux troupes du nouveau roi ,
elle fut consternée, et demanda s'il
n'y avait pas quelqu'un qui pût lui
donner un coup de poignard dans le
sein. Cependant Henri IV, en arri-
vant, lui envoya le bonjour^ la fai-
sant assurer qu'il la prenait sous sa
protection particulière; et , dès le
soir même , ce bon prince la reçut ,
et joua aux cartes avec elle. La du-
chesse de Montpensier, habile à dis-
simuler , feignit de se l'éconcilier
sincèrement avec le roi. Henri IV
lui ayant demandé si elle n'était
pas bien étonnée de le voir à Paris :
« Je n'eusse, répondit -elle, désiré
qu'une seule chose , c'est que M. de
Maïenne, mon frère, vous eût abais-
sé le pont pour v entrer. — Ventre-
saint-gris , répliqua le roi , il m'eût
fait possible attendre long -temps ,
et je ne fusse pas arrivé si malin. »
En i5(j5, le bruit s'étant répandu
que le parlement voulait faire re-
chercher les auteurs de tous les dé-
MON
fordres commis pendant la Ligue,
la duchesse de Montpensier conçut
une si grande frayeur qu'elle alla
se réfugier auprès de Catherine de
Bourbon , qui habitait alors le châ-
teau de Saint-Germain. Elle se ras-
sura cependant, et revint à Paris,
où elle mourut d'un flux de sang, le
6 mai i5g6, à l'âge de quarante-
cinq ans , sans postérité. Lestoile re-
marque, dans son Journal, qu'il fit
cette nuit-là un grand tonnerre, et
ajoute qu'il devait avoir rapport à
son esprit mahn , brouillon et tem-
pétueux. W — s.
MOMPENSIER ( Anne-Marie-
LouisE o'Or.LÉA.xs , connue sous le
nom de Mademoiselle , duchesse
DE ) , naquit à Paris , le ■29 mai 1 627,
de Gaston , duc d'Orléans , et de
Marie de Bourbon, héritière de la
maison de Montpensier. Elle fut te-
nue sur les fouis par la reine Anne
d'Aulriche et par le cardinal de Ri-
chelieu. Une des singularités les plus
remarquables de l'histoire de M^*^.
de Montpensier, c'est la quantité de
mariages qu'elle souhaita ou qui lui
furent proposés. Ces projets d'éta-
bhssemeut occupèrent une partie de
sa vie, et eurent la plus grande in-
fluence sur sa conduite. Elle sortait
à peine de l'enfance , et Louis XIV
était encore au berceau , qu'on la
nourrit dans l'idée qu'elle serait l'é-
pouse du jeune roi. La reine-mère
elle-même la confirma dans cette
flatteuse espérance ; et la princesse,
après l'avoir conservée bien long-
temps, ne se vit pas obligée d'y re-
noncer sans éprouver de la douleur
et du ressentiment. Pendant près de
vingt ans, Mademoiselle se flatta
d'être un jour reine de France. Elle
n'eût pas été tant occupée de ses pro-
jets d'alliance , si Louis de Bour-
bon, comte de Soissons , ne fût pas
WON
raort en {çagnanllib.UailIeîc la Mar-
iée (lO.'ji). Gaston l'avait (Icsliiic'e à
ce prince, corapaf:;iiou de son exil.
Depuis, Anne d' AuUichc voiilul uuir
Mademoiselle aa cardiaal infant, sou
frère, gouvernenr général de laFlau-
dre: la mort de ce prince, en iG4a,
mit fui à la négociation. Trois ans
après, le roid'Espagnc,PnilippelV,
devint veuf, et il fut question de lui
faire épouser Mademoiselle: Anne et
Mazarin ab iscreut le duc d'Orléans
et sa (il'.e, par des promesses qui n'eu-
rentaticuu résultat. Un émissaire se-
cret du roi d'E>pague fut arrêté et
emprisonne. C'est alors que la jeune
princesse se convaiuq'iit du peu de
désir que le premier ministre, mal-
gré ses protestations de service, avait
de lui être véritablement ntile: elle
eu conçut une baiiie q l'elle jura de
satisfaire, lorsq l'clle en trouverait
l'occasion; et les troubles qui mena-
çaient la puissance du caidinal lui
promettaient de sûrs moyens de ven-
geance. Dans le même temps, Made-
moiselle crut, à ])lus d'iuie reprise,
épouser l'empereur ; elle sacrifia à
cet liynien, qui ne pouvait flatter
que son ambition, le prince de Gal-
les, depuis roi d'Angleterre, Cliarles
II. Ses espérances furent t^Oiupées;
il eu fut de même de sou union avec
rarchidnc Léopold , freiede l'empe-
reur, auquel ou prétendait prociueria
souveraineté des Pays-Bas. Enfin, ou
voulut encore faire épouser Made-
moiselle au duc de Savoie. La car-
rière de cette princesse avait été rem-
plie par dps intrigues l'elatives à ses
projets d'alliance, lorsque les trou-
bles de la Fr.)ude éclatèrent. Par
devoir, elle resta d'abord fidèle à
la cour; ccpeul.uit son esprit fier ,
élevé, cnlropr.'^uant, l'avait fait re-
chercher des Frondeurs. S ju humeur
re-Tiuaute et son ressentiracut au-
MON
3i
raient pu la porter à les e'couler. Au
mois de janvier 1O49, lorsque la
cour quitta Paris, elle hésita à la sui-
vre; il fallut des ordres exprès de
son père et de la reine, pour l'y uc-
ciJer. Elle fut la seule princesse poi r
laquelle les rebelles coni^ervèrent du
respect: ils lui ac.:ordè;ent plus d'u-
ne fois ce qu'ils refusaient à la reiiie-
et , certains qie, daas le fond, xMadt-
inoiscUc leur était enlièreme/it dé-
vouée, ils ne balancèrent point à se
servir d'elle pour gagner à leur parti
des personnes attachées à la cour.
Une première paix suivit cette pre-
mière insurrection. La reine ne vou-
lut pas rentrer aussitôt dans la capi-
tale : Mademoiselle s'y rendit, etf.it
l'objet des égards les plus einpressés.
La tranquillité ne fut pas de longue
durée; mais les chefs des partis
av.nient changé : le prince de Conde
s'était brouillé avec la cour et les
Frondeurs; il en était devenula victi-
me. Monsieur s'étant uni à la reine et
au ministre, sa fd!e ne pouvait
que limiter; d'ailleurs elle avait
Voué, sans raison il est vrai, la hai-
ne la plus déci Jée au prince de Cou-
dé, et elle était heureuse de le voir
persécuté. Eu i G jo, elle accompagna
la cour, lors du voyage de Guieune.
Dans les perpétuelles variations des
aflaires, les intérêts de chacim ne de-
meuraient pas long-temps les mêmes.
Le cardinal ne sut pas ménager ses
alliés ; il se sépara des Frondeurs, et
Mademoiselle se vit de nouveau re-
cherchée par les ennemis du minis-
tre. Dans ce temps , la reine et Ma-
zarin lui témoignaieut la plus grande
confiance; ils lui demandaient sou-
vent son avis. Cette princesse, douée
d'un esprit élevé et propre aux gran-
des choses, placée alors entre deux:
partis , jugeait, avec plus d'impartia-
lité que ceux qui appartcuaieat à l'ua
34
MON
L'alliance de ce prince avec inie Fran-
çaise était nécessaire dans ses inlcjèts
et dans ceux de la France. Turen-
ne, parent de la reine-i:ière de Por-
tugal , et de Mademoiselle , fut char-
gé de la proposition ; elle fut mal
reçue : le ton d'autorité que prit
Tureune, blessa la princesse, et
l'enhardit à refuser un roi dont il
ji'y avait que beaucoup de mal à
dire (i). Mademuiselle fut exilée à
Saint-Fargeau. Elle ne revint à la
cour qu'au bout de dix-huit mois :
en ne lui reparla plus du roi de Por-
tugal, qui était marié, et elle se vit
aussi bien traitée que par le passé.
Nous arrivons à une époque où
un événement singulier va changer
toute l'existence de Mademoiselle.
La pctile-lille de Henri IV, parve-
nue à l'âge de quarante-deux ans ,
après avoir été destinée à tant de
princes et à tant de rois , devint
amoureuse d'un simple gentilhom-
me;, cadet d'une grande maison ,
parvenu par quelques belles actions ,
son adresse et la faveur du roi, à une
charge éminente de la cour. Made-
moiselle entendait parler tous les
jours du comte de Lauzun, comme
d'un homme d'esprit , de mérite, et
qui ne ressemblait en rien à un au-
tre; voilà ce qui commença à le lui fai-
re remarquer: Laréputation df hon-
nête homme ,-a.Q\\sà'\.l-c\\ç ^et d'hom-
me singulier, m'a toujours touchée.
De l'estime elle passa bienîôt à l'a-
mour , et à l'amour le plus vif, tel
qu'on aime à le trouver dans une
personne jeune, et non dans une
femme de quarante ans, ([u'il ne
peut que rendre ridicule. Mademoi-
selle déclara sa passion à Lauzun :
on doit croire d'après la conduite du
(i) C'e'lail Alphonse Heui i VI , «etoiid roi df la
maison de Bragauce , qui se fit chasser , t u 1O67, cl un
tronc dont il était indigne.
MON
comte jusqu'à cette époque, qu'il
l'avait découverte, et il ne négligea
rien pour l'entretenir. Mademoiselle
aimait avec toute l'ardeur de son ca-
ractère : la viinité donna chez elle
encore plus de force à l'amour ; et en
prenant la résolution d'épouser Lau-
zun, elle ne fut pas peu flattée de
l'idée de faire à son amant une for-
tune plus brillante que celle qu'aucun
roi pouvait procurer à un de ses su-
jets. A la lin de novembre 1670, elle
demanda la permission de Louis XIV
pour contracter ce mai'iage; après
quelques délais , le roi, plutôt par
amitié pour Lauzun que par com-
plaisance pour Mademoiselle, l'ac-
corda. On sait quel fut l'étonnement
de la cour à cette nouvelle ( i ). Plus
d'une personne donna le conseil aux
deux amants d'achever le mariage
sur-le-champ: la princesse écouta
cet avis , et se hâta de faire dresser
le contrat , par lequel elle assurait à
son époux une fortune de vingt mil-
lions ; mais l'orgueilleux Lauzun per-
dit un temps précieux en vains pré-
paratifs. Cependant , la reine , Mon-
sieur , le prince de Condé , et surtout
M"*^. deMontespan (2), ennemie de
Lauzun, représentèrent à Louis XIV
le tort que lui ferait une pareille al-
liance chez les étrangers , qui l'accu-
seraient de faiblesse pour un favori.
Le roi, ébranlé par ces remontran-
ces, retira sa permission ( i «ï". décem-
Ère ). La douleur de Mademoiselle fut
extrême : après avoir essayé de tou-
cher Louis par ses larmes et ses priè-
res, elle se livra, dans son dépit, à tous
les emportements d'une passion abu-
sée. On croit que les deux amants se
(i) Oo !e To't , j>ar la lettre si connue de 31™^. d«
Sévigné j iil. de Coulantes, du i5 décembre 167^
(2) .l.'em. rie Clioi'r. fragment inédit d ms l'éditioi
des lettres de M°>°. de Sivigné, par AL de Mi>n
luei-qué.
IVION
dodommagèrciU de leur inallioiir par
une union secrète ; mais on ignore à
({uellc (ipoque ils la contrarièrent ,
.si ce fut avant la prison de I^aiiz-un,
ou seulement après. La première de
CCS deux opinions est combattue par
les Mémoires mêmes de Mademoi-
selle; on y voit qu'après la rupture
de son mariage avec f>aiiznn, onlni
proposa plusieurs princes, et (|uc le
comte, par ge'ne'rosilé , lui conseilla
d'accepter , quelque cliagiin qu'il
dût en ressentir (i). La conduite de
Lauzun, immédiatement après son
retour , contrarie la seconde version,
qui n'est appuyée que sur le conseil
qui en l'ut donne' à la princesse par
M'"^. de Montespan. Mademoiselle
eut la plus grande douleur de l'empri-
sonnement de son amant ( ii5 novem-
bi'c 1G71 )j mais elle ne dit rien qui
fasse croire qu'elle le trouvât injuste ,
ce qui donne à penser qu'il n'était
cause par rien qui eût rapport à
leurs amours ( V. Montespan ).
Pendant dix ans que dura la captivi-
té de Lauzun , Mademoiselle tenta
bien des t'ois inutilement de la faire
cesser : ce ne fut qu'en donnant une
partie de son bien , ainsi qu'on le lui
avait suggéré, aux enfants du roi et
deM'"*^. de Montespan , qu'elle reçut
de celle-ci l'assurance de la liberté
de l'homme à qui elle prenait tant
d'intérêt. Il l'obtint en ellèt, mais
il ne recouvra point sa faveur au-
près de Louis XIY ; et le méconten-
(il Quoiqu'il soit dit dnns 1rs Mi luolris , il est
plus naturel tie croire avec Voltaire , t(ue le mariage
tut lieu avant la (irison (le Lauzuu; d'autres expres-
fiions de IMndemoisclie pourraient le cnoGriner. Ce
qui viendrait encore à l'appui , c'est le fait rapporté
par AïKpictil , dans une note de sou otivrage de ï.oftls
aIV, sa cour, itc, tom. II. Cet hiâturien avait
vu en 1744 • au Trfport , une femme d'environ 70
ou ^5 ans , qu'on disait fille de Mademoiselle , qui
croyait l'être , et ressemblait beaucoup u la princesse:
elle ignorait de qui elle recevait la pi.'nsion dont elle
vivait. L'â^e de celtr femme fait rcni"nter sa uaissan.
«d à l'aniice iC-o ou iG-i.
MON 35
temcnt qu'il en ressentit, joint à
l'airaiblissement que devait apporter
le temps à une passion que peut-être
même il n'avait jamais éprouvée, le
rendit fort indilTérent pour Made-
moiselle : il se laissa plus d'une fois
aller à des insolences que la princesse
soulfrit trop long-temps ( i ). Elle fut
débarrassée de lui , lorsqu'il se ren-
dit en Angleterre ( iGS.j ). Dans ses
dernières années , Mademoiselle se
livra toute entière à la religion, et
ne fut plus occupée que de pratiques
pieuses, jusqu'à sa mort, arrivée lé
5 de mars 1693. Elle n>/aît pas
voulu voir le duc de Lauzun dans sa
dernière maladie. Par son testament,
fait en i685, elle distribuait pour
'îoo,ooo francs de legs pieux , et do
grandes libéralités pour ses domes-
tiques. Monsieur était son légataire
universel. Ce testament en annulait
un de 1670, en faveur de Lauzun ,
et qu'il produisit inutilement. Le
corps de Mademoiselle fut porté à
Saint-Denis, et son cœur au Val-de-
Grâce. L'abbé Anselme fut nommé
par le roi, pour prononcer l'oraison
funèbre de la princesse. Mademoi-
selle était née avec de grandes qua-
lités, et beaucoup des défauts de son
père ; mais elle n'hérita pas du plus
grand de tous, la faiblesse. Pleine
d'orgueil et même de vanité (2), ces
deux sentiments dictèrent toutes ses
actions , même les meilleures. L'am-
bition et les intrigues occupèrent sa
jeunesse : plus lard elle éprouva les
chagrins qui suivent une passion
peu raisonnable et une confiance mal
placée. Enfin, elle finit une vie si
^t) On rapporte i'i ce sujet plusieurs anecdotes qui
ne méritent peut-être pas une eutière croyance, mais
qui atlesteirt les torts de Lanzun à l'égard de la prin-
cesse , à laquelle il devait tout.
(2) j\Iad^m'li^elIe convl( iit cent fois qu'elle étart
plei'ie de fierté ; elle trouvait que cela cocveualt
ijeaucouii à une princesse comme cite.
;36 Mo:^
souvent romanesque, cl une manière
plus couiiniinc, mais plus sage, dans
la tlevotiou et robscurile. Voltaire
loue Mademoiselle, de ec qu'elle fut
la seule personne de la cour, qui ne
porta point le deuil de CromwcU :
le fait n'est point exact. Mademoi-
selle dit ( Méin. t. VI , p. 1 07 ) , que
le- deuil du prince de Conti sauva
l'aflVont que la cour aurait eu de
pi'cndre le deuil du destructeur de
la monarcliie d'Angleterre 5 que pour
elle, elle nç l'aurait pas porte, à
moins d'un ordre exprès du roi.
Seulem««tt Mademoiselle, par égard
pour la reine d'Angleterre sa tante ,
avait demande et obtenu la permis-
sion de ne "point se trouver au Lou-
vre , toutes les fois que les ambas-
sadeurs de Cromweil y venaient. On
a de cette princesse des Mémoires
qu'elle commença, comme elle nous
l'apprend , dans son premier exil ,
qu'elle discontinua et reprit dans
l'année 1O77, et qu'elle conduisit
jusqu'en 1688. Us sont plus, a dit
Voltaire, d'une femme occupés
d'elle, que d'une princeise témoin
de s.rands événements. Eu efièt , on
y trouve une foule de minuties j les
faits im]»ortanls y sont rapportés
d'une manière incomplète, taudis que
des intrigues subalternes , des détails
fastidieux d'affaires a intërêi:, de cc-
re'monies , d'étiquette , de fétos ,
remplissent l'ouvrage et abusent le
lecteur. Mademoiselle écrivait d'a-
près ses souvenirs j d'où il arrive
qu'elle retrace imparfaitement eu
quelques pages, ou bien omet eulic-
/ rement , les événements de plusieurs
années. Le style des Blcnioires est
peu correct; le récit , souvent embar-
rassé et fatigant. ^Néanmoins il s'y
rencontre des clioses curieuses ; par-
fois le fil d'une intrigue conduit à la
découverte d'une iinportante vérilé
MON
Lisloriqne. Il y a de nombreuses édi-'
tions de ces Mémoires : la meillcimr
est celle d'Amsterdam ( Paris ) ♦
1740, 8 vol. iu-iu (i). On y a joint
différents opuscules de Mademoi-
selle. I. La Relation de Vile imagi-
naire , et V Ilisloii'e de Icf princesse
de Paphlagonie. Ces deux bagatelles
sont écrites avec plus de facdité et
de correction (pie les Mémoires. La
dernière fait allusion à quelques par-
ticularités de la vie de plusieurs
personnes qui entouraient Made-
moiselle ; elle y paraît elle-même ,
sous le nom' de la reine des Ama-
zones. IL Un grand nombre de Por-
traits; il y eu a dix-sept, faits par
Mademoiselle : ils ont les défauts na-
turels de ce genre dt; composition ,
qui n'était, dans ce temps, qu'un
amusement du société; ce sont des
flatteries , à commencer par le por •
trait de la princesse , écrit par elle-
même : ils avaient été imprimés en
1G59. On ajoute aux OEuvres de Ma-
demoiselle ses Lettres à M'"'=. de
Mottcville , et celles de cette dernière
à la princesse , ainsi qu'un roman in-
titulé : Amours de Mademoiselle et
du comte de Lauzun , rapsodie dé-
testable, dit Voltaire, et l'ouvrage
de quelque valct-de-chambre. Enfin,
il nous est encore resté de mademoi-
selle de Moutpensier un petit ouvra-'
ge de piété : Jiéjlexions morales et
c'nréliennes sur le premier livre de
l' Imitation de J. C. , qu'on va réim-
(1) On roBsei-ve à ]a bil)lio>)'C(|UC au Roi deux mn-
Diisirils des MèiniMies de IxD^':. dt- Montpellier. (In
H lout lieu tie croire eue le preïiiîcr e5t autof^rapfie .
quoique rien ne l'indique d'une ludnière cei l^iine ,
et qu'on u'iiit pas de pièces authentiques qui puissent
ser\ir de point de coiuparaisnn. Ou reconnaît la vi-
laine écriture dont Madrnioistlle s'accuse elle u:èiiie.
n manque à ce précieux lounu^crit l'équivalent des
I '»o premières paires de l'édition d'Ânjsterdani ; il y
a de plus, quelques laruius dans l'i»uvi'a;;e. Ce lu^tniLs-
crit ne contient d'ailleurs que les niémuires propre-,
ini.nt dits , it non 1-s autres piî-ces i|u'ou y a joiaUt.
Le iccoud , Cil niùciiiuiiiil uue copie.
MON
primer dans une collection des OEii-
vri;s des Bombons, iniiioiicèe il y a
(jiiel((iie temps; ravcrlisscmciU pla-
ce' eu lèle des Rellexioiis , attriUie à
Mademoiselle mi écrit sur les héa-
tiliuies , ((iii n'est pas connu. D — is.
MONTPETlï ( AiniAND-Vm-
citNT DE ), artiste rec'.>mmandal)le,
ne à Màcon , le 1 3 décembre 1 7 1 3 ,
iit ses premières éludes à Dijon , et
i'it envoyé, à l'à^c de quinze ans, à
Lyon, où il étudia la jurisprudence,
et cultiva les arts et la mécanique.
11 apprit à peindre, sans maître, et
copia les meilleurs tableaux qu'il put
se prociirer : s'étant marié à Bourg,
eu 1749? d (it exécuter dans cette
ville une charrue de son invention ,
qjie deux, hommes pouvaient mettre
facilement en œuvre , sans le secours
d'aucun animal. II fit , en 1753, un
voyage à tParis , pour connaître les
artistes ; il y apportait dillérenles
pièces d'horlogerie , et une machine
pour le finissage des roues , dont la
simplicité étonna les connaisseurs.
Ayant perdu, en 1 763, la plus grande
p.iriie de sa fortune , qu'il avait pla-
cée sur les vaisseauK d'un armateur
corse , il se vit forcé de chercher des
ressou.rces dans les arts, qu'il n'avait
cultivés jusqu'alors que pour son
agrément. Il se livra tout entier à la
peinture, et fut admis à l'honneur
de faire le portrait de Louis XV ,
dont il multiplia les copies par l'or-
dre de ce prince. Montpetit avait
imaginé, quelques années auparavant
( 1759), une nouvelle manière de
peindre la miniature , qu'il nomma
éludoricfue , parce qu'on n'y em-
ploie que l'huile et l'eau. Il fit cons-
truire , en T770 , le premier poile
hydraulique , et introduisit à Paris
l'usage de mettre sur les poîles des
vases pleins d'eau. Il présenta suc-
cessivement à l'académie des scien-
MON
37
ces, sur des objets d'utilité publique,
dilférents Mémoires, qui furent .ic-
cueillis par celte savante compagnie.
En 1793, le bureau de consultation
lui décerna une gratiiicalion'de 8000
francs , en récompense de sô^n zèle
])our les progrts de la mécanique.
Monipelit mourut à Paris, le3o avril
1800. II a publié : I. Note sur les
moyens de conserver les portraits
-peints à l'huile , et de les faire passer
sans altération a la postérité, Paris ,
1776, in-8°. ; son procédé fut ap-
prouvé par l'académie. II. Prospec-
tus d'un pont de fer d'une seule
arche ( de 400 pieds d'ouverture ) ,
pour cire jeté sur une grande rivière,
ibid. , 1783, in- 4°. 111. Observa-
tions phjsico-inécaTiiques sur la
théorie des ponts dejer; daus le
Journal de physique , ann. 1788,
tom. !'='■. Les inventions de Montpe-
tit sont décrites dans le Dictionnaire
des arts , de l'abbé Jaubert j ou-
vrage auquel il a fourni plusieurs ar-
ticles. Lalande a donné une iVb-
tice sur cet artiste, dans le Magas.
encjclopéd. , ann. 1800, tom. i^i".
W— s.
MONTPL AISIR ( René de Bruc ,
marquis de ) , puète français , d'une
ancienne famille de Bretagne , était
oncle de la maréchale de Créqui , et
se fit autant de réputation dans les
armes que dans les lettres. Ami de
Saint-Pavin , de Charleval et de La-
lane , connus tous les trois dans la
poésie légère , il s'attacha plus étroi-
tement à ce dernier , avec lequel il
servit, en i636, contre les Espa-
gnols, quiavaienlenvahi la Picardie.
A son exemple , il chanta l'amour
malheuieux , et les agréments de la
vie champêtre; plus tard, il com-
posa un grand nombre devers pieux ,
mais qui ne nous sont pas parvenus.
Pour prix de ses services , il fus
3§ MON
nomme, en 1671, lieutciianl de roi
à Arras ; cl l'on croit qu'il mourut
en cellç ville, vers 1673. Montplai-
sir passe pour avoir initié la com-
tesse de La Snzc dans les secrets de
l'art des vers; et l'on conjecture qu'il
gi eu. quelque part aux élégies pu-
bliées sous le nom de celte dame
( F". La SuzE ). Les vers de ce
poète, disséminés dans les Recueils
du temps , en ont été extraits par
Lefèvrc de Saint-Marc , qui avoue
s'étie fié à son t.ict pour les distin-
guer. II en a formé un petit volume
qu'on trouve oïdiuaircment réuni
aux Poésies dt' Lalane, Amsterdam
( Paris ) , 175») , in-i2 ; l'éditeur y
a joint des recherches sur la vie de
l'auteur, et une table raisounée , qui
l'enferme des parliculaiMtés littérai-
res assez inléicssantes. Les poésies
de Montplaisir consistent, en stances,
sonnets , épigrammes , chansons ,
etc. : de toutes les pièces , au nom-
bre de trente-cinq , que renferme sou
recueil , les deux plus remarquables
sont une Eglogue sur la maladie de
Daphnis ( Louis XIV , enfant ) , et
d'Aminte ( M'"<^. de La Suzc ) ; et un
poème , intitulé : le Temple de la
gloire, adressé au duc d'Enghicn,
à l'occasion de la victoire de Norl-
îingne ( V. Montigny ).
F— T et W— s.
MONTRÉAL d'ALBANO ou
Fra Moriale, général d'une ar-
mée d'aventuriers , au quatorzième
siècle, était un gentilhomme proven-
çal, chevalier de Saint- Jean dcJérusa-
lem. II se distingua au service du roi
dcHorigric, dans les guerres du royau-
me de ÎNaples. Il y avait appris adon-
ner nne certaine régularité au bri-
gandage, et à maintenir quelque dis-
cipline parmi des soldats auxquels
tous les crimes étaient familiers. Par
cette association de la règle avec la
MON
licence , il rassembla une de ces ar-
mées de brigands, qu'on nommait
compagnies d'aventure, avec laquelle
il resta dans le royaume de Naples ,
en i35i , après le départ du roi de
Hongrie. La reine Jeanne, pour s'en
délivrer , envoya contre lui Malatcsli
de Rimini, qui assiégea Montréal, eu
1 352, dans Avei'se, et qui le contrai-
gnit de sortir du royaume, après
avoir restitue tout le butin qu'il y
avait fait. Montréal, avec le petit
nombre de soldats qui lui étaient de-
meurés fidèles, se mit à la solde du
préfet de \ico, seigneur de quelques
A'illes du patrimoine de Saint-Pierre;
mais dans cet abaissement même, il
nourrissait de plus vastes projets. Il
avait écrit à tous les connétables qui
commandaient des gens de guerre eu
Italie, pour leur olïrir une solde et
du service , comme dans los troupes
réglées , et leur promettre en même
temps toute lalicence dont jouissaient
les soldats des compagnies d'aventu-
re. Par ses promesses, il attira sous
ses drapeaux quinze cents gendarmes
cl deux mille fantassins, et il condui-
sit aussitôt celte troupe contre Mala-
tcsti, seigneur de Rimini, dont il vou-
lait se venger. Il entra dans ses étals
au mois de uoA'cmbre i353, cl y
répandit la désolation. Cependant
Montréal avait donncà sa compagnie
un gouvernement régulier; il avait
nommé un trésorier, des conseillers,
des secrétaires, avec lesquels il dé-
libérait sur les intérêts communs
de la bande. Des juges maintenaient
la paix dans son camp , et faisaient
observer entre ses soldats une rigou-
reuse justice, tandis que Montréal
leur laissait exercer toute espèce de
brigandages contre les habitants des
pays où ils portaient la guerre. Le
butin était partagé d'une manière
régulière entre les officiers et les
MON
soldats : il était vendu ensuite à des
marchands, qui suivaient l'armée
pour racheter les edets pillés, e( que
Montréal prenait sons sa protection.
Par cette discipline , il faisait rcp;ner
l'abondance dans son camp. Les gens
de guerre ne parlaient en Italie que
des richesses qu'on acquérait à sou
service; et de toutes parts ils venaient
se ranger sous ses drapeaux. Mont-
réal, après avoir rava;^é le territoire
de Riinini, et obligé le seigneur de
cette ville à lui payer une grosse
rançon , vint menacer les républi-
ques Toscanes. Il fit alliance avec
celle de Pérouse, où il voulait s'as-
surer un asde au besoin ; mais il
mit à contribution Sienne , Flo-
rence et Pise. 1! engagea ensuite sa
bande à la solde d'une ligiu^ for-
mée en Lorabardie contre les Vis-
conti ; et , après en avoir confié le
commandement au comte Conrad
Lando , son lieutenant, il vint avec
luie suite peu nombreuse à Pérouse
et à Rome, sous prétexte d'y régler
des affaires domestiques , et dans le
fait, pour se ménager des intelligen-
ces dans le midi de l'Italie, où il
comptait ramener au printemps sa
terrible troupe. Mais, a son arrivée
à Rome, Colas fie Rienzo, auquel les
frères de Montréal avaient rendu
service, fit saisir cet aventurier, et
le fit ti'aîner devant son tribunal. Un
acte d'accusation fut dressé contre
lui, pour avoir attaqué sans provo-
cation les villes de la Marche et de
la Romagne; pour avoir porté le fer
et le feu dans les campagnes de Flo-
rence, de Sienne et d'Arezzo; pour
avoir commandé une troupe de bri-
gands souillés de i-apiues et de meur-
tres: et comme il n'opposait à des
faits aussi notoires , que le droit
prétendu de la guerre , le tribunal
<iéclava que le titre de général n'atté-
MON
3^
nuait point des crimes qu'on punis-
sait chez les autres malfaitciu's • il
condamna Montréal à la peine de
mort, et il lui fit trancher la icle à
Rome, le '>.g août i354. S. S — i.
MONTRÉSOR ( Claude de Bour-
DEiLLE , comte DE ) , ué vers 1G08 ,
d'une ancienne et noble famille , re-
çut une éducation conforme à sa nais-
sance ; et le fameux abbé de Bran-
tôme , son grand-oncle , le voyant
51 bien élevé et si joli, lui légua sou
château de Richemont. Attaché dès
sa première jeunesse à Gaston , duc
d'Orléans, il futpourvu,dans la suite,
de la charge de son grand-veneur. Il
succéda à Puy-Laurent dans la con-
fiance de Gaston , dont la faiblesse lui
rendait nécessaire un favori; et il le
capliva au point que ce prince n'osait
plus rien entreprendre sans ses con-
seils. Montrésor, naturellement am-
bitieux , profita de l'ascendant qu'il
avait sur sou maître poupeloigner de
lui toutes les créatures du cardinal de
Richelieu. Il facilita plusieurs entre-
vues entre Monsieur cl le comte de
Soissons , et leur communiqua nu
plan qu'il avait formé pour se dé-
barrasser du premier ministre, dans
le cas où l'on ne réussirait pas à
forcer le roi de le renvoyer. Ou ne
peut guère douter que Montrcsor ne
se fût chargé, avec Henri des Gars ,
son cousin , favori du comte de Sois-
sons , de faire assassiner Richelieu :
mais le coup manqua par la timidité
des princes; et l'on en levint à l'idée
de former un parti pour l'expulser
du royaume. Tandis que Montrésor
était en Guienne , occupé à séduire
le duc d'Épcrnon , le complot des
princes fut éventé ; et Monsieur se
hâta de faire la paix avec Richelieu,
sans rien stipuler pour son favori.
Montrésor se retira dans sa terre , o\x
il passa cinq à six ans , n'y recevant
4o
MON
personne , pour eloi^^ner tout soup-
çon d'intrigue, mais voyant toujours
en secret Gaston , quand ce prince
venait à Blois. 11 entra malgré lui
dans la conspiration de Cinq-Mars
( F.Ci>q-Mars, Mil, 57'i ),eteut
la douleur de se voir aliandonuer nne
seconde lois par Gaston, qui desavoua
tout ce que Montre'sor avait fait par
ses ordres , et déclara en outre que
c'était ce favori qui l'entretenait daus
l'esprit de faction. Il n'échappa à la
vengeance de Pdclielieu qu'en fuvant
en Angleterre ; mais ses biens furejit
saisis, et l'ordre de l'arrêter pro-
clame' à son de trompe. Il revint en
France après la mort de Riclielieu
( 1643). Monsieur ayant exigé qu'il
parût avoir quelque déférence pour
son aumônier , l'abbé de la Rivière
( /^. Rivière ) , Monfrésor, qui mé-
prisait ce favori , préféra vendre sa
charge de grand-venem-, et s'éloigna
de la cour. Il reçut, peu de temps
après, l'ordre de quitter Paris; mais
il se justifia facilement des soupçons
auxquels sa liaison avec le duc de
Beaufort avait donné lieu ( F. Beau-
tort , III , 6^5 ). Ennuyé de se trou-
ver sans emploi, il veudit une p;irtie
de ses biens, résolu de se fixer en
Hollande: ses affaires Taj-ant rappelé
à Paris , en i645 , il y reçut deux
lettres de la duchesse de Clievreuse ,
qui le priait de lui faire passer ses
pierreries en Angleterre. Cette corres-
pondance avec une exilée le rendit
suspect au cardinal ?ifctzarin. If fut
arrêté , au moment où il se disposait
à retourner en Hollande , et conduit
à la Bastille, d'où il fut transféré au
château de Viucennes. Il passa qua-
torze mois dans celte prison , gardé
à vue , et traité avec mie telle ri-
gueur, qu'il était souvent privé d'en-
tendre la messe. Enfin , le cardi-
nal , touché àçi soUicilalious de ses
MON
parents , lui rendit la liberté, en lui
faisant olfrir son amitié. Montre'sor
ne jugea pas devoir mettre a l'épreuve
la bonne volonté du ministre , qu'il
méprisait , et se contenta de lui ren-
dre , de temps en temps, des visites
de politesse. Des rapports de princi-
pes et de caractère le lièrent bientôt
avec le coadjuteur , l'un des adver-
saires les plus dangereux de Maza-
rin, et il joua un rôle trcs-aclif dans
les troubles de la Fronde. Les fac-
tieux s'étant divisés en i65o , Mon-
trésor resta uni au parti qui n'a-
vait pour objet que l'honneur; et il
entra daus les vues des grands qui
voulaient profiter de leur position
pour obtenir le rétablissement des
privilèges de la noblesse. Il se récon-
cilia cependant avec la cour en i G53 .
et fut rétabli dans la jouissance de
quelques bénéfices qu'il possédait ,
entre autres l'abhaye de Brantôme,
qui était comme héréditaire dans sa
famille. Mais il ne cessa pas ses liai-
sons avec le cardinal de Retz ; et il
continua de lui adresser, dans son
exil , de fort bons conseils. Mon-
tre'sor passa les deiyières années de
sa vie , étranger aux intrigues , et
mourut au mois de juillet iG63 ,
d'une maladie de langueur. Son at-
tachement pour IM'l*^. de Guise a
fait conjecturer qu'il y avait entre
eux un mariage de conscience ; mais
on n'en a jamais trouvé la preuve.
Les défauts de Montrésor étaient ba-
lancés par ses qualités. En blâmant
son ami>ition et son goût pour les
intrigues , il faut convenir qu'il était
généreux, sincère , et ami dévoué.
On a de lui des Mémoires , intéres-
sants par le ton de candeur et de
bonuc-foi qui y règne. Ils ont été
insérés dans le Recueil de plusieurs
pièces servant à l'Histoire moderne '
Cologne (Elzéviers), i(i63; in-12'
MON
et rcimpiiine's par les mêmes Elzc-
\icrs, Leydo , i6G.5 , -i vol. in-i'Jt ,
tTvcc diverses pièces pour l'hisloiie
du temps. Ou trouvera dans le toine
XV des œuvres de Draïuôme , c'd.
de Le Ducliat , une Notice curieuse
sur le comte de Moutresor, que l'écii-
tcur annonce avoir tirée du cabinet
de Cicrarabaud. W — s.
MONTREUIL ( i ) ( Jean de ) , né
à Paris , en i6i3 , d'un avocat au
parlement, suivit quelque temps la
profession de son père. Il y renonça
pour s'attacher à Pomponne de Bel-
lièvre : on lui reconnut du lalcnt pour
les négociations ; et , sous les aus-
pices de son protecteur , il (ut en-
voyé à Rome et en Angleterre , en
qualité de secrétaire d'ambassade. Il
])assa de là en Ecosse , avec le titre
de résident ; il y servit utilement
son gouvernement, et il crut signa-
ler son zèle pour Charles I*^''. , en
agissant pour qu'il fût l'erais entre
les mains des Ecossais. De retour en
France , il accepta la place de secré-
taire des commandements du prince
de Gonti; et lorsque celui-ci eut été
enfermé à Vincennes avec le duc de
Longueville et le Grand-Conùé, Mon-
treuil ne cessa de correspondre avec
eux et de s'agiter pour leurs intérêts.
Il ne fut pas récompensé de son dé-
vouement , sa mort ayant suivi de
près l'élargissement des pi inces. Jean
de Montreuil était de l'académie IVan-
(0 Quelqiips lilograplies c'crlvenl MonUreul: et
Pcllisson ((iai..,]'/:/n/;a àeVIIiiloiie de l'ucacU-
iiiie française ) , dil que celle orlhoginplie est la vé-
ritable. Nous avous cru ilevoir écrire Montrettil ^
coiuiue portent le titre des œiivris de Maltbieu , sii-
jrl de l'article suivant, et les deux vers dt- Iioiieau ,
cités dans le même article : il serait pourtant permis
lie croire que ISoilcau n'a écrit ce nom ainsi que pour
Il commodité de la rime — Uu autre Jcau DE ÏJON-
TREUU. , médecin de liourges , professeur au rollege
royal h Paris, mort eu i()47 , et donl le nom s'icri-
vail Monsiroeil , a ini article J itis le Mémoire hùtoi:
et liltéruire <lu culté^,- ,U Francs, par Oouict.
Voyez aussi son orai^m fiiÉii-l>ii- ( ci lati'i ) , j-ar Cli.
Le Breton, Pans, l6^7, iu-Su. de 3ji p. C. »i. P.
MON 4 '
raise. 11 avait été pourvu d'un cano-
nicat du chapitre de Tout , et il jouis-
sait de ])ensions considérables sur
des bénéticcs. Il mourut ^ le '^7 avril
iG5i. F — T.
MONTREUIL ( Matthieu de ) ,
frère du précédent , né à Paris , en
1620 , porta l'hibit ecclésiastique
sans être engiigé dans les ordres sa-
crés; c'était un abbé à la manière de
Marigny , d'une humeur enjnuée et
paresseuse , faisant négligemment de
petits vers, pariant uu peu l'italien
et l'espagnol , aimant les voyages et
surtout les femmes , et ne craigiwnt
même point sur ce chapitre un peu
de scandale ; réunissant j)ar-dessus
cela , toutes les faiblesses d'un petit-
maître, et les fadeurs obligées de la
galanterie du temps (i). Son peu-
-chaut pour les plaisirs mit obstacle
à sa fortune ; il s'en consola par la
possession d'un patrimoine assez ri-
che et d'un gros bénéfice en Breta-
gne, dont il ne manquait jamais d'an-
ticiper les revenus. Il mourut à Va-
lence ( et non à Aix ) , eu juillet
169':» , entre les bras de l'évêque
( M. de Gosnac ) , son patron et sou
ami. Ses œuvres furent publiées à
Paris , i666 , chez Billaine , iii-12 .
de plus do 600 pages. L'auteur en
soigna lui-même la deuxième édi'
tion , en 1671. La plus grande par-
tic du volume consiste en lettres ga^
lantes sur le modèle de Voiture :
c'est , avec moins d'agrément , le
même jargon sentitncnîal ou louan-
geur , le même goût de plaisanterie ,
la même profusion de pointes. L'au-.
teur nous apjirend qu'il avait entre-
pris de commenter le Cprus de
W^". Scudéry ; et l'on sent qu'il
avait toutes les dispositions requises
T, <'■> peut voir, dans ses Lettres, comlii
Jit ido!àU-e de la Lcautu de s..i dents.
4^
MON
pour développer la quintessence ine-
taphj'sipie de ce tendre et intermi-
nable oiivnge. On prend une idée
plus avaiiîdL;eu.se de l'esprit de Mon-
Irenii en ])arcourant ses epigrammes
et SCS madrigaux. : ils se trouvaient
dissémines dans tons les recueils du
temps , grâce à l'empressement des
libraires plutôt qu'a la gloriole de
l'auteur; ce qui lui attira ces vers de
Boilcau ;
Od ne voit point iiips vers, .'. T'iivi (îeMtinlreuil ,
Grossir iiupuiiLiiicul les tVuille> d'un recueil.
Le poète et l'ablje-rimeur n'en de-
nieinèrcut pas moins bons amis. Ce-
lui-ci avait une sœur Ursuline ,
dont on vantait l'esprit et la facilite
pour les vers. Montreuii lui adresse
souvent des missives, dont le ton est
parfois plus qne leste. Il pensait sans
doute, comineDuclos, que les femmes
les plus honnêtes étaient aussi les
plus disposées à entendre des choses
libres. M. Cimpeuou a publié , en
ï8o6, les lettres choisies de Balzac,
Voiture, Pellisson, Roursauît et Mou-
treuil , 1 voi. in- 1 2. On trouve, dans
le tome i^^ des Mélang. histoiq.
delMichanh, un Mémoire sur la vis,
le caractère, l'esprit et les ouvrages
de Matthieu de Moutreuil , jiag. 83-
94- F — T.
MONTLIEUIL ( Eudes de ). F.
Eudes.
MONTREYEL. F. Baume.
MO.MFiOSE oa MONTROSS
( Jacques Graham , comte et dt:c
DE ) , l'un des plus intrépides défen-
seurs de Charles P-. , naquit à Edin-
bourg, en iGiu. Une partie de sa
jeunesse fut employée à parcourir
l'Europe: il acquit, dans ses vovages,
des connaissances très-variées. Avant
que les troubles civils éclatassent ,
il avait olVert ses services au roi ;
mais le duc d'flamilton, qui jouissait
MON
de la confiance exclusive de ce prince ,
mit ob.stacle à ce que Mont rose fût
accueUli avec la distinction à la-
quelle il croyait avoir des titres. Les
Covenanlaires profitèrent de son
mécontentement pour l'attirer dans
leur parti. Il y donna les premières
jireuvcs du courage et des talents
militaires dont il était doué. Mais
bientôt , chargé d'une mission im-
portante auprès de Charles l*^"". , qui
était alors à Berwick , il fut si touché
des manières affables de ce prince ,
que , de ce moment , il se voua en
secret à son service. Une corres-
pondance très-active s'établit entre le
monarque et lui. Dans la seconde in-
surrection, les Covenantaires lui con-
fièrent un grand commandement; et
il fut le premier qui passa la T^veed ,
à la tête de ses troupes , dans l'inva-
sion de l'Angleterre. Ce fut , à cette
époque, qu'une lettre qu'U écrivait
au roi tomba entre les mains d'Ha-
milton , qui eut la bassesse d'en en-
vover une copie à Leven , général
écossais. Montrose, accusé de trahi-
son et de correspondance avec l'en-
nemi , n'échappa à une perte cer-
taine que par l'énergie de ."^on carac-
tère. Il avoua la lett'e, et interpel-
lant les autres généraux , il leur
demanda s'ils osaient appeler leur
souverain un ennemi. Depuis ce jour,
il dissi.'nula peu ses principes , et
tacha d'engager ceux qui pensaient
comme lui , à se lier par un acte
d'association. Le duc d'Hamilton ne
cessait de contrarier ses projets; mais
à la fin les vives représentations de
Montrose prévalurent. Hamilton, de-
venu suspect , fut envoyé en prison;
et l'audacieux Montrose obtint une
espèce de carte-blanche. Il commen-
ça par rassembler les moyens d'agir.
A l'aide de plusieurs déguisements ,
il négocia directement avec les roya-
MON
li'sles les plus zëlcs. C'est ainsi ([u'il
obtint un corps de onze cents Irlan-
dais. Ses Écossais n'étaient pas eu
nombre l)eauconp phis considéra-
ble. C'est ccj>endant avec cette i'aible
tronpe qn'il ouvrit , en iG45 ^ ci-'^lc
carrière d'exploits qui ont illustré
son Jiom. 11 fond sur lord Elelio ,
qui était à Perth , avec six mille
hommes : il en passe un tiers au
fil de l'epéc, et fait mettre bas les
armes à tout le veste. A Aberdeen ,
lord Burleig, à Innerlochy , le com-
te d'Argyle , éprouvent la valeur de
son bras. Le conseil d'Edinbourg
s'alarme : il implore les secours des
parlementaires anglais. Caillie et Ur-
rey attaquent Montrosc de deux cotés
à-la-fois ; il les défait l'un et l'autre.
Ce fut dans un de ces coml>ats , qu'il
blessa , de sa propre main , Crora-
well, déjà devenu célèbre. Ne sachant
plus quelles armes emploj^er contre
Monlrose , le parlement d'Ecosse
l'avait proscrit , et l'église puritaine
l'avait excommunié. Enfin , le mal-
heureux Charles I*^^. , s'éîant remis
entre les mains des Écossais , or-
donne à son fidèle défenseur de dé-
sarmer : Montrose n'obéit qu'à re-
gret. Il se retira en France : trcs-
froidemcut accueilli par Mazaria , il
passa en Allemagne, où il prit part
aux dernières campagnes delà gueri'e
de Trente Ans, et s'éleva, par son
courage , au grade de maréchal de
l'empire. P.îais , dès qu'il apprit la
mort tragique de Charles î*^'. , il ne
songea plus qu'à ses devoirs ; et il
courut offrir ses services à Charles
II, qui était alors à La Haye. Ce
prince les accepta avec reconnais-
sance : le nom de Montrose seul était
déjà un appui pour la cause royale.
Le roi de Danemark et le duc de
Holstfin lui envoyèrent des secours
d'argent : la reine Christine lui four-
MON
43
nit des armes , et le prince d'Orange
des vaisseaux. Monli use se hâta de
s'embarquer , et de se porter sur les
Orcades. Il arma plusieurs habitants
de ces îles , et descendit avec sa [)etite
armée sur les côtes du comte de
Cailhness (avril iG5o). Il se flattait
que l'aspect de l'étendard roval suf-
fi) ait pour sotdever le pays eu faveur
de Charles II ; mais tout le monde
était las des troubles et de la guerre.
Les états ordonnèrent à leur général
David Lesley de marcher contre les
royalistes. Montrose , sans cavalerie
pour s'éclairer, fut surpris par celle
du colonel Stravvghan. Sa troupe
lâcha pied ; et lui-même se vit con-
traint de fuir , déguisé en paysan.
Après avoir erré plusieius jours dans
les rocliers qui bordent la côte,
épuisé de faim et de fatigue , il re-
clama l'assistance d'un de ses anciens
officiers , nommé Aston: cet homme
promit de le caclier; mais bientôt,
séduit par l'appât de deux mille livres
sterling, promises à quiconque livre-
rait Montrose , il eut l'infamie de li-
vrer son général et son ami. Lesley en-
voya aussitôt Mont rose à Edinbourg.
Tous les outrages que peut inventer
la fureur de l'esprit de parti, furent
prodigués à l'inlréj^ide guerrier , sans
que sa grandeur d'ame en fût altérée
un seul moment. Le parlement re-
belle le condamna à être pendu à un
gibet de trente pieds de hauteur. La
sentence po;tait, de plus, que ses
membres seraient attachés aux por-
tes des principales villes d'Ecosse :
« Ah I s'écria Montrose , que ne me
» coupe-t-on eu un assez grand «cra-
» bre de morceaux, pour rappeler
)) à chaque village du royaume ia
w fidélité qu'un sujet doit à son roi? î)
Il mit même cette pensée en assez
beaux vers; il avait toujours cultive'
les lettres. 11 marcha au supp'ice
4i MON
comme il marchait au coinbal ; il
liaiangiia le peuple , et l'exhorta vi-
vement à rentrer sous l'aulorite légi-
time de Charles II, fils, dit-il, de
Cluirles le Martjr. Pomait il penser
fjue cette expression, (piil employait
pour la première fois , serait , un
jour, consacrée par l'usage dans
toute la Grande - Bretagne ? Ainsi
périt, le 21 mai i5jo, à l'âge de
trente-huit ans , ce héros , modèle
des vrais royalistes. Le cardinal de
lletz le peignit par ce seul mot :
« C'est un de ces hommes qui ne se
)) rencontrent plus dans le monde ,
» et qu'on ue retrouve que dans Pju-
w îanjuc. » S — V — 5.
MONTUCLA ( Jean -Etienne ) ,
savant mathématicien, né à Lyon
en 1725, était fils d'un négociant ,
qui le destinait à la carrière du com-
merce; mais envové au collège des
Jésuites de cette vilie , l'un des éta-
Llisscraents les plus complets que la
Société eût eu France , il s'appliqua
aux langues anciennes et aux ma-
thématiques avec une ardeur qui ré-
véla sa vocation, et lui mérita la
Kienveillance de ses maîtres. Resté
orphelin à l'âge de seize ans, il aila
suivre un cours de droit à Toulouse;
et après avoir pris ses grattes, il vint
à Paris perfectionner sou éducation
dans la société des savants et des ar-
tistes. Admis aux réunions littéraires
qui avaient Jieu chez Jombert , li-
braire instruit ( F. Jombert , XXI ,
(joH), il se lia bientôt avec Lcblond ,
d'Alembert, Cochin^ etc., dont les
conseils furent très utiles au jeune
mathématicien. Possédé, comme il le
disait lui-même, du démon delà volr-
glotiomaide , Montucla avait appris
sans maître l'italien, l'anglais, l'alle-
mand et !e hollandais; il joignait à
mie instruction solide autant que
\ ai iée, une mémoire brillante; une
RION
clocuUon vive et animée. Tous ce*
avantages le firent proraptement con-
naître; et il fut associé à la rédac-
tion de la Gazette de France, jour-
nal presque uniquement consacra
alors a la littérature et aux sciences.
Dans le même temps il publia chez
Jombert quelques opuscules, en gar-
dant l'anonyme ; et il préparait l'ou-
vragç qui lui assure une place distin-
guée parmi les meilleurs analystes
d'un siècle oîi les sciences exactes ont
brilléd'un si grand éclat. Bacon avait
fait voir de (juelle utilité serait l'his-
toire des développements de l'es-
prit humain dans ses diverses bran-
ches; et Montmort, digne d'entrer
dans les vues de ce grand homme, s'é-
tait occupé de tracer V Histoire des
mathématiijues ( F. Monthiort ) :
mais son ouvrage était perdu, etMon-
tucla, à peine âgé de trente ans, osa
concevoir l'idée de réparer cette
perte. Les difficullés de toute espèce '
que présentait ce travail immense,
ne furent peint capables de le rebu-
ter; et il fit j^ruaitre, en 1768, la
première édition de cet ouvrage , où
l'on ne sait ce qu'on doit le plus
admirer, de l'élendue et de la profon-
deur des recherches, ou delà clarté et
de la précision avec laquelle y sont
traitées les matières les plus abstrai-
tes. Appelé à Grenoble, en 1761,
pour y remplir les fonctions de se-
crétaire de l'intendance, il y forma,
quelques années après, une union qui
contribua au bonheur du reste de sa
vie. Le chevalier Turgot, chargé, eu
17 04, de l'établissement d'une colo-^-
loiiie à Caienne^ demanda Montucla,
qui l'accompagna comme premier
secrétaire, litre auquel il joignit ce-
lui d'astronome du roi. L'expédition
ne fut pas heureuse. Après une absen-*
ce de quinze mois ,31ûutuc!a revint,
rapportant des observations dou6
MON
©n rcgrcltc la ])crtc', des plantes cu-
rieuses pour les serres de Versailles,
et le haricot sucré , ([iii a angineiite
le iiornljrc de nos Ic^iiraes. Il se liàta
de rejoiiidie une epuiise cliciie, qu'il
avait laissée à Grenoble; mais Co-
cliiu , lui ay.iiit procure , peu après ,
la place de preuiicr commis des bâti-
ments de la couronne, il revint se fi-
xer à Paris, au milieu de ses anciens
amis , à qui sa position lui permit de
rendre les services qu'il en avait i^c-
çus, d'autant plus qu'il fut aussi nom-
me' censeur royal. Les devoirs de sa
charge, et i' étude des mathemaliques,
qu'il n'abindonna jamais tout-à-fait,
partagèrent sa vie pciidaut vingt-cinq
années. La rc'volulion, en le privant
de ses traitements, le laissa sans for-
tune : sa générosité ne lui avait pas
permis de s'occuper de l'avenir; et
sa modestie, autant que la prudence,
l'empêcha de réclamer. Compris , à
son insu , dans une liste de savants à
qui le gouvernement accorda des se-
cours , il fut charge, en 1795, de
l'analyse des Traités déposés aux ar-
chives des affaires étrangères. La
même année , il fut nommé profes-
seur de mathématiques à une des
écoles de Paris ; mais sa mauvaise
santé l'éloigna d'un emploi qu'il n'a-
vait point sollicité. Retiré à Ver-
sailles , il y travaillait à la nouvelle
édition de l'Histoire des mathéma-
tiques, augmentée de toutes les dé-
couvertes du dix - huitième siècle ,
lorsqu'il mourut d'une rétention d'u-
rine, le 18 décembre 179c). Depuis
deux ans , un bureau de loterie était
la seule ressource de sa famille ; et il
n'avait joui que quatre mois d'une
pension de cent louis que M., François
de Neufcliùtcau lui avait fait donner
après la mort de Saussure. Montucla
était membre de l'académie de Ber-
lin , depuis i"')") , et de l'Institut ^
IVION 4';
depuis sa création. Simple dans ses
manières , modeste a l'excès , bon ,
sensible, obligeant, il fut l'im des
hommes les plus aimables et les
})lus vertueux de l'époque où il a
vécu. Outre une excellente édition
des Récréations inalliéniatiques d'O-
zanain ( 177B, 4 vol. in-8°. ) , dont
il fit un livre tout neuf ( i ) par
la multitude d'articles refaits ou
ajoutés ( F. OzANAM ) , çt une tra-
duction des Voyages de Carver dans
l'intérieur de l'Amérique septentrio-
nale , avec des remarques et addi-
tions, Paris, 1784, in-8^., on a de
Montucla : L Histoire des recher-
ches sur la quadrature du cercle,
Paris, 1754, iJi - l'-i, fig- Cet ou-
vrage , devenu rare , est intéressant,
par le tableau des découvertes qu'ont
lait éclore les tentatives infructueuses
pour la solution dur. problème trom-
peur. L'auteur en a reproduit ce qu'il
y a de plus important , dans son
Histoire des mathématiques ( tome
i*"'.) , et dans ses Récréations (tome
I '''■.) IL Recueil de pièces concer-
nant l'inoculation de la petite -vé~
raie, trad. de l'anglais, ibid., 1706,
in- 12. m. Histoire des mathémati-
ques, Paris, 1758, •! vol. in - 4*^ ;
nouvelle édit. très-augmentée, ibid.,
1799-1802, 4 vol. in-4°. Montarla
mourut pendant l'impression du troi-
sième volume. Lalande , son ami, se
chargea de revoir le manuscrit, et
de compléter cet important travail;,
pour lequel il s'associa plusieurs
savants distingués. Mais on ne peut
se dissimuler que les deux derniers
volumes , bien inférieurs aux pré-
cédents, n'offrent le plus souvent
(i; Le titre iiorti', par 31. de C. G. F. , rjni si-;-:! •
fient de Chanta ^ Géomètre h'orézien , dn nom diri
petit douiiiinc qr.e sa fauiiJle avait dans le Fore/. Au
moyen de ce (loçjtiiseuieTit, ii put lui-même annroii-
vcr le livre, qui lui lut renvoyé cornue censeur pouff
les ouvrages lualLc.iidtiqucs.
46
MON
([ii'unc lourde <:;azcttc d'optique et
d'astrouomic p!iy.si(|uc, où se trou-
vcut parfois dts jugements hasardés,
ïj'oiivrage est uéaumoins précieux,
et le plus complot cpie nous ayons sur
cette i.':al;cre. L'aiilcur eût mis plus
d'ordre cl de rapiJilé dans son tra-
vail , s'il n'y avait pas mêlé , peut-
être a sse? mal à pn po"; , des rcsii-
mcs tliéi-rirpies sur les diverses par-
ties lie la science. Le tf me m , pré-
cédé d'u'ie préface de Lalande, est
orne du portrait de Montuc'a , dia-
prés une miniature. Le (pialrième
volume , qui conlieut Tbistoire de
l'astronomie , est celui auquel La-
lande a eu le plus de part ( on y a
réuni le portrait de ce savant, gravé
par les suius de M. Janvier, son élè-
ve, et un extrait de V Eloge de Mon-
lucla , par Savinien Lebloud ( F^. Le-
BLOiND ). Le Ma^as, encjclopédiq.
contient une courte Notice swr ce ma-
lliématicien , année 1799 , tome v, ,
p. 40G-10. W — s.
MONTVALLON ( André Barri-
GUE DE ), savant magistrat, naquit
à Marseille, en 167S. L'ardeur dé-
mesurée pour l'étude , qui avait con-
sumé sa première jeiuicsse, fît place
en lui au goût des voyages et des arts.
Cette dernière passion lui procura
l'affection de Boyer-d'AguilIes , con-
seiller au parlement d'Ais., dont il
épousa la fille, et dont il devint le
collègue et le collaborateur. Une ap-
plication soutenue à l'étude de la ju-
risprudence le rendit bientôt l'oracle
de sa compagnie. Retiré à la campa-
gne, en 1 720, il y composa un Abré-
gé des principes du droit romain^
qui fut classique dès sa publication.
Un travail bien différent occupa sa
plun)e;il mit au pur, à la sollici-
tation de l'intendant Lebrct , une
dissertation sur la peste, et sur la
manière dont elle se communique:
MON
il y réfutait Chirac , et les parti-
sans lie son opinion ( V. Chirac ).
Le parlement ayant condamné au
feu un accusé que Montvallon ju-
gea innocent , celui-ci publia Qua-
tre lettres écrites d' Jix , » 733 , iii-
4". , où il rendait compte au chan-
celier des motifs qui avaient décidé
sa conviction et celle d'un petit nom-
bre de ses collègues. 11 n'avait pas
attendu pour s'expliquer ouveite-
nient la iiu de cette procédure, qui
fit beaucoup de sensation. D'Aguej-
seau , qui depuis long - temps ap-
préciait ses lumières , en réclama
le tribut, lorsqu'il prépara ses or-
donnances sur les donations , les
testaments et les substitutions. Mont-
vallon exécuta, par ordre du parle-
ment d'Aix , un Précis des ordon-
nances , déclarations , lettres-pa-
tentes, statuts et règlements , dont
les dispositions étaient le plus eu
usage dans le ressort du parlement
de Provence, Aix , i'jo'i, in-12.
Dans ce cadre étroit , mais complet,
les textes législatifs sont disposés
par ordre alphabétique ; la date
des enregistrements est exactement
indiquée , et des notes laconiques
éclaircissent les points obscurs. UE-
pitome juris et legum roinana-
ruiii frequentioris usûs , jiixtà se-
riem Bigestoruni, par Montvallon ,
Aix, 1758, in-12, a eu plusieurs
éditions. Montvallon mourut à Aix,
le 18 janvier 1779. Unecomplexiou
délicate avait souvent contrarié ses
travaux; et le chagrin troubla ses
dernières années. 11 a fourni plu-
sieurs observations aux Mémoires
de l'académie des sciences, années
1730 et suiv. Mais l'ouvrage qui le
fit connaître le plus avantageusement
est son T'Tcui'ej'U sjsièine sur la
transmission et les effets des sons ,
sur la proportion des accords et la
I\ION
méthode d'accorder juste les or-
gues et clcwecins , Avignon , i '^50 ,
dcuxicinc édition. On ca trouve un
extrait dans l'Iiistoire de l'acadcniic
des sciences, de 1 74^- ; et le P, Cas-
tel en a donné un autre dans le jour-
nal de Trévoux, Montvallou était
très-habile sur le clavecin. Il consa-
crait aussi ses loisirs k la littératu-
re; et il a laissé manuscrit un diction-
naire provençal-français, et un re-
cueil de ])oésies provençales. F — t.
MO^ÏYON ( Antoine - Jean-
Baptiste - Robert Auget , baron
)t>E ), né le '^6 décembre 1733 , avait
pour sœur M"^'^. de Fourqueux, qui
est souvent nommée dans les Re-
cueils d'anecdotes du dix -huitième
siècle (i). Il se destina de bonne
heure à la magistrature. Entré au
conseil du roi, il fut le seul qui , en
1 766 , tenta de s'opposer à l'infrac-
tion des lois de l'état, par laquelle
ce conseil se trouvait transformé eu
commission criminelle pour juger
La Chalotais. Plus tard , il refusa de
coopérer à la suppression des cours
de jus'iice en installant, dans la pro-
vince dont l'administration lui avait
été confiée, le corps de magistrats
désigné par le chancelier Maupeou
pour y remplacer la cour depuis
long - temps existante. Il perdit son
intendance par ce refus , et ne devint
conseillerd'ciat qu'en 1775. Il avait
été successivement intendant de Pro-
vence, de l'Auvergne et du pays d'Au-
nis. Nommé, en janvier 17S0, chan-
celier de M. le comte d'Artois, il
dotnia, dans cette place , de beaux
(1) On n (lublip, tomiiie clai:t d'elle^sais y tiiel-
Ire pum*tt*ut son jioni) ; Julie d'Olniotit , et Amélie
de I^réi'iUe ou le ■.VoUtaii'e , ifiotî. ?> vol. in-i^; ou
Confessions de M'^'. rie **' Principes de morale
pour se conduire dans le inonde^ iRi6 j i vo\ in-12.
M. de Moiifyoo désavouait ce s ouvrages , et il voulut
liomiueuieiit rcu.ire plainte cootie l'iniprctsinn des
prélcuj'iui Confisitom do «i"'"8, de Foiu-<jiieux.
MON 47
exemples de désintéressement. Il
n'avait pins auprès du second frère
de Louis XVI que le titre de son
chancelier honoraire lorsque nos
premiers troubles politiques le dé-
terminèrent à passer en Angleterre,
où il séjourna pendant un grand
nombre d'années ; il y fut nommé
membre de la société royale de Lon-
dres. Il avait fondé , en 1780, sans
se nommer, un prix de l'.ioo francs
pour être adjugé tous les ans, par
l'académie française , à l'ouvrage le
plus utile au bien teinpovfl de l'hu-
manité , qui aurait paru dans l'an-
née. L'académie ne crut pas devoir
étendre cette fondation jusqu'à tous
les genres d'écrits (1)5 elle en exclut
les arts et les sciences, comme n'étant
point de son ressort, et avec d'autant
plus de raison que M. de Monlj'on
avait, quelque temps auparavant,
fondé à l'académie des sciences ( en
gardant déjà l'anonyme ) un prix de
même valeur jiour les objets dont
cette compagnie s'occupe spéciale-
ment. Au total , ses fondations de
prix se montaient , avant la révolu-
tion , à un capital de plus de Goooo
francs. L'académie française ne com-
mença que le iG janvier 1783 à dé-
cerner le prix d'utilité ( F. Epinay).
Cette académie était aussi chargée
de décerner le prix de vertu insti-
tué par le même bienfiitcur de l'hu-
manité (/". PouETiER dansîa Eiogr.
des hommes vivants). Ces donations
devinrent nulles par la suppression
des académies en 1 790 ; M. de
Montyon les a remplacées avant de
mourir. Il avait lui-même concouru
deux fois à l'académie française ; il
(i) I.rs ac.Klemicluns français s'<'\cliircTit du droit
de prendre part nix-Miènirs h e<' nouveau ronrours ,
qu'ils bornèrent '» la lîllcratuie en '^enerivl ; ri ils s!a-
t!!Creuf, d'ailleurs, que parmi les livres bons el ntiies
on couronnerait celui cjui ie rait jugé «voir le plus
jraud oierite de style.
48
MON
Y oblhil, ca 1777 , lin arrcssit ])otu*
l'Eloge du chancelier de V Jlûpital;
et remporta le dernier prix dc'ccrnc
par la nicme compagnie sur la ques-
tion De l'injluencc de la découverte
de V Améi ique Hir V Europe. II ob-
tint encore , en 1800, !e prix qu'a-
vait propose l'académie des belles-
lettres de Stockholm Sur le progrès
des lumières, du dix-huitième siè-
cle. Nous ne connaissons pas son
Mémoire ; mais nous sommes per-
suadés qu'en comprenant la France
dans le tableau de ce siècle, il ne
s'était pas mis en contradiction avec
lui-même par l'éloge de la secte
philosophique. On se souvient que,
dans un rapport fait au roi en 1796,
il avait signalé cette secte comme
ayant servi à la destruction de la
monarchie. Dans ses écrits , mais
surtout dans ses actes de Lieulai-
sance , M. de Montyou se montrait
im véritable philantrope moderne :
il suivait en ccia l'esprit du temps
qui a précédé les révolutions ; mais
il ne donna jamais dans les erreurs
de nos philosophes modernes. Dé-
voué constamment à la famille des
Bourbons , il suivit 1* roi à son re-
tour en France. Il fut souvent, pen-
dant les dernic-res années de sa vie,
consulté en raison de la connaissance
parfaite qu'il avait des traditions
de l'administration , connaissance
qu'il déclarait avoir duc priucipa~
lement à M. de Trndaine. N'ayant
presque jamais fréquenté que le grand
monde et les savants ou gens de
lettres les plus distingués , il savait
prodigieusement d'anecdotes, et les
racontait de la manière la plus at-
tachante. Il est mort à Paris le 29
décembre iSuo, âgé de quatre-vingt-
sept ans. Il aurait pu , au dernier
terme de sa carrière , répéter ce qu'il
disait au ro i eu 1 796 : « Ma vie n'a
MON
1) pas eu nn graiid éclat ; peut-être
» en a-t-elie eu trop pour inonboii-
» heur. Cependant, si je puis me fé-
» licilcrdcquelquesactionslouables,
» j'ai pris plus de soin pour les ca-
» cher , que d'autres n'en ont pris
» pour en cacher de répréhcnsiblcs.
» Celles de mes actions qui ont eu
» une publicité indispensable prou-
» A'ent que je n'ai point l'ame sei-
» vile, rf D'après Textrême économie
avec laquelle il vivait depuis son re-
tour en France, comme il avait vécu
en Angleterre oii cependantsix mille
francs étaient annuellement repar-;
tis par lui parmi ses compagnons
d'exil , et aussi parmi les malheu-
reux prisonniers fi'ançais . mais sans
que ses bienfaits fussent connus ) , on
ne devait pas soupçonner qu'il pos-
sédât encore une grande fortune ,
disséminée dans les différentes par-
ties de l'Europe. Il est même permis,
d'après ses dispositions testamen-
taires , de croire qu'il ne la con-
naissait pas. Il n'aimait à dépenser
que pour de bennes œuvres, pour
des œuvres qu'il jugeait utiles à l'hu-
manité. De i8i5a i8'2o il Cl aux bu-
reaux de charité de plusieurs des ar-
rondissements de Paris, divers dons
très -considérables, qui ont été em-
ployés à des achats de rentes pour
les indigents. Au moment de ses ob-
sèques, le deuil était composé d'un
très-petit nombre de personnes^ mais
plusieurs centaines de pauvres y ac-
coururent spontanément des difté-
rentes parties de la capitale , et ver-
sèrent des larmes abondantes sur la
dépouille mortelle de leur bienfai-
teur. Dans sou testament , daté du
\'2 novembre 1819, et où se trou-
vent beaucoup de dispositions géné-
reuses qui doivent l'honorer comme
Français, comme ami de la morale
publique, des scieuces et des lettres ,,
MON
il a stipule deux legs de loooo
francs en faveur de l'académie fran-
çaise ; l'un pour un prix de vertu ,
et l'autre ])our l'ouvrage qui dans
l'année sera jiip;c le plus utile aux
bonnes mœurs. Par une clause par-
ticulière , ces deux sommes peu-
vent être doublées, triplées , miilti-
plie'es enfin selon l'évaluation de la
succession el la nature des autics
legs : il en résulte que le total des
deux legs faits àracadémiescrapciil-
être porté à près d'un million. Un
autre legs de M. dclMontyon , au pro-
fit des hospices, s'élève, par suite de
la même clause, à 1,800,000 francs.
On regarde sa succession comme
étant de 4 à 5 raillions. 11 a laissé
une petite - nièce , la comtesse de
Balivière, qui semble l'avoir pris
pour modèle dans ses bonnes ac-
tions. L'académie française a décidé
qu'un de ses membres prononcerait
l'éloge de ce magistrat, qui s'est ac-
quis tant de droits à la reconnais-
sauce des sociétés savantes de Fran-
ce. Elles ne comptent guère, parmi
les particuliers, de bienfaiteurs aussi
constants. L'académie des sciences
a adjugé, dans le m&is d'avril i8'^i,
un prix de statistique qu'il avait fon-
dé. Il en a aussi fondé un de phy-
siologie expérimentale, qu'une or-
doiuiance du roi , en date du '22 juil-
let 1818, a autorisé, pour l'ouvrage
imprimé ou manuscrit qui aura paru
avoir le plus contribué aux progrès
de celte science. Enfin 3oo frai;cs
de rente sur l'Etat avaient été des-
tinés par lui, eu 1819, à un piix
de mécanique ( 1 ). M. de Montyou
(3) Un des prix fondes par M. de llonlvon , en
»vril 17^*9, avait pour ol)ji t de découvrir !o moyen
de rendre les vpcrtitiom mècufnqiies tnoin^ tlarii^e-
feuses et inoifis malsaines. Loivs X VI fit erriie it
l'académie des scieures par M. Anielot , secrtl;iire
d'elat , qu'il v.>y;)it avec la pins grande salisfacliiiii
cel arle de bienlnisauce el d'humanité , et qu'il re-
^rcll lit de u'cu avoir pas eu lui-mèiue Tiilée.
XXX.
MON 4q
peut encore être cité comme écri-
\aiu distingué. C'était lui qui avait
rédigé le Mémoire des princes , en
i'-8ç); et ce travail lui valut d't:-
tre inscrit un des premiers sur la
liste rie ceux qu'on devait mettre
à la lanterne. Il publia , en i '•()() ,
à Londres^: I. Son Bapport fait
à S. M. Louis XriII, in -8". de
3o3 pages, à l'occasion du Ta-
bleau de V Europe en i^fp, qu'a-
vait publié M. de Galonné, et dans
lequel l'ex-ministre exprimait cette
opinion paradoxale, qu'avant l'^Sg
il n'existait pas de constitution po-
litique en France. Du reste, M. de
Montyon prouve que les lois de l'é-
tat n'ont pas toujours ob(ei:u chez
nous le respect qui leur était dij; mais
il observe que plusieurs des abus exis-
tants dans l'ancien gouvernement
étaient des irrégularités . philof que
des vexations, et que la liberté publi-
que avait, depuis quarante ans sur-
tout , acquis dans l'opinion un défen-
seur qui croissait et se fortifiait jour-
nellonent , et dont l'ascHidant eût
été pour la France un bonheur , si
son influence se fût bornée a la con-
servation des mœurs pubiiuios et à
une simple action de résistance; si
elle n'eût pas affiché la prétention
de devenir le guide du gouverne-
ment , dont elle ne devait être que
le censeur. Louis XVIIÎ fit impri-
mer ce rapport à ses dépens , et dai-
gna écrire de sa main à i'auteur pour
le remercier. On a encore de M. de
Montyon : II. Eloge de Corneille., su-
jet proposé par l'Institut de France ,
en iSo'j : l'ouvrage de M. de Mon-
tvon m- fut point admis au cojicours,
d'après des considérations particu-
lières ; mais il le fit imprimer en
Aug eîcrre. HT. Quelle es -rce d'in-
fluence onl les di\'e: ses esptces d'im-
pôts iwr 1(1 moralité p l'actii'ité et
4
5o
MOxN
l'industrie des peuples, Paris , 1 808,
iii-8". Celle question avait e'te' pro-
posée par la bociélë royale de Goet-
tiugiie; des raisons politiques la de'-
teriiiinèrcnt à ne point donner ce
prix. IV. Particid uiiés et observa^
lions sur les ministres des jinances
de France, les plus célèbres, depuis
j66o , jusqu'en 1791, Londres,
181 '2, in -8". L'édition qui en fut
irapriméeà Paris, dans la mcme an-
née, était tronquée ; cet ouvrage est
rempli de vues ingénieuses, de résu-
més bien faits et d'anecdotes intéres-
santes. V. Etat stalistiqiie du Tun-
hin. Le Journal des savants ( mai
1779), dit que l'on attribue en
partie au même magistrat le livre
deMolieau qui a pour titre : Recher-
ches et considérations sur la popu-
lation de la France , Paris , 1778,
in-8°. Cette opinion a prévalu assez
généralement. L — p — e.
MONVEL (Jacques IMarte Bou-
TET DE ) , acteur de la Comédie-
Française et auteur dramatique ,
naquit à Lunéville , en 1745. H
était fils d'un comédien qui avait
joué, eu province, les rôles à man-
teau. Le jeune Monvel débuta au
Théâtre-Français, le 20 avril 1770;
il y fut reçu en 1772. Double de
Mole, pour l'emploi des jeunes pre-
miers et des amoureux, il était loin
d'avoir , dans la comédie, les grâces
naturelles et le brillant prestige de
ce célèbre acteur; mais il y faisait
preuve d'une si grande intelligence,
il y apportait tant de soins , qu'on ne
pouvait se dispenser de lui tenir
compte de ses efforts. Il joua , d'ail-
leurs, quelques rôles tragiques, no-
tamment ceux de Séide et de Xi-
pharès, avec autant de chaleur et
peut-être plus d'art que son chef
d'emploi. Lorsque le théâtre perdit
Lekain , IMonvel se crut en droit
MON
de réclamer les premiers rôles; mai»
il ne tarda pas à reconnaître que
c'était une prétention au-dessus de
ses forces; et il fut bicutôt, ainsi
que Mole, contraint de renoncer à
un emploi oii son défaut de repré-
sentation et la faiblesse de sa santé'
lui faisaient perdre presque tous les
avantages qu'il avait attendus de sou
talent. Monvel ne tarda pas à recou-
vrer, par ce sacrifice, la faveur pu-
bhque: mais il ne parut pas alors
y attacher un très-grand prix; car,
après avoir rempli avec le plus bril-
lant succès le rôle du jeune Bramine,
dans la P'euve du Malabar, il quitta
subitement la France ( 1 781). Ce brus-
que départ ( ordonné par la haute-
police ) , fit naître toutes sortes de
conjectures , qui furent consignées
dans les chroniques scandaleuses de
ce temps, et que nous nous garde-
rons de rapporter. IMonvcl se rendit
à Stockholm, où le roi de Suèdp
l'employa en qualité de lecteur et de
comédien ordinaire. Il y resta jus-
qu'en 1786, époque où il revint à
Paris , pour faire représenter les
Amours de Bojard, pièce de sa.
composition. Il s'attacha , quelques
années après , aux Variétés du Pa-
lais-Royal, nouveau spectacle qui ,
à la fin de 179*^, prit le nom de
Théâtre de la République, et auquel
se réunirent, en 1799, presque tous
les anciens acteurs de la Comédie-
Française, que les malheurs de la
révolution avaient dispersés. Son âge
le forçant alors de lenoncer aux
rôles tragiques qui avaient fait sa
réputation, il ne se chargea plus
guère que des personnages de pères
nobles et de grands raisonneurs. Il
en joua quelques-uns, entre autres.
Auguste (de Cinna) , Fénélon , l'abb*
de l'Epée, et le Curé (de Mélanie)
avec une supcriorilé d'autant plus re
MON
tiiarqnable , que le nombre clés bons
acteurs conimcntj:ait à «liminiier sen-
siblement autour de lui. Il se relira
en 1806; et il mourut en 1811 (le
i3 février), âge de soixante-six ans.
Cet habile comédien, le plus intelli-
gent, peut-être, de tous ceux que
nous avons connus , se serait proba-
blement e'Ieve' au rang des Baron et
des Lekain, si la force de sa cora-
plexion avait répondu à la chaleur
de son ame et à la profondeur de
sou talent. C'était ta propos de lui
que M"'', Clairon disait : « On an-
» nonce Achille, Horace, un héros
» quelconque qui vient de gagner
)> une bataille, en combattant pros-
« que seul contre des ennemis for-
» midables; ou bien un prince si
» charmant, que la plus grande prin-
5> cesse lui sacrifie sans regret son
» trône et sa vie , et l'on voit arriver
» un petit homme^fluet, sans force
» et sans organe : que devient alors
1) l'illusion? » Il y avait assurément
du vrai dans ces observations criti-
ques; mais plus elles étaient fondées,
plus Monvel avait de mérite à vain-
cre, pour ainsi dire, la nature, et à
nous arracher des applaudissements.
Toute sa physionomie était dans
ses yeux, qu'il avait grands et ex-
pressifs. Son art consistait principa-
lement dans l'étude approfondie de
la valeur des mots, dans l'extrême
justesse du débit, dans la savante
économie des détails. Il avait, du
reste, une sensibditc profonde , et
personne n'a mieux combine les di-
verses ressources du pathétique. Mais
tel était, vers les dernières années de
sa vie théâtrale, l'a Ifaibiissemcnt de
SCS organes, qu'il n'osait plus s'aban-
donner à des développements dont il
n'aurait pu soutenir la fatigue. Il se
voyait contraint d'y suppléer, en
remplaçant la force par la. finesse ^
MON 5l
f t de rabaisser le Ion delà déclama-
lion tr.'.gique , pour l'accommoder
à la faiblesse de sa voix et de ses
autres moyens jdiy.sjijiies. La perte
de ses dents contribuait d'ailleurs à
rendre sa prononciation aussi dilll-
cile pour lui-même que pénible pour
ses auditeurs; et, lorsqu'il se retira du
théâtre, il ne lui restait presque plus
de mémoire. Nul cloute que le comé-
dien ne l'emportât en lui sur l'auteur
dramatique : un grand nombre de
scsproducticns , cependant, ont reça
des applaudissements ; et quelques-
unes sont restées au théâtre. Il écri-
vait négligemment ; mais il enten-
dait assez bien la scène , et il dia-
loguait avec chaleur. Monvel était ,
après Sedaine, l'homme qui savait
le mieux prêter au jiatois de nos
paysans des grâces na'ives et piquan-
tes. La i"'. représentation de son
Amant Bourru^ pièce dont un ro-
man de M™^. deRiccoboni lui avait
fourni le sujet, fut pour lui une sorte
de triomphe. Il joua dans cette co-
médie le rôle de Monlalais , et il le
lit singulièrement valoir; mais ce fut
principalement au jeu de Mole,
son ennemi, chargé du rôle princi-
pal, qu'il dut ie brillant succès de
l'ouvrage. Le public ayant demandé
à grands cris Mole et Monvel , ces
deux rivaux , enthousiasmés, se pré-
cipitèrent dans les bras l'un de l'au-
tre; et les acclamations redoublées
des speclatem's scellèrent une récon-
ciliation, qui depuis ne fut pas rom-
pue. On rapporte à ce sujet une au-
tre particularité : C'est aujourd'hui
qu'on juge mon procès, dit Monta-
lais dans le cours de la pièce : il est
gagné , cria quelqu'un du fond de
la salle; et tout le public répéta ces
mots, que la reine , Marie -Antoi-
nette , présente à la représentation ,
daigna elle même applaudir avec une
4..
5i MON
bienveillance remarcpiable. Pourquoi
faut-il que, peu d'aniiccs après, un
homme toujours favorablement trai-
té par la cour en ait montre si peu
de reconnaissance ; et que dans l'é-
glise de Saiut-Roch , au mois de no-
vembre 1793 , prostituant la chaire
de vérité , il ait osé prononcer contre
ce qu'il y a de plus sacré au monde,
les plus horribles imprécations? Les
révolutionnaires lui avaient com-
mandé un discours pour la fête de
la raison, où il figura ainsi qu'une
grande partie de ses camarades : il
le prononça avec l'énergie qu'il met-
tait dans le rôle de Séide, et il le fit
imprimer sous ce titre : Discours
fait et prononcé par le citoyen
Manuel , dans la section de la
Montagne , le jour de la fête de
la raison, célébrée dans la ci-de-
vant église de Saint - Roch , le 10
frimaire an 11 de la répuhlique
une et indivisible , Paris , Lefer ,
an II , in - 8°. de 32 pages ; on en
trouve les principaux passages dans
les Essais sur la révolution de
i^rance , par M. Beaulieu, 5*^. vol.,
p. 252. Celte révolution, où l'on a
vu tant de clioses étranges , n'a rien
produit de plus impie et de plus au-
dacieux ; on ne peut guère expliquer
un aussi fâcheux épisode de la vie
de Monvel, que par sa faiblesse de
caractère et sa pusillanimité. La vé-
rité est qu'il s'en repentit amèi'ement;
et l'on nous a même assuré qu'il ne
s'en est jamais consolé. Après le 9
thermidor (27 juillet 1794)7 il f"t
désarmé comme anarchiste , par dé-
libération de la section du Mail , où
il demeurait. Ses ouvrages drama-
tiques sont : L Au Théâtre-Français ,
I". V Amant Bourru , comédie en 3
actes et eu vers libres , dont nous
avons parlé, 1 3 août 1777, in-8".
— a'*. Clémentine et Désarmes ,
MON
drame en 5 actes et en prose, 1780.
— 3^. Les Amours de Bayard, co-
médie héroïque en 3 actes et en
prose , 1 78G , in-80. — 4"*. Les V^ic-
times cloîtrées , drame en 4 actes et
en prose, 1791 , in-S". , où il y a de
fortes situations, mais où toutes les
convenances sont blessées , et qui
dut principalement son grand succès
aux circonslances. — 5°. La Main de
fer ou Rixlehen , comédie en 5 actes
et eu prose, i794- — 6". La Jeunesse
du duc de Richelieu , ou le Lovelace
français , drame en 5 actes et en
prose , composé en société avec M.
Alex. Duval , 1796, in-80. — 7°.
Mathilde , drame en 5 actes et en
prose , 1799, in-8°. IL A l'Opéra-
Comique : i ". Julie , comédie en 3
actes , mêlée d'ariettes , musique de
Dezède, 1772 , in -8°. — 2°. V Er-
reur d'un m.oment , ou la suite de
Julie, comédie en i acte, mêlée d'a-
riettes, musique de Dezède, 1773, ,
in-S". — 3°. Le Stratagème décou-
vert, coméd. en 2 actes et en pi-ose,
mêlée d'ariettes, musique de Dezède,
1773, in-8''. — 4°- I^es Trais Fer-
miers, coméd. en 2 actes, mêlée d'a-
riettes , musique de Dezède, 1777,
in-8". — o^. Le Porteur de chaise,
coméd. parade , en prose, mêlée d'a-
riettes, musique de Dezède, 1778,
iu-8". ( I ) — 6°. Le Charbonnier
ou le dormeur éveillé, comédie en 4
actes , 1 780. — 70. Biaise et Babet ,
ou la Suite des Trois Fermiers, co-
médie en 2 actes , mêlée d'arieltes,
musique de Dezède , 1788 , in - 8'*.
— 8°. Alexis et Justine, comédie
en 2 actes , mêlée d'ariettes , musi-
que de Dezrde, 1785, in-8". (2) —
(i)Cptte pièce a reparu en I acte, le ii )au\ier
1781 , sous le titre de Jcrdine et Champagne.
(?.) Plusieurs de ces pièces , envovées de Sut-de
par l'auteur , furent arrangées pour l'opéra-comiquc
el le musicien par Sr.nvigny , etc. ; et celle inèiue
iX'AUxis ei Justine fut réduite à deui actes. G — CE.
MON
^'^. Sargines ou VElàçe de l'amour,
comc'dic chevaleresque , eu 4 actes ,
mêlëe d'ariettes , musique de Dalcy-
rac, 1 788, iu-8°. — 1 0°. Raoul, sire
de Crëqid, comédie en 3 actes, mê-
lée d'ariettes, musique de Daleyrac,
1789, in -8". — 1 1". Le Chêne pa-
triotique , ou la Matinée du 1 4 juil-
let, comédie en 'i actes, mêlée d'a-
rictles, musique deDaieyrac, 1790.
— vx°. Agnès et Olivier, opéra en
3 actes, eu prose, musique de Da-
leyrac, 1791. — i3", Roméo et Ju-
liette ou Tout pour V amour , opéra
en 4 actes , musique de Daleyrac ,
1 792. — 1 4**. Amhroise ou Foilà
ma journée , opéra -comique en un
acte, musique de Daleyrac, 1793,
in-B". — 1 5°. Urgande et Merlin ,
opéra en 3 actes, musique de Daley-
rac , 1 793. — 1 6°. Philippe et Geor-
gette, opcra-comique en i acte, mu-
sique de Daleyrac , 1793, in-8°. —
17°. Le Général suédois , fait his-
torique en '2 actes , musique de Della-
Maria , 1799. III. Au théâtre des
Variétés du Palais-Royal : 1°. L'Heu-
reuse indiscrétion, comédie on 3 ac-
tes et en vers , 1 789. — 2". Le Po-
tier de terre , coméd. en 3 actes et
en prose^ 1791^ On a, en outre, de
Mouvel , un roman historique, inti-
tulé Frédé^orule et Brunehaut , in-
o^. , avec gravures , 1 776 ; et quel-
ques poésies fugitives, qui furent in-
sérées dans divers journaux. Une
farce qu'il fit jouer à Choisy , en
1777, "'^'^ T'i n'est point impri-
mée , est intitulée a. e. i, o. u. Il
avait retouché et réduit en trois actes
les Deux nièces, comédie de Boissy,
1785, in-8°. Au double talent d'au»
teur et d'acteur, il joignait celui du
lecteur le plus séduisant ; aussi le
comédiens se dénaient-ils de lui et
d'eux-mêmes lorsqu'il se chargeait
de lenr lire une pièce nouvelle. Il
MOO 55
avait été élu membre de l'Institut, à
une époque où ce corps ne se faisait
pas scrupule d'admeltrc des acteurs
dans sou sein ; et quelque temps
après , le Conservatoire impérial le
compta au nombre do ses profes-
seurs. II a laissé plusieui's enfants ,
parmi lesquels un (ils, (|ui porte son
nom, et quia ai'ssi cultivé la poé-
sie j et une (illo , M'^^. Mars cadette,
qui est aujouril'hui, dans la comé-
die , la meilleure de nos actrices.
Monvel fut inhumé au cimc;ière de
Montmartre. Urcdéputalion de l'Ins-
titut , et presque tous les acteurs de
la capitale , suivirent son convoi. Le
secrétaire perpétuel de la 4*^' classe
de l'Institut , et l'acteur Lafon, du
Ïhéàtrc-Français, prononcèrent un
discours sur sa tombe. F. P — t.
MOONEN ( Arnold ) , théolo-
gien hollandais , de la communion
réformée, né à Zwoll , en i644,
mort en 1 7 1 1 , exerça le ministère
sacré à Devenler , et s'est distingué
comme préclicalenr, comme poète et
cumiiie grammairien. On a de lui :
I. Quelques volumes de sermons, sur
la Focation du patriarche Abra-
ham ( Delft , 1 7 1 5 , in-4'^. ) ; sur la
Passion de N, S. J.-C. ( Deventer,
1702 , in-4^. ) ; sur la Prédication
de Saint- Paul parini les Gentils
{ Delft, 1715, in-4°. ); sur le xv!!*^.
Chapitre du livre des Actes des Apô-
tres : la plupart , sinon tous , tra-
duits en allemand. Pierre Francius ,
bon juge, l'estimait le meilleur pré-
dicateur hollandais de son temps.
II. Une Grammaire de la langue
hollatidaiss , publiée en 17 16, et
fréquemment réimpriroéc. Il n'en
avait point paru de comparable avant
lui , et elle n'a pas encore cesse d'ê-
tre le manuel des puristes. III. Des
Poésies hollandaises, Amsterdam,
1700, et 1720, 1 vol. in-4°. Le
54
MOO
vieux corypliëc du Parnasse batavc,
Voudcl , avait sip;nale Mooncu par-
mi ceux i[iii devaient lui succéder.
Braudt, VVcstcrLaan, Poot, Broek-
biiizcD, eu faisaient grand cas : ce
dernier, qui a écrit eu latin sous le
nom de Broukliusius, célèbre sur-
tout les ëglogues ou idylles deMoo-
ncn dans une fort belle tlégie latine,
la prejnièrc du second livre de ses
Poëmata (Amsterdam, 171 1 , in-
4°. ) L'hisloricn de la poésie hol-
landaise, M. de Vries, (tome i , p.
3G1 ), ne lui a pas rendu peut-être
assez de justice. IV. Mooiien culti-
vait aussi la poésie latine : ses Poé-
viata laiina ont paru à Groningne,
l'jiG, in-8°. j on y remarque trop
de réminiscences. M — on.
MOOlvE (Sir JoNAs), raatliéraa-
niaticien anglais, ne en 1617, à
Wbitle , dans le Lancashire , était
maître de mathématiques de Jacques,
second fds de Charles I"^'. , lorsque la
guerre civile de i64o éclata. 11 pro-
fessa publiquement pendant la pé-
riode qui s'écoula jusqu'à la reslau-
ralion de Charles IT ', alors ce prince
lui donna la place d'intendant de
rarlilleric. Moore se servit du crédit
qu'il avait à la cour, pour faire éri-
ger la maison de Flamsteed en obser-
vatoire public , et pour fonder une
c'cole de mathématiques à l'hôpital
du Christ; et c'est à son zèle et à ses
talents que l'Angleterre doit l'éta-
blissement d'un système régulier
d'instruction mathématique. Il mou-
rut à Godalming ( sur la routé de
Portsmouth, à Londres ) , le 27
août 1679; et ou lui éleva un mo-
nument dans la chapelle de la tour
de Londres. 11 a laissé plusieurs
ouvrages : I, arithmétique en deux
livres , 5^4^017', l' Arillnnélique vul-
gaire et V.^ls,èhre. II. Ahi-égé de
Maihéinatiqws^ III. Truiié gé-
MOO
ne'ral sur V Artillerie, traduit de
l'italien. IV. Plusieurs Traités sur
l'Arithmétique , la Géométrie pra-
tique , la Trigonométrie et la Cos~
mograpliie. Perkins y a ajouté V Al-
gèbre, la Navif^ation et les Livres
d'Euclide; et Flamsteed, VAstro-
jiomie et la Doctrine de la sphère.
Ce recueil fut publié par la famille
de Woore, eu 1G81 , in-4". L.
MOORE (Fba>çois), voyageur
anglais, alla tn Afrique en 1780,
comme écrivain du fort Saint- Jac-
ques, sur la Gambie, et y resta jus-
qu'en 1735. 11 remonta le fleuve jus-
qu'à la distance de deux cents lieues
de la mer j ce qui le mit à même d'ob-
server de près les mœurs et les usa-
ges des nègres de ces contrées. A son
retour en Angleterre, il publia une
relation intitulée : Forages dans les
parties intérieures de L'Afrique, con-
tenant une description de plusieurs
nations qid habitent le long de Ict
Gambie , dans une étendue de Goo
7nz7/^.y , Londres , 1788, i vol. in-
8". On y trouve beaucoup de parti-
cularités intéressantes et nouvelles ,
entre autres T histoire de Job-ben-Sa«
loraou ( V. tome XXI , p. 676 }.
Moore gagne, par sou ton de vérité,
la confiance de ses lecteurs, et fixe
leur attention. Sa relation fut réim-
priméeen 1742, Londres, i vol. in-
4*^. avec (Igures. 11 y joignit : Voya-
ge de Stibhs dans la Gambie; ce
voyage eut lieu de 1723 à 1724:
on y trouve peu de choses curieu-
ses. — Voyage de Leach dans la
Gambie : l'auteur le fit en 166 « ,
remonta jusqu'aux cataractes , au-
dessus de Barraconda , et acquit de
grandes richesses , par la traite de
l'or: il dressa une carte de sa navi-
gation, et joignit à sa relation . dcs-
Exlraits de Lt'cn VAfricainet d'au-
tres géographes , et un /'ocabulain:
MOO
mandingue. Le voyage de Moorc fut
encore rëiiu prime en i77(', Londres,
1 Aol, in -8**., avec la relation de
Slibbs : il a été extrait et traduit en
français , avec les relations de Slibbs
et de Leach , par M. Lalleniant. Ces
extraits forment le second volume
des Voyages de Ledyai'd et de Lucas
en Afrique, Paris, i8o4, 2 vol.
in-S-^. E— s.
MOORE (Robert ), habile maître
d'écriture et ])liilologue anglais ,
exerçait sa profession à Londres ,
et mourut (Vers 1727. On a de lui:
I. UAide du matre d' Ecriture ,
iticjfij réimprime' en 1704. IL
7'he gênerai Penman, \yi.5. IIL
Court Essai sur l'invention primi-
tive de l'écriture^ avec des exem-
ples gravées ; ouvrage qui a été fort
utile a ceux qui, après lui, ont écrit
sur le même sujet. L.
MOORE (Puilippe), théologien
anglais , recteur de Kirkbridge et
chapelain de Douglas , mort le 2a
janvier 1783, âgé de soixaute-dix-
huit aus , a joui d'une grande consi-
dération dans son pays pour sa piété
douce , sou esprit original, et le talent
qu'il avait de rendre l'instruction
aimable. Plusieurs ecclésiastiques dis-
tingués ont été formés par ses leçons.
A la sollicitation de la société pour
la propagation de la doctrine chré-
tienne, il se chargea de la révision
delà traduction des Saintes-Écritures
dans la langue des habitants de l'île
de Man, et de quelques autres livres
de religion, imprimés pour l'usage de
ce diocèse : mais son plus beau îiti'e
littéraire est sa Correspondance fa-
milière avec des liouimes du pi-emier
ordre , et qui ne le cède ni eu soli-
dité, ni en agrément à aucun autre
recueil de ce genre. L.
MOORE ( Le docteur Jean ) , mé-
decin et littérateur écossais , né à
MOO
55
Stirling, en 1780, avait pour père
nu ministre de l'Eglise, qu'il perdit à
l'âge de cinq aus. Après avoir suivi
les lercjiis de deux professeurs célè-
bres , les docteurs Hamiiton et Cul-
Icn , en 1747 ? il f"t envoyé sur le
continent , et employé à l'armée de
Flandre , comme aide ( mate ) dans
les h(j|iitaux militaires de Macstricht
et de Fiessingue. Il fut ensuite nom-
mé chirurgien-adjoint du régiment
des gardes a pied ; et après être reste
à Bréda avec le régiment jusqu'à la
paix ( 1748) , il revint à Londres,
reprit ses études sous le docteur Hun-
ier , et partit bientôt après pour
Paris, où il obtint la protection du
comte d'Albemarlc, qui l'avait connu
en Flandre , et qui était , à cette
époque , ambassadeur auprès de la
cour de France. Moore devint le
chirurgien de sa maison, et profita
des sources d'instruction qu'il trou-
vait à Paris : i\ se rendit à Londres
deux ans après , pour suivre les
cours du docteur Smellie, qui jouis-
sait d'une grande réputation comme
accoucheur , et retourna en Ecosse,
où il exerça la chirurgie à Glas-
gow. Lorsqu'il fut parvenu à l'âge
de quarante aus , un incident ouvrit
une nouvelle carrièi'e à son esprit
nalurellement actif et observateur.
En 1 769 , Jacques-George , duc d'Ha-
milton, fils du duc d'xîrgyle, jeune
seigneur d'une grande espérance ,
ayant été attaqué d'une maladie de
poitrine, fut traité par Moore, et
succomba malgré tous les eiTtris de
l'art. Mooie, q".i avait été témoia des
soulTrauces ciuelles et de la résigna-
tion du jeune Hamilton , fît gra\ rr
sur sa tombe une épitaphe dans la-
quelle il rappelait ces circonstances,
et faisait l'éloge des qualités de co
seigneur. Sa famille en fut exlrême-
meut touchée : s' etaut liée inlim émeut
fie
MOO
avec Moorc, elle le pria d'accompa-
gner sur le continciil un autre fils de
la duchesse d'Ara vie, dont la consli-
tutioiictaitaussiforf dolicate. Moore,
qui venait d'obtenir les degrés de
docteur en médecine, partit avec son
Jeune pupille , et , pendant un sé-
jour de cinq ans hors de l'Angle-
terre , visit 1 la France , l'Italie , la
Suisse et la Hollande. A son retour,
en 1778, Moore vint se fixer à
Londres avec sa famille; et il y pu-
blia, l'année suivante, le re'sultat de
ses voyages sous le titre de Coiip-
d'œil sur la .société et les mœurs en
France, Suis:.e et Allemagne , 1
vol. in-8°., 1779. Deux ans après il
fit paraître la continuation du même
ouvrage sous le litre de Coup-d'œil
sur la société et les mœurs en
Itale, 'jivol.in-8'>., 1781. Os deux
ouvrages ont ctë traduits en français,
par ]M. Henri Ricu , Genève, 1799,
4 vol. in-8 '. M'l«. de Fontenay a pu-
blié une nouvelle traductitin (lu pre-
mier de ces ouvrages, sous le litre
de F'ojage de John Moore en Fran-
ce, etc. , y ans , 1806,2 vol. in-8".
Moore, ayant passé un si grand
nombre d'années tant en Ecosse
qu3 sur le continent, no pouvait
espérer d'avoir, à Londres, une
clientelle nombreuse. Pour se faire
connaître, il publia, en 1785, ses
Esquisses médicales, ouvrage qui
fut favorablement accueilli , mais
qui n'appurta pas un grand change-
ment dans sa situation. L'^rsque la
révolution française éclata, le doc-
teur Moore, qui. pendant son séjour
en France , tout en ronflant justice au
caractère de ses liabitants, avait jugé
trop sévèroment son gouvernement,
parce qu'il diîfcr;.i} de celui de l'An-
gleterre, fut ravi d'aj>prenJre qu'il
allait être modifié. Il désirait vive-
ment être témoin des cbaiisements
MOO
qui allaient s'opérer : aussi accepta-
l-il , avec empressement , loflrcque
lui fit le comte de Lauderdale , de
l'accompagner à Paris. Ils s'y ren-
dirent en août 1792 ; mais les mas-
sacres de sept<mbie , el les autres
ati ocités dont ils furent les témoins ,
les décidèrent à retourner en Angle-
terre vers la fin de cette année.
Moore continua de s'y occuper de
littérature, jusqu'à sa mort, arrivée
le 28 février i!So'2, dans sa maison
de Ciiil'ord-Street , suivant quel ji-cs
biographes , et dans sa terre de Ri-
cbemond , suivant d'ai.trcs. Outre
les ouvrages dont nous avons parlé,
on a de Mocre : i. Zeluco, Londres,
1786. Ge roman rempli d'événe-
ments intéressants . nés des pa «ions
désordonnées d'un enlant gâté , et de
l'aveuglement d'une mère, est re-
marquable par la pureté du style,
l'originalité des idées , la vénlé des
caractères, et surtout par sa douce
et pure morale : il a été traduit en
français par Gantwell, 1796, 4 ^'ol.
iu-i8. IL Edouard, autre roman
moral , où l'on trouve quelques ta-
bleaux assez vrais , puisés surtout
dans la vie el les mœurs de l'An-
gleterre : il a aussi été traduit en
français par Gant well , 1 797 , 3 vol,
in-i'2. m. Journaléciit / endanl un
séjour en France , d'août à décem-
bre 1792 , etc. , avec nue carte , 2
vol. in-8°. , 1795. IV. f'ues des
causes el des progrès de la Révolu-
tion française, 2 vol. in-8\, 1796;
dédie au duc de Devonshire. Get ou-
vrage , qui commence au règne de
Henri IV, et se termine à l'exclusion
de la famille royale , fut composé sur
les matériaux que Moore avait re-
cueillis dans le troisième voyage qu'il
fit en France , à une eqjoque si fé-
conde eu événements. V. Mordaunt
ou Esquisses de la vie , des mœurs
MOO
et des caractères de divers pays ,
contenant l'hist' ire d'une F ancnis.e
de (jualité , 1798, '2 vol. in-<S". C'est
une série ilc lettres que l'cTilenr sup-
pose écrites p:ir Jean Muiilauut,
pendant sa rcîr.iiteà Vevei, et dans
lescpiellcs il fait le récit de ce qu'il a
observe de plus reiuarqnahle eu Ita-
lie , en Allemagne , en France , en
Portugal , etc. Cet ouvrage, intitule'
R nnan, devrait ]»orter plutotle titre
de Soiti'enirs. iNIoorea été aussi l'édi-
teur des ouvrages de Tobie Mallet,
médecin , 8 vol. in-B"., 1797 ; il y a
joint une Notice sur la vie de l'au-
tcî.ir,ctc. On lui attribue encore des
OEuvres morales^ dont MM, Pievost
et [ilagdon ont publié des extraits ,
Londres, i8o3, 2 vol, in-8". , en
anglais. Dans ces œuvres, Moore trace
le portrait des principaux person-
nages (jui ont (iguré dans la révolu-
lion trançaise, dont il parle en ob-
servateur exercé. On y trouve un
aperçu géogrjphique des villes les
plus remarquai des de l'Europe; et
les éditeurs y ontajomé des notes et
une Vie de Jean Moore. Cet auteur
avait des connaissances tvcs-yarioes,
mais super' "cielles. 4près qu'il eut
commence ses vojages comme gou-
verneur , il ac }uit la réputation
d'homme" d'esprit , rempli de gaîlé,
qualités qui dominent dans ses jtro-
ductions. Ses Fofages obtinrent un
très-gran 1 succès lors de leur publi-
cation, à cause des scènes remplies
de plaisanteries fines et gaies; mais
la fréquence de ces plaisanteries fait
qu'ils doivent être recherchés plutôt
pour la manière spirituelle avec la-
quelle l'auteur raconte , que pour
l'exactitude des renseignements ou
la profondeur des remarques. Pai-rai
ses romans , Zeluco est à peu près
le seul qui ait conservé une certaine
réputation. D-z-s.
MOO
^7
INIOORE ( Sir John), général an-
glais , fds du précédent , naquit à
Glasgow, en 1761 , et fut élevé sur
le continent, pendant le séjour que
son père y fit avec le duc d'Hamil-
ton. Par la protection de ce seigneur,
il obtint, en 1776, le grade d'en-
seigne dans le [)i^. régiment d'infan-
terie, alors en garnison à iMinorque,
fut employé à la guerre d'Amérique,
et réformé à la paix de 1 783. Il en-
tra , peu après, au parlement, où
il représenta le bourg de Lanerk.
Eu 1788, il reprit du service , et se
rendit , en 1793 , k Gibraltar, avec
son régiment, et , l'année suivante,
fit partie de l'expédition cor.trc l.i
Corse, sous les ordres du général
Slewart, qui le mit à la tète delà ré-
serve. Il se distingua au siège de
Calvi , et reçut sa première blessure
à l'assaut du fort Morcllo. Sa bonne
conduite lui valut l'emploi d'adju-
dant-général. Quekpies différends sur-
venus entre le vice-roi et le général
Stewart, ayant fait l'appeler ce der-
nier, Moore le suivit en Angleterre,
où il arriva le 3 nov. 1 795. Il fut
nommé immédiateinent brigadier -
général, et attaché à une brigade
composée des hussai'ds de Choiseid ,
et de deux corps d'émigrés français.
Le 25 février 1796 , il reçut l'ordre
de prendre le commandement de la
brigade du général Perryn , et de
s'embarquer avec elle pour les Indcs-
Occidcntales , sous sir Ralph Alier-
crombie , qui venait de mettre ino-
pinément à la voile , et qui avait
laissé cette brigade en arrière. A son
arrivée aux Barbades , il se rendit au-
près du général ALerci'ombie , qui
le distingua bientôt, et,j)endant le
cours des opérations contre Sainte-
Lucie, qui eurent lieu aussitôt après,
l'employa dans les occasions les
plus importantes. Après la capi-
58 i\:oo
tiilation de cette île ( ^5 mai 1 796) ,
sir Kalph lui fu donna le gouverne
ment. De nombreuses bandes de nè-
gres s'étaient réfiij;;iées dans les bois,
él ils inquiétaient les troupes anglai-
ses : Moore parvint à les réduire.
Mais l'insalubrité du climat lui don-
na deux fois la fièvre jaune: en août
1 797 , il retourna eu Angleterre,
pour y rétablir sa santé; et en sep-
tembre, il suivit à Dublin sir Ralph
Abercrombie, nommé commandant
des forces anglaises en Irlande. Lors
de la rébellion de 1798, il fut d'a-
bord employé sous le major-général
Johnstone, à l'affaire de JNew-Ross,
oîiles insurgcuts éprouvèrent de gran-
des pertes. Détaché ensuite sur Wei-
ford, dont les rebelles s'étaient em-
parés, il fut attaqué par un corps
de six mille hommes, commandés
par un prêtre, nommé le général
Roche; mais, malgré l'infériorité
tle ses forces , il les repoussa , après
un sanglant engagement. Ayant été
joint par deux régiments, sous les
ordres du général Dalhousie,il mar-
eha sur Wexford, dont il s'empara.
Moore continua de servir quelque
temps encore en Irlande, où il fut
élevé au grade de major-général, et
obtint un régiment. En juin 1799, il
accompagna le duc d'York dans son
expédition de Hollande, et y reçut
diverses blessures. Il revint dans sa
patrie pour s'y rétablir; le roi ajou-
ta un second bataillon au 5'i^. régi-
ment, et lui eu donna le commande-
ment de la manière la plus flatteuse.
Lorsque ses blessures furent fermées,
il accompagna de nouveau sir Ralph
Abercrombie, chargé du comman-
dement des forces anglaises qui de-
vaient se rendre en Egypte ( 1800 ).
]\Ioore débarqua d'abord à Malle ,
et passa ensuite à laffa , pour exa-
liuncr i'arnicc laraae; ayant juj^é
MOO
qu'elle ne pouvait être que d'un fai-
ble secours, le général en chef prit
le parti de débarquer dans la baie d' A-
boukir , et de marcher immédiate-
ment sur Alexandrie. Moore blesse à
la jambe, à la bataille d'Aboukir ( r.
Abercrombie), fut transporté à bord
du Diadème, puis conduit à Ro-
sette, pour changer d'air : il reprit
ensuite son service, et après la pri-
se d'Alexandrie, il retourna en An-
gleterre, où il fut fait chevalier, dé-
coré de l'ordre du bain, et obtint
un commandement dans l'intérieur.
En mai 1808, Moore fut mis à la
tète d'un corps de 10,000 hommes,
four soutenir le roi de Suède contre
attaque combinée de la Russie, de
la France et du Danemark. L'expé-
dition arriva à Gothenbourg le 7
mai; mais des difficultés s'étant éle-
vées entre le roi de Suède et le gé-
néral anglais, ce dernier, après avoir
été un instant retenu à Stockholm ,
par ordre de Gustave IV , parvint
à quitter cette capitale, et ramena
les troupes en Angleterre. A son re-
tour de la Baltique, il fut envoyé
en Portugal , avec les forces qu'il
avait ramenées et la brigade de ca-
valerie de lord Pagct : il arriva dans
ce royaume , au moment de la con-
vention de Cintra. SirHen, Dalrym-
ple et sir Karry Burrard , qui l'a-
vaient signée, ayant été rappelés
pour rendre compte de leur condui-
te, sir Jean Moore fut nommé com-
mandant en chef. L'armée sous ses
ordres devait pénétrer en Espagne,
et se réunir dans la Galice et sur
les confins du royaume de Léon: il
devait avoir en outre scus ses or-
dres sir David Baird et 1 5, 000 hom-
mes ; et on lui annonçait qu'uue
armée considérable d'Espagnols cou-
vrirait sa marche , et soutiendrait
ses opérations. Il se convai;:quit
MOO
bientôt du peu de fonds qu'il devait
faire sur l'assistance des Espap;nols,
et de rexaj;eratiou des rapports
qu'on lui avait adresses sur ce pays.
Énrgos avait e'te dcsij^ine comme le
point de réunion des dilfbrcntes di-
visions ^e l'armée anglaise; et non-
seulement cette viile , mais Vallado-
lid, étaient au pouvoir des Français,
qui s'avançaient à sa rencontre. Il
se trouva dans la viile ouAerte de
Salamanque , avec trois brigades
d'infanterie, à trois marches des
Français, sans avoir un seul coips
avancé, ni un piquet espagnol pour
couvrir son front ; et il ne pouvait
être rejoint par le reste de son ar-
mée qu'au bout de dix jours. Les
corps espagnols étaient séparés l'un
de l autre par toute la largeur de la
péninsule. Les conséquences fatales
de ce manque d'union se firent bien-
tôt sentir. Blake fut défait, et Cas-
tauos ne tarda pas à éprouver le
même sort ; de sorte qu'il ne res-
tait plus en Espagne aucune armée
à opposer aux Français, à l'excep-
tion de celle qui était sous les or-
dres de Moore, et qui se composait de
corps également disséminés. Moore
crut devoir se retirer vers le Portu-
gal , et presser sa réunion avec le lieu-
tenant-général Hope , qui s'était avan-
cé vers Madrid. 11 ordonna ensuite à
sii- David Baird, de rcirairner la Co-
rogne en toute hâte. L'opinion des
autres généraux , et les pressantes
sollicitations de son armée, déter-
minèrent Moore à changer de réso-
lution, et à se diriger sur Madrid ,
qu'on lui avait assuré pouvoir résis-
ter long-temps aux Français. H se
décida à marcher au-devant du gé-
néral Soult , posté à Saldanha , es-
pérant que s'il parvenait à le défaire,
il donncrriit aux années espagnoles
le temps de se rallier et de se réu-
MOO
59
nir; mais après quelques escarmou-
ches sans résultat , Moore étant ins-
truit que Buonapartc en personne
cherchait à se placer entre l'aruiée
anglaise et la mer, et craignant d'ê-
tre coupé, cfTectiia sa retraite. Suivi
de près par Buonapartc et Soult , ne
recevant aucun secours des Espa-
gnols, et manquant de tout, avec
une armée harassée de fatigue, il ne
put éviter d'avoir , à Lugo , un en-
gagement avec ce derniei' : l'armée
anglaise soutint vivement le choc ;
et il paraît que la bravoure qu'elle
montra , détermina le général fran-
çais à différer une attaque plus sé-
rieuse, jusqu'au moment où les An-
glais se prépareraient à s'embar-
quer. Moore trompa l'ennemi , en
faisant allumer de grands feux pen-
dant la nuit : il s'avança vers la co-
te à marches forcées, et gagna ainsi
une avance considérable. Le 1 1 jan-
vier 1809, toute l'armée anglaise
atteignit La Corogne, où elle devait
s'embarquer : on n'y trouva aucun
transpoit , et la bataille devint iné-
vitable. Les Français n'attaquèrent
que vers le midi du 16 janvier, au
moment où Moore donnait des or-
dres pour l'embarquement. Aussi-
tôt qu'il aperçut toute la ligue de
l'ennemi sous les armes , il monta à
cheval^ et vola au combat. Les pi-
quels avancés éiaient déjà engagés
avec l'ennemi qui descendait rapide-
ment la colline sur l'aile droite des
Anglais. Dans le commencement de
l'action , sir David Baird eut le bras
fracassé, et fut obiigé de quitter le
champ de bataille. A ce moment
l'artillerie française plongeait de des-
sus les hauteurs, et les deux lignes
d'infanterie s'avancèrent l'une coutre
l'autre sous une grêle déballes. Elles
étaient cacore séparées par des murs
de iiiLi re et des iiaics. Moore se mit
6o
MOO
à la tète du 5o^. régiment, comman-
de par les majors Napicr et SlanLo-
pe, et s'avança vivement sur IV'nne-
rai. Le premier de ces officiers est
};;riève;iient blesse' et fait prisonnier;
le second tombe mort d'une balle
dans la poitrine ; Moore s'avance
alors vers le 4'^*^. , et s'écrie : « Mon-
» tagnards , souvenez-vous de V E-
^> gypte ; » et en même temps il
donne l'ordre à nn bataillon des gar-
des de les soutenir. Les montagnards,
dont les munitions étaient épuisées ,
croyant que les gardes venaient pour
les remplacer, commençaient à re-
culer • mais Moore voyant leur mé-
prise , leur dit : « Soldats de mon
» brave ^•2'^. , rejoignez vos cama-
» rades, les munitions vont arriver,
^ et d'ailleurs vous avez vos baioiinct-
» tes. » Ils obéirent, et revinrent au
combat. Mais au moment oîi Moore
les exhortait , un boulet le jeta à
ferre; il eut la f rce de se relever et
de les eshort' l encore. Le chirur-
gien était à peine arrivé pour le pan-
ser, qu'il expiri ( 16 janvier 1809),
après avoir demandé des nouvelles
du combat. Or. trouve des détails sur
les actions de .lean Moore, dans l'ou-
vrage de Jacques Moore, son frè-
re, intitulé : Histoàe des campa-
gnes de l'armée anglaise en Espa-
gne. Le rapport du lieutenant géné-
ral Hope , sur l'affaire de la Coro-
gne , dans lequel il rend compte des
circonstances qui avaient précédé et
de celles qui avaient suivi la mort
du général Moore , fut amèrement
critiqîié dans le IMoniteur. Chacun
des partis s'attribua la victoire. On
ne peut disconvenir cependant qu'à
en juger par les résultats , ce ne furent
pas les Anglais qui demeurèrent vain-
queurs: vivement pressés par les
Français, ils eurent d'abord beau-
coup de peine à gagner la Corogue ;
MOR
cl à la suite de rengagement qui eut
lieu auprès de cette ville, ils abin-
donnèrenl toute l'Espagne. On a éle-
vé un momiment au général Moore ,
dans la cathédrale de Saint-Paul , à
Londies, et un autre dans sa ville
natale. D — # — s.
MORA Y JARABAS ( Paxtl de ),
jurisconsulte espagnol, et membre du
conseil du roi, depuis 1768, naquit
en 1718, dans la Vieille-Castille, et
mourut à Madrid, en août i 79'^. Son
principal ouvrage est un Traité cri-
tique sur les erreurs du droit civil et
les abus de la jurisprudence , Ma-
drid , 1748, in-8". Cet ouvrage est
divisé en sis chapitres. Dans le pre-
mier, il cherche à établir, par le té-
moignage des savants, que le droit
civil est rempli d'erreurs. Dans le se-
cond, il veut prouver que les Pandec-
tes que nous avons aujourd'hui , ou
du moins la plus grande partie de ce
recueil est apocryphe. Dans lelroisiè- '
me, i! censure divers poinjs de dfoit,
regardés comme axiomes par les au-
tres jurisconsultes. Le quatrième cha-
pitre est consacré à l'exposition des
lacunes de la jurisprudence espagno-
le. Dans les deux derniers chapitres,
il développe ses vues sur l'amélio-
ration de cette partie importante ,
ainsi que des études qui y ont rapport.
On attribue à Mora le rapport du
conseil des avocats, d'après lequel il
fut enjoint aux universités de sou-
mettre à des censeurs les écrits àts
étudiants. Sempère cite de lui,dai;s
la Bibliothèque espagnole , un grand
nombre de Dissertations manuscrites
sur divers points de droit civil et
ecclésiastique. D — g.
MORABIN (Jacques), secrétaire
dn lieutenant de police de Paris, était
né à la Flèche ; il fut agrégé comme
docteur de la faculté de Navarre, et
protégea la jeimesse indigente de
RIOR
Cliamfort, Ilumaiiistc laborionK et
e'nidit , il fit une étude spéciale et
aprofondic des ouvraj^cs de Cice'ron.
Malgré la sécheresse de son style, ses
traductions, et les deux productions
biograpliiques sorties de sa plume ,
obtinrent un succès que leur ont en-
levé presque en entier des écrivains
plus exerces. Morabin mourut à Pa-
ris , le 9 septembre i 76'^. On a de
lui: I. Une traduction du Traité des
lois, le Cice'ron, Paris, 1719;
1777, in-iy.. IL Une autre du Dia-
logue sur les causes de la corrup-
tion de l'éloquence romaine , attri-
bué à Tacite ou à Quintilien , ibid. ,
i7'i2, in-i>. Morabin l'attribue à
Maternus, l'un des interlocuteurs.
Les Versions de Dallier , de Bureau
de Lamalle et de Chcnier ont fait
oublier celle de Morabin. IIL Tra-
duction du Traité de la consolation,
de Cice'ron, 1733, ibid., iu-isij
réimprimée avec la Dii'ination, Irad.
par Régnier-Desraarais , Paris, Bar-
bon,anin (179;^;, in-i2. Ce Traité
de la consolation et celui des lois ,
ont été insérés , avec q-.ielques cor-
rections , dans les OEuvres de Cicé-
ron , publiées par le libraire Four-
nier, Paris ( 1817 , in-S'^. ) IV. ffis-
toire de l'exil de Cicéron , i'J'2.5,
in- 1 2 : elle a été traduite en an-
glais, et a été très-utile à Middle-
ton, par la précaution que prend
l'auteur de confirmer continuelle-
ment sa narration par le témoignage
des écrivains anciens. V. Histoire de
Cicéron, 174'j, '-* vol. in-4^.; exacie
et méthodique: elle ne soutint pour-
tant pas la concurrence avec l'ouvra-
ijede Middleton, dont la publicalion
fut de très - peu antérieure. Middle-
ton avait évité de s'apesantir, com-
me l'écrivain français , sur des dé-
tails généralement connus. Celui-ci
sembla n'avoir rais sou étude qu'à
'I\[OU Gt
rassembler des niatcrianx; celui-là
sut encadrer les siens dans iwie com-
position qui parut à -la -fois savante
et neuve. VI. Nomenclator Cicero-
nianus, 17^7, in- r^. Morabin est
encore l'auteur de l'Avertissement
qui précède le Dialogue sur la musi-
que des anciens, par l'abbé de Châ-
teauneuf. F — t.
MORAD. r. Amurat et Mou-
RAD.
MORALES ( Ambroise ) , l'un des
écrivains espagnols les plus distingués
de son temps, né en i5i3, à Cordoue,
était fds d'un habile médecin. 11 fut
dirigé dans ses études par son oncle,
le savant Perez d'Oliva , et fit de ra-
pides progrès dans les langues an-
ciennes et dans la litléi'aturc. De Thon
rapporte que Morales entra dans,l'or-
dre de Saint-Dominique, et qu'il en
fut exclus pour avoir imité l'exemple
d'Origèue, dans un accès de zèle fu-
rieux: mais les auteurs espagnols qui
répètent ce fait, ne s'aj)puient que de
l'autorité de rhisloricn français ; et
il en est plusieurs, entre autres Ni-
col. Antonio, qui le nient formelle-
ment. Quoi qu'il en soit, Morales em-
brassa l'elat ecclésiastique, et devint
professeur de belles-lettres à la célè-
bre académie d'Alcalà, où il avait
achevé ses études. Il eut la gloire de
compter au nombre deses élèves San-
doval, depuis cardinal, Guevara ,
Alph. Chacon , etc.; et il fut choisi
])our enseigner les éléments de la
grammaire au fameux D. Juan d'Au-
triche, fils naturel de Charles-Quint.
Le roi Philippe II le nomma sou his-
toriographe; et Morales visita, par
autorisation de ce ])rincc. ks archi-
ves et les bibliolhèqucs des princi-
pales abbayes d'Espagne, pour eu
extraire les pièces nécessaires à son
projet. Il avait entrepris la continua-
tion de la Chrcni jue générale de
63 MOR
Florian d'Ocampo ; et l'on sait qn'il
travaillait encore à ce grand ouvrage
dans les dernières années de sa vie.
Il mourut en 1 5go. Morales est un
historien exact et plein de candeur;
son style est clair, mais peu correct.
On a de lui : I. Coronica gênerai de
Espana; prose guiendo adelante de
los cinco lihtos rpie el maestro Flo-
rian de Ocampo a escrilos, Alcalà ,
1574-77; Cordoue, i586, Svol.in-
fol. On trouve assez ordinairement,
à la fin du second volume , une par-
lie datée de 1375, intitulée : Las an-
tiquedades de las ciudades de Espa-
na che van nomhradas en la coro-
nica, etc.; et, à la suite du troisième
volume, une Dissertation sur la des-
cendance de saint Dominique de la
maison de Guzman. Cette histoire
finit en 1087 , à la réunion des
royaumes de Léon et de Gastille ( F.
Ferdinand P"".) Elle acte continuée
par Prud. de Saudoval. On reproche
à Morales un mauvais système chro-
nologique, son aveugle confiance
dans les traditions populaires , et de
graves erreurs dans les copies qu'il
â données d'anciennes inscriptions ,
dont plusieurs ont été reconnues
fausses. Malgré les défauts de cette
histoire, Mayans desirait vivement
que quelque savant se chargeât d'en
publier une nouvelle édition , avec
des notes qui en augmenteraient l'u-
tilité. Schott en a inséré plusieurs
morceaux, dans le tome n de V Ilis-
pania illitstrata. II. Fiage por or-
den del rei Philipe à los reynos de
Léon. y Galicia, y principado de
Asturia, etc., Madrid , 1 763 , in-fol.
C'est la relation du voyage entrepris
par Morales , dans ditFérentes pro-
vinces d'Espagne, pour en visiter
les reliques, les tombeaux et les ma-
nuscrits; elle a été pid)liée par le P.
Henri Florès, qui l'a fait précéder
MOR
de la Vie de l'auteur. On a encore de
Moralè.i une édit. des OEiivres de
saint Euloge , avec des notes ( F.
EuLOGE, XIII, 5o4 ). Il avoue,
dans la préface, qu'il en a suppri-
mé plusieurs passages pour de bon-
nes raisons. Mayans lui reproche
justement d'avoir donné par -là aux
éditeurs futurs l'exemple le plus fu-
neste. C'est à Morales qu'on doit
le recueil des OEuvres de son on-
cle , Perez de Oliva , Cordoue , 1 588 ,
in-4". Il les a fait suivre d'une tra-
duction espagnole du Tableau de
Cébès , et de quinze Discours ou Dis-
sertations sur divers objets de philo-
sophie et de littérature. Dans l'un ,
il recommande fortement la culture
de la langue espagnole, alors si né-
gligée : dans les autres, il traite de
l'importance des études de rhétori-
que; de la difîërence des méthodes
d'enseignement de Platon et d'Aris-
tote; de la nécessité de s'aider soi- .
même, pour mériter d'être aidé par
la Providence; de l'obligation aux
juges de ne point céder aux mouve-
ments de la colère, etc. Les vues de
Morales ne sont pas profondes, mais
claires et justes; son style est natu-
rel, précis, et souvent embelli d'ima-
ges assorties au sujet ( F. V Hist. de
la littér. espagnole, par Bouter-
\veck,i, p. 369). On a donné une édi-
tion complète de ses œuvres, à Ma-
drid, 1791-92. W — s.
MORALES ( Louis ). F. Divino.
MORALES (Jean -Baptiste ) ,
célèbre missionnaire espagnol, ne
vers i597 , à Ecija, ville de l'An-
dalousie, prit jeune l'habit de saint
Dominique, et se distingua bientôt
par ses progrès dans la piété et dans
les lettres. Il n'était encore que sim-
ple diacre, lorsque ses supérieurs le
désignèrent pour la mission des îles
Philippines. Le vaisseau qu'il moa-
MOR
fait, Lattii par la lonpête, relAcha
à Mexico, où Murales lut ordonné
prêtre; et il arriva, en iGi8,àsd
destination. Il se rendit familier en
peu de temps l'idiome des naturels
du pays , et travailla sans relâche à
leur instruction , avec im zèle que
couronna le succès. Les missionnai-
res ayant conçu l'espoir de former
un e'tablissement dans le Mogol , le
P. Morales y fut envoyé' en 1G29,
avec quatre autres religieux, charge's
de l'aider dans cette sainte entrepri-
se: mais les difficultés qu'ils e'prou-
vèrent,les contraignirent d'yrenon-
cer. Il alla, en it)33, à la Chine,
où les missionnaires de son ordre
avaient pe'ne'trc'dcux ans auparavant,
et il se fixa dans la province de Fo-
kien. Il ne tarda pas à donner de
nouvelles preuves du zèle qui l'ani-
mait pour les progrès de l'Evangile ;
mais la se've'ritc avec laquelle il pros-
crivit le culte des ancêtres, que tolc'-
raient les Jésuites comme une ins-
titution purement civile, lui attira
de grandes persécutions de la part
des mandarins ; et il fut contraint
de sortir de la Chine, eu i638. Il
fut aussitôt député à Tiome , par. ses
confrères , afin d'y rendre compte
de l'état des missions de la Chine ,
et demander au Saint-Siège d'inter-
poser son autorité pour faire cesser
les abus résultant du défaut d'unifor-
mité dans l'enseignement des matiè-
res de la foi. Le P. Morales courut
de grands dangers dans ses voyages,
et n'arriva qu'en i643 dans la ca-
pitale du monde chrétien. Il remit
au souverain pontife dix-sept propo-
sitions, qui furent imprimées et ren-
voyées à l'examen d'une congréga-
tion ; et il revint en Espagne travail-
ler à augmenter le nombre des ou-
vriers évangéliques. Le pape con-
damna; par un décret du 1 2 septem-
MOR r,5
bre iG4'>, tous bs abus qu'avait
signalés Morales; et celui-ci, muni
d'une expédition de cette pièce im-
portante , repartit pour la Chine,
où il n'arriva qu'à la fin de décem-
bre 1649- ï' s'empressa d'y faire
connaître la décision du Sain[-Sic"e.
et en assura la stricte execulion par
tous les moyens qui étaient en son
pouvoir. Cependant les Jésuites ,
ayant présenté la question sous tous
ses points de vue , et montré que
celte défense, observée à la rigueur,
rendrait les conversions extrême-
ment rares et difficiles, obtinrent, en
i6.j6, un décret du pape Alexandre
VII , dont les dispositions annulaient
toutes celles du premier. Le P. Mo-
rales n'en persista pas moins dans
la conduite qu'il a^ait tenue jus-
qu'alors, et continua d'exiger des
néophytes, avant de les admettre
au baptême, une renonciation for-
melle à tout ce que le décret de 1649
qualifiait de pratiques superstitieu-
ses. Il les combattit tant qu'il vécut,
par ses discours et ses écrits; et il
recommanda aux disciples qu'il avait
formés , de ne jamais se relâcher à
cet égard. Ce zélé missionnaire mou-
rut dans la ville de Fo-ning-tcheou le
17 septembre 1 064, emportant l'es-
time et les regrets mêmes de ses ad-
versaires. Outre plusieurs écrits re-
latifs aux missions de la Chine, dont
on trouvera la liste dans la Bihlioth.
d'Echard et Quetif , tome 11 , p.
612 et suiv. , il avait composé une
Grammaire et \\n Diclionnaire Chi-
nois , dont ses confrères parlent avec
éloge; et quelques Opuscules ascéti-
ques, dans la même langue. W — s.
MORAND (Jean), chirurgien
français, né en i(i58, fut un des plus
habiles opérateurs de son temps, 11
devint chirurgien - major de l'hôtel
des Invalides, où il mourut, le 7
64 M OR
novcualjie i "j'iô. Il n'a licn écrit sur
la chirurgie. — Son (ils, Sauveur
M on AND, né à Paris, en i(i97 ,
reçut de lui les premiers éléments
de la chinirgie.il professa lui-même
les principes de cet art, et fut nom-
mé, eu 1730, censeur royal et chi-
rurgien en chef de l'irôjàtal de la
Charité. En 1789, il devint chirur-
gien-major des Gardes - Françaises ,
et mourut le 'ii juillet 1773, chirur-
Sjicn en chef de l'hôtel roval des In-
valides. Il était membre des acadé-
mies royales des sciences et de chi-
rurgie, de la plupart des autres aca-
démies nationales et étrangères , et
chevalier de l'ordre de Saint-Michel.
11 fut imdes premiers protecteurs du
célèhre anatomiste Sabatier, et il lui
donna sa fille en mariage. Il a laissé :
Traité de la taille au haut appareil^
etc. , avec une dissertaiion de l'au-
teur^ etuneleltrede Jf'inslow sur la
même matière^ Paris, 1728, in-S'».;
trad. en anglais, par Douglas, Lond.,
1 729 , in-8°. Ce fut après la publica-
cation de ce Traité, que l'auteur en-
treprit le voyage de Londres , pour
être témoin de la manière dont Che-
selden pratiquait alors l'opération de
la taille. De retour à Paris, Morand
adopta la méthode du chirurgien
anglais , et la simplifia même par la
suite, eu cessant de distendre la ves-
sie par une injection d'eau tiède, et en
se bornant à repousser avec le doigt
les intestins qui tendaient à faire her-
nie. II. Eloge historique de Mares-
chal, premier chirurgien du roi, Pa-
ris, 1737, in-4°. m. liéjutation
d'un passage du Traité des opérr.-
tions publié en anglais par Sharp,
Paris, 1739, in-i'i. I\ . Discours
pour prouver qu'il est nécessaire à
un chi urgien d'être lettré, Paris ,
1 743 , in-4°. V. Piecueil d'expérien-
ces et d'observations sur la pierre
MOR
( avec Bremond ) , Paris, 174^, 'i
vol. in-r.i. VI. \.' Art de jahe des
rapports en chirwgie, Paris, 1743,
in-iu \1I. Catalogue des pièces
d'anatomie , instruments, mac'û-
nes qui composent l'anenal de chi-
rurgie à Pétersbourg, Paris, 1759 ,
in-i'2. Cette collection fut faite par
les souis de Morand, et toutes les
pièces d'anatomie artifii ielles furent
exécutées par une D"". Biberon, et
envoyées ensuite dai.sla capitale de
la Russie, qui manquait alors de
tout ce qui pouvait f-iciliter l'étude
de la chirurgie. VIII. Opuscules
de Chirurgie, Paris, 1768, in -4".,
seconde partie , Paris , 177-», iu-4'^;
trad. en allemand, Leipzig, 1776.
Les Recueils de l'académie des scien-
ces, et de l'académie royale de chi-
rurgie, contiennent des Mémoires
fort intéressants sur différents points
de la science, que l'auteur a traités ,
et qu'il serait trop long d'énumérer.
Son LZo^e par Grand Jean deFouchy
se trouve dans la même rolleclioUj
année 1773. H. p. 99. P. et L,
MORAND (Jea>-"Fra?jçois-Clf:-
MENT ), fils du précédent , naquit a
Paris , en 17.26; il fut reçu docteur
en médecine, en 1750, et profes-
sem' d'anatomie. L'académie d(îs
sciences le nomma son bibliothé-
caire; il devint membre de la plu-
part des sociétés savantes étran-
gères , et mourut en i 784. Nous ci-
terons de lui : I. Histoire de la ma-
ladie singulière et de l'examen du
cadavre d'une femme devenue en
peu de temps toute contrefaite par
un ramollissement général des os ,
Paris, 1732, in-isi, fig. La pièce
analomique se trouve encore dans
les cabinets de la faculté. IL Nou-
velle description des grottes d' Ar-
cy, Lyon, 1752, in- ri. III. Lettre
à iM. Leroi , au sujet de la j'ein-
RIOR
\n6 Suppiot , Paris, 1753, in- 12.
IV. Eclaircisseinenl abrégé sur la
maladie d'une fille de Saint- Geu-
7/ie, Paris, 1754, in-4"- V. Be-
ciieil pour servir d' éclaircissement
détaillé sur la maladie de la jille
de Saint -Geome, Paris, 1754,
in-iu. VI. Lettre sur l'instrument
de Roonhujsen, Paris, lyJJ, iii-
12. Vil. Lettre { à M. Lecamus )
sur les médecins -chirurgiens du
Fal dJjot, 1755, iii-i'i. VIII.
Lettre sur les antiquités trouvées à
Jjuxeul , et sur les eaux tlicriiialcs
de cette ville, insérée dans le jour-
nal de Verdun , cahier de mars ,
Ï756. IX. Mémoire sur les eaux
thermales de Bains ^covijia.ées dans
leurs ejfets avec celles de Plombiè-
res,ïnséié dans le tome vi du Jour-
nal de médecine, année 1757. X.
Du chai bon de terre et de ses mi-
nes, Paris, 1769, in-fol. XI. Mé-
moire sur la nature , les effets ,
propriétés et avantages du charbon
de terre , apprêté pour être einplojé
commodément , économiquement et
sans inconvénient , au chau/fage et
à tous les usages domestiques , Pa-
ris, 1770, in 12, avec figures. XII.
"L'Art d'exploiter les mines de char-
bon déterre, 1769-79, in-fol., lig.,
fait partie de la collection des arts
et métiers, publiée par l'académie
des sciences. XIII. De peritissimi et
clarissiini parentis morte m erentis,
epistola ad omnes academias quœ
patrem in gremium asciverant, Pa-
xis, Quiliau, in-8*^. de 8 pag. La
même, traduite en français, avec
beaucoup de notes, in -8". de 16 p.,
fut envoyée, comme une circulaire,
aux quatorze académies ou corps lit-
téraires auxquels appartenait Sau-
veur Morand. XIV. Eloge du même,
inséré à la tète du Catalogue de ses
livres. L'Éloge de Jean - François-
AXX.
MOR 65
Clément Moran I se trouve (îans le
Korueil de l'académie des scitjices
.784, H., p. 48. PctL.
MOKA^D ( PiERjiE DI-; ) , poète
dramatique , né à Arics, eu . 01
fut destiné aubarreauj niuij uiîraî-
né par son penchant vers les Muses,
il ncg'igoa Thémis pour les suivre.
11 mil beaucoup do zclc au réta-
blissement de l'académie de musi-
que d'Arles , et prononça uu dis-
cours pour l'ouverture, qui eut lieu
en 1729, et qui coïncida avec les
fêtes de la naissance du Dauphin,
dont ii a donné la (lescrij)lion. Mo-
rand vint a Paris, en I73i , et fut
admis aux réunions littéraires du
comte de Clermoat , et a la petite
cour de la duchesse du Miine. II
composa , en 1 732 . pour la duchesse
de Bourbon^ mère du premier de
ces princes, un Divertissement en
forme de prologue; et en 1734, un
autre Prologue pour l'ouverture du
théâtre de la duchesse du Marne. Le
7 avril suivant, il fit représenter
sur ce théâtre la tragédie de Té-
glis , précédée aussi d'un Prologue ;
et Les applaudissements qu'elle y
obtint le déterminèrent à la don-
ner, en 1735, au Théâtre- Fran-
çais; elle eut onze représentations ,
et fut imprimée la même année :
cette pièce ofTre de l'intérêt et beau-
coup d'intelligence de l'art drama-
tique ; mais le style en est faible.
La tragédie de Childeric , jouée en
1735, est jnieux conçue, et intriguée
à la manière de \' Hé radius de Cor-
neille ; on y trouve des caractères
soutenus , des situations attachantes ,
des sentiments nobles, exprimés quel-
quefois en vers énergiques. Cepen-
dant la première représentation en
fut orageuse : au cinquième acte, un
plaisant du parterre, voyant sortir de
la foule qui obstruait alors les cou-
5
66 RIOR
lisses , le capitaine des p;ardes , cliar-
gé d'une lellrc pour Clovis, s'ccria:
Place au facteur ; cetie sai'Iie exci-
ta iiî'.e risce généialc , qui detirisit
l'illusion du clcnouenieul. Le p'd.lic
se munira plus juste aux. représenta-
tions suivantes ; la pièce en eut huit,
cl fut imprimée en i "j 3'j , telle qu'elle
avait été jouée, avec une épître de'di-
catoire à la reine. A la deuxième édi-
tion, en l'jTii , l'auteur fit disparaî-
tre ce qui avait jnis le parterre eu
gaîté . et changea même tout le dé-
nouement. C'est dans cette tragédie
que se trouve le vers suivant, qui fut
fort applaudi :
Tenter est des mortels , re'ussir est des dieux.
Morand s'était marié en Provence :
.sa belle-mère, qui par sou humeur
intraitable avait obligé son mari de
se séparer d'elle , réussit également
à brouiller les jeunes époux; et Mo-
rand, ne put recouvrer sa femme
qu'en filant avec elle une seconde in-
trigue amoureuse, et en l'enlevant ,
pour ainsi dire , à sa mère. Mais
celle-ci lui intenta un procès , et pu-
blia im horrible factinn contre lui.
Il arrangea cette histoire pour la
scène italienne , sous le titre de TJ^^-
prii de divorce. Cette comédie , qu'il
fit jouer et imprimer en 1788, et
qu'il dédia à sa femme , fut très-bien
accueillie. Mais on désapprouva que
Dorante se mît aux genoux de Lu-
cinde. On trouva aussi le caractère
de M">^. Orgon trop odieux et hors
de nature. Morand crut devoir s'a-
vancer sur le théâtre , et assurer le
public que ce caractère , pour être
invraisemblable, n'en était pas moins
fort au-dessous de la vérité. Lors-
qu'à la fin du spectacle , on vint an-
noncer la seconde représentation de
l'Esprit de divorce, quelqu'un dit
tout haut : Avec le compliment de
IMOR
l'auteur. Morand se croit insulté, et
jette avec fureur son chapeau dans
le parterre , en criant : Celui qui
veut voir Vautc ur, n'a qu'à lui rap-
porter son chapeau. — luisque l'au-
teur a perdu l ■ télé , répond un au-
tre malin , il n'a pas besoin de cha-
peau. On arrcte Morand , et ou le
conduit chez ie lieutenant de police ,
qui lui reproche sa vivacité et lui in-
terdit le spectacle pendant un mois.
La pièce fut retirée; mais le public
l'ayant redemandée, elle eut beau-
coup de succès pendant neuf repré-
sentations , qui ne furent interrom-
pues que par la clôture des théâtres.
Cette comédie, le meilleur ouvrage
de l'auteur , est bien conduite , vive-
ment dialoguée, et mériteiait, ainsi
que Childeric , de reparaître sur la
scène. Au reste , la confidence qne
Morand avait faite au public , V\ï
valut un nouveau procès eu diflama-
lion de la part de sa bcUe-mci'c ,■
dans lequel il fut condamné à de
gros dommages envers elle. Les
autres pièces de ftlorand sont : 1.
Ij' Enlèvement imprévu, comédie,
non représentée. IL Les Muses, sor-
te d'ambigu, joué en 1738, par les
comédiens italiens, et composé d'un
Prologue , de Phanazar , tragédie
en un acte , imprimée depuis , sous
le titre de Menzikof , et dédiée à
l'impératiice Anne Ivanowna ; A^A-
f^r.thine , pastorale, et d^ Orphée ,
ballet - pantomime. III. La Ven-
geance trompée , comédie jouée à
Arles, en 1743. I\ . iVeg^a/e , tra-
gédie , sifflée par une cabale , au
Théâtre-Français, en 1748, et dont
la seconde représentation, longtemps
annoncée avec des changements, n'a
jamais eu lieu. Le rôle de Alégare est
très-dramatique , et offre de grandes
beautés. A la fin de la pièce , quel-
qu'un demanda la liste des morts.
MOR
La plaisanterie était bien déplacée ,
puisqu'il ne meurt dans celte tragé-
die que deux {x-rsonnages : mais la
scène du cha/jeau avait indispose
le public contre Morand. V. Les
ylinoiirs des grands hommes { So-
lon , Cyruset Pétrarque ), ballet lie-
roïque , en trois actes , pie'ccdes d'un
Prologue. VI. r^es Peines de Va-
jnour , ballet bero'ique compose' d'un
Proloi^ue , et des actes d' Ulissc et
Pénélope, de Flo7x:tan et Calénis,et
à' HcroetLéandre.NW. Les Tnwiux
d' Hercule , antre ballet he'ro'ique ,
dont il ne reste que le prolo^'jue , avec
la. première et la cinquième entrée.
Les autres entrées se composaient de
l'opéra de Mesure , mis en tragédie
par l'auteur. Aucun de ces trois bal-
lets n'a été représenté. Toutes ces
pièces ont été réunies et imprimées
sous ce titre : Théâtre et œuvres di-
verses de Morand , Paris , 1 7 5 1 ,
3 vol. in-i 2 , qui contiennent de plus :
VIII. Dix dii>ertissements , sorte de
petits o[)éras en un acte , dont quel-
ques-uns ont été exécutés sur des
théâtres particuliers. IX. Des Can-
tates, des Cantatilles , des Poésies
fugitii'es , des Dis^ ours , etc. Oii a
aussi de lui : X. Justification de la
musique française , contre la que-
relle qui lui a été faite par un Al-
lemand et un Allohroge , adres-
sée au coin de la reine , le jour
(jaa,>ec Titon et l'Aurore , elle
s'est remise en possession de son
théâtre , Paris , 1754, i»-8". L'au-
teur y attaque vivement Grimm et
J. -J. Rousseau, et il prouve que
«celui-ci a pris une grande partie de
ce qu'il a écrit siu- la musique fran-
çaise, dans le Droit des beaux-arts,
par Estcve. Cette brochure de Mo-
rand a été mal-àpropos attribuée à
Eslève lui-même, et au chevalier
de Mouliy. XI. Le Pot de cham-
MOPi 67
hre cassé , tragédie pour rire , ou
comédie pour pleurer 1 en un acte et
en vers, précédée d'une J^iéface
sérieuse, et composée avec Gu'ret
et Gatibier , ancien valet-de-t hambrc
du roi, P.n-is , s. d. (1749) i'i-8". (i)
XII. Morand a été , avec Rousseau de
Toulouse et P.ibbé Prévost, l'un des
londatijurs du Journal encyclopé-
dique, qui commença en 1 75(j. Mal-
heureux en mariage et au théâtre,
accablé de revers de toute espèce ,
Morand ne conserva que son coura-
ge et sa gaîté. Reçu avocat au parle-
ment de Paris . en 1739, il cessa
d'être porté si;r la liste annuelle de
l'ordre, en 1755. Il avait été nom-
mé, en 1749» correspondant litté-
raire du roi de Prusse; mais des en-
vieux lui firent perdre cette place,
au bout de huit mois. Un trait bien
marqué du malheur qui le poursui-
vait , c'est que ses dettes se trouvaient
pavées à sa mort , et qu'au premier
janvier de l'année suivante , il allait
toucher le premier quartier de cinq
mille francs de rentes qui lui res-
taient. Cette circonstance n'attrista
point ses derniers moments. Il dis-
posa , en faA eur d'un neveu et d'une
nièce, d'un bien dont il n'avait pu
jouir* et parodiant le testament de
Crispin, dans le Légataire ^ il don-
na aux item des inflexions comiques
qui faisaient rire tous les assistants.
11 s'entretint ensuite de vers, de
prose et de nouvelles , avec quel-
ques amis : ayant appris la victoire
d'Hastembeck , remportée . le -iCi juil-
let 1757, par le maréchal d'Estrées ,
(l) C'est par une erreur typo^aphique , (jii'on
trouve la date 17(3-, Jaus le i>ict,on/iaiie de* ano-
nymei de M. Bnriiier. Il y a I eauL lup d'incertitude
sur les notas dis auteurs de celte pièce ..tlribuoc );e-
Uf ralenieut à Grandval seul , ou en société avec ('•\\i-
ret et Ganbicr. N>.us pensnnsque Moraod n'a fait (;ue
le Discours piéliininaite , et Tepilre dedicaloirc à
l'uiubrc de Muhèrc.
(38 MOR
sur le duc du Cr.mberlancl , il pnro-
dia ainsi le fameux vers do Milhri-
dalc :
Et mes deroiers rcpM-cls nal vu fuir le? Anglais.
Il raoïu'ut le 5 août suivant. Los ou-
vrages de Morand inanqucutdc grâce
el de coloris; mais on y trouve du
sens, des idées , de l'esprit, et une
grande connaissance de l'art drama-
tique, ainsi que de la scène lyrique
et de la chorégraphie. A — t.
MORA.ÎSD ( Jean- Antoine ), ar-
chitecte , né à Briançon , en 17^7 ,
quitta la maison paternelle à l'âge de
treize ans , afin de se livrer à son
goût pour les arts: contrarié par sa
famille , qui voulait l'élever pour
l'état ecclésiasticjue , de Lyon où il
avait commencé à se faire connaître,
il se rendit à Paris , pour étudier la
perspective et la décoration sous le
célèbre Servaudoni. SouiUot fut sou
second maîU'C et sou ami; et en 1 7^7,
Morand exécuta, d'après les plans de
ce gr,ind artiste, la salie de spectacle
de Lyon , dont les décorations don-
nèrent l'idée la plus favorable de sou
talent. Ou apjdaudissait surtout à ses
peintures à fresque. Sa réputation
le fit appeler à Parme, en 1759,
à l'époque du mariage de l'archidu-
chesse avec rempere\ir, pour cons-
truire u!i théâtre à machines ; son
habileté répondit à l'attente de ses
illustres patrons , et força même le
suln-age des artistes d'Italie. Morand
rapporta de son se'jour à Rome de
nouvelles connaissances, qu'il fil ser-
vir encore à rembcllissement de
Lyon. Il présida , eu partie , à la
construction des édifices qui bordent
le quai Saint-Clair; et , en 1 762 , il
traça un plan d'agrandissement de
Lyon , connu sous le nom de projet
de la ville circulaire. Si l'on avait
suivi ses vues , ou aurait disposé
MOR
quatre quais le long du Rhône et de
la Saône; les distances auraient été
rapprochées , résultat si précieux
pour une plice de commerce, et de
vastes terrains auraient considéra-
blement augmenté de valeur. L'admi-
nistration préféra le projet de l'ar-
chitecte Perrache. L'exécution du
plan de INIorand était subordonnée à
la confection d'un pont qui devait
suppléer à l'insuffisance de l'unique
pont en pierres jeté jusque-là sur le
Rhône. Il oirritde faire cette construc-
tion en bois: à ce moyen économique,
on opposa quelque temps la fragilité
d'un pareil ouvrage placé sur un
fleuve si rapide. L'architecte répon-
dit en élevant, dans l'espace de trois j
ans , le pont qui garde son nom : il i
est porté sur dix-sept arches , dans
une longueur de six cent quarante i
pieds , et une largeur de quarar.te- 1
deux; et des formes élégantes et légè-
res en dissimulent la solidité. L'é-
cole des pouts-et-chaussées a donné
son approbation aux principes qui
ont présidé h cette construction ; et
leur exposition fait partie de son cn-
seiçïnement. Monsieur (aujourd'hui
Louis XVIII ) , passant à Lyon , en
177.5 , fit un accueil flatteur à Mo-
rand, et obtint pour lui la décora-
tion de l'ordre de Saint-lVIichel , qu'il
s'app;i([uait à relever. Lors du siège
de Lyon, révolté contre l'anarchie de
1793, Morand mit en usage toutes
les ressources de son art pour la con-
servation de sou pont. Il le défen-
dit long-temps el avec succès contre
l'explosion d'une machine infernale,
essayée par Dubois de Crancé. Pros-
crit après le siège, il porta sa tète
sur l'echafaud , le •24 j^^^i^i' ^1S)\-
F— r.
MORANDE ( CuAULES Theve-
notde), pamphlétaire et journa-
liste , naquit , eu 1 748 , à Arnai - le-
IMOR
Duc, où son ])èrc e'iait procureur :
on l'ciiA'^oya faire ses etii'les à Dijon ,
et il les iiilcrroinpit partie fréquents
écarts. Sou père lui ayant nu jour
refuse de l'arj^enf, de dc'pit;, le jeune
Thcv'Cnot s'enrôla dans un rty^inient
de (Il a|:^ons ; il ne se faisait point en-
core appeler IMorandc : il ne prit ce
ïiom que lorsqu'il e/uhrassa la jiro-
Icssion de chevalier d'industrie. Cet-
te fois il se laissa vai ncre par la honte
lîaterneile, qui rompit sou eiigage-
luent, et il promit de s'occuper !-c-
l'ieuscment de la procédure ; njais
hicnlôt, emporte par son jicnchaut
jiour l'intrigue et la dissij)aliou , il
vint à Paris, et y attira les rcguds
de la police. Des désordi'cs crapuleux,
des filouteries et d'autres actes des-
honorants, excitèrent la sollicitude
de sa famille j elle ohùnt des Icllres-
de-cacKet pour le faire enfermer ,
d'abord au Fort-l'Evcque, puis à Ar-
mentibres. Élargi au bout de qiùuze
mois , il passa en Angleterre, où la
composition de quelques libelles de-
vint sa ressource. Son. FhiLsoplie
cjnùjue, et s(^iîélanges confus tur
des malièresfm'c chùrcs yh'jnires ,
1771, iu-8^., qi'jiquc Ijcaucoup
d'impudence en fit tout le sel, trou-
A'èreut im certain nombre de lec-
teurs. Encouragé par ce succès , il
noircit ses crayon ^ , et ]>ublia , l'au-
jiëe suivante, le G a zetier cuirassé,
ou anecdotes scandaleuses de la
cour de France, (i^^'i) in-iii,
( avec des Jtc-cherches sur la Bas-
tille, etc., qui ont luie paginaîiou
particulière, ) tissu de calomnies
grossières contre tout ce qu'il y avait
de cousiJe'rabiedaus son pays. 11 n'a-
vait laissé aucnue trace d'esprit dans
ces pages satiriques: il en laontra da-
vantage en spéculant sur la révéla-
tion des premiers scandales de la vie
de M™--. DaLarry, révélation dont il
IMOR 60
menaça la favorite. Beaumarchais ,
charge d'une mission secrète à Lon-
dres , re^nt l'ordre d'acheter le silen-
ce du li!jclliste ; ccliii-ci se contenta
d'une somme de cinq cents guinées,
et d'une pension de quatre mille
francs, doiit h moitié réversible à sa
femme. II se crut un moment ap-
ydé, comme l'Arélin, à rançomier
les j)uissanccs. Voltaire aussi en
tiait une : pour lui arracher un tri-
but , Morande l'aA-erlit qu'il avait
en ujain le inoven de le difFamer.
Le j)hilosophe, accoutumé à com-
mander à l'opinion, répondit aux
ouvertures d'un aussi méprisa ide ad-
versaire , en les rendant ])ubliqucs.
Le comte de Lauraguais , depuis duc
de Brancas , fit mieux encore : il
distribua des coups de canne à Mo-
1 ande , dont il eut soin d'exiger quit-
tance, l^a pension que Louis XV
])avaità celui ci, fut supprimée sous
1j règne suivant. La condition qui
enchaînait la ])lume de Morande ,
n'existant plus, il fit j)araître, eu
1 77G, les Amcdoies secrètes sur la
comtesse Dubarrj . Le salaire qu'il
lecevait, ccinmc agent de la police
l'raiiçaise , et leprovluil d'une feuille
])éi-ifjdique qn'd rédigeait soifs le ti-
tre de Courrier de VEinope, lui don-
naient les moyens de tenir à Lon-
dres un état de maison as.^ez agréa-
1-le. Ce fut sur .'"■es dénonciations que
Brissot fut mis a la Dastiîle, comme
auteur d'un pamphlet : le Diable
dans un bénilicr. Morande se ven-
geait aiusi des mépris du [uibliciste
de C'iartres. Revenu en France à l'c-
j)oque de la révolution, il se retrou-
va en hi'te avec ce mê?ue Brissot ;
mais leur pcsition devint l)ienlôt iné-
eaîe , autant que leur talent. Tandis
queceaernier prenait de I nscenclauE
comme écrivain politique , Morande-
demeura cfkcé dans la foule des jour-
7» MOR
nalistcs. Son audace , qui avait fait
SCS succcs en d'autres temps, ne fut
plus un titre pourêlre remarque, dès
que la presse fut libre. Flottant en-
tre les partis, il jinit par se icndre
suspecta celui qui dominait. L'yJr-
gui palri(Aiqiie, publie par lui, de-
puis le mois de juin l'jgi jusqu'au
J 0 août l 'jg'.),, fut signale comme une
feuille indirectement favorable à la
cour, et l'auteur ])crit dans les mas-
sacres de septembre. Nous devons
dire qu'il n'avait pas mérite cet hon-
neur. F — T.
MORANDI -MANZOLINI ( An-
IVE ) , professeur d'anatomie à l'uni-
versitede Bologne, naquit dans cette
ville en 1 7 16. Celle dame avait étu-
dié le dessin et la sculpture, lors-
qu'ayant épouse, en ^'^^o, J. IMan-
zolini , habile anatomiste , elle ap-
prit de lui la science qu'il professait.
Elle s'adonna ensuite à l'art de mo-
deler en cire les diverses parties
du corps humain : elle y obtint de
grands succcs , et parvint à représen-
ter la nature avec beaucoujj d'exac-
titude , particulièrement les organes
externes et internes de la génération ,
ainsi que le fœtus dans toutes les
2>ositions qu'd occupe sous Viilénis.
Ces préparations étaient destinées à
l'instruction des sages-femmes. Après
la mort de son mari , arrivée en
1755, Anne Rlorandi fut pourvue
d'une chaire d'anatomie; et sa ré-
putation , comme modeleuse en cire,
s'étanl étendue clans toute l'Europe,
diverses académies se l'açréiièrent.
Elle reçut des oiïres brillantes pour
aller s'étabiir, soit à Milan , soit à
Londres, soil à Saint-Pétersbourg;
mais l'amour de la patrie les lui lit
refuser. Toutefois elle s'acquitta en-
yers ces différentes villes, en enri-
chissant ieurs cabinets de noinbrcu-
ses préparations auatomiques en ci-
MOR
rc , accompagnées des explications
convenables. Le sénateur comte Gi-
rolamo Ranuzzi lui acheta la collec-
tion de ses préparations, ses instru-
ments et .ses livres , et fit placer le
tout dans son magnifique jialais, où
il accorda un appartement à cette
femme célèbre, l^cs savants et les
étrangers les plus illustres vinrent
l'y visiter. L'empereur Joseph II lui
jnodigua les plus honorables applau-
dissements lors de son passage à Bo-
logne. Elle mourut en ^"j"^. L'art
de représenter les parties anatomi-
ques et pa.hologiques du corps hu-
main a fait depuis de grands pro-
grès , et il est aujourd'hui fort répan-
du en Europe. Paris jiossède on ce
genre , dans le Muséum de la Fa-
culté de médecine , des richesses qui
efl'acent celles que l'on admirait na-
guère à Florence ( V. Fontana,
XV, 197). F— R.
MORAjST (Philippe), antiquaire
et biographe anglais, né, en l'an
1700, dans l'île de Jersey, occupa
plusieurs bénéfices dans le comté
d'Essex , et publia uii^rand nombre
biterons seule-
uiicr
1 et a
d'ouvrages dont noï
mciit : i". Histoire él anliquilés de
Colchesier, 1784, in-folio, réim-
primé en 17G8. — îi". Tous les ar-
ticles de la JJiographia britanvica
( 1739- 1760, en 7 vol. in -fol. ),
signés de la lettre G, et de plus l'ar-
ticle Stillindleet. — 3". U Histoire
du comté d^Essex, 1760-1768, 2
vol. in-folio. Il prépara , pour I im-
pression , les rôles du parlement ,
jusqu'à la seizième année du règne
d'Henri IV. Ce travail a été conîiiuic
par Th. Astle, qui épousa sa fille uni-
que. Ph. Morant mourut le 2j no-
vembre 1770. L.
MOiiARD DE GALLE ( Jusnx-
Bo>" aventure), était né à Goncelin,
en Dauphiné, le 3o mars 1741 ? ^c
I
MOU
parents nobles , qui , le destinant
a l'ctat militaire, le (iieut inscrire,
dès IVi^e de onze ans, dans les gen-
darmes de la fiante. Domine par
nu j^OLit décide pour la marine, il y
entra, en 1757, comme garde du
])avillon ; et au mois de janvier sui-
vant, il fut endîarque sur ['Ecureuil
vil il remplit, dès-lors, les louctions
d'oiUcier. Il passa successivcincnt
sur les frégates la Fleur de Ijs et
V Hermine , et sur le vaisseau le
Sceptre : nommé enseigne en i "05,
il s'embarqua sur V Héroïne. Cette
frégate était destinée à croiser sur
les côtes de Barbarie , pour arrêter
les corsaires qui infestaient la Médi-
terranée. Le comte de Grasse, qui
commandait V Héroïne , avait été
témoin , dans plus d'une circons-
tance, de la bravoure du jeune Mo-
rard de Galle; il le chargea d'aller
brûler un corsaire algérien qui était
en vue : l'entreprise était d'autant
plus périlleuse que ce bâtiment s'é-
tait réfugié sous la protection d'une
des batteries de la côte. La nuit ar-
rivée, notre intrépide enseigne s'em-
barque dans un canot, arrive auprès
du corsaire , et lui applique une
cJiemise soufrée. L'explosion qui eut
lieu une demi - heure après , an-
nonça an commandant de ï Héroïne
que ses ordres étaient exécutés. Lors
du bombardement de Larache ( 'iQ
juin 17G5 ), Morard de Galle était
détaché sur VEina , qui y prit une
part très-active. Après diiférentes
campagnes dans l'In.ie et en Améri-
que , sur la Normande , le Sphinx ,
la Perle, et V. aurore, il revint à
Brest , où il fut attaché à la direction
des constructions, jusqu'en 177(3,
qu'il s'embarqua sur la Dédaigneu-
se, et ensuite sur le vaisseau le Rol-
land , dans l'escadre de M. Du-
clialfaut. Promu, en 1777, au grade
MOR
7»
de lieutenant, il |(assa sur le vais-
seau la nile de Paris, ci a.>>si.>ta au
combat d'0uessant(U7Juiliel 17 78).
11 était sur le vaisseau la Cuwonne y
faisant partie de l'armée combinée,
sous les ordres de M. de Guichen ,
aux condjats des 17 avril, ij et 19
mai 1780. L'aimée suivante, il fut
embarqué , comme capitaine en se-
cond , sur Vylnr.i'<al , dans l'esc-idre
du marquis de ijuifren. Au combat
de la Praya ( iG avril 1781 ), M. de
Trémigon, qui commina.iil c-e vais-
seau , fut biessé grièvement dès le
commencement de l'action; Morard
de Gaile, quoi'ju'ayaul déjà reçu cinq
blessures , le remplaça, et contribua
puissamment au gain de celte batail-
le. Eu récompense de sa belle con-
duite, M. de Siilî'ren le nomma ca-
pitaitie de vaisseau, et ce (hoixfut
ratifié par la cour. M. de Trémigon,
guéri de ses blessures , reprit sou
commandement; et le captaine Mo-
rard de Galle passa sur la fré-
gate la Pouruofeuse. V Annibal
ayant été pris sur les Anglais , le
Commandement lui en fut conlié; et
il participa, avec ce vaisseau, aux
combats des 17 février, et 1-2 avril
1 782 , ainsi qu a ceux des 6 juiliei et
3 septemlire suivants, dans lesquels il
reçut encore trois .blessures graves.
Sa santé se trouvant altérée jiar sui-
te des fatigues qu'il avait éprouvées,
il obtint, du bailli de Sidî'ren , la per-
mission de quitter son commande-
ment pour aller se rétaijJir h. l'île de
France. Il y était à peine depuis quel-
ques mois, lorsqu'il reçut l'ordre de
s'embarquer comme capitaine en se-
cond sur le vaisseau V Argonaute ,
qui rejoignait l'escadre devant Gou-
delour; et il v prit part au condwt
du 20 juin I 783. Il passa successive-
ment sur divers vaisseaux et fréga-
tes , et continua de remplir uu service
72 MOR
très-actif , jusqu'en 1790, que l'ctat
de sa saritc le força u^e seconde fois
de quitter l'iude pour revenir eu
France. Promu au grade de contre-
amiral, au mois dejuillcl 179'i, il
porta son pavillon sur le iiépuhli-
cain , comme commandant une di-
Tision de rarnic'e navale. Nomme
vice-amiral l'année suivante , il fut
destine à commander la station de
Saint-Domingue; mais de nouveaux
ordres ayant réuni sous son comman-
dement trois vaisseaux, et sept fré-
gates, il sortit de Brest, avec cette
escadre , et tint la mer pendant quel-
ques mois , pour protéger la rentrée
des bâtiments du commerce dans
riOS ports. A l'époque où la terreur
couvrait la France de deuil , jMorard
de Galle fut destitué et arrêté; puij
Tc'lntégrc, nommé commandant des
armes au port de Brest, et ensuite
amiral de l'armée navale qui s'y
trouvait réunie. Lors de la création
du sénat ( dcc. 1 799 ), il fut appelé
à eu faire partie; et quelque temps
après , il fut fait comte , grand-oill-
cier de la Légion-d'honneur, et titu-
Jaire de la séuatorerie de Limoges.
Il était retiré à Guéret , depuis plu-
sieurs années , lorsqu'une attaque
d'apoplexie l'enleva presque subite-
ment , le -23 juillet 1809 , à l'âge de
C8 ans. Peu d'hommes de mer ont
l'ourni une carrière aussi remplie que
cet amiral: il comptait trente -sept
campigues , avait exercé onze coni-
maudcmenîs, et assisté à quinze com-
bats , dans lesquels il avait reçu huit
blessures. H — Q — n.
MORATA ( OiFAfPi-i FvLviA ),
l'une des femmus les plus savantes de
5on siècle , naquit à Ferra re en 1 528.
Son père ( V. Morato ) , ayant re-
jnarqué ses dispositions, mit tous
aes soins à les cultiver ; et elle fit de
rapides prcciè.s dcins la philosophie
MOR
et dans les langues anciennes : admise
à partager les leçons de la jeune prin-
cesse Aune d'Esté , elle devint l'ob-
jet de l'admiration de toute la cour
par la facilité avec laquelleellerépon-
dait en grec et en latin aux questions
qui lui étaient adressées. Le séjour
({u'elle fit dans une cour aussi polie ,
fut sans doute avantageux au déve-
loppement de son esprit ; mais elle
s'y familiarisa avec les nouvelles
opinions que partageait et protégeait
secrètement la ducbesse de Ferrare.
Elle revint dans sa famille pour soi-
gner son père dans sa dernière mala-
die ; et ayant perdu les bonnes grâces
de la duchesse, elle se trouva seule
avec une mère infirme, sans fortune
et sans appui, chargée de l'éducaliou
de trois sœui's et d'un frère , en bas
âge. Ayant épousé, en i548, André
Grundier, jeune médecin, qui venait
d'achever ses cours à Ferrare , elle
le suivit en Allemagne , avec Emile
son jeune frère , qu'elle Instruisait
dans les langues. Après avoir de-
meuré quelques mois à Augsbourg ,
les deux époux se rendirent dans leur
famille à Sclnveinfurt^ mais le mar-
quis de Brandebom'g en ayant fait
sa place d'armes , cette ville fut
cernée par les troupes de l'Empire :
après un siège de quatorze mois ,
elle fut prise d'assaut, livrée au pil-
lage et réduite en cendres. Olympia
n'échappa qu'avec peine à mille dan-
gers ; dépouillée par les soldats qui
ne lui laissèrent que sa chemise ,
échevelée , nus pieds , elle suivit sou
mari, emmenant son jeune frère ; et
tous les trois parcoururent une par-
tie de la Franconie , repoussés de
tous les lieux où ils se présentaient.
Enfin , le comte d'Erbach leur ac-
corda un asile dans ses domaines ;
et peu après, Grundier fut appelé .1
Heideibcrg pour y professer la raç-
MOR
dccinc. Mais la santë tic Morata, af-
faiblie par les maux qu'elle avait
soufferts, ne put se rétablir ; et après
avoir langui pendant une onue'e ,
elle mourut, le 16 octobre i55fj,
n'ayant pas encore vingt neuf ans.
Son mari et son frère lui survccuicut
quelques mois , et furent inhumés à
cote' d'elle , dans un toml)oaa c'ieve
par l'amitic , ollVant une double épi-
taplie , rapportée par JNiceron. Les
ouvrages d'Olympia avaient e'te' dé-
truits en partie dans l'incendie de
Sch^veinfurt. Cœl, Sccund. Curicn ,
son ami , en a recueilli les fragments
échappes aux flammes, et Ici a pu-
bliés sous ce titre : Oljmpiœ Fiihnœ
Moratœ , fœminœ i^ocli.'.simœ ac
plané divince , opéra oinnia qiice
hactenùs inveniri potusnint , Baie ,
1662 , in-8". : ce recueil , reproduit
avec quelques augmentations , en
1570 et i58o, contient des lettres
et des harangues de Curion ( V. Gu-
BioN, X, 3^ 1 ).Les écrits de Morata
sont : Trois discours prononcés à la
cour de Ferrare , sur les Fd'-o-doxes
deCicéron, qu'elle devait expliquer à
une assemblée choisie. — L Eloge
de Mut. Scevola, gr. lat. — La tra-
duction latine de Deux nouvelles de
Boccace. — Deux dialogues. — Deux
livres de lettres , et Deux de vers
grecset latins , la plupart sur des su-
ietspieux: ona justement reproché à
Curion d'avoir mgiigc de ranger dans
im ordre chronologique les Lettres
d'Olympia , qui renferment des par-
ticularités intéressantes. La plupa^-t
des poètes contemporains ont expri-
mé leurs regrets Je la mort de cette
femme célèbre. De Thou en a fait
mention dans son histoire; Giraldi ,
Tomasini, Melch. Adam, Th. de
Beze, lui ont consacré des éloges.
On peut consulter en outre ïeissier ,
tome 1*='^. ; les Mémuires dcNicerou ,
MOR 73
tome XV; la Dissertation de George
Louis Noltcn , De Olyinp. Moratœ
vild, scriptis , fatis et virtiitibus ,
Francfort, i-ySi , in - 4"., réimpri-
mée , avec une préface de J. Gust.
GuiM. Uesse, Francfort -sur- Oder ,
1775 , in-8".; et celle de M. J. G.
Kuctschke, De Olympia FulvidMo-
raid, Zittau, 1808, in-4''. W — s.
MORATIN (Nicoltvs-Fernan-
DEz ) , savant espagnol , était avocat,
rtîén'bre de l'académie latine, de la
société économique de Madrid, et
des Arcaftiens de Rome. II débuta
en i70'.>, , daii-> h caiTitre dramati-
que , par la comédie de La Petime-
tra , qui était , ainsi qi.e l'indique le
titre, écrite con todo lo rigor de
arte. Jusque-là, la comédie cspa-
guole avait suivi l'exemple donné
par Lope de Vega , Calderon , Mo-
reto , Solis, etc. Moratin se proposa
de rapprocher le théâtre comique
de sa nation de celui des Français. Il
expose dans sa préface ce projet et
les motifs qui doivent déterminer ses
compatriotes à l'exécuter. Il s'essaya
ensuite, avec peu de succès, dans la
tragédie , par le sujet de Lucrèce :
il fut plus heureux dans sa seconde
tragédie, Ilorinesinda , jouée et im-
primée eu i77o.Ccttepiècea été pu-
bliée avec les éloges de poètes distin-
gués, tels qu'Yriarte, Ortega et Conti .
Hormesinda fut en effet de toutes les
pièces dramatiques de Moratin , celle
(juelepidjlic accueillit le mieux. Guz-
manie Bon, tragédie en trois ac-
tes, qu'il fit paraître en 1777 , parut
très -inférieure à la précédente. On
trouva l'héroïne , Maria Coronel,
trop larmoyante J et l'on blâma sur-
tout l'auteur d'avoir présenté pour
dénouement la mort de l'innocent
don Pèdio , et le triomphe du crime.
11 fallait que l'idée de la tragédie fût
encore bien confuse alors chez les
74
WOR
Espagnols , puisqu'ils blâmaient ce
qui est commun a tant de tragédies
jnodcines. Moratin composa aussi
deux poèmes : Diane ou Vylrt de la
chassa, en six cliants, Madrid, 1 765,
dont le slyle est en j^eueial d'une
grande simplicité; et Las naves de
Cortès destruidas ,Mdànil, 1785,
cliaut e'piqne , qui n'a e'ie publié qu'a-
près sa mort, avec les notes de son
îlis. Ce sujet ( l'iiéroisme de Cortez
brûlant sa flotte) avait déjà été traite
dans la Hernandia de Ruiz de Léon;
et l'académie espagnole l'a vait choisi,
cil 1777 , pour sujet d'un prix qui
fut accordé à Vaca de Guzmau. Mo-
ratin est encore auteur d'une églo-
gue ( Dorisa et Ainarilis ) , lue en
1778 , à la distribution des prix de
la société économique, et d'uue Let-
tre historique sur l'origine et les
progrès des combats de taureaux en
Espagne, Madrid, 1777, 1801 , in-
8'\, dans laquelle il cherche à prouver
que ce divertissement national est
antérieur à la domination des Ro-
mains dans la péninsule. Moratin
avait rédigé en outre pendant quelque
temps deux ouvi-agcs périodiques :
J^l desenganador del texitro espa-
vol, et El poet i. Il mourut en 1780.
Son fils , Léandre - Fernandez , qui ,
comme lui , a commencé par s'éle-
ver contre l'irrésularité du théâtre
o
espagnol, lient actuellement le pre-
mier rang parmi les auteurs de comé-
dies dans sa patrie. Il a préparé de-
puis long-temps une édition des poé-
sies de sou père. D — g.
MORAÏO onUOM:ï:0 {F ui.y 10
Pellegrino ), littérateur italien ,
né à Mantone , vers la lin du quin-
zième siècle , de parents peu favori-
sés de la fortune, suivit la carrière
de l'enseignement , et professa les
])clles-letlres dans différentes villes
■^\ ce beaucoup de réputation. Attire
MOR
à Ferrare par le duc d'Esté, qui ac-
cordait une généreuse ])rotection à
tous les savants, il y ouvrit une école
que s'empressa de fréquenter la jeune
noblesse ; mais accusé de partager
en secret les opinions des nova-
teurs ( I ) , il fut obligé de quitter celle
ville , et se retira à Yicence , vers
iô3o. Il passa ensuite à Venise, oii
sa réputation l'avait précédé ; et il
y reçut de la ])lupart des littéra-
teurs un accueil distingué. Ce])endant
les amis qu'il avait laissés à Ferrare
continuaient d'agir en sa faveur , et
il obtint la permission de revenir en
cette ville, oii l'on sait qu'il était de
retour en i538. L'éducation de sa
fille ( la célèbre Olympia Morata ) ,
la culture de la poésie, et la société
dequelques amisdont ilavaitéprouvé
le dévouement , occupèrent le reste
de sa vie; et il mourut en i547.
On a de lui : I. Il Rimario di tuite
le cadentie di Dante e Fetrarca ,
Venise, i528, in -8".; réimprimé
dans la même ville, en i5i9, i533 ,
i55o, et avecdcs additions, en i565,
in-8". C'est le plus ancien Diction-
naire de rimes que l'on connaisse ;
sa publication a précédé de quarante-
quatre ans celle du Dictionnaire de
rimes par JeanLeFevre, le premier
qui ait paru en français ( /^'. Fevre,
XIV , 4G8 , et P. RiCHELET ). Mo-
reto promet dans sa préface V Ex-
plication des passages les plus obs-
curs du Dante et de Pétrarque ; mais
cet ouvrage n'a pas été terminé. II.
Carmina quœdam lalina , Veni-
se , i533, in -8".; livre tellement
lare qu'il n'a point été cohou de
Tiraboschi , ni des meilleurs bi-
^\) Tiriil'osclii cuuclul d'un [»assage d'une jeLtre
de Calcauiuiii . Mon.to , que c, lu. -ci ..v;nl puMic un
ouvrage lavoi-ahlc aux principes de la refariuc; mais
si celte coujtcture est vraie , l'ouvrage est louilié
dans un tel oubli , qu'un n'eu conuait plus inème le
litre. Y"J Sloi. liUcrat, d'Ital. , loiu. Vil.
MOR
bliof^raplics italiens. lïl. Dei si^ni-
ftcalo de colovi e de' muz:oli, il)iil.,
i535, 1543, in 8'. C'est imc iu-
IrodiicfioJi à la science du blason.
IV. Une Lettre a Olympia , snr la
prononciation de la langue latine,
t'tc. , inj primée dans le reci'.cil des
(cnvres de sa liile ( f\ Muf.ata ). On
conserve en mannscrit , à la îjiblio-
thèqijc d'Esle , ses Commentaires sur
le quatrième 'ivi"c de rÉ'.ic'ide , les
Satyres d'Horace , V Oraison pour
Arcliias , et W Seconde Phdijfpitjue
de Ciceron, et enfin sur le premier
et le quatrième livre de la Guerre
des Gaules , de César. W — s.
MORCELLI (Etienne-Antoine),
antiquaire, ne en 1737, a Chi,iri,
dans la province de Brescia , fit ses
c't'ules chez les Jésuites qui , vovaut
ses heureuses dispositions , l'atti-
rèrent dans leur ordre , et l'cn-
Toyèrent , à l'àgc de seize ans , au
collège de Ptome , d'oîi il passa à
l'Vrmo, puis à Raguse , pour y en-
seigner le latin. En 1771, il futrap-
jiclé à Rome, et y obtint la chaire
d'éloquence. Il professa avec bc>au-
roup de succès, et ne négligea rien
pour soutenir et répandre le goût des
études classiques. Ce fut dans cette
intention qu'il fonda l'académie d'ar-
chéologie au musée du P. Kircher ,
et y donna l'exemple du zèle pour la
connaissance des antiquités, en com-
posant plusieurs dissertations. Après
la suppression de son ordre (1773),
il se retira chez le cardinal Albaîii ,
el prit soin de la magnifique biblio-
thèque de ce prélat. Dans cette po-
sition , ayant du loisir pour le tra-
vail , et les phis grandes facilités
pour les recherches savantes^ il com-
posa plusieurs ouvrages , notam-
ment celui du Style des inscrip-
tions. En 1791, il revint dans sa
A ille natale pour y exercer la charge
1\I0.'\ "j'j
de prévôt du chapitre; et depuis
lurs il r'">ta à Chiari , et devint le
bienfaiteur de ses concit.jy.' us. Il re-
fusa l'archevèchi de Ragasc, pour
n'être pas obligé de s'cluigner de sa
patrie. Il fonda el doîa,d.>nsla vi!le
deChiari, une institution pour l'édu-
cation des jeunes {,L!cs, améliora !es
écoles, (it présent à la ville de sa bi-
biiothè(pie , et restaura p!iLsieursédi-
lices, surtout les ég'ises. M. Labus dit
de Morcelli, que son extérieur e'tait
noble, sa démarche grave, ses traits
réguliers et gracieux, son regard bril-
lant, sa conversation séricu>e et sa-
vante, et que ces qualités, jointes à
sa réputation d'honime juste, pieux
et charitable, attiraient sur lui l'at-
tention et l'admiration partout où il
allait. L'abbé MorccUi passait pour
l'homme qui possétlait le mieux le
style convenable aux inscriptions la-
tines, genre dans lequel il surpassa
beaucoup Emanuel Tesauro et Gui
Ferrari ( V. ces noms); el , dans
toutes les solennités , on s'efforçait
d'obtenir quelque inscription de sa
main. Ce savant et pieux ecclésiasti-
que est mort à Chiari le i*^'". janvier
1821. On connaît de lui : I. De
stylo Inscriptlonum l.itinarum li~
bri III, Home, 1780, in - 4". Cet
ouvraîie a reçu ks éloges des anti-
quaires les plus cbstiugac's. L'auteur
y mettait la dernière main , lors-
que le c.xidinal Albar.i vint à mourir:
aussi Morceili le te: mine-t il par un
c'ioge en style lapidaire de son pro-
tecteur. En plusieurs endroits de S(ni
trav^ail , il exprime un goût très-vif
pour la littérature classique ; et quel-
quefois il y ajoute des expressions
un peu dures contre les lettres et les
mœ lis modernes Lhie profonde éru-
dition se montre dans tout le cours
du livre : cependant les traits eu
sont bien choisis , et ne tendent qu'à
. 7(5 MOR
l'iustrucliou. II. Inscriptiones com-
mentariis sul/jeciis, l 'j'S'i , ia - 4"-
C'est U!ic suite du traité précè-
dent ; railleur y range suiv uit l'or-
dre des sujets , les iuscriptions la-
tines qu'il a composées à l'imitation
de celles des Uojnaius ; et il les ac-
compagne d'un commentaire pour
jiistilier les expressions. Ce que l'on
trouve de plus reraarquaMc dans ce
volume , c'est uu essai de fastes des
siècles de l'ère chrétienne , écrits à la
manière des fastes du Capilole. llf.
Ilapepyo» inscriplionuni novisdma-
rurn ab anno i ;84 Andrii Andrecc
curd editum , Padoue , 1 8 1 8 , iu fol.
Ce livre forme la suite des deux
précédents, que l'on réunit ordinaire-
ment. IV. Indication des antiquités
de la maisoii Albani , Rome, i^8j.
V. Ancien calendrier de l'église de
Cunstantinople , traduit du grec en
latiii , et accompagné de notes , Ro-
me , 1788, -1 vol. in- 4". Ce calen-
drier est fort important, et surpasse
en antiquité tous ceux qui avaient été
publiés jusqu'à présent. \ I. Expla-
natio ecclesiastica sancti Gregurii
( évêque de Girgenti) , en dix livres ,
grec et latin, 1791. VII. AJ'rica
chrisliana, Rome, 1816, 3 vol. in-
40. On a encore de Morcelli deux
livres de Sermons, 1783; trois pelils
vol. d'OEuvrcs ascétiques, i8tio, et
plusieurs petits Traités , tels que
Electorum , libri u, 1 8 1 4; Agapeia,
i8i6(sursaintAgape, martyr, dont
le corps fut donné par Pie VI à la
ville de Chiari , et dont le culte fut
établi par Morcelli dans sou égli-
se ); De Agone CapitoUno ^ ^^17;
}Atxeti]M4^, 1818. M. Labus se pro-
pose de publier les manuscrits de
Morcelli , avec une Vie de ce sa-
vant. Il a fait insérer préalablement
dms uu journal de Milan une Noiicc
sur i'abbé Morcelli, traduite dans la
M OR
Revue encj clopédique, février 1 82 1 ,
IX, 3g I ■4- D — G.
MORD \UNÏ ( Charles ). Z^. Pe-
TERBOROUGH.
MORE ( TnoMAs ), en latin Mo-
rus, grand-chancelier d'Angleterre ,
né à Londres , en 1 480 , était C!s
d'un lies juges du banc du roi. Le
cardinal ;\îorton , arclicvè(pie de Can-
teibury, charmé de son caractère ai-
mable et de ses heureuses disposi-
tions, le reçut dans sa maison, et
veilla sur sa première éducation, qu'il
1 envoya terminer à Oxford. More
fit des progrès aussi rapides que bril-
lants dans tous les genres de littéra-
ture : au sortir de l'université, il
suivit la carrière du barreau, et s'y
acquit une telle réputation, qu'aussi-
tôt qu'il eut atteint l'âge nécessaire
pour entrer au parlement , il en fut
élu membre ; et il y débuta par faire
refuser un subside onéreux que vou-
lait imposer Henri VII. Wolscy l'in-
troduisit auprès de Henri VllI, et
lui ouvrit la porte du conseil-privé.
Ce monarque goûta beaucoup sa
conversation , l'admit dans sa plus
grande intimité, le nomma trcso- -
lier de l'échiquier , et l'employa dans
plusieurs missions importantes, sur-
tout aux conférences de Cambrai,
ou il eut beaucoup de part au traité
qui fut conclu dans celte ville. 8es
services furent récompensés, après la
disgrâce de Wolsey , par la charge
de grand-chancelier. Il n'est pas vrai
qu'il fut le premier laïc qui eût oc-
cupé cette éminente place ; mais
personne ne l'avait remplie avec au-
tant de zèle , d'intégrité et de désin-
téressement. Aussi, lorsqu'il la quitta
au bout de deiix ans d'exercice , sa
fortune se réduisait-elle à cent livres
sterUug de revenu. Ses enfants se
plaignant quelquefois de ce qu'il ne-
profilait pas de son élévation pour
I\IOR
îcnr avancement: « Laissoz-nioi ren-
» dic la jiislico à toiil le laonde ,
» leur re'pund.iil-il ; aoIic gloire et
» mon .salut en dépendent : ne crai-
» gncz rien , vous aurez tonjonrs le
» meilleur parlaj^c, la bénédiction de
» Dieu et des hommes. » More ecou-
ttit indistinclement tous les plai-
deurs. 11 .sullisait d'être pauvre pour
obtenir une prompte justice. « La
«justice m'est si clièrc, disait-il,
)) ffuc si mou père plaidait contrôle
» diable , et ([u'il eût tort, je le con-
5) damnerais sans hésiter, » En moins
de deux années , il fit expédier toutes
les causes arriérées, dont queiqucs-
iincs l'étaient depuis vingt ans ; et
tout se trouvait au courant quand il
donna sa démission. Vu de S£s gen-
dres , qui n'avait soutenu un procès
que parce qu'il avait compté sur sa
laveur, se plaignant de l'avoir per-
du : « Je suis fils de Thémis, lui dit-
« d, et aussi aveugle que ma mère. »
More connaissait à fond le caractère
de Henri. Un de ses amis lui faisant
un jour l'éloge de ce prince, qui
s'était promené pendant deux heures
dans le jardin du chancelier, le bras
passé autour du cou de ce favori. « Je
» conviens cju'il est bon maître , re'-
» pliqua-t-il ; cependant, malgré la
}> faveur dont il m'honore , si cette
» tète qu'il vient de caresser pouvait
» lui gagner uu château en France ,
» il ne la laisserait pas long-temps
» sur mes épaules. » 11 ne tarda pas
à éprouver la vérité de cette conjec-
ture prophétique. Comme tous les
hommes éclairés de son temps, Mo-
re desirait la réforme des abus qui
s'étaient glissés dans le gouverne-
ment de l'Église, surtout dans l'ex- '
cessivc autorité que la cour de Rome
exerçait sur celle d'Angleterre. Mais
il prévit (juc les changeraenls entre-
pris par Uouri VIII iraient jusqu'à
briser les liens qui l'unissaient avec
le Saint-Siège, et que le j)ostc émi-
nent t[u'il occuj>ait le mettrait dans
le cas d'y prendre part: il se démit
du grand-sceau , pour aller vivre en
.simple particulier dans sa maison de
Chelsea, où il partagea tontson temps
entre la prière , l'étude et les soins de
sa famdle. L'ombrageux monarque
ne l'v laissa pas jouir long-temps
des douceurs delà retraite. Persuadé
que le sulliage d'un homme de soa
caractère et cîe sa réputation , dont la
plume lui avait été foit utile pour
repondre à Luther , donnerait uu
grand lustre à sa cause, Henri sonda
ses dispositions; et sur son refus de
prêter le serment de siiprémalie ,
il le (it renfermer à la Tour, où il fut
privé de ses livres qui faisaient sa
plus douce consolation, et réduit k
vendre ses meubles pour faire sub-
sister sa nombreuse famille. Les me-
naces, les insinuations les plus cap-
tieuses , les offres les plus séduisan-
tes échouèrent contre sa fermeté.
Quand on lui opposait le statut du
parlement qui avait prescrit le ser-
ment , il répondait que c'était une
épée à deux tranchants, qui tuait ou
l'ame ou le corps. Lui représentait-
on qu'il ne devait pas se croiic plus
habdc que le grand-conseil d'Angle-
terre. « J'ai pour moi . disait-il, le
» grdnd-coirseil des Chrétiens, qui
» est toute rÈglisc. » Le solliciteur-
général Rich , chargé d'instruire son
procès , prit tour à-tour le rôle d'ami
et de juge, lui tendit toute sorte de
pièges pour le surprendre, mêlant
insidieusement des questions politi-
ques et des questions religieuses , puis
confondant à dessein les fépouscs
sur les unes et sur les autres , pour en
former un corps de délit. Son inter-
rogatoire roula sur la question du di-
vorce , sur celle de la suprémade ,
;3
IMOR
et sur «a corrospo'-K.l.'jnce arec l'e-
vêquc Fishcr. More rf'poiiàit sur la
première, qu'il s'en 6ta.it explique
franchement avpo, le roi; sur la se-
conde , qu'il n'avait poiut de carac-
tère clans l'Èsj'.isc peur la décider,
mais que le nouveau titre du monar-
que lui parai-'-^ail coutrairo à ladoc-
liine dans lacp'clle il avait ëléelcvc;
et sur la troisicinc, que sa coirespon-
daiice avec Fisher , pi isoumer eoiu-
me lui, et pour la uièine cause, n'a-
vait d'autre objet que de s'encoura-
ger l'un et l'autre à une parfaite ré-
signation dans le sort commun dont
ils étaient menaces. :va femme le con-
jurant de se soumettre à la volonté
de Henry YII I , pour l'inlèrêt de ses
enfants : « Ah î ma femme , lui dit-
» il , voulez-vous que j'échange l'é-
)) tcrnité avec vinp;t années que je
» peux encore avoir à vivre.'» Quand
on vint lui annoncer sa sentence de
mort , celui qui était chargé delà lui
iioliticr, lui fil valoir comme une
marque signalée de la clémence du
roi , qu'il avait commué la peine de
la potence en celle de la décapita-
tion : « Dieu préserve mes amis d'une
» pareille faveur, lui répondit-il.
» J'espère que mes enfants n'en au-
« ront pas besoin. » Après la lec-
ture de la sentence, il reprit son
flegme ordinaire : il renouvela sa
profession de foi sur la suprématie
comme contraire à la loi évangéti-
quc qui a conféré la primauté spiri-
tuelle à saint Pierre et à ses succes-
seurs ; à la tradition de tous les siè-
cles, oiî l'on ne trouvait pas^ni seul
docteur qui fùl d'avis qu'un laie pût
être le chef de l'Église ; à toutes les
lois. de l'Angleterre, spécialement à
la grande cliarte , qui avait reconnu
fous les droits du souverain pontife,
tels qu'ils existaient à l'époque où
elle fut faite; au serment par lequel
IMOR
le roi s'était en<;a<ïé à son sacre do
n n
inairitenir et défendre les droits df;
l'E^^lise. La mort de More fut celle
d'un martyr. Après s'être préparé a'i
supplice par des actes de piété, il
reprit sa gaîté naturelle. Monté s ur
l'éch ifjiud , il se mit a genoux, fil ses
])rières à liante voix, embrassa l'exé-
cuteur , et l'encouragea à faire son
devoir. Il eut la tête tranchée sur la
plate-forme de la Tour, le G juillet
i;")3j : elle fut exposée pendant qua-
torze jours sur le pont de Londres ,
d'où sa lillc, Marguerite Roper, la
fit enlever , ainsi que son corps, qui
était resté à la Tour. La tête, enfer-
nicc dans une coupe de plomb, fut
enterrée à Saiut-Dunstan de Cantcr-
buiy, et son corps dans l'église de
Chelsea. « Pour ce qui regar le la
» justice, le désintéressement, l'hu-
» milité et la véritable générosité,
» dit Rapin Thoiras, More était un
» ex(^raple au siècle où il vivait. » Il
avait beaucoup de sang-froid , l'air
riant , l'abord facile. 11 avait vécu à
la cour sans orgueil ; il parut sur
l'échafaud sans faiblesse. On lui a
reproché un trop fréquent usage de
la plaisanterie , et daûs des circons-
tances qui exigeaient beaucoup de
gravité, comme dans les moments qui
précédèrent sou supplice. « Mais ,
» dit Colliers, il faut convenir que
)) cette gaîté provenait de la séréiiilé
» d'une ame pure ; que l'habitude de
» réfléchir sur la mort lui avait ap-
» pris à en contempler les appro-
» ches sans frayeur , de sorte que la
» vue de son supplice ne put pro-
» duire aucune altération dans son
r> caractère naturellement gai. » Mo-
re passait pour un des hommes les
plus aimables de son temps, et un des
meilleurs liltérateurs, dans un siècle
très-fertile en gens de lettres. Il s'ex-
primait naturellement ; sou style
MOR
est ('li^j^ant , d'une lalinitc pure. II
avait l'art de présenter les objets
sous le eotc' le plus avantageux. Il
avait cultivé la poésie avec succès :
il connaissait parl'aitenient les lois,
l'histoire sacrée et profane. Ses ta-
lents eu politi'pic brillèrent dans les
négociations dont il fut chargé au-
près de l'empcreiu- et du roi de Fran-
ce. Son allichenicnt à l'Kglise ca-
thoIi((ue ne se dénicutit jamais , quoi-
qu'il se permît quelquefois des plai-
santeries sur les abus qui s'étaient in-
troduits chez les moines. On l'a mê-
me accusé d'avoir contribué à la per-
sécution que les Luthériens éprouvc-
rdnt sous Henri VIII. Ses ouvrages
ont été recueillis en •}. vol. iu-fol. ;
l'un , qui renferme tous ceux, qu'il
avait composés en anglais, Londres,
1559, et l'autre, où se trouvent tous
ceux, qui sontécrits en latin, Louvain,
i5(3G. La plus connue de toutes ces
pièces est son Utopie : De optimo
reipuhliciv statu , dequenovd insiild
fJtopid , Louvain , 1 5 1 6 , in - 4°- ;
Bàle , 1 5 1 8 , iu-4°. : ouvrage allégo-
rique , dans le goût de la République
de Platon, quoique traité avec moins
d'éloquence. C'est une débauche d'es-
prit qui lui échappa dans sa jeunesse.
On y trouve de bonnes vues , et un
grand zèle pour le boîilicuir public.
Mais il y propose des opinions assez
bizarres sur le suicide , le paitage
égal des biens , la tolérance des reli-
gions , et plusieurs autres chimères.
Cet ouvrage a été traduit en anglais
par Ilaphe Robinson , 1 55 1 ( réim-
primé par les soins de Thomas
Frognall Dibdin , Londres , 1 809 , -i
vol. in-8°. ) , et par Burnet. Nous en
avons plusieiu's traductions françai-
ses, la première par Jean Leblond ,
Paris , i55o , in-Bc». ; la seconde par
Gueudeville , Leyde , 1 7 1 5 , Amster-
dam, 1730, ia - 12; la troisicme,
79
MGR
par Th. Rousseau , 1780 ,
in-8". , avec des notes , et une pré-
face , qui contient le précis de la
vie de l'auteur. Parmi ses autres
écrits , on distingue : I. La /^/> de
fiichard III , composée dans sa jeu-
nesse, sous l'influence du cardiîial
Mortou ; ce qui l'a fait soupçonner
de parti. dite en faveur de la f.icîion
Lancastrienne, à laquelle ce cardi-
nal était dévoué : il n'y avait pas
mis la dernière main; aussi man-
que-t-elle d'exactitude dans certains
faits et dans quelques dates; — celle
d'Edouard ^, qu'il composa, dit
Hume , pour charmer son loisir et
exercer son imagination ; ecUe de
Pic de la Mirandole, qui n'est qu'une
traduction du latin en anglais. II.
Des Lettres écrites de sa retraite de
Chelsea. III. Qubd projide mors
Tlnn sit jui^ienda; fruit de sa réclu-
sion à la Tour. IV. CGjmnentaria.
insanct. Jui^iistin., de ChdtateDei.
V. Epistola ad academicos Oxo-
nienses. VI. Defensio Erasmi con-
tra Z)orp;Hm. VII. Traduction lati-
ne de plusieurs dialogues de Lucien.
VIII. Divers livres de controverse,
de dévotion , des pièces de poésie, etc.
M. Cuyley a puldié , en anglais, les
Mémoires de Th. Morus , a\ec une
nouvelle traduction de l'Utopie, sou
Histoire de Richard iri, et ses poé-
sies latines, Londres, 1808, 2 vol.
iu^"- I-iS Vie de cet illustre martyr
de la foi a été écrite, i °. par son gen-
dre Will. Ruper (Oxford, 17 iG,
in-S**. , publiée par Th. Hearne ); —
1°. par son arrière-pelit-fils (i),
i627,in-4"-5 Londres, 17-26, in-
8".; trad. eu allemand par C. G.
Joecher , Leipzig , 1741 , iu-B". ; —
3". par Stapletou, dans son Très
(1) Thomas More, inissiouTinire cataoliqiif nu An-
glelerre , puis chargé des alTaires de CVlte misait» e«
É5[)ngoe, luort eu anit i'Ja5.
8o MOR MOR
Thomœ ( les deux autres sont l'apô- font trouvé, et Gilblas, et sa trage'dîe
tre et l'archevêque de Canierbury ), du Joueur , quoique froidement ac-
Douai, i58B, in-S". — 4°- parle
docteur Wordsworth dans son Ec-
clesiastical Biogra>iItj., d'après un
manuscrit de la ]>ibliolhcqi)ede Lam-
beth, et que l'on croit de Harps-
field , etc. Sa postérité existait en-
core en i8i5, dans la personne de
lady Ellenborougli ; et son dernier
descendant en ligne directe était le
révérend Thomas More , décédé à
Bath, en 179J. Les enfants et les
petits-enfants de cet homme célèbre
se sont presque tons distingués par
des ouvrages de littérature ecclésias-
tique. Nous ueciterons que Henri Mo-
re, son pelit-fils , connu par une tra-
duction anglaise du Manuale medi-
tationum de Villocastani , Saint-
Omer, 1618 et i6'i3 , et par ïliis-
toria missionis anglicame societa-
tis Jesu^ iii-fol. Celte histoire va de-
puis i58o jusqu'en i6?)5. Margue-
rite Ropcr , la fille chérie du chance-
lier, a aussi publié divers ouvrages;
et le cardinal Pôle assurait qu'il n'a-
vait jamais rien lu d'aussi bien écrit
delà main d'une femme. T — d.
MORE ou MOORE ( Edouard ) ,
littérateur anglais , du dix-huitième
siècle , quitta le magasin d'un mar-
chand de toiles , où il avait été rais en
apprentissage , pour se livrer à son
goût pour la poésie. Il eût étéenelTct
à regretter qu'un talent aussi agréa-
ble que celui qu'il a montré dans
plusieurs ouvrages , fût étouffé par
une application journalière à des
calculs arides. Le titre principal de
sa réputation littéraire est son re-
cueil de Fables pour le sexe fémi-
nin , qui sont, après celles de Gay ,
cç que la littérature anglaise possède
de mieux en ce genre. Le sens en est
énergique, et la versification aisée et
élégante. Ses deux comédies V En-
cueillies au théâtre, ont beaucoup
de mérite. La dernière a été traduite
en français , par l'abbé Brute de
Loirelle, censeur royal , i'y62,in«
12, {F. Grimm, 17G9, t. vi , p.
4i.) On doit distinguer parmi ses
autres productions le Jugement du
persan Selim , où il adresse, sous
la forme du reproche, un compli-
ment très -ingénieux au lord Lytlel-
tou. 11 est aussi l'auteur de ce èbres
fouil'es périodiques , intitulées le
Monde , dont on a fait un recueil
après sa mort, en 4 vol. in-r^. Mo-
oie avait épousé une demoiselle Ha-
millon , qui avait comme lui du
talent pour la poésie : il cessa de vi-
vre le 28 février 1757. Ses œuvres
ont été imprimées en un vol. in- 4°. ,
1756. L.
MOREAU (Rejné) , docteur-mé-
decin , savant dans la diététique , né
à Montreuil-Bellai, en Anjou, vers
1587 , mourut à Paris le 17 octobre
i65(). 11 professa pendant quarante
années, avec distinction, la méde-
cine et la chirurgie à la faculté de
Paris. Sa bibliothèque, l'unedes plus
considérables pour son temps, l'avait
mis à porléede recueillir, des auteurs
anciens et modernes les plus esti-
més , un grand nombre de documents
sur l'hygiène ; et il s'était propos»
d'en composer, pour ses auditeurs ,
un cours qui eût donné au moins l'é-
tat de la science à cette époque : un
pareil cours n'a pu être établi avec
fruit , comme une branche de l'art
médical , que dans ces derniers temps.
Les démonstrations des professeurs
étant alors plus circonscrites et bor-
nées à un espace de deux années,
Moreau reconnut qu'il ne lui était
pas loisible d'exposer son cours
d'hygicue, qui eût demandé plusieurs
MOR
mois; mais il conçut l'idée de pu-
blier ses extraits et ses remarques
eu les faisant servir tiecommeutaires
au livre connu sous le nom de ï J£-
cole (le Sulerne , ([uU compléta et
revit d'après des manuserils plus am-
ples et moins défectueux. L'édition
qu'il eu a donnée sous le litre de
Schula Salernltana , de valetudine
iuendd, Paris, i6'.i5, réimprimée
en 1672, iu-8°., est accompaj^iuée
des commentaires d'Arnaud de Ville-
neuve, de Carion , Gueliius , Gos-
tanson; et il y a joint de nombreuses
remarques, enrichies de citations ex-
pliquées ou corrigées d'environ huit
cents auteurs dont il donne la table.
D'utiles proléf;;i)mènes indiquent l'o-
rigine de l'ouvrage, la fondation de
l'école dont ce livre a reçu le nom;
l'auteur ou le compilateur des vers
techniques qui le composent ( F.
Jean le Mila-\ais ) ; l'oltjet du
rythme employé; lenombre des vers
publics jusqu'alois (de 3 à 4 cents),
et augmentés de plus du double dans
les manuscrits que l'éditeur indique,
mais dont il se borne à donner ce
qui est relatif à l'hygiène; eulin , un
ordre de chapitres pins conforme à
la disposition des matières. — Le
même docteur a traduitde l'espagnol
d'Antoine de Golmeneru, un Traité
du chocolat. Paris, i643, iu-4°.
— On ne citera de ses propres
écrits sur l'art médical , qu'un petit
traité de Missione sanguinis in pieu-
ritide, i6'2.i , in-i'2; une Lettre à
Baldi, à ce sujet, 1640. (/^'^.Baldi);
et une Larj ngotomia , jointe au
traité de Bartholin de Angind pue-
ron«rt, 1646, in-8^. G — ce.
MOKEAU ( Jacob - Nicolas ) ,
historiographe de France , né à
Saint-Florentin , le 20 déc. 1 7 1 7 , fit
son droit à Aix , fut reçu avocat , et
devint conseiller à la cour des comp-
Mon 81"
tes , aides et finances de Provence. Il
était jeune encore , lorsque sa pas-
sion pour les lettres le fit renon-
cer aux fonctions delà magistiatme.
Il se rendit à Paiis, où ses prcmieis
essais , comme ceux de pie.s({iic tous
les gens de lettres, furent dans l'art
des vers. Il chanta la Bataille de
Fontenoi , dans une ode qui fut
imprimée en 1745. Mais il eut le
bon esprit de comprendre qu'il n'a-
vait point reçu ce que Boileau appelle
Vinjluence secrète-, et renonçant au
culte puJdiî- des muses , il consacra sa
longue carrière littéraire à (!es tra-
vaux plus sérieux. Il étudia les inté-
rêts des cours de rE:;rope , les bases
de l'ancien droit public de France ,
l'histoire et ses raonuraeuts , la scien-
ce de l'administration, et chercha
l'heureux et difficile acccrd de la
morale et de la politique. L' Olser-
vateur hoUaudais , espèce de jour-
.nal politique contre l'Angleterre ,
commença, en 1735, la réputation
de More;ai. Il écrivit pendant un dé'
mi-siècle, et coînpusa un grand
nombre d'ouvrages dont nous don-
nerons la liste complète, avant pa-
ru la pliqtart sous le voile de l'ano-
nyme. Un des plus singuliers est ce-
lui qu'il publia, en 1707, sous le
titre de Aiéinui espoursevir àVhis-
toiredes Cacouacs. Il s'y dcclaie l'en-
nemi des philosophes , qui de\ inrent
les siens, parce que cette production,
vraiment originale, fut lue et recher-
chée avec avidité, Laliarpe, qui mar-
chait alors sous les enseigi;es philoso-
phiques, l'attaque vivement clans sa
Correspondance: «C'est, dit- il, un
» homme d'esprit, mais qui s'en est
» servi beaucoup plus pour sa for-
» tune que pour sa réputation , et (\n\ ,
» avec quelque crédit à la cour, n'a
» jamais eu de considération dans le
)) monde ^ et encore moins paniTi ics
6
8c»
MOR
» gens de lettres. » Ce jugement est
bien scvcre. Moreau ne dcvia jamais
des principes qu'il avait adoptes :
c'était un nomne d'esprit , habile ,
et verse' dans la science de l'his-
tjire et du droit public de l'ancienne
montrchie. Ou pouvait combattre
ses opinions ; mais ni sa vie ni ses
ouvrages ne donnaient le droit de le
mésestimer. Sans doute il deTendît
le pouvoir ; il écrivit dans rinle'rèt
du gouvernement absolu : mais il ne
trafiq'ia point de ses doctrines; elies
étaient connues, ainsi que son talent:
on recourut à lui; et ses ouvrages,
consacres au trône et à l'autel, fu-
rent toujours l'expression de sa pen-
sée et de ses sentiments. Le père de
Louis XVI , le chargea de rédiger,
pour l'instruction de ses enfants . un
ouvrage, qu'il puLliacn 1773 , sous
le titre de Leçons de morale , de / 0-
litique et du lirait public. Ce fut en-
core pour r>ouis XVI, qu'il comjjosa
les T)evoirs d'un prince réduits à un
seulprincipe ou Discows sur La jus-
tice. Sous le r: gne précédent, en
17G8, Clément X!II s'etùl brouillé
avec tous les Bourbons, par son href
du 3o j mvier , où il excommiuiiait
le duc de Parme , et ceux q ji avaient
sigtié ses édits : cebref, suppi imé par
un arrêt du parlement de Paris , fut
condamné à Naples, en Espagne, en
Poitui'iil; et Louis XV ordonna la
saisie d'Avignon, qui fut exécutée,
après qu'un arrêt du parlement de
Provence ( 19 juin 17G8) eut pro-
noncé l.i réunion du con:tat Venais-
s n audumainedu roi. 11 fallait pré-
pare, l'opinion publiquesur ce grand
événement : Moreau fut chargé de ce
soin, et publia ses Lettres histori-
ques sur le comtat Fenaissin , et
sur la seigneurie d' Avignon. Plus
tard la rédaction des préambules
des édits du chancelier Maupeou lui
MOR
fui attribuée, et il reçut le sobriquet
de Moreau préambule. Mais lorsque ,
peu de temps avant la révolution,
les ministres de Louis XVI envoyè-
rent au parlement de Paris , pour y
être enregistré , le fameux, édit sur
l'état civil des protestants, non-seu-
lement Moreau n'en rédigea pas le
préambule , mais il attaqua avec
force les cli^positions mêmes de l'é-
dit , et publia la Lettre d'un magis-
trat, dans laquelle on examine ce
que la justice doit aux protestants.
Son but était , comme i! le dit lui-
même, de « contribuer à réunir les
» opinions , et à fixer les reg.irds sur
» ce juste milieu que cherche la
» conscience du roi , mais ipie sa
» prudence ne peut dépasser, ni d'ua
» côté , ni d'un autre,, sans se repro-
» clierime grande injustice, ou sans
» s'alarmer d'un grand danger.» Ou
l'accusa de ne pas se montrer assez
favorable aux protestants. Mais, di-
sait-il , « Les protestants autiefois
» furent de zélés républicains ; et
» dans ce moment ( 1787 ), on voit
» régner presque partout le faiialis-
» me de la démocratie. » 11 voulait
donc qu'on se bornât à marier les
protestants , et que d'ailleurs on main-
tînt rigoureusement l'exécution des
lois qui les excluaient des emplois,
des di'^nités et de toute espèce d'ad-
ministration pu lique. Ce svsième
ne diminua pas le nombre des enne-
mis r!e Moreau. La même aiuiée ,
Rulhières avait publié ses Eclaircis-
sements histoiiques sw les causes
de la révocation de l'édil de Nan-
tes ; Malesherbes avait fait paraître
ses deux Mémoires sur le mariage
des protestants. Cependant Moreau
avait été récompensé de son zèle; il
était premier conseiller de Mon-
sieur [ depuis , Louis XVTII ) , bi-
bliothécaire de la reine , et historio-
MOR
çjraplic de France. Il écrivit à Ma-
Icslicrbes, lors([iie ccliii-ci se retira
ministère, au mois de mai I7'}6:
« J'eus riiomieiir de vous tc'moi-
» giicr ma joie quand le roi vous ap-
■» pela au ministère. Me sera-t-il per-
» mis de vous féliciter sur votre rc-
« traite? Elle ajoute au respect ([ue
» l'on doit à votre vertu; et il doit
» être permis à un homme qui ii'.i-
« borda jamais le ministre , de com-
» plimenter le sage. Je n'ai point
j> cherche à vous rappeler vos an-
1» ciennes bontés pour moi , tant
» qu'elles eussent pu m'ctrc utiles ;
» je n'en suis que plus en droit de
» vous olïrir l'hommage le plus libre
■') et le jilus désintéressé. Vous lûtes
» autrefois les productions de ma
» jeunesse, vous fûtes même com-
» f>lice de ces forfaits que la phi-
» Losophie ne m'a point pardonnes ,
» etc. » (i) Il semblerait résulter de
ces derniers mots, que Malesherbes
eut quelque part, du moins par ses
conseils , à la rédaction des Mémoi-
res sur les Cacouacs ; mais son opi-
nion et son caractère connus ne
permettent pas même de le Siuppo-
scr. Moreau fut chargé de rassem-
bler les chartes, les monumenls his-
toriques, les édits et les déclara-
tions qui avaient formé la législation
française, depuis Charlemagne jus-
qu'à nos jours. Ce vaste dépôt, dont
la garde lui fut confiée, était connu
sous le titre de Dépôt des chartes et
(^r législation. 11 s'éleva, en 178(3,
(j'.ielques difficultés entre Moreau et
Biéquigny , qui continuait la publi-
cation des Ordonnances des rois de
France , et faisait imprimer chez
Nyon , un Recueil de diplômes et de
chartes, en 3 vol. in-fol. Moreau exi-
(i) Cctli- lettre iuédile fait jiartie de luu cnllertlon
J'aulo;;! aplics. V — \ K.
MOR
S3
geait qu'on lui envoyât deux épreu-
ves de chaque feuille de ce dernier
ouvrage, soit pour les corriger, soit
pour y faire des additions. Il se di-
sait autorisé en cola ]>ar le gan'c-
des-sceaux : il borna bientôt sa dt -
mande à une seule épreuve; et en-
(iu une assez longue correspondant 0
à ce sujet, eut pour résultat le désis-
tement de sa piétenîion : elle eût rc-
lanlé l'impression d'iui vaste recueil
à l'édition duquel il était cfranger.
L'ouvrage le plus considérable de
]\Ioreau a pour titre : Principes de
morale politique et du droit public :
il comprend 'i i vol. iu-8'\ , et devait
en avoir 4o : ce sont des tableaux de
l'histoire de France , en forme de
discours, depuis Clovis jusqu'à saint
Louis. L'auteurs'esttiop étendu dans
des dissertations oratoires; une his-
toire de France eu ^0 volumes , eût
été trop longue : 4o volumes de dis-
cours sur cette histoire , ne pouvaient
obtenir aucun succès; et quoique
Moreau y fasse preuve de talent et
d'érudition, quoique son style ne
manque ni de force ni d'élégance ,
cet ouvrage est peu lu de nos jours,
et, quand il parut ( 1777-1789 ),
on reprocha vivement à l'auteur de
favoriser le despotisme et le pou-
voir arliitraire. Cette accusation lui
ferma les porles dt; l'académie fran-
çaise. Cependant il lî'c'tait pas dé-
pourvu de talent: il a composé des
chansons agréables , éparses dans di-
vers recueils, et qu'il a réunies, en
1781 , smjs le tilre de Pot-Pourri de
Fille-d'yJi>raj. Il avait des vertus
sociales , de l'esprit , et plusieurs des
qualités qui foJit l'habile écrivain. La
France littéraire de Ersch , servile-
ment copiée parles Siècles littéraires
de Desessarts , fait périr Moreau sur
l'échafaud , le 27 mars 1 794. Deses-
sarts ajoute nKMne que « le courage
G..
84
MOR
w de ses opinions fut le prc'textc de
« sa condamnation. » Celte erreur ,
re'petee dans d'autres biographies ,
est fondée sur ce que, le -27 mars,
le tribunal révolutionnaire de Paris
condamna à mort un avocat nommé
Moreau. Mais le prénom de celui-
là était Henri j et non Jacoh-Ni-
colas. Henri était âgé de 67 ans , et
Jacob-Nicolas en avait 77. Enfin,
Henri était officier municipal , et
avait été accusateur public près le
tribunal de la Moselle, tandis que
Moreaul'historiograplie n'avait exer-
cé, ni probablement voulu exercer
aucune fonction dans la république
(i). Il est mort à Ghambourci, près
de Saint-Germain , le 29 juin i8o3 ,
à l'âge de près de 8(3 ans. Voici la
liste de ses ouvrages : I. Ode sur la
bataille de Fontenoi, 1745, in.4°.
II. h' Obsen'ateur hollandais, ou
Zettres de M. Fan**, à M. H**. ,
sur l'état -présent des affaires de
l'Europe, la Haye (Paris ), 1735-
1759, 3 vol. in-S**. Ces lettres sont
au nombre de 47- L'auteur y déve-
loppe , avec talent , les intérêts et
la situation des divers états de
l'Europe. III. Lettres du cheva-
lier de ***. à Monsieur ***. , con-
seiller au parlement , ou Réjleiions
sur l'arrêt du parlement, du 18
mars 1755, in-12: ces lettres ont
(i) Henri MoREAU fut coudamné à mort pour
«voir écrit à VergniauH , le 3 janTÏtr I7g3 , dans le
Courier de l'égalité , eu faveur de \'/ippel au peu/j'e :
« Le peuple souverain , disait-il, n'a envoyé ses rc-
ji préstutaiits que pour lui donner des lois rcpublicni-
>i nos, mais nou pour juger, mais non (lour coudain-
» ner , sauf l'asseotimeat du souverain Vuici iio(re
}) maxime :
Le vrai républicain , en détestant Ifs rois ,
Adore la justice et se soumet aux lois. »
Fouquier Tinville fit de cp passage la l>nsp de son acfc
<î 'accusation; il y trouva la preuve non équu'oejue du
royalisme à.'Hi:\\r\ Moreau; et luèiue passage, qui
le fit condamner comme contre-révolutionnatre , et
eompirattur contre la république , pourrait le faire
«undaumer aujourd'hui c»uira« euusrai àv U moBar-
MOR
e'té réimprimées dans le tome i^"".
des Variétés morales et philoso-
phiques. IV. IJEurope ridicule , ou
Réjlexions politiques sur la guer-
représente, Cologne (Paris), 1757,
in- 12. V. Mémoires pour servir à
l'histoire de notre temps , par V Ob-
servateur hollandais, 1727, 2 vol.
in-i'2. VI. Nouveau mémoire pour
servir à l'histoire des Cacouacs ,
Amsterdam, 17^7, iu-12; réimpri-
mé dans les J'^ariétés morales et
physiques du même auteur. L'année
suivante (1758) parut uiiebrocliurc
intitulée : Catéchisme et décisions
de cas de conscience à l'usage des
Cacouacs , avec un discours du pa-
triarche des Cacouacs pour la récep-
tion d'un nouveau disciple, à Caco-
polis (Paris) 1 708 , iu-i -i. Cette plai-
santerie est attribuée à l'abbé Giry
de Saint-Cyr, de l'acad. française.
VII. -Mémoire pour les doyens ,
sjndics et compagnie des conseil-^
lers du roi , commissaires enquê-
teurs et examinateurs au Chdlelet
de Paris , contre MM. les prévôts
de Paris , lieutenants civil, de po-
lice, criminel, particuliers , et con-
seillers du Chdtelet de Paris, Pa-
ris, 1738, iu-4°. VIII. Examen
des ejjets que doivent produire Vu-
sage et la fabrication des toiles
peintes , Genève et Paris , veuve
Delaguette, 1739, iii-12. IX. Le
Moniteur français , Paris, Desaiut
et Saillant, 1760, in- 12. X. j!é-
moire (second ) pour les consrH-
lers du roi . commissaires enanè-
teurs et examinateurs au Chdtelet
de Paris, en réponse au Mémoire
de MM. les prévôts de Paris, lieu-
tenants civil, criminel, etc., Paris ,
1 762 , in - 4". XI. Entendons-nous ?
ou Piadotage d'un vieux notaire ,
sur la richesse ds l'état ( 1763 ),
iu-8°. Cet écrit parut à l'époque où
1\10R
h secte tics cconoinisles commen-
çait à faire du bruit. Plusieuis bro-
chures publiées la uiêine aune'e, ont
pour litre unique : La lUchesse de
L'état ( par Uoussel de La Tour ) ;
Supjdéinent à la Richesse de l'état.
Or, celle richesse n'e'lait pas phis
apparente, maigre les ëcriis ilu mar-
quis de Mirabeau, de ra])be Ban-
deau , de Moreau , etc. XIL Lettre
sur la paix (de 1762 ), à M. le
comte de***., Paris, 1763, in-8°.,
et dans le tome 2*^. des Fariétcs
morales et philosophiques. XliL
Lettres historiques sur le comtat
Tenaissin , et sur la seigneurie
d'A\>igiion , Amsterdam ( Paris ) ,
17G8, in-S". XIV. FAhliothèque de
Madame la Dauphine , n°. 1 , His-
toire , Paris, Saillant etNyon, 1770,
in 8°.; ouvrage im peu superficiel,
mais utile aux gens du monde, et
qui eut peu de succès. Moreau avait
fait présent de son manuscrit au li-
braire Saillant; il voulut en donner
une seconde édition, en 178.5, avant
que la première fût épuisée. Le li-
braire Nyon y consentait ; mais il
desirait que l'auteur continuât sou
travail, et traitât dans le même gen-
re la partie des belles-lettres. Ce-
pendant, quoique Moreau attachât
un grand prix à donner cette nou-
velle édition , et qu'il écrivît au li-
braire : Il faut absolument que je
fasse réimprimer , etc. Touie la
cour est persuadée que V édition est
épui-ée , etc. (i), cette seconde édi-
tion n'a point paru. XV. Leçons de
morale , de politique et du droit pu-
blic , puisées dans Vhistoire de no-
tre monarchie , ou Nouveau plan
d'études de l'histove de France ,
rédigées par les ordres et d'après le
^i) Ciirrcspomiaiice île Morcan, dans mn rollec-
liou 4e Lïttrei aulogiai<hf:s. V — TE,
MOR
85
vœu de Monseigneur le Dauphin y
pour l'instruction des princes ses
enfants , Versailles et Paris , 1773,
in-8". XVL Les Devoirs d'un prin-
ce , réduits à un seul principe , ou
Discours sur la justice , dédiés au
roi , Versailles , 1775, in-8". ; nou-
velle édition, I78'2, i;i-8°. : traduit
en hollandais, avec des notes, par
Elie Luzac, Leydc , 1778, in-8°.
XVII. Principes de morale politi-
que et du droit public , puisés dans
l'histoire de notre monarchie , ou
Discours sur Vhistoire de France,
Paris, 1777-Î789, 21 vol. in-8°.
XVIII. Recherches et considéra-
tions sur la population en France ,
1 778 , in- b''. XIX. Le Pot-Pourri
de Fille - d'Avray ( imprimerie de
Mo^'SIEUR, Paris, Didot ) , 1781,
petitin-12 , de 180 pag. C'est nu re-
cueil de chansons et de poésies fugi-
tives , assez rare , composé par Mo-
reau A sa maison de campagne de
Ville -d'Avray. XX. Plan des tra-
vaux littéraires ordonnés par Sa
Majesté, pour la recherche , la col-
lection et l'emploi des monuments
de l'histoire et du droit public de la
monarchie française , Paris, impri-
merie royale, 1 782 , in-8°. — Pro-
grès des travaux littéraires relatifs
à la législation , à Vhistoire et au
droit public de la monarchie fran-
çaise, ibid., 1787 , in -8°. Ce Mé-
moire est la suite du précédent.
XXI. Fariétés morales et philoso-
phiques , Paris, imprimerie de Mon-
STEVR, 1785, 2 vol. petit in-i2: ce
recueil, où se trouve le Nouveau Mé-
moire sur les Cacouacs , fut an-
noncé comme imprimé aux dépens
de V auteur et pour ses seuls amis.
XXII. Lettre d'un magistrat, dans
laquelle on examine ce que la justi-
ce du roidoit aux protestants, 1 787,
iu-8'^. XXIII. Exposé historique dei.
80
MOR
administrations jwpulaires aux plus
anciennes époques de notre monar-
chie, 1789, iii-8°. XXÏV. Eiposi-
tionel déj'ensede la constitution de
la monarchie française , 1789, u
vol. in-8". C'est ici le deruier ouvra-
ge de Moreau. Il y donne un aperçu
liistorique de toutes nos assemblées
nationales, et établit qu'il nest au-
cun changement utile dans notre
administration, dont cette consti-
tution ne pyé!>ente les moyens. Ain-
si Moreau termina sa carrière com-
me il l'avait commencée, et se mit
souvent au-dessus de l'opinion: s'il
se trompa quelquefois, il montra du
moins le coui-age soutenu qui ne peut
tenir qu'à une conviction profonde ,
et cet:c force de caractère que la
vertu et la religion inspirent, et peu-
vent seules soutenir. On trouve dans
les Annales littéraires et morales
( suite des Annales catholiques )
tome i^'". , pag. .i59-:i64 , une Notice
sur la vie et les écrits de Jacob-Nico-
las Moreau. Cette notice est signée
Mathivon. V — ve.
MOREAU ( Le généralJEAN-Vic-
TOR ) , né à Morbix. en t 768 , fils
d'un avocat estime , fut destiné à
la même profession j mais, entraîné
par un penchant décidé pour les ar-
mes, il s'engagea dans un régiment,
où il ne resta que peu de temps, son
père lui ayant acheté son congé , en
exigeant qu'il reprît ses études. Mo-
reau se trouvait prévôt de droit à
Rennes , et y exerçait une sorte d'em-
pire sur les étudiants, lorsqu'en 1 787
le miîiistère voulut essayer une révo-
lution dans la magistrature. Remar-
auable dès-lors par un air de fran-
chise , des formes agréables et des
connaissances acquises, il figuia, dans
les premiers troubles , comme chef
de la jeunesse de Rennes; ce qui le fit
nommer le général du parlement. Il
MOR
montra en cette occasion uwc soric
de sagesse au-dessus de son âge , sur-
tout dans les journées des 26 et^7
janvier 1787, où l'on se servit uti-
lement de son influence pour calmer
la populace et prévenir l'elfusion du
sang. Il eut même.pour cet objet, des
rapports avec les autorités, et sur-
tout avec le grand-prévôt de la ma-
réchaussée , qui fut très-satisfait de
son zèle et de sa prudence. Au com-
mencement delà révolution, i! forma
une compagnie de canonniers volon-
taires dans la garde nationale , et il
en devint le capitaine. Cette troupe
fut très -bien organisée et exercée
par ses soins ; il continua de la com-
mander jusqu'en 1792. Il était en-
core loin de prévoir le rôle qu'il de-
vait jouer un jour; et commençant
à se lasser d'une carrière qui sem-
blait ne pouvoir le conduire à rien ,
il fit des démarches pour entrer
dans la gendarmerie , se contentant
d'un grade subalterne. Heureusement
sa demande ne fut point accordée ;
et il s'enrôla dans un bataillon de vo-
lontaires qui partait pour les armées
du Nord. Il fit sa première campa-
gne sous Dumouriez, comme chef de
bataillon, devint, en 1798, général
de brigade , et l'année suivante , gé-
néral de division , sur la demande de
Pichegru, qui lui confia aussitôt un
corps destiné à agir dans la Flan-
dre maritime. Moreau s'empara d'a-
bord de Menin , puis de Bruges ,
d'Ostende, de Nieuport, de l'ile de
Cassandria , et enfin du fort l'É-
ciuse, qui capitula le .>6 août. Au
moment où il faisait la conquête de
cette place pour la république, les
révolutionnaires de Bi est envoyaient
son père à l'écliafaud comme aristo-
crate. Ce vieillard vénérable , que le
peuple de Morlaix appelait le père
des pauvres, s'était chargé de l'ad-
MOR
ministration des biens de plusieiirs
éniigrcs : on se servit de ce prétcxle
pour le perdre. Moreau s'était déjà
éloigne du système revoliiiionnaire :
lin tel événement le lui fit détester
encore davantage; il ne vit p'us la
patrie que dans les camps. Jetant
dès-lors les bases de sa réputation
militaire, il commanda l'aile droite
de l'arrace de Picbegru, avec beau-
coup d'éclat, pendant la célèbre cani-
fiagne d'hiver de 1794? q"i soumit
a Hollande à la Fraiice. Appuyé des
suffrages et de l'amitié de son général
en chef, estimé de tout le monde pour
SCS talents et sa bravoure , il fut ap-
pelé au commandement de l'armée
du Nord quand Picbegru alla pren-
dre celui fie l'armée de Rhin et-Mo-
selle. Se débarrassant aussitôt des en-
traves que lui opposait le gouverne-
ment révolutionnaire établi en Hol-
lande, il arrêta un plan d'opérations
politiques et militaires , digne d'un
général consommé, plan qu'il lit si-
gnifier au comité batave, et dont il
exigea la mise à exécution. Il passa
au commandement en chef des ar-
mées de Rhin-et-Moselle après la re-
traite de Picbegru ; et il ouvrit , en
juin 1796 ,cettecamp3gne qui devint
le fondement de sa gloire militaire. On
le vit successivement , après avoir re-
Eoussé le général Wurmser vers Man-
eim, effec tuerie passage du Rhin,
près de Strasbourg, attaquer l'archi-
duc Charles à Rastadt , le forcer à
lui abandonner le cours du Necker ,
et livrer à ce prince, le 11 août,
près d'Heydenbeim, une bataille qui
dura dix-sept heures. Les Autri-
chiens s'étant repliés sur le Danube,
Moreau se porte en avant, et bien-
tôt se trouve avoir en têle le général
Latour, qui recevait sans cesse des
renforts : mais il se croyait soutenu
par lai diversion ou plutôt par l'in-
MOR 87
vasion parallèle que faisait Jourdan
vers Ratisbonne. Ce général ayant été
accablé et force par l'archiduc Char-
les à une promj)te retraite, Mureau
isolé commença d'ellecluer la sienne
le I I scpUjnbre. Cette retraite est
un des plus beaux faits militaires que
l'histoire ait consacrés. Il parut d'a-
borcl vouloir s'emparer des deux ri-
ves du Danube, et repassant tout-à-
coup le Lcch, il battit, l'un après l'au-
tre, dans sa marche rétrogiade, pres-
que tous les curps ennemis qr.i vinrent
pour lui barrer le passage. A travers
les plus grands obstacles , il parvint
à déboucher eu Brisgau , passa le
Rhin à Brisach , et conserva sur la
rive droite, deux lèles de pont , l'une
à Brisach , l'autre au fort de KehI.Ce
fut là qiierarchi'hic per»]it un temps
précieux. Cette belle retraite, des fron-
tières d'Autriche et de Bivière jus-
qu'auxbordsdu Rhin acquit à Mo-
reau une grande réputation. On doit
surtout y reniarq:;er le respect reli-
gieux qu ii montra pour la neutralité
de la Suisse, lorsque , pressé par des
forces supérieures el poussé vers le
Rhin . il préféra se faire jour à tra-
vers les déiilés de la forêt Noire, oc-
cupée déjà par les Impériaux , et
s'aLstint de vijler un territoire neu-
tre el ami ; exemple si peu imité de-
puis. Se mettant au-dessus de tous les
sentiments de rivaiité , Moreau, qui
avait appris que Buonaparte se trou-
vait pressé par les forces autrichien-
nes eu Itabe, détacha un corps suf-
fisant pour le renforcer. Ce secours,
envoyé si à propos , lui valut plus
tard un hommage historique de Car-
not , en ces termes : « 0 Moreau !
» à mon cber Fabius I que tu fus
» grand dans cette circonstance !
» que tu fus supérieur à ces pe-
» tites rivalités de généraux qui
» font échouer les meilleurs pro-
»i<nBbiiéf**<iwikpa»- «car ^r^HffrW . «^ ar lil fa» «^
^ •"• «• pèn» i««r . tt 4r taira ctte^p I jtmi fifiar ki lam
. «aaC ■■ «■■nu naçr 'vvdÉHHv a IK c^c'irwrar^Hal asac:^
ji nri <èr» par- M««4vr » wfi— u ■ ar rvfHI ^ a
v^ fmr fciiaa b 6a ^ 'T^- IrMarCiwftctwr'
iTttF Wiàitfiar «fv- *.<i' .1 - ïHirs aa saà» <l'«vni 5a»>
r^^>* *tf I^^tv .-WF>^ i/f^v**.- nwaâsisaMi li pAv M(^ '~*^
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Jb.c'tJt I An. M» sas caaflBHÉnBcat . et fct
iftiM itti.— t «a la WBiaaa et aaa
-s fit r
tmm.w9i ar p—ualMMi— aarrfa
vtr . VWarr . ar sackaal |àM BB
68 MOR'
» jets ! » A l'ouvprtiirc de la cim-
]iagiic suivanle , IMorcaii reprenant
l'olrensive cll'cctua de nouveau le pas-
sage du Rhin en plein jour , el de
vive force, devant un ennejni range
en bataille s\ir l'autre rive ; c'elait le
jour mèiae de la signature des pré-
liminaires de i.eoben par Buona-
parte. La suite de celte bi iliante ope-
ration fut la reprise dufurtdeKelil,
renlèvcmeut de jjlusieiirs drapeaux ,
et pr^s de quarante mille j)rison-
niers. L'armée passa le reste de l'été
dans ses positions. La répiib'i.'['ie
touchait .alors à une crise amenée
par la 'utîe établie entre le Direcluire
exécutif et les Conseils , t'est-a-dire,
entre le cciiic révolutionnaire et un
commenccraeut d idées monarchi-
ques. Ce ne fut qu'ajuès la journée
du 18 fructidor (4 septembre 1797},
que Moreau , provoqué par les di-
recteurs que la violence avait rendus
triomphants, leur abaudomia la cor-
respondance du prince de Condé avec
Pichcgru , corrospcudance saisie au
commencement de la campagne dans
les fourgons d'un générai autrichien.
Il l'avait gardée jusque-là par égard
pour son ancien bienfaiteur et sou
ami , peut-être aussi en attendant l'is-
sue de la lutte du gouvernement avec
les Conseils. Mandé prcsqu'au même
instant à Paris . par la portion du Di-
rectoire qui était restée victorieuse,
et à laquelle il avait été dénoncé , il
lui envoya , le 7 septembre , copie
d'une de ses proclamations , dont
l'etiTet , disait-il , avait été de con-
vertir beaucoup d'incrédules sur ie
compte dePichegru qu'Un' estimait
plus depuis long-temps. Cette lettre ,
fortement condamnée alors par le
public , qui n'y vit qu'un acte d'ex-
cessive faiblesse, fut regardée depuis
comme une action indifférente par
Pichcgru lui-mèiae. Il est certain que
MOPi
son amitié pour Moreau n'en fut
point affaiblie. Quoi qu'il en soit de
celte fl(inai<he , elle ne lit pas ob-
tenir à celui q';i 1 avait faite la bien-
veillance d'un gouverne ment ombra-
geux; et Moreau fut même obligé de
preiidre sa retraite. Il ne reçut qu^à
la fin de 179^, le titre d'inspecleur-
général : mais au mois d'aviil sui-
vant ( 1 799 ), le mauvais début d'une
guerre générale rendit ses talents né-
cessaires. De foutes nos conquêtes ,
celle d'Italie paraissait la plus me- ~
naccc, Pd.reau fut envoyé à l'armée
commandée par le général Schérer,
sur l'Adige , où il resta plusieurs
mois sans commandement , et fut
là témoin de nos défaites , que ses
consei's ne purent prévenir ni répa-
rer. Schcrcr, ne sachant plus ni com-
mander ni combattre, lui remit le
soin de sauver l'armée. Déjà Moreau,
dans un conseil de guerre, avait ou-
vert l'avis de se retirer sur le Pié-
mont , en évitant tout engagement
avec les Austro-Russes qui avaient
acquis une supériorité déciiiée , ft
dont le maréchal Suwarow préci-
pitait les mouvements. Enfin après
avoir résisté long-temps aux prières
des autres généraux , il accepta le
commandement lorsque déjà l'armée
s^élait retirée derrière i'Adda. Bien-
tôt forcé da.'S sa position de Cas-
sano , il se replia en bon ordre
sur le Tesin ; porta sa droite vers
les Apennins , et forma une es-
pèce de camp retranché derrière le
Po et le Tauaro, entre Alexandrie et
Valence. Le 1 1 mai, il repoussa les
Russes près de Bassiguano, et passa
lui-même la Borraida ; mais, assailli
par la plus grande partie des forces
de Suwarovv , il lui fallut songer à
évacuer Valence et Alexandrie. Cette
guerre d'ailleurs était coutrc-révolu-
tiomiaiiCj les alliés ue marchant que
MOR
favorises par les insurrections clos
paysans. Dans cctlc situation crili-
que, Morean se replia sur Coni , piit
position au coldcïoncle, faisant filer
la division du gênerai Victor sur sa
droite, afin d'assurer ses commu-
nications avec le gênerai Macdonald,
qui accourait du royaume deNaples
pour opérer sa jonction. Morean ,
dans la vue de le seconder, peuctra
dans le pays de Gènes, par les Apen-
nins, dont il tenait les passages et
les hauteurs. Il espérait reprendre
l'oircnsive a])rcs sa réunion avec
Macdonald. Ce fut en vain qii'il sor-
tit de Gènes avec quinze mille hom-
mes , et qu'il battit le corps que lui
opposait le général autrichien Belle-
garde; ce fut envain aussi qu'il déblo-
qua Tortone , et poussa l'ennemi jus-
qu'à Voghera; la victoir':; de Suwa-
rovv , l'emportée à la Trebia sur l'ar-
mée de Naples , le força de reprendre
l'abri des Apennins. Il venait d'être
nommé au commandement en chef
de l'armée du Rhin , lorsque Jou-
bert arriva pour le remplacer en Ita-
lie. Sur le point de livrer bataille ,
le nouveau général voulut en laisser
la direction à Morcau, qui la refusa
et demanda de combattre sous les
ordres du nouveau chef de l'armée.
A cette bataille , livrée à Novi , et
dans laquelle Joubert fut tué, Mo-
rean courut les plus grands dangers ;
il eut trois chevaux tués sous lui, et
reçut une balle dans ses habits. Il
opéra sa retraite avec tant de supé-
riorité , qu'il rendit cette victoire
presque nulie pour les alliés. C'é-
tait à la tète des débris d'une armée
vaincue, qu'il avait si bien disputé
une partie du Piémont ; et cette con-
trée semblait ne devoir plus coûter
que quelques marches aux. forces
victorieuses des alliés. En allant pren-
dre le co)nmaadement de l'arrace du
MOR 8g
Rhin, Morcau vint à Paris, au mo-
ment oii rcxislence du Directoire
chancelait sous le poids du mépris ,
de la haine et de ses propres fautes.
La faction qui avait formé le projet
de le renverser , était persuadée qu'il
n'y avait qu'un général d'une grande
réputation qui pût redonner de la
considération au gouvernement. Ou
sonda Morean , qui , ne se croyant
pas en état de diriger les afi'aires
de son pays , au milieu de la lutte
des partis, refusa de jouer un pa-
reil rôle. On sait qu'il regretta de-
puis , bien amèrement , cette défiance
de lui-même. A l'arrivée de Buona-
partc, échappé de l'Egypte, Morean,
toujours modeste, consentit à servir
sous les ordres de ce général , et à
l'aider de son influence et de ses
moyens dans la révolution qui se
préparait. A peine eut-elle été effec-
tuée à Saiut-Cloud , le 18 brumaire
( 9 nov. 1799 ) , qu'il craignit d'a-
voir concouru à donner un tyran
à sa patrie. Appelé presque aussitôt
au commandement des armées du
Danube et du Rhin , il y introdui-
sit des changements importants. A
l'exemple des giands capitaines de
tous les âges , il commença par met-
tre les corps des ailes et du cenitre
sous les ordres de trois lieutenants
sur lesquels il pouvait compter. Il
forma ensuite un corps de réserve ,
à-peu-près du tiers de la totalité de
ses forces, destiné à n'agir que sous
ses veux. Son plan , qui consistait à
pénétrer en Soiiabc, et jusqu'au cœur
tics états héréditaires, ne fut point
adopté par Buonaparte. Celui-ci,
ne songeant qu'à reconquérir l'Ita-
lie, ne voulut faire de l'armée du
Rhin qu'une aimée d'observation.
?.Iorcau tenait à son plan , et il ré-
sista: Ce coriîiit sur la coopération
des deux années fut, entre ces deux
9"
MOR
rivaux célèbres , le germe de la liai-
re qu'ils se vouèrent , après une rup-
ture éclatante, et qui f^it peut-être
l'une des causes les plus décisives de
leur commune ruine, comme de tons
les revers de la France. Copcndaut le
prompt succès des opérations de
l'armée du Rhin pouvait seul ouvrir
à Buona parte les passages de l'Italie,
en éloij:;nant les Autrichiens des dé-
bouchés où il leur aurait été facile de
couper ses communications avec la
France. Il fallut céder, et laisser à
I^Ioreau tout l'honneur de la concep-
tion de son plan de campagne , et
tous les moyens de l'exécuter. Une
sorte de transaction eut lieu à Paris ,
où le général Dcssoles , chef d'état-
major de l'armée du Rhin, ayant
été appelé par Buonaparte , l'obli-
gea de se rendre aux avis de Mo-
reau. Celui - ci , dès son début ,
amena le fcld maréchal Rray, qui
lui était opposé , à s'engager dans les
vallées qui descendent du Bri'^gau ,
tandis qu'il effectuait son véritable
passage du Rhin à Stciu. Rencon-
trant l'enneral , d'abord à Stockach ,
il l'y battit, et lui livra successive-
ment deux batailles , l'une à Engen ,
l'autre à Moesklrch, d'où il sortit
victorieux. Le feld-maréchal Krav,
forcé d'abandonner sa ligne d'opé-
rations, s'étiit retiré en bon ordre
au-delà du Danube. Morcau mar-
chant aussitôt en Souabe , l'armée
impériale repassa le fleuve; les Fran-
çais l'atteignirent , et gagnèrent en-
core sur elle la bataille de Bibe-
rach. Les Autrichiens se retirèrent
dans leur camp retranché d'Ulm.
Séparés ainsi du Tyrol , et ne pou-
vant plus rien entreprendre qui
changeât le cours des événements ,
iis laissèrent Buonaparte franchir
librement le grand S ;int -Bernard.
C'est ainsi que les victoires de Mo-
IWOR
rean facilitèrent la conquête Je l'Ita-
lie. Ce général détacha même douze
mille hommes pour aller re: forcer
l'armée de Buonaparte. Quand il eut
reconnu que ses démonstrations , et
ses incursions momentanées en Ba-
vière, nedéieruiineraient pas lefeld-
mar^'clial Kray à quitter sa position
inexpugnable d'Ulm, il conçut uu
projet plus étendu el plus décisif, ce-
lui de traverser le Danube au-des-
sous d'Ulm, afin d isoler et de cou-
per larmée autrichienne de ses ma-
gasins. Passer le fleuve au - dessus
de Donawerlh , forcer l'armée en-
nemie, en l'isolant de sa base d'o-
péralions , à quitter son camp re-
tranché, et à faire sa relrnite en
livrant la Bavière ; tel fut le plan
hardi dont l'exécution couronna le
talent de celui qui l'avait formé.
Après s'être porté au-delà du Lech ,
Moreau attaque les Autrichiens sur
toiite la ligne, traverse le Danube
de vive force à Bleinheim , et , sur
la rive gauche de ce fleuve , dans
les plaines d'Hochstaedl , obtient ,
par les mêmes manœuvres, à trois
jours seulement de différence ( du
16 au iQ juin j, un avantage pa-
reil a ceUii que Buonaparte obte-
nait à Marengo. Le feld - maréchal
Kray abandonnant enfin sa position
d'Ubn , Moreau marche à sa pour-
sr.ite , et , après l'avoir vaincu encore
à iVeubourg , il entre en Bavière, bat
de nouveau les Autrichiens à Lands-
but, et ne suspend ses opérations
qu'après leur avoir fait signer ( le 1 5
jiiiilet ), l'armistice de Parsdorf , à
limitationde la convention d'Alexan
drie. Ces deux suspeusions d'armes,
q(ii servirent d'ouverture à des négo-
ciations plus décisives, se prolongè-
rent jusqu'à la fin de novembre. Mo-
reau , à celte époque , revenu à son
armée , lui annonça la reprise des
MOR
iioslilitcs. Cette fois il avait pour
.idvcrsaire l'arcliichic Jean; cl l'ar-
incequi lui était opposée, s'c'Icvait à
eeiit-vinp;t mille hoiiuiies. Cette sii-
])eriorite mimeii([iie donna aux Au-
trichiens la confiance de prendre
l'olTensive, Les deux armées e'iaienl
séparées par le cours de l'Inn. Ij'ar-
cluduc passe le fleuve; et l'aile '^ini-
clie des brancais, engagée avec le
grosdesonarine'e, se replie. Moreau,
se retirant lui-uièine, conlinne sou
mouveuienl sur Holienlindcn, et il
allireainsi rennemidans des défiles.
C'est là que , le 3 décembre i8uo , il
livre à l'armceautrichiemie cette ba-
taille sanglante et décisive , oîi il n'y
rut pas un corps français qui ne don-
nât et qui ne se couvrît de gloire.
L'action s'engagea au centre : les ef-
forts des Autrichiens j)Our dcbonclier
de la forêt dans la plaine furent i'.iuti-
les. Le corps du ge'ne'ral Richepanse
marchant à travers la forêt, le cen-
tre des Autrichiens se trouva tourne
<"t mis en fuite ; il entraîna le reste
de leurarrne'e. Ainsi se tcnnina cette
înc'mora])!e bataille , qui fut complè-
tement gagnée par l'exécution litté-
rale et précise du plan donne' par le
gênerai en chef. A quatre heures du
soir, onze mille prisonniers et cent
pièces de canon étaient eu son pou-
voir. Ces trophées eussent e'îe' plus
considérables encore, si Li plus lon-
gue nuit d'hiver et les mauvais che-
mins n'eussent favorise la retraite de
tant de corps rompus et désunis.
I*lus de six mille Autrichiens restè-
rent sur le champ de bataille. La
])erte des Français ne fut que de deux
mille ciuq cents hommes tues ou
blessés. Moreau ne répondit aux fé-
licitations de ses généraux qu'en leur
attribuant la plus grande partie de
la gloire de cette journée , et en ne
laissant éclater sa joie que par ces pa-
MDR
î)'
rôles : « Mes amis, vous avez conquis
)) la paix î » L'archiduc s'était réfu-
gie derrière l'Inn. Moreau le pour-
suivit sans relâche; il remporta en-
core une victoire à LaufTeu , passa
la Salza , s'empara de Saltzbourg,
pénétra dans les étals héréditaires,
et, s'avançanl toujours, porta l'ef-
frui dans la capitale de l'Autriche.
JSa marche ne fut suspendue que
lorsque l'archiduc Charles, rappelé
à la tête de l'armée, lui eut annoncé
que l'empereur était décidé à faire la
paix, quelles que fussent les détermi-
nations de ses alliés; et cete déclara-
tion servit de base à la convention
d'armistice signée à Sfeyer, le 25
décembre. Cette campagne de vingt-
cinq jours venait de placer Moreau ,
sans contestation, au rang des plus
gi'ands capitaines : il recueillit, à son
retour à Paris , l'hommage de l'ad-
miration publique. Buonaparte lui
remit une paire de pistolets magniG-
qucs , en lui disant , « qu'il avait
» voulu y faire graver tontes ses vic-
» toires, mais qu'on n'y eût pas trou-
y> vé assez de place ; » éloge forcé ,
et qui ne put dissimuler la jalousie
quêtant de triomphes avaient exci-
tée dans le cceur de l'homme le plus
accessible à cet odieux sentiment. Il
savait d'ailleurs que Moreau avait
du ses victoires à \ua concours de
dévouement rare entre les généraux
secondaires, et au bon esprit de sou
armée, qu'il avait su cajitivcr par sa
bienvcillani e natr.ieile. 11 n'ignorait
pas non plus que IMoreau comman-
dait avec fernielé, mais jamais avec
dureté, couscrvaut envers sesjirinci-
paux officiers le ton affectueux d'un
camTrade ; que son quarlier-général
ressemblait à une réunion de famille
où l'on discutait avec une entière li-
berté sur tons les objets d'intérêt
public, sur la guerre et sur l'admi-
gi IVÎOR
nislralion. Cette tlcriiicrc ron.si;lera-
îion ,'ivait surtout donne beaucoup
d'oinbia^c à Buonaparte; el (Icj i il
avait envoyé aji])r('.s de son rival un
grand nombre d'esjiions , charges
d'cljscrver SCS moindres actions, cl
qui les di'nalurèrenl et les noircirent
bien souvent. IMoreau ne prit jamais
aucun soin de se cac!ier;elil continua
d'ap^ir avec sa iVaneliise ordinaire , en
présence d'un einiemi dont la dissi-
luulation était le premier moyen. Ses
opinions très-liberales (dans le ve'-
lilabic sens de ce mot), et par con-
séquent opposées au système de Buo-
naparte, trouvaient de nombreux
approbateurs, dans une arme'c où
l'esprit criudcpendance c'clatait sans
contrainte. Buonaparle ne fut rassu-
re que lorsqu'il eut disloque et anéan-
ti , pour ainsi dire, celte belle armée
de Moreau, dans sa fatale expédition
de Saint-Domingue. Ce général,
voyant les dangers de sa position ,
ne songea plus qu'à vivre dans la
retraite. On l'avait mal jugé dans
le monde , où son indiîlérence à sou-
tenir son rôle l'avait fait paraître
médiocre. Sa gloire semblait cepen-
dant s'augmenter. Les ennemis se-
crets de Buonaparte prenaient plai»
sir à exalter Moreau devant lui. Ils
rantaient sa simplicité, sa modestie,
son goût pour la retraiie. Fixé dans
ime terre qu'il venait d'acquérir , il
ne paraissait presque plus à Parisj
et il refusa ])lusieurs fois de se ren-
dre à la cour que venait de créer
Buonaparle. C'était à Grosboisquc,
dans les douceurs d'inie union récente
(il avait épousé M'^"^. Ilulot), au
milieu d'un petit nombre d'amis et
d'étrangers qui se succédaient en
foule , pour lui témoigner leur ad-
miration, il cbcrcliait à rendre moins
importuns de sinistres présages. Là ,
il désapprouvait hauleiaeut la rapi-
IMOR
dite avec laquelle Buonaparte en-
valiissail le pouvoir. Toutes ses épi-
grammes, toutes ses conversations ,
incessamment répétées à son rival,
ajoutaient chaque jour à la haine de
celui-cij eldéjà il considérait Moreau
comme le ])lus grand obstacle à ses
projets d'usurpation ; déjà le désir de
le perd reétait sa preniièrtpensce.Soit
que sa police , pour le tirer d'embar-
ras, eût fait naitie l'occasion d'en-
velopper ce général dans une trame
conspiratrice, soit que Moreau lui-
même , en en voyant l'abbé David
auprès de Picliegru, qui était alors
en Angleterre, eût aidé à élever des
soupçons , il est certain que cet in-
termédiaire , arrêté à Calais, se trou-
vant porteur d'une lettre de Moreau ,
qui lui était adressée, fut amené à
la prison du Temple , où il avoua ,
dit -on, a qu'en effet, il avait cm
» devoir rapprocher ces aeux an-
» ciens amis. » Sur ce premier in-
dice, on épia Moreau avec nu nou •
veau zèle ; et le général George étant
venu d'Angleterre à Paris, avec d'au-
tres royalistes, pour y préparer les
moyens d'enlever de vive force Buo-
naparte , ce plan qu'il avait concer-
té avec Picliegru , touchait à sa ma-
turité, quand ce dernier fit sonder
Moreau. Sans contester la nécessité
du rétablissenîent des Bourbons ,
Moreau voulait cependanlle préparer
par des gi-adaîions qui amenassent
son propre parti, dans lequel il comp-
tait plusieurs républicains, à l'ap-
prouver et à le seconder. Hais Pi-
cliegru, redoutant les lenteurs, exi-
geait que P.Ioreau se prononçât sur-
le-champ, et se licàt sans condition
à la cause dont il desirait le succès.
Enfui , sacrifiant ses scrupules à la
si'ireté de son ami, Moreau comprit
que ceux qui avaientproposé le plan,
le mcllraienl à exécution, et que le
WOR
succès o1)tcnu , il se montrerait avec
sou ])arli , pour les protéger contre
les adhérents de lîuoua parte; mais
il s'était décide trop tard : la police,
e'claire(; déjà p;ir les re'velations de
Querelle , était informée de la pré-
sence de Picliegrit et de George à
Paris , et même de leurs rapports
avec Moreau. Celui-ci lut arrête le
premier; et (piaud tous les conjures
turent au pouvoir de la police, B:io-
naparte fit couvrir les rues de Paris
d'une ailiche où ou lisait : « Liste des
» brigands envoyés par l'Angleterre,
» pour assassiner le premier con-
» sul. » Dans cette liste on voyait le
nom de Moreau : le public en tut re'-
volte'. Pendant trois mois , ce géné-
ral fut tenu au secret le plus rigou-
reux. Il résultait des aveux que la
police avait arrackés à quelques-
uns des prévenus, qu'il n'avait con-
senti à participer au complot qu'avec
des restrictions et qu'après beaucoup
d'hésitation ; qu'il avait promis de
concourir au renversement de Buo-
iiaparte, mais qu'il ne voulait pas de
la monarchie des Bourbons, insis-
tant pour un gouvernement représen-
tatif, alin d'être lui-même à la tête
des affaires ; ce qui avait fait dire à
Pichegru , en sortant d'une conféren-
ce avec lui : « Je crois qu'il veut
» aussi gouverner; mais je ne lui en
» donne pas pour huit jours. » Mo-
reau fut traduit avec les autres ac-
cusés, devant le tribunal criminel:
il n'existait contre lui aucunes preu-
ves écrites ; cent quarante témoins
fuient entendus; aucun ne présenta
ni une charge, ni même nue indica-
tion; il n'y eut que des déclarations
extorquées par la police à quatre ac-
cusés qui se démentaient ou se ré-
tractaient devant le tribiuial (i). La
(l) On s:i:t que , dans • c inui-ts < l ilms piiisii
MOI\ o3
plus importante l'ut celle de Roland,
enfrrpreiieur des vivres de l'armée,
qui avait caché Pichegru dans sa mai .
son. Il dit autribunalque, chargé j)ar
ce général de négocier avec iMorcan,
celui-ci avait répondu : « Je ne puis
» me mettre à la tête d'un mou»/c-
« ment pour les fiourboîis; im es.^ai
» semblable ne réussirait pas. Si Pi-
w chegru fait agir dans un autre sens
» (et en ce cas, je lui ai dit qu'il
» faudrait que les consuls et ie gou-
» vernement de Paris disparussent,',
» je crois avoir un parti assez furt
» dans le sénat, pour obtenir l'auto-
» rite; je m'en servirai aussitôt pour
» mettre tout le monde à couvert :
» ro])inion dicteia ensuite ce qu'il
w conviendra do faire; mais je ne
« m'engagerai à riea par écrit. »
Dans le peuple, dans l'armée, à la
cour même de Buonaparte, on aflcc-
tait de ne pas croire aux de seins de
l\Ioreau, Cet illustre accusé excitait
un intérêt général , et son parti se
montrait ouvertement. Plus le juge-
ment approchait, plus cet intérêt se
manifestait. Les soldats sedéclaraient
tout haut, et des murmures violents
commençaient a éclater. Moreau pro-
nonça devant ses juges un discours
noble et touchant. Sa défense , que
présenta, avec autant d'art que d'é-
loquence, M. Bonnet, son avocat, se
trouva forti'Ilée par les dénégations
généreuses de plusieurs accusés. Les
juges s'étant retirés dans la chambre
du conseil, le commissaire du ç;ou
vernement ^ Thuriot ) ouvrit l'avis
de condamner Moreau à la peine ca-
pitale, bien persuadé, dit- il, qu'il
aurait sa grâce ( i ). Le président Hé-
iiieut aux horveurs de la lorlure j>luâtc(tr!> prison-
( 1 ) Ce fut alors que le vertueux Cuvier , uo de o-is
joge-* , que la 15ijgrajjhie s'iuuorc' d*uvoir c<itnplc su
uuuilire de sts iiulrurs, s'écria iivec tant d" cjuraj-; ;
« Et rjni nous In tloiinor.i îi nous, notre gi.'ife? » ^ A',
Ct.'.VIS:'. , :;a S-ai<;>iciiici:l.;
ÎH'
mm
inart pencha pour cet avis. S'a per-
cevant tous deux que six jnges sur
«louze , votaient pour l'absolution ,
ils prétendirent que l'acquittcnicnt
de M'jrcau serait un sit^nal de f;u('rre
oiv,ile, et que les puissances étrangè-
res attendaient (e jugenaent pour
reconnaître Buonapartc empereur,
ïliuriot ajouta : « Vous voulez inel-
» trc en liberté Moreau; il n'y sera
1) pas mis. Vous t'orcerez le gouvcr-
V ncment à fair;' un coupd'efat; car
i> ceci est inieadaire politique plutôt
» qu'une affaire judiciaire , et il y a
» quelquefois des sacrifices nc'cessai-
)) res à la sûreté' de l'État. » Cepen-
dant plusieurs liommcs puis ants tels
queFoaclié, Real, Thuriot lui-même,
et le commandant de la gendarmerie,
représentèrent à Bucnaparte que si
IMoreau était cendamnè à mort , un
mouvement était à craindre de la part
des soldats, dont le plus grand nom-
bre aideraient à l'enlever. Ce fut à la
suite de ces représentations qu'un des
juges proposa un moyen de ra])pro-
clier les divers avis. Cédant à ces
motifs , ceux qui avaient d'abord
rejeté la complicité de Moreau pour
sauver sa tête, revinrent à ce moyeu
terme permis par la loi , et le con-
damnèrent, le 1 G juin ( 180.4 ), à
deux années de détention. A l'instant
même on entendit partout le peuple
s'écrier: « 11 est sauvé! » Cependant
il était à cr^iindre que, transiéi <• dans
une prisi n i\e l'intérieur, ii n'éprou-
vât le sort de Pichegi'u ( ^.Piciie-
GRU ) : aussi sa femme s'empressa-
t-elle de demander comme une grâce
qu'il lui iv:t pcrjnis de voyager pen-
dant les deux années que devait du-
rer sa détention. Aidée par Fouclié
( redevcru ministre de la police),
elle obtint ce départ, eu plutôt cette
espèce d'ostracisme , sous la condi-
tion que IMoreau se retireiait aux
MOR
Etalti-Uuis , et ne ])0urrait rentrer
en France qu'avec l'autori^iation de
Bucnaparte. Il partit pour l'Kspague,
escorté par des gendarmes ; et de
Cadix il s'embarqua, en i8o5, pour
se rendre aux Etats-Unis. M'"'^. Mo-
reau l'y accompagnait. Ses biens en
Fiance furent vendus par sa belle-
mère, qui lui en fit passer les fonds ,
retenue faite des frais énormes de la
procédure criminelle à la suite de
laquelle il avait été condamné. Arrivé
aux Etats-Unis, Moreau parcourut ce
pays en observateur ; il visita les
cliutes dulNiagara, descendit l'Ohio
et le jNIississipi , et revint par terre
à Morisville d'où il était parti. Là il
acheta une belle maison de campa-
gne , au pied de la chute de la Dcla-
vvare, et s'y établit. Celte solitude,
où il n'avait d'autre délassement que
la pêche et la chasse, était pour lui
remplie de charmes. Les Américains,
si simples eux-mêmes , ne savaient
comment accordertantde renommée
avec tant de simplicité. Moreau ve-
nait passer l'hiver à New-York, on
il recevait chez lui des personnes de
toutes les opinions et de tous les ]jar-
tis. Là, entouré d'amis, il oubliait
ses infortunes, et eu nommait rare-
jiient l'auteur. La nouvellede l'horri-
ble agression de l'Espagne sembla
mettre un terme à son indi/Térence
politique ; il pressentit le sort futur
de la France. Ne pouvant plus dé-
tourner sa pensée des maux dont sa
patrie allait être accablée, ii se «our-
j it de l'espoir d'en rétablir un jour le
bonheur et la gloire. Quand on lui
annonça les désastres de Moscou, il
passa de l'airiiction à la fureur , et
dit en parlant de Buonaparte. « Cet
» homme couvre de lionte et d'op-
)) probre le nom français ; il réserve
» à mon malheureux pays la haine et
» les malédictions de l'univers' » et
MOR
Tinc autre fuis : « Sou i^poraiirn cgalc
» sa lolic. » Ce fut clans ces disposi-
lioiis qu'il reçut les prcitiièrcs ouver-
tures de l'empereur Alexandre. Do-
eidcà s'unir à ce moriarque, qui n'a-
vait armé que pour repousser une
inji:stc a;;rcssiou , il s'e.nbarqua se-
crètement, le ui jui:i i8i3, avec
M. de Sviniue, conseiller de l'ambas-
sade russe, eteulra, le '^-4 juillet,
dans le port deOoleuibonrg. Partout
on le reeut comme un libérateur; il
était obligé de se dérober aux. accla-
raatiousdela multiuide. AStralsund,
il passa trois jours avec le piince (le
Suède ( I ) , son ancien compagnon
d'armes , concertai;t avec lui le plan
de campagne qui devait rendi-e la
paix au monde. lia joie que sa pré-
sence fit éclater en Prusse, sur tou-
te la route , l'accueil qu'il reçut du
peuple et des grands à Berlin , an-
nonçaient assez qu'on le regardait
partout en Allemagne comme le sau-
veur de l'Eurojie. A son arrivée à
Prague , où étuient réunis les souve-
rains alliés, son nom vola de bouche
en bouche. L'empereur de Russie le
prévint, et eut avec lui une entrevue
de deux heures. Il le présenta lui-
même à ses sœurs , les grandes-du-
rhesses de Weimar et d'Olden-
bourg. En sortant de chez le czar ,
Moreau , attendri , dit à M. de Svi
tiine : « Quel homme qne l'empe-
» reur Alexmdrel je sacrifierai ma
» vie à cet ange de bonté ; tout ce
» qu'on dit de lui est au-lcssous de
« la réalité. » L'empereur d'Autri-
clie lui rappela ses campagnes sur
le Rhin, ajoutant : « Le caractère
» personnel du général a cont: ibué
^ beaucoup à diminuer les maux
» de la guerre ». Ce fut Alexandre
(•) Le général Beruulotte, au] jurd'Lui rJi de
Suède , ioit» le ugm de ChurUf-Jeim.
IMOR 95
lui-même qui lui amena le roi de
Prusse. En l'aburdint, Frédéric-
("luiliaume lui dit (pi'il venait avec
le plus grand plaisir faire une vi-
site à im général si renomme par
ïes talents et ses vertus. Une sor'.e
d'égalité semblait s'être établie entre
la grandeur de ces monarques et la
gloire du grand capitaine. Cepen-
dant l'armistice entre Napoléon et
les alliés venait d'expirer. Le plan
(les alliés consistait à déboucher- de
la Bohème aAcc leur grande armée
pour venir tourner et attaquer Dres-
de, le pivot des opérations de Buona-
parte. Dresde fut attaquée le -^O août.
Moieau s'en approcha en personne
à côté de rernpci-eur Alexandre et
du roi de Piiisse ; il examina la po-
sition de Buonaparte, en parcourant
le front des colonnes au milieu des
boulets et des bombes. Le lende-
main recoinsnencèrent les attaque?.
Moreau, qui accom|)agnait l'empe-
reur, venait de lui communiquer
quelques observations, et s'avar.çait
pour observer le monvementde l'en-
nemi, lorsqu'un boulet lui fracassa
le genou de la jambe droite , et
traversant le cheval emporta le mol-
let de l'autre jambe. Il tomba dans
les bras du colonel Rapatel , en lui
disant : « Je suis perdu ; mais il est
» doux de mourir pour une si belle
» cause. » Alexandre lui prodigua
en pleurant tous les secours. On lit
un brancard avec des piques de co-
•sarpies , et on emporta Moreau dans
une maison voisine. Le premier chi-
rurgien de l'empereur lui coupa la
jambe droite. Le général le priad'exa'
miner l'autre, et sur la réponse qu'il
était impossible de la sauver! « Eh
» bien coupez-la donc, dit-il froide-
» ment. » L'armée alliée étant en re-
traite , on le transporta plus loin sur
un brancard fermé par des rideaux.
96
MOR
Le lendemain il avança jusqu'à Latm,
où il écrivit, maigre sa faiblesse,
une lettre à sa femi.ne , et une autre à
rcmpercur de Russie. Pendant cinq
jours, ses amis, qu'il consolait, le vi-
rent descendre lentement dans la tom-
be j il expira dans la nuit du 1'='". au
•2 septembre. Soncorps , conduitd'a-
bord à Prague pour être embaume ,
fut transféré et enterré dans l'église
catholique de St.- Pctersbourg avec
tCi;s les honneurs qui avaieiH; été
rendus au maréchal prince Kutusofl'.
IMoreau expira avant d'avoir publié
une proclamation aux Français, que
l'empereur Alexandre avait approu-
vée : elle était courte , simple, éner-
gique. 11 expliquait le but de son re-
tour en Europe ; c'était d'aider les
Français à se soustraire au despolis-
ine de Buonaparte, et de sacrifier au
besoin sa vie pour rendre le bon-
heur à sa patrie, dont il appelait
tous les véritables enfants sous les
étendards de l'indépendance. Il avait
demandé à l'empereur Alexandre,
qui le regardait comme l'intermé-
diaire entre les aUiés et la nation
française, de n'avoir aucun titre près
de sa personne. « Eh bicnl lui avait
» dit ce prince, vous serez mon ami,
V vous serez mon conseil. » Le czar
écrivit une lettre touchante à la
veuve de Moreau ; il lui fit don de
cinq cent mille roubles et d'une pen-
sion de trente mille. Comme homme
de guerre , Moreau fut supérieur à
tous les généraux de la révolution ;
il eut le génie des Fabius et des Tu-
renne. Son nom était plus populaire
que celui de Buonaparte ; et il pou-
vait rendre à son pays les plus grands
services, si, avec plus de résolution
dans le caractère, il eût été animé,
douze ans plus tôt; de la noble et se-
crète ambition de se faire le Monk
de la France. Quelle iuflueuce al-
MOR
lait-il avoir sur les événements, lors-
que la mort vint le frapper ? N'esl-
il pas vraisemblable qu'à la faveur
de sa renommée , accélérant la chu-
te de Buonaparte et la restaura-
tion du trône des Bourbons , il eût
aidé la France à briser elle-même
ses chaînes, et l'eût garantie de deux
invasions? Sous ce double point de
vue il mérite nos regrets et nos hom-
mages. Louis XVllI a déposé le bâ-
ton de maréchal de France sur la
tombe de Moreau. L'Eloge de ce
général par Garât ( i8i4 , in-8°. ) ,
a essuyé de sévères critiques. L'au-
teur eut cependant l'honneur de le
présenter lui-même à l'empereur
Alexandre, en 181 4- B — p.
MOREAU ( Jean-Michel ) , des-
sinateur du cabinet du roi , naquit à
Paris, en 1741. (0 Artiste pres-
que en naissant, il ne se rappelait [îas
lui-même l'époque de ses premiers
essais. Il avait à peine dix-sept ans ,
lorsque Lelorrain , son maître, nom-
mé directeur de l'académie des arts
de Pétersbourg, l'emmena en Russie,
pour le seconder dans les fonctions
de sa place. La mort de cet artiste
obligea Moreau , au bout de deux
ans, de revenir à Paris. Naturelle-
ment observateur, les monuments,
les costumes , les mœurs , les usages
des contrées qu'il avait parcourues ,
n'avaient point échappé à sa saga-
cité; et toutes ces connaissances lui
devinrent bien utiles dans l'âge mûr.
A son retour, se trouvant sans fortu-
ne , sans occupations luciaiives , il
eut des moments très-pénibles. Il fit
connaissance avec Lebas, graveur
habile; et son aptitude au travail le
mit bientôt en état de graver àl'eau-
(i') Od le dcbigne sous le nom de liloreau jeune ,
pour te distiiii;uer de son Itère , Louis Moreau , ujort
à Paris p)n>ieiu-s ar-uees avant lui, et dut^ueluua
plusieurs paysages à la gouacLe.
MOR
forte. Celait à telle o'pof|iic que le
comte de Caylus imprimait son bel
ouvrage sur les aiiti(|uites. Ayant eu
oecasioii (l'apprécier le talent de no-
tre jeune artiste , il le chargea d'une
partie de ses planches. Mais, crai-
gnant que le dcsir de gagner beaucoup
d'argent ne lui fît négliger son avan-
cement, c(ft ami, ce père des artis-
tes lui donnait, le samedi, la besogne
qu'il devait faire le dimanche , afin
de ne le pas détourner des études de
la semaine, et lui pavait assez son
travail pour qu'il pût suflire à ses
dépenses journalières. La réputa-
tion de Moreau , comme dessina-
teur ( car il avait entièrement re-
noncé à la peinture ), croissant à
mesure que son génie se développait,
il se vit bientôt chargé presque seul
de la composition de la plupart des
estampes destinées à orner les belles
éditions imprimées à la fin du der-
nier siècle. On peut même dire que ,
dans ce genre, il surpassa tous ses
rivaux. Cochiu, dessiuaieurdes me-
nus-plaisirs du roi, ayant quitté celte
place, en 1770, indiqua Moreau
pour le remplacer. Ce fut à la même
époque que celui-ci fut chargé des
dessins des fêtes qui eurent lieu à
l'occasion du mariage du dauphin,
( depuis , Louis XVI ), et ensuite du
dessin et de la gravure du sacre de
ce prince; ouvrage qui lui ouvrit
les portes de l'académie, et lui mé-
rita la place de dessinateur du cabi-
net du roi, avec une pension et un
logement au Louvre. Curieux de vi-
siter les chefs-d'œuvre qu'on admire
dans la capitale du monde chrétien,
il entreprit le voyage d'ita'ic , eu
j 785. Toutes les productions deMo-
reau, postérieures à celte époque,
ont uu caractère grandiose et histo-
rique , qui prouve combien l'as-
pect des monuments de l'autiquitc a
I\IOR 97
d'influence sur le génie des artistes.
Il embrassa le parli delà révolution
avec beaucoup de chaleur, et fut, à
l'époque sanglante de i 7()3, membre
delà corn mission temporaire des arts;
ce qui lui fournit l'occasion de sous-
traire au vandalisme révoluiionnai-
rc beaucoup d'objets précieux. Eu
1797, il fut nommé professeur aux
écoles centrales de Paris, avec un
modique trailement. Si la î)remièrc
éducaiion de Moreau avait été r-é-
gligée, il répira ce tort dans l'âge
mûr. Une heureuse mémoire l'a-
vait merveilleusement servi ; sa tète
é[ait eu quelque sorte une biblio-
thèque vivante. Cet'e vaste éru-
dition s'aperçoit aisément dans ses
dessins, où l'on retrouve le carac-
tère et le génie des auteurs aux ou-
vrages desquels ils étaient destinés.
L'œuvre de Moreau se monte à plus
de deux mille pièces gravées d'après
lui, parmi lesquelles on distingue,
deux suites pour les œuvres de Vol-
taire, contenant plus de deux cents
estampes; la suite, pour l'édition in-
4". de J.-B. Rousseau, imprimée k
Bruxelles; lOo figures pour l'histoire
de France; près de 100 pour les
évangiles et les actes des apôtres; une
multitude d'autres compositions pour
les œuvres de IMolière, Ovide, Bar-
fhélemi, Marmontel , Racine, Gesner,
Montesquieu , Rayual, Rcgnard, La
Fontaine , Delille , et surtout pour
les belles éditions de Psyché, d'A-
nacharsis, des Entretiens dePhocion,
etc. Nous u'oub'ions pas sa grande
estampe du sacre, et les quatre des
fêles du mariage de Loui^ XVI, dont
il a gravé lui-même les ea\ix-fortes ,
ainsi que celles des '^5 sujets qu'il a
composés pour les Chansons de La-
bordo. Toutes ces productions attes-
tent un génie riche et fertile. Il ne se
répétait jamais, ni daus la pose de
g8 MOU
ses ngiircs . r.i dans leurs airs de lêtd.
Le retoiirdes Bourbons, dont U s'était
raoïilre un des eiineinis les plus ar-
dents, lui préparait cependant, à la
fin de sa carrière, des jours plus heu-
reux : déjà le roi lui avait rendu sa
place et sa pension, lorsqr.'un squir-
rc cancéreux au hras vint mettre
un terme à son existence, le 3o no-
veml)re i8i4-ll n'a laisse'qu'une fille
unique , mariée à M. Carie Vcrnet.
En 1819, le roi, sur la demande de
cette dame, a consenti à acquérir ,
pour son cabinet particulier , les ly
dessins originaux suivants : I. deux
vignettes in-^". . pour les Satires de
Juvéncd. II. Deux autres in-4". ,
pour les Pensées de Marc-Aurele.
jII. Deux de même format, pour
les Entreliens de Phocion. IV. Cinq
figures in-i8, pour les œuvres de
Gresset. V. Quatre, même format,
pour le Roman de Gérard de Ne-
vers. VI. Quatre vignettes in- 4°. ,
pour YÉiieide. Il existe deux Lia-
ges de Moreau jeune, l'un de M.
Feuillet , bibliotliccaire de l'Institut ,
imprimé dans le Moniteur de 1814
( n". 355), et tirée aussi à part:
l'autre , par M. Ponce, inséré rlans le
Mercure du i5 juin 18 16. Z.
MOREAU UF. LA KOCÎIETTE
( FRA^çoIS-T^oMAS ) , inspecteur-
général des pépinières royales de
France, né en 1720, à Rigni-îe-
Feron, bourg près de Ville-Neuve-
l'Arclicvèquc , aujourd'hui départe-
ment de l'Aube, est un exemple de
ce que peut le génie , accompagné
d'mie volonté forte et persévérante.
Il était directeur des fermes du roi,
à Melun. Il existe, presque à la porte
de cette ville, un petit village appelé
la Rochette, nom que lui a valu son
sol ingrat et rocailleux. Il y avait ,
dans ce village, un domaine d'un re-
venu presque nul _, quoique assez
MOtl
étendu (i) , ix cause de la stérilité du
terrain. Moreau de la Roclictte ju-
gea qu'il était possible d^en tirer
parti. Il l'acheta, en 1751, pour
une somme modique: il s'y trouvait
un petit corps de ferme, où il se
pialiqua un logement. Sa place le
relenait à Melun pendant le jour:
mais dès que ses occupations avaient
cessé, il courait à la Rocbettc ; il y
passait la nuit, méditant ses plans
d'amélioration , et donnant ses or-
dres pour les travaux du lendemain.
La plupart des terres n'étaient que
des friches arides; il commença par
faire valoir ce qui était en culture.
Des labours mieux dirigés , des en-
grais distribués à propos , lui don-
nèrent de meilleures récoltes. Insen-
siblement la culture s'augmenta ; et
des essais de pépinières se firent dans
les terrains qui le comportaient.
Vers i^Oo, Moreau commença ses
défricbcments j et ses vues s'éten-
daul à mesure qu'il obtenait des
succès . il conçut le projet d'une
école d'agriculture sur sa propriété.
Son plan consistait à y établir une
grande pépinière d'arbres de toutes
espèces, indigènes et étrangers, et à
tirer des hôpitaux un certain nom-
bre d'enfants-trouvés, pour y être
emf)loycs et formés aux travaux
agricoles. Il représentait que ces en-
fants , élevés à la campagne et en bon
air, s'en porteraient mieux, s'y for-
tifiei'aient par l'exercice, et devien-
draient par la suite des ouvriers
utiles. Ce plan fut agréé par le gou-
vernement • et un arrêt du conseil ,
du g février 1 767, en ordonna l'exé-
cution. Cinquante, et peu de temps
après cent enfants , furent mis à la
disposition de IMoreau de la Rochet-
te. Au moyen de cette multitude de
(i) D« la cuDtuiiaBce d'tovirOD 20» becUro».
MOft
hr.is , les travaux pi iiciit de l'acti-
vile , et SCS (léfilchciuciits se firent
cil grand. Le terrain l'ut nettoyé,
nivelé, dcroncé; une partie lut mise
en culture; une antre fut seraee et
j)lanlee en hois. De vastes jardins ,
des Ijosquets, de riches pepirdcrcs
remplacèrent les friches ; de belles
avenues tracées avec intelligence ,
s'alignaient sur celles de la foret de
Fontainebleau ; et , ce qui n'était au-
paravant qu'une lande infructueuse,
devint sous la main de l'homme ,
luic campagne riante, parée de tout
le luxe et de toutes les richesses de
la culture. Pour couronner ce ma-
Fîiiûque ensemble, une belle maison,
construite d'après les dessins de l'ar-
chitecte Louis , et accompagnée de
tous les bâtiments nécessaires à une
fjrande exploitation . s'éleva au cen-
tre : de lonsucs terrasses, dominant
sur la Seine, se prolongèrent des
deux côtés. Quelques années suffirent
pour opérer cette étonnante méta-
morphose. Un résumé court , mais
exact des heureux produits de cette
institution , excitera la surprise. En
treize années , il sortit des pépinières
de la Rochctte , un million d'arbres
de tige, et trente-un millions de
plants forestiers, dont une grande
partie a servi à repeupler les bois et
les forets du domaine. Le reste a été
donné gratuitement à des particu-
liers. Pendant le même espace de
lemps , il a été formé à la Rochettc
quatre cents élèves , tirés des hôpi-
taux , et de ce grand nombre il n'en
est mort qu'un seul : presque tous
sont devenus de bous jardiniers ,
d'excellents pépiniéristes ; quelques-
uns même, des dessinateurs et plan-
teurs de jardins d'agrément. Lors-
qu'en 1780, par suite des réformes
de Necker , la pépinière de la Ko-
chelte cessa d'être au compte du
MOR 99
gouvernement, il y existait sept rail-
lions cent trente-un mille six cents
plants d'arbres de toutes les espèces.
Les talents et les services rie Moreau
ne deaieurèieut point sans récom-
pense.OuIre sa jilacc d'inspecteur gé-
néral des pépinières royales , il avait
été nommé à celle d'inspecteur-génc-
ral des familles acadiennes restées sur
les ports de mer, puis fait commis-
saire du roi, chargé d'aménager les
bois servant à l'approvisionnement
de Paris, et de rendre flottables les
ruisseaux affluents aux communica-
tions avec la Seine. Dès 17G9, le
roi lui avait accordé des lettres dç
noblesse, et l'avait décoré de l'or-
dre de Saint-Michel. Son mérite, sa
réputation , et les avantages qu'on
tirait de ses pépinières , l'avaient
mis en relation avec tous les grands
propriétaires de France, et les per-
sonnes les plus distinguées des hau-
tes classes de la société. Voltaire lui-
même avait lié avec lui , sous le rap-
port agricole , une correspondance ,
dont il reste dans la famille Moreau
des monuments curieux ( i) : le vieil-
lard de Ferney lui demandait des ar-
bres pour ses plantations, et des
conseils sur la manière de les gon-
verner. On doit encore à Moreau
l'établissement à Urcel, près Laon,
d'une belle manufacture de sulfate
de fer. Il avait dressé des plans pour
le défrichement des landes de Bor-
deaux, qu'il croyait « susceptibles
« de bonne culture et de productions
i> fertiles. » 11 mourut dans sa terre,
leiio juillet 1791. — Son fils , Jean-
(i"^ I!s consistent eii sixleltres autographes de Vol-
taire , écrites av* c celle originahte piquaL.le qxii dis-
tingue sa manière , et quatre h ttres ^ lui nilressées
par Mureau de la Rocliette. Ces dix lettres ont été
imprimées et insérées de«s les Mémoires de la socié-
té d'a^i-icultuiedii département de In Sîine ^^ tuni. IV,
pag. at'>4 et suiv ), par bs suius de M. Fra, çois de
Neucliàleau, avec nue Notice du uienie, sur le» pé-
pinières de la Hucbette.
BIBLHOTHECA
100 MOR
Etienne Moubau de la Rochette ,
ne à Melun, en 1 75o , mort le 8 mai
i8o4, continua de diriger les éta-
blissements agricoles dont on vient
de parler : il était le pcrc du baron
de la Rochette , préfet du Jura.
L— Y.
MOREAU DE MAUTOUR ( F.
M AUTOUR ).
MOREAU-SAINT-MÉRY ( MÉ-
deric-Louis-Elie ), conseiller- d'é-
tat, naquit au Fort-Royal de la Mar-
tinique, le i3 janvier i-ySo. La fa-
mille à laquelle il appartenait, l'une
lies plus distinguées de cette île , ori-
ginaii-e du Poitou, remontait à la
fondation de nos colonies dans l'ar-
cLipel ame'ricain, et, depuis plu-
sieurs générations , occupait les pre-
miers emplois de la magistrature.
Cette famille avait possédé des biens
considérables à la Martinique^ mais
la plus grande partie de ces biens ve-
nait d'être dissipée à l'époque de la
naissance de Morcau-de-8aint-Méry.
il perdit son père avant l'àgc de trois
ans j et sa mère, ne pouvant se résou-
dre à se séparer de lui, ne l'envoya
point en France, où les colons al-
laient faire leurs études classiques ,
à défaut d'institutions scolastiques
dans leur pays natal. -Moreau n'ap-
prit donc qu'à lire et à écrire; mais
sa mère, femme éclairée, ornait sou
esprit de toute l'instruction néces-
saii'e aux. gens du monde : surtout
elle l'habituait à la pratique des ver-
tus sociales; et lui inspirait, pour la
morale évangélique , le goût qu'il n'a-
vait que de trop fréquentes occasions
de satist^ure dans un pays où régnait
l'esclavage. Ces sentiments germè-
rent dans son cœur; et, bien jeu-
ne encore, il était le protecteur des
noirs , leur avocat auprès de leurs
maîtres et surtout près de son aïeu! ,
«iue sa charge de sc'uéchal consîiUiait
MOR
l'interprète du rigoureux code noiri
Moreau sollicitait la grâce des noiis
accusés ; et lorsqu'elle était iiii])os-
sible, il faisait au moins adoucir leur
chàliment: il allait, dans la prison,
les consoler , et leur apporter l'espé-
rance. Le code noir porte la peine de
mort contre tout esclave dénoncé par
son maître comme ayant déserté
trois fois. Un cas semblable se pré-
senta , et le sénéchal dut prononcer la
peine capitale : rcscla.ve condamné
était un excellent homme qui n'avait
jamais déserté que pour se soustrai-
re aux cruautés de son maître. Le
jeune Moreau, désespéré , se jeta aux
pieds de son grand-père pour qu'il
fît grâce au noir; mais la loi était
positive. Va seul moyen se présen-
tait : c'était que le condamné accep-
tât la place d'exécuteur des hautes^
œuvres. Moreau fut chargé de la lui
offrir : a Non , répondit le noir dans
» son jargon naïf, je ne dois mourir
>) qu'une fois ; si je devenais bour-
» reau, mou supplice recommence-
» r.iit chaque jour. » Moreau ne ra-
contait jamais cette anecdote qu'avec
attendrissement. C'est ainsi que, dès
sa jeunesse, son ame se pénétrait
de l'amour de l'humanité. Ce senti-
ment y domina toute sa vie : mais ,
dans la crainte d'oublier quelquefois
de l'exercer , il faisait graver sur l'é-
maii de toutes ses montres la devise
qu'il avait adoptée dès son jeune âge:
Il est toujours l'heure de faire le
bien. L'aïeul de Jloreau était , ainsi
qu'on l'a dit , sénéchal de la Marti-
nique ; et le pelit-lils , qui devait lui
succéder, ne pouvait occuper cette
jnagislralure qu'après s'être fait re-
cevoir avocat : le sénéchal , sentant
approcher ses derniers moments , fit
appeler ^loreau , alors âgé de seize
ans , et lui indiqua l'endroit où il
avait dépose GG,ooo francs qu'il lui
]MOR
donnait pour aller ('tnclier en France.
Dès qnele Tieillard eut cesse (le vi-
vre, SCS nombreux he'ritiers fnrcjit
mis par son petit-fils en possession
du trésor qui était destine à lui seul.
Lorsqu'il eut atteint sa dix-neuvième
année , sa mère consentit enfin à ce
qu'il se rendît à Paris pour y cora-
plc'ler son e'ducation. Il y trouva des
parents opulents , magistrats , oifi-
ciers-ge'ncraux, dont il l'ut accueilli ,
et qui le pre'scntèrent dans le monde.
Il était grand , bien fait et d'une
belle physionomie: on le fit recevoir
gendarme de la garde. Toutefois il
voulut être inscrit aux écoles de
droit; et il entreprit, sans maître,
l'étude du latin. De plus, il suivit
avec assiduité les cours de raalhéma-
tiques et de géométrie , du Collège
royal. Ses progrès dans la langue la-
tine furent si rapides , qu'au bout de
quatorze mois, il écrivit et soutint
en latin sa thèse de bachelier en
droit. C'est une chose remarquable
qu'ayant étudié si tard, et pendant
si peu de temps , il ait su pour tou-
te sa vie la langue de Cicéron ,
qu'il parlait même avec une assez
grande facilité. Sa mémoire était
ornée des plus beaux passages des
meilleurs classiques. Il eh était de
même du droit romain, dont il ci-
tait à propos le texte , dans les dis-
cussions de jurisprudence. Dévoré
du besoin de savoir proraptement,
et aimant aussi le plaisir, il avait
imaginé, afin d'avoir plus de temps à
sa disposition , de ne dormii' qu'une
nuit sur trois. C'est ainsi qu'il trou-
vait le loisir de vaquer a ce qu'il
devait ou voulait faire, sans négliger
sou service militaire. Après trois ans
de séjour à Paris , Moreau de Saint-
Méry , devenu avocat au parlement ,
repartit pour la Martinique, Sa mère
était morte , et sa fortune dissipée :
MOU lot
il résolut de la rétablir en exerçant
la profession d'avocat. Ce fut au Cap-
Français (pi'il alla se fixer. Son pre-
mier plaidoyer décela un orateur
éloquent et un jurisconsulte. Dès-
lors, il prit rang à la tête de son or-
dre , et son cabinet fut un des pins
fréquentés. Fidèle h sa maxime, il
se consacrait à la défense du faible
et de l'innocent. Après avoir plaidé
pendant huit ans , et s'être assuré
une fortune indépendante, Moreau
fut nommé conseiller à ce même tri-
bunal ( le cojiseil supérieur de Saint-
Domingue), oîi il avait honoré la
profession d'avocat, par un savoir
étendu, un esprit brillant et rempli
de sagacité , une éloquence qui , à
Paris, l'eût placé au rang dos Ger-
bier et des Target. Il a public un
grand nombre de Mémoires, la plu-
part remarquables , non - seulement
par les qualités de l'écrivain, mais
encore par les questions importantes
sur le droit et sur l'administration
coloniale, qui y sont traitées avec une
grande profondeur. Dès sa jeunesse,
il s'était ocriipé de l'histoire des An-
tilles , et de la connaissance des lois
dont elles avaient été l'occasion ; et il
n'avait cessé de réunir des matériaux
à ce sujet. Il profita des loisirs que
lui laissait sa nouvelle fonction, pour
rédiger ces matériaux, et pour en
rassembler de nouveaux , spéciale-
ment sur 1rs lois de Saint - Do-
ra ingue, jusqu'alors éparses, et sou-
vent ignorées des magistrats eux-
mêmes. Les travaux auxquels il se
livrait- étaient d'une importance trop
grande à l'égard des colonies, pour
que le goiiverncmcnt ne les encou-
rageât ])cint. Il lui donna le pou-
voir d'explorer tous les greffes ,
tous les dépôts d'archives de la co-
lonie; ce cpii mit Moreau dans le
cas de visiter toutes les parties de
10 1 MOR
Saint-Domingue , dont l'histoire par-
ticiilièreet la description l'occupaieut
aussi. Pendant nue de ses excursions,
il découvrit à San-Doraingo , dans
une ancienne église, le tombeau de
Christophe Colomb, dont les habi-
tants de la colonie ignoraient l'exis-
lence. Le minislèrc, pour compléter
ses recherches , lui lit ensuite par-
courir la IMartinique, la Guadeloupe
et Sainte- Lucie. Appelé à Paris, par
ordre de Louis XV I , pour s'occuper
d'objets relatifs à l'administralion
des colonies, et pour faire imprimer
son grand travail sur les lois de
Saint-Domingue, il trouva le temps
de s'adonner à la culture des sciences
et des lellrcs. Ce fut alors que, de
concert avec Pilàtie de Kozicr , il
fonda le Musée de Paris , dont il fut
çiu secrétaire ( F. Court de Gebe-
LiN ), comme il avait été l'un des
fondateurs de la société des Philadel-
phes , au Cap-Français. La révolu-
tion , qui éclata en 1 789 , le trouva à
Pa:is , et il s'en montra l'un des plus
chauds ])artisans , fut un des élec-
teurs, et devint vice- président de
celte assemblée éleclorale qui, jieu-
dant un mois, exerça la puissance
souveraine sur toute la France : l'as-
semblée nationale lui envoya des dé-
pntaîions, et le roi vint lui-même
s'hr.railier devant ce nouveau pou-
voir , dans la joul-nce du i 7 juillet ,
( r. Louis XVI ). Mt roau présidait
alors l'asscnibléc ; sa fermeté emjiè-
cha du moins ce jour-là refl'usiou du
sang, mais elle ne put arrêter tous
les désordres qui se prolongèrent en-
core pinsicurs jours. Enlin le calme
.«0 rétablit; et le 3o juillet, l'assem-
blée se sépara, eii votant des re-
■mercîmeiits à son président : elle
décida même qu'ujie médaille serait
frappée en sou honneur. Moreau alla
pfendre place à l'assemblée naliona-
MOR
le, où l'avait appelé le choix des
colons do la I\larlini([ue. Il y dé-
fendit courageusement , contre l'o-
pinion dominante , les véritables
intérêts de la métropole et de ses co-
lonies , dont personne autant que lui
necoimaissait l'importance. Partisan
delà liberté, il était l'adversaire le
plus ardent de la licence. A peine
l'as-semblée constituante était-elle dis-
soute, qu'il se vit proscrit ; et quoi-
que membre du conseil judiciaire
établi près le ministre de la justice,
il fut attaqué dans la rue , par des
brigands , au nom de la liberté :
ces furieux le frapj^èrent à coups
de sabre , et le laissèrent pour moi t
dans un café où il s'était réfugié. Il
espéra pouvoir se dérober à tous les
dangers , en se rendant dans la petite
ville de Forges : mais sa retraite fut
découverte : les terroristes vinrent
l'y chercher, et il fut arrêté avec le
duc de la Rochefoucauld, dont il
était le compagnon d'exil. Par bon-
heur , un des sicaires reconnut en
Moreau un ancien bienfaiteur, et
favorisa son évasion. Il chercha un
nouvel asile au Havre; mais informé
à temps, que Robespierre avait don-
né l'ordre de l'y faire arrêter , il par-,
vint à s'embarquer pour les Ltats-
Uuis, en 171)3, avec sa femme et
deux enfants en bas âge. Il peitlit
tout, et n'eut que le temps d'em-
porter ses mauuscrits. Arrivé à New-
York, ce magistrat , que, peu de
temps auparavant, le roi avait dési-
gné pour une intendance coloniale ,
fut réduit à se faire le commis d'un
marchand, homme grossier et dur,
(jui rendit sa condition iusupporla-
ble. Cependant jMuroau s'était procu-
ré quelques ressources , et il alla s'é-
tablir à Philadelphie, où il ouvrit un
magasin de librairie; plus tard il y
aioula une imprimerie. Ce fîU là
P
MOR
qu'il mit au jour sa Description tic
Saint-Domingue, ainsi que d'autres
ouvrages qui lui appartenaient, soit
en propre, soit comme traducteur.
Il vécut alors dans une soi te d'aisan-
ce, et put rendre service à plusieurs
Français expatries par suite de la
rc'voiution. Enfin, l'ordre s'etant ré-
tabli en France , Moreau y revint,
après cinq ans d'absence, sous les
auspices de son ami , l'amiral Bruix,
ministre de la marine, qui le nom-
ma historiographe de ce de'paite-
ment, A l'époque de l'établissement
du consulat, Moreau fut nomme cou-
seillcr-d'état , puis crée commandant
de laLëgion-d'honueur. Peu de temps
après, il fut envoyé auprès de l'in-
fant duc de Parme , et chargé d'une
mission diplomatique importante.
Par deux traités secrets , conclus
entre la France et l'Espagne, l'un à
la fin de 1800, et l'autre le 121 mars
1801 , la Toscane avait été éri-
gée en royaume, et cédée par la
France à l'infant D, Louis , prince
héréditaire de Parme , à la condi-
tion que les états de Parme, Plai-
sance et Guastalla, héritage de cet
infant, et que possédait comme sou-
verain, son père, D. Ferdinand,
passeraient à la France, soits la ga-
rantie de l'Espagne. Ou devait in-
demniser le duc régnant , en lui ac-
cordant des rentes et des terres. En
attendant que le nouveau roi d'Étru-
rie, qui était alors en Espagne, fût
arrivé dans ses états, Moreau , dési-
gné pour l'ambassade de Florence ,
l'ut envoyé à Parme, auprès de D.
Ferdinand, pour lui faire connaître
les traités qui le spoliaient , et récla-
mer de lui la renonciation à son du-
ché. Moreau , touché de l'infortune
d'un prince, que sa sœur surtout ( la
reine d'Espagne ) rendait ainsi vic-
linae de sou ambition pour l'époux
MOR io3
de sa fille, remplit sa mission avec
tant de ménagement , et si peu d'em-
pressement à dépouiller Fenlinand
de son autorité, ()ue leducdePaïuie
et l'archiduchesse, son épouse, le
comblèrent des marques de leur
affection et de leur confiance. Le duo
mourut le 9 octobre 1802, d'une
maladie inflaramatoire. Dès-lors , le
premier consul enjoignit à Moreau
de prendre , au nom de la France ,
possession des états du défunt , et de
les gouverner sous le litre d'adjninis-
trateur-gcnéral. Il se trouva revêtu
d'une autorité immense , puisqu'il
exerçait les droits régaliens , et
même celui de faire grâce. Il admi-
nistra ces contrées d'une manière
toute paternelle, accorda une pro-
tection spéciale aux étab'issements
de bienfaisance et d'instruction pu-
blique , et fit partout observer la
justice la plus exacte. A la fin de
i8o5, ou avait ordonné la réu-
nion d'un camp de réserve à Co-
logne, et la mdice des états de Par-
me devait en faire partie : quel-
ques compagnies de cette milice, qui
habitaient les montagnes de l'état de
Plaisance, refusèrent de marcher, et
se mirent en révolte. Moreau sut les
ramener à l'obéissance par les seuls
movens de persuasion : on le b'àma
de n'avoir point sévi , et le général
Junot , envoyé à Par.me avec des pou-
voirs extraordinaii'es, y établit une
commission militaire; on rechercha
les fauteurs de la révolte ; un grand
nombre de victimes furent fusillées,
et on brûla deux villages , bien que le
calme fût déjà rétabli. Moreau , qui
gémissait de voir déployer une li-
gueur inutile, s'y opposa fortement;
ce qui n'eut d'autre effet que de le
faire rappeler à Paris. Il y arriva
complètement disgracié, mais fier
d'une conduite qu'approuvaient tous
io4
MOK
les honnêtes gens. On le priva de ses
appointements de ronscilIcrHrdtat ;
et on Ini refusa n;ênic le rembourse-
ment de 40 miile iVancs d'arre'rages.
11 obtint une audience de Buonaj)ar-
te; et l'explication c'iant devenue
fort vive , Moreau lui dit avec gra-
vite': « Je ne vous der.iande point
V de récompenser ma probité j je
» demande seulement qu'elle soit
» tolérée : ne ciaignez rien ; cette
M maladie n'est pas contagieuse, »
J;a saillip ne déplut point : mais le
sort de Moreau ne fui pas amélioré j
et bientôt, réduit aux plus dures né-
cessités, il se vit conuaintde vendre
son argenterie , sa montre , ses livres
les plus précieux , et même une par-
lie de sou linge. Pendant six années,
il languit dans cette indigence , et
ne subsista que par les bienfaits de
M'""^^^. Buooapaitc, sa parente. En
1 8 1 '2 , cependant , on lui accorda une
faible pension, qui suiUsait à peine
aux besoins de sa maison, et qu'il
conserva jusqu'à sa mort. 11 se con-
solait de ses adversités dans son ca-
binet d'étude , où il travaillait , pen-
dant dix heures chaque jour, à la
rédaction des or.A'rages qu'il a lais-
sés en manuscrit, particulièrement
aux Mémoires de sa viej travail
d'un grand intérêt , parce que , dans
ce cadre, il a fait entrer l'histoire
politique et littéraire de l'époque
où il a vécu, dos détails intéressants
sur un grand nombre de personna-
ges contemporains, et enfin la rela-
tion de faits curieux , observés pen-
dant ses voyages. 11 ne quittait son
cabinet que pour se rendre ti'ès-exac-
tement aux sé..nces des sociétés sa-
vantes et littéraires donti! était mem-
bre, et où il était sûr de rencontrer
d'anciens amis. Il avait contracté des
dettes, pendant sa longue disgrâce ;
et l'impossibilité de les acqiàlter
MOR
troublait son repos. Le roi, dont
Moreau avait eu l'honneur d'être con-
nu, avant la révolution, et (|ui lui
savait gré du zèle avec lequel il avait
servi Louis XVI en i 'y8<) , fut in-
formé de sa mauvaise fortune: il dai-
gna le faire appeler, en 1817 ; et ,
après l'avoir comblé de bontés , lui
(it remettre quinze mille francs. Cctle
somme suilitpour apaiser ses créan-
ciers, et pour ré])an Ire quelque ai-
sance dans sa famille. Tant d'adver-
sités avaient affaibli sa santé. Il mou-
rut le iS janvier l8lg^, âgé de
soixante-neuf ans. Son Eloge fut pro-
noncé sur .sa tombe, par l'auteur de
cet article. Il a été imjirii:ié par l'or-
dre de (a société d'agriculture, dont
Moreau était membre. M. Silvcstre,
secrétaire perpétuel de celte compa-
gnie, y lut, dans la même aniice, un
Kloge historique de Moreau. Voici la
liste de ses ]irincipaux ouvrages : I.
Lois et coiislilutions des colonies
françaises de V Amérique-sous-le-
Fent,àc KOoà 178^, Gvol. in- j'^.,
Paris, 1784-1790. Louis XVI or-
donna qu'un exemplaire de cet ou-
vrage serait déposé dans chaque bu-
reau d'administration et dans chaque
greiîc des colonies américaines : il est
devenu très- rare. II. Description de
la partie espagnole de Saint-Domin-
gue, 1 vol. in - 8^. , Philadelphie ,
1 796. m. Idte générale ou abrégée
d< s sciences et des arts, à V usage
de la jeunesse , in-12, ibid., 1795.
Ce livre élémentaire , imité de celui
que l'ormey avait publié en 1754 ,
est infiniment supérieur à son mo-
dèle j il a été traduit en anglais , et
adopté, comme classique;, dans les
collèges des États-Unis. IV. Re-
lation de l'ambassade de la coni'
jagnie des Indes Orientales hol-
landaises, à la Chine , rédigée par
Vau-Eraam, traduite en français
MOR
?. vol. in-4"., il)i(leiii, 179G- 1797.
L.» traduction de INÎmo.iii a ctc tra-
duite PU aitf;lais et piihlic'e à Lon-
dres. Le nièmc ouviagc a ensuite o'té
réimprime à Paris, eu français. V.
Description de la partie française
de la colonie de Sai'<t-Doinin-,'^ue ,
:>. V(iL in-4"., Pliiladelpliie, 1797-
J798. Cet ouvraç;e. ainsi f(ue celui
qui renferme la description delà p;ir-
îie espagnole , contient des notions
cfenducs et importantes sur l'agri-
culture des Antilles, sur l'industrie
et le commerce, sur l'histoire phy-
sique et naturelle, sur les usages an-
ciens et modernes des peuples de ces
contrées. VI. De la danse, in- 10/,
i'jid. , 1797, et Panne, Bodoni ,
1801, in- 16. L'auteur, clans ce
morceau c'crit avec beaucoup de
grâce et de feu, montre l'analogie qui
ox.iste entre les danses coloniales et
celles des Maures, des Africains, et
surtout celles des Grecs. VIL Dis-
cours sur l'utilité du Musée de Pa-
ris , prononcé le jour de l'inaugura-
tion de cette société, en 17S4, in-
4". , Parme , i8o5. VIII. Discours
sur les assemblées publiques litté-
raires , prononcé au Muséum, de
Paris, en 1785, in-4°., Parme ,
i8o5. Les principaux manuscrits
qu'a laissés Morean de Saiut-?àérv,
sont: 1°. Histoire générale des jln-
tilles françaises. Ce manuscrit, sus-
ceptible de former plusieurs volu-
mes, était son ouvrage de prédilec-
tion ; il a travaillé à le perfectionner
jusqu'à ses derniers moments. Il est
rempli de faits curieux et ignorés,
tant historiques que biographiques,
et particuliers aux mœurs et a l'ori-
gine des premiers naturels. — 0.°.
Eépertoire de notions coloniales. Ce-
lui-ci doit former aussi plusieurs vo-
lumes; il est entièremer.t destiné à
recueillir des anecdotes et des faits
liistoriipies sur les premiers fon-
da leurs des colonies, et sur les
indigènes, Indiens et Caraïbes: il
renferme les lois coloniales inédi-
tes , dont la rédaction lui avait élé
confiée par le gouvernement , d"a-
j)rès SCS rcpréseulations sur divers
abus. — 3°. Description de la Ja- •
indique. — 4°- Histoire de Porto-
Rico. — 5". Observations sur le cli-
mat , l'histoire naturelle , les mœurs
et le commerce des Etats - Unis
d'Amérique. — 6'\ Matériaux d'un
traité général sur les cultures colo-
niales. — 7''. Histoire des états de
Parme, Plaisance et Guastalla;
(Xi ouvrage renferme, sur cette par-
tie de l'Italie, des détails fort inté-
ressants , relativement aux moeurs et
à la politique. — 8'\ La Vie de l'au-
tew , écrite par lui - même. ]Mo-
reau de Saint-Méry a traduit, sur
le manuscrit espignol de D. F. Aza-
ra , VJ/aitdre naturelle des quadru-
pèdes du Paraguay , 'i vol. in-S".,
Paris, 1800. Le traducteur y ajouta
un grand nombre de notes instruc-
tives; et son travail fut approuvé
par l'Institut. Cet écrivain a publié
i:n grand nombre d'articles histo-
riques, littéraires et scientifiques, et
de Mémoires , soit séparément, soit
dans différents recueils. Désessarts a
recueilli plusieurs de ses factums
dans le Journal des causes célèbres.
F— R.
