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Full text of "Biographie universelle ancienne et moderne, ou, Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes : Ouvrage entièrement neuf"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


Iittp://www.arcliive.org/details/biograpliieuniam30micli 


BIOGPiAPHIE 

UNIVERSELLE , 

ANCIENNE  ET  MODERNE. 
MOiSTM  — NAZ. 


DE  L'IMPRIMERIE  D'EVERAT, 

RUE  DU    CADRAN,     K".     l6. 


BIOGPtAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE, 

ou 


niSTOTRE,  PAR  ORDRE  ALPHABETIQUE^  DE  LA  VIE  PUBLIQUE  ET  PRIVEE  DE 
TOUS  LES  IIOMMLS  QUI  SE  SONT  FAIT  REMARQUER  PAR  LEURS  ECRITS, 
LEURS  ACTIONS,  LEURS  TALENTS,   LEURS  VERTUS  OU  LEURS  CRIMES. 

OUVRAGE     ENTIÈREMENT     NEUF, 

RÉDIGÉ  PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


Ou  doit  des  égards  aux  TÏvaots;  ou  \:e  doit  aux  morts 
que  la  vérité,  {y  OLT. , première  Lettre  sur  OUd'ipe.) 


TOME  TRENTIEME 


/ 


A  PARIS, 

CHEZ   L.   G.    MICHAUD,   LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

nUE    DE    CLÉRY,    N».     I  5. 
182  I. 

BISUOTHÊCA 


143 
V.  30 


tv%/\%  %x«i  vi'vi  v%-w  wt^  \x%^^x'«i  \'\,'V«  \\%^  rM.%1  wv-t  \  w  /v  \v«  vmm^.  v%i^/i/vi  vw%\«/%i  \wi  vw«  w\/%\w\n/vy% 


SIGNATURES   DES    AUTEURS 


DU  TRENTIEME  VOLUME. 


MM. 


MM. 


B— T. 

BErCHOT. 

L D — X. 

Laborieux. 

A— D— R 

,    Amar-Durivier. 

L-o. 

Léo. 

A— R. 

AlliER-d'HaL  TEROCHE. 

L — p — E. 

HiPPOLYTE    DE    LaPORTE, 

A.  R— T. 

Abel-Remusat. 

L— s. 

Langlès. 

A— T. 

H.  Audiffreï. 

L — s — E. 

Lasalle. 

B— p. 

De  BEAtJcnAMP, 

L— T_L. 

Lally-Tollendal. 

B— ss. 

BoiSSOADE. 

L— u. 

Ledru, 

B-u. 

Eeauheu. 

L-Y. 

Lécut. 

C— AU. 

Catteau-Calleville. 

M-DJ. 

MicHAUD  jeune. 

C— L. 

De  Choiseul-d'Aillecourt. 

M— É. 

MONÎIERQUÉ. 

C.  M.  P. 

PiLLET. 

M— I. 

IVIoTOWSKI. 

C  — P  —  N. 

Campesox. 

M— N  —  D 

.    Mo.VOD. 

C— T— D. 

Chateaubriand. 

M — os. 

Marron. 

C.  T— y. 

Coquebert  de  Taizy. 

M -s. 

'  De  Marcellus. 

C — V — R. 

Cuvier. 

M— s— t. 

MONSEIGNAT. 

D— B— S. 

Dubois  (  I.ouis  ). 

P-c-t. 

Picot. 

D— G. 

Deppixg. 

P— E. 

Ponce. 

D— is. 

Duplessjs  (  Adolphe  ). 

P.  et  L. 

Percv:  et  Laurent. 

D.  L.  C. 

De  La  Combe. 

P.  L. 

PrÉvôt-Lutkens. 

D— L— E. 

Delambre. 

P— s. 

PÉRIÈS. 

D— R— s. 

Desrexaudes. 

E— D. 

Reinaud. 

D-s. 

Desportes-Boscherox. 

R— D— N. 

Renauldin. 

D— u. 

DUVAU. 

R— TE. 

De  Rocheplate. 

D— z— s. 

Dezos  de  la  Roquette. 

S.  M— N. 

Saint-Martin. 

E— s. 

Eyriès. 

S-R. 

Stapfer. 

F.  P-T. 

Fabien-Pillet. 

S.S— I. 

SiMONDE  SiSMONDI. 

F^R. 

Fournier-Pescay. 

S — V— s. 

De  Sevelinges. 

F— T. 

Foisset  aîné. 

S— Y. 

De  Salaberby. 

F— TJ. 

Foisset  jeune. 

T— D. 

Tabaraud. 

G — CE. 

Gence. 

U— I. 

LTstéri. 

G— T— R. 

Gautier. 

V.  s.  L. 

Vincens-Sai.nt-Lauf.ext. 

H— DT. 

De  Humboldt. 

V.  s— N. 

Van-Swinden. 

H— Q— N. 

IIKNNEQUI^. 

V— VE. 

YiLLENAVE. 

H— T. 

Uumbert. 

W— R. 

Walcrenaer. 

L. 

Lefebvke-Caucht. 

W— s. 

Weiss. 

L — E — E. 

Labouderie. 

z. 

Anonyme. 

BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE. 


V\\\.V\iVVVVVVVVVVVVVVVi'VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVV\;VVVV\\\VVVVVVVVVVVVVV>^ 


M 


MoNTMARTIN  (  Antoinktte 
UE  ),  l'une  des  dames  les  plus  aima- 
bles et  les  plus  spirituelles  de  son 
siècle,  était  ncc,  en  i5u4,  dans  le 
comte'  de  Bourgogne ,  d'une  ancicinic 
t't  noble  famille.  Elle  joignait  à  une 
rare  beauté  un  esprit  vif",  et  des  ma- 
nières simples  et  polies  qui  char- 
maient tous  les  cœurs.  Elle  jiarlait 
avec  une  égale  facilite'  le  français  , 
l'italien  ,  l'allemand  et  l'espagnol  • 
composait  des  vers  ,  cullivait  la  mu- 
sique, et  se  montrait  la  protectrice 
généreuse  de  tous  les  talents.  Ayant 
cpousc,  à  l'âge  de  vingt  ans ,  Jean  de 
Ponpet,  gentilhomme  de  l'empereur 
Charles-Quint ,  elle  le  suivit  à  la  cour 
de  Bruxelles,  dont  elle  fut  l'un  des 
principaux  ornements.  Madame  de 
Montmartin  mourut,  le  i-i  mars 
1  553,  dans  sa  vingt-neuvième  année, 
emportant  les  regrets  universels  ;  ses 
restes  furent  transférés  à  Poligny,  et 
déposés  dans  le  caveau  des  seigneurs 
tle  Poupet.  Les  poètes  franc-comtois 
et  flamands  déplorèrentla  fin  préma- 
turée de  cette  dame,,  par  des  vers  que 
Gilbert  Cousin  a  réunjs,  et  qu'il  a 
publiés  à  la  fin  d'un  recueil  très-rare , 
intitulé:  Eintaphia,  Epigrammata 
et  Eleglœ  aliquot  doctorum  et  illus- 
irium  vironim,  etc.  (  Baie  ) ,  i556, 
in-8^.  p.  73-87.  W — s. 

MOxMMAUR   (Pierre  de)  ,  h- 
meux.  parasite  j  tient  dans  l'histoire 


littéraire  (  i  )  une  place  qu'il  ne  doit , 
comme  Colin  ,  qu'au  ridicule  dont  il 
a  été  couvert  par  ses  contemporains. 
Né,  selon  l'abbé  de  Vitrac,  à  Bétaiîle, 
près  de  Martel  (enQnerci),  en  1576, 
il  vint  à  Bordeaux,  à  l'âge  de  douze 
ans,  et  fut  admis  comnie  élè^e  au 
collège  des  jésuites  ,  où  il  se  fit  bien- 
tôt remarquer  de  ses  maîtres  par  l'é- 
tendne  de  sa  mémoire.  Après  avoir 
terminé  ses  études ,  il  fut  reçu  dans  la 
Société,  remplit  les  fonctions  de  ré- 
gent, au  collège  de  Perigueux,  et  fut 
envoyé  à  Rome,  où  il  enseigna  la 
grammaire  latine.  Il  sortit  ensuite  de 
la  Société,  soit  à  raison  de  sa  mau- 
vaise santé,  soit,  comme  le  dit  Ni- 
colas Bourbon,  parce  qu'il  fut  con- 
vaincu d'avoir  contrefait  le  seing  du 
P.  provincial.  Il  vint  à  P«ris,  fut 
chargé  de  l'éducation  du  fils  aîné  du 
marquis  de Praslin,  et  succéda,  eu 
1623,  à  Jérôme  Goulu,  dans  la 
chaire  de  professeur  de  grec  au 
collège  de  France  (  r.  J.  Goulu).  On 
ne  peut  guère  se  persuader  que  Mont- 
maur  fût  un  homme  sans  mérite 
comme  ses  ennemis  l'ont  représenté: 
mais  sa  vanité  l'avait  rendu  ridicule, 
etil  devint  odieux  à  tous  les  écrivains 
par  le  mépris  avec  lequel  il  parlait  de 
leurs  ouvrages  et  de  leurs  personnes. 
Admis  pour  ses  bons  mots  à  la  table 

{i)  Yov.  Bgjleau,  saliie  1", ,  vers  80. 


a  IMON 

des  grands,  il  y  étalait  une.  érudition 
pcdantesque,  et  citait  à  tout  propos 
de  longs  passages  des  auteurs  grecs 
et  latins  les  moins  connus.  C'était  le 
moyen  d'éviter  toute  contradiction. 
Cependant  un  jour  qu'il  expliquait 
un  passage  des  Épitres  de  Saint- 
Paul,  chez  le  chancelier  Séguier , 
en  présence  de  plusieurs  savants, 
il  s'appuya  de  l'autorité  d'Hésy- 
chius  ,  de  Strabon  et  de  Pausanias. 
Nicolas  Bourbon,  qui  se  défiait  de 
la  fidélité  de  ses  citations,  eut  la 
curiosité  de  consulter  ces  trois  au- 
teurs, et  s'assura  qu'ils  n'avaient  rien 
dit  de  pareil.  Montrnaur  fut  con- 
vaincu d'avoir  cité  à  faux  :  mais 
cette  mortification  l'humilia  sans  le 
corriger  ;  et  il  n'en  continua  pas 
moins  à  disserter  dans  les  salons  de 
Paris.  Il  s'y  trouvait  sans  doute  plus 
à  son  aise  que  dans  sa  chaire;  car  il 
se  dispensait  de  faire  ses  leçons  sous 
les  plus  légers  prétextes.  On  lui  en 
fit  des  reproches;  et  il  annonça  ,  par 
une  affiche  pleine  de  forfanterie  , 
qu'd  expliquerait  publiquement  He- 
sychiiis,  au  collège  de  France,  tous 
les  jours  non  fériés,  à  sept  heures  du 
matin.  Le  choix  d'une  heure  où  il 
était  presque  certain  de  n'avoir 
point  d'auditeurs,  fut  un  sujet  de  rail- 
leries, qu'il  supporta,  dit-on,  avec 
un  merveilleux  sang- froid.  Balzac 
avait ,  dès  i6i i ,  sonné  le  tocsin  ( i  ) 
contre  Montrnaur;  mais  ce  ne  fut 
que  long  -temps  après,  qu'il  se  for- 
ma ,  suivant  l'expression  plaisante 
de  Bayle  ,  une  espèce  de  croisade 
contre  ce  parasite  ,  dans  laquelle 
se  signalèrent  Ménage,  Adrien  de 
Valois,  Sirmond,    Sarrazin  ,   Dali- 


(i^ta  plupart  dps  biographes,  fl  Bay'e  lui  mênip, 
assurent  que  ce  fut  Ménage  qui  écrivit  le  premier 
contre  Monttnaur.  mais  la  Vie  de  ce  parasite  n'a  pa- 
ru au  plutôt  4u'eu  i(i3tj. 


MON 

bray  , l'abbé  Le  Vayer  ,  etc.  (i){F. 
dans  la  Biographie  ces  différents  ar- 
ticles.) Comme  Montrnaur  était  loge 
gratuitement  au  collège  de  Boncourt, 
on  feignit  qu'il  avait  choisi  son  ha- 
bitation dans  le  quartier  le  plus  élevé 
de  Paris,  pour  mieux  observer  les 
fumées  des  cuisines  :  on  lui  donna 
pour  emblème,  un  âne,  entouré  de 
chardons ,  avec  cette  devise  :  Pun- 
gant  ilùm  saturent.  On  le  représenta 
à  cheval,  désespéré  à  la  vue  d'un 
cadran  qui  annonce  que  l'heure  du 
dîner  est  passée.  On  le  peignit  dans 
unechaudière,  faisant  une  leçon  aux 
marmitons  assemblés;  on  le  méta- 
morphosa enépervitr,  en  perroquet 
(2) ,  en  cheval ,  eu  marmite.  On  at- 
taqua ses  mœurs,  son  honneur,  sa 
probité  ;  on  l'accusa  des  vices  les 
plus  infâmes,  des  actions  les  plus 
odieuses.  A  ce  déluge  d'épigrammes 
et  de  libelles,  il  n'opposa  que  le 
mépris  et  quelques  bous-mots  (3)  , 
que  ses  amis  lui  conseillèrent  de 
faire  imprimer  ;  mais  il  ne  put  s'y 
résoudre,  l'amour  du  repos  lui  liant 
les  mains  (Voy.  les  Mélang.  de  Yi- 
gneul-Marville,  ou  plutôt  d'Argonne 
t.  I,  p.  106).  Montrnaur  jouissait. 


(i)  Bayle  s'est  Irompé  en  plaç.-int  Nicol.  Rigault 
dans  la  liste  des  sa^aulsqui  ont  pris  part  à  la  croisade 
cou  re  Moulniaur  (  V.  Nie.  RlGAUI.T  ). 

(ï)  Quand  on  lui  dit  que  Ménage  l'avait  inétauior- 
jibosé  eu  pirroquet  :  Bon,  répoudit-il ,  je  ne  manque- 
rai ni  de  vin  pour  me  réjouir,  ni  di-  bec  pour  me  dé- 
fendre; et  coiiune  on  louait  celte  Métamorphose  de- 
vant lui  ;  Ce  n'est  pas  merveille  ,  dit-il ,  qu'un  grand 
parleur  vumiue  Ménage  ait  fait  un  bon  perroquet. 
(  mélanges  de  Ki«neul-MarviUe.  ) 

(3)  Bayle  itSallengre  out  recueJli  quelques-unes 
des  reparties  de  Moutinaur.  Uu  jour  qa'il  dînait  che^ 
le  cl  ancelier  Séguier,  le  donnstique,  en  desservwit, 
fît  tomber  sur  sa  rube  un  plat  de  potage  ;  il  soupçonna 
le  ctianceliir  de  lui  avoir  fait  jouer  cette  pièce  ,  et 
se  contenta  de  dire  en  le  regardant  :  Summum  jus  , 
summa  injuria  ,  allusion  au  mot  jus  ,  qui  siguiue  la 
justice  et  du  i)ouillon.  Dae  autrttbis,  ud  avocat,  lils 
d'un  huissier,  convint  avec  ses  arni.>  de  ne  point  lais- 
ser pari»  r  Montrnaur  .  qui  devait  dîner  cliex  le  pré- 
sident de  Mesmes.  Sitôt  qu'il  entra ,  l'avocat  lui 
cria  :  Guerre,  gue,re.  Vous  dégénérez  bieu  ,  rcpoai. 
ditMoutmaur,  car  votre  [ère  ne  fait  que  crier  -.Paix 
là .'  Ce  mot  fut  un  cjup  de  foudre  qui  déconcerta  le»- 
conjnrés. 


IVION 

dit-on  ,  (le   5ooo  livres  de   rente  , 
somme  plus  que  snirisante  pour  le 
faire  vivre  honorablement;   mais  il 
était  d'une  extrême  avarice,  et  tou- 
jours à  la  quête  d'im  dîner  :  «  Four- 
nissez, disait-il,   les  viandes  et   le 
vin,  et  moi  je  fournirai  le  sel.  »  Il 
mourut  le  7  septembre  16  (8.  L'abbc 
Sabaticr  dit  (Voy.  les  Trois  siècles 
de  la  littérature),  que  les  poe'sies  de 
Montmaur  ne  sont  dignes  d'entrer 
dans  aucun  recueil  ;  mais  il  a  évi- 
demment confondu    notre   parasite 
avec   Hubert   de   Montmort ,   dont 
ou  connaît  quelques  pièces  de  vers 
agréables.  Quant  à   Montmaur  ,  il 
mérite  à  peine  d'être  compte  parmi 
les  écrivains.  Outre  un  in-fol.  assez 
mince,  cité  par  l'abbé  de  MaroUes 
(  dans   ses   Mémoires  )  ,   contenant 
des  devises  et  inscriptions  en  vers 
ç;recs  et  latins  ,  défigurées  par  de 
pitoyables  allusions  aux  noms  des 
pt^rsonues,  que  Ménage  nommaitdes 
Montmaurisrnes ,  on  ne  connaît  de 
l;ii  que  deux  petites  pièces  fort  mé- 
diocres :   une   Invective   en  prose 
contre  le  célèbi-c  Auger  Busbec ,  et 
une  Elégie  sur  la  mort  d'Éléonor 
d'Oi'léans ,  duc  de  Fronsac ,  tué  au 
siège  de  Montpellier,  précédée  d'une 
dédicace  à  sou  précepteur.  Ce  sont 
ces  deux  pièces  qu'Adr.  de  Valois, 
fit   réimprimer  sous   ce  titre  pom- 
pcîux  :  P.  Montmauri ,  ^rcecarum 
litterarum  professoris  regii,  opéra 
in  duos  tomos  divisa'  quorum  alter 
sulutam   oralionem,   alter  versus 
complectitur ;  iterùm  édita  et  notis 
mine  primùm  illustrata  à  Janua- 
rio  Frontone ,  Paris,    i643,  in-4". 
Les  notes  de  Valois  sont  pleines  de 
louanges  ironiques,  qui  auraient  dé- 
solé tout  autre  que  Montmaur.  Les 
différentes    satires   publiées    contre 
lui  ont  été  recueillies  par  Sallengre 
sous  ce  titre  :  Histoire  de  Pierre  de 


MON  3 

Montm)aur,  la  Haye,  1715,  a  vol, 
in-8".  fig. ,  avec  une  préface  de  l'édi- 
teur, qui  contient  toutes  les  particula- 
rités qu'il  avait  recueillies  sur  sou 
héros,  ou  qu'd  avait  reçues  de  La 
Monnoye.  Le  tome  i'"'.  renferme 
les  pièces  latines  au  nombre  de  quin- 
ze :  Macrini  parasita  •  grammafici 
//il/£:P^,poèmedeCIi.Feramusius; 
Fita  Gargilii  Mamurrœ  ^  par  Mé- 
nage ;  sa  Gargilii  Macronis  parasi- 
tosophistœ  metamorphosis ,  du  mê- 
me auteur  ;  les  OEuvres  de  Mont- 
maur déjà  citées  avec  quelques  addi- 
tions; le  Bellum  parasiticum  de  Sar- 
razin  (  dont  une  traduction  française 
parut  en  1757  ,  iu-rj  );  Mommori 
parasitosjcophantosophistœ  apoxj- 
trapotheosis  (  ou  métamorphose  de 
Montmaur  en  marmite  ),  médiocre 
imitation  de  V Apocolokintosis  de  Sé- 
nèque  ;  la  Metamorphosis  parasiti  in 
cahallum  ,  par  Ab,  Rémi,  etc. ,  etc. 
Le  tome  11  ,  les  pièces  françaises  :  le 
Testament  de  Goulu;  la  Requête  de 
Montmaur  au  parlement,  l'^zifi  Go- 
mor,  recueil  d'épigrammes  par  d'A- 
libray  ;  le  Barbon  de  Balzac  ,  et  le 
Parasite  Mormon  ,  histoire  comi- 
que ,  par  l'abbé  La  Mothe  Le  Vayer. 
On  peut  en  outre  consulter  l'article 
très-curieux  que  Bayle  a  consacré  à 
Montmaur^  dans  son  Dictionnaire^ 
avec  les  remarques  de  Joly,  et  le 
Mémoire  sur  le  collège  Rojal ,  par 
l'abbé  Goujet,  tome  ler. ,  555-66. 
Sa  grande  mémoire  et  son  peu  de 
jugement  avaient  donné  lieu  à  l'épi- 
taphe  si  connue  : 

Sons  celle  casaque  noire, 
Kepuse  bien  tluucement , 
iVlontmaur  ,  d'heureuse  mémoire , 
AllLiidaut  le  jugement. 