MOREL (EusTAcnE),dit Des-
champs , né en Flandre , fut chàlc-
lain de Fismcs , bailli de Senlis ,
écuyer-huissier-d'armes de Charles
VI, et figure parmi les poètes français
qui, dans le quatorzième siècle, ob-
tinrent le plus de célébrité. Plus jeu-
ne que Jean Froissart, qui eut au-
tant de réputation pour ses vers
q'ie pour sa Chronique , il élait plus
âgé que Charles d'Orléans cl Alain
io6 MOR
Charticr, dont les poc'sirs ont coti-
sejrvë jiisfjn'à ce jour quelque rc'puta-
tion. MorcI clail aussi contemporain
de Sohicr et de Guillaume de Ma-
cliaiill, ptȏU' ef musicien. L'auteur
d.i Songe du vieil pèlerin ( i ) , après
avoir conseille à Cliarles \I de s'abs-
tenir des lectures dangereuses on fri-
voles , ajoute : « Tu peux bien lire et
» ouir aussi les dictiez vertueux de
» ton scrviicur et olllcier Eustache
» Morel. » Il n'est pas facile de ju-
ger jusqu'à quel point cet éloge était
fonde, ies poésies de Morel n'ayant
point e'îc imprimées. Le recueil de
ses OEuvres est conservé parmi les
manuscrits de la bibliothèque roya-
le , sous le n**. y'iig. On y trouve
des Biîladcs , des Gbauts royaux, des
Farces, des Moralités, des Gliausons
halladées, des Lais, des Vireiais ,
des Kondeaux, et des écrits en prose ,
tels qu'une Complainte en latin, sur
Je schisme de Pierre de Lune ( datée
da i3 avril j393 ) ; il contient aus-
si plusieurs morceaux intéressants
pour l'Histoire de France , depuis
i3jo jusqu'en i4io; des Lettres
missibles, des Traitiez , Dicts, Sup-
plications , Commissions , etc. Le
principal ouvrage de Morel a pour
litre : Le Mirouc'du mariage. L'au-
teur peint dans cette pièce , d'une
manière plaisante , et qui , dans le
quinzième siècle , pouvait paraître
ingénieuse , les embarras , périls et
traverses du mariage. Les Anglais ,
maîtres , à celte époque, d'une partie
de la France , sont fréquemment ,
dans les poésies de More! , l'objet de
sa haine et de ses imprécations. Il
va jusqu'à exprimer dans une balîa-
de , le vœu que l'Angleterre soit dé-
truite, et que les générations futures
^i) L'abbé Ltbtr.f a donni ai c Notice cm-leuse de
cet uuvra^o.
MOR
apprennent seulement par ses ruines
qu'elle avait existe. Mais malgré ces
fureurs patriotiques , et nonobstant
l'éloge que l'auteur du Songe du
vieil pèlerin fait des Œuvres d'Eus-
tachc Morel , cet écrivain n'eût pro-
bablement point obtenn un article
dans la Biographie universelle ^ s'il
n'était pas regaidé comme l'inven-
teur de la Chanson à boire. A ce
titre, assez important quoi(pie léger,
son nom mérite d'être conservé.
Y— VE.
MOREL ( Jeam ) , seigneur de Gri-
gny , né à Embrun en i5ii , fut
le plus fidèle ami d'Érasme, dont il
avait été le disciple . et auquel il fer-
ma les yeux à Bàle. Après avoir
voyagé en Italie, où il s'était acquis
raffection des gens de lettres , il re-
vint à Paris, Catherine de Médicis
lui confia l'éducation de Henri d'An-
goulême , fils naturel de Henri IJ.
Il devint maître d'hôtel ordinaire
de la maison du roi , et mourut en
i58i , regretté de tous les gens de
lettres , qui s'empressèrent de répan-
dre des fleurs sur son tombeau. Mar-
quis, principal du collège Bertrand,
recueillit, en 1 583 , les vers grecs, la-
tins et français dont ils honorèrent
sa mémoire; ils forment un volume
sous le titre de Royal mausolée.
Joachim Dubellay, son ami, fit im-
primer ses ouvrages. L'amour des
lettres, qui avait formé leur liaison,
fut héréditaire même pour les filles
dans la famille des Morel. Antoinette
de Loynes, femme de Jean Morel , et
leurs trois filles, Camille, Lucrèce et
Diane , faisaient des vers grecs et
latins. Camille surtout fut un prodige
d' érudition : outre les langues an-
cienuij- qi'eile savait très-bien > elle
parlait facilement l'espagnol et lïta-
lien. Elle composa plusieurs poèmes»
et fit, sur la mort de son pcre^ de-
MOR
vfiiiu aveugle sur la lin de sa vie, une
épigramnie grecque , admirée par les
liclle'nistes du temps. T — d.
MOREL ( JusKPii) , surnomme le
P rince, né k Arhois, dans le sei-
zième siècle , s'était l'ait la réputation
d'un bon ollicier, dans les guerres
qui désolèrent à ccltccpoquelecomlé
de Bourgogne. Henri IV, occupe à
combattre les Espagnols, refusa de
reconnaître la neutralité du comte,
et donna l'ordre à Bironde pe'ne'trer
dans cette province. A l'approche des
Français, le capitaine Morel se retira
dans Arbois, et en lit fermer les por-
tes. La ville, n'étant revêtue que d'une
simple muraille, sans aucune fortifi-
cation extérieure, ne pouvait opposer
une longue résistance à une armée
victorieuse ; mais Morel avait l'es-
poir d'obtenir des conditions favo-
rables pour ses concitoyens. Cet^en-
dant l'armée de Biron , forte de
:i5,ooo hommes , était arrêtée de-
puis trois jours devant les murs
d' Arbois. Le quatrième jour, le ca-
non des assiégeants ayant renversé
ime partie des murailles , Morel fut
pris sur la brèche , qu'il défendait
vaillamment , et conduit à Biron :
l'inflexible général luireprocha, dans
les termes les plus durs,d'avoir con-
trevenu aux lois de la guerre en se
défendant dans une place non tcna-
ble , et le fit pendre, le 7 août iSpà ,
a un tilleul, qu'on voit encore à l'en-
trée de la promenade d'Arbois , et
qui est devenu un objet de vénéra-
tion pour les habitants. Henri IVsau-
va cette malheureuse ville, que Biron
voulait brûler pour la punirde sa ré-
sistance. Apres le départ des Fran-
çais, les restes de Plorcl furent in-
luimés dans la chapelle Saint-Roch,
sous une tombe, décorée d'une épi-
taphe latine que composa JeanYui-
lemin , poète dont on a quelques
IMOR 107
pièces , devenues rares ( F". J. Vui-
LEMiN ). La mère de Morel , déjà
avancée eu âge , ne survécut pas
long-tcraps à la douleur de s'être vue
privée, d'une manière si cruelle, du
udton de vieillesse sur lequel ,apr..'s
Dieu , elle avait placé son espoir.
Elle (it plusieurs legs pieux par son
testament, rédigé avec une touchante
simplicité , et qui a été inséré avec
uno Notice sr.r Jos. Morel , dans
VAnnuaire du Jura pour 1807.
W— s.
MOREL ( Guillaume ) , savant
imprimeur , était ué, en i5o5,au
Tilleul , bourg du comté deMortain ,
dans la Normandie, de parents pan-
ATcs ; il trouva cependant le moyen
d'étudier, et fit de rapides progrès
dans les langues anciennes. Etant
venu à Paris , il y donna des leçons
de grec à quelques jeunes gens , et en-
tra ensuite , comme correcteur , dans
l'imprimerie de Jean Loys , connu
sous le nom de Tiletan. 11 publia ,
en i544 ■) i"i commentaire sur le
traité de Cicéron , de Finibus , qu'il
dédia à Jean Spifame , chancelier de
l'université, et qui fut fort bien reçu
du public. En 1 5 18 , il s'adjoignit à
Jacq. Bogard , pour une édit. des Ins-
titutions oratoires de Quintilieu , à
lacpieile il ajouta des notes. L'année
suivante , il fut admis dans la corpo-
ration des imprimeurs de Paris , et
établit, près du collège de Reims, un
atelier, d'où sont sorties plusieurs
éditions d'ouvrages grecs , estimées
pour leur correction. Le célèbre Adr.
Turnèbe , imprimeur du roi pour la
langue grecque, s'associa Morel, en
i55'i , et le désigna pour lui succé-
der dans la direction de l'imprimerie
royale ( F. TurnÈde ) : le brevet en
fut expédié à Morel , en 1 555 ; et \\
publia, depuis cette époque, plusieui>
bonnes éditions , enrichies de notes
j-s Mon
<;l <le variantes tirées des incilleiits
raamiscrits. 11 fut mal recompense' de
son z,clc : on cessa de lui payer la
pension qui lui aA'ait c'ic' accordée ,
sons prétexte que les ressources de
l'elat étaient absorbées par les guer-
res civiles ; et l'on apprend par une
lettre de ïurnèbe à (lliarles IX, ini-
priinc'o au-devant de l'edit. des OEu-
\'rcs de saint Cyprien , que ]\Iorel
avait laisse' sa famille dans un dër.ue-
Jîient absolu. Ce savant et laborieux
iiii primeur était mort le ir) février
1 )(i4- Une de ses [illes avait épouse
Etienne PrcYOstcau , bon imprimeur:
sa veuve se reniaria avec Bienne'
(r.J.BiEiVNÉ,IV,475).— JeanMo-
j'.EL , son frère cadet , mourut , en
i.'jjO, à l'àf^e de yiui^t ans , dans la
])rison du Fort-l'Evêque, où il avait
e'ie enferme pour cause de religion.
Jean s'était aussi applique à l'ël/ude
des langues avec succès : mais il u"a
laisse aucun ouvrage (i) ; et ce n'est
qu'à raison de son dévouement au
calvinisme queProsp. Marchand lui
a donne dans sou Dictionnaire nu
assez long article, auquel on renvoie
]j(>ur les détails. Il paraît que Guill.
Morel avait eu e'galement du pen-
chant pour les nouvelles opinions ;
mais qu'il y renonça, ou pour con-
server son emploi , ou par la ci'ainte
des supplices. C'est à son inconstance
que Henri Estiennc fait allusion dans
l'ëpilapLe satirique qu'il lui a com-
posée ; mais ce qui est réellement
inconcevable , c'est qu'un liomm,e
comme Estienue ait cherché à insi-
(i)'C'esl à tort qu'on lui attribue un ouvrage iuti-
tive : UAine toujours impassible dans toutes fcs
positions de la vie , fort en une seule , qui est la
i:miide, Paiis, i558 , in-i». Cet ouvrage , sur liqucl
/•I. IWbieij-i JnDDCunc cote e'tcaùue dans la Tabli- de
Min Dictionnaifc des ononrmes , peut bien innins
«'iicore être de Jean HorcI, fils de tVderie H , ué le
16 novembre iX)'{\ il tant en 1 berchcr laiitcur |i;ir-
mi les trois ou quatre J. au Morel , tous coiileiapo-
V.iius cilis par Prosp Marcbaiid : la soluliou de cette
itïUicuItC iiCîl j>as d'ailleuis Ircs-iniportaote.
MOR
niu'i- dans cette pièce que Morel, en
abandonnant le parti de la reforme,
avait beaucoup perdu de ses talents
typographiques. Del'avcu de tous 1rs
connaisseurs les éditions grecques de
Morel égalent en beauté et en correc-
tion celles de Robert Estiennc , le
plus savant et le plus habile impri-
meur dont s'honore la France ( F.
Rob. Es'iiE^jiE ). La marque parti-
culière de Morel est le thêta 0 en-
toure de deux serpents , avec un
Amour assis au centre. On trouvera
sa Vie et le Catalogue de >"es éditions
dans les P'itœ tjpo^r. Paris. , de
Maittaire,p. 33-40. Outre les ouvra-
ges déjà cités , on a de lui : I. Des
jVotes sur les OEuvres de saint Denis
l'aréopagite, saint Cyprien, Déraos-
thènes, etc., r£j^/tcrtfi0/i des pas-
sages les phis difficiles des Partitions
oratoires de Cicéron ; wnSupplément
à la Chronique de Carion. II. Des
Traductions latines des Sentences
des Pères sur le respect dû aux ima-
ges , des Epitrcs de saint Ignace, etc.
III. De grœcormn verborum ano-
vialiis commentarius , Paris, id49 >
3 558, i5G6;Lyon, i56o,in 8''.IV.
Commentarius verborum latinorum
ciim ^rœcis , gallicisque conjuncto-
rum , ibid. , 1 558, in-4°. Cet ouvrage
curieux et intéressant, parce qu'il con-
tient une foule de citations d'auteurs
grecs , tirées de manuscrits encore
inédits de la Bi!)lioth. du roi, a été
réimprimé plusieurs fois dans le sei-
zième siècle et même dans le dix-sep-
tième, sous le titre de Thésaurus
VQCwn omnium lalinarum , orcline
alphabetico digestarum, etc. V. Ta-
liila compendiosa de origine , suc-
cessione^ etc. vetenun philosopho-
ram, Paris, in-4°.;ib., 1578; Bàle,
1 58o , iu-8°. ; inséré avec un suppié-
ment deJér. Wolf, dausletomexdu
Thesaur. anliijidt. grœcar. W-s.
IMOR
MOREL (Fiu)ERic),clit VAncien ,
imprimeur du roi, ne en i5-t3,
d.'ins la Cluimp.ignc, d'une famille
noble, vint à P.iris étudier les lan-
gues anciennes, et y lit des progrès
très-reman{uablcs. Il se chargea eu
I 55ji, de revoir le manuscrit AvxLexi-
qiie c^rec de Jacq. ïoussain ( Tassa-
nus), l'un de ses maîtres, et détermina
Charlotte Gnillard, veuve du libraire
Ci. Chevallou, à en donner la pre-
mière édition , cette même année. II
e'pousa, en 1 559, ^^"^ ^'^'^ ^^^ célèbre
Vascosan,et e'iablitun atelier typo-
p'aphicpic dans la rue Saint-Jean de
Beauvais, à l'enseigne du Franc JMeii-
rier ( i). Son érudition élait déjà tel-
lement connue, que les écrivains les
plus distingués s'empressèrent de lui
confier la ])ublication de leurs ou-
A'rages. Il fut nommé, en lo^i ,
premier imprimeur ordinaire du
roi: mais il ne prit que rarement,
et seulement à la fin des livres sortis
de ses presses, un titre si honorable
alors , quand il n'était accordé qu'au
mérite. Il obtint, en 1 58 1 , la permis-
sion de le transmettre à §on fils Fe-
deric, dont l'article suit: et il mou-
rut sexagénaire, le 17 juillet ]583.
II avait toujours A'écu dans la plus
étroite union avec son beau-père, et
ils ont publié ensemble plusieui's
ouvrages •( ^. Mich. Yascosan ).
Maittaire a donné le Catalogue des
éditions de Féd. jMorel, parmi les-
quelles on doit distinguer celle des
ÎDéclaniations de Quintilicn , 1 565 ,
in-/i°. , mais surtout ['Architecture
de Philib. de Lorme. Outre quelques
petites pièces en grec et en latin , in-
sérées par Maittaire dans la F^ie de
cet im|n'imeur , on a de lui : I. Trois
traités de Suint-Chrysostome, traà.
en français : de la Providence, de
(1) Kri lul!:i Moiiii , c'était une espèce d'allusiou
à sju uuiu.
MOR 109
l'ame, de l'iuiniililé , 1^57, in-ifJ.
II. Discours du vray amour de
Dieu, raêm. ann. et mcm. l'orm. III.
De la guerre coniinnclle , et perpé-
tuel combat des Chrétiens contre
leurs plus grands et principaux en-
nemis, i5G4 , in-8". IV. Des Douze
manières d'alnts, extrait des œn-
vies de saint Cyprien , 1 57 i , in-8'\
W— s.
MOREL [ Federic II ), fifs aîné
du précédent, a élé l'un des plus sa-
vants hellénistes de son siècle. Né à
Paris , en i558 (i), il fut, après
avoir achevé ses études classiques ,
envoyé à Bourges , pour suivre les
leçons du célèbre Gujas. Ayant com-
paré avec le texte la version qu'xY-
myot venait de publier, d'une partie
des OEui>}es àe Plutarque, il trouva
que l'illustre traducteur n'avait pas
toujours rendu fidèlement le sens de
l'original , et il osa lui faire part de
ses observations. Amyot , Uàn do
prendre en mauvaise part la har-
diesse d'un jeune homme à peine
sorti de dessus les bancs, l'accueillie
avec bonté , et ne cessa depuis de lui
donner des marques d'un véritable
intérêt. Il succéda , en i58i , à son
père, dans la place d'imprimeur du
roi, et ce fut Amyot qui se chargea
de lui eu faire expédier le brevet ;
mais comme il fallait avoir vingt-
cinq ans pour pouvoir l'exercer ea
litre, ce ne fut qu'en 1 583 , qu'il mit
son nom à la tête des ouvrages qui
sortaient de ses presses. Il s'attacha
à donner des éditions également re-
marquables par leur beauté et leur
correction ; et il les enrichissait or-
dinairement de préfaces et de notes
(1) Tous ceux qui ont parlé de ce Federic Mt-rel
s'accordent à pl:iccr sa uaissauce en i3'i>. ; niais Sun
père ne s'est marié qu'en ijô- : il faut donc bi. ii
convenir qu'il n'rst né qu'en iJàS , et cille date c>t
d'ailleurs (Onllruiec par l'âge qu'U av^t en i^^' i
lursqu'il Cl jjraver son portru't.
xio MOR
iule'ressanlos. Fedcric avait qwusc
la lille do Léger Diichcsnc, profes-
seur d'cluqucuce an Collège royal ;
il obtint , en i585 , par le crédit
d'Amyot, la chaire de son beau-père,
(iiie son grand âge obligeait à prendre
sa retraite. Les nouvean\ devoirs
((lie lui imposait celte place ne ralen-
tirent point SCS travaux typographi-
ques; il ne laissait pas s'ccouler une
année sans publier quelques nou-
velles c'ditions d'auteurs grecs, avec
de savants commentaires , ou des
traductions dont le mérite est encore
apprécie. II s'associa, en j6oo, son
frère Claude Morel, et lui abandon-
na la direction de l'imprimeiie ; mais
il ne s'en livra qu'avec plus d'ardeur
a ia collation des manuscrits , et à la
critique verbale des anciens auteurs.
IjC zèle qu'il montrait pour le pro-
grès des lettres , ne resta point sans
re'corapensc. Henri IV augmenta ses
appointements de professeur, et lui ac-
corda différentes gratifications pour
faciliter l'impression d'ouvrages dont
le débit ne devait pas répondre à
leur utilité. Morel renonça, en 1617,
à l'exercice de son art: du moins ,
on n'a encore découvert aucun ou-
vrage postérieur avec son nom. 11
publia, en 1619, chez son frère,
une nouvelle édition du P lui arque
d'Amyot, améliorée par de nom-
breuses corrections, et un curieux
avertissement que Maittaire a inséré
dans les ntce tjpogr. Parisiens. , p.
i35. Il revint ensuite aux OEwres
<!c Libanius , dont la traduction ter-
mina une vie si bien employée ( F.
LiBAMUS,XXIV,43' )• Il était oc-
cupé de cette version , quand on
vint lui annoncer que sa femme ,
malade dangereusement , demandait
à le voir. « Je n'ai plus que deux
« mots, répondit-il; j'y serai aussi-
» tôt que vous. » Dans l'intervalle ,
MOR
sa femme expira , et on se hâta d«?
l'en prévenir : « Hélas, dit il, j'en
» suis bien marry , c'était une bonne
» femme ; » et il continua son tra-
A'ail (i). More! mourut, doyen des
imprimeurs et dis professeurs du
roi , le "^7 juin iG3o. Outre les nom-
breuses éditions qu'il a publiées avec
des préfaces, des avertissements et
des corrections , on a de lui : I. Des
Notes sur Strabon, Catulle, Tibulie
et Properce, les Sylves de Slace,
Dion - Chrysostomc , OEcuracnius ,
etc. II. Des Traductions eu vers
grecs de plusieurs Hymnes, ci des
Epigrammes choisies de Martial;
il a traduit en vers latins , une Tra-
{rèdie , dont le sujet est la fuite des
Hébreux de l'Lgypte ( P^. Ézecuikl ,
XIII , 584 ); un poème sur la prise
de Troie ( Iliacum carinen ; , par un
auteur inconnu ; les fiagmenls d'un
poème de Marcel - Sidetès , sur les
Poissons, considérés par rapport à,
l'utilité dont ils peuvent être pour
la santé ; en latin , l'ouvrage d'Hié-
roclès , sur la Providence , et les
Œuvres aratoires de Libanius ; en-
fin en français , Discours des Pères
grecs , 1604 , in - 8". , et quelques-
unes des Dissertations de Maxime
de Tyr, Paris, 1G07. in- 12. Cora-
lîe-Dounous , le plus récent des tra-
ducteurs de Maxime , parle avec
éloge de cette version ( F. Maxime
DE TvR ). III. Alexander Severus ,
tragœdia togata, iGoo, in-8". Le
portrait de Fed. Morel a été gravé
en 1617; et l'inscription qu'on lit
au bas , nous apprend qu'il était
alors âgé de Sg ans. — Nicolas Mo-
r.EL , l'un de ses llls , honoré du
titre d'interprète du roi , a inséré
quelques petites pièces de vers dans
(i") Coloiniès , qui rapporfe cftle anecdote . qu'il
assure tenir Je la bouche de Vossius , y a ojouti; des
parlicuWitcs pm Yraiseiublables.
MOR
ics éditions piiblic'cs par son père.
Il a traduit eu vers les Sentences de
Menandre el de Philistieii , et a don-
né , à l'exemple de quelques savants
de sou temps , l'Eloge de la pous-
sière ( Encomium pulvens ) , lOi 4.
W— s.
INIOREL ( Claude ) , frère cadet
du précëdeul , ne en \S']!^^ fut ad-
mis en lôgg , dans la corporatiou
des imprimeurs de Paris , et entra
eu société avec Marc Orry el Etienne
Prevosteau , pour la publication de
difterents ouvrages. Des l'année sui-
vante , sou frère le mit à la tète de
son atelier , qu'il lui céda entière-
ment, en 1617. Claude ne prit qu'eu
lô'iS le titre d'impriisieur du roi;
mais ou voit , par les éditions sorties
de ses presses , qu'il se servait long-
temps auparavant des caractères de
l'imprimerie royale. Il mourut, le iG
novembre 1 626, à l'âge de cinquante-
deux ans ( i ) , et fut inhume à Saint-
Benoît, dans letombeau de sa famille.
Quelques-uns de ses contemporains
ont loue son érudition et sou assi-
duité au travail : les belles éditions
qu'il a publiées , justifieraient assez
leurs éloges , si l'on ne savait pas
que l'houneir doit en revenir pres-
qu'enlici'ement à sou frère. Les plus
remarquables sont ciilesdes OEuvres
de saint Basile, de saint Cyrille , de
saint Grégoire de INazianze et de
saint Grégoire de Nysse , de saint
Épipbane, de saint Denys l'aréopa-
gite , de saint Justin , n'Eu«obe , etc. ,
d'Arcliimè'le , dePhilosîrate, etc. —
MoREL ( Charles ) , son fils aîné, na-
quit vers itto'i , fut reçu imprimeur ,
en 1627 , et titré iuipiimeur du roi,
dès l'année suivante, il s'attacha sur-
tout à donner de nouvelles éditions
O) C'est Vâge qu'on lui donne au basds sou pyv-
MOR 1 1 1
des Ouvrages des Pères grecs. Il re-
nonça, en 1O39 , à l'exercice de sou
art , acquit une chargr de secrétaire
du roi, et mourut vers iG4o , si l'on
en croit Lottiu ( Calai, alphabet. ,
11 , p. 1 28 ) ; mais on est obligé d'a-
vertir que ce n'est pas un guide tou-
jours sûr. — Son frère , Gilles Morel,
luisuccédadanslaplaced'impriraeur
du roi , qu'il remplit jusqu'en 1646.
Il céda ses presses à Cl. Piget , son
associé , acheta une charge de con-
seiller au grand-conseil, et mourut ,
dit-on, vers i65o.Il n'a public qu'un
petit nombre d'éditions , mais d'ou-
vrages importants ; le plus considé-
rable est la Grande Biblioth. des Pè-
res, ea 17 vol. in-fol.: on trouvera
dans les Fitœ tjpoi^raph. Paris, de
Maittaire , déjà citées, tous les rei>
seiguements qu'il a pu rassembler
sur ces imprimeurs et sur les ouvra-
ges sortis de leurs presses. W — s.
i^ïOREL ( Dom Ropert ) , bénédic-
tin delà congrégation de Saint-Maur,
d'une éminenle piété, était né, eu
16.53, à la Chaise-Dieu, petite ville
d'Auvergne, de pannts qui tenaient
un rang honorable dans la province.
Sa vocation l'appelait à la vie mo-
nastique ; et il prit l'hibit de Saint-
Benoît , eu 1672, dans l'abbaye de
Saint -Faron de Meaux. Envoyé par
ses supérieurs à Saint- Gcrinain-des-
Prés pour y achever ses cours de phi-
losophie et de théologie , il fut fait,
en 1 680 , bibliothécaire de cette ab-
baye. 11 ne conserva pas long-temps
cet emploi, auquel on peut conjec-
turer qu'il n'était point propre : il
remplit, avec plus de succès, la char-
ge de prieur dans difFérentes mai-
sons ; mais la .surdité dont il était af-
fecté, le força d'y renoncer, et s'ctant
retiré à Saint Denis, il y partagea son
temps entre les devoirs de son état et
la rédaction de plusieurs ouvrages
112 MOR
asceliqucs, qu'il ne publia que sur
l'invitation de ses supérieurs, Dom
Morel mourut le :h) août 1731 , à
l'âge de soixante dix-ucut' ans, en rc'-
putation de saiiilcle. Tous les ecclé-
siastiques et les pci"Sonnes les plus
distinguées de la ville de Saint-De-
nis assiitèrcnl à ses obsèques. Son
portrait, peint à son insu par Res-
tout , a e'tc grave par Larmessin , in-
fol. On trouvera la liste de ses ou-
vrages dans le Dict. de More'ri , éd.
de 1 7'j9, et dans VBist. littéraire de
la congiégat. de Saint- Maur, par
D. Tassin. Les principaux sont :
I. Entreliens spirituels, en forme
de prières , sur les Évangiles; — sur
la Passion de Jésus -Christ; — sur
l'Incarnation , etc. II. Effusions de
cœir, ou Entreliens spirituels et af-
fectifs d'une ame avec Dieu sur cha-
que verset des psaumes et des canti-
ques, Paris, 1716, 4 vol. in- 12. Cet
ouvrage , dit D, Tassin , est un
chef-d'œuvre en son genre; les peu-
.sées eu sont très-judicieuses , et les
expressions pures et fort touchantes.
III. \J Imitation de Jésus-Christ,
traduction nouvelle, aA^ec une elïïi-
sion de cœur à la fin de chaque cha-
pitre , etc. , ibid., 1 7 22 , iu-i 2. Le tra-
ducteur , conformément à l'édition
qu'il avait sous les yeux, n'a point
employé la distinction du texte par
versets , peut-être à cause de ces ef-
fusions de cœur, plus longues parfois
que les chapitres mêmes ; double
motif qui a pu nuire au succès cons-
tant de sa version , supérieure par
l'onclion et la pureté à la traduction
dite de Gonnelijen et à celle de l'abbé
Débonnaire. Suivant M. Barbier, le
pieux auteur a beaucoup profité de la
traduction de Sacy ( Voy. Dissertât,
sur soixante trad. françaises , etc.,
il. 67 ;. On voit toutefois que dom
^lorel cherche à traduire plus fidè-
MOR
Icmcnt que Sacy ; qu'il suit une c'di-
tion latine dilTércnte, et qu'il se sert
avec plus de discrétion de la ])ara-
phrase que ne l'avait fait l'écrivain
de Port-Royal. La Bihliothctjue jan-
séniste seîuble faire entendre que le
nouveau traducteur aurait publié le
livre de V Imitation , sous le noni de
Jean Gersen , prétendu abbé de sou
ordre , tandis qu'il l'a donné sans
nom d'auteur : il s'est seulement con-
formé à l'édition ( des Bénédictins )
qu'il a crue la plus correcte, comjnc
faite d'après d'anciens manuscrits ;
et il en pré\ ient le lecteur. IV. i)[c-
ditatinns chrétiennes sur les évan-
giles de toute l'année, ibid. , 17 .'.(3 ,
in-4''. , ou 2 vol. iu- 1 '2. V. De l'espé-
rance chrétienne et de la confiance
en la miséricorde de Dieu, ibid, ,
1728; réimprimé en i']^^ , in - 12.
On peut consulter, pour plus de dé-
tails , 1' Oui>ra^e de D. Tassin , déjà
cité. W — s et G — CE.
MORELL (André), naquit à Ber-
ne en Suisse, le 9 juin 1G46. Ce fut
un saA aut distingué. Ses connaissan-
ces en numismatique égalèrent, si
elles ne surpassèi'ent pas celles de
tous ses contempor.'iins. Ses études
commencées à Saint-Gall, furent con-
tinuées à Zurich , et terminées à Ge-
nève, La nature l'avait doué dune
mémoire prodigieuse et d'une rare
pénétration. Ses rapides progrès dans
l'histoire développèrent bientôt son
goût pour la numismatique, qu'il re-
gardait comme une des bases essen-
tielles des connaissances historiques ;
et d apprit à dessiner , afin de se icn-
dre cette science plus familière. Char-
les Patin, qui avait déjà publié plu-
sieurs volumes de numismatique ,
l'ayant rencontré à Baie, fut enchan-
té des heureuses dispositions qu'il
reconnut dans ce jeune Suisse ; il se
lia d'une étroite amitié avec lui^l'aida
MOR
de SCS conseils, de son expérience , et
lui prodigua tous les secours dont il
avait besoin. Morell \int à Paris en
iGBo. Prcccde' [Ktr sa rcnoninic'c, il
fut admis dans l.i société des savants
et des gens de lettres que le duc d'Au-
mont reunissait cliez lui, et y fut ac-
cueilli par (les hommes du premier
mérite, qui lui conseillèrent d'entre-
prendre la publication générale de
toutes les médailles anticpies qui exis-
taient alors dans les divers cabinets
de l'Europe, en y joignant des com-
mentaires sur celles qui avaient déjà
été' puîdiées , et des dissertations sur
les pièces inédites. Cette tâche lui pa-
rut digne de son zèle et de ses elforts.
Il donna, en iG83, un essai de ce
grand ouvrage, sous le titre de Spé-
cimen nniversœ rei nuni'iiarice an-
tiquœ. Rainssant, alors conservateur
du cabinet royal des médailles, ob-
tint l'agrément de Louis XIV, pour
s'adjoindre Morell, qui, de ce mo-
ment, rejeta les offres avantageuses
que lui avaient faites les cours de Co-
penhague et de Berlin, et se livra
avec une ardeur infatigable à la
classification et à l'arrangement du
ïiche cabinet conlié à ses soins. Les
profondes connaissances qu'il mon-
tra dans l'exercice de sa place (i),
furent appréciées comme elles de-
vaient l'être, par Vaillant et Noris ,
les deux plus célèbies antiquaires de
cette époque , et qui le seraient peut-
être encore de la notre. Lorsque son
travail au cabinet du roi fut achevé,
la récompense qu'on lui avait pro-
mise se Ht attendre; il s'en plaignit
d'une manière inconvenante, et déplut
au ministre Louvois, qui le fit met-
(i) U s'y familiarisa tellement avec la roniiaisean-
ce du protil de t.ules les lêles de la série des médail-
les iinpiTia'es , qu'il pouvait les ilessiner toutes , de
mémoire , d'une luauit're fort rcssembîaule. Voyez
sa Vie , par J. G. Alluianu , daus l'Aile und /l'eiic
aus den geiehilen JJ-elt , 1718, t. V, p Sig-SjG.
5.XX.
MOR !i3
treàlaBastnic, en juillet 1O88. Re-
lâché, à la prière de ses pr(jlecteurs
et de ses nombreux amis, il ne tarda
pas à être de nouveau incarcère
( 1690)5 et ce qui doit paraître assez
remarquable, pendant tout le temps
que dura sa disgrâce près du minis-
tre, il continua de jouir de la bien-
veillance de Louis XIV. C'est lui-mê-
me (pii le dit, avec l'expression de la
plus vive recoui-aissance, dans une
lettre à sou ami Périzouius, iusérée
dans la préface du Thésaurus. Le
gouver rement de Berne fut obligé
cette fois d'intercéder pour la mise
en liberté du prisonnier: elle lui fut
accordée ( i6nov. 1691 ); et il retour-
na daus sa ville natale. La mort de
Rainssant (,iG8g)ayantlaissévacaute
la place de couservatcnr des médail-
les du cabinet du roi , elle avait , dit-
on, été offerte à Morell, à condition
qu'il embrasserait la religion catholi-
que ; mais ne voulant ni faireviolence
à ses principes religieux, ni s'exposer
à de nouvelles persécutions , il avait
tout refusé, et la place fut donnée à
Oudinet. U est peut-être curieux au-
jourd'hui de voir comment s'expri-
me, à son sujet, le père Jobert, jé-
suite: « ]\L Morell est certainement
«l'honneur des antiquaires; aussi
» aimable par sa probité, sa candeur
» et son désintéressement , qu'il est
» admirable par son génie, son in-
» dustrie et son application , qui pas-
» sent ce que l'on peut imaginer dans
» ce quiconccrne lesmédailles. Eiifiu
» c'est un génie rare , à qui rien ns
» manquera, lorsque Dieu lui aura.
» fait connaître la vérité de la re-
» ligion catholique. » Ses bridantes
espérances s'étaut évanouies en quit-
tant la France, il no put subvenir
tout seul aux frais énormes qu'eutrai-
nait le vaste plan de son ouvrage; de
sorte que ses UavaiLX languirent. Le
8
ii4 MOR
chagrin s'cjnpara de lui ; ol sa santé
s'altc'ra Icllcmeul, qu'il eiil la moitié
du corps paralysée, et lut obligédeie-
noucer à tenir la plume ou le crayon.
Cependant, en 1694, le comte de
Schwartzeuburç; - Arustad , grand
amateur de modadles, l'appela près
de lui (en Thuringe), pour avoir
soin de son cabinet. 11 l'autorisa mê-
me a faire une excursion en Hollan-
de et à Berlin, pour visiter les cabi-
nets des curieux et enrichir le sien.
Notre antiquaire ne put jouir long-
temps du bien-être et de la tranquil-
lité qu'il goûtait au château d'Arns-
tad : une chute de voilure, où il se
démit l'épaule (1699), et une attaque
de paralysie , le lorcerènt de sus-
pendre ses travaux , et il succomba
à ses souffrances, le 1 1 avril 1703,
avec le regret de n'avoir pu terminer
rouvragedenumismatiqnequ'il avait
conçu sur un très-vaste plan, ainsi
que nous l'avons dit plus haut. Ha-
vercarap recueillit les matériaux
e'pars de cet ouvrage, et publia , en
i'7 34, Thésaurus Moreliianus , sive
familiarum Romanarum numisma-
ta omnia, en 1 vol. in-fol. , dont un
vol. de planches et un vol. de texte.
Le volume de planches offre la réu-
nion la plus complète qui ait jamais
été faite des médailles consulaires
disperséesdanstouslescabinetsd'Eu-
rope, dessinées sur les originaux, de
la main même de Moi-ell , et gravées
ensuite sous ses yeux. Nous pouvons
assurer qu'il a rendu avec nnc vérité,
un art et un talent remarquables, le
caractère des figures , tel qu'il est sur
chaque médaille. Il est à regretter
qu'Havercamp , entraîné par le mo-
tif bien louable sans doute, celui de
donner à Morell tonte l'illustration
que méritaient ses travaux, ait voulu
accumuler sur la description de cha-
que médaille, non-seulement les com-
MOR
mentaircsd'Eri/.zi,Orsini, Vaillant,
Morell et autres, mais encore les siens
propres , pour critiquer à tort et à
travers ses devanciers , et former de
nouvelles conjectures , plutôt faites
pour embrouiller la matière que pour
l'éclaircir- d'où il résulte que l'ama-
teur qui considte cet ouvrage, voit,
il est vrai, d'un coup-d'œil , tout ce
qui a été dit, depuis Goltzius jusqu'à
Havercamp, sur les divers types des
médailles consulaires : mais il lui res-
te à prendre parti entre les opinions,
trop souvent contradictoires, des
commentateurs; et l'embarras oùilsc
trouve, diminue sensibleraeut l'inté-
rêt de ces commentaires !'i). Morell
avait aussilaissé, en manuscrit, l'his-
toir'i numismatique des douze pre-
miers empereurs romains. Havei-
camp , Schlcgel et Gori , se réunirent
pour la publier avec d'amples com-
mentaires : c'était l'usage alors. L'ou-
vrage parut en 1752, sor.s le titre de
Thesauri MorelUani numismata aii-
rea, argentea, aerea^ cujusque mo-
duUxiipriorum imperatorum, Ams-
terdam, 3 vol. in-fol. fig. A l'excep-
tion des planches qui, ainsi que
celles des familles consulaires, ont
été gravées sur les dessins et sous les
yeux de Morell , et qui sont la partie
la plus reconimandable de cet ouvra-
ge, on peut dire qu'il règne, dans la
classification et l'arrangement systé-
matique des médailles, une telle coii-
fusidû, ainsi que dans les explica-
tions et les commentaires élaborés eu
commun par ces trois savants, qu'il
(i^ Le iL^utiscrit autographe du grand ouvrage do
M^^rell, iiitilulé : yiim'smatn res^um , tirbiitm ^ po-
pulorum ^Jamiliitritm Somnnanirn , Au^ustorutu eC
Ctje^tmtm^ eu 6 vol. . pet. in-4^., api es avoir passe de
la hibliotlièque de Poz.e ( uo. ïijS ) ."i celli; di' CoKe
( no. ii.7 j ) . puis à celle de Vau Daniiue no 5,ii ).
est acliK-lUniuit dans celle du barou \Vt stree n u de
Titllandt, à la Uay , ainsi que les luaaiiscrits aulo-
grnplies de Gollviuh, de Peiresc , et cul des A»-
inism. crrea m Colonits yeicu.'sa, de Vaillant, enri-
chi de uambrcuset additiouf dv la maïu de MorelU
MOR
(nI crunc exlrêrnc dinirnlie, an nii-
iicii lies diverses liv|)<>lluscs loiii-;i-
to'irsoiitcmies cl coiiihaltiies paieiix,
de pouvoir discciiicr le bon du in.iii-
vais , l'utile de riiuililc, le vrai du
faux : de sorte qu'il est à - pou - pri\s
gcuc'ralcmcul reconnu t]ue le seul mé-
rite réel de cet ouvrage est dans les
planches. Ou connaît encore d'Aiiurc
Morell une Lettre (latine) à Pcri-
zonius, De numinis consul uriOus
( 1701 ), in-4°. , 17 i3, in-12, et
dans V Elccta rei nanimarUe , de
Woltercck, p. l^'i )• — une fiCitre au
chevalier Fountaiue ( i 708, iu-4°. ) ;
et d'autres à Henri Haas , dans les
Mémoires ( BeytrcTgc ) d'histoire
et de littérature, de^Ch. F. Lub.
Haas, Marbourg, 1784, in-B",, p.
si88-'2i)3. F. la Vie d'André Morell ,
écrite en latin par A. P. Giulianelli ,
et pidjliée en 1752, par Gori, à la
tète de sa ColumnaTrajana , ou-
vrage auquel Morell avait eu beau-
coup de part. A — r.
^ MORELL ( Thomas ) , naquit à
Eton , en Angleterre, le 18 mars
1703. A douze ans , il entra comme
boursier à l'école de sa ville natale ,
d'où il passa au collège du Roi , dans
l'université de Cambridge , et il y
prit le degré' de maître-ès-arts. Plus
tard , il se fit recevoir docteur en
lliéulogic. La (îure de Kew lui fut
donnée en 1731 ; et il y joignit, pen-
dant quelque temps, celle de Tvsic-
kcnham, joli vill ige que Pope habita
plusieurs années, et qu'il a rendu fa-
meux. Morell fut nommé, eu 1 737 ,
recteur de Buckland,et, eu 177^,
chapelain de la garnison de Porls-
mouth. H mourut, le 19 février
1784 , après avoir consacré sa lon-
gue vie à la pratique de ses devoirs
ecclésiastiques, et à la culture des lan-
gues anciennes ; après avoir enfui,
par d'utiles ouvrages et par de bons
MOR 1 1 j
exemples , propagé l'amour de la
icligion , et celui de la iilte'rafurc
classique. Ce savant estimable a été
un peu négligé par ses contempo-
rains; mais la postérité le traite avec
plus de justice. Les services qu'il a
rendus aux bonnes éludes, furent im-
portants : leur utilité est permanen-
te ; et le nom de Morell sera honoré
tant que l'éiudilion sera elle-même
en hoimciir. Ses principaux ouvra-
ges sont : L Ukc collection de poè-
mes tliéologiqucs , tant originaux
que traduits , avec des notes , Lon-
dres, i73'^-3G. IL Une édition des
Contes de Gantorbery.pai- Chaucer,
avec les imitations modernes, Lon-
dres , 1737. IlL Une eViition des
OKuvres de Spencer, 1747. IV.
L'Hécube, l'Orcste, les Phénicien-
nes et l'Alceste d'Euripide, avec les
scholies anciennes , et des notes
Londres, 1748. Dans les trois pre-
mières pièces , il a en général répété
le texte de King; mais la recension
de l'Alceste est neuve, et lui appar-
tient. V. Une traduction anglaise de
l'Hccube, avec des notes relatives
principalement aux antiquités : celte
traduction est faible , s'il faut croire
ce qu'en disent les critiques anglais.
VL Une édition du Prométhéc d'Es-
chyle , avec les scholies, des notes
sur le mètre, et une traduction an-
glaise, en vers Lianes. « Le soin et
» l'exactitude que Morell a mis dan»
» ce travail , sont, dit un biographe ,
» grandement méritoires. La tra-
» duction n'est pas imprégnée du
» feu d'Eschyle; mais les jeunes étu-
» diants en ont bien prulite. » VIL
Deux Lettres ( dans les tomes 3 et 5
de [' .-Irchœologia Brilawiica ) sur
deux inscriptions grecques , trouvées
à Corbridgc , dans le Northuraber-
laud.Vlll et IX. Des éditions correc-
tes et soignées du Lexique grec de
8 .
iiô MOR
Hédéric, et du Dictionnaire latin de
Ainsworth. X. Theuiuais ^rœcie
poëseos , etc. . Élon , l 'jG'.i. Cet ou-
vrage , qui est le cli •(' d'(i.'nvre de
Morell , est fait à l'iinitalion du
Gradus ad Farnassnni. Au coni-
mcncemoiU est un excellent traite des
dificrenies espèces de nicsnres, rédi-
ge sur le.s pnfcepfcs d Héphestion
et des sclioliastes; précepîcs, il est
vrai , parfois contestables , mais
qu'il est utile que les jeunes j^ens
connaissent, avant de se jeter dans
de plus hautes théories. Le P. Labbe,
Smith et d'autres, avaient fait des
recueils de sj^nonymes et d'épi-
thètes; mais ces ouvrages incom-
plets et insuftlsauts, n'étaient que
d'un faible secours pour les études
classiques. 3Iorell a réuni , avec
un travail immense , tous les mots
des poètes , en a montré la quantité
par des exemples, y a joint les épi-
thèles , les synonymes et les ph rases ;
en un mot, il a donné au Gradus
grec la richesse du Gradus latin.
Toutefois le Gradus latin a un avan-
tage de plus ; c'est d'olîVir les signes
de la quantité , qui manquent au
Gradus grec : il faut la conjecturer
d'après les exemples ; mais ce tra-
vail, fort aisé, il est vrai , quand
Jes vers cités sont des hexamètres et
des pentamètres, peut embarrasser les
commençants, lorsque les exemples
sont pris dans les iambes des poètes
dramatiques; et it est au-dessus de
leurs forces . et peut arrêter même
les maîtres et les professeurs, quand
le lexicographe ne s'appuie que
sur des ]iassages lyriques , dont la
mesure est souvent incertaine, et
même, quand elle est certaine, n'est
pas toujours facile à reconnaître,
îji dans le Gradus latin il fallait
deviner la quantité d'un mot d'après
les vers lyriques d'Horace, les chœurs
MOR
de Sénèque, les poésies bigarrées
d'Ausone, de Prudeiîce et de 3I.ui-
rus, ou d'après les mètres trop libres
de Piaule et de Tcrencc, que de fois
l'élève hésiterait! «jne de fois il se
tromperait ! Tel est le défaut du Tre'-
sor de Morell : et il est capital.
Néanmoins ce livre était important,
utile , nécessaire, et le succès en fut
grand. On lecontrelit même; ou, si
l'on aime mieux, on le réimprima,
en 1768, à Venise. Cette réimpres-
sion n'est pas belle; mais elle sem-
ble faite assez correctement. Toute-
fois l'original sera toujours proféré,
tant à cause de la supériorité mani-
fosle de l'exécution, du papier, et
des autres accessoires typographi-
([ties, que pour un fort beau portrait
de Morell, gravé d'après un dessin
du célèbre Hogarth. A côté du vieux
savant, dont la mine et le costume
ne manquent pas de bizarrerie et de
singularité, on voit un petit orgue »
sou instrument favori : car Moiell
était un grand amateur de musique;
et c'est même lui qui a composé les
paroles , que l'on dit excellentes , des
oratorios de Haendel (1). En 181 5,
le D'. Maltby a donné, à Cambridge,
une édition considérablement aug-
mentée du Trésor de Morell. Nous
n'avons pas encore été à portée d'ap-
précier par nop.s mêmes ce nouveau
travail : mais l'on s'accorde généra-
lement à en faire l'éloge. De bons
juges disent que les additions faites
par l'éditeur sont de la plus hauie
importance; qu'il a exactement posé
la quantité des syllabes, et ajouté
une foule d'exemples , toujours
(1) Feu M. Bast, pour le dir.^ en passant , avilit
a¥<>o Morell . ce point (ie ressemhiarco. i: était r orn-
iiie lui rt plus t|iie lui , erudit et plii'o!ogu> ; ( rom-
me lui , il cultivai ù. la-fois 11- ■j,rec et la umsiqup.
M'izart avait éle son luaitrr; son ex<< iilioii sur le
piano était presque de U secoad« foice i it éUU siur-
tuMl graud tlisoricieu.
MOR
clioisls avec un iroût cxcinis; rpi'il a
traité, avec ii:ie ciiticjiio et une érii-
dii i on ieniarf[naijir.,i»l!i.''i"»i"''i points
dilliciles, i'ursis et la thcsi.s par
oxera[)le, V accent et le coiij/ melri-
que; en nn mot, qu'il a lait de ec
dictioiHKiirc un ouvrpge indispensa-
ble à tous ceux qui veulent ac(|ucrir
nue connaissance aprofondic de la
prosodie grecque. Ils ajontont que
ce livre,est un chef-d'œuvre de ty-
pofjraphie, et peut-être, en fait de
littérature classique, le plus beau
qui soit sorti des presses anp;laiscs,
qui, depuis quelques années surtout,
ont produit tant d'adinir.il)les ou-
vra {^cs. XI. En 1771, BlorcU fut
l'cditeuret le rédacteur du Catalogue
de la bibliothèque de M. Cliild. Ce
catalogue, qui forme un beau volume
in-4". , a été tiré seulement à vingt-
cinq exemplaires. La bibliothèque
de M. Francis Cliild avait été for-
mée primitivement par M. Bryau
Fairfax. Parmi les magnifiques et
rares curiosités de cette riche collec-
tion, étaient la Bible de 14G2, sur
vélin , et les Offices de Cicéron , de
iI^tîG , également sur vélin. M.
Francis Child en était devenu pos-
sesseur, en 1761 , pour une somme
de 9,000 livres sterling, et elle fut
fondue , en 1782, dans la biblio-
thèque de M. Robert Ghild. Ce M.
Fairfax , grand collecteur de mé-
dailles, de marbres, d'urnes, et de
tableaux, avait été propriétaire de
la portion des tables d'Héraclée que
Maitîaire a publiée. A sa mort, ce
précieux débris fut acheté 4'i livres
stcrl. , par M. Cartcret Webb, qui,
en 17O0, l'offrit au roi de Kaplcs.
En retour, le roi lui donna une
bague de diamants , estimée 3oo li-
vres sterling. C'était royalement
payer une antiquaille , un morceau
de vieux bronze. Il al vrai que co
MOR
117
frafjmenl complétait un monument
fort cuiieux, important même , au-
lanl que peiivt-nt l'être aujourd'hui
des ins(ii])(iuns delà (îrande-Grèce,
et ({ui, restitué [jar celle adfliiion à
sa première inJegiité, est devenu un
des plus preVieux ornements du
musée de Naj)les. Ces détails nous
ont écartés de notre sujet; juais ils
sont peu connus , et ils intéressent
l'histoire littéraire. Comme nous le
disions en commenrant, le zèle avec
lequel le D'"- Morell cultivait les
leUres profanes, ne lui faisait pas
négliger les graves devoirs de son
état. II prêchait souvent, et plusieurs
de ses sermons ont éié itn primes.
Pins d'une fois aussi les produclions
de sa musc furent consacrées à des
sujels pieux. Il soutint même une
vive controverse avec les méthodis-
tes, secte de fanatiques rigides, dont
les progrès , de jour en joîU' plus
étendus et plus eifrayants, menacent
la religion dominante. Non content
de s'en prendre à leur doctrine, leur
nom même lui fournit des armes
contre eux. Il le dérivait du grec
Mtêoê'ta. , qui quelquefois signifie
J'use, machinatinn perfide, ou de
Méoè'ivitv , qui a le sens de trom~
per. En effet , c'est de MiSoàict qv.e
saint Paul se sert peur désigne!' les
piéf^es du malin Esprit, II csi juste
d'ajouter que de pareils arguments
sont moins philosophiques que sati-
riques; et, probablement , la théo-
logie et la logique de Moicb avaient
encore d'autres ressources. On a
publié, depuis sa mort, des Remar-
ques sur le Traité de rEuiemlement
br.inain de Locke, qu'il avait écrites
par ordre de la reine, cl une excel-
lente Traduction des Énitres de Sé-
nèque, dans laquelle il a su imiter,
avec une élégante fidélité, la manière
de l'auteur. « Vieux comnie mo vg»-
it8
IMOR
w là , dit quelque part le traducteur ,
•» je n'ai pas reçu d'injuic qu'il ne
» lut aisé de pardoiuicr; ui connu
» do malheur (jui ne iùl supportable,
» et qui, de la manière dont va le
V monde, ne fût plus di^ne d'un
w sourire de mépris que d'une lar-
•» me, » Cette confidence l'ait aiaaer
l'honncle vieillard ; on voit avec
plaisir qu'il a dû passer une heu-
reuse vie , se consolant de quelques
amertumes lé;;ères par les charman-
tes douceurs de la retraite, de l'étude
et des arts. B — ss,
MORELLET ( Anot.e ) , de l'aca-
démie fraiiçaisc, naquit à Lyon, le 7
mars 1 7 .17 , d'un marchand papetier.
Après qu'il eut fait ses prcmiiires
études au collège des Jc,sui;es de
cette ville, son père l'en fit sortir,
à l'âge de quatorze ans , pour l'en-
voyer à Paris au 5e /?î mat re des Tren-
te-Trois. Le jeune élève dut aux
succès qui l'y distinguèrent, son
admission en Sorbonne. Il passa
cinq années dans cette maison célè-
bre, livré, mais non pas exclusive-
vement , aux études théologiques : il
se délassait de Morin , de 1 ourne-
ly-, de Spiuosa , de Cudvvorth , avec
Locke, Butlon , Bayle, Voltaire,
etc. lient en Sorbonne, pour com-
pag:.ons d'études . qultpies jeunes
gens qui, depuis, st. 1.! devenus des
personnages importants ^(ans l'Égli-
se eî djii5 l'état. Ou doit citer parti-
adièremeut MM. de Lomci.ie de
Bricnnc et Turgot, imbus déjà l'un
et l'autre des principes de la phiio-
so])hie qui coramen(;ait à devenir
celle de leur siècle. Les trois jeunes
abbés traitaient entre eux des ques-
tions d'un haut intérêt; ils cher-
chaient à. s'éciairer sur les éléments
de la richesse et du bonheur des na-
l/ons. Ce ne fut que pendant les der-
nières années de son scjcur en Sor-
MOR
lionne, que l'abbé Morellct fit con-
naissance avec Diderot et d'Alem-
bert , qu'il n'a jamais cessé de comp-
ter au nombre de ses amis. Eu 1 ■j.j^ ,
il se chargea de diriger l'éducation
du (ils de l\i. de la Galaizière , chan-
celier du roi de Pologne , et céda vo-
lontiers à la demande qu'on lui fit
d'accompagner son élève en Italie.
L'appartement que l'abbé Morellet
occupait à Rome, se trouvait voisin
d'une immense bibliothèque, toute
composée de théologiens et de cano-
nistes. Curieux de parcourir ce fa-
tras , il tomba sur le Direclorium
inquisitorum ( F Eymeric ) , et ré-
solut d'eu donner un extrait , sous
le titre de Manuel des Inquisiteurs.
Ce recueil parut en 176'^ , grâces à
Malesherbes , ami de l'auteur, qui
n'hésita point à en favoriser la pu-
blication, dans un pays où la dou-
ceur du gouverucmeut ne permettait
de crainclre l'effet d'aucune allusion
fâcheuse. De retour à Paris , Mo-
rellet fut introduit dans ces sociétés
vantées, oii l'on n'était admis que
présenté par des hommes dont la ré-
putation était faite, ou sur la recom-
mandation d'un nom déjà connu. Une
conversation à-la-fois solide et mali-
gne, sans être caustique, ime hu-
meur enjouée, un caractère droit et
ferme, rendaient son commerce
agréable et sûr: aussi fut-il très goû-
té , chez M'"^". Geoffiin , de tous les
hommes de talent que cette maison
réunissait; et, dès ce moment même,
il gagna la bienveillance de cette da-
me, qui bii témoigna de l'attache-
ment jusqu'à la fin de sa vie. On lui
trouvait quelque chose du tour d'es-
prit de SvNift. Divers petits écrits ,
qu'il publia dans le même temps ,
contre Lefranc de Pompignau , et
contre Palissot, sont en elFet remplis
de ce que les Anglais appellent fiu-
r»i()u
mouv , expression qu'ils scinhieut
nous avoir fin jîruiitce, pour lui dou-
ucr un sens qu'dlc a pcitlu clans no-
tre langue. Palissot venait de faire
jouer sa comédie tics PhiloiO]yhci :
il y désignait plusieurs amis de Mo-
rellet avec la licence et l'effronlerie
(l'Aristopliaue. Ce fut pour les ven-
ger , que ce dernier écrivit la Pré-
face des Philosophes , ou Vision
de Charles Falisj.ot , plaisanterie
assez uiordantequi réussit beaucoup.
Mais l'abhé iMorellel avait eu l'im-
prufleuce d'y jeter un trait im peu
vif contre la princesse de Robecq ,
connue par son aversion poar les
ptilosoplies. Le paruphlet pirvint
à cette dame , comme en\ oye lie
la part de l'auteur. C'était une per-
fidie de ?alissot. M'"^'. de Robecq
demanda vengeance au duc de Choi-
seul , et l'auteur fut mis à fa Bastille.
Il y resta deux mois ; ce fut au cré-
dit de la marée lialc de Luxembourg,
et surtout au zèle de J.-J. Rousseau,
qui la fit agir, qu'il fut en grande
partie redevable de sa liberté. ISous
n'oublierons pas un procé iégénéreux
par lequel il s'hou', ra pendant sa
détention. Six semaines s'étaient é-
coulées , sans qu'il eût été permis à
Morellet de sortir de sa chambre.
Au bout de ce temps, des ordres fu-
rent doimcs, pour qu'il pût se pi'O-
raener dans !a cour. Quoique cette
faveur fût assez légère, il était natu-
rel qu'il y mît un g^and prix. Ce-
pendant, api-ès en avoir profité deux
fois, il observa que, pour lui pro-
curer le plaisir de la promenade , il
fallait qu'un autre en fût privé. Aus-
sitôt il pria le gouverneur de faire
jouir de cette grâce quelque 4 utre pri-
sonnier à qui ce soulagement pou-
vait < tre plus nécessaire. Le gouver-
neur accepta ce sacrifice , et la pri-
son de l'abbé jMoreliet se referma sur
MOR
110
lui. L'cfTet de ces petites persécOlions
passagères , exercées C'.utre des hom-
mes de lettres, ou de^ }<Iiilobophes ,
était presque toujours d'a|)p(.:;.'r sur
eux l'attention , d'exciter l'intérêt en
leur faveur, queiq^efois même de
les mctUeà la mode. I/albé Morel-
let i'dpiouva d'une m.'Miicrc .sensible ;
il dut a ses deux mois de captivité ,
un surcroît de considération, de
nouveaux amis , et surtout un redou-
blement d'affection de la part de
ceux qu'il possédait déjà. Pa:mi les
sociétés où son zèle pour la philoso-
phie le faisait rechercher , il plaçait
lui-mêrne au premier rang celle du
baron d'IlolLacb. Quoique la mai-
son de ce dernier fût comme le quar
tier- général des esprits - forts {F".
HoLBACu ) , les philosophes théistes
n'en étaient pas exclus. IL s'y trou-
vaient même assez nombreux, pour
tenir tête à leurs adversaires. On
pense bien que l'abbé Morellet ne se
rangea point parmi les apôtres de
l'atiicisme ; il fut au contraire un
des antagonistes qui les embarras-
saient le plus dans la discussion. En
I '-G6 , a la prière de Malesherbes , il
fit et pubha la traduction di: fameux
Traité des delit-^ et des peines , de
Beccaria. Cette traduction , où s'est
conservée tout entière la chaleur de
l'écrivain oiT^inal, eut sept éditions
en six mois. Beccaria s'eiupressa de
remercier J'aLbe Morellet d'un tra-
va.l par lequel le sien était amélioré.
« J'avoue, lui écrivait -il, que je
V dois tout aux livres français , et
)) surtout à mou tra-luefenr. » En
17G9, Morellet conuibiia. par des
écrits soliiement r^'isonnés sur la
Coiupapuc des Indes, à faire sup-
primer le privilège de cette associa-
tion,dont les alTiires étaient dans un
désordre tel . qu'il devenait impossi-
ble de la maintenir, sans de graves
120 MOR
inconvenieuts. C/osl vers la fin de la
mènic année , qu'il ])ublia le Pros-
pectus d'un nouveau Diclionnaire
de commerce i entreprise d'une hau-
te importance, qui l'occupa vingt
.tns entiers , et qu'il aljandoiU)a
ne'anraoins, non sans de vifs regrets,
à l'époque où la re'volution éclata.
L'abljc Morcllet a déclaré que l'a-
bandon de ce grand projet était le
tort de sa vie lilte'rairc. De 1770
à 1789, il composa diffi-rcnts cciits
plus ou moins importants. Ijcs prin-
cipaux sont: la Béfutation des Dia-
logues sur le commerce des blés, de
l'abljë Galiani ; la Traduction des
Jxecherches sur le style, de Beccaria;
la Théorie du paradoxe , brochure
pleine de sel et de vevA'e , dirie;e'e
contre Linguet; V Analyse de l'ou-
irage sur la législation et le com-
jnerce des grains , par INecker; des
Observations sur la Virginie^ tra-
duites de Jeffeison , etc. , etc. Au mi-
lieu de l'année 1772, Morcllet iit un
voyage en Ajiglctcrre, avec la mis-
^ioll d'en rapporter au gouvernement
quelques instructions relatives au
tomnicrce. Il eut a se féliciter de l'ac-
cueil qu'il reçut à Londres , de lord
Shelburne, depuis marquis de L.ms-
doAvu , dont il avait acquis l'araitie'
])endant un séjour de cet homme
d'état à Paris. Ce fut chez lui qu'il
connut Fi'anklin; et bientôt s'établit
entre eus un commerce d'estime et
d'attachement. Bîorcllet eut aussi
des relations avec les membres les
plus distingués dn parlement d'An-
j^leterre qui pensaient comme lui et
professaient les mêmes doctrines ])o-
liliqucs. Trois ans après , il goûta
la satisfaction qu'il desirait impa-
tiemment , de voir, cà Ferney , cet
liomme extraordinaire , qui , depuis
cinquante ans, lenipUssait du bruit
de &0» nom le niQiuie civilise. Vol-
MOR
faire l'accueillit. 11 aimait à trouver
dans les autres un peu de cette ma-
lice dont il pétillait lui-même. L'ab-
hé Morcllet était loin d'en manquer;
il y joignait des connaissances élen-
dnes et un zèle hardi, que le vieux
philosophe prisait encore davanta-
ge. Long-temps auparaA'ant, Voltaire
s'était exprimé sur son compte^ en
termes qui permettent de croire qu'il
le regardait comme un des plus fer-
mes auxiliaires du parti philosophi-
que. On trouve, dans une de ses let-
tres à Thiriot, en date du 19 nov.
17G0 : « Embrassez pour moil' abbé
» Mords-les. Je ne connais person-
» ne qui soit plus capable de rendre
» service à la raison. » Lié depuis
plusieurs années avec Marmontel ,
qu'illustraient déjà des succès liué-
raires beaucoup plus éclatants que les
siens, l'abbé Morellet voulut resser-
rer encore les liens de celte amitié,
en lui faisant épouser une de ses
nièces. C'est en 1777 que ce mariage
eut lieu. La nièce de Morellet était
très-jeune; et, malgré une dispro-
portion marquée dans l'âge des deux
époux, IMarmontel dut à celte union
le repos du reste de sa vie et le bon-
heur de sa vieillesse ( F. Marmon-
tel). Le gouvernement avait récom-
pensé plus d'une fois les travaux uti-
les de i'abbé Morellet; mais le motif
d'un nouveau bienfait, qu'il obtint
en 1783, est trop honorable pour
être passé sous silence. En signant
le traité qui terminait la guerre d'A-
mérique , lord Shelburne, placé ré-
cemment à la Icte du cabinet britan-
nique, et qui s'était opposé constam-
ment à la paix, déclara que, si sa
manière franche de procéder dans le
cours des négociations, avait paru
(ligne de l'approbation du roi do
France et de son ministère, le raé-
lite de ces dispositions apj>art(;uait
MOR
tiirtont à r.tbho JMoroliot, dont Ins
priiiciprs et les opiiiioiiv l'avaient
dirij^c. Sur le coinj)te tjiic Veif^ennos
rendit à Loiiis XVI de ce nt>ljie te'-
moignage, ce prince accorda, sur les
fonds des économats , !\ ooo francs de
pension à l'abbe' Morellet. Un hon-
neur littéraire, qu'il semblait ne point
espérer encore , l'attendait l'arnée
suivante. Il remplaça l'al-be' Millot à
l'académie française. 1 /académie fai-
sait eu lui une accpiisilion précieuse.
Peu de ses confrères possédaient au
même degré l'habitude et le talent
d'analyser les idées , de dédnir les
mots, d'y attacher le sens qui leur
est propre. Ce fut surtout dans ie
travail du Dictiotumirequ'U dtplova
le fruit de ses éludes sr.r le mécanis-
me et la philosophie des langues. Il
était alors , cojnme il n'a cossé d'ê-
tre à rinstilut,un des coopéra'eurs
les plus éclairés et les plus laborieux
de cet ouvrage mile. Quand les pre-
miers symptômes de la révointion
se manifestèrent, Moreliot, qui s'é-
tait toujours occupe de questions
d'intérêt public, se trouvait naturel-
lemcnt conduit à discuter celles dont
le gouvernement lai -même provo-
quait et recommandait l'examen. Il
les traita particulièrement, dans mie
correspondance avec le cardinal de
Brieune, d'abord membre de l'as-
semblée des notables, puis ciief du
conseil des finances, et enfin princi-
pal minisire. Ce prélat, dont iléîaît
l'ami depuis quarante ans , le con-
sultait, l'écoutait volontiers, mais se
contentait de l'écouter. Il parait qu'il
ne tint pas à l'abbé Morellet que M.
deBrienne n'évitai un grand nombre
■de fautes qui firent de son ministère
ime époque désastreuse , et qu'au lieu
de tâtonnements , de vues incomplè-
tes et de petits moyens , il n'adoptât
et u'eséculât des pians sagement or-
MOR lar
donnés et mieux appropriés aux be-
soins du ternj)s. Vers la (in de l'jHH.
quand la seconde assemMée des no-
tables eut délibéré sur la question de
savoir quelle forme on donnerait aux
états-gcnéraux, l'abbé Morellet pu-
blia des Observations sur la forme
des états de \(ji,\. Cet écrit, dans
lequel il défendait ro|)inion du bu-
reau de Monsieur sur la double re-
présentation du tiers-état, fut bien-
tôt suivi d'un autre, dont le but était
le même, et qu'il intitula : Bépunse
au Méinoire des princes. L'année
suivante, il en fit paraître deux nou-
veaux : liéjlexionsdu lendemain. —
Moyen de disposer utilement des
biens ecclésiastiques. Dans le prr;-
raier, il relevait le vice des opérations
i'ailes sur les biens du clergé ; il pro-
posait, dans le second, des mesures
d'équité qui n'étaient nullement du
goût des réformateurs. Il perdit, par
l'eiret des décrets de l'assemblée na-
tionaic, un très-beau bénéfice, et s'en
consola. Ghamfort avait écrit ( i ■jqi )
la diatribe la plus anit-re et la plus
perfide contre les corps académiques,
cCAï I J'amencr l'assemblée constituan-
te à suppr i:ner l'académie française
dont ilctait membre. L'abbé Morellet
répondit avec vigueur à la brochure
de ( handort, quoique celui-ci n'eût
pas manque de désigner d'avance les
défenseurs des académies ^ comme
des ennemis de la révolution. ( OEu-
vres de Ghamfort, t. i*^'"., p. ^43. )
] 1 osa pareillement braver les fureurs
du ])arii démocratique, en attaquant,
dans le Jou nal de Paris, la détes-
tal)]e doctrine de Brissot sur la pro-
priété. Nommé directeur de l'acadé-
mie fjançaise, en i7<)2, s'il ne put
la préserver de sa ruine, il empêcha
du moins que le vandalisme n'elFaçàt
les traces de son existence : il eut la
prudence hardie d'emporter cliczlui
i-i-i MOil
les archives, les regislics , les titres
fie cre'aliou de cette comp;igiiic, et le
manuscrit inciue du Dictionnaire.
Cet héritage d'un corps illustre resta
loug-tcmps en dépôt dans sa maison.
En iSoT), il en enrichit la bil>]iolhè-
qiie de l'Institut , où l'acadëinie l'a
retrouve. Après une sanj^lante et
longue tyrannie, le <) thermidor ar-
riva. Les événements de cette jour-
née menioraLlc ayant paru briser
les liens qui tenaient ia presse cap-
tive, l'ahîjé IMorellet rompit le si-
lence qu'il gardait ilepuis un an sur
les afïairos publiques. Il donna le
plus nolde eiempie aux écrivains,
en publiant le Cri des familles , ou-
vrage dans lequel il plaidait avec
force la cause des enfants et des
autres héritiers naturels de tous les
Français immolés par les tribunaux
révolutionnaires. C'est, d'im bout à
l'autre, l'élan d'une ame ardente, que
l'indignation soulève. La publication
d'un pareil écrit parut et dut paraî-
tre à l'Europe un acte du plus géné-
reux courage; car la tempête gron-
dait encore. Si Robespierre n'était
plus , son esprit lui survivait , et la
terreur n'était qu'à moitié désarmée.
Le Cri des familles produisit en
France une impression remarquable.
La voix énergique d'un écrivain vieil-
li dans ces sortes de butes, soutint,
enhardit , fortifia l'opinion , qui se
prononçait déjà pour la restitution
des biens des condamnés. Cette me-
sure, long-temps incertaine, fut en-
fin décrétée par la Convention , qui
se vit forcée de céder à l'ascendant
d'un vœu devenu général. Animé
par ce succès, l'abbé Morellct per-
sista sans relâche à combattre les
violences révolutionnaires , à sollici-
ter les réparations dues à l'humani-
té. Au Cri des familles succéda la
Cause des pères, plaidoyer en faveur
MGR
des pères et mères, aieuls et a'ieules
des émigrés atteints par diverses lois
cruelles. D'autres écrits du même
genre, sortis presque à-la-fois de sa
plume courageuse, attestèrent tout
ce que son ame conservait de cha-
leur, et son esprit d'activité; ils por-
tent les titres suivants : Supplément
à In Cause des pères ; — Nouvelles
réclamations ; — Dernière défende;
— ^^ppel à l'opinion publiijue ; —
Discussion du rapport fait par le
rcpre.sentanl yludonin. Do toutes les
pensions de l'abbé Morelht, il nelui
restait, eu 1797, qu'environ l'^oo
francs de rente , en inscriptions sur
îe grand-livre. Le besoin de se créer
des ressources , et de faire vivre sa
sœur, le jeta dans une carrière nou-
velle. Il se mit à traduire , de l'an-
glais , des vovages et des romans ;
on ne lisait guère alors d'autres ou-
vrages. Il traduisit: V Italien, ou le
Confessionnal des Pénitents noirs;
— Les Enjants de V abbaye ; —
Clermont; — Phédora ; — Cons-
tanlinople ancienne etmoderne ; —
le troisième volume du Forage de
T'ancouver; — les livres ix et x de
Y Histoire d' Amérique , de Robert-
son. Toutes ces traductions , formant
ensemble plus de vingt volumes ,
dont un iu-4°. , furent faites et pu-
bliées de 1797 à 1800. Cette oc-
cupation, qt:e ses travaux antérieurs
devaient lui rendre fastidieuse , il
ne l'interrompit \m moment , que
pour flétrir, dans un écrit plein d'é-
nergie , l'horrib'e Loi des Ota-
g;es , porlée le i-i juillet 1799. H
eut encore cette fois à se féliciter
d'avoir impmiément bravé le parti
des révolutionnaires. Lors de la créa-
tion de l'Institut, en l'an iv (179G),
il n'en fit point partie ; ce ne fut
qu'à la nouvelle organisation , en
1 8o3 , qu'il y fut appelé ainsi que ses
]\10R
anciens confrères à racaclciiiii: fran-
çaise , un seul excopte ( V . JMavby ,
XXVll, 573, à la note). Il fnt
compris dans la classe de la lanj^uc
et de la littérature fraucMises , et
nomme secrétaire de la commission
du Dictionnaire. En 1S07. il fiit ap-
pelé au corps législatif. Une consti-
tution sint^ulicrenient forte , tpi'tni
travail eonsf;int n'avait point altérée,
le défendait des inliniiilés do Xà\^c.
Le goût qu'il avait toujours eu pour
la musique , était devenu plo.^ vif
dans sa vieillesse. Il s'amusait à
composer des vers, et particulière-
ment des chansons. Ces petites piè-
ces, dont quelques-unes ont ètè pu-
blic'es , se font presque toutes re-
marquer par un mèlaijge de grâce,
de (inesse et de simplicité , qu'il ne
porta dans aucun autre genre de
composition. Une chute qu'il fit en
181 5, à l'âge de quatre - vingt- huit
ans , et qui lui brisa le fémur , le
laissa dans un état d'iuimobiiite sans
remède et sans espérance. Calme , se-
rein et résigne', il ne parut sentir
que la douleur des siens. Cet accident
ne changea rien à l'oidre de ses (ra-
A'aux habituels. Il sut même proHter
de la vie sédentaire à laquelle il était
condamné, pour choisir , dans ses
ouvrages inédits et dans ceux qui
avaient déjà paru, les écrit-- qu'il ju-
geait le pi. s dignes de fixer l'attention
du public; et , en 1818 , il publia
quatre volumes in-8^. , sous le litre
de Mélanges de lillérature et de phi-
losophie du dix-hnilièine iiècle ( ) ).
(i^ Le i^T^ volume renfenn-- l;s discours acadé-
iniqiies do l'auteur , y roiopris \'TiU>j^e de Iflarnion-
tel , et la ret'ufatiou de Clmmtort. Le ?.<>. , tout
eulier poleninjue , cnulient des iiLstrviiliuiis sur des
e^crils lexiioli'giques dir'i;és cuiilrc l'a< adriiiif ; li s Xi
et les poiin/iioi , )icrsiffl,ij;e couhe Poinpiguan . la
yisian de Paliisot , iX la critique des ouvrages de
Liiiguet et de M. de Chateaubriand. Des rcflexious sur
la liberté de la presse , sur les droits politiques à
Atheucs et à Kome , uu Tableau de la comuiuue de
IVIOÎI mZ
Il ne faut cheichcr dans les ouvra-
ges de l'abbé Murellet, ni réiégance
ni l'agréiuent d'un écrivain (pii songe
à plaii e. Incapabled'éprouveraucunc
s('duclion, on irait qu'il n'en veut
exercer aucune sur l'esprit de ses
lecteurs. Sa force la plus sûre était
dans une raison puissante; il veut
convaincre, et n'a point d'autre but.
Aussi négligeait-il presque toujours,
et comme à dessein , les ressources
de l'iinaginalion , les combinaisons
du style et les autres artifices du langa-
ge. Souvent même il n'est pas exempt
d'une sorte de rudesse, qui lient à la
nature des malièies qu'il avait trai-
tées pendant une longue partie de
sa vie , et à l'habitude d'une dialecti-
Paiis en I7Ç)3 , l'Avis de Franklin aux fai.seurs de
conslituliuii , uu extroil du .«ernjon de Swift pour
l'auuiier^aire de la uiiirt de Charles le'. , dis obscr-
vatious sur Us mois souverain , sujet , propriété ,
remplissent le 3e. viil. Dans le t^'. s lit réuu!» de
courts fragnipuls puliliqu -s, uu'- apuVigie de la phi-
losophie acruSL'c de la révolution » des Bemartjues
pliilosopliiiiues sur le mol ON , le T-eî^s d'un père à
se^ filles , frad de Grtgnry , uu Essai sur la couver-
salion , d'après Swift. En dissipant aiusi sau talent
eu opuscules , Morellct s'attira ces deux vers de
Chênier ;
Et ce hiin Mnrellet , qui toujours se repose ,
Enfant de su.xaute ans, qui promet quelque chose.
Parint hs autres morceaux sortis de la plume de
Morellet , nous citerons ses articles de métaphysique
et de ihmil.jgie daus l'£nc^ r/iy/éi/ie ; les Réjiexioiit
sur les ptépiiiés i/ui s'opposent au propres de l'irio-
culaliun en France , Ira I. de Galli , 17(14 , iu-40. j
uu elose de M""^. GeuUi-iu /rf uni à ceux de d'AIem-
berl cl de Thomas , 18 iS . iu-ïo. ^ J'oi . d autres in-
dications dans 1>' Dicl. des aironrmes. ) Suard a
insère quelques morceaux de IVloretiet dans ses iJ/c-
lart^e*; , et lui a cnipruute des noies sur Vauveuar-
gués. Morellet a encore eu p..rl au Publicisle , aux
ylrrlûves littéraires ; et il y a de lui nue excclli nte
dissertation sur les étymolo;;ies da: s le Mercure de
l'an VIII. Ses Mémoires , qui sont sur le point dp
paraître en 2 vol. iii-fio, ^pt dont ou a fait usage pour la
rcd.ïcti^ju de cet article, rmbrass* ut toute la dernière
moitié nu XVIIie. siècle . et ne s'arrêtent qu à I.1 lin
du consulat de Biionaparte. Ils soûl riches en iiouis-
propres ; c'est une suite de p rlraits des peisoilnages
marquants du parti p':ilosophi(jue , et d'aperçus re-
latifs aux ti-avaux littéraires de l'auteur , et à quel-
ques écrits politiques coiitemporitins. Il s'y lijèle des
lettres iuédites de Maleslierlies, Labarpe , Raynal ,
Thomas , Chamfort , etc. On a quelqm fois attribue à
l'ahbé Morelie' V/Cxanien crit </ue dfs npologistcs de
la rclii;,iin rhiétientie f-'. BUIUGNY , VI , 3li) ):
M. Karbier s'est ettljrce de détruire cette iiiiputalion ,
dans sou JOicttonn, des anonymes ^ irc, (dit., tome
IV, pag. II etsuiv. P — T.
r.,i
RIOR
qiiepressanlect serrée. Mais il a pres-
que toutes les qualités d'un tspiit
ciniuciiimeiU juste, et toute la clarté
d'un écrivain qui s'cnfcnd ft veut être
entendu. Quelquefois il renferme les
leçons de la murale dans nn cadre
ingénieux; et, au milieu d'une dis-
cussion raisoiinée, il a recours à l'i-
ronie socratique , arme délicate à
manier, et dont la vérité peut se ser-
vir avec avantage. L'abbé Morellet
aimait le monde. Sa conversation
était vive, et devenait quelquefois
Vassionnée : on y trouvait toutes les
ressources cl une instruction aussi
substantielle que variée. Peut-être
portait-il trop souvent , dans la dis-
cussion , la persévérance obstinée
d'un es])rit fortement convaincu. On
le voyait toujours ]>rét à s'indigner
de ce qui lui semblait déraisonnable;
prisant assez peu ce qu'on appelle es-
prit, mais frappé du bon-sens chez les
autres , comme d'un point de contact
avec lui. Quoique sa conviction ne
fédàt jamais à une autre autorité
que celle de la raison, il ne manquait
cependant ni d'indulgence dans le
caractère, ni de douceur el de faci-
lité dans le commerce habituel de la
vie. Il croyait avec beaucoup de pei-
ne et de répugnance aux actions blâ-
mables , aux mauvaises intentions.
Tout ce qui est ma! lui paraissait ab-
surde , et l'absurde lui semblait pres-
que impossible. L'abbé Morellet est
mort le i-i janvier 1819, entouré
d'une famille qui le chérissait. M.
Lémontey lui a succédé à l'académie
française. C — p — x.
MORELLI ( Marie-MadelÈne ),
célèbre improvisatrice , naquit à
Pistoie , en l'^-iS. Les séductions de
la poésie remplirent sa jeunesse ; et
ses talents éprouvés lui ouvrirent , à
Rome, les portes de l'a^'adémic des
Arcatlieus , où elle prit le nom de
MOR
Corilla Oljmpica , sous lequel on la
désigne communéinenl. Elle faisait
preuve delà fécondité, ou j-.lutôtdc
la flexibiliiéd'imagination la plus re
marqual^le , lorsqu'on lui proposait
on public un sujet de poésie à traiter
sans préparation. On la vit quelqr.e-
fois , maniant avec une ingénieuse
viAacité la langue italienne , com-
poser d'inspiration des tirades con-
sidérables , et jusqu'à des scènes en-
tières de tragédie. Sa réputalicn
littéraire lui fit décerner le ti iomphe
qui avait honoré Pétrarque, et dont
le Tasse ne put jouir. Le 3i août
1 "^66 , elle reçut au Capitole la cou-
ronne de laurier. Pasquin protesta,
par de nombreux sarcasmes , contre
cet hommage solennel ; et ces sar-
casmes trouvèrent tant d'échos, que
l'abl)é Pizzi qui , en sa qualité de di-
recteur de r Aroadie , avait présidé à
cette fête poétique , disait en riant ,
que le couronnement de Corilla était
devenu pour lui le couronnement
d'épines. La verve de Corilla s'étei-
gnit avant le temps; elle n'était pas
encore sexagénaire, qu'on la vit
presque réduite à se faire honneur
des sonnets qu'elle avait autrefois
confiés au papier. Elle mourut à
Florence, d'une att.ique d'apoplexie,
le 8 novembre 1800. Bodoni a pu-
blié, dans un recueil intitulé : ^c-
tes du couronnement de Corilla ,
les pièces composées à cette occa-
sion. F — T.
MORELLI ( Jacques), célèbre bi-
bliotheVairede Saint- Marc, à Venise,
naquit dins cette ville, le i4 avril
174 5- Son père , né à Lugano , avait
l'emploi de proto-muratore. Morelli
fît ses piemicres éludes dans une
école que timait le prêtre Frédéric
Testa , qui , quoique élève des Jésui-
tes, était peu versé dans les lettres
latines cl italiennes : il avait cepen-
MOR
(laM la manie des vers cl de la miisi-
qiio, et il tàclia vainement de l'aire
de; IMorclli un poetante et iiii canlo-
ra. Le niaîtie-d'ecole, ayant obtenu
Tinc cure, congédia ses «lèves. INIi)-
relli, qui port.iit déjà l'Iiahit cleii-
cal , piit le j:i;oût des études solides ,
au couvent des Dominicains , où il
fréquentait les deux, frères Concina,
dont l'un professa depuis avec suc-
cès la mctapliysique à l'université
de Padoue ; Patnzzi, que ses lettres ,
j)uljlicessous le nom d' Eiiselno Era-
iiiste ont fait appeler le Pascal de
V Italie; Coutarini, Valsecchi, et Me-
negatti, ami d'Apostolo Zeno.Co fut
vers cette époque qu'ayant acheté à
vil prix, doux gros volumes manus-
crits de lettres de Françui»^ Barbaro ,
qui avaient appartenu au cardinal
Qîiirini, il les conlVcnta avec les
deux volumes impriniés des épîtres
du même Barba ro. f.,es manuscrits
contenaient un assez grand nombre
de lettres inédites, et offraient sou-
vent, dans les autres, un texte plus
exact et de meilleures leçons. On
doit regretter qu'il n'ait point donné
une nouvelle éditiou des lettres de
Barbaro ( i ), Morelli rechercha et ob-
tint l'amitié du savant dominicain de
Ruijcis , connu par un grand nombre
d'ouvrages : introduit par ce bon re-
ligieux dans la bibliothèque Zeniana
( d'Apostolo Zeno ) , dont les prin-
cipales richesses ont enrichi depuis
la bibliothèque Murciana (de Saint-
Marc ) , il se vit , avec joie , comme
au centre de ses goûts. Il venait d'être
admis au sacerdoce ; mais son court
service <lans une église à laquelle il
s'était attaché, lui laissait uii temps
considérable , qu'il consacrait aux
travaux littéraires. Rubeis dirigea
(l) Oun'.iqur? l'édition inooiiiplèle imblie»' jiar le
cnriiinal Qiiirini , lîrescia, i7sJ, » vijl, iu-^". (^ ^'.
railicls liAtlUlnO. )
MOR i:o
ses premiers pas avec tine affection
particulière. Morelli devint un cri-
tique habile , un bon archéologue,
et ,se rendit familière l'histoire de
tous les peuples , celle des sciences
et des arts. Rubeis mourut en t'J'jS;
et dans ses derniers moments, il ne
cessait de nommer, d'appeicr Mo-
relli. Mais cet élève si cher bu-
tait lui-même alors contre une ma-
ladie grave, née d'une élude immo-
dérée. La douleur qu'il ressentit à la
nouvelle de la juort de son maître
et de son ami, ne fut "ni stérile , ni
passagère : il le regretta toujours ,
et le loua souvent dans ses ouvrages,
principalement dans les préfaces des
deux catalogues des manuscrits la-
tins et italiens de la bibliothèque
Naniana. Rien ne pouvant plus dé-
sormais ralentir ni assouvir sou
ardeur pour l'histoire littér.nre , il
passait sa vie dans Icsbibliolhèciues
de V'enise. Celles des religieux S.t-
masqucs , du couvent Délia Viçjna,
de Saint-Michel in Miirano , étaient
souvent visitées : partout il faisait
des extraits ou des copies d'une
foule de manuscrits. Il convers.iit
souvent avec les bibliothécaires ,
avec les moines les phisérudils; et
causer était pour lui synonyme de
s'instruire. Lorsqu'en i3o6 les bi-
bliothèques des séculiers et des régu-
liers , dans Venise , furent détruites
et dispersées, Morelli acheta tout ce
qu'il put de manuscrits et de livres
rares. Le bail'i Tommaso Far.setti ,
qui avait les mêmes goûts, avait re-
cherché son amitié ; et leur liai-
son devint si intime , ((ii'ils ne
pouvaient plus vivre séparés l'un de
l'autre. C'est pour complaire à Far-
selti, autant que piiir se livrer à ses
propres goûts, (pie Morelli écrivit
la Vie de deux «!e ses ancêtres ( An-
toine-François etMaiici-Nicolas Far-
ïiG
IMOR
setti), imprimée eu 1778; et qu'il
publia , de 1 77G à 1 788 , quatre (]a-
talof^ucs raisonuc's des diverses par-
tics de la bibliotiièquc de son ami.
H ne serait peut - être jamais sorli
de Venise , s'il eût pn eonscntir à
vivre éloigné de celui qu'il appelait
toujours son caro balï ( sou cher
baiili ). 11 le suivait donc àPadoue,
à Vicencc, à Vérone : mais il n'alla
jamais plus loin que Milan ; et ,
dans les dernières aimées de sa vie,
il entrait en sueur si on lui proposait
de s'absenter de Venise , même pour
quelques jours. Il s'était lié , à Pa-
doue, avec l'abbé Brnnacci, zélé nii-
raismale, avec l'abbé Gcnnari , aussi
aimable littérateur qu'ériidit habi-
le et profond; avec le comte Bor-
romeo, qui le pria de revoir et de
corriger sa curieuse notice des No-
velUere italiani , qui a eu trois édi-
tions. Depuis long- temps Farsctti
desirait que son ami pût devenir
garde de la bibliothèque de Saint-
Marc ; il lui conseilla d'écrire un
ouvrage sur la 3Iarciaiia. Après
avoir d'abord craint d'affliger, en
excitant sa jalousie , le garde Za-
netti, qui avait publié, en 1740 et
17 41, les Catalogues des manuscrits
grecs, latins et italiens de cette bi-
bliothèque, en '1 vol. in-fol. , Morelli
se laissa vaincre aux instances de son
ami, et fit imprimer, en 1774? sa
Dissertazlone storica deJla piibli-
ca libreria di S. Marco. Quatre ans
après , Zanetti mourut (1778), lais-
sant un frère qui se présenta pour le
remplacer. Celui-ci était protégé
par le procurateur Coutarini , et
même par le sénateur Grimani , à
qui Morelli avait dédié sa disser-
tation. IMais le bailli Farsctti ,
aidé du réformateur Pierre lîarba-
rigo , réussit à faire nommer Mo-
relli; et ce choix obtint l'approba-
MOR
tion générale. Beltinelli dit à ce sujet :
« Un ancien , en liabit moderne , ne
» pouvait être mieux placé que dans
» celte diustre bsbiiotlièquc ( i ). » 11
serait dillieile de dire tout ce qu'a
fait Moieili pour lui donner plus
de richesse, plus d'ordre et plus
d'éclat. Il fit augmenter le nombre
des salles ; il obtint qu'on y trans-
portât les manuscrits littéraires qui
é;aient conservés dans les archives
secrètes du con>eil des Dix. C'est
par ses soins que le fécond Arnaldi
l'enrichit de ses longs travaux sur
les œuvres de WolH"; le cavaher
Ziistinian, de tous ses livres ; le ca-
valier Zani , de ses manuscrits en
diverses langues; Farsctti, de plu-
sieurs objets précieux; le cavalier Zu-
lian , de ses riches antiquités ; Mo-
lin . de sa bibliothè(iîie et de ses mé-
dailles. Morelli connaissait tout ce
que contenaient de rare les biblio-
thèques particulières de Venise; et
lorsqu'elles étaient mises en vente ,
il achetait tout ce qui méritait de
trouver place dans celle de Sain;-
Maic. On entreprendrait en vain
de peindre sa douleur , lorsqu'cii
1797, et à d'autres époques posté-
rieures , il se vit contraint de livrer,
pour cire transportés en France , un
grand nombre d'ouvrages imprimés
et manuscrits , lui qui frémissait à
l'idée de prêter, pour peu de temps ,
quelque livre rare du dépôt confié à
sa garde ; lui , qui parlait souvent
de la joie extrême qu'il avait éprou-
vée ( 1789 ), en obtenant du sénat ,
que ce fût à Venise , et non ail-
leurs, que serait faite la copie, de-
mandée par Louis XVI, de deux
manuscrits des Assises et bons usai-
ges du royaidine de Hierusalem.
(t^ Uomo anticoin nbilo e in i-ollo morlenw , «./,
per tlir liillo , rie^no di r/uellu sl'Uuslit bil/tiol< ck.
(^ Letlcrc Si-.lb belle arti. ;
l^Forclli revit avec soin celle copie,
pour s'assurer de sa fidelile; el le mo-
narque français lui en tcmoigua sa
salist'action par une leflrc graciouso,
accompagnée d'iuie nie'daille d'or.
Mais, dans le même tcînps où i^fo-
lelli dc'piorait la perte des livres im-
])riiues et manuscrits cpie venait de
iairc [il Marciana ^ il a]iprit (pic
cette bibliothèque allait elle-même
être transférée au palais Ait ducale,
dans la vaste salle du grand- con-
seil. Il fondit en larmes , s'évanouit;
et l'on put craindre que la nouvelle
de ce déplacement ne lui coûtât la
vie. Heureusement , le baron Galva-
gna , alors préfet de l'Adriatique , et
depuis conseiller aulique de l'empe-
reur d'Autriche , ranima les forces
et le courage de Morelli, en lui pro-
mettant d'employer tous ses soins
pour que cette translation se fit avec
ordre et sans aucune perte. Otte im-
mense quantité de livres, de statues ,
de bustes, de monuments, fut en elfet
enlevée et replacée sans dommage
et sans confusion. Un jour que Mo-
relli assistait au dîner du vice-roi
d'Italie, un des principaux person-
nages de cette cour , lui demanda
si, placé au milieu de tant de ri-
chesses, il pouvait dire quels seraient
les douze volumes qu'il choisirait,
nu cas où il lui serait permis de les
emporter.^ «Excusez-moi, répondit
» Morelli, je ne puis, en ce moment
» de bonheur, fatiguer matcte d'une
» question si dilucile. — Bien! s'é-
1) cria le prince Eugène, bien Mo-
» rcllil il ne faut jamais faire con-
» naître, en les dévoilant, tons les
» attraits de sa maîtresse. » La bi-
bliothèque de Saint-Marc était, en
eftet, la maîtresse àe Morelli: elle
occupait toutes ses pensées; il en par-
lait à toute occasion, et terminait
tous ses discoiu's par l'éloge qu'il en
MOR 17-7
faisait. Si, parfois, il entendait don-
ner la préférence a une autre bi-
bliothèque, il paraissait soulTrir, et
mumunait entre ses dents : Si, si...
m.n, ma... — Les travaux littéraires
de cesa\antsont si considérables,
qu'il serait trop long de les exami-
ner en détail : un coup-d'œil géné-
ral suffira pour les apprécier. En
1785, il publia sa version latine de
rt)raisoii d'Aristide conlie Leptinr;
de la D('c!amation de Libanius pour
Socrale, et des Fragments du second
1 i v re d es Eléments harin oniques d' A-
ristoxène , d'après des manuscrits
grecs où personne ne les avait dé-
couverts.L'Oraison d'Aristide, qu'on
croyait perdue , n'avait ni titre, ni
fin, ni nom d'auteur. La Déclama-
tion de Libanius avait échaj)pé aux
regards de Zanelti et dcBongiovanni,
quand ils décrivirent, dans la Grœca
D. Marci Bibliotheca, le manuscrit
où elle était contenue. Morelli trouva
les fragments des Eléments harmo-
niques, dans un autre manuscrit , où
étaient réunis divers écrits déjà pu-
bliés d'Euclide , de Bacchius, d'A-
lipe et d'Aristoxène. Il ûdlail tonte
la sagacité, tonte la patience du sa-
vant bibliothécaire, pour rétablir et
fixer le texte d'Aristide : il y a joint
des notes, sans les jirodiguer, parce
qu'il n'aimait point la pompe d'une
érudition inutile. Une des plus im-
portantes publications de Morelli est
celle des Fragments de Dion Cassius
sur l'histoire romaine, avec de nou-
velles leçons ( 1^98 ). Ses Lettres sur
une nouvelle version grecque de quel-
ques livres du Vieux-Testament; sur
un manuscrit de l'Histoire des ani-
maux, par Aristote; sur une version
latine du Phédon; sur une inscrip-
tion grecque du Musée Grimani ; sur
les comincuîaires grecs de David .
philosophe arniénii'u , conoeruai'.î
j'i8
MOR
les Catégories d'Arisfotc; sur les
manuscrits vciii'ifns d'lJ('siodc; sur
les statues décrites j)ar Ca.'listratc,
forment , avec la traduction des rc-
5»lcments de l'acadeinic Aldine ( F.
FoRTE<;utRRi , XV, ugS ; , et avec
le toine premier (le 2*^. n"a point
paru ) tics Manuscrits de ia biLlio-
thèque de Saint-Marc [ 1802 ), qui
contient l'examen et ia collation de
260 manuscrits ^recs avec les meil-
leures éditions , l'importante série
des travaux, helléniques de xAIurcili,
Les services qu'i' a rendus aux leltros
latines ne sont pas moins recomman-
dables : il sullit de citer sa notice
sur l'ouvrage à peine connu de Cl.
Ptoléme'e , De coriuptis veibiijuris
civilis ; sa lettre sur deux éditions
ignorées de Tiijulle et de Claudien ;
d'autres lettres où il prouve que la
tragédie de Terée, qu'on attribuait
à L. Varius, n'est autre chose que !a
ProgJié du vénitien Gregorio Cor-
raro; ses éditions de quelques poésies
très-rares d'Aide -Pie ÎNIanuce , et
des poésies latines de Jean Cotta ; sa
lettre sur deux inscriptions antiques
de la ville de Salone , etc. Lorsque
Pie VI fit donner, par le P. Bruni ,
une édition des œuvres de St. M xi-
lue de Turin ( i-^S/fiin-fol.), Moiclli
envoya à Rome cinq sermons inédits
de ce saint, dont trois étaient extraits
de la bibliothèque ^Marcienne, dcnx
de celle du chapitre de Padoue; et il y
joignit un grand nombre de correc-
tions pour le texte des autres ser-
mons. Le pape lui écrivit pour le
remercier; et le P. Bruni consigna ,
dans sa préface, les obligations qu'il
lui avait. Les autres ouvrages, en la-
tin , de Morelli , sont ses deux Cata-
logues des bibliothèques Nani et Pi-
iielii ( 1776 et 17H7 ). Au milieu
de ses vastes occupations , il ne né-
gligeait point la langue italienne : il
MOR
avait fait un nombre prodigieux de
notes et d'obserA'alions sur le dic-
tionnaire de l'académie dclla Crus-
ca. IlaidaBravetti jiourson ouvrage
intifulé : Indice de" libri a stampa
cniiie Tesd di lingua. Il donna 'inc
excellente édition de l'Histoire de
Venise , par le cardinal Bembo :
c'est, de tous ses travaux littérai-
res, celui qui lui coîita h plus de
temps et de fatigues. Il eut la pa-
tience decopier le niannscrit original
de la version italienne de cet ouvia-
ge, faite par l'auteur lui-même, et
qui était ' ans les archiA'es du conseil
des Dix. Ou doit à Morelli de bonnes
éditions : i'*. des Poésies de Pétrar-
que; 2"^. des Lettres d'Aposlolo Ztno;
3"^. des Lettres familières de l'abbé
Lastesio , etc. Il mit au jour des
stances inédites de Srozzi Sopra la
rahhia di 3Jacrme ; des stances pa-
reillement inédites d'Antonio de
P.izzi et du Tasse ; une lettre excès- ,
sivement rare de Christophe Co-
lomb , avec de savantes notes , etc.
IMoreUi s'occupa particulièrement
de l'histoire civile et littéraire de sa
patrie. 11 publia une bonne disserta-
tion sur la guerre des Vénitiens en
Asie, depuis i^yO jusqu'à i474t
une antre dissertation encore plus
estimée, sur plusieurs savants voya-
geurs vénitiens peu connus ; une troi-
sième sur les pompes nuptiales, dans
les états vénitiens; une qualrième
dissertation historique , pleine de
recherches et d'intérêt , sur la cul-
ture de la poésie par les Vénitiens ,
depuis les temps les plus recidés jus-
qu^a nos jours; un grand recueil de
poésies latines et italiennes, compo-
sées par divers auteurs, à la louan-
ge de Venise; une édilion de la vie
du doge Gritti , écrite en latin par
Nicolô Barbarigo ; les Monumsnti
Feneziani, contenant une relation
1\U)P.
t)iiblic;c, et qui no luc'rilait pas de
l'clrc , du sic'gc et do la reprise de
Zara j)ar les Vénitiens, on i346,
ccrite par un auteur contemporain ;
quatre lettres inédites du rardinal
13emb(),el une lettre ep;ilcmenl inédi-
te de Galilée à la seigneurie de Venise,
eu lui présentant (en 1609) son te'li?!-
cope avec le décret du sénat, relatilà
cette découverte, etc. Il nous rcsîe à
citer les ouvrages deMorellisurriiis-
toire des arts : on estime surtout ses
Monuments dcî'liistoiredespremieis
temps derimprimerieà Venise, et sa
Notice sur l'art du dessin pendant la
première moitié du seizième siècle.
Le nombre des ouvrages ou éditions
publies par ce savant , selcve à soi-
xante - un. Il aida beaucoup d'écri-
vains de ses lumières et de ses con-
seils. François Accordini, Leonardo
Steccbini, J. B. V ermiglioli , Anto-
nio Meneghelli , Gaetano Puiggeri,
le comte Rizzo -Patarol et plusieurs
autres, enrichirent leurs écrits du
fruit de ses recherches et de ses tra-
vaux. Personne n'était plus écono-
me du temps que lui. Dans un des
derniers jours de sa vie, on le trou-
va notant sur une carte les noms de
ceux qui lui avaient, disait - il, fait
perdre ce temps si rapide. Déjà
depuis longtemps la réputation de
IMorelli avait franchi les Alpes. Si ,
à re\emple de l'ai bé Bruuncci, ileût
tenu registre de tous les écrivains
qui l'avaient loué dans Icus ouvra-
ges, on trouverait peut-être qu'au-
cun auteur contemporain n'a reçu
].lus de témoignages d'estime et d'ad-
miration. Il suffira de citer, en Ita-
lie, Marini, l'un des plus savants bi-
bliothécaires du Vatican , qui avait
la modestie de l'appeler Princi-
pe de' hibliotecarii. Wslteuibach,
en Hoilande, Chardon de la Rochelte
et \ illoison, en France, lui ont rendu
XXX.
MOR lof)
le même témoignage. Une modestie
rare et profonde égalait et ornait sou
immense savoir. Il avait les uid'urs
douces et régulièj-es: «.a vie, comme
homme et comme prêtre, était un
modi le. Quel que fût son resjKct
])our les livres rares , il n'hésila
pas à brûler un bel exemplaire qui
lui ap])artenait , des fameux son-
nets de rArctiu. Il fut cliarcré.
pen-
dant dix - huit ans , de l'examen des
livres dont l'introduction devait
cire permise ou défendue dans les
états vénitiens. Etranger au monde
politique, à ses passions et à ses ré-
volutions, il avait vu, sans éprouver
aucune vicissitude dans sa place et
dans sa fortune, tumîjer l'antique
gouvernement de V enise , et cette rei-
ne de l'Adriatique passer successi-
vement sous la dominaiion de la
France et de TAiitriche. Pensionnai-
re du royaume dllaUe, il continua
de l'être de la cour de \ ienne: che-
valier de la couronne de fer, celte
décoration lui fut conservée eu 1816,
lorsque l'empereur François recréa
cet ordre et s'en dédara souverain.
Le même prince lui avait déjà con-
féré, en 180'^, le titre de consiiller
auîique. Moreili apparlenait à pres-
que toutes \c^ académies d'Italie.
L'Académie des bel.es - lettres de
Paris le comptait au nombre de ses
correspondants ; il avait été admis
daîis celles de Berlin et de Goet-
tingue. Sa conversation était vive
et animée ; mais dans ses dernières
années, dégoûté du monde, il ai-
mait à vivre seul avec lui-même. Il
publia, au commencement de 1819,
ses Lelere di varia er. dizione, et il
les appela son testament littéraire.
En eliét , il mourut le 5 mai de cette
année , al'àge de ■j4 aus. Le comte
de Goëss , gouverneur-général , lui
fit faire de magnifiques funérailles
0
i3o BTOU
dans l'église de Saint-Marc. L'abbé
Pierre Betlio , son élève et son suc-
cesseur, alors sous-garde de la Mar-
ciflrtrt,])rononçason oraison funèbre.
Il fut enlcrrc dans l'église de Saint -
Michel iji Murano , où reposaient
déjà Costadoni , Mittarclli et Man-
dclli. Un marbre , placé dans la bi-
bliothèque de Saint-Marc , contient
une belle inscription latine à sa
louange en forme d'épilaphe , par le
même abbé Betlio. Morelli a légué
à cette bibliothèque une précieuse
collcclion de manuscrits de tout âge,
et une autre de vingt mille opuscu-
les , dont plusieurs d'une rareté ex-
trême , et qui lui furent d'un si grand
secours pour ses travaux littéraires,
qu'il avait eu le dessein d'écrire un
traité de l'utilité qu'on peut tirer des
petits livres ( Délia ulililà che pub
trarsi dai piccoli libri ). Si l'on im-
prime un jour, suivant le désir qu'il
en avait manifesté, le catalogue rai-
sonné de cette collection , on pourra
y mettre pour épigraphe ce que
Runhkenius a dit de Morelli dans le
tome IV de son édition des OEuvrcs
de Muret : Morellius , quem fugiti-
voruni , ut vocantur, opusculoriim
nulluiii utiquam fugit. \ oici la liste
complote de tout ce que IMorelli a
publié : I. Bihlioteca manoscritta
del bail Farsetti , Venise, 1771-
1780, -2 vol. in-i2. Quelques no-
tes du premier volume et les préfa-
ces , sont du bailli Farsetti. Le
second volume est plus difficile à
trouver que le premier , n'ayant été
tiré qu'à 25o exemplaires. II. Dis-
scrtazione storica intorno alla puh-
hlica lihreria di San Marco in
fenezia , \emse , Zatta , 17745
in-S'^. ; réimprimé dans le tome i ^'^.
des Opérette di Jacopo Morelli, pu-
bli e'cs par Barthelemi Gamba , à
Venise, eu i8ao. li v a quelques
MOR
exemplaires de cet ouvrage m pa-
pier bleu. Morelli avait fait de nom-
breuses additions et corrections sur
un exemplaire de son ouvrage, (ju'il
a laissé en mourant à la bibliothèque
de Saint-Marc. III. Fr. Pbenoi/. i-
QVM , dialogus de Vitd Viclorini
Feltrensis , ex codice F^alicano ,
cum annotatiunculis J. Mouellii ,
edente Natali Lastesio , Padoue^
1774, in-8'^. Ce volume est utile pour
l'histoire littéraire de Padoue , où
Vittorino avait professé avec beau-
coup de succès. IV. Coâices manu-
scripti latini Bihliothecœ Nanianœ
relaii , cum opuscuUs ineditis ex
iisdem deproinptis , Venise, Zatta ,
177G, iu-4°.; les opuscules impri-
més qu'on y trouve , sont au uoiiibre
de sixj cinq concernent l'histoire de
Venise ; le sixième est une lettre
d'Etienne Gradi au cardinal d'Es-
trées, sur le traité de l'Eucharistie
d'Ant. Arnauld. Les notes de Té-'
diteur sont courtes , savantes et va-
riées. V. Codici manoscritti vol-
gari délia, lihreria Naniana riferiti,
con alcune opérette inédite da es si
iratîe , Venise, Zatta, 177(3 , in-4°.
Les opuscules inédits , publiés dans
ce Catalogue , sont un discours de
Benvenuto Cellini sur l'architec-
ture ; une lettre de Jérôme V ecchiet-
ti sur la vie et les voyages en Orient,
de Jean-Baptiste Vecchietti , sou
frère; une lettre de Galileo Galilci à
un prélat sur la prohibition du livre
de Copernic; une lettre du même
Galilée à Pictro Dini sur le système
de Copernic; et deux sonnets de Da-
niel Barbaro sur la mort de Trifone
Gabriele (i). Vî. Catalogo dicom-
(1) D'autres savan
ÎliïS amples tioscript
/al.'he Simon Assi:
173
bibliothèque , eu 2 \
publièienl , apiîs Morelli, de
s dt la l)ibliotUèc|ue Saniaim.
,i fit imprimer à Padoue , en
11- catalcs"» des mauascrils orientaux (^c celte
ul. in/i». aLngarcUi ^lublia i Bo-
Mon
medie ilnliane raciolle drd haVi
Farselti, con annota zioni, Venise,
l'j'jG, in-iu. La luèine aniic'c fut
publie un appendice à ce Calaloguc.
VII, File di ylnton. Francesco
Farsetti cavalière , e di 3IafJeo
ISicolb Farsetti arcivescuvo di Ra-
veniin, imprimées dans les IVotizie
délia f ami glia Farsetti , Cosmopo-
li ( Venise , 1778 ), in-4°. Ces No-
tices sont très-rares, le bailli Far-
setti lui-même n'ayant pas voiiiu les
répandre , ets'ëtant brouille avec son
frère , qui avait demande la coiilcc-
tion de ce livre et désire' sa publica-
tion. Les deux yies écrites par Mo-
rélli ont été reproduites dans ses
Opérette, tome 11. VIIL Catalogo
di storie generali e jtarticolari d'I-
talia , quant 0 a città , hioghi e fa-
miglie , raccolte dal bail Farsetti ,
con annotazioni, Venise, i "Hu , in-
lu. La préface est de Farsetti. IX.
Lettera al senatore Angiolo Quiri-
' ni , snpra due antiche inscrizioni
spettanti alla città di Salona, pos-
te nella villa Alticchiera , Venise ,
1 784, dans le tome xvi de la Raccol-
ta Ferrarese di opuscoli : quelques
exemplaires ont été' tirés à part, in-
4°. ; réimprimé dans le deuxième
volume des Opérette. On trouve
dans le livre intitulé Allicchieri , une
lettre écrite en français, par Morel-
li , sur le même sujet , mais qui ,
comme l'observe Villoison, a aussi
pour but de faire mieux connaître
deux tables isiaques , qui étaient con-
servées dans le même lieu, et qui
ont été achetées par David Weber.
X. Aristidis Oratio adversus Lep-
tineni, Libasu Declamatio pro So-
logoe , eu 1784, le catalogue des maïuiscrils srers >
to-40. , t*t, eu 1-3 j, le catalogue des mnuusci'ils
egvplîeiis ( yV'i^ypt'iorum codicutn reliqma; ') , fn-4°.
Kufiu, d'Aiisse de Villoison fit iicpriiuer à Rome,
J787, les Moniimeiita groica et lalina ex mmuat
NOR i3t
crate, JnisToxEsi Bhjthmicorum,
ele inenlorutn fragmenta , ex hihlio
thecd Fenetd D. Marci nnnc pri
viùm édita , cum annotatianibus '
grœcè et latine, \eiiise , 178!) , iii-
8". La traduction de cet ouviat;e es-
timé est dédiée par Morelli à Pierre
Coniariui, biLliolhécaire de Saiiit-
Marc , qui venait de faire transpor-
ter , de Padoue , dans la Marciana^
60 manuscrits en diverses langues ,
et uoo exemplaires d'éditions du
quinzième siècle. XL Catalogo di
libri italiani raccolti dal hall Far-
setti, Venise, 1785, in- 12. XIL
Lettere di Ayostvlo Zeno evien-
date ed accresciute di moite iné-
dite, Venise, 1783, G vol. in-8'^.
IMarco Forcellini avait donné à Ve-
nise, en 1732, la première édition
dc^ces lettres, en 3 vol. in- 1-2. L'édi-
tion de Morelli contient toutes les
lettres qui étaient imprimées séparé-
ment ou éparses dans divers ouvra-
ges , et 3oo autres inédites. L'éditeur
fut aidé dans son travail par son ami
Schioppalaiba. Les lettres d'Apos-
tolo Zeno sont curieuses et très-utiles
pour l'histoire littéraire de sou temps.
Un grand nombre d'autres letîres da
même auteur , ont été découvertes
depuis. XIII. Biblioiheca- Mapha'i
PiXELLi, Feneli ,.magnojam stu-
dio collecta , desciipta et annota-
tionibus illustrât a ,\ cnhe , Palese,
1787, 6 vol. in-8°. Tous les e:iera-
plaires sont en grand papier , cl:
doivent avoir en tète le portrait de
Pinelli , gravé par Bartolozzi. Ga
catalogue, estimé et recherché par
les bibliographes , contient une très-
belle collection d'auteurs grecs et
lalins , et d'éditions du (piinzième
siècle. On trouve , dans le cinquième
volume , un appendice consacré k
la description des monuments anti-
ques , des monnaies vénitiennes , et
9-
i3i MOR
des médailles d'hommes illustres ,
qui e'taienl lëmiis à cette riche bi-
l)liolhè;[ue.Robson, libraire anglais ,
en fit l'acquisition, avec plusieurs de
ses confrères; et, avant de les met-
tre en vente à Londres, il publia un
abrège du catalogue de Morelli, sous
le titre de Bibliolhcca Pinelliana ,
Londres , 1789, in-8^. Il est iuutile
de dire que Morelli n'eut aucune part
à ce nouveau catalogue , qui est sans
table d'auteurs , et fort mal rédigé.
XIV. Catalogo di quadri raccolii
dalj'u sig. Majfeo-Pinelli , ed ora
posti invendita, Venise, 1 783, in-S"^.
XV. Catalogo di lihri latini raccolti
dal bail Farsetti, con annotazioni ,
ibid. , 1788, in- 12. Ce volume con-
tient des additions aux précédents
catalogues de la bibliothèque du mê-
me Farsetti. XVI. Fita di Jacopo
Sansovino, descritta da Giorgio VA-
SARI, Venise, Zatta, 1789, in-4*'.
Cette vie, augmentée de plusieurs
notices , est d'un grand intérêt pour
l'histoire des beaux -arts. XVII.
Délia istoria Finiziana di Pietro
Bemho cardinale , da lui volgariz-
zata , libri dodici , ora per la pri-
ma volta seconda l'originale publi-
cati, Venise, Zatta, 1790, 'x vol. m-
4". C'est la première édition con-
forme au manuscrit de l'auteur , et
par conséquent la plus estimée. Elle
est ornée du porti-ait de Bembo ,
grave' par Bartolozzi, d'après le Ti-
tien. XVIII. Epistola ad Christ.
Frid. Ammonium de novd versione
grœcd ubro7v.m quoritndam veîeris
Testaïuenti in coaice Mss. Biblio-
thecce Fenetœ D. Ma'ci servatd ,
cumvariis ejusdem codicis lectinni-
hus , se trouve dans le t. m de la Ver-
sion du Pentateuque publiée à Er-
lang en 1 790 , dans les Setie Epistole
de Morelli imprimées à Padoue, et
dans le tome ii des Opérette. XIX.
MOR
Epistola ad Armanduni Gastonem
Camus y de ccdicc Mss. grœco JJis-
toriœ Animalium Aristotelis , in
bibliothecd Marciand servato, data
Fenctiis , ann. )'"9i ; insérée dans
les Notices et extraits des Manus-
crits de la bibliothèque nationale
de Paris , tome v , et dans le tome
II des Opérette. XX. Andreœ Grilli
principis Venetiarum vita, Nicolao
Barfadico aiiclore , ^ enise , 1 79'i,
in-4°. Cette vie, dont il existait une
version italienne manuscrite, faite
en 1686, fut traduite de nouveau et
publiée parTabbé Voipi , ex-jésuite,
à Venise , T793, in-8''.Uiic troisiè-
me traduction , faite par Molin , fut
insérée dans ses Orazioni scritte da
letterati Feneli patrizii , \ enise,
1798. XXI. Componimenti poetici
latini e volgnri di varii autori de'
passati tempi in Iode di Fenezia ,
sceltie raccolti, etc., Venise, Palesc,
I79'2, in-4''. IjCS auteurs des poésies
latines sont au nombre de 17, Sauna- '
zar, Délia Casa , Molza , Calcagnini,
Muret , Capilupi , etc. : parmi les
treize auteurs de poésies italien-
nes, on compte Marc de Tienne ,
Capello , Veniero , Bettiuelli , Ant.
Conti , Fr. Algarotti , etc. XXII.
Epistola ad Jo. Bapt. Gasparem
d'Ansse de Filloison, qud tragœ-
diam , Tereus inscriptnm , nuper
inventam , et L. Fario adjudica-
tam , Prognem Gregorii Courabu
esse demonstratur ; data Fenetiis,
X cal. octobi'. 1792, imprimée sur
une feuille volante; réimpriméedans
le Magasin encyclopédique (Paris,
an IX, tome v, p. 95); dans les
Mélanges de Chardon de la Ro-
CHETTE , tome III , etc. ; traduit
en italien par le baron Vernazza ,
dans la Bibliotheca Torinese. IMo-
l'elli possédait le manuscrit autogra-
phe des poésies inédites de Corraro ,
MOR
où se trouve la tragédie faussement
attribuée à Varius. XXIII. Epistola
ad Josephum de lielzer de operibus
Ilieronj'mi Balhi P'^eneti, episcopi
Gurcdiisis , Vienne, i'^9'2; réimpri-
mée flans le tome ii des Opérette,
XXIV . Dissertazione délie solenni-
ta e pompe nuziali gm iisate pressa
li f eneziani ^ per le nozze Tiepolo-
Gradenigo , Venise, 1793, in-4". ;
ibid. , «819, in-4°. Celte dissertation
est cinieuse et estimée. XXV. Monu-
inenti del principio délia stampa in
Venezia, Venise, l'jgS , in-4'^. Mo-
relli détruit dans cet écrit , qu'on
retrouve au second volume de ses
Opuscules, l'erreur qui a fait assigner
raunée \ [><i\ , puurdate tic l'impres-
sion du fameux livie intitulé Decar
•puellarum ( F . JtrvsoK); i! prouA^e
que les premiers ouvrages imprimés
à Venise, l'on' é:é par Jean de Spire
en 14*^0, et il rapporte le privilège
accorde par la Seigneurie à cet Alle-
mand, le iSsepteuib. de la même an-
née. L'opinion de Morelli, appuyée
sur des monuments authentiques, a
été adoptée par Micliel D-'uis, célè-
bre bibliographe autricliien , et par
le P. Pellegriiii , dans son traité de
l'origine de l'imprimerie a Venise.
Les monuments publiés par Murelli ,
ont été reproduits dans le Journal
vénitien , iulituié Genio letterario
d'Ew'opa, janvier 1794; dans les
Suppléments de Harles, ad brev. not.
littéral, roin., et dans les Memorie
délia tipografia brewiana, de l'abbé
Gussago. XXVI. Edizioni del se-
colo \r, in -8'\, formant 22 pages
dans le Catalogue d'Amadeo Savier,
mort en 1794. XXVII. Monu-
menti Feneziani di varia lettera-
tura , Venise, Palese, 1796, in-4°.
Les quatre lettres inédites de Bem-
bo , qui font partie de ce recueil ,
sont reproiluites dans le sccoud vol.
MGR
i35
des Opuscules de Morelli. XXVIIT.
Délie guerre de' Feneziani nelV
Asia dalV anno 1470 rtZ 14; 4 5 l'--
b. i tre , di Coriolanu Cjppjco , ri-
prodotti cuH illustra zioni, Venise,
Palese, i79(), in-4'^.XXIX. Z'tijer-
tazione iturica délia cuUura délia
poesia pressa li feueziani , dalii
pià rimoti teinpi sina alli moderni.
Cette savante dissci-taùun est impri-
mée dans le P amassa Veneziano ,
de l'abbé Bettijselli ^ édition de
1799, in "4°. On la retrouve aussi
dans les Opuscules de IMorelli, tome
II. XXX. Lettera sopra una statua
con inscrizione , posta in Fadova.
iiel Prato délia Valle , alV insigne
sculture Antonio Canova , insérée
dans le Mercurio d'italia, Venise,
1796, tome i'^'". , pag. 9G. XXXI.
Diosis Cassii Histariaum Ro-
manaruni fragmenta , cum novis
ea-uindem lectionibus , nunc pri-
mant édita , et annotaliunibus illus^
trat<i , gœce et latine, Bassano ,
Reuiuudini , 1798, iu-8".; Paris,
Dclance, 1800 , in-ful. Ce fragment
de Dion Cassius , offre des détails
intéressants de la Vie d'Auguste. Mo-
relli s'attache a distinguer, avec
toute la patien e d'un savant, les
diverses leçons qu'ulFre ce ma-
nuscrit , et ceux des Médicis et du
Vatican : mais une grande tristesse
accoin|iagna ce travail , parce qu'il
avait reçu l'ordre de remettre ce
manus rit aux commissaires fran-
çais. XXXII. Lettera al con. Anto-
nio Ba'tolini commendatore Gero-
solimitano sopra due sconosciute
edizioni di' Tibullo e di Claudiano ,
Jatte nel secolo XF ;im^nmécdai\s\e
Saggio de Bartolini sopra la Tipo-
grafia del Friuli nel secjlo xy ,
UiJine, i799,in-4°.,et dans le tome
Il des Opérette. XXXIII. Le Pdme
di Franc. Petrahca Iratte do" uis-
i3
MOR
^liori esemjdari , con illustrazioni
inédite di Ludoi'ico Beccadeli.i ,
Vérone, Giulari , 1799, n vol. in-
j6. La savante préface de Morelli
fait encore reclioclier celte édition ,
c^iii d'ailleurs ne se recommande
])oint par rexéciition typop;ra|)lii(jiic.
XXXIV. Nolizia d'opere di dise-
gno , nella prima melà dcl secolo
y.Vi esislcnii in Fadoi'a, Cremona ,
Milano , Pm'ia, Bej-gamn , Crema
■e Fenezia , scritta da un Anonimo
di quel tempo, pnblicata e cûn co-
piose ann iazioni illustiata, Bassa-
jio, Rcraondlni , 1800, grand in-S".
Morelli avait copié cette notice d'un
des manuscrits de la bibliothèque
d'Apostolo Zeno. Les notes qu'il y a
jointes, sont plus précieuses que la
texte. On trouve un extrait de la
notice dans le Magasin encyclopè-
diipie , tome n , page 486. XXXV.
Miblio'Jicca manuscripta grœca et
ZaU'na, Bassano, Remoudini, 1802,
tome I , grand in-8°. 11 n'a paru que
ce volume. Par son testament, Mo-
relli en a légué un cxempl.iire , char-
gé de notes et d'addiiions, à la bi-
blioihèqne de Saint -Marc. Cet ou-
vrage n'est pas simploraent , comme
l'ont cru quelques bibliographes ,
im catalogue des manuscrits grecs
et latins de cette bibliothèque : Mo-
relli y décrit aussi les manusciits
tlont il était possesseur , et «'eux
qui appartenaient au chanoine Lui-
gi , cx-jesui'e. XXXVI. Joannis
CotTjE Ligniacensis carmina re-
çosnita et aucta, Bassano . Remou-
dini, i8o'2 , in-4°. C'est la plus
Lello, la jilus amp'e et ia meilleu-
re des noiubreuses édi ioiis des poé-
sies de Colta. XXXVll. Disserta-
zione inionio ad alcuni viaggiatori
eniditi P^eneziani poco jwti, jiibbii-
cata nelJe j'nustissime nozze del
conte Leonardo Manino con la ii-
MOR
gnora contessa Foscarina Giova
nelli, Venise, Ant. Zatta , i8o3 ,
gr. in-4". Cet ouvrage est estimé ,
recherché et tort rare, parce qu'il
n'en fut tiré qu'un petit nombre
d'exemplaires, pour être donnés en
présent aux parents et aux amis des
deux époux. Les A'oyageurs vénitiens
sur lesquels Moielli donne des no-
tices , sont : Paul Trevisano , Jean
Bembo , Pellegrino Brocardi , Am-
broiseBembOjCt Jean-Ant. Sûderino.
Il fait connaître plus sommairement
B. Dandolo, Buonaiulo Albani , T.
Gradcnigo,N.Brancalcone,A.Priuli,
C. Maggi, et Cecchino Martinellp.
Morelli prend, sur le frontispice,
le titre de Régie consigliere di sua
Maestà j. r. a. Chardon de la Ro-
chette a donné , dans le Magasin en-
C) clopéditjue (nov. i8o5) , une ana-
lyse de cet ouvrage, qu'on a réimpri-
mée dans le tome 11 des Opérette.
XXXVIII. Memoriale di Agos-
tino P^aliero , cardinale , à Lidgi
Contarini , sopra gli studj ad un
senatore veneziano convenienti^ con
annot azioni ^Yenisc , i8o3, in-4°.
Cet ouvrage était inédit. XXXIX,
Lettere jamiliari delVAbate Na-
tale Lastesio , per la prima volt a
])ubblicate , con una narrazione in-
tomo alV autore , Bassano , Remon-
dini , 1804, in - 8°. La notice sur
Lastesio , ami intime de Morelli ,
a été réimprimée dans le tome 3 des
Opuscules de ce dernier. XL. Aldi
Fii Manutii scripta tria longe ra-
rissima denu'o édite et annotatio-
nibus illustrât a, ibid. , 1806, in-8''.
( P^. Manuce (Aide) , xxvi , 536,
et FOBTEGUERRI , XV , IQ^. ) Mo-
relli avait projeté de recueillir des
Anecdotes Aldines , d'écrire des
Commentaires de la vie et des ou-
vrages des Mannces , et des édi-
tions qails ont publiées : ic temps ,
MOU
ou une autre direction doniie'e à
ses travaux, ont enipèclie l'exécution
de cet utile dessein. XLI. Stanze
del poeta Strozzi fiorentino scpra
la rabbia di J\[acone , teslo di lin-
gua recato a huona lezione , Bas-
sano , Remoudini , 1806, in- b". ,
eu lettres capitales. Morellifait con-
naîlre, dans sa préface, le mérite
de ces stances cclibrcs , citées par
l'acad. délia Criisca; leur auteur ,
Pierre Strozzi ; et les diverses édi-
tions qui en ont été faites. La der-
nière est celle qu'a donnée M. A. A.
lîcuuuard, Conslantinopoli, i55o
( l'aris , vers 1809), grand iu'-S'^. ,
en lettres capitales, tirée seulement
à 1 2 exemplaires , tous sur pap. vé-
lin. XLIl. Descrizione tielle feste
celehrate in Fenezia,l\inno 1807,
f)er la venuta delV imperatore de
Francesi e re d'Italia , Venise ,
Picotti, i8o8, in-4"., fig. On s'a-
perçûit , en lisant cette description ,
que Morelli écrivait dans un genre
qui lui était peu familier. XLIII.
ÏRaccolta di varie lettere scritle a
diver.d soggetti da Alessandro As-
tesani, circa li moite pregj di belle
arti, di culio , e di anliquaria , che
distinguono in Milano la Basilica
di S. Satiro , ]\Iilan, Fr. Felsi, in-
8*^. On trouve , dans ce recueil , deux
lettres de Morelli, écrites au mois
de juillet iSo-y , sur le Bramante.
XLIV. Stanze inédite di Antonio
de' Pazzi in biusimo délie donne ,
et di Torquato Tasso in iode di
esse , pubblicate per le nozze Mid-
lazzani-Cappadnca^ Venise, Picotti,
181 0, in -8°.; réimprimées dans le
second volume des Opérette. XLV.
Eime inédite di Antujiio Maria de'
Fazzi con notizie intomo alV au-
lore , imprimées en 181 '2 d-ms le
Po%rfl/b, journal de Milan. XLVI.
Notizie intomo alla introduziune
MOU
^YJ
alla 'virtà , testa di lingua sin ora
inedito , Florence, 1810, in-S". ;
l'académie ilella Crusca avait adopté
V introduzione alla virtà , comme
teslo di lingua. La notice de Mo-
relli sur cet ouvrage , intéresse l'his-
toire des premiers temps de la langue
italienne. XLV IL Amore fu^ilivo ,
idillio di Mosco , tradotto da Be-
nedetto Farchi , e lUrnebiideche
di Agnolo BnoNZiNO , cdizione
prima per le nozze Venieri-Giova-
nelli , Venise , Ciirti, 1810, in-8<'.
XLVIIL Leltera rarissima diChris-
tofcj'O Colombo , jcrilta dalla Gia-
maica, nel i5o3 , alli re e rei^ina
di Spagfia, intomo li suoi viag^i ^
riprodotta ed ilhutrata con ar.nota-
-sz'on/, Bassano, 1810, ii:-8''.;eldans
le premier volume des Opérette { V.
Colomb, ix , 3oo ). XLIX. Ng-
tizia di un operella latinaa stam-
pa nppena nota di Claudio ToLO-
MEi , nella quale sono introdotti
Giasone del Maino ed Angelo Po~
liziano a dialo^izzare de corruptis
verbis juris ci\>ilis ; im])iimée dans
le Poligrafo , journal de IMilau ,
i8i'i, u"s. 19 et 20 , et dans le
second volume des Opérette. L.
Epistolp- duœ ad l/anielem fFjt-
tembachium , ann. 1784 et 1806,
de versione laiind- Phœdonis Pla-
TONis , qwn pulari solet facta ah
HenricoARisTiPPO Atheniense; im-
primées dans lePhtrdon deWyttem-
l3acb , Levde, 181 o, et dans le se-
cond volume des Opérette. Moreiii
entretint, pendant trente ans , une
correspondance suivie avec Wyt-
If rahacli , qui le consultait pour ses
édilious des classiques grecs. LL
Let'ere due al Car. Filipvo Ee ,
sopra l'opéra Buraiicm coramodo-
rum d\ Pietro (yRESCENZiO; impri-
mées dans VElogio del Crescen'io ,
par Re, Bologne, 1812, iu-B"., et dans
i36 MOR
le second volume des Opérette. LU.
LeUera a Lorenzo Pignotti, scrilta
nelVuniio i8o.i , soiira la prima
edizione del sinodo di Firenze ,
contro Papa Sisto iv, cclehrato uel
1 4 ;8 ; iiupriraéc dans Vhtovia délia
Toscana , par Pignotli , Florence ,
i8i3, tome 6, cl dans le second
volume des Opérette. LIU. Ephtola
ad Albinum Ludnvicum MilLinum ,
de insciiptione grœcd quœ Fenetds
in viuseo Grimanorum extat; dans
le Magasin eiicjclopédique , avril
i8i4, p- 281 ; dans les Epistolœ
seplem , imprimées à Padoue , en
1819 , et dans le second volume des
Opuscules delMorelU, LIV. Epistola
ad Danielem Jl^jtteinbachiumj de
D avide ylrmeno , pkilu.sopho , ejiis-
que cominentario grœro in Aiisio-
telis categonas; imprimée dans le
Philomailùa de Wyttembach , lib.
m , Amsterdam , 181 7 , p. 317.
LV. Notilia Codicum Mss. Fe-
netorum Hesiodi , in qud Tiin-
cai'elliance editioTiis fenetœ \5Zn
foules ostnidunlur ; imprimée dans
les Analectaliiteraria varice erudi-
tionis , de Frédéric Aug. Wolf ,
Berlin , 181 8, tome '2, p. .^(iS.LYl,
T/ieojdiilo Cristuphvro Ilavledo de
Cùdicibus Mss. Theocriti , in Bi-
hliothecd regid Venetiaruni asser-
vatis , de vaiiis in Hsdcni lectioni-
hus . deqiie Ilieronjini Ai.ea^pri
junioris dissertatiouihus varice eru-
ditinnis^qitavumunaaclThefjcntum.
jieriinens h'c prodit , aliisque yllean-
dri scriptis inedilis . dans l'édition
de Tlieocrite , donnée par J. C. D.
Schreiher , à Leipzig, en i8i8,
dans les Epistolœ septem , et dans
le deuxième volume des Opérette.
L^ II. Opnscoli o scritti varii
per diverse occaAoni lavorati , ed
ara per la prima, voila dati aile
slampe , Vérone, Ramanzmi, 1819,
MOR
in-Ro, Ces opuscules sont de Mgrf.
Innorenzo Ljruti , é\èqi\e de \ c-
rone. On y trouve une lettre de Mo-
relli sur les livres que doit d'.ibord
se procurer celui qui veut se livrer à
J'élude de l'histoire iitléraire. LV 1 II,
Epistolœ septem variœ eindiiianis,
Padoue , 1819 , iii-8". ; toutes ces
Ictties sont reproduites dai.s la col-
lection des Opuscules de Morelli.
Jj'une d'elles est adressée a l'abbé
Fiacchi , et a pour tilre : De J.eonis
Baptistœ Ali.erti intercœnalihus
('jusque scriptis qidbusdam aliis ,
vel ineditis , vcL nondum satis co-
gnitis.D^us une autre lettre adressée
à MM. Silvestre de Sacy et Boisso-
nade, se trouve une dissertation iné-
dite PJe provincid f^enetiarum , de-
que urbe Fenetiaram. La "j^. let-
tre est adressée à Philippe Schiassi,
chanoine de Bologne, et savant ar-
chéologue. LIX. Osseri'azicmi fdo-
logiche intorno aile descrizioni di '
alcune statue , dettate da Callis-
trato ; con la notizia dello studio
délia critica , incominciato in Ita-
lia dal Petrarca, e feli cémente poi
in essa crdtivuto. LX. Di una tra-
duzione latina inedita delV Apolo-
gia di Gorgia, futta da Pietro
Bembo , poi cardinale , primizia dé*
suoi studj. LXL Di un orazione
greca inedita di esso Bembo , corne
se fosse da recitarsi alla signoria
di Fenezia per muoverla a favorire
e fare che rifiorisca la letteratn-
ra greca. Ces derniers articles sont
trois savants Mémoires envoyés par
Morelli à l'institut italien de Ve-
nise, en 181 4 et i8i5. LXII. Opé-
rette di Jacopo Morelli . Ve-
nise, Alvisopoli, 1820, 3 vol. in-
8''. , avec portrait gra^c , d'après A.
Bosa, par Fr. Zu'ian}, Nous avons
indiqué un assez grand nombre d'o-
puscules insérés dans ce recueil pu-
MOR
blio par le savant Barth. Gamba ,
élève el ami de Moiclli. Des lellres,
dont beaucoup sont inédites, rem-
pbsspiit presqu'cn entier le troisième
volume, et contiennent des docu-
ments précieux pour la bibliof^ra-
phic et l'histoire littéraire. A la tète
du premier volume est une excellen-
te IS'arrazione intorno alla vila e
aile opère di D. Jacopo Morelli, par
Moschiui , qui fut aussi son élève
et son ami. Ou y trouve , à la suite
d'une notice curieuse de tous les
écrits de Morelll , l'indication d'une
quantité con>ilèrable d'ëpitaphes ,
qu'il avait consacrées à plusieurs il-
lustres Vénitiens ; et d'inscriptions
latines qu'il composa , en diverses co-
casions , pour l'empereur des Fran-
çais , roi d Italie, et pour l'empe-
reur Frciiçois I"^"". ; pour Pie VU,
et pour riinpcratrice Marie -Louise;
pour l'amiral Villaret - Joyeuse, et
pour le comte de Goëss, successive-
ment gouverneurs de Venise pour la
France et pour l'Autriche. Morelli
composa aussi la légende de la mé-
daille que le sénat de Venise fit
frapper , en i 'j[)5 , en l'honneur du
célèbre sculpteur Canova. On remar-
quera que les dcii\ plus célèbres bi-
bliographes de notre temps, Mercier
de Saint - Léger , et Morelli , n'ont
attaché leur nom à aucun ouvrage
considérable, et qu'ils n'ont guère
publié que des opuscules. V — ve.
MOKELLY ( ) que la
France littéraire de 17G9 fait à
tort naître à Vitry-le-Français , était
fils d'un régent de cette ville , au
teur de trois ouvrages remplis d'idées
rebattues: l'Essai sur l'esprit hii-
main , Paris , 1743 , in-i-i ; V Essai
sur le cœur humain, ibid., i745;
et la Physique de la Beauté , ou
Pouvoir naturel de ses charmes ,
Amsterdam , 1748, iu- 12. Morclly
MOll 07
fils, en écrivant aussi sur la mo-
rale, chercha des moyens de succès
dans l'art du paradoxe et dans des
formes de composition qui lui pa-
raissaient neuves. Il publia, eu 1751,
Le Prince , les délices du cœur , ou
Traité des qualités d'un grand roi ,
et Système d'un sage gouverne-
ment. Amsterdam, 1 vol. in- ici.
Ce tableau d'un chef de nation, réa-
lisant , pour le bonheur géiiéral , les
vues spéculatives d'une philosophie
exigeante, il le reproduisit dans sa
Basiliade, ou Naufrage desilesjlot-
tantes , poème héroique en prose ,
qu'il supposa traduit de l'indien de
Pilpaï, Messine, 1 753, 2 vol. in- 12.
Dans quatorze chants, oîi l'allégo-
rie est prodiguée, il s'attache à pein-
dre l'état digne d'envie d'un peuple
régi par les seules lois delà nature,
et qui a foulé aux pieds les frivolités
de convention dont tous les corps
politiques connus sont surchargés.
Ces lies flottantes submergées, qu'in-
dique le second titre du poème , ne
sont autre chose que les préjugés. Le
nom de la Basiliade est dérivé du
grec ^ariMeç , parce qu'elle ofTre le
type d'un roi accompli. Morclly si-
gnale, dans un langage tranchant, les
erreurs funestes des législateurs qui ,
tout eu voulant réformer l'espèce
humaine, y ont introduit, selon lui ,
des éléraenls de corruption. Tout son
secret, pour replacer la société sous
l'empire de la iSature et de la f V-
rité, c'est de la ramener à un sys-
tème d'égalité absolue. Déjà Pechraé-
ja , dans son Télephe , avait hasardé
épisodiquement, sous le voile d'une
fiction romanesque, une attaque con-
tre le droit de propriété. La pensée
de renverser entièrement cette base
de toute association est celle qui do-
mine continuellement Morelly , à tra-
vers des déclamalioas que ne rachète
i38
MOR
aucune béante de style. Son Utopie
essuya des critiques sévères dans deux
journaux, la Bihlinihèfjue impartiale
<'t la Nouvelle Biçfa:rure. Il re'pon-
dit en développant ses principes dans
le Code de la Nature , ou le véri-
table esprit de .ses lois , de tout temps
né^liç^éou méconnu. Partout, chez
le vrai sage, 1 755, in- 12. L'auteur
ëtal)lit , dit Laliarpe , pour première
base de sa doctriue , qu'il y a eu dans
le monde une première erreur , celle
de tous les législateurs , qui ont cru
que les vices de la nature humaine
fî la concurrence des intérêts et des
passions rendaient l'état social ira-
possible sans des lois coërcitives. 11
prétend que l'homme n'est réelle-
ment méchant que parce que nos gou-
vernements l'ont rendu tel ; que tous
ses maux et ses crimes naissent de
l'idée de propriété, qui n'est qu'une
illusion et non un droit , de l'inéga-
lilé des conditions, qui n'est qu'iuie
autre illusion et une autre barbarie ;
qu'enfin rien n'aurait été plus facile
que de prévenir entièrement , ou à
peu-près, tous ces crimes et ces
maux, seulement en mettant à pro-
fit les affections bienfaisantes et so-
ciales , qui suflisaient , selon lui , pour
établir et maintenir la société, si on
lui eût donné pour fondementla cojn-
muiiauté des biens. C'est en efîèt à
ce résultat, que Morelly rapporte la
série de lois positives par laquelle
il a couronné sou ceuvi-e de délire.
Elle fut assez long - temps attribuée
à Diderot, parce qu'elle avait été
comprise dans une édition falsifiée
des œuvres de ce philosophe , Lon-
dres ( Amsterdam ), 1778 , 5 vol.
in-8'^. Laharpe, qui regardait aussi
le Code de la Nature comme la pro-
duction de Diderot, en fit une réfu-
tation véhémente dans sa chaire du
Lycée ; cl sans avoir besoin de pres-
MOR
séries conséquences de ce livre, il
démontra la conformité des princi-
pes qui y étaient posés avec les vœux
des brigands révolutionnaires. La-
harpe aurait diî remarquer du moins,
au milieu de sa verbeuse et légitime
indignation, que Diderot ne pouvait
guère être l'auteur d'un ouvrageuni-
quement composé pour justifier une
Basiliade ignorée ; que les éditions
de ses œuvres avouées par lui ne
renfermaient point le Code de la
Nature , et que l'édition mensongè-
re d'Amsterdam cont''nait plusieurs
morceaux qui étaient évidemment
d'une autre main. Morelly fut l'édi-
teur des Lettres de Louis XIF aux
princes de V Europe, à ses généraux,
ses ministres , recueillies par Roze ,
secrétaire du cabinet, Paris et Franc-
fort', 1755, 2 vol. in 12 : elles s'é-
tendent depuis iG6r jusqu'à la fin
de 1678. Morelly s'est borne à y
ajouter des sommaires au commence-
ment de chaque année, et nu pelit
nombre de notes explicatives. F — t.
MORELOT ( Jean ) , juriscon-
sulte , né à Be-iançon , vers le milieu
du seizième siècle , chercha à rame-
ner le goût des lettres dans sa pa-
trie. 11 avait étudié à l'université de
Dole , sous le savant Cl. Chifflet, qui
lui légua son commentaire sur les Ins-
titules de Justinieu. Il recueillit et pu-
blia une partie des ouvrages inédits
de son maître ( F. Cl. ChiîVlet ), et
prit l'engagement de mettre au jour
son commentaire ; mais il n'a point
tenu sa promesse. Après avoir reçu
ses grades avec beaucoup de distinc-
tion , il revifil à Besançon remplir
la charge de juge en la Régalie , et
partagea son temps entre ses devoirs
et la culture des lelfres. Nommé
lieutenant du b;nUiage d'Arbois ,
Morcidt mourut en cette ville, au
mois d'août i(5i6. Ou a de lui: I.
MOR
Discours ( en vers ), aux excellents
et magnifiques seit^neurs les gou-
verneurs de la cité impériale de Be-
sancon, il)i(l., i588, petit in- 4".
L'auteur y l'ait l'elogc de la valeur
de ses compatriotes , et les ent;aj^e à
moins dédaigner le culte des Muscs ;
enfin, il demande aux gouverneurs
leur protection pour les imprimeurs,
établis alors très - récemment dans
cette ville :
ContÎDurr aussi d'une même toneur ,
A ces gentils psprils, votre grâce et faveur.
Qui commcDceut ici de dresser uns presse (i).
II. Carmina , id est Elegiœ , epi-
grainmata et alia miscellanea,epis-
tolœ , ibid. , 1 58f) , in - 8''. Ce petit
recueil, dédie à l'archevêque Ferdi-
nand deRyc, renferme cependant plu-
sieurs pièces licencieuses. W — s.
MORENAS ( François ), compi-
lateur infatigable , né en 1702, d'une
famille obscure d'Avignon, aurait pu
donner à Voltaii'e l'idée de son
Pauvre Diable. Après avoir ter-
miné ses études , il prit du service
dans un régiment d'infanterie, rpiitta
la casaque de soldat pour le froc de
cordclier, et , s'étant fait relever de
ses vœux, entreprit, eu 1733, la ré-
daction du Courrier d'Avignon ,
journal qui eut de la vogue dans les
provinces , et surtout dans les pays
étrangers. Obligé de partager les
bénéfices de cette feuille avec ses
associés , la part qui lui en revenait
ne pouvait suffire à ses besoins : il
CJiercha donc de nouvelles ressour-
ces dans sa facilité , et publia succes-
sivement différentes compilations qui
auraient mérité plus de succès , si
elles eussent été faites avec moins de
précipitation. Lors de l'entrée des
(0 Besauçon avait déjà eu des impriin'-nrs dans le
qninzième siècle; mais la proteciion spcciale que
leur accordaiint epielques ecclésiastiques éclairés
Ii'avait pu les reirair; et la ville tut privée d'une
iiiiprinieric pendant près de cent ans (^. La IRE ).
MGR
10(J
troupes françaises dans Avignon, en
I ^08 , Morénas alla continuer à Mo-
naco sa gazette, et ses spi-culalions
littéraires; il y mourut en iT^j,
dans un âge avancé. Il avait éfc dé-
coré du titre pompeux d'Iiislorio-
graplie de la ville d'Avignon ; mais
il ne l'a justifié que par une Histoire
de l'inondation de i^oj , et d'au-
tres opuscules qui n'avaient d'inté-
rêt que pour la ville d'Avignon , et
qui n'en sont pas sortis. Outre quel-
ques écrits distribués périodique-
ment, tels que : Lettres historinjes
( 1789, in-i2 )j le Solitaire '^Ailes,
1 745 , in - 12 ) ; Entretiens histori-
ques, etc. , ( 1743-48, 18 vol. in-
12), et des brochures lie circons-
tance , on a de Morénas : I. Pa'allèle
du ministère du card. de Richelieu
et de celui du card. de F leur j ,
Avignoi. , 1743, in- 12. II, Histoire
de la présente guerre , 1 7 44 5 in-» 2.
III. Histoire de ce qui s'est passé
en Provence , depuis l'entrée des
Autrichiens jusqu'à leur retraite ,
1 7 47 , in- 1 2. IV. Abrégé de l'His-
toire ecclésiastique de Fleur y, 17^0,
et années suiv. , 10 vol. in- 12 , avec
des approbations honorables. L'ou-
vrage l'ut néanmoins vivement cri-
tiqué ; D. Cléuicucet et le président
Rolland ont composé, chacun de
leur coté, des LelVes à Morénas
sur son Ahrégé de l'Histoire ec-
clésiastique, V. Dissertation sur la
commerce , tr unit de l'italien, du
mnrquis B?lloni , la Haye ( Paris ),
1755 , in-i 2. VI. Dictionnaire por-
tatif des cas de conscience , Avi-
gnon. 17 >8, 3 vol. in-80. , avec des
suppléments à la lin de chaque vol.
( F. PoNTAS. ) VII. Dictionnaire
historique port at[f ds la géographie
ancienne et mn-leme , Paris , i ''5o ,
in-8". VÏII. Dictionnaire portatif,
comprenant la géographie , l'his-
llO
]MOR
lolre universelle , la chronologie ,
etc., Avignon , i-jtto-G,* , 8 vol. iu-
8". IX. Précis du réélit al des
Conférences ecclésiastitjues d'An-
f,ers , ibid. , 17O4, 4 "^'ol. in-12.
( ^. Badix , III , 1.57. ) W — s.
MOKÉRI (Louis ), premier au-
teur du J)i(;lioiniaire historique qui
porte son nom , naquit à Barge-
mont, on Provence, Ic'jtS mars i(>43.
Destine par la A^olonlë de ses pa-
rents, ou par son propre choix, à
l'état ecclésiastique , et, par la nature
de son esprit, aux. travaux d'érudi-
tion, il sembla, dans les premières
productions de sa jeunesse, n'avoir
écoute' aucune de ces inspirations.
Le Pajs d'amour , allégorie froide
et galante, qu'il mit au jour à l'âge
de î8 ans, ne promettait pas plus
un ministre à l'c'glise, que le Doux
plaisir de lapoésie , recueil des meil-
leures pièces de vers coiunies dans
notre langue, n'annonçait l'auteur du
Dictioiinaire historique. Après avoir
achevé ses premières études à Diagui-
gnan et à Aix , il alla étudier la théo-
logie à Lyon. C'est là qu'il commen-
ça de s'appliquer à l'élude des lan-
gues italienne et espagnole , dans les-
quelles il devait trouver, par la sui-
te, de grands secours pour ses tra-
vaux biographiques. Il traduisit mê-
me , de l'espagnol , le livre delà Per-
fection chrétienne , de Rodri^uez. Il
prit aussi, pendant son séjour dans
cette ville , les ordres sacrés , et prê-
cha la controverse. Mais l'idée, qui
depuis long-temps, et surtout alors
le dominait, à laquelle on peut dire
qu'il sacrifia même sa vie , était la
composition de son Dictionnaire ,
qui parut <à Lyon en un volume in-
fol. 1673. Moréri n'avait que trente
ans. On admira , et avec raison ,
l'immense éiudiliou qui avait pré-
side' à ce travail , et ordonne les nar-
IVIOR
ties de ce vaste édifice. L'ouvrage
était cependant bien incomplet: mais
il fournissait les moyens de faire
mieux j c'est aux imperfections de
ce même dictionnaire, qu'on doit
celui de Bayle, qui ne s'était pro-
posé d'abord que de réfuter les er-
reurs ou de suppléer aux lacunes de
Moréri. Il ne paraît pas inutile de
raj)pe]er ici comment s'exprime Bay-
le lui-même, sur les fautes échap-
pées à son devancier. « Je ne souhai-
» te pas , dit-il , que l'idée méprisante
)) que cela pourra donner de son tra-
» vail , diminue la reconnaissance
» qui lui est due. J'entre dans les
» sentiments d'Horace, à l'égard de.
» ceux qui nous montrent le chemin.
» Les premiers auteurs des dictiou-
» naircs ont bien fait des fautes j
» mais ils ont mérité une gloire dont
» leurs successeurs ne doivent ja-
» mais les frustrer. Moréri a pris une
» grande peiue qui a ser\ i de queU
» que chose à tout le monde, et qui
» a donné des instructions suifi-
» santés à beaucoup de gens. Elle a
» répandu la lumièie dans des lieux
» oii d'autres livres ne l'auraient
» jamais portée , et qui n'ont pas be-
» soin d'une connaissance exacte des
» faits. » Le mérite des successeurs
de Moréri a été de rectifier ces faits ,
de porter dans leur rédaction uu
esprit de critique , qui ti*op sou-
vent manque à son ouvrage; de pré-
senter cndn sur chaque personnage,
au défaut des grands développements
que l'histoire seule peut donner ,
des notions justes et complètes pour
lo cadre étroit oîi elles sont res-
serrées. Cetlc reconnaissance de la
postérité , que réclame Bayle eu fa-
veur de Moréri , lui est d'autant
mieux acquise , qu'il périt véritable-
ment victime de son zèle. Il était
veuu à Paris en 1675, avecrévêquc
«l'Apt, Gaillard de Loii^jiiinoau, dont
il e'iait aumônier, et aiujiiei il .ivait
dédie son Dictionnaire , par recon-
sancc pour les recherches et les nia-
tcrianx immenses qu'il devait à ce
prélat. ( F. Gaillard, XVI, 273.)
lise lia, dans la eajiitale, avec tont
ce que la France comptait alors
d'hommes illustres dans les lettres
et les sciences. Ces liaisons lui furent
agréables : il en fil une autre qui pou-
vait être utile à sa fortune, celle de
Pomponne, qui se l'attacha en 1O78;
mais , à la disgrâce de. ce ministre,
c'est-à-dire, après un an de séjour
chez lui , Moréri se consacra de nou-
veau tout entier à ses études, et par-
ticulièrement aux soins d'une nou-
velle édition de son Dictionnaire.
L'excès du travail avait épuisé ses
forces : il mourut le 10 juillet 1680 ,
âgé de trente-sept ans et quatre mois ,
n'ayant pu faire i^rpriraer que le
premier volume de cette édition. Un
premier commis de M. de Pompon-
ne surveilla l'impression du second ,
achevée en 1681 , et dédia tout
l'ouvrage au roi. On a reproché au
Dictionnaire de Moréri , d'être fort
inexact dans la partie géograpliique,
de mêler mal-à-propos dans sa no-
menclature la mythologie à l'histoi-
re , et de contenir un trop grand
nombre de généalogies ; ce qui peut
en efl'et le faire ressembler ]>arfois
à certains nobiliaires de nos provin-
ces : mais ce n'est pas sur ce fait
qu'il est jugé le pbis sévèrement,
surtout par les parties intéressées.
Auteur clu premier ouviage où se
trouvent réunis les noms de tous les
personnages qui ont quelques droits
à la célébrité, Moréri ne pouA'ait
êtreoubliédans celui-ci. Nous croyons
même pouvoir ajouter qu'après les
noms historiques, ou ceux que le
génie a rendus fameux dans les scieix^
MGR i^i
ces ou dans les lettres , nul ne récla-
mait à ])lus juste litre une place dans
la Biogiaj)hic universelle. L'iudica-
cation ([u'il donne des autorités, et
le progrès des connaissances biblio-
graphiques, ont depuis fait revoir
son ouvrage; ce qui l'a porté à 5 vol.
in-fol. en 17 18, à G vol. eu 1729
et 1 73^, et enfin, à 10 vol. en 1759,
])arDrouet, au moyen de la refonte
des suppléments de Tabbé Goujet:
de sorte que le Dictionnaire de Moré-
ri n'est pbisà lui, à proprement par-
ler ; mais son nom est l'esté. ( F.
le Discours préliminaire. ) Moréri
fut l'éditeur de 3 vol. de Fies des
saillis , dont il retoucha le style , et
auxquels il ajouta des tables chrono-
logiques, et d'une Belation nouvelle
du Levant , ou Traité de la religion,
du gouvernement et des coiitumes
des Perses , des Arméniens , et des
Gaures , parle P. Gabriel de Chi-
non, capucin. Cet auteur infatiga-
ble avait rassemblé les matojiaux
d'un Dictionnaire historique et bi-
bliographique des Provençaux célè-
bres , et commencé une Histoire des
conciles; il laissa un Traité des étren-
nes , en manuscrit. F - t et L-d-x.
MORES (Edouard Rowe), anli-
quaireanglais, né!e 1 3 janvier 1730,
à Tunstall, dans le comté de Kent,
où son père était recteur, publia
avant l'âge de vingt ans , à Oxford ,
où il aA'ait fait ses études, un ouvrage
intitulé : Nomina et insignia genlt-
litia nobilium equitiimcjne sub Ed~
wardo primo rege militanlium ,
1748, in-4°. Cette publication et
quelques autres lui ouvrirent, en
17.52, l'entrée de la société des an-
tiquaires. C'est à lui que doit son
existence la société appelée Equitable
Society for assecurance on lives ,
espèce de tontine , dont la première
idée avait été doonée,. en i']56, par
i4^ MOR
James Didson. Mores en fut nomme'
directeur perpétuel ; et il a publié
divers écrits sur cette association
pliilantropique. On a de lui, une
Dissertation cwieuse sur les fon-
deurs et les fonderies typographi-
ques { Londres, 1776, in-S". firce
seulement ;i 100 exemplaires) j Vhis-
toire et les antiquités de Tunstall
dans le comté de Kent , etc. îviores
ëlait fort jaloux de se faire remar-
quer par des siiigularilés : sa prédi-
lection pour la langue latine le porta
à l'enseigner à une lille qu'il cbcris-
sait uniquement. Dès sa plus tendre
enfance, il ne lui parlait guère qu'en
latin. Il l'envoya ensuileàliouenpour
s'y perfectionner dans ses études.
Mais , ce qu'il n'avait pas prévu, et
ce qui l'affligea beaucoup, elle y suça
en même temps les principes de la
doctrine catholique romaine. Mores
vint résider, en 1760 , à Low-Lay-
ton, village où il bâtit une maison
d'un genre bizarre, dont il avait vu
dit- on, le modèle en France. On
peut s'étonner qu'un Anglais soit ve-
nu prendre en France des modèles
de bizarrerie. Après une jeunesse
très-laborieuse , IMores se livra , dans
la dernière partie de sa vie, à la dis-
sipation j et cette conduite précipita
sa mort, arrivée à Low-Laytou, le
•28 novemlu-e 1778. L.
MORET (Antoine de Bourbon,
comte DE ), (ils naturel dcHenii IV
et de Jacqueline de Bcnil, comtesse
de Bourbon-Moret, né à Fontaine-
bleau en 1607, légitimé en 1G08,
était abbe'^de Savigui, de Saint-Vic-
tor de Marseille, de Saint- îltienne de
Caen , et de Signi; ce qui ne l'empc-
cba pas de porter les armes dans les
guerres civiles qui désolèrent la
France sous le ministère de Riche-
lieu. 11 fut élevé au château de Pau ,
où il eut pour premier précepteur
MOR
Sciplon Dupleix , depuis historiogra-
phe de France, qui lui dédia son
Corps (ou cours) de philosophie ,
premier ouvrage de ce genre qui ait
été imprimé en français [V.ïiv-
PLEix ). Lorsque les jésuites ouvri-
rent le coUégede Clermont, en vertu
d'un arrêt du Conseil, obtenu contre
l'université de Paris, le 1 5 février
1618, Louis XIII leur donna ])0ur
écoliers le marquis de Verncuil et
le comte de Morel, ses frères natu-
rels. « Eu ])eu de temps , dit dans
» ses Mémoires l'abbé de Marolles ,
» qui était leur condisciple , ils se
» rendirent si savants, que, sur la
« fin de leurs études, qui ne fut pas
» fort éloignée de leur commence-
» ment, ils so(îtinrent des thèses en
» philosophie et en théologie, avec
1) mi succès merveilleux. » Le comte
de IMoret avait pour précepteur au
collège, Lingenc«es, depuis évêquede
]\Iâcon. Eu sortant de ce collège , il '
se trouva jeté dans les intrigues de la
cour, et s'attacha au duc d'Orléans -,
il suivit la mauvaise fortune de ce
prince, qui quatre fois sortit du
loyaume pour y rentrer à main ar-
mée, ne sut jamais soutenir ses pré-
tentions, et, dans des paix particu-
lières, abandonna trop souvent ses
partisans et ses amis aux vengean-
ces d'un ministre implacable. C'est
dans les pièces officielles du temps,
trop rarement consultées par les
historiens, qu'il faut cherclier en-
core la situation de la France à
cette époque, la physionomie des
personnages , et le caractère des faits
et des événements. Une déclaration
du l'oi, donnée à Dijon, le 3o mai, et
une autre du 1 2 août suivant, signa-
lent le comte de Moret, les ducs d'El-
beuf , de BcUegarde et de Roanez , le
président le Coigneux, etc., comme
les principaux auteurs des dange-
MOR
reitx conseils donnes à son frère
Gaston, et comme l'ay.inl emmené
hors du royaume : le roi les déclare
atteints el convaincus du crime de
lèse • majesté et perturbateurs du
repos public ; ordonne la re'union de
lenrs fiefs au domainedela couronne,
la saisie et confiscation de tous leurs
autres biens, etc. Une chambre du
domaine, composée de conseillers-
d'etat et de maîtres des requêtes, fut
établie à la suite de la cour; et par
divers arrêts qu'elle publia le 1 5 oc-
tobre ïG3i , le comte de Moret , les
duchés d'Elbeuf, de Bellegardc et
deRoanez, les biens des marquis de
la Vievdle et d'Oisan, et ceux du
président le Coigneux, furent con-
fisqués au roi et réunis à son do-
maine En même temps la scignearie
de Richelieu fut érigée en duché-
pairie, pour venger le cardinal de
ses ennemis. Ce ministre célèbre
était violemment attaqué dans les
lettres que le duc d'Orléans écrivait
au roi , et que le comte de Moret et
ses autres favoris étaient accusés de
lui suggérer. Nous citerons, comme
un document historique très-curieux,
une lettre datée de Nanci , le 3o
mai i63i, écrite à Louis XÏII par
son frère , adressée par lui au par-
lement de Paris, qui était chargé de
la transmettre au roi , et qui fut im-
primée avec la réponse de S. M. (Pa-
ris , iG3 1 , in-8'\ de 47 pages. ) Cet-
te lettre, disait Monsieur , demeure-
ra dans l'histoire. Il est donc utile
d'y en conserver du moins quelques
extraits. Le prince parle des perni-
cieux desseins du ministre , de ses
déportemens , de son cjjronterie ,
de ses exécrables calomnies , de sa
rage , de ses crimes abominables.
Le cardinal est appelé pi'ëtre inhu-
main et pervers , pour ne pas dire
scélérat et impie. « Ce tyran formi-
MOR 143
» dablc , écrit-on au roi , force vo-
» tre parole , dispose lie votre seing,
» de votre sceau, et de vos armes,
» malgré vous... 11 dépense, en un
» jour, six fois plus d.uis sa mai-
» son , que vous ne faites dans la
» votre. Et tandis qu'il a consommé
» plus de deux cents millions , il
)) n'y a pas un tiers de vos sujets ,
» dans la campagne , qui mange du
» pain ordinaire ; l'autre tiers ne vit
» que de pain d'avoine , et l'autre
» tiers ne se substantcquede glands,
>> d'herbes et de choses semblables ,
» comme les bètes. J'ai vu ces raisc-
» rcs , etc. » Le frère du roi repro-
che à son ministre d'avoir à lui un
grand nombre de places , telles que
Brouage , Olerou , Ké , la Rochelle ,
Saumur, Angers, Brest, Amboisc ,
le Havre , le Pont-dc-l'Arche et Pon-
toise , en sorte qu'il vient jusqu aux
portes de Paris ; d'être maître de la
Provence , de la citadelle de Ver-
dun ; d'avoir une armée de mer,
d'immenses trésors, des gardes; de
tenir toutes les clefs de la France
en sa mainj en sorte que , « quand
» la France serait aussi florissante
» qu'elle fut jamais , elle ne serait
» pas capable , en dix ans , de faire
» une armée assez forte pour s'op-
» poser à la sienne,.. Les prisons
» sont des sépulcres pour y enseve-
» lir vos vrais serviteurs ; et dès-à-
» présent , ne semble-t-il pas ({uc le
» crime de lèse-majesté n'est plus
» d'attenter contre le roi ou contre
» son Eiat, mais que c'est de n'avoir
)) pas un zèle et une obéissance
» aveugles pour toutes les volontés
» et les desseins du cardinal de
)) Richelieu? » Ces desseins, dont
le prince dit avoir des preuves
palpables et évidentes , sont de
se rendre souverain, vous laissar.t
et le nom et la figure de roi pour
lU
M OR
jm temps. Louis repondit à son
frère que sa lettre était « un ma-
» uifeste aussi importun par sa lon-
» gucur , qu'odieux aux. gens de
» bien , pour les calomnies et meV/j-
» sances qu'il contient. (le sont per-
j) sonnes lâches et infâmes qui écri-
)) vent que ye suis jjj-isonnier , sans
» que je le connaisse. » Louis exal-
te ensuite la fidélité, le courage, les
vertus et les services signale's du car-
dinal. « Je ne mériterais pas , ajou-
» te-t-il , le nom de Juste , si je ne
» les reconnaissais. Vous saurez ,
•» une fois pour toutes , que j'ai en-
» tière confiance en lui j et je tien-
» drai pour fait et. dit contre moi ,
« tout ce que vous direz et ferez
» contre une personne que ses servi-
» ces me l'endcut si recommandable
» et si chère. » Ce qu'il y a de re-
marquable et desingulicr, c'est que,
lorsque Monsieur lit , l'année sui-
vante, sa paix avec le roi , il écrivit
de sa main , et signa ce qui suit :
« Nous promettons en outre... d'Ai-
» MER particulièrement notre cousin,
» le cardinal de Richelieu, que nous
» avons TOUJOURS estime, v Le
comte de Moiet avait suivi, en Lor-
raine et dans les Pays-Bas , Gaston,
que la maison d'Autriche encoura-
geait et aidait dans sa révolte. C'est
a cette époque que Richelieu conçut
et ne tarda pas a cxéculer le dessein
d'abaisser cette éternelle ennemie do
La France. Le procès du maréchal de
Marillac, instruit à Ruel par une
commission, et l'exécution, sur la
place de Grève, de ce vieux guei-
X'ier, qui comptait quarante- trois
années de services, venaient d'accroî-
tre la haine qu'on portait au cardi-
nal. Le duc de Montmorenci , gou-
verneur du Languedoc , leva l'éten-
dard contre son souverain. Il prati-
qua des intelligences avec l'Espagne:
MGR
six mille Napolitains , qui devaient
le joindre, parurent dans des galè-
res, sur la côte dcNarboniie, mais
n'rnècluèrenl point leur débarque-
ment. Bagnols , I3é/.iers , Lunel ,
Beaucaire , Ahiis , s'insurgèrent ; des
évêques , des barons , des députés
des Etats, dos consuls, entrèrent
dans la révolte. Gaston publia , le
i3 juin, un manifeste, où il prenait
le litre de lieutenant-général , rentra
en France avec iSoo chevaux ,
brûla le faubourg Saint-Nicolas de
Dijon , et les maisons de camjtagne
des membres du parlement qui a-
vaient été juges de Mariilac ; il tra-
versa le Bourbonnais, l'Auvergne, le
Rouergue, et entra dansTAibigcois.
li'évèque d'Albi lui ouvrit les por-
tes : Gaston laissa, dans cette place,
le comte de Morct avec 5oo Polo-
nais , et se dirigea vers Béziers. Tou-
louse , Garcassonne et Narbonnc ,
restèrent fidèles. Les états de la pro- •
vincc s'assemblèrent à Pézenas. Le
ducde Montmorenci les engagea dans
le parti du prince. L'insurrection de-
venait menaçante; la Guienne était
agitée. Richelieu mit en mouvement
trois armées : l'une , sous le com-
mandement du maréchal de la Force,
entra en Languedoc par la ville du
St. -Esprit; l'autre, commandée par
le maréchal de Schomberg, s'avan-
ça dans le Lanraguais; la troisième,
fortedtevingt mille hommes de })ied,
et de deux mille chevaux, fut con-
duite par le roi et par Richelieu ,
qui partirent de Paris , le 19. août ,
et arrivèrent à Roanne, le i*^'. sep-
tembre. Mais ce jour-là même décida
tout dans le combat livréprèsde Cas-
teinaudari. Le maréchal de Schom-
berg assiégeait le château de Car-
maing ou Caraman , qui , avec une
garnison de '25 à 3o hommes , se dé-
fendait depuis douze jours , lorsque
MOR
les ducs d'Orléans et de Moiilmo-
rcnci s'avanccrci;t de l'aulie côlc
pour le dcgat^er. Mais quatre gcnlil-
honiines ((ui avaient vendu le c.lià-
teau à (iaston jiour lioo e'cus , le
livrèrent à Schumlicru; pour 10,000
livres; et le maréchal marcha au
devant de l'ennemi. Les deux ar-
mées se trouvcreut en présence, à
une demi - liciie de Castelnaudaii.
Schojnberg n'avait cpie itioo che-
vaux et environ 1000 hommes d'in-
fanterie. L'armée de Monsieur était
forte de 3ooo chevaux, de -iooo
hommes de pied , et d'un grand
nombre de gentilshommes qui ser-
vaient comme volontaires. Le comte
de Moret était venu joindre le duc
d'Orléans avec ses Polonais. Le
prince avait déféré le commande-
ment à Montmoreuci ; le duc se pla-
ça à l'aile droite; le comte de IVIoret
à l'aï le gauche : ce dernier ne s'était
encore trouvé à aucune action. Bouil-
lant et plein d'ardeur , impatient de
faire son premier coup d'épée, s.ins
attendre aucun ordre , il s'avance à
la tète d'une compagnie de carabi-
uiers et des 5oo Polonais , commen-
ce l'attaque en tirant un coup de
pistolet, et aussitôt reçoit unemous-
quetade : son écuyer, nommé Pes-
ché, est tué à ses côtés; il îomlie lui-
mèiue, on l'emporte : les Polonais se
retirent, et refusent de combattre ( i ).
Le duc de IMontmorenci , instruit
que l'action était engagée sur la
droite , oublie la promesse qu'il a
faite à Monsieur, d'attendre ses or-
dres pour le combat : il s'élauce sur
la cavalerie royale , reçoit dix bles-
(1^ ll.ms iiMf r. l..ti,:n du temps, intitulée, le l'oya.
tjc t/e ?î/. df tiuUion à Beziers vers moiiseig^jenr !c
duc d'Oiléims , iinpriiUM ■. Ly.m , itiii , iu-S". , on
lit ce nui soit : « Cinq coiitsPolacrcs, qui se ret^i-iiiiit
» prcn.mt ia roule d' \u\irgae , furent tous dr trons-
)> ses |i.ir des soMat-; du mi , puis touillèrent entre l: s
« luaiiu des p.ijsaus, qui mirent eu chemise ceux
» ijui leur firent pitic , et assommèrent le resti'. »
XXX.
MOI!
i/p
sures, est fait prisonnier; et la for-
lune de Kicheiieu l'emporte ( f^.
MoNTMorvL.NCi , pag. 17 , ci-dessus).
Les historiens ne s'accordent ni ''
sur le temps, ni sur lei circouitan-
•cs de la mort du comte de ?»îorct.
Les u!is le font expirer sur le champ
de bataille; les autres, dans le carros-
se de Monsieur, deux ou trois heu-
res après y avoir été transj)orté ;
ceux-ci, dans le monastère des reli-
gieuses de Prouillc, quatre hciyes
après que le carrosse du prince l'y
aurc'it amené: ceux-là prétendent
qu'il ne mourut pas de ses blessu-
res; qu'ayant été secrèîement pansé
et guéri, il passa en Italie, se fit er-
mite, parcourut divers pays sans
être connu, et se relira enfin , dans
l'ermitage dos Gardellcs , à deux
lieues de Saumur, où, sous le nom
àojrère Jean JjUjAisie, il mourut en
odeur de sainteté, le '2^ déc. i6q2,
soixante ans après le combat de Cas-
telnaudari , et à l'âge de quatre-vingt-
cinq ans. Voilà un problème histori-
que à résoudre. Il est certain que si le
comte de Moi-et ne fut pas tué au
combat de Gastcînaudari , on crut
généralement qu'il l'avait été. L'abbé
deMaroUes , qui l'avait connu au col-
lège, et qui avait conservé des rela-
tions avec lui, dit positivement, dans
ses Mémoires , qu'il fut tué. L'histo-
riographe Dupleix, qui, un mois
après le combat, alla visiter îelieu où
il avait été donné, et s'instruire de
toutes les circo7i:,tances^ dit dans sa
grande Histoire de France : « Le
» comte de Moret, qui donna du cô-
» té du chemin creux , avec peu
» d'autres , reçut une mousquetade,
» de laquelle il mourut trois heures
» après, ayant été porié hors de la
» presse dans le carrosse de Mon-
» sieur , qui témoigna un regret
» extrême de sa perte ; car c'était un,
10
i4&
MOR
V prince bien ne, de gentil esprit et
V de belle espérance. » Enfin , si le
comte de Morct n'avait pas ctc
mort ou cru mort , lorsque Mon-
sieur fit la paix avec le roi , paix
négociée par le surintendant Bul-
lion, et signée à Béziers , vingt-huit
jours après le combat ( le ug sep-
tembre ) , il aurait demandé et ob-
tenu, pour sou frère naturel, la grâce
qu'il obtint pour d'autres. Ce traité
porte en effet : Le roi pardonne
pareillement au duc d'Elbeuf. Au
fait , Louis XIII aimait le comte de
Moret : « Il lui avait témoigné, dit
Dupleix, toutes les affections qu'il
devait désirer d'un bon frère ; et
même naguère Sa Majesté avait
pourvu au paiement de ses créan-
ciers ; "D'ailleurs , le comte n'aurait
cil quelque intérêt à se cacher, qu'au-
tant que le duc d'Orléans n'eût pu
obtenir sa grâce , dans les négocia-
tions de Béziers. Il résulte de toutes
ces autorités , que, s'il ne fut pas tué
au combat de Gastelnaudari , l'opi-
nion générale fut qu'il y avait péri;
et c'est le témoignage uniforme de
S. du Gros, de dom Vaissettc, et de
tous les historiens du temps. Cepen-
dant, comme l'observe le P. GnlFet
dans sa continuation de V Histoire de
France de Daniel , environ cinquante
ans après la mort vraie ou présumée
du comte de Moret, on commença
eu France à parler de ce personnage
comme s'il était encore vivant. Lu
curé d'Angers ( V. Gr.AisDET ) fit
imprimer, en 1699, une Vie d'un
solitaire inconnu , qu'on a cru être
le comte de Moret, mort en Anjou,
en odeur de sainteté, le 'i^ décem-
bre 1692. Déjà l'année même de la
mort de ce solitaire , l'abbé d'Asniè-
res , qui l'avait connu, et qui le re-
gardait comme étant le comte de Mo-
ret, avait fait imprimer,dans le Mer-
MOR
cure (fer. 1692), une Lettre à M'"'.
la duchesse de La Meilleraje , où il
exposait les motifs de son opinion.
Parmi les historiens qui ont le plus
cherché à l'accréditer , est le P. Grif-
fct. Dans sa nouvelle édition des Mé-
moires ded'Avrigny ( 1758, 5 vol.
in-i 2 ) , il réfute ce même d'Avrigny
qui avait réfuté Grandet. Dans son
histoire de Louis XIII ( ann. i632),
il cite un auteur contemporain qui
avait reçu Monsieur dans la ville de
Lodève, en qualité de premier con-
sul , et qui rapporte, dans le troisiè-
me livre d'une histoire de Montnic-
renci, que l'abbessede Prouille, sœur
du duc de Veutadour , perdit son
abbaye , pour avoir donné asile au
comte de Moret, dans son couvent :
« Si ce fait est vrai ,^dit le P. Griffet,
» il suppose que ce comte vivait en-
» core lorsqu'il arriva dans le mo-
» nastère ; car on n'aurait pas pu
» faire un crime à cette abbesse, d'y ,
» avoir reçu son cadavre : c'était
» donc plutôt pour l'avoir recelé
» dans son couvent, qu'elle fut pu-
» nie. » Enfin , après avoir rappelé
ce que rapporte l'abbé Richard , dans
sa Fie du P. Joseph, où il ne fait
guère que copier la Fie d'un so-
litaire inconnu, par le curé Gran-
det, l'historien de Louis XIII finit
par dire : « Ce fait pourrait bien
» n'être pas aussi fabuleux (fu'on s&
» l'imagine. » L'abbé Richard, l'ab-
bé d'Asnières et le curé Grandet
sont les trois écrivains qui ont don-
né le plus de détails à l'appui de ce
système. Ils racontent les principaux
traits suivants , comme preuves : i ".
Un vieux gentilhomme, nommé de
Grandval, après avoir entretenu et
regardé avec attention le frère Jean-
Baptiste , le reconnut pour le comte
de Moret , qu'il avait vu plusieurs
fois à la cour et à l'armée. 2"^. Ug
MOR
prêtre de Saiimnr , nommé Tliomas ,
qui avait demeure un an avec le frère
Jean-Baptiste, à rerniita,;e d'Oisilly
en Boiirjjjor^ne , dccltra lui avoir en-
tendu dire qu'il s'était trouvé au
combat de Castelnaudari, à trente
pas du duc de Montnior enci , lors-
qu'il fut arrêté prisonnier; (fiie se
souvenant alors d'une prédiction
qu'on lui avait faite à la cour, qu'il
s'embarquait dans nn parti où , s'il
n'y prenait f;;arde, il pourrait Lien
perdre la tète , il se détermina à
quitter le monde , qu'il se sauva pas-
sant une rwière^ etc. ( ce qui est en
contradiction avec tous les Iiistoricns
du temps ), 3". Le solitaire dit un
jour à l'abbé Thomas , que, peu d'an-
nées après s'être ictiré du monde ,
il fut rencontré et reconnu par un
seigneur de la cour ; que , mandé
par Louis XIII , lorsque ce prince
allait à la conquête du Pvoussilion , il
eu fut reçu avec beaucoup débouté;
que le roi lui offrit tel bcnéfîce qu'il
voudrait pour vivre dans le monde;
mais qu'ayant goûté les plaisirs delà
. solitude, il pria son auguste frère de
lelaisserau rang des morts parmi les-
quels ou l'avaitcompiési long-temps.
4°. Un gentilhomme, nommé Han
Dorvaine-Fontaiue, ancien majorde
Philisbourg, avait dit plusieurs fois
au prêtre Thomas q'ic le frère Jcau-
Baptistc était réellement le comte de
IMoret. 5". Frère Jean-Baptiste avait
dit lui-même à Thomas qu'il avait
été élevé au château de Pau, et qu'on
avait fait passer les IMaures devant
sa fenêtre pour les lui faire voir lors
qu'ils furent chassés d'Espagne ( en
iGio ). 6°. Le sieur Guillot, grand-
pénitencier de Boulogne, avait dit
au même Thomas, avoir vu certains
Mémoires de Scipion Dupleix , où
il était marqué très-positivement
que le comte de Moret n'était pas
MOR i47
mort au coml)at de Caslelnaudari ,
et qu'il s'était fait cajjucin. Mais
Dupleix serait ici en cijiilradiclion
avec lui-même, à moins (ju'k.m n'ad-
mette que ces Méniuires sont j)osié-
lérieurs à sinxHislci-ede LouisXt II
imprimée en i6^3 ; ce qui serait
possible, Dupleix n'étant mort qu'en
iGG'. 7**. Le même grand-pcniten-
cier Gudiot, passant un jour clans
l'ermitage de Saint Jean-du- Désert
en Auvergne, ie supérieuj- lui lit que
certainement le comte deMi.re? s'é-
tait fait capucin. 8<*. L'abbé d'As-
nières demanda un jour, a': nom du
roi ( Louis XIV ), à frère Jean-Bap-
tiste, s'il était fds naturel de Henri
lY , et le frère répondis : Je ne le
nie, ni ne V assure; (ju'un me laisse
comme je suis. Mais l'ermite s'élait
déjà expliqué plus clairement avec
le prêtre Thomas, g*^. L'abbé d'As-
nières écrivit à fjouis XIV , que tou-
tes les fois que l'ermite voyait le por-
trait de Henri IV, il ne pouvait rete-
nir ses larmes. lO'^. \Jn jour une
personne de qualité étant allée voir
i'eriûite, fit apporter un ])ortrait de
Henri ÏV, pour voir si eflèctivement
frère Jean-Baptiste ressemblait ii ce
monarque. La resscmblancefut trou-
vée très-grande : l'ermife pleura , et
s'enfuit. 1 1°. Le frère Hilarion, re-
venant de Tours à l'ermitage de
Saint-Pérégrin, diocèse de Langres ,
annonça au frère Jean-Bapiisle qui
l'habitait alors , que Jeanne-Baptiste
de Bourbon, abiiesse de Foiitevrault,
et fille naturelle de Henri IV, était
morte le lo janvier 1670. Jean-Bap-
tiste parut inconsolable ; et le frère
Hilarion dit : Il pluie la mort de
sa sœur. 12°. Il parlait facilement
le basque , et le comte de Moret avait
été élevé à Pau , où il dut apprendre
sans eli'ort celte langue. Le marquis
de Chàleau-Neuf , secrétaire-d'ctat ,
10..
i48 MOR
écrivit , le 3o octobre 1 687 , à l'abbe
d'Asuières , pour lui demander , au
nom du roi , l'éclaircissement du
bruit qui courait alors, que frère
Jean-Baptiste, ermite, était fils natu-
rel de Henri IV. L'abbé répondit que
ledit frère habitait depuis onze ans ,
dans son voisinage, l'ermitage dit
des Gardelles; qu'on n'avait rien pu
découvrir de sa naissance, de sa fa-
mille , de sou pays et de son âge; que
pressé de s'expliquer , pendant une
maladie grave, par le plus ancien
de SCS frères , qu'il chérissait beau-
coup , et qui le conjurait, au nom
de Dieu , de se faire connaître à lui ,
il avait répondu : « H y a plus de
» quarante ans que je travaille à me
•» cacher; et vous voulez me faire
» perdre un travail de tant d'années
» dans un quart d'heure I » Il est
vrai, continuait l'abbé d'Asnières,
que, dans la province de Bourgogne
011 il a demeuré , le bruit a couru
qu'il était fils naturel du roi Henri IV,
et qu'aussitôt qu'il a été en celle-ci ,
le même bruit s'y est répandu : ce
quipouvait provenir, ajoutait Tabbé,
de sa grande prestance, de son air
majestueux , de ses manières nobles
et aisées , et de beaucoup de traits de
ressemblance avec Henri-le-Grand.
Lorsqu'il vint ici , ce fut au mois de
juin 1676, il médit qu'il avait trois-
vingt-dix ans ; ce furent ses termes.
Il m'a dit qu'il avait porté les armes
sans avoir été blessé ; qu'ayant em-
brassé la vie des premiers solitaires
d'Orient , il s'était d'abord retiré
dans une forêt de l'état de Venise ,
qu'il était ensuite allé en Allema-
gne; que pour voir un brave ermite,
il faisait volontiers trois ou quatre
cents lieues ; qu'il avait bàli des er-
mitages et assemblé des congréga-
tions en Lorraine , en Champagne ,
dans le Lyonnais , en Bourgogne , et
MOR
enfin en Anjou. Louis XIV , ayantlu
cette lettre de l'abbé d' Asnières , dit :
« Il suflit que cet ermite soit homme
» de bien ; puisqu'il ne veut pas être
» connu , il le faut laisser en paix ,
» et ne nous point opposer à ses des-
» seins. » Quelque temps après , le
vieil ermite s'enlrelenant avec le mê-
me abbéd' Asnières, s'écria : «Ahî que
» je suis malheureux de m'être arrêté
» en Anjou ! Lorsque j'y suis venu,
» mon dessein était d'aller en Portu-
» gai : si j'y étais, on ne s'informe-
» rait point de moi; w et il ajouta: «Il
» y a long-temps que je me serais
» balafré le visage pour effacer les
» traits {[iii me font ressembler à
)) Henri IV, si je n'avais pas eu peur
» d'offenser Dieu. » L'ablié Richard
cite, parmi les personnages du temps
qui crurent que frère Jean -Baptiste
était le comte de Moret , Henri Ar-
nauld , évêque d'Angers ; le duc de
Mazarin , le comte de Séran , la du-
chesse de la Meilleraye , le marquis
Dreux de Brezé, l'abbé Rousseau, vi-
caire-général et officiai de l'évêchéde
Dol, divers magistrats, etc. L'abbé
Richard avait lui-même plusieurs
fois visité l'ermite dans sa solitude ;
mais, après avoir rapporté les détails
ci-dessus , extraits ou plutôt copiés
en entier de la Fie cVun solitaire
inconnu , détails qu'il qualifie tantôt
de preuves , tantôt de conjectures ,
cet auteur n'ose conclure que
frère Jean-Baptiste soit réellement
le comte de Moret. Il serait porté
à croire que cet ermite était fils na-
turel de Henri IF. Richard termine
sou récit en ces termes : « Ou peut
» proposer ce fait historique comme
» un problème , et laisser au lecteur
» à porter son jugement. » Le curé
Grandet entre dans de longs détails
sur la vie érémitique de frère Jean-
Bapliste, qui prit d'abord le nom de
MOR
Jean- Jacques , habila le Daupliiiic ,
le diocèse du Piiy , celui de Gciicve ,
l'ermitage du Mont Cindre, au dioci'se
de Lyon ; il visita Avignon , Turin ,
Iloine, Notrc-Damc-dc-Lorette, s'ar-
rêta dans l'ctat de Venise ; rentra eu
France , se'journa successivement en
Jjorraine . à Martemont , à Doulc-
vant , à Saint-Gninefort ; passa dans
le diocèse de Langres , bâtit nn er-
mitage à Oisilly ; fit nn voyage en
Espagne j repassa en France , s'e'ta-
blit a Saint-Pcrcgrin , et enfin eu
Anjou , dans l'ermitage des Gardel-
les , où il mourut d'une fluxion de
poitrine, le 'i\ décembre 1G91. Il
av^ait ëte' vicaire ou visiteur-gène'ral
des ermites de plusieurs diocèses. Il
avait eu des procès à Lyon , à Dijon;
il avait bdti des cellules , des cha-
pelles , reçu des novices , compose'
des statuts ou règlements pour la vie
solitaire. Le quinzième chapitre du
second livre de la Vie d'un solitaire
inconnu a pour titre : S'il est vrai-
semblable qiCil ait été le comte de
Moret. L'abbë Grandet commence
par reconnaître que Dupleix, de Ser-
les , ou plutôt son continuateur, Jean
Leclerc , dans sa Vie du cardinal de
Richelieu , Morcri et tous les his-
toriens, font tuer sou lie'ros au com-
bat de Castelnaudari, et qu'enTm^tous
les ans, on célébrait l'anniversaire do
sa mort dans l'abbaye de Saiut-Elieu-
ne de Caeu , dont ce prince avait
fait bâtir le chœur. Grandet avoue
ensuite qu'à cette foule d'auteurs
(auxquels il eût pu aj outer le maréchal
de Bassompiei're, qui dit, dans ses
Mémoires , que M. de Morct , a^ ant
voulu aller voir détrousser les en-
nemis, fut rapport'é mort), il ne peut
opposer <j»e le témoignage de deux
personnes , celui du gcaliliiomme de
(jranval et du prèlre Thomas , et il
ne conclut pas que ce témoignage
MOR 149
doive prévaloir ; il se borne à dire
iju'ilj a au moins beaucoup de sujet
de douter: cette conclusion est sage
et raisonnable, et c'est la seule qu'on
puisseadopter aujourd'hui. Ou impri-
ma, dans le Mercure français , tome
IX, eu i63.', , une relation du combat
de Castelnaudari, sous leuom du ma-
réchaldeSchoniberg : il y est ditque
le comte de Moret avait été blessé
d'une mousquetade dont onle crojoit
mort, paroles remarquables, si la
relation ne fut pas écrite par le ma-
réchal , le soir même du combat. On
lit aussi dans les Mémoires du comte
de Brlenne , raiuistre et secrétaire-
d'élat (Amst. , 17 19, tome 1, pag.
73 ) : « 0\ DISAIT que le comte de
» Moret avait été tué. » Ces mots on
DISAIT semblent exprimer un doute
singulier dans la bouche d'un minis-
tre ;, à l'égard surtout d'un prince ,
fils de Henri IV , frère naturel et
légitimé de Louis XIII. Ou peut ajou-
ter qu'aucun historien ne fait con-
naître le lieu oii le comte de Moret
aurait été inhumé après le combat de
Castelnaudari ( i ). Mais comment sa
sépulture serait-elle restée ignorée ?
comment serait -il arrivé qu'aucun
parent, qu'aucun ami , n'eût cherché
à la découvrir , et à lui consacrer un
monument ou une simple inscrip-
tion funèbre (2) ? V — ve.
MORETO Y CABANA ( Au-
gustin) , poète espagnol , du dix-
septième siècle, et contemporain
de Galdcron , écrivit , comme ce
poète, pour le théâtre, mais avec
moins de fécondité. Il fut protégé
par Philippe IV , et entra dans l'état
(i) On avilit dit qu'i! fui piiteiré dans Téglise des
Coidelieis d'Allii ; mais cette iudicatioD a été recoii -
nue sans tondcuient.
(7.) L? pjrtrait du comte de Morct . peint (lar Van
Dyck et par VaWée , a été gravé par de Ballii , 3Ion«
coruiît et DnVPt. Tlioraassin l'a {représenté ça ';■
Vmire.
i5o MOR
crclësiastique, comme Calderon et
Lope de Vega; il renonça dès-lors
à la carrière dramatique, et ne se
livra plus qu'aux pratiques de dévo-
tion. Ses comédies onl e'të recueillies
en 3 v(.luniesi)>-4"., V.)'ei!ce, lO^O
et i-joS : chaque volume contient l 'i.
pièces ; le premier avait Lièja paru à
Madrid, en 10.54. Moret, n'avait
pas l'imagination aussi brillante, ni
autant de f.icilité dans sa coiuposi-
tion que les premiers poètes du l.'ièà-
tre espagnol; mais ses pièces sont
ge'ne'ralemeut mieux coîiçues, et con-
tiennent peut-être plus de vrai co-
mique que les leurs. Il n'a p^^s si
souvent recours à l'histoire et à la
romance que Lype , pour trouver Ai^s
sujets; il les invente pour ia pi part.
On y voit aussi l'intention de tracer
des caractères; art qui était ignore'
de ses contemporain». Au reste le
théâtre de Moreto offre les mêmes
défauts que celui de Loj)e et de Cal-
deron ; les travestissements et les
coups d'épée y abondent; le dialo-
gue dégénère en longues conversa-
tions qui n'ont aucun rapport à la
pièce; la dévotion se mêle a la bouf-
fonnerie; le comique est fréquem-
ment de mauvais goût; enfin les
convenances du lieu, du temps, des
mœurs, sont rarement observées. Le
gracioîo é'.ait alors un personnage
d'obligation : aussi le voit-on figu-
rer dans toutes les pièces de Mo-
reto , même dans celles dont le su-
jet est tiré de l'histoire ancienne,
])ar exemple dans le Pouvoir de Va-
initié, où paraissent Alexandre ga-
lant, le prince de Thèbes, et le duc
d'Athènes; ainsi que dans ^fntiochus
et Seleucus, qui est l'histoire connue
de Stratonice : dans cette pièce, où le
rôle du jeune prince est tracé avec
intérêt, il est question de la fête du
gaint-Sacrement, Les meilleurs ou-
MOR
vrages de Moreto n'ont pas e'té inuti-
les aux auteurs français. Sa comédie
El desdencmi tl desden, a donné,
dit-on, a Molière, lidée de la Prin-
cesse d' Elide ; le sujet en est heu-
reux, et a été mis plusieurs fois au
théâtre. Diane, l'héroine delà pièce
de IMoreto, est une prude à qui plu-
sieurs amants font la cour, et qui ne
renonce à sa froideur pour Charles
qu'elle aime eu secret, qu'en se
vo\ant négligée pour son amie Cin-
ihie. Le fiomes iquc Polillo , qui se
fait introduire chez Diane, comme
un médecin fraîchement débarqué ,
et b-uagouinant le latin, est assez
comique. Cette pièce arrangée pour
la scène allemande, par West, a en
récemment du succès. Linguet pré-
tend , probablement a tort , que Rc-
giiarda pris dans une pièce de Moreto
(l' Occas onfait le larron), toute l'in-
vention des Ménechmes , dont le su-
jet est de Plante. Du emprunt mieux
constaté est celui que Scarron a fait
au Marquis de Cii^arral, comédie
très-bouli'onne de Moreto , qu'il s'est
presque borné à traduire sous le titre
de iJon Japhet d'Arménie. Une des
meilleures pièces de Moreto, et qui
a servi , à ce qu'on prétend , à Mo-
li re, pour son Ecole des Maris , est
celle de G uardaruna mu ger no j7uede
ser, où une femme, aimée d'un jaloux,
met sa vigilance en défaut, pour lui
prouver qu'il vaut mieux s'en rap-
porter à la bonne-foi des femmes :
c'est en favorisant l'intrigue amou-
reuse et le mariage clandestin de la
sœur du jaloux, qu'elle donne cette
leçon cà son amant. Il y a , dans la
pièce espagnole, des scènes d'un bon
comique, et une intrigue originale.
Une autre comédie , dont le titre est
De fuera vendra quien de casa nos
echarà , mérite d'être remarquée, à
cause des caractères bien soutenus
MOR
d'une vieille coquette, d'un militaire
bon vivant, et d'un pédant aniou-
l'cux. El parecido en la corte, est
encore une pièce justement cslirnce
par les Espagnols, On l'avait arran-
gée, il Y '■* plusieurs années, pour le
théâtre do Madrid, conl'ormcmeut
aux règles des trois unités; mais la
tentative fut mal accueillie, et il
fallut revenir à la pièce ancienne.
Quelques-unes des comédies de Mo-
reto sont des pièces de dévotion j
telles (jue , Notre-Dame deV Aurore ^
Saiiil-Francois de Sienne, Sainte-
Base du Pérou , la Fie de Saini-
Alexis. D — G.
MORGAGNI ( Jean-Baptisïe ) ,
l'un des plus grands médecins du dix-
luiillème siècle, naquitàForli, d'une
famille noble , le 25 février i68'2.
II avait à peine sept ans , lorsqu'il
perdit sou père. Un peu plus tard il
faillit périr dans les eaux d'un canal
voûté, lorsqu'un passant, averti seu-
lement par le brait que Morgagni
avait fait eu tombant , se précipita
dans l'eau , et le sauva d'une mort
inévitable. Après avoir fait des pro-
grès rapides dans les langues savan-
tes et dans les belles-lettres , il alla
étudier la médecine à Bologne , et
s'y lia particulièrement avec Val-
salvi, qui devint tout-à-la-fois son
ami et son précepteur. Son ardeur
pour l'étude le mit bientôt en état
r on-seulement d'aider Yalsaiva dans
son grand ouvrage sur l'organe de
l'ouie, mais encore de remplacer ce
professeur pendant son absence. IMor-
gagni avait une telle aptitude au tra-
vail et une si heureuse mémoire, qu'il
faisait marcher de front l'étude des
sciences naturelles , de la physique
et même de l'astronomie. Mais c'était
surtout pour l'anatomie qu'il avait
une passion décidée , au point qu'à
. l'âge (le vingt-quatre aiis , il publia^
jMOR i5i
ses Adversaria anatomica prima ^
ouvrage qui renferme plusieurs dé-
couvertes , des vues nouvelles et de
nombreuses rectifications anatomi-
ques. Après avoir passé plusieurs
années à Bologne , il se rendit à
Venise , et à Padoue , oi!i il ne tarda
pas à se lier avec les hommes les
])lus distingués , entre autres avec
Gugliclmini et Lancisi, et à se livrer
à de nombreuses expériences de phy-
sique et d'anatomie comparée. Riche
de tant de connaissances variées ,
Morgagni retourna dans sa patrie ,
pour y exercer l'art de guérir. Mais
le penchant qui l'entraînait vers l'en-
seignement , lui lit accepter , ea
1 7 1 2 , une chaire de médecine théo-
rique à Padoue. C'est alors qu'il
s'occupa de la continuation de ses
Mémoires anatoviiques , dans les-
quels il porte partout le flambeau
de la vérité , soit qu'il découvre la
structure intime d'une foule d'or-
ganes mal observés avant lui, soit
qu'il réfute victorieusement les âpres
critiques que Biauchi s'était per-
mises , soit qu'il redresse les er-
reurs que Manget avait consignées
dans sou Théâtre anatomique , et
qu'il force ces deux auteurs de rendre
boinmage à la supériorité de son ta-
lent. Du reste , Morgagni fut bien
dédommagé decette polémique éphé-
mère par les éloges éclatants qu'il
reçut des plus grands anatoniistes de
cette époque , parmi lesquels on
compte Ruysch , Boerliaave , Heis-
ter , Winslow , Hoffmann , Mead ,
Senac , Meckel , etc. Quelques an-
nées après , Morgagni fut pourvu de
la première chaire de Padoue ( celle
d^anatomie ) , par le choix du sénat
de Venise. Cependant l'éclat de son
nom se répandait au loin , et le fit
successivement admettre dans la so*
ciété royale de Londres , daus l'aca-
ïSci
MOR
demie des sciences de Paris , dans
celles des Curieux de la nature, de
Pe'tershourg, de IVrliii , etc. La ville
de Forli , glorieuse d'avoir donne
naissance à Morgaj^ni, (it placer de
son vivant, da!;s le palais princi-
pal , son bnstc avec une inscrip-
tion des plus honorables, TiCS le-
çons de Morgcigui et ses de'iuons-
tralions étaient toujours suivies par
un grand concours d'auditeurs de
toutes les classes. Aussi poli que sa-
vant, il accueillait les étrangers de
la manière la plus affable. Plusieurs
grands personnages de son temps
lui te'rnoigncrenl toute leur estime :
le roi de Sardaigne, Charles Éma-
nuel III, eut avec lui un entrelien de
^plusieurs heures en passant à Forli.
jVlorgagni reçut aussi de grandes mar-
ques de bienveillance des souverains
pontifes Clément XII, Benoît XIV
et Clément Xî II. Il avait une mémoi-
re e'toimante; et il s'en servait nou-
scnicmentdansrinte'rèt delà science ,
mais encore dans celui de l'huma-
nité : c'est ainsi qu'il n'oublia jamais
l'homme qui lui avait sauve la A'ie ,
qu'il pourvut à tous ses besoins ( car
cet homme e'iait pauvre ) , et qu'il
pleura sa mort. Doue d'une santé ro-
buste, Morgagni ne cessa de travail-
ler jusqu'à la fin de sa carrière, qu'il
termina le 6 décembre 1771,3 l'âge
de près de quatre-vingt-dix ans. Il
fut long-temps l'ami de Haller , qui
sut dignement l'apprécier en l'appc-
lanl : Fir ingcnii , memonœ , sdidii
incomparahiUs. Le savoir de Mor-
gagni n'e'fait point borné à l'art mé-
dical : sa vaste érudition endirassait
la philologie, la critique, l'histoire
et les antiquités, comme le prouvent
ses productions nombreuses et va-
riées dont A'oici l'énumération :
I. Adversaria anatomica prima ,
Bologne, 1706, in-4°. ; Leyde ,
MOR
1714, in-S". j nllera et terlia , Pa-
doue, 1717, in-4''.; Leyde, 1723,
in- /{".} quarta, fjuinta et sexta ,
Padoue, 17 19, in-4''.; Leyde, i7'i3,
in 4°. yldversaria omnia , Padoue ,
1 7 1 9 , in-4°. ; Leyde , 1 7*^.3 , 1 74 1 ,
in-4"., fig. ; Venise, i^jCn , in-fol.
Ces Mémoires, dont les premiers da-
tent de la jeunesse de Morgagni , an-
noncèrent ce cpi'il serait un jour ; ils
renferment non -seulement plusieurs
découvertes auxquelles son nom est
restéattachc, mais encore beaucoup
de faits importants de haute patho-
logie et la relation de maladic-s va-
riées. II. Noua institutionuni me-
dicarum idea , Padoue, l'j^o., in-
4°.; Leipzig, 1735, in-4''. Dans cet
ouvrage, IMorgagni, donne d'excel-
lents conseils aux jeunes gens qui
veulent acquérir des connaissances
solides : il leur recommande l'étude
de l'anatomie pratique et celle des
substances médicamenteuses; i! éta-
blit que, pour faire une bonne cli-
nique , ils ne doivent soigner q-ie
peu de malades à - la - fois ; il les
engage à voyager , à s'arrêter dans
lea grandes villes, à suivre les hô-
pitaux des armées ; enfin , il con-
seille à ceux qui veulent écrire . de
se servir de la langue latine. III.
In Aarel. Cornelium Celsum et
Quintuni Sererium Samonicnm épis-
tolœ quatuor , la Haye, 17^^47 "i"
4°.; Padoue, 1700, in -8". Mor-
gagni n'avoue que la dernière édi-
tion , qui contient six lettres , tandis
que la première n'en renferme que
quatre. On trouve dans ces lettres ,
luie foule de corrections sur la vie
et les ouvrages des deux auteurs
qu'elles concernent. En parlant de
Screnus , Morgagni détruit les re-
marques et les assertions de Bur-
mann , et démontre l'incompétence
de ce philologue, dans une cause
INIOH
qui exige fies connaissances dont il
clait dcpourvn. IV. EjUiloUv ana
toinicœ duœ , ncwas observatiancs
et animadversiones continentes ,
Lcydc, 1728, in-4". lia première
de ces Ic'tlres est prcsqii'cnlièremeiit
consacicc à l'aHrilomie pathologique;
la seconde, quoique Iraitanl le mê-
me sujet , a pour Lui de repousser
les injustes attaques de Bianchi. V.
Epistolœ anuLomicœ duodcviginli.
Ces lettres sont jointes aux œuvres
poslliunies de Valsalya, dont Mor-
gagp.i fut l'éditeur , et à la tète des ■
quelles il donne la vie de son prcîoier
maître, Venise, 1740, 2 vol. in-4''.
VI. De sedibus et causis mcrbonini
per anatomen inda^atis libri v,
Venise, 1 761 , 2 vol. in-fol. ; Leyde,
1768, 4 "^'o'- iii -4''. ; Yverdun ,
1779, 3 vol. in-4°. , avec une pré-
face de Tissot , contenant l'histoire
de la vie et des ouvrages de Moi'ga-
gni; Paris, 1820, 8 vol. in-8°. , dont
quatre seuleineut ont paru ( juillet
1821 ), par les soins de MM. Chaus-
sier et Adelon , qui ont reproduit
l'excellente préface de ïissot , et
rendu cette éJilion fort pre'cieuse ,
à cause de sa correction, de son e'ié-
gancc , et surtout à cause des notes
qu'ils y ajoutent, et que l'on regrette
de ne pas voir plus nombreuses :
traduit en anglais, 1769,4 vol. in-
4°. ; en allemand, par Konigsdbrfer,
Altenbourg, 1771 - 177G , 5 vol.
in-8'\; eu français, par MM. Des-
ormeaux et Destouet, Paris, 1821 ,
3 vol. in-8'. , dont les suivants se
continuent. Morgagni avait près de
quatre-vingts ans lorsqu'il publia cet
excellent ouvrage , qui lui a mérite' le
litre de grand , et qui sans contre-
dit est l'un de plus recomaiandables
et des plus utiles qui aient paru dans
le dix-huitième siècle. C'est une col-
lection nombreuse et choisie de faits
MOR i53
pratiques d'autant plus infc'ressauts,
que l'histoire de chacun d'eux , rap-
portée avec tous les déîails que l'on
peut désirer , est complétée par des
ouvertures cadavériques très - soi-
gnées ; ce qui forme une a éritable
anatomic de l'homme malade, scien-
ce dont Bonet avait posé les fonde-
ments dans son Sepulchretum , et
que les médecins cidlivcnt aujour-
d'hui avec ardeur , parce qu'elle con-
duit à la connaissance matérielle de
la plupart des maladies , et qu'elle
écarte réellement de l'art médical ce
qu'on pcjuvait autrefois lui repro-
cher de conjectural. VII. Miscella-
nea opuscula, Venise, • 7G3 , in-fol.
Ces mélanges sont divisés en trois
parties : la première est relative à
divers sujets d'anatomie et de mé-
decine. La seconde est consacrée à la
philologie, sous les titres suivants :
De Prospéra Alpino epistolœduœ ;
De philologo Rai'ennate , et de An-
gelo Bolognino epislola ad Joan
neni Asiruc ; De vitd et scriptis
D. Giiglielmini covimentarioluvi ;
De vild et scriptis A. M. Fal-
salvce connnentariolum ; De gé-
nère morlis Cleopatrœ cpislohv ad.
Lancisiinn ; De ordinario Froniini
consulat H epistolœ duœ ; De qud-
dam librorum M. ■ T'arronis parli-
culd ; In Vitruvii locum , ad iem-
pus quo is scripsit , attinentem ,
etc. , epislola; Laudationes à Mor-
gagno habilœ olim ciim gymnasiar-
chas , aliosve doctoris insigjùbus
exornaret ; In scriptores rei rusticœ
epistolœ iv. La troisième section
renferme quatorze lellres historico-
critiques , intitulées : ^Emiliam; ,
parce qu'elles se rapportent tontes
aux antiquités et à la géographie
d'une grande partie de la province
appelée Eniilia , du nom de la voie
romaine qui la traverse. Tous les
i5/l
MOR
ouvrages do Morgagni ont cfc rc;i-
iiis et p)iblies, par If^s soins de son
disciple Antoine Larber, soiiâ le li-
tre iV Operaomnia, Bassano, 1^65,
5 tomes en -x gros vol. iii-fol. La vie
de Morgagiii a été écrite par Fabro-
ni ( Fitœ Ilalomm ) , et ensuite par
Jos. Mossea , Naples, 1768, in-8''.
MORGAN ( Henri ), fameux chef
de flil)iis(iers anglais , était lils d'un
riclie fermier du pays de Galles ; il
s'enrôla d'abord comme matelot ,
pour la Barbadc , se rendit ensuite
à la Jamaïque , et bientôt s'embarqua
sur un corsaire. Ses cxpédilious fu-
rent heureuses : il acheta \\n bâtiment
avec quelques-uns de ses camarades,
devint leur chef; et s'étant fait con-
naître par ses entreprises, notam-
ment à la baie de Campèche, but
onlinaire de ses courses, ii fut pris
on amitié par Mansfield, vieux fli-
bustier, qui le nomma son vice-ami-
rul, et niouriit peu de temps après ,
on 16G8. Le commandement ne fut
pas disputé à Morgan par ses com-
pagnons , et lui fournit bientôt le
mo jeu de devenir, par sa rare in-
trépidité , un des chefs les plus fa-
meux qu'aient jamais eus les flibus-
tiers. Apres avoirfait quelques prises
avantageuses , il persuada à ses ca-
marades de ne pas dissiper folle-
ment leur argent , mais de le ré-
server pour de grandes entreprises.
Plusieurs se conformèrent à son
idée; et , en peu de mois , il eut douze
bâtiments de diflereutes grandeurs et
montés de sept cents hommes. 11 at-
taqua d'abord et rançonna une ville
de l'île (luba; puis emporta d'assaut
Porto-Bello , où il souilla sa victoire
par les plus horribles excès, et eut
l'audace de se faire payer la rançon
de cette ville par le président de
Panama. Les flibustiers , s'élautcm-
MOR
barques sans obstacle, se transpor-
tèrent avec leurs trésors à la Ja-
maïque : le butin qu'ils avaient fait,
leur attira de nouvcauxcompagnons;
et Morgan, par la protection du gou-
verneur de l'île, obtint un vaisseau
de trente-six canons. Arrivé sur la
côte de Saint-Dojniiigue , il se rend
maître , par ruse, d'tui gros bâtiment
français. Tandis qu'il célèbre sa vic-
toire par un festin où chacun peid
sa raison dans le vin, le vaisseau
saule en l'air. Trois cent cinquante
Anglais, et tous les prisonniers fran-
çais, sont engloutis dans les flots.
i\[organ se sauve avec trente des
siens; mais sa flotte comptait en-
core quinze bâtiments, et neuf-cent
soixante hommes : une tempête lui
eu enleva quatre cents , et sept
bâtiments. Alors , au lieu d'aller
attendre à Samana la riche flotte
cs])agnole qu'on y épiait , il fit
voile vers Maracaïbo, s'empara du
fort , le détruisit , enleva l'arllUcrie ,
mit à rançon Gibraltar, ville voisi-
ne, en fit autant à Maraca'ibo , après
avoir iucendiérescadre ennemie, bien
supérieure à la sienne , enfin sortit
heureusement du lac, et recasuii la
mer. Une tempête affreuse, qui dura
quatre jours , le força d'aller se ré-
parer à la Jamaïque , en 1 669. 11
avait acquis une grande fortune , et
voulait goûier le repos : ses compa-
gnons , qui eurent bientôt consommé
le produit de leurs pillages , le pressè-
rent avec tant d'instances de for-
mer de nouvelles entreprises , qu'il
se rendit à leurs désirs. Aussitôt
que sa résolution fut connue , i! ac-
courut de toutes les îles voisines des
flibustiers anglais et fiançais se ran-
ger sous ses ordres. Il partit le ai
octobre irtno, avec une flotte de
trente-sept voiles , la plus grande
qu'un flibusiier eût jamais commau-
MOR
dec dans ces mers. Morgan avait ar-
boré à son grand inàt In pavillon
royal d'Angleterre, et s'était donne
le titre d'amiral. Les paris du hiitiu
réglées d'avance el ses mesures pri-
ses, il annonça son projet d'attaquer
Panama; et pour se prociuer dos {gui-
des qui connussent le chemin à tra-
vers l'istbmc qu'il fallait traverser,
il fut résolu qu'on s'emparerait préa-
lablement de l'île Santa-Catalina, à
l'est de la côte de Nicaragua. La ten-
tative réussit sans perdre un homme.
Morgan trouva beaucoup de muni-
tions , laissa garnison dans le fort ,
enimena trois malfaiteurs pour gui-
des , et envoya en avant une partie de
ses forces , commandée par un Fran-
çais , pour emporter un fort situé à
l'embouchure du fleuve de Chagres.
Bientôt il arrive, y met garnison ,
adresse une courte harangue à ses
compagnons d'armes , et se met eu
marche pour Panama le 18 janvier
i(5']i , avec treize cents hommes d'é-
lite. Après avoir essuvé des fatigues
inouies, éprouvé toutes les horreurs
de la faim , et soutenu plusieurs
combats, les flibustiers livrent l'as-
saut à Panama, et emportent cette
ville, dont la prise fut suivie d'un
pillage général., Morgan y fit ensuite
mettre le feu , qui la dévora entiè-
rement; il expédia en croisière un
bâtiment qui revint avec de riches
captures, et fit battre le pays par
des détachements, qui ramenèrent un
grand nombre de prisonniers , et
beaucoup de butin. Plusieurs Esj^a-
gnols furent mis à la torture pour
déclarer où ils avaient caché leurs
edèts précieux. Morgan commit des
excès qui firent murmurer même ses
compagnons. Plusieurs avaient for-
mé le projet de se séparer de lui : sa
vigilance en prévint l'exécution.
Apvès (juatrc semaines de séjour, il
IMOR
i5f
al)nndonna les ruines de Panama,
traînant après lui plus de six cents
prisonniers de tout sexe, et de tout
âge , dont il eut la barbarie d'exiger
une rançon considérable , que la plu-
part étaient hors d'état de payer. Le
9 mars, il fut de retour à Chagres,
d'où il envoya tous ses prisonniers
a Porto-Bello, menaçant en même
temps de détruire cette ville, si elle
ne se rachetait point par une grosse
somme d'argent : on la lui refusa ; il
tint parole. Dans le partage du bu-
tin, dont la valeur fut de plus de qua-
tre millions de piastres , Morgan mit
de côté pour lui une grande quantité
de pierreries, et excita par-là le mé-
contentement de ses compagnons à
un tel point, que-, craignant un soulè-
vement, il mit secrètement à la voile
avec trois autres bâtiments, dont les
c.pitaines n'avaient pas eu plus de
bonne-foi que lui. Malgré ses heureux
exploits , Morgan ne songeait pas
encore à quitter le métier de pirate :
il conçut mêmel'idée de l'exercer plus
en grand , et d'une mauièrequi devait
consolider ses succès : c'était de
s'emparer de l'île Santa-Catalina ,
de la fortifier, et d'en faire la rési-
dence des flibustiers. A la veille d'exé-
cuter ce plan , il apprit qu'un vais-
seau de ligne anglais , arrivé à la Ja-
maïque, apportait une déclaration
du roi d'Angleterre , qui voulant vi-
vre désormais en bonne intelligence
avec l'Espagne, défendait à aucun
flibustier de sortir de l'île pour atta-
quer les possessions de cette puissan-
ce. Le gouverneur de la colonie était
rappelé pour venir se justifier de la
protection qu'il avait accordée à ces
scélérats , avides de sang et de pilla-
ge. Morgan même reçut ordre d'al-
ler en Europe , répondre aux plain-
tes que le roi d'Espagne et ses sujets
avaient portées contre lui. Probable-
i56 MOR
ment, il n'eut pas de iiciiic .'i se dis-
culper; car il revint à la Jamaïque,
s'y maria, parvint à des emplois
brillants , et y finit ti'anquillement
ses jours. E — s.
MORGENSTERN ( Jacques-
Salomon ) , géographe et bouffon
de la cour de Prusse , naquit en 1 706,
à Pet^au, dans Iclcctorat de Saxe.
Ayant pris ses dep;r('s à l'universitcde
Leipzig , où il ne liouva pas à don-
ner des leçons d'histoire et dp ge'oj^ra-
pliie, il vint à Halle, où il fut ])his
Jieureux. Il écrivit aussi quelques
ouATages, entre autres, son Droit
public de Fatssie , dédie à l'impéra-
trice Anne , qui chargea son minis-
tre à Berlin de lui remettre une gra-
tification de cent roubles. Morgcn-
stern , traversant Potsdam en i-jSd ,
pom- aller à la capitale toucher cette
somme, la tournure singulière et la
vivacité' de ses reparties fixèrent l'at-
tention de l'oflicier de garde; on
en parla au roi. Frcde'ric-Guillaumc
le fit venir; ce monarque (herchait
alors quelqu'un pour remplir au-
près de lui la place de lecteur et in-
terprète de gazettes, et de conseiller-
bouffon dans son cercle de fumeurs.
La convei'sation de Morgcnstern lui
plut ; et malgré la répugnance et les
jnotestations de ce dernier, il le prit
à son service pour occuper l'em-
ploi vacant , et lui donna le litre
déconseiller auliquc, avec un traite-
ment de 5oo écus , et un logeraenl à
Potsdam; enfin, il le chargea de
l'entretenir sur l'histoire ancienne
et moderne. En 1 737 , ce monarque,
le moins endurant de tous les rois ,
obligea Morgenstern de soutenir pu-
bliquement une thèse sur la folie, et
força tous les professeurs d'argu-
menter en forme. A la mort de ce
prince, Morgenstern , qui craignait
d'être privé de son traitement sous
MOR
Frédéric II, demanda d'être em-
ployé à la fixation des limites de
la Silésie. Son travail lui valut la
confirmation de sa pension, qui fut
assignée sur la caisse de la ville de
Breslau ; et il en iouit jusqu'à sa
mort arrivée à Potsdam , le 16
novembre 1785. On a de lui: I.
Nouvelle ge'o'^raphiejiolilique , dans
laquelle on trouve un tableau exact
de l'état naturel , politique , ecclé-
siastique et civil de chaque pajs ,
tome i*^'". léna , 1735 , un vol.
in^"- Meusel dit que c'est un des
premiers ouvrages dans lesquels la
statistique a été traitée méthodique-
ment. IT. Jus publicum imperii Bus-
sorum , Halle, 1736 , mi vol. in-8«.
III. Pensées raisonnables sur la fo-
lie , et sur la dissertation composée
et soutenue devant une auguste
assemblée '^"i^'] 1 in-8°. L'auteur
traite d'aijord de la folie en général ,
classe ensuite les divcises espèces de
fous , et donne des principes pour les
distinguer: il les divise en rusés et en
simples, puis expose les traits carac-
téristiques des fous des différentes
nations et professions; les savants en
fournissent le plus grand nombre ,
qui s'élève à nciif sur dix. Il n'a pas
fait entrer les fous de cour dans sa
classification : c'est de sa part un
trait de sagesse ; il n'en parle que
sous des expressions déguisées. IV.
Sur Frédéric -Guillaume ( 1793 ),
ouvrage posthume, sans indication
de lieu d'impression. Morgenstern ,
comme tous les hommes facétieux ,
a été le sujet de plusieurs notices
spéciales. J.F. Nicola'i en publia une
pour réfuter celles qui lui attribuaient
beaucoup de bouffonneries auxquel-
les il était étranger. E — s.
MORGIER (François), né à
Villeneuve-lez- Avignon , en 1 688 ,
étudia d'abord la jurisprudence, et
MOR
se fit recevoir avocat ; mais son
goût pour la lilteratiiic et pour la
poésie le delounia de la canièic
du barreau. A uuc époque où les
plaisirs de la table louaient encore
un rang distingue parmi ceux, rie la
bonne compagnie, il s'était formé à
Avignon , sous le titre d' Ordre de
la boisson , une assorialiun d'un
certain nombre de joyeux, gastrono-
. mes , qui rapj^elait 1' Ordre des co-
teaux, dont parle Boilcau, et qui
avait son pendant à Londres, dans
le fameux club des Beef-Steak. ( F.
EsTCOURï. ) Admis, très-jeune enco-
re, dans cette société, Morgier devint
presque aussitôt le principal rédac-
teur de la gazette qu'elle publiait.
L'abbé tle Charncs ( F. Charnes )
eut aussi quebjue part à la com])osi-
tion de cette feuille , qui, à travers
beaucoup de facéties dignes d'une
réunion bachique , décèle dans ses
auteurs des gens d'esprit et de goût.
Un des articles des statuts défendait
de s'enivrer. Dans un autre , le grand
maître s exprimait ainsi:
Daus nosliôtels, fi, d'avciiluie,
Uu frire sulit ses discoiu»
Par la luoiiidrc petite ordure ,
Je J'en baïuiis pour quelques jours.
Que si et s peines reûonblces
Sur lui ne font aucuu eji'et ,
Je veuj que son procb soit fait,
Toutes les tables assemblées.
La gazette inlittdée : Nouvelles (le
V Ordre de laboisson, se disait impri-
mée chez Museau-Cramoisi , au pa-
pier raisin.Tons les noms y étaient,
comme celui du typographe, allé-
goriques, et désignaient cependant
des personnages réels. C'était frère
des n^nes .frère Mortadelle natif
de Saint- Jean-Piedde Fore; don
Barrique z Carajfaj Fuenles Fino-
sas-, M. de Flaconville- le sieur
Fillebrequin , et tant d'autres. L'an-
iiouce des hvres a vendre présentait
MOU
VJ-)
des plaisanteries du raèinc genre.
Ou y trouvait: V Introduction à la.
cuisine par le Fr. Le Porc; Remar-
ques sur les langues mortes , com-
me lau'^ues de bœuf , de cochon et
autres ; Recueil de diverses pièces
de finir , par le Fr. Godiveau; Ma-
nière de rendre l'or potable et l'ar-
i^ent aussi , par le Fr. Labuvetle .-
l'Art de bien boucher les bouteilles,
impression de Liège; V Itinéraire
des cabarets , œuvre posthume de
Tavernier; De arte bibendi, auc-
lore Fr. Templier , etc. etc. Mais
CCS bouffomiericsetccs calembourgs
étaient accompagnés de traits fins
et délicats; tel est l'article suivant
sous la rubrique de Lisbonne : « Le
■» 'xo février 170J, l'archiduc fit
«une superbe mascarade, suivi de
» l'amirante de Castille et de quel-
» quos seigneurs Portugais. 11 était
» masqué en roi, et, dans cet équipa-
» gc , il ne fut reconnu de personne.
«L'amirauté dansa les folies d'Es-
« pagne, qui est la danse ordinaire.»
Tel est encore cet autre article, qui
annonçait les victoires des armées
françaises en Espagne , pendant la
guerre de la succession : « De Bru-
«xellcs, le 28 juin 1707. L'armée
» des alliés est toujours campée près
» de Tirlemont , où elle ne boit que
» de la bière, et celle du duc de Ven-
» dôme, près de Gembloux, où elle
» ne boit que du vin ; ce qui cause
» un(; grande désertion dans la pre-
« luière, et attire quantité de soldats
a dans celle de France. — Dans une
)) fête donnée à Loridres , ajoute le
» mèiue article, on fit de vastes pro- ■
» jets pour donner des bornes au
» pouvoir exorbitant de la France
» ( vieux style ) : on parle d'aller
«fourragerjusqu'auxportcsdcReims,
» et dienlever tout le vin de Cham-
» pag!îe pour la bouche de la reine ;
i58
MOR
» de tailler en pièces rarmce dcPlii-
» lippe V , et de mener le roi Cliar-
» les III en triomphe dans sa bou-
5) ne ville de Madrid. Cette journée
» se passa à faire des cliàlcanx en
» Espagne; mais le lendemain , ils
» furent tous abattus par l'arrivée de
w deux courriers , dont le premier
» apporta la nouvelle de la défaite
» des allies ta Almanza , par le duc
»de Bcrwick, et l'autre, la perte
» d'un grand nombre de vaisseaux
)) pris ou coules à fond par les Fran-
» çais. On ne peut dire combien la
» surprise fut grande pour les An-
» glais, nation lière et entêtée de sa
» puissance. La reuie demanda avec
» empressement si Alicanle e'tait
» pris; et le courrier ayant repondu
» qu'il était à la veille de l'être, S.
» M. parut si fàcliee, que Ton jugea
» que celte ville lui tenait fort à
» cœur. Depuis ces nouvelles , le
» commerce est tout dérangé , l'ar-
» gent a disparu ; les boissons sont
» renchéries de inoitié , et le vin ne
» circule plus dans Londres , non
» plus que lesbdlets de l'Échiquier.
» L'on s'est assemblé en grand comi-
» té, afin de pourvoir aux moycjjs
» d'avoir du vin, puisqu'on ne peut
5) plus compter sur celui d'Espagne.
1) L'embarras est de savoir comment
» en transporter d'ailleurs. Nous
» avons beau publier que l'empire
» de la mer nous appartient ; le che-
» valier de Forbin et les armateurs
)) de Saint -Malo n'en veulent rien
V croire : ils attaquent effrontément
» tout ce qui porte pavillon d'An-
» glelerre; et l'on dirait qu'ils ont
» juré la ruine de ce pays , tant ils
» sontalerfes pourlui enlever le vin.»
Les nouvelles de V Ordre de la bois-
son contenaient quelquefois des vers :
A la barbe des cuDt>niis ,
ViUars t'est empare des lignes :
MOR
S'il virnl à s'emparer des vignes,
Vuil.'i les Allruiaiidii soumis.
La philosophie du grand-maître est
agréablement exprimée dans le qua-
train suivant :
Je dnuDc à l'oubli le passé,
ïjf )■ re'seiit à l'iiidilTcrrnce ;
Et , pour vivre drharrassé ,
L'avenir à la Provideui.e.
Ce badinage eut une grande vogue,
et fit à Morgier une réputation qui
lui facilita , lorsqu'il vint à Paris ,
les relations les plus honorables. Il
passa dès-lors la majeure partie de
sa vie d^ns la capitale, estimé des
gens de lettres les plus fameux, et
de plus eu plus recherché par le
grand monde , à cause des agré-
ments et de l'originalité de son es-
prit. Ce genre de mcrile que la prin-
cesse de Conti ( Louise-Elisabeth de
Bourbon ) possédait au plus haut
degré , et qui ne l'a pas moins ren-
due célèbre que sa beauté, le fit ad-
mettre chez elle dans une sorte de
familiarité. La princesse l'honora
d'une constante bienveillance , et ne
dédaigna pas quelquefois de coope'-
rer avec lui à la composition des
plaisanteries dont elle faisait son
amusement et celui de sa cour. Ces
petits ouvrages , et un grand nombre
d'autr( s pièces fugitives , n'ont pas
vu le jour : mais ils furent dans le
temps avidement recueillis par les
amateurs. Blorgier mourut dans sa-
patrie, en 1726. V. S. L.
MORGUES (Matthieu de), mau-
vais historien, connu aussi sous le
nom de sieur de Saint-Germain, na-
quit dans le Vêlai, en i OSi, d'une fa-
mille notable du pays. Il prit d'abord
l'habit de jésuite , et fut pourvu d'u-
ne chaire au collège d'Avignon. Le
désir d'une plus grande liberté le por-
ta, quelque temps après, à rompre ses
liens avec la Société; et il vint prc-
MOR
rlicr à Paris, où sa reputalion gran-
dit plus vile qu'il n'avait ose se le
promettre. Mari;ucritc de Valois le
nQiQiP.a son prédicateur, en i6i3.
Louis XIII se l'attacha au même ti-
tre , sur la présentation du cardinal
Dupcrron ; et, en 1G20, Marie de
Medicis le choisit pour son aumô-
nier. L'abbe' de Saint- Germain mit
sa plume à la disposition de Riche-
lieu, alors simple évêquc de Lnçon,
et conseiller intime de la reine-mère :
il e'crivit , sous l'inspiration du pre'-
lat, contre ceux qui avaient ôté à la
reine l'e'ducation de ses enfants • et
son fastidieux pamphlet, qu'il inti-
tula les Vérités chrétiennes, circula
sous le nom de Manifeste cV Ans,ers.
Richelieu se servit encore de l'au-
mônier pour sa propre cause. II
commanda une réponse à des écrits
publiés contre lui chez l'étranger; et
les Avis d'un théologien sans pas-
sion, dont il avait lui-même fourni
le canevas, parurent en 1616, iu-8'*.
Lorsque le ministre se fut brouillé
avec son ancienne protectrice, Saint-
Germain demeura fidèle à la prin-
cesse. Pour le punir de son dévoue-
ment, Richelieu emi)êcha que sa no-
mination à l'évêché de Toulon fût
confirmée à Rome. La reine - mère
ayant été arrêtée à Compiègne, Saint-
Germain , pour échapper à la colère
du ministie persécuteur, se retira
dans la province qui l'avait vu naître.
Ne s'y trouvant pas en sûreté, il alla
rejoindre Marie de Medicis à Bruxel-
les. Richelieu redoutait tellement la
causticité de Saint-Germain, que dans
toutes les négociations ponr le rappel
de la reine-mère, il stipulait que l'au-
mônier lui fût livré. Après la mort
de leur ennemi commun, Saint-Ger-
main revint à Paris, et.y mounit, le
ag décembre 1670, dans la maison
des Incurables, qu'il avait choisie
MOR i'Jq
])0iU' l'asile de sa vieillesse. Sa Par-
faite histoire du J'en roi Louis XliJ,
qu'il ne voulut pas mettre au jour
de son vivant, rcsîa inédite, malgré
la précaution qu'il avait prise d'eu
faire six co))ics. jMais on a de lui ,
sous le titre de Diverses pièces pour
la défense de la reine - mèj'e et de
Louis XIII , Anvers, iGS-y , i(J4î,
i. vol. , in - fol. , un Recueil de dc-
cuments authentiques sur lesquels
peut s'appuyer l'histoire, en raetlaut
à l'écart les injures, les récrimina-
tions, \cs impulatious suspectes , et
tout cet appareil d'esprit de parti
dont Saint-Germain a chargé son li-
vre. Ce qu'il y a de mieux est une
Réfutation de l'histoire de Dnpleix.
Balzac qui, en sa qualité d'écrivain
dévoué à Richelieu , s'était attiré sur
les bras l'ardent adversaire du car-
dinal , le signale comme le déser-
teur d'une douzaine de pariis , et
qui , pour son dernier métier, s'était
fait le parasite des Espagnols et des
mauvais Français qu'accueillait leur
cour. On retrouve le langage pas-
sionné et même brutal de Saint-Ger-
main , dans ses écrits de controverse;
il sidHt d'eu citer lui : Bruni spon^ia^
composé contre Antoine Brun. Ou
a encore de lui des ^!5e;v?2y«5,-i!lisib!es
par le style comme par. le ton qui y
règne, Paris, i665,in-8°. La seconde
Savcisienne j où se voit canine les
ducs de Savoie ont usurpé plusieurs
états appai tenant aux rois de Fran-
ce, Grenoble, i63o, in-S**., est attri-
buée à Matthieu de ûlorgucs; d'au-
tres en ont fait honneur à Franc, de
Rechignevoisin , seigneur de Guron.
L'auteur de la ])remière Savoisienne
était Ant. Arnauîd ( F. ce nom. Il,
497 ). On peut voir dans Fonfette
le détail des a'itrcs écrits de Matth.
de IVIorgues. Mazarin en avait payé
quelques-uns. F^ — t.
ibo
MOK
MORHOF ( Daniel -GKor.GE ),
l'un des plus savants rt des plus la-
borieux philologues de l'Allemagne,
était ne en i63i) , à Wismar, dans
le RIecklenbouig. Son ]/cic, notaiie
instruit , le fit élever sous ses yeux ,
et favorisa le goût (ju'il aunonçait
pour la littérature. A seize ans, il fut
envoyé à l'académie deStettiu , et se
rendit , en iOj'], à Roslock , pour y
achever son cours de droit ; Juais
une pièce de vers qu'il composa en
1G60, sur la C/cog-ne de Laur. Bu-
dock , tuée par accident, donna une
si haute idée de son talent , qu'on le
pressa d'accepter la chaire de poé-
sie. Il demanda un congé d'un an
pour visiter les principaies univer-
sités de Hollande et d' Angleterre ; et
il prit possession de sa chaire , en
1 6G I , pai' une dissertation , De en-
thusiasmo etfurore poëtico, qui fut
fort applaudie. Il ne resta que peu de
temps a Rostock; car le duc de Hol-
stein le chargea , en i (JG5 , de profes-
ser les belles-letlrcs à l'université de
Kiel, nouvellement fondée. En 1670,
il fit un second voyage en Angleter-
re , où il se lia, entre autres, avec
Vossius et Boyie, dont il a traduit
en latin un ouvrage. Le vaisseau sur
lequel il repassait en Hollande , ayant
fait naufrage , le bruit courut qu'il
avait péri; et ses amis étaient oc-
cupés de recueillir des matériaux
pour son éloge, lorsqu'il reparut à
Kiel , où il se maria , au mois d'octo-
bre 1671. Deux ans après, il fut
nommé professeur d'histoire, et, en
i68o", bibliothécaire de l'acadéinie.
Celte double fonction ne l'empê-
chait pas de trouver encore du loisir
pour composer les ouvrages dont il
enrichissait chaque année le monde
savant. IMorhof avait publié une thè-
se sur les dangers d'une vie trop sé-
dentaire j mais il ne les redoutait
MOR
pas pour lui-même. Cependant il
tomba malade, et mourut d'épuise-
ment , en revenant des eaux deAyr-
monl , à Lubeck, le 3o juillet iW|i :
il n'était âgé ([uede 53 ans. Klefeker
lui a donné mie place dans la Bibl.
eriidit. pnrcoc. Morhof a beaucoup
contribué à répandre en Allemagne
le goût des bonnes élr.des; il joi-
gnait à une vaste érudition un talent
remarquable pour la poésie. Ménage
le regardait comme le premier poêle
de l'Allemagne , de sou temps. On
trouvera la liste de ses ouvrages au
nombre de trente, dans le tome -i des
Mémoires de ISiceron (i \ el dans le
Dictionnaire de Moréri, éd. de i']5(J.
Les principaux sont: I. Princeps me-
d i eu s, Rostock , i6(i5, in-4". C'est
une dissertation sur la réalité des
guérisons que les rois de France et
d'Angleterre opéraient sur les scro-
phuleux , le jour de leur sacre . par
l'apposition des mains. Morhof, en
admettant ces guérisons, qu'il regar-
de comme l'eilet d'un pouvoir mira-
culeux , s'est exposé au reproche de
crédulité, que ne lui oui pas épargné
les théologiens de sa communion.
IL Epi.'toia de scyph) vilreo per
soniim humanœ vorls riipto , Kiel ,
167.1, in-4". Il T^c\\\. cette lettre, la
refondit, et la publia eu forme de dis-
sertation sous ce tilre : Stentor hja-
loclastes sive de Scjpho , etc. La
meilleure édition est celle de Kiel ,
i-o3, in^". IMcrhof, dans un de
de ses vovages à Amsterdam , avait
vu un marchand de vin qui rompait
des verres à boire , en élevant la
voix d'une octave au-dessus de leur
(ij Xicrron a omis le? trois suiv.mts ; 10, X^anx .«c-
turasive C'entn in chrislogoniam è Viie^ilio , Slnlio
et Citiudiaiio conscripiu^ , l(J^7 i rcinipiiine daiis
ses Opsra poètica ; •»- •>.<* Epi£;ramniatum et jocofum
c£r.tuna prima popula/itiits dicatay Rostork , 1G59,
io-S". ; — 30. De génie Brocfctorfid , dai's Us J'Veit-
phal. monum, inédit. , I , 861.
Mon
ton Tiatiircl ; c'est rctlr oxporionce,
rp'petp'c ]>Iusieiirs fois on sa piéscnre,
<[iii flonna lie» à cet ouvrage, qui
abonde en anecdotes curieuses. III.
EiHstola de mclallornm transinii-
taîi^ne , Hambourg, iG'-S , iu-8".
Moiliof croyait à la possibilité de
convertir les /ue'laux en or; il pro-
nonça à Kiel , en i (k)0 , sur le même
sujet , un Discours qui a e'tc tr.iduit
eu allemand , par un adepte mo-
derne, làareilh , 17G4, iu-S''. IV.
Traité de la langue et de la poésie
allemandes , etc. [ en allera. ) , Kiel ,
lOSi, in-8''.; réimprime à Lubei^k,
en 1702, 17 18, mèiue format. Cet
ouvrage, curieux et savant, est di-
vise en trois parties : daus la pre-
mière , il cherche à établir rpie l'al-
lemand est plus ancien que le grec
et le latin; mais les preuves dont
il appuie cette opinion , partagée
par plusieurs de ses compatriotes,
sont loin d'être satisfaisantes. Dans
la seconde , il traite de l'origine de
la poésie allemande , et de ses pro-
grès depuis les premiers siècles; la
troisième contient les règles de la
versification. On trouve , a la suite ,
des poésies allemandes de Morliof ,
qui sont assez médiocres. V . De Pa-
tavinitale Liviand liber , uhi de ur-
banitate et peregrinitate sermonis
latini universè a^itur , i]iid. , iG8î,
in - 4". 11 y justifie Titc-Live du re-
proche que lui font quelques criti-
ques d'avoir employé des termes
particuliers à sa province, et qu'on
ne trouve pas dans les autres bous
auteurs ( F. Tite-Live ). VI. Po-
lyhistor. . . . sive de notitid aucîo-
rum et rerum comment arii^ Lubeck,
iG88-9'-i , 3 parties, in-4°. C'est de
tous les ouvrages de Morhof , le plus
important, et le seul qui soit recher-
ché hors de l'Allemagne. Il est di-
visé eu douze livres, dans lesquels
I\FOR
ifif
ranfrurfraite successivement de l'u-
lililé (le l'hisloire Jilléiaire ; de l'usa-
ge et du choix des livres ; des bijilio-
tlièfpies; des différentes nu-'lliodes
d'enseignement; des langues et des
meilleures grammaires ; de la rhé-
torique , de la poésie, de la philoso-
phie ; de la physique et des sciences
occultes; des malhémafiqucs; delà
philosophie pratique ou de la mo-
rale ; et cnrHi,de l'histoire et des
principaux historiens. Oii y recon-
naît-luie immense érudition; mais
on ydesirerait plus de méthode, et il
manque parfois de critique. Le Po/f-
historïui reimprimé eu iGcy:!!. Jean
Moller en donna, eu 1708, une
nouvelle édition , augmentée de pro-
légomènes et de notes , et d'une Fie
de Morhof, pleine de détails curieux,
mais faliganîe à lire par les di-
gressions continuelles dont il l'a
semée. Cette édition a été surpassée
par celle qu'a donnée le savant J.
Alb. Fabricins, avec de nouvelles
additions, Lr.beck, 1782,2 vol. in-
4"^. ( F. Fabricius , XIV, 60. ) Les
Poésies latines de Morhof ont été
publiées par Henri Muhlius , avec
une boiiue préface, Lubeck, iG^-^,
in-8''. Le Recueil de ses haranmies
et de ses programmes a paru à
Hambourg, en 1G98., in-80,; et ses
Dissertations académiques ont été
réimprimées daus la même ville,
iGgt), in-40., précédées d'un 60m-
mentaire sur sa vie, trouvé daus
ses manuscrits, et continué par l'é-
diteur , depuis l'année 167 i. Parmi
les ouvrages que Morhof avait laissés
inédits , il en est deux qui ont été
puliliés, im traité : Depurd dictio-
ne lalind, Hanovre , 17'îj, in-8'*. ,
par J. Laurent Mosheim ; et un
opuscule , De legendis, imilandis
et excerpendis aucloribus , Haïu-
buurg, 1731 , in-8'\, par J. Pierre
1 1
i62 MOR
Kolil, sujet intéressant, et auquel
ou icp;rctte que l'auteur n'ait ])as pu
donuer tout le développement dont
il serait susceptil)le. W — s.
MORICE DE BEAUBOTS ( Dom
Pierrk-Hyacintue ), bc'uëdictin de
la congrégation de Saiut-Maur, né
en 1693, à Quiuiperlé, d'une fa-
mille noble, fit profession , à l'âge
de vingt ans , dans l'abbaye de Saint-
Melaine , et se distingua bientôt par
son goût pour l'étude et par son as-
siduité à ses devoirs. 11 fut appelé,
en 1 731 , à Paris, pour travailler à
la généalogie de la mai.'on de Ro-
han • et on lui donna pour collabo-
rateur D. Duval , son compatriote
et son ami (1). Ils visitèrent en-
semble les archives de Bretagne, où
se trouvaient les matériaux qui leur
étaient nécessaires; mais D. Morice
acheva senl cet ouvrage, et le pré-
senta au cardinal de Ruban , qui lui
en témoigna sa satisfaction par une
pension de 800 livres. Il se chargea
ensuite , à la prière des états de Bre-
tagne, de donner une nouvelle édi-
tion de l'/Zi^foirc de cette province,
par D. Lobineau; et il publia, de
174*^^ * 7 4^ 7 1'""^^ volumes in-fol. ,
de Pièces justificalwes que Lobi-
neau n'avait fait connaître que par
des extraits : il y ajouta de savan-
tes Dissertations sur l'origine des
Bretons , leurs mœurs et leurs cou-
tumes à l'époque de l'entrée des Ro-
mains ; sur l'origine des barons ,
et des fiefs ; des états-généraux de
Bretagne, etc. Il fit paraître, en
ii5o , le premier volume de V His-
toire ecclésiastique et civile de Bre-
MOR
tagne{\)-y et il préparait le second,
lorsqu'il mourut d'une attacpie d'a-
poplexie, le i4octobrc \')')0.li l'âge
de cinquante-sept ans. D. Taillandier
fut chargé de revoir cl de terminer le
travail de son confrère; et c'est par
ses soins que le dernier volume parut 1
en 1756. L'histoire de Bretagne,
par D. Morice, est supérieure à
celle de D. Lobineau , par les addi-
tions et les éclaircissemens qu'elle '
renferme; mais on estime siu tout les
pièces curieuses que le nouvel auteur
y a ajoutées , et dont la plus grande
partie était inédite. ( V. Ch. Tail-
LANDiKR. ) Son Histoire iiénéalngi-
qtie de la maison de Rohan n'a point
été imprimée; elle forme 2 vol. in-
fol. avec les preuves. W — s.
MORIGIA ( BUONINCONTRO ) , '
chroniqueur, né à Monza , dans le
duché de Milan, au treizième siècle,
était d'une famille déjà ancienne. Il
fut charge, en i3'2'2, de conduire'
deux cents fantassins au secours de
Galeaz Visconli; en i3'29, il faisait
partie du conseil des Douze, qui avait
l'administration de Monza , ville
alors sujette de l'empereur Louis de
Bavière ; enfin il fut député, en 1343,
à l'archevêque de Milan pour aviser
aux moyens d'obtenir la restitution
du trésor de cette église, transporté
dans Avignon. Il a laissé une Chro-
nique latijie de la vil le de Monza , de-
puis son origine jusqu'à l'an i349 :
le style en est grossier; mais l'auteur,
qui paraît sincère et judicieux, ne
rapporte que les faits dont il a été le
témoin : elle a été puliliée par Mura-
tori dans les Script, rendu italic. ,'
tom. XII. — MoRiGiA ( Jacques-An-
(1) D. Jacques-Etienne DiJVAL , né ^ Rpunes en
1635 , fut appelé, eu i734t ^ l al'haje Saint-Gerniain-
des - Préi, uii il mourut bibliothécaire ,1e ?.3 avril
174»- Ou n'a de lui qu'une Lettre { toucliaut la po-
•ition de quelques villes des Gaules), Mercure de
septembre IJ.^Q.
(i") D. Morice a Liséré' daus ce voUniie Vhi^inirK
des premien rois Bretons , parVahhe Jacqurs Galletj
mort eu 17'-^ 1 curé de Corapaiis , au diiK'èse de
Meaux ; mais il a retouché le style de cette histoire ,
écrite avec trop de difttisîou [^r. V Examen criiiijun
par M. Barbier , I , 367 ).
I\10R
toinc ), dit V ancien , pour lo disfin-
;4iicr des suivants, ne à IMilaii vcvs
1 4ç)3, s'adonna, d.ms sajcunessc, aux
plaisirs et à la dissipation ; mais tou-
che' des reproches de ses parents, il
chanj^ea de conduite, et devint l'nu
des fondateurs de la congrégation
des Barnabitcs, dont il lut élu le
premier prévôt en i53(3. 11 remplit
cet emploi avec beaucoup de sa-
^essc ; et ayant leiuis son auto-
rite à sou successeur, il se destiria
aux missions: mais il fut réélu pré-
vôt eu 1 545, et mourut la même an-
née, regrette de ses confrères, qu'il
avait édifiés par ses vertus. — Mo-
RiG(A(Le cardinal Jacq.-Antoine) ,
de la même famille, né à Milan en
i632, entra chez les Barnabites à
l'âge de dix-sept ans , et professa la
pliilosophie dans les collèges de sa
congrégation à Macerata et à Milan :
il s'adonna ensuite à la prédication ,
et parut avec éclat dans les princi-
pales chaires de l'Italie. Le grand-
duc de Toscane, charmé de ses ta-
lents, le retint à sa cour, et lui con-
fia l'éducation de son fils. La ma-
nière dont il s'acquitta de cet emploi
lui mérita la faveur du grand-duc ,
qui lui procura l'évèchc de San-Mi-
uiato,d'où il passa, en i(383, sur
le siège de Florence. Il fut depuis
décoré de la pourpre romaine, et
nommé à l'évèché de Pavie, qu'il ad-
ministra avec beaucoup de zèle: il
refusararchevêchéde Milan, et mou-
rut le 8 octobre i-joS. Il fut enterré
dans sa cathédrale , avec une cpita-
])he très-honorable, rapportée par
Argelati. On a de ce prélat trois Orai-
SOIS funèbres et des Lettres pasto-
rales adressées aux fidèles de Flo-
rence. — MoRiGiA ( Paul ) , jésuite,
ué à Milan en iS'iS, se distingua
tellement dans son ordre , qu'il fut
élevé <piatre fois à la dignité de su-
MOR
ig:
périeur- général. Il profita de sou
ascendant sur ses confrères pour re-
former les statuts , avec l'approba-
tion du Saint-Siège. Il mourut octo-
génaire en i(h)4, et fut inhuiné
dans l'église Saiiil- Jérôme de Mil.iu
dont il avait posé la première pierre.
George Trivulce , comte de Melfi ,
dècoi-a sa tombe d'une épilaphc, qui
porte que Morigia avait compose'
soixante et un ouvrages. Argelati
n'en a pu découvrir que quarante-
cinq , tant imprimés que manus-
crits , dont il donne les titres dans
la ItihUoth. Mediol. , tome i*"r. . p,
966 et suiv. Les principaux sont :
1. Origine ditutte le Relii^ioni^ libri
ni , Venise , 1 569 , 1 58 1 , 1 580 ,
in - 8». ; trad. en français , Paris ,
1578, in - 8". : c'est une histoire
superficielle de rctahlissement des
ordres religieux. II. Sloria de"
yersjnna^i illustri delV ordine de''
Jesuati, libr. vi, ibid. , 1599, in-
4°. Cet ouvrage ne vaut pas mieux
que le précédent, quoique l'auteur
ait eu la facilité de pniser aux sour-
ces. III. Storia delV anlichità di
Milano , Ubri ly, ibid. , 1 59.2 , in-
4*^. C'est un recueil des fables et des
récits populaires accrédités dans le
Milanez. IV. Délia nobiltà de l
Sipiori hyidel consigna di Milano,
Ubri ri, Milan, iSgo, in- 40., et
avec un Supplém. de Borsieri , ib. ,
1619, in- 8>^. On y trouve quelques
Notices intéressantes , noyées au mi-
lieu de contes puérils qui prouvent
l'extrême crédulité de l'auteur. W-s
MORILLOS. r. MuR.LLo.
MORIN (.Iean-Baptistk), le
dernier des astrologues qui méritent
d'être cités , et plus connu par ses
travers que par les services qu'il a
rendus à la science , était ué en
1 583 , à Villefranche dans le Beau-
jolais. Il fit son cours de philoso-
1 !..
î64 MOR
phie à Aix, et alla ensuite étudier
fa médecine à l'université' d'Avi-
gnon , où il reçut le doctorat en
i6i3. S'etant rendu à Paris pour y
exercer son elat , il fut admis chez
Claude Dormy, ëvêquedc Boulogne,
qui , lui avant reconnu des disposi-
tions particulières pour les sciences
naturelles , l'envoya visiter à ses
frais les mines d'Allemagne et de
Hongrie. A son retour , Morin se*lia
d'une étroite amitié avec un Écos-
sais , nomme Davisson , qui, détrom-
pé des chimères de l'astrologie, y
avait renoncé pour s'appliquer à la
médecine ( F. Davisson , X , 617 ).
Les raisonnements de son ami con-
tre l'astrologie , firent uaîtrc à IMo-
rin l'envie d'étudier cette science ;
et il V prit tant de goût, qu'il renon-
ça à "la pratique de son art pour se
livrer entièrement à cette nouvelle
étude. Entêté des découvertes qu'il
croyait y faire chaque jour , il se crut
bientôt en état de prédire raveuir;
et il annonça à l'cvcqne de Boulogne
que, dans le courant de l'année 1617,
il serait mis en prison. Ce prélat in-
trigant fut eneOc-t arrêté; et Moiiu
se consola de la perte de son protec-
teur , par le plaisir d'avoir deviné
juste. Avec un pareil talent , il ne
pouvait guère d'ailleurs manquer de
se faire des amis. Il entra, en i6'ii ,
au service du duc de Luxembourg ;
mais ne jugeant pas le traitement
qu'il en recevait assez considérable ,
il le quitta eu le menaçant d'une.ma-
ladie dangereuse, qui emporta clFec-
tivement ce seigneur au bout de quel-
que temps. Mécontent des grands , il
s'attacha cependant encore au maré-
chal d'Elïîat, et obtint, en i63o ,
la chaire de mathématiques au Col-
lège royal. Ses amis lui conseillèrent
d'épouser la veuve de Sainclair , son
prédécesseur; et il céda à leurs rai-
Mon
sons. Mais , comme il allait rendre
une jucmière visite à la jeune veuve,
il ap[)iit qu'on faisait les dispositions
pour ses funérailles ; et , fraj)pé de
cet événement, il prit la résoliitiuu
de ne jamais se marier. Moriii avait
gagné la confiance dn cardinal de
Richelieu , qui daignait le consulter
quelquefois. il lui lit part des moyens
qu'il avait imaginés pour trouver les
longitudes en mer; mais les commis-
saires chargés d'examiner cette dé-
couverte, ne lui ayant pas été favo-
rables dans leur rapport, il n'obtint
pas les encouragements qu'il avait
réellement mérités ; et il se brouilla
sérieusement avec le premier minis--
trc. 11 fut plus heureux avec le car-
dinal Mazarin , qui lui accorda , en
1G45, une pension de 2000 livies ,
somme considérable pour le temps.
Les grandes querelles qu'il eut à sou-
tenir contre les partisans de Coper-
nic , contre les ennemis de l'astrolo-
gie judiciaire, et enfin . contre ceux
qui lui disputaient la découverte des
longitudes, occupèrent toute sa vie.
11 mourut à Paris le G novembre
iG56, et fut inhumé dans l'église
de Saint- Etienne- du - ]\Iont , avec
épitaphe qu'il avait composée, et
que l'abbé Goujet rapporte dans
VHlsloire du Collège royal. Morin
aurait pu être très-utile à l'astrono-
mie , si, par un travers d'esprit dé-
plorable, il ne se fût établi comme
le champion de J'asli'ologie judiciai-
re, et l'un des contra licteurs les
plus opiniâtres de Copernic et de
Galilée , en soutenant avec une sor-
te de rage l'immobilité de la terre
( V^oy. VHisloire des mathémati-
ques, par Montucla , 11 , 336 ). Ou-
tre les ouvrages publiés par Morin ,
et dont le P. INiceron a donné la
liste, dans le tome m de ses Mé-
laoiiès . il a laisse en manuscrit plu-
MOR
sieurs Opuscules astronomiques ,
sur lesquels ou lira des ilelails iiife-
ressauts daus le Dictiunn. de ]Mo-
le'ri , e'd. de l'^JÇ). Panui les pro-
ductions de cet astrologue , ou se
contentera de citer: \. Fainosi pro^
blcmalis de telluiis inotu vel quiele
hactenus optata solutio , Paris ,
iG3i , ia-4'*. C'est dans cet ouvra-
ge , que Moriu se déclara contre le
système de Copernic, dont l'adop-
tion , comrae il le sentait bien , de-
vait ruiner tous les principes sur
lesquels repos-iient les calculs de
l'astrologie judiciaire. II. Longitu-
dinum terreslriuin et cœlestaun no-
va et hactenus oplata scieniia, Pa-
ris , 1634 , in - 4". IMorin , ayant
fait successivement des adiiitions à
cet ouvrage ( Voy. la Bibliographie
astronomique , p. :wn et uocj ) , le
reproduisit en i64o, sous ce titre :
Abtronomia jam à fundamentis in-
tégré et exacte restituta. Il est di-
vise en neuf parties, et contient de
fort bonnes choses. La méthode de
Moriu pour déterraii;er les longitu-
des eu mer consistait à calculer la
hauteur de la lune, et mesurer la dis-
tance d'une étoile dont la position
était connue. Cette même méthode,
simplifiée par Pagan, est celle que Le-
monnier et Pingre proposaient d'a-
dopter : elle fut d'abord accueillie
par les commissaires que le cardinal
de Richelieu avait nommés , et re-
jetée ensuite , parce que la théorie de
la lune n'était pas assez perfec-
tionnée, et qu'il n'indiquait aucun
îno\ en de s'assurer de la régularité
d'une opération ( Voy. VBiit. des
mathémat. , 11 , 33G et suiv. , iv ,
543 et suiv. ) Les instruments d'as-
tronomie usités à celte époque étaient
d'ailleurs trop imparfaits pour don-
ner à ces observations une précision
*uirisante et utile dans la pratique.
MOR
iC^
On trouve encore des choses for"
remarquables dans l'ouvrage de Mo-
rin, et par exemple la description du
moyen ingénieux (pi'il avait imaginé
pour continuer d'observer une étoile
fixe ou une planète, pendant une
heure après le lever du soleil, dé-
couverle plus curieuse qu'utile , d'au-
tant plus que le mouvement du vais-
seau eût rendu l'observation impra-
ticable sur mer. Taudis que les juges
de Morin lui refusaient l'honneur d'a-
voir travaillé ulilcraenl à la déter-
mination des longitudes ( i) , quelques
astronomes revendiquaient pour Lon-
gomontan , la gloire que s'attribuait
(i) On De deTail pas à Morin, le prix qu'il récla-
mait , comme nne chose due, si ce prix était tel que
celui qui a été depuis arrêté en Angleterre , ou si
rob;et et les Cjïceuves élaieut bien déterminés. Mais
on lui devait quelijHfs éloges et des encourape-
mints; il- fallait exciter son 7.èle , stimuler so:\
ainoiir-pro[>re , lui montrer le pi ix , ou <lu moirs ,
partie du prix en perspective , s'il parveuait à per-
fectionner quelques idées heureuses , te:le que la lu-
nette placée sur l'alidade avec des pinnules qui ser-
vaient à amener l'astre an milieu du ch.'mp de la lu-
nette. Df clarer durement que ces moyens ne contri-
bueraient en rien à la bonté des observatious ou -*
l'amélioration des tables , était nne assertion non-
seuleinei.t décourageante, mais fausse, et l'événement
l'a complètement démentie. Les commissaires u'ont
pas senti le mérite de ces amélioi'ations... Leur pre-
lîiler arrêté était trop précipité, trop favorable; il
exprimait la pensée des juges , bien moins que celle
de Taud-tuire ; mais le second est aussi trop dur et
trop injuste... L'éirit adressé au cardinal était plus
dm- encore ; il était injurie ux à Morin , qui en attri-
bue l'àcTeté àMjdorge.et .i Beaugrand. Les commis-
saires ont tort maivfeitement, quaud ils assurent qu?
les moyens d-. Morin ne peuvent donner aucune amé-
lioration aux tables L'établissenieit d'un Observ.»-
toire pi rnianc nt, une série non interrompue d'cbsei-
vatioiiS, pendant un temps indéfini, leslunettes aùap-
tées au circle . le vcrnier substitué à la division par
trai sverales, les efforls de Morin pour amener l'as-
tre au milieu du champ de la lun: tte ; voilà certes,
des améliorations de la plus grande iinp<irtmce ( si
elles eu.'-stnt été réélisent exécutées , nu lieu d'être
vagu ment indiquées comme elles le sont dans le li-
vre de Moriu ) , et elles devaient infailliblement aug-
mcntcr la prccisiou des tables. Il est vr.»i que ces
rnoycis étaient loin encore de suffire à la dit rmin:>-
tioù des nombren.'es inégalités de la lime ; mais les
commissaires étaii nt loin de soupçimner celte causa
de difficulté : leur décision était denc téméraire, et
prouvait , ou de la malveillance , ou une inadvcrtarto
bien singulière.. L'ne recompen«e décernée publique-
ment par le ministre l'eût satislilt ; il n'y avsiit pas
de somme délenninée ; il n'eu fixaii aucune dans s»
demande ; il se serait couteutc d'un peu d'argent, et
d'un peu de sloire, que sa vanité amnit assez exajç-
ree. D— L— E.
MorinjctleP. Du Liiis, loligicux
îècollet, se vantait d'avoir dccouvort
un meilleur procëflë. Morin rcpoudit
à ce nouveau rival par un ouvrage in-
titule' : m. La Science des longitu-
des, réduite en une exacte et fa-
cile pratique sur le globe céleste,
tant pour la terre que pour la nier ,
avec la censure de la nouvelle théo-
rie et pratique des longitudes du P.
jDu Liris, etc. , Paris , 1647 ' i"-4°-
Morin lui reproche de l'avoir pille',
et de ne pas posse'der les premiers
éle'ments des mathe'matiques. A ces
grossières accusations, le P. Du Liris
re'pondit avec une modération qui ne'
fit qu'augmenter la colère de Morin ;
mais ces deux hommes finirent par
se réconcilier ( F. Liras, XXIV,
557 ). IV. Epistola de tribus im-
postoribus , Paris , 1 654 ' i"- 1 ^- I-ies
trois pre'tendus imposteurs 'que si-
gnale Morin ('ans cette lettre, sont
Gassendi, avec lequel il s'était brouille
à l'occasion du système deCopcrnic,
Bernier, et Rlaîhuiin de Ncurë. Il
la j^i'blia sous le nom de rincent
Panurge , en se l'adressant à lui-
même, afin de pouvoir dire plus li-
brement ce qui lui plairait. V.^>/h-
tatio compendiosa erronei ac detes-
tandi libri de prœadamitis , ibid. ,
1657, in- 12, rare (T. La Peyrere).
VI. Astrologia gallica , la Haye ,
ï66i , in-fol.; cet ouvrage, auquel il
avait travaillé trente années, ne parut
qu'après sa mort par les soins de
Louise- Marie de Gonzague, reine de
l^ologne y qui fit les frais de l'im-
pression ; l'éditeur anonyme l'a fait
précéder de la traduction latine d'une
Fie de M orin , qui avait paru en \ 660,
in-T'2. L'article que Bayle lui a cun-
aacré dans son Dictionnaire est fort
curieux, et renferme bien des par-
ticularités intéressantes, qui avaient
échappé a l'auteur de la Vie qu'on
MCI!
vient de cilcr. On peut encore con-
sulter les dillérents Biographes in-
diqués dans le courant de cet arti-
cle, et le Mémoire sur Morin, par
Grandjean de Fouchy , dans le Re-
cueil de V académie des sciences
pour 1787, mais surUml Y Histoire
de l'astronomie moderne , par M.
Delambre, tome n , p. 235-274. Le
portrait de Morin a été gravé par
fr. Poilly , in-fol. , et il fait partie
dt' plusieurs collections. W — s.
MORIN ( Jean ), prêtre de l'Ora-
toire, né à Blois, en ijgijde parents
yélés calvinistes , fit ses humanités à
la Rochelle, et fut ensuite envoyé à
licyde , où , pendant son cours de
philosophie et de théologie, il apprit
le grec et l'hébreu. De retour dans
sa patrie, les langues orientales , l'E-
criture sainte , les conciles et les
Pères, devinrent les principaux ob-
jets de ses études. Les excès auxquels
il avait vu, en Hollande, les Goraa-'
ristes et les Arminiens se porter dans
leurs disputes , lui avaient ii:spiré des
doutes sur le fonds de la doctrincdes
réformés j les relations qu'il eut avec
les controvcrsistcs catholiques, aug-
mentèrent ces doutes. Le cardinal
Duperron acheva de le convaincre;
il reçut son abjr.ration , et l'admit
dans sa maison, d'où Morin passa
dans celle de M. Zamet , évêque de
Langres. Mais enfin , le désir de con-
cilier , dans une vie plus libre , sa
passion pour l'étude avec les devoirs
de son état, le conduisit, en 1618,
dans la congrégation de l'Oratoire ,
nouvellement fondée. Il était supé-
rieur du collège d'Angers dans le
temps du procès bruyant de M. Mi-
ron avec le chapitre de sa cathédra-
le- et il fut très-utile à ce prélat pour
la composition des divers écrits pn-
bliés dans cette affaire. En i625 , le
P. de BéruUe le choisit, pour être un
MOR
des douze prclres de l'Oratoire qui
devaient former la cliapelle de Ileu-
riellc de France , reine d'Angleterre;
espérant qu'il lui serait d'un grand
secours par son savoir on llic'ologie,
s'il fallait entrer en controverse avec
les Anglicans. Les contradictions
auxquelles cette colonie fut exposée
l'ayant oblige de repasser la mer ,
il se {ixa dans la maison de Saint-
Honorë, à Paris, où il résida le reste
de sa vie. li s'y occupa de la conver-
sion des Juifs, et de celle de ses an-
ciens co-rcligioniiaires , dont plu-
sieurs lui durent leur retour à l'Église.
Un grand nombre d'e'vèques , et mê-
me les assemblées du clergé, le con-
sultaient sur les matières de disci-
pline dont il avait fait une étude
particulière. Sa vaste et profonde
érudition dans toutes les sciences ,
le mit en relation ou en dispute avec
la plupart des savants de l'Europe. Le
premier fruil. de ses travaux fut Extr-
citaùonum ecclesiasticanim libri
duo de patriarcharum et primatum
oris^ine , primis or bis terrarum ec-
clesiasticis divisionibus atque anli-
qud et primigenid censurarum in
clericos natiirdet praxi, Pai'is, 1 6'26,
in-4''. Cet ouvrage, fruit précoce
d'un esprit encore novice dans les
matières qui en sont le sujet , ren-
ferme des recherches curieuses ;
mais le style en est prolixe et diffus :
l'auteur y cite,, comme authen-
tiques , les fausses décrétales , les
écrits attribués à saint Denys l'a-
réopagite j il y parle en ultramon-
tain , surtout dans l'épître dédica-
loire à Urbain VIII, où il l'appelle
omnium inortalium judex , unicus
sid dominus et nindex. Le P. Morin
ne tarda pas à s'apercevoir de ces
défauts ; et il s'en corrigea dans ses
autres ouvrages. Ou fut moins con-
tent à Kome du suivant ; Histoire
MOR
ir,'
de la délivrance de V Eglise chré-
tienne, par l'empereur Constan-
tin . et de la grandeur et souve-
raineté temporelle , donnée à VE-
glise romaine parles rois de France,
Paris , i63o, in-fol. Les Romains
furent surtout choqués de la vignette
qui est à la tète , où l'on voit Cnarle-
magnc présentant une carte d'Ita-
lie au pape Léon 111, en lui disant :
Italos parère jubebo ; et Léon lui
répondant : Tu mihi quodcumque
hoc regni. Le cardinal Barberini lui
en fit faire des reproches , et exigea
qu'il promît de réparer ses torts dans
une seconde édition, qui n'a jamais
F ru. L'ouvrace est, du reste, écrit
d une manière incorrecte et uiihise.
Le P. Morin avait fait, de la critique
sacrée, une de ses principales occu-
pations : c'est parce motif, que le
clergé de France le chargea de diri-
gerTédilion de la Bibledes LXX, qiii
parut en 1628, avec la version latine
et les notes de Nobilius , 3 vol. in-fol.
Quelques exemplaires sous la rubri-
que d'Antoine Etienne, portent en
titre, Accurante Morino;et l'édi-
tion de Siinéon Piget , de 1641 ,
est encore la même avec un change-
ment de frontispice. Dans l'épître au
lecteMr,leP. Morin donna hautement
la préférence à la version des LXX sur
le texte hébreu, qu'd prétendait avoir
été altéré par les Juifs; ce qui fut la
source de ses longues et vives dLspu-
tesavec les hébraisants, en particulier
avec le savant Siméon de Muis. On le
regarde comme le restaurateur del'an-
cieniie langue des Samaritains , qu il
avait apprise sans le secours d'au-
cun maître. Le premier fruit de son
travail en ce genre, a pour titre:
Exercitationes ecclesiasticœ in u-
tnwiipie Samaritanorum Penta-
teucJuim , etc., Paris, i63i , in-
40. 11 y traite de la rehgion , dos
i68
MOR
mœurs, des sectes des anciens Hé-
breux, et , en généra] , de tout ce
qui a rapport à ce peuple. Il y
prouve que, les deux exemplaires du
Pcntateuque samaritain , celui que
Ir P. de Hariay avait apporté de
Constantinople , et celui qu'il avait
reçu de Pielro dclla Valle , sont en-
tièrement les mêmes que ceux qui
on? été cités par EusMjcet par saint
Jérôme ; et il en met le texte fort au-
dessus du texte hébreu, qu'il persiste
à représenter comme avant éprouvé
des altérations importantes. Deux
ans après il revint sur le même para-
<loxe dans ses E xercitaiiones biblicœ
{Je hebiàici grœcif/ne textds since-
ritate, de germand LXX intcrpre-
iiim translalionc dignoscendd, etc.
Paris , i633 , in-4". : ouvrage d'une
vas'fëct proi'onde érudition dans tout
ce qui concerne la Bd>Ie et l'état des
Juifs. Comme il ne laissait jamais
ses adversaires sans leur répondre
aussi vivement qu'il en était atta-
qué , il opposa aux critiques de son
livre : Di.itribe elenchica de since-
ritate hebrœi grœcique textiîs di-
gnoscendd adi'ersih insanas (Jito-
îinndain hœreticoTum calumnias.
Accédant appeiidix in tjud non-
vulla divinitatis et incarnationis
J. C. D. N. illustrissinui ieslimo-
nia in hebrâco textu nunc corrup-
ta , Thalmudis et Habbinoruni an-
tiqnorum autorilale reslituuntur ,
et animadi'ersioncs in Censuram
Exercitalionwn in Samaritanonim
P entât euchum, Paris , iGSq , in-8''.
Urbain VIII, qui s'occupait alors
du grand projet de réunir l'Église
grecque avec l'Église latine , fit pro-
poser au P. Morin de se rendre à
Kome pour se joindre aux théolo-
giens chargés de ce travail. Le car-
dinal Rarberini lui donna nu loge-
ment dans son palais j et dans les
MOR
conférences qui eurent lieu à ce sujet,
le P. Moriu justifia l'ic^ce que le pape
avait de son savoir et de sa sagat itc.
Tous les membres delà congrégation
élaicnt disposés à condamner les ot-
diuations de l'ancirnue église ori( u-
tale, parce qu'on n'y retrouvait pas
la forme et la matière des scola^ti-
ques ; mais le docte oratorien leur
ayant prouvé avec force , que l'impo-
sition des mains est la seule foi .ne
nécessaire, et que la porreetion dca
instruments et l'onction sont d'un
usage moderne , les ramena tous
à sou sentiment. Après neuf mois
de séjour dans cette capitale du mon-
de chrétien, le cardinal de Riche-
lieu le fit rappeler en France , sous
divers prétextes. On a prétendu ,
sans aucune preuve, que cette émi-
nence voulait s'en servir pour le fai-
re travailler au projet qu'elle avait
de se faire déclarer patriarche. D'au-.
très ont cru, avec plus de viaibcm-
Llance, que ce mhiistre était mécon-
tent de la manière peu avantageuse
dont l'oratoricn parlait de sa per-
sonne à la cour de Rome. Celte con-
jecture est fortifiée par le froid ac-
cueil qu'il en reçut à sou retour. Ce
fut eu 1645, que parut la fameuse
Polyglotte de Le Jay. Le P. Mo-
riu y exécuta le projet qu'il avait
depuis long-temps île donner au pu-
blic le Pentaleuque samaritain. Il
y fit imprimer les deux textes de
ce monument précieux , l'un eu
caractères samaritains, et en lan-
gue hébraïque, sur l'exemplaire de
Harlai, l'autre en caractèies et en
langue samaiitaine sur celui dç Pie-
tro délia Valle , avec une version la-
tine de sa façon , accompagnée d'une
préface où il rend compte de son tra-
vail. Après qu'il eut publié cet ou-
vrage, Peiresc et Cambden lui com-
muniquèrent quelques endroits de
IMOR
leurs manuscrits , qui conlcnaicnt
<lcs leçons (lillcrenles de ceux, sur les -
quels il avait doiuic son édition; ce
(jui lui fournit l'occasion de compo-
ser Touvraj:;»' suivant : Opiisculci hc-
biivosainariianci, qui contient une
j^raïuniairc et un lexique samari-
tains, etc., Paris, 1O57, in-r^. Le
P. Morin avait un ç^oût de prédilec-
tion pour la théologie positive. Il
est làcheux que ses disputes ra])bi-
uiqucs l'aient empêche de s'y livrer
entièrement : nous aurions un corps
complet sur la matière des sacre-
ments , traitée d'une manière plus
solide et moins rebutante (pi'elle ne
l'est dans la plupart des scolasti-
ques. Ce qu'il nous a donne' sur la
j)enitcnce et sur les ordinations , ne
laisse rien à désirer à cet é^àïd. Le
premier de ces traites est intitule ,
Comment arias historicus de disci-
jjlinà in administratione sacramcnli
pœnitentiœ , tiàdecim primis sjcu-
lis in ecclesid occidentali et hucus^
(pie in orienlali ohservtdd ^ etc. , Pa-
ris , lOj I , in-t"ol. L'auteur y travail-
lait depuis trente ans. L'ouvrage eut
d'abord peu de succès , parce que
le P. Moriu s'y e'cartait des maxi-
mes jusque-là en vogue dans les
écoles; et que, sous prétexte d'e'vi-
ler le reproche de rigorisme, à cause
de l'étalage (ju'il faisait de l'ancienno
discipline, il avait maltraité les théo-
logiens de Port-Royal , dans la pré-
face , quoiqu'au fond il fût plus d'ac-
cord avec eux qu'avec leurs adver-
saires. Les censeurs lui firent mê-
me supprimer un livre entier , De
expiatione catechumenorwn , où il
S(; montrait peu favorable à la con-
fession auriculaire , et l'obligèrent à
d'autres corrections. Ce ne fut qu'au
bout de dix ans qu'on rendit justice
au méiited'un ouvrage que tous ceux
qui désirent connaître ii fond la ma-
MOR
iCo
lièrc de la pénitence, ne peuvent se
dispenser de consulter. Lorsque les
libraires de Paris voulurent le réim-
primer ,1e chancelier Séguicr rcfu^a
de renouveler le privilège; de sorte
qu'on se vit obligé de le faire nictlre
sous presse eu Hollande, sous la ru-
bri([ue d'Anvers. Ce txaité fut suivi ,
quatre ans après , de celui des ordi-
nations , sous ce titre : Commenla-
rius de sucris ecclesiœ oïdinationi-
hus , secundàm anti'pios et lecenlio-
res Latinos, Grœcos, Sjjvs et t'abj -
lonicos , inquo demonstralur orieu-
talium ordlnaiwnes conciliis genc-
ralihus et siimmis pontijiciius ah
initia schismatis in hune usipie dieni
fuisse probatas , etc. , Paris, i655 ,
in-fol. Ainsi que dans l'ouvrage pré-
cèdent, l'auteur a épuisé sa matière,
heurtant de front un grand nombre
d'opinions scolastiques. En i6j4>
le P. Morin avait fait imprimer, sons
le titre de Déclaration , etc. , un jMc-
moire de plus de 200 pages in-8<'. ,
non contre la congrégaticu de i'Ora ■
toire, comme on le croit communé-
ment , mais contre le gouvernement
particulief du père Bourgoing, gé-
néral de ce corps , qui, s'étant affran-
chi des entraves mises à son auto-
rité arbitraire, prétendait y dispo-
ser à son gré du sort des individus ,
sans égard pour l'avis de ses assis-
tants. Le niémoire, écrit avec trop
d'amertume, lit une telle sensation,
dans l'assemblée générale tenue à
Orléans , que celui q.ii en était l'ob-
jet, elFrayé du résultat de cetle alfai-
re, prit de lui-même le parti de re-
connaître dans ses assistants le droit
de voix delibéraîive, pour tout eu
qui regardait le gouvernement spiri-
tuel de la congrégation. Ce mémoire
est devenu exlrcmemcn^rare, par ce
que^ l'auteur Jie l'avait distribué que
parmi les membres de l'assemble©
170 IMOR
iVOiIeans. Il n'en existait, avant la
rcVolution , aucun exemplaire dans
les j;;randes bibliothèques de la capi-
tale. On n'en connaissait que deux
dans les cinq maisons du diocèse de
Paris. Un troisième, qui est à la dis-
position de l'auteur de cet article ,
appartenait au séminaire de Greno-
ble, d'où il a dû passer dans la biMio-
tlièque de cette ville ( i ). Quatre ans
après , il en- parut un abrège' , que Ri-
chard Simon attribue au P. Desmares
de'guisë sous le nom du sieiy de la
Tourelle. Cet ouvrage intitule : Dou-
tes proposés à notre assemblée de
i658 , est dégage des traits satiri-
ques reprochés à l'ouvrage original.
Le P. Morin hiourut le 28 février
T 059, d'une attaque d'apoplexie. C'e'-
tailunhommefrauc, sincère, et d'une
bonne société, mais trop-vif dans la
filspute pour la défense de ses senti-
ments. Oulreles ouvrages dont on a
donné la notice, il en avait composé
im grand nombre d'autres, dont plu-
sieurs sont restés Imparfaits ou ma-
nuscrits. La mort le surprit dans le
temps oij il venait de remettre sous
presse ses Exercitationes hihlicœ ,
etc., augmentées d'une seconde par-
tie qui n'avait pas encore vu le jour.
Le savant P. Fronteau, chanoine ré-
gulier de Sainte-Geneviève, se char-
gea de diriger cette édition . qui pa-
rut en i()G9,in-fol.; elle est précédée
de la Vie de l'auteur par le P. Cons-
tantin, de l'Oratoire, aussi imprimée
séparément , in-4°. , et d'une pré-
face de l'éditeur, où il donne une
bonne analyse de tout l'ouvrage. Le
P. Moret de l'Oratoire , publia en
1 -joS, /. Morini opéra posthuma de
caieclmmenorum expiatione , de sa-
cramento confirincdionis , de con-
(i) V..y,z. , sur ce livre, une note <5ii P. Adry, iu-
eerée <t.u5 la 3=. editiou du Manuel du Libraire, 11,
trilione et atlritione , etc., Paiis,
in-4". On trouve , dans le premier
tome des Mémoires de littérature an
P. Drsmolets, sept lettres latines du
P. Morin à Allatius , sur les basi-
liques des Grecs. Enfin Richard Si-
mon fit imprimer à Londres, ïa-ii ,
en \GS'i , sous le titre à' Antiquita-
tes Ecclesiœ orientalis , la corres-
pondance de ce père avec divers sa-
vants , sur différents points d' ;nti-
qnilé ecclésiastique , précédée de la
vie ou plutôt d'une satire contre l'au-
teur. Tout cela n'est qu'une partiede
ses ouvrages dont plusieuissont res-
tés manuscrits. Ou regrette surtout :
i".Un grand traité de Sucramento'
matiimonii ^ dont R. Simon attribue
la perte aux scrupules de quelqn'i'U
de ses confjères, quile lit disparaî-
tre, parce que l'auteur y soutenait la
doctrine de France en opposition à
celle du concile de Trente , sur le ma-
riage des enfants de famille ; — 2".
De Basilicis christ ianonim ; opus ,
dit le P. Quesnel qui l'avait vu, ex-
qiiiiitd enidtione rej'ertum, suivi
d'un Opuscule sur le même sujet,
qui contenait beaucoup de choses
omises dans le précédent traité; —
3". De Paschate et de velustissi-
mischristianonan Paschalis ritihus;
— 4'^- Plusieurs autres traités , qui
annonçaient sou immense érudition
et l'étendue de sa correspondance
avec tous les savants de l'Europe.
T— D.
MORIN ( SiMOiv ) , visionnaire et
fanatique dudix-septicme siècle, était
né vers i6'i3, a Richemont , près
d'Aumale , dans le pavs deCaux, de
parents obscurs. Sans ressource dans
son pays, il vint à Paris, où sa belle
écriture lui fit obtenir une place de
commis dans les bureaux de M. Char-
ron, trésorier de l'extraordinaire des
gueires : mais, peu assidu à son ira-
MOU
vail , et moins occupe tic son ein-
])Ioi que d'idées ex lrav;t 'Miaules , il
se fit renvoyer. Dans le denncnient
où le mettait la perte de sa place,
il prit le parti de se faire écrivain
copiste. On signalait en France, de-
puis quelques a nne'es, une secte d'i//?<-
/mne'.v. Pierre Gnërin, cure de Saiiit-
Georgede Roie, en avait senie'les er-
reurs en Picardie; et elles avaient pé-
nc'lre dans la capitale. Soit que IMo-
rin eût eu des relations avec ces sec-
taires , que le gouvernement faisait
recherclier, soit qu'il e'it lui-même
commis quelque imprudence, il fut
arrête et coJiduit dans les prisons de
l'officialité. Il s'y comporta si bien
qu'on le renvoya ; il alla se loger
chez une fruitière , qui tenait une
sorte d(! cabaret dans le voisinage
de Saint-Germain-l'Auxerrois : elle
avait une fille nommée Jeanne Ho-
nadier, qu'il débaucha. Ce commer-
ce ayant eu des suites, il l'e'pousa ,
et continua de demeurer cliezsa belle-
mère. Des joueurs, qui fre'quenlaient
un jeu de paume à proximité , ve-
naient s'y rafraîchir, et boire de
la bière. I! fit sur eux ses premiers
essais. Sa doctrine flattant les pas-
sions, il ne inauqTia pas de prosély-
tes , et son auditoire grossit. Il y
prononçait des sermons, et distri-
buait des écrits pleins de visions et
d'extravagances. II parvint à séduire
un grand nombre de personnes de
i'un et de l'autre sexe. Ces assem-
blées ayant fait du bjuit , Morin fut
arrête de nouveau , et mis à la Bas-
tille, le 28 juillet i644- I' y passa
vingt-un mois , au bout desquels il
recouvra sa liberté. Loin que citte
de'tention l'eût corrigé, il se montra
plus attache' à ses rêveries , et les
consigna dans un écrit qu'il intitula
ses Pensées, et qu'il fit imprimer.
11 ne craignit point de le coinmu-
P.IO?, 1 - i
ni([uer au curé de Saint-Germain -
l'Aiixerrois , qui lui représenta le
danger qu'il courait vn répandant un
pareil ouvrage. IMorin lui répoiiuit
(jue, quel que fût ce danger, il ne s'en
cîiravait point , et qu'il ne dirait pas :
Transcat à me calix iste. Le curé
crut devoir prévenir le lieutenant de
police. Morin , avant su qu'on le
cherchait, changea de quartier et de
nom. Un hasard très-singulier l'ayant
fait découvrir, il fut une secondefois
renfermé à la liastille. Vers 1649,
cnnuvé de sou emprisonnement, il
donna une expresse rétractation de
ses erreurs, eî obtint son élargisse-
ment : ii la renouvela même quatre
mois après, étant en pleine liberté,
en son nom , et au nom d'une demoi-
selle Malherbe, sa complice, et la
fit imprimer. Il faut que cette rétrac-
tation ne fût point sincère, puisqu'il
continua de dogmatiser , et qu'on le
fit arrêter de nouveau; il fut con-
duit à la Conciergerie , et de là aux
Petites-Maisons, comme fou incura-
ble. Nouvelle abjuration plus solen-
nelle encore que la prc:nière, et qv.i
fut suivie d'un Te Dcnm : nouvel
élargissement , que ne tarda pas de
suivre une troisième ou quatrième
récidive. Les choses en étaient là au
mois de décembre ifiGr , lorsque le
poète Desmarets de Saiut-Sorlin ,
qui n'était guère moins fou que Mo-
rin , et visionnaire lui-même quoique
membre de l'académie française ,
s'avisa, on ne sait par quel motif,
de s'attacher aux pas de Morin ,
pour lui soutirer le secret et les dé-
tails de sa doctrine. Il le vit cliez
lui, le flatta, feignit d'entrer dans
ses sentiments , et parvint à s'at-
tirer sa confiance et celle de quel-
ques femmes, qu'il avait instruites.
Morin lui dit tout , ajoutant à ses
autres folies, qu'il fallait que le roi
i:.i MOR
le leconiuit pour ce qu'il était, ou
<|||'il mourrait. Saint-Sorlin crut voir
la une conspiration. 11 dénonça Mo-
rin, et se rendit sou accusateur.
Morin, sa femme et son fils , furent
arrêtes, conduits à la Bastille, et de
la dans les prisons du Chàtelet. Ou
liii fit sou procès; et une sentence de
ce tribunal, eu date du jo dëcem-
Ijic i66a , le condamna à faire
amende honorable, et à être brûlé
vif: elle fut confirmée au parle-
ment, par arrêt du i3 mars iG63 ,
et exe'cute'e le lendemain i/j. Moriu
avait environ quarante ans. Sa fem-
me et son fils fiuent bannis pour cinq
ans. La Malherbe fut fouettée et
marquée; et quelques autres de ses
disciples furent condamnés aux ga-
lères. Morin, après son amende ho-
norable , retracta encore ses erreurs ,
et en témoigna du repentir; déclara-
tion qu'il réitéra au pied du bûcher.
Du ne sait au reste ce qui l'empjrte,
tic l'impiété ou de., l'extravagance
dans le système religieux qu'il avait
tiré de son cerveau dérangé. Il se
disait le liis de l'homme; jirétendait
que Jésus-Christ s'était incorporé
en lui, et que Dieu lui avait don-
né tout jugement sur la terre j
que le temps de la grâce de Jésus-
(Jhrist était passé, et qu'il ne fal-
lait plus s'adresser à lui : il ensei-
gnait que les plus grands péchés
ne font pas perdre la grâce • qu'au
contraire, ils sont salutaires, en ce
qu'ils abattent l'orgueil humain. Il
(lisait, comme les quiétistes, que les
actes, même impurs , n'ont rien de
criminel , et ne souillent pas l'ame ,
dans ceux que leur raison rend saints
et dwins. Selon lui, l'Eglise romaine
ctait l'Antéchrist; Dieu et le diable
avaient fait une alliance ensemble
))0ur sauver tout le monde , justes et
pécheurs j ia puissance du roi ne
MOR
jiouvait subsister qu'en admettant la
sienne ; et il débitait encore d'au-
tres rêveries. Les ouvrages qu'a
laissés ce fanatique, sont: 1. ses
Pensées, dédiées au roi, in-8". de
i'j4 pages j très-rare. Elles sont pré-
cédées de trois Oraisons , l'une à
Dieu , l'autre à Jésus-Christ, et la
troisième à la Vierge. Suivent quatre
Epitres : la première au roi ; la
deuxième à la reine et à nosseigneurs
du Conseil j la troisième au chrétieu
lecteur; la quatrième aux fauxfrères
j'ounés en l'Eglise romaine, etc.,
1647, avec approbation, quoiqu'il
n'y en ait point eu. II. Bequéte au
roi et à la reine régente , mère du
roi, du '.>.'] octobre 1647 ' ^ pages.
Il y demande à n'être plus arrêté ,.
sans que sa Majesté s'instruise ])ar
elle-même de ses sentiments. IIF»
Ses deux Rétractations, ayant toutes
deux 4 pages in-4°.: la première du
7 février 1649; l'autre du i4 juin
suivant. IV. Témoignage du deuxiè-
me avènement du fils de Vhomme ,
janvier )6|i. Moriu le remit lui-
même au roi dans son carrosse. V.
Discours au roi, commençant par
ces mots : « Le fils de l'homme au
» roi de France ; » il achevait de le
mettre au net , lorsqu'il fut arrêté.
Les curieux joignent à ces écrits ua
Factum , (jui contient l'analyse des
Pensées , la Déclaration de florin,
de sa femme et de la Malherbe ;
VArrèl (pii le condamne , et le Pro-
cès-verbal d'exécution. Il a laissé
quelques manuscrits. On croit qu'il
a eu beaucoup de part aux ouvra-
ges de François Davesne, dans les-
quels, en elïet, on retrouve ses prin-
cipes et sou style. ( V. Davesne ).
L Y.
MORIN ( Etienne ), savant
orientaliste, né le !*='. janvier i625.,
à Cacn , de parents protestants ., k\X
MOR
elevc avec soin par sa mire , q'vi le
ucstinait au commerce. Son guûl le
portait vers k* lettres; et, aj)rè,s
(|n'il eut achevé ses liumaniles et sa
])liilosophie, il fut envoyé à l'aca-
(leinie de Sedan , puis à celle de
Leyde, où il fit de grands propres
dans la théologie et dans les lan-
gues. De retour dans sa patrie, il
tut promu an saint ministère , et
nomme, en i()497 pasteur du bourg
de St.-Pierre-sur-Dive , au diocèse
de Lisicux. 11 desservit cette église
({niuze années, refusant les vocations
qu'on lui offrait de toutes parts ;
mais il ne put re'sister aux sollici-
tations re'itére'es de ses corapalriotes,
qui le pressèrent d'accepter une place
de pasteur à Caen. Il fut aussitôt
admis à l'académie de cette ville, qui
comptait alors dans son sein des sa-
vants du premier ordre, tels que Bo
chart, Huet, Paulmier, etc [ F. Mor-
sant). a la revocation de l'édit de
Nantes , Morin se relira en Hollan-
de , et fut nommé, peu après, pro-
fesseur de langues orientales , à l'u-
niA'ersité d'Amsterdam. I! prit pos-
session de cette chaire, en i68(), et
Ja remplit avec beaucoup de ré{)nta-
tion. Cesavantmourutle 5 mai i 700.
Ou a de lui : I. Dissertationes octo
in quihus midia sacrœ el profance
iintKjiiitalis monwnenta explican-
tur, Genève, iGS3, in-S".; nonv.
éd. corr. et aug. Dordrecht, 1700,
in-S''. Ces dissertations sont intéres-
santes et pleines de recherches cu-
rieuses. II. Exercitationes delirv^ud
piiimvi'd ejusqae appendic'bus , U-
trecht, iG94,in-4'^.; livre savant et
recherché. I\lorin prétendait que la
langue hébraïque avait été inspirée à
Adam par Dieu lui-même ; mais les
preuves dont il cherche à appuyer
cette opinion singulière , ne sont
pas pleinement satistiisautcs. III,
MOR 173
Explanationes sacrœ el philolo^i'
cœ in aliquot vel. et nox'i Testa-
menli loca , Leyde , iG()8, in-8".
L'auteur a joint à ce recueil une Dis-
sertation, déjà imprimée séparé-
ment , sur l'heure où commença la
passion du Sauveur, et le temps de
sa durée ; et le Discours sur l'utilité
des langues orientales, qn'il avait
prononcé à l'ouverture cle ses cours.
On lui doit en outre : Les Fies de
Jac. Paidmier^ oncle de sa femme
( F. Paulmier ), et de Samuel Bo-
chart; — Deux Lettres siirle Pen~
taieuque samaritain, insérées dans
l'ouvraîie de Van-Dale , De orisine
et progrès su idololatriœ • — et iw.a
Lettre sur l'origine de la langiis
hébmique , insérée avec la réponse
de Huet , dans le Recueil de disser-
tations Y>uh\ïé par l'abbc Tilladcf,
tom. i*^'., iç)J-'258. Pierre Francius
a donné un Eloge de Moi in , dans
la seconde édition de ses Orationes.
On peut encore consulter les Mémoi-
res de Niceron , tom. xii. — Mo-
rin (Henri), fds aîné du précé-
dent , ne , en i655 , à Saint-Pierre-
sur-Dive , fut élevé sous les yeux de
son père, qui lui fit faire de grands
progrès dans les lettres. Retenu à
Caen, après la retraite de sa famille
eu Hollande , il fut instruit des vé-
rités de la religion catholique, et ne
tarda pas à rentrer dans le sein do
l'Eglise. S'étant rendu à Paris, il v
fut accueilli par l'abbé de Caumar-
tin, d'puis évêquc de Blois , qui se
l'attacha comme secrétaire, et facilita
son admission à l'académie des ins-
criptions. Morin se montra fort
assidu aux séances de cette compa-
gnie , et y lut plusieurs mémoires in-
téressants. Ses infirmités l'obligè-
rent de donner , en 179.5 , la démis-
sion d'une place qn'il croj^ait ne
pouvoir plus remplir ; et il revint à
7'^
M OR
Cacn, où il mourut le iGjuilirt i-j.iB.
Ou a (Je lui nuaturze Mtiiioires ,
dans le Beciieil de l'acadeinie , sur
les sacrifices Aq victimes luiraainesj
sur les piivile^cs de la main droite,
les baise-mains; l'usage des prières
pour les morts , et du jeûne chez les
anciens; les souhaits en faveur de
ceux qui e'ternueiU ; l'or et l'argent;
le chant mélodieux attribue' aux. cy-
qnes par les anciens, sujet traité
encore depuis par Mongez aîné ( F.
1.» Biographie l'es hommes vivants ^
\S , 4^9 ) ; l'Histoin- critique de la
pauvreté, celle du célibat, etc. W-s,
MORIN ,'Loris), médecin, né au
jVIans en i(:i35. était fils du contrôleur
au grenier à sel de cette ville. Il re-
eut une éducation aussi soignée que
purent la lui donner ses parents ,
chargés d'une nombreuse famille. 11
apprit à connaître les plantes , d'un
paysan qui en fournissait les apothi-
caires; et il eut ])ient6t épuisé le sa-
voir d'un tel maître. Après avoir
achevé ses humanités, il vint à Pa-
ris suivre les cours de philosophie,
et il s'appliqua ensuite à l'étude de la
médecine. Dès-lors il adopta un gen-
re de vie qui ne diOérail guère de ce-
lui des anachorcles: il se réduisit au
pain et à l'eau, afin de se maintenir
l'esprit plus libre; et il trouva ^ par
ce moyeu, de quoi safis.'aire sa gé-
nérosité naturelle, et sa tendre com-
jjassion pour les pauvres. Reçu doc-
teur en médecine vers i(3r>2, il ac-
quit bientôt l'estime de Fagon , qui
travaillait alors, avecdeux autres de
ses confrères, au Catalogne des
plantes du Jardin royal ( V. Fa-
GO^ et Ant. Vallot ). Après quel-
ques années de pi-atique, il fut admis,
comme expectant , h l'hôtel-dieu, et
obtint enfin la place de médecin pen-
sionnaire, due à ses longs services ;
mais aussitôt qu'il avait touché sou
MOR
traitement, il le remettait dans Ir
trunc de l'hospice, après avoir bien
pris garde de n'être pas découvert.
Ce n'était pas là , dit l'ontenelle, ser-
vir gratuitement les pauvres, c'élait
les payer j)our les avoir servis, La
réputation de Morin lui mérita la con-
fiance de M"*^. de Guise, qui voulut
l'avoir pour médecin : il n'accepta
qu'avec répugnance cette place , qui
l'obligeât a prendre un carrosse;
mais il ne relâcha riéu de son austé-
rité dans l'intérieur de sa vie , dont
il était toujours le maître. Au bout
de deux ans. la |)rincesse étant tom-
bée malade, Morin pronostiqua qu'el-
le ne guérirait point; et il le lui an-
nonça dans un temps où elle se croyait
hors de danger. La princesse le ré-
compensa de cetavrs. par une bague
de gi and prix , qu'elle tira de son
doigt ; et elle lui laissa , par sou
testament, une pension de 2000 li-
vres. Morin se de'barrassa aussitôt
de son carrosse, et se retira à Saint-
Victor, où il vécut, sans domestique,
partageant son temps entre l'étude
et les visites qu'il rendait aux pau-
vres malades. Sur la recommanda-
tion de Dodart , son ami , il fut nom-
mé, en 1699, associé botaniste de
l'académie des sciences; et il lui suc-
céda en 1707. Lors du voyage de
Tournefort dans le Levant, d se char-
gea de faire son cours de botanique,
et il s'eu acquitta avec succès. Le ré-
gime de lMorin,fort propreà prévenir
les maladies, ne l'était guère à don-
ner de la vigueur. Il se décida à ajoti-
ter à son ordinaii-e im peu de riz
cuit à l'eau, et une dose de vin , fixée
d'abord à une once par jour, qu'il
augmenta à mesure que sa faiblesse
devenait plus grande. Sur la fin de sa
vie, ses jambes refusèrent de le por-
ter. 11 s'éteignit sans douleur, le 1^''.
mars 1715^ âgé de piès de quatn.-
i\ir,R
vinfjls ans. Ses journccs ('laiciit t'X.ic-
tciiiciil rcinpiios par la prièn;, la
lecture, l'etiide et la jirouieiiade.
11 se couchait dans toutes les saisuns
à sept heures, et se levait à deux heu-
res du matin. Il ne rendait jamais do
visites, et n'en recevait que rarement.
Ceux, disait-il , qui viennent me voir,
me font honneur; ceux qui n'y vien-
nent pas me l'ont plaisir, lllaissa une
bibliothèque de pics de vingt raille
cens , un mcdailler et un herbier ,
mais nulle autre acquisition. On a de
Jui,dans le Hccucil de l'académie:
Projet d'un système touchant les
passai^es de la boisson et des urines ^
an. i^oi; — Observations sur la
guérison faite à l'hôtel-dieu de plu-
sieurs scorbutiques , par de l'oseille
cuite avec des œufs j — Examen des
eaux de Forges , aun. i ■■ 08. On trou-
va dans ses papiers un Index d'Nip-
pocrate, grec et latin, plus ample
que celui île Fini ; et un Journal d'ob-
servalions météorologiques de plus
de quarante années. Foutenelle a pro-
noncé V Eloge de Murin à l'académie;
c'est la source où l'on a puisé pour
la ré laction decel article. Son Poi-
frrtiVaétégravéparPicartle Romain,
in-4'^. — MoRiN , de Toulon, chi-
miste et naturaliste, fut reçu à l'a-
cad. des sciences, en i6()3, et ob-
tint, en 1699, ''^ seconde place d'as-
socié botaniste. Il s'attacha parti-
culièrement à la minéralogie ; et il
promettait le résultat de ses obser-
vations sur les métaux , loi'squ'il
mourut en 1707. Il avait communi-
qué, en 1693, à l'académie un 3Ié~
moire sur une mine de fer malléa-
ble ; et, l'année précédente,' deux
Mémoires, l'un sur la porcelaine, et
l'autre sur l'azur des cendres bleues
de la montagne d'Usson, en Au-
vergne^ et son usage dans la méde-
cine. W — s.
Mr;R ,n5
MORISON ( Ronicp.T ) , un dos
botanistes les plus distingues de son
temps , naquit en iO'>.o, à Aberdcen
en Ecosse. Destine d'abord à l'état
ecclésiastique, il y renonça de boiuie
heure pour se livrer à l'élude des
maihématiques , de la médecine,
et surtout de la botanique. La guerre
civile vint l'enlever à ses paisibles
occupations. Morison embrassa avec
ardeur la cause de son roi; mais daijs
un cem])at près d'Abcrdeen, il re-
çut à la tctc une blessure grave ,
qui le mit hors d'état de servir pen-
dant le reste de la guerre. Lorsqu'il
fut rétabli , la causf: du roi étant dé-
sespérée, il passa en France, ainsi
que beaucoup de ses compatriotes
et vint s'établir à Paris. Il fut, pen-
dant quelque temps, gouverneurd'un
jeune homme riche: mais il ne né-
gligea pas pour cela ses éludes ; et ,
en 1G48, il fut reçu docteur en mé-
decine, à Angers. Dès-lors , il s'oc-
cupa plus spécialement de botanique.
Il se lia d'amitié avec Vespasien Ro-
bin, qui professait cette science, et
a la recommandation duquel , Gas-
ton, duc d'Orléans, lui confia la
direction de son jardin de Blois.
Il exerça ces fonctions pendant dix
ans. Dans cet intervalle , il fit plu-
sieurs voyages , visita le Poitou, la
Bourgogne , la Provence, le Langue-
doc , surtout les bords de la Loire,
et recueillit une grande quantité de
plantes. Au commencement de 1660,
Charles II alla voir, à Blois , le duc
d'Orléans , son oncle. Celui-ci lui
présenta Morison , dont la fidélité et
les connaissances furent appréciées
parle monarque anglais. Gaston mou-
rut peu de mois après : Morison le
regretta vivement; et ses ouvrages
sont remplis d'hommages rendus à
son bienfaiteur. Charles II, qui élait
reujLonté sur sou trône, se souvint de
l'/j MOR
?,loiisoii , l'invita à paî^sfr on Anglc-
icrrc. Tinp.'iticnldc revoir sa patrie ,
et d'y jouir du triomphe de la mo
iiarchic, il sut lésister à des ofTrcs
trcs-avaiitagcuscs, qui lui étaient
faites par le surintendant Fouquet.
Charles le nomma son médecin, et
professeur royal de botanique, aux
appointements de '.ioo liv. st., et avec
mie maison, en qualité' de surinten-
dant des jardins du roi. En ifiG»),
Norlson fut reçu docteur à Oxford ,
et bientôt après, nommé professeur
rie botanique à la même université,
ïl avait acquis promptement une
p;rande réputation en Angleterre :
elle s'accrut beaucoup par ses cours,
qui étaient trjs-fréqucntés, et ])ar
les ouvrages qu'il puiilia successive-
jnent; mais il ne jouit paslong-teraps
' de la considération que lui avaient
méritée un excellent caractère et la
lovauté de sa conduite. Frappé par
le limon d'une A'oiturc , en traversant
une rue, il mourut le lo nov. i683.
I/c\amcn des ouvrages de Morison
fera juger quelle part doit lui être
attr buée dansla réforme delà botaiii
que. Les grands botanistes , depuis
(icsner jusqu'au s: Bauliin , avaient
publié des ouvrages plus ou moins
utiles par lès découvertes, les obser-
vations, les descriptions et les figu-
res. Gesner avait f.iiî un grand pas en
présentant la considération du fruit
rommc la principale pour l'établisse-
înent des genres. Fabius Columna
l'adopta. Césalpin en fit l'application
.1 une classification qu'on doit regar-
der comme la meilleure de toutes
celles qui ont précédé l'époque dont
)ious parlons. Morison avait fait une
étude particulière des fruits, dont il
avait réuni i5oo espèces différentes.
Mais il signala enfinrimportance des
afiinités naturelles des autres parties.
II revient sur cette idée-mère, insiste
IMOR
spécialement sur la nécessite de fixer
des caractères génériques; et ses
principaux ouvrages reposent sur
ces bases. Il a donc réellement avancé
la science : la vanité qui lui a fait
passer sous silence ses obligations
envers Césalpin , ne doit pas empê-
cher de lui rendre la justice qui lui
est due. Abel Rrimyer, médecin <!e
(>aston, avait ])ublié, en iG")3 , un
catalogue du jardinde Blois. Morison
en publia une nouvelle édition ,
sous le titre de Ilorlus Blesensis
aiictus, etc. Londres , i669,in-8'\
Ce catalogue est suivi de la des-
cription des plantes nouvelles culti-
vées dans ce jardin. Le même vo-
lume contient aussi les Erreurs des
Banhin ; et il est terminé par un Dia-
logue entre un membre du collège
royal de Londres (ou de Gresham ;,
et le botaniste du Roi, sous le nom
duquel Morison donne, principa-
lement sur sa méthode, quelques-'
unes des idées qu'il développa plus
tard. Ce morceau substantiel , coin-
jiosé de quarante pièces, mériterait
d'être plus connu. Son second ou-
vrage porte le titre de Plajitarum
umbelliferarum- distributio no^ui ,
etc., Oxford, 167*2, in-fol. avecfig.
L'auteur prend pour base de sa mé-
thode la différence du fruit, carac-
tère le plus noble, parce que tout
se fait par lui; et, le premier, il at-
tacha beaucoup de valeur aux stries
ou côtes relevées sur la graine, dont
des auteurs modernes ont tiré depuis
un plus grand parti. Il divise cette
famille en neuf chapitres, accom-
pagnés de huit tableaux synoptiques,
iudiquaiit les affinités et les differeai-
ces des genres qui composent cette
famille. Il forme un dernier cha]>itre
de ce qu'il appelle OmhelUf ères im-
propres , telles que la Valériane^ le
Figamon . la FiUvendule , etc.; er-
MOK
rciir , comme le remarque un de ses
biographes, au moins «iiissi jurande
qu'aucune de celles (ju'il a repro-
chées aux Banliin. La classilica-
liondcs oinbellili-res proprement di-
tes, présente quelques défauts. L'au-
teur néglige totalement l'involucre,
que, postérieurement, Linné a re-
gardé comme un caractère de i''*'.
ligne, et qui peut être utile comme
caractère secondaire. D'un a;i!re
côté, il fait un trop grand usage des
feuilles, qui, dans cette famille, se
ressemblent trop pour offrir des ca-
ractères distinclifs et précis. Mais il
est de toute justice d'oLserrer que
cette monographie est certainement
la première qui mérite ce nom. L'E-
cluse et G. Gemma avaient réuni,
le i". les champignons, et le u^.
les orchidées, familles sans doute
fort naturelles; mais ils avaient fait
ces rapprochements sans rendre
compte de leurs motifs , et sans
distinguer les genres. Le travail
de Morison est , à peu de chose
près , aussi méthodique que la plu-
part de ceux du même genre qui
ont été faits depuis , et peut encore
être consulté Une des raisons qui lui
assurent la supériorité sur ce qui
avait précédé, c'est un tableau pré-
sentant les dessins des fruits d'une
grande quantité d'espèces, apparte-
nant à 3o ou 4o gcni'cs de cette fa-
mille. Il n'avait encore rien paru de
.semblable. Toutefois nous remarque-
rons que Gésalpin a sur lui l'avanta-
ge d'avoir pris en considération,
dans les graines , même la position
de la radicule. Le 3*^. ouvrage de
IMorison est intitulé : Histoire uni-
verselle des Plantes^ etc., Oxford,
1 680 , in-fol. Cg. Le titre porte , 2«.
partie, Morison devait traiter , dans
la i"""., des arbres et arbustes : mais
ce travail lui paraissant plus facile
V
MOR
que celui des plafiles, il l'avait rr-
scrvc' pour la fin, ciaignant que !a
moi t ne l'emprchàt de ])ublicr ce-
lui auquel il mettait le jjIus de prix;
mais il n'a point été imprimé. Quel-
ques auteurs prétendent que Mori-
son l'avait terminé, et que son tra-
A'ail fut la proie d'un incendie qui
eut lieu à Oxford, Ce volume con-
tient \'}.\ planches, composées d'en-
viron l'ioo figures, dont un certain
nombre sont copiées des auteurs pi c-
cédents. Les frais d'un ouvrage ar.ssi
considérable excédaient les facultés
delNïorison; mais il fut puissamment
secondé par l'université d'Oxford,
qui regarda la publcatiun de ce tra-
vail comme une entreprise nationale.
La i""*, partie ne contenait que cinq
sections; quatre autres étaient finies.
Les plantes herbacées devaient en
former quinze. Bobart composa les
siK dernières d'après les idées de
Morison, et publia cette i^e. partie de
V Histoire, en 1699, en un vol. in-
fol. Il y joignit 187 planches, c> n-
tenant environ '2i6o figures. Bo-
bart fut lui-même secondé par l'u-
niversité; et son travail ne fut point
indigne de paraître à coté de celui
de Morison. On y trouve une assez
grande quantité de plantes que Mo-
rison ne connaissait point, et qui
avaient été communiquées à Bo-
bart par Sloane, Petiver , surtout
Sherard, ou dont il avait vu les
descriptions dans les ouvrages da
Hermann, Fagon, Tournefort, Rivin,
Magnol , dans le Ilortus malaba-
riciis. , etc. Les ombellifèrcs y sont
reproduites comme S'', section ,
et avec de nouvelles figures. Celles
de ce volume sont en général pics
petites mais aussi plus nettes que
celles de la •i'\ partie, surtout celles
de Burghers, qui en avait également
fourni quelques - unes pour cette
l'i.
i-jS MOR
même partie. On trouve dans les
deux quelques détails de graine et de
floraison. L'Histoire des plantes
mit le comble à la réputation de
Morison. Ray a revendiqué l'hon-
neur de l'invention de la méthode,
dont il avait offert les éléments dans
ses tableaux, dressés en 1G67, pour
l'évêque Wilkins. Mais en admet-
tant que Morison en eût eu connais-
sance, il faut convenir que ce n'é-
tait qu'une ébauche, et que Mori-
son aurait eu avant Ray lui-même le
mérite de la développer. La méthode
de Morison est fondée sur le fruit,
la fleur, les feuilles, les habitudes
des plantes, leurs qualités, etc. Ces
ordres sont plus naturels que ceux
de ses prédécesseurs , le seul Césal-
pin excepté : du moins ils sont nu)ins
fréquemment interrompus par l'ad-
mission de plantes hétérogènes. Tou-
tefois il est loin d'être exempt de ce
défaut. Séduit par quelque analogie,
il joint r Oxalis aux Légumineuses ^
le Feronica et le Poljgala aux
Crucifères : la Scahieuse et V Eryn-
giuni se trouvent avec les compo-
posées; le Plantain, dans la même
section que les Graminées ; le Chan-
vre et r Ortie, entre les Pédiculaires
et les Borraginées. La 12''. section
surtout offre l'alliance monstrueuse
entre quelques renonculacées , le Se-
dum, la Gentiane, hs Orchidées,
le Nénuphar, l'aristoloche, le Gos-
sypiwn, etc. Il admet des plantes
imparfaites, c'est-à-dire, sans se-
mence, telles que les mousses, les
lichens, qui sont, selon lui, un mé-
lange de sel, de soufre, etc. {Hor-
tus £lesensis,-p, 480.) Et cependant,
plus bas, il reconnaît des graines
dans quelques mousses. Il pense que
l'accroissement des truffes se fait
par superposition, comme celui
des minéraux (490). Ces irrégulari-
MOR
tes ou erreurs sembleraient dcA'oir
faire rejeter Morison sur la ligue de
ses devanciers: mais la plupart s'ex-
pliquent par une ressemblance quel-
conque entre les fruits de ces plant( s
hétérogènes, tandis que les erreuis
des autres auteurs sont inexplica-
bles. En revanche, plusieurs familles
sont fort perfectionnées. !< ou s rap-
pellerons les Ombelliferes ; et nous
citerons aussi les Graminées, les
Labiées et les Crucifères. Nous fe-
rons remarquer que c'est à lui qu'est
due, dans ces dernières , la distinc-
tion entre les Siliqueuses et les Si-
liculeuses, qui, même après lui, n'a
pas toujours été suivie, mais qui a
été consacrée par Linné et les autres
botanistes. Il rapproche X'Acorus
des Cj péracées , et le Pigamon des
Renonculacées ; de plus il reconnaît ,
contre l'opinion reçue jusqu'alors, des
graines dans \ts Fougères ', ce qu'il
avait avancé pour la 1 re. fois dans la'
préface de son édition de Boccorc.