W— S. 

MONTMENIL.   V.  Lesage  , 
XXIV,  264. 


4  MON 

.  MONTMIRAIL  (GnARLES-FRAN- 

çois-CÉSAR  leTellier,  maïqiiis  de)  , 
ne  en  1734,  laissa,  dès  sa  plus  ten- 
dre jeunesse ,  apercevoir  un  carac- 
tère aimable,  et  des  dispositions  heu- 
reuses ,  qui  lui  concilièrent  l'estime 
et  la  confiance  de  ses  maîtres,  comme 
de  SCS  condisciples.  Tacite  et  Polybe 
étaient  ses  auteurs  favoris.  La  physi- 
que et  l'histoire  naturelle  eurent  des 
attraits  pour  lui.  Il  fit  sa  première 
campagne  en  1757,  enqualitèd'aide- 
de-camp  du  maréchal  d'Estre'es,  son 
oncle  ;  sa  conduite  et  son  intelligence 
donnèrent  de  lui  une  bonne  opinion 
dansTarmèe.  Il  montra  des  talents  et 
de  la  prudence  dans  les  négocia- 
tions secrètes  et  délicates  dont  il  fut 
charge  pendant  cette  camjiagnc.  Il 
lit  celle  de  1761,  à  la  tête  de  son  ré- 
giment des  carabiniers  ,  lorsque  sou 
oncle  reprit  le  commandement  des 
troupes.  Le  marquis  de  Montmirail 
fut  nommé  brigadier  des  armées  du 
roi ,  en  1762  ,  et  p!us  tard  colonel 
des  Cent-Suisses  sur  la  démission  du 
marquis  de  Courtanvaux  son  père. 
Admis  à  l'académie  des  sciences  en 
17G1  ,  il  en  devint  président  eu 
1763.  Il  s'était  fait  distinguer  à  la 
cour  par  sa  douceur  ,  par  la  régula- 
rité de  ses  mœurs  ,  par  sou  lespect 
pour  la  religion ,  par  s  Jii  amour 
du  travail.  Il  mourut  cti  i']6^.  Scu 
Eloi^e  }ù$loTUjue ,  mis  à  la  tète  du 
dixième  volume  des  Mélanges  inté- 
ressants et  curieux ,  par  Surgy,  a  été 
imprimé  séparément ,  Paris  ,  i  jGQ , 
in-8<'. ,  avec  son  portrait.    ï — d. 

MONTMORENCI  (Matthieu  P'". 
de)  ,  n'est  pas  le  ]>remicr  person- 
nage connu  de  son  illustre  faniilh?  ; 
mais  c'est  le  premier  sur  lequel  Ihis- 
toire  donne  quelques  détails  certains. 
La  grandeur  de  la  maison  de  Mont- 
morenci  a  fait  rccberclier  son  ori- 
gine. Appuyés  sur  de  simples  coajec- 


MON 

tures  ,  des  auteurs  hardis  ont  vonîu 
percer  la  nuit  des  temps  ,  et  faire 
remonter  son  existence  au  temps  de 
la  fondation  de  la  monarchie ,  et 
même  plus  haut  :  les  uns  leur  don- 
nent pour  auteur  Lisoie  ,  un  des  j)lus 
puissants  seigneurs  de  France,  qui 
reçut  le  baptême  avec  Clovis;  et  les 
autres  ,  Lisbius  on  Lisbieus  (1),  qui 
exerça  l'hospitalité  envers  saint  De- 
nys ,  fut  converti  par  l'apôtre  au 
christianisme,  et  partagea  avec  lui 
la  palme  du  martyre.  Ces  traditions 
prouvent  l'antiquité  de  la  maison  de 
IMontraorenci  ;  mais  elles  ne  peu- 
vent être  justifiées  par  aucun  titre^ 
Ce  n'est  que  dans  le  dixième  siècle, 
que  les  membres  des  familles  adop- 
tèrent un  nom  cojumun  :  jusqu'alors 
ils  n'étaient  distingués  que  par  des 
noms  propres  ou  de  baptême.  Au- 
delà  de  cette  époque  ,  il  n'existe  ni 
chartes,  ni  diplômes.  Mais  l'incerti- 
tude cesse  sur  la  maison  de  Monirao- 
renci ,  vers  l'an  gSo.  On  voit  alors 
un  Bouchard,  sire  de  Montmorenci  , 
se  distinguer  dans  les  armées  fran- 
çaises ;  et  depuis  celte  époque  la  fi- 
liation de  ses  descendants  est  au- 
thcntiquemcnt  prouvée  sans  aucune 
interruption.  La  puissance  de  ce 
Bouchard,  qui  se  qualifiait,  ainsi 
que  le  firent  ses  descendants ,  du 
titre  de  Sire  de  Montmorenci ^  par 
la  grâce  de  Dieu,  porte  à  croire 
qu'elle  étoit  pour  lui  l'héritage  d'une 
longue  suite  d'aïeux.  Voilà  ce  qui 
fait,  de  la  maison  dont  il  s'agit  , 
une  des  plus  anciennes  de  l'Europe. 
Cette  antiquité  ne  serait  pour  elle 
qu'une  gloire  médiocre,  si  depuis 
ces  temps  reculés  elle  n'avait  été 
relevée  par  les   alliances   les   plus 


(l)  La  rcsscinblaDiX'  des  nouis  de  Lisoie  el  de  Lis- 
bius, dint  l'un  seiiible  être  l,i  traduction  de  Vautre  , 
altère  eucore  le  peu  de  loi  qu'où  voudi'ait  ajouter  4 
la  rerite  de  la  coujeclurc. 


MON 

brillantes ,  par  l'exercice  ries  cliar- 
ges  les  plus  importantes  de  l'état, 
par  de  grands  talents,  des  vertus 
éclatantes  ,  et  des  services  e'mineuts 
rendus  aux.  rois  et  à  la  patrie.  C'est 
celle  véritable  grandeur  ,  attachée 
pendant  tant  de  siècles  à  cette  fa- 
mille,  qui  fit  dire  à  Henri  IV,  que 
si  la  maison  de  Bourbon  venait  à 
périr  en  France  ,  nulle  n'était  plus 
digne  de  la  remplacer  que  celle  de 
Montraorenci.  La  charge  de  conné- 
table, possédée  six  fois  par  des  Mont- 
morenci,  le  fut  d'abord  par  Albéric , 
qui  vivait  en  1060.  Avant  lui,  cet 
oliice  répondait  à  sa  dénomination 
(cornes  stabuli)  ;  ce  n'était  qu'une 
charge  de  la  maison  du  prince,  et  à 
jieu-près  ce  qu'est  aujourd'hui  celle 
de  grand-écuyer  :  Albéric  en  fit  un 
oiFice  de  la  couronne,  et  un  office 
militaire  ',  cette  charge  fut  alors  la 
première  de  la  maison  du  roi ,  lors- 
qu'il n'y  eut  plus  de  sénéchaux.  Thi- 
baut de  IMontmorenci,  neveu  d'AI- 
béric  ,  devint  connétable  vers  1 090. 
Il  brillait  à  la  cour  de  Philippe  P''.  : 
de  même  que  son  oncle,  il  signait 
tous  les  actes  du  gouvernement ,  et 
V  était  traité  de  noble  prince  ,  prince 
du  royauTïi'i.  Tels  étaient  déjà  l'il- 
lustration et  le  pouvoir  de  la  mai- 
son de  Montmorenci ,  lorsque  ,  vers 
1 1  3o  ,  Matthieu  ,  petit  -  neveu  de 
Thibaut  ,  reçut  la  charge  de  con- 
nétable. Cette  dignité ,  l'immense 
fortune  de  Matthieu,  sa  première 
alliance  avec  Aline,  fille  naturelle 
d'Henri  pJ". ,  roi  d'Augleteri'e,  et 
surtout  son  second  mariage  avec 
Alix  ou  Adélaïde  de  Savoie,  le  ren- 
dirent le  plus  puissant  seigneur  de 
son  temps.  Alix  était  veuve  de  Louis- 
le-Gros  et  mère  du  roi  Louis  VII , 
dit  le  Jeune  :  ce  dernier  prince  con- 
genlit  que  sa  mère  épousât  le  conné- 
table ,  de  l'avis  des  états-généraux. , 


!\rON  S 

qui  déclarèrent  qu'il  fallait  faire 
ce  mariage ,  pour  procurer  au  roi 
mineur  l'appui  des  Montmorenci. 
Louis-le  Jeune  avait  résolu  d'entre^ 
prendre  une  croisade  contre  les  in- 
fidèles :  lorsqu'il  quitta  la  France 
(  1147  )  ,  il  laissa  la  régence  du 
royaume  à  Suger,  et  à  Raoul,  comte 
de  Vermandois.  Matthieu  de  Mont- 
morenci, depuis  qu'il  était  devenu 
beau-père  du  roi ,  avait  toute  la  con- 
fiance de  ce  prince,  toujours  ten- 
drement attaché  à  sa  mère.  Il  est 
étonnant  que  ,  revêtu  d'une  charge 
importante  et  devenue  militaire,  il 
n'ait  pas  suivi  le  roi  dans  sa  croisade: 
resté  en  France ,  il  partagea  l'admi- 
nistration avec  Suger  et  le  comte  de 
Vermandois.  Matthieu  mourut  com- 
blé d'honneurs  et  de  richesses ,  en 
1 160  ,  laissant  plusieurs  enfants  de 
sa  première  femme ,  et  une  seule  fille 
de  la  seconde.  D — is. 

MONTMORENCI  (Matthieu  II 
de),  surnommé  le  Grandet  le  Grand- 
Connétable,  était  petit-fils  de  Mat- 
thieu I^''.  Philippe- Auguste  avait  cité 
devant  la  cour  des  pairs  de  France, 
Jeansans-Terre,  devenu  roi  d'An- 
gleterre, pour  le  meurtre  d'Artus  , 
légitime  héritier  du  trône.  D'après  le 
relus  de  Jean ,  il  marcha  sur  la  Nor- 
mandie, dont  il  arvait  fait  pronon- 
cer la  confiscation,  ainsi  que  celle 
des  autres  biens  du  roi  d'Angleterre , 
qui  étaient  situés  en  France.  Mat- 
thieu suivit  Philippe  -  Auguste  ,  et 
signala  sa  valeur  ,  principalement 
au  siège  de  Château-Gaillard,  place- 
forte  près  des  Andelys.  Toute  la 
Normandie  fut  bientôt  conquise ,  et 
réunie  à  la  couronne  de  France 
(  i'2o3),  après  en  avoir  été  sépa- 
rée près  de  trois  cents  ans.  Matthieu 
prit  part  à  toutes  les  guerres  ,  jus- 
qu'en 1 2 1 4 1  qu'eut  lieu  la  célèbre 
bataille  de  Bouvines  :  la  victoire  fut 


6  MON 

duc  en  t^rande  partie  à  Montraorenci, 
qui ,  dans  l'action,  enleva  de  sa  main 
(jiiatre  étendards  de  l'arrace   impé- 
riale (i).  La  croisaHc  contre  les  Al- 
bi{];eois  et  le  comte  de  Toulouse,  com- 
mencée en   I  .;o6  ,  durait  toujours: 
Matthieu  se  réunit  aux  croisés  en 
I'2i5  ,  et  trouva  plus  d'une  occasion 
de  signaler  son  courage.  En  1218, 
il  reçut  la  charge  de  connétable;  et 
rehaussant  l'éclat  de   celle   dignité 
de  tout  celui  dont  il  s'était  déjà  en- 
touré, il  en  fit  bientôt  la  première 
de  l'étal.   Ses  talents  militaires  lui 
avaient  valu  plus  d'une  fuis  le  com- 
mandement des  armées  :  il  joignit 
pour  toujours  ce  commandement  au 
titre  de  connétable.   Cette  dernière 
charge  l'enrichit  encore  des  dépouil- 
les de  celle  de  sénéchal  ,  supprimée 
en  1191.  Matthieu  jouit  de  la  plus 
grande  autorité  sous    le  règne    de 
Louis    YIII.   Il  seconda  ce  prince 
dans  le  projet  qu'il  avait  de  chasser 
de  France  les  Anglais  j  il  commanda , 
sous  le  roi ,  l'armée  qui  assiégea  et 
prit  Niort,  Saint- Jean-d'Angeli ,  et 
qui  s'empara  du  Limousin  ,  du  Pé- 
rigord,  de  l'Aunis    et  de    La  Ro- 
chelle.   Louis    Vni    ayant    aban- 
donné cette  entreprise  pour  com- 
battre les  Albigeois  ,  Matthieu  mar- 
cha  contre    eux ,   et  les   combattit 
jusqu'à    l'accommodement   qui   eut 
lieu  en  122G.  Louis  VIII  n'existait 
déjà  plus  :  à  l'approche  d'une  mort 
})rématurée  ,  ce  monarque  ,  plein  de 
confiance  dans  les  talents  et  la  fidéli- 
té de  Montmorenci ,  lui  avait  iustam- 
inent  recommandé  son  fils  encore  eu 
bas  âge.  Matthieu  jura  de  soutenir 


(1)  Ces  éteadards  «latent  ornés  de  Taiglc  de  l'em- 
pire. Le  roi  permit  à  Mathieu  d'.ijouler  •  »rs  armoi- 
ïie»  quatre  aigles  ou  alariuus.  pour  r.unservtr  le  sou- 
-ïenir  de  c  tte  belle  action.  Les  armes  Je  la  maison 
de  Moiitmoveiici  portaient  déjà  douze  ai|jles,  à  l'oc- 
c.4sion  de  d'>uie  bunuières  impériales  eulevée*  par  ua 
ùat  autètrei  de  Matthieu. 


MON 

l'enfant  de  son  roi ,  et  de  verstr 
]i()iir  lui ,  s'il  le  fallait,  jusqu'à  lader- 
nière  goutte  de  son  sang.  11  eut  bien- 
tôt occasion  d'accomplir  son  ser- 
ment. Les  grands  vassaux  de  la  cou- 
ronne crurent  pouvoir  profiter  de  la 
ininoritédu  roi  et  de  la  régence  d'une 
femme.  Mais  l'intrépide  Blanche  de 
(>astille  ,  aidée  des  conseils  du  légat 
du  pape  et  surtout  de  l'épée  de  Mont- 
morenci, les  réduisit  à  l'obéissance, 
et  conserva,  dans  toute  son  intégrité,le 
pouvoir  de  son  fils.  Matthieu  com- 
mandait l'armée  qui  s'empara  de  Bé- 
lesme  dans  le  Perche  ,  sous  les  yeux 
du  roi,  en  l'^'iS.  L'année  suivante  , 
il  poursuivit  l'armée  des  rebelles  réu- 
nis ,  les  battit  et  les  força  de  se  sou- 
mettre. 11  n'eut  pas  le  temps  de  voir 
se  consolider  son  ouvrage  :  il  mou- 
rut, justement  regretté  de  son  maître, 
le  24  novembre  ii3o.  Matthieu  II , 
mérita  le  surnom  de  Grand  par  sou 
courage ,  par  son  habileté  dans  les 
alFaires  et  plus  encore  par  ses  vertus. 
On  doit  rappeler  une  preuve  écla- 
tante de  son  désintéressement  et  de 
son  humanité.  Possesseur  de  biens 
immenses  ,  il  affranchit,  moyennant 
une  faible  redevance ,  tous  ses  vas- 
saux, des  corvées  et  autres  imposi- 
tions qu'il  avait  droit  d'exiger  d'eux. 
Le  connétable  de  Montmorenci  nepre- 
nait  que  le  titre  de  baron  (  i);  et  par 
ses  alliances  et  celles  de  ses  ancêtres . 
il  se  trouvait  grand-oncle  ,  oncle  , 
beau-frère ,  neveu  ,  petit-fils  de  deux 
empereurs  ,  de  six  rois  ,  et  allié  de 
tous  les  souverains  de  l'Europe.  Cette 


(i)  Pla*  tard  ses  descendants  prirent  les  titres  de 
premier  chrétien  ,  premier  baron  de  Fiance.  Celui 
ue  premier  cliretien  de  France,  ne  peiit  venir  ijue  de 
la  tr.tdilion  dont  il  a  été  parle  au  couimeucemcnt  i;. 
l'urticle  précèdent  ;  1  autre  a  plus  de  fondement.  C.e 
tut  Jacques  de  Montmorenci,  <jui  le  prit,  eu  1390  , 
tt  seulement  aprës  avoir  prouvé  au  parlennul,  qu'il 
était  le  plus  aiicii  n  baron  du  r-'yaumr.  Ce  titre  e.-.t 
donné  aux  Muutuureuci  dans  plusieurs  'jrdoiMt-ince.4 
d»  uu»  ruis. 


MON 

parente  est  rexcmplc  le  pins  frap- 
pant de  l'illustration  de  la  maison  de 
Montmorcnci ,  qui  ne  le  cède  qu'aux 
maisons  souveraines ,  et  qui  a  donne' 
à  la  France  six  connétables  ,  onze 
maréchaux  ,  quatre  amiraux  ,  des 
grands-maîtres  ,  des  grauds-cham- 
bellans ,  etc.  Matthieu  II  fut  marie 
trois  fois  ,  et  eut  beaucoup  d'enfants  : 
de  sa  troisième  femme  ,  héritière  de 
la  maison  de  Laval  ,  il  eut  les  chefs 
de  la  branche  des  Montmorenci-La  ■ 
val  ,  encore  existante  aujoui'd'hui  : 
Jeanne  ,  qui  était  de  cette  branche  et 
petite-fille  de  Matthieu,  épousa  Louis 
de  Bourbon,  trisa'ieul  d'Henri  IV; 
ce  qui  fait  descendre  du  grand  con- 
nétable presque  tous  les  souverains 
de  l'Europe.  D — is. 

MONTMORENCI  (  Anne  de  ) , 
connétable  de  France ,  naquit  à  Chan- 
tilli ,  en  i493  :  la  reine  Anne  de 
Bretagne,  femme  de  Louis  XII ,  fut 
sa  marraine  ,  et  lui  donna  son  nom. 
Plus  âge  d'un  an  seulement  que  le 
comte  d' Ang[oulème ,  il  se  lia  étroite- 
ment  avec  ce  prince  qui ,  étant  monté 
sur  le  trône ,  fut  heureux  de  trouver 
un  héros  dans  l'ami  de  son  enfance. 
Telle  fut  l'origine  de  l'immense  auto- 
rité dont  Moutmorenci  jouit  si  long- 
temps sous  François  P'".  ;  elle  ne 
pouvait  que  s'accroître  encore  par 
l'éclat  de  ses  services ,  et  par  l'ardente 
ambition  qui  le  caractérisait.  II  com- 
mença le  métier  des  armes  en  Italie: 
il  vit,  à  RaAenne,  Gaston  de  Foix 
trouver  ensemble  la  victoire  et  la 
mort  ;  exemple  qu'il  devait  retra- 
cer lui-même  soixante  ans  après. 
On  ne  dira  rien  de  ses  premières 
campagnes  ,  sinon  qu'il  sut  faire  ad- 
mirer sa  valeur  au  milieu  de  tant  de 
personnages  dont  la  bravoure  allait 
jusqu'à  l'audace.  Il  eut  l'honneur  de 
seconder  notre  Bayard  dans  sa  belle 
défense  de  Mézières ,  en  1021;  ce 


MON  7 

fut  là  qu'on  le  vit  renouveler  un  trait 
de    l'ancienne   chevalerie.   Un    des 
premiers  officiers  de  l'armée  impé- 
riale, le  comte  d'Egmont,  avait  en- 
voyé  un  défi  au  plus  brave  de  la 
f^arnison;  c'était  appeler  Bayard  ou 
Montmorenci  :  celui-ci  se  présente, 
la  lance  au  poing,  attaque  son  en- 
nemi ,  et  rentre  vainqueur  dans  la 
place.  Nommé  maréchal  de  France, 
en  13  23  ,  peu  de  temps  après  avoir 
rempli  une  mission  politique  auprès 
du  roi  d'Angleterre,  Montmorenci  dut 
cette  haute  dignité  à  l'action  la  plus 
courageuse.  Les  Suisses  qui  servaient 
sous  Lautrec ,  en  Italie ,  mécontents 
de  ne  point  recevoir  leur  paye ,  dé- 
clarèrent qu'ils  allaient  se  retirer,  à 
moins   qu'on   ne  les   menât  contre 
l'ennemi,   qui  était  retranché  dans 
l'imprenable  château  de  la  Bicoque, 
près  de  Milan.  Montmorenci ,  étant 
leur    colonel-général ,    ne    négligea 
rien  pour  vaincre  leur  opiniâtreté. 
Contraint  de  leur  céder,  il  voulut, 
du  moins  ,  se  mettre  à  leur  tète ,  at- 
taqua le  château;  et,  après  des  pro- 
diges de  valeur  ,  il  tomba  couvert 
de  blessures  parmi  la  multitude  des 
mourants.  Retenu  à  Lyon ,  par  le 
besoin  de  se  remettre  des  suites  de 
ce  combat ,  il  y  apprend  que  le  con- 
nétable de  Bourbon  ,  précipité  dans 
la  rébellion,  vient  d'entrer  en  Pro- 
vence, et  même  d'assiéger  Marseille  : 
il  marche  à  l'instant  contre  lui,  le 
force  de  lever  le  siège ,  et  bientôt 
d'évacuer    toute   la    province.    En 
1 523 ,  Montmorenci  avait  fortement 
combattu ,  dans  le  conseil  du  roi , 
le  projet  d'une  nouvelle  expédition 
sur  le  Milanez;  mais  l'amiral  Boni- 
vet,  favori  de  François  P'". ,  fît  déci- 
der  cette  guerre  qui  devait  être  si 
funeste:  les   malheurs  de  cette   en- 
treprise  justilicrent   l'avis  du    ma- 
réchal. A  la  journée  de  Parie  (  25 


s  ï\ION 

février  \5'i5  ) ,  une  commission  l'a- 
vait éloigné  du  conseil;  la  bataille 
était  déjà  perdue  ,  lorsqu'il  accourut 
dans  l'espoir  de  faire  changer  la 
fortune  :  ses  efforts  furent  infruc- 
tueux ,  et  il  pai'tagea  la  captivité  du 
roi  avec  le  sire  delà  Kochepot ,  son 
frère,  et  GuideMontmorenci-Laval, 
seigneur  de  Lezay ,  son  proche  pa- 
rent. François  I'^'".  voidut  d'abord 
l'avoir  auprès  de  lui  pour  compa- 
gnon de  prison  :  mais  il  sut  persuader 
à  ce  prince  qu'il  le  servirait  plus 
utilement  en  Fr.uice  ;  et  ayant  traite 
de  sa  rançon,  il  revint  plein  d'impa- 
tience de  voir  ton)ber  aussi  les  fers 
de  son  roi.  On  sait  tous  les  obstacles 
que  l'heureux  Charles-Q;;inl  mit  à  la 
liberté  de  son  rival;  Montmorenci 
contribua  puissamment  à  les  sur- 
monter :  le  gouvernement  du  Lan- 
guedoc ,  la  charge  de  grand-maître 
de  France ,  et  l'administration  des 
affaires  ,  en  furent  la  récompense. 
Jaloux  d'opposer  des  ennemis  k  l'em- 
pereur ,  il  conclut  ensuite  d'impor- 
tantes négociations  avec  le  roi  d'An- 
gleterre et  le  pape  jusqu'en  i536,  où 
il  reprit  l'épée:  alors  Charles-Quint, 
enflé  de  l'étendue  de  sa  domination 
et  du  bonheur  inoui  de  ses  armes, 
lie  respirait  que  la  con(}uêîe  de  la 
France,  et  tout  semblait  concourir 
pour  la  lui  assurer.  François  I'^'".  se 
voyait  près  d'être  euAcloppépar  trois 
armées  formidables  ;  et  ses  moyens 
de  défense  étaient  bien  au-dessous 
de  ses  dangers:  Montmorenci  se  jette 
sur  la  Provence,  que  l'empereur  ,  en 
personne  ,  venait  ravager  à  la  tète  de 
60,000  hommes;  et  par  des  manœu- 
vres savantes  ,  évitant  toujours  une 
bataille  dont  la  perte  eût  entraîué 
celle  de  la  monarchie  ,  il  force  l'en- 
nemi à  une  retraite  tellement  malheu- 
reuse, que  Cliarlcs  y  perd  plus  du 
tiers  de  sou  armée  ,  et  ses  meilleurs 


MON 

généraux ,  enlevés  par  le  fer  et  les 
maladies  (^'.  Levé  ).  Montmorenci, 
dont  l'habile  temporisation  avait  ex- 
cité souvent  les  murmures  d'une 
bouillante  noblesse,  en  reçut  dans 
celte  occasion  les  plus  magnifirpies 
éloges  :  les  noms  de  sage  cuncta- 
teur ,  de  Fabius  français,  lui  fu- 
rent prodigués.  Rappelé  de  la  Picar- 
die ,  qu'il  venait  de  préserver  aussi 
des  impériaux,  il  passe  en  Piémont 
avec  une  activité  incroyable,  et  dé- 
fait l'ennemi  à  Suze.  Il  allait  envahir 
le  Milanez,  qui  avait  déjà  coûté  tant 
de  sang  à  la  France  ,  quand  Charles- 
Quint  arrêta  ses  succès  par  des  négo- 
ciations. Le  10  février  ij38,  il  fut 
nommé  coimétable  ;  c'était  la  cinquiè- 
me fois  que  l'épéede  France  était  con- 
fiée à  cette  famille:  une  si  hauie  di- 
gnité, jointe  à  celles  de  grand-maî- 
tre et  de  chef  des  conseils ,  fit  de  cet 
illustre  capitaine  comme  l'arbitre 
suprême  de  toutes  les  affaires;  aussi 
tous  les  monarques  de  la  chrétienté 
lui  écrivaient-ils ,  le  consultant  et  le 
comblant  de  présents  ,  à  l'égal  du  roi 
lui-même.  On  lit ,  dans  Brantôme , 
(pie  le  grand  Soliman  et  le  fameux 
Barberousse  avaient  coutume  de  lui 
envoyer  tout  ce  que  leurs  étals  of- 
fraient de  plus  curieux  et  de  plus 
rare.  Sa  puissance  était  trop  haute 
pour  être  durable  :  l'austérité  de  ses 
mœurs  et  la  rudesse  de  ses  ma- 
nières lui  avaient  suscité  autant  d'en- 
nemis que  l'éclat  de  ses  prospérités. 
On  attribue  généralement  sa  chute 
au  conseil  qu'il  donna  de  laisser 
passer  librement  Charles -Quint  eu 
France  ,  pour  aller  châtier  les  Gan- 
tois révoltés  ;  mais  la  générosité  che- 
valeres([ue  de  François  I'^'".  est  trop 
connue  pour  (pi'on  puisse  doulci: 
qu'en  recevant  ainsi  sou  rivalet  son 
ennemi,  ce  prince  ne  fît  autre  chose 
que  suivre  sou  propre  sentiment.  Ç^ 


MON 

plus,  cet  événement  est  de  la  fin  de 
lÔSçj;  et  ]a  disgrâce  du  connc'table 
date  seulement  de  i54i-Ou  adonne, 
à  cette  disgrâce,  une  autre  cause  plus 
raisonnable.  La  cour  était  comme 
divisée  en  deux  partis ,  celui  du 
dauphin  ,  depuis  Henri  II,  et  celui 
du  duc  d'Orléans,  son  frère  cadet.  Le 
roi  favorisait  ce  dernier  ;  et  devenu 
morose  par  rafTaiblissement  de  sa 
santé,  il  avait  conçu  contre  sou  suc- 
cesseuruuejalousie  dont  les  exemples 
ne  sont  pas  rares ,  et  que  des  intrigues 
de  femmes  entretenaient  d'ailleurs 
et  augmentaient  chaque  jour.  Le 
dauphin  aimait  beaucoup  Montmo- 
renci  ,  sous  lequel  il  avait  fait  ses 
premières  armes  ;  et  l'exil  de  ce- 
lui-ci ne  servit  T  au  grand  déplaisir 
du  roi ,  qu'à  resserrer  l'attacliement 
qu'ils  éprouvaient  l'un  pour  l'autre: 
il  est  permis  de  croire  que  les  flat- 
teurs du  monarque  qui ,  sans  doute , 
e'taient  aussi  les  envieux  de  IMont- 
morenci  ,  ne  manquèrent  pas  de 
prêter  à  cette  liaison  si  intime,  des 
motifs  criminels.  Ou  reprochait  en- 
core au  connétable  son  immense  for- 
tune ,  une  trop  grande  avidité  de 
tous  les  moyens  de  Taccroître,  enfin 
un  désir  immodéré  d'ajouter  à  l'éclat 
et  à  la  puissance  de  sa  maison.  A  la 
tête  de  ses  ennemis ,  on  compte  la 
fameuse  duchesse  d'Etan)pcs  ,  maî- 
tresse du  roi,  l'amiral  d'Aunebaut  et 
le  cardinal  de  Tournon.  Retiré  à 
r.hantilli,  en  i54i  ,  et  peu  après  à 
Écouen,  il  supporta  son  exil  avec 
la  même  hauteur  de  caractère  qu'il 
apportait  au  cojumandement  des  ar- 
mées ou  au  maniement  des  affai- 
res. Sa  disgrâce  ne  cessa  qu'avec 
la  vie  de  François  P^. ,  en  154", 
et  sans  que  ce  prince  qui  l'avait  tant 
aimé ,  témoignât ,  même  au  dernier 
moment  ,  le  moindre  retour  vers 
lui  j  on  assure ,  au  conlraire ,  qu'il 


IVION  {} 

engagea  son  fils  à  ne  jamais  le  re- 
prendre :  le  succès  de  cette  exhor- 
tation devait  être  peu  probable.  En 
effet ,  Henri  II  ,  à  peine  monté  sur 
le  troue,  s'empressa  de  rappeler  son 
ami ,  et  de  lui  rendre  l'administra- 
tion avec  plus  de  pouvoir  que  ja- 
mais. L'année  suivante  (  i548) ,  les 
habitants  de  Bordeaux,  ceux  de  la 
Guienne  et  de  la  Saintouge,  se  révol- 
tèrent ,  à  l'occasion  de  la  gabelle. 
Le  lieutenant  de  roi  de  Bordeaux  fut 
tué.  jMontmorenci  marcha  eu  per- 
sonne coMtre  les  rebelles,  entra  dans 
la  ville  ,  refusa  toutes  leurs  soumis- 
sions ;  et  après  avoir  condamné  les 
notables  à  déterrer  avec  leurs  ongles 
le  cadavre  du  gouverneur,  et  à  lui 
donner  une  honorable  sépulture , 
il  eu  lit  périr  un  grand  nombre,  et 
infligea  tant  d'autres  peines  ,  que  le 
le  roi  fut  obligé  ensuite  de  les  révo- 
quer. Eu  i55y  ,  le  connétable  voulut 
secourir  Saint-Quentin,  assiégé  par 
les  Espagnols  ,  et  défendu  par  l'a- 
miral de  Coligni ,  son  neveu.  Ce 
dernier  lui  découvrit  un  moyeu  de 
jeter  du  monde  dans  la  place.  Il 
lésolut  alors  de  s'avancer  sur  la 
ville  avec  toute  ^ou  armée,  par  un 
chemin  diiiicile  et  peu  connu.  En 
vain  le  maréchal  de  Saint- André  lui 
démoutra-t  il  le  danger  de  réunir  tant 
de  troupes  dans  une  semblable  posi- 
tion :  r>Ionlmoreuci  lui  imposa  si^ 
lence  avec  son  autorité  accoutumée, 
et  se  mit  à  réaliser  cette  marche  pé- 
rilleuse. Bientôt  embaiTassé  et  re- 
tardé par  le  nombre  de  ses  soldats  , 
il  manqua  le  moment  propice  de  pé- 
nétrer dans  la  place  ;  et,  pour  com- 
ble de  malheur  ,  attaqué  dans  sa  re- 
traite, ainsi  que  l'avait  prévu  Saint- 
Andi'é  ,  il  fut  battu  et  fait  prison- 
nier. Il  s'était  long-temps  défendu 
comme  un  lion  ;  mais  renversé  de 
son  cheval  ,  et  tout  blessé,  il  fut 


lo  MON 

réduit  a  se  rendre ,  avec  le  quatrième 
de  ses  (ils,  qui,  à  peine  âge'  lie  quinze 
ans ,  n'avait  cessé  de  combattre  à 
ses  cotés.  Depuis  cette  époque,  la  for- 
tune semble  avoir  abandonné  ÎNIont- 
raoreuci  sans  retour.  Prisonnier  de 
l'Espagne,  qui  lui  demanda  iGjooo 
écus  de  ce  temps-là  (  plus  de  deux  mil- 
lions de  la  valeur  actuelle)  pour  sa 
rançon  et  pour  celle  de  son  fils ,  il  eut 
encore  la  douleur  de  voir  les  Guises  , 
déjà  si  puissants  ,  profiter  de  son  dé- 
sastre, et  s'emparer  de  l'opinion  et  de 
l'autorité.  Le  connétable  conclut,  en 
1559  ,  la  paix  de  Gateau-Cambrésis  ; 
et  on  lui  reproche ,  avec  raison  , 
d'avoir  plutôt  consulté  sa  jalousie 
contre  ces  princes  lorrains  ,  que  le 
véritable  intérêt  de  l'état.  Cette  paix 
fut  nommée  malheureuse  ,  parce 
qu'elle  enlevait  à  la  France  tout  ce 
que  celte  puissance  avait  gagné  p  ir 
une  guerre  longue  et  ruineuse  :  mais 
elle  enchaînait  le  courage  et  l'acrivilé 
des  Guises  ;  et  c'était  tout  alors  pour 
Moutmorcnci.  Il  allait  ressaisir  tout 
son  pouvoir,  lorsque  Henri  II  fut 
mortellement  Liesse  dans  un  tournoi 
(  l^.  MoNTGOMMERY  ).  La  prépoudé- 
cîérance  du  connétable  s'évanouit. 
Ecarté  des  affaires  pendant  les  dix- 
sept  mois  du  règne  de  François  If , 
il  reparut  cependant  à  la  cour  ,  sous 
Charles  IX  :  mais  il  n'était  plus 
qu'un  poids  que  les  partis  cherchaient 
à  s'assurer  pour  faire  pencher  la  ba- 
lance en  leur  faveur.  On  sait  com- 
bien de  malheurs  ont  signalé  cette 
époque  de  notre  histoire  :  ennemis 
et  amis  tour-à-tour  ,  suivant  le  ca- 
price d'une  politique  astucieuse  et 
mobile ,  on  vit  Catherine  de  Médicis , 
les  princes  français  ,  ceux  de  la  mai- 
son de  Lorraine  ,  et  le  connétable  , 
se  coraî.attre  ou  s'unir  entre  eux  : 
les  innovations  religieuses ,  et  l'intO' 
lérance,  qui  en  est  le  fruit  ordinaire  , 


MON 

vinrent  mettre  le  comble  à  tant  de 
calamités.  C'est  alors  qu'eut  lieu  le 
fameux  triumvirat ,  dont  le  nom  seul 
annonce  le  fléau  des  guerres  civiles. 
On  a  remarqué  que  le  connétable  ,  le 
duc  de  Guise  et  le  maréchal  de  vSaint- 
André,  qui  le  composaient ,  périrent 
tous  les  trois  de  mort  violente.  Par 
suite  de  ce  déplorable  entraînement , 
Montraorenci  ,  attaché  fortement  à 
la  religion  catholique  ,  comme  pre- 
mier baron   chrétien ,   n'en  fit  pas 
moins  cause  commune  avec  le  prince  . 
de  Coudé  et  le  roi  de  Navarre ,  les  ' 
chefs  des  Huguenots ,  afin  de  s'op- 
poser aux  Guises  j  puis  il  se  joignit 
à  ceux-ci,   en  vue  d'extirper  le  cal- 
vinisme ,  et  montra   tant  de  zèle, 
qu'on  lui  donna  une,  fois  le  surnom 
de  capitaine  brûlehancs  ,  pour  être 
allé  disperser  et  détruire  lui-même 
quelques  prêches  ou  assemblées  hu- 
guenotes  qui  se  tenaient  vers  Po-  ,' 
pincourt.  En  i56j  ,  il  gagna  la  ba- 
taille  de  Dreux  ,  sur  le  prince  de   . 
Condé.  Par  une  singularité  remar- 
quable, le  général  victorieux ,  comme 
celui  qu'il  venait  de  vaincre  ,  y  per- 
dit la  liberté.  Il  sortit  de  prison  l'an- 
née suivante  ;  et  ,   secondé  par  le 
maréchal  de  Montraorenci,  son  fils , 
il  chassa  les  Anglais  du  Havre.  Tou- 
tes les  intrigues  de  Catherine  ne  pu- 
rent empêcher  plus  long-temps  que 
les  deux  partis ,  fl-itlés  puis  maltraités 
successivement  par  elle,  n'en  vins- 
sent aux  mains  une  seconde  fois.  Le 
fer  devait  seul  trancher  les  nœuds 
inextricables  de  sa  politique.   On  se 
trouva  aux  prises  ,  le  10  novembre 
1567  ,  dans  les  plaines  de  Saint-De- 
nis. Les  protestants  ,  après  une  opi- 
niâtre et  sanglante  défense,  succom- 
bèieat  encore.   Montmorenci  ,  tou- 
jours intrépide  ,  mais  toujours  mal- 
heureux ,  même  au  sein  de  la  vic- 
toire ,  fut  atteint  d'au  coup  mortel 


MON 

par  un  Ecossais  ,  Hommc  Robert 
Suiart  (  I  ).  Il  conserva  assez  de  force 
)iour  frapper  son  meurtrier  du  pom- 
meau de  son  e'pëe  rompue,  avec  une 
telle  violence ,  qu'il  lui  cassa  plusieurs 
dents.  Apprcuant  que  l'armée  du  roi 
ttait  maîtresse  du  champ  de  bataille  : 
a  Mon  cousin ,  dit-il  à  M.  de  Sanzay , 
»  je  suis  mo't  ;  mais  ma  mort  est 
1^  fort  heureuse  de  mourir  ainsi  :  je 
y>  n'eusse  su  mourir  ni  m' enterrer  en 
»  un  plus  beau  cimetière  que  celui- 
«  ci  ;  dites  à  mon  roi  et  à  la  reine  , 
»  que  j'ai  trouvé  l'heureuse  et  belle 
»  mort  dans  mes  plaies  ,  que  tant 
»  de  fois  j'avais  ,  pour  ses  frère  et 
»  àieul ,  recherchée.  . . .  portez-leur 
»  V assurance  de  la  f  délité  que  j'ai 
»  toujours  portée  à  leur  service.  » 
En  même  temps  il  prend  son  ëpée  , 
dont  le  pommeau  figurait  une  croix  , 
et  il  la  baise  à  plusieurs  reprises ,  en 
recommandant  son  ame  à  Dieu.  Ce 
héros  voulait  mourir  sur  le  champ 
de  bataille  ;  et  l'on  eut  de  la  peine  à 
le  transporter  dans  son  hôtel  ,  à 
Paris  (u)  :  il  vécut  encore  deuxjours. 
Ce  fut  alors  qu'il  fit  cette  réponse  si 
connue  au  cordelier  qui  l'exhortait  : 
Crojez-vous  qu'un  homme  qui  a  su 
vivre  près  de  quatre-vingts  ans  avec 
htinneur  ,  ne  sache  pas  mourir  un 
quart-d'heure  ?  Il  expira  le  12  no- 
vembre 1567  ,  âgé  de  soixante-qua- 
torze ans  :  on  lui  fit  des  obsèques 
royales  ;  son  effigie  fut  portée  à 
NotreDame  ,  honneur  réservé  aux 
rois  de  France.  La  reine  voulait  qu'il 
fût  enterré  à  Saint-Denis  ;  mais  il 
avait  désigné ,  par  sou  testament  , 
l'église  de  Montmorenci  pour  lieu  de 
sa  sépulture:  son  cœur  fut  porté  aux 


(i)Stiiarti>eritapi«Iab:il3ille  .le  Jar.iac  ,  de  U 
maiii  de  Villars  ,  beau-frère  du  connétable. 