Enfin, les tableaux analytiques pla-
cés en têtedes sections , sous-sections
ou genres, quelque défectueux qu'ib
soient, comparés à ceux que nous
possédons depuis (piarauteaus, sont
fort supérieurs à tout ce qui existait
auparavant. Il est difficile d'accor-
der avec les excellentes qualités de
Morison , et même avec une certaine
modestie, l'excessive vanité et l'cm
phase avec lesquelles il jjarle de la
jirétendue découverte de sa méthode
Il la compare à celle de Colonjb
( Préface de V Histoire , p. 3 ). Sans
dire un mot des travaux de Gesner,
Gohimna etCésalpin, il déclare (p. i )
que chez tous les botanistes qui l'ont
précédé ( et il en cite vingt -deux ) ,
on ne trouve que chaos et confu-
sion. Il a donc mérité les critiques
qu'il a eu à essuyer sous ce rapport.
Mais plusieurs de ses compatriote*
MOR
Vont traite au total avec qiuîlque s^-
veïilc. Cela j)iovieiit priit-ctic Je
leurvcuciatiou puiir Kay, hoiarne
plus marquant , et un des plus uui-
vcrscis tic cette époque, mais dont
Morison était ;e dij^ue rival eu bo-
laMi([ue. Voici comment Ray s'ox-
priiue sur sou compte: « Tant qu'il
» se contenta de travailler à étudier
» les caractères des plantes, à re'di-
» gcr des catalogues de jardins , et à
» découvrir les erreurs des auteurs ,
» il me'rila des éloges. Mais lorsque ,
» trop plein de son mérite , et nié-
» connaissant celui de gens plus sa-
» vanls que lui, il fit une entreprise
» au-dessus de ses forces, et osa
» écrira une histoire universelle des
» plantes , il négligea le soin de sa
» réputation , et ne répondit point à
» l'attente générale. » Ce jugement
prouve jusqu'à quel point les liom-
nies les plus caiioes et les plus can-
dides peuvent oublier le sentiment
de leur propre dignité. Ou doit ajou-
ter que Ray ne rapporte que très-
rarement les observations ainsi que
la synonymie de Morison , et ne dit
rien, ni de sa classification, ni de
son travail en général. La vanité de
Morison dut être justifiée à ses pro-
pres yeux par les éloges qu'oblin-
rent ses ouvrages. Nous nous con-
tenterons de citer celui de ïour-
nef'ort, qui, tout en critiquant sa
vanité, dit expressément que «s'il
» n'avait éclaire la botanique, elle
» serait encore dans les ténèbres. »
Toutefois , il ne faut pas croire que
Morison soit tout-à-fait injuste en-
vers les autres botanistes. Il déclare
( Hortus Blés. '2''. part. ) , qu'il est
bien éloigné d'êlre le détracteur de
ces hommes célèbres; que leurs er-
reurs sont excusables , et qu'ils ont
procédé le flambeau à la main. On
lui a reproché aussi de u'ayoli' pas
MOR 179
reconnu le mérite des Bauhin. Mais
il excuse leurs erreurs d'un ton fort
convenable , et leur rend p.nlaile-
meut justice. 11 dil ( Dialv^ue ) <\{\c
la inélhudede J. Bauhin, est meil-
leure que toutes celles (|iii l'ont pré-
cédée ; que Gasp.r a plus fiit que
tous les auteurs qui oui écrit avant
lui. Piusieuis fois i bs app^-be les
corijdiées des botanistes; « ce sont
des hommes d'une science iicompa-
rable ; ils ont erré : mais il a sans
doute erré aussi, et il désire (ju'ou
lui indique ses erreurs. » Morisou
publia , en 1G74 , u» ouvrage de Paul
Bjccone, intitulé : Figues et 'des-
criptions de Fiantes 'arcs cueilles
en Sicile , à Malte , en France et
en Italie, in-4'^. de 96 p. , Oxford,
et accompagné de 5i planches d'une
assez bonne exécution. Il nous ap-
prend dans la préface, que Ch. Haï-
ton, à qui elle est adressée , s'était
chargé tles frais ou de la retouche
des quarante-cinq premières plan-
ches , et de la gravure des sept der-
nières. Plumier a doàUié le nom de
Movisonia à un genre de la famille
des Câpriers. D — u.
MOKISOT ( Jean ), médecin, né
à Dule, vers le commencement du
seizième siècle , acquit des connais-
sances dans toutes les sciences qui
étaient cultivées de son temps. Le
penchant qu'il avait pour la poésie,
servit de prétexte à ses ennemis pour
lui nuire dans l'exercice de son état.
Ils réussirent à persuader qu'un hom-
me qui faisait des vers , ne pouvait
pas être un médecin instruit; et ils
parvinrent même à l'cxcliue de la
chaire de médecine de l'université
( 1 j. MorisGt se consola de celte iu-
(i") Il est vrui qiip Gilb Cousin !e nninre» nariut
les profe.'iSt'Ui-s qui «*l>nout ^ Doie , eo l ^^n ; ruRÎ? oc-
trequ: Moi-is it u .1 |iii<- ce titre h la tel' ij'auci n
de it'ii oiiU'>>«>-'i y >'il >:ùt réelltfuieut occupé u.ic d&*
î8o
MOR
justice , parla culture des lettres. On
suit qu'il vivait encore en 1 55 1 ; mois
ou ignore l'époque de sa mort. GilL.
Cousin a parlé tris-lionoiablement
de Morisot, dans la Descript. comi-
tatiit Burgttndicp; et il est, avec Ges-
iier , le seul auteur contemjiorain qui
ait fait mention d'un écrivain si re-
marquable par la fécondité de son es-
prit et par la variété de ses connais-
sances. Ou a de lui : I. Ciceronis Pa-
radoxa ciini grœcd inttirpreialione ,
Bàle, i547 , iu-8". Mi.risot a public
en outre une édition latine des Pa-
radoxes de Cicéron , avec une courte
exposition et des notes , Paris ,
i55[ , in-4°' II' ^^'ppoaalis Apho-
rismorum genaina lectio ; eomm
Jidelis interpretatio , ciun Galeni
censura in eus omnes qui minus
erant absoliUi; adnotaiionts in Cor-
nel. Celswn; trium Galeni de die-
bus decretoriis libronini epitome ,
Bâle, 1 547 , in-8°. Dans la préface,
il reproclie à Tliéod. Gaza et à Ni-
col. fjéonicèiii;, d'avoir commis une
foule d'erreurs dans les éditions qu'ils
ont données des Aphorismes d'Hip-
pocrate; et il renvoie , pour les j)reu-
ves , à un ouvra^^e intitulé, Horce
succisivce , qui éiait déjà sans doute
imprimé, mais dont on n'a pu re-
couvrer un exemplaire. III. Col-
loquiorum lihri ly ^ Bàle ( i55o ) ,
in-S". Le desird'ètrc utile aux jeunes
gens qui fréquentaient les écoles pu-
bliques , détermina Morisot à com-
cliL-irrs de médecine, Golliif , son compatriote, et
^ui avnit dû le i.uimaitre dans sa jriinisse , u':iurait
pas oiibl! de e cit- r di.ns a lisf'- .in'il a do> née des
illustre» professeurs de l'université de Dole ( Mé-
moires Jii Comté de Ponigogiie , liv. n , rli. XLVItl).
Cependiiit on peut «'onjecluriT . d"ajirès nnel(|ues
passades du premier livre des Collo</nes de Morisot ,
t[u'.^ 1 époque oi'i il composait c t ouvrage, il expli-
quait le uia in à neuf heures les Ornifons de Pteinos-
thcne , et le soir, h €|UJlre heures , les Offices de
Cicéron ; c'était sans doute nu collège, piiis'qu'il n'y
avait point alors à l'université de chaires pour i'ensrî-
giieineut des langues anciennes.
MOR
poser cet onvraf^e , où il se pro-
posait de rassembler des préceptes
de conduite pour tous les à;;es de la
vie. Mais, en blâmant Érasme d'a-
voir employé dans ses Colloques la
manière piquante de Lucien, et d'a-
voir plus cbcrclié à égayer ses lec-
teurs qu'à les instruire , Morisot n'en
a pas moins glissé dans ses dialogues
des historiettes licencieuses, des anec-
dotes contre les prêtres et les moines.
C'était l'esprit du sièclej car il se mon-
tre d'ailleurs d'une piété minutieuse,
et il en recommande toutes les prati-
ques avec une attention scrupuleuse.
IV. Libellus de iiaiecheinattt conlià
Ciceronis calnmniatores : cet opus-
cule est imprimé à la suite de l'ou-
vrage précédent. Morisot a pour but
de prouver que Cicéron était aussi
bon poète que bon orateur ; c'était
une tâche assez difficile , en ne ci-
tant de Cicéron qu'un vers critiqué
souvent comme exemple de mauvais •
goût :
OJortunatam natnni me concilie Bomam !
C'est pourtant ce seul vers que rap-
porte Morisot ( I ; ; et il montre, par
une foule d'exemples tirés des an-
ciens auteurs grecs et latins , que
la lépélilion du même mot dans un
vers, trouvée vicieuse par les cri-
tiques moi!erncs , n'est que l'emploi
de la figure que les Grecs nom-
maient parecheme ^ et dont les an-
ciens faisaient usage , même dans
la prose la plus commune. Morisot
a publié , à la suite de cet ouvra-
ge , le catalogue de ceux qu'il avait
déjà terminés; et il a été réimprimé
en entier dans la Bibliotlièque de
Gesner. Cette liste est très -étendue;
car elle ne contient pas moins de
(l) On eût pn citer de Ciccrou des vers hien meil-
leurs , dans Ifs fragments de sa liadnction des Phé-
nomènes d'Ar.itus,
iMOR
trente-un ouvrages en prose, et qua-
torze en vers. Jjes principaux sont :
De verd tàin litterarwu, tùin ac~
cenliiuni origine libri duo ; — De
octo parlibus orutionis ; — Dialecti-
caet Bheturica jjev tabulas f — Ora-
tiones xil ; — De AritJimeiicd libri
(jua uor; — Ejistolaruni libri Ires;
— Herculunœ historiœ libri XFi; —
De l'oëlicd libri 1res; — De compen-
diusd medendi ratione libri très; —
Dialogi jr ionicè conscripti; — De
cœcitate libri trcs ; — De divitiis li-
bri duo; — De oiio liber unus ; —
Des Eglogues , des Epi grammes, la
Traduction en vers d'Hésiode et du
premier livre dcl' Odj ssée, une tra-
gédie de Didon, et un Poème en qua-
tre livres, en l'honneur de Saint-An-
toine, etc. W — s.
M0RI80T (Claude-Bartuele-
wi ), né à Dijon, en i5ç)i, d'un con-
seiller à la chambre des comptes de
Dole, contracta, sons des maîtres ha-
biles, une loi te passion pour l'étude,
qui devint la vocation de sa vie. 11
se fit recevoir, par complaisance
pour son pcrc, avocat au pailenient
de Dijon, entretint de cette viiJedes
relations assidues avec ungrand nom-
bre de savants , et y mourut on 1 60 1 .
La plupart de ses ouvrages , très-rc-
cKerchés à l'époque où ils parurent,
sont encore fenillf tés pai' les curieux.
Ils sont tous en latin. Son Henricus
Magnus , in-8". , imprimé à Dijon
en iG'245 sous la fausse indication
de Leyde , et réimprimé à Genève ,
doit être ajouté, aux nombreux pa-
négyriques consacrés à la mémoire
du bon roi. Morisot rendit le même
hommage à Louis XIII ; et ce mor-
ceau se retrouve à la suite de ses
lettres. Il fît aussi des vers en l'hon-
neur du cardinal de Richelieu, et
traça sous des noms supposés , dans
sou livre intitulé Peruviana, l'his-
WOR i8r
toirc des démêlés de ce ministre avec
la reinc-mèrc et Gaston, duc d'Or-
léans. Pour compléter cet écrit assez
Jare, imprimé a Dijon en i644» '"■
4"., il tant y joindre une suite de
35 pages {Conclusio et interpréta-
tio totius operis , Dijon, 1G46 ) , où
se trouve la clef de cette composi-
tion allégorique. Morisot avait donné
à la polémique les prémices de sa
pli. nie. Excité par d'anciens ressen-
timents contre une société dont le
sort était de compter des ennemis
jusque dans la jeunesse qu'elle avait
élevée, il écrivit . à l'instar de Bar-
dai , sa satire , intitulée Alitopiiili
veritatis lacrjmœ , sive Euphor-
mionis Lusinini continuatio , Ge-
nève, 1 624 , in-S". Les Jésuites, qu'il
attaquait, obtinrent un arrêt du par-
lement contre cet ouvrage ; mais l'au-
teur n'en fut que plus ardent à en
donner une 2'*. édition. Il se me-
sura dans sa vieillesse avec un ad-
versaire non moins redoutable. Mil-
ton avait employé son talent à la
défense des régicides anglais contre
Saumaise qui les avait attaqués. ( F.
MiLTOJv.) Morisot se fit le second de
Saumaise dans un discours publié à
Dublin , i652 , in-8^. On a encore
de ce savant : I. Orbis maritimus ,
sii'e rerum in mari et liiioribus
gestarum generalis historia , Dijon ,
1G43 , in-fol. , orné de figures. Cet
ouvrage est divisé en deux livres , qui
conliennent chacun cinquante cha-
pitres. La moitié est consacrée aux.
temps anciens jusqu'à Constauliiij le
reste , aux temps modernes. 11 est
beaucoup trop question de guerres
dans ce livre , le premier qui ait été
écrit sur l'histoire navale. On y trou-
ve néanmoins quelfjues particularités
curieuses surles découvertes des mo-
dernes. Il est orné de petites cartes
et de figures de navires et de canots
l83
]\IOR
de difTorcnts peuplos. II, Fpislola-
riim centwiœ II ^D'x'Y'ii , i(i5G, in-
8°. Ces lettres, qui n'ont pas toii-
joiiis cté envoyées aux savants dont
eHes portent le nom, renferment
quelques parliculai ilés sur l'histoire
contemporaine. (/^. Edm. Ricueu. )
Le volume esl termine' par les éloc;es
de Legoux et Boucliu , magistrats dis-
tingués , et par ceux de Saumaise et
de Jacques tiodefroy. III. Gvidii
JFastorum librixn, quorum sexpos-
leriores à Morisolo subslituti surit,
Dijon , i(ii9 > '" " ^'^' J^Ioiisot avait
fait beaucoup de reclierchcs sur les
monuments etleseéiémonies desRo-
jnains , pour les ad. picr à ime '2''. édi-
tion de son ouvrage; mais il ne vé-
cut pas assez pour les mettre en or-
dre. Le public fut également privé
de sa traduction d'Arislenète , qu'il
avait accompagnée de notes, et dont
l'édition, déjà foi-t avancée, fut in-
terrompue par la mort de l'impri-
meur, et abandonnée par l'auteur:
enfin c'est à Morisot que l'on doit
la publication de la relation delMa-
dagascar, par Gauche ( For. VII ,
4*25); i! la mit par écrit, ety ajouta la
carie de cette île. Il a probablement
eu part aussi à l'impression du re-
cueil qui contient cette relatio)n ;
plusieurs des pièces qui le compo-
sent sont traduites par Pierre ftlo-
reau , de Pa ray, en Charolois. F — t,
IMORISSON ( C. F. G. ) , l'un des
membres de la (jonvention nationa-
le qui se laissèrent le moins entraî-
ner aux fureurs de 1 798 , exprima ,
dans cette assemblée , des opinions
qui , toutes modérées (|u'elles pussent
alors paraître, font voir aujourd'hui
à quel degré d'irritation étaient par-
venus tous les esprits. D'abord avo-
cat dans le Poitou, il devint admi-
nistrateur dudéiiartcmeiît de la Ven-
dée, eu 1790, puis députe à l'assem-
MOR
blc'e législative, et enfin à la Conren-
tion nationale. Le 3 janvier 1792 ,
après avoir payé son tribut au délire
de ce temps-là par de violentes diatri-
bes contre les frères du roi , il s'ap-
puya vainement de puissantes con-
sidérations politiques pour empêcher
le décret d'accusation contre ces
princes. Dans le mois de novembre
de la même année , lorsqu'il fut ques-
tion du procès de Louis XVI, il se
livra ei;corc à des attaques très-vives
contre le mtn irque ; mais il finit par
s'opposer de tout son pouvoir à ce
qu'on le mît en jugement , se fon-
dant sur ce que les lois avaient établi
son inviolabilité. Il vota ensuite pour
sa détention pendant la guerre , et
sa déportation après la conclusion
de la paix générale." La faction des
Jacobins , qui avait applaudi à ses
injures, se déchaîna contre ses con-
clusions. Morisso?! fut depuis ac-
cusé, par son collègue Garnier , de
liaisons avec les royalistes. Cepen-
dant il resta assez paisible pendant
la terreur, et fut même chargé de
quelques missions qu'il reuiplit avec
autant de sagesse qu'il était j)ossibIe
à une telle époque. Devenu membre
du conseil des Cinq-cents, il fit adop-
ter , en décembre i'jgô, un décret
d'amnistie pour les royalistes de
l'Ouest. En 1797 , il fut nommé un
des juges de la cour d'appel de
Bourges; et il continua d'en remplir
les fonctions, jusqu'en i8i(5, où il
mou.rut honoré et regretté. IM- — d j,
MORITZ ( Chjvrlks-Puimppe ) ,
écrivain allemand, naquit à Hamcln,
eu i'^57 , de parents pauvres, qui
ne pouvant lui procurer qu'un peu
d'instruction qu'il reçut à Hanovre ,
l'envovèront en apprentissage chez
lui chapelier à Brunswick. Celui-ci ne
lui trouvant pas de disposition pour
sa profession, le renvoya chez lui.
MOR
Par l)onlicur pour le jeune Morilz,
qui n'avait que quatorze ans , le com-
mandant de Hanovre s'intéressa à
son sort , et assigna une somme d'ar-
j;;enlpour son éducation. Moritz pro-
fila (|uclqiie temps de ce bienfait ;
mais il ne tarda pas à donner le pre-
mier signe do ce caractère bizarre
et fantasque qui a fait le malheur de
sa vie. Par une conduite déréglée, il
perdit la bienveillance de son bien-
faiteur , et disparut de Hanovre ,
avec l'intention de s'engager dans
une troupe de comédiens. Ce projet
ne réussit pas; et il se fit recevoir à
Erfurt pai'mi les étudiants pauvres,
comme candidat de théologie. Trou-
vant ensuite ce bienfait à charge , il
courut de nouveau après une troupe
de comédiens; mais arrivé à Leip-
zig , il apprit qu'elle venait de se
dissoudre. Alors il se dégoûta de la
carrière théâtrale ; et ne sachant
que devenir , il erra en Saxe à l'a-
venture. Un hernhute charitable de
Barby eut pitié de lui , et l'accueillit
dans sa maison. Moritz n'y resta
pas long-temps. Avec les secours
que lui fournit la communauté des
frères Moraves , il se rendit à Wit-
temberg pour achever ses études.
Il parut d'abord plus constant que
de coutume , et y demeura deux ans,
pendant lesquels il se fit beaucoup
d'amis parmi les professeurs et les
étudiants. Cependant la bizarrerie
-de sou caractère s'y manifesta éga-
lement. Tantôt on le voyait appliqué
outre-mesure aux études, tantôt il
était plongé dans ladébauche, tantôt
encore il paraissait eu proie à la
plus sombre mélancolie. Ayant élé
invité par Basedow à le seconder
dans la maison d'éducation que cet
instituteur avait fondée à Dessau, Mo-
ritz s'y rendit ; puis s'étant brouillé
avec sou chef , il partit pour soUici-
IMOR
i83
ter, à Potsdam , une place de pas-
leur. N'obtenant rien , et ne voyant
plus de ressource , il prit la résolu-
tion de mourir de faim ; mais il
changea d'avis en obtenant une place
d'instituteur à la maison d'orphelins
à Potsdam. Sa nouvelle ])Osition le
dégoûta bientôt comme les autres;
il se plongea dans une profonde
apathie, et erra comme un fou aux
environs de la ville. Ses amis le ti-
rèrent de cette mclancohe , en lui
procurant une place d'instituteur à
l'une des écoles de Berlin; et, peu
de temps après, il eut dans la mê-
me ville, la place de conrector. Ses
écrits commençaient à améliorer ses
finances et à étendre sa réputation ;
et la franc-maçonnerie, dans laquelle
il se fit recevoir, donna de l'aliment
à son esprit. Néanmoins il retomba
dans sa mélancolie. Pour se dis-
traire , il fit un voyage en Angle-
terre. La relation qu'il en a donnée ,
respire le plus grand calme , et porte-
rait à croire que l'arae de l'auteur a
dû jouir toujours de la plus grande
sérénité. Il visita l'intérieur de l'An-
gleterre à pied, malgré les désagré-
ments que lui attira ce genre de
voyage, et qu'il a racontés avec
mie simplicité qui ne manque pas
de charme. Revenu en Prusse, il
ressentit de nouveaux accès de mé-
lancolie , tomba malade , se crut
près de la mort , et eut avec ses amis
des entretiens édifiants sur l'immor-
talité de l'ame. Toutefois il en re-
vint; une place de professeur qu'il
obtint , en 1784, au gymnase de
Berlin, et le succès de ses cours de
langue allemande , de belles-lettres
et d'histoire, furent propres à dissi-
per ses chagrins : un nouveau voyage
acheva de rétablir sa sauté. 11 parut
délivré de son spleen , revint gaî-
meut à Berlin, et y entreprit la ré-
iB4 MOK
daclion de la {çazclte de V oss , d'a-
j^rùs un plau ido'al. qu'il avait tracé.
Mais ou trouva ce projet trop su-
Lliine pour les besoins jourualieis
des lecteurs de gazelles ; Morilz lui-
luèine le jugea trop difficile , et sur-
tout tro|) assuje'lisant pour lui. Il
abaudouua l'eutrejjrise, el se dirigea
vers la Suisse ; mais, au lieu de re-
créer son amc dans le climat pur des
montagnes, il eut le malheur de de-
venir amoureux d'une femme mariée
dont il n'avait rien à espérer. Cette
fois son aliénation d'esprit fut pres-
que compicle. 11 se crut un nouveau
Werther, et en joua le rôle avec
un grand talent d'imitation : un
autre voyage le préserva proba-
blement de la fin tragique de l'a-
mant de Charlotte. Ayant donné sa
démission de professeur , eu 1786 ,
il s'était rendu a Brunswick, et avait
fait un traité avec Campe, qui s'en-
caccail à lui avancer les frais d'un
voyage en Jiaie , pour q;i il compo-
sât des ouvrages sur les anliquile's
et sur d'antres snjels.Un Italien avait
dit à Mo'itz avec assurance : « Vous
V voyagerez dans ma ^patrie. » i^e
professeur allcujand avait été telle-
ment frappé de cette prédiction , que
lorsqu'il ia vit s'accomplir, il crut
au^ présages, et devint superstitieux.
]i profita desonséjour en Italie, au-
tant que le periueltait son savoir, qui
n'était pas trcs-profond en archéo-
logie et eu philologie : mais i! avait
du gcût , de l'esprit ; il observait
bien , et il décrivait encore mieux.
Goethe et Angélique Kaufmaun de-
vinrent ses amis. Ceux qu'il ava;t à
Berlin , l'aidèrent de leur bourse.
Néanmoins, après deux ans de sé-
jour, d fut réduit à une telle misère,
qu'il parut à Wcimar sous l'extérieur
d'un mendiant, (ioelhe l'accueillit ,
et le mit à -taêiae de retourner à Bsr-
lin sous des dehors décents, H y
obtint , à l'académie , la place de
piofesseur des beaux - arts et d'ar-
chéologie , et se livra , comme au-
paravant , à une foule de travaux
littéraires. Mais Campe, ne trouvant
pus bon son premier échantillon qui
était un essai sur l'imitation du beau,
se bioiiilla avec lui ; et faisant allu-
sion a l'un de ses ouvrages , il publia
un mémoire polémique sous le titre
de Moritz , triste supplément à La
Vsjchologie expérimentale : Moritz
fit une réplique à ce Mémoiie ; mais
dans la suite les deux auteurs se
réconcilièrent. Se voyant dans une
position plus avantageuse , Moritz
épousa la fille d'un libraiie ; mais
son affection pour elle eut une lin
presque aussi prompte que les autres
sentiments qu'il avait éprouvés. Ce-
pendant à peine fut-il séparé de sa
jeune femme, qu'il montra le plus
grand empressement à la reprendre.
En avril I7Ç)3, il fit avec elle un
vovage a Dresde j mais étant tombé
malade , il expira dans un état assez
calme. Il a raconté lui-même les bi-
zarreries de son caractère et les aven-
tures de sa vie dans deux romans ,
Antoine Heiser , et André Uart-
knopf; el ses amis y ont ajouté les
traits qui manquaient. Les travaux de
Moritz sur la langue allemande sont
très-estimés ; et Ton peut dire de cet
écrivain, qu'il joint le précepte à
l'exemple : son style est pur , natu-
rel , et d'une simplicité élégante. Son
traité sur la piosodieest un modèle.
Ses ouvrages sur les antiquités, man-
quent d'érudition ; mais on les lit
avec plaisir , surtout celui qui traite
des fêtes religieuses des anciens Ro-
mains , parce que l'auteur a su pé-
nétrer, avec son imagination, dans
l'esprit qui a, suivant lui , donné lieu
à ces fêtes religiauses^; et la pureté
MOR
tlii style couvre la Icgèrelc du fond.
Ses voyaj^cs ont le mOiiie ileiaiit et
le inèiiR' ava:it<if;c. l/autciir a jjai-
coiirii rapi Ifiiicnt les cuutrccs qu'il
décrit ; uiais sa narration iuleres^e
par un style vif, concis , et toujours
égal dans sa marche. Voici les
titres de ses piincipaux ouvrages :
1. Enlretiens avec me s élèves, Bei'-
lin, 1-779; iijid., 1780.11. Lettres
sur la différence de l'accusatif et
du datiJ\ondume et du moi, ibid.,
1780; 4''. edit., 1798. III. Supplé-
ment aux Lettres sur la différence
t\.c.ji\)i\. , \']^o.W .Inslructianpour
r accentuation anglaise ,\hn\ . , i "^80.
\ . Blunt ou le convive, comédie eu
un acte, ibid., 1 781. VI. Lettres sur
le dialecte de la Marche, ihià. VII.
Mémoires pour servir à la philoso-
phie du cœur humain, 3^. e'dif. ,
ibid., 1791. VllI. Opuscules sur la
langue allemande, ibid., 178^,
1793. IX. Grammaire allemande
pour les dames , en forme de kltres ,
ibid., 1763, 1791, I794-X. rv«T/
<n «uT«»,ou Magasin de la psycholo-
gie expérimentale, 10 vol. iu-8^.,
1783-179.3. Porkels et Mairaon ont
rédige une partie de rei ouvrage. XI.
Instruction pour écrire des lettres,
ilnd., 1783, 1795. XII. Grammai-
re anglaise, ibid., 1783; 4'"- edit.,
1 79O. XI II. Foj-ages d'un Jlle-
mand en Angleterre, i'jid. , 1 783 ,
1785. XIV. De l'orlhn'j^ruyhe alle-
mande, ibid., 1781. XV. Idé:d d'u-
ne ga:ette parfaite, ibii., 1784.
XVI. Antoine Eeiser, roman philo-
sophique, 4 yo\.^ ibid., 178')- 1790.
KHschnig les a fait suivre d'un 5*^.
voluMie, intitulé: Souvenirs des dix.
dernières années démon ami A. Kei-
spr, pour servir à la Biographie de
Moritz . 1791. XVII. Essai d'une
prosodie allemande, ilnd., 178').
XVIII. Essai d'une petits logii]ue
IMUK
18.S
pratique des enfants, ibid. XIX.
/)e l'imitation du beau dans les
arts, Brunswick, 1788. XX.Surun
31 é: noire de M. Campe, dos droits
de l'écrivain et du libraire, Bodin,
I -89. XXI. Manuel mjthohtgitpie,
avec fig., ibid., 1790. XXI 1. fie
du pasteur André //artknopf, ibid.
XX III. Fictions mjlhologi'jues des
rtnc(>«i-, avec 63 fig.d'aprcs l'antique,
1791. XXIV. Anthousa , ou\ci An-
tiquités de Home ( i^^". vol.), con-
tenant les usages sacrés des Romains,
avec fig. ; c'est la description des fê-
tes religieuses des Romains, dans
l'ordre de leur calendrier, Berlin .
1 791 , 1 797 : Rambach a publié une
suite en 3 vol. XXV. Grammaire
italienne, 1790. XXVI. Forage
d'un Allemand en Italie, 3 vol. ,
ibid., 1792-1793. XXVII. De la
bonne e.rpression en allemand, ibid.,
1793. XXVIII. Correspondant gé-
néral allemand, il.id., 1793; 7^.
edit. augmentée par Hoinsius, 1816.
XXIX La Grande loge, ou la
Franc-maçonnerie avec l'équerre et
le plomb , ib. , 1 793 ; ce sont des dis-
cours prononcés dans les assemblées
raaçoniqnes. XXX. Dictionnaire
grammatical de la langue alleman-
de, tome i"^'., ibid,, 1793, in -8".
Les •! vol. salivants ont elé rédigés
par Slurtz et Stcuzel. XXXI. Préli-
minaires d'une théorie des orne-
ments, avec iig. , ibid., 1 793. Moi itz a
traduit de l'anglais plusieurs ouvra-
ges, entrev autres, les principes de
la psychologie, par Boaltie, et les
Voyages de Walker en Flandre , en
Allemagne, en Italie et en France, i! a
publié des poésies fugitives, des se;-
muiis , et même des abécédaires. Il a
commencé un assez gran i nombre
d'ouvrages qui ont été achevés j)ar
d'auties , ou au\([uels il n'a fourni
que peu de morceaux. D— g.
inn
IMOn
MOULAND ( Sir S.amukl ) , ])a-
ronot , iiKM-aiiicien anglais , fils de
Thomas Morlaïul , rectoiir à Siil-
hamstcad dans le Hciksjiiro, naquit
vers i('yi5. 11 ))'issa nue dizaine d'an-
nées à Innivcrsite de Cambridge, où
les matlicinatirjiios lurent sa princi-
pale étude. Pendant le règne de
Crorawcll, dont i! se disait parent,
il se voua d'abord à la carrière di-
plomatique ; il fit partie, en i()53,
de l'ambassade envoyée en Suède ,
parle Protecteur, jiour proposer à la
reine une alliance olfensivc et défen-
sive. 11 paraît qu'à son retour il fut
admis dans les bureaux du secrétaire
d'état Thurloe; et en i655 , il reçut
«ne mission honorable juiur le Pie-
mont. Crornwcll avait pris fort à
cœur le sort des Vaudois de cette con-
trée ( r. Léger , XXIII , 568 ) ; et
après avoir provoque en Angleterre,
par un expose habile, rédige de la
main de Milton, une souscrijnion, qui
rapporta plus de 3o mille livres
sterling , il ordonna un jour de jeûne
et de prières en expiation des mas-
sacres du Piémont. Il voulut encore
protéger les Vaudois plus eiiicace-
inent : à cet effet , Morland fut en-
voyé auprès du duc de Savoie pour
intercéder en leur faveur : et quand
s<t mission fut terminée, il se ren-
dit à Genève , d'oii il lit passer aux
\audois les secours fournis par la
générosité anglaise : il employa ce
séjour à recueillir beaucoup de nia-
tériaux pour l'histoire des religio-
naires qu'il était venu secourir, et en
fit lin corps d'ouvrage qu'il publia
en id58, après son retour en An-
gleterre, sous le titre à' Histoire des
églises-éi'angélif/ues des F allées du
Piémont , as>ec l'histoire simple et
Jidèle du dernier massacre, etc.,
un vol. in-loî. , orné du po^rtrait de
l'auteur, et de mauvaiies vigfjçttcs
MOR
qui , représentant toujours les Vau-
dois loiumentés par les catholiques ,
étaient bien faites pour exciter l'ani
mosité du peuple contre ces der-
niers. Dans la dédicace à Crorawell,
l'auteur se nomme le dernier des ser-
viteurs de ce souverain ; et il le
représente comme ayant été choisi
par la Providence pour réparer les
iniquités des Stuarts , sur lesquels ,
dii-il , le doigt de Dieu s'est apesanti
au milieu de leurs oppressions et de
leurs folies : après la restauration ,
l'auleiu' jugea prudent, suivant les
Mémoires de Hollis, de retirer celte
dédicace des exemplaires dont il était
encore le maître. Dans le livre iv de
sou Histoire des églises évangéliques,
il rend un compte détaillé de sa mis-
sion , et insère toutes les pièces of-
ficielles qui y ont rapport. Le comité
chargé par Cromv^ell de faire une
enquête sur la mission de Morland,
en parla d'une manière très-flatteuse.
On ne sait si , dans les années sui-
vantes , il eut quelque emploi ; mais
il est certain qu'il fut admis aux affai-
res les plus secrètes, ou du moins
qu'il en reçut la confidence. Dans un
manuscrit qu'il a laissé et qu'il n'aA'ait
rédigé, comme on peut bien penser,
qu'a près le retour de la famille royale,
il raconte des faits importants dont
il fut témoin , et qui prouvent que
les trames odieuses qu'on a re-
prochées de nos jours à la police
d'un despote, étaient pratiquées sous
Cromwell. (7est ainsi que le fameux
Thurloe , ministre de la police du
temps, fit engager , par des agents se-
crets, le d(;cteurHe\vitt, à solliciter
des commissions en blanc de Char-
les II , à Bruxelles ; et lorsqu'elles
furent arrivées , il fit saisir Hewitt
comme coupable de haute trahison,
et le fil mourir parl'ojiération ci ivelle
du trc'pdn. IN on couleul d'avoir fait
MOR
périr iin royaliste , Tliurloc voulut
faire tomber le roi même dans un
pic'ge , en attirant Charles II sur
la côte d'Angleterre , comme étant
appelé par de nombreux parti-
sans. Moriand raconte qu'il assista
au conciliabule où ce complut fut
forge', et que dès-lors il prit eu hor-
reur le gouvernement de Cromwell ,
et re'solut de travailler à la restaura-
tion du trône royal. On lit même ,
dans les Mémoires de Welwood, que
Cromwell s'e'tant aperçu de la pré-
sence de Moriand, quand le complot
eut e'te' résolu chez le secrétaire-d'é-
tat, tira son poignard pour le tuer ,
mais que ïhurloe l'en empêcha , en
lui représentant que Moriand dor-
mait profondément, vu qu'il avait
été obligé de veiller deux nuits de
suite. Moriand ne parle point de
cette circonstance; mais il fait beau-
coup valoir la résolution que lui ins-
pira sa conscience, de se dévouer au
service de son souverain légitime ,
eu le prévenant de la trame odieuse
ourdie contre lui. Pour n'être pas
soupçonné de vues intéressées dans
ce changement d'opinion, il se hâ-
te d'ajouter, qu'alors ayant une
grande maison , raille livres ster-
ling de revenu, un équipage, une
jeune et jolie femme , il n'avait sû-
rement plus ricu à désirer, et que
le devoir seul l'engageait aux démar-
ches qu'il fit pour sauver Charles II,
et l'aider à remonter sur son trône,
lise rendit donc àBreda, et fit ses ré-
vélations au roi: celui-ci les accueillit
avec beaucoup de reconnaissance, et
promit de grandes récompenses à
Moriand. En effet, après son rétablis-
sement, il le créa baronnet, gentil-
homme de la chambre privée, le
nomma maîtredesmécaniquesdu roi,
et lui assip ;na une pension de 5oo livres
sterling. 11 paraît que Morlaud avait
MOR 187
attendu davantage : il attribue , dans
son manuscrit , à des préventions du
chancelier Hyde,la parcimonie avec
laqucUeon avait reconnu ses services.
Il est vrai que ses titres n'étaient
qu'honorifiques, et que l'état de ses
affaires le força de vendre sa pen-
sion. Dégoûté alors du service des
grands , il revint aux sciences , et se
livra aux mathématiques et à la mé-
canique avec beaucoup de zèle. Il
fit des essais dispendieux d'hydros-
tatique et d'hydraulique, dont quel-
ques-uns plurent beaucoup au roi,
entre autres celui d'élever les eaux
depuis la Tamise, jusqu'à la plus
haute corniche du château de Wind-
sor, et même, à ce qu'assure Mor-
iand, jusqu'à 80 pieds au-dessus
de cette corniche. Charles II crut
faire plaisir au roi de France , eu
lui envoyant un ingénieur aussi ha-
bile. Moriand eut l'honneur d'ex-
pliquer ses inventions à Louis XIV,
à Saint-Germain; mais ce fut tout
le fruit qu'il retirade ce voyage ,
qui lui coûta beaucoup. Avant de
se rendre en France, il avait pu-
blié plusieurs ouvrages. I. Descrip-
tion et emploi de deu.v machines
d' arithmétique , 1 662 , livre devenu
très-rare. ( F. Gersten.) IL Méthode
du comte de Pagan , de tracer toute
sorte dej'oiifications, réduite à la
mesure anglaise, Londres, 1672.
III. Description de la Tuba sten-
torphonica ou porte-voix , Londres,
167 I , in-fol. Les expériences faites,
en présence de Charles II et du
prince Rupert , et détaillées dans cet
ouvrage, font voir que Moriand in-
venta le porte-voix en Angleterre,
pendant que le P. Kircher l'exécutait
aussi en Italie. Ce Ir lité a été inséré
par extrait dans les Transactions
philosophiques , n°. 79, pag. 3oj() ,
et ti'aduilcn français, dans le Recueil
i88
MOR
des mémoires et conférences sur les
arts et les sciences , pour i G70 , pur
Denis, et dans le Journal des sa-
vants: le P. Maiiinan a ausii c'cril un
l raite sur la Trompette parlante dn
clievalier IVÎorland. IV. La Théorie
de l'intérêt^ simple et composé, Lon-
dres , 1679, in b". V.A Paris , Mor-
I and prit la résolution d'expliquer an X
Français ses principales dc'ronvei-
tes. 11 paraît avoir refait plusieurs
fois son travail. La copie que l'on a
trouvée récemment, en Angleterre ,
a quelque importance par la men-
tion qui y est faite des pompes à
feu et de l'usage de la vapeur; in-
A'cntion dont la priorité a été fré-
quemment discutée , et qui pour-
rait bien appaitenir à Morland. Ce
manuscrit de peu d'étendue, et in-
titulé , Elévation des eaux par toute
sorte de machines, réduite à la me-
ture , au poids et à la balance , pré-
sentée à S. M. T. G. , Paris, iG83 ,
est terminé par les Principes de la
nouvelle foi ce du feu, inventée par
le chevalier Morland , Van i68'2,
et présentée à S. M. T. G., ifi83.
On dirait que l'auteur, eu indiquant
avec tant de prérision la date de sa
découverte, a voulu prévenir les con-
testations cpii pourraient s'élever.
Cependant on a disputé long-temps
à cet ép;ard , en Angleterre , sans co4i-
naître l'ouvrage fiançais de Morland.
il y parle, ainsi qu'il suit , de l'em-
ploi de la vapeur : « L'cm étant
e'vaporée par la force du feu, ces
vapeurs demandent incontinent un
plus grand espace (environ x .mille
fois ) que l'eau n'occupait aupa-
ravant, et. plutôt que dêlre tou-
jours emprisonnées, feraient crever
une pièce de canon. Miis étant Lien
gouvernéfS selon les règles de la sta-
tique et par science réduite à la me-
•sare, au poids et à la balance, aluis
MOR
elles portent paisildement lenis far-
deaux ( comme de bons chevaux) ,
et ainsi servent elles d'uu grand usa-
ge au genre humain, particulièrement
pourTélévalion des eaux. «Ce passa-
ge est beaucoup plus clair que celui
qu'on trouve sur la vapeur, dans le
Centurj of inventions , du marquis
de Worccster, pubié en iGO'i, et
qu'on regarde comme la première
in 'ication de la découverte des ma-
chines à vaj)eur. Le capitaine Sa\a-
ry, qui, le j)remier, obtint en Angle-
terre un brevet pour ces machines ,
eu i(3<)9, a pu connaître l'idée de
Morland. Ce fut la mciue année qu'A-
moiitons en présenta le premier pro-
jet à l'académie des sciences, à Paris.
Cependant il est assez singulier que
la copie du Traité de V Elévation des
eaux , que conserve la bibliothèque
du roi, à Paris , et qui paraît être la
même que Morland avait présentée à
Louis XlV , à en juger par le soin
aveclequel elle a été transcrite et re-
liée aux. armes dn roi, ue contienne
rien sur l'emploi de la vapeur. Quoi-
que cet écrit porte la date de 1684, et
qu il soit par conséquent postérieur
à la copie que l'on conserve en Angle-
terre, il ne renferme que les deux pre-
miers cliapitrcs de l'ouvrage publié
l'année suivante, à Paris, sons le titie
de : Elévation des eaux par toute
sorte de machines , réduite à la me-
sure , au poids , à la balance , par le
moyen d'un nouveau i-iston et corps
ds -pompe , et d'un nouveau mouve-
ment cjclo - elliptique , en reje-
tant l'usage de tjule sorte de ma-
nivelles ordinaires, avec huit pro-
hl'jmes de mécanique , proposés aux
plus liabilcs et aux plus savarUs du
siècle, Paris, 1 685, chez Michallet,
in-4". L'auteui- ne s'y explique pas
clairement sur l'usage de la vapeur;
mais il y fait allusion, dans un pas-
MOR
sage de la prelacc, où il annonce
que , par riuvention de son nouveau
mécanisme , on pourra faire monter
les eaux jusqu'aux [)lus liantes mon-
tagnes, « à raison de tant île niuids
par heure, ou tant de pouces, scion
la force mouvante donnée (soit des
rivières ou du vent, soit des chevaux
ou des lioraraes, soit enfin du feu
ordinaire, ou de celui de la pou ire
à canon. Ce Traite, accompagné de
trente cinq planches , renferme d'ail-
leurs bien des niaiseries , et n'est pas
exempt d'une teinte de charlata-
nisme. 11 est dédié au roi de France.
L'auteur annonce, dans la préface,
qu'après s'être app! i:picpendant tren-
te ans aux mécaniques, il avait mû-
rement examiné la mauvaise et vai-
ne multiplicité des parties inutiles ,
les grands frottements et autres gros-
siers défauts de la plupart des méca-
niques qui sont en usage par toute
l'Europe. Il a enfui eu le bonheur
d'e'viter ces défauts, dans le moyeu
qu'il a trouvé d'élever les eaux. Mor-
land avait d'abord épousé la fille
d'un gentilhomme français ; c'était
probabiemenl cette jeune et jolie fem-
me qu'il comptait, sous Cromwell,
parmi ses avantages. Mais un second
ou troisième mariage qu'il contracta
en AngleteiTC, fut loin de lui don-
ner la même satisfaction. Sa femme
dissipa son bien, et fut convaincue
d'adultère, et répudiée, en i(j88, par
l'infortuné mari, qui dès-lors ton.rna
.ses pensées vers la dévotion. Il adres-
sa à l'archevêque Tenison.ime espè-
ce de mémoire sur sa vie , oîi il avoue
qu'il a été mauvais fils, et que Dieu,
pour le punir, lui a donné un en-
fant privé de toute ai'ïéction filiale.
P.uivre et aveugle, il déshérita ce fils
unique, publia un Recueil de médi-
taiions pieuses, sous le litre du Cii
de la conscience, où il ne peut s'em-
l\TOÎl i8f)
pêcher pourtant (ic revenir encore a
son sujet favori, la mécanique; et il
mourut dans un triste isfjleincnt, eu
1 Og-j. La même année , p.irut encore
un ouvrage de lui, sous le titre de :
Hydrostatique, ou Instructions c<,n-
cemant les travail i hydrauliques.
Quelque temps avantsa mort, il avait
pratiqué auprès de sa demeure un
puitsetunepompea l'iisagedupublic,
avec cette inscription, qui fait connaî-
tre la tournurede son esprit: » Puits
desirSaraueirdorland,qnicnaccoide
le libre usage à tout le monde, espé-
rant qu'aucun de ceux qui viendront
aprèslui,nerisquerad'encourirla dis-
grâce divine, en refusant un verre
d'eau fraîche ( founi aux frais d'un
autre et non aux leurs ) au voisin, à
l'étranger, au passant ou au pauvre
mendiant altéré. » C'est d'après son
mémoire manuscrit et d'autres pa-
piers qui le concernent, et qui sont
déposés à la bibliothèque de Lani-
beth , que le General biographical
diciionarj 3i donné une notice éten-
due sur cet ingénieur , qui eut dans
son temps ime certaine réputation
pour la construction des instruments
de pliys'que. Mussclienbroeck dit
quelesbaroraètresdeMorland étaient
les plus exacts qu'il eût jamais vus,
pour indi pier les moindres change-
ments dans la pesanteur de l'air. Lord
JNurth (mort en i6S5; adressa aussi
nue biochure au chevalier Morland.
à l'occasion de son baromètre; et il
est l'econuu que ce n'est que depuis
les perfectionnements introduits par
ce dernier, que cet instrument est de-
venu, au moins en Angleterre, une
espèce de meuble usuel : jusqu'alors
il élait relégué dans les cabinets de
physique. Ou peut voir la descrip-
tion de quelques autres machines de
l'invention de Morland , dans le cu-
rieux article que lui a consacré Ghal-
190
1\I0R
mers, Biogr. dictionary , tome 11.
par;. 4>3-4'-i3. D — G,
MORLAND ( George ) , peintre
anglais , ué en i 'j64 , ne recul d'au-
tres leçons dans son art , que celles
de son père , peintre médiocre, qui ,
voyant que s«u (ils le surpassait en
talent , négligea de faire cultiver ses
heureuses dispositions , jjour l'em-
})loyer aux travauxde commande qui
e faisaient vivre. Ainsi le jeune Mor-
land ne reçut aucune éducation; et, si
dans la suite il devint un peintre dis-
tingué, il le dut uniquement à son
talent inné et en quelque sorte d'ins-
tinct j car Une fit jamais la moindre
étude : loin de là, il mena toujours
une vie tellement irrégulière et in-
tempérante , qu'il finit |)ar s'aijritir
complètement. Se livrant à la bois-
son , il j)assa ses jours dans la com-
pagnie des gens de la dernière clas-
se , et vécut dans la plus dégoû-
tante misère. On dit qu'on le trouva
im jour occupé d'un très-beau tableau
au milieu d'une chambre, où l'on
voyait d'un coté le cercueil de sou
enfant mort depuis trois semaines, et
que probablement il n'avait pas le
moyen de faire enterrer; de l'autre ,
im àne auprès de sa crèche; ailleurs,
un porc dévorant sa nourriture dans
un plat cassé; enfin, le peintre ayant
ime bouteille de mauvaise eau-de-vie
pendue au chevalet. 11 ne peignait
ordinairement que la basse nature,
eu sorte qu'il n'avait qu'à regarder
autour de lui pour trouver des su-
jets : aussi rendait-il cette nature
avec un art et une vérité surpre-
nante. Il distribuait avec une gran-
de habileté les jours et les ombres,
dessinait correctement, n'exagérait
aucun effet, achevait parfaitement
ses tableaux , et montrait partout
un naturel admirable. 11 avait d'a-
bord peint des paysages , daus les-
MOR
quelles il représentait le chêne an-
glais avec pius de fidélité qu'aucun
j)eintre ne l'avait fait avant lui ;
dans la suite , il préféra pour ses su-
jets les animaux domesli(|ues. On re-
gardé comme son chef-d'œuvre , un
extérieur d'étable , qu'il exposa eu
1791 , à l'académie royale. Dans les
dernici es années de sa vie, il fut pi cs-
que cou5lara)ncnt ivre, et tomba,
malgré son talent, dans le mépris
général. Ayant été arrêté pour une pe-
tite dette, il but une quantité d'cau-
de-vie si copieuse, qu'il en mourut
quelques jours après, le 29 octobre
1804, presque eu raêjne temps que
sa femme , qui avait partagé son dé-
règlement. D — G.
MORf.lÈRE (Adrien de la),
chanoine de l'église d'Amiens, était
né à Chauny : aussi n'a-t-il point de
place dans V Histoire littéraire d'A-
miens du P. Daire. Ménage, dans sou
Histoire de Sablé ( page i3o ),.
l'appelle un généalogiste sûr. On
a de lui: I. Becueil de j lusieurs no-
bles et illustres maisons du diocèse
d'Amiens et des environs , 1 63o , in-
4-'.,réimpriméàlaflndela4*".édition
de l'ouvrage suivant : \\. Antiquités
et choses les plus remarquables de
la ville d'Amiens, 1G21, in-4°. ,
réimprimé sous le titre de Bref
état des antiquités d' Amiens , 1 Qi'2,
in-4°. ; la 3^. édilion, i6.2n, in-4°.,
et la 4*^-? i(i4'-i , in-folio , portent le
titre à^ Antiquités , et-. l.englet-Du-
fresuoydit que l'ouvrage de la IMor-
lière est mal écrit; mais il ajoute
qu'il est utile et nécessaire. A. B — t.
IMORMEKE ; Cuarles-Jacques-
Louis- Auguste RocHETTE, de la),
ué à Grenoble, en 1701, avait été
mousquetaire ; mais on ignore à quel
titre il était chevalier de l'ordre du
Christ, eu Portugal. Ce singulier
personnage, grand hâbleur, acquit
MOR
une sortp de cc'lnbrife, moins par
le mérite et le nomlirc de ses ouvra-
ges, que [Kir la dictature qu'il s'était
arrogée au Théâtre-Français. Avant
lui , un certain comlo de l''oiitenai,
vers l'an i^'io, avait présidé celle
X!spèce de trilnuiaUlrauialique : mais
juste et modelé dans ses criliques,
il s'était réellement attiré la con.-.i<_!é-
i-atiou des auteurs; et son sull'rage,
réglant celui du public, décidait sou-
vent du sort dos pièces. Le chevalier
fie la Moriicre marcha d'abord, sur
les traces de cet arislarque, qu'il per-
dit bientôt de vue. Il ne se borna
plus à prononcer ses arrêts dans les
•cafés; il établit son camp au milieu
du parterre. Là, entouré de jeuiies
gens dont il était l'oracle , à un signal
convenu, il faisait porter aux nues ,
ou siffler impitoyablement toutes les
nouveautés. Les acteurs, les danseurs,
les débutants, élaieut également sou-
mis à ses jugements sans appel. Aussi
un le craignait, on le ménageait, ou
Je recherchait. A son tour , il ambi-
tionna le titre de lilîcratcar. Son pe-
tit roman licencieux à: Angola eut
d'abord plus de succès qu'il n'en
méritait. On l'attribua à Crébillon
le (ils, dont l'auteur a^ait assez bien
imilé, en ellet, l'esprit , le style et le
ton, surtout dans lavant-propos; et
véritablement la IMorlière ne se
montra jamais capable d'avoir pu
l'écrire. Le genre sombre parais-
sait lui convenir davantage; et il
aurait peut - êire réussi en s'y
livrant exclusivement. Du reste ,
malgré quelques situations intéres-
santes , rien de plus lourd et de plus
ennuyeux que les contes et les romans
de la Morlière. Ses essais drama-
tiques sur les Théâtres Français et
Italien, furent encore plus mal ac-
cueillis. Enlln il eut la maladresse
d'oser entrer en lice contre Fréron.
MOR iQi
Dès-lors son crédit baissa, el alfa tou-
jours en déclinant. Accusé par la
voix publique de vendre ses sullia-'cs
et ses censures, et d'être plus aud.i-
cieux que brave; soupçomié d'à', oir
des relaiious secrètes avec la police,
il fut aiiaudonné , accable sous le
])oids des épigr.immcs et du mépris
universel, et vécut depuis telleiueiit
oublié, qu'aucun jouriial ue daigna
parler de sa mort, arrivée à Paris,
au coiumcacemcnt de février i-^Sj.
Tombé dans la misère, cet liomme
dont l'ame était aussi dure que le
tempérament, succomba au cha-
grin d'avoir vu périr une jeune per
sonnedontiiavaitfait sa gouvernante
et qui seule ue l'avait pas abandonne.
S'il faut en croiie les mémoires de
Bachaumont, la Jlorlière était ab-
solument décrié par son immoraîilé,
et même par ses escroqueries, quil
exei'çait pnncijjalemcnt sur des s'i
jcls du sexe qu'il foriiiait pour Iî
théâtre. Sur la demande de sa l'amiiie
il avait été renfermé à Saint-Lazare :
il y passa quelques mois .sans être
corrigé. La Morlière était d'ailleurs
fort instruit; il possédait bien l'his-
toire et l'art dramatique :mais, à
Lexceptiou à' Angola , il n'a com-
l)Osé que des ouvrages médiocres;
en voici la iisle : L Le chevalier de
IL., anecdotts du jup^ de Tourna j ,
1743, in- 12. IL Angola , histoire
indienne, i~^\(j, m\i. IIL Milord
St'Milej ou le Criminel vertueux^
Cadix (Paris), 1747, 3 parties, i;i-
I '2.1^ . Les Lauriers ecclésiastiques f
I748,in-i2; ouvrage obscène. V.
Mirza Nadir, où se trouve l'histoire
des dernières expéditions de Tha-
mas Koulikan, 1749, 4 '^ol. iu-ia.
VI. Des pièces de théâtre, savoir
le Gouveriieur, comédie eu 3 actes
et en prose, jouée en 17^1 , sur le
Théâtre- lia lien, imprimée en 17J2;
lO-ï M OR
la Créole , comédie en un acte r[ on
prose, jouée lUie seule fois au Tlieà-
tre-Frauçais, en i'754,etiion iin-
priinc'c; V binant déguisé , comédie
en deux actes et eu prose, jouée eu
i'y58, une seule fois, et non im-
primée. VII. Très-huinhles remon-
trances à la cubue au sujet de la
tragédie de Denjs le Tjran ( i -^ 49).
iu-i'2. VllI. Réjlexions sur la tra-
gédie d' Oreste, où se trouve placé
naturellement V essai d'un parallèle
de cette pièce avec V Electre de
M. de C. fCrébillon), in-i'2, de
48 pagps. IX. Lettre d'un sa-^e à
un homme respectable et dont il a
besoin, sur lu niusi(jue italienne et
française^ Paris, i'^34. X. Lettre
de Racine à M. M... (Marraontel),
et Réponse de ce dernier sur la tra-
gédie des Iléraclides, i'j^à. XI.
Observations sur la tragédie du
duc de Foix, de M. de Foltuire ,
l'y.'ï.i, in-i'2. XII. Analyse de
la tragédie de l'Orphelin de la
Chine, 1755, in-ia, de 4-^ pag.
XIIÏ. Le Contre-poison des feuilles,
ou Lettres sur Fréron, i'^^f^,m-i'i.
C'est probablement cet ouvrage qui
a etc rcpro luit sous ie titre de :
Anti- feuille s , nu Lettres à M'"'.
de ** sur quehjues jugements por-
tés dans V Année littéraire de Fré-
nm, i754,in-i'2. XIV. \.ç^ Fata-
lisme ^ ou colhction d'anecdotes ,
pour prouver Vinjluence du sort sur
l'histoire du cœur humain, 1769)
•2 vol. in-12; déclic à la Du Barrv ,
dont aucun homme de lettres, avant
La Morlière , n'avait encensé les
vertus et les talents. L'aulcm- dut
à sa dédicace le prompt débit de
son ouvrage, et l'iionncnr de souper
avec cette fameuse courtisane. XV.
Le royalisme ou les mémoires de
Du Barry de Saint- Aunetz, et de
Constance de Cezelli sa femme.
INTÔR
anecdote historique sous TJenri If,
1770, in-8''. En 17G3, il travail-
lait à une suite de l'histoire du théâ-
tre, depuis 1720. A-TPt A. I}-t.
MORLINO ( JÉROMF. ), juriscon-
sidte napolitain , florissait dans le
seizième siècle. Peu scrupuleux sur
ce qui pouvait blesser la gr.aA'ite' de
sa profession, il s'essaya dans le
genre, mais non à la manière de
Boccace, et donna ses contes en
latin, persuade' que de licencieux dé-
tails, exprimes dans cette langue,
choqtieraieut moins que s'il les revê-
tait de l'idiome vulgaire. En eflet ,
l'extrême négligence de son style, et
l 'indifférence qu'il meta jeter quelque
agrément sur les gravelures dans
lesquelles se complaît sa plume , ne
permettent pas de le ranger parmi
les écrivains qui dédaignaient l'ila-
lien comme un langage encore trop
grossier. Les prêtres, les moines, les
nonnes et les chances de l'hymen , '
sujets épuisés par tous les coufeuis ,
sont aussi ceux auxquels Morlino re-
vient le plus souvent. Son recueil or-
duricr parut avec privilège de l'em-
pereur et du pape, sous ce litre: iSo-
vellœ ( 80) , fabuiœ 20 et comcedia ,
INaples, chez Pasquet de Sallo, 4 avi il
1 5'io, en trois parties, in-4". Le titre
aurait pu énoncer 81 Nouvelles au
lieu de 80 ; la 72<^. , reproduite dans
le volume sous une forme diflérente,
offre en efîel deux nu rceaux dis-
tincts. Le commun des lecteurs fut
révolté du cynisme de Morlino. Il
n'y eut bientôt qu'un cri sur le scan-
dale de cette publication ; les Aou-
velles furent défendues . condamnées
et livrées au feu : les exemplaires du
livre proscrit devinrent excessive-
ment rares ; encore fut-il difficile
d'en rencontrer de complets parmi
ceux qui avaient échappé à la con-
damnation canonique , mais que n'a-
MOR
Tait pas cpnrgncs dans leur inté-
grité le zèle de leius possesseius.
Morliiio ncs'e'nint point de cet ora-
ge : il ne lit attention qn'à une criti-
que ainère dirii^ee contre son livre ;
et il y repondit par cette epi'^raiumc
du plus mauvais goiit :
Quid iiiodô, ({uiJum aict , in\iii librum hune viderit
aiictuin,
luvidià ac rnhic parriet ilÏP iiingis ?
VtrlieiM prn \orl)is, )M'u tùr^uâ li{;uu inciebit |
Et (uiiliî (îiiis gultui'is ejiis «rit.
Dans une nouvelle e'dition de ses
contes , qu'il se proposait de donner ,
il consacra toute sa préface à se jus-
tifier des solécismes qu'on lui avait
reproches. Cette seconde édition de-
vait être augnienteedcnenf nouvelles,
dcdie'ei , on ne sait trop pourquoi ,
aux neuf chastes sœurs. Cependant
le cotnte Borromeo , qui possédait
le manuscrit autographe , a insère
dans ses Notizie de nu\'ellieri ila-
liani , deux de ces Nouvelles inédi-
tes, où Morlino a e'vité l'indéoence,
mais pour tomber dans la platitude.
Quant aux contes imprimes ," Strapa-
l'ole en a transporte' seize dans ses
Nolte piacevoU , où La Fontaine a
daigne faire quelques emprunts , et où
il a puisé , entre autres , le conte du
Ciivier. Les fables de Morlino sont
d'une insipidité extrême. Sa comé-
die , écrite en vers , n'est qu'une
de ces insignifiantes imitations des
pièces latines auxquelles se bornait
le théâtre italien. L'ouvrage de Mor-
lino , devenant presque introuvable,
a été payé jusqu'à 48 livres sterling,
et 1 I -il francs par les amateurs (Voy.
\ç\ManHel du libraire, ii. 527 ).
Cette considération engagea Caron à
lefaire réimprimer, en 1799, in-8°. ,
à cinquante-cinq exemplaires ; il y
conserva religieusement les nom-
breuses défectuosités de l'édition ori-
ginale , et n'y ajouta (ju'ime notice
MOR 193
sur l'auteur. Une traduction de ces
contes, en 2 vol. in-8". , le texte en
regard , par E. T. Simon , aniieu
bibliothécaire du Tiibunat, a été an-
noncée en i8j2o: quand elie aura pa-
ru, ce livre sera aussi cominiui qu'il
mérilc peu de l'être. F — t.
MORNAC ( Antoine ) , célèbre
jurisconsulte, né près de Tours , dé-
buta au parlement (ie Paris, en i58o.
Il demeura pendant trente-quatre ans
attaché au barreau , et y recueillit
d'honorables suflrages , parmi les-
quels il compta celui du chancelier
de Sillery. Son opposition aux Li-
gueurs lui attira quehpies persécu-
tions; il quitta Paris, eu 1,5.91 , pour
se réunir à la majorité fidèle du par-
lement , retirée à Tours , et ne leutra
dans la capitale qu'aj)rès le rétablis-
sement de ce corps par Henri IV. U
cultiva les muses latines au milieu
des dissensions civiles qui aflligeaient
la France, et fit même de ces trou-
bles le sujet d'un poème héroïque en
9 livres. Ses Feriœ fore mes , et Elo'
gia illustriuin togatornm GaUiœ ab
arijio i5oQ, Paris, 1G19, in- 8".,
sont un cadre assez insignifiant, où il
passe en revue les gens de robe les
plus distingués parmi ses contempo-
rains. On a reproché à son style de
la sécheresse et un ton ampoulé.
Moit à la fin de juin 1620 , il n'eut
pas le temps d'achever sou grand
ouvrage sur le droit romain mis en
rapport avec l'ancien droit français ;
une partie de ce travail avait été
publiée, de 1616 à 1619, sous le titre
d' Obsen>ationes in xxir priores
libros Digestorum et in ir prio-
res lihros Codicis. François Pinson,
avocat , rassembla les notes rédigées
par Mornac pour faire suite à ces pre-
mières observations, et lesfonditdans
une édition générale des œuvres de
ce jurisconsulte j Paris, 1 654- 1660;
i3
Î94
MOR
i'jii-'3.\, 4 vol. in-folio. De courtes
notes de l'éditeur indiquent les chan-
gements survenus dépuis Mornac
dans la jurisprudence. Un auli'e ou-
vrage considérable de jjlornac , qui
termine cette édition, est son llecueil
d'arrêts ( au nombre de plus de douze
cents ) , depnis 1588 jusqu'en iG-^o:
c'est proprement le Journal des au-
diences de cette époque. On a im-
prime' à part un opuscule de Mornac,
de 24 pages, De Falsd regni Yve-
toti narratione ex majoribus com-
vwntanis f aginentuffi, i() 1 5,in-8°.
Une dissertation presque aussi courte
de Vertot , sur celte fabuleuse tradi-
tion de l'existence d'un royaume
d'Yvetot , a fait oublier l'extrait ci'i-
tico-historique de Mornac. F — t.
MORNAY (Philippe de), sei-
gneur du PlessisMarly , et connu , de
son temps , sous ce dernier nom, na-
quit à Bulii, dans le Vexin-Français,
en i549- Sa famille, originaire du
Berri, était alliée aux plus illustres
du l'oyaumo , et même à la maison de
Bourbon. Philippe, ayant plusieurs
frères aînés , fut destiné , dès le ber-
ceau, à l'état ecclésiastique. Ses pa-
rents espéraient lui procurer les bé-
uéliccs d'un oncle paternel , et le
fjousser aux dignités de l'Eglise, par
e moyen de Philippe du Bec , frère
de sa mère , ëvêque de Nantes , et de-
puis arche\'Bque de Reims. Ces espé-
rances furent trompées; mais ce qui
éloigna le plus Mornay de l'état ec-
clésiastique , et même de la religion
catholique, ce furent les principes
que lui inculqua de bonne heure sa
înère , qui professait en secret les nou-
velles doctrines ; principes que déve-
loppèrent dans l'enfant les institu-
teurs que sa mère avait chargés de
son éducation et choisis soigneuse-
ment. La mort de Jacques de Mor-
uay ( 1 56o; , père de Philippe, et zé-
MOR
le catlioliqiie, laissa de bonne liciite
à sou lils la liberté' d'embrasser ou-
vertement le calvinisme. II s'adou-
na, jeune encore, aux. études théo-
logiques; c'était la nourriture con-
venable à son esprit grave et solile,
qui ne lui permettaitde prendre pour
distractions que des sujets qui eus-
sent été' pour d'autres une occupa-
tion sérieuse. Amené à Paris, il y
e'tudia sous les -maîlres les plus ce-,
lèbres. Mornay, à peine âge' de dix-
huit ans, alla en Suisse, en Allema-
gne, où il prit des leçons de jurispru-
dence; et de là en Italie , à Venise et
à Gènes : il voulut même passer en
Orient ; mais la guerre des Turcs avec
les Vénitiens l'en détourna. Il revint
en Allemagne, parcourutla Hongrie,
la Bohème, l'Autriche; il s'arrèla
quelque temps dans les Pays-Bas. Ces
voyages , qui l'occupèrent pendant
plusieurs années , lui furent d'une
grande ulililé : outre qu'il se perfec-»
lionna dans les sciences , eu parcou-
rant chacun des pays où elles étaient
cultivées avec le plus de succès , ta
connaissance qu'U acquit des intérêts
politiques de presque toutes les na-
tions de l'Europe, lui donna une
grande supériorité dans les afraires.
Ce fut pendant son séjour en Belgi-
que, qu'il dcbufa dans la carrière lit-
téraire et politique, par deux écrits
adressés aux Flamands, qu'il exhor-
tait à se défier des Espagnols. Ces
deux morceaux le liient connaître
avantageusement. Peu après il rentra
en France , et présenta le fruit des
observations qu'il avait faites eu
Flandre , dans un Mémoire que l'a-
miral de Coligni remit au roi ( i ) ;
(1') C'fst par erreur qu'on attribua (
]'ainiral de Coligni , p^irce qu'il fut Ire
ce Mémoire ?i
, — ^....f,... , f,... ^^ ^„ dau-. ses
papiers. De Tlioul'a iasérë JaUî sou Histoire, toin.
YI, iu 4"-
MOPv
l'auteur y prouvait qu'il était juste
ot utile de faire la p;iicrre à l'Espa-
p;iip. La Saint-Dartliclcmi suivit de
prèsj et ce ne lut pas sans une pei-
ne extrême que I^Iurnayput c'cliap-
jier à la mort, après être reste plu-
sieurs jours cache à Paris. Il se sau-
va (le là chez ses parents, et bientôt
en Ani^loterre. L^tnne'e suivante , il
revint eu France, lorsque les Huu;ue-
nots, qu'on devait croire abatfus,
montrèrent quelle était encore leur
force. Un frère du roi s'était joiut à
eux. Cette ligue n'eut pas de succès;
et quoique, par une adresse étonnan-
te, Mornay eût fait croire qu'il était
attaché à la cour, il trouva pins
prudent de se retirer, et demeura sur
la frontière jusqu'en i5'^5. Il con-
nut à cette époque Charlotte Arba-
leste , veuve tle Jean de Pas de Feu-
quières, avec laquelle il conclut son
mari^ige. Duplessis se, joignit aux
Huguenots , qui avaient repris les
armes : dans une petite expédition
en Champagne, par une imprudence
chevaleresque , il fut blessé et pris ;
mais n'ayant pas été reconnu, il fut
délivré peu de jours après , moycn-
iiaiit inie rançon fournie j)ar sa fu-
ture épouse. C'est alors qu'il se ma-
1 ia. Dans la même année , il fut ap-
pelé au service du roi de Navarre,
depuis Henri IV. Ce prince, sur le
bien qu'il en avait entendu dire à
tous ceux qui l'entouraient , quelle
que fût leur religion, l'admit dans
son conseil , et l'honora bientôt
d'une confiance qui fut entière pen-
dant bien des années. Il lui remit
l'administration de ses finances, et
l'employa surtout dans un grand
nombre de négociations. Une d'elles
méiite d'être remarquée : il s'agissait
de savoir si le roi de Navarre devait
accepter l'olbe d'un ancien envoyé
de France dans le Levant , qui pro-
MOR u^
mettait de faire venir au secours des
prolestants une armée tuiqiie, par
la Méditerranée. Mornay, et La Noue
qui lui avait élédoiuié pour coiièfiie
furent d'avis de rejeter celle dange-
reuse proposition, dont on ne paila
plus. Peu iprès, Mornay fut euAuvé
auprès de la i ciiie Elisabeth. Il aibiit
demander l'assistance de cette prin-
cesse pour le ioi de Navarre. C'est à
celte occasion que Henri donna pour
toute instruction à son ambassadeur
un blanc signé ; et ce ne fut pas la.
seule fois qu'il lui témoigna une
si flatteuse confiance. Duplessis avait
et-' d'abord attaché au duc d'Anjou ,
frère de Henri ill , en qualité de
geiiliihomme de sa chambre ; ce
prince voulut encore se servir de
lui, lorsqu'il fut appelé par hs ca-
tholiques de Flandre, pour se met-
tre à leur tète contre l'Espagne. Le
créJit de ?»Iornay dans ce pays, et
surtout auprès du prince d'Orange ,
était fort étendu; et tout eu surveil-
lant les intérêts du roi de Navarre
dans les Pays-Bas, il fut d'une gran-
de utilité au duc d'Anjou. Les affai-
res de ces deux princes l'obligèrent
à plusieurs voyages; et même il de-
vait se rendre a la diète d'Augsbour."
( 1379 ) , lorsque cette mission fut
révoquée : elle n'était au fend, de la
part du duc d'Anjou, qu'une manière
honorable d'éloigner Mornay, dont
la présence le gênait, et qui revint
en France , aujjrcs de sou maître. Au
bout de quelques années, il lui fut
plus nécessaire que jamais. La Ligue,
formée en 1 376 , éclata eu iâ84 : le
roi de Navarre, devenu présomptif
héritier de la couronne, était le seul
objet de ce formidable complot des
Guises. Tout le parti protestant était
en mouvement; et Duplessis, qui
toute sa vie en fut un des princi-
paux chefs, devait le diriger. Après
i3..
'igS MOR
avoir conseillé à Henri d'olTiir au
roi de France toutes les sûieles pos-
sibles, pour garantie de son dosir
de la paix, lorsqu'il vil la guerre
inévitable , il n'engagea point son
inaUica la retarder par des moyens
qui pouvaient lui nuire pbis tard; il
lui lit sentir , au contraire , l'uti-
lité de U commencer , puisque des
circonstances impérieuses le force-
raient, dans tous les cas , d'en venir à
cette extrémité. Alors Mornay, déjà
cliargé des finances delà Navarre,
créé depuis surintendant général de
la même couronne, après avoir refu-
sé la charge de chancelier, se vit
obligé de supporter presque tout le
fardeau de la nouvelle guerre. On ne
voulait s'en rapporter qu'à son expé-
rience et à ses promesses : il dressait
les plans et Its instructions, ména-
geait à sou prince des parlisans au-
dedans et an-dehors, par des négo-
ciations habiles, ef parde nombreux
mémoires réjiandus de tous côtés
avec profusion. Il n'était pas étran-
ger pour cela, aux actes mêmes de
la guerre ; eu sorte qu'on le voyait
se multipliant lui-même , servir à la
fois , son roi de son bras , de ses
conseils et de sa plume exercée. Il
en fut ainsi, pendant tout le temps
qu'Henri combattit ou ses ennemis
ou ses sujets. Mornay , fidèle à tous
ses devoirs, était sévère pour lui,
mais aussi pour les autres: il était ,
dans sa religion , un de ceux que les
désordres reprochés aux catholiques
avaient de bonne foi contribué à
éloigner de l'église romaine. La con-
duite du roi de Navarre blessait ses
principes ; et comme il sentait qu'elle
pouvait aussi nuire à la réputation
et aux intérêts du- prince , il l'en
avertit plus d'une fois. Cette franchise
inspira souvent à son maître de l'é-
loiguement poux un serviteur trop
MOR
clairvoyant": mais Henri rendaitbion-
tôt ju.sti( c àla vertu et à la fidélité -le
son ministre. Pendant qu'Henri III
tenait les états de lilois, les hugue-
nots étaient assemblés à la Rochelle:
quand on y apprit le meurtre des
Guises, Mornay donna le conseil au
roi de Navarre, de marcher vers la
CBur, et de s'emparer de quelques
places importantes dans l'Anjou et
la Tonraine, au lieu de rester dans le
midi; ajoutant que de cette manière
il obligerait de s'unir à lui le roi de
France, qui ne pourrait appeler le
duc de Ma'ienne , dont il venait de
faire mourir les frères. Ce qu'avait
prévu Mornay , arriva : la cour fit
des propositions de paix. Elle eu
chargea le frère aine de Duplessis ,
qui vint sous prétexte de voir son
frère. Ou s'accorda bientôt. Une des
clauses du traité fut que Saumur
serait donné pour place de sûreté
au roi de Navarre, à condition que
Mornay en aurait le gouveruemcnt.
Les deux rois se réunirent. Henri
III, charmé de la noble confiance
de son nouvel allié , qui se rendit
auprès de lui sans prendre aucune
des précautions que lui dictaient la
prudence et ses ruinisires, s'attacha
pour toujours à ce prince généreux.
Mornay, que son service retenait à
Saumur, averti par son maînc de
l'heureux résultat de cette démai-
che, lui répondit: a Sire, vous
« avez fait ce que vous dev*z , et
» ce que nul ne vous devait conseil-
ler. » A l'époque de l'assassinat
d'Henri III, Duplessis, toujours
à Saumur, assura le pays à sou
maître. La mission délicate dont
il s'acquitta dans la même année
( i5H9 ) avec succès, lui mcriie
encore de grands éloges: il s'empara
de la personne du cardinal de Bour-
bon, oncle d'Ilcuri IV; que les li-
MOR
gupurs avaient déclare roi. Apres
avoir laisse son prisonnier eu sûre
garile , Mornay rejoignit Henri , eL
prit part à la Ijalaiile d'Ivri. Le roi
le nomma bientôt cotiseillir d'etdt.
liOrs tlii sicj^e de Paris, Duplcssis ,
ronsullanf ]>lntôtrintcrèldesoii maî-
tre ijnc rimmanité, s'opposait à la
levée du siej^e : il savait , par ses in-
telligences parti<:ulières, que la ville
pouvait cire prise facilement. IMais
la ge'ncrosile , et peut-être une saine
politique , dictèrent la conduite du
roi. Maieune, auprès duquel iemiî'is-
trc fut envoyé , pour négocier la paix,
en i;^9.i , déclara quelles elaicnt ses
conditions j mais il exigeait le se-
cret. Mornay, dérogeant pour la pre-
mière fois à sa délicate probité ,
crut nuire beaucoup au chef de la Joi-
gne en divulguant ces conditions ,
dont la plupart étaient dans l'inlérèt
de Maïeune : mais ily en avait d'autres
aussi très-favorables aux seigneurs et
au peuple; et riufidéiité de Mornay
tourna contre lui-même et contre le
roi. Séparé d'Henri IV, qui s'ex-
posait à Aumale, où il fiif blessé,
Dupiessis écrivit à ce prince : « Si-
u re, vous avez assez, fait Alexan-
)) dre; il est temps que vous soyez
« Auguste. C'est à nous de mourir
» pour votre Majesté. Vous est gloi-
» re à vous, Sire, de vivre pour
» nous, et j'ose vous dire que ce
» vous est devoir. » Mornsy i.o i:é-
gligea pas les intérêts de son parti
aupics d'Henri IV. 11 usa de tout
son crédit pour faire rendre auxliu-
guenols les privilèges qu'où leur
avait enlevés, et pour leur eu obte-
nir encore d'autres djr-t ils n'avaient
jamais joui. Le roi, protestant lui-
même, il est vrai, mais obligé de
ménager les catholiques, ne put re-
fuser ce que réclamait !a justice: il
^la m'èmc plus loin j car la coiu' de
MOR
197
Rome continuant ses intrigues et
ses menaces, il voulait peut-être
lui montrer ce qu'il pouvait faire,
si elle le poussait à bout. Cependant
dès celte époque, il s'elait engagé
à rentrer dans le sein de l'Eglise.
Trois années se passèrent, pendant
lesquelles Henri IV, combattant tou-
jours jiourses droits, suspendit l'ac-
complissonent de cette résolution.
i^Ioriiay employa tous les moyens
jiour l'en deloniner ; il lui montra
sa grandeur, ses iiitércts , son tro-
ue même, compromis par son ab-
juration; et sur ce qu'on lui disait
lies dilHcultés qui naissaient de la
constante opposition de Rome , il
réj)ondit liardiment : Nous ferons
voir au pape qu'il nous est plus aisé
de faire un pape en France , quca
lui de faiie un roi. Quoi qu'il en
soit, Henri IV abjura dans l'année
ijqS. Cet acte menaçait les intérêts
des protestants ; mais Duplcsssis ,
qu'on avait en vain tenté de sédui-
re , les soutint vivement, et, pae
les privilèges qu'il leur procura ,
posa les fondements de l'édit de
Nantes , aiiquel même il ne fut pas
étranger. Quelque zélé que fût Mor-
nay pour la religion , et bien qu'il
reprocliàt au roi tous les jours soa
cbangemcnî avec trop d'amertume,
sa fidélité ne fut point ébranlée :
néanmoins sa condi.ite eut des incon-
véniciits. Cequ'ob'iniciil les luigue-
nots les enhardit à demander davan-
tagv; ; et j)lus d'uiu* fois iU profitèrent
de reiJibarras ou ils virent Henri IV,
pour renouveler leurs prétentions.
Des chefs cachés et puissants les
dirigeaient. Mornay éprouva , eu
i5()7, uu accident qui lui valut
des marques d'un respect général.
Un jeune gentilhomme le frappa ou-
iraceusement; il en demanda justice
au roi, c^ui Lui lit cette réponse ad-
igS
MOR
inirablc : « Mousinir Diiplessis, j^ai
V un extrême déplaisir de rinjiue
)) que vous avez reçue, à laquelle je
« participe comiuc roi et comme
» votre ami. Pour le premier, je
» vous en ferai justice et à moi aussi.
M Si je ne portais que le second titre,
» vous ifen avez nul de qui l'epee
V fût plus prête à de'gaîner, ni qui
j) y portât sa vie j)lus p;aîment
» que moi , etc. » Eu effet , il oLtiut
une e'clatante réparation. Daus le
même temps, Moruay travaillait,
avec d'autres commissaires, à la
soumission du duc de ÎMeroœur. Ce
gouverneur de Bretagne rentra daus
le devoir, en iSgS. {T. Meecoeur.)
Duplessis fut encore employé pour
terminer l'affaire de la dissolution
du mariage d'Henri IV, qu'il avait
entamée depuis plusieurs années ;
elle finit en logg. Jusqu'ici, il n'est
pas d'cve'ncment important, pendant
plus de vingt ans delà vie d'Henri
IV, auquel Mornay n'ait pris une
très-grande part. Sun crédit, un peu
diminue depuis l'abjuration du roi,
se soutenait toujours: ce prince lui
couservait la plus flaticuse amitié.
Mais son zèle excessif pour sa reli-
gion va iui attirer une disgrâce qui
empoisonnera le reste de sou exis-
tence. Il avait commencé, en i5i)5,
un Traité de V Institution de V Eu-
charistie. Dans ce livre , destiné à
prouver les crre^'.rs reprochées à l'é-
glise romaine, Mjrnayavail déplové
nn grand luxe d'éiu'Ution ; il l'avait
de plus accompagné a'invectives vio-
lentes contre lesjMpes.Il fit paraître,
eu iSgS , son livr.- de l'Eucharistie ,
qui produisit une vive impression.
Après un mîir examen, on se crut en
droit d'attaquer la bonne-foi de l'au-
teur , à l'occasion des uombreux pas-
sages des saints Près et des théolo-
giens, rapportés dans l'ouvrage. Plu-
MOR
sieurs réfutations n'avaient pas nui
au livre de lMornay;maisraccusalion
dont il s'agit, frappa les esprits : en-
fin, Duperron, c'vèque d'Evreux, ai-
dé d'autres critiques ( i ) , prétendit
trouver plusde cinqcenfs fautes dans
le Traité de l'Eucharistie. Mornay
défendit son ouvrage avec entêtement;
et Henri IV, excité ])ar le pape qui
voulait donner un éclatant démenti
à l'oracle des protestants , qu'il
appelait son ennemi , indiqua une
conférence publique oi!i devaient être
di-cutées devant des juges choisis,
les dilllcuUés proposées. Cette pom-
peuse conférence , qr.i eut lieu le 4 d«
mai 1600 , à Fontainebleau , ne fut
qu'une misérable intrigue de cour.
On prit Moruay au dépourvu ; on ne
voulut point lui indiquer d'avance
les passages argués de faux; d'aulrcs
éditions que celles où les citations
avaient été puisées furent produites;
on disputa sur les mots. Enfin, il
arriva que Duplessis soutint mal sa
cause, et abandonna une victoire peu
glorieuse à des adversaires peu déli-
cats. Il en ressentit un chagrin qui in-
flua sur sa sauté et mit fin à la confé-
rence, qui n'avait duré que quelques
heures (^2). Il résulta d'une aussi sin-
gulière manière d'agir de la cour,
dans cette circonstance, que les ca-
tholiques et les protestants s'attribuè-
rent également le succès. En cfièt ,
ces derniers purent soutenir que la
peur d'être convaincu d'im])udence
avait fait extorquer par surprise uu
avantage qui, lui même, ne prou-
vait rien, sinon qu'une bonne cause
(\^i Un ^eiitilbonime , Du;niiin Sainle Marie, pro-
Irstaut , xuais qui ahiiira bientôt après, et Reoe de
Vignerod, beau-frère du «aidioal .le Richelii-u . fu-
rent les premiers à s'apercevoir des erreurs de Mnr-
iiav- Daus la coufereiice , ce Git le Père <le BeruUe,
depuis Cardinal , ijiii assura vérilabtemeut U succès
de la bônue doctrine.
(■X) Chaque parti, donna, de la confe'ronce , de» re-
lations retatcti les unes par lea aut.'«s.
MOR
avait Ole mal dcfciulue (i). On cora-
ïnitcn cela, une f;raiido faiilcj car il
est incontcstal)lc que Mornay, trop
absorbe par la politique pour don-
ner tout le temps nécessaire à la com-
position d'ouvrac;es longs et minu-
tieux, e'iail obliac de recourir àl'ai-
de d'autrui. Parmi ses coopc'rateurs ,
il s'en trouva plus d'un , imi>u de cet-
te mauvaise -foi qu'on a reprocliée
si souvent aux ennemis de l'église
romaine, et qui ne balancèrent pas à
falsifier les Pères ou les'controver-
sisles pour fortifier leur sentiment.
Aussi , bien que la cour se fût donne
tort pour la forme dans la conférence
de Fontainebleau , quant au fond ,
dans le peu de passages qu'on eut le
temps d'examiner , ou découvrit
des altérations graves (2). Le l'é-
sultat de la conférence fut d'éloi-
gner Mornay des aflaires : il se re-
tira dans son gouvernement de Sau-
mur , d'où il ne sortit pas pendant
six ans, s'occupant seulement des
intérêts de l'église réformée. II alla
une seule fois à la cour, en 1606, et
revint à Saumur l'année suivante.
Lorsqu'Heuri IV fut assassiné, Mor-
nay fit reconnaître l'autorité de la
régente, qui lui témoigna beaucoup
de bienveillance , mais sans le rap-
jjeler dans le conseil. Il se rendit ,
en 1617, à l'assemblée des no-
tables de Rouen. Ou l'avait con-
sulté sur cette convocation ; son
avis fut d'en abandonner l'idée,
ou du moins de l'ajourner : le peu
de fruit qu'on en tira , justifia sou
(OC'est ceejue dit Sully (Mi>n.,toni. iv,liv. ii).
r.n ^c-néral le duc (st sévère pnur Muiimy; il esi 'i
croire que c'est parc qu'ils se disputcreut pendant un.
teiu|i5 la faveur du roi. Ils étaieut enucmis : SiJly ne
le cache pas; et cela doit faire psir le tcuioigûage
de ce dernier , quand il s'agit de Mornay. U y en a
encore une autre raison , c'e.st qu'à la Kn ils se trou-
vèrent rivaux de crédit dans le ])arli protestant.
(?.) On le voit dans l'Histoire du président Tta
Tliou , qui tut l'un des coiiiuiissaiies , tom. XUl,
1> .'liÀ
MGR 199
opinion. Venu ])!i!s tard à Paiis, le
roi et la reine l'honor: rcnt de l'ac-
cueil le plus flatteur; il retourna
bientôt dans son gouvernement. Le
grand âge de Mornay l'empocha de
prendre une part active aux trou-
bles qui agitèrent le commencement
du règiîc de Louis XIII. Ou doit
lui rendre une justice : quelque atta-
ché qu'il fût à son parti, il n'usa
jamais de sa grande inf!uci/cc que
])Our le maintenir dans le devoir, et
l'exhorter à n'employer que des
voies de conciliation, au lieu de se
mêler aux intrigues qui agitaient la
cour. Mais des avis si sages ne fu-
rent pas écoutés d'une faction os-
senliellement ambilieusc et remuan-
te. Quand la face des affaires chan-
gea, et que la mère du roi se trou-
va opposée à son fils (lô'io), on
tenta de gagner Mornay, maître
d'une ville importante, dans le pavs
devenu le tlicàtre de la guerre. 11
resta fidèle à son prince , conseillant
à la reine de s'accommoder avec le
roi, ce qu'elle se repentit bientôt de
n'avoir pas fait. C'est dans celte
même année i6uo , que les hugue-
nots, outrés du rétablissement de la
religiou catholique dans le Béarn ,
réuni à la couronne, conimencèrenî
à former eux seuls uti parti contraire
à la cour; ils s'assemblèrent maigre'
les ordres du roi , et prirent des me-
sures pour commencer les ho.stilités.
Mornay, toujours conciliateur, es-
saya de les calmer ; mais, moins
sage que par lepas^é, il ne bannit
pas celte fois toute idéed'opposiiiou
armée et par conséquent criminelle,
si la conduite dii gouvernement ne
changeait pas. La guerre ayant écla-
té, Louis XIII vint à Sauiaur, dont
Mornay fut expulsé adroitement. Ou
lui promit bien de ne pas abuser
de la nécessite qui le forçait d'abau-
20O MOR
donner son poste, parce qu'il fallait
lop;ei' le roi dans le château, et l'on
s'cnp;;!p;ca de le lui remettre incessam-
ment: mais on retarda inclpTininicnt
le ferme; et sans égard à la parole
royale, on déclara enfin à Mornnv,
qu'on ne lui rendrait point son goii-
■\crnement. La résistance opiniâtre
des huguenots causait cette sévérité
de la cour contre tous ceux de la
religion reformée. On offrit cepen-
dant à Mornayune indcïnnite'; mais
il rejctta toute proposition, et récla-
ma fortement aupiès de Louis XIII :
tout fut inutile; il vit bientôt qu^il
fallait renoncera Saumur ( i), et ,
après aA'oir refusé cent mille écus et
un état de maréclial de France, il
se vit obligé de se contenter de cent
mille livres pour tous ses droits. Il
mourut peu de temps après, le ii
de novembre 1623, dans sa baro-
■iiie de ia Forêt-sur-Sèvre, en Poi-
tou; c'est là qu'il s'était retiré dei)uis
sa sortie de Saumur. Mornay jouit,
pendant tonte sa vie, d'une grande
réputation en France, chez les étran-
j^ers et surtout parmi les proleslanis.
(iOnstamment attaché à Henri IV
durant vingt-cinq ans . il n'est pas de
.services qu'il n'ait rendus à ce ))iin-
te, qui le reconnaissait volontiers,
t^t disait de lui : Je fais au besoin
d'un escntvire un capitaine (u). En
effet , tour-à-tonr ministre , géné-
ral, négociateur, écrivain, Mornay
.s'acquitta de tous ces emplois avec
nu égal talent. Passionnément atta-
ché à sa religion, ce n'est pas sans
(i", C.'cil alors qu'il adressa une lettre foiirlianle
au roi , mais (|oe a«i .-unis lui firent retenir. li dcm^iu-
dait la |)erin'»sion do sortir de France avec sa Ta-
inille , et à'eiupcrîer les ossements de se.s pères, et il
a)<n)lail : Ilsr. trouveinf>eut-étir quehjiCmi qui ira-
VKia Sur ma .'.imie ; CigU ifiii , âgé (te -3 aii> , nprés
«n acoir employé , sans re/iroclù- , 4G au service île
a-ii.igran,'s rois ,fut contiaini , /joiiravoii Jiiil son
awoir, de c/ioi cher s,m sèpuUre hors de sa patrie.
(»j 0 Autijuc j Huu uuiv , t. iU ;liï. 2 . c, -i.
MOR
raison qu'on le surnommait le Pape
des Huguenots; pendant près de
cinquante ans, il fut le véritable chef
de la nouvelle église de France: le
parti eut quelquefois à sa tète des
.seigneurs plus pui.s.sants, les ducs de
Bouillon et de Sully, par exemple;
mais, pour la doctrine, Moruay n'en
resta pas moins l'oracle des religion-
naires : il n'est pas de ministre si cé-
lè])rc qui ait balancé sa réputation,
pajcc qu'il était aussi savant (ju'im
miiiisire (i), et que ses nombreux
CCI if.s servirent, autant que son cré-
dit etsou pouvoir, à l'agrandissement
et à la considération de son paiti.
Aucune vue d'intérêt ne put altérer
la croyance de Dupiessis-Mornay :
sou altachemenl inébranlable à ses
opinions, la publicùé avec laquelle
il les soutint, l'arrêta dans la carrière
brillante qui s'ouvrait devant lui.
Pour sali>faire sa conscience, il en-
couriit la disgrâce d'un roi qui lui •
avait les plus grandes obligations,
mais que sa po.silion critique força
plus d'une fois de sacrifier sa recon-
naissance à son intérêt, qui n'était
que celui derÊlal. Voltaire a répété,
peut-être asec une maligne complai-
saiice,les louanges prodiguées a Mor-
nay, l'un des enjants de Calvin :
C.^ vertueux smlieiî du parti de l'err- iir,
(>)ni sigualaul toiij jurs.soii zèle vl sa pi mleuce ,
Servit cg.iicinent son Ejjlise et la France ;
lieiiseur des conrtisans, ïnais h la cour aimé,
Fier ciiuemi de Rome, et de Rouie estime.
Et lorsqu'il suppose que le génie de
la France cherche un sage pour ar-
racher des bras de la Ixille Gabriclle
Henri IV^, à qui l'amour faisait ou-
blier ses devoii's, c'est encore sur
Mornay que tombe le choix de l'ange
(1) Moi-oay t.ivaille lit^n, le jtpc , riieljrt 11 , l'al-
lemaudj l'italien, l'espaguol^ et ilu'efait pas élrau£:er
aux sc:ieDte^ ii;>liir''l'e« . c|n-jîqne ses éludes • ii.ssenl
étepart'tuiièi.^^. iil dirigées vcrsI'bisioiiT- et U l!>e«i!-
MOPv
des Français (i). Diiplcssis-Mornay
n'a pas ctc fjcticralcinent juge avec
la même faveur : le savant Hiiel (i),
entre autres, a fortcinenl atlaquc sa
réputation comme écrivain. 11 est
certain qu'il n'a pas compose seul
tous les ouvra j;es pnlilies sous son
nom , (le même que celui de l'Eu-
charislie, comme nous l'avons dit;
mais il y a de l'injuslice à ne voir
dans Mornay qu'un savant masque,
rempli de vaiiile et de mauvaise-foi.
On peut croire qu'un zèle episcopal,
un peu trop ardent, a dicté le senti-
ment de Huet, qui tendait à rabaisser
beaucoup la vertu d'un homme au-
quel, de l'aveu d'un aulre prélat, on
ne pouvait rien reprocher^ sinon qu'il
était huguenot (3). De sou mariage
avec Charlolte Arbalesle , morte eu
1607, Mornay eut quatre enfants :
ini fils unique, mort en iGoG, au ser-
vice du prince d'Orange , et trois
filles. Ses ouvrages sont assez nom-
breux : I. Traité de la vie et de la
mort , Genève , 1 575. II. Traité de
V Eglise, 1577. m. Traité de la
'vérité de la religion cJuéticjine ,
Anvers, 1 58o, in-8". Mornay tradui-
sit lui-même en lalin ce livre, qui fut
généralement estimé (4). IV. Dis-
cours • ur le droit prétendue par ceux
de la maison de Guise (5), i58îi,
in-8". C'était la réfutation d'un mau-
vais ouvrage, dans lequel on vou-
lait établir que la couronne de Fran-
ce appartenait à la maison de Lor-
raine. V. Traité de l'institution de
lu sainte Eucharistie , 1 098 , in- fol.
A I. Le Mystère d'iniquité ou His-
(^i) Heuriade , ch. i et <j.
(■}.) Hueliaim, ii<'. S^.
(i) Pjréfiic. fl^d,: ficnri If^ , iie. partie.
(4) Le (jlmi et les ai'^uiiicnis de cet ouvr^ige ont
Ir iinjiloys iiar Abha.lie et «l'imlics adversaires tirs
■ |ii .l.>-ioilf et ùisiior.\rMiix pbil'is^ipi.cs.
MOU
201
toire de la papauté, 1C07, in-4".
C'est dans ce livre , que l'auteur pré-
tend prouver que Paid v était l'aiitc-
clirist. VII. Mémoires de Philippe
de Mornay , contenant divers dis-
cours , instructions, etc., 4 ^ol. in-
4°. Ces quatre volumes ont été im-
primés séparément : le premier à la
Forctsur-Scvre, en i6u4 , mais sans
nom de lieu ni d'imprimeur; le se-
cond au même lieu , en i6'^5 ,
avec désignation; les deux derniers
à Lcyde, chez les Elzevirs, en i65i
et lÔS'î. On trouve rarement réunis
ces quatre volumes , dont les deux
premiers contiennent les pièces re-
latives à ce qui s'est passé depuis
1572 jusqu'en «Sgg, et les deux
autres continuent jusqu'en i623. Ces
Mémoires sont intéressants et esti-
més. VIII. Des Lettres publiées , en
1624, par Jean Daillé, célèbre mi-
nistre protestant, qui avait été pen-
dant plusieurs années précepteur des
petits-Iils de Mornay. Il était resté
beaucoup d'autres lettres manuscri-
tes de Duplessis, au château de la
Forêt-sur-Sèvre , ainsi que les ori-
ginaux des Mémoires dont on n'a-
vait donné, in-4°. , qu'une étiitioii
tronquée. Le propriétaire actuel do
ce château vient d'en ordonner la
jîublicalion: cette première édition
complète des ?Iémoires , Corres-
pondance et Fie de Mornay , pu-
bliée par M. A. D. de la Fontenclle,
est sous presse, et doit foriner r?.
vol. in-8'^. , contenant près de 4^0
pièces , pour servir de suite à l'an-
cienne ou à la ncuvcllc collection des
IMémoires sur l'Histoire de France.
RIornay avait cultivé la poésie dans
sa jeunesse, et avait même composé,
sur la guerre civile, un petit poè-
me, qui est perdu. Une Histoire de
son t'-mps , commencée en i57<>,
éprouva le même sort, en 1^7 3.,
'209.
BIOR
(Irins une traversée d'Angleterre en
Flandre. Enfin, Huçj. Gruliiis a al-
tri])ne' à Dnplcssis-Mornay un trai-
té de Monarchid ; mais Bossiiet
]irctcnd qu'il est d'un autre protes-
tant , et que Mornay n'en fut que l'é-
diteur. Il n'en est fait aucune men-
tion dans la vie lone;ue et dcijailléc
de IMornay: cette Fie, Leyde, \(')'\'],
in-4''. ,fut composée par David de
Liques , flamand , et par les deux
secrétaires de Mornay , Meslai et
Chalopin, Valenlin Gonrart est au-
ïeur de l'cpitre dédicatoire. Daillé
s'en occupa pareillement ; et l'on y
a joint un petit morceau de ce mi-
nistre : Les dernières heures de M.
Jjitplessis. Celle pièce, ainsi que le
testament et le codicile de Mornay,
avaient été imprimés séparément, en
î Giî/'i . La Vie est un panégyrique mal
c:rit, mais composé sur de bons maté-
riaux. Ily a encore une Vicde Duplcs-
sis-Mornay, dans les Fies de plu-
sieurs anciens seis^neiirs de la maison
de fflomay, parR.de IMornay de la
Yilletertre, 1G89, in-4^. L'auteur
annonce que son ouvrage sera l'an-
tidote de la première Viede Duples-
sis; et cependant il n'a fait que l'a-
Lréger avec de légers cliangemeuts ,
et quelques réflexions mal placées.
IMais l'auteur était catholique , com-
me Mornay était huguenot; et il
écrivait ([uatre ans après la réyoca-
lion de l'édit de Nantes. Un Eloge
de Duplessis-Mornay , par M. Henri
Duval , couronné par l'athénée de
Niort, a été inséré dans le recueil
de celle société , et imprimé à part
ï8oQ , in-S». D — is.
MOllO (Christophe), doge de
Venise, fut nommé, le i i mai 1 \Ç>'a ,
pour remplacer sur le trône ducal
Tasqual Malipieri. Son administra-
tion, d'abord prospère , fut mar-
quée par la perte de Négrepont ou
MOR
l'ilc d'Eubéc,dont Mahomet II prii
d'assaut la capitale, le lu juillet
1/170. On accuse Christophe Moro
d'avoir clé hypocrite, vindicatif,
perfide et avare. Il mourut le 9 no-
vendirc \^']i. Nicolas ïrono lui
succéda. S. S — i.
MORO ou MOOR (Antoine),
peintre , né à Uîrecht en i5i2 , fut
élève de Jean Schoorécl. Devenu très-
habile , surtout dans le genre du por-
trait , il vit la fortune seconder ses
talents. Nommé, par la protection
du cardinal de Granvelle, peintre de
l'empereur Charles-Q'int, il fut en-
voyé par ce jirince en Portugal et en
Angleterre , pour y faire les portraits
de plusieurs princes. Ayant complè-
tement réussi , il revint en Espagne
chargé d'or et de riches présents; et
il reçut d'un de ces princes un or-
dre de chevalerie. Comblé des bon-
tés de Philippe II , successeur de
Charles-Quint , vivant même avec
lui dans une grande familiarité ,
une indiscrétion lui fit perdre tous
ces avantages. S'étaiit permis, unjonr
que le roi lui avait donné un petit
coup sur l'épaule en badinant , de
riposter avec son appui-main, il S(î
vit obligé, dans un pays où l'éti-
quette est très-rigoureuse, de s'éloi-
gner, et de retourner dans les Pays-
Bas, où le duc d'Albe, qui en était
gouverneur , le condda de bienfaits ,
lui et toute sa famille, pour laquelle
il obtint des places et des canoui-
cats. Si Moro s'est l'endu célèbre
par ses portraits, il a peint aussi
des sujets d'histoire fort estimés ,
entre autres , luie Résurrection ,
qu'on voyait au Musée du Louvre il
y a quelques années ;vuiiSûi«tPi<?/ve
et un Saint Paul, qui ctaientdans la
collection du prince de Conti ; il y
avait aussi deux beaux portraits de
ce peintre dans la collection du duc
Mon
d'Orlc'ans, cnlrc autres^ celui (hCro-
tiiis. Le Miisce 3'oy;il possideaujour-
d'Iiui trois beaux portraits pa r Moro:
l'iiii repiescLitaiii un liomiru' vcliide
rouge, coide d'une tuq:".e urnc'e de
plaines; un autre , vctu de noir, la
tète nue, la main posée sur une ta
b!e; et un troisième, aussi a'cIu de
noir, avec une toque, et tcnanl des
gants. La louche de cet artiste est
vigoureuse et ferme , son coloris
{l'une grande vc'riic, et l'imitatiini
de la nature parfaite. IMoro termina
sa carricic à Anvcîsen i5G8. P — c.
MOKOGUES ( SÉBASTŒN-FuArV-
çôis CfGOT, vicomte de), liciiteuaiit-
ge'nc'ral des arme'cs navales, corres-
pondant de l'acaderaicdcs sciences et
honoraire de celle de marine , naquit
au Havre, en i -03 ( i ). Son père, qui
ciait intendant de la njarine, à Bicst,
le destina de bonne heure au service;
vi, en i723,lefdsentra,commeofri-
cier, dans le régiment Boyal artil-
lerie, où il servit environ treize ans.
Au mois de septembre 173G, il quit-
ta le service de terre pour celui de
la marine , et fut nomme lieutenant
d'artillerie, deux ans après, il ser-
vait en cette qualité, sur !e vaisseau
le Bourbon, lors du naufrage de ce
bâtiment à la IMarlinique, au n;ois
d'avril 1 74 1 . Eu 1 7^6, il fui fait ca-
pitaine, et chevalier de Saint-Louis.
Déjà il avait fixe l'attention, par un
±.ssai sur V application de la théo-
rie des forces centrales, aux ef-
fets de la poudre à canon , Paris ,
1737, in-S**. Cet ouvrage, qiii a élc
traduit en allemand ( iNuremberg ,
1766,10-8».), était dédié à M. de
Maurepas, qui avait alors le porte-
feuille de la marine; et il récompensa
l'auteur, en le nommant commissai-
(1} Roairr, dans les Tables de Vacadéiuie des scieii-
cesj dit tiu'U uaquit j brtsl, Ik 5 avril ijoj.
rc-géuéral d'arlilleiic. En 17-^9,
Murogues commandait le Magni-
fique, dans l'escadre du maréchal de
(iOidlans: à la fatale joui-uéc du 'xu
jiovcruhre, il corn! allil seul conirc
trois vaisseaux ang'ais , pendant près
d'une heure, parvint à s'en faire
abandonner , et il ramena le Ma-
g^nijique à l'île d'Aix. Il fut nommé
chef d'escadre, en récompense de sa
belle conduite ; en 1767, inspecteur-
général d'artdlerie* et lieutenant-gé-
néral , eui77i. Il conçut le désir
d'arriver au ministère, et il était sur
le point de réussir, lorsqu'une iaitri-
gue de cour vint renverser ses pro-
jets. Il fut disgracié, et exilé àVillé-
Fa ver, près d'Oiléans,où il mou-
rut en i78i.Ona de lui plusieurs
Mémoires relatifs à la marine et
à l'histoire naturelle , insérés dans
le recueil de l'académie des scien-
ces. Il est auteur d'un ou^ rage sur la
tactique navale , intitulé : Traité des
évolutions et des signaux, i 764, in-
4". , que les marins consultent avec
fruit, malgré l'excellent ouvrage de
BourdédeViilehuet, sur le même su-
jet ( I ). Nous citerons encore ce lui :
\. Mémoire sur la cormption de l'air
dansles vaisseaux, et sur le s moyens
d\y remédier ( Acad. des se, savants
étrangers, i , 394). II. Sur un ani-
mal aquatique d'une forme singu-
lière (ibid. , II, 145 ). Le port de
Brest possède une collection de mo-
dè'es relatifs à l'artillerie ctauxcons-;
tructions naA aies . qui prouve (pic
Morogues réunissait des connaissau-
(1,1 C'rsl p:ir trieur qiu- la Bilniographle histcii-
<jue de la Frai:ce , m , \o. 351-7, altribne au vi.
cuinie de M'irugues, l'Kssat lU lactique siT l'itijiin-
/e;ie , Amslerdam, l'fil, deilx volumes in-^o. Cet
ouvraj;e esl tio Jacqiies-Adricii-Uaac Bigot , seigiifU'^
de Villaudry et de Morogues, cousin issu de j;ri
main 'iu v:coai'c. Jacques -Adri:-ii-I«aac , dont le |.i—
re ovail quillf la France |.our cause de religion jrji.;
Louis XIV, elait ne à U'recbt en 1709. et d.\ii;t
gênerai-major de la cavalerie de ]ï r"l'u!)lic)i'.i! Ca.
Uuliaude. A li — r.
9.0 [ MGR
ces lies - e'tanducs dans ces deux
parties. H — Q — n.
MORONE ( PiçRRE ). F. Geles-
TIN V.
MORONE ( Je'rome ) , chancelier
des derniers ducs de Milan , et l'un
des plus liabiles négociateurs de son
temps , e'tait ne' vers l'année i45o :
il entra de bonne heure au serA'icc
des ducs de Milan , de la maison
Sforza, ses souverains: il s'était formé
à l'école de Louis le Maure , le plus
dissimulé parmi les princes d'Italie;
et il avait manifesté sous lui de rares
talents pour la négociation et pour
l'intrigue. Après la chute de ce duc,
Morone s'attacha aux princes ses
fils : il fut nommé vicc-chanceher de
Maximilien Sforza, lorsque celui-ci
fut rétabli, en i5 12 , dans le duché
de Milan ; et il gouverna l'état au
nom de ce prince presqu'imbécille.
Cependant, après la défaite des Suisses
à Marignan , et lorsque le duché de
Milan était déjà reconquis par les
Français, Morone engagea Maximi-
lien Sforza à signer, le5octobrei 5 ij,
une capitulation par laquelle il ou-
vrait aux Français le château de Mi-
lan , qu'il aurait pu défendre très-
long-temps encore, et il se rendait
prisonnier en France. Ayant don-
né à son maître ce lâche conseil,
Morone le quitta pour venir joindre
à Trente , François Marie Sforza ,
second fils de Louis le Maure , en
qui il comptait trouver plus de réso-
lution et de talents. Morone , après
avoir épié long-temps l'occasion fa-
vorable , réussit à engager Charles
Quint et Léon X à s'allier, en loi i ,
pour chasser les Français d'Italie ,
et rétablir François -]\Iarie Sforza
dans le duché de j\Iilan. Celte ville
ouvrit en effet ses portes , le 20 no-
vembre 1321 , à Prosper Colonne ;
et Morone en prit possession au nom
MOR
du duc son maître. Il excita le zèle
des Milanais , et leur haine contre la
France par tous les moyens imagi-
nables : il fit prêcher contre les Fran-
çais dans toutes les chaires ; et il
obtint assez d'argent de ses compa-
triotes pour pouvoir poursuivre ses
premiers succès. Cependant Morone
et son maître ne retiraient presque
aucun avantage des victoires de leurs
alliés : plus Charles-Quint avait de
succès contre François P^ , pKis il
apesantissait le joug sur les sujets de
Sforza, que ses troupes espagnoles
et allemandes traitaient avec la plus
extrême dureté. Enfin Morone , lors-
que François I'^'". fut fait prisonnier
à Pavie , voulut secouer le joug in-
supportable des Impériaux : il pro-
posa aux \ éniliens et au pape de
s'unir à la France , ainsi que le duc
de Milan. Il voulut aussi gagner Pes-
caire , général de l'empereur , et il
lui offrit pour récompense de leren- '•
dre maître du royaume de !V,ipIes j
mais Pescaire , après avoir pai u en-
trer dans tous ces projets, fit arrêter
Morone en 1 523. Il l'envoya dans les
cachots de Pavie , et il dépouilla le
ducde Milande tousses états. Le con-
nétable de Bourbon, qui fut chargé
par Charles-Quint de commander en
Italie , se trouvant sans argent pour
entretenir son armée , offrit à quel-
ques prisonniersd'éiat de les relâcher
moyennant une rançon. Morone fut
du nombre, et recouvra saliberté pour
vingt mille florins. Ce vieillard insi-
nuant et adroit réussit bientôt à ga-
gner toute la confiance du général qui
l'avait tenu en captivité. Il fut le se-
crétaire et le premier conseiller du
connétable de Bourbon : il l'accom-
pagna dans son expédition de Ro-
me , qu'il paraît lui avoir suggérée ;
et lorsque Bourbon fut tué au pittl
des murs de celte ville, Morone était
MOR
devenu tellement preciciix Jirarniéc,
qu'il y conserva le rang (juc Uonibon
lui avait procure. Morone fut égale-
ment sccielaire et confident de Phi-
libert, prince d'Orange, que les sol-
dats avaient choisi pour leur chef;
et il fut un des principaux medialeurs
du traite qui rendit la liberté à Clé-
ment Ylï , le 3i «ctobre iHi"]. En
récompense de ce bon odlce, le pa-
pe nomma Jean Morone, fils de Jé-
rôme, à l'cvêché de Modène : ce pré-
lat fut ensuite cardinal. Morone fut
créé, en i r^B , duc de Bu\ino,
dans le royaume de Naples: il mou-
rut subitement, en lôag, au siège
de Florence ; il était alors âgé de
quatre-vingts ans. S.S-i.
MOROSINI ( Dominique ), doge
de Venise, succéda, en 1148, à
Pierre Polano. Sou règne fut signalé
par la conquête de Gorfou, en 1 149.
1/ innée suivante , ce doge soumit
Pola, et plusieurs villes d'Istrie ,
qui s'étaient révoltées; il jnourut en
1 156. Vital Micheli II lui succéda.
— Michel MoaosiM n'occupa que
quelques mois le trône ducal de \ e-
uise ; il avait succédé, le 10 juin
i38'2,à André Contarini ; il mou-
rut le 1 5 oetobre de la même année ,
et il eut pour successeur Antoine
Venieri. S. S — i.
MOUOSINI ( André ) , historien,
de la même famille que les précé-
dents, naquit à \enise, en i558.
Les subtilités de la scolaslique sé-
duisirent sa jeunesse; mais le dégoût
suivit de près l'ardeur qu'elles lui
avaient inspirée, et il alla étudier
la philosophie à Padouc. Les belles-
lettres et le droit remplissaient les
loisirs que lui laissait souétude prin-
cipale. La peste le força de quitter
Padoue, en 1576, après un séjour
de trois ans. En i583, il fut fait
Sage des ordres, tvtrc qui était,
M OR
20:»
pour la noblesse vénitienne, l'ini-
tiation aux charges publiques. Eu
i:k)3, il fut du nondjre des trois
avocats -généraux; deux ans après
il fut élu Saf^e de terre-ferme ^ et
rappelé dix fois aux m'èraes fonc-
tions. On l'avait proclamé Saga
grand, en iGn^t; il fit partie du
conseil des Dix pendant trois ses-
sions , et fut nommé trois fois réfor-
mateur de l'université de Padoue. Il
s'en fallut peu qu'il ne réunît les suf-
frages pour succéder au doge Jean
Beinbo. Le sénat le choisit pour con-
tinuer les annales de la république ,
qu'avait commencées Parula ; et cette
tâche , poui'suivie avec persévérance
sous le fardeau des alFaircs, devint
son plus beau titre d'illustration.
Scrupuleusement ménager de ses
heures, Morosini ne se permettait
d'autre délassement que la conversa-
tion des gens de lettres qu'il rassem-
blait dans son palais. Les afFcctions
de faindle lui parurent des chaînes
incompatibles avec son existence la-
borieuse : aussi raourut-il sans aA'oir
été marié, le iC) juin 1618. Le temps
lui manqua pour mettre la. dernière
main à son histoire. Admirateur
du style de Berabo , et aspirant à uu
succès européen, il avait préféré,
pour la composition de son ouvrage,
la langue latine à sa langue mater-
nelle. Paruta , qui avait pensé au
contraire que tout devait être natio-
nal dans une histoire de Venise, avait
écrit en italien la sienne , qu'il
conduisit jusqu'aux événements de
i55i : Morosini, voulant présenter
un ensemble de faits complet et in-
dépendant du travail de sou pré-
décesseur, remonta à l'an i5ir,
et ne s'arrêta qu'à irti5. Son his-
toire, divisée en 18 livres , ne fut
pijjliée qu'eu iGii3, in fol. , par les
soùis de Paul Morosiui, son frère.
aoG MOR
Son dessein, si sa vie se fût prolon-
gée davantage, cf.ii; de reprendre
celte histoire de plus liant, et nièiiie
delà ponsser jiistpi'à l'origijic 'le Ve-
nise. Eile ciU un [)lcin succès ; on
rcniiit hum!nap;c à l'eKactitude de
l'autour, et à i'ele:;anre de son style.
IMais il ne lut pas s^oûlé à Rome; il
avait rapporte trop libreînent le dif-
férend de Paul V avec la république.
L'ouvrage de i^îorosiiiia éléréimpri-
inédans lellccuei! des historiens de
Venise, 1719, in-4''., dont il occu-
pe les tomes 5, 6 et 7. Le sénateur
Jérôme - Ascague ?.Iûlino traduisit
cclto Histoire en italien, Venise,
l'jSi. On doit encore 1 ?»Toiosini :
I. Opusciiloi um et ejù stalaritm pars
prima, \enise, 1 6ci5, ii!-S". Cette
première partie est la'seule qui ait
paru : elle renferme, entre autres
morceaux, une Vie de saint Tho-
mas d'Aquin , les éloges du doge
Jjembo, de Giorgi , procurateur de
Saint-7vïarc , de Valiero , baile de la
république a Constantinopie, et un
dialogue où l'auteur examine s'il est
permis, par la loi de nature, de se
nourrir de la chair des animaux , et
pourquoi elle interdit à l'homme d'ê-
tre antropopliagc. II. L'Imprese ed
espeditioni di Terra Saiit'a, e l'ac-
quisto fatlo delV unperio di Constan^
tinopoli dalla republica di Venctiaj
Venise, iGi^ , in-4°. C'est le récit ,
divisé en deux parties, des armements
des Vénitiens pour la conquête et la
défense des Lieux saints , et de l'occu-
pation de l'empire de Constantino-
ple par leurs forces combinées avec
celles des Français. III. Leonardi
Donali , Venelianim principis ,m-
ta , Venise, 1628, in-A". IV. Corsi
di penna sopra l'isola délia Cefa-
Zo7u"« , ibid. , 1628, in-4°. F — x.
MOROSINI (Fr.A^çoIs), l'un des
plus grands capitaines de son siècle,
MOR
était né à Venise, en 1C18, d'une
famille patricienne. Il embrassa jeu-
ne la profession des armes, et se bi-
gjiala , dès l'âge de ^ingt ans , à la
poursuite des pirates qui infestaient
l'Archipel. Il se distingua, eu iG4^
à l'attaque d'une (lottille chargée dii
munitions pour la Canée; et ayant
obtenu le commandement d'ujie g.i-
lère, il donna ia chasse aux Turcs,
et leur détruisit un grand nombre de
vaisseaux. Il força, on iG48, la fli.t-
te oîlomanode s'éloigner de Candie,
et fut nommé, en récompense de ce
sei-\'ice, général des galères de la ré-
publique. Il contribua beaucoup, p;;r
l'habileté de ses manœuvres , à la.
victoire que les Vénitiens rempor-
tèrciit , en 1 G5o , sur les Turcs , pi es
de l'île de Naxos. La gloire dont il
se couvritdanscclte me'jnorable jour-
née, lui mérita le liîre de comman-
dajit en chef de la Halte vénitienne.
T! s'empara, la même année, d nue,
(lotte turque, chargée de vivres et
de munitions de guerre. En iGj4 5 '1
descendit dans l'ile d'Egiue, y sur-
prit treize vaisseaux ennemis, et,
poursuivant sa route, enleva dillé-
rentes A'illes sur la côte de IMoroe.
Il revint l'année suivante à l'ile d'E-
gine , et en détruisit toutes les for-
tifications. Nommé, en ]656, gou-
verneur de Candie , il dispersa la
flotte turque qui en bloquait le porî ,
et l'obligea d'abandonner l'Archipel,
Cependant le grand -visir Koproli ,
honteux de la longue suite de revers
qu'avait essuyés le Croissant, sortit
de Conslantinopie avec une floltc
nombreuse, et, ayant attaque à l'im-
proviste celle des Vénitiens, com-
mandée par Mocenigo. la battit com-
plètement. ?iIocenigo perdit la vie
dans le combat ; et Morosini lui suc-
céda comme généralissime. Il prit,
eu iG58, rîie de Charcie , et il se
MOR
disposait à suivre le cours de ses
couquêtes; mais sa flotte ayant es-
suyé une tempête qui détruisit ou
dispersa la j)lus -grande partie de ses
vaisseaux., il se contenta de donner
la chasse aux Turcs, sur lesquels il
remporta plusieurs avantages. 11 ten-
ta vainement, en lOGo, de s'emparer
de la Canec; les troupes qu'il avait
débarquées pour marcher contre
celte place, tandis qu'il l'attaquerait
par mer, lurent enveloppées et mises
en fuite , avant qu'il put prendre une
position. Il accusa de ce revers le
jirovcditeur Ant. Barbaro, et le tra-
duisit devant un conseil, qui le con-
damna à perdre la tète. Barbaro ap-
pela de ce jugement à Venise, où il
fut absous; et ftîorosini, à qui on
pouvait reprocher un excès de sévé-
rité, fut rappelé en iGGi. Le grand-
visir Koproli s'étant rendu en j)cr-
sonne an siège de Candie ( Z''. Ko-
proli, XXII, 543), Morosiiii fut
renvoyé, en 16G7, pour défendre
cette place regardée comme un des
plus fermes boulevards de la chré-
tienté. Ce siège, l'un des plus mémo-
rables dont l'histoire fasse mention,
a été comparé à celui de Troie par
les Grecs. Pendant vingt-huit mois
que jMorosini retarda la prisede Can-
die , il fit tout ce qu'on pouvait at-
tendre de son habileté , de sa pru-
dence et de sa valeur. Le récit des
exploits de cet illustre guerrier frap-
pait toute l'Europe d'admiration. A
deuxdiverses reprises, l'élite des gen-
tilshommes français courut partager
ses dangers {F. La Feuillade ,
XIV , /pG , et Beaxjfort , III, 626) ;
mais ce noble exemple ne trouva
pas d'imitateurs. Une blessure que
reçut ]\Iorosini, ne ralentit point son
ardeur: abandonné de ses alliés et
réduit à ses seules forces, diminuées
par la pcslc et par le fer de l'ennemi;
]MOR
207
il soutint un assaut général, ■et par-
vint à repousser les Turcs, déjà maî-
tres d'une partie des murailles ; en-
fin il fallut capitulei', pour sauver
les restes de la population. Le grand-
visir, plein d'estime pour Morosini,
lui accorda les conditions les plus
honorables; il fil même présent à la
garnison de quatre pièces de bronze,
en sus de cent quarante qu'elle avait
le droit d'emmener. De l'aveu des
Turcs , ils avaient perdu devant
Candie 'ioo,ooo hommes et les Vé-
nitiens 3o,ono ( F. ï Histoire de
Feiiise , par M. Daru , liv. xxxiii ),
Morosini partit de Candie le '27 sep-
tembre 1GG9, avec ({uinze bàlimenls
et une quarantaine de chaloupes, qui
suiTirent pour transporter les faibles
resîes de la garnison et les infortunés
habitants de Candie, avec leurs biens
et touslesobjetsducu'te. Arrivé àVe-
nisc, il fut dénoncé dans le grand con-
seil, pour avoir traité avec Koproli,
sans l'autorisation du sénat. Le héros
fut obligé de se constituer prisonnier;
et le peuple, à qui on le représentait
comme un traître, s'assembla en tu-
multe, pour demander sa tète. Mais
une voix éloquente ( F. Sagredo )
s'éleva en faveur de Morosini; et il
fut maintenu dans la dignité de pro-
curateur de Saint-Marc, qui lui avait
été conférée pendant son absence ,
et dont les envieux de sa gloire vou-
laient le dépouiller. La guerre avant
recommencé, en 1G84 1 1^ généralis-
sime mit à la voile au mois de juillet,
vint assiéger Sainte-Maure, et s'en
empara an bout de seize jours; il dé-
barqua ensuite dans la presqu'île du
Péloponnèse, et s'en rendit maître
dans deux campagnes. Pour assurer
celte conquête importante, il porta
la guerre dans les provinces voisines,
qu'il ravagea. Pendant qu'il faisait le
siège d'Athènes , une bombe tomba
208
MOR
sur le Parthénon , dont les Turcs
avaient fait un magasin à poudre ,
et dévasta ce temple, l'un des chefs-
d'œuvre de l'architecture grecque.
Ce ne fut ]>as le seul dégât que les
arts eurent alors à déplorer; car,
après la victoire , les \ énilions bri-
sèrent !a statue de Minerve, par Phi-
dias, en voulant la tirer des décom-
bres. Venise, celte fois, se montra
reconnaissante envers le grand hom-
me dont les victoires répandaient tant
d'éclat sur ses arnies : son buste fut
placé dans une salle du palais, avec
cette inscription : A François Mo-
rosini, le Péloj)onnésiarjue , de son
vivant. Peu de temps après, en 1688,
il succéda à Giustiniani,dans la place
de doge; et c'étaifla voix du peuple
qui l'avait désigné au choix du sénat.
Morosini, parveiui au comble des
honneurs , parut y trouver le terme
de ses prospérités. Forcé, par l'af-
faiblissement de sa santé, de laisser
à Cornaro la conduite du siège dcNé-
grepont, il revint à Venise, en 1689;
et, l'année suivante, il y reçut , des
mains du nonce, un casque et une
e'pée. que le pape Alexandre \ III lui
envoyait, comme une marque parti-
culière de son estime pour un héros
qui avait acquis tant de gloire en
combattant les ennemis du nom chré-
tien. Cependant l'absence de Moro-
sini et le besoin de ses talents se fai-
saient sentir à l'armée. Un décret
du sénat le nomma , pour la qua-
trième fois, généralissime; et il par-
tit au mois de mai lôgS, condui-
sant la flotte de la république dans
l'Archipel. Les Turcs se retirèrent à
son appro(ihe, et il n'eut aucune oc-
casion de se signaler. A l'entiée de
l'hiver, il revint dans le port de Na-
j)oli de Romanie, et y mourut épuisé
de fatigues, le 6 janvier i(394; ^ l'^-
ge de soixante -seize ans. Son cerps
MOR
fut rapporte' à Venise, et déposé dan^
un tombeau qui lui fut élevé par le
sénat. La Fie de François Moro-
sini a été éciite en latin, par Jean
Gra/.iaiii,Padoue, iGf)8, in-4". ; et
par Ant. Ariighi, ibid. , 1749, iu-
4". La dernièie est la plus estimée,
W— s.
MOROZZO ( CuAELEs-JosEPn :,
savant prélat ilalicn ( i ), ué en i645,
à Monlovi , d'une ancienne et noble
famille , renonça à tous les avantages
qu'il pou\ait attendre dans le mon-
de, pour se consacrer uniquement à
l'étude , et à la pratique des vertus
chrétiennes. 11 prit l'Iiabit religieux
dans l'ordre des Feuillants, dont il
remplit successivement les premiers
emplois : après avoir été abbé de la
Consola, à Turin, il fut élevé, eu
1693, à l'évêchéde Bobbio, d'où il
passa , en 1O98, sur le siège de Sa-
Itices. Il gouverna son diocèse avec
zèle, fonda un séminaire pour les
jeunes clercs , et décora sa cathédra-
le à ses frais. 11 mourut le i4 mars
i'j'29, âgé de quatre-vingt-quatre
ans , laissant la réputation d'un pré-
lat pieux et instruit. On a de lui : I.
Cunus vitœ spiritualis , Rome ,
iG'j4 , in-S". Cet ouviage a été réim-
primé avec une traduction italienne,
par Octave de Sainte-Croix, Turin ,
iG83, in-i'i. IL Theatnim chrono-
lo^icwn Cartusiensis ordinis , Tu-
rin , 1681 , in-fol. Cet important ou-
vrage est divisé en six parties: la 1 '^.
contient les préliminaires généraux;
la 2*=. donne la série des 49 supérieurs
de l'ordre ( ou prieurs de la grande
Chartreuse ), jusqu'à dom Inn. Le
Masson : la 3^. ( Infulœ ), parle de
54 prélats fournis par cet ordre : la
(1) U se nommait fd latm Hlorotius ; et il ea c«t
résulté que quelqiirs biographes en ootfait deux < iii-
Taius . T^loiuti et .l/or0::o, auKjueh ils atUibu.bt
\vi u&me^ ouvrages.
MOR
4=. ( Athenœum ) , confient la notice
ùe'i'ji écrivains chartreux (i),aveo
lii liste deleurs ouvrages ; ils sont p.ir
ordre chronologique, Jcj)uis S. Bru-
no , jusqu'à dom Bernard de Castro ,
qui vivait encore eu 16(57. ^^^^ nou-
ées sont en gênerai assez siiperlicic!-
les, mais il y en a de curieuses. Ou
y remarque un Jean flaç;en ou De
Inda^ine , prodige d^érudiîiun, mort
vers 1 \r5, après avoir été prieur en
Poincrauie et en ïhuriuge , et avoir
écrit 4<)'^' ouvrages, longtemps con-
servés dans les maisons de son or-
dre, mais dont un seul a été impri-
mé : Trilhèrae assure en avoir vu
60. La 5*^. partie ( Fasli sacri ) cite
'2(jo Chartreux distingués par la sain-
teté de leur vie , quoique tous ne
soient pas honorés d'un culte public.
Enfin la 6\ ( Monasteriol'-giii )
trace l'histoire abrégée des 171 mai-
sons de l'oidre, depuis la grande
Chartreuse, fondée en 108G, justju'a
celle de S. Julien près Rouen (iGG4)i
8'2 autres chartreuses détruite.s ou
supprimées sont l'objet d'un Apysn-
dix. Plusieurs tables facilitent les re-
cherches dans ce livre, qui est mal-
heureusement défiguré par de nom-
breuses fautes d'impression. lîT. p^i-
ta et virtù del B. Ainedeo , IH du-
i:a di Sai'oja, ibid., i()8G, in-fol.
IV. Cistercii rejlorescentis seu con-
î;regationum cistercio- monastica-
runi D. MaritP FuUensis in Gallid
et rej'or nataviiin S. Bemavdi in
Italid chronologie a histnri a , ibid. ,
1690, in-fol. Morozzo a laissé quel-
ques ouvraQ,es en manuscrit. W — s.
MORRES ( Harvey Rkdmoad) ,
vicomte et baron iNîountmorres en
Irlande , écrivain politique , se mon-
tra !e plus dévoué des défenseurs de
(i) La nihliotheca cnrlusiana de Pctreius, pnbUe'e
l>ai Aui>. Lcmiie, en 1609, n"eu cuiitieiit qnc iSo.
]\IOR
109
la prérogative royale, dans les dis-
eussions qui eurent lieu au parle-
ment irlandais sur la fameuse ques-
tion de la régence. Les écrits qu'il
jnit au jour , en cette occasion , ren-
dirent au gouvcrjiemeul des services
qui ne furent jamais récompensés. Ji
était très-savant, et se p!ai>ait à fa-
voriser les lettres. Des nouvelles aflii-
geantes deson pays agirent sur soii
esprit d'une manière si vive, que
ce fut, dit-on , ce qui le porta à se
donner Ja mort d'un coup de pisto-
let, le 18 août 1797. PariJii ses ou-
vrages , on remarq!ie : L L'Histoire
des principaux actes du parlement
irlandais de i634 à 16G0, pendant
l'administration du comte* de 6traf-
ford et du premier duc dOrmoad
ai^ec la, Fie de sa seigneurie^ le
tout tiré des papiers de sir Robert
Soulhwek , précédé d'un Discours
préliminaire sur les anciens parle-
ments de ce rojaume , 2 vol. ii!-
8^., 17C.)'2, IL La Crise; coll ctior.
d'Essais , écrits en 1792 et i -qZ ,
sur la tolérance , le crédit public ,
la liberté des élections, l' émancipa-
tion des catholiques irlandais , etc.
in 80. , 1794. IlL Lettres de Thé -
mistocle, in-80., 1795. IV. Disser-
tation hisioyique sur V origine, Li
suspension et le rétablissement de
la judicature et de l'indépendance
du parlement irlandais , in -8^,
1 795. V. Réflexions impartiales sur
la crise actuelle, iu-8'., i'-9G. La
plupart de ces écrits ont fait sensa-
tion, ï^
MORTCZINNÎ ( Frédertc - Jo-
seph, baron de), imposteur, dont
le lîom véritable était Jean-Théo^
pkile Herman, dit JLichhornl , na-
quit à Bautzen , en Lusace , vers
1750, de parents catholiques. Sou
père tirait son surnom de son talent
à élever àts écureuils , qu'il vendait.
14
a 10 MOR
Le jeune Herman , annonçant de l'es-
prit, fut place cbezun avocat: cette
vie trauq.iille ne lui convenait pas;
il la quitta. Il n'avait appris le latin
que très -imparfaitement. Il s'enga-
gea , et servit , comme sons-officier ,
dans un régiment d'artillerie saxon;
il déserta , puis se mit à courir le mon-
de, en changeant fréquemment de
nom et faisant des dupes. Il se don-
nait pour un Hussite persécute', se
disait né à Gzschedecliowitz , eu Mo-
ravie , et ajoutait qu'il avait reçu
l'ordre de Saint - ÉUenne. En 1777,
il parcourait le Mecklenbourg , sous
le nom de baron d'Eckardt : l'année
suivante, il vint à Witteuberg, sous
celui de F.-J. de Morlczinni, et de-
manda d'être reçu au nombre des étu-
diants. Comme il arrivait d'un pays
avec lequel on était en guerre, on at-
tendit de Dresde la permission de
l'admettre. En 1779, il fit un voya-
ge sur la frontière de Bohème , avec
un approvisionnement de bibles, et
dépêcha de Zittau un messager à ses
co-religionnaires , en Moravie, ou,
comme il le prétendait , au ci-devant
régisseur de ses biens : le messager
revint avec une personne qui recon-
nut le faux baron de Mortczinni
pour sou seigneur. Le fourbe en fit
dresser à Zittau un procès - verbal ,
dont il prit une copie légalisée , qui
ensuite lui servit pour appuyer ses
impostures. Vers la fin de 1779, il
parcourut la Thuringe , prêchant
partout, et revint à Wittenberg , où
il fit imprimer , au commencement
de 1 78^ , l'Histoire de sa vie. Avant
la ÛQ de l'année, un auonyme en
publia une critique intitulée : Juge-
ment raisonné et impartial .\ur les
aventures du baron de Mortczinni.
On prouvait au soi-disant baron que
les événements de son prétendu voya-
ge eu Italie étaient copiés mot poiu-
MOR
mot d'un vieux livre qui a pour ti-
tre : Passe-partout de l'Eglise ro-
maine , et que toute son Histoire
des martyrs ou des confesseurs de
la foi , était tirée du Martjrologiuin,
Bohemicum. Alors Mortczinni fit
paraître une nouvelle édition de sa
Vie, eu effaça les plagiats , les men-
songes et les contradictions qu'on lui
avait rcpi'ochés , et poussa l'impu-
dence jusqu'à désavouer la première
édition , pour laquelle il avait reçu
des souscriptions. Il porta ensuite
ses pas à Nuremberg , où ses jongle-
ries cui'ent moins de succès que dans
deux petites villes voisines, dont il
emporta de fortes sommes. Au mois
de novembre 1 782 , il était à Berlin :
un écrit contre le Nouveau Livre de
cantiques , lui procura un accueil fa-
vorable chez les antagonistes de cel-
te réforme. Il prêcha dans cette ca-
pitale; et, muni de certificats hono-
rables, il gagna Stettin, puis la Po-'
méranie suédoise, où il tâch.a de se
faire nommer recteur de Trihsce.
Ses efforts ayant échoué , il courut
à Marienbourg, eu Prusse. Il disait,
sur toute la route , qu'il était ap-
pelé à Saint-Pétersbourg, pour y oc-
cuper une chaire de professeur de
mathématiques. Cependant il annon-
ça l'intention d'accepter la place de
troisième prédicateur, que lui dé-
cernait la lie des adversaires du Nou-
veau Livre de cantiques. Il voulut
aussi se donner pour franc-maçon ;
mais , obligé de répoudre à quel-
ques demandes, pour obtenir l'entrée
d'une loge, il avoua qu'il n'était pas
du nombre des frères. On découvrit
quelques autres de ses impostures. Il
fut forcé de s'éloigner : ce ne fut pas
les mains vides. De nouveaux succès
l'attendaient , comme prédicateur, à
Elbing et à Kœnigsberg. Il fit impri-
mer ses sermons dans cette capitale,
MOR
et les vendit si Lien , ainsi que divers
écrits de sa comjjosition , (|ii'il fut
en ctat, avec leur prodnil et les uoiu-
hreux cadeaux qu'il rcyiit , d'acheter
un carrosse, qui le conduisit à Piij^a.
La pie'tc crédule des Livoiiiens lui
fut très- pro(it.d)le ; il parcourut la
province en voiture à quatre che-
vaux. Moins lieureux à Reval , il en
fut renvoyé. De retour sur la fron-
tière de Prusse , il prétexta cpie , la
manière de vivre des Russes ne lui
convenant pas , il avait renoncé à la
la place de professeur en Russie, et
préférait d'en aller occuper une à Wit-
tcnberg. Dans une incursion qu'il lit
en Lilhuanie, il séduisit tellement la
multitude à Kowno , qu'on vou;ait
le nommer prédicateur ma!p;ré les ad-
ministrateurs de l'égiise. Uiie émeute
faillit à éclater; il fallut que le mi-
nistre de Russie et mèjne le roi inter-
vinssent pour l'apaiser. Morlcziuni
obtint gratis , à la loge des francs-
maçons de Varsovie, le grade de
maître; cette faveur put le consoler
de l'ordre que lui fit intimer le roi ,
de quitter la capitale et le royaume.
Cependant il ne x-especta pas beau-
coup cette injonction; car, après s'ê-
tre fait ordonner à Ocls en Silésie,
il i-eparut à Kowno , où sa présence
excita de nouveaux désordres. Aidé
de ses partisans , il essava, malgré
le pasteur , de monter en chaire :
la !force militaire le contraignit de
passer la frontière. Cet échec ne
pouvait le décourager: il alla, prê-
chant , excitant souvent des scènes
scandaleuses, ran»;onnaiit partout ses
dupes , jusqu'à Elberfeld en West-
phalie. Le l'i août 1784, il fnt arrê-
té dans celte ville, et l'on s'empara
de ses papiers. 11 avait avec lui une
femme , ur.c servante , un cocher ,
une voiture et trois chevaux. De tous
ses papieis, on ne lui rendit, en le
MOR ai I
mettant en libcrié, «pic son diplôme
fie maîtrc-ès-arls. Ou écrivit t outre
lui ; il répondit. 11 patsa rieux ans
a Burgstciufiut en Wesiphalic. En
l'-Bt), il J)irut à Copenhague sous
lenomde Pallini. l>es iVancs-marons
decettc capitale l'aidèrent : il juècha
d'une manière qui plut beaucoup à
la foule; mais il essaya inutilement
d'élever une loge particulière de
francs -maçons : un de ses adver-
saires le démasqua, et le fit connaître
pour l'imposteur Mortcziuui. Il s'en-
fuit : arrêté à Corsoer , il fut ramené
à Copenhague , où il eut l'audace de
se défendre publiquement et d'accu-
ser les deux loges de francs-maçons.
Dans cet écrit il avoua son vrai
nom , mais déguisa ce qu'il avait
fait pendant ses premières années j
on obtint de Bautzen des renseigne-
menls exacts ; ensuite on le laissa
tranquille. Lorsqu'il ne prêcha pins,
il gagnait sa vie à enseigner la reli-
gion, et se prétendait en éiat d'ins-
truire des jeunes gens dans les trois
communions chrétiennes. Cet hom-
me , qui avait fait un certain bruit
dans le monde littéraire en Allema-
gne, tomba dans une tcHe obscurité,
quand on l'eut privé (^u m.oven de
faire des dupes, qu'on ignore ce qu'il
devint après l'année J790. On a de
Mortczinni , sous ce nom (en alle-
mand ): I. Pensées raisonnables sur
la relig'on réi'éié^ , Zerbst , 1781,
in - 8*^. II. Petii recueil de puésics
mêlées ;'Our mes amis , Witlenbcrg ,
I 78 i, in -8'^'. III. Fie et avenlures
du baron de }fortczinni, ib., 178^,
in-8''. IV, Beaucou]) de sermons. V .
Sous le nom de Pallini : Le précep-
teur habile ^ pair les trois princi/)a~
les religions chrétiennes ; oiwrage
pour les éifves en théologie , Muns-
ter et Osuabruck , 1785. in - 8°.
VI. Punition des étourderies de la
14..
il 3 MOR
jeunesse , ou Aventures du comte
de ***, histoire véritalle,'\h.j 17BO,
in-8'\ VII. Le inrslagoi^ue , on de
l'origine et de la nuisance de tous
les mystères et hiérogh phes des an-
ciens qui se rapportent aux jrancs-
macons , déri^'ës et extraits des
sources les plus anciennes , par un
vrai franc - niaccn , Osnabriirk et
Hamin, 1789, iu-S". VIII. Divers
écrits polémiques. Ou lui attriltuc
aussi : Principes pour bien connaître
la sphère et le planiglohe , destinés
à la jeunesse^ Sclnvcrin , 179'i, in-
8''. Les iouj;lcries et l'impudeuce de
Mortcziuni furent dévoilées dans V.4-
venlurier spirituel , ou le Chevalier
errant de l'ordre de Saint-Eiienne ,
baron de Morte Anni , voyageant
comme vainqueur dans la foi , et
virtuose en prédication , Kœnigs-
Lerg , 1784 , in -8". Ce livre est de
C.-i. Kravif, professeur à Kceiiiç;s-
berg. La plupart des journaux litte-
rr.ives d'Allemagne s'occupèrent du
charlatan Mortczinni;el VAlmanach
de l'église et des hérétiques de 1797
lui donna un article. E — s.
MORTE.MART (Gabriel deRo-
cuECiiouAax, ma replis, puis duc de),
na([uit dans l'année 1600. Sa fa-
mille c'iait une l)ranclie de celle des
vicomtes souverains de Linioj;es, et
comptait ainsi des alliances avec plus
d'une maison royale ( i) 1 t-t avec les
plus nobles familles du royaume. Il
fut attaclië , en i63o , à Louis XIII ,
en qualité' de gentilhomme de la
chambre; et ilTaccorapagna dans ses
diverses expéditions. Louis XIV le
créaducct pairaumois dedéc. i65o.
Les troubles de la Fronde empêchè-
(i) Avecles maisons d'Angleterre , de Bourfiopie,
ôp Navarre , etc. Aujourd'liui lu famille de Morlc-
• Dkirl se Iriiuvc triplemciit nllice à la maison de lioiir-
linii , cl |iar sviite à beaucoup d'autres t'dUiiilst suuv ti-
railles de l'£ui U|><:.
MOR
rcnt les lettres de création d'être en-
registrées au parlement ; elles le fu-
rent en iG63. Sixans après, le duc
de Mortemnrt ent le gouvernement
de Paris. 11 mourut en 1(375, lais-
sant un fils très-connu sous le nom
de duc de Vivonne ( F. Vivonnk ) ,
et qnatie filles, dont trois furent
célèbres ; M"»*^. de Montespan ( F.
MoNTESPAN ) , la marquise dcThian-
ges, et l'abbesse de Funlevrault {F.
RocnEcuouART). Ces personnages il-
lustres qui donnèrent lieu à ce mot si
connu, V Esprit des MoJ'temart,\c
naietit cet avantage remarquable de
Icui' père, un des seigneurs les plus ai-
mables et les plus savants de la cour.
Avant lui comme depuis, plusieurs
membres de la famille de Mortemart
se sont fait remarquer sous le mê-
me rapport* et c'est pour cela qu'm»
auteur a dit avec raison que de quel-
que côté qu'on envisage la maison
de Mortemart , on ne trouve que
beauté, esprit , érudition { Biblioth.
de Poitou, tom. IV. ) D — is.
MORTEMART ( Victurmen-
He>RI-ElZEAR de RoCHECaOUART,
vicomte de ), ne' à Paris en 1707 ,
entra, dans la marine, où l'appe-
laient une prédilection marquée el les
souvenirs honorables qu'y avait lais-
sés le maréchal de' Vivonne, sou
a'icul. Il ne farda pas à se distinguer
par sou zèle, son intelligence et sou
application, et à se concilier la bien-
veillance de ses supérieurs. Déjà II
avait fait plusieurs campagnes dans
des escadres d'évolution , et s'était
familiarisé avec tous les devoirs de
son état, quand l'ajipni donné par la
France à l'Amérique insurgée occa-
sionna une rupture avec l'Angleter-
re. Le vicomte de Mortemart reçut
alors le grade de lieutenant de vais-
seau ( mars 1779), et le comman-
dement de la corvette V^is^rette.
i\ion
rcu après, il eut celui de I;i Dili'^en-
l<:, avec laquelle il itil employé sous
les ordies du cowilc d'OrvdIicrs. Dés
sî seconde sortie, il s'euipara de
deux petits b.tliments de guerre eu-
)icrnis. Il passa ensuite en Amérique ,
rejoignit M. de Grasse, et j)rit, dans
les eaux, de la Cliesapcak, la iVegale
Viris , supérieure en forces à la sieu-
iie. Alors l'amiral lui coulera le com-
mandement du liicheiiwnd ^ tombe
le même jour que Vins eu notre pou-
voir; et ce tut sur ce vaisseau qu'il
prit part à la malheureuse allaire du
li avril i-ySii. Le dévouement
îiéroiquc, quoiqu'inutile, dont le vi-
comte de Morlemart fit preuve en
cette circonstance, en airromaul le
feu de trois vaisseaux anglais pour
essayer de leur arracher le Glorieux,
totalement desemparé , lui valut
l'estime et les éloges iXes marins des
deux flottes, A l'abri de sa gloire
pcrsuunelle , on le crut plus propre
que tout autre à porter a Versailles
la nouvelle du désastre de notre ar-
mée navale. Le roi l'accueillit avec
nue distinction particulière , et lui
pro,uva le cas qu'il faisait de lui , en
le njmmant ca[iitaiiie de vaisseau à
vingt-cinq ans. Murtemart retourna
peu aj.rcs a Brest , y prit le comman-
dement de l.i Njmphe , et se rendit
à la Martinique. Dans une de ses
croisières , secondé par la frégate
Y Ainphitrile , il osa attaquer un vais-
seau anglais de 5o canons , V Av^o ^
dont il se rendit maitre ; mais ce
vaisseau lui fut repris deux jours
après ^ArV Iiwincibis de y/j.. Enlin ,
la paix fut signée , et le vicomte de
Mortemart se disposait à revoir sa
patrie, quand une maladie aiguë en-
leva, le 17 mars 1788 , ce jeune olG-
cier , que ses talents éprouvés appe-
laient à honorer long-temps la ma-
rine française. Z.
MORTIMEIl (Roger comte ue) ,
puissant baron anglais , ué vevs
ixH-'j, sur les conlius du p.iys de
Galles, était, par sa mère, a. lié à la
reine Klc>:iore de Caslille, seconde
femme d £ louard T'". , roi d'Angle-
terre. liC père de Roger Mortimcr
étant mort, eu i3o3 , des suites de
blessures reyiics à 1 i balail e de Buclt
contre les Gallois, ÉJeJuardr-'. con-
fia la tutelle de ^e jcnne seigneur ,
alors dans sa dix-scplièiuc année, à
Gaveston, qui lui lit acheter u5oo
marcs la liberté de se marier avec la
petite-iilie de GcolL oi de Gencvili ,
seigneur de Trim en Irlande. Mor-
timer fut reçu chevalier, eu i3uti,
avec Edouard II , alors prince de
Galles, et 3oo autres seigneurs, et:
accompagna le roi dans son expo-
diliond'Ecosse. Ayant quitté l'arméô
sans congé, ses terres furent saisies ;
et il n'en obtint la restilutiou quo
par l'intercession de la reine j\Iar-
guérite. Mortimer lit la guerre eu
Ecosse, en Irlande et eu Gascogne,
pendant les quatorze premières an-
nées du règne d Edouard H , qui
le nomma sou lieuleiianl eu Irl.inilc.
Il eut dilléreuies quere les pariicu-
bères avec d autres barons ses voi-
sins, et avec les souverains du pays
de Gades. qui avaient envahi ses pro-
priétés, et qu'il parvint a repousser
avec ses seuls vassaux. Eu i3io il
se joignit aux-comtes de Lancas-
ter , et d'Hercford , et aux autres
barous méconlenls de !a laveur que
le roi accord. it aux Speusers. Ils
marchèrent eusemijie sur la ville de
Loudres, et forcèrent presque tous
les évèques et pairs du royaume,
à prêter serment de les aider a ré-
former le gouvernement, et a éloi-
gner les favoris. Mais leurs clfort-;
n'ayant pas obtenu le succès qu'iU
en attendaient , Roger JMortimer
2l4
MOPx
écoula les propositions du comte
de Pcnibrokc, qui s'était engage à
le faire rentrer en giàce auprès du
roi;el il se mit à la discretiou du mo-
narque, qiii, ne croyant pas pouvoir
se confier à sa feinte soumission , le
fit enfermer à la tour de Londres,
Ayant appris dans sa prison que le
roi se proposait de le faire mettre à
mort ( I ) , comme coupable de haute
traliisou, il invita le gouverneur de
la tour à un repas dans sa chambre,
lui fit prendre une liqueur sopori-
fique , et , pendant son sommeil ,
s'échappa au moyen d'une corde ,
et se réfugia en France. Comme
Mortimer était un des personnages
les plus considérables de son parti,
et connu par sa violente animojité
contre le jeune Spenser, rhaiuLel-
lan et principal favori d'Edou.ird,
il fut aisément admis à faire sa
cour à la reine Isabelle. Cette prin-
cesse ambitieuse et hautaine , irritée
de la faveur dont les Spenscrs jouis-
saient et de leur ascendant sur l'es-
prit de son faible époux , se trou-
vait en ce moment en France ( /^.
Isabelle de France ) , et avait ras-
semblé autour d'elle tous les sei-
gneurs qui partageaient sou mécon-
tentement. Les grâces du jeune Mor-
timer , et ses manières adroites et
insinuantes , lui firent bientôt obte-
nir un grand empire sur le cœur
de cette princesse , (pji le choisit
pour son confident et son conseiller,
et sacrifia enfin à la passion qu'il
lui avait inspirée , son honneur et
ses devoirs envers son époux. Haïs-
sant dès ce moment l'homme auquel
elle avait fait une si mortelle injure,
Isabelle seconda tous les complots de
(i) Uiiiiie assuru qci'll avait «"le condamné à luort;
que le roi lui avait tiiit gi'àce de la vie, mais cjii'il
avait résulu de lui faire rnitit un eiu^rUuuueuitijt
perpétuel.
0 "MOR
Mortimer pour rentrer en vainqueur
dans sa patrie , avec le prince royal
qu'elle avait attiré auprès d'elle.
Ils entretinrent une correspondance
active avec les principaux barons
d'Angleterre, qui s'eiigagèi'ent à les
assister ; mais ayant a})pris que le
roi de France avait promis de livrer
tous les réfugiés, Mortimer, Isabelle
et les barons se relirèrcnt auprès
du comte de Hainaut , et le jeune
Éilouard fut fiancé à Phihppe, fille
de ce prince ( i3'2G). Au moyen des
secours du comte de Hainaut et de
la protection secrète de sou frère,
Isabelle enrôla sous ses drapeaux
environ 3ooo hommes , et débar-
qua sans opposition sur la côte de
Safto:k, le 24 septembre. Ils y fu-
rent joints jiar leurs partisans , que
la haine pour les ministres du roi
grossissait tous les jours. Le faible
Edouard ayant abandonné la ville
de Londres , la populace s'empa; a
de la toiir, et força tous les habi-
tants de se déclarer contre leur sou-
verain. Ce malheureux prince essaya
vainement de résister ; il se réfugia
dans le pays de Galles , et, ne s'y
trouvant pas en sûreté , il s'embar-
qua pour l'Irlande : mais , repoussé
par les vents contraires , il tomba
entre les mains de ses ennemis , qui
le confinèrent dans le château de
Kenilworth , sous la garde du com-
te de Leicester. Mortimer et Isa-
belle dont le commerce criminel était
devenu public , craignant les efifets
du mécoutentcmeiit général qui com-
mençait à se manifester, firent dé-
poser le roi ( 1327 ) , et placer la
couronne sur la tète de son fils ( F".
Edouard III ). Les sentiments géné-
reux de Leicester, et sa conduite
pleine d'égards envers son auguste
prisonnier, leur ayant donné quel-
ques soupçons, ils crurent prudent
MOR
de lirer le roi de ses mains , et le
fircut enfermer dans le ch.îtcan de
Berkeley, sons la garde de trois sei-
gnenrs, dont dcnx étaient entière-
ment de'vones à Mortinicr, et capa-
bles de commettre tons les crimes
qu'il leur commanderait.il mit bien-
tôt leur dévouement à l'épreuve ; et
Edouard II fut assassine par ses or-
dres , de la manière la plus atroce
( F. ce nom ). Le parti violent qui
avait pris les armes contre Edouard
II, et déposé ce monarque, obtint
un bill d'indemnité du pailement,
dont il provoqua la réunion. Ce
parlement établit un conseil de ré-
gence, composé de cinq prélats et
de sept seigneurs , et nomma le com-
te de Lancaster gardien du royau-
me , et protecteur de la personne du
roi. Quoiqu'à cette époque ( iSa-y ),
Mortimer jouît de la plénitude du
pouvoir , il ne prit aucun soin de se
faire admettre dans ce conseil ; mais
cette feinte modération cachait les
projets les plus amjjilieux. Il rendit
le conseil iuu.ile. en usurpant toute
l'autorité royale ; il fit assurer à la
reine douairière la plus grande par-
tie des revenus de la couronne , et
ne consulta ni les princes , ni les
barons. Par une telle conduite , il fut
bientôt aussi abhorré que les anciens
favoris Gavesfon et Spenser. Cepen-
dant les Ecossais firent une invasion
en Angleterre. La régence fit de
vigoureux préparatifs ; et le jeune
Edouard .se mit a la tête des forces
anglaises , et marcha contre l'enne-
mi. Après avoir cherché vainement
il l'attirer au combat, il croyait enfin
avoir trouvé wne occasion favora-
ble de se signaler : mais Mortimer
s'opposa à son projet , en interpo-
.sant son autorité ; et le jeune prince
fut contraint de céder. Il en conçut
un violent mécontcntemeut contre
MOR 2i5
ce seigneur , auquel la nation at-
tiibua la honte qui avait couvert
les armes anglaises ; et la haine
publique contre Mortimer et Isa-
belle ne connut ylus de bornes.
Mortimer , qui en craiguiiit l'explo-
sion prochaine , crut devoir se dé-
barrasser à tout piix des ennemis
extérieurs. A cet effet , il enfam;*
des négociations avec Robert Bruce ;
et comme les préientions que l'An-
gleterre mai'ifeslait à une supériori-
té sur l'Ecosse, étaient une des prin-
cipales causes qui avaient enflammé
l'animosité entre les deux nations,
IMortimer, en stipula ttt un mariage
entre Jeamie, sœur d'Edouard, et Da-
vid, fils et héri'ier àr. rr>i d'E^^fse,
consentit à se désister de ces préten-
tions, et à reconnaître Robert Bru-
ce comme souverain indépendant de
ce royaume. Quoique le roi d'Ecosse
se fût engagé a payer 3o,ooo majcs
à l'Angleterre, et que le traité eût
été ratifié par le pailement , il n'en
occasionna pas moins un grand
mécontentement parmi le peuple ,
qui se trouva humilié par la ré-
sistance heureuse d'une nation qu'il
considéiait comme lui étant bien
inférieure. Mortimer , ajant conçu
des soupçons de l'union étroite qui
paraissait exister entre les princes
du sang , leur défendit , au nom du
roi, de se faire accompagner pu- des
gens armés, au parlement qui allait
s'assembler. Les trois comtes (djéi-
rent : mais en approchant de Sal s-
bury, ville choisie pour la tenue du
parlement, ils s'aperçurent que Mor-
timer et ses amis étaient suivis de
tous leurs partisans armés ; et ils
commencèrent à appréhender quel-
que dessein dangereux contre leurs
personnes. l's se retirèrent vivement
irrités, rassemblèrent leurs vassaux,
et ils revenaient avec une armée pour
o.iG
MOU
tirer vengeance de Morlùncr, lors-
cfuc la faiblesse des comtes de Kent
et de Norfolk , qui de'serlcreiit la
cause commune, obligea Lancastie
à se soumettre c'gajcracut; et des e'vé-
ques , ayant offert leur médiation,
apaisèrent pour le moment celte que-
relle. Mortimer , poiir intimider
les princes, voulut sacrifier une vic-
time, et choisit le comte de Kent,
dont il connaissait la simplicité. Par
ini-mô.'iie e; par ses émissaires , il
pàrvinî à lui pcrsuaJcr ( iù'aq) que
ïe roi Edor.ard Jï , son frère , était
encore vivant, et détenu dans une
prison secrète d'Angleterre. Le com-
te , qiie ses remords pour la part
qu'il avait prise aux infortunes du
ieu roi , portaient à ajouter foi à
cette nouveile, entra facilement dans
le projet àc lui rendre sa liberté et
sa couronne, et de le dédommager
des soulfrances qu'il avait innocem-
ment contribué à lui iaire éprou-
ver. Après que ce projet eut traîné
quelque temps en longueur, le comte
lut arrèié par Mortimer, accusé de-
vant le parlement, et couLianfiié à
perdre la vie. La reine et Mortimer,
qui craignaient que le jeune roi n'u-
sât d'indulgence envers sou oncle ,
pressèrent i'cîvécutiou de la scuteji-
cej et le comte de Kent e'.it la tète
fraucLée le lendemaiti du jugement
( r. EDiiOND , XXII , 48o ). Le
comte de Lancasler fut bientôt jeté
en prison, sous prétexte qu'il avait
parîic.pé a la couspiralion ; et plu-
sieurs prélats et meml.res de la no-
blesse furent aussi mis e.u juicmenl.
Les biens du comte de Kent devin-
rect le partage du je. me Godcfrui ,
iils de Mortimer ; et il s'empara , de
son coté, de la pres(|uc-totalité de
I immense forîuue des tSpenser et de
leurs adliérents. Il auccîa un état
de maison cgai, sinon supériau" à
MOR
celui des rois (i), dont i' arlop-
tait toutes les manières. Le jeune
Edouard, parvenu à l'âge de iti
ans, et se sentant capable de gouver-
ner par lui -même, soupirait après
le moment oii il pourrait être délivré
des cbaines de cet insolent miuistri':
mais les émissaires de Mortimer le
circonvenaient tellement , (ju'il crut
devoir exécuter le projet de s'en dé-
l^arrasser, avec autant de SKCiet et
de j)récaulions que s'il se fût agi
d'une conspiration contre son sou-
veiain. !1 communiqua ses inten-
tions à lord Mountacute , qiii fit en-
trer dans ses vues plu.Nieurs autres
seigneurs ; et le cliàteau de Not-
tingham fut choisi pour le lieu de ! i
scène. Mortimer et la reine douai-
rière logeaient dans cette forteresse
le roi y fut aussi admis ; mais on ii •
lui permit de se faire accompagner
que ]>ar un petit nombre de servi-
teurs. Comme le château était soi-
gneusement gardé, les portes fermées
chaque soir , et les clefs apportées i
la reine , il devint nécessaire d'avoi;-
dans ses intérêts sir William E!ai:d ,
gouverneur de la place , qui adop-
ta avec zèle le plan (ju'on lui pro-
posa. Il introduisit dans la citadelle
les associés du roi , par un ancien
passage souterrain, elles conjurés pé-
nétrèrent dans la chambre de Mor-
timer , attenante au log«nent de la
reine. Ils éprouvèrent quelque rcsis-
taucede la part de Mortimer et des
seigneurs qui se trouvaient avec lui ;
m lis, après eu avoir tué deux, ils
s'emparèreut du comte, et le firent
garder étroitement. L'n parlement fut
convoqué pour le juger , et il fut ac-
(l) E'-lmard Jn l'ftyaut tiii jour vi.<ilé daus5c& trr-
res. en tut reçu avec wjf: una.^ïulicence inoitie. Vouiniit
uiiiti-rlvr îÂrtliur, Itt.>rtiiuer tint dans le p:iv:i de
Galles la '.ablc londs chs chcvalitrs. Il piin'ia eu'in
\fis exiT.ivasnncts si loio , i|iie son propre tU» Gu-e -
itoi i apiiEJait /e roii^e la Jolie.
INIOR
nisd (l'avoir usurpe le pouvoir roy.il,
d'avoir cause la mu ri du l'eu roi ,
d'avoir trompe le cotutc de Ki.'ut,eu
l'ciUraînanî ilaus une conspiration,
d'avoir dissipe le trésor public , de
s'être empare de 9,0,000 marcs sur
l'argent pave par le roi d'ivosse ,
etc. Le parlemciit le condaunia ,
tl'après la notoriété supposée des
iaits , sans en-^jnètc predalile, sans
entendre sa réponse ni interroger
im seul témoin; et il lut pendu près
de Smilldield, levig novembre ijio
( I ). Son corps lui, deux jours après,
enseveli aux C.on'.eiicrs de i^onUres :
n\.i bout de quelques aimées , on le
transporta dans un de ses châteaux.
Ainsi périt, a 43 ans, d'une manière
ii^nonunieusc, cet liomrac aussi dij-
îinguë par sa bravoure que par ses ta-
lents; et que sa liainc pour Spenser,
nue ambition c^e'mesurèe , et de fa-
tales circonsiances, avaient entraîne
à commettre le criuic !e plus atroee
et à usurper presque toute l'autorité
royale. D — z — s.
MOilTIMER (Thomas) écrivain
anglais , mort à Londres , en 1809,
dans sa quatre-vingtième année, con-
sacra sa vie entière a la lillèraiure ;
et la vieillesse ne ralentit point sou
ardeur, aiguisée sans doute p.ir le
besoin. Presque octogénaire , il se
plaignait encore, dit M, d'Israeii( 6'rt-
lamities of authors , tome t , page
'^o r ) , de la rareté des travaux litté-
raires , et de la préiéreuce accordée
à de jeunes aventuriers. Il a donné
un grand nombre d'ouvrages utiles ,
et qui sont assez estimés, bien qu'é-
crits d'une manière un peu prolixe,
comme il doit toujours arriver aux
auteui's nécessiteux , qui n'ont pas le
temps d'être concis. On a de lui :
(i) Celte s iileiu-e fut léforinc'e euviroo vin^lai)!
ppiès |i..r \k parieucut, sur le uotit' de riîltjunlilci i!e
Id piucé-ui-j.
T\IOR •>. 1 7
L Le Plut ar qui: anglais, ou lies
des plus illustres persounu^adela
Grande- fi eta^ne , depuis le refîne
de Henri FUI jusqu'à Geo'^e II,
1 "yOu, l'i vol. in-8". ; trad, en fran-
çais (par 1.1 baronne de Vasve \ l'a-
ris, 178 j 80, Il vol.iiiH'. 11. Le
Directeur unive':-,el , ou vrai guide
de la jeune n hUssc ve s les scien-
ces et les beaux-a ts , 1763, in -8"*.
Itl. IHciionnaire du coinmerce ,
i^GG, •! vol, in-fol. W . Eléments
du commercer d- la politique et des
Jinances y 177'^, in - 4<^ V. Dic-
iionnaiie de poche de V étudiant ,
ou Abrégé de Vliistoire universelle ,
de la chronoloi^ie et de la bio<j,ra-
phie , elc. , 1777. Cet ouvrage est le
plus estimé de tous ceux de l'auteur.
Vl. Every man his own bnker,
l'jS'i , in-8°. C'est sa-is doute une
espèce de dictionnaire des ménages.
Vn. La traduction d(! l'onvragc de
Necker sur les Finances, 1786,
in-8^. VIII. Leccns sur les élé-
ments du commerce , de la politique
et des finance,: , 1801 , in-8^'. IX.
Dictionnaire général de commerce ,
i8io, in-8°. On lit sur cet auteur
une Notice avec porti'ait dans V Eu-
ropean Tifagazine, vol. xxxv, pag.
aif). L.
iVIORTON ( Jean\ cardinal, ar-
chevêque de Gantcrbury , giand-
chancelier li'Aiigleterro, naqiàt eu
I jio, dans le petit bourg de lî.ire ,
au comté de Dorset, d'une ancienne
Inmillc du Nottingharashirc. Il fut
élevé à l'abbaye de Corne, puis en-
voyé au collège Baliol à Oxford, Ses
talents lui procurèrent, en i4U',
une chaire de droit civil , et ensuite
la place de principal de Peckwaters'-
inn. L'éclat de ses plaidoiries le lit
connaître avantageusement de Tho-
mas Bouchier, archevêque de Cau-
teibury, qui lui donna successive-
2i8
MOR
ment une prébende dans l'église de
Saruin , la cure de Saiiit-Dan.staii de
Londres et rarchitliaconc de Win-
chester. Il fut fait maître des rôles,
en 1473. 11 joua un rôle très-actif
à l'epoquc des sanglantes divisions
survenues entre les maisons d'York
et de Lancastre. Parli.sau outré de la
rose rouge , il avait servi Henri VI;
cependant , il sut s'accommoder au
jjouvernement lct,'itime d'Élouard
IV. Ce prince, satisfait d'une fidélité'
«u moins apparente, l'éleva en juil-
let 1477 5 à l'évèché d'Ély, l'admit
dans son conseil-privé, et le nom-
ina même un de ses exécuteurs tes-
tamentaires. Après la mort d É-
douard , Morton entra daiis le con-
seil de Richard son frère, duc de
Glocester^ protecteur du royaume.
Il y était présent le jour où le duc ,
qui aspirait à la royauté, frappa ce
grand coup d'état qui mil la cou-
ronne sur sa tèle. Il y fut arrêté et
donné en garde libre {in liherd eus-
toclid ) au duc de Buckingham , qui
l'emmena à son château de Kreck-
nok. Richard était loin de s'attendre,
que la réunion de ces deux person-
nages lui coûterait un jour le trône
et la vie. Morton mit à profit le
temps de son exil, et employa tout
ses efforts à faire naître la discorde
entre le protecteur devenu roi, et le
duc de Buckingham, dont le crédit
avait aidé puissamment Richard III
a monter sur le trône. Lorsque le duc
se crut suffisamment assuré du suc-
cès , il leva l'étendard de la révolte,
contre le roi que lui-même avait con-
tribué à faire ; mais il échoua com-
plètement, et paya de sa tète, sa
coupable entreprise. Morton se jetta
dans une frêle barque , et ga:;,na le
continent, où il se tint caché jusqu'à
l'époque où, de trahisons eu trahi-
sons, le comte Henri de Richcmond ,
MOR
vainqueur à Rosnorth , eût mis sur
son Iront , la couronne usurpée de la
famille d'York. Morton reparut alors,
et eut la satisfaction de faire exécuter
enfin le projet qu'il avait arrêté avec
le duc de Buckingham , et qui con-
sistait ta réunir les partis des deux
roses , par le m.iriage de Henri VU,
avec la fille d'Edouard IV. L'ovêque
d'Ély , qui avait jiartagé les dangers
et la mauvaise fortune du nouveau
roi , fut aussitôt rappelé au conseil,
devint premier ministre de ce prin-
ce, succéda, en 148G, à Bouchicr
dans l'archevêché de Cauterbury,
fut nommé, l'année suivante, grand-
chancclier du royaume , et , eu
I j()3, cardinal, par Alexandre VI.
II moiiruî en octobre i.joo, âgé de
quali-e-vingl-dix ans. Thomas More,
qui lui était redevable de son éduca-
tion , fait de ses qualités un éloge qui
est per.t-être dicte par la reconnais-
sance. Il le représenle comme un
homme dont la figure grave et sé-
riei'.se inspirait la vénération , mais
dont l'abord cependant n'était pas
difiicile. Il n'était pas moins res-
pectable par sa sagesse et sa vertu ,
qiic par l'autorité de ses charges.
Ses manières étaient douces et sim-
ples , ses mœurs étaient pures , ses
goûts étoient tranquilles : il prenait
plaisir h s'occuper lui-même de la
culture de ses jardins. Il eut des en-
nemis, ce qui est le sort ordinaire
des grands ministres , surtout dans
les temps de trouble. La noblesse lui
reprochait trop de hauteur et trop
de sévérité. Le peuple murmura sou-
vent du poids des taxes (i); mais
{ i'^ Il réuMlt In hénévolener: , impôt odimx , abo-
li par re Ricliard III i|u'il faisait |irof. ssion de hair.
Oii prétend nu'il avait iwiagioé cet élraiige raiaonne.
mei.l . p'.iir cii.li aiD'Irc t lit le monde à la \,.iyer ;
on disait par snu or.'.re à celui fi : « TiiJ^ii' A" la de.
» i/ense , diinc lu es riche : tu paieras ; » à <olui-là •
» Tu ne dépenses rien, donc tu es riche cl'sco-to-
MOR
comment le ministre aurait-il pu im-
poser aux factions sans une grande
i'crmelo, et faire jouir la nation de
la paix qui signala son administra-
tion, sans des impôts proportionnes
aux besoins du royaume? S il amas-
sa de grandes richesses , on doit dire
qu'il en fit constamment le plus no-
ble usage. Une partie considérable
fut craploye'e par lui-même en répa-
rations et constructions d'édilices pu-
blics et de grands chemins. Il char-
gea ses exécuteurs testamentaires de
fournira l'entretien et à l'éducation
de vingt étudiants pauvres et studieux
d'Oxford, et de dix de Cambridge,
pendant les vingt ans qui suivraient
sa mort. Ou lui attribue une his-
toire de Richard III; mais il paraît
que cet ouvrage n'est pas de lui. Sa
vie a été écrite par Jo. Ruddeu, Lon-
dres, 1607. Z.
MORTON ( Jacques, iV^. comte
DE ), régent d'Ecosse, appartenait à
lafa.niliedes Douglas, l'ime des plus
puissantes de ce royaume. Il avait
embrassé la religion protestante , et
se trouvait , en ijS'j , l'un des chefs
de l'union que les religionuaires
avaient formée sous le nom de con-
gréi^a'.ion du Seigneur ( i ) , pour
résister à IMarie dv I^orraine, à cette
époque , reine douairière et régente.
Après la mort de cette princesse ,
iVIaric Stuart sa fdle accorda , pen-
dant quelque temps, sa confiance au
comte de iVIorton, Mais lorsqu'elle
eut épousé Henri Darnley , Morton ,
s'étanl aperçu de l'ascendant que
David Rizio, fils d'un musicien pié-
moutais, avait obtenu sur la reine,
>i mies ; lu paieras, n Ce dilemme iijernal fut uoni-
me, dnos le temps, la fourche ou le hameçou de
Mortou. Nul u'y pouvait c'cbapper. ' '
(i) lUavaint prisée nom eu opposition de reini
le C'ongié^alion deSutan, uu'ils JoMuaient à le li,e
ii^ùlic, "
MOR
210
partagea la haine et la jalousie que
les autres seigneurs avaient conçues
contre cet étranger, et se détermina ,
avec eux, à le faire périr. Penlant
qu'ds étaient occupés du plan de cet
horrible complot , le jeune roi, qui
attribuait à liizio la froideur que la
l'eine lui témoignait , et qui était ir-
rité de la familiarité imprudente avec
laquelle cet indigne favoi i (Huit traité,
venait de prendre de son côté la ré-
solution de se défaire de lui. Il com-
muniqua son dessein aux seigneurs
ennemis de Rizio, qui, sentant tout
l'avantage d'avoir un associé de cette
importance , furent au comble de la
joie en recevant cette ouverture. Mais
coin me ils connaissaient l'inconstance
ordinaire du roi, ils hésitèrent quclqiîc
temps; et Morton, qui dans ce siè-
cle d'intrigues était l'homme le plus
adroit et le plus insinuant , se char-
gea d'affermir le prince dans sa ré-
solution. Il enflamma ses passions
en lui peignant Rizio comme le prin-
cipal ou plutôt comme le seid obsta-
cle au succès de la demande qu'il
avait faite à la reine de la couronne
matrimoniale , et donna même à en-
tendre, avec un air de confidence et
de mystère , que l'intimité de ce fa-
vori avec IMarie pouvait servir de
voile à des familiarités criminelles.
Ces insinuations produisirent leur
elfet sur le jeune roi , qui traita
aussitôt avec les seigneurs : on con-
vint des préliminaires , on dressa
des articles , et chacun y stipula sa
sûreté et ses intérêts. Le comte de
Morton , que la reine avait élevé à la
dignité de giand-chanceiier d'Ecos-
se , eut la direction d'une entrepri-
se formée au mépris de toutes les
lois , dont il était lui-même le dépo-
sitaire. Le 9 mars i.'J66, il entra
dans la cour du palais avec cent
soixante hommes, se saisit de toutes
220 MOR
les portos, cl facilita aux. anlics cou-
jui es les moyens de pe'nclrer et d'é-
gorger Rizio sans avoir à craindre
pour leur sûreté ( /^. M arie-Stuaut).
Les conjures se rcudii ont cnlièrejnent
maîtres du palais , et gardèreut la rei-
ne à vue avec le plus grand soin.
Maigre l'insulte atroce qu'elle avait
reçue , et qu'elle sentait vivement ,
elle fut obligée d'admettre Morton
«nsa présence, et de promettre qu'elle
lui accorderait son pardon , daus les
termes qu'il jugerait nécessaires pour
sa plus grande sécurité. Cependant
Marie, qui avait repris de l'ascendant
sur le roi, l'ay.iut dccide à partir pré-
cipitamment avec elle, avait eu en
iDèiue temps l'adresse de détacher
Murray et ses amis, de leur union
avec les assassins de Kizio. Mor-
ton, se voyant abandomié par le roi
et par le j)arti de Murray, puur évi-
ter sa perte, s'enfuit eu Angleterre
avec les aiities conjurés. Il y resta
jusqu'après le baptême de Jacques
VI: à cette époque, !e comte de Both-
vvfll, qui gouvernait la reine, et qui
espérait trouver dans Morton et dans
sesamis des partisaus lidèles et déter-
minés, leur fit accorder une grâce
qu'ils n'avaient plus l'espérance d'ob-
tenir. Le roi ayant été assassiné, et
Bothwell , qu'on accusait d'èlre sou
3ueurtrier , étant devenu l'époux de
sa veuve, les nobles écossais, soit à
cause de l'horreur que leur inspirait
cette conduite, soit plutôt pour se
venger de la manière impérieuse
dont Bolhwell exerçait l'autorité
qu'il avait acquise, et par la crainte
qu'iuspiiaient ses eutrepriscs contre
la vie dt: l'héritier présomptif du
trône, résolurent de prendre des me-
sures violentes. Ils se réunirent en
graul nombre à Stirling , et y for-
mèrent une association pour la dé-
fense de la personne du jeuac prince,
Mon
et pour la punition des jueurtriers
du roi. Morton fut un des chefs de
cette confédération , qui eut bientôt
mis sur pied une armée considéra-
ble. Ducroc, ambassadeur de Fran-
ce , essaya de négocier un accom-
modement : mais il jugea (pie sa mé-
diation serait inutile , lorsqu'il vit
l'exaspération desseigueurs écossais,
et d'après la réponse tpie Morton fit
à ses proposilious , qu'ils n'avaient
point pris les armes contre la reine ,
mais contre le meurtrier de son ma-
ri; et qu'ils étaient prêts à rendre à
sa iM.ijesté l'obéissance que des su-
jets doivent à leur souverain , si elle
voulait metti'e le coupable entre les
mains de la justice, ou le bannir du
moins de sa présence. Ne voyant au-
cun espoir de résister aux confédé-
rés , Bulhv.'cll prit la fuite; et la
reine se livra entre leurs mains.
Morton lui lit, au nom de ses alliés, ,
les plus fortes assurances de fidélité
et d'obéissance pour l'avenir; mais,
malgré ces protestations, Marie fut
enfermée comme prisonnière d'état
dans le château de Lochleven, ap-
paricnant au laid Douglas , pro-
che parent de Morton. Les seigneurs
écossais formèrent entre eux une
nouvelle ligue sous le nom de lords
du conseil secret, et forcèrent d'a-
bord la reine à se démettre du gou-
vernement en faveur de son fils.
Marie , ayant ensuite trouvé moyeu
de s'échapper du château de Loch-
Icveu, rassembla une année consi lé-
r able , que les confédérés mirent en
déroute; ce qui obligea cette prin-
cesse à chercher un refuge en An-
gleterre. Elisabeth ayant obligé Ma-
rie Stuart, et Murray, régent d'E-
cosse , à comparaître devant ses
commissaires, pour y justifier leur
conduite, le comte de iMorton fut
un des seigneurs qui accompagnèrent
1\10R
ic logent. Ce fut lui qui decouvril les
iiilriu;ne,s de ce dernier avec le dur,
de Noifolk, et en lit pnit an secic-
taire-d'elat Ceoil ; ce qni de'lcruiina
Elisabeth à tiansportcr ic lien des
conférences à Westminster , et à
nommer d'antres commissaires. A-
|)rès l'assassinat de Mnrray en lo-jo,
l'anarchie et le désordre rc<:;iièrent
quelque temps en Ecosse; et le parti
du roi fut dans la pins grande cons-
ternation. ],e comte de Morlou. Ic
chef le plus habile et le jihis arlifde
ce parli, eut recours a la reine Elisa-
beth, qni l'appuya A'ivement, et fei-
gnit de vouloir nép;ocier un fniiîé
eulre Marie et ses sujets. Mot ton fiit
l'un des commissaires choisis par le
parlement d'Ecosse. La manière dont
il entreprit de jnslificr le trailcmcnt
que les confédérés avaient fait à la
reine , et la déclaration qu'ils ne con-
sentiraient jamais à aucun tiaite' qui
pourrait porter atteinte àl'aulorite'
que le jctuie roi d'Ecosse possédait
alors, rendirent les négociations in-
fructueuses. Les deux partis eurent re-
cours aux armes; Morton s'empara
deLeith et le fit fortifier; et, se livrant
entièrement à l'influence de l'An-vle-
terre , il ne songea qu a rompre
toutes les mesures qui tendaient à
une réconciliation. Le parli du roi
venait, à l'exemple de celui de la
reine, de convoquer un parlementa
Stirling, et commençait à prononcer
des sentences de proscription contre
la faction opposée, lorsqu'il fa! sur-
pris, le 3 septembre i^yi, ]>ar un
détachement venu avec le plus grand
secret d'Edinbourg. Le comte de Le-
nox, père du feu roi, qui avait suc-
cédé à Mnrray dans la régence , et
presque tous les seigneurs qui étaient
avec lui, furent faits prisonniers. IMor-
ton seul défendit sa maison avec un
courage intrépide, et ne se rendit
mM\
O/J. i
que lorqu'on y eut mis le fcii cl qu'il
craignit d'être la j)roi(' des flammes.
Ils fuient bieiilol sauvés parle comte
delMarr, commandant du cli;îleau
de Stirling; mais le régent avait per-
du la vie dans l'émeule. Morton ,
Argyle et Marr, furent les candidats
qneles nobles assemblés présentèrent
pour remplir l'oHice de régent; ce
dernier, fut choisi, et dut son éléva-
tion au service signalé qu'il venait de
rendre. Morton, (pii commandait les
troupes fin régent, assuré de l'assis-
tance d'Elisabeth, recommença les
lioslilitcs: il pressa vivement le siège
d'Edinbourg, et exerça tonte sorte
de bubaries. Le régent travaillait
alors à réunir tons les partis, et il y
aurait peut-être réussi; mais Mor-
ton , qui craignait de voir diiniimer
son pouvoir, si les partisans de la
reine reprenaient que!((ue part dans
le gonvcrneraent , et jaloux d'ailleurs
du comte de JMarr, qui l'aA'ait sup-
planté dans la régence, se plut à
renverser tous ses projets. La dou-
leur que le régent en ressentit, abattit
son courage; il tomba dans une im^
lancolie profonde, et mourut le '.>.()
cet. l'jS'i. Morton, soutenu paria
reine d'Angleterre, fut élu à sa place
{'2^no\. ), malgré les appréhensions
du j)eup!e et la jalousie des nobles.
Il débuta par concilier avec adres-
se les débats qui s'étaient élevés
entre les nobles et le clergé protes-
tant, et lit ensuite des ouvertures
aux partisans de la reine , divisés en
deux factions. La première, dirigée
par Maitlaiid et Kirkaldy , rejeta
ses propositions , qui furent accep-
tées par celle dont le duc de Chatelle-
raut était le chef. Il conclut avec lui
lin traité, qui fut signé à Perth , le
33 février iS^S. Ou y stipula, en-
tre autres choses , que l'autorité de
Morton, comme j-égent, serait ix-
toiiDue; que tout ce qui avait e£e fait
contre le roi, depuis son coiiroiine-
meiit, serait regarde' comme illégi-
time, etc. Avec les secours que lui
envoya Elisabetli, Morlon s'empara
du châte.iu d'Ediiibonrg (i), et fit
pendre Kirkaldi quM redoutait. Mait-
laud s'était donné la mort pour évi-
ter l'ignominie d'une exécution pu-
blique. Le royaume jouissait alors
d'une paix profonde : Morton entre-
prit de faire disparaître tous les dé-
sordres, suite nécessaire de la guerre
civile. Par son adresse et sa fermeté,
il vint à bout de rétablir la tran-
quillité; mais ses exactions le ren-
dirent bientôt odieux. Ses procédés
arbitraires irritèrent les nobles et le
clergé ; et l'imprudence qu'il eut
de mécontenter les favoris du jeune
roi , les porta à inspirer à ce prince
des soupçons contre son pouvoir et
ses projets. Une assemblée des no-
bles, ennemis du régent, fut convo-
quée au nom du roi ; et Morton , à
qui l'on signifia que Jacques desirait
prendre l'administration du gouver-
nement, se démit de la régence , au
grand contentement d'une partie de
la nation ( 12 mars i5y8 ). Il obtint
un acte portant approbation de sa
conduite pendant tout le cours de sa
régence, et le pardon de tous les
crimes ou ofteuses qu'il avait pu
commettre, et se confina dans une
de ses maisons (i), oii ne paraissant
s'occuper que d'amusements , il ob-
servait avec soin les démarches de
ses adversaires. Ses richesses et ses ta-
lents le rendaient encore formidable:
(l^ Morlon pretindalt avoir iiitcrceplé , m cette
occasion, uur cassette que Bulhwill avait hiissér dans
!•• château d'Edinlinurg , et qui contenait des lel très et
des sonnets écrits de la main de la reine Marie. Les
conf('drri s 1rs firent |iul<lier puur iustiiier lenr con-
duite envers ille. U est prouvé que ces piïces «taieut
supposées.
(1} L« peuple l'appelait VAnlre du lion.
MOR
les nouveaux conseillers voulurent
opérer sa ruine totale ; ils lui enle-
vèrent d'abord le château d'Edin-
bourg, et lui firent éprouver chaque
jour de nouvelles vexations. Cepen-
dant la haine que le peuple avait
conçue contre lui , commençait à
diminuer; et les protestants regret-
taient son administration, en la com-
])araut avec celle qui avait succédé.
Morton , instruit de ces particulari-
tés , s'efforça de gagner la confian-
ce du jeune comte de Marr et de sa
mère, et parvint, avec leur secours,
à s'emparer de Slirling et de la per-
sonne du roi. Un parli'uient ^ con-
voqué par lui dans cette dernière
ville, malgré l'opposition de ses ad-
versaires, confirma l'acceptation que
le roi avait faite du gouvernement ,
et ratifia l'acte accordé à Morton
pour sa sûreté. Celui ci conserva par
le fait toute l'autorité: aussi les lords
Argyll et Athole et ses autres adver-
saires coururent aux armes; mais ils
se réconcilièrent avec lui, par l'ea-
tremise delà reine Elisabeth. Profi-
tant bientôt du pouvoir qu'il avait
ressaisi , Morton se livra à sa haine
pour la maison d'Hamilton , et em-
ploya contre elle les procédés les
plus injustes. D'un autre côté, il ne
ménagea pas assez les favoris du
roi, qui déterminèrent ce souverain
à convoquer un parlement à Elin-
bou:g, ou il se rendit. Quoique rien
n'y fût décidé de contraire à Morton,
néanmoins comme le roi continuait
de résider dans cette ville et que tous
les ennemis du régent avaient un li-
bre accès auprès du prince , il était
aisé de juger que Morton ne tarderait
pas à être mis en accusation. Mor-
ton , qui commençait à voir le dan-
ger dont il était menacé , crut le
prévenir en dénonçant Leuox, l'un
des favoris, comme ennemi de la
MGR
relij^ioii profcstante ; mais celui -ci
ayant abjure piil)li(iii(uifiit le callio-
licisinc , Mortoit cul recours à Eli-
sabclli, qui se prouon)5;a lortcincnt
en sa faveur , et fit demander le
renvoi de Lenox du conseil prive.
Celte demande sans exemple, et les
rtproclics menaçants d'Elisabeth lia-
tèrent la chute de Morlon : accuse'
en plein conseil par le capitaine
Smart, du meurtre du feu roi, il fut
arrête bientôt après (2 janvier 1 58i )
dans sa propre maison, et envoyé au
château d'Etlinbourg , dont Erski-
ne, son ennemi, était gouverneur.
Apres avoir été transfère au château
de Dunbarton , il fut reconduit à
Édinbourg , le i*^''. juin de la même
année. Elisabeth fit tous ses elforts
pour le sauver; elle rassembla un
corps de troupes sur les frontières
d'Ecosse , et envoya dans ce pays
Raudolph comme son ambassadeur,
pour ce seul objet. Tout fut inutile ;
et ces démarches ne firent qu'accelë-
rer la perte de Morlon. Les registres
de la cour de justice de ce temps-là
sont perdus; mais il paraît certain
que la procédure fut très-irrégulière,
et que tout y respira la Aiolence et
l'oppression. Après une courte déli-
bération, les pairs le déclarèrent cou-
pable de n'avoir pas révélé la cons-
piration formée contre la vie du feu
roi , et d'en avoir été nrtifer et
parliceps (i), et le condamnèrent à
être pendu comme coupable de tra-
hison; mais le roi commua ce sup-
plice , et ordonna que le lendemain
ie comte serait décapité. Pendant ce
court intervalle de temps , Morton
conserva une tranquillité d'ame ad-
mirable : il soupa gaîment, dormit
(i) H fut Ircii-tmirbé de ces tlfiniers mots, qu'il
ropéta avec véliémciice , eu s'ecriaiit : Dieu tait si
cela eit ainsi 1
un« partie de la nuit, et employa le
reste du temj)s à des actes de pieté.
11 soniïiit la mort avec inlrepiditc
(juin i58i ). On fit usage, jjour
sa décapitation , d'un instrument de
supplice imaginé par lui-même , et
qui ressemblait assez à notre guil-
lotine ( F. l'Hist. de lUibertson ) :
la tête de Morton fut placée sur la
porte de la geôle publique d'Edin-
bourg. Sou corps fut porté, la nuit
suivante, au lieu destiné pour la sé-
pulture des criminels. Aucim de ses
amis n'osa se trouver à son enterre-
ment, ni lui donner des marques j)u-
bliques d'attachement. Le comte de
Morton, dernier des régents écossais,
était de petite taille et d'une physio-
nomie engageante : sa constitution
était vigoureuse , et son caiaclère
plein d'activité et de hauteur. Il joi-
gnait à une instruction variée , une
expérience consommée du monde et
des affaires. 11 avait connu les mal-
heurs de la pauvreté, et les avanta-
ges d'une fortune immense et d'un
pouvoir sans bornes. Une ambition
démesurée lui fit tout sacrifier. A
une époque oîj tous les hommes d'é-
tat étaient soldats, il eut des talents
pour la guerre comme pour la paix ;
mais son courage était plus remar-
quable dans le cabinet que sur le
champ de bataille. Il était dissimulé,
cruel , envieux , vindicatif et plein
de rapacité, porté à satisfaire sans
scrupule ses passions et ses moindres
caprices. Les vices de l'homme privé
étaient cachés sous un vernis brilLuit,
qui déguisait ce qu'ils avaient d'o-
dieux. Ses palais et ses jardins étaient
décorés avec un goût et une magnifi-
cence peu commune à l'époque où
il vivait. Sa débauche était rairinée ;
et la violence du penchant qui l'en-
traînait vers les femmes, n'enipèehait
pas qu'il ne mît une certaine délica-
224 1\!0R
icsse dans le choix de ses amours.
Aussi odieux p.ir sa cornij)! ion pri-
vée, qu'exéei;djle par ses crimes pu-
Llics, il épuisa la palicnre d'uu siè-
cle accouUiine aux plus jurandes dé-
prav.itions. 1) — z — s.
MORTON ( Richard ), medcciu
anp;lais , naquit daîis le comté de
iSullolk, vers la preiniJ-re iitoitie' du
XVII''. siècle. Il avaitd'abordeinhr;is-
sc l'èlat ecclésiastique, et fut nom-
me' chapelain de la famille Foley,
dans le Worccsicr; mais étant non-
coJifurmisle , il dut par la suite re-
signer, ce qui lui fit aliandoniier la
cari ièrcdc l 'église. Dès-lors Morlon,
qui n'avait ]>jS encore vingt-quatre
ans, embrassa l'élude de la médecine,
et s'y distingua bientôt. Nomme mé-
decin du prince d'Orange , et l'ayant
accompagne à Oxford, il prit, dans
l'universilc de cette ville , le bonnet
IMOR
il administra aussi intempcstivcnîcnt
l'eau de chaux dans celte dernière
maladie. Morlon if.aque, dans ses
écrits, la théorie Iniuioraie transmi-
se par Galicii; mais il la rerapha a
par d'autre» abslraclions, peut-tUe
plus dangereuses. C'est ainsi qu'il
admellait l'existence des esprits vi-
taux, et celle d'un a»/r«A destnicteui ,
dans les maladies aiguës, tout en se
vantant d'être éclectique. Dans le
fait, il était imbu de cetfe ridicule
chiiniatriequi a déshonoré la méde-
cine du dix-septième et du dix-huiîiè-
me siècle. Il blâmait Sydenham d'em-
ployer les anliphlogistiques dans les
];h!egmasies du ttijjc digestif, ainsi
que dans la variole. 11 aurait voulu
faiie prévaloirla méthode échaufihii-
te, qn'd préconisait; et qui le gniJait
souvent dans le traitement des mala-
dies aiguës, parce qu'il croyait que
de docteur. Par la suite , il s'établit les excitants étaient seuls propres à
à Londres , et se fit agréger au collège détruire le prétendu -ytru-s, qui, s
de médecine de cette capitale , où
il ne tarda point à être fort répandu
tlans la piatiquc. Il fut le rival ,
])iutùtque l'émole deSydenham,qui,
moins docte peut-être, fut incontes-
tablemeni p'us habde dans le juge-
jnent et dans la curation des mabi-
dies. JMorlon obtint une grande vo-
gue pour le ti'aitemcnt des maladies
throniques de la poiuine , sur les-
(juclles il a écrit un livre qui renferme
d'utiles recherches , mais aussi de
grandes erreurs surla véritablenature
comme sur le iraitementde cesalïéc-
lions. Il fut un des premiers promo-
teurs du hina en Angleterre; il l'ad-
ministrait d'abord, par timidité, à
très-petites doses, dans les fièvres in-
lermiltcntes; mais l'expérience Ini
montra rinuocuilé de cette salutaiie
écorce , dont il fit toutefois un fu-
neste abus dans l'hémoptysie, dans
la pctilc-vérolc, dans la dysenterie :
Ion lui, les entretenait. Moriou
mourut dans le comté de Surrey, le
3o août i6p8, laissant après lai la
léputation d'un vaste savoir, que ne
démentent point ses ouvrages. Lien
(ju'ils contiennent des doctrines ar-
bitraires et erronées. Il a publié : I,
Phthisuiogia , sive exeicitalwncs
dephlhisi, Londres, iG85 , in-8^. ;
traduit en anglais, in-B"., 1694. Il
entre ici dans des détails étendus et
variés surla phthisie et sur ses diver-
ses espèces : mais malheureusement
on V cherche eu vain des connais-
ccs solides d'anatomie pathologique.
11. Exercilalioiies de morbis iini-
versalibus aculis , in-B". , Londres,
1 O99.. 111. De fehrihus injlammaiw
riis, ibid., 1694, in-8°., 169B. C'est
ici surtout qu'abondent ses erreurs
sur le traitement des maladies in-
flammatoires, qu'il veut attaquer par
les incendiaires, s'éloiguauî eu cela
MOR
de ia doctrine d'Hippocratc, dont
Sydenliam au contiaiie so lappro-
ciie. C'est parliciiliiTeiufril au .sujet
de la variolcMpi'il lait éclater labar-
baricdc sa inctliodc. IV. O, eraoïii-
nia , 'i vol. in - 8". , Amsterdan» ,
iG<)G; liyon, 1697, '-* ^^^- '"-4'^-J
Venise, 1737; TiOydc, 1757. F — R.
MORTOiN (Jacques Douglas,
comte de), pair et surintendant des
a rchives d'Kcosse, pré>ident de !a so-
ciété' royale de Londres , inemljre de
l'académie des sciences de Paris , na-
quit à Edinbourj; , en 1707 , d'une
des plus anciennes familles d'Ecosse.
Après avoir vovagé dans toute l'Eu-
l'ope, il revint à Edinbourp; , où,
par les conseils et avec le secours du
célèbre Mac -Laurin , il forma une
société de phiiosoplies , dont il de-
vint le président, se trouvant ainsi ,
à râp;e de vingt-=is ans , fondateur
d'une académie qui est aujourd'hui
une des plus célèbres de l'Kurope. Il
cultiva les sciences en aiuateur éclai-
ré, favorisa leurs progr' s de tout
son crédit ; il eut plus de [)art que
personne à l'observation du passage
de Vénus sur le Soleil , le 3 juin
1769, par les secours et les instruc-
tions qu'il procura aux. observa-
teurs, il montra nue grande intel-
ligence dans la direction du i!/«-
sœum Britannicuin. Il soutint, par
son éloquence, les grands intérêts de
sa patrie, en sa qualité d'un des seize
représentants de la pairie d'Ecosse
dans le parlement. Il avrdt for-
mé l'utile projet d'un cabinet des
archives du royaume d'Ecosse , et
en avait même commencé l'exécu-
tion . lorsqu'il mourut en 17G8. P',
son Eloge parGrandjean de Fouchv,
dans le Recueil de l'acadéiriie des
sciences, année 1770, Histoire,
p. 149. T — D.
MORUS ( Thomas ). F. More.
XXX.
IMOR 29.5
MORUS ( Samuel - pBf'DtRic
Natuanael ), huiiKMiiste et théo-
logien saxon , naquit le 3o no-
vembre 1730, à Lauban, dans la
T.usace .supérieure , d'un régent de
létolede celte ville. Son père étant
pauvre et chaigé d'une nombreuse
famille , il se vit dans la salutaire
nécessité de se créer une existence
par le travail, et voulut se préparer
à la carrière de l'enseignement aca-
démique par des éludes solides :
ses progrès le signalèrent de bonne
heure parmi les élèves de l'univer-
sité de Leipzig , et le portèrent gra-
duellement à toutes les fonctions
importâmes, et aux plus hon<rables
places auxquelles un mérite supé-
rieur et l'esiime générale peuvent
élever,dans l' Allemagne protestante,
un savant philologue et un théolo-
gien distingue. Successivement pro-
fesseur de philosophie ( 1768 ), des
langues grecque et latine ( 1771 ),
éphore des jeunes gens auxquels
l'électeur accordait des bourses ,
( 1780), professeur de théologie
( 1782 ),décemvir de l'académie et
chanoine du haut CiiâpitredeMeissen
( 1786 ), as.=esseurdu consistoire de
Leipzig ( 1 787 ) , il se fit aimer et
admirer dans les rapports où ces em-
plois le placèrent, par un accoraplis-
semeiiî religieux de ses devoirs, et
par l'iiifluence heureuse que sc^ lumiè-
res, sou rare talent jiour l'instruction
et sa piété éclairée, exercèrent sur la
jeunesse studieuse. A sa mort , arri-
vée en 179-i , et accélérée par une
applicatioiLtrop afsidue, des accents
de douleur et de vénération pour sa
mémoire partirent de tous les points
de l'Allemagne. Parmi ceux de ses
élè es qui témoignèrent publique-
ment les sentiments de reconnais-
sance et d'admiration ])our le naître
et le bienfaiteur qu'ils pleuraient,
i5
o.iQ MOR
nous devons nommer spécialement
ceuxqniles exprimôrtul dans !e lan-
gage cle'pjanl e\ classi(|iicilonl Morus
leur avait enseigne les nglcs et donne
lui-même rf-xeniplcdans ses leçons,
autant et peut-être plus encore que
dans ses eVr ils: le célèbre historien
et philologue Ch, Dan. Beck ( Beci-
tatio de Moro , suinrno thtoloc,o ,
36 pp. in-8'\); le savant éditeur des
lettres de Ciceron, J. Aloys Martyni
Laguna ( Elegia ad mânes Mon ) ;
le philologue distingué J. Ge. Chr.
Hoepfner , dans une notice de 1 38
p. sur la vie et le mérite de Moriis ,
Leipzig, 1793 , in-8^. , où la me'-
thode d'institution dogmaîi({ue et
cxe'ge'tiqucde jMorus est caractérisée
avec autant de talent que d'uliiite'
pour le moraliste et l'interprète de
«os livres sacrés. Au nomitre des
poèmes en langue allemande, consa-
crés à l'expression des jnêmcs senti-
ments d'alfection et de regrets, il en
parnt un signé de sept cent cinq per-
sonnes. Bien que Morus eût pris
toutes les précautions qui dépen-
daient de lui, pour que son enterre-
ment se fit sans pompe avec la mo-
deste siinplicité q'.ii était un des
traits proérainciits de son caractère,
plusieurs centaines de ses élèves sui-
virent le convoi de leur maître bien-
aimé ; et un plus grand nombre se
réunit auprès de sa tomiie , et la
couvrit de fleurs. Les étudiants de
la faculté prirent spontanément le
deuil, et le portèrent plusieurs se-
maines. 11 mourut sans laisser d'en-
fants. Disciple et digne émule de J.-
A. Ernesti, il appliqua au nerfection-
ncmpnt des diverses branches de la
tliéologie et de l'oxcgcse , les résul-
tats les plus certains des nouvelles re-
cherches historiques et philologiques
qui ont fait de l'Allemagne la terre
classique de l'étude des langues , des
MOR
mœurs , des monuments et de l'es-
prit de l'anliquilé. Si nous avions ,
des autres parties du INouveau-Tes-
tament, une aussi bonne tradii«iiou
«l'io l'est celle <]ue Morus a faite de
l'Epîtif aux HcJjreux , nous pour-
rions oITrir anx hommes pour qui
le texte original de ce code de
leurs devoirs et de leurs espérances
n'est pas accessible , une version des
livres qu'il renferme, aussi fidèle,
aussi claire, aussi pleine d'onction
et de force, qu'il sera , peut-être,
donné d'atteindre aux interprètes les
plus habiles et les plus consciencieux,
aidés de tous les secours rassemblés
par l'érudition et soumis à l'eprcuvo
d'unecriliqueexercée. La carrière lii-
téraire de Morus se divise, comme
sa carrière académique , eu deux
périodes , dont la première , dans
l'ordre du temps, le prépara, pour
ainsi-dire, à mieux fournir la der-
nière. Nous indiquerons de même
ses travaux relatifs à la philologie
ancienne, avant de passer à ses ou-
vrages théologiques. I. JsiCratis Pa-
neicyricus , i.eipzig, i7G(>, in-S". ;
3"^. éd., 1804, in-8-'. IL Lonoinus,
cwn animadv. et versione novd , il).
17(39, in-8'\ Il faut y joindre ■ Libel-
las animadversioman ad Lons^i-
niim, ibid., 1773, in-S-^. , dont l'in-
troduction {De variatd sublimilG-
tis notione in commentario Longi-
HiV/«o), est un modèle de goût et d'éru-
dition. III. M. Anlonini. imp. com-
inentarii quos ipse sibi scripsit cum
.yyllabo var. lect. et conjecturanim,
ibid. , 1774^ in 8<». IV. Xenophontis
Cyronœdia ciim indice e.rœcilalis ,
ibid., 1783, iu-80. V. Ai*^a.<rii Kufis
Xenophontis , etc., 1773, in-8°. 3''.
Xenophontis hisl. grœca, ib. , 1778,
in 8'^. VI. C. Jul. Cœ saris Comm.
de bello gallico et civili, 1780 , gr.
iu-8". VII. P.uioms liber de vlrtu-
MOR
tibux, 1781, in-8°. VIIT. Fita J.
J. Reiskii, 177O, in 8'. IX. V\n-
sk'iirs dissertaliuiis |)!iilolu}^icjiics
d'un grand iiUorct , parcx : Dedis-
criiniiid seiisds et si^/rfcccilionis in
internretando; — De n^xu si'^nlftca-
tioiiuiii L'jusdem veiin; — De co-
î^natiune hislo/Le et eloqucnlicc
ciim puesi ; — De Fhœnissis Eiiripi-
tiis, etc., etc., se trouvent dans la col-
lection de ses opuscules [Disserta-
tiones thealogicœ et philologie^,
2 vol. in-B'^.), 1787 et i79f. i/cle'-
gance, la concision, la soLricte' de
remarques ( il n'en met qu'aux eu-
droits vraiment difficiles }, caracté-
risent ses travaux, sur les auteurs
de l'antiquité. On voit qu'il ne perd
pas de vue son maître et sou modèle,
El nesti ; et les reproches de pe'nurie
d'observations critiques, cl d'une cer-
taine économie d'érudition, que l'é-
cole hollandaise a adresses à Ernesti,
retombent également sur son disciple.
L'un et l'autre ne considérèrent les
anciens que comme moyens de for-
mer le goût et d'acquérir des con-
naissances utiles au jurisconsulte, au
théologien, au philosophe, etc. Ils
i'epoiisscreut toute espèce de luxe
philologique; et ils croyaient devoir
renvoyer le lecteur à un glossaire
pariiculiei', pour l'explication des
diiacultés grammaticales. En revan-
che , ils n'évitaient pas les occasions
de lui offiir des réflexions sur les
beautés ou les défauts de la diction,
sur !a vérité et la tendance des faits
ou des doctrines exposés par l'au-
teur dont ils soignaient î'édilion.
Les ouvrages théologiques de Morus
portent l'empreinte d'une piété é-
claîréc et profonde. Le recueil que
nous avons indiqué, contient des
dissertations très-remarquables; par
exemple, De lipiniiie suhmittenle se
Btio ( digne peudaut des VinàiciJS
MQR
arbUrii diviid, d'Erncsli ), où, sans
s'en douter, IMorus peint son humi-
lité et sa résignation excin[, Lires j
— De relii(Lunis nolilid , ciiin rébus
exjiencnliœ ohviis co^ uhilà; — De
modo cogilandi de officiis, etc. X.
Un Choix de sermons, i 78(1, in-8'\
XI. Epitoiiie theologlid chrislianœ^
1781), in 8". (prescrit comme ma-
nuel dans plusieurs élats de l'Aile-
magne,) Apres sa mort, G. A. Hem-
pel imprima les leçons explicatives
de ce traité élémentaire, telles que ses
disciples les avaient recueillies de sa
bouche, sous ce titre : Commentarius
exegetico-histoncus in suant epito-
men, 1 vol.. Halle, I7<j7, et 1 71)8,
gr. in-S". Dars sou Epitome, Morus
expose, avec candeur, les résultats
de ses recherches exégétique.s. Ac-
cueillant, avec une foi humble et
vive , les dogmes mystérieux du
christianisme, lorsqu'ils lui parais-
sent évidemment énoncés dans l'É-
critiire-sainte, il les présente comme
liés aux besoins moraux de notre
nature, et comme les seuls moyens
olFerts à l'homme pour les satisfaire.
Cette théorie du système bililique
déplut cgaiement aux théologiens
novateurs, et aux ennemis de toute
innovation dans les formes didacti-
ques de l'enseignement du dogme.
Après sa mort, parurent : XIL Eu
latin, ses leçons : 1°. Sur V Epitre
aux Romains, mises en ordre par
J. T. G. Holzapfel, Leipzig, 179^,
in-8\; — -1°. Sur celles de s.dnt
Jacques et de saint Pierre (par C. A.
Donat , 1784, in-8°.); — 3». Sur les
^tïctes des Apôtres ( par H, J. Din-
dorf, ib.); — 4". Sur Y Evangile de
^rtmtZuc (par Donat, ib.); — 5'\ Sur
celui tle saint Jean (par Dindorf, eu
Si vol. 1795); (j". Sur les É pitres
de saint Vaul aux Galates et aux
Ephésicns , '.795, in-8°. (sous le
i5..
?.s
MOR
titre à*Jcroasis in Epist. , etc. ) —
•1°. Sur les ÉpUres de saint Jean
(par Hempel, 1796). Xlll. En al-
lemand, son Coîirs de morale (2
vol., 1793 et 1794, in-H»., par E.
F. Tr. Voigt). — Troi": volumes de
Sermons posthumes, par K. A. G.
Keil, 1794- 1797, in- 8<^. —Un
Commentaire sur VÉpitre aux Bo-
mains , et sur celle de saint Jude
( 1 794); — Sur les Èpitres aux Corin-
thiens ( 1 794 -i par Holzapfel). XIV.
Enfin l'ouvrage intitule: Hermeneu-
tice. Editionem aptavit variisque
additamentis instnixit H. C. A.
tlichstadt, Pars 1 ; ibid. , 1 797 , in-
8". On peut voir dans Meusel le dé-
tail des e'crits académiques de Morus
et la liste des notices biographiques
qui lui ont été consacrées , et dont
la quantité prouverait seule combien
la mémoire de ce grand théologien
est chérie et vénérée de ses compa-
triotes. S — R.
MORVAN. F. Bellegarde , IV,
102.
MORVEAU. r. GuYTON.
MORVILLE ( Charles - Jean-
Baptiste Fleuriau, comte de), fils
du garde-des-sceaux Fleurîau d'Ar-
menonville (i), naquit à Paris, le
3o octobre 1686. Le comte de Mor-
(1) Josepb-Jf an-BaplisIe Fleuriati d'ArmeDonTille,
S Ere du comte de Morville, descendait d'une famille
e marchands, dont la maiion de c<iramerce était
connue à Tout s , sons le nom de cumpa^oie Bonn» au ,
Bonchaad i-t Fleuri.iu. Son père vint à Paris , en
1H84 ; il s'int^rtsSH dans les fermes . et arlict.» en^Dite
une charge de secrétaire du roi. Une «les sœUrs de
Flenriau d'ArmruouvilIc ayant ép Aisé 'e cimtrôleiir-
géuéral LepelleliT,celui-ciïît nommer son b^au-frère
ÎDtendûDt de» financs , puis directeur gcuéral eu
1^0?.. U obtint, en 1716, le département de la mari-
ne, après la démission du marquis de Torcv, et fut
remplace |iar le comte de Morville. soutits, 1" 9
•Tril 172». Il avait élé nommé garde -des- sceaux , le
aS février de la même année, loi a de la deuxième
disgrâce du chajiceljer d'Ajjuesseau. Flptiri;iu d'Ar-
menunTÎlle , djsf;racié à ton tour, fut obligé de rendre
les sceaux, (U 1717, ^* "^°"'""* ^* ^7 iioveml»re ï/nS,
au cliâleau de Madrid, où le roi lui avait donné uuc
retraite. Sans avoir un génie supérieur , il rt'iuplit ses
emplois ïTec exactitude tl iiilégrité.
MOR
ville suivit d'abor^ la carrière de la
magistrature, où iltlébula, en 1706,
par les fonctions d'avocat du roi
au Chàtelet , et fut successivement
conseiller au parlement de Paris ,
et procureur -général au grand-con-
seil. Au mois de janvier 1718, il
remplaça ChaleauiK-uf dans l'ambas-
sade de Hollande, et détermina les
états-généraux à signer la quadruple
alliance , le 8 mars de la même an-
née. 11 fut envoyé , en 1 72 1 , comme
])léuipotentiaire, au congrès de dm-
brai , et fut chargé, après sou père ,
du département de la marine . eu
1 722. Il fut admis à l'académie fran-
çaise , le 22 juin 1723. La/norI du
cardinal Dubois, arrivée !e 10 août
1723, avant laissé vacant le porte-
feuille des afl'aires étrangères, le duc
d'Orléans le fit donner au conite de
Morville , qui le conserva jusqu'au
19 août 1727, époque où il quitta
le département des affaires étran-
gères , soit par l'effet du chagrin
({ne lui causait la disgrâce de son
père, soit que sa retraite fût exigée
par la reine d'Espague, qui le regar-
dait comme complice du renvoi de
l'infante. Le roi lui accorda une pen-
sion de 20,000 livres et un logement
à Versailles, faveur qui semble éloi-
gner l'idée d'une disgrâce. Le com-
te de Morville vécut depuis dans la
retraite, et termina sa carrière, le
2 féviier 1732. La nature ne l'avait
pas doué d'un esprit éminent; raai.s
il l'avait exact et réfléchi: il portait
une attention particulière à tout ce
qu'on lui disait, et était ce qu'on ap-
pelle bon écouteur. On sortait tou-
jours satisfait de ses audiences , ou
sûr du moins d'avoir été entendu. Ce
fut cous son ministère qu'eut lieul'flZ-
liance d" Hanovre . conclue et signée,
le 3 septembre 172.5, entre la Fran-
ce, l'Angleterre et la Prusse, contre
I
MOR
la maison d'Autriche et contre l'Es-
fjagnc; alliance à laquelle accciicrerit
a Hollande , la Suiide et le Dane-
mark. On sait que les alliances de
Vienne et d'Hanovre faillirent em-
braser de nouveau rEiu'0[je. De tou-
tes parts on se pre'parail à la guer-
re : mais la mort de la Czfline, la
médiation du pape et les dispositions
conciliatrices du cardinal Flenry,
qui avait remplace le duc de Bour-
bon en 1 7 'if) , piévinrcnt cet embra-
sement. L'accommodement signé à ce
sujet, le 3i mai 1727, est connu
dans l'histoire de ladiplomatie, sons
le nom de Préliminaires de Paris.
Morville y figura comme plénipo-
tentiaire de Louis XV. D — z — s.
MORVILLIERS(j£ANDE , chan-
celier, ne à Biois le i'^"'. décembre
i5ot> ( G ail Christ. ) , était fils du
procureur du roi de cette ville. Il em-
brassa l'état ecclésiaslique , fut pour-
vu d'un canonicat de la cathédrale
de Bourges, dont il devint dans la
suite doyen, et de plusieurs riches
bénéfices. Il entra au grand-corseil,
par la protection des Guises , et fut
l'un des juges du chancelier I*oyet ,
accusé d'abus de pouvoir et de con-
cussions ( F. Poyet). Nommé am-
bassadeur à Venise , il se conduisit
dans ce poste difficile avec beau-
coup d'adresse ; et de retour en Fran-
ce , il fut élevé , en 1 55ti , à Tévêché
d'Orléans. Une contestation singu-
lière s'éleva entre lui et ses chanoi-
nes , qui voulaient l'obliger à rogner
sa barbe, en vertu d'un de leurs sta-
tuts; et il fallut un ordre exprès du
roi pour le dispenser de s'y confor-
mer (i). Il assista, en i555, aux
(i) Henri II man.la anx clianoiies qu'ils rnssent à
recevoir Morvllliers avec sa barbe, parce qu'il clalt
destiné à des coniuiIssIoDS en différents pays où il
fallait qu'il parût av^c la barbe. L'usage coiistmit
depuis ii4« )usi)i!'tD iSii , fut de se hCn- rasir; ic
qui H'empèth.ilt pourtant pas quelques particuliers
•le («irler leur barbe. X D.
MOR nif)
conférences d'Ardres, et parut avec
éclat au concile de Trente en i.j62,
1 1 conclut , l'année suivante , un ti aif ë
entre Charles IX et la reine Elisa-
beth, et se démit de son évêché en
1 504 , allégii'int pour raison que ses
infirmités ne lui permettaient pas de
s'occuper du gouvernement cle son
diocèse. Il avait refusé les sceaux
après la mort du chancelier Olivier,
et contribué à les faire donner à L'Hô-
pital; mais , à la retraite de ce grand
îiomiue, il fut obligé de les accepter.
L'amiral Coligni ayant démontré ,
dans un Mémoire , la nécessité de
déclarer la guerre à l'Espagne, le
roi , qui ne voulait que gagner du
temps, chargea Morvilliers d'y ré-
pondre. On trouvera ces deux pièces
dans V Histoire Ax\ présid. deîhou,
liv. Li. Morvilliers remit, en 1571, ^
les sceaux, qu'il avait gardés deux
ans et quelques mois , et se retira
dans son abbaye de Saint-Pierre de
Melun. Les intérêts de l'état l'obli-
gèrent cependant à faire encore de
fréquents voyages: il revenait de Poi-
tiers, lorsqu'il tomba malade à Tours,
où il mourut, le 23 octobre 1577.
Son corps fut transporté à Blois ,
et inhumé dans l'église des Corde-
liers, où le chancelier Bellièvre, son
ami et son légataire , lui fit élever
un tombeau. Morvilliers était un hon-
nête homme, mais timide et inca-
pable d'une détermination A'igoureu-
sc. Il avait acquis une grande expé-
rience des affaires. Dans les conseils,
il inclinait toujours pour la pais ,
le premier besoin des peuples ; et il
ne croyait pas qu'il fijt possible de
l'acheter par trop de sacrifices, Quoi-
qu' élevé parles Guises, il ménagea
les intérêts des Protestants, et con-
seilla de les traiter aVec douceur ,
comme le seul moven de rétablir
l'aulorité royale, compromise pac
^-Iq ni or
leursadvcr.saires.il favorisa les gens
de lettres. Muret lui a dcdic qiicl-
qiics-uus de ses ouvrages; et Gcn-
lien Hervet, sa ti-aductiou des Basi-
liques. Morvilliers a laisse fies Let-
tres et fies Népxiations , qui sont
en manuscrit à la biIj!IotIùf|ue du
roi , et des J/émoires de son temps,
dont on conservait une copie flans
le caLinet de M. Guyot , à Dijon
( /^. la Bibl. hist. de la France ,
II". 18348). W— s.
MOKVÎLLIERS ( Masson de ).
/^. M.\sso>".
HORZÎLLO(Fox de ). F. Fox ,
XV, 4ii.
MOSCHEROSCII (Jean-Micuel),
lilléiatcur ai!omanfl , était ne le i'^'.
mars iCoo, à Wildsladt, sur le
Bliin, à 4 lieues de Strasbourg. Son
ïiora de famille ëlaitKa!bskopf(7'e/<?
de veau ), et il le tiaduisit en celui
rie Mosc.herosch . fj[ai , moitié' eu
grec , moitié en hébreu , présente le
mcme sens. Euvoyé à l'académie
de Strasbourg, pour y achever ses
t'iudes,il reçut, ta 1624? I^ degré
de maître-cs-arts, et visita les priii-
cipaies villes de France , en liom-
jne qui ciicrcbe les occasions de
s'instruire. Il fut chargé eiisuite de
î'édiicaîion d'un jeune prince et rem-
plit successivement diiTtrentscniplois
suballèriies. Ses taicnts lui firent trou-
A'er des protecteurs ; il fut pourvu de
la charge de conseiller des guerres de
la couronne de Suède, et, peu de
temps après, de celle de sécrétai 'e Gs-
calcle la ville de Strasbourg. Nom-
ine, en i i^^Q, président de la chancel-
lerie et conseiller de la chambre de
finances du comté de Hanau , il fut
ogalenieut honoré delà conflimce de
l'électeur de Maïence, et d'Hed^vige
Sophie, landgrave de Hesse. Mos-
cherosch mourut le A «"ivril ifiOy, à
Worms, ou il était allé voir uu de
MOS
ses fds. On cite de lui : I. fFunderli-
che etc. ( Visions niervcilkuses et
réelles. ) L'édition la plus comulcte
de cet ouvrage est celle de Slias-
bourg, 1C60-65, 2 vol. in-S". ; il
Ta j)ub!ié sous le nom de Phdan-
dre tle Sillcmi'ald. parlequel il était
désigne dans l'acaflcmie des Fructi-
fiants, dont il était membre. Que-
vedo lui a servi de modèle; et, à
son exemple, Trloscherusch passe en
revue, dans une suite de petits ta-
bleaux, les difTércnts états de la so-
ciété: il y a de l'originalité dans ses
peintures, et une vérité de détails qui
prouve un observateur attentif et
judicieux. Les critiques allemands
louent la pureté et l'agrément de son
st}'lc. On a pub'ié à Fr.incfurt, en
i']S'x, un extiait de cet ouvrage,
sous ce titre: Fjlaster, etc. (Emplâtre
assuré contre la goutte, etc.) II.
Technologie allemande et fran-
çaise, Strasbourg, i656, in -8°.
III. yJnthologia seujlcnle^ium epi-
grammatifmselcctissimarum,StT,\s-
bqurg, iG5o; Francfort, i655 ; lé-
ua, 1672, in-i2. Les cpigrammes
de IVIoscherosch, divisées eu six cen-
turies , sont estimées, et rappellent
souvent le genre d'Owen. Ou lui
doit encore un Supplément au Cata-
logue des évêques de Sti'asbourg , par
Jacq. Wimpheling. W — s.
MOSCHOI ULE (Mjimel). Il y
a eu de ce nom deux grammairiens
grecs , f[ue Hody a mal - à - propos
confoufius. Ils étaient cousi!;s. Le
plus ancien naquit dans lîle de Crè-
te, et florissalt sous l'empereur Ma-
nuel Paléolcgue, vers la lin du qua-
torzième stccle, et non pas sons
Amironic Paléologue l'Ancien, com-
me le dit Ducaiige, et aussi Fabricius,
que iiarles a oublié de corriger. Fabri-
cius et Ducaiige ont suivi , sans y fai-
re assez d'attculion , ujue observatiou
]\10S
de Criisius. Le second cfait de By-
x.ancc, et t'ul du iiom'oii' des (îiTcs
(jui, après Ja prise de (iOii.^taiiliiio-
iilc, clierchèreiil un asde en Jt.ilie.
Moschopiile de Crète est auteur d'u-
ne Gnumuaire publiée, eu i54o, à
Càie, et (le ^'t/jo/;c'> encore inédites,
sur les Héroïques de Pliiioslmtc. Il
f.iut probablement lui donner les
Srhvlies sur Hésiode , que Trinca-
vfiii a piJjliccs sous le uoia de Ma-
nuel >.e Bvzancc. mais qu'un ma-
nuscrit d'Kbpap,iio attriiaie formel-
lement à îMoscliopule de Crète. Ces
srlîolies , qui se trouvent aussi dans
l'Hésiode de Heiusius , ont clé réim-
primées eu i8io, par M. le prof.
Gaisford , avec un soin digne de sa
rare exactitude, et une élégance di-
gne des presses d'Oxioi'd. Nous vf sa-
vons trop auquel des deux Moscho-
puies il faut attribuer les Scholies sur
les deux premiers livres de l'Iliade,
que Scherpezccl a fait imprimer en
1719, à Utreclit, et non pas, com-
me le ditHarles, à Amsterdam, en
1702 ; la J ie a Euripide , qui se
lit au commencement de plusieurs
éditions de ce poète; et quelques pe-
tits ouvrages de grammaire, de pro-
sodie et de théologie, restés jusqu'à
présent inédits. Le Traité sur les
carrés inagiijues, que La Hirc a tra-
duit en latin , et qu'il lut , en 1 69 1 , à
l'académie des sciences , est-il du
Moschopule de Crète ou de l'autre?
cela n'est pas facile à décider, il n'y
a pas d'incertitude sur l'auteur du
Choix de mots attiqués , qui a paru
à Venise , en 1 5i4i f^'"' ^^s soins d'A-
sola, et à Paris, en i53'2, chez Vas-
cosan. Les manuscrits le donnent à
Manuel de Byzance : mais nous nési-
tous à suivre les bibliographes qui
attribuent à ce même Mosciiopule
le Traité de grammaire élémentaire,
d'orthograpùe cl de prouoiiciatiou,
IMOS
3i3r
connu sous le litre de Péri schedoriy
cl dont Robert Klieime a donné, en
1545, une édilion magiiilitpiemeut
imprimée. H ne nous sendjle pas que
les iiianuscriLs aient indiqué la pa-
trie de l'auteur: et comment alors
se décider pour le plus jeune un pour
l'aine? Ce dérider traité a été réim-
primé à Vienne, en 1773 et en 1807.
ija philologie n'y tiouve pas beau-
coup à profiter ; mais les Grecs mo-
dernes en peuvent tirer quelque uti-
lité. Eu général, c'est surtout pour
eux qu'il est aujourd'hui avantageux
t!e publier les Ej)imé:ismes et les
Schédographies des grammairiens
des temps postérieurs. Nous n'éten-
drons pas davantage cet article. Il
serait cependant de quelque intérêt ,
pour riiistoirc littéraire, d'éclaircir,
autant que possible, les points dou-
teux dans la nomenclature des ou-
vrages des deux Moschopules. llfau'
drait, pour y pouvoir patvcnir,faire,
dans les anciennes étlitions et dans
les manuscrits , des recherches pour
lesquelles les moyens et le temps
nous manquent entièiemcut. B — ss.
MOSCIiL S, poète bucolique grec,
naquit à Syracuse. (iOntemporain et
ami du ccièbre critique Aris:arqi'.e ,
il vécut dans la i56=. olympiade
sons le règne de Ptolémée-Fhilomé-
tor, environ cent quatre-vingts ans
avant J.-C. H fut l'éiève et l'ami de
Bion de Smyrnc j et ces deux char-
mants poètes succédèrent à Théo-
crite, qui florissait ])rès d'un siècle
avant eux. Ou doit les regarder
consmc les inventeurs de Vldjlla
proprement dite. Les poésies pasto-
rales de Théocrite, bien qu'on leur
donne le nom d'idjllcs , ne sont que
des éclogiies , puisqu'elles contien-
nent toujours l'exposition drama-
tique, épi^e, ou mixte, d'une ae-
tiou qui se passe eulre des bergers :
232.
MOS
Mais riflylle , comme le donne a en-
tendre rcfvmolof^ie de son nom , est
MiiPetit tableau cl)anipclrp entremê-
le de réflexions et de sentiments (i).
Telle est l'Idylle chez, Bion , chez
jMoschns, et chez ceux des modernes
qui ont marche' sur leurs traces.
The'ocrite s'était immortalisé en
chantant les bergers : et si l'harmo-
nie de ses vers . sa naïveté , sa sim-
plicité exquise , le naturel de ses
peintures , lui ont fait donner la pal-
me dans ce genre de poésie ; on peut
dire que Bion et Moschus , sans se
mesurer avec un si redoutable rival ,
ont su cependaiit trouverdc la g'oire
dans la raêine carrière, en ornant
leurs petits tableaux champêtres de
toute l'élégance d'un style enchan-
teur , de toutes les grâces de la belle
nature: ils sont surtout dans le goût
delà littérature moderne, qui est plus
favorable à l'Idylle qu'à l'éclogue.
Moschus en particulier, moins iiigé-
uieux que Bion, qui l'est quelquefois
trop , a plus de délicatesse et de
sentiment. Rien de plus doux que
ses vers. Il nous reste de lui sept ou
huit petites pièces charmantes. Son
^mow fugitif a été imité par le
Tasse (i), qui ne l'a pas éga'é. L'I-
dylle sur l'enlèvement d'Europe ,
qu'wU a mai-à propos attjiiJiiée à
The'ocrite quciqu'cUe soit si éloignée
de sa manière, peut être comparée
à la corbeille de fleurs de cette prin-
cesse , que notre poète, d.ms cette
idylle même, a décrite avec de si bril-
lantes couleurs. Mais ie chef-d'œu-
vre de Moschus. et l'mi des chefs-
d'œuvre de l'antiquité , est l'Idylle
sur la mort de Bion. Ou ne peut la
lire sans être attcudii : elle est, dans
(i)Le root grec I.iylle, s^i,aiËe ptijf tableau. Éc!o-
guc, daos la iuciiil- Iduguu , ï.giit/ie choix de /tiscis,
^j) Prolog. d'J.uuit.
MOS
la poésie grecque, ce qu'est dans la
notre la belle élégie de Lafonlaiue
sur la disgrâce He Fouquet. Ou ne
sait rien de la xie, ni de la mort
de Moschus. Ceux de ses écrits qui
nous ont été conservés , ont toujours
été imprimés avec les poésies de
Bion; et ces deux aimables poètes,
amis pendant leur vie, n'ont pas été
séparés après leur mort. L'édition
de Meckerch . Bruges , i .56.j , in-4"-
gr. et lat. , est rare, iMoschus et Bion
ont été imprimés in-8"., gr. et lat.,
à Venise , édition de Schrevclius ,
i']\Ct , cuin notis variorum ; à Ox-
ford, avec les notes deJ. Herkin ,
l'y 48 ; à Leipzig, ex recensione
M. J. A. Schier , i75'2 ; à Erlang ,
avec les notes de G, G. Harles, 1780;
enfia. à Londres, par Bentley, i ng5.
Ils ont été traduits eu vers français
p jr Longepierre, Paris, 1 GSfi, in- 1 2,
et par M. Gail, en prose, Paris, i ^gS,
in- 18. On les trouve aussi dans la
Goilection des poètes grecs , et dans
un grand nombre d'éditions de The'o-
crite. M — s.
MOSCHUS ( Jean ), moine grec ,
surnommé Eucratès, florissait sous
les règnes de Tibère et de Maiirice. II
embrassa la vie religieuse dans le
couvent de S. Théodose de Jérusa-
lem ; il habita successivement les
bords du Jourdain, et le nouveau
monastère de S. Saba , où l'on sait
qu'il remplissait Y office de prcecentor
( grand chantre ). Poussé par une
sainte curiosité , il visita ensuite les
solitudes de la Syrie et de l'Egvpte ,
et vintmème , jusque dans l'occident,
étudier les règles et les usages des
cénobites qui s'y étaient établis. De
retour dans sa retraite, il composa
uu ouvrage intitulé Leimon , etc. ,
c'est-à-di: e le pré ou le verger spiri-
tuel, q-i'il adressa à Sophrone, son
disciple et le compagnon de ses voya-
MOS
jjcs, élevé depuis à la (lip;nilé de pa-
triarche de Jcrusalciii. C'est le le-
cuoil des vies des saints solitaires de
son temps; on y trouve des particu-
larités intéressantes, des pensées et
des maximes d'une haute sagesse :
mais celle compilation est déligurce
])ar des récils apocryphes, (pie les lé-
gendaires n'ont pas manqué d'ampli-
iier en les copiant. Moschus partagea,
dit-on, quelques-unes des erreurs de
Sévère Acéphale, et mourut en (yj.o.
Son ouvr-igcalongteraps été conservé
en manuscrit; il en panit d'abord une
version italienne, dont l'auteur est
inconnu : la tra'luction latine , par
Ambroise le Camaldule, aété impri-
mée dans le tome vu des ntce
Sanctor. de Lipporaaui; et elle forme
le x'=, livi-e des ntœ Fatrum , de
RosweyJe, qui y a joint (le courtes
notes. Enfin le tcxlegrecdiviséen'^ 19
chapilres([),a étcp-iblié par Fronton
du Duc, dans le tome 1 de L' Aucta-
rium Bihl. Pair., d'où il a passé dans
le tome xni de la Bihl. Pair. Cote-
lier ayant retrouvé à la bibl. du roi
un manuscrit plus complet que celui
dont s'étail. servi le dernier éditeur
des OEiwres des Pères , eu tira tous
les fragments inédits, qu'il oublia ,ivec
une version latine, dans le tom. 11 des
Monument, eccles. ^'œc. Aniauld
d'Andilly a trad. eu franc, l'ouvrage
de Moschus; mais il en a reîi ujché
plusieurs passages. W — s.
MOSELEY ('Benjamin), 'oédecin
anglais, natif du comte d'Essex, se
forma, dans les hôpi'aux de Londres,
et dans ceux de Paris , à l'exercice
de sa ])rofession; ii alla ensuite s'éta-
blir, comme chirurgien et apothi-
ÏVIOS
•1?,^
(t) Photiiis en coni| tdU Soi', , et mpme 3 '.i. On en
doit conclure ou <jue Touvrag.- ne nous est pas par-
Tci.ulout cut.er , ou que des co].istes posteripurs à
Fhotius , en ont «haugû la distrlbuliui, en reuulssant
jilusieurs diapitre^i.
Caire , à Kingston ( Jamaïque ) , oii
bientôt il eut peine a suffire à sa
clientelle. C'était l'époque delà guerre
de l'indépendance; et les maladies
épidémiques faisaient d'affreux rava-
ges parmi les troupes. Moseley s'oc-
cupa d'en observer la nature , et d'en
rechercher les moyens curatifs ; et il
publia le résultat de son expérience
à cet égard, sous le titre à! Obser-
vations sur la dysenterie des Indes
occidentales^ i -^83, in 8°. Cet écrit,
qui fut réimprimé à Londres , et
qui a eu plusieurs éditions, étendit
beaucoup la réputation de son au-
teur. Il était alors chirurgien en
chef de l'île. La guerre entre les co-
lonies et l'Angleterre étant terminée,
il visita New-York, Philadelphie,
et la plupart des provinces améri-
caines, fut élu membre de la société
philosophique, passa quelque temps
à Londres , alla prendre son pi-emier
grade comme médecin à Leyde, et,
après avoir fait un nouveau tour
d'Europe , toujours dans l'intérêt de
son instruction, il se fixa définitive-
jnent à Londres, eu 1785. De nou-
veaux écrits le firent connaître avan-
tageusement , notamment un Traité
sur l&s propriétés et les effets du
Café ( 1 785 , in-8".) , qui eut une 3".
édition dans la même année, une 5*^.
en inçfi; et un Traité sur les ma-
ladies des Tropiques ( 4*-'. édition ,
1806 , in - 8^^. ) ; deux sujets que ,
sous le rapport de la science , peu de
personnes pouvaient traiter mieux
que hii. Dans le premier de ces écrits,
il donne l'historique du calé , et il
expose les avantages de sa culture, et
surtout de son usage, avec une com-
plaisance qui lui mérita des témoi-
gnages de reconnaissance de la part
des colons. Moseley ayant eu le
bonheur de soulager sensiblement le
comte Mulgrave dans une maladie
234 MOS
nerveuse; cet homme d'état , devenu
son protecteur, lui piotura la place
de médecin de l'hôpital militaire de
Chelsea, où rhumanite du docteur
le fit chérir autant que ses talents le
firent estimer. On cite, entre autres,
une occasion où il arrêta de son au-
torité l'instrument fatal qui allait
amputer la jambe d'un pauvre inva-
lide, dont lui-même piit soin, et
qu'il rendit prompteraent à la santé,
sans recourir à l'opération. 11 publia,
en 1799, un Traité sur le Sucre,
in-8'., qui eut du succès, et qui a
eu deux éditions. Heureux s'il se fût
borné à traiter des sujets aussi po-
pulaires; mais il vivait depuis long-
tcmp.s en mauvaise inielligence avec
ses confrères. 11 se montra l'un des
plus ardents ennemis de la vaccine ,
qu'il rcj^ardait comme une innova-
tion des plus dangereuses , comme
un A-éritable enipuLonnement. Ce fut
eu i8o5, quil entra en lutte pres-
que seul contre la t'acullé: il assurait
dès-lors que le monstre avait expiié
sur son sol natal. Ses écrits à ce
sujet offrent im style plein d'images,
mais aussi beaucoup d'acreté. 11 pré-
fend qu'outre que la vaccine ne
donne point de sûreté contre la pe-
tite-vérole , elle a produit eile-mêjue
nombre de maladies inconnues au-
paravant , qu'il nomme faciès bo-
uilla , scabies bovilla, linea boi'il-
la , etc. En 1808, un ecclésiasti-
que, Rowland Hill, grand partisan
de la vaccine , et qui s'était vanté
d'avoir, de sa propre main, vacciné
heureuseuîent plus de 4600 person-
nes, s'ciant attaqué à notre inévlcciu,
en fut traité, dans une épître à son
adresse, avec une extrême grossièreté
sur des points qui n'étaient nullement
médicaux. Moseley, qui professait
eu politique les principes des Whigs,
soigna Fox dans sadenùcre maladie.
MOS
II mourut, le i5 juin 1819, dans
un âge avancé. Il ])assail pour être
très-hardi dans le traitement des ma-
ladies. Nous ajoutons ici ceux de
ses ouvrages que nous n'avons pas
encore cités : — Traités médicaux ,
i8o3, in-S"., 2^, édition. — Traité
sur la Lues Bovilla ou vaccine^
i8oti , in - 8°. ; traduit en français
dans le livre intitulé : La vaccine
combattue dans le pays où elle a
pris naissance , Paris, 1807,1118*».
— Commentaires iur la Lues Bo-
riLLA, î8o4, iu-8''., et i8o5, iu-
8°. — Examen du rapport du col-
lège des médecins sur la vaccine ,
1808 , in- 8". — Traité sur Vliy-
drophobit! , 1 808 , in - 8°. L'auteur
croyait avoir enfin trouvé \\\\ re-
mède contre cette terrible maladie.
Parmi les écrits dirigés contre lui ,
on cite : Epître s héroïques de la
mort à B. Muselej , sur la vaccine,
1810. L.
MOSER ( George -Michel ),
peintre , naquit à Scbalfouse , en
1707 , et mourut à Londres , le 24
janvier 1783. Son père, chaudron-
nier de son métier , et artiste ha-
bile dans la ciselure, lui commu-
niqua son talent ; et le fils le perfec-
tionna pendant son séjour à Genève,
où il se voua spécialement à l'orfè-
vrerie. En 1 726 , il se rendit à Lon-
dres , et il y travailla plusieurs années
chez le fameux artiste lîaid, dans la
maison duquel il établit une petite
académie de peinture, qui fut sus-
pendue peu après jiar l'cloignement
('e Haid. Moser se maria, en 17.'.9,
avec Marie Guyuier , fille d'un
peintre de Grenoble : il reprit alors
sou académie; et comme il aA'aiî
mérité par ses travaux , l'attcnlion
et la bienveillance du roi, George
III s'en déclara le protecteur, mal-
gré les intrigues et l'euvie de plu-
MOS
siciivs arlislcs, ])airnl lesquels onpst
fâché tic trouver le nom de Hogarth.
Eti 1768, celte acidoniic dcpciiiliirc,
devenue celcbrc depuis, reçut son
organisation et sa dolaliou. Rey-
nolds en fut nomme le pre'sident,
et Moscr vice-pre'sident, avec une
pension de cent livres sterling. Il
reçut d'auîres preuves de la bien-
veillance du roi , qui accorda des
lettres de noblesse à lui cl à sa fille.
Ses peintures , ses médaillons en
émail, et ses travaux d'orfe'vrerie ,
qu'il ne discontinua point, furent
reclierche's pour le goiÀt et i'elc'-
gance cpii les distinguaient. Sa fille,
Marie, née en 17445 ^"t ''^"■'•si lia-
bile que lui dans la peinîure, sur-
tout poi;r les fleurs; elle a beaucoup
travaillé pour la cour d'Angleterre.
Ù— I.
MOSER ( Je AN- Jacques ), pu-
bliciste allemand , et peut-être le plus
fécond écrivain des temps modernes,
né à Stutigard en 1 701, fut, à l'âge
de dix-neuf ans , professeur extra-
oi'dinaire à l'université de Tubingue,
où il venait d'achever ses éludes. A
Vienne, on lui fit des ofi'res brillantes,
à condition qu'il changerait de reli-
gion. Moser, attaché à la sienne , re-
vint dans, sa patrie : il y passa d'a-
bord pour un agent secret de l'Au-
triche ; cej^endant il fut nommé, en
17 16, conseiller de régence à ,Str.tt-
gard. Ou assure que je duc do Wur-
temberg avait beaucoup d'inférêt à
éloigner Mosc; de la cosu* de Vienne,
pour l'empéiher de faire de raar.-
vais rapports à cette cour. Lors de
la translation de l'adniinisîration
publique de Stutigard à Louisbourg,
ce savant la quitta, et accepta une
chaire de droit à Tubingue. Il y eut
un grand succès; mais il finit par
se brouiller avec ses collègr.es. Noiu-
laéj en 1 73G, dircclcur de l'univer-
MOS 2.35
site, et professeur de droit, à Franc-
fort - sur - l'Oder , il s'établit dans
celte ville , mais seulement pour
trois ans. Il est à remarquer que Mo-
scr eut des désagréments jjrestpie
parlent où il vint s'éfabiir; ce qui
autorise à soupçonner f|ueson carac'
tère était un peu diiricilc. il se retira
dans la petite ville d'Kbfisdorf (pays
de Rouss ), et y travailla aux nom-
breux ouvrages qu'il a publiés, par-
ticulièrement à son j)foil public de
l'Allemaç^ne. rependant il se vit
interrompu plusieurs fois dans ses
travaux^ par les missions dont il fut
chargé pour diverses cours. Ayant eu
des querelles religieuses avec les Her-
nutes , qui le firent exclure de la
communion , i! quitta cette ville , et
entra, en 17477 au service de Hessc-
Hon.'bourg: il en sortit bientôt^ après
s'être aperçu qu'on ne suivait point
son système d'administration pu-
blique , et se retira , en 1749? ^1 H^'
nau, où il fonda une académie ou
institution , pour former les jeunes
nobles aux affaires publiques. Deux
ans après , il fut rappelé dans sa
patrie, où il occupa le poste d'avocat
consultant auprès des étals de Wur-
temberg. Ces états eurent quehpies
déu-iêlés avec le souverain: un mé-
moire qu'ils lui adressèrent , déplut
vivement aux ministres ; ils insi-
nuèrent au duc que INIoser en était
l'aulnur. En conséquence , le duc,
sans aucune forme de procès , et au
mépris du droit des états, fit arrêter
Moser, en 17.59, et l'envoya dans la
forteresse de iiohentwiel. Il y fut
détenu pendant cinq ans ; les quatre
premières années , il fut presqus
au secret : le duc alla même jus-
qu'à défeiidrc à Moser l'usage des
plumes et du papier, et même d'au-
cun livre, à l'exception des évan-
giles et des psaumes. Pour le dtli-
î>3(>
MOS
vrer, il fallut que les états se |ilai-
ciiissent au conseil .iiiliqiio de l'em-
j)ire , de la violation de leurs prero-
gjtives ; et ce fut sur un ordre de ce
idiiseil qu'il recouvra sa liberté. Son
]iersëcutenr, ayant reconnu son in-
nocence, lui accorda une pension
de i,5oo florins. Depuis ce temps ,
Moser ne prit plus aucune part aux
ailaires publiques. Il poursuivit ses
nombreuses occupations littéraires:
il continua d'écrire et de compiler
avec ce soin laboi-f^ux et avec cette
franchise qui ont fait valoir ses tra-
A'aux si multipliés. Il fut le premier
qui réduisit en système le droit exis-
tant ou positif des peuples d'Euro-
])e. Pendant un demi siècle, il tra-
A ailla sans relâche à recueillir, éclair-
rir et faire connaître les droits ,
les lois et les franchises de l'Alle-
luagne. « Ayant l'esprit trop élevé
pour être la cre'jlure de personne,
et trop juste pour tenir aveuglément
à un seul parti, il n'avait en vue,
dit son fils , que le bien général ; il
sacrifiait to'.it à cette considération ,
sans craindre l'ingratitude ni la persé-
cution : le piincc même qui le traita
SI durement, ne put lui refuser le ti-
tre de par fait honnête homme. » ]\Io-
scr mourut à Stuttgard , le 3o sep-
tembre 1785. Ses ouvrages sont in-
norabraliîes. Meusel , qui a publié
la liste de la plupart, en les rangeant
sous trente-une classes, assure qu'ils
se montent à plus dequatreccnts(i).
( i^ Mrusi-l u'a pas pris la peine de Im coiiipler
exactement : d'après la li^le iiiêine qn il donne , e
■ looibi-e des ouvrages ou opuscules de Moser s'élève à
/jS^ ; mais dans ce nomijre , i ^ sont denienr* s iuedils ,
iti lui sont contestés, et il y en a 4 dont il nV'il qu'é-
diteur. Le nombre des vninni' s qu'il a mis au jour
*-st vraiment prodigieux. S uis y comprendre 84 volu-
mes de réiiupressioDsou nouvelles éditions de ses ou-
vrages , ni les 4 volumes dont il ne fut qu'éditeur , ni
5i-'( Dissertations ou arlictes quM a fournis .-i trois re-
cneîls périodiques , et eu ne conipt.uit que pour un
roïuuic les ?0 numéros de ses IVotices hebdomadai
les det nouvelles littéraires de Souabe ( semestre
MOS
Il y a dans cette foule d'éciits, beau-
coup de petites Dissertations; mais
il s'y trouve aussi un grand nombre
de volumes in-4°. Au milieu des livres
de droit et de chancellerie , on re-
marque des ouvrages de piété , et
même des poésies sacrées. Ses ou-
vrages sur le droit public sont en-
core très-eslimés; et ceux qu'il a pu-
bliés sur le droit de l'ancien Empire
germanique , aA'aient une grande au-
torité dans les temps oii cet empire
subsistait encore ( i). Nous ne pour-
rons citer ici que les principaux ou-
vrages deMoser; nous suivrousdans
cette liste la classification de Meusel.
—Ecrits sur le droit public de l'Alle-
magne en général ; I. Flan de la
constitution moderne de l'Alle-
magne , Tubingue, 1731, réim-
primé six fois. II. .ancien droit pU'
blic d' Allemagne ,^iiremher^, 1 7 "27,
1753 , -26 volumes in-4". III. -You-
veaii droit public, Stuttgard, 17G6,
etann. suiv. Cette collection se com-
pose d'un grand nombre de Disser-
tations détachées. Une table géné-
rale de ces deux collections , un ex-
trait et des suppléments , ont paru
dans la suite , par les soins de l'au-
teur. — Ecrits sur les lois fonda-
mentales de l'empire: IV. La capi-
tulation électorale de Vempereur
d'été , Tubin^eu , 1721, iï.-8o. ) , la rollech'on de s^s
ttu\Tes se moute h à 70*.* volumes publies séj'aremcut ,
dont 71 sont iu- folio ! ! ! C. M. P.
(r) Sa ni.'oière de travailler seccud lit admir.ible-
ment son infatigable i.clivilé. Comme il r iilùl à-la-
fois dans sa tète le plan de plusieurs ouvrages , il
avait s <us la mnin diftireuts tiroirs tunjunrs prêt- h
s'ouvrir aux extraits qu'il faisait de ses diffi rentes
leclurcs. Le premier de ses tirjirs , qui se trouvait
plein, était aussi le premier employé, à moins qn'i^n
n'eut commandé une besogne exlr.iordin.tire , cas où
les tiroirs du rédaeteur lui étaient eoci-re d'un grand
secours. De cette manière de travailler, il n'est ré-
sulté d'abord que dos compilations de lonle» sortes
de formats . mais l'auteur ayant acqu s , peu-H-|)eu ,
par cet exerc ce , une counaissance aprofondie des
matières qu'il traitait , la plu;)art de st s reeoeils et
de SCS traductions se sont sonver.t fait lire avec p'aisir,
de (eux mèutc que les longs ouvra;:es peuvent eâ*rayer.
( Magas, encjrcl.^'. auD- 179!) , 1 , 384 )■
MOS
Charles / .// , Fraïuforl , i'j4'-i-4i)
3 V. in 4". V, Citjiilulalum de L'ein-
ftereur François, ibid. , x'j^G-^'j, •!
vol. 111-4". VI. Co minent aire sur la
paix de ff^estphalie , 1775 76, '2.
vol. iii-4'\ — Ecrits sur des matières
du droit germaHi(|ue : Vil. Dcduhils
regni germanicifinibus ^ Francfort,
1737, iii-4". ; rciinprimc plusieurs
fois. VIII. Manuel du droit public
de l' Empire , Francfort , 1 7G8-G(),
'2 vol. in-8". — Ecrits sur les cours
suprêmes de l'Empire: IX. Conclu-
sions remarquables du conseil an-
liipie de V Empire , Franfort, 1 7^6-
3-4 , 3 vol. in-8°. X. Conclusions
choisies, 174^^5 ^ ^^^- ^^' -^'o^-
velles et anciennes conclusions ,
1743-45, 4 vol. XII. Introduction
à la procédure du conseil aulique,
Francfort et Leipzig, 1731-37 , 4
V. in-8'\ — Recueil dé pièces : XIII.
Rapport officiel sur la persécution
des Protestants , dans le pays de
Salzbourg, ïubingue, 1 732, réim-
prime deux fois. XIV. Manuel
des villes impériales, Tubingue,
1732-33, ia-4°. — Ecrits sur le
droit public des états de l'Empire,
XV. Esquisse de droit public des
électeurs ecclés astiques, Francfort,
1738. W\. Droit public d'Aix-la-
Chapelle, Augsbourg , Constance,
Trêves, Zell , Anhalt , Nurem-
berg, etc. , plusieurs vol. in-fol.
— Ecrits sur les affaires et le droit
public de l'Europe : XVII. Nullité
des prétentions espagnoles sur V or-
dre équestre de la Toison-d'or ,
I723,in-4^.XVI1I. De jure et modo
succedendi in régna Europœ , Fran-
fort, 1739, in-4".; réimprimes fois.
XIX. Principe du droit des nations
européennes en tem^^s de guerre,
Tubingue , 1 75'>. jin-S**. XX. Essai
du plus moderne droit des peuples
d'Èuvpe, en paix et en guerre^
MO.S
23-
Stuttgard, «777-80, 10 vol. iu- 8".
XXI. Supplément au droit public en
temps de paix, 1778-80, 5 vol.
XX II. Supplément , etc., en temps
de guerre, 1779-81 , 3 vol. in-.S».
XXXI 1 1 . ]j'Ain érique du ISord, d'a-
près les traités de paix de l'an 1 183
Leipzig, 1784-^5, 3 vol. in -8*^.
— Écrits sur le droit ecclésiastique :
XXIV. Coipus juris evangi'licorutii
ecclesiastici , Zullichau . 1 737-38 ,
u val. in^". XXV. Dissertations
sur le droit ecclésiastique allemand
Francfort et Leipzig , 177'-*, in -8*\
XXVI. Dissertation sur les droits
des Jésuites en Allemagne ( Ra lis-
bonne), in-fol. — Écrits sur la poli-
ti pie, l'administration. etc.: XXVII.
Introduction aux affaires de chan-
cellerie, Hanau. 1700 , in-8''. Prin-
cipes de l'ait du gouveiyiement rai-
sonnable , 1753-1761. XXVIIL
Anli-Mirabeau, ou Ob sensation s im-
partiales sur la forme du gouverne-
ment naturel, du marquis de Mira-
beau, Francfort et Leipzig, i-'-i ,
iu-8'^. — Ecrits sur l'histoire politi-
que de l'Allemagne: XXIX. Histoire
politique de i" Allemagne , sous le
gouvernement de Charles Fil, lé-
na , 1743-44, -1 vol. in-8\ XXX.
Introduction aux plus nouvelles
ajf aires politiques dé V Allemagne ,
1750, 1756. XXXI. Histoire nou-
velle de V ordre équestre immédiat,
Francfort et Leipzig, 1775-177(5,
1 vol. in-80. XXXli. Histoire p:di-
tique de la guerre entre l'Autriche
et la Prusse en 1 778 et 79, Franc-
fort , 1779. in-4°. — Écrits théolo-
giques et de piété. XXXIÏI. Triple
ébauche d'uni* histoire du rojaume
de Jésus-Christ sur la terre , parti-
culièrement depuis le temps de Spr-
ner, jusqu'à ce jour, ( Ebersdorf )
1745, in 8». , et beaucoup d'antres
livres daiiile même esprit de piétis-
a38 MOS
me. XXXIV. Heures dernières de
trente-un suppliciés , Stiiltgard ,
1753, 1767. XXXV. Cumidéra-
tions surXts évangiles îles dinianclics
et tlcï fêtes, 1774» ^11^' XXXVI.
Cimjuante cantiques sjnrituels ,Ti\-
bingiie , 173^ iu-12. , XXXVII.
Chansons pour les cas de maladie,
1 76 ï ; ic'iuiprime 4 lt>is. XXXV ill.
Les Libertés relir^ieu^es et les g iejs
des éfani^éliffues dans toute V Euro-
pe, Ebersdort", 1741- XXXIX. Rap-
ports dj Ilanau sur les ajjaires re-
ligieuses, i75o-5i, 2 vol., qui ont
e'té suivis de plusieurs volumes de
ïiouvcaux rapporis. — Mélanges:
li]j.Bibliotheca Mss. maxime anec-
dotorum, Nuremberg , 1722 , in-4°.
XLI. Jugements impartiaux sur des
livres juridiques et historiques ,
Francfort et Leipzig, \n.vi-j.î),(j
cahiers. XLII. l'ihliotheca juris lu-
hlici S. Imperii, Tiibingue, 1729-
34, 3 parties. XLIII. Dictionnaire
des jurisconsultes vivants en .Alle-
magne , Zullicliau , 1738; nouv.
c'dit. augmentée, i739.XLlV.-/Yo«f.
hibliothcque du droit public d'Alle-
magne, 177 1. XLV. Dictionnaire
des savants fVurlembergeois, 1772,
1 vol. iu-S". ( Il avait de'jà donné,
en 17 18, les Vies de dix professeurs
de théologie de l'université' de Tu-
bingue,et, en 17^4) f^'^uriembur-
gia litterata viva , dccas i '' . , ïu-
Lingue, in-8°., etc.) XLVI. Miscel-
lanea juridico - historica , Nurem-
berg, i7.îo-3o,'.i vol. in-8''. XL\1I,
Moseriana^Vinnc^on et Ebersdorf,
1739, 2 vol. in-8". XLVIII. Opus-
cula academica, le'na, 174 4- H *
public' deux ouvrages sur la généa-
logie de sa famille; et il a écrit sa
propre vie, eu 4 vol. in'-S"*. , Franc-
fort et Leipzig, 1777-83. Le fils de
Moser, et un grand nombre de bio-
graphes allemands , ont également
MOS
donne' des Notices sur ce juriscon-
sulte infatigable. D — g.
MOSEll ( ruÉDERIC-CHAHLES de ),
fds du préiédent, natj lità Stuttgaid,
le 18 décembre 1713. Après avoir
faitses études à léna, il se forma, sous
la direction de son père, aux alFaires
jjubliques : en 1749, il fut nomme
conseiller auliquc i.e Hcsse - Hum-
boui-^; il aida ensuite-son père dans
la direction de son académie de chan-
cellerie. An bout de deux ans, cet éta-
blissement étant tombé , Moser ren-
tra dans les fonctions publiques , et
il y, avança rapidement: d'abord ,
député des deux liesses , au cercle
du Haut-Rhin, il reçut de l'empereur
d'Autriche, en I7<)3, un diplôme
de renouvellement de noblesse • puis
il fut nommé, au conseil aalique im-
périal, baron , et administrateur du
comté irapéiial de Falkenslcin. Eu
1770, il fut mis à la tète des af-
faires publicpies , à Darrasfadt , avec
le titre de premier ministre et de
chancelier; mais celte élévation fut
j)0ur lui le sujet de beaucoup de
désagréments. Se voyant disgracié ,
et attaqué dans son honneur, il prit
le parti de se rendre à Vienne , et
d'intenter un procès à son souverain
devant le conseil aulique de l'empire.
Ainsi que son père, il obtint satisfac-
tion de son ancien maître. Le land-
grave lui rendit ses biens séquestrés ,
paya même les revenus échus , et lui
assigna une pension de 5ooo florins.
Moser se relira dans le Wurtem-
berg , et v mourut, le 10 nov. 1 79S.
Il n'a pas écrit autant que son père;
cependant , le nombre de ses ou-
vrages , qui ne sont guère que des
compilations, est très - considéra-
ble. Eu voici les principaux : I.
Recueil des recès du Saint -Em-
pve romain, Leipzig et Ebersdorf,
1747 j 3 vol. in - 4°' II- Essai
MOS
d'une .^raininairff pniiliquc^ Franc-
fort , i7'i<)i iii-9". m. Vc's laii^Ui's
de courel iL'éliii en j'Jaiope , ihid.
17.50, in-8". IV. Coinmentarius
de TituLo Domitù , Leipzig , 175»,
111-4". V. Oimscules pour servira
V explication du droit ptihlic et des
nations, et du céréinoniid de cour
et de chancellerie, Francfort et
l.cipzijï, 1751(35, i'2 vol. ia-8".
VI. Aniuseinents diplomatiques et
historiques, ibirl., 1753-64, 7 vol.
in-8°. Vil. L'ambassadrice et ses
droits, 1754. Vin. Le Maître et le
Serviteur, ou les Devairs réciproques
d'un Souverain et de son Ministre ,
i75(), 1763; irad. en fiançais pav
Chainpigny, Himbourg, 1761. IX.
.LaCouv, en fahles , Lcipzii:;, 17O1;
IVIanhciin , 178G. Il a donne', eu
1789, de nouvelles f.ibles. X. Opus-
cules moraux et politiques , Franc-
fort , î 763-64 , 'i vol. kl. Mémoires
pour servir au droit public et des
nations, ibid. , 1764-7'^, 4 vol, XII.
ïjcttres patriotiques , ibid. , 1767.
XIII . Apoloi^ie du comte de Goertz,
ministre de Sue'de . tire'e des actes
aiitlientiqncs , ^'J'J^j Haïubourg ,
1791. XIV. Archives patriotiques
pour V Allemagne , Francfort et
Lcipzip; , 1784-90, i'.i vol. in-8^.,
auxquels if fit succéler de Nouvel-
les Archives, Manhcira et Leipzig,
179*2-94, 2 vol. in-8". XV. Vérités
politiques, Zurich, 1796, '.i vol.
XVI. Mélau'j^es, ibid., 1796, 'i vol.
— MosER ( Guillaume - Godefroi ) ,
fils d'un pasteur wurtemberf^pois ,
qi'.i est auteur d'un Lexicon manua-
le hebr'aïcum et chalddicum , pu-
l)!ie à Ulm en 1 795 , naquit à Tu-
hiui'ue en i7".i9, fut conseiller in-
time et pre'sidenl àDanustadt, puis
députe de cercle, à Ulm. I! est mort
le 3i janvier 179). On a de lui: I.
Ïj€S Principes de l'économie fores-
MOS
239
tière , Francfort et Lcipzi;^, 1757 ,
'i vol, in-8'*. II. Les Archives fores-
tières , Ulm, 1788-96, 17 volu-
mes in-8". D — G.
MOSiai ' Jt-STE ). F. AIOKSER.
IMOSES MENDELssoim. F. Mm-
DKf.SSOUiV.
MOSUEIM (Jfan-Laurent de) ,
théologien protestant , et Fun des
créalturs delà littérature allemande,
était issu de l'ancienne maison des
barons de Moshcim, qui a fleuri
long-lems en Suisse et en Slyrie. Né
le 9 octobre 169J, à Lubeck, il fut
eleve dans la communion luthé-
rienne, quoique son père, qui était
entre dans la cirrière des armes ,
fût attaché à l'Eglise catholique ro-
maine. Il eut d'abord des institu-
teurs particuliers; il suivit plus tard
les leçons du gymnase de Lubeck,
et termina ses études à l'université de
Kiel. 11 fit en peu d'aimées des pro-
grès extraordinaires. La manière
dont il remplaça dans toutes les fonc-
tions pastorales , Alb. zum Feide ,
premier prédicateur et professeur à
KicI, et quelques écrits sur des ques-
tions de théologie et d'histoire
ayant de bonne heure araioncé ce
que !a religion et les sciences pou-
v.iieut se promettre des lumières et
du zèle d'un jeune homme qui déJ)u-
tait avec tant d'éclat et un si bon es-
prit , il se vit, dès son entrée dans la
carrière de l'enseignement , recher-
ché par ])lusicurs gouvernements.
Parmi les oUies honorables qui lui
furent faites, il donna la pré.f"érence
à la proposition du duc de Bruns-
wick. Nommé professeur de théo-
logie à l'université do Helmslsedt, il
en fut , depuis 17*23 jusqu'en 1747 ,
le principal ornement , par son élo-
quence et son rare talent pour l'ins-
truc'ion scolaire et pour !a pré-
diGaîiou j par Icj nombreux ouvra-
'2\o MOS
j^es qui étendaient de plus en plus
la célébrité de son nom et celle de
l'univeisilc à laquelle il était atta-
ché; et par rinfliienre salutaire que
ses vertus exercèrent sur la jeunesse
et sur le public , ép;alenient avides
de ses leçons académiques et des
sermons qu'il prononçait dans la
cliaire sacrée. Le duc de Brunswick
lui conféra toutes les dignités aux-
quelles il était en son pouvoir de l'é-
lever. Membre du conseil qui avait la
direction suprême de l'église et de
l'instruction publique , abbé de Ma-
rientbal et de Michaelstein , inspec-
teur-général de toutes les écoles du
duché de WoHcnbuttel et de la prin-
cipauté de Blaiickenburg , il reçut en-
core , de souverains étrangers et de
diverses sociétés savantes, des n)ar-
ques de la plus haute considération.
Celle qui avait été fondée à Leipzig ,
souslc nomàç Société allemande { F.
Gottscued), ayant perdu, en 1732,
son président, J. Burcard Mencke ,
Mosheini fut nommé pour le rem-
placer , comme celui des écrivains de
l'Allemagne, qui avait le plus con-
tribué à donner de la correclinn , de
l'élégance et de l'harmonie, à la lan-
gue dont le perfectionnement était
l'objet des travaux de cette société
( /^.Mencke). En 1747, le gouver-
nement d'Hanovre réussit à enlever
Mosheim à l'université de Helras-
tœdt , et à lui faire accepter une chai-
re de théologie à Cvottingue , avec
le litre de chancelier de l'université
récemment fondée; dignité dont,
avant et après lui, aucun des illus-
tres professeurs de cette académie
n'a été revêtu. Il mourut, épuisé de
travail, le 9 septembre 175J, à
l'âge de soixante-un ans. Malgré la
faiblesse de sa santé, et les droits
que lui donnaient au repos, des ser-
vices immenses rendus aux lettres et
MOS
à l'instruction publique , il ne ces-
sa pas de consacrer, jusqu'à sa fin ,
trois heures par jour à des cours de
théologie dogmatique, morale, his-
torique , suivis avec ardeur, non seu-
lement par les jeunes gens qui se
vouaient à l'état ecclésiastique , mais
par des hommes de tout âge et de
toutes classes , attirés par cette élo-
quence persuasive qu'une rie exem-
plaire rendait plus cfllcace encore,
tjon enseignement oral avait tous les
caractères qui fout de ses écrits une
lecture singulièrement attachante
la pureté , l'élégance et les grâces
naivcs de sa diction , étaient l'expres-
sion de sa belle arac, autant que le
fruit de sa profonde connaissance
des grands modèles de l'antiquité.
Une suavité toute particulière, une
douce chaleur, et le talent d'ennoblir
les choses qui paraissent les plus
simples , lui donnent quelque res-
semblance avec Fénélon. En général'
on peut affirmer qu'aucun écrivain
de l'Allemagne , si l'on excepte Gel-
lert , ue s'est , autant que Mosheim ,
approché de l'archevêque de Cam-
brai , par le caractère du style et
par les qualités du cœur. H serait
difficile de nommer une des nom-
breuses branches des sciences théo-
logiques, qui ne lui doive de nou-
velles richesse.s et des améliorations
réelles. Toutefois ses travaux les
plus importants sont relatifs à la
morale et à l'histoire de l'Eglise. Il
passe a juste titre, chez les Protes-
tants , pour être le véritable réfor-
mateur de la dernière , par une con-
naissance plus étendue des monu-
ments , et des sources de tout genre ;
par la sagacité d'une critique aussi
fine qu'iugéniease , par le coup-
d'œil pénétrant et sîir , qui embras-
se tous les événements , et surtout
par une rare impartialité et une mo-
MOS
dératîon également éloignée cit l'Iii-
ditlerence relip^icose et des préven-
tions de parti. Ces avantages de la mé-
thode et des ouvra;^es de Moslieim
ont été reconnus cl loués par do sa-
vants théologiens , apparlenant à
des communions dilTerentesS. Si les
services qu'il a rendus à l'histoire
ecclésiastique , ont eu phis d'éclat
pour avoir eu des juges et des ad-
mirateurs parmi loiiLes les notions
civilisées, l'iulluencc qu'il a exercée
sur la chaire sacrée dans sou pays ,
et sur toute la litteiature allemande,
suppose peut-être encore plus dfe
talent créateur, et plus de grandes
facultés de l'esprit et de i'ame. Dire
que Moslieim a été pour sa patrie
ce que Tillotson lut pour l'Angle-
terr«, c'est mal apprécier les pro-
j;rès que l'illustre chancelier de
Gotlingue a fait faire au style di-
dactique , et à l'éloquence sacrée ,
parmi ses compatriotes. AGn d'eu
juger dignement , ahn d'estimer
ce qu'il a fallu de jugement , de
goîit , d'efforts , pour donner à la
prose allemande les qualités qui bril-
lent dans les sermons de Mosheim :
la pureté, l'élégance, l'harmonie, la
propriété et la souplesse d'expression
qui suit tous les mouvements de la
pensée et du cœur ; on a besoin de
rappeler la pédanterie, la recherche,
l'incorrection, le défaut de noblesse
et de dignité, la bigarrure de ter-
ïnes empruntes à tous les idiomes,
l'iusupporlabie prolixité, qui carac-
térisaient les productions littéraires
de ses concitoyens à l'époque où il
débuta. Un juge bien compétent ,
lui-même un des réformateurs de la
littérature allemande , Gellert ( P~.
son art.) , celui des écrivains classi-
ques de sa nation, qui , par sa piété
et sa modestie , oiTre peut - être le
plus d'analogie avec Mosheim , a
XXX.
MOS
3tl
proclamé le mérite de son émule
dans ses Leçons de murale , ea
termes qui honorent égaii-uient l'ua
et l'autre : « C'est un ouvrage ( dit
w Gellert en parlant du Traité de
)) morale de Mosheim ), qui porte
5> l'empreinte du génie et des lu-
» mières d'un homme qui a é;é
» la gloire de notre âga , et que la
» postérité admirera peut-être ju>-
» qu'à désigner l'époque du bon goût
» de l'éloquence allemande par le
» nom de Siècle de ?iIosheira,comm8
» le plus beau période de la philo-
» Sophie grecque a été appelé le sié-
» cle de Socrate. » (Trad. franc, des
Leçons de morale , t. i , leçon lo^.
p. 2'24 , Paris, 1 787 , et OEuvres de
Gellert, Leipz., 1784, t. vi,p. 'i\o
et suiv.) Mosheim enseignait comme il'
écrivait. Son éloquence avait toutes
les qualités que le poète romain com
prend sous les termes de facundici
et lucidus ordo. Le pouvoir de ce ta-
lent était augmenté par une absence
de toute prétention à l'effet , et par
une modestie , une abnégation de
toute vue personnelle, qui ne lais-
saient aucun doute sur la force de
sa conviction et sur la profondeur
de ses sentiments religieux. Si, parmi
les hommes distingués qui ont paru
s'être le plus approchés de l'idée
de la perfection chrétienne , les
grands théologiens brillent au pre-
mier rang, et se font remarquer par
une humilité sincère et une inépui-
sable charité ; si l'on remarque
l'union des vertus et des bunièros,
du talent et de la docdité, d'une rai-
son forte et d'une piété fervente ,
d'un esprit étendu et d'une soumis-
mission absolue aux principes de
l'Évangile, qu'offrent dans l'église
protestante les Spenor, lesBaumgai-
ten , les Bengel , les Cramer , les
Less, les ^'^ssell, les Monis , le*
16
'^7. rûos
Slorr cl les Rcinhard; dans aiiruti
de ces modèles de savoir et de foi
clirëticuiie, cette rcunioiï ne s'est
jnoulree peut-être avec autant «l'e'-
clat que dans le cliaucelier de Got-
tiugiie. Dans Moslicira, comme dans
CCS hommes si c'mincnts par leur
vaste érudition et par leurs grandes
iacultcs , le principe qui vivifiait leur
immense savoir, et qui guidait leurs
profondes méditations , était l'a-
jnour de Dieu et des liommcs. Ils
croyaient parce qu'ils aimaient. —
Après avoir indique' le principe ,
pour ainsi dire , régulateur des tra-
vaux de Mosheim , et caractérisé
leur tendance gc'ne'rale, nous allons
citer les plus considérables et les
plus utiles : la liste complète de ses
ccrits, au nombre de iGi , se trouve
dins les bibliographes allemands,
^losheim lui-même a publié à Helra-
slœdt, i-jSi , un Catalogue raisonné
des écrits qu'il avait mis au jour ,
jusqu'à cette époque. On n'y trouve
dune pas ia notice de ceux qui sont
les plus importants , et auxquels
nous devons borner la nôtre. I. six
Tol. de Serinons, Hambourg, I747>
in •8*'. Le i®*". tome contient une
dissertation remarquable sur l'éter-
nité des ])eincs. Plusieurs des dis-
cours renfermés dans les trois pre-
miers volumes ont été tradidts eu
français , en anglais, en espagnol ,
eu hollandais et en polonais. II. La
Morale de V Ecriture-Sainte , en 9
vol. iu-4°., 5". éd., Leipzig, 1773;
les 4 derniers volumes sont de J. P.
Miller, sou disciple, et son succes-
seur dans la chaire de théologie à
Gottinguc. Gellcrt , dans sa revue
des traités de morale, assigne à ce-
lui c'e Mosheim le premier rang.
Le même 3, P. Miller , moi-aliste
dist' ' " "". Sommerau, eu
C2t ■ iibréfiés; le ï<^"é
MOS
en un seul volume ( Lcip/.ig, Î777,
in-S**. ), le dernier en deux, (Jucd-
liidjourg , 1771 , in-S**. 111. Instiln-
tionian historiœ ecclcsiaslicœ , on-
tiffuioris et recentioris , libri ir ,
llelmsla3dt, i 755, iu^". La i*"". éd.
est de 1726 , iu-8". , Francfort j la
dernière, de i7()4, a été soignée p;ir
Miller , qui a placé en tête une Noti-
ce des écrits de Mosheim. J. A. Cli.
d'Eincm et J. R. Schlegel ont Iradiiir
celle histoire en allemand, el l'ont en-
richic : i ". d'extraits des autres nom-
breux ouvrages de Mosheim , qui ont
rapport aux différentes parties de
l'histoire de l'église chrétienne; 2".
des notes du traducteur anglais Ar-
chibald Maclaine : cette traduction
anglaise a elle-même été traduite en
français ( par Eidous ) , Maestricht ,
6 vol. in-8*'. , et Yverdun , 1770 ,
7 vol. in 8<^. Celle d'Eiuem ( Leipz. ,
1 769-80, en 9 vol. gr. iu-8°. ) inter-
cale dans les endroits convenables, ce
q\i'offrenl de plus important les l);d-
tc's spéciaux de Mosheim , parmi les-
quels l'Histoire du premier siècle de
notre ère ( Inst. Mit. chr. majores
^œc. I , Helmstœdt , 1739, iu^"- ),
et celle des temps qui ont précédé
Constantin (i9e rehus Christianonan
unte ConstantinumM. commentai ii,
ib. , 1753, in-4°.) , sont les plus ic-
marquables : mais il en est résulté
un ouvrage trop volumineux, où il
ne règne aucune proportion cutjo
les diverses parties. On lid préfère
la traduction allemande de Schlcgc] ,
qui a paru à licilbronu ( 1 7 79 , 4 vol .
in - 8". ) , avec une continuation jiis-
qu'cn 1789. IV. Une version latine
du Systema intellectuale de Cud-
Avortli , léua , 1738, in - fol. La
deuxième édition , imprimée à L( y-
de, en 2 vol. in-/}.". , 1773, est en-
richie des corrections et des aug-
mentations que le traducteur avait
1M0:Î
lùilcs sur l'exemplaire de Pc'dilion
m - fol. ( V. CunwoRTii. ) Les noies
Je Mosheiin sont dignes de l'orii^i-
nal ; et son slyle latin , Tort aç!;rcab)e ,
est meilleur que dans son Histoire
ecclcsiasticjiie, où l'on voit, non sans
étonnement , l'cditcur du livre de
Morhof : De jnird dictione latind
( Hanovre , i yi.ô , in - 8^. ) , et de
celui d'Ubert Foîieta : De linsiice
o
lalinœ usu et prœstantid ( ibid. ,
17^3, in-8".) , se servir sans cesse
de l'imparfait dans le sens du parlait
défini , faute dans laquelle l'a fait
tomber sans doute l'aoriste alle-
inand, qui, de même que l'anglais ,
a une double signification , indiquée,
en latin comme en français, par des
formes dilllnentcs. La partie la plus
prc'cicuse du Commentaire de Mos-
îieim concerne les pliiiosophos de
l'école d'Alexandrie, leur influence
sur lecbristianisrae, elles modifica-
tions que la doctrine de l'Évaugile
fit subir à celle de Platon par ce
que ces philosophes en empruntè-
rent. Aux notes sur Cudworlh, rela-
tives à cette matière aussi grave que
difficile, et nullement épuisée, il faut
joindre quelques Traites parliculierr.
de Mosheim , qui jettent un grand
jour sur -l'action léciproque de l'E-
glise clirélienne et de l'école d'A-
lexandrie : De îurhald per recentio-
res Platonicos ecclesid{k la suite de
son Cudworlh , et augra. dans ses
Diss. ad hist. écoles, perlin. , vol. i,
p . 85 , ss. ); — De studio Elhiiiconim
Chnstianos imitandi ( ib. , p. 32 1 ,
ss. ) ; — De creatione mundi ex ni-
hilo (p. 125-258) ; — des Commen-
tationes vnrii argumenti , rec. J. P.
Miller , 1751 , 111-8". ), où Mosheim
montre avec une grande évidence,
que les Platoniciens n'ont point con-
nu ce dogme avant (\\x& la religion
chrélicmic se répandit ; et qu'en s'ex-
MOS 9.43
primant de manière à faire penser
(pi'ils l'adoptent, les ])hilosoplies du
l'école d'Alexandrie disent toute au-
tre chose que nos livres saints, on
se incitent en contradiction avec les
principes fondamentaux de leur .s\ s-
tème , lorsqu'ils admettent la créi-
tion dans l'acception orthodoxe dcs
Chrétiens. V. ISous ne pouvons ici
c'nuraérertouslcsécriîsdcMoshciTn,
relatifs à l'histoire derÉdise. il n'v
a prc%q:ie pas d événement intéres-
sant dans cette histoire, ou de ques-
tion difilcile, élevée sur les dogmes
ou leurs modifications dans les divers
systèmes des sectes ou des commu-
nions anciennes et modernes, qu'il
n'ait traiic dans des Mémoires oii
brillent un rare savoir, une sagacité
et une impartialité plus rares encore.
Les plus remarquables de ces écrits
concernent la différence des Naza-
réens d'avec les Ebionites; l'impos-
teur Apollonius de Tyanej les mira-
cles du diacre Paris; la flamme pre'-
tendue sacrée , qui descend sur le
tombeau de Jésus-Christ, à Jérusa-
lem , le vendredi saint; les livres sup-
posés par les Chrétiens du pi'cmier
et du deuxième siècle de notre èrcj
les apologies de TertuUien , d'Athe-
nagore, etc. La plupart de ces mé-
moires sont imprimés dans trois
recueils publiés par lui - même, ou
par son disciple Miller : 1°. Disser-
tationes ad hist. eccles, pertinen-
tes, Alloua, 1731 et 1743,2 vol.
in-4''. , de 768 pag. chacun , nour.
édit. , 1 767 , in - 8°. ; — 2«. Dis-
sertationum ad sanctiores discipli-
nas pertinentium Sjntagma, Leip-
zig , 1733 , in - 4". de 891 p. ,
avec les Traités de Moyle et de P.
King : De legione fidminatrice. —
S*». Commenlationes et orationcs
varii argwn. , Hambourg, 1751,
in - S^. de 648 p. L'éditeur , J. P.
244
MOS
Miller , a fait imprimer le Recueil des
opuscules allemands de Moslicim , à
Hambourg, i-yjo, in-S". Son équité
naturelle paraît l'avoir abandonne
dans le jugement qu'il porte sur
Calvin et sur sa conduite à l'égard
du mcfdecin espagnol Michel Servet :
Historia Mich.Sejveti, i']3'j, in-:}».
— Nouvelles recherches sur Servet.,
1748 ( en ail. ), Helmstasdt , 1750,
in - 4^^. 11 oublie tout-à-fait que la
légitimité de la condamnation au
feu , des hérétiques , était reconnue
par toutes les communions chrétien-
nes , dans le siècle de Calvin, et que
ce réformateur fit tout ce qui dépen-
dait de lui pour obtenir l'adoucisse-
ment d'un supplice auquel la juris-
prudence du temps ne lui eût pas
permis d'arracher entièrement Ser-
vet. Les plus remarquables parmi
les autres ouvi-ages de Mosheim ,
sont : VI. Findiciœ antiquœ Chris-
tianorum discinlinœ adv. Tolandi
Nazarenum , Kiel, 1720, in-4°-,
2<=. édit.; Hambourg, i']'i'i , in-8°.
VII. Historia Tartarorum eccle-
siaslica , \']l^i, in- 4". de 21G p.,
( par H. C. Paulsen, sous la direc-
tion de Mosheim ). VIII. Une Expli-
cation en ail. des Epitres de S. Paul
aux Corintliiens et à Timotliée ,
1741 •, in-4'^', et 1762-4; 1755 , in-
4". IX. Une Trad. ail. d' Oris;ène
contre Celse , avec des notes , Ham-
bourg, 1745 , in-4*'- X. Une His-
toire des hérésies (en ail.) , Helmst. ,
i746,iii-4°. XI. Ses Inslitutiones
hist. christianœ majores sœc. i ,
1789, in-4°., n'ont pas été conti-
nuées. Les matériaux de ce volume
sont fondus dans le meilleur des
traités particuliers de Mosheim: De
rébus Christianorum ante Constant.
M. , Helmstaidt, 1 753 , in- 4". Après
sa mort, on a publié, d'après ses le-
vons ou sur ses manuscrits : XII.
MOS
Elementa theologiœ dogmaticœ ,
Nuremberg, 1758 , in-B".; S*", éd. ,
1780. XIII. Lue Théologie polé-
mirpie, publiée par C. E. de Wind-
heim, Butzow , 3 vol. , 1763 - ,\ ,
in-4''. XIV. Leçons sur les preuves
de la vérité et de la divinité de
la religion chrétienne , publiées p'ir
Godcfroi VVinkler , Dresde, 1704;
in-8". XV. De Beghardis et Beg'u-
nabus , éd. Ge. Henr. Martini, Loip
zig, 1790. in-8*'. Mosheim s'était
marié trois fois : du premier lit, il
eut deux fils et une fille; du troisième
lit, M™^. la duchesse de Noailles ,
veuve du comte Golowkin. S — r.
MOSLEMAH appelé Maselmas,
par les historiens du Bas-Empire ,
fameux capitaine arabe, était un des
fils du khalyfe Abdel -Mclek. Il ne
régna point ; mais il commanda les
armées musulmanes , avec autant de
gloire que de succès , pendant le kha-
lyfatdesesfrèresWalidpr.SoIéiraaii,
Yczidll, etHescham. Il sedisting!:a
principalement dans ses expéditions
contre les Grecs , dont la première
eut lieu , suivant les Arabes , l'an 86
de l'hég. ( 703 de J.-C. ) , ou quatre
ans plus tard , suivant Théophane.
Il prit Tyane , Amasie en Cappa-
doce , conquit une partie du Pont et
de l'Arménie , et ravagea la Galatie.
L'an 97 ( 716 ) , sous le règne de
Soléiman , il s'avança jusqu'à Amo-
rium en Phrygie , à la tête de cent-
vingt mille hommes , surprit Per-
game , et établit ses quartiers d'hiver
dans l'Asie mineure. Dès le prin-
temps, il traversa l'Hellespontà Aby-
dos, défit l'armée impériale qui cou-
vrait Constautinople, et investit cette
capitale par terre et par mer. La
peste et la famine y enlevèrent plus
de soixante mille habitants : mais
les mêmes fléaux, joints à la rigueur
du froid, aux attaques dts Bulgares,
MOS
et aux terribles cflcts (lu fou grégeois,
<Hii dc'liuisit la plus grande ])arlie de
la flotte musuimau»! , causi-rcut des
perles» bien ])Ui.s considérables aux
Arabes. iMosleniah, ayant appris la
mort de son IVc-re Soloiinan , rampiia
en Syrie les débris de son année,
l'an 99 ( 7 1 7 ). Ce siège mémorable
avait duié deux ans et demi , si
l'on y comprend toute la durée de
l'expédition. Sous le khalyl'at de
Yezid 11, Moslemah mit fin à la ré-
volte du fameux Yezid ibu M;;îdcb ,
le vainquit , et lui fit trancher la
tète ( V. Yezid iln IMahleb ). Le
khalyte , pour récompenser les ser-
vices de son l'rcrc , lui donna le
gouvernement de l'Irak et du Kho-
raçan, qu'il lai ôta bicJilot, par
suite de quelque intrigue de cour.
Moslemah ne laissa pas de rempor-
ter une grande victoire sur lesTurks
Khozars , et de les chasser de l'Ad-
zerbaidjan qu'ils avaient envahi ,
après avoir vaincu et tué un autre
général arabe. L'an 107 ( 7'25 ) ,
sous le règne de Hcscham , il prit
Césarée de Cappadoce, et en réduisit
touslcs habitants en captivité, à l'ex-
ception des Juifs , qui l'avaient aidé
à s'emparer de la ville. Ayant suc-
cédcà Said-ibn Omar, qui avait ob-
tenu des succès marqués sur les Kho-
zars, il se montra jaloux des exploits
de ce général , lui reprocha d'avoir
sacrifié le sang des Musulmans à
un vain désir de gloire ; sans écou-
ter sa justification, il l'accabla d'in-
jures , et s'oublia au point d'ordon-
ner qu'on lui cassât siu- la tèle le
bâton de son drapeau, et qu'on le ren-
fermât dans la forteresse de Berdaâ :
maislckhalyfc ayant désaj)proiivé la
conduite de sou frère , celui-ci ren-
dit la liberté à Said , lui fit des ex-
cuses, ellecondjla d'honneurs et de
aiconipeusci» L'un 109 ( '•^■x-] ), cl
MOS 245
les annc'es suivantes, Moslemah entra
dans le Chirwan , vaintjiiit les Kho-
zars , conquit toute la jiruvince jus-
qu'à Dcrbcnd , et rétablit les forti-
fications qui défendaient le défilé aj)-
pelé Bah-el-Abwab ( porte de fer ),
au pied du Caucase, et que les Kho-
zars avaient détruites. 11 porta chez
eux le fer et la flamme, délivra pour
long-temps les provinces musulma-
nes des ravages de ces barbares , et
revint , chargé de butin , dans le
Chirwan , dont il laissa le gouverne-
ment , ainsi que celui de l'Arménie ,
\\ son neveu JMerwan , depuis kha-
iyfe ( V. Merwajv II). L'an vu
( 789 ) , Moslemah fit encore une
expédition sur les terres de l'empire
d'Orient. Il mourut la même année,
selon Hadjilvhalfah , ou l'année d'a-
près , suivant Elmakin ; et il ne vi-
vait plus par conséquent eu ici3 ,
ni eu I a8 , comme l'a cru Adier ,
dans la 218®. note du tome i de la
version latine d' Aboulfcda. Ce savant
orientaliste a été trompé par un pas-
sage d'Ibn-Cota'ibah , où la date 1 13
doit être substituée à i '23 , et par un
autre passage du Catalogue imprimé
des manuscrits orientaux de la bi-
bliothèque royale , dans lequel ou
attribue à Moslemah un fait qui se
rapporte à son fils Abdel-Melek. Ce
prince ternit l'éclat de ses lauriers-
par une perfidie indigne d'un grand
capitaine. Ayant pris par capitula-
lion une place du Chirwan , il jura
de ne pas faire périr un seul des ha-
bitants : mais aussitôt qu'on lui en
eut ouvert les portes , il les fit tous
égorger au nombre de dix mille , à
l'exception d'«?i seul , éludant ainsi
son serment par une équivoque aussi
basse qu'odieuse. Moslemah s'était:
donné à lui-même le surnom de Ci-
gale jaune , parce qu'il était maigre
et bloud. A — X.
3.ÎG
VlOS
MOSSAILAM AH , fameux impos-
teur anbe, était un (Us ])rlncipiiux
chefs de la tribu de lloiiaifali, drins
1,1 inovincc de Ycmamali. L'an 9 de
rhé<:;irc ( G3o de J.-C. ), il vint à
]\'cdine comme chef d'une amlwssa-
dc que sa tribu envoyait à Malio-
ïiiet, et il embrassa l'islamisme. Mais
à son retom-, avant conçu le dessein
d'imilcr ÎNIahomet , et d'égaler sa
puissance, il s'érigea en prophète,
el prétendit lui être adjoint dans la
mission de détruire l'idolâtrie, et de
Tîjppeler les hommes au culte du
vrai dieu. Il publia des révélations
par écrit, dans le goût de celles du
(iOran. On prétend même qu'il avait
cté d'abord initié dans les projets du
législateur des Arabes, et que, ne vou-
lant pas être son inférieur , il avait
Tompu tout commerce avec lui. 11
comprit ensuite qu'il courait moins
de risque en agissant de con<:crt avec
Mahomet, cl il lui écrivit en ces ter-
mes : Mossàiiamah, apôtre de Dieu,,
à Mahomet , apôtre de Dieu. Qiie
la moitié de la terre soit à toi^ et
l'autre moitié à moi. Mahomet, se
croyant trop bien affermi pour con-
sentir a un pareil partage, lui en-
voya cette réponse : J'ahomet l'apô-
tre de Dieu à Mossàiiamah l'impos-
teur. La terre appartient à Dieu ;
il la donne en héritage à ses fidèles
serviteurs , <t ceux qui le crais^nent
(ïuront une heureuse réussite. Mos-
sàiiamah ne laissa pas de se for^lcr
un parti considérable, à la tète dn-
((ucl il fit des progrès assez rapides.
Mahomet vit le commeticcmeut de
cette révolte, sans avoir la consola-
tion d'en apprendre la (iu , avant
d'expirer ( F. Mahomet, XX\I,
ïSG ■). Une femme nommée Sedjah ,
fdie de Hareth , de !a tribu de Ta-
laim , se donna aussi pour prophé-
tcsse dans la province de Bahrain ,
MOS
cl y gagna de jniissanls et noniiirer.x
prosélytes : elle alla trouver ]\I(.s-
sa'ilamah, et Aoulut avtfir avec lui'
un entretien particulier. Apres aviài'
éloigné la suite de celte femme, il lui
fit dresser une tente à coté de la
sienne, et l'admit auprès de lui, par-
fumée comme une fiancée. Interroge
par elle sur les preuves de sa mis-
sion divine, il lui répondit par ûts
galanteries (pii séduisirent sans doute
Sedjah. A la suite d'un colloque
sur le même ton , elle l'épousa ,
passa trois jours avec lui, et retour-
na dans la tribu de ïaglab, qui était
celle de sa mère. Le nombre des par-
tisans de Mossàiiamah s'élant beau-
coup accru par la jonction de ceix
de sa nouvelle épouse, le khaiyl'c
Abou-Bekr envoya deux de .ses gé-
néraux dans la province de \enia-
mah , contre cet imposteur, il les
fit suivre bientôt par le fameux
Khalcd , qui , avant pris le comman-
dement de l'armée, forte de qua-
rante mille hommes, livra bataille
aux rebelles. Kepousséd'abord, il re-
vint à !a charge, el les tailla en piè-
ces (633). Mossàiiamah y fut perce ,
dit-on , par la même lance qui a.\s.\L
tué Hamzah, oncle de Mahomet, au
combat d'Ohod, sept ans aupara-
vant. La mort de ce faux prophète .
et celle de dix mille de ses sectateur.-:,
anéantirent son parti. Mais ia per-
te des Musulmans fut si conridéra-
ble en hommes instruits des premiè-
res traditions de rislamisme, et ver-
sés dans la lecture et l'écriture du
Coran , qu' Abou-Bekr, ])our conser-
ver ce code universel de la religion
et de la législation mahoméfanes, cnit
devoir en faire rassembler avec soin
les feuillets et les fragments épars
( V. Abou-Bkkr, I, 86,etKuALED,
XXII. 34'» ). Les écrivaii?s arabes
désignent Mcssaïlamah par le sur»-
NOS
siam àc Menteur , cï n'en parlent
ïjn'avec exécration. Qnant à la pro-
])lic'tcssc son cpoiisc , elle denienra
parmi les Taglabitcs , jusqu'à l'an
4o( GGi ), qu'ils lurent chasses de
ioiir territoire par le khalyi'c Moa-
wyali. Alors Sedjah rentra dans le
scia de l'islamisme, et se retira à
Bjssorah , où clic mourut, A — t.
MOSTACFY-BILLAH ( Acoul-
Cacem Addallau IV, surnomme
AI. ) , 23". khalyfe abbasside de
Baglidad , fds de Moktaiy, succéda ,
l'an 333 de Thcgirc ( 944 de .T,-C. ) ,
à i\îoltaky, son cousin-gcrniain. 11
confirma dans la charge d'c'myr al
omrah, le turk Tonroun, qnine l'a-
vait place sur le trône que pour être
sou tyran. Mosîacfy renvoya du pa-
lais, et rele'gua dans une autre prison
Caher, un de ses prédécesseurs , ré-
duit à un tel état d'indigence, qu'il
n'avait pour tous vêlements qu'une
chemise de coton , et des sabots.
Touronn étant mort, en moharreni
334, son successeur, Zaïrak iba
Chyr-zad, se fit tellement détester par
ses extorsions et ses violences, que
les habitants de Bighdad implore-
ront le secours des princes Bowa'idcs.
A l'approche d'Ahraed, l'un d'eux,
Za'irak et Mostacfy prirent la fuite
avec les troupes turkes; mais ce der-
nier rentra bientôt dans Baghdad, et
y fut reconnu khalyfe par Ahmed ,
anquel il conféra la charge d'émyr
al omrah ,etle litre de rtloczz ed dan-
]ah (^. cenom,XXlX, 209). Cepen-
dant la favorite de Mostacfy, nom-
3Î1CC Alam, qiù, par ses intrigues,
avait le pins contribué h élever ce
]irinceau khalyfat, vovant qu'il n'a-
vait fait que changer de maître, ra-
liaîa de nouveau pour l'aflranchir du
joug des Bowa'ides , dont les trou-
])es remplissaient la capitale. Tnfor-
Jné de ses menées , Moez cd dauiah
MOS
24 -f
se mit ea mesure de les dc-jouer. Le
22 djoumady 2*". , 334 ( ^-9 janvier
946 ) , jour destiné à la réccptiou
d'un ambassadeur, il se rend dans
la salle d'audience , et va s'asseoir à
côté de Mosîacfy. Aussitôt deux de
ses ofiiciers s'approchent du trône,
et se prosternent devant le khalyfe ,
qui leur présente ses mains à baiser.
Mais ces pcriides le saisissent cha-
cun par un bras, le garotteut avec
son turban, et le traînent au palais
de l'émyr , qui ordonne qu'on lui
crève les yeux , et que l'on coupe la
langue à l'imprudente favorite. Cas
fut alors qu'on vit à Baghdad, en mê-
me temps , trois khatyfes déposés ,
incarcérés et privés de la vue : Ca-
her, Motîaky et Mostacfy. Ce der-
nier n'avait régné, ou })lutôt rempli
les fonctions pontificales, que iG
mois. Il survécut quatre ans à sa dis-
grâce, et mourut en 338(949-5o ),
âgé de 4 1 «Tis. Il eut pour successeur
Mothv-Billah. A— T.
MOSTADHER-BILLAH (ABou'r.
Adbas 7VGMED V, AL ), aS^. khalyfe
abbasside , lils et snccessenrdeMoc-
tady, l'an 487 de l'hégire ( 1094),»
l'âge de seize ans , dut son exalta-
tion au sullliîu seldjonkide Barkya-
rok , qu'il confirma dans la die;ni-
lé d'émyr al omrah. L'an 489 , des
astrologues ayant prédit une inon-
dation presque égale au délnge uni-
versel, le khalife consulta Aly-ibn-
Isa , le plus savant d'entre eux,
qui répondit que ce désastre n'au-
rait lieu que dans un endroit oii un
grand nombre d'hommes de 'n-jsîes
pays se trouveraient i-asserublés. On
craignit pour Baghdad, où a'iluait
alors un grand concours d'étrangers;
et le khalyfe ordonna d'élever des
digues, et de détourner les eaux le
plusieurs rivières qui se jettai.t dans
le Tygrc. Mais la prédiction s'ac»
a48
MOS
complit sur la caravane clos pèle-
rins (le la Mekkc, qui fut presque en-
tièrement submerfjce dans une vallée,
par un torrent déborde. Une cala-
mite' plus grande pour l'islamisme ,
fut l'arrivée des armées innombra-
bles de Chrétiens d'Europe, qui, sous
le nom de Croisés, envaliirentl' Asie-
mineure, la Sjrie , la Mésopotamie
et la Palestine ( V. Bohemond , IV,
679; GoDEFRoi ,X\ Il , 546; Mos-
TALv ci-après, et aux. Suppléments ,
KiLiDj AusLAN I, et Korbouoa).
La guerre que le suUhan Barkyarok
avait alors a soutenir contre son frè-
re iMchammed ( P'^. ces non)s, III,
078, et XXIX, 'i-i^i ). la liaiiie mu-
tuelle du klialyfe abbassideet de ce-
lui d'Egypte , et le schisme qui di-
visait leurs sujets, furent favorables
aux progrès des Chrétiens. La nou-
velledela prise de Jérusalem, arrivée
à Baghdad , au mois de ramadhan,
I\Ç)'i (août io()ç)), y répandit une
telle couslernaliou , qu'on y oublia
le jeûne et les prières d'obligation
dans ce mois sacré , chose jusqu'a-
lors sans exemple. A la mort de
Earkyarok, l'an 49^1 Mostadhcr ,
qui avait prononcé la kliothbah , au
nom de Mélik-Chah , fils de ce prin-
ce, fut obligé de rendre le même
honneur au suhlian Pilohammed ,
et dans la suite à Mahmoud , fils de
ce dernier , qui exercèrent successi-
vement la charge d'émyr al-omrah.
Mostudher mourut le iG raby a*^. ,
5 1 2 ( août 1 1 1 8 ) , dans la 4'-**'. an-
îiée de sou âge , et la iS'^. d'un règne
obscur. Mais si ce khalyfe, réduit à
un rôle passif, fut étranger aux
grands événemenis qni arrivèrent de
son temps, il se distingua par des
v(>rriis privées , et gouverna ses sur
jets nioins en maître qu'en père. Il
ti.'ait ju.-le, bienfaisant; protégeait les
^cns iïà lettres, et cuIliYait lui-même
IMOS
avec succès l'éloquence et la poe'sie.
(^'est à lui que Baghdad dut plusieurs
de ses poi (es, le fo.ssé qui l'entourait,
et le rempart qui la défendait du
côté de l'orient. Il eut pour suc( cs-
seur son fils Mostarschcd. A — r.
MOSTADY BIAMR - ALLAU
( Abou-Mohammeo Haçan II, ai. ),
33''. khalyfe abbasside, installé dans
la chaire du pro])hète, l'an 56G de
l'hégire ( 1 170 de J.-C. ) , par les
émyrs qui avaient avancé la mort de
son père Mostandjed , fut d'abord
réduit à subir leur loi , et à récom-
penser leur crime , en leur distri-
buant des honneurs , des présents ,
et les premières charges de l'état.
Mais, l'an 570, il secoua un joug si
honteux , et parvint à se délivrer de
la tyrannie du perfideKaimaz, com-
mandant-général de ses troupes , et
chef des conspiiateurs. ( ^'^.Kaimaz ,
au Suppl. ) Mostady gouverna de-
puis avec une pleine autorité. Aussi
juste , aussi sage que son père , il se
montra plus libéral , et fit fleurir les
arts et les sciences. 11 eut la gloire et
le bonheur de voir finir le graua
schisme qui divisait les Musulmans
depuis près de trois siècles ( F.
Moczz-LEni^-ALLAu , XXIX ) , et
l'Egypte rentrer sous son in.^uen ce re-
ligieuse, par la destruction des kha-
lyfps falhémides. ( F. Adhed Ledin-
Allah , au , Suppl. ) Il fit célébrer
ce grand événement à Baghdad par
des réjouissances qui durèrent plu-
sieurs jours: il envoya au Caire des
étendards noirs, couleur afièotée aux
Abbassides , et des présents ma-
gnifiques au su'than de Syrie et
au général qui avaient opéré cette
grande révolution ( /'^. Nour-ed-dy.v
et Saladiîv ), ainsi qu'aux imams qui
avaient, les premiers , prononcé la
klîothbah en son nom, dans les jnos-
(jiiées de rEgypîc. A^rès avoii" V'-?^';Q
1\I0S
neuf ans et sept mois , ce klialyfe
mourut , ])lcui'e de tous ses sujets ,
le '2. d/,oulk,alali a'^S ( mars i 180 ),
âge de trcutc - neut" ans , laissant
pour successeur un fils qui l'ut loin
de lui ressembler, ( F. N^ser Le-
din-Am,aii. ) A — T.
MOSTAIN-BILLAH ( Acoul-ab-
BAS Ahmed I , at,), i'^*^- klialyi'e
abbasside, et petit-fils de Motasem ,
fut mis sur le trône le 7°. raby 2"=.
248 (10 juin 8G1) après la mort de
son cousin Monthasser , par la fac-
tion des Turks, qui craignait que les
frères de ce dernier ne vengeassent
l'assassinat de leur père Motavvakkel,
obligea le nouveau klialyfe de les
faire renfermer. Quelques trouî)les à
Hemesse, et une invasion du fameux.
Yacoub Icsolîaride, dans le Kliora-
çan , signalèrent le commencement
de ce règne ( F. Yacoubben Leits).
L'année suivante, les Grecs rem-
portèrent sur les Musulmans, près
de Tarse, une victoire qui leur fraya
le chemin pour faire plus tard des
invasions jusque dans la Mésopota-
mie. Mostaïn, par une conûance ex-
cessive dans sa mère et dans son vé-
zyr , le turk Atamesch , avait laissé
à leur disposition les trésors et les
revenus de l'état. Les autres chefs
de la milice turke , m ilés de l'or-
gueil du favori, etjalouxdesa puis-
sance, conjurent sa perte. Atamesch
se montre pour reprimer la sédition;
il est massacré : son palais est livré
au pillage; et la populace, s'étant
jointe à la soldatesque, commet les
plus affreux désordres : plusieurs édi-
fices sont renversés , uu pont sur le
Tygre est brûlé; enfin, les meurtriers
fatigués de carnage et cliargo's de
butin, se dissipent d'eux-mêmes.
L'an i5o, les armes de Mostaïn
trioriiphcrent de Yaliia, prince alyde,
t^ui à'ciait fait piuoUmcï khiilyfc à
MOS
a49
Koufah , et qui paya, de sa tête , sa
révolte. Mais Ilaçan , prince de la
même famille, s'empara, la même
année, du Tabarislan, et enleva pour
jamais cette province , avec le i3ior-
djan , aux Abbassides. La ville d'ile-
messe en Syrie ayant égorge son
gouverneur; Mousa , l'un des géné-
raux de Mostaïn, la réduisit en cen-
dres , après avoir fait passer au fil
de Icpée un très-grand nombre des
habitants. L'an 25 1, Bagher , l'un
des assassins de Motavsakkel, s'é-
tant brouillé avec Wasif et Bougha ,
ses complices, parce qu'ils étaient
pins en faveur auprès du khalyfe ,
trame leur perte. Son complot est
découvert, et on l'arrête dans le pa-
lais impérial. Les Turks s'arment
pour le délivrer. L'imprudent IMos-
taïn , par le conseil des deux autres
chefs de cette milice , croit étouffer
la sédition, en faisant jeter au milieu
des mutins la têtedeBagher, et irri-
te davantage leur fureur. Assiège
dans son palais, il s'embarque sur
le Tygre avec ses deux protégés , et
se retire à Baghdad. Après des ten-
tatives infructueuses pour apaiser
Mostaïn, et l'engager à revenir à Ser-
menraï, les Turks tirent de prison
son cousin Motaz , le proclament
khalyfe, et marchent au nombre de
5o mille, sous les ordres de Mowaf-
fek , frère de ce prince, pour assiéger
Baghdad. Mostaïn s'y défend avec
intrépidité; mais au bout d'un mois,
la famine devient si horrible dans
la ville, qu'on y mange de la chair
humaine. Wasif et Bougha aban-
donnent ce prince , et vont se sou-
mettre au nouveau khalyfe. Enfin ,
la dérertion du gouverneur de Bagh-
dad oblige Mostaïn à résigner le
khalyfal, te 4 moharrem uSa ('^4
janvier 860), et à renvoyer à soii
successeur, le bdtoU; ic ixiauicau et
7.JO M os
raniuanduproplièle. On lui refuse la
lil ; 1 to dépasser le resledeses jours à
).; Klekke, et on lui permet en appa-
leiipe, dcse retirera Bassorah; mais
r.irive'à Wasetli, il y expire sous les
verges, par ordre de Motaz , à l'âge
de trente-un ans , après en avoir ré-
5;ne près de quatre : prince juste, sa-
vant et libéral, mais faible ;, prodi-
î;iie , sans caractère , et toujours
trompe' dans sa conljance. — Mos-
TAiN-BiLLAH ( Abou'-Fadlil Al-Ab-
1)3 s) , 11"^. klialyfe abbasside d'É-
jiypte , fut revêtu de ce titre lionori-
iique, l'an SoBderhègire (i4o6 de
J.-C), après son pèreMotav.akkcl
Mohammed XI, qui, dans l'espace
de qiiaranle-cinq ans, l'avait porte
"Jrois fois et avait ètë deux fuis de-
])osc'. Mostain fut proclame' sullban
d'KgyptCjCn moliarrcm 8i5 ( avril
i4i2 j, après la de'posilion de Fa-
rad] ( F. ]\ÎAHMOUDY, XXVI, 1 84) ;
îu.-îis ce vain titre, dont il fut dépouil-
le sept mois après , et qu'aucun prin-
ce de sa race, avant et après lui , ne
j'orta en Egypte, ne l'empêclia pas
d'être privé même du klialyfat , en
^ 1 7 ( février i \ r 5 ). Il mourut de la
|)este , en 833 ( 1 43o), à Alexandrie,
où il c'tait reie'gué. A — t.
MOSTURFY. F. Mostacfy.
MOSTALY ou MoSTALA-BlLLAU
f ABoxr'r, - Cacem - Aumkd , al ) ,
sixième klîalyfcfathemide d'Egyp-
îe,è:aitle second fiis deMo'^fanser,
.Tuquel il succc'da en dzoulhadjali
/187 (décembre ro94). Ce mouar-
ffue, avant de mourir, avait voulu
p.ppelcr au trône Nezar , son fils ai-
ne : mais le vc'zyr Chabin-chah al-
ACdhal , fils du célèbre Bedr-aUDje-
v.ialy. et non moins puissant que
son père, sut éluder les inlenlionsde
Moslanser , pour se venger du jeune
prince, qui l'avait insulté; il en-
g-ag'^a les grands-officiers de l'état à
MOS
proclamer Mostàly, en Icnr persua-
dant ({u'ils rempliraient par-là les
dernières \olonlesde Mostanser. INe-
zar feignit de se soumettre ; mais
quelque temps après, ayant pris les
armes à Alexandrie, il y fut assiégé
par xVfdhal , qui le fit prisonnier
et lui pardonna. Vaincu après une
nouvelle révolte, il périt de faim dans
un noir cachot. Afdhal régnait sous
le nom du faible Mostàly, prince sans
génie et sans caractère, plus propre
à mener la vie d'un dervisch qu'à
occuper nn troue. Ce ministre son-
geait à recouvrer la Syrie, enlevée
aux khalvfes falhcmides par les sul-
thans scidjoukides, qui l'avaient par-
tagée en plusieurs liefs relevant de
leur empire. La désunion des divers
princes qui les possédaient, l'inva-
sion d'une multitude de Chrétiens
d'Europe, qui , après avair pris Ni-
cée, traversaient l'Asie-mineui'c, et
menaçaient Antioche, parurent à Af-
dhal une occasion favorable. I! refu-
sa de secourir les IMusulmans de Sy-
rie contre les Croisés j et ayant mar-
ché sur Jérusalem l'an 491 (1098),
il assiégea ceite ville, où régnaient
Sokman et Ilghazy, princes orto-
kides , qu'il força d'en sortir ; et
après y avoir fait un butin considé-
rable, il y établit pour gouverneur,
Aftekha red daulah (i). Mais onze
mois après , c'est-à-dire, le '2 ci cha-
ban 40'i \'i^ juillet 1099), les Croi-
sés, sous les ordres de Godefroi de
Bouillon , s'emparèrent de Jérusa-
lem , après quirantc à cinquante
jours de siège, la livi'èrent au pilla-
ge, l'inondèrent de flots de sang, et y
passèrent au fil de l'épce soixante-
(r> Alioiùff^j rnppnrîc la prise rfo Jcm'.ilctii p-»»-
Ic' Irotipes < mpri.'nnr';. ."• I*anuee4B^H juillft loçyi
mi 5 rautciril(- i;'Alioiilfjradj nocs a paru ilÏ prr '
riiblf , m i ~ qM'ci'iC en .ippiijéo pr.r celle il ■ '' mil
lue de Tvr,
MOS
dix mille Musulmans, dans iiiio scdIo
mosquée. I.a mcineaiMice, Aldiial
.tyant voulu reprendre cette ville, à
la tclc d'une arinc'c de deux cent
mille hommes , lui ballu , Messe et
mis ca fuite par le duc de INorman-
dic , prcsd'Ascalou. Moslâlyne prit
«luciuic part à ces événements. H
mourut le i8 safar [^^f^) ( isider.cm-
liie I loi ), âgé de y.'] ans et demi,
après en avoir règne sept et deux,
mois, laissant un. (ils de cinjf ans ,
que le vczyr Al'dlial fit proclamer
khalyfc ( F. A.aii:r , aux Suppic-
mcnls ). A — t.
MOS rANDJED-BILLAH ( Aboul
MoniiAFFKR YousouF , al), Su''.
khalyle ahbasside .fils de Moktafy ,
auquel il succéda , l'an de l'heg. 555
( 1 i6o de J.-C. ), reçut à Baglidad
les serments de son oncle , de son
IVère aîné et de tous les princes ab-
bassides ; ce qui n'crapêclia pas la
mère d'Abou-Àlv, l'im des frères de
Mostandjcd, qui voulait élever son
fils sur le trône, de former , peu de
jours après , une conspiration conlrc
le klialyfe, en répandant l'or par-
mi les grands , et distribuant des ar-
mes aux femmes du harem. El'es
attaquèrent en eO'ct ce prince, qui ,
]ircvenu de leur complot et revcîu
d'mic cotte-dc-mail!es , tint tête aux
assassins, à l'aide de quelques es-
claves fidèles, et fit renfermer Abou-
Aly et sa mère : mais, plus sévère
envers leurs complices , il fit exécu-
ter plusieurs femmes etnover les au-
tres. Mostandjed gouverna, par lui-
même et avec sagesse, les états que
son père avait su alTranchir de toute
domination étrangère, quoiqu'ils ne
s'étend issentguèreau-delà du tcrriioi-
redeBaghdad. Les Arabes açadites,
maîtres de liiilah et de plusieurs au-
tres places, ainsi qne des lacjuncs
de rÊuphratc, avaient coîumis. de-
MOS
9-5 r
puis ccntans,lcs plusafTrcux ravagesj
et leiu-s chefs avaieiU jouélc premier
rôle danslestroublcs qui avaient agité
l'irilv et la Perse. Mosfan'ijed atta-
qua ces brigands, l'an 55H, en ex-
termina une partie, et dispersa le res-
te. Ce prince mérite d'être distingué
parmi les khalyfes, à cause de soi*
amour pour la justice. Terrible en-
vers les malfaiteurs et les perturba-
teurs de la tranquillité pivblique , il
n'était pas moins inexorable pour
les flélatcurs et les calomniateurs.
Un de ses courtisans lui olï'raut lui
jour 2000 sequinspour obîour la li-
berté d'im homme coupable de ca-
lomnie : « Je vous en donnerai lo
» mille, répondit lekhaiyfc, si vous
« pouvez m'en livrer un autre qui
» lui l'csserable, tant j'ai à cœur de
» purger mes états dei cette peste. »
Mostandjcd, atteint d'une maladie
grave, veut se défaire de Kaimaz ,
l'un de SCS principaux émyrs; celui-ci
gagne le médecin , et l'engage à pres-
crire au khalyfe un remède qui hâte
sa mort. L'escul apc ordonne un bain;
Mosîandjed s'y refuse : on l'enlève
de force , on le met dans un baiu
chauffé outre mesure, et il y meurt
sulfoqué, le g raby 'i.^. 566 ( ai dé-
cembre 1170), âgé de cinquante-
six ans, après en avoir régné un peu
plus de onze. Il eut pour successeur
son fils Mosîady. A — t.
MOSTANSEV, - BILLAH ( Aoor
Abdallau Mohammed, al), roi de
Tunis, de la dynastie des Hafsides ^
succéda. Tan de l'hég. 647 ( i^^o
de J.-C. ), à son père, Abon Zaka-
riah Yahia, qui avait «^ecoué le joug
des rois Almoitades de Fez et de Ma-
roc, conquis Tripoli , et mis à con-
tribution îc pays des Nègres. A peine
Mostanser fut-il monté sur le trône,
qu'il en fut chassé par fes frères .
Abou-Ishak,lbrahim cl Mohammed:
Z^^ MOS
mais, avec des forces supérieures, il
triompha des usurpateurs, et rentra
dans SCS états, qu'il gouverna long-
tfîinps en paix. Il acquit une grande
reputjlion par son courage et sa li-
béralité. Une disette afï'reuse ayant
ravage l'Afrique, saint Louis saisit
cette circonstance, disent les liisto-
riens arabes, pour porter la guerre
dans le royaume de Tunis. Informe'
de ses projets et de ses préparatifs ,
Mostanser envoya demander la paix,
moyennant 80 mi!le pièces d'or. Le
loi de France reçut la somme ,
aioutent les mêmes historiens, et
n'en porta pas moins les armes eu
Afrique. Il débarqua sur les côles de
Carthage, tevec 3o mille hommes
d'infanterie et 6000 de cavalerie ,
s'empara de cette ville , et mit le siè-
ge devant Tunis, le 3o dzoulkadah
()G8 ( 21 juillet 1270 ). Il y eut une
sanglante bataille, le i5 moharrem
GCig ( 3 septembre ) ; et les Français
vainqueurs étaient peut - être à la
veille de se rendre maîtres de la ca-
pitale et du royaume, si la contagion
jie s'était mise parmi eux. La mort
de saint Louis changea la face des
affaires. Mostanser, qui redoutait les
Chrétiens, mêiiie dans leur abatte-
ment, saisit cet instant pour leur
proposer la paix, qu'il acheta par de
grands sacrifices. Philippc-!e-Hardi
l'accepta, malgré les succès qu'il ve-
nait d'obtenir , et quitta les rivages
de l'Afrique , au mois de noveudire.
Quclqiie temps après , IMostanser re-
poussa les ciforts tentés par Abon-
Said-Othman, dernier rejeton de la
dynastie des Almoîiadcs, pour réta-
blir cette puissance anéantie; et il le
contraignit de se retirer en Espagne.
Le roi de Tunis mourut en (in 5
( l'-iTÔ). Ses deux fils furent détrô-
nés et mis à mort par leur oncle ,
Abou Ishak-lbrahim, dcut la sccou-
KiOS
de usurpation excita de nouvelles ré-
volutions. A — T.
MOSTANSER BILLAH ( Abou-
Dj.4FAR Al-MaNSOUR II, AL- ),
36'\ khalyfeabbasside de Baghdad ,
succéda immédiatement à son père
Dhaher, l'an de l'hég. Gi3 ( de J.-
C. 1226). Plus semblable à son
père qu'à son a'ieul ( f^. Naser), il
îïit juste, libéral et bienfaisant; et
nul de ses prédécesseurs ne lui est
comparable sous ces rapports. Afia-
ble et populaire, il se montrait sou-
vent en public, et ses manières gra-
cieuses ne lui gagnaient pas moins
les cœurs que ses largesses. L'n jour
qu'il visitait les trésors amassés par
ses ancêtres , frappé à la vue d'une
citerne pleine d'or , il s'écria : Que
ne puis-je vivre assez pour faire un
noble emploi de tant d'or jusqu'à pré-
sent inutile 1 « Seigneur, lui dit en
souriant un de ses courtisans, votre
a'ieul Naser formait des vœux bien
différents : voyant qu'il s'en fallait de
deux brasses (pie cette citerne ne fût
pleine , il desirait vivre assez pour
achever de la remjilir. » Mostanser
ne démentit jamais ces sentiments gé-
néreux. Pendant les nuits du mois de
ramadhan , il faisait dresser , dans
toutes les rues de Baghdad , un grand
nombre de tables bien servies, pour
les Musulmans qui avaient jeûné tout
le jour. Avant aperçu du haut de «ou
palais , des bardes étendues sur les
terrasses d'un grand nombre de mai-
sons , il en demanda le motif. Ou
lui apprit que plusieurs habitants
de Baghdad avaient lavé et mis sé-
cher leurs habits afin de solenniser
la fête du Béiram. « Est-il possible,
» dit le khalyfe , qu'un si grand nom-
» bre de mes sujets n'aient pas ic
» moyeu de s'acheter un habit poui-
» fêter le Béiiam? » aussitôt il n)ari-
da des orfèvres, el Ht fondie \xvs>
1\Î0S
«raiide quaiilito d'or en forme de
halles, que lui et ses eourlisaiis lan-
cèrent avec des arbalètes, sur toutes
les terrasses où il voyait des liardes
étendues. Mostauser, protecteur des
lettres et des arts , illustra son règne
par plusieurs fondations utiles, en-
tre autres, celles d'une ino.squce et
d'un Medresseh ( collège ou acadé-
mie ), qui existent encore, au rap-
port du voyageur Olivier, mais dont
Je second est aujourd'hui un cara-
vansei'a'i. Ce collège, qui fut appe-
lé uil Mostanseriah , du nom de
son fondateur , n'avait pas son pa-
reil dans tous les pays soumis à l'is-
lamisme, tant pour réîcndue et la
beauté des bâtiments, que pour le
nombre des élèves , le choix des pro-
fesseurs, et les revenus alTecîés à
son entrelien. Au moyen d'une ga-
lerie qui communiq;:ait avec son
palais , Mostanser se rendait souvent
dans ce collège , inspectait toutes les
parties de l'établissement , et assis-
tait quelquefois aux leçons. Sous le
règne d'un prince si digne de relever
la gloire du khalyfat, l'Espagne mu-
sulmane et une partie de l'Afrique
abjurèrent la doctrine hétérodoxe
des Almohades ( F. Abdel-Mou-
]\iEN, I, 57, et ïoMRiTTn), se soumi-
rent à l'autorité religieuse de ]Mos-
tanser , et proclamèrent son nom
dans la khothbah. Mais ce khalyfe
eut la douleiu' de voir les ïartares ,
maîtres de la Perse depuis la des-
truction de la puissance Khari/,-
niienne ( V. Djelal eddyn Maak-
BERNY, et Ala eddyn Mohammed ) ,
étendre leurs ravages dans l'Irak et
dans la Méso])otamie. Il dut prévoir
les maux qui allaient affliger l'isla-
misme et arcabler sa propre mai-
son; mais, du moins , il ne négligea
rien pour retarder cette catastro-
phe. Ses générato. taillèrent eu piè-
MOS
î>/.3
ces les Moghols , l'an G3 "î ( i y,38 )
près de Sermenrai ; et lorsque ces
barbares , vainqueurs à leur tour, se
fuient avancés la même année jus-
qu'aux |)orles de Baghdad; lessa^'os
et vigoureuses dispositions de Mos-
tanser , pour la défense desa capitale
imposèieni: aux barbares, et les fur-
cèrent de s'éloigner. Apres un règne
praernel de dix-sept ans , ce khalyfe
mourut en djouraady u*. 64o ( dé-
cembre \'iL\'x ),âgéde cinquauîe-ua
ans , et emporta les regrets d'autarit
plus mérités de ses sujets , qu'il laissa
])our successeur son fils, le lâche et
vicieux Mosîàsera. A — t.
MOSTANSEa.BILLAH( Abou'l-
Cacem Aumed ) , premier khalyfe
abbasside d'Egypte , et frère ou ne-
veu du précédent, était, par con-
séquent, oncle paternel ou cousin
de Mcstâsem , dernier khalyfe de
Baghdad. Pendant le siège de cet-
te ville par les Tartares , il par-
vint à s'échapper, et mena pendant
trois ans une vie errante , jusfju'ea
ti^Q ( I -1^0 ). Amené alors en Egypte
par quelques Arabes , il fut présenté
au sulthan oibars 1^''. , qui convoqua
une assemblée d imams et de doc-
teiu\s musulmans de 1 E;;ypte et de
la Syrie, pour qu'ils délibérassent sur
les droits et les titres de ce person-
nage. Le teint olivâtre d'Ahmed ins-
pira d'abord quelque défiance sur la
réalité de sou illustre origine ; mais
après avoir entendu plusieurs té-
moins et examiné les mémoires gé»
néalogiqucs des Abbassides, l'assem-
blée prononça q:;'Ahuied était véri-
tablement filsdukhalyfeDhaher, qui
sans doute l'avait eu d'une négresse.
Sur cette déclaration , Bibars recon-
nut Ahmed pour khalyfe, sous Je
nom de Mostanser Billah , et lui ren-
dit hommage ainsi que les grands et
ie peuple, il ■pourvut syleudidemeut
-..-4
]\IOS
.1 son eiilR'licn, lui fournit des équi-
pages et un irain înaguifiqiu'S , et le
logea dans un palais particulier. Il
lui doiuia inèine des troupes pour l'ai-
tJer à recouvrer B.iglidad, et i'accoiu-
]iagna jusqu'à Damas , avec beau-
coup dcsolcnuite, reogageaiit à se
conduire avec leuleur et circonspec-
tion dans celte grande entreprise.
IVÏostanser recouvra Anali et Hadit ;
mais . avant d'arriver à Bagbdad , il
fut surpris par lesTartarcs , sur la lin
de la même année, et périt avec la
plupart des siens. Comme Bibars
avait dépense, dit -un, plus d'un
million de dinars d'or ( dix millions
de France) pour ce klialyfe,le peu-
ple avait surno)unic celui-ci Al-Ze-
rabiny ou plutôt Al Scherafmy (aux
Scherafjs d'or). — L'année suivan-
te, un autre Alimed, issu à la qua-
îricnjc g;;r;ération du khalyfe ab-
hasside Rlostarscbed , fut recomm
et proclame khalyfeen Egypte, sous
le nom de liakem Biamr- Allah.
Mais le sukkaii Bibars se montra
moins prodigue envers celui-ci qu'en-
vers l'autre : il lui donna un loge-
ment modeste , ne lui laissa aucune
espèce d'autorité , et ne lui accorda
que rhonneur d'être nommé dans la
khotlibah. Hakem eut quinze succes-
seurs en Egypte , jusqu'à Motawak-
kel. ( F. ce nom , pag. 264. ) A — t.
MOSTANSER-BILLAH ( Aboul-
Hass - Al Hakem II , surnommé
Ah), ou Montaser-Billah , suivant
Aboulleda , 9"^. roi d'EsiJaguede la
dynastie des Umiuayades, et le 2''-
qui ait pris les titres de kbalyfc et
d'émyr-al-Moumenyn , monta sur
io trône de Cordoue , après son père
Abdel -Rabman Al-Naser Ledin-
Allali ( Voyez Abderame m ,
t. 1 , p. Cl ) , l'an de l'hégire 35o ,
f 961 de J. C. ) Il fut couronné dans
la ville de Zahra ^ avec plus de
MOS
porapequ'aucmi de ses prédécesseur.*.
Moins guerrier que son père, mais
aussi sage , aussi habile , il rendit
ses sujets heureux , en faisant fleurir
la justice et la paix. Il dut cette lian-
quiliité à la désunion des princes
chrétiens d'Espagne, et aux exploits
de son père , qui avait assoupi tous
les troubles intérieurs. Mostanser
crut cependant devoir signaler sou
zèle contre les ennemis de l'isla-
misme. Ses généraux firent, en 354
( 965 ) , une irruption dans le
royaume de Léon, dont ils assié-
gèrent vainement la capitale. La
même année, il ravagea la Castille,
et prit en personne Sepulvcda , Si-
mancas , etc. Encouragé par ces
succès, il rompit la trêve conclue
avec Ramire III ; et profitant de la
minorité de ce prince, il entra dans
le royaume de Léon, où il emporta
d'assaut et fit raser Zamora. Mais
ce sont-là les moindres titres ^de ce'
monarque à la reconnaissance de ses
peuples , et à l'admiration de la pos-
térité. Aucun prince de sa race n'é-
gala sa maguiîicence , sa piété, son
liumanité, et l'étendue de ses con-
naissances. Jamais , disent les au-
teurs arabes, les leîtres ne furent
plus en honneur; jamais prince
ne vit à sa cour une telle aflluence
de savants , et ne les protégea plus
efficacement. Tvrostauser les em-
ployait à écrire l'histoire naturelle ,
politique et littéraire de l'Espagne •
et afin de rendre leurs ouvrages plus
parfaits, il chargeait les gouverneurs
des provinces, et les principaux ma-
gistrats des villes , de rechercher et
de lui envoyer les mémoires les plus
authentiques sur l'origine et la gé-
néalogie des familles, et sur les mo-
numents anlnpies. Il fonda plusieurs
collèges, el y plaça les plus habiles
proiesscius. 11 rassembla , de tous
IMOS
côtes et à grands liais, les livres les
1)1 us piecicux., et cii l'urma une bi-
ijliotlièqiie royale, composer (le si.v
CL'ut mille volumes , iloiit le cata-
logue seul en couipreiiait quaraule-
(juatio. Il institua r.icafle'iiiic de
Cordouo. 11 établit aussi des collèges
et des bibliolîièqiics pu])li(jues dans
plusieurs autres parties dcrEspague.
Ce khalvfe était lui-mciiie très-verse
dans le droit , dans l'histoire , dans
toutes les sciences; et il n'ouvrait
aucun livre qu'il n'y ajoutât de
savantes notes de sa propre main.
On cite un trait remarquable de
6on amour pour la justice. Désirant
agrandir les jardins de sou palais ,
il lit proposer à une pauvre femme
de lui vendre un ])etit champ qui
leur e'tait configu. Sur le relus de
celte femme, l'intendant des jardins,
à l'insu du prince, s'empara du
chamj) : elle alla se plaindre au cadhy
deCordouc, qui pensa que le klia-
îyfe n'avait aucun droit de prendre
le bien d'autriii. Un jour que Mos-
lanser, entouré de ses courtisans, se
délassait dans un kiosk, au'il avait
fait bâtir sur le terrain de la pauvre
femme, le cadhy arrive, moule sur
im àne , et tenant un sac vide , qu'il
remplit de terre avec la permission
du monarque; puis il prie ce prince
de l'aider à charger le sac sur son
âne. Le khal3'fe y consent j mais il
])eut à peine soulever le sac , et le
laisse tomber, a Commandant des
fidèles , dit alors le cadhy , si tu
trouves trop lourd cesacqui ne con-
tient qu'une faible partie du champ
usurpé par toi sur une de tes sujètes,
comment soutiendras-tu le poids de
tout le champ, lorsque, chargé de
cette iniquité, lu paraîtras devant
le juge suprême? » Frappé delà le-
çon, Mostanser remercie le cadhy,
rend à la pauvie femme le champ
?.IOS
%^:>
dont cUc avait été dépouillée, cl lui
donne k pa\illonavec les richo>.ses
qu'il renlVrmail. Ce mcmanpie avait
une telle horreur pour le vin , qu'il
avait résolu de faire arracher toutes
les vignes du sol ilc l'Lspagne. La
mort l'empêcha sans doute d'exé-
cuter ce projet, préjudiciable à ses
intérêts. Il mourut subitement le '2
safar 3GG( 3o septembre 976 ), dans
la 16". année de son règne, et la 04*^.
ou GG"=. de sou âge, laissant pour
successeur son fils , le faible AU
Mowa'icd Hescham ÏI , sous lequel
l'Espagne musulmane parvint au plus
haut point de gloire et de puissance
par la valeur et les talents du cé-
lèbre Al-Mansour ( Fojez ce nom,
XXVI , 522 ) , et tomba , bienltjt
après, dans l'anarchie et la dissolu-
tion. ( F, Maudy, XXYI, i55, et
Hesguam II , au Supplément. ) A-x.
MOSÏANSER-BILLAH (Abou-
Temiiw.-Maad al), 5*=. khalyfe fathe-
mide d'Egypte, naquit au Caire , l'aa
420 de l'hégire, et fut proclamé suc-
cesseur de son père Dhaher , le 1 j
schaban 4^7 (io36 de J.-C.) Sa
mèi'e était une esclave noire, qui
avait passé des bras d'un marchand
juif dans ceux de Dhaher : investis
de l'autorité pendant le bas âi":;e de
sou fils , elle fit venir à la cour sou
ancien maître; et tout se régla quel-
que temps par les conseils de ce fa-
vori. Les premières années du règne
de Mostanser furent signalées par la
soumission de la Syrie à ses armes.
I/an 44 1 ? Moëzz ben Badis, prince
d'Afrique, ayant cessé de le recon-
naître, eu substituant à son noiiT^
dans les prières publiques ( V.
MoEzz, XXIX, 21 3), celui du klia-
lyfe abbasside Caim Biamr-AUah,
Mostanser, pour s'en venger, gagna,
par des distributions d'argent, plu-
sieurs tribus arabes j leur promit de
a56
MOS
puissants secours, et abandonna à
leurs excursions les états du rebelle,
qu'elles désolèrent par leurs ravages.
Les Benou Korrali , peuplade établie
en Egypte, mécouteuls du chef que
leur avaitaonné Ickhalyfe, se révol-
tèrent à leur tour : Mustanser par-
vint à les contenir. 11 eut en même
temps la satisfaction de voir le Yémen
se placer sous sa protection. Caïra ,
pour arrêter ses progrès, fit répan-
dre une déclaration signée par les
cadhis et les schérifs , dans laquelle
on traitait de mensongère la généa-
logie dont se prévalaient les khalyfes
d'Egypte , et où l'on niait qu'ils des-
cendissent d'AIy, gendre de Maho-
met. Cependant l'Egypte était en
proie aux horreurs de la famine et de
la peste. Le premier de ces fléaux de-
vait être imputé au vczir Yazoury,
qui avait déterminé Moslanser à sup-
primer les greniers publics : il répara
son imprudence par une administra-
tion pleine de sagesse et de fermeté,
qui ramena l'abondance. L'an 44^?
Mostanscr appuya la défection de
Bésasiry, général des Turks au ser-
vice du khalyfe de Baghdad, et fut
proclamé souverain dans l'Irak et à
Baghdad. Déjà il se croyait sûr d'a-
voir anéanti la puissance des Abbas-
sidesj et il avait fait construire un
palais au Caire pour y reléguer la
famille détrônée. Mais la défiance
qu'il témoigna contre le génie entre-
prenant de Bésasiry, et les secours
qu'il lui refusa, lui firent perdre
tousses avantages, etCaïm recouvra
sa capitale et ses droits. ( V. Gaim,
VI , 479)' '-'^ ^*^ terminèrent les pros-
pérités de Mostanscr : indolent , ir-
résolu et livré à ses plaisirs, il flot-
tait entre les avis contraires qu'il sol-
licitait de toutes parts ; et l'Egypte
gémissait sous l'administration im-
prévoyaute de vézyrs renouvelés sans
MOS
cesse, et qui, ne faisant que passer
dans leurs fonctions , n'y apportaient
d'autre soin que celui de se défendre
contre des attaques personnelles.
Son empire dépérissait; et des luttes
sanglantes, engagées entre les Turks
et les Noiis , que la mère du khalyfe
protégeait comme ses compatriotes,
mirent le comble aux désordres. Les
Turks prirent le dessus; et mettant
à leur lêto Naser-ed-Doulah , le géné-
ral le plus accrédité de Mostanscr, ils
s'emparèrent du pouvoir, et lui lais-
sèrent à peine gouverner le Caire
et ses environs. Au milieu d'une
famine qui vint se joindre à ces ca-
lamités, le khalyfe fut réduit à une
telle extrémité, qu'il ne dut sa con-
servation qu'à la bienfaisance d'une
femme qui le comprit dans les dis-
tributions alimentaires qu'elle faisait
aux indigents. Dans cet abaissement,
il ne restait presque à Mostanscr que
trois esclaves et la natte oix il était:
couché : les Turks avaient exigé
qu'il leur abandonnât à vil prix,
pour leur solde, le précieux mobi-
lier de son palais, et jusqu'à des
parties nombreuses de sa riche bi-
bliothèque ( I ). Jouet des émyrs, qui
opprimaient l'Egypte, il appela en-
fin à son secours Bedr-al-Djémaly,
qui tenait sous ses lois la Syrie, et il
réunit dans la personne de ce nou-
(i) La bibliothèque du Caire , la plus considérable
nui existât dsns tout Tempire mu^ulinan, était com-
posée de plus de seize-ceut mille volumes , selou Ibu
Alïv'Tav : on y comptait jusriu'à 19.00 exem|>lairfS
de îa Chronique de Tabary. Une partie consiilér.ible
des livres qui furent , pour ainsi dire , mis au pillnjie
sous Mostaiiser , l'au 461 , a! rêti'e par les Lewatmis ,
taudis qu'elle descendait le Nil, fut abandonnée aux
esclaves qui prireul 1» s rii lies couvertures pour s'eu
faire des souliers, et briilèreut les feuillet» comme
cviitenant une doctrine bérétjque. D'autres , échap-
pes aux tlamiucs , restèrent entassés par mouce.»ux ,
sur lesquels 1rs vents accumulèrent taut de sable,
qu'il s'en forma des monticules qui couservèrent la
nom de ÇtiUmes des livres. Ce curieux détail fourni
par M. Et. Quatremère {Trlr-m. géugr. et hi<t. sur
l'Egypte, II, 385 ) , est tiré du Kual al dckiair
^ livre du tiéior }■
MOS
veau ve'/.yr, toute l'aïUoritc civile et
militaire. Bcdr cxlcrniiiia Irs piinc-
luis les plus dangereux du klialyfe,
poursuivit avec une .activile infati-
gable tous les révoltes , dispersa les
Arabes, et, par le succès deses armes,
il parvint à pacifier la Basse-Egypte.
Cependant la Syrie s'était soustraite
à l'obéissance de Mostanser; et Atsiz,
chef des Turcomans , maître de la
plus grande partie de celte contrée,
osa s'avancer sur le Caire. Bedr eut
encore la gloire de le vaincre; et il
mourut au Caire, l'an 4^7, après
avoir gouverne l'Egypte pendant
'J.0 ans avec une autorité absolue, et
lui avoir rendu sa population et sa
fertilité par la sagesse de son admi-
nistration (/^. Bedr-al-Dj£Maly).
Mostanser le suivit de près , et ter-
mina, le 8 du mois de dzoulhadjah
Je la même année {'21 décembre
I og4 de J.-C.) , un règne de soixante
ans, le plus long dont fassent men-
tion les annales des diverses dynas-
ties de klialyfes , et qui n'eut de
me'morable que les malheurs qu'il
attira sur l'Egypte. Il eut pour succes-
seur son fils Mostàlv. F — t.
MOSTARSCHED-BILLAH
(Abou-Mansour Al-Fauhi, II, al),
•29*^. khalyfe abbasside , fut pro-
<!ame à Baghdad , l'an 5 1 2 de l'hcg.
( 1 1 18 de J.-C. ) , après la mort de
son père Mostadher, qui depuis lojtg-
temps l'avait fait reconnaître pour
son successeur. Aboul Haçan voulut
disputer le tronc à son frère Mostar-
sched ; il rassembla des troupes k»Hil-
lah , et s'empara de Waseth : mais
le khalyfe ayant mis dans ses inteVêts
Dobais , émyi" des Arabes açadides ,
gouverneur de Hillah , en lui pardon-
nant ses révoltes et ses brigandages ;
Aboul Haçau fut vaincu, arrête dans
sa fuite,et amenedevant sonfrèrequi,
après lui avoir fait une sévère l'épri-
XXX.
MOS 257
mande, lui accorda sa grâce et sa li-
berté. Plus belliqueux que ses prédé-
cesseurs , Mostarschcd se brouilla
bientôt avec Dobais , lui lit la guerre
en personne, l'an 517(1 1'23), chose
inou'ie depuis deux siècles , le vain-
quit , et l'obligea de se retirer chez
les Arabes du désert , et de là auprès
des Chrétiens de Syrie. Fier de ce
triomphe , le khalyfe crut pouvoir
s'afiVanchir aussi aisément de la ty-
rannie de l'émir al-omrah : il prit
les armes contre les Scldjoukides ,
soutint un siège dans Baghdad contre
le sulthan Mahmoud, en 5uo( 1 126),
fut forcé de subir la loi, et vécut de-
puis en bonne intelligence avec ce
prince, qui le secourut, en SaS, con-
tre Dobais ( r. Mahmoud, XX V^,
174 )• Après la mort de Blahmoud,
en 5^5 , il fit de nouveaux efforts
pour rétablir l'indépendance du kha-
lyfat , en favorisant tour-à-tour les
princes seldjo:;kides, qui se dispu-
taient la succession de ce prince et le
titre de sulthan. Il eut la gloire de
vaincre, en 5^6 , les troupes du sul-
than Mas'oud , commandées par
Dobaïs et par le fameux Zenghy
( r. ce nom ). Il alla même, l'année
suivante, assiéger Moussoul, qu'il ne
put prendre : mais après avoir fait
la paix avec Zenghy et Mas'oud , il
©sa supprimer de la khothbah , le
nom de ce dernier qu'il avait reconnu
sulthan ( F. Mas'oud , XXVII ,
38'i ) , et , bravant sa vengeance, il
marcha au-devant de lui. Les deux
armées s'étaut rencontrées , le 1 o
ramadhan , Sag ( i4 jui» ii35 ),
entre Hamadan et Baghdad , le sul-
than hésitait à engager l'action par
un reste de respect pour le khalyfe.
Celui-ci'donna le signal du comb^it;
et quoique la plus grande partie de
ses troupes eût passé du côté des en-
nemis , il tint ferme sur le champ de
17
2.^8
I\IOS
balaillCjàlatêtedesamaison, jusqu'à
ce ijiie, force de ocdcr au nombre, il
fut fait prisonnier , et einin-'iie par
le vaiuqijcur dans l'AdziTbaùljaii.
Arrivés à Mcraglie, les deux princes
conclurent untraité. Mostarschcd s'o-
bligea de payer au sultlian 4oo mille
dinars d'orlous les ans , de demeu-
rera Baghdad, et de n'y avoir d'au-
tres troupes que sa garde; mais lors-
qju'il se disposait à retourner dans sa
capitale, il fut assassiné, le 1 7 dzoul-
kadah ( 19 août i i35 ) , par vingt
Balhéniens ou Ismaéliens, qui le sur-
prirent dans sa tente , au moment où
la réception d'un ambassadeur en
avait éloigué la plus grande partie
de ses gens. Les assassins lui coupè-
rent le nez et les oreilles, ledépouillè-
rent du manteau du prophète , et le
laissèrent tout nu sur la place. Ce
khalyfe , dip;ne d'un meilleur sort ,
était dans la quarante-quatrième an-
née de son âge et la dix-huitièrae de
son règne. A un grand courage , il
oignait un esprit vif et pénétrant ,
une éioquence brillante et concise,
des connaissances très - profondes
surtout en théologie , et beaucoup de
talent pour la poésie. Il fut le der-
nier khalyfe qui prononça lui-même
en chaire le prône ou la khothbah.
SonfilsRasched lui succéda. A — t.
MOSTASEM BTLLAH ( Abou-
Ahmed Abdallah VII al-), 87*. et
dernier khalyfe abbasside de iiagh-
dad, succéila, l'an de l'hég. 64o (de
J.-G. 1 1^'i ) , à son père Moslanscr,
dont il n'imita pas les vertus. Dès le
jour de son iustal!atio]i,il laissa voir
sa sotte vanilé et son goût pour un
faste puéril, qu'il prenait pour de la
grandeur. En se rendant à la mos-
quée , il ne marchait que sur des tapis
d'or : il ne voulut point descendre dé
cheval, à la porte du temple ; il se
voilait le visage , afin, disait-il , que
MOS
SCS traits ne fussent point souillé.ç
partes regards d'une vile populace:
il exigea que l'on baisât le seuil de
son palais, ainsi qu'une pièce de
velours noir, qu'il y fit suspendre
au-dessus de la porte, voulant qu'où
leur rendît par-la le même honneur
qu'à la fameuse pierre noire du
temple de La IMekke. Le cortège de
ce khalyfe, dans les cérémonies pu-
bliques , était si nombreux et si ma-
guiiique, qu'on accourait en foule
pour le voir passer , qu'on louait à
des prix excessifs les portes et les
fenêtres, et qu'une maison fut payée,
dans une occasion pareille, jusqu'à
3ooo dinars ( 3o mille fr. ) Mosta-
sem d'ailleurs était un prince sans es-
prit, sans jugement, sanséiieri;ie, sans
aptitude jiour les affaires. 11 se lais-
sait dominer par ses femmes et par
ses courtisans, et passait son temps
à entendre de la musique, à A'oir des
tours de gobelet, à visiter ses vo- '
Hères , ou à s'occuper superficielle-
ment dans sa bibliothèque. Tel était
le monarque destinéà laisser au mon-
de ini exemple mémorable du néant
des grandeurs humaines. Déjà sou
vain orgueil avait été hfimilié dans
la personne d'un ambassadeur , qu'il
avait été forcé, l'an G45 ( i-2^"j ),
d'envoyer au grand khan des Mo-
gols ( f. Kaiouk. ) Mais cette mor-
tification ne fut que le prélude des
maux que le successeur de Kaiouk
devait causer à l'empire musulman.
( F. Makgou-Kuan. ) IMostaseia
avait pour vézvr Mowayed-eddyii
Mohammed Al-Karav, homme de
mérite , que l'esprit de parti rendit
traître à son prince, à son pays et
à sa religion. Des riies sanglantes
avaient lieu depuis fort long-temps
ë Baghdrf l parmi les habitants, dont
les uns étaient Ckyites ou sectateurs
d'Aly, et les autres Sunnites, ou tra-
MOS
dilionnairos. Une scciic scinl)laLle
s'étant renouvelée , l'an G5o ( î'i^i),
et le ve'zyr ayant pris le parti des
premiers; Aboul-Abljas Aluned, à
lu têle des troupes du klMlyfe,sou
père , ordonna le pillaj^c «lu (piarliir
de Karkli , habite par les Chyilcs ,
dont les feiunies cl les filles lurent
outrage'es de la niauierp la plus in-
fâme et la plus scandaleuse. Le vè/vr
dissimula son ressentiment , pour
mieux assurer sa vfii^cance. Mus-
taseni n'elail pas moins avare que
vain; elle plaisir d'entasser des tré-
sors, même pardes moyens honteux,
était aussi une de ses jouissances.
( f\ MeUK EL Naseu, XXVIII,
221 ). Mowayed eddyu,en Itattant
les deux passions favorites de son
maître , lui persuada cprune armée
décent mille hommes lui e'iail inu-
tile dans Baghdad , ou les Tartares
lie viendiaieut jamais l'attaquer;
que si, ce(ien(iant, ils osaieut s'y
hasarder , les femmes et les enfants
suthraient pour les écraser, du haut
des maisons, avec des pierres. Le
khalyfe suivit ce perfide conseil , et
réduisit ses troupes à vingt mille
hommes. En même temps, le vézyr,
sous prëlexle de réconij)enser les
meilleurs officiers , leur donna des
emplois et des gouvernements loin
de la capitale. Il eut soin .durs d'in-
former Houlagou, frère du grand
khan , que Baghdad n'était plus en
e'iat de résister aux Tartares. { r.
Houlagou.) Eu vain quelques servi-
teurs fidèles teulèrcul d'ouvrir les
yeux au khaivfc sur le danger qui
le menaçait. Infatué de sa puissance
fantastique, ne seformanl ipi'unc fai-
ble idée de celle des ennciMis contre
lesquels il allait avoir à se défendre ,
et retenu par son caraolère indolent
et apathique, il méprisa les plus sages
conseils , et s'abandonna au traître
MOS
a 09
qui l'entraînait dans le pre'cipire.
Ba^hdadme iujjit , disait-il stiipi-
demeut; les Tartares ne m'envie-
nmt pas cette ville et son territoire,
si je leur cède les autres provivces.
L'aïqirnchc tl'Hunlagou lui inspira
néanmoins quelque inquiétude. Il
lui envoya un ambassadeur , qui
fut ïenvové avec mépris: il opposa
aux Tartares un corps de dix mille
hommes , qui, après un léger avan-
vantagc , fut taillé en pièces, à quel-
ques lieues de Baghdad, Enfin , Hou-
lagou investit celte célèbre cité, dont
^imnlcn^;e popul.ilion se trouvait en-
core augmentée par toute celle des
campagnes voisines. Le khalyfe sor-
tit alors de sa léthargie ; mais en s'ar-
rachantkses plaisiis,il tomba dans
raccablemcnl du malheur , et ne sut
prendre aucun parti généreux. La
résistance fut courte et faible: après
un siège de quinze jours ou trois se-
maines, ou tout au plus de deux
mois, suivant les auteurs , qui eu
placent le commencement à l'arrivée
des premières troupes ennemies dans
les environs de Baghdad, les éten-
dards de Houlagou furent aiborés
sur une des tours de cette malheu-
reuse ville, le 29 moharrem 056 ( 5
févr, 1258). Aussitôt les Tartares se
précipitent en foule', se répandent
dans les rues , se gorgent de sang et
de butin , et se livrent aux excès les
plus épouvantables. Dans le même
temps, le khalyle , par ordre du
vainqueur , ou plutôt par le con-
seil de l'infâme Mowayed - eddvn,
se rend au camp de Houlagou , ac-
compagné dune multitude de Itm-
mes, (l'cmuiques, de courtisans , et
des deux (ils qid lui restaient ( l'au-
tre avait péri les armes à la main ,
en défendant une des portes ). Le
conquéranl tartare refusa d'admet-
tre cette nombreuse escorte , où se
26o
aios
montrait pour la dernière l'ois l'ap-
pj^rcil (le la majeslc des klialyfes. Il
reçut Mostascm , Ir.i reprocha sa né-
gligence, sa faiblesse et sa lâcheté ,
et assembla son divan, pourdelibe'-
rer sur le sort de riuforluuë kha-
lyfe , qui fut condamne avec ses t^cux
fils suivant les lois pénales du Yasa
( le code de Djengliyz-khan). Les re'-
cits varient sur le genre de mort que
l'on 6t subir à Moslasera. Suivant
l'opinion la plus commune et Ja plus
probable, il fut enveloppé dans un
sac de cuir ou de feutre , et foulé aux
pieds des vainqueurs. Ainsi périt, le
4 safar 65G ( lo février 1258),
après avoir vécu quarante-six ans et
en avoir régné dix-sept, le dernier
des successeurs de Mahomet. En lui
s'éteignit le khalyfat , qui aA-ait duré
6a6 ans depuis Abou-Bekr, et que
les Abbassidcs avaient possédé 5 08
ans. ( F. Abou'l-Abbas, 1 , 88 ).
Cette famille trouva uu asile en
Egypte , où elle ne recouvra que
l'ombrede son antique puissance [ V.
MosTA>'SER, p. ';t53 ci-après). L'his-
torien Fakbreddyn Razy vautela pié-
té , la douceur et l'affabilité de Mos
tasem : mais comme il est le seul
qui donne des éloges au vézyr Mo-
wayed eddyn , il est évident que cet
auteur était cbyite; et dès-lors ses
récits et ses louanges dans celte
circonstance doivent être regardés
comme suspects. A — t.
MOSTO. r.CiDAMosïo.
MOTADHED-BILLAH ( Aboù'l-
Abbas Ahmed ÎII, al ), 16*^. khalyfe
abbasside de Bagbdad , succéda aux
droits de son père Mowaffek, et fut
inauguré l'an 279 de l'hég. ( 882 de
J.-C. ), après la mort de son oncle
Motamed, que quelques auteurs sun-
nites lui ont faussement attribuée.
La paix dont jouissait l'empire à l'a-
vénement de ce prince, ne fut trou-
iMOT
blée que par la révolte d'Hamdan ,
émyr arabe, qui possédait plusieurs
places en Mésopotamie. Le kha
lyfelc vainquit, le lit prisonnier, ra-
sa tous ses châteaux , et pardonna à
ses enfants, qui parvinrent dans la
suite à une grande puissance ( V. Na-
SER ED-DAULAH et SeIF ED-DAULAh).
Motadhed déploya une magnificence
inouic , quand il épousa la fille de
Khomarouiah ( V. ce nom ); et il
confirma Ce prince, ainsi que son fils,
dans la souveraineté de l'Egypte ,
moyennant un tribut considérable.
Ce fut sous le règnedeMotadhed que
les Carmathes, commandés par Abou-
Sa'id al Djannaby , commencèrent ù
propager leur secte, les armes à la
inain ( V. Carmath ). Le khalyfe
prit toutes les mesures pour arrêter
les progrès de ces fanatiques. Il for-
tifia Basrah d'un nouveau rempart,
afin delà mettre à l'abri de leurs en-
treprises : mais une armée qu'il leur
opposa, fut taillée en pièces ; et
tous les efforts de ce prince n'abou-
tirent qu'à retarder les horribles
brigandages qu'ils exercèrent pen-
dant près d'un siècle dans l'Arabie,
l'Irak , la Syrie et l'Egypte. Cet
c'chec fut le seul qu'éprouva Mota-
dhed, durant un khalyfat de neuf
ans et trois mois. Craint et respecté,
comme monarque et comme ponti-
fe , de tous les gouverneurs et prin-
ces musulmans, depuis les bords du
Sihoun ( le laxarte ) , jusqu'au de
iroit de Gibraltar, il eut la satisfac-
tion d'avoir en sa puissance le sof-
faride Amrou, émule, frère et Suc-
cesseur de ce Yacoub qui avait porté
des cou ps si terribles au trône des kha-
lyfes ( F . Amrou ben-Leits et Ya-
coub ben-Leïts ). IMotadhed mourut
le 25 raby 2*^., 289 ( 5 mars 902 ) ,
âgéd'environquarante-huitaus,après
avoir assuré l'empire à son fils Mok-
MOT
tafy. Alliant le comaç;'' à la pruden-
ce et radrcssc à la feniicK-, ce prince
tint d'une main vit;oiireiisp les rênes
du «gouvernement. Il rc'iablit la dis-
cipline militaire , et ne veilla [>a.s
moins au maintien de la justice el
à l'exécution des lois. Sévère jusqu'à
la cruauté', envers les grands dont
l'ambition pouvait bouleverser l'é-
tat comme sons les rèç;nes précé-
dents; il diminua les impots qui
pesaient sur le peuple, et se mon-
tra d'une indulgence extrême pour
les fautes uniquement relalives au
service de sa personne. Doué de
beaucoup d'esprit et de pénétration ,
il protégea les lettres; mais il ban-
nit de sa cour les astrologues, les
géomancieus et les charlatans. Mo-
tadlied témoigna toujours une grande
vénération pour la mémoire d'Aly,
et ccn;bl(i défaveurs les descendants
de ce klialyfc ( V. Aly, I, 56g).
De là , les éloges restreints et même
les reproches de quelques auteurs ,
zélés sunnites, d'après lesquels ou
pourrait le regarder comme un ty-
ran ou comme un prince inconsé-
quent el sans caractère. A — -t.
MOTAMED-BILLAH ou AL-AL-
LAH ( Abou'l - Abbas Ahmed IÎ ,
al) , i5^, kbalvfe abbasside , et fils
de Motawakkei , fut tiré de prison ,
l'an de l'hégire 256 (870 de J.-C. ) ,
pour succéder au vertueux et infor-
tuné Mohtady , son cousin-germain.
Ce prince indolent, avec quelque
goût pour les lettres, n'avait d'au-
tres passions que celles du jeu , du
vin , de la musique et de la bonne
chère. Il végéta sur le trône, pendant
un règne de vingt-trois ans, fécond
en événements remarquables, aux-
quels il ne prit aucune part. Il par-
vint néanmoins , secondé par son
frère Abou- Ahmed Telhah , à répri-
pier l'insolence et les mutineries des
MOT
261
milices turkes, et sut éviter le sort
funeste de ses cinq derniers prédc'-
cet^seurs ; mais il se laissa dominer
entièrement parce prince , qui s'em-
para do toute l'autorité, et qui eut
a-scz d'influence, pour se faire dé-
clarer héritier du khdlyfat, sous le
titre de Ifcnva/f'ek- Billah, après
Djàfar, flis de Motamed. La révolte
de YacoublesofTaride, dans la Perse
Orientale , cl l'invasion d'Aly , sur-
nommé le prince des Zendjcs, dans
les provinces voisines du golfe Per-
sique , causèrent de grands matix
à l'empire , et mirent le khalyfat
à deux doigts de sa perte. Mowaf-
fek vainq-.iil ces deux rebelles, et
lit périr le second. Une mort natu-
relle , mais imprévue , avait déli-
vré le khalyfe de la crainte du
premier. ( F. Yacoub BEN-LEiTset
MowAFFEK ). Les Turks ne dictsient
plus la loi dans Baghdad; mais Ah-
med , un de leurs chefs , s'était em-
paré de l'Egypte , de la Syrie, et y
avait fondé la dynastie des Thoulou-
uides ( F. Ahmed Ben Tuouloun ,
1 , 335 ). Ahmed était cependant
moins ennemi du khalyfe que du
prince MowafTek. Aussi Motamed ,
lassé de la tyrannie de son frère, s'é-
chappa de Baghdad., tandis que ce-
lui-ci était occupé à combattre les
Zendjes, et prit la route de l'Egypte,
où il espérait trouver dans Ahmed
un soutien et un libérateur ; mais
il fut arrêté par le gouverneur de
Moussoul , qui l'obligea de retourner
à Baghdad. Un seul trait donnera
une idée de la nullité et de l'insou-
ciance de ce khalyfe. Ayant eu be-
soin de 3oo dinars d'or (3, 000 fr. ),
il ne put les obtenir de son frère , et
se consola de celle petite disgrâce,
en la mettant eu vers. Après la mort
deMowalTek , loin de recouvrer une
autorité qu'il était incapable d'exer-
262
MOT
cer, Mofamed la \'\t passer, sans
osor se plaindre, rnlrc 'es mains de
son neveu Motadlicd , fils de ce prin-
ce j il fut même force de deslieritcr
son propre fds Djàlai- Al-l\lofa\vcd ,
en faveur' de cet anihitieiix neveu
(_F. Motadhed). Motaiiied mourut
d'indigestion à Baglidad , à la suite
d'une grande dcbauclic, le 19 redjeb
379 ( oct. 892 ) , dans la cinquante-
unième année de son âge. A — t.
MOTAINABBI. r. MoTENAimy.
MOTASEM-BIf.LAH ( A bol Is-
IIAK MOUAMMED III, Al- ), 8*=. klia-
lyfc abbasside, et quatrième fils du
célèbre Haroun Al-Raschid, monta
sur le trône, l'an 'a 18 de rbégire
( 833 de J.-C. ) , par le choix de
son frère Al-Mainoii^i, au préjudice
de Cacem Al-Motamen , sou autre
frère, et de son neveu Abbas ( F.
Aaron , 1 , 5 , et Mamoun , XXVI ,
433). On murmura d'abord de cette
desobéissance aux volontés pater-
nelles; mais la soumission volon-
taire des deux princes exclus étouf-
fa toute semence de discorde , et
Motasem fut unanimenienl reconnu
khalyfe. A l'exemple de son prédé-
cesseur , il se livra aux discussions
tlicologiques , et persécuta avec fu-
reur tous ceux qui niaient la création
du Coran : mais ce qui , chez le pre-
mier, avait été l'abus tlu raisonne-
ment et des lumières, ne fut, chez
le second, que l'eflct de l'entête-
ment et de la plus grossière ignuran-
ce. Motasem fit périr plusieurs doc-
teurs , et fustiger , en sa piésence ,
l'imam Ahmed Ibu - llanbal , avec
tant de barbarie, que des lambeaux
de chair se détachaient de son corps
{ T.Hanbal, XIX, 377 ). 11 prêta
même sa main aux bourreaux pour
e'corchcr vif un autre ouléma , qui
avait osé soutenir l'origine céleste
du Coran. Les longues guerres des
MOT
Arabes dans le Tuikestan avaientcon-
sidérablenient multiplié dans l'em-
pire le nombre des ju-isonniers f uiks.
Le khalyfe en forma un corps de
troupes , qui devint redoutable à plu-
sieurs (le ses successeurs. Ce fut ap-
|iaremmeiit pour soustraire cette nou-
velle milice à l'animosité des habi-
tantsdcBaghclad, naturellement por-
tés a la sédition , que Motasem jeta ,
l'an '20.0, à douze lieties de cetic
ville , les fondements de Sermcnraï ,
Samarah ou Samirra , qui fut pen-
dant quelques l'ègnes le siège du kha-
lyfat. Depuis vinqt ans le rebelle
Babck résistait à toutes les forces
musulmanes. Chassé de la Perse , il
s'elForçait de soulever l'Arménie, où
il s'était retiré. Le turk Afschin, qui
d'esclave était devenu général , vain-
quit enfin re fameux imposteur ,
l'an -ri'i (837), avec le secours des
princes Arniénien.s , qui le remirent
entre ses mains ; et il l'envoya au
khalyfe , qui le fit expirer dans les
supplices ( F. Babek, III, i55 ).
L'empereur Théophile , voyant les
étals du khalyfe en proie aux guer-
res civiles et aux quei elles religieu-
ses , élait entré dans la Comagène ,
avait pris Jianiosaih , et assiégé Za-
petra , où Motasem était né, sans
égards pour les instancesdecepiince
qui le ])riait d'épargner cette ville,
il la prit , et y commit les plus hor-
ribles cruautés. Le khalyfe , animé
par !a fureur et le désir de la ven-
geance , marcha bientôt contre les
Chrétiens , s'aA'ança jusque dans la
Galatie , et réduisit en cendres Amo-
rium j patrie de Théophile. On pré-
tend q-u'il avait fait écrire le nom de
cette ville sur les boucliers de ses
soldats , afin de déclarer hauleoienl
son dessein de la sacrifier à son res-
sentiment. La guerre entre ces deux
priucts fut une guerre de Ijarbarts.
MOT
Ail retour de celle cxpcdilion , Mota-
scin lil arrêter SOI) neveu Abb.is, sotis
prélcxte q\i'ii avait tenté de recou-
vrer le klialvlal ; il le rond.iiuiia à
mourir de soif, et se défit par divers
sujipliccs de Ions les parti>aus de ce
jeune piince. Il triompha d'nn rebelle
dans le Ibabaristan , et le fit périr ,
ainsi que le général Afschin , qui ,
outre des inlelligrnces eriminelks ,
fut convaincu de s'être livre au culte
du feu, et d'avoir voulu le rétablir
eu Perse. IMotasein mourut à Ser-
menrai, le 18 laby i*^. •n'j (5 jan-
vier 84'^ ), àgédequarante-buil ans.
11 était ne le 8^'. mois de l'année 218,
et avait régné huit ans et huit mois.
Il fut le 8"'-. khalyfc de sa famille, et
se trouva dans huit batailles. Il laissa
Luit fils, huit filles , huit mille es-
claves, huit millions de dinars d'or,
et hiiitanle millions de drachmes
d'argent. Aussi a t-il été surnommé
le Jiuitaiiiier. Ce klialyfe, peu re-
comrn;indable par ses qualités mora-
les , odieux nitme aux zélés musul-
mans, à cause de ses princijies hété-
rodoxes et de sa cruelle intolérance,
se disti;.guait par les avant, ges phy-
siques, et par une force pr. digicuse:
il soulevait un poids de dix quintaux,
et, par la seule pression de son pou-
ce , il elï'.içait , dit-on , l'empreinte
d'une pièce de monnaie. 11 fui le pre-
mier Lhalyfe qui joignit à son nom
celui de Dieu , en prenant le titre de
Motasem-JJillah (protégé par Dieu^;
exemple qu'inàlèrent non-seulement
tous ses successeurs, mais encore la
]>lu|iart des princes musulmans de
l'Afrique , de rEvp.'gno et de l'Ara-
bie , qui ajoutèrent à leins titres ,
ceuxdePianir-.Mlah, de J.edin-Allah,
etc. Mutasem transmit le kiialyfat à
Wathek-Billah son fils aîné. A — t.
MOTAWAKKEL ALA- ALLAH
( ApOU-AbD^LLAE MoilAMllED BEN
l\IOT
loi
TocsovF jkL- DjfZAMY , Al) , roi
d'une grande partie de I Kspagiie mu-
sulmane, au treizième siècle de l'ère
chrétienne , était issu de la f.imille
des Ben-Houd , qui avait occupé le
Irone de Saragoce, pendant un siè-
cle , à l'époque de la décadence des
Ommavades , et qui depuis avait ré-
gné à IMurcic. Ce prince comptait
aussi , au nombre de ses ancêtres ,
Djezani-ben-Amer , nn des princi-
paux ofliciers de Mousa Ibn-Naser,
le conquérant de l'Espagne, et Oth-
man l'un des gouverneurs de cette
contréepourles khalyfesd'Orient. La,
puissance des Almohades s'él;jit fort
a (l^illie eu Espagne, ajrès la fameuse
bataille de Tolo.'a ( F. Mehfmed el
Nasser , XXVIIl, 1 18 ). Moham-
med beu-Houd se révolta contre eux ,
à l'exemple de plusieurs autres gou-
verneurs . el devint leur plus redou-
table cniicmi , non moins par les
combats qu'il leur livra , que par les
proclamations qu'il pub ia centre eux
et leur doctrine, au nom dcMostanser,
khalyfe ahbasside de Baghdad. Lors-
qu'Abdallali el Adel eut quiité l'Es-
pagne pour aller régner en Afrique ,
l'an 6i I ( I i'i4 ) , Mohammed s'em-
para de Murcie , dont il était sans
doute gouverneur; il prit le litre de
roi et le surnom de Moiawakkel
al Allah, et enleva encore aux Almo-
hades Alracria et Grenade. IMoham-
med, prince de cette famille, possé-
dait idicw , Baeza et Cordoue : mais
ét.int devenu odieux aux musulmans,
pour s'être rendu tributaire et vassal
de Feriinaud 111 , roi de Castille , il
fut assassine à Cordoue par les habi-
tants , dout les vœux appelèrent Mo-
tawakkcl, qui s'était de]à emparé de
Jaen et de Baeza. Enfin , le départ
d'Abou-Aly Edris qui était A\é dis-
puter à sou neveu le trône de M;iroc ,
l'an 62 i ( 1^27 ), fit tomber Seville,
u64 MOT
Ecija , Carmona, Mériil.i , etc. , au
pouvoir de Motawakkcl ; et l'Espa-
gne l'ut alors cutièrcmcnl perdue
pour les Almohades. Aussi grand ca-
pitaine que gi'and politique , il joi-
gnait à CCS talens le don de l'élo-
quence et une générosité' sans bornes.
Ce prince semblait destine à relever
en Espagne l'empire musulman ,
dont il travaillait sans relâche à réu-
nir tous les débris. Mais Ferdinand
III , roideCastille, et Jayme I, roi
d'Aragon, ne lui on laissèrent pas
le temps, Motav^'akkel avait déjà
penin Badajoz et Mérida , et essuyé
une défaite devant cette dernière
place, lorsque, marchant pour déli-
vrer Cordouc, que Ferdinand tenait
assiégée , il apprit que le roi de Va-
lence, sou allié , était serré de près
par l'Aragonais. Persuadé sans doute
qi\c les villes qu'il possédait dans l'in-
térieur de l'Espagne, lui échappe-
l'aient bientôt , et qu'il lui importait
davantage de conserver les provinces
voisinesdela mer • il vola au secours
du roi de Valence , dont les états ser-
vaient de boulevard aux royaumes
de Mnrcie et de Grenade. Mais en ar-
rivant a Almcria, il y fut assassiné
dans le bain par ordre du gouverneur,
l'an 634 ( 1.236 ). Après la mort de
Molawakkel , Cordoue et Séville fu-
rent subjuguées par Ferdinand ; Va-
lence fut conquise par le roi d'Ara-
gon ; et il ne resta aux juusulmans
que les royaumes de Murcie et de
Greuade , dont le premier demeura
encore quelques années dans la fa-
mille des Ben-Houd, et dont le se-
cond passa sous la domination des
Nasseridcs qni déjà s'étaient révoltés
contre ce prince ( F. Mkhoied I''"". ,
roi de Grenade, tome XXVIII, pag.
Ï2I ). A— T.
MOTAWAKKEL ALA-ALLAH
■( Abou DjAFAR Mohammed XII ) ,
MOI'
17''. klialyfe abbassidc d'Egypte,
et le dernier de sa race qui ait por-
té ce titre, en fut décoré après son
pèreMostanserYacoub. S'étant Ikju
vé à la fameuse bataille qui eut lieu.
l'an (yi'j. (i5iG), entre le sulthau
mamloiik, Kansouh al Gaury, et
l'empereur othoman, Selim I*^"". , il
fut fait prisonnier par ce dernier ,
qui renver-ia, d'un seul coup, l'em-
pire des mamlouks en Egypte, et la
puissance khalyfale. En eiîet Mota-
wakkcl renonça formellement,cn fa-
veur du vainqueur , à tous ses droits
à l'imamat et au khalyfat; et peu
de temps après, le clieryf de la
Mekke, issu de Mahomet par Aly,
reconnut Selim par un hommage
solennel , pour le chef suprême do
la religion musulmane. Cette dou-
ble cession, faite par les deux prin-
cipales branches de la tribu de Co-
raisch , a suffisamment légitimé, aux
yeux des Sunnites, les droits que
les sultlians othomans se sont depuis
arrogé d'ajouter à leurs titres ceux
d'imam et de khalyfe, c'est-à-dire
de joindre l'autorité spirituelle à la
puissance temporelle. Motawakkel,
conduit à Constantinople, y fut re-
tenu jusqu'en g'if) [i 5'2.g) : Selim, à
la Acille de mourir , lui rendit alors
la liberté, et lui assigna 60 drachmes
par jour (quarante-cinq francs) pour
sa subsistance. Après la mort de ce
prince, le khalyfe revint en Egypte,
où , l'an gSo ( i59.4 ) , il fut forcé de
donner le titre de sulthan au pacha
du Caire, Ahmed, qui s'étant révolté
contre Sole^man I, fils et successeur de
Selim , crut devoir faire sanctionner
son usurpation par celui qu'il affectait
de regarder comme le légitime kha-
lyfe. Molawakkel finit ses jours l'an
945 (i538), laissant deux fils qui
recevaient une pension du ti'ésor pu-
bbc. C'est ainsi que s'anéantit l'il-
MOT
liisue famille des Abbass'ulcs , qui,
a])r('.s avoir occupe environ 800 ans
la cliaiie pontilicalc de l'islamisme
( F, IMostasem) , est lombec dans
une telle obscurilé, depuis près de
trois siècles , qu'on ignore s'il en
existe cnrore quelque rejeton. A — t.
MOTAWAKKEL - BILLAH
( Aboul-Fadul Djafau P'. , AL- ) ,
1 0*^. khal yfe abliassidc , et (ils de iMo-
tascm , fut proclame à Scrraenrai ,
après la mort de son frère Watbck,
eu dzoulhadjah 'xZ'.i ( août 847 ).
Pour sevenger du ve'zyr Mohammed
ibn-Haramad, qui avait voulu placer
sur le trône le fils de Wathck , il le
dépouilla de sa charge, de ses biens,
l'empêcha de doimir pendant plu-
sieurs jours , et le (it enfin renfermer
dans un fourneau de fer, hérisse' eu
dedans de pointes aiguës , et rougi
par le feu. Ce ministre , qui avait
imaginé ce supplice , en fut la vic-
time , comme autrefois l'inventeur
du taureau do Phalaris j et, taudis
qu'il poussait des cris affreux, sa
maxime favorite, la pitié n est que
faiblesse , était répétée par le kha-
lyfe. Ce prince extermina l'impos-
teur Mahmoud -ibn- Farad] ( F. ce
nom. XXVI , i83 ). Il abjura l'hé-
résie de ses trois dernieis prédéces-
seurs , et mit fin aux persécutions
dirigées contre ceux qui soutenaient
l'éternité du Coran. ( 7^'. Mamoun,
XXVI, 438. ) Mais Motawtkkel ne
se montra pas moins fanatique et
intolérant sous d'autres rapports.
Ennemi déclaré d' Aiy et de Houcéiu,
il anathématisa leur mémoire , or-
donna la démolition de leurs tom-
beaux, en interdit le pèlerinage ; et
joignant l'outrage à la cruauté , il
ne se borna pas à des poursuites
sanglantes contre la race et les par-
tisans d'Aly; il se fit un jeu de tour-
ner en dérision , dans ses orgies , la
MOT
'^05
personne , les mœurs et le sacer-
doce du gendre de ^Tjhomet( F.
Ar,i, I, 509"). Cette imj)iètc l.:i attira
les inalcLlictions universelles; et sa
lin tragique eu fut regardée comme le
juste châtiment. Mijlawakkf! |iersé-
cuta aussi les chrétiens ei les juifs.
Pour les distinguer des musulm.ius,
il leur interdit l'usage des élriers :
il leur enjoignit de ne monter que
sur des ânes et des mulets ; de porter
une large ceinture de cuir, et de
faire peindre sur les portes de leurs
maisons , des figures de poiu'ceaux et
de siusres. L'osdiîian ou irouverueur
arabe d'Arménie, ayant péri dans
une révolte, le khalyfc envova le
turk Bougha , l'un de ses généraux,
qui .dans l'intervalle des années 85 1
a 855, tailla en pièces les rebelles,
conquit l'Arménie entière , entra
dans la Géorgie , prit et brûla Tcflis ,
signala son zèle pour l'islamisme
par d'horriJjles cruautés , et revint
avec une multitude de captifs , au
nombre desquels se trouvaient plu-
sieurs princes et grands du pays, qui
furent forcés d'embrasser le maho-
métisme. L'an 208 ( 852-3 ) , les
Grecs ayant opéré une descente en
Egypte, prirent, pillèrent, brû-
lèrent Damiette et Mesr, et enle-
vèrent 600 femmes musulmanes,
Molawakkel, pour mettre Damiette
à l'abri d'une nouvelle insulte , la
fortifia d'un double mur du côté du
Nil , et d'un triple mur du côte de
terre , et en fit un des boulevards
de son empire. Ce fut, sans doute ,
afin de se rapprocher des provinces
qui étaient le plus souvent exposées
aux invasions des Grecs , qu'aban-
donnant la Mésopotamie l'an '243
( 837 ) , il vint à Damas , où il se
proposait d'établir le siège du kha-
lyfat ; mais , dès le commencement
de l'année suivante, les mutineries
adG
MOT
des milices turkes le degoûtî'rcnt de
sa nouvelle résidence , el il retourna
à Scnueurai. Ses Iro'ipcs rciiipor-
tèreiit une grande victoire sur les
Grecs coraïuandos par l'empereur
MiclicI 111 , (ji]i fut l'ait prisonnier.
Deux ans après , clUs oblinrcut di-
vers succès sur plusieurs points , et
prirent la ciîadeilc d" Autioclie ; mais
un de leurs généraux fut vaincu près
à Ephcse , et périt avec la plus
grande partie de son armée. En j.\G
( 8Go ), Moiaw.ikk'jl fixa son séjour
dans un magnilique palais <pi'il avait
élevé à grands frais , l'année précé-
dente, et qu'il nomma Djafaiiah.
Ce fut là que dans la nuit du 5 chavval
247 ( «'^ décembre 80 1 ) , à la suite
d'une débauche, il fut assassiné par
les chefs delà garde iuike,qiii pré-
ludèrent ainsi au meurtre de plu-
sieurs autres khalyfes : celui Je Mo-
tavvakkel fut provoqué par la haine
qu'il avait inspirée aux gran.ls. Bar-
bare dans ses plaisirs , ii s'amusait
à eiTrayer ses coiivives, en lâchant
au milieu d'eux des lions, des ser-
pents, des scorpions; et il les faisait
îïuérir, lorsqu'ils avaient été mor-
dus ou piqués. Moiithaser, fils aîné de
Motawakkel , était devenu aussi le
jouet des brutales fantaisies de son
père, qui l'avait pris en aversion , à
cause de la diversité de leurs prin-
cipes moraux et religieux. A des-
sein de l'aviiir, il le forçait de s'eni-
vrer; et dans cet état , il l'accabl it
d'injures el de coups. Quelques, in-
justices du khalyfe ayant achevé
d'irriter les oiliciers turks , le jeune
prince devint malgré lui l'ame et le
chef de leur complot, oupIutiH il ne
fut que le témoin passif de leur ven-
geance. De tous les courtisans de
Motawakkel, Falhah-ibn-Khàcaii ,
son vc'zyr, fut le seul qui ne l'aban-
donua pas : il fut tué eu le couvrant
MOI
de son corps. Ce khalyfe était âgé de
4') ans, et eu avait régné près de 1 5.
Allable envers le peuple , il proté-
geait les lettres et les sciences. II
fit construire en Egypte , un nilo-
mètre dans l'île de Roudha , à la
place de celui qui avait été élevé par
ordr(!du klialvfc Sokiman. Le règne
de Motawakkel fut regaixlé corama
celui des prodiges et des fléaux de
la colère céleste. Des tiemblements
de terre , des ouragans ravagèrent
la Perse, la Syiie, l'Arabie; les
sources de \é Mekke furent taries ;
une montagne s'écroula près d'An-
tioche; le ïygrc se teignit de diver-
ses couleurs ; des pierres , du sang ,
tombèrent du ciel eu quelques can-
tons. Ce prince avait appelé à sa
succession trois de ses flhi, Montha-
scr , Motaz et IMowa'ied , et en avait
exclu les deux* autres, Motamed et
Mowalîl'k. Mais la Providence eu
décida autrement. Les deux aînés
ne lirei;t que paraître sur le trône ;
le troisième n'y monta pas : le qua-
trième régna long-temps, et le ciu-
qv.ième, devenu héritier présomptif
de l'empire, transmit ses droits à
son fils, souche de tous les khalyfes
abbassides , jusqu'à la complète de
l'Egypte par .Selim. ( V. Mom'ua-
SEH-BiLLAH , Motamed , Mowak-
FEK., Motadued, l'article précèdent
et le siiivaiil ). A — r.
MOTAZ BILLAH (Abou-Abdal-
LAH Mohammed V, Al ) , iS*". kha-
lyfe abbasside, était le second fils
et le fils ciieri de M.itiwakkel, qui
lui avait donné la surintendance de
toutes les monnaies de l'empire, et
l'avait appelé à régner après sou
frèie aîné; il l'aurait même désigné
pour son successeur immédiat, si
une mort violente n'eût dérangé ses
projets ( F. l'art, précédent ). Privé
de ses droits par son frère Monlhi--
MOT
ser , ft t!ii klialyfat par Moslaiii son
cousin , il y l'ut rappelé en iiioliar-
rcra •i.'î'i (janvier 8G(j ), par les
«•Iicl's de la inilire turkc, qui l'eu
avaient exclu ; el il en dcuieura pos-
sesseur par la déposition et la mort
de Moslain {F. ce nom). Motaz ré-
tablit d'aboid son i'rcre Mowaied
dans son droit à la succession ; mais
Lieulôt il le fit arrêter, et se défit
même de lui secri-tenient , lorsqu'il
apprit que les milices turkcs s'é-
taient soulevées , pour le délivrer.
IMowallek , qui avait triomphe de
Mostain , soumis Baglidad , et as-
sure le klialyfat à sou frère Motaz ,
fut exile par ce dernier , pour avoir
pris trop à cœur la mort de 3Io-
■naied. Motaz était le plus bel hom-
me de son empire; mais il n'avait
pas d'autre mérite : indoleut, vo-
luptueux, sans ca])acitc, il était de
plus ingrat , perfide et cruel, il ten-
ta' imprudemment de renverser les
commandants turks qui l'avaient
placé sur le trône. Il les dépouillii
de leurs charges , et voulut les faire
périr. Ses mentes furent découvertes,
et il se vit forcé de les investir d'une
plus grande autorité. Wasif, l'un
d'eux, ayant étc- massacre par ses
soldats, maliués faute de paie , Bou-
gha, son collègue, s'enfuit à Mous-
soul, d'où il revint à Sermenraï,
pour châtier les séditieux qui avaient
pillé son palais. Mais le khalvfe, lui
ayant opposé des troupes qui le fi-
rent prisonnier , ordonna qu'il fût
décapité. Le triomphe de Motaz
dura peu : les Turks , ayant mis â
leur tèlc Saleh et Mohammed , fils
des deux commandants morts, pil-
lèrent aussi la maison du vézyr, et
assaillirent le palais impérial , en
demandant insolemment la solde qui
leur était due depuis quatre mois.
Mot.z , hors d'état de les satisfaire ,
IMOT 2G7
qnoiipi'ils réduisissent leurs préten-
tions à 5o millcdinars d'or (Goo, 000
fiaïus) , eut recours à sa mère, qui
possédait des trésors immenses. L'a-
varirc de celle princesse, et son re-
fus de donner une si modique som-
me , causèrent la mort de sou fils.
Les Turks forcèrent le palais , sai-
sirent le khalyfe , le frappèrent de
leurs masses d'armes , l'exposèrent
à l'ardeur du soleil , et le contrai-
gnirent , en présence de témoins ,
ci'abdiquer le klialyfat, en faveur de
Mohlady , qu'ils firent venir de
Baghdad ( F. Moutady). Celle ré-
volution arriva en redjeb '>.55 (juin
8t)() , de J.-C. ). Motaz n'avait ré-
gné que trois ans et demi; on le
rciiferma dans un cachot , oîi on le
laissa mourir de faim et de soif, à
l'âge de vingt-deux ans. Ce fut sor.s
le règne de ce prince , qu'Ahmed ibn
Thouloun , qui avait servi dans la
garde turkc des khalyfes,leur enleva
l'Egypte, dont il était gouverneur,
et y fonda la dynastie des Thoulou-
•nides {F. An;iEt), 1 , 335). A — t.
MOTÉN ABBY ( Auou'l - Tayvb
AuMED, al), célèbre poète arabe , na-
quit l'an 3o3 de l'hég. (9>5 de J.
C. ) , dans un quarlicr de Koufah ,
nommé Kiuda, d'où il futsurnommé
Al-Kindy. Il était' de la tribu de
Djof; et l'on prétend que Houcein,
son père , était porteur d'eau : ce
qui l'exposa , dans la suite , aux
épigrammes de ses rivaux. Ahmed
fit ses études à Damas , avec un très-
grand succès. 11 s'appliqua particu-
lièrement à la langue arabe, à la
gra.mmairc et aux belles-lettres. En-
flammé du génie poétique, il se mé-
piit lui-même sur la nature de sou
talent, et, se croyant animé de l'es-
prit divin , il voulut passer pour pro-
phète. J..1jux de partager la gluiie
de îïahomct, dont le caractère pro-
2G8
MOT
phèlique est aux yetix des Musulmans
tout aussi clairement marque' par
la belle prose du Coran que par sa
mission en elle-même, notre poète
osa croire que si Dion lui avait don-
ne' relo(|ndncc, c'était sans doute
•pour l'appeler à un nouvel aposto-
lat. De la lui vint le surnom de Mo-
ténabbj , sous lequel il est générale-
ment connu. Cette prétention, ap-
puyée par des vers pleins de force et
d'enthousiasme, séduisit plusieurs
tribus de l'Arabie-Désertc, entre au-
tres celle de Kelab , aux environs
des ruines dePalmyre, et attira sur
les pas dcMoténabby un grand nom-
bre de disciples. Mais Loulou , gou-
verneur d'Emesse, au nom des prin-
ces ykhscliidides , qui rognaient sur
l'Egypte et sur une partie de la Sy-
rie , arrêta les })rogrès de la nouvelle
secte, en s'assurant du prc'tendu pro-
pliète, et en dispersant ses prosély-
tes. Cette leçon guérit Moténabby de
la cliimère qui avait égaré sa jeu-
nesse. Il recouvra sa liberté, se livra
entièrement à la poésie, et lui dut sa
réputation et sa fortune. Accueilli
avec distinction, l'an SSn, à la cour
de Seïf-cd-daulah , prince d'Halcp ,
dont il chanta les exploits ( F. Seif-
ed-daulah), il la quitta, l'an 346,
pour se rendre auprès <ieKafour,
souverain de l'Egypte ( F. Kafouk,
XXII, 208); mais ayant composé
des vers satiriques conti'e ce prince,
auquel il avait d'abord prodigué les
louanges, il se retira, l'an 35o, à
Ghyraz , oii régnait Adhad-ed-dau-
lah , qui le combla de bienfaits ( F.
ce nom , I, 224). Dégoûté du mé-
tier de courtisan, Moténabby reve-
nait de la Perse avec son fils, l'an
354 (965 de J. C. ), pour revoir sa
patrie, et y jouir paisiblement des ri-
chesses qu'il avaitamassées , lorsqu'il
fut attaqué, près de Noumaniah ,
MOT
ville dans le désert , à l'ouest deBagh-
dad , par une troupe d'Arabes aça-
dides qui convoitaient ses trésors, et
il périt en se défendant. D'au lies at-
tribuent sa mort aux ennemis qu'il
s était attirés par ses satires , ou à un
ordre d'Adhad-ed-(laulah. On a de lui
un Diwan ou Recueil de poésies, si
estimées en Orient, qu'elles ont été
exj)liquées et commentées par qua-
rante auteurs différenls. Toutefois ,
au jugement de Reiske et de M. Sil-
vestre de Sacy , les ouvrages de Mo-
ténabby n'égalent , ni en mérite ni en
difficultés , les anciennes poésies ara-
bes; et il n'a dû son extraordinaire
célébrité qu'à la décadence du goût
chez sa nation. La bibliothèqueroyale
possède plusieurs manuscrits du Di-
wan de Moténabby. On y voit aussi
trois exemplaires des Commentaires
d'Abou-Zakharia Yabia al-Tabrizy ,
sur les ouvrages de ce poète. Les
premiers vers de la jeunesse de Mo- '
tc'nabby ont été donnés par Golius ,
dans l'Appendice de la grammaire
arabe d'Erpenius , éd. de i656. Reis-
ke a publié , en arabe et en allemand ,
un assez grand nombre d'extraits des
poésies de MoténabBy , sous ce titre :
Froben der arabischen Dichtkunst
ans dem Moténabby, Leipzig, 1 765.
Il a aussi donné la Description du
lac de Tibériade, -par le même poè-
te , à la fin de ses notes sur la Des-
cription de la Syrie d' Aboulfeda , pu-
bliée par Kohler, i-jôC). Plusieiirs de
ces morceaux ont été réimprirae's
dans la Neue arabische anthologia ,
de ]M. S. F, Giinther Wahl, Leipzig,
1791. Reiske a inséré une Descrip-
tion de la j'.èvre, par Moténabby
dans ses Miscellanea medica ex
Arabum monumentis , publiés de
nouveau à Halle, en 1776, par M.
Griiner, sous ce titre: /. /. Reiske,
etc , Opuscula medica ex monumen-
MOT
tis yJrabuiii et Ehrœvrum. M. Ousc-
ley, dausses Oriental C ullc étions ,
tome 1*"'. , 11°. I , a iiLscrc une Bio-
irruf/hie de Molenabby , par sif John
Haddou Hindlcy, suivie de deux, pe-
tites pièces de ce poète, relatives à
SeiC-ed-daidah , e'inyr d'Haiep ( / .
ce nom). M. Silvestre de Sacy , dans
le tome 3 de sa Chresloinalhie ara-
be , a donne la IraduOlion de trois
f>etits poèmes où Molenabby célèbre
es victoires du même prince. Enfin
il vient de paraître , dans le G°. volu-
me des Mines de l'Orient, l'Élégie
composée l'an 35o ( i ) par notre
poète, sur la mort d'Abou Chodja
Fatek, rival de Kafour, avec une
traduction française de M. Grange-
ret de Lagrange. Cette èiègie se re-
trouve , avec d'autres pièces inédites
de Moténabby , à la louange de Fa-
tek , dans le Recueil de poésies ara-
bes, publié par le même orientaliste,
1 8'i I , in-8'\ A — T et R — d.
MOTHARREZ ( Abou Omar Mo-
hammed AL ), écrivain arabe, né
l'an 261 ( 8^4 de J.-G. ), passa une
partie de sa vie auprès de Talcb Al-
Sclia'ibani, docteur de l*école deKou-
fah, célèbre par son commentaire de
l'Alcoran : il mourut eu l'an 345
( 956 de J.-G. ) Sa passion pour l'é-
tude l'éloigna tellement du soin de
ses affaires , qu'il se vit dans la néces-
sité de vivre du travail de ses mains j
du moins est-on autorisé à l'inférer
de sou sobriquet di Alinoiharrez ,
qui indique quelqu'un dont la profes-
sion est de travailler à des garni <u-
res d'habits. Sa réputation fut im-
mense de son vivant • il en était sur-
tout redevable à une mémoire heu-
reuse et fidèle, qui lui fournissait à
point nommé les passages de l'Al-
(») Voyez Abul-Feila , Annales moilemici , loiu«
MOT 269
corau , ou du recueil des traditions
les plus analogiies à chaque sujet. Ce
luxe (l'érudition allait si loin qu'il
fut soupçonné de savoir forger des
textes , (|uand il se trouvait au dé-
pourvu. Ses écrits sont fort nom-
breux. Il a laissé une Histoire des Ara-
bes , qui embrasse, outre la biogra-
phie des hommes illustres, tout ce qui
se rapporte aux moMirs, aux scien-
ces et aux antiquités. Elle est citée
par Gasiri , tom. ir , p. i56 de la
Bibliothèque de l'Escurial , sous le
litre A' .Ikhbar alarab. Il a écrit
aussi: 1°. Sur les clepsydres : ( Ke~
îab alsaat ) ; — 2°. Sur le jour et
lu nuit , ouvrage d'astronomie ; —
3". Sur les tribus arabes; — 4°- ^m*
les expressions peu connues, qui se
rencontrent dans les traditions, etc.
R— D.
MOTHARREZY ( Abou'l Fath
Nasser ebn Abd'Alsayd al ) , phi-
lologue arabe , reçut le jour dans la
capitale duKbarizm, l'an 538 (jan-
vier 1 144 <^^ J.-C ) On ignore si le
sobriquet de Molharrezy lui fut
transmis par quelqu'un de ses ancê-
tres , ou s'il travailla lui-même à des
garnitures d'habits. 11 eut pour maî-
tres son père et les hommes les plus
savants de sa patrie. La jurispru-
dence, la philologie., l'occupèrent
tour-à-tour. La poésie même vint
lui servir de délassement. Enfin ,
l'universalité de ses connaissances
lui acquit une telle réputation , qu'il
fut regardé comme un digne succes-
seur du célèbre Zamakschari ( V. ce
nom ). Quoiqu'attaché à la secte des
hanéfites , il avait embrassé la doc-
trine des motazalites; et ce fut son
entêtement pour ces opiiiions erro-
nées aux veux des Musulmans, qui
lui attira de violentes attaques de la
part des docteurs de Baghdad , lors-
qu'il passa par celte ville pour s'ac-
^TO
IMOT
quitter tlii ptltrinnge , l'an Coi
( i'2o4% 11 mourut dans sa patrie eu
r,inGio (l'îiS), selon Ibu Klialc-
kau et Hadji Klialfa , (jue nous pre-
nons pour guiilcs dans cet article.
Aboul-Feda avance de quatre ans la
mort de notre auteur. Outre plu-
sieurs morceaux de poésie , il nous
reste de Mothario/.y un grand nom-
bre d'ouvrages fort csliine's des na-
tionaux. Les principaux sont : I.
Un dictionnaiic arabe, intitulé : Jl-
moi^reb fjlîogat , où il explique les
termes obscurs usités dans les livres
de jmisprudcncc. Il est cité souvent
par Pococke dans son Spécimen liis-
toricB Arabuin , et on le trouve dans
les principales bibliothèques de l'Eu-
rope. II. Un commentaire des Ma-
kainat, de Hariri ( F. Hauiri ), in-
titulé Idhah , où la brièveté ne nnit
pas à la solidité des observations. Ce
commentaire a été mis à contribution
dans le choix de gloses dont M. Sil-
vestrc de Sacy a enrichi son édition
classique do l'ouvrage de Hariri. III.
Un traité de grammaire intitulé Mis-
bah ou flambeau. IV. Un abrégé du
traité de logique de Yakoub Ebu Is-
hak dit ELn Al Sckyt , sous le titre
de Isldh Àhnardhek, R — d.
MOTHE-HOUDANCOURT
( Philippe de la ) , duc de Cardone,
maréchal de France , né en i(5o5,
fit ses premières armes , dès l'âge de
17 ans, contre les Calvinistes , et se
trouva an combat naval où le duc de
Montmorenci reprit l'île de Rhé sur
les rebelles. 11 se distingua dans une
foule d'autres combats, tant en Fran-
ce qu'en Italie, et dans les Pays-
Bas. Envoyé comme lieutenant-gé-
néral, à l'armée qui était eu Pié-
mont, il en prit le commandement,
après la mort du cardinal de Lava-
ietto. en attendant l'arrivée du com-
te d'Harcourl , que le roi avait nom-
MOT
me à la place du cardinal. Ce fui par
orilre du comte, qu'il s'empara de
(^)uiers , à la vue de l'armcc espa-
gnole, la nuit du 1^ octobre ifiof).
Cependant l'arrivée du comte d Ilar-
court était marquée par quelques (!>;-
sa va otages ; et malgré la présence
de Turenne qui, dans un poste infé-
rieur, se formait dans Part dont il
devait donner un jour de si hantes
leçons, larmée française, obligée
de se retirer , eût éprouvé de bien
plus grandes pertes sans le secour»
de La I\Iothe, cpii seul soutint, pen-
dant deux heures, l'effort d'un enne-
mi triomphant, et très supérieur en
nombre. Le siège de Turin , entre-
pris Tannée suivairte , et dans lequel
il déploya autant de talent que de
courage , en ajoutant beaucoup à sa
gloire , le signala au choix du roi ,
pour un commandenient supérieur.
La France n'avait al ors que trop d'oc-
casions d'employer les talents di-
ses hommes de guerre; elle comp-
tait six armées sur pied. La Mothc
Houdancourt partit en 1 64 1 1 comme
vice-roi, pour commander l'armée
en (Catalogne. Cette province s'était
soulevée, avec le projet de se rendre
indépeudante de l'Es|)agne , et de se
constituer en république; mais ayant
bientôt renoncé à ce projet, et ne
se trouvant pas assez forte pour ré-
sister au roi d'Espagne, elle s'était
donnée à la France, sous la réserve
de ses privilèges. La Mothe- Hou-
dancourt y mène cinq mille hom-
mes de troupes , commence par s'em-
parer de la ville et du château de
Constantin , et défait les Espagnols
devant Tarragone,qu'ils cherchaient
à ravitailler. Cet avantage fut suivi
d'un autre encore plus important :
dans un combat qu'il livra près de
Vdlefranche, vers la fm de mars il*'
la même année, il surprit plus de
trois mille E^p;ii:;iiols ,f|iu passaient
ilaiis le Roiissillon , cl (|Mi se rendi-
rent à discrétion. Nomuié maréchal
de France , eu rcVojiijx-nse de ce fait
d'armes, il délit de nouveau les Espa-
gnols devant Lerida , et entra dans
Barcelone. Ici, la fortnne sembla
le trahir. Philippe de Siivas, i;é-
neral esp ignol , vint inopiiieuient
meitrc le siège devant liCrida. Le
raarechal alla an- levant des enne-
mis , et lenr livra bataille : mais le
désordre se mit parmi ses troupes;
et après avoir perdu Lc'rida , il se vit
encore force de lever le siège de
ïarragone, (pi'il avait commencé. On
lui fit un crime de cet échec , comme
il arrive trop souvent sous un mi-
nistt'refaiblectsoupçonneux. Des in-
Irigucs de l)ureau llélrirent un guer-
rier (pti, pendant vingt ans, avait
servi son pays avec la plus grande
distinction. Le maréchal avait pour
ami Desnoyers, secrétaire d'état de
la guerre , ([ui était sur le point de
donner sa démission, fjetellier, dé-
signé pour lui succéder, et qui même
était déjà en fonctions, ne pouvait
pardonner an maréchal ses liaisons
avec un homme qu'il était impa-
tient de remplacer. Il paraît que La
Motte fut accusé de n'avoir pas
profité d'une occasion qui s'était of-
ferte de s'emparer du roi d'Espa-
gne , pendant qu'il était à la chasse.
Il fut donc enfermé au château de
Pierre-Encise, et traîné devant plu-
sieurs tribunaux, jusqu'à ce qu'enfui
le parlement de Grenoble le justifia ,
et le fit sortir de prison. L'époque
de sa mise en liberté, au bout de
quatre ans de détention , était celle
oùl'esprit de faction, répandu dans
toutes les classes du royaume , et
alimenté par les troubles insépara-
bles d'une régence , organisait à Pa-
ris cette guerre civile si connue
MOT 271
sons le nom de la /'ronde. Le sou-
venir de l'injustice dont il avait é'é
victime, fermentait encore au fond
de son cœurj et s'il n'étdt pas,
comme dit le cardinal de Relz, en-
rapé contre la cour, du moins était-
il disposé à entrer dans un parti de
mécontents. Il paraît d'aiihurs que
son dévouement a M. de Longucvil-
le, l'un des chefs de la Fiondc , ne
lui eût pas permis de séparer sa cause
de celle du duc. « Il lui avait été at-
» taché vingt ans durant , dit le car-
» dinal de Relz , par une pension
T) qu'il avait voulu lui-même retenir
» par reconnaissance, encore qu'il
» eût été f.dt maréchal de France. »
Au reste, ce ne pouvait être une ac-
quisition bien précieuse, pour tui jiar-
ti où tout se passait en intrigues et
en négociations, qu'un militaire qui
avait toujours vécu dans les camps,
étranger a l'art de la parole , et dont
« les oraisons n'e'laient jamais o'ie
» d'une demi période. » Nous achè-
verons son portrait par cette cita-
tion de l'auteur qui nous a fourni les
traits précédents : « Le maréchal de
» La Mothe avait beaucoup de cœur.
» Il était capitaine de la seconde
» classe : il n'était pas homme de
» beaucoup de sens. li avait assez de
» douceur et de facilitédans la vieci-
)> vile. Il était très-utile dans un parti,
V parce qu'il y était très-commode. «
Le cardinal de Retz , en jugeant
le maréchal avec cette hauteur, et
comme un homme peu propre à ses
vues turbulentes et faclieuses, ne
pensait pas que la postérité, plus
juste, dû> un jour tenir compte an
guerrier des qualités qui lui avaient
manqué pour être chef de parti, et
qu'elle en serait d'autant plus sévère à
l'égard du [)rélat qui avait déshono-
ré son caractère par les qualités
d'un tribun. Cependant les troub'es
27.i MOT
intérieurs avaient donné de grands
avanl.igcs aux Espagnols. Le souve-
nir des anciens services de La Mo-
ihe-Houdancourtlui fit accorder une
seconde fuis le tilrc de vice-roi en
Catalogne. Kaiucné sur un terrain
qui avait été déjà le théâtre de ses suc-
cès, il y soutint de nouveaux l'hon-
neur de nos armes, força les ligues des
ennemis devant liarcelone, et défendit
pendant cinq mois cetie place con-
tre les meilicures troupes de l'Espa-
gne. Il conserva le commandement
de l'armée française et de la Catalo-
gne jusqu'à l'année 1657, où il l'e-
vint à Paris , et mourut , dans la cin-
quante-deuxième année de son âge.
Il eut trois filles, que Bussy-Rabutin
n'a pas épargnées dans sa scanda-
leuse Histoire amoureuse des Gau-
les ; mais , quand même le caractère
connu du prétendu liistorien n'aiïai-
blirait pas considérablement son té-
moignage, peut-être, en cette occa-
sion , trouverait- on une raison par-
ticulière de s'en défier, dans la lettre
de Bussy-Rabutin écrite à M"^^. de
Sévigné, pendant le siège de Paris. Il
avait fait redemander au maréchal,
des chevaux que les domestiques de
celui-ci lui avaient pris ; le maré-
chal n'en avait probablement pas te-
nu compte. « Pour moi, dit Bussyà
» sa cousine, je suis tout consolé de
« la perte de mes cbevaux, par les
» marques d'amitié quej'ai reçues de
» vous en cette rencontre. Pour M.
» de La Mothe, maréchal de la li-
» gue , si jamais il a besoin de moi ,
» il trou"\ era un cbevalier peu cour-
» tois. » Il paraîtrait que celte dis-
position peu courtoise trouva , par
la suite, à s'exercer à l'égard des
filles du maréchal ; ce qui , dans tous
les cas , s'accorde assez avec la ré-
putatiori très-équivoque de loyauté
dont jouit Bussy-Rabutin. R — te.
MOT
MOTHE- LE - VAYER ( Fra>-
çois Dic La), naquit à Paris, en i588,
d'une famille noble , originaire du
Maine. Son père, magistrat distin-
gué , le dirigea dans ses études , qui
embrassèrent à-la-fois les lettres, 1<;
droit et la morale. Il était âgé de
vingt-deux ans , lorsque Heiui IV
tomba sous le poignard d'un fanati-
que. Ce crime le remplit d'horreui ,
et lui iuspira la résolution de lester
étranger aux troubles qui agitèicnl
la France pendant la minorité de
Louis XIII. Lié avec plusieurs sa-
vants de cette époque , il fut ausbi
admis dans les cercles brillants que
réunissait chez elle mademoiselle de
Gournay, célèbie par son esprit plus
que par sa beauté, et qui, en mourant,
lui légua sa bibliothèque. 11 succéda,
en 1 6'25, à son père ( i )dans les fonc-
tions de substitut du procureur-gé-
néral au parlement ; mais il quitta
bientôt Tliémis pour les Muses.
L'histoire était son étude favorite;
et la diversité prodigieuse des opi-
nions et des mœurs de tous les peu-
ples devint la base de ce scepticis-
me qui domine en général dans tous
ses écrits. L'académie française lui
ouvrit ses portes , le 1 4 février
1 63g. Le cardinal de Richelieu , qui
l'honorait d'une estime particulière,
satisfait de l'ouvi'age que Le Vaycr
venait depuLlier sur l'éducation d'un
prince ( 1640), l'avait désigné, en
mourant , pour être le précepteur du
dauphin. !^Iais la reine Aune d'Au-
triche, influencée par quelques en-
vieux, refusa son consentement, suus
prétexte que La Mothe était marié.
Notre philosophe fut néanmoins
chargé , en 1649 ^ ^^ diriger les pre-
(t) Ffllx de LaMothe-Le-Vayeb . mort If ai
seplenihre itJ7.5 , âge de 78 aus. U a |)uljlié : Le^atus ,
se» de legaloruni privilc^us , ojficio ac muneie l'-
bcllus , Paris, l5;g ,in-4'-
1\10T
mières étiidos du jeune duc d'Or-
léans, frère du roi. Les prugics de
l'élève frappèreul viveinenlla reine,
qui rendit enfin justice aux talents du
Tuaîtrc, et lui conlia , en niai i652,
le soin de terminer l'éducation du
roi. Le nouveau précepteur accoin-
paj^na son auguste disciple dans les
ditïérents voyages qu'entreprit la
cour, et le suivit à Reims , pour la
rérémonic du sacre, en \6^^. Lors
du mariage de liOiiis XIV, eu i(i6o,
liH Mothe - Le - Vaycr cessa toute
fonction auprès de lui. Il j)ut alors
se livrer, sans partage , à l'instruc-
tion de Monsieur. Devenu veuf, et
privé d'un (ils unique, qui mourut
célibatàir(î en iGG^ (i), Le Vayer
contracta un nouvel hymen, ayant
près de soixante-dix.-liuit ans, fai-
blesse que ses amis lui reprochèrent
en plaisantant. La vieillesse n'avait
point ralenti son ardeur pour l'étu-
de ; les relations des pays éloignés
étaient ses plus doux amusements.
Comme il avait la mort sur les lèvres,
le voyageur Bcrnier vint le voir: Eh
bien ! quelles nouvelles avez-vous
du Grand-Mogol ? Ce furent pres-
que ses dernières paroles. Il mourut
sans laisser de postérité, en 1672,
dans sa SS'^. année. Ce philosophe ,
({uc Naudé appelait le Plutarque de
la France, ressemblait aux anciens
sages par ses opinions et par ses
mœurs. Son costume même était
celui d'un homme qui affecte de
se distinguer du vulgaire. Passant
un jour sous les galeries du Louvre,
il entendit quelqu'un dire en le mon-
trant : Foilà un homme sans reli-
(1) Ce liU avait embrassé Telat fcelcsiasticiue. H
tenait ua rang ilistiii^uc parmi les ^i'n» di* lettres.
Bii'leau, son ami , lui a dédie une de ses s-itires.
L'alibé Le Vayrr a public , en i()6i , une édition es-
t.incc de Florus ( A". F I.ORUS ), el il mourut à 35
ans, parce que, dit Gui-Patin, ses médecius, lui
ayant donné trois fois le vin éméti(|uc , rcnvovèfnt
au pays d'où persoune l^e revient.
X\X.
!MOT 273
ç^ion. 11 lui répondit avec douceur :
Mon ami , j'ai tant de religion , que je
vous pardonne , en pouvant vous
faire punir. Donc <le la mémoire la
plus heureuse , une lecture immense
l'avait enrichi d'une érudition prodi-
gieuse : mais, suivant la remarque de
Bayle, s'il était plus savant que ses
confrères de l'académie, la plupart
écrivaient mieux que lui. La Mothe-
Le-Vayer avait connu, étant jeune ,
le père Sirmond, qui lui donna d'u-
tdes conseils pour se guider dans l;i
carrière des sciences. Travailler de
bonne heure et publier tard, était la
maxime du savant jésuite. La Mothc
avait près de cinquante ans quand il
mit au jour ses premiers écrits. De-
puis cette époque ( i63G ), il publia
successivement, et d'année en année,
ses nombreux ouvrages, qui obtin-
rent un succès extraordinaire. Les
plus importants sont : I. Discours
de la contrariété d'humeurs qui se
trouve entre certaines nations , et
singulièrement lafrancoise et V es-
pagnole , ( le litre porte , traduit
de l'italien de Fabricio Campolini),
Paris, i636, in 8°. ; il y a des traits
curieux: « Le soldat français se fait
toujours craindre d'abord; jurant et
tempêtant , quand il entre quelque
part: le lendemain, il se trouve des
grands amis de la maison. L'espa-
gnol use de courtoisie en arrivant ;
mais rien de plus rude que sa sortie
pillant et désolant tout. » IL Consi-
dérations sur l'éloquence jVancoi-
se , 1 638, in- r.i. L'auteur démontre
la grande supériorité des anciens
sur les modernes , la nécessité de
l'élude du grec, et il indique les
nombreux rapports de cette langue
avec la nôtre. III. De Vinst faction
de Monsieur le Dauphin, 1640,
in- 4°. Il analyse successivement le*
vertu-;, les sciences et les arts que
iS
274
MOT
doit posséder un prince: rc qu'il
dit de l'astrologie judiciaire et de la
magie, pri)nve qu'il ne partageait pas
les erreurs du siècle. IV. De la vertu
des Païens, Paris, in-4"., iG^a;
troisième édition , 1647. Arnauld
entreprit de le réfuter, dans son trai-
té De la nécessité de la foi en Jé-
sus-Christ. L'ouvrage de La Mothe
ne se vendait pas; et son libraire lui
en faisait des reproches : Je connais,
lui répondit l'auteur, un secret pour
en assurer le débit. Il alla solliciter
lui-même l'autorité d'en défendre la
lecture : à peine la censure fut-elle
connue, que chacun voulut se ptocu-
rerl'onvrage, et l'édition fut bientôt
épuisée. V. Jugement surles anciens
et principaux historiens tarées et la-
tins, i6'|6, in-8". Cet ouvrage an-
nonce une connaissance profonde des
grands modèles de l'antiquité. Baillct
et Struvc ont relevé qc.elqucs erreurs
c'chappées à La Mothe- Le -Va ver.
VI. La Géographie, la Rhétorique ,
la Morale, V Économique, la Politi-
que, la Logique, la Physique du
prince. Ces différents traités pour ser-
vir à l'éducation du Dauphin, ont été
pubhés de i65i à i656. Scipion Ale-
vani les traduisit en italien, Venise,
^Ç^^'^,m^^Q.W\. En quoilapié^des
François diffère de celle des Espa-
gnols ; opuscule écrit par ordre du
gouvernement, à une époque où la
cour de Madrid était irritée de ce que
la France faisaitcause commune avec
l'Angleterre , contre l'Espagne. VIÏI.
Petits Traités en forme de lettres,
1659 et 1660, 4 vol. Chaque lettre
roule sur un sujet de philosophie
■morale: ellcssont, disent les derniers
éditeurs de ses œuvres, une source
où pUiîieurs écrivains ont puisé, sans
l'indiquer. IX. Discours pour mon-
trer que les doutes de la philosophie
é.ceptiquc sont d'un grand usa^e
MOT
dans les sciences, Paris, 16G8, un
volume. On trouve à la suite un Dis-
cours sur la rnusi((ue, adressé anté-
rieurement au père Merscnne. arui
de l'auteur, qui l'avait consulté sur
celte matière. X. Dupeu de certitu-
de qu'ilj a dans V histoire , iG()H .
cet opuscule est plein de sens et de
justesse. «Patcrcule, disiit-il, éle-
vait Séjan jusqu'au ciel ; Eusèbe écri-
vait les vertus de Constantin , sans
dire ses crinies; Eginard, celles di;
Cbarlcmagne, se taisant sur ses dé-
fauts. Si nous avions les Commen-
taires de Vcrcingintorix ou de Divi-
liacus, comme ceux do César, il s'y
trouverait des récits Lien difTérents ;
et ces vieux Gaulois donneraient ù
leurs guerres des jours bien contrai-
res à ceux où les fait voir leur vain-
queur, rt XI. Hexameron rustique ^
ou les six journées passées à la cam-
pagne, Paris, 1670, in- 16; Ams-
terdam, 1671, in-12. La Mothe-'
Le-Vayer est aussi l'auteur des Dia-
logues faits à l'imitation des an-
ciens, sous le nom deOrasius Tuba-
ro , Francfort, 1698, in-4". , et
1716, 1 vol. in-iu. Ces det:x ou-
vrages ne se trouvent point dans la
collection publiée d'abord de ses
Œuvres, donlles trois ])remières édi-
tions, données par l'abbé Le Vaycr,
son fds, in-fol., Paris, iG54-i65u»
■2 vol. , et i66i, 3 vol. , ne contien-
nent que les traités pn])liés jusqu'à
CCS époques. La meilleure est cel!e
de Dresde, 1756- 17^9, en 1 4 volu-
mes in-S"*. Elle a été faite sr.r les ma-
tériaux fournis par Roland Le Vayer
de Boutigni , neveu ilc l'auteur f /''.
BouTiGM , tom. V , page 406 ). Nous
avons VEsgrit de La Mothe-Le-
Fajer ( par Montlinot ), 1763, iu-
!'.>-. Alletz a aussi donné un autre
Recueil sous le même titre, Paris,
i783,iu-iu. L — u.
MOT
MOTHY-LlLLAIi ou BILLAH
( Auou'l-Caci;m Fauhl ou Mokwd-
DAL AL ) , 23-. khalyfe abbassiclc et
filsdeMijctader, sortit de prison pour
succéder à Moslakl'y , son cousin-
gerrnaiii , Tau 334 dt-I'heg. ( de J.-C.
g4(J). Mais l'éaiyr-al-oinrah, Moezz-
cd-dâulali , qui avait eu le projet de
dépouiller les Abbassidesdtiklialyfat,
et de le rendre aux descendants d'Aly
( F. MotZZ-ED-DAULAU , XXlX ,
1209 ) , ne consentit à le donner à
Molhy, que parce qu'il ne vit eu lui
qu'un prince sans énergie , sans am-
bition, sans génie, et par conséquent
incapable de lui porter ombrage.
L'émyr régna souverainement à
Baglidad , et dans tous les pays qui
reconnaissiient encore la supx'éma-
tie spirituelle du khalyfe , auquel il
ne laissa pas même l'apparence de la
souveraineté. Motby n'eut ni vézyr ,
ni ministres; on uelui accorda qu'un
secrétaire , et une très-modiqud pen-
sion. Il régna, ou plutôt il vécut,
dans une si profonde obscurité que
lesbistoriens se sontborués à nous ap-
prendre qu'il était doux , pacifique ,
charitable, plein de droiture et de
piété. Forcé de suivre l'émyr- al-
omrah dans toutes ses expéditions
militaires, il n'en recueillit ni gloire,
ni avantage. CefntparTordieet pour
satisfaire la cupidilé de ce prince ,
qu'il rendit vénales toutes les charges
publiques, et surtout celles de la ma-
gistrature : innovation scandaleuse et
funeste à l'empire. Tels étaient le
dékibremeutetlapénuriedukhalyfat,
qii'Azz-ed-daulab,bls et successeur de
Moezz-ed-daulah , ayant exigé de l'ar-
gent, sous prétexte de repousser une
invasion des Grecs en Mésopotamie,
mais en eOet pour le distribuer à ses
favoris ; le khalyfe fut obligé de ven-
dre la plus grande partie des meubles
de sou palais , et u'cu relira que 4o
MOT 275
mille drachmes ( environ 3o mille
francs ). Tombéen paralysie, Motliy
abdiqua en faveur de sou (iU Ta'ic-
I.illaii, sur la fin de l'an 3()3 (9" 4 ).
Il avait porté le vain titre de klia-
lyfe , pendant \ ingt-neuf ans et demi,
plus long-temps fiu'aucun de «es pré-
décesseurs y et il mourut dcui moi»
après son abdication , à l'àgc de
soixante-trois ans. De son temps les
Carinalhes rapportèrent à la Mekke,
la Pierre noire de la Caabah , qu'ils
avaient enlevée vingt-deux ans aupa-
ravant. Ce fut aussi sous le khalvfat
de iMothy-Liliah , que les Abbassides
perdirent l'Éj^ypte , ainsi que leur
autorité religieuse sur la moitié des
pays soumis alors aux lois du C»ran
( F. Moezz-Ledin Allau , XXIX ,
21'2 ). A T.
MOTRAYE. F. Mottraye.
MOTTAKY-BILLAH ( Abov-Is-
HAK-IsRAum II, AL ), '21^. khalvfe
abbasside, et fds de Muctader, suc-
céda à son frère Radhy-Billah , l'an
de l'hcgire 329 ( de J.-C. 940 J , par
le choix des oulémas de Bagbdad et
des princes de sa famille , et par la
volonté du Turk Y'^ahcam, qu'il con-
firma dans la charge d'émyr al-om-
rah. Obeid-allah al-Baridy, prince de
Bassorah, refusa de reconi'.aîlre celte
élection , vainquit Touroun , lieute-
nant de Yahcam , et fut battu à son
tour : mais ayant appris que ce der-
nier avait été assassiné daiis le Kour-
distan , et que jMottaky s'était em-
paré du palais et des trésors de cet
émyr, il accourut à Baghdad, mit
le khalyfe à contribution , et voulut
se saisir de la dignité d'émvr al-
omrab. Moltaky se retire à Mous-
sûul , où l'émyr hamdanide Haçan
le reçoit avec les plus grands hon-
neurs , le ramtnc dans sa capitale ,
à la tête d'une armée , et chasee'
Obci^- Allah. En reconnaissance de
'ilÔ
MOT
ce service , le khalvfe confère à Ha-
çan la charge d'e'niyr al-omrah , lui
donne le titre de jVaser-ed-daulah
( le protecteur de l'empire ) , et à
Aly, frère de ce prince, celui de
Séif - ed - daulah { l'épée de l'em-
pire ) : c'est-là le premier exemple de
ces surnoms honorifiques , prodi-
gue's depuis par les khalyfes à leurs
tyrans , et usurpés , pendant cinq
ou six siècles , par la plupart des
princes musulmans. Apres le départ
des princes haradanides ( F. Naser-
F.DDAULAH et Seif-zddaulah), i'au
33 1 ( 943 ) , Touroun rentre dans
Baghdad , à la tête des Turks , et
force le khalyfe à le décorer du man-
teau et du titre d'émyr al-omrah.
Mais un an après , Mottaky , fatij^ué
des vexations de ce ministre , sort
de sa capitale , et se rend de nou-
veau à Moussoul. Il y est reçu avec
des démonstrations qui lui paraissent
peu sincères ; et s'apercevant qu'il
est à charge , il écrit à ïourouu
pour lui faire des ouvertures d'ac-
commodement, et se relire à Rakka,
en attendant sa réponsiv Ykscliid ,
souverain de l'Egypte et d'une partie
de la Svrie , auquel il avait adresse
ses plaintes, va le trouver, et lui
offre un asile dans ses états. Mais le
khalyfe, entraîné par sa destinée, et
séduit par les promesses astucieuses
de Touroun , reprend le chemin de
Baglidad. I/émyr vient à sa rencon-
tre^, à la tète des chefs de tous les
ordres de l'état , se prosterne à ses
pieds, et le conduit dans une tente
magnifique. L't , \\ lui fait crever les
veux , en présence des femmes et des
eunuques de ce malheureux prin-
ce , et il couvre leurs cris par un
bruit général de timballes. Ce fut en
safar 333 ( octobre 944 ) , 1"^ Mot-
taky éprouva ce malheur , auquel U
survécut vingt-cinq ans. après avoir
MOT
porte le titre de khalyfe près do
quatre ans, réduit aux fonctioJis sa-
cerdotales et au privilège de voir son
nom sur la monnaie. C'est lui qui ,
])our délivrer un grand nombre de
Musulmans que les Grecs avaient
emmenés captifs dans une invasion
en Mésopotamie , consentit à cé-
der à l'empereur Romain Lécapène,
le fameux mouchoir conservé à
Edesse, lequel, suiviuit la tradition ,
avait servi à essuyer la face de Je-
sus-Christ , qu'on y voyait représen-
tée. Ce khalyfe eut pour successeur
son cousin Mostacfy. A — t.
MOTTE ( Antoine Hovdar de
la ) , l'un des littérateurs les plus
remarquables parmi ceux qui illus-
trèrent la fin du siècle de Louis XIV
et le commencement du dix huili *me
siècle, naquit à Pans, le 17 janvier
167'i. Sou père était chapelier: ori-
ginaire du diocèse de Troie , il y pos-
sédait , entre autres biens , une petite
terre nommée La Motte; de là est ve-
nu le surnom de cette famille. Après
avoir fait ses humaniiés chez les Jé-
suites , Antoine La Motte étudia le
droit; mais il avait une telle aver-
sion pour le barreau, (ju'il n'v parut
point. Son goût rcntraîuait vers le
théâtre , et , dès sa première jeunesse,
il se plaisait à représenter des comé-
dies de Molière , avec d'autres jeu-
nes gens de son âge. Il n'avait que
vingt-un ans , lorsqu'en 1693, il
donna au Théâtre-Italien sa pre-
mière pièce, comédie en prose mêlée
de vers , intitulée les Originaux.
Cette farce eut peu de succès (i).
Dégoûté par ce premier échec , il ré-
solut de renoncer au monde , et de
se retirer à la Trape , avec un de
ses amis. Le célèbre abbé de Rancé
(i) Elle n'a point éls insérée dars S'S n>»vrts.
tjiais elIt- est imprimée d.iiiâ le looie IV du tbvàtre it^c-
liti) de Gtj^rarai.
MOT
sut apprécier à sa juste valeur celle
exaltation inomciitaiiee de deux jeu-
nes gens irrelIcLliis; et il les renvoya
an bout de deux mois , sans leur avoir
donne l'habit. Opendant la dévotion
de La >lotte se soutint encore assez
long-temps, après son retour à Paris.
Il composa en prose une Paraphrase
des psaumes de la Pénitence, que le
5)crc Tournemine a louée dans une
le ses lettres , mais qui n'a jamais
été imprimée. La Motte finit par
s'abandonner à sou penchant pour
le théâtre; et il composa successi-
vement , pour celui de l'Opéra, l' Eu-
rope galante , hsé , Ainadis des
Gaules , Marthesie ou la Reine
des Amazones , le Triomphe des
arts, Canente , Omphale, Alcione,
Sémélé, Scanderberg, le Ballet des
âges, ceux du Don des Fées ^ du
Carnaval et la Folie , de la Féni-
tienne , et de Narcisse. De l'aveu de
tous les critiques, c'est dans ce genre
de composition que La Motte est
resté vraiment supérieur , non-seu-
lement à ses coiitemporains, mais à
ceux qui depuis s'y sont exercés : il
y a obtenu le premier rang après
Quiuault. Lh versilicationde ses opé-
ras , est d'une douceur et d'une har-
monie qu'on ne retrouve que dans ses
odes anaeréontiques. Issé est sans
contredit la meilleure de toutes nos
pastorales lyriipies. Le Triomphe
des arts fut aussi celui de l'auteur,
f t eut un succès mérité : cet ouvrage,
dont l'idée est ingénieuse , théâtrale
et lyrique, offre un intérêt varié; il
est partout embelli des plus agréa-
bles détails; le style, sulïisamnient
poétique , a cette élégance musicale ,
qui est la plus convenable à ce genre.
Sémélé est le nieilleur de tous les
grands opéras de La Molle , au ju-
gement de Laharpe. Ce grand criti-
que, en louant la versification de La
MOT 277
Motte, dans ses opéras, remarque
cependant qu'il est toujours fort loin
de la facilite graiieuse et de la mélo-
die enchanteiesse de Qninault. « Un
» des défauts habituels de cet écri-
» vain , même dans ses opéras , dit-
» il, c'est la gêne fies constructions ;
» et le prosa'isme et la dureté s'y
» joignent encore trop souvent. Il
» s'en faut bien que sa pensée parais-
» se, comme dans tout auteur népoè-
» te, s'arranger d'elle-même dans sa
» phrase métrique. Le plus souvent
» il a l'air d'avoir pensé en prose, et
» traduit sa [lensée en vers. » La
Motte commença de bonne lieure à
travailler pour le Théàtic-Français :
après avoir débuté par le ballet de
Y Europe galante , il composa en
commun avec Boindin, une comé-
die intitulée les Trois gascons. Boin-
din et lui , donnèrent ensuite sépa-
rément deux petites pièces : celle de
La Motte était intitulée la Mal one
d'Ephèse; celle de Boindin , ie . al
d'Auteuil. Enfin, ils se réunirent de
nouveau pour composer le Port de
mer, qui fut joué en 1704. ( i ) Mais
leur liaison ne dura pas long-temps ;
et depuis , Boindin a indignement ca-
lomnié celui dont il n'avait eu qu'à
se louer, comme collaborateur et
comme ;tmi. La Motte donna encore
le Talisman , Richard Minutolo ,
le Calendrier des vieillards , trois
autres comédies en un acte , en pro-
se, qui ne firent que paraître, et qui
n'eurent qu'un succès médiocre. Mais
le Magnifique , comédie eu deux ac-
tes, est restée au théâtre. Ij Amant
difficile, comédie en cinq actes, don-
née aux It diens , offre une intrigue
intéressante : le dialogue en est spi-
^i) VoT'i '» V't de Boindin pir lui miin- OÎ^UTrcs
de Bolodio , t 1 , p. ïlll ) pour r«cti>'er 1rs M' moi-
re» .le Trubli't , p. i!\o , et ce cjur l'auU ur de l'Hrticie
BoiNDlN , a dit t Y , p. i5 , de cette Biognphit:.
373 MOT
rituel et gaij et cette pièce depuis
lonç; temps oubliée pourrait, suivant
nous, être remise avec succès, sur-
tout si un habile musicien refaisait
la musique des inlcrmèdcs et des
ballets qui terminent chaque acte. Ce
sujet plaisait tant à La IMotte, qu'il
le mit depuis en vers; mais la pièce
n'a jamais ctc jouée de cette manière,
et a plutôt perdu que gagné sous sa
nouvelle l'arme. La Motte eut plus
de succès dans la tragédie ; il en com-
posa quatre, les Maccnabées , Ro-
mulus , OEdipc et Inè$ de Castro.
La première fut prodigieusement
exaltée , tant que l'auteur se tint dans
le secret , et singulièrement déprimée
quand il se fut fait connaître ; la se-
conde n'eut, de même , qu'une fortu-
ne éphémère; la troisième tomlta :
la dernière eiît un succès tel , qu'on
n'en avait pas vu de pareil depuis le
Cid ; il se renouvellera toutes les fois
qu'on trouvera une jeune actrice
qui pourra , par son jeu , soutenir
pendant cinq actes la situation la
plus pathétique qu'on ait encore ima-
ginée au théâtre ( i ). Mais si le
plan et la conduite de cette tragé-
die ont obtenu tous les suflVages , le
style a été justement critiqué. Non-
seulement la versification en est fai-
ble et dure , ïuais les sentiments ne
sont qu'effieurés; Fauteur est cons-
tauimeut resté au-dessous des scènes
qu'il a si habilement amenées; les
sentences ne sont qu'indiquées , et la
passion s'exprime sans chaleur et
sans force. La facilité de La Motte,
et les succès qu'il obtenait au théâ-
tre , lui faisaient illusion sur la na-
ture de son génie , qu'd croyait pro-
pre à tout. Il s'essaya dans tous les
^i ) Nons avons vu ime jeime actrice, 31^'''. Des^ar-
C»us , faire \erser des lanups tiaus c*' rôle d'Inès, dès
Ifspruu icrcs tènps^et <»i;ltt>r , dans tout le couis^e
la pièce , b.Mis jniuais lasser , la scosibililé des spci.L<f
MOT
genres de composition. II composa
(les Odes ^ dont quelques-ifties, pu-
bliées séparément, lui attirèrent des
louanges; mais lorsqu'il en forma un
recueil , on trouva qu'elles abon-
daient en pensées justes , morales ,
et souvent ijigénieuses et fines , et
)nème quehpici'ois profondes, mais
qu'elles étaient dépourvues de poésie
et d'imagination : la froideur de sa
composition y est d'autant plus sen-
sible, qu'elles sont remplies des for-
mules usées d'un enthousiasme fac-
tice. Ces critiques ne frappent point
sur ses Odes nnacréontiques , qui
sont écrites avec grâce et facilité, et
dont les idées sont ingénieuses. Mais
de toutes les tentatives de La Motte,
Sans contredit la plu>.])résoniptueuse
et la plus bizai re , ce fut celle de tra-
duire l'Iliade sans savoir un mot de
grec , et d'abréger ce poème dans le
dessein de l'améliorer. D'un corps
brillant de tout l'éclat de la jeunesse
et de la santé, il fit, dit Voltaire, \m
sqvielelte décharné. Cet abrégé rime
eiit été plus promptement oublié
encore que ses Odes ( qui olFrent du
moins quelquefois de très -belles
strophes ) , s'il n'avait fait précéder
celte Iliade d'mi discours écrit avec
beaucoup d'esprit , d'adresse et d'é-
légance, dans lequel il prétendit
prouver que l'adrai ration pour les
anciens, et surtout pour Homère, est
un préjugé des modernes, et où il
relève et exagère beaucoup les dé •
fauts du prince des poètes. Ma-
dame Bacier r«uta ce discours par
son Traité des causes de la corrup-
tion dngoiit. Elle avait raison pour
le fond, mais toujours tort parla
forme ; et elle mit dans sa réponse
autant de pédantisme que d'âereté.
La ]Motte répliqua avec i>olitessc et
modéialion, par ses PejU'xio7i\ sj/r
litciilique. Cet qcrit est excellcut ;
1
MOT
cm en peut dire autant de ses Discours
sur Vode, sur la trui^édic , sur IV»
fflogue , sur la fable, aux paradoxes
près. Kn fjcufiral , le style de La
Moite , on prose, pont cire ))rosen-
té cotnine un modèle ; sa dicliou
est copslamnieiit élep;ante et pure ,
pleine de doui our et d'harmonie; il a
un grand nombre de pensées neuves,
de réflexions judieieuses , (lues et
instructives , exprimées d'une ma-
nière brillante ; son coloris est vif ,
son ton varié ; il disente avec clar-
té , avec méthode et de bonne-loi ,
mais avec trop de subtilité : il est
facile de sentir quand il a tort , mais
dilTicile de le réfuter ; car il donne
prise par ce qu'il omet de dire plu-
tôt que parce qu'il dit. Comment dé-
montrer ce qui est sublime ou tou-
chant, à celui qui reste froid en pré-
.sence des plus belles créations du
génie .^ Les Béjlexions sur la critique
firent beaucoup de bruit parmi les
gens de lettres, etoccasionnèrent plu-
.sieurs écrits pour et contre. La dis-
pute s'échauffa tellement , qu'on en
joua les auteurs sur plusieurs théâtres
de Paiis. \alincourt rapprocha en-
fin les partis ennemis ; il leur fit si-
gner la paix. Fénélon, que La Motte
avait pris pour juge dans cette dis-
pute , et dont il a publié les lettres,
se montra l'interprète du go4t et de
la raison , comme il le fut , en tant
d'occasions, de la vertu et de la reli-
gion. « Je crois, disait-il, que les
bommes de tous les siècles ont eu à-
pcu-près le même fonds d'esprit et
les mêmes talents ; niais je pense que
les Siciliens, par exemple , sont
plus propres à être poètes que les
Lapons. De plus, il y a eu des pays
où les mœurs , la forme du gouver-
nement , et les études , ont été plus
convenables que celles des autres pays
pour faciliter les progrès de la poé-
MOT
279
sic ; par exemple , les raœnrs des
Grecs formaient bien mieux des
poètes que celles des Cimlires et des
Tentons. L«s anciens ont évité re-
cueil du bel esprit, oîi les Italiens mo-
dernes sont tombés , eldont la con-
tagion s'est fait un peu sentir à plu-
sieurs de nos écrivains , d'ailleurs
très-distingués. Ceux d'entre les an-
ciens qui ont excellé, ont peint avec
force et grâce la simple nature. Ils
ont gardé les caractères ; ils ont at-
trapé l'harmonie; ils ont su employer
à propos le sentiment et la passion.
C'est un mérite bien original. Ma
conclusion est qu'on ne peut trop
louer les modernes qui font de grand»
elïorts pour surpasser les ancieus.
Une si noble émulation promet beau-
coup : elle me paraîtrait dangereuse,
si elle allait jusqu'à mépriser et à
cesser d'étudier ces grands origi-
naux. » Au reste, il était plus facile à
La Motte de défendre son discours que
son poème , dont on ne se ressou-
viendrait plus aujourd'hui sans l'é-
pigramme de J.-B. Rousseau , qui en
a fait justice, et qui a vengé Homère:
L» tradncteur qui rima l'Iliade,
Dp ilonxe cbanLs prélciidit l'nlircïïer ;
Biais, par sou style aussi Iribte que fade,
Df douze eu vus il a su l'alouj^er.
Or le leclem-, qui se seof affli^jev ,
Le douuF au diabîe , et dit pci danl haleine :
« Elt! finissez, rinieur a la douzaine;
» Vos alireges sont longs au derniet* poiut. »
Ami lecteur, vous voilà bien en peine:
Keiidous-U's coulis vu ne les lisaut |>uiu(.
La Motte a été plus heureux dans
Véglo^rite et dans la fable que dans
le po^ne soutenu: le style noble et
élevé était celui qui convenait le
moins à son génie soiple , varié, in-
génieux et brillant , mais peu vigou-
reux et peu profond. Il a composé
envir»iit vingt eiï/ogj/ei\et l'on V trou-
ve plus de naturel , que dans cellos de
Fouteuelle ; elles ont le ton du genre:
il y a de la délicatesse et du sentiment,
a8o
MOT
mais pas assez de poésie et d'imagi-
nation; au reste, ce sont peut-être
encore les meilleures que uous
avons dans notre iauj;;ue; la qua-
trième est excellente. Les Fables de
J^a Motte eurent, ainsi que ses Odes,
un succès étonnant, lorsque l'auteur
les récitait aux. séances publiques de
l'acadèraie. La Motte fut en cfTct
un des meilleurs lecteurs de sou
temps : c'était par ce talent trom-
peur, qu'il séduisait le public, ses
propres confrères, et peut-être lui-
même, en déguisant la faiblesse de
ses vers par le prestige de son débit.
Cependant, devenu aveugle dès l'âge
de quarante ans, et perclus de ses
membres, il n'avait pas même l'a-
vantage du regard et du geste, qui
animent si puissamment la parole ,
ni aiêrae les ressources d'un organe
flatteur : sa voix n'avait rien d'a-
gréable, mais elle parlait à l'anie;
elle ne négligeait aucun détail; elle
saA^ait adoucir avec une adresse mer-
A'eilleuse la dureté d'uu vers, que, par
paresse, il refusait de changer. L'art
de faire valoir ses ouvrages a été
cause que La Motte a négligé l'art
plus important de les corriger. Ce-
pendant on lit encore ses fables
avec plaisir ; presque toutes sont de
son invention et un grand nombre
sont d'une invention , très-heureuse :
mais son style est souvent recher-
ché , précieux , et il manque de
poésie et de naturel. Par une bizar-
rerie sing'.lière, La Motte, si l'on
excepte quelques discours acadé-
miques et un éloge funèbre de
Louis XIV, n'a jamais écrit en prose
que pour faire valoir ou pour dé-
fendre ses ouvrages eu vers : et
cependant , il a fini par décrier
la poésie; et il prétendit, à la fin de
sa carrière, que tous les genres d'é-
crire traites jusqu'alors ea vers^ et
MOT
même la tragédie, pouvaient l'être
heureusement en prose; il soutint
même que la poésie avait un A'ice
essentiel qui devait la faire réprou-
ver, ou du moins priser fort peu
par les gens sensés: c'était de gêner,
j)ar la mesure et parla rime la j>eD-
sée et la raison ; en sorte que celui
qui écrivait eu vers ne disait jamais
tout ce qu'il pouvait ou devait dire.
Pour prouver ce (ju'il avançait, il
mit en prose une scène de Racine ;
il écrivit une ode en prose, puis une
tragédie d'OEdipe en vers et une
autre en prose. Cependant Vol-
taire avait déjà fait son OEdipe; et
La Motte, dans l'approbation qu'il
donna comme censeur pour l'impres-
sion de cette pièce, dit qu'elle an-
nouçciit un siccesseurà Corneille et
à liacine. Comment pouvait il allier
un jugement si sûr et si prophétique
avec des idées aussi fausses sur la
poésie? Quoi qu'il en soit, La Fayc
fit une ode en vers pour défendre 1*
poésie, et combattre le sentiment de
La Motte; et La Motte la mit en
prose, pour mieux prouver ce qu'il
avait avancé dans la préface de sa
tragédie d'OEdipe. Voltaire crut
aussi devoir réfuter les étianges pa-
radoxes d'un homme dont la renom-
mée et l'influence étaient grandes
alors dans le monde littéraire ; il
défendit non-seulement la poésie ,
mais la règle des trois unités, que La
Motte voulait proscrire : celui-ci ré-
pondit avec beaucoup de politesse,
d'esprit et de raison. Depuis, La-
harpe a envisagé la chose sous un
point de vue plus sérieux. Il a vu,
dans les querelles élevées par La
Motte, Fouteuelie et autres, sur les
anciens et la poésie, une conspiration
qui attaquait les mœurs publiques,
et le dessein prémédité de secoua
à-la-fois le poids de la mnrale ci
I\IOT
iJe l'admiration ( c'est ainsi qu'il
.s'exprime ). Presque tous ceux qui
ont éprouve q-.ielqucs remords d'a-
voir coopcié aux oonimeiicemciits
d'une révolution qui a en des sui-
tes si funestes, se montrent in^^e-
Jiieux à trouver des causes éloignées
à nos malheurs : ils ont voulu Tai-
re eonsidércr les sottises et les cri-
mes de la génération actuelle eoninie
une conséquence inévilaliledcs fautes
et des erreurs des générations qui
l'avaient précédée. Cela se conçoit et
s'explique facilement. Mais il fallait
que La Harpe lût bien aveuglé par
su cliimcre, pour donner cette im-
portance aux innocents paradoxes
de La Motte, et pour supposer de
telles dispositions et un ])areil des-
sein au plus modéré et au plus sage
detous les écrivains qui aient honoré
la littérature française. Vollaiij|»par-
cc qu'il <léfendit toujours la cause
•Je 'a poésie et du bon goût , doit-
il être compté au nombre des sou-
tiens de la morale publique et de la
leligion? La Motte, harcelé conti-
nuellement par des épigiarames, des
satires ou des réfutations injurieuses,
n'a jamais imprimé un seul sarcas-
me, une seule ligne, contre aucun de
(.eux qui l'attaquèrent. Il était d'une
douceur rnaltérubie. « Presque tout
)> le monde (dit-ii avec véiilé dans
» les lléflexiom sur la critique ), ou
« par amitié ou sous ])rétexte d'a-
» raitié , est en possession de me
« dire les choses les plus dures pour
« l'amour-propre. Tout devient Ma-
» dameDacier pour moi. » Un jeune
homme à qui par mégardeil marcha
sur le pied dans une foule , lui ayant
donné un soufflet: Monsieur, dil-;l,
vous allez être bien fdché I je ,suis
aveugle. La Motteétaittrès-religieux;
d a composé un grand nombre de
cantates sur des sujets sacrés, et
!M;)T
■jthi
traduit envers plusieurs psaumes j
on trouve dans ses ceuvres un petit
écrit excellent à tous égards, intitule:
Flan de preuves de la relif^ioti. Il
était très en état de remplir ce plan,
et fort versé dans les malièro reli-
gieuses; discij)le des jésuites, il était
opposé aux jansénistes. Il avait une
sœur religieuse au couvent des An-
nonciades de Melun , qui pensait
dilFéremment : il chercha plusieurs
fois dans des lettres laisonnées ( dont
on avait dans le temps tiré des co-
pies), à la faire rcAcnir de ce qu'il
croyait être ses erreurs; mais, comme
on le pensebien, il ne put y parvenir.
Cette différence de sentiment entre
le frère et la sœur n'altéra point un
seul inslant l'amitié qui les unissait.
La Motte se faisait chérir et estimer
même de ses antagouisfes, par un
caractère plein de bonté, de dou-
ceur et de droiture. Aussi, lorsque,
vingt ans après sa mort, le factiua
posthume de Boindin sur les fameux
couplets qui firent exiler J, B. Rous-
seau, le déclara un des auteurs qui
l^s avaient composés, le souvenir de
sa vertu défendit sa mémoire contre
celte calomnieuse accusation, avant
même que Voltaire eût ]noduit, (^ans
son Siècle de Louis X£Fj les rai-
sons ])éremploires qui la réfutent.
Les cdcs anacréoiitiqucs de La Mot-
te , et qsielqi-.es chansons un peu
libres, ne doivent rien faire préjuger
contre ses mœurs, qui ont toujours
été très pures. Ou sava't ( et tous ses
contemporains lui ont rendu cette
justice), que ces compositions n'é-
taient pour lui qu'un pur jeu d'esprit.
C'est ainsi qu'on doit juger aussi de
ses 'ettres à la duchesse du Maine ,
Louise- Bénédicte de Bourbon ( i ) ,
(ilOans cfttr ccri tspon Jancc , ces abrevialious
j «. g»«» jj B'" do-uisrnt le Dom Je 'a diichtsse du
M.<i' (' , Louis:;-bcae^icte rie Buui'bou , )>clitc-lillu du
giwid Coude.
.8*
1\I0T
incliscrctcment publiées par l'ahbe
licblanc. Pour n'être pns trop étonne'
que La Moite, avec la sévérité de
s^'S principes , et la réserve qu'il
mettait dans toiUes ses actions, osât
adresser à une princesse du sanc;
des vers tels que ceux, qui commen-
cent par ces mots :
D« ma dernière nuitcrnutcz rnvPiiliire ,
Je vons la recdmi Irait pour Irait (i'».
il faut se rappeler qu'alors noii-scii-
îemcntiî était avcu[:;!c , accablé d'in-
firmités douloureuses , suites de la
goûte qu'il avait eue de bonue heure,
mais que cette princesse, qui se plai-
sait àcesbadinages spirituels, cxic^eait
qu'il lui écrivît sur ce Ion : alors il ne
pouvait faire un pas seul, ni même
se tenir debout; il ne vivait que de
pain , de légumes et de lait : un état
aussi misérailb n'altéra point sa
douceur ni sa gaîlé naturelle. Il ne
se maria point; et un neveu nommé
Lelebvre lui servit de secrétaire
pendant les vingt-quatre dernières
années de sa vie. Il en sentit appro-
cher la fin avec une résignation
toute chrétienne, et mourut, le '2.Q
décembre 1731, d'une fluxion de
poitrine, à l'âge de cinquante-neuf
eus. Peu ûc jours auparavant, il
avait livré à sou curé une pièce de
tlic'àtre commencée. Ce ne fut cepen-
dant pas sans quelques regrets ; car
il dit à son neveu : « Admirez la
différence des paroisses ; le curé de
Saint - André veut brûler ma pièce ,
et le curé de Saint-Sulpice me l'au-
rait deiuandée pour la faire jouer
i\i profit de sa petite communauié.»
On a sous'ent comparé Fontenelle à
La Motte ; et en effet ces deux hom-
mes , qui furent liés de la plus étroite
(1) Voyez les tellra de Dlati.tieur de T.a Noite ,
^P-'K servir Je sin/tUmn'.l à ies œiuref , j>. lOj.
MOT
amitié, eurent dans leurs talents,'dans
leurs opinions et leurs caractères ,
inic si surprenante analogie , que
leurs noms semblent inséparables.
Tous deux, peu sensibles à la man>ie
de la Tcrsiftcation , firent des vers ;
mais La IMotte, en plus grand nom-
bre et avec plus de bonheur et de ta-
lent ({lie Fontenelle. Tous deux sou-
tinrent les mêmes paradoxes sur les
anciens et la poésie ; tous deux com-
posèrent des églogucs , des opéras ,
et des tragédies en pfose ; tous deux
écrivirent en prose avec une élégante
clarté, et leur stvle abonde en pen-
sées fines et ingénieuses : celui de La
Motte a plus de naturel et de fran-
chise , et peut davantage être propo-
sé comme modèle. Fontenelle eut
un esprit plus vaste, plus étendu ,
des connaissances plus variées , et
trai^Jjdes sujets plus intéressants et
plus instructifs. « Mais, disait ce
» dernier, il n'a manqué à La Motte '
» pour être plus riche que nous , que
» lies yeux et de l'étude, d Tous les
deux portaient au plus haut degré,
le talent de plaire en société; et , gui-
dés par les mêmes motifs , leur con-
duite était pareille, et ne différait
que par les nuances qui distinguaient
le caractère de l'un et de l'autre.
La familiarité de La Motte avec les
grands , était plus réservée , plus res-
pectueuse; celle de Fontenelle , plus
aisée et plus libre, mais cependant
aussi circonspecte. Fontenelle, tou-
jours peu pressé de parler , même
avec ses pareils , se contentait d'é-
couter ceux qui n'étaient pas dignes
de l'entendre ; La Motte , plus com-
plaisant encore, s'appliquait à cher-
cher dans les hommes les plus dé-
pourvus d'esprit , le côté favorable :
ils sortaient contents de Fontenelle j
ils étaient enchantés de La Motte,
Les OEuvres de cet auteur ;, qui eut
]\10T
t«rop (le rcpulation dans son temps ,
et qui n'en a pas assez conserve de
nos jours, onlcle rccnri!lics,en 1754,
10 vol. in-i'.i , y coinpris le volume
de supplenioiil, qui contient ses let-
tres à la duchesse du Maine , et quel-
ques autres pièces. Le lomc i""''. est
divise en deux paities. On a public',
en Si vol. in-i8( chez MIM. Didot ),
les OEuvres choisies de La Mufle.
L'editcnr ( M. Gobet) n'a pas rendu ,
suivant nous , une pleine justice à cet
écrivain , en n'admettant dans son
e'dition , de tous ses ouvrages en pro-
se , que l'éloge de Louis Ic-Grand , et
une petite portion des Bejlexions sur
la critique. Il nous semble qu'on au-
rait dû réimprimer ses discours sur
la tragédie , l'églo^ue , la fable ,
l'ode , etc. , elc, : de courtes notes
auraient suffi pour prémunir la jeu-
nesse contre ses paradoxes , qui d'ail-
leurs , toujours ingénieux , présen-
tent, sous certains rapports , des vé-
rités qui peuvent être utiles. Si un
goût trop sévère avait proscrit ces
excellents morceaux, qui suffiraient
à la réputation d'un des auteurs de
nos jours, il fallait extraire de tous
les ouvrages de La Motte, ces pen-
sées justes , brillantes , spirituelles ,
qu'il a toujours su rendre en prose
avec élégance , et qu'il a riraées quel-
quefois assez heureusement. Enfin, si
ce n'était pour la gloire de l'auteur ,
au moins pour le plaisir et l'amuse-
ment des lecteurs , on n'aurait pas dû
oublier d'insérer dans im tel recueil ,
sa petite nouvelle orientale, intitulée :
Scdncdet Garaldi. W — n.
MOTTE ( GVILLAUME Mauquest
DE LA ), chirurgien, né à Valogne,
le '}.'] juillet i655 , y mourut à pa-
reil jour en 1737. 11 vint faire ses
cours à Paris , où il suivit, pendant
plusieurs années , la pra!i([ue de l'hô-
ieVdieu. C'est dans cet hènifal qu'il
MOT
283
s'adonna ]>arliculièrcmentà l'excrci-
cedes accouchements. De retour dans
sa ville natale, il y acquit bientôt,
ainsi que dans toute la basse Nor-
mandie, une haute renommée, jus-
tifiée par une grande habileté , com-
me opérateur et comme accoucheur.
Maiscesont ses ouvrages, entre autres
son Traité des accouchements, qui
ont transmis son nom à la postéri-
té. Les écrits de La Motte attestent
un vrai savoir , un goût dominant
pour l'observation , et une grande
sagacité dans cette partie de la
science. Il recueillit dans sa pratique
fort étendue, une foule de faits ins-
tructifs, tant sur les maladies chirur-
gicales que sur les accouchements.
C'est surtout cette dernière partie
de l'art qu'il a réellement enrichie
par de nombreuses observations ,
auxquelles il a joint des réflexions
fort judicieuses et propres à éclairer
les jeunes praticiens. La Motte fut
moins savant en théorie et en érudi-
tion j c'est le coîé faible de ses ou-
vrages. Mais les excellents préceptes
qu'ils renferment , les histoires cu-
rieuses de maladies chirurgicales, et
l'exposition de quatre cents cas ex-
traordinaires d'accouchement, ont
donné ime grande vogue à tous ses
écrits , qui ont eu beaucoup d'édi-
tions , et qui ont été traduits en di-
verses langues. Nous avons de lui .-
L Traité complet des accfuche-
ments naturels , non-naturels et con-
tre nature , in-4'*. , Paris, 1715. De-
vaux donna, en 1722, nue nouvelle
édition de ce Traité, enrichie de ré-
flexions et d'observations. Celte édi-
tion a servi de type à toutes celles qui
ont été faites depuis, ainsi qu'aux
traductions. La Moite a beaucoup
critiqué, dans cet ouvrage, les accou-
cheurs qui l'avaient précédé. Il le fait
souvent d'une- manière lumineuse;
284 MOT
mais on peut lui reprocher de par-
ler des autres avec peu de inéuage-
meut, et de se louer eu toute oc-
casion avec trop de complaisance.
C'est à ce sujet que Hallcr a dit
de lui : Laudes suas non ncf^ligit ,
non periudè jdmœ collègue um slu-
diosus. II. Dissertation sur la gé-
nération , sur la superfétation, etc.,
in- 12, Paris, 171 S. Ce livre est
une f^pèce de coiitroverse où La
Motte réfute les opiuiuns des divers
auteurs contemporains sur ^a ge; é-
ralion, sur l'exclusion des hommes
de l'exercice des accouchements, sur
l'alaitcmeut des cnfanis par icur mè-
re , etc. Au sujet de la génération ,
ii combat le système des ovaires» et
des animalcules ; mais il soutient une
théorie purement hypothétique , en
établissant que l'animal résulte delà
semence des deux sexes. 11 nie la pos-
sibilité de la superfétation, si bien
démontrée de nos jours. Il s'attache
à combattre l'opinion de ceux qui
trouvaient qu'il y a de l'indécence
aux hommes d'accoucher les femmes
( P^. Hecquet); il leur oppose l'i-
gnorance grossière des sages-femmes
de son temps et des temps précé-
dents. Ses idées sur l'alaitcmeut des
enfants sont très - médicales. III.
2'raité cojnplet de chirurgie , con-
tenant des observations sur toutes
les maladies chirurgicales et sur
la manière de les traiter, 3 vol.,
in- 12, Paris, 1722. C'est Devaux
qui publia cette édition : il s'en fit par
la suite plusieurs autres ; on ne lit
plus que celle de Sabathier , 2 toI.
iu-8°. , Paris , i''7i. Ce grand chi-
rurgien l'a revue , corrigée , et enri-
chie de notes critiques très-savantes.
F— R.
MOTTE (François la), pre-
mier violon de la chapelle impé-
riale de Vienne, naquit dans cette
MOT
ville en 1731. A douzeans, il s'élait
déjà fait une sorte de réputation ^
il jouait des morceaux entiers sans
changer de corde, et exécutait de
longs passages tout en staccato. Il
vint à Paris en 177O, et se fit en-
tendre avec beaucoup de succès au
Concert spiriliu-l. De là il passa en
Angleterre ; mais ayant fait des det-
tes à Londres , il y fut arrêté à la
requête de ses créanciers. Les pri-
sons ayant été enfoncées dans la fa-
meuse insurrection excitée en 1780
par lord Gordon , La Motte se revit
en liberté : il en profita pour se réfu-
gier en Hollande, où il mourut, en
1781, n'ayant encore que trente ans.
Ses œuvres gravées consistent en
ti ois Concerto, sw Solo, et des y^irs
variés pour le A'iolon. S — v — s.
MOTTE ( L.-Fr. Gabriel d'Or-
léans DE LA ) P^. DoRLEANS.
MOTTE (Jeanne de Lrz, de
Saikt-Piemy, D£ Valois , comtesse
DE la), née le 22 juillet 175G, à
Fontetle en Champagne , sohs le
chaume et dans l'indigence, descen-
dait de la maison royale de Valois,
par Henri de Saint-Remi, fils natu-
rel, que le roi Henri II avait eu de
Isicole de Savigni. En 1776, sa
généalogie , appuyée des titres les
]i!us authentiques, étant certifiée par
d Hozier de Serigni, juge -d'armes
de la noblesse de France, le duc de
Céreste-Braucas se chargea de pré-
senter à la reine Marie- Antoinette ,
et à M. deMaurepas , un mémoire eu
faveur de la demoiselle de Valois ,
de son frère aîné, et d'une jeune
sœur. La marquise de Boulainvil-
lic'is, femme du prévôt de Paris,
avait trouvé, dans le viPage de Bou-
logne, les deux premiers de ces en-
fants, demandant l'aumône, et les
avait fait élever à ses frais. Cette da-
me se chargea aussi., par charité ,.d,e
MOT
la sœur puînée , qui était venue ])Ins
tard de Fontette , où ses parents l'a-
vaient abandonnée. Le 9 dc'cenibre ,
trois brevets de pension turent ac-
cordes par le roi , an (ils et aux deux
filles de Jacques de Saint-Keini de
Valois , mort à l'hôtel-dieu de Pa-
ris. Le jeune houinie , ayant com-
mence' par être matelot, devint en-
seigne, puis lieutenant de vaisseau,
sous le nom de baron deSaiut-Rcmi
de Valois. Il était , dit-on, aussi mau-
vais sujet que sa sœur, avait moins
d'esprit, et mourut avant elle. En
i-jSo , M''"^. de Valois devint l'épou-
se du comte de La Motte , qui ser-
vait dans la gendarmerie de France ,
et qui fut placé, alors, dans les gar-
des de Monseigneur le comte d'Ar-
tois.Leurs communes ressources (qui
se bornaient aux trois pensions), étant
trop faibles pour les faire subsister,
Mni^. de La Motte i)ria M""^. deBou-
lainvilliers de la mener chez le car-
dinal de Rolian, granJ-aumônier de
France ; ce qui eut lieu an mois de
septembre 1781. La piotectrice des
enfants Valois mourut bientôt après.
Leur mère, à une époque peu éloi-
gnée de là , fit un appel à la généro-
sité du même prélat, et vint lui de-
mander ses bons oflices auprès du
roi. M'"*=. de la Motte était âgée de
vingt-cinq ans : sans avoir l'éclat de
la beauté, elle était parée des grâces
delà jeimesse, s'énonçait facilement
et avec l'air de la plus grande bon-
ne-foi. Ces dehors séduisants, venant
à l'appui de la naissance et des mal-
heurs d'une descendante des Valois ,
' intéressèrent vivement le cardinal.
. Elle reçut d'abord de lui de légers
secours , et ensuite le conseil de s'a-
dresser dirertemmit à la reine , dont
il avouait, avec un profond chagrin,
avoir encouru la disgrâce complète.
M""*, de la Motte . formant dès lors
MOT 283
son plan pour se luire entièrement
un e^prit faible et ci é Iule , dit très-
positivement à ce prince , qu'elfe
avait par (iegrés o!);enu la confiance
la plus absolue de Marie-Anlointttc,
et quV'lle pouvait ainsi devenir un
intermédiaire utile entre lui et la
souveraine dont il souhaitait si ar-
demment reconquérir le suffrage. La
comtesse de La Motte découvrit que
la reine avait refusé aux joaUliers de
la couronne ( Boehmeret Bassange ),
l'aulorisalion de lui acheter un su-
perbe collier de diamants, du prix
de 16 à 18 cent mille francs : au bout
de quelque temps l'intrigante vint
dire à Boehmer, que Sa Majesté s'é-
tait ravisée , et paierait le collier à
des époques fixes , mais qu'elle exi-
geait que ce marché se passât dans
le plus grand secret. Soit en même
temps , soit quelques jours après ,
M™^. de La Motte apporta au joail-
lier une prétendue lettre de Marie-
Antoinette. Celui-ci ne trouvant pas
que cette assurance écrite fût tout-
à-fait sulFisante, M'"", de La Motte
promit de lui envoyer, comme char-
gé spécialement de traiter mystérieu-
sement l'afifaire, un des personnages
les plus considérables de la cour. Eu
effet , le cardinal , dont cette femme
avait fasciné les yeux , au point de
lui persuader que la reine, soupirant
après la possession du collier, con-
sentait à lui en avoir, à lui seul , l'o-
bligation , comme négociaieur , en
traita avec Boehmer et Bassange ,
moyennant la somme de seize cent
mille francs. Au mois d'aoîit 1 ■j84 ,
une scène , combinée avec la plus
grande perfidie et d'une impudence
sans égale , fit croiiY au prélat ,
dupe de M'»«. de Fia Motte et de
ses complices , qu'il recevait un
soir, dans un des bosquets de Ver-
sailles ; un témoignage non équivo-
286
MOT
que de l'approbation de sa souve-
raine. Dès ce moment il mit la plus
grande activité dans ses démarches:
le précieux bijou dont il était ques-
tion passa entre ses mains ; et il le
livra , le i*^"-. lévrier 1783, à M'"'--.
de La Moite , sur une simple autori-
sation signée : Maiic-Anloineile de
Ji'rance. Or, il est à remarquer que
la reine n'avait jamais ajouté ces der-
niers mots à sa signature , étant née
archiduchesse d'Autriclie, et n'ap-
partenant , comme on sait, à la mai-
son de France que par son mariage.
Le cardinal de lîohan pouvait-il igno-
rer cette circonstance , ou l'avoir ou-
bliée ? Au surplus , le nom de la se-
conde personne de l'état ne parais-
sait nullement dans le marché conclu
par le grand aumônier : celui - ci
avait acquis le collier pour son
compte uniquement , mais en con-
liant aux joailliers que c'était en
vertu d'un ordre signé de l'épouse
de Louis XVI , à laquelle celte ri-
che parure était destinée. Les bil-
lets souscrits par bii étaient paya-
bles à des termes fixes , dont le
premier ( de 4^0 mille livres tour-
nois ) avait son échéance le 10 août.
Le cardinal de tlohan n'ayant pas
été en mesure de payer à celte épo-
que, Boehmer alla se plaindre à une
personne de la maison de la reine ,
et produisit une lettre du grand-au-
mônier. Marie- Antoinette, hors d'el-
le-même, ainsi qu'on peut le penser,
lorsqu'elle en eut connaissance, lais-
sa cependant écouler le temps néces-
saire pour rassembler les preuves ,
avant de parler au roi de faits aussi
graves. Personne n'ignore de quelle
jnanière le cardinal fut arrêté à Ver-
sailles , le jour de l'Assomption. On
sait aussi qu'il eut le temps et la
jn'ésence d'esprit de donner à l'un de
gçs gens l'ordre de partir pour Paris ,
MOT
et de brûler toute la correspondance
de M""^. de La Motte, a laquelle
étaient probablement joints Ifs pré-
tendus écrits àf la reine. La justice
atteignit, le 18, à Bar-sur- Aube ,
l'auteur de tant d'iniquités j et dcs-
lors s'ouvrit , pour l'épouse de Louis
XVI , la carrière des malheurs les
plus terribles ( F. Marie - Antoi-
nette ). La Motte, complice des cri-
mes de sa femme, et surtout comme
faussaire , était déjà passé en Angle-
terre, après avoir mis en sûreté le
produit de la vente du collier. Con-
duite à la Bastille , M'n<=. de La
Motte nia d'abord de s'être mêlée
de l'afl'aire pour laquelle elle était
arrêtée , et déclara qu'on pouvait
tirer, sur ce sujet, de grandes lu-
mières de Cagliostrô , chez qui elle
avait demeuré , rue Saint-Claude au
IMarais. Dans ses confrontations avec
l'infortuné prélat et les autres accu-
sés, elle se montra le frant armé
d'insolence et d'impudeur, et eut
presque toujours l'injure à la bou-
che. Par l'arrêt que le parlement
de Paris rendit le 3i mai 1785, elle
fut coudajiinée à faire amende ho-
norable , la corde au cou , à être
fouettée et marquée sur les deux
épaules, puis enfermée pour le reste
de ses jours à la Salpêtrière. Elle
subit , dans la prison même de la
conciergerie , la peine qui lui était
infligée, parce qu'on craignait que
le désespoir et la fureur ne la portas-
sent à proférer eu public des calom-
nies atroces. Transférée à la maison
de correction , elle tenta de s'étoulïcr
avec la couverture de son lit. Au bout
de quelque temps , ayant trouvé un
moyen de s'échapper déguisée eu
bomme, elle alla rejoindre son mari
qui avait élé condamné avec elle par
contumace, et qui jouissait, dans la
cité de Londres, du fruit et de l'im-
MOT
•]iMnite de ses vols. Des le moment
«le rexc'cnlion du jugement , La
Moite avait ose menaeer , si l'on
Jie lui rendait pas sa femme , de
faire jiublicf uu Meuioiie où la
reine et le haion de Brcleuil se-
raient étrangement coni[3ioiuis.(^)uel-
(|ues personnes repètent encore , (pie
le silence de ce couple inlaine fut
acheté par un envoi d'or et d'ar-
gent, et (pi'à ce prix on obtint la
remise de la pre'tcmlue minute du
libelle qui avait e'te' annonce'. Ce
Mémoire de M. de La MoUe, amas
de mensonges évidents et de gros-
sièretés dégoûtantes , n'en fut pas
inoins imprime, et l'édition envoyée
tout entière , dans les premiers temps
de la révolution , à Gueilior, libraire
de Paris. L'intendant de la liste ci-
vile la fit acheter , et donna l'ordre
de la brûler , ce qui eut lieu dans les
fours de la manufacture de Sèvres ,
le 3o mai 179.* , avec si peu de
mystère , qu'une de'ncnciation en
donna connaissance, le jour même,
à l'assemblée nationale : on trouva
un certain noraljje d'exemplaires
du Mémoire daivs le château des
Tuileries , après le siège qui en fut
fait le 10 août ini)! ( i ). M'"^
de La Motte ne piofita pas long-
temps de sa liberté et de son in-
famie. Sa santé avait été altérée par
une chute qu'elle avait faite pour
se soustraire à ses créanciers : une
fièvre bilieuse s'ensuivit, et fut, dit-
on, occasionnée par un excès auquel
(1) Ccl ouvrage a rppani sous le titre iIk T^ie ife
Jeanne (le Saint- Reini tle faiois , comtesse de La
l[fotte , pte etc. , èciite; par elle-même y {leuxteme
édition , l'aris , Ganieiy , \'iia i". de la iPiinl.lique
fiaiiçaise, a vol. in 8". Ou a ciictinî : I. Ménoires
jiislificiiiifi d,: la romtenir de Valois de T. a Moite ,
écrili par elle nu-ine , T.oiidies , 1788, iii-80. : :i l:i
jiago ■iit est loie sii;natiii-e iaanii$crite ; un petit
cahier supp^éin ^tilaire de i'ttî pa:;es,eoiitîent les piecps
i(i«t<nealives. M. Second Mémoire justificatf de la
comtesse de Valoii de T.a MoUe . iciit par tilt-
i\roT
elle s'était livrée , on mangeant des
fruits. D'autres prétendent qu'elle se
jeta du haut d'une fenêtre sur le pavé.
Ce (pii est certain , c'est (ju'elle mou-
rut à Londres , le 23 août i7«^i. Le
27 janvier 1 794 ■> ^^^ amena dans la
prison de Paris dite Fort- Libre, une
demoiselle Saiiil-Kcmi de La Motte.
On la prit d'abord ])our la femme
trop fameuse à laquelle cet article
est consacré ; m;jis on se souvint que
celle-ci était motte en Angleterre, et
il fut coni>lalé que c'était sa sœur.
Pour tout ce qui concerne l'allaire
du collier et l'accusation intentée au
cardinal de Rohan , on peut consul-
ter les Mémoires de l'abbé Georgel.
Voyez aussi les articles Cagliosteo
et Rohan. L — p — e.
MOTTE FOU OUÉ. F. Foijque,
MOTTE -GUYON. F. Guyon,
XIX, u4f).
MOTTE- PICQUET ( Le comu^
Toussaint Guillaume Picquet or.
LA Motte _, plus connu sous le nom
delà), naquit à Rennes , en 1 7'^o,
Une aciitité extraoïdiuaire , une
grande habileté dans les manœuvres ,
et une audace peu commime , en ont
fait ini des oliiciers les plus distin-
gués de la marine française. Entré
au service en 1735, il s'embsr-
qua , deux ans apris , sur la Fè~
nus, envoyée eu croisière contre les
Saletins, corsaires barbarcsques. îl
avait déjàfait neuf campagnes, lors-
qu'en i74'3 il t'embarqua sur la Re-
nommée, commandée jiar Kersainî.
L'année suivante , cette frégate reve-
nait, pour la troisième fois, du Cana-
da eu Europe, et avait livré aux An-
glais deux combats très-glorieux ,
lorsqu'elle tomba , pendant la nuit,
au milieu de l'escadre de l'amiral
Anson, qui venait d'échouer dai^s sa
tentative sur Lorient. L'amiral an-
dais detacb.i coctrc elle xme fréoate
u88
MOT
de 36 canons, qui fut dcmàtce et
oblige'e de se retirer. Une deuxième
frégate eut le même sort. Celle-ci fut
remplacée par un vaisseau de 70 ,
<[ui lâcha plusieurs bordées contre
la Renom inée. Kersaint, blesse griè-
vement , fit appeler les ofliciers , et,
croyant avoir assez fait pour l'hon-
neur du pavillon , leur proposa de
se rendre. « Est-ce pour cela que
» vous m'avez fait venir ? « deman-
da La Motte Picquet : « en ce cas ,
» je retourne à mon poste. » Ker-
saint étant hors d'état de diriger !e
combat , La Motle-Picquet prit le
commandement , et manœuvra avec
tant d'audace et d'habilele , qu'il
j-cussit à faire rentrer la frégate au
Fort-Louis. 11 avait eu , pendant l'ac-
tion , la joue dépouillée par un coup
lie canon qui coupa sou chapeau au
ras de la tète. Pendant la guerre de
1-155, il fut presque continuellement
employé. En ï^^o, commandant
une prame portant 16 canons de
36, destinée à défendre les côtes et
à escorter les convois , il proposa
au commandant d'une autre prame,
d'attaquer de compagnie un vaisseau
anglais: l'autre ofùcier , plus a'.icien
que lui , refusa. La paix de i^GS ne
fui point pour La Motte le signal du
repos. Il se distingua surtout dans
les campagnes d évolution des esca-
dres de d'Orvilliers et de Duchaffault.
Il commandait le Solitaire, lîans l'es-
cadre de ce dernier , ayant à son
bord le duc de Chartres. Il passa,
en 17*^7 , au coniinandemcnt du Bo-
hisLc ; il eut l'honneur d'y recevoir
l'empereur Joseph , qui se souvint
toujours de lui avec intérêt, et lui
écrivit, pendant la guerre d'.iméri -
<(ue, pour le féliciter de ses succès.
Dans cette même campapne , un vais-
seau anglais vint le héler pendant
la nuit, d'une manière qui lui parut
MOT
inconvenante. La Molle - Picquef .
accoutumé à braver des forces supé-
ritfures , et peu disposé à suppor-
ter des insultes, le joignit au jour,
et le força de lui envover à bord un
officier pour lui faire des excuses.
Au mois de février 1778, chargé,
avec 7 vaisseaux et 3 frégates, de
conduire au-delà du cap Finistère,
un convoi américain, il remplit avec
succès sa mission , sans avoir été at-
taqué par les Anglais. La Motte-
Picquel. était déjà un des meilleurs
officiers de son corps , lorsque la
guerre d'Amérique vint lui fournir
les occasions d'augmenter sa réputa-
tion. Il n'était encore que capitaine
de vaisseau. Il n'avait point sollicité
d'avancement : il avait été oublié.
Cette espèce d'injustice, dont il n'a-
vait pu s'empêcher de témoigner
quelque mécontentement, fut répa-
rée : il fut nommé chef d'escadre.
Au combat d'Ouessant , en 1778, il
montait le Saint-Esprit , ou se trou-
vait le duc de Chartres ; et il partagea
la gloire d'avoir combattu, au moins
sans désavantage , des forces très-su-
périeures. De ce moment , nous ver-
rons La Motte se multiplier, se sur-
passer, méritant toujours le succès ,
même quand il ne l'obtient pas. A-
près le combat d'Ouessant, il alla
croiser sur les côtes d'Angleterre
avec trois vaisseaux , et rentra au
bout d'un mois à Brest , comme le
lui avait ordonné le ministre , rame-
nant treize prises faites sur l'ennemi.
Au mois d'avril 1 779 , il mil en mer
avec V AnnihalAe 74 , quatre autres
vaisseaux et quelques frégates, et es-
corta jusqu'à la Martinique un con-
voi de 80 voiles. Aussitôt après , il
rejoignit le comte d'Estaing, et eut
part à la prise de la Grenade , ainsi
qu'à la victoire remportée, à la fin
de juin, sur le vice-amiral Byron.
MOI'
VAnnibal, scrrc-filc fJr la ligue fran-
çaise, y fin très-iuallraitc. La Motlc-
Picquct fut ensuite rliari^ed'elFccluer,
avec une escatlie de 7 vaisseaux , le
débarqueuient des troupes qui atta-
quèreut Savannah ; et le siège ayant
cte' levé , il fit voile , avec 3 vais-
seaux seulement, pour la Martinique.
II y e'iait occupe à réparer ses bâti-
raeuts , qui avaient beaucoup souf-
fert dans l'expédition de Savaunah ,
lorsque, le 18 décembre, les signaux
de la côte annoncèrent (lu'iui convoi
de a6 voiles fiauçaiscs, escorté par
une frégate , était poursuivi par une
flotte anglaise de i5 A'aisseaux et
une frégate , cpii entraient dans la
rade à sa suite. L'officier que La
Motte avait envoyé au marquis de
Bouille , gouverneur de la Martini-
que , pour lui en donner avis , n'eut
que le temps de revenir pour s'em-
barquer : déjà les voiles de VAnnibal
étaient euA^erguées, les cables coupés;
et La Motte se porta seul en avant,
et attaqua la tète de l'escadre enne-
mie. Le Fengeur ci le Réi'lèchi,aya.nt
embarqué , avec une promptitude
inespérée , les munitions dont ils
étaient dépourvus, vinrent rejoindre
l'amiral, qui combattait, depuis près
de deux heures , le Comjueror et
V Elisahsth. Pendant quatre heures ,
les trois vaisseaux eurent souvent à
soutenir le feu de dix vaisseaux an-
glais, dont sept tiraient quelquefois
ensemble sur VAnnibal. Eufin, la
nuit étant survenue, l'amiral anglais
fit signal de ralliement à ses vais-
seaux; et La Mot(e-Picquct rentra
au Fort-Royal, avec la frégate et la
plus grande partie du convoi : le
capitaine du Conrjueror , 5 otïiciers
et environ '200 hommes de ce vais-
seau furent tués. Cette action fut
sans doute une des plus éclatantes
de la guerre ; et les relations angîai-
x\x.
MOT 289
ses du temps rendirent justice à La
Motte : mais un snlliage inapprécia-
ble fut celui de l'amiral Paiker lui-
même , qui lui écrivit le lendemain
pour le féliciter sur ce combat. Au
mois de janvier 1780, La Motte mit
en mer avec six vaisseaux et deux
frégates, croisa entre les îles anglai-
ses , et rentra au bout d'mi mois , ra-
menant une grande quantité de pri-
ses , et après avoir été chassé phi-
sieurs fois par quinze vaisseaux de
ligne anglais , qui n'avaient pu lui
faire essuyer aucune perte. Il déploya
beaucoup de talent dans cette croi-
sière ; et quoiqu'il n'eût point eu à
combaltre, elle lui fit , aux yeux des
marins , le plus grand honneur. Au
mois de mars de la même année ,
étant sorti de nouveau de la Marti-
nique avec quatre vaisseaux , pour
escorter, jusqu'à Saint-Domingue,
un convoi de 80 voiles , il rencon-
tra trois vaisseaux ennemis , et or-
donna la chasse. Comme au Fort-
Royal , il joignit d'abord , avec
son seul vaisseau , les Anglais , qu'il
combattit pendant plusieurs heures.
he reste de sou escadre l'ayant
rejoint , il continua le combat tou-
te la nuit; mais, atteint d'un bis-
ca'icn dans la poitrine , il resta
quelques heures sanS connaissance.
Un calme plat empêcha pendant le
jourlesdeuxescadresde manœuvrer.
Le veut étant revenu vers le soir, la
chassef ut de nouveau ordonnée ; mais
trois autres vaisseaux ennemis et plu-
sieurs frégates ayant paru, le com-
mandant français fut obligé à sou
tour de prendre cliasse. Les trois pre-
miers vaisseaux anglais avaient été si
maltraités, qn'ils ne purent le suivre
que très-peu de temps; et il rentra ,
sans avoir été inquiété , au Cap , où le
convoi l'avait précédé. La Mette
alla ensuite rejoindre l'armée coni-
'9
ar)0 MOT
binëe de Cadix , commandcc p/ir
Guichcn, et revint presque ^■issitôt
en Europe, avec d'Eslaiiig. Les com-
bats, (iwel'Annibal avait livres pen-
dant deux, ans, l'avaient tellcmeiit
avarié, que, lorsqu'il revint à Brest,
il pouvait à peine tenir la mer. La
Moite appareilla de Brest, le 2'j
avril de l'année suivante, avec six
Taisseaux et deux fréi;;ates, pour al-
ler croiser sur les côtes d'Angleterre.
Le '2 mai, il rencontra nn convoi t!e
trente voiles, charge du riclic butin
faitparles Anglais à Saint-Eustache,
et escorté par quatre vaisseaux sous
les ordres du coinmodore Hotliam,
qui se sauvèrent en apercevant l'es-
cadre française. Vingt-six de ces bâ-
timents furent amenés à Brest. Les
vaisseaux furent vendus en masse ,
environ huit millions , à des négo-
ciants de Bordeaux; mais Y Aiinual
regii7erpour 1782 (p. io5 ) , por-
te à Ci ou 700,000 livres sterling la
perte supportée par la compagnie
d'assurance de Londres ; et l'opposi-
tion fit de cet événement l'objet
d'une attaque très-vive contre l'ami-
ranté. Depuis cette époque jusiju'à la
piix,La iMotte commanda l'escadre
légère de douze vaisseaux, dans la
flotte combinée, soit en croisière
sur les côtes d'Angleterre, soit au
siège de Gibraltar, soit enfin au com-
bat du cap Spartel où il attaqua le pi c-
riierl'armée anglaise. Au moisd'avi il
1 783 , il ramena son escadre à Brest ,
où il désarma. Il avait été fait cor-
don rouge , en 1 780 , à l'occasion de
son combat du Fort-Ro3'al, et lieu-
tenant-général en 1782; il fut nom-
mé grand'-croix en 1784. Ne sans
fortune, il avait reçu, en 1773,
une pension de 800 livres. En 1781,
Je roi lui en accorda une autre de
3ooo livres. Mais il nejoiiit pas long-
temps de ces avantages. Les fatigues
INTOT
continuelles avaient fort altéré sa san-
té : les attaques violentes de gonfle
auxquelles il était fort sujet, hâtè-
lent sa mort, qui eut lieu à Brest ,
le 1 1 juin 1791. r^a Motte était trc5-
petit, très-maigre et fort laid: en re-
vanche il avait beaucoup d'esprit ,
et ses yeux étaient pleins de feu. Il
était en cfîét d'une vivacité ex-
trême, et qui dégéiiérait souvent
en craporlenient. Mais ajoutons q.ie
des marins qui ont constamment ser-
vi à côté de lui pendant la guerre
d'Amérique, attestent qu'il conser-
vait dans l'action i:n sang-froid im-
])erturbab!e. Au reste, sa colère du-
rait peu , sintcut quand il avait tort ,
parce qu'il était naturellement Irès-
bon , très-juste , cl d'une loyauté
rare. Cet homme si intrépide ne
croyait pas à la làcl-.eté. Ces qua-
lités peuvent donner la mesure de ! i
confiance et de l'attachement qu'il
inspirait à tous ceux qui servaient
sous ses ordres. Il est permis d'à (Tir-
mer que peu de marins français ont au-
tantfait poi'r l'honneurde leur pavil-
lon elpour l'intérèi ducomraer<'eque
La Motte, pendant quarante-six ans
de service, et dans vingt-huit cam-
pagnes, dont nous avons rappoïîé les
])rincipaux résultats. — Picquet d::
MoMKEUiL , son frère aîné, né à
lleiuies en 1717 .conseiller au par-
lement de cette ville , et très-distin-
gué par son espiit, ses lumières et ;;a
]>robité, fut mis à la Bastille avec la
Chalotais et quatre antres membres
du parlement de Bretagne, à l'insti-
gation du duc d'Aiguillon. Il mourut
à bennes, en 1786. D — u.
MOTTEVILLE (Fbakçoise Br.R-
TAUT, dame de ) , fille de Pierre Ber-
taut, gentilhomme ordinaire de la
chambre du roi, descendait, par sa
mère , de l'ancienne maison de Salda-
gue, en Espagne. Jeaa Bertaut , évè-
]\IOT
tiV.r lie Srcz , son oncle' , a laisse dfs
jiocsies Ic'gi'rps ( V. Bi.ktaut, IV,
340 ). FraïKiiiselM riaitt naquit vers
1 () ! 5. suivant tous les Ijiii'j^raphcs ( 1 );
Kiais il est [/lus vraiscinMahlc niio ce
ne lui qu'en iG.U. Klle nous Ta])-
piend elît! nii'iue <l,ins un [lassaj^c de
ses JMcriioires, qui a c'ic altère , el que
l'on rctdijlira ici, d'après un manus-
crit digue de foi : «Je pen^e, dit elle,
V que la Kocliellc se rendit au roi en
» iGiS ; et quelque temps après
» cette célèbre victoire , ma mère
» ine donna à la l'eine , àgee d'eu-
» virou sept ans.... Trois ans après,
1) pour l'éloigner elle-même de la
» confiance de la l'cine, qui se scr-
» voit d'elle pour ses intelligences
» en Espagne , le cardinal de Riclie-
» lieu me fit commander par le roi
» de me retirer. La reine, à laquelle
» il y avoit quelque temps qu'on
» avoit 6tc madame du Fargis , se
» plaignit sensiblement de ce qu'on
» lui ôtoit jusqu'à un enfant de dix
» ans , Sc'\ns qu'on lui en donnât de
» meilleures raisons. Ou lui rèpon-
»' dit que ma mère e'toit demi-Espa-
» gnole , qu'elle avoit beaucoup
» d'esprit , que déjà je par'ois espu-
» gnol, et que je pourrcis lui ressem-
» bler; ce qui obligea feu ma mère
» de m'cnvover eu Normandie. »•
M'*'=. Beiiaut conliuua de rccevoirde
la reine nue modique pension de six
cents livres , (jiii fut portée à àçi\^
mille livres , en 1640. Elle avait
épouse, l'année précédente, Nicolas
Langlois, seigneur de Motteville ,
( O ns s* fuiideiit sur un passage des Mcinoir. s iin -
jjiioiés, dms lequel ils auraient cppcudaot pu remar-
quer une cniitïadictioii. On y v.iit , à la paqe 3S du
touie l''. , i*d. de TJ"? qu'ii> ibîa , M™<^. do Mol-
tevill»* avait sept ans. et tju'après i? rcuvoi de IMiuc.
Du Fdvgis , elle n'avait que neufoix dix ans. Or, le
rt'nvoi de celle dame d'iionneur dWiiue d'Autriche
tuf lieu après la Journée des Jupes , le 27 décLiabre
»63<> ( Hisl. de Louis XIII, par GriftVt, tome II , p.
t)R , in-'|0. ) Si M"", de MoKevil'e avait eu sept aus
eu iGïî , elle anrait éU al'.Ts àjée He »8 am,
MOT itgi
premier président de la chambre dcS
comptes de jNormandic, magistrat
recojnmandable et déjà parvenu à
un âge avancé. Ce mariage réparait,
1)0111 madame de Molteville, les torts
4e la fortune : « J'y trouvai, dit-
» elle, de la douceur, avec une abon-
» dancc de toutes choses; et si j'a-
» vais voulu profiler de l'amific
» qu'il avait puiir moi, et recevoir
» luns K's avantages qu'il pouvait et
» voulait me faire , je me serais
» trouvée riche après sa mort ( i ). »
Cette union ne dura que deux ans.
Apres la mortde Louis XIII (iG43),
Anne d'Autri<:lie , devenue régente,
rappela près d'elle M"'^. de Motte-
ville, et elle se l'attacha, sans cepen-
dant lui donner une des charges dé
sa maison; car on ne trouve point
sou nom sur les Etats de la Fran-
ce , qui ont été consultés. Depuis cette
époque. M""-', de IMottevilie ne s'é-
loigna plus de la reine : elle ne la
quitta pas pendant sa longue mala-
die , dont elle nous a transmis les pé-
nibles détails ; et la reine couronna
tous les bienfaits dont elle l'avait:
comblée, en lui léguant la somme de
trente mille livres (2). Attachée à
celle princesse par le devoir comme
par la reconnaissance, ^1"»*=. de Mot-
teville résolut d'écrire sou histoire.
Il faut l'enlendre elle-même ex])Ii-
quer, dans son Avertissevient , les
motifs qui l'v ont déterminée (3 .
« Les rois, dit-elle , ne sont pas scn-
» lement exposés aux veux , mais an
)) jugement de tout le monde; leurs
» actions , bien souvent , ne sont
» lionnes ou mauvaises que selon les
» différents sentiments de ceux qui
(i) ( Mcmoirei , tome I-'. , p. 4« , éd. de i;5o. )
(2) Le te!.lauicnt u'Aniie d'Autriche est imprime \
la suite des Mémoires de M"'c. do Motteville.
(3) On donne celle pièce ici , quoiqu'un per. elcir-
diie , p;jrce que l'éditeur lies îHenioires de M°^« da
MoUevUlv lui a kit >ul.<ir de graujcs alleritlions.
19..
•XQ'i.
INIOT
» en décident par leurs passions. Ils
» ont le malheur trèlrc censures avec
i> riç^ueur sur les choses dont ils peu-
» vent être blâmés; et personne n'a
1) la bonté de les défendre sur celles
» qui pourroient recevoir 5^]uelque
)) excuse. Tous ceux qui les appro-
1) chent. par un lâche intéri-l, les
» louent en leur présence, afin de leur
» plaire; et chacun, par une fausse
» vertu , se mêle de les juger sévcre-
» ment en leur absence. De plus ,
» leurs intentions et leurs sentiments
» étant inconnus , et leurs actions
)) publiques, il arrive souvent que,
>; même sans choquer i'équité, on
» peut les accuser de beaucoup de
» fautes qu'ils n'ont pas eu dessein
» de faire, et dont pourtant ils sont
» coupables , parce qu'ils sont trorn-
)> pés, soit par eux-mêmes , faute de
)> connoissance, soit par leurs mi-
» nistres, qui , esclaves de leur am-
« bition , ne leur disent jamais la vé-
w rite. C'est ce qui m'oblige d'écrire,
» dans mes heures inutiles et pour me
w divertir, ce que je sais de la vie,
» des mœurs et des incliaations de la
1) reine Anne d'Autriche, et de payer,
» par le simple récit de ce que j'ai
w reconnu en elle, l'honneur qu'elle
» m'a fait de me donner sa familia-
» rite: car, quoique je ne prétende
» pas la pouvoir louer sur toutes cho-
M ses, et que, selon mon inclination
» naturelle, je ne sois pas capable de
«déguisement, je suis persuadée que
1) les historiens , qui n'auront pas
» connu sa vertu et sa bonté , et qui
» ne parleront d'elle que sur le dire
» satirique du public , ne lui feront
» pas la même justice que je vou-
» drois bien lui pouvoir faire , si
» mon incapacité et mon peu d'élo-
» quence ne m'en ôtoient les moyens.
» Aussi ce que j'entreprends présen-
■>■) (ement , n'est pas avec un dessein
.MOT
» formé de réparer leur igu «rancf
» on leur malice ; ce projet seroit
» trop grand pour une paresseuse,
» et trop hardi pour une personne
» comme mni, qui craint de se mon-
» trer, et qui ne voudroit pas passer
)) pour auteur; mais je le fais pour
» ma pro])re saîisfaction, par grati-
» tude envers la reine, et pour re-
» voir un jour, si je vis , comme
» dans im tableau, tout ce qui est
» venu à ma connaissance des choses
» de la cour ; ce qui sera fort borné ,
» parce que je n'aime pas l'intrigue;
» mais aussi je n'y ajouterai rien : ce
« que j'ai mis sur le papier, je l'ai
» vu et je l'ai ouï ; et , pendant la ré-
)) gencc , qui est le temps de mon
» assiduité auprès de cette princesse,
» j'ai écrit sans ordre , de temps en
« temps , et quelquefois chaque jour,
» ce qui m'a paru tant soit peu re-
1) marquable. J'ai employé à cela ce
« que les dames ont accoutumé de
M donner an jeu et aux promenades ,
» parla haine que j'ai toujours eue
» pour l'inutilité de la vie des gens
» du grand monde. ...» Ce passa-
ge peint mieux M"^^. de Molteville,
que toutes les recherches que nous
pourrions accumuler : elle s'y mon-
tre naïvement, dans cette simplici-
té avec ce caractère modeste et vé-
ridique que la postérité a reconnu
en elle. Ancun de ses contemporains
ne donne des détails plus positifs et
plus vrais sur l'intérieur, et, pour
ainsi dire, sur la vie privée d'Anne
d'Autriche , de même que sur les res-
sorts secrets qui ont fait agir la r OTir
pendant les troubles de la Fronde.
La modeste iMotteville a eu cette
destinée singulière d'être entrée , sans
ambition comme sans brigue, dans la
confidence de deux grandes reines.
Aimée d'Anne d'Autriche, elle fut
admise aussi dans l'intimité de Hen-
MOT
nttlc de France, Icmmn tic l'infor-
tuut- Charles 1"'. Ce fut dans le sein
de M"'^ de Mollcvillc , que cette
ïeine mallienrcuse repaiidil ses pre-
mières douleurs, quand tlîe reçut la
nouvelle accablante de la mort du
roi, son mari. On ne peut lire sans
un attendrissemenl mêle d'admira-
tion, les paroles qu'à cette occasion
la fille de Henri IV chargea M"»'-,
de Molteville de transmettre à An-
ne d'Autriche ( i ). Elle contribua
par ses conseils à déterminer la
reine d'Angleterre à fonder la mai-
son de la Visitation de Chaiilot ,
où cette princesse se relirait fré-
quemment depuis son veuvage. Une
sœur de M°i^ de Motteville y fit
profession : elle - même y choisit
nne retraite, où elle venait souvent
se délasser du tourbillon du monde.
Placée au milieu d'une cour hiillan-
te , dont elle ne partageait pas la
dissipation, elle parlait peu, mais
observait avec soin les hommes et
les choses. Telle est l'idée que ses
Mémoires nous eu donnent^ une de
ses contemporaines la présente sous
le même aspect. M'»^. de Sévigné n'eu
lait mention qu'une seule fois ; mais
c'est pour la montrer se tenant à l'é-
cart dans le salon de Fresnes , et rê-
vant profondément (2). Elle mourut
le 29 dec. 1689, laissant un frère
(3), sur lequel les Mémoires du temps
n'offrent aucun détail. On a deM'"^.
de Motteville des Mémoires pour se r-
•vlr à l'histoire d" Anne cl' Autriche ,
Amsterdam , 1 723 , 6 vol. in- 1 2 :
on ])réfère l'édition d'Amsterdam ,
de 1739 ou 1700. L'éditeur eu est
resté inconnu; mais il paraît s'être
(1) Mémoires de Madame de MoUerille, (oiu. III ,
p. ibâ, éil. de i-5o.
(2) LcUre à M. «le PonipoiiDe , du ler. août 1GC7 ,
tome 1er. ,pa-. njde l'cdition iii-S". de Bhilse, 1S18.
(3; Letlri. de Mme. de Sevigué, à s^ Glle, du 4
jstiiTiei' 1690, tome IX, y. 287 del» même éditiQQ.
IMOl 293
permis de fréquentes altérations. On
ne peut p is en douter si l'on prend
la peine de comparer l'ouvrage im-
primé avec un manuscrit de la bi-
bliothèque de MoNSiEut! , dite de
l'Arsenal, numéroté 902, in-fol,
tome XII , p. 297 à 38 1. Il contient
la copie du commencement de l'ou-
vrage; mais il s'arrête malheureuse-
ment à l'an 1644 ' correspondant
àiap.229dutom. i*-'. de l'édition de
1750: celle copie est tout entière
de la main de Valenlin Courart,
mort en 1675 ( F. Conrart ). Ce
manuscrit offre de grandes différen-
ces avec l'imprimé. On a encore de
M'»«. de Motteville, deux Lettres,
adressées à M''"^. de Monlpeusier ,
qui ont paru pour la première fois,
avec les réponses de cette princesse ,
dans le Recueil de pièces nouvelles
et galantes, Cologne, 1667, 2^.
partie, pages 21 à 46. L'auteur de
cet article a remarqué, dans une
lettre revêtue de la signature origi-
nale de cette dame , qu'elle signait
Mauteville ; Courait écrit ce nom
de cette manière dans la copie qui
vient d'être indiquée. M — e.
MOTTLEY ( Jean ) , auteur an-
glais , était (ils d'un colonel au ser
vice de France sous le règne de Louis
XIV. Ce colonel , ayant été envoyé
en Angleterre par le roi .Jacques II ,
trois ans après la révolution de 1688,
et chargéd'une commission secrète,
ce fut pendant le peu de temps qu'il
y resta , que naquit son fils Jean ,
en i6(j2. Mottley, attaché à la car-
rière de l'administration, n'y obtint
point d'avancement , malgré les pro-
messes de lord Halifax et de Robert
Walpole. H se vit ejdin réduit à sub-
sister de ses travaux littéraires. Plu-
sieurs pièces de théâtre qu'il com-
posa , eurent assez de succès , ainsi
qu'une Vie du czar Pierre qu'il publia
9r)4 MOT
par souscription. Les Vies des c'cri-
v.iiiis <lrain,iti(jiies , inipriiiieVs à la
suite de la fragc lie de Scanderbcrg,
de Wîiiiicop, lui soûl allribiiéts par
il seule raison qi-c sa Vie qui en fait
partie est ceiic qui est etrile avec le
plus de détails personnels, et que lui
seul pouvait connaître. 11 mourut ca
1700. L.
MOTTRAYE (Aubry de la),
royaj^eur français , parcourut , de
iC)(.)6à 1729, la plus grande partie
de l'Europe, ainsi que quelques con-
tre'es de l'Asie et de l'Afriqu'' ; il sé-
journa longtemps en Angleterre, et
revint mourir à Haris, eu mars 1 743,
âgé de soixanlc-neut" ans. 11 paraît
que , gêné dans l'exercice de la reli-
tion proiestanle qu'il professait , il
s'était déterminé, en 1O98, à aller
s'établir à Constantinoplc ; mais il
n'explique pas dans qnel but : il dit
simpiement que le conseil et Texcm-
])le d'un miniàUc fiançais , qui élair
appelé dans la capitale de l'empire
othoman, pour y prêcher l'Evan-
j^ile à quelques réfugiés de sa na-
lion, lui iircnt naître ce dcsir. Déjà
il avait vu Rome et Tlialie septen-
trionale, lalfa, Alexiudric, Tripo-
li, le Port - Mali on , l.isbunue et
Nantes ; puis il avait suivi Taliard
en Angleterre. A Constantinoplc, il
lit connaissance avecTckéîi; et lors-
que cet illustre fugitif se fut retiré
a Ismid, La Mottrayc l'y vit plu-
sieurs fois, et profita de cette occa-
sion pour parcourir l'Anadoli jus-
qu'à Angora et à Amastro, l'an-
< ienne Amestris, s".r la mer îSoire,
II vit aussi , à différentes époques ,
plusieurs îles de l'Archipel, la cô-
te de Roumlîi, les îles Ioniennes,
et , dans une de ses excursions, ren-
contra Paul Lucas, en 1 707. L'année
suivante , i! pirlit, comme capitaine
^e deux çaiques , pour Malte; deus;
MOT
ans après, il monta siir un li.iliment
de comnicrce destiné pour Rarcelo-
nc . et dont il avait la gestion. En
revenant, il aborda dans i'ile de Can-
die , et aux rives de la Troadc. Il se
lia, vers 171 i , avec F. E. Fabrice
( f. t. XIV, •p.!^V},A^cnià^ Cliarles
XII, et le suivit a licnder. Il fut char-
gé d'aller à Constantinoplc prendre
de l'argent pour le monarque sué-
dois , et revint à Bouder , vi!>ila la
Crimée , le détroit tie Taman , et les
stoppes qui s'étcnrlcnt de la mer
d'Azuf à la mer Caspienne. 11 s'cm-
barqiM sur ce lac immense , s'ap-
procha d'Astrakan , regagna , par
terre , les bords des Palus Méolides,
traversa la mer Noire, et retour-
na auprès de Fabrice, à Bender. On
peut supposer qu'il fui ensuite char-
gé d'une mission pom' laquelle il se
rendit à^Coartantinoplc, à travers la
Hongrie et l'Allemagne , puis eu Hol-
lande et en Angleterre, et revint en
luiquie. Des courses continuelles
entre Constantinoplc et Dernctica ,
l'occujîèrent )u^qn'cn 1714. Alors,
de compagnie avec Fabrice, i! j)ar-
tit pour la Suède , pénétra jusqu'en
Lapouic, \\i les mines de Kengis et
de .Junossnfvando , cH fut témoin
du spectacle singulier, pour un ha-
bitant des climats tempérés, du so-
leil se montrant à minuit. Sa cu-
riosité lui fit gravir les montagnes
qui bornent au nord le lac d'où le
Torneotire son origine. Un vieillard
lui indiqua l(? rocher dePescomarca ,
sur lequel Regnard et ses compas
gnons avaient gravé, en loSijl'ins-
ciiptionpar laquelle ils annonçaient,
avec l'exagératioa permise aux
poètes , qu'ils ne s'étaient arrêtés
qu'au point où la terre leur avait
manqué. La Motîrave raconte qu'il
arracha la mousse qui couvrait lins-
criplicn, et qu'il en lut faciicmw.l
MOT
I(s vers. Apres la mort Ae Charles
\II , et la lin lrap;i(|iic de Gocrtz, il
<|iiitla !a Siiètlc , cl gas'i'i P^'" terre
I.'; Ilollaiule et rAiif:,k'lerrc. Il s'oc-
f'ipa de l'aire iiiiprimer ses voyages
t;n anglais , et Cil présenta, eu ir'i^,
le premier volume à George I'^^''.
Ensuite il soiigoa à les taire paiaitre
en français à Amsterdai'i. De nou-
velles excursions , eu France , en Al-
lomaf^iie , eu Pologne , en Prusse ,
Cl) Russie jus([a'à Saint-Pelersbourg,
l'occupèrent pisqu'en l'jM); et de re-
tour eu Angleterre , où l'on croit
qu'd se fixa, il fit un tour en Irlan-
de. La relation de ses courses si lon-
gues parut sous ce litre : f'ojages
en Europe y Aiie et Afrique, où
Von trouve une grande variété de
recherches <^é<>^rai>hi(jues , histo-
rifjues , et politiques,... n</ec des re-
marques sur les mœurs, coutumes
et opinions des peuples et des pnys
où L'auteur a vojagé : enrichis de
plans, cartes, etc. la Haye , 1727 ,
■2 vol, in-fol, Dès 17*24 > i's avaient
paru eu anglais. L'auteur fut très-
raeconteut de celte version : il ne le
fut pas moins de ce que les librai-
res d'Amsterdam avaient publie le
second volume sans son aveu . pen-
dant souabsence , et avant qu'il l'eût
achevé. Aussi de retour de sa der-
nière excursion au nord, il en tra-
duisit lui-n;t-me la relation en an-
gl fis , et lit imprimer celte version ,
avec le texte ("rançais en regard ; i'oii-
vrage est intitulé : Foja^e en di-
verses provinces de la Prusse du-
cale et royale , de la Russie , de
la Pologne, etc., fait en 17 26; la
Haye, f^ondres et Dublin, 1732, un
vol. in-fol. , avec caries , plans et fig.
Ce volume commence par un Iraiie
des divers onlres de chevalerie, et
se termine par nu petit vovage eu
iù'aucc, fait en ijiJ, qi.o les U-
MOT 295
braircs d'Amsterdam avaient omis
d'insérer à la lin des précédentes re-
lalions. On ne peut cotitesler à La
Moitraye le me'rile d'être un voya-
geur exact et vcjiiiiijue j mais il n'est
pas 1res- profond observalcur , et
s'occupe peu de la description des
pays: il s'altaclie davantage à celle
des villes et des monuments, aux
us^iges et aux coutumes , et raconte
surtout un grand nombre d'anecdotes
ciuicuscs sur des personnages dont
l'histoire a consacre le nom ; ces dé-
tails , c[ui se lisent avec intérêt , ra-
chètent i'ennui cjue causent parfois
les discussions ihéologiqucs auxquel-
les il preiul [)laisirà selivrer. On trou-
ve a la lin du second volume: i°.Une
Dissertation historique en latin, sur
l'inoculalion de la pctile-vc'role , par
le docteur Timon; — u°. Quatre Let-
tres écrites de Beuder , par Fabrice;
elles otfient beaucoup de détails sur
Charles XII, entre autres, sur le
lanieux assaut qu'il soutint avec une
poignée de monde contre une armée;
— 3°. Projet du baron de Goerlz
pour le rélablissemeut du crédit, eu
laveur de l'introduction des MyatC'
kcns ou marques et billets de raon-
n;.ie dans les finances ^, F. Goektz ,
XVII, 5b3 ) : La rdottrayc donne
les ligures de ces p^îtiîes monnaies de
cuivre , dout la plupart représentent
desdiviiiilés romaines , et cpii circu-
knt encore aujourd'hui en Suède
pour Icr.r valeur intrinsèque ; — 4**.
Extraitdu procès criminel de Goertz.
Les ligures qui ornent ces voyages,
sont généralement exactes et bien
gravées ; elles sont le premier ou-
vrage de G. Hogarth, depuis si ce-
lèbie. Un bibliographe français, qui
probablement n'a fait attention qu'à
l'ordre des dates, a pris la relation eu
français pour une traduction de l'an-
ghùs. Ou a encore de La Motlraye
sqG
MOT
des Remarques lùstoriques et criti-
ques sur VJIisioire de Charles AU
par M. de rollaire, Loiidrc;;, 1/3 2,
in i.i , de 80 pag. 11 relevé quelques
iuexaclittidcs de ce livre, el .se plaint
de ce que Voltaire n'a point ])arlé
des leuseigiicrneuts qu'il lui avafît
douiie's lui-même à Paris , en 1 7^8,
Les remarques de La Motlrayc se
trouvent d-ms une édition de V fJis-
toiiede Charles XII ^ 1733, j vol,,
petit in-8". ; elles y sont accompa-
gnées de réponses de Voltaire. E — s.
MOUÇA. F. MousA.
MOLCH AN ( Jean D£ Castilloiv,
comte DE ) , brave ofticier , tué au
siège de Tortose , le ii5 juin 1708 ,
était entré aux mousquelaiies , en
167 '2, et s'étaiit distingué, en 1673,
au siège de Mastricth , il l'ut lait sous-
brigadicr, en 1674, capitaine au
régiment de Bourbonnais, en 1687,
et so signala dans toutes les campa-
gnes de Flandre. En 1 700 , il passa ,
avec le roi d'Espagne, à Naples, et
prit part à la bataille de Lnzara , à
la prise de celte place ot de Borgo-
Forte , en 1702. 11 servit comme
aide-major-genéral de l'armée d'Al-
lemagne , et se trouvait à la ])aîaille
d'Hochstett, en 1704. Nommé ina-
jor-général de l'armée d'Esp-igne, ia
même année, il était aux sièges do
Gibraltar et de Barcelone, obtint lo
grade de brigadier, le 4 ocîobrc
i7o5;se trouv<i, en 1700,3 la prise
de Carthagène; en 1 707 , à la bataille
d'AJmanza; fut nommé colonel d'nn
régiment d'infanterie de son nom, le
1 1 mai , et continua de remplir les
fonctions de niajor-géi;éral au siège
de Lérida, la même année, et à celui
de Tortose, prise le 1 1 juillet 1708,
où il fut tué. Cet officier, qui avait
toujours servi avec distinction, fut
singulièi cment regretté par ses géné-
raux et par Louis XIV. D. L. C.
MOU
MOUCHEGH. F. MotscnEOH.
MOUCHERON ( Frédéric ) ,
peintre de j)aysages, élève de Jean
Asselyu, naquit à Embden, en i633,
11 vint à Paris, d'après l'avis de
son maître, et y dessina et peignit
tous les environs de celle ville. Ses
ouvrages se faisaient distinguer par
un bon ton de couleur, un dessin
plein de liberté, des arbres d'une
belle forme , des ciels et des lointains
variés et vaporeux. Un cours d'eau
divise ordinairement ses composi-
tions , dont les premiers plans sont
peints avec une grande vigueur , pour
servir de repoussoir à ses fonds.
Pendant son séjour à Paris , Helm-
breker peignait ics ligures et les ani-
maux qui se trouvaient dans ses pav-
sages. Lorsqu'il eut quitte la France
pour se fixer à Amsterdam , Adrien
Vanden Vclde lui rendit le même
service, et ajouta ainsi au prix de
ses tableaux, qui n'obtinrent pas
moins de succès en Hollande qu'en
France. Le musécduLo.uvre possède
de ce maître , un tableau représen-
tant la Fue d'unyarc en terrasse ,
Civecun escalier orné de deux grands
vases. Les ligures et les animaux
sontd'Ad. Yau deuVelde. La cam-
pagne de Prusse, de 1807, avait
enricbi cette collection de deux au-
tres tableaux de ce maître , repré-
sentant , l'un , le Matin , avec des
ligures d'Ad. Vanden Vclde; l'autre,
le Soleil couchant , avec des figures
de Heguyn. Tous deux ont été repris
en 181 5. Cet artiste mourut à
Amsterdam, en 1686. — Sou fils ,
Isaac MoucnERON , né à Amster-
dam, en 1670, se rendit à Rome ,
en 1694 , et y fut admis dans la
bande académique sous le nom
à' ordonnance. Revenu dans sa pa-
trie, il y débuta par de grands ta-
]>leaux ornés de (i"urcs et d'animaux.
IVIOtl
Toujours vrai , toujours exact, il
sait embellir la iialiuo sans jamais
l'outrer. Son talent consiste flaiis
l'art avec lequel il lait contraster les
objets, ou les rapprocher pour pro-
duire (les eHi'ts piqnauls et ingé-
nieux. Sa couleur est celle clc la na-
ture: elle est fine, trausparenle et
harmonieuse; le leuille de ses arbres
est touche avec esprit et facilite , et
Je fini (.\es détails ne nuit point à
l'exactitude de l'ensemble. Il dessine
également bien les ligures et les ani-
maux; et peu de peintres ont entendu
mieux que lui la perspective et l'ar-
chitecture. Ses dessins se l'ont re-
chercher ])ar les mêmes qualités ;
ils soûl ordinairement colorie's et
d'un fini admirable. Cet artiste ne
se bornait pointa la peinture: on a
de lui un grand nombre d'estampes
gravées d'une pointe trcs-délicate,
parmi lesquelles on cite : I. Deux
suites de belles Fîtes de jardins,
enrichies de figures dans le goût an-
tique et de divers édifices. Chacune
de ces suites est composée de quatre
planches, grand iu-fol. II. Un par-
sage -pittoresque , où l'on voit au
milieu un gros moucberon; pièce
fort rare. 111. Mais la suite la plus
considérable et la plus précieuse est
celle qui a été publiée sous ce litre:
Plusieurs belles et jdaisaniesvues,
et la cour de Heemstède , dans la
province d'Ulrecht , dessinées et
gravées par J. Moucheron ^ et don-
jiées en lumière par la veuve Nie.
Fisscher , -i(j feuilles numérotées,
petit in -fol. en travers; chaque
feuille est accompagnée d'une des-
cription en français et en hollan-
dais. James Mason et Paul Angier
ont gravé , d'après lui, deux beaux
morceaux. Celui du premier est in-
titulé : The Herdsman ( le pâtre ) ;
celui du second ; A view of Tivoli.
iMOU 297
ïsaac Moucheron mourut à Amsler-
flaiu , en 1 "jS^. P — s.
M OU Cil ET ( GEonr.i:-.fF,AN ),
lexicographe, naquit à D.irnelal ,
près de Kouen , en 1737. Ses pre-
miers pas dans l.i carrière de l'érii-
dilion furent diiigés par Foncema-
gne : Sainte Palave et lîreqiiigny
î'associèrer.t ensuite à leurs travaux
et à leur amitié. Muuchet accompa-
gna ce dernier à Londres, eu i^GS
et I -jOti, et lui fut d'un grand secours
pour la rédaction de !a Table chrono-
logique des diplômes , Chartres, ti-
tres et actes imprimés concernant
l'Histoire de Fiance, 1769-83,3
vol. in-folio. Mais ce fut à un travail
d'une tout autre importance, qu'il
fut redevable de son existence litté-
raire. Sainte-Palaye , excité par une
généreuse émulation de la gloire de
Ducange , avait conçu le plan d'un
Glossaire deV anciennelangue fran-
çaise, depuis son origine ju' qu'au
siècle de Louis XIF. Cette "randc
cntrcpiise , résultat d'un commerce
non interrompu avec les écrivains
de notre vieil idiome, était au-dessus
des forces d'un seul homme. L'aca-
démicien qui en avait préparé les
matériaux, et qued'autres essais con-
sidérables tenaient encore en halei-
ne, sentit la nécessité de se donner
un auxiliaire qui, profondément pé-
nétré de ses vues, pût conduire à sa
fin le monument dont les pierres
d'attente étaient seulement rassem-
blées. Mouchet fut choisi par son
ami pour cette honorable coopéra
tion ; et en 17^0, il demeura seul
chargé du soin de mettre en œuvre
les recherches amassées en commun
ou recueillies auparavant. Le prince
de Beauvaufit accorder en, 1773, au
modeste continuateur de Sainte Pa-
laye , une gratification annuelle de
mille francs , portée au double deux
sqS mou
ans après. En i-jJJo, lorsqu'il venait
de perdre son devanricr , Mouchct
confia aux presses <lu J^ouvre le
premier volnnie du Gloss.iirc. ij'im-
])rc5.^ion ne liit pas coiitinuc'c au-de-
là des deux tiers du volume , for-
mant 74" H^f''^' et se tcriiiinant à
la syll;dje Asr. Ciiaque article réu-
nit les variantes d'oiiliographc et
la filiation des idées ditlcrcnles,
expiiiuées par le même mot. L'his-
toire métaphysique ';<dcs acceptions
successives par lesquc les a passé
toute locution complexe, n'est pas
toujours satistai.saiite , ai coiuplète :
peut-être est-on o|:i;alcment (u droit
de i.lâmcr ie> développeuicats trop
éleudus qu'entraînent des digres-
.sions , intéressantes d'ailleurs , sur
nos antitjî'.ilés , et le scrupule de ne
sacriîier que lieu peu d.:s citations
d'auteurs f]ui avaient tant coûté à
extraire. Du moins tes eitaiions sont
souvent rattachées l'iuica l'auire par
des transitions qui ne manquent pas
d'agrément. Nous indiquerons pour
exemple , l'article Amour. Les arti-
cles Advocat , A: anage , Arbales-
trler. Arme, Armet, Arnold ^ Art ,
Asne , peuvent donner une idée suf-
fisante d'un ;:^lossaire avec lequel in
Borel, ni Lacombe , ni le bénédictiu
Jean François, ne t'muaisscnt point
decompar.iison. A l'époque de la ré-
volution, Mouchct n'avait guère plus
avancéson Iravaii. Letraite;iier.tqu'd
recevait du p;ouverneraent, se trouva
supprimé; et il fut à la veille de con-
naître le besoin. Brequigny, que la
l'évolution avait pareillemeat dé-
pouillé des fruits de ses." veilles ,
exigea que son ami accej)tàt le don
de sa bibliothèque, dont il se dessai-
sit sur-le-champ. Legrand d'Aussy,
nommé conservateur des manuscrits
à la bibliothèque im|)ériale, v intro-
duisit J^I'juciict sous le titve de Iroi-
MOU
siènie employé'. Mouchet avait le
rang de premier employé lors de sa
Tiiort, arrivée le G février 1807.
Q.ielqne temps auparavant , lora-
(ju'une comniis.'iou de l'Institut ,
formée pour présider à la continua-
tion du Glossaire, lui demanda quel
prix il attachait à son travail, il
lépondit qu'il lui suflisait d'entre-
voir sa récompense dans la repri-
se du raouuincnl «pi'il avait élau-
ché. Il ne laissa cependant lien qui
pût compléter l'impression du vo-
lume commencé. Son temps s'é-
tait consumé à extraire vi à couvrir
de notes marginales sur la significa-
tion des vieux mots , les manuscrits
d'anciens chroniqucurset romanciers
que renfermr'iit sa bibliothèque. Les
matériaux qui devaient être cléponi!-
lés pour la rédaction délinitive du
Glossaire, sont consignés dans plus
de Go vol. in-fol., conservés à la bi-
bliothèque royale. La partie méta-
physique y est a peine effleurée ;
Tindicationdcs sources et autorités ,
et des citations nombreuses, rem-
plissent ces pages , où les recherches
historiques ne trouvent place que
bien rarement. Ce vaste répertoire
ne pouvant pas de long- temps être
rais au jour, le Glossaire, beaucoup
plus réduit, de M. Roquefort, comble
en quelque sorte ce vide de notre
littoiature. Voyez \c Journal des sa-
vants, décembre, 1791. F — t.
MOUCHET ( Fr \^çoIs Nicolas),
peintre, né eu i;5o, à Grai , eu
Franche - Comté , était (ils d'un
ayocat du roi, au bailliage de cette
ville. Il alla jeune étudier à Pa-
ris , reçut des leçons de Grcuzc ,
et obtint, en 177G, le premier prix
à l'académie, La nécessité de trouver
des ressources dans son talent le dé-
cida à s'appliquer au genre de la mi-
LÏature , tt il se 1:1 d'.ujcrd c-uualu*-
MOU
par (les portraits : il venait <Tc-
li*' cliar^^é do quelques ouvrages par
!<• {gouvernement , lorsque la re'volu-
lioii larraelia à sou atelier, lien em-
brassa les |iiiii(iposavee uni; clialciir
que part.i^eail le plus grainl uonibrc
des ailisles , et fut successivenicnt
élu iiKunbic de la muuicipalile , et
ju^c de paix d'une des sections de Pa-
ris. Envoyé, eu i7()'-*> comiuissaire
dans la Belc;ique, pour designer les
objets d'art qui devaient être dirigés
sur la capitale de la France , il ne vit
pas dans cette mission, comme tant
d'autres, un moyen d'augmenter sa
t<.)rtune;, et revint pli'.s pauvre (pi'il
n'était parti. Les ciiraes dont il était
témoin , le y)énétrt'rcnt d indigna-
tion ; et le courage avec lequel il
signala les chefs du parii qui oppri-
mait la France, lui valut une hono-
rable détention. 11 passa quatorze
mois dans Il-s prisons, occupé a l'aire
des portraits, dont leproduit l'aidait
à soutenir sa famille. Rendu à la li-
berté en 1794? il se hâta de reve-
nir dans sa ville natale, où , satisfait
du modeste patrimoine qu'il avait
retrouvé, il se lis'ia tout entier à la
pratique de son art. Il forma une
ccolc de dessin à ses frais , et n'épar-
gna rien pour inspirer à ses élèves
le goût de l'antique, qu'il se repro-
chait d'avoir négligé, ija mort de sa
leinmc, suivie bientôt après de celle
de sa fille unique, vint troubler sou
repos; et dès ce moment il ne fit
plus que languir. Cependant, d'a-
près les conseils de ses amis , il ve-
nait de contracter une nouvelle
union , lorsqu'il mourut à Grai , le 1 0
février 1814, à l'âge de soixante-
quatre ans. Outre un grand nombre
de Portraits renîarquablcs par une
louche large et vigoureuse, on cite
de lui deu\ cuiu positions : L' Oripns
i.^i la peinture et le Çriouwke de Ui
MOU
200
justice^ qui ont paru au salon; et
une foule de petits sujets gracieux ,
(pi'a reproduits la gravure, tels que
le Larcin d'amour, VlLUision, le
Coucher, etc. W — s.
MOUCHON ( PiERP.E ) , né à Ge-
nève , en 1 733 , d'un pire horloger ,
occupe une jîlace distinguée entre les
prédicateurs protestants. Après s'être
voue , pendant quelques années , à
l'enseignement de la jeunesse , dans
le collège de Genève , il exerça les
fonctions du ministère sacré, dans
l'église française de Bâle, puis dans
sa patrie, ou il mourut, en 1 797. Au
milieu des devoirs de son état, il sut
encore trouver du temps pour qucl-
(jues sciences de prédilection , comme
Tastronomie ; et il ne craignit pas de
se charger d'une lâche immense , qui
pourrait ne paraitrc d'abord qu'un
ouvrage de pdtience , mais qui, par
le mérite de l'exécution, annonceun
esprit étendu , accoutume à embras-
ser un grand nombre d'objets , à les
disposer ^\ec ordre , et une variété
de connaissances acquises qui ne re •
jette rien comme lui étant étranger.
Nous voulons parier de la Table
analyli'jiie et raisonnée des matiè-
res conLeiiues dans V£nc) clojjédie.
Paris , i';8o , ?- vol. in-fol. Les di-
vers articles disséniinés dans ce grand
Dictionuaire, et qui se rapportent a
un même sujet , toutes l'^s idées epar-
ses dans des arûcles où l'un ne pense-
rait pas à les chercher , sont rappro-
chées avec autant de dibcernement
que d'ordre et d'exactitude. Mou-
chon eraplova cinq années à ce tra-
vail , y donnant une portion de cfia-
cune de ses journées, conformément
à un plan qu'il s'était tracé d^avance,
et qu'il a lidèlement suivi. On a dit
qu'il était probablement le seul hom-
me qui eût lu rKiicyclopédie en to-
Uht£;Ct celui qui cii a retire le ^Uis de
3oo MOU
fruit. En faisant cette revue des cou-
îiaissances humaines , il clcndit les
siennes, il s'enrichit d'un grand nom-
bre d'idées générales , pericctionna
cet esprit phihisophitiue qu'il possé-
dait à un haut degré , et qui , appli-
qué À l'étude et a la défense de la reli-
gion, servit à fortifier sa foi, en mèrae-
terapsqu'ildonnaun caractère neuf et
original à son éloquence. On a public,
«iprès sa mort , un choix de ses Ser-
7no;is, en deux vol. in-S". ( Genève ,
1798), qui font regretter qu'on n'en
ait pas donné davantage. La force
des pensées y est égalée par celle du
style. Ceux qui l'ont entendu, admi-
raient combien son action simple et
majestueuse était eu harmonie par-
faite avec le ton de sa composition .
et complétait en lui l'heureux assem-
blage des premières quahîés de l'o-
rateur chroliei). Son Sermon du jeû-
ne , prononcé dnjis un temps de
tioubles et de malheurs , est peut-
être une des plus belles productions
de l'éloquence sacrée.Cotte éloquence
Vouait du cœur. Dans les dissensions
qui agitèrent quelquefois sa patrie,
Mouchon jouit do la considération
de tons k-s partis. Il fut lié avec
J. - J. Rousseau , qu'd alla Toir à
Motier-Travers , en 1 762 , et qui lui
donne le litre de cousin , dans une
lettre datée du 29 octobre de la
mèrae année (rapportée dans le Ly-
cée français , tome III, p. 190,
févr. 1820 ). Mouchon a fait un
récit intéressant et animé de cette
visite, dans une lettre écrite sur les
lieux, le 4 octobre de cette même
année, et rapportée dans l'Histoire
de J.-J. Rousseau ( par M. De Mus-
set ), tome II, p. 5oo. Voyez V Elo-
ge histurijue , placé en tête de ses
iSermons , et dont l'auteur est M. Pi-
rot , professeur en théologie ; la Re-
vue de 1807 ( tom. 5'2, p. 182 ),
MOU
et la Notice insérée dans l'Alma-
nach des Protestants , pour 1809.
M — N IJ.
MOUCiHY ( Antoine oe ) , conni!
en latin sous le nom de Deinoclui-
res, docteur de la maison et sociél/^
de Sorbonne, était né a Ressoas ,
bourg de Picardie, au diocèse de
Beauvais. Il til ses étud>'sdans l'uni-
versité de Paris, et y professa la
philosophie. Il en était recteur, en
1 539 : en 1 540 , il prit le bonnet de
docteur eu théologie, et presque aus-
sitôt fut nommé a une chaix'e , pour
professer celte science dans les éco-
les de Sorbonne. Il devint ensuite
chanoine et pénitencier de l'église de
Noyou, S'étant fait remarquer du
cardinal de Loi raine , ce prélat l'em-
mena au concile de Trente, eu 1 562 ,
avec quelques autres docteurs. On
lui reconnaissait de la piété , du sa-
voir et du zèle. Quelques - uns néan-
moins pensent qu'il n'était pas pro-
fond théologien. Il prenait le titre
d'inquisiteur de la foi en France ; et
il en exerçait les fonctions contre les
partisans des opinions nouvelles ,
qu'il faisait épier et poursuivait avec
une chaleur qui pass.iit pour être
quelquefois outrée, et qui , au lieu de
les ramener, lui attirait leur haine.
Il fut un des commissaires que Henri
II nomma pour instruire le procès
d'Anne du Eourg et des autres con-
seillers au parlement, arrêtés avec lui
comme soupçonnés d'hércsie. Mou-
chv ne manquait pas d'éloquence ^
et jiarnt avec éclat au colloque de
Poissi et au concile de Reims, en
i564. 11 fut chargé, en i567, de
faire , de concert avec le recteur
de l'université , la visite de tous
les collèges , pour s'assurer de l'or-
thodoxie des disciples et des maî-
tres, et priver ceux-ci de leur chaire,
si leur foi était suspecte. Il mourut
MOU
iiP.iris.cn i574i^"y^ndc la faculté
(ic tlieolop;ii;, el sénifiirdc. Sorboniic.
Ou a de lui : I. la llaraiinuc (jn'il
j)rononça aii concile (le Trente. II.
Un traite J)e sacrificic Misyœ , ou-
vrage exact, pour le do^i^me , mais
rcujpli de digressions iiiuliics, et dé-
pourvu de critique. 111. Plusieurs au-
tres ouvrages , cil res|Jiit ne manque
point , mais qui pèchent egaleineut
par défaut de critique. Mézcrai a
prétendu que la dénomination de
mouchards ^ donnée aux espions de
police , était dérivée du nom de De-
mochares , que Mouchy avait sidis-
litué au sien, parce que l'on s'en
servait, dit-on, pour désigner les
agents secrets qu'il employait nour
découvrir les sectaires de son temps.
Mais il paraît «pie ce sobriquet est
beaucouj) plus ancien ( F. Ménage j,
et qu'il vîput tout simplement de ce
qu'ainsi que les mouches, ces sortes
de gens s'insinuent partout. Plutar-
que, en effet, comparait les espions
aux m<fuches. L — y.
MOUCHY (Philippe de Noailles,
duc DE ) , maréchal ne France , na-
quit à Paris, le 7 décembre 1715. I!
était, ainsi que le dernier maréchal
de Noailles, iJls d'Adrien Maurice,
qui avait épousé, en 1(398, la nièce
de M'"^. de Maiutenou, et dont ou
a imprimé les Mémoires. ( V. Mil-
Loret Noailles. ) Il entra très-jeune
an service, commanda, en 1784, un
régiment de son nom , et fit avec
distinction , tant sous son père, que
sous les maréchaux de Saxe , d'Es-
trées , de Richelieu , etc. , toutes les
guerres qui eurent lieu depuis 1733
]usqu'en 1 739. Dans la campagne de
Bavière (1742) , le duc d'Harcourt,
qui commandait l'armée à la retraite
d'Hilkersperg , manda à la cour que
c'était au comte de Noailles ( depuis
maréchal de Mouchy ) , qu'il avait
MOU 3ot
l'obligation du s.dut de son arracc.
Ce dernier fut fait lieiitcnant-géuc-
ral, eu 1748, après avoir été aide-
de-can)p de Louis XV dans la cam-
pagne de Flandre. Le maréchal de
Mouchy vécut beaucoup à la cour
de ce prince, qui le traitait avec
bonté ; mais c'était une véritable
amitié que lui accordait le dauphin.
Ils avaient ensemble une correspon-
dance que la famille de Noailles a
conservée, et qui ne laisse pas de
doutes sur les sentimens flatteurs
qu'avait pour le maréchal l'héri-
tier tlii trône de France. Chargé
successivement par le Roi de plu-
sieurs missions honoraldes, il le fut
spécialement du commandement de
la Guienne . en remplacement du ma-
réchal de Richelieu. Il donna dans
cette province toute sorte de bons
exemples , et y obtint l'estime géné-
rale , l'affection même, par son ca-
ractère doux et conciliant, qui ne
l'empêchait pas de remplir scrupu-
leusement tous les devoirs attachés
à SOS fonctions. Quoique très-zélé
pour la religion, et la pratiquant
avec exactitude, dans un temps où il
V avait quelque mérite pour les geus
du monde à se montrer religieux ,
il était d'une extrême tolérance; et
les protestants , très-nombreux en
Guienne, montraient pour lui autant
d'attachement et de res])ect que les
catholiques. Les Bordelais se sou-
viennent encore du bien qu'il leur fit,
en remédiant aux désordres qu'en-
traîne la passion du jeu , désordre
qui dans une ville de commerce de-
viennent plus funestes qu'ailleurs. On
a souvent tourné en ridicule l'amour
excessif peut-être , qu'avait le maré-
chal de ^louchy pour la représenta-
tion. L'importance qu'il mettait à
l'étiquette en général , n'était que la
conséquence d'un bon principe, pous-
3o2
MOU
se jusqu'à l'exagération ; pt elle tenait
clie7. lui à (les seiitiirenls très-nobles
et très - fli;j;nps d'ëloges. Véritable
pliilosoplie chrétien , il avait fixe
nne e'poq'Te où il devait quitter le plus
beau eornmandeiJie.nt de France , et
son gjuvernement de Yerî>'i!les ,
pour se retirer au sein de sa l'iinilie.
Il e'tait âge' de 70 ans , lcrs(|u'il ef-
fectua celte re'solutiou. B n parent ,
bou ami , bon maître , essentielle-
înent cliaritab'e dans ses terres ,
comme il l'était à Paris , où il allait
lui-même visiter cl secourir les indi-
gents, il parut occupé sans cesse du
bonheur de tous ceux qui avaient
des t*elations avec lui. Il fut mem-
bre de l'assemblée des notables , en
1787 et 1788; mais depuis cette
époque son ççrand âge l'empêcha de
prendre part aux événements politi-
ques. Cependant , une émeute popu-
laire ayant eu lieu à Monllhéry , il
apaisa les perturbateurs en leur
montrant su fiç;ure imposante , et
il désarma leur fureur par son lan-
gaj^e simple, mais énergique. Au mo-
ment des humiliations les plus pé-
nibles pour Louis XVI , il redou-
bla les hommages qu'il se plaisait à
lui rendre. Rien n'honore plus la fin
de la carrière de ce noble vieillard ,
que son dévouement dans la déplo-
rable journée du 20 juin i79'2. Quoi-
que le roi eût donné a tous ses fidèles
scr^^teurs l'ordre de se retirer , le
maréchal de Mouchy espéra que ses
années feraient pardonner sa présen-
ce au château, et ii ne quitta pas un
instant la personne de son maître. At-
tachant à la boutonnière de son habit
ime canne que son âge lui rendait né-
cessaire , on le vit , d'un bras que le
zèle semblait rajeunir , repousser
plusieurs fois les téméraires dont la
violence pouvait faire craindre pour
les jours de l'infortuué monarque.
MOU
Le lendemain , la leine le remercia
avec la plus vive émotion , en pré-
sence du jeune dauphin; et le roi,
à son tour , lui témoigna , aussitôt
qii'il le put , ainsi qu'a sa fj'le . la
duchesse de Duras , combien il était
reconnaissant d'une telle conduite,
11 voulait occuper encore le poste
de l'honneiu- le 10 août ; mais il ne
put parvenir jusqu'à Louis XVI. A
dater de ce jour funeste, il ne cessa
pas d'être en butte aux persécutions.
On vint, dans son cliàleau de Mou-
chy où il s'était réfugié , le sommer
de déclarer le lieu de la retraite de
son fils aîné, le prince de Poix, dont
la tète avait été mise à prix : il )e-
poussa avec horreur cette odieuse de-
mande. On sut que lui et sa respec-
tabie é))ousc, Anne -Claude- Louise
d'Arpajoii , assistaient des prêtres
qualifiés de réfraclaires , réduits à
une extrême misère. Par suite d'une
dénonciation, le maréchal fut arrêté,
et conduit à la Force. Peu de temps
après, on le transféra au Luxem-
bourg, d'où il ne sortit que pour
comparaître devant le tribunal lé-
volutionnaire, et périr avec la ma-
réchale. L'un et l'autre intéressaient
vivement tous leurs compagnons de
détention par leur union touchante
et par leurs vertus. Seulement , on se
])crmettait quelquefois de sourire à
la vue de leur costume aussi anti-
((ue, aussi solennel, que leurs mœurs.
Quand ou apprit qu'ds partaient
pour la conciergerie , ils furent com-
b!és de témoignages de douleur et de
respect. Le jugement rendu contre le
maréchal de IMouchv , est un monu-
ment curieux parla longue énumé-
ralion des délits qu'on lui imputa.
Ce fut le ^7 juin i'j()i, qu'il fut
immolé, à l'âge de 79 ans. ]>a maré-
chale , nui périt avec lui, était âgée
de 6t> ans j elle se trouvait alors fort
MOU
soiifTranle. îl y eu avait !)3 qu'ik
o'iaienl niaiics. Mad.iiuc- de Muiiciiy,
dont le courage relii;icux répondit ,
eu ce moment, à sa vie toute cnliiie,
avait e'tif sncccssivcmcul dame d'hon-
neur des reines femmes de JjOuis XV
et de Louis XVI. L — r — i..
MOUGIN ( PlIT.r.E - A.NTOl.Mi ) ,
astronome , était ne à Cliarquemont,
bailliage de Baume, eu Franche-
Comté, le '.IX novembre 1 735. Apres
avoir termine ses études au se'mi.iaire
de Besançon , il embrassa l'c'tat ec-
clesiasticjue , et lut nomme cure de
la (irand'Combe-des-Bois , paroisse
sjir le revers du Loniout. Dès-!ors il
s'appliqua par goût à l'étude de l'as-
tronomie : il adressa ses. premières
observations à Lalande , eu ! 766 ; et
)i en reçut , avec une lettre Irès-fl a i-
teuse , nu grand télescope , et quel-
fpies autres instruments qui lui étaient
iiidispcnsables pour donner à ses opé-
ritious toute Texaclitude nécessaire.
Devenu correspondant du bureau des
longitudes , il avait prorais de s'oc-
cuper d'un travail sur les comètes ;
mais il eu fut détourné |)ar les évé-
nements de la révolution. Il avait été
élu , en 1790 , membre de l'aduiinis-
tratiou centrale du déparlcment du
Doubs : il lefusa cette place qui l'au-
rait distrait de ses études habituelles ,
et continua de vivre au milieu de ses
livres. I/estime générale dont il jouis-
sait, ne put le sauver de la persécu-
tion dirigée contre les préîres : il fut
obligé , sur la fin de i ^fjS , d'aban-
donner sa cure, et de chercher un
asile dans le creux, d'un vallon, d'où,
écrivait-il à Lalande, /<; ne vois plus
le ciel. Le bureau des longitudes ob-
tint enfin du gouvernement un dé
crct qui rendit Mouginà ses travaux
et à son ancien séjour, plus favora])le
à la re.dierche des comètes. En 1 80 1 ,
il idreisa à Lalande une grande Table
MOU
3o^
de prèvession , c'est-à-diro , des chan-
gements annuels des étoiles en ascii-
sion droite. « Il y a trente ans , » dit
rastroiU)ine français, en annonçant
ce nouveau travail , « il y a trente
)) ans que nous recevoiLS de ce digne
» pasteur des Jiiarqiies de Z''le , d'ap-
» plication , de curiosité et de cou-
» rage , qui sont bien rares, surtout
)) dans les déserts. » Mougin est mort
dans sa paroisse, le au août i8i(j ^
à l'âge de qaalre-vingt-un ans. On a
de lui des Calculs dans la Connais-
sance des temps, de l'-'jS jusqu'à
i8o3; — \ciTubhsda nonatrésime
dans le vol. cie i';75; — les Calculs
de Vélipse de soleil oljservée à la
Grand'Cjmbe , le M) janvier i 787 ,
dans le Journal des savants , p. 5o3 ,
etc. Les instruments et les manus-
crits de l^Iougin ont été achetés par
nn Suisse ; et l'en ne sait s'ils sont
perdus pour la science. ( F. VlJis-
loirc abrégée de V astronomie , par
Lalande, à la suite de sa Biblio^r.
astronomique. ) \\ — s.
MOUHY (CUAP.LESDI: Fii-ux,
chevalier de ) , neveu du baron de
Longepicrre , naquit à Metz, le ij
mai 170! , et vint de bonne heure a
Paris. II n'avait d'autre ressource qu«
sa plume; mais le ])roduit ne sulli-
sant ]ias à ses besoins, il y supjJéa
comme il put. 11 fut d'abord au.\ L;a-
gcs de Voltaire , qui le payait pour
être solliciieur de ses procès, et sou
chef de meute au parterre. Plus tard ,
il rendit au maréchal de BLlie-î&le ,
mini^itre de la guerre , des services
honteux, qui lui furent bieu pa\(ss :
c'était tout ce que voulait Mouhy.
Apres la mort du maréchal , il nu
jouit pas d'une grande cousidératiou
dans le monde (i). Il n'eu avtiit pas
(i) Le cliuvaiiir '.if! Mo ;hy allait da! s k; i:.Mi
du is lis foyers, r!:fii.ill,iii lont ci- qu'tu y asti.
it.;tra k =oir cb i lui, U écrivait uu ruuij.i , d.
3o4
MOD
davanla{»e dans la rcpublirpie des let-
tres, qiiui(jii'il ait produit licaiicoiip
d'ouvrages pendant sa luiii^iic car-
rière, (pi'il pi)u>.s;i jusqu'à l'àj^e de
quatre-viii^l-tro s.ius.ll inoiinitie'ig
icVrier 1784. O.i ado lui : I. I.e Ee-
pertoirc'j oiivrai;e periodicpic. 1735,
in- 12. II. l^a J^ajsarnie pajv^nue ,
1735, i\i parties en 4 vol- in - \:i ,
dont le litre seul r.ippclic le Paysan
par^-enu de Marivaux. III. Le Dé-
mêlé iUTvenu eut e le Paysan par-
venuel la P ajsanne parvenue. 1 735,
in-i'2. IV. Mémoires poslhumes du
comte de *** , avant son retour à
Dieu , 1 'j35, 4 parties in- 1 2. V. La-
mekis, ou les F'ora^es e i traordinai-
res d'un Egyptien dans la terre in-
térieure, avec la découverte de Vile
des Silphides , 1735-37, 4 partif's
in-i'i. VI. Mémoires du marquis de
Fieux , 1 7 35 - 1 73G , '^. vol . in - 1 u.
VII. Paris , ou le Mentor à la mo-
de, 1 735 , 3 parties in- 1 1 ; ouvrage
non termine. Vlll. Le Mérite vengé,
ou Conversations sur divers écrits
modernes, 173G, in- 11. IX. Le
Papillon , ou Lettres parisiennes ,
4voL in- 12.x. La Mouche, ou les
lequel il anial^amuit les anecd tes qu'il avait enlcn-
da rarouttT. Un ou\Ta^c n'ur eati ..va t-il cin surcès ,
il en cuuposait aussilôt le pond .ni. Il t-rait d'ailleurs
très-l»uu parti de !<es ccrifs ; ils î*tai< ul alî. Iirs par-
tout il en avait S's poches pleines , il les colportait
lui-même , et l'on était forcé de l';s aclu-ler pour se
débarrasser de ses instances. Les ïpialri'-vingts volu-
mes d'- ruuiaiis que Moubv a publiés, s >iit devenus
r.ires , sans èlre plun recherchas. Ils ot.l passe dans
1. s coK-uies tt Jaus les pavs «^tmiigers. Non? »-u avons
trouvé plusieurs en Hullande. chez des libraires, qui
n'avaiei.l presque pas d'antres bvres li-a.çais. L'a-
innur - propre de Rhinhy était anssi r dirule qn. la
plupart de ses nuviages. En fèle de .«a niauvaise
rompilafion , qu'il a intitulée , fïi'tnhedu Théti(re-
FrancaiSy il a pla. e la gravure <.c .sou p-^irtrail , où
i' esf ropré.senle, sans qu'on sache pour 'iio< . armé
et cuirassé oninic un maréchal de France. Dans les
IMêmoiiei de Mademoiselle de Mvrn^ , "h'^roine
ass'stant à la conie'iie . se fait i.nnnner quelques-uns
lUis des spectateurs : « Quel * st , dit-elle . c t liouï-
>' me, qui vil ut de s'asseoir, qii n'esl pas b an, mais
>' qui a 1 air si nobie? >. C est le i bevall. r de Mou-
hy . repond l'auteur <In livre , <|ui s'est («eint hii-
tnème, dans un portrait assez f'.dèl.- , aioute Pa'iss jI,
à l'air noble pr«s , dont sa nc;ure était le plus iiarfait
c Diraste. ' A-^T.
MOU
Aventures de Bigand, 173G, 6 par-
lies in-12; il y a plusieurs éditions :
traduit en alluiuand sous le titre de
r Kspion. On y trouve de la gaîle , de
l'iinagiiiation , de l'originalité; enfin
il passe pour le moins mauvais des
ouvrages de l'au'eur. XI. Nouveaux
motij'i de couver-ion , 1738, in-12.
XII. Fie de Chimene de Spinelli,
I73<S, in-12. XïlI. Mémoires d' An-
ne-Marie de Moras , comtesse de
Cour-bon, i73g, x vol. in-12. XIV.
L'Art de la toilette, in- 32, sans
date. XV. Lettre d'un Génois à
son correspondant à Amsteidam,
1 747 , in-i 2. XV I. Mémoires d'une
fille de qualité qui ne s'est pas re-
tirée du monde , 1747» 4 vol- in-12.
Le titre de cet ouvrage est la parodie
du titre d'un roman de l'aLbé Pré-
vost ( F. Prévost ). XVII. Le Mas-
que de fer , 1747'. ï5 parties en 3
vol. in-12. L'adresse de l'auteur,
par le chois de ses titres , appela
quelquefois l'attention des lecteurs
sur ses ouvrages. Quelques-uns cir-
culèrent dans les maisons de la ca-
pitale; mais ils n'arrivaient pas tou-
jours jusqu'au salon. XVIII. Mémoi-
res de la marquise de Fillenemours,
1 74 7 , in- 1 2. XIX. Mille et une fa-
veurs, 1748,8 vol. in-12. XX. Opus-
cules d'un célèbre auteur égjpAen,
1752, petitiu-i2. XXI. Tablettes
dramatiques , contenant l'abrégé
de l'hitoire du Thédli e-Francais ;
l'établissement des théâtres à Pa-
ris ; un dictionnaires des pièces , et
l'abrégé de l'histoire des auteurs et
des acteurs, 1 752, petit in-8°. L'au-
teur se proposait de faire chaque
année réimprimer un certain nombre
de feuillets , qui devaient contenir, à
leur ordre alphabétique, les pièces
omises dans son premier travail, ou
représentées depuis. D'après Y Aver-
tissement de l'ouvrage publie' en
MOU
1i"8o, il aurait cxcculc ce projet
jii.s((u'en i-jSS. IM.iis ces Tableurs
n'en sont [)as plii^ cstiinces : elles
sont iijcoui|)lctis et lautivcs. XX.II.
f.c liérerluire de toutes les pièces
restées au Théâtre-Français, 1 7 j3,
in- 1 () ; c'est un extrait des Tablettes.
Moiihy publia un siipple'nicut pour
ics années 17JJ-1757. XKIII. Los
Délices du ientinient, 1703, 6 vol;
iii-i'.i. XXIV. Lellres du comman-
deur de *** à M" '. ***, avec des ré-
ponses, 1753, 3 vol. in- 12. XXV,
3[éinoiiesdumrirqiiiule Benuvidez,
17.V4, 7 parties. XXM. \j Amante
anonjine , 17>J, 4 parties ia - 12;
ouvrage non achevé. XXV II. Le Fi-
nancier, 1735, 5 parties in-i'2.
XXVIII. Les Dangers des specta-
cles , ou Mémoires de M. de Chnm-
pigny , 1780, 4 vol. iii-ia, en y
parties. XXIX. Ahrév!;é de l'histoi-
re du Théâtre-Français , deiiids son
origine, jusqu'au i *"''. iui;i de Van-
née 1780, 1780, 3 vol. iu-8'. Le
premier est un Dictionnaire des piè-
ces; ic second contient i;a Diction-
naire des auteurs , suivi d'un Diction-
naire des acteurs et actrices : c'est
le troisième qui renferme V Histoire
du Théâtre-Français .Qc.n est qu'u-
ne sèche nomenclature chronclogi-
que. Les omissions sont aussi nom-
breuses que les inexactitudes ; le
style en est plat et très -incorrect.
Du vivant de iMouhy, un conseiller
en la cour des monnaies , nomme
D'Origny, donna la suite de son
ouvr:i^e, sous le litre à\4brégé da
l'histoire du Théâtre - Français ,
depuis le mois de septembre 1780,
jusqu'au 1"^''. janvier de Vannée
Î783 , tome IV, 1783, io- 8^.
Mouhy avait travaille à la Gazelle
de France; et il nous apprend lui-
même que ce fut du 1 8 mai 1749
au i^''. juin 1701. Yoltairo, dans su
XXX.
MOU 3o5
lettre à d'Argcntal , du 28 novembre
17JO, accuse IMouhy d'avoir écrit
(les sottises contre lui, dans les Bi-
^'irruie^ ( Journal qui s'impriiuait
à la Haye}. Il n'y a là rien que de
vraisemblable. Une notf .monyme ,
qui ne se trouve que dans quelques
éditions des OEuvrcs de Voltaire ,
porte que !c Préservatif , o- Il^culc
de Voltaire, fut publie' sous le nom
de Mouiiy. Le Préservatif ivX im-
prime, il est vrai, par les soins de
Mouliy , en 1738, mais sans nom
d'auteur. La Justijication'.de la mu-
si(jue j ranc'.r ie , 1754 , in-y^. , qu(î
la Correspondance de Grimm, i^
1 j3, attribue à Mouliy, et d'antres
à Estève , est de Morand ( ^.cc
nom , pag. 67 ci-dessus ). A. B — t.
INIOULEY. r. MuLEY.
MOULIiN( Charles Du). /".Du-
moulin.
i'IOULÎN (Pierre du) , fameux
tlièulogien de la communion réfor-
mée, était originaire d'Orléans : il
naquit, le 18 octobre 1 ï68 , au
château de Buhi dans le Yexin , oii
son père, persécute pour ses opi-
nions religieuses, avait trouvé un asi-
le auprès de Duplessis-3Iornav( F'.
MoRNAY ). Il fit ses premières études
H l'académie de Sedan , et passa en-
suite en Angleterre , où il suivit, pen-
dant quatre ans, les leçoiîs des plus
célèbres professeurs. S "^ amis l'ayant
invité à se rendre en '^'jllandc, il
fut pourvu de la chaire ue philoso-
phie de l'université de Leyie, qu'il
remplit plusieurs années avec beau-
coup de distinction. Il obtint, eu
1 599, une vocation pour l'église de
Charenton , et fut nomme chapelain
de la priucesse Catherine de Bom--
bon. Il eut une conférence, en 1602 ,
avec Cavet, nouvellement converli ;
mais elle n'aboutit qu'à les aigrir l'un
contre L' autre, et à produire des deux
'X9
3o6
MOU
rôtés plusieurs écrits justement ou-
blies ( F. Cayet, VH , 463 ). Ce
fut du Moulin qui prononça l'oraison
funèbre de Henri IV, à (^harenlon.
Sou discours fil pleurer tout le inon-
de. 11 composa peu après , par ordre
du roi d'Angleterre , un livre qui fut
saisi à la requête du chancelier : mais
il en obtint la restitution ; et le chan-
celier , qui nomme du Moulin un
homme de bien , profita de cette cir-
constance pour le prier de continuer
de prêcher modestement ( Voy. le
Jouin. de Henri IF. t. rv, '2'i4)-
Il fil un voyage à Londres en i6i5;
et il y donna , à la prière du roi, un
plan de réunion des églises protes-
tantes, que Dav. Blondel a inse'rë
dans les Actes authfnticjues, etc. Du
Moulin pre'si la, en iCrio , le synode
d'Alais : informé, quelque temps
après, que la cour avait connaissance
d'une lettre qu'il avait écrite au roi
d'Angleterre pour l'engager à pren-
dre la défense des protestants , et
craignant d'être arrêté , il s'enfuit à
Sedan, où il fut accueilli avec beau-
coup d'empressement par le duc de
Bouillon. Il fut nommé sur-le-champ
ju'ofesseur en théologie , et ne cessa
depuis de prendre part aux. affaires
les plus importantes de sa commu-
nion. 11 mourut à Sedan le lo mars
1(558, à l'âge de quatre-vingt-dix ans.
C'était un homitie plein de zèle pour
les intérêts de sa secte , et d'une acti-
vité infatigable, mais violent et em-
porté. I>'<'irticle cpi'on litdans les der-
nières éditions du Dictionnaire de
Bajle, parut pour la première fois
dans l'édition posthume de i7'20:
ce n'était que le commencement d'un
article, qui certainement eut été plus
étendu ; tout ce qu'on y lit, c'est que
du Moulin a été l'un des protestants
qui rejetaient la fable de la papesse
Jeanne. On a de lui soixante-quinze
MOU
ouvrages, dont on trouvera les ti-
tres , avec la note des diflérentes édi-
tions , dans les Synodes des églises
réj années de France , par Aymon,
t. 11 , p. i^S et suivantes. Nous nous
bornerons à citer ceux qui sont en-
core recherchés de quelques curieux:
I. Hé<aclile , ou De la vanité et mi-
sère de la vie hum une , i6io, in-
II. 11. De monaxhid temporali
ponlijicis romani liber , in fjuo im-
peratoris, regum et principum jura
defenduntur, Leyde, i(3i4 , in-8".j
réimprimé plusieurs fois, et notam-
ment à Londres , en 1712, dans un
Recueil in-fol. d'écrits contre la
puissance temporelle des papes, III.
Accroissement des e aux du Siloé ^
pour éteindre le feu du purgatoire et
noyer les satisfactions humaines et
les indulgences papales , Genève ,
161 4, in-i'2. On ne doit jias con-
fondre cet ouvrage avec celui qu'il
avait publiécontre Cayet, etqui porte
à peu-près le même titre. IV. Nou-
veauté du papisme, opposée à l'an-
ticpdté du christianisme, Sedan,
16^7, in -fol. L'édit. de iG33, in-
4". , passe pour la meilleure j mais
l'ouvrage en lui-même est assez peu
de chose. Du Moulin avait composé
cet écrit par ordre du roi Jacques P"".
Leclerc dit qu'il avait été traduit
tout entier en anglais , mais que
tous les exemplaires furent con.sumés
dans l'incendie de Londres, eni666
( Bibl. choisie , tome xxvi ). V.
L'anti - barbare , ou Du langage
étrange et incogneu es prières ,
Sedan, 16*29, in-8^. Il y attaque
avec beaucoup de violence différents
points de la liturgie catholique ; il
a commis dans cet ouvrage une plai-
sante bévue , rapportée dans la Bi-
bliothèque mise en tête du dictionnai-
re de Richelet ( F. au sujet de cette
Jjiblioth. l'article Laiir. Josse Lz
MOU
Ci.iinc). Uii aiKtiivirip opposa à Du
Moulin : Le vrai Barbare en lan-
i^ugt: cogneu , m enfer, i Cnç) , in-B^.
\ I. Anatomie de la messe, Lcydc,
i638, in-i.i : cette édition fait partie
(le la collection des Elzcvirs fran-
çais, li'edition de Sedan , 1 63t) ,
\n - 8". , est augmentée d'une se-
conde partie ; mais comme on ne
fait aucun cas de l'ouvrage , elle
est à très - bas prix. VU. Le Ca-
pucin , traité aiujuel est décrite
et examinée l'origine de ces moi-
nes, s. d. , in- 12 ; Sedan , 16^1 ,
même format : ce petit ouvrage sa-
tirique est rare. VllI. Trois Ser-
mons faits en présence des RR. PP.
capucins, etc., Genève, 164 1 , in-
8"^. ÏX. Eclaircissement s des con-
troverses Sahnuriennes , ou Dé-
fense de la doctrine des églises ré-
formées , ihid. , 1O49, i'!-^*^- O»
peut consulter , pour plus de détails ,
le Récit des dernières heures de
P. du Moulin, Sedan, i658, in-
8"., ou Genève, 16GG, in- 15, dans
un Recueil de pièces du même genre,
et sa f^ie dans les P'itœ selecîo-
rmn aliquot viromm , par G. Bâtes ,
Londres, iG8>-, in-4". Quant à la
Légende dorée de P. du Moulin ,
contenant l'histoire de sa vie et de
ses écrits, Paris, 164 1, in -8",,
c'est une diatribe très-virulente dont
l'auteur est reste' inconnu. Le por-
trait de Du Mouiiu a ètè gravé dans
tous les formats et par les plus cé-
lèbres artistes du temps. W — s.
MOULIN (Gabkiel du ), histo-
rien, né au commencement du dix-
septième siècle, à Bernai en iN'or-
mandie, embrassa l'état ecclésiasti-
que, fut pourvu de la cure de Màn-
ueval , et consacra ses loisirs à
étudier l'histoire de sa province. Il
mourut vers 1C60. On a de lui: \.
Histoire générale de Normandie ,
MOU .3r,7
contenant les choses mémoraLlcs ad-
venues depuis les j»remièrcs courses
des Norujands païens , jus(ju'à la
réimion de cette province à la cou-
ronne, Kouen, iG3i,infol. ; elle
contient beaucoup de particulatités
curieuses : on trouve a la suite le
Catalogue des seigneurs norniaruis
qui allèrent aux croisades , avec
leurs armoiries , depuis Guillrtinne-
le-Couquérant, jusqu'à Piiilippc-Au-
guste, et enlin les noms des ur)
gentilshommes qui défendirent le
Monl-Saiut-Michel contre les Aji-
glais, eu i443 , et les foicèrent à eu
lever le siège. Fontette avertit qu'on
ne doit pas avoir beaucoup de con-
fiance dans le catalogue des Croisés ,
rédigé trop long-temps après les évé-
nements pour faire autorité. II. Les
Conquêtes et les trophées des Nor-
mands francois , aux royaumes de
Napies et de Sicile , aux duchés de
Calabre, d'Autioche , de Galilée et
autres principautés d'Italie et d'O-
rient , ibid. , 1 G58 , in-fol. Celte com-
pilation est moins estimée que la
précédente; on y trouve cependant
quelques faits intéressants pour l'his-
toire du xi^'. et du xii^ siècle. W-s.
MOULIaES ( Gi;iLLAu:.iE de ; ,
traducteureslimable,étaitnéeni-j'iH,
à Beilin, de parents protestants, ori-
ginaires du Languedoc. Après avoir
achevé ses études, il fut promu au
saint ministère, et nommé pasteur
de la colonie française de Bernau.
Rappelé, quelque temps après, à Bei-
lin, ses talents ])our la chaire lui ga-
gnèrent la îjienveillance du grand-
chancelier de Jarrigcs, qui le mit eu
relation avec \ oltaiie, dont les con-
seils l'aidèrent à corriger son style
des défauts qu'on reproche aux réfu-
giés. De Jarrigcs le présenta aussi au
grand Frédéric, qui emplova la plu-
me de Moulines , dans plusieurs cir-
:10..
3oB MOU
constances, et l'cngaç^ca à cnlrcpren-
dre «ne noiivelle traduclion de \ His-
toire d'Ammien Marcellin: elle lui
mérita son admission à l'acadcraie
de Berlin , et une pension. iMuulines
traduisit ensuite les écrivains de
V Histoire Auguste; et ce nouveau
travail ne fut pas moins bien accueil-
li que le premier. 11 renonça, en
1783, aux fonctions du pastoral,
])our remplir la place de résident du
duc de Brunswick à la cour de Ber-
lin; et il fut cliarge de donner des
leçons de philosophie au prince
royal de Prusse, Le roi Frédéric-
Guillaume l'anoblit , en 1786, et le
nomma, eu même temps, membre
de son conseil-prive , membre de la
commission économique de l'aca-
démie, ctconseillerau consistoire su-
périeur français. L'âge affaiblit les fa-
cultés de Moulines; et il mourut,
dans un état complet d'imbécillité,
à Berlin, le il\ mars iBoi. C'était
un homme d'un caractère fort obli-
geant; et il joignait à une érudition
solide beaucoup de goût et de fines-
se. On a de lui : \. Réflexions d'un
jurisconsulte, sur l'ordre de la pro-
cédure , et sur les décisions arbitrai-
res et immédiates des souverains,
BerUn, 17O4; la Haye , 1777,10-
8". C'est la traduclion abrégée de
l'écrit que le jurisconsulte Steck
avait publié , en allemand , pour dé-
montrer que le roi ne doit point exa-
miner par lui-même les arrêts ren-
dus en matière civile, et que les tri-
bunaux sont établis pour pronon-
cer sur les différends qui s'élèvent
entre les citoyens. II. Lettre d'un
habitant de Berlin à son ami à la
Haye, ibid., 1778 , in-S". L'auteur
y répond aux déclamations que l'ab-
bé Kavnal s'éiait permises contre le
roi de Prusse, dan la seconde édition
de sou Histoire philosophiifue. III.
MOU
Ammien Marcellin , ou les dix-liuit
livres de son histoire qui nous sont
restés, Berlin, 1775, 3 vol. iu-iij
Lyon, 1778, même format. Celle
traduction joint à l'élégance du style
le mérite de l'exactitude ; elle esl en-
richie de noies courtes et judicieuses
( r. Ammien MARCtLLm ). IV. Les
Ecrivains de l'histoire Auguste ( 1 ),
Berlin, 1783, 3 vol. in-iu; Paris,
1806, même format. Le traducteiir
a fait précéder cet ouvrage d'un Mé-
moire , lu en 1779 îi l'académie de
Berlin, dans lequel il apprécie le
mérite de ces différents écrivains
avec impartialité; et il l'a fait suivre
d'un second Mémoire sur les livres
cataciiens; c'est ainsi qu'il désigne
les livres de critique attribués à l'cjn-
pereur Adrien. L'édition de 180G,
due aux soins de M. Barbier, est
augmentée d'une Dotice sur la vie
et les ouvrages du traducteur, oîi
l'on a puisé pour la rédaction de cet
article. On doit regretter que Mou-
lines n'ait pas terminé la traduction
de Dion-Cassius , à laquelle on sait
qu'il travailla plusieurs années. On
trouve son éloge dans la Collection
de l'académie de Berlin, 180-2, H,
p. 40' ^V — s.
MOULINS ( GUYART DES ) , l'un
des plus auciens traducteurs fiançais
de la Bible, était né vers luoi ; il
embrassa l'état ecclésiastique, et ob-
tint un cauonicatde la collégiale de
Saint-Pierre à Aire en Artois. Il nous
apprend lui-même qu'il avait qua-
rante ans , lors(|u'il entreprit la tra-
duction de V Histoire Scholastique ,
de Pierre Comestor, qui n'est, comme
l'on sait, qu'une espècede paraphrase
des livres historiques de la Bible
(i ) On a rciini sous ch t'ire les fra^rnents qui nous
rcsldil lies Hi'tnirei il'yElrpn Sparlifii , Vuic.iliii»
Galliraniis, X.\. Linipilào , Juif s Cainlulin , Trebtl-
lius PoUiou , tt Flav. Yoi>iscus,
MOU
( V. fiOMrsTOR , IX , 3^5 ) ; mais
il y ajouta la tiadncliou des Parali-
|iumcnes , du second et du troisième
livre d'Esdras , des Psaumes , des
livres de Salomon , des grands et des
petits Prophètes, des cpîtres de saint
Paul , des autres ephres ranoniques
et de l' Apocalypse. Jl avait coniuien-
cè ce travail en i .191 ; et il le termina
dans l'espace de trois années, Guyart
i'ut élu doyen de son chapitre , eu
I '197 , et mourut ])eu de temps après.
La traduction de la Bilîle par Dcs-
moulins n'est pas la plus ancienne
qu'il y ait dans notre langue. ( Voy.
lii Dissert, de TabLc Lcbeuf sur les
premiers traducteurs français, dans le
Kecueil de l'ac ui. des inscript, lom.
XVII ) ; mais le style des autres avait
vieilli. Celle de Desmoulins fut suc-
cessivement retouchée par dillerents
auteurs dontles plus connussent Jean
de Sy, Ptaoul de Presle, et Jean de
Rely, confesseur de Charles YIII,
nommé évcque d'Angers , en i49>.
Celte révision fut imprimée par or-
dre de ce prince, cliez Verard , vers
1495, en -2. vol. iii-fol, sous ce titre:
Les livres historiaulx de la Bible
translatés du lat. en fr. L'abbé Ri-
ve a employé cinquante pages de sa
Chasse aux biblio profites ( 247 97 ),
à déterminer l'époque de la publica-
tion de cette édition; mais il a plutôt
embrouillé qu'éclairci la question par
ses digressions coulinuelles , et ses
invectives grossières contre tous les
savants qui avaient déjà examiné ce
point d'histoire littéraire. La tra-
duction de Desmoulins a eu jusqu'à
quinze éditions ; mais clic n'est plus
recherchée, même des curieux. Ce-
pendant il y a des exerapl, de l'cd.
de Verard , sur velin , dont le prix
dans les ventes est assez élevé. L'ori-
ginal manuscrit se trouve dans plu-
sieurs bibliothèques. On croit que
Mon
3o<7
celui qui est conservé à Genève , y
était employé à l'usage public avant
la reformations W — s.
MOULINS ( F. DfiSMouLiîvs ).
MOUNDAU (Abou'i, Hakem al),
ibn- Yahia , ibn - lloucéin, premier
roi maure deSaragoce, était gou-
verneur do cette ville, sous lekhaly-
fat de Soléiinan , l'un des dcriiieis
souverains de Curdoue, de la race
des Omma'iades. Favorisé par sou
éloignement de la capitale , il fut le
premier qui, profilant des troubles
qui agitaient l'Espagne musulmane ,
arboia l'étendard de l'indépendance,
et prit le titre de roi , vers l'an 4o5
de l'hégire ( 1 o 1 4 de J.-G. ) ; exem-
ple qu'imitèrent bientôt les gouver-
neurs des autres principales villes
qui dépendaient un royaume de
Cordoue. Il s'empara de Iluesca ,
de ïudcla, etc. j mais , ayant voulu
entreprendre des conquêtes en Na-
varre , il fut vaincu l'aunéc suivante
par Sanche IcGraud. Il aida AÎy ibu-
Hamoud à détruire Icparii de Soléi-
inan , et à s'empai'cr du trône de
Cordoue ; mais il se déclara bientôt
contre ce prince, et lui suscita un
compétiteur dans la personne d'Abd-
el-Rahman iv, de la race des Om-
ma'iades. Tandis qu'il était en Anda-
lousie , ses troupes, ayant fait une
invasion en Catalogne , l'an 4"9.
(ioi8) , furent battues par Richard
II , duc de Normandie , gendre de la
comtesse Ermesinde, régente de Ca-
talogne ; et JMoundar, pour arrêter
les ravages des Chrétiens dans ses
états , fut obligé de si- lendre tribu-
taire des comtes de Barcelone. Ce
prince ne se distingua pas moius
par sa munificence , sa libéralité en-
vers les poètes, sa prudence et soir
babileié, que par sou courage et se.
talents militaires, qui lui valurent le
surnom à' Jl - Mansour. Abdallali
5io MOU
il)n-A!-Hakem , sonpnreiit. or j;('tic-
rai de SCS troupes . rass^«<;liii dans
son palais, le lo (b.oiilhadjali 43*5
{ '}. septembre lo'Sç) \ Yahia Al-
Modhaflcr, fils de Moundar , fut
dépouille du royaume de Saragcce
parSolcïiilan iI)ii-Houd , dont la pos-
térité', après s'êfre maintenue plus
de ICO ans dans l'Aragou , régna
depuis à Murcic, à Grenade , à Cor-
doue , etc., et joua nu rôle impor-
tant sous Molawakkel ibn-Hond
( /^. ce nom , pag<r tiGi ci-dessus ).
A — T.
MOUMER ( Jka^-Josf.pu ) . l'un
des membres les plus disùngués des
c'tats-génc'ranx de 1789, naquit à
Grenoble, le l'i nov. i-pS. Sou père
suivait la profession du commerce.
Bon piobe, pieux, il s'était conci-
lié l'estime et l'affection de ses con-
citoyens. A huit ans,Mounier fut
envoyé à la campagne, che/- un curé,
frère de sa mère, dont la sévérité dé-
înésurcf; jeta dans l'amc de son élève
les premiers germes de la liaiue qu'il
porta toute sa vie à l'injustice et à
ro]>pressicn. Passant de cette édu-
cation privée à l'éducation pu'lique,
Mounicr entra au collège de Greno-
ble; et parvenu aux classes sujiéricu-
res, il annonça tout ce qui devait un
jour le distinguer. Entraîné par les
idées de vanité que lui suggéraient
d'autresienncsîrens,il voulntd'aborrl
entrer dans la carrière militaire : il
la trouva fermée. La rigidité du cu-
ré ne l'avait pas disposé pour le
clergé ; l'exclusion de l'armée ne le
prévint pas eu faveur des privilèges
de la noblesse. Ces impressions se
gravèrent dans son esprit ; et . tou-
jours juste pour les individus , il ne le
lut peut-être pas toujours assez pour
les classes et les institutions. Il es-
saya du commerce, et s'en enuuva :
la nature ne l'avait pas fait pour cîre
MOL'
marcliand: elle l'avait fait pour oii'^
jurisconsulte, magistrat, puLliciste,
législateur. Après avoir passe fjucl-
que temps chez un avocat, il se
fit recevoir , à dix-huit ans, bache-
lier en druil à l'université d'Orange.
Ou sait avec quelle légèreté les gia-
dcs se donnaient alors. Mounier se
plaisait à raconter que, pour avoir
appris par cœur vingt lignes de latin.
Contenant les demandes et les répon-
ses, il avait obtenu les plus grands
compliments sur son brillant exa-
men. Le nouveau bachelier , après
trois ans d'études chez, les juriscon-
sultes les plus éclairés du parlement
de Grenoble, fut reçu avocat, en
1779. La justice civile et crimi-
nelle en première instance, était ren-
due à Grenebie, alternativement par
un juge royal et par un juge ëpis-
copal, suite d'un partage bizarre de
la seigneurie de la ville entre le roi
et Févèque, Mounier, âgé de vingt-
cinq ans, acquit la charge de juge
royal. De tons les jugements qu'il
prononça pendant 0 années, il n'v
en eut qu'un dont ou appela ; et
dans cette magistrature secondaire,
il s'acquit la plus grande considé-
ration. Daiis les intervalles de ses
travaux judiciaires , il s'occupait
d'histoire naturelle , mais surtout
de politique et de droit public. Lie
avec plusieurs Anglais, que le voisi-
nage des Alpes attirait en Dauphiné,
il étudiait leur langue . la théorie et
plus encore la pratique de leurs ins-
titutions. Te! était ISIounier, lorsque
les troubles civils Tarrachèrent à ses
paisibles fonctions, pour le lancer
au milieu des orages politiques. L'im-
prudente convocation des notables ,
eu 17B7, avait tout-a-îa-fois provo-
qué les sentiments les plus généreux
et les passions les plus aveugles. L','
contrôleur - ccnc'ial Calonije et \c
MOU
gaiilc - des - sceaux, de Miromesnil ,
occiipe's depuis loiig-tcmps à se frap-
per dans l'ombre , avaient été ren-
voyés le même jour. Le parlement
de Paris avait songe à se mettre à
la tète du mouvement. 11 donna, au
commencement d'août i'j87, le si-
gnal de l'insurrection à toutes les
autres cours du royaume, cléclarant
la taxe du timbre désastreuse, la sub-
vention Icrrilov'yÀic impossible ; pro-
clamant un «/eyZat énorme, mais exi-
geant la convocation immédiate des
étjtts-généraux. Les parlements de
Grenoble, de Rouen el de Rennes
étaient ceux qui avaient répondu
avec le plus d'ardeur au signal. Tou-
tefois rien n'avait encore lie le vœu
généraldcscitoyensavccles vues per-
sonnelles des cours de justice; mais
dans l'impossibilité de réduire celles-
ci , les ministres avaient imaginé une
cour pléuièrc, qui , au premier coup-
d'œil , olfrait une aristocratie colos-
sale, écrasant la nation entière de
son pouvoir. A l'apparition de cette
nouveauté, tout s'était enflammé;
les parlements de Grenoble et de
Rouen avaient déclaré traître au roi
et à la nation quiconque irai t prendre
p!ace à la cour plénière. Le prélat
JJrienne, premier ministre, s'était cru
assez fort pour vaincre ces excès d'in-
subordination, l^e '] juin i-ySSjle
duc de Tonnerre, commandant dans
le Daupbiné , avait fait distribuer,
par des oiliciers , à tous les magis-
ti'ats du parlement, des lettres de ca-
chet , qui leur euj oignaient de s'exiler
dans leurs terres. La populace s'op-
posa à l'exécution de cette mesure ;
elle escalada et saccagea l'hôtel du
commandant, qui fut réduit à ca-
pituler et à révoquer les lettres de
. cachet. Les magistrats avaient paru
d'abord se prévaloir de ce triomphe;
mais, quelques jours après, ils avaieut
!MOU
3ii
profite de la nuit pour sortir de Gre-
noble, et tous s'étaient rendus au lieu
de leur exil. Privée de son parle-
ment, craignant d'avoir perdu avec
lui toutes ses libertés, la ville de Gre-
noble demanda une assemblée de ses
notables. Mounier, juge royal, y fut
appelé; et la réunion de ses fonctions
magistrales, de son caractère person-
nel ctde ses connaissances politiques,
fit de lui le consed et le guide de
cette assemblée. Il y imprima le pre-
mier sceau des principes qu'il ne de-
vait jamais séparer :fidélitéaux droits
du prince et à ceux des sujets; législa-
tion formée par le concours du mo-
narque et de la nation; balance du
pouvoir et proscription de l'arbitrai-
re. Il avertit les notables de se pré-
server de tout ce qui offrirait l'appa-
rence de la rébellion , et leur proposa
de se borner à une humble adresse,
dans laquelle le roi serait supplié de
l'appeler le parlement^ et de rendre à
la province ses états , où les trois
ordres délibérant ensemble , exer-
ceraient, avec leurs anciens droits,
toutes les fonctions attribuées aux
assemblées provinciales de nouvelle
création. On voit naître ici cette réu-
nion des ordres et cette opinion par
tête, qui allait bientôt exciter de si
vifs débats. Mounier a pu regretter
par la suite d'avoir mis trop de prix
a cette opinion : mais elle était alors
celle de la France; elle avait été con-
sacrée dans la formation des assem-
blées provinciales. Les écrivains ,
provo(|ués par un inconcevable arrêt
du conseil , à publier leur avis , exi-
geaient tous , |)lutôt qu'ils ne sollici-
taient , la délibération commune des
trois ordres et le vote par tète. Enfin
Mounier ne savait pas transiger sur
tout ce qui élait pour lui la justice et
la vérité. A l'aspect des troubles ,
chaque jour plus menaçants, il ne
3l2
MOU
voyait pas cle constitution fixe qui
pÙ! ni les arrcîcr ni les picvcnir. Il
en voiiliiit une, et il n'espcrait pas
l'oLlcnir de celte forme (l'tiats-gcne-
laux , dont ou avait dit avant lui ,
« Qre de ces grands conseils l'i ffct le plus cotiiiuua
» list de voir tous Içj* maux sans en réparer un, »
Volt-, Heiiiiii(ie,çh. m.
Delà, son impatienced'annoncer, et
sa perscvc'rance à soutenir que, pour
l'établissement d'une constitution ,
tons les ordres devaient delihe'rcr eu
commun. Quoi qu'il faille penser do
ce système, les notables assembles à
Grenoble l'adoptèrent avec ardeur.
3 Is chargèrent Mounier de rèdigerl'a-
dresse an roi, qu'il avait proposée. Ils
arrètèroit , en la signant, que les
députes des trois ordres de la pro-
vince se reuniraient dans soixante-
dix jouiS, si, dans ''intervalle, ilsn'e-
laient convoques par un acte du gou-
vernement. Après cet',' première as-
semblée do la ville, les gentilsliom-
mes delà province en formèrent une
seconde ; et , comme les notables , ils
s'adressèrent à Meunier, pour la ré-
daction de deux Mémoires qu'ils en-
voyèrent à Vcrs;iilles, par six gen-
tilshoinnies , s'inlitniant députés de
la nobiC.e du Daujdùné. L'arche-
vêque de Sens leur contesta le droit
de stipuler pour la noblesse dauphi-
noise. Les députes repondirent qu'ils
venaient , comme 'es barons anglais ,
lors de la grande charte, stijuik'r
pour toute la communauté du Dan-
phinc; que dans l'anarchie de leur
province, sans as' emblée provin-
ciale, et sans parlemeut, ils sup-
pliaient le roi de rendre au Dau-
phiné ses ai cicns étals. Le minis-
tre proposa aux députés , non pas
les anciens états du Dauphiné, im-
prégnés , disait-il , du vice de ces
insli.ulions féodales où le peuple
n'était compté pour rien ^ mais des
MOU
états formes sur le type de ceux de
Provence. Les députés y consenti-
icnl. Pendant qu'ils rapportaient à
leurs commettants les promesses
ministéiielles, le ministre faisait
marcher vers le Dauphiné des trou-
pes sous les ordres d'un des plus
braves, mais des plus sévères guer-
riers de l'armée, le maréchal De-
vaux. 11 aniA'a à Grenoble la veille
du jour où, conformément à la dé-
cision des notables, les états de la
province devaient se réunir. Il avait
ordre d'emj)êcher cette réunion : il
la permit sagement , juj^eant que
l'opinion publique était irrésistible.
11 défendit seulement de s'y ren-
dre avec la cocaide jaune cl noire
qu'avaient arborée les habitants.
En reconnaissance xle la permis-
sion , ils obéirent à la défense. Le
'.X I juillet 1 788, se tint rassemblée de
Vizille. A travers une double haie de
soldats, -j.^o députés des deux pre-
miers ordres , et Qi5o de toutes les
municipalités, se rendirent au lien où
ils allaient délibérer les supplications
H porter au pied du trône, pour lo re-
couvrement de leurs anciennes liber-
tés, et pour l'établissement des liber-
tés publiq:ics danstouîela France. La
séance dura depuis neuf heures du
malin jusqu'à minuit; Meunier en fut
le secrétaire cl l'orateur. On y arrêta
de demander au roi la convocatiou
des états -généraux, le letour des
cours de justice, et le rétablissement
des états de la province. L'assem-
blée indiquait encore le principe
que les étals, capitulations, pri-
vilèges de certaines provinces ne de-
vaient plus être regardée que comme
provisoires, et qu'il fallait se sou-
meître d'avance à l'organisation
commune que les états-généraux vou-
draient donner à tout l« royaume.
Enlin , cette assembléç s'ajourna
MOU
pour le i*"". septembre , dans la ville
lie Grenoble. Le |)reial-iniuislrf ju-
gea ([ull lallait ;m moins donner une
({enii-satislactiou au Dauphinc. Il
lit rendre un arrêt du conseil, (pii
annonyail les ctals-gcnc'raux pour le
mois de mai suivant ; mais il refusa
le rappel des cours de justice. 11 ac-
corda les anciens états de la provin-
ce, niais dans une forme qui n'était
ni celle qu'on avait demandée , ni
celle qu'il avait promise. 11 les con-
voqua pour le •2'j août, à Ilomaus;
m lis non pour le i*"". septembre, à
Gicnoble. La noblesse, d'abord sc-
j^'uément, pui^ avec les deux au-
tres ordres, rédigea des Mémoires
outre l'arrêt du conseil. L'archevê-
que de Sens envoya au duc de Ton-
ucrve l'ordre d'arrêter six gentils-
hommes et Mounier. Comme on se
disposait à exécuter cet ordre, (^re-
liuble reçut la nouvelle que Bricniie
avait été réduit à donner sa déniis-
siouj et la scène changea. Le i'^''.
septembre, les trois ordres delà pro-
A iuce se réunirent à Romans , avec
la permissiou du roi. Mounier fut
noiumé et confirmé secrétaire de
l'assemblée par acclamalion. 11 ré-
digea la belle lettre écrite au roi par
les trois ordres réunis, le i4 sep-
tembre, et celle qu'ils adressèrent le
même jour à Neckcr. 11 proposa
un plau d'organisation des étals de
la province, qui fut adopté par las-
.-eniblée. Selon ce plau , A"ingt-quaîre
membres du clergé, quarante-huit
de la noblesse, et soixante-douze du
lioisième ordre devaient composer
les états , y délibérer ensemble , et
voter par têle. Le clergé n'admettait
que deux curés : la noblesse exigeait
] our l'admission quatre géuéra'ions
de gentilshommes. Le tiers-état ex-
chiait les fermiers des dîmes 0!i
droits seigneuriaux, cl les agents de
MOU , 3 1 '.
l'administration. Uiie seule condition
très-importante avait été (ixce, tt
malheureusement nerlcvait pas pré-
valoir par la suite : Mounier avait vou-
lu que tous les dépurés, même les deux
curés , payassent nu ini])6t foiuicr.
Enfin, les trois ordres av. dent ter-
miné leur session de vingl-sppt jours,
eu nouimaat une commission in-
termédiaire de douze membres ,
séante à Grenoble, pour correspon-
dre avec les ministres sur l'accom-
plissement des vœux de rassemblée;
et les commissaires du roi, en ve-
nant la clore , avaient dit à ses
membres : a La constitution qui va
w régir celte province , a reçu de
» vos mains cette empreinte qu'on
» devait attendre de sujets cgale-
» meut éclairés et fidèles. » Le 22
octobre , un arrêt -du conseil ho-
mologua , avec très-peu de modi-
fications , le plan de Mounier. A.
peine cet arrêt fut-il publié , que
foute la France tourna ses regards
vers le Dauphiné. La Franche-Com-
té, la Normandie, l'Alsace, la Lor-
raine, l'Auvergne, le Poitou, la
Guienue , Nîmes , JNanîes , récla-
mèrent, les uns leurs anciens états,
les autres la lor.'nation de leurs as-
semblées provinciales sr.r le type
des états du Dauphiné. Ces états ne
s'étaient pas encore réunis depuis l'ar-
rêt qui les constituait; et des pro-
vinces , des villes , s'adressaient à
eux, et leur demandaient une direc-
tion. Le secréîairc-géiîéial Mounier
recevait tout , et répondait à tout.
On eût pu dire que le Dauphii.é ré-
gissait toute la France, et que Mou-
nier résissail le Dauphiné. Les nou-
O . • I J '
veaux états se rcuiurent le i*-"". clc-
cembre, et déchirèrent, comme rè-
gle générale pour tout le royaume ,
que les ordres et les provinces de-
vaient délibérer ciseuîblej les sulTia'
3ii
I\IOU
ftcs être comptes par tête , et le tiers-
état avoir un aussi j;raud. nombre de
représentants que les deux autres or-
dres réunis. Le i-^^^ janvier 1789,
l'instruction ministérielle sur rélec-
tion des députes aux états-géneïaux,
.(jiii avait été annoncée , n'étant pas
♦ iicore arrivée , les états , cédant à
1 impatience de la province , élurent
trente députés. IMounicr lut nom-
mé le premier par acclamation. En
exprimant sa reconnaissance à ses
compalriotes , il réclama le scrutin
légal. Le scrutin s'ouvrit : il lui man-
qua deux voix, la sienne, et celle de
son père , dont la vertu modeste crut
devoir se récuser dans l'hommage
universel rendu à son fils. Les 3o
députés nommés , l'instruction du
roi arriva : elle n'en assignait que
a4 au Daupliiné. Les états, avec
luie soumission respectueuse, en re-
tranchèrent six ; et le commissaire
du roi leur dit , en fermant leur
session : « Une sagesse profonde
» a dirigé vos démarches et pré-
» sidé à vos choix, » Ils avaient
pourtant consacré deux grandes in-
novations : ils avaient donné à leurs
députés des pouvoirs généraux, sans
les entraver par des cahiers im-
pératifs j et, dans leur conviction
qu^il n'y avait rien à espérer de
trois ordres séparés , ils avaient dé-
Jendu à leurs députés de voter
sur aucune proposition autrement
que dans la réunion des o rires
délibérant par tète. Assurément
Mounier n'admettait pas l'idée d'une
constitution fermant le corps lé-
gislatif d'une chambre unique. Dans
-un livre remarquable , qu'il publia
le mois suivant, sous le titre de
j\oui'elles Observations sur les
Etats -Généraux (i), il établissait
fi) r.pt oiirr .;;p . imprimé ù GiTDoble j enl en
MOU
(chap. 3o ) la nécessité d'une Pai-
rie ; m.iis, disait -il , après avoir
détruit tous les privilège'' pécuniai-
res , abrogé les exclusiom pronon-
cées contre les citoyens non privi-
légiés , soumis tous les sujets du
prince indistinctement à l'autori-
té des lois i enfin , quand la consti-
tution serait formée. Ce que lui
avaient appris ses recherches, ce
qu'il avait observé lui-Uicme , lui
avait fait concevoir des jirc'ventions
contie le clergé ou la noblesse iso-
lés : et le tableau que venaient de lui
présenter les états du Dauphiné,
modelés sur sou plan ; la concorde
qui avait régné entre tous les ordres
réunis; l'o\ibli des intérêts person-
nels , le respect pour l'auturité
royale , qui avaient caractérisé ces
étals provinciaux , faisaient espérer
à Mounier qu'il eu serait de même
des représentants de toute la France,
siégeant ensemble dans les états-gé-
néraux. Tels furent les sentiments
qui le conduisirent , telle fut la ré-
putation qui le précéda dans la capi-
tale. 11 y fit d'abord , au mois de
mars , un voyage dans lequel il ac-
compagna l'archevêque de Vienne,
qui avait présidé les élats de la pro-
vince ; et le roi ayant dit au prélat
qu'il le remerciait d'avoir sauvé le
Dauphiné ; Sire , répondit l'arche-
vêque , ce n'est pas moi, c'est notre
secrétaire - général. Les états-géné-
raux ouverts à Versailles , Mounier
y pai'ut avec l'influence qui appar-
tenait au premier orateur des élats
du Dduphiné. Ou devait s'attendre à
son ardeur pour la réunion des or-
dres ; il y porta celte justice et cette
vérité qui ne l'abandonnaientjamais.
Dans les conférences préliminaires ,
les Target et les Chapelier , pour
allirer les commissaires de la 110-
bies»e a une vérification de pou-
MOU
A uiis en commun , jirotcslaicnt
qu'ils ne s'en fer.iiont pas un ar-
p,umcul pour la delibcTatioii sur
le fonds des aiïaires. Mounlcr ,
supérieur à ces petites ruses, dé-
clarait franchement « qu'il s'aç:;issait
» d'assurer par une constitution la
» liberté ])ublique; que la re'union
5) de tous les députes elait nécessaire
» pour im si grand objet; qu'elle
» était exigée par le vœu de la na-
» tien; qu'on ne pouvait y résister,
V non -seulement sans une extrême
y> injustice, mais sans une extrême
» imprudence. » vSon équité ne le
céda pas à sa franchise. Le 5 juin,
il appuya, dans le comité' secret des
communes , le projet d'adresse au
roi, propose par Malouet, dans lequel
ou lisait : Toujours nous reconnai-
trons, dans le clergé et dans la no-
blesse, de grands propriétaires , les
premiers citoyens de V empire ; et
les pTééminences raisonnables de
rangs et d'hoiineurs qui leur appar-
tiennent, les droits de propriété^
sacrés pour toutes les classes de vos
sujets, ne seront violés dans au-
cune. Le leudcmain de celle propo-
sition conciliante, la chambre de la
r.oblessc prit un arrêté hostile con-
tre les communes; et il ne fut pins
question de ménagements. Les es-
prits s'aigrirent de jour en jour; le
i5 juin , les communes formèrent la
résolution extrême de se constituer
activement en l'absence des deux
premiers ordres, qu'elles avaient vai-
nement invites à les joindre , et elles
débattirent quelle qualification elles
se donneraient. Mirabe.ui A'oulait
d'abord qu'elles s'intitulassent les
représentants du peuple français ;
mais il abandonna cette qualification
pour une autre plus séditieuse, celle
d' assemblée nationale , jiroposée
par le député Legrand. Sieyes , lui
MOU
3i5
même , se liâta d'adopter celle der-
nière dénomination , en renonçanla
celle qu'il avait suggérée de seuls
représentants vérijiés et connus.
Mounier les repoussa toutes les trois
comme inexactes et comme dange-
reuses. Voulant encore laisser une
porte ouverte à la conciliation, il
proposa un arrête ainsi conçu : « Lfl
» majorité des députés , délibérant
)) en l'absence de la minorité dû-
» ment invitée , a arrêté que les dé-
5> libéraiions seraient prises pai têle
» et non par ordre , et qu'on ne re-
•ù connaîtra jamais aux membres du
» clergé et de la noblesse le droit de
» délibérer séparément, v, Cette pro-
position eut un grand succès dans la
séance où elle fut développée; mais
du iour au lendemain en travailla
les esprits : la modération de Meu-
nier fut rendue suspecte ; son projet
présenté comme un raoyxn dilatoire.
Les communes, à une majorité im-
mense , se déclarèrent Assemblée
nationale, et commencèrent le tra-
vail de la constitution. Une séance
rov.'dc, taidivemei.t résolue, fut mal-
habilement annoncée, et mallieureu-
semcnt dénaturée au moment de
l'exécution. Les députes des commu-
nes, se rendant à la salle de leurs dé-
libérations , s'en virent barrer l'en-
trée. Cette interdiction n'avait pour
objet que de préparer l'appareil con-
venable pour une séance royale;
mais les députés n'ayant point étc
prévenus, les uns se prétendirent,
d'autres se crurent chassés de leur
salle législative, menacés de dissolu-
lion, même d'emprisonnement arbi-
traire : agités de ces craintes , de
ces passions , factices chez les uns ,
réelles chez, les autres, ils se réfii-
gièrent dans xmjeu de paume; et ce
fut là que. sur la proposition de
Moiîuier, tous, moins un seul, prê-
3iG Mocr
tèrent serinent de ne se séparer qu'a-
pW's que ]a constitution dcmandc'c
par la France cuticrc serait établie.
Otte proposition si divcrscjucnt ju-
gée depuis, Mouuier en a fait con-
naître les motifs dans nne note de
son ouvraîre intitule : Becherchcs
sur les causes qui ont empêché les
Français de devenir libres. 11 y in-
siste p.'irticulièrement sur la réso-
lution qu'allait prendre l'assemblée
de se rendre à Paris , et de solli-
ci'.er un asile dans la capitale ,
comme cliassée du lieu de ses séances
à Versailles. iMounier avait frc'mi
(les suites incalculables d'nue telle
démarche, et avait voulu la pre'venir
à tout jrix. 11 ne nie pas que la
crainte de voir s'évanouir toutes les
espérances qu'il avait conçues des
c'îats- généraux , n'ait aussi beau-
<;oup agi sur lui dans cette circons-
tance; mais fort de la pureté de ses
juotifs , il peint avec une rare can-
deur son regret de s'êli'e vu placé
dans nne telle extrémité. En exami-
nant ce qui a suivi, il en vient à dou-
ter si tout n'était pas préférable à dé-
pouiller le roi du droit de dissoudre
l'assemblée ; et il exalte l'intrépide
fermeté de IMartin , député d'Auch ,
(fui seul osa protester contre ce ser-
inent du jeu de paume. Le O-'i juin,
la majorité du clergé se réunit aux
rommunes. Le i?> se tint cette
séance royale, dont les intentions
étaient si bienfaisantes , les formes
si inconsidérées, et dont l'issue a été
si malheureuse. D'après l'idée qu'il
se faisait des états-généraux , Mou-
nier ne pouvait que supporter im-
patiemment de les voir convertis en
lit de justice. 11 fut du nombre de
ceux qui s'élevèrent contre toutes les
formes et contre plusieurs disposi-
tions des ordonnances qui venaient
d'ctrc proclamées. Il a iniprirac, en
MOU
1789 et ej) 179^-, que « la séance-
» du u3 juin était certainement un?
» des causes qui avaient préparé
1) l'anarchie qui déchirait la France.»
Il pressait l'assemblée avec d'autant
plus d'ardeur, de s'occuper d'une
constitution fixe , qu'il regardait
comme le remède à tous les maux y
et à laquelle il ne trouvait plus d'obs-
tacle depuis la réunion des trois or-
dres consommée le '^8 juin. 11 obtint
enfin , le 0 juillet , la nomination,
d'un comité central, chargé d'indi-
quer un ordre de travail constitu-
tionnel, et pour la formation du([uel
chaque bureau choisirait un de ses.
membres. Mounier fut choisi parle
sien pour commissaire , et par le
comité central pour rapporteur. Ce-
pendant des troupes venaient s'éta-
blir dans la capitale ou dans les lieux
environnants. Dans la disposition
des esprits, il était impossible que •'.
ce déploiement de force militaire ne
parût pas menacer au moins la li-
berté des sulTrages. Mirabeau en-
flamma toutes les tètes par nne adres-
se pour demander au roi le renvoi
des troupes. Moimier ne pouvait
manquer de l'appuyer: mais, immé-
diatement après avoir reconnu la.
nécessité de préparer des digues con-
tre les débordements du pouvoir ar-
bitraire , il fit, au nom du comité
central , le rapport le plus favorable
au pouvoir royal ; et ce rapport fut
couvert d'applaudissements. En deux
jours les esprits se trouvèrent telle-
ment calmés , la confiance dans le
caractère personnel du roi prévalut
à ce point , que l'on cessa d'insister
sur le renvoi des troupes. Le change-
ment de ministres opéré dans la nuit
du II au 12, vint renverser subite-
ment ces dispositions. A peine fut-
on instruit de l'exil de Necker et
de la disgrâce de ses collègues , qive-
MOU
tout Paris fut en mouvement. Le
i3, Mounier se hâta de dénoncer
à rassemblée ualionalc les intrij;ues
qui lui paraissaient avoir j)rcci[iitc
le monarque et la monarcliie dans
les plus luneslcs dangers. Il proposa
une adresse au roi, pour demander
le rappel des rainisti-cs disgraciés.
Cette proposition , soutenue succes-
sivement par les comtes de Lally To-
lendal , de Clerniont- Tonnerre, de
Virieu, de Castellanc , de Montmo-
reuci, fut croisée par une multipli-
citéd'autres propositions telles qu'on
devait Taltendre d'une assemblée si
nombreuse et si a^çitée. Au milieu des
débats , ou reçut la nouvelle que le
sang avait coulé dans la capitale.
L'assemblée vota aussitôt l'envoi de
deuxdéputations, l'une au roi pour
en obtenir l'éluiguement des trou-
pes, l autre à Paris pour y ramener
la paix. Le i 4, on apprit que le peu-
ple de Paris était en insurrection, et
tpi'il s'était emparé de la Bastille.
L'assemblée renouvela ses démar-
ches pour obtenir le renvoi des trou-
pes , et passa la nuit entière à déli-
bérer. La motion de Mouuier fut de
nouveau discutée. Dans la matinée du
1 5 , une troisième députation allait
partir pour demander encore au roi
le renvoi des troupes et celui des
ministres, lorsque Louis XVI entre
dans l'assemblée. 11 engage les re-
présentants de la nation a s^inir à
S071 chef pour l'aider à assurer le sa-
lut de l'état, annonce l'ordre qu'il a
•donne aux troupes de s'éloigner de
Paris , et invite l'assemblée à faire
connaître ces dispositions à la capi-
tale. L'assemblée , après avoir con-
duit le roi en triomphe dans son pa-
lais , retourne à sa séance pour nom-
mer la députation qui devait porter
à Paris la nouvelle d'un si heureux
cUajiKement. Jiluuiiier eu fut uu des
MOU
3i'
principaux membres. Témoin des
scènes touchantes que la capitale of-
frit ce iour-là , il les peignit vivement
dans un récit qu'il lut le lendemain à
l'assemblée, et dont clic ordoiUM jj
publication. A peine avait-il liiii .«•a
lecture, que Mirabeau et Barnave re-
nouvelèrent la motion du i3, pour
le rappel des anciens ministres, et
le renvoi des nouveaux , mais en
exigeant celte mesure comme un
droit de l'assemblée, plutôt qu'en la
sollicitant de la faveur et de la con-
fiance du roi. IMounier combattit
fortement cette prétention; il rap-
pela les principes établis par lui et
le comte de Lally , même dans la
séance du 1 3 , « que le roi était maître
» absolu du choix de ses ministres;
» que des circonstances extraordi-
» naires pouvaient seules autoriser
» l'assemblée à former uu vœu à cet
» égard; que ce vœu , dans tous les
» temps , ne pouvait se manifester
)) que par la voie d'une prière hum-
» ble et soumise, et que peut-être
)) même devrait - on se l'interdire
» aujourd'hui , si le roi n'avait fait
» hier un appel au z^le des repré-
» sentants de la nation , et ne leur
» avait demandé leurs conseils sur
» les moyens de sauver l'état et d'y
» ramener l'ordre et la paix. » Eu
vain IMirabeau traita ces principes
de doctrine impie et détestable :
ils triomphèrent encore cette fois.
La motion fut rédigée dans le sens
que voulaient Meunier et ses amis;
mais elle fut prévenue. Tous les
nouveaux ministres donnèrent leur
démission. Mounier se flattait en-
core de voir établir , sans de nou-
velles secousses, les institutions né-
cessaires pour garantir la liberté pu-
blique. Cette espérance fut conlir-
mée par le voyage que le roi fit à Pa-
ris ; le 17 juillet , et par les scrnieuts
3i8 MOU
de fidélité qui lui furent renouvelés à
rhôtel-de-ville. Mais bientôt les ma-
chinations des farlieux , la défection
hideuse des j;ardcs - françaises , les
assassinats qui marquaient ledcchaî-
nenient d'une populace corrompue,
tout porta dans l'esprit de Mounier
la funeste conviction des dangers de
la patrie. Il travailla dès-lors à dé-
jouer les projets des factieux , avec
le même zèle ({u'il avait mis à réta-
blissement d'une sage et légitime li-
berté ; et il s'associa , dans ce noble
dessein, les députés qui , dans cha-
que ordre , réunissaient le plus l'a-
mour du monarque au desir de la li-
berté. On distinguait surtout parmi
eux MM. M;douet, Bergassc, i'Àcv-
mont-Tonnerio , et le comte de Lally-
Tolcndal , qui lui fut le plus inlinie-
ment uni. Le -lo juillet, ce dernier
ayant proposé que l'assemblée natio-
nale publiât une proclamation pour
condamner les désordres auxquels
une multitude insensée se livrait
dans toute la France, et pour pro-
voquer l'exécution des lois contre
les rebelles et les séditieux , Mou-
nier appuya de tout sou pouvoir
cette motion qui, après quatre jours
de débats, fut enfin adoptée , mais
avec des modiîicaîions qui lui étaient
la plus grande partie de sa force.
Dix jours après , Mounier ne fut
pas secondé moins vivement par le
comte de Lally, lorsqu'avec toute
l'énergie de sa conscience, il s'éleva
contre la détention du baron de Be-
scnval , que la miUce d'une petite
ville avait osé arrêter, et dont la
menace d'une insurrection dans la
capitale maintenait l'incarcération.
C'est eu ayant à lutter contre un !el
désordre , que le comité de consti-
tution , dont Mounier était mem-
bre , soumettait le résultat de ses
travaux à l'assemblée nalio.nale. Le
MOU
comité avait partage entre ses mem-
bres les grandes questions dont cha-
cun devait faire un rapport spécial.
Mounier , que ses études longues et
variées avaient pourvu de maté-
riaux abondants pour toutes les
parties de l'édifice social , était à
toutes les questions. Il mit une dé-
claraliondes droits , claire et loyale,
à la place de la déclaration énigma-
tique et perfide de l'abbé Sicycs.
Le tlélire nocturne du 4 août vint
rendre plus difficile encore la lâ-
che du comité de constitution. Mou-
nier s'éleva surtout contre l'exten-
sion qu'on voulut donner aux ar-
ticles déjà si imprudemment votés.
Autant il approuvait l'abolition des
droits et devoirs féodaux et ceu-
suels , autant les abolir sans les ra-
cheter lui paraissait une injustice et
la violation du droit sacré de pro-
priété. Il conquit, pour ainsi dire,
la parole qu'on voulait lui refuser
sur cette question : lui et ses amis
réclamèrent et protestèrent vaine-
ment. Ce fut alors que Mounier pu-
blia ses Considérations sur le gou-
vernement, et principalement sur
celui qui convient à la France. Il y
établissait les principes qui , A'iugl-
ciuq ans après , ont servi de base à
la constitution où la France, après
tant d'orages , a trouvé repos et li-
berté. A l'approche des deux grandes
questions qui allaient décider du sort
de la monarchie, il y eut des pom*-
parlers entre les chefs des diflérentcs
opinions qui partageaient l'assemblée
nationale. Mounierrecounut qu'il n'y
avait point de transaction possible. Il
fallut risquer la lutte. Le 3 1 août était
fixé ])our le rapport du comité de
constitution. La veille , les factieux ,
rassemblés dans le jardin du Palais-
Royal , menacèrent de la peine des
traîtres tout défenseur de la sanction
MOU
royale. Deux d'cnlre ciik porlèreiit
ces menaces au corn le de Lally, qui
devait parler le piemier. 11 dénonça
CCS envoyés et leurs menace* à ras-
semblée. Mounier demanda qu'une
récompense de cinq cent mille
tr.inrs fui promise à (|uicon(pie don-
m-rait des preuves d'un complot
contre la sûreté el la liîjcrtc du roi
et de l'assemblée. Lally et Mounier
j)re'sentcrent , aussi. ôt après , les
rapports annonces. A peine ('taient-
ils achevés, qu'une foule de voci-
ferateurs s'écrièrent qu'on voulait
leur donner le ^oit\>ernement de
Fenise , le conseil des Dix et les
inquisiteurs d'ét:it , parce que le co-
]nitc proposait la division du corps
législatif en deux chambres , la sanc-
tion royale d.ins toute sa plénitude ,
le droit royal de convoquer, proro-
ger, dissoudre l'assemblée nationale^
enfin tous les vrais principes d'une
monarchie et d'un gouvernement re-
présenlatif. De ce jour, Monnier fut
en butle à la rage de tous les factieux;
ils le tirent appeler par la canaille ré-
volutionnaire du nom de monsieur
Veto. Dans un écrit infâme, iutitiilé
la Lanterne aux Parisiens , jVlounier
fut inscrit avec Lally - Tolcndal ,
Bergasse,, Malouet , Glermont-Ton-
nerre et autres défenseurs de la sanc-
tion royale, comme devant être li-
vrés à la mort. Leurs têtes furent mi-
ses à prix dans le jardin du Paiais-
Koyal. Mounier n'en fut ni moins
courageux, ni moins convainquant,
dans un discours qu'il prononça le
f) septembre, poxu- soutenir le sys-
tème du comité, en s'attachant prin-
cipalement a la sanction royale. Sa
fermeté fut applaudie , lorsqu'impo-
sant silence aux clameurs, il s'écria:
f^ous préparez à la France une
lojigue et funeste anarchie , au lieu
du bonheur quelle attendait de
MOU 3 19
nous. Les efforts des députc's fidè-
les aux principes monarchiques fi-
rent coutevoir des inquiétudes aux
factieux. Ceux-ci prirent le paiti de
faire clore les débats ; et , dès le i i
septembre, on recueillit les voles,
par appel nominal, sur la question
des doux chambres et sur celle de
la sanction royale. Mille soixante
membres votaient : quatre - vingi-
neuf seulement opinèrent pour l'é-
tabiissement de deux chambres ;
cent vingt-deux déclarèrent n'avoir
pas entendu la question j huit cent
quarante-neuf se prononcèrent pour
mie chiunbre unique et permanente.
Les sectateurs de la démocratie, et
ceux de l'aristocratie la plus enva-
hissante, avaient émis le même vote.
On prit ensuite les suffrages sur la
sanction royale, sous le nom odieux
de vélo. On n'en contestait plus
l'exercice au roi; mais on posa ea
question: Le veto royal sera-t-il
suspensif ou indéfini? Ici le parta-
ge des opinions fut moins inégal :
toutefois le veto suspensif l'empor-
ta encore à la majorité de six cent
quatre-vingt-quatre voix contre trois
cent vingt-cinq. Dès le lendemain,
Mounier, Lally et Bergasse écrivi-
rent au président de l'assemblée, que
les bases qu'ils avaient proposées ,
et les seules qu'ils pussent admettre
pour, la constitution, ayant été re-
jetées, il ne leur était plus possi-
ble de i-ester membres du comité,
et qu'ils lui envoyaient leur démis-
sion irrévocable. Bergasse ne parut
])lus à l'assemblée. Mounier et Lally
jirirent encore la parole pour pro-
tester plutôt que pour persuader.
Ainsi le premier s'éleva fortement
contre la proposiîion du dé|)Uté Bou-
che , que le jxnwnir lég''sl:itif rési-
dait dans les mains du peuple ; pro-
position, dit Mirabeau, à hiq:icUe
3'o MOU
(ta ne pouvait s'opposer sans uc,'^-
nir traître à l'Liat. Au srn'.'iîi se-
cret, la njajoritcdo l'i-s; iiiLIvC leur
ctait encore favorable, i.iiliy, réélu
j)t)i!r le iiointa-i coiilc de consli-
tutioii, rciiisa. Meunier, riortc Ji ''<
présidence de ''assemblée, u'acccpla
que parce qu'il v avait du da).^'v, et
que les lactieux le icci-' '■'•iciit d'une
chute glorieuse. EU'Ve a cet îionneur
rcdoufaLlc, le îb septembre , on
peut dire lua aucune époque d'une
vie pleine de ecuage et de vertu, il
n'a mieux rempli l'idée qu'on avait
de son cai'aclère. Les alleutats des 5
et 6 octobre se tramaient ; un repas
de corps , donne par les p,ardes du
roi au régiment de Flandre appelé
à Versailles , en était le prétexte
pour les démagogues , et la cause
pour une multitude égarée. Quelques
députés fidèles , ayant dénonce des
menaces qui annonçaient une irrup-
tion aimée de Paris à \ crsailles ,
]\îira]jeau avait osé récriminer, en
dénonçant le duc de Guiche, ca-
pitaine des gardes, et la reine elle-
même. Il avait fallu la fermeté de
Meunier pour le contenir. Le 5 oc-
tobre , au matin, l'assemblée, qui
âvait reçu le consentement du roi
aux articles déjà décrétés de la coris-
titution et de la déclaration des
droits, arrêta que son président,
à la tête d'une grande députation ,
irait demander au monarque une ac-
ceptation pure et simple. Pendant
que Meunier s'occupait à désigner les
nieml^res de cette députation , Mira-
beau s'approche de lui : Monsieur le
président , dit-il à demi-voix , je
vous demande d'être compris sur
la liste que vous écrivez. — Ao/i,
vous nj serez pas. — Croyez-moi,
je puis être utile. — Fous ne pou-
vez être que dangereux. — Tout
dangereux que vous me croj ez ,
MOU
laissez-moi vous conseiller de pres-
ser la délibération, même de lever
la séance , même de vous dire ma-
lade. — Lh ! pourquoi donc , j)/i'n-
sie.r? — f'^dici une lettre, JiJon-
sieu: le président : elle m' annonce
V arrivée de quarante mille hommes
venant de Paris. — Eh bien! c'est
une laison de plus pour que l'as-
semblée reste à ïon poste. — Mais ,
Mon.ieurle président, on vous tuera.
— Tant mieux : si l'on w us lue tous,
tous sans e.icepiion, la chose publi-
que en ira mieux. — Monsieur le
président , le mot est joli ; mais si
la famille royale est atteinte , si
elle est réduite h fuir , je ne réponds
plus des conséquences. Pendant ce
dialogue , une foule considérable
s'était rassemblée à la ])orte de la
salle; quelques individus, hommes
et femmes , entrèrent pour pétition-
ner a la barre : ils demandèrent du
pain avec une audace menaçante.
Le seul moyen d^ obtenir du pain ,
leur dit Mounier , est de rentrer
dans l'ordre : plus vous menacerez ,
moins il y aura de pain. 11 partit à
quatre heures, pour se rendre au
château, accompagne de la députa-
tion. Appelé par le roi dans son ca-
binet , Meunier lui roumitle plan de
conduite qui lui paraissait seul pro-
pre à sauver la monarchie : c'était
d'accepter purecient et simplement ,
mais en même tomps de se préjiarer
à repousser la force par la force ; et
si l'issue du combat n'était pas favo-
rable, Mounier proposait d'accom^
pagner le roi, soit à Rouen, soit
dans toute autre vdle où les députés
fidèles se réuniraient autour de lui*
Le roi donna l'adhésion la plus en-
tière à ce plan, dont l'eséculion au-
rait prévenu tant de maux : mais rintj
heures se consumèrent en délibéra-
tions du conseil, en projets formes et
INIOl)
^l).iiidonnes ; v.t l'iiKiction fut dcfini-
Uvemcnt rcsoliio. iMouiiier altomlil ,
pendant tout ce temps, Vaccepla-
tion pure et simple, qui lui fut en-
voyée vers dix heures du soir. A son
retour dans l'asscrnblcc, il la trouva
livrée au plus aHiciix. désordre , la
populace maîtresse de la salle , une
femme dans le fauteuil du président,
des vocife'rations insolentes , et des
scènes de crapule. H parvint à réla-
blir un peu d'ordre, et proposa que
les de'pute's se rendissent au château,
pour entourer le roi, dans un tel
dauEjor. ]VIiral)eau opposa la dignité'
de. l'assemblée : ISotre dis^iiilé est
dans notre devoir , répondit le ver-
tueux, président; mais la peur avait
j;lacé tous les courages :Mounier s'a-
dresseaux députés (pi'ilavailtoujours
vus dévoués au trône ; il les appelle,
les conjure de l'accompagner : mais il
se rend presque seul chez le roi, où
il trouve le commandant de la mi-
lice parisienne. Il ne restait plus qu'à
rentrer dans la salle, et à s'y asseoir
sur la chaise curule. Bientôt ce com-
mandant, après avoir distribué ses
postes dans les cours et aux environs
du château, se rendit dans un des bu-
reaux, de l'assemblée. Il était trois
heures du malin : les députés deman-
daient du repos. Mounier, épuisé de
fatigues , crachant le sang , pouvait à
j>eine se faire entendre. M. de La
Fayette croyait, ainsi que son état-
major, pouvoir répondre de la tran-
quillité publique, et l'avait déclaré
trois fois sur l'interpellation du pré-
sident. Mounier leva la séance , et
rentra dans son logement, oiî , pen-
dant son absence , des bandits étaient
venus le demander, en ne cachant
point leurs horribles desseins. On
peut juger quelle fut sa douleur, eu
apprenant , à son réveil, les événe-
ments de cette nuit fatale. Il conser-
XXX.
MOU
3ui
va encore la présidence le 6 et le 7 ;
mais il ne laivsa pas eCliapper une
occasion de njanilester son indigna-
tion contre une assemblée qui avait
montré si peu de force pour repous-
ser le crime; et , dans cet état de
choses , il sentit qu'il ne restait plus
d'espoir d'atteindre le noble but
qu'il s'était proposé, et de réaliser
l'attente de la France, tant que l'as-
semblée délibérerait sous la hache
de la populac(^ Il jugea qu'il devait
s'éloigner d'un théâtre où, par sa
présence, il aurait en quelque sorte
participé à des actes qu'il abhor-
rait; et en chercher un autre où il
])ùt encore agir pour les intérêts du
trône et de la liberté. Il crut que le
premier devoir des députés fidèles à
leurs mandats , était de se rendre
dans leurs provinces, pour éclairer
leurs commettants , et proposer les
moyens de réunir une nouvelle as-
semblée , qui pût librement délibé-
rer , et résister à la tyrannie déma-
gogique que la capitale cherchait à
créer. Dans la soirée du 7, il délivra,
en sa qualité de président , plus de
Goo passeports à des députés qui
pensaient comras lui. Le 8, il en-
voya sa démission ; et le 9 , appre-
nant que celte quantité de passeports
venait d'être dénoncée à l'assem-
blée, il jugea qu'il n'y avait plus un
moment à perdre. Dans la matiiu e
du 8, immédiatement après l'envoi
de sa démission, le comte de Lallv
l'avait trouvé dans une profonde rê-
verie : A quoi pensez-vous si pro-
fondément'} A\^vi dit Lallyàson ami.
— Je pense , avait répondu Mou-
nier, qu^ il faut se battre. Le Dau-
phiné a appelé les Français à éta-
blir la liberté ; il faut qail les ap-
pelle aujourd'hui à défendre la
rojauté. J'ai déjà écrit à notre
commission intermédiaire ; je lui
32Î
lyiou
demande une protestation contre
les actes d'une a semblée qui ne
■peut plus élre reardée corrune li-
bre; pui^ la convocatirn de nos
états. Le reste suivra. Tous deux
qMlitèrc.'ît la capitale le même jour.
Moiiiiier fut reçu , à Greiuible , de la
maiiicre la plus honorahle ; la com-
missioii a 'opta toutes ses proposi-
tions : elle n'avait pas attendu son
arrivée pour l'aire imprimer une
protestation contre les artes d'une
assemblée asservie. On s'occupait
d'organiser les milices de la provin-
ce 5 on jiarlait de former des corps
de volontaires pour marcher sur
Paris, el arracher le roi à une indigne
captivité. Un pareil mouvement de-
vait avoir des imitateurs; mais le roi,
entoure de conseillers dominés parla
ei'ainte ou trompés par les intrigues
des factieux , déclara qu'il défendait
toute asserai.iéc des états comme illé-
gale, en annulant les délibérations
qui auraient été prises. Les efforts de
Mounier se trouvant ainsi paraly-
sés, il résolut de vivre dans la re-
traite, en attendant que des circons-
tances plus favorables lui permis-
sent de cherchera délivrer sou pavs.
Il emplova ce loisir à rendre compte
de sa condui'.e à l'assc-mblée , et à
signaler la mérité obscmcie par les
déclamations des partis , dans un
ouvrage qu'il intitula : Exposé de la
conduite de Mounier , etc. Mais
bientôt des lettres de Paris le signa-
lèrent comme un traître : la terfeur
comprima les hommes honnêtes ;
et les factieux virent qu'ils pou-
vaient tout oser , pour éloigner ce-
lui qui avait donné de telles preu-
ves de dévouement au roi. II alla
joindre , à Lausanne , le comte de
Lallv, et lui apprit, avec tristesse,
le renversement de leurs espérances
communes. Celui-ci se rendit à sou
MOU
tour â Grenol^le, au mois de jan-
vier 1790. Mounier put encore, à
cette époque , faire respecter les
jours et le caractère de son ami :
peu après, ct-la lui eiit été impos-
sible. Alarmés des dangers tonjouis
croissants dont il était entouré, ses
parents , ses amis le décidèrent à
quitter le Dauphiué. Cette province,
qu'il avait illustrée, qu'il a\ait servie
avec un zèle si pur et si désintéressé,
il fut réduit à s'éloigner d'elle , eu
traversant à pied les montagnes qui
séparent la France de la Savoie.
Quelques amis dévoués l'accompa-
gnèrent jusqu'à la frontière. II arri-
va , le 2'i mai 1790, à Chambéri ,
où il trouva sa femme et ses enfants,
dont il n'avait point voulu se sépa-
rer au moment où il commençait un
exil dont il prévoyait la durée. Il se
fixa d'abord à Genève , et s'occupa
d'écrire son Appel à l'opinion publi-
que (Genève, 1790, i vol. in -8°.)
Cet ouvrage , qui contient la rela-
tion détaillée des événements des 5
et G octobre , arracha aux factieux
le masque dont leurs jiartisans
avaient voulu les couvrir. De Genè-
ve, où il s'était lié avec les hommes
les plus recommaudables , les événe-
ments le conduisirent à Berne. Ac-
cueilli avec une distinction particu-
lière par les magistrats, il y forma
des liaisons d'amitié avec les ci-
toyens les plus distingués , notam-
ment avec l'avoyer Steiguer , dont
le noble caractère est consigné dans
l'histoire de la Suisse. Il eut occa-
sion de donner des conseils très-uti-
les à cette sage république ; et le pe-
tit-conseil lui décerna une grande
médaille d'or , pareille à celles qu'il
accordait pour les services les plus
importants. L'exergue portait : /.-
/. Mounier , civi gallico , de repii-
blicd bénit merito. Ce fut pendant
MOU
son séjour à Genève , et chez son
aiuic la comles.sedcTcs.se, (jui avait
égaicraent clicrchc , dans les iiiou-
tagiics de la Siiis.sc , un asile con-
tre les tureiiis de la révoliuion ,
qu'il (Hiivil et publia ses Rcclier-
ches sur les causes qui ont eiiipèché
les Français de devenir libres , etc.
( 2 vol. iii-8". , Genève, i^Qi), un
des ouvrages politiques les plus mar-
quants , publies depuis 3o ans; il lut
prcsqu'aussilôt traduit en allemand
par un publiciste connu, M. Gcntz ,
qui l'a augmenté de noies intéres-
santes. La position de jMouiiier était
devenue Irès-diiHcile ; les communi-
cations avec la France étaient inter-
rompues : personne nepouvait, s«ns
s'exposer a la mort , l'aire passer des
fonds a un émigré. D'un autre côle,
sa famille allait s'accroître d'un
troisième enfant. Obligé d'autant
plus de se créer des ressources par
son travail , qu'il refusait ce tpii lui
était offert par dillerents gouverne-
ments , il se décida enfin à se charger
de l'éducation du (ils d'un pair de la
Grande - Bretagne. 11 se rendit à
Londres eu 179^. Lord Ha'Ake et
le comte de Lally le présentèrent au
roi, qui lui fit l'accueil le plus flat-
teur , ainsi que lord Grenville , Urd
Lûugborougli , et les autres hommes
marquants de cette époque. Le gou-
vernement anglais lui offrit la place
de grand-juge au Canada, avec des
appointements considérables; mais
il ne pouvait supporter l'idée de re-
noncer à sa patrie. Uevenu en Suisse
auprèsde sa famille , Mounier en par-
courut tous les cantons , accompagné
du jeune homme dont il dirigeait l'é-
ducation. Il recueillit sur le pays, et
sur les constitutions particulières des
différents étals , des notes aussi inté-
ressantes qu'étendues , et pou.ssa ses
courses jusqu'à Milan, où il fut reçu
MOU
323
comme il l'avait été à Genève, à
Berne et à Londres. Malgré ces vuva-
ges et ces occupations, i\!ounier ne
jterdait pas de vue tout ce qui pou-
vait servir la France. Il pi.blia
un ouvrage intitulé Ad(dj}Jie ; Ijer-
ne , i7<)4' in -8".), destiné sur-
tout à coinbdtfre Je ddgrne se lui-
sant, et si susceptible d'interpréta-
tions dangereuses, de la souveraineté
du peuple. Genève ayant été entraî-
née dans le gouffre delà révoJutiou
française, et ayant vu périr ses plus
vertueux citoyens ( y. Naville)
dont plusieurs e'iaient ses amis inti-
mes, il retraça ces crimes et ces mal-
hei'.rs dans une brochure intitulée :
Relaliun des malheurs de Genève.
Prévoyant les désastres qiii devaient
fondre sur la Suisse, il qiutta, au niois
d'octobre 1795, cette terre hosjiita-
lièrc, pour aller en Allemagne, lise
rendit a Erfurt , puis à Weimar.