">  j  Rue  Sa-ote-Aïois  ;  c'fSt  là  quVst  maintenant 
1  afiniMiiçtration  des  coutributioi'S  iudlrertes.  Cue  rue 
voisine  porte  encore  le  nom  de  Mv-ulmorenti. 


MON  j  r 

Célestins  de  Paris,  dans  la  chapelle  de 
la  maison  d'Orléans ,  à  côté  de  celui 
du  roi  Henri  II,  son  maître  et  son  ami. 
Telle  fut  la  fin  de  ce  fameux  conné- 
table qui  apparaît  à  la  postérité 
comme  un  des  géants  de  la  vieille 
monarchie.  Mais  sa  vie  ne  fut  point 
exempte  de  reproche;  et  Voltaire  à 
été  juste  eu  tout  lorsqu'il  a  dit  de  lui  : 
«  Homme  intrépide  à  la  cour  comme 
»  dans  les  armées  ,  plein  de  grandes 
»  vertus  et  de  défauts  ,  général  mal- 
»  heureux,  esprit  austère  ,  difficile, 
»  opiniâtre,  mais  honnête  homme  , 
y>  et  pensant  avec  grandeur.  »  Ajou- 
tons que  ia  politique  de  Montmo- 
renci ne  fut  point  assez  éclairée  ; 
qu'elle  pouvait  prévenir  bien  des 
maux  pour  la  France ,  ce  qui  n'eut 
pas  lieu  ,  parce  qu'elle  ne  se  laissa 
pas  diriger  par  des  considérations 
toujours  supérieures  ;  enfin  qu'elle 
servit  trop  des  ressentiments  et  des 
intérêts  de  position  ,  aux  dépens  du 
bien  public  :  mais  ce  dernier  repro- 
che doit  s'étendre  à  tous  les  person- 
nages contemporains.  Si  l'on  n'a 
point  dissimulé  les  défauts  d'Anne 
de  Montmorenci ,  on  doit  dire  aussi 
que  l'histoire  n'ofl're  point  un  sujet 
plus  fidèle  à  son  roi  et  à  son  pays.  U 
détestait  les  Guises  ,  indépendam- 
ment de  l'émulation  de  pouvoir  qui 
existait  entre  eux  et  lui  ;  parce  qu'il 
les  regardait  comme  des  étrangers 
jaloux  d'envahir  le  gouvernement  : 
il  le  fit  bien  connaître  à  Catherine  de 
Médicis ,  quand  il  osa  lui  dire  ,  à  la 
mort  de  Henri  II  ,  que  le  Finançais 
ne  se  lasse  jamais  de  servir  ses  rois , 
m.ais  qu'il  est  incapable  de  s'accou- 
tumer aux  lois  des  étrangers.  Bran- 
tôme a  laissé  du  connétable  une  His- 
toire abi  ég<''e,  qu'il  faudrait  copier  en 
entier  ,  si  elle  n'était  pas  aussi  con- 
nue :  c'est  dans  cet  historien  si  ori- 
ginal ,  qu'où  peut  voir  quelles  étaient 


12  MON 

l'austérité  habituelle  de  Montmo- 
reiici ,  sa  brustfueiic  ,  son  inflexible 
rigueur  pour  tout  ce  qui  touchait  à 
la  discipline,  et  comme  il  rabrouait 
ses  gens  pour  la  moindre  faute.  Il  ne 
manquait  jamais  de  dire  ses  prières 
même  à  la  tète  des  troupes  ;  et  si  le 
prévôt  venait  eu  ce  moment  lui  ren- 
dre compte  de  quelque  délit  ,  il  ne 
s'interrompait  quepour  lui  prescrire 
des  peiues  sévères ,  reprenant  ensuite 
son  pater  ou  son  credo  avec  la  plus 
Jurande  tranquillité  ;  ce  (|ui  faisait 
^ouvc■nt  répéter  à  ses  soldats  :  Dieu 
nuits  garde  des  patenôtres  de  mon- 
sieur le  connétable.  Satisfait  d'ins- 
pirer la  crainte  et  le  respect,  il  sem- 
bla toujours  dédaigner  de  se  faire  des 
amis  :  dès  sa  première  jeunesse  il  se 
glorifiait  du  surnom  de  Caton  qui  lui 
avait  été  donné  de  si  bonne  heure  au 
sein  de  la  brillante  cour  de  François 
!*'■.  ;  sa  présence  y  imposait  plus 
que  celle  du  roi  lui-raèrae,  et  le  plus 
grand  silence  régnait  devant  lui, 
Catherine  de  IMédicis  ne  parut  point 
regretter  Montmorenci  ;  on  préteird 
même  qu'en  apprenant  sa  mort,  elle 
s'écria  :  a  J'ai  encejour  deux  grandes 
»  obbgations  au  ciel  ;  l'une  q'jc  le 
»  connétable  ait  vengé  la  France 
»  de  ses  ennemis  ,  et  l'autre  que  les 
»  ennemis  m'aient  débarrassée  du 
»  connétable,  w  La  baronie  de  î\Iont- 
morenci  fut  érigée  en  duché-pai- 
rie ,  eu  1 55 1  j  et  cette  distinction 
fut  d'autant  plus  éclatante,  qu'il  n'y 
avait  eu  jusqu'alors  que  des  prin- 
ces dit  sang  qui  r<'ussent  reçue. 
Le  connétable  eut  de  Madelène  de 
Savoie  -  Tende  ,  sa  femme  ,  cinq 
fils  ,  qui  marchèrent  dignement  sur 
ses  traces  :  i^.  François  ,  maréchal 
et  duc  de  Montmorenci ,  grand  ca- 
pitaine et  négociateur  habile  j  '1°. 
Henri,  pair  ,  maréchal  et  connéta- 
ble, doût  l'ariicle  suit;  3^.  CharleS; 


MON 

duc  d'Amville,  seigneur  de  Méru  , 
amiral  (i);  4^.  Gabriel  de  Montmo- 
renci, baron  de  Monlberon,  capi- 
taine de  cinquante  hommes  d'armes , 
tué  à  la  journée  de  Dreux  ;  5°.  et 
Guillaume,  seigneur  de  Thoré,  aussi 
capitaine  de  cinquante  hommes  d'ar- 
mes, et  conseiller  d'état,  mort  en 
i594.0n  peut  consulter,  relativement 
au  connétable  Anne  ,  cette  foule 
d'ouvrages  consacrés  en  totalité  ou 
en  partie  à  son  illustre  famille  :  in- 
dépendamment de  Brantôme,  nous 
citerons  la  grande  Histoire  de  la  mai- 
son de  Montmorenci,  parDuchesne, 
cette  même  histoire ,  par  Désor- 
meaux;  l'Histoire  des  hommes  illus- 
tres de  France,  par  d'Auvigny;  enfin, 
tous  les  Mémoires  particuliers  sur 
l'histoire  de  France  ,  pendant  celt^e 
époque.  Ou  peut  consulter  encore  le 
Triianphe  d'honneur  contenant  les 
louanges  ,  faits  et  gestes  de  très- 
illustre  seigneur  Anne  de  Mont- 
morenci,  connétable,  grand  mai-' 
tre  et  premier  baron  de  France  , 
composé  en  rjme  française  et  pré- 
senté ùuroj  François  I*"^  .,V  an  1537, 
]\Is.  sur  velin  ,  avec  miniatures  , 
in- 4°.  ;  et  V Eloge  historique  d'An- 
ne de  Montmorenci ,  par  M™^.  de 
Chàteau-Pingnault ,  qiîi  a  obtenu,  eu 
1  783  ,  l'accessit ,  au  jugement  de 
l'académie  de  la  Rochelle.     R-te. 

MONTMORENXI  (  Henri  I"., 
duc  DE  ) .  était  le  second  des  cinq  fils 
du  connétable  Anne  de  Montmoren- 
ci ,  et  de  Madelène  de  Savoie  de  Ten- 
de. H  sut  honorer  le  nom  de  Dam- 
ville,  sous  lequel  il  fut  connu  pendant 
la  vie  de  son  père  et  celle  de  son 
frère  aîné.  11  avait  fait  sa  première 


(il  Ce  fal  pour  lui  que  Charles  IX  ,  par  IfUres- 
paîfulcs  du  fj  juin  i57«  ,  crfa  en  titre  d'office.  1.-V 
cliôrg';  de  cnloncl- gênerai  des  .Soifses  et  Gri»OLS  .  la- 
quelle ,  lostiu'.i  cette  époque  ,  n'Wait  qu'uue  siiai'!» 
couiuûia.oo  pour  une  oa  aeu»  csinpigu»  s. 


MON 

campagne  eu  Allciin^nc  et  en  Lor- 
raine (  I  55ci  ) ,  et  s'était  signale  à  la 
défense  de  Metz ,  assiège  par  Charles- 
Quint.  Ayant  passe  ensuite  à  l'arme'c 
de  Piémont ,  il  y  commanda  la  cava- 
lerie-lcgèro  ,  et  mérita  les  éloges  du 
maréchal  de  Brissac.  A  son  retour  en 
France  (  i557  ) ,  il  éprouva  l'accueil 
Je  plus  distingué  de  la  part  du  roi 
Henri  II ,  qui  était  son  parrain  ,  et 
des  mains  duquel  il  reçut  le  collier 
de  l'ordre  de  Saint-Micliol ,  n'étant 
âgé  que  de  24 ans.  Bientôt  après,  il 
épousa  Antoinette  de  La  Mark  ,  pe- 
tite-fdlc  de  la  duchesse  de  Valenti- 
nois.  Sa  belle  et  courageuse  conduite 
pendant  la  guerre  civile ,  lui  valut  la 
dignité  d'amiral  de  France  ,  qu'il 
garda  jusqu'à  la  paix,  et  qu'il  remit 
alors  à  son  cousin  Goligni.  En  1  502, 
à  la  Lataille  de  Dreux,  il  fit  prison- 
nier le  prince  de  Condé,  et  continua 
de  servir  avec  beaucoup  de  zèle  et  de 
gloire  ,  son  roi,  ainsi  que  la  cause 
cathoUque.  L'année  suivante,  il  ob- 
tint le  gouvernement  de  Languedoc , 
et,  en  i5G6,  le  bâton  de  maréchal  de 
France.  La  guerre  de  religion  s'étant 
rallumée  en  i56'7,ilfut  présent,  avec 
trois  de  ses  frères,  à  la  bataille  de 
Saint-Denis  ,  où  leur  père,  cet  illus- 
tre vieillard ,  blessé  à  mort ,  jouit  en- 
coi'e  du.  bonheur  de  voir  ses  enfants 
arracher  à  l'ennemi  le?  lauriers  dont 
ils  devaient  couvrir  son  tombeau.  Le 
cardinal  de  Lorraine,  craignant  de 
trouver  dans  la  maison  de  Montrao- 
rencilcs  obstacles  les  plus  redouta- 
bles aux  projets  ambitieux  qu'il  for- 
mait pour  ses  neveux,  chercha  tous 
les  moyens  d'exciter  contre  elle  Ca- 
therine de  Médicis  :  en  conséquence , 
les  fils  du  connétable  Anne  auraient 
été  du  nombre  des  A^climes  de  la' 
nuit  de  la  Saint-Barthéicmi ,  si  l'aîné 
(  le  maréchal  de  iMontmorenci  )  ne 
s'était  retiré  à  GhantilU^  deux  jours 


MON 


i3 


avant  les  massacres,  en  avertissant 
seslières  de  se  tenir. sur  leurs  gardes, 
et  de  quitter  Paris.  Damville  se  ren- 
dit alors  en  Languedoc.  Quand  il  ap- 
pj'it  que  Henri  III  revenait  de  Polo- 
gne (  \5'j^),i\  accepta  la  médiation 
et  les  bons  offices  du  duc  de  Savoie, 
aAMnt  d'aller  joindre  le  monaïqne; 
maisaverti  dequclqu'^s  machinations 
de  l'artificieuse  Médicis,  il  crut  de- 
voir regagner  son  gouvernement , 
dans  lequel  il  se  mit  à  la  tête  des  c  - 
tholiques  mécontents  ,  qu'on  appe- 
lait les /jo/jfz^we^,  et  qui  s'unissaient 
ans.  calvinistes  ,  dans  l'intérêt  d'une 
défense  commime.  Damville  Ijatfit 
les  troupes  envoyées  contre  lui ,  et 
vécut  en  souverain,  dans  le  Langue- 
doc ,  y  levant  des  troupes  et  de  l'ar- 
gent, fortifiant  ou  rasant  les  places  , 
et  finissant  par  faire,  à  sa  volonté  , 
ou  la  guerre  ou  la  paix  avec  les  Hu- 
guenots. Des  que  la  nouvelle  de  la 
mort  de  Henri  III  lui  fut  parvenue , 
il  fit  proclamer  Henri  IV,  dans  tor- 
tes  les  villes  où  il  commandait ,  et 
continua  pendant  plusieurs  années 
à  rendre  d'importants  services  à  sou 
prince.  Henri-le-Grand  ,^  qui  l'appe- 
lait son  compère,  et  lui  doniiait  ce 
litre  dans  le  corps  des  lettres  qu'il 
lui  écrivait,  et  même  sur  la  suscrip- 
lion ,  lui  envoya  l'épée  de  connétable, 
en  1 593.  Montmorenci  -  Damville 
mourut  à  Agde  ,  le  i'^''.  avril  1G14, 
âgé  de  70  ans.  Il  était,  dans  sa  je:> 
nesse ,  un  des  plus  beaux  hommes  du 
royaume,  et  l'un  des  plus  adroits. 
On  admirait  en  lui,  parmi  un  grard 
nombre  de  bonnes  qualités  ,  toute  la 
galanterie  des  chevaliers  français.  Jl 
aima  passioncment  IMarie  Stuart , 
veuve  de  François  II;  et  il  en  fut  si 
tendrement  aimé,  que,  s'il  eût  éîch- 
bre,  cette  princesse  l'aurait  épousé. 
Il  la  suivit  en  Ecosse,  lorsqu'elle  fut 
obligée,  par  la  jalousie  et  la  haine 


41 


i4  MON 

de  Citlierine  de Mcdicis ,  d'abandon- 
ner la  France.  Corarae  général  ,  il 
passait  pour  être  plus  heureux  qu'ha- 
bile. Du  reste,  il  nioiitra  beaucoup 
de  discernement  et  de  droiture  dans 
le  maniement  des  afiaires  publiques, 
et  dans  les   négociations  dont  il  fut 
charge.  Brantôme  dit  qu'il  ne  savait 
pas  lire,  et  que  sou   seing  n'était 
qu'une  marque.  D'Aubigné  (  p.  85  de 
SCS  Mémoires  >    raconte  que    «  se 
»  trouvant  un  jour  sur  le  bord  de  la 
»  Drogue,  ledit  maréchal  se  mit  à 
»  faire  de  grands  soupirs;  et  qu'ar- 
»  rachant  un  morceau  d'écorce  d'un 
»  arbre  qui  était  en  sève,  il  y  écrivit 
»  six.  vers  latins  au  sujet  d'une  dame 
»  qu'il  aimait  alors.  »  D'Aubigné  rap- 
porte même  les  vers.  On  pourrait  se 
demander  lequel  il  faut  croire  ou  de 
lui  ,  ou  de   Brantôme ,   tous  deux 
ayant  vécu  à  la  cour  avec  Damville, 
si  nos  idées,  à  cet  égard,  n'étaient 
fixées  par  le  mot  si  connu  de  Hen- 
ri IV  :  «  Tout  peut  me  réussir  par  le 
»  moyen  d'un  connétable,  qui  ne  sait 
«  pas  écrire,  et  d'un  chancelier  (  Sil- 
Icry  )  qui  ignore  le  latin.  »  Henri  P'". 
deMontmorenci  lut  marié  trois  fois  j 
et  il  eut  de  son  second   mariage, 
avec  Louise  de  Budos ,  Henri  II,  duc 
de  Montmorcnci,  dont  l'arliclesuit, 
et  la  princesse  de  Condé.     L-p-e. 

MONTMORENGl  (Henri II,  duc 
DE  ) ,  tîls  du  précéilont,  marécjial  de 
France,  etc.,  naquit  à  Ch,uitilli  ,  en 
iSgô.  Le  roi  Henri  IV  voulut  le  te- 
nir sur  les  fonts  de  baptême,  et  lui 
assura  dcs-lors  la  survivance  du 
gouvernement  de  Languedoc ,  qu'a- 
vait le  connétable  son  père.  Il  ne 
l'appela  jamais  qi\e  son  fils,  lui  don- 
nant toutes  les  marques  de  la  plus 
constante  affection.  Louis  XIII  le  fît 
amiral ,  en  1 6 1  '2  ,  à  l'âge  de  1 7  ans , 
et  chevalier  du  Saint-Esprit^  eu 
1619.  De  tous  les  grands  seigneurs 


MON 

de  son  temps ,  le  jeune  duc  de  Moiil- 
juorenci  fut  le  plus  aimable  et  le  plus 
aimé.  Joignant  à  la  valeur  la  plus 
brillante,  le  nom  le  plus  français,  i»;s 
formes  les  plus  attachantes,  le  ca- 
ractère le  plus  généreux ,  il  était  l'ido- 
le de  la  cour  et  des  provinces,  du  peu- 
ple et  de  l'armée.  Il  se  signala  ,  pour 
la  première  fois  ,  en    \6io,  époque 
où  les  intrigues  et  les  troubles  dont 
la  religion  était  le  prétexte,  agitaient 
la  cour  et  déchiraient  le  royaume. 
Le  fils  de  Henri  IV^  commençait  à 
régner  par  lui-même,  ou  plutôt  il 
régnait  par  ses  favoris.  Montmorcn- 
ci ,  quelques  instances  et   quelques 
promesses  que  lui  eût  faites  Marie  de 
Médicis,  à  laquelle  il  était  allié  de 
très-près  ,  se  souvint   des  conseils 
qu'il  avait  reçus  de  son  père  ;  et  il 
resta  fidèle  à  son  maître  ,  bien  que 
la  cour  ne  se  montrât  ])as  toujours 
juste  à  son  égard.  11  reprit  aux  pro- 
testants plusieuis  places  importan- 
tes ;  il  se  trouva  ensuite  au  siège  de 
Montauban ,  et  à  celui  de  Monpellier , 
où  il  fut  blessé.  Cette  première  guer- 
re de  religion  ,  dont  le  Languedoc 
fut  le   principal  théâtre ,    finit  en 
1622  ;  mais  elle  se  ranima  eu  \6'i5. 
Le  duc  fut   chargé  du  commande- 
ment de  la  flotte  envoyée  par  les 
Hollandais  à  Louis  XIII.  Les  com- 
mandants de  cette  flotte  avaient  re- 
çu l'ordre  d'éviter  de  combattre  les 
protestants  ,  qu'ils  regardaient  com- 
me leurs  fières.  Montmorenci    sut 
persuader  les  chefs,  et  s'attirer  l'ad- 
miration des  soldats  :  les  ayant  rem- 
plis de  zèle  et  d'ardeur  ,  il  reprit, 
à  leur  tête  les  îles  de  Rhé  et  d'Olé- 
ron.  Ce  fut  dans  cette  occasion ,  qu'il 
abandonna  pour  plus  de  cent  mille 
écus  de  munitions  qui  lui  apparte- 
naient comme  amiral.  «  Je  ne  suis 
»  pas  venu  ici  pour  gagner  de  l'ar- 
»  gent ,  »  répondit  -  il  noblement  à 


MON 

ceux  qui  lui  représentaient  que  c'é- 
tait faire  un  trop  giiiml  sacrifice; 
«  je  suis  venu  pour  acquérir  de  la 
»  {gloire.  »  Pendant  le  mémoral)!e 
siège  de  la  Rochelle  (  1G28  ),  Mont- 
morenci  se  mesurait ,  en  Languedoc , 
avec  le  fameux  duc  de  Rolian  ,  et 
sortait  vainqueur  de  cette  Itilte.  Il 
contril)ua  ensuite  à  l'amnistie  qui  fut 
accordée  aux  protestants.  Le  roi ,  qui 
ne  songeait  plus  qu'à  se  venger  de  ses 
ennemis  du  dehors,  l'cmuicna,  en 
i(i'29  et  i63o,  dans  le  Piémont, 
comme  lieutenant-général  de  ses  ar- 
mées. Ce  fut  dans  cette  campagne  , 
que  Montmorenci  livra  (le  10  juil- 
let 1629  )  le  combat  de  Vedlauc  , 
un  des  plus  beaux  faits  d'armes  de 
toute  cette  guerre.  Il  faisait  fder  ses 
troupes  dans  la  montagne  pour  aller 
joindre  le  maréchal  de  La  Force , 
lorsque  Doria  attaqua  son  arrière- 
garde  avec  un  gros  corps  d'impé- 
riaux. Le  duc  marcha  vers  lui,  à  la 
tête  des  gendarines  du  roi ,  et ,  ayant 
sauté  un  fossé,  poussa  jusqu'au  i<^'". 
escadron  ,  oii  il  blessa  lui-même  Do- 
ria de  deux  coups  d'épée.  Il  char- 
gea la  cavalerie  qui  venait  au  secours 
du  prince,  et  la  mit  en  désordre; 
puis  s'abandonnant  à  son  impétuo- 
sité, il  alla  droit  à  un  bataillon  alle- 
mand ,  qui,  sans  considérer  que  le 
duc  n'était  suivi  presque  de  person- 
ne ,  prit  l'épouvante  et  la  fuite.  Les 
impériaux  eurent  700  hommes  tues 
ou  noyés  ,  et  600  faits  prisonniers 
avec  Doria.  Le  prince  de  Piémont 
vit  l'action  du  haut  des  retranche- 
ments ,  et  n'osa  les  quitter.  Louis 
XIII  écrivit  au  vainqueur  de  Veilla- 
ne  :  «  Je  me  sens  obligé  envers  vous  , 
»  autant  qu'uu  roi  le  puisse  être  ;  » 
et  il  le  fit  maréchal  de  France.  C'est 
de  iGSa  ,  que  date  la  déploz'able  épo- 
que où  le  duc  de  Montmorenci  ternit 
toute  sa  gloire,  et  imprima  à  son 


MON  I  "> 

nom  illustre  la  tache  du  crime  le 
plus  punissable  ,  la  rébellion  confie 
son  souverain.  Le  roi  l'avait  traité 
moins  en  sujet  qu'en  ami;  le  canlinal 
de  Richelieu  affectait  de  le  traiter 
comme  l'homme  de  la  cour  qu'il 
ai;uait  le  mieux  ,  et  sur  lequel  il 
comptait  le  plus  :  aussi  Louis  XIII  à 
Lyon,  dans  la  maladie  qui  le  con- 
duisit aux  portes  du  tombeau  ,  crai- 
gnant de  laisser  en  mourant  le  car- 
dinal en  butte  à  la  vengeance  de  la 
reine  sa  mère  et  à  l'animosité  des 
courtisans  de  cette  princesse  et  de 
Gaston ,  ne  s'en  fia  qu'au  duc  de 
Montmorenci,  di;  salât  de  son  minis- 
tre :  «  Donnez-moi,  lui  dit  il,  votre 
»  parole  d'honneur  ,  qu'à  la  pre- 
»  mière  demande  de  M.  le  cardinal , 
»  vous  prendrez  une  bonne  escorte, 
»  et  que  vous  le  conduirez  vous- 
»  même  à  Brouage.  »  Mais  bientôt 
après ,  tous  les  intrigants  des  deux 
cours  (  celle  de  la  reine  et  celle  de 
Gaston  ),  «  gens  qui ,  comme  le  disait 
»  Louis  XIII  lui-même,  px'éféraient 
»  leur  intérêt  particulier  à  celui  du 
.>  royaume,  »  essayèrent  de  persua- 
der au  duc ,  qu'après  le  grand  service 
qu'il  avait  rendu  au  carlinal  ,  il  n'y 
avait  pas  de  dignité  si  haute  à  la- 
quelle il  n'eût  droit  de  prétendre. 
Mais  en  vain  se  flatterait  -  il  ,  lui 
disait-on ,  d'obtenir  la  charge  de 
co!!nétable,  presque  héréditaire  jus- 
qu'alors dans  sa  famille,  par  le  ca- 
nal de  ce  ministre ,  dont  il  n'avait 
guère  éprouvé  depuis  plusieurs  an- 
nées que  des  dégoûts.  Ils  lui  répé- 
taient adroitement  que  le  système  du 
cardinal  était  d'abattre  les  autorités 
particulières,  afin  de  les  réunir  toutes 
en  sa  personne.  Il  ne  restait  pour 
Montmorenci ,  lui  disaient-ils ,  qu'un 
seul  moyen  de  réussir  ;  c'était  de  se 
rendre  médiateur  entre  le  roi  et  sa 
famille.  Leduc  d'Épernou  avait  bien 


/ 


iG 


INION 


su  tirer  la  reine-mcre  de  Blois  ,  et  la 
réconcilier  avec  son  fils  :  ce  que  d'É- 
pernon  avait  su  faire ,  le  duc  de  Mont- 
niorcnci  pouvait  bien  le  tenter.  S'il 
l'c'ussissait ,  l'epée  de  conne'table  de- 
venait pour  lui  une  conquête  assurée. 
On  aime  à  penser  que  ce  ne  furent  pas 
des  motifs  d'amljition  qui  de'terjui- 
ncrent  le  duc  de  Montniorenci,  mais 
que  son  ame  ge'nërcuse  lui  fit  trou- 
ver beau  de  se  sacrifier  pour  finir  ia 
mésintelligence  de  la  famille  royale, 
dont  gémissaient  tous  les  bons  Fran- 
çais. Il  se  laissa  toucher  par  les  ins- 
tances du  frère  du  roi.  Le  sort  de 
Marie  de  Médicis  ,  réfugiée  dans  une 
cour  étrangère,  l'intéressa  peut-être 
d'autant  plus,  que  les  raisons  de  la 
protéger  lui  étaient  remises  sans  ces- 
se sous  les  5'eux  par  la  ducbesse  de 
Montmorenci ,  parente  de  la  reine- 
mère.  Quoi  qu'il  en  soit ,  IMontmo- 
renci  essaya  de  faire  soulever  le  Lan- 
guedoc dont  il  avait  le  gouvernement. 
Richelieu,  qui  n'e'tait  pas  exempt  de 
craintes  à  ce  sujet,  mit  en  avant  le 
souA'cnir  de  leur  ancienne  liaison  , 
pour  engager  des  amis  communs  à 
démontrer  au  duc  l'inutilité'  de  ses 
efforts,  et  l'impossibilité'  du  succès. 
Ils  lui  représentèrent  qu'il  exposait 
sa  vie,  et  que  s'il  tirait  l'cpee  contre 
son  roi,  il  n'y  aurait  pour  lui  ni  grâce 
ni  pardon.  Le  duc  n'en  continua  pas 
moins  ses  mene'es ,  fit  de  nouvelles 
levées  d'hommes  et  d'argent,  et  re- 
çut,  en  i632,  dans  le  Languedoc, 
Gaston ,  qui  venait  de  rentrer  en 
France,  à  la  tcte  de  deux  mille  hom- 
mes ,  étrangers  pour  la  plupart,  et 
qu'il  avait  rassembles  du  côte  de 
Trêves.  Montmorenci ,  déconcerte 
dans  ses  mesures  par  l'arrivée  prc- 
cipite'c  du  duc  d'Orléans  ,  s'était  as- 
sure de  Lodève,  Albi ,  Uzès ,  Alais  , 
Bëziers  ,  Saint  -  Pons ,  Lunel ,  etc.  ; 
maislsîmes,  quoique  peuplé  de  reli- 


MON 

gionnaires,  Narbonne,  Montpellier, 
Carcassone,  Toulouse,  avaient  refuse' 
de  se  joindre  à  luij  mais  le  maréchal 
de  La  Force  entrait  d'un  côte'  jtar 
le  Ponî-Saint-Esprit ,  à  la  suite  du 
frère  du  roi  ;  et  Schomberg  mar- 
chait par  le  Haut-Languedoc,  pour 
envelopper  simultanément  Gaston 
et  Montmorenci ,  qui  avaient  levé 
l'étendard  et  re'uni  leurs  forces,  for- 
mant six  à  sept  mille  hommes  en 
tout.  On  jugea  nécessaire  que  liOuis 
XI] j  s'approchât  en  personne  ,  et 
qu'il  se  rendît  à  Lyon.  Ce  fut  alors 
que  Riclielieu  envoya  vers  le  maré- 
chal un  négociateur,  dont  tous  les 
efiforls  furent  inutiles.  L'archevêque 
de  Narbonne,  ami  de  Montmorenci , 
entreprit  également  de  le  ramener  a 
son  devoir  j  il  se  rendit  auprès  de  lui, 
et  ne  réussit  pas  mieux  que  l'émis- 
saire du  cardinal.  Ce  qui  avait  ache- 
vé d'exaspérer  le  duc  ,  était  la  dé- 
claration du  23  aoi'it,  datée  de  Gosne, 
qui  venait  de  le  déclarer  criminel  de 
lèse-majesté,  et  déchu  de  tous  ses 
honneurs  ,  grades  et  dignités  ,  avec 
confiscation  de  ses  biens  ,  et  l'or- 
di'e  donné  au  parlement  de  Tou- 
louse de  lui  faire  son  procès  ;  car 
une  fois  que  Richelieu  vit  que  toute 
la  France,  une  seule  province  excep- 
tée, restait  dans  le  devoir,  il  ne  vou- 
lut plus  enteudi-e  à  aucune  con;posi- 
lion.  Cependant  Schomberg  n'avan- 
çait qu'avec  circonspection  contre 
l'héritier  présoraplif  cle  la  couronne; 
et  au  moment  d'être  forcé  d'engager 
une  action ,  il  prit  suv  lui  d'envover 
Cavoie  proposer  d'entrer  en  accom- 
modement; mais  Montmorenci,  qui 
affectait,  dit  Dupleix,  de  mépriser 
ses  ennemis,  et  q.ù  mettait  toute 
confiance  dans  sa  s^ule  bravoure, 
répondit,  par  dés^-spoir  ou  par  pré- 
somption :  «  On  parlementera  après 
V  la  bataille.  »  Et  le  i'=*.  seplcmbie 


MON 

i63'i,  le  combat  de  Caslclnaudari 
fut  livre.  Ce  ne  lut ,  à  pioprcincnt 
parler,  qu'une  i-cncontrc,  qui  ne  dura 
qu'une  donii-heurc  ,  et  ne  coula  pas 
la  vie  à  cent  hommes  (  Histoire  du 
Languedoc  ).  Le  duc  dut  son  mal- 
heur à  celte  valeur  impétueuse  qui  , 
à  la  vue  du  danger,  lui  f;ùsait  ou- 
blier qu'il  était  gênerai ,  et  non  sim- 
ple soldat.  La  même  ardeur  qui 
avait  décide'  sou  triomphe  à  Vcilla- 
iie,  le  perdit  à  Castelnaud^iri.  Il  mon- 
tait un  cheval  gris-pommele ,  tout 
couvert  de  plumes  incarnat,  bleu 
et  isabelle.  S' étant  mis  a  la  tèîe  d'un 
seul  escadron ,  il  s'avança  jusqu'à 
•j5  ou  3o  pas  du  camp  des  royalis- 
tes. Mais  il  essuya  une  si  rude  de'ehar- 
i^edc  mousquetcrie,  qu'une  douzaine 
des  siens  tombèrent  morts  sur  la  pla- 
ce ;  plusieurs  autres  furent  mis  hors 
de  combat,  et  le  reste  prit  la  fuile. 
Montmorenci,  ayant  reçu  un  coup  de 
feu  à  la  gorge,  entra  en  fureur;  et 
poussant  son  cheval ,  il  franchit  le 
fossé ,  Jargede  trois  ou  quatre  toises , 
qui  Je  sepai'ait  des  fantassins  de 
Schomberg.  Cinq  ou  six  de  ses  amis , 
parmi  lesquels  était  le  comte  de 
Kieux ,  avaient  pu  seuls  le  suivre.  Il 
abat  devant  lui  tout  ce  qui  se  pré- 
sente, se  fait  jour,  et  pénèlre  jus- 
qu'au septième  rang,  à  travers  une 
i;rèle  de  balles.  Enfin,  d'un  coup  de 
])istolet ,  il  casse  le  bras  à  Gadagne  , 
capitaine  des  chevau-  légers  ,  qui  se 
présentait  pour  le  combattre.  Gada- 
gne ,  de  la  main  droite  ,  tira  sur  l'il- 
lustre chef  des  rebelles  ,  lui  perça  , 
de  deux  balles ,  la  joue  droite  aupr,'  s 
de  l'oreille  ,  et  lui  fracassa  plusieurs 
dents.  IMoutmorenci  n'en  renversa 
pas  moins  un  autre  officier  nommé  le 
baron  de  Laurières  ,  et  déchargea  un 
si  furieux  coup  d'épée  sur  la  tête  de 
Bourdet ,  fds  du  baron,  qu'il  le  fit 
chanceler  :  mais  presqu'aussitôt  sou 

XXX. 


MON  17 

cheval,  atteint  de  plusieurs  coups, 
bronche  ,  se  iclève  ,  et  tombe  enfin 
roide  mort.  Le  duc  ,  ne  pouvant  se 
débarasscr,  s'écrie  :  «  A  moi ,  Mont- 
»  morenci;  «  et  il  jirie  deux  sergents 
aux  gardes  françaises  ,  qui  se  trou- 
vaient auprès  de  lui,  de  ne  point  l'a- 
bandonner, et  de  lui  procurer  nn 
confesseur.  Porté  dans  une  métairie, 
à  un  quart  de  lieue  du  champ  de  ba- 
taille, confessé  par  l'aumonier  du 
maréchal  de  Schomberg,  pansé  par 
le  chirurgien  des  chevau -légers  du 
roi ,  qui  banda  les  plaies  de  la  tête 
et  du  cou  ;  ce  fut  sur  une  échelle  où 
l'on  avait  mis  une  planche,  de  la 
paille  et  plusieurs  manteaux ,  qu'd  fut 
amené  à  Castelnaudari.  L'émotion  du 
peuple  fut  si  grande  lorsqu'il  y  ar- 
riva, qu'il  fallut  que  les  gens-d'armcs 
qui  le  conduisaient  tirassent  leurs 
épées  pour  écarter  la  foule  qui  fon- 
dait en  larmes  ,  et  témoignait  publi- 
quement sa  douleur.  Le  maréchal  de 
Schomberg ,  ne  jugeant  pas  pouvoir, 
dans  une  place  aussi  peu  sûre ,  ré 
pondre  d'un  prisonnier  de  si  haute 
importance  ,  le  conduisit  lui  -  même 
au  château  de  Leitoure  ,  dont  Roque- 
laure  était  gouverneur  :  Schomberg 
mit  tout  ses  soins  à  veiller  sur  ce 
grand  coupable  :  pourquoi  faut  -  il 
dire  qu'il  avait  la  promesse  d'héri- 
ter des  dépouilles  de  Montmorenci  ? 
Louis  XIII  arriva  le  'xi  octobre  à 
Toulouse;  et,  conforraénieut  à  la 
déclaration  de  Cosne,  le  duc  y  fut 
transporté  le  'i'] ,  pour  être  jugé  par- 
le parlement ,  auquel  le  roi  annonça 
que  sa  volonté  était  que  le  garde- 
des-sceaux,  en  vertu  d'un  pouvoir 
extraordinaire ,  présidât  au  juge- 
ment. Dans  sou  interrogatoire,  Mont- 
morenci montra  le  plus  noble  et  le 
plus  touchant  repentir.  11  est  remar- 
quable que  ledjyen  du  parlement  de 
Toulouse  crut  avoir  des  égards  pour 


i8 


MON 


le  duc,  en  se  dispeusant  d'opiner  de 
Vive  voix  comme  ses  confrères,  et 
C!i  ue  le  couda  m  liant  à  la  mort  qr.c 
par  un  billet  cachclé,  qu'il  envoya  à 
la  chambre  des  juges.  Le  LilJcl  con- 
tenait ces  paroles  :  «  Jc,iN\  filleul  du 
connétable  Anne  de  jMontmorenci , 
suis  d'avis  que  le  duc  Henri  de  Mont- 
morenci  soit   décapité.»  (Yittorio 
Siri,  Memorierecondite,  tome  vu.) 
La  mort  de  ce  grand  personnage  avait 
été  résolue  ,  à  ce  qu'il  parait ,  dans 
un  conseil  secret  où  le  cardinal  et  le 
père  Joseph  ,  en  présentant  à  Louis 
XII 1  ,  sous  toutes  les  faces,  la  rai- 
son d'état,  obtinrent  de  lui  qu'il  serait 
inflexible;  et  le  roi  n'osa  pas  man- 
quer à  l'engagement  qu'on  lui  avait 
fait  prendre.  Eu  vain  toute  la  cour , 
les  princes,  les  grands  du  royaume  , 
se  jetèrent  à  ses  pieds  pour  qu'il  ac- 
cordât la  grâce   du  coupable  (i). 
C'était  contre  eux  -  mêmes  ,  contre 
les  intrigues  ,  les   machinations  de 
plusieurs  d'entre  eux ,  que  ce   ter- 
rible exemple  était  dirigé  par  une 
politique   nécessaire.    Les    marques 
de  l'intérêt  le  plus  vrai,  de  la  compas- 
sionla  plus  profonde,  furent  données 
par  toutes   les  classes  à   l'infortuné 
duc  de  Montmoreuci ,  mais  ne  du- 
rent rien  changer  à  son  sort.  La  prin- 
cesse de  Gondé,  sa  sœur,  accourut, 
ot,  après  s'être  abaissée  à  supplier 
l'iichelieu,  épia  vainement  l'occasion 
d'iraploreraussià  gcnouxla  clémence 
du  roi;  il  se  rendit  inaccessible  pour 
demeurer  inexorable.  Yittorio  Siri 
dit  avec  raison,  qu'il  ny  avait  -pas 
de  juges   qui  n'eussent  condamné 
Montmorenci  ;  mais  il  ne  devait  pas 

(i")  T.€  fiuc  d'Orlcaiis  ,  qni  fit  son  accimmodempnt 
iv^  luoi-s  après  le  comltat  (je  CasUlitaudari ,  préteodit 
toujours ,  et  le  lait  paraît  certain  »  qu'une  dos  prinri- 
l'ales  conditions  avait  été  la  prâce  de  Montmorenci  , 
ft  qu'elle  lui  avait  été  promise  d»?  la  part  du  roi, 
|»ar  Te  secret:iire-dVlat ,  Builioti.  Oq  n'en  avait  pai 
i>arléd»nslp  traité,  voulaut laijîs.'i  au  moDai que  tout 
le  uieritc  du  partlou. 