Jusque-la Mounier avait trouvé dans
son bonheur domestique un dédom-
magement des chagrins que lui cau^
sait l'état de sa patrie. Il fut alors
atteint dans ce qu'il avait de plus
cher au monde; sa femme, égale-
ment distinguée par son esprit et
par ses agréments extérieurs , lui
fut enlevée par une maladie aiguë.
Il fallut tout le sentiment des de-
voirs qu'il avait à rejnplir t-n\ers
ses jeunes enfants , pour lui donner
la force de rësisier à un pareil cha-
grin , qui n'en devint pas moins le
germe de la maladie à laquelle il
succomba lui-même dix ans plus
tard. Le duc de Weimar , désirant
le fixer dans ses états, lui proposa
de former un établissement d'éduca-
tion dans un de ses châteaux ap-
pelé le Belvédère. Mounier, adoptant
cette idée, annonça que son but était
de compléter l'éducation de jeunes
gens qui se destinaient aux fonctions
31..
3-24
MOU
publiques; il alla passer six mois à
Dicsde, et revint à Wcirnar dans
l'cté de 1797. Les commeiic'jmenls
de cet établissement furent lilUoiles;
mais il s'augmenta progressivement
par l'arrivée d'élèves de diircrcntes
nations, surtout d'Anglais. Une pa-
reille direction exigeait des soins
très-muUipliés. Néanmoins, indépen-
damment de la snrveillaucegénérale,
Mounier faisait des cours de philo-
sophie , de droit public et d'histoire.
Il ne négligeait aucun moyen d'in-
fluence sur ces jeunes gens. Peu
d'hommes en ont exercé une aussi
grande dans les écoles; son ascen-
dant s'étendait sur toutes les per-
sonnes qui l'approchaient. Ce fut
pendant son séjour à Wcimar, qu'il
publia l'ouvrage intitulé : De l'in-
iluence attribuée aux jJiil'Sophes ,
aux francs-macons et aux illumi-
nés , sur la révolution de France, in-
8°.jTubingue , 1 80 1 ; Paris, i S.i \ . F^a
première partie est un résumé rapide
de ses idées sur les causes de la révolu-
tion française. Les deux autres sont
traitées avec une rare impartialité. La
dernière, pour laquelle ii avait puiséà
d'excellentes sources, présente ce qui
a été écrit de plus satisfaisant sur ce
sujet. Cet ouvrage a été traduit en
anglais et en allemand. Aussitôt que
la révolution du 18 brumaire eut
annoncé le rétablissement de l'or-
dre en France, Moi!ni<'r songea à
rentrer dans cotte patrie , objet de
ses plus constantes affections. Ses
amis obtinrent, dans les premiers
mois de i8ot , sa radiation de la
liste des émigrés ; et il quitta Wei-
mar, le premier octobre, pour se
rendre à Grenoble. Son intention
n'était point de remplir des fonc-
tions publiques. Il se propusiit de
former a Lyon un établissement sem-
blable à celui du Beh'édere : mais
MOU
ses anciens collègues l'engagèrent i
venir à Paris; et le désir de revoir
des amis dont il avait été séparé
par tant de vicissitudes , le déter-
mina à se rendre dans la capitale.
Là , pressé par eux de servir encore
son pays , sous un gouvernement
qui avait enchaîné la révolution ,
rappelé les exilés , ramené la paix,
et qui semblait doublement sanction-
né par la résignation des Français
et par la reconnaissance des puis-
sances étrangères, il accei)ta, au prin-
temps de i8o'4, les fonctions de pré-
fet d'Tlle-et-Vilainc. Ce département,
nu de ceux qui avaient le plus souf-
fert par les excès de la terreur et par
la guerre civile, demandait un ad-
ministrateur doué d'un grand esprit
de justice et d'une égale fermeté. Peu
après son arrivée , il déjoua une
conspiration dangereuse, tramée par
des militaires mécontents , qui vou-
laient rél.ib'.ir le gouvernement po-
pulaire. Plus tard, il osa, de sa pro-
pre autorité, délivrer des hommes
faussement accusés, que, contre tou-
tes les lois, le premier consul avait
fait arrêter par un aide-dr-ramp.
Ainsi fut signalée toute son adminis-
tion , par la répression de tous les ex-
cès, et par sa fermeté à repousser tou-
tes les mesures arbitraires, au mépris
des dangers qui pouvaient en résul-
ter pour sa personne. Jamais il ne
manqua une occasion de faire con-
naître ses principes; et il professa
toujours ceux de ce gouvernement
constitutionnel qu'il croyait néces-
saire à sa patrie. Appelé à Paris , à
la fm de 1804, il demanda à être en-
voyé dans un département du midi,
espérant qu'un climal plus doux amé-
liorerait sa santé. Mais Napoléon ,
qui craignait l'oppositi m que Mou-
nier avait plusieurs fois apportée
aux mesures oiilounées par le goa-
MOU
ycruemcnt, ne voulut pas lui confier
j)lusltiig-tempsradniiiiistiati()ii d'u-
ne piëfecture. INc voulant pas cepen-
dant paraître écarter un homme aus-
si distinj^ue, il le nomma conseiller-
d'e'lat. On se rappelle combien , dans
celte position délicate, Mounier sut
maintenir son indépeniiauce. « Oh!
» pour celui-là, disait de lui Napo-
» Ic'on, c'est un honnête homme; je
» sais ce (pi'il pense. » Fixe dans la
capitale, entouré de ses enfants et de
ses nombreux amis , Mounier em-
ployaitles moments que lui laissaient
ses fonctions publiques, à revoir ses
cours du Belvédère , qu'il se propo-
sait de refondre et de publier. Les
parties auxquelles il donnait le plus
de soin, étaient la métaphvsique et la
politique. Celle-ci, comme offrant
des applications journalières, faisait
plus souvent encore le sujet de ses
conversations. Ses idées étaient alors
ce qu'elles avaient été quinze ans au-
paravant. Il aimait à développer cet-
te bei le théorie delà monarchie cons-
titutionnelle, qu'il avait cherché à
faire établir , et à l'abri de laquelle
la France devait enfin se reposer. Ce-
pendantses souffrances, sans ralentir
son zèle, interrompaient souvent ses
travaux; sa sauté s'était de plus en
plus altérée : une affection au foie ,
dont il souffrait depuis long-temps ,
avait pris une grande intensité. Les
symptômes d'une hvdropisie de poi-
trine S8 manifestèrent; et il expira
le 26 janvier 180G. Regnault-de-
Saint-Jean-d'Angely, son ancien col-
lègue, prononça son éloge funèbre.
Ily peignit énergiquemcnt son carac-
tère, par cette phrase : Cet homme
qui avait la soif de justice. L'amour
de la justice était en effet le trait do-
minant de son ame, comme la recti-
tude celui lie son esprit. M. Berriat-
Sainl-Prix publia peu après ^ à Gre-
noble , un Éloç^e historique de Mou-
nier, qui renferme des détails inté-
ressants. Au bas de. son portrait on
avait inscrit ce vers de Virgile:
Jlliim non po/julijasces , non purpura rcgum
f'Uxil.
Le nom de Mounier a été honoré de
la pairie, dans la personne de son
fils. L— T— L
MOUNTFORT ( Guillaume ) ,
comédien anglais, né en lÔJg, dans
le comté de Stafford, se distingua de
bonne heure dans les rôles d'amou-
reux et de petits-maîtres. Il avait
au suprême degré le talent de con-
trefaire la voix, les gestes et les ha-
bitudes des hommes : le grand-chan-
celier Jeffeiies , qui le logea quelque
tems dans sa maison, l'ayant un jour
engagé, après un repas donné au
lord-maire et à la cour des alderraen,
à prononcer un plaidoyer dans une
cause simulée , il contrefit avec une
très-plaisante vérité, les plus célè-
bres avocats qui existaient alors.
Mounlfort relevait au reste ses qua-
lités brillantes par un excellent es-
prit, et un ton de décence qu'il sa-
vait conserver dans les rôles les plus
dissolus ; tellement , que l'austère
Marie II , l'ayant vu un jour jouer
dans la comédie du Corsaire, par
Mistriss Behn, tout en condamnant
la p'èce, lie put s'empêcher d'ad-
mirer l'acteur chargé du principal
rôle. Colley-Cibber , qui se fit de
la réputation dans les rôles de fats
et de petits-maîtres, avoue qu'il s'é-
tait formé sur son modèle , sans
prétendre l'avoir égalé. Mountlort
avait de la littérature; et il a don-
né au théâtre quelques tragédies et
comédies , qui cependant n'auraient
pas suffi pour lui faire un nom.
11 avait une figure agréable avec
des manières séduisantes ; et ces
ayautages furent en grande parlic U
326 MOU
cause de sa mort , arrivée d'une ma-
nière trafique , dans l'iiivor de i €ç)9,.
Le capitaine [liil , homme sans
mœurs et sans coura£:;e, étant eper-
diimcnt anioiiroiix dune actrice cé-
lèbre , 1\I"'*. iiracef^inlîc , et n'en
ayant éprouve que des mépris , s'i-
map,ina que Mountl'ort était plus
lieurcux que lui, et résolut de trou-
Ller leur prétendue félicite. Il com-
ïnuniqiia ce soupçon à un homme
digne de lui, le lord Mohun, et ces
deux scélérats formèrent le projet
d'enlever M"^'". Bracegirdle : ayant
manque leur coup, ils tournèrent
leur rage contre iMoiuufort, qu'ils
rcEcontrèrcut retournant chez lui;
îc lord ?fIohun le salua , et causa
avec lui d'un air d'amiiié , pour
donner le temps à son complice de
le frapper par derrière : l'assassin
s'échappa. Lord Rîoii.iuiut acquitté
par ses pairs ; mais il périt lui-mê-
Jue quelque temps après , dans un
duel avec un duc Hamilton, par l'ef-
fet d'iîne trahison a-pen-près pa-
reille à la sienne. Mouiitl'oi t n'avait
que trente-trois ans. Ses pièces de
théâtre sont: Les ornants outragés,
Irag. , iG8H; Edouard HT, trag.,
ï()Ç)i; le f'arc du Greejnvich, com.,
1G91 ; les Heureux Étrangers ,
coiD. , iCjqG; la Fie et la mort du
docteur Faust, farce, 1697 7 ■^<^^-
îHane, trac:. , 1705. L.
MOURÀD-BEYG, fameux chef
de Mamlorks, naquit en Circassic,
vers le milieu du dix-huitième siècle.
Acheté par Mohammed Abou-Dha-
hab , et devenu l'uu des c>,4 bcygs de
l'Egypte, il partagea la haine de
son ancien patron centre Aly-lîeyg,
vainquit ce dernier, prcsde Salehieh,
en 1773, le combattit corps à corps,
le blessa et le fit prisonnier ( F. Ali-
ÎÎKV, I, 5"/i ). Blohammed étant
mort à Acre, en 1776 {K Mouam-
1\I0U
med-Beyg , XXIX, a3G), Monrad.
qui se trouvait auprès de lui, et qui
s'était distinguéau siège de cette ville,
reprit en hâte la route de l'Egypte ,
pour disputer à Ibrahim-Beyg le
gouvernement du Caiiv. Mais les
dc\i\ rivaux, se voyant à-peu-près
égaux en forces , craignirent de s'af-
faiblir mutuellement, et de donner
occasion à quelque autre prétendant
de s'é'ever sur leur ruine. Ils firent
la paix, et partagèrent l'autorité.
Ibrahim eut le titre de Cîieikh-al-
Belud (prince du pays), et Mou-
rad celui à''Emjr-el-/Jadj ( com-
mandsiit des pèlerins ), et de Défier
dur (trésorier). Lnc ligue se for-
ma contre eux, parmi les anciens
bevgs : Ismaël, i ui eu était le chef,
chassa du Caire IMourad et Ibra-
him, et les força de se réfugier
dans le château . d'où ils gagnèrent le
Said ( la Haute-Egypte ). Ils revin-
rent bientôt, avec des forces plus
considérables , attaquer Ismaèl , de-
venu odieux par ses extorsions , et
l'obligèrent de s'enfuir à Gaza, d'où
il se rendit par mer sur la côte
d'Afrique , et arriva par terre au
Said. 11 y trouva le brave Haçan-
Beyg , qu'ds y avaient exilé peu de
temps auparavant; et ilfitflésormais
cause commune avec lui. Mourad et
Ibrahim inquiets de l'union de ces
deux chefs, leur cèdent un district au-
dessus de Djirdjeh ; mais ensuite,
alarmés de leurs mouvements, ils
projettent de les exterminer. Mourad
marche contre eux, en 1783: à son
approche, la division se met parmi
les exilés ; les nns capitulent ; les au-
tres suivent lîaçan et Ismnël à As-
souan. Mourad les poursuit jusque
vers la cataracteduNil: mais n'ayant
pu les débusquer des rochers qui
leur servait de retraite, il se hâte de
rcluunitr au Caire, où ses propres
MOU
intérêts exigeaient sa présence; et
les pioscrils icvicniieiit prendre leur
première pusilion dans le S.Vid. Un
troisième parti s'élant iornié au
Caire, et ses projets ayant échoué,
cin([ bevj:;s qui en étaient les chcis,
lurent exiles dans le Delta par ÎMou-
rad. Mais en sortant du Caire, ils
prirent la route du Said, échappè-
rent aux poursuites des Manilouks
et des Arahes, allèrent s'emparer
du village de Miuieh, sur le ISil, à
4o lieues au-dessus du Caire , et maî-
tres de la navigation du fleuve, ils
afl'amèrent cette capitale. Ibrahim
se chargea de les réduire : au lieu de
recourir aux armes, il conclut avec
eux un traite dont leur rétablisse-
ment fut l'article principal. IMourad
se crut trahi par son collègue, et à
son tour se relira au Saïd, Après huit
Utois de bravades sans hostilités, et
de négociations sans résultat, il re-
vint au Caire, dépouilla les cinq
beygs de leurs biens, et les fit arrê-
ter. La mésintelligence divise de
nouveau ces deux chefs. Mourad sort
du Caire, campe sous les murs , et,
par son attitude menaçante , oblige
îbrahira de s'enfuir au Said, d'où un
nouvel accord leramène au Caire, en
mars i'j85. Ainsi ces deux rivaux,
divisés par l'ambition , mais réu-
nis par un commun intérêt, se sou-
tenaient mutuellement; l'un (Mou-
rad ), par sa bravoure, son audace,
son impétuosité, et par son carac-
tère quelquefois noble, généreux,
et toujours libéral ; l'autre ( Ilna-
liiin ), par sa dissimulation, sa pru-
dence, son espiit conciliant et rusé,
son hajiileté dans le maniement des
air.iires : tous deux d'ailleurs égale-
ment vindicatifs , cruels et avides;
mais Ibrahim n'amassant l'or que
par des moyens bas et pour thésau-
riser; Mourad au contraire, parla
MOU 327
violence, et dans le but de se faire
des partisans ou de satisfaire son
goût démesuré pour le faste et pour
les plaisirs. Tels étaient les deux do-
minate#irs de l'Egypte , lorsqu'en
l'jbG, le fameux capitan - pacha,
Ghazy Haçan, y arriva pour rétablir
l'autoritcdc ta Poxte-Olhomane qu'ils
avaient méconnue, insultée, dans la
personne du pacha du Caire, et
pour y exiger le tribut annuel qu'Us
avaient néglige d'envoyer. Quelques
avantages, remportés sur les Mam-
louks, ayant ouvert les portes du
Caiic à Ghazy -Haçan , au lieu de
détruire leur gouvernement tyran-
niqnc, il ne s'occupa qu'à lever
pour 45 millions de contributions.
Il investit du commandement les
be^ gs , Haçan et Ismaël, à la place de
Moiu'ad et d Ibrahim, qui, quoique
fugitifs , battirent complètement les
Oimanlis. Après le départ de cet
amiral, en 1787 (/''. Guazy-Ha-
ÇAN ) , l'Egypte épuisée jouit d'une
sorte de trauquiilitc jusqu'en 1 791 .
La mort d'ismaél , que la peste em-
porta cette année, ayant laissé Ha-
çan seul dépositaire du pouvoir, il
ne put lutter contre Mourad et Ibra-
him , qui vinrent ie lui disputer, et
il se reiiiaà Djirdjeh. PJaiiresdu Cai-
re et de la basse E^ïypîe, ces deux
beygs sentirent le besoin de vivre
désormais dans une parfaite intel-
ligence, et de faire sanctionner leur
usurpation. Ils députèrent à Cons-
tantinoplc pour négocier la paix, et
y envoyèrent des chevaux, des étof-
fes, etc., en guise de iriuuî volon-
taire: mais, voyant tpi'ou y avait
donné à leur agent le litre de vek-
kil (lieutenant) du sulîhan en Egyp-
te , ailn de semer la défiance et la.
désiuiion parmi les Mamlouks ; ils
cessèrent de ménager la Porte , et
n'envoyèrent plus de tribut, lis laiis-
3i8
MOU
sèrent néanmoins le \'tm titre de
])acl)a au gouverneur qu'elle conti-
nua d'y entretenir, et dont le.sé)our
toiiîporaire dans le château du Caire
dillerait peu d'une détcutiuu hono-
ra'ole. Dcs-lors Mourad et Ibrahim
se livrèrent impunément à leur ava-
lice et à leur ornante'. En 1798 , une
famine horriLle , causée par leur
monopole, désola rÉp;ypte, pendant
que leurs magasins regorgeaient de
grains. Des révoltes eurent lieu à
Alexandi ie et ailleurs : les suppli-
ces et l'exil en punirent les auteurs.
Les négociants français , le consul
de la nation, ne furent point à l'abri
des avanies, des extorsions de ces
tyrans ; et le désir de tirer vengeance
de leurs outrages, dont la Porte n'é-
tait pas en état de donner satisfac-
tion, fut , sinon la cause, du moins
le prétexte plausible et apparent de
l'expédition des Français sous le
commandement de Buonapartc , en
1798. Dès leur première apparition,
une querelle s'éleva entre iN'ourad et
Ibrahim : celui-ci repioclia à son
collègue d'avoir attiré cette guerre
sur rEgy|)te , par sa conduite en-
vers les Français. « Eh bien I je la
» sauverai seul , » s'écria Mourad.
tout bouillant de colère. Si la fortu-
ne contraria cette résolution géné-
reuse , il taut le djre , jamais Mou-
rad ne se montra plus grand qu'à
cette époque de sa vie, où il éclipsa
totalement Ibrahim. Au premier
bruit du deliarquement des Français
et de la prise d'Alexandrie, il arma
tous ses Mamlouks. et rappela Mo-
hammed Elfy-Beyg. son favori , qui
faisait la guerre aux Ar.ibes , dans
la proviucede Charkieh. Mais, trop
vain de sa puissance , et trop peu
instruit des forces de ses nouveaux
ennemis, il ne dirigea contre eux
qu'une partie de ses troupes* Elles
MOl
furent battues, le 10 juillet, a Rah-
nianieh , et le i3 à Chebreisse , ou la
Hotte des Mamlouks fit beaucoup de
mal à celle des Français, qui remon-
tait le Nil. Alors Mourad ordonna
l'arrestation des négociants de cette
nation qui étaient au Caire , et vou-
lut leur faire couper la tète. La
femme d'Ibiahim-Beyg lear sauva la
vie , en obtenant qu'ils fussent ren-
fermés dans son propre palais , où
elle eut pour eux les soins les plus
nobles et les plus délicats. Tandis
que le prudent Ibrahim incendiait
la plupart des bateaux sur le Nil, et
gagnait la rive droite du fleuve, d'où
il se contenta de livrer quelques es-
carmouches et de fomenter des in-
surrections partielles, jusqu'au mo-
ment oii il se retira en Syrie et se
joignit à l'armée du grand-vézyr,
Mourad se présenta partout où il y
avait des Français à combattre, et
leur opposa toujours la plus vigou-
reuse et ia plus longue résistance. 11
traversa le Nil, et vint se retrancher
en avant du Caire, dans la position
d'Embalx'h, où il fut forcé, le 2i
juillet , par les Français. Dans cette
bataille , livrée à la vue des Pyrami-
des , d'où elle a jiris son nom , Mou-
rad, à la têle de 5 à Gooo Mamlouks
seulement, lutta contre l'armée fran-
çaise forte de 3o, 000 hommes : il y
perdit son artillerie, ses chameaux et
ses bagages. Après cet échec , il re-
monta le Nil , et rallia un grand nom-
bre de Mamlouks et d'Arabes. Mais,
harcelé bientôt par Desaix , il sc
retira dans le Faioum , où Haçan-
Beyg vint , de la Haute-Egypte , se
joindre à lui. Vaincu par le général
français, au terrible combat de Sedy-
man , le 7 octobre, Mourad fut obli-
gé d'abandonner cette pro\"ince , de
s'éloigner du Nil , et de gagner !a
Haute-Egypte. Il écrivit aux chef*
de laïubo et de Djcdda , qui, de
l'antre rive de la nier Rouge , lui en-
voyèrent des seeniirs ; ii enrôla des
soldats de la Nubie et de diverses
autres parties de l' Afrique. Avec ces
renforts , il ne craignit pas d'atten-
dre , à Sainanliout , Desaix , qui le
battit encore le î-i janvier 1799, le
repoussa au-delà des cataractes, et
s'empara d'Assouan, le lo avril.
L'invasion de Biionapartc en Syrie
ayant contraint Desaix de centrali-
ser ses forces en Egj'pte , Monrad
rentra dans le Saïd , et continua de
fatiguer les Français par des atta-
ques continuelles. Apri?s le retour de
Buonaparte, i! tenta de seconder la
descentcdeia flotte turque, au moyen
d'une diversion dans le Faïoum, tan-
dis qu'il envoyait un renfort à Ibra-
him , qui repassait vers Gaza. La ba-
taille d'Aboukir, où les Turcs furent
taillés en pièces, le -25 juillet, fit
échouer l'eutrepiise de Mourad : il
retourna dans le Sa'id. C'était là ,
qu'il re'parait ses pertes, rc'organi-
sait ses forces ; et il se rapprochait
du Caire, dès que les circonstan-
ces lui perinellaient de reprendre
l'oifeu'^ive. La longue vallée oi!i cou-
le le Nd , le vit souvent aut pvi-
scs avec les Français. Toujours bat-
tu , il parvenait toujours a s'échap-
per pnr les routes du désert , et
reparaissait bientôt dans les lieux
où les vainqueurs ne l'aîteadaieut
pas. Cette guerre de chicane, sans
avantages pour Mourad, employait
beaucoup de troupes devenues utiles
a l'armée française, que Buonaparte
venait d'abandonner pour retourner
en Europe, et empêchait Kleber. son
sucfes,>;eMr , de tirer du 8aul une infi-
nité'de ressources. Pendant les négo-
ciations du traité d'el-Arisch , qui
devait amener la reddition de 1 E-
gyptc j Mourad, à qui les Osmanlis
MOU 329
iîispiraient plus de haine et de dc'-
fiaiice que les Français, demanda,
pour la première fois , à traiter avec
ceux-ci , ])ar l'intermédiaire de sa
femme, Setli-Nefîis, veuve d'Aly-
Beyg , et vénérée au Caire , pour ses
vertus et son humanité. Kleber, sans
accepter ni rejeter les propositions
de Mourad, lui prouva sa confiance,
en lui perraettaut de venir camper à
Djizeh. Mourad prévoyait avec dou-
leur que le départ des Français le
laisserait aux prises avec les Turcs.
11 pressait Kleber d'attaquer ces der-
niers, et promettait de le seconder.
La rupture de la couvenlion d'el-
Ariscli par les Anglais, el l'indigna-
tion que cette perfidie excita paridi
les Français, réalisèrent une partie
de ses désirs. Placé hors de ligne, et
borné , malgré lui , à une stricte
neutralité, il fut témoin de la défaite
du grand-vézyr Yousouf-Pacha , le
20 mars 1800, près des ruines d'flé-
liopolis. Après la bataille, il se re-
tira sur la droite du ^«il, à 1 lieues
au dessus du Caire, et refusa de se
joindre àTbrahim, qui, secondé par
un corps d'Osmanlis, était rentre'
dans cette capitale , qu'il avait fait
soulever contre les Français. Mourad
renoua ses négociations avec Klétcr,
et obtint par un trai!é,le titre de prin-
ce-gouverneur, au nom de la Fran
ce , des provinces d'Assouan et de
Djirdjeh dans le Sàid. Satisfait de
ces concessions , il voulut aider Kle-
ber à étoutler l'insurrection du Cai-
re; il proposa de mettre le feu à la
ville, et rassembla même les com-
bustibles nécessaires. Mais voyant
que ce général pieferait employer des
movens plus doux , il interposa sa
médiation , et eut beaucoup de part
à la capitulation qui rendit cette ca-
pitale aux Français. Avant de retour^
ner dans la Haute-Egypte, il témoi-
33o
MOU
giia le désir d'avoir avec Klcbcr iire
eiitreviio, qui eut lieu, le 3o aviil
1800 , dans une île au - dessus de
Djizeh. Mourad piornit à ce gênerai
une (idelilc qui ne s'est jamais dé-
mentie. Ces deux horajncs ecicbres,
après s'être concertes sur les moyens
de défense qu'exi^^Ciiit leur sûreté res-
pective contie l'ennemi commun , se
séparèrent pleins d'estime et d'ami-
tié l'un pour 1 autre. Quoique la po-
litique de Mourad dût être de ména-
ger tous les partis, son traité avec
Kléber le liait tellement au sort de
l'armée française, qu'après la mort
de ce général ( V. Klebkr ), il en-
voya nu beyg à Menou, qui en avait
pris le commandement, pour lui
l'aire connaître les forces et les plans
de campagne des Anglo-Turcs, lui
offrir ses services , et l'instruire des
propositions pacinques du grand-
vézyr. L'imprudent Menou refusa le
secours de Mourad , méprisa ses
avis , et témoigna à son envoj é une
dcHance injuste et oOcnsaute pour
sou maîtie , que les ennemis de la
France sollicitaient alors de se dé-
clarer contre ses vainqueurs- Mais
Mourad ne varia point dans sa con-
duite. Lorsque l'armée anglaise eut
débarqué (^ 8 mars 180 1 ' , le général
Bcliiard, qui rom mandait au Caire,
forcé de rappeler les troupes qui
occupaienl mie partie de la Hante-
Egyple, invita Mourad à se joindre
à elles. Fidè'e à ses engagements , ce
guerrier se mit en devoir de descen-
dre le iNil. Les revers des Français ,
l'inquiétude sur sou sort futur, l'af-
iectaieut vivement. Sa santé , déjà
altérée parles fatiguesclles chagrins,
lie put résister à la peste. Après
trois jours de maladie, il mourut à
Bcnissouéf, le 'l'i avril 1801, âgé
d'environ 5o ans. Ses compagnons
de gloire et de malheur honorèrent
MOU
sa mémoire, en brisant ses armes
sur sa tombe, et eu déclarant qu'au-
cun d'eux n'était digne de les porter.
Son successeur, Osman-Beyg-Tam-
bourdjy , héritier des sentiments et
de la politique de son maître, en-
voya des grains aux Français. La
force des ciiconslauces le détermina
bientôt à se soumettre au capitan-
pacha , lorsqu'il vit leur cause per-
due; mais il refusa de prendre part à
aucune hostilité coritre eux. Mourad-
Bcvg élail belhomme. quoique d'une
taille moyenne : il avait cette appa-
rence de dignité que donne l'habi-
tude du pouvoir; une barbe épaisse
et noire , de larges sourcils arqués,
de grands yeux pleins de feu, une
longue cicatrice sur la joue, ren-
daient sa physionomie dure, mais
imposante: à une bravoure si sou-
Tcut éprouvée , il joignait une force
et une adresse extraordinaires ; ex-
cellent cavalier , il abattait la tête
d'un bœuf , d'un seul coup de sabre ,
en galopant. Il avait l'instinct du
gouvernement sans en connaître les
ressorts , et possédait éminemment
les vertus et les défauts qui appar-
tiennent aux peuples à demi civilisés.
Assurément ce n'était pas un homme
ordinaire que celui qui, pendant '25
ans, à quehjnes interruptions près,
avait su conserver le gouveincment
intégral ou partiel de l'Egypte ;
échapper aux pièges , aux ellorls de
de ses ennenùs ; s'attacher, même au
sein du malheur , la race inconstante
et avide des Mamlouks: résister pen-
dant trois ans aux meilleures troupes
de l'Europe, avec des forces infé-
rieures ; déployer un grand carac-
tère , une constance admirable au
milieu de ses revers ; mériter enfin
l'estime de ses vainqueurs , et la
justifier par sa conduite franche,
loyale , et dictée par une sincère
MOU
reconnaissance. Rien de plus magni-
fique que le camp et les c'quipoges
de Moiirad-Beyg dans les jours de
sa prospérité; ses tentes , divisées
en plusieurs s.illcs, étaient revêtues,
en dedans , des plus riches eloires
de Lyon, et l'on y inarcliait sur les
plus beaux tapis: l'or, rar^',ont, les
plus riches broderies, couyi aient les
harnais de ses clievaux. et les ha-
bits de ses cavaliers. On a vu , aux
expositions du Louvre, le dessin du
portrait de Mourad , fait par Du-
tcrtre , l'un des artistes attachés à
l'expédition d'Egypte ; c'est d'après
le récit de cet artiste, que l'on peut
rappeler l'anecdote de la générosité
de Mourad, qui, après avoir fait
présent de Siibres de Damas à plu-
sieurs officiers français , oiTtit une
poignée de pièces d'or càDntertre,
qui avait dessiné les ruines de Thè-
bcs : le refus que lit celui-ci de les
accepter , frappa Mourad , qui vou-
lut l'attacher à son service. A — t.
MOURAD-KHAN (Aly), cinquiè-
me prince de la dynastie des Zcnds
en Perse, était fds d'un cousin -ger-
main de Kerym-Khan, fondateur de
la puissance de ceîte famille ( V.
Kerïm-Khan, XXII , 3'i4 )• Zeky-
Khan, frère de Kerym, ayant usur-
pé le trohe sur son neveu ALou'1-Fe-
îhah-Khan, en l'j'j 9, avait envoyé
Aly-Mourad avec une armée, pour
s'assurer du nord de la Perse. Mais
à peine celui-ci fut-il arrivé à Teh-
ran , que, sous prétexte de venger
les victimes du barbare Zeky-Khan,
et de soutenir les droits du souverain
légitime, il se révolta, et alla s'em-
parer d'Lspaban. (icpendanî Zeky-
Kiian fut assassiné dans sa tente,
près de Yezdkast, tandis qu'il mar-
ehait contre le rebelle. Abou'i-Fcthah
Khan recouvra sa liberté, fut pro-
clamé wekhil ( régent ) par l'armée,
î\IOU
33 r
et reprit la roule deChyraz, oîi bien-
tôt après il fut de nouveau arrêté ,
puis aveuglé, par l'ordre de son oncle
Sailek-Kliau , qui n'avait paru aban-
donner Bassorah que pour tirer ce
prince des mains de Zcky-Kiian.
Aly-I\lourad s'était soumis à son
cousin Abou'l-Fethah , l'avait recon-
nu pour souverain, et s'était retiré
d'Ispahan; mais il se déclara contre
Sadek, quoique celui-ci fût son oncle
et l'époux de sa mère. It reprit les
armes; et ajirès avoir soumis divers
khans , dont l'ambition s'était ré-
veillée par la renaissance de l'anar-
chie , il s'empara de Cazwin , d'Is-
pahan , d'une grande partie de la
Perse , et se présenta devant Chyraz ,
à la tête de cinquante raille hommes,
dans l'été de 1780. Sadek, inférieur
en forces , et suspectant la fidélité
des habitants, n'osa pas risquer une
bataille. Après un siège de huit mois ,
aussi mal dirigé que mal soutenu,
la ville ouvrit ses portes à Aly-Mou-
rad, à la fin de février i-ySi ; et Sa-
dek eut à peme le temps de se ren-
fermer dans la citadelle, où, le troi-
sième jour, il fut obligé de se ren-
dre à discrétion. Le vainqueur fit
crever les yeux à ce prince, à vingt-
six de ses fils et petits-fils , et ordonna
ensuite qu'ils fussent mis à mort.
Djafar fut le seul épargné : il avait
désapprouvé l'usurpation de son pè-
re, et il était venu, dès le commen-
cement du siège, joindre Aly Mou-
rad, son frère utérin. Ce dernier lui
procura même la satisfaction de ven-
ger les malheurs de sa fawiille, dans
le sang d'Akbar-Khan , fils de Zeky-
Khan, leqr.el en avait été l'insti-
gateur et l'exécuteur. Aly Mourad
Khan, maître de la Perse méridio-
nale, par la soumission de Chyraz ,
trouva un dangereux rival dans Tcu-
nuqr.c Agha Mohammed ^ qui s'était
332
MOU
çmparë d'une partie des provinces
du nord, penrlaut la guerre que Sa-
dek Khan av.iit soutenue ronlre Aly
Mourad. Celui-ci opposa une armée
à l'euiuique, sous les ordres de son
fils Cheikli-Weis Kbau, et transtéia
sa cour a Ispahan , afin d'être plus
à portée de seconder les opérations
de ce jeune prince. Après trois cam-
pagnes sans succès déciiifs, quoiijue
les exploits de Cheikli-Weis eussent
été' célébrés par de grandes réjouis-
sances, à Ispahan, en 17H4; Aly
Mourad partit, le 24 juillet de la mê-
me année, pour se rendre à Tehran,
et se rapj)rochpr ainsi du théâtre de
la guerre. Bientôt la désertion de l'ar-
mée de son fils , et la révolte de Dja-
far Kan, qui, profitant de l'absence
d'Aly Mourad , menaçait Ispahan ,
contraignirent celui-ci de se mettre en
route , au cœur de l'hiver , pour aller
défendre sa capitale contre les entrc-
Srises de son frère. Mais sa santé ,
epuis long-temps délabrée, ne put
résister aux fatigues du voyage et
aux rigueurs de la saison. Il expira
en janvier ou févrieri']85 ,à Mourt-
ehah Koureh , à dix-huit lieues d Is-
pahan. Il avait régné quatre ans, sous
le titre de régent ; mais il se propo-
sait de prendre celui de chah ( roi ).
Quelques auteurs assurent même qu'il
l'avait pris à Ispahan, après la con-
quête de Ghyraz. Ce prince avait des
talents , du courage , de la franchise ,
de la générosité; et sa mort tut un
malheur pour la Perse, qu'elle re-
plongea dans le goulTre de raiiarchie
et de» guerres civiles. Son année se
dispersa; et son (ils , en arrivant à
Ispahan, y fut arrêté et aveuglé par
ordre de Djafar Khan , qui fut bien-
tôt oblige' d'abandonner cette capi-
tale au pouvoir d'Agha Mohammed.
Une longue lutte s'engagea dès-lors
entre ces deux compétiteurs ( f^. Dja-
MOU
far-Khan, XI, 4'-^9>et Mohammed
AonA.XXlX, 227 ). A — t.
MOURADGE\ D'OHSSON (Igna-
ck), Arménien d'origine, naquit à
Conslantinople, en 17'io. Son père,
qui devait au commerce un com-
mencement de fortune , avait rem-
pli les fonctions de consul de Suède
à Smyrne. Mouradgca , l'aîné de sa
famille , fut préparé, par sou éduca-
tion, à la même carrière, et de lionne
heure attaché à la légation suédoise.
A vingt-quatie ans, il possédait les
principales langues de l'Otient , et
avait étudié l'histoire de ces contrées
dans les écrivains nationaux. Frap-
pé de l'inexactitude et de l'indigence
de faits que ][nésentaient les ouvra-
ges publiés à l'étranger sur les na-
tions soumises à l'influence du ma-
hométisrae, il se proposa de jeter
plus de lumières sur les annales
othomancs, en s'appuyant sur les
documents originaux, et choisit pour
son essai, dans cette entreprise, le
règne de Sélim II. Un diplomate
suédois, qui encourageait la jeunesse
de Mouradgea, n'eut pas de peine à
lui faire abandonner ce projet pour
un autre plus vaste, plus difficile,
mais plus analogue à ses fonctions
ha])iti telles. Mouradgea eut la noble
ambition de donner à l'Europe des
notions certaines et complètes sur la
civilis ition turque. La difficulté était
extrême de rassembler les éléments
d'un p .reil travail au milieu d'une
nation peu communicative, et dispo-
sée par ses préjugés , par son iguo-
lance même, au mépris et à la mé-
fiance envers les étrangers. La posi-
tion de Mouradgea , élevé sur les
lieux , familiarisé avec les princi-
paux officiers de l'empire par les
relations de son emploi , recom-
)nandé à leur estime par sa droi-
ture^ et ajoutant à ces moyens ceux
MOU
d'une fortune assez considérable ,
aplanit tous les obsUules. Les rc-
{|;is(rcs des adriuuislralions lui fu-
rent ouverts ; il put s'éclairer de ses
propres yeux dans tous les détails
uîi sa présence n'alarmait point un
])euple superstitieux et jaloux, et
suppléer par des rapports fidèles à
la connaissance personnelle des ob-
jets dérobés à ses investigations. Un
jurisconsidle et un théologien mu-
sulmans, tous les deux accrédités,
épuisèrent pour lui leur savoir.
Loni;-temps secrétaire et pi'emier
interprète de l'ambassade de Suède,
Mouradgea reçut, en i-jS.t , le titre
de chargé d'alFaircs de la même
cour, et fut nommé clievaiicr de
l'ordre de Wasa. En 1784, il obtint
de passer en France, et de faire à
Paris un long séjour, qu'il jugeait né-
cessaire à la perfection de l'ouvi'age
dont, pendant vingt-deux ans, il avait
amassé les matériaux. Aidé parMal-
let Dupan , et par la plume plus ex-
péditive d'un abbé qu'il avait à ses
gages, il mit au jour la première par-
tie du Tableau général de l'empire
Othoinan, Paris, 1787-90, 2 vol.
in -fol., avec 187 planches (i ). Le
luxe typographique, le grand nom-
bre et la beauté îles gravures , répon-
daient à l'importance du sujet. Jus-
que-là , le prince Cantémir, les An-
glais Sale et Porter , et parmi nous
Voltaire, avaient presque seuls écrit
en connaissance de cause sur les ins-
titutions turques ;cncore n'cna vaient-
ils elHeuré qu'un côté. Muuradgea le
premier présenta l'ensemble de la
législation et des coutumes othoma-
nes , avec la confiance d'un homme
habile qui avait tout vérifié. Il prit
pour base de son travail le Code uni-
^i) n en exist" une édition ia-S** , eu 5 vol. , avec
6 gravures seulcmeut.
MOU 333
'yerjeZ, rédigé, suus Soliman !«■■., par
le célèbre imam Ibrahim-Halcby ,
et divisé en ;>7 livres , oii les matiè-
res sont très-confusément classées :
ce Code est connu sous le num em-
phatique de Multekit-ul ulhliur ou
Conjliient des mers , parce (ju'il est
le résumé du Coran, des préceptes
traditionnels de Mahomet , des glo-
ses de ses disciples , et des décisioiis
canoniques émanées des imams. Dans
une coiislitulion où tout repose sur
des lois théocratiqucs, où le chef de
l'état est en uièuie temps, comme
successeur des khalyfes , dépositaire
du pouvoir religie !X, Haléby n'avait
pas pensé à tracer une ligne de dé-
marcation entre les divers ordres
d'objets généraux sur lesquels sta-
tu.lit la loi. Moiuadgea, pour intro-
duire plus de clarté dans ce labyrin-
the de règles religieuses ou morales,
publiques et civiles, militaires et pé-
nales, les encadra en autant de co-
des distincts. Chaque disposition
particulière est accompagnée d'un
commentaire turc , presque au^si
court que le texte; Muuradgea y
rattache , sous le litre d' Observa-
tions, de riches développements his-
toriques , didactiques ou descriptifs,
fruit de sa longue expérience el de
ses recherches assidues. Les deux
premiers volumes du Vahle^ai géné-
ral de Venu ire Ot'.oinan , renfer-
ment le code religieux , sens ses trois
divisions des dogmes, des rits et de la
morale. La partie dogmatique roule
sur les 58 articles de foi des I\Iusul-
mans , recueillis par Omar Nesséfi
au commencement ilu douzième siè-
cle. Moiiradgea ras-<emble , dans des
appendix pleins d'intérêt, les tradi-
tions turques sur la cosmogonie , sur
les patriaiches , les prophètes et les
saints de l'islamisme; il donne l'ex-
plication précise dudogmede la pré-
334 MOU
destination, dessine avec rapidité' le
talileau des sanglantes divisions en-
fanlc'es par le conflit des opinions ,
après la raorl de Maliomel ; et, fai-
sant luire un nouveau jonr Mir un
cote de l'histoire abandonné aux.
liypotlièses , il décrit en peu de
Ïiages la succession des khalyfes ,
es progrès , le déclin et la cbulc
de leur puissance. Les détails qui
concernent les purifications, la priè-
re , les fêtes et les sacrifices , la
dîme aumdnière , la circoncision ,
les funérailles, les mosquées, les
abstinences et les pèlerinages , ne
laissent rien à doiier. Le chapitre
des collèges , et celui des bibliothè-
ques publiques , démontrent la légè-
reté de l'upiuion qui suppose l'ab-
sence de toute instruction chez les
Turcs. L'auteur enfin, dans la partie
morale, traite des préceptes d'hy-
giène publique combinés avec les
pratiques religieuses , des règles
somptuaires, de l'industrie , de l'in-
térieur des familles , et substitue
aux récits contradictoires des voya-
geurs , des notions saines , atta-
chantes pour un plus grand nombie
de lecteurs. Les fVakfs , ou fonda-
tions , sont encore une des parties
neuves de l'ouvrage , qui se termine
par une notice sur la hiérarchie des
oulémas et des dervischs.Le Tableau
général de Vempire Othoman , ri-
che de faits , mais peu agréable
dans sa forme , et que la maj^nificen-
ce de l'exécution mettait d'ailleurs
au-dessus des fortunes médiocres, fut
peu répandu lors de sa publication,
mais ajouta beaucoup à la considé-
yation de l'auteur. Mouradgea avait
épousé , à Cinstantinople , la fille
d'un riche arménien , nommé Kou-
léli: il engagea son beau-père à con-
fier ses fonds à la trésorerie de
France, et lui fit obtenir la croix de
MOU
Saint-Louis. Les secousses politiquw
qui agitèrent la France, ne lui pro-
mettant plus le repos nécessaire à
la continuation de son ouvrage , il se
rendit à Vienne, puis revint à Cons-
tanlinople , où il fut nommé minis-
tre de Suède en i"i)5. Sélim 111 lui
fit l'accueil le plus favorable : pre-
nant sous sa protection un ouvrage
qu'il jugeait honorable pour sa na-
tion, il voulut que les deux volumes
qui avaient paru lui fussent présen-
tés , et que l'auteur obtînt un libre
accès dans tous les dépôts. En 1 799,
Mouradgea , chargé de nouvelles dé-
pouilles de l'Orient, désira retour-
ner K Paris. II n'y retrouva , de toute
sa fortune , que de faibles débris :
les dépots même de sa belie édition
avaient été dispersés. Devenu veuf,
il se consola de ses différentes per-
tes, en se choisiosant , dans une
famille française , une compagne, à
laquelle il ne demanda que des
qualités aimables. Cette seconde
épouse se chargea de corriger le
style de ses manuscrits, et mit sou
élude à l'entourer des douceurs de
l'amitié. Le plan de Mouradgea
s'était agrandi d'après le résultat de
ses dernières recherches. En atten-
dant qu'il pût compléter son travail
sur les institutions turques, il enta-
ma le corps d'histoire auquel il
avait voulu préluder dans sa jeu-
nesse. Celte histoire de la puissance
othomane devait s'étendre depuis
Othoman P'". jusqu'au sulthan mort
en 1708. Deux volumes in-8^., des-
tinés à lui servir d'introduction ,
furent publiés en 1804: ils embras-
saient , sous le titre de Tableau his-
torique de V Orient, l'histoire de la
monarchie des anciens Perses, de-
puis répo(jue assignée à la création
jusqu'au septième siècle de notre ère.
L'auleur expose , sans critique , les
MOU
vëoits des historiens persans : on a
iDcnie trouvé sou ouvrage superfi-
ciel. Mais il n'en est pas moins cu-
rieux de s'enquérir des vicissiliides
d'un empire qui , sous qiiatic dynas-
ties, et pendant près de 3oûo ans ,
s'étendit a l'Asie- Mineure, et sub-
sista jusqu'à l'invasion des Ar.ibcs ,
en 05 1 ; et de comparer aux. anna-
les persanes, le langage Lien diiré-
reut des auteurs grecs et latins.
Cyrus , par exemple, appelé le
grand roi par ces derniers , ne fi-
gure dans les pages orientales que
comme un vassal , nu tributaire de
la grande monarchie. Lu rupture de
la Suède avec la France vint rendre
le séjour de Moiuadgea impossible à
Paris, Il obtint du gouvernement
français et du sien, l'autorisation de
se retirer au château de Bièvre ,
dont il promit de ne point s'éloi-
gner. Il vécut dans cette solitude, au
milieu des amis de sa femme, jus-
qu'à sa mort, arrivée le '27 août
1807. Le chevalier d'Ohsson, issu
de son premier mariage, a marché
sur ses traces dans la tanière di[)lo-
matique. Il a publié, en 1821, la
seule partie des manuscrits de son
père en état de paraître : c'est le
troisième volume du Tableau géné-
ral de l'empire Olhoman, conte-
nant les codes civil, politique , cri-
minel et militaire. F — t.
IMOURET ( Jean-Joseph ) , com-
positeur de musique, né eu i68i,
était fils d'un marchand de soie d'A-
vignon , qui lui donna une bonne
éducation , et lui permit de se livrer
à sa passion pour la musique. Quel-
ques morceaux qu'il avait composés
dès l'âge de vingt ans , lui ayant ac-
quis de la réputation dans sou pays ,
il vint à Paris , en 1707. Sa figure ,
sa gaîté , son esprit , ses saillies pro-
vençales , sa voix assez belle pour un
MOU 335
compositeur , le (iront rccherclier
dans les meilleures compagnies. Là
duchesse du Maine le nomma sur-
intendant de sa musique. C'était à
réj)oque où cette princesse donnait
à Sceaux , pendant l'été , ces fêtes
inagni!ii|ues qu'on nomma les IVuils
de Sceaux M-anvai y compu-a la mu-
sique de plusieurs JJiverlisienients ^
qui eurent beaucoup i!c succès, en-
tre autres liagonde ou la Soirée de
village , qui réussit également à l'O-
péra , en 17^.». Il donna aussi , à
l'Académie royale de mnsi<jue , six
opéias ou ballets : les Fêles de Tha-
lie ,171 4; ^J'iane, 1 7 1 7 ; Fiiilhoiis^
1 7 -i 3 ; les Amours des Dieux , 17^-1
repris eu 1787 , 1 7 4^» et 1707 ; le
Triomphe des sens , 1 7 3i , repris eu
1 7 ^jO ; les Grdcei , 1 735. Ou a en^
core de lui des Cantates ; des Can-
taiilles; truis livres à' Airs sérieux et
à boire; des Sonates pour deux liâtes
ou violons ; des Fanfares ; six re-
çue! s de Divertissements pour la co-
médie Italienne, et plusieurs Diver-
tis emenls pour la comédie Fran-
çaise. Malgré la célébrité dont a joui
Mourct, malgré le succès et le mé-
rite de ses opéras (aujourd'hui tota-
lement oubliés ) , le nom de ce com-
positeur ne serait point parvenu
jusqu'à nous , s il n^ avait p.is d'au-
tres titres à une réputation durable.
C'est dans les Divertissements de
Mouret, que l'on trouve la plupart
de ces airs de chansons et de vau-
devilles , devenus, pour ainsi dire,
proverbes , parce qu'ils sont pleins
de gaîté , de naturel , d'esprit et de
caractère. Sous ce l'apport, il fut le
créateur d'un genre; et on pourrait
l'appeler le Dancourt de la miisique.
Parmi ce grand nombre d'airs qui
ont soutenu seuls les opéras-corai-
ques de Pannard, de FaA'art , etc. ,
jious ne citerons que celui des cahin-
336 MOU
caha. Moiiret fut musicien du roi ,
directeur du Concert-spirituel , com-
positeur de la comédie Italienne. 11
perdit ces deux dernières places ,
eu 1736, où la mort du duc du
Maine lui enleva aussi l'intendance
de la musi(}ue de la duchesse. Prive,
par ces revcis , de 5ooo francs de
rente , il ne put résister au chagrin
de ne plus vivre dans nue aisance
qui lui était devenue habituelle , et
de ne pouvoir pas marier avanta-
geusement sa fille. En vain le prince
de Carignan lui assura nue pension
de 1000 francs : la raison de Mou-
ret s'aliéna 5 on fut obligé de le por-
ter chez les pères de la Charité, à
Charenton , «t il y mourut le 'l'X dé-
cembre 1788. A — T.
MOIJRGLES (Michel), né en
Auvergne, et vraisemblablement à
Saint-Flour, vers l'année 1 64"-i , en-
tra dans la compagnie de Jésus , et
s'v distingua par sa douceur, sa
piété , une politesse exquise , et
ime profonde érudition. Il professa
la rhétorique et les mathématiques
avec éclat , dans l'université. de Tou-
louse , où il mourut , en 1 7 1 3 , de la
maladie éj.idémique qui fit tant de ra-
vage dans cette ville. Chaque année
voyait édore de sa plume féconde
une nouvelle pièce de poé?ie , ou un
nouveau traité. Ses principaux ou-
vrages sont : I. Recueil d'apoph-
tegmes, ou bons-mots anciens et
modernes , mis en vers français ,
Toulouse, i6()45 in-12 : ce recueil
est fait avec discernement. II. Trai-
té de la poésie francoise, Toulouse,
i685; Paris, 1724, ï7'^9et 1754,
par les soins du père Brumoy. L'au-
teur a joint à ses préceptes quelques
exemples de sa façon , dit l'abbé
Sabatier, et, entre autres , un du
chant royal et de la ballade , dont il
paraît avoir bien saisi l'esprit. III.
MOU
Noui>eaux Eté mens de Géométrie ,
par des méthodes particulières , en
moins de cinijuante propositions ,
Toulouse et ailleurs, plusieuis éd.
in-i 2. IV. Plan théolo^ique du Fj-
tha^orisme et des autres sectes sa-
vantes de la Grèce , pour servir d'é-
claircissement aux ouvrages polé-
miques des Pères contre les Païens,
avec la traduction de la Thérapeu-
tique de Théodoret , où l'on voit
l'abrégé de ces fameuses controver-
ses /ïouloust et Amsterdam , 1 7 lU,
in-B'^. a vol. A la fin du second vo-
lume, ou trouve une Lettre apolo-
gétique pour justijier le sentiment
de Théodoret et des autres Pères
de l'Eglise^ sur la fixation du rè-
gne de Sémiramis , au temps d'A-
braham , contre Porphyre, suivi de-
puis par M. Usser , adressée à La
Loubcre, en 1705, et une seconde
Lettre apologétique , pour justifier
le sentiment des Pères de V Eglise
sur les oracles du paganisme , con-
tre diverses dissei-tations de Van-
Dale , au même La Loubère , 1709.
Cet ouvrage mérite d'être lu. V.
Parallèle de la morale chrétienne
avec celle des anciens philosophes ,
pour faire voir la supériorité de nos
saintes maximes sur celles de la sa"
gesse humaine , Toulouse , 1 70 1 , in-
1-2', Paris et Amsterdam , même an-
née et même format ; Bouillon ,
i7(m), in- 12. Cet ouvrage est pré-
cédé de la f^ie d'Epictète, d'une
lettre d' Arrian , et suivi d'une
Paraphrase chrétienne du Manuel
d'Epiclète. L'éditeur de Bouillon
( qui est vraisemblablement l'abbé
Feller ) , met cette production du
Père Mourgues au-dessus de toutes
les autres. L — b — e.
MOURTEZA, pacha de Bagbdad,
était né en Géorgie : quoique élevé
dans l'islamisme, ou prétend qu'il ne
MOU
fut jamais circoncis, et qu'il resta
toujours sccrctcmciitatlaclK' au oliris-
tianisinc.Devciuiselikh-dardiigraiid-
seif^iiciir , ensuite ve'zyr et pacha
d'Arz-Houm, il fut nommé au ^ou-
veruemoi'.tde Baghdad J'auderiic^;.
I o63 ( i053 de J.-C.) Celait un hom-
me inconstant et bizarre, violent et
affable par accès j dur , inexorable
pour la perception des impôts, mais
magnifique dans ses libéralités en-
vers le peuple , et réellement ami de
la j nslice. Son palais , loin d'être rem-
pli de capidjis, était ouvert à tout le
monde. On raconte même qu'un pay-
san, ayant pénétre un jour jusque
dans sa chambre à coucher, le ré-
veilla, lui présenta son placet , et en
obtint une réponse favorable. Mour-
tcza mécontenta les janissaires, qu'il
ne traita pas avec autant d'indulgen-
ce. Depuis cinquante ans , Bassorah
s'étaitsoustrait à la domination otho-
inane. A la mort d'Aly, dont le père
s'y était érigé eu souverain , Houcein,
fils du premier , ayanteu ses deux on-
cles pour compétiteurs, ceux-ci im-
plorèrent le secours du pacha de
Baghdad. Mourteza, sans attendre
les ordres de la Porte, marcha vers
Bassorah , à la tête de toutes ses for-
ces , sous le prétexte de mettre ses
protégés eu possession de cette prin-
cipauté.Houccins'étantréfugiéen Per-
se, le pacha n'éprouva aucune résis-
tancej mais à peine fut-il maître de
Bassorah, que, faisant rassembler ses
canons et ses musiciens dans la prin-
cipale place, il fit périr dans les
tourments , au bruit de l'artillerie et
âu son des instruments guerriers, une
vingtaine des principaux habitants,
s'empara de leurs richesses, et vde
tous les trésors que Houcein avait
laissés, et ordonna même qu'on étran-
glât les deux princes dont il avait
paru embrasser la défense. Cette per-
MOU 337
fidie, aussi cruelle ({u'impolilique,
excita un soulèvement général. Les
Arabes, qui s'étaient soumis volon-
tnircmcut , prirent les armes , s'em-
parèrent de Koruah, l'une des piin-
cipales clefs de Bassorah , et taillè-
renten pièces les troupes othomanes:
la désertion acheva le reste; et Mour-
teza, réduit à fuir presque seul, à
iravei's le désert, ne jiut pas même
emporterlcs dépouilles de Bassorah.
Mille désordres avaient eu lieu à
Haghdad pendant sou absence : les
citoyens avaient été obligés d'y mon-
ter la garde, pour se défendre contre
les voleurs, et les brigands. La con-
duite du pacha fut improuvée : privé
de son gouvernement , en ramadhau
io65 ( i655 ) , il passa à celui de
Diarbekir, et fut chargé, trois ans
après, du commandement de l'armée,
contre Abaza Haçan pacha , qui s'é-
tait révolté dans l'Anatolie. Il prit si
mal ses mesures, qu'il fut Aaincu au-
près de Konieh, et contraint de se
réfugier à Alep. Mais ayant su atti-
rer le rebelle dans une entrevue, il
le fît assassiner, et envoya sa tête à
Constantinople. Ce fut pour cet ex-
ploit , et plus encore par les présents
qu'il distribua parmi les membres
du divan, que Mourteza obtint pour
la seconde fois le pachalik de Bagh-
dad, à la fin de 1069 ( lOSg ). Il y
reparut avec tout le faste d'un sou-
verain f entretint une nombreuse
armée, et voulut reprendre ses pro-
jets d'agrandissement du cotéde Bas-
sorah. Il commit d'énormes exac-
tions, tant pour soutenir son train
et pour remplir ses ei!ga<^eii3enis en-
vers la Porte, que pour faire face
aux dépenses du curar^e de la riviè-
re Diala, qu'il vint à bout d'opérer.
Ses inteutio/)s parurent suspectes; on
l'accusa d'aspirer à l'indépendance,
et d'avoir oUert Baghdad au roi de
23
338 MOU
Perse. Il fut rappelé , en redjpb 1 072
( mars 1662 ) ; et il eut ordre de se
rendre à Candie. Ayant refuse d'o-
béir, et voyant que ses troupes ii'e-
taienl pas disposées à le défendre , il
s'enfuit dans le Kourdistan; niais il
y fut dépouille par les habitants, et
poursuivi par le pacha de Diarbekir,
qui lui fit trancher la lête. Mourtcza
ne manquait pas de talents adminis-
tratifs. Il publia quelques règlements
sages, qui ont été long-temps en vi-
gueur à Baglidad. A — t.
MOUSA , fils de Cajazet I^r. ^
reçut de Tamerlan l'investiture
de l'empire Olhoman , dans l'Asie-
Mineure. Ce fut en lui abandonnant
les provinces qu'il avait conquises ,
queleconquérantTartarelui adressa
ces nobles paroles : « Reçois l'héri-
)) tage de tes pères : un grand cœur
« sait subjuguer les royaumes, et les
n restituer; c'est la gloire à laquelle
» j'aspire. » Après la retraite de ce
bienfaiteur d'une espèce si particu-
lière , Mousa fut loin d'être paisible
possesseur des états (ju'il tenait de la
main du vainqueur. Les Musulmans
eux-mêmes rougissaient d'obéir à un
prince qui n'avait pas refusé de se
revêtir des dépouilles de son père.
Un autre fils de Bajazct , le coura-
geux et fier Soliman , régnait sur les
provinces européennes : il disputa
avec succès, à la créature du souve-
rain tartare , et les ])ays et les sujets
qui lui étaient soumis. Mousa fut dé-
pouillé par son frère, et s'enfuit, sans
combattre , dans les montagnes de
la Valakie. Les vices les plus hon-
teux ternissaient, chez Soliman, les
plus brillantes qualités. S'étaut per-
du lui - même dans l'esprit des
Othomans, par le plus scandaleux
penchant à l'ivrognerie, il par-
vint à faire regretter Mousa , qui ne
tarda pas à retrouver ses partisans
WOU
et unf* armée ; mais il ne paya pas
de sa personne. Les Turcs combat-
tirent pour un prince doux et sans
caractère, qui ne repanit que lorsqu'il
n'eut plus de rival. Soliman fut tué; et
sa mort rendit son frère possesseur
des provinces othoraanes d'Europe et
d'Asie. Mais un tel maître ne pouvait
convenir longtemps aux fougueux
et indociles Othomans , accoutumés
aux A'oix mâles et au joug dur des
Arauralh et de Bajazet. Un troisième
fils de ce courageux et infortuné sul-
than, le prince ÎMahomet, se présen-
ta comme antagoniste de son frère
Mousa. Celui-ci , faible souverain , in-
capable de soutenir le parallèle, fut
abandonné à-la-fois du peuple et de
l'armée. Mahomet unissaitaux vertus
d'nn grand prince , les talents et la
A'aleur d'un guerrier : les Olhomanj
l'appelaient par leurs vœux secrets ;
ils reconnurent eu lui le sulthan fait
pour les commander. Mousa prit de '
nouveau la fuite : il fut atteint par
les soldats de Mahomet. Le courage
qu'il montra, pourdéfendre sa liberté
et sa vie, ne le garantit pas de sa
malheureuse destinée : il périt les
armes à la main , l'an de l'hégire
816 ( 1 4' 3) ; et s'il régna en prince
faible , du moins ne mourut-il pas en
lâche. S — y.
MOUSA AL-KADHEM, le 7e.
des douze imams révérés, comme
khalyfes légitimes , par les Musul-
mans Chjites ou sectateurs d'Aly,
naquit entre la Mekke et Medine ,
l'an ia8 ou laçj de l'hég. ( 745 à
747 de J.-C. ) Il était le 'j«. fils de
Djafar al-Sadik, qui, après la mort
de son fils aîné Ismaël , et au préju-
dice des enfants de ce dernier, trans-
mit à Mousa les droits à l'imamat
{V. Djafar, XI, 43o). Le khalyfe
Haroun-al-Raschid , craignant que
Mousa u'occasiounât des troubles en
MOU
Arabie, le fit venir, dans une litière
couverte, de Mcdine à Ba^lidad, où
il le coiisliliia prisonnier dans la
maison d'un de ses ofliciers. (le fut
là qu'il se délit de lui par le fer ou
par le |)oison , l'.ui i83 (799), pu-
bliant ensuite ffu'il c'fait mort nalu-
turcllemcnt. (îct imam a ctc suriiom-
mc y/l-Kad/iem (le débonnaire),
ytl-Sabev ( le patient ), à cause de sa
douceur envers ses ennemis , et do
sa résignation pendant sa captivité.
Son austère piété lui a valu encore le
titre d'^^mm (fidèle). En eflét, le
jour, la nuit, à toute heure, il était en
prières ou en méditation : aussi sa mé-
moire est-elle en vénération parmi les
Musulmans. Son tombeau, quise trou-
vait autrefois dans la partie occiden-
tale de Batçhdad , nommée Karkli ,
est aujourd'hui à trois quarts de lieue
de cette ville, et à l'ouest du ïygre.
Il est renfermé dans une vaste et an-
tique mosquée., qui a donné son nom
au village cVIinam-Mousa, très-fré-
quenté par les péleiins. Mousa fut
père de l'imam Aly-Ridha , à qui Al-
Mamoun le khalyfat voulut résigner.
(r.MAMouN, XXVI, 453). A— T.
MOUSA (ou Mo'ïse) benChakir,
est auteur d'une histoire intitulée ,
les Sources de l' Histoire , ou du
moins il paraît l'être, d'après le té-
moignage de d'Herlielot , qui lui at-
tribue cet ouvrage. 11 est plus con-
mi par ses trois fils, Mohammed,
Ahmed et Haçan , qui fleurirent
Aers le milieu du douzième siècle de
l'ère chrétienne. Ces trois frères, unis
dans leurs goûts et dans leurs études,
firent rassembler tous les livres d'as-
tronomie et de mathématiques épars
dans r Asie-Mineure, l'Egypte, la
Perse, et même la Chine. Le plus cé-
lèbre d'enti'e eux est Mohammed,
un des astronomes qui furent chargés
par Mamoun de la mesure d'un degré
MOU
33d
de la terre dans la plaine de Sindjàr,
Ahmed était grand mccaniciin;maig
il avait moins d'érudition. Al-Ilaçan,
lej)lus jeune, s'adonna particulière-
ment à la géométrie, et il n'a peut être
pas eu d'égal dans cette science chez
les Arabes. Telle fut l'union de ces
trois frères dans leurs travaux, qu'il
est dillicilc de déterminer les ouvra-
ges qui appartiennent à l'un ou à
l'autre. Ahmed passe pour l'auteur
d'un Li^re de musique, et d'un tr,uté
des Machines. Haçan avait écrit un
traité du Cjlindre, et d'autres ou-
vrages semblables ; il inventa et sut
résoudre beaucoup de problimes do
géométrie ; il s'occupa avec succès de
la trisection de l'angle , et des deux
moyennes proportionnelles pour lar
duplication du cube. Cette opération
lui attira l'admiration des savants
Arabes. Mohammed mourut, en Si5c)
de l'hég. ( janvier 878), laissant des
Tables asironomiques ,Q\ des Traités
particuliers sur la géométrie, qui lui
firent beaucoup d'honneur. Il fut en
astronomie le maître du célèbre Ta-
bet ben-Corra ; Ibn lounis et d'au-
tres auteurs le citent souvent avec
distinction. Z.
MOUSA Ben - NASER ( Aeou-
Abder-Raiiman ) , général du kha-
lyfe Walid pr., partit d'Egyp-
te , vers l'an 708 de J.-C. , pour
aller pacifier la IMauritanie , et gou-
verner l'Afrique en qualité de vice-
roi. En 709, il vainquit les Berbers,
et s'empara de Sous et de Tanger.
Méditant dès-lors la conquête de %
l'Espagne, il fit , dans la même an-
née, une tentative infructueuse sur
la forteresse de Ceuta, qui apparte-
nait aux Wisigoths, et ({ui fut défen-
due par le fameux comte Julien.
Peu de temps après , ce seigneur
goth , ayant voulu se venger du roi ,
Rodrigue , engagea lui - même les
22..
34o IMOU
Maures à pcnélivr en Espaj^ne ,
conclut avec Moma in fraitf', q
ouvrit à celui-ci i'c ntife < e lu Pénin-
sule. Avant de hasarder son aimce
sur une terre etrangèic, Mousa en-
voya quelques troupes sous la con-
duite de Tarik ben-Z"iad , son lieu-
tenant. Le succès ayant surpasse' son
espérance (T. Tarik), il deliarqua
lui-même en Espa5:;ne en 7 rî , à la
tête de 20 mille hommes. Tout ce qui
avait échappé aux armes de Tarik ,
tout ce qui, depuis sonéloignement,
avait secoué le joug des Musulmans ,
céda aux efforts de Mousa : Carmo-
na , Sevillo furent emportées d'as-
saut ; Merida se rendit après ime
longue résistance. Le Portugal et la
Galice se soumirent également. En
habile politique, le général arabe
offrait aux habitants des grandes
villes ,1a conservation de leurs biens
et le libre exercice de leur religion;
et c'est de son nom que les chrétiens
d'Espagne furent appelés Mosara-
bes. Jaloux des succès qu'avait ob-
tenus Tarik, et voulant éloigner un
lieutenant qui l'éclipsait , Mousa
l'accusa d'exactions auprès du kha-
lyfe. Il le dépouilla de tout son
butin, lui demanda nne table d'é-
meraude, qui avait été prise à Mc-
dina-Celi ; et voyant qu'il y man-
quait un pied , il s'emporta contre
Tarik , le fit charger de fers , et
s'oublia jusqu'à le frapper de son
bâton. 11 feignit toutefois de se
réconcilier avec lui , et lui donna
du service en marchant à la con-
quête de l'Aragon , tandis que sou
fils , Abdel - Aziz , sidjjugiiait le
royaume de Valence. La prise de
Saragoce , qui ouvrit ses portes et
livra ses trésors au vainqueur , en-
traîna la réduction de l'Espagne ,
jusqu'aux Pyrénées. Mousa les fran-
chit , et pénétra jusqu'à Carcas-
MOU
sonne. Cependant la cour de Damas,
iiif' rméc de ses d< mêlés et de ses
i)!ji.sliccs , lu rappela, en 714,
aiiiSi que Tarik, A son arrivée on
Syrie, il trouva Walid mourant,
et se rendit à D^mas, malgré la
défense de Solciman , frère de ce
prince. Admis à l'audience du kha-
lyfe , il lui présenta ses captifs ,
son butin et surtout la fameuse ta-
ble, à laquelle il avait substitué un
pied d'or. Tarik, qui était présent,
produisit alors le pied que l'on
croyait perdu, et, par ce moyen,
convainquit de mensonge Mousa ,
qui assurait avoir trouvé cette table
précieuse a Medina-Celi , avec un
pied de moins. W.did étant mort sur
ces entrefaites, eu 703, Solciman,
son successeur , condamna Mousa à
être battu de verges , à payer une
amende de 200 mille dinars d'or
(2 millions), et l'exila à la Mckke,
où ce malheureux moui-ut de douleur'
en apprenant la fin tragique de
son fils Abdel - Aziz , qu'il avait
laissé en Espagne. ( Foyez Abdel-
Aziz, tom. I, pag. 53.) Aussi
ambitieux que brave, Mousa ne
regardait la possession de l'Es-
pagne que comme le premier pas à
la conquête de l'Europe. Déjà même
il se préparait à porter de nouveau
ses armes au-delà des Pyrénées, lors-
qu'il fut rappelé. Son projet était de
joindre l'Espagne aux possessions
musulmanes en Asie , en snbjuguant
une partie de la France, de l'Allema-
gne , de- la Hongrie et de l'empire
Grec , jusqu'à Constantinople et à
l'Asie -Mineure. Il avait conquis la
Sardaigne , la Corse et les îles Ba-
léares ; mais on ne sait pas précisé-
ment si ce fut pendant son séjour eu
Afrique, ou en quittant l'Espagne.
Avec toutes les qualités qui formeni
un conquei'aut, il n'eut pas assez de
MOU
grandeur d'ame pour voir le li iora-
jiliede Tarik sans envie; et il causa
lui-mcmc son niallicur en voulant
nuire à sou riva!. A — t et IJ — p.
MOUSCHl'.GH , prince des Ma-
inij:;oniaus , vivail dans le iv*^. siècle.
Son père, V^asag , ayant ete' emme-
né prisonnier eu Perse, en l'an 870 ,
avec le roi d'AruiCuic, Arsace, par
Sclialipour II, il licrila de la proA'iu-
ce de Daron. Bientôt après il fut in-
vesti de la dignité de connétable,
que son père avait possédée , et il fut
envoyé a Conslantinople par le pa-
triarche Nersès 1'='". , pour supplier
l'empereur Yaleus de donner l'Ar-
ménie au fils d'Arsace, que tous
les seigneurs arméniens desiraient
avoir pour roi. Ce piince, nommé
Bab , était alors enfermé avec sa
mère, Pharandsem,daus la forteres-
se d'Ardagers , cîi il était assiégé par
les Persans. Ou parvint à en faire
sortir ce jeune roi , dans le temps
même que Mouschegh revenait ac-
compagné du général Terentianus, à
la tète li'une armée romaine, Mous-
chegh et Terentianus eurent bientôt
chassé les Peisans de l'Arménie: Mé-
roujan, prince des Ardzrouniens, qui
les commandait, fut complètement
défait à la bataille de Dsirav, et obligé
de chercher un asile en Perse. Mous-
chegh lit ensuite une expédition dans
l'Atropatène, où il remporta de nou-
velles victoires. Bab fut donc réta-
bli sur le trône de ses pères , par les
victoires de Mouschegh. Ce jeune
prince , gouverné par quelques eu-
nuques , qui, sous le règne de son
père , avaient déjà fait beaucoup de
mal à l'Arménie, ne tarda pas à mar-
cher sur les traces d'Arsace. Le pa-
triarche Nersès voulut en vain lui
rappeler ses devoirs ; Bab le fit em-
poisonner. Les Persans cherchèrent à
profiter des désordres causés par sa
MOU
341
tyrannie , et MeTonjan parut en Ar-
ménie à la tête d'une armée persane:
il fut encore vaincu par Mouschegh ,
qui le contraignitde rentrcren Perse.
Les Arméniens furent bientôt las du
gouvernement de Bab; ils s'en plai-
gnirent à l'empereur, qui le man-
da près de lui. Pendant trois mois
on le garda prisonnier à Tarse ,
d'où il parvint à s'échapper; cl il
revint dans ses étals , où il fut assas-
siné, en 377, parTrajan, un des gé-
néraux romains en Arménie. Ce pays
fut quelque temps sans roi -, les Per-
sans et 5réroujan voulurert prcr'iter
de cet état de choses pour y ri litrer: ils
furent encore honteusement repous-
sés parMouschegli. L'empereur don-
na enfin la couronne à Yaraztad, pa-
rent de Bab, qui ve se conduisit pas
njieuxquesoii prédécesseur, et lit pé-
rir le counétab'e Mouschegh. qui avait
rendu à l'état tant de services signa-
lés ( F. Manuel ). — Mouscoegh,
prince de la même famille, vivait à
la fin du vr. siècle. En récompeuse
des services qu'il avait rendus a l'em-
pire , l'empereur Maurice le fit duc
de l'Arménie romaine , titre qu'il
joignit à celui de prince de Daron,
qu'il possédait depuis l'an 553 qu'il
avait succédé à son père. Il vainquit
plusieurs fois les généraux du roi de
Perse, Hormisdas. Lorsqu'en l'an
590, ce prince eut étéassassiné, et que
le rebelle Bahram-Tchoubin se fut
emparé de la couronne, le légitime hé
ritierKhosrou-Parviz se réfugia dans
l'empire pour implorer l'assistance
de Maurice. Mouschegh accori a un
asile à tous les fugitifs ; Berdouiéh et
Kettehm , oncles de Khosi-ou, se re-
tirèrent à sa cour. Quand les armées
romaines eurent pris rotVensive ,
Mouschegh les seconda efiicacementj
il se joignit aux. troupes persanes
commandées par Mihran , qui étaieoT
34î
MOU
cantonnées en Arménie, et qui te-
naient pour le roi léf^itiine. Sous les
ordres de Mouscliej^h , elles contri-
buèrent puissamment à la défaite de
Bahram-Tchouliin. Kliosrou promit
à Mouschegh de le laire luarzba
de r Arménie , pour le récompenser
de ses services. Quelques envicuv de
Mouschegh le desservirent auprès
du roi, et empêchèrent le prince de
s'acquitter de ses promesses : IMous-
chegh , mécontent , se retira dans sa
souveraineté. En l'an 6o3 , le roi de
Perse fit une expédition dans l'em-
pire romain, pour venger le meurtre
de Maurice ; il envoya inviter Mous-
chegh à y prendre part, et il le pres-
sa de venir le joindre dans son camp
auprès de Garin ( Arzroum ). Mous-
chegh s'en excusa sur son grand âge.
Le roi, irrite de son refus , menaça
de le châtier à sou retour ; il lui tint
parole. Miliran , neveu du roi , fut
envoyé contre Mouschegh , avec un
corps de dix mille hommes. Vahan,
que celui-ci avait choisi pour son
successeur , fut chargé de repousser
le général persan , qui fut vaincu et
tomba entre les mains de sou vain-
queur, lequel le fit mettre à mort.
Mouschegh ne survécut pas long-
temps à cette victoire : il mourut
l'an 6o4, et laissa la principauté de
Daron, à Vahan. S. M — n.
MOUSKES ( Philippe ) , évèque
de Tournai , né à Gand , doit être
cet évè]ue nommé par les historiens
de la Belgique Mus et Meuzius, et
qui occupa le siège de Tournai en
12^4 , et mourut eu iCiSs, Des écri-
vains contemporains le qualifient de
personnage savant et discret. Lors-
qu'il n'était encoi'e que chanoine de
Tournai , il se proposa , comme il
l'annonce lui-même , de mettre en
rùnestoiite V histoire et la lignée des
rois ds France. Il commence sou
MOU
récit un peu haut , dès l'enlcvomcnt
de la belle Hélène par Paris , et con-
tinue jusqu'après l'année i24'). Il
n'a garde d'oublier les fables de l'ar-
chevêque Tnrpin. Du Gange a pu-
blié, à la suite de l'histoire de Ville-
hardouin, un fragment des rime? de
l'évêque de Tournai. Les curieux en
trouveront à la bibliothèque royale
le manuscrit complet. Un jour peut-
être, on ne le jugera pas indigne d'ê-
tre publié en entier. G — l.
MOUSLEM Gheryf-ed Daulaii
(AboclMocrem), v'^. ou vi*'. prince
de la dynastie des Oka'dides , oc-
cupa le trône de Moussoul, après
son père Goraisch, l'an 4^3 de Thég.
( io6i de J.G. ), et triompha de
l'un de ses oncles qui voulait le lui
disputer. L'an 4'^^' Je sulthan sel-
djoukide, Alp-Arslan , dont il était
vassal, lui céda moyennant un tri-
but, les villes d'Anbar et de Tekrit.
En 472, Mouslem, ayant obtenu du
sulthan Melik-Ghah, la permission
d'aller s'emparer d'Alep , et s'étant
obligé de payer à ce prince une re-
devance annuelle de 3oo mille di-
nars d'or ( 3 millions ) , assiégea
cette ville, qu'il prit par capitula-
tion, l'année suivante; l'emyr raar-
daschide, Amiu alSabck. dont les an-
cêtres la possédaient depuis 60 ans,
fut réduit à une pension. Soit que, ])ar
son anibiliou , Mouslem eût donné de
l'inquiétude au sulthan, soit qu'il eût
manqué à ses engagements , il se vit
dépouillé, en 477, parles généraux
de ce jH'ince, de tous ses états de
Mésopotamie. Assiégé dans Amide,
il sut gagner l'émyr Ortok, qui , pou-
vant le forcer de se rendre à discré-
tion, lui permit de sortir de la
place, et de se retirer à Rakka,
Quelques avances de Melik-Ghah ,
qu'une révolte appelait dans le Kho-
rarau, d,etei'Uii."crciit Mouslem ^
I\ÏOU
venir se soumellrc à co prince.
(Jetle deinarclic et surtont ses pré-
sents , parmi les(|U(ls était uu su-
])erbe conrsier qui lui avait sauve
la vie dans une bataille, et qui,
en ]>rescnce du sultlian, vainquit à
la course les meilleurs chevaux de
<e prince, charmèrent tellement le
monarque, qu'il rendit à Mouslcm
toutes les places qui lui avaient ëte
enlevées , et même les trésors qu'on
y avait trouA'es. Fier des faveurs de
sou suzerain, Mousiem qui avait
reçu jusqu'alors un tribut de Phila-
rète, gouverneur d'Antioche, voulut
exiger le même tribut du prince
seldjoukideSolciraan, qui venait d'en-
lever cette ville aux Grecs. Irrité du
refus de Soléiman, il eut recours aux
armes pour l'y contraindre j mais il
fut tué dans une bataille, le '2^ safar
478 {'21 juin io8;j). Les états de ce
prince, distingué par son courage ,
ses talents politiques et son amour
pour la justice , s'étendaient depuis
Alepjusqu'auxenvironsdeKaghdad ,
dans un espace déplus de '200 lieues.
Ses fils Mohammed et Aly régnèrent
l'un à Nisibyn , l'autre à Moussoul ,
jusqu'en 489 ( itig6 ), que le fa-
meux Korbouga s'empara de leurs
états. ( F. Korbouga, au Suppl. )
Son cousinSalem,chasséd'Alcp par
le sulthan Melik-Chah, obtint le
château de Djabar , que les Croisés
assiégèrent inutilement l'an 497
{ 1 104 ) , et qui , après avoir résisté
aussi à Imad eddyn Zenghy, l'an
541, fut pris cnihi par le célèbre
Nour eddyn, l'an 5^4 ( nf^9 ) 5
sur Mclik Ghchab - eddyn , arrière-
pelit-(ils de Salem. ( f\ Zenghy et
Nour. EDDYN ). A T.
MOUSSA ( Mohammed ben ). F.
MousA ben Cuakir.
MOUSSET (N.), poète français ,
âJiJC lequel ou a peu de renseigne-
MOU
313
ments ( i) , passe pour a voir fait >isa-
ge , le j)remier , des vers mesurés, à
la manière des grecs et des latins.
Il avait traduit on vers de ce genre
y Iliade et Y Odyssée d'Homère ;
mais il paraît que cette version est
jicrdue , puisqu'on ne la trouve citée
dans aucun catalogue. D'Aubigné en
fait mention dans la préface de la
seconde partie de ses Petites œuvres
viciées, où il en rapporte le début :
Cliantc, déesse, le cnerfarieax et l'ire d'Atliillè»
l'ciuicieuse qui Cul , tic.
Il nous apprend en outre que cet ou-
vrage fut terminé vers 1 53o. Mous-
set vivait encore en iSSo, si l'on eu
croit Philippcu de la Madelaine
( Dict. des poètes français ). Il est as-
sez remarquable que cet écrivain ait
échappé aux recherches de tous nos
anciens bibliothécaires. Prosp. Mar-
chand a publié , dans son Diction-
naire , à l'art. Mousset, une longue
et curieuse dissertation sur l'origine
des vers mesurés , et les auteurs qui
en ont composé dans les langues mo-
dernes de l'Europe. W — s.
MOUSTAPHA. r. Mustapha.
MOUSTIER (de ). F. Demous-
tier et Merinvilee.
MOUSTIER ( Éléonor-Fran-
cois-Élie, marquis de ), d'une an-
cienne maison de Franche-Comté,
naquit à Paris, en 1731. Son père
le mena , pendant la guerre de Sept-
Aiis , au collège des jésuites de Hei-
delberg. Quand ses études furent ter-
minées, il désira suivre la carrière
des armes, à l'exemple de ses ancê-
tres , et lit , à Besançon , un double
apprentissage, comme cavalier dans
(i) Quelques Mograpbos lui donnent le (ireuDm do
Jean ; uials il uVst jias lerlaiu que ce soil le sjn. On
trouve cité dans 1» l>il>l hAt, iD.muscr de Sanderus ,
un Jean lUorsset , auteur d'un piièiuc sur la Passion ;
mais il est iinpossilile d'alBrnier que «u loit 1« mOin»
«jiiele tradui.Uur d'Hoiucre.
344 MOU
le régiment do la reine, et comme
canonnier dans une brigade d'artil-
lerie, trouvant encore le temps d'ap-
prendre les langues, et de se livrer
aux sciences exactes. 11 passa, en qua-
lité de sous-lientenaut, dans Koyal-
Navarre, à l'âge de 17 ans, et en-
tra en 17G8, comme surnuméraire,
dans les gardcs-du corps. Son beau-
frère, le marquis de Clermout d'Am-
boise , aujba.ssadcur en Portugal ,
l'emmei.a ensuite à Lislionuc , où
il le garda deux ans, comme gcniil-
honune d'auiLassade, et il lui don-
na le titre de secrétaire , lorsqu'il fut
chargé de celle de Naples. En i 778,
le marquis de Moustier, ayant à pei-
ne aîteint sa vingt-septième année ,
fut promu au grade de niestre-de-
camp de dragons , et nomme minis-
tre du roi à i rêves. En 1788, il par-
tit pour Londres , immédiatement
après la signature de la paix, avec
la qualité de mmistre plénipoten-
tiaire , pour achever d'aplanir des
diflicultés relatives à l'iulervcntion
de l'Espagne. Eu 1787 , il rempla-
ça , aux Étals - Unis d'Amérique ,
M. de La Luzerne , qui était ap-
pelé à l'ambassade d'Angleterre, et
fut chargé de celle de Prusse, en
1 790 , dans les circonstances les plus
critiques. Mandé à Paris, au mois de
septembre 1791 , ]>^r une lettie au-
tographe de Louis XVI , qui le pres-
sait pour la deuxième fois d'accepter
le ministère des affaires étrangères,
il déclina, dès sa première entrevue
avec le roi , un poste que l'austérité
de ses principes monarchiques ne
lui permettait pas de remplir alors.
« Sa réputation méritée de talent ,
» d'instruction et d'énergie ( dit Eer-
» traud de INTollevilIe, dans ses Mé-
» moires, tome i^'". , p. 1 13 ), le fit
» regarder comme un homme dan-
» gereux pour la révolution , et ani-
i\iou
» ma contre lui tous les partis qui la
» soutenaient. » Sur son refus de re-
partir poiu- Berlin , à l'eflèt de dé-
tourner Frédéric-Guillaume de la
coalition , que probablement il avait
engagé lui-même ce monarque à for-
mer contre les révolutionnaires de
France , ce fut le comte de Ségur qui
se chargea de cette négociation , dont
on connaît le résultat. Nommé à
l'ambassade de Constantinople , le
marquis de Mousti;r ne tarda pas à
se voir forcé de chercher un asile eu
Angleterre, pour ne pas grossir le
nombre des victimes envoyées à la
hriule-cour d'Orléans , et massacrées
à Versailles. 11 passa immédiatement
sur le continent, y rejoignit les prin-
ces , frères de Louis XVI, et re-
çut d'eux la mission d'aller traiter
près des puissances coalisées , no-
tamment près du roi de Prusse,. pour
qu'il reconnût à Monsieur le titre de
régent du royaume pendant la durée
de la captivité du roi. Ce titre devait
être solennellement conféré au prin-
ce, quand la retraite de Champagne
changea entièrement la face des évé-
nements. Les équipages de Monsieur
ayant été enlevés aux portes de Ver-
dun , par une partie de l'armée de
Kellermann , la correspondance du
marquis de Moustier avec leurs al-
tesses rovales , tomba entre les mains
des Jacobins , et fut lue à la tribune
par Hérault de Sechclles , qui fit ren-
dre , le 'il octobre 1 792 , un décret
d'accusation contre le marquis de
Moustier. Ces mêmes pièces furent
reproduites dans l'acte d'accusation
de Louis XVI , comme un indice
du concert de ce monarque avec ses
frères. Le marquis de Moustier , re-
tourné en Angleterre après l'issue
fimeste de la campagne de 1792 , se
trouva en mesure de rendre de nou-
veaux services aux princes par ses
MOU
relations avec Pitt, Witiflliam, Bm-
ke, et par la consulcratioii que lui
avaient acquise ses missions auprès
du cabinet britannique. Désigne , en
1795, après le dèsaslre de Quibcroii,
commissaire du roi , pour aller ré-
sider au milieu des armées royales
de l'Ouest , il pressa vainement le
départ de l'expédition que les An-
glais devaient, faire débarquer sur
les côtes de France. La pacifica-
tion forcée de 1790, après la mort
de Cbarctte et de Stofflet , contribua
à neutraliser tous les ellorts des roya-
listes dans cette partie. N'ayant plus
rien à faire personnellement pour
la cause du roi de France eu Aji-
gleterre , M, de Mousticr prit le
parti d'aller résider de nouveau eu
Prusse, où la bicuveillauce de Frédé-
ric-Guillaume II, et celle du roi
sou fils, le placèrent dans une si-
tuation utile aux intérêts de Louis
XVIII. Chargé par ce monarque ,
en 1 797 , de complimenter Frédéric-
Guillaume III sur son avènement
au trône, il s'acquitta de celte mis-
sion avec autant de noblesse que de
circonspection , dans le moment oîi
Syeyes résidait à Berlin, comme mi-
nistre de France. La réponse du roi
de Prusse j en date du 5 décembre
1797 , et par conséquent postérieure
à la paix de Bâle, qui avait rétabli
entre la France républicaine et la
monarchie prussienne des relations
amicales, honore beaucoup ce prin-
ce. On y voit la justice qu'il rend
aux éminentes qualités de Louis
XVIII ( dont il avait les lettres sous
les yeux ) , par le témoignage de son
admiration pour des ^>ertus mises
à une si rude épreuve , l'intérêt
constant qu'il prend aux malheurs
de l'auteur de cette lettre; les
vœux fervents qu'il forme pour sa
prospérité et pour la joidssance
MOU 345
d'un sort plus heureux et plus di-
pie de lui. La lettre du marquis de
Moustier, intermédiaire des commu-
nie allons secrètes entre les deux mo-
narques, a le mérite de conttuir une
phrase prophéîique sur la restaura-
tion de Louis XVIII. Il se trouva,
eu 1806, du jietit nombre des fidè-
les serviteurs du roi de France main-
tenus définitivement sur la lisie des
émigrés par Huonaparte ; et l'inva-
sion en Prusse faite la même année
obligea M. De Moustier d'abandon-
ner son dernier asile. Il partit alors
pour Hartwell, où, admis dans l'in-
timité du roi et de sa famille, il ne
fut point étranger au noble élan qui
ramena dans la patrie de Henri I\ ,
son digne descendant. Monseigneur
le duc d''Angoulème. Il accompagna
Sa Majesté, en France , au mois d'a-
vril 1814 , et suivit encore son maî-
tre au 20 mars et au 8 juillet 181 5.
Regardant dès-lors son rôle politique
comme fini, il se retira dans un«
maison de campagne , voisine de
Versailles ; c'est là qu'il fut frappé
d'apoplexie, et termina sa carrière ,
le i<^r_ février 181 7 , à l'âge de 66
ans. Les archives des affaires étran-
gères sont remplies de documents
fournis par cet habile diplomate,
principalement sur l'Amérique , qu'il
avait parcourue en observateur éclai-
ré. La plus grande partie des ouvra-
ges sortis de sa plume, est restée en-
sevelie dans le secret du cabinet. Il a
seulement livré à l'impression : I.
De Vintérét de la France à une
constitution monarchique ( Berlin .
juillet 1791 ). II. De Vintérét de
V Europe dans la révolution fran-
çaise, Londres, 1793. III. Obser-
vations sur les déclarations du ma-
réchal prince de Cobourg aux Fran-
çais , par un rojaliste français,
Londres , 1793. L — p — e.
S4C MOU
MOUTON (Gabriel), raathema-
licieii, ne à Lyon, eu i6i8, em-
brassa l'état ecclésiasiiqup , et devint
vicaire perpétuel de Tëglise Saint-
Paiil , au service de laquelle il avait
c'té attaché dès son enfance. Consa-
crant tous ses loisirs à l'étude de
l'astronoinie, il publia, en 1670,1e
résultat de ses observations, sous ce
titre : Ob^eivationes diametronnn
solis et lunœ apparenlium , meri-
dianarumqne alùfuot altitiidininn ,
cùm tabuld declinationum solis •
dtssertatio de diennn inœqtialitate,
etc., in-4''. ( r. la Bibl. astronoin.,
•173. ) Ce volume, dif Lalande, con-
tient des Mémoires intéressants sur
les interpolations , et sur le projet
d'une mesure universelle tirée du pen-
dule. L'académicien Picard faisait
un cas particulier de cet astronome,
qu'il avait beaucoup vu pendant le
séjour qu'il fit à Lyon, pour détermi-
ner la position géogra plaque de cette
ville. Mouton mourut le 28 septem-
bre 1 694 , et fut inhumé dans la cha-
pelle des Trois-Maries, dont il était
titulaire. Par son testament, il fit
diverses fondations et beaucoup de
legs pieux. Il avait calculé les loga-
rithmes , avec dix décimales , des
sinus et des tangentes, pour chaque
seconde des quatre premiers degrés î
le manuscrit était à la bibUothèque
de l'académie des sciences ; ces lo-
garithmes, réduits à sept décima-
les seulement , ont été insérés dans
les Tables de Gardiner , Avignon ,
1770, in-fûl. On voit , dans ses Ob-
servationes diametrorum, que, dès
1G61 , il avait déterminé le diamètre
du soleil , dans son apogée , avec une
exactitude à laquelle on ne trouve rien
à changer actuellement; ce qui paraît
bien surprenant, quand on considère
le peu de secours qu'il avait pour opé-
fer exattcpieut. Oncoiiscrvaità Lyon
MOU
une pendule astronomique , exécutée
par l'abbé Mouton, et qui était re-
marquable par la précision et la va-
riété de ses mouvements ( Lyonn.
di^n. de mémoire^ 11, i3o). W-s.
MOUTON (Jean-Baptiste-
SYLVAI^), né, vers 1740, à la Cha-
riJé-sur-Loire, et élevé au séminaire
d'Auxerre, se fixa en Hollande, au-
près de l'abbé Dupac de Bellegarde,
et le seconda dans sa correspondance
et la composition de ses ouvrages.
Dupac entretenait des relations assi-
dues avec l'Allemagne , l'Italie et
l'Espagne, et y envoyait un grand*
nombre de livres en faveur de l'ap-
pel et de l'église dX'^trecht. Il fit plu-
sieurs voyages pour le soutien de cette
cause : Mouton partagea son zèle, et
voyagea daus le même but. Ou croit
aussi qu'il eut part à quelques-uns
des écrits et des recueils publiés par
Bellegarde. Lorsque les Nouvelles
ecclésiastiques eurent cessé à Paris ,
à la fin de 1793, il entreprit de les
continuer à Utrecht. Il commença le
!•=■■. janvier 1794; mais les numéros
ne paraissaient que tous les quinze
jours, et long-temps après leur date,
tellement qu'une feuille datée du
mois d'août 1794^ ne voyait le jour
qu'en juin 1 790. On sauta ensuite de
1 794 à 1 796 pour se mettre au cou-
rant. Depuis , les numéros parurent
régulièrement tous les quinze jours,
jusqu'au 10 mai i8o3 , qui est la
date du dernier. L*esprit de ce recueit
est le même que celui des anciennes
Nouvelles de Paris , et des Annales
de la religion , rédigées à la même
éjtoque par les constitutionnels, et
qui s'imprimaient à Paris chez l'an-
cien curé de Saint- André- des-Arls
( F. Desbois ). On remarque qu'é-
ci^ivant lors des disgrâces et de la
caplivité de Pie VI , il parle à
peine une ou deux fois de ce poa-
MOU
tifc,.sans donner le moindre si[];nc
d'intérêt pour ses malheurs. Mouton
mourut à Utreclit le i3 juin i8o3:
il était le dernier des Français éta-
blis en Hollande par suite de leur
atlacheinent au jauscnisuie; et à sa
mort se trouva dissoute la colonie
formée autrefois par Poncet et au-
tres appelants , et soutenue depuis
par d'Etémarc et Bellegarde. Les
Nouvelles ecclésiastiques n'ont pas
reparu depuis. P — c — t.
MOUTON NET-CLA1RF0NS( Ju-
lïeîv-Jacques) , littérateur français,
naquit au Mans, en 1740. Ses pa-
rents , peu aises , le confièrent aux
soins d'un oncle généreux , curé aux
environs de cette ville, qui lui donna
les premiers rudiments des sciences.
Il vint continuer ses études au Mans,
sous les pères de l'Oratoire. Les suc-
cès qu'il obtint dans les langues clas-
siques, lui ont assigné un rang assez
distingué parmi les hellénistes de
France. Le besoin d'améliorer sa
fortune l'attira ensuite à Paris. Il fit
la route à pied, pour ménager ses
faibles moyens pécuniaires. Ce fut
durant ce Aoyage, que, se reposant
nu jour au bord d'une fontaine, dont
l'eau fraîche et limpide l'avait dé-
saltéré , il prit le surnom de Clair-
Jons, qui fait suite à son nom patro-
nymique. Moutonnet était alors âgé
de dix-huit ans. Il fut bientôt chargé
d'une éducation particulière; et ceux
dont il a dirigé l'enseignement , se
plaisent à i-econnaître les talents de
leur instituteur. Les premiers ouvra-
ges qu'il publia , le bèrent avec plu-
sieurs écrivains de cette époque ,
parmi lesquels nous citerons l'au-
teur d'Emile et le père Elisée. Sa
conversation était agréable autant
qu'instructive, son caractère noble
et franc. 11 avait épousé une femme
\içs-airnable ; et il n'eut ricu tuau-
MOU 3|7
que à son bonheur , s'il eût jowi
d'une bonne santé : mais de longues
et douloureuses infirmités rendirent
vains tous les secours de l'art. 11
n'eut qu'une existence languissiinie ,
et mourut le 3 juin 181 3, a])iès
avoir subi l'opération de la taille.
A l'époque de sa mort, il occupait
un emploi dans l'administration des
postes. Il avait pris pour son épi-
graphe favorite ce distique inscrit
par l'amitié au bas de sou portrait :
Aiirra libellas blnndé reipexit amanlem :
Sfjcrno divil'as , vlioloijuejhtor.
Ses ouvrages sont peu nombreux j
mais ils attestent son goût et ses con-
naissances : I. Les Baisers de Jean
Second , traduction française , ac-
compagnée du texte latin , Paris ,
1771 , in -8°. Jean Second est un
des restaurateurs de la bonne poé-
sie latine, dans un genre que Ti-
buUe et Propercc ont rendu très-dif-
ficile. Moutonnet avait l'ame aiman-
te : sa ti'aduction est exacte ; on voit
qu'il était en harmonie de sentiments
avec l'auteur. II. Les Iles fortunée s,
ou les Aventures de Bathille et de
Cléobule, Paris , 1 7 7 i , un vol. ; in-
séré dans la collection des Vojas,es
tTOrtg-trtflirei , 1 787 , 39vol. in-8\ La
Bonne mère , la Fille bien née ,
V Hirondelle et ses petits , etc. . font
suite aux Iles fortunées. Ces diffé-
rents apologues se recommandent
par une morale douce , nn style
agréable et facile. 111. Anacréon ,
Sapho , Bion , Moschus , etc
traduits eu français. Cet ouvrage ,
publié en 1773, in -8"., et orné
de gravures , a eu quatre contrefa-
çons avant la seconde édition, Pa-
ris , 1779, '-i vol. in-i'2. On y
réunit souvent le poème de Musée
( Léandre et /Tero )_^aduit par le
même, 1774» ^77^, iu-T2. On sait
combien les bucoliques grecs sout
548
IMOU
difficiles à traduire ; combien la lan-
gue et les mœurs des Leii^ers qu'ils
mettent en scène , dilTèient des nô-
tres. Cependant le travail de Mou-
tonnet n'a point ctc eflace par ce-
lui des auteurs qui depuis ont cssaj'e'
d'enrichir notre littc'iature des clas-
siques de la poésie pastorale. Il a
traduit aussi quelques c'pigrammes
de l'Anthologie giccque , le Pervi-
gilium Veneris , et uivers morceaux
d'Horace et de Catulle . qui font suite
à la même édition. I\ . ^j Enfer du
Dante , accompagné du texte , de
notes , et de la vie du poète, Paris,
1 -y-jô, iu-8°. Cette traduction, la plus
impoulanle de cciles qu'a publiées
Mou'ounet, est Lien inférieure à l'o-
riginal. Cette différence tient moins
à la largue qu'au génie même de
Dante, auteur sublime, original,
quelquefois bizarre, et l'un des plus
difficiles dans l'idiome italien. V.
Manuel épistolciire ou Choix de let-
tres puisées dans les meillems au-
teurs français et Zcftn^, Paris, i 'j85,
in-i'^. Ce recueil est surtout recom-
mandable par un précis intéiessant
sur la vie et les écrits cie Cicéron.
VI. Lettre à M. Clément, dans la-
quelle ou examine son ëpîlre de Boi-
leau à Voltaire, par un homme im-
partial, Paris , 177'i, in-8°. de 25
pag. VII. Le Féntable philartlrope,
Pliiiadelphie (Paris ), 1790, in-8°.
L'auteur s'efforce de justifier le trop
sensible Jean- Jacques , dont il avait
été l'ami; et il se proclame le par-
tisan des préceptes de morale que
ce philosophe a professés avec tant
d'éloquence. VIII. La Galéide ou
le chut de la nature , poème et au-
tres menues brochures, 1798, in-
8**. Ou disiii.gue , parmi ces derniè-
res , un jugement plein de goût sur
le Mantouan , poète latin trop fé-
ronddu quijizième siècle, IX. M***.
MOW
(Morcl ) dénoncé au puhllc comme
le plus grand plagiaire ^ a \a suite
de P anurge , ballet-comique, par Fr,
Parfait ), Paris, an xi ( i8o3 ), in-
8°. X. Divers articles dans le Jour-
nal des arts , des sciences et de la
litléralwe. Moutonntt élail membre
des académies des Arcadicns, de la
Crusca , de Lyon , de Rouen, etc. , et
censeur royal. 11 a laissé en manuscrit
une traduction du Paradis du Dan-
te. M. DurOKceray a publié une No-
tice sui- la vie et les ouvrages de cet
homme estimable, dans ses Conso-
lations d'un solitaire ,\()\n. Il, 181 5.
L— u.
MOWAFFEK-Bll LAH ( Abou-
Abmed Teluah , al ) , prince abbas-
side et capitaine célèbre, était le cin-
quième fiisdukhal>fe ]Vlota^^akkcI,
qui l'avait exclu du droit de succé-
der à ses frères , quoiqu'il fiit le seul
digne du tioi;e. Le mérite et les
talents supérieurs de Mowaflèk le
vengèrent plus tard de rinjuslicc
de son père , et de Tingratilide de
son frère Motaz, à qui sa valeur avait
assuré le khalvfaî. \V. Motaz.) Dé-
positaire de l'autorité souveraine ,
sous le règne de son frère Motamed,
l'an 256 de l'hég. ( 870 de J.-C. ),
il lit rentrer dans le devoir les gardes
turkes , releva l'honneur du khaly-
fat qu'elles avaient avili el ensanglan-
té, rétablit la paix dans Baghdad,
et triompha du fameux Yacoub le
soffaride, l'an o.(^yi ( F. Yacolb ben
Leïts ). Il rem])orta plusieurs vic-
toires sur le barbare Aly, surnommé
le prince des Zendjes , parce qu'il
avait enrôlé sous ses étendards une
multitude de nègres du Zanguebar ,
à la tète desquels il s'était emparé
des îles et des côtes du golfe Per-
sique , de Basrah et de l'Ahwaz.
Pendant 14 ans , Aly avait résisté
à toutes les forces de l'empire , im-'
MOW
(uolc un friand iionibrc de MimiI-
maiis et fait trcnibler plusieurs foii
la capil.ile. Ce fut après une der-
nière hil.iiile, J^a^iièe l'an 270 sur
ce lebelle , aiiijiiel il fil Iranclier la
têle , ijiie le prince abbassi le , déjà
associe au trône par Motaîiicd , et
de'clarc héritier pre'soinplit de rem-
pire sous le noiii de Howairok ,
reçut le surno'ii de Naser LeJiii
Allah{\e protecteur de la relij:,ion).
Il mourut de la lèpre , à Sermemai ,
le 21 scfer -i-jS ( 4 iuin 891 ), dans
les souUVances les plus cnieiles. Tdo-
waffek était brave, prudent , libéral ,
plein de noblesse eldec;;raiideurd'ame,
et possédait à tojid l'art de gouver-
ner. Deux ou trois ans avant sa mort,
il avait fait renfermer, pour des mo-
tifs qu'tîH ignore, son fils Motadhed,
qui s'était distingué à la tête des ar-
mées , contre les Zen ijs, et contre le
souverain de l'Egypte. ( F. Kuo-
■MAROxj'iAH. ) Mais aussitôt que Mo-
waffek eut expiré, les troupes, les
-grands et le peuple, demandèrent
■que le jeune prince succédât à tous
■les droits et a toutes les dignités de
■son père. ( V. Motadhed et Mota-
MtD. ) A — T.
MOYLAN { François ) , évèquc
catholique de Cork en Irlande , était
né dans cette ville, en 1735, d'un
commerçant estimé. On le fit passer
de bonne heure sur le continent pour
ses études , les catholiques n'ayant
point alors en Irlau eiii en Angleter-
re d'établisseiiieat pour élever leurs
enfants dans leur religion. Le jeune
Moylan fut envoyé à Toulouse, où
il y avait \\u séminaire fondé par
Anned'Autrichc pour les cathulicpies
irlandais : ce fut la qu'il connut l'abbé
Edgeworth , qui faisait aussi a! ors
ses études , et avec lequel il contracta
une amitié inaltérable( /^^Firmont).
Ils allèrent achever leurs cours à Pa-
ris, oîi Moylan fut ordonné prêtre on
1761. 11 futqucl([i c leif/ps employé
dans le ministère, et il exerça les
fonctions de vi( aire à Chalou , près
Paris. Peu après il retourna dans sa
patrie, cl il fui missionnaire pendant
plusieurs années , jusqu'à ce que son
mérite el son zèle le firent choisir
pour lévêclié de Kerry , le i5 aviil
1 775. On voit, par une lettre (le l'abbé
Edgeworth , récemment publiée ( 1 ) ,
que le docteur Moylan avait voulu ,
en 1777 , se doiiher son ami pour
coarljuleur ; mais la modestie de
l'abbéEdgeworth repoussa bien loin
un tel projet. Les deux, amis entrete-
naient une correspondance dont quel-
ques leltres se trouvent dans le Re-
cueil cité. Dès 1 7 79 , le docteur IMo}^-
lan s'occupait de former en Irlande
une congrégation pour l'éducation
des filles pauvres: le '2o mai 1787 ,
il fut transféré au siège de Cork, qui
venait d'eue abandonné d'une ma-
nière fâcheuse par le précédent titu-
laire, le D',Duuboynej et de concert
avec une (ille pieuse , miss Nano
Nagle , il établit , dans sa patrie , les
religieuses de la Présentation , qui y
rendent beaucoup de services pour
l'iustrucliou des jeunes personnes,
Cork dut également à l'eVèque des
écoles pour les garçons. Movlan prit
part à l'établissement du col'ége de
Maynoolh , pour l'éducation des
catholiques irlandais. Lors de la
révolte qui éclata en Irlande, ea
1797 , il pid3lia une adresse à ses
diocésains pour les engager à ne se
laisser séduire , ni par les promesses
des étrangers , ni par les suggestions
des factieux. 11 donna, eu 179H et
I 799, des mandements, des discours
et des remor.trauces dans le même
{i) r.ettrei de l'abbi Edgeworth à ses amis.fi-
ri». j8i8,iu 80.
35o
MOY
sens : nom avons sons les yenx nne
Bemonlraiicc du prélat an peuple ,
datcctlii iG avril i-^cjq. Sa conduite,
en celte occasion et dans tous les
troubles qui suivirent, lui Ht un hon-
neiu' infini ; et le gouvernement an-
glais lui en témoigna sa reconnais-
sance : c'est l'expression dont se ser-
virent lord Castlereagh , M. Pelham ,
et les autres chefs de l'administration
en Irlande , dans les lettres qu'ils lui
écrivirent. L'cvêque reçut alors les
témoignages les plus honorables d'es-
time de la part des Protestants. Il
s'était concilié l'afiectiun de Burke ;
el l'on trouve quelques lettres de cet
orateur célèbre à iVîoyIan à la suite
de* Lettres de l'abbé Edç^eworth.
L'évêque de Cork devait un accord
si flatteur de suffrages à une sagesse
qui ne se démentit jamais. Un cœur
excellent, et en même temps un ca-
ractère ferme , des talents distin-
gués , une aine loyale et franche ,
des manières engageantes , se joi-
gnaient chez lui aux connaissances et
aux qualités propres à son état. Ce
prélat mourut à Cork, le lo février
i8i5 , à l'âge de quatre-vingts ans ;
on remarqua que l'évcquc proles-
tant de cette ville, etbeaucoup d'ha-
bitants de la même communion, as-
sistèrent à ses funérailles. M. Moylan
avait obtenu pour coadjuteur , en
i8o3 , Florent Mac' Cartliy , qui fut
fait évêquc d'Antinoiis ; et celui-ci ,
étant mort, fut remplacé par M. Jeau
Murphy. P — c — t.
MOyLE(WALTER),né, eu 1672,
à Baks , dans le comté de Cornouail-
les , fut un fongueux presbytérien.
Il fit ses humanités à Oxford, étu-
dia le droit , ne le considérant que
comme un travail préparatoire à l'é-
tude des lois politiques , et siégea , en
169J, dans la chambi'e des commu-
nes , comme représentant du bourg
MOY
de Sallash. 11 se plaça sur les bancs
de l'opposition , oii d'abord il garda
une contenance embarrassée , mani-
festa une grande animosité contrôle
clergé , et insista avec chaleur sur le
licenciement de l'armée, après la
paix de Ryswick. Il vit arriver ,
avec satisfaction, la fin de ses pou-
voirs parlementaires, qui le rendait
à son goût pour la solitude et pour
les lettres. Sa fortune lui donnait les
moyens de s'y livrer , sans autres
distraclions que celles de l'amitié.
Moyle cultiva particulièrement celle
de Congrève et de Wichcriey. En
1697 5 ^1 li'aduisit le traité de Xéno-
phou sur les revenus d'Athènes, à
la prière du docteur Davcnant, qui
en orna son ouvrage sur les rcA'enus
et le commerce de L'Angleterre. La
critique historique occupa la plu-
part de SCS loisirs ; il ne reconnais-
sait , comme originaux , que les
auteurs qui avaient écrit jusque vers
le milieu du cinquième siècle , et ne
consultait qu'avec défiance les écri-
vains postérieurs. Il fut en corres-
pondance avec le docteur Musgra-
ve , au sujet du Belgium hritanni-
CHin de ce dernier, et traita divers
points d'histoire nalurelle. Une fois
sur ce terrain, il poussa plus loin
ses observations , fit un recueil d'oi-
seaux curieux , pour le cabinet du
docteur Tancrède Robinson , et un
choix de plantes , pour l'herbier de
Shérard. Son projet le plus cher
était de former une collection orui-
thologique complète , et de soumet-
tre, à la société royale de Londres,
une suite de recherches où il aurait
rectifié les erreurs de Ray : mais la
faiblesse de sa sauté interrompit ce
travail. Il mourut le 9 juin 1721.
Ses œuvres parurent à Londres en
i'J'i-6, 2 vol. in-S-». Elles renferment
une exhortation aux. grands jurés,
MOY
assembles à Loscud , en i-jofi ; un
Essai sur le ^oiivcnicnieut ilc Uoino ;
mie discussion ojnstolaire , entre
King et lui, sur le icmi)s où l'ut
icorapose' le dialogue de Pliilopatiis ,
qui est altiihue' i Lucien ; div^ers
morceaux sur les antiquités et l'his-
toire natuiclle ; des Observations sur
ie livre de la Connexion de l'Ancien
et du Nouveau Testament , par Pri-
deaux , qui adopta avec reconnais-
sance ses corrections ; et une Disser-
tation sur le miracle delà légion ful-
minante, sous Marc-Aurcle. Moyle,
qui s'exprinio en gênerai avec rae'-
piis sur les apologistes de la religion
dominante, traite de conte cet évé-
nement miraculeux ; il a été com-
battu par King et d'autres écrivains
( F. MosHEiM , pag. '243 ci-dessus).
Hammond , qui représenta l'univer-
sité de Cambridge au parlement , et
fut lié avec Moyle , a publié un com-
plément in-8°. aux deux volumes
précités , de ses œuvres. Ce nouveau
recueil comprend la traduction du
Traité de Xcnophon , un Essai sur le
gouvernement de Lacédémone , des
traductions de Lucien, des Lettres, un
écrit composé en société avec Tren-
chaixi , sur l'incompatibilité d'une
armée permanente avec im gouver-
nement libre , et sur le danger d'un
tel système, pour la constitution an-
glaise. Barère a traduit, en 1801 ,
l'Essai sur le gouvernement de Ro-
me, auparavant peu connu en Fran-
ce, et a prétendu que Montesquieu
y avait puisé, eu grande partie, les
idées de son livre sur les causes de la
grandeur et de la décadence des Ro-
mains. L'écrit de Moyle peut avoir ,
comme l'esquisse tracée par Saint-
Evremond , quelque conformité avec
l'ouvrage de Montesquieu : mais
cette aflinité, qui se retrouve entre
quelques idées de ces ecriyaius ,
MOY
35 r
naît purement du sujet ; ot INIontes-
(|MifU ])araîl avoir eu pluhJt pour
guide lîossuet, qui écrivait 4o ans
avant Mo vie. F — t.
MOYNE (Le), r. Le.m«yne.
MOYRIAC. r. Mailla.
MOYSAiM (FuANçors), biblio-
thécaire de la ville de Caen, etc. ,
naquit le 5 mars 1735 , au village
d'Audrieu, près de cette ville. Les
Jésuites , sous la direction desquels
il lit de brillantes études , voulu-
rent l'admeitre dans leur Société ;
mais il préféra la congrégation des
Eudislcs , qui le chargèrent de pro-
fesser , au collège de Lisieux, la
grammaire, et bientôt après la rhé-
torique. La faiblesse de sa com-
plexion l'ayant forcé d'abandonner
ces pénibles fonctions , il vint à
Paris, où il étudia, pendant six an-
nées , la médecine. Ces travaux ne
l'empêchèrent point de s'occuper de
littérature ; et il fournit plusieurs
articles au grand Vocahulaire fran-
çais, Paris, 1767, 3o vol. in-4*'. Il
donna ensuite, conjointement avec
MM. Vacher et La Maullerie , le
Dictionnaire de chirurgie, Paris,
17(37, '2 vol. in-S". En 1764 7 il
avait obtenu , dans la faculté de
médecine de Caen , le grade de
docteur. Une de ses thèses agitait
une question dont la solution ne
saurait être douteuse , mais qui ,
savamment traitée, olTrait le plus
haut intérêt -.Aji à mald vivendi nor-
md , functionum débilitas? Moy-
sant ne farda pas à reconnaître ,
dans la pi-alique , combien il avait
eu raison de soutenir l'afîirmative.
Une imprudence de régime mit aux
jjortes du tombeau , un malade au-
quel il avait donné tons ses soins ; et
celte circonstance suffit pour l'éloi-
gner d'un état qui était sa seule res-
source, mais où «a seusibihtc avait
3!;.i
MOY
trop cruelleiiicnt à souffrir. Il rcde-
m;inda et obtint à Carn mu; cliaire de
ilietorir|ue, qu'il jic qui lia que pour
occuper la place de bibliotiic'cairc.
Lors (S: la suppression des maisons
religieuses, il fut charge de la surveil-
lance des bibliothèques des e'tablisse-
ments supprimes. Eu visitant ces an-
tiques et précieuses collections, il con-
çut l'idée de publier les chartes qu'el-
les contenaient, et de créer un 3Ionas-
ticon neustriacuin sur le modèle du
Monasticon an^licanum de Dods-
worth et Dugdalc. Il se proposait
d'y joindre les vues des principaux
édifices gothiques , et les inscrip-
tions les plus intéressantes; mais les
troubles toujours croissants ne lui
permirent pas de publier un ouvrage
aussi considérable. Il passa en Angle-
terre, où il croyait intéresser l'orgueil
des seigneurs descendants des compa-
gnons de Guillaume-le-Gonquérant :
des contrariétés de tout genre vinrent
s'opposer à son entreprise. D'abord
il fnt déclaré émigré , et le retour
en France lui fut interdit. La vente
des domaines nationaux, la destruc-
tion de plusieurs édifices remarqua-
bles, apportèrent de nouveaux ob-
stacles à ses projets : il fallut qu'il
s'occupât de pourvoir à sa subsistan-
ce. 11 aurait pu recevoir les secours
que le gouvernement britannique dis-
tribuait aux émigrés , ou se rendre
aux nombreuses sollicitations des
Anglais qu'il avait eus pour élèves;
mais il ne voulut rien devoir qu'à
son travail. Il jniblia un ouvrage in-
titulé : Bibliothèque des écrivains
français, ou Choix des meilleurs
morceaux en prose et en vers , ex-
traits de leurs ouvra^^es , Londres ,
1800, 4 vol. in-S**. ( ^. Levizac. )
Moysant fit suivre cette compilation
d'un Dictionnaire portatif anglais -
français. Tourmenté du désir de re-
MOY
voir sa ()alrie, il s'empressa de profi
ter de l'amnistie qui fut accordée aux
émigrés , et revint à Caen , au mois
d'août i8o'2. Les sociétés savantes
de cette ville l'admirent au nombre
de leurs membres; et il lut dans leur
sein plusieurs Mémoires intéressants.
11 fut chargé en même temps de réor-
ganiser la bibliothèque. Il était en-
core à la tète de ce dépôt littéraire,
à l'époque de sa mort ( 3 août 1 8 1 3 ).
MM. Barbier, dans son Dictionnai-
re des anonymes , et Henniker, dans
un ouvrage anglais sur les briques
armoriées 'de Saint-Etienne de Caen ,
sont convenus des obligations qu'ils
avaient à Moysant. Chaudon lui dut
plus d'un volume d'augmentation de
son Dictionnaire historique qui s'im-
primait à Caen sous sa direction. Soh
neveu , M. Hébert, bibliothécaire ac-
tuel delà ville de Caen, a publié une
Notice historique sur sa vie , Caen ,
1814, in-8°. Nous avons encore de
Moysant : I. Prospectus d'un cours
public gratuit des belles-lettres fran-
çaises , etc. , Caen , 1 761 , in- 4". IL
In felices nuptias Ludovici Augusli
Galliaruni delphini, etc. , ibid. ,
1770, in-4°., '^6 pag. m. Recher-
ches historiques sur la fondation
du collège de Notre - Dame de
Bdieux , fondé dans l'université de
Paris , par maître Gervais , 1788,
in-4°. G — T — R.
MOYSANT DE BRIEUX. F,
MoiSANT.
MOYSE. Foy. Moïse.
MOYSE (Henri ), historien
écossais, né à Lanerk en i573, fut
successivement page et gentilhomme
de la chambre du roi Jacques : il
se trouvait à Perth avec ce prince en
l'an 1600, lorsqu'éclata la fameuse
conspiration du comte de GaviTy
( V. ce nom), sur l'histoire de laquelle
il n'a pu cependant répandre des lu-
MOY
niièrcs. TI passa ses (îcniicios aiiiiecs
dans la rotiailc, et inoiiriit à Ediii-
boiirfiçei! i()3o,àu;c;d(; ciii()iijiiife sept
ans. (Jii a im])rimc, en 1753, im Mè-
moriul iin'il avail eompose sur ce qui
s»' passisil (losoti temps à la cour ; ou
y trouve (les pirliculariles curieuses,
et jusque !à peu couuues. Jj.
MO/ART ( VVoi,FriANG - Amic-
DÉii), coiupositei'.r du premier or-
die , naquit <à Saltzbour^ le 27 jan-
vier 17ÔL). Dès l'âge de trois ans, il
reçut de sou père (1) les premièix's
noiions ini'sicales. 11 en avait ta peine
six lorS(pi'il composa de petites piè-
ces de riaveeiu , qu'il esecutait lui-
même d'une manière fort aG;realile.
8on père l'ayant conduit à Vienne
en 176J, l'empereur François I*-""".
voulut voir cet enfant extraordinai-
re : charme de ses talents précoces,
il le surnomma son petit sorcitr , et
daigna l'associer aux jeux de l'arclii-
dndiesse Marie-Antoinette, depuis
reine de France. Mozart n'avait pas
encore huit ans, quand il parut, en
1763, à la cour de Versailles. Il
toucha l'orgue à la chapelle du roi ,
et se montra dès-lors l'cga! des plus
grands maîtres. Ce fut à cette èj)0-
que qu'il fit paraître les premières
productions de son génie prématu-
ré ; ce sont deux œuvres de sonates :
Il dédia l'un à M'"^ Victoire , fille
du roi, et l'autre à la comtesse de
Tessé. Le jeune virtuose se fit enten-
dre à Paris dans deux concerts pu-
blics. Son portrait fut gravé d'après
le dessin de Carmontelle, et promp-
tcment enlevé par tous les amateurs.
Mozart passa , l'année suivante , en
Angleterre. Le roi George Il[ , qui
était grand amateur et même escel-
(OLeopol.l Mozart, né h Augsliourg, le 14 uov
1719, coiuiu surtout ^lar une Bléthode raisunnée de
violon, qui » l'té traduite eu français ( p»r Vul. Roj;-
»vr J, en «/7°-
mz
3," '
lent musicien , prit mi plaisir jiatti-
culier à exeicer les talculs du jfune
artiste. Il plaçai' devant lui les ni'.r-
ceaiiK les plus dilliciles de H.mIi , de
Haendel et d'autres grands harmo-
iiisies. L'enfatitlesexécutaità la nre-
mièrevue, avec le inouxemcnteti'ex-
presslon con\enablcs Avant de qnit-
Ici' Londres, il composa six sonates ,
qu'il dédia à la reine CliarloUe. Il
paicourut les Pays - Uas et la Hol-
lande, rec'ieillanl partout les témoi-
gnages unanimes de l'cniliousiasme
qu'il excitait. Au bout de trois ans
d'absence , il revint à Saitzbourg ,
et il s'y livra entièrement à l'étude
de la composition. Kmanuel IJach
Hasse et Haendel , étaient l'objelde
ses méditations coiitinuelies. fi se ren-
dit aussi fauiiliers les anciens maî-
tres italiens , qu'il regaidait , en gé-
néral , comme fort supérieurs aux
modernes. Ei; i7()8, Mozart reparut
à Vienne, âgé de <lou7.c ans. L'em-
pereur Joseph II lui demanda uu
upera -huffa. Mozart composa la
Finta Semplice. Hasse applaudit; et
le célèbre abbé Métastase lit éclater
l'admiration et l'amitié la plus sin-
cère pour le jeune artiste. En i""o
sa réputation était déjà si grande'
que le théâtre de Mdan le choisit
pour écrire Yopera séria de la sai-
son. Mozart, âgé de quatorze ans
donna son Mitliridate ,(\ui eut vin-n
leprésentations consécntires. Ce fut
la même année quil (it le vovage de
Bologne. Il s'empressa d'y rendre
visite au P. Martini, si célèbre dans
la science du contre-point. Ce pro-
fond harmoniste , fra])pé, selon ses
propres expressions , des éclairs que
lançait ce génie naissant , prcfiit avec
assurance , que, lorsqu'il serait dans
toute sa splendeur, il n'y aurait plus
de rivaux qu'il n'éclips.àt. f/acade-
ciic des jPlulaniioni(ju€s de Bologne
2'S
354
MOZ
désirant s'associer le jeune Allemand,
lui fit subir l'examen d'usaj^c. Il IV.t
eutcrmé dans nne cliamhi e , où il
trouva le tlicme d'une Itij^neà quatre
voix. En une demi - lieuic le mor-
ceau fui compose; et Mozart reçut
son diplôme; lioimcur que personne
n'avait encore obtenu dans un à^e
aussi tendre. Comble d'honneurs à
la cour de Toscane, et pressé de s'y
fixer, il n'aspir.'iit qu'à se rendre à
Rome pour y assister à tentes les so-
lennités de la semaine-sainte. Ses de-
sirs lurent remplis: à peine arrivé, il
courut à la chapelle Sixtine, pour y
entendre le fameux Miserere d'Alle-
gri. On sait (pi'il est défendu , sous
Jes peines sévères , de donner ou de
prendre copie de ce morceau. Pré-
venu de cetie défense, le jeune Alle-
mand se place dans un coin, et prête
l'attention la plus scrn])uleuse. Au
sortir de l'église, il note la pièce en-
tière, le vendredi- saint, il v eut une
seconde exécution du Miserere. IMo-
zart tenait sa copie dans son cha-
peau , et s'assura de la fidélité de sa
méinoiie. Le lendemain, il chanta
ce Miserere dans un concert , en
s'accompagnant du clavecin. Ce trait
jirodigieux fit la plus grande sensa-
tion à Rouie. Le ])ape Clément XIV
voulut que cet eufar.t extraordinaire
lui fût j résenté; et , loin de le répri-
mander d'avoir transgrcss' sa dé-
fen>c, ii lui fit l'accueille pli.s gra-
cieux. Peu de temps ajuv's, Mozart
parut à Nap'ies : il y excila un ici
en;housiasme, (pie l'on entendit plu-
sieurs personnes s'écrier qu'un ta-
lent aussi surnaturel ne pouvait être
que l'cfTet d'un talisman. Cependant
il regrettait l'Allemagne ; il revint à
Vienne. 11 y vit le chevalier Gluck,
dont le génie a^ait tant d'analogie
avec le sien, puisa dans les entre-
tiens et dans les ouvrages de cet im-
MOZ
mortel compositeur, des lumières
qui , comme il se plaisait à le répé-
ter , préparèrent les grands succès
qu'obtinrent ses compositions dra-
matiques. Mozart ne mit pas moins
d'empressemeni a rechercher l'ami-
tié du célèbre Haydn , qu'il nommait
souvent son maître. 11 lui dédia un
œuvre de quatuois, qui sont di-
gnes de l'un et de l'autre. Mozart
lit un second voyage à Paris, en
177G : c'est à cette époque même,
que (jluck y mit sur la scène son
Alceste. On sait que ce chef-d'œu-
vre ne fut pas même senti des Pari-
siens. A près la première représenta-
tion, (jltick était dans le fover, re-
cevant les félicitations de quelques
connaisseurs , et les compliments de
condoléance des profanes. Un jeune
homme, tout en pleurs, entre et se
précipite dans ses bras. Il ne savait
que s'écrier : « Ahî les barbares [
» Ah! les cœurs de bronze I Que fant-
» il donc pour les émouvoir? —
» Console-toi, petit, répondit Gluck,
» dans trente ans ils me rendront
)) jusiice. » Ce jeune homme était
Mozart; il a a'u , depuis, (|i;e la pré-
diction du sublime auteur d'Alcesle
s'était parfaitement accomplie. Mo-
zart fui si révolté du mauvais goût
qui régnait alors dans la majeure
partie du public français, et de l'état
de barbarie où languissait particu-
lièrement la musique vocale, qu'il
renonça bienlôt au projet qu'il avait
coi'çu de composer un opéra pour
le théâtre de Paris. Il se contenta de
donner plusieurs morceaux au Con-
cert spirituel. Le chagrin qu'il eut
de perdre sa mère dans cette capi-
tale, contribua beaucoup à hâter son
retour en Allomague. Il entra au ser»
vice de l'enipereur Joseph II, et
s'attacha tellement à ce prince, qu'il
ne voulut jamais le quitter. Quoique.
MOZ
son haiteiiuiit à l.t ( aiir de Vienne
ne fût que (le Soi) (ioiins ( eii\ iiun
•iooo fr. ), il refusa les olîjcs bril-
lantes que lui firent |)l(isitiirs prin-
ces , et nutam nient Frederic-ie-Grand.
Cle l'ut à la deinaucle de l'empereur ,
([ii'il mil en musique le Mariuge de
Fii^iiro ( 1786 ). Le premier acte
ayant ete' indif:;ucment exécute par
les acteurs italiens, Mozart déses-
père courut à la lop;c du moiiarfuîc
pour se plaiiulre de leur mal\eill.i!i-
ee, Joseph lit dire aux acteurs que
si le second acte n'allai pas miei;x
que le premier, toulc !a IroiijH' irait
eu prison ; et aussitôt l'exceulion de-
vint parfaite. Après avoir félicite le
compositeur de son succès, l'empe-
reur lui dit : « Il faut convenir pour-
1) tant , mon cher Mozart , que
» voilà bien des notes I — Pas xxnç;
» de trop , Sire ! » répondit vive-
ment l'artiste. Joseph II , peu de
jours après , le fit mander et s'entre-
tint familièrement avec lui. Ses amis
avaient exige qu'd profilât de celte
occasion pour solliciter une aug-
mentation de traitement ; ils l'at-
tendaient au sortir de l'audience, et
le questionuc!ciit sur la réussite t!e
sa demande : « Quoi î leur répondit
» Mozart, vous eussiez voulu que,
» pendant que mon souverain me
» parlait avec tant de bonté , j'al-
» lasse l'interrompre , pour l'entre-
» tenir de mes intérêts I Je vous
» pu'e que je n'y ai seulement point
» pensé. « L'année suivante, il com-
posa son chef-d'œuvre de Don Juan^
pour le théâtre italien de Prague,
Cet opéra ne fut point senti gé-
néralement à Vienne , lors des pre-
mières représentations. On en par-
lait un jour dans une assemblée
nombreuse , où se trouvait l'élite
des amateurs. Haydn faisait partie
de cette réunion. Quelqu'un s'aper-
çnl cnlin que |;nit le monde avait
«•mis son (q)inion exceplé ce grand
artiste. Pressé enfin de s'e\p!i([uer :
« Je ne suis pas en éîal de juger le
» dillcrend ( répondit lîivdn, avec
» une excessive raodcslie ou la plus
» amcre dérision ) ; tout ce que je
» sais, c'est que Mozart est le plus
» grand compositeur qui existe. '>
iMufart , dans la force de l'àgc ,
piometlait de fournir encore une
longue et brillante carrière, lorsque
des excès auxquels il s'abandonnait
que!<{!;cfois , parurent avoir altère
sa santé. 11 sentit tout-à-coup sa fin
s'approcher , et il s'éciia doulou-
reusement : « Je meurs au moment
» où j'allais jouir de mes travaux;
» il faut qî'.e je renonce à mon art,
)) lorsque je pouvais m'y livrer tout
» enîicr, lorsqu'après avoir triom-
)» phé de tous les obstacles , j'allais
» écrire sous la dictée de mon cœur I »
Mozart expira le 5 décembre 1791 ,
n'ayant pas encore trente-six ans ré-
volus. On remarqua que cette fin pré-
maturée était une conformité de plus
avec Rapliaèl, qui mourut à-peu-prcs
au même âge. Peu d'heures avant de
rendre le dernier soupir, il se fit ap-
porter la partition de sa fameuse
messe de Re<juicm. Eh bien ! s'écria-t-
» il , n'avais-jc pas bien dit que c'était
» pour moi-même que je composais
» ce chant de mort? » L'origine sin-
gulière de ce chef-d'œuvre a étérap-
jiorlée de dix manières dillcrentes :
nous donnerons ici cette anecdote,
telle que nous la tenons de la veuve
même de Mozart. Un inconnu se
présente un jour chez lui , et lui
remet une lettre sans signature, par
laquelle on lui demande s'il veut en-
treprendre la composition d'une
messe de Requiem , quel prix alors
il met à son travail , et dans com-
bien de temps ii croit jî^uvoir le
7 3..
356
MOZ
terminer. Mozari répond , par un
e'ci'it , qu'il se charf;e de l'ouvi-age
désire : il s'exprime noblement sur
les conditions, mais refuse de ])ren-
dre des engagements pour un terme
fixe. 11 prie qu'on lui indique oii il
devra envoyer sa partition. Peu de
temps après , l'inconuu revient avec
une seconde lettre anonyme : elle
contenait , non - seulement la som-
me convenue , mais , de plus , la
promesse d'augmenter considérable-
ment ses honoraires , qu'd avait
réglés beaucoup trop bas. On l'en-
gageait, d'ailleurs , à ne point se
presser , à ne suivre que l'inspira-
tion de son génie. Le billet finissait
par le conseil de s'épargner des dé-
marclies superflues pour découvrir
le nom d'une personne qui ne serait
jamais connue de lui que sous le
nom d'admirateur secret de ses ta-
lents. Sur ces entrefaites , Mozart
fut invité, par les plus illustres per-
sonnages de Bohème, à se rendre à
Prague , pour y composer un grand
opéra , à l'occasion du couronne-
ment de l'empereur Léopold II. Il
accepte la proposition avec joie : au
ïnoment oîi il montait en voiture
avec sa femme , l'inconnu apparaît
tout-à-coup comme un spectre, et
demande ce que deviendra le Re-
quiem. Mozart promet de s'en oc-
cuper dès son retour : l'inconnu se
letire satisfait. En elFet , revenu à
Vienne , Mozart , dont la santé dé-
périssait chaque jour, se livra , avec
une excessive ardeur, à la composi-
tion de cette messe. Son sang s'allu-
ma ; sa tète se remplit d'idées lugu-
bres , et bientôt il ne dissimula plus
5a persuasion, qu'il travaillait pour
ses propres funei'ailles. Sur - le-
champ , de l'avis du médecin , on
lui retira son manuscrit, et il parut
reprendre des forces et de la gaîtc.
MOZ
Trompée par ces heureuses appa-
rences, sa femme lui rendit sa j)ar-
tition. Mozart ne la quitta plus , et
la mort vint le surprendre avant
qu'il y eût mis la dernière main.
L'^gnus Dei , qui leiraine ce moi-
ceau célèbre , fut , pour ce grand
artiste, le chant du cygne: les gens
de l'art y reconnaissent l'empreinte
de la profondemélancolieetde l'onc-
tion religieuse dont son amc était
jemplie. Cette notice serait incom-
plète , si elle n'olirait quelque idée
du caractère distinctif des produc-
tions de ce génie extraordinaire.
Nous commencerons d'abord par
faire observer que , depuis la simple
romance jusqu'à la tragédie lyi ique et
à la musique sacrée , depuis la vsal-
se jusqu'au quatuor et à la sympho-
nie , Mozari , mort si jeune , compo-
sa dans tous les genres imagina-
bles : il excella dans chacun d'eux.
De tous les compositeurs anciens et
modernes , c'est le seul auquel ou
puisse donner cette louange. Il em-
jdoya les instruments à vent d'une
manière totalement inconnue avant
lui. On ne se lasse point d'admirer
l'art infini avec lequel il les fait par-
ler sans se confondre , sans nuire
en rien au chant principal. Celte
inépuisable variété devient, pour les
oreilles même les moins exercées ,
une des principales causes du char-
me répandu sur toutes les produc-
tions de ce maître. Mais , quelque
riche , quelque brillant que fiit son
orchestre, jamais IMozart ne négli-
gea de soigner ses chants. Ils sont
toujours mélodieux et purs , mais
toujours originaux , toujours adaptés
au caractère , à la situation du per-
sonnage dramatique. Une tête si for-
tement organisée, un fonds si prodi-
gieux de richesses harmoniques , de-
vaient assurer à Mozart une préémi-
MOZ
nonce absolue lia lis les morceaux d'en-
scinblc : aussi ses jinals d'o\)évn sont-
ils le nc'C plus ullrà ilc l'ait et du
guùt. Jamais, contre riisa':;c com-
miiu, il n'approcliait (lu piano dans
SCS moments d'inspiration. Des qu'il
avait sai.si sa plume, il écrivait avec
un»; rapidité qui, au premier aspect,
eût pu ressemidei" à de la précipita-
tion. Le morceau entier, tel qu'il
l'avait conçu , médite et mûri , s'exé-
cutait dans sa tète , comme il le disait
lui-même , pendant qu'il jetait les no-
ies sur le papier. Rieu de plus rare
i|ue de trouver une rature dans ses
partitions. La merveilleuse facilite
de création dont il était doué , fut
mise quelquefois à de surprenantes
épreuves. On n'oubliera jamais que
l'ouverture de Don Juan, avec tou-
tes ses parties , a été improvisée en
trois heures; et l'on se souviendra
éternellement que, dans les quatre
derniers mois de son existence, lut-
tant déjà contre une maladie mortelle,
et distrait par deux voyages ( i ) , il a
composé trois de ses chefs-d'œuvre :
la Flille enchantée , la Clémence
de Titus , et sa Messe de Ref/uient ,
sanscomprendre (pielques morceaux
détachés, comme un IMotet, et une
Cantate de francs-maçons, à giands
ci'.œurs. Les ouvrag'es de Mozart
sont si nombreux et si variés , qu'ils
forment onze classes dislincles. Cet
immense catalogue ne pouvant avoir
place ici , nous nous bornerons à
indiquer ses compositions dramati-
ques; i^. Opéras italiens : l^a Finta
Seinplice ( i 'jliiiiy,Miihridate { i "J 70);
Ascanio in Alha ( 1771 ); Lucio
Silla ( 1772 ); Il sopîo di Servi o-
ne{i ']']'!)', La Giardiniera ( 1774 );
( l) On ra[>j>Qrle nt-cUi.Qoins qu'il Gt , dans l'un de
cm voyagrs , ïi- preiuiei- 3< le pntier de lii Cleiucuce
«ie rilu:>, eu .iliaiit d..- Vieiuje à PiagUB.
MOZ 357
Idnmeneo ( 1 780) ; Le Nozze di Fi-
ç,aro{ I '•jH());Don Giovanni ( 1 787);
Cosi fan lutte { 1790 ); La Clemen-
zadi Tito{i']{)\). — '.i'». Opéras alle-
mands : Die Entfïihrun'^ ans dent
Serad ( 1 78 1 ) ; Dcr Schausjnel-Di-
rektor ( 178G ); Die Zauberjlols
( 1191 )• Les amateurs qui désireront
des détails pins précis sur les œu-
vres de Mozart , pourront cojisnlter
la Notice de SchlichtcgroU, dans le
ÎS'écrologc allemand de «793, tome
11; on la traduction que Wincklcr eu
a donnée dans le 3Iagas. encj-cl.,'j°.
ann. ( 180 f ), m, 29et 43o; — Der
Geist von Mozart ( Erfurt , i8o4 ) ;
— la Vie de Mozart , par le profes -
seur Niemtschek , qui avait vécu clans
l'intimité de ce grand artiste; — les
Anecdotes sur IVfozart, trad. de l'al-
lemand par C, F. Cramer, Paris ,
1801 , in-8°. ; enfin la Notice compo-
sée par l'antcnr de cet article, e!. pla-
cée en tète de la partition de la ?.Ics-
se de Requiem , publiée par le con-
servatoire de musique, en i8o5 ( i).
S — v — s.
MOZZI ( Marc - Antoine ) , ea
lalin Mutins , chanoine de Florence,
d'une noble famille de cette ville, y
prit naissance, le 17 janvier 1G78.
Son père se chargea de sa première
instruction , et lui fit faiie un cours
do beilcs-lcitres et de philosophie
chez les Jésuites. IMozzi étudia en-
suite la théologie et les lois dans l'u-
niversité de sa ville natale, et lit des
progrès remarquables dans les difTé-
rcntes branches des sciences divines
(t) n iKUt èlre iolPi-fssaut d'aioiiter qne Moz»rt
ava;t pris, dis rtuUnce , l'Iinbitnde di- tenir uo
re'i str» -} nfual de Si's rompofilions , dont il indi-
qua.t en même temps le iimlif et la mesiiic. Ce jour-
nal, dont il .xiste pliisienrf copii s çnir- les ujnins
des pieuiieis cuuiposllcurs de l'Allsma^jup , act ève
tic déiuoiitrei- reloniiiuiîe t'acilité avec l<w|u<-lle il.
cùinp';sait. On y trouve r(n'il a l'ai' sourei t , dans la
mênie juunire , à peu d'iieures d'intervalle, deux
mon tani , de genres entièrement uppusés , tl tous
lrs.deux cgalciueiit subliiiiea. L— O
3^8 MOZ
et humaines. A ces counaissanccs \\
joip;n.iitle goût et la ciiltiuolcs beaux-
arts. La poésie, leloqueiKe, la mu-
sique, l'occupaient alleniativemeut.
II jouait du tlieorhc cl de la niaii-
duliiie avec tant de perfection, que
peu de maîties régalaient. Le jeune
prince Jean (iaston deMëdicis, ama-
teur de musiq'ie, l'appelait souA'eut
dans son palais pour s'en faire ac-
compagner. 11 chantait avec goût et
improvisait en vers. Cosmc III lui
fit donner, en i-^ocun canouicat de
la iMelropoîe. Il fallut alors se par-
tager entre la cour et l'cgHse : il n'a-
])andon!ia j)as la première, et sut
remplir les devoirs du be'ne'fice qui
raltaciiailà la seconde. En i-oi , il
prononça, pir ordre de la cour , l' O-
raison funèbre de Charles II, roi
d'Espagne ; et, en 1708 , sur l'invi-
tation du cliapiire métropolitain ,
celle de Léon Stroz:i, archevètjue
de Florence. L'académie de la Criis-
ca se l'as-socia; et celle de Florence,
en 1702, le nomma professeur de
littérature toscane. L'université' de
la n:cmc vdîe le promut an grade
de docteur en iLcologie; et la prin-
cesse \ ioliute - Be'atrix de Bavière
le fit son the'ologien; distmctions
qui supposent le me'rile, et qui, dans
Mozzi, ne faisaient que le vécorn-
penser. On a de Ini : 1. Discorsi .sa-
cn , Florence , 1 7 1 7. Parmi ce:, dis-
cours se trouvent les deux Graions
funèbres citeVs ci -dessus. IL So-
net ti sopra i noini dati ad alcune
dame florentine dalla- serertisii-
ma principesiu t'iolanta , etc. , j'o-
rence, 1705. Cette princesse s'e'tait
amusée à donner différents noms sui-
guliers à quarante-cinq dasucs de la
cour. L'abbé Mozzi fit mî sonnet sur
chacun de ces noms. III. Istoria di
S, Crescl e de' santi martji ri suoi
compagnie came pure delta chiesa
MUZ
del medeiinio santo , posta in t'ai-
cuva di Mngello . etc. , l'Iorencc ,
1710, in-fol., fig. Il s'était élevé des
diflérends sur l'authenticité des ac-
tes du martyre de ces saints. Cosmc
m chargea l'abbé Mozzi d'écrire
leur histoire : on y trouve une cri-
tique judicieuse et beaucoup d'éru-
dition. IV. nta di Lorenzo Bel-
Uni Fiorentino : elle a été insérée
dans le recueil des Fies des illustres
Arcadiens, partie i'^*'., pag. 108,
Rome, 1 7 1 3. V. Traduzione in vcr-
siscioUi degVinnidi Prudenzio, inti-
tolati Corone ,Wi\â\\, 1740, etc. Moz-
zi mourut subitement le4avril 173G.
âs;c de cinriuanic-huitans. On trouve
son Eloge parmi ceux Degli Uoiiiini
illustri Toscani , vol . i v , p. 701. —
On connaît encore du nom de Moz-
zi , noble et ancienne famille de 13er-
game, laquelle tirait son nom du châ-
teau de Mozzo : I ^. AmbroiseMozzi ,
archevêque de Berg ame, dcpnis l'an
1112 jusqu'en i 1 ip; — '2°. Achilie
Mozzi , au seizième siècle, qui écrivit
en vers latins les Eloges des hommes
illustres de Bergame . sons le titre
de Teatro. — 3'^. Augustin M<»zzi ,
jurisconsulte et recteur de l'univer-
sité de Padoue , duquel on a : Dispu-
tationes puhlicœ per octo dies agi-
tatœ , Padoue , 1 558 , in-4''. ; — 4"-
Picrie-jSicolas Mozzi, auteur d'un
traité De coTitractibns^Wcrnsc, 1 585,
in-fol. — 5^. Kniin le chanoine
comte Louis Mozzi , ex-jcsnite esti-
mé du pape Pie \ I, dont il reçut des
marques d'une bonté particulière.
Le plus connu de ses ouvrages est
[^'Histoire abrégée du schisme de
lu nouvelle église d' i'trecht , pu-
bliée en 1785 , et à laquelle Bossi,
chanoine de Milan . opj)Osa , en
1788. le Catholicisme de l'église
d'Uirechi. L — y.
MOZZOLINO. r. Mazolip^o.
MUD
MUDGE ( Thomas ) , inëcanicien
aiij:;lais, naquit à E\clcr, en i-yo.
Son père, qui était erclesiaslique, et
tenait une école à Bidileford, lui
donna la pr-cmière instruction. Le
jeune Mudgc montra moins de goût
pour l'étude que pour la mécanique ;
et son père , lui voyant des dispo-
sitions extraordinaires pour l'hor-
logerie, le mit, à l'âge de i4ans,
en apprentissage chez Grahaui ,
le plus fameux horloger du temps.
Thomas fît des progrès si rapides
dans son art, que bientôt son maî-
tie lui confia les ouvrages les plus
difficiles tt les plus délicats dont il
était chargé. Après son apprentis-
sage, il commença de travailler pour
son compte. Ce fut alors qu'un des
rueilleurs horlogers de Londres ,
chargé par le roi d'Espagne, Ferdi-
nand VI, de lui faire une montre à
équation, et ne se sentant pas capa-
ble de remplir cette commission ,
tut recours au seul artiste qui pou-
vait l'exécuter : c'était Mudge. L'hor-
loger , nommé Ellicot , ne s'en fit
pas moins honneur de l'ouvrage , y
mit son nom , et en expliqua savam-
ment le mécanisme aux curieux ;
mais avant , par ma heur , dérangé
quelque chose dans le mouvement ,
il fut obligé d'avouer que Mudge seul
était capable de réparer sa mala tres-
se, et que cet artiste était l'auteur d'un
travail si ingénieux. Le roi d'Espa-
gne, grand amateur des ouvrages mé-
caniques, surtout des montres infor-
mé de celle circonstance, s'acl rossa
directement à Mu Ige, et le chargea
de faire, ])ourlui, les ouvrages qu d
jugerait les plus curieux , et d'» n
•iixer lui-même le prix. L'artiste,
-exécuta, entre autres, po^ir ce sou-
-verain, une montre à répétition, qui
indiquait le temps vrai et le temps
moyen : elle sonnait et répétait l'un
MDD 339
et l'autre, ce qui , auparavant, n'a-
vait eu lieu dans aucune montre; de
plus elle répétait les heures , les
quarts et même les minules. Le roi
avait voulu que celte montre fût en-
fermée , sous verre , dans le gros
bout d'une canne, en sorte que, par
des coulisses, il pouvait voir, dans
ses promenades, opérer le mécanis-
me de ce beau travail. Mudge se le
fit payer 480 guinées : ses amis l'a-
vaient engagé à en demander au
moins 5oo ; mais il répondit qu'il
avait calculé strictement le profit
honnête qu'il devait avoir sur un
travail de ce genre, et qu'il ne voyait
pas de raison de surfaire à un
souverain plus qu'a un simple par-
ticulier. Eu 1730, il s'associa Dut-
ton , autre élève de Graham , et ou-
vrit un atelier d'horlogerie. Les An-
glais racontent que le comte de
Bruhl, ayant apporté de Faris une
montre de Berthoud, avec un défaut
que l'auteur même était incapable de
corriger , s'adressa au mécanicien
anglais, qui d'abord ne voulut pas ,
par délicatesse, se charger de l'en-
treprise, et qui ensuite, cédant aux
pressantes sollicitations du comte
saxon , remédia complètement au
défaut de la montre parisienne.
Mudge porta ses vues sur la cons-
truction des montres marines ou
garde-îemps , et publia d'abord, en
Ti']ii5 , ses Pensées sur les moyens
de perfeclionnerlfs montre.^ , j'arti-
culiii emeiit celles de la m urine.
Po'.ir mieux rellcchir sur cet objet ,
si important en Angle eire, Mudge
quilta , en 1771 , son commerce, et
se r.'lira a Plyuiouth, où il employa
plusieurs années a c<)n^truireun gar-
(ie-teiups. Celte montre fut donnée
à l'essai, d'abord à l'observatoire de
Gretunvich , puis au baron de Zach ,
astronome du duc de Gotha, et ca-
3()0 ML'D
fin à l'amiral Caraphpll , qui s'rn
servit fi.iiis un voyage à Tcrro-
JNenvc. Ou la trouva partout d'nun
Ircs-grau'ic préri>iou. Le bureau des
)()iij^iliides accorda au conslnictcur
«lie prime de 5oo livres steiling, en
l'invitant à coilcourir, par ia cons-
truction d'une seconde montre par-
faitement semblable à la première,
an grand prix propose par le parle-
ment. Mudge, au lieu d'une, en lit
deux autres; elles furent soumises à
l'essai de l'aslronome royal. Waske-
lyne fit au bout de l'année, an bu-
reau des longitudes, un rapport très-
satisfaisant ; et il fut convenu que les
montres de Mudgc seraient essayées
aussi sur mer : mais nu nouveau
rapport de l'astronome tendit à
])rotiver, par des calculs, qu'elles ne
soutenaient pas mie épreuve rigou-
reuse : en conséquence, le bureau des
longitudes airéla qu'il ne serait plus
donne suite aux premiers essais. Le
fils de Mudge attaqua le rapport tle
rastronorae, dans nue brochure vi-
\\{\i\éii: Exposé des faits relatifs aux
^arde -temps construits par Th.
jV/iid^e, 1790; Maskelyue y fit une
re'ponse, et cette réponse attira une
réplique de Mudge. L'année suivante,
Mudgc s'adressa au bureau des lon-
gitudes, afin d'obtenir une recom-
pense quelconque pour des gaide-
temps qui, liicn qu'ils n'eusseiU }»as
t'tc jugés dignes du grand prix,
avaient pourtant été reconmis par le
bureau même, supérieurs à ceux que
l'on avait conslriiits auparavant ,
et ne s'étaient ixunt dérangés pen-
(iaut '^0 ans d'expérience. Le bureau
des longitudes ne fut pas favorable
à sa demande; mais Mudge s'étant
adressé, eu I7<)'^, à la ebambre des
rommunçs, en obtint, l'année sui-
vante , une récompense de '25oo
livres sterling.. Outre le pcrfccliou-
ML'D
nemenf des montres marines, on lui
doit l'invention d'un nouvel échap-
pement pour les montres ordinaires.
Le roi d'Arigleterre l'avait nommé
son boilogcr, en 1777 s il s'entretint
plusieurs fois avec cet artiste, qui
devait cette faveur à l'estime que le
roi av.iil conçue pour la supériorité
des talents de Mudge, depuis que lui
seul s'elail montré capable de rac-
commoder une montie très compli-
quée, app;irtenHnt à S. M. ftludge
mourut octogénaire, le 14 novembre
1794 • i' fvail perdu, en i7H9,sa
femme, fille d'un membrede l'univer-
sité d'Oxfoid.IJ en avait eu deux (ils,
dont le j'I'is jeune fut recteur à Lusl-
leiglli ; il sera question derautredans
l'ariicle siii\r.n!. D — c.
MUD'iF, ( WiixiAM ), majir-
gént'rai dans farmée anglaise, fils du
précèdent , né à Plyniouth en 1762 ,
fi't placé, comme cadet, à l'école mi-
litaire de WoolwJcb,ets'y distingua
jiar ses talents. Il servit au dehors
dans rartiilcrie royale , comme ca-
pitaine : à son retour, devenu mem-
bre de Iq^société royale de Londres ,
ii inséra dans les Transactions phi-
losophiques plusieurs Mémoires in-
téressants. Il fut long-temps em-
plovo dans renseignement des ca-
dets , à l'arscnal-militaire royal , et
à l'école de la compagnie des Indes-
Orientales. Il fut aussi l'un des com-
missaires du bureau des longitudes.
Il seconda M. Biot dans ses opéra-
lions pour lu mesure d'un arc du
méridien en Ecosse; mais sa faible
sanîé ne lui permit pas d'accumpa- ^
gner le savant français aux iles Shet-
land ; il le fît accompagner par son
fils, qui avait le grade de capitai-
ne. Mudge coiicouriit à la dcsciip-
tion Irigonométrique de la Grande-
Bretagne; et c'est à lui que ses conic-
pnUioUs doivent en grande parliç
1rs cartes de rlivcrs ronifos , pnLlicVs
rccemnioiit, cl qui se font icmai-'Hicr
par la bi'aulc du coup-d'a-il , cl par
la corroclioii. On trouve dans VE-
dinbuigh Beview de janvier iHoS
( pag;. 37a et suiv. ), nue Molice dé-
taillée de ses travaux, pour le levé
1rigonométrif|nc de l'Anç^leterre et
du pays de (ialles L'académie des
.sciences de Copenhague l'appela dans
son sein; et l'institut de France le
nomma l'un de ses correspondants.
Ce savant olUcicr est mort à Lon-
dres , le 17 avril i8'io. On trouve,
dans les Transactions philusophi-
quesdcii années 1 79.5 , 1 797 el 1 800 ,
le rapport détaille des travaux tri-
gonon)ctriques qu'il avait exécutes
de 1791 à 1799. Z.
MUET ( Kerre Le ). T. Le-
Mur/r.
MUGNOZ ou MUNOZ ( Gilees
DE ), anti-pape , connu sous le nom
de Clément VIII, était chanoine de
Barcelone , docteur en droit canoni-
que, et jouissait d'une certaine ré-
putation de sagesse et de lumières.
Ce fut ce personnage que les deux
cardinaux restés fidèles à l'antipape
Benoit XIII élurent à sa place, en
i4'''-4') d'après le serment qu'ils
lui avaient fait ( Fojcz Benoît
XIIÏ, anti-pape). Clément se fit
installer à Peniscola avec toutes
les cérémonies usitées eii pareilles
occasions. Il prit les ornements pon-
tificaux, fit des promotions dans le
sacré collège, et n'y oublia point son
neveu. Cinq ans se passèrent dans ce
vain exercice d'une puissance non
reconnue, lorsque le roi Alphonse,
q>îi seul la ])rotégcait, s'ctant récon-
cilié avec le pape ftlartin V, envova
deux conseillers à Clément , pour
l'exhorter à se démctUe. L'ai.li-pa-
j)c, qui avait d'abord accejUé .sa no-
Wiuatiou avec répugnance, et qiii cc-
MUG
30 1
pendant semblait s'y être allaché ,
consentit avec assez de docilité à la
demanded'Alplionse. 11 voulut néan-
moins donnerquclq'ie solcnniléà son
obéissance. Comme il ne lui restait
quedciix cardinaux de tous ceux qu'il
avait créés; 11 en nomma un troisième.
Il prit ensuitela thiarcet ses habit.s
pontificaux, monta sur son trône,
environné de ses trois cardinaux., de
ses autres olViciers ; et en présence
d(\sdeux conseillers d'Alphonse qu'il
décorait du nom d'ambassadeurs , il
fit son abdication authentique, cl in-
vita ses cardinaux à choisir son suc-
cesseur. L'clec; ion eut lieu, et le choix
l'.naiiinie tomba sur Olhon Colonne,
ou Martin V. Mufioz se dépouilla
ensuite des marques de sa dignité,
reparut dans l'assemblée , vêtu com-
me un simple docteur; et l'on rendit
grâces à Dieu , de l'issue de cette heu-
reuse journée. La cour de Rome fer-
ma les yeux sur le ridicule et rindc>-
cence de cette cérémonie théâtrale.
On regarda l'événement comme la fia
du grand schisme qui avait désole
l'Église pendant cinquante -un ans.
Gilles de Muùoz reçut son absolu-
tion ; et le pape lui donna l'évcché
de Maiorquc(en xf^iÇ)). D — s.
MUGiNOZ ou MUNOZ ( Sébas-
tien ) , peintre d'histoire , naquit ,
en 1654, à Naval - Carnero , et
fut un des élèves les plus distin-
gués de Claude Coèllo. Chargé, en
partie, de l'exécution des décorations
que l'on fit à Madrid pour le ma-
riage de Charles II avec Louise d'Or-
léans ( 1675 ), il employa le produit
de ses travaux à faire un voyage à
Rome, où d entra dans l'ecule de
Carie Maratti. Malheureusement les
arts du dessin, à cette époque , se
ressentaient déjà de la fausse direc-
tion qui leur avait été imprimée par
les Bernini , les Piètre de Cortoue,
3oi
MUG
clc. En 1684, Muùoz revint dans sa
patrie, aida sou premier maître k
terminer quelques travaux , et se
ren:lit avec lui à Madrid , où
Miinoz ne tarda pas à obtenir un
grand crédit à la roiir , et fut nommé
peintre du roi, en 1 688. Pour justifier
ce titre, il cxcciiîa son beau tableau
de Pijché et l'Amour , et huit su-
jets tires de la rie de saint Eloi,
pour l'église du Sauveur. Mais
son chef-d'œuvre est le MiJrljre de
saint Sébastien, grand tableau peint
sur toile, que l'on a vu au Musée du
Louvre en i8i 4, et que T Espagne
a repris en 181 5. Chargé de retou-
cher, daus l'église d'Atocha , la belle
voûte peinte par Herrcra le jeune ,
IMunoz tomba du haut de l'échafau-
dage, et se tua sur la place, le lundi-
saint de l'an 1G90. 11 n'avait alors
que trente-six ans. Le roi lui (it faire
des obsèques magnifiques. Quoicpie
Mimoz fût un peintre d'un talent dis-
tingué . on peut lui reprocher, avec
justice, d'avoir été l'un des corrup-
teurs du goût en Espagne , en v in-
troduisant les vices qui de son temps
infestaient les écoles d'Italie. Ses
productions se font remarquer par
le fracas de la composition . par un
coloris heurté et visant à l'effet; on y
désirerait d'ailleurs un dessin pi us cor-
rect, plus de noblesse dans le style et
df grandeur dans les caractères. C'est
à ïarragoue et à Madrid , que l'on
voit le plus grand nombre de ses ou-
vrages. — Evariste Ml >oz , peinire
d'histoire , né à Valence , en iG- 1 ,
fut élève de Conchillos : doue de
grandes dispositions et de beau-
coup de fécondité, la fougue de
son génie l'empêcha toujours d'être
correct, et de donner de la noblesse à
ses caractères. 11 avait pris par goût
le métier des armes, qui lui permet-
tait de te livrer à son penchant pour
MUG
la peinture. Il avaitépouscune femme
dont on croyait le mari mort dans
l'esclavage chez les Algériens : ce
mari reparut, et Muùoz fut obligé de
quitter sa femme. Il épousa en se-
condes noces la veuve d'un militaire
que l'on disait avoir été tué à ÎMcs-
sine; mais comme s'il eût été destine'
à voir toujours reparaître un prédé-
cesseur , le premier mari revint
au bout de quelque temps , et
ÎMunoz se trouva veuf de nouveau. Il
tenta encore une troisième épreuve ;
cette fois - ci il fut plus heureux ,
et personne ne vint le déposséder. Il
établit a \'alence une école de dessin,
qui fut très - fréquentée jusqu'à sa
mort , arrivée en i-yS^ : la plus
grande pjrtie d s églises de Valence
possèdeiil de ses ouvrages. P— s.
MUGNOZ ou MUNOZ ( Jean-
Baptistl ) , né en 1 -^45 , à Museros
près de V.dence ( Espagne ) , où il_
tit ses études , se montra supérieur
a tous ses camarades , et fut ensuite
l'un de ceux qii contribuèrent le plus
aux progrès de la philosophie dans
les écoles espagnoles. Dans un des
concours pour la chaire de philoso-
phie en l'univcrsilé de Valence, il
piiblia une dissertation latine intitu-
lée : De recto p'ùlo ophiœ recentis
in theologid usa Dissertatio. Il y
traite de l'i.tilité de la philosophie
moderne p-air les sciences en géné-
ral , et en particulier pour la théolo-
gie,soit naturelle, soit révélée. Ce fut
en 1768, qu'il donna un traité con-
tre les Péripatéticiens , une réim-
piossiondela Logique de Vernet avec
une préface , et une édition des œu-
v.es latines du P. -F. Louis de Gre-
nade, avec des préfaces qu'il mit à la
tète de chaque volume, et parrailes-
quelles on doit surtout remarquer le
morceau qui précède la Rhétorique ec-
clésiastique de ce savant dominicain.
MUG
Miiùoz y trailp de roii};iiic et ties
]iîot;rcs de la rlio'toriqiie cliez les
Grecs et les RoiDiiiiis , des piincipa-
Jes époques de rcloqtieiice tcclesias-
tiqiic,ct des éludes nécessaires pour
l'acquérir. Quelques années après ,
il litpar,iîlre ( 1775 ) une nouvelle
édition du Collectanea moralis phi-
Insophiœ , du luênie relij^ieux, eu le
faisant précéder d'un t rai (éfort estimé
intitulé : De Sciiptorum gentiliuiii
Itcùone et jn'olariaruin disciplina-
rum studiis ad cJtristiamv pictutis
normam exigendis. Trois ans après
il eut une querelle litiérairc avec le
P. Cesareo Pozzi , commensal du
fardinalCiolonna , alors nonce en Es-
pagne : Pozzi avait publié en italien
uu Essai sur l'éducation des cou-
vents ( Saggio di educazione claus-
trale ); ce fut le sujet de l'opuscule
de Munoz ayant pour titre : Juicio
tîel tratadodd M. R. L. D. Cesa-
reo Pozzi ; la eôCribia par el honor
de la literatura er,panola D. Juan
n. Munoz ,1778, in-8'\ Le P. Pozzi
pour la défense de son livre , fit im-
pritoer à Perpit;nan une Apolo'^Ja.
De son côté, Munoz avait pris la
plume, et déjà même avait composé
une réplique ; mais il la garda en
porte-fcuJHe. Il avait été appelé à
la place de cosmograplie en chef
des Indes et à celle doificial de
la secrétairerie d'état et dépêches
générales du même dép irteraent. Il
reçut la commission d'ccriie nue
Histoire de l'Amérique : pour la
remplir dignement , il voyagea pen-
dant plusieurs années , visitant les
archives de Simauca-, de Séviile,
de Cadix , de Li.^boune . et recueil-
Jit uu nombre immen.^e de pièces
inconnues , de lettres originales de
Christophe Colomb, de Pizarre , de
Ximenès , etc. Cavanillcs dit que
i'C5 pièces formaient cent trente vo-
MLG 363
lûmes. C'était vers 1780, qu'il avait
commencé ses recherches; ce ne fut
qu'en 1793 , qu'il donna le premier
volume de son Ilisloria del nuevn
mundo, in-8''. , le seul qui ait vu le
jour. L'auteur rend compte des événe-
ments qui ont eu lieu jusqu'aux pre-
mières années du seizième siècle. Il
parutà!\Iadrid,une critique de ce vo-
lume : on V accusait Miifioz de pla-
giat, comme s'il avait pu se dispenser
de consulter ses devanciers, et ne pas
être d'accord avec eux sur plusieurs
points: ou lui reprochait amèremeiît
une faute d'impicssion I Au reste on
n'altacpia pas le fond de l'ouvrage, qui
fut même traduit en allemand , avec
des notes , par K. Sprengel (^Weimar.
179J. in-8'. ) ; et en anglais ( Lon-
dres , I 797 , in-8'^. ) Au milieu de
ses travaux , Muîioz se vit arrêté par
de fréquentes fluxions à la tête et à la
gorge. Ce ne fut qu'au bout d'un an
que sa santé se rétablit, 11 avait re-
prisses travauxdepuisqaelques mois,
et était sur le point de publier deux,
nouveaux volumes qui auraient con-
tenu, l'un la fin du règne de Ferdi-
nand leCatnoîiune ( i5iG), et l'au-
tre des pièces justificatives, lorsqu^u.e
attaqtie d'apoplexie l'enleva , le 19
juillet 1799. Outre les ouvrages dont
il a été fait mention, on a encore de
lui , Elrjgio de Antonio de Lehrija^
1796, iu-S*". ( F. A>Toi>E de Le-
biija, II, 280). dont Chardon Laro-
chettea rendu compte dans le Ma-
ga in encyclopédique , troi^ièmc
année, tome m. p. i8i-v>.oi. 3Funoz
avait commence dos Institutions phi-
losophiques , en latin : Sempere v
Guarino-^. qui en avait vu plusieurs ca-
hiers relatifs à la logique, dit qu'en
1787 , les travaux littéraires et les
fonctions de l'auteur ne lui avaient
pas permis d'achever cet ouvrage ;
il est dcutenx qu'il ait pu le rrpren-
0(14.
?!L"G
(ire. Il existe en espagnol , sous le
ujin irAiitoine Miiiio/., un Discurso
sobjela economia polilica, IMadrid ,
i^-jç), in 8''. ; mais Scinperc y Giia-
liuos pense que l'auteur de cet écrit
a pris un non supposé. A — B — t.
MUCIIKT DE NAMHOU (Fra.n-
çois-FtMX-HvAciMHK) , député à
rassemblée ronstiluauîe , né à Bc-
sinçon en i-^Oo, était fils d'un des
premiers ncç^ociants de la Fianclie-
Comlc , connu par des services Irès-
èmineiifs rendus à la province. H fit
ses éludes , à Paris, au collc'ffc d'Har-
court, et, après avoir reçu ses pre-
miers grades , fat pourvu succes.-i-
vcmeut de la charge d'avocat du
roi et de celle de lioulenanl-général
au bailliage de Grai. Il se distingua,
lors des émeutes de 17B8, par sa
fermeté, et appuya de tout son pou-
voir les mesures adoptées par le
parlement. L'estime que lui avait
méritée sa condr.ite le fit élire député
aux étals-généraux par le grand-
b=iiliiage- d'Amont. Il se lia bientôt
avec les membres de l'assemblée qui
voulaient l'ab olilion des privilèges ,
ainsi que la réforme des abus , signa-
lés dans les cahiers de doléance , et
adopta franchement les principes de
la révolution. Nommé inembre du
comité des recherches , il ne piarut
guère à la tribune que pour ren-
dre compte des événements malheu-
reux qui se succédaient sur tous les
points du royaume, et pour provo-
quer des mesures contre les auteurs
des troubles. D'une santé délicate,
qui ne lui permettait aucune appli-
cation soutenue, mais doué d'une ra-
re facilité , ?ilnguel ne parlait pres-
que jamais q!;e d'abondance, ou si:r
des notes rédigées au courant de la
plume. Il appuya , en i'yf)i , la loi
rendue contre l'émigration: à l'épo-
que du départ da roi, il fut l'on des
MUG
commissaires chargés de veiller an
maintien de l'ordre dans Paris. Il fit
mander à la barre M. deMontmorin,
pour domier des explicatiojis sur le
passeport dont le roi s'était servi;
appuya vivement les raisons présen
técs par le ministre pour sa justili-
calion, et fit décréter qu'il n'avait
pas cessé de mériter la confiance
de l'assemblée, décret (ju'il fil por-
ter sur-le-champ à la cor.naissauce
du peuple qui cntouiait l'hôtel du
ministre dans une attitude mena-
çante. Muguet demanda que des re-
compenses fussent décernées à tous
ceux qui avaient contribué à l'ar-
jcslation du roi; et il fit un rap-
port , au nom des comités réunis ,
sur les chefs militaires soupçonnés
d'avoir favorisé son départ. A la fin
de la session , il fut nommé juge
d'un des tribimaux de Paris; mais
il pria les électeurs d'agiéer sa dé-,
mission , et se retira dans une terre
qu'il possédait à Soing près de Grai ,
décidé à ne plus prendre de part ans
alfaires publiques : il y vécut dans
la retraite la plus profonde, s'intcr-
disant toute espèce de correspon-
dance. La levée extraordinaire or-
donnée eu i-jf)'^ , ayant éprouvé à
Grai des obstacles qui pouvaient at-
tirer des mesures rigomeuses contre
celte ville , Miiguet n'hésita pas à
se faire inscrire le premier pour par-
tir , et son excniple entraîna une
foule de citoyens : mais les autorités
crurent devoir s'opposer a sou dé-
part; et il fut nommé commandant
de la gai-de nationale de l'arrondis-
sement. 11 donna sa démission an
bout de trois mois ; et sa sauté qui
s'aff iiblissaiî , ne lui permettant pas
de faire uu service actif , il de-
manda à être employé dans les ad-
ministrations de l'armée. L'obscu-
rité a laquelle il k'était condamné ,
iMur.
ne put le sonslraiic aux persécu-
tions qui s'attacliaionl de [ircfc'rence
aux conslitu^iuts. Deux fois il fut ar-
rête , en I ■^ç)^ , par l'ordre des coiu-
missaircs de la Coiiventioii ; et il ne
dut la liberté et la vie (|u'à la fer-
înclc de son caraetère. Nomme , en
i'y()B, député au conseil dos Cinq-
cents , par le département de la
Haute -Saône, il refusa celte mis-
sion. Il résista é|:;;alement à toutes
les clïres qui lui furent faites de la
paît du ])remier Consul , et n'accepta
que la place de maire de Seing, qui
lui dut des améliorations utiles dans
sa culture. En s'occupant à procurer
à cette commune des eaux de source ,
il fut saisi de la fièvre, et mourut ,
victime de son zèle, en mai 1808, à
l'âge de 47 -t-s. W — s.
MUHL EN F ELS ( Jea>-He.xri
DE ) , alchimiste charlatan , exjiloita
fort habilement le champ de la
crédulité humaine, à une époque où
le défaut général de connaissances
mettait en crédit les soi-disant pos-
sesseurs du grand-ceuA^'e. Son nom
de famille était Millier : il naquit
vers iSng , à Wassclonne , en Alsa-
ce , et fut d'abord barbier à Eslin-
gen ; il alla ensuite à Breslau , puis
à Florence, où il passa six mois , et
fit connaissance avec Daniel Rapold ,
fameux alchimiste, qui lui vendit
plusieurs de ses secrets. Mùiler, qui
manquait de tout, emprunta l'argent
dont il avait besoin, au maître-d'hô-
tel du rhingrave Christophe de
Stein , en s'engageant à le payer par
ses services. Muni de secrets mer-
veilleux , il revint en Allema-
gne, et alla d'abord à la cour de
VVùrtemberg , où il parait qu'il ne
produisit pas beaucoup d'effet ; mais,
après d'autres courses inutiles , sa
bonne étoile le conduisit à Prague,
où l'empereur Rodolphe II tenait
ML* H
365
%n cour. Ce prince , qui avait pli;s
de zèle pour les seioiices que de
connaissances réelles , e'tait sans
cesse entouré de charlatans et d'em-
piriques; et il suflisait de lui pro-
mettre quelque chose d'extraoïdi-
u.iire pour attirer son attention.
Mùiler se fit présenter, et, par toute
sorte de tours de passe-passe, ac-
quit beaucoup de crédit sur l'cs-
]>rit de Rodolphe. 11 prétendit, en-
tre autres , posséder uu secret qui
le rendait invulnérable , et se fit
plusieurs fois tirer des couj^s de
pistolet ])ar son domestique , en
jJiésence de l'empereur. Rodolphe,
émerveillé, combla Mùiler de pré-
sents , et l'anoblit sous le nom de
Miihlenfels. C'était un appât bien
séduisant pour tenter de nouvelles
aventures. IMùhlenfels court à Nu-
remberg; il annonce au rhiugravc de
Stein, qui était riche et aussi crédu-
le qu'il pouvait le désirer, que le se-
cret de la pierre philosophale lui a
été euseigué sur les frontières de la
Pologne, par uu célèbre alchimiste:
il ajoute qu'il a fait de l'or à Rres-
lau, où il en a vendu aux orfèvres
pour plus de 3ooo florins; à Prague,
pour plus de 18,000 en présence de
l'empereur , qui , par reconnaissan-
ce, l'a anobli; enfin, que, par souve-
nir de son ancienne amitié pour
Stein, il veut en peu de temps lui eu
faire pour plus de 10,000 : mais il
lui faut une avance de 6000 écus de
Hongrie. Stein , ébloui , lui donna
/|5oo écus, et une chaîne qui valait
5oo florins. Mahlcnfels , bien luiude
lui faire de l'or , s'échappa sans bruit
de Nuremberg, et muni d'argent,
décoré de la chaîne, il ne lui fut pas
diflicile de se faufiler avec les per-
sonnes du plus haut rang, et d'eu
faire ses dupes. 11 trompa d'abord ,
k Prague , un colonel , qui était au
3GG
i\:uii
M rvice du inaîG;iavc(l'Anspach : rc-
liii-ci l'introduisit auprès de son soii-
Acraiti, eu i()o>,. Miililcnfels répéta,
devant ce priiirc d sou successeur
prësouiptif, rcxpiricnce de faire ti-
rer SIM lui. Ce dernier le uicna au siè-
ge d'Ostendc , et, de retour dans ses
e'iats, le fil travailler au grand-œu-
vre. L'adepte lui escroqua plus de
3o,ooo e'cus sans rien produire,, et
sut si bien entretenir le prince daiis
des dispositi;iHs favorables, que ses
yeux ne s'ouviaient pas. En lOoj,
Mïddeut'els dupait le d'.ic de Wur-
temberg, et d'un antre côte vendait,
à qui en voulait , de sa teinture d'or :
indépendamment des p.irticulicrs ,
le roi de Pologne, les électeurs de
Saxe et du Palatinat , et le prince
d'Anhalt , lui en achetèrent pour
360,000 écus. Gagnant de l'argent
.si aisément, Mïdiicnfels le dèjjcnsail
de même , afin de convaincrelc mon-
de que son creuset était une mine
inépuisable. Le duc de Wurtemberg
conçut quelquefois des soupçons :
l'impudence de Muhlcufels sut les dé-
truire ; elle alla jusqu'à faire tinr
du pied d'un chêne une somme de
lao, 000 écus qu'il prétendait avoir
découverte par la force de son art ,
mais qu'il y avait fait enterrer. Ses
jongleries devaient avoir leur récom-
pense. Sendivog, fameux adepte po-
lonais, étant venu à Stullgard , le
duc conçut bientôt pour lui plus de
considération (|ue pour Mïdiicnfels ,
parce qu'il était j>lus habile mani j)U-
lateur ; et il vouhit le retenir auprès
de sa personne , par les cflics les plus
brillantes. Muhlenfels prévoyant que
ce Polonais ne tarderait pas à le
remplacer dans la confiance du prin-
ce , résolut de se débarrasser de lui.
Il feignit donc un attachement ex-
traordinaire pour Sendivog , parvint
à l'alarmer sur les inteutionsduduc,
MUI
l'aida à s'enfuir pour le dérober .i'!x
mauvais desseins de ce prince, cpii ,
disait il , vo\ilait lui arracher ses se-
crets par la force des tourments ; et
il le conduisit à Nidlingen, où il le fit
meltre en prison, en trompait le
bailli. On pn-tend même qu'il essava
de s'emparer par violence de ce que
possédaitSendivog,et, entre autres,
de ses papiers. Le malheureux Po-
lonais ne se soucia pas d'attendre la
fin de l'alïaire; il trouva le moyen de
sortir de captivité, retourna daiK^
son pays, où il raconta son aventu-
re, et écrivit même à Vienne, pour
se plaindre. Mùhleiifels, aux aguets
fit enlever les dépèches adressées au
duc par plusieurs magnats de Po-
logne : mais celles delà cour imj)c)ia-
le décillèrent les yeux de ce jiiince.
jMùhlenfels fut arrêté; il avoua dans
son interrogatoire toutes ses fripon-
neries. On sut qu'il avait l'adresse
de faire enti'er un homme affidé',
dans les laboratoires, soit en le ca-
chant dans uu colfre, soit par le
moyen de fausses clefs , et de meltre
ainsi de l'or et de l'argent da^is lef
creusets. Une autre fois, d avait fait
percer uu trou dans la cave d'une
maison voisine de celle où l'opératioa
s'etlectuait. Les juges condamnèrent
Miihlenfels à être pendu: il deman-
da instamment à être décapité; mais
on le considéra comme uu voleur
qui avait employé la violence , et ii
fut, au commencement de i6o'j, at-
taché à un gibet en fer, élevé quel-
ques années auparavant pour un au-
tre fripon du même genre. Miihlen-
fels n'a rien écrit. E — s.
MUIS ( SiMLON Marotte de),
savant hébra'isant, né à Orléans,
en i58- , devint chanoine et ar-
chidiacie de Soissons. Eu i6o4 , le
l'oi le nomma à la chaire d'hébreu
au collège royal. Il mourut eu iu44-
MUI
Doue d'un bon jugement , il roti-
Ufùssait à fond les do-^^nies et l'Iiis-
toircdela rdi^;iou.ISiihiulie,eiiFr;iii-
ce, n'a joui d'iun' j)lns liante re'pnla-
tion de science d.ms la langue lie-
biau[uc et dans le rahhinisnie; nul
ne l'a mieux nic'nteo. Sun style pur,
net et facile, se l'ail et^aienient re-
maïquer par nne grande fuicede rai-
sonnement dans la pulemitjuo. Nous
avonsdclui;I./K HsalinitiiiMxtriuiii
erudilissiiiionua rablniioruin com-
ment arii hcbrai ce citiii lalind inter-
pretaliune ,Vans, 1610, in-S". Cet-
te traduction des commenlaires de
David Kimclii ,d'Abcn-Ezraetde Sa-
lomon Jarciii, sur le psaume dix-
neuvième, dédiée au cardinal de la
Rochefoucauld, n'est point insérée ,
non nîus que la suivante , dans !a
collection des œuvres de IM:;i.'i. II.
II. Davidis Kimchi connneniaiui
m Mahchiam , hcbr. et lat. , Pa-
ris , 1618. iu-4". in. liellarinini
instiliUiones hebraïcœ , Paris, iG'ri,
in-8 '. Cette édition de la Gramiiiai-
re hébr.deB;'l!arininestsui\ied An-
Hotalions sur le psaume 34- IV.
Commenta lus litteralis et hislori-
cus in oinnes Psalni'js Duvidis et
selecta veteris Teitamenti cantica,
Paris, i63o, in- foi., dans la collec-
tion publiée par Claude d'AuvergiiC,
Paris, i65o, in-fol., et Louv^ain,
1770, in - 4°- , 3 vol. Déjà, en
iiii5 , Muis avait fait paraître
les cinquante premiers psaumes, Pa-
ris, in-8*'., comme un essai. Ce cotn-
inentaire des psaumes est sans con-
tredit le medleur qui existe. C'est le
jugement de Bossuet,dans une lettre
au père Mauduit de l'Oratoire ( édit.
de Versailles ,tome 3i , page 47 i ) •
« Parmi les catliolif|ues, dit l'illustre
» prélat, Muis emporte le prix, à
» mon gré, sans comparaison. » C'est
aussile jugement de Godeau évêqucde
MUI 3G7
Vence ,dc Gassendi , de Voisin et de
presque tous les iulei prêtes. Richard
Simon ,qui n'aimait point àlouersans
restriction , convient d'aboid cjuç
IVIuis a réussi dans son dessein prin-
cipal, qui clait de s'attachera la let-
tre et à la gianimaire; mais il ajou-
te : « On pourrait retrancher de ce
)) conimcMl.iire plusieurs choses qui
» le rendent l.inguiss.int; en im mot,
» il n'est pas assez châtié ( Histoire
critique du Vieux-Testauient, pag.
4'i5 ). » V. As::eriio veritatis he-
braiciS ad^'ersàs Joanins Morini
exercitatimes in ut; unique Saniari-
lanorum pentateuchum , Paris, i 63 1 y
in-8^. VI. -Jssertio veritatis hehrài-
cœ altéra, Paris, i(i34> in-8°. VII.
Castigatio animadversiomtm Mori-
ni in censurnni E.iercitalionwn ad
Fentateuchuni auniaritanum , seu
veritatis htbraïcœ Assertio tertia^
Paris, i63g, in-80. Le père Morin
de l'Oratoire avait fait paraître, en
i63i , ses Exercitaliones, dans les-
quelles il n'oubliait rien pour dimi-
nuer l'autoritédu texte hébreu d'au-
jourdhui, et pour relever celle du
Penlatcuque samaritain et de la ver-
sion grecquedes Septante. De Muis ,
dans le premier de ces trois traités,
entreprit de défendre le texte hébreu,
et de répondre aux propositions du
j)ère Morin ; et comme le docte ora-
torien persista dans ses opinions ,
Muis fit paraître successivement les
deux autres. Ils peuvent être d'une
grande utdité contre les erreurs du
P. Morin , suivant Richard Simon et
le père Fabricy, quoique l'auteur
soit tombé dans l'extrémité opposée,
en attribuant à la M ssore des pri-
vilèges qui ne lui conviennent point,
et qu'il n'ait pas toujours compris le
sens de son adversaire. Ils se trou-
vent dans le deuxième tome de la
collection des OEuvres de Muis ,
368 MUI
Paris, i05o. VIII. Varia sacrx
variis è rabhinis conte it a, Piiris,
itt34 » in-8'^.; à la suite de VAsserlio
veritatis hebràide altéra , dans le
tome VII des Critii sacri, el dans
le tome ii de la collection de i65o.
C'est im recueil de ce que les rahhini;
ont dit de meilleur sur les endroits
les plus dilîiciles duPentaîeuque,du
livre de Josné et des premiers cha-
pitres du livre des Juges. De IMuis
s'était exercé dans la poésie liébrai-
que ; et Bourdelot a recueilli une de
ses pièces , Paris , i G 1 9. On lit dans
V Abrégé de la vie da D aillé , que
ce ministre ayant écrit en laveur des
protestants , sur le dernier verset du
psaume 20, de Muis lui répondit
pour soutenir riiilerprcte latin. Il
est question de quelques autres de ses
opuscules, dans les Mémoires àc^v-
ceron, dans Moréri et dans le Gai-
lia orientalis de Paul Golomiès.
L B £.
MULEY-ABDALLAH, empereur
de Maroc , de la dynastie rén;nanlc
des chcryls-filely , et fils de Miiley-
Ismaël, succéda , en 1729, à son
frère Muley-Alimed-Dehaby , par les
intrigues el les largesses de sa mère,
qui le lit venir de Tafilet à ftlekinez.
Ce prince avait montré quelques bel-
les qualités avant de parvenir au
trône. On rapporte un trait singu-
lier de sa clémence el de sa justice.
Un esclave portugais , l'ayant volé
deux fois , avait deux fois obtenu sa
grâce; il revint encore à récidive ,
prit des pistolets d'arçon à son maî-
tre , et en substitua d'autres moins
riches. Abdallah s'aperçut de cet
échange, pressa l'esclave d'avouer sa
faute , promit de lui pardonner de
nouveau , et lui offrit même de l'ar-
gent pour aller racheter les pistolets ,
s'ils étaient vendus. Irrité des im-
pudentes dénégations de l'esclave ,
MUL
il lui cassa la tête d'un coup de fu-
sil. Il alla cnsuilc au couvent des ré-
collets de IMekinez , exposa le fait
au père-gardien , sous des noms sup-
posés , et lui demanda quel châti-
ment on infligeait chez les Chré-
tiens à un esclave qui aurait volé
trois fois son maître: ayant su qu'on
le punissait de mort, il ajouta qu'il
avait tué le sien. Le religieux lui fit
observer que sa précipitation n'a-
vait pas laissé à ce malheureux le
tcmj)s de se repentir, et causerait
peut être sa damnation. « Tant pis
» pour lui s'il est damné, reprit le
» prince; les voleurs méritent de
w l'ctrc. » L'élévation de Mule)- Ab-
dallah changea son caractère ; il
devint aussi injuste, aussi avare,
aussi cruel qu'il avait été jusqu'alors
équitable, généreux et humain. Mal-
gré la conduite circonspecte du fils
d'Ahmed- Dehaby , il le dépouilla
de tous ses biens, après l'avoir pri-
vé du trône , le fit arrêter deux
fois ; et i! l'eût sacrifié à sa sûreté ,
si ce jeune prince n'était parvenu
à se sauver. La ville de Fez n'ayant
pas voulu reconnaître Abdallah , il
l'assiégea, la prit d'assaut, fit pas-
ser la garnison et une grande partie
des habitants au fil de l'épée ; et 011
ne le dissuada de la détruire de fond
eu comble , qu'en lui faisant crain-
dre de s'attirer les malédictions du
ciel, cette ville ayant été fondée par
Edris , l'un de ses ancêtres , dont le
tombeau y était en grande vénéra-
tion [F . Edivis,II, 536). Il ne laissa
pas d'en faire raser les murailles.
Ce fut auprès de Muley- Abdallah
que se retira, en fjS'i , le duc de
Ripperda , disgracié par la cour de
Madrid , et dont les intrigues en-
gagèreot ce prince dans des guerres
ruineuses et malheureuses, tant pour
secouiir Grau, que pour recouvrer
MTIL
Ceula ( ^.RiPPERUA , cl Philippe V,
roi d'Espagne). Miilcy-Abilallah uc
manquait pas de courage cl d'acti-
vité ; mais , fougueux, imprudent ,
téméraire, il échoua dans presque
toutes SCS expéditions, et répandit
le sang de ses sujets pour se venger
de ses revers. « Mes sujets ( disait-
il à sa mère , qui lui reprochait sa
barbarie ), » n'ont d'autre droit à la
» vie que ma volonté; et je n'ai
» pas de plus grand plaisir que celui
» de les tuer moi-même. » En efïét,
non content d'assister aux exécu-
tions , il trouvait souvent que les
bourreaux s'en acquittaient mal, et
leur montrait comment il fallait s'y
prendre. Le général du corps des nè-
gres, pour échapper à son ressenti-
ment, s'était réfugié dans un asile.
11 en sortit sur la parole du tyran ,
qui avait promis de lui pardonner.
Revêtu du drap du sanctuaire , il
parut devant ce prince , qui , après
avoir baisé religieusement l'étoile sa-
crée, en dépouilla l'infortuné géné-
ral , le perça de sa lance , et deman-
da une coupe pour boire son sang.
Son premier ministre le détourna
de ce dessein , «n lui représentant
que ce breuvage était indigue d'un
monarcjue, et eu offrant de le boire
à sa place. Ce prince , pendant les
premières années de sou règne , fut
le jouet des caprices de la fortune,
de l'inconstance des peuples , et de
la cupidité de ses soldats , quoique ,
pour les satisfaire , il se fût livré
à des prodigalités bien étrangères
à son caractère. Déposé cinq fois
et remplacé par quatre de ses frères,
avec lesquels il fut continuellement
en guerre , il demeura enfin paisible
possesseur du trône , pour la sixiè-
me fois, vers i']^'^. Instruit par
l'expérience, il résolut d'affaiblir le
corps des nègres , qui avaient épui-
INUJL
3-ru
se l'éta! par les révolutions qu'ils
avaient causées. Voulant les rendre
odieux dans les provinces , il leur
suscita de fréquentes querelles avec
les montagnards , et envoya des
troupes au secours de ces derniers.
Par cette politique barbare, il anéan-
tit l'infliieuce que cette milice tur-
bulente avait usurpée. L'empire jouit
alors de quelque tranquillité , ji!S-
qu'à la mort de Muley - Abdallah ,
arrivée le i'2 novembre 1757 , dans
un palais qu'il avait fait construire
à Fex , où il passa les dernières an-
nées de sa vie. Auparavant il rési-
dait alternativement a Mekincz et à
Maroc , aux deux extrémités de ses
états. Les vicissitudes qr.e ce prince
avait éprouvées, loin de le corriger,
l'avaient rendu pins sanguinaire. 11
régna par la terreur. 11 ne passait
pas de semaine, de jour peut-être ,
sans immoler quelque malheureux
à sa fui'eur ou à ses caprices. Aussi
féroce , aussi bizarre que son père
Ismaël, il se montra quelquefois
moins avare , moins superstitieux;
il fut plus accessible aux. Ëurojiéens.
11 conclut la paix avec les Anglais
et les Hollandais; il autorisa plu-
sieurs établissements de commerce
dans ses états. Quoique dur et
cruel envers les esclaves chrétiens,
il ne leur refusait ])as la liberté ,
moyennant une rançon ; et il v
eut plusieurs rachats de captifs
sous son règne. Dans ses cruautés ,
on distinguait quelques principes
de justice. Un alciude , condamné
à mort , odiit tout son bien pour
sauver sa vie. « Ton bien est à tes
« enfants , lui dit le monarque;, tu
» es seul coupable, tu ])criras. » La
fcrocitéde Muley- Abdallah semblait
provenir d'une humeur atrabilaire
et de l'agitation de son sang. Il
pi-éscuta un jour iiooo ducats à uu
370 MUL
de ses gens , et le pressa de s'cloi-
gner pour se soustraire à ses fu-
reurs. Cet ofTicier ne voulut pas
quitter son ra.utre, qui le tua dans
une autre occasion , en lui repro-
cliant de n'avoir pas suivi son
conseil. Ayant couru risque de 'c
noyer, il fut secouru pa. un nègre
qui se félicitait de l'-.voir relié de
l'eau, lorsque ce pruice lui enditia
tête d'un coup di; sabre . en disant :
« Voyez ce ci ien qui c ait que Dieu
» a liesoiade lui pur sav.veruuche-
» r}f. )> Sans manquer p^ibliquemenl
aux pratiques de l'islainisine , il res-
pect.dt peu !cs prejiigës populaires.
11 lit périr plusieurs Maures eu répu-
tation de saiiilcté : l'un d'eux ayant
pre'tcn iu être envoyc' [lai- le pro-
phète pour J'exliortcr a cliangcr de
conduite : <• Le proplii te , repondit
» Abdallah , l'a t-il dit comment je
5) te recevrais ? Il m'a assure', re'-
» pliqua le santon, que vous seriez
» touché de mes avis , et que vous
» en feriez votre profit. » — Il t'a
trompé, dit l'empereur, en le cou-
chant par terre d'un coup de fusil ;
et, pour punir son audace, 11 dcfeu-
dit qu'on l'enterrât. Livré à des goûts
infâmes, ce monarque n'eut que deux
fils, l'un, qui périt dans les guei'res
civiles ; l'autre , Sidy-Mohammed ,
qui gouverna l'empire pendant les
deux dernières années de son père ,
auquel il succéda. A — t.
MULEY-ABDELMELEK, roi de
Fez et de Maroc , de la première
dynastie des Chcryfs , avait servi
dans les armées othomanes avant
de parvenir au trône. Après la mort
de son frère Abdallah, l'an 981 de
l'hég. (1.574 de J.-C. ), Mulcy Mo-
hammed al Monthascr , fds et suc-
cesseur de ce dernier , sacrifia
jusqu'à SCS propres frères à une po-
litique barbare. Abdelmeîek , crai-
MUL
gnant d'éprouver le même sort , se
révolta; et, secondé par son frère
Muley-Ahmedet par les secours que
lui envoya Ramadhan, pacha d'Al-
ger, il iivia batiiille à sen neveu,
en 984 (1576) remporta sur lui une
victoire décisive, quoique avec des
forces très-inféiieures , et deuieura
maître du royaume. Mohamnied eut
recours à la protection des Chré-
tiens , qui possédaient plusieurs pla-
ces en Afrique. Il ne put rien obte-
nir des Espagnols ; mais il fut plus
heureux auprès des Portugais , aux-
quels il promit les p(jrts d'Arzille et
de Larache , s'ils l'aidaient à recou-
vrer ses états. Dom Sébastien , leur
roi , saisit avec ardeur cette occasion
de se signaler contre les infidèles.
Après deux années de préparatifs,
il parvint à rassembler une année
de io mdle hommes , débarqiia en
Afrique , près d'Arzille , le 29 juillet ,
1578, et vint camper, le 4 ^oût
suivant, dans les plaines d'Al-Caçar-
Kcbir. Muley-Abielmelek essaya en-
vain d'acheter la neutralité de ce
prince imprudent, par les offres les
plus avantageuses. Éh bien ! qu'il iC
perde, s'écria-t-il, irrité de ses refus.
Le monarque africain, atteint d'une
maladie dangereuse , et porté daus
une litière , après avoir pris les
mesures les plus sages pour mainte-
nir la tranquillité dans sa capitale,
s'avança contre l'ennemi , à la tête de
5o mdle hommes , et donna ses or-
dres en grand capitaine. Le roi de
Portugal cond^atdt en soldat. Ses
troupes , accablées par le nombre, et
enveloppées de toutes parts , furent
taillées en pièces. La fanjeuse ba-
taille d'AI-Caçar eut cela de re-
marquable, q'ie trois rois y perdi-
rent la vie. Sébastien demeura au
nombre des morts. MuleyMoham-
med , qui était venu joindre ce prince
MUL
avec 800 cavaliers, se noya dans sa
fuite ; et Mulcy-Abdclmclck , ayant
voulu monter à cheval pour animer
ses soldats, sentit ses forces défail-
lir , et fut reporte dans sa litiè-
re, où il expira, eu mettant le dnigt
sur sa bouche , afin de recommander
à ses gardes de cacher sa mort, dont
la nouvelle pouvait empêcher son
armée de remporter une victoire
complète : mais les auteurs ara!)es
disent qu'il mourut de joie. Ce pi in-
cc , qui , pendant un règne de deux
ans , avait su mériter l'affection de
ses sujets , eut pour successeur son
frère Muley-Ahmed Labass, qui fut
proclame' roi sur le champ de ba-
taille. A — T.
MULEY - AHMED DEHABY ,
empereur de Maroc , fils et~ succes-
seur de Muley - Ismaël , en 1727 ,
prit , avant que ce monarque eût ex-
pire , toutes les mesures nécessaires
pour s'assurer le trône , auquel sou
père l'avait appelé. Reconnu à Me-
kinez , il commença son règne par
im acte de clémence remarquable
dans un prince musulman et africain.
Il pardonna à son frère Abdallah ,
qui , après avoir tenté de s'emparer
de celte ville , avait eu la confiance
de se livrer à lui. Mais Ahmed n'en
fut pas moins un prince aussi inca-
pable qu'indigne de régner. Généreux
par politi(jue, mais avare comme
son père, s'il diminua quelques im-
pôts , il dépouilla de leurs bijoux les
femmes de ce prince. Féroce et dis-
solu, il eut bientôt dissipé les trésors
que son père avait amassés. Attaqué
par Abdelmelek, un autre de ses
frères , il lui opposa Mulev-Aly, son
frère utérin, qui fut taillé en pièces.
Le vainqueur fut reconnu à Maroc ,
dans tout le midi , ainsi qu'à Fez et
à Tctuan ; mais les nègres qu'il n'a-
vait pas su ménager, l'ayant défait
INIUL ' 371
dans une embuscade , le faux bruit
de sa mort releva le parti d'Ahmed.
Fez se soumit j et les Arabes ren-
trèrent dans le devoir. Abdelmelek
olli it la paix, et demanda la moitié de
l'empire, des trésors , des chevaux,
des arsenaux. Ahmed aurait acheté
à ce piix la liberté de se plonger
impuuémcut dans la crapule et la
ciuaulé : ses luiuistrcs l'eu détour-
nèrent ; et il continua de souiller le
trône par toutes sortes d'infamies et
d'horreurs. Passionné pour les plai-
sirs de la table, et ne trouvant point
assez de variété dans les mets en
usage chez les Maures, il choisit,
parmi ses esclaves chrétiens , quatre
cuisiniers de quatre nations dilTé-
rentes , et les chargea de lui apprêter
les mets de leurs pays. Pour se dé-
rober à sa fureur, on n'avait d'autre
ressource que de l'enivrer : car sou
ivresse était moins dangereuse que
l'usage de sa raison. Un jour il pi-é-
cipite un esclave du haut d'une ter-
rasse, pour avoir trop pressé le ta-
bac dans sa pipe ; étant à la chasse ,
il en fait périr un autre qui n'avait
pas assez tôt amené ses chiens. Il
fait arracher les dents à une de ses
femmes, et lui envoie, pour la con-
soler , les dents de l'exécuteur de
cet ordre; couché auprès d'une au-
tre de ses favorites , il lui coupe le
bras en s'évcillant, parce qu'elle avait
osé le passer au cou de son empereur.
11 abuse des femmes de ses sujets ,
et, par une atroce jalousie, il .les
condamne ensuite à mort, avec leurs
maris auprès de qui elles étaient
retournées. Ou se soulève contre lui,
on l'arrête ; et l'on proclame soa
frère Abdelmelek, en mars 17-^8. Le
premier eunuque , frustre dar.s son
espoir de posséder seul la confiance
du nouveau souverain, entreprend
de le renverser du trône. Pour prc-
•24 .
372 MUL
venir les suites de ce complot, Abdel
melek ordonne à son fiLs de faiic cre-
ver les yeux au prince délrôué, qui
était relégué à Taiilel. Sou secret
est trahi. Muley- Ahmed s'évade de
sa prison , et s'enfuit dans les déseï ts.
Ab lelmclek, ennemi juré des nègres,
irrite ce corps redoutable. Ahmed,
rappelé , s'empare de Mckinez , par
trahison , et lait clouer vifs aux
portes de la ville les principaux au-
teurs de sa disgrâce. Son frère s'é-
tait sauvé à Fez : il y est assiégé ; et
les habitants, pressés par la famine,
obliennent Iru grâce eu le livrant
au vaiucpieur. Mu]ey-Ahme<l le traite
quelque temps avec douceur ; mais ,
a'taqué d'une hydro[àsie, fruit de
son intempérance, il le fait étran-
gler, et expire lui-même six jours
après , le i'>. mars ly'iQ. Il eut pour
successeur son frère Muley-ALdal-
lah. Dins les derniers temps de son
règne, il s'était occupé d'embellir
son pilais de Miiror; il en avait doré
tout l'intérieur , décoré de glaces les
plafoi.ds, et onié les principales
salles , de grands bassins de marbre,
où coulait une eau vive et remplie
de poissons. A — t.
NULEY- AHMED LAB ASS AL-
MANSOUR , fut proclamé roi de î\la-
roc ef de Fez, après la mort de sou
frère. Abdcl-Melek, sur lechau.pde
bataille d' Al-Caçar. En alla ut prendre
possession dn !rO(ie,rant)8G; i 178 )
il fit porttr en triomphe devant lui
la peau elupaiiiée de son neveu ,
Mnley Mohammed, afin d'avilir la
mémoire d'un prince qui s'était al
lié aux Chrétiens, et d'épouvanter
les esprits portes à la révolte. Ce-
pendant, loin de chei'cher a cide-
V'.'r aux Portugais les places qui leur
re.-taieot eu Afrique, Muley-Ahmed,
persuadé que ses états avaient besoin
de repos , entretint la paix avec
MUL
Philippe II, qui s'était emparé du
Portugal , et lui renvoya le coips du
roidom Sébastien, avec les seigneurs
qui avaient été faits prisoimiers a la
bataille d' Al-Caçar. Il méditait alors
une guerre moius glorieuse, mais qui
lui olTrait de grands avantages et peu
de dangei s. En 998 ( 1 089 ) , il en-
voya un corps de troupes choisies et
bien équipées, dans l'intérieur de l'A-
frique. Isliak, roi de Tombouktou ,
à la tète de cent mille hommes , aux-
quels s'étaient jointes les troupes
des cheikhs arabes du Sahrah ,
voulut eu vain arrêter la marche
des Marocains. Son armée , épou-
vantée par le bruit de rartiilerie ,
prit la fuite; et sa capitale, ainsi
que plusieurs places voisines , tom-
bèrent au pouvoir des vainqueurs.
Le roi de Tombouktou , ayant tra-
verse le Niger , s'était renfermé dans
une place- forte; il y fut bientôt in-
vesti par les Marocains , demai.da
la paix, et offrit de se soumettre à
un traité annuel. Mais Muley-Ahmed
ordonna de continuer la guerre avec
la plus grande activité; et, mécon-
tent de ce qu'on avait levé le siège ,
sans attendre sa réponse, il destitua
son général. Ishak , poursuivi de
place eu place jusque dans Kourkia,
y mourut de chagiin. Tous les sou-
verains de l'intérieur de l'Afrique
se soumirent au roi de Maroc, qui
étendit sa domination de ce côté ,
plus loin qu'aucun de ses prédéces-
seurs.Il les surpassa en richesses com-
me en puissance. De toutes parts
on lui envovait de la poudre d'or :
aussi ne pavait-il ses troupes qu'avec
ce métal. Près des portes de son
palais, i4oo marteaux étaient con-
tinuellement occupés à battre mon-
naie. De là lui vint le surnom de
Duré , qui lui plaisait beaucoup.
Ou ne saui-ait évaluer les richesses
MUL
qu'il retira des pays nouvellement
conquis. Le règne de ce monarque
dura vingt-cinq ans, et ne fut qu'une
suite de tètes et de plaisirs j chose
sans exemple dans l'histoire d'Afri-
que, Sa tranquillité ne fut trouhlee
que par l'entreprise infructueuse de
Muley-Naser, son neveu, qui ten-
ta de s'emparer de Fez, en iSgS.
Muley-Clieikh , fiLs et héritier pré-
somptif du roi de Maroc, détruisit,
par deux victoires, les es{>crances
du prince rebelle. Muley - Ahmed
mourut en i6o3, emportant les re-
grets de ses peuples, dont il avait
mérité l'amour et le respect. Ama-
teur des arts , il avait fait venir deux
peintres espagnols , dont il récom-
pensa généreusement les travaux. Il
protégea et cultiva les sciences: elles
l'avaient servi dans son expédition
au-delà du Désert ; car la boussole
et des observations astronomiques
avaient dirigé la marche de son ar-
mée. Malgi é ses dispositions en fa-
veur de Mulcy-Cheikb , prince digne
d'un tel père, le trône de Maroc lui
fut disputé par les autres fds de Mu-
ley-Ahmed, et demeura enfin à Mu-
ley Zeidan , le plus jeune. A — t.
' MULEY- ARGHYD, S-^. prince de
la "2.^. dynastie des Gheryfs , nom-
mée Filely , aujourd'hm régnante à
Maroc , était (ils de Muley - Aly ,
qui l'avait fondée à Tafilet , vers le
commencement du dix - septième
siècle. Après la mort de son père ,
il se révolta contre son frère aîné,
Muley-Mohammed , qui le vainquit
et le fit renfermer. Archyd s'évada ,
fut repris, et ayant été délivré de
sa nouvelle prison par un nègre, il
coupa la tête à ce fidèle esclave , en
montant à cheval, de peur d'en être
trahi. Déguisant son rang et son
nom , il alla successivement oftVir
ses services à deux princes raauxes
MUL Z')^
qui régnaient dans les montagnes de
Cliavoia et de Rif. Oblige de quitter
la cour du premier , où il avait été
reconnu , il paya d'ingratitude le se-
cond , qui lui avait accordé toute sa
confiance, le fit périr, s'empara de
ses états , et distribua la plus grande
partie de ses trésors , aux dignes
compagnons de ses exploits. Moham-
med , roi de Tafilet , alarmé des pro-
grès de son frère , tenta contre lui le
sort des armes : mais après avoir
essuyé deux défaites , il fut assiégé
dans sa capitale , ft y mourut , en
16G4. Tafilet ouvrit ses portes à
Muley- Archyd , qui , l'année suivan-
te, se rendit maître de Fez, et , par
suite , de toutes les provinces septen-
trionales. Après y avoir détruit plu-
sieurs principautés qui s'y étaient
formées pendant les troubles , il
marcha, au printemps de 1667, vers
Maroc, où régnait Muley- Cheikh,
lîls de l'usurpateur Crora-el-Hadj ,
qui venait d'être assassiné par sa
femme. Il dissipa les troupes de ce
jeune prince, le fit traîner dans la
ville, attaché à la queue d'une mule,
et ordonna que le corps de Crom-
el-Hadj fût exhumé et brûlé, avec le
cadavre et la famille vivante d'un
juif, qui avait gouverné l'état sous
cet usurpateur. Maître de Maroc ,
Muley-Archyd prit le titre d'empe-
reur , alla soumettre les provinces
orientales, limitrophes de Tafilet,
et revint par celle de Taroudant. Il
avait ûiflonné aux plus riches habi-
tants de Fez , d'y bâtir des casernes
pourses troupes. Do retoiir dans cette
ville , pour les punir de leur déso-
béissance, il les fit attacher à des
orangers ; et déjà il commençait à
les mettre en pièces à conns de sa-
bre , lorsque son beau-père, intercé-
dant pour ceux que le prince n'avait
pas encore frappés , lui persuada
374 MUL
de se contenter d'une forte con-
tribnlion. Les veuves des malheu-
reux qu'il vouait d'immoler, ayant
refuse' d'y concourir , l'-empereur
les y contraignit, enserrant leurs
mamelles entre rouvcrlured'un cof-
fre, sur lequel il monta lui-même.
.Après avoir assnje'li toutes les pro-
vinces maritimes, il poursuivit le
prince de Sous , jus((iie dans le pays
de Soudan : mais n'ayant pu l'arra-
cher de cet asile , il craignit de s'en-
gager dans les déserts , et ramena
dans ses états un grand nombre de
noirs, dont il composa la garde de
son palais. Devenu le plus puissant
monarque de l'Afrique, par l'éten-
due de son empire , ([ui , depuis le
Détroit , allait jusqu'au cap jNouu , il
voulut en être aussi le plus riche.
Un des moyens dont il usa pour
grossir son trésor, fut d'envoyer des
troupes dans toutes les provinces,
afin d'y lever des contribution^ ar-
bitraires, auxquelles les voyageurs
même furent assujétis.Une caravane,
ayant résisté, fut piesque entièrement
égorgée. iVluley - Archyd publiait
des ordonnances très-sévères contre
les voleurs; et il était lui-même le
premier brigaiid de son empire.
Fléau des méchants, il les punissait
par des crimes , outragea: t dans leurs
supplices î'humsBité, la pudeur, la
justice et la majesté royale; car il
cxerçaitsoiîventroiilce de bourreau ,
qu'il regardait comme un des plus
beaux attributs àe la souveraineté.
La compassion que l'on témoignait
pour ses victimes , était à ses yeux
nne preuve de complicité, et punie
du même supplice. Ce monstre fai-
sait malheureusement respecter sa
cruavlté par un grand courage, un
génie supérieur et une extrême libé-
ralité : mais il réservait ses lécom-
pensespourieshoramesquiluiétaient
MUL
dévoués ou qui lui ressemblaient.
Une révolte des neveux de ce prince,
et qui fut élouflée dans leur sang, est
le dernier événement d'un règne bril-
lant, quoique horrible. Muley- Ar-
chyd, inexorable contre les ivro-
gnes, mourut à la suite d'ime orgie,
le U7 mars 1672, dans la quarante-
unième année de son âge, et la hui-
tième de son règne. Il se fracassa le
crâne sous une allée d'orangers , oîi
il avait j)oussé son cheval. C'est ce
prince qui a établi, le premier, à
Maroc , ce système de tyrannie san-
guinaire , consolidé et perfectionné
par Muley-lsmaël , son frère et son
digne successeur. Pour lui la férocité
était une habitude, un amusement.
Un de ses alca'ides , voulant lui vanter
la sûreté des roules de son empire,
disait avoir rencontré un sac de noix
que personne n'avait osé ramasser.
Comment sais-Ui que c étaient des
noix, dit Archyd? Je les touchai
ai'ec mon pied, répondit le ministre.
Qu'on lui coupe le pied, reprit l'em-
pereur , pour punir sa curiosité.
A— T.
MULEY-HAÇAN , roi de Tunis,
delà dynastie des Hafsides, parvenu
au trône , l'an de l'hég. 940 ( de
J.-C. , i533 ) , après la mort de son
père ]Muley-Mohammed, que la mère
de H.içan avait empoisonné, s'y main-
tint en faisant étrangler ou aveugler
la plupart de ses frères et de ses ne-
veux. Al-Raschid, l'un des premiers,
s'étant réfugié auprès de Khair eddyn
Barberousse, r^i d'Alger , celui-ci lui
promit les secours de la Porte, et le
conduisit à Constantinople. On y pré-
para un armement considérable, qui
devait agir contre Tunis , au nom
d' Al-Raschid ; mais lorsque la flotte
mit à la voile, ce prince fut retenu
prisonnier dans le sérail , et l'on
n'entendit plus parler de lui. Cepen-
IVIUL
danf Barberoussc débarqua près de la
Goiilctte,dont il aclicti la reduitioii ,
et inaicha vers Tunis , où sou a])pro-
che excita un soulèvciueut gctucral
en faveur d'AI-Rascliid , que l'on
croyait malade a bord , et dont il se
disait le protecteur et l'allie', Muley-
Haçati , de'tesie' de ses sujets , essaya
vainement d'arrêter lu sélition. II tut
forcé d'abandonner son palais et sa
capitale, où il laissa des ncuesses
immenses. Les Tunisiens ouvrirent
leurs portes aux Turcs : mais , se
voyant trompes ians leur attente, ils
prirent les armes pour les chasser.
Barberousse , déji maître du châ-
teau , les contraignit de se soumettre
au sulthan Soléiman I^'^. Muley-
Haçau, ayant levé une armée parmi
les tribus arabes, revint bientôt atta-
quer les Turcs ; mais quehpies dé-
chargesd'artiilerie suffirent pour dis-
siper ses troupes. Réduit à fuir et à
se cacher , il eut recours à la protec-
tion de Charles-Quint , par le conseil
d'un renégat Génois, qui fut chargé
de la négociation. L'empereur, à la tê-
te de trente mille hommes , portés
sur quatre cents voiles flamandes ,
napolitaines et maltaiies , aborda
près de la Goulette , eu i531 , et
dressa ses. tentes au même endroit
où avait campé autrefois saint Louis.
La Goulette fut emportée d'assaut ;
et Charles^ en en prenant possession ,
dit à Muley - Haçan , qui , à travers
mille dangers , était parvenu au camp
des Chrétiens : « Voila ia porte par
» où vous rentrerez dans vos états. »
Une victoire remportée sur Barbe-
rousse , et la révolte des esclaves
chrétiens à Tunis , mirent au pou-
voir de l'empereur cette ville, qui fut
pillée et, saccagée ( F. Rarberousse
II, ui , 34t ). Muley-Ha-^au, rétabli
sur un trône entouré des cadavres
de quarante mille de ses sujets , se
MUL 373
rendit tributaire de la couronned'Es-
pagne : il céda la Goulelte , Biseite,
I)onna , et toutes ses places maiiti-
mes a l'empereur , relâcha tous les
captifs, et accorda aux Ch; ' i ; s la
liberté du commcr e et de 1 1 h-
gion dans ses état . Devenu odieux
par ce tiailé, aux ISl.isulmans qui le
regardaient comme un apostat, il vit
les piiucipales villes de son royaume
se révolter ; Mahdiah . Sousa , etc.,
arborer l'indépentiance , et se créer
des magistrats annuels; Constantine,
et d'autres places, se donner à Bar-
beroussc, qui fomentait ia lebeilion
dans les états de ce prince, et qui ac-
cueillait à Alger tou.-> les Tunisiens mé-
contents. Environné d ennemis se-
crets ou déclarés , le roi de Tunis va
lui-même implo- er une seconde fois
le secours du monarque qu'il avait
l'econnu pour suzerain. Il s'embarque
avec cinq cents cavaliers , eu 900
( 1 543 ) : mais il ne trouveTempereur
ni à Naples , ni en Sicile : Charles
était alors en Allemagne. Haçan ap-
prend à Naples la révolte de son lils
Homaïdah.Du consentement du vice-
roi , il lève im corps de deux mille
bandits et déserteurs , retourne en
Afrique ; et , malgré les conseils du
gouverneur de la Goulette , il s'obs-
tine à marcher contre Tunis , sans
a t tendre de nouveaux renfoits. Aveu-
glé par le désir de la vengeance , et
trompé par la feinte soumission de
quelques perfid;'S , il s'avance impru-
demment avec sa petite troupe. En-
veloppé par des forces trcs-supé-
rieuscs , il se bat en désespéré : tofts
ses gens sont taillés|;n pièces , et lui-
même, blessé et renversé de cheval ,
se traîne dans un marais et s'y cache
sous des roseaux. Ou le découvre, et
on le conduit a "^îuley-Homaidah ,
qui lui fait crever les yeuxetlecon-
line dans une prison. Haçau fut mis.
a-G
MUL
en liberté dans la suite , par sou
frère Abilcl-Melck que les Espagnols
avaient place sur le trône de Tunis.
Il se relira d'abord à la Goulette ,
d'uii il passa à Naples, puis à Rome.
11 se rendit ensuite à Augsbourg où
il vit Charles-Quint ,qui, touchcf^de
ses malheurs , promit de le rétablir ;
ïnais Haçan mourut à Rome ou en
tjicile , quelque temps après ( F.
l'article suivant ). A- — t.
MULEY-HOMAIDAH, dernier
roi de Tunis, de la dynastie des Haf-
sides , et fils du précédent, se ré-
volta tandis que son père était à ISa-
p!es. Il publia que Muity-Haçan était
mort dans cette ville, après avoir
reçu le baptême, et que Mohammed,
second fds de ce prince, allait être
donné pour roi aux Tunisiens par
les Espagnols , chez lesquels il était
en otage, et dont il avait, disait -il,
adopté les mœurs et la religion. Ces
faux bruits répandent Taiarme. Mu-
ley-Horaa'idah est proclamé souve-
rain de Tunis l'an 900 ( i543) : les
portes lui en sont ouvertes. Il fait pé-
rir le gouverneur de la ville et celui
du château, qui étaient dévoués à
son père, s'empare du palais, et
souille le harem de ce prince, dont
il s'approprie les plus bt-lles fem-
mes. Après avoir vaincu et privé de
la vue Muley- Haçan {F . l'art, pré-
cédent ) , l'usurpateur crut échapper
an ressentiment de Charles- Quint ,
en se reconnaissant son feudataire.
Le gouverneur espagnol de la Gou-
lettefcignitd'accepter cet hommage ;
mais, ayant reçu des troupes que lui
envoya le vice-roi de Naples, il mar-
cha contre Tunis, et y établit pour
souverain Abdel-Melek , l'rèrc de Mu-
ley-Haçan, tandis que Homa'idah était
allé soumettre Biserte. AbLlel-McIck
étant mort cinq semaines après, les
Espagnols placèrent sur le troue son
MUI,
fils Mohammed , âgé de douze aus ,
sous la tutèle de trois ministres. Le
peuple se lassa bientôt de ce trium-
virat, et rappela Homaidah , qui s'é-
tait retiré dans l'île de Djerbeh. Mo-
hammed se réfugia chez les Arabes ;
et Homa'idah signala son retour à
Tunis par le massacre de tous ceux
qui lui avaient été contraires. 11 ré-
gna paisiblement jusqu'à l'an 9-^8
(1570), qu'il fut chassé de ses états
par Kilidj-Aly , dey d'Alger. 11 re-
prit Tunis avec le secours des Es-
pagnols en g8i ( 1578 ) : mais , re-
jeté par ses sujets, il alla, dit-on,
mourir en Sicile , où il se fit chré-
tien. L'année suivante , son frère
Muley -Mohammed fut détrôné par
Sinan- Pacha, qui prit la Goulette
et Tunis, v établit le gouvernement
turc, et mit fin à la dynastie des
Hafsides ( V. Sinan-Pacha). A — t.
MULEY-ISMAEL, empereur de
Maroc, était frère utérin de Mulcy-
Archyd, ayant eu pour mère la mê-
me négresse. Pendant le règne de ce
prince , il vécut à Mekiuez , en sim-
ple particulier, se livrant à l'agri-
culture et au commerce, afin d'aug-
menter ses richesses; car la soif de
l'or fut une de ses passions favorites.
Dès qu'il eut appris la mort de Mu-
ley-Archyd, eu 167U, il s'empara
de Fez, où étaient les trésors, et y
fut proclamé souverain. »Son frère,
Muley-Haran , se rendit à TaGlet, où
il prit le titre de roi ; et Muley-Ah-
med leur neveu fut reconnu à Maroc.
L'année suivante , Ismacl marcha
contre ce dernier , et dut à son artil-
lerie la victoire qu'il remporta à une
lieue delà capitale. Ahmed, blessé
d'une balle, s'enfuit dans les monta-
gnes ; et Ismaél entra dans Maroc.
Mais sa parcimonie ayant indisposé
ses troupes, des révoltes éclatèrent
dans le nord de l'empire. Le vieux
MUL
Fez, Teza, se déclareront pour Ali-
mod. Le gouvcnionr d'Arzille, avec
le secours des Alj^iC'rioiis , fit soulever
la province de Garb. Isrnaol , avec
dou7.e mille hommes qui lui restaient,
tailla en pièces les rebelles, et sou-
mit toutes les provinces du nord. 11
alla dans celles du raidi, eu 1^)74 »
et y alFermit son autorité par des
cruautés iuou'ics. Aliraed , soutenu
par les Maures de Taroudant, et se-
conde par les intrigues de sa mère ,
rentra secrètement dans Maroc, l'an-
née suivanle, battit les troupes en-
voyées par sou oncle , et résista d'a-
bord avec avantage aux efforts , aux
ruses, aux pièges de ce prince, qui
parvint à le cerner dans' Maroc,
sans pouvoir l'obliger à se rendre.
Rebuté de la longueur du siège , et
réduit à la disette , Ismaèl employa
lour-à-tour la perfidie et la cruauté,
pour extonpier des vivres et de l'ar-
gent aux cheikhs des tribus voisi-
nes. Enfin la médiation de Mulev-
Haran , roi de Tafdet , rétablit la
paix entre Ismacl son IVère, et Ah-
med son gendre et son neveu. Le
jeune prince conserva le titre de roi ,
et obtint la souveraineté de Dara. h-
inaël étant entre dans le château de
Maroc , et ayant vu qu'il y restait à
peine des munitions pour huit jours,
s'arracha la barbe de dépit, accusa
son frère de trahison, le fitarréter, et
s'empara deTalilet. Sans respect pour
la capitnlation , il abandonna Maroc
au pillage , et exerça lui-même , con-
tre les habitants , toutes les violences
que lui suggéra sa férocité. Une ré-
volte qu'il étouffa par la force des ar-
nes , dans la province de Chavoia,
termina la guerre qui durait depuis
trois ans. Ismaël fit main-basse sur
les femmes et les enfants des rebel-
les, et envoya dix raille têtes pour
être clouées aux murs de Fez et de
MUL 377
Maroc, afin d'annoncer sa victoire,
et d'inspirer la terreur aux deux ca-
pitales de son empire. Ce jirince ,
jouissant enfin à Mckiiicz , îles don-
ceiirs de la paix, se livra à la pas-
sion des femmes et à la manie des bâ-
timents. L'une et l'autre lui offraient
de fréquentes occasions de satisfaire
son humeur capriciense et sangui-
naire. Il se faisait un jeu de tuer de
sa main ses femmes, ses esclaves
chrétiens , ses ouvriers ; et les jours
destinés à la prière étaient ordinai-
rement ceux qu'il consacrait à des
acies de cruauté. Afin d'ôter à ses
sujets le loisir de réfléchir sur son
avide et barbare despotisme , il les
employait sans cesse à détruire et à
élever de nouveaux édifices, dont il
donnait et changeait lui-même h ■*
jilans. Quand je tietis un panier
plein de rats, disait-il à ce sujet,
je l'agite continuellement ; sans
quoi ils le rongeraient jx^ur en .sor-
tir. Non moins avare qu'inhumain .
il disait brutalement à ses offi-
ciers, lorsqu'ils lui exposaient leurs
besoins : f'oyez-vous , chiens de
Maures , les mulets , les chameaux
de mon empire, me demander quel-
que ch'jse pour leur nourriture .' ils
la trouvent eux-mêmes : faites com-
me eux, et ne ni importuniez pas
davantage. Aussi ses troupes ne vi-
vaient (pie de brigandages. En 1G78,
la peste lui enleva, dit-on, quahe
millions de sujets, et respecta ce
monstre. Fier de quelques succès ob-
tenus snr les Anglais , qui possédaient
alors Tanger, il s'engagea impru-
demment dans une expédition contre
les montagnards de l'Atlas, et perdit,
an milieu des neiges, troi^; mille ten-
tes, et une grande partie de son ar-
mée et de ses richesses. Il se vengea
de celte disgrâce, en faisant péiir
son vczyr, coupable d'exactions et
378 MUL
de violences envers les femmes , mais
dont il fil injnstrmcnt |)arlagcr le
sort à tous les j^ens an service de ce
m nisire, comme complices de ses
prévarirations. hedontant l'incons-
tance et liiidocilitc des Maures, 11
acheta un p;rand nombre d'esclaves
noirs des deux sexes , les maria,
leur assij^na des terres et des habita-
tions, les (il instruire dans la rcli{|;ion
musulmane, exerça les hommes aux
évoluîions militaires, elles incorpo-
ra dans la milice que Muley-Archyd
avait instituée. Ces noirs , auxquels
Ismacl conlia la garde de sa person-
ne, formèrent au mdieu de ses états,
une n..tiori isolée , qui lui était spécia-
lement dévouée. Par cette politique
adroite, et parla rivalité qu'il sut
fomenter entre ses sujets et ces nou-
veaux soldats, il parvint à conleuir,
pendant un long rèp,ne , toutes les pro-
vinces (le son empire. Ces nègres mul-
tiplièrent tellement, qu'à la mort
d'Ismaèl, ou en comptait cent mille
fAi état de porteries armes. Leur in-
solence etkur avidité les rendirent re-
doutables aux siiccesseurs de ce prin-
ce ( P^. Muley-Abdallau et Mule y
Ahmed D..UABY ). En i68o,Ismnël
s'empara de deux forts qui défen-
daient Tanger; et , quatre ans après,
les Anglais lui abauflounèrent cette
place , dont l'cnlrelien leur était
moins utile qu'onéi eux. Kn 1681 , il
enleva sans peine , aux Espagnols ,
Mamora , place négligée depuis la
mort de Philippe IV; et, en iGBf),
après deux aiîsde si'.-'ge^ 1 ieur prit
Laraclie , dont Ii gn jnisoii fut échan-
gée à raiMjU de dix Maures pour un
Chrétien. 11 crut pouvoir également
se l'eu.'lre maître l'eCeuta. INlalgréla
guerre dont 1 Espagne fut le théâtre
pour la succession de Chai les II, le
siège de cette place dura vingt-six
ans. Philippe V , voulant se '^euger
MUL
de l'empereur de Maroc, qui avait
fourni des secours aux impériaux
pendant celte guerre , envoya le
ra;irquis de Lède, qui, en 17*20,
força les Maures dans leur camp re-
tranché, elles contraignit de renon-
cer à ime entreprise qui leur avait
coûté cent mille hommes. Le chef
d'escadre, Château-Renaud, s'était
présenté devant Salé, en 1G80 et
1682 , pour obliger le cheryf à con-
clure une trêve avec la Fiance. La
négociation traîna en longueur, par-
ce qu'lsmaël en faisait un objet de
spéculation. Les ambassadeurs qu'il
envoya à Paris , annoncèrent ses in-
tentions pacifiques , sans être munis
de pouvoirs pour traiter de la paix.
La mission de Saint Olon à Maroc,
fut tout aussi infructueuse. Cepen-
dant, frappé de l'éclat du règne de
Louis XIV, et du châtiment qu'a-
vaieutessuyé Alger, Tunis et Tripoli,
il en voya de nouveaux ambassadeurs,
qui conclurent, en 1699, un traité
de paix et de commerce. Le bruit
courut que ,sur le rapport qu'ils lui
firent de la beauté de la princesse
douairière de Conli ( fille naturelle
de Louis XIV ), il écrivit à ce mo-
narque pour la demander en maria-
ge , en prometlaut d'embrasser le
christianisme. On crut ensuite que
celte lettre avait été supposée, afin
d'encourager les missionnaires qui
devaient partir pour Maroc. L'an
1 700, Muley-Ismaël entreprit en per-
sonne une expédition contre les Al-
gériens, qui, avec dix à douze mdle
hommes, dissipèrent son armée, for-
te de soixante mille. Pour comble
d'humiliation , les vainqueurs exigè-
rent qu'il envoyât un de ses fils avec
des piéseuts à Alger, pour deman-
der la paix. Quoique cet empereur ,
par les divers renouvellements de
son harem, ait eu jusqu'à huit mille
MUI>
fcraraes , qui lui domièrciit neuf
cents cillants mâles, vl environ trois
cents lilles ; jamais les plaisirs des
sens ne lui (ircnl négliger les alliiircs
de l'ctat, et ne pnienl le ùisposcr à
la mollesse. Mais eette innombrable
postérité fut pour sa vieillesse un su-
jet de soupçons, d'inquiétudes, de
guerres et de crimes. Les tils d'un
monarque sans foi, sans principes,
sans liuniauilé, devaient ressembler
à leur père. Aussi ne trouvait-il de
sûreté qu'en les entretenant dans un
état continuel de défiance et de ri-
valité. L'aîné, Muley-Moliammed ,
poussé à bout par les intrigues , les
calomnies et la haine d'une de ses
belles -mères , qui voulait assurer le
trône à son fils , Muley-Zcidan, se
révolte et s'empare de Maroc. Obli-
gé de fuir à l'approclie des troupes
royales, ilse retire àTaroudant. Vain-
cu par sou frère Zeidan , il est as-
siégé dans ceMe place , et livré à son
ennemi , qui l'cuvoie à Mekinez. Is-
raaël vient au-devant de sa victime ,
lui présente la pointe de sa lance ,
jouit de ses angoisses, et lui fait cou-
per un pied et ime main. Lhhien!
malheureux , lui dit-il, connais-tu
à présent ton père 7 Lui-même , il
abat la tète du bouclier qui avait re-
fusé de répandre le sang d'un clieryf ,
et tue d'un coup de fusil le bouclier
qui vient de mutiler son fils. Cette
atroce inconséquence est remarquée
du malheureux prince. Forez le
vaillant homme , s'écrie-t-il , qui tue
celui qui exécute ses ordres , comme
celui qui refuse de lui obéir. Moham-
med expire quelques jours après
( 170G ), malgré les précautions de
son père, pour lui conserver la vie.
MuleyZe'idan commit toutes sortes
d'horreurs à Taroudant : mais sa
conduite alarma bientôt l'empereur,
qui résolut de s'en défaire. N'ayant
IMUL 37g
pu l'attirer près de lui , en feignant
d'être dangereusement malade, et
de vouloir lui assurer remjfire; il
gagna les femmes de ce jirince,
qui l'étoulïeient entre deux ma-
telas ( 1707 ), pendant qu'il éi.ait
plongé dans le vin. Lsmacl , mé-
content d'Abdel-Mclck, son troisiè-
me fils , désigna enfin le quatrième ,
Muley- Ahmed , pour son successeur
( r. MuLKY-AlIMED DkUACY ). Plé-
solu de se venger des Espagnols,
Mulcy-Tsmaël avait préparé un ar-
mement considérable, qu'une tempê-
te détruisit en i'j'2'2. Après une ty-
rannie de 55 ans, dont l'histoire
n'ofirc aucun exemple, ce prince
succomba à ses débauches excessi-
ves , le 'A'x mars ï'j'-i'], à i'àge de
quatre-vingt un ans. Sa taille était
moyenne, son visage long et maigre;
son teint, presque noir, le devenait
tont-à-fait , lorsqu'il était eu colère,
et ses yeux pleins de feu, se remplis-
saient alors de sang. Il conserva , jus-
que dans la vieillesse, sa force et son
agilité. Un de ses divertissements
ordinaires était de tirer son sabre en
montant à cheval, et de couper la
tète à l'esclave qui lui tenait l'étrier.
Habile à prévoir les dangers , il les
iiravait avec iutrépidrté, lorsqu'il ne
pouvait les détourner , et il suppor-
tait avec constance la mauvaise for-
tune. Sa frugalité était extrême } il
ne A'ivait que de riz, de volaille, et
ne buvait que de l'eau. Il affectait
une grande dévotion , et savait, par
des vertus apparentes , imprimerie
respect à ses sujets , en même temps
qu'il les glaçait de terreur par ses
cruautés. Il dompta leur barbarie,
en se montrant plus barbare qu'eux;
et il eut le rare talent de leur faire
désirer l'honneur de mourir de sa
main , et de laisser des regrets après
lui. A — T.
38o
MUL
MUT.GR AVE, Coiïsïantin-Jeaw-
Piiips, lord ), navij;.iloiir anj^lais ,
était fils d'un y.^ii d'Iilaudo; il na-
quit le 3o mai i';34. Kutic de bonne
hourc dans la mai i ne, il fut nomraé
capitaine de vaisseau en i-jGS: on
Je regardait déjà comme un olfitier
très-instruit, lorsqn'en 1773, il trou-
va une occasion de donner une preuve
de ses connaissances et de son zèle.
Depuis 161 5 on avait cesse de s'oc-
cuper de la recherche du passage
par le nord; cet objet (ixaratlcntion
de Daines Barrington^ membre de la
société rovale de Londres. Il pré-
senta un mémoire à cette compagnie,
pour prouver que le passage était
praticable. La société pria le coraie
de Sandwich, premier lord de l'a-
mirauté, d'obtenir le consentement
du roi pour une expédrtiou dont le
but serait d'essayerjusqu'à quel point
un navire peut s'apjirocher du pôle
Itoréal. Phips, instruit du projet,
offrit ses services à l'amirauté; ils
furent acceptés. Il partit de la rade
du Nore , le to juin 1773, avec
deux l)orabardes : le Racelinrse et le
Carcass. Le '27 ,il atteignit le paral-
lèlle de la pointe sud du Spifzberg,
sans avoir vu de glaces; le ug, il
eut connaissance de la terre. JjC 5
juillet, par 79° 34' de latitude, il
rencontra la masse des glaces qui
enveloppent le pôle boréal. Il dirigea
sa course de divers cotés , à l'ouest ,
au noid et à l'est, au milieu des gla-
çons, sans pouvoir trouver un pas-
sage, à travers la grande masse. « Je
n commençai alors à concevoir, dit-il
» dans sou journal, à la date du 9
» juillet, que la glace formait un
" corps compact et impéuétra«ble. »
Il ne put pas s'élever au-delà de 8o'>
48'. Le 3o juillet , par le plus beau
temps imaginable, les deux bâtiments
étant près des Sept-lles, par 80" 37',
MUL
se trouvèrent environnes de glaçoiii»,
qui s'étenelaient à perte de vue; l'air
était calme : leur situation devenait
critique.Le i^"". août, les glaçons com-
mencèrent à les presser; il ne restait
plus la moindre ouverture pour sor-
tir : les glaçons s'accumulaient les
uns sur les autres; ils s'étaient élevés
jusqu'à la hauteur de la grande ver-
gue. Il fallut couper et scier la glace,
qui avait quelquefois douze pieds
d'épaisseur : cet expédient ne fut pas
d'un grand secours ; les bâtiments ne
purent pas avancer beaucoup. Dans
cette extrémité, Phips proposa d'a-
bandonner les bâtiments , et de s'em-
barquer dans les chaloupes et les
canots; on les hala sur la glace pour
les conduire ainsi jusqu'à la mer : en
même temps les bâtiments mirent
toutes voiles dehors, pour profiter
du vent; heureusement il devmt fa-
vorable : le 10, Phips fut dégagé; il
alla mouiller au Spitzberg, eu repar-
tit le 'iO, et, le 2 5 septembre, atté-
rit à la rade du Nore , ayant constaté
rtm possibilité de franchir les gla-
ces du pôle boréal. Il se lança ensuite
dans la carrière politique, et fut nom-
mé membre de la chambre des com-
munes en 177'ï, et l'un des comniis-
saires de l'amirauté, en 1777. Ces
fonctions ne l'empcchèrent pas de
servir sur mer; il commanda un
vai'^scau de ligne jusqu'à la paix de
1 783. La chute du ministère Nortli
l'avait éloigné du conseil de l'ami-
lauté : il obtint ensuite di!]crcnls em-
])iois , devint membre du conseil
privé . et enfin , fut élevé à la pairie
de la Grande-Bretagne en 17^4. Le
délabrement de sa santé le força ,
en 1791 , de quitter les affaires; il
passa sur le continent pour prendre
les eaux de SpJf, et mourut à Liège ,
le 10 octobre 1794* I' ^^^it membre
de la société royale et de celle dfs
wur.
antiquaires, et coutriLiia à faire cta-
lilir celle qui a pour but de perfec-
tionner l'arcliilcclurc navale. H pu-
blia la relalijii de son cxpcililion :
hoyas^e an pôle boréal, entrepris
par ordre du roi ^ en 1773, Londres
1774, I vol. in-4°. , carre et fig. ;
traduit eu français, Paris, 1 vol.
in -4". , carte et figure; en allemand
avec des additions par Samuel Eugel,
Berne, 1777, i vol. iM-4", cartes
et figure. Ce livre , utile pour la
science niutique , fait honneur à
Phips. Indépendamment des obser-
vations relatives au voyage, on y
trouve un catalogue descriptif des
productions de la nature au Spilz-
berg, et un mémoire sur un procède'
2)our dessaler l'eau de la mer. i^cs
observations astronomiques furent
faites de concert avec Isrftcl Lyons ,
membre de la société royale. Une
expédition envoyée au pèle boréal en
ibi8 , n'a pas pénétré plus au nord
que Phips : un des navires a failli
être fracassé par les glaces. E — s.
IMULLER (Jean) , plus connu
sous le nom de Rcgiomontanus ( i ) ,
astronome célèbre , na({uit le 6 juin
143G , à Koningshoven, -n Franco-
iiie, selon Doppelmayer {'i). A l'âge
de douze ans , ses parents renvoyè-
rent à Leipzig , où il étudia la
sphère avec ardeur , et montra le
goilt le plus décidé pour l'astroiio-
mie, que Purbach enseignait alors
avec éclat dans l'université de Vien-
ne. Millier^ à peine âgé de 1 5 ans ,
prit la route de Vienne, et alla se
(t j Dans ses pciits i! |)reud les uoriis de Jonnnes
Germnntts de itegirmonte.
(7) WcidKr dit à Kœnigslierg ( Mons retint ) ^ re
qui p.ir litrail p'us vruis<'iiibl»!>le , puisqus c\st de là
qn'll |>r ud le unui de Re^ioniontiiiiiti. Starovolsci ,
(rompe par le même nom lahu, l* croyait narif de
Kocni^sberg en Prusse. Tous étaient dons l'srreur De
Mun a deconvi'rt que J. Miillir était né an vil'age
dIJnG.id, près Kœiiigshrrï, dai s le duché de Saxe-
Hildbiirgbaiiseu , déprndanl Je la Francuuic. ^ iVo.
tUi^ trium codicum autour,, etc. , p. 3. ]
MUL
3.Si
présenter à Purbach , qui l'accueillit
avec bonté. FiC trouvant déjà fort
instruit , son nouveau professeur lui
donna une première idée de la théo-
rie des planètes , pour le préparer à
la lecture de Plolémce.Muller trouva
bientôt , dans l'ouvrage de l'astro-
noïne grec , la matière de nombreux
problèmes dont il cherchait les solu-
tions, et qu'il calculait ensuite, pour
se familiariser avec les mélhodcs
astronomiques. Ces occupations ne
l'empêchaient pas de lire Archimède
et tous les géa'nètres grecs dont il
existait des tradiictions laîines. Dès-
lors Purbach et Ilegiomontanus en-
trèrent en société de travaux : ils
observèrent ensemble quelques éclip-
ses , et une conjonction de Mars ,
pour laquelle ils reconnurent deux
degrés d'erreur dans les taldes Al-
phonsines. Le cardinal Bessarion
était alors à Vienne. Il avait entre-
piis une version latine de la grande
composition de Ptolémée, parce qu'il
était peu content des traductions
qu'on avait de cet important ou-
vrage. Ses diverses missions politi-
ques et religieuses l'empêchant d'exé-
cuter son projet , il engagea Purbach
à donner au moins un abrégé de son
auteur favori. Purbach se chargea
de cet abrégé ; mais à peine avait -il
p:i le commencer , qu'il mourut à
l'âge de 89 ans. D'après l'invitation
qu'il en avait reçue de son maître,
Mïdier s'oflrit pour le suppléer; et ,
en 14O2, il suivit le cardinal à Ro-
me. II commençait à lire le gi ec : il fit
connaissance avec George i!e Tréb;-
zonde , traducteur de Ptolémée et de
Théon. A Rome , il observait toutes
les éclipses , et passait -jou temps à la
recherche des manuscrits grecs, dont
il achetait les copies, ou qu'il copiait
lui-même. De là, il se rendit à Per-
raie , pour y converser avec Bîan-
382 MUL
cliinus. Il s'y lia d'amitié avec
Théodore de Gaza , auprès dutjuel il
se perleclionna dans la couiiaissaïice
du grec. Alors il recoimiit nombre
d'erreurs dans la traduction de
Theon , et même dans celle de Ptolc-
rnéc. Kn 1 403 , il c'tait à Padoue ,
où il fut invite à faire un cours d'as-
tronomie. 11 prit pour texte l'ouvra-
ge d'Alfergany, et ouvrit ses leçons
par un discours rpie depuis , en 1 537,
Mélanclulion joignit à l'édition qu'il
donna de cet auteur arabe. Eu 1 4^4 ?
Regioinontanus vint à Venise , pour
y altendi'e Bessarion. C'est là qu'il
composa ses cinq livres des Trian-
gles , et sa réfntalioji de la quadra-
ture du cardinal de Cusa. Il y ré-
digea une espèce de calendrier, an-
quel il joignit, pour trente années,
la table des jom'S où la Pàque de-
vait être célébrée , suivant l'usage de
l'Eglise et le décret du concile. De
retour à Rome , il eut quelques dé-
mêlés avec George de Trébizoïide ,
dont il avait critiqué les ti'aduclions.
Peu de temps après, il partit pour
Vienne , où il reprit ses coure de
mathématiques. Le roi de Hongrie ,
Mathias Corvin , l'appela à Bude ,
où il se plaisait à rassembler les ma-
nuscrits grecs enlevés à la prise d'A-
thènes et à celle de Coustantinople.
Midler composa, pour un archevê-
que de Strigonie, des tables de di-
rection , dans lesquelles il ne se
montra pas moins passionné pour
l'astrologie que pour l'astronomie.
Les troubles de Hongrie lui firent
désirer de retourner à Nuremberg.
\\ s'y lia de la manière la plus intime
avec Bernard Walter, l'uudes prin-
cipaux et des plus riches citoyens.
Ils firent construire , en cuivre , de
grandes règles comme celles de Pto-
lémée, un grand rayon astronomi-
que, un astrolabe arraillaire, sem-
MUL
blable à celui d'Hipparque, un Tor-
f/uctum , espèce d'équatorial , et le
méléoroscope décrit par Ptolémée.
Walter se chargea de toute la dé-
pense. Avec ces instruments, ils com-
mencèrent un cours régulier d'ob-
servations , et acquirent bien des
preuves de l'inexactitude des tables
Alphonsiues. Une comète viut à pa-
raître , et fournit à Rcgioraontanus
l'occasion de composer un traité des
parallaxes. Dans le même temps , il
dirigeait vuie imprimerie d'où l'on
vit sortir les Théoriques de Purbach,
le poème de Manilius, un calendrier
et des Éphémérides pour trente ans,
de 1475 à i5oG. Pour ce dernier
ouvrage , le roi Mathias lui fit comp-
ter 800 écus d'or (d'autres disent
1200). Ce livre eut un tel succès ,
que , malgré le prix de 12 écus d'or,
que coûtait chaque exemplaire ,
l'édition entière se répandit eu peu
de temps dans la Hongrie , dans
l'Italie , dans la France et dans la
Grande - Bretagne. Regiomontanus
passa pour le premier auteur de
cette sorte d'ouvrages , cpii se sont
fort multijiîiés depuis ; mais il en
avait sans doute pris l'idée dans
Théon , qui nous a laissé le plan très-
détaillé d'Ephémérides toutes sem-
blables qui se composaient à Alexan-
drie. Midler projetait bien d'autres
ouvrages; mais le pape Sixte IV ,
qui voulait réformer le calendrier,
l'attira auprès de lui, par les pro-
messes les plus magnifiques, et en le
nommant à l'évèché de Ratisbonne.
Il quitta donc Walter , et s'achemina
vers Rome, en juillet il^"]^. Il y
mourut le 6 juillet 1 4;6 , âgé de 4o
ans et quelques semaines ; les uns
disent de !a peste, et d'autres par le
ressentiment des fils de George de
Trébizonde , dont il avait relevé
les erreurs. Il fut enterré au Pan-
MUL
thcon. On a fait honneur à J. Mill-
ier , de la C'Jiistnictioii de dedx an-
toinales : l'un était une moiiolie de
fer, qui , ]nei:aiU son vol , Taisait le
tour de la table et des cunvives ,
après quoi clic revenait dans la main
de son maître. L'autre était un aigle
qui vint, eu volant, au-devant de
l'empereur, qu'il accompaççna jus-
qu'aux portes de la vdle. Voyez Gas-
sendi, dans 11 f^iedc Re[i;iomuntanus,
et We''.'tr, pap;e 3o(). Ce dernier
noio cngaç^e à n'ajouter aucune foi a ce
contedesdeuxaulomates, dontleseul
Ramus a pailc, et dont il n'est ques-
tion dans aucun auteur allen.'and. ( i )
Weidier nous do/iue ensuite la lisie
de 21 ouvrages sortis dos presses de
Rcgiomout^nus , à Tiuremberg. Il y
ajoute celle des a;ares ouvrages qu'il
se proposait de publier. On y remar-
que principalement un commentaire
surlaCosmograpliiedc Plolcnie'e; une
défense de Théou, contre (îeorLje de
Tiébizonde; w. commentaire sur les
livres d'Arobiinède dont Eutocius
ne s'est point occupé ; un traité des
maisons célestes, contre Tampanus
et Gazuins , astrologues dont il ré-
prouvait la doctrine ; un trailé des
mouvements delà liuiîicme sphère,
contre Thébith et ses sectateurs ; un
autre sur la réfur-uation du calen-
drier; un abrégé de l'Alniageste; des
problèmes astronomiques et géomé-
triques; une grande table du premier
mobile ; un traité des miroirs brû-
lants , et d'autres miroirs dont les
effets ne sont pas moins étonnants.
Il s'occupait d'mi .4 traire , oiivra-
ge merv?.illeux et d'un usage con-
tinuel. ( Doppebnjiyer pense que
MUL
383
ce devait être une espèce de jJa-
nélaire. ) H })rojclait enfin un trai-
té de rimprimerie et de la fonte
des caractères. 11 metlait suitmit une
grande impgrtw.oe à ce dernier ou-
vrage, et disait que , s'il pouvait le
terminer, il aurait peu de regret à la
vie , sûr de ic;isser à la poslérilé un
héritage wiii préviendrait la disette
de bons livres (i). Ou voit, par
cette liste , quelle était l'activité de
Miiiier, et la variété de ses coniiais-
sances. La plupart de ces traités sont
restés manuscrits; on peut même
douter que tous fussent achevés.
Tachons do donner une idée de ceux
qui ont paru, et cjue nous avons pu
nous procurer : I. Joannis Rcgio-
montani Ephemerides a^tronomicœ
ah unao \^']^ ad annum i5oG, Nu-
remberg. in-4'^'. ; II. Disputaiiones
contra Gherardi Cremonensis in
planetaruin tlieoricas deliramenta
ibid. , 1474. in fol. III. Tabula ma-
gna priini inobilis cum usumultipli-
ci , rationibusque certis , ibid. 1 4 7 5
in-4°. IV. Fundamenta o/.eralio-
nuni quœjiunt per tabulam genera-
Zt?7/i,Neubourg, i557, in-fol. C'est
une espèce de trigonométrie com-
plète, dont toutes les opérations sont
facilitées par la table précédente. V.
Kalendarium navum . Nuremberir .
1 470, in-4°.; le même ouvrage a été
réimprimé en 1699, à Augsbourg,
sons ce titre -.Kalendarium magistri
de Manière gio viri peritissimi. Ce
calendrier est composé pour les an-
nées 1475, i494^t i5i3, à 19 an-
nées d'intervalle, c'est-à-dire, pour
ti'ois années où le régulier, le cycle
lunaire, le cycle de 19 ans, l'épacte
_ (i) Sur l'ori; ne Je ci ttr tUbl.-. vny i U nlss»i ta-
lion lie J. Andr • HiiMc, De arfitdti musa) feried
qiiai mechanico nilificio itpiid Norih'i penses i/uon-
aàin voliliisie fernnlui , AlldDif, i-c8 , iii-^». 'o >.!^
pai;. ( Novn titleraiùs gerin,, Hambourg, 1708, p.
a3-a5.)
(1) Vove/. h Disse riRii m d^ f.lir. Golll. ScIiwDvz ,
De Joh. K'-SiJomor.lani mer.lii in rein ly/'ogruplii-
cam y rwt indice cpf mm eftifflcH et ohsen'nttOni-
hns f/rt,hifidaiti , à a siiiti' de lii (roiVietiie d'iserta-
tou du iiièfiiP auteur. D'nr'^^ine lypa^raphia , K\l'
Uorf , 174»' > îu-ij*- > p»»' 4^-68.
384 MUL
et la clef des fêtes mobiles, ctaicrrt
les nicraes, et marqiie's des chiffres
•j, 10, i3, i'2, i/j. Une pièce de
vers , qui "vieiit après le frontispice,
comini'iuc pnr ^ureus hic liber est.
L'explication indique les moyens de
faire servir ces trois almanaclis à
toutes les années inlerme'diaires du
cycle. La colonne de 147^, qui était
dcA'enue inutile, est restée en blanc
dans cette édition. Les figures des
c'clipsesde 1/197 ^ '^'3o, y sont en-
Inniiue'es. On y voit que l'on em-
ployait déjà \cb. heures égales et équi-
noxialcs, mais que les heures aiiti-
ques et inégales n'e'taient pas encore
tombées endesue'tude. Ony trouvcdcs
pre'ceptes pour les jours auxquels il
est bon de se faire saigner ou purger.
Il promet un traite plus complet sur
ce sujet intéressant , et se borne à
donner les qualités des 1 2 signes du
zodiaque. Mais ce qui rend cet ou-
vrage curieux , c'est la figure et la
description du Carré horaire, plus
connu maintenant sous le nom d'a-
nalemme rectiligne universel; ce ca-
dran a e'tc depuis copie par tous les
gnoraonistcs , dont aucun n'a su en
donner la démonstration , trouvée
enfin par le P. de Challes: nous eu
avons présenté une plussimple et plus
générale dans notre Histoire de l'as-
tronomie du mojen âge, p. Si']. Ce
calendrier avait déjà été réimprimé
en 1482, 1483, 148'), 1489, Q'i
et 95. VL Tabulce directionum pro-
fectionumque, Venise, 1 485, in- 4**. ;
réimprimé eu 1490, et puis avec une
table de sinus en i5o4; en i'>5o,
avec une table des sinus pour toutes
les minutes; en 1 55 1 , 1 552 ; enfin en
1 584, P^*" Reinliold , qui les annonça
comme très-utiles , uouseulemeut à
l'astrologie , mais à raslrcnomic.
0(1 y trouve la VihXt féconde ou des
taiigenles , la première qui ait ctc
RTUL
calculée en Europe : les Arabes m
avaient depuis 5oo ans , et saAViienl
en faire usage dans la trigonométrie ;
au lieu que Millier n'a jamais soup-
çonné le parti avantageux qu'on
pouvait en tirer dans une midtitude
de calculs , et qu'il ne l'a employée
que comme moyen subsidiaire dans
un cas tout particulier; ce qui n'a
pas empêché qu'on lui ait fait hon-
neur de la première idée de ces lignes,
et de leur introduction dans la tri-
gonométrie. Sa table ne méritait
guère le nom ûcjéconde ; au lieu
de l'étendre à toutes les minutes
comme celle des sinus, il l'avait bor-
née aux simples degrés. VIL Alma-
Tiach ad annos 18 ab anno 1489.
VIIL /. R. et Georgii Purbachii
e/ itoma in Almagestum Ptolomœi,
Venise, iii-fol. 1496- Oet ouvrage a
été réimprimé plusieurs fois , et no-
tamment à Bâle en 1 543 ; on y trour
vc quelques développements qui pou-
vaient avoir alors un degré d'utilité
qu'ils ont entièrement perdu; l'au-
teur y résout ce problème , dont
personne encore n'avait parlé, et
qui sert à trouver le lieu de l'éclipli-
que oij la réduction à l'équateur est
la plus grande. IX. Ephemerides
incipientes ab anno i473, Venise,
1498, in-4°. X. In Ephemerides
conimentariiim, à la suite del'alma-
nach de Stoefler,Venise, 1 5 1 3, in-4".
XL Tabulce eclipsiwn Purbachii]
Tabulce primi mobilisa Monteregio.
ibid.,in-fol., i5i5.XIL Problemata
xvi de cometœ longitudine , ma-
gnitudine el loco vero, Nuremberg-,
i53i,iu-4°. Ce sont des méthodes
exactes en thc'orie,très peu sûres dans
lapratique, pour déterminer la paral-
laxe, la distance et la grandeur d'une
comète. Il y en a pourtant une dont
Tycho a fait, depuis, quelque u.-age,
XUL Epistola ad cardinalem Bes-
MUL
sanonem de compositions et nui
cuJHsdam metcoroscoyii arniillnris;
à la suite Aa l'iiilrudiiction j:,co^r;i-
phi([iic tic P. A[tiaiui.s, lii^olstadt,
i53J, iii-f(tl, XIV. Problevuda jtç)
sapliew n(ibilis.''iini itist: nnicnti n J,
de Monlercpo, Nu ici! 1). , i5'i\. Il
appelle saphee un iiistruniPiit ({li
servait à mn]vcei>i!!entvs les dcnions-
tratioiis des prublônies , et qui res-
semble beaucoup à l'analcnime dont
on a fait un si long usage. XV. Ob-
seivationcs 3o aunomvi à Joann,
Begioinontano et B. fFtdthero i\o-
rimbergœ habitœ Scripta claris-
simi mathenialici de torqueto ,
astrolabio armillari, régula iii<t<^nd
Ptolemàicd , baculoque astronomi-
co,Nureinl), 1 5/(4 in-4°. Ces oLscrva'
tions n'étaient pas très-correctement
imprimées; Snellius en a donne une
édition plus soigne'e sous ce titre :
Cœli et iiderum in eo errantiwn ob-
servationes Hassiacœ.... quibus ac-
cesserunt Begioinontani et Bernardi
IFaltheri observaliones Norimber-
gicce, Leydc, ï6i8. XVI. De trian-
gulis plants et sphcericis libri y
und cum tabulis sinuiim, sans date;
mais , dans le même volume , on
trouve un autre ouvrage qui est
de l'éditeur Sanlbecli, et qui porte la
date, Badle.v, 1 56 1 . La préface fait
I mention d'une édition précédente
publiée quelques années auparavant
par Scboner, qui avait ajouté ce qui
manquait au manuscrit. On est étou'
né qu'on ait dilféré si long-temps à
faire jouir le public d'un ouvrage le
plus intéressant qu'eût composé un
auteur si célèbre, et le seul, peut-
être, qui ofTre aujourd'hui quelque
intérêt. Lalaude , dans sa Bibliogra-
phie, n'a point donné la date de la
première édition ; De Murr nous ap-
prend , qu'elle est de Nuremberg,
i54i, in-4'^. {Notiiia triiim cod.
XXX.
MlJÎ,
38 >
pag. i\. ) Sclioncr y avait mij
le titre suivant : DuClissiini et ma-
thematicaniiii disciplinantm eiimii
professons Jo. de tlcgiornonle J)c
trittngulis omnimodis libri y ; ac-
cesserujit in calce J). Cusani de
qiutdrnlurà circuli atque recli ne
CLirvL coininensuraiione , ilemque
eddem de re tXiyx.'^r/)^ hdcttmus
à neinine pnblicaln. On y trou-
vait la table des sinus calculée
par MuUer pour le rayon de
G,ooo,ooo, et une autre table poiir
\\n rayon de 10,000,000 parties, et
rien pour les tangentes, dont l'au-
teur ne fait anCune mention. Tous
les cas des triangles, soit rectili-
gnes, soit sphériques , y sont résolus
par les sinus ; sans parler d'une mul-
tiludc de problèmes , plus curieux
qu'utiles pour la plupart. Les solu-
tions en sont parfois fort ingénieu-
ses, mais toujours prolixes par la
maladresse qu'il a eue de ne tirei"
aucun iiarti des tangentes. 11 enseigne
• • • 1 • ■ '^ I
a circonscrire un cercle a un triangle
sphérique quelconque. Il s'élend
avec complaisance sur le cas où les
trois angles étant donnés on demande
les trois côtés. Ce cas n'avait jamais
été résolu par les Grecs , ni par ])er-
sonne peut-être ; et il n'est d'au-
cun usage en astronomie. Miilier
paraît y attacher une importance
particnlicre. C'est un problème qu'il
propose à ses correspondants sans
leur donner jamais la véritable solu-
tion qu'il réservait pour son ouvrage.
Celle qu'il voulait J;ion leur commu-
niquer était beaucoup jilus longue et
plus compliquée, parce qu'il eu cher-
chait les principes dans l'ancienne
trigonométrie grecque. XVII. Ses
Lettres inédites ont été publiées, en
l'y 86, par De Murr , dans sou
MemorabiUa hihliothecarum pvbli-
cariim lYoriinhcrgensiimi et wii^ei'-'
a5
386
MUL
sitatis Jltdorfianœ{t. I. p. 74-'?.o5 ).
Ou y décrit quelques iustruiueiits qui
out apparteuu à Muiler, et qui ont
été achetés des hérilicrsde W.dllier.
Ce sout trois petits astrolabes de
quelques pouces de diamètre; les
limbes eu sout d'argent : l'im des
trois est arabe. Ce recueil contient
nombre de problèmes , la plu-
part de simple curiosité. Dans une
de ces lettres il parle d'un volume
dont il u'indiquc pas le titre, et qui
doit être publie' par ordre de son
seigneur le cardinal Bessariou ,
auquel il se dit attaché comme fu-
inilinns : dans une autre , on voit
qu'il avait trouvé à Venise les six
premiers livres de Diophaute et qu'il
était disposé à tradidrc l'ouvrage
entier s'il avait pu se procurer
les sept derniers livres. Il revient
plus d'une lois sur le problème des
trois côtés connus qu'il paraît regar-
der aussi comme diiiicile, quoiqu'il
ait dû voir , dans le livre d'Albale-
gnius qu'il a commenté , les deux
solutions de ce proidème que nous
employons encore le plus souvent.
Aucun de ses historiens ne parle de
ce commentaire; l'éiilion où il se
trouve est de iG45 : il est dit qu'elle
est faite sur un manuscrit du Vatican.
Il est possible que Muller y ait ajouté
ces notes pendant l'un de ses deux
séjours à Rome. Ces Lettres se termi-
nent par un problème astrologique
plutôt qu'astronomi([uc , celui de
chercher si deux lieux diiïérents
peuvent avoir le même ascendant.
La question est bien sim})le; la solu-
tion qu'il eu donne par la synthèse,
est adroite et curieuse. Mais pour
finir par une chose plus impor-
tante, il remarqua le premier que si
l'hypothèse lunaire de Ptolémcc était
véritable, le diamètre de la lune se-
rait quelquefois presque double de
MUL
celui que nous lui voyons. On fait
honneur de cette remarque à Coper-
nic, qui de plus a su trouver le re-
mède à ce défaut de l'ancienne théo-
rie. Murr possédait trois manuscrits
autographes de Midler; l'un con-
tenait ses notes sur la version laline
de la Géographie de Ptolémée : Pirc-
kheiraer les a insérées dans son édi-
tion de ce géographe, donnée en
i5'i5. Le u*^., de 0^3 pag., renfer-
mait sa défense de Théon contre
George de Trebizoude ; et le 3"". , diî
io6 feuillets in-4''. , était intitulé:
De tria?igulis oninimodis libri r.
Murr en a donné un extrait avec
un fac-slmilc de l'écriture de l'au-
teur , sous ce titre : Notilia tiitini
codicum autoi^rajihoruni Johannis
Begiomonlani , Nuremberg , i8oi ,
in-4<'. de 34 pag. ( i ). — Midlcr était
un homme plein d'ardeur et de
sagacité, actif et entreprenant ; il
avait conçu le projet de réformer
les tables astronomiques ; il avait
fait tous les préparatifs nécessai-
res , et commencé un cours d'ob-
servations : il ne lui manqua que du
temps et du loisir. Son voyage de
Rome et sa mort prématurée ont fait
à l'astronomie un tort qui n'a pu
être réparé de long-temps; et il eut
à se repentir lui-même d'avoir pro-
voqué, par ses écrits , une réforma-
tioii pnur laquelle il eût été mieux
d'attendre que l'astronomie fût un
peu moins imparfaite et la longueur
de l'année mieux connue. Ou a sou-
vent parlé d'une prédiction préten-
due trouvée dans le tombeau de
Regiomontanus : c'est une superche-
rie. ( F. BauscniLS, VI, iGo, not. )
D— L— E.
(i) De Murr dotioa, quelques années aj»r*:-î , ce»
troi» manuscrits à l'entpen-ur de Rti5:>ie; et ils out ^tê
déposes \ la bibliulLcquc iiupcriiile. {Ma^ui, «a*^*
cLop.j mars 1807, it, 169.)
MUÎi
TVÎULLER ( Andri:), sav.int orien-
taliste, ne vers iG/Ju, à (iicillcnlia-
gcii , dans la Porncnniic ultcrieinc; ,
acheva ses éludes à Kostock, avec
une rare distinction. 11 n'avait alors
que seize ans, et il composait déjà
des vers tiès-a;^r(''ablos, non • senle-
lûent en grec et en latin, mais enco-
re en hébreu ; aussi Klefeker lui a-t-il
accorde une place dans ta Di'olioth.
erudit.pi\ecuc.l[ vintensiiiteà Grips-
■wald , ou il prit le dcgn; de niaitrc-
cs-arls ; et, s'étanl reuvlu a Wittem-
berg, il y donna des preuves de ta-
lent et de ca})acite\ ipii lui méritèrent
le pastoral de l'église de Kœnigsberg
sur la Warta. Son aveisioa natu-
relle pour la socie'te, et le (Ic?,ir de se
livrer plus tranquillement à 1 étude,
le déterminèrent à se retirer à Trep-
tow; mais il passa bientôt en Angle-
terre, où il était appelé par Walton
et Caste'l , qui |)ré[Mraicnt une nou-
velle édition de la làible polyglotte
( f^. Walto.\). Il devncura dix ans
à Londres, dans la maison deCastell,
trav lillantavec une telle application,
qu'il ne se dérangea pas même pour
voir le cortège de Charles II, qui
passait sous sa (enctre, lors de la
l'csiauratiou. Ce fut la que Wiîkins
lui inspira, p )ur la langue chinoise
un goût qui se changea pour ainsi
dire, en passion, qi.ind il eut trou-
vé l'occasion d'acheter à Amster-
dam , d'un certain Jean -S. Morus
( ou le More ) une quantité assez
considérable de types chii.ois , et
que ses relations avec le P. Kircher
lui eurent encore procuré d'autres
secours en ce genre. De retour en
Allemagne, il fut nommé pistcur
de Bernow, et, en 1(1(57, pn vot
de l'église de Berlin, bcnéficc qu'il
résigna, eu i6B5 , pour se retirer
à Stettin. Occupé entièrement de
l'élude des langues oiieutalcs , il y
MUL 387
avait faitde grands progrès, Ils'était,
comme ou a dit, applique au chin is:
et il annonçait nue méthode par la-
qui.-Ileuue femme ou un enfant pour-
rait apprendre celte langue dans
très -peu de joins {intrà paiicos
(lies) ( .). 11 brûla cet ouvrage avec
la plupart de .ses autres écrits (^i,
dius un accès d'humeur contre le
genre humain , qu'il accusait d'in-
gratit iile, parce qu'il n'avait pu par-
venir à reuiplir une sousciij)ti 'u de
deux :i:i!le éeus de Prusse, ipi'il de-
mandait pour sa Cluvi\ nui a Dans
le 5'. prosj)eclus qu'il publia en
168 i , à la suite du ■pecimcn le.rici
man/lariuici il convient que des pi in-
cos puurraieut seuls ï.nre les fnis
d'une telle j)ubiication ; quant aux
autres, ajoute-t-il : Sriro volunt
oinnes , mercedein s'ilve^e ne no,
Mulicr mourut le 'i6 octobre 1694.
Ce savant était capricieux et peu
communicatif ; il retouchait sans
cesse ses ouvrages, et ne se déter'ui-
nait «nie dift'wiîenient à les rendre
publics. 11 refusa à Job Lulolf,
."^on ami, de lui donner copie de sa
Clavis sinica , dont ce savant lui
(i") Celle anivmce fastueuse , (iiilp du tnn !« plus
ma;i>litii , pouvait imposer tt\i (einps dp ^lii'ler : le
rlt-iiiciils J, la langue el de re^rlturr, Jeuis dUirultes
elles mnyins de les sunrioi ti-p, elditnt (ij;,i'cineut
iiicuuiius. Il .11 H(a:t alors d s ci- cirr.s chi'un s ,
comiu.' iiu nur i'Iiul d- s lileiOjl> |i!i(s • j-vpll^ns.
C iicuii prop s.iil SIS iili'PS ait ha^.ird , et ii n'y eu
avii'i pas de si il >u dt; , ijuMl,- ne i ^wi( qiK-lijue
temps ie l'idniiriliim du vul,-.; re disstvriiiis. B.iv<r,
medioireiiirul inslruil loi mÈ n.- d uis le < liinois ,
BV«il appipcie -i l.i.r jii le \Afm- lis i-inpii.il tiuu
pioinesst^ d'Audri' Miillrr. Il a leinipi iiiie l.i l'ropo-
sitiii Cluv ■ s niCiX ' la G.: du toiii. i , dr su . T/«-
seitm irlc'tn : Ip« Ii et nr^ cu:ii iix de voir ins(pi'oik
peut a'er le rliiirl itaidsaie dps s.vails. fpi-iiul biea
dp r usul' r ce i rcp;iu. ils Ir'iuvernut au>.>i des
d' liiils 'uti ip-siMls it f ri pxa Is sur s . tiijp- que
iiliir av.ilt f.ntes en chiiois, dm.s la Pr t'ace du
iiièiup /)i':itff;i;n , p. ?3 io. I. s laits ricup 11 s [lac
Bajrr avaipnt rie ^luli^ | nr Siarik- A. R— T.
i^a . Ils se mautaii ut ^' a>o viiluines ou oaliiers,
."•ans coupler un :raud iio uhre de IVulles vnljul.-s :
car le soir avant do se coucher, il ue luaiiqtMÏt ja-
mais d'icr re t'uil ce qu'il ava t ap;jris i.uis la
journpp . ! iir ses lectures ei sa ('orre^pv>iidau>'e ou
en converstiuii , et tiui pouvait sa raltuchcr au
yosle i^lnu de :>;-s éludes.
388 MUL
olfrait mille ducats. Ludolf nous
apprend , dans sa correrponJaace
avec Lcibnitz , qu'il fut oblige de
cesser tout commerce avec Muller ,
parce qu'il ne pouvait <ju'à peine
dcchlirrcr ses lettres , écrites d'uu
style enigmatique. Maigre tous ses
défauts, on doit convenir que Muller
a beaucoup contribue' aux. progrès
des langues orientales en Prusse. Il
fit graver à ses frais soixante-six al-
phabets ; et il possed.iit , comme on
a vu , une espèce d'imprimerie chi-
noise, qu'il légua à la bibliothèque
de Berlin, en recoimaissanre des
secours qu'il y avait trouves pour
son instruction. li légua sa nom-
breuse bibliothèque , au gymnase
académique de Stetlin. Les princi-
paux ouvrages de ce savant sont :
I. Excer-pta maniiscripti cujusdam
turcici quod de cognilione JJei et
hominis ipsius à quodain Aiizi
NESEPH.EO, tataro, scriptiim est ,
çiim vers. lat. et nnlis jwnnullis
subitaneis , Berlin , j 6f J5 , in - 4".
II. Une bonne èdit. des Foja^es
de Marc Polo , avec des notes des
dissertations et des index ^ iLid. ,
iG'yi, in-4". Le texte qu'il donne est
celui de la version latine attribuée à
J. Huttich , et qui avait déjà paru
dans le Ncvus Orhis de Grina;;is ;
mais Muller l'avait coUalionné quoi-
que imparfaitement, avec mi ma-
nuscrit de la Liblioiltèque de Ber-
lin. ( F. Polo. ) III. Symboles srria-
cœ , sive epistolœ duce , una Mosis
Mardeni sacerdoiis sjri , altéra
Andr. Masii, cum versiune latind et
notis, acdisserîationes duce de rébus
sj-riacis, ibid., 1G73, in-4°.IV.L' O-
raison dominicale ^ en chinois, com-
parée avec cent autres versions en
autant de langues, ibi;l., iG'G; il). ,
iGSo , in-4'^. ( F. LuDEKEN, xxv ,
38G. ) Sebast. God. Starck en a
MLL
donne une troisième édition augmen-
tëe d'après les manuscrits de l'au-
teur , ibid., i-joS , in-4". ^ >' •'
joint une Vie de Muller, et le Cata
logue détaille de ses ouvrages (i'.
Ce travail n'a pu qu'être fort utile .<
Charaberlayne ( F. ce nom). Y. Le
Catalogue ( en allemand ) des ou-
vrages chinois de la bibl. de Berlin
(au nombre de 24 , formant environ
3oo volumes), ibid., iG83, in-fol.;
nouvelle édit. en latin, 1G84 , iG85,
in-fol. Elle est augmentée de la liste
des manuscrits précieux que possé-
dait Muller, tant en chinois que
dans les autres langues orientales, et
delà nomenclature des ouvrages qu'il
avait déjà pu})liés ou qu'il se pro-
posait de faire paraître. Vï. Opus-
cida nonnulla orientalia , Franc-
fort , i6g5 , in-4'*. C'est le recueil
de ditférents petits écrits que Muller
avait déjà publiés séparément. On y
distingue : Abdallœ Beidawœi His-
toria sinciiiis , pers. latin. , cum
notis et Appendice , Berlin, i6'j7,
in-4°. (2) — Monumenti sinici his-
toria , textds illustratio per com-
mentarios , et examinis initium.
C'est la fameuse inscription en mar-
bre, découverte en i6'.i5 , près de
Si'an-Fcu ; la date qu'elle porte ré-
pond à l'année 780, et prouve que ,
dès cette époque. l'Evangile a été prê-
ché à la Chine. Kircher avait déjà pu-
blié ce monument , dans sa China il-
(i)Ot trouve le ))T-ecls <ïe cflte vie df jlullrr ,
dans le Nnva Lllerana Germantœ , de uov. i7o3 ,
jiaf;. 403-407. ;
(i) Cette liisioii'e de !a Clilne , coiiniip ci> persa^
5011S le tUre de Tmiili Kilai, et i>iibfiec p;ir
Hliiller cnmiue é(;iDl l'onvrase du célèbre AHd-
allali Bridliawi ( /', Bi;iDHA.\VY , IV , «j- ^ , «t
vraisciiiblabiriiieiil traduite duu original chÏDu s ; et
tout |<irte à croire <)iie c'est nue vi r.sioii persane di)
liMe rédige en m.nijjol , par Tcliagan . d'apri-s un
ôri.^inal chinois, vers lau i3;>o, et connu ri»
ibinuis sous If titre abrège' de Ti warg ki r.ian
( Abrégé clironologiquc de 1 histoire des EmpereursV
Vovex les détails <|ue je donne ii ce sujet dans n.e<
Ihcheiclies tartmes , loaa. i«'. aoî-aoi. A. R— t
MUL
litstrnla. ( /''. KiRcutr. , xxii, /^4^)'
Millier l'a reproduit avec de nouvel-
les expliralioiis. ( iJcrlin , 167?, , 111-
4". de i-.t.'. pag.)Mais il a eii la inal-
heureuse idée de la luellrc en mu-
sique pour en noter la prononciation.
Hehdomas observationuin siiii-
caruni, ( ibid. 1G74, i"-'i''-, '^c 4"^
pag. ) — Cominentatiu alphabe-
lica de Sinaruin man^nœciue Tarla-
riœ rébus, (7-2 pag. ) — Geop-a-
phicus imperii Sinensis nomencla-
ior. Dès lOGg, MuUer avait donne'
une réduction de la grande carte
publiée par les géographes chinois,
avec des explications eu latin. —
Basilicon Sinensc ( 3() p 'g.) C'est un
tableau comparatif des listes d'eni-
percurs de la Chi!:e, données par
Martini, IMcndoza , le prétendu Béi-
dha^vy , et les manuscrits chinois. —
Spécimen anahticœ Utlerariœ. On
y trouve une lettre à Ludolf , par
laquelle Muller s'olFre d'expliquer
tous les morceaux qu'on lui présen-
tera , même ceux qui sont écrits dans
les langues dont les caractères lui
sont tout-à-fait inconnus. Vlï. Spe-
peciminuni sinicoruiu decimce de
decimis, unà cum niantissis. i685,
iu-fol. de 60 pag. C'est le plus rare
des ouvrages de Muller : ou y trou-
ve d'abord la relation chinoise ( avec
la lecture suivant les prononciations
tonqninoises et japonaise ) de l'é-
clipse arrivée la 7^. année de Aouang-
■woii ti, comparée avec i'éclipse mi-
raculeuse qui accompagna la passion
de Jésus - Christ : vient ensuite un
Spécimen Lexici mandarinici. . . .
uno exemplo Syllabce xjm com-
monstratum ( 1648 ) 6 pag. ; De
eclipsi passionali te>.timonia i'Cte-
ruiii et judicia recentionim ; enfin
Proposilio clavis sinicce edilio quar-
ta , et les catalogues des livres chi-
nois etc. (n^. Y. ci-dessus. ) W — s.
MUL 389-
MULLKR ( JrAN-Hir^Fi), phy-
sicien et astronome allemand , ne
])rès de Nuremberg, le i j janvier
1671 , observa dans sa jeunesse avec
Eimniart, qui lui donna sa fille en
mariage, et lui légua ses manuscrits.
11 fut nommé professeur de mathé-
matiques et de physique a l'uuiver-
silé d'Altorf, contribua , en 171 1,
à faire élever un observatoire au
collège de celte ville, et mourut le
5 mars 1731 : il eut Doppelmaycr
pour successeur. On connaît de Mul-
ler ( i ) : I. Oratio de physicœ trac-
latione; — Dcscriptio eclipsi s 50-
lis anni 1706, Nuremberg, 172G,
in-4''. n. Exercitatio academica
dc:extispiciisvtHtrum,A.\Xoi!L, '7' ''
in-4°. C'est une savante dissertation
sur les présages que les anciens li-
raient de l'examen des entrailles des
victimes. 111. Programma de spe-
culis uranicis celebn'oribus , ibid. ,
1713, iu-fol. IV. Disputatio de ga-
Zrt.r/a, ilid. , 17 15, in-4". ^' -^^
{itjudprincipio remm ex vienls Tha-
Ictis dissertaiio , ibid., 1718, in-
4°. VI. CoUegium expérimentale ,
etc. , Nuremberg ,1721 , in-4"- C'est
un recueil des expériences qu'il fai-
sait répéter à ses élèves sur ce qu'on
liommait alors les quatre éléments.
VII. Disputatio covietas sublu-
nares si\'e aërens non prorsùs ne-
gandos esse, ibid., 1722, in-4°.
VIII. Observatiunes aslronomicœ
physicœ selectœ in spécula Altorji'
nd ab avno novœ ejus instauratio-
nis , 1 7 1 1 , annototionibus illustra-
(l) Muller avait un frrre , r.omme Jean-l'hnslo-
^//e, BlUclié au cunile do Marsiïli, qui se servit de
Inip^mrles op. ratio: s astron.Mr.iqucs cl se'.srap!»-
tjutS. U luunrui c-.«iiilaini-ili^ruitur, i Viiliiie . *il
1-2Î. C- t .illirier a doDue »■ e mrte de Moravie i-n 8
liuillf^, et 1.» autres cartes des elat* aulrichieuj,
qui 5.)iit ius' i-ers d:u s l'atlas de Homaun. U
ob5cr%a , eu ilVitJ . la liauleor du jiole de V lenue , et
)c 3 r.oT. 11197 , le pajsjge de Mercure sur le Soleil. Il
reudit compte de celte dernière observatioo dajib um
JLcllrc \ liiuiuurt, Vi«ui>p, itijS^in-^».
Sgo
MUL
tœ, Alldorf, 17^3 , in^". IX. Dis-
sertuiio de inœqitali claritale lu-
cis diwnœ in Itrrd et planetis ,
ibid., 17'.>.9, iii-4' • Ses < LsfTvatiuus
inamiscriios ëtaiciit à Paris au cc-
pof des caitc.v de la inaiinc. — Ma-
lie-CIaire Eimmap. T, cpuiise de Mill-
ier, avait (ite élevée par ^ou |)èie,
qnii'iiiiiia dans les si e rets de l'as-
troïKiiiie, el lui apj)ril le latin, le
fra-çais, el les arts du dessin, la
peiiUi.re et !a gravure. Kiie ai' 'a son
j>ère, et ensuite soh mari dans leurs
observations , et destina élegaui-
ïnent. à la manière noire, un grand
pojibre d'e'clipses, de comèles, de
ta( Le- solaiies et lunaires, cl deux
oeil ;re«!o-cinq phases delà Liii;e.
Ou a 'con crve u'elîe des fleurs et
des discaux rares peints d'après na-
ture. et plusieurs gravures à i'caii-
forie. (-c!t<' ciaiiiC nuunit le 'iS oc-
îoLre 1707, âgée de trente un ans
(F. lMi.:MAirr.\X]J. 57:^). W— s,
MLLLER ( GlrardFrkdi-:f.i(; ),
voy.Tgeur et hislorien aileniand ne'
vn 1705, à HerArd. eu \\ csîj lialie,
lit ses études socs ;e proies. '■ei.r i\iei;c-
ke , a Leij)zig , a\ ec laiit d'er'a! , que
ccprci'es.seiirle reeomm.-.nda au gcju-
veri;eineiit de Paissie, et (Lîint jxair
lui une plaee à la classe îiistoriqne
rie la ncvelle acadénùelVuidcoà Pé-
îarsbo.rg. Mujlcr lut secrétaire-ad-
joint de I académie, et en.Migna le
latin, l'histoire el la géigraj l)ie. 11
eut ensuite la place de sous jiiblio-
ihécaire, puis celle de prci"es.>eur
(i'iiisloiie. I/acadéniie l'ayant char-
gé de faire lui voyace scicntifque, il
,■• e rendit à Londres , et y fut nommé,
va 1731, membre de !a suciclé roya-
le. De retour à Péîerslicurg , il fut
désigné pour accompagner (jmeîin
ctBe.islc de la Croyère, (ians leurs
VO}ages en Sibéiic, avec la u ission
U'éaidiftr surtout l'histoire, les aa-
MUL
tiquilcs cf la gcograpliic des contrées
qu'ils allaient visiter. Ces voyages
pénibles dans un pays désert et bar-
bare, dujèrent dix ans : Gmelin eu
a public la relation. Plusieurs années
api es son retour, Mu'lcr fut nommé
bisioiitgr; plie de l'empire russe j à
ce lilic, ii juigiiit, en 1704 , celui de
secrétaire de lacademie des science;-;.
De nouvelles dislinctions l'atlen-
daienl :cu 17G3 i\ fut appeléa la di-
rection de I érulc des enfants-triuvés,
fondée par (Catherine; et, trois ans
après, onluicoiilia Icsarcliivesiuij-é-
ria les des affaires étrangères. Il fut éle-
veau rangdeconscilicr-ii'elal.cl r< eut"
ladécoiation de l'ordre de \ ladimir.
11 li! pal tiède la comn:ission législati-
ve, instituée par GatL(rihe 11 , et fut
cbai gc de rédiger un recueil des Irai-
tés diplcmatiques de la Russie, sur
le niL (il le du Ccrps diplumatiq: e de
Diiiiiont. V s'acqui.ta t e<esdivtrs('s
mi.ssinns avec autant fie zèie que dé
lalrnl; et 'a Russie a eu peu de sa-
vants qui lui aienr été aussi utiles.
Parti ut cùi! fut emplo\é, il Iravad-
la .^.ans rt lâche, et alla souvent au-
delà de i'a;ten e de ses supéiiiiirs.
lndépcn:ian)ment des ouvrages rédi-
ges par lui, il a contribué à la jiu-
biication de bcaucouj) de travaux
d'autres .savants; et il a facilité à
tous ceux qui se sont occupés de la
littérature russe, les moyens de le
f.iire avec succès. Quoiqu'il eût
à lutter contre de jjuissanis en-
nemis, il trouva, dans l'imjiérafri-
ce, un appiéciateur de son mérite.
Non contente des digiiîcis et cîes li-
tres qu'eilelui avait conférés, elle lui
paya la valeur d'une maison qu'il
avait aeheîée, et fit. j'our l'Etat, l'ac-
quisition de sa bibliothèque, moyen-
nant uo.ooo roubles, mais en lui
laissant la jouis.sancedesa collection.
Dans l'étranger, les ouvrages deMuK
IMUL
lor ont ctc d'un giaiifl srcours aux
geoginphes et aux bisloricns. Les
uns et les autres y ont puisd une
foule de matériaux iieul's ci curieux^
relatifs à la Russie ; aucun Russe
n'en avait rassemble autant sur ce
pays. Quoiqu'il n'ait point donne'
luie histoire suivie de la Russie , on
jient, eu quelque sorle, le re^;irdcr
comme le pi'rc de l'histoire de cet
empire, tant pour les ouvrages qu'il
a publics, que pour le vaste fonds
de matériaux qu'il a laisse aux
historiens qui viendront après lui.
Aussi sont-ils cites avec recon-
naissance par tous ceux qui ont
trailc' de l'histoire et de la géogra-
phie de celle immense contrée. On
peut voir à ce sujet les témoigna-
ges que lui rendent Coxe, Le'vesque,
Schlozer et autres. Miiilcr a écrit en
russe, en allemand, en latiji; quel-
ques Mémoires sont même rédigés eu
français; car il parlait ces quatre lan-
gues avec une facilité particulière ,
et il lisait l'anglais, le hollandais, le
suédois , le danois et le grec. Sa mé-
moire était étonnante; et la connais-
sance exacte qu'il avait des moin-
dres événements des annales russes,
surpasse presque toute croyance. Sa
collection de papiers d'état et de ma-
nuscrits était précieuse. L'impéra-
trice en fit l'acquisition. L'académie
des sciences de Paris l'avait nommé
son correspondant. Il mourut le 23
octobre i y83. Ses principaux ouvra-
ges sont : I. Gazette allemande de
Saint-Pétersbourg, depuis l'^'^iB
jus(ju'en i-jSo, in-4°. II. lieniarijues
historiques, généalogiques et géo-
graphiques sur les gazettes, 17 28
et années suivantes. Lors du voyage
de Muller en Sibérie, cet ouvrage pé-
riodique fut continué par d'autres.
m. Becueil pour l'histoire de Rus-
*^{'e j Pclcrsbourg, 1 ^'22-1 -^64 , 9 voi.
INHJL 3()i
in-8". , dont une partie a élé publiée
par d'autres savants, pendant les
voyages de l'auteur. L'ouvrage a été
réimprimé à Oflcnbach, en' 5 vol.
in-80., 1777-80'; mais cette édition
est moins complète. IV. De sciiptis
Tangulicis in Sibirid repertis, Pc-
tcrsbonrg, 17 ■^17, ^^-^^'■, et dans les
Comm. acad. Pct.ropolil., x, ,\-xo.
des fragments , échappés à la destruc-
tion d'une vaste bibliothèque Ihi tare,
sont passés en diverses bibliothè-
ques, cl r.e sont pas très-rares dans
les cabinets des curieux. La premiè-
re découverte en ee genre remon-
te au règne de Pierre - le - Grand
( F. FouRMONT , XV , 37G ). Ou
trouve de plus grands détails sur cet
objet intéressant, dans les Recher-
ches tartares de M. Abcl Remusat,
tome i«'". , p. 228 et 33-2. V. Ori-
gines gentis et nominis Russorum ,
ibid. , 1 7 49' VI. Histoire de la Si-
bérie, tome i<^''. , Pétersbourg, 1 750.
Cet ouvragC; quifait aussi partiedu re-
cueil n". ni {F. Fischer, XIV, 574),
n'a pas été continué; mais Fischer
a fait un abrégé du premier volume
publié et de la continuation manus-
crite. Cet abrégé a paru en 1768 , à
Pétersbourg, en 2 vol. in-B*^. VIT.
Dissertations nouvelles , Péters-
bourg, 1755-64,20 vol. VIII. Dis-
cours prononcé en 1763, après le
couronnement de CaUie ine II, dans
une séance publique de V académie
des sciences, 1762. IX. Les Deui:
deiTiiers ^^oj âge s faits dans la mer
Glacial" , parle cavitalne Tchitchu-
gow , Pélersbourg, 1773, in-B". Il
a fourni un grand nombre d'articles
curieux et insUuctifs à des ouvrages
périodiques et à des recueils scienti-
fiques , entre autres , une Lettre d'un,
officier de la marine nissienne à
un seigneur delà cour ,hcr\in, 1703,
contre la relation publiée à Paris, par
39» MUL
Delislc de La Croyère , sur son expé-
dition au Kaintschalka; — Mémoi-
re sur la colle de j'oision , imprime
dans le tome v des Mémoires des sa-
A'ants étrangers , présenic's à l'acadé-
mie des sciences de Paiis ; — IVotice
sur ravenemeut de IMicliel Fcdéro-
vitcli au trône de Russie; — Notice
sur le jlcuve u-imur; — Eclaircisse-
ments sur une lettre de Louis XII
au tza" Michel Fedconùlch ; —
Sur les langues et la servitude ■ —
et RéJ'utalion de la fable donnée
f/our 'vraie dans les nouveaux voj'a ■
ges de Bussu, relativement à la
■princesse Brunswickoise ^ Christine
Sophie ( ou Charlotte ), dans le Ma-
gasiu liistor. et gcoc;r. de Bùschiiig
( V. Brvnswick, VI, 145 j; — Pe-
tits vojages en Faissie , dans le
Journal PéîcisLouri^eois deArncil;
— Remarques sur le i«'". tome de
l'Histoire de Russie , -par Foliaire^
dans lé Magasin des amis des scien-
ces utiles, Hambourg-, 1^60-61 (i).
Bliiiler a été l'éditeur de V Histoire
du Kanitschalka , par Krasclieuin-
nikow ; du Dictionnaire allemaiid-
latin-russe; de la Généalogie des
czars de Russie; de V Abrégé de l'his-
toire russe , par le prince CLiikow;
de ['Histoire de Russie, par Tatis-
clitchew. JI a coopéré au Cellarius
russe; au Dictionnaire i>éuç;raphi-
que de Fe/u jnrc russe , par Polienia ;
au Recueil des lettres de Pierre-îe-
Grand au fcld- maréchal Chérémt-
tovi. Diimas a traduit de l'aliemand
ï Histoire des voj'ages et découver-
tes des Russes , réiligée par IVhiiloi- ,
Amsterdam, 1766, 2 vol. petit iu-
tJ^ D— G.
(i .• C'ist î^roccasioii fjeci-s Jierannjiics Ae?<lu]\ev,
que V,.|l.iire lit cglte rc|K>n>e ^i «.ouime : C'e>l un
Aileiiinnil ; je lui s^uhaileplus d'esvnt tt mviiii de
flUi^otillel.
MUL
]\IULLER eu MILLER ( Jean-
SÉhastien ), peintre et butanislc al-
kmand , né à Nuremberg , en 1715,
était fils d'un jaidiuier bolar:is-
îo. Après avoir apjjiis la gravure
dans sa ville natale, il se rendit eu
Angleterre avec son Acre Tcbic,
qui a gravé jdusieurs feuilles d'ar-
chitecture. Jean-Sébastien s'établit
dans ce pays, en qualilc de peintre-
graveur, et y lit de uondjrenx tra-
vaux. 11 grava des paysages de Van-
der Neer etdo Claude Loriaiii;le com-
bat naval entre EUiot et ThHrot,i76'i;
Kéron déposant les cendres de Bri-
tanuicus , d'après Lesucur ; uue Sain-
te-Fami!!e,d'a];rcs Baroccio. 17(^7;
la Coîîtinence de Scipion, d'après
Van Byck.On lui doitjes gravuresdc
l'Ilisluijc d'Angleterre de Smollctt;
les \igi;ellcs du Virgile et de l'Hora-
ce de lédinon de Baskerville, des
voyages de Han^vay, ainsi que la plu-,
part des gravuics contenues dans le
Tiailé de la méthode antique de gra-
ver en pierres fines par IN'alf er , dans
les Ma rbi es d' Arundcl par Chandler ,
thaïs les Faunes de Pœstum. Mullcr
a peint des paysages, ainsi que d'au-
tres tableaux , tels que la Confirma-
lion de la grande charte, tableau
qu'il a aussi gravé; les Poitrails du
roi et de la reine d'Angleterre , etc. ;
mais son principal ouvrage, dans le-
quel il fc'est montré de j)lus botaniste,
est son Illustratio srstematis sexua-
lis Limicci, en latin et en anglais ,
Londres, 1777, 10 cahiers grand
iu-l"ol. Pour icjircsenter le système
sexuel du naturaliste suédois, Muller
avait choisi cent quatre plantes , qu'il
avait dessinées et gravées avec le
plus grand soin : elles sont représen-
tées en floraison ; et souvent les fleurs
sont figurées à jjart, dans le plus mi-
nutieux détail. Cliaque planche, re-
piésentaul les plantes en noir, est
MUL
accompagnée d'une aiilrr où la même
plante est coloriée il'a jucs nature. Le
texte eonliciil la deCmilion de la plan-
te ci ses caractères, lires des œuvres
de Linné, avec la traduclion et une
tcrniiuoloj^ie anglaises. Rlullcr y a
joint . en caractères diirèrents , des re-
marques sur les diverses parties de
la plante, des explications des ter-
mes employés par les botanistes, etc.
Muilcr est mort en Augletcrre, après
i-yHS; il a eu, de deux maiiagcs,
vingl-neuf enfants : deux de ses (ils
&e sont fait connaître comme dessi-
uateurs; soniils aîné, Jeau-Frèdc'ric,
a accompagne' Banks et Solander
dans leurs voyages. — Muller (^Fré-
déric-Adam) avait fait une riche col-
lection de gravures relatives à l'his-
toire du Danemark, dont la descrip-
tion a étéimprimç'e en -2.5 vol. in-fol.,
sous letitrcde: Pinacotheca Dano-
Norvegica œve incisa, collecta et
in nrdiiieni redacla à Frederico-
Adaino Millier , Copenhague, i "jÇ)'].
Le roi de Danemark, Christian VII,
acheta cette collection , moyennant
une rente de deux mille rixdales, à
la liile du défunt. D — g.
MULLEK ( Louis ) , ingénieur
prussien, né en 1735, dans la Mar-
che de Prcguitz, entra fort jenne au
service, et prit part aux principaux
événements de la guerre de Sept-Aus.
Ses longs services et ses connaissances
le firent nommer, en 1 786 , capitainc-
iaistructeur du corps des ingénieurs,
aux leçons d'hiver qui furent établies
à Berlin, pour l'inspection générale
des officiers de la Marche de Bran-
debourg. Les travaux et les écrits de
cet officier ont produit une espèce
de révolution chez les Prussiens ; et
ils ont surtout beaucoup contribué à
perfectionner leur artillerie, et leur
système d'attaque cl de défense des
places, considéré jusqu'alors co.nime
MUL 393
le seid côté faible de l'armée formée
par le grand Frédéric. Muller joi-
gnait à un coup-d'œi! exercé par cin-
quante années li'cxpérience, des étu-
des très-profondes j et l'on trouve,
dans ses ouvrages , des leçons pré-
cieuses sur la stratégie et sur le
parti que l'on peut tirer de toutes
les espèces de terrain. Nommé ma-
jor en 1797 , il mourut le l'J juin
1804. On a de lui, en allemand :
I. \jArt des retranchements et des
cantonnements d'hiver, Potsdam,
1782, in-8"., i5 planches; réim-
primé à Vienne en 1 78G , et à Gotha ,
en 179'j; ouvrage fort estimé. II.
Introduction au dessin des plans et
caries militaires , ibid., 1783, in-
4^*. III. Instruction sur la manière
dont la largeur et la profondeur des
ris'ières peuvent être exprimées sur
les cartes , Berlin, 1784, et dans le
calendrier généalogique de Berlin ,
pour 1785. IV. Précis des trois
campagnes de Silésie , pour servir
d'explication à une grande carte où
sont tracées les vingt-six batailles ou
combats principaux de cette guerre,
1785, iu-4*'. (en allemand et en
français ). V. Tableau des guerres
de Frédéric-le- Grand , in-4''. , Ber-
lin, 1785; Potsdam, 1787; les édi-
tions de 1786 et de 1788 sont en
allemand el en français. Don Fran-
cisco Palerno le traduisit en espa-
gnol, Malaga, 1789J et c'est le mê-
me ouvrage que le comte de Gri-
moard fil imprimer à Paris , sous le
titre de Tableau historique et mili-
taire de la vie et du règne de Fré-
déric-le-Grand. VI. Plan de Vile
de Postdam , et des environs , 1 787.
VII, OEuvres militaires, Berlin,
1806, 2 vol. iji-4°.. fig. Cette collec-
tion complète, ])ubliée après la mort
de l'auteur, a eu beaucoup de succès
duiis toute l'Allemagne. M — u j.
3u4
WUL
MULLER ( OxHON-FRi'ntRic ),
savant naturaliste danois, l'un des
t>iiservaleurs les plus laljorieux et
les plus exacts du dix-huitième siè-
r!c, naquit à Copenliap;ue, en i'j3o.
Son g'oùt pour le travail lui fît sur-
monter la mauvaise fortune. Un de
ses talents l'aidait à en acquérir d'au-
tres; et ce l'ut par la musique qu'il
p;agna sa subsistance , pendant qu'il
étudiait en théologie. Sun instruction
et la rciïularite de ses mœurs le firent
nommer, en 1733, ])récepteur du
jeune comte de Scludiu , fds d'un
ancien ministre-d'ëlat , que sa mère
faisait élever sous ses yeux à la cam-
pagne. M"»*=. (le Schulin était mie
]i.-rsonne distinguée par l'esprit et
par le caractère. Ce fut elle qui en-
gagea Millier à se livrer à l'observa-
tion des êtres naturels, et qui donna
ainsi à la science un des hommes qui
l'ont le plus enrichie. Non-seulc-
jiicnt il apprenait à connaître et à
décrire les animaux et les plantes;
mais il s'exerçait à les peindre, et il
parvint en peu de temps à le faire
avec beaucoup de vérité et de finesse.
Les voyages qu'il fit avec son élève ,
lui fournirent l'occasion d'étendre sa
]n'opre instruction; et, dès sou re-
tour à Copenhague en 1767 , il fut
en état de prendre rang parmi les na-
turalistes les plus estimés. 11 obtint,
eu 1769, la place de conseiller
de cliaHcellerie, et, en 1771, celle
d'arcliivistedela chambre des finan-
ces de Norvège ; mais ayant contrac-
té , quelque temps après , un mariage
avantageux , il i-enonca à la carrière
des emplois pour se livrer enlière-
ment à ses occupations scientifiques.
Son prcraier ouvrage sur quelques
champignons . est en danois , cl avait
paru dès 1 763. Il donna en latin , et
en 2 vol. in -8°., en 1764 et eu
1767, l'histoire des insectes et des
ML'L
plantes de la campagne qu'il habi-
tait, sous les titres de l'aiina in-
sectorum Friedrichsdaliana et de
Flora Friedrichsdahana. On remar-
qua , dans ces écrits, beaucoup de
méthode , et l'attention la plus scru-
puleuse dans la recherche des cires;
et ces qualités lui méritèrent l'hon-
neur d'être chargé de continuer la
Flore de Danemark , ouvrage su-
perbe, que la botanique doit à la
générosité du roi Frédéric V , ce
protecteur de toutes les connaissan-
ces utiles. George-Chrétien Oeder
l'avait commencé par ordre de te
prince, en i7()i , et en avait publié
trois volumes. Millier en a ajouté
deux autres, dont le dernier a été
terminé en 1782. Les amateurs de
la botani([ije savent que l'élégance
et la vérité des figm'es de la Flore do
Danemark surpassent tout ce qui
avait été fait auparavant dans ce
genre. Cependant Millier prenait en-
core plus de plaisir à l'observation
des petits animaux qu'à celle des
plantes. Il publia, en 1771 , en alle-
mand, un volume in -4°. sur cer-
tains vers de l'eau douce et de l'eau
salée , où il traitait particulièrement
de ces animaux articulés et à sang-
rouge auxquels Linné avait donné
les noms d'aphrodites et de néréides,
et que leur force de reproduction,
récemment observée par Bonnet,
veu.tit de rendre célèbres. Millier les
divisa en quatre genres, en fit con-
naître un grand nombre d'espèces
nouvelles , et donna beaucoup d'ob-
servalions curieuses sur leur struc-
ture, sur leurs habitudes et sur-
leurs propriétés. Il se montra en-
core plus givind observateur dans un
ouvragegénéral qu'il publia en latin,
en deux volumes iu-4"., 177^ et
1774, stir les vers de terre et d'eau
douce. La première partie est coiisa-
TMUL
crée aux ai)itnaiix infiisoircs , c'est-à-
dire, à CCS pilits êtres invisibles à
l'œil nu , cl dont la plupart ne nous
apparaissent ijua l'ai Iode torts mi-
croscopes. Il eu dcVoiivrit un ç^rand
nombre ; et le premier ])armi les na-
turalistes, il eut le courage de les
distribuer en genres , cl d'assif^ucr à
cliacune de leurs espèces des ca-
raclèrcs ilistinctifs, La seconde par-
tie contient des ob-ervatiuns inte-
rcssanlcs sur les vers des intestins.
La troisième, qui remplit le second
volume, a poui- objet ies coqiidiages;
et l'auteui- essay.i de les classer , à
l'exeniple d'A;!anson et de Cieofi'roy,
d'-jpres l'organisaliou des aniraauK
qui les hal-i'cnt : mais l'analomiede
ces .îuimaux était trop peu avancée
alors, etiui-nièuie était Imp pcuaiia-
tomiste, pourqu'i! eût de grands suc-
cès dans celle entrepiise. Son li.dlé
sur les livârachves ou araignées
aqnat'qnes. public en » '-81 , et celui
des enioino tracés ( autre sorte «le pe-
tits ani maux aquatiques, compris par
Linné dans [■• genre des monocles ),
imprime en 1 '■b5 , ne sont pas des
monuments moins remarquables de
sa prodigieuse patience. Ils sont l'un
et l'autre en l.ilin , eî consistent cha-
cun en un jictit volume iu 4°- 1 or-
né d'un granJ nombre de planches.
L'auteur y fait cuiinaître une mul-
titude d'êtres animés , dont on sonp-
jounait à peinel'exisleucejbienqu'ils
remplissent, par millions, toutes nos
eaux douces , et même celles que
nous regardons comme les plus pu-
res. Cependant Muiler tiavai'lait
sans relâche à multiplier ses dccou-
verles sur les animaux infusoires :
et à sa mort, arrivée le /(j décem-
bre 1784, il en laissa l'histoire et
les descriptions dctaUlées en un fort
volume in-4"., orne de 5o planches,
tjiii fut publie par les soins de sou
amiOlhouFabricius. Ces trois écrits,
sur les infusoires , sur les momicles
et sur les lijdracfines, ont assigné à
Mullcrl'un îles premiers rangs par-
mi 1rs nat^u■aliste^ qui ont enrichi la
science d'observations originales : ils
sont classiques , chacun pour la la-
miHe à laquelle il se rapporte, et
ils le demeureront long-temps , non-
seulement à cause de la patience
et de l'exactitude infinie de l'au-
teur , mais encore à cause des obsta-
cles nombreux qu'opposent aux ol)-
servateurs la ])eti!esse extrême et
le peu de consistance des animaux
qui composent ces familles. Les in-
fusoires surtout forment en quelque
sorte un nouveau règne animal, que
Muiler a révélé au monde , et sur le-
quel depuis lors on n'a guère fait
que le co|;icr. Il avait commencé ,
en 1 779 , un ouvrage beaucoup plus
maguilique , la Zoologie danoise,
qui devait êtie pour les animaux de
Danemark, ce que la Flore du mê-
me pays est pour les plantes. Il n'a
pu en publier de sou vivant , que
deux cahiers in-fo!., comprenant
chacun 4o planches enluminées. Le
texte latin, qui avait paru d'abord
iu 8°. , a élé réimprimé en 1788,
dans le format des planches. L'année
suivante, M. Abildgaardt a publié le
troisième cahier que l'auteur avait
laissé incomplet; et ce naturaliste
étant mort lui-même pendant qu'il
travadiait au quairième, a eu pour
continuateur M. Rathké, ([ui a fait
paraître ce 4*^- cahier en 1806. De-
vant embrasser tou.t le règne ani-
mal du nord de l'Europe, et ne
comptant jusqu'à ce jour que 160
planches, on conçoit que la Zoo-
logie danoise est encore un, ou-
viage bien incomplet; mais il n'en
est pas moins précieux , et même in-
dispensable pour les naturalistes , à
396 MUL
cause du grand nombre de raoUus-
([ues, de vers et de zoophylrs qui s'y
trouvent décrits et rc|)rcsenlt's pour
la première fois. I/aulcur avait été
j).iissammenl seconde' pour ses ob-
servations, et surtout ]>our ses des-
sins, par son frère Cliarles-Frèdé-
ric, ({u'il avail forme à sa manière
de travailler, et qui lui fut toujours
fort attaclié. Outre les grands ou-
vrages dont nous avons parle' , on a
encore de lui un catalogue général
des animaux du Danemark, intitulé
Zoologiœ Danicœ piodromus , Co-
penhague, 1777 , in-8°. — un traité
en danois sur la Chenille à queue
fourchue , ibid. , 1 77 i ; — une rela-
tion, aussi en danois, d'ua Fojage
à Christiansand, ibid. , 1778, et
quelques Mémoires imprimés par-
mi ceux de diverses sociétés savan-
tes. Le gouvernement danois mar-
qua combien il appréciait l'honneur
que INIidler faisait à sou pays , en lui
a.ccordant successivement les titres
de conseiller de justice , de conseiller-
d'état , et de conseiller de conféren-
ces, lesquels demeurèrent cependant
toujours purement honorifiques. Il
ne paraît pas qu'il ait laissé d'en-
fants. C — v R.
MULLER ( Christopue-Henri ) ,
né à Zurich, en 1740, fît ses étu-
des dans celle ville, et se rendit , en
l7G7,àBerlin,où il obtint une chai-
re de phi!oso})hic au gymnase dit
de Joachim. A un esprit philosophi-
que il joignit beaucoup de connais-
sances ; il s'appliqua surtout à des
recherches sur les poètes allemands
du XII". an xlV. siècle, dont il a
publié ( Berlin , 1 784 , '^ vol. in-4''. )
plusieurs poèmes d'après des manus-
crits peu ou point connus. Ses pro-
pres écrits (Zurich , 179'i, 2 part.
in-8'^. ) se ressentent des idées sin-
gulières et des paradoxes qui , peu-
MUL
à-peu , subjuguèrent sa raison , et lui
firent quitter tout commerce avec les
hommes. Il vécut d'une modique
pension qu'il rerevait de Berlin ; et
il s'éiai? , en 1788, retiré dans sa
ville nat-ile, où il mourut, le "X'i fé-
vrier iho7. U — I.
MULLÉR ( Frî'dep.ic-Augcste ) ,
poète allemand , né à Vienne , le iG
septembre 1 767 , reçut sa premiè-
re éducation dans le IMiilauîropin de
Dessau {f'^. BaïEdow, III , 47^ )., et
passa ensuite quelques années dans
les universités de Ka!le et de Gotlin-
gue. Indépendant par sa fortune, qui,
sans être considérable, suffisait à ses
besoins, il ve-^ut tantôt à Vienne, tan-
tôt a Erlang, sans y remplir aucu-
ne fonction publique, et mourut dans
la première de ces villes, le 3i jan-
vier 1807. Ce poète s'est acquis une
réputation méritée dans le genre de
l'épopée romantique. Son premier
ouvrage, Bichard-Cœur - de-Lion ,
poème eu sept chants, qui fut publié
eu 1790, est remarquable par l'ex-
pression , eu vers harmonieux et fa-
ciles, des sentiments les plus nobles
et les plus élevés. Ce mérite est en-
core plus frappant dans sa seconde
production , Alfonso , poème en huit
chants. î\Iais sa troisième épopée,
Adelbert , poème en douze chants ,
est très-inférieure à ses premiers ou-
vi-ages. P. L.