MON 

ajouter ,  ni  de  roi  qui  ne  lui  eût  fait 
grâce.  L'autorité  ne  chercha  point 
à  retenir  l'explosion  de  la  douleur 
publique,  qui  se  nianifestail  partout 
a  ïoiiloiise,  et  qui  fut  constamment 
la  même  pendant  les  cinq  jours  que 
dura  le  proc.  s.  Dans  la  "soirée  du  m) 
octobre  ,  la  ville  se  remplit  de  trou- 
pes :  aussi  j)éniblement  aflè(  tées  que 
le  peuple,  elles  paraissaient  n'exécu- 
ter qu'à   regret  les  ordres   donnés 
pour   empêcher   tout    mouvement. 
Lorsque    le  maréchal  lut  introduit 
dans  la  giand'chambic,  la  plupart 
des  juges  se  couvrirent  le  visage  de 
leur   mouchoir    pour   cacher  leurs 
larmes.  Guitaut,  capitaine  aux  gar- 
des ,  étant  inler])ellé  par  les  juges 
jiour    déclarer   s'il    avait    reconnu 
le  duc  dans  le  combat,  «  Le  ieii, 
»  le  sang  et  la  fumée  dont  il  était 
»  couvert ,  répondit  cet  oiUcier  les 
»  larmes  aux  yeux  ,  m'ont  empêche' 
»  d'abord  de  le  distinguer  ;    mais 
»  voyantun  homme  qui,  après  avoir 
»  rompu  six  de  nos  jaugs  ,  tuait  en- 
»  core  des  soldats  au  "t*^.  ,  j'ai  jugé 
»  que  ce  ue  pouvait  être  que  I\I.  de 
»  Montmorenci.  Je  ne  l'ai  su  certai- 
»  nement  que  lorsque  je  l'ai  aperçu 
»  à  terre  ,  percé  de  coups ,  sous  sou 
»  cheval  mort.  »  Après  la  condam- 
nation ,  de  nouveaux  eirorîs  furent 
faits  de  toute  part  auprès  du  roi.«  Le 
»  visage  et  les  yeux  de  ceux  qui  sont 
»  devant  vous,  dit  le  maréchal  de 
»  Chàtillou  au  monarque  lui-même, 
»  font  assez  cennaîtrea  votre  Majesté 
»  qu'elle  consolerait  bien  des  per- 
»  sonnes,  si  elle  daignait  pardonner 
»  au  duc  de  Montmorenci.  »  Louis 
XIII  lui  répondit  qu'il  ue  serait  pas 
roi ,  s'il  avait  les  sentiments  des  par- 
ticuliers. L'infortuné  duc  se  disposa 
donc  à  terjniner  son  sacrifice.  Tous 
les   actes  de  sa  vie ,   pendant  sou 
agonie  de  cinq  journées  que  dura  son 


MON 

firocl'S  ,  furent  marques  du  spcau  de 
a  piété  la  plus  .simirc.  Ou  lui  avait 
accorde  d'èlro  dccapitc  dans  l'iuié- 
rieur  de  riiôlel-dc-vill*',  et  non  pas 
publiqucmcut  sur  la  place  du  Saliu, 
comme  l'arrêt  le  portait:  cette  appa- 
reutc  coudescendauce  ne  réserva  a  sa 
fin  qu'une  douleur  de  plus  ;  car  il  fut 
exécuté  devant  la  statue  du  roi  Henri 
IV,  son  parrain,  q'.ii  était  en  partie 
redevable  du  trône  de  France  au  feu 
connétable  de  Monlraorenci.»Il  s'a- 
vança vers  l'écliafaud  avec  fernieté, 
mit  la  tête  sur  le  billot,  et  dit  au 
l)0urreau  d'une  voix  haute:  Frappe 
hardiment ,  et  il  reçut  le  coup  mortel 
en  disant  :  Domine  Jesii ,  accipe  spi- 
rituni  meum.  Ainsi  périt,  le  3o  oc- 
tobre iG3'2  ,  à  l'âge  de  trenle-huit 
ans  ,  le  maréchal  duc  de  Montmo- 
renci ,  aussi  intéressant  que  coupa- 
ble. Avec  lui  finit  la  branche  cadette 
de  cette  maison  si  féconde  en  grands 
hommes  ,  et  la  première  branche 
ducale  des  Montmorenci.  Comme 
il  mourait  sans  enfants  ,  tous  ses 
biens  restèrent  à  sa  sœur  ,  mère  du 
grand  Condé.  Son  corps  fut  lavé , 
embaumé  par  les  dames  de  la  Misé- 
ricorde, et  conduit  dans  un  carrosse 
à  réj:;lise  de  Saint-Seruin.  Son  cœur 
fut  déposé  dans  celle  de  la  maison 
professe  des  Jésuites.  En  i645,  la 
duchesse  sa  veuve  fit  transférer  le 
corps  à  Moulins,  et  lui  fit  élever  un 
magnifique  tombeau  de  marbre,  qui, 
par  une  circonstance  singulière,  exis- 
te encore  aujourd'hui  (  i  ).  Qn  assure 
que  Louis  XIIT  ,  étant  au  lit  de  la 
mort,  déclara  au  prince  de  Condé 
l'extrême  regret  qu'il  avait  toujours 


(i")  En  I703  ,  des  jacobius  eutraieDt  dan;;  l*eglise 
pour  le  Jelruiie  ,  lorscju'au  tuiliru  d'eux  uue  voix 
s'écria  :  *<  Quoi  î  vous  allez  renverser  Ir  inuiiuuienl 
»  d'uu  bon  républicain  ,  puisqu'il  est  mort  victime 
Î-»  du  despotisme.  »  Le  marteau  révolutiouuaire  leur 
tomba  des  mains  ,  et  le  tuBibeau  d'un  Montuioieuii 
/ut  respecté. 


MON 


'0 


eu  ,  et  que  jusqu'alors  il  avait  tenu 
caché,  de  n'avoir  pas  jiardonné  en 
celte  occiisiuu  (i).  H  n'en  demeure 
pas  moins  incontestable,  en  bonne 
politique  ,  que  de  tous  les  actes  de 
ligueur  qui  ont  allcrmi  l'autorité 
rovale ,  sous  le  règne  dillicile  du 
prince,  fils  de  Henri  IV  ,  et  pré- 
décesseur de  Louis  XIV ,  l'arrêt 
de  mort  du  duc  de  Montmorenci , 
pris  les  armes  à  la  main,  fut  la  me- 
sure la  plus  exemplaire  et  la  plus 
conforme  aux  devoirs  d'un  roi  , 
blessé  et  bravé  dans  les  droits  de  sa 
légitime  puissance.  Quelque  intérêt 
qu'inspirent  aux  pailiculicrs  la  vie 
entière  et  la  dernière  destinée  de  cet 
iufortiiné  seigneur,  issu  du  sangle 
plus  illustre  de  France  ,  après  les 
souverains,  il  n'en  est  que  plus  vrai- 
semblable que  ce  n'f  st  pas  le  supplice 
de  Chalais,  ni  celui  de  Marillac,  de 
Cinq-Mars  ,  de  Thoc-.,  mais  ceux  de 
Bouleville  et  du  maiéchaj_xie  JMont- 
morenci,  qui  ont  mérité  à  Louis  XIII 
le  surnom  de  Louis-le- Juste.  L'HiS' 
toiie  de  Henri ,  dernier  duc  de 
Montmorenci ,  pair  et  maréchal  de 
France^  a  été  publiée  à  Paris,  en 
i6G3,  in-  4''.,  par  Simon  Ducros  , 
qui  ,  en  iG3i  ,  sei^vait  sous  lui  com- 
me oiHcicr.  Il  paraît  qu'il  a  redonné, 
en  iGGG,  la  même  histoire  sous  le 
titre  de  Mémoires.  Lenglet  Dafres- 
Dois  qualifie  ce  livre  de  u  pitoyable, 
quoicjue  fait  sur  un  beau  et  magnifi- 
que sujet.  »  S — Y. 

MOMI^IORENCI  (  Marie  Feu- 
CE  Orsim  ,  duchesse  de  ) ,  femme  du 
précédent,  née  à  Rome,  en   iGoo, 


(1)  Plusieurs  historiens  out  avancé  qu'après  le 
combnt  ùc  Castelitaudari ,  on  trouva  au  bras  de  3Iout- 
inoreiici  .  im  bracelet  avec  le  portrait  d'Anue-d'Au- 
tricbe  .  et  que  ce  fut  un  des  grands  motifs  de  l'inflexi- 
bilité de  Louis  XIII  ,  qui  n'avait  pu  ignorer  le  fait. 
11  est  certain  que  ,  quelques  années  auparavant  ,  oa 
avait  répandu  di-s  1-ruits  sur  la  liaisou  intia;e  de  1a 
rfiue  et  ^u  maréchal  ;  mais  l'iu]ustice  et  la  mécbau* 
icte  i«  c«U«  iiu^utittwu  luicut  iei.oiiuu«s. 


9.0  MON 

était  nièce ,  à  la  mode  de  Bretagne  , 
de  Marie  de  Médicis ,  qui  lui  fit  épou- 
ser ,  en  iGi4,  le  (ils  du  connétable 
Henri  I"^"".  de  Moutniorenci.  Dans  la 
vie  de  cette  illustre  dame,  publiée 
en  1G84,  par  Marsollier ,  ou  s'est 
attaché  beaucoup  plus  à  décrire  ses 
actions  éJitiantes  ,  comme  supérieu- 
re des  Visitan.lines  de  Moulins,  (ju'à 
faire  connaître  le  secret  de  ses  senti- 
ments ,  et  sa  conduite  dans  la  révolte 
du  duc,  son  époux,  qu'elle  aimait 
passionnément.  Cependant  ou  y  dit 
d'mie  m mière  positive,  qu'elle  n'ou- 
blia rien  pour  le  détourner  de  se  ren- 
dre aussiconpable  envers  son  roi.D'un 
autre  coté,  l'auteur  anonyme  d'une 
Vie  du  duc  de  Montmorenci,  impri- 
mée en  lOijf),  présente  la  duel. esse, 
non  -  seulement  comme  complice, 
mais  comme  cause  ]>nn<npale  des 
torts  si  graves  du  niaréclial.  Presque 
tous  les  historiens,  et  Désormeaus 
entre  autre-; ,  ont  répété  la  même  as- 
sertion. Deux  relations  composées 
peu  de  temps  après  la  mort  de  la 
personne  dont  il  s'agit,  et  qui  difFè- 
rent  autant  sur  le  même  point ,  ont 
de  quoi  nous  surprendre.  Au  surplus , 
dans  une  lettre  adressée  au  père  Ber- 
thier,  jésuite  (  Voy.  Nouveau  choit 
de  pièces ,  tirées  des  anciens  Mercu- 
re s  et  autres  journaux ,  par  Lapla- 
ce,  tome  87*=.,  p.  6'2  ),  on  met  en 
fait  que  la  duchesse  de  Montmorenci 
manifesta  toujours  une  véritable  op- 
position à  l'entreprise  téméraire  du 
duc  ;  et  l'on  ajoute  que,  lorsqu'elle 
eut  les  premiers  soupçons  du  traité 
conclu  enUe  lui  et  Gaston,  duc  d'Or- 
léans ,  elle  dit  avec  énergie,  qu'elle 
ne  le  verrait  point  engagé  dans  une 
pai'cilie  ligue,  sans  nionri"  de  dou- 
lettr.  Ce  fi?t  alors  que  Montmoren- 
ci Im  montra  les  lettres  pressantes 
qu'il  avrtiî  reçues  du  frère  du  roi; 
qu'il  parla  de  ses  raisons  d'attache- 


MON 

mont  pour  ce  prince,  et  des  espé- 
rances (ju'il  avait  conçues  d'un  projet 
dont  l'exécution  lui  paraissait  nssu- 
rée.  Toutes  les  représentations  ,  les 
prières  mêmes  de  la  duchesse  ,  fu- 
rent inutiles.  Cette  scène  s'était  pas- 
sée la  veille  même  de  l'entrée  de 
Gaston  dans  Beziers  ,  où  se  trou- 
vaient les  deux  époux.  Le  duc 
d'Orléans  rendit  visite  à  M™*^.  de 
Montmorenci,  qui  était  malade;  et 
ne  doutant  pas  qu'elle  n'eût,  comme 
parente  de  la  reine-mère,  et  comme 
ayant  de  grands  sujets  de  méconten- 
tement contre  le  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  approuvé  le  parti  que  prenait 
le  maréchal,  ce  futà  elle  qu'il  adressa 
ses  remercîments,  de  l'asile  qu'il 
recevait  dans  la  province  de  Lan- 
«Tuedoc.  La  duchesse  désabusa  Gas- 
ton  par  une  déclaration  très  positive, 
dont  celui-ci  avoua  ensuite  avoir  eu 
le  cœur  frappé.  Dans  un  séjour  qu'il 
fit  à  Moulins,  en  i6-')4,  il  la  justifia 
hautement  d'avoir  pris  la  moindre 
part  à  ce  qui  s'était  passé  de  con- 
traire à  l'autorité  du  roi ,  dans  le  gou- 
vernement de  son  mari.  L'historien 
du  duc  de  Montmorenci  a  donc  ca- 
lomnié volontairement  sa  veuve  ;  ou 
bien  il  n'a  fait  que  reproduire  des 
bruits  populaires  ,  répandus  contre 
cette  dame ,  à  la  suite  de  la  catasti'o- 
phe  de  Toulouse.  Huit  jours  après 
qu'elle  avait  eu  lieu,  un  exempt  des 
gardes  la  conduisit ,  prisonnière  , 
au  château  de  Moulins.  On  lui 
permit ,  au  bout  d'un  an  ,  de  sor- 
tir, et  de  s'établir  partout  où  elle 
voudrait  ;  mais  elle  n'en  profita  que 
pour  acheter  une  maison  dans  l'en- 
droit le  plus  écarté  de  la  ville.  Là  , 
elle  habitait  constamment  un  cabinet 
tendu  de  noir,  et  éclairé  seulement 
par  quelques  bougies.  Lorsqu'enfin  , 
à  la  sollicitation  de  ses  parents,  et 
de  quelques  amis,  elle  consentit  à 


MON 

quiller  cette  triste  demeure ,  ce  fut 
popr  se  retirer  dans  le  couvent  de  la 
Visitation.  Louis  \I1I,  passant  par 
Moulins  dix  ans  après  la  mort  du 
duc  de  jMontiuoreuci,  ne  crut  pas 
j)Ouvoir  se  dispenser  d'envoyer  un 
i;ciiliihomme  complimcnler ,  de  sa 
part,  une  princesse  qui  lui  apparte- 
nait de  si  près.  Celui  qui  tut  charge' 
de  ce  message,  la  trouva  le  visage 
couvert  d'un  mouchoir,  et  livrée  à 
la  j)lus  profonde  aifliction:  «  Remer- 
»  cicz  le  roi ,  dit-elle,  de  l'honneur 
»  qu'il  veut  bien  faire  à  une  femme 
»  malheureuse.  Mais,  de  grâce,  n'ou- 
»  Liiez  pas  de  lui  rapporter  ce  que 
»  vous  voyez.  »  L'épreuve  fut  encore 
plus  terrible  pour  elle,  et  toutes  ses 
plaies  se  rouvrirent,  lorsqu'elle  aper- 
çut un  page  de  Richelieu  ,  qui  avait 
cru  devoir  imiter  la  démarche  du 
roi;  et  elle  s'écria  :  «  Assurez  mon- 
»  sieur  le  cardinal,  que  depuis  dix 
»  ans  mes  larmes  n'ont  pas  encore 
»  cessé  de  couler.  »  Après  avoir  fait 
élever,  en  i652,  par  quatre  fameux 
sculpteurs  (  Anguier  ,  Reguaudiu  , 
-Coustou  et  Poissant  ) ,  un  superbe 
mausolée  où  le  corps  de  son  époux 
fut  transféré  de  Toulouse,  elle  prit 
i'.'  voile,  le  3o  septembre  lôS^,  et 
passa  le  reste  de  sa  vie  auprès  des 
cendres  -si  chères  à  sa  douleur ,  ne 
cherchant  de  consolations  que  dans 
la  pratique  des  vertus  chrétiennes. 
La  reine  d'Angleterre ,  Henriette  de 
France, A crsa  dans  son  sein  les  lar- 
mes amères  que  lui  arrachait  le  sou- 
venir de  Charles  1'^''. ,  immolé  à  la 
rage  de  ses  sujets.  C'est  aussi  auprès 
d'elle  que  Mademoiselle  et  les  du- 
chesses de  Lougueville  et  de  Cliâ- 
tu] on  venaient  chercher  le  caîrue 
qu'elles  ne  pouvaient  trouver  dans 
les  agitations  et  les  intrigues  de  la 
cour.  Louis  XIV,  et  Aune  d'Autri- 
ciic,  l'honorèrent  plusieurs  fois  de 


MON  2 1 

leur  visite;  et  il  n'y  eut  pas  jusqu'à 
la  reine  Christine  de  Suède,  qui  ne 
voulût  voir  cette  illustre  veuve  dans 
sa  retraite.  Elle  fit  beaucoup  de  bien 
aux  dames  de  la  Visitation  ,  leur  bâ- 
tissant une  église ,  et  les  assistant 
dans  leurs  besoins  temporels.  Elle 
mourut  supérieure  de  ce  couvent  , 
le  5  juin  iGG6 ,  âgée  de  60  ans.  Son 
corps  fut  déposé  auprès  de  celui  du 
duc,  son  mari,  dans  l'église  de  la 
Visitation  ,  qui  sert  maintenant  de 
chapelle  au  lycée  de  Moulins.. 