IMLLLER ( Jean de ) , célèbre
liistoricn , naquit à Schallhouse , le
3 janvier 1 7 ri. Son a'ieul maternel,
homme d'un excellent caractère,
était curé , et emplovait ses heures
de loisir à rédiger des chroniques.
Les bons souvenirs qu'il laissa dans
l'ame de Jean de Millier, ne furent
point étrangers au développement
du caractère et à la destinée de
celui-ci. A peine âge de neuf ans,
il s'essava sur l'histoire de sa ville
Ml L
natale :il n'en avait ({ne doii/.e, lors-
que déjà il com])arait laborieuse-
ment les divers syilcmcs de clirono-
lofjie. Sa pre lilcction ponr les clas-
siques latins s'accrnt par le debout
que Ini causa l'étude ohlige'e des dê-
Jinilions de la plùlosojilne de ff^olj\
j)ar iMumcibter : selon tonte appa-
rence, il faut rapporter à celle épo-
que l'origine <le son aversion invin-
cihle pour la jne'taphysique. Des-
tine à la tliéologie , après avoir
c'tndie an gvmnasc de SchafTIionse ,
il se rendit à l'université de Cioftin-
gne. Miller, Walcli , Hryncet Srhloe-
zer , furent ses maîtres, et fixèrent
les études et les travaux, du jenne
savant, au({uel la carrière du théo-
logien n'olTrait plus rie'.i d'attrayant.
Il fut engage par Schioe/.er à écrire
l'histoire de la guerre cimbriqiie,
qu'il jniblia deux années après {BeU
liun Cimbricum , Zurich , 1772, in-
8". ) ; et c'est à Miller qu'il dut la
première idée de se faire l'historien
de sa patrie. De retour à Schatthouse,
le "onvcrnement lui conféra la chaire
de langue grecque. Il l'accepta ; mais
son génie et ses moyens restèrent
voués aux grands travanx histori-
ques qu'il s'était proposés. L'ac-
cueil qu'il reçut des premiers savants
de sa patrie , des Bodmer , des Brei-
tingcr, des Haller et des Fucssli ,lui
servit d'encouragement; après plu-
sieurs années d'un travail assidu ,
dans sa A'ille natale, il fit la connais-
sance de Charles-Victor de Bonstet-
ten, dont l'amitié parut remplir tous
lesbcsoins de sou cœur. La correspon-
dance de ces deux amis a été publiée
sous ce litre : Lettres d'un jeune sa-
vant à son ami , à Tubingne, 1 801 ,
en allemand : (une traduction françai-
se , rédigée avec soin par une dame
aussi aimable qu'instruite et spirituel-
le, parut à Zurich, en 1810. ) C'est
MCL 3f)7
un monument durable et touchant de
l'amitié la pins pure et la plus ver-
tueuse, diiigée vers les plus dignes
fins; et elle est en même temjis nu
modèle des études les mieux ordon-
nées. Désirant étendre ses connais-
sances dans un cercle moins étroit
que celui de Schadhouse, Miiller
partit ]iour Genève .en 1 77 i , com-
me instituteur des (ils du conseiller
Tronchin. Le commerce dos savants
de cette ville , parmi lesquels il dis-
tingua Bonnet, et celui de son ami
Bonstettcn , qui demeurait dans le
voisinage , rendirent son séjour heu-
reux. Il donna successivemcjit à Ge-
nève el à Berne des leçons d'histoire
universelle, qui furent singulièrement
goûtées. Peu de temps après (1780),
parut , à Berne , la première partie
de son Histoire de la confédc'ra-
tion Suisse. Cette jiremicre édition
n'a point été continuée; et elle dif-
fère essentiellement de celle qui a été
commencée , six ans après , a Leip-
zig (dont cinq volumes , qui complè-
tent l'Iiistoire du quinzième siècle,
ont été publiés, et dont les premières
parties ont encore été réimprimées ,
revues et augmentées en 1806) , et
traduite en français . par Labaume ,
Lausane, i7g5-i8o3, i'^ vol. in-8°.
Mallot, en abrégeant cet ouvrage,
l'a continué jusqu'à nos jours ( P^.
Mallet , XXVI , 3()o ). En 1 780 ,
IMiider se rendit en Prusse ; le grand
Frédéric s'entretint avec lui : il s'û-
gissait de l'attacher à l'académie ;
mais l'envie s'en mêla , et la chose
n'eut point lieu. Les Essais histori-
r/ues , que Millier fit imprimer à Ber-
lin , renrcrment cpieiqucs pièces cu-
rieuses et intéressâmes. Le land-
grav« de Hesse lui ayant donné une
chaire à Cassel , il y reproduisit
ses cours d'histoire qu'il avait don-
nés à Gcuève. En 1783, il revint
398
MUL
en Suisse , où il vcciit pendant quel-
ques années chez soiKimi Bonstcllen.
Au conimenccmenl de i^yCjillut
a]ij)cle au service de l'élertcur de
Ma'icnce. Ce prince éclaire l'allira
dans ses états , et le nomma secie-
taiie du cabinet , et sou conseiller
intime. Muller se trouva ainsi occu-
pe' des affaires publiques les pbis gra-
ves, c[ui touleloisne le detourncrcnt
ni do ses études, nicle ses travaux bis-
toriques. L'Allcniagnorcdoutaita!ors
des projets de domination de la mai-
son d'Autriche, auxquels un contre-
poids semblait nécessaire : Millier dé-
veloppa ( en 1787) les motifs d'une
coalition des princes de l'Allemagne
pour la défense de la constitution de
l'empii-e ; et dès l'année suivante ,
dans un second écrit sur ce mèuie
objet , il eut à déplorer le but man-
qué de l'association. ^ ers le même
temps sa plume traitait des rapports
de la puissance ecclésiastique avec
celle de l'état. La révolution françai-
se survint, et Maïence fut conquise;
Millier fut envoyé à Vienne. L'em-
pereur Léopold, qui avait su l'appré-
cier à Francfort, à l'époque de son
couronnement, lui avait conféré des
titres de noblesse : il voulut le retenir
à son service, et lui accorda ime place
de conseiller à la chancellerie d'état.
Millier ne trouva plus dans celte
place la confiance dont l'avoit hono-
ré Frédéric-Charles- Joseph :.sa pla-
ce dé conseiller ne l'occupait guère;
et celle de bibliothécaire, à laquelle
il avait été nommé, lui devint odieu-
se par l'intrigue : il n'obtint pas ,
pour SCS travaux littéraires, l'indé-
pendance qu'il aurait souhaitée. On
conçoit qu'un historien protestant ne
pouvait toujours être d'accord avec
la censure impériale de Vienne ; et
son histoire de la Suisse figura sur
la liste des livres prohibes. 11 desirait
MUL
quitter l'Anlriche ; et en i8o4, U
accepta la place que Frédéric-Guil-
laume lui olïiit à l'académie de Ber-
lin , place qu'd avait ambitionnée,
dix-huit ans .luparavant. Il se ])ro-
mit dès-lors d'éciire la vie de Fiedé-
ric-le-Grand : deux discours qu'il lut
à l'académie, en i8o5et 1807, don-
nent l'idée de la mai ièie dont il em-
brassait ce mémorable sujet. 'La
guerre dans laquelle la Prusse suc-
comba , changea de nouveau les
pians de Muilcr. Buonapartc l'avoit
distingué et jugé pendant son séjour
à Berlin; et, quelque temps après
( 1807 ),Mijllerse trouvait en che-
min pour l'universiié de Tubingue
où le roi de Wurtemberg lui avait
conféré u!!C place de pndesseur, aux
conditionslcs ])lus hunorables, lors-
qu'il fut mandé à Paris, et nommé
secrétaire-d'état du royaume éphé-
mère de \Vcst[)ha!ie , emploi (|u'il ,
échangea ensuite contre celui de di-
recteur général de l'instructii n pu-
blique. Les travaux mullijJiés des
nouvelles organisations auxquelles il
dut contribuer , et surtout [<■ chagrin
que lui causa le peu de succès de ses
soins et de tout son zèle, hâtèrent
sa mort , qui eut lieu le 'iÇ) mai 1 80g.
Ce fut une perte irréparable pour les
sciences, en les privant d'une partie
considérable de ses travaux prépa ■
rés avec tant de peines. Jean de Mul-
ler ne fut jamais marié t son carac-
tère était renipli de candeur et de
bonté ; sa ])rf bité et sa générosité'
étaient parfaites; sa modesiie et sa
simplicité extrêmes. Mais on est fon-
dé à lui reprocher la faiblesse de
caractère, l'imprévoyance qu'il por-
ta dans sa carrière pobtique, et sa
persévérance à demeurer homme
d'état , environné d'une médiocre in-
fluence, au détriment de ses impor-
tants travaux littéraiics. 11 est mort
MUL
pauvre ; et le produit de ses œu-
vres posthume.s a paye ses det-
tes. Son tcslamcnt est remarquable
par sa noble et louchante siinpli-
cilc. L'Histoire de la Goufcdcralion
helvétique, par MiJlicr , ne dépas-
se pas le quiiizicnie siècle : « elle
» est, ditClicnier, pleine de reclier-
» clies sur les origines des villes et
» sur leurs traditions particulières.
» Quoique fort erudite, elle n'est
» ])oint sèche; elle abonde en re-
» flexions toujours judicieuses et
» (pielquefois d'une i^randc portée,
w Quant à l'exe'cution générale , la
» manière de l'auteur est large et
» grave: la chaleur n'est pas sa qua-
»litc dominante ;, juais il a souvent
» de la noblesse; et dans ce qui con-
» cerne l'histoire naturelle de la
» Suisse , partie traitée de main de
» maîtie , son stylo s'élève à des for-
» mes majeslueuses... L'ouvrage est
» dédié à tous les confédérés de la
» Suisse, Cette dédicace , que l'auteur
» fait à ses «pairs, n'est pas d'un ton
» subalterne. On y remarque, comme
» en tout le reste du livre, un profond
» sentiment de liberté; et, ce qui pour-
» rait, àl'analyse, se trouver encorela
» même chose, un grand respect pour
» le genre humain.» Un autre contem-
porain ( Ch. Villers ), qui professait
la même religion que jMiUler, et qui
avait enfin adopté ses principes et
ses opinions en politique et eu litté-
rature, l'a jugé encore plus favora-
3)Icment ; nous citerons néanmoins
également le portrait flatteur qu'il
en a donné. « L'opinion puljliquc
» accorde assez généralement à Miil-
» 1er le premier rang parmi les
5) kistoriens de sou temps , et re-
» connaît en lui la plus exquise
» réunion des qualités nécessaires
» pour qui se voue à la haute fonc-
» tion d'ccrire les fastes de l'huaui-
MUL 3<)9
» nifé. Les uns le comparent à Ta-
» cite; d'autres, avec plus (K- raison,
» le nonimenlleïhucydjfic de l'ik-l-
» vétie. Sans doute que la grave
» majesté de son style, (pie la vi-
» gueurde ses tableaux, que la gran-
» deur de ses vues, que Ja richesse
» de son imagination , enfin que sa
» manière vraiment antique, autori-
n sent ces comparaisons. INFais nu
)) genre de mérite que n'ont j)!i avoir
» ces anciens historiens , c'est celui
)) des recherches les plus laborieuses,
» les plus profondes et les phis exac-
« tes. L'historien suisse conduit celte
» histoire de sa patrie depuis l'ori-
» giue de la nation, au travers de
» toutes les relations qu'eut celle-ci
» avec la France, l'Italie et l'AUema-
» gne; ce qui rend ce bel ouvrage un
» complc'mciit indispensable à l'his-
^ toire de ces diverses contrées. » Le
frère de Jean de Millier, ]\I. Jean-
George Millier, professeur à Sch;ii-
fouse , a donné la Collection des
œuvres conudètes de l'illustre his-
torien ( ïubini[cn, Cotla, in-8°. ; ,
dont le •jn'^. volume a paru en i8ui.
Les trois premiers offrent le Cours
d'iiisloire universelle , qui a été tra-
duit en français par J.-G. Hess ,
Genève. 1814-17. 4 vohimes in-
8". Sa correspondance familière eu
remplit plusieurs autres. Uu de ses
amis, M. Fuessli de Zarich , a pu-
blié séparément les lettres que Millier
lui avaitécrites.( Foj . Abrégé de la
vie de J. de Mitller, écrit par hii-
jncnie, et formant le premier cahiof
des f^ies et portraits des hoinmis
lettrés de Berlin , publie' par M,
Lowe , 180G, à Berlin, iu-S» — Me-
moria J. Mùlleri, script are C. G.
Lehutz, Halle, 1809, in-4". — Je({n
de 3IuUer, l'historien, par A. H. I ,
Ileeren , Lt^pzig, 1809 , en allcm. —
Notice bio^rapUique sur J. de MiU-
402
MUL
» n'y a de nouveaux cinij^i.ml.s , que
» les auteurs et complices de l'as-
» sassinat du patriote Lcscuyer. La
» loi est en vigueur : nous avous ,
» pour témoins de notre conduite ,
» des membres de l'asscmltlce cous-
» tituantc. » Une nouvelle réquisi-
tion plus pressante de Mulot , ayant
été suivie d'une réponse encore plus
insigniliantc, il l'ut réduit à être, en
quelque sorte , l'impuissant témoin
des forfaits d'Avignon. Mais il ac-
cueillit , il consola les parents et les
amis des victimes ; il transmit au
ministère leurs justes réclamations ,
et pressa le départ des nouveaux
commissaires qui devaient le rem-
placer. Ils arrivèrent le 21 j et Mu-
lot qui , nommé membre de la de'pu-
tation de Paris à la seconde législa-
ture, avait été pendant son absence,
dénoncé par les anarchistes, comme
le principal auteur des crimes d'Avi-
vignon , s'empressa de retourner
dans la capitale. Il lut , le 19 novem-
bre, à la barre de l'assemblée, un
rapport où il se justifia pleinement
des accusations qui lui étaient impu-
tées, et donna des détails très-exacts
sur les horreurs d'Avignon , et sur
les scélérats qui en étaient les vérita-
bles fauteurs ou complices , parmi
lesquels il signala Rovère , l'un de ses
dénonciateurs ( /'.KovÈre). Ici se ter-
mine l'époque la plus bonorablede ia
carrière politique de Mulot. Admis à
siéger avec ses collègues, il joua un rô-
le à-peu-près nul dans cette mémora-
blesession. Le 5 décembre, il yrènou-
vela sa motion contre les maisons de
jeu. Le 28 février i'jgx , il annonça
que le roi avait retiré les distributions
qu'il faisait aux pauvres de Paris. Le
]3 mars, i! parla sur les troubles
d'Arles , et proposa de suspendre ,
de leurs fonctions , les administra-
teurs du déparlcmeut et du district.
MUL
ainsi que les officiers municipaux ,
et de les entendre à la barre, avec
les commissaiies civils. I/cner-
gie qu'il avait déployée un instant ,
s'affaiblissait graduellement, à me-
sure qu'il voyait s'accroître l'audace
de la faction démagogue. Le 19
mars, il appuya l'admission, à la
barre , d'un député extraordinaire
d'Avignon , qui venait faire connaî-
tre à l'assemblée la véritable posi-
tioii de celte ville. Mais , lorsque
Thuriot eut présenté son rapport en
faveur des assassins de la Glacière,
Mulot, dont le témoignage aurait pu
éclairer un grand nombre de ses col-
lègues trompés ou influencés, et dé-
terminer leur opposition , n'osa pas
ouvrir la bouche dans une discussion
qui lui olïialT l'occasion de se distin-
guer et de prévenir de grands mal-
heurs j et le jour même ( G avril'
que le fameux décret d'amnistie fut
prononcé, il ne rompit le sileuce que
pour parler en faveur de la prohilii-
tion du costume ecclésiaslique. Mulot
rentra dans l'obscurité après le 10
aoiit ; il fut incarcéié pendant la
terreur , et lit ensuite partie de la
commission des monuments. Sous le
régime directorial , il fut commis-
saire du gouvernement à Ma'ience,
puis professeur de belles-lettres à
l'école ceulrale de la même ville j
mais il s'y fit principalement con-
naîtrecorame apôtre de la secte des
Théophilantropcs. De retourà Paris,
il y mourut subitement au jardin
des Tuileries, le 9 juin 1804. II
était membre de la société des scien-
ces , lettres et arts de Paris , de celle
des Bosali, et président du lycée des
arts. Mulot avait de la bonhomie
et des qualités sociales estimables;
mais il n'avait aucune de celles d'un
ecclésiastique. Il épousa une femme
qui avait été sa maîtresse avant la
MUL
rc'voliilion , et il eu a laisse nue
fille. Ou a do lui : I. Essai dn ser-
mons jirtcliés à ilukel-ilieic de Pa-
ris, 1781 , iu-i.i 11. Traduction de
Daphnis et C///oe', Mytiièuc( Paris),
1782, in-8°., et Paris, 1793, in-
iG. m. Hcquéte des vieux ailleurs
de la bihliothetjue de Saint- fief or
à j\[. de Marbeuf, éi'c't/ue d'./u-
tun, ou vers , Paris , iu-8*\ ilc 8 pa^.
IV. Collection des fabulistes, avec
Undiscours sur les fables ^el la tra-
duction des Fables de Lockman,
Paris, 1785, in -8**. L'auteur n'a
donne que le premier volume de cet-
te collection. V. Le Muséum de Flo-
rence, grave par David , avec des
explications françaises, Paris, 1788
et années suivantes, 6 vol. iu - 8^.
VL Rêve d'un pauvre moine , 1789.
Vn. Compte rendu à V Assemblée
nationale, comme commissaire du
roi à Aviç^non, avec supplément et
correspondance ojficielle , i79i,in-
8°. de 21 4 pai;;es. VIIL Ahnanach
des sans-culottes , Paris, 1794, iu-
8**. ; ouvrage destine, dit l'auteur, à
rappeler ceux qui prenaient alors le
nom de sanS-culottes , aux vérita-
bles principes de la société. IX. Dis-
cours sur les funérailles et le res-
pect dû aux morts, prononcé à la
cérémonie iuncbrc consacrée, parle
lycée des arts, à la mémoire de La-
voisier, le 'i août 1796. X. f^ues
d'un citoyen , ancien député , sur les
sépultures, Paris, i797,iu-8o. Ces
deux ouvrages ont été refondus dans
le suivant. XI. Discours qui a par-
tagé le prix proposé par l'Institut,
sur cette question : Quelles sont les
cérémonies à faire pour les funé-
railles , et le . règlement à adopter
pour le lieu des sépultures? Paris,
an IX ( 1800 ) , in-8". Xïl. Rapport
fait au lycée des arts, sur une ma-
chine propre à faire des allumettes,
MU M 4o3
iuiS". XI II. Réflexions sur l'état
actuel de V instruction publique ,
iu-8". XIV. Mémoire sur l'état ac-
tuel de nos bibliothèques , an v
( 1 797 ) , in-8'*. XV. Dis' ours pi onon-
ce à la société littéraire des Rosati
de Paris , pour le couronnement des
Rosières , floréal an v ( mai 1797 ).
XVI. Essai de poésies légères,
JMaioncc, 1799, in-8". Rien de
plus lourd que ces poésies légères.
XVII .Des Notices biographiques any
plusieurs écrivains , tels que l'abbé
Lemonnicr,T)emoustier, etc., et les
notices nécrologiques des tomes -x et
3 du Nouvel Almanach des Muses.
XVIII. Des Hjmnes , fdes Discours
pour des fêtes républicaines natio-
nales , et pour des cérémonies pu-
bliques. On y trouve ses Sermons
thcophilantropiques. Mulot parlait
avec facililé, avec onction ; mais
il n'était nullement orateur: son style
est lâche, incorrect., et ses vers valent
encore moins que sa prose. A-t.
MUMMIUS ( lîucius ) , consul
romain, était d'une famille plébéien-
ne. Envoyé l'an 601 (av.J.-C. , i53)
dans l'Espagne ultérieure , avec le
titre de préteur , il essuya d'al3t»rd
un échec considérable ; mais il i-é-
para ce malheur, et remporta plu-
sicnrs avantages , qui , sans être dé-
cisifs , lui méritèrent pourtant les
honneurs du triompàc. Elu consul,
l'an ()o8 ( av. J.-G. , 1 46 ) , et chargé
de continuer la guerre contre la ligue
desAchécns , il hâta sa marche dans
la crai)ite que Metellus ne pacifîiitle
pays avant sou arrivée , et lui ravît
ainsi la gl oi re de terminer cet te guerre
mémorable. Metellus lui ayant remis
le commandement ( V. Metellus ,
XXVIII, 453 ),Mnmraius rassem-
bla ses troupes, et vint camper sous
lesmursdeCorinthe. Les assiégés, en-
flés d'un petit avantage qu'ilsavaient
2fi.
4oi MUI\I
obtenu datis une soitic , osèrent en
A'euir à une halaille r-ni^dv. , qui de-
vait (ixer Icnr sort. Le euns'il , pour
accroître encore leur audace , retint
ses troupes dans le camp: mais la
cavalerie des Aclie'ons ayant été alla-
que'een flanc par celle des Uoraains ,
fui l'urréc de se replier en désurflre;
et leur infanterie, n'etanl ])lus sou-
tenue, fut rompue et mise en fuite ,
après quelque résislance. Les Achéens
quittèrent Corinthe pendant la nuit;
et Mummius y entra dès le lende-
main. Tous les liommes qui y étaient
restés, furent passés au lil de l'éj)ée ,
elles femmes et les enfants réduits eu
esclaraî^e. Après en avoir enlevé les
statues , les tableaux et les meubles
les plus précieux , on mit le feu à la
ville, qui fut réduite en cendres. Ou
prétend que les mélau\ fondus dans
cet incendie , venant à se mêler , en
formèrent un nouveau , conim sous le
nom d'ai:aiu deCorintlie. Ainsi pé-
rit celle ville fameuse par ses riches-
ses , la même année que Cartilage fut
détruite. Les commissaires du sénat
abolirent le gouvernement popidaire
dans toutes les villes; et la Grèce, ré-
duite en province romaine , prit le
nom d'Vcliaie , Darce (pi'aiors les
Acliéeus en étaient le peuple le plus
puissant. Parmi les tableaux aban-
donnés aux soldais , comme des ob-
jets sans valeur , se trouva le Bac-
chu$ d'Aristide , que le roi Atlale
racheta pour ■j5,ooo liv. de noire
monnaie. Mummius , étonné que ce
tableau eût été porté h un prix si
élevé , et soupçonnant qu'il avait
quelque vertu cachée, le reprit à A Itale
pour l'envoyer à Rome, oîi il fut
f)lacé dans le temple de Gérés , avec
equel il a péri. Au reste iMummius
ét^it tellement étranger aux arts ,
qu'a vaut chargé un vaisseaudes chefs-
d'œuvre , fruits de sa conquête , il
MUN
menaça le pilote de l'obliger à rem-
placer les objets , s'il les laissait
détériorer dans le trajet ( F. Vel-
leitis Patercu'e, liv. i"", , ch. i3).
A son retour à Rome, Mummius re-
çut les honneurs du triomphe, d le
surnom à'.ichaujuc. Il fut élu cen-
seur, l'an fn 3; i4i avant ,1. G. ) ; et
ce fut vendant qu'il exerçait cette ma-
gistrature (pi'on dora les bmibrisdu
G.ipitole( Pline, xxMii,chap.3 ). U
mourut si jmivre, qu'il ne laissa p,is
de quoi marier sa fille , qui fil dotée
aux frais du sénat ( ibid. xxxiv ).
Geux qi'i prétendent qu'd mourut
e\ilé à Delos , paraissent l'avoir con-
fondu avec (pielque autre personnage
du même riom. Mummius était nu
médiocre orateur. Il avait laissé(|uel-
ques discours , que Gicéron trouvait
écrits d'un style grossier ( Brntiîs ,
ch. xxv ) ; mais il rend une justice
éclatante à sa probité et à son désin-
téressement, en l'ollrant comme mo»-
dèle dans sa conduite à Gorinthe ,
d'où il ne rapporta pour lui , ni im
tableau, ni nue statue, ni un seul
meuble jjrécienx. W — s.
MUNCER, MuyTZER ou MvyzER
( Thomas), chef de la secte des ana-
baptistes conquérants, étail né vers
la fin du quinzième siècle à Zwiikau
dans la INIisnie. Il reçut les ordres
sacrés , et desservit quelque temps
une des paroisses de celte ville. Sou
extérieur mortifié et sa dévotion ap-
])arente lui acquirent la vénération
des peuples; mais, sous des dehors
humbles, il cachait un cœur dévoré
d'ambition. 11 adopta d'abord avec
ardeur les principes du luthéranis-
me; peu satisfait, ensuite, du rôle se-
condaire (|u'il avait joué dans Tc'la-
blissement de la réforme , il ne larda
pas de s'attacher aux enthousiastes
qui reprochaient à Luther d'avoir
laissé subsister beaucoup d'abus dar.s
l'Éj^lise. Tj'asrciulanl qu'il ohliiit sur
(les hommes simples et ( rediiles, se
conçoit f'.irilcirietit : doniiaut à un
passa^^ede l'Ev.ur^ile une interpréta-
tion ioree'c, il annonça que le Ijap-
tème (les enfants ne pouvoit les jus-
tifier, parce que l'enseignement doit
])icceder le bnplcrae. Il proscrivit
les imaç;os, et fit disparaître des tem-
ples tous les restes du culte catholi-
que. Luther, informe' des progrès
des nouveaux sectaires, arma contre
eux l'autorité des magistrats , et les
fit pi'oscrirc pour des motifs qui ren-
ferment sa propre condamnation.
( P^. V//ist, des variations deséglses
protestantes. )Muncci\ banni, par-
courut, avec Stork, la Souahe, la
Thiiringe et la Franconie, prêchant
à-la fois contre le pape et contre Lu-
ther, et se faisant partout de nom-
breux prosélytes. L'ouvrage de Lu-
ther , De la Liberté chrétienne , ré-
pandu avec profusion dans les cam-
pagnes.av.iit disposé les paysans à la
révolte; cl Muncer résolut de profi-
ter de cctlc tendance des esprits pour
atTerrair la nouvelle sec.e. Il n'eut
pas de pv^ine à se faire regarder
comme un autre Gedéon, destiné à
rétablir le royaume de Jésus-Christ
par le moyen de répée(Voy. VHist.
des Anabaptistes par le P. Catrou):
il encouragea les paysans dans leur
dessein de se soustraire à la domina-
tion des seigneurs ; leur défendit, au
nom de Dieu lui-même, de paver
aucun tribut; et leur persuada de
mettre leurs biensen commun comme
faisaient les premier^ chrétiens. Des
soulèvements eurent lieu dans la plus
grande partie de l'Allemagne : les
habitants de Mïdhauscn ( en Fran-
conie ) chassèrent leurs magistrats ,
et, d'une voix unanime, nommèrent
pour i«ur chef Muncer, qui se trouva
bientôt à la tête de trente mille fana-
INIUN
4o5
licpics armés. Les princes sentirent la
nécessité de se réunir et d'attaquer
Mimccr, avant que son armée se fût
grossie des bandes de révoltés qui
étaient en marche pour le rejoindre.
La bataille fut sanglante; plus de sept
mille paysans perdirent la vie dans
cette journée. Muncer, après la dé-
roule des siens , se réfugia a Franc-
knau , où il fut arrêté : conduit à
Mùlliausen, i: y eut la tête tranchée,
vers la fin de l'année \5jl5. Ou dit
qu'avant de monter à l'échafaud , il
fit l'aveu de ses erreurs , et en témoi-
gna le plus grand repentir. Son sup-
plice n'arrêta point les progrès de
l'anabaptisme ; de nouveaux chefs
lui succédèrent d'intervalle à autre.
Les deux plus fameux sont IMathi-
senet Jean de Lcyde.( /^. sur les pro-
grès de cette secte , le Dictionnaire
des hérésies de Plnquet. ) W — s.
MUNCHHAUSEN (Gerlach-
Adolpqe, baron de), borame d'é-
tat allemand, d'une des plus an-
ciennes familles hanovrienncs , na-
quit le 1 9 octobre i G88. Après avoir
fait ses études à léna, Halle et
Utrccht, il occupa divers emplois ,
et parvint , depuis les fonctions de
conseiller du tribunal d'appel à
Dresde , en 1 7 1 4 > jusqu'à la place de
premier ministre deTélectorat d'Ha-
novre ; dignité dont il fut revêtu en
1768, après avoir siégé trente-sept
ans dans le conseil-privé de l'élec-
teur. Pendant les cinq années de son
ministère, il montra un esprit éclairé,
et un caractère de douteur qui lui
concilia rafFectiow des Hanovriens ;
il s'occupa soigneusement de tout ce
qui pouvait contribuer <à la prospé-
rité de sa patrie : mais , ce qui lui a
valu surtout les éloges de l'Aliema-
gne . c'est !a part distinguée qu'il a
eue à la prospérité de l'université de
Goltinguc. Avant été nommé cura-
4oG MUN
teur ou dircclenr de celle univcrsilé;
quelque temps après sa fondation ,
le baron de Miinchlianscn veilla pen-
dant trente-deux ans, sur cette iusli-
tutiou littéraire, avec le zèle d'un
liorame inliiucment persuade' del'ijn-
portancc des lettres; cl c'est en par-
tie à sa direction , qu'elle doit son
e'clat et le rang distingue qu'elle tient
parmi les universités d'Allemagne.
Heyne le loue d'avoir introduit à
l'uuiversitc, lihertatem cogitandi,
sentiendi, scribendi j d'avoir ac-
commode' tout le cours de l'instruc-
tion des jeunes gens aux besoins de
la vie civile, en donnant la préfé-
rence aux sciences vraiment utiles
sur celles qui n'étaient qu'oiseuses;
d'avoir complété l'cnseiguement de
toutes les branches de la jurispru-
dence ; d'y avoir établi l'étude de
la politique, de la géographie, de
l'histoire lilléraire; d'avoir foudc
l'étude de la théologie (protestante),
sur des bases philologiques et his-
toriques ; d'avoir bauui la barbarie
de la philosophie scolastique , et d'y
avoir fait substituer l'éclectisme
de la philosophie, Muuchhauseu
contribua en outre beaucoup à enri-
chir la bibliothèque de l'imiversité ,
à fonder la société académique, son
journal littéraire et ses prix annuels.
C'est grâce à son active coopéra-
tion, que tant d'hommes célèbies ont
été réunis pour les chaires diverses : il
■ iacdita aussi aux savants qui avaient
besoin de voyager en Europe pour
leurs recherches, les moyens d'entre-
JHeudi'c ces voyages utiles. EnOnIcs
eltres eurent constamment en lui
un: protecteur plein de zèle et de
lumières. On voit son portrait à la
bibliothèque qui lui a tant d'chli-
gaiions. Munchhauscn mourut a Ha-
novre, le •.>{) novembre 1 770. Le cé-
lèbre Heyne a prononcé deux fois
ftlUN
l'éloge de cet homme d'état , unf
fois en qualité de professeur de l'uni-
versité, et la seconde fois comme-
académicien. Le premier discouis a
été inséré dans le tome 11 des Opus-
cula academica de ce savant ; l<
second se trouve dans le tome 11
des IS'vi'i Comment ard socielatis
Goltingensis. — Otlion , baron de
IMuNcuHAUSEN , l'un des agronomes '
allemands des plus estimés, jié en
171G, mort le l'ô juin 1774? dans
son cliàteau de Schwbbber , près de
Hanovre , a publié divers ouvrages '•
d'économie rurale. D — g.
MU^XK( Jean ), navigateur da- ''
uois, reçut ordre, en 1619, d'aller •
à la recherche d'un passage au nord-
ouest pour arriver aux Indes , les dé-
couvertes d'Hudson-etde Bafbn avant ,
fait regarder le succès comme infail-
lible. ]\Iunck était aussi chargé de
retrouver le Groenland oriental. H
partit d'EIscueur, avec deux vais-
seaux, le iG mai, cul connaissance
du cap Farewell^ le 20 juiu,ct
tâcha de pénétrer au nord dans le
détroit de Davis , pour suivre les
traces de Baflïn et de Bylot. Les
glaces le forcèrent de retourner au
sud; il entra d .ns le détroit d'Hud-
sou, qu'il uom.ma Fretwn Chriitia-
neum ( détroit de Christian ). H ap-
pela Mare noviim^ la partie septen-
trionale de la mer d'Hudson, et les
parties méridionales et orientales
Mare Christianeum. H attérit sur
la cote d'Amérique par 03° uo' de
latitude; les glaces le contraignirent
d'entrer, le 7 septembre, dans un
port , oii il passa l'hiver. W lui don-
na le nom de Muncks Finterhavn
( port d'hiver de Munck } : c'est pro-
bablement celui que les Anglais ont
appelé Chesterfield' s ou Bowdens-
inlet. Des malheurs sans nombre ac-
cablèrent Munck; le froid, les ma-
MUN
ladics el le inaiH[U(' de vivres Cirent
périr la plus grande partie de son
équipage. Le petit nombre de ceux
qui survécurent , grc'a le plus petit
des deux bâtiments, et , après une
navigation pénible , aborda dans un
port de Norvège , et , quclipus jours
après, à Copenhague, au mois de
septembre 16.10. CInistiau IV, qui
les avait regardc's comme perdus , lut
vivement touche du récit des mal-
Leurs de Munck; et il (ilpréparer une
nouvelle expédition. Lorstpie Munck
pritcongcde ce prince, la conversa-
tion tomba sur le précèdent voyage :
Christian l'avertit d'être plus pru-^
dent, et sembla lui imputer la perte
de son équipage. IMunck , pique du
reproche , répondit un peu vivement.
Le roi outré de colère le poussa avec
sa canne. Le malheureux navigateur
en conçut, dit-on, un si grand cha-
grin, qu'il mourut peu de jours après,
Ce fait a clé, avec raison, révoqué en
doute. Eu elïét , Forster, dans sou
Histoire des découverles dans le
Nord, nous apprend que Munck
fut employé par Christian, en \iyi\,
i6i.5 et i6'2'y,dans la mer du Nord
et sur l'Elbe, et mourut sur mer le
3 juin 1628. Le voyage de Munck a
été publié eu danois , sous ce titre :
Relation de la nai'igatioji et du
voyage au nouveau Danemark ,
Copenhague , i6'i3 , in-4''. j elle est
accompagnée de mauvaises ligures,
et d'une carte, dans laquelle la géo-
graphie de la merd'Hudsou est tou-
te bouleversée. Il y eu a une traduc-
tion allemande, Francfort, itioo,
in-4°., et une KoUaudalse, Amster-
dam , iG-jS, in-4o. Ce livre, peu
instructif pour la géographie, oftre,
dans un grand détail , le récit des in-
fortunes endurées par Munck et ses
compagnons. E — s.
MUNDINUS. F. MowDiNi.
MUN 407
MUNNICM ( BLur.nAKD-Cnp.is-
TOPHE, comte de ),naf]uil en i(i83,
dans le comté d'Oldenbourg, d'un
lieutenant-colonel , retiré du service
de Danemark , qui était insper leur
des digues de la principautéde Frise.
La connaissance de l'architecture
hydraulique était, en quelque sorte,
héréditaire dans cette famille depuis
trois générations ; et le jeune INIun-
nich en prit le goût dès l'enfance ,
ce qui eut une grande influence sur
sa destinée (i). Après avoir reçu, sou*
les yeux desonpère, une instruction
très-soignée, il vint en France, à l'âge
de seize ans, et fut sur le pointd'accep-
tcruncplaced'ingénieur au service de
de cette puissance^ mais voyant ('da-
ter la guerre de la succession, où l'em-
pire germanique se trouvait engagé ,
i! ne voulutpasservircontresa patrie,
et se rendit en Allemagne, où il obtint
luie compagnie , dans les troupes
de Hesse-Cassel. Il suivit le prince
Eugène en Italie, puis eu Flandre,
et ce fut sous les yeux de ce grand
homme, qu'il fit l'apprentissage des
armes. Blessé et fait prisoimier à
Denain , on le conduisit à Cambrai,
où il fut un de ces militaires traités
avec tant d^humanité par le ver-
tueux Féuélon. Il paya lui-même sa
rançon, et revint dans sa patrie, où
ii reçut le grade de colonel , à l'âge de
trente ans , et fut chargé, par le land-
grave de Hesse, du plan d'un canal
(fcstiné à joindre la Fulde au Weser.
Mais déjà son am];ilion se trouvait à
(i) Il n'est donc pris vrni , que Mmuiicli , cuiniuc le
<lit TR.x\\UcTes,dei.'ifU habile ingénieur, lornjue U ha-
sard eut fiiil to.uber entre ses mains , dam le desicH-
viemanl' d':m quartier d'hi^-t^r_, i/uelques femlles
irnirse- et déchirées d'une mauvaise ficometriefran-
caise. On «ail <ltt ■ cet liistorUn a soiiveotniusi sacri-
iié \a vi-rilo au df sir de piodiiive de IVfkt par de»
contrastes el irar des récits cxtraordina rts; cVst à-
iieii-prls de h\ inime inanibre , qu'il dit que Mun-
uicli lit eulerrer fifs trois soldats qui avaieut teint
d être maLvles V'Onr ne r»» roarober à Icunemi.
4o5
MUN
l'cU-oildans les états d'un aussi petit
souverain ; et la qneicllc de Charles
XII et de Pierrc-le-Grand , qni em-
brasait le nord de l'Europe , lui
parut une occasion de satisfaire sa
passion pour la guerre. Il entra , en
I -j 1 6, au service de Pologne , avec le
grade de colonel, et, dès l'année sui-
vante, fut inspecteur et major -gc'uc-
ral. Cet avancement lui suscita des
jaloux ; et il eut à soutenir plusieurs
querelles dont il se lira avec honneur
( \ ). Il n'en fut pas de même des dés-
agréments que lui fit essuyer le
comte de Fleming : l'insolence de ce
favori obligea Munnicli à s'éloi-
gner ; et ce fut alors qu'il tourna ses
])as vers la Russie ,où Pierre I'"''. je-
t'iit les fondemPHts de son vaste em-
pire. Sa politesse et ses manières
élégantes lui nuisirent d'abord au-
près d'un monarque aussi grave et
aussi sévère: il fiit cependant eînpjové
comme iugcuiciu' gênerai; et le czar
l'emmena avec Itii lorsqu'il alla v -
siier i'arairiuité, le port de Crocsfadt
elles foitilicatioiis de liiga. Les ob-
servations que fil Munuich , et les
avis qu'il donna, furent appréciés
par Pierre I'^'".; mais ce prince n'avait
encore rien fait pour lui , lorsque le
hasard et une es})èce de caprice, dont
le czar n'était pas exempt , lui firent
envoyer le brevet de luutenanî-gé-
néral. Munuich mérita bientôt plus
réellement les faveurs de .son maî-
tre, en dirigeant la grai^de entreprise
du canal de Lidoga,qui devait èire
si utile à la prospérité de Peters-
bourg , et que Pierre desirait si ar-
demment terminer. Le czar n'eut
cependant pas cette satisfaction ,
puisqu'il mourut en i7'25, se flat-
tant encore de voir la fin de ses
(i) Miinoirh tua çn duel I3 colonel français, 1
ifouXii^uicUiit, comme iui, au service de Polo
, Jion-
grands projets , et disant dans les
souffrances qui prérédèrciit sa mort:
« J'espère que les travaux de Mun-
î) nich me guériront. » Catherine ,
sa veuve, qui lui succéda , s'étant
fait un devoir d'accomplir ses des-
seins, aida Munnich de tonte sa
protection , et fit continuer les tra-
vaux. Sous le règne de Pierre II , la
chute de Menzikolf, rival de Mun-
nich , ajtiiita encore à son crédit ;
il reçut le titre de comte , avec le
grade de général d'infanterie, et fut
nommé gouverneur de Petersbourg,
de la Carelie et de la Finlande. (Je
ne fut cejiendant qu'en 1788, sous
le règne d'Anne Iwanowna , que les
travaux du canal furent couronnes
d'un succès complet, et que rt-ii.i
q 'i les avait dirigés eut le bonheur
de faii'e passer l'impéralî-ice et tou-
te sa suite par les treiite - deux
écluses qu'il avait fait construire.,
Ce fut pour lui un véiiîable triom-
phe: il était alors au comble de la
faveur , et il reçut le titre de feld-
maréchal et de membre du conseil-
privé: mais une fortune aussi biii-
lauteet aussi rapide, ne pouvait man-
quer d'exciter l'envie. 0>termaun
et Biren se réunirent contre Im ;
et lis réussirent à l'ébtigner de I.i
cour, en lui faisant donner l'ordre
de céder à la princesse de Mcc-
klenbouig, nièce de l'impéivilrice,
rappaiteineut qu'il occupait dans le
palais. II alla habiter sur l'autre
rive »le la ?^e\va, où ses nvaux, le
jugeant encore trop près d'eux, lui
tirent donner le commandement des
troupesqiii devaient porter la guerre
en Polo^iue, et l:.i fournirent ainsi ,
en voulant le perdre, une nouvell-/
occasion d'ajouter à sa gloire et a
sa fortune. Malgré un échec qu'il
essuva par la négligence d'un de
ses lieutenants, malgré l'enAoi d'im
MUN
corps tic troupes françaises qui devait
reiilorccr la guiiisoii de Daiit/ij;; ,
( V. Pr.F.r.o ) , il (>bli';,o;« cette ville
à capituler an bout fie deux rnuis,
et revint trioinpliaut à l'ctcrsbom-^ ,
où rimpéialriec l'accueillit d'autant
mieux., qu'elle songeait à se venger
des adiouts que les Turcs avaient
l'ait essuyi'rà ses prédécesseurs ( y\
PiKRRE P''. ). et qu'aucun chef ne
lui paraissait plus propre que iVIni)-
uich , à diriger une telle guerre. Ce
lut eu 1 73ti, que ce général lit sa pre-
mière camp igiie contre les .furcs ,
et ([ii'il marcha vers la Crimée avec
»me armée de 56,ooo hommes. Les
prc'canlioiis qu'il eut à prendre pour
ïa défense de ses immenses équi-
pages et pour résister à l'impétuo-
Hitc de la cavalerie ennemie , lui
lirent des-lors imaginer ces bataillons
carrés dont riunintcric russe à oon-
.scnc l'usage. Il emporîa, l'ep'^e à
la main, les lignes de Précop, dé-
fendues par cent mille Tartaics, et
parcourut en vainqueur toute la Pé-
lùnsule. Celte campagne giorieose
ne fut cependant pis lienreuscpour
les Russes : ils y peidirent trente
mille Jiommcs,qui périrent de besoin
et de fatigue; et le maréchal , dé-
noncé secrètement par ses lieute-
nants , fut reçu froi icment lorsqu'il
revint à Petersbourg. On parla même
<le le faire j'^igcr par un conseil-dc-
guerre; mais la fermeté qu'il mon-
tra en présence de ses ennemis, et la
générosité de Lascy à son égard ,
écartèrent toutes les préventions ; et
il fut cohtinué dans son commande-
ment pour la campagne de i73'y,
oïl la prise d'Oczakolf le rt-rait en
crédit. 11 avait attaqué celte place
avec de faibles moyens; eî, cepen-
dant, il y donnait, avec audace,
\\\\ assaut général : mais déjà ses
troupes pliaient devant les ellarîs
IMUN
/»'
»'".>>
de 'zo,ooo Turcs , lorsqu'un licQrcnx
hasard lit sauter le magasin a pou-
dic , et lui livra , prestpie sans com-
bit, un des boulevards île l'empire
Olhoman, La fortune, il iaut le di-
re, l'avait encore mieux servi dans
cette occasion que la prudence; cl co
fut avec quelque raison (pi'im colonel
aulrichicn, qui s'élail trouvé à la
bataille, écrivit à Vienne que tous les
généraux ruses, sans cxcrpiion ,
Il étaient tout an plus (jue de bons
capitaines de ^renadiars. Cette im-
prudente leltre fut envoyée à Peters-
bourg; et jMunnich, qui en eut con-
naissance , conçut pour les Autri-
chiens un ressentiment qui ne s'ef-
faça jamais. Cette seconde campa-
gne contre les Turcs lui acq-iit ce-
pendant, aux yeux du pidjlic , qui nu
juge que parles résultais, une grande
icnommée; tandis que la troisième,
oi'i il montra beaucoup plus de sa-
gesse et de prudence , mais où il
n'obtint pas des succès aussi bril-
lants , porta des atteintes funestes
à sa répulaiioa. Forcé de se x-etirer
par la supériorité dé l'ennemi et les
revers des Autrichiens, il allaj',is([u'à
désobéir à sa souveraine, qui k;i or-
donnait de marcher en avant; eî il
abandonna aux Turcs la forteresse
d'Oczakoff, dont la conquête lui a> ait
fait tant d'honneur. De pareils loris
et d'aussi grands revers ne |untn£
affaiblir la conliance que l'iriipéra-
trice avait en lui ; et il recommença
la guerre, en i-jjg, avec des forces
encore plus nombreuses. Cette der-
nière campagne mit le sceau à sa
gloire, et donna aux armes i-ns-
ses un éclat dont elles n'avaient pas
encore brillé. Ce fut par sa fermeté
et par ses savantes disposilions, quvî
les Turcs furent entièrement défai:s
à Stav.'utshane , et qu'ils perdirent
la place importante de Chouzim. Le
4io MUN
fcld - maréchal écrivit à Bircn , de
lassi , où il était ciilrc victorieux :
« C'est l'ouvrage de Dieu; celui qui
» n'eu a pas élc lo'moin pourrait met-
» tre en doute la vc'ritc de tout ce
» qui s'est passé. Le Prutli, source de
« honte pour la Russie , est devenu
» une source de biens; je suis au mo-
» ment de marcher sur Bender , et
» de terminer glorieiisement 11 guer-
» re par cetle conquête. « Mais les
malheurs de l'Autriche , qui traita
séparément de la paix , rendirent
moius avantageuse celle que la Russie
conclut elle - même un mois plus
tard. Mimnich revint triomphant à
la cour ; et il crut que dès-lors rien
ne pouvait lui être refusé. Cepen-
dant il ne put se faire nommer duc
de l'Ukraine , malgré ses demandes
réitérées; et son ambitieux orgueil
essuya encore d'autres refus. Biren,
sou ennemi secret, était au ])ht$ haut
point delà faveur; et l'impératrice
Aune , qui ne survécut pas long-
temps à la paix glorieuse que î\Iun-
nich lui avait procurée, confia à son
favori la rcgenoe de son petit-nev€u
Iwan m. Le fcid -maréchal ne sentit
pas assez toutes les conséquences de
cette disposition; et, se flattant de
diriger le régent, il concourut lui-
même à lui assurer le pouvoir: mais
lors qu'il vit ses avis méprisés, lors
qu'il fut informé des trames secrètes
de Biren avec la princesse Elisabeth,
il se liâta d'en prévenir les suites ;
il avertit la princesse Anne de tout
ce qui se passait , obtint son consen-
Icment pour renverser Bireji, et, par
une de ces révolutions de cour si
fréquentes en Russie , fit relé-
guer le régent eu Sibérie et placer
toute l'autorité dans les mains de la
mère de l'empereur. Il fut alors
nommé premier ministre ; mais il ne
put obtenir le titre de généralissime,
MUN
qui fut donné au duc de Brunswick,
père du jeune empereur : on lui fit
essuyer encored'autres désagréments;
et les intrigues de la princesse Eli-
sabeth reprirent une nouvelle activi-
té, fja régente, trop faible pour sup-
porter le fardeau de l'autorité, ferma
les yeux sur les avis qu'elle reçut, et
se laissa circonvenir par les ennemis
du feld-maréchal. Celui-ci essuya,
daiis ce temps là, une grave maladie ;
et tout le monde crut qu'il avait été
empoisonne : mars la force de sa
constitution l'emporta, et il se réta-
blit. Voyant le danger s'approcher,
il se disposait à le fuir en quittant
la Russie , lorsque la révolution
qu'il avait si bien prévue, vint à écla-
ter; et que le triomphe d'Elisabeth ,
qu'il avait fait tant d'efforts pour
empêcher, vint mettre tous les par-
tisans du jeune empereur dans le
plus grand jiéril. IMuuuich et Os-
termanu , qui en étaient regardés
comme les chefs , furent arrêtés ; et
l'on instruisit contre eux un procès
qui ne fut (ju'une vaine formalité.
Leurs ennemis les plus déclarés de-
vinrent à-la-fois leurs accusateurs et
leurs juges ; et l'on produisit pour
témoins les hommes les plus mépri-
sables. Après avoir démontré au
procureur - général toutes ces irré-
gularités, Munuich lui dit : « Ecri-
» vez plutôt en mon nom toutes les
» réponses que vous voulez que je
» fasse , et je signerai sans rien
» voir. » Le procureur- général le
prit au mot, et il signa. Ce fut le 27
janvier l'y/j-'-î ^"'ou le conduisit au
supplice sur ia place du sénat , avec
les aulres condamnés : i! montra la
même intrépidité q iQ sur le champ
de bataille. Ostermann monta le
premier à l'échafaud ; et déjà il
avait la tète sur le fatal billot, lors-
qu'on lui annonça sa grâce. On lut
MUN
ensuite à Mumiicli l'airèl qui le con-
damnait à cire ecartolc'j mais on lui
annonça aussitôt que cette peine
était coinninc'c en nu Laiinisscuient
en Siljeric. Tons ses 1 iens furent
cotifisqnes, et son fils int exile de la
cour : pour lui, on le transporta à
Peliui uù il avait fait conduire Biren
un an anparavani ; et il l'y rtinplaça
dans la maison dont lui-même avait
trace le plan pour y loger son enne-
mi. Celui-ci éprouva au contraire
quelque adoucissement à son sort;
lui lui permit de quitter la Si-
bérie , et les deux rivaux, se rencon-
trèrent dans le fauboiug de Casan :
ils se reconnurent, se saluèrent,
mais ne se diiTut pas un seul mot.
Munnich fut peiil-étre plus grand
dans l'exd, par la résignation et la
piété qu'il y montra, qu'il ne l'avait
été sur le champ de bataille et dans
tout l'éclat de sa fortune. Il habitait
une cabane , et cultivait lui-même mx
petit jardin. Trois roubles par jour,
que l'on donnaitàrofficierchargédc
sa garde, suffisaient à son entretien ,
et à celui de sa femme et du docteur
Martens, qui s'était exilé volontaire-
ment pour' le suivre. Au bout de sept
ans, il eut le malheur de perdre cet
excellent ami,- et il le pleura long-
temps. Ce fut lui qui le remplaça
dans l'exercice delà prière, ponr la-
quelle il réunissait toute sa maison
deux fois par jour : il composa
même alors des cantiques spiri-
tuels, et des pensées sur la religion,
qu'on a imprimés depuis. Séparé de
tout l'univers, il ne savait de uon-
velles quepaKun jai'dinier. qui avait
soin d'envelopper avec <lcs gazettes
les graines qu'il lui ei:'. oyait tous les
ans de Pétersboi'.rs,, Munnich passa
vingt ans dans ce! te triste situaliviu; et
lamort del'impératriccElis.ibeth put
seule mettre fin à ses maux. Il était
iMLIN
4.1
à faire la prière du matin avec ses
domestiques , lorsqu'arriva l'oitlre
de s.i liberté: sa femme qui la premiè-
re aperçut le courier, ne voulut pas
iutenomprc la prière, et elle ne
l'introduisit qu'apris que ce devoir
pieux fut rempli. Les deux époux
se jelèient alors à genoux , et ,
tendant les bras au ciel , lui ren-
direntsiràcedeleur délivrance, Mun-
uich voulut s'éloigner aussitôt de ce
séjour d'info iluue : ni les mauvais
c]iemins,nilarigueurdela saison, ne
purent le retenir; il était alors âgé
de S'2. ans : et il avait conservé pres-
que toute sa vigueur , et surtout l'ar-
deur iiiiatigable de son ame. Depuis
Moscou jusqu'à Pétersbourg , sa
marche fut un véritable triomphe:
tous les militaires qui avaient servi
sous ses ordres, accouraient pour le
voir, et tous répandaient des larmes
de joie; mais ce qui lui causa une
impression bien plus vive, ce furent
les embrassemenls de son fils uni-
que, et de sa petite-fille, M">*^. de
Vitinghof, qui étaient accourus au-
devaat de lui, dès qu'ils avaient su
son rappel. Le nouvel empereur,
Pierre 111 , le combla de bienfaits ,
et lui rendit tous ses titres; mais il
fit d'inutiles etlorts pour le réconci-
lier avec Biren ( i). Munnich semoa-
tra reconnaissant et fidèle dans la
catastrophe qui précipita du trône
cet infortuné monarque. Il lui avait
(l^ Lorsque Cfs deux vieillards reparurent à \a
cour , dit Rulhière» , i-ii les eût pris p>«r dtioiiilir. s
qui revenaient à la lumière , au milirii (i'un mono
inconnu. Pione UI s'etaitfait un ■ fêle de l.s reunir ;
et il les jugeait d'ajuès lui-même, on myanl que la
rancune se noie dans les pois comme le chagrin. Il
Et a[>[>orter trois vf rrts plrins . et présenta l'uu à
Munnicb et l'antre à Biren ; mais tandis qu'il prenait
le si n , on vii t lui parler l l'or, ille : i! but en écou-
tant, et courut à <e qn'onlui «lisait. Lis deux erait-
mis restaient vis n-vis l'un de l'autre le verr^- en luain .
sans dire un mot, les yeux lixes sur l'euHruit d'oii
l'au;ii'rcur atait ilisparu; et , se Qaltant Ijiculôt qu'ii
les avait oubliés , tous deux se r( gardèrent , se mesu-
rèrent des v. nx , et , Inissaul ieuis ^£rlls pleius, s^
tournèrent le dos.
4iA M UN
donne d'excellents a vis; et lorsqu'il le
vil réduit par sa faiblesse à la der-
nière extrémité , il lui dit avec cou-
lage : Prenez un crucijix à la main;
ils n'oseront pas vous toucher ; r.\:,i
je me charge des dangers du com-
bat. Mais le niallieurcux cinpcreur
e'iait incapable de re'nert^ie (pi'exi-
goait une pareille circonslance ( f^.
Pierre 111 ) : il se livra sans com-
battre à ses euncmis ; et le leiideinain
Munnich parut au milieu de ceux
qui allaieut féliciter Catherine II.
« Vous avez voulu combattre contre
r> moi , lui dit celte princesse. —
» Oui Madame, lui re'pondil le vieux
» feld-mare'cbal ; pouvais-je moins
» faire pour le prince qui m'a déli-
» vrc' de la captivité ? mais c'est à
» présent mon devoir de combaflrc
» pour votre ]\Iajesté; et je le rera-
« pli rai avec dévouement. » Cathe-
riiie fut assez juste pour tenir comp-
te à Munnich de la noblesse de sa
conduite : elle soulTrit qu'il por:ât
pendant trois mois le deuil de son
bienfaiteur; et mettant à profit son
expérience et ses derniers elFoits
pour le bien de son empire, elle le
chargea de diriger les travaux du
port Baltique, projet conçu par les
Suédois , puis adopté par Picrrcle-
Grand , mais que Catherine semblait
regarder comme inexécutable (i).
Munnich entretenait cette prin -
cesse d'un autre projef qui la flattait
davantage : celui de chasserles Turcs
d'Europe, et de rétablir l'enijiire
d'Orient. Il travaillait dans le même
temps à perfectionner son système
lie fortifications , et composait son
Ebauche pour donner une idée de
la forme du gouvernement de l'em-
(i) Trs travaux t\p ce port fiir'iit aliandi
deux aus après la mort de Mnu-.ilih; mais on m
pas eiitiirt: si ce lut lanlt de ino\ eus ou de \n.\i
iMite.
ML\
pire Eusse ; ouvrage écrit en français
avec assez de correction, el dans le-
quel on trouve des détails précieux
sur l'histoire de Russie: il a été pu-
blié à Copenhague ( Leipzig, Breit-
kopf ), 177 + , in-H". Munnich s'é-
tait aussi occupé à rédiger ses Mé-
moires; et, d'après le désir que lui
en témoigna Catherine II, il reprit
ce travail dans les derniers moments
de sa vie. Cet ouvrage, ccrivait-il
lui-même, devait donner des so-
lutions importantes sur plusieurs
points historiques : mais il est perdu
pour la postérilé; on croit qu'après
la mort de l'auteur , il fut placé dans
les archives impériales , d'où il ne
sortira probablement jamais. Mun-
nich avait publié, en 17O5, un vo-
lume de dessins, intitulé: liecueil des
éclu es el ries travaux du canal de
Ladoga. 11 songeait à aller finir ses
joiirs dans sa patrie, lorsqu'il mou-
rut, le 16 octobre 17^)7, âgé de
quatre-vingt quatre ans. Mansicin,
son aide-de-camp, est un des hom-
mes qui l'ont le mieux connu : ce gé-
néral avait fait sous lui toutes les
campagnes contre les Turcs; et il
fut son confident, et son princijtal
agjnt dans les circonstances les plus
importantes , surtout dans la révo-
lution qui l'euversa Biren. Personne
ne pouvait mieux le juger : nous ne
saurions donc mieux faire que de
ra|)porlcrun portrait très-impartial
et très-vrai , qu'il en a tracé dans ses
lilénioires sur la Russie. « Le
» comte de Munuich, dit-il, est
» un vrai contraste de bonnes et de
» mauvaises qualités. Poli , grossier ,
» i;umain , emporté tour-à-tour ,
)) rien ne lui est plus facile que de
» gagner les cœurs de ceux qui ont
» a faire à lui; mais souvent, un ins-
» tant après, il les traite d'une ma-
w nière si dure, qu'ils sont forci's ,
MUN
» pour ainsi dire, de le li.iir. Duis
» ae cei'taiiics occasions , ou l'a ^ u
«d'une gc'ne'rusitc' exlicme; dans
» d'autres, d'une avarice sordide.
» C'est l'iioniinc du monde (jiii a
» l'anic la plus haute; et copond.mt
» on lui a vu faire des bassesses.
» L'oiçrueil fst son vice dominant.
» Dévore sans cesse par une atnlii-
w tion déuicsuree, il a sacrifie tout
» au monde pour la satisfaire. Il n'a
» jamais connu d'autre ami que son
» intérêt; après tout cela, celui qui
» savait entrer dans ses vues , et le
» flatter , en était très-bien reçu. Un
» des meilleurs ingénieurs de l'Eu-
» rope , il a été aussi l'un des plus
» grands capitaines de son siècle.
» Souvent téméraire dans ses ciUre-
» prises, il a toujours ignore ce que
» c'est que l'impossible ; car tout ce
» qu'il a entrepris de plus ditllcile,
» lui a réussi. D'une stature haute et
» imposante, et d'un tempérament
» robuste et vigoureux , il semble
» être né général. Jamais aucune i'a-
» tigue n'a pu le rebuter. Peu fait
» pour être ministre, il n'a cepen-
» dant rien négligé pour entrer dans
» le cabinet : il y est parvenu à force
» d'intrigues ; et c'est là la source
» de son malheur. Pour tirer de lui
» les choses les p'us secrètes , il suf-
» fit de le contrarier et de le fâcher. »
Le grand Fré léric lui-même a accu-
se Munnich d'avoir sacrifié la vie de
ses soldats à sa réj)iitation. Du reste,
ce monarque professait pour ses ex-
ploits une grande admiraliou; et il
l'appelle le pince Eugène des Mos-
covites. Plusieurs auteurs ont écrit
sur le maréchal de Munnich ; nous
ne citerons que l^Ianstcin, son aide-
de-camp, le comte de Sobus , son
gendre, Kempel, Biiscliiiig , et de
Halem, dont l'ouvrage a été traduit
eu français ( par J. F. Bourgoing j ,
WUN 4 1 3
sous ce titre : Fie du comte de
Munnich, général, jeld-inaréclial
au service de Russie jVdv'\s, «807,
in-8', M — i)j.
MUNNIKS (Winold), racdccia
hollandais, naquit à Joure, en Fri-
se, le 4 décembre i744' -^ l'^î^e de
quatorze ans , il fut envoyé en Fran-
ce; et il resta deux ans à Bolbcc ,
principalement pour s'y foimer dans
la langue française. Son goût ne tar-
da pas à se décider pour la méde-
cine; mais avant d'être envoyé dans
une université , il fut confié à un ha-
bile j)haruiacien d'Amsterdam, chez
lequel il acquit d'utiles connaissan-
<x's préliuiinaires en botanique et eu
«liimie. Il était dans sa vingtième
année, quand l'académie de Gro-
ningue le reçut au nombre de ses
élèves. Il y trouva deux hommes dis-
tingués, G.imper et Van Dueveren ,
tous les deux célébrés dans les Elo-
ges do Yicq-d'Azyr ( tome i"^'". , p.
3o5-33.i , et tome m , p. 3.>G-333 ),
11 s'attaclia surtout au premier, et
il finit par en être honoré d'une es-
pèce d'adoption scientifique, réci-
proquement utile à l'un et à l'autre.
Au bout de quatre ans , Munniks
visita l'iuiiversilé de Leyde, et y sui-
vit les leçons de Gaubius, dii ^'au
Roven et des Albinus.Il couronna ses
études académiques par un nouveau
voyage en France. Louis , Noliet ,
Lcvret, Senac. Sabatier, Portai, le
sigu/.ièreut à Paris dans le nombre
de leurs élèves. Il vit Lecat à Rouen ,
Pouteau et Flamand à Lyon; s'ar-
rêta pen lant quelque temps à Monl-
)>e!lier , et s'en retourna chez lui par
l'Allemagne et la Suisse. Ce ne l'ut
que le 28 avril 1 769 , qu'il prit ses
degrés en médecine à l'université
de Leyde, par une sayantc thèse
tt sur la maladie vénérienne , et sur
» SCS principaux remèdes , spéciale-
4i4 MUN
w ment ceux de Van-Swiotcii et de
» Plcnck. » Une cruelle cpizootie ra-
vageait la Hollande; elle avait paili-
culièrement fixe l'attention de Cam-
per. Vau-Docveren et Mnnniks formè-
rent ime société pour l'inoculation
du mal redoute. Ij'autorite' publique
s'intéressa au succès de l'entreprise,
dont Munniks devint l'acteur prin-
cipal, mais dans laquelle il ne man-
qua ni de tracasseries , ni de dégoûts.
L'issue en fut toutefois aussi hono-
rable que satisfaisante. En 1771 ,
Camper s'étaut démis, à l'académie
de Groningue , de la partie anato-
mique et médicale de ses fonctions ,
elles furent confiées à Munniks, lien
prit possession, le 19 juin, par un
discours latin a sur les jouissances
1) attachées à l'anatomie, » et par
une leçon inaugurale « sur les étroits
» rapports qui existent entre la mé-
» canique et l'art de guérir, » Deux
ans après, Camper ayant pleinement
résigné sa chaire, Munniks lui succé-
da tout-à-fait. Mais sa santé ne tarda
pas à souffrir de l'excès de travail;
et Camper lui conseilla un voyage
dans la partie méridionale delà Fran-
ce, pour se refaire de ses fatigues :
ce voyage eut l'effet désiré. A son re-
tour, Munniks se maria , et reprit
ses fonctions avec une nouvelle ar-
deur. En 1784, il concourut pour
le prix destiné par l'académie d'A-
miens au meilleur mémoire « sur
» les cau'^es des heinies elles moyens
» de les prévenir; » et il remporta
la couronne, La société royale de
médecine de Paris . dont il était cor-
respondant depuis 1780, lui adju-
gea, à la même époque, le prix
sur cette question « : Quels sont en
» France les abusa réformer dans l'é-
» ducation physique, etc.? » Toutes
les sociétés savantes semblaient riva-
liser pour l'admettre au noinlup de
MUN
leurs membres , quand les effets des
troubles politiques de sa patiic l'at-
teignirent au mois d'octobre i'"9t).
Il conserva cependant une partie de
ses attributions, et il supporta l'in-
justice avec une noble résignation.
Ses discours académiques roulent
tous sur des sujets bien choisis, et
qu'il savait traiter avec autant d'in-
térêt que de sagesse. Quand on eut
créé, dans les Provinces - Linics ,
des commissions d'administration
et de surveillance médicales, celle
de Groningue le compta parmi ses
membres les plus distingués. Le 8
septembre 1806, il succomba aux
suites d'une attaque de paralysie. La
partqu'il eut aux travauxde l'illustre
Camper, n'est pas un des moindres
titres qui honorent sa carrière lit-
téraire. Une Notice biographique,
ornée de son portrait, pub ice en
Hollande, par son fils, J, Munniks,
docteur en médecine ( Groningue j
1812, in-rj". ), nous a fourni les
matériaux de cet article, — Jean
Munniks , médecin et professeur à
Utrecht, mort le 10 juin 1711, âgé
de cinquante-neuf ans , est aussi con-
nu par quelques ouvrages, dont une
Praxis chirwgica , publiée à Ams-
terdam, en 1710 , in-4''. H fut l'é-
diteur des tomes iv et v de Vllortus
Malaharicus. M — on.
MUNOZ. Fqre-MrGNoz.
MUNSTEPv (Sebastien), savant
hébi'a'isaut , et l'un des bons géo-
graphes et mathématiciens de sou
temps , était ne , en 1489, à Ingel-
heim , dans le Palatinat, Il avait ter-
miné ses études à l'âge de seize ans ;
et s'étant rendu à Tubmgue })0ur y
suivrft les leçons de Stoftler et de Rcu-
chlin , il se décida à prendre l'habit
de cordelier, aiin de pouvoir se li-
vrer plus tranquillement à la cul-
ture di^s lettres et des sciences. Se-
MUN
diiit par U lecture des ouvrages de
Lullior, d quilla son cciuvtut , elfut
appelé, en i fï'.iQ , à B.Uc , où il cn-
scit:;na successivement riicineu et la
théologie avec beaucoup de réputa-
tion. 11 V mourut de la peste, le 'xi
mai i55'2. Munster était petit de
taille, mais d'une constitution ro-
buste, d'ailleurs très - laborieux, et
d'iuic simplicité de mœurs adnnra-
ble. Loin de chercher à se faire va-
loir , il ne voulut jauiais accepter le
titre de docteur en tlicologic; et l'on
fut obligé d'user d'une espèce de
violeuce pour le déterminer à se
charger des fonctions du rectorat.
Munster a été surnommé V Esdras
et le Strahon de l'Allemagne, par les
Protestants conlempoi'ains ; et bien
que sa réputation ne se soit pas
soutenue à cette hauteur, on ue
peut qu'être indigné du mépris avec
lequel Scaligcr parle de ce savant.
Outre les traductions des ouvrages
de Grammaire de DaT. Kimchi ,
d'Elias Levita [F. Elias, XIII,
12) , de V Histoire de Jossiphou
( F. GoRIONIUES , XVIII , i4' ) ?
etc. ; une édition augmentée, de l'an-
cieune version latine de la Géogra-
phie àeVlolémée ( i54o, in-fol.)j
des Notes sur Pomponius - Mêla et
Solin, etc., on citera de Mimster : I.
Bihlia hebraïca, charactere singu-
lari apud Judœos Gerinanos in usu
recepto , cum latind planèqiie ncvd
translatione post omneis omnium
hactenus ubiius gentium editiones
ei^ulgata, et , quoad f.eri potuit ,
hebraïcœ veritati conj'urmata : ad-
jectis insuper è Rahbinorum com-
inentariis annotationibus liaud pœ-
nitendis , pulchrè et voces ambi-
guas et obscuriora quœque eluci-
dantibus, Bàle, 1 534-5, in-fol., 2
vol.; 1 536, in - 4°., 2 vol.; i546,
in-fol., 2 vol., aycc dos additions
MUN
41:
et des corrections importantes. Celte
Bible, dont le titre indique tout ce
qu'elle renfcruic, est très - bien exé-
cutée, surtout celle de i53(i, qui
est sans notes. Munster a été le plus
exact et le plus lidèle de tous les
protestants dans sa version , au ju-
gement d'Huet et de Richard Simon.
Cependant on peut lui reprocher de
s'être trop attaché aux rabbins , qu'il
semble copicr'partout , et de négli-
ger les anciens interprètes. Ses no-
tes , excellentes pour le sens gram-
matical , le seraient encore davan-
tage si elles étaient purgées des su-
perfétations rabbiniqucs dont elles
abondent. II. Fides Christianoruni
sancta, recta et perfecta , alque
indubitata, et fides Judœorum : ac-
cedit lex Dei nova, quie est dociri-
na et vita Christi. sive Evangelium
Domini nostri Jesu Christi secwi-
dàm Matthœum , liébr. lat. , BAle,
1537, in-l'ol. , très-rare. L'évangile
de saint Matthieu est en mauvais
hébreu, plein de solécismcs et de bar-
barismes ; Munster n'en possédait
qu'un exemplaire défectueux, et il se
crut autorisé à suppléer ce qui man-
quait. Cinq- Arbres le fit réimprimer
à Paris, i55o, in-S". , avec très-
peu de changements; mais, eu i55j,
Du Tillet eu donna une meilleure
édition dans le même format. III.
Calendarium bihlicum hebràicum
ex Hebrœorumpenetralibiis editum,
Bàlc,\5'2'j,in-^^.YV.Sphœra mundi
et Arithmelica, hébr. lat., Bàle,
1 546,10-4"., très-rare selon LaSerna-
Santandcr.Ces ouvrages d'Elie Orien-
tal avaient été traduits en latin par
Schreckenfuchs ; Munster v joignit
des notes. \ . Colloquiiuii cunijudivo
de Messid, héb. lat. , Bàle. VI. Hig-
gàion , logica R. Simeonis , latine
versa etpunctis vocalibusillustrata,
Bâlc, 15^7, in-8°. Cette logiqie,at-
4i6
RlUN
triliuec par MunstcràRabbi Siineon,
n'est ])a.s de lui, mais de Maiuionide,
comme le prouve très bien Hicliard
Simon. {Lettres choisies , tome /r,
page 40 at siiii>.) 1-e inème ciilique
nous semble trop sévère, quand il
ajoute t[ae Mujister ne faisait pres-
que aucun pas sans t inher; qu'il
était un pauvre homme, lorsqu'il se
mêlait de traduire d'autres livres
que ceux de la Bible ^ ou quelques
liahhins granimaijiens, dans l'inler-
p>-étation desquels il a été aidé par
Elias Levita. W\. Aruch, JJicdo-
narium Jiebraïcum ultimb recogni-
tum, et ex Eahbinis, prceseTtiin ex
radicibus David Kimcki compleia-
tum, Bàle, i^i*^, iu-8". Ce diclion-
iiaire avait déjà paru à Bàle. ^ lîl.
Graimnalica chaldi:ïca._ Bàle, i ou-j,
in-4". Munster, dans la préface, se
glorifie avec raison d'être le premier
(|ui ait réduit la langue clialdaique
eu prir.cipes : il a été surpassé depiiis ,
mais il n'en a pas moins frayé le
chemin. IX. Dictionarium clialdaï-
cuni nontcpn ad Chaldaïcos interprè-
tes^ quàm ad Rabbiiwrum iJitelligeJi-
da commeniarianecessarium , etc.,
ibid., i5'27, in-4*'. X. Dictionarium
triliu'^ue in quo lalinis vocabulis
grœca et heb^àica vespondent , ibid . ,
i53o, in-fol. XI. Captiviaies Ju-
dœoriim incerti autoris , liéb. et lat.,
Wornis, iSuc), iu-8".j léua , 1340,
in-S^C /^. Maïi.'onide, xxvi, ij'^. )
XII Isaïasprcphelaliebr^dcè, g,rœcè,
latine, ex versione S. Hieranjmi et
ex versione Seb. Munsteri; accessit
succincta dijficiliorum hebraïconim
vocahulorum erposiiio, collecta l'x
D. Kivicld commentario yV^li: . v.i-
4*'., sans date. Rosenmuller blâme,
dans Sebastien Munster, sa hardiesse
à donner comme certain! s les conjec-
tures (les Rabbins. XIII. Epistvla
inncà Pauliad Hebrceos^héh. cl lat.,
îkîUN
Bàle, i5')7, i58^, in-S". OnigJiore
dans quelle langue a été écrite rE[)i-
tre aux Hébreux : ce ne peut donc
être sur l'original , que Munst<r a
fait sa traduction. XIV. Fnvcr-
bia Salomonis : atcedit dialogus in
commeni ariolo H. Jben-Ezra, liéb.,
lat., Bàle, iS'.i- , iii-8'\ Les com-
HKiitaires de Sébastien Mmister sur
diliérents livres de l'Ancien-Testa-
ment, sont insérés dans les Critici
sacri. XV. Cafahigus omnium pn:-
ccplorum legis Mosuicœ, quœ ab He-
brœis sexcenta et octodecies nume-
rantur , cum succinctd llabbinorum
exposiiione et addilionc traditin-
num,quibus irrita fecerunt mandata.
Dei, héb. lat., Bâle , i533, in 8".
Ce n'est puinl une traduction litté-
rale, mais un abrégé des comman-
dements négatifs et aftirmatifs des
Juifs. 1! y a deux préfaces très-
intéressantes, l^e grand nombre de,
traductions qu'a données Sébastien
IMunsler, indi [ue assez qu'il travail-
lait fort vile , et qu'il devait lui
échapper bien des fautes : quant à
ses ouvrages grammaticaux , ils ne
]ieuveiil mainieuant servir que poi;i-
l'histoire de la science. XVI. Hon»-
logiographia, ibid., \53i , i533,
iu-4°.; traité de gnomoniquc le plus
complet qui eût paju jusqu'alurs.
XVII. OriiànumUranicunij theori-
cœ omnium planetanim motus, cn-
nones , etc., ibid., i536, in-fol.
XVIII. Cosmographia universalis ,
ibid., i544? i"-fol., on allemand.
Cet ouvrage a été réimprimé plu-
sieurs fois dans les ^mn^ langues.
Hager croit que l'édition allcnian.de
est l'oi'iginale.quoitju'elle n'ait j)aru
(]ue le 1 7301-1 i544; ft suivant Ilal-
ler (Biblioih. Jnst. de la Sidsse) ,
l'cdilion de ifj53 passe pour la plus
belle et la plus rare, n'ayant point
éprouvé de mutilations; n;aisil yen
MUN
a hcaiicoup dans la traduction latine,
q>ii est d'Hiiguo d'Amcrongcn , 1 55o,
1559, Ole. L'ouvrage a aussi été
traduit en français (Bàlc, 1 555 , in-
fol.); eu italien (Bàlc, i558, in-f'ol.),
tiianglais, par Rich.Edeu, et mémo
tu bolicraicn, par ,1. de; Pucliou
(Prague, i554 , iu loi.), rn-lleforèt
en a l'ait la base de sa Cosinu^ravhia.
Cet ouvragi' de Munster coulieiit
beaucoup de détails d'histoire natu-
relle ; et il est intéressant, surtout
pour la géographie de l'Allemagne.
Les cartes, (pioifpie gravées en bois,
sont remarquables conirae un momi-
nument de cette partie de riiistoire
de l'art : celle de la Suisse, par
exemple, qui est eu deux feuilles , est
la première carte de ce pays qui eût
été publiée. XIX. Rud-menta ma-
thematica in duos libros digesla,
ibid., i55i , in-fol. Le premier livre
conlicnt des éléments de géométrie,
et le second des principes de gnorao-
nique. Sébastien Munster a obtenu
l'honneur peu commun d'une Oraison
funèbre en hébreu , prononcée par
Erasme-Oswald Scbreckeufucbs, et
imprimée àBàle, i553, in-8''. Son
portrait . gravé en bois , est à la tête
de sa Cosmographie ,^1 en cuivre par
Th. de Bry, dans la Biblioth. de
Boissard , qui contient une Notice
sur cet écrivain ; on en trouve une
beaucoup plus détaillée dans Hager
{Geogr. Buchersaal, i, 79-140),
avec la liste complète de ses ouvra-
ges , au nombre de 40 : on peut con-
sulter aussi VAthenœ rawicœ , pag.
23. L — B — E et W — s.
MUNTING ( Henri ) , médecin
et botaniste hollandais, du commen-
cement du dix-septième siècle, après
avoir acquis, par ses cours, une gran-
de réputation dans son pays, voya-
gea en Angleterre, en France, en
Italie et eu Allemagne. Plusieurs
MUN 4 . ;
hommes distingués, avec lesquels il
s'était lié dans ces differeuts pays ,
lui firent passer une grande quanfité
déplantes, dont il couvrit un trrraiii
acheté du produit de sa pratique ,
comme médecin. Sou jardin s'en-
richit très - promplemeut par ce
moven , et devint bienlôt un objet de
curiosité pour les vovagcurs. Ses le-
çons sur la culture, et entre autres,
sur l'art d'élever et de conduire les
arbres , contribuèrent beaucoup à
procurer, sous ce rapport, à sa pa-
trie, et, surtout à sa ville natale,
une grande célébrité. Il y mourut
en i(>5(S. On a de lui: IJortus um-
i'ersœ materiœ inedictp gazopJ>jla-
cium, Groningue, 1G46, pet. in-i'2.
C'est un catalogue de jardinier, qui
n'ofïre d'aulre intérêt que de donner
le nombre, assez remarquable pour
cette époque , des plantes , presque
toutes étrangères , qui étaient cidti-
vées dans ce jardin , en y compre-
nant les variétés de tulipes, d'œillets,
de jacinthes, etc. D- — u.
MUNTIXG (Abraham), fils du
précédent, comme lui médecin et
botaniste, naquit à Groningue, eu
iG'iG. Elevé par son père , il acquit
de bonne heure de grandes connais-
sances en botanicpie et dans la cul-
ture des plantes. Après avoir voyagé
en Hollande , il visita la France , en
1649. Il s'y lia avec Davisson et
Vespasien R: bin; et, avant de quitter
ce pays , il se fit recevoir à Angers
docteur en médecine. De retour a
Groningue, il seconda son père , au-
quel il succéda, en i658, dans les
chaires de médecine et de botanique ,
et obtint des succès semblables. La
Hollande était alors le pavs le plus
renommé pour la culture des plantes:
elle en recevait une grande quantité
de ses nombreuses colonies; et Mun-
tiug lui-même, dans ce qu'il appelait
27
' T tp.(piÎMtlei
lintamûra dt
• \ Ir.uhi ■ IVtT-
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fig. Seguiei et H liltr
autre de i 7 « 3 ,
celle de 17^7.
par le deriiifi : 1
gè. C'est II.:'- t
tient, à Tu-
quinecoiifi
ches , plli^
Domeiic'.it
très-jK-iii
les deux >I
services a
rendu 1
incntiii
))li par 1 .
Mtiiitii.'_
plante-
nus , St. , >
eu duuii...
genre de la iauuilc U
MÎT '
noble , (Il
ancctrr^
leur p^'
brasse 1.1 •
avccd'ji!':
riiospi;
rrnl ti
B.^nie. .1
habilr. t ::
en rï'V). ! '
ftieiirs "lii
rrliii dimi
Allcrn i.
pIftTr
en 167 I .
ville , et ;
iui ciino-
\\ Leyde
-iol. , ^45
citcni une
.laine que
^ ilemeut
1 it chau-
la préie-
is, mais
mes plau-
■> . que la
lie , et un
. liions. Si
I i|iielqucs
u'cii ont
1 proprc-
i^ia , rta-
:•< ur d'A.
nue seule
Il Hham-
ctnthui ,
''^(li .1 un
uturcos.
n— r.
' oiu
.iille
II no ; ses
le quitter
\y41\X em-
I "ivèrent,
' me pays ,
«.'elabli-
>,!'.• et ^
;ien
l'itl , plu-
i , ,,,. . et
; ^ m
■ i ni An-
I à BJle ,
iii (le la
'ivsi(jue et
'•«I p»s- '
MUft
eu matliémaliqucs , à Zui
habile d.ins sou art, et s
tingue : le nombre de ses
considérable, sans parler
nombre de MaJnaircs ei
valions qu'il lit insérer
JifilieineriJe-i uaturje ci
Ou ne citera que les ]niuci|
perinienLii unatomicu ,
f'iule mecum anutumicuti
Exercitutiones meciicw si
menla anatotnica de htu
corpore circunifiucntibus
OEinres de clururi^le ,
I 7 I I ; — iiiojKHUuLci i
iVnyji et 17 iG; — l'esci
bains d ' i'rd.'rj' , 1 7 o i ;
sicit speciaiis , eu six
17;)^ a 1714. dont la
partie ronipreud ini Cal
plantes de lu Suisse ,
tradiut et allemand , en
Cl 'Ue^iuin anatonticuin
l(»87 ; — Lur in lenetr,
bns rejecla , tvin tiiinen
siéh diuin rei'ocata in
siuin pe^srnitionc , sous
J. Kutich.usàClnranion
rut , en 17.13 , à l'âge
vingt-hiiitans. — Son (ils
rad DE Mlralt , fut de n
ciu cle la ville à Zuricli
qMeltjue» Dissertatinii>s uv
MlT.AI.T lir.lt-Loui.S I)K ),
s'est fait ronuaitrepaicpirl
gc»,telsqu«'Jrs Ijeltrcs.ur
et les Français, 1 7 78: —
les vnj'afii'i et sur l'r.'
17)3; — l'Instinct conu
rnarulraur hoin 'nés, 1 •y:")
nouvelles, 17'ÏJ. Ce» c
vent que l'auteur avait (
rtqu'ade.^ ronn.iissauces
iirirlles il joignait un
ch.int au i^aradoxe. Le 1
Iriiliiit ru anglais, et tii
i'buuucur d'uuc refutati
4i8 Wt^
son Paradis de Gronin^ie , en réu-
nissait beaucoup de rares, qui lui
étaient envoyées de toutes les parties
du monde. 11 exerçait les fonctions
de professeur , depuis vingt-quatre
ans , à la grande satisfaction de ses
compatriotes, lorsqu'il fut attaque
d'un catarrhe sulFoquant, et mourut
au bout de vinp^t-quatre heures, le
3i janvier i683. IMunting a publie :
J. IKanre OEJfcning der planîen ,
etc. (Culturcdes plantes, etc. ), un vol.
petit lu 8°. , 4» %' Amsterdam,
167'i; 2=. éd., ibid. fet non h Leu-
Tvarde, comme l'indique Haller),
1682. Cet ouvrage est divisé en trois
parties : arbres, arbrisseaux et plan-
tes, contenant , sur les formes exté-
rieures, les propriétés et la culture
de chacune, les détails connus alors;
mais aucun ordre n'y est observe ,
et les planches sont fort médiocres
et inférieures à celles de la plupart
des ouvrages de botanique du même
giècle et du précédent. II. Alnida-
riiim, etc., ou Histoire de Valoès
américain et de quelques autres es-
pèces , sans nom de ville, 1680 , un
vol. pet. in - 4"- de 33 pag., 8 (ig.
L'auteur v décrit le port et la végé-
tation fort remarquable d'un pie de
cet aloès ( Agave americana ) , et
entre dans quelques détails sur la cul-
ture et les propriétés de cette espère
et des autres. Les figures sont égale-
ment médiocres; quelques-unes n'ont
point de fleur. Sept se retrouvent
<lans de plus grandes dimensions ,
dans la Pliytographia. III. Deverd
uiitiquorurn Ilc/bd hritamiicd , \\n
vol. petit in-4''. de 23 1 p., Amster-
dam, i68i , u4 lig. Séguier cite une
y.*", édition de 1698. Cet ouvrage pos-
thume renferme des détails iutéros-
sants; mais l'origine des diiîérputs
peuples de la Hollande . de la ^:\^.o ,
etc., la descripdoa du terrain où se
MUN
trouve cette plante , qui est le Fumet
aquaticus ( et non le Britannica de
Dalechamp, espèc* d'///u/a); l'éty-
molojie de son nom spécifique ( i),
les opinions des anciens et des mo-
dernes sur ses vertus, auiipiel les Mun-
ting attache une extrême importan-
ce ; tout y est comme entassé sans
ordre et sans méthode, de manière a
en rendre la lecture très-fatigante. Au
reste , il n'est nullement prouvé (pic
c« Bumex soit V Ilerba britan/nca
des anciens. On peut consulter à ce
sujet: Dissertatio de Brittenburgo ,
etc.,deCannegietcr.IV.7V'tfaMwA<ru-
ri»e beschrjving der aard^ewas-
sen , etc. , ou Description exacte
dés plantes, atc. , Leyde et Utrccht ,
1696, gr, in-fol., 243 fig. Le fond
de cet ouvrage , aehevé et publié
par le'i héritiers de Munting , est le
même que celui du premier; mais
il est de deux tiers plus considéra-
ble, de sorte qu'il peut être regar-
dé comme neuf. Les dessins, beau-
coup plus nombreux, et accompa-
gnés, pour la plupart, d'assez jolis
])c'iysages , sont aussi d'une meilleure
exécution. Ce livre est, sinon utile ,
vu les progrès que la culture a faits
depuis un siècle, du moins curieux,
comme otîVant l'état de cet art eu
Hollande, à cfette époque. Toutefois
il contient une foule d'inutilités; il
n'y a presque point de plantes nou-
velles : la plupart des figures sont
inexactes ; quelques-unes même pa-
raissent être de pure invention, com-
me celle du Macer arbor antiquo-
rum, des deux Cardamotnum et du
(t) Britannica {fiitanniea, vrifl on vn/iandica) ,
vSfDnetil.snloD lai, di Bn'Jew , mol frison, qui \fuf
dif forlificr . Mn , dml,hyc on hyck , cTpnlsioii
{ cjectio) ,et. signifie par coii.itqucnt/)r^ie;inn/ ^^
perlK des tlfrts, ceftn piaule elatit surloul bnnoe
criitre 1 ■ scnrliit. Kuutfuyii partage ccl!* ojiin.on ,
t. VI , p. ':'<'G , Ira'l. , ^iliî. al.eliia;.de. I.'aiili-iir Oiil
]>ai'làe sescgDJeclureilur i'oiigiue diimoti^ritaM/ùa.
MUN
Suîcreon. V. Phjiosi^raphia, ciirio-
irt,etc., publiée par Kigj^claor.Leyde
€t Ainsfcrdam , i'jo'2 , iu-Iol. , •^45
fig. Sq;nier et Hallcr eu citent une
aiilre tic 1713, qui est la lucme t|iie
celle de 17^7 , indiquée également
par le dernier : le titre seul est chan-
ge. C'est u;ie traduction du précë-
tlcnt , à l'usage des ctiant^ers , mais
qui ne contient , avec l^ mêmes plan-
ches , plus deux nouvelles, que la
ïiomenc'ature, la synoiiymie , et un
Ircs-pclit nombre d'observations. Si
les deux Munting ont rendu quelques
services à la culture , ils n'eu ont
rendu aucun à la botanique propre-
jncntdiie. Le genre jluntingia , éta-
bli par Plumier, eu l'honneur d'A.
Munting, se composait d'une seule
plante que Liiuié a réunie au Rliani-
n!<5,souslc nom de R. Micanthus ,
en donnant celui de Muntin^^ia a ua
ccnre de la famille des îiliacécs.
^ D-u.
MURALÏ ( Jkan de ) , médecia
de Zurich , descendait d'vme famille
noble , originaire de Locarno ; ses
ancêtres avaieiU été obligés de quitter
leur patrie , en 1 555 ( i ). Ayant em-
pirasse la réformation, ils trouvèrent,
avec d'autres familles du même pays ,
l'hospitalité à Zurich ; ils s'établi-
rent ensuite dans cette ville et à
Berne. Jean de Murait , chirurgien
habile, fut reçu bourgeois de ZurjcJi ,
en i55<). De ses descendants , phi-
«ieurs ont cultivé la médecine ; et
celui dont il s'agit, fit ses études eu
Allemagne, eu France, et en An-
gleterre. Il fut créé docteur à Bàlc ,
en 167 I, et devint médecin de la
ville , et professeur en physique et
(l'i On croit qu'ils ctaieut de la inèHie famille que
Françwis Muraifu, ge)tilhoDone d» Come , (jiii ocri-
■vit en lutin les .innaUs de sa pnlrie, ouvrage nn'ieiix
pour 1. s évciiemenjs du saiiièuic siècle. Voyez les
Uomini UliKtri drila C'omascjj pat le cuuJte Giu.
viu, pus. I Ji tt \o'S,
MLft
4'9
en mathématiques , à Zurich. Il fut
habile dans son art, et savant dis-
tingué : le nombre de ses écrits est
considérable, sans parler de grand
nombre de Mémoires et d'obsei-
vatioiis qu'il lit insérer dans les
1:^1) lie me ride s naturce cwiuioruin,
On ne citera que les principaux : Ex-
perimenta unatomica , 1670 5 —
Fademecum anatomicum, 1077; —
Exercilutiones medicœ seu exfjeri-
menla anatomica de hiunoriius in
corpore circumftuenlibiis , i G7 5 ; —
OEuvres de chiruraie , itiQi et
1711 ; — Jiippocrates htlveticus ,
1692 et !7iti; — Descripiion des
bains d'UrdjrJ ^ 170^; — P^'J-
sica speciaiis , en six parties ,
1707 a 1714» dont la quatrième
partie comprend un Catalogue des
plantes de la Suisse , qui a été
traduit et allemand , en i7i5 ; —
Cidlegium anatomicum curiosiim ,
1G87 ; — Lux in tenebris à tene-
hris rejecta, non tamen extincla ,
suif diuin revocata in Locarnen-
sium pe~secuiione. sous le nom de
/• Eutichius à Claranionte. l\ mou-
rut, en 1733, à l'âge de quatre-
vingt-huitans. — Son fUs, Jean Con-
rad DE MuRALT , fut de même méde-
cin de la ville à Zurich , et publia
qx.elques Dissertations médicales. —
Mur.ALT Beat-Louis de), lîéà Berne,
s'est fait connaître par quelques ouvra-
^c%,tehquehs Lettres -iir les yinglai s
et les Français, 1 728: — Lettres sur
les ^^nyages et sur l'esprit -fort ^
1753; — ['Instinct conununrecom-
mandé aux hommes , \ 753; --Fables
nouvelles , 1753. Ces écrits prou-
vent que l'auteur avait de l'esprit ,
et qu'a des connaissances assez super-
licieîles il joignait un grand pen-
chant au paradoxe. Le premier fut
traduit en anglais, et tut eu France
l'houneur d'une réfutation, sous le
U7-.
420
MLR
liiro cV.Ijiologie du caractère des
Français et des yJn^lais. U — i.
MURAT (He>riltte - Julie de
Castelivau , comtesse de ), ctait
pelite-fille du raare'clial de Castel-
nan ( F. ce nom , V H , 3-28 ) , et fdie
de Micliel II , marquis de Castelnau,
mestie-de-campde cavalerie et gou-
verneur de Brest, lequel mourut à
Tjtreclit , le ■! décembre 167.4 , âgé
de "i"] ans , d'une blessure reçue à
l'atlatiued'Ameyden, Henriette-Julie
eut aussi pour aïeul maternel , iia
maréchal de France , Louis Fou-
cault, comte de Dau(:;nou. Elle na-
quit à Brest, eu 1670, et quitta
cette ville , à l'âge de 16 ans, pour se
rendre à Paris , où elle était deman-
dée en mariage par Nicolas, comte de
P.îurat, brigadier des armées du roi,
d'une très - ancienne famille trans-
plantée d'Auvergne en Daupliiné ,
et alliée de celle de la Tour-a'Au-
A'ergne. La jeune Castelnau parut de-
vant son prétendu , dans !e costume
des villageoises bretonnes,, dont elle
parlait passablement la langue La
reine voulut qu'elle fût présentée à
la cour, sous cetliabit. dont on lui
.ivait beaucoup vanté l'originalité;
cl celle circonstance , jointe à l'es-
prit et à la beauté d'Henriette, lui
mérita les hommages des poètes
contemporains. Sou mariage eut
lieu peu de temps après. Née avec
beaucoup d'imagination et de viva-
cité , mais avec un caractère ardeut
et opiniâtre , et avec trop de pen-
chant au plaisir , madame de Murât
donna quelquefois dans des égare-
lucnts auxquels sa naissance ne servit
qu'à donner plus d'éclat. Soupçon-
née d'avoir coopéré à un libelle dans
loqucl était insultée toute la cour
de Louis XIV, elfe fut exilée k Lo-
ches , par ce monarque , à la sollici-
taliou de jjiadamc de Maiutcnou. Ce
MLR
fut dans celte retraite qu'elle compo-
sa : I. Mémoires de sa vie, Paris,
1697 ' i""'-^ '• c'est moins une his-
toire qu'un roman. IL Noui'eaiix
Contes de fées , Paris, iG()8, 2
vol. in-i'2; insérés depuis dans la
coUeclion intitulée: Cabinet des fées.
III. Le P^ojage de campagne , Pa-
ris, 1O99, '2 vol. in-i'i; ouvrage
agréablement écrit, faussement at-
tribué à madame Durand. IV. Un
Dial'igue des morts. V. Histoire
de la courtisane Rhodope , Loches,
1 708 ; cette histoire n'est pas ache-
vée. VL Histoire galante des ha-
bitants de Loches^ qui est désignée
sous le nom de Ségovie; l'auteur prit
l'idée de ce l'oman satirique dans
le Diable boiteux , qni venait de
paraître. VIL Les ÏMtins du châ-
teau de Kernosy , Leyde , Paris,
1710-1717, [u-i-x, 1 vol.; réim-
primés plusieurs fois. Ce roman
ingénieux , et rempli de grâces ,
est le meilleur ouvrage de madame
de Murât. VIII. Histoires sublimes
et allégoriques, 1699, 'i vol. in- 12,
attribuées à la comtesse d'Aulnoy ,
par Lenglet Dufresnoy. IX. Des
Chansons et autres Poésies fugitif
ves , répandues dans les recueils du
temps, et paimi lesquelles on dis-
tingue sa Chanson sur V Hiver de
1709, son Couplet sur le Plaisir j et
cinq à six autres pièces assez agréa-
bles. L& comte de Danois, 1671 ^
in-i2 , qu'on lui a , mal-à-propos ,
attribué , est de madame de Ville-
dieu. Le marquis de Paulmy possé-
dait un manuscrit de lettres de ma-
dame de Murât , adressées à ses
amies , et contenant des petits ro-
mans, des nouvelles , des contes de
fées. On y trouvait aussi un roman
inédit , intitulé le Sopha amoureux.
C'est encore à tort qu'on a attribué à
cette dame les Effets de la jalousie^
IVIL'R
Paris , 169G . in-i'2 : ce n'csl qu'une
réimpression (lomic'c ]iar liCsconvcl,
sons 1111 nouveau tilic , selon sa
coulumc , de V Histoire tra^que de
Françoise de Faix , comtesse de
Chdleaiibriant ( V. Lesconvel ,
XXIV, 283). Les romans de la
comtesse de Murât , l'oul placée
au rang des femmes les plus célè-
bres dans ce genre de littérature.
Ils se font remarquer par la pu-
reté du goût , la sagesse des idées ,
l'honnêteté des tableaux , et par une
teinte de philosophie qui caractérise
le siècle où ils ont été écrits. Ses
vers , en petit nombre , se distin-
guent par la facilité ; et elle aurait
pu se faire un nom parmi les poètes
erotiques , si elle s'était livrée uni-
quement à la poésie. Eu 1 7 1 5 , le
duc d'Orléans , régent de France ,
sur la recommandation de madame
de Parabcre, sa maîtresse, mit fin à
l'exil de madame de Miuat , qui ne
jouit pas long-temps du ])laisir de
revoir une amie dont elle dictait les
lettres énergiques. Elle mourut, non
à Paris, comme l'ont dit la plupart
de ses biographes , mais à son châ-
teau delà Buzardière, dans le Mai-
ne, le :i\ sept. 1 7 1 6 , âgée de 46 ans,
sanslaisser d'enfants. Ses deux.sœurs
n'ayant point été mariées , elle fut
le dernier rejeton de l'ancienne fa-
mille des Castelnau , originaire du
Bigorre. A — t.
MURAT ( JoAGHiM ) , l'un des
lieutenants de Buonaparte , naquit
le ^25 mars 1771 , à laBastide, près
de Ckxhors, où son père était auber-
giste. Envoyé à Toulouse pour y
faire ses études , il y prit quelque
teinture des lettres ; mais son goût
pour la dissipation et les aventures
l'en détourna bientôt. Revenu à l'au-
berge de son père , il y fit le service
de la maison avec les domestiques ,
MUR 4 'il
puis s'enrôla dans les chasseurs des
Ardennes. Il déserta , bientôt après,
jjar incouduite, vint à Paris, s'y
trouva dans la détresse , et fut con-
traint de servir à table chez un res-
taurateur. S'ctant fait remarquer par
son activité et par sa tenue , et
son père s'étant déterminé à lui en-
voyer des secours, il fut admis dans
la garde constitutionnelle de Louis
XV I. Le licenciement suivit de près
la formation de cette garde; et Mu-
rat obtint une sous-licutenance dans
le onzième régiment de chasseurs à
cheval. II s'y montra révolution-
naire exalté, et se procura par-là
\n\ avancement rapide. Il était delà,
lieutenant-colonel , et l'un des plus
fervents apôtres de Marat, lorsqu'à
la mort de ce féroce tribun du peu-
ple, il écrivit d'Abbcville, où il était
en garnison, à la société des Jacobins
de Paris , pour lui faire connaître
son intention de changer son nom en
celui de Ma rat. On ne sait si celte
demande lui fut positivement ac -
cor.iée ; mais il est sûr qu'après le
règne de la terreur il fut destitué ,
comme terroriste, par une confor-
mité singulière avec Buonaparte, et
se trouva, ainsi que lui, à-peu-près
sans ressources dans Paris, eu atten-
dant une révolution qui pût lui être
favorable. Son espoir ne fut pas trom-
pé. Réintégré à l'époque du 1 3 vendé-
miaire an IV ( 5 octobre 179S ) , il
servit sous les ordres de ce même
Buonaparte, chargé de disperser les
Parisiens armés contre la Convention
(/^.Buonaparte, au Supplément).
Murât s'attachaut de plus en plus à
son nouveau général, montra beau-
coup d'intelligence et de bravoure à
l'ouverture de la campagne d'Italie ,
en 179GJ et il devint son aide-de-
camp de confiance. A la suite d'une
mission à la cour de Turin , qui a-
^72 MUR
vait fait des ouverlur* île paix , il
partit pour Paris avec des dcpèclics
rclalivcs aux np'j^ociations. Au mois
de juin , Jjiioiiaparle le chargea d'ac-
compagner le miiiislrc Faypoult ,
cliez le doge de Gènes, pour le
sommer d'expulser le minisire im-
pcri ,1. De reiour à l'armée, Murât
dirigea ([ueiques attaques avec suc-
cès; et pendant toute celte campa-
gne , et celle de 1797 , il se fit re-
inarcjner par sa bravoure. Dévoré
d'aïuijition comme son chef, il as-
pirait dès-lors aux plus hau'esdiguî-
les. Au mois de mars 1798, il mar-
cha vers les confins de la Valtcline,
avec une colonne, el réunit cette jiro-
vince à la nouvelle re'publifjuc Cisal-
pine. Il prc'ce'da Buonaparîe, lors-
«ju'aprcs la paix de Canipo For-
luio , ce général traversa la Suisse
et l'Alsace, se rendant à Rasladt.
Envoyé à Rome avec Bertliier , il
îuarcîia contre les insurgés de Ma-
riiio , Aib^no et Castello , en tua un
grand nombre, et fit arrêter beau-
coup de moines et de prélats réputés
ennemis des Français. I/expétiition
d'Egypte résolue , il décLua qu'atta-
ché a Buonaparte il le suivrait par-
tout: il ne le quitta plus en effet, se
distingua dans tout le cours de eetle
expédition , nolampjcnt à la bataille
flu Mont-Tabor,où,par des charges
3)ii!lanles , il acheva la dispersion
de l'armée turque; ce qui lui valut
le grade de général -de-division. De
a'etour en France avec Buonapai'te, il
le servit très- efficacement à Sainl-
Cloud, oij cegénéral changea laforme
du gouvernement et s'empara du
pouvoir. Ce fut Murât qui , à la tête de
soixante grenadiers , dispersa le con-
seil des Cinq-cents. Ilfutaussitôtnom-
mé commandant de la garde consulai-
re: sa faveur n'eut plus debornes. Buo-
uaparlç resserra eucore les liens qui'
MUR
les unissaient en lui donnant sa sœur
Caroline en mariage. 11 l'cu'ptpya
comme un^de ses lieutenants a l'ar-
mée de réserve; Murât entra le pre-
mier à Mdan, occupa Plaisance, et
commanda la cavalerie à la bataille
de Ma rengo.L'aïuiée suivante ( 1801)
il commanda l'armée d'observation,
et si^rna, avec le chevalier Miche-
roux, à l'oligno, un armistice entre
le gouvernement français et le roi
desDeux-Sieiles.ïl gouverna ensuite,
aA'ec le iitre de général, la républi-
que Cisalpine, el se rendit a la con-
sulla de j.yon, à la suite de laquelle
il installa, en 1802, les nouvelles au-
torilés. Nomme goiivsrreur de Paris
en janvier 1 8o4, avec le rang de gé-
néral en chef, il dirigea la force mi-
litaire , quand Buonaparte , voulant
se faire proclamer empereur , fit pé-
rir i^ichegru et le duc d'Enghien ( F,
PicHEGBU, et Enghien, XIII , i55). ,
Peu de jours après , Murât fut élevé
au rang de maréchal - d'empire,
et , l'a;. née suivante , à la dignité de
priuce el de grand-amiral. A la re-
prise des hostilités avec l'Autriche
en 1806, il passa IcRhiuàKehl avec
la réserve de cavalerie , se porta en
Souabe ; et au moment de la prise
d'Ulm elde la capitulation deMack,
il poursuivit avec activité les corps
autrichiens qui cherchaient à se re<
tirer en Bohème par la Francouie,
sous les ordres de l'archiduc Fer-
dinand. Il força le corps du généial
Werneck à mettre bas les armes,
et, arrivant l'un des premiers sur la
route de Vienne, y lit son entrée le
1 1 novembre ; il marcha ensuite
contre les Russes enIVIoravie , et con-
tribua par différentes charges de ca-
valerie à la victoire d'Au^terlit^. In-
vesti du grand-duché de Berg , il prit
le train d'un souverain, figura dans les
deux campagnes suivantes, partie;»-
MUR
licrcmontàla bataille de Tdna , fit son
t'iiire'c à Varsovie le -iS novembre
1807, et coiiiiuaiida la cavalerie à
la bataille d'Hylau et à celle de Fricd-
laiid. Instiiiincut toujours ans.siaclif
que dévoue' dos entreprises les plus
odieuses de Buonaparte, il fondit
sur l'Espagne, au mois d'avril i8u8,
à la tèle d'une armée nombreuse j
cl il eut recours à toutes sortes
d'artifices pour ajouler aux divi-
sions qui existaient déjà dans la fa-
mille royale. Ce ne fut qu'a force de
menaces , de ruses et de violences,
qu'il parvint à la faire partir pour
Baionne, et à la livrer à Buonaparte
qui l'y attendait. Le peuple de Ma-
drid , indigne , s'etant soulevé, T\îurat
ordonna froidement un massacre qui
dura plusieurs jours; et ce fut ainsi
qu'il débuta dans un pays dont il
voulait être le roi. L'ambition qu'il
manifesta a celte époque , donna de
l'ombrag* à Napoléon. Il fut éloi-
gne' de l'Espagne , et revint très-mé-
conlent en France, où il eut des ex-
jilications très-vives avec son beau-
frère. Celui-ci ajouta encore aux cha-
grins qu'il lui avait causés, en fai-
sant passer son frère Joseph sur le
trône d'Espagne , qui lui avait été'
pronùs ; et ce ne fut que par les sol-
licitations de sa femme, encore jilus
! impatiente de régner que lui-même,
que Buonaparte consentit à le faire
roi de Naples. Ce fut le premier août
1808, qu'on le proclama roi des
Deux-Siciles, sous le nom de Joa-
cbim- Napoléon. Il succédait à Jo-
seph Buonaparte que les Napolitains
avaient méprisé : et la comparaison
ne pouvait être qu'a son avantage.
D'ailleurs il réussit dans l'esprit des
liabitants par le faste qu'il déploya,
et par son air martial. Ressemblant
sous beaucoup de rapports à uu
roi de théâtre , il se donnait de
MUR 4a 3
grands airs; il aimait la pompe,
les cavalcades elles cérémonies bril-
lantes ; enfin l'on reconnut dans le
nouveau roi , l'homme qui , dans
les armées françaises , avait affecte
tous les genres de costumes et de
magnificence, au point d'en fatiguer
les siddats , qui ne le dé.signaienl que
par le nom de Franconi , célèbre
bateleur. IMurat aflTecta aussi beau-
coup de modération et de bienveil-
lance, travaillant à s'attacher la no-
blesse et le peuple, tant par son
faste que par sa condescendance pour
les préjugés populaires. Il montra
même une grande partialité eufaveur
des nationaux contre les Français
qui, sous la domination de Joseph,
avaient envahi toutes le» places et
abusé de tous les pouvoirs. Il té-
moigna en même temps une obéis-
sauce moins servile aux volontés
de sou impérieux beau-frère, cher-
chant, par une conduite plus adroi-
te, à jeter quelques racines sur uu
sol si souvent en proie aux cou-
vulsions de la nature et de la politi-
que. Cependant ses tentatives pour
s'emparer de la Sicile, échouèrent
complètement ; mais il est permis
de douter qu'elles fussent sérieuses.
Joachini régnait paisiblement depuis
quatre ans, qua.d la plus gigantes-
que des eutreprijes de Buon.iptrte ^
l'invasion de la Russie, le ramena
sous les drapeaux de son ancien
maître. Placé a la tète de la cavale-
rie , il eut part à toutes les opération»
qui précédèrent la prise de Moscou j
cl il commanda un corps sépara
vers Kalouga, où il obtint quel-
ques avantages : mais il essuya en-
suite de graids revers; et apiès le
départ de Buonaparte, il se vit ac-
cablé de tout le poids du comman-
dement dans une retraite désastreuse
depuis Smolensk jusqu'à Wilna. Fa.»
47.4 MUR
1 igue et mccontent,il abandonna aussi
l'arme'c, et prit le chemin de Naplcs ,
pour essayer de se soutenir encore
sur un trône qui semblait devoir
s'écrouler avec le colosse de l'cmpi-
le français. De retour dans sa capi-
tale, il lit à la cour d'Autriche des
ouvertures tendant à se réunir à
cette puissance. Mais bientôt s'ou-
vrit la campagne de i8i3; et les
premiers événements ayant été fa-
vorables àBuonaparte, Murât quitta
ÎNapIcs, et parut de nouveau à l'ar-
mée française, toutefois avec moins
d'éclat et de zèle , et comme forcé
d'y faire acte de présence. Après la
perte de la bataille de Leipzig, il s'é-
loigna encore pour retourner dans
ses états , avec le dessein de se rap-
procher de l'Autriche et de l'Angle-
terre. Voyaut s'éclipser l'étoile de
Buonaparte , il eut l'ambition de se
soustraire à sa dépendance , et de se
créer une sphère à part , afin de pro-
longer son existence royale. Les con-
seils de Fouché, éloigné dans ce
temps-là, du ministère, et relégué
en Italie , le décidèrent à suivre cette
nouvelle politique. Murât ne se crut
réellement souverain qu'à partir de
cette époque ; alors seulement il put
avoir une volonté et des intérêts
séparés de ceux de la France. Mais
ses talents , comme chef d^un état ,
étaient loin de pouvoir faire face
aux difficultés de cette nouvelle po-
sition. A peine arrivé à Naples, il
ouvrit ses ports aux Anglais, et re-
noua les négociations qui avaient été
rompues par son accession à l'al-
liance européenne. Toutefois il ne
voulut point entendre parler d'in-
demnités ni d'équivalent, persistant
au contraire à vouloir régner sur
î^aples , sans aucune restriction. On
consentit à lui laisser son royaume,
pourvu qu'il prît l'engagement de
MUR
joindre ses forces à celles des alliés.
Par une sorte d'esprit de vertige , il
crut voir la possibilité de s'agrandir
en Italie, à la faveur des disposi-
tions de l'Autriche, de la décadence
de Na poléon, et des intérêts de l'Angle-
terre. Instruit que les alliés venaient
de passer le Rhin , et connaissaut la
situation morale de la France , il si-
gna , le II janvier 1814, avec la
cour de Vienne , un traité par le-
quel il s'engageait à fournir aux puis-
sances confédérées un corjis detren-
teraille hommes. Il obtint, pour prix
de cette défection, la reconnaissance
de son existence politique , et de ses
droits de conquête sur la ville d'An-
cone, et sur les Marches pontifica-
les. D'un autre côté, le commandant
des forces britanniques dans la Mé-
diterranée , lord Bentinck , conclut
avec lui un armistice , auquel le gou-
verneraent anglais n'adhéra qu'afîn de
complaire à l'Autriche , et à condi-
tion que Murât, pour conserver son
royaume , donnerait des indemnités
au roi de Sicile. Il se mit eu marche
le 6 février , prit Reggio, et arriva
sous les murs de Plaisance. Son mou-
vement força l'armée française ,
commandée par le vice-roi Beauhar-
nais, de se replier sur l'Adige , pour
ne plus agir que sur la défensive. Tel
fut le premier fruit de la défection de
Joachira, Il dépendait de lui de faire
changer le sort de la guerre en Ita-
lie: mais bientôt sa conduite parut
équivoque; il sembla contrarier jiar
son inactivité, et ensuite par des ma-
nœuvres combinées avec adresse, les
projets des alliés, dans des circons-
tances décisives. Leur défiance s'é-
tant convertie en certitude, la posi-
tion de Murât devint délicate et pé-
nible : redoutant à-la-fois le mécon-
tentement des confédérés , et la co-
lère de Napoléon, dont il apprit avec
un ëlonnemcut mêlé de craiulc les
succès inattendus dans les plaines de
la Champagne, on le vit dans une
grande agitation. 11 avoua, dans une
couveisalion avec le consul l'rauçais
à Ancone, que la nécessite' seule l'a-
vait force de se joindre aux allies ,
mais que jamais son année ne com-
battrait les Français. Le vice-roi en
était lui-même persuadé : « J'ai les
•» plus grandes espérances , ccrivit-
» il à Napoléon , que le roi de Naplcs
w n'ajoutera pas à ses torts envers
» votre Majesté, celui de faire feu
» sur les troupes impériales ( i ). »
En. même temps , la reine de Naplcs,
dans sa correspondance avec son
frère , cherchait à ménager un rap-
prochement. Buonaparte , dans une
de ses réponses, faites au moment
où il obtenait quelques succès, traita
Murât du ton d'un maître : « Votre
■» mari, dit-il, est très-brave sur
» le champ de bataille; mais il est
» plus faible qu'une femme ou qu'un
» raoiue , quand il ne voit pas l'eu-
» nemi. Il n'a aucun courage mo-
» rai. Il a eu peur, et il n'a pas
» hasardé de perdre en un instant
» ce qu'il ne peut tenir que par
» moi et avec moi. ..." Daus une
autre lettre adressée à ]\Iurat hù-
.même. Napoléon le menaçait de son
mécontentement. « Je suppose, lui
» dit-il, que vous n'êtes pas de ceux
» qui pensent que le lion est mort ;
» si vous faisiez ce calcul, il serait
» faux. . . . Vous m'avez fait tout
» le mal que vous pouviez depuis
» votre départ de Wdna. Le litre de
» roi vous a tourné la tête • si vous
» desirez le conserver , conduisez-
» vous bien {'j.). w La duplicité de
{i) Lettre d'Eugèue Beaubarnais ù NiHpiilf'ou , du
18 février i8i4-
(ii Docuuiculs fournis au parlement d'Anflelerre,
par lord CastU'rea|b , dans la séance du 7 uiai )8i5.
MUR
4ij
Murât n'ayant pu échapper aux gé-
néraux alliés, ils s'aperçurent aisé-
ment qu'il voulait tenir Ia balauce,
s'emparer de l'Italie jusqu'au V6, et
se ranger du côté du plus fort. I^es
ofTiciers de son armée disaient hau-
tement, que l'Italie dcA'ail être réu-
nie sous une seule domination , et
que Murât en serait le souverain.
Les carbonari , ou révolutionnai-
res italiens , s'agitèrent dès-lors sous
sa protection , accréditant et propa-
geant les mêmes idées. Ce fut dans
ves entrefaites que la puissance de
Napoléon s'écroula, et que Louis
XVIII remonta sur le trône de ses
ancêtres. A la suite du traité de Pa-
ris, toutes les armées combinées
commencèrent leur retraite ; celle de
Naples rentra dans les Marches pon-
tificales, sur lesquelles Murât ne dé-
guisait pas ses prétentions. Les rap-
ports de toutes les puissances allaient
être déterminés au congrès de Vienne.
Toutes les branches de la maison de
Bourbon se prononcèrent contre la
reconnaissance du roi Joachim. De
tous ces rois créés par l'usurpateur
du trône de France , Pslurat était
le seul qui régnât encore. La cou-
ronne de Naplcs pouvait-elle rester
sur la tête d'un soldat , tandis que le
congres des rois de l'Europe faisait
revivre le principe de Thér édité et
de la légitimité ? Déjà le roi de Sicile
s'était prononcé contre toute espèce
d'indemnité pour le royaume de Na-
ples. Dans ces circonstances, le sé-
jour de Napoléon à l'île d'Elbe, et
les espérances que ne dissimulaient
pas ses partisans en France et eu
Italie,inspirèrentaMuraluneaveugle
confiance dans ses forces ; et l'intérêt
commun fit taire l'inimitié de ces
deux soldats parvenus. Menacé des
mêmes revers que son lieau-frère ,
Joachim jugea que l'union seule fe-
4'j..'^
MITR
ijil leur force , et que le concert était
nécessaire au salut de tous les deux.
D'ailleurs Murât, grossissant chaque
jour son armée , de déserteurs et de
réfugiés italiens, formant dos plans
vastes pour l'avenir, et combinant
tous les éléraenls d'une révolution
Kiililaire et politique , avait en sa fa-
veur six années d'un règne auquel ses
goûts faUiicux et sa tournure mili-
taire avaient donné quelque éclat: il
avait encore pour lui une grande
partie de l'ancienne noblesse, trop
coupable envers ses anciens souve-
rains pour être exempte de remords
et de crainte; et il venait de s'atta-
cher la secte propagandiste des Car-
bunari , ennemie , par essence, d'une
succession d'onlre et de stat;ilité.
D.ms le temps où il devait redouter
les révolutions , sa police avait sévi
contre leurs réunions; mais dès qu'il
lit soumettre, au congrès de Vienne,
la question de sa déchéance , il eut
recours à leur appui , leur accorda
une protection spéciale , et , non
content de laisser rétablir leurs as-
semblées , se déclara publiquement
leur chef. De leur côté , les Carbo-
nari forlilièrent d'autant plus son
parti . que , selon leur vœu , sa poli-
tique tendait à mettre toute l'Italie
en révolution. Ses préparatifs ne
pouvaient guère échapper à l'atten-
tion du congrès de Vienne. Murât
y avait ses ambassadeurs , ainsi
que la cour de Pa'errae. Il sut qu«
la France et le reste de l'Europe
insistaient pour qu'il fût détrôné ;
et ce fut alors qu'il renoua , plus
que jamais , ses relations secrètes
avec Buonaparte , relégué à l'Ile
d'Elbe ; qu'il prit part à ses com-
plots, et qu'il se chargea de sou-
lever l'Italie, et d'en expulser les
Autrichiens. Déjà tous les esprits
étaient agités : paiîout les partisans
M un
rie Muraf et de Napoléon clicrcliaicnt
à confondre les intérêts de ces deux
usurpateurs avec la cause de la li-
berté; maislepremier n'aurait jamais
eu assez d'énergie pour lever seul
l'étendard de la guerre , si son en-
tre])ri5e n'eût pas été combinée avec
la tentative plus audacieuse de son
beau-frère. Presse d'agir, il couvrit
ses entreprises par des prétextes spé-
cieux, et mit son armée au grand
complet , alléguant la nécessité oii il
se trouvait , de résister à la France ,
qu'il accusait de projets d'agression.
Enfin, il demanda , à la cour de
Vienne , le passage , par la Haute-
Italie, d'une armée de 80 raille hom-
mes , qu'il feignit de vouloir faire
marcher contre Louis XYIII. Cette
étrange proposition fut repoussée
par l'empereur d'Autriche, qui adres-
sa aux cabinets de France et de P^a-
ples , le 25 et le 26 février , des dé- V
darationspar lesquelles il annonçait
la ferme résolution de ne permettre,
dans aucune circonstance , que la
tranquillité de la Haute- Italie fût
compromise par le passage de trou-
pes étrangères. Murât ne donna point
de contre - déclarations : le moment
de dévoiler ses véritables desseins
n'était pas arrivé. Le 5 mars, il reçut
la nouvelle de l'évasion de Buonapar-
te ; et il lui expédia aussitôt le comte
de Baufremout , son aide-decamp,
pour l'assurer d'une coopération ef-
ficace. Dès qu'il eut connaissance de
son entrée à Grenoble et à Lyon , il
fit déclarer à la cour de Rome « qu'il
i> regardait la cause de Napoléon
» comme la sienne , et que bientôt il
» prouverait qu'il ne lui avait ja-
» mais été étranger. » 11 fit en même
temps la demande impérative du
passage, à travers l'Etat de l'Eglise ,
pour deux divisions de son armée ,
qu'il mit en marche maigre le refus.
MUR
<lii souverain pontife. Le \\ rnnrs ,
liés avoir revcle ses projets aux
unis lie l'clnt , et ainioiiee à l'at-
H 0 napolitaine ({u'ellc allait acconi-
_ iir (le grandes destinées , il oiilon-
iia la création des gardes nationales,
; m 111 ma sa femme régente , et , vou-
ait se populariser , diminua les im-
;i()ls d'un tiers. Il quitta Naplcs le
\C) mars, et arriva, le 19, à Anco-
iic, Instniit, peu de jours après, que
)}uonaparte avait fait son entrée à
Paris , il reprit son litre de Joachiin
Napoléon, qu'il avait rejeté depuis
l'abdication de Fontainebleau; et,
fout en se disposant à ouvrir la cam-
pagne contre l'Autriche , il fit assu-
rer cette puissance , par un raftine-
ment de duplicité , de sa volonté' im-
jiuiableûe ne jamais se séparer d'elle.
Dès le 3o mars , sans déclaration
préalable , il commença les hostili-
)cs contre les posles autrichiens ,
dans la Légation , et publia le même
jour, à Riniini , une proclamation
qui appelait les peuples de l'Italie à
l'indépendance. Son armée , forte de
40 mille hommes d'infanterie et de
8 mille chevaux , marchait en cinq
colonnes vers la Haute-Italie , se di-
rigeant à-la-fois sur Bologne , Modè-
ne , Rcggio , et menaçant toute la li-
gne du Pô , tandis qu'une division
filait en Toscane, par les Apennins.
Attaquée àl'improviste , l'ariuée au-
trichienne se replia sur Bologne et
ÎVtodène. Murât enleva ses positions
devant cette dernière ville, et y lit
son entrée à la tète de sa cavalerie ,
tandis qu'une de ses divisions s'em-
parait d.e Florence. Au bruit de ces
avantages remportés au nom de la li-
berté de l'Italie , un grand enthou-
siasme se manifesta pai mi les Carho-
narii\m , rédigeant parîoutdes adres-
ses , cherchaient à se lier eut reeux et à
former un pacte fédéral. Les mouar-
ques alliés parurent d'abord ofTi ayés
de cet embrasement. Le 3 1 mars un de
leurs pl('ni[)oteniiaires fut ihargé de
donner à Mural l'assurance de sa con-
servation sur le trône, s'il s'unissait
à la confédération européenne contre
Napoléon. Ce fut à Parme que le cour-
rier autrichien joignit Murât, qui
répéta plusieurs fois en lisant ses
dépêches : Il est trop tard ; V Halle
veut être libre, et elle le jerrt. Simu-
lant aussitôt une fausse attaque sur
Plaisance et sur Crémone , il dirigea
ses principales forces sur Ferrare.
Ce plan était liabileinenl conçu : il
consistait à se rendre maître de Fer-
rare et du Bas -Pô, à couper les
communicalions de l'armée autri-
chienne, et à provoquer l'insurrec-
tion des peuples de la Lombardie et
du pays Vénitien. Mais Joachira n'a-
git pas avec assez de promptitude ;
et laissant aux Autrichiens le temps
de recevoir leurs renforts, il étendit
trop sa ligne, et ne put réunir autour
de Ferrare une masse de forces suf-
fisante. Kepoussé dans plusieurs at-
taques devant la tête du pont d'Oc-
chio-Bello, et assailli lui-même sur
son flanc gauche, il se vit oblige,
non-seulement de renoncer à ses opé-
rations olïènsives, mais d'abandonner
Parme, Modène, Bologne et même
Florence. Cet échec eut pour lui des
conséquences aussi fâcheuses que
s'il eût succombé dans une bataille
générale : le moral du soldat en fut
ébranlé; et l'armée n'eut bientôt plus
ni ressoit, ni consistance. On ne
saurait d'ailleurs expliquer que par
la fausse espérance d'une prompte
diversion tentée par Buonapartevers
le Piémont et la Lombardie , l'obsti-
nation de Mural à rester cantonné
dans la Romagne après l'échec d'Oc-
chio-Bello. I! se flattait encore de
pouvoir y faire face à l'armée autri-
4^8 ftîUR
chienne , et publiait des bulletins
mensongers; il appelait les Italiens
au secours de la patrie en danger,
et convoquait à Rome, pour le 8
mai, les députes de toutes les villes
re'unies en assemblée nalionale. Mais
tous les secours de Napoléon se ré-
duisirent à l'envoi d'un ministre plé-
nipotentiaire ( le gênerai B(;lliard),
cJiargc de régenter Murât , et de
lui donner des leçons de taclirpie.
î,e l)aron de i'rimont. commandant
de l'armée autrichienne, poussant
ses opéraîions avec vigueur, Murât
fut à la-fois tenu en échec, et .cbordc
jiar de fortes divisions. 11 rassembla
cependant le gros de ses forces à Cé-
scne, avec l'intention de livrer ba-
taille; mais désespérant enfin d^élre
secouru par Buonaparte, il solli-
cita un armistice. Dans sa dépêche
du 21 avril, il représentait la mar-
che de son armée sur un teiritoire
étranger, ses assauts contre des pla-
ces - fortes et des tètes - de - pont , et
même sa proclamation de Rimini,
comme des actions fortuites et Irès-
simples,q!ii n'avaient pu rompre la
bonne haimonie dans laquelle il
voulait vivre avec l'Autriche et l'An-
gleterre. La jcponse du baron de
Frimont fut un refus positif d'in-
terrompre ses opérations. Alors Mn-
jat quitta sa position sur le Savio ,
rt il continua sa retraite sur Ri mini.
Mais déjà les Autrichiens entraier.t
à Fùligno, que ses troupes étaient
encore à Pesaro. Là les INapolitains,
inquiétés dans toutes les directions,
cédèrent le terrain, après un léger
combat , et précipitèrent leur re-
traite. IMurat , toujours décidé à li-
vrer bataille dans une position favo-
rable , en était empêché par les mou-
vements rapides des colonnes au-
trichiennes, qui semblaient vouloir
lui couper toute retraite vers sa ca-
. MLR
pilalc. Enfin , devant Tolentino, \cs
deux armées se mesurèrent , le .t
mai, dans une espèce de bataille gc-
nér;de. Murât attaqua en personne et
à plusieurs reprises, avec l'élite de
ses troupes, les positions du général
Bianchi. Il fut constamment repousséj
et son aile droite finit par lâcher le
pied, et abandonner le champ de
bataille. Le lendemain sa défaite fut
complétée à Macerata : la ville fut
prise d'assaut , et saccagée par les
deux parfis. Poursuivis sans relâche,
les Napolitains fuyaient par des che-
mins impraticables le long de la côte
orientale; de nombreuxdétacheraents
les devançaient dans d'autres direc-
tions. Caisses militaires , bagages,
artillerie, tout devint la proie du
vainqueur. Murât n'eut aucun repos:
sans cesse harcelé sur ses flancs et
attaqué sur ses derrières, il vit son
armée se dissoudre entièrement à son
entrée dans la PouUle; et suivi de
quelques Français, de Lombards et
de Corses, il marcha le long des
côtes de l'Abruzze. On n'apprit à
INaples que le 1 8 mai , toute l'étendue
de ces revers : l'arrivée de 1 5 mille
fuyards , et d'un grand nombre de
blessés , ne laissa bientôt plus aucun
doute. La reine, les ministres, les
favoris , les courtisans , tous furent
plongés dans l'abattement et la dou-
leur. Le lendemain , à la chute du
jour. Murât entre dans la ville, à
cheval et au galop , accompagné seu-
lement de quatre lanciers. Il se pré-
sente au palais, paie et défait, de-
vant sa femme : « Madame, lui dit-
» il, je n'ai pu mourir! » Le len-
demain il se dérobe seul à cheval,
vêtu d'un frac gris sans aucune déco-
ration, arrive sur la plage , se jette
dans nne barque, et se dirige vers
l'île d'ischia. Il rencontre en mer
une autre barque, où se trouvaieul les-
MUR
p;encraux Millet de Villeneuve et
KoccaRoinana, ainsi que d'autres
oflicicrs de son état-major; et tous
firent voile vers les côtes de France.
Le 25 mai, à dix heures du soir,
Murât débarqua sur la fameuse plage
de Cannes, avec sa suite, composée
de trente personnes. Il se liàta d'ex-
pédier un courrier à Paris , où sa
4'ause était déjà regardée comme per-
due. La nouvelle de sondétrôucmcut
y Ht ime sensation d'aut.uit plus vive,
que, par sa nature même, l'évéue-
ment seralilait préluder à la catas-
trophe du vrai moteur de tant de
guerres et de révolutions. Frappé
d'un si funeste présage, et craignant
que le public n'en reçût la même im-
pression,Buonaparte interdit à Murât
racccsdeParis, et le tint éloigné de sa
présence. Le mot d'exil entre Siste-
ron et Grenoble, fut même prononcé.
Accablé d'tni accueil aussi imprévu,
« qui le privait, disait-il , de l'hon-
» neur de combattre pour la France
» en danger, «Murât exhala t,outson
chagrin dans la lettre ( i ) qu'il écrivit
au ministre de la police Fouché.
Ct tle lettre est un document d'autant
j)lus précieux, qu'on y trouve la
preuve qu'il n'avait agi que par
J'impulsion de Buonaparte, et pour
faire une diversion utile à son entre-
prise : « Je répondrai , dit-il , à ceux
» qui m'accusent d'avoir commencé
» les hostililés trop tôt , qu'elles le
» fi'ient sur la demande formelle de
«l'empereur, et que, depuis trois
» luois , il n'a cessé de me rassurer
» sur ses sentiments, en acci'éditant
» dos ministres près de moi , en
» in'écrivant qu'U comptait sur moi
» et c|u'il ne m'abaudonuerait jamais.
» Ce n'est que lorsqu'on a vu que je
» venais de perdre avec le trône les
(i) D.vtce de Plaisance, le njiiiiUft iSil
MUR l^xç)
» moyens de continuer la puissante
» diversion qui durait depuis trois
» mois , qu'on veut égarer l'opinion
» publique, en insinuant que j'ai ugi
» pour mon prcjpie compte cta i'iusu
«de l'empereur » (i). Murât vivait
incognilo et presque ignoré, à Plai-
sance , maison de campagne près de
Toulon , lorsqu'il apprit le désastre
de Waterloo. Ce fut pour lui un coup
de foudre ; car , malgré la dureté et
l'ingiatilude de son beau-frère, il ne
pouvait avoir d'espoir que dans sa
foriune. Un seul mois d'intervalle
avait séparé sa propre chute de la
seconde chute de Buonaparte ; mais
la catastrophe de Joacliira n'en est
pas moins une des pins singulières
dont l'histoire puisse faire mention.
Tout-à-l'heure maître d'un des plus
beaux royaumes de l'Europe , il
élait précipite du troue pour avoir
fait la paix quand il aurait dû con-
tinuer la guerre , et commencé la
guerre, quand il aurait dû rester en
]ia:\. Dans l'espace de deux mois ,
il avait perdu à-Ia-fois son armée ,
sa flotte, une partie de ses trésors,
sa couronne, et jusqu'à ses équipages
de campagne. Réfugié dans la domi-
nation de celui pour le^piel il venait
de perdre le trône , tenu par lui en
exil et dans une disgrâce humiliante,
il se trouva tout-à-coup dans un état
bien plus misérable encore après sa.
chute, ayant tout à craindre de
lexaspérationdes royalistes du midi.
Ne voyant plus de sûreté pour sa
personne, il envoie un de ses officiers
à l'amiral anglais Exmoulh , pour
lui demander à passer en Angleterre
sur son escadre. L'amiral cousent
à le recevoir , mais sans lui faire au-
cune promesse sur sa destination ul-
(O Vovix [1. :!?.S, 3?.ii et suivMilcsde la Uilj'.^»-
ll i ijui- liistorlqu'.; , luiuc X.
43o MUR
térleure. Murât ose alors d'autant
moins se livrera l'amiral, qu'il a
l'exemple re'cent de son beaii-tVèrf ,
prisonnier sur le Belleiophviiy dans
ime circonstance à peu près sem-
blable. Apres avoir erre dans les can-
tons montueux des environs de Tou-
lon, obligé de chanç;cr souvent de gîte
et de se nourrir d'un pain grossier ,
il n'échappa à tant de périls qu'en se
jetant furtivement, le ii août , dans
une frêle embarcation avec trois de
ses aiîidés, pour gagner l'île de Corse,
où l'appelaient un grand nombre de
ses partisans. Mais une tempête sur-
vint en liaate-mer ; et vingt fois il
faillit être submergé. Rencontré par
la Balancelle qui sert de messager
entre la France et la Corse , il y est
reçu à bord ; et à peine a-t il quitté le
bateau où il avait tant souifert , qu'il
le voit s'engloutir. Ce fut à bord de
la Balancelle , que , rencontrant des
généraux français , comme lui fu-
gitifs , il forma le projet insensé de
se jeter dans le royaume de ^'aples.
Débarqué, le 'x5 août, àBastia , sans
avoir été d'abord reconnu, il se rend
immédiatement au bourg voisin de
Viscovato , dans la maison du vieux
Colonna - Cecaldi. Là , il est salué
•d'abord par le général Frances-
chetti, et successivement par plus
de deux cents officiers qui avaient
servi sous lui. Les vétérans Corses
accouraient en foule ; en peu de
jours , Viscovato devint la résidence
d'une cour et le quartier -général
d'une armée. Toutefois les roya-
listes de Bastia préparant contre
lui une expédition , il se dirigea
"vers Ajaccio , qui tenait encore pour
INapoléon. Le peuple vint à sa ren-
contre ; et les soldats qui occu-
paient la citadelle , firent entendre
les cris de vive le roi Joachiin !
Ses partisans le sollicitent alors de
MUR
se faire proclamer roi de Corse:
mais ne rêvant que son rétablisse-
ment sur le trône de NapJes , il
dédaigne la souveraineté précaire
de la Corse, fait ouvertement les
préparatifs d'une expédition, et, en-
traîné par son imagination roma-
nesque, il se livre à des inconsé-
quences, et commet une foule d'in-
discrétions. La cour de Naples , qui
faisait suivre ses traces, avait auprès
de lui deux émissaires, qui l'infor-
maient exactement de sesdémarchcs.
Marat allait mettre à la voile, lors-
que son aide - de - camp Macirone
qu'il avait envoyé <i Paris , vint lui
communiquer officiellement la dé-
cision de l'Autriche, en vertu de la-
quelle il devait renoncer au titre de
roi , et se contenter de celui de eomte
de Lipona ( anagramme de Napoli ) .
que sa femme venait d'adopter en dé
barquant à Triestc. Il était autorisf
à résider en Bolième , en Moravie bi
en Autricbe, à condition de se sou
mettre aux lois du pays , et de ne
point sortir de sa résidence sans 1«
consentement de l'empereur. « Ains
» donc, s'écria Murât, après avoi
» lu la déclaration du prince de Met
Mtcrnicb, on m'ofl're une prisoj
» pour asile ! De la prison à la tomb
» il n'y a qu'mi pas ! Vous êtes ar
» rivé trop tard , mon cher INfaci
» rone^ le dé en est jeté. » Rien n
put le détourner de sa résolution
Après avoir remis à sou aide-de
camp une première réponse dila
toire, il lui laissa une lettre , où :
chercliait à justifier son entreprise
et le même jour, 28 septembre , :
mit à la voile avec sept bâtimeu
de transport contenant 2 5o bon
mes des plus braves et des plus rés<
lus de l'île. Il avait le projet cl
débarquer aux environs de Salern»
d'occupcî" d'abord cette ville , t
MUR
ïr'iiiiir sous ses drapeaux les offl-
ticrs et les soldats de sou ai race qui
s'y léorgaiiisait , de continuer eu-
snite sa marche sur Avellino, et de
^e présenter enfin devant Napics ,
dès que le nombre de ses troupes et
de ses partisans aurait pu en im-
poser. Ce }^rand projet lut deîriiit
par le souffle de l'aquilon , qui dis-
per»a sa flolille. Séparé des compa-
j^nons de son entreprise , Murât
fut jeté , le 8 octobre , dans le golfe
de Sainte-Enpliémie : une seule de
se« barques l'avait rejoint. Attendre
les antres, ou aller à leur rencontre,
lui paraît c'gaicment dangereux. Il
débarque sur la plage de Pizzo , ac-
compagné de trente hommes seu-
lement ; mais sss tentatives pour
soulever le pays aux cris de vive le
roi Joachim! sont inutiles. Les ha-
bitants prennent les armes , et font
feu sur sa troupe. iSes deux bâtiments
gagnent le iaj-ge, et l'abandonnent.
JVIurat revient sur ses pas , et conrt
à un bateau-pêcheur qui était sur le
sable , croyant pouvoir le mettre
à flot : il s'épuise eu vaius efforts.
Entouré , pris , maltraite par le
peuple , il est traîné prisonnier au
château de Pizzo. On saisit sur lui
et sur ses adhérents, des proclama-
tions qui auraient complété la res-
semblance de sou entreprise aA'ec
l'expédiliou non moins téméraire de
î^apoléou , si celle - ci n'avait eu
un succès momentané! Murât, sin-
geant son beau -frère, prétendait
comme lui rentrer dans ce qu'il ap-
pelait ses états ; il était le roi lé;ji-
time, Ferdinand un usurpateur; il
allait rendre au peuple son indépen-
dance, à l'armée l'honneur et la
gloire dont on l'avait dépouillée;
les puissances de l'Europe étaient
d'accord avec lui, et celles qui ne fa-
vorisaient pas sou entreprise étaient
MUR
43 1
du moins intéressées à ne poiS la tra-
verser. Quant à lui, ayant fail assci
pour la gloire, il renonçait à la
guerre, et voidait vivre en paix avec
le reste du monde. Tandis que les mi-
nistres de Ferdinand, instruits de la
captiirede Murât, ordonnaient sa tra-
duction devant une commission mili-
taire; lui, tranquille et serein (Lns sa
prison, se flattait, la veille même de
sa mort, qu'un arrangement pouvait
encore se conei.ue entre Ferdinand
et l'usiu-pateur du troue : « Je ne
w garderai que mon royaume de
» jNaplcs, dil-il, et mon cousin cou-
» servera la seconde Siciiel » Lors-
qu'il connut son arrêt de mort, sa
fermeté l'abandonna; il marchan-
da sa vie , et versa des pleurs , s'é-
criant : «Je suis Joachim-Napoléon,
î) roi des Deux-Siciles ! » Les se-
cours de la religion que vint lui
offrir le chanoine Masdea , purent
seuls le décider à se résigner. Le i3
octobre, après avoir écrit a sa femme,
il est conduit dans une salle du châ-
teau de Pizzo, devaut douze soldats
disposés sur deux rangs. Là, il ne
veut pas qu'on lui bande les veux ,
voit charger les armes , se place
comme pour mieux recevoir les
coups , et dit aux soldats : » Sauvez
» le visage, visez au. cœur! A ces
mots, il tombe mort, tenant dans ses
mains les portraits de sa femme et
de ses enfants. Son corps fut enterré
sans pompe , dans l'église même de
Pizjo. Ainsi périt, à quarante-huit
ans, l'un des liommes dont la des-
tinée fut la plus extraordinaire de
ces temps. Sorti des dernières classes
de la société, parvenu au rang su-
prême, il s'était élevé d'une manière
d'autant plus surprenante, qu'on re
trouvait en lui ni les grandes quali-»
tés ni les grands vices qui semblent
conimaudcr aux évéucmcnts. La for^
l\ Yi.
MUR
tune l'avait tellement aveugle qu'il
)ic vit pas les iiiévilahles dangers
dont la chiite de Biioiia parle et le re-
tablisseineut des Bourbons l'avaient
environné, et qu'il ne sut tirer aucun
parti des ressources que les circons-
tances lui ollraient encore. On a cru
assez ge'neralement qu'il ne s'était
jeté avec tant d'inconsideration dans
le royaume de Naples, qu'attire par
quelques-uns de ses anciens adhérents,
que les ministres du roi légitime
avaient gap;nés pour le faire tomber
dans un piège. Mais cette suppo-
sition , qui n'a été appuyée d'au-
cune preuve , souffre peu l'examen:
les ministres de Ferdinand auraient-
ils pu répondre des suites d'une en-
treprise , très -hasardée sans doute ,
n)ais dont toutes les chances ne pou-
A'aient être soumises aux calculs de
la prévoyance? On sail^ à présent ,
que l'idée de son entreprise vint à
Murât, pendant que sa position lui
suggérait des projets désespérés. Gâté
par son étonnante fortune; avant
bravé impunément des périls de tous
les genres; et croyant, d'ailleurs, à
la fatalité , il courut à la mort sans
craintcetsansprévoyance. Si le })aàse-
port de l'Autriche lui était venu au
moment où l'adversité l'accablait
aux environs de Toulon , il aurait
renvoyé à d'autres temps ses projets
sur Naples: mais il lui parvint en
Corse, au moment où il avait rcjtris
l'attitude d'un roi et les habitudes de
la prospérité. îl crut voir dans l'ac-
riieil que lui firent les Corses, le pré-
lude de celui qui l'attendait à Naples;
il avait des hommes et une tlotille
]Hète, et il ne manquait pas de résa-
jution : il voulut tenter la fortune
dans un pays où la couroîmc a si
souvent appartenu à des aventuriers.
On peut consulter : Catastrophe de
Murât { par l'auteur de cet article"^ ,
MLR
181 5, in-S". — Fie de Joachim
Murât, et Relation des événements
qui Vont précipité du trône de Na-
ples, Paris, 18 1.5, iu-8". — Faits
intéressants relatifs à la chute et
à la mort de Joachim Murât, etc. ,
par F. Macirone, traduit de l'an-
glais, (iand , 1817 , in-8°. — His-
toire des six derniers mois de la
vie de Joachim Murât, par Colletta,
traduite en français par L. Gallois,
1 8'Ji I , in- 1 a, — Fie et aventures de
Joachim Murât , par M. L., 1816,
1817, in-i'^.. B — p.
MLRATORI(Louis-ANTOiwE),run
des savants les plus distingués et les
plus laborieux dont s'honore l'Italie ,
naquit, le "il octobre 1672, àVigno-
la , dans le Modénèse. Il fit ses pr(f-
micres éludes au collège de Modène,
où il se signala par son application ,
et par la rapidité de ses progrès dans
les langues anciennes et dans la lit-
téralure. Il fréquenta, ensuite, les
cours de l'université , s'appliquant
avec la même ardeur à la phdoso-
phie , à la jurisprudence et à la théo-
logie. Le P. Bacchini , savant biblio-
thécaire du duc de Modène , lui ins-
pira le goût des recherches histori-
ques , et lui apprit à lire les manus-
crits. Enfin, à l'âge de vingt ans,
on le regai'dait déjà comme un pro-
dige d'esprit et d'érudition. Il fut
appelé, en 1G941 à Milan, par le
comte Ch. Borromeo, pour remplir
une des places de conservateur de la
fameuse bibliothèque ambrosienne.
Avant de quitter Modène , il voulut
recevoir le doctorat iji utroquejure.
Les thèses qnil soutint à cette occa-
sion, furent universellement applau-
dies. Arrivé à Milan, Muratori ,
après avoir pris les ordres sacrés,
ne tarda pas de justifier les espéran-
ces que SCS talent* avaient données ;
il fit un chois parmi les nombreux
MLR
iiKiimscrits dont la garde lui était
.iiidec, et les ])uljlia avec des di«-
M rtatioiis propres à répandre un
nouve.iu jour sur dillereiils points
d'aiiliijiiifes. Sa repulation fit bieu-
tùt rei^rcttcr , au iluc de Modène, d'a-
voir laisse' éloigner un liomiuc (pii
s'annonçait avec tant d'éclat. Pour
l'engager à revenir , il lui offrit la
charge de conservateur des archives
jîubliques , et celle de son biblioilic'-
paire , vacaulc par la retraite du P.
Bacchini { F. Bacchim , III , i03).
.Muratori revint à Modène en i ■joo ,
.€t ne sortit plus de cette ville que
^our visiter les dëpùts publics des
principales villes d'Italie. Apost.
Zéno lui fit offrir , en 1784, la
chaire de belles-lettres de l'universi-
të de Padoue;maisMuratoris'excusa
•d'accepter une place qui l'aurait de'-
lourné de ses études favorites. La pu-
blication d'une l'ouïe de morceaux
précieux sur l'histoire de l'Italie
au moyen âge , et de savantes dis-
sertations , ajoutait, chaque année ,
.à sa renommée toujours croissanle;
cet infatigable écrivain trouvait en-
core le loisir de cultiver la litté-
xature agréable, et même de pren-
dre part aux discussions théologi-
ques qui occupaient alors les es-
prits. Tous les journaux, tous les
recueils littéraires , s'enrichissaient
de quelques-uues de ses productions,
dirigées constamment vers un but
d'utilité. La complaisance avec la-
quelle il communiquait le résultat de
ses recherches l'avait mis en relation
avec les savants les plus illustres de
l'Italie , de la France et de l'Allema-
gne , qui recouraient à ses lumiè-
res, certains d'obtenir les éclaircis-
sements qu'ils avaientdemandes. Les
sociétés littéraires s'empressaient à
l'envi de lui adresser des diplômes
d'associé j et une foule d'homnie* re-
XXX.
MUR 433
commandables dans tous les genres
lui faisaient hommage de leurs écrits,
le priant d'en accejitcr la dédicace.
Miiis au milieu des distinctions flat-
teuses dont il était l'objet , il eut
aussi parfois à essuyer des criti-
ques injurieuses, et à repousser d'in-
justes accusations. Le bruit courut
que le pape Benoît XIV avait dé-
couvert , dans les ouvrages de Mu-
ratori, des propositions contraires
aux vérités de la religion, et qu'il
les avait signalées dans un bref à l'in-
quisiteur d'Espagne. Sûr de son in-
nocence , le savant bibliothécaire
n'hésitd pas à écrire au pape une
lettre, pleine de respect et de sou-
mission , dans laquelle il lui exposait
SCS inquiétudes ; et le souverain pon-
tife s'empressa de le rassurer, en
lui expliquant la cause du bruit qui
s'était répandu. Il lui déclare qu'il
n'a vu de répréhcnsible dans ses
ouvrages , que certains endroits qui
concernent la juiidiction tempo-
relle j mais qu'il n'a jamais eu l'in-
tention de les faire censurer, per-
suadé qu'on ne doit point chagriner
un homme d'honneur sous le prétex'
te qu'il erre sur des matières qui
n'appartiennent ni au dogme, m à
la discipline. La santé de Muratori,
affaiblie par un travail excessif, de-
mandait les plus grands ménage-
ments : par le conseil de médecins , il
interrompit ses occupations pour al-
ler respirer l'air de la campagne. A
son retour, il se hâta déterminer
quelques écrits, qu'il se proposait
de publier; mais les accidents qui
avaient fait craindre pour sa vie ,
reparurent bientôt, et, après avoir
langui quelques mois , il mourut le
23 janvier 1750, à l'âge de soixan-
te-dix-sept ans. Il fut inhumé avec
beaucoup /le pompe, dans l'église
Sainte-Marie de Pompcsa^ d'où, lors
23
4V+ MUR
de la reconstruction de cette basili-
(fiie , ses restes furent transportes ,
en 1774 , dans celle de Saint- Angns-
tin, Miiratori n'avait jamais possè-
de' d'autre bénéfice que la prévôté de
Sainte-Marie; et l'on assure même
qu'il ne l'avait ni recherché, ni de-
mandé. Ou a de lui soixante-quatre
ouvrages, dont ou trouvera la liste
dérail Ic'c dans la Bibl. Modenese Ag
ïiral)oschi, ni,3iG-46. Les prin-
cipaux sont : I. Anecdota ex Am-
brosianœ biblioth. codicihus nwc
priinnmeruta, notis el dissertatio-
nibus illuslrala^ Milan, 1697-98;
Padoue, 17 ' 3, 4 toni. en 2 vol. iu-
4". Le premier tome oulicnl quatre
poèmes atfiiliués à saint Paulin sur
la fête de saint Félix de Noie, avec
vingt-trois dissertations dans lesquel-
les le savant auteur a rassemblé les re-
cherches les plus curieuses sur ces
deux saints et leurs familles, et sur
différents usages de la primitive
Église ( F. S. Paulin ) : le second ,
plusieurs opuscules relatifsà l'hérésie
des Manichéens, et des dissertations,
dont la dernière et la plus ample,
qui traite de la couronne de fer
gardée à Pavie, a été réimprimée sé-
parément à Leipzig : le troisième,
le livre de Terlullien De oratiojie,
d'après un meilleur manuscrit que
celui dont Rigault avait fait usage,
et divers petits écrits d'auteurs ec-
clésiastiques du moyen âge : et enfin
le quatrième, plusieurs sermons de
S. Maxime , évêque de Turiii ; un cu-
rieux antiphonaire du monastère de
Bangor en Irlande; quelques autres
opuscules ecclésiastiques , et les vies
des patriarches d'Aquilée jusqu'au
quinzième siècle. Quelques assertions
de Muratori, dans ses notes et ses
dissertations, ont été reconnues fau-
tives; mais son travail n'eu était pas
moins utile et digne de l'accuoil qu'il
MUR
reçut. IL Fita e rime di Maggi,
Milan, 1700 (/^. Ch. Mar. Maggi,
XXVI , 125 ). Une lettre de Muratori
publiée par Crcvenna {Calai, vi ,
228), nous apprend qu'il désavoua
cette éJition faite à son insu , et
qu'il tenta en vain de la supprimer.
III. Délia perfetla poesia italia?ia,
Modène, 170G, 2 vol. in-4".; ré-
imprimé avec des notes de l'abbc
Salvini, Venise, 1724, et 174^)
même format; celte dernière édition
est la plus recherchée. Cet ouvrage,
dans lequel Muratori ne craignit j)aî
de signaler les défauts des ccrivainf
les plus admirés des Italiens, ne pou-
vait manquer de lui attirer beaucouj
de critiques; mais il laissa au temjij
à eu faire justice, et n'eu persisli
pas moins dans ses sentiments {F".
Pétrarque). IV. Anecdota grceco
ex mss. codicihus eruta , lulinè do-
nata, Jiotis el disqidsitionihus aucta
Padoue, 1709, in-4". Ce recuei
contient des épigrammes de sain
Grégoire de Nazianze; des lettre:
de Firraus , évê({ue de Cesarée ; qua
tre lettres de l'empereur Julien, c
une , attribuée faussement au pap
Jules pf". Outre les notes quiserven
àéclaircir ces différentes pièces, l'an
teur y a joint quatre dissertations su
les agapes et les causes de leur sup
pression ; sur les sépulcres des an
ciens chrétiens , et enfin sur la leltr
supj)oséc de Jules i^"". V. De inge
nioruin moderatione in relisioni
o
negotio^ Pans, 1714, "1-4".; souveri
réimprimé. L'édition la plus récent
estcelle de Venise, 1 768 , iu-80. Mu
ratori publia cet ouvrage sous I
nom de Lamindus pritanius, mar
que dont il s'était déjà servi préce
demment. II y expose les règles d
critique qui lui semblent les plus cci
taines pour juger des choses (}ui af
partienuent à la religion; et il rc
MUR
pond à la critinuc qiip Jcati Vhere-
ponus{J. Lccicrc) avait faite de la
dernière édition des Olùnres de
saint Augiislin. VI. Velle anlichità
eslensi ed ilaliane , Modcne, 1717-
4o, 'X vol. iii-fol. Cet ouvrajje est un
modèle en son genre. VU. Reruui
Italica- uni scriptores prcecipiii ab
anno 5oo ad i5oo, quorum putissi-
ma pars nunc prodiit, etc., Aîilan,
I7i3-Ji, 28 ou 29 vol. iii-tol. On
joint à cette précieuse collection nu
nouveau reciuil puliliësous le luème
titre par Jos. Mar. Tartiui, Florence,
174^-70, 2 vol. iii-fol,, et les yJc-
cessiones du P. Mitlarelli, qui cou-
tieuneut les historiens de Faenza
{F". MlTTARF.LLl). Cc fut CH I72O,
que Muratori conçut l'idée de cette
collection , dont l'exécution , qui
suppose des recherches et une pa-
tience infatigables, est telle qu'on
devait l'attendre d'un savant aussi
distingue'. Il communiqua son projet
à Argellati, et iiii fit part en même
temps de l'embarras où il se trouvait,
ne connaissant pas eu Italie un seul
imprimeur en e'tat de se charger
d'une pareille entreprise. Argellati
parvint à intéresser à ce projet quel-
ques nobles Milanais, qui seréunirent
sous le titre de Société palatine {\),
et obtint xl'eux les fonds nécessaires
pour rétablissement d'une imprime-
rie magnifique, de laquelle est sortie
cette importante collection. {F. Ar-
gellati , II, 4o8. ) VIII. Délie
f,rze delV intendimento umano ,
Venise, 1735, et 17^5, iu-8''. C'est
une réfutation du traité de Hiiet De
la faiblesse de l'esprit humain [f,
HuLT et d'ÛLiVET ). IX. De Para-
diso reg/ùqne cœlestis glorid liber,
(i) La suiiélé piit ce nom parce qu'elle teiiaif ses
assemblées. nu coll'-ge coddu anterii ureuieut sous le
Boui d'jEdes PaLitinœ.
MUR
4.1'
Vérone, 1708, in 4". Cet ouvr. ge
est une réponse à l'ouvrage de Bur-
net. De statu mortuorutn. X. y^n-
tiquitales italicœ mcdii œvi ; sive
Dissertationcs de moriùus italicipc-
puli ab inclivatione Romani im péril
u que ad ann. 1 5oo , Miiâu , 1 7 38-
43 , G vol. in fol.; Are/./.o , i 777-80,
17 vol. in- 4". C'est un recueil des
chartes, dijdomes, lettres , throni-
qiies , que Muratori avait extraites
des bibliothèques et des archives des
principales villes de l'Italie. Malgré
les erreurs qu'y ont relevées plusieurs
savants, cet ouvrage est un de ceux
qui font le plus d'honneur à la pa-
tience et à l'érudition de Muratoii :
il en donna un abrégé en italien pour
servir de suite aux ylwuili d'Italia
( /^^. ri-dessous n°. xiv ), que J. Fr.
Soli Muratori, son neveu , a publié.
Milan, 170 1,3 vol. in-4".; réimprimé
plusieurs fois. XI. Novus thésaurus
veterum inscriptionum inprœcipuis
earumdem coUectionihus hactenùs
prœtermissarum , ]\Ii!an , 1 739 4^ ,
6 vol. iu-fol. C'.est le recueil le plus
ample qu'on possède en ce genre j
mais il s'est glissé , dans la copie de
quantité d'inscriptions , des erreurs
qui ont été relevées par La Bastie ,
Leich , Cannegieter , Hegembuch ,
Christ. Sassi , etc. Sébast. Donati a
publié un supplément à ce Recueil ,
Lucqucs, 1775 , 2 vol. in-fol. XII.
De superstitione vitandd adi^ersùs
votum sanguinaiium pro immacu-
latd DeiparJ' conceptionc , IMilaii
(Venise ), 1740 et i74'-^) in-4°. Il
publia cet ouviage suus le noni
dC -4nt. Lampridius , suivant Tira-
boschi. ou (V^7it. Campana^ sai-
vaut M. Barbier ( Dict. des ano-
njmes , n°. 11,178) : il y com-
bat . avec autant de force que de rai-
son , le vœu de défendre jusqu'à la
mort l'immaculée conccplion de la
430
MUR
Vicrjjc , opiuioii rcspcctalilc sans
tlotite, mais qui ri'csl point un dogme
de la loi. Xlîl. // Cristianesimo
felice nelle inissioni del Pai aguai ,
Venise, «743, in^". , et augmente
d'une seconde partie , 1 749) même
i'orniat ( K Catta.m , vu , 4'9)j
la première ])arlie a ete traduite li-
brement en trançais sous ce titre :
Relation des missions nu Paraguay ,
Paris , 1 7 ")4 , i»- > '-i ( i )• ^' V. An-
nali d'Ilalia dali' era volgure sino
aW c.nno 174O - Milan ( Venise ) ,
ï 744-49» 1'-^ ■^'0^- iii-4''- Cet ouvra-
ge, réimprime plusieurs fois , a e'tc'
traduit en allemand avec des notes ,
par Baudis , Leipzig , i745-5o , 9
vol. in-4'*. : l'édition de Luccpies ,
i76'i-7o, i4 vol. in-4''., est augmen-
tée d'un vol. qui renferme la conti-
nuation jusqu'en 17GA , et d'un vol,
de tables. Celles de AFonaco , 1761 ,
deNaples, 1773, de Rome, 1786,
contiennent des Vrcjaccs critiques
de Jos. Calalaui ; enfin , l'abbc Jos.
Oggeri a publié nue Continuation
de cet ouvrage, de 17.50 à 178G,
Home, 1790, 5 vol. in-B". On a
reproché aux Annali d'Italia, un
style trop familier, et trop peu de
soin dans les discussions clironologi-
qnes. XV. Liturgia roniana velus
tria sacramentarict complectens ,
Venise, 174^? '^ tomes in-fol. : le
fonds de cet ouvrage appai tient au
savant P. Bacchini créditeur l'a fait
précéder d'une curieuse dissertation
surrancicnnelittirgie i-omaine, com-
parée à celles des églises d'Orient et
d'Occident. XVl.Vellapnblica féli-
cita oggetto de' buoniprincipi , Luc-
qoes, 1749; trad. en français par le P.
Ci) La Fian.:e liNériiiie, Se 1-769 ( l, Svï 1, »(-
faibue < ttte trajuttioa au p. lie LuurKul ( Fçlix-
^ "l"'* , • i«"'le, 't •' IVï-nui-s, lo a (.vrll i'-aO.
I.'^xvio'ihii-o de \a Relation qui «!sl k la bÙjljiJtLiiJ.ie
jlii nie , ji.rtr , sur If t lie , uii« nptt uiiiotiscijlo , qui
J'iiUlibut iiii P. Loi!i!.tit, j'^ju-tc.
MUR
de Livoy.XVTI. Les Hes du P. Paul
Segneri , de Sigonius , de J.- J. Orsi ,
deTassoni,etc. XVllI. Des Disser-
tations dans les Opuscoli de Calo-
gcrà , dans les Recueils de la société
Columbaire, de l'académie étrusque
de Gorlona , dans les Sjmbol. litte-
rar. de Gori , etc. XIX. Des Lettres ,
Venise , 1783, '2 vol. Ce recueil est
précédé d'une f^ie de Muiatori par
André Lazzari , recteur et professeur
d'éloquence au séminaire de Pesaro.
Les OEuvres de Muratori ont été
publiées, Arezzo , 17G7-80 , 36 vol.
in- 4''. 5 et Venise, 1790-1810, 48
vol. in-8'^. Peu de savants ont été
l'objet de plus d'éloges : les journaux
littéiaires de l'Italie et del' Allemagne
renferment des Notices sur sa vie et
ses ouvrages ; l'abbé Goujet a puMio;
une Pie de Muratori, avec des addi-
tions, dans le tome vides Mémoires
ded'Arligny; J. Fabricius, Brucker,
et''!, lui ont consacré des articles dé*-
tailles : enfin le neveu de Muratori a
publié enitalien la Fieàe cet homme
célèbre, Venise , 17.56, in-4®-; clie
est très - recherchée. On trouvera
des détails sur ses autres biograplies
darisla Eihl. Modenese, à laquelle ou
renvoie les curieux avec confiance.
W— s.
■MURBERG ( Jean ) , littérateur
et poète suédois , mort au commen-
cement du dix - neuvième siècle ,
était recteur d'un des col'éges de
Stockholm, et devint membre de
• l'académie suédoise , peu api es la.
fondation de cette société par Gus-
tave IIL On a de lui plusieurs dis-
cours académiques; mais il est sur-
tout connu en Suède par sa traduc-
tion , en vers suédois, de VAlhalie, de
Ra.ciue, Cette U'*idui-.tiou, trcs-iîdèle ,
est en même temps de la plus grande
élégance , et rend les beautés de l'ori-
ginal aussi bien qu'il est possible de
MUR
les icproduire dans une langue elran-
gÀirc dont le gcnie est enticicment
aiftcrent de celui de Racine. G- au.
MURDOG, roi d'Ecosse, (ils
d'Ambcrkcllelli , succéda , en 7 1 5 , à
Eugène IV. Le règne de ce prince fut
si tranquille , que Bèdc l'iiistorien
s'c'crie dans sa surprise : « Quels se-
» ront les fruits de ceci? la postérité
» le saura , car on a presque enlic-
» rement mis de côte' tontes les idées
» chevaleresques , et oublie l'usage
» des armes, w Murdoc répara les
églises, bâtit des monastères, et mou-
rut en 730. Elfin lui succéda. E — s.
MURE (Jj- an-Marie de la),
chanoine de Montbrison au dix-
septième siècle. , appartenait très-
pfobablement à la famille de son
noiu , connue dans le Forez ( aujour-
d'hui département de la Loire ) , dès
le Ireizième siècle. Il n'est cependant
pas nommé parPcrnetli, dans ses
Lyonnais dignes de mémoire. On
a de La Mure : I. Antiquilés du
prieuré des religieuses de Beaulieu ,
ordre de Fontevrauld (diocèse de
Lyon), 1654, in- 12. II. Histoire
ecclésiasti(jue du diocèse de Lyon ,
traitée par la suite chronologique
des Fies des archevêques , Lyon ,
167 1 , in-4°. III. Histoire univer-
selle civile et ecclésiastique du paj s
de Forez , Lyon , i()74 , in- 4°.
A. B— T.
MURE (François Bour.c.uiGNOM
DE BussiÈre de ea), professeur et
doyen de la faculté de médecine de
Montpellier, naquit au Fort-Saiut-
Pierre de la Martinique , le 1 1 juin
1 7 1 7 , et mourut à Montpellier le 1 8
mars 1787. Il descendait d'une an-
cienne famille de France; et ses ancê-
tres avaient été du nombre des pre-
miers habitants qui fondèrent la co-
lonie de la ?.Iartiniq;ie datis le xv!!*^.
siècle. Son père, l'un d^es proprié-
MUR 437
laires de cette île, était chevalier de
Saint-Louis, et commandant des mi-
lices du quartier du Macoidm. ],r.
jeune La Mure fut envoyé dans la
luèrc-patric, vers l'âge de six ans ,
pour y recevoir nne éducation conve-
nable; il fut d'abord placé au collège
de Nantes, puis à celui de la Flèche.
Après y avoir achevé sa philoso-
phie, il fut rappelé par son père
à la Martinique, où il apporta le
plus vif désir d'étudier la méde-
ciue; mais son père, qui avait sur
lui d'autres vues , s'opposa à sou
dessein de repasser en France pour
prendre ses degrés. La 3Iure , âcé
de 19 ans, et désespérant de le
fléchir, s'embarqua secrètement,
«e rendit à Marseille , et de - là à
Montpellier, où il se livra sans re
lâche à l'étude de la médecine. Il y
obtint le doctorat en 1740? après
avoir fait preuve, dans ses examens,
de connaissances étendues , et d'une
brillante élocution. Abandonné de sa
famille , il conçut le projet de se fixer
à Montpellier, et de se procurer,
dans la carrière de renseignement ,
les moyens de subsistance que lui re-
fusait la rigueur d'un père. Les cours
qu'il fit sur l'anatomie, la physiolo-
gie , et en général sur tous les sujets
d'institution de médecine , attirèrent
la foule des élèves. La Mure possédait
à un très-haut degré, le talent d'ensei-
gner : on admirait, dans ses leçons,
l'abondance , le choix, l'heureux en-
chaînement des idées , la clarté avec
laquelle il les exposait, et l'élégance
soutenue de ses expressions. Il pre-
nait souvent pour sujet les diver-
ses propositions de Boerhaave , alors
très eu crédit dans les écoles. Il com-
mentait ces propositions ; et tout en
admirant le génie de ce grand hom-
me , il combattait victorieusement
ses théories mécaniques. En 174^7
4^8
I\1UR
une chaire de professeur rn ruede-
ciuc vint à vaquer dans la faculté'
de IVIontpellier : La Mure se mit sur
les rangs peur la disputer aux six
autres candidats. L'opinion publique
lui donnait la préférence sur tousj
il justifia cette opinion, par la supé-
riorité qu'il montra dans le cours de
la dispute. Ce fut surtout, dans les
prélecons auxquelles les candidats
étaient obligés , qu'il fit briller l'é-
tendue de ses connaissances et ses
talents oratoires. Dans une de ces
f)rc'leçons , il avança et soutint que
a fièvre n'est pas bien caractéri-
sée par la fréquence du pouls , et
que son vrai caractère est indiqué
par le rapport de la force du cœur
avec la force constante des muscles
soumis H la volonté. Cette assertion
ayant été combattue par M. Sérane,
l'un des concvirients, LaMiirr-la jus-
tifia dans un écrit imprimé. Jl s'ap-
puya judicicusemeiit sur ce que , dans
les lièvres dites malignes , le pouls
est souvent très-semblable au j>ouls
naturel , bien que ce pouls insidieux
soit trop fort relativement à l'étal de
faiblesse du malade. Après être sorti
viotoi ieux de ces prélecons, l.a Mure
ne brilla pas moins dans ses tri'dua-
nes. Celaient douze thèses dojit les
sujets étaient assigiîés par les juges
du concours , et qui devaient être
composées , imprimées dans l'espace
de douze jours , et soutenues dans le
cours de trois autres. Ces sortes de
cora])csitions sont rarement remar-
quables, n'étant que des espèccsd'im-
provisations : celles de La Mure ont
eu un sort plus heureux ; elles sont
restées' dans la littérature médicale,
comme autant de chefs-d'œuvre.
Quoique les sujets qu'il avait eu à
traiter , parussent choisis exprès,
pour leur difficulté, par la malveil-
lance de ses juges , on dirait que les
MUR
thèses dont il est question sont le
fruit de longues nieditJitions , et
qu'elles ont été écrites dans le plus
grand loisir. Malgré ces éclatants
succès, La Mure n'obtint point les
suffrages de la faculté : il lui était
devenu suspect par sou opposition
aux systèmes qui avaient long temps
dominé dans l'école. Révolté de cette
injustice, il se rendit à Paris, et
recourut à la justice du troue. Le
chancelier D'.Aguesseau examina lui-
même les dilîérentes thèses du con-
cours : celles de La Mure réuni-
rent tous les suffrages ; et le roi le
nomma candidat perpétuel à la pre-
mière chaire qui lui serait convena-
ble, parmi les places qui viendraient
à vaquer dans la faculté de iMontpel-
lier. Ce fut trois ans après, en i 701,
qu'il y entra en qualité de professeur.
Il sut, par la douceur comme par Té-
lévation de sou caractère, et par l'as-
cendant de ses talents , se conciliei*
les suffrages et l'amitié d'une com-
pagnie qui av«it Aonlu le repousser
de son sein. Dès lors, il associa aux
travaux de l'enseignement, des re-
cherches et des expériences phvsio-
logiques du plus haut intéièt. Il
devint membre de l'académie royale
des sciences de î\Ionlpeilier ; et ce
fut à cette compagnie qu'il lut
différents Mémoires sur ces objets.
Le premier est relatif à l'écoule-
ment de la salive. Il y démon-
tre , contre l'opinion généralement
reçue alors , que ce n'est point
par la pression des glaiides saliva i-
res que cet écoulement devient plus
abondant, lorsqu'on parle, ou pen-
dantla mastication. D'autres mémoi-
res sont consacrés à l'csplication de-
là cause des mouvements du cerveau
dans l'homme et dans les animaux.
11 établit que le mouvement d'éléva-
tion du cerveau nui a lieu dans les
MUR
chiens vivants, pendant l'expiration,
doit être altiibiic à la pression du
sang coniprinie dans la vciiic-cavc,
qui reflue vers le ccrvc.iii , et lève ce
viscère , en gonflant les sinus qui se
trouvent à la base du crâne; el que
l'abaissement du cerveau , au con-
traire, rc'sullc de la dilatation qu'é-
prouve la veine-cave , pendant l'ins-
piraliou. L'auteur tire de cette doc-
trine, des conséquences intéressantes
sur la théorie de la saignée. Cette
découverte a donné, par la suile,
de très - grandes lumières sur la
circulation du sang en général , et
sur la progression du ch\le. Tou-
tes 'es expériences de La Mure , fu-
rent consignées dans un Mémoire ,
ex profe.sso ^ qui fut lu à l'acadé-
mie de Moiiipcliier dès le mois de
mai i-p-i , et adressé à l'académie
des sciences de Paris. I^a compagnie
attacha im si grand prisa ce travail,
qu'elle le {it impiimer, par antici-
pation^ dans le volume de ses Mé-
moii PS pour 1 7 49* C'était le l 'i auùt
1 "y Vi , que l'académie de Paris avait
lu le Mémoire. Toutes ces dates sont
remarquables, à raison de l'accusa-
tion de plagiat, que forma contre
La Mure, l'illustre Haller: celui-ci
avait fait part dans une lettre au célè-
bre Sauvages, de ses nouvelles idées-
sur l'irritabilité et la sensibilité, et
prétendait que la leltre avait été
commnniq'iée à La Mure , qui en
avait fait son profit pour le travail
dont il vient d'èirc parlé. La Mure
se justifia complètemen! ; il prouva,
en comparani les dates de la lecture
de son mémoire, et de la lettre deHal-
1er. qu'ils avaient fait leurs découver-
tes en DièiiiC temps. La Mure se livra
ensuite a des recherches sur la pulsa-
tion des artères. Il s'attacha à dé-
montrer que ce mouvement résulte
d'une secousse ou d'une vibi'ation
MUR 43q
qu'elles e'prouvnit , et non de leur
dilatation. 11 rédigea, à ce sujet, un
IMémuire qui fut imprimé dans le
recueil de l'académie des sciences
de P.iris, pour i-jô'j. Ce Mémoire,
celui qui traite des mouvements du
ceivcau , des pièces relatives à la
dispute avec Ilalhr , aiiisi qu'une
dissertation sur la couleur du sang ,
ont été, |)ar la suite, réunis en un
volume. La Mure, qui , par une sor-
te de défiance de lui-même, s'était
interdit la pratique de la médecine,
peiidantles premières années oùil s'a-
donnait à rcnseignemeni , essaya ce-
pendant de faire l'application de ses
vastes connaissances théoriques à la
guérison des malades. Ses premiers
essais furent couronnés du jtlus grand
succès; et bientôt il mérita d'être
compté parmi les plus habiles pra-
ticiens de son siècle. Les étrangers
accouraient de toutes parts, pour re-
cevoir ses conseils ; et quci(pi 'il fût
fort désiutéressé, et qu'il visitât gra-
tuitement un grand nombre de pau-
vres , sa clientelle lui rapportait
40,000 fr. par an, somme considé-
rable pour l'époque et la ville où il
exerçait. Comme il n'avait point
"i'eiifants, et qu'il avait été repoussé
par sa famille , il dépensait tout son
revenu dans l'intérieur de sa mai-
son, ou à des actes de générosité. La
Mure joignait aux talents les plus
rares du pi'ofesseur ceux qui cons-
tituent le grand praticien : ces
avantages, depuis plusieurs siècles,
ne s'étaient pas rencontrés , chez
le même professeur, à IMontpeîlier.
Il cessa de bonne heure d'écrire ;
tons ses moments étaient absorbés
par sa pratique, et par ses de-
voirs de professeur , qu'il remplit
jusqu'aux derniers instants de sa vie.
Tous ses ouvrages, dont nous avons
indiqué les plus importants , ont été
44o IVIUR
réunis en deux volumes in-12. Voy.
son Eloge, par Vicq-d'Azyr, et par
Deratte, dans ceux des acadéraiciens
de Montpellier; ou en a un troisiè-
me en latin , par le professeur Brun,
lu à la faculté de médecine de la mê-
me ville. F — R.
MURER f Henri), de Lucerne, mou-
rut ])rocui c'.ir de !a Chartreuse d'It-
tingcu en Tur^ovie, en i638, dans
sa ciii'fiiaiitièrae année. C'était un
homme savant et laborieux , qui se fit
connaître par son ouvrage: Helvetia
sancta, seu Faradisu^ sanclorum
Ilelvetiœjlorum , imprimé après sa
mort, en 1648 , à Lucerne, in -fol.
(jfUe première édition , ornée de 4o
planclies, d'après les dessins de Jean
Aspei', est reclierchée. Un ouvrage
bien plus considérable , le Thea-
triim Ilelvelioriim seu Monumen-^
ta sacra Hcl\'ef.iœ episcopatuiim et
motiasterioriim, l'occupa une grande
partie de sa vie. On le conserve eu
manuscrit dans les abbayes et cou-
vents de la Suisse , dont il renferme
l'histoire. U — i.
BÎURET (MARC-A^TOI^E ) cé-
lèbre humaniste , naquit au bourg de
ce nom , près de Limoges, en iSaG.
Il appartenait à une famille honora-
ble: ses panégyristes ont même vou-
lu lui conférer des titres de noblesse,
sans autre fondement que la confor-
raitédeson nom avec celuidu lieu qui
l'avait, vu naître. Ses professeurs lui
inspirant un dégoût invincible, il
devint son propre maître, et fut, au
sortir de l'adolescence, eu état d'en
servir aux autres. Il n'avait guère que
dix-lîuit ans , lorsqu'encouiagé par
la bienveillance de Jules Scaliger,
qu'il se plaisait à nommer sou père ,
il expliqua Cicéron et Térence dans
la maison de l'arrbevêqne d'Auch.
Il se rendit ensuite à Villeneuve-
d'Agen , pour se charger de l'édu-
MUR
cation du fih d'un riche marchand ,
et enseigner en même temps les clas-
siques latins au collège de cette ville.
Son séjour ne se prolongeait nulle
part. Poitiers le retint peu de mois
dans les modestes foutions de répé-
titeur de quelques jeunes gens : enfin
une chaire lui fut offerte à Bordeaux,
avant i547 î ^^ '' '^"^ '"" ^^^ P*"^"
cepteurs de Montaigne ( r. ce nom),
A cette dernière époque il professait
la troisième à Paris , ou il parut se
fixer ; et il donna ATrs i552, sur la
philosophie et sur les généralités du"
droit ci vil, des leçons qui attirèrent un
concours prodigieux d'auditeurs. Au
milieu de ses succès , on l'accusa de
penchants anti -physiques : enferme"
dans les prisons du Châtelet, il avait'
pris le parti désespéré de se laisser
mourir de faim, lorsque les démar-
ches de ses amis le rendirent à U
liberté. Une retraite inhospitalièro
l'attendait à Toulouse. A peine y
avait-il ouvert des conférences sur
les éléments du droit romain , qu'il
fut poursuivi par le reproche de
n'avoir point renoncé à un vice in-
fâme. On dénonça comme son com-
plice un jeune Dijonnais , son élève,
nommé Luc-Menge Fremiol (1); et
tous deux furent condamnés à èhe
brûlés comme sodomisles et liéré-
tiques, est-il dit dans l'arrêt inscrit
(i) Ce jeune bomiue appaïUwait d une famillr par •
ipinciitairt: , féconde en Iir>utmes ilisIinRués. If y a
drux ;)icts5 dr lui dans lei JuveniUa de Mjjrft , et
Ton en trouve trois aulr-s d»ns Gruter , et dans ie
densième volume dis Drlicin; poëtamm gaUoniin.
IHur«-t, en lui dediaut, en j5.i4iSa Iraduttion du
-<:. livre des Topiques d'Arisîote, lui parle de son
îitfertion et de leur commune disgrâce atec uïi ahnp-
<]oii qui serait le roinble de l'iiopudenre , si It s briiil s
rlcves contre lui étaient (ondes. Ces bruit» sont dt-
m( utis par sa conduite posli rieurc. D'ailliMir», qnanJ
ou conriait le j;cuie âpre, orguiilleui, exclu»'* et
Irès-iriitablr de la plupart des lettrés de celte e|>oqoe
(jue le commerce des grands n'avait pas lauuanisi'. ,
<m se persuade aisément que Muiet l'ut pTCii de rf\--
ler devant les manœuvres de ses cnueiois. for. dans
le» Amèuili.^ littéraires de Lejser, pag- ll^ • ^^''i'''
Apolo^ a pro Mtrcto criuiinis sofiomia pos lulato.
MUR
sur les rcr:;istrcs des oapitouls de
i554. Cette complication de délits
porte à croire que Muret fut victime
de la grossière crédulité' de ses juges
et des uienees de quelques envieux
ardents à le perdre. Prévenu à temps
de la trame ourdie contre lui , il
chercha un asile en Italie, et tomba
malade en chemin : le médecin ap-
Selc pour le traiter, trouvant le cas
ifVicile, voulut entrer en consulta-
tion avec im confrère. Ils délibérè-
rent en latin en présence du patient,
qu'à son extérieur de fugitif ils pre-
naient'pour un misérable, incapable
de les entendre, et convinrent de
hasarder sur lui un remède violent
et inusité. Ces mots prononcés par
eux : Faciamus periculuin in aniind
vili (i), retentirent dans la tête de
Muret; et lelendemain il recouvra ses
forces pour échapper à l'épreuve
meurtrière. Les flétrissantes impu-
tations qui avaient plané sur lui en
France se renouvelèrent pendant son
séjour à Venise et à Padoue; mais
elles tombèrent devant les témoigna-
ges d'estime qu'il reçut des hommes
cminents dans la littérature. Loré-
dano, Contarino, Bembo, les Ma-
nuces, s'empressèrent de le recher-
cher. Le cardinal Hippolyte d'Esté,
auquel il avait été recommandé par
le cardinal de Tournon, le pressa
de venir grossir à Rome sa petite
cour littéraire. Muret avait alors 34
.ans. La plupart des membres du
sacré collège, et le pape Pie V, le ven-
gèrent, par leur accueil , d'une ca-
lomnie expirante. Deuxanciens amis
de Muret, Lambin, et Joseph Sca-
iiger, avaient contribué à la répan-
MUR 44»
dre , en la répétant eux-mêmes. Le
premier s'était pris d'humeur contre
Muret , qu'il accusait de lui avoir vo-
léquelqucs notes sur Horace; mais il
tarda peu à rétracter les suggestions
d'une aveugle animosité. Une plai-
santerie avait aigri le dernier sans
retour : Muret ayant imaginé de
donner, comme fragments de deux
anciens comiques latins , quelques
vers de sa composition , Scaliger
avait été assez dupe pour insérer ces
vers dans une édition de Varron
sons le nom des auteurs supposés,
Attius etTrabéas: cette méprise jeta
sur l'hyper-critique un ridicule qu'il
ne put jamais digérer. En i56i (i).
Muret accompagna son protecteur
Hippolyte d'Kste, nommé légat à
latere en France. H y réveilla s.i
viei'le amitié pour Tnrnèbe, auquel
il dédia ses srholies sur les Philip-
pifjites de Cicéron. De retour à Rome,
en i563, il prit pour texte de ses
leçons publiques la Morale d'Aris-
tote, sur laquelle il épuisa les déve-
loppements jusqu'en 1567. Après
avoir reçu le bonnet de docteur à As-
coli, il professa, pendant quatre ans ,
le droit civil , et mena de front l'en-
seignement des belles-lettres. Muret
porta dans cette première étude ce
qu'elle pouvait emprunter d'agré-
ments de la seconde : à l'aridité d'ex -
position en nsage dans les écoles de
jurisprudence, il substitua un style
toujours clair, élégant et harmonieux.
Le goût d'une vie réjrlc'e le condni-
sit à entrer, en iSnô , dans l'état ec-
clésiastique. Deux ans après , Etienne
Battori, roi de Pologne, voulant
l'attirer auprès de sa personne, lui
(i^ Des compi'ateurs mod^nies ont brodé celte
anecdote de divt rses maiiièrts , en Irti^Kiiit repoudj e
TÎTeiuent par le malade : Anima non est viit^ fjro
q^td moriuiis fift Chnstn^ ^ etc. Nous avons cru t)c-
Toir suivre le récit cuDiigué dansla Pi osogrsj)Uie d«
Puviruier, auteur couleujj'oraiu.
( I '1 Nous avons prtftré celte ilate .'i Cflla de iSGi «
parce qu'en i5!ii se litit le collucjiie de Poissi,. aiiqtief
asï'St;i le c:.ruiiiul d'Esté. Quant nux difterrolrs rfsi-
dences de Maret, sur l'ej>ui|u« disquelles re>laiint
beaucoup de difficultés, lous avons suivi en ^ruerai
Tant' tit« du président De Thi.u.
443 MUR
ofTrit lin trailemeut annuel de l'joo
cens d'or, et un bénéfice qui en rap-
]H)rlait 5oo. Grégoire IX se piqua
d'obtenir la préférence sur le prince
étranger; et, pour retenir Muret, il
doubla les Soo écus d'or auxquels
montaient ses honoraires. Murel s'a-
bandonna, sur la fin de sa carrière,
à toute la ferveur des sentiments re-
ligieux ; ils s'accordaient avec la dis-
position à être ému , qui le dominait,
«lit-on, à un tel degré, qiic plusieurs
fois, en célébrant la messe, il se sur-
prit attendri jusqu'aux larmes. Il
mourut à Rome, le 4 )"i'ï i585,
laissant aux Minimes de la Trinité du
Mont , mille écus romains pour son
anniversaire perpétuel ; et au P. Fr.
Eenci, jésuite, son disciple et son ami,
et qui prononça son oraison funèbre,
tous ses livres et ses ouvrages nîanns-
crits, que i'on voyait encore, à !a iin
da xYin*^. siècle, dans la bibliothèque
du Collège romain. La première édi-
tion de ses OEuvres, donnée à Vé-
rone, 17-27-30 , 5 vol. in-8°., et dé-
taillée par Nicerou, est incomplète
et d'une exécution vicieuse de tout
point. Kuhnkenius en a publié une
infiniment meilleure, Leyde, 1789,
4 vol. iu-8^. Il V a réuni les préfa-
ces composées par Thomasius et
Checcotius, pour leurs éditions par-
ticulières des Harangues , des Lettres
■• et des Poésies de Muret. Son pre-
mier volume renferme qiarante-six
de ces Harangues , les Lettres aug-
mentées , les Jw.'eniUa et poèniata
varia de Muret. Le second contient
les P^arLe Icctiones , des Commeu-
1 aires sur Catulle et les Gatiliuaircs ;
un livre Obseivationum juris, et
de simples Scholies surTéreuce,Ti-
bulle , Properce, Horace, et sur les
Philippiqucs de Cicéron. Le troisiè-
me se compqse de Commentaires sur
la Mora'.e et les Economiques d'A-
MUR
ristofe, d'une Traduction du septiè-
me livre des Topiques, et de deux
livresde la Rhétorique de ce jdiiloso-
phc; d'un Commentaire sur les deux
livres de la République de Platon ;
de Notes sur Xénophon , de Scholies
sur Sénèque, sur la première Tuscu-
lane, les OOiccs, les cinq livres de
Finibus ,VOiii\son Fro Dcjotaroàe
Cicéron. Dans le quatrième entrent
un Commentaire sur cinq livres des
Aimales de Tacite et sur Salluste; des
Discussions sur les titres du premier
livre du Digeste De ori^i^ine juris. De
legibus et senatusamsultis ^ etc.;
des Notes sur les Institutes; enfin un
Coni menîaire français sur lcs^:/;noi/r5
de Ronsard. Ruhukcnius a négligé
de recueillir ( et il n'y a pas matière
à regrets ) les dix - neuf Chansons
spirituelles de Muret, détestables
vers français , mis en musique à qua-
tre parties, par Cl. Goudimel, Pa-
ris, i5.j5, iii-i'i. Les productions
oratoires de iMuret , vides dépensées,
ne sont rem irquables que par une
élocution qui paraît avoir beaucoup
d'affinité avec le style de Cicéron, si
servilement adopté pour modèle par
les humanistes de celte époque. Elles
consistent en Discours de congratu-
lation, adressés au pape, au nom de
diilérents souverains , par Muretj
en Discours d introduction à ses le-
çons pubUquts , et en Oraisons funè-
bres, entre lesq ;e!!es on dislingue
celle du i-oi de France, Charles IX.
L'orateur , comme op devait l'atten-
dre de sa position , fait un niaeniû-
quc éloge de la Saint-Birthé'emi» L'é-
crivain qui prostituait ainsi «-a voix,
ne méritait pas de s'élever à des ins-
pirations éloquentes. Rien ne prouve
mieux comlùen il en était iucii])able,
que la harangue qu'il prononça pour
célébrer la victoire de Lépanle. L'i-
luagiualion abandonne peut-être en-
core pins Muret dans ses poésies lali-
Ues.Saiispaii' rdesaliM^^cdicdeyMZ -s
César, crocinis iufoniii dosa jeunes-
se, rit II n'est [ilu.s t'roid que ses Odes,
ses Hymnes, ses Kiej^ies. Ou cherche
en vain, dans sesvSalires et ses Ep:-
j;rauime.s, la pointe qu'exige ce genre.
Les 1 ravaux d'érudiliun de Minet ont
conservé plus d'estime. Ses Fariœ
It'ctiones, recueil , en cinq livres , de
corrections et d'exj)liiatious sur un
j;rand noicbre de passages des au-
teurs anciens , ont beaucoup contri-
bué à les éidaircir, ainsi que ses
Commeulaires. Ce recueil est dédié
au cardinal, son Mcocne, qu'il pré-
sente avec complaisance comme le
généreux émule de François I'^^'. , ce
restaurateur des lettres, qui, s'il eût
vécu plus tard, n'eût pas cédé i\Iuret
à riulie. Le savant fluet mettait les
veisions latines d'auteurs grecs , par
Muret, fort au-dessus de celles de
Lambin : il les trouvait piusélégantes,
et à-la-l'oispliisexac;cs et plus coni or-
mes au génie del'uriginal.N uns passe-
rions volontiers sous siJence ube tra-
duction eu vers français des poésies
de Muret, par un sieur Moret ( Pa-
ris, 1682, in- Il ). Mais nous ne de-
vons pas oublier les Comeils d'un
père à son fils, imités des distiques
de Muret, par M. François delNcuf-
chàleau, Parme, Bodoni , 1801, in-
8", ( r. l'Eloge de IMuret , par
l'abbé de Vitrac, Limoges , ^"j']^ -,
in8'\) F— T.
MURET (P.) (0, littérateur,
né , vers i G3o , à Cannes , bom'g du
diocèse de Grasse, entra jeune dans
la congrégation de l'Oratoire. Son
talent pour la chaire l'ayaiit fait con-
naître d'une manière avantageuse,
il vint à Paris, et y soutint sa répu-
(1) C'est par
ilvimoiit le prêiiu
«|iu((iuc» bio.i.i|)!
MUR 443
fation de grand prédicateur. L'ar-
chevêque d'Eml/riin , D'Aiibii^son,
se chargea de la fortune de Muret ,
et le (it attacher, comme premier se-
crélaire, à l'ambassade d'Lspagne.
A son retour, il fut nommé aumoniti-
du duc de Vivonne , gciiéral des ga-
lères , et se fixa à Marsi ille. 11 y pi c-
cha le carême de 1587 , et y pro-
nonça , la même année, un ]>ariégyri-
quc de Louis XIV, à l'occasion de ia
conva'escence de ce ju'ince. On
ignore i'epoqne de la mort de Mu-
ret ; mais on conjecture qu'elle est
posléritiire à i6go. Ou a de lui : I.
Cérémonies funèbres de (ouïes les
tuUiojis, Paris, iG^S, in- 1-2. IT.
Traité des festins des anciens ,
ibid. , 1682 , in-i 2. 11 y a des (?xem-
])!aircs avec nu frontispice de la
Haye, lyiS; mais c'est la même
cdiîion. Ces deux petit» traités sont
assez estimés ; ou u'v trouve cepen-
dant rien de neuf. L'auteur avertit
lui-même qu'il a puisé dans les écrits
publiés sur les mêmes sujets par les
antiquaires allemands. 111. ExjAi-
cation morale de V E pitre de S. Païd
aux Romains, ibid., 1677. ^^ "
Omison fuutb'e du duc de îrlor-
temart , maréchal de France et gé-
néral des galères , Marseille , 1688 ,
in- 4'». • W — s.
I^IURET ( Jean-Louis ) , savant
économiste suisse, né à JMorges ,
en 1715 , reçut une éducation sé-
vère , qui développa en lui, dès l'en-
fance , une fermeté qui ne se démen-
tit jamais. Entré dans l'ordre ec-
clésiastique, en 174^5 i' exerça suc-
cessivement le ministère du saint
Evaugi'iC à Berne , a Orbe, à Grand-
son , à Corsier. En 1747, il fut
nommé diacre à Vevei , puis pre-
mier pasteur de celte ville, place
qu'il rem])!il jusqu'à sa mort, avec
zè'ie et activiié , plus occupé d'édi-
444
MUR
fier son troupeau , que de briller
par la pompe du style et le luxe
des images. Il acquit , par l'exer-
cice , une telle facilité d'improviser,
que , se trouvant un jour dans une
église dont le pasteur l'ut saisi d'une
indisposition subite , il monta en
chaire , et acheva le sermon com-
mence' , sans s'écarter du texte et
du plan de celui qu'il remplaçait.
Nommé doyen du synode de Lau-
sanne et de Vevei , il déploya , dans
ces fonctions, autant de sagesse que
de fermeté. On a de lui plusieurs Mé-
moires dans les collections de la so-
ciété économique de Berne. INous ci-
terons: 1°. Lettre sur le perfeclioti-
nemenl de r agriculture , qui offre
quelques idées neuves à cette époque
(17^2), et sanctionnées par d'heu-
reux résultats ; — ci'^. Mémoire sur
l'état de lapopulation, dans le paya
de Faud , couronné en i -y 66 ; — 3".
un Méuioire sur cette question :
Ouel est , dans le canton de Berne ^
le prix des grains le plus avanta-
geux ? ^"àj. Des tables, cons-
truites pour venir à l'appui d'une
théorie de rentes viagères , fixèrent
singulièrement raîtentioii de Buf-
foa , par l'ordre que suit l'auteur
dans le classement des détails et par
la sagacité des aperçus. Ce fut Muret
qui fournit, à Court de Gébelin, vn
(-)lossairedu patois du pays de Vaud,
Mais ce qui l'occupa surtout dans
.sa longue et honorable carrière , ce
furent les movens d'améliorer l'état
Taoral et politique de ses concis
toyecs. Eclairer le peuple des cam-
pagnes sur ses vrais intérêts , rédiger
un catéchisme d'agriculture, ouvrir
des dépôts où le cultivateur pût se
procurer les graines des plantes cé-
réales et des graminées nouvellement
découvertes , à la simple charge de
les rer-dre eu natiirs après !a récol-
MUR
te j e'tablir une sorte de banque , oU
le laboureur trouvât les avances
nécessaires à ses travaux ; rendre
les almanachs plus utiles , et en
faire des organes d'instruction po-
pulaire; amener, dans son canton ,
l'uniformité des poids et mesures j
obtenir une réforme de la jurispru-
dence criminelle : tels furent ses
plans favoris. S'ils ont été, par la
suite , embrassés avec plus de succès
et réalisés par d'autres philantropes,
IMuret ne doit pas être frustré du
mérite de les avoir conçus et pour-
suivis à une époque où l'application
des sciences aux arts usuels et à
l'accroissement de la prospérité pu-
blique et privée, n'était pas encore
au premier rang des objets de re-
cherches scientifiques. 11 mourut le
4 mars 1796. On trouve, dans
le tome vi du Conservateur suisse
du pasteur Bridel, une notice in-,
téressante sur ce respectable ecclé*
siastique. S — R.
MURILLO (Barthelemi- Este-
ban), le plus célèbre peintre de l'é-''
coleespagnole,naquitàSéville,le i*"".
janvier 1618, et non à Pilas comme
l'annonce Palomino Vclasco. Jean
dcl Caslillo , son parent , lui donna
les premières notions de son art. Ses
progrès furent rapides ; mais soit
maître étant allé s'établir à Cadix,
Muiillo, resté sans guide, se mit,
pour vivre, a peindre des bannières,
et des tablcaiix de p.irolille pour
expédier en Ajiiérique. Ces ouvrages
lui acijuirent une grande pratique ;
cl il se fit connaître dès-lors comme
un habile coloristc.il n'avait encore
que seize ans , lorsque la vue des ou-
vrages de Moya , qui jiassait à cette
époque par Séville pour se rendre à
(ladix , lui inspira le désir d'imiter
Van-Dyck , dont cet artiste avait re-
cueiUi, en Angleterre, les deinièrcs
r*iUR
leçons. N'ayant pu profitei' que Lien
peu de temps des conseils de Moya,
il résolut de se rendre en Italie. Mais,
de'nne' de forliuie, il se voyait dans
l'impossibilité de subvenir aux frais
d'un tel voyage. Enfin , réunissant
toutes ses ressources, il achète de
la toile, la divise en luie multitude
de carrés qu'il imprime lui-même,
et il y j>eint des sujets de dévo-
iion et des fleurs : il les vend pour
l'Amérique; et, avec le modique
produit de celte vente, il se met en
route à l'insu de ses parents et de
ses amis. 11 arrive à Madrid, s'a-
dresse à Velasqucz , son compa-
triote , et lui fait part de ses projets.
■Frappé du zèle et des talents du
jeune artiste , Velasquez le reçoit
avec bonté , lui prodigue les encou-
ragements, et le détourne du voyage
de Rome en le servant d'une manière
encore plus efficace , par les nom-
breux travaux qu'il lui procuje ,
soit à l'Escurial , soit dans les difTé-
rents palais de IMadrid. Après une
absence de trois ans , Murillo re-
vint à Séville , en i64'J- Son re-
tour fit d'abord peu de sensation ;
mais , lorsqu'il eut peint , l'an-
née suivante , le petit cloître de
Saint-François , on demeura frappé
d'étonnemeiit. Le tableau de la
Mort de sainte Claire, et celui de
Saint Jacques distribuant des au-
mônes y mirent le sceau à sa réputa-
tion. On vit , dans le premier , nu
coloriste digne de Van-D yck , et dans
le second , un rival de Velasquez. Il
fut alors chargé d'une multitude de
travaux quinc tardèrent pas à lui pro-
curer une fortune plus qu'indépen-
dante. Loin d'imiter tant d'artiîtes à
qui la vogue fait négliger le soin de
leur gloire, il perfectionna de plus
en plus sa manière; donna plus de
hardiesse à son pinceau ; et , sans
MUR 445
abandonner cette suavité' de coloris
qui le distinguait de tous ses rivaux,
il mit plus de vigueur dans ses tons ,
et de franchise dans sa louche. Placé
ainsi au premier rang des pciutics
de son pays, il sufïliait à lui seul
pour constater le mérite trop peu
apprécié de l'école espagnole: mais
il parut encore se surpasser dans les
tableaux qu'il peignit pour Sainte-
Marie-la-Blanche, dans la Concep-
tion dont il orna la coupole de la ca-
thédrale , et surtout dans la Sainte
Elisabeth et Y Enfant prodigue ,
qu'il exécuta , en 1 6-^4 ; pour l'église
de la Charité. Il fit , à-peu-près à la
même époque , pour l'hospice des
Vénérables, une Awlve Conception ^
à laquelle l'école lombarde elle-mê-
me pourrait comparer peu de pro-
ductions. Il avait également exécuté,
pour le couvent des Capucins de
Séville, vingt- trois tableaux qui
faisaient le plus bel ornement de
leur église. Ces religieux ont empor-
té ces chefs-d'œuvre en Amérique.
11 serait trop long de rappeler tous
les ouvrages dont cet artiste a enri-
chi les églises et couvents de Sévil-
le. Appelé à Cadix pour peindre le
maître-autel des Capucins , il y exé-
cuta son célèbre tableau du Mariage
de sainte Catherine. Sur le point
de le terminer , il se blessa si griève-
ment sur l'échafaudage , qu^il sa
ressentit cruellement des suites de
cet accident jusqu'à sa mort , arri-
vée à Séville , le 3 avril 1682. Par-
mi ses nombreux élèves , on distin-
gue Antolinez , Menescs - Osorio ,
Tobar , et Villavicencio , son disci-
ple chéri et son plus heureux imita-
teur. Au mérite le plus éminent com-
me peintre d'histoire . sous le rap-
port de la composition expressive
et gracieuse unie à la vérité de l'imi-
tation, Murillo joignit celui d'ex-
4 î"'
MUR
cciier cgaiemeut dans la pcinlurc
des flewis et le paysage. 11 se
servit long -temps d'Yriarte pour
peindre les fonds de ses taLleanx.;
et en retour , il peignait les figu-
res dans les tableaux de ce der-
nier. Mais les deux artistes s'ëlant
un jour pris de dispute , IMurillo ne
voulut plus avoir recours à une main
e'trangcre, et entreprit de faire lui-
même les paysages de ses tableaux.
Son premier essai fut un coup de
maître; et depuis ce temps, il cul-
tiva ce geine avec un succès qui ne
lui laissa point de rival parmi ses
compatriotes. Henri de Las Marinas
seul peut lui être compare pour Us
mariiics. Le Musée du Louvre pos-
sède de ce maître les cinq tableaux
suivants : l. h' Enfant- Jésus assis
sur les genoux de la f'ierge et
jouant avec un cJtapelet. IL Dieu
le Père et le Saint-Esprit contem-
plant la, sainte Famille. IIL Jé>us-
Chriit s-.'.rla montagne des Olivier.:.
IV. Saint Pierre implorant son par-
don. V. Un Jeune niendimit. On a
vu, en i8i4,à une exposition du
Louvre, quatre tableaux de?'ïuri!Io,
remarquables par leur beauté, et re-
présentant : i". \j Adoration des
bergers ; i'\ Sainte Elisabeth de
Hongrie ; 3". et 4"- h' emplacement
de Sainte- Marie- }[ajeure , désigné
an Patiice Jean par un espace cou-
vert de neige. Ces tabU^aux étaient
pemtssr.rtoile.Lcstroisderniers,qi'.e
l'on peut regarder comme les chcls-
d'œuvrc de ce maître, avaient été
donnés par la ville de Séville au nia-
réchal Sonlt. A l'arrivée du roi , en
i8i4> le maréchal en fit don à sa
Majesté; mais les alliés, en i8ij,
en exigèrent la remise. Ces der-
niers tableaux surtout établissaient
d'une manière incontestable le de-
gré de perfection où s'est élevée
IMUIl
l'école espagnole , et le véritable
caractère de ses artistes; car Mi-
rillo , comme notre Lesueur [T. cq
nom), n'ayant jamais quitté son pays
natal , n'a pu itrc influencé par une
manière étrangère; et c'est à celte
originalité dn talent qu'il doit aussi
d'occuper un des premiers rangs
parmi les peintres les plus di.s-
tiiigués de toutes les écoles. Il n'a ni
la noblesse, toujours pleine de char-
mes, de Kaphaël, ni le grandiose des
Carraches , ni la grâce du Corrége j
mais , imitateur fidèle de la nature,
s'il est quelquefois trivial et incor-
rect, il est toujours vrai, toujours
naturel ; et la suavité, l'éclat, la fraî-
cheur et l'harmonie de son coloris,
font oublier la plupart desesdéfaut.s.
— il laissa un fiis, nommé Gaspar
qui suivit la carrière des letties , en
cultivant la peinture comme un dé-
lassement, ïl y montra quelque ta
lent , quoi ju'il soit resté bien loin
de son père. 11 mourut le i mai
i-^oQ. Ou ignore si c'est le même
que celui que quelques historien^
nomment Jean, et d'autres Joseph,
qu'ils signalent comme \\n artiste
distingué, et qu'ils font mourir aus
Indes , où il était allé exercer sou
art. P — s,
MURIS (Jean dî;), docteur d(
Sorbonne et chanoine de l'église di
Paris, florissait dans le (piator/ièrat
siècle. Quelques écrivains le font Aa-
glais , et d'autres Italien ; mais i
nous apprend lui-raèine, dans la sous
cription d'un de ses ouvrages , qu'i
était Français, et on le croit commu-
nément originaire de Normandie. I
a été regardé long-temps comme l'in
Ycnteur des signes qui servent h fixer
sous le rapport de la mesure , la va
leur des notes de musique; cependan
il est bien démontré qu'il n'avait fai
que réunir dans un ordre méihodi
!\1UR
t]ne, et développer les proce'dcs em-
ploye's par les musiciens do son
temps. Ou sait que J. de Mûris vivait
encore en i3j<S; nuds on ignore l'e-
poqne de sa mort. Sonoiivra;:,f, dont
on conserve d'anciennes copies dans
les bibliothèques de Paris, de Vientie
et de Berne, etc. , a etc analyse par
le P. Merseunc ( Harmonie univer-
selle ) ; par dom Juudlhac ( Pra-
tique du plain-chant ) ; par J.-J.
Rousseau ( Dict. de musique); par
La Borde ( Essai sur la musiq. ) ,
etc. Le savant Mart. Gerberl,ablicde
Saint-Biaise, l'a piiblie'dans letcm. m
àcsScriptor. ecclesinsticide musicd,
p. 189-31 5. L'ouvrage est divise en
sept parties, qui ont chacune un îitre
différent : i". Summa musicœ ; celle
première partie, écrite en prose et
en vers, traite de la musique en gé-
néral, de son origine, de ses différen-
tes espèceS; des proportions, des inter-
valles, etc. — l'^.De musicd spccula-
tivà ; c'est un abrégé de l'ouvrage
de Boëce : Conrad Noricus, m-tiîlrc-
ès-arts de l'acad. de Leipzig , an com-
mencement du seizième siècle , l'a
corrigé et rais dans un nouvel ordre.
— '6". De numeris, qui musicas icti-
nenl consonantias , secundùm Pto-
lemœum deParisiis.— ^''.Deprnpor-
tionibus, — 5'^. De practicd musicd
seu mensurabili. — 6". Qiiœstiones
super panes muiicœ. — "]". .4rs dis-
cantnsdalaabhrei'iando.On a enore
de J. de Mûris : Arithmeticœ spécula-
tives libri duo , Maience , i538 ,
in-8°. ; éd. rare , inconnue à la plu-
part des bibliographes. — De regu-
Uscalcndarii; Mansi, qui indique cet
ouvrage dans ses notes sur la Bihl.
vied. et injlm. latitinalis de J. Alb.
Fabririus, pense qu'on ne doit pas
le distinguer d'un opuscule du même
de Mûris, sur la ré formation du
calendrier y conservé parmi les ma-
MCR 447
nuscritsdclabihl. impér. dcVicnnrj
avec deux antres opuscules qui lui
sont encore attribués , l'iui : De anno
nalivilale Christi et ejus Passiords
atque de terminis j'esti paschalis ;
et l'autre : De iempore celehrationis
paschalis. Nous renverrons , pour
]dus de détails , aux auteurs cites dans
le corps de l'article. On connaît enfin
de J. de Mûris, Arithmelica com-
niunis, ex Boelii ariihmeticd ex-
cerpta, Vienne, Alantse , i5i5, in-
4"., publié par George Tannstctter
Colliinitius, prcfessei;r de mathéma-
tiques à Vienne en Autriche. Ce livre
est si rare qu'il a écha|)|)é aux re-
cherches du savant bibliographe F.
G. A. Murhard, qui n'en fait point
mention dans sa Bibliolheca mathe-
matica. W — s.
MURITII, né en 1749,, a Saint -
Branchier en Valais , entradans l'or-
dre des religieux de Saint-Bernard ,
et s'y distingua par son goût pour
les sciences. Grâces à ses soins, le
petit cabinet des antiquités de l'hos-
pice du Grand-Saint-Bernard fut aug-
menté; et il V fonda un cabinet de
minéralogie. Son cabinet particulier
d'histoire natiuelle et de médailles,
qu'il avait formé à Lyddes pendant
qu'il y était ciu'é , était cité par les
voyageurs ( /^. de Loges, Essais his-
toriques sur le mont Saint-Bernard,
page 178). 11 obtint la charge de
jirévot à Marligny , bénéfice dont la
collation appartient à l'hospice; et
il y termina sa vie en octobre 1818.
Le désir d'augmenter ses connais-
sances le porta souvent aux tentati-
ves les plus hardies : il fut le pre-
mier téméraire (dit de Loges , page
180 ), qui osa ftanchir la pointe du
niontVelan, l'un des plus élevés du
Valais. Aussi, parvenu à son extré-
mité, fit-il vœu de ne jamais ten-
ter pareille entreprise. On a de lui
â48 MUR
une Lettre concernant des rensei-
gnements curieux sur le Saint- Ber-
nard , insérée dans le Dlont-Joux et
le Mont-Bernard^ ouvrage publie en
3 8o2,in-8*'.,parM. Mangourit, qui,
étant résidant de France en Valais,
lui avait adressé une série de ques-
tions. L'académie celtique à Paris ,
qui avait admis le prévôt Murilh au
nombre de ses correspondai/ts , a
imprimé, dans le cinquième volume
de ses Mémoires , une Lettre de
ce savant, sur la véritable position
de l'ancien Tauredunam. Il avait
adressé aussi , à cette académie , un
Mémoire sur les monuments anti-
ques trouvés sur le Grand -Saint-
Bernard. La société royale des anti-
quaires de France , qui a remplacé
l'académie celtique , a donné , dans
le troisième volume de ses Mémoi-
-res , la seconde partie de ce travail ,
contenant les inscriptions , dont la
plupart avaient déjà été publiées,
mais d'une manière très-incorrecte,
par de Loges , dans ses Essais his-
toriques sur le mont Saint-Bernard,
i-jSg, in-8°. On lit, dans un Voya-
i^e mis au jour e)i Allemagne , que ce
travail de Murith , dont le manus-
crit avait été envoyé à Turin , y fut
très-maî accueilli, et qu'on ne vou-
lut pas l'imprimer, parce que Mu-
rith , concluant par l'épithcte Penni-
nus ( qu'il dérivait de Pœnus ) ,
qu'Hannibal avait passé par le Saint-
Bernard, contrariait l'opinion des
Piémontais , qui veulent que le gé-
néral cartliaginois ait passé par le
luont Genis. Murith est encore au-
teur du Guide du Botaniste qui
'vojage dans le Valais, Lausauue
i8io,in-4°. D — G.
MUR]NER (TuoMAs), cordelier
et poète s:itirique allemand , né à
-Strasbourg, eu ij^S , a joui d'une
: rcputaîion q;ie n'ont pu scuteuir le
MLR
nombre et la variété de ses ouvra-
ges. Doué de beaucoup d'esprit et
d'imagination , il passait pour un
des meilleurs poètes de son temps.
Il fut reçu docteur en droit et eu
théologie, et il obtint même le gra-
de de niaître-ès-arts à l'université de
Paris. Il enseigna successivement à
Cracovie , à Francfort, à Strasbourg
( où il professait le droit en iSao ),
à Fribourg t n Brisgau , à Trêves ; et
il eut presque partout des disputes
avec ses confrères , notamment avec
Scbast. Branrit et Jacq. WimpLe-
ling. Tandis qu'il occupait sa chaire
à Gracovie , il s'avisa de publier un
cours de logique sous la forme d'un
jeu de cartes ; et cette méthode nou-
velle facilita, dit-on, tellement les pro-
grès de ses élèves , qu'on le soupçon-
na d'avoir recours à la magie. Une
accusation si peu fondée tomba bien-
tôt, Henri VIII , qui l'avait appelé
eu Angleterre, lui rend le témoignage
le plus honorable dans les lettres
de recommandation qu'il lui remit,
le 1 1 septembre i523, |)our le magis-
trat de Strasbourg. î\Iurncr fut l'un
des plus ardents adversaires delà ré-
fonaede Luther. Nommé député des
cantons catholiques au fameux éollo-
que de Bade , en i 5'26 , il y attaqua
Zwingleavec un zèle peu mesuré: car,
au lieu de répondre simplement à ses
arguments, il s'attacha encore à faire
la censure de ses mœurs, et termi-
na sa harangue en se vantant d'avoir
prouvé, par quarante raisons, que
Zwingleétaituu malhonnête homme.
Les Protestants prétendent qu'il
tronqua les actes de ce congres ,
dans l'édition qu'il en donna l'année
suivante, en allemand, et dont on
a une version latine sous ce titre :
Causa Jîelvetica oHhodoxce fdei ,
Luceruc , i JsS , in-4°. Murner ha-
bitait alors Luccrue ; et il y avait
MUR
établi , tlans le couvent de son or-
dre, une ini[)nmerie, dont il se servit
pour mettre au jour plusieurs traites
de controverse , dans lesquels il ne
ine'nae,cait pas les cantons de Zurich
et de Berne , qui s'étaient déjà pro-
nonces en faveur de la réforiiu-. Il
fut cependant appelé à une nouvelle
conférence, qui eut lieu à Berne, en
i5u8; mais il ne crut pas devoir
s'y rendre. De nouveaux écrits ,
qu'il publia en i53o, piquèrent si
vivenicnl les novateurs , qu'ds eurent
la lâcheté de s'en venger, en faisant
supprimer la pension qu'il rece-
vait des cordeliers de Strasbourg^
et sou départ de Lucerne fut une des
conditions de la paix, entre les can-
tons. H paraît que Marner mourut
peu de temps après (vers l'an 1 533),
dans un âge assez avancé. On trou-
vera la liste de ses ouvrages, tant
allemands que latins , dans la Bi-
blioth. de Gesner. Prosp. Marchand
en a donné une plus ample et plus
détaillée, qu'il aurait été facile d'aug-
menter à l'aide de Bauer et des bi-
bliographies allemandes publiées
récemment. Mais on nous saurait
peu de gré d'exhumer les titres d'é-
crits qui ne peuvent a^oir aucun
mérite que celui d'une extrême i"are-
té. Nous nous bornerons donc à
indiquer ici ceux qui paraissent les
plus dignes de l'attention des cu-
rieux : I. Invectiva contra astiolo-
gos , et contra fœde'atos , quos
vulgb Suitenses [\cs Suisses ) min-
cupamns , intentum prœdicentes ,
Strasbourg, i494? in - 4°- Celte
date est celle que cite Bauer; mais
les autres bibliographes s'accor-
dent à placer cette édition en i499-
II. Tractatus penitilis de Pytho-
nico spiritu, Fribourg, i499t i'i-
4". C'est un dialogue dont Muruer
8sl l'un des trois interlocuteurs j il a
XXX.
MUR 449
été inséré dans le tome ii du Recueil
intitulé: .Vallein maleficaum. III,
Ch irtiludiuni logices, Ingica me-
moraliva , sive totins dialerlicœ
memoria , etc , Bruxelles , Vand-
voot , i5o9 , in-4°. Cette première
édition est si rare, qu'elle a été in-
connue à Prosper ]\Iarchand (i):
Balesdens l'a reproduite à Paris,
16*9 , in 8°., fig. , avec quelques
additions faciles a distinguer parce
qu'elles sont en caractère italique.
Ce traité a reparu depuis , avec
quelques perfectionnements, qui s'a-
daplent mieux à la forme des cartes
ordinaires , par les soins du père
P. (juischet, cordelier et professeur
de philosophie à Angers , sous ce
titre : Ars ratiocinandi lepida... in
cartiludiiun redacta, Saumur, 1 65o,
in - 4'*. , de i6 et i52 pages. Ce
jeu est composé de 5-2 cartes , cou-
vertes de figures si bizarres , qu'elles
sembleraient plus propres à em-
brouiller qu'à éclaircir les idées des
élèves , si l'on ne savait que c'est
précisément par la bizarrerie des
rapprochements, que ces inventions
mnémoniques se fixent plus forte-
ment dans la mémoire ( Y. J, Her-
degen , Schediasma de Th. Murneri^
logicâ memorativd , Nuremberg ,
1739 in - folio. ). Les auteurs des
Epistol. obscuror. viror. (/^. Hut-
ïEN et Reuculin) se sont efforcés
de tourner en ridicule cette inven-
tion ; cl Erasme paraît avoir eu
Murner en vue , dans plusieurs pas-
sages de son dialogue : Ars notana.
(ijCette éJllloii (le Briii 1 es, qui est Tmi! iolie ,
est du 18 aoùl l.îor)- l'ronicr !>idri" auj n'j i.tfDnu
que celle de Slrasboiir^:, Giui.iiijiir. ach' vé* ri'im-
|>rnuer \r a() d c- ml.rr de la uièmc auue , ra carac*
tères snthiqu.'s; mais i Vst " tort qu'il acnisî Bdlesdeos
de ii'avuir ^las couiiu i édition originale . puisaiie ce-
lu -ci la ri pru lu l leTtiiellein ni , < t i-P|ifte mot ù
mot la tormidi- (iuale qui s rt di- date, ./iioti Bruxel-
les J'humai yaitdvoot iinpresiii anno iSoQ ipsd dit
divi Au^ustini episcupi.
29
45o MÛR
Cependant cet ou^TaJ:;e est remar-
quable en ce (j-i'il est le premier de
ce genre (i). IV. Ludus itudenidm
Fribur^ensium , Francfort , 1 5 1 i ,
iu-4° : c'est la prosodie latine mise
en jeu. V. Ritus et celcbratio phase
Judœorum , ex Ilebrœo in latin,
trad., i5i"2,in-4". VI. Chartilu-
dium in Instituta Justinlani. Ges-
«er en cite nne édition de Venise ,
dont il ne désigne ni la date ni le for-
mat ; et Prosper Marchand était
dispose à croire que l'ouvrage n'avait
jamais été imprimé : mais Baner en
indique une édition de .Strasbourg ,
'l5i8, in-4^. {F. Bibl. libror. ra-
rior. ) VII. Narren BescJuverung,
id est : Exorcismum stultorum ,
Strasbourg, i5i8, in-4". (u) Cet
ouvrage , où Tauteur dépeint , en
vers allemands , les folies et les
travers des hommes , a été tra-
duit en latin par Jean Flitner ( r.
ce nom ) , et copié presque en entier
par Pierre Baardt, qui a caché la
source où il puisait si largement.
VIII. D'autres ouvrages allemands ,
sur lesquels on peut consulter Floe-
gel ( Hist. de la littéral, comique ,
tome 3); mais c'est à tort qu'on a
cru qu'il était le premier auteur du
Toraaa à'Eulen Spiegel , dont la
traduction française ( sous le titre
à'JiUentiires d'Ulespiègle ) , fait
partie de la Biblioth. bleue ( F.
{\) Le P. Mennirier a doDué,daiis «n Bibliolh.
aurieuse, \a\i5le tW Iods les jem de Ciirips iiislnic-
lifs parveuiis à sa connaissance. ProspT Jlarchand a
jjublié dans sou Diclionn. { a Tart. HtB>EP. ) , uu
etip)i1émeut considérable a celte liste , en averlissaiit
«(n'i) l'a fire en grande partie de VElenchut ,/uonim-
tia-n eorum qui de liiilis scripieruni , donne par Th.
Hjde , avec son traite De tiidis orienlaliùu .-. Le ca •
tofogne de Marchanl ïorait susceptible de coiTec-
tioii» , et Diêuif d'addilioot cou.sid»rables.
(■>.) Une nouvelle édition parut à Fr.inifort, l'iGî
In 8». ( K. FouRrlein , SupelUx Ubmria , iio. 3-6' ).
Lr nom de riiuteur y est indique par ces deux Vers,
jag. G :
Jch hm Murr Narr meins Katlers Namen
iiuiffish misli ver Niamimlt sshamtn.
MUR
Hcrmann , Notices sur Strasbourg ^
II, 3<)4 )• On lui attribue, avec plus
de vraisemblance , le Liber vagato-
runi ( Bettler Orden ) , publié, peu
d'années après l'an iJOQ, sous le
pseudonyme à' Expert us in Tnifis,
et à la suite duquel on trouve le plus
ancien vocabulaire de l'argot des
vagabonds connus sous le nom de
Bohémiens ( ibid. , pag. Soj ). Ce
qui fait vraiment honneur à Murner,
c'est qu'il a osé, le premier, entre-
prendre une traduction de V Enéide
de Virgile ; mais elle est si rare,
qu'elle a échappé aux recherches
de la plupart des curieux; elle est
intitulée : Fergilii Maronis drey-
zehen jEneadisclie Bûcher von
Troianischer Zentôrung , und Ujf-
gang des Bômischen Beichs , durck
Doclor Murner veiiutst , Stras-
bourg, i5i5, in-fol. , fig. ( Feuer-
lein , Supeïlex librar. , u». 568 , b. )
Voyez , sur ce treizième Hatc de
l'Enéide , ce que dit Gottsched ,
dans la préface qu'il a mise à la tra-
duction de Virgile par Schvvarz ,
Ratisbonne, t']^^2.-lnf^,\ ^ 2 vol. in-
8°. , et V^'^aldau , dans ses Observ.
litter. Ilei as , obs. 4 ■> P^g. i o.
Feuerlein avait une autre éditioa
sans date , Worms , in-S». , fig. ,
de cette version des treize livres de
l'Enéide, par Th. ^hxrcitx {Supeïlex
librar. , n», 4348 ). Voy, , pour plus
de détails , le Dictionnaire de
Prosper Marchand , et Waldau ,
Notice sur la vie et les écrits de
ïh. Murner, Nuremberg, 1775,
ia-S". de 112 pag. (en allemand ).
W— s.
MURPI1Y( Arthur), poète dra-
matique et polygraphe anglais , na-
quit à Clooniquin , dans le comté de
Roscommon, en Irlande, le 27 dé-
cembre 1727. Son père, dont le com-
merce était assez bieu établi , ayant
WUR
ipéfH dans la traversée de Londres à
Phil tdflpliie , il dcinL-ura coulif' à
sa mère, qui l'envova au collecte
anglais de Saint-Ointav, oii il (il <le
bonnes études. Il j^ard i de celte edn-'
cati.in nu goût très -vil' j)our les
classiques latins , qu'il cultiva de-
puis couslaniinent et sur lesq lels il
exerça sa plurae. For^ e' de s'atta-
cher à un coiU[)tuir , sou éloigne-
inent pour les intérêts mercantiles
s'accrut par la passion subite qu'il
prit pour le tlie'ître. Sur la Hn de
17 ï-^ , il publia une feuille hebdo-
madaire qui, bien que snperliciellc,
lui procura des amis , avec la repu-
talion de littérateur j ulicieux , et
se soutint deux ans , malgré la con-
currence de Moorc, d'Hawkesworth
et de Johnson. Gepen-iant Murphy
s'était endetté ; et une succession sur
laquelle il comptait, venait de lui
manquer. Le fameux acteur Foote
lui couseillade montersuilc théàîre :
Murphy, doué d'un extérieur agréa-
blé , et accoutumé a des succès dans
la société, où l'on ne plaît guère
sans y porter quelque chose du ta-
lent de comédien, fut néan.noins peu
goûtépar le public. Sou engagement
d'une année fut assez lucratif. Mais
cette démarche de sa jeunesse , dont
le souvenir lui fut toujours amer ,
l'exposa aux verssatiiiq.iesde Chur-
chill, et lui ferma la société de juris-
prudence de Mlddls-Teinple. Celle
de Lincoln sinn futmoms sévère, et
l'accueillit en 1757. Cette même an-
née , Murphy rédigea , sous l'influen-
ce de M. F')X, alors ministre et qui
fut depuis lord Holland , un journal
politique, dont l'existence ne se pro-
longea pas au-delà de celle du miuis-
tèrc qu'il défendait. De cette époque
date sa liaison avec Ch. Fox , dont
il se sépara depuis dans ses opinions
politiques. Au milieu de ses études
DIUR I^'A
de droit, lethcâtrclul ofTiitde n(*ii-
velles lessonrces. Kn i^^G, il débuta
jiai- une pièce iniit;!ée I ■Jp:^renli.
En 17)8 , il en (il j juei' une atilre :
le T. pis.icr, dans Irjuclle u-i ,ip-
plaulil surtout le rôle d'un b-tr ucr-
Jtoète , et qui avait pour i^nt de fap-
per de ridicule ces grut'j-ques politi-
ques dont Ad.lisun avait déjà trace
ini portr^dt plaisant dins le\'erfrt-
teur. Vers !a même époque, il donna
r Oqihelin de la C-'ina. composé en
piriie sur ie drame chi.'iois, tri iuit
par le P. du lîilde, et eu partie
sur la pièce de Voltdre. h^ufin il
commença de plaider , en l'jfri;
ce qui r.e l'empêcha pas d'entrer
prendre un journal ( the .-iu-itor)^
en faveur de lord Bute, coinuic il
l'avait fait autrefois pour AI. Fox.
Cette entreprise fut médiocrL-ment
soutenue par son parti • et une mys-
titica;i;)n acheva de la faire tomber.
Wilk.es et Churchill, ses adversaires
dans le journal iniitulé Nord Brl~
tain , tirant avaiiîage de son ioiio-
rance des matières politi'jues lui
envovèrent une lettre anonyme, où
entre antres avantages du Ircdié con-
clu par lord Bute , on vantait l'uc-
qnisition des Florides, si jirécieiise
pour ses bois de chaulTage. IM rphy
inséra sans soupçon cette missive
pcrfi !e ; et sa crédulité, m lui atti-
rant des sarcasmes de toutes parts
lai (it perdre le reste de ^es abonnés.
En 1703, il alla grossir le nombre
des hommes de loi du comté de Nor-
folk; et jusqu'en 1787 il persévéra
dans celte carrière, quoi qa'i! l'eût
parcourue avec peu d'éclat. Enfui
blessé de se voir préférer un de ses
confrères, beaucoup plus jeune
pour la place de conseiller du roi
il se livra sans partage à la littéra-
ture. Il s'occupa eu 1786 de recueil-
lir ses œuvres^ 7 vol. in-8^. ; et, eu
29..
453
MUR
l 'jqi il donna une édition de celles
de Johnson , où il iuscia un Essai
sur la vie et les ouvrages de cet
écrivain, morceau peu exact, et d'ail-
leurs trop visiblement copie' de la vie
de Johnson par IIa-\vkii;s. L'année
suivante, Murphy dédia a Bji ke une
traduction de Tacite, 4 vol. in^".,
précédée d'un Essai sur la vie et le gé-
niede l'historien x-omain , ctaccom-
pa"uée d'un supplément historique
et de notes. La liaduclion , d'ailleiirs
élégante , fut jugée doublement infi-
dèle, en ce qu'elle ne retraçait point
la piécision et les formes cUi style
de l'original , dont souvent même
elle ne rendait pas le véritable sens.
On accorda plus d'estime aux notes ^
mais on leur reprocha trop d'alFec-
tation pour amener des rapproche-
ments avec les circonstances politi-
ques au milieu desquelles vivait le
traducteur. Il s'y montre continuelle-
ment pénétré de cette indignation
profonde qui animait Burke contre la
révolution française. Murphy con-
tinua d'écrire jusque dans un âge
très-avancé. En 1798, il publia son
Arminius , pour rendre plus frap-
pantes la justice et la nécessité de la
guerre contre la France. La protec-
tion de lord Longborough lui valut
un emploi important à la banque, et,
dans les dernières années de sa vie ,
une pension de 200 livres sterling.
Le regret d'avoir vu presque tous
les amis de sa jeunesse élevés à des
charges émincntcs, tandis qu'il n'a-
vait échappé à l'obscurité qu'eu
consacrant toutes ses facultés à des
conceptions dramatiques mises à
la merci d'un fantasque public ,
répandit une teinte de mélancolie
sur sa vieillesse. L'oblitération de
ses idées était devenue sensible ,
lorsqu'il mourut, le 18 juin i8o5.
Murphy était irascible: ses alterca-
iMUR
tions avec les libraires et les au-
teurs l'entretenaient surtout dans
cette disposition. Son aménité, les
agréments de sa conversation , le
firent cependant rechercher. Fils
tendre, excellent frère , il se con-
serva de nombreux amis. L'un d'eux,
jcsse Foot, a publié, en 1812 , in-
4**. , une Vie de INIm'phy , que dis-
tinguent de curieux détails , et où il
a inséré des fragments de comédies,
et des matériaux préparés par Mur-
phy pour la Vie de Samuel Foote.
Murphy se plaisait quelquefois à
composer des vers latins ; t'est ainsi
qu'il a traduit le Cimetière de cam-
pagne , de Gray. Dans ses produc-
tions dramatiques il avait mis sou-
vent à contribution les écrivains
français; ce qui ne l'a pas empê-
ché, ou plutôt ce qui a été pour lui
une raison de les dénigrer. 11 se per-
met surtout une critique injtiste con-
tre Voltaire. C'est néanmoins dans
VAlzire de ce dernier, qu'il ])araît
avoir puisé l'idée de sa tragédie
à'Alzuma; et sa Zénohie doit beau-
coup au BhaâamiAe de Crébillon.
En revanche il n'a pris, dit-il, pour
sa Fille Grecque que trois vers de la
Zelmire de Dubelloy. Sa comédie ,
inlitulée Know your ownmind, une
de ses meilleures pièces , offre des
traces d'imitation de l'Irrésolu de
Destouches. Dans celle qui a pour
titre le Moyen de le fixer (i) , et
dans laquelle il apprend aux fem-
mes à rendre leur intérieur agréa-
ble si elles veulent régner sur le
cœur de leurs maris , Murphy a
encore fait un emprunt considérable
à Lachaussée. En général , son style
tragique manque de force , mais se
recommande par sa noblesse et par
(i^ Il y a une traductioB libre de celte pièce , |i»r
AI"»^. Kiccoltoui.
MUR
une élégante simplicité. Ses comé-
dies, cloiii l'iuliiguc est ordiuaire-
ment bien iilcc , et parmi lcs((uelies
on cite surtout V École des tuteurs ;
Tout le inonde a tort , dont l'action
est calqiic'c sur le Cocu imuginuire
de Molière , le Choix, l'Ennemi de
lui-même , sont un peu outrées :
aussi a-t-il rencontré son véritable
talent dans la farce. Toutes ces pir--
oes sont restées au répertoire, ainsi
que le Bourgeois , la Fieille fille ,
V lie déserte imitée de la pièce jdc
Mélastase qui porte le même nom,
et le Mariage clandestin qui a
servi de type au Matrimonio Sécré-
ta , mis en musique par Cimarosa.
Murphy est encore l'auteur, i°.d'un
Essai sur Fieldiu^i; , à la tête de l'é-
dition de i']6:i de ce romancier ; —
2". d'une Traduction du Bélisaire
. de Marmontel , 1791 ; — 3*. d'une
autre de Salluste et des Catilinaires
de Gicéron ; — 4°- d'une imitation
de la treizième satire de Juvénal; —
5°. d'un Poème des Abeilles, en qua-
tre cliants , accompagné de notes :
c'est une imitation du quatorzième
livre du Prœdium rusticum , de Va-
nière , que Murphy , dans sa pré-
face , défend , ainsi que le P. Rapiu ,
contre des critiques trop rigoureuses;
6°. d'une vie de Garrick , 1801 ,
3 vol. in-8"., qui a été resserrée en
un vol. in-i'i, pour l'adapter au
goût français. M —s — t.
MURPHY (Jacques-Gavanah ),
architecte et voyageur , né eu Ir-
lande , partit de Dublin , le -27 dé-
cembre 1788 , pour le Portugal ,
et parcourut ce royaume jusqu'à la
fin de 1 790. Il visita aussi l'Espagne,
et, de retour dans les îles Britanni-
ques , publia le résultat de ses ob-
servations : il continua de s'occuper
des monuments de l'art dans la
péninsule , et mourut en 1 8 1 6. On
MUR
453
a de lui , en anglais : \. Voyage
en Portugal , dans les provinces
d'entre Douro et Minho , Eeira
Estramadoure et Alenlejo, dans les
années 17 89 et i'jqo , contenant
des observations sur les mœurs , les
usages , le commerce , les édifices
publics, les arts, les antiquités
de ce royaume, Londres, 179^ ,
I vol. in-4<*. , fig. Le Portugal , à
répoquf* du voyage de Murphy, avait
été peu visité par les étrangers. Ceux
qui en avaient publié des relations,
le représentaient comme renfermant
à peine quelque objet digne de fixer
l'attention du philosophe, de l'anti-
quaire et de l'artiste. Murphy essaya
de faire voir que ce jugement était in-
juste. Il convient lui même que se
concentrant dans la sphère étroite
des talents que la nature lui a dé-
partis , il ne s'est arrêté que sur les
objets à sa portée : mais on doit lui
rendre la justice de dire que , surtout
pour ce qui concerne l'arcLiteetuie
et les antiquités , il unit au talent de
bien observer le mérite d'aimer la
vérité. Son livre offre une lecture
agréable et instructive , et fait ju-
ger avantageusement le caractère de
l'auteur. Le docteur Ranque , dans
ses Lettres sur le Portugal , lui re-
proche néanmoins des négligences et
de nombreuses erreurs. Se liant aux
explications qu'd reçut d'un religieux
portugais, Murphy donna lUie traduc-
tion inexacte d'une inscription aiabe
tracée sur un canon conservé à Lis-
bonne . sous le nom de canon de
Diu , et qui fut envoyé de ITnde
avec d'autres dépouilles arrachées
aux Mahométans, durant la période
de gloire du Portugal. M. Silvestre
de Sac v a retaija l'inscripiion , et
eu a inséré une traduction correcte ,
dans le tome 11 des Mémoires de l'ins-
titut, classe d'histoire et de litté-
454 MUR
rature ancienne. Ce voyage a e'te'
traduit en français [)ar M. I>alle-
inant, Paris , 1-97 , i vol. in-4°. ,
on 'i vol. iii-8". , (i^Mires. Celte tra-
duction offre (les nfgiigeiircs et des
inoxactitudes. II. Pltm , élévations ,
coupes et vues de l'église de Ba-
ïalha , dans la province d'Es-
tranindoure en Portugal, traduit
de Fr. Lniz de Souza , Londres ,
1795, in i'ol,, avec 27 p.'.ujciies. Le
monaslôre royai de Batallia dans
rEs;r.!ma ;oure,à fio milies an nord
de Lisbonne, étant un de.sniuuuuients
reinarq.ialjles du miiyen âge, Mur-
pliy en publia cette descrij.tion sépa-
rée, pour en bien faire connaitre tou-
tes les beautés. Ili. Antiquités des
Arabes en Espagne, Londres, 1816,
1 vol. gr. in-fol. Cet ouvrage oiîre
une suite de 100 gravures, exécu-
tées par les premiers ai (istes, d'après
les dessins faits sur les lieux par
l'auteur.^ Murpliy mourut à l'ins-
tant oiil'oji publiait ce livz'e magni-
fiijuc. ^ £_s_
MURR ( Christopue-Theophile
DE ) savant et laborieux écrivain
allemand , remarquable par l'éten-
due et la variété de ses connaissan-
ces, naquit a Nuremberg, eu 1733.
Jj'amour des lettres était héiéditaii e
dans sa famille. Sa mère était de la
fami'lc de Dilherr , l'un des plus sa-
vants bibliothécaires de cette ville
( Foj. Dilherr, XI , 3Gi ) ; et sou
aïeul paternel , qui avait séjourné en
Italie , s'était formé à Rome uue fort
Lelle biLliothèque, et entretenait une
correspondance active avec le célc-
l)r-e Magliabecclii. Le jeune Murr ,
après ses premières études dans sa
ville natale et à l'universilé d'Alt-
dort , visita successivement Stras-
5)0iîrg, Aiuslerdam, Leydc, Utrcciit,
fouillant dans les bibliothèques , en-
Haut çu Uaisou ayçç ks seiYiwts l«s
MUR
plus distingués , et n'épargnant n'crf
pour éiendie ses connaissances. Il
parcouiiit de même l'Autriche, ea
i7r)8, l'Italie, en 1760, retourna
l'année suivante en Angleterre, pour
voir les cérémonies du couronne-
ment de George III, visita ensuite
le nord de l'Allemagne, trouvant par-
tout à exercer son insatiable curiosi-
té. La place de directeur des doua-
nes , qu'on lui donna , en 1770, le
fixa enfiu a Nuremberg, où il s'oc-
cupa de la comjjosition de ses
nombreux ouvrages, de la rédaction
de deux Recueils périodiqiiies ( indé-
pendamment des articles qu'il four-
nissait à beaucoup d'autres jour-
naux ) , et de l'entretien de la corres-
pondance la plus active peut-être
(ju'aucun savant ait eue depuis Pei-
rcsc , si l'on en excepte Bliscbing.
Dès 17.53, il avait commencé à re-
cueillir les matériaux de trois grands
ouvrages, auxquels il travailla pres-
que toute sa vie : 1°. une Bibligra-
plue des langues, dont il n'a publié
que le prospectus (n^.xiii ci-après );
'1°, une Histoire diplomati<pie de
l'empereur Frédéric II ; et 3*^'. une
Bibliographie mathématique , qu'il
abandonna, en 171)8, au piofesseur
G. A. Murhard. Une carrière aussi
laborieuse eût difficilement pu s'ac-
comoder avec les soins d'un ménage :
il s'était vivement épris , à Londres,
des charmes d'une jeune Anglaise^
qui répondit à ses sentiments , et Icuc
mariage était sur le point de se con-
clure, lorsque les parents de la de-
moiselle furent appelés en Russie
parles affaires 'k* leur commerce;
et quelques mois après , M 'rr eut
la doideur d'apprendre qu'elle était
morte de la petite-vérole : il jura do
rester célibataire, et il tint parole.
To;:tes les langues de l'Europe lui
etaicul i^milicy-cs j il s'empressait Ua
MUR
eoramuniqucr au public tout ce que
SCS royages, ses i mineuses lectures et
sa vaste correspondance, lui avaient
fait découvrir de curieux : aussi ses
nombreux écrits, quoique manquant
souvent de profondeur et de cor-
rection, olFrent tous quchpie chose
d'intéressant et d'instructif. Ils fu-
rent fréquemment en balte aux sar-
casmes de la Bibliollicque allemande
universelle , journal rédige par le li-
braire Nicola'i , et qui avait le plus
gland succès dans le nord de l'Alle-
magne : Murr y repli(jua souvent
dans les journaux, ou par des opus-
cules particuliers j mais celte polémi-
que ne lui réussit pas : ses épigram-
ines manquaient de sel, et il mit rare-
ment les rieurs de son côté. Dans un
de ces pamphlets, il prit pour épi-
graphe ces mots de l'Apocalypse :
Opéra Nicolditarum odisti ? equi-
dem odi. Sa correspondance avec
les missionnaires établis à la Chine ,
le fit quelquefois soupçonner d'être
en secret catholique , et même ce
que l'on appelait un jésuite de robe
courte. Son historien s'efforce de le
disculper à cet égard , et nous ap-
prend que Murr était franchement
déiste , ne fréquentant aucune église,
et ne croyant à aucune révélation.
Il donne, sur la vie privée de son hé-
ros , de grands détails dans lesquels
nous ne le suivrons pas : à quoi bon
savoir qu'il ne buvait ni vin ni
bière , ne faisait point usage de ta-
bac , ne prenait jamais de thé, mais
qu'il lui fallait au moins quatre tas-
ses de café chaque jour ? qu'il était
grand, sec, etc. 11 nous sufllra de
dire, qu'il fut associé aux académies
de Gbttingue, de Berlin , de Gassel ,
de Strasbourg, de Munich, etc.; qu'il
fut nommé, le ii décembre 1807,
correspondant de la 3". classe de
l'institut de France 3 et qu'il mourut,
MUR
455
presque octogénaire, leSavril i8ri»
Ses travaux ne l'avaient pas enrichi:
après avoir vendu lui-même, ou
donné a divers souverains , plusieurs
des manuscrits ou des objets les plus
curieux de sa collection, il légua sa
nombreuse bibliothèque au docteur
Colmar , président de la société pas-
torale de la Pegnitz ( F. Herde-
GEN ) , lequel fut obligé d'en ven-
dre It plus grande jiartie, en 1812,
pour payer les dettes du défunt. J.
Ferd. Roth, qui rédigea le catalogue
de vente (composé de 5835 articles),
y joignit une notice assez étendue suc
la vie de Murr , avec son portrait»
I.a liste de ses ouvrages se trouve
disséminée dans {'Allemagne litté-
raire de Meusel , dans le Diction-
naire des savants Nurembergeois ,
par Will et Nopitsch , et dans le
Dictionnaire de Rotermund, qui en
compte quatre-vingt-deux, quoique
son éntiijiération ne soit pas com-
plète. Murr publia lui-même, ea
i8o'.i et i8o5 , la liste de tous se»
ouvrages imprimés ou inédits (i) :
cinq sont en fiançais , et trente eu
latin ; le reste est en allemand. Ua
grand nombre d'entre eux ne sont;
que de minces brochures : quoique
tous ofi'rent quelque chose de cu-
rieux , nous ne citerons que les
plus importants , en commençant
par ceux qui sont écrits en fran-
çais : I. Essai sur l'histoire des
poètes tragiques grecs, Nuremberg ,
1760, in -8". 11. Bibliothèque de
peinture, de sculpture et de gra-
vure , Francfort, in-jo, 2 vol. in-S'».
de plus de 800 pag. C'est un ample
catalogue raisonné de tous les livres
(i) Depuis 1771, jusqu'i iRo4 , Murr fit aussi,
tons ii'ï lieux ans , imprimer ci> la(in et en iVançais le
Catalogne di's livres , manuscrits , dessios et graTurr«
de sou cabinet, dont il n'avaif plus beïoiil pouf SfS
travaiu, «t duut il voulait «e tleCiiie.
,456 MUR
concernant les arts du dessin , ranges
systématiquement , quoique d'une
manière assez confuse , et termine
par une table al|)haljeli(|ue des au-
teurs , au nombre de plus de mille.
L'aulcur en préparait une nouvelle
e'dition , très - augmentée, lorsqu'il
mourut, m. Bibliothèque glypto-
grapfiifjiie , Dresde, iSu/j , in-8°. ,
de UijGp.iges : c'est une réimpression
du chapitre 5 de l'ouvrage précé-
dent ( qui traite des pierres gra-
vées ), avec plus d'i;n lieis d'aug-
mentations, mais sans table d'au-
teurs. IV. Description du cabinet
de M. Paul de Fraun , Nuremberg,
1797, in-h>\ , avec sept pi. V. Des-
crijtion des ornemenls impériaux ^
etc. , gardés à Nuremberg et à Aix-
la-Chapelle , ibidem , 1 790 , in-8'\ ,
avec quinze planches. ^ I. Commen-
taliode re diplomalicd Friderici II,
Altdorf. 175G, in-4". VII. Cata-
logus omnium openim Mss. et sche-
matnm Georgii Chr. Eimmart, Nu-
remberg , 1779, in-4'*. Cette collec-
tion , dont il était possesseur, se com-
posait de cinquante - sept volumes
( f^. EniMART )'y il l'augmenta en-
core depuis , et , dans une deuxième
.édition de ce catalogue ( ibid. 1782,
in-S".), elle s'élevait à soixante-deux
volumes. N'ayant pu trouver d'ac-
quéreur, il en enrichit , en 1786 , la
bibliothèque des jésuites de Polocz ,
•en Russie. VÏII. Memorabilia bi-
bliothecarum publicarum Norim-
bergenuum et itniversilalis Altdor-
finœ, ibid., iu-8°. , tom. i, 1786 ,
avec huit planches ; tom. 2 , 1788 ,
quatorze planches ; tom. 3 , i 791 ,
demplanches.Ce n'est pas un simple
catalogue, mais une notice raisonnée,
entremêlée d'extraits , souvent fort
étendus, tirés des manuscrits inédits.
( F. MuLLER , pag. 385 ci-dessus }.
On peut regarder ce livre comme un
MUR
modèle en ce genre. Outre l'ancienne
bibliothèque de la république de Nu-
remberg . l'auteur y décrit celles de
Solger, de Dilherr.de Fenizer, d'Kb-
ner, etc., qui furent successivement
consacrées, dans la même ville, à
l'usage du public. IX. JSolilia libri
rarisiimi geographiœ Fr. Berlin-
ghieri, ibid. , «790, in-8°. , de 24
pag. A la suite de la notice sur cette
ancienne géographie ( Foj. BtRLi.x-
GniERi ), Muir décrit les premières
éditions de celle de Ptolémée, et rec-
tille quelques inexactitudes échap-
pées a Raidel, qui avait traité ce sujet
dans le plus grand détail. X.JSodtia
duorum codicum musicorum Gui-
donis Aretini , etc. , ibid. , 1801,
in-4°. , deux planches. XI. Notilia
trium codicum aufographorum Joh.
Begiomonlani , ibid. , 1801, in-4°.,
I planche f/"'. Muller, pag. 386 ci-
dessus \ XII. Adnotationes ad bi-
bliothecas Hallerianas , in -4". de
72 pag. ( F. Haller , XIX, 336. )
XIII. Ccnspectiis bibllothecœ glot-
ticœ universalis propcdiem edendœ,
opus quinquaginta annonim , Nu-
remberg, i8o4, in-S". de 32 pag.
Ce n'est que l'annonce d'un ouvra-
ge immense dont les maîériaux ont
passé depuis entre les mains du
professeur J. S. Yat«r. Ce prospec-
tus ne contient que les divisions de
l'ouvrage , et la classification mé-
thodique de toutes les langues con-
nues ( au nombre de 466 ) , suivant
le système de l'auteur. XIV. Essai
d^ une histoire delà langue anglaise
et de ses dialectes , Leipzig , i8o5 ,
iu-S'^. XV. Notices surdii>ers savants
anglais et italiens vivants , avec un
Supplément aux voyages de Keyssler
et un Mémoire sur la numismatique
anglaise du moven âge, Nuremberg,
1770 , in-8°. XVI. Histoire diplo-
matique de Martin Behaim , ibid. ,
MUR
1778, in8«. ( F. Cr.HAiM. ) XYII.
Notice sur la vie et les écrits de
Giordano Bruno , iHu.j , iii-8". (fg.
XVIII. Sur le meurtre d'Albert ,
duc de Friedland ( F. \VALLE^s-
TKiN ) , H;il!c, 1806, in - 8". 'i pi.
XIX. Catalogus chirografJiorum et
epistolarwn autographarwn perso-
narum celebrium , Nuremberg , in-
8®., 1797, i8o';i. XX. Chirographia
personaruni celebrium è collectione
C^ T. de Mun\, missus primus, Wei-
mar, 1804, iu-ful. , 12 pi., coiilc-
nant les fac simile de signatures et
dVcriturcs autographes de .>-<S per-
sonuagps célèbres , Pétrarque , Le
Tasse , Albert Durer, Cardan , Lu-
ther , Calvin , St. Ignace de Loyola ,
la reine Christine, Jusle-Lipsc, Sau-
maise , Leibnilz, Voltaire, Kous-
seau , etc. ( F. le Magas. encycl. de
décembre i8o5, p. 4^3.) Ce cu-
rieux recueil , qui devait avoir en
tout 60 planches , n'a pas ëlë conti-
nue' dans ce format. L'auteur en a
seulement publié une suite dans les
Feuilles littéraires , tome in, n°. 9,
page i38. XXI. Ben. de Spinosa
adnotalinnes ad tractatum theolo-
gico-politicum , ex autographe, cum
imagine et chirographo philosophi ,
la rfne, 1802 , in-40. XXII. Anti-
quités d'I/eiculamim, Augsbourg ,
1777-82, 6 part, in-fol. , contenant
5o , 60 , 60 , 7 o , 94 et i o5 pi . ^ id. ,
septième partie, Nuremberg, 1793,
in-fol. , 98 pi. X\III. Specimina
tmtiquissimœ scripturœ grœcce te-
nuioris seu cursivœ , ante Fespa-
siani tempora , Nuremberg , 1792 ,
in-fol. , fig. ; avec un supplément
( Manlissa ) , ibid. , 1798, in-fol.,
0g. XXIV. De papy ris seu volu-
minibus grrcis NercidanenJbus ,
Strasbourg, i8o4, in-8'\ , de 60
pages et 2 planches. XXV. Extrait
au quatrième livre de Philodème ,
MUR 457
sur la musique , tiré des Mss. trou-
vés à Horculanum , avec un spécimen
de l'ancienne musique notée des
Grecs, Bci lin, i8o(J, in-4".,de04
pages et 2 planches. C'est une ver-
sion allemanJe, avec commentaires,
du fragment publié dans len". pré-
cédent. XXVI. Mémoires pour V his-
toire des premiers e>sais de gra-
vure en taille douce , Augsbourg ,
i8o4 , in -4". , 5 planches. XXVII.
Al cothaji Meksowra , ou Discours
prononcé par le muphti au sulthan
actuel Mustapha 111, l'an 11 79
( 17G5) , Nuremberg, 1767 , in-4<'. ,
avec I pi. de texte arabe. XWIII,
Inscriptio arabica literis cujicis au-
ro iextili picta in infimd fimbrid
pallii imperialis, Nuremberg, 1 790,
in-8". , avec 2 pi. et 16 grav. eu
bois. L'inscription qui fait le sujet
de cette curieuse dissertation , avait
passé jusqu'alors pour de simples
arabesques ou ornements de fantai-
sie. XXIX. Mémoires (Beitraegc)
pour la littérature arabe , Erlang ,
i8o3, in-4".. 3 pi. On y trouve la
description et l'explication de quel-
ques monuments arabes conservés à
Cordoue , à Iraola, à Cassel , etc. ,
et une Notice sur l'état de la littéra-
ture arabe en Portugal, en Espagne
et à Agram ( F. le Magas. cncfcl.
de i8o4 , VI , 277 et 398 ). XXX.
Astrolabium cufico-arabicum quod
adservatur in bibliothecd publicd
jVorimbergend , cum bibliothecd
scriptorum de astrolabiis , Leipzig,
1806, iu-4". , 2 pi. XXXI. Haoh
Kjoeh Tshwen , roman chinois ,
traduit sur la version anglaise , avec
un Essai de grammaire chinoise ,
à l'usage des allemands ; Leipzig,
1766, in-8''. Ce roman, très-cclè-
bre à la Chine, fut traduit en fran-
çais la même année, par Eidous .
d'après la même version anglaise
458 MUR
de Th. Perry ( V. Holwell , xx ,
49'3 ). XXXII. LitLene patentas
iiri'^ieratuiis ^iniiiim Kanz-hi. —
Noliliœ SS. Biblioruia Judœorum
in imperio Sinensi ( f^. KotcLLR,
XXII, 519). A la suite r!u premier
de ces deux oiivrac;es , Miirr donne
un aperçu de ses travaux sur la lan-
gue chinoise, et y joint un tableau
des noms chinois de 4'^ quadrupè-
des , clasbés par lui suivant le systè-
me de Linné. Il avait déjà pnblie ce
tableau dans le Nalitralisle Jialle,
1775, iu-S".), dans le n". xii ci des-
sus , et ailleurs. XXXIII. E!,sai
d'une histoire des Jii'fs à la Chine ,
avec la notice de la Bible qu'ils y
conservent dans leur svnaaosue de
Caï - fong - fou , et un suppléaient
sur l'origine du Pfntatcuque, Halle,
1807 , iu-S". XXXIV. Fo) âge de
quelques missionnaire ; jésuites en
Amérique, Nuremberg, 1785, -2.
part. in-8''. , avec a pi. , et une carte
de la province de Maynas. Gttte re-
lation des missions du Haul-Mara-
gnon a pour auteur le P. Fr. Xav.
Ycig] ; mais Murr y a fait diver-
ses additions : on y lit ( pag. SiiS-
45o ) , de grands détails sur la lan-
gue des Indiens voisins de l'Oréno-
que , des notes du P. Anselme Ec-
kart sur le Brésil , etc. XXXV.
Forage du P. f-Folfgang Baier au
Pérou, 1776, iu-8\ , avec une
suite publiée en 1810, sous ce titre:
Nolices de divers pars de V Améri-
que espagnole , d'après les manus-
crits autographes des missionnaires
jésuites , H lUe , in - 8^ , avec une
grande carte espagnole , inédite , du
Chili et de l'île Chiloé. XXXVI.
Description des principales curio-
sités de Nuremberg et d' Altdorf ,
ibld. , 1778, in 8<*. , avecfîg. etgrav.
en bois. Le caustique Nicolaï( Foya-
ge, i , 208 ), trouve ce livre inexact
MUR
Pt très-incomplet. On n'y parlepoint
du gouvernement et de l'elat aduel
de l'industrie dccette ville manufactu-
rière :!edét.iil de sa topographie n'y
occupe que 1 3 pagfs, tandis que l'au-
teur en consacre 35 à la description
d'un livre chinois sur l'histoire natu-
relle, conservé dans la bibliothèque
d'AUdorf. Le lecteur y cherche vai-
nement le plan de ces deux A'illes ;
mais il y trouve le dessin exact
d'une inscription arabe qui se lit
sur la bordure du manteau inipérial
{F. l'art, xxvin ci-dessus); de ma-
nière, ajoute Nicolaï, quel'ouvjage
aurait plutôt dû être intitulé : Z>ei-
criplion des objets que M. de Murr
a jugés les plu: remarquables à Nu-
remberg. Au reste , cette critique
porte a faux, puisque le titre du li-
vre n'annonce pas une description
complète ; d'ailleurs elle ne se rap-
porte qu'à la première édition , l'au-
teur en ayant publié une entièrement
refondueettrès-augmenlée, en i8or.
XXXVIl. Curiosités de la ville de
Bav.berg , ibid, , 1 799 , in-8°. L'au-
teur y donna un supplément dans
les Feuilles littéraires , tome 3, n».
9. XXX\ III. Collectiu amplissimct
scriptonim de Klinodiis S. R. Imp.
Gennanici , de coronatione Imp. ,
etc., 1793, in-8'\ XXXIX. Des-
cription des oljets servant au cou-'
ronnemenl des empereurs , et d'au-
tres reliques conservées àAix-la-ChU'
pelle , ibid. , i8o i , in-4*'. ; 2*'. édit.
augm. i8o5, in-4°-, 4 pi- XL. Sur
la fabuleuse prétendue sainte am-
poule de Reims , ibid. , 180 1 , in-S".
de 16 pag. La figure qu'il présente
de l'ampoule n'est pas exacte. Les
déclamations de l'auteur, au sujet de
la crédulité qu'il attribue aux catho-
liques , prouvent qu'il ne connaissait
pas la lettre de Pluche sur cette re-
lique ( F. Plucuie ). XLI. Sur Ia
MUR
vraie origine des Rose-Croix et des
Francs - Maçons, et sur l'iiisloirc
des Tciii[)liers, Siil/.bacli, i8o3, iii-
8". (Je iGo jMj;. ; ouvrage superficiel.
Miirr ne t'ait retnoiiter l'ordie des
Rose Croix qu'à Paracelse.ou iiiêine
qu'a Jacob Bœhm , et celui des
Francs - INLnçoiis qu'à l'an i63 3.
XLII. Notice littéraire .\ur l'his-
toire des prétendus faiseurs d'or,
Leipzig, iHoli , iu - 8". XLllI.
L'Homme content ( der Zufried-
ne), feuille hebdomadaire , Nurem-
berg, 1703-64, 4 vol. iii-S*^., avec
musique gravée, et les portiails de
Micli(;l-Auge , de Raphaël et diiCor-
l'ége. XLIV. Journal pour l'histoire
des arts et de la littérature , ibid. ,
1775-89, 17 vol. in-8"., fig, XLV.
Nouveau jounial pour V histoire de
la littérature et des arts, Leipzig ,
ï 798- 1800, '1 vol. iu-8'^. Murr a été
l'éditeur des deux premiers volumes
de V Uortus nilidissinius de Trew ,
i768-7'2, iu-l'ol. ( /^.Trew); — de
]a Historica Cochinchince descriptio
in epitoinen redacta du P. Koffler,
abrégée par l'ex-jésuite Ans. Eckart ,
Nuremberg, i8o3 , iu-S»^.; — du
Tarahumaricuni lexicon , par le
P. Matth. Stelfel, Halle, 1809, in-
8°. (i) II a traduit du grec en al-
lemand la Cassandraàe i^ycophron
( dans sou Journal de littérature ,
dans le Ma^asinàe Schirach , etc.) ;
— de l'anglais en latin et en alle-
mand , la Zoolosiia britannica ( V.
Pennant ) ; — d'anglais en allemand
la Médée àe. Glover ( 1 7G3 ) ; le
yojage à Lisbonne , de Fielding
(1764); le Traité de Pcrcival Pott,
sur les plaies à la tête ( 1 768 ) ; la
^1 i Vit* ^ictii-Dnairtr ;illeiBaud-lAraliuiuariqi)c ( tau-
guf d'une |>i'U|))Hdc d'IniiiVns de la Noiivelle-IV.vcnie,
dans i'auduii' e de Guudalajaia ) , a été inséré, au
moins en partie, dius les iS'ulices de divers pays de
V/linénque espagnole ^ u", XXXV ti-ilcssus }", p-g.
IMUR
4'Ï9
Notice sur la découverte de Poin-
peii , par W. Ilamilton ^ 1 780) ; —
du français, V Ilisioire de l'Ajrique
et de V Espa^^ne sous les ,jrabes
( f^. Cardoivne , vil , 1 if) ) ; un Es-
sai sur les machines aérostatiques ,
par Faujas de Sainl-Fond ; — du la-
tm , une Dissertation sur la ma-
nière de former les cabinets d'his-
toire naturelle , Leipzig, ' 77 ' 1 il"
8^'. de 72 pag. ( i); — de l'csp-iguol ,
V Introduction à l'Histoire naturelle
de l'Espagne , par le P. Torrubia
( r. ce nom ) ; — de lita ien , une
Notice sur les Jésuites établis en
Russie ( 1 785) ; et presque toutes ces
traductions sont enrichies d'amples
notes historiques et bibliographi-
ques. Parmi les nombreux ouvrages
que Murr a laissés inédits, nous iu-
diq lerons seulement un Essai sur
l'histoire de la musicj e à i\urem-
berg; — Anecdota LeUmitziana; —
Analecta Spinosiana; — ]Solitiœ ty-
po^raph'.cœ , unà cum signis char-
tulariorum ab anno iSig ad ann.
i5oo, avec fig.; et dans le grand
nombre de morceaux intéressants
qu'il a insérés dans divers jour-
naux , nous signalerons son Essai
sur l'emploi des caractères chinois
comme langue universelle (^Journal
des arts et de la littérature, iv,
i5o-2io), et un article sur l'ancien-
neté de la guillotine ( Jounud du
luxe et des modes, 1 797). G. M. P.
MURRâY (Jacques, comte de),
régent d'Ecosse, fils naturel de Jac-
ques V, avait pour mère Marguerite,
fiile de lord Erskine. ]Sé vers le
commencement de i53i, il avait
onze ans de plus que Marie-Stuart,
sa sœur consanguine , dont il fut tou-
jours le plus cruel ennemi. Dès le
(1) Ce livre , omis par Mccsel , Nopitscli elRolf^r-
Kiuiii, »t ciU- ditu:>i« DtUtUx eotmiuuee, p. i\u
46o MUR
berceau, il reçut du roi son père
la baronie de Tarnlallon; et il n'a-
vait pas encore sept ans , lorsque
Jacques V, toujours prodigue pour
ses bâtards, lui conféra le prieuré
de Saint - André , dont il porta
long - temps le titre. Il commença
ses études à l'université de Saint-
André ; mais, à la mort du roi ,
quoiqu'il n'eût encore que onze ans,
sa mcre le relira auprès d'elle, à
LocLleven. Lorsque la jeune reine,
Marie Stuart , passa en France , le
prieur de Saint André l'y accompa-
gna. On trouva extraordinaire de
voir, à la suite d'un jeune homme de
dix-sept ans, des savants et des po-
litiques , qui afFectaient une gravité
particulière. Il faut prendre garde ,
en lisant les Mémoires du temps , de
le confondre, comme on l'a fait trop
souvent, avec un de ses frères, égale-
ment fils naturel de Jacques V , et
que l'on appelait aussi le Prieur
à Paris , parce qu'il possédait le
prieuré de Kelso. Murray, déjà dé-
voré d'ambition, jeta les yeux sur
l'héritière du comté de Buchan j et ,
quoiqu'elle fût encore en bas âge, il
parvint à faire signer un contrat de
mariage, qui lui servit, par la suite,
à envahir les biens immenses de cette
illustre famille , quoique l'union pro-
jetée ne s'accomplit jamais. Cette
profonde astuce annonçait déjà ce
qu'allait être Mtu'ray dans le monde.
lise fit donner des pleins-pouvoirs
pour gérer les affaiï'es de la jeune
reine-dauphine , comme on l'appe-
lait alors; et il n'eu usa que pour
nuire en tout à une sœur trop own-
veilîanle. Il ne négligea pas d'oiite-
nir d'elle des lettres de légitimation.
Passant coutiuuellenicnt u'Ecosse en
Franco , et de Frauce en Ecosse , on
observa qu'il prenait toujours sou
chemin par Londres. Il y tramait
MUR
déjà ces odieuses intrigues qui avaient
pour but manifeste d'arracher la
couronne à Marie, et de la placer sur
sa tète. Premier espion d'Edouard
VI à Paris, il mettait ses services à
haut prix. L'appui du gouvernement
anglais lui était utile d'ailleurs , pour
accomplir son projet favori : c'était
d'extirper, s'il le pouvait, les der-
nières racines du catholicisme dans
sa patrie , pour y faire triompher la
cause de la réformation. C'était à
ses yeux le moyen le plus sûr d éloi-
gner tous les cœurs de Marie Stuart ,
née catholique , et plus zélée que ja-
mais pour l'ancienne religion de l'é-
tat, depuis qu'elle avait uni son sort
à celui du jeuue François II. Mais
pendant que Murray persécutait l'é-
glise catholique en Ecosse, il recher-
chait ses faveurs en France. Il y
avait obtenu le prieuré de Marcou,
et il sollicitait même un évêché. Les
projets criminels de cet ambitieux
étaient si peu déguisés , qu'il existe
encore des lettres où François et
Marie lui en font de vifs reproches.
La correspondance de Cecil, minis-
tre d'Elisabeth, avec Throgmorton
et ses autres envoyés , prouve que
Murray, qu'ils ne nomment jamais
que lord Jacques , agissait d'intel-
ligence avec la reine d'Angleterre.
Cette perfide princesse, quand elle
voulut enlever Marie Stuart , à son
retour de France, n'avait pour but
que de mettre le sceptre dans les
mains d'un homme qu'elle regardait
déjà comme son vassal. Ce ne fut
point la faute de Murray, si la reine
sa sœur échappa aux vaisseaux an-
glais qui croisaient sur sa route : il
iciU" avait fourni tous les renseigne-
ments nécessaires. Rentrée en posses-
sioadcsos états héiiditaii'es, la jeune
Marie, sansexpérience etsans appui,
ne montra que trop de déférence
MUR
Mil- les conseils de ce frère hypo-
it( . Mais le moment ctail arrivé ,
I (Ile allait le comiaîtrc. Dès que
(Il lay vil qu'il n'clait plus en son
iiivoir d'empèclier le inariaç^e de la
i III' avec son cousin lor i Dandey,
roulât de les enlever l'un et l'iiu-
('. Maiic fut obli'^co de prendre les
mes pour sa sûreté personnelle,
miay s'éloigna; mais, dès le len-
Miaiii de l'assassinat de Riz/.io, il
uliaen triomphe dans Édinbourg,
■ce les principaux, conjurés. La
tissauced'un héritier du troue râl-
ai.t toutes ses fureurs. A la ccré-
iiie du baptême, il refusa d'entrer
m. la chapelle d'une idolâtre :
. (lit ainsi qu'il désignait sa souve-
iiio. SesprocédéscavcrssoM époux,
Kii Henri , étaient si injurieux
il ce prince menaça de quitter
v'osse, si Murray n'eu était éloi-
iv\ Mais nue catastrophe soudaine
iiuhela question : le roi est assas-
. Murray, accusé ouvertement et
justement d'être le chef du com-
i'l, passe en France, accumulant
riait siu- forfait ; et il invente un
m réellement infernal , pour re-
cr sur la reine elle - même le
t'urlre de l'époux qu'elle pleure.
-I pour premier complice de son
;ii ide , le comte de Bothwell : il
-;^ ite à enlever Marie, à la forcer
lui donner sa main ; il fait enfin
illcrla couronne à ses yeux. Mais
I ind le rapt est consommé, quand
iifortunée princesse s'est laissé
aîucr à l'autel , le chef de cet exé-
ible complot se montre à décou-
i;,U ;rt. Tous les seigneurs écossais, qui
sont attachés à la fortune de .Mur-
ly, tournent le dos au trop crédule
othwellàls le contraignent de fuir;
Marie, prisonnière, reçoit l'ordre
s décerner la régence au frère bar-
ire qui a creusé l'abîme sous ses
MUR 46 1
pas. 11 reparaît insolemment devant
sa victime : il l'accable d'oulrdges ,
il lui reproche d'avoir fait ce que
lui-même l'a contraint de faire; il
la mot enfin sous la garde de sa
proj)re mère, qui, fidèle aux ins-
ti uclions de son fils , traitait la fille
légitime de Jacques V comme une
bâtarde et une usurpatrice. Marie
trouve le moyen de briser ses fers;
ses fidèles sujets courent se ranger
sous son étendart. Murray se met
audacieusement à la tête des rebelles,
et force bientôt sa souveraine et sa
sœur à chercher un asile en Angle-
terre. Les ministres d'Elisabeth , et
Elisabeth elle - même , attendaient
leur proie. Depuis long-lemps , l'in-
farae régent était aux gages de la
cruelle rivale de Marie. I! entrete-
nait à sa cour des agents dignes
d'elle et de lui^ et entre autres, Jac-
ques Melvill , secrètement pensionné
par Elisabeth , et dont il ne faut , par
conséquent, lire les Mémoires, qu'a-
vec une extrême défiance. Dès que
la captivité de la reine est bien cons-
tatée , Murray fait jouer , à Édin-
bourg , une exécrable comédie. H
demande vengeance du meurtre du
roi Henri , lui , le premier des meur-
triers de ce prince. Les commissai-
res de Marie ont le courage de ré-
torquer, contre le régent lui-même,
l'accusation de régicide. Effrayé un
instant, il court en Angleterre pour
y plaider sa cause ; elle était déjà
gagnée d'avance. Bientôt, on le vit
revenir en Ecosse , flétri , par un
présent de cinq mille livres ster-
ling , trop faible prix de ses lâches
perfidies. Il en commet à l'instant une
nouvelle , digne de toutes les autres.
Le duc de Norfolk conçoit le projet
d'arracher Marie de sa prison. II
croit ne pouvoir mettre trop de con-
fiance dans l'homme qui a l'honneur
462
MUR
d'être son propre frère; il implore
ses b'jiis ollices : Muii.iy ics lui pro-
met, et il envoie toutes ses lettres à
ilisabellî. Norfolk, en nioiilant sur
l'échafaiid , reconnait quel coiilideut
il a clioisi. Mais il est bientôt venge.
Murray est tué d'un coup d'arqi e-
tuse ( ^3 janvier KÎôg ) , comme il
passait à cheval dans une rne de
Linlifligow , par un mari qu'il avait
oflensc (i). Il ne laissa que deux
filles, et point de fortune , quoiqu'il
eût eu des biens iramei.ses. Ses pro-
fusions et ses complots avaient tout
absnrl é. Le régent d'Ecosse ne fut
pleure que d'E!i>abetli : elle s'écria,
en apprenant sa mort, qu'elle per-
dait l'ami le plus utile qu'elle eût ja-
mais eu. Ce mot seul couvre Mur-
xay d'une éternelle infamie. On peut
consulter, sur sa vie politique, l'un
des six mémoires recueillis par M'".
Clialraers , à la suite delà vie de Ma-
rie Stuart, ( F. l'article de cette rei-
ne, XXV II , 99. ) S — V — s.
MURRAY ( Jacques), prédicant
écossais, né à Dunkeld , en 1702,
fut quelqre temps second prédicateur
d'une congrégation de Westminster :
mais ses idées exaltées et sa tournure
d'esprit romantique n'ayant pu ob-
tenir défaveur, il s'attacha au duc
d'Athol , qui lui donna un asile dans
sa maison; c'est là qu'il composa uu
livre intitulé : Aletheia, ou Sjstème
de vérité- morales , en forme de
lettres, 1 vol. in- 12. 11 mourut à
Londres , en i658. — Un autre Jac-
ques MvRRAY , raiui,stre anglican ,
mort en 1782, possédait un esprit
aussi original, maisplus gai, comme
(l)t'el lionimi ctait Jacques Hamillnn de Bolh-
^ellaush. A| rès avoir tué BluiTfty. il se sauva en
Francr. Coniine U' rrt;enl d'Ecosse était |irolesta)it ,
ou crut apparcmineiil à Paris. qu'HamlIton faisait
Iirtifrssiou de tuer !■ nsles proteslanis, 't on lui pro-
jiosa, dit-on, de tuer Coligui : « Vous pouvez roinp-
» ter sur moi , rcpou*iit-îl , qnand l'amiral m-'aura
tt auuiciuelUiacBloutragéquel'dVoilfiiitlerrgeut. »
1\IUR
on peut en juger par ses Sermon
aux ânes , et ses Lectures aut eyè
ques, où il montre beaucoup d'hu-
meur contre l'épiscopal. On a auss
de lui une Jlisioire des éiçlise:
d' yJn^leterre et d'Ecosse, en 3 vol.
in-8°. , imprimées sans nom d'au-
teur. L.
MURRAY (William). F. Mans
FIELD.
MURRAY ( Adolphe ) , profes-
seur d'auatomie, et médecin du roi
de Suède, né à Stockholm, en i^So
est mort à Upsal, le 5 mai i8o3.
Son père était pasteur de l'église al-
lemande à Stockholm , et lui donna
une éducation très -soignée. Miirray
fit ses études à Upsal, sous les meil-
leurs maîtres, et il soutint une thèsf
ayant pour objet des obserA'ations
anatomiques, qui fixèrent l'attention
du fameux Haller. Ayant entrepris ut
voyage dans l'étranger, il s'arrêta
long-tempsà Florence, yacquitl'és
lime du grand -duc, et lit une étudt
aprofondie de tout ce que le musée
offrait de relatif à l'anatomie. Re-
tourné en Suède, en 1774, il fui
chargé d'enseigner cette science à
l'université d'Upsal ; et il s'acquitta
des devoirs de sa place avec un zèk
infatigable jusqu'à sa mort. Il fit
soutenir un grand nombre de thèses
sur des sujets neufs et intéressants;
et il enrichit de savants mémoires
les recueils de l'académie des scien-
ces de Stockholm et de la société
royale d'Upsal. Murray était membre
de ces deux sociétés savantes, ainsi
que des académies de Berlin et de Flo-
rence. Il avaitdeuxdesesfrères Jean-
Philippe et Jean- André, l'un et l'au-
tre professeurs à Gbltingue, et qui
se sont fait connaître par des recher-
clies historiques et philologiques, et
parla traduction du Voyage de Pierre
Kalm eu allemaud, qu'ils publièienl
MUR
nsociete. — T/aînc' ( Jean-Pliilippe) ,
le à SIeswi;;, i-n \']'ii), mort le ri
anvîcr xr'jO, a Ira luit eu .illiiiianJ
es Obscrv.ilioiis critiques clcNoi'.l-
)erg, sm- l'Histoire de Charles XII
par Vollairc), et d'aiilres ouvrages
uedois , et a public plusieurs eurieu-
es dissertations sur la géographie et
'histoire des pays du nord, dans
es recueils de l'acade'mie de Gottin-
;iie. — Son autre frère, Jean-André
VluRRAY, ne' à Stockholm, le 27
anvier 1740, mort le 22 mai 1791,
?tait prol'esseur de médecine, et di-
ectcur du jardin botanique ( de
jtottingue ). Outre plusieurs traduc-
ions et dissertations, dont on peut
'oir le de'tail dans Meusel, nous ci-
erons de lui : I. Enumeratio libro-
um prœcipuorum medici argiunen-
t, Leipzig, 1773 (1772), iu-S",
^. G. de Halem en donna une ëdi-
ion très-augmente'e , Auricb , 1 792 ,
a-8''. II. Bibliothèque de médecine
>rafi</Me , Goltingue , 1774-81, 12
los. formant 3 vol. in S"^. ( eu alle-
nand). III. ^pparatus medicami-
mm, 1776 1792 , 6 vol. in-8°.j re-
mpriraé en 1793, et dont on a
leux traductions en allemand. L'É-
oge de ces deux frères, par Heyne,
îe trouve dans le recueil de l'acade'-
niede Gbttingue {Comment., t. 10,
;l Novi cornm.j tom. G). C — au.
MUfiTHOG. r. Brien.
MURVILLE (P. N.André , plus
connu depuis sous le nom de ), na-
quit en 1 754, et débuta dans le inou-
ïe littéraire sous le nom d'André
jui était celui de sa famille, et qu'il
abandonna ensuite pour en prendre
un moins commun, et qu'il espérait
illustrer. Il n'avait que dix-neuf ans
lorsqu'il concourut pour le prix de
poésie à l'académie française. Il ne
Tobtiiit point, mais ne se découragea
pas, et fut pcuda^it c[uelqu«$ a(iu««s
MUR 453
l'un des plus obstinés concurrents.
Enfin, eu «77^, le prix fut partagé
ciilrc Miirvillc et Gruct élève de De-
lille (mort peu de temps après ).
Les deux auteurs avaient imité le
même morceau d'Homère. Enivré
de son demi -triomphe , Murville
s'écriait : Si je ne suii pas de l'aca-
démie à trente ans, je me bnile la
cervelle, — Taise z-^u >us , cerveau
brûlé , répondit la célèbre M'I"^. Ar-?
nould, qui fut depuis sa belle-mère.
Murville n'a jamais été de l'académie,
et il a vécu bien au-delà de trente
ans. En 1779, quoique n'ayant mé-
rité que l'accessit, il toucha le mon-
tant du prix. Laharpe, académicien,
avait envoyé au concours, dont le
sujet était l'éloge de Voltaire, un Di-
thyrambe, auquel le prix fut décer-
né. M. d'Argental, qui s'était prêté à
cette infraction au règlement, déclara,
au nom de l'auteur qui voulait rester
anonyme, qu'il renonçait à la mé«
daille, en faveur de celui qui avait
eu l'accessit. En t 785 , un prix fut
donné à Murville par l'académie
française ; c'était celui d'encoura -
gement , fondé par ValbcUe. Le suc-
cès de la comédie intitulée Melcour
et Ferseuil, avait déterminé le suf-
frage de l'académie; etl'auteur cou-
rut quelque temps la carrière drama-»
que, sans perdre de vue l'académie
française et ses lauriers , ou plutôt
sa médaille. Deux de ses pièces fu-
rent l'objet d'une mention honorable
en 1790. Mécontent de ce jugement,
le poète voidut haranguer le pu-
blic pour prouver que l'académie
aurait dû lui adjuger le prix. Ou
ne voulut pas l'entendre; et Mur-
ville, dans la préface qu'il mit à ses
deux opuscules en les faisant impri-
mer, ne craignit pas dédire qu'il ne
tenait qu'àlui à' attaquer l' académ.ia
9n restitution, uiàU qu'il était au-'
464
MUR
dessus de (juatre cents livres (c'était
le montautdes prix, (jiii est aujour-
d'hui de quinze cents francs); et
le prix ayant été remis , il signa-
la d'avance comme un voleur l'hom-
me de lettres qui l'obtiendrait
l'année suivante. L'année suivante,
il ne fut Aucunement mention de
lui à l'académie ; mais il appela
d'une autre manière l'attention du
public. Le 24 décembre 1791, pour
remplacer un acteur malade, il joua
lui même le rôle de Nasser dans sa
traj^édie à' Abdelazis. l'end.mt les
cruerres de la révolution , Murville
*^ . . . *
serviten qualité de capitauie, et com-
posa nue pièce de théàtie en l'hon
neur de la cause qu'il défendait de
son bras. Revenu à Paris , il se livra
tout entier aux lettres, et n'en de. int
pas plus riche. En 1811 , il paya,
comme tant d'autres , son tribut au
rejeton de Napoléon. 11 avait fait
jouer denx pièces sur le théâtre de
rOdéon, en 181 o et en 1812. Le 27
octobre 1812, après la première re-
présentation de son drame d'//e7oi;5e,
il réjouit fort le parterre par les re-
mercînients qu'il lui adressa an mi-
lieu des sifflets, déclarant qu'il re-
connaissait avec une gratide recon-
naissance l'indulgence qu'on avait
eue pour son faible talent. Quelque
temps après, un acteur de ce théâtre,
s'étant permis, dans un de ses rôles,
de parodier Murville, celui-ci, juste-
ment piqué, demanda une réparation
qui lui fut refusée , et se décida à
retirer sa pièce : il n'avait cepen-
dant, pour subsister , que le produit
des représentations. Legouvé avait
e'të l'élève de Murville et l'avait
presque journellement à sa table.
La perte de Legouvé fut d'autant
plus grande pour Murvil'e , qu'il
était d'un appétit extraordinaire ; il
ne pouvait le satisfaire tous les jours.
MUR
Enfin, après avoir ce'lébréla restau-
ration , il est mort dans la misère , à
la (in de décembre 1814, ou au com-
mencement de janvier 181 5. On a de
lui : L Epitre d'un jeune poète à un
jeune ^uerrer, i773,in-8°. 11. Les
Bienfaits de la nuit, ode, 1774»
in-iu.in. Epit'esui les avantages
des j'tmmes de trente ans , 1775 ,
in-8". ; ces trois pièces ont concouru
pour le prix de l'académie française.
IV. Les Adieux d' Hector et d' An-
dromaque , par MM. Giuet et Mur-
ville, pièces ijui ont parlagé le prix,
1776, in-8°. V. \j Amant de Julie
d'Èlange , ou E/ître d' Htrmoiime
à son ami, 1776, in-S". VL Ej itre
à Voltaire, pièce qui a obtenu lac-
cessit del'ùcadéinie française, 1779,
in-8°. VII. Les Rendez-vous du ma-
ri, ou le Mari à la mode, comédie
en un acte et en vers, 178a, in -8°.
Le sujet était pris dans le conte de
Chamfort. intitulé, ]e Bendez-vous
inutile. VIII. Melcour et rerseuil^
comédie en un acte et en vers , 1 783,
in-8°. Une aventure de Mll'^.Arnonld,
belle mère de l'auteur, en avait four-
ni le sujet ( F. la Correspondance
de Grimm, tome xiv, page •27':).
IX. Lainval et Fivianne, ou les
Fées et les chevaliers , comédie hé-
roï-féerie , en cinq actes et en vers ,
1788, in-8 '. Le fond était tiré d'un
ancien fabliau. Ce ne fut qu'avec bien
delà peine que la pièce alla jusqu'à
la dixième représentation, X. Le
Pajsage du Pcuisin , ou Mes il-
lusions , épîlre à M. de Bounieii ,
et Dioclélien à Salone , ou Dia-
logue en vers , entre Dioclétien et
Maximitn, pièces mentionnées ho-
norablement par l'académie, «790,
in-8''., 1791 , in-8°. XI. Ahdelazis
et Zuleima, tragédie en cinq actes
et en vers, i 791 , in-8'\ La f ble que
l'auteur débita le jour qu'il y joua un
MUR
vûle, est ixnpiiinc'e dans le Journal
de Paris du .iW dcccnibrc 1 70 1 . u-Jb-
delazis a efe nmis au théâtre, en
1807, mais n'y est pas resté. XII.
Euinèiie et Codrus , ou la Liberté
de ThèbdSytr3i^é(\[c républicaine, en
trois actes et en vers, Bordeaux, an
III , iii-8<'. XIII. Les Saisons sous
la zone tempérée , poème en tpiatrc
chants ( et en vers libres ) , Ba'ionnc,
in-8'*. , sans date, mais de 1796 ou
environ. C'est probablement cet ou-
vrage qu'il reproduisit sous le titre
de l'Année champêlre , poème en
quatre chants et en vers libres, suivi
de Poésies diverses, 1807, in -8''.
XIV, Ode sur le prochain accoU'
chement de S. M. l'impératrice ,
181 1, iii-S-'. , et dans V Appendice
aux hommages poétiques. XV. Hé-
Idise, drame en trois actes et en
vers, 181 ■^, in-S**. XVI. Les Infi-
niment-petits, ou Précis anecdoti-
que des événements qui se sont pas-
sés au théâtre de V Odéon , les l'i et
29 novembre 18 ri, ou Détails sur
les vices d' administration de ce
théâtre , qui sont cause de tous ces
désordres, i8i3, in- 8». XVU. La
Paix de Louis XVIII, ode, 1814,
in-S". Murville avait fait jouer, le
II février 1790, sur le Théâtre
français , une comédie épisodique
Qiclée de chants et de danses , inti-
tulée \*i Souper magique, ou les Deux
ùècles ; en 1798, sur le Théâtre de
a République , le Huila de Samnr-
:ande , comédie en cinq actes et en
vers; et en 1810, à l'Odéon, Vln-
'érieur de la comédie. Aucune de
;;cs trois pièces n'est imprimée. Qucl-
;jues années avant sa mort, il avait
lu, à l'Athénée de P;;ris, une autre
:oraédie intitulée, les Journalistes ,
pi n'a été ni représentée ni impri-
mée. Si l'on en croit Laharpe [Cor-
respondance littéraire , tome V. p.
XXX.
ML'S 465
3 1 o), Murvilleest auteur de V Amour
exilé des deux, coiuédie imprimée
sous le nom de M'"'^. Duficsnoi. Il
a coopéré au Courrier Ijrique et
amusant, ou Passe-temps des toi-
lettes , publié par cette dame, en
178G et 1787. Les Almanachs des
Muses et autres recueils contiennent
aussi des pièces de Murvdle. A. B-t.
MUSA ( Antomus ) , célèbre mé-
decin, était, suivant l'opinion com-
mune, un allranchi de la famille
Pomponia, dont il yarda le surnom.
D'autres prétendent qu'il était d'ori-
gine grecque , et que son père se nom-
mait lasus. Pline parle d'un frère de
Musa, nommé Euphorbe, médecin
de Juba, roi de Mauritanie; et il
ajoutequ'une plante, dontilavait dé-
couvert les propriétés, reçut de ce
prince lenom cV Euphorbia^liv. xxv
ch. 7 ).Musaavait reçu uneéducation
très-distinguée. 11 étudia la médecine
pour soulager son père , accablé d'in-
firmités; et il fit de grands progrès
dans cet art. Auguste, touniunté
d'une maladie au foie, contrelaquclle
avait échoué tout l'art des médecins
manda Musa, qui lui prescrivit un
trailement contraire à celui qu'on
avait employé jusqu'alors. Il suppri-
ma les fomentations, et les remplaça
par des bains froids et des boissons ra-
fraîchissantes. Ce moyen lui réussit;
et l'empereur recouvra promptement
la santé. Auguste reconnaissant com-
bla Musa de richesses , et lui accorda le
droit de porter un anneau d'or, privilè-
ge réservé aux personnes de l'ordre
des chevaliers. Musa ne fut pas tou-
jours aussi heureux daus sa pratique;
et l'usage des bains froids, qui avait
sauvé Auguste, hâta, ou du niuins
ne put empêcher la mort de Marcei-
lus. Mais comme on soupç .ma le
jeune prince d'avoir été empoison-
né, cet accident ne nuisit point à la
00
466
MUS
réputation du mëdecin. 11 avait aussi
la 'juiinaiice d'Horace, auquel il con-
seilla de renoncer aux baiiis de Baies
(liv. i^""-, epîtrc 1 5 ;;ct ii était l'a-
mi intime de Virgile. Alterbmy ,
évêquc de Rocliester, prétend que
c'est Musa que le poète a célébré ,
dans le douzième livre de l'/i-
jiéide, sous le nom de Japis. Il a éta-
bli ce sentiment, dans une curieuse
Dissertation, imprimée à Londres,
en 1740, in-8^. , et dont on lit
un Extrait à la suite de la traduc-
tion de VÉjiéide,])air l'abbé Dcst'on-
laines. 11 paraît que Musa avait lais-
sé des observations sur les proprié-
lés médicales de quelques plantes ,
du cloporte et de la vipère ( Pline,
liv. XXIX, cb. 6). On lui attribue
un petit Traité de la létoine, pu-
blié par Hnmelberg, avec des notes;
mais d'autres critiques donnent cet
ouvrage à Apulée , et on le trouve
dans plusieurs éditions du traité
qu'on a sous son nom , Des venus
des plantes. Les fragments qui nous
restent de Musa ont été publiés à part
par F!orianoCaldani,Bassano, 1800,
ia-8°. L' InstriiCtio ad Mœcenateni
suum de bond valetudine conservaU'
dd, qui lui est attribuée , avait paru
à Nuremberg, i538, in-S"., par les
.soins de Fr. Emeric de Troppau. Ou
a lieu de penser que les talents de
jMusa ne se bornaient pas à la méde-
cine. Virgile loue son esprit et son
goût, dans une jolie épigrammc, où
il ajoute que Musa a été comblé de
toutes les faveurs d'Apollon et des
Muses (Voj. Fir^il. Catalecla). Le
peuple romain lui avait érigé une sta-
tue dans le temple d'Esculapc, après
le rétablissement d'Auguste; et ce fut
h. sa considération que les médecins
furent exempts à ])erpétuité de toute
espèce d'impôts. Dan. Lcclerc a con-
Sitcré un chapitre iutércssantà ]Musa,
MUS
dans son Histoire de la médecine.
{F. la Dissertation du professeur J,
G. G. Ackermann . De yJnl. AJiisd ,
et lihris qui ilU adscribunlur, All-
dorf, 1786, in -4''., et dans i-vM
Opuscules , Nuremberg, 1707» i"-
8". ) W— s.
IMUSAEUS. F. Musée.
MUSyEUS ( Jean-Ckarles Au-
GusTE ), littérateur allemand , na-
quit à léna, en i'y35. Son ])ère, ju-
ge dans cette ville, fut appelé , peu
de temps après , à des fonctions su-
périeures à Eisenach. Le jemie Mu-
sa?us y gagna l'allèction du surinleu-
daat ecclésiastique, Weissenborn ,
son parent, qui commença son édu-
cation. Il passa quatre ans et demi à
léna , se livrant aux études théologi-
ques , et retourna ensuite à Eisenach ,
eomjiie ministre, s'y exerçant à la
prédication , où il obtint même des
succès. Il fut, au bout de quelque
temps , nommé pasteur ; mais les
paysans ne voulurent i)as lerecevoir ,
parce qu'ils se souvenaient de l'a-
voir vu danser. Obligé de se créer
d'autres ressources, il se lança dans
la carrière littéraire , et débuta par un
roman , en forme de lettres , intitulé :
Grandison der zweite ( Le second
Grandisson, etc. ), Eisenach, 1760-
Gii, 3 vol. in-8°. Ce n'est point la
critique du roman de Richardson ,
mais celle de toutes les caricatures
que produisait dans le monde réel
la fureur de l'imitation. Les qualités
qui firent plus tard la réputation de
l'auteur, s'y trouvaient déjà dans un
degré assez éminent : néanmoins ii
ne dut sa vogue en Allemagne, qu'à
la deuxième édition ; celle-ci fut pu-
bhéeen 'j. voL, sous le litre de Dej
deutsclie Grfi7?Jj,$07z (LeGrandissor
allemand ) , ibid., 1781 , à la solli-
citation du libraire , témoin du suc-
cès (i(:s Voja'j^es phjsiognoinicjues
MUS
L'ouvrage merilu inèinn d'ctrc com-
pare au romau si célèbre eu Allc-
luagiic , de Siegfried de Linden-
berg. Miisœiis fut, en 1768 , nom-
me précepteur des pages du duc de
Saxe-VVeiniar , et, sept ans plus
tard , professeur au gymnase de
VVeimar. Mais les appointemeuls
de ces deux places ne pouvant suf-
fire à reulrelieii de sa famille , il se
détermina à donner des leçons par-
ticulières , et à piendre des pension-
naires. Il publia successivement les
ouvrages suivants : II. Vas Gartner
màdchen ( La jardinière ) , opera-
comique en 3 actes , joue à Leipzig,
et imprimé à Weimar, en i77i,in-
8"*. C'est une imitation de la Jardi-
nière de Fincennes. III. Physio-
gnoinische Reisen (Voyages physio-
guomiques ) , 4 vol. iu-S»^., Altcn-
bourg, ï 778-9; •1'^. e'dit. , 4 vol. iu-
8»., ibid., 1781; 3^ ëdit., ibicl.,
1781. L'ouvrage de Lavater sur la
Pliysionomie , avait paru quelques
années auparavant : on sait queleiFet
il produisit en Europe. Il eut en Al-
lemagne beaucoup d'enthousiastes.
Musœus conçut l'idée d'attaquer par
le ridicule cette admiration irrèfle'-
cliie, qui pouvait avoir d'autres in-
convénients que celui de déranger
quelques cerveaux. L'ar.teur voyage
pour visiter ses co-réligionuaires ,
augmenter le nombre des adeptes , et
agrandir le domaine de la Phjsioi^-
nomiqiie. Ou devine que les juge-
ments qu'il porte sur le caractère et
les dispositions des individus qu'il
rencontre, sont fondés sur les bases
et les calculs de celte science des
sciences ; et l'on doit s'attendre à des
méprises fort amusantes. Nous cite-
rons seulement celle qui a lieu à l'é-
gard d'un personnage mystérieux ,
qu'il trouve dans un café , et qui ,
l'après son profii , l'expression de
MUS 3^7
sa pliysionomie, sou maintien, ses
gestes , et jusqu'à l'Iiabitude de tenir
la tète élevé*! en fiunant , lui paraît
ne pouvoir être que le sublime Kl op-
stock, et qui est tout simplement lui
garde de nuit ( Nachtwcvchter ).
Mais comme la science ne peut èti c
tout-à-fait eu défaut, il se donne
beaucoup de peine pour persuader
au faux Klopstock , que s'il n'est pas
ce grand poète, il est du moins un
être supérieur. Cette production ,
où l'on trouve des longueurs et beau-
coup d'allusions locales, qui main-
tenant en rendent parfois la lec-
ture un peu fatigante , est remar-
quable par une grande simplici-
té, relevée par des traits spiri-
tuels, des critiques fines des liom-
jnes , des mœurs et des institutions ,
dans lesquelles les savants eux-mê-
mes sojil loin d'être épargnés ] une
morale exccllciite, une grande tolé-
rance; culin une bonhomie assai-
sonnée de beaucoup de gaîté , et qui
rappelle un peu le Vicar of fFake-
jield. Musœus, mauvais juge de son
mérite littéraire, fit paraître son ou-
vrage sans nom d'auteur, le lançant
dansleiniblic, pour ainsi dire, com-
me un essai. Le succès surpassa ses
espérances : les Forçages pkysio-
pioMiiques furent lus avec avidité.
L'on apprit avec étonnemcnt qu'ils
étaient l'ouvrage d'un professeur de
gymnase; et les savants illustres qui
habitaient Wciinar, furent tout sur-
pris de n'avoir pas su deviner un ta-
lent aussi distingué. Cet ouvrage
contribua beaucoup à la fortune du
libraire. Musjeus eu avait retiré tout
au plus un soulagement momenta-
né : chéri du public, il eut peu à se
louer de la fortune. Ces Foyû^:es
ont été traduits en anglais par Aune
Piumptre, Londi'es, 1800, 3 vol.
ia-ï'2 : la traduction est précédée d«
405
MUS
la Notice (le Kotzcbuc, Aux foyages
succcclèicnt : IV. ff^olksincilirchen
der Deutsche» {Cou[cs popuLiires ),
5 vol, in-8*^.,Gollia, i78'2;6voI.,
9,*'. cdit. , ibid. , 1787; 8 vol., 3*^.
édition , par Wiclaud, ibid. , 1806.
Cet onvrafçe ajouta beaucoup à la rc'-
putalion de Musieus. La vogue du pré-
cèdent ne pouvait que diminuer avec
l'enthousiasme croissant, excité par
Lavater. Celui-ci était un ouvrage na-
tional, qui convenait à tous les temps
et à tous les âges : il s'est donc sou-
tenu, et trouve encore des lecteurs
en Allemagne. Musœus n'a fait, dans
presque tous ses Contes , que prêter
son style aux. récits qu'il tenait sou-
vent lies bouches les plus simples. Il
rassemblait chez lui de vieilles fem-
mes du peuple, qui venaient s'y éta-
blir avec leurs rouets , et passaient
la soirée à raconter. Il faisait venir
des enfants , et leur donnait une piè-
ce de deux sous ( drejer ) pour
chaque histoire. Enfin, on raconte
qu'un jour , sa femme , en rentrant
chez elle, trouva sa chambre pleine
de fumée , et découvrit , au milieu du
nuage, son mari assis à côté d'un
vieux soldat , qui fumait à l'envi
avec lui , et lui racontait des his-
toires. V. Freund Heins Erschei-
nuns.sn, etc. ( Apparitions de l'a-
mi Hein ) , sous le nom supposé de
Schellenberg , Winterihur , 1785,
in-8°. , avec a4 fig. Cette expression
de freimd Hein, ou plutôt Hain ,
était empruntée d'Asmus (i). Les
gravures représentent, et l'auleur dé-
crit des scènes variées de la vie pri-
vée, dans laquelle l'acteur ou les
acteurs sont surpris par la mort.
(1) Nom sous lequL'l s'est tait coiiuHitre , par ses
«ciitsiiopulaires,niatliio5 Cl.AUDIUS, reviseur delà
banque d'Altonn , np eu i;4^ . luiirt ù Hambouig , le
ai iaavii-r i8i5, (ladiiotcur du Tableau rf« Pi,,is ,
ttii iivre Ves cireurs et Je Ca vérité , etc.
MtJS
Plusieurs sont imités de la fameuse
Danse des morts de Holbeiu. Les
explications sont en vers , en prose
mêlée de vers ; une est toute entière
m prose- Ce sont plutôt des ré-
flexions morales que des récits. VI.
Straiissf edern[Pluines d' autruche) ^
7 vol. in-8''., Berlin et Stettin, 1 787-
1797. C'est un recueil de petits ro-
mans et de contes ; mais le premier
volume seul est de lui. VII. Mora-
lische Kiiider-Klapper ^ un vol. in-
8"., publié après la mort de l'au-
teur, par Bertuch , Gotha , 1788 ;
1^. édit. . ibid, , 1 794. C'est une imi-
tation des Hochets moraux de Mon-
get. Musosus laissa ces deux ouvra-
ges imparfaits , et mourut le '28 oc-
tobre 1 788, d'un polype au cœur. On
a aussi de lui un petit opéra en un
acte : Die vier StuJ'en des menschli-
chen Alters ( Les quatre âges de
V homme)', et il a inséré plusieurs cri-
tiques, dans la Biblioth. allemande
universelle , à partir du second vo-
lume. Ses articles contribuèrent beau-
coup à bannir des romans allemands
ce ton sentimental et ce faux pathé-
tique qui s'y étaient montrés de nou-
veau. Il fut aussi l'un des collabora-
teurs de la Gazette de Gottiugue. Des
OEuvres puithumes furent publiées
en un vol, in-8'\, Leipz-g, 1791 ,
par son neveu , le célèbre et mal-
heureux Kotzebue, qui y joignit des
détails fort touchants sur la vie et
les habitudes de Musa^us, et une
oraison funèbre, courte, mais pleine
d'intérêt, par Hevder. Ce recueil se
compose de morceaux en prose et
en vers, de vers de circonstance,
etc., dont plusieurs sont adressés à,
sa femme. Piesque tous se distin-
guent , comme ses autres ouvrages,
par une ironie souvent piquante, et
xm abandon qui est quelquefois de
la négligence, enfin parla bienvcil-
MUS
lance la plus constante et la ]>liis
naturelle. Celte dernière qualité l'ac-
compagnait dans toutes les circons-
tances de sa vie , et dans tous ses
rapports avec les autres hommes,
à quelque classe qu'ils appartinssent.
Toutes se ro'nnissaient pour rendre
sa société extrêmement attachante.
Personne n'avait comme lui le don
d'égayer une assemblée pendant des
Leurcs entières ; et plusieurs habi-
tants de Weimar conservent encore
le souvenir du charme qu'il répan-
dait autour de lui. D — u.
MUSGHKNIiROECK Voy. Mus-
SCHENBROE! .
MUSCU,.US ( WOLFGANG ) , hé-
braisantet théologien protestant, na-
quit, en i4<)7,à Dicuze en Lorraine:
son nom de famille était Môscl ou
Moesel; mais il le latinisa suivant
l'usage des érudits de ce temps-là.
Doué des plus heureuses dispositions
et Lrûlantdu désir de s'instruire, il
se vit, dès son enfance, forcé de men-
dier son pain en chantant de porte
en porte, parce que son père , pau-
vre tonnelier , n'avait pas le moyen
de fournir à sa subsistance durant
ses études. A quinze ans il entra chez
les bénédictins de l'abbaye de Lut-
zelstein , et y fit profession. Ayant
e'té ordonné prêtre , il exerça le mi-
nistère de la prédication avec beau-
coup d'éclat. Il lut avec avidité les
e'crits de Luther, qui circulaient par-
tent, et qui trouvaient des partisans
jusque dans le cloître. La doctrine
du réformateur le séduisit. Il ne se
contenta pas de l'embrasser ; il la
défendit en toute rencontre, et la ré-
pandit parmi ses confrères. L'estime
que l'on avait pour lui, le lit élire
prieur de son couvent; mais, voulant
être plus indépendant,, il refusa cette
charge. En i527, '' quitta le froc,
pour se retirer à Strasbourg , et se
MUS 469
mariera l'exemple des autres prêtres
réformes. Ces piemicrs temps fu-
rent pénibles pour lui. Réduit à la
plus a H'reuse misère, il contraignit
sa femme deservirchez un ministre,
et se réfugia chez un tisserand pour
apprendre son métier. Chassé de
cette maison , il était résolu de tra-
vailler , comme manœuvre, aux for-
tifications pour gagner sa vie, quand
les magistrats le destinèrent à ensei-
gner le catéchisme, tous les diman-
ches seulement , dans le village de
Dorlisheim. Il employait le reste de
la semaine à copier les ouvrages de
Bucer , et à étudier la langue hébraï-
que, dans laquelle il se rendit assez
habile. Après quelques traverses
qu'il essuya , il fut élu diacre de
l'église réformée de Strasbourg, et
en remplit les fonctions pendant
deux ans. En i53i , il vint à Augs-
bourg, et fut fait ministre. Bayle ra-
conte avec complaisance les combats
qu'il soutint contre les papistes et
les anabaptistes , et les victoires qu'il
remporta sur les premiers, malgré
leur résistance et leurs persécutions.
Musculus assista, en i536, à l'as-
semblée de Wittembcrg , et y signa
le formulaire d'union entre les égli-
ses de la haute et de la basse ^Al-
lemagne , sur l'article de l'Eucha-
ristie ( F. Abraham Puichat, IJist.
de la Ré formation de la Suisse ,
livre xiii ) ( I )• En î 540, il fut député,
par le sénat d'Augsbourg aux con-
férences qui se tinrent à Worms en-
tre les catholiques et les protestants,
et à celle de Ratisbonne. En i54ï ,
il rédigea les actes de la dispute en-
tre Eccius etMélanchlhon. Eu i544,
il organisa la réforme à Donawert ,
et y donna des preuves d'une grande
^1) Bavle , Ditl. Iiist. (rit. , au mot Afiisfii/«.«r
Kote G , tait des rtlleiions Irès-piquaiilcs jur ït
cuQcordat cl lur la conduite de Miiicukus.
470 MUS
facilite pour le talent de la parole.
Gepcndaiit ces diverses occiij)ution«
ne rabsorbaient pas tcllerarnt qu'il
ix; pût apprendre l'arabe et le grec.
Eu 1548 , il refusa d'adhérer à
Yinlériiii de (jliarlcs-Qiiiut, et sortit
d'Augsbourg. 11 erra ipielrpie temps
on Suisse avec sa femme et ses huit
enfants ; mais enfin le sénat de Berne
lui ayant ollert une chaire de théo-
logie dans celte ville, il l'accepta,
et l;t remplit avec beaucoup de zèle
et d'exactitude. Il ne voulut point
joindre à sa place celle de pasteur ,
ni passer dans des royaumes etran-
gei's , maigre les avantages qui
luie'taient proposes, par reconnais-
sauce pour la ville de Berne, quil'a-
\'ait si honorablement accueilli. Il
mourut le 3o août i563. Le père
le Courayer Ayante son habileté et
sa modération, son savoir dans les
langues , la réjiutalion avec laquelle
il exerça le ministère, et la considé-
ration dont il jouissait dans son pos-
te ( Histoire de la Réformation ,
tome II, page 1 1 •j, note). L'historien
de Tliou n'en parle pas avec moins
d'éloges. Wolfgang Musculus a com-
])Osé un grand nombre d'ouvrages
qui ont perdu leur utilité et qu'on ne
lit plus depuis long-temps , suivant
la remarque de Baylc. On en trouve
la liste dans les Eloges des savants,
tirés de l'Histoii'e de Thon , par
Teissicr, tome i*"''. , et dans V Epilome
biblioth. dcGesner, etc. Voici les
principaux : I. Commentarii in
Genesim , Bâle, i557 , 1600, in-fol.
II. Enarrationes in tolum Psalte-
rium , Bàle , i55o , in-fol. Ce com-
mentaire, dédié aux magistrats de
Berne , a coîité à Musculus vingt ans
de travail , d'après l'aveu qu'il en
fait dans sa préface. Il montre dans
tout sou ouvrage , dit Richard Si-
mon , plus de modestie et même plus
MUS
de rcspcrl pour l'antiquité, que la
plupart des auteurs protestants; et ,
bien (ju'il ait fait une nouvelle tra-
duction des Psaumes sur l'hébreu,
il lâche néanmoins de s'éloigner le
inoins qu'il lui est possible de l'an-
cien interprète latin I^a méthode
qu'il a suivie est assez exacte On
peut dire qu'il a connu la véritable
manière d'expliquer l'Écriture. Mais
il n'a pas eu tous les secours néces-
saires pour y réussir complètement,
parce qu^il n'était pas assez exercé
dans l'étude des langues et de la cri-
tique {Uist. critique du Vieux-Tes-
tament, page 438 ). III. Commen-
tarii in Hfatthœum , Bàle, i54i et
i544? 3 tomes faisant i vol. in-fol.
Ce commentaire fut suivi d'un autre
sur S. Jean, i553;surrépître de S.
Paul aux Romains, i555j sur les
Épîtres aux Corinthiens, iSSp ; sur
les Épîtres aux Galates , auxEphé' •
siens, i56i; sur les Épîtres aux
Philippiens , aux Colossiens , etc.
Ces divers commentaires ont eu
plusieurs éditions. « Musculus, dit
» encore R. Simon, est plus théolo-
V gien qu'interprète; et il se jette
•» aussi sur des leçons de morale....
» Il rapporte , sur les endroits les
» plus embarrassés, les explications
» des anciens commentateurs, et il
» n'est pas de lui-même fort décisif»
( Hist. Crit. du N. T. page 750 ).
IV. De Missd papisticd. Ce sont
deux discours prononcés à Ralisbon-
ne,en i54i , imprimés à Wittem-
berg , et ensuite à Augsbourg avec
des aidilions surîes abus de lamesse.
Cochlasus écrivit contre cet ouvrage,
en i544; ^^ 1"i donna lieu à la ré-
ponse suivante : V. Anti-Cochlœus
primas , adversàs lihellum Joannis
Cochlœi pro sacerdotii ac sacrijicii
novœ legis defensione editum, Augs-
bourg, 1544? c" ^'^fi" ^t ^'" *''*" ■
MUS
inanJ ( Voy. les Anti de Ijaillct ).
VI. Prolh'sis ,- liccal-ne honiini
chiisliano , cvan^elicv ductnnœ
gnaro , papislicis supcrstitionihns
ac j'ulsis cultibus exlenui societale
coinmunicare , Malugi ly , in-.f". ,
lîâlc , 1 5\(.) ; traduit t-u fiyaçais ,
par PouUam, Londres, i55o. Mus-
culus , tolérant envers tous les sec-
taires, ne l'a jamais c'ieenvers les c;\-
tlioliques.VIl./voacommM7i<?.y,Bâle,
1 554 et 1 5(jû. Si l'on s'en rapnorte à
Baylc, cet ouviage coûta dix ans
de travail à Musc.ilns. C'est au su-
jet des Lieux coinvwiis , (jue Verhei-
dcn , se jouant sur son nom , a dit
que Musculiis n'était pas de ces rats
ni de ces souriceaux allâmes (jui crai-
gnait les chats , mais de ceux, qui
font peur aux chats. VJII. Eusebii
de rébus ecclcsiaslicis lib. x, sr. et
lat.; Socratis ecclesiastici histnrio-
graphi,Ub. vii,^r. lat., lîàlc, i54o,
iu-ful, IX. Foljbii libri qninque
cuin duodecim epitomls. Il donna
une foule de traductions des Pères
de l'Eglise, où l'on remarque assez
de clarté, suivant Huet et Ellics
Dupin, mais pas assez de connais-
sance de la lauguegrccqne. IMclchior
Adam lui a consacre' un article assez
long dans ses fies des théologiens
allemands : l'article de Biylc n'eu
est guère que la traduction. Moreri et
les autres biographes disent peu de
chose sur Musculus. L — b — e.
MUSLE , est le nom de divers
personnages plus ou moins ce'lèbres
dans la Grèce et ailleurs. Le plus an-
cien de tous , celui que Virgile place
dans l'Élysèe ( Énéid. , vi, v. 067 ),
à la tète des poètes qui ont lait de
leurs talents un usage digne d'Apol-
lon , était Athénien (i) , et (ils , dit-
(i) Pausaiiias, dnus ses Alliques, prélend que le
Httuaum d'Albèicjc emprimte sl'D «o» ■io i>oète
MUS 4: t
on , du second Eumolpc et de Selcne.
L'on n'a rien de précis sur 1 épo-
que de sa naissance , que l'on place
i3ou i4'>o ans av. J.-C; et son èpita-
phe, rapportée par Diogène Lacrce,
a j)prcn(l qu'il mourulet icçulta sépuN
turc à Phalère. Ceux qui, comme
Platon , Diodore de Sicile etd'aulios ,
lui donnent l'ancien Orphée pour
père, se sont fondés, sans doute, sur
l'exacte confoîuiilé de ses doctrines
religieuses avec celles du poète-phi-
losophe qui , le premier , consacra le
bel art ci'j î-i poésie au développe-
ment des véiitt's fondamentales de
Tordre cl de la société. En ciTet, tons
les ouvrages que citent de Musée ,
IJérodote , Pausanias , Philoslrate ,
semblent avoir eu suitout pour objet
le perfectionnement de l'homme mo-
ral. Ce sont les Préceptes , adressés
à son fils Eumolpe ; un Hjmne en
l'honneur de Céres ; la Théogonie^
la Titunographie , ou guerre des
Géants ; un poème sur la Sphère ;
les Mystères , ou les Furifcalions.
Une erreur , que le nom de .(ul.-Cés.
Soaligcr était bien capable d'accrédi-
ter , attribua quelque tc^mps à Musée
rAtliéuien , le petit pucme de Héro
et Léandre. Si l'on en croit ce grand
arbitre des destinées classiques des
Grecs et des Latins , le style de l'écri-
vain, (pi'il suppose toujours le prâlé-
cesseur et le modèle d'Homère, l'em-
porterait de beaucoup, quant à la pu-
reté etrclc'gdnce poétique, sur celui
du cbantre d'Achille et d'Ulysse. Ce
qu'il y a de fâcheux pour Ini.c'est que
lcsversmèmequ'ilcilc(Poef/(7î<eJiv.
V, cliap. a ) à l'appui de son opinion
paradoxale , sont la meilleure réfu-
tation de son hypothèse , et paraî-
traient au contraire admirablement
et qui .
eiitcrrc.
venait V roinpo-îcr NC5 hvniii -s reli;; rnx
vant k'iusme auteur , y mourut et y tu
choisis pour établir le contrasle
frappant de l'ancienne et de la nou-
velle école , où la recherche et raffec-
tation avaient remplace la belle et
noble sim plicilc d'iîonière. Ce n'est
pas que l'auteur de Héro et Léan-
dre , quel qu'il soit , manque de
mérite : il y a de lintcret dans son
plan; de la grâce et de la vigueur
lour-à-tour dans ses tableaux; et,
dans son style, une harmonieuse
flexibilité. Mais eu vain cherche-
rait-on en lui cette vérité de senti-
ments , qui donne tant de prix aux
productions des anciens; et cette
heureuse unité dedictiou, le premier
mérite , mais la plus grande diffi-
culté peut-être de l'art d'écrire. On
s'aperçoit , en un mot , qu'il écrivait
dans un siècle déjà insensible aux
beautés simples et vraies de la na-
ture, et passionnément épris du mer-
veilleux et de l'extraordinaire. L'un
des plus récents et sans contredit des
plus heureux interprètes de Musée,
M. Hcinrich , prenant un juste mi-
lieu entre ceux qui placent ce poète
avant Ovide, dans l'ordre des temps,
et ceux qui le font naître au trei-
zième et même au quatorzième sié-
cledenotrecre, luicrcitpoiivoirassi-
gncr pour époque, celle du deuxième
au quatrième siècle : opinion qui a
pour elle la vraisemblance, et l'au-
toriléde Casaubon , de Heinsius , de
Tannegui-Lelevre , et du célèbre
Hcyue. Peu de livres ont été plus
souvent réimprimés, commentés,
traduits ou imités, que le petit poè-
me de Musée. Il parut pour la pre-
mière fois à Venise , sans date, mais
dans le cours de \!^^!\',ci c'est l'un
des premiers ouvrages sortis des
presses que les Aides ont rendues
si célèbres. L'o'ditioii sans date et
toute grecque de Gilles Gourraont, à
Paris, qui est du coraniencement
MUS
de l'année i5o7 , semble être le
premier essai du caractère grec en
France ( i ). Les nombreuses éditions
des seizième et dix-sep'ième siècles
ne présentant rien de li ès-remarqua-
ble , par rapport à la critique ou
à l'interprétation du texte, nous pas-
serons immédiatement à celles qu'ont
plus récemment publiées Kromayer,
Halle, 17'ii, in-8°. , qui offre un
choix judicieux dans les notes des
précéder.ts commentateurs, et quel-
ques amciitrations du texte, qui est
celui de Henri Estienne ; Math. Roe-
ver, Leyde, 1737, in-8°. , avec les
principales variantes , et des ob-
servations critiques ; Joh. Schrae-
der , Leuwarde, 174'-* ? in-8°. ; C.
F, Heinrich , Hanovre 1793, petit
in-8^.;L.H.Teuch(r, Halle, 1801,
in-8°. , édition bien inférieure à la
précédente, regardée à juste titre
comme la meilleure de Musée, et'
comme un modèle de cette sage pré-
cision que n'ont pas toujours connue
les commentateurs allemands. Musée
a fourni à notre Gentil Bernard le
sujet et les principaux détails de son
poème de Phrosine et Mélidore ; à
Lefranc de Pompignan, une tragédie
lyrique eu cinq actes. Il a été traduit,
en vers français, par Clém. Marot ;
par M. Mollevaut, Paris, i8o;j!, avec
le texte en regard; deuxième édition
en i8i(3, avec des changements, qui
en font presque un nouvel ouvrage.
M. Demie Baron a publié, en 1806,
un poèinc eu quatre chants , imité
plutôt que traduit chi poète grec ^
et deux de nos savants hellénistes ,
La Porte du Tlied (1784), et M.
Gail (1796) , l'ont traduit et publié
en prose : ils avaient été devancés, en
1 774 , par Moutonnet-Clairfoiis. —
ril Voy(ile3I^oneldullbialre,3e. edit.,H,53;,
«t lâitirlè G0DRM0>'D.
MUS
On compte encore iiiiMusKEjthchain,
poêle lyrique , qui florissait long-
temps avant la guerre de Troie ; un
autre d'EfiJièse , auteur d'une volu-
minenisc e|)opec , inlituice La Per-
séide; et enfin un poète latin , con-
temporain de Ma. liai, qu'il rè ci-
tait par l'obscenitc de ses écrits.
Voyez l'épigramme 97 du livre xii.
A_D— R.
MUSGRAVt: ( Guillaume ) ,
médecin et antiquaire anglais , ué
en 1657, "^ Cliarltou - Musgrave ,
dans le comté de Somraerset, se
distingua d'abord par ses connais-
sances en médecine et en physi-
que , qui lui ouvrirent l'entrée de la
société royale, dont il devint secré-
taire en 1684, '^^ *^^^'*^ du collège
des médecins de Londres. En 1691,
il vint se fixer à Escter, où il exerça
long -temps sa profession avec suc-
cès. Lorsque sa réputation comme
médecin fut bien établie , il s'occu-
pa plus particulièrement de l'étude
des antiquités, où il s'acquit une éga-
le considération. Musgrave mourut
le 23 décembre \']'ii. Voici les
titres de ses écrits : L De arthritide
symptomadcd Disserlatio , Oxford,
i-yoS, in-8''. II. De arthiitide ano-
mald sive interna Dissenatio ,
ibid,, 1707 , inS». IIL Julii Fi-
talis epitaphium , cwn commenta-
rio , Éxeter , 1 7 1 1 , iu-8*'. IV. De
legionibus epistola. V. De aquilis
romanis epistola, 17 i3 , in - 8°.
VI. Inscriptio Tanaconensis , cum
commentariK VII. Geta britanni-
cus : accedit domûs Severianœ sj-
nopsis chronologica, et de Icunculd
quondam M. régis Alfridi Disser-
*af 10 , Exeter , 1716, in-8<'., fig.
La première partie , intitulée : Jidii
Capitolini Anto7iinus Geta avait pa-
ru séparément ( ibid., i7i4,in-8°.) ,
et contient le texte de Capitolin sm*
MUS 473
Gela , avec les notes de Casaubon ,
de Saumaise, de (îruler, et celles
de l'auteur. La dernière partie, of-
frant l'explication de divers monu-
ments, est curieuse, mais un peu sys-
tématique. VIII. Belgium Britan-
nicum, in quo illius limites , fluvii ,
urbes , vice militares , populiis , lin-
gua , du , mnnumenta , aliaqueper-
mulla, clariùs et iiberiùs exponun-
tur, 1719. in-8'>. (F. MoYLE.) Dans
une dissertation imprimée au com-
mencement de cet ouvrage, Musgrave
prétend que l'Angleterre était pri-
mitivement une péninsule, et qu'elle
était unie à la France vers Calais.
L'ouvi'age est ornéde treize planche»
■ gravées. C'est Musgrave qui, en qua-
lité de secrétaire de la société royale
de Londres, a publié les Transac-
tions vhilosophiques , depuis le n"^.
167, jusqu'au n°. 178, inclusive-
ment; on y trouvequelques-unesdeses
observations médicales. — Son petit-
fds , le docteur Samuel Musgrave ,
d'Exeter, membrede la sociétéroyale
de Londres, pratiqua aussi la méde-
cine dans sa viUe natale, et mourut le 3
juillet 1782. On a de lui: I. Exerci-
tationes in Euripidem^ Leyde, 1 762,
in-8°. — AnimadversionesinSopho-
clem, Oxford, 1800, 3 vol. in-8<*.
II. Apologia pro medicind empi-
ricd, ibid., 1763, in-4". III. Deux
Dissertations (en anglais ) sur la
mythologie des Grecs et sur la
chronologie des olympiades ( con-
tre les paradoxes de Newton ), pu-
bliées par Tyrwhitt , en 1782. Il
avait eu part à l'édition grecque et
lat. d'Euripide, Oxford, 1778, 4
vol. in-4''. ; et ses notes sur ce poète
font partie de la nouvelle édition
qui se public dans la même ville , en
8vo!.in-8«. L.
MUSH (Jean), né dans le York-
sliire au seizième siècle , fut cle
4:4 wcs
\é et ordonne prêtre dans le col-
lège anglais de Rome , puis de
Jà envoyé en Angleterre, pour y
remplir les fonctions de uiissiou-
naire. Il exerça sa mission princi-
palement dans le nord du pays , où
il s'acrpiit la confiance générale par
son savoir, sa sagesse et son expé-
rience. Quoique attaché an parti du
clergé séculier , il fut estimé de
celui des réguliers, et se donna beau-
coup de peine pour éteindre les di-
visions survenues entre les mission-
ïiaires des deux partis, qui étaient
prisonniers dans le chàleau de Wis-
bich. Comme il écrivait très élé-
gamment en latin , ses collègues se
servirent souvent de sa plume pour
défendre leurs intérêts. Un lui ait! i-
bue : I. Declaralio motuum et tur-
halioniun inler Jesiiilas et sacerdo-
tes seminariorinn , in Anglid ,
Rouen, in-4°. , 1601. Cette exposi-
lion fut adressée au pape Clément
VIII. II, Traité contre Thomas
JBell , en anglais. III. Relation des
souffrances des Catholiques , dans
le nord de V Angleterre , en anglais.
V. Bi.ACRVVEL (George). T — d.
M U S I U S ( Corneille ) , ou
MUYS , supéi'icur du monaslère de
Sainte-Agalhe , àDelft, naquit dans
cette ville, le 1 1 juin i5o3. Son père,
cordonnier , trouva moyen de l'en-
voyer à l'université de Louvain , où
il fit de bonnes études, tant en litté-
rature ancienne qu'en pLilosopliic.
ïl se livra ensuite à l'éducalion , et
eut occasion de faire un voyage à
Paris , d'où il ne tarda pas à être
chassé par nue maladie contagieuse
qui y régnait. Il y retourna quelque
temps après , et de là se rendit à Poi-
tiers , soignant partout sa propie
instruction non moins que celle de
ses éli'ves. De retour clans sa patrie ,
il embrassa Tétât religieux ; et sou
mérite l'aida a y trouver un posf«
honorable. Il se faisait généralement
aimer par l'aménité de son caractire,
la douceur de ses mœurs et sa charité
envei-s les pauvres. Guillaume 1". ,
princed'Orange,Tbonoraitde son es-
time spéciale; mais, en i57'2, ce
prince, de retour en Hollande, ayant
établi sa résidence a Dclft , dans le
cloître de Sainte-Agathe , il en ré-
sulta pour Musius les suites les plus
déplorables. La soldatesque efi'rénée
de Lumey, comte de La Marck, ré-
pandait partout la terreur : Musiu»
songeait à se retirer ailleurs. Le
prince lui ordonna de rester , en lui
promettant protection. Le pauvre su-
périeur de Sainte-Agathe ne fut pas
rassuré, et partit. Lumey court api es
lui : il l'atteint à Leyde ; et , en dépit
des ordres envoyés par Guillaume,
les barbares soldats mettent à mort
l'infortimé vieillard , après l'avoir
torture de la manière la plus affreuse ,
et ils sévissent encore le lendemaia
sur son cadavre transféré à Delft, et
qui n'est rendu à la terre qu'après
avoir été horriblement mutilé. Mu-
sius a laissé quelques poésies latines
qui ne soiU pas sans mérite U^ fit
imprimer à Poitiers, en i536, nu
petit Recueil à' Odœ et Psalnii ^
in-4°. , et la même année, De lem-
porum fugacitate detjiie sacronan
poëmatum immortalitate. On a de
lui : Institutio fœmincs christianœ ;
— une élégie intitulée : Imago pa-
iientiœ ; Tiimuli Desiderii Erasnii,
Louvain, i536 , in-4". ; Solitudo ,
sive vita solitaria laudata ( en vers
rimes), et alia poëmata, Anvers,
i566, in-4°. , etc. — Le tome m
du Delicice poëtarum Belgicorum. ,
p. 6G7-680 , offre quelques pièces de
Musius, dans le nombre desquelles
on en dislingue une en l'honneur
d'une cigogne, qui, dans un incendia
I
11
»(
P
MUS
Je la ville de Dclft , avait mieux
aime se laisser brûler avec ses pe-
tits au haut d'une tour, (jue d'abaa-
Joauor sa couvée. M — on.
MUSLU, janissaire, clief de re-
belles, vendait des fruits à Cous-
tantinoplc , en 1730, lorsque Pa-
'roiia Khalil l'associa à ses coupa-
bles projets. Muslu le seconda dans
>ou audace , son insolence et sou
inibition. Apres la déposition d'AcIi-
Qiet III et la proclamation de Mah-
aioud P''. , Muslu , qui venait de
présenter, au graud-ve'zir, un prince
le Moldavie , du choix, des rebcl-
es ( F. Ianaki ) , déclara , de son
;hef, qu'il allait faire les fonctions
ie kiaia des janissaires , en même
emps que Patrona Khalil annonçait
ju'il allait être capitan - pacha. Le
daia des janissaires et le capitan-
lacha eurent le même sort. Ils
tvaieut ose' , l'un et l'autre , pa-
raître au divan , le cimeterre à
a ceinture , affichant ainsi le nië-
îris des lois, au-dessus desqucl-
es ils se croyaient. Maigre cette
)rëcaution , qui n'était qu'une iu-
■ulte à la majesté du Sulthan , Mus-
u fut poignardé en plein conseil ,
ivant d'avoir eu le temps de se
nettre en défense. Muslu avait, sur
les deux complices , Emir-Hali et
i^atrona, l'avantage d'un caractère
levé, de cette éloquence naturelle qui
mtraîne partout la multitude ; et ,
le plus , il savait lire et écrire , dis-
.inction qui, en le signalant , donne
a déplorable idée de ce qu'étaient, à
;etle époque de 1730, et le gouver-
lement othoman,et le triumvirat
néprisable qui , en une seule j our-
lée , changea si désastreusement la
ace d'un grand , mais faible em-
pire. S — Y.
\ MUSSATO ( Albertin), négo-
îiateur, poète latin, et historiés très-
MUS 475
distingué, était né à Padorc , en
i'.i(ii , d'une famille oijscurc. Resté
orphelin à quinze ans, il sub.sista ,
quehjue temps, avec deux frères et
une .'■œur dont il était chargé, CP-
transcrivant des ouvrages de droit
pour les élèves de l'université : il s'at-
tacha ensuite à l'étude de la juris-
prudence, et parut au barreau avec
un tel éclat, qu'il acquit une grande
réputation , et une fortune considé-
lablc. (Irc'é chevalier, en 129G, il
fut député, en i3i 1 , par la ville de
Padoue , pour assister au couronne-
ment de Henri VII, comme roi de
Lombardie. Il retourna la même
année vers ce prince , pour lui de-
mander la conservation des franchi-
ses de sa patrie : il mit dans cette
négociation beaucoup de prudence et
d'habileté; mais tout ce qu'il put ob-
tenir, c'est que Padoue serait traitée
plus favorablement que les autres vil-
les de la Lombardie. Les Padouaus
étaienttelleraentaigris contre l'empe-
reur, qu'à peine Albertiu avait-il ren-
du compte de son ambassade, que le
peuple courut aux armes, et peu s'en
fallut que le député ne payât de sa vie
le malheur de n'a voir pas réussi. Ce-
pendant les succès que Henri obte-
nait chaque jour , ayant convain-
cu les Padouaus que toute résistan-
ce de leur part serait inutile, ils en-
voyèrent une nouvelle ambassade à ce
prince; et Albertin, à qui l'on ren-
dait plus de justice, en fit encore
partie. Ce fut dans cette circonstan-
ce qu'il adressa à l'empereur une ha-
rangue éloquente , qui nous a été
conservée {De reh. gest. Henrici,
lib. 111 ). La paix fut accordée aux
Padouaus, mais à des conditions plus
dures que la première fois : néan-
moins , à leur retour, les ambassa-
deurs furent accueillis comme les
sauveurs de la patrie; et l'onapprou-
4:6 MUS
va sans examen le traite qu'ils avaient
été forces de signer. Alberlin retour-
na encore vers Henri VII pour lui
présenter l'hommage de la fidélité
de ses concitoyens ; et il fut renvoyé ,
en i3i'2, vers ce monarque, pour lui
demander des secours contre les
Vicentins. Dans l'intervalle , Cane
de la Scala fut nommé vicaire im-
périal pour toute la Marche Trevi-
sanc : le choix d'un homme qui leur
était odieux, indigna les Padouaus;
ils se révoltèrent ; et Albertin , à son
retour, tâcha vainement de les cal-
mer, en leur représentant qu'ils s'ex-
posaient à une ruine certaine. Ce-
pendant Cane, averti de l'insurrec-
tion de Padoue, pénétra sur son ter-
ritoire, et y causa de grands ravages.
Il fallut repousser la force par la
force; Albertin , dont les sages con-
seils avaient été méprisés, ne son-
gea plus qu'à défendre sa patrie, avec
son épée : il se signala dans cette
guerre par sa valeur, et enleva aux
Vicentins le château de Pojana. L'em-
pereur, iudigné de la conduite des
Padouans , s'avançait pour les châ-
tier , lorsqu'il mourut subitement
( V. Henri VII ) : mais sa mort ne
mit point tin à la guerre ; et , après
quelques démarches inutiles pour
amener une pacification, les hos-
tilités reprirent de part et d'autre
avec une nouvelle fureur. Les Pa-
douans avaient moins encore à souf-
frir de la guerre q>ie de leurs dissen-
sions : Albertin , accusé d'avoir pro-
posé l'établissement d'une taxe, que
iiécessitaicut les besoins de l'état , fut
poursuivi par la populace, qui vou-
lait incendier sa maison; il n'échap-
pa qu'avec peine aux séditieux , et
s'enfuit à Vico-d'Aggcrc , d'où on
ne tarda pas à le rappeler. Sa ren-
trée à Padoue fut un véritable triom-
phe; etl'ousaiiit cette circonstance
n
lu
MUS
pour lui décerner, aux acclamations
de tout le peuple, la couronne poéti-
que ,due depuis long-temps à ses tra-
vaux littéraires (i). Peu de jours
après, Albertin rejoignitl'arraée, sous
les murs de Vicence : les Padouans
s'étaient emparés d'un des faubourgs
de cette ville rivale ( 16 septembre
i3 1 4); mais, comme ils s'étaient dé
bandés pour piller , Cane de la Sca- 0
la tomba sur eux à l'improvistc , jeii
et les mit eu déroute. Albertin, avec
quclq'ies hommes déterminés , osa
seul soutenir le choc d'une troupe
victorieuse ; mais couvert de blessu-
res , il fut renversé de son cheval ,
et jeté dans un fossé, où ayant été
découvert , il fut amené prisonnier
à Vicence. Cane l'accueillit avec plus
d'humanité qu'on ne devait en atten-
dre d'un condottiere ; il l'admit à
sa table avec quelques autres offi-
ciers , et eut pour lui tous les égards
dus au courage malheureux. Une
trêve , signée un mois après , permit
à Albertin de retourner à Padoue; et il
y passa trois ans , occupé de rédiger
l'histoire des événements auxquels il
avait eu une part si glorieuse. La
guerre ayant recommencé, en i3i7,
il fut chargé d'aller demander des
secours aux principales villes de la
Lombardie ; et , en 1821, il fut en
vové au duc d'Autriche, pour re'-
clamer sa protection. Tant de servi-
ces , et un zèle si soutenu , ne purent
mettre A.lbertin à l'abri des re-
vers de la fortune. L'un de ses frè-
res et di'ux de ses neveux , accusé?
de sédition , furent mis à mort pai
0 litre du sénat; Alberlin, sous !(
pretf-xte qu'il avait eu connaLssancf
de leur projet sans le révéler, fui
exilé, en iSmS, à Chiozza. Vaiue-
'i; En i3i.',. Celle dalf- est elle q.i'adopt» Tii»
bo^rM, d'apris ies Cîîculs dont la fidelile ii'a point
eIccualcsUe.
MUS
menl il demanda d'clrc admis à se
ustifier •• on rctusa de rcntciidie ; et
ce j;;rand citoyen mourut loin de son
ingrate patrie, le 3i mai iStQ. Ses
restes- turent z'apportés à Padouc,
et inliiime's avec pompe dans l'église
do Sainte- Justine. On a de Mussalo :
Hiiloriœ uugiistœ de rébus geslis
Henrici Fil Cœsaris libri xri. —
De gestis Italicorum post Henri-
ciim y 11 , libri xii. Cette histoire
finit à l'anne'e 1317. Le neuvième li-
vre et les deux suivants , e'crits en
vers lie'ro'iqucs , ont pour sujet le siè-
ge de Padoue , par Cane de la Scalaj
et le douzième livre, en prose , con-
tient le récit des troubles domesti-
ques qui de'c'liirèrent cette malheu-
reuse ville, et qui la firent enfin pas-
ser sous la domination du seigneur
de Vérone. Les Histoires de Mus-
sato sont très-importantes pour l'es-
pace de temps qu'elles renferment :
c'est un écrivain plein de candeur et
de bonne-foi ; son style est abondant
et facile, et personne n'aA'ait mieux
écrit en latin depuis la de'cadence
des Ictti'cs ( Foy. Tiraboschi , Stor,
délia lelterat. ital. v , 347 )• —
Deux tragédies : Eccerinus , et la
mort di Achille. Le sujet de la pre-
mière pièce est tire' de la vie d'Ez-
zelin , lyran de Padouej Ginguené
en a donne' une courte analyse dans
l'Hist, littér. d' Italie, \\, 1 3. Mus-
sato a cherche' à imiter Sénèque , et
im pareil modèle ne devait produire
que de médiocres copies ; mais on ne
doit point oublier que les tragédies
de Mussato sont les premières qui
aient été écrites en Italie. — Des
Poèmes , des épîtres , des élégies ,
des églogues , etc., toutes en latin,
dont le style est moins dur et moins
grossier que celui des poètes des âges
précédents , au point que le marquis
Maiïei regarde Mussato comme U
MUS 477
vrai restaurateur de l'élégance de la
langue latine. Ses ouvrages ont été
jîubliés avec des notes de Félix Osio ,
Laur, Pignoria, et Nicol. Villani,
Venise, 1636, in-fol. Cette édition
est fort rare; et la plupart des exem-
plaires en ont été mutilés par les
Italiens , en haine de l'empereur
Henri, dont Mussato n'a pas dit as-
sez de mal à leur gré : ils ont été re-
produits avec des additions par Bur-
mann, dans le tome vi du Thesaiir.
antiquit. Italiœ. Muratori a inséré
les ouvrages historiques et la tragé-
die à^ Eccerinus , dans le tome x du
Rer. Italie, scriptores, avec des va-
riantes et des corrections tirées des
Mss. de la bibl. jAmbrosienne. Just.
l\euber est le premier qui ait mis au
jour les histoires de Mussato, dans
le recueil des Fêter, scriptor, rer.
Germanicar.; \nà\s les éditions qui
ont suivi sont très-supérieures. Mus-
sato a encore composé des Priapées
et d'autres vers licencieux, que l'on
conserve en manuscrit. W — s.
MUSSCHENBROEK ( Pierre-
Van), célèbre physicien, naquit à
Leydc,le 1 4 mars 1692. Après avoir
achevé ses humanités sous les pro-
fesseurs Perizonius et Gi'onovius, il
s'appliqua à la philosophie , à la
chimie et à la médecine, sous Seu-
guerd , Bidloo, Le Clerc, Burmann,
Albinns , Boerhaave et Jean-Jacques
Rau, et devint un disciple digne de
pareils maîtres. 11 fut reçu docteur
en 17 18, après avoir public et sou-
tenu sa Dissertation inaugurale De
aéris prœseutid in humoribus ani~
malium- dissertation qu'il faut se
garder de confondre avec un grand
nombre de pièces de ce genre. Elle
est remplie d'expériences nouvelle-
ment faites avec beaucoup de soin,
tellement liées entre elles , que l'on
est conduit de conséquence eu eon-
478 MUS
séfjncncc Jusqu'au résultat; et plu-
sieurs faits y sont disciilcs avec saj^a-
cilé. Quoiqu'il y ait plus d'un siècie
qu'elle a paru, elle lueriterait d'être
lue et étudiée encore aujourd'liui.
MussclienLroek fit connaître, dans
cette dissertation, et son goût et son
talent pour la physique expérimen-
tale. Il se trouva dans une circons-
tance singulièrement heureuse pour
leur développement. A son entrée
dans ia carrière des sciences , le
cartésianisme, vieillissant et crou-
lant de toute part , Ir.ltait encore
contre le newtonianisme naissant.
Burcliard de Volder , qui reconnut
sur la fin de sa vie , les erreurs du
cartésianisme , avait fondé, vers le
déclin du siècle précédent, un théâ-
tre de physique à Leyde; il avait
fait un voyage en Angleterre ppur
se pourvoir d'instruments. Senguerd
avait suivi cet exemple et fait des
expériences. Boerliaave , joignant
l'exemple au précepte , inspira le
gcfit de la vraie physique à ses dis-
ciples, et, bon mathématicien, lui-
même, leur recommanda fortement
l'étude des mathématiques. Muss-
chenljroek s'y était beaucoup appli-
qué , et y était très-versé. On prétend
néanmoins qu'il fut surpassé en cela
par sou frère aîné, Jean \an Muss-
chenbroek, homme de guerre, ex-
cellent mécanicien comme son frè-
re, et qui fut d'un grand secours
h s'Gravesaude , pour l'exécution
des appareils inventés , décrits et
successivement perfectionnés , dans
les trois éditions de ses Eléments de
physique, et qui tous ont été faits
j)ar Jean Van IMusschenbroek. Dès
que 'sGravesande parut sur la scè-
ne à l'université de Leyde ( 1 7 1 7 ) ,
la physique expérimentale s'y in-
troduisit pleinement. Les liaisons qui
se formèrent autre ce grand homme
Î\IUS
et la famille Musschenbrook, furent
singulièrement utiles à celui-ci: il l'a
témoigné lui-même, dans une de ses
harangues, en des termes qui font •*
d'autant plus l'éloge de son cœur ,
que dès-lors il était le digne émule
de son maître , son égal en célébrité,
et que, dans ce moment, il devenait
son collègue. Kn effet, c'est à ces
deux. hommes, si éminemment dis-
tingués , que l'on doit l'introduction
complète de la physique expérimen-
tale et du newtonianisme en Hollan-
de: ce sont leurs leçons, leurs exem-
ples, leurs ouvrages , qui répandirent
successivement la lumière , même
bien au-delà de leur patrie. Ils y tra-
vaillèrent chacun séparément, avec
le même zèle, et un égal succès, mais
par des voies différentes : 'sGrave-
sande , grand mathématicien et doué
d'une sagacité réelle, prit, en quel-
que sorte, pour lui la partie mathé-
matique de la physique; mais il eut
un soin particulier de la confirmer
par des expériences décisives , qu'il
regardait comme la pierre de touche
de ce que des considérations abstrai-
tes lui avaient permis de démontrer
rigoureusement. La troisième édition
de ses Eléments de physique, ouvra-
ge peut-être unique en ce genre, trop
peu lu aujourd'hui, peut-être même jlili
])eii connu de plusieurs physiciens , ï
sera toujours un livre infiniment
précieux aux yeux des connaisseurs ,
ainsi que ses Opuscules, publiés sépa-
l'ément ou dans des journaux, et re-
cueillis par son ami, Allamand ,
en deux volumes in- 4'*., sous le titre
(ï'OEm>res de "sGravesande. Mus-
schenbroek s'appliqua plus particu-
lièrement à la physique expérimen-
tale, dans laquelle il excellait, et qui
lui doit un grand nombre de dé-
couvertes. La carrière à laquelle il
se voua, en 1719, après avoir pra-
iaïai
laori
iW
iilf'ii'
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11
«m
ly
itt!
tu
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MUS
1- la médecine pendant quatreans,
loiirnit les moyens de s'adonner
iiisivcment à la physique : il Ait
niiimc' professeur de philosophie et
'' luathcinatiques , et professeur ex-
lordinaircen médecine, dans l'uni-
( I site de Duisbourg sur le Rhin.
!i ■iKôt il acquit une grande re'pu-
iUon; et les censeurs de l'uuivcr-
ite' d'Utrecht l'appelèrent dans cet-
e ville, en i'ji'3. Il prit posses-
ion de la chaire de philosophie
it de mathématiques , le 3 de sep-
embrc , par nne harançue, De certd
nethodo philosophiœ expérimenta-
is ; elle a été imprimée , et devrait
Urele manuel detous les i^hysicieus.
3n y reconnaît un digne disciple de
Boerhaave , qui , huit ans aupara-
vant, avait prononcé et publié sa
)elle harangue, De comparando cer~
lo inphysicis; laquelle néanmoins,
lui valut une accusation publique
3t imprimée, de spinosisme ^ de la
part d'un professeur de Franeker,
Musschenbroek resta douze ans à
O'trecht ( de ï'jlS à 1735 ). Cette
pille fut le théâtre de s«s travaux
les plus importants ; celui où il
acquit la plus grande célébrité.
Nous passerons rapidement sur les
Éiéraents de physique qu'il pu-
blia en latin dès l'j'iô , et dont il
se fit différentes éditions toujours
perfectionnées. La dernière , qui pa-
rut après la mort de l'auteur , sous
le titre de Introducdo nd philoio-
phiam naiuralem,o^v&\Q plus vaste
recueil de ce qu'on connaissait alors
€n physique : il contient, eu outre,
beaucoup de recherches particulières
à l'auteur, sur les frottements, la
roideur et la force des cordes, l'é-
lectricité, la cohérence des corps,
'' la propriété de ceux qui sont phos-
phorescents après avoir été expo-
sés à la lumière, et une table des
MUS 479
pesanteurs spécifiques , la plus am-
ple qui eût paru jusqu'alors, et due
aux travaux de l'auteur. Sigaud
de Lafond a traduit cet ouvrage ea
français. Il est entièrement diffé-
rent de celui qui avait paru en 1735,
dans la même langue , par les soins
du docteur Massuct , sous le titre
à" Essais physiques , en deux volu-
mes : celui-ci est la traduction de la
seconde édition de l'ouvrage hollan-
dais publié par Musschenbroek. La
première était de 1726. Ces deux
traités , écrits dans la langue du
pays, et où l'on trouve des recher-
ches qui n'ont pas été répétées dans la
dernière éditionlatine, ont infini ment
contribué à répandre, en Hollande ,
le goût de la physique , parmi le
grand nombre d'habitants (pii ne se
livrent pas aux études proprement
dites. Nous nous arrêterons davan-
tage aux autres ouvrages de Mus-
schenbroek, parce que ce sont ceux
qui lui ont acquis , à juste titre, la
grande renoihmée dont il jouissait.
Le premier est son recueil de Dis*-
sertaliones phjsicce experinienca-
lis et geometricœ , publié en 1729,
in - 4°- Les trois dissertations les
plus remarquables , sont celles sui'
l'aimant, sur les tubes capillaires ,
sur la cohérence et la force des
corps. Toutes contiennent une mul-
titude de recherches curieuses ,
d'expériences nouvelles , discutées
avec soin, et comparées avec ce
que l'on connaissait alors sur ces
matières. Les travaux de Mus -
schenbroek , sur la cohérence des
corps , sont immenses : il les a com-
plétés depuis dans son Introduction
citée plus haut. Il a porté la connais-
sance de l'aimant plus loin qu'on ne
l'avait fait auparavant; et, s'il n'a
pas démontré la loi des attractions
magnétiqi^es , qu'il a découverte plu«
48o MUS
tard , ou porte l'aiguille d'inclinai-
son à sa perfection , ses expériences
ont du moins fourni , à Krafll ,
l'occasion dcpublicr cette démons-
tration dans un beau nicinoirc insère
parmi ceux de l'académie de Pe'ters-
hourg ( tome m ) , et à Dnniel Ber-
noulli , les donne'es nécessaires pour
l'explication de sa belle théorie sur
les aiguilles d'iiiclinaison, travaux
dont Mussclieubroek a lui-même
profité depuis ; car il gardait cons-
tamment la règle, si peu observée de
nos jours , de recourir toujours aux
travaux , aux expériences do ses
devanciers. Sa première dissertation
de 17 i5 fournit déjà la preuve de
cet excellent esprit d'une judicieuse
critique. Ce même volume cou -
tient , outre de bonnes observa-
tions météorologiques appliquées
même à la médecine , une disser-
tation sur la grandeur de la terre,
qu'il est important de faire connaître.
Snellius publia, en 1627 , dans son
Eratosthenes Batavus , la mesure
d'un degré du méridien; il avait em-
ployé, le premier, la méthode tri-
gonomélrique qu'ont adoptée tous
ceux qui se sont occupés, après lui,
de mesures pareilles , à l'exception ,
peut-être, de Mason et Dixon, en
Virginie, lesquels ont suivi celle des
Arabes qui mesurèrent, dans les plai-
nes de Sinjar , un degré par les or-
dres du Kalyfe al Maraoun ( F. Ma-
MOUN et Mason ). Mais , outre que
les instruments dont Snellius s'est
servi , n'avaient pas l'exactitude né-
cessaire pour obtenir un résultat
bien certain; que les erreurs de calcul
pouvaient être plus fréquentes par
la longueur de l'opération , les loga-
rithmes n'étant pas encore en usage;
Snellius lui-même découvrit qu'il
s'était glissé des fautes dans sa me-
sure : il recommença son travail
MUS
en entier , et corrigea ce qu'il y
avait de défectueux dans le pre-
mier. Musschenhrock, ayant trouvé
les papiers de Snellius , restés en
manuscrit, cj ut devoir les publier ; il
fit j)lus, il acheva ce que Snellius
avait laissé à faire; il vérifia ou rec-
tifia lui-njcme j)lusieurs angles, et cet
examen lui lit admirer la dextérité
de Snellius, dans l'emploi d'instru-
ments aussi imparfaits que l'étaient
ceux de sou temps. Il partagea sa
dissertation en deux sections, dont
la premièie contient l'opér.ition telle
que Snellius l'avait corrigée; l'autre,
son propre ouvrage. Wous n'igno-
rons pas qu'on a signalé depuis peu
quelques erreurs dans ce travail ,
comme on en a trouvé également
dans des mesures et plus célèbres et
plus récentes ; mais Musschcnbrock
a fait ce que les circonstances lui ont
permis de faire, et il a bien mérité
des sciences et de son pays , en met-
tant au jour le second travail de
Snellius , homme d'un talent ra -
re, et qu'une mort prématurée enle-
va aux sciences qu'il cultivait avec
tant de succcSb La découverte de
la loi de la réfraction de la lu-
mière , lui est due; et ce n'est
pas un léger mérite. En quittant la
charge de recteur de l'université, en
1730 , Musschenbroek prononça
une harangue singulièrement intéres-
sante. De methoclo institnendi ex-
périmenta j-hjsices , qu'il a fait im-
primer à la tête d'un ouvrage dont
nous parlerons dans un moment.
Deslandes, publiant, en 1736,500
Recueillie dijférents traités de phy-
sique, y a inséré, en forme de préfa-
ce , une dissertation sur le même
sujet, « qu'il a empruntée, dit-il,
» de la harangue de M. de Mus-
» schenbroek , avec une liberté qu'il
» ayoue qui n'aurait pu être plus-
MUS
■» grandfi, puisque cette harangue
» ( ce sont SCS termes ) lui a scule-
>» ment fourni le canevas qu'il a
» rcui[)Ii et brodé à sa manière. »
Miissclicnbroek. ne s'est jamnis pro-
nonce , que je sache, sur le mérite de
cette bro<lerie , à laquelle cependant
il aurait pu prendre quelque intérêt;
mais la modestie était une partie es-
scnlielle de son caractère. Il ne
brodait pas les ouvrages d'autrui qu'il
estimait; mais U en faisait une tra-
duction réelle, et les accompagnait
de notes, si l'intérêt de la science le
demandait. Il fit preuve de son ta-
lent dans ce genre en publiant, eo
l'jSi , une traduction latme des
Suiii^i di naturali esperienze fatle
nelV accademiii del Cimento , pu-
bliés à Florence, en 16G7 ' ^* ^"''
primés depuis, plus d'une fois. Cet
ouvrage . précieux en lui-même, l'est
devenu doublement dans la traduc-
tion par les notes que Musschenbroek
y a jointes , et plus encore par de
I nombreuses additions qui contien-
nent ime foule d'expériences noii-
velles. C'est dans unede ces additions
qu'il a décrit un pyromètre de son
invention , le premier instrument rie
ce genre qui ait paru ; et il y ajouta
les résultats de ses expériences mul-
ipliées sur la dilatation des corps
par la chaleur. Il a perfectionné cet
instrument depuis, comme il paraît
par sou IiUroductio : d'autres phy-
iiciens en ont fait aulant ; et l'on sait
iombieu nos connaissances sur cet
)bjel se sont perfectionnées depr.is
juelq-ies années : mais les premières
loi ions exactes qu'on en ait eues, sont
lues à Musscheniuoek. Il décrivit
'gaiement les expériences qu'il ava t
"aites avec un nouvel appareil, sur
es forces que difTéreiits aimants
communiquent au même acier , et
ur la comparaison de ces forces de
XXX,
I
IVTUS 418
commnnlcalion avec les {orC*c$ d'at-
traetion : on y trouve enfin (its ex-
périenres nombreuses sur la cha-
leur profluile par le mcl mge de dif*
férents (luiilc-. , les cfTervescenccs, et
les dissolutions des corps. Cet ou-
vrage nit le comble à la réputa-
tion fie Musschenbroek : aussi te roi
de Danemark fit-il des efToils, cette
même année, pour l'atlirer à Co-
penhague ; mais ils furent inutiles.
l.es instances faites, en 1737, parle
roi d'Angleterre, électeur ie Hano-
vre, puui l'dt irer à Goitingue, et
en faire undes ornements de l'univer-
sité qui depuis est devenue si célèbre,
n'eureiit pas un succès p!us heureux.
Les curateurs de l'université d U-
trecht . sentant de quelle importance
il étaitpour eux de conserver un pro-
fesseur de cet ordre, lui conférèrent,
en i73>i,la chaire deprofesseurd'as-
tronoinie; à son entrée en fonctions,
it prononça une harangue De As-
tronomiœ p œstantid et utililate. Il
fit connaître l'observatoire de celte
ville par quelques observations : ce
n'est que de nos jours que cet ob-
servatoire , ainsi que celui de Leyde,
a été mis en état de tenir un rang
parmi les établissements de ce genre.
Mais les euiateurs de l'univirsité
d'Utrecht ne purent retenir toujours
Musschenbroek; invité, en 1789, à-
remplir ;i Leyde la place jue la inurt
de Wittichius laissa vacante, le de-
sir de revenir dans sa ville n,.tale le
porta à accepter ces ofïres , et 1 suc-<»
ce 1er pour la seconde fois a Witti-
chius, qu'd avait remplacé, en 17 19,
à Duisburg. Il prit posse-ssiou de sa-
nouvelle charge, le iS janvier 1 740,
pai une harangue De iMente humatui
se met ip:,um ignorante : il en pro-
nonça une autre le (j février 1714,
en quittant le rectorat, De Sapieniid
divind. Ce fut un bonheur rare pour
3t
tsi
MUS
l'universilé de Leydc d'avoir à!a-
fois dans la incinc faculté deux pro-
fesseurs tels que 'sGravcsaude et
Mussclieiibrock : mais ce bonheur
fut de courte durée ; car 'bGrave-
snnde mourut en re'vrier i']\'i. Mus-
schenbroek dcmeuia constaïiiment
attache à l'université de Leydc : ni
les efforts faits, eu 1740, par le roi
de Prusse jiour l'attirer à Berlin ; ni
ceux du roi d'Espagne , en 1 7 4^ j "*
ro0'requi lui fut faite, eu i-j^/^jà'anc
place de professeur honoraire à Pë-
tersbourg ne junent l'airachcr à sa
patrie et à èa ville natale. Il y couli-
luia paisiblement ses travaux ; il il-
lustra son académie : il forma d'ex-
cellents disciples , et enrichit la
phvsique de nouvelles découvertes.
On sait quelle part lui est due
dans l'expe'rience de la bouteille de
Leydc. La description de cette cxpc-
vience qu'il a envoyée àRcaumur,
et qui est imprimde dans les ÎNlemoi-
rcs de l'acadcmic royale des sciences
de Paris , pour 174^^5 prouve l'im-
pression que peut produire sur un
excellent esprit , sur un homme
rompu dans l'art des expériences , la
.sensation imprévue et douloureuse
d'un phc'noraène auquel ou n'avait
aucun lieu de s'atlendre. Mus -
«chenbroek travailla sans relâche
jusqu'au moment où la mort l'en-
leva aux sciences, le ly septem-
bre 1 76 1 , à l'âge de Gy ans. Sa
jicrfe fut vivemenl sciitie. Jus-
qu'ici aucun monument n'a été dres-
se sur sa tombe, située dans i'é-
i^lise de Saiul-Pierre de Leyde; mais
>ou nom vit, et passera à la posté-
rilé la plus reculée. On sait que ^lus-
.schcnbroeli s'est toujours occupé de
météorologie : ses ouvrages eu font
foi ; et l'on trouve quelques-unes ue
.ses observations dans les Mémoires
de l'académie dcPaii.>,ct daas les
MUS
Transactions de la socictedeLondrr.'îj' .
et une Dissertation sur les baromè-
tres, parmi les Mémoires de l'aci-
démie de Pctcrsbourg. 11 a laisse le
Kecueil completde ses observalioiis :
c'est un gros in-folio , Irés-ncllcment
écrit de sa main. Il serait à sou-
haiter que ce volume fût imprimé.
Musscheiibroek a été correspondant
de l'académie royale des scien-
ces de Paris , de celles de Pelers-
bourg, de Berlin , de Montpellier,
et de la société royale de l^ondies,
La société de Félix merilis £e fil ,
dès sa naissance, im honneur de le
placer au nombre de ses membres.
Musschenbroek fut marié deux fois..
Il laissa , de son premier maiiage,
une fille, morte sans alliance, eu
1785, et un (ils, qui a rempli les
charges de conseiller et de bcurgue-
mcstrc de la ville d'Utrecht; magis-
trat estimé par ses lumières , cl dont,
\i famille perpétue avec houneui un
nom cher aux sciences et à sa patrie,
V. S— >.
MUSTAPHA I-^r. , fut proclamé
empereur des Turcs , après la moit
d'Achmet 1^'". , son frère , l'an de
l'hégire 1020(1617). Il est douteux
si ce choix fut l'eJlét de la volonté du
dernier sulthan , ou celui de la pcli-
tique des pachas, à qui le bas âge
des enfants d'Achmet faisait redou-
ter tous les troubles qui acco];')>a-
gnentune minorité. Musta))ha,l ;.ii;é
des princes de la maison Othoii.;a.r,
occupa donc le troue impérial; mais
il ue tarda pas à prouver à ceux q^ii
l'avaient reconnu pour maître, qu'il
n'était qu'un tyran imbécille , cntic-
rement incapable de gouverner. Ou'
le vil prodiguer l'ullemenl les tré-
sors de l'état ,- créer pacha de Da-
mas , un ilcîioglan à peine sorti de
l'enfance , dé[)OuiiUr de son limafi
un des principaux oliicicrs des î-pa-»
Mt;s
\vs, potir cil î^ialilicr nu pnys.in qui
]iii avait appoitc à la rliassc un pot
il'can tVaiclic. Ce fut lui qui fitar-
rêlcr le haron de Sancy , ainbassa-,
(leur do France, soupçonné d'avoir
l'avnri^d l'évasion du prince polo-
nais Korcski , lait prisonuicr dans
les guerres de Moldavie. Tous les
ordres de l'état , la sultane Valide'
sa projirc mère , le moid'ly , le di-
van tout entier, se reunirent pour
déposer ce slupide lantornc de souve-
rain. On le (it descendre du trône
au bout de quatre mois ; il se lais-
sa reconduire et renfermer au fond
du sërail d'où il n'aurait jamais dû
sortir. Une bizarierie de la for-
tune le remit en évidence cinq ans
iprès. Lejeune Otlimau, tils d'AcIi-
rnct l'^''. et successeur de Mustapha ,
ùtt dépose' par les janissaires qu'il
voulait anéantir : lahaiiie qu'ils por-
:àient à l'un, leur (it oul)lier le mépris
|u'ils avaient jiour l'antre ; et le man-
nequin vivant, quivéi;otait dans une
;oud)re prison , fut reporté de nou-
veau sur le trône des suit hans ranioSi
[ iG'25 ). Sa stupidité ne l'avait pas
ibandonné : seulement pour cacher
a honte d'un retour si inconséquent,
m publia que l'extérieur taciturne et
ecucilli du souverain restauré était
'ellet de sa vie contemplative , et des
riéditations sublimes et religieuses
mxquelles il était adonné par le plus
•fispectable excès de sagesse et de
liété. Mais l'imbécillité de Mustapha
;e changea bientôt en démence cl en
'ureur. Il courait la nuit dans les
lortoirs des itchoglans , frappant à
outes les portes , appelant a haute
voix. Olhman , qu'il ])riait de res-
iusciter ])our revenir régner à sa
i)lace. Il poursuivait , le sabre à la
inain , tous ceux qu'il rencontrait ,
it s'applaudissait de les voir tom-
ber sous SCS coups ; il mettait en
MUS
m
pièces les meubles les plus précieux
tic son palais. La «ncsurer.c cc;::b!a • '.
et ceux qui avaient relève tcUe '
odieuse idole , la fenversèrtuf de '
nouveau. Les janissaires se soule-
vèrent ; et l'an de ri-cgirc loSa '
( iG'.i3) , "Musiapha , renferme' en-
te fois à perpétuité , fit place à so:i
neveu Aniurath IV". Les OtÎTOi^urs
n'attentèrent pis k ses jours , pa;-
le respect qu'il portent aux in-
sensés. 11 achevait de vivre méprisj'
ou phitôt oublié, lorsque le sulthau
son successeur prit ombrage de son
existence, et le lit élrangJer. Ainsi
liiiit IMustapha I"^'-. , en 1639 > à l'âge
do cinquante-quatre ans. Avant Ira
aucun sidlhan de la tace othoman;;
n'avait été déposé ; aUcuu n'avait
régné aussi peu de temps j aucun
n'avait succédé cà son frère. S — y
MUSTAPHA II , Tingt-dcuxièmo
sulthan des Olhomans . lils dcjMaho-
mct IV, succéda , en i loG (iGgo) ,
cà son oncle Achmet II ; malgré les
menées du grand -vézyi' en faveur
d'Ibrahim fds de ce prince. Musta-
pha avait environ trente - deux ans
quand il monta sur le trône, et pro-
nicttait un règne plus ferme et plus
glorieux que celui de ses deux jiré-
décesseurs Achmet et Soléiman. Dès
la première année de sou avènement,
le pirate IMeZzomorto reprit l'île d.>
Ghio aux Vénitiens ; et Mustapha II
marcha en personne contre les i;n';c-
riaux , commandés par l'électeur de
Saxe Frédéric- Auguste. Les revcis
des règnes précédents firent prciidi c
pour des victoires, des succès sa;is
lésultats décisifs; et le sulthan rcnîia
triomphant dans Adrianople. L'uii-
née suivante, il ramena eu Hoii'-rie
une arnice eïiéorc plus nombreuse :
mais il trouva, pour lui tenir tète , le
prince Eugène de Savoie ; et la ha-
taillc do Zenta, livrée sur les jivi*
01.-
484
MUS
de la Theiss , en 1 697 , et gagnée par
les Ghre'tiens , força Mustapha de
fuir houteuseraent, se trouvant heu-
reux de réunir les débris de son ar-
mée sous les murs de Témeswar.
Cédant alors aux plaintes et aux
murmures de ses peuples qui deman-
daient la paix , le sultbau sut la faire
avec adresse et dignité ; et le traité
de Garlowitz , conclu en 1699 , fait
autant d'honneur à sa mémoire et à
son règne, cpi'à l'habileté du négocia-
teur ( F. Maurocordato , XX VII ,
661 ) , malgré la cession de la Trans-
silvanie aux impériaux , de Kami-
nieck aux Polonais, d'Azof aux Rus-
ses , et de la Morée aux Vénitiens.
Cependant celte paix, à- la -fois
glorieuse et utile à l'empire, amena
la chute du prince qui l'avait sanc-
tionnée. De retour dans sa capitale ,
Mustapha ne tarde pas à se rendre
dans une de ses maisons de plaisan-
ce , où il se livre à la chasse et aux
plaisirs : les murmures du peuple et
des soldats l'obligent d'en sortir , et
il se retire à Adrianople. Sou absence
augmente le désordre que le mécon-
tentement avait occasionné à Cons-
tantinople. La déposition du grand-
vézyr Houcéin , ministre ami de la
paix , calma momentanément les es-
prits : mais son successeur Daltaban
la désapprouva, et tenta , par ses in-
trigues , de recommencer la guerre
et de perdre , à-la-fois , le drogman
Maurocordato , le reiseffendi Ramy,
et le moufty Feyz-ullah. Le sullhan
fit tomber la tête du grand - vézyr ,
et celte exécution causa la révolte
de 1703. Elle éclate à Gonstantino-
ple , par l'imprudeuce du ca'iinekam
Abdallah Koproli, à peine âgé de
ao ans , qui indisposa les troupes.
C'était le gendre du moufty qui était
universellement déteste. Les séditieux
se choisissent des chefs , nomment
MUS
un moufty, de nouveaux ministres,
et marchent sur Adrianople, au noui-
brede 5o mille hommes. Les troupes
que le sulthan leur oppose , loin de
leur résister , passent dans leurs
rangs. En vain Mustapha abandonne
le vieux moufty à la haine des re~
belles , qui lui font soufliir mille in-
dignités. En vain il s'abaisse jusqu'à
flatter leurs chefs , et à les confii mes
dans les dignités qu'ils ont usurpées.
Ce prince, qui n'avait point un ca-
ractère cruel , ne voulut pas conser-
ver le trône en sacrifiant Achmet ,
son frère , que les révoltés voulaient
proclamer son successeur. Se rési-
gnant à son sort , il lui remit l ai-
grette impériale, le ^4 aoiit( ou le 20.
sept, selon V Art de vérif. lesdates ).
Épargné a son tour par Achmet III,
Mustapha II acheva sa vie dans l'in-
térieur du sérail : il mourut , d'hy-
dropisie, l'année suivante , à l'âge de
quarante ans, après en avoir régné
huit, et laissa le souvenir d'un prince
qui n'avait pas rempli les espérances
que ses commencements avaient don-
nées. Il fut religieux et justicier,
appliqué , économe , ennemi de la
mollesse et des voluptés. La confian-
ce aveugle qu'il eut dans le moufty
Fcyz uUah remplaça la sagesse et la
fermeté qu'il avait annoncées d'a-
bord , par la faiblesse et la tiraidilé
qui le perdirent. A — t et S — y.
MUSTAPHA III , l'aîné des en-
fants du sulthan Achmet III , succé-
da, en 1757 , à sou cousin Osmaa
III. Pendant vingt-sept années d'in-
tervalle depuis le détrônementd' Ach-
met jusqu'à la mort d'Osman , Mus-
tapha avait vécu renfermé , placé
entre l'ennui et l'inquiétude, frappé
sans cesse de la crainte de voir
le poison terminer ses jours. Les
grands de l'empire le crurent faible,
et se flattèrent de gouverner sous.
MUS
son nom ; le peuple espéra qu'il se-
rait prodigue : les uns et les autres
se trompaient. « Loin d'iraiter la
» faiblesse de mon pre'dc'cesseur ,
» dit-il au grand-vc'zyr lui-même qui
»> l'asseyait sur le trône , je conser-
» verai mes ministres tantquejeserai
» content de leurs sei"vices : s'ils le
» méritent , je les punirai. » Comme
il passait devant les odas des janis-
saires , après avoir ceint le cime-
terre à la mosquée d'Eioub ; on lui
prësenla le sorbet, suivant l'usage :
a Camarades , dit-il aux comman-
» danls en leur rendant la coupe ; s'il
» plaît à Dieu , nous le boirons cn-
» semble , au prinleraps prochain ,
» sous les murs de Bender. » Ce ca-
ractère guei rier plaisait à des soldats
que dix-huit ans de paix indignaient
depuis trop long-temps. Cependant
le grand-ve'zyr Raghib -Pacha , qui
obtint toute la confiance de Musta-
pha III, et qui la méritait , lui fit
adopter des dispositions plus pacifi-
ques, qui, dans les circonstances où
était rEuro])e, ne convenaient lii à la
gloire ni à l'iniërêt de l'empire Olho-
man. Il s'occupa d'abord de réfor-
mes économiques , supprima plu-
sieurs emplois inutiles ; diminua le
luxe du sér.iil , rcnouvt la les lois
somptuaires , et les anciennes or-
donnances sur le costume obliga-
toire des Grecs, des Arméniens et des
Juifs. Ce ne fut qu'en i-jOS , que la
Porte ouvrit les yeux, et commença
à se mêler de la re'volution de Polo-
gne et de la querelle des Russes et
des Polonais. La mort du grand-
vézyr Raghib-Pacha laissa éclater la
guerre entre les cours de Pc'tersbourg
et deConstantinople. Mustapha prit
les armes en i 'J69; il aurait dû com-
mencer à combattre , dès l'année
i-jGS. La première campagne, en-
treprise sous de fâcheux auspices ,
MUS
485
(F. Mehemet-Emyn) aboutit , pouf
le sidtian, à la perte de Choczim , de
la Moldavie et d'une partie de la Va-
lakic : celle de 1770 fut encore plu5
désastreuse ; elle fut signalée par la
terrible bataille navale deTchesmé,
près de l'île de Scio , par l'incendie
de la flotte othomane , la défaite du
khan de Crimée sur le Pruth^ la
déroute derarmc'e du grand-vézyr à
l'embouchure de cette rivière, et par
la perte de Bender, de la Bessarabie
et de plusieurs îles de l'Archipel.
Dans le nième temps , l'Albanie et la
Morée , excitées par les Russes, ten-
taient de se soulever; Ali Gcyg s'em-
parait de l'Egypte , et la dérobait à la
domination du Grand -Seigneur j le
cheikh Dhaher régnait en prince in-
dépendant sur une partie de la Syrie,
et les Turcs disputaient avec peine le
Daniibe à leurs ennemis. En 1771 ,
la Crimée tomba au pouvoir des
Russes ; enfin en 1772, sous la mé-
diation de l'empereur et du roi de
Prusse , le congrès de Focziani fut
convoqué, et rompu presque aussi-
tôt; des conférences à Boukhorest ,
n'eurent pas plus de succès. La guer-
re continua ; et la campagne de
1773, procura quelques avantages
aux Othomans. Le courage de Mus-
tapha n'était pas abattu : ce prince
avait le projet de se mettre à la tête
de ses armées ; mais ses forces phy-
siques ne répondirent pas à la vi-
gueur de son caractère. A la fin de
1 773, sa santé s'affaiblit visiblement j
il fit appeler Abdul-Hamid sou frère
et son successeur , lui recommanda
son fils Séliui , devenu depuis Sélim
III, et mourut le ai janvier 1774»
âgé de 58 ans. Mustapha III était
né avec un jugement sain , un cœur
droit; et ses mœurs étaient austères :
il s'était instruit dans sa prison par
l'étude de l'histoire et des lois ; il
485
MUS
avait l'elociuioii facile, mais l'esprit
îiH'diocrc, L'iiicapacile de ses gcné-
laiix fut la iciilc cause de ses revers ;
il n'eut pas de graiuls talents , mais
(clu zèic et de bonnes intentions. Dans
dos circonstances moins dirtlciles,
d'Iles eussent sufli pour opérer de
};ranues chosrs : celte gloire fut re-
iiisc'o au rogne de IMnstapha III. Le
portrait que Catherine II en a trace
dans une lettre à Voltaire, n'est
«pi'un jeu d'esprit , ou un trait de
ïualignitc. C'est sous le règne de ce
prince , que la Russie inspira aux
Gi'ecs cet esprit d'indépendance, ces
principes de liberté , qu'ils portent
aujourd'hui jusqu'à l'exaltation , et
qui peut amener de grands changc-
jiients dans le système politique de
l'Europe; . A — t et S — y.
MUSTAPHA IV, 29«. empereur
otlioman , fils aînc du sullban Ahdul-
liamid , fut tire du vieuy» sérail , et
porte au troue, par la révolution qui
en précipita le malhcurcur. Sélim Tll,
.son cousin-germain , le 29 mai iSo'j.
La mort de quelques miui.stres et des
chefs delà liouvclie milice, nommée
jyizain-djtd'ul, instituée par Sélim,
ayant apaisé les janissaires ,1a tran-
quillité fut bientôt rétablie à Cons-
tantinople j mais l'insurrection ga-
gna les provinces. Le grand-vézyr,
«{ui commandait l'armée de Valakie
contre les Kusses , et qui venait d'ob-
tenir quelques succès, fut massacré
par les séditieux. Le pacha dcBagh-
dad. fut assassiné par son kiaya ,
<jue la Porte lai donna pour succes-
seur. Les pachas de Damas et de
Tripoli se firent la guerre. Celui
d'iUcp fut chassé par les janissai-
res. Les WahaLis , maîtres des deux
Ailles saintes en Arabie, continuaient
leurs progrès sur les frontières de
la Syrie, et s'emparaient d'Ai;ah
6ur lEufrate. Les Russes attaqucucnt
l'empire othoman en Europe, bat-
taient en Asie le pacha d'Erzroum ,
et secondaient les efforts des Ser-
vicns , qui comballaient sous les or-
dres du fameux Czcrni George, pour
recouvrer leur indépendance. Telle
était la situation des allaircs, loisque
Miisîapha IV' fut proclamé sultlian.
Il publia un firman, pour renouve-
ler la déclaration de guerre contre la
Russie. Il promit de réiablii' les an-
ciens usages, les anciennes limites de
l'empire, supprima les nouveaux im-
pôts, abolit toutes ks institutions
de Sélim, et détruisit même l'imprime-
rie de Scutari. Quelques çvéuemenls
heureux signalèrent le court règne de
Pilustapha. Le capitau-pacha, Scid-
Alv, combattit avec avantage la
flotte russe de l'amiral Siniawin,
près de Tenedos, et mérita les élo-
ges , les distinctions et le surnom de
ghazy ( vainqueur des infidèles ) ,
que lui donna son souverain, danà
une audience solennelle. La paix de
Tilsitt et la médiation delà France
amenèrent la conclusion d'un arjnis-
tice, qui fut signé, le 2^ août .entre
la Russie et la Porte-Othomanc , et
' d'un second entre cette dernière
puissance et les Serviens. Les Anglais,
<lui,sous le règ)iede Selim, avaient
forcé l'entrée des Dardanelles, et
menacé les murs du sérail , cl qui ,
deux mois avant la chute de ce prin-
ce , s'étaient emparés d'Alexandrie,
échouèrent sous Mustapha , en vou-
lant renouveler la première expédi-
tion. Lord Paget , leur ambassa-
deur , ne réussit pas mieux dans s*
négociation pour obtenir que l'E-
gypte fîit remise aux Anglais pen-
dant tout h temps qu'ils seraient en
guerre avec la France. Leurs trou-
pes, taillées en pièces parcelles du
caimakam,I\îoh;unmed-Aly, gouver-
neur actuel de l'Egypie, dans une teiix
IMUS
Jalivc qu'elles rirent Sur Rosoftc , fi:-
j'Piitl)loqiie'(S(laiis Alcxaiidrii', par ce
[).nlia,({iiilc.sc()iitraignitclc(M[>itiiler,
et fie reudro celle ville, où il entra ,
Je 'Vi septernlire. Maigre ees siiecès ,
mairijré la se'verile que déploya Mus-
la pli.i jiour repriruer les iusolcntes
pieteulions des janissaires ; uiaigrd
les mesures qu'il prit pour loiir op-
poser un nouveau corps de troupes ,
fliscipline'esà l'européenne, mais ha-
billées à la lur({ue , il éprouva le mô-
me sort que Selim. Ce dernier avait
encore de nombreux partisans ; I\IuS'
taphci-Bairacdar , paclia de Rouds-
chouk , et commandant l'année d'ob-
servation sur le Danube, était secrè-
tement leur chef. A la tcte de ses
troupes, il vint trouver le grand ve-
zyr , Tcheleby-Muslapha , dans sou
camp d'x\drianople, le força de se
joindre à lui; et tous deux marchè-
rent sur Constantinople. Après avoir
campe plusieurs jours devant cette
capitale, il y entra, le 28 juillet
1808, fit prononcer la déposition du
sulthan Mustapha , par le moufty et
les oulèraaSj qui lui devaient leur
nomination , et s'avança vers !e sc'-
rail, en demandant Selim, que ce
prince refusait de livrer. Selim est
c'gorge'; et son ca':avre , offert à ses
défensems , les anime plus encore à
ie venger. Mustapha est relègue dans
la prison qu'avait occupée ce malheu-
reux prince; et Mahmoud II, frère
de Mustapha IV', est proclame sul-
than. Mustapha -Dairacdar obtient
les sceaux de l'empire; il s'attache à
de'truire le parti du dernier monar-
que , et à rétablir les institutions de
Selim. Une nouvelle révolution écla-
ta le i4 novembre : Mustapha et sa
mère en furent les plus illustres vic-
times. Le grand-vézyr les fit étran-
■gler le i5, avant de se faire sauier
en l'air (/^. MusTArnA-BAÏKACDAt;).
MUS ' . 4 §7
Le corps de ce piiucc fut porte le 18,
dans le tombeau de son père .\bduU
hamid; et le lendemain il lui naquit
un (ils, neveu du suUhan iMalmioud ,
aujourd'hui régnant. A — r.
M USTAPÎI A, prétendu fils de Ba-
)azet L',, est mis , par quehpies his-
riens , au nombre des imposteurs in-
signes. C'est un problème historique
que de savoir si Mustapha, le liis
auié de Bajazet I'""". , qui combattait
auprès de son père à la dé.iastrcusc
journée d'Aucyre, resta dans la foiilo
des morts. Le sulthau Mahomet I"-'".,
son fr! rc , et Amuralli II , son neveu,
n'eurent jamais de ceititude à cet
égard. La preuve en est dans le soin
qu'ils ont eu de poursuivre et de fai-
re mettie à mort trente iudi\'idus qui
prirent le nom de ce légitime héii-
tier du trône olhoraan. Le pi us remar-
quable de ces imposteurs, si ce nest
pasleprince Muslaphalui-mcrac, est
celui qui, douze ans après la bi taille
d'Ancyre , jjarut en Valakic, recoii-.
nu et soutenu par Cinéis, gouverneur
de jNicopolis et liiaîlre des rives du
Danube. La vie politique de ce der-
nier, dont l'ingratitude et l'adresse
égalaient la bravoure et l'amiùlion ,
jette une grande défaveur sur le sou-
verain, véritable ou supposé, pour
lequel il combattit ; mais la vrai-
semblance de complicité entre le pro-
lecteur et le protégé, ne complète
pas les preuves sur lesquelles l'his-
torien doit asseoir sou jugement.
Quoi qu'il en soitjCe faux ouvrai Mus-
tapha devint formidable. Mahomet
F'', le délit en bataille rangée; et le
prince ou riinpostour vaincu se jeta
dans Thessaionique , piacc-fortc de
l'eippirc grec, dont le gouverneur,
Lascaris, refusa de le livrer. L'em-
pereur Manuel, ami de Mahomet 1-'". ,
mais qui souTuettait ses aflecîioiis 'j.
sa politique , fcigVitd'cIre aiictc lui'
488
MUS
même par les lois de l'hospitalité,
et m- voulut pas perniPttrc q le Mus-
tapha , quel qu'il fû , ho vît arrache'
de l'asile où il avait cru trouver son
salut. L'île de Leranos fut le lieu de
son exil, et lui servit de prison jus-
qu'à la morl de Mahomet, en i^ii.
Manuel, quitte envers rarailië, mais
non pas sourd à la voix de ses inté-
rêts politi |ues qui le portaient à sus-
citer des ennemis aux Othomans et à
Amurath II, Vamiel rendit la liber-
té à Mustapha, sous des couditi'ins
et des serments que ce deinier viola
avant d'avoir per lu de vue le seuil
de sa prison. Cette lâcheté, cet oubli
des engagements les plus sacrés, sem-
blent déposer contre sa naissance et
ses prétentions ; car on veut retrou-
ver les sentiments généreux d,ins les
princes ou dans ceux qui sont digues
de l'être. Quoi qu'il en soit encore,
Mustapha fut reconnu dans Galli-
poli, où il débarqua, et dans l'hexa-
milion de Thrace. Se trouvant à la
tête de soixante mille hommes, com-
mandés parce mêmeCinéis. qui avait
suivi sa fortune , il fut reçu dans
Adrianople , aux acclamations de
tout le peuple. Mais son ingratitude
lui avait aliéné l'empereur Manuel,
son i érateur; et Cinéis, son soutien,
se L;issa acheter. Mustapha, aban-
donné, saisi , fut emmené chargé de
chaînes et vivant , à Amurath IL II
fut exposé dans Adrianople même,
aux insultes du peuple, qui ne vit
plus qu'un imposteur dans un mal-
heureux; et ce faux ou vrai Musta-
pha termina , sur un gibet, son équi-
voq'.e destinée. S — y.
MUSTAPHA, fils aîné du sulthan
Malmmet 11 , reçut de son père la
souveraineté de la Caramanie, dont
les princes venaient d'être chassés et
dépouillés , en punition de leurs ré -
voltes continuelles. Le jeune IMusta-
MUS
pha , marchant sur les traces de son
père, combattit, l'année i4G0i "Q
général d'0:izoim-Haçan, roi de Per-
se, le fit prisonnier , et l'envoya, char-
gé 'le chaînes, a > sulthan son j)ère. I^
campagne suivante , il eut en tète Ou-
zoun-Haçau;ui-inême.Mustapha com
mandait la gauche des Othomans,
el Zciuelbeyg, (ils du roi, l'aile droite
des Persans. Les deux princes se joi-
gnirent corps a corps; et 'a mort de
Zeinel-beyg , que Mustapha tua de sa
propre main, procura une victoire
complète, et un triomphe de plus à
MahometlI. Mais ces titres de gloire
ne garantirent pas le jeune prince, qui
donnait de si belles espérances, de !a
sévénté et peut-être de la jalousie
du sulthan sonpère. Ml slapha, après
sa victoire, était de retour à Cons-
tautinople : le grand -vézvr, Sadik-
Ahmed, était resté à la tète de l'ar-
mée contre les Persans. Ses femmes,
gardées dans son harem , n'en sor-
taient que pour aller à la mosquée ou
auxbains publics. L'une d'entre elles
rencontra Mustapha , et , par mégar-
de ou avec intention, laissa tomber
son voile, et se laissa voir à lui. En-
flammé d'une passion subite, il la
suivit , força l'entrée des bains , que
la loi musulmane interdit à tous les
hommes sans distinction, et enleva
cette beauté qui l'avait séduit. Ma-
homet II fît venir sou fils , lui adres-
sa les reproches les plus durs; mais
ayant appris que le jeune prince avait
osé s'en plaindre, il le fit étrangler
trois jours après. S — y.
MUSTAPHA , fils de Soléiman I«.
et d'une esclave nommée Bosphoro-
ne, était l'aine de tous les enfants de
cetilluslrc sulthan. L'empire lui était
assuré; il joignait à ses droits d'aî-
nesse l'affection des peuples et celle
des soldats : mais l'ambition, la hai-
ne et la jalousie de Roxelaue, d'abord
ftiUS
favorite , cnsuile épouse du vieux
^iillhan , doiuiaiciit au prince Miis-
laplia une implac^Mc euniinie d^ns
unemaràlre. Celle odieuse femme le
caluuini.iaiipièsdeSoleiuiau ettruu
va dans le grand-ve'zir Rouslani , un
complice qui appuya oc n)en.sonj:;e.
On essaya de louer sans mesure le
Icune prince qu'on voulait perdre; et
e cœur riu grand Solciman , que l'â-
ge avait rendu soupçonneux, s'ouATit
à toutes les impressions de la crainte.
L'exemple «'omestique de Selim L"".
et de Bajazet II l'averlissait que
Mublaplia pouvait songer à '.ni suc-
ce'der avant le temps ; et quand Ro-
xelaneet Roustam avaient le soin de
vanter avec adresse les vertus, l'af-
fa!nlile,la bienfaisance de son fds;
le père, ouibiageux et jalouv, ne
voyait avec i liagnn qu'un ambitieux
qui se faisait des amis. Un eunuque,
chargé autrefois de l'éducatiou de
Musiapiia , et vendu a Koxelane ,
e'crivit qu3 son prince s'était as-
suré (le l'apjiui de sofy de Perse, et
qu'il allait prolitcr de cette alliance
secrète et de l'-iinourde l'armée, pour
donner l'essor a sa coupable «mbi-
tion. S.léinian , crédule et aveuglé,
sans rica ajirofondir, demanda un
felfaaiiuioufty,qninele refusa point,
par bonne-foi ou par complicité avec
les ennemis du piince innocent; et la
mort de Must.ipha fut résolue. Ce
prince était dans son gouvernement
d'Aïuasie; l'ai méeothoraaue campait
dans le voisinage: Soléiman s'y ren-
dit, et ordoni'a a son fils de venir le
trouver. La victime se. livra elle-mê-
me. Mustapha, sans déliauce, parce
qu'il était sans reproche, entra dans
la tente de son père : il n'y trouva
que des bourreaux qui rétranglèrent,
sans que Soléiman, témoin caché
de cette horrible scène, entendît un
instant le cri de la nature; tant on
MUS
4%
avait à ses ye<ix noirci son fils inno-
cei.l. Ainsi périt un prince (|ui pro-
mettait d'égaler tous les héros de la
dynaslic d'Olhman ; un prince dont
le seul crime lut d'être ha'i de Roxe-
lane et Irop aimé des Othomans. Il
périt l'an de I hégire 9(30 ( 1 ^53 ).
La lenisdc calaslrophe qui signala
son injuste et touchante mort, a été
transportée sur la scène française.
Belin donna au théâtre Mustaphaet
Zeaiigir , en l'joS. Chamfurt, qui
surpassa Belin , coinjiosa , sous le
même titre, une tragédie semblable,
qui réussit, en 1777. M. de Maison-
neuve traita le même sujet , eu 1 785 ,
sous le nom de Roxelanc et Mus-
tapha, et égala au moins le seul rival
qui se fut montré digne de son sujet.
S— ï.
MUSTAPHA (Le faux) , prétendu
fils de Soléiman-le-Grand, ne présente
pas à la critique historique la même
incertitude que le prétendu fils de
Bajazet l*^"^. ( F, pag. 487 ci-dessus ).
11 y avait moins d'un an que Soléiman
avaitsacrifiésonfds Mustapha , lors-
que, ce nom, cher aux soldats et au
peuple qui le pleuraient encore, ser
vit de mo^Tu à la trame la plus
odieuse : elle était ourdie par Rose-
laneet contre lesulthan lui-même, au
profit de Bajazet , fils de cette femme
ingrate , ambitieuse et barbare. Un
esclave d'une adresse et d'une audace
extraordiuairesfut instruit parses or-
dres au rôle qu'il devait remplir : cet
homme avait une ressemblance par-
faite avec l'infortuné Mustapha ;
et quand on se fut assuré qu'il pou-
vait jouer son personnage avec suc-
cès , l'infâme complot s'exécuta.
L'an de l'hégire 961 ( i554 ),
l'imposteur se montra près de Nico-
poli : d parcourut tout le pays qui
est entre le Danube , la Valakic et la
Moldavie , lieux, où la mémoire de
Mustapha avait l;iisse !e pins de .sou-
venirs et de regrets : il ne se montrait
qu'avec précaution ; le piîit nombre
de gens ailides qui étaient à sa suite ,
répandaient tous les bruits qui pou-
vaient le mieux accroître la com-
passion , l'intérêt , et l'indignation,
Liii-mcrae , en se découvrant avec
adresse, ne paraissait jamais que se
trahir : la populace curieuse de le
voir, semblait le forcer à faire l'aveu
de ses dangers et de la cruauté de son
père ; il avait soin d'apprendre com-
ment elle avait été trompée. « Jesa-
» vais , disait-il , combien le sulthan
» mon père était irrité contre moi
» lorsqu'il m'envova l'ordre, à Ama-
» sie , de venir le trouver. Je n'osais
>) obéir; de fidèles amis m'engagè-
» rent à prodiguer l'or et les pro-
1) messes pour persuader à un liom-
» me obscur , qui me ressemblait
» parfaiîcmeut, de se présenter à
» ma place aux premiers regards de
» mon père. Des lâches apostés l'ont
n étranglé inhumainement , et ont
» ensuile porté, devant la fente im-
» périale, son cadavre qu'on a cru
;) le mien. J'ai fui; j'ai traversé le
» Pont, côtoyé le Bosphore, pour me
T» réfugier dans ces contrées, persua-
» dé que j'y trouverais des secours
w et des amis : ne m'abandonnez pas;
» attachez-vous à ma fortune , je
» veux combattre pour conserver
» ma vie; et je ne veux conserver
» ma vie que pour vous rendre heu-
» reux. » Bientôt le faux INTiista-
pha eut un parti considérable : il se
vit à la tête d'une armée , composée
d'hommes obscurs, de janissaires;
vi\ de gens distingués, les uns trom-
pés , les autres feignant de Tctie.
i.'imposteur annonçait le projet de
marcher sur Conslantinople.Roxela-
fte et Bajazet souriaient iecrèteraeut
au succès de leurs coupables manœa-
MUS
vrcs , et comptaient de briser, quand
il en serait temps, l'instnimeiU dont
ils se sei. vaient : ils fixaient l'accom-
plissement de leur crime à la mort
même de Soléiman et de Sélim, qui de-
vaient périr sous les mêmes coups.
Mais le vieux sidîhan n'attendit pas
que l'imposteur fût devenu invinci-
ble; et quelque sûr qu'il fût d'avoir
fait mourir Mustapha et de ne point
s'être trompé dans sa vengeance , il
n'en craignit pas moins d'être dé-
trôné par le fourbe qui avait trouvé
des sujets et des soldats, en prenant
le nom du prince. U donna ordre à
son grand- vézir ( F'. Acumet ) , de
marcher sans nul délai, avec ses
vieilles troupes, et de prendre vi-
vant le faux iMustapha, L'armée de
ce dernier n'attendit pas les hasards
d'une telle lutte. A l'approche du
danger, ce ramas confus se dissipa :
l'imposteur voulut fuir avec ses com-.
plices les plus intimes; ils tombèrent
tous entre les mains d'Achmet. Le
faux Mustapha avoua , au milieu
des tourments , le crime dont il
n'était que l'instrument, et nomma
Bajazot seul , parce que l'adroite
Roxclane avait agi sans paraître.
Un ordre de Soléiman fit jeter se-:
crèteir.entdans la mer le faux Mus-
tapha ( r^. Bajazet ). S — Y.
MCSTAPHA ( Jean-Abma>d ) ,
voyageur, était un mahométan qui,
après avoir parcouru divers pays,
vint en France, où il embrassa la
religion chrétienne. Il parait qu'il
dut beaucoup aux bienfaits du car-
dinal de Richelieu, qui, probable-
ment, l'employait comme interprète.
Ce fut en cette qualité qu'il accom-
pagna le commandeur de Razilly,
dans deux voyages à la côte occi-
denlale de Maroc; il en a écrit la re-
lation sous ce titre : Foja^es iVA~
fri'jue , où sont conteniiei les na^'i-
MUS
l^ations des François , erUreurises
<•« iGiÇ)ct il'}io,è<> cuU's (les ruy mi-
mes de Fez et de Maroc; le traité
de paix fait avec les habitants de
Sale, et lu dëli\>rance de j)litsicurs
esclaves français , ensemble la dcs-
crijtioii des susdits rojauines , vil-
les, coutumes, redirions, mœurs et
commodités de ceux du pays , Paris ,
i(i3'2, un vol. mil. C'est princi-
j>alenient du second voyage qu'il
esl question dans ce livre. Uazilly
partit de l'île de Rlie, le 'lo juin,
f t Y fut de retour le 'i5 nov. Par
sa forraetc" il délivra les esclaves
fiançais détenus à Sale, et conclut
avec cette ville un tiaite avanta-
j;cux : mais son zèle échoua contre
la luanvaise-foi de l'empereur de
JMaroc , qui dilTera toujours de relà-
clier les malheureux, qu'il rcleuait
dans sa capitale. De ce nonihreefait
Paul Imbert, pilote des Sables-d'O-
lone , qui vécut encore long-temps
dans l'esclavage; car, dans wnc Lettre
écrite en réponse de diverses ques-
tions curieuses sur les parties de
V Afrique , où l'e^ne aujourd'hui
Mulej-Arxid, roi de Tafdette , par
Tyî***. qui a demeure 2.5 ans dans la
Mauritanie, Paris, 1670, nn vol. in-
l'.i (i), l'auteur parle de Paul Im-
bert, « lequel, dit il, nous faisait
» souvent récit de son voyage de
» Torabouctou, comme d'un voya-
« gc de grandes fatigues et de grande
» cousëciuence. » Combien il est à
regretter que cet écrivain ne nous ait
pas fait connaître en détaille résul-
tat de ses conversations avec Paul
yi) Ctl opuscule forme la tr lisièmc parlic du livre
fuivant : U,UouedeMuUr-Arj,Ul, ruiJe T.iJiLtU
l'ez , Mu, oc et Tunidcnl , avec lu Relation rU
voyage fait en iG65, Vers ce /j rince ,pour Cétahln-
seineiU tlu commerce en ses étais. Chacun de c s mi-
ypifiFS a une pagination particulière. Le preiii.'ir <>rt
tri ut de lu' -lais : le sicoud , qui souvent se tromc
ieM, «t dcRoawl ricjus de Marseille; il et m o
Î\IUS /,;m
Inibcrl! INIusIapiia donne une des-
cription exacte de l'emjtire de Ma-
roc, 11 a souvent recours a l'oiivrago
(le Jean Léon, et en convient; mais
il ajoute aux notions tirées de ce li-
vre lui grand nombre de p.»rlicula-
rilés inléressantes, et il rliscute haLi-
lemciit plusieurs points de géogra-
phie. Mustapha avait dessein de
publier toutes les observations qu'il
avait faites durant son séjour en
Tunjuie , Perse , Egypte , Grèce ,
et Barbarie : il ne paraît pas qu'il
ait eiicctué ce projet. E — s.
MUSTAPHA -BAIUAKDAR, cé-
lèbre grand - vézyr ulhoman , na-
quit à Rasgrad, veis le milieu du
dix-huiiième siècle, de jiauvres pay-
sans : il exerça comme eux la pro-
fession d'agriculteur , qu'il quitta
pour se livrer au commerce des che-
vaux, et ii s'enrôla enfin sous les dra-
peaux du pacha de sa province. Il
j^e liislingua par ses talents et par son
courage en plusieurs rencontres, et
mérita îe surnom deBairakdar, pour
avoii repris nu étendard a l'ennemi et
l'avoir conservé malgré ses Llessiii e>
et la supériorité de ses adversaires.
Cette action d'éclat lui ac([uit la
pon!îance de Tersanik-Oglou, pacha
de ilouslchouk : il l'accompagna
depuis dans toutes ses campagnes,
noiainment dans celles contre Pas-
v.an-Oglou , et lui succéda enlin eu
1804. fiOrsque les Russes envahirent
la Moldavie en i8o(), Mustapha, a
la tète d'un corps de troupes ([u'il
avait armé, livra plusieurs coml-ats
au général Rliclielson , sans pouvoir
l'empccher d'entrer dans Boukho-
rest ; mais , l'année suivante , il dé-
truisit une partie de l'armée russe,
a Musahib Kiou, et il envoya des
têtes et des oreilles, à Coustanti-
liople , comme trophées de sa vie-
luire. La révolution qui précipita du
49i RltJS
trône Scflim III , en mai 1807, la
revollc des janissaires de l'année de
Valakie, et la décapitation du grand-
vézyr , ayant porte Mustaj)ha Baï-
rakdar au commandcmcntaes forces
othoraancs, il marchait déjà contre
les Russes , et peut - être allait obte-
nir de nouveaux succès, sans l'ar-
mistice cjui fut conclu au mois d'août.
Le séraskier , qui avait dissimulé son
attachement pour la cause de Sélim ,
feignit alors de marcher contre les
Serviens; et se rapprochant peu-à-
peu d'Adrianople et du camp du
j;rand-vé/.yr Tcheleby Mustapha , il
contraignit ce ministre à le suivre
à Constantinople , pour rétablir le
sulthan détrôné. Malgré le respect
qu'il affectait pour l'empereur ré-
gnant , il fit étrangler secrètement
les commandants des forteresses du
Bosphore , et les remplaça par des
hommes qui lui étaient dévoués. A
son arrivée devant la capitale , il
dépose le moufty , l'agha des janis-
saires , tous les oulémas qui avaient
pris part à la dernière révolution ,
-et marche vers le sérail , en rede-
mandant Sélim pour le couronner de
nouveau. Après une courte résis-
tance , les portes s'ouvrent , et le
cadavre de ce prince infortuné est
jeté aux pieds de Baïrakdar. Celui-
ci donne des larmes à son maître ;
mais redoublant bientôt de fureur,
il ordonne le supplice des conseil-
lers et des exécuteurs de ce crime ,
la déposition du sulthan Mustapha
IV, et l'installation de son frère Mah-
moud II. Après cette révolution, qui
arriva le 28 juillet 1808, Mustapha-
Bàirakdar , devenu grand-vézyr, con-
tint les pachas dans l'obéissance ,
rétablit le ministère de la police et
des approvisionnements , et prit tou-
tes les mesures pour maintenir la
tranquillité dans la capitale. En mê-
MUS
me temps, il s'occupn sans relâcbe
à organiser, à augmenter l'armée
othomane, à y introduire de nou-
veau la disci plaie et la tactique
européennes , à supprimer le corps
redoutable des janissaires, et à les
enrôler dans celui des seymens. Ces
innovations , qui avaient servi de
prétexte à la chute de Selira III ,
l'inflexible fermeté du grand-vczyr,
et sa trop grande sévérité , irritèrent
ses envieux , et augmentèrent le
nombre des mécontents. Dès le 10
novembre 1808, des troupes , arri-
vées sans ordre des Dardanelles et de
la Homélie, portent au comble l'a-
gitation , qui se manifestait dep
dans Constantinople. Des combats
partiels s'engagent entre elles et la
milice des sevnens, instituée et pro-
tégée par Mustapha -Baïrakdar. Ce
vézyr parcourt les rues de la capi-
tale, et se porte partout où le danger
est le plus grand , donne ses ordres
avec sang-froid, anime les seymens
par son exemple plus que par ses
discours, et enfonce plus d'une fois les
janissaires : mais, tandis qu'il triom-
phe d'un côté, ses partisans sont re-
pousséssur tous les autres points. For-
cé enfin de céder au nombre, il se re-
tire dans le sérail. On l'y assiège,
on y met le feu , on en escalade les
murailles. Bàirakdar n'a que le temps
de faire étrangler Mustapha IV, que
les rebelles redemandaient pour sul-
than; et craignant de tomber vivant
entre leurs mains , il met le feu au
magasin à poudre , se fait sauter, et
entraîne avec lui une fonle de ceux
qui étaient le plus acharnés à sa
perte. Le lendemain 16 novembre ,
on trouva son coips sous les dé-
combres; et il fut livré aux ou-
trages de la populace. Ainsi finit ce
fameux vézyr, dont le courage et
les talents supérieurs auraient pu ope-
MUS
lor (les reformes utiles à sa nation,
s'il n'cûi pas imprudemment brus-
tjué cette révolution. A — t.
MUSTAPHA ( Cara). F. Cara-
MOUSTAPOA , t. VII , p. Qî.
MUSTAPHADALTABAN,grand-
vc'zyr, reçut le singulier surnom de
Daltahan ( c'est-a-dire liomme qui
marche sans chaussure), parce que,
pour mieux s'acquitter de ses fonc-
tions d'aglia des janissaires , pour
veiller, avec plus de vigilance, à la
sûreté publique qui lui était confiée ,
il se déguisait , et allait de nuit , à
pied , dans tous les quartiers de la
ville; bien dififérent , en cela , de ses
prédécesseurs , qui ne se montraient
qu'à cheval et en grand appareil.
Mustapha-Daltaban avait été simple
janissaire, et élevé dans le palais du
grand-vézyr AcbmetKiuperli. Après
la mort de son protecteur et celle de
Cara-Mustapha, qui lui avait continué
sa bienveillance, Daltaban était resté
oublié : le nouveau grand - vézyr le
fit agha des janissaires, poste où il
déploya autant de fermeté que de vi-
gilance et de justice. Il devint suc-
cessivement pacha de Silistrie, avec
le titre de séraskier, en lôg^, et
beglierbey de Natolie. Il arrivait à
Sophia pour rejoindre l'armée otlio-
mane, en 1697 ' ^^ aurait probable-
ment péri à la funeste bataille de
Zeula , s'il n'eût trouvé , en chemin ,
l'ordre d'aller en exil dans la Bos-
nie. Il y vivait retiré dans un petit
village , lorsque les Othomans, dis-
persés par cette déroute de Zenta ,
et poursuivis par les impériaux jus-
que dans la Bosnie, sur laquelle ils
se reliraient en désordre , se voyant
menacés et sans chefs, forcèrent Dal-
taban de se mettre a leur tête , pour
repousser les Chrétiens vainqueurs.
Le séraskier disgracié marcha sans
l'aveu du sulthan Mustapha II , et
MUS 491
se fit pardonner sa désobéissance à
force de succès. Il reprit sur les im-
périaux , en une seule carap.igiie ,
vingt - quatre châteaux ou villages
fortifiés , sur les deux rives de la
Save. Il fut sans peine confii me dans
le commandement que l'arniéc l'a-
vait forcé d'accepter. Bientôt après,
les Arabes , exerçant des briganda-
ges dans le Diarbekr , la Porte en-
voya Daltaban pour les repousser ,
et lui donna le gouvernement de
Baghdad , en i-joo. Ce qu'on ra-
conte de sa bravoure personnelle pa-
raîtrait fabuleux ; ce qu'on rapporte
de sou bonheur dans cette guerre ,
est historique. Les Arabes furent
vaincus , détruits ; et Daltaban, ac-
cusé calomnîeusement par ses nom-
breux ennemis , répondit à l'agho.
em^oyé de Constantinople pour lui
demander sa tête , en montrant 3;*
mille têtes d'Arabes exposées autour
de son camp. L'agha, qui n'avait pas
osé avouer sa mission , vint rendre
compte, au sulthan, des triom[)hes
de Daltaban, qui répondait aux ac-
cusations par des victoires. Le vain-
queur des Arabes ne s'était pas eublié
dans le partage du butin : sa haine
contre les chrétiens lui fournit un
nouveau moyen de satisfaire son
avidité; en septembre 1701 , il pilla
et détruisit le couvent et l'église que
les capucins français possédaient à
Baghdad , au mépris des capitula-
tions qui les leur avaient donnes pour
servir de maison consulaire. Le voya-
geur Paul Lucas perdit , dans cette
occasion, plusieurs bijoux, que ce
pacha s'appropria. Aussi bon cour-
tisan que brave général , il sut chan-
ger les fausses préventions en bien-
veillance , en achetant l'amitié du
moufty, qui le fit nommer, en i ~o'i ,
pacha de Kioutaya , et bientôt après
grand - vézyr. Mais Daltaban , lier .
4-)4 l^.îÙS
aliibilieiix et aime du peuple et de
l'armée , se lassa d'êlrc la crcaliiie
«lu moiiifv, ({iii l'avait clevc au vc-
zyral. Il crut à tort nue tous ses ti-
ties à la faveur publique pouvaient
jialaiieer . aux yeux de Mustapha II,
l'iiiflueiiec du iiioufl}- Fe3';',-i;l]a}i, qui
avait cle kliodjah ou ])!ecepteur du
suhhan. Aimant la domination et la
j^uerre, il voulut à-la-fois régner sur
.son souverain, se défaire du moufly,
«(ui le conseillait , et en même temps
du reis-e'lendi Ramy , et de Mauro-
cordato, auteurs de la paix de Car-
Jowitz , dont il provoquait la viola -
lion, 11 voulut opposer la ruse à la
lusc , l'intrigue à l'intrigue : il fut
joue par ceux-niênies qu'il AOulait
perdre. Le sulllian sacrifia, aux in-
.sinuationsdc son kliodjali, l'homme
3c plus hravc et le plus utile de l'em-
pire. Mustapha - Daltaban fut dé-
pouille du sceau impérial , et de'ca-
piîé entre les doux portes du se'lail ,
au moment où il croyait triompher
de ses dangereux ennemis. 11 vit ap-
procher les bourreaux et la mort
avec autant d'intrépidité' qu'il en
avait montre' en la bravant tant de
fois sur les champs de bataille ; et
avant d'expirer il protesta de son in-
jiocenec et de ses bonnes intentions
( l'an de i'he'gire t 1 14 ( 1703 ). La
jîiortde Muslapha-Daltaban entraîna
celle du moufty et la déposition de
IVIustapha II , étant devenue la prin-
cipale cause de la fameuse révolte
qui éclata la même année.
A — T et S — Y.
MUSTAPHA-KIRLOU,vc-
zyr et j)eau-frcre de Soléiman 1*=' . ,
fut célèbre par sa faveur , ses ex-
ploits , sa disgrâce , sa révolte , et
sa mort , qui en fut la punition. En
i5'2i , Mustapha prit Belgrade en
moins d'un mois , sous les yeux du
sullhau, qui venait de l'elcvcr wiu
MtS
ve/.yraf. En ilyi'i, i! commanda eti
chef la seconde expédition tentée
par les Oîhoraans, contre File de'
Rhodes. Soléiman, ennuyé de la lon-
gueur du siège, et irrité d'appren-
dre qu'une poignée de Chrétiens te-
naient tête à i5o mille Musulmans ,
vint en personne diriger les atla-
qncs et punir son général de n'être
pas vainfpjcur. Mustapha - Kirlou
allait être attaché à un jioteau et per-
eé de flèches , lorsque la princesse ,
sœur du sulîhau , et tous les pachas
de l'armée^ intercédèrent pour lui.
Soléiman lui laissa la vie ; mais il le
bainiit de sa présence, et l'envoya en
Egypte corabatire des révoltés qu'il
eut le bonheur de soumettre. Jusqr.e-
là , résigné aux volontés de son maî-
ire, Mustapha s'était conduit en su-
jet fidèle; mais il apprit que le suî-
than avait nommé grand-véxyr, lo
célèbre Ibrahim, son ennemi. Le dé-,
])it, la jalousie et le désir de la ven-
geance, leportcrent à se révolter con-
tre Soléiman. Il dissimula, et com-
mença par demander, pour récom-
pense de ses services , le sandjakat
d'Egypte, qu'il obtint. Eu ï5i3, il
leva le masque; mais , pour son mal-
heur, il nïit sai confiance en Pfléhé-
mel-F^fléndi , sou secrétaire, qui
rendit compte au sulthan des projets
de Mustapha. Soléiman , en réponse,
envoya à Méhémct la dignité de
sandjak , et Tordre de punir le re-
belle , dès qu'il l'aurait dépossédé.
Mustapha eutà coml-attre les soldats
qu'il avait commandés : il fut vain-
cu , pris tivant , et lié cette fois au
funeste poteau qu'il av.iit déùi eu
sous les yeux à Rhodes, 11 périt per-
cé de flèches, par les soldats mêmes
de sa garde. Ses exploits avaient
rendu sa disgrâce injuste; sa révolte
déshonora tous ses exploits. 11 i -t
au rang des illustres rebelles; car. s'il
RI us
y avait autant d'iinpruclcncc que de
crime, il y avait au moins ilii cou
rage et de l'aiidacc à braver Sulc'i-
inan-lo-GraïKl. S — v.
MUSl'APllA-PACH.V, lavoi-i de
Seliiu II, devait la bienveillance de
son souverain à une action coura-
geuse et honorable. Lurscjiic iStilini ,
appuyé d'une année, de l'ordre de
Soleiman son père, et d'un f'clfa du
moufty, combattait Bajazct son l'rcrc
rebelle sous les murs d'Iconiuni, en
l55], Selim eirniyc parlait de pren-
dre la fuite; et IVlustaplia, qui était
à ses côtes, l'avait sauve du dcsbon-
neur , en le forçant à se jeter de nou-
veau dans la mèle'e. Ce paclia fut
charge par le sulthau de la coiiquèle
de l'île de Cypre , en 1 570. S'il était
digne de quelque gloire par son in-
trépidité', son activité et sa persévé-
rance, il soudla toutes ces qualités
par sa monstrueuse barbarie, son
avidité et l'oubli total des devoirs de
l'humanité, qui limitent les droits de
la guerre. De tous ses crimes , son
avarice fut le seul qui lui fut repro-
ché devant son maître, et qui fut
puni. L'exécrable conquérant de Ni-
cosie et de Faniagouste, le bourreau
Ju brave et généreux Bragadino , re-
vint à Constantinople chargé des
malédictions et des dépouilles des
vaincus , chargé aussi des injures
des janissaires , qu'il avait refusé
l'admettre au partage du butin. On
lui demanda compte de toutes les
richesses qu'il avait détournées à
son profit. La punition d'un vain-
queur féroce , dont la gloire eût
déshonoré une autre nation , ne fut
qu'une punition imjiarfaite, née de la
haine et de la jalousie de ses rivaux,
et non pas un hommage rendu à
l'humanité outragée. Mustapha -Pa-
cha fut dépouillé de ses honneurs,
et relégué dans un san 'q^ikit éloi-
gué de la cour, oii la fausse gloire,
achetée par tant de sang , et .souil-
lée par l.jnt d'actes de baibuic, lui
servit de .sauve-garde, et l'eni|.tîrli,i
d'être mis à njort. Amuraîh lll,
successeur de Sélim II , rajiptla le
conquérant de l'île de (iypre, cl lui
donna le commandement de l'ariuée
qu'il envoya contre les Persans , en
i5'jS. IMustapha, après s'être cin-
])aré de la Géorgie et du Chyrwan ,
dispersa ses troupes, que les enne-
mis taillèrent en pièces en les atta-
quant en détail, l^e vaincu reçut or-
dre de revenir à Constantinople, où
il amena un ambassadeur du roi do
Perse , ca i58i , et fut fait mazou. :
il s'empoisonna de honte et de doii-
leur. S — Y.
MUSURUS (î\ÎARc), l'un de ces
illustres Grecs qui ont tant contri-
bué à répandre le goût des lettres eu
Europe, au quinzième siècle, était
né vers 1470 , à Rctimo , dans l'île
de Crète. Il fut amené fort jeune en
Italie par son père, riclie négociant,
et placé sous la direction de Jean
Lascaris, qui lui fit faire de rapide.s
progrès dans la connaissance des
bons auteurs, Tviusurus ne tarda p;;.s
d'être admis au nombre des savants
qui furciit si utiles h Manucc l'an-
cien, pour la révision des manuscrits
grecs; et il fit ])arlie de l'acadéuiie
qui s'assemblait dans l'atelier de ce
fameux imprimeur ( F. MANxrct: ).
i\I. Reuouard conjecture que BIusu-
rus fut chargé , par le sénat de \ t-
nise, d'exercer une sorte d'iuspccticn
littéraire sur les ouvrages que les
Aides mettaient sous presse; mais,
ajoute ce bibliographe, ce fait n'est
pas siifàsammcnt prouvé ( Annal,
des Aides ^ 11, a6 ). Il fut nomme
professeur de lettres grecques à l'ii-.
niversité de Padoue ; et sa réputation
v attira bientôt un nombre inliiù
4'jO
MUS
d'auditeurs , de toutes les parties
de rilalie, de la France et de l'Al-
kmaj;ne. Erasme nous ai)preiid
qu'il remplissait ses fonctions avec
tant de zèle, que, dans une année,
il laissait à peine passer quatrpjours
sans donurr des leçons publiques
( Lettr. , liv. V, v3 ). L'invasion des
Français en Italie , })ar suite de la
ligue de Cambrai, le déleruiina, en
i5o9 , à retourner à Venise, où il
continua de se livrer à l'enseigne-
ment avec beaucoup de succès. A[)rès
la retraite des Français , Musurus
revint occuper sa chaire à l'acadé-
mie de Paioue. 11 fut appelé à
Rome, en i5 i6,parlepapeLeonX.
qui le récompensa des services quil
avait rendus aux lettres , en le nom-
mant archevêque de Malvasie. On
présume , d'après le témoignage de
plusieurs savants, que Musurus pro-
fessa la littérature grecque à Ro-
me ( 1 ) ; ï^^si^ ^^ ^^ f"^ 9"^ P^" ^^
temps : il tomba malade de cha-
grin , si l'on en croit Paul Jove, pour
n'avoir pas été compris dans une
nouvelle promotion de trente cardi-
naux, et mourut d'hydropisie pen-
dant l'automne de 1517. Musurus
n'avait pas cinquante ans (a). Il fut
inhumé dans l'église Sainte-Marie
i)eZ/rtPace, avec une épitaphe rap-
portée par les auteui'S cités à la (in
de cet article. Il n'a publié qu'un pe-
tit nombre de vers grecs et quelques
préfaces; et cependant la postérité
le place à côté de Jean Lascaris , de
Théod. Gaza et des plus illustres
grammairiens. Comme éditeur , on
doit à Musurus la première édition
(i) Voy. I.nz. Bsif, elle par BnyU- , et V Abrégé de
la vie de Musurus, par Remuer.
(7\ Il n'est pa» pr<'suroal)le i|ne Musurus n'eût que
36 ans, comme ou l'a répété dans le Dict. univei-?iel ,
puisqu'il corrigea inversion liitine de» OEnvies de
PL.ton , par Ficin, eu i49<> ^' qu'alore iln'niKait «a
<jo« àix ans.
MUS
des Tom^JtVj d'Aristophane, AIdr.
1^98, avec une préface; celle de
V£tj'nologicuJn mn^num, Callirr-
gi, 1499. avec une préface ( i); celle
des OlAivres de Platon , Aide ,
i.')i3 ; celle du LHctionnar. gr.
d'Hesychiiis, ibid. , i5i4 , d'après
le seul manuscrit conim; celle (V^-
ihé'iée , ibid. , 1 5 1 4 ; de Pausanias,
ibi I., i5i6; des O aliones lectissi-
rnœ de saint Grégoire de Nazianze,
ib. , i5 iG; enlin, l'édition d'Oppicu
De naturd seu venalione pis ium ,
Florence, Giuni.i, ij 1 5, in-8". Mu-
surus revit la Grammaire latine
d'A!de l'ancien, el la publia en 1 5 1 (j,
avec une préface fort curieuse , que
M. Renouard a insérée en entier dans
SCS Âwales des Aides ^ pag. 121.
Comme poêle, on a de lui , des
Epigrammes grecques dans le Dic~
tionnar. grœc. copio^issim. , Veni-
se , 1 497 ' ^^ *^"^ l'édit. de Musée,
Venise, iSi^ : mais de toutes les
pièces de Mu.surus, la plus étendue
comme la plus célèbre est un Poème
grec de deux cents vers hexamètre.?
et pentamètres à la louange de Pla-
ton, imprime dans l'éd. des OiLu-
vres de ce philosophe, revue par
notre illustre philologue. Il a été
traduit eu autant de vers latins par
Zénobius Acciaioli , et publié sépa-
rément avec cette version par Phil.
Muncker , Amstcrd. , 1676, in-4'*.
de 20 pag. , et avec de nouvelle*
notes, par les soins de M. Butler,
Cambridge, 1797- Cette pièce a été
traduite de nouveau en latin par J.
Poster, qui l'a donnée à la suite de
V Apologie des ace nts g ecs con-
tre Henri Gally ( F. Fostlr, XV^,
320), avec ses notes et celles de
(j ; Rayle a remarqué que tons i-u» qo' rfgar-
daient Mu.>urus riirame l'.mtcnrde \'Elrii'"l"g'i on
Maanum nul été dans l'en-eur ; en effet , let ou\ th;^»
est cite par £uslatbe : celte f'oUle a rep«i«Uut pas.i«
danâ les dictioncaircs les plus réceuts.
MUS
J-ti'. ]Markl.iiKl (^''. ytnn. des Aidas,
lo'j). Michel Margiinius a insère
les Epi s;raiiimes grecq.ics de Miisu-
rus d.ins ses Sjininkta. ( Pa|);»-
(lopoli, Ilist. gjmiuts. Patavini. )
Oiielqiie temps av.'.iit sa mort il avait
traduit eu latin un traite De f>o-
dagni, qu'Henri Estienne a publia
avec la version de iMusnrus dans les
3IeJic(e arlis principes , i;)(J7. On
a encore de lui une Lettra italieime
dans la Raccolla do Piuo. Paid Jove
a l'ait r Elnge de Musurus : on peut
encore consulter le Dict. de lîa^ le ;
— Ze^tller, Tlieatr. viror.enidit. —
Hody , De Grœc. illastrib. , et Bocr-
nei-, De doctis hominibus grœcis. On
trouvera son portrait dans Paul Jo-
ve, et dans les Icon. de IS'icol. Rcus-
ner. W — s.
MUTAIIER, prince du Yenien,
et imam de la secte des Zeitîis, e'tait
fils de Che'ryf - eddin Yahia , qui
s'était arrogé !e titre et la dignité
d'imam et iïémjr al-moumenjn ,
dans les montagnes du Ytinen ,
\ers l'an 9/^0 de. l'Iic'g. ( i533 de
J. C. ) , parce qu'il descendait de
Zéid, fils, frère et oncle de trois
imams de la race d'Aly. Comme Mu-
taher était boiteux , ignorant et d'u-
ïie conduite peu régulière, son pè-
re , conformément aux principes des
Zéidis , l'exclut de sa succession , en
faveur d'Aly, son second [ils ; mais
celui-ci , ayant renoncé à la secte
des Zéidis , après la mort de son pè-
re , Mutalier eut i-ecours au paclui
qui gouvernait Zabid et le Ras Yc-
incn , au nom de la Porte-Otho-
rnane. Ce pacha ayant été assassiné,
Ezdemir, qui le remplaça , se décla-
ra contre Mutahcr, dont il démêla
les projets ambitieux , et le chassa
deiianà , eu 954 (i547 )• ^^"^ a"s
après , il l'assiégea dans Thela , le
coatraiguit de reconnaître Tautoriié
AAX,
MUT
497
du grand Soléiman, et lui accoida le
titre de saudjak. , avec le gouverne-
ment de quelques districts. Les
vexations du pacha fiednan ayant
indisposé les Arabes, Mutaher se
dcCiara le chef des mécoiiunls , eu
974 ( i3(j(j ). La njésintelligcnce
des deux pachas entic lesqne.s le
gouvernement du Yemcn ïji alors
partagé, la inoit du iidthan Soléi-
man , et l'esprit d'ii;si!rreition qui
ga-nait toutes les tribus des arabes ,
favorisèrent la révolte de Mutaher
et forcèrent lledwau de lui céder de
nouveaux teriitoires. Enfin, aiirès
avoir vaincu et tué Mcurad-Pacha
l'an 975 ( i5(J7), Mutaher s'em-
para de Sanâ, y fit faire la khoth-
bah en son nom , et prit tous les
titi es qui n'appartiennent qu'an Lca-
lyfc légitime. Il soumit ensuite, par
SCS généraux , Taaz , Aden , Mokha;
et il ne restait plus aux Tuics, que
la ville et le district de Zabid , lors-
que Sinan-Pacha, envoyé par Sélim
11 , arriva pour réduire le Ycmen,
à la fin de r.,unée 976 (avril 1069).
Ce vézyr reprit bientôt presque tout
le terrain qu'ils avaient perdu, et
marcha sur Sanà. A son a])proche ,
Mutaher en sortit avec sa famille et
ses trésors , et se renferma dans la
forte place de Kaukebjîn , puis , dans
celle de Thela , q;ii en est voisine.
Maître de la capitale, Sir.an pour-
suivit Mutaher daiis ses derniers rc-
tranchemeuis. Celui - ci , favorise
par des rochers inaccessibles, onpo-
sa une vive résistance; mais, moins
guerrierque politi.fuc,i! fui battu dans
toutes les actions qu'il osa engager.
Loin d'èire découragé ou aliiigé de
ses revers , il les anvionrait aux tri-
bus éloignées, coinmedes victoires,
eu aliiiuiant des feux sur les hau-
teurs. Il savait d'ailleurs , par d'au
Ires ruses , entretenir le zèle et l'eu-
32
498 MUT
thousiasme des Arabes , afin A' eu ob-
tenir des secours. Il se disait inspi-
ré de Dieu, et instruit ]i.ir Maho-
met. Il prédisait la défaite tol^e
des Turcs , la chute de l'empire
othoinan; il promettait, au noni du
prophcle , une amnistie générale,
une exemption de triliuts pour trois
ans , et une éclipse de lune, qui
devait être le gage de ces piomosses.
Maigre le succès passager que lui
obtinrent ses artifices , il fut enlin
oblige' de céder. La mort d'un de ses
'fils, et la reddition de Kaukcbàn ,
où commandait un de ses frères , le
réduisirent à demander la paix, à
la fin de l'an 977 ( mai 1670 ) : il
l'obtint, à condition que le nom seul
du suhhan figurerait dans la khoth-
bah et sur les monnaies , que les
Turcs rentreraient dans toutes leurs
conquêtes ; que Mutalier garderait
le district de Saada , à titre de fer-
me , et qu'il Y recevrait une garni-
son de trente hommes. Ce fut moins
à son infirmité , qu'à son avarice ,
que Mulaber dut attribuer ses dis-
grâces. Il obligeait ses servantes à lui
rendre compte des œufs de ses pou-
les ; il n'admettait en paiement de
ses redevances, que des poules pon-
deuses , et ramassait dans des sacs
jusqu'aux noyaux de dattes. Ayant
donné un jour 5o dinars à un tclia-
ouclî , qui lui avait apporté un habit
d'honneur de la part du Grand-
Seigneur , cet officier en gratifia les
tambours et les musiciens de Mu-
talier , qui les força de restituer
celte somme au trésor. Mulaber
mourut, en 980 ( 1572-3 ) , et eut
pour successeur, son fils, ncramé
Yahia par Hadjy - Khalfah , on
Abdel-Rahir.an , suivant le Bark-
Yemany ( le foudre du Yemen ) ,
dont M, Silvestre de Sacy, a don-
né la substance, dans le tome iv
MUT
des Notices et Extraits des manus-
crits. ( F. COTUB - BDDYN MoHAM-
MED , X , O7. ) Suivant Niebulir, la
postérité de Mutalier possède encore
le district de Kaukebân ; mais elle
a été dépouillée depuis du titre d'i-
mam , par la dynastie souveraine du
Yemen. A — r.
M UT EL DE BOUCHEVILLE
(Jacques-François), né à Bernai
le tiS macs 1730, est mort dans la
même ville, le 4 février 181 4- Apres
avoir fait de bonnes études au col-
lège des Jésuites de Rouen , il y fut
pourvu d'une charge de conseiller
à la cour des comptes. Ami des arts
et des lettres , il se livra plus parti-
culièrement à la poésie française.
IMutel fut, on '777) nommé juge à
l'académie de l'Immaculée-Concep-
tion de Rouen ; il était membre de
l'académie de la même ville, et de
la société d'agriculture d'Evreux. Il
fut long-temps maire de la ville de
Bernai. Son premier ouvrage fut un
poème en six chants , dont le sujet ,
tout patriotique, est la glorieuse et
chevaleresque Conquête de la Sicile
par les Normands ; ses autres écrits
sont : I. Un Discours qui remporta,
en 1783, le prix d'éloquence à l'a-
cadémie de l'Immaculée - Concep-
tion : Combien il est intéressant pour
la gloire et pour le bonheur de$
Français de conserver le caractère
national, Lisieux , 1784, in -8°.
IL \J Education , poème en quatre
chants, imprimé avec plusieurs piè-
ces de poésies : la Conquête de la
Sicile , dont nous avons parlé ;
G unifie j tragédie; V oy a^e a Ilon-
Jleur; la Traduction en vers des
quatre premiers livres de l'Enéide ,
etc., '1 vol. in-S"., 1807 et 1809.
m. h' Eloge de V agriculture , poè-
me , 1 808, in-8 \ Tous ces ouvrages ,
excepté le discours , n'ont d'autr*
IMUT
signature qne les iniliales J. F. M.
— Miitel avait public (|ucI(]ir'.s l)rt)-
chures politifpics pond ml la lo'volu-
tion , dont il se niontra l'ami pru-
dent et nioderif.Ce.s opuscules olilrcnt
aujourd'hui peu d'intérêt. lScs poe'-
sios elles - mêmes , quoique écrites
avec facilite, et ne manquant ])as
d'une certaine élégance , sont bien
j)en connues, et , bien ([ue vantées
dans quelqiies journaux , n'ont pas
laissé de traces au - delà du pays
et de la société où vivait l'auteur-
D— c— s.
MUTIS fDoiv Josef-Ci;li:stIi\o),
directeur de l'expédition botanique
du i-oyaume delà Nouvelle-Grenade,
et asironoinc royal à Santa-Fé de
Bogota, niquit à Caili^, d'une fa-
mille aisée, le G avril i'y3->,. Il n'a
été connu en Europe que par ses
vastes connaissances en botanique
{LiniiéV a\)i}c]\e P hj tologoruin ame-
ricunonim p'inreos): mais les ser-
vices qu'il a rendus à toutes les bran-
dies de riiisioirc naturede, la dé-
couverte des qu;n((uinas , dans des
régions où l'on en ignorait l'exis-
tence, l'influence bienlaisantc qu'il
a exercée sur la civili-ia.'ion et le
progrès des lumières dans les colo-
nies espagnoles Jui assignent un rang
distingué parmi les hommes qui osit
illustré le Nouveau - blonde. Après
s'être occupé avec ardeur de l'étude
les mathémaliqics. Miitis fut forcé,
par ses parents , de se livrer à la mé-
decine pratique. Il suivit des cours au
collège de San - Fernai>do deCidix,
prit ses grades à Séville , et fut nom-
mé, en 1757, supj)lé;int d'une chaire
i'anatomie à Madrid, Pendant un
iéjoiir de trois ans dans la capitale
le l'E^^pague , il montra plus de goût
30ur les e\cursn)ns botatii(jues que
pour la visite des hôpitaux ; eî il eut
e rare bonheur de se faire connaître
MUT 49i>
au célèbre naturaliste d'Upsal , qui
desirait posséder dans ses herbiers
les plantes de la péniusule. Olle cor-
res[)ondance de Mutis avec Linné de-
vint d'autant pus importante pour
les sciences , que le vice - roi , don
Pedro Mcsia de La Corda , l'engagea ,
en 1730, à Ic'suivre , en quajiié de
médecin , eu Amérique. Noire jeune
botaniste avait été nommé par le
ministère parmi les personnes ues'
tinées à terminer leurs é'udes à Pa-
ris , à Leyde et à Bologne ; mais
il n'hésita pas de sacrifier l'espoir
do visiter les plus célèbres univer-
sités de l'Europe aux avantages d'une
expédition lointaine. — Arrivé à
la Nouvelle -Greiiade, il fut vive-
ment frappé des richesses naturelles
d'un pays dans lequel les climats
se succèdent, comme par étages, les
uns au-dessus des autres. Après avoir
séjoui'né long -temps à Carlhagène
dcsIndeSjàTnrbaco età Honda (em-
barcadère principal du Rio-IMagda-
lena ) , Mutis suivit le vice - roi dans
son voyage à Santa-Fé de Bogota ,
situé sur un plateau qv.i a 1 365 toi-
ses de hauteur au-dessus du niveau
de l'Océan , et dont la température
est semblable à celle de Bordeaux. Il
traversa, entre Honda et Santa-Fé,
des forets qui renferment de précieu-
ses espèces de cinchona ; quinquina) ;
mais ,)usqu'iMi 1772, il ne reconniit
pas cette uliie production. Nommé
professeur de mathématiques dans le
Colegjo mayor deNucstra-Seùoradel
Rosario, il répandit à Santa-Fé les
premières notions du vrai système
planétaire. Les Dm niinicainsuc virent
pas sans inquiétude que « les hérésies
» de CiOpcrnic, » déjà professées par
Bouguer, (îodin et La r,oadaraine, à
Quito , pénétrassent dans la Nou-
velle-Grenade; mais le vice-roi pro-
tégea Mutis contre les moines, qui
32..
Coo MUT
voulaient que la terre demeurât im-
ïuo])ilc.Ccux ci s'accoutuincrcnt peu-
à-pcii à ce qu'ils appellent encore « les
» hypothèses de la nunvtlle philo-
V Sophie. » Mutis , auime du désir
d'examiner les plantes de la re'giou
chaude, et de AÏsiler les mines argen-
tifères delà Nouvelle-Grenade, (piilta
le plateau de Santa-Fè. Il lit un long
séjour, d'abord à la Monîuosa, entre
Girou et Pamplona, puis (de l'j'j'] à
1 '■S-2) au Rèal-del-Sapo et à IMariqui-
ta , situes au pied des Andes de Quin-
dio, et du Paramo de Herveo. (-'est
à la Montuosa qu'il counncnra la
grande Flore de la Nouvelle-Grenade,
ouvrage botanique auquel il travailla
sans relâche pendant quarante ans,
et qui, nous devons le craindre, ne
sera peut-être jamais publie en en-
tier. Linnë, dans le Supplément du
Speciesflardanim , et dans sou Man-
tissa, a signalé un grand nombre d'es-
pèces rares, que Mutis lui avait en-
voyées delaMonliiosa; mais, par une
erreur bizarre et funeste pour la géo-
graphie des plantes , il les a indiquées
comme venant du IMexique. Le peu
d'argent que notre voyageur gagnait
par la pratique de son art, quelque-
lois dans l'cxploilalion des mines ,
il l'employait à se former u.ne biblio-
thèque botanique, à se procurer des
baromètres, des instruments de géo-
désie, et des lunettes pour observer
les occultations des satellites de Ju-
piter. Il s'associa des peintres qui
dessinaient les plantes les plus cu-
rieuses, et qui peignaient à l'huile,
le plus souvent de grandeur naturelle,
les animaux indigènes. L'auteur de
cet article a vu une partie oe cette
précieuse collection, formée avant
que Mulis devînt l'objet de la niiini-
flcencc de son souverain. C'est aussi
pendant le séjour ^u Rcal-del-Sapo
( 178G ), qu'il fît la découverte im-
MUT
portante d'une mine de. mercm-e ,
])rès d'Ibagiiè-Yiejo , entre le Nc-
vado de Tolima et le Rio-.Sahl.ina.
Tant de travaux utiles trouvèrent
enfin d'hfuiorables encouragements.
La cour de Madrid, d'après la de-
mande du viceroi -archevêque don
Antonio Caballero y Gongora, réso-
lut, eu i-jS-i , de fonder, d'abord à
l^Iariquita, puis ( 1790 ) à Sauta-Fé
de Bogota, un grand établissement
d'histoire naturelle , sous le nom
d'Iîxpediciun real hotaiiica , à la
tête du(|uel on plaça don Celestino
Mutis. Un vaste édifice de la capitale
fut destiné à cet établissement. 11
renfermait les herbiers , l'écoie de
dessin , et la bibliothèque , une des
plus belles et des plus riches que l'on
ait jamais consacrées , dans aucune
partie de l'Europe, à une seule liran-
che d'histoiie naturelle. IMutis av .il
embrassé l'état ecclésiastique , d«s
l'année 1772 : il fut nommé cha-
noine de l'église métropolitaine de
Sanla-Fé,et confesseur d'un couvent
de religieuses. Zélé dans l'exercice
des devoiis qu'il s'éiait imj)osés , i
ne put faire des excursions que dan;
la proxindté de la capitale; mais i
envova les peintres atlachés à sm
Expédition , dans les régions chau-
des et tempérées qui environnent li
plateau de Bogota. Des artistes es
pagnols,dont il avait perfcctionn.
les talents ])ar ses conseils , formé
rent , eu peu d'années , une école d'
jeunes dessinateurs indigènes. Le
Indiens , les métis , et les naturel
de races mêlées , montrèrent des dij
positions extraordinaires, pour imi
ter la forme et la couleur des vég(
taux. Les dessins de la Flore d
Bogota étaient faits sur du papie
grand-aigle ; on choisissait les bian
clics les plus chargées de fleurs. L'.
nalyse ou l'auatomie des parties d
MUT
1.1 fiuctificalion c'ait, ajoiit^'c .111 bas
dii(l('.ssiu.("ii'Jioiak-incMitr,liiH{Lic plan-
te était représentée sur trois ou qua-
tre ç^ramles leuilles , à -la -fois en
couleur et en noir. Les eonlenrs
e'iaiiMit tirons en partie de matières
colorantes indigènes et inconnues eu
Europe. Jamais collection de dessins
n'a e'ic laite avec plus de luxe , on
pourrait dire siir une échelle plus
Invalide. î\Iutis avait pris pour modè-
les les ouvrages de botanique les
plus admires de son temps, ceux
jC Jacqnin , de L'Héritier, et de
.'abbe Cavanilles, L'aspect de la ve'-
^ëtation , la pliysionomie des plan-
es, étaient rendus avec la plus gran-
le fi ie'lité : les botanistes modernes
}ui étudient les aOinite's des \é'^é-
aux d'après l'insertion et l'adlie-
"encc des or2;anes , auraient peut-
itre désire une analyse pins détaillée
les fruits et des graines. Lorsque
SliSl. de Humboidt et Bonpland se'-
ournèrent à Santa -Fè de Bogota,
lans l'année 1801 , et qu'ils jouirent
le la noble hospitalité de Mutis ,
•eiui-ci évaluait le nombre des des-
ins déjà terminés à -ioûo , parmi
esquels on admirait 43 espèces de
)assiflores , et i-iv espèces d'orchi-
lées. Ces voyageurs étaient d'autant
dus surpris de la richesse des col-
ections botaniques ( formées par
»Jutis , par ses dignes élèves , M1\I.
/alenzuela , Zea et Caldas , par ses
leinlres les plus habiles , I\LM. Rizo
t Mathis ). que les plus fertiles con-
rées de la Nouvelle - Grenade, les
'laines de Tolu et de San - Benito
ibad , les Andes de Ouindio , les
irovinces de Sainte -Marthe, d'An-
ioquia et du Choco, n'avaient, à
etle époque , encore été parcourues
^ar aucun botaniste. Plus la masse
es matériaux réunis par sou zèle
ifatigable , était grande , pins cq
miT
5ot
.«avant trouA'nit de difficultés It pu-
blu r les fruits de ses travaux. Il
avait fait multiplier les dessins de
la Flore de Mogota (^ ou comme l'on
dit aujourd'hui, de Cundinamarca),
pour en envoyer un oxcn plaire en
Kspague, et en conserver d'autres k
Santa -Fé. Mais comment espérer
que les savants pussent jouir de cet
immense ouvrage , quand la Flora
Peruvlana et Chllcnsis , de Ruiz et
Pavon ( F. DoMBEY , XI , 5o6 ) ,
malgré les secours pécuniaires du
gouvernement et des colonies , n'a-
vançait qu'avec une extrême lenteur?
BTutis était trop attaché aux établis-
sements qu'il avait fondes , il aimait
trop un pays qui était devenu sa se-
conde patrie, pour entreprendre , à
l'âge de 76 ar.s, le retour en Europe
(ij. Il continua, jusqu'à sa mort, à
accumuler des matériaux pour sou.
travail , sans s'arrêter à un projet
fixe sur le mode de publication. Ac-
coutumé à vaincre des obstacles qui
jiaraissaicnt insurmontables , il se
livrait avec plai.'ir à l'idée d'établir
un jour «ne imprimerie dans sa
maison , et d'enscisrner à craver à
ces mêmes inaig.>nes qui avaient ap-
pris à peindre avec tant de succès.
Malgré sou grand âge ,• il entreprit ,
en 1802, au milieu de son jardin,
la construction d'un observatoire.
C'est une tour octogone do soixante-
douze pieùs ^'élévation , qui renfer-
mait, en 1808, un gnomon de trente-
sept pieds , un quart - de - cercle de
Sisson , la pendule de Graham que
(i) r,i aluifrs, <(iii a coii.-i:icr<' in m lirle j Mulis,
lii.iis sou Hw^Kiphlenl dietionaiy,ini liom|ie évi-
deiïimciit eu disutifc i[nf co bokauisîe \ijit à P.tris, en
i-()-, y c!L'ir;eura iusqn**!! i8oi , fl qu'il riait , eu
î8o4, lii-ohVssiur de liiU»nique , et diieclenr du jardin
botanique de SLidriJ. U Ta vniisenildM.lcioent cou-
fuiidu avec uu neveu de Dou Celi.sliuo ÎMulis , qui a
pai-e (|iielque t- inps à Pari.s ; it avic M. Zea , eiève
de Mutis , qui «lait aloij demoii:>tralenr du iarJia
L jtaïuHuc dii Srlr-ùciU. £•
5o2 1\IUT
La CiOndamine a^ail laisser à Quito,
deux chroiioinèttes d'Euiery, et des
lunettes de DoUoud. — INlntis enl
le bonheur de ne pas voir le com-
mencement des sanglaiiîos révolu-
tions qui ont désole' ces bflies con-
trées, lia mort l'enleva le 1 1 sep-
tembre 1808, au moment où il jouis-
sait de tout le bonhei r que peuvent
répandre , sur une vie laborieuse et
utile, la considération des hon)rues
de bien, la gloire littéraire, et la
cerliludc d'avoir contribué, dans le
Nouveau-Monde , par son instruc-
tion , par sou exemple et par la pra-
tique de to'ites les vertus , à l'amé-
lioration de l'ctat svcirtl. — Nous ve-
nons de donner un aperçu succinct
de la vie de Mutis. Nous allons in-
diquer sommairement ses travaux ,
qui eujbrassent presque toutes les
branches des scicures naturelles. Il
n'existe de lui qu'un petit nombre
de Dissertations imprimées dans les
Mémoires de l'académie royale de
Stockholm ( pour l'année i'j69 ), et
dans un excellent journal publié à
Santa-Fé, eu S794? sous Ictitrerle
Papel periodico. Mais le Supplé-
ment de Linné, les ouvrages de l'ab-
bc Cavanilles et de M. de Humboldt ,
le Semanario ciel Nuevo-Reino de
Granada , rédigé par M. Caldas ,
en 1808 et 1809, ont fait connaître
ime partie de ses observations. Nous
ignorons l'état des m<'«nuscrits que
cet homme célèbre avait recomman-
dés aux soins de ses amis et de ses
plus proches parents. M. Caldas , le
directeur de l'observatoire de Sanîa-
Fé , et l'élève chéri de Mutis , don
Salvador Rizo , premier peintre de
l'Expédition botanique, et la plu-
part des citoyens distingués parleurs
connaissances et leurs talents , ont
été mis à mort pendant la funeste
réaction du parti de la métropole.
MUT
La précieuse collection des dessins
a é:e envoyée en Espagne où se trou-
vent déjà les matériaux inédits de
la Flore du Pérou et du Mexique.
Hspérons que, quand les agitations
politiques auront cessé dans la jé-
uinsule e! dans les colonies, les tra-
vauxdc Mutis ne resteruutpas vt.ués
à l'oubli comme ceux de Sessé et de
Mocino. — Ce sont les communica-
tions que Mutis avait faites à Linné,
q;i l'ont rendu ce èbre en Europe,
long - tenjps avant qu'on eût con-
n;*issauce des ouvrages qu'il ])répa-
rail. Beaucoup de genres {Alstonia,
P aile a , Barnadesia , Escallvnia ,
M anetlia , Acœna. Brathjs, Myro-
xj'htm, Befaria^ Teh'pogon, Brahe-
juin . (^o;?ioziVi, et tant d'autres, pu-
bliés dans le Supplément de Linné),
sont dus à la sagacité du botaidsle
de Sauta- Fé. En parlant du genre
Mudsia , Linné ajoute : Nomcnii'n-
mortale quod nulla œtas unquam
delebit. C'est ÎMutis qui a fait con-
naître, le premier, les véritables ca-
ractères du genre Ciuchona. Com-
me ce travail est devenu très-impor-
tant, nous allons rappeler ce qu(
l'on savait avant celle époque sui
les quinquinas du Nouveau-Monde
La Condamine et Joseph de Jussiei
avaient examiné, en 1788, les ar-
bres qui , dans les forêts de Loxa .
donnent l'écorce fébrifuge. Le pre-
mier a publié la description et h
dessin du quinquina du Pérou, dam
lesMémoiresderacadcmie: c'est l'es
pèce que IMM. de Humboldt et Bon
pland ont fait connaître sous le noit
de Cinchona condamineu, et que le.'
botanistes ont conionduelong-tcmp-
avec plusieurs autres, sous le non:
vague de Cinchona ojficinalis. C(
Cinchona condaminea (appelé aussi
CascariUajina de Loxa , de Caxanu
ma et d'Urilusinga), est l'espèce h
MUT
pins rare, la plus prccicusc, clviai-
scmblableiiifiit la plusaiiciciiiieineiit
cniployce. 11 n'en est exporte' tons
les ans, par Gnayaqiiil , port de
la mer du Sud, que loo (luinlaux
d'eVorces. L'exportation de l'Aïue-
riq'ie entière ( en ditR-rentes espèces
de quinquina ) est aniuiellemeiit de
1 4,000 quintaux. Linné avait lormc,
en x'j^'.iySon genre Cincliona, dont
le nom devait rappeler celui d'une
vice-ieine du Pérou ( f^. CmcuoN,
VIII , 564 )• Il n'avait pu fonder
ce genre que sur la description im-
parfaite de La Gondamine. En 1 753,
lin intendant de la monnaie de Santa-
Fé de Bogota ( don Miguel de Santcs-
tevan) , visita les forêts de Loxa, et
découvrit les arbres de quinquina
( entre Quito et Popayau ) , dans
plusieurs endroits , surtout près du
Pucblo de Gnanacas, et dn Silio de
les Coi'ales. Il communiqua des é-
chantillons de cinchona à Mutis.
C'est sur ces e'chantillons que celui-
ci lit la première description exacte
du genre. Il se hâta d'envoyer à
Linné la fleur et le fruit du quin-
quina jaune ( Cinchona cordifolia ) j
mais le grand naturaliste d'Upsal,
en pubbant les observations de Mu-
tis {Sjst.Tiat. éd. 12, pag. 164 ),
confondit le quinquina jaune avec
celui qu'avait décrit La Gondamine.
Jusqu'à cette époque, l'Europe ne
recevait l'écorce fébrifuge du quin-
quina que par les ports de la mer du
»Sud. On ne connaissait point encore
au nord du parallèle de -2° /, de
latitude boréale , l'arbre qui donne
celle production précieuse. En 177'^,
Mutis reconnut le quinquina , à six
lieues de Sanla-Fé de Bogota , dans
le Monte de Tena. Getlc découverte
importante fut bienlôt ( 1778 ) sui-
vie de celle du même végétal dans le
chemin de Honda à Villeta et à la
MUT
)o3
Mcsa de Gliinga. Nous sommes en-
trés dans quei([ucs détails sur cet
objet , parce que le quinquina de la
Nouvelle-Grenade, exporté par Car-
lliagènc des Indes, et couséqucm-
jucnt par uu port de la mer des An-
tilles rapproché de l'Europe , a
eu l'inlluencela plus bienfaisante sur
l'industrie coloniale et sur la dimi
nution diiprixdes écorces fébrifuges
dans les marchés de l'Ancien-Monde.
Mutis a eu raison de mettre nue
grande importance à cette décou-
verte , pour laquelle il n'a jamais
été récompensé par sou gouverne-
mcnt. Un habitant de Panama , don
Scbastien-Jose-Lopez, Ruiz, qui avoue
lui - même , dans ses Informes al
i^cy, n'avoir connu les quinquinas de
Flouda qu'en 1774? a passé long-
temps pour le véritable descuhridor
de las cascarillas de Santa-Fé. Il
a joui , à ce titre , d'une pension de
10,000 fr. , jusqu'à ce qu'eu 1775,
le vice-roi de Gongora eût démontre'
à la cour la priorité des droits de
Mutis. Vers la même époque ( 1 77G),
don Francisco Rcnjifo trouva le
quinquina dans l'hémisphère aus-
tral , sur le dos des Andes péruvien-
nes de Guanuco. xiujourd'hui , on
le connaît tout le long des Cordilliè
res, entre 700 et i5oo toises de hau-
teur , sur une étendue de plus de Goo
lieues , depuis le Paz et Chuquisaca,
jusqu'aux montagnes de Sainte-Mar-
the et de Mérida. Mutis à le mérite
d'avoir distingué , le premier , les
dilTérentes espèces de Cinchona, dont
les unes à corolles velues, sont beau-
coup plus actives que les autres à
corolles glabres. Il a prouvé qu'on
ne doit pas employer indistincte-
ment les espèces actives , dont les
propriétés médicales varient avec lu
forme et la structure organique. La
Quinologia de Mutis , qui va être.
5o4
MUT
publiée par M, Lagasci , à Madrid ,
et duiit une partie scnlonicnt a c'te'
iusérce dans le Fapel peiiodico
de Santa -Fé de Bogota, février
i'jp4? l'eufcrnie l'cnseinble de ces
recherches rncdlcales et bolaiii(|iies.
Cet ouvra<5e a lait coniiaîlrc aussi
inic prcpaialion de quinquina fer-
mente' , qui est célèbre à Sauta -Fé ,
à Quito et a Lima , sous le nom de
bière ( Ceivcza ) de Quina ( i ). —
Parmi les piaules utiles dans Id mé-
decine et le commerce, que IMutis a
décrites le premier, il faut compter
le Psycliolria emetica ou Ipcca-
cuanha ( Baizilla ) du Rio-M^gda-
leni; le Tcluifei a ,c\.\c Mjrox;, htm,
qui donnent les baumes de Toiu et
du Pérou, la fVintera grenadensis ,
voisin de la Canella alba de nos
pharmacies , et VAlsionia ihea'far-
jnis , qui fournit le thé de Santa-Fé,
dont Tinfusion ue saurait èire assez
ïcconim^indéc aux voyaj!;curs qni
ïcsîeut ioiîg - temps exposes aux
pluies des iropicpies. A Mari'^uita ,
sous un climat délicieux et tempéré,
Miilis a formé une pfliie planlâiion
de qiiiiiqnina, de ces caneliiersXZoH-
Tiis cinnainoindides) , qui abondent
dans les missi'jiis des Andaquies , et
de noix de muscades indigènes {My-
ristica Otoha ). Le nom de ce boia-
iiiste célèbre se rattache aussi à une
découverte qui a beaucoup occupé
(i)t>n VAè\e il Ivres de sucre, trois quarls rie
lîvi-t; de qti-uqnina en poitdrc « .•^ui'tnijt le quinquina
lilnur , CincUoiia ovr.l folta ), P( i6 bouteilles i.'euu :
dans l'espace de acv jours , ou olitietit( la température
de i'al.uius|il>trc tlant dt' iS" ), «ue bosson iVi -
îa iitcf d"nn jiuiît ayreable , spiritueiisc , nième U'i
j>eii eDÎvrante , et très-utile ;iu:c conval- scciils de
fièvriS lîercfe. Celfe bière <ie quinquina se conserve
pendant 4 ■"' 5 mois, et ?>Iul>s In couverlit en un vi-
iiai^ieile ijuint/ ni ii a , to }aisini't cotitiiia''r la ('cr-
in uia'.ion à l'air lil>re, et eu ajoulant des IraQ'his
de banaues. Ce v:i:aigre de t/uîna a *-lé r^'cun'iu Irès*-
iitile ilruis lies navigations de long cours. Les proprié-
té» iMcdieales de ces boissons prophylactiques , qu'on
n'a poiui eurore iiiiitues eu Europe, prouvent que l,i
fer'<icnl»t!ou n'a pas d.ssgus la maticre vtgélale tu
ç^ deruicis cleiHciit».
MUT
les esprits en Amérique. On savait*
que les Indiens et les iNègres qui tra-
vaillent dans les lavAges d'or et de
platine de la province du Choco ,
j)0ssèdent ce qu'ils appellent le secret
d'une plante qui est l'antidote le
plus puissant contre la piqûre des
serpents venimeux. Mulis est parve-
nu adécouvrir ce mystère, et à faire
connaître celte piaule : elle est de la
famille des composées, et connue
dans le pays sous le nom de Fejuco
dcl G«rtCo.MiM.deHumboldl ellion-
])Iaiid l'ont figurée les premiers ( /^.
\a Mikania Guaco, dans les Plaitce
ceqninociiales , t. ii , p. 85 , pi . i o5 ).
La plante a une odeur nauséabonde ,
qui parait aliecter les organes de l'o-
dorat des A'ipères: l'odeur du Gua-
co se mêle sans doute à la transpi-
ration cutanée de l'homme. On se
croit garanti du danger de la morsu-
re des serpents , pendant un temps
p!us ou moins long, lorsqu'on s'est
cur.'ir/o,, c'est-à-dire, introduit (inocu-
lé) dans le syslèmedermoïdc.le suc
du Guaco. Des expériences hardies,
faites dans la maison de Mulis p.ir
]M[\L Zca , Vargas et Mathis, et j)cu-
danl lesquelles on lésa vusmanier im-
punément les vipères les plus veni-
ineiises, sontdécritesdansle^e7?jrtMfl-
rio de agricultura de Madrid , 1 7(^8 ,
tora. IV, p. 397. Comme ou a dé-
couvert le Guaco dans plusieurs val-
lées ciiaudes des Andes, depuis le
Pérou jusqu'à Carlhagène des Indes
et aux montagnes de Varinas , utt
grand nombre de personnes doivent
leur guérisou à cette belle découver-
te de l\ïutis. Il est à regretter que
cette plante, qu'on a souvent confon-
due avec l'Avapana, perde sa ver-
tu, lorsque les feuilles et les tiges
sont conservées dans l'aicohol. Le
Guaco ne se trouve pas dans tous
les endroits où abondent les se,:-»-
MUT
pcnls venimeux. — Nous ne connais-
sons que très-peu les travaux île zoo-
lof^ieetdc pliysicjnc de Mutis; mais
nous savons qu'il avait cfiidie long-
temps les mœurs des fourmis , et
de ces termitfs qni , en Amérique
comme au Sciic'ejal , construisent
des tertres de 5 à (3 pieds de hau-
teur. Il a fait peindre avec une
crande fidcflite beaucoup d'espèces
de mammifères , d'oiseaux et de
poissons de la Nouvelle-Grenade. Il
a décrit, d'après !a méthode Lin-
Deenne , dans les Mémoires de l'aca-
démie de Stockholm, dont il était
membre, une nouvelle espèce de pu-
tois ( f'iverra majuit ito). — Les ma-
nuscrits de Mntis renferment aussi
un grand nombre d'obserA ations pré-
cieuses sur les marées atmosphéri-
qiies qui se manifestent sous les tro-
piques , mieux encore que sous les
cliu)ats tempérés, par les variations
horaires du Laroiuèlre. Cet instru-
ment monte cl baisse quatre fois eu
vingt-quatre heures sous la zone tor-
ride, avec une telle réjularilé, au
niveau de la mer, comme sur les
plateaux les plus élevés , que l'on
peut , presque à un quart - d'heure
près, savoir l'heure qu'il est par la
seule inspection de la colonne de
mercure. Il pavait que cette obser-
vation curieuse., qui a tant occupé
les physiciens, et dont La Conda-
mine ( Voyage à l'éifualeur , pag.
5o), attribue si faussement la décou-
verte à Godin , avait déjà été faite à
Surinam , en i-j^'i (Journal litté-
raire de la Haye, pour l'année 17*22 ,
pag. '.i3 j ). Le pèreljondier ( 174^)
.s'en était occupé à Chandcrnagor ;
Godin (1737) a Quito; Thibault de
Ghauvalon ( 1 75 1 ) , à la Martinique ;
Lamanoii , en 1 786 , dans la mer du
Sud. MuiH assure avoir trouvé que
iv» Lune e^ei<'0 une influence scnsi-
IVIUT
5o5
ble sur la période et l'étendue des
variations horaires ( Caldas, dans lo
Scinanario del hucvo Heino de
Grcnada, tom. i'^''. , pag. fi") 1 1 30 1 ,
n^'. 3 ). — L'homme qui a df'pUiyc
une si étonnante activité, pendant
quarantc-liiiit ans de Iravai.x dans
le Nouveau-Monde, était doué, par
la nature, de la constitution j)hysiquc
la plus heureuse. 11 était d'une sta-
ture élevée : il avait de la noblesse
dans les traits , de la gravité dans le
maintien , de l'aisance et de la poli-
tesse dans les manières. Sa conver-
sation était aussi variée que les ob-
jets de ses études. S'il p.trlait sou-
vent avec chaleur, il aimait à prati-
quer aussi cet art d'écouter, auquel
Fontenelle attachait tant de prix,
et que déjà il trouvait si rare de son
temps. Quoique fort occupé d'une
science qui rend nécessaire l'étude la
plus minutieuse de l'organisation ,
Mutis ne perdait jamais de vue les
grands problèmes de la physique du
monde. Il aAait parcouru les Cor-
dillières , le baromètre à la main:
il avait déterminé la température
moyenne de ces plateaux qui for-
ment comme des îlots au milieu de
l'Océan aéiien. Il avait été frappé de
l'aspect de la végétation , qui varie
à mesure que l'on descend dans les
vallées, ou que l'on gravit vers les
sommets glacés des Andes. Toutes
les questions qui ont rapporta la géo-
graphie des plantes, l'inléressaient
Aivement; et il avait cherché à con-
naître les limites plus ou moins étroi-
tes entre lesquelles se trouvent ren-
fermées, sur ia pente des montagnes,
les différentes espèces de Ginchona.
Ce goût pour les sciences physiques,
cette curiosité active qui se porte
sur l'explication des phénomènes de
l'organisation et delà météorologie,
s'est miiiulcnu en lui jusqu'au dcr-
5o6 MUT
nier moment de sa vie. Rien ne
prouve plus la supëjiorité de sou
talent, que l'enthousiasme avec le-
quel il recevait la nouvelle d'une
découverte importante. Il n'avait
pas vu de laboratoire de chimie de-
puis i'j6o; et cependant la lecture
assidue des ouvrages de Lavoisier,
deGuyton-AIorveau et de Fourcroy,
lui avait donne' des connaissances
très- précises sur l'état de la chimie
moderne. — Mutis accueillait avec
honte les jeunes gens qui montraient
des dispositions pour l'étude; il leur
fournissait des livres et des instru-
ments : il en fit voyager plusieurs à
ses frais. Après avoir parlé de sa li-
béralité et des sacrifices qu'il faisait
journellement pour les sciences, il
est inutile de vanter sou désintéres-
sement. II a joui long -temps de la
< onfiauce des vice-rois, qui exer-
çaient un pouvoir presque illimité
dans ces contrées ; mais il ne s'est
servi de sou crédit que puur cire
utile aux sciences , pour faire con-
naître le mérite qui aime à se ca-
cher, pour plaider avec courage la
cause de l'infortune. Il n'ambition-
nait d'autres succès que de faire
triompher la vérité et la justice. Il
remplissait avec zèle , on pourrait
dire avec ime ferveur austère , les
devoirs que lui imposait l'état qu'il
avait embrassé ; mais sa piété ne
cherchait point le vain éclat de la
renommée : e!le était douce , comme
elle l'est toujours lorsqu'elle se trou-
ve unie à la seusibilité du cœur et à
l'élévation dans le caractère. H-dt.
MUTIUS , architecte romain ,
acheva , par l'ordre de Marins ,
d'embellir , par les plus riches orne-
ments de l'architecture, le temple
de l'Honneur et de la Vertu , bâti
par Marcellus. Cet édifice était en
pierre; et si le marbre eût fait res-
MUY
sortir la beauté du travail et des or-
nements , on eût pu le mettre au
nombre des temples les [.lus magni-
fiques de l'antiquité. Il existe des
médailles d'argent, qu'on croit avoir
été frappées en l'honneur de cet ar-
chitecte; on y voit les initiales no.
et vip.r., et dans l'exergue, cet autre
mot coRDi. . . Or , le surnom de
Cordus était particulier à l'une des
branches de la famille Mutia , dont
descendait aussi le triumvir moné-
taire Cordus. L — s — E.
MUTIUS. r. SciEvoLA.
MUY ( Louis - Nicolas - Victor
DE FÉLIX , comte du ) , d'une fa-
mille originaire de Piémont , qui a
donné des héi-os à Malle , naquit à
Marseille , en i'^ i i. D'abord cheva-
lier de Saint -Jean de Jérusalem,
dans la langue de Provence, il en-
tra au service très -jeune, et fît,
sous Berwick et Coigny , son ap-,
prentissage dans la guerre de 1784,
entreprise pour soutenir l'élection
de Stanislas au trône de Pologne.
Après avoir terminé ses caravanes ,
il fut appelé à la cour par le Dau-
phin , père de Louis XVI, qui
désira l'attacher à sa personne en
qualité de meuiu. Ce prince ne ces-
sa dès-lors de le traiter comme un
ami vertueux et dévoué , et eut en
lui toute la confiance qu'inspirent
une sagesse et une prudence consom-
mées. On sait qu'à cette épo(|ue , le
fils de Louis XV , ayant trouvé sous
sa main le livre de prières du com-
te , y écrivit celle-ci : « Mon Dieu ,
» protégez votre fidèle serviteur de
» Muy, afin que si vous m'obligiez
» à porter le pesant fardeau de la
» couronne, il puisse me soutenir
» par sa vertu , ses leçons et ses
» exemples. » On ne sait , dit La-
harpe , qui l'on doit plus estimer ,
ou du prince capable de former un.
MUY
pareil souliait, ou du sujet digne
qu'on le forme pour lui. Lcufs occu-
pations , leurs jjuissanccs commu-
nes , furent i:i, ci rompues par la
guerre de i74'i- ^^^ eoinie du Rluy
se IroMAa l'amiee siiivante,à la ba-
taille de Fontcnoi , et fut fait lieutc-
iiant-genéral en 1748. Il se montra
aA'CC avantage à la bataille d'Has-
tembeck {l'j^'])-, à celle de Crevelt
(1758), cl à celle de Mlnden (i 759).
Il fui employé , eu i 760 , dans l'ar-
mc'c du II arecliai de (icntades, et
commanda, pendant loute la campa-
gne , un corps consiilerable de tiou-
pcs. Attaque' le 01 juillet, ))rès de
Wari)Oi-rg , par 4o mille honnnes
qui avaient pour ( lief le ])iince lie'-
rcditairc , et qui étaient soutenus
par l'arnie'e du prince Ferdinand,
il combattit pendant quatre lieures
avec la plus grande valeur , et n'or-
donna la retraite, qu'il fit en bon
ordre , que lorsqu'il fut force' de cé-
der au grand nombre. Sa réputation
militaire ne fut point altérée par ce
revers, dont le Dau])bin sujtout
s'occupa de le consoler. Louis XV
le fit cbevalier de ses ordres, en
1 762, et lui donna le commande-
ment de la Flandre. Il l'avait choisi
pour ministre de la guerre. Le com-
te du Miiy e'crivit à ce prince : « Je
» n'ai jamais eu l'honneur de vivre
» dans la société' particulière de vo-
» tre Majesté : par conséquent . je
» n'ai jamais été dans le es de me
» pliera beaucoup d'usages, que je
» regarde comme des devoirs pour
» ceux qui la formenî. A mon âge ,
•)■> on ne change p .ii!t sa ûianière
» de vivre. Mon c^aactère inflexible
« transformerait bientôt en Idàme
» et en haine, ce cri favorable du
«public, dont votre IMajesté a la
» bonté de s'apercevoir. On me fo-
» rait perdre Ses bonnes grâces ; et
IMUY 507
» j'en serais inconsolable. Je la prie
» de choisir un sujet plus capable
» que moi. » Mais il ne crut pas
pouvoir se refuser à la volonté du
lils de M', le Dauphin, lorsqu'il
fut appelé, en 1774, au ministère
qu'il avait refusé sous Louis XV.
Il soutint, dans ses nouvelles fonc-
tions, son caractère religieux, juste,
et quelquefois sévère jusqu'à l'austé-
rité. Le roi le comprit alors dans
mie promotion de maréchaux de
de France. Il ne jouit pas long-
temps de ces honneurs , étant mort,
le 10 oct. 1775. des suites de l'o-
pération de la pierre. Le maréchal
du Muy avait exécuté quelques
c.hangt*ments avantageux dans le
système et la discipline militaires j
mais sans avoir eu le temps de don-
ner aux troupes françaises une cons-
titution qui leur fut tellement pro-
pre que son successeur ne put la
changer. I! avait commandé lui-
même à Sens, son tombeau, au-
dessous de celui du Dauphin, dont
la perte lui avait été si sensible , et
sur lequel il avait fait graver cette
inscription , en l'honneur de son
bienfaiteur et son ami : « C'est ici
que finira ma douleur. » Hue usque
Inclus meus. II a laissé des manus-
crits pleins d'excellentes vues sur
différents objets de l'administration.
ï\ existe trois É'ogcs du maréchal du
Muy ; celui qui fut couronné par
l'académie de Marseille, en 1778,
et dont l'auteur est le Tourneur ,
Iradutieurd'Young (Bruxelles et Pa-
ris , in-8 '. de 59 pag. ) ; un second qui
fut piononcé dans la chapelle des
Invalides , par M. de Beauvais , cvê-
que de Senez ; enfin , mi troisième
composé par M. de Tresséol ( in-8°.,
1778 ). — Le comte Félix du Mu y,
pair de France, mort en 1820 était
" neveu du maréchal. L — p — £.
SoS RIUY
jNIUYART DE VOUGL.'UN'S (Pifr-
re-François ), le soûl des anciens
crirninalistes français, dont on lise
encore les ouvrages , était ne' en
1713, à Moirans , près de Saint-
(^latidc, d'une iaraille de roLe. Après
avoir termine ses études, il se fit
recevoir avocat au parlement de
Paris, et s'attacha spécialement aux
matières criiuinencs. Jl entra, en
i-yyi , au parlement forme' par le
clianccîlicrdc Maupeou ( /^. cenuia j,
et devint ensuite couscilJerau grand-
conseil. C'était un homme tiès-ius-
tniit, mais d'un caractère dur qui
perce dans tous ses ouvrages. Il est
luorl à Paris , le 1 4 mars 1791, dans
un âge avance. On a de lui : I. lusti-
iiites au droit criminel, ou Principes
généraux sur ces matières, avec un
Traité particulier des crimes, Pa-
ris, 17^7, in-^". II, Instruction cii-
ininelle suivant 1rs lois et ordon-
nances du royaume , ihid. , I7(i'2,
in-4'^. Cet ouvrage fait suite au pré-
cèdent. IIÎ. lU'futatiun de. princi-
pes hasardés dans le Traité des Dé-
lits et des Peines , ibid. , 1 7G7, petit
in-8". j Utrccht, 1768, in- 1-2; tra-
duit en italien et en allemand. Le Lut
dé Muyart est de prouver , contre le
sentiment de Beccaria, que la juris-
prudence criminelle de l'Europe n'é-
tait susceptible d'aucune améliora-
tion : il justifie l'usage de la question,
dont un de ^es conipalriotes avait
demandé labulition cent ans aupa-
ravant ( V. Aug. Nicolas), par la
raison qu'on n'y soumet que des cri-
minels plus qu'à demi convaincus :
il établit la nécessité de la peine de
rjîort comme un frein salutaire, et
cflle delà confiscation des biens des
condamnés; ma'sil veut aussi qu'on
ait égard à la qualité des coupables^
parce que l'éducation met entre les
liorames une diûéi'cuce si grande
MUZ
qu'une simple peine infamante pro-
duit sur les uns plus d'eiïèt que les
])uuiti<)ns corporelles sur les autres.
V^ .Motijs de ma; oi en Jesu.'--Christ,
o\\ Points fondamentaux de la re-
lgiÔ7i chrétienne , di;'Cutés suivant
les principes de l'ordre judiciaire,
Paris, 177O. in-iu : ouvrage esti-
mable, qui valut à l'^ateiu- une lettre
de félicitation du pa;.e Pie vi ; il a
été traduit en espagnol. V. Les lois
criminelles de la France dans leur
ordre naturel , ibid., 1788, infol.
Cette compilation , qui avait cOij:e
viugt ai;s de tiavail à l'auteur, est
rédigée sur le plan des Lois ecclésias-
tiques par d'îléricourt, et des Lois
civiles par Domat. On trouve , à la
fin du volume, la Héfutaliondn trai-
té de Beccaria ; un Mémoire sur les
peines infamantes ; et les Motifs de
ma foi eu Jésus-Chiirt. \I. Preu-
ves de V autlienticité de nos Evangi-
le': contre les assertions de certains
critiques modernes , ibifl. , 1785, in-
i'>. Vil. Lettre iur le système de
fauteur de V Esprit des lois tou-
chant la modération des peines ,
ibid., 1785, in-12 de 83 pag. II y
soutient que la douceur engage aux
ciimcs , et que la rigueur des suppli-
ces peut seule en aiminuer le nom-
bre.— Muyart de Volglans, bailli
de IMoirans , oncle du précédent ,
mort en 1781 , avait forme ui.t belle
collection de médailles et d'antiqui-
tés. On a de lui des descriptions de
quelques pièces de son cabinet , dans
les Affiches de Franche-Comté ; et
une hisscrtation sur les antiquités
de la ville d\4ntre , dans le Journal
encyclopédique, ann. 1778, tomç
ni , p. 317-21 ; avec uu Supplémejit,
lomev, \!\\-!^o.. W — s.
MUYS. F. Muis et Musius.
MLZIANO ( JÉnoME ) , ou lç
MuTii'jî , peintre du seizième siè-
de , nalif d'Aqu.ifrcflcl.i , rlins le
Jiresciaii , lut clôvc do Romaiiiiiu.
liiconiui niicoiT dans sa jjatric , il
vint fort jeune à l\uirie , et y acijiiit
biL'iilôt la re])iifalioii (!'i!;i soutien du
bon çiuùl. Il avait déjà recueilli dans
l'o'colc vénitienne les principes du
dessin et du coloris. Il se fil d'abord
connaître par ses pa^'sages , et se dis-
tingua tellement dans ce genre qu'on
lie le coiniaissait à Rome que sous le
rïovciàn jeunelioiame auxpaysa^es.
Mais ce n'était pas assez ])0nr lui j
il voulut V joindre une etndc as-
sidue de l'histoire , et il alla jus-
qu'à se faire entièrement raser la
tête afin de n'èîre pas lente ;ie sor-
tir de chez lui. C'est alors qu'il pei-
gnit la Résurrection du Lazare ,
qu'on a transférée de Sainlp-Marie-
l\Iajeurc au palais Quirinal. Lorsque
Michel- Ange \'w. ce tablenu expose
en public , il accorda sui'-le-champ
son estime et sa protection à l'ar-
tiste. Les églises et les palais d<;
Piome possèdent , de sa main , un
grand nombre de tableaux , dont
quelques-uns sont enrichis de pay-
sages peints à la manière du Titien.
L'église des Chartreux en possède un
très-beau, qui représente une Ti'oupe
d' Anachorètes écoutant la parole
d'un Père du Désert. On fait aussi
beaucoup de cas des lal.lcaux qu'il a
faits pour les églises du Jésus, iV Ara-
Céli , et de la Conception, à Rome ,
rt de ceux que l'on voit à Orviète ,
à Lorèle , et à Foligno. Ses figures
sont dessinées avec exactitude ; et
elles imitent assez souvent l'anato-
mie de Michel-Ange. 11 résssit par-
ticulièrement à exprimer les costu-
mes militaires ou étrangers , et sur-
tout à repréàenler les anachorètes
et antres personnages d'une phvsio-
uomie grave , et exténués par l'abs-
tiueuce. jlais^ en i^^éiiéral, son dessin
IMÏJZ 5-f)
tombe dans la sécheresse. On lui
doit la gravure de la colonne Trj-
jane. Jules Romain eu avait com-
mencé le dessin ; il termina cette
vaste entreprise, et la conduisit à sou
terme. A l'époque où il viA'aif , l'art
de la mosaïque atteignit son plus haut
degré de j)erfection , et devint une
imitation parfaite de la peinture ,
non par le moyeu de petites pierres
de diverses couleurs , choisies et
jointes enscm'.jle , mais par celui
d'une comp;isition qui peut rendre
toute espèce de coloris , imiter les
deini-leintes et les dégi'adations de la
lumière aussi paifaitement que le fe-
rait !e pinceau. C'est à Muziano que
l'on doit ce perfectionnement; et les
mosaïques qu'il dirigea pour la cha-
pelle Grégorienne, passent pour les
plus beaux ouvrages de ce genre qui
aient été faits depuis les anciens. Il
avait été lié avec ïhaddie Zucchero,
et ils peignirent en concurrence bi
Vigne de Tivoli, qui appartenait au
cardinal d'Esté. Il fut le fondateur
de l'académie de Saint-Luc , et fit
servir à la fondation de cet claLlis-
sement une partie des richesses que
lui avaient procurées ses travaux. lî
mourut, en lOQ'i, âgé de soixante-
quatre ans , et fut enterré à Sainte
ISÎarie - Majeure, Ses dessins , ordi-
nairement exécutés à l'encre de la
Chine, sont d'un beau fini. Les pay-
sages de Muziano sont reconnaissa-
bles aux chàtaigners qui y dominent;
il trouvait le feuillage de cet arbre
plus pittoresque (pi'aucun auti'e. Ou
a gravé , d'après lui , environ trente
estampes , dont sept paysages par
Cornel. Cort. Le Musée du Louvre
possède deux tableaux de ce maître r
I. Le Lazare ressuscite. II. l/Incré-
didité de saint Thomas. P — s.
MLiZZABELLÏ ( ALPnoNSF.),théo-
logica romain y né à Fei'rare , lé •-»»
5io
MUZ
août l'y :J 9, de la famille des comtes
de ce nom , entra chez les Jésuites
en 1768. Lors de la suppression de
la Société , il l'ut pourvu d'un bc'ne'-
fice à Fer rare , et reçut , du duc de
Parme , la cliarf;c de diiiger le col-
le'^'e des nohles. Appelé à Knme par
Pie VIT , il y fut fait lliéoîogien de la
pcnitenccrie, litre ([ui revient à celui
de the'ologicn du souverain pontife
lui - même. Il fut un dos premiers
membres de l'acadëmie de la religion
catholique formée à Rome ; et lors
du rétablissement de la Société à Na-
ples, en i8o4, il demanda la per-
mission de se rendre dans celle capi-
tale , pour s'y réunir à ses anciens
confrères : mais on ne voulut point
priver Rome d'un théologien éclai-
ré. Lorsque le pape eut été arraché
de sa capitale , eu 180g , Muzzarelli
subit aussi la déportation , et fut
obligé de venir à Paris , où il prit un
logement chez les dames de Saint-
Michel. C'est là qu'il mourut , le a5
mai 181 3. Ses écrits, qui sont nom-
breux , prouvent combien il était
laborieux et zélé : ils pourraient se
Barta^er en deux classes , l'une sur
C O 1 • • ' 1> 1
des matières de pietc, 1 autre sur des
points de critique et de théologie.
Nous citerons dans la première classe:
I. lîistructioji pratique sur la dévo-
tion au cœur de Jésus , Ferrare ,
1788, '\n-\i. IL Le Mois de Ma-
rie , qui a été souvent réimprimé.
III. U Année de Marie ou V Année
sanàtifiée, 1791, 2 vol. in- 12, IV.
Le Carnaval sanctifié, Parme,
1801. V. De la Vanité du luxe
danslesvêtementsmodernes . 1 7gi,
in-S". VI. Le Trésor caché dans le
cœur de Marie , 1 806 , iu- 1 i. VII.
Dissertation sur les règles à obser-
ver, pour parler et écrire avec exac-
titude sur la dévotion au cœur de
Jésus, Rome, 1806, in-12. VIII.
MUZ
Neuvaines pour préparer aux fêtes
des cœurs de Jésus et de Marie ,
1806 et 1807. IX. Le bon usa^e
des vacances , proposé aux jeunes
étudiants. — Sur des points de criti-
que et de théologie , Muzzarelli a
publié : X. Recherches sur les ri-
chesses du clergé, Ferrare , 1776 ,
in-8". XL Deux Opinions de Char-
les Bonnet (de Genève) , sur la ré-
surrection et les miracles , réfutées ,
Ferrare, i78i,in-8'\ XII. Emi-
le détrompé, Sienne, 178'^ , 1 vol.
Il en a paru depuis une Suite en
deux autres volumes ; c'est une réfu-
tation de Rousseau, qui depuis a été
traduite en espagnol. XIII. Du bon
usage de la logique , en matière de
religion , Foligno , 1 787 , 3 vol. in-
S^. : il y en a eu une seconde édition
en 1 789 , en 6 vol. , et une troisième
en 1810 , eu 10 vol.; celle-ci con-
tient plusieurs opuscules déjà pu-
bliés séparément par l'auteur, tels
que celui qui a pour titre : Du Do-
maine temporel du pape. Il y a ,
dans ce recueil, 37 opuscules diflé-
rents ; et , dans ce nombre , il en est
à-peu-près la moitié qui ont été tra-
duits en français ( i ). Le théologiea,
Bolgeni ayant prétendu que c'était
mie exagération de supposer que nous
pussions aimer Dieu pour lui - mê-
me et sans rapport à notre bien par-
ticulier, Muzzarelli s'éleva contre ce
système dans trois écrits : XIV . Du
Motif formel , spécifique et princi-
pal de l'acte de charité parfaite ,
Foligno, 1791 ( c'est la deuxième
édition), in-8°. XV. Lettre amicale
à Bolgeni. XVI. Béponse à quel-
ques observations., 17911. Nous ci-
terons encore de ^luzzarelli : X^ IL
(il Vovez le comnte qniaété rendu d.- ce recupi
dans'lps i\lélange< de /jhilosophie, cbex Le Clère
jSuQ, toai. VII, pa^. iljf.
MLZ
lettre à Sophie, sur la secte domi-
iiinte de sun temps , i 791 , in-'i".
\.VI1I. Dt; V Obligation des pas-
eurs , dans les temps de persécu-
ioii , 1791 , in 8"^. XIX. Des Cau-
ev de') maux présents, et de la
rainte des maux futurs , et leurs
eini'des , 179'^-, in -8". XX. Exa-
nen criticpie des principales Jetés
le Marie. XXI. Jean - Jacques
Rousseau, accusateur des nouveaux
philosophes. Assise, 1798; reim-
)rime à Fcrrare sous le titre tic Mè-
noires du jacobinisme, extraits des
ouvres de J.-J. Rousseau. XXII.
Opuscules inédits, composés jien-
lant la persécution d'Italie , Foli-
no , 1800 , iu - 8"\ XXIII. Qiies-
ion proposée aux détenteurs des
iens ecclésiastiques dans la Cisal-
ine , Fcrrare, 1800. XXIV'^, fie-
ueil d'événements singuliers et de
'ocuments authentiques sur la vie
'e François de Girolamo (i),
lomc , 1806 , in-8''. Miizzarelli
ontribua beaucoup à la be'alifî-
atioii de ce jésuite. Tous les écrits
ue uous avons indiques jusqu'ici
ont en italien ; les trois suivants
ont eu latin. XXV. Observations
ur les notes du promoteur de la
oi ( Napulioni ) , Rome , i8o5 ,
i-fol. C'est une réponse à des objec-
ions du prélat , contre un Office
t une Messe propre du cœur de
^larie. XXVI. Dissertations choi-
ies, Rome, 1807 , in-8'\ Il y a
ualre dissertations : la première
ur la règle des opinions morales ;
1 deuxième sur l'origine et l'usage
es offrandes; la troisième, sur le
ègue de mille ans de J.-C, et la
uatricme , sur le pouvoir du pape
(1 ) François de Girolamo , jesnllc et iiiiisiouuaire
npolitain, né en \(i!^^^ , morde ii mai i-i(j, a oie
eatilié eii 1807. Voyez sa Vie , n.ir 0<i<li , Rome ,
»o(i , i„-4«.
I\1YD
5ii
(If; destituer nn cvèque malgré lid.
Celle-ci a été traduite en français , et
publiée sous ce titre : Dissertation
sur cette question : Le souverain
pontife a-t-il le droit de priver un
évéque de son siège dans un cas de
nécessité pour V Eglise , ou de gran-
de utilité, Paris , 1 809, in-8°. de 64
pages. XXVII. De V Autorité du
pontife romain dans les conciles
généraux , Gand, t8i5, 2 vol. in-
8°. Enfin, on trouve, à la suite de la
correspondance de la cour de Ro-
me avec Buonaparte , Paris , 1 8 1 4 ,
un dernier écrit de Muzzarelli :
XXVIII. Observations surles élec-
tions capilulaires , traduites proba-
blement de l'italien. Muzzarelli jouis-
sait d'une grande réputation dans sa
patrie : il était zélé pour Tinstruc-
tion de la jeunesse; et il avait formé,
à Ferrare , une association de jeunes
étudiants , qu'il dirigeait dans la pra-
tique de la piété. Quand on apprit
sa mort , on lui fit , dans cette ville,
un service pompeux , où son éloge
funèbre fut prononcé; et un grand
nombre de pièces de vers fuz'eut pu-
bliées en son honneur. Nous en
avons vu quelques-unes ; IMuzzarelli
y est loué avec beaucoup d'effusion,
Lui-même avait cultivé la poésie
dans sa jeunesse. On a de lui , dans
ce genre , un Recueil pnbliéà \ enise,
en 1780; la F ocation de saint Louis
de Gonzagne , poème , Ferrare ,
l'-^Sg ',V Enfant -Jésus , traduit en
vers italiens du latin de Ceva , Ro-
me, 1808, in-i'î, et Douze Faits
de V Histoire-Sainte , exprimés en
vers , Feri'are , 1807 , in-8°. Muz-
zarelli avait lu , à l'académie de la
religioii catholique, une Disserta-
tion pour répondre aux objections
des incrédules contre l'embrasement
des 5 villes dont il est parlé dans la
Genèse : cette dissertation se trouve
5ici MUZ
dans le Bon usage de la logique ,
tome IX. Un Sermon de lui, sur la
jéte de saint Pierre ^ a ëtc puLlié à
Foligno, eu iH()3;ct il eu a paru une
traduction en français. Muzzarelli a
laisse beaucoup de nïajuiscrils.
P— €— T.
MYDOUGE ( Claude ) , sa-
vant géomètre, ne à Paris, eu i585,
d'une des plus illustrts fauiill.^s de la
robe ( sa mère était une La:iioi-
gnon ) , fut d'abord conseiller au
Chàtelet j mais au lieu de passer au
parlement , il acquit la charge de
tre'sorier de la généralité' d'Amiens,
afin de pouvoir se livrer plus tran-
quillement à l'étude des matliéma-
thiques. Il e'pousa , en iGi3 , la
sœur de La Haye , ambassadeiu-
de Fi'ance à Conslantinopie. Ce fut
peu de temps après , qu'il se lia
d'une étroite amitié avec Descar-
tes, Il fit tailler, en 16.27, pour
son illustre ami , des verres parabo-
liques, liyperbolifpies, ovales et el-
liptiques, dont il avait ti'acé lui-mc-
me les formes avec une exactitude
que personne alors n'aurait pu
égaler , et qui furent très-uliles à
Descartes, pour expliquer les diflé-
rents phénomènes de la vision. My-
dorgc avait fait tailler ces verres par
un certain Ferrier , qui réunissait à
l'adresse de la main , des connaissan-
ces supérieures à celles d'un simplear-
tisan : celui-cir,e se pliait quedifficile-
inent, pour cette raison , à suivre les
idées de Mydorge ; et vouhuit se
soustraire à sa surveillance , il cher-
cha, par de faux rapports, à le met-
tre mal avec Descartes : mais il ne
])ut y réussir. Mydorge, ayant étu-
dié de sou côté la dioptrique, ne se
trouva pas d'accord avec Descartes,
sur plusieurs points; le philosophe se
contenta de le prier d'examiner plus
«tteotivemeut ses raisons j Mydorgo
MYD
suivit ce conseil , et entra si bien
dans les idées de son ami, que,
loin de le fatiguer de nouvelles
objections , il se chargea de résoudie
toutes les dillicultés qu'on ne vou-
drait pas lui envoyer eu Hollande,
où il s'était retiré. Descartes le dési-
gna, avec Hardi , pour défendre ses
])rincipes contre Fermât , qui lui
avait adressé une espèce de cartel ; et
Mydorge fit plus, puis qu'il eut le bon-
heur, avec Mersenne, de réconcilier
deux hommes faits pour s'estimer.
Ce ne fut pas le seul service qu'il ren-
dit à son ami; il prit encore sa dé-
fense contre les Jésuites , et parvint à
les empêcher de faiiTcondaniner quel-
ques propositions tirées des ouvra-
ges du philosophe. Lord Cavendish
voulut déterminer Mydorge à passer
en Angleterre; mais ce dernier était
trop attachéà son pays pour consentir
à s'éloigner. H mourut eujiiillet 1647,
à l'âge de soixante deux ans , avec
la réputation d'iui savant disiingué
et d'un très-honnête homme. H avait
dépensé près de cent mille écus de
son bien, à faire fabriquer des ver-
res de lunettes et des miroirs ar-
dents, et à tenter divers essais. Il
laissa peu d'écrits , dit Baillet ( Fie
de Descartes ), parce que la pîws
grande partie de son temps comme
de son bien , était employée en expé-
riences. On a de lui: L Examen du
livre des Récréations mathémati-
ques , Paris , i<J3o, in-8°.; réimpri- |,j
primé, en i643 , avec des notes de
D. Henrion. Les Récréations ma-
thématiques , publiées d'abord sou*
le pseudonyme de H. Van-Essen
Pont-à'Mousson , i6'24, in-8o.,soni
du P. Leurechon, jésuite lorrain. Cel
ouvrage eut beaucoup de succès
dans le dix-septième siècle, jusqu'j
ce que le livre d'Ozauara sur le mê-
me sujet, l'eut fait oublier { Y. Ozi.-
MYD
nam). 1T. Prothomi catoptricorum
fl dioptricorum , sii>e conicnrum ,
libri ly , priores , Paris , 1639, iu-
lol. , insère par le F. Moi, senne,
(ians le recueil intiUile: Cfniversœ
gcoinclrice , iniitœ(jue matheniati-
<;œ Synopsis ( /' • IVI k R s e n n e ,
X.WIII , 3().i ). Ses autres maniis-
erits furent disperses ])eiulant les
troubles de Paris. Sonfiîs, clianoi-
ne (lu S.iint-Sepiilcre , n'en avait re-
cueilli que trois petits traités : De
Li lupiière • Dénombre; De la
scioterique. W — s.
MYLE ( Abraham Van der). en
latin Mrlius , savant hollandais ,
issu d'une ancienne famille de l)or-
drccht, mais né, le i3 mai i558, à
Saint- Hereuberg en Zéiande, fut
ministre du Saint-Evangile à Dor-
diecht, et ymouruîlea'jmars iGS^.
Il s'est particulièrement occupé de
rcchcrclics sur l'orii^ine de la lan-
gue flamande ou hollandaise, et en
a publié le résultat dans son Traité
De anliqnitate linguœ Belgicœ ,
deqite conimun late ejusdeDi cnni
latind , g^recd, persicd et pl-risque
aliis, Leyde, iOii,iu-4". Quoi que
'on puisse penser de la doctrine de
'auteur ( Fuj'. Ypey , Hist. de la
'angue holl. (en holl. ) , pag. tîr et
J2 ) , il ne faut pas la confondre
ivec les rêveries des Becanus , des
Schrieckius, ni avec celles de Chnr-
es-Joseph de Grave, dans sa Bepu-
dique des Chainps-Eljsses , 3 vol,
u-S'^. ,Gand, 180G {F. Grave).
yTorhoftlui a rendu justice dans son
'^olyh., 1.4,3.4, où il parle aussi de
raités posthumes, mais bien dc-
eclueusemeut publiés , de Vau der
ivie , De migralione ponidovum
t de origine animalium, in-ii. On
encore de lui : Consolatio siiner
iorte Eilardi ah Aima , lîeidc!-
erg, 1587 , in-4"'7 ^f ^'"f" i'i'-"'-^e dv'
ixx.
MYL 5iî
vers hollandais sur labatiilje de Le'*
pante , traduite de l'écossais, de
Jiirques roi d'Ecosse. Van deriMyle
avait eu le projet d'un Glossaire de
l'ancien Jluniand ; et il est à regret-
ter qu'il ne l'ait pas mis à exécution.
— My'le ( Arnold ), originaire du
comté de iMeurs , et né le »6 octobre
1 540 , doit être niis au nombre des
savants imprimeurs. Il exerça cette
profession à Cologne, où il mourut
le 17 novembre \(')o^. On a de lui :
LocoTum geogr.ipJùcomm noinina
antiqua et recentia, dans le Tliea-
tram geographicum d'Abraham
Ortelius , Anvers , 1 5^3 , in - fol. ^
et Principum et regum Poloiiorum
e^gies, cum comment ario , Colo-
gne, i59i, in-fol. M — oïv.
MYLIUS ( Ji'.AN - Christophe '),
bibliographe allemand, né en nio,
à Buttsticd, dans la principauté de
Wfimar, fut adjoint feu professeur
suppléant ) de \\ facidfc de philoso-
phie, et bibliothécaire de l'univer-
sité de léna. Il fut un des membres
de l'académie latine de la même ville,
où il monru!;, en i "S; , après avoir
composé plusieurs ouvra^jes, dont
voici les principaux : I. Bibliotkeca
annnrmoi'um et pseudonymo'-um ,
Hamljourg, ^l^o, iujS"^. en deux
volumes d'une grosseur fort inégale;
le !«'■. {Deanonymis) a i36o pages,
et le 2"^, ( de Pseudonymis } n'en 'â
que •i54 » compris la table ;dphabé-
tique pour tout l'ouvrage. On eii 'a
aussi fait uiic édition in-folin , poul-
ie joindre à l'ouvrage de Placoiiis
dont il est le suppléuient ( f', HEf
MAN^\ 11 contient 2419 arliclesd'a-
no^vmv^s et 450 de ])seudonymes ,
outre >ii! appendix de 348anonyuie>:
cesarticies sont rangés alp'iabe'iquc-
inent d'une manière assez confuse-,
avec plusieurs tables pour facilite^
les recherches. Ls tt>a$ est iirécédé
33"
5i4 IMYL
du Schediasma deHcumann, cnri-
cbi de quelques additions cl cor-
rections ; après quoi viciincnt Jcs
i'279 auonyiiios français, puis les
latins, et enfin les alleinauds. Mylius
a rattcntioM de citer toujours exacte-
ment SCS autorilcs; mais il omet as-
sez souvent d'indiquer la date et le
format des éditions , et quelquefois
IJ8 donne qu'en latin le titre des li-
vres fiançais. W . De sanctd quorum-
dam in abolendis vel intililandis
auctorihus classicis siinplicitatc ,
Ic'na , 174 ' 1 '» ^°. de 48 pag. Ce
sujet avait déjà été traité par le P.
Ficiiet, dans son Edictuni perpe-
tuuni {F. FiciiKT , XIV, 4^4)- Hï*
MemoTuhiiia hivliolhecœ acadcmi-
cœ lenensis , il.id., 174'') in-8\ Ce
volume ne contient que la première
partie de l'ouvrage. La notice raison-
née des bibliothèques de Bosiiis , de
Sagittarins, deLanz cl de liii'ckncr,
réunies au même dépôt littéraire,
devait former la deuxième partie.
IV. Iliitoiia Mrlianavel devariis
Mj'lioramJ'amiliis, eaiiiin ortiict
progressa , Hecnon de claris, cele-
brlorihus et illustribus 3fyliis, eo-
ruinque vild, fatis , merilis , scrip-
tis ; adjeclis varoriun Mj iiornni
imaginibus , et varlavum faniilia-
rum Mjlianarum insignibus, sigillis
œre incisis^ etc. , ijjid. , i75i-5.i , '2
part. in-4°. Onvoit assez, par ce
titre , que l'auteur n'a rien néglige
pour illustrer sa famille et ses liomo-
uymcs; car, sous le nom latin de
lifylius, il comprend un grand nom-
Lre de Miller, de Molleret de 3Iiil-
ler , nom plus fréquent encore en
Allemagne que ne le sont en France
ceuK de Meunier ou de Dumoulin ,
qui présentent la même signification.
ÛolernumdcomjJte 87 Mylius connus
par quelques écrits : mais la Biblio-
ihsca Mrliana en mentionne encore
MYR
un grand nombre d'autres qui n'onê
rien publié. Le journal des savants,
en rendant compte de celte produc-
tion ( juill. 1751 , pag. U78 de l'édit.
de Hollande), dit : Le titre et le
godl de ce li\>re sentent le temps de
nos pères. Beaucoup de minuties et
de noms obscurs. Ce reproche e>t
peu judicieux , puisque le mérite des
monographies et des bibliographies
s])éciales consiste à être aussi com-
plètes qu'il est possible. V. Plusieurs
articles dans les yicta eniditorum
de Leipzig, etc. C. M. P.
MYNORS (Robert), chirurgien
anglais, exerça, pendant plus de 4»
ans , sa profession avec réputalion
à Birmingham. On lui doit, i".des
Réflexions sur les amputations ,
in 8^. , 1 783 ; — 2^. Histoire de Vo-
péralion du trépan, in-8°., 1785;
et quelques articles insérés dans les
Commentaires médicaux du doc-
teur Duncaii. 11 est mort à Birmin-
gham, eu 1806, âgé de soixante-
sept ans. L.
MYKMECIDES. Foy. Callicra-
TES.
MYRO, ou plutôt MOERO, fera-
me poète, naquit à Byzauce , trois
siècles avant J.-C. Elle épousa le
grammairien Aiidromachus , dont
elle eut Homère le jeune , poète tra-
gique célèbre , qui florissait sous
Ptolémée Philadelphe : voilà tout
ce qu'on sait sur sa vie. Ses œuvres
poétiques furent nombreuses et va-
llées. Elle composa, dit Suidas, des
vers élégiaques, héroïques et lyri-
ques. Antipater, dans l'Anthologie,
la loue comme auteur d'hymnes ; et
Eustdthe en effet lui attribue un
Hymne a Neptune. Athénée cite un
fragment épique remarquable, où
elle peint l'éducation d'Achille , dans
l'ile de Crète : une ou deux cpigram-
lues de l'Anthologie ( dans les Ana-
NlïR
Icctcs de Brunck ), poi lent son iioin;
cnlin elle avait mis au jour des Sa-
tires, ou Impréciilidiis ( àgus ) , pio-
bableinciil dans le goût de V Uns de
Callinia(jue. /'o>'.,sur Myro, J. (liir.
Wolf, poi-triuiuin oclo fra<j,inenla,
Hamlunin^, \']3f\ , \n-^°. H — t,
MVKON, sculpteur j;iec , cé-
lèbre l're'queinnieut par les portes
greOS et latins, et par uu fçrand
nombre d'autres écrivains , doit être
mis au rang des pins illustres et des
plus aiicieiis statuaires de l'anfiquite'.
Ses chefs-d'œuvre étaient encore
admirés, lors même que ses succes-
seurs eurent porté Tartan plus haut
degré de perfeclion. L'indication de
ses plus importants ouvrages no\is
est parvenue ; mais on n'est pas
d'accord sur l'époque précise à la-
quelle il a dû fleurir. Scallger ,
Winkelmann , MIM. Emeric David
et Quatremcre de Quincy ont dis-
cuté ces diilicullés. Suivant Pline,
Myrou a fleuri dans la 87^. olym-
piade, 432 ans avant J. G., avec
Ageladas , Gallon , Polyciète , Phrag-
mon , Gorgias , Lacon , Pythagore,
Scopas et Perelius : mais le même
auteur parle des vers où la célèbre
Erinna de Lesbos , qui vdv'ait avant
la 60^ olympiade , désigne un rao-
pumcnt fait par Myron en l'honneur
d'une cigale et d'une sauterelle ; et ,
parmi trente -six. épigrammes de
l'Anthologie qui font mention de My-
ron et de ses ouvrages , il se trouve
deux petites pièces attribuées à Ana-
Créon, contemporain d'Erinna. Ou
remarque également , pour soutenir
la même opinion , que Myron a fait
des statues de bois, genre de sculp-
ture qui appartient aux plus an-
ciennes écoles grecques ; qu'il avait,
suivant un ancien usage réformé
dès le temps de Phidias, inscrit son
liom sur la cuisse d'un .ApoUon de
MÏR
Sji)
bronze à Agrigente; qU» pausaiiias
parle des inscriplioni placées par
Myrou sous les statues dans uno
foime très-ancieimc : enfin , que Mv-
ron ne traita les cheveux et la barbe
de ses statues que suivant la manière-
rude et impai faite des plus anciens
statuaires. Toutefois la plupart de
CCS observations ne reposent que sur
des conjectures ou sur des rajjpro-
chements plus ingénieux que posi-
tifs. Les deux épigrammes attribuées
à Anacréon , peuvent n'être pas de
lui. Nous n'avons pas les vers d'I:^-
rinna, qui ne sont cités par Pline
qu'avec une expression douteuse ,
indicaiur ; enfin, tous les autres
faits qui regardent Myron , son juaî-
tre et ses contemporains , sont tron
positifs pour qu'il soit possible de
les rejeter en faveur de quelques pro-
babilités contraires. Myron , né à
Eleuthère , fut le condisciple il l'é-
mulc de Polyciète : tous dci'ic reçu-
rent les leçons d'Ageladas d'Argos ;
tous deux rivalisèrent pour le choix
du bronze qu'ils employaient. ?.ïy-
ron préférait celui de Del os ; Polv-
clètc , celui d'Eginc, Myron était
plus varié dans ses ouvrages , plus
fécond et plus soigneux dans quel-
ques parties de l'art; mais il donna
moins d'ameà ses compositions, ct^
suivant le témoignage de Gicérwn ,
les statues de Polyciète étaient plus
belles et plus parfaites. Le ménje
auteur établit , pour l'exécution ,
une gradation progressive de Gaua-
chus à Galamis, et de celui-ci à My-
ron. Toutefois Myron est regardé ,
partons les écrivains, comme un
sculpteur digne d'une éternelle ad-
miration ; et Lucien le range au
nombre de ceux « qui, dit-il , sont
M adorés comme des 'dieux. ») La
génisse de Myron est, de tous ses
ouvrages , celui qui paraît avoir me-
33..
5ia MYK
1 lie et obl^imi la plus grande célébri-
té. De iioiubreiix passages des au-
teurs anciens reproct'iiscnt l'clogcdc
ce clicl-d'œuvre : il existait encore à
Athènes , au temps de Cicéron ; et
55o ans apri-s J.-C. , on l'admirait
à Rome, dans le Forum de la p.iix.
Myrou avait iait une autre statue
d'un jeui-'C taureau sur lequel il avait
placé une Victoire. Il paraît, par plu-
sieurs passages, que cet artiste ex-
cellait à représenter les animaux , et
à leur donner l'apparence de la vie.
Ses statues humaines avaient le mê-
înc avantage. « Alors, dit Juvénal ,
I) l'ivoire de Phidias respirait com-
» ine les tableaux de Parrhasius, et
I) les statues de Myron. » Son dis-
cobole de bronze était une des ])lus
célèbres; et, d'après les descriptions
qu'en ont laissées Lucien et Quinîi-
lien, il est proljablc qu'il nous en
reste des répétitions antiques en
marbre. Verres enleva du tcinple
d'Esculape, à Agrigcnte, un Apol-
lon de bronze d'une grande beauté ,
( t sur la cuisse duquel le nom de
Mvrou se trouvait incrusté en let-
tres d'argent ; il avait également dé-
robé, à Mamerte, un Hercule du
même métal et du même artiste.
Peut-être cet Hercule était-il celui
<jui , du temps de Pline, était placé
(tans l'ancienne maison de Pompée ,
près du grand cirque. Myron avait
l'ait aussi cet Apollon qu'Antoine
avait enlevé aux Ephésiens, et qu'An-
p;ustelenrrenditsur la foi d'unSonge.
Ce prince Ht encore rétablir , à
Samos, deux statues colossales de
Minerve et d'Hercide , ouvrages de
Myron , qui en avait placé trois sur
la même base, Antoine les avait en-
levées toutes trois. La troisième ,
-celle de Jupiter , lut transportée au
UYS
Capitule, dans un aedicule préparé
par l'ordre d'Augnsfe. Pausanias vit,
dans l'acropolis d'Atliènes, un en-
fant de bronze , de Myron , j>ortant
<!ans ses mains un vase d'ean lustra-
le , et Persée, vainqueur de Méduse.
H décrit aussi une flécate de Myron,
qui se voyait à Egine, et qni n'avait
qu'iui coi])S et (ju'iui visage : « car,
» ajuute-t-il ,je pense que ce fut Al-
» caniènc ( élève de Phidias ) , qui ,
» le premier , la représenta avec
)> trois corps réunis. » Pline et Pausa-
nias citent (.'ucoi'e un grand nombre
d'autres ouvrages de Myron : il pa-
raît néanmoins qu'il mourut dans \^
pauvreté. H eut pour élève Lycius
d'Eleuthère, qui lit les statues des
Argonautes , et un enfant soufflant
sur des charbons , statue digne de
Myrou lui-même. Ou peut conclure
de diveis passages des auteurs déjà
cités , que Lycius était ills do Myron,
et qu'il reçut aussi des leçons de Po-
lyclète, L — s — e.
M YRTIS, née à Anthédon en Béo-
tie, 5oo ans avant J.-C, avait compo-
sé des chants lyriques, dont plusieurs
subsistaient encore au temps de Plu-
tarque. Elle se voua, dans sa patrie ,
à l'enseignement des règles de la
poésie, et ne fut pas sans doute
une maîtresse vulgaire , puisque la
célèbre Corinne etPindare lui-même
se formèrent à ses leçons ; ce qui ,
pourtant, ne s'accorde pas trop avec
le reproche que lui adressa, dit-on,
Corinne, sur ce que n'étant qu'ime
femme , elle avait osé entrer en lice
avec Pindai'e. On lui érigea une sta-
tue de bronze , qui fut l'ouvrage de
Bo'iscus : Voyez Suidas , et Phitar-
que dans ses Questions grecques.
H— T.
MYS; ciseleur. Foj, Me.ntor.
^AV
KAB
N
NaAMAN. r. Éusi'i;, Mil, 74.
NABEGA ( ZiAD Bjn-Moavia
Aldociani, siunoinuio ), ancien cl
f.iineux poète arabe ,vivair peu avant
Mahoiuct, du temps de INonian Ben
Moudar, roi de Hira , et de KIios-
rou-Parviz, vers la fin du G*^ , siècle
de l'ère vulgaire. Ce nom àcNabc^a,
qui signifie un improvisateur ou ce-
lui qui fait des vers par inspiration,
est commun à plusicursautres poètes;
mais le nom de Dobiam est parti-
culier à la famille deDobian , (ils de
Baghid, dont notre auleur descen-
doit. Aboulfaradjc observe qu'ilavait
parmi les poètes de la première clas-
se un rang distingue; il le prouve
surtout par le témoignage du klialyfe
Omar. 11 rapporte qu'à la fameuse
foire d'Occad, on élevait un pavillon
à Nabega; que tons les poètes qui
voulaient concourir, paraissaient de-
vant lui , et lui soumettaient leurs
poe'sies. ( Voy. la Chrestom. arah.
de M. de Sacy, t. m , p. 5 1 . ) Si les
poètes le regardaient comme leur
maître et leur juge, il n'était pas
moins considère à la cour de Noman.
Un jour ayant récité à ce jirince mi
poème, où se trouvaient ces vers :
« Vous êtes le soleil^ et les autres
rois sont autant d'étoiles ; dès que
vous vous montrez sur l'horizon,
toutes les étoiles disparaissent ■>■> , au
même instant il parut cent cliaraeaux
noirs, avec leurs conducteurs, leurs
tentes , leurs chiens. « Disposez de
1) tout cela , dit le roi à Nabega , dis-
» posez-en à votre gré , tout vous ap-
» partient, » Telle était l'estime
qu'on avait pour ce poète, que plu-
sieurs écrivains le substituent à Ha-
rctli . parmi les .sept poètes auteurs
ûes iamcnx Moallakat , ou poèmes
suspendus a\i temple de la I>I(kLe.
Aboubekr, fils d'Abdalmalck-Almo-
cri, dans le deuxième chapitre de
son livre .sur l'art poétique, intituli;
Trésor des poètes , dit que cet art,
dans les temps d'ignorance ( ou avant
Mahomet), commença à fleurir dans
la tribu Rabia ; qu'il passa de cette
tribu à celle de Kaïs , qui produisit,
entre autres poètes, notre Nabega : il
ajoute que l'académie du Hedjaz
donnait la première palme à ce der-
nier , à Zohair et à son fils Kaab.
Portant ensuite son jugement sur
leur mérite en différents genres , il
pense que Nabega l'emporte sur les
autres dans la poésie morale ( For.
Casiri , 1. 1 , p. 91 ). Ses poésies ont
été recueillies en un dii'an, on corps ,
qui se trouve à la bibliothèque du
roi à Paris, n"*. i455, 1626, et en
d'antres bibliothèques. C'est d'après
ces deux manuscrits que INI. Silvcstrc
de Sacy a publié, dans sa Chresto-
inathie, n°. 1 3 , un poème de notre
auteur, accompagné d'une Traduc-
tion française et desavanies Notes,
dans lesquelles il donne une notice
sur ce poète, et quelques fragments
de ses ouvrages, Z.
NABIS, tyran de Sparte, succéda,
l'an 2o5 avant J.-C. , .à Machani-
das , tué p;^r Philopœmen, dans la
célèbre bataille de Mantiisée , et le
surpassa en cruautés. Comme le re-
marque Rollln, les Lacédénioniens
avaient perdu, avec leur indépendan-
ce, le courage nécessaire pour tenter
de la recouvrer. Nabis , voulant af-
fermir son autorité, et satisfaire son
avarice, bannit de Sparte les plus
illustres citoyens , et s'empara de'
r»i8
NAB
ïcurs richesses, dont il distrilMia une
partie à ses soldats , leur nban-
donnant les femmes des exiles. Il
attira dans sa capitale les étrangers
chasses de leur pays pour des cri-
mes , et les employa à dépouiller les
voyagerirs qui osaient traverser ses
ctats. L'histoire rapporte qu'il avait
imagine une espèce d'automate , res-
semblant à sa femme, qui servait
aussi à ses odieux projets. Lorsqu'il
avait lait venir dans son palais un
citoyen pour lui extorquer quel-
que somme, sous le prétexte des
besoins de l'clat j s'il se défen-
dait de la donner : a peut-être, disait
N.ibis , n'ai-je pas le talent de vous
Persuader; » mais j'espère qu'Apèga
( c'était le nom de sa femme ) vous
persuadera. Alors il faisait avancer
l'horrible machinequi,saisissantrin-
fortuné, le perçait de pointes de fer ,
cachées sous les magnifiques habits
dont elle était revêtue. Philippe, roi
de Macédoine, en guerre avec les
Romains, fit alliance avec rs'abis ,
auquel il remit en dépôt la ville d'Ar-
gos. Luroduit dans cette ville pen-
dant la nuit. Nabis la livra au pilla-
ge , et séduisit la populace, en lui
promettant l'abolition des de! tes
et un nouveau partage des terres.
Prévoyant que l'issue de la guerre
ne serait point favorable à Philippe,
il traita secrètement avec les Ro-
mains, pour s'assurer la possession
d'Argos. Cette nouvelle perfidie ne
lui réussit pointjetFlaminiuus, après
avoir conclu la paix avec Philippe,
reçut l'ordre d'attaquer Nabis , pour
l'obliger de rendre Argos, et s'avan-
ça aussitôt pour faire le siège de
Sparte. A cette nouvelle , le tyran
déolara que les circonstances le for-
çaient de s'assurer des citoyens dont
la foi lui était suspecte , s' obligeant
par serment de leur rçiidrc la liberté,
NAB
sitôt que le danger serait passé; et il
en fit conduire quatre-vingtsdans une
prison, où ils furent égorgés la même
nuit par ses ordres. Cependant l'ar-
mée qu'il avait envoyée contre les
Romains , ayant été battue, il offrit
de rendre Argos : Flamininus lui
imposa d'autres conditions, qu'il l'e-
jeta d'abord avec hauteur , mais qu'il
fut trop heureux d'accepter quand
les événements de la guerre eurent
amené les Romains sous les murs de
Sparte , dont il ne pouvait échapper
( y. Fla3«m>'US, XV, i4}. Humilie
par ce traité, il n'aspirait qu'à re-
couvrer les avantages qu'il avait
perdus; et à peine l'armée romaine
se fut -elle retirée, que ses agents
parcoururent les villes maritimes
pour les engager à se x'évoltcr : en-
fin il reprit les armes , et vint assié-
ger Gvthium. Les Acliéens envoyè-
rent au secours de cette ville unef
flotte commandée par Philopœmen,
et que Nabis détruisit avec quelques
vaisseaux équipés à la hàtc. Ce pre-
mier succès redoubla son audace;
et il pressa le siège de Gythiura, qui
fut furcé de lui ouvrir ses portes.
INfais Philopœmen , étant venu l'atta-
quer par terre, le battit complète-
ment ; Nabis fut obligé de retourner
à Sparte, etdcs'y renfermer avec les
débris de son armée. Cependant les
Etolicns que Nabis regardait comme
ses alliés , lui envoyèrent des secours :
mais Alexamène avait reçu l'ordre ,
avant sou dépnrt , de tuer le tyran ,
et de s'emparer de Sparte. Un jour
que Nabis était sorti des remparts
pour voir manœuvrer ses soldats ,
Alexamène, jugeant le moment favo-
rable , le renversa de son cheval , et
des cavaliers étoliens lui ôtèrcnt
la vie , l'au 19^2 avant J.-C. Ce
monstre avait souillé le trône pen-
dant quatorze ans. Alexamène ne
NAB
ÎHil tirer aucun fruit de cclffi tra-
lison j car tandis que ses soldats
étaient occupes à piller la ville, les
Spartiates le massacrèrent avec tous
les Etolicns, et, ayant proclame leur
indépendance , se réunirent à la Iv^uc
des Ache'cns ( P^. Puilgpoemi-.n ).
W— s.
NABONASSAR,roi de IJabylone,
qui vivait au milieu du luiilicmc
siècle avant notre ère, est devenu
célèbre , pour avoir doiuié son nom
à une ère souvent employée par les
astronomes. Cette ère remonte au
16 février '^47 avant J.-C Son
origine a été, chez les modernes, le
sujet de bien des conjectures , ipii
nous paraissent toutes aussi peu fon-
dées les unes que les autres. On s'est
imaginé que cette ère ne [touvait
être autre chose que la commémo-
ration d'un grand événement , com-
me la destruction de l'antique empi-
re des Assyriens, et la fondation de
la monarchie particulière des Baby-
loniens , de sorte que Nabouassar
serait le même que Belesis. On ne
s'est pas aperçu, en faisant cette sup-
position, que tous les renseignements
chronologiques qui nous ont été
transmis par l'anliquité , placent à
ime époque bien plus ancienne la
chute de l'empire assyrien. Les an-
nées de l'ère de Nabouassar sont
vagues, et de 365 jours ; leur com-
mencement correspond parfaitement
avec ceux des années du même genre,
qui existaient autrefois en Egypte ,
où elles servaient à former des pé-
riodes de 1 4^0 ans , dont le point
de départ était la coïncidence du le-
ver héliaqiie de Sirius avec le pre-
mier jour de l'année civile. Au bout
de 1460 ans, par le retard d'un
jour en quatre ans , on se retrouvait
îm point d'où l'on était parti. La der-
nière de ces périodes commença le
9.0 juillet i.V>,>, avant J.-C. On
l'appelait, enKgyptf, l'ère de Meno-
phns. Cette ère, dont personne n'a
jamais parlé, méritait bien la célé-
brité qu'on a accordée à celle de Na-
bouassar, et elle a été beaucoup plus
réelle. Par suite du retard ijuadrien-
nal , l'an ~)-]G de Menophiès dut
commencer le '26 février 7 4? av.int
J.-C. C'est cette année qu'on appelle ,
vulgairement, la première de Na-
bouassar. C'est à l'astronome Pto-
léméc, qu'il faiit rapporter l'origi-
ne de cette distinction ; il possédait
un catalogue d'observations faites
par les Chaldéens , et qui remon-
taient à la première année de Nabo-
uassar. Pour rendre les c.ilculs plus
faciles, et pour avoir toujours sous
le nom d'années, une somme de jours
égale , cet astronome a traduit toutes
les dates de ces obseiA'ations , selon
le calendrier é!:;ypticn , beaucoup
]dus commode pour le calcul que les
années luni-solaires des Chaldéens.
Comme l'an S^fi de l'ère égyptienne
de IMénophrès tombait dans la pre-
mière du règne de Nabonassar, elle
est devenue un nouveau point de
départ, pour la supnutation de l'as-
tronome, qui n'avait pas , à ce qu'il
paraît , d'observations plus ancien-
nes traduites en grec. L'ère de Na-
bouassar est donc purement fic-
tive, comme l'ère de la mort d'A-
lexandre , ou de Philippe An idée ,
qui n'a jamais existé que dans les
calculs de Ptolémée , ou de ceux
qui l'ont suivi. Si l'an premier de
l'ère de Nabouassar tomba dans l'an
premier du règne de ce prince, il
faut en conclure, qu'il était monté
sur le trône de Babylone , en l'au
748. Comme les années babylonien-
nes commençaient vers l'équinoxe
d'automne, et que les Babyloniens,
ainsi que tous les autres peuples
:yio
^'AB
d* rOricnl , supputaient les anfices
royales , en partant du premier jour
de l'auucc civile , dans laquelle il
s'opérait inie mutation de pri)!ce , il
eu résulte, que c'est de l'automne
de l'an 74^ avant J,-C. . qu'il faut
compter les quatorze afinc'es tie
règne que le canou chronologique
de Tlieon assii^ne à Nabonassar :
il cessa donc de régaler en l'an 734 ;
et il eut pour successeur un nomme'
Nadius. Le souverain de Uabylone
ctait alors subordon-ic aux rois as-
syriens de jNinive : cet état de choses
subsista jusqu'à ce que le père de Na-
huchodunosor montât sur le tiône.
S. Vi—y.
Î^ABOPOLASSAR, roi de Babyio-
ne, monta sur le trône l'an 644"( ' )
avant J,-C. Sa valeur avait ëtè utile
au roi d'Assyrie, qui l'aida, dit-on ,
a usurper l'aulonle souveraine. Il
s'allia cependant à Cyaxare , roi
desMèdes, pour détruire l'empire
d'Assyrie , et s'empara de Ninive ,
qu'il réunit à ses états. Néchos , roi
d'Egypie, eiTrayé des progrès des
Babyloniens, leur enlcA'a Carklie-
liiio, l'une de leurs principales villes
sur l'Euphrate. INabopolassar, ac-
cablé d'infirmités, donna le com-
mandement de ses Iroupes à Nabu-
ciiodoiiosor son (ils , pour repous-
ser l'injuste agression de Néchos ( F.
IN^ABucnoDONosoR le Grand ) , e-t
mourut , l'an ijï^ , après un rétine
de vingt et un ans. W — s.
fi) I-a <lironologie de* rois de nalivlonc et d'Assy-
rie est extrêmciueiit obscure : les s"avanls les |>liis
dislingués ont vaincnjent cl.errlié pisqu'ici .'i rcclrtii-
cir ; cl après les iiiiinenses travaux cDlrepris c'.aus ce
I.11I par lis Freret , Oihert , Misu'Jl , Larcher, Vol-
«cy, <(c. , on est rncore r'^diiit '■ dis conj.clores
plus 011 moins plaiisibUs Daiis cet article , et dans
ceux de Nabucliodoiiosor , o» a adopté la cliroi.olo-
gie de Larc'jcr , sans prrtendre tnulerois rja'elle soit
ex.-iuptL- ciVrreiirs ; mais du muirs .lie concilie les
récits des historiens avec U; texie sacre , et ce m .lif
a du uous determiucr à lui douucr la i.rcferi uce.
NAD
NABUCHODONOSOR , 0 , roi
d'Assyrie, nommé ArpJiaxad par
les livres saints, monta sur le trône
l'an G jG av. J.-C. ( F. la Chmnolog.
d'JIdrodoie, par Larcher. ) Attaqué
par Phraortes, roi des Mèdcs, il le
défit l'an G34 , et le tua de sa pro])re
main. Cette victoire lui enfla le cœur,
et il conçut le projet de soumettre à
son autorité tous les peuples voisins.
Il pénétra dans la Judée, et chargea
Holopherne, l'un de ses lieutenanls,
d'assiéger Béthulie, qui avait refusé
de lui ouvrir ses portes. Holopherne
ayant été tué par Judith ( F. ce nom),
les soldats, priAc'sde leur chef, se
retirèrent en désordre. Cvaxare, fils
de Phraortes, qui n'attendait qu'un
moment favorable pour venger la
mort de son père, entra aussitôt
dans l'Assyrie, et vint mettre le siè-
ge devant Ninive : forcé de le lever,
par l'irruption des Scythes dans ses.
propres états, il s'allia avec Nabo-
polassar, roi de Babylone, et les
deux souverains vinrent de nouveau
assiéger Ninive , qui fut prise et livrée
au pillage. On conjecture que Nabu-
chodonosor périt en défendant sa
capitale; il est du moins certain qu'il
ne survécut pas à la destruction de
son empire. 'W — s.
NABUCHODONOSOR/e Grand,
roi de Babylone, succéda, l'an GîS
avant J.-C. , à son père, Nabopolas-
sar. Il avait reçu de la nature les
qualités et les défauts d'un conqué-
rant. Jeune encore , il reprit sur Né-
chos la vUic de Carkhemis, que ce
prince avait enlevée aux Assyriens ,
et qui lui ouvrit la Mésopotamie ( F.
Necuos). Informé de la révolte de
(1) C'est ainsi 'jne les e'crivains caiboliqiics c'cri-
vcul ce nom conrormrrneut an texIe de la Vulgate :
les Sept.inti'l'appell( Ht aussi Nahoucodonosor ; Mc-
gasllièues, B. rose et Slraboo le utimmeiit Nauoco-
droioios : mais les auteurs protcslauls Je nomiutnt
ordinairement tfébucadnézar.
Joadiim , roi (le Jiidc'c, il traverse
aussilùt la Syi'it! et la Cœlc'syric , se
rend maître de Jcnisakin, dont il
pille les trésors > et retourne, charge
de butin, prendre possession du trô-
ne de Babylone, emmenant avec lui
Joachim et les jeunes gens les plus
distingues de sa cour, au nonibrcdcs-
quels se trouvait Daniel ( V. Damll,
X, 5o6). Nabuchodonosor , touche'
par les prières de Joachim, lui per-
mit de retourner dans ses états, sous
la condition qu'il se reconnaîtrait
son tributaire. Le faible roi de Judée
essaya bientôt de se soustraire à un
joug odieux ( F. Joacuim, XXI,
5(i4 ) • '"^is il fut tué dans un com-
bat; et Jéchonias, son fds et son
successeur, n'ayant pu fléchir la co-
lère du conquérant babylonien , fut
conduit en captivité, avec l'elifedes
Hébreux. Nabuchodonosor établit
roi de Judée, Sédécias , frère de Joa-
chim; et ce prince, étant entré dans
la ligue des rois A'oisins, ne tarda pas
d'attirer de nouveaux malheurs sur
sou peuple. Le roi de Babj! on e était
occupé à soumettre à sa dominaliou
le royaume d'Elam , composé des
pays situés entre la Médie et la Per-
se. A peine eut-il terminé celte guer-
re, qu'il fondit stir la Judée, pour la
châtier de sa révolte; il s'empara de
Jérusalem , après un an de siège, et,
ayant fait crever les yeux à Sédécias ,
le fit transférer à Babylone, chargé
de fers ( F. Sédlcias). II rasa les
fortifications de Jérusalem , détrui-
sit son temple , ses paTais et ses au-
tres édifices, et emmena tous ses ha-
bitanlsdanslaChaldee.il puiiit rigou-
reusement tous ceux qui avaient pris
part à cette dernière révolte : mais
il témoigna beaucoup de bienveil-
lance à Jérémie, qui avait cherché
à détourner Sédécias de ses projets,
eu lui en prédisant l'issue; et ce fut
NAB 'îai
à la prière du prophète, qu'il établit
gouverneur de la Judée (iodulias ,
personnage éminent j)ar sa naissance
et par ses talents. Nabuchodonosor
fit ensuite la guerre aux T\ riens , et
vint mettre le siège devant leur capi-
tale. La ville de Tyr, fortifiée éga-
lement par l'art et par la nature, lui
opposa une résistance qu'il n'avait
pu prévoir. Dans l'intervalle du siè-
ge, qui dura treize années , après quoi
les habitants s'échappèrent sur leurs
vaisseaux, emportant toutes leurs
richesses , Nabuchodonosor s'empa-
ra de l'Egypte, de la Phénicie et des
établissements des Phéniciens sur les
côtes d'Afrique. On croit même qu'il
étendit jes conquêtes jusque dans la
partie méridionale de l'Espagne {F ,
le Monde primitif., par Court de Ge-
belin, tome vaii , pag. 4o et suiv. )
Il rentra dans Babylone, rassasié de
gloire, et ne pensa plus qu'a faire
fleurir les arts et les sciences dans
sou royaume, et à embellir sa capi-
tale, qu'il rendit la ville la plus belle
tle l'univers. Ce fut alors que , dans
l'enivrement de son orgueil , il crut
pouvoirexiger despeuplcs qu'il avait
soumis, le culte ctles hommages qui
ne sout dus qu'à Dieu. Il fit fondre
sa statue en or, en commandant à
ses sujets de l'adorer. Trois jeunes
Hébreux , ayant refusé d'obéir à cet
ordre tyrannique, furent jetés dans
une fournaise ardente, de laquelle ils
sortirent miraculeusement (i ). Na-
buchodonosor fut puni de son or-
gued par une maladie singulière, dont
il fut attaqué : il tomba dans un état
complet de démence, et se persuada
qu'il avait été transformé en bœuf.
( 1) Le CantLijue celcl)re de'- Trois Eiil.inls d;ins la
fouruaise j itc se tionvepa.s (iiins Us Bibles <'u li "brt-u ;
il a elé iud vcalédaus le chapilic 111 du livre de Da-
niel, par Theodotiuii , rt coiisert't^ p'ir s tiut Jérôme
dans la veisiuu latine, d'oii il » [MSS'i d.iub toutes le»
t>'.)(li''Ctioas inudciucs.
5i2 KAB
( F. la Dissertation sur la meta'
morphose de Nabuchodonnsor , par
D. Calinet. ) Sa femme , nommée
ISitocris, et qui était, dit-on, fille de
Cyaxare, se mit à la tète du ç;ouver'
nemeut, et, aidée par d'habiles mi-
nistres, exécuta les grandes choses
ffu'Hérodotc a rapportées dans son
Histoire. Nabuchodonosor guérit au
bout de sept ans , et mourut un an
après , l'an 58o avant J.-C. ( suivant
les calculs de Larcher, ) Avec ce
prince s'écroula le vaste empire qu'il
avait créé, et qui ne pouvait subsis-
ter, parce qu'il avait négligé de s'as-
surer l'affection de ses sujets , lesquels
se hâtèrent de briser un joug insuppor-
ble , aussitôt qu'ils en aperçurent la
possibilité. Il eut pour successeur,
Evilmerodach , son fils ( V. ce nom,
XIII, 50.2). W— s.
NAGHTGALL. Foj: Luscinius,
XXV, 44'2.
NADAL ( L'abbé Augiisti?j ) , de
l'académie des inscriptions , né à
Poitiers en 1659, vint à Paris, au
sortir an collège , pour compléter
ses études littéraires. 11 fut d'abord
précepteur du jeune comte de Valen-
çai, qui fut tué depuis à la funeste
journéed'llochstett. Ayant ensuite été
recommandé au duc d'Aumont , pre-
mier gentilhomme de la chambre, il
fut secrétaire de la province du Bou-
îonais , dont le duc était gouverneur;
puis secrétaire de l'ambassade fran-
çaise, près le congrès d'Utrecht, à l'é-
poque du traité de ce nom. Il obtint,
en 1716, pour prix de ses services,
l'abbaye de Doudeauville ; et , après
avoir passé quelques années dans
cette retraite , il retourna à Poitiers,
oii il mourut le 7 août 174'- Get
écrivain est beaucoup moins con-
nu aujourd'hui par ses productions,
que par ce triolet de Voltaire, sur
h Parnasse français exécuté en bron-
NAD
ze par Titon du Tillet :'
« Dcp?chez TOUS, mon.tiiar Titon ;
Enrickissez vulre Hi'liroD.
PlaCPx-y sur un piédrstal ,
Salnl-DIdier, Dancbet «"t Niidal;
Qu'on voie armps du roèfoe archf t
S'atlal, S.iint-Didiei'Ct Daucbet ,
E( couverts du mëm" laurier
Daucbet , Nadal et Saint-Oidier. »
L'abbé Nadal , cependant, n'était
pas un poète si méprisable ; on a do
lui cinq tragédies: Saiil, imprimée ,
en 1731 ; Hérode ( 1709 ^ j Anlio-
chus, ou les Machabées ( 1708 )j
Mariamne {l'j 15), et Osarphis,oii
Moïse ( 17-28 ). La première de ces
pièces eut quelque succès : le rôle
de la Pythonisse, joué par M'K
Desmares , fit une vive impression
sur les spectateurs. Hérode fut trou-
vé médiocre ; on crnt y découvrir
des allusions satiriques , notamment
dans ces vers :
« Esclave d'une femuie indigne de ta foi , ,
» Jamais la vérité ue parviut jus<]u*à toi. i>
Il n'en fallut pas davantage pour
exciter les ennemis de M"", de Main-
tenon à protéger cette pièce , qui
n'eut toutefois que neuf représenta-
tions. Antiochus et Mariamne réus-
sirent encore moins. La tragédie d'O-
saj-phis , que les comédiens avaient
apprise et annoncée, fut subitement
défendue par la police, avant d'être
jouée. Ce ne fut pas pour le public
une perte considérable. La versifica-
tion de jNadal ne manquait pas de
facilité : il disposait un plan avec
assez d'art ; mais l'élévation des pen-
sées , la chaleur et l'énergie de l'ex-
pression tragique, lui étaient tota-
lement étrangères : son style poé-
tique enfin, quoique passablement
correct , n'avait ni couleur , ni pré-
cision. Cet abbé donna, en 1732,
au Théâtre-Italien , uue parodie de
Zairc, sous le titre A' Arlequin au
Parnasse, ou la Folie de Melpo-
NAD
mène. Rien de plus faillie que colle
esquisse , à laquelle le parterre (it
le plus froid accueil : elle n'eut pas
même l'honneuvde piquer Voltaire,
dont l'amour-propre était si cha-
touilleux. « On a joue depuis peu
» aux Italiens, e'crivait il à M. de
» Formont , deux parodies de Zaï-
» re : elles sont tombées l'une etl'au
» trej mais leur humiliation ne me
«donne pas grand amour-propre,
» car les italiens pourraient être de
» fort mauvais plaisants , sans que
» Zaircen fût meilleure. » En qualité
de moraliste et de critique, l'abbc
Nadal doit être juge' un peu plus
favorablement. Il y a de l'érudition
sans pédanterie dans son Histoire
des vestales , ainsi que dans son
Traite sur le luxe des daines romai-
nes , et dans sa Dissertalioti sur les
vœux et le<i offrandes des anciens ;
morceaux de peu d'étendue , où l'au-
teur a seulement en le tort de vou-
loir se donner des airs de frivolité,
qui n'étaient nullement de son gen-
re d'esprit. Sa critique delà Mariam-
ne et de la Za'ire de Voltaire , ses
dissertations sur le progrès du génie
de Racine, contiennent des observa-
tions judicieuses, dont nos journa-
listes se s'ont emparés depuis sans
en rien dire, bien sûrs qu'on n'irait
pas fouillerdans les ccuvrcsde Nadal,
pour y chercher des preuves de leurs
larcins. En elïct , lors même qu'il
a positivement raison , cet écrivain
prolixe rebute ses lecteurs par l'ex-
trême diffusion de sa prose , beau-
coup plus faible et plus lâche que
ses vers. Nous alongerions considé-
rablement oct article, sans en aug-
meuler l'intérêt, si nous entrepre-
nions de citer ici toutes les pièces de
divers genres , que cet auteur a re-
cueillies dans ses Œuvres mêlées,
imprimées à Paris, «n 1738'' 3 vol.
NAD 523
\i\-\l ). Nous dirons seulement que
quelques-unes de ses autres j)roduc-
tions ont été publiées à part , no-
tamment un petit poème sur la Con.
fiance en la miséricorde de Dieu ,
et uueÉpîtresurla Pureté des mœurs
ecclésiastiques (Poitiers, 1740).
Nadal avait travaillé, avec Piganiol
de la Force , au Mercwe de Tré-
voux C 1708-171 1 , 1 vol. in-I2 ) ;
et les amis de la religion firent, dans
le temps, un grand éloge de sa Let-
tre , en prose, à l'abbé dePibrac,
contre les déplorables ejjcts de l'in-
crédulité. Il tut souvent en butte aux
sarcasmes dont les faux philosophes
se montraient si prodigues envers les
écrivains qui refusaient de s'enrôler
sous leurs bannières. Néanmoins ils
ne se permirent jamais d'attaquer
ses mœurs j et leur malice du moins ,
Sans être Irop discrète .
Sut Ue rhotijme d'buuueur distinguer le poète.
F. P— T.
NADASI (Jean), jésuite hon-
grois, né en 161 4 'i Tyrnau , fut ad-
mis dans la Société , à l'âge de dix-
neuf ans , et professa au collège de
Gralz , la rhétorique, la philosophie,
la théologie et la controverse. Ap-
pelé à Rome, en 1649 > i^ Y l'^digea
cinq ans les Lettres [annuce litterœ)
sur l'état des missions , et fut em-
ployé successivement , par deux des
supérieurs généraux, à l'expédition
de la correspondance latine, A son
retour en Allemagne , il se retira au
collège de Vienne, dont il fut nom-
mé directeur spirituel. L'impératrice
Eléonore le choisit pour son confes-
seur; et un grand nombre de per-
sonnes de distmction l'honorèrent de
leur confiance. Il mourut à Vienne ,
le 3 mars \Q'-;y). Le P. Nadasi est au-
teur de beaucoup d'ouvrages ascéti-
ques , dont on trouvera la liste dans
5i4
NAD
la Bibliolh. sciptor. societ. Jesu ,
p- 4^'-^, fct dans le Specim. hungar.
littéral, de David Czviuiijgcr, p.
283 et suiv. Il a laisse aussi plusicu)s
ouvrages historiques, parmi lesquels
on se contentera de cilcr : I. Reges
ÏJun^ariœ à S. Stephano usque ad
Ferdinanâwniu, Pre^Lourg, 1637,
in -fol. II. f'ita S. Emerici ,\\Àà.^
1644» iu-l'ol. 111. Ammœ lilte.œ
soc. Jesu annor., i65o-54, Diliiu-
gen , i658, in-S". IV. Jnnits die-
ram inemorabiUum soc. Jesu, Colo-
gne, 1G64, in-4". Il avait publié un
Spécimen de cet ouvrage, à Rome,
en 1657. f"^ P- Nadasi a e'ie l'édi-
teur de àc\v%. ouvrages d'Alegambe :
Mortes illustres, etc.; Heroes et
victimœ charitalis , elc , et les a
continués jusqu'à son temps ( F.
Allgamce, 1 , 479 ). W — s.
NADASTI,ou deNADAZD (Tho-
mas 1 , seigueur hongrois , comman-
dait à Bude, au nom de Ferdinand
d'Aulriclie. qid en avait chassé Jean
Zapoli , lorsque le grand Soliman ,
protecteur de ce dernier prince, vint
mettre le siège devant cette capitale
de la Hongrie, à la tête de deux cent
Jnille Othomans ( 1029). Dans la
place, le brave gouverneur était le
seul disposé à se défendre. Habitants,
officiers et soldats, se sentirent éga-
lement effrayés des préparatifs de
l'attaque, et du nombre de leurs en-
nemis : ils eurent Tinfamie d'ouvi ir
les portes, de lier ce fidèle et coura-
geux commandant , et de le livicr
avec leur ville. Soliman, ami de la
valeur, et juge sévère de la lâcheté,
fit passer toute la garnison au fil de
l'épée , reçut Nadasli avec éloges, et
le renvoya sans rançon à son sou-
verain. Le dévouement et la fidélité
de Nadasli n'empêchèrent pas sou
petit -fils de périr sur l'échafaud
( /"'. l'article suivant). Quant à lui ,
NAD
il servit ensuite dans les atmees d^
Charles- Quint; et il enseigna l'art
de la guerre au fameux duc d'Albe,
dont il devina les talents. S — v.
NADASTI ( François de ) . com-
te de Forgatsch, petit-fils du précé-
dent , est principalement connu par
le rôle qu'il a joué dans les troubles
qui éclatèrent dans la Kcngrie. vers
le milieu du dix-sepiicme siècle. Na-
dasli s'étailappliqué à l'éludede l'his-
toire de son pays , et des lois qui l'a-
vaient anciennement régi. Humilié
de la condition à laquelle les nobles
hongrois se trouvaient réduits , il
nourrissait le désir et l'espoir de les
rétablir dans les privilèges dont les
empereurs les avaient successive-
ment dépouillés. D'un caractère fier ,
et facilement exalté, après avoir
favorisé les luthériens, il devint un
de leurs plus ardents persécuteurs,
et en réduisit un grand nombre de ■
familles à s'éloigner de la Basse-Hon-
grie. Celte conduite fixa sur lui l'at-
tention générale; et lorsque les no -
blés hongrois formèrent une ligue
pour s'opposer aux projets que mé-
ditait Léopold ; F. ce nom, XXIV,
1 8'Jï ) , Nadasli y entra l'un des pre-
miers. Les Hongrois supplièrent, en
1G66, l'empereur de permettre la
convocation d'une diète , où seraient
discutés les intérêts du royaume ,
dans les formes accoutumées. Léo-
pold rejeta cette demande, et refusa
également de conférer à un noble
hongrois la dignité de comte palatin,
A'acante par la mort du titulaire. Ce
double refus augmenta le nombre et
l'irritation des mécontents. Nadasti,
déjà président du conseil souverain ,
avait conçu l'espérance d'obtenir la
dignité de palatin ; et il fut, dit-on ,
si outré de l'affront que lui faisait
Léopold, qu'il prit la résolution de
5'cu venger par la mort de ce pnn-
NAD
ce. Tous les moyens lui parurenf
bons pour parvenir à rcxenuion de
cet lioirihlc dessein. Il gagna les
f;ens do rcniperour, et lit nicttre le
feu au palais , penilant la nuit, es-
pérant qu'il pourrait profiter du
desordre pour s'approcber de ce
jirince et le poignarder. Il essaya en-
suite de l'empoisonner à une f'ète qu'il
lui donnait à son cliàteau de Futtcn-
dorrt'; on l'accusa inéiue d'avoir jetc
du poison dans les sources qui four-
nissaient de l'eau aux cuisiues du pa-
lais impérial. Toutes ces tentatives
échouèrent ; mais on doit se hâter
de dire qu'il n'est pas démontre' que
Nadasti s'en fut rendu coupable.
Une seule raison suffira pour faire
partager notre doute : c'est qu'il ne
cessa pas de jouir de l'estime géné-
rale et de la confiance de l'empereur,
jusqu'au moment où la conjuration
des nobles hongrois fut découverte:
et comment imaginer qu'un homme
sans cesse occupé de projets d'em-
poisonnement ou d'assassinat^ eût
été assez maître de lui-même pour ne
pas inspirer im soupçon ni à l'empe-
reur, ni à aucune personne de sa suite
( i)?Despapierssaisisen 167 i, ayant
procuré la connaissance des noms des
principaux conjurés , Nadasti fut ar-
rêté , et conduit à Vienne, où son pro-
cès fut fait avec beaucoup de célérité.
L'arrestation d'un personnage aussi
éminent par sa naissance, par ses ta-
lents , et par les fonctions qu'il rem-
plissait, causa la plus vive douleur
aux nobles hongrois : elle fut parta-
gée par toutes les classes. Un prélat
de Hongrie fit écrire le pape eu sa
(i) Son véritalile crime, et le- seul qui soif proitTÇ ,
«Vst d'être cotre dans la ligue des noblis lioiii,io's.
Toules II s uuti-es aniisalioiis parnisseut n'avoir elé
>iiiagiiieesque)>oma(îi.ib!ir rintérèt queliii portaient
sps I niiip^triotes, mais qu'il u'aurait iauiais inspiré ,
»'il eût Plu capable -If lous Iji i;ri,'u'.> h:d ou a clisi-
i,Ué à Uelrir sa luemoù-e.
NAD 5-25
faveur; mais Léopold se montra in-
flexible.Nadasti fut condamné à a voir
la tête et le pohig coupés; et le mê-
me jugement condamna ses enfants
à la tiégradalion. L'empereur con-
firma la sentence; mais, de son pro-
pre mouvement, il fit grâce à Na-
dasti de toutes les cruautés qui n'au-
raient fait que prolonger son suppli-
ce. Fait-il agi de cette manière, s'il eût
été bien convaincu que Nadasti avait
essayé iant de fois de le faire périr ?
Nadasti se borna à plaider la cause
de ses ciifants , à qui l'on faisait sup-
porter la peine d'un crime dont ils
étaient innocents; et sa reqiiètcayant
été rejetée , il chercha des consola-
tions dans les secours de la religion.
Il monta d'un pas ferme sur l'écha-
faud , dressé dans une des salles bas-
ses de l'hôtel-de-vilie, et tendit sa
tête au bourreau , qui l'abattit d'un
seul coup, le 3o avril 1671 ( /^.
Frangipa?.'!, XV, 498 ). Son corps
fut rendu à sa famille, et déposé dans
un caveau de l'église des Augustins.
On doit k Nadasti : I. Une nouvelle
édition, corrigée et augmentée, de
l'Histoire de P. de Rêva , intitulée :
De monarchid et S. corond rc^nl
I/ungaricp, Francfort, 1G59, iu-fol.
\\. Maiisoleumregni aposloUci hun-
garici regnm et duciim , cinn ver-
iione gennanlcd, Nuremberg, 1 664,
in-fol. ,'en style lapidaire. Cet ouvra-
gc, orné d'un grand nombre de bel-
les estampes, est fort recherché. L«
P. ïloranyi en donna une traduction
hongroise, Bude, 1771, in-4°. ÏII.
Crnoswa jnristarnm , 1668, con-
tenant , par ordre alphabétique , les
lois et ordonnances du royaume de
Hongrie, jusqu'en i6:h). Une nou-
velle édition , augmentée , parut à
Leutzch ou Lculsch.au, 1700 , in-
8°. Les enfants de Nadasli prirent le
mm de Creutzhcrs. VV — s.
526
NAD
^'ADAUD ^ Josi:pii ) , ne à Limo-
ges vers le commcnccmcul du dix-
Luitième siècle, montra, des sa jeu-
nesse , r,n goût très-vif pour l'cUide
de riiis'oirc, et s'appliqua dès-lors
à de'cliilTrer les mounnieiits et les
vieilles chroniques. Ayant embrasse
l'état ecclésiastique , il fut pourvu de
la cure de Saint- Léger la Montagne,
puis de celle de Tcijac au diocèse
d'Angoulème. L'aisance quelui donna
ce dernier emploi, lui permit de se
livrer avec plus de succès à ses étu-
des favorites , et il ne negli;^ea rien
pour les rendre utiles, Recherthes,
voyages , dépenses , rien ne fut épar-
gne pour obtenir les renseignements
qui lui étaient nécessaires. En peu de
temps il connut tout ce que le Limou-
sin renfermait de précieux sous ce
rapport; et il se forma une collec-
tion très - considérable. Ce savant
mourut eu 1792. L'abbé \itrac a
i)ub'ié la liste suivante de ses écrits ;
[. Étj'inologies des villes , bourgs,
lieux remarquables du Limousin.
IL Mémoires eiwojés à l'abbé
d'Exjnllj , pour la confection de
son grand dictionnaire des Gaules
et de la France ( Yoy. Expilly ).
IIL Mémoiies pour l'histoire du
Limousin IV. Fouillé du diocèsede
Limoges. V. Nobiliaire du Limou-
sin. YI. Note sur les littérateurs
limousins. VIL Catalogue des évé-
ques de Limoges, des abbés de Saint-
Martial, de Saint - Augustin , de
Saint-Martin; des abbessesde la Bc-
gle , des Allois. — Chronologie des
seigneurs suzerains de Limoges, des
soui'erneur-'>-i'énéraux , intendants.
Ces chronologies ont clé imprimées
dans le calendrier de Barbon , 1770-
1785. T— D.
NADIR-CHAH , roi de Perse , non
moins fameux comme général sous
le nom de Thahmas-Kouiy Kbau ,
NAD
c'tait de la tribu de Kirklou , l'une;
des plus considérables parmi les Af-
cliàrs , race de Turcomans t'iablic
dans le nord de la Perse orientale.
Il naquit l'an 1 100 de l'iiég. ( itj88
de J.-C. ), dans uu village peu éloi-
gné de Méchehd , capitale du Kho-
raçan, et fut nommé I^adir-Kouly
Beyg. Dès l'âge de quinze ans , il prit
le parti des armes pour défendre ses
propriétés contre ses jaloux compa-
triotes, et conire les ravages des
Kourdcs et des Ouzbeks. Chah ïlou-
ccin régnait alors en Perse, ou plu-
tôt, ses courtisans , ses eunuques , ré-
gnaient sous son nom; le méconten-
tement était général ; des révoltes
éclataient de toutes parts; et la dy-
nastie des Sofys, sous un gouverne-
ment si faible , si méprisable, pen-
chait vers sa ruine. La valeur que
Nadir avait montrée dans plusieurs
petites expéditions, attira quelques
tribus sous .'cs étendards. A l'cxem-
j)]e des divers ambitieux , que l'anar-
chie transformait en soiiveiains , il
s'empara du château de Kelat, le
fortifia , et en fit le berceau de sa
puissance naissante. Melik - Mah-
moud Scïstany, maître de Méchehd,
dominait sur une grande partie du
Khoraçan. Nadir servit quelque
temps sous ce rebelle, lui témoigna
d'abord un zèle extrême afin de
trouver plus aisément l'occasion de
le .«upplanter, tenta de l'assassiner,
et échoua dans l'exécution de ce
projet : alors il quitta Rlcîik - Mah-
moud , lui résista avec avantage, et
osa bientôt l'attaquer. Sur ces entre-
faites ( 1722 ), Chah Houcein fut
détrôné; et Ispahan tomba au pon^
voir des Afghans de la tribu de
Khaldjeh , dont la révolte avait com-
mencé à Candahar ( F. MiR Mah-
moud XXIX, 1 35, et Chah Houcein-
au Supplément ). Cette révolutiou
NAD
servit de prétexte aux Russes et aux
Othomaiis. pour s'afjraiidir aux dc-
])ens de la Perse. (.hah Tlialiuias, he-
liticr léu;Uinie du troue, s'e'lait reti-
ré daus les proviuccs du nord ; mais
sou autorite était à peiue rcconuuc
daus le Mazaudcrau. fjC gouverneur
<pie ce prince envoya daus le Khora-
<;au, ayant méprise les services de
Nadir, fut battu par Melik-Mah-
inoud , cpji s'empara de Nichaboiu- ,
et y prit le titre de roi. Nadir , de
son coléj, soumit SerakUs , Mérou , et
tout le nord du Klioraçau , jusqu'aux
frontières du Kharizm. CliahTiiah-
jnas , menacé par Melik-Mahmoud,
se rapproche de Nadir , dont il avait
déjà sondé les dispositions, et récla-
me son secours. Leur première en-
trevue a lieu h Kliabouclian, sur
les limites du Kliarizm et du Djor-
iljan, en septembre i 726. Nadir, fei-
guaut un grand dévouement à son
souverain , marche contre Melik-
Mahmoud, l'assiège dans Méchehd ,
le réduit à se rendre à discrétion , à
prendre l'habit de derviche , et à se
consacrer au cidte de la grande mos-
quée de cette vdle. Pendant le siège,
Nadir, qui déjà ne voulait point souf-
frir d'égaux , fit assassiner Feth Aly
Khan Kadjar , commandant en chef
des troupes de Chah Thahmas,
et bisaïeul du roi de Perse d'au-
jourd'hui ( F. Mohammed Haçan-
Khan ). Il prit la place de ce
général , disposa de tout dans le
conseil et à l'armée, fit venir à Mé-
chehd sa famille, ses femmes, ses
propres troupes ; et allèctant des airs
de grandeur, il ordonna la construc-
tion d'une nouvelle coupole à la
grande mosquée . et la fit dorer ainsi
que l'ancienne. Chah ïhahmas s'a-
larma de l'ambition de Nadir. Il
écrivit à tous les gouverneurs de le
délivrer de ce traître ; il lâcha de lui
susciter des ennemis domestiques,
cl d'éveiller la haine de Mclik-Mah-
moud. Celui-ci envoya la lettre du
roi à Nadir, qui, dissimulant sou
iuilignalion, assiégea Khabouchaii ,
dont les habitants s'étaient révoltés :
mais quoique ChahTliahnias fût venu
les animer par sa présence , ils se vi-
rent tellement pressés , qu'ils promi-
rent à Nadir, s'il consentait à le\ el-
le siège , de se soumettre , de condui-
re le loi à IMe'chehd , et d'engager ce
prince à rétracter les ordres qu'il
avait donnes contre lui. En effet.
Chah Thahmas, dont les trésors
avaient été pillés par un rebelle, n'eut
d'autre ressource que de se rendre
auprès de Nadir, qui les lui fit resti-
tuer. Ce fut sans doute alors que ce
général, pour capter la confiance de
son souverain , prit le nom de Tliah-
vias-Koulj Khan ( le Khan , escla-
ve Thahmas ). Il s'attacha surtout à
gagner l'atrection des soldats , en
pourvoyant à tous leurs besoins , et
en leur assignant une paie régulière,
qu'il leur distribuait lui-même. Les
courtisans de Chah Thahmas s'op-
posèrent envain à l'ascendant que ce
général prenait dans les affaires et
sur l'esprit de son maître. Nadir dé-
joua leurs intrigues, et triompha
de leurs etl'orts. Il se défit de Me-
lik-Mahmoud, l'ame de tous les trou-
bles du Khoraçan, et parvint enfin
à pacifier cette province, à soumet-
tre toutes les tribus révoltées, et à
les forcer à combattre pour la cause
dont il semblait être le principal
soutien. Impatient de régner, Chah
Thahmas voulait marcher sur Is-
pahan. Son général jugea plus né-
cessaire de ne laisser aucun en--
nemi derrière lui. Il employa l'an-
née I7'i8 à rétablir la tranquillité
dans le Djordjan et le Mazande-
ran , et il envoya uu ambassadeur en
5^8
NAD
Russie , pour demander la resti-
tution du Ghylan. En avril 17 if),
il marcha contre les Abdallis, (jui,
depuis donze ans , étaient maîtres
de Hc'rat; il les défit en plusieurs ren-
contres , leur pardonna, en faveur
de leur haine contre les At'gliaus-
Klialdjis, reçut leurs sonniissiuns, et
laissa ie gonvernement de iu ville à
■i'un d'eux. CiCpendant Ascliraf , suc-
cesseur, a Ispalian, de iMir Mah-
moud , son cousin , qu'il avait assas-
sine' , marcha vers les frontières du
Khoraçan, qu'il croyait sans défen-
se, dans le dessein d'arrêter les pro-
grès de Chah Thahraas et les succès
de son général. A cette nouvelle,
Nadir, de retour à Méchehd de son
expédition de Hérat ; s'avance, avec
le roi, contre les Afghans, qv.e son
approche oblige de lever le siège de
Semnan.U les rencontre, et les taille
en pièces, le 29 septembre, enlre
cette ville et Demgàn, sur les bords
de la rivière de RIehmandost. Les
Persans, qui tremblaient naguère au
nom seul des Afghans, recouvrent ,
sous Nadir, leur antique valeur. L'en-
nemi est forcé dans les déiiîés de
Serdé-Khar. Une troisième victoire,
remportée le i3 novembre, près du
village de Mourtcha-Konreh, à dix
lieues d'Ispahan, ouvre à Nadir les
jiortes de cette capitale. Il y signale
son entrée par le massacre de tous
les Afghans qi.i n'avaient pas eu le
temps d'en sortir, en représailles du
sang des Persans qu' Ascliraf avait
fait répandre avant son départ. Un
mois après, il y appelle ChahThah-
mas, et le fait proclamer roi, avec
une pompe extraordinaire. Ayant
ainsi replacé le souverain légitime
sur le trône, Nadir témoigna le dcsii"
de retourner dans le Khoraçan; mais,
feignant de céder aux instances du
roi, il consentit à achever son ou-
NAD
vragc , et à rendre à la Perse sa tran-
quillité première et ses anciennes li-
mites. Il partit au milieu de l'hiver,
et marcha vers Cliyraz, où Aschraf
s'était fortifié. Une quatrième batail-
le , ])erdue par cet usurpateur, près
des ruines de l'ancienne Persc[)olis,
et la mort qu'il trouva en fuyant vers
Candahar , mirent au pouvoir de
Nadir toutes les princesses de la
faniil'e royale, qu' Aschraf avait em-
menées , et firent enfin rentrer sons
la domination du soi'y tontes les
parties de la Perse que les Afghans
avaient possédées un peu plus de sept
ans (A^.MiuMAnMOun, XXIX, i3 j,
et AscnnAF, au Supplément}. Chah
Thahmas , incapable de s'élever au-
dessus du général qui l'avait place
sur le trône, voulut au moins éloi-
gner un homme dont la puissance et
l'ambition lui portaient ombrage. Il
bii offrit la souveraineté de toute L^
Perse orientale , depuis le Mazande-
rr.n et le Kcrman,lui envoya un dia-
dèraceiirichide diamants, etproposa
le mariage d'une de ses sœurs avec
Riza-KoulyMirza, fils aîné de Nadir,
Le général accepta tous les bienfaits
de son souverain; mais, alïcctaut
une modération qui était loin de sa
pensée . il refusa de porter le diadè-
me, l'aigrette royale et le titre de
sulthan, et se contenta de faire gra-
ver son nom sur les monnaies du
Khoraçan. Au lieu de se rendre dans
cette province, dont il avait laissé le
gouvernement à sou frère Ibrahim-
Khan , il y envoya son Gis , Pviza-
Kouly Mirza , âgé de douze ans ; et ,
poursuivant l'exécution de ses grands
desseins, il soumit les Bakhtiaris et
les peuples du Louristan, et marcha
contre les Turcs, au printemps de
1780. En moins de cinq mois, il
remporta sur eux plusieurs victoires,
leur reprit ?Çehavend ^ Ramadan ,
NAD
Kpimanchali , ainsi (|iip toutes les
villes de rAdzcrbaidjan. Il se [irc'pa-
lait à l'aiie le siej:;c d'I'.iivaii, lors-
qu'il fut appelé dans le Khoraçaii ,
par la révolte des Abdallis, qui, après
avoir chasse de Hcrat le gouverneui'
qu il leur avait donné, s'étaient em-
parés de cette place, avaient battu
Ibralii ni, frère de Nadir, et mena-
çaient WTécliclid. Arrivé dans celte
dernière ville, Nadir y célébra les no-
ces de son (ils avec la pi incesse steur
deCliah Thahmas, en janvier i-jSi.
La guerre contre les Alidallis l'occu-
pa une année entière : il leur reprit
Hcrat et Ferali ; et, malgré la perfi-
diequ'ils avaient montrée en plusieurs
occasions, il leur pardonna, et se
contenta de les transplanter dans le
Klioraçan. Chah ïlialimas, croyant
que l'absencede Nadir lui offrait l'oc-
casion de ressaisir son autorité ,
rompit la trêve que ce général avait
accordée aux Turcs, et marcha en
personne pour assiéger Erivan , en
i-j 3 1. 11 échoua dans cette entreprise,
fui vaincu dans sa retraite, d'abord
sur les rives de l'Araxe . puis par Ah-
med, pacha de Baghdad, dans les
environsd'Hamadan, et termina tout-
à-coup la guerre, eu faisant la paix
avec le grand-seigneur, auquel il cé-
da la ville et la province de Ker-
manchah , ainsi que tous les pays
sur la gauche de l'Araxe. Nadir ap-
prit avec indignation la nouvelle de
ce traité , conclu à la fin de janvier
\']o2. De sa pleine autorité, il fit
sommer les pachas de Baghdad et
d'Erivau d'évacuer le territoii e per-
san. Il publia un manifeste, où, rap-
pelant ses exploits, ses services, il
annonçait la résolution d'empccher
l'accomplissement d'une paix si hu-
miliante.En effet, après avoir pourvu
à la sûreté, à la tranquillité des pro-
riaces orientales, cl recouvré le Gh y-
xx\.
NAD 5i9
lin, que les Russes abandonnèrent en
exécution d'un traité .^^igné u Kesclit
le i"^^'. février; Nadir j)arlil de Mé-
clichd, et vint cam])er,àla fin d'août,
])iès d'ispahan. Il invita le roi à une
grande revue, suivie d'un festin , où
ayant enivré ce monarque, il le fit ar-
rêter, le déposa, l'envoya prisonnier
àMéchehd, avec toutes ses femmes
plaça sur le trône un fils de ce prin-
ce, Abbas 111, enfant au berceau
s'empara, sans opposition , de la ré-
gence , et devint le véritable souve-
rain de la Perse ( F. Abbjis III et
Thahmas II). Il recommence aus-
sitôt la guerre contre les Turcs. A la
suite de plusieurs avantages, et sur-
tout d'une victoire remportée sur
Ahmed , pallia de Baghdad, il in-
vestit cette ville , et la serre de piès,
pendant luùt mois , quoiqu'il n'ait
])oint de pièces de siège. Ahmed
j)ressé par la famine , parlait déjà
de se rendr*. lorsque l'arrivée d'une
armée othomane , sous les ordres
du célèbre Topai - Osman - Pacha ,
rompt les négociations. Nadir, lais-
sant douze mille hommes pour con-
tinuer le blocus, marche à la ren-
contre des Turcs, qu'il trouve cam-
pés sur les bords du Tygre, à douze
lieues de Baghdad, Il leur livre ba-
taille le 19 juillet 1 '■33 , la perd, v
est blessé, renversé deux fois de che-
val , et abandonne à l'ennemi pres-
que toute son ai'tillerie. Un grand
nombre de Persans périssent dans le
fleuve , en voulant le traverser ou
s'y désaltérer. Il lève le siège de
Baghdad , annonce au pacha qu'il
viendra le visiter au juintemps sui-
vant , et se retire à Hamadan , on
deux mois lui suffisent pour répa-
rer ses pertes. Informé que Topal-
Osman n'a pu obteiiir les renforts
qu'il a demandés, il revient au mois
d'octobre, et surprend les avant-p&s-
53o
NAD
les (le l'armée olhojnane, sans pou-
voir attirer le seraskciiaii combat,
ni le forcer dans ses retranclicmeiits.
Une affaire s'engage à Le'ilan, à cinq
lieues de cette ville : les deux partis
s'en attribuent l'avantage j mais, le
lendemain, dans une action gc'nc'rale,
à Akderbend , les Turcs sont entière-
ment del'aits : leur brave serasker y
est tue , et sa tête est portée à Nadir ,
qui ordonne de l'enterrer huuorable-
ment ( F. Topal - Osman . Maître
de la campagne , il revient assiéger
Baghdad: Alinied Paclia demande la
paix, la conclut sans la participation
du divan de Coustantinoplc, et en-
joint aux pachas d'Erivan, de Te-
flis , de Chamakby , elc, , de restituer
ces places aux Persans. Nadir , ayant
songe un moment à rendre la couron-
ne à Chah ïhahmas, avait comman-
dé qu'on l'amenât de Méchehd à
Cazwyn, où était la courj m.iis sa
défaite , par Topal-Osman , lui fit
prendre une autre détermination.
On reconduit l'ex-monarque à Mé-
chehd , où le jeune roi fut aussi
bientôt relégué. Une révolte avait
éclaté dans la Perse méridionale ,
en faveur de Chah ïhahmas j Nadir
en arrêta les progrès , chai'gea un
de ses lieutenants d'en étouffer les
dernières étincelles, et marcha vers
le nord, en 1734, pour recouvrer
les provinces que 'es Turcs s'obsti-
naient à garder. La Porte , au lieu
de ratifier le traité signé par Ahmed
Pacha , avait envoyé une nouvelle
armée , sous les ordres d'Abdallah
Kiuproli. Nadir traversa le Kour, re-
prit Chamakhy et le reste du Cliyr-
wan , à l'exception de Derbend et de
Baklîou , que la cour de Russie ne
restitua que l'année suivante. Il for-
ma le siège de Gandjah , qui fut
long et meurtrier: il l'interrompit à
l'approche d'Abdallah Pacha , qu'il
NAD
alla provoquer au combat. Ce gêné"-
rai s'était enfermé dans le château
de Kars ; il l'attira par une fnite
simulée , dans les plaines d'Erivan ,
où il remporta sur les Turcs une
victoire complète, en juin 1^35. Le
serasker y fut tue, ainsi que le pa-
clia de Diarbekir. La reddition de
Gandjah, 'de Tcfiis, de Kars et d'E-
rivan , la soumission de l'Arménie et
de la Géorgie , terminèrent glorieu-
sement celte campagne. Nadir cié-
truisit Chamakhy, fonda une autre
ville du même nom, châtia les Tar-
tarcs Lesghis, qui, depuis vingt ans,
avaient été des voisins dangereux
pour la Perse , de zélés et utiles al-
liés pour les Russes et les Turcs: en-r
fin il disposa des principautés de
Kakhet et de Karthalinie , eu faveur
d'Aly Mirza, neveu de Tehmoiiras,
et au grand mécontentement de ce
dernier, qui les posséda plus tard
et les transmit à son fils Héracliui.
Au retour de cette expédition. Nadir,
vint camper, en janvier 1736, dans
les plaines de Mougan, près du con-
fluent du Kour et de l'Araxe, et y
convoqua, pour le mois de mars,
une assemblée générale des grands
et des notables de la Perse. Nadir,
vainqueur de tous les rebelle-^ , Je
tous les ennemis extérieurs , était re-
gardé comme le sauveur, le libéra-
teur de la Perse : l'armée lui était
dévouée; le peupie le respectait; les
grands le craignaient et le ména-
geaient ; ricu ne mau*juait à sa gloi-
re , à sa puissance : toutefois son
ambition , accrue par tant de pros-
pérités, était loin d'être satisfaite.
Le jeuiîe Abbas III venait de mourir;
et si sa mort fut naturelle, elle fut
du moins très - utile aux projets
du régent. Aj)rès avoir donné deux
rois à la Perse , il se voyait trop
près du trône, pour ne pas désirer
NAD
d'y monter. Mais la dynastie des
sufys n'avait pas , couiiuc la plupart
des antres inonarcliies de l'Orient ,
ré^né senlenient par la force des ar-
mes. Ismaël , son tundalcnr, avait
captive l'opinion dos P<Titans, et en-
chaîne lenrs cimsiiences. La tyr.m-
nie ur^aniice par Chah Abîmas I'"''.,
lopins grand de ses sncccsseurs, Lien
fpie ilcvennc odiense sons Irois prin-
ces sangninaires , n'avait pis cesse
d'èlro respeclee ;et les mallienrs mê-
me de Chah Houcëin l'avaien' ren-
due p! ns vénérable ( y. Ismael Cq An,
XXI, iQf), Abbas I^'. et Aebas II,
I, 34 ei 37; StFV Chah et SolÉi-
mam Cuah III, et HoucÉijy Guah,
an Siippl.). Nadir n'osa donc pas
imiter les nsurpatenrs vn'gaires; il
voulut avoir Tair d'être appelé au
trône par le vœa de la nation, et d'y
être placé par les ministres de la re-
ligion. Djiize mille ouvriers firent de
son camp une ville. Les députés, eu
arrivant, y trouvèrent des maisons
élégantes et commodes, des bains,
des mosquées, des bazars, des places
pour les courses de chevaux, un pa-
lais pour Nadir , etc. Lorsqu'ils fu-
rent assemlilés , il leur rappela les
malheurs qu'avaient prodiuts l'inca-
pacilc, la fai!;lcssc et l'indolence des
derniers l'ois ; la nécessité où il s'élait
vu de déposer Chah Tliahmas : il
leur déclara son intention de se dé-
mettre de la régence et du coraman-
den)ent des troupes, et leur donna
ti'ois jours pour choisir un autre sou-
verain. Il avait sa gagner les uns
par ses i!ons et ses promesses; la
présence de son armée intimidait les
autres. Apres avoir feint de résister
au vœu général , il fut proclamé roi,
le '10 mars 173G; mais il déclara
n'accepter le diadème qu'à condition
que l'on prêterait serment de li léli-
té à lui et à sa famide , et qu'on sous-
NAD
53 1
crirait à quelques changements qu'il
avait à proposer relativement a la
religion. Los mollahs s'éuient op-
posés a l'élection de JNadir- ils té-
moignèrent encore plus d'éloigne-
mcnl pour les innovations qu'il an-
nonçait. Iriité de leur résistance, il
jeta le masque, et fit étianglor leur
chef au milieu de l'assemulée. En
usurpant la régence, il avait qi-itlé le
nom de Thalimas-Kouly Khan, et
l'av lil donné à l'un de ses plus lideles
olUciers, pour prendre celui de Wcly
Neamet. Il fut couronné sous son
premier nom; ce fut le seul que l'on
grava sur les monnaies, que l'on pro-
nonça dans la khothbah : mais Na-
dir Chah lit ' ouvent regretter Thah-
mas Koiily Khan. Informé des mur-
mures des mollahs, il fil venir les
plus lécalcitrants , et leur demanda
q'iel emploi ils faisaient de leurs
biens, lis répondirent qu'une partie
était airectée à des œuvres pies , et
que le reste servait à l'entretien des
ministres de l'islamisme , qui priaient
sans cesse pour la vie du roi et la
prospérité du royaume. « Vos priè-
» res ont donc été inutiles, leur ré-
» pliqua Nadir , puisqu'elles n'ont
,) pu empêcher la Perse d'être en-
» vahie, démembrée, dévastée, et
» ses rois d'cire détrônés, iucarce-
» rés , égorgés ou fugitifs. Mes priè-
» res et cèdes de mes soldats ont été
» plus etGcaces; c'est nous qui avons
» sauvé la Per;>e : c'est nous qui de-
» vous jouir de vos biens. >> 11 en fit
dresser l'inventaire, montant à 60
millions de revenu, et les confisqua
au profit He son trésor. 11 accorda la
paix aux Turcs , qui renoncèrent à
toutes leurs conquêtes, et il envoya un
ambassader.r à Constanlinople , pour
en porter la ratification. Il donna le
gouvernement généial des provinces
occidentales , à son frère Ibrahim
34..
53i NAD
qu'il c'nargea d'observer les Otlio-
mans; et celui dii Khor.içan à son llls
Riza, qui devait contenir les Ouz-
beks et les Turk!)mans. 11 ordonna
au khan de Chyraz de repn-ndre les
îles de Bahra'iu sur les Arabes de
Maskat; cl se rendit à Ispahan, où
il rassembla une armée de cent mille
hommes, destinée à punir les Af-
ghans (le Candahar. Houce'in Khan,
leur prince, malgré des services ren-
dus à la Perse contre l'usurpateur
Aschraf , son cousin-germain et sou
ennemi personnel , avait le tort d'ê-
tre fds et frère des deux chefs de la
révolte des Afghans Khaldjis ( V.
MiR Mahmoud ) , et d'avoir faV' Tisé
celle des Afghans Abdaliis. Nadir ar-
riva devant Candahar en mars 1 737.
Prévoyant que le siège serait long, il
transforma son camp en une place-
forte qu'd nomma Nadir - Abad , et
qui est le Candahar d'aujourd'hui, à
une lieue de l'ancien. 11 envoya des
détachements qui soumirent ou dé-
truisirent plusieurs tribus d'Afghans
et de Beloutchis. Dans le même
temps, son fils aîné portait la guer-
re chez les Ouzbeks , s'emparait de
Baikh , et battait les troupes du roi
de Bokhara. Nadir, ayant reçu des
renforts , pressa le siège de Canda-
har , qui durait depuis plus de dix
mois , et prit cette ville d'assaut, le
■j4 mars 1738. Un grand nombre
d'Afghans y furent passés au fil de
l'cpée; il transplanta les autres , les
remplaça, suivant sa coutume, par
une nouvelle population , amenée de
diverses provinces ; il incorpora les
jeunes geus dans son armée, et cu-
vova prisonniers dans le Mazande-
ran , Houcéin Khan, avec sa famille
et les enfants de Mir-Mahmoud. Il
avait conçu le projet de conquérir
l'Indoustan. Les réponses évasives,
faites au nom de l'empereur moghol,
NAD
Mohammed Chah , à un ambas-
sadeur persan charge de réclamer
contre l'asile accordé dans ses étals
aux Afghans é/nigrc's , et de de-
mander qu'on les renvoyât en Perse;
le coiigé refusé à un autre ambassa-
deur qui était venu réitérer les mêmes
réclamations ; tels furent les prétex-
tes de Nadir pour entreprendre cette
expédition. Mais son véritable bat
était de s'enrichir des trésors de
l'Inde. La faiblesse de cet empire,
les intrigues qui divisaient la cour de
Dehly, les intelligences qu'il entre-
tenait avec quelques-uns des ])rinci-
paux omrahs, lui aplanissaient tous
les obstacles. Il part au mois de mai,
reçoit les soumissions des habitants
de Ghazna et de Kaboul, prend de
vive force la citadelle de cette der-
nière place, y appelle son fils , au-
quel il donne le nom et l'autorité de
vice-roi, en son absence; défait Na-
scr Khan, gouverneur de Pcichour
et de Kaboul ; traverse à gué, sur des
ponts de bateaux, l'Indus et les dif-
rentcs rivières qui se jettent dans ce
fleuve; accepte la reddition de La-
lior , arrive sans résistance , dans
les plaines de Karnal , où il met eu
déroute l'armée indienne, et s'em-
pare de Dehly, qu'il inonde de sang.
Toutefois il traite le monarq\ie avec
quelque modération : maître de sa
personne , il lui rend la liberté et la
])lus grande partie de ses états ( f^.
Mohammed mv , XXIX, s-is, et
NizAM AL MoLouK ). Chargé dcs dé-
pouilles et des malédictions des peu-
ples de l'empire moghol , Nadir quit-
ta celte capitale le 7 safar i i5.i ( 16
mai 1739) , emmenant une princes-
se du sang impérial , qu'il avait fait
épouser à Nasrallah son second fils.
Son armée eut beaucoup! à souffrir
de la chaleur, et des irruptions des
Afghans , et perdit beaucoup de
NAD
inonde , en repassant les rivières que
les pluies avaient grossies. Mais Hcjà
Naclir n'est plus le père de ses sol-
dats : l'avarice , l'orgueil , ont en-
durci son cœur; ses jours de gloire
vont disparaître, et bientôt on ne
verra plus dans le sauveur de la Per-
se , qu'un brigand couronne, qu'un
farouche tyran. Pai venu sur lesbords
du Tciienab , il ordonne à tous ses
soldats de verser au trésor royal l'or
et les bijoux qu'ils ont apportés de
l'Inde. Quelques-uns obéissent, et re-
çoivent en échange des habits , des
présents de peu de valeur ; d'autres
sont dépouillés brutalement de leur
butin : plusieurs aiment mieux le je-
ter dans l'eau que de se voir enlever
le fruit de leurs travaux; la plupart
enterrent leurs i-ichesses , dans l'es-
poir de revenir les chercher : mais
il fut sévèrement défendu de repas-
ser le fleuve. Après bien des fati-
pnes , Nadir , ayant atteint les pro-
vinces à l'ouest de l'Iudus , que
Mohammed Chah lui avait cédées,
fut obligéde conquérir celle du Sind,
dont le gouverneur refusait de se sou-
mettre; et cette expédition lui coûta
plus de monde que son invasion de
î'Indoustau. Enfin, au bout de deux
ans , il revit sa nouvelle ville de
Candahar, le 3 ou 7 safar 11 53
( 3o avril ou 4 mai 1 740 ). Un mois
après, il arriva à Hérat, rendez-vous
général des nouvelles levées qui de-
vaient le suivre contre les Ouzbeks.
Tous les princes de sa famille s'y
e'tant réunis , il y célébra des fêtes
solennelles, dont la pompe fut en-
core augmentée par l'exposition pu-
blique des trésors qu'il avait rap-
portés de l'Inde , parmi lesquels on
remarquait le fameux trône du paon,
et une tente construite par ses or-
dres , à laquelle on n'avait employé
que la soie , l'or , les diamants et
NAD
533
les pierres les plus précieuses. Na-
dir envoya des troupes contre les
Lesghis , qui avaient vaincu et tue
son frère Ibrahim , et partit pour
punir les Ouzbeks des ravages qu'ils
exerçaient en Perse , depuis plus
de deux siècles. Ariivé à Balkh ,
que son fils leur avait enlevé ré-
cemment , il côtoya la rive gauche
du Djihoun , sur lequel onze cents
barques portaient ses munitions et
son artillerie; et il traversa ce fleuve
près de Tchardjou, sur un pont vo-
lant. Le roi de Bokhara , issu de
Djenghyz - Khan , se soumit, con-
serva sa couronne , et obtint le ti-
tre de Chah , en cédant à la Perse
toutes ses provinces au-delà du Dji-
houn , et en consentant au mariage
de sa fille avec Aly-Kouly Khan,
noyeu de Nadir. Pendant son séjour
à Bokhara, le vainqueur fit cnh ver
de Samarkand la pierre sépulcrale
du tombeau de Tamerlan, et les por-
tes d'aiiain d'un collège fonde par
ce conquérant : mais la pierre s'é-
tant brisée dans le transport, Nadir
renvoya le tout à Samarkand, Après
avoir vaincu une armée de Turko-
mans et d'Ouzbeks , qui voulaient
arrêter sa marche, il entra dans le
Kharizm, s'empara des principales
places, fit périr le souverain , qui
avait rejeté toutes les voies d'accom-
modement, et disposa de ce royaume
en faveur d'un autre descendant de
Djenghyz Khan: il y délivra plusieurs
prisonniers russes; et, ayant ramené
dans le Khoraçan un plus grand
nombre de captifs persans , il en
forma la population d'une ville ,
qu'il fit bâtir sur le plan de Dehly ,
dans le village où il avait pris nais-
sance. Ensuite il déposa ses trésors
à Kélat, château voisin , dont il aug-
menta les fortifications. Le Khora-
çan était sa province de prédilec-
534
N.\D
tion. Il répara, embcHit MeVlichd,
et y fit construire son toinljcaii. Il
disgracia Riz a - Koiily i\Iir/.a , qiii ,
pendait son absence, avait connais
des exactions , aspire au po'ivoir
suprême, et sacrilié, dil-on , à son
arabition Chah Thabinas et les res-
tes infortunés de la famille des So-
fys. Nadir laissa le [;ouverncincnt du
Khoraçan à son second fils, Nasr
Allah Mirza , et parlit, en mars
i'j^^ , pour aller rt-duiie les peuples
du Cau< ase. Des torrents débordés
subineigèrent la dixième partie de
son armée, dans les défiiés du Ma-
zanderan. Ce fut pendant cette mar-
che que deux assassins inconnus at-
tentèrei.t à ses jour*. Blessé légère-
ment au bras, d'une balle qui tua
son cheval, il tomba, feignit d'êlre
mort , et échappa ainsi aux meur-
triers , que l'on ne put arrêter. Kiza-
Kouly Mirza , soupçonné ou con-
vaincu de ce parricide, eut les yeux
crevés, quelque temps après, ainsi
que le grand -maître de la maison
du roi. Depuis ce moment , Nadir
paraît un autre homme. Nalurelie-
ment avare, ombi'ageiix et cruel,
il devient de plus en plus avide,
sombre et féroce, l^a fortune
qui l'a comblé jusque - là du ses
faveurs , l'abandonne ; el son bis-
toire n'offre plus que des revers ,
des extravagances et des crimes. Il
arrive au pied du Caucase : les
Lesghis, du haut de leurs rochers,
résistent à ses efforts , bravent ses
menaces , et se vengent de l'incen-
die de leurs villages et de leurs
moissons , eu harcelant ses soldais ,
en enlevant ses convois. Fatigué de
cette guerre de chicane, Nadir laisse
un corps de troupes dans le Chyr-
wan et dans le Daghestan, et tourne
ses armes contre les Othomans. Il
s'empare de toutes les petites pla-
NAD
ces de l'Irak et de la Mésopotamie •
mais il échoue, en 174»^' devant
Bassorah , Bagburid , Wm et Mous-
soul :lescom!als quillivrcii'i m au-
cui' succè." dé( isii. INÎoliammed-Tiiki-
Rhan. gouvorneiii di. Karii-îtan ,avail
001 qiiis les îles di; B-iIna'in , cf pris
Maskal par mi prise, t'iiy ('eces ex-
ploits, il se révolta pendani que son
souverain était occupé conire les
Turcs; mais ii fut vaincu, arrêté,
et, avant d'être rcmiu aA'^eugle et eu-
nuque, il eut la douleur fie voii ses
enfants égorgés et ses b mmes désho-
norées. IN arîir, en revenant de l'Inde,
avait publié une exemption d'impôts
pemiant trois ans, pour toute la
Perse : mais il se repentit bientôt de
cet acte de munificence; el, ne vou-
lant pas touchera ses trésors, non-
seulement il rétablit les contribu-
tions ordinaires, et exigea rigcureu-
semeiil celles qui étaient arriérées ,.
mais il en créa de nouvelles , que
l'augmentation de son état militai-
re rendait indispensables. Quoiqu'il
eût toujours eu soin d'enrôler dans
son armée les peuples quil avait
A'aiuous, et que l'on vît marcher sous
ses étendards des Afghans, des Ab-
dallis , des Ouzbeks , des Turko-
mans, des Kourdes , des Arabes,
des Géoi giens , etc. , ces recrute-
ments é\entuels étaient loin de s;;f-
fire a ses besoins ; et il avait sou-
vent recours à des levées d'hommes
sur les Persans. La difficulté de sou-
mettre les diverses tribus arabes qui
habitent les côtes du golfe Persique, et
d'approvisionner son armée dans les
pays voisins de la mer Caspienne ,
lui avait inspiré le désir d'avoir une
marine. Cette partie avait été né-
gligée sous les sofys , même par le
graud Chah Abbas I'^^'^., qui n'avait
abattu le despotisme commercial
des Portugais qu'avec le secours des
NAD
Anglais. Nadir , dcdaignant de re-
courir à des auxiliaires , employa
des moyens violents : il fil saisir
tous les bâtiments nationaux; il mit
en re'quisilion tons les vaisseaux eu-
ropéens qui relâchaient dans les
ports de la Perse, et, par cette me-
sure impolitique , dont il n'obtint
d'ailleui's aucun succès , il éloigna
toutes les nations qui venaient ne'-
gocier dans ses états , et anéantit tota-
lement le commerce, qui leur était si
nécessaire. L'Anglais Elton qu'il avait
pris à son service, lui fit construire ,
dans les forêts du Gliylan, uu vais-
seau de vingt canons , qui obligea les
Russes de baisser pavillon sur la mer
Caspienne : mais la vie inquiète et
agitée de Nadir, pendant les derniè-
res anuc'cs de sa vie , l'empêcha de
tirer jiarti de ce faible avantage.
Rêvant la monarchie universelle , il
paraît avoir eu le dessein de réunir
les Chrétiens, les Juifs et les Musul-
mans, par une même croyance. Il
est du moins certain qu'il fit traduire
en persan le Pentateuque et l'Evan-
gile. Forcé , par des difficultés qu'il
n'avait pas prévues, d'abandonner
ou d'ajourner cette idée absurde,
il se borna au projet d'établir , par-
mi les Mahoinétans , une cinquième
secte orthodoxe, fondée sur la doc-
trine de ri mam Bjafar al Sadik , l'un
des descendants d'Aly ( V . Djafar,
Xl,43o). 11 mit tour-à-tour en
usage la séduction et la violence
pour amener les Persans à suivre
cette secte ; mais tontes ses négo-
ciations auprès de la Porte -Otho-
mane ne purent !a déterminer à con-
sentir qu'un cinquième oratoire fût
établi dans le sanctuaire du temple
de la Mekke, pour les Djaf ariens.
Nadir fut encore obligé de renon-
cer à celte entreprise , et à l'es-
poir qu'elle pourrait lui faciliter la
NAD
53f
conquête de l'empire othoman. A la
suite d'une dernière victoire inu-
tile, qu'il remporta sur les Turcs ,
près d'Erivan, eu août 1745, il pro-
posa de nouveau la paix, et se dépar-
tit de ses prétentions. Elle fut con-
clue, eu janvier 1747^ sur les bases
de celle de i638 , qui avait fixé les
limites des deux empires. Nadir avait
besoin de la paix : les fatigues de la
guerre, les contrariétés, les soucis,,
les chagrins , les plaisirs du harem,
avaient altéré sa santé , et lui ren-
daient le repos nécessaire. Menacé
d'hydropisie , pendant son séjour
dans l'Indoustan, il eu avait amené
un célèbre médecin, qui le soigna
pendant deux ans avec succès. Après
le départ de ce docteur musulman ,
qu'il voulut vainement retenir , il se
confia aux soins du frère Bazin, jé-
suite , qui ne le quitta plus , et à qui
nous devons une relation exacte et
intéressante des dernières années de
ce conquérant. Nadir, regardé long-
temps comme le libérateur de la Per-
se, aurait fait oublier sou usurpation,
s'il. eût ménagé les opinions religieu-
ses de ses sujets , et respecté leurs
préjugés j s'il eût été plus avare de
leurs fortunes, de leur sang ; si eu-
fin il se fût plus occupé du bon-
heur de ses états que de leur agran-
dissement. Mais sou ambition , sa
soif insatiable d'or et de conquê-
tes , son intolérance, ses vexations ,
ses cruautés , le rendirent un objet
d'horreur pour la Perse, et de ter-
reur pour les états voisins. On ne
peut se faire une idée de la férocité
des agents qu'il employait pour se
procurer des ho'mmes et de l'argent.
Lui-même, aigri peut-être par ses
souffrances, par ses chagrins domes-
tiques, par ses revers contre les Les-
gLis, par les révoltes qui. éclataient
de toutes parts , il se transportait
53G
NAD
successivcmeut sur tous les points
on l'on bravait sa puissnncc; il par-
courait la Perse en brigand , en
bourreau; publiait des listes de pros-
cription , faisait mutiler ou aveugler
nue foule de malheureux , et éle-
ver , sous ses yeux , des colonnes et
des pyramides de têtes humaines.
Ispahan , qui , sous son règne, per-
*lit son rang de capitale de la Perse ,
«tait l'objet particulier de sa haine
et de ses cruautés. Tant de crimes ,
tant de maux , devaient avoir leur
terme. Après avoir répandu reffroi,
la dévasia'ion et le carnage ilans la
Perse occidentale, Nadir, toujours
suivi d'une armée nombreuse , com-
posée de soldais de vingt nations
difTérenles , qui, jusqu'alors, avait
fait sa sûreté . mais dun; il com-
mençait aussi a se délier , se len-
dit, au priulemps de «747 > ^ ^^e-
chehd , devenue le siège de sou
empire. Son neveu, Aiy - Kouly
Khan , venait de se révolter dans
le Seisfan , où il avail élé envoyé
pour réduire t'es rebelles. Nadir se
disposai) à marclier contre l.i, quand
il apprit le soulèvement des Kour-
des de Khabouchan, dans le voisi-
nage de Kc'lat. Agité par de funestes
pressentiments, il envoya sa famille
dans cette forteresse, où il comptait
se retirer , et s'avança contre les
Kourdes. Il était campéàFetb-Abad,
lorsque , dans la nuit du ig au 20
juin 1747 (11 djoumady 1160),
quelques-uns de ses généraux per-
sans, ayant à leur tête Mohammed
Saleh Khan, intendant de sa maison,
et Mohammed - Kouly Khan , son
parent , capitaine de ses gardes , en-
trèrent dans sa tente pour l'assassi-
ner. Réveillé par le bruit, Nadir,
couche avec, une de ses femmes , se
lève, prend son sabre, et leur deman-
de d'une Voix formidable ce qu'ils
NAD
veulent. Un coup qu'on lui porte sur
la tête est l'unique réponse. Il se met
en défense, blesse deux des assassins ;
mais s'étant embarrassé dans les cor-
des de sa tente, il tombe et deman-
de la vie. « Tu n'as fait grâce k
» personne, lui disent les conjurés;
» tu n'en mérites aucune. » On l'a-
chève , et on lui coupe la tête. Ainsi
périt, dans sa 59''. année, et après un
règne de onze ans. Nadir Chah, l'un
des hommes les plus extraordinaires
dontl'hisloirefaise mention. On pié-
tend qu'irrité contre ses troupes per-
sanes, qui ne voulaient point adop-
ter son système religieux, il avait
donné ordre aux Afghans etauxOuz-
beks (qui étaient Sunnites) de les
égorger, et que les généraux i^ersans,
informés de cet oldre, se liâlèrent
d'en prévenir l'exécution. Ce qu'il y
a de certain, c'est qu'au point du
jour, Ahmed Khan Abdally, à la
tèle des Afghans et des Ouzbeks,
altaqua les Persans et les Afchars,
pour venger Nadir qu'il n'avait ])u
défendre ; mais , forcé de céder
au nombre , il gagna Caiidahar ,
où il fonda un nouveau royaume
( r. Ahmed Chau Abdally ). Aly-
Kouly Khan , chef secret de la cons-
piration, accourut à Méchehd , Gt
périr toute la famille de son oncle,
à l'exceplion de Chahrokh Mirza ,
son petil-fils ; il s'empara de tous ses
trésors , et prit le titre de roi , sous
le nom d'Adel Chah. Nadir aA'ait
cinq pieds neuf pouces de haut. Sa
figure était majestueuse, sa voix im-
posante; sa force, sa mémoire pro-
digieuses : sa bravoure, son activité ,
sa sobriété, n'avaient pas d'égales.
Quoiqu'il n'eût appris à lire que fort
tard , il ne manquait pas d'instruc-
tion ; et il possédait à un degré su-
périeur les talents politiques et mi-
litaires : mais il ne connut pas l'art
xNAD
(le s'attacher les hommes. Tiîalgrc
les cruautés «iii'il exerça sur la (iu de
sa vie, ou ne hii reproche pas d'a-
voir souille ses ruaius dans le sang,
si ce n'est dans les combats. Il existe,
en français, deux mauvaises histoires
anonymes de Nadir-Cîliah ; l'une in-
titulée : Histoire de Thainas KouU
Khan , Sophi de Perse ( par le P.
Dncerceau ) , Amsterdam «t Leip/jy;,
\']l\oci 1741, 2 parties iii-i 2; l'au-
tre ( par Tabbc Declaustre) , sous ce
titre : His'oive de Thamas Kouli
Khan , roi de Pc se , l'aris , 1 743 ,
1758, in- 12. Ces deux ouvrages,
pleins d'erreurs et de fables , se ter-
minent à la conquête de l'Indoustan.
^i History of NaderShah , par Fra-
ser, 1742-43, 4 P*'''- iii-y*-»
plus exacte, finit aussi à cette épo-
que de la vie du conquérant. Ou la
trouve complète dans V HisVÀre de
JYader Chah , par Mohammed Mah-
dy Khan , traduite du persan en fran-
çais , par VVili. Jones , L'>ndies ,
1770, in-4". IMais ce n'est qu'un
panégyrique, qui donne une fausse
idée de son héros , et les dates y sont
presque toujours en arrière d'une
année ( F. Mahdy, XXVI, 1 57). On
peut consulter aussi les Révolutions
of Persia, par Hanway, formant
le tome 2 des Forages du même,
1 753, 2 vol. in-^". ; ceux d'Olter. en
Turq'de et en Perse , Paris . 1 748 ,
9- voi. in-i2; ceux de Niebuhr, en
Arabie , etc., Amsterdam , 1776 et
1780, 2 vol. in-4''.; la Description
de l'Arabie, par le même, Paris,
1779, in-4''.; V Histoire de Per.,e ,
par Laraamye-Glérac , Paris, 1760,
3 vol. in-i2; les Lettres édifianies ,
t. IV, Paris, 1780 , in-12 ; Y Illustre
Paysan , ovl Mémoires et Aventures
de Daniel Moginié, etc., Lausanne,
1761 , in-12 ; le Dictionnaire criti-
que de Chaufcpié , etc. Dubuisson a
NAD 537
donne, en 1780, une tragédie inti-
tulée: Nadir ou Thamas Koidi Khan
( F. Dubuisson , XTT , \)i ;. On a \n\
Parallèle de l'expédition d' Alexan-
dre dans les Indes , avec la conquête
des mêmes contrées , par Thamas
Kouli Khan , 1752, iii-8". , par Bou-
gainville. L'auteur de cet article pu-
bliera incessamment un Parallèle
de Nadir- Chah avec un personnage
non moins fameux. A — t.
N ADJAH , fondateur de la dynas-
ticdesNadjaliides, dans rYemenjl'an
4 1 2 de l'hég. ( 1021 de J.-C. ). avait
été esclave de Mardjan,qui, d'escla-
ve lui même , était parvenu au timoa
des afl'aires, pendant la minorité d'I-
brahim, dernier souverain de la dy-
nastie des Zéïadides,etsous la régence
de la tante du jeune prince. Nadjah,
do)ix et humain, protégé par la ré-
gente , ayant eu pour compétiteur à
la charge de vézyr. Gais , son ancien
compagnon d'esclavage, hommevio-
lent et féroce; celui-ci employa son
crédit sur l'espritde Mardjan,pourse
venger de JNadjah et de la régente.
L'an 407 ( 1016-17 ), Ibrahim et sa
tante furent arrêtes par ordre du
ministre, et livrés à Gais, qui les fit
renfermer dans une tour, où il les
laissa mourir de faim. Gais, plus
puissant alors que son maître, usur-
pa le trône du Yemen, qu'il désho-
nora par sa tyrannie. Mais Nadjah ,
ayant rassemblé une armée d'Arabes
et de Noirs, lit à ce monstre une
guerre cruelle, l'assiégea dans Zabid,
le tua dans une sortie, en 4'^ , et
lui succéda. Son premier soin fut
d'ordonner qu'on ouvrît la tour ,
qu'on eu retirât les corps des deux
victimes du barbare Gais , qu'on les
ensevelît honorablement , et qu'on
élevât une chapelle sur leur tom-
beau ; ensuite il fit renfermer Mar-
djaU; soa aucien maître, dans la tour,
538
KAD
avec le c.atlavre de Gais, et l'y laissa
pc'iir misérablement. Délivre alors
de tous ses ennemis, Nadjali régna
quarante ans, et mourut en 452
( 1060), empoisonne, dit-on, par
une jeune fille qui lui avait été en-
voyée à ce dessein , par Aly le Sola-
liide, lequel, trois ans après , enleva
une partie du Yemen aux enfants de
Naiijah , et y fonda la dynastie des
Solahidc*;. A — t.
NyEVIUS ' Cneius), poète tragi-
que et comique, e'iait natif delà Gam-
panie. Il avait écrit un poème sur la
première guerre de Garthage,dans la-
quelle il avai^servi : Varron disait de
ce poème: llplait à-peu-près , comme
plairait aujourd'hui une statue de
Mjron , sculpteur d'Athènes , dont
les ouvrages , quoique sans vérité
dans l'expression , ne laissaient pas
d'être beaux. Nasvius e'crivait un
peu avant Ennius. Le temps nous a
conservé à peine quelques litres de
ses tragédies , qui sont imitées des
Grecs. Il donna également des dra-
mes nationaux , parmi lesquels se
trouvait celui qui est intitule : Ali-
monicc Rémi et Romuli. Il voulut
imiter dans ses comédies la liberlé
grecque ; mais ayant tracé le por-
trait de quelques-uns des principaux
citoyens . on le chassa de Rome , et
il alla terminer sa carrière en Afri-
que. Nsevius fut aussi poète épique,
et Giceron le trouvait supérieur, sous
plusieurs rapports, à Ennius , qui l'a-
vait imité en partie. Il fixe l'époque
de sa mort à l'an 55o de Rome ,
quoique Varron la porte un peu plus
tard. T— D.
NAGHID (Samuel), rabbin de
Cordoue, ancien grammairien , était
disciple de Judas Khioug, et contem-
porain de Rabbi Jonas heu. Gaunah.
Il a écrit vingt-deux ouvrages, au
rapport d'Aben-Ezra. Les plus cou-
NAG
nus sont : I. Sephsr ahoscer ( Livre
des richesses ). Wolf en parle dans
sa Bibliothèque hébraïque. Aben-
Ezra le regarde comme le meilleur
ouvrage qui ail paru à cette époque,
parmi 1rs Juifs. II. Ben mischie
( Fils des proverbes ). Bartolocci ,
Buxtorf etWolf ne sont pas d'à rcord
sur le suiet de ce livre. L'abbé de
Rossi, qiu n'en possédait que des
extraits , se contente de dire qu'il
renferme des ])oésies magnifiques, au
jugement de Rabbi Judas Khari/.i ,
mais profondes et obscures ( Dizio-
nario storico de^li auiori ebrei ).
III. Méfia aghemarà ( Introduc-
tion à la géraare ) , Gonstautinople,
laito;. Venise , 1 545 , 098, in-
4°. j dans le Talmud d'Amsterdam,
17 14, et ailleurs. IV. Un Traité
contre Jouas ben Gannak, pour la
défense de Judas Khioug , inconnu
à tous les bibliographes hébraïques^
excepté au docte abbé de Rossi.
L — B — E.
NAGOT ( François - Charles ) ,
né à Tours , le 1 g avril 1 784 , fit ses
études chez les Jésuites de cette ville^
et ensuite dans la communauté des
Robcrtius , à Paris. Il entra dans la
congrégation des prêtres de Saint-
Sulpice , professa la théologie au sé-
minaire de Nantes , et prit dans cette
A'ille le grade de docteur. Devenu,
en 1769, supérieur de la maison
des Ruberlins, où il avait été élevé,
il encoiu'agea les éludes, fdrma une
bibliothèque, et mit surtout ses soins
à établir une boniie discipline dans
cette école. De là il passa au petit
séminaire Saint - Sulpice, dont il
fut supérieur pendant plusieurs an-
nées , et ensuite au grand séminaire,
où il fut direcicur. Dans cette place
il trouvait encore le temps de s'oc-
cuper de bonnes œuvres au dehors;
et il créa deux nouvelles communau-
NAG
les de jeunes clercs, pour disposer
de bonne heure les enfants à l'elat
eccrësiastiqMe. En i'y<)i jl'ahbe Eme-
ry l'envoya fonder nu se'minaire à
Baltimore , où le pape venait d'éri-
ger un évèohc. L'aLbé Naj^ot îriom-
plia des obstacles , cl p;H\int a éta-
blir, dans les États- Unis , nn gr;ind
et nn pc.it séniinaire, et de plus un
cullép;o qui a les piivdc^cs d'univer-
sité. Il lei.'lait eu même îein])s dos
services au \ Français ex patries. Etant
devenu infirme , il .-e démit lies fonc-
tions de sui>crieur, e( consacra son
loisir à traduire, del'ang'ais en fian-
çais, f'es ouvr.ii^es relatifs à la reli-
gion. Non moins pieux q .'instruit,
il avait pciur but dans toutes ses
actions et dans tous ses travaux la
gloire de Dieu et le salut des âmes.
11 est mort a Baltimore , le g a^ril
1816. On a de lui : 1. Conversion
de quelques protestants , 1791, in-
i'2;2 . édit. augmentée, 1796, in-
12. II. La Doctrine de V Ecriture
sur les zniriïfZei, traduite de l'anglais
de l'évêque catholique Hay , et pu-
bliée à Paris, par MM. Emery et
Hémey, i8o8, 3 vol. in- 12. III. Le
Traité des fêtes mobiles , traduit
librement d'Alban Butler, pourfaiie
suite aux Fies des Pères. Ce traité
forme le treizàème volume des der-
nières éditions de ces Fies des Pères
( F. Butler, vi , 394). IV. Fie de
M. Olier, i8i3, in-8'\ On dit qu'on
a en manuscrit, de Nagot, des tra-
ductions d'autres ouvrages anglais ,
comme le Sincère chrétien et le Dé-
pôt chrétien de Hay ; le Catholique
insiruit, par Challoner; le Guide
du chrétien , etc. P — c — t.
NAHL ( Jean- Augustin ) , ha-
bile sculpteur , né en 1 7 1 o à Berlin ,
reçut de son père les premiers prin-
cipes de l'art qu'il devait exercer
avec tant d'éclat. A vingt ans il vi'
NAH 539
sita la FrAcc et l'Italie pour se per-
fectionner par l'élude léflécliie des
modèles ,et séjourna quelque temps
à Strasbourg , où sa famille s'était
étab'ie pendant son absence. Retour-
né a Bcilinen 174I) '1 fut charge
de dillérenls messages pour la dé-
coration des jardins de Potsdam et
de Chailotteubuurg. Au bout de
quelques aunccs il lit nn voyage en
Suisse, et s'v fixa, Hat s les environs
de Bcine, charmé de la beauté du
site et des mœurs pures des habi-
tants. Il se plaisiil surtout à Hindel-
banck, où il avait reçu l'accueil le
plus gracieux de M. de Langhans ,
pasteur de ce village, marié depuis
peu a une femme qui réunissait à un
haut degré les attraits et les vertus
de son sexe. Madame de Langhans
mourut en couches, laissant son mari
inconsolable. Nahl se chargea d'éle-
ver un tombeau, dans la petite église
d'Hindelbanck, à celle qi i étaitdigne
de tant de respects. Ce monument ,
décrit dans la plupart des ouvrages
sur la Suisse , et, entre autres, dans le
tomei'^''. des Tableaux j^itt ors sques
de M. de Laborde, a été modelé dans
de petites proportions, en terre et
en scaiola, et reproduit plusieurs
fois par la gravure. Haller et Wie-
land l'ont célébré dans leurs vers.
Nahl , en quittant la Suisse , retourna
eu Allemagne , et se fixa, en 17.55,
à Cassel , où il fut nomméprofcsseur
de sculpture; il exécuta en cette ville
plusieurs ouvrages remarquables ,
entre autres la belle statue du land-
grave Guiliaume, qui décore la pla-
ce de l'Esplanade. 11 mourut en 1 783,
avec la réputation d'un des plus
grands statuaires dont s'honore l' Al-
lemagne. W— s.
NAHUM, le septième des petits
prophè:es, était natif d'un endroit
appelé Elcèse, dont on ne connaît
54o
NAÎI
point la position. S. Jc'rôrae le place
dins la Galilée, et dit que , de son
temps , on en montrait encore quel-
ques restes. L'on ne connaît aucune
particularité sur la personne de Na-
hum : le temps même auquel il a
prophétise' , est un sujet de dispute
parmi les critiques. Ceppndiint , si
nous faisans attention qu'il parle ,
comme d'un événement passé , de
la défaite de Sennaclierib, arrivée
pendant la nuit par nn effet àc la
protection du Seip;neur envers Ezé-
chias; et qu'il annonce la destruction
de Ninive, de telle manière qu'elle ne
se relèvera plus de ses ruines ; on ne
pourra s'empêcher de mettre ce
prophète entre le milieu du règne
(i'Ezéchias, sous lequel se passa le
premier événement, et celui de Jo-
sias, époque du second, c'està diic,
plus décent ans après que Jonas eut
été envoyé à cette ville. On croit
même , d'après le 9*". verset du ch. i ,
qu'il avait été transporté en Assyrie
avec les dix tribus, et que ce fut à
la vue des préparatifs qu'on faisait à
INinive pour attaquer de nouveau
Jérusalem , qu'il prononça sa pro-
phétie sur l'inutilité de tous les
mouvements qu'on se donnait. La
prophétie de Nahum contient trois
chapitres : elle a pour objet les mal-
heurs auxquels la ville de Ninive de-
vait être en proie, sous son dernier
roi Chyiialadan, lorsqu'elle fut dé-
truite de fond en comble par Nabo-
polassar , roi de Babylone, et par
Cyaxare , roi des Medes. Le style de
ce prophète est grand et animé;
ses peintures sont nobles et varices.
L'idée qu'il présente de la Divinité
a quelque chose de sublime ; il laisse
apercevoir partout une imagination
brillante et féconde . d'oîi partent
des figures hardies et des traits pleins
ie feu. Les Grecs et les Latins font la
NAI
fête de ce prophète, le premier jour
de décembre. T — d.
NAIGEON (Jacques- André),
littérateur-encyclopédiste, n.iq;iit à
Paris , en i ■jSy. Les travaux de sa
première jeunesse purent pour ob-
jet presque exclusif l'étude réfléchie
des productions de l'antiquité. Il
cherchait en même temps à se fa-
miliariser un peu avec les sricnces
exactes , dont il voyait l'influence
s'étendre tous les jours. Il ne s'é-
tait point encore arrêté a la phi-
losophie rationnelle , lorsqu'il fut
jeté dans la société du baron d'Hol-
bach. Dans cette fameuse coterie, les
déistes étaient , comme on sait , en
minorité devant les fauteurs de l'a-
théisme; si bien que les hommes qui
mettaient du prix à une conduite me-
surée, avaient cessé d'y paraître, lais-
sant la carrière libie a des esprits
plus ardents ( ^.♦Iorellet, p. 1 19
ci dessus ). Naigeon prit, dans cette
réunion, la couleur de ses opinions
philosophiques , dans lesquelles il ne
se distingua que par une âpre téna-
cité. Sa frisure recherchée, la déli-
catesse de son tempéiament, qui lui
avait fait adopter dans sa manière de
vivre, le régime pythagorique, son
pédanfisme et la roideur de caractère
qu'il affectait , formaient nn contras- •
te qui prêtait assez au ridicule. II
connut, dans la maison du baron, La-
grange , le traducteur de Lucrèce et
de Sénèque. Naigeon eut part, dit-on,
au travail de son ami sur le pre-
mier de ces auteurs ; et il fut , depuis ,
l'éditeur du Sénèque. Une-liaison plus
étroite, et à laquelle il dut toute sa
consistance littéraire, s'établit entre
lui et Diderot. Naigeon et Damila-
ville. le premier surtout, furent les
deux écouteurs en litre de ce philo-
sophe, qui éprouvait le besoin de
communiquer son enthousiasme, et
NAl
de répandre on loni^s inoiio!oç;iics son
intarissable f'ac.oiiiK'. (liirnin eiitr.iit
en tiers dans leur admiration, mais
avec un esprit d'une tonte anirc
trempe. Nai>^eon composait sa con-
versation de celle de Di<lirot ; il
copiait son ton, ses nianirres : plu-
sieurs productions de Diderot sorti-
rent de ce commerce intime, et ne
sont que des entretiens avec Naigeon.
Cel;ii ci, à son tour, conlondit qnel-
fois ses travaux dans ceux de Dide-
rot. Il ne pouvait raanijiier de (ii^n-
rer dans la liste des rédacteurs de
l'Encyclopédie; ou remanjua l'arti-
cle Ame et l'article Unitaires, p irmi
ceux qu'il y avait donnes. Adepte
vuîjjjaire des doctriues qu'il avait
embrassées avec chaleur, il ne les
propageait guère qu'en se traînant
sur des idées d'einj)runt. Jj'ouvr.ige
dans lequel il mit peut être le plus
du sien, est le Militaire phih)Sophe ,
ou Difficultés sur la ,el-^iun, pro-
posées au P. Malebranche , Lon-
dres (Amsterdam ) , i^GS , in- 1 >..
Il le composa d'après un aianuscrit
qui portait le second titie: le 'ler-
nier chapitre est de la main dii baron
d'Holbach. Nai^ron faisi<it passer
et imprimer en H iliaiide les écrits
de ce baron , et il ajoiitait des no-
tes aux plus considérables ( V.
HoLBAcn , XX , 4'J7 ). Le minis-
tre protestant Ijccène avait donné
une mauvaise traduction du Traité
de la Tolérance dans la relii^ion, ou
de la Liberté de conscience , par
Crellius; Naii^eon la retoucha, et la
fit paraître avec V Intolérance con-
vaincue de crime et de folie, par
d'Holbach. Il réunit divers opuscu-
les de ce dernier, dans son tiecueil
philosophique , ou Mélanges de piè-
ces sur la reliai lU et la morale ,
Londres (Amsterdam), 1770, 2 vol.
in-i2, qui contiennent, eu outre, des
i\AI
5/,,
morceaux attribués à Dumarsais,
Vauvenargiies , Fonlenrile, Mira-
baud, Burigny, et une Disserfalion
sur l'origine des pi incipes religieux,
par lVleister.Lagrange.iyautlai-.se in-
complète sa iraduciion de Sénique,
NaigeoM y fit des corrections , la ter-
mina l'enrichit de notes critiijues ,
hi.slori([ues et littéraires, et la publia,
augmentée de V Essai de Diderot
sur la vie de Séneque, Paris, 1 778-
79, 7 vol. in- 12. Laharpe, en pul-
vérisant , dans une réfutation pro-
lixe, mais victorieuse, les sophismes
et les assertions gratuites qui sura-
bondent dans ce panégyri()ue , ré-
serve toute sa colère pour Diderot ,
et ménage l'éditeur, au travail duquel
il accorde même quelques expres-
sions d'eslime. N.iigeon reproduisit,
peu de temps après ( 1782), une par-
tie de cette traduction de Sénèque,
dans la Collection des moralistes
anciens, imprimée par Didot, col-
lecli.jii dont il composa le discours
preliuiinaire, et à laquelle d fournit
encore une nouvelle traduction du
Manuel d'Epictcte, où il n'avait pas
de peine a surpasser Dacier. 11 prit
part , sans succès, aux deux concours
de l'afadémie de Marseille, qui j»ro-
dui-irent les beaux Eloges de Lafun-
taine et de llacine, par Chamfoit et
J^a harpe ; mais il fit revivre , avec le
titre de Notices , ses deux Essais mal
accueillis sons des formes or.itoires,
et il les mit en tcle du Lafontaine
et du Racine sortis des presses de
Didot pour l'édiicali <u du Dauphin.
Parmi les réimpressions à part de la
Notice sur Lafoiit-iiue, nous citerons
celle de dusse, Dij)U. i7()5,in-8\,
de 48 piges. Ou a désigne Naigeon
comme undes ( llaboraîeurs de Ray»
nal , sur cet Mni(;ie fondem-nt, selon
nous, que to f semblait inséparable
entre lui et Diderot. 11 avait esquis-
54'2
NAI
se, en 1784, u»e Vie de Julien, que
l'ouvrage de Gibbon ne pcruiet point
de regrclter. En l'jSH, il |Hi!,lia le
Conciliateur de'£ur^(jl, cl, deux ans
après, les Eléments de morale uni-
verselle, du baron d'Holbach, ami
de vingt-cinq ans, qui venait de lui
être enlevé. Cette amitié a rendu sus-
pect à plusieurs personnes le témoi-
gnage de Naigeon.d'apr's lequel M.
Barbier a restitué au baron un grand
Dombred'écrits philosophiques, ano-
nymes ou pseudonymes. Quelles af-
firmations, cependant, méritaient
plusdeconfiancequecellesd'un hom-
me qui avait été le dépositaire de tous
ces écrits ? et ces affirmations ne sont
combattues par aucun témoignage
de poids, si l'on excepte Laharpe,
qui donne à Damilaville le Christia-
nisme dévoilé ; mais cette opinion
est infirmée par la correspondance
même de Voltaire, et par l'anecdote
consignée dans le Dict. des anony-
mes, i '■''.édit., tome IV, viij. Laharpe
était d'ailleurs.si mal informé sur ces
secrets du parti philosophique, qu'il
attribue opiniâtrement à Diderot le
Code de la nature , qui est bien cer-
tainement de Morelly. D'un autre cô-
té, quelle invraisemblance y a-t-il à
ce qu'un écrivain aussi fanatique à 'a
manière que l'était d'Holbach, ait
multiplié des productions dent les
matériaux lui étaient fournis par les
conversationsiourualièresdeses con-
vives,parmi lesquelsil trouvait même
pUis d'un auxiliaire pour la rédaction
de ses manifestes contre ce qu'il ap-
pelait les préjugés ? Naigcon , qui
comprenait'es prejugésd'une maniè-
re aussi large que son ami , se per-
suada que la révolution les avait
anéantis sans retour. Il publia , eu
i^go , une adresse à l'assemblée na-
tionale sur la liberté des opinions et
celle de la presse. 11 y taxait de pu-
NAI
sillanimes ses confrères en philoso-
phie, lui qui n'avait jamais .ifTiontc
la Basiidc , et qui avait pris de gran-
des précautions pour assurer a ses
livres la clandestinité. Il y insistait
sur la nécessité d'écarter toute idée
de religion dans une décl iration des
droits de rhoinme;et il réclamait la
faculté indéfinie d'énoncer sa pensée.
L'auteur exhalait une haine brutale
contre les prêtres, et avait visé à la
A'igueur du raisonnement . par cette
brochure, qui fut louée, i^ans le I^îer-
cure, par Chimfi;rt, m-ds qu'un es-
prit plus sain, Morellet, a réduite
à sa juste valeur , dans la se<:onde
partie de ses Mémoires. Naigeuu ,
chargé de l'histoire de la philoso-
phie ancienne et moderne , dans
V Encjchrjiédie niélhodifjiie , s'ap-
plaudit d'en pouvoir faire un ar-
senal d'athéisme. H poursuivit cette
tache avec une entière franchise ;
mais l'exécution en fut bien meV
diocre. On devait s'attendre à une
analyse substaniielle et animée de
tous les systèmes qui avaient forte-
ment occupé l'attention des hommes,
depuis les traditions des brames et
des prêtres d'Égvptc, jusqu'aux théo-
ries de lécoie écossaise et des uni-
versités d'Allemagne. Naigeon s'était
d'autant plus engagea se rendre maî-
tre de sa matière, qu'il traite dédai-
gneusement, dans son discours pré-
liminaire. Brucker, Stanley et Du-
tens. Cependant il n'a fait , pour la
partie ancienne, que reproduire le
travail de Diderot, dans la première
Encyclopédie, modifier légèrement
les articles fournis au même ouvra-
ge par des auteurs moins connus , et
y ajouter trois morceaux importants
de Roland de Croissy , sur les aca-
démiciens, sur la philosopliie des
Celtes, et sur l'idée de Dieu chez les
anciens. Dans les articles de philo-
^fAI
soplik' moderne, il iranscril des vo-
lumes cnticis: Ici est r.irlicle Ijacon,
où se trouve, amende, le précis de
Deleyre; tels sont les arlicles de Ber-
kley , Cond'llac, Diuiiarsais , Fon-
tenelle, Frcret, Muinc, Toland, etc.
Il faut encore déduire dn travail du
rédacteur , la Notice sur Helve'tius ,
par Saint-Lambert, le morceau sur
le félicliisme, par de Brosses; les
Elojjes de d'Alembert , de BulFon ,
de Pascal , par Gondorcet ; l'article
de Spinosa et quelcpies autres, Nai-
geun parle avec mépris de Glarke,
de Ditton , de Cndwortli. Selon lui ,
« Bossuet et les solitaires de Port-
Royal , s'ils avaient vécu dans l'an-
tiquité , n'auraient fait que res-
susciter les folles subtilités de l'é-
cole de Mégare ; Pascal seul aurait
pu s'élever aux. de'couvertes d'Ar-
chimcde : il a été ])erdu pour les
sciences, aussitôt que la religion en
a fait la conquête. Bacon lui même,
-lorsqu'il paye un tribut à de re-
ligcuses convenances , n'est plus
qu'un enfant qui répèle les coûtes
*? sa nourrice. Campanella n'avait
point assez d'élolfe pour être athée j
on n'imagine pas combien il faut de
force de tcte, combien il faut avoir
observé, comparé,' médité, aprofon-
di les sciences, pour atteindre à cette
opinion. » C'était celle d'un Matbias
Knuzen, rêveur allemand, qui ne re-
connaissait d'autres lois que la cons-
cience : Naigeon n'a eu garde de l'o-
mettre dans son Dictionnaire. Il ne
connaît point, dit-il, ses arguments;
mais il présume qu'ils ont fort em-
barrassé les prêtres, puisqu'ils ne les
ont point reproduits dans leurs réfu-
tations. Il s'indigne, dans l'article
/^rtnmf ,contrerhistorienGramond,
qui accusetct athée d'aA^oir dissimu-
lé sa doctrine devant ses juges : Et
d'où le sais-tu, béte féroce ? qui te l'a
NAÏ 543
dit .^s'écrie-I-il.On croit entendre Di-
derot se déchaîner contre les détrac-
teurs dj Séncquc. Naigeon gourman-
de Voltaire de n'avoir point analysé
les objections de IMcsIier, en faveur
du nialéri ilismc. Le méticuleux vieil-
lard de Ferney , qui avait la faiblesse
de croire à l'inllnencc morale ties
idées religieuses , ne faisait point at-
tention que le prédicateur le plus
éloquent d'un état, c'est le bourreau,
d on 1 1 e glaive devrait atteind rc toutes
les têtes, même celles qui portent
une couronne. Le curé champenois,
Meslier, voyait de bien plus haut,
quand il émettait le vœu que le der-
nier des rois fût étr.mglé avec les
boyaux du dernier des prêtres; et
Naigeon admire, dans ces paroles ,
une des pensées les plus fortes , les
plus sublimes que l'esprit humain
ait pu concevoir ! . . . C'était en i ngj^
qu'il s'exprimait ainsi (1). Lorsque
des temps plus calmes remplacèrent
ces jours de fureur, Naigeon recom-
mença de prêcher ses opinions avec
le même fanatisme. Labarpe, à la
même époque , faisait entendre ses
violentes invectives contre les parti-
sans de la philosophie. Chéuier tour-
na en ridicule ces deux missionnai-
res emportés, dans une petite pièce
que voici :
Or . cnnnaispez-vous en Franco
Cerlaîii couple sauvageoa
Prisant peu la tolérance.
MM. Laharpeet Naigeou.
Eîitre ei;x il s*é!èvc nn schisme ;
Ij'ni» ctaiil grive doclenr ,
Forié sur le ratéchisnio ;
L'autre . alhei- innuisili-ur.
Tons deux hra'lleul cnnme pies ;
Deisds ne simt leurs saints ;
Loharpe les Dnnime imnies ,
Naigfoules dit eapucÎDs.
A ces oracles suprêmes ,
Bonnes ;:*'ns , sovez soumis ;
Nul n'nura d'esprit qu'eux >nèn)es :
(l) h'fiiftoire de la philotcphie ancienne et mo-
derne parut de ijpi .■( p4. -^ ^"1- in-^o. U aurait
l'allu un /j"'. volume df supplément; Vollaire «tJ.-J.
Rousseau cux-uièmcs u'out poiut d'articles.
544 NAI
Ils ii'oo» na» d'aiitrrs .unis.