L P E. 

MONTMORENCI  (  Charlotte- 
IMarguerite  de  )  ,  sœur  du  duc 
Henri  II ,  décapité  à  Toulouse  ,  et 
femme  de  Henri  II  de  Condé ,  naquit 
le  I  I  mai  1 394.  Elle  était  a  peine 
âgée  de  quinze  ans  lorsqu'elle  parut 
à  la  cour ,  et  y  fit  uue  extrême  sen- 
sation par  sa  rare  beauté.  Ce  fut  A^ers 
la  fin  de  l'année  i6og,  qu'elle  ins- 
pira au  roi  Henri  IV  la  passion  la 
plus  ardente  peut-être  qu'il  eût  éprou- 
vée. Son  père ,  le  connétablede  Mont- 
morenci  -  Damville  ,  l'avait  destinée 
à  êire  l'épouse  de  Bassompierre  ,  et 
elle  ne  paraissait  pas  disposée  à  le 
refuser.  Le  roi  ayant  fait  a  ce  sei- 
gneur la  confidence  de  sou  amour, 
et  l'ayant  pressé  de  renoncer  au  ma- 
riage que  celui-ci  avouait  pourtant 
desirertrès-vivement,  le  sujet  céda  de 
bonne  grâce ,  mais  non  sans  un  vrai 
chagrin,  ce  qu'il  n'eût  pu  raisonna- 
blement contester  à  son  maître.  Hen- 
ri n'écouta  pifs  les  conseils  de  Sully; 
et  conformément  à  sa  volonté .  M^^*^. 
de  Montmoreuci  devint  princesse  de 
Condé.  La  marquise  de  Verneuil  di- 
sait au  sujet  de  ce  mariage ,  que  le  roi 
l'avait  fait  «  pour  abaisser  le  cœur 
»  au  prince  de  Condé,  et  Ivii  Iiausser 
»  la  tèîe.  »  On  assure  que  Charlotte 
de  Muntmorcuci  n'avait  pas  encore 
soupçonné  les  sentiments  du  mouar- 


22      .  MON 

que  pnnr  elle;  mais  ils  étaient  trop 
vils  pour  ne  pas  inquiéter  le  jeune 
prince  son  époux  ,  qui  en  consé- 
([uencela  lit  partir  pourSainl-Valcri, 
et  l'éloigna  tel!enieiit  de  la  cour  qu'on 
ne  l'y  vit  presque  ])lus  paraître.  IjC 
roi  usa  d'aiiurd  de  jirc'textes  pour 
cn^^ager  Condc  à  la  faire  revenir.  Il 
traploya  successivement  les  dégui- 
sements ,  les  ordres ,  les  menaces.  Le 
prince  ,  quoique  les  représentations 
ne  lui  eussent  pas  c'te  épargnées  à  ce 
sujet,  ei  nommément  par  Sully,  prit 
alors  le  parti  d'emmener  en  toute 
liâte  la  princesse  à  Bruxelles.  Henri 
IV  furieux  fait  courir  après  les  fugi- 
tifs, que  la  politique  espagnole  mit 
Lientôlsousla  protection  spéciale  de 
rarcliicliic.il  entreprit  de  faire  enle- 
ver l'objet  de  sa  passion  ;  et  l'on  pré- 
tend que,  comme  elle  n'avait  jamais 
eu  une  forte  inclination  pour  son 
ïnari,  elle  ne  répugnait  pas  beaucoup 
à  y  donner  les  mains;  mais  le  ])rojet 
fut  découvert ,  et  il  fallut  l'abandon- 
ïiei".  Condé  craignit  pour  sa  propre 
sûreté  :  il  quitta  la  Flandre  au  m.ois 
de  février  i  G  i  o,  y  laissant  sa  fcm me, 
qui  se  regardait  elle-même  comme 
prisonnière  ;  et  il  se  rendit  à  Milan. 
On  ne  manqua  ])as  de  dire  avec  mé- 
chanceté qu'elle  était  le  vrai  sujet  de 
la  guerre  dont  Henri  IV  faisait  les 
jiréparatifs,  lorsqu'un  assassin  enle- 
va ce  monarque  adoré  à  la  France 
f  i  ).  A  peine  la  nouvelle  de  cette  mort 
fut-elle  répandue,  que  Condé  retour- 
na en  poste  à  Bruxelles.  H  ne  vit  pas 
d'abord  la  princesse;  mais  leur  rac- 
commodement eut  lieu  à  Paris,  lors- 
qu'il y  rentra  comme  en  triomphe  , 

(i)  La  po]in!arilé  de  Hpnri  n'cmjiccha  jio*nt  que 
ce  iepiocl;e  iic  fût  i't-|>rodtiit  à  la  Iribiiiie  dt-  Tass.  in- 
Mce  cotoliluniite.  Du  des  eiithoosîâstps  courtl!>ans  du 
])cup]e  ,  Cliai  Ips  de  Laini  th  ,  s'nppiija  de  crt(e  iu- 
(i>l]ioliuii  caluiiiiiiviis,- ,  puiir  |j|'Upn>i:i- que  le  droll 
«If  faire  la  [iiiii  tt  1.»  jHcric  lût  disirait  de   la  pr.:- 


MON 

et  moins  en  premier  prince  du  sang 
qu'en  roi.  Cette  réconciliation  fut 
sincère  ;  et  la  princesse  de  Condé 
le  prouva  bien,  lorsqu'en  1G17, 
n'ayant  pu  obtenir  de  Louis  XTIJ  , 
l'élargissement  de  son  époux  qui 
était  a  la  Bastil'e,  elle  demanda 
la  permission  d'y  rester  en  prison 
avec  lui.  Elle  fut  ainsi  son  conseil  / 
et  sa  consolation  pend;int  plus  de 
deux  ans  que  dura  la  détention  de 
Condé.  Ce  prince  ayant  encore  quitté 
la  cour  en  1G2.O,  elle  s'y  montra 
et  agit  très-utilement  pour  les  inté- 
rêts de  sa  maison  et  de  son  mari.  Sa 
tendresse  pour  son  frère  l'infortuné 
maréchakkMontmorenci,  biidom:a 
le  courage  de  se  jeter  aux  genoux 
du  cardinal  de  Richelieu,  qui  crut 
faire  assez  en  se  prosternant  devant 
eiiedela  même  manièrc.Restée  veuve 
en  1G46,  elle  mourut  âgée  de  cin- 
quante-sept ans,  le  ^décembre  i65o, 
àChâtiilonsur-Loing.  Elle  était  mère 
du  Grand-Condé ,  du  prince  de  Con- 
ti  ;  et  de  la  duchesse  de  Longueville. 

L — p E. 

MONTMORENGI  (Jeanne-Mar- 
GUi:r.rrE  be  ),  connue  sous  la  déno- 
mination de  la  Solitaire  des  rochers, 
fit  quelque  bruit  à  la  cour ,  vers 
1G94  >  P^'i'  '3  singularité  de  ses  aven- 
turcs;  ce  qui  donna  lieu  à  des  recher- 
ches sur  ce  qui  la  concernait.  Voici 
ce  qu'on  put  en  apprendre.  Elle  était 
née  vers  iG^Q.  On  n'a  aucun  rensei- 
gnement sur  ses  premières  années  , 
ni  même  rien  de  positif  sur  sa  fa- 
mille; on  sait  seulement  que  sa  nais- 
sance élait  très-distinguée.  La  ferme 
résolution  de  Jeanne-Marguerite  de 
demeurer  inconnue  et  entièrement 
('trangère  au  monde,  a  jeté  sur  ce 
qu'elle  était,  un  voile  qu'écartent  à 
])cine  quelques  aveux  de  sa  part  et 
la  co'iucidence  de  la  disparition  d'une 
demoiselle  de  la  maisou  de  Mouimo- 


IMON 

ion  ci ,  fin  même  àp;c  ,  en  iGGG, 
temps  où  Jeanne  -  Miiii:;ucritc  ,  àgce 
d'environ  dix  -  scpl  ans ,  se  A^oua  au 
p;cnre  de  vie  le  pins  extraordinaire. 
Ne  sentant  prévenue  ,  dès  son  en- 
fance, d'une  grâce  particulière,  elle 
(it  le  vœu  de  consacrer  à  Dieu  sa 
virsinilc.  Elle  fut  contrariée  dans  ce 
dessein  par  ses  parents,  qui  lui  des- 
tinaient un  mariage  proportionne  à 
sa  hante  naissance ,  et  fut  envoyée 
chez  une  tante  ,  à  lacjuelle  ou  croyait 
du  pouvoir  sur  son  esprit.  Elle  ne 
vit  d'antre  moyen  de  fc  délivrer  des 
S((llici(ations  continnelles  auxquelles 
elle  était  sans  cesse  exposée,  qu'eu 
se  dérobant  à  sa  famille  :  elle  eu 
trouva  l'occasion  dans  un  pélcî'i- 
nap;e  qu'on  lui  permit  de  faire  au 
Mont- Vaie'rien.  8'cchappant  à  tra- 
vers le  bois  de  Boulogne,  elle  chan- 
gea ses  babils  avec  ceux  d'une  pauvre 
femme  qui  lui  demandait  l'aumône, 
et  se  commit  à  la  Providence.  Des 
ecclésiastiques  auxipicls  die  inspira 
de  l'intérêt,  lui  procurèrent  une  con- 
dition chez  une  femme  riche  et  d'une 
humeur  difficile  ,  dont  elle  eut  bcaii- 
conp  à  souffrir.  Elle  y  demeura  dix 
ans,  supportant  avec  une  paiienc.^ 
admirable  les  caprices  et  les  duretés 
do  sa  maîtresse.  Cette  dame  vint  à 
mourir,"  laissant  à  Jeanne- Blargue- 
rite  une  somme  assez  considérable 
pour  une  fille  de  l'état  dont  on  la 
croyait.  Jeannc-?Jarguerite  la  distri- 
bua aux  pauvres,  et  entra  an  service 
d'im  menuisier-sculpteur,  chez  qui, 
avec  la  connaissance  qu'elle  avait 
déjà  du  dessin,  elle  prit  avec  fruit 
des  leçons  de  l'un  et  l'autre  art  qu'il 
exerçait.  Ne  se  croy^ant  point  en- 
core assez  humiliée,  elle  sorîit  de  cet- 
te maison  ,  sans  dessein  arrêté ,  et 
demandant  son  pain.  Le  hasard 
la  conduisit  à  Château  -  Fort,  près 
Chevreuse,  où  elle  trouva,  dans  kpc- 


MON  23 

rc  Debray  rordelierct  desservant  de 
cette  paroisse,  nu  directeur  tel  qu'elle 
le  souhaitait.  Elle  accorda  toute  s.i 
confiance  à  ce  religieux.  Souvent  elle 
lui  fit  ])art  d'inspirations  secrètes  qui 
la  portaient  à  se  retirer  dans  quelque 
désert;  mais  toujours  il  s'v  oppo>a. 
Ce  père  étant  tombé  dangen-usement 
malade,  et  le  dcsii-  de  fuir  le  monde 
la  ])0ursuivant  toujours,  elle  se  mit 
en  rouie  pour  chercher  une  retraite 
où  elle  pût  c!rc  entièrement  ignorée. 
Deux  ans  se  passèrent  sans  qu'elle  dé- 
couvrît un  lieu  propre  à  ses  vues.  En- 
fin, un  réduit  sauvage,  pratiqué  entre 
des  roches,  dans  une  gorge  des  Pvré- 
néos,  lui  parut  être  l'endroit  que  Dieu 
lui  destinait  ;  elle  lui  donne  le  nom 
ûc  Solitude  des  rochers  :  elle  y  vé- 
ciU  pendant  quatre  ans,  de  racines, 
de  fi-iiits  sauvages  ,  et  de  <]uelqnes 
aumônes  qu'elle  recevait  de  deux 
abbayes  voisines  ,  où  elle  trouvait 
aussi  ies  sccouis  spirituels.  Sa  soli- 
tude ayant  é!e  découverte  malgré  le.<v 
soins  qu'elle  prenait  pour  ia  dérober 
à  tous  les  veux ,  elle  se  rendit  à  tren- 
te lieues  de  !à ,  et  plus  près  del'Espa- 
gne,  dans  une  antre,  qu'elle  nomme  la 
Solitude  de  l'ah)  vie  des  ruisseaux^ 
parce  que  celle-ci  était  er.trecou- 
pée  de  ruisseaux  qui  allaient  se  per- 
dre dans  des  précipices.  Elle  y  passa 
trois  ans,  et  y  continua  les  exerci- 
ces de  sa  vie  péni'cnte.  Cependant , 
ayant  trouvé  une  occasion  iavorable, 
pile  avait  hasardé  pour  le  pi' re  De- 
bray une  lettre,  qui  parvint  .'î  sou 
adresse,  et  amena  entre  la  solitaire  et 
son  ancien  directeur  une  correspon- 
dance qui  dura  huit  ans,  et  dont  ou 
a  recueil'i  trente  -  huit  lettres  ,  aux- 
quelles on  doit  ce  qu'on  sait  de  cette 
fille  extraordinaire.  La  cinquième  de 
ces  letires  articule  positivement  quo 
toutes  les  personnes  qui  tenaient  à  la 
solitaire  p.^.r  parenté  ou  affii.iîé,  an- 


n 


MON 


parlciiaienl  par  les  mêmes  liens  à  la 

iiKiison  de  Montmoiruci.  Uue  der- 
nière leltie  du  l'y  stptcinlae  1699, 
par  laquelle  Jeanne- IMaif^ueri  te  tai- 
sait part  à  ce  religieux  de  son  désir 
(i'ailcrà  Rome,  pour  y  recueillir  avec 
];liis  d'abondance  les  grâces  du  jubi- 
le, étant  dcjnoiire'e  sans  rëjionse,  elle 
jjrc'siima  ijiie  le  père  Dcbray  était 
mort.  Elle  partit  pour  Rome;  et  de- 
p'.iis  ce  tcnjps  ou  n'eut  sur  elle  au- 
cun indice ,  quelques  perquisitions 
qu'on  ait  laites;  ce  qui  a  fait  pen 
ser  qu'elle  avait  fini  ses  jours  dans 
ce  voyage.  Elle  devait  avoir  environ 
ciuquanle  -  un  ans.  Quelque  merveil- 
leux et  e'ioigué  du  cours  ordinaire 
des  choses  que  soit  ce  récit ,  des  preu- 
ves suffisantes  se  réunissent  pour  en 
attester  1 1  certitude.  Quoique  le  père 
Dcbray  se  fût  obligé  au  secret ,  des 
circonstances  ont  échappe  ,  qui  ont 
mis  sur  la  voie.  Les  lettres  originales, 
.'i]n-ès  lui,  ont  passé  entre  les  mains 
de  M"^*=,  deMaintenon,  qui  connais- 
sait ce  pèle,  l'estimait,  et  s'adressait 
(jiielquefois  à  lui  pour  la  confession; 
et  bien  qu'on  n'ait  pu  en  recouvrer 
que  des  copies  ,  elles  sont  revêtues 
c!e  tant  de  caractères  de  véracité,  il 
serait  si  difficile  de  les  imiter,  qu'elles 
C(piivalent  aux  originaux.  Un  crucifix 
d'un  travail  exquis,  fait  par  la  soli- 
taire pour  le  père  Dcbray ,  fut  légué 
par  lui  à  la  même  dame,  et  a  passé, 
après  sa  mort ,  aux  Capucines  de  Pa- 
lis ,  où  tout  le  monde  a  pu  le  voir  et 
s'assurer  du  titre  de  son  authenticité, 
écrit,  au  revers  de  la  croix,  d'une 
manière  fort  lisible.  Il  a  paru ,  en 
1  787  ,  une  fie  de  la  Solitaire  des 
ruchers.  (  P'.  V Histoire  ecclésiasti- 
que de  l'abbé  Berault  de  Bercastel  , 
livre  Lxxx"^.  )  L — y 

MONTMORET  (  HuMDtr.r  ue  ) , 
en  latin  Monsmoretanus  ,  orateur 
et  poète  latin  ,    était  né  au  quin- 


MON 

zième  siècle,  dans  le  comté  de  Bour- 
gogne ,  d'une  des  plus  illustres  fa- 
milles de  la  province.  Ou  apprend  , 
par  ses  ouvrages,  qu'il  avait  visité, 
dans  sa  jeunesse, les  principales  cours 
de  rEuro])e,  et  qu'il  n'avait  pas  tou- 
jours su  se  garantir  des  séductions  de 
l'amour.  11  finit  par  renoncer  aux 
vains  plaisirs  du  monde,  et  prit  l'ha- 
bit de  Saint  -  Benoît,  à  l'abbaye  de 
Vendôme ,  où  l'on  conjecture  qu'il 
mourut,  après  l'an  ijtio.  Ou  a  de 
lui  :  1.  Bellonnn  britanniconiin  à 
Carolo  Fil ,  Fravcorum  rege  ,  in 
J/enricum ,  Analorum  regem  .Jelici 
diictii,  auspice  Puelld  francà,  ges- 
tojum  ;  prima  pars  versihus  expres- 
sa ,  Paris,  i5i'2,  in-4''.  Ce  poème 
est  divisé  en  sept  chants,  et  com- 
prezid  l'histoire  de  la  guerre  contre 
les  Anglais,  depuis  le  siège  de  Cre- 
vant ,  jusqu'à  la  bataille  de  Patai  , 
gagnée  par  les  Français,  en  1429. 
Quelques  belles  descriptions ,  et  le 
tableau  vrai  des  anciennes  raœui's, 
peuvent  faire  oublier  les  légers  dé- 
tauts  de  cet  ouvrage.  La  poésie  eu 
est  facde  et  harmonieuse  ,  la  lati- 
nité pure  ,  et  digne  quelquefois  du 
siècle  d'Auguste.  L'intérêt  qui  règne 
dans  cette  histoire,  avait  déterminé 
M.  Gauthier  deColines,  médecin  de 
Bourg ,  à  en  publier  une  nouvelle 
édition,  qu'il  aurait  accompagnée 
d'une  traduction  frant^aise  ;  mais  ce 
projet  n'a  point  eu  de  suite  (  V. 
le  journal  des  savants,  décembre 
1788  ;.  II.  Liber  primas  Caroleidos 
de  miserlis  helli  anglicani.  Le  ma- 
nuscrit de  cet  ouvrage  est  conservé 
à  la  bibliothèque  du  roi,  n".  \gS3. 
I  M.Christiados  lihri  X  complectentes 
purissimam  salvaluris  nostri  Jesu 
7iativitatem,  prceclara  dicta,  mira- 
cula ,  passionem ,  descensum  ad  in- 
Jernos  ac  ascensionem  ,  —  ad  dom. 
Joann.  Rocelletum  thesaurariumpa- 


nc^yricus,  Lyon  ,  s.  d.,  in-8°.;  très- 
rare.  Le  pocnio  est  dcilic  à  Jean  Cal- 
vel ,  élu  deMonthrisoii,  que  l'aulcùr 
nomme  son  Mécène;  il  y  règne  iuk; 
grantle  na'ivetè.  IV.  De  hello  Raven- 
nali.  C'est  l'Iiistoire  des  gnerres  de 
Loiiis  XII  en  Italie.  V.  De  laudihus 
superioris  Bar^nndiœ  syivœ.  Gil- 
bert Cousin  a  publie  ce  petit  poème 
à  la  suite  de  sa  Descriptio  comitalds 
Biirgundice  {F.  Gilb,  Cousin).  VI. 
Herveis  poëma  ,  Paris  ,  Edmond 
Lefèvre,  in- 4°.  Le  sujet  du  poème 
est  la  mort  héroïque  du  capitaine 
Hervé',  qui  aima  mieux  faire  sauter 
le. vaisseau  la  Cordelière^  qu'il  mon- 
tait ,  que  de  se  rendre  aux  Anglais. 
\II.  Parthenices  marijuane,  Jean 
de  la  Porte,  in-4".  Cet  ouvrage  est 
indique'  dans  le  Catal.  de  Crevenna, 
11°.  [^'}.'6'i.  Bauer  attribue  encore  à 
MoTilmoretune  belle  et  rare  édition 
du  Traité  delà  consolai  i  onde  Boccc, 
sans  nom  de  ville ,  1 5-2 1  ,  iu-l'ol.  (  P''. 
le  Catal.  de  Bauer,  v,  23o  );  et  l'e'- 
diteur  l'a  fait  suivre  d'un  traite  :  De 
ingénias  adolescentûm  moribus. 
W— s. 
IMONTMORIN  SAINÏ-HÉREM 
(  J.-B. -Fra;\çois,  marquis  de  )  , 
lieuteuanl-ge'nèral  des  armées  du 
roi ,  che.valier-commandeur  de  ses 
ordres,  gouverneur  de  Fontaine- 
bleau et  de  Belle-Isle,  ne  en  1704, 
était  chef  de  la  branche  aînée  d'ime 
ancienne  maison  d'Auvergne,  alliée 
à  la  famdle  régnante  et  à  celle  de  Lor- 
raine (1).  Entré  fort  jeune  au  ser- 
vice, il  devint  successivement  capi- 
taine au  régiment  de  Brissac  cava- 
lerie, colonel  du  régiment  de  Forest 


(^i)Ile(a;t  (le  la  même  f.imille  que  Montmorin- 
S.int-Hireio,  qui,  était  g„»vtrueur  de  l'AuversDe 
M«>.<  Charirs  I X,  et  .'i  qui  Voltaire  {Essai  uir  les  guei- 
rcs  cii'iles  de  Fiance  ;  lait,  tuais  À  toi  t ,  l'iionoeur  de 
5é:rc  refusé  à  faire  massacrer  les  protestnutsen  iS-?.. 
A.  B— X.' 