Le- r eloiiuence tiiodeite
Auiullil /fs ctPiirs dr fer ;
La(inr|j<'» le feu i-elcst"» ,
Et Maiceoii Je feu U'. iiter.
Partout ces deux Proiurthres
Vortt formaul inorlel» nouveaux;
Labnr|>e l'ait les alhii s ,
Et >aigi'U(i fait les devo(5.
Naigcoii donna, en 1798, sa volu-
mineuse édiliou de Diderot ; et il pré-
sida, en 1801 , avec Fayolle et Ban-
carel , à celle de J. J. Rousseau, im-
primée par DiJot, .20 vol. in - 8<>.
L'année suivante, il imagina de don-
ner aussi une édition dcMontai-^ne
non pas d'après celle de M''», de
Gouruay, la plus ample de toutes,
mais sur un exemplaire de réditiou
de i588, conservé a la biblioiiièqne
centrale de Bordeaux, et char^^é de
notes marginales de la main de Mon-
taigne. Le philosophe gascon avait
condamne' ce travail à l'obscurité
puisqu'il avait laissé une copie in-
finiment plus considérable et plus
perfectionnée des Essais. Il ne fal-
lait donc produire de ces notes , mi-
ses par lui-même au rebet, que ce
qui pouvait être curieux, comme va-
riante. Mais Naigeon voulait donner
du neuf; et il se montre neuf, surtout
dans le Commentaire fas'tidieux et si
souvent étrange, dont il accompagna
le texte ( i ). On rit beaucoup de celte
substance encore inconnue , qu'il
suppose renfermée dans la tète, et
dont Vidiosjncrasie nous porte plus
ou moins fortement à l'ordre on
au désordre : c'était rétablir, en d'au-
tres termes, la distinction du bien
et du mal, que Naigeon nie ailleurs,
quoiqu'il convienne, par une singu-
lière distraction, qu'on est heureu-
(i) Les n tes de ce commentaire ii'claiinl encore
«jue le pi élude d'un coiiuiieiilrtire bien plus ample
qu'il alatsp manusiritsur ^l....laigne tl Ch-.,TO»i '
et dout le possesseur ( M. A.juiurv Ouval ) a ulrait
un clioix de notes h storiqu s ou critiques , 1rs moins
enlachers de i.failosoi hisiue , pour sa Collection des
61oraUslesJ)aiicais. G— CE
NAI
sèment ou malheureusement neVNai-
?eon , dans ses dernières années ,
devint très-circonspect dans son lan-
gage. 11 désespérait sans doute du
progrès de ses principes; et l'exem-
ple de son confrère Lalande, ad-
monesté publiquement, de la paît
du chef de l'étal ( P'. Silvain Mahé-
CHAL, XXVII, 9), avait dû faire
impression sur lui : ses ennemis pré-
tendaient que le motif de cette con-
duite mesurée était l'ambition de
devenir sénateur. Naigeon est mort
le 'j8 février 1810; il était membre -
de la seconde classe de l'Institut. Ou
a trouvé, parmi ses papiers, ses Mé^
moires hi^torirjues et philosophi-
ques vour servir à la Fie de Dide-
rot. Il ne les avait ])oiiit terminés;
et ce qui porte à croire qu'il avait
renoncé à les donner au public, c'est
qu'à l'exception de l'analyse de quel-
ques productions inédites deDiderol,
ils ne contiennent rien de plus que
l'article Diderot , de VHist. de la phi-''-
losophie ancienne et moderne , les
Notes sur les œuvres de cet éci ivai;^,^
et le Commentaire précité, sur Mon-
taigne. On croit Naigeon l'auteur
d'un opéra-comique ( les Chinois ) ,
joué par les Italiens, en l'jSG . et
mis ausii sur le compte de Favart.
F— T.
N AILLAC (Philibe rt de \ trente-
troisième graud-maîtie de l'ordre de
Saint-Jean de Jérusalem, était d'une
ancienne et ilbistre famille du Berri.
Il mérita l'estime des chcTaliers, au-
tant par sa sagesse que par sa valeur,
et fut élu leur chef, en 1396. Il
entra aussitôt dans la ligue des prin-
ces chrétiens contre Bajazet, rejoi-
gnit les confédérés dans les plaines
de Hongrie, et les suivit au siège de
Nicopolis." Bajazet livra a'ux Chié-
ticns, sous les murs de cette ville,
une bataille dout l'issue ne fut pas
NAT
tl'Uilcnsc nn seul instant ( r Baja.-
7,i:r, m , '-147 ). Apiîrs avoir vu tom-
ber à ses côtes les plus illustres ciic-
valicrs, le f^raud-niaître, c'|Miisc de
fatigues, ne s'attendait qu'à périr,
lorsque le hasard lui fit découvrir
une nacelle, où il se jeta avec le roi
de Hongrie, échappe' comme par
miracle au massacre gênerai ; et ,
clant parvenus à gagner la flotte
chrétienne, ils arrivèrent à l'ilc de
Rhodes. L'invasion de la Natolie par
ïamerlan, arrêta le cours des con-
quêtes de Bajazci. Tandis que les
Turcs et les Tartares supputaient
les de'ijris de l'empire grec , Philibert
s'occupa de mettre les possessions
de l'ordre sur un pied respectable
de défense. A la tète d'inic flotille,
sortie secrètement du port de Rho-
des, il descendit sur les côtes de la
Carie, en chassa les garnisons que
Tamerlan y avait laissées, et cons-
truisit sur les bords de la mer nn
château auquel il donna le nom de
Saint-Pierre , et qu'il fortifia avec le
plus grand soin. Philibert fut choi-
si, eu i4o3, pour médiateur entre
le roi de Cyprc et les Génois, et p.ir-
vint à terminer les dilférends qui
avaient amené une guerre longue
et sanglante. Il accompagna ensuite
Boucicaut dans ses excursions sur le
côtes de Syrie et de Palestine, et eut
beaucoup de part aux succès renipor»
tes sur les infidèles. 11 conclut avec
le sulthan d'E^vpte un traite avanta-
geux aux chrétiens qui visitaient les
saints lieux, et étendit la gloire de
son ordre dans toute l'Asie. Philibert
assista au concile de Pise, assemblé
pour mettre un terme an schisme oc-
casionné par la double élection de
Benoit Xill et de Grégoire XII , et
à celui de Constance, où Jean XXIII
fut déposé. Il réussit à apaiser les
dissensions qui troublaient l'ordre ,
NAl
545
rt convoqua à Rhodes im chapitre
général , dont il adressa les actes an
souverain pontife, qui s'empressa de
les con(irm''r. Philibert mourut quel-
ques mois après, en 14 '-i , regretté
de tous les chevaliers. Il avait gon-
vernél'ordrepcndant vingt-neuf ans,
avec une prudence consominée. Oti
trouve son portrait, gravé par Fli-
part, dans V Histoire des chevaliers
de Malte, de l'abbé de Vertot. W-s.
NAliN {Foj. Lenain et Tille-
mont ).
NAIROBI ( Antoine Fauste ),
savant mai-onite, qui vivait à Rome,
dans le dix-septième siècle, naquit
à Ban , petit endroit situé dans le
mont Liban ; il était neveu , du cô-
té de sa mère, d'Abraham Eccliel-
leiisis : il vint fort jeune à Rome, où
il (it ses études , et retourna dans
l'Orient, pour s'y procurer les ou-
vrages relatifs à l'histoire de ses co-
religionnaires. A son retour a Rome,
il fut fait professeur de langue syria-
que ou chaldaique , au collège de la
Sapience; et il occupa cette place,
depuis l'an 1666 jusqu'en i6g4. Il
mourut à Rome, en 171 1 , presque
octogénaire. Ses ouvrages sont : I.
Officia sanctorum juxta riciim ec-
clesiœ Maronitajiim, Rome, i65Ct
et 166G, in-fol. IL De saliibeiri-
md potione cahuè seii café jiim-
cujjntd discursus , Fi.ome , 1 67 i , in*
12. Cet ouvrage fut traduit en ita-
lien , la même année , par Fr. Fred.
Yegilin de Cluerbergen , capitaine
fi'ison, Rome, 1671 , in-12, et par
le P. Paul Bosca , bibliothécaire de
l'Ambrosienne, Milan, 1673, in-
I .i. Il en parut aussi une traduction
libre, ou un extrait en français,
( F. DuFOUR, XII, i49 )• III. Vis-
sertatio de origine , nomine ac reli-
gione Mavonitavum , Rome, iG7(>.
iu-8^. j ouvrage utile à l'époque ou il
3}
i6
NAI
J4
parut , mais, qui a ële complètcnient
elKicc par les travaux du célèbre A.S-
seniani. IV. Evopliajidei catholicœ
Romance historico-dogmatica , Ro-
me , i09'j , in-8°. Ce traité contient
un gland nombre de lails curieux
.sur i'Jiistoire civile et religieuse des
Clxrelieus de l'Orient; el quoiqu'As-
sëmani y remarque un grand nom-
bre d'eireiirs , il est encore fort utile,
parce qu'on y trouve de la clarté et
de la concision , mérite fort rare
dans les savants écrits d'Assémani,
S. M— N.
NALDI ( Naldo ), littérateur dis-
tingué, né à Florence, dans le quin-
zième siècle, fut l'un des plus illus-
tres disciples de Marsile Ficin , qui
parle de lui avec éloge dans diffé-
rents endroits de ses ouvrages. 11
mérita par ses talents la bienveillance
particulici'e de Laurent de Médicis ,
et fut l'ami de Politien et des autres
hommes célèbresquibrillaieutalorsà
la cour de Florence. Naldo se chargea
pendant plusieurs années de faire des
leçons de littérature aux jeunes prcfès
de l'ordre des Scrvites. Il mourut
vers l'an 1470- On a de lui :I. La Fie
de Giannozzo ftlanetti , publiée par
Burmann, dans le tome ix du The-
saur. antiquit. ital. , et par Mura-
tori sur un manuscrit que l'on croit
autographe dans les Scriplor. rer.
italicar. , xx , 529-608 ; elle est
écrite avec élégance , et renferme des
détails intéressants ( f^, Manetti ,
XXVI , 476 ). II. Une EpiLrs à
Math.Corvin, et un Poème en quatre
livres , sur la fameuse bibliothèque
de Bude. Pierre Jerrich a inséré ce
poème dans les Meleteinata Thoru-
nensia , tome m ; et Bel , dans la
Nollt. Hunoarioi novœ geograph.
historica , tome m. Cet ouvrage
était en manuscrit dans la biblio-
thèque de Mencke (pag. 835 du
NAL \
c^tal.);etil est étonnant qu'il ne '
soit point cité par Negri , qui , dans
ses Scrillori Fiorentini , indique
tous les ouvrages de ce poète, dont
ou connaissait des copies. Naldi
réussissait surtout dans la poésie :
on a plusieurs morceaux de lui dans
le tome vi des Carmina illustrium
puëtarum italorum , 1 7 1 9 - 26 ; et
l'on en conserve en maimscrit des
recueils entiers dans la biblioth.
Riccardiana et dans la Lorenziana
( f^. Bandini , Calai, codicum latin,
bibl. Laiir. , t. n , pag. '11 1 ). Le DiC' .
tionnaire histurique italien , impri-
mé à Bassano , dit que la famille des
Naldi de Bondiolo coi]serve un re-
cueil manuscrit des monuments, de-
vises et autres pièces en l'honneur
de cette maison , qui a produit à
Siena , à Faenza, etc., plusieurs per-
sonnages qui se sont illustrés dans
les armes , dans les lettres oh par
d'cminentes dignités ; mais c'est à
tort que ce lexique y comprend un
Philibert Naldi , évêque d'Angou-
lême et d'Auxerre , fait cardinal
parPielV, à la sollicitation de Char-
les IX, en 1 56 1 . Ce prélat , qui mou-
rut le '^5 janvier 1570 à Rome , où
il faisait les fonctions d'ambassadeur
de France, se nommait Philibert
Babou de La Bourdaisière, et était
frère de Jean Babou, maître-géné-
ral de l'artillerie , mort le 1 1 octo-
bre i569, lequel fut l'aieul de Ga-
brielle d'Estrées ( F. Bourdaisière ,
V, 356, et Moréri au mot Babou).
C. M. P. et W— s.-
N ALI AN (Jacques), patriarche
des Arméniens à Coustantinople , ya-
quit, à la Cn du dix-septième siècle,
à Zimara, dans la petite Arménie.
Il se voua , dès sa tendre jeunesse, t
l'état ecclésiastique, et il s'attacha
à Jean IX , surnommé Golod , pa-
triarche arménien de tjonstanlino-
NAL
pie. Sous la direction de ce clij^ne
prélat, il acquit bientôt tontes les
connaissances qu'on exige des ecclé-
siastiques de sa nation, et il obtint le
graile de vartabicd. Eu lySS, Jean
IX le nomma évêque d'Aucyre dans
la Galatie. La manière louable dont
il se conduisit dans cet e'piscopat , lui
mérita l'estime de tous les Armé-
niens, qui, en l'an i74ij rélevè-
rent au siège de Coustantinople à
la place de son maîU'c , qui Acuait
de mourir. Depuis long-temps des
haines multipliées et des jalousies
particulières divisaient les Armé-
niens de Constantinople. Vainement
les prédécesseurs de Nalian avaient
interposé leur autorité pour faire
cesser ces dissensions. Plusieurs fois
ils en avaient été victimes. Nalian ne
fut pas plus tranquille. En 1 7 49; ^^^
vartabied de Silistria, nommé Brok-
hoon , soutenu par son ennemi , ob-
tint du grand-vézyr la place de pa-
triarche : cette intrusion , conti'aire
au vœu des Arméniens , causa un
grand tumulte à Constantinople , et ,
pour le faire cesser , le gouverne-
ment turc exila le prétendu patriar-
che ; mais voulant avoir l'air de ne
pas céder , il donna ordre d'en élire
un auti'e. On choisit Minas , abbé de
Saint-Garabied dans la grande Ar-
ménie ; et Nalian fut exilé à Brousse.
Il était à peine arrivé dans le lieu
de son exil, que Grégoire III , pa-
triarche arménien de Jérusalem ,
mourut ; et d'un consentement una-
nime on conféra sa place à Nalian.
Il n'occupa pas long-temps sa nou-
velle dignité. Minas , qui l'avait
remplacé à Constantinople , mourut
vingt mois après; on lui donna pour
successeur George Ghaphanlsi , qui
un an après, en 175'^, consentit à
céder son siège à Nalian : celui-ci
quitta Jérusalem , et revint à Cens-
NaN 547
tantinoplc , à la grande satisfaction
du peuple arménien. Cette fois, il
gouverna plus tranquillement jus-
qu'à sa mort , arrivée en 1764, le
18 juillet. Deux mois auparavant,
il avait fait nommer pour son suc-
cesseur Grégoire IV; et il avait ob-
tenu l'agrément du grand - vczvr.
Les belles qualités de Nalian lui
avaient mérité l'estime des empe-
reurs otîiomans , des principaux
membres du divan , des ambassa-
deurs des puissances chrétiennes, et
même du pape Clément XIII. Ce
patriarche n'était pas moins distin-
gué par son savoir que par ses ver-
tus. 11 a composé en arménien plu-
sieurs ouvrages qui lui assignent un
rang distingue parmi les littérateurs
de sa nation. Le principal , intitule'
Kandsaran ou Trésor^ imprimé à
Constantinople, 1758, un vol. in-
4°. , est un recueil fort intéressant
sous le rapport historique, géogra-
phique , etc. Ses autres ouvrages ,
presque tous relatifs à la théologie ,
sont de peu d'intérêt pour nous :
quelques-uns sont en vers ; il a aussi
écrit en turc quelques opuscules qui
ont été impx'imés à Constantinople
en caractères arméniens. S. M — n.
NANCEL ( Nicolas de ) , mé-
decin, était né en i53g, au village
de ce nom , dans le Noyonnais, de
parents si pauvres , qu'ils auraient
été hors d'état de le faire étudier.
Quelques personnes bienfaisantes lui
firent obtenir une bourse au collège
de Presie, dont le célèbre Ramus
était principal. Il y reçuf, à i3
ans , le degré de maître-ès-arts ; et
Ramus , qui s'intéressait vivement
à sa position , ne tarda pas de lui
procurer une chaire dans le même
collège. Nancel commença dès-lors à
s'appliquer à l'élude de la médecine;
mais les troubles qui éclaièreut bien-
>i48 NAN
lot après, l'obligèrent de sortir de
Vrance, et il accepta, en i5C3, la
chaire de langue grecque à l'iuiivcr-
ftitc de Douai, nouvellciucut fondée.
11 ue la remplit que deux ans , et re-
■\ iiit à Paris , à la sollicitation de Ra-
mus , qui lui (It rendre sa première
place au collège de Presle. INaucel re-
prit l'ctude de la médecine, en 1 5G8 :
J'aunce suivante, il quitta une ville où
il n'avait ])oint de malades , pour se
reiidre près de Muzile, premier më-
decirî du roi , et son ami particulier ,
alors à Angers. En passant à Tours ,
on le pressa de s'y arrêter; et il eut le
bonlieur d'y faire, en 1570, un ma-
riage très-avantageux. Il obtint, en
1587 , la place de médecin de l'ab-
bave de Fontevrault , où il mourut ,
cu'^1610 , à l'âge de 71 ans. Loin
de rougir de l'obscurité de sa uais-
, fcance , Nancel semblait en tirer va-
nité , puisqu'il prenait , à la tète
de ses ouvrages , le tit;-e de Tra-
chjenus Noviodnncnsis ( Paysan
du Noyonnais ). Il en avait compo-
sé im très- grand nombre, dont il
publia plusieurs fois la liste , dans
l'espoir qu'il se présenterait quel-
ques libraires disposes à les faire
iiijprimer; mais ii fut trompe dans
son attente, et la plupart de scsma-
ïiuscrits sont perdus. On citera de
^'ancel : I. Slicholngia grœca l./ti-
iiaque informanda et rejormanda ,
Paris, 1579, in-8°. : il y propose
d'assujetir la poésie française aux
règles de la poésie grecque et latine.
Plusieurs écrivains l'avaient déjà es-
sayé sans succès ( V. Mousset ). IL
Discours très-ample de la peste ^
ibid. , 1 58i , in-80. Ambr. Paré es-
timait beaucoup cet ouvrage. III.
P. Rami vita , ibid. , i Sgç) , in-S",
Kancel avait conservé la plus vive
reconnaissance puur cet illustre pro-
fesseur j il a recueilli, sur sa vto et
NAN
SCS ouvrages , des détails curleut
et intéressants , qu'on cberclicrait
vainement ailleurs. IV. Déclama'
tionum liber, ibid., iGoo, iii-o\
C'est la collection des harangues qu'il
avait prononcées , tant à Paris qu'a
Douai. On trouve ordinairemeni à
la suite , la Yic de Ilamus. V. Epi:,-
tolarum depluribus rcliqtiarwn, ic-
mus prior ; — Frœfatinnes in Dcivi-
dis Fsallerinmet inNcvum Tcstn-
vientum , ibid., iGo3, iu-S". INan-
cel aurait voulu publier de nouvelles
éditions du Psautier et du Nouveau-
Testament, revues et corrigées sur le
grec. Il s'adressa vainement aux pa-^
pes et aux cardinaux , pour leur
faire approuver ce projet. La ])re-
mièrc section de cet ouvrage , con-
tient une partie des lettres qu'il avait
écrites à ce sujet; et la seconde, le
plan et l'analyse de sou travail. Yl.
Analogia microcosmi ad macro-
cosmujn , id est , Belatio et propo^
sitio universi ad hominem , etc. ,
ibidem , 1611, in-fol. Ce grand ou-
vrage , que ISancel annonçait, de*
puis plusieurs années , comme l'a-
brégé de toutes les connaissances
humaines , est tombé justement dans
roui)!i : c'est son fils, dont l'article
suit, qui en fut l'éditeur. Ou peut
consulter , pour plus de détails , les
Mémoires de ]Niceron,tome xxxix,
et le Dictionnaire de IMoreri , cJit.
de 1759. — Nancel (Pierre de),
fils du précédent , né en 1570, à
Tours, fut élevé sous les yeux de
son père , qui lui inspira le goût de
la littérature. Après avoir terminé
ses premières éludes , il s'appliqua à
la juiisprudence, sans renoncer à
cultiver la poésie. A la prière de
quelques amis, il composa trois tra-
gédies qui furent représentées dans
le fameux amphithéâtre antique de
Doué ( eu Anjou ) , avec un succè»
qjii ne prouve autre chose que la
passion qu'où avait alors pour les
spectacles. 11 remplissait , eu 1610,
la place de substitut du procureur
du roi, à Paris. Xauccl reçut, en
i(>i3, une cliaîue d'or de ÎMarc-Au-
toine Mcmrao , doge de \euise ,
pour un service qu'il avait rendu à
la republique ; et il lui en témoigna
sa reconnaissance par nue Pièce do
vers latins, imprimée, dont un exem-
plaire est cité dans le Calai, de la
ùiblioth. du Roi , in -4"., y, 1773.
Il avait publié auparavant : 1. Le
Tliédtre sacré j Paris, 160C , in-
1 1 , très - rare. C'est le recueil des
tragédies dont on a parlé ^ Dina ou
le rapt , Josué ou le sac de Jéri-
elio , et Deb-ora ou la, délivrance.
Il convient , dans la préface , qu'il a
composé ces trois tragédies « eu si
» peu de temps qu'il n'est pas quasi
» vraisemblable , la plus longue et
» la plus forte n'ayant pas passé
» 1 7 jours , et sans grand effort
» d'esprit. » On en trouve l'aualvse
dans V Histoire du Théâtre-Fran-
çais, IV, 88-96, et dans la Bill, du
Thédtre-Frçncais , i, 387-91. II.
De la Souveraineté des rois , poème
épique, divise en trois livres, Paris,
iGio , in-8°. A la suite est une élé-
gie sur la mort de Henri iv : Que-
rimonia super acerbo funere Ilen-
rici ir, elegiaco carminé erpressa.
W— s.
NANEK, fondateur d'une secte
devenue bientôt une nation célèbre,
dans le noi'd-oucst de l'Hindoustan,
sous le nom de Sikh, naquit, en
1469 de l'ère chrétienne, à Tahven-
dy , petit village du district de Bliat-
ti, qui fait partie de la province de
Lâhor. Son père, nommé Kàlou,
était un kchetreya , de la tribu des
Vêdi .Conformément à l'usage adop-
té dans sa tribu , Nànek avait à
NA.N
>^9
]>eine vingt ans quand il prit pour
épouse une jeune Hindoue, qui le
rendit père de deux Uls : l'un d'eux
abandonna les vanités du monde, et
fonda la secte àcs Oudàri, dont les
partisans «.e nomment Ndnek pou-
trd (enfants de Nànek); l'autre ne
laissa ni postérité , ni réputation.
Quant à Nànek, il témoigna, dès sa
tendre jeunesse , la plus profonde
indifférence pour les biens de la
terre. Son père, voulant le distraire
de ses idées mystiques par l'espoir
du gain , lui donna quelque argent
pour spéculer sur le sel. Suivi d'un
serviteur, notre jeune marchand se
mit en roule, et rencontra une ban-
de de faquirs, tellement épuisés de
fatigues et de besoin , qu^ils n'a-
vaient plus la force de parler. Il
distribua tout son argent à ces
contemplatifs ; et quand ils eurent
recouvré la force et la parole , il
s'entretint long - temps avec eux ,
touchant l'unité de Dieu. De retour
chez son père, qui lui demanda com-
bien il avait gagné : « J'ai nourri les
«pauvres, dit-il, et j'ai fait pour
» vous un gain qui ne périra pas. »
Celte réponse ne parut pas très -sa-
tisfaisante à Kâlou, qui le châtia
rudement et l'envoya garder les trou-
peaux. Un jour que le nouveau pâtre
dormait exposé aux rayons du soleil^
un serpent de l'espèce nommée co-
bra de capello, lui fit un parasol
avec son capuchon. Un chef de dis-
trict, témoin de la miraculeuse at-.
tenlion du reptile, ne douta pas de
la grandeur future de Nànek , et ren-
dit publiquement témoignage de la
mission divine dont il le croyait
chargé. D'après un pareil témoigna-
ge, Nànek fut traité moins sévère-
ment par son père, qui cependant ,
pour le détourner de la vie contem-
plative , lui procura ua emploi aux;
55o
NAN
greniers d'abondance du gouverne-
ment. Nânek commença par distri-
buer tous les grains commis à sa
garde , et alla se plonger dans un
étang, où il resta trois jours entiers.
On prétend que, pendant ces trois
jours , il s'entretint continuellement
avec le prophète Elie ( appelé' par
les Musulmans Khezzcrs) , lequel l'i-
nitia dans toutes les sciences mon-
daiues. L'intérêt de cette conversa-
tion lui fit oublier la longueur de
sou bain: il ne le quitta que pour
sauver le garde responsable des
grains qu'il avait si largement dis-
tribués. Se livrant dès-lors à de ri-
goureuses austérités, il ne sortait de
la méditation que pour faire dif-
férents voyages , parmi lesquels nous
indiquerons le pèlerinage de la Mek-
ke. 11 eut constamment deux com-
pagnons de voyage , dont l'un , nom-
mé Merdânéli , était un personnage
burlesque, qui préférait les bons gî-
tes et la bonne chère aux déserts et
aux austérités : aussi changea- 1- il
souvent de forme; mais il avait beau
devenir mouton, âne, etc., Nânek
le rappelait toujours à la forme hu-
maine. La conversion d'un radjah le
retint pendant deux ans dans la ville
de Sivanobhou, où il composa une
partie de son code nommé .4di-
Granth. Ensuite il continua ses
voyages dans l'Inde , prêchant l'u-
nité, la toute -science et la toute-
puissance de Dieu , disputant avec
ies molâs musulmans et les pandits
hindous , sans jamais offenser ni les
• uns ni les autres , mais les rappe-
lant au grand principe de l'unité de
Dieu , sur lequel ils sont d'accord,
et leur représentant les nombreuses
erreurs dans lesquelles ils sont tonj-
bés. Quelques - uns de ses contradic-
teurs le sommèrent de prouver sa
saission par des miracles : a Je n'ai
NAN
» rien à vous montrer qui soit di-
» gne de vos regards leur dit-il j un
» saint instituteur n'a pour défense
» que la pureté de sa doctrine. Le
» monde peut changer ; mais le
» créateur est immuable. » Il est
difficile de concilier cette réponse
avec les nombreux prodiges que les
biogiaphes de notre législateur lui
attribuent. Peu de temps avant sa
mort , il se rendit à Moultâu , ville
célèbre par ses nombreux docteurs
musulmans. * Je suis venu , dil-il ,
» dans un pays rempli de docteurs ,
» comme le Gange sacré visite l'O-
» céan. » Bientôt il se rendit à Kâr-
tipour Dehra , où il dépouilla sa
forme terrestre, en iSSg, et fut in-
humé sur les bords du Râvy (l'an-
cien Hydraotes ) , dont les eaux
recouvrent maintenant cette sainte
sépulture. Kârtipour est encore un
lieu de pèlerinage pour les Sikhs , à ,
qui l'on montre un petit fragment du
vêtement de leur fondateur. Malgré
l'absurdité des miracles dont les
Sikhs prétendent embellir l'histoire
de Nânek, on découvre facilement
en lui un génie supérieur, animé par
les sentiments les plus sublimes ,
l'adoration d'un Dieu unique et tout-
puissant , et l'amour de ses sembla-
bles. A la vue des querelles qui s'é-
lèvent souvent entre les Hindous et
les Musulmans, dans une contrée li-
mitrophe de l'Inde et de la Perse ,
Nânek conçut le projet de fondre en
une seule religion le brahmanisme
et l'islamisme , qui reconnaissent
tous deux l'unité de Dieu. N'ayant
trouvé aucun de ses deux fils capa-
bles de lui succéder dans ses fonc-
tions spirituelles , il choisit un de ses
disciples , nommé Labana , l'initia
aux fonctions sacrées , le revêtit du
manteau de faquir, et lui décerna le
titre de gourou (maître, instituteur).
NAN
qu'ont porte depuis celte époque, les
chefs de la religion des Sikhs. Ils
ont maintenant un chef temporel
soumis au Ahalsah ou consul de la
nation. Ce chef n'existe et n'agit
qu'au moment où se tient le gouroji-
Ttiata, espèce d'états-gcnéraux, com-
poses des chefs de la nation. Ceux-
ci sont censés délibérer et décréter ,
sous rinspii-ation immédiate d'un
être invisible, toujours occupé à ved-
1er au salut de la république. Tous
les Hindous, musulmans, juifs, chré-
tiens, guèbres , etc. , qui veulent em-
brasser la religion de Nànek , sont
accueillis ; et les cérémonies de leur
admission sont bien simples : elles
consistent principalement a laver les
pieds du néophyte, et lui faire man-
ger une espèce de bouillie, ou du gâ-
teau j et même du porc, s'd est juif ou
musulman. Leurs pratiques religieu-
ses consistent à manger le gâteau
dont nous venons de parler , et à en-
tendre, avec un grand recueillement,
la lecture et l'explication de leurs
deux livres sacrés. Cette nation peut
armer plus de cent mille cavaliers.
( f^'^'^J'' les Observations sur les Sikhs
et sur leur collège , tome i des Asia-
iic researches , et dans le Sketch
pf ihe Sikhs , tome ii de la mê-
me collection ; dans le Skelches re-
lating to the historj of the IJin-
doos , par M. Grauffurd ; dans les
Tracts of India , par Brown ; dans
le tome iii du Voyage du Bengale
à Petershourg , par Forster, ren-
fermant un Précis historique sur les
Sikhs , auquel l'auteur de cet ar-
ticle a fait de nombreuses additions ;
et dans le Mercure étranger, tome
II, pag. 1 19-1.14 ■> où il a inséré une
analyse étendue du Sketches of the
Sikhs. L — s.
NANGIS ( Guillaume de ). F.
Guillaume , XIX , i53.
KAN
55 1
NANI ( Jean - Baptiste -Fe'lix-
Gaspar)> historien, plus commu-
nément désigné sous le second de ces
prénoms, naquit à Venise, le3o août
1G16, d'un procurateur de la répu-
blique. Elevé avec le soin que com-
mandait l'illustration de sa famille,
il accompagna son père, nomme à
rambassadedeRome,en 1 638. Après
avoir passé par les dignités prépara-
toires, il fut lui-même envoyé en
France , avec le caractère d'ambas-
sadeur, en 1G43. Pendant vingt-cinq
ans que dura sa mission , il jouit d'un
grand crédit auprès du cardinal Ma-
zarin, auquel il donna d'utiles con-
seils , à l'époque du congrès de Muns-
ter. Revêtu du titre d'historiographe
et d'archiviste de la république , il en
refusa les émoluments, et fut nommé
réformateur de l'université de Pa-
doue. Ces fonctions , dans la suite ,
lui furent continuées cinq fois , et il
représenta son gouvernement auprès
de l'empereur Ferdinand III. Il de-
meura trois ans à la cour de Vienne,
et y revint , quelque temps après ,
pour complimenter Léopold sur son
avènement. Il apprit que, pendant
son absence, le sénat l'avait choisi
pour bibliothécaire de Saint -Marc.
A son retour , on jeta les yeux sur
lui pour aller réclamer en France
des secours pour Candie. Il entama
sa négociation au moment où la
cour de Louis XIV s'acheminait
vers les Pyrénées , pour traiter de la
paix avec l'Espagne. Dans ces cir-
constances, Nani obtint tout ce qu'il
demanda. La dignité de procurateur
de Saint -Marc, la première après
celle de doge , lui fut conférée eu
1661J et, sur la motion qu'il avait
faite de réunir eu un seul corps
toutes les lois de la république , \\
fut l'un des commissaires nommés,
pour présider à cette compilatiou lé-
552 NAN
gislative , qui parut par les soins du
jurisconsulte Marino Angeli , sous le
titre de Legum venetarum comii-
lalarum methodus , 1G78, in - 4°.
Wani monrui le 5 noA'cmbredela mê-
me année. Il laissa une Relation de sa
seconde ambassade en France, et un
Tableau de l'état et des forces de l'Al-
lemagne, l'un et l'autre ouvrage eu
italien. Mais son grand travail est
son Istoria délia republica Veneta ,
dont la première partie fut impri-
mée en 1679, in-4''., et la deuxième,
après la mort de l'auteur, par les
soins d'Aut. Nani , son neA^eu. Cette
histoire, souvent réimprimée, soit
à Venise, soit à Bologne, forme les
huitième et neuvième volumes de la
Collection des historiens de Venise ,
édition de 1 7-^0 , in-4". A la tête du
huitième est la Vie de l'autour, par
Catarino Zeno. L'abbé Tallemant en
a traduit la première partie , Paris ,
1679-1680, 4 vol. in- 12. On pi'é-
iere l'édition de Cologne , ibSi, oii
sont rétablis les passages tronqués
ou supprimés dans la première.
Celte version , bien médiocre , est
encore supérieure à celle de la se-
conde partie exécutée par Mascla-
ry, Frajiçais réfugié , Amsterdam ,
j 702 , in-i .>, , 2 vol. Njni , en com-
mençant son Histoire a l'année 16 1 3,
l'a leprise de plus hant que l'épo-
que à laquelle Morosini avait con-
duit la sienne. 11 rattache aux anna-
les de la république les événements
contemporains qui y ont rappoit. Il
règne beaucoup d'ordre dans son
plan, beaucoup de clarté dans sa
narration ; les détails deviennent plus
étendus, loi'squ'on approche des évé-
nements les plus récents : on sent que
l'auteur est sur son terrain , qu'il
parle de ce qu'il a pu observer. Il fait
preuve , dans son histoire , de la dex-
tç'fitédoiitWicijuefof t le loue cqjoj^c
NAN
ambassadeur • on reproche à cette
histoire d'être partiale et ampoulée,
grossie de harangues de pure imagi-
nation. La diction manque de pure-
té, et se traîne péniblement embar-
l'assée de parenthèses. F — t.
NANNI. r. Annius deViterbe.
NANNIUS ( PiERUE NANNING
ou en latin), savant hollandais , né
en i5oo, à Alcmaer , s'appliqua,
dans sa jeunesse, à la peinture ;
mais ayant renoncé à cet art, il alla
terminer ses éludes à l'académie de
Louvain , et embrassa l'état ecclé-
siastique. Il donna ensuite des leçons
particulières , et fut nommé , en
1539, professeur d'humanités au
collège fondé par Busleiden. Los ta-
lents qu'il développa dans l'explica-
tion et la critique verbale des anciens
auteurs , lui méritèrent la bienveil-
lance de Perreuot, évêque d'Arras, si
connu depuis sous le nom de cardi-
nal de Granvelle. Il obtint , par sa
protection , un canonicat du chapi-
tre d'Arras, avec la permission de
ne point quitter Louvain , où sa ré-
putation attirait un grand concours
d'élèves de tous les Pays-bas et d'une
partie de l'Allemagne. Il partageait
tout son temps entre ses devoirs de
professeur et l'étude des anciens.
Une mort prématurée l'enleva aux
lettres ,\e 11 judlet 1.557. ^^* restes
furent déposés dans l'église cathé-
drale de Louvain , sous une tombe
recouverte d'une épitaphe honora»-
ble, qui est rapportée par les diffé-
rents auteurs cités à la fin de cet
article. On a de Nannius , des Notes
sur quelques harairgues de Cicéron ,
sur le troisième livre de Tite - Livc ,
les Bucoliques et l'Enéide de Virgile,
Symraaqiie, etc. Il a traduit en latin
les Vies de Caton etdePliooion par
Plularque , la Harangue de Démos-
thènc contre Leptiuç ; les Epiires
NAN
de De'mostlicnc et d'iiscliinc , celles
de Synesius et d'Apollonius , le li-
vre d'Alhcnagoras de la ri'sm'vec-
tion , la plus grande partie des oeu-
vres de saint Athanasc, et quelques
homc'lies de saint Basile et de saint
Cilirysostorae. Le docte Hnct loue la
f idclilc et rélëgance des versions de
Naanius ; mais Hennant se plaint de
robscuritc qui régnait dans la ver^
sion de saint Athanase, qu'a rem-
placée celle du P. Montlaucon ( V.
saint Athanase ). Ou citera encore
de Nannins : ï. des Discour, pro-
noncés à l'ouverture de ses cours
o\j dans des occasions d'éclat. II.
X'jftjKinraiv sive Miscellanearuni de-
cas^ Louvaiu, 154B, in-8°. C'est un
jccueil d'observations critiques , que
Gruter a jugé assez important pour
l'insérer en entier dans le premier
volume du Thésaurus criticus. 111,
Dialogismi y heroïnanim , ibid. ,
i54i , iu-4'^. Ces dialogues, qui ont
joui d'une grande réputation , ont été
traduits en français par Jean Millet
(A^. Millet, xxix, 39). IV. \jSl Pa-
raphrase en vers de quelques psau-
mes de David , publiée pir Jacques
IMassou ( Latomus) , Anvers, iS^i,
in-8°. Nannius a laissé plusieurs
ouvrages manuscrits, dont on trou-
vera la liste tlans la Blbl. Belgica de
Foppens, On peut consulter, pour
plus de détails , sur ses ouvrages im-
primés , les Mémoires de Niceron ,
tome xxxvii, Isaac Bullart a consa-
cré une Notice à Nannius dans V.4-
cadéniie des sciences , et l'a fait
précéder de son portrait , que Fop-
pens a reproduit dans son édit. de la
Biblioth. Belgique. W — s.
NANNONI ( Angelo ) , célèbre
chirurgien, naquit à Florence, le i*^'',
juin 17 i5. Il commença l'étude de
i'anatomie et de la chirurgie dès l'â-
ge de seize ans, et fut disciple d'An-
NAN 5'i3
toine Benevoli , chirurgien en chef
du grand hôpital de Sainte- Marie-
la-Neuve , de Florence. La passion
qu'avait Nannoni pour l'étude , les
excellentes leçons de théorie et de
pratique qu'il rjecevait dars cet éta-
blissement, le mirent bientôt à même
de se livrer avec distinction à l'exer-
cice do son art. Il y acquit très--
prompleraent de la célébrité. 11 s'at-
tacha d'abord à perfectionner l'o-
pdration de la taille par la méthode
latérale. Le chevalier Maggio , sou
bienfaiteur . lui procura les moyens
d'augmenter sou instruction , en lui
faisant faire , en 1747-. '<" voyago
de Paris. Là, Nannoni suivit avec
assiduité la pratique dos hôpitaux ;
puis il se rendit à Rouen dans le
même but. Il y fut attiré par la
haute réputation de Lecat , im de*
plus habiles bthotomisles de cetîo
époque. Nannoni ne fut pas long-
temps à s'apercevoir de l'abus qu'où
faisait des médicaments, dans le trai-
tement, tant interne qu'externe, des
maladies chirurgicales : il apprécia
aussi les diverses incorrections qui
existaient dans la manière d'opérer,
et forma le plan de rédiger un non-
veau code chirurgical. A son retour
dans sa patrie, devenu professeur et
chirurgien en chef de l'hôpital où
il avait fait ses premières études , il
fut en possession de tous les moyens
propres à exécuter son plan de ré-
formation. L'humorismc galénique
régnait de toutes parts : Nannoni la
combattit avec succès , dans ses le-r
çons cliniques et théoriques, et dans
ses écrits. Il établissait, que, dans
les maladies , la nature veut être
secondée et quelquefois aidée : cet
axiome fut la base de son système
médical. Il bannit du pansement
des plaies , les corps huileux , les
bauîues ^ les résines , les teii'es ,
554
NAN
les spiritueux. Les cataplasmes de
mie de pain , la charpie sècbe , les
décoctions ëmollientes , Teau pure ,
tels e'taient les moyens simples et sa-
lutaires qu'il introduisit dans cette
partie importante de la thérapeuti-
que. Défendre les plaies du contact
de l'air était un préalable nécessaire.
« Je voudrais, disait-il, pouvoir me
» garantir de l'influence de l'air ,
» comme je le fais des médicaments
» nuisibles. » La philosophie qui
Lrille dans ses préceptes d'hygiène
et de thérapeutique, est fort remar-
quable pour le temps où il a vécu •
car alors, l'humorisme, la chémiatrie
et le mécanisme, se disputaient l'em-
pire médical , et détournaient les
plus grands esprits de la route du
vrai. Les opérations difficiles qu'il
exécutait chaque jour avec un suc-
cès non-interrompu , ainsi que ses
sages et lumineuses leçons , attirè-
rent auprès de lui les disciples et les
malades j non-seulement de l'Italie,
mais des contrées les plus éloignées
de l'Europe : on venait le consulter
comme un oracle. Nannoni fut cons-
tammentstudieuxj il étaitfoit savant :
hardi dans ses opérations, sans ja-
mais y apporter de témérité, il dé-
testait les charlatans , et travaillait
sans cesse à découvrir , par l'obser-
vation , de nouvelles vérités. Il
donnait une grande partie de son
temps aux pauvres , auxquels il four-
nissait gratuitement des médicaments
et souvent même de l'argent. Il était
aussi simple dans ses mœurs que
dans ses doctrines. Cet habile chirur-
gien eut le tort de rejeter , trop ex-
clusivement , la méthode opératoire
de la cataracte par l'extraction in-
ventée par Dariel ; il craignait que
ce procédé ne déterminât l'inflam-
mation de l'iris : l'ancienne manière ,
qui consiste à abaisser le cristallin
• NAN
dans la chambre postérieuie , au
moyen d'une aiguille ronde, lui pa-
raissait la seule avantageuse , parce
qu'il croyait que quand le cristallin
vient à remonter dans la chambre
antérieure de l'humeur aqueuse , il
ne tarde point à se dissoudre et à
être absorbé. Il eria encore , lors-
qu'au sujet de la fistule lacrymale ,
il blâme la perforation qu'on fait à
l'os un guis , dans certains cas, pour
introduire une canule propre à en-
tretenir le cours des larmes. Nan-
noni atteste avoir vu reprendre ,
après plusieurs points de suture ,
des nez qui ne tenaient plus qu'à
une étroite languette de peau. Ce
fait est plus vraisemblable que ceux
qu'on rapporte à la suite de l'opé-
ration taillacotienne { F. Taglia-
cozza). Après avoir fourni une car-
rière si bien remplie par d'utiles tra-
vaux pour le perfectionnement de-
son art et pour le soulagement de
ses semblables , Nannoni mourut à
Florence, le 3o avril 1790, à la
suite d'une hydropisie. Ses princi-
paux ouvrages sont : I. Trattato
sopra i mali délie mammelle , Flo-
rence, 1746, in -4'*. Cet ouvrage
renferme des doctrines fort saines ,
sous le rapport thérapeutique. L'au-
teur judicieux rejetait tous les remè-
des internes , et extirpait le plutôt
possible les squirres , sans essayer de
les détruire au moven de l'applica-
tion du caustique. L'amputation de
la mamelle est, selon lui , le seul
moyen propre à guérir le cancer de
cette partie : il ménageait assez de
peau dans sou opération , pour réu-
nir la plaie qui en résultait , par
première intention. Le grand nom-
bre d'observalions d'heureux suc-
cès , qu'il rapporte dans sou ouvra-
ge , atteste l'excellence de sa doc-
trine et de sa méthode. IL Disserta-
NAN
tioni chinirgiche cioè délia fislola
lagrimale, délie cataratte ; de me-
dicamenlis exsiccantibus , de mcd.
causticis , Paris, 1748. III- Dis-
corso chirurgico per l'introduzione
al corso dell operazioni da dimos-
trarsi sopra del cadavere , Flo-
rence, 1750. IV. Memorie ed osser-
vasioni chirurgiche , colla sloria dl
moite e diverse malattie Jelice-
mente guarite , Florence, 1756,
in- Z^"^. Y. Della semplicità di medi-
care i mali di attinenza alla chi-
rurgia , colV aggiunta sopra le ma-
lattie délie mainmelle , Venise ,
1764 , in-4''. VI. Lettera scritta in
dij'esa délia semplicità del medi-
care à Giuseppe Bianchi chirurgo
in Cremona, l'jSS.y II. Délia sem-
plicità del medicare, 3 vol. , 1761-
67. Cet ouvrage qui est le plus re-
marquable de tous ceux qu'a publies
Nannoni , contient une foule d'apho-
risnies judicieux. VIII. Trnttato chi-
rurgico sopra la semplicità del me-
dicare ^ con csservazioni e ragiona-
menti appartenente alla chirurgia ,
aggiuntovi il trattato sopra le ma-
lattie délie mammelle , Venise ,
1770, in-4°- IX. Memoria suif
anevrisma délia pivgatura del eu-
bit o , Florence, 1784. F — r. '^
N ANSOUTY ( Etienne- Antoine-
Marie Champion , comte de ) , né à
Bordeaux, le 3o mai 1768, descen-
dait d'une famille noble originaire
d.e Bourgogne (i), qui se distingua
dans la double carrière des armes et
de la magistrature. Ou trouve , au
seizième siècle, un seigneur de Nau-
souty , qui contribua puissamment à
Jaire rentrer la Bourgogne sous l'au-
torité légitime. Pour récompenser
(1) Le village de ISansouty, ou plus einctement ,
fian-sitr-TIul , «uitoa dt Pr«ci-»oiis-Thil, est ù i
iiSHCS de Scuiiw: P — B — S.
NAN 555
ses services, Hcuri IV l'admit dans
son conseil; il accorda la même faveur
à sou fils , et ordonna que le château
de Nansouty, à moitié détruit pen-
dant les troubles de la Ligue , fût ré-
paré aux frais du trésor. L'histoire
remarquera que, dans notre siècle si
fécond en vertus guerrières, les an-
ciennes races militaires ne déséne'-
rèrent point de leur valeur : cheva-
leresques à la Vendée , héroïques à
l'armée de Condé , aussi brillantes
et plus heureuses dans les légions de
la république et de l'empire , elles
ont fourni des généraux habiles, des
maréchaux célèbres : Buouaparte
même est sorti de leurs rangs. En-
voyé à l'âge de dix ans à l'école roya-
le et militaire de Brienne, Etienne
de Nansouty passa, le 21 octobre
1 779, à l'Écoîe-militaire de Paris. Il
obtint une sous-lieutenance d'infan-
terie, le 3o mai 1785^ et Monsieur,
aujourd'hui le Roi, le créa chevalier
novice du Mont-Carme! . La croix de
cet ordre ne s'accordait qu'à l'élève
de l'École - militaire qui , pendant
deux ans, avait été le premier dans
toutes les classes , et qui s'était au-
tant distingué par sa conduite que
par ses études : Etienne de Nansouty
était destiné à recevoir ses premiers
et ses derniers honneurs de la main
de son roi. Conduit au régiment de
Bourgogne, par son père , qui avait
laissé des souvenirs honorables dans
ce régiment, il obtint, en 1788, par
la protection du maréchal de Beau-
vau, un brevet de capitaine de rem-
placement au régiment de Franche-
Comté cavalerie. Il parut à peine à
ce corps, et entra, le a4 '"»i *Ie J^
même année, dans le sixième régi-
meui de hussards , commandé par
le duc de Lauzuu , depuis duc de
Biron ; personnage trop petit pour
la révolution, mais qui vivra pour-
556
N.\N
tant, parce qu'il réunit quelque chose
des aventures et des mallicurs dont
son premier et son dernier nom ra-
pellenl le souvenir. Etienne de Nan-
souty se trouva mêle, à Nanci, dans
l'allaire du régiment de Ghàteau-
•vicux, et courut des dangers en res-
tant fidèle aux ordres du roi. La ré-
volution commençait : pour accre'-
diter ses doctrines , elle mit d'abord
quelque discernement dans ses choix.
Ëlienne de INansouty, malgré sa jeu-
nesse, fut désigné par les officiers
et les soldats, pour commander une
compagnie de son régiment: chaque
régiment, devenu une espèce de petite
république militaire, avait acquis ce
droit d'élection. La guerreayanl écla-
té , le capitaine INansouty fut succes-
sivement nommé lieutenant-colonel
du 9^. régiment de cavalerie ( 4 avril
1 79'2 ) , chef de brigade ou colonel
du même régiment ( ig brumaire
■an II , I 793 J , général de brigade
ou maréchal de-camp ( l'y fructidor
an vu ) , général de division ou lieu-
tenant - général ( 3 germinal an xi ,
iBo3 ) , et enfin colonel-général des
dragons ( 16 janvier 181 3 ), tous
grades qu'il acquit avec son épée. Il
apprit en Allemagne , avec le général
IVÏoreau, et en Portugal , avec le gé-
néral Leclerc, ce qui fait les succès
et les revers à la guerre. Il comman-
dait la grosse cavalerie, sous les or-
dres du général Mortier, à la con-
quête du Hanovre. Nommé premier
chambellan de M™'^. Joséphine Buo-
naparte , alors impératrice, il donna
bientôt sa démission d'une place peu
compatible avec l'indépendance d'un
soldat; il ne voulut ramper , ni sons
les crimes, ni sous les honneui's de
la révolution. Uetonrnéaux camps,
il attacha son nom à la plupart de
ces grandes journées où nos soldats
prodigu':rent leur sang pour faire
NAN
oublier celui qu'en avait verse' s«i»
les échafauds. Il se battit à Werlin-
ghen et à L'im, acheva la victoire
à Austerlitz , commença celle de
Wagram, se trouva au feu à l'af-
faire de Friedland , et fut blessé à
la Moskua. La cavalerie de l'armée
et de la garde l'avait pour chef à la
bataille de Leipzig; et ce fut lui qui,
dans le défilé de Hanau , rouvrit à
nos étendarts le chemin de la Fran^
ce. Dans la campagne de i8i4> où
Buonaparte manifesta pour la der-
nière fois son génie, (car l'homme
extraordinaire finit en lui au 20
mars, et Waterloo, placé bors des
limites assignées à sa puissance , ne
compte plus que dans sa destinée);
nos soldats étaient rentrés dans le
cœur de la monarchie , accompagnés
plutôt que repoussés par l'Europe ,
qui les suivait comme à la trace do
leurs victoires. Après douze siècles ,
notre gloire militaire, déboMce SJir
toutes les nations, se retira vers sa
source : on se disputait la capitale des
Gaules dans les lieux mêmes d'où les
premiers Francs avaient marché à
sa conquête. L'éclat de nos armes faii
sait sortir de l'obscurité les hameaux
de l'Ile de France, comme il avait
donné un nom aux villages inconnus
des Arabes et des Moscovites : les
derniers boulets de celte guerre de
^5 années qui nous avait soumis
Berlin , Vienne, Moscou , Lisbonne ,
Madrid., Naples et Rome, vinrent
tomber sur les boulevards de Paris.
Le général Nansouly assiste à tous les
combats livrés aux bords de la Mar-
ne et de la Seine, comme il s'était
trouvé aux batailles données sur les
rives du Borysthèue et du Tage : il
protèçela retraite à Brienne, ouvre
l'attaque à Montmirail , à Berry au
Bac, à Craonne, et voit enfin la coi=-
ronae impériale tomber à Fc^nlaiue-
bicau, dans ce luèmc palais oii Btio-
napartc avait retenu prisonnier le
Sontife qui l'avait niar([uc du sceau
es rois. Ainsi s'ecroula après irciite
années ce prodisj;icu\cdi(ice (lef;!'ji-
rc, de folies et de crimes , ([non ap-
pelle la révolution. Les couq'ièlrs
utiles de Louis XIV cxislent entiè-
res ; et de l'Europe envahie, il ne
restait à la rcpublitpic et à rcinpire
que le camp des cosaques autour du
Louvre. Pendant la campagne de
France , le gênerai Nansouly ressen-
tit les atteintes de la maladie à la-
quelle il devait bientôt succomber.
Il manquait souvent des secours cpie
son état exigeait ; mais il voulut res-
ter à cheval tant qu'il y eut un champ
de bataille. Il avait vécu sous la ten-
te au milieu de nos triomphes et
loin de nos malheurs : lorsque le
bruit des armes cessa, il entendit la
voix de la patrie; il fit parvenir à
l'autorité cette adhésion, remarqua-
ble par sa simplicité : « J'ai l'iiou-
» neurde prévenir le gouvernement
» provisoire de ma soumission à la
» maison de Bourbon. » Cette adhé-
sion entraîna celle d'une grande par-
tie de l'arme'e : en déterminant ses
compagnons d'armes à rejoindre le
drapeau blanc, le ge'nèral Nansou-
ty obtint pour sa patrie sa deruière
et sa plus belle victoire. Les sou-
verains de l'Europe, réunis à Paris ,
en i8i4 , lui donnèrent des te-
moignages d'estime d'autant plus
flatteurs, que, si la faveur était quel-
quefois venue le trouver, il ne l'a-
vait jamais recherche'e ; mais un
suffrage que le cœur d'un Français
ambitionnera toujours , lui était ré-
servé : MosiF.ur. l'accueillit avec
tonte; Louis XVIII l'honora de sa
confiance. Le gduéral parcourut la
Bourgogne, en qualité de commis-
saire du roi, et fut nomiu :', au retouf
NAN
5^7
de celte mission, capitaine lieutenant
de 1j première compagnie des mous-
(pictaircs. Le général Nansouty, un
des meilleurs oHiciers de cavaîeriK
que les guerres de la révolulioii aient
produits , était brave , humain , dé-
sintéressé, et conservait, au milieu de
la rudesse des camps, la politesse de
nos anciennes mœurs. 11 sauva cons-
tamment la vie aux émigrés que le
sort des armes jetait entre ses mains :
il épargna au Tyrol les horreurs du
pillage, et fit distribuer aux hôpitaux
nue somme considérable , que !cs au-
torités du pays avaient voulu lui faire
accepter par reconnaissance. Logé à
Moscou, avec des soldats affamés^
dans le palais du prince Kourakin,on
trouva , après son départ , les scellés
intacts, et tels qu'ils avaient étéap^
posés sur les armoires, parles ordres
du prince. S'il avait souvent géinî
des maux que la guerre avait fait souf-
frir sous ses yeux aux peuples étran-
gers, il fut plus sensible encore à ces
mêmes maux quand il les vit retom-
ber sur sa patrie. « On ne se figure
» pas, disait-il, ce que c'est que d'eit
» tendre de malheureux paysans se
» plaindre en français. » A une a {fai-
re près de Fontainebleau, Buonapario
lui commande d'enlever un retran-
chement d'où l'ennemi faisait un feu
épouvantable : des files entières de
cavaliers tombent dans cette entre-
prise désespérée et inutile. Tout-à-
coup le général Nansoufy arrête les
escadrons . et s'avance seul hors des
rangs : Buonapartc lui envoicdeman-
dcr la raison de cet ordre , et pour-
quoi il cesse de mai'cher sur la re-
doute : « Dites lui que j'y vais seul ,
» répondit le général ; il n'y a là
» qu'à mourir. ;> Le général Nuii-
souty ne vit point les nouveaux mal-
heurs de la France ; une mal idie dov-
loureusel'cmportale l 'i février 1 8 1 3.
558
N.iN
Il expira dans ces sentiments reli-
gieux qui font de la mort la plus sim-
ple une grande action, et qui, donnant
de la noblesse aux moindres faits
d'une vie chre'tienne , les élèvent à
la dignité de l'histoire. Le comte de
Nansouty avait épousé, en 1802,
Adelaidede Vcrgeunes,etaprès avoir
pu disposer d'une partie des dépouil-
les de l'Europe , il laissa un fils sans
fortune : il l'a recommandé en mou-
rant aux bontés d'un roi qui a connu
l'adversité. G — t — d.
NANTEUIL ( Robert ) , graveur,
naquit à Reims, en iG3o, et fut élè-
ve de Regnesson , dont il épousa la
sœur. Son père , simple marchand
sans fortune , lui donna cependant
ime excellente éducation. Dès son
enfance , il manifesta son goût pour
la gravure; et il portait si loin l'a-
mour de cet art , qu'il grava lui-mê-
me sa thèse de philosophie (i). Il
avait un talent très - distingué pour
la peinture au pastel ; il excellait
surtout dans le portrait , et saisis-
sait avec une extrême habileté la
ressemblance. Mais ces tableaux n'é-
taient pour lui que de simples étu-
des , auxquelles il attachait peu d'im-
portance , et qu'il dédaignait de con-
sei-ver. Leur perte est d'autant plus
à regretter, que le petit nombre de
ceux qui existent encore dans quel-
ques cabinets , suffisent pour consta-
(i) Arrivé à Paris, il s'avis.i tl'iin singulier moyeu
pour se faire coDiiai Ire. Ce jeune arli^te attendit un
jour rheure où les ecclrsiastiques qui Ptudiàieut en
S^rbonne, si rendaient chez un Iraitenr élahli de-
vant le collrge. Il teii;iiit de rbercher celui d'entre
«■ux qui devait rrssembier à uu portrait cju'il leur
montra. Le prétendu original no se trouva point;
mais le portrait fut admire. Nanteuii propnsa .\ tous
lis ecclésiastiques de le.speindio chacnu en particulier
d'une manière aussi agréable , et pour un prix modi-
que : sa propos ii'U fut acceptée. L'ou\ra5e ëlaut
fini. Cfsjfunts abbés, sati^fails de Imrs purtraits,
Minlèrent le latent de leur peintre, et lui procurè-
rent de nouvelles pratiquas. Nanteuii c^nuuença à
être- plus connu, et lut rethfrihr. Il augmenta le
prix de ses ouvrages, et amassa en peu de temps une
somme d'argent considérable. T O.
NAN
ter SCS talents comme peintre. Com-
me graveur de portraits, il tient le
premier rang; et ses ouvrages se-
raient bien plus recherchés encore ,
s'il ne s'était borné à graver de sim-
ples bustes , et ne s'était ôté ainsi le
moyen d'ajouter à l'intérêt par la ri-
chesse et la beauté des accessoires.
Les portraits grands comme nature
qu'il a gravés, se font remarquer,
malgré leur dimension , par un tra-
vail moelleux et une belle couleur.
Peu d'artistes ont eu comme lui l'art
de rendre avec du noir et du blanc
la valeur des tons différents, pour
lesquels les peintres ont la ressource
des couleurs. Ses cheveux ont beau-
coup de finesse, quoiqu'il ait fait peu
d'usage du procédé, un peu trop
prodigué dans la suite par Masson,
de détacher quelques cheveux de la
masse , pour donner à l'ensemble
plus de légèreté. Son travail variait
suivant la nature de l'ouvrage. 11
gravait ordinairement les demi-tein-
tes en points. Cependant il a graA'é en
tailles, et sans aucun point la tête du
président Edouard .Mole, et tout en
points , le portrait de la reine Chris-
tine de Suède. Le travail de cette der-
nière pièce est extrêmement léger,
et l'ajustement du portrait est très-
pittoresque. On regarde comme ses
chefs-d'œuvre les portraits de Jean-
Baptiste Fan Steenbergen , dit Va-
vocat de Hollande; de Simon-Ar-
naud de Fomponc , secrétaire-d'é-
tat , très-grand in-folio, gravé en
1657 , et du petit Millard. Il fallait
que Nanteuii joignît à l'amour de son
art, une grande facilité et beaucoup
d'assiduité; car l'abbé de Marelles
avait rassemblé de lui plus de a8o
pièces, parmi lesquelles on compte
14 portraits de princes ou princes-
ses , 83 de personnages illustres dans
la guerre, la politique, les sciences
NAN
ou les arts ; et 7 thèses on morceanx
liistoriqiics. Il a grave', huit fois dif-
icrentcs, et dans des formats divers,
le portrait de Louis XIV. Cet liabile
artiste avait épouse' la (illadu fameux
E'Ielinck , et mourut à Paris , en
1G78. P— s.
NANTIGNY. V. Chasot.
NAOGEOllGUS (Tuomas ). V.
KinCUMAlER.
NAPIER ( Ji-Aiv), NÉPER ou Ne-
pair (i), baron de Merchiston ou
Markiiistou , près d'Edinbourg , en
Ecosse, raatliématicien célèbre par
l'invention des logarithmes, naquit
en i55o. Après ses études faites à
l'université de Saint- André, il fit le
tour de l'Europe. Revenu dans son
pays , avec tous les avantages qui au-
raient pu le faire distinguer à la cour
et le faire parvenir aux emplois, il
préféra consacrer sa vie à l'étude et à
la retraite. La théologie exerça quel-
que temps son esprit plein de saga-
cité; il l'appliqua heureusement par
la suite aux mathématiques. Ce fut
vers l'an iSqS qu'il commença de se
livrer aux recherches qui le conduisi-
rent à la découverte des logarithmes ;
découverte qui , en simplifiant la
science du calcul, a sî "merveilleuse-
ment servi aux progrès de l'astrono-
mie , de la géométrie pratique et de
la navigation ( V. Briggs ). Napier
fut marié deux fois , et mourut le 3
avril 1617. Ses ouvrages sont : L Ex-
plication claire de la révélation de
saint Jean. Cet ouvrage, où il dési-
(i) Crawfurd nnus apprend que le nom ilo Nmnir
tire sou ori(;lue a"uii« jotion sans .^gale ( PeeiL-a )
de DouaM , un des a icêlres dp ^ép. r , et lils d'un
comte Lenox, au lemps de David 11. Si-s descendants
signent aujourd'hui Napier. Arcbibald, tils de Néner,
«ut crée l.u-d d'Iî.osse, m idjH ; le pèie et .ses ancê-
Ires u avaient ete que barons. Un Laiou écossais élait
un seigneur liaul-jnsl;cie-, ayant ie droit de PU and
OalLows (Jossa etfuica ) , pour nover les femmes
convaincues de vo! , ou pendre les liommes coupable»
«u vol ou d'un autre dsiit «apilal.
NAP 559
gue le pape comme ranléchrist^ de-
vait trouver beaucoup de faveur par»
mi les protestants, et fut en effet
traduit en plusieurs langues. La ver-
sion française ( La Rochelle, 1602,
in - 4"- ) ^'st intitulée : Ou\>erlure
de tous les secrets de V Apocalypse
ou Révélation de saint Jean^ mise
en français par George Thomson.
II. Mirijici logarithmorum canonis
descriplio,¥,àn\houT^, \ij\l\, iu/j.».
L'auteur n'y explique pas encore les
fondements des logarithmes; il se
contente de donner les sinus naturels
et logarithmiques pour toutes les mi-
nutes du quart de cercle , réservant
pourun temps plus convenableladoc-
trine sur laquelle ila fondé satable;ti
attend le jugement et la censure des
mathématiciens , avant d'exposer
le reste à la malignité des envieux.
Après sa mort, son fils publia (-ette
explication, Edinbourg, i6i9,in-
4°. Les deux ouvrages réunis ont été
réimprimés à Lyon, en 1G20, chez
Bartliélemi Vincent , sous ce titre :
Logarithmorum canonis descrip-
tion seu arithmeticarum supputatio-
nuni mirabilis abbrevialio , e jusque
usus in ulrdque trigonometrid , ut
etiam in onini logisticd mathema-
ticd , amplissimi et expeditissimi ,
explicatio, authore ac invenîore Je-
anne Nepero harone Merchistonii ^
Scoto, etc. La seconde partie a pour
titre: Mirifici logarithmorum cano^
nis constructio et eorum ad natura-
les ipsorum numéros hahitudines ,
unà cum appendice de alid , edque
prœstantiore n logarithmorum spe-
cie condendd , quibus accessére pro-
positiones ad triangulasphœncaj'a-
ciliore calculo resolvenda, unà cum
annotationibus aliquot doctissimi
D. Henrici Biiggii in eas, etc. Pour
justifier l'emphase apparente de ces
divers titres, il nous suffira de dire
5Go NAP
<Hrer. CiTtl riuvcntion de Nr'pcr est
Traimciit admirable, et par l'usaj^e
immense dont elle est dans les ral-
culs de toute espèce, et par ia simpli-
cité des moyens trouves pat l'auleur,
pour construire sa table avec le
moins de travail possible. Les loga-
litlimes sont des nombres artificiels,
au moyeu desquels toutes les multi-
plications sont réduites à de simples
additions, les divisions à des sous-
tractions; la formation des puissan-
ces 2 , 3 , 4 ? etc. , réduite à des
multiplications par les nombres 2 ,
3 , 4 1 etc. , suivant la puissance
qu'on désire; enfin les extractions
des racines 2, 3 , 4, etc., à de sim-
ples divisions , par u , 3, 4, etc. Le
iivre de Néper étant excessivement
rare, il n'est pas surprenant que très-
peu de mathématiciens aient une
idée juste de ces anciens logarith-
mes , et surtout des procédés par les-
quels l'auteur a su les calculer. Ces
moyens sont exposés avec tous les
détails nécessaires , dans la nouvelle
Histoire de l'astronomie moderne ,
t. I, p. 491 <^t suivantes, r. aussi
le Recueil , Scriptores logarithmici ,
de Maseres , Londres , 1 79 1 , tome i
(i). lîL Piabdologice , seii numera-
iicnis per mrgulas , libri duo , ibid.,
1617, in-i2, réimprimé la même
année, à Amsterdam, et souvent de-
puis : l'auteur y décrit ses bâtons ou
ixches arithmétiques , dont rusac;e
est d'abréger les multiplications et
les divisions ; on les trouve décrits
dans les Récréations mathématiques
de I\ïoutucla , tome i, p. 1 4- ÏV. Une
(1} T.c principe des logarilbmes avait déjà été pro-
pose iiu siècîp anpantvaDt dans VArithniéliqiif' com-
meicitile de Henri Grammalens ( Vienne, i>i8,in-
8". ,fn alleu.and ), et plus i lalremenl dans X'Ari'.h-
meùca inteÉ^ra de IViitLel Sliiél, publiée por Me-
]aiiL}i;hoTi , Xur^nibcrg, i544î ^" •.''• i Vcy. Scheibel ,
JtUrodiutiitn à la ccnnaissance tUs Uvies de mathé-
niatiijuci , u". lî , i;ag. iii , eu aliemaiid. )
NAR
lejfirc à Antoine Bacon : inlifuléc ;
Inventions secrètes, utiles et néces-
saires de nos jours , pour la défense
de cette île ; elle est imprimée dans
l'Appendix d'une Tsolice sur les ou-
vrages de Napier, par le comte de
IJuchan T David Stewart), 1 788, in-
4°., publié par Walter Minto, en
anglais. ISeper est encore connu par
les Analogies qui portent son nom , et
qui sont remarquables par leur élé-
gante symétrie. Enfin, on lui doit
deux Formules générales pour la so-
lution des triangles sphériqucs rec-
tangles. D — L E.
]N ARBONNE (HermexNgarde , vi
comtesse de), mariée, eu 114'-*, à
un seigneur espagnol , recouvra la
vicomte de Narbonne, par l'abandon
que lui en fit Alphonse Jourdain ,
comte de Toulouse, et contracta, en
1145, une seconde union avec Ber-
nard d'Anduze, connu dans l'histoi-
redes troubadours- Les vicomtes dé
Narbonne, originairement vidâmes
ou vigulers des marquis deSeptima-
nie, étaient de]à d'importants feu-
dataires au commencement du or«-
zicine siècle. Bérenger, le trisaïeul
d'Hermengarde , ayant secouru con-
tre les Maures, en 1048, Raimond
Bérenger 1*^1., comte de Barcelone, en
avait obtenu la ville de Tarragone,
qui ne passa point à ses successeurs.
Son petit -fils, Airaeri P''. , réunit
en sa personne la vicomte de Nar-
bonne, partagée entre Pierre, ëvêque
de Rhodes , son frère . et Bernard Pe-
let, leur ncAcu, tige de la brancbe des
Narbonne qui porte ce nom. Avide
de s'agrandir, il usurpa les biens
de l'archevêque de Narbonne , et ,
sans doute pour expier cette spolia-
tion, partit pour la Terre-Saiute, en
1 104. 11 y porta le titre d'amiral ,
et y mourut deux ans après. Aimeri
II, né de son mariage aA'ec Ame-
NAtl
naiile, fille du fameux RubcrtGuis-
card, lui succéda, el fut lue dans une
bataille livrée aux Maures, en i i54,
sous les murs de Fraj:;a , par Alfousc
ï*^ ■'., roi d' Aragon. Henncngarde se si-
gnala comme ses pères, contre les en-
nemis du nom du etien : cllemarclia ,
en 1 1 48, au secours de Tortûse, assié-
gée parles Sarrasins, s'aLoucha , eu
1 1 55, avec le roi de France Louislc-
Jeunc , renonça , en sa présence, aux
biens enlevés aux arclievèques de
Narbonnc, et obtint de lui l'autori-
sation de rendre la justice en per-
sonne, quoique les femmes fussent ex-
clues formellement de ces fonctions
par les lois romaines, en vigueur
dans la province. Eu 1 1G7, Hermen-
garde conclut un traité de commerce
avec les Génois. IN 'ayant point de
postérité, elle adopta et désigna com-
me héritier Aimeri de l.ara, fils de
sa sœur Ermcliudcj mais il mourut
sans descendants, eu 1177. l^ay-
mond, comte de Toulouse, voulant,
en sa qualité de suzerain de Narbon-
nc, influencer le second clioix d'Her-
mengarde, la mciiaça de ses armes :
elle chercha des garanties contre
ses attaques , dans une coalition
avec le roi d" Aragon, les vicomtes
de IN î mes et de Carcassonne, et le
seigneur de Montpellier. Enfin , elle
remit, en i iGi , entre les mains de
Pierre de Lara, son autre neveu , un
gouvernement dont elle avait soute-
nu le fardeau avec de mâles veitus ,
et mourut le 1 4 octobre i I97,à Per-
pignan, oii elle s'était retirée. Son
palais, séjour de la politesse et des
fêtes, était, avant son abdication,
très fréquenté par les poètes méri-
dionauxj et l'héroïque châtelaine ai-
mait à présider des cours d'amour.
F — T.
NARBONNE - PELET - FRITZ-
LAR ( Jean-François comte de),
x\s,
NAR
56t
officier distingué, servit an siège de
Minorque, sous le maréchal de Ri-
chelieu, en 1756, et passa , l'année
suivante, à rurmée du Bas-Kliin,
commandée par le inarérhal d'Es-
trc'cs, dans le grade d'aide- major-
général de l'infanterie. En 17G1 , à
Stallxig, dans un de ces combats
partiels <[ui faisaient pressentir la fin
dt; la guerre de sept-ans, par l'épui^
sèment des armées qui la prolon-
geaient , il surprit un bataillon de la
légion britannique, et le força de se
rendre. Mais le plus beau fait d'ar-
mes de Narbonne, devenu brigadier
et colonel d'un régiment de grena-
diers royaux , fut la défense du pos-
te de Fritzlar, où, cojitre l'espéran-
ce de ses chefs, il arrêta les Prussiens
pendant trois jours , et donna le
temps an maréchal de Brogiiedc dé-
gager l'armée, qui courait le risque
de subir l'artVont d'une capitulation.
Louis XV, pour perpétuer le souve-
nir de celte brdiaute action, voulut
que Narbonne ajoutât à son nom ce-
lui de Fritzlar, exemple que, dans
ce siècle, le gouvernement espagnol
avait renouvelé des Romains , en fa-
veur de quel(jues-uns de ses géué-
ratix. Narbonne mourut en 17^4)
lieutenant-général, commandeur de
l'ordre de Saint-Louis et de celui de
Saint-Lazare. Il s'était choisi un©
épouse dans une autre branche de sa
famille, el il en eut un fils qui laissa
trois enfants: Albéric, attaché au
serricc de l'empereur d'Allemagne ;
Aimeri , et Ermelinde, mariée à l hé-
ritier de la maison de Luynes, et
qui, portant le titre de duchesse de
Chcvreuse, mourut victime de la ty-
rannie de Buonaparte (i). F — t.
(1^ Apre» l'avoir forcée d'acceplrr an emploi i 5a
roui-, biiouapnrle MUilut oMi^eiMn»:. de (;ti«TTru«e
à se 1 '.iidiiî .luprèâ >.\« lit i«iav U'Iïsp igQC , c^ui vcuait
36
'j6i
>AR^
NARBONNE - LARA ( Le comte
Louis de ) , ministre de la guerre
60US Louis XVI, naquit a Culorno ,
dans le duché de Parme, au mois
d'août 1-^^55. Sa mère Y était daiue
d'houneur de la duclie.-.-e de Parme,
Elisabeth de France . lille de Louis
XV, mariée, en 1739, à l'iufant
don Philippe; et son père, premier
^gentilhomme de la chambre ( i ).
Louis de Narbonue fut amerie' eu
France, en 1 760, après la mort de la
duchesse de Parme, et élevé a la cour,
ou sa mère , d'abord dame d'atours,
puis dame d'houneur de madame
Adélaïde , conserva constamment
i'entière confiance de cette princesse.
Son éducation fut très-suignée : M. le
Dauphin, père du roi, daigna lui don-
ner lui-même quelques leçons dans
son enfance ; et M. de Narbonne
se rappelait avec bonheur qu'il
lui devait les premières notions de
la langue grecque. Du reste, il fit les
meilleures études au collège de Juil-
li , s'adonna aussitôt après a celles
que denuade le service de l'artil'e-
lie; et, successivement attaché à
cette arme , capitaine de dragons ,
guidon de la gendarmerie, coloneldu
régiment d' Angoumois , puis du régi-
ment de Piémont, il suivit toutefois
des cours d'histoire et de droit public,
sous le professeur Koch , à Slras-
d'ètre amenée prisonnière à Va'ençay. Celle dame
repondit avec ccnii-a^;c qu'il n'y iivnit jamais eu .le
geoler dins ya fjmille. Elle fui auuitôt exi et , et
mourut dans cet exil, en 1813.
(i) La maison de Lara est une des pins ancieures
et des plus illustres d'Espagne. Rien de p'us fier
ijuc sa devise : Voiji ne descendons pas dirais ,
•na.s Us rois descmdenl de noiK ; et ce qu'il y
a de remanniab'p , c'ist que l'lii>ti.Hngranhe gdnea"-
logiste de l'Iiilippe IV et d.- Cha.les II (Luis de Sa-
Iraar) . qui a éciit l'hisl irc d- cftte maison, en 4
vol. m-foùo , non-seulemeit ne la lui contrsle pas,
■lais il recontiaît aussi , et H ct.bhl , qne la vicomte
de Narboiine passa dans c. tte famille avant l'nii
lioo , par ou Lara , devenu héjiti r de la derniers
▼■comteasa.
NAR
bourg. Il apprit presquctouteslcslan-
gucs de rturope; et , sous le minis-
tère du comte de Vergennes , il se
livraquelque temps, dans les bureaux
des affaires étrangères , à des recher-
ches diplomatiques. Son goût parti-
culier l'eût appelé dans cette dernière
carrière , qui lui promettait bien des
succès , lorsque la révolution arriva.
M. de Narbonne jouissait alors dans
le monde des plus désirables avanta-
ges. Son nom , une grande place à la
cour, la haute faveur de sa mère,
le titre de duc, et une grandesse dans
sa famille , lui ouvraient un bel
avenir. Sa grâce, son amabilité, des
manières nobles et faciles , un es-
prit (ou jours prêt, et presque toujours
heureux , relevaient beaucoup tous
ces avantages. Il voyait les hommes
de lettres les plus distingués de son
temps. Un goût littéraire très pur, un
langage de la plus rare élégance, et une
instruction singulièrement variée, qui,
lui échappait comme malgré lui, le
plaçaient convenablement parmi eux.
On ne lui faisait pas la cour ; il ne
l'eût pas supporté : il ne la leur fai-
sait pas non plus; il n'en sentait nul-
lement le besoin. Il fréquentait aussi
des sociétés très-spirituelles , où s'a-
gitaient , avec un vif intérêt , les
questions politiques, devenues si fort
à la mode, la société de Mw. de
Staël en particulier, quoiqu'il fût peu
partisan de i\I. Necker , et qu'il ne
s'en cachât point. Le comte Louis
de Narbonne était âgé de 33 ans :
attaché à la maison de Bourbon par
devoir, par reconnaissance, dévoue'
spécialement à IMadame Adélaïde ,
dont il était le chevalier d'honneur,
incapable avant tout d'une déloyau-
té , dont le soupçon même n'arriva
jamais jusqu'à lui , il adopta pourtant
sans effort , quoique sans beaucoup
d'enthousiasme, plusieurs des idées
noijvollps , sr)it qu'il y n!t,icli.U do
tics-bonne loi «les osjicr.iucfs iialio-
ii.ilos , soit (Hi'cn iiioiiK' Icriips , et
d'aussi hoiiiie foi , il n ùt qu'on no
])oiiv;iil y rc'sislcr sans les rendre
j)l'.is dauficreiiscs. Il voyait aussi
qu'el'es cnlr.uu.iient partout des es-
])rits distingues , qu'elles avaient
même de nombreux appuis à la cour.
Enlin, elles exerçaient un genre par-
ticulier de séduction sur ceux qui ,
(Lisigne's, par leur position , à de
grands saciidces , mettaient une sor-
te de clievalerie à ne pas être soup-
«;onncs d'avoir voulu s'y soustraire;
H M. de IS'arbouue êlait de ce nom-
bre. 11 ne partagea pourtant pas , à
beaucoup ])rès , l'engoùment de sa
société pour rassemblée constituan-
te : il se félicitait très-sincèrcraent
de ne pas en être; il aimait tout
autant avoir à la juger; et il préféra
plus d'une i'ois l'avantage de réparer
quelques-unes de ses erreurs, au pé-
rilleux honneur d'en faire partie. En
i-^yo, le régiment de Piémont était
on garnison à Besancon; M. deNar-
bonne , qui en était le colonel , fut
nommé commandant de tontes les
gardes nationales du département du
Doubs. La fermentation jetée dans
les esprits, par les décrets nouveaux,
y produisit des scènes terribles ; la
tranquillité paraissait impossible à
ramener. M. de Narbonne, par une
fermeté pleine de noblesse et de rai-
son, et par les plus heureuses ins-
pirations de son esprit , en vint ce-
pendant à bout. Il rétablit le calme
par persuasion , plus encore que
par autorité; et le calme se souliut.
Nïeicier , Carra , rinsullèrent daïis
leurs Annale s patriotique s. \, A rec<m-
uaissance unanime de cette contrée
le vengea plus qu'il ne l'aurait voulu.
Il était de retour à Paiis, lorsque
Nesdaiaes de France, au mois de (é-
NAli
^Ay^
vrier i7<)l , tom-meutécs poi;r leurs
opinions religieuses, par suite d*»
dt'crets si iuiprudeuls de l'assi-mblée
<;()uslituatite, se décidèieul à partir
pour Rome. M. de jNarbonue s'esti-
ma heureux de pouvoir les accom-
pagner. On sait qu'arrivées à Ar-
uai-le-Duc , elles furent arrêtées
malgré leur pasiicporf , par ordre de
la commune. M. de Narbonne par-
vint à s'échapper, jntur aller sollici-
ter <à Paiis un dc'ont qui leur rendît
la liberté de continuer leur roule. H
eut le bonheur de l'obtenir; et ses
vives et habiles instances auprès
des membres de celle assemblée ,
u'v eurent pas peu de part. Arrivé
à Rome, il ne larda pas a reveriir en
France , où d'autres devoirs l'appe-
laient. Le départ du roi pour \ arcn-
ncs eut lieu quelque temps après.
A cette triste époque, il fut nom-
mé maréchal-de-carap par l'assem-
blée : il refusa , et ne consentit à
êix'e remis sur le tableau, qu'après
l'acccptalion de la constitution par
Louis XYI. Voilà toute !a part qu'eut
M. (le Narbonne aux cvé:;ements pen-
dant l'assendjlée consliluante : heu-
reux , sans doute, s'il avait sii échap-
per aux antres! Sa destinée ne le vou-
lut pas ainsi ; et nous ne dirons pas
non plus, qu'il ait cherché à s'y sous-
traire. C'est le G décembre 1791 ,
presque au début de l'assemblée lé-
gislative , qu'il fut nommé ministre
de la guerre. S'il fut appelé à ce mi-
nistère par un ])arti, c'est, sans aucun
doute, par celui qui voulait de bonne-
foi la constitution, et qui, après l'ac-
ceptation , ne voyait plus que là le
salut de la France et celui du roi. Il
serait ici hors de propos d'exami-
ner si l'on pouvait voir autrement,
et si , par d'autres routes , il était
pos^iille, dans l'état de choses où l'on
se trouvait, d'arriver à quelque heu-
66i NAR
reux résultat. Tl est certain que M.
de Narbonne n'en vit pas, et qu'il
rëpnp;naili]iême à sou caractère d'en
chercher. Ses affections , et ses liai-
sons de société , le portaient vers
les membres du cote droit de l'as-
semblée; mais il lui parut impor-
tant de gagner aussi qiieU|ucs-uns
des membres les plus influents de
l'autre coté, sans le secours desquels
il ne croyait pas à la possibilité d'un
succès durable : il prodiguait pour
cela toutes les séductions de son es-
prit, tout le charme de ses manières;
et il paraissait quelquefois y avoir
réussi. 11 ne voulait pas croire qu'on
lui en ferait un reproche: il se trom-
pait. 11 se trompait aussi, quand il
se flattait de captiver, par de la
grâce et de l'esprit , un parti qui
n'aspirait qu'à se débarrasser , par
ruse ou par violence , de celle
constitution , qui ne satisfaisait au-
cune de ses passions : mais enfin ,
telle fut son illusion ; elle put se pro-
longer quelque temps par la faveur,
quoique toujours un peu contestée,
qu'il obtenait à la tribune ; par ses
brillantes improvisations ; par ce
voyage rapide, qu'a peine nommé
iniiùstrr il lit avec tout l'éclat d'im
c;rarid succès , sur les frontières ,
<lont il allait constater l'état, et dont
le récit parut charmer l'assem-
blée; et surtout par le souvenir de
l'effet qu'avait produit son langage,
si nouveau, sur l'esprit des troupes,
sur les olticiers surtout , dont il sa-
vait bien que plusieurs répugnaient
à la nouvelle constitution , m.iis aux-
quels il demauila une parole d'hon-
neur plutôt qu'un serment, leur lais-
sant , au surplus , la faculté de s'éloi-
gner, si telle était leur dernière pen-
.sée, et ajoutant, avec ua accent anime,
que tout était permis à un Fran-
çais , hors là trahison. Sa prodigicu-
NAR
se activité étonnait ceux qui ne rou-
laient voir en lui qu'un homme m-
mable et léger; et, sous ce rapport ,
aucun ministre ne l'a surpassé. Un
lui a reproché de s'être montré trop
favorable au système de la guerre
La gloire de la prévenir lui eût par»
la première de toutes ; il l'a dit sou-
vent , et ce n'est pas sous son minis-
tère qu'elle fut déclarée : mais dans
son système tout constitutionnel, il
lui parut aussi indispensable de s'y
préparer avec promptitude, que de
ne point paraître la craindre. 11 an-
nonça la formation de trois armées
sous le commandement des généraux
Rochambeau , Luckner et Lafayelte.
Il obtint, pour les deux premiers , le
bâton de maréchal de France , et le
leur remit a la tête de l'armée , avec
une grande solennité. Il pressait le
rassemblement des trofipes, et sollici-
tait sans cesse tout ce qu'il fallait pour
les mettre sur pied. Cent cinquante
miilehommesdevaient,dansunmois,
se trouver aux frontières, prêts à en-
trer en campagne. Chaque jour , il
se montrait à l'assemblée , \K>ur lui
faire de nouvelles demandes ; c'était
habituellement ]>our en obtenir les
niovens de faire face aux dépenses de
l'armée : c'était aussi pour com-
primer les menées séditieuses qui
la désorganisaient. Ces dernières
plaintes irritaient les Jacobins ; et
ceux des membres de la Gironde ,
qui semblaient quelquefois vouloir
marcher aA-ec lui , n'osaient plus
alors ic défendre. Contrarié de ces
oppositions tracassières , qu'il n'a-
vait pas le sang-froid d'endur.-'r ,
il se présenta, le -^3 janvier 179'^. ,
à l'assemblée ; rappela plus éner-
giquement les besoins de son mi-
nistère , et se montra prêt à le quit-
ter , si l'on résistait à ses deman-
des : « ûle vefusaDt alors, dit -il, à
aitcndre la Kontc comme ministre ,
j'irai chcrolur la nxirt comme sol-
dat de la constitution ; et c'est 'dans
ce dernier poste , qu'il me sera' per-
mis de ne plus calculer le nombre et
la force de nos ennemis. » Ce langa-
j;e , ce ton , eussent été fort risques
dans un autre moment : ce jour là ,
ils lurent applaudis, et oljtinrent un
pleinsuccès. Peade personnessavent,
et surent même dans le temps, (pio
M. de Narboune, sentant vivi ment la
iieccssilede rappeler l'anricnnc dis-
cipline, et de prévenir la dissolution
de l'armée, quieilVayait tous les hom-
mes raisonnables, convaincu que ce-
la dépendait beaucoup de la nomitia-
lion d'un ciiet qui pût inspirer àla-
fois de la confiance, du lespect , et
point de jalousie, et ne pouvant trou-
ver alors en Fiance personne qui
en im posât de la sorle a tous les par-
tis , s'arrêta un moment à l'idée de
proposer ce cominandemcnt au duc
de Brimswick, qui était le premier
ïiom militaire de l'Burope. Il la
soumit au roi, qui l'adopta, et lui or-
donna même d'écrire à ce prince.
Le croirait on?le parti populaircde
l'assemblée , composé de Candorcct,
VcrguiaaJ , Brissot , n'en fut nulle-
ment elVrayc. Le duc de Brunswick
en fut délourné par quelques instiga-
tions; et ridée n'eut point de suite. 11
serait çurieuxd'examinerce qu'aurait
produit sur les destinées de la Fran-
ce une telle nomination, si elle avait
été acceptée. RI. de Narbonne était
sensible L la pupn'ari'.é; il ne s'en dé-
fend lit pas : mais on lui doit la jus-
tice de due qu'il ne la brigua jamais
par des moyens indignes de son ca-
ractère. Toutes les fois qu'il avait à
prononcer le nom du roi , ses paro-
les étaient pleines de chaleur et de
sensibilité : il était visiblement lieu-
jFeii.\de louer ses vertus. Ses advcr-
INAR 565
saires n'étaient pas tous à rassem-
blée. Les plus redoutables , pour le
maintien de son crédit, se trouvaient
au conseil des ministres, où pourtant
il |iaraissait avoir con(|uis la majo-
rité : mais le ministredela marine, M.
de Berirand-Molevdie, lui fut cons-
tajument opposé. Il ne peut s'agir ici
de prononcer entre eux ; les senti-
ments de ces deux ministres pour la
personne du roi , étaient sûrement
les mcnies : mais, en tout le reste,
ils différaient essentiellement; et les
picoteries qui s'ensuivaient , nui»-
saient au service du roi. M. de Nar-
l)onne , qui ne voyait de salut pour
la monaichie constitutionnelle, que
dans l'accord parfait des ministres ,
se déi'ouragea : il résolut dequitter le
miiiistcic, et sa résolution fut connue.
Les trois généraux en chef crurent:
devoir li.i écrire, pour l'en délour-
ncr;lenrslcltres devinrent publiques :
cela parut une intrigue; et quoiqu'il
ait été prouve' que cette publicité
ne fut pas sou ouvrage , il était
trop facile de la lui imputer, trop
diiiicile d'en accuser un autre : le
porle-feuil'e de la guerre lui fut
reiiré; ce fut le lo mars 179'i:
il l'avait conservé pcndai't trois mois
et trois jours. Quelque jugement
qu'on veuille porter sur son minis-
tère , tout ce qu'il lit , tout ce qu'il
résolut , tout ce qu'il proposa dans
ce court espace de temps, est à peine
croyable. Il fut tiès-rcgrelté par les
membres de l'assemblée attachés à
la constitution; quelques autres mon-
trèrent aussi des regrets qui étaient
loin d'cire sincères. Mais, quoiqu'on
l'aiî dit, l'assemblée ne consacra point
ces icgrcls par un décret ; et puis ,
elle l'oidilia bien vite, entraînée par
ses erreurs , par son delii e , et pai*
les événcmenls , qu'elle ne sut ja-
mais maîtriser. Aussitôt q^u'il lui t'iiî
506
NAll
Ferinis de quitter Paris, il se rcmlit à
année, et se trouva présent à quel-
ques petites affaires qui eurent lieu
dans ce temps. Bienlùt il revint à
Paris , appelé par le rui : il y était
depuis trois jours, lorsqu'cclata le i o
août. Il fut à l'instant décrète d'ac-
cusation par l'asscrablcc ; et la com-
jnune s'cui pressa de le mettre hors de
ia loi. Il échappa à ses recherches,
par la courageuse amitié' de M""=. de
^taël , et se rendit à Londres , où il
Testa jusqu'à la déclaration de guerre.
Ce fut là qu'à l'époque du procès du
Toi, il montra d'une manière si no-
Lle son dévoûment à ce malheureux
prince. La constitution déférait à
chaque ministre ia responsabilité de
tous les actes de son ministère : dans
cet instant , ce danger lui devint pré-
cieux , et il briLi'ia l'honneur de Teu-
courir. Il réunit tous les anciens
ministres àa roi qui étaient à Lon-
dres , et leur proposa avec chaleur
de demander en comraim , à laCon-
Tention , un sauf-conduit pour être
admis à ia barre , et récianier là ,
pendant tuute la durée du procès , la
responsabiliié qui leur appartenait
pour chacun de leurs actes minis-
tériels. Ce mouvement était beau ;
il ne lui parut que simple : il leur
pi'omettait à tous une mort à-peu-
près certaine ; mais q lelle mort I
Faut - il le dire? M. de ]N'arbonne
fut le seul qui s'en monira décidé-
ment jaloux. Seul, en effet, il écri-
vit à la Convention pour demander
ce sauf-conduit en son nom , à rai-
son des trois mob de son ministère :
il lui fut refuse; mais il n'avait épar-
gné ni sollicitations ,, ni instances
pour l'obtenir. Privé de cette gloiie,
il ne lui restait qu'à faire parvenir a
l'assemblée un Mémoire jusîincatif
de Louis XVI : il le fit ; et M. de
Maleshcrbes, à qui il l'envoya aussi ,
Nau
lui en adressa au nom du roi les plus
touchants rcmcrcîments. On trouve
ce Mémoire parmi les pièces du prc
oès.TVI. de Bertraiid, dans ses IMé-
moires, attaque avec un acharnement
extrême l\l. de Narbonne. Ceux qui
ont bien connu et suivi de plus pics
dansées temps le comte F^ouisde Nar-
bonne. n'ont pu le recoimaîtrc dans
aucune des allégations dont il se plait
à lecharger. lis n'en ont vu le prin-
cipe que dans une pure rivalité mi-
nistérielle , et se sont affligés qu'elle
ait pu inspirer un pareil langage. Au
reste, M. de Narbonne, qui en était
très - blessé , ne s'en est jamais
plaint. Il ne s'en vengeait même qu'on
montrant de l'estime pour le r?-
iMctère personnel de cet ancien mi-
nistre , quoique toujours convaincu
que son système politiipie ne pouvait
servir utilement la cause du roi. On
a dit dans le temps , ef il était aise
de cire ( puisqu'il y aurait eu peu de
grâce aie démentir ), que M. de Nar-
bonne, pendant son ministère, cédait
beaucoup à l'influence de M"^*^. de
Sîaèl,etqu'ils'ai la ukcmc quelquefois
de son talent. La réponse à ceUcpetite
attaque est devenue facile. M'"'^. de
Staël, dans son dernier ouvrage sUr
la révolution , où l'on ne dira pas
qu'elle cherche à s'effacer en racon-
tant les événements, parle du minis-
tère de i^L de Narbonne, en parle avec
éloge ; et pourtant, pas un mot n'y
laisse même entrevoir qu'elle ait été
de quelque chose, ni dans ce qu'il fit,
ni dans ce qu'il eût désiré de faire.
Lorsque l'Angleterre déclara la guer-
re à la France , M. de Narbonne
se réf gia en Suisse, puis en Sou.l-
be , puis en Saxe, d'où il re\int en
France au commencement de 1800.
Le gouvernement consulaire venait
des'y établir. Il ne le rechercha point ,
et n'en fat point recherché. Ce ne fut
NAR
qu'en 1809 , que le niinislrc Je la
guerre , Clarkc , proposa de l'em-
ployer militairement, et lui fit rendre
son grade de lieutenant-ge'ne'ral. Il fut
appelé à Vienne , puis nomme 5:;on-
vernenr de Raab jusqu'à la paix de
Sclioenbrunn; il fut aussi , mais peu
de temps , j:;ouvcrneur dcTriesle, oîi
il eut le bonlieur de retrouver sa mère.
Bientôt il fut nomme' ministre pléni-
potentiaire près le roi de Bavière , de
qui il était très-coniui et fort aimé.
Il revint à Paris , parcongé; et Buo-
uaparle qui commença dès-lors à le
goûter, et à s'étonner surtout de son
esprit, le fit son aide-de-camp: c'é-
tait peu avant la campagne de Rus-
sie. Il avait alors cinquante-six ans;
ou ne put le soupçonner assurément
d'avoir sollicité cette espèce de fa-
veur. Il ne s'y refusa pouriant pas :
et la manière facile dont il en rem-
plit les fonctions, la gaîîé de son cou-
rage dans cette terrible campagne,
ses bons mots , ses manières militai-
res et de si bon genre , tant avec les
soldats qu'avec les olFiciers , lui ga-
gnèrent complètement et les uns et
les autres , et ceux - là mêmes à qui
sa nomination avait inspiré le plus
d'humeur et de jalousie. Il revint
en France après cette campagne ;
fut nommé ambassadeur à Vienne ,
au commencement de 181 3, puis
employé très - inutilement à Pra-
gue pour négocier la paix que Buo-
naparte feignait de vouloir : eu-
(in , envoyé par lui à Torgau , il
y mourut, le 17 novembre 18 13,
moins d'une chute de cheval , com-
me on l'a raconté, que de la maladie
qu'il avait contractée au milieu de
ces milliers de malades encombrés
dans cette place , auxquels il prodi-
guait chaque jour les soins les plus
empressés. La manière d'être de M.
de Narbonuc à la cour de Buona-
NAR
5G-
parte , fut remarquable ; il y porta
une franchise peu commune , du
bon goût , une politesse exquise , et
ce ton parfait de bonne compagnie ,
dont on retrouvait si peu de tra-
ces. On citait, chaque jour, de lui,
des mots heureux , qui charmaient
sans jamais nuire. Ruonaparte pa-
raissait se plaire avec lui, parce que
IM.deNarbonne savait écouter; mais
il sentait assez peu le prix de ses
manières. Seulement , elles lui impo-
saient assez pour que jamais il ne lui
ait adressé une de ces brusqueries ,
dont il se faisait , dit- on , rarement
faute avec les hommes de l'ancien
l'égime. Buonaparte , contrarié un
jour de quelque résistance du pape ,
qui lui avait pourtant si peu résisté ,
dit devant M. de Narbonne , et en
s'aJressant à lui, qu'il était tenté
d'introduire une autre église pour
son compte , et que le pape s'ar-
raUj^erait avec la sienne , et avec
les siens, tout commoil l'entendrait.
« Vous n'en ferez rien , lui répondit
» promptemcnt M. de Narbonne; il
» n'y a pas en ce moment assez de
» religion en France pour en faire
n deux. » Ce mot, léger en appa-
rence , mais qui n'était pas sans quel-
que profondeur, allait droit au genre
d'esprit de Buonaparte : il produisit
son effet. Le comte de Narbonnc avait
épousé M'I^. de l\îontholou : il en eut
deux lilles , dont l'une est mariée à M.
de Braaracamp. portugais; l'autre à
M. le comte de Rambuteau, ancien
préfet. La duchesse de Narbonne sa
mère , lui a survécu : elle est morte
à Paris cette année ( i8'2i ) ; elle
avait perdu toute sa fortune : elle y à
vécu des bienfaits du roi. C'était une
personne d'un esprit élevé , d'un
caractère ferme , d'un rare devoû-
ment. Elle a partagé toutes les in-
fortunes de Mesdames de France , et
568
NAR
ne les a pas quittées un seul instant
jusqu'à leur mort. D — R — s.
NAllBOROUGH (Jean ), navi-
gateur anj^l.tis , après avoir voyapjc
dans les tUiTerentes parties du mou-
dc , commanda eu 1669, uneexpc'-
dition de deux vaisseaux, le Sweep-
stakes et le Batchelor, nue Charles
]I fit partir, d'après le couneil de
son frère Jacques , ^rand-amiral , et
depuis roi , pour reconnaitrc le dé-
troit de 7',Iaj:;ellaai , la côte de l'Ame-
xique rae'ridionale, qui en est voisi-
ne, et les ports espagnols, qui en
sont le moins éloignés daus le grand
Océan. Le but principal de l'expé-
dition était d'étendre le commerce
anglais dans ces contrées lointaines ;
en conséquence , Narboruugli devait
essayer de former des liaisons d'a-
mitié avec les Indiens, Il partit de
Depiford sur la Tamise , le 26 no-
vembre. Le i4 février iv370, il per-
dit sa conserve de vue, le long de la
côte des Patagons , et ne la revit
plus. Le si3 mars, étant mouillé de-
puis quelque temps dans le port Dé-
siré, il trouva un poteau dressé par
Lemairc et Schouîen, et une plaque
de plomb, sur laquelle ces naviga-
teurs avaient grave leurs noms, ceux
iic leurs uavires , ainsi que la date de
leur arrivée et de leur départ. Le 'J2
octobre, il entra dans le détroit de
Magellan, en sortit le i5 novem-
l>re, et remonta ensuite au nord ,
jusqu'à trois lieues de Valdivia. Il tà-
cira inutilement d'établir des rela-
tions de commerce avec les Espa-
gnols. Des officiers de cette nation
vinrent à son bord, et le comblèrent
de politesses, eu l'invitant à entrer
dans le port. 11 refusa, parce qu'il se
défiait de leurs desseins ; et il avait
raison. Il envoya son lieutenant à
Valdivia dans une cbaloupe : on re-
feint cet oiHcier avec trois autres per-
NAR
sonnes; mais on la laissa relourncr
avec les matelots. Naibcroiigb , re-
connaissant que les négociations
pour faire remettre ses gens en liber-
té, seraient inutiles, et Jie se sentant
pas assez fort pour les enlever , le-
va l'ancre, le •2'2 décembre, et re-
prit le chemin du détroit. Il y entra
en jinnier 167 i , eu dcboiicLa le i \
février, pour passer dans l'océan At-
lantique, et,le lojeiu, eut connais-
sauce du cap Lézard. On dit que
Charles II avait fondé de si gran-
des espérances sur celte expédition ,
et desiraitsi ardemment d'eu appren-
dre le succès , que, dès qu'il fut ins-
truit que Narborougli avait passe
devant la rade des Dîmes , il n'eut
pas la patience d'attendre qu'il vînt
à la cour , et alla an devant de
lui dans son canot royal , jusqu'à.
Gravescnd. Quoique IVarborougli
n'eût pas atteint le but principal de
son voyage, le roi, en cousidératiou
du zèle qu'il avait montré, le nom-
ma chevalier. Sa relation fut pu-
bliée dans un recueil intitulé : « yJn
accGunt of several late vojagcs
and discoi>eries to the Soulh aiul
Norlh , etc. , Londres , 1 G94 , i vol..
in-8'\ Elle a été rédigée par ce navi-
gateur, et par Pccket son lieutenant.
On en trouve une traduction fran-
çaise , à la suite du voyage de Co-
réaî , Amsterdam , i^a-^ , '6 vol. in-
\i. Jean Wood;, embarqué sur le
SiveefJiialies., donna aussi une re-
lation de celte expédition ( F. J.
Wood). Tous les recueils de voya-
ges en oilrent des extraits. « Sou
» journal, dit Dcibrosses, aussi ins-
» truclif que peu amusant à lire,
» contient le délad k* plus exact sur
M les positions géograpUiques de la
» rôle des Patagons , et de celle du
» détroit. Les navigateurs y tronve-
» ront les meilleurs rcnseigncmtuls
NAR
» sur la manière de reconnaître les
» parages de ces côtes, d'y entrer et
» d'y mouiller. » On ne j)ciit qu'ap-
plaudir à ce jugement ; et en exami-
nant la carte du détroit de Magellan,
dressée par NarborougU , on voit
qu'elle mérite encore des éloges. Il
donna son nom à une île , au sud
de l'archipel de Chiîoe. E— s.
NARCISSE, alTranchi de l'empe-
reur Claude, devint son secrétaire ,
et acquit , dans l'exercice de cette
charge, d'immenses richesses, par
les moyens les plus odieux. I.a révolte
de Scriboniea ayant e'tc étoullbe ( V.
ScuiBOMEN ) , INarcisse , assis à cote
de son maître , présida à la condam-
nation de ceux qui y avaient pris
part , et se fit adjuger leurs sanglan-
tes dépouilles. Oubliant la bassesse
de son origine , il eut l'impudence
de haranguer les le'gions de Plautius,
qui refusaient de passer dans la Gran-
de-Bretagne: mais la juste indigna-
tion des soldats ne put se contenir ;
ils couvrirent de leurs cris la voix
de l'orateur , cl déclarèrent à leur
chef qu'ils e'taicnt prêts à le suivre.
Narcisse s'etant aperçu qu'il n'avait
plus la confiance de IMessaliue, et
craignant qu'elle n'usât de son crédit
pour le perdre, résolut de la préve-
nir. Il court à Ostie , oîi Claude était
retenu par un sacrifice , lui révèle le
houleux mariage que sa femme vient
de contracter avec Silius,et, sans lui
laisser le temps de se remettre de sa
surprise, le conduit au camp des Pré-
toriens : il le ramène ensuite à la
maison de Silius , où Messaline célé-
brait une orgie , et donne à un centu-
rion l'ordre de la tuer, avant qu elle
ait pu voir Ciaude , dont il connais-
sait la faiblesse ( V. Messaline ). Le
serA'ice qu'il iienait de rendre à son
maître, fut récon) pensé par la ques-
ture. Il voulut délermiiiçr le chois
NAR SCq
que Claude devait faire d'une nou-
velle épouse. Agrippino, l'ayant em-
porté sur ses rivales , ne lui paniou-
na point d'avoir tenté de l'cci^rtcr du
troue. A!o)s Narcisse se déclara pour
Hritannicus, quoiqu'il pût un jotir pu-
nir le meurtiicr de sa mère; et il en-
gagea Claude à le désigner son suc-
cesseur. Agiippine , instruite des dé-
marches de Narcisse , parvint à l'o-
bliger de se rendre aux eaux de la
Campanie, pour sa santé; et ayant
profité de son éloigucment pour em-
poisonner Claude, elle l'obligea de
se donner la mort , l'an 54- Narcisse,
avant de mourir, biùla tous les pa-
piers dont il était le dépositaire, dans
la crainte qu'Agrippine ue s'en servît
pour exercer de nouvelles vengeau-
ces. Il fut regretté de Néron , qui per-
dait en lui un confident habile et très-
propre à favoriser ses vices encore
cachés. Au surplus, cet alTianchi ne
manquait ni d'audace , ni de capaci-
té ; et il prodiguait les richesses avec
autant de facUilé qu'il les avait ac-
quises. W — s.
NARDÎN ( Thomas ), habile né-
gcciatcur , était né vers i54o , à Be-
sançon . d'une famille patricienne ,
qui a produit plusieurs hommes de
mérite. Après avoir achevé ses étu-
des , et pris ses degrés en droit , il re-
vint dans sa ville natale , où il rem-
plit successivement les premiers em-
plois de la magistrature. 11 fut char-
gé de diftercnles missions en Italie.
Député à la dicte de Ratisbonne, pour
y détendre les franchises de la ville
de liesançou, menacées par le chef
de l'empire , il parvint, avec l'appui
de Henri IV , à faire respecter l'in-
dépendance de sa patrie (i), et à
(i) Chi(«signet a reiicîn roinpl'- du siiccîs <le i elfe
n-^uoclalion, dans une- coitic à Narjm , cjui meiiU-
rait -i'è'.r.' i>lus coauua ;
570 NAR
assurer à ses concitoyens la jouis-
sance des privilèges qu'ils n'ont per-
dus qu'en i6G4 , loi*» de l'ccliangc de
Besançon , contre Franckendal ( F.
Thoin. Vap.in ). Nardiu cliercLa à
inspirera ses compatriotes le goîit
dos lettres , dont !a culture charmait
ses loisirs ; et ce fut lui qui encoura-
i^ea Cîiassignet, sou cousin, à met-
tre au jour ses différents Recueils de
poésies ( F. S. B. Cuassignet ). 11
mourut en août i6i6, universcUe-
jnent regrette pour ses talents , que
relevaient encore la simplicité de ses
mœurs et sa mode>tie. Nardin a tra-
duit de l'italien de Jérôme Gones-
tiggio : Jj' Union du royaume de
Portugal à la couronne de Castille,
Besançon , 1 59G ou iGoi , et Arras ,
i6oo,in-3°. Cette traduction a élé
icproduite avec quelques change-
ments dans le style, Paris , 1680 ,
1 vol. in-r.i. W — s.
NAREG ( GRiiGoiRE D£ ) , l'un
des pluscélèhres écrivains ascétiques
de l'Aiménie , naquit en Tan 9^ i .
Son prrc Khosrou était c'vêqiie de
la province d'Andsevatsi , dans le
^ asbouragan : des son jeune âge, il
Jliarqua nue piété extraordiuaiie, et
tPie vocation dé' idée pour l'état ec-
clésiastique. On le fitélever .avec son
frère aîné Jean , au monastère de
Nareg , dans la province de Rech-
douni , où son parent Ananias cîa t
abbé. Grégoire passa toute sa vie
dans ce monastère, et il y mourut en
ioo3, le '^7 février. Sun éloquence
et sa Vie exerajilaire lui acquirent
r^wc telle réputation , que l'église
d'Arménie le révère comme un saint.
Ratisbonoe sait bien
Qn". u cfs drri.irrs lUIs tu fus le sc.,1 suiitiea
De c ettp re|jiil>lii|ue r «■( Htiirl , idi de Fr.mce ,
AUire des nb-Muui><; de ta douce eWjquOMCe,
Kioti qti'il (ùl em(>êche en un siéRf douteux,
A sei propres drpeus duuaà poids % tec Vtfui
NAR
Se:^ principaux ouvrages sont: I. Vn
Bticue'd de jnèces , écrit d'un style
si éloquent et si élevé , qu'il en de-
vient parfois obscur : on compte
une multitude d'éditions de cet ou-
vrage; il faut distinguer celle qui a élé
donnée en 1 77 4' ^ Constantiuople, un
vol.in-ii ; et celle de Venise, 1789,
un vol. in-i'2. II. Des Homélies.
III. Des Hymnes. lY. Un Commen-
taire sur le Cantique des cantiques ,
composé à râgedevingt-sixans,à la
piièie de Gourgeu, roi d'Andsevatsi.
S — M — ^f.
]NARSÊS,7'^. roi de Perse delà ra-
cedes Sassanides, surnommé Nakli-
djirkan , ou le chasseur des bêtes
sauvages, fds de Bahram ou Vara-
rancs II , monta sur le trône, en l'an
29G, après la mort de son frère Bah-
ram m. Durant tout son règne, il
fut eu guerre avec les Romains ; et
il n'y eut, long-temps, d'avantage
décisif d'aucini coté; mais, en l'an
3o 1 , il battit le César Maximien , et
se lendit maître de la Mésopotamie.
Le roi d'Arménie , Tiridate , fut ,
par suite de celte conquête, obligé
de se ranger du parti des Persans.
Dans l'année suivante , Maximien
vint à la tête d'une nouvelle armée
venger sa défaite ; et au mois d'avril
3u'2 , Narsès complètement vaincu,
fut obligé de fuir , laissant la reine
Arzan sa femme, et plusieurs de ses
enfants , entre les mains du vain-
queur, pour obtenir leur délivrance ,
le roi de Perse fut contraint de sous-
crire à des conditions onéreuses :
il abandonna la Mésopotamie , et
céda aux romains cinq autres pro-
vinces situées au - delà du Tigre.
Narsos ne survécut pas long-temps
à celte paix honteuse : il mou-
rut, en l'an 3o3, après un règne
de sept ans ; et il eut pour successeur
sou ûls Hormisdas II. S. M — •>.
^ AKSÉS ( li'Kiiiiiiq!i? ), j^eiitiral
sous l'empire de Jii.stinii;!i , u.iqiiit
dans une disse si obscure, qu'on
ne trouve aitrnnc irare de sa patrie
et do sa famille. Ravale au-dessous
du deniif-r des Iniinains , par cet
usage barbare de l'Orient , que n'es-
jiliquaicut point alors la jalousie
fa.-ouche des Turcs , et la passion
des Italiens pour les belles voix ;
il fut condarutie' dès son enfance
in mépris des liommos, livre, dans
sa jeunesse, au liavail du fuseau et
au service des femmes : sans force
physique, d'unostalure petite et grê-
le, il s'éleva , de ce profond abaisse-
ment , aux postes les plus brillants,
par l'e'ncrgie de son caractère, l'ac-
tivité de son esprit, la grandeur de
ses vues , l'étendue de ses talents.
Celui auquel on ne pouvait assigner
un rang parmi les hommes, en prit
«m parmi les héros , et força la plu-
me de l'histoire d'inscrire une e'pi-
thète honteuse dans ses fastes glo-
rieux. Narsès , conduit dans sa jeu-
nesse, par des fonctions domestiques,
]irès de Justinien , fut bientôt distin-
j^uc par lui. L'art de flatter et de
persuader était un des talents de
l'eunuque. 11 devint successivement
chambeiian et t rèsoricr prive de l'em-
pereur, qui eut lieu d'apprécier aussi ,
dans plusieurs occasions, la force et
la sagesse de ses conseils. Plusieurs
ambassades déployèrent et jierfec-
tionuèrent son habiictéj et, en S^o,
la jalousie des courtisans contre Be'-
Ksaire fît choisir INarsès pour com-
mander un corps de troupes , qu'on
envoyait eu Italie avec le but appa-
rent de soutenir les opérations de
Belisaire , mais avec l'intention se-
crète de les contrarier. Quoi qu'il en
soit, Narscs joigia! B'disaire à Sir-
nùum , et tous deux d'aboi-d serablè-
ranE agir de boa accord. Ils fiient
ainsi lever le siège de Uimini ; mai»
Lieulôt Narsès, excite par les enne-
mis cache's de lièlisaire, affecta àd
blâmer ouvertement ses plans , et
proposa dediviserics forces de î'ar-
mce romaine. Hèlisaire eut i ecours
à l'autorité' de Justinien : une lettre
de l'empereur lui confirma le com-
mandement en chef. Mais INarsès et
ses partisans interprétèrent la volon-
té du souverain dans un sens tOiit
contraire; et, au siège d'IJrbin , il»
se sépareront de lui. On attribua à
cette scission la perle et le sac de
Milan , qui fut entièrement ruine' par
les Goths, en SSg. L'empereur, ins-
truit de ce dèsiistre , prit le jjarli de
rappder Narsès. De retour a Cons-
fautinoplc, celui-ci contin.uâde jor.ir
de la faveur de son souverain. On
peut croire que, pour la conserver si
long-temps dans une cour agitée par
la faiblesse du prince et par les in-
trigues et les passions de deux fem-
mes, telles que l'impératrice Thèc-
dora, et Antonina femme de Bè i-
saire, il fallut une activité d'esprif ,
des moyens et des talents qui n'at-
tciidaient tpi'une occasion plus ho-
norable pour briller cniin de tout
leur éclat. Ce fut, rn 55'2 , que Narsès
fut envoyé de nouvccui dans l'Italie,
qui devant, dès ce moment, le thé.'K
trc do sa gloire. Les aSaires des Ro-
mains y étaient dans un état dé-e-;-
péré. Bélisaire l'avait quittée en 548.
Totila , le plus habile et le plus sage
des rois Goths, cîail tnaitre de Ro-
me et de presque toute l'Italie. Ger-
hi,inu<s, neveu de Justinien, avait
formé une armée, qu'il conduisait
contre les Goths, lorsque la mort le»
surprit. ÎSarsès fut chargé d'en pren-
dre le commandement; mais il exi-
gea d'abord que les préparatifs fus-
sent dignes de la majesté de l'empire
et de ritnporiaîicc de l'entreprise.
Justiiiipn ne rcfusi rien à son favcii.
Dl'S libcralitcs Ijieii cnleiuliics gagnè-
rent à Narsès l'afrection des troupes;
et denoruhreux allies vinrent se rau-
j;er sous ses drapeaux. L'entrée de
i'Ilalie par les provinces de la \é-
nefic, présentait d'cllVayantcs difil-
cnJtés ; des abattis et des inondations
couvraient tout le pays, ^arscs, par
le conseil d'un de ses olHciers, en-
treprit de faire filer ses troupes sur
le bord de la mer , eu se faisant ac-
compagner de sa Hotte, qui côtoyait
la marche de l'armée, pour lui faci-
liter le passage des embouchures des
fleuves. Par cette manœuvre har-
die, il se trouva , ea peu de jours ,
dans Ravenue; et après quelque re-
pos , il partit pour aller chercher
Totila, qui l'attendait prés de Noce-
ra, sur la voie Flamiuienne. Narsès
ofliit , avec hauteur, un pardon (|ui
fut rejeté Gèremont ; et le lendemain
les deux armées se trouvèrent en
présence. Les Goths commencèrent
l'attaque, et se précipitèrent contie
le centre de l'armée romaine , qui
soutint leur choc, en se déployant
jusqu'à ce que, dépassés par ses ailes,
les Gûlhs se virent chargés de trois
côtés à-la-fois. Leur cavalerie , après
des prodiges de valeur, se renversa
sur leur infanterie, qu'elle luit eu dé-
sordre. Au milieu du tumulte, Toti-
la fut percé d'un coup de lance: l'ar-
mée des Goths fut prcsqu'eutièrenjcr.t
détruite; et iN a rses, vainqueur, mar-
cha vers Rome. Pour la cinquième
fois , depuis le règne de Justinien , la
ville des Césars fut prise par la force
des armes: mais prendre Rome dans
ces siècles malheureux, c'était s'em-
parer d'une soiitr.dc, d'une enceinte
ruinée , de la poussière des luorts ,
et des débris méconnaissables des
plus nobles monuments. Narsès y
rappela les habitants qu'avaient em-
KAR
menés les barbares, ou qui s'étnient
réfugiés dans des jnovinces éloi-
gnées; mais un gtand nombre d'en-
tre eux, avant de pouvoir regagner
les murs de leur patrie, périrent Tic-
limes de la vengeance et du déses-
poir des Goths. Ceux-ci se rassem-
blèrent encore des deux extrémités
de l'Italie : les restes de leur armée
avaient repassé le Pô, et choisi,
ïeias , le plus brave de leurs chefs,
pour remplacer et venger Totila La
ville de Curues, dans la Campanie,
recelait les trésors du dernier roi, et
elle était fortement défendue. Narsès
vint en faire le siège; et Teias tra-
versa toute l'Italie pour venir, au
pied du Vésuve , sauver les restes de
sa puissance. Soixante jours se passè-
rent en escarmouches sans résultat.
Abandonné par sa flolîe , et man-
quant de vivres, Teias gagna , en boa
ordre , le sommet du Mont Lactai-
re. IjC désespoir et le besoin le forcè-
rent d'eu descendre , et de se préci-
piter avec les siens au milieu des
bataillons romains. Il y trouva uuc
mort glorieuse: ses compagnons com-
battirent deux jours, avant d'accep-
ter la capitulation honorable que
Narsès leur proposa, en rendant jus-
lice à leur courage. Aligern, frère de
Teias, dcfendit Cumcs pendant plus
d'un an. La saaesse et l'habileté d«
Narsès Iinircnt par en faiie un aliié
des Romains. II montra égalemert
unr généreuse indulgence envers les
habitants de Lucqucs. Cependant la
conquête entière de l'Italie fut refar-
dée p ir une iuvasion des Germiiins.
Sous la conduite de Bucelin et de
Lolhaire, ils pénétrèrent jusqu'aux
extrémités de l'Italie : harcelés sans
cesse par les Romains, ils furent en-
core plus alidiblis par les maladies ,
suite de leur intempérance. Narsès
n'avait pyict entrepris imprudcm.-
NAR
meut de liilfer conlre ce torrent dc-
Vasfalcur; mais quand il aperçut
l'instant où sa fureur se ralentissait,
il rassembla tout-à-conp ses garni-
sons, et en forma une armée redou-
table : a cette nouvelle, Ijiiceiin re-
vint des bords du dcfroit. Il attendit
inutilement son i'rère Lothairc, qui
venait de périr avec son armc'e , j)ar
les maladies , sur les bords du lac
•Benacus. Bucelin et Narsès se joigni-
rent à Casilinum. N irsès déploya la
plus grande habileté dans ses dispo-
sitions ; et le succès les couronna.
Bucelin et son armée périrent sur-le-
champ de bataille, dans les eaux du
Vultnine, ou par la main des pay-
sans furieux. JNarsès victorieux fit
une entrée triomphale dans Rome.
Toutes les villes de l'Italie rentrèrent
successivement sous la puissance ro-
maine. Décoré du titre d'exarque,
Karscs eut l'art de conserver long-
temps la faveur de Justinien, et em-
ploya son pouvoir à rétablir l'ordre
dans les provinces de l'Italie , et à
maintenir la discipline parmi ses
troupes. Il établit des ducs dans les
principales villes. Quelques actes de
sévérité arrêtèrent des émeutes sus-
citées par les Francs et par les Goths.
iSiudbal, chef des Hérules , fut pen-
du par ordre de Narsès. L'itrilie,
cependant, ne put voir ellacer la
trace des fléaux affreux et prolongés
q^i'clle avait soufferts. La misère et
la dépopulation alHigeaient partout
les regards; et il est trop vrai que
l'avarice de Narsès n'était pas pro-
pre à remédier à des maux de ce
genre. Après une durée de qtîatorze
aimées , son administration devint ou
du moins parut tyrannique. Des dé-
putés portèrent à Constantinopicdes
plaintes contre lui. Justin, neveu et
sticeesseur de Justinien, le rappela j
et l'impcratricG Sophie «chvit au
NAR 57-5
vieil eunuque une lettre où les repio-
ohes et l'insulte n'étaient pis épar^
gnés. Narsès furieux .se retira à Na-
})lcs, et vit avec joie les Lombards
menacer l'Italie, et punir le prince
et le peuple de leur ingratitude. Les
Romains , effrayés des progns de
leurs ennemis, ne tardèrent pas à
rcgrettei' celui qui les avait si long-
temps défendus; ils obtinrent du pa-
pe , d'employer sa médiation auprès
de Narsès. Le vieux général ne fut
pas implacable ; il consentit à re-
tourner à Rome, et s'établit au Ca-
pitule, où d mourut peu de temps
après. Les conquêtes des Lombards
firent bientôt sentir la perte qu'on
avait faite. Quelques historiens, cl
notamment Laurent Échard, ont
confondu avec ce Narsès, Naisès le
Persan, qui se révolta contre la tv-
raiinle de Fhocas, et qui, pris en
tr.i bison , fut conduit à Constanti-
no|)!e, et brûlé vif au milieu de la
ville. L — s — E.
NARUSZEWICZ ( Adam-Stams-
LAs), évêque de Smolensk, ]»iiis de
Luck, né en 1783, dans la Lithua-
iiie , est placé au premier rang
sur le Parnasse polonais. S'il pèche
quelquefois contre un goût pur; si^
princi[)aleraeut dans ses Oies, on
peut lui reprocher do l'enflure et
une recherche de mots inusités, qui
dégénère fréquemment en néologis-
me, il a en revanche une force,
une vigueur d'expressions et d'idées
qui en font un véritable poète. Il
fut d'abord jésuite .-après la suppres-
sion de cet ordre , Sianislas-Auguste
l'éleva graduellement aux premières
dignités de l'État et de l'Église. Lit-
térateur érudit et laborieux, il doi:-
ua : I. Une Histove de Pologne ,
6 vol. in-8''., accompagnée de no-
tes fort étendues, et où il cite nu
nombre prodigieux d'auteurs qui
ù:\ NAR
aY.'iieut t'cnt avant ici sur ce pays.
Cette histoire , qui se termine à l'an
i38G , ii'embr;i8sc que les rèjrnes Je
la famille des Piasl. Le ])rfiiiier vo-
l'.ïmc , qui devait contenir les ori-
gines de la naliiiu |i()lonaise et ses
temps fdbulenx, n'a pas e-e publie;
et il est reste' pariai les manuscrits
de l'auteur, avec des matériaux très-
nombreux pour la continuation de
son histoire. ]>c tome ii , publie en
1780 , co.'umonce à lan 96J , épo-
que de l'etabli-^seinciit du christia-
nisme en Polop,()e : le 7' . volume
parut en i ■"86. Une traduction fran-
çaise de cet (mvraj^e . par M. Glcy ,
exisîeenmanu.scritdaiis la bibliothè-
que del'InsliUit, à Paris. ÎI. La fie
de Charles Chodkic-wicz , j^rand
gênerai ou hclman de Luhuanie ,
vainqueur des Suédois, des Russes
et des Turcs, Varsovie, j8o5, 2
vol. in-8''. III. Une Traduciion de
Jacite, 177'i , 4 vol. in-40. IV. La
Description de la 7'an,ide, on His-
toire des Tartares de Crimée. V.
Poésies dii'erseset crir^inales^ telles
[l'A Odes , Satires, dun p;rand mé-
rite, E dogues, Effilres , 4 vol. \ J.
Traduction en vers de tontes les
Odes d'Horace et d'Anacrèon. Vil.
Proroge de Stamslas - Auguste à
Kaniou , en \ 786 , lors de son en-
trevue avec V impératrice Catherine
II. Naruszewicz y avait accompa-
j^né ce prince : sa relation oOre de
bonnes recherches sur l'origine des
Cosaques. Les matériaux , tant on
actes publics et parlicrdiers, qu'eu
manuscrits , qu'il avait rassembles ,
par ordre du roi , ponr servii' à
.l'Histoire de Pologne, et ([u'on a
.trouves après sa mort , arrivée le 0
juillet 1 796 , formaient 36o gros
volumes in - folio. On connaît aussi
de lui des Poésies éro'iques, peu
convenables à son éîat , raais oii
KAR
il fait preuve d'un rare tàlcnî. .S< -
OEuvres font partie du Choix d'au
tenrs polonais^ publié en 'jM vuI.
in-S". , par l'auteur de cet article , k
Varsovie, i8o3-i8o5. M — i.
N.^liVAEZ (.Pampuile de ; , jiurr-
rier espagnol , était né à Valladolid.
11 passa de bonne heure dans les îles
de l'Amérique , que l'on venait de
découvrir, et ne tarda pas à se m-
giia'er par sa };ravoure. En 1,^10 , il
servait sous Esquibel, gouverneur de
la Jamaïque , qui l'envoya avec une
caravelle an secours d'Ojeda, arrivé
par luie suite d'aventures nialheu-
reuse.s sur la côte de Cuba , où il était
jédnit à la dernière extrémité. Nar-
vaez gagna ensuite la conijance de
Diego de Velasquez , gouverneur dç
Cuba , qui le chargea d'aller , en
i5i8, annoncer ses découvertes à la
cour d'Espagne , et y soutenir ses ii-
térèls. Quand Velasqnez eut reconnu ,
en i52o, que Corîèz auquel il avait
donné le commandement de rexi>é-
diîiou du (Mexique, méconnaissait
son autorité, ne lui rendaitpas comp-
te de ses progrès, et correspoiidait
directement avec l'Espagne, où ses
envoyés avaient été bien accueillis
par l'empereur; il résolut d'équiper
une puissante flotte pour ruiner ce
chef audacieux etses partisans. Ayant
rassemblé 800 hommes d'infanterie,
80 cavaliers, et une douzaine de piè-
ces d'artillerie , il nomma Narvaez
pour commander cette armée , et lui
donna la qualité de son lieutenant,
en prenant lui-même celle de gou-
verneur - général , et lui confia se-
crètement l'ordre de s'attacher par-
ticidièrement à se saisir de Corlèz.
Cependant l'audience rovale de Saint-
Domingue , informée de ces prépara-
tifs, eu craignit les suites, et fit j)ar-
lirLuc Vasquez d'Aylcn, pouradrcs-
scr des représcnîalions a Velasquez:
elles furent inutiles; alors Vasquez ,
voulant prévenir une rnpfure iàclicu-
sc . s'embarqua sur la flultc de Nar-
vacz ; elle ciait composée de onze
navires et sept hri£;antins : il mit à la
voile au mois d'avril iHio. et atté-
rit heureusement au Mexique. Mon-
tezuma fut, dit-on, instruit par ses
émissaires, de l'arrivée d'une armée
espagnole , et communiqua celte nou-
velle à Gorlèz , qui crul d'abord que
c'était un renfort qu'on lui amenait.
Narvacz, ayant jeté l'an.re dans le
"port de Saint- Jean d'Ulua , essaya
vainement de gaj^ner Sandoval, cora-
maudant de la Vera-Cruz : celui-ci
expédia les émissaires de Narvaez à
Cortèz, qui apprit aiusi le débarque-
ment d'une armée rivale, la commis-
sion dont Narvaez était charge' ,
et sa marche sur Zampoala. Il en-
treprit de l'amener à des sentiments
pacifiques par l'entremise des Espa-
gnols, que Sandoval lui avait en-
voyés. Les propositions de Cort' z
couroucèrenl tellement Xarvicz qu'il
interrompit celui qui en était por-
teur , et le chassa de sa présence.
Les remonlrauces de Vasqnez n'eu-
rent pas plus de succès : Narvaez le
lit arrè'.er , et reconduire à Cuba , sur
un navire de la flotte; puis , n'écou-
tant que la fougue de son caractère,
il donna l'ordre de puMier .à i'iustant
la "luerrc à feu et à sang; contre Cor-
t"z, de le déclarer trailr;,' à l'Espa-
gne, et de mettre sa lète à prix. Cet
emportement rcfroiiit ses propres
troupes pour ga cause; et lorsque
Cortèz se fut avancé jusqu'à Mo!ali-
quita , bourgade à douze lieiies de
Zampoala, quelques soldats 'le Nar-
vaez vinrent l'y joindre, et Tinior-
nicrent du désordre qui régnait dans
l'armée de leur chef. Toutefois Cor-
tèz tenta encore un dernier effort
pour éviter de CD.nbattrcsej conipa-
'^'r-
iNAS
triotes. Narvaez, de son côt^, dreg-
.sail à Cortèz une embuscade, dans le
dessein de l'enlever ou de lui oter U
vie. Celui-ci fit marcher ses troupes
sur Zampoala, où il attaqua son ad-
versaire, le jour de la Pentecôte, et
le battit. Nar\aez, renversé d'un coup
de pique qui lui creva un œil et le
fit tomber sans connaissance, ne re-
vint à lui que pour se voir les fers
aux pieds et aux mains. Tonte son
armée prit parti pour Cortèz, qui
vint le IrouAcr : « Seigneur capitai-
» ne, lui dit Narvaez, d'un air fier,
» estimez l'avantage qui me rend au-
n jourd'hui votre prisonnier. » Cor-
tèz, choqué de cet orgueil, lui ré-
pliqua sans s'émouvoir : « Mon ami,
)) il faut louer Dieu de tout; mais je
» vous assure, sans vanité, que je
» compte cette victoire etvotrc prise
» entre mes moindres exploits. »
Après l'avoir fait panser soignei'Se-
mcnî, il le fit conduire à Vera-Cruz.
Narvaez revint ensuite à Cuba , où it
resta jusqu'en 1 5'25. A cette époque,
il partit avec quatre cents soldats
pour aller faire un établissement eu
Floride. Il y découvrit la belle baie
de Pensacoia, et voulut s'avancer
dans le pays ; mais n'écoutant que
son entêtement, il mit si peu de pru-
dence dans sa marche , qu'il fut en-
veloppé par les Indiens, et tué avec
tout son monde. E — s.
* N ASER (Abou'l Haçaw ), 3%
princede la dynastie des Samanides,
qui régnait sur la Perse orientale et
la Transoxane , n'avait que huit ans
lorsque son père Ahmed fut assassin
né, l'an 3oi de l'hégire (gi4 de
J.-C. ) EfTraj'é de ce tragique événe-
ment , il crut qu'on voulait aussi le
tuer , lorsque le gouverneur de Bo-
khara le prit sur ses épaules pour
l'offrir aux acclamations du peunie.
Son grand -onde Ishak, prii;Cf de
S-tG
NAS
iSamaïkande, tenla de lui tlisputcr
If trône ; mais i! cchoiia dans son
tntrcprise , et fut conline dans une
prison , pour le reste de ses jours.
6on fils Mansour imita son exemple,
et n'eut pas un meilleur sort. INaser
triompha de plusieurs autres rebel-
les , et parvint à un degré de gloire
et de puissance où nul de ses an-
cêtres et de ses successeurs ne put
atteindre; aussi fut -il surnomme'
Emyr-al-Saïd ( le prince heureux ).
On altribua les prospe'ritc's de son
règne à la piele filiale qu'il signala,
en faisant rechercher et punir tous
les assassins de son père; mais il en
fut aussi redevable à ses auires ver-
tus ainsi qu'aux talents de son sage
■vézyr Abou-Abdallah-Mohammed ,
et aux exploits du fidèle Hamouyah,
son général. Il vainquit les Turks
lioeikes , qui soutenaient les rel,«elh'S ,
et les rejeta au-delà du Sihoun. 11
repoussa les Alydes , qui avalent en-
Tahi le Khoraran et pénétré jusqu'à
ÎJichabuur; et il leur enleva succes-
sivement le Djordjan et le Thabaris-
tan. Les états de Maser s'étendaient
depuis les frontières du Turkestan ,
jusqu'à Réi, que le khaîyfe Moctadcr
lui avait cédée. On priait aussi pour
lui dans le Kerniau , où un prince
de sa faraiile s'était établi. Mais les
révoltes d' Asfar , du fameux Marda-
Vi'idj ( J^. ce nom ) , et des enfants de
Bowa'ih ( V. Imad-ed-daulah ), !ui
firent perdre momentanément ses
possessions les plus occidentales.
Vers le même tera ps , ses frères , qu'il
s'était vu obligé de faire renfermer,
s'étant évadés, pillèrent ses trésors ,
et excitèrent de nouveaux troubles.
Après avoir rétabli la tranquillité
dans la Transoxaue, ISaser ([uitîa
Bokhara, et transféra le siège de son
empire à Hérat, dans le Khoraran ,
afin de surveiller les opérations de la
NAS
guerre qu'il avait projetée pour re-
conquérir ses provinces de l'occi-
dent. Abou-Aly ibn-Molitadj fut
chargé du commandement de son ar-
mée. Ce général , après avoir chas-
se du Djordjan le rebelle îNîakan ,
marcha sur Réi , capitale des états
de Waschmeîîhvr, frère et succes-
seur de Mardanidj. Waschmeghyr
et Makan avaient réuni leurs forces j
mais ils furent vaincus, l'an SiQ de
l'hég. ( 94o-i de J.-C. ), et le second
resta mort sur le champ de bataille.
Naser survécut peu à ses conquêtes.
Attaqué de phthisie, ce prince se pré-
para de bonne heure à la mort. II
fit construire , près de son palais, un
édifice qu'il appela Baith el aha-
det ( maison du culte religieux ).
Vêtu d'un habit de pénitence, il y
passa, dans des pratiques de dévo-
tion, la dernière année de sa vie.
C'est pour cela rans doute qu'on lui
a cpielquefois attribué l'établissement '
des derviches. Mais la liste de ces
ordres monastiques chez les Musul-
mans , donnée par Mouradgea , dans
son Tableau de l'empire Ùthoman,
prouve qu'il y en avait qr.atre qui
existaient déjà avant le règne de ÎSa-
ser. Ce prince , par sa clémence ,. sa
justice, sa libéralité, sa prudence,
son amour pour les lettres, et la pro-
tection qu'il accorda aux savants , a
été regardé comme l'un des plus il-
lustres monarques de son temps. Il
mourut, l'an 33i ( q43 ), après un
règne de plus de 3o ans , et eut pour
successeur son fils, Nouh I*^"". A-t. .
NASER - ED- DAULAH (Abov-
MoUAMMED AL HaÇAN ), foudatCUT
de la dynastie des Hamdanides, fut un
des premiers ambitieux qui s'érigè-
rent en souverains , à l'époque de la
décadence du khalyfat. Ce fut l'an
3'23 de l'hég. ( 935"^de J.-C. ) , qu'il
se rendit tout puissant à Moussoul «t
«lans plu.sicut.s autres ])l,icrs lU' I.i
Mosopol.iinie, qncsoiiaimil ilauidaii
et sou pcie Abou'l-Hiilja -Abdallah
avaient posscHces avant lui ; il les
recouvra , en faisant pdrir sou oncle
Ahou'l-Ola, qui les avait obtenues du
khalyfel\aLlliy-l5illaIi,niovciinantun
tfibul. Force de quitter Moussoul ,
pour ccliapper à la veuf^eanee de
Radhy , il lit sa paix avec ce klia-
lyle , qui lui rendit ses états. Alors
Haçan céda Mciafarekin et le Diar-
Lekr à sou frère Abou'1-Iiaçau-Aly ,
célèbre depuis, sous le nom de Stif-
edd;vulali , par ses noiubrcuscs ex-
péditions contre les Grecs. L'an 3i'j
(gS»)) , liitçan fut encore oblige de
fuir à l'approche du klialyfe et de sou
e'myr al oiurah ; mais il revint à
Moussoul , après leur départ. Mol-
taky , frère et successeur de Uadliy ,
cbassé de Bai^hdad par le rebelle
Obeid-Allah al Baridy , l'an 33o
(t)i'i) , s'enfuit à Tekrit , d'où il en-
voya sou fils et l'cmyr al omrah
Ibn-Raick à IMoussoul , implorer le
secours de Haçan. Celui-ci reçut le
1)rince abbasside avec les plus j:;rands
ionneurs, fit assassiner Ibn-Raïek,
et alla au-devant du khalyfe, qui lui
conféra la dignité et le manteau d'e-
myr al omrah , avec le titre de
Naser-eddaulah , et celui de Séif-
eddautah à Aly , frère de llaçan. Le
premier acte du nouvel éuiyr , après
avoir ramené le khaiyfc à Baglidad ,
fut d'y rétablir sur l'ancien pied la
monnaie , dont la valeur nominale
avait été haussée de plus d'un quart.
Mais ce ne fut qu'un tiait de poli-
tique ; car ayant donné sa lilh; au
fils de Motlakv , il exigea un douaire
de 1 5o raille dinars ( \ 5oo mille fr. ) ,
ciuiisa les caisses publiques, et s'em-
para de tout le nutiiéiaire qu^il put
trouver. Sou avidité excita une sédi-
tion parmi les milices turkcs , qui
.<A.5 ,G;7
le forcèrent de retournera Moussoul
l'année suivante , pillèrent son pa-
lais, et fairiircut mettre eu pièces
son frère Séif-eddaulah , qui com-
mandait à Waset. N'iseï - iddaulah
revint bientôt à Baglidad, exigea en-
core du klialyie l^oo mille dinars ,
sous ])rélexle de les distribuer à ses
troupes , pour les encourager à re-
})ousser les Tui ks; mais dès qu'il eut
celtesominc, il abandonna Baghdad,
le khalyfe et la ciiaige d'émyr al
omrah . à la discrétion de Touroun _,
leur chef ( F. Mottakv ). L'an 334
(()4^>), il entreprit de chasser de
Baghdad les Deylemites , qui oppri-
maient à leur tour le khalyfe. ?»laitre
de la ftioitié de la ville , il leur dis-
puta l'autre partie -, mais après une
guerre fort longue , dans laquelle il
perdit deux fois sa capitale , et fut
obligé de se réfugier auprès de sou
frère à Alep , il lit la paix , et con-
seutit à payer tribut a Mo(^zz-cd-
daulah ( F. ce nom ). 11 eut aussi à
résister aux Grecs, qui, profitant dé
l'avilissement du khalji'at , et des
troubles excités par les ambitieux
(pii déchiraient Femjure musulman ,
recouvrèrent une partie de la Syrie
et de la Mésopotamie. Le chagrin
qu'éprouva Naser - eddaulah , l'an
356 , de la mort de sou frère Sii\î-
eddaulali , émyr d'Alep, changea
son caractère et aflecta sa raisoiu
Il devint dur, avare ; et son humeur
chagrine le rendit iusuppoitable à sa
famille et à ses olliciers. Abou-Tag-
lab , son fils aine , le fit renfermer
dans son château, et s'empara du
trône. Cet attentat produisit , entre
les princes Hamdanides , une guerre
dont le vieillaixi ue vit ])as la fin. Il
mourut eu raby i*^'". 358 ( février
(jGf) ) ; et , dix ans après , ïxs états
passèrent sous la domination des
Bowa'idcs ( F. Adhad - ldu wcab \
373 NAS
— NASi:R-EnDAULAn (Abon'l -Ha-
çan Aiy ), arrière prtiMifvon fUi prc-
cèlent , de'poiiille de sc« clafs d'Alcp,
dès sa plus tendre cnratice, l'aii-Sgr
(looi), se relira en Egypte, oîi il
Ïarvintaux plus cmineutes dignités.
1 joua le premier rôle pendant les
troubles qui aç^itèreul le règne du
kh.dyfe Mostanscr ( F. ce nom , pag.
a55 ci-dessus), et fut enfin massacié
l'ail 46 J ; « 070) , avec ses deux frè-
res. Son corps fut mis en pièces ;
et chaque morceau fut envoyé à
l'une des villes de l'empire des kka-
lyfes Fathémides. A — t.
NASH (Thomas), poè:c anglais
du seizième siècle, né à Leosloff",
dans le comté de Suflblk, a montré
du talent dans le genre de la satire.
Comme la plupart des poètes satiri-
ques , il passa sa vie dans l'indigence
et le malheur ; il fat lié avec Robert
Green, et il était un des convives du
festin où ce bel-esprit débauché ga-
gna une indigestion mortelle. Nash
abjura la satire vers la fin de sa vie,
devint même d'une piété édifiante,
comme ou peut le supposer par uu
petit écrit de sa composition intitulé :
Les pleurs du Christ sur Jérusalem.
On cite de lui Diclon, tragédie; Vo-
lonté cleniicre et testament de VEte',
comédie; l'Ile des Chiens , comédie;
et un pamphlet qui a pour titre
Pierre sans le sou ( Pierce penny-
less) , écrit avec beaucoup d'empor-
tement contre le monde, qu'il accu-
sait de ses malheurs. L.
NASMÎTH (Jacques), savant
anglais , né vers 1740, fut recteur
de Leverington , dans l'île d'Eiy ,
et mourut eu 180S. 11 est auteur de
2jlusieurs ouvrages estimés, et entre
autres des suivants : I. Les Itinérai-
res de Syjnon .fils de Siméon ; et
de Guillaume de fVorcester. 177H.
ÏI. Truite sur Us vers léonins ,
NAS
1778. 11 a donné, en 1 787 , une édi-
tion nouvelle de TVott.ifl monaAicay
de l'évèq'-ic Tanner, à laquelle, il a
joint quel(j es sermons , et d'autres
écrits d;i même auteur. L.
NASR-AI,L AH. r. Ibn Alatsvr.
NASIIEDDYN-HADJA, fabuli«,ic
turc, que sf s fables ont fait surnom-
mer l'Esope turc , par les écrivains
nationaux , vivait à Yf'uishcir dans
la Natolie , lorsque Tamerlan vint
apj)orter dans ces contjées le fléau
de la guerre. Ses concitoyens durent
la clémence de ce terrible vainqueur,
à l'intercession de l'ingénieux Nasr-
eddyn. Sa vie prouve qu'il avait au-
tant d'originaliié dans l'esprit, que
de prudence et d'adresse dans la
conduite. Le trait que nous allons
rapporter, d'api es Ganterair , qui
dit l'avoir tiré d'un livre turc , ea
fait foi. Les habitants de Yénishcïr
se préparaient à résister au prince
tartare ; Nasruddin n'eut pas de
peine à les en détourner , en offrant
d'aller comme ambassadeur au de-
vant de Tamerlan : prêta partir, il
chercha quels présents il mettrait à
ses pieds , et se détermina pour des
fruits : « Mais, dit-il en lui-même,
» uu conseil à demander n'engage à
» rieu ; il faut que je consulte ma
» femme. » 11 s'agissait de savoir s'il
présenterait des figues ou des coings.
La femme penchait j)our les coings,
comme étant plus gros et plus beaux,
et ne pouvant pas manquer de plaire
davan'age. « il n'est jamais bon, » se
répondit Nasreddyu , « de suivre le
» conseil d'une femme : » il empor-
ta des fig'ies, et n'eut pas lieu de
s'en repentir. Tamerlan apprend que
le célèbre Nasreddyn est arrivé en
ambassade dans son camp , et il le
fait venir deva/it lui. L'Ésope turc
était chauve ; il aiTccta de s^tppro-
cher uu-lête du souverain ta: tare ,
NAS
qui , maigre toiite sa ç;loire , était boi-
teux.: cHiii-ci r(;5:;aid.i le panier tic fi-
gues avec Micpris , et orJoiinj qu'on
les jetât l'uuc après l'aulrc à In tèle
de Njsreddyii. Sans doule , le spiri-
tuel cl l'acclioux. ambassadeur avait
j)rep.ire cette coiuëdie; car ou l'en-
tendait répétera chaque coup: « Dieu
» soitlouel » TiTuerlanvoulutsavoir
tie quoi il remerciait le ciel. — C'est
répondit gravement JNasrcddyn, « de
» ce qu'il m'a empêché de suivre le
» conseil de ma l'oinme : elle voulait
» que je t'apportasse des coings au
» lieu de ligues ; et certainement , si
». ces figues , que tu rue fais jeter au
» visage, se trouvaient des coings,
» j'aurais la tète biise'e î » Le tigre
sourit, et >'asreddyn commença ain-
si à l'apprivoiser. Celte fauiiliaritë,
dont les exemples et le danger sont
si communs dans l'Iiistoire, ne fut
pas fimeste à Nasredtlyn; elle prouve
à-la-fois son esprit et son adresse ,
mais console aussi l'humanité, en ne
présentant pas Tamerlan seulement
comme un monstre, toujours ivre de
sang, et digne en toute occasion de
l'exécration des siècles. S — y.
NASSAFI ( Nagmeddin ). Fgj.
Omar.
NASSAU'Engeldert, comiedc),
gouverneur de Brabant, était, disent
les vieilles chroniques, un seigneur
vaillant, sage et prudent sur tous
autres de son siècle, bon soldat et
grand capitaine. Il rendit d'impor-
tants services a Charles, dérider duc
de Bourgogne, prinripaicinent dans
la guerre contre les Gantois révoltés,
et fut nommé p;.r ce prince , en
1473, clicvaiicr de l'ordre de la Toi-
son d'or. Engelbert fut fait prison-
nier à la bataille de Nanci , où Char-
les périt avec la fleur de sa noblesse
( F. Charles- LE -Tjlméraire ) ; et
dès qu'il eut acquitté sa rançon , il
NAS 579
se hâta d'aller ollrir l'isominagede
sa fiflélité a 1.1 jeune et u>jiJiciireuse
héritière de B ourgogur , qui épousa ,
bientôt après, Maxitridien {F. Ma-
rie, XXVIl, 125;. 11 se signala, en
1479, à la balailie de G'iinegale,
et eut la plus grande part a'! résultat
de cette journée, par l'habiicléavec
laquelle il exécuta df-s charges de ca-
valerie, qui erapèeliercut les hran-
yais de se rallier. Après !a mort d«
Marie, il continua d'otie hoi.oré de
la confiance de Maximilien. Ce fut
Enge!berlqi'.i épousa seerèîeineut,aii
no:a de ce prince , Aune , duchesse de
Bretagne : il viut ensiute à la cour
de France réclamer I^rirguerite d'Au-
triche, que Charles V lii avait répu-
diée pour épouser Anne ( f^. Mae-
GUERiTF. , XXVIl , 36 ) ; et il signa,
en I io3 , le traité de Senlis, par le-
quel Maximilien renonça au vain ti-
tre de duc de Bretagne, pour être
mis en p(!S.sessic'n du lesfe de l'hc-
ritagede Bourgogne. Engelbert, tou-
jours fidèle à son souverain, ne cessa
de combattre pour aficrmir la domi-
nation de l'Aulriche d-ins les P.ijs-
Bas; mais l'histoire lui reproche
d'avoir couîeillé des mesures violen-
tes , dans l'unique Ijut de s'eniicbir
des dépoiiilles de ma! heureux que
ses vexations avaient pyi tés à la ré-
volte. Il mourut sans postérité, eu
1 5o4 ( 1 ) r ^*- fi>t enterré dans l'église
cathédrale de Breda, où l'on voit
son tombeau , orné de quanîiiâ
de figures et d'iuseiiptiuns. On a
prétendu que les statues d'Enge'bert
et de la princesse de Badeii , sou
épouse, et deirx des statues placées
aux angles de ce monuimut, étaient
l'ouvrage de ]\ïichel-Ange. VV — s»
(i) Et non p.is r ^p'i .cominc rn le dt tl.msle Dic-
UnnnaLte de .\îuiv ri; erreur qu'où iTanriiil p&s rel.--
Tée , s; e'Je ii'avaU fiasse Jaus Ks Diugiwjilncs plm
!<;•;< ules.
3î..
5»a
NAS
NASSAU (Guillaume de) V.
Orange.
NASSAU ( Maurice de), l'un
des |)lus grands ca|»ilaiiR'S des temps
modcnics , c'iait le second lils de
Guillaiinie de Nassau, prince d'O-
ran[;e, fondateur de la i épniiliquc de
Hollande. Il naquit en 1567 , au
château de Dillenl)ourg; et il ache-
vait ses e'tudes à Leyde, lorsque son
père tomba sous les coups d'un as-
sa.ssin ( V. B.ilt. Gérard ). La re-
connaissance que les Hollandais con-
scrvaieut des services de Guillaume ,
les décida à choisir Maurice pour gou-
verneur. Les provinces qui avaient
re«"-ouvre' leur indépendance, étaient
disposées à tous les sacrifices, plutôt
que de retomber sous le joug de l'Es-
pagne. Elles offrirent en même temps
la souveraineté à la France et à l'An-
gleterre. Elisabeth la refusa ; mais
elle fit passer dans les Pays-Bas une
armée sous les ordres de Dudlcy,
qui obtint une autorité , au moins
égale à celle du stathouder. La va-
uité de cet indigne favori révolta tous
ceux qui approchaient de sa person-
ne; son incapacité acheva d'aigrir
les esprits : on l'accusa de trahir à-
la-foisles intérêts de l'Angleterreet
ceux de la Hollande; et il sentit bien-
tôt la nécessité de s'éloigner ( /^. Duo-
LEY, Xll, i3G). L(" grand-pension
jiaireOlden-Banievf !dl présenta Mau-
rice comme l'homme le plus propre
à défendre la liberté que son père
avait conquise : ce héros n'avait que
vingt ans ; mais on oublia, et il fit
promptement oublier sa jeunesse.
il gagna l'affection des soldats , eu
v£illantsur leurs besoins et en adou-
cissant leurs privations , qu'il par-
tageait ; il rétablit la discipline
dans l'armée , et releva son cou-
rage par quelques succès qui étaient
dus uniquement à son habileté. Pi'o-
NAS
fitant de l'éloigucment du duc de
Parme, envoyé en France, par
Philippe 11, pour appuyer les pro-
jets des ligueurs ( f^oy. Farnese ,
XIV. 173), \\ tomba sur les Es-
pagnols à l'improviste , et leur en-
leva plusieurs places importantes.
11 s'empara , en 1 5yo , de Breda .
au milieu de l'hiver, par une ruse;
informé que la garnison n'était coau-
posée que d'Italiens , peu habitués
aux rigueurs du climat et de la sai-
son, il fit entrer dans la place un
bateau chargé de tourbe, où étaient
cachés soixante hommes, qui lui ou-
vrirent les portes du château. L'an-
née suiAMnte , il ))riL Zulphen . Deven-
ter, Hulst, Nimègue; en iSqî . il se
rendit maître de Groniugue , et mit
le comble à sa réputation par la belle
défense d'Ostcn le , dont le siège coû-
ta aux Espagnols plus de soixante
mille hommes, et cent millions. 11
vint, eu 1600, attaquer l'archiduc
Albert devant Niouport; ayant ren-
voyé les bateaux qui avaient amené
ses troupes : « Com])agnons , « dit-il ,
aux soldats , « il faut passer sur le
>) ventre aux ennemis , ou boire toute
» l'eau de la mer. » Cette courte ha-
rangue enflamma les Hollandais , qui
demandèrent à marcher au combat.
L?s Espagnols furent culbutés et mi»
en déroute; leurs canons, leur ba-
gage et plus de cent drapeaux res-
tèrent au pouvoir du vainqueur. Les
campagnes suivantes de Maurice ne
furent qu'une chaîne non interrom-
pue de succès. Les Espagnols deman-
dèrent la paix; mais le prince d'O-
range , prévoyant qu'elle diminuerait
son influence, ne parut pas disposé
à la leur accorder. Oideu-Buneveldt
remontra qu'il était temps délaisser
respirer les peuples accablés du far-
deau de la guerre depuis quaiante-
deiix ans; et q«.^ d'ailleurs la Ho!-
NAS
lande n'avait plus aucnn inltiict à
faire la guerre à l'Kspagnc, qui re-
connaissait son indc'pcridancc. Mai-
gre l'opposition de Maurice , une
trêve de douze ans fut signée en
1G09; mais il ne pardonna pas au
grand-pensionnaire d'avoir déjoue'
pyir-la SCS projets ambitieux : il
.essaya d'abord de l'amener à ses
vues par les promesses les plus se'dui-
.santes;inais voyant qu'il ne pour-
rait jamais y réussir, il devint son
ennemi déclare, et ne chercha plus
que l'occasion de se débarrasser d'un
.censeur importun. On a vu, à l'art.
Barneveldt, comment, sous le iVi-
vole prétexte d'une dispute théolo-
gique sans intérêt comme sans im-
j)ortancc, le cruel Maurice fit traîner
à l'échafaud un vieillard, son bien-
faiteur, qu'entourait la vénération de
toute l'Europe; et l'on sait qu'il ne
tint pas a lui d'envelopper dans la
même proscription , le s ivaut Gro-
•,tius {V. ce nom ), et les autres par-
tisans d'Arrainius : mais ce fut inu-
tilement que Maurice dégrada son
noble caractère, en se montrant vin-
îlicalif et cruel. La mort de Barne-
veld , en révélant son ambition, lui
ôtail les moyens de la satisfaire. Les
Hollandais qui n'avaient vu en lui
que le protecteur de leur indépen-
dance, changèrent de sentiment; et
il eut plus d'une fois l'occasion de
s'apercevoir combien il était hai, La
trêve qui durait depuis si long-temps
au gré de son impatience, expirait
en i6'ii. Les Espagnols opposèrent
alors à Maurice, Spiuola , l'un des
premiers hommes de guerre dans un
siècle qui en compte un si grand
nortibre ( V. Spinola ). Obligé de
lever le siège de Bergopzoom , il
prit Brcda, en 1623, tandis qtie le
stathonJer tentait inutilement de
^'emparer de la ciladellc d'Anvers.
NAS î>fii
Le chagrin que Maurice conçut de
ce double échec , acheva de ruiner
sa s intc , aiï'aiblie depuis long-temps;
et il mourut a la Ii»yc, le u3 avril
de la même année , à l'âge de 58 ans.
Frédéric-Henri, son frère, lui suc-
céda dans la dignité de stathoiider.
Le portrait que l'abbcRaynal a tîacé
de Maurice , n'est qu'une suite d'an-
tithèses plus brillantes que justes.
L'historien du Stathouderat le com-
pare à Moutecucculi, à Vauban , au
prince Eugène, au duc de Vendôme ,
au grand Condé, à Charles XII et
à Turenne : si Maurice eut réuni
en ellet toutes les qualités qui dis-
tinguent ces grands généraux, il ne
faudrait pas hésiter de le placer à la
tête des capitaines anciens et moder-
nes ; mais il est évident que' Maurice
n'a pas pu posséder au même degré
la sage circonspection de Moutecuc-
culi , et la fougue impétueuse de
Charles XIL On doit donc se bor-
ner à dire qu'il eut de grandes qua-
lités comme homme de guerre , et
qu'il donna dans toutes les occasions
des preuves décourage et d'habileté.
Maurice avait fait une étude particu-
lière des mathématiques et de la for-
tification ; il imagina un pont pour
le passage des rivières, et ditrércuts
moyens pour hâter la réduction des
places qu'il assiégeait. 11 ne cultiva
point les lettres , mais il encouriigea
les poètes; et l'on sait qu'il récom-
pensa par une médaille d'or, Théo-
phile, qui lui avait adressé une od«
sur la bataille de INieuport. L'ouvra-
ge intitulé : Généalogie et la 1 tiers
de la maison de Nassau, Leyde ,
i6i5, in-fol., avec cartes et llg. ,
contient le récit des exploits de Mau-
rice, qui romportt trois victoires eu
bataille rangée , prit trente-huit vil-
les fortes, quarante-cinq châteaux,
et fit lever douze sièges. Oa trouvera
582 NAS
des détails curieux sur son caractère
dans les Mémoires de Louis Aubery
du Maurier , P;iris , 1G87 , i"'^^'
W— s.
NASSAU-SIEGEN ( Jean-Mau-
BiCÉ , prince de ;, l'un des j)lus vail-
lants capitaines de son temps, était
petit-îilsde Jean, comte de Nassau,
dit le Fieil, cliei de la brauche de
Dillenbourg. Ne en iGo4, il se mon-
tra , dès sa première jeunesse, pas-
sionne pour la gloire , recherchant
avec empressement toutes les occa-
sions d'en acquérir. Le prince d'O-
range l'avant nojnniè, en i636, ca-
pitaine-gene'ral des possessions hol-
Luidaises dans ic Brésil, il s'y rendit
aussitôt, et, a peine deioanpie, tom-
l)a inopinément sur les Portugais,
auxquels il enleva plusieurs places
importantes. Persuadé qu'avec une
partie des troupes qu'il avait ame-
îices , il viendrait à bout de chasser
les Portugais du Brésil, il envoya
«u d-élachcmcnt i uiiicr leurs établis-
sements sur la cote d'Afrique , et
conlinua d'étendre ses conquêtes ,
aide des naturels du pays , qui se
(léclarcrent bientôt pour le vain-
queur. ÎManrice éc!<oua cependant
devant Sijn- Salvador, dont il i'ut
o!)!igc de lever îe siège , après avoir
perdu ses meilleurs officiers. iMais
ayant reçu des renforts, eu iti38,
et la flotte des Portugais et des Es-
pagnols ayant été presque entièrc-
iî:C;it déiniiîe par celle des Hollan-
dais , à la vue de la baie de Ïous-Ies-
Saints, U guerre recommença dans
le Brésil , avec un acharnement de
part et d'autre et une cruauté si gran-
ule, que les généraux furent obligés
de régler , par une convention spécia-
le , la manière dont on se battrait à
l'a^^enir. La nouvelle de la révolution
qui éleva la maison de. Bragance sur
ic ;iôiiedel-orti!g:(l, étaut (urveuuc
NAS
ail Bre'sil, Maurice, qi-i prévoyait
que les Portugais ne tarderaient pas
à s'iuiir aux Hollandais contre les
Espagnols, se pressa d'agrandir ses
conquêtes , persuadé que le traité
laisserait les deux nations en posses-
sion des pays qu'elles se trouveraient
posséder au moment de la signature.
Afin d'occuper les aventuriers que
l'espoir du butin avait attirés sous
ses drapeaux, il leur persuada de
faire une excursion dans le Chili,
et proGta du loisir que lui don-
nait la trêve avec les Portugais ,
pour visiter le Brésil et eu examiner
les productions naturelles les plus in-
téressantes ( V. Marggraf, XXVII,
i3 , et G. PisoK ). Après avoir ré-
glé toutes les a llaires du Brésil , Mau-
rice repassa en Hollande, en 1G44,
rameuant une flotte chargée de ri-
chesses. H y fut accueilli avec une
pompe extraordinaire, et, en récom-
pense des semces qu'il avait ren-
dus à la république , fut nommé
gouverneur de Wesel et général en
chef de la cavalerie hollandaise. L'é-
lecteur de Brandebourg l'établit en-
suite grand-maître de l'ordre ïeuto-
niquc , et le fit gouverneur du duché
de (jîèves ; ii embellit cette ville, et
y établit un jardin magnifique, dont
Voltaire a donné une description
charmante dans son Fojci'j^e à Ber-
lin ( tome XII de l'éd. de Kehl , in-
8". ) Ce jjriuce mourut , le uo dé-
cembre iG'jg. Gasp. Baërle a écrit
en latin V Histtire du Brésil, sous
le gouvernement de Maurice de iNas-
sau ( F. B lEP.Lt; , III , 'jo'j ). Ou con-
serve à la bi'dioth. royale un Ouvra-
ge de la main de ce prince, en 2 vol.
in-fol. , q.ii contient les animaux les
plus rcmarqi.iables de l'Amérique
méridionale , dessinés et enluminés,
avec de courtes descriptions. Blocl»
a donné une Notice sur ce prccicu^
NAS
manuscrit , dans la préface dp In 6*.
partie de sou Ichlhyolo^ie^ ou il a
insère les fij^nrcs dr plusieurs pois-
sons, d'.iptrs les dessins originaux
du jirijice iManrioc. VV — s.
NA8.S\U-S1K(îI':N ( CmnLFS-
Hknri Nico[.AS-0rHO\, piincc oic ),
célèbre par sa vie aventureuse , ap-
partenait à la brandie catholique de
Siégea , et naquil le S janvier \']i\^).
Sa légitimité lui fut contestée; et le
bruit qu'il devait taire dans le mon-
de, eominença par un procès. Enia-
nuel-Ignace, son aieul, avait épou-
sé GharloUc de Mailly de Nesie :
celle-ci avait donné le jour à un fils ,
]Vîaxiinilien , dont elle déro'ia la nais-
sance à sou mari, et qu'après la mort
d'Emanuel - Ignace, elle lit réins-
crire sur les registres de l'état-civil ,
sous le nom de Nassau-Siegen. Le
conseil aulique de Vienne avait refu-
sé de reconnaître Maxiniilien en
celte qualité, et s'obstinait à ne voir
dans Charlotte de Mailly, que l'imi-
tatrice des scandales de sa famille.
( i) Le tuteur du jeune Nassau , objet
de cet article, porta ces débats au
parlement de Paris, qui, par arrêt
du 3 juin 1750, se déclara pour la
légitimité. Le conseil aulique reganla
cette décision comme non avenue j
il ne l'avait pas attendue pour dis-
poser en faveur d'un autre, des biens
de la maison de Nassau, situés en Al-
lemagne. Sans cette injustice, dit le
prince de Ligne, Nassau eût dépen-
sé sur des sangliers, peut-être sur des
braconniers , sou fougueux caraclè-
le, jusqu'à ce que son goût pour le
danger l'eût averti de ce qu'il pou-
vait valoir à la guerre. Mais la né-
cessité de se créer un état , lorsqu'on
(1) Elle élaltlHnle de la duchesse de Chaleaiiioui
»t rfe SCS :œnrs( V. r.HATEAl HOOX , VU, ïj3 , et
NAS
583
lui refusait re'ui auqiel il avait
droit, lui (it cbcrchtr unr -^doirc an-
ticipée : volontaire à quin7X' ans,
puis, ai(Ie-de-eaui|) de la phis belle
espérance, lieulenant d'infanterie,
caj)i!aiiic de dragons, il s'éloigna du
champ de bataille, poui- suivre Bou-
giinville, dans son voyage autour
du monlc (176G-69). Il se délassa ,
comme lui , dans les bras de la rei-
ne d'Olaiii , s'enfonça dans les dé-
serts de l'x^frique , avec le chevalier
d'Oraison , compagnon de tous ses
basards ; et son combat avec un ti-
gre , ajouta , à sa réputation d'intré-
pidité, celle de dom[)teur de raous-
tres, A son retour en Europe , il s'at-
tacha au service de France, en quali-
té de colonel d'infanlerie. Eu 1779,
il essaya , sans succès , de siupreudr©
l'ile de Jersey. L'Espagne en guerre
avec l'Angieîene lui offrait l'occa-
sion de se signaler. Le siège de Gi-
braltar aîiirait tous les regards : Nas-
sau y vole , monte une des batteries
flottantes imaginées par le cbevalier
d'Arçon ; et it échappe aux dangers
de celte tentative désastreuse , où il
s'était exposé, ])lus que personne. Le
roi d Espagne lui donna, eu récom-
pense , trois millions en cargaison
de vaisseaux , avec le brevet de ma-
jor-général de son armée, et recon-
nut ses droits à la grandesse de pre-
mière classe. Partout où le canon se
faisait entendre en Europe, Nassau
accourait et ollrait sou bras. Cathe-
rine Il , éblouie de sa valeur et de
ses présomptueuses promesses , lui
coniia le commandement d'une esca-
dre destinée contre les Turcs. Il atta-
qua , en 1783, sur la mer Noire,
avec des galères et des ba,'eaux plats,
la iiotte, Lien supérieure , du capitan-
pacba , s'empara de quelques vais-
seaux , mit le feu aux auties , et dans
deux ou trois combats pareils , uc-
0»if
NAS
truisit enîièremcDt les forc?s iiavn-
JcsqiTC lui opposait la Porte. ChiIk--
^iiu; récompensa gcnereiiscmeiit les
yirtoires de son-vice-ainiral. 11 avait
obtenu l'incligcnat en Pologne , et y
a'\ait contracté un riche maria'^e
avec Charlotte Godzka , fille d'un
Ta'ivodc de Podlaquie , et ferurne di-
vorcée du priureianf;;usko. I/impc-
ralrice de Russie, qui ne songeait
point encore à l'envahissement delà
Polof:;ne , choisit Nassau pour aver-
tir les cours (le Vienne, de Versail-
les et de Madrid, des projets de Fré-
dérir-G'iillaiiine sur Thorn et sur
d'antres points du territoire de cette
république. En mars 1790 , elle lui
demanda de noiiveau\ triomphes sur
mer. Nassau battit d'abord la flotte
suédoise, sur les cotes de la Fin-
lande, l'enferma dans le golfe de
■Viborç; , et se crut maître un mo-
ment de Gustave III , qu'il avait en
•tète ( V. Gustave, XIX, '}.'^^ );
mais , par une attaque inopinée de
ce prince , il vit sa ligne forcée , ses
galères coulées à fond, et perdit
44 bâtiments. Cet échec le dégoûfa
probablement de la gloire militaire;
peut-être aussi sa magnanimité se ré-
voltait à l'idée de servir une coali-
tion qui avait démembré la Pologne,
et de s'opposer aux prodiges nudti-
pliés des armées françaises pour
l'indépendance de leur pays. Quel
autre motif en cfret,eût enchaîné
son activité , pendant une époque
aussi brillante en faits d'armes que
la rcvolnlion ? 11 ne fut pas même
tenté par les exploits de Somvarow.
Paul 1*='., qui lui montrait peu d'esti-
me , lui continua néanmoins ses ap-
pointements après la mort de Ca-
therine. Nassau ne fit plus que vova-
ger fu Europe : à l'époque du traité
d'Amiens, ses souvenirs et le désir
de yoirde près l'horame eitraordi-
naire qui avait hérité d'une sanglan-
te anarchie, l'amenèrent en Franco.
.Quelques années après , Nassau a ter-
miné obscurément sa carrière. Le
prince de Ligne , plein de son en-
gouement pour tout ce qui environ-
nait Catherine , a fait de lui un
brillant portrait; si l'on s'en rap-
porte à un autre peintre sans pré-
vention ( le duc de Lévis ), « le prin-
ce de Nassau, grand et bienfait,
avait une physionomie peu expres-
sive , que ne démentait pas son es-
prit. Ses talents étaient aussi médio-
cres que son intrépidité était gran-
de. Ses voyages militaires, si prorapts
et si rapides , ressemblaient assea
aux courses des paladins; et quand
il arrivait de quelques cinq cents
lieues , revenant de se battre , ou y
all^-nt, on s'attendait à voir un che-
valier de la table roiide; il parais-
sait : adieu le roman ; sa présence
désenchantait; point d'éclat, point
de brillant , pas même de vivacité ;
son abord était froid, ses manières
communes, et sa conversation plate.
Avec la plupart des qualités qui com-
posent les héros , il n^a laissé que la
réputation d'un aventurier ; et pen-
dant sa vie, il eut plus de célébrité
que de considération. » La princesse
de Nassau, exaltée par une imagina-
tion romanesque , était parf;iitement
assortie à son mari. On s'amusait
dans les salons de Paris, du sang-
froid, delà gravité avec laquelle elic
débitait les histoires les plus incroya-
bles : son ame ardente se trouva
mieux à sa place à Varsovie ; elle y
seconda de toute son énergie les ef-
forts des patriotes Polonais, et elle
emporta le regret d'avoir vu suc-
comber leur cause. Dans le cours de
la révolution française, e!le accueillit
delà manière la plus noble un grand
nombre d'émigrés. F — t.
NAS
NASSER ( ABou'f.-D.ioiouscu ) ,
quatrième roi de Gronatle, do la
dyiiaslic des Nasscridos, monta sur
■le trône l'an -joBil*' riH'<:;ire ( i3o8
de J.-C), à l''^?;^ ^^'^ viiij^t- trois
ans, après en avoir chasse son IVoro
Mehemed III { Foj\ co, nom). La
richesse dr sa taille , la béante de ses
traits, le luxe recherche de ses vê-
tements, avaient scdnitlc peuple. que
la vie retirée et les indrinitcs de IMe-
licmed avaient rebute. Nasser joi-
gnait d'ailleurs à ces avantages phy-
siques , des qualités qui distinp;uent
les grands princes: alFalOe, doux,
juste, libérai , il aimait la vertu et
ceux qui la pratiquaient. Il avait fait
de si grands progrès dans l'astrono-
mie et la gnomonique , sous Abou-
Ahdallah beu al - Racam , le plus
grand mathénjaticiende son temps ,
qu'il dressa lui-mèrac des tables as-
tronomiques fort exacîes , et qu'il
construisit une horloge avec une
grande précision : mais ces talents,
ces connaissances, n'étaient pas con-
venables à un souverain , surtout
dans des circonstances difficiles. Sa
révolte contre son frère avait brisé
tous les liens de l'état, et fut la cause
de tous les raallieurs de son règne.
Pendant que la guerre continuait en-
tre les deux princes , les Chréfiens
prolilèrent des troubles qui agi-
taient le roj^aiimc de Grenade. Fer-
dinand IV, roi de Gastille , prit Gi-
braltar, et mit le siège devant Al-
gésiras , tandis que Jacques II , roi
d'Aragon , après avoir taillé en
pièces les Manies , investissait Alrae-
ria. L'hiver, et l'or du roi de Gre-
nade, déterminèrent ces deux prin-
ces à renoncera leur entreprise. iNas-
ser n'en Ait pas pins tranquille. Sou
cousin Abon'l-Walid-Ismaël, prince
de Malaga, prit les armes contre lui ,
et fut reconnu roi par ses partisans.
NAS 58,-;
Le vézyr de Nasser , g.fgné par les
Gliréliens, excitait des troubles dans
les autres parties du royaume, et jus-
que dans la capitale. Kn vain ce
piiuce reçut des secours d'Aîfonsr
IX. roi de Casti!ie;en vain il triom-
pha des séditieux qui l'avaient as-
sailli dans Grenade : ceux-ci allèrent
se ranger sous les drapeaux d'Is-
maël, qui se présenta bientôt de-
vant cette ville , et s'empara de l'an-
cienne citadelle. Nasser s'était ren-
fermé dans l'Alhambra; il fut obligé
de capituler le 2ç) chawal 718 (16
février i3i4); il abdiqua la cou-
ronne, qu'il n'avait portée qne cinq
ans , et s'étant l'etiré à Gnadix , il y
vécut dans des anxiétés continuelles
jusqu'à sa mort, arrivée le i() nov.
i3i>,. ï! fut enterré à Grenade , au-
près de ses ancêtres. A — t.
NASSER-EDDAULAH. r. Naser.
NASSER-LEDIN-ALLAFI(Abou'l-
Abbas Ahmko VI ), 34". khalvfe
abbasside, fut proclamé à Bagltdad ,
l'an de l'hég. 570 ( 1 180 de J.-G. ),
après la mort de son père Alostat'y,
par les soins da véxyr Thaliir-ed-
dyn , ministre intègre et sage, qu'il
sacriiia bientôt à la haine de IMedj-
eddyn, auquel il accorda toute sa
conliancc. Le règne de ?^asser fut de
quarante-sept ans ,• terme auquel ije
parvint aucun khalyfe légitime. avant
£t après lui; mais ce prince , uniqi.'c-
ment occupé du soin d'amasser des
trésors , prit fort peu de part aux
grands évéucmciils qui eurent litii
de son temps. Il sut ménager avec
ailresse tous les potentats musul-
mans , et surtout le célèbre Saiadin ,
dont les exploits el les vertus soute-
naient seuls la gloire de l'islamisme.
Il le conilrma fl.ms la dignité d'émyr
al omrah, dans la souveraineté de
l'Egypte et de la Syrie , et lui donna
le titre do s.ultliau ^ F. SAi^\Dii> )•
i86
NAS
Toutefois, à l'exemple de ses prédé-
cesseurs, il s'efforça d'abattre la
puissance des Seldjoukides, et favo-
risa la révolte de Kizil-Arslau, ala-
LekderAdzcrbaiiijan, contre le snl-
ihan Thogroul III ; mais ses troupes
furent mises en déroule, en 584
( I 188), par ce dernier ( F. Kizil
Arslan et ïiioGRouL m ). Pcudant
le siège d'Acre par les Croises, il
envoya deux charges de naphte ,
avec des artificiers destines a s'en
servir, pour brûleries machines des
lihre'tiens. Lorsqtie la défaite et la
mort dcThogroul eurent fait passer
6OUS la domination de Takasch , siil-
than de Kliarizm , ce qui restait en
Perse de la puissance seJdjonkide,
le khalyfc envoya une armée pour
enlever l'Irak Adjcm au gouverneur
que ce prince y avait laissé; mais
son général ayant été battu , l'an
591 ( I iç)"") ), par le snithan, il fut
obligé de renoncera ses jîrétcntions,
et de sanctionner cette nouvelle dy-
nastie ( V. TAK.\scn ). Il refusa de
s'immiscer dans les querelles des fils
de Saladin , et préféra recouvrer
le Khouzisfan, et les autres provin-
ces maritimes de la Perse méridio-
nale, livrées à l'anarchie depuis la
destruction de l'empire seldjoukide.
L'an6i4 ( i'ii7 ),il fut sur le point,
non-seulement de jierdrc lekhalyfat,
mais de le voir passer dans la famil-
le d'AJy. Mohammed, fils et succes-
seur de Takasch, irrité contre Nas-
ser , attaqua tont-àla fois son auto-
rité spirituelle et temporelle ( F.
MoUAMMKD AlA-LDDVm), Ct lui
enleva toute Ja Perse occidentale,
INasser faisait déjà de grands prépa-
ratifs poiu" soutenir v.w siège dans
Baghdid, lorsque la rigueur de la
saison et le manque de vivres forcè-
rent le sullhau à retourner dans ses
Éîatb. [.ekiiulsfc trouva uu vengeur
NAS
dans le fameux Djenghyz-Khan, dont
on prétend qu'il sollicita le secours.
Mais en appelant les Tartàres contre
son ennemi, il attira sur l'empire
musulman la tempête qui , plus lard ,
dev.'iit écraser sa propre famille ( V.
Houf.AGou et MosTASEM ). Sur la
fin de ses jours, Nasser Ledin-AUah
ayant perdu la vue et la raison , une
de ses feinnacs , secondée par un eu-
nuque, contrefaisait sa signature, et
gouvernait l'éaf. Le vézyr fut ins-
truit de la fraude par un médecin
chrétien , à qui cette indiscrétion
coûta la vie. Le khalyfe raeurut le
!•''■. chawal 6ii ( G octobre \vx^
de J.-C, ), dans sa soixante-dixième
année. Ce prince était Chyitej c'est
pourquoi il a été jugé diversement
];ar les historiens musulmans : les
uns l'ont accusé d'avoir été injuste et
avare ; les autres ont vanté ses gran-
des qualités et sa magnilicence. Ce
qu'il y a de certain, c'e.-.t qu'il laissa
des richesses immenses , quoiqu'il
eût fondé un grand nombre de mos-
quées , d'hôpitaux , de collèges et de
caravanserais. Baghdad, la ville la
])lus populeuse et la plus séditieuse
de l'Orient, devint la plus sûre et la
plus tranquille, par l'excellente police
qu'il y établit : il sut faire respecter
son autorité au-dedans et au-deliors,
reculer les frontières do ses états , se
maintenir sur nu troue en décaden-
ce, pendant un très-long règne, au
milieu de circonstances difûciles ; et
cela ne suppose ]>as un prince sans
mérite et sans talents. II eut pour
successeur son fils Dhaher Biamr'
Allah. A— r.
NASSER-MOHAMMED ( Meur
Al-), 9". sulthau mauilouk d'Egyp-
te et de Syrie, de la dynastie des
Bahrites, était fils de Kelaonn, et
n'avait que neuf ans lorsqu'il succé-
da, l'an O93 de l'hég. ( l'-iQJ de J.-
NAS
Ci. ), à son iVÎTc Kli.illl. INhis Kd-
boglia, qui j;oiivfiniait prndaiit sa
ininorilc, le icic^^iia Itieiitot dans le
rli.ilcau de Karak, et s'empara du
troue, ri ont il fut liii-inèuu- ciias.se
|iar Iiadjyn( ^. Kulaoun , Kiialil-
AscnHAF, KkTCOGIIA et liADJYN ).
JNasscr y fut rappoie après la mort
de ce dernier, eu OgS ( r^if)i) ). Les
Tarlares-Mogliols, alors maîtres de la
Perse, n'avaient pas renoncé à leurs
projets sur l'Esjypte. A peine le sul-
than venait d'y rétablir la train|nillitc
parla réduction de qnekjucs èinyrs
rebelles, qu'il fut oblige de marcher
en Syrie pour s'opposer aux troupes
de Gbazan-Khan ( f^. ce nom ).
Ayant rencontié les Tartarcs près
d'Hemesse , le •>. i décembre 1 299 ,
il perdJt la baiaille , et se saisva
en Rp;ypte, abandonnant la Syrie
au pouvoir des vainqueurs. Les ra-
vages qu'ils y commirent , excitè-
rent le repentir des émyrs , qui les
avaient appelés uniquement pour se
venger de Ladjyn. i^a clémence de
Nasser envers ces derniers lui fut
tiès-utile. Il prit sa revanche sur les
IMoghols ,dans K^s plaines de Damas,
le '2^ avril i3o3. Après une bataille
qui dura deux jours, le sulthan rem-
porta unie victoire complète. Les
ennemis perdirent quatre-vint^t mille
hommes, outre un grand nombre
qui fut tué en fuyant, ou (jui se noya
dans l'Eufrate^ et Ghazan, leur sou-
verain , étant mort peu de temps
après, Oldja'itou, so/i successeur,
s'e/n pressa de concîi'.re la paix avec
lesAlamlouks. Ces triomphes, céié-
brésavec nue magnificence inconnue
même en Égvplc, furent suivis de
nouveaux succès obtenus sur une tri-
bu rebelle, qui fut détruite dans le
Saïd , et sur le roi do la petite Armé-
nie, dont les états fyrent livrés au
pillage, (^ueljiie tcjups auparaxùiil ,
NAS 587
Nasser, en représailles des incur-
sions (pic le j oi de Cypre , Henri
II, avait faites sur les cotes d'E-
gvpte avec le secours des Hospi-
taliers et des Templiers , équipa
une fbttlc, et chassa ces derniers de
l'ile d'Arad, près deTiipoli. Tran-
quille siu" ses frontières, Nasser se
vit encore en butte aux factions exci-
tées par les ambitieuses prétentions
de ses éniyrs. Pour s'adiauchir de
leur joug, il feignit d'entreprendre
le pélerir.agc de la Mekke , et retour-
na au château de Karak, d'où il en-
voya son abdication, av.^c les orue-
menis royaux, l'an 708 ( 1809 ).
Mais cette démarche, loin de le dis-
cre'.iler, le rendit plus cher aux
peuples de l'Éj^ypte et de la Syrie.
Les trésors qu'il avait trouvés à Ka-
rak, TaidèreiU à gagner les gouA^r-
neurs des principales villes de cette
dernière province , qui se déclara
pour lui. Ëibars II, qui avait été'
proclamé s ulihau au Caire, vit jour-
nellement diminuer son parti ; et
Nasser parvint aisément à faire ar-
rêter ce faible rival, dont le règne
n'avait pas duré onze mois entiers
( r. BiBARS 11 ). Après lui avoir rc-
prociié sa révolte , il ordonna de
l'étrangler en sa présence ; puLs in-
terrompant l'exécution, il l'accabla
de nouvelles invectives, et donna
enfin le sis^nal de serrer tout à-fait lo
cordon. Etant ainsi remonté sur le
U'ôue pour la troisième fois, le sul-
tliau s'y afferjuit eu disgraciant ou
eu faisant périr tous les émyrs qui
lui étaient suspects, et en contenant
dans de justes boriies l'autorité de
ceux qui étaient restés (idèlcs. Ce
fut alors qu'il eut occasion de dé-
ployer les talents et les qualités qui
l'ont mis au premier rang des souve-
rains de l'Egypte. Elcau des grands,
t!. cuiiiparablo, sous ce rapport , ù
588 NAS
Louis XI, il fiU le bienfaiteur tics
peuples. Il abolit quelques inipôls;
et diminua les autres. Il protégea les
arts, principalfiueut l'agriculture,
et lit exécuter des travaux iiuinenscs
pour opérer le dcIViclicuient des
terres incultes de l'Egypte , et aug-
menter la fertilité des autres parties.
Il fil élever des ponts , des digues ,
percer des routes, et creuser une iu-
liuilé de canaux, entre autres , celui
d'Alexandrie , qui fut achevé en qua-
rante jours. Il embellit ses états de
monuments vastes et somptueux ,
parmi lesquels on peut citer la gian-
de mosquée et le palais du Caire. Il
y employa des colonnes d'une gran-
deur prodigieuse , qu'il tirait de la
Tlieba'ide. Eufiu, sous son troisième
règne , qui dura près de trente-trois
ans ( terme que n'atteignit aucun
sulthau d'Éi;ypte , avant ni après
lui ), cette contrée parvint presque
au même état de population, de ri-
chesse et de prospérité que sous ses
anciens rois. Nasser - Mohammed
s'occupait sans cesse des plus minu-
tieux détails de la police et de l'ad-
iniiiislration. Il savait le nom , l'ori-
gine de tous ses Mamlouks , l'époque
où ils étaient venus en Egypte, le
marchand qui les avait venclus , leurs
années de service, etc. Il les récom-
pensait libéralement , et assignait des
terres aux invalides. Les chrétiens
de ses états eurent seuls à se plain-
dre de lui. Dans un incendie qui con-
suma une partie du Caire, en iSai ,
et dont ils furent accusés d'être les
auteurs, parce qu'on surprit deux
moines qui se sauvaient d'un collège
où l'on prétendit qu'ils avaient jeté
des matières combustibles, le peu-
ple massacra quelques chrétiens, en
demandant à grands cris que tous
les autres fussent exterminés. Le sul-
tiian sacrifia plusieurs de ces mal-
heureux à la fureur publique, afin
de sauver les autres , qui furent as-
sujetis à ne porter que des turbans
bleus , à ne monter que sur des ânes ,
à n'entrer aux bains puLlits qu'a-
vec une sonnette au cgu. Us furent
cxclusdes charges, et l'on ferma leurs
églisesel leurs monastères. Plusieurs,
pour se soustraire a ces avanies, pri-
rent le bonnet jaune des Juifs; d'au-
tres embrassèrent I islamisme. Nas-
ser-.Mohammed ne laissa pas toute-
fois, à la demande du roi de France,
Philippe de Valois, d'accorder, en
1340. îa gHtde du Saint-Sépulcre
aux Cordeliers, qui Vont conservée
jusqu'à nos jours. Les armes de ce
sulthan pénétrèrent aux extrémités
de l'Arabie; ses états s'étendaient
jusqu'à Malathiah et Anah sur l'Eu-
frate. Comblé de prospérités , adoié
de ses sujets, respecté de ses voisins,
lié par des relations de politique et
de commerce avec tous les poten-
tats musulmans , Nasser - Moham-
med mourut, en 'j4i ( '34» ) , dans
sa cinquante-huitième année, après
avoir régné en toutenvirou quarante-
quatre ans. Il laissa une nombreuse
postérité, qui occupa le trône jusqu'à
la fin de la dynastie des Bahrites;
et il eut pour successeur, son fils
aillé, Aboubekr, auquel, avant de
mourir , il avait fait prêter serment
de (idélilé par ses émyrs. Ce prince
est appelé Claudius , par Sanut ,
nom corrompu de Kelaoun, qui était
celui de sen père. A — t.
NASSIR-EDDTN ( Abou-Djafar
MoHAMMiiD BEN Haçan ), célèbre as- ^
trouome persan, cité quelquefois par
les Orientaux sous le simple nom de
Khodjah (docteur ), naquit l'an 597
de l'bég. ( l'ioi ) , à Thous, dans le
Khoraçan;ccquilefaitassezfréquem-
jnc'i-.t désigner par le surnom à'.-tl
TLoussy . Ou ue sait rien sur leb pre-
NVS
micrcs années de sa vie, qu'il em-
Sloy.i sans doulo à voyager , et à e'tii-
ier les auteurs forces. Étant venu
habiter le ('-ouhcstan , il trouva uu
Mccciie dans le j^ouvornciir de eetle
province, ancinel il dedi.» un Traite'
de morale, iulitidé, Akhlak al Nas-
siry, dans lequel il a ressemble tout
ce qu'Arislote et Platon ont eeril sur
la sagesse (i). H adressa aussi une
ode à Moslasem, khidyle de Bagli-
dadj mais comme il avait oublié de
mettre la suscri[)tion , Au khalyj'e
de la surface de la terre ^ son pro-
tecteur le fit incarcérer , pour faire
sa cour à l'orgueilleus. Mostasem, et
Pcnvoya comme otage, dans le clià-
teau d'Alamout, auprès d'Ala-eddyu
Mohammed, prince des Ismaéliens
ou Assassins. Nassir-eddyn y demeura
jusqu'à l'époque où Rukn - eddyii
Kliour-Cbah, (ils et successeurd' Ala-
eddyn, fut oblige tie cédera la puis-
sance des Moghuls, l'an 634 * -i^G).
Rokucidyn, avant de renheses châ-
teaux et sa personne à Houlagou,
hii eiuMy I Nassir-ed lyu qui amion-
ça au ciiuquérant que la chute des Is-
maéliens était écrite dans les astres.
Flatté de celte prédiction , qui se réa-
lisa bientôt, Houlagou retint le kho-
d^ali dans son camp, le combla de
bienfaits et de distinctions, et l'ad-
init au nombre de ses favoris. Les
renseigne inents et les conseils que
Nassir-eddyu donna à ce prince , lui
furent fort utiles pour le succès de
sou expédition conlre Baghdad ( V^.
Houlagou ot Mostasem). Houlagou,
devenu maître de la Perse, chargea
Wassir-eddyn de faire construire uu
observatoire à Meragah , dans l'Ad-
zerbaidjan, d'y réunir tous les livres
el les instruments nécessaires; le mit
à la tcle des astronomes qui y furent
attachés , el lui conlia la .surinten-
dance de tous les collèges établis dans
son empire. Les fondeiucnls de cet
observatoire furent jetés en djonraa-
dy !•='■. 6^7 ( avril ou mai l'-i^Q).
Nassir-eddyn dirigea l'observatoire
de Méragah pendant douze ans ;
il mourut le i8 dzoulhadjah G-j'^
(.25 juiu 17.74), et fut enterré à
Baghdad,selonAbou!-Fe la. Les nom-
breux ouvrages de ce khodjah attes-
tent son érudition et son activité. Ses
connaissances embiassaienl toutes les
malières. I-es Orientaux le placent
surla première lipinedc leurs savants,
et l'égalent à Ptoiétnée, dont il avait
traduit, coranicnlé et corrigé le TV-
tra bihlon el VAliiiageste. Il a écrit
sur la théologie et la jurisprudence
des Musulmans; sur la philosophie, •
l'économie politique, la métaphysi-
que, l'histoire naturelle, la géogra-
phie, la médecine, la géomancie.
Mais c'est surtout comiiie astrono-
me et m. ithématicien, que Nassir-ed-
dyn s'est rendu illu.^tre. Il a perfec-
tionné plusieurs instruments anciens,
partit uliers à ces deux sciences; et
il en a inventé de nouveaux, exé-
cutés par lui-même-, ou d'après ses
modèles (i). Il fut chargé aussi
de diriger la construction d'une
mosquée, et de faire mouler l'eau
jusqu'au sommet d'une montagne,
par des procédés hydrauliques. IVas-
sir-eddyn n'était pas moins re-
commandablc par ses qualités mora-
les et sociales que par sa vaste éru-
dition. On trouvera de plus grands
détails sur la personne elles travaux
de ce savant, ainsi que la liste d'un
(i) Oii trouve uiif analyse de cet uuvrage daus le
tbme l^*". des Mémoires ( l^ransnctions ) de la sot-ié-
tc littéraire- de lWnb»f,( J«i»h. der stu:, mcit^iliai,
(1) (>5 i istriiru-iits.iIuEit cnpeurvoala desirip-
tii)u (l.iiis r/As/oi/v de t'iistiviioinie rlu moyen dgc,
paj;. ■f.no, el^ueul ev bo.s , U prumittni lit |i>u dÎ!
piecwiou U — ;.— K.
590 NAS
grand nombre de ses ouvrages, dans
le Mémoire sur Vohscrvaluire de
Méragah , par Jourdain, Paris,
j8io, iii - 8". (tire du Mw^asin
enc)clnp,^ i8of), vi, 43 0187.) On
a publie à IiDmc, dans la célèbre
imprimerie des Medicis , la Iraduc-
tion arabe des treize livres dc5 Elé-
ments d'Euclide , avec un commen-
taire, parNassir-eddyn, iîJ()!^,\ï\-ïo\.
de 4 '33 pae;. (i) Mais c'est principa-
lement par ses fameuses Tables II-
Jihaniennes { Zeidje-Ilkhaiij) , fruit
de ses observations astronomi(|ues, et
re'snme' de celles qui avaient cLc faiîes
avant lui, (jue ce savant a immorta-
lisé son nom et la mémoire tics deux
princes auxquels il les a dédiées
(Honlagoti et son fils Abaca, sur-
nommés Ilklian ). La bibliothèque
royale en possède un exemplaire,
d'autant phis précieux , qu'il est écrit
de la main d'Asyi-eddyn, fds de ce
grand astronome :-2). Greaves a tra-
duit en latin et publié à Londres, en
1652, une Table des longitudes et
des latitudes, extraite des Tables II-
khaniennesde Nassir-eddyn; et on les
a reproduites en 1711, dans le tome
III des Petits géographes. A — t,
NASSUF-PAŒA. F. Nazouh.
NATHAN , rabbin , président de
la synagogue deBabylone , et ensuite
de celle de Jérusalem , vivait dans le
second siècle, et était contemporain
de Rabbi Siméon bon Gamaliel. Nous
avons de ce savant docteur Mischni-
(0 \.n (Jf rnièrp |)ase oftie , en liirc, le |)iivllr;;e
<3mul!h':.n Amuiat m , pourla veuU- du livre d iiis
• iius les étiils ulhouians C'est par erreur que l'abbé
de Kossl a cru que l'DucJùlc arabe im]iri[]iB ;• Scu-
tari , au roiiîuicucenicnt ilu dlx-ueuTième siècle ,
élalt ime rcimpressiciu de la Irailuctum df Nassli-
cddyn. M. Sylvestre de Sacy nous apireud ( ;>/ug.
emrcl.,iSi!f, I ,7.96 ) , que celle édition de Scuta-
i-i, imprimée l'au de l'hegire 121G (1801} , est uu nu-
•vrage tout à-lait diff'eieut.
(a) CeslabUi,qiii uut ëlé commonfc'es par Cbili
Cliulgius , supposaient le luouvemeut de picctsiiou
a uu d. gré eu 70 ans.
NAT
que : Pirhè avblh ( Chapitre des
pères ) , imprimé dans le Talmudde
Babylono. François Taylor, minis-
tre de Canterbury, traduisit cet ou-
vrage en latin, c: !c fit imprimer avec
le texte en regard et des notes expli-
catives, Londres, iG5i , in-4". D.ns
l'épitrc dédicatoire , adnsséeà Jac-
ques Uslier , arclicvcqiic d'Armagh ,
il avoue que ce livre de Natlian avait
été traduit autrefois par Fagius et par
Drnsius, mais que i'impossibiliiéde
se procurer ces ti-aductions lui avait
fait entreprendre I;i sienne, différente
de la leur en jjltisieurs endroits. II.
Massecheth cwhih ( Traité des pè-
res), imprimé avec le précédent dans
le Talmud. Taylor en a donné une
traduction latine, Londres, iGj4j ^'^•
4°. On a élevé quelques doutes sur
l'authenticité du Massecheth avbth.
Mais Taylor nous semble les dissiper
complètement. Ces deux traités de
Nathan sont estimés des Chrétiens et
des Juifs, notamment le premier,
dont on admire la pureté du style ,
quia eu un grand nombre d'éditions ,
et a été traduit en plusieurs langues ,
suivant l'abbé de Rossi {Dizionario
storico degli aulori ebrei , tome ii ).
NATHAN-BEN-JÉCHIEL , pré-
sident de la synagogue de liome, dis-
ciple de Mo'ise Adarsan , vivait dans
le onzième siècle, et mourut en 1 1 oG.
Les écrivains de sa nation font le plus
grand éloge de son savoir et de sou
mérite. 11 est célèbre par un Diction-
naire talmudique , intitulé : Ariich ,
qu'il finit cinq ans avant sa mort , et
par lequel il a obtenu la qualification
de Baal Ariich [auteur du Disposé).
Ce lexique sert à expliquer chaquo
mot des deux talmuds , qui se trouva
à la marge, par ordre alphabétique.
Il a eu un grand nombre d'éditions^
dont lapremièreestcellcde i48o,in •
NAT
fol., sans claie, iiicoiiinic à ions Icsl)!-
l>Iio;^fa|)lics , cxc('j)lc .tu s.ivaiU al)l>c
de iiossi , qui eu a ilounc une des-
criplioii (Ic'lalllee dans ses Annales
heh.-lyp., pa;;. iJt3-4 : les aiilns
éditions sont celles de Pesaro, 1^17,
ia-t"ol. ; Venise, i53i , in - 4". ,
i553, info!., iG53 , in-fol. ; Bàlc,
\5{)[) , in-fol. , par les soins d'isaac
ben iMoise ; Amsterdam, avec des
additions de Bcniatiiia Mussapliia ,
ib.Tj , in-fol. Philippe d'Aqiiiu l'.i
perfcclijnne et irapriiiid à Paris ,
\(yx\) y in-fol. On a un supplé-
ment de r . Iruch dans \çiVeiix mains
de )\lenalieiu de Ijonzaiio. Il existe
aussi un abrège de V Aruch, {Ariich-
Katzer , ) Cracovie , iJQ-i ; Cons-
t'uitinople , 1 5 1 1 , in-4°- , décrit dans
la Continuation des Annales liéhréo-
typogiuphiijues de Jean Bernard de
Rossi , |)age 5; Prague, 1707. Quant
aux imitations ou traductions , v')y.
Wolf , lUblwth. heb. L — c — e.
NATHAN , autrement RABBI-
ISAAC-NAÏIi.\N , vivait dans le
quinzième siècle. Il est le premier des
Juifs, dit Richard Simon, « qui ait
fait une concordance hcbra'ique de la
Bible. II la composa sur la latine
d'Arlot, ge'nèral des Cordeiiers, de
sorte que les Juifs sont obliges aux
Chrétiens des concordances qu'ils
ont maintenant , et qui sont abso-
lument nécessaires pour eutendre
la massore ou critique du texte hé-
breu. » Cette concordance a été im-
primée sous le titre de Meir IVeliv'
( Lumière des sentiers ) , Venise ,
i52 4 , suivant Wolf et Richard Si-
mon, et non i5':i3, comme le dit
l'abbè deRossi ; ib. t5()4 , in-fol. ;
Bàle, i:58i. Calasio la fit réimprimer
à Rome , avec des additions considé-
rables , 1620; etRuxtorf, à Bàle ,
l63i , dans un meilleur ordre et avec
de nouvelles additions : elle a étéauisi
NAT
Sqi
traduite en latin par Reuculin , et
abrégée par (lillérents philologues
( r.'Wolf). Rab:.i Nathan a com-
posé encore : I. Mea dahberiin
( Cent paroles ). II. Mivlzar Itz-
chak ( Fovtijicalion d' Isaac ) ; dis-
pute avec un Chrétien. 111. Toca-
ckad Mathe ( F.éf'utation d'un sé-
ducteur ) , contre Jérôme de Sainte-
Fui. Ces trois ouvrages sont manus-
crits ( r. Wolf , Bihliolh. hebr. , et
de Rossi, Bibliolhccn giudaica anti-
crisii'ina , p. 7(5-77 ). Le nom de
IMardochce, qu'on lui a donné f[uel-
quefois , a été l'occasion de plusieurs
méprises sur sa personne et sur se5
ouvrages. L — b — e.
NATHANAEL. F. B-iRTutLEMY
( Saint). lîl. 440-
NATIVITÉ, Jeanne Le Royer,
dite la sœui* de la ), fille d'un la-
boureur de la Ch.ipeUe-Sanson, près
Fougères,naquitle 24 janvier I73'2,
et entra comme domestique, à l'â-
ge de dix-huit ans environ , d^ns
un couvent de religieuses de Sainte-
Claire, appelées Urbanistes, à Fou-
"ères : elle obtint eusuile d'èîre re-
eue sœur converse, quoiqu elic n ap-
])ortàt rien en dot. Elle fit de grands
progrès dans la vertu ; et en mêuie
temps, elle se crut favorisée d'ap-
])aritions et de révélations. Ses pre-
miers confesseurs tachèrent de la
détourner de ces voies extraordi-
naires; mais un nouveau directeur,
donné à la maison en 1790, l'abbë
Genêt , «ncouragea au contraire la
sœur , et écrivit ce qu'elle lui ra-
contait de ses révélatiiuis. La révo-
lution força cet ecclésiastique de
passer en Angleterre, et la sœur fut
(>b!igée de quitter son couvent : elle
se retira chez son frère , puis cliez
nu pieux habitant de Foup,ères, qui
lui ulTrit un asile, et chez lequel eiie
mourut le 1 5 août i79y, dans les
t^y^
NAT
.srnliinents de |;iclc' qu'elle :\\\àt
jrionUc's toute sa vie, L'abbe Gcn.t
n'avait point leuu secrètes en Au-
gtctcrre les révélations de la sœur de
la Nativité; il cunimuuiqua >oii nia-
uuscrit , et eu doniîu des copies. Les
uiis approuvèn ut ces rc'vclalions , et
crurent y voir îles preuves de véri-
té; d'autres suspendirent leur juj;;e-
meul sur les vivions et les ])rédic-
tioH.s qui rcnijdissaient l'ouvrage.
L'abbé Genct, clam revenu en Frai-
ce après la mort de la sœur, reeuei!-
lit encore de nombreux luanusciils
qu'elle avait dictes. Il mourut su-
bitement en 1817 , laissant ces ma-
nuscrits à un aiiii , qui les A'endit
à- un libraire de Paris. On en lit une
première édition, en 3 vol. in - 12 ,
M3US le titre de fie et révélations
delà sœur dt la Nalivilé. Ij'ouvra-
ge est compose d'un Discours prc-
lim'naire de l'abbc Genel, pour
iViontrer que la soiur était ins])iree ;
^'uii Abré<^é de la vie de la sœur ,
par le même ; d'une Fie intérieure
de la sœur, écrite ou plutôt dictée
par clic; de ses liévelaùons . qui
sont aussi nombreuses qu'extraordi-
naires. Elle raconte beaucoup de
choses sur l'état futur de l'Lglise et
sur la fin du ujonde. Il ) a certaiue-
lUcnt daus le livre des détails et des
assertions qui olircnt quequc priseà
la critique; mais i! y a aussi des mor-
ceaux pleins de ];iète et inèmc d'e-
Ic'vation. Le troisième volume est
compose de ]neces fort diverses ,
entre autres d'un Recueil d'autori-
tés en faveur de l'ouvrage ; d' Ob-
servalicns àc Genêt, dans le même
seîis , et d'une Relation faite par
lui des huit dernières années de la
vie de la sœur. En 1819 , il a pan»
une seconde édition de la Vie et ré-
vélations de la sœur; elle est en 4
vol. , dans les deux furnialb in - b"".
NAT
cl in -12, l'éditeur ayant ajout*;'
nu quatrième volume, lempli eu
entier par un nouveau Suppîcnici.t
que la sœur avait dicte, dans les
derniers temps, aux religieuses qui
étaient daus sa confidi nce. Il a paru
une Analyse et ini Examen de cet
ouvrage , dans VAnii de la leli^ion
cl du roi ( xxui , 3i i , 385 ; xxiv ,
1 93 ). L'auteur discute le pour el le
contre, et donne les raisons qui lui
paraissent motiver quelque de'liance
sur un sujet si délicat. Son jugement
à ctc attaque dans une Réponse de
mon oncle sur la censure des réi>élu-
tions de La Nativité., 16 p. iu-8". ,
.>aus indication d auteur, de lieu (<u
d'année. Cet écrit n'a point paru
tiès-foit , et l'auteur convient au sur-
plus que tout n'est pas vrai dans les
révélations de la sœm; voyei aussi
la Chronique religieuse, tome m,
])ag. ^46. — Une autre sœur Jeanne
de la Nativité, ursuline, est auteur
du Triomphe de l'amour divin, dans
la vie de la benne Armelle , Paris ,
1 G83 , in- 1 'i . P — c — t.
NATOIRE (CûARLLs).peinire,
directeur de l'académie de Fiance
à Rome, naquit à Nîmes le 3 mars
1700. Formé dans l'atelier de Le-
movue, dont on a prétendu qu'il
n'avait guèi e pris que les défauts , il
tint cependant de boime heure un
rang distingué daus l'école fran-
çaise avant qu'un de ses propres
élèves, Yien , l'eût ramenée à l'é-
lude de l'antique , au goût de la sim-
plicité el à l'imitation de la nature.
Ce ne fut pas dans ses leçons que
cet illustre discijile jiuisa ces prin-
cipes. Quand celui-ci parlait de tra-
vailler d'après natuic, le maître ne
le comprenait pas ; el il lui paraissait
surtout impossible que la nature eût
pu fournir les modèles des figures
placées si'.r le second et sur le Iroi-
NAT
sième plan des tableaux exe'ciite's sui-
vant le nouveau .svïtcine. Quoi qu'il
en soit , le principal mérite de Na-
toire consistait dans la conecliou
du dessin, bien qu'on ait dit qu'il le
possédait à nu dcjjre plus eiuinent
sur le papier que sur la toile. On
reproche à son coloris d'élre géné-
ralement faible et j^ris. Toutefois ses
partisans ont compare, même sous
le rapport de la couleur, son tableau
d'un Ange arrachant la flèche de la
plaie de saint Sebastien aux meil-
leurs ouvrages du Guide, sous lequel,
au reste, l'art avait déjà dégénère. Ses
lobleauxles plus estimés sont ceux
qui ornaient les appartements du pre-
mier étage du château de Versailles ,
un salon de l'hôtel de Soubise, et la
chapelle des Enfants - Trouvés de
Paris. On fait cas aussi des peintures
dont il a décoré en partie les pan-
neaux entre les fenêtres du cabinet
des médailles et des antiques de la
Bibliothèque du roi ; mais la plupart
de ces productions ont été retou-
chées, et n'ont rien gagné à cette opé-
ration. Le burin des plus habiles gra-
veurs , tels que Fcssart , Aveline ,
J.-J. Flipart, élève de Laurent Cars,
etc. ,areprodiiitles])lus renommées.
Après avoir été, pendant près de
vingt ans, à la tête de l'académie de
France à Pvoine, où, successeur de
Troy, il fut remplacé par \ienj il
quitta cette direction en 1775, soit
que son âge ne lui laissât pbis assez
de force et d'activité pour un tel
cmpîoi, soit que l'abus qu'il y avait
peut-être fait de son autorité ne
})ermît pas qu'il en conservât plus
ong-temps l'exercice. Partisan zélé
des Jésuites , il avait accueilli , avec
nue bienveillance particulière, ceux
de leurs écrivains qui étaient venus
chercher à Rome un refuge contre
les poursuites des parlements. Le
NAT 5o3
fameux abbé de Caveirac, son com-
patriote , qui avait surtout obtenu
sa confiance, exerçait sur son es})rit
l'ascendant le plus al'solu. Ce fut dit-
on, sous l'influence des coiiseils de ce'
dernier, que Nat^ire osa prendre sur
lui d'expulser de l'acadériiie un pen-
sionnaire du roi, nommé Mouton,
pour ufavoir pas rem[)li le devoir
pascal. Le jeune ariiste se pourvut
au Cliàte et contre une décision aussi
violente et aussi illégale; et, après
plusieurs années de débats judi-
ciaires , qui accablèrent de dégoûts
et de ridicules la vieillesse de son
adversaire, celui-ci fut condamné à
20,000 francs de dommages -inté-
rêts. Exclusivement occupé, depuis
cet événement, de pratiques de piété,
Natoire termina sa carrière à Cas-
telgandolfo, à la fin du mois d'août
1777. V. S. L.
NATTDAG ( AuELSON ) , séna-
teur de Suède dans le dix-septième
siècle, était d'une famille qui passe
pour la plus ancienne du pays, et
qui est maintenant éteinte. Le sa-
vant Jean Messenius dirigea ses
études. 11 fit ensuite un voyage pour
les perfectionner, et fut employé à
sou retour par Gustave Adolphe dans
plusieurs circonstances importantes.
II parvint à apaiser une émeute qui
s'était élevée dans la province d'Ù-
pland, a l'occasion d'un impôt ordon-
né pour subvenir aux Irais de la
guerre d'Allemagne; et il lit rentrer
le peuple dans le devoir sans eiFu-
sion de sang. I a dignité de sénateur,
celle de maréchal du royaume, et
le tilre de baron, récompensèrent ses
services. Il mourut en itijj, lais-
sant quelques ouvrages en latin :
Dissertatio juridico-pL'Utica de re~
s,idsuccessione ^Tuh'm^nc, 1 6 1 4 , in-
4".; — Oratio conlra Poloniam ^
Amsterd.;, i636^ in-b**. C — au.
38
5r,i NAU
î^ AU ( Michel ) , missionnaire et
voyageur, né à Fiiris, en i63i ,
d'une famille anoblie par Henri IV
en i6o(3, entra jeune dans la société'
des Jësiiites , où il se (it estimer par
ses talenls et par ses vertus. Après
s'être dévoué a l'instruction de la
jeunesse , il fut choisi par ses su-
périeurs ]>our se consacrer aux mis-
sions dans les pays orientaux , et
s'en acquitta avec de grands succès.
il mourut à Paris , le 8 mars i()83.
Il a laissé plusieurs ouvrages esti-
més : I. Foyage nouveau delà Terre-
Sainte , Paris , 1679 , iu 12, réim-
primé , en l'^o'i • curieux et non
moins édifiant qu'utile. II. Ecclesiœ
romanœ grœcrqae vera effigies ,
Paris, 1G80, in-4'^. La manière dotit
il traite son sujet, est fort simple en
apparence ; mais dans le fond el le est
fort adroite et solide. III. h' Etat
présent de la religion mahoinétane ,
a""^. édit., Paris, Bouillerot, iG85,
1 vol. in-ra. — Son frère Nicolas
Nau, de la même société, a écrit en
latin une Oraison funèbre du cardi-
nal de la Rochefoucauld , i(345 ,
in-8"\ C. T— Y.
NAUBERT ( BÉNÉDICTE ) , la
romancière la plus féconde de l' Alle-
magne , née à Lfipzi'j; , en \'j^5 ,
était (ille du professeur Hobenstreit ,
mariée à un négociant de Naumburg:
elle a piblié, depuis l'année 178.5 ,
sous le voile de l'anonyme , un très-
grand noini)re de ri mans , qui ont
obtenu beaucoup de succès. Ce ne fut
qu'en 1817 , que le public allemand
connut enfin le nom de cet auteur
modi'ste, dont les ouvrages avaient été
attribués à plusieurs écrivains célè-
bres. M'w^Naiibertest morte à Leip-
zig, le i.i janvier 1819. après avoir
suj)|)orté pendant plusieurs années,
avec une admirable résig;iation , la
perte de la vue et celle de l'ouie.
NAU
Quelques-uns de ses nombreux ou-
vrages ont été traduits en français ,
entre autres, herrmann d'Uinia ,
Elisabeth de Toggenburg, f^Valther
de Montbarry , Tliekla de ïliurn :
plusiems autres , tels que Cowadin
de Souabe , Emma fille de Charle-
magne, Felleda^ct surtout Azaria,
son dernier ouvrage , mériteraient
aussi de trouver des traducteurs.
P. L.
NAUCLERUS ( Jean Vergen ,
plus connu sons le nom de), célè-
bre chroniqueur , était né vers i43o,
dans la Souabe, d'une famille no-
ble. Après avoir rempli les fonc-
tions de précepteur d'Eherhard ,
duc de Wurtemberg , il reçut les or-
dres sacrés , et fut nommé prévôt de
l'église de Sluttgard en 1 4^0 , et
dix ans après de celle de Tubingen.
Eberhard, à son retour des croisa-
des, ayant fondé une université eu
cette ville, pourvut aussitôt Naucle-
rusdela chaire dedroit canon, qu'il
remplit d'une manière distinguée.
Il en fut premier recteur en i477 ,
et ensuite grand -chance'icr. Nau-
clerus vivait encore en i5oi ; el l'on
croit qu'il mourut vers l'an i5io.
On a de lui une 67tro7!iVy?<e eu latin,
depuis la création ; elle est esti-
mée particulièrement pour les faits
qui se sont pa^isés dans le quinzième
siècle et que l'auteur rajiporte com-
me témcin ocu'aire. La première
édition (Tubingen , i5oi , in-fol. ) ,
est irès-rare, sans être recherchée.
Il eu parut une seconde dans la même
ville, en i5i6, in-fol. , avec une
Continualion par Nicol, Basel; elle
est sortie des presses de Th. Ans-
helmi (1); et l'on tait que le fameux
(i)Tlioioas Ausbeluii, noinai>> quelquefois Tho-
mns Budeiisii, parce qu'il «lait originaire He Badrii ,
fut ensuite impriiucur- libraire à Ha!;ueiijU , où il
douiia , en 1621 , iiuo bonue tditiou d'Hesvchius U
NAU
Melanchtlion, alors coiroctoiir dans
cette iiiipiinicric, la revit avec le
])liis grand soin ( F. le Theatr. vi-
lor. t^'•/a/t<t»,'•. de Zeltner , p. 354):
«ettc édition a servi fie base à toutes
celles qui ont suivi dans le seizième
siècle. La plus complète est celle de
Cologne, i5G4, '^ vol. in-fol., ,avcc
une Cuntiniialion par Lauf. Surius.
Mclcluor Adam a insère une courte
Notice sur Nauclerus dans les niœ
y'iilosoph. et philo la go r. ; et Dan.
Gnill, Moller a publie une Disser-
tation lat. sui- ce chroniqueur, Alt-
dorf , i6()7 . iu-4". W — s.
NAUGYDES , sculpteur grec , na-
quit à Argos , et fleurit entre la 90^.
et la (j')". olympiade, 4'-*o-4oo ans
avant J.-C. Il était (ils de lAIothon et
frère de Pèriclète, cmule et contem-
porain de Cauachus , Patroclc et
Dioniède. Il marcha sur les traces
de Phidias et de Polyclète , dans
l'art d'employer, pour la statuaire,
l'ivoire et les métaux. Ce fut ainsi
q l'il (it , pour Coriutlic , une statue
d'Hèbc. Il fondit , en bronze , une
statue d'Hécate, et celle d'Erinna,
lesbienne célèbre. Ses ouvrages les
plus vantés furent un Mercure , un
^Sacrificateur immolant un bélier,
et surtout son Discobole, dont on
croit reconnaître la répétition dans
quehpies statues antiques qui nous
sont parvenues , entre autres dans
celic qui est au Musée royal de
Paris. Une de ses statues sert à éta-
blir une hypothèse sur le temps
où il a vécu : c'est celle d'Euclès le
Khodien, vainqueur au pugilat, et
petit-fils de ce célèbre athlète , Dia-
goras, que ses deux, (ils portèrent
iiiilJiiiiiall , fn iîo3, à Pforlilifiin, oîi il publia le
linilc du Uali.iu Mam- Du laudibns crucis , (ju'il ac-
c>Jiii[>.ijiia de ce distique :
Est natale 9 iliiia Bad 'D : sedes milii Pliorcvs;
Uicirt- el Aiiihelini ljiblioi>ola Thomas,
NAU Ùi/>
en IrioiHj/he au\ jeux olymjnqucs ,
]).)ur lui faire houimage de ia vic-
toire qu'ils venaient eux- mêmes de
l'emporter d.ins la Bu", olympiade.
Eudes était fils de leur sœur; et sa
victoire n'a dû suivie ((ue d'environ
1 j ou 20 ans celle de ses oncles.
On voyait à Rome, dans le temple
de la Paix , une statue faite par
Naucydès, et qui y avait été appor-
tée d'Afgos. Il eut pour élèves Aly-
pus de Sicyone, dont Pausanias cite
plusieurs ouvrages, et un Pulyclète
d'Argos autre que le sculpteur de la
Junon d'Argos. E — s — e.
NAUDÉ ( Gabriel ), fameux bi-
bliographe , el l'un des savants les
plus distingués de son temps' na-
quit à Paris , le 'i février 1 600. Après
avoir achevé ses humanités et sa
])hilosophie avec beaucoup de suc-
cès, il s'appli>|iia de préférence à la
médecine; et l'on sait (pi'il suivit, en
même temps que Gui Patin, le cours
de René Moreau, qui jouissait alors
d'une grande réputation ( r. Mo-
reau ). Le goût de Naudé pour les
livres s'était manifesté , pour ainsi
dire , dès son enfance ; et les connais-
sances qu'il avait acquises, dans tout
ce qui constitue le maiériel des ou-
vrages et leur classification, détermi-
nèrent le président de Mesraes à lui
confier la direction de sa bibliothè-
que; mais cet emploi le détournant
de ses éludes médicales , il y rcnou-
ça , et se rendit, eu i6i6, à Padoue,
pour y achever ses coui-s. La mort
de son père l'obligea de revenir à
Paris, la mcine année. En 1628, la
faculté de médecine le chargea du
discours de clôture des examens pour
la réception des bacheliers ; et cette
pièce , qui fut imprimée, donna une
idée avantageuse de son érudition.
Sur la recommandation de Dupuy,
le cardinal de Bagni choisit ^'audc
38..
SqG
NAU
pour bibliothécaire , et l'emmena à
îiome, en iG3i. Il s'y lit bif^iilot
connaître par quebjucs dissertations
sur difiërents < bjels (l'aMti([uilc, et
reçut des preuves multipliées de l'es-
time (pi'àvaient inspirée ses talents
et la noblesse de son caractère.
Ayant élë nomme , en i633 , méde-
cin ordinaire de Louis XITI, il re-
prit ses éludes médicales qu'il avait
interrompues ; et pour se rendre plus
digne d'un litre aussi honorable, il
alla rcccA^oir le laurier doctoral à
Padoue. Après la mort du cardinal
de Bagni , son protecteur, dont la
mémoire lui l'ut constamment chère,
Naudé passa, comme Libliothécaiie,
au service du cardinal Barberini. Il
était encore secrétaire du premier ,
lorsque D. Grég. Tarisse , général
de la congrégation de Saiut-Maur ,
demanda que la nouvelle édition de
l'Imitation de Jésus - Christ , qui
s'imprimait au Louvre , portât !e
nom de J, Gersen, s'appuyant de
l'autorité de quatre manuscrits de la
bibliothèque des Bénédiclius de Ro-
me, Le cardinal de Richelieu, avant
de rien statuer à cet égard, fit écrire
à Rome; et Naudé fut chargé par le
cardinal de Bagni d'examiner ces
manuscrits. Sa réponse n'ayant pas
été favorable aux prétentions des
Bénédictins , leurs adversaires la
firent imprimer ; et il s'ensuivit une
longue discussion, que termina, en
ï65'2,un arrêt du parlement, por-
tant suppression des paroles inju-
rieuses employées de paît et d'au-
tre (i). Naudé ne resta que quel-
(0 Om |)<iit voir, pour plus de d.'lails sur reite
l'iuiîiip queriUp, uMirciesarticl.sGERSON, (rER.SE\,
KeMPIS, FRdNHKAl), ',)UATR1ÎM\IRE, VaLGI:\-
VE. Pb. t'.HIFFI.ET, HeseR , i-k. . \e^ Considéra-
tions sur la ijueslivn rnlnti^'e U l\.uleurds l'Imita-
tion , etc. , pnr M. Gcnce , à la suite flp Ja Dissolu-
tion di- M. Aut Alix. Bai hier, sur soixanle Irafluu-
tiODS frHMc .is s <{- rTiuilntioii de J.;«n« - Christ ,
i'aris, iSii, iu-ja. Voj.i aussi i U liu i'iua.c*-
NAU
ques mois attaché au cardinal Bar-
berini ; il fut rappelé à Paris, eu
iG4'i , par le cardinal de Riche-
lieu, qui se proposait de lui confier
le soin de sa bibliotlièque : mais ce
ministie étant mort la même année,
il serait resté sans emploi , si le car-
dinal Mazarin ne se fût hâté de l'at-
tacher à sa personne. Ce fut alors
que Naudé forma cette bibliothèque
moins fameuse encore parle nombre
que par le choix des ouvrages dont
elle se composait. Il visita la Fran-
ce, rilaiie, l'Allemagne, dans l'uni-
que but de se procurer des livres ; et
il parvint, dans l'espace de dix ans,
à réunir quarante mille volumes, et
une foule de manuscrits précieux.
Naude eut la douleur de voir dis-
perser une collection qui lui avait
coûté tant de peines et de soins. Eu
vain il supplia le parlement de s'op-
poser à la vente d'une bibliothèque,
« la plus bellç , disait-il , qui ait ja-
» mais été au monde, et dontlarui-
» ne, ajoutc-t-il, sera bien plus soi-
» gneusement marquée dans toutes
» les histoires et calendriers, que n'a
» jamais été la prise et le sac de
» Gonstanlinople» {ylvis à nusicii^.
dupàiiem., voy. ci-dessous). La hai-
ne aveugle qu'on portait au ministie
empêcha d'écouter de si toirchantes
roclamalions. La b:bliolhè.jue du
cardinal Mazaiin fut vendue eu iGji ;
et ÎNaudé racheta tous les livres de
médecine pour la somme de trois
mille cinq cents francs , sacrifice qiii
devait être considérable pour lui ,
car il n'avait pas de fortune. IVLiza-
rin , si prodigue pour les siens de l.i
fortune publique , n'avait donné à
Naudé qu'un cauonicat de Verdun,
et le prieuré de l'Artige, qui lui
tiou drs pièces du proi es , et celle des ouvrages sur
la cout'slnlion , faits ou public» par Naudé, paj.
169- I-j.
NAU
rapportaient 19.00 liv. dp renie. 11
;K(:c|4a donc la pidposilion tpic lui
fitlarciiioCliristinoTdo vcnir;'i Slock
liolm , preiidic I.1 diri-ctioi) de sa lji-
liliollièqne; mais le climat rigoureux
de la Suède , avant altère sa saute na-
turellement délicate, il repassa en
France, coraltlc des présents de la
reine. Les fatigues de la Iraverse'e
l'obligèrent de s'arrêter à Ahbevillej
et il y mournt de la fièvre, le '.>.f)
jnillet 16.53 , à l'âge de 53 ans.Nau-
de était un homme de mœnrs irre'-
prochaliles; il était très-sobre, ne
buvait jamais que de l'eau, et em-
ployait tout son temps à l'étude. A
des connaissances anssi variées qu'é-
tendues , il joignait beaucoup de ju-
gement et un esprit supérieur à son
.siècle. Il disait franchement son opi-
nion , et la défendait avec une viva-
cité qui contrastait avec sa douceur
ordinaire. Quelques risioristes ont
cherché à faire suspecter ses prin-
cipes religieux ; mais leurs accu-
.sations n'ont pas le moindre fon-
dement ; et ce n'est que par suite de
son système que Svivaiu Maréchal
a inscrit le nom de Naudé dans le
trop fameuxDiclionn. des athées ( F.
Maréchal ). INaudé a publié, avec
des Préfaces la plupart intéressan-
tes , quelques ouvrages de Hiolaa ,
de Cardan , de Léonard Aictin ,
d'Ad. liîackwood, de Léon Allatius ,
de J. B. Doni, d'Ans;. I^ifo, de Jac.
Rorarins, de Suarès , évcquc de Vai-
son , etc. 11 a composé en outre un
grand nond)re d'opuscules, dont ou
trouveia les titres dans le tome ix
des Mémoires de Niceron, et dans
les Diclionn. de iMorcri et de Chau-
icpié. Les principaux sont : 1. Le
Majore ou Discours contre les li-
belles, Paris, iG'.io , in-8<*. , ouvrage
extrêmement rare , mais qui est cité
dans les Apes Urbame , de Léon
NAU
^07
Allatius, avec l'indication de l'ira-
priuieur apud .^Inysium lioulenge-
rwii. II. Jnslruction à la France^
sur la vérité de l' histoire des frères
de la Jiose-croix, ibid. , iG^S, in-
8". et in-4". , rare Naudé y prouve
que les prétendus frères de la Rose-
croix , qui avaient paru en France
cette année, étaient des fourbes qui
cherchaient à trouver des dupes, en
promettant d'enseigner aux adeptes
l'art de faire de l'or et d'autres secrets
non moins merveilleux ( F. Maier,
xxvi , 23'2 ). Ce curieux opuscule est
ordinairement réuni à une autre bro-
chure intitulée :^-/t'eraV5emeHf fl;t5«-
jet des frères de la Rose-croix. U
a été réimprimé avec la Continua-
tion de V histoire des jjroiçrès de
Vhéréùe , par Cl. Malingre. 111.
y/folof^'e pour les grands hommes
faussement soupçonnés de magie ,
iî.id. , i6'25, in -8". Cet ouvrage,
qui se ressent de la jeunesse de l'au-
teur, et qui n'est ni exact ni pro-
fond , a eu plusieurs éditions ; la
meilleure est celle d'Amsterdam ,
^■J\'2, ïn - Q°. , augmentée de quel-
ques remarques, par l'éditeur ano-
nvme. ]Naudé v prend la défense de.s
sages , anciens et modernes , ac-
cusés d'avoir eu des génies familiers,
tels que Socrate, Aristote, Pîotin ,
etc., ou d'avcir acquis, par la magie,
les connaissances qui les rendirent
l'objet de l'admiration de leurs con-
temporains. Le père Jacques d'xVu-
luu , capucin , a essayé de réfuter
Naudé, dans son livre de ïlncré-
dulilè savante AN .Avis pour dresser
wie bibliothèque, ihïA., 16.27, in 8*'.,
réimprimé en «644 > avec l'ouvrage
du P. Jacob : Traité des plus belles
Bibliothèques {P'.S.w.on). Jean-An-
dré Schmidt en a inséré une traduc-
tion latine , anonyme , dans les Ad-
ditions au Recueil de Maderus : Vo
5qS .NAU
blhUothecis ( V. INIadehus , XXVI,
yi ). Cet ouvraj^c, surpasse depuis,
renferme des conseils qui peuvent
être trèsiililes anx personnes clutr-
gees de former on de conserver les
liibliothèques publiqncs. \. Addi-
tion à l'histoire de Louis XI, conte-
nant plnsieurs recherches cnrienscs
snr diverses matières, ibid., i63o,
in-8"; réimprime dans le Siipplein.
à l'édition des Mémoires de Pli il.
deComincs , ])nbliëe par Godcfrov.
îsaiide' s'attache à pronver qne nos
rois ont constamment montré beau-
coup d'alfection pour les lettres, et
que Louis XI, en particulier, leiira
rendu de gran.ls services. Le chap.
VII , qui traite de l'origine et de l'é-
tablisseraentde l'imprimerie en Fran-
ce, a éié inséré, par Prosp. Marchand,
dans son Histoire de V imprimerie :
il a été traduit en latin par iMath.-
Jacq. Stcyer; et Chr. Wolf a publié
cette traduction dans les Momimen-
ta trpop;raph. , i, 48G. VI. De stu-
dio liberali srnîapna, Urbin. i632,
in-4".; Rimini, i633, in -8°., et
dans le Recueil De studiis institu-
f «^/.v , Amsterd. , iG45,in-i2. On y
lit de fort bons avis sur la manière
' d'étudier. VIT. Bibliog-a->hla poli-
tîca^ Venise, i633, in-iu ; Wittera-
berg, 1640, in-it), avec un autre
ouvrage du même genre, Leyde ,
td^-?.. et Amsterd., i6'p, dans le
Reruei: qu'on vient de citer ( i ) ; trad.
^n français, par C. Challine, i64'-i ,
in-8''. Ce fut à la prière de Jacques
GaiFarel, son ami ( F. Gaifarel
(5), XVI, s>,48), que Naudé com
'i) La Pihl'oçirnnh. poUtica a été rëi'ru)>i iiniip
avpi qiii'lqnes aulrcs pi'èues du même ftenre, par les
soins de Conrins, Fi-ancfort , iti7;i, i"-i7; et Frédé-
ric Gladow en a donné une b-tnne édition avec ime
jirefdce. Halle, i;i?. . in-Ro. L'éditeur v a joint la
tr iductiuii latiue des Coiisidéia-.ions sur Us couui
d'êlar.
{■n) XJn-vwml biKIin^aplie a fait de J. Gaflfjrel on
caiiliiial. qu'il nomme G.iSàreUi; tov. le Répeiioire
t'iliugrafj/u./iie universel, p. 445. "
NAU
posa ce petit traite, où il hii donne,
avec la lisle des principaux ailleurs
qui ont écrit sur des matières poli-
tiques, son opinion sur leurs ouvra-
ges. Naudé se trouvait alors à Cer-
via, dans la Romagivc , oii il man-
quait des secours nécessaires pour
rendre son ouvrage plus complet et
plus exact; mais, tel qu'il est. la
lecture peut encore en être utile. VIII.
De studio militari sjntagma , Ro-
me, 1(33; , in-4'\ 11 y traite de tou-
tes les connaissances nécessaires à un
homme de guerre, en mêlant aux
préceptes des digressions curieuses.
Georg. Schubart en a publié une se-
conde édit. augmentée, léna, iG83,
iu-i2.IX. Considérations politupies
surles coups d'état, Rame.iG39, in-
4". Si l'on en croit la préface, cette
édition n'aurait été tirée qu'à douze
exemplaires; mais on sait,de])uis
long-temps , qu'il en existe un bien
plus grand nombre. Cet ouvrage a
été réimprimé en Hollande, 1GG7,
ou 1G79, in-ia. Louis Dumay en
a donne une édition sous le ti're de
la Science des princes, avec des ré-
flexions historiques, morales, chré-
tiennes et politiques , dans lesquelles
il réfute solidement plusieurs asser-
tions paradoxales de Naudé ( P\
DujiAY , xii , 222}. Enfin, un pla-
giaire, qui n'a pas jugé à propos de
se faire connaître, s'est emparé de
cet ouvrage , en a supprimé la pré-
face et la conclusion , retranché quel-
ques longueurs , rajeuni le style , et
l'a publié sous ce titre : Réjlexions
Mstoriques et politiques sur les
moyens dont les plus grands prin-
ces et habiles ministres se sont sér-
ias pour gouverner et augmenter
leurs élats , Leyde, 1739, in -12
( I ). Xaudédit que cet ouvrage lui fut
(O Les Considétaïioits surles coups d'étaCoui etc
trad. eu latin , voT. la no;e i". col. prcced.
NAU
dcmaiulc par le card. Bagni; et il
fautlecroire,carilctait trop prudent,
trop atui do son repos pour examiner
franclicrucnt la ((uestioii délicate des
coups d'état , à une époque où la
moindre indiscrétion pouvait le pri-
ver de sa liberté. Au surplus, il s'est
mis à l'abri de tonte crainte, en pre-
nant constamment la défense du pou-
voir, qui , selon lui, n'a jamais tort,
puisqu'il n'agit que pour sa conserva-
tion. Ainsi ilapprouve l'assassinat de
Coligni ; et il trouve que c'est une
grande lâcheté à tant d'historiens
français d'avoir abandonné la cause
dii roi Charles ix ; « qu'il y avait
» un grand sujet de louer le massacre
» de la Saint-Barthélemi, comme le
« seul remède aux guerres qui ont été
» depuis ce temps-là, et qui suivraient
» peut-être jusqu'à la fin de la monar-
» chie , si l'on n'aA^ait imité les chi-
» rurgiens experts, qui, pendant que
» la veine est ouverte, tirent du sang
» jusqu'aux défaillances , pour net-
1) toycr les corps cacochymes de
» leurs mauvaises humeurs))(p. 180-
181 de l'éd. in - 1 3 ). Cette citation
sufiit pour faire apprécier cet ou-
vrage trop vanté ( f^. la Science du
i^ouvernem. , par Real , viii , 2 1 4 ).
X. Jnstauratio tabidarii majoris
templi Reatini, "Rome, 1640, in-4°.;
inséré dans le Thésaurus antiquit.
Italiœ , tome ix. XI. Catalogus bi-
bliolh. Cordesianœ ( V. Jean de Cor-
des, ix. 574). XII. Jugement de
tout ce qui a été imprimé contre le
cardinal Mazarin, depuis le 6 jan-
vier jusqu'à la déclaration du i*^"".
avril 1649, 'ri-4°' La seconde édi-
tion ,1a seule recherchécdes curieux,
3717 pages ( I ). C'est un dialogue
entre S. Auge, libraire, et Mascurat,
(il L'abbé >I<iH(-.- ,1,. .Sainl-Let;cT ;i rédigé pn.ii-
Cft iiiivraj^r iinp Table de 4 pag. , qui u'i» , dil-ou ,
elè ianprimé« qu'à douze exemplaires.
NAU
^99
anagramme de R. Carausat, fameux
imprimeur de Paris. Mandé y passe
en revue tous les reproches faits au
card. Mazarin, son patron, et en
montre la fausseté et le ridicule. Il y
a beaucoup d'érudition et des anec-
dotes curieuses. Cependant il a échap-
pé des fautes à l'auteur ; La Mou-
noye en a relevé quelques-unes dans
le Menagiana. XIII. Remise de la
bibliothèque du cardinal Mazarin
entre les mains de 31. Tubeuf, i65i,
in-4'\ Tubeuf, président de la cham-
bre des comptes, était créancier du
cardinal , pour une somme consi-
dérable. XIV. ^vis à nosseigneurs
du parlement , sur la vente de la
biblioth. du card. Mazarin, iG5a,
iu-4". Cette petite pièce et la pré-
cédente sont de la plus grande ra-
reté : elles ont été insérées dans le
Conservateur ., juillet, 1758. XV.
Epistolce ^ Genève, 1667, i""^^-
Ce Recueil a été publié par Ant. La
Poterie , qui aA'ait été attaché, sous
les ordres de Naudé, à la garde de
la biblioth. Mazarine. Patin a lais-
sé un portrait peu avantageux de
La Poterie, dans une Lettre à Spon,
du 9 juin 1654. On a publié, sous
le titre de Naudeana , un Recueil
d'anecdotes, tirées des conversations
de Naudé, Paris, 1701 , in- ici. Le
président Cousin , qui prit soin de
cette édition , en reti'ancha quan-
tité de passages licencieux; mais il
y laissa subsister un grand nombre
de bév » s et de faussetés : elles ont
été corrigées par Lancelot, dont les
Remarques ont été insérées dans la
seconde éd., Amstcrd., 1708, in- 12,
due à Bayle , qui y ajouta une Pré-
face. Le P. Louis Jacob a rassem-
blé sous ce titre, Gabrielis Naudii
ti'inulus , les éloges, les épitaphes
et les vers, tant latins que français ,
composés eu l'houneur de ce savant.
6oo
NAU
Paris, iGjQ, 111-4". Son portrait a
ëtc 5:;ravé par Gcorgi, à Padouc; par
Meilan, in-.;"- ; il fait partie du He-
cuc'il d'Odiciivrc, et a été reproduit
( au trait ) par M. Pctit-lv<del, dans
s«;s liecherches sur les bibliothèques,
oii l'on trouve de curieuv détails sur
ce savant bibliographe. W — s.
?J AU iM A^ N ( J E A .V - A M LDt K ) ,
dircrteur delà chapelle de l'électeur
de Saxe , naquit à Blasewitz , près
Dresde , en i745- Son père, simple
cultivateur , avait si fort à cœur de
lui procurer une bonne éducation
musicale , qu'il l'envoyait , tous les
matins , à la ville , prendre une le-
çon de clavecin, ISaumann n'avait
encore que quatorze ans, lorsque le
iiasnrd amena chez son père uii vir-
tuose attache à la cour de Suède. Il
s'c'tabiit aussitôt entre eux une afîbc-
Jion si A ive qu'ils se décidèieuî a faue
cnsemb'e le voy.iee d'Italie. J-e cr!è-
])ie ïartini , qui habitait alors Pa-
doue, fit l'accueil le plus flatteur au
^eune Saxon. Naumann resta liuit
ans entiers, en Italie : c'est à ce long
séjour, dans uiiâge aussi tendre,
«p'.'il faut attribuer non -seulement
cette parfaite connaissance de la pro-
sodie ilaliouiie qtù le distingue, mais
encore ce style facile et suave qui
donne à un grand nombre de ses airs
nue couleur tout-u-fait itaiiennr^. Ce
.succès, inespéré fut sur le point de lui
nuire : il avait envoyé' à son père une
<ie ses inoiileures coraposilions. Gel ui-
oi , dans l'espoir de faire ^nnaitre
ion iils à la cour , parviciit à pré-
.sente-r cet oeuvre à l'èlectrice, qui
était grandemiisicienne.La princesse
croit reconnaître ia touche d'un maî-
tre italien , et se plaint de la super-
«•hene. IMais elle fut enlin détrom-
pée , et n'en devint que [jUis ardente
protectrice du jeune Tsaumann : die
v\)\wl puur hu la place de maître de
NAU
chapelle de l'électeur. L'opéra cfai*
supprimé à cette éjioque. Naumann,
regrettant de se A'oir condamne à
l'inaction , sollicita la permission de
retourner en Italie, vers 1772. II
travailla pour les théâtres de Venise
et de >'aples. Sa réputation était par-
venue à l'autre extrémité de l'Europe.
Le roi Gustave III lui fit les oliies
les plus brillantes pour l'attirer à
Stockholm. ISaumann put alors se
vanter d'un honneur qu'il ne parta-
geait avec aucun autre compositeur
de l'univers : il eut un roi pour son
poète; ce fut sa majestéSuédolse clic-
mêmf> qui écrivit poiu* lui le poème
de Gustave JVasa. Toutes les cours
du rsord se disputèrent la personne
du musicien , dont les chants fai-
saient le charrue principal de leurs
spectacles et de leurs fêtes. Mais
Is'aumann , pénétré d'un attacliement
sincère pour sou souverain , se hâta
de revenir fixer son séjour en Saxe.
Depuis quelques années, il avait con-
sacré son talent uniquement à la mu-
sique d'église , lorsqu'il fut frappé
d'une apoplexie foudroyante , en se
jnomenant dans le parc de l'électeur,
à Dresde (27 mai 1801 ). Les ou-
vrages de Nauniann sont trop nom-
breux et trop variés, pour qu'il soit
possible d'en donner ici le catalogue.
Dans sa musique sacrée , on remar-
q(ie la Passion , de Métastase , qu'il
lit deux fois, l'une à Padoue , l'autre
à Dresde; et le Ciuseppe riconos-
ciuto , du même poète , qu'il mit
aussi deux fois en musique, la pre-
mière sur paroles italiennes , pour
Dresde , et la seconde sur paroles
françaises pour Paiis. Nauraann a
composé, pour le théâtre, des opéras
italiens , allemands , suédois et da-
nois. Il a laissé une (piantité prodi-
gieuse de [ùèccs de clavecin . et ia plu-
part avec acçompagneiueul de vit—
NAU
Ion , basse et flùto. -Ce grand artiste
n'avait pas dcdai^iic de coiriposcr
des sonates pour un iustrunu nt peu
usité, et sur lequel d excellait : c'était
l'Iiarmonica , qu'il afrectionuait an
2)oint d'en porter une avec lui dans
ses voyages. La manière de Naumann
se recommande particulièreincut par
la purelé des motifs et ia çi;r.ice des
détails. Le célèbre Wieland profes-
sait une haute estime pour ce compo-
siteur : il lui a consacre' une Noiice
nécrologique dans le Mercure alle-
mand de i8o3. S — V — s.
NAUSEA (Frédéric ) , célèbre
tbe'ologien allemand du seizième siè-
cle , naquit, vers l'an i48o , au vil-
lage deBleichfeld, ou, selon d'autres,
à VVeisseufeld (i) près de Wiirtz-
bourg, et fut disciple de Jean Co-
clilée pour la théologie, dans laquelle
il fit de grands progrès. Il étudia,
avec le même succès, le droit civil et
canonique , et les nitres sciences que
l'on cultivait à cette époque. Il pro-
fessa d'abord les belles-leltrcs, avec
tant d'éclat, qu'on le regarda comme
l'honneur et la gloire de l'Allemagne.
Ses Distiques sur Lactance, qui ])a-
rurent en i5it), lui attirèrent l'es-
time des savants. Il était professeur
de droit en i5'a3. Il parait, par
quelques lettres du cardinal Cam-
pège , que Nausea était chanoine et
curé de Saint-Barthélerai de Franc-
fort , en 10 25 , mais qu'il fut chassé
de cette place. L'année suivante, il
cnspigna la théologie , et expliqua
l'Écriture -Sainte à Maience. C'est
vers ce temps -là que commença sa
réputation dans la chaire , et qu'il
devint secrétaire du cardinal Lau-
(t) C'est d'après rnn nu Vautre de ces noms qu'il
prenait en latin le tilri; ùe Ula/icicnm/itnniis : on
crnil qui" son uoia de famille i-lail Grau, Eckel ou
yniulh ,ni\nt , s.iivnnt l'usage Je SOii siècle, il le
latiuira p.ii ciliii de Sumen.
NAU
60 1
rent Campègc. On voit ncmmoins
qu'il s'élevait souvent des persécu-
tions contre lui , et que sa fortune
ne répondait point à sa renommée.
Il s'en plaignait auièrement à ses
amis. Après avoir rempli, pendant
plus de douze ans , les fonctions
d'ecclésiaste ou de prédicateur à
Maïence , il envoya au roi des Ro-
mains , Ferdinaml , un volume d'ho-
mélies en allemand. Ce prince, sa-
tisfait de ces discours, Qt engager
Nausea, par le cardinal évêque de
Trente, de les mettre en latin. La
traduction n'était pas encore finie
que Nausea fut appelé à Vienne , en
i533 , en qualité de prédicateur de
la cour , de lecteur en théologie , de
chanoine de la cathédrale , et de
conseiller du roi. Ferdinand lui écri-
vit bai-même })our hâter son arrivée.
En i538, il fut nommé coadjuteur
de Jean Fabri , évcque de \ ienne.
Après la mort de ce prélat , eu 1 54 1 ,
Nausea lui succéda ; mais il ne fut
sacré qu'en i545. Son ambition n'é-
tait point rassasiée. La correspon-
dance de ses amis et de ses protec-
teurs, imprimée à Bàleeu i55o,nous
dévoile les démarches qu'il faisait
pour son avancement. En i548 , les
habitanis et le clergé de Glogan de-
mandèrent pour lui la première di-
gnité du chapitre. Il assista au con-
cile de Trente , en qualité d'ambassa-
deur du roi des HomairjS,et mourut
dans cette A'ille le 6 lévrier i65o.
Nous avons de Nausea un grand
nombre d'ouvrages de grammaire ,
de poésie , de musique , d'arithmé-
tique , de dialectique , de physique,
d'astronomie, d'hi^loire, de droit
civil et canonique, de théologie, dont
il a donné un ample Catalogue rai-
sonné, adressé, en «547 , à la no-
blesse et au clergé de Breslau et de
Gloga'ii : on y trouve . à la fin , les
6oj NAU
noms des personnages à qui il les
avait dédies, et des villes dans los-
<|uellcs il les avait fait imp'inier. Ou
les a recueillis à Cologne. j(3iG, in-
fol. Voici ceux cjai moriteut le plus
d'être connus : I, Lib. m de novis-
simo JaiJHS Sii'CnU die , dcque su-
■premo ejiis judicio , Vienne, i55i ,
petit in-4''. ; édition très-rare d'im
ouvrage singulier et fort curieux ,
selon Dibure; id. , Cologne, i555 ,
Jn-8°, H. De consuninialivne hujus
sœciili , lib. ly , Cologne , 1 555 , iu-
8". III. Lib. 1 de venerubili Eu-
charisiiœ sacramento , Lonvain,
i55i , in-8'>. IV. Ilomilianiin in
communes aliquot Evangeliorum
locos , parlim in ecclesid Franc-
fordiensi apud Mœnum , parlim in
ccclesid Moguntinensi pro concivne
habitarum lib. i. C'est le livre en-
voyé à Ferdinand. V. Lib:i ir cen-
tuiamm, id est, ^oo homiliarum
veritatis evangelicce suver lotius an-
ni Ci'angeVis, qiiœ usitato more in ec-
clesid ordinaùm legi soient, et . iiper
Incis communibiis eonimdemlam de
tempore quàm de sanctis , Maicnce ,
1534. V[. Libri m methodi de
^ ralione concionandi , imprime' plu-
sieurs fois. Nansea traitait avec suc-
cès la morale dans ses discours ; mais
il excellait sur tout dans la contro-
verse. VII. Reram mirabilium li-
bri septem , Cologne, i53'2; c'est
l'ouvrage d'un homme crédule, imbu
des préjuges de son siècle. Vllî.
JÀber I epitomes vitarum PU ÏI
Pont. max. et Friderici inip. Rom.
semper aag. Il a fait plusieurs ou-
vrages sur la liturgie.- On est étonné
({ue Zaccaria , dans sa Bibliot. ri-
iualis , ne parle que d'un seul,
Nausea composa aussi des Traites
sur les concdes , et sur différents
points de discipline ecclésiastiqiie ,
(omme ie célibat des prêtres, etc. ,
NAU
dans lesquels il semblerait avoir
professé des sentiments assez li-
bres , puisqu'il avoue, dans son ca-
tilogue raisonné, que son Livre des
conseils sur le mariage des prêtres ,
et ses Forêts synodales , ne pou-
vaient être imprimés que par ordre
d'un concile écuméni(pie. Il desirait
ardemment la fin des troubles reli-
gieux; il avait composé, dans cette
intention, une consultation adressée
au roi Ferdinand. L — b — e.
NAUZE (Louts JOUARD DE La),
né à Villenciive-d'Agen , le 'x^ mars
i()()6, mort le 1 mai 1773, entra
dans la société des Jésuites. Après
avoir professé quelque temps les
liiimanités, il quitta la société pour
venir a Paris faire l'éducation du duc
d'Antin (mort en 1743)- Le succès de
cette éducation, et sou attachement
pour son élève, l'engagèrent à se
charger de celle de son fils (mort en
1757 ). Malgré le temps que ces oc-
cupations lui prenaient, il cultiva
les lettres, et fut, en 17*^9, reçu
membre de l'académie royale des
inscriptions et belles-lettres. La dis-
pute que fit naître le système chro-
nologique de Newton, lit connaître La
]N;tuze. Le P. Souciet ayant combat-
tu ce système, La INauze lui répon-
dit par cinq Lettres, imprimées dans
les tomes v et vi du liecued du P.
Di'smolets , intitulé : Continuation
des Mémoires de littérature de Sal-
lengre. Ces cinq Lettres sont écrites
avec beaucoup d'ordre, de clarté, de
précision; il y règne un ton de po-
litesse et de déférence, qui est l'effet
de la modestie qui caractérisait leur
auteur. Il eut aussi quelques contes-
titions avec d'Anviiîe , dans lesquel-
les li développa fort bien la manière
dont Pline a traité des arts, et éclair-
clt avec esprit et érudition plusieurs
sujets , aussi curieux que difficiles, de
NAU
la liante anliqiiile. Los ouvrages do
La Nauze sont : L Dos Mémoires
(au nombre do troiifo), dont qiicl-
((iios-?ins, trcs-ctendns, insères dans
la (Jollcction de l'académie des ins-
criptions. La plupart sont relatifs à
divers points de chronologie ancien-
ne, sur lesquels il s'attache presque
constamment à combattre Frerct ; ce
qu'il fait rarement avec succès. L'un
des plus importants est le Mémoire
sur le calendrier romain, depuis les
docemvirs, jusqu'à la correction de
Jules Cc'sar (tome xxvi , M. p. 219).
n. Le Directeur des âmes religieu-
ses , compose' eu latin par Louis
Blosius, trad. en français, Paris,
17,46, in-t8. A. B — T.
NAVAGERO (André), célèbre
humaniste du quinzième siècle, na-
quit , en 1 483 , à Venise , oîi sa fa-
raillc occup.iitun rang très-conside-
rable. Elève de Sabellicus, il s'éloi-
gna de sa manière d'écrire; et dans
l'âge de la présomption, un goût dif-
ficile, qu'il conserAa toute sa vie, lui
fit sacrifier ses premiers essais poé-
tiques, entre autres ,des Sylves, com-
posées à l'imitation de Stace. Marc
jMusurns lui enseigna la langue grec-
que à Padouo; et Navagero se pas-
sionna pour Pindare, au point de le
copier plusieurs fois tout entier de
sa main. Il fréquenta encore à Pa-
douo l'école de Pomponace, et s'v
lia étroitement avec Longueil , qu'il
consultait avec fruit sur ses ouvra-
ges. Une contention d'esprit trop
prolongée, développa en lui une af-
fection mélancolique , qui le força
de renoncer quelque temps à ses élu-
des. Il se délassa du moins dans une
réunion littéraire qu'avait formée
à Pordenone, dans le Frioul , Bar-
thélemi d'Alviane, alors le héros de
Venise. La guerre, qui venait de fci-
aer l'université de Pkdouc, avait
NAV
Go^
attire autour du général une grande
aiHuence de savants. Navagero tint
parmi eux une des premières places,
et y trouva de nouvelles inspirations.
C'est do la rivière de Naucelo , qui
coule à Pordenone, qu'il appela les
Muscs qu'il invoquait , du nom de
NaiicelidcE. La garcfe de la biblio -
thèque de Saint-Marc lui fut confiée
en i5o6 , après la mort de Sabelli-
cu^s; et il lui succéda également dans
les fonctions d'historien de la répu-
blique. Il fut envoyé en ambassade
auprès de Charîes-Quint , après la
défaite de François l*^'. ta Pavie; et
pendant son séjour en Espagne, il ap-
prit au célèbre Boscan à enrichir sa
langue des sonnets de l'Italie. La po-
litique vénitienne, inclinant à donner
un contre-poids à la puissancede Char-
les-Quint, choisit Navagero pour
être l'interprète des vœux qui appe-
laient François!''", en Italie. Leiittera-
tcur diplomate put à peine entamer sa
négociation; la fièvre l'enleva rapi'-
rnent à Bîois, où il était venu cher-
cher la cour, W 8 mai iS^g. Il jeta
au feu, avant de mourir, un Dis-
cours sur la mort de Catherine Cor-
nara , souveraine de Cvpre; un poè-
me en deux livres, De ienaiione; un
autre , De Fine orbis, et son Histoire
de Venise , oîi il avait pris pour mo-
dèle l'élégante simplicité de César.
Amateur de l'agriculture , il natura-
lisa dans son pays plusieurs plante^
qu'il avait apportées d'Espagne. Il
avait recherché et obtenu , dans un
voyage à Rome, l'amitié de Bembo
et de Sadolct. Ses conseils affectueux
et son active coopération soutinrent
Aide Manuce au nnlicu des dégnûK
de sa profession. Navagero présida
aux éihtions de Cicérou , Térence,
Lucrèce, Virgile, Horace, Tibulle .
Ovide, Quintilieu , données par cet
imprimeur habile. Ses leçon*; sur
6o/l
NAV
Ovide, et ses Ephres préliminaires
sur les Oraisons de Cice'ron, furent
de'tache'es et publiées à part. Les au-
tres oavraj^cs principaux de Nava-
pero sont les Oraisons funèbres, en la-
tin,d'Alviano , et du do[;;e Loredano ',
un \'oyaç;e en Espagne et en PVance,
«crit en italien; des Poésies italiennes,
des Lettres, des Epigrammes et des
Eglogues latines. 11 avait atfeclë l'i-
initalion des tours délicats de Catul-
le , et brûlait, dit-on, tous les ans,
en son honneur , un exemplaire de
Martial. Fracastor a éleA'c un mo-
nument de son estime pourNavage-
ro, dans son Dialogue intitulé, Na-
vagerius, sive de Poeticd. Les frères
Volpi ont insère' ce morceau dans
l'édition complète, publiée par eux
à Padoue ,1718, in^". , des OEuvres
du littérateur A'énilien. Une longue
NotrTÏ lui est consacrée à la tète
de ce Recueil. Plusieurs de ses pro-
ductions erotiques ont été traduites
en français ( i 7HG) , par E. T. Simon
de Troyes. — Bernard Navagero ,
ëvêffue de Vérone, de la même fa-
mille qu'André, prit part aux débats
du concile de Trente , obtint le cha-
peaude cardinal , et mourut en 1 5()5,
après avoir rempli diftërentesambas-
sades. Il a laissé des Harangues et la
Vie du pape Paul IV. Augustin Va-
lerio a donné la Vie du cardinal Na-
vagero, dans son livre Ds cautione
adhibenddin edendis libi'is, Padoue,
17 19, in-4". ( pag. 61-98. ) F — T j.
NAV AIL LES ( PniLipPi: Dt
MoNTAULT BE BeNAC , duC DE ) ,
maréchal de France, d'une ancienne
maison de Bigorre , était né en i6if).
Élevé par ses parents dans les prin-
cipes des réformés , il fut reçu , à
l'âge de quatorze ans , page du car-
dinal de Pvichelieu , qui lui persuada
de rentrer dans le sein de l'Eglise ; et
Sci conversion fut bientôt suivie 4°
NAV
celle de son père et de ses frères. Il
obtint, en 1 (338, l'enseigne colonelle
dans le régiment du cardinal , et
pas>a rapidement partons les grades.
Colonel, en i54i , d'un régiment de
son nom , il fit toutes les campagnes
d'Italie, se trouva à la plupart des
sièges , et montra partout de la va-
leur et du sang-froid. Après la mort
de RichcHeu, il s'attacha au cardinal
Maza rin , devint capitaine de sa com -
pagnie de gendarmes, poste brigué
par les plus grands seigneurs; il re-
tourna eu Italie servir sous les ordres
du duc de Modène , se signala encore
dans dillerentcs rencontres, et revint
à Paris, en 1648, se rétablir d'une
blessure dangereuse qu'd avait reçue
au siège de Crémone. Pendant les
guerres de la Fronde, il resta cons-
tamment attaché au parti de Mazarin,
et fut employé à combattre les re-
belles dans l'Orléanais et l'Anjou.
Nommé, en récompense de ses ser-
vices, gouverneur de Bapaume, il eut
jiart à toutes les actions qui se pas-
sèrent en Flandre , et fut renvové ,
en )658 , en Itabc , avec le titre
d'ambassadeur extraordinaire. Il suc-
céda , la même année , au duc de
Modène , dans le commandement des
troupes françaises , et le conserva
jusqu'à la paix. Une intrigue , à la-
quelle on soupçonna la duchesse de
Navailles de s être prêtée, lui fit
perdre les bonnes grâces du roi ; le
duc fut obligé de vendre toutes ses
charges, et de quitter la cour: mais
son innocence fut reconnue, et Louis
XIV le dédommagea eu le nommant
gouverneur de l'Aunis. Chargé, en
j G6() , de conduire les secours que
la France envovait dans l'île de Can-
die assiégée par les Turcs , il se rem-
barqua à la fin de la campagne, avec
les débris de son armée , sous prétexte
que la disette de vivres se faisait seu-
NAV
tir dans la ville , et (jii'iin petit corps
de Français ne puurr.iit pas en re-
tarder la prise ( r. L\ Fluillaue, et
IMorosiim). Louis XIV desapprouva
hautement cette es|)ère de défection ;
le duc de Navaillcs fut exile dans
ses terres, où il resta trois années : il
parvint enfin, sinon à se justifier , du
moins à alFaiblir les préventions du
monarque , qui lui |U'rmit de retour-
ner dans son gouvcrxieuienl d'Aunis.
II servit dans la seconde conquête de
la Franche Corufe, prit la ville de
Grai , dont la position, sur la Saô-
ne, est très-importante, et facilita
la prise de Dole et de Besançon,
qui rendit Louis XIV maître de la
province. Rappelé en Flandre , en
1674 5 '1 commanda l'aile gauche
â la hataille de Senef , reçut , l'année
suivante , le Làtou de maréchal , et
passa , en lô-jô , dans la Catalogne,
où il s'empara de J'iguières, et rem-
porta plusieurs avantages sur l'armée
commandée par le comte de Mon-
terey. Il rentra en France, après la
paix de Ximègue, accablé de cha-
grin d'avoir vu mourir subitement
son fds unique, jeune homme de
grande espérance. Il fut nommé
gouverneur du duc de Chartres (Phi-
lippe d'Orléans, depuis régent ), et
mourut le 5 février iG84, à l'âaede
soixaute-cmq ans. Sa veuve lui fit
e'Iever, dans 1 église de-; Dominicains
du faubourg Saint-Germain , un ma-
gnifique mausolée, qui a été détruit il
y a quelques années. Le duc de Na-
vailles a laissédes Mémoires {àe 1 63 j
à i683 ) , imprimés à Paris , 1701 ,
in- 1 2. On y trouve dos détails sur ses
services; il a employé une jjartie
du quatrième livre à justifier sou
départ de Candie. W — s.
NAVAILLES (Susanne de Bau-
DEAN DE Neuielant, maréchale de),
femme du piécédeut , était fille de
NAV
Co-
Charles de Baudéan , comte de X'euil-
lant , gouveineur de JJiort , et de
F'rançoise Tiraqueau (1). Reçue au
nombre des filles d'honneur de la
reine Anne d'Autriche, elle obtint fa
confiance du cardinal IMazarin ; et
cette liaison lui donna quelipie part
auvsecrctsdelacour, M""^'. cicMotle-
ville dit même qu'elle fut chargée
de proposer à ÎNP''". de Moutpensier
d'épouser le roi , si elle voulait pro-
mettre d'employer son crédit sur
le duc d'Oiléaus son père , pour l'em-
pêcher de s'unir au prince de Conde
contre la cour. Le cardinal Mazarin ,
forcé de quitter la France , pria la
reine de consentir au mariage d\idiic
de Navailles avec 31'^*=, de iNenillanî :
cette union fut célébrée dans la cha-
pelle du Palais-Royal, au mois de
février iG5i ; mais elle fut d'abord
tenue secrète. M™"-", de Navailles étant
demeurée près de la reine , devint
l'intermédiaire de la correspondance
que le cardinal ne cessa pas d'entre-
tenir avec cette princesse ; et elle eut
la plus grande part au retour du mi-
nistre. Elle pressait un jour la reine
de le r.ippeler auprès d'elle ; mais
Anne d'Autriche , tout en rendant
témoignage à la fidélité du cardinal,
fit entendre à la duchesse qu'elle re-
doutait l'espèce de fatalité qui sem-
blait s'attacher à la personne du
cardinal : elle ne lui dissimula point
qu'elle craignait que son retor.r, tnp
précipité , n'empirât la situation des
alfaires. La duchesse , croyant aper-
cevoir un changement dans ce qui
n'était que relltt de la j)rudence ,
écrivit à Mazarin qu'il était perdu,
s'il ne prévenait sa disg:ace par un
prompt retour. La duchesse de Na-
(1) La romtfsse île N.willanl, mère àe la dudicss»
dcNjvailles, di.ona qiielijiirs soins ;i TiducatLiu rie
Mai», a? M^inlfiioii ; in.3ls elle lui fit acii^ fer ilier s'.s
Cofj
XAV
vailles fut nommée , eu iGGo , daine
d'huiiueiif delà reine Marie-The'rèhe.
Cette charge, mettant sous sa surveil-
lance les filles d'honneur de la reine ,
lui imposa le devoir de résister au
roi dans des circonstances délicates ;
et elle n'hcsila point à embrasser le
pai ti qne l'honneur et la vertu com-
mandaient, l.eroi , en 1662, com-
mençait à distinguer M"«^. de La
Vallicrc des autres beautés de sa
cour : la comtesse de Soissons, aidée
du duc de Guiclie et du marquis de
Tardes , et secrètement encouragée
par une personne illustre, cherchait
H mettre à la place de cette favorite
M''=. delà Mothe-Houilancouit, l'une
des fdlcs d'honneur de la reine. Le
roi , frappé de la beauté de cette der-
nière , paraissait incertain : la du-
chesse de Navailles , qui s'était aper-
çue de la nouvelle passion du monar-
que, lui adressa des représentations
liardics et respectueuses; elle en vint
même à faire placer des grilles aux
f-mèlres de l'appartement des filles
d'honneur , pour empêcher le roi de
b'y introduire par les terrasses. Con-
trarié dans l'objet de ses désirs , ex-
cité d'adleurs par la comtesse de
Soissons , Louis témoigna son mé-
conteulement à la ducbesse de Na-
vailles : néanmoins , comme il ren-
dait hommage à sa vertu, l'ayant
rencontrée quel }ues jours après dans
la chambre de la reine, il viulà e!!e,
lui tendit la main , et lui demanda, la
j);ix d\cc auîanl de noblesse que de
modération. W'^*^. de la Yallicrerem-
poria sur sa rivale; et M^'"^. de la
Motlie - Houdancourt , oubliée de
Louis X.1 Y, épousa, en iG-yj, le mar-
quis de la Vieuvillc. chevalier d'hon-
neur de la reine. Cet orage apaisé ,
les ennemis de M'"^. de Navailles
cherchèreutàluien susciter d'autres:
l'occasioa se présenta bientôt d'en-
NAV
g itrer le monarque à repousser loin
(le lui un censeur incommode. Une
lettre espagnole avait été adressée à
la reine, et remise au roi. Ou y préve-
nait cette princesse de la passion de
son époux pourM'^'^. de la Vallicrc.
Celle lettre était une nouvelle intri-
gue de !a duchesse d'Orléans , de la
comtesse de Soissons , du duc de
Guiche et du marqiiis de Vardcs ( P\
Henriette, XX, iQÔ ). Ce dernier,
admis dans la familiarité du roi , eut
la bassesse de diriger les soupçons
du monarque sur M'»'^, de Navailles ;
la lettre ne parut plus être que le
dernier effort de la vertu austère de
celte dame , et sa perte fut résolue.
Le maréchal de Navailles et sa fem-
me eurent ordre de se défaire de
leurs charges, et de se retirer dans
leurs terres. Les Mémoires du temps
ne nous apprennent plus rien sur
M'"'^. de Navailles; on sait seule-
ment qu'elle mourut à Paris, le i5
février 1-00. M — t.
NAVARETTE (Ferdinand), l'un
des missionnaires qui ont le plus
contribué à faire connaître la Chine ,
élail né à Penaficl , dans la Vieille-
Castille. Il prit jeune l'habit de saint
Dominique , et fut envoyé par ses
supérieurs à Valladolid, oîi il acheva
ses éludes avec une telle distinction ,
qu'il fut retenu dans celte ville pour
y professer la philosophie. Il déve-
loppa, dans cette place , des talents
qui lui auraient permis d'aspirer aux
principales chaires de l'Espagne, s'il
eiît voidu suivre la carrière de ren-
seignement. Mais touché du désir de
coopérer à répandre au loin les lu-
mières de l'Évangile, il sollicita et
obtint la permission de partir pour
les Indes. 11 s'embarqua, en 1647 '
sur un vaisseau qui se rendait au
Mexique. L'année suivante , il y fut
rejoint par le P. JMcralès, célèbre
NAV
par SCS tlemcles avor !cs Jcsiiitcs :
il le suivit aux îles riiilippiiics. A
son arrivée , il lut iioinruc Icckiir ,
et, quclrfuc Icrnps après, |»ieai!cr
professeur ilo théologie au collcj^e <lc
Manille. Lilne (Jcfoiictioii'i (|u'il n'a-
vait acceptées q;ie maigre lui , il
passa dans l'île de Celèbcs, et se ha-
sarda enfin à pénétrer seul dans la
Cliine , où il arriva , en 1GJ9. Il re-
çut , de la part des habitants , un ac-
cueil aiiqie! il était loin de s'atleiidro,
et parvint , escorlétoujours pai- cpiel-
ques-uns d'entre eux qui se relayaient,
n la ville de Fuu-an-Ilian, où il Iroiiva
(les missionnaires de sou ordre. Il y
demeura deux ans , pour étudier la
langue chinoise, et ol)server les pro-
ductions du pays et les mœurs des
habitants. Au bout de ce temps , il
passa , comme supérieur de l,i mis-
sion, dans la province du Tché k ang.
Mais une persécution s'étani élevée
contre les missionnaires , au sujet de
ralmanach rédigé par le P. Adam,
président du collège de mathénia-
tiqifes ( F. Scuall), Navarelte fut
conduit à Peking , avec ses con-
ffères , et relégué ensuite à Canton ,
avec défense de pénétrer dans l'inté-
rieur de l'empire. Il parait qu'à cette
époque il approuvait le système de
tolérance adopté par les Jésuites ,
relativement aux cérémonies chi-
noises ; car , dans une lettre qu'il
écrivait , en i GCij) , au P. Govea ,
vice-provincial des Jésuites de la
Chine , il dit : « Pour ce qui regarde
» les morts , les écriteaux et les cé-
» rémouies funèbres , nous suivons
» littéralement tout ce qui fut arrêté
» dans l'assemblée de vos Pt^'res , qui
» se tint à Hang - tchéou , en avril
1» \iy\x. Q lant à Gonfucius , nous
■» permettons ce que vos Pères per-
» mettent de pratiquer, en retran-
» chant les deux cérémonies solcu-
^AV 007
» nelles que la Comj)agnic ne permet
» pas non plus. » Le P. Navarctte
élait dans la même prison cpie le P.
Intorcetta ; et ce ne fut que deux ans
après le départ de ce religieux ( f^.
l.Mor.<:i;rTA, XXT , i^f) ), qu'il par-
vint à s'échapper de prison , et s'en-
fuit à Macao. Le P. Grimai Ji, jésuite,
prit voloLtairemcnl la place du fu-
gitif, et se constitua pri-ounier, pour
rendre le nombre complet , et pour
arrèîei' par -la les ponv-uites qu'on
n'aurait pas manqué do diiiger con-
tre le P. Navarcîte . et les mesures de
ligueur contre ses compagnons soup-
çonnés d'avoir favorisé son évasion.
Navarelte, étant rep issé en Eurojic ,
s'..rrêta quelques m^is en Esjta^ne ,
pour y prendre du repos , et nartit
pour Rome, où il arriva dans les prc-
miersjo irsdel'aïuieo iG^S. Lecumj)-
te qu'il [)résenta de l'état des missions
de la Chine , et dans lequel il re\ icnt
au système de rigueur adopté par les
missionnaires de son ordre, et sclève
fortement contre la condescendjucc
des Jésuites, fut apjtronvé par le
sacré collège; et l'on résolut de l'y
renvoyer avec le titre d'évêque : mais
il se défendit d'accepter une charge
qu'il jugeait au-dessus de ses forces.
Le roi d'Espagne l'ayant nommé à
l'archevêchéde Saint-Domingue , eu
1G78 , il fut obligé de faire taire ses
répugnances , et partit aussitôt pour
son diocèse , qui soulFrait de î'ab-
scuce de son premier pasteur. ]\IaI-
gré les violents démc'és qu'd venait
d'avoir avec les Jésuites, il favorisa
de tout son pouvoir leur éablissc-
ment à Saint - D >miiigue , et fonda
pour eux un collège et une chaire
de théologie dans sa ville épisco-
pale. Ce digne prélat mourut , uni-
versellement regretté, en 1689. Le
plus connu de sps ouvrages est in-,
titulé : Tratados historicos , yuU-
6o8
NAV
ticos , ethicos y religiosos de la
monarcliia de China , Madrid ,
1676, iu-fol. Ce volume, qui est
très-rare , est divise en scpl livres.
Le premier traite de la geoc;raphic et
du gouvernement de la Chine ; le
second , des mages civils et reli-
gieux ; le Iroisièuic, de Goufucius
et de sa doctrine ; le quatrième , des
principes de morale des Chinois ; le
cinquième , des différends des mis-
sioiuiaires ( i ) et des livres classiques
de la Chine : le sixième comprend la
relation des différents voyages de
l'auteur; et le septième , les décisions
de la cour de Rome, sur les prati-
ques superstitieuses des Chinois. Le
sixième livre a été traduit en anglais
dans la Collection of vojages and
travels ( de Churchill ) , etc. , Lon-
dres , 1704, in-fol. ( F. Locke,
XXIV , Gi 5 ) ; cl l'abbé Prévost en
a donné un extrait intéressant dans
VHist. générale des voyages. L'ou-
Trage est rempli de détails curieux
(2) ; mais on voit que l'auleur raan-
3uait de méthode , et son style est
'une prolixité fatigante. Navarette
se montre supérieur aux préjugés de
sa nation : il condamne , sans mé-
nagement , les cruautés commises
par ses compatriotes , en prétendant
établir dans les Indes une religion
d'amour et de charité; et il rend
justice aux bonnes qualités des Chi-
nois , dont il loue surtout l'huma-
iiiîé , le respect pour les femmes ,
f 1) La passion rt la vivacité de rnuteiir s'y mon-
In-ul ii uu lel point que quelqiif'S-uns de se» coiifrè-
r^s n'eu purent cai;luT leur mécontent- ment : l'on
d'eux , le P. Pierre d'Alcaiès , écrivant au P. I;itor-
cett.), une lettre Ha éc de Lan-ki , le 3i mars 1680,
dit en parl<»nt de ce livre : «< Dieu m'est témoin conj-
» bien i'<ii suis indigné ; « t que , si cela était va muu
»> punvoîr , îe l'efiaccrais de mon propre sang. »
(a) C'e-^t Ti tort «pie Voltaire a prélendn s'appuyer
de l'aulorilc du P. Navjretle peur loiitesler l'au-
tlieuticite du fameux mouuiueat de Si'ou-luu f y.
0-1,0 PEN j.
NAV
et les vertus hospitalières qu'il avait
tant de fois éprouvées. Le premier
volume , dont on vient de présenter
une analyse sommaire, fut, dit-on ,
suivi d'un second , imprimé à Ma-
drid , en 1679 , qui coutemiit le dé-
tail des Conlrovcrses débattues en-
tre les Jésuites et les Dominicains;
mais les Jésuites profitèrent de l'é-
loignement de l'auteur pour en ob-
tenir la suppression , qui fut faite
avec tant de rigueur , qu'on n'en
connaît pas un seul exemplaire ; et
ils s'opposèrent à l'impresssion du
troisiènie volume , qui devait com-
prendre les remarques et les obser-
vations que l'auteur n'avait pu faire
entrer dans les précédents, ISavaretle
a publié, en langue chinoise, une
Explication des vérités de la reli-
gion , avec la réfutation des erreurs
particulières aux Chinois ; — un
Caté hisme ; — un Traité des noms
admirables de Dieu ; — et une
Apologie des missionnaires , en ré-
ponse à deux écrits d'un lettré ,
nommé Fang-kouang sian. On peut
consulter sur cet écrivain la Biblioth.
des PP. Echard etQuetif, ii, 720-23.
W— s.
NAVARETTE ( Fernàndez - Xi-
isienksde) , est le nom que quelques
biographes donnent au fameux pein-
tre espagnol , plus généralement dé-
signé p.ir le surnom de Miido, parce-
(ju'il était sourd et muet. Fuessli ,
d'après Palomino Velasco, le nomme
Navarretto ( Jean-François-Xime-
nès ). Le Diclionnaire des peintres
espagnols, par F. Quilliet , l'appelle
Fernandez Navarrete EL jNIuBO
( Jean ); et c'est rorlliographe qu'on
a suivie à l'article qui lui a été
consacré dans cette Biographie ;
FoY. tome XIV , pag. 385. Z.
NAVARRE ( Pierre ) , célèbre
capitaine espagnol , était uc au quiu-
NAV
ziemc siècle , dans la Biscaye , d'iiiio
faïuillc obscuie. Il servit d'abord
comme simple matelot , et , dc'goùtc
de ce juelicr, vint eu Italie , à la suite
du cardinal d'Arap,oii , pour y tenter
lortune. Il s'eniôla dans les bandes
génoises, et se trouva, en 14^7^ «'H
siège de Scrancssa ,oii fut faite la pre-
mière épreuve de la mine : cet essai,
n'ayant point réussi , fut abandonne ;
mais Pierre s'empara de celte terri-
ble découverte , et vint à bout de la
perfectionner dans la suite. Ce fut
dans une campagne contre les Mau-
res , qu'il commença de paraître avec
éclat; et après la prise de Velez-lVIa-
laga , il en fut nomme' gouverneur.
La réputation qu'il s'était acquise par
sa valeur, le fit connaître du grand
Gonzalve , qui l'emmena à la con-
quête du royaume de Naplcs. Il diri-
gea le siège du château de l'OEuf , re-
gardé comme imprenable ; et après
avoir sommé le commandant de lui
en ouvrir les portes , il renversa les
murailles, au moyen des mines dont
ilavait alors seul le secret, et entra par
la brèche. La même année (i5o3), il
prit d'assaut le Mont-Cassin, occupé
parles Français, et contribua beau-
coup à les chasser duroyaume. Pierre
fut récompensé de ses services par
l'expédition de lettres de noblesse ,
et l'investiture du comté d'Alvetlo.
Nommé commandant d'une flolille,
il donna la cha-se aux pirates qui
infestaient les côtes de l'Italie. De
retour en Espagne , en iSog, il prit
le Pignon de Vêlez, sur la cote d'A-
frique , et rendit de grands services
aux Portugais contre les Maures. Il
fut, bientôt après, mis à la tête de l'ex-
pédition d'Afrique , entreprise par
le cardinal Ximcnès. Ses premiè-
res opérations curent de l'éclat ( F.
XimenÈs ) ; ics Maures perdirent ,
Oran , Bugie et Tripoli ; mais leur
XXX.
NAV
Oo|^
cavalerie (iuit par rmnporter une vic-
toire décisive , dans la défense de
l'île de Djerbi , sur une armée déjà
décimée par les chaleuis, Pierre
éprouva de nouveaux revers en Ita-
lie. Eu i5i i , il se trouva au siège
de Bologne , où il employa la mine
avec peu de succès, à raison de l'hu-
midilédu terrain. Il fut fait prisonnier
à la Isataillc de Ravcnnc , en i5i2 ,
et languit en France pendant deux
ans. Ferdinand, son souverain, avant
lefusé de jiaycr sa rançon , Pierre _,
indigné de cette ingratitude, lui ren-
voya ses brevets, et accepta les oftres
de François I^' .Bientôt, à la tête de six
mille Basques et Gascons, qu'il venait
de lever, il entra dans le Milancz , et
contribua à la prise de Novai-e, de
Vigevano et de Pavie. Il se signala ,
eu 1 5 1 5 , à la bataille de Marignan ,
et à l'ai laque du château de Milau :
il conduisit , en \~yii , des secours à
Lautrcc , arrêlé par des forces supé-
rieures , et se couvrit de gloire au
malheureux combat de la Bicoque.
Pveutré en France après la perte du
Milanez , il donna le conseil de tout
tenter pour sauver Gènes , et fut
chargé d'y introduire lîes troupes:
malheureusement , onne trouva dans
les ports de la Provence que deux
petits bâtiments, sur lesquels il mit
deux cents hommes ; ce faible ren-
fort , arrivé au moment où la ville
venait d'cU'e prise d'assaut, fut en-
veloppé de toutes paris. Pierre , qui
le conduisait , subit , au château de
rOEuf , une captivité de trois ans. Le
traité de Madrid lui rendit la liberlé.
11 se hâta de rentrer en France , y
leva un nouveau corps, et suivit Lau>
trcc dans son expédition contre Na-
plcs. La maladie qui enleva une par-
tie de l'arriiée française et son général,
ayant obligé à la retraite, Pierre fut
pris à Avcrsa par les Espagnols,
39
6io
NAV
a et mené à Kaples , ou , par le
» commandement de ''empereur, il
» fut etoifftc entre deux coites de lit,
i> comme me dirent aucuns vieux sol-
)) dats espagnols , la première fois
» que je fus à Naples , et m'en mon-
» trèrentlelieuet la prison. D'autres
» disent, qu il fut etrangledecordcpar
« main de l^ourrcau , mais pourtant
» eu cachette » (Brantôme, Grands
capit. étraiig. , dise, ix ). La haine
que Charles-Quint portait à un trans-
fuge si important pour la France , a
pu accréditer ces bruits ; mais il pa-
raît que la maladie dont Pierre était
atteint , et le chagrin , terminèrent
seuls ses joiu-s , en iS-^S. Le duc de
Sessa ( I ) lui fit élever un tombeau ,
à côté de celui de Lautrec , dans
l'église de Sainte-Marie la nuova ,
avec une épitaphe , rapportée par
Brantôme. Pierre de Navarre joignait
à une rare valeur , beaucoup d'acti-
vité , d'intelligence et de finesse :
aucun capitaine n'entendait mieux
que lui la guerre des sièges ; et il pas-
sait pour le premier homme de son
temps da.'s tout ce qui était relatif
auxfurtifications. PaulGiovio et Phi-
lippe Tomasini ont publié des élo-
ges de Pierre de Navarre ; son por-
trait a été c;ravé jilusieurs fois. W-s.
NAVARRE (Le docteur) , fameux
théologien espagnol , dont le vrai
nom était iMartin Azpilcueta , na-
quit, le i3 déc. 1493, à Varosa'in
dans la Navarre , à quelque distance
de Parapelune. Il commença ses étu-
des h Alcalà de Héaarès , et alla les
continuer en France. Ce fut à Tou-
louse et à Cahors qu'il débuta dans
l'art de professer. Après avoir sé-
journé quatorze ans en France, U
rctourn.a en Espagne , fut nommé
(1^ Et non Serra, ccmme ou î'a dit par erreur
typogràjliique, arL LAUTREC , XXIII, 45i.
NAV
chanoine à Roncevaiix, et remplit à
Salamanque la première chaire du
droit canonique, pendant quatorze
ans. Jean , roi de Portugal , l'ayant
appelé à Co'imbre , pour donner de
l'éclat à l'université qu'il venait de
fonder , lui assigna un salaire de
raille pièces d'or. Azpilcueta se livra
dans cette ville, avec beaucoup de
succès , à l'enseignement , pendant
vingt-six années, et forma un grand
nombre d'élèves distingués , ])armi
lesquels on compte Diego Covar-
ruvias , le Bartole de l'Espagne.
Jeanne d'Autriche, et les princes de
Bohème, le choisirent pour leur con-
fesseur. Son grand âge lui ayant fait
enfin désirer le repos , il se retira
dans sa ville natale. L'amitié, que
l'âge n'affaiblit pas dans les amcs
vertueuses, l'arracha pourtant à sa
retraite, et le fit reparaître avec
éclat sur le tliéâlre du monde. Ayant •
appris que l'archevêque de Tolède,
Barthélemi Carrança , dont il avait
reçu de grands témoignages d'afTec-
tion, était accusé d'hérésie et avait
été jeté en prison à Rome, il entre-
prit, quoiqu'octogénaire , le pénible
A^uyage d'Italie , pour défondre son
bienfaiteur. Ses cfTbrts furent infruc-
tueux; et l'archevêque;, après avoir
langui long-temps, mourut dans sa
captivité, sans que l'on eût terminé
l'examen de son procès. Cependant
la chaleur et le courage avec lesquels
il fut défendu par Azpilcueta, ajou-
tèrent encore à la vénération que la
cour de Rome avait pour ce viei dard.
Lepape Pie V lui accorda le titre d'as-
sesseur du cardinal François Alciatj
et Grégoire XIII, accompagné de
plusieurs cardinaux , lui rendit une
visite solennelle. Ce même pape ne
jugeait pas un cas de conscience sans
l'avoir consulté; et il aimait tant la
conversation dn savant docteur, que
NAV
souvent il s'arrêtait devant la jnai-
soii lie celui-ci , le faisait appeler, et
s'entreieiiait avec lui dans la rue ,
pendant une heure cnlicrc. Le roi de
France ayant envoyé à Rome Paul
de Foix, qui fut accoiupaji^ne dans
son anibassalc par de Thon, ce cé-
lèbre historien eut occasion de con-
naître A/.pilcucla plus particulière-
ment. Il raconte cpie ce docteur avait
été plusieurs fois consulté par Char
les-Qiiinl et Philippe II, pour sa-
voir s'ils pouvaient garder à juste
titre le royaume de Navarre, dont
ils s'étaient emparés; et il ajoute
que le théologien avait répondu, avec
franchise , que leur conscience et
leur devoir exigeaient de restituer
cette province à son maître légi-
time. Les marques d'honneur dont
Azpilcueta fut comblé à la cour de
Rome , ne changèrent en aucune fa-
çon, ni sa vie simple et frugale, ni
ses sentiments désintéressés et géné-
reux. Il refusa toutes les dignités
qu on voulut lui conférer. Son ca-
binet était toujours ouvert à ceux
qui venaient , souvent de très-loin ,
pour le consulter : il distribuait beau-
coup d'aumônes; et il avait tellement
pris riiabitude d'être charitable ,
que , (pand il passait dans la rue ,
sa mule s'arrêtait d'elle même toutes
les fois qu'elle rencontrait un pau-
vre ; et elle n'avançait que lors-
qu' Azpilcueta lui avait mis dans la
main , selon sa coutume, une pièce
d.e monnaie. Il avait fondé et doté
dans sa patrie l'hôpital de Sainte-
Lucie. A Coimbre , sa maison était
l'asile des malheureux. Pendant le
jour , on le trouvait occupé à don-
ner audience ou a répondre par écrit
aux personnages les plus distingués
de l'Europe , qui solliciîaieut ses
svis, regardés comme des oracles.
Le soir , ou le voyait souvent visiter
NAV 6ii
les hôpitaux , soulager et consoler
les infirmes et les misérables , et les
servir avec une humilité lomJiante,
portant un tablier, et ne se rebutant
point des plus viles fonctions. Sa
sobriété et sa modération soutinrent
sa santé, jusque dans son extrême
vieillesse, (pioiqu'il fût d'une com-
|)lc\ion délicate, afïidblie encore par
les jeunes qu'il observa scrupuleu-
sement tonte sa vie. Il n'accordait au
sommeil que cinq heures : ses repas
étaient également très - courts , et
toujours accompagnes d'une lecture
pieuse. 11 travailla , et il dit la messe ,
encore quelques jours avant sa fin.
Sentant enfin la mort s'approcher ,
il se fit lire la Passion de Jesus-
Christ; et quand le lecteur en vint à
ce bel aveu du Sauveur : a J'ai tou-
» jours parlé aux hommes eu public ,
» et je n'ai jamais rien dit en secret. »
Azpilcueta répéta d'une voix déiail-
iaute , mais avec un contentement
visible, ces mots dont sa conscience
se faisait Tapplication à elle-même.
Aussitôt après il expira, âgé de qua-
tre-vingt quinze ans, le -i 2 juin 1 586.
Son corps fut porté à Saint - Antoine
des Portugais, au Champ-de-Mars ,
où il fut euterré, Thomas Correa
prononça sur sa tombe une oraison
funèbre , imprimée à Rome en ï 586 ;
et Martin Zurita , son neveu , lui
érigea un monument avec son buste
et une épitaphe qu'on trouve dans
la collection de ses œuvres. Simon
Magnus avait publié , du vivant
d' Azpilcueta , des détails sur sa vie
( Fita excellenlissimi juris juonar-
chœ Mart. .J zpilciiet a .Rome, 1 075,
in-4°. ) Jiil. Roscius Hortinus , son
disciple , publia dans la suite inie
autre notice biographique, qui a été
insérée dans le premier volume de
ses œuvres. Azpilcueta n'avait jamais
voulu permettre qu'on fît son por-
Gire
NAV
trait , quoique des personnes d'une
haute distinction le lui eussent de-
mande comme une grâce : un artiste
portugais le fit à son insu pendant
qu'il disait la messe; on en voit des
copies dans les ouvrages qu'on vient
de ciîer. Les traites d'Azpilcueta ont
e'tc imprimes séparément et à diver-
ses époques : on les a recueillis en 3
vol. in-t'ol. , à Lyon, i5S(}, et on 6
vol. in-4". , à Venise , 160-2 ; idem ,
Cologne, 1616,5 vol. in-foi. Parmi
ces ouvrages généralement estimés ,
et qui ont été fort recherchés des ca-
siiisfes , et de ceux qui s'occupaient
de l'étude du droit canonique, ou
distingue plus particulièrement, dans
le i<^' . vol. édition de Venise , le 4*^.
traité, intitulé De alienatione rerum
fcclesiaslicanim, et le 6^. De rediti-
bus beneficimiim ; il soutient dans ce
dernier que les béneficiers ne doi-
Aent employer le revenu de leurs
bénéfices qu'au soulagement des pau-
vres : cette sévérité de principes lui
attira des ennemis. François Sar-
miento, auditeur de rote, publia un
écrit pour attaquer cette décision.
Mais Azpilciteta lui répondit par un
nouveau traité in(iiulé,-'^;t*oZt):,'-^a"c//5
pro libre de reditibus : on le trouve
dansle'2*^.vcl. delà collection de ses
ouvrages. Enfin , dans le 3^. vol, , ses
Traités de Cambus , de Furto , de
Homicidio casuali , prouvent que
les éloges que presque tous les sa-
vants ont faits d'Azpilcueta, n'étaient
que le tribut qu'ils payaient au me'-
Titeetaux rares qualités de se savant
jurisconsulte. D — g.
NAVIER (Pierre Toussaint),
médecin, ne à Saint-Dizicr , le i<^'".
novembre 1 7 12 , fut reçu docteur en
médecine à Reims , eu 1741. Il choi-
sit Châions-sur-IVIarne pour le lieu de
sa résidence , et mérita bientôt le
titre de correspondant de l'académie
NAV
royale des sciences , par un Mémoire
contenant la découverte de l'éther
nitrcux. Depuis ce temps, chaque
année de sa vie fut marquée par de
nouveaux mémoires oudissertations ,
que l'on trouve insérés dans les Re-
cueils de l'académie des sciences , de
l'acad. de Chàlons,el dans la Gazette
de médecine. Toujours animé de l'a-
mour du bien public , et du désir de
contribuer au progrès des sciences
et des arts , il entreprit de les fixer
parmi ses nouveaux concitoyens, en
formant , avec Dupré - d'Ornay et
d'autres , le projet d'une société litté-
raire , qui commença ses séances en
1753 , et qui fut érigée, au mois
d'août 1775, en académie des scien-
ces, arts et belles-lettres. Louis XVI
lui donna, (;n 1779, une pension,
dont il ne jouit pas long-temps ; car,
après une maladie longue et doulou-
reuse , il mourut à Chàlons, le 16
juillet 1779, emportant les regrets
de ses concitoyens , dont il avait mé-
rité l'estime par ses talents, sa dou-
ceur et son généreux dévoùment. Na-
vier s'était marié, et avait eu douze
enfants , dont deux se livrèrent avec
succès a la même profession que
leur père. Outre les différents Mé-
moires dont nous avons parlé, on
a encore de lui : I. Dissertatkn sur
plusieurs maladies populaires , Pa-
ris, i753,in-i2. IL Observations
sur V amollissement des 05 , Paris ,
1755, in-r2. IIL Des Observations
sur la jusquiame IV. Obser-
vations .ur le cacao et le chocolat ,
Paris, i77->-, in-ia,de 144 P^g- V.
De thermis Borboniensibus , 1774»
in - 4"- VI. Réjlexions sur les dan-
gers des inhumations précipitées ,
et sur les abus de l'inhumation dans
les églises , Paris , 1775 , in - 12 ,
de 79 pag. VIL Question sur l'em-
ploi du vin de Champagne mous-
scux , contre les maladies putri-
des, 1778, in-8". VllI. Précis des
mojens de secourir les personnes
empoisonnées par les poisons cor-
rosifs, 1778, in-8". IX. Contre-
poisons de l'arsenic , du suhlimé-
corrosij , du i'crt - de - i^ris et du
plomb, avec trois Dissertations sur
le mercure et Véther nitreiix , Paris,
1778, 2 vol. in- l'x. Cet ouvrage,
puise dans la chimie la plus pro-
fonde , et le fruit de plus de trou le
années d'étude , jouit encore d'une
estime raërite'e ; il a ctë traduit en
allemand, par G.-E. Weigel , Greifs-
wald, I78-2, '^ vol. in-8". T'ojez
V Eloge de Navier , par V icq-d'Azyr,
dans le Recueil de la société' royale
de médecine, 1779, H. pag. 5-2.
C. ï— Y.
NAVILLtl ( François-André ) ,
d'une ancienne famille de Genève,
naquit dans cette ville, le i5 février
17.52. Il fut reçu avocat, en 177Ô;
et il parvint , en 1 78'-i , à la place de
procureur-général, l'une des plus
importantes de la république. Un
édit du 'Il novembre 178'.^ venait
de décréter une chambre des tutel-
les ^ la présidence hii en fut déférée.
C'est à l'influence de son exemple ,
c'est au mouvement qu'il imprima ,
que cette institution a dû de lui sur-
vivre. A peine comptait-elle trois
ans d'existence, et déjà elle avait at-
teint son but; les comptes arriérés
des tuteurs étaient réglés; une raarclie
fixe était assurée pour l'avenir; et
la générosité des particuliers avait
doté cette chambre d'un revenu des-
tiné à fournir des apprentissages aux
mineurs sans fortune. Quarante ans
se sont écoulés , et le bienfait de
l'institution subsiste. Aussi le nom
de Naville , devenu inséparable de
cet établissement pliilantropique ,
est-il toujours béni de la veuve et
NAV
6i3
de l'orplielin. Après avoir rempli la
place de procureur - général , pen-
dant les six ans que la loi assi-
gnait à cet emploi , Naville fut élu
conseiller-d'élat. Il publia, en 1790,
in - 8". , V Etat civil de Genève , le
premier de ses titres à la reconnais-
sance de ses concitoyens. Cei ouvra-
ge offre un modèle de l'application
de la méliiode analytique à la scien-
ce législative. C'est par leurs eftels
que Naville juge les institutions et
les lois civiles de sa patrie. Eu rap-
prochant ses recherches, des données
que les écrits des jurisconsultes et des
pubHcistes lui fournissent sur les au-
tres nations, il parvient à établir
que Genève, toute proportion gar-
dée, était probablement le pays de
l'Europe où il y avait le moins de
procès , celui oîi la justice coûtait le
moins. De ces elî'ets constatés de la
législation existante, Naville passe
cà l'examen des principales lois aux-
quelles il les attribue. L'homme d'é-
tat et le jurisconsulte liront toujours
avec fruit les deux chapitres sur la
Suhhastation des immeubles , et ce-
lui où l'auteur décrit ce bureau de
conciliation, volontaire et gratuit,
qui n'abandonnait jamais les plai-
deurs, depuis le premier juge jus-
qu'au tribunal suprême. Mallet-Du
pan , rendant compte , dans le Mer-
cure du 28 août 1 790 , des travaux
de l'Assemblée constituante sur l'or-
ganisation judiciaire, en profita pour
annoncer l'ouvrage de son compa-
triote, et pour ofli'ir à la méditation
des législateurs français les résultats
de l'expérience sur ce mode de con-
ciliation des tribunaux de Genève.
Les notes qui accompagnent l'ouvra-
ge de Naville, renferment une foule
de vues nouvelles et profondes suj-
les points les plus importants du
droit : on y trouve les germes de
Cî4 NAV
plusieurs autres traites que me'ditait
l'auteur. Les elForls de Navillc pour
attacher les Geuevois à des institu-
tions dont il leur depei|^nait les bien-
faits, ne purent les sauver de nou-
veaux troubles : l'aucienne consti-
tution l'ut renversée , le Mj décembre
179'^ ; le gouvernement passa en
d'autres mains , et Naville rentra
dans la vie privée. En juillet 1794,
une eiTroyable insurrection éclate à
Genève ; les membres de l'ancierne
magistrature , et une foule d'autres
citoyens , sont entassés dans une
prison : un tribunal révolutionnaire
siège pour prononcer sur leur sort.
Les vertus de Naville , les services
qu'il avait rendus à sa patrie, sa no-
ble défense devant ceux, qui s'étaient
constitués ses juges , ne purent le
sauver: condamné, à la majorité
d'une seule voix , il fut mis à mort ,
le 2 août i7ç)4- Z.
NAWAWI (MouiEDDiN Abou
Zacuaria Yahia ) , fils de Scharaf ,
né l'an 63 1 ( i233 de J. -G. ) , à
Nawa , bourg du territoire de Da-
mas, docteiir de la secte Scliaféi-
tique, mort à Damas en 676 ( i'i77 ),
se rendit si célèbre par sa science
et ses nombreux ouvrages , que les
Musulmans l'ont proclamé le grand
imam de son siècle. Il a particulière-
ment écrit sur la jurisprudence et les
traditions. On distingue , entre ses
meilleures produclions, un Commen-
taire sur le Coran, qu'il finit en 666
( I ^67 ) , des Règles critiques pour
V histoire , et un Dictionnaire histo-
rique , souvent cité sous le nom
seul d'Abou - Zacharia , et qui se
trouve en manuscrit à la bibliothè-
que de Leydc ( f^. le Journ. des sa-
vants de juin 182 1 , p. 3 19 ). So'iou-
thy a écrit la vie de Nawawi. Z.
NAZL-VNZE. F. Grégoire f tom.
XVÏII,pag.4i4.) .
NAZ
N AZOUH ouNASSOUH-PACHA,
grand - vézyr sous le sulthau Ach-
mel I'-''", , était fils d'un piètre grec
de Serres, près Salonique, et porta
long-lcmps le nom de sou village.
Envoyé à Gonstantiuople, vers l'an
i56}S, comme cufaiit de tribut, pour
le service du sérail, et rebuté [)arcc
qu'il éiait petit et qu'il avait le teint
basaué et les traits désagréables , il
fut vendu à Mehemel Agha , eunu'jue
noir, qui lui enseigna le turc, et lui
apprit à lire et à écrire. Les pen-
chants vicieux du jeune esclave lui
firent perdre ralTcclion de son maî-
tre, qui voulait lui laisser sou héri-
tage, m.iis qui, par ua reste d'indul-
gence , le fît recevoir au nombre des
baltadjis ( portiers , tendeurs de bois
et commissionnaires du sérail ). Em-
ployé <^n cette qualité par le kislar
agha ( chef des eunuques noirs ) , et
chargé de quelques commissions dé- ,
licates , il dut aux ressources d'mi
esprit peu difficile sur les moyens,
la faveur de cet officier et le nom de
Nassouh ( homme de conseil ) : ad-
mis enfin au service de la sulthane
Validé , il marcha rapidement à la
fortune. Envoyé en Syrie, comme
intendant des domaines qu'y possé-
dait celte princesse , il sut, à force
d'extorsions et d'iniquités, augmen-
ter les revenus de la sulthane, et pour
son propre compte amasser des som-
mes considérables. Parvenu au rang
de capidjy-bachy , à celui de pacha ,
et pourvu du gouvernement d'Alep,
il s'y rendit si odieux par ses exac-
tions et ses cruautés , qu'il fut révo-
qué. Au lieu d'obéir , il résista long-
temps à son successeur. Forcé enfin
de céder, il alla secrètement à Gons-
tantlnople , se présenta di:vant le
sulthan Mahomet III, à l'iusu du
grand- A^ézyr, eut l'art de persuader
à sou maître qu'il était innocent, et
NAZ
recouvra sa faveur , eu de'^iit des
courtisans. iNomnié au pacli-ilik de
Baghdad , dont les peuples ne voulu-
rent point le recevoir, il fut oblige'
de se contenter de celui de Diarbe-
kir. L'an i60] , il marcha contre un
rebelle qui s'était empare de Bagh-
dad ; mais ses troupes l'abandonnè-
rcnt , et il fut contraint de fuir lion-
teusemcnt. Ce revers le fit soupçon-
ner de trahison: on le rappela; il
désobéit, et fit redouter sa desobcfis-
sance. Le graud-ve'zyr Mourad- Pa-
cha , envoyé pour faire la guerre au
roi de Perse, en 1609, fut charge'
défaire périr Nazouh. Gelni-ci vint
le joindre avec des troupes nonibreu-
scsj il capta sa confiance, et roussit à
devenir son premier lieutenant. Mais
à la fin de la campagne suivante , le
serasker mourut empoisonne par
ce traître , qui , s'etaut empare des
sceaux de l'état et du commande-
ment de Tarméc, parvint à se faire
nommer grand-ve'zyr, par la crainte
que Ton eut à la Porte qu'il ne livrât
ces frontières au roi de Perse. Il
paraît en effet que Nassouli se lais-
sa corrompre par Chah - Abbas ;
car il conclut aussitôt la paix avec
ce monarque , en 1 G 1 1 . Il aurait bien
voulu rester en Mésopotamie , pour
y jouir tranquillement du fruit de ses
rapines , de'posëes , ainsi que sa fa-
mille , dans la forteresse de Mardin,
Mais les invitiitions re'iterces d'Ach-
met P"". le déterminèrent à revenir à
Constantinople, où il arriva le 19
septembre i6iu. Ses ennemis regar-
daient sa perte comme infaillible ,
du moment où, séparé de l'armée et
convaincu de crimes nombreux , il
ne fallait plus qu'un mot du sullhan
pour terminer une carrière souillée
de forfaits. Cependant , dès sa pre-
mière audience , il se justifia si bien ,
qu'il épousa une fille en bas âge de
i\AZ
Gi
son souverain, qui d'abord ne la lui
avait promise que dans l'intention
de le tromper. Nassouh se vit alors
plus en crédit que jamais, par l'ap-
pui de la siilthauc Kiosem , sa belle-
mère ; il l'avait mise dans ses inté-
rêts , en li'.i promettant d'assurer
l'empire au second fils du grand-sei-
gneur , dont elle était la mère. L'or-
gueil du vézyr n'eut plus de bornes.
Le nombre de ses officiers et de ses
esclaves était si considérable , que ,
lorsqu'il paraissait en public , son
cortège égalait celui du souverain.
L'arrivée de Djigal Ogiou-Mahmoud,
ex-pacha de Baghdad et beau-frère
du sulthan , confondit enfin les intri-
gues de Nassouh, et entraîna sa chu-
te. Achraet , déjà ofTiisquc du faste de
son vézyr, ayant acquis la preuve de
sa trahison , résolut de le faire périr.
Le vendredi 9 octobre 1614, jour
d'autant plus solennel , qu'on était
alors dans le ramadban, Nassouh,
appelé au sérail pour accompagner
le sulthan à la mosquée , refusa de
s'y rendre, sous prétexte d'une grave
indisposition : soupçonnant le sort
dont il était menacé , il avait offert
d'abdiquer le vézyrat. Achmet alors
lui fit annoncer sa visite j mais au
lieu de monter en carrosse, il envoya
à sa place le bnstandjy-bachy. Ar-
rive au palais du vézyr, cet officier,
suivi de huit hommes dévoués, pé-
nétra sans obstacle dans l'apparle-
ment_de Nassouh, l'obligea de re-
mettre les sceaux , et lui signifia
Farrèt du suilhan. En vain le mi-
nistre tremblant sollicita la faveur
do parler à sa femme et à son sou-
vciain , ou du moins un délai pour
faire son ablution : les bostandjis
l'étranglèrent , et portèrent le corps
au grand-seigneur , qui, après avoir
rendu grâce à Dieu d'être débvré de
ce traître, ordonna qu'on lui cou-
ûit] NAZ
pât la tête et qu'on jetât son corps
par la fenêtre. Ses richesses , qui
étaient immenses, passèrent dans le
trésor du sultliaii. Outre des sommes
considc'raljlcs en or et en arj^eut, on
trouva chez lui une cuorme quantité
de pierreries montées en or ; mille
cpécs , des élriers , des poignards
ornés d'or et de pierres précieuses.
Ses écuries contenaient onze cents
chevaux, et il possédait en ontresix
mille chameaux, quatre mille mulets,
et six cent mille bêles à cornes. La
relation la plus exacte de la catas-
trophe de Nassouh-Pacha se trouve
dans le tome i*^"" ,Jes Vojages de
Pictro deîla Valle. A — t.
N.lZZARI (François), littéra-
teur italien, né vers i634, dans le
Rer'^amasque, embrassa l'état ecclé-
siastique, et obtint , jeune encore ,
une chaire de philosophie au col-
lège de la Sapience; il la remplit de
manière à mériter les suffrages des
juges les plus éclairés, et la bienveil-
lance de ses supérieurs. Rlich. Ange
Ricci, depuis cardiual , lui conseilla
d'entreprendre la rédaction d'une
feuille périodique sur le plan du
Journal des sitvants , qui parais-
sait depuis peu de temps ( V. D.
Sallo ). INazz^ri forma doue nne
société de liitérateurs et de savants,
qui s'engagèrent à lui fournir des
extraits d'ouvrages en langue étran-
gère; il se chargea lui-même de l'a-
nalyse des livres français , et de la
révision de tous les articles qui lui
seraient envoyés. Le journal de Naz-
zari commença en i66S, et fut con-
tinué avec le plus grand succès jus-
qu'au mois de mars 167 5. A celle
NAZ
éj)oque Nazzari s'étant broiiiilë avec
'Piuassi , sou imprimeur , la société
fut dissoute ; e£ Ciampini , l'un des
collaborateurs , prit la direction du
journal ( /^. Ciampini, VIII, 5'2i ):
mais Nazzari , piqué de se voir dé-
pouiller ainsi de sa propriété par
un de ses amis, forma une nouvelle
société, et continua de faire paraître
son journal chez l'imprimeur Car-
rara jusqu'à la fin de l'année 1679.
C'est le premier et le modèle des
Giornale de' Letterati , si multi-
pliés depuis en Italie. Il a été réim-
prime à Bologne avec quelques ad-
ditions. Nazzari était attaché, com-
me secrétaire , à Jean Lucius , savant
dalmate , et il l'aida dans la rédac-
tion de ses ouvrages ( F. Lucius ,
XXV, 373 ). 11 suivit en France
Adrien Auzout, célèbre mathéma-
ticien , auquel il fut , dit-on , très-
utile. La douceur de ses mœurs , sa
politesse et son érudition, lui méri-
tèrent la faveur des prélats les plus
illustres. Il passa dans l'aisance une
vieillesse honorable , et mourut à
Rome le 19 octobre 1714» ''gc Je
plus de quatre-vingts ans. Par son
testament , il lésua sa riche biblio-
thèque à l'église des Bergamasqucs ,
et fonda un collège à Rome pour les
jeunes gens de sa province. Outre le
Journal dont on a parlé , on lui
doit une traduction italienne , élé-
gante et fidèle , revue par le cardi-
nal d'Estrées , de V Exposition de
la doctrine de V Eglise Catholique ,
par Bossuet, Rome, i67}>, in-8°. ;
et une bonne édition des Letlere
discorsive , de Diomède Borghesi ,
ibid., i7oi,iu-4<'. W — s.
Fl> DU TRE>T1EIVIE VOLUME.
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