MON  '2  7 

infanterie  ,   à  la   tète  duquel  il    se 
trouva  aux  batailles  de  Parme  et  de 
Guastalla,ct  colonel  A\\  régiment  de 
son  nom  ,  qu'il  mena  au  secours  de 
Prague ,  tenant  l'arrière-garde  quanrl 
l'armée  repassa  le  Rhin.  Fait  briga- 
dier ,  il  força  le  premier ,  en  1744  > 
les  lignes  de  Weissenbourg,  où  il  fut 
blessé.  Devenu  maréehal-de-camp,  il 
fit,  sous  le  maréchal  de  Saxe,  les 
campagnes  de  1745  et  174^^ ,  où  il  se 
distingua  principalement  à  la  bataille 
de  Raucoux.  L'année  suii'ante  ,  dé- 
taché par  le  maréchal  de  Lovvendal, 
il  fit  les  sièges  du  Sas-de  Gand  et  de 
l'Ecluse  ,  dont  il  eut  le  gouverne- 
ment ;  prit  le  fort  Philippine  ;  re- 
joignit ,  quelque  temps  après ,  l'armée 
du  maréchal  de  Saxe  ;  et  se  trouva 
à  la  bataille  de  Laufeld ,  et  au  siège 
de  Berg-op  Zoom  ,  où  les  troupes  , 
sous  ses  ordres  ,  montèrent  des  pre- 
mières à  l'assaut.  Commandant  vingt 
batadlons  en  1 748,  il  investit  Macs- 
tricht ,  et  contribua   à  la  reddition 
de  cette  place.  Après  cinquante-cinq 
ans  de  services  ,  il  mourut  en  1779. 
—  Louis -Victoire  Lux   comte   de 
McHVTMORiiv,  fils  du  précédent,  et, 
comme  lui ,  gouverneur  de  Fontai- 
nebleau ,  naquit  en   i76'2,et  fut  le 
seul  de  ses  sujets  que  Louis  XV  eût 
tenu  ,  e;i  personne  ,.snr  les  fonts  de 
baptême.    Il    servit    d'abord    dans 
Royal-Piémont,  devint  ensuite  colo- 
nel en  second ,  puis  titulaire  du  régi- 
ment de    Flandre,   dont,  au  com- 
mencement de  la  révolution,  il  main- 
tint la  fidélité  aussi  long-temps  qu'il 
fut  possdjle.  Ses  drapeaux  ayant  été 
enlevés  ,  dans  la  nuit  du  5  au  6  oc- 
tobre  1789,  il  marcha  avec  deux 
compagnies   à  l'hôtel- de-ville,   se 
les  fit    rendre ,   et    servit  d'escorte 
au  roi  que  menaçaient  les  factieux. 
Dénoncé  de  toutes  paris,  à  cause  de 
sa  conduite  ferme  cl  loyale  ,  il  sortit 


25 


i\:o?f 


*!e  France  ;  m-iis  cioyant  pouvoir 
être  encore  utile  dans  l'intérieur  ,  il 
revint  a  Paris ,  où  le  roi ,  pour  l'avoir 
plus  près  lie  ?a  ]iersonne ,  le  fit  loger 
au  eli.lfeau.  Il  l'ut  massacre',  le  ■!  sep- 
tembre i7<)'.i,  après  avoir  donne  à 
la  famille  royale  les  preuves  du  plus 
entier  dévouement.  Z. 

MONTMOHIN-SAIIST-HEREM 
(Ar.MAiND-MAnc  comte  du),  pajent 
des  prc'cédcnis,  mais  de  la  branche 
radettc,  fut  menin  du  dauphin  , 
depuis  Louis  XVI,  et  devint  am- 
bassadeur de  France  à  IMadrid  , 
chevalier  de  la  Toison-d'Or  et  du 
Saint-Esprit ,  puis  commandant  en 
Bretagne.  Louis  XYÏ  l'appela  à  la 
première  assemblée  des  notables,  en 
1787  ,  et  le  chargea  ensuite  du  por- 
teleuille  des  affaires  étrangères.  Son 
dcliut  dans  le  conseil  fut  un  Mémoi- 
re très-solidement  raisonne  sur  l'in- 
te'rêt  que  la  France  avait  à  prévenir 
l'occupation  de  la  Hollande  par  les 
Prussiens.  Il  était  ainsi  ministre 
lors  de  l'ouverture  des  e'tats-gené- 
raux,  en  1789.  La  nature  de  ses 
occupations  devait  lui  donner  peu 
de  rapports  avec  cette  assemblée, 
jusqu'au  moment  où  elle  s'empara 
de  toute  la  puissance  souveraine. 
Ce  ne  fut  donc  qu'à  celte  époque  que 
eoraraeuça  réellement  son  rôle  poli- 
tique. Il  n'était  certainement  pas  dé- 
pourvu de  moyens  :  mais  la  tâche  du 
ministère  était  bien  difficile  dans  de 
pareilles  circonstances  ;  aucun  des 
hommes  d'état  de  cette  époque  ne 
se  montra  capable  de  les  diriger. 
P^Iontraorin,  pénétré  du  plus  entier 
dévouement  pour  i^ouis  X\I,  crut 
entrer  dans  ses  intentions,  en  se 
rapprochant  du  parti  révolutionnai- 
re, sans  toutefois  prendre  aucune 
part  à  ses  violences.  Il  parut  d'abord 
suivre,  dans  le  conseil  du  roi ,  les  opi- 
nions  et  les  principes  de   Kccktr, 


qui  tendait  à  introduire  qnelqnci 
mcdifications  dans  l'ancienne  cons  . 
titution  du  royainre.  Gomme  le  mi- 
iiistie  genevois ,  il  fut  renvoyé,  le 
12  juillet  1789,  pour  avoir  refuse' 
son  adhésion  à  la  déclaration  d'i 
23  ji>in  [F.  Neckkr)  ;  et  l'un  et 
l'autre  furent  rappelés ,  quelques 
jours  après  la  révolution  du  J  4  juil- 
let,  moins  par  la  volonté  du  loi, 
que  par  la  puissance  à  biquelle  le 
monarque  ne  pouvait  résister.  Le 
ministre  se  trouva  ensuite  précipité, 
])ar  la  violence  révolutionnaire,  jus- 
que dans  le  club  des  Jacobins,  qui 
à  la  vérité  n'avait  encore  que  le 
titre  de  Société  des  cimis  de  !a  cons- 
titution, Lien  que  celte  constitution 
n'existât  pas.  Montmorin  se  trouva 
fort  déplacé  dans  une  pareille  réu- 
nion; il  avait  trop  de  modération  dans 
l'esprit  pour  partager  les  opinions 
des  cluLisies.  Ceux-ci  s'en  aperçu- 
rent bientôt;  ils  le  dénoncèrent  com- 
me un  traître  vendu  aux  puissances 
éliangères,  et  l'expulsèrent  de  leur 
sein,  dans  les  premiers  jours  de 
juin  1791.  Il  échappa  cependant 
à  l'analhèmc  qui  avait  frappe  Necker 
et  ses  collègues  de  1789;  seul  il 
resia  debout,  en  louvoyant  avec 
assez  d'adresse,  et  fut  même  chargé 
par  intérim  du  ministère  de  l'inté- 
rieur. Lors  du  voyage  de  Varenne  , 
il  fut  exposé  aux  violences  de  la  po- 
pulace ,  qui  l'accusait  d'avoir  donné 
des  passeports  à  la  famille  royale. 
Mandé  à  la  barre  de  l'assemblée,  il 
se  justifia  sans  peine;  car  il  n'avait 
réellement  eu  aucune  part  à  cet  évé- 
nement ,  et  le  roi  ne  l'avait  pas 
mis  dans  sa  confidence.  Picnvoyé  à 
ses  fonctions,  il  les  continua  ])en- 
dant  quelques  semaines,  sous  l'as- 
semblée législative,  et  rendit  compte 
à  celle  assemblée  des  réponses  os- 
teusiblcmcut  faites    par  les  divers 


RTON 

souverains  à  la  notilication  qui  leur 
avait  é»e  adressée ,  de  la  part  de 
Louis  XVI ,  de  sou  acreptatiou  de 
la  coHslituliou.  Ou  sait  qtic   touUs 
tes   rëpouscs   fureut   dilatoires ,   et 
que  la    plupart  exprimaient  l'ojù- 
nioH  que  le  roi  u'était  pas  libre.  Ce 
fdt    UH    nouveau    motif   d'accusa- 
tion   contre    les    ministres.    Tous 
fureut  mandes  à  la  barre  {F.  La- 
croix,  XXllI,    70);    Moulmoriu 
répondit  avec  une  noblesse  et  une  fer- 
meté' que  la  modération  de  sou  carac- 
tère et  l'adresse  de  sa  politique  ne 
faisaient  pas   supposer  :  ii  offrit  sa 
démission,    et  resta  à  Paris,  oîi  il 
fut,  avec  Malouet,  Bertrand  de  Mo- 
leville,  et  quelques  autres  réforma- 
teurs mixtes,  du  nomlire  des  conseils 
particuliers  de  Louis  XVL  Ils  don- 
naient   souvent   à    ce    malheureux 
prince  d'excellents  avis  j  mais  il  ne 
les  suivit  pas  toujours,   et  il  était 
d'ailleurs  alors  impossible  de  maî- 
triser les  événements.  Dans  le  mois 
de  juillet   1795,  les  Jacobins,   qui 
préparaient  le  i  o  août ,  l'ayant  dé- 
noncé comme  un  des  chefs  du  pré- 
tendu comité  autrichien,  il  attaqua 
devant  la  justice  de  paix,  le  jour- 
naliste Carra  (  F.  ce   nom  ) ,   qui 
s'était    rendu    l'organe    de  la    dé- 
nonciation :  mais  cette  plainte  de- 
vait coûter  la  vie  à  celui  qui  l'avait 
faite,    et    même  au    magistrat   qui 
l'avait  reçue  (  F.  Bazire  et  Chabot). 
Après  le  10  août,  Montmorin  alla  se 
réfugier  chez  une  blanchisseuse   du 
faubourg  Saint- Antoine,    où  il   fut 
découv"ert  le   21    du    même    mois. 
Amené  à  la  barre  de  l'assemblée  lé- 
gislative, il  répondit  avec  une  noble 
fermeté  à  toutes  les  impertinentes 
questions  qui  lui  furent  adressées. 
Celte  assemblée  l'envoya  en  prison, 
l't  il  périt  peu  de  temps  après  sur 
l'cchafaud  révoiutioanairc.  M.  Fcr- 


MON  27 

rand  a  fait  un  portrait  assez  vrai  de 
Montmorin  ,  dans  sa  Tléorie  des  ré- 
vohuions  :  «C'était,  dit-il,  un  niinis- 
»  tre  faible,  mais  pur  et  lioiuicte; 
»  il  aimait  le  roi  ,  et  en  était  aiinc, 
»  comme  un  véritable  ami  ;  cette 
w  amitié  fut  même  un  malheur. 
«Trompé  par  JNecker,  qui  avait 
»  pris  un  giand  ascendant  sur  lui , 
»  il  était  son  soutien  auprès  du  roi  : 
w  par  lui ,  il  fut,  sans  le  savoir  ,  un 
»  des  grands  véhicules  de  la  révolu- 
»  tioi) ,  et  perdit  le  monarque  et  la 
»  monarchie  ,  pour  qui  il  aurait 
»  donné  sa  vie.  «  B — u. 

MONTMORT  (  Pierre  Ré- 
~  MOND  DE  ) ,  mathématicien ,  mem- 
bre de  l'académie  des  sciences,  et  de 
la  société  royale  de  Londres  ,  était 
né  en  1678,  à  Paris,  d'une  famil- 
le noble.  Son  père  le  destinait  à  sui- 
vre la  carrière  de  la  magistrature  ; 
mais  fatigué  de  l'étude  du  droit,  le  fils 
se  sauva  en  Angleterre,  d'où  il  passa 
en  Allemagne ,  près  d'un  de  ses  pa- 
rents ,  plénipotentiaire  à  la  diète  de 
Ratisbonne.  La  lecture  des  ouvrages 
de  Blalebranche  lui  inspira  le  goût 
de  la  métaphysique.  De  retour  en 
France  en  1G99,  et  devenu,  parla 
mort  de  son  père,  maître  d'une  for- 
tune assez  considérable,  il  s'appli- 
qua entièrement  à  l'étude  de  la  phi- 
losophie et  des  mathématiques  ,  par 
le  conseil  de  Malebranche  son  maî- 
tre, son  guide  et  sou  intime  ami.  Il 
apprit  de  Carré  et  Guisnée ,  les  élé- 
ments de  géométrie  et  d'algèbre  , 
mais  rien  de  plus.  Sa  pénétration 
naturelle  et  son  ardeur  pour  le  tra- 
vail lui  firent  faire  un  chemin  prodi- 
gieux. Il  Cl  un  second  voyage  à  Lon- 
dres, en  i-'oo,  pour  voir  un  pays  si 
fertile  en  savants,  et  présenta  ses 
hommages  à  Newton.  Peu  de  temps 
après,  cédant  aux  instances  de  son 
frère  cadet,  il  lui  succéda  dans  uu 


u8 


]\roN 


raiionicat  rie  Notre-Dame ,  et  devint 
l'exemple  de  ses  nunvcaiix  contrères 
par  son  assidiiilc  à  sesr'evoirs.  Ce- 
pendant il  ne  négligeait  pas  los  ma- 
thématiques :  il  y  travaillait  avec  \m 
jeune  iioraine  dont  l'ardeur  ép;alait 
la  siemiej  el  ['cmulati(/n  qui  s'était 
e'tablie  entre  eux  contribuait  a  leurs 
]n-ogrès  mutuels  (  F.  Fr.  Nicole  ). 
Il  employait  une  partie  de  sas  reve- 
luis  à  faire  imprimer  de  boas  ou- 
vrages dont  les  libraires  n'auraient 
pas  ose'  se  charger  (i);  et  il  consa- 
crait l'autre  à  des  œuvres  de  charité, 
n'exigeant  de  ceux  qu'il  obligeait  que 
le  silence  le  plus  absolu  sur  le  bien- 
faiteur. Aytnt  acheté,  en  1704,  la 
terre  de  I\Ioutmort,  il  alla  rendre  ses 
respects  à  la  duchesse  d'Angoulèrae, 
qiii  habitait  dans  le  voisinage.  Parmi 
les  dames  de  sa  suite  ,  il  distiugua 
M''^.  de  Romicourt,  petite-nièce  de 
la  princesse ,  et  sa  filleule.  Dès  ce 
moment ,  le  canonicat  qu'il  n'avait 
accepté  que  par  complaisance,  lui 
devint  de  plus  en  plus  à  charge:  il  y 
icnonça ,  eu  1706,  pour  épouser 
M'I'^.  de  Romicourt  j  et  par  un  bon- 
heur que  Fontenelle  trouve  assez  ^m- 
guUer.  le  mariage  lui  ayant  rendu  sa 
maison  plus  agréable  ,  il  ne  se  livra 
qu'avec  plus 'd'assiduité  aux  mathé- 
matiques. Il  s'était  atîarhé  particu- 
lièrement à  cultiver  la  théorie  de  la 
jirobabilité,  dont  presqu'ancun  géo- 
mètre ne  s'était  encore  occupé;  et  il 
publia,  en  1708,  V  Essai  d'analyse 
sur  les  jeux  de  hasard,  ouvrage  qui 
eut  un  grand  succès  ,  qu'il  iiedut  pas 
nniquement  à  la  notiveaulé  du  sujet. 
Dans  le  même  temps  ,  Nicolas  Ber- 
uoulli  tournait  ses  vues  du  même 
coté:  la  conformité  des  p;(>ûts  fit  naî- 


(0  li  fil  ;..jiirliuei  le  T/ai/é  de  G uisnée  de  l'ap- 
plh.alion  (le  l'al^ehre  à  la  géométrie  ,  et  l.i  Qua-lra- 
tufi  dc>  cvuibcs  .  lie  Newtou. 


MON 

tre  enfre  eux  l'amitié;  et  Bernoulli 
étant  venu  à  Paris  ,  Montmort  l'em- 
mena à  sa  campagne,  où  ils  passè- 
rent trois  mois  ,  dans  un  combat 
contimiel  de  problèmes  dignes  des 
plus  grands  géomètres.  Montmort  ne 
lut  pis  aussi  coulent  d'Abr.  Moivre , 
qu'd  l'avait  été  de  Bernoulli  ;  il  l'a- 
v;dt  d'abord  soupçonne  d'avoir  fait 
le  trai'éZ^e  mensurd  sortis ,  d'après 
celui  des  Jeux  de  lia^ard;  mais  il 
fut  ensuite  le  premier  à  reconnaître 
son  ei  reur,  et  a  le  justifier  du  repro- 
che de  plagiat  (  F.  iNIon  re  ).  Nom- 
mé ,  eu  1713,  exécufeur  testameutai 
re  de  la  duchesse  d'Angouième  ,  il 
eut  à  souteuiilcs  embarras  de  deux 
procès  que  le  testament  avait  fait 
naître  :  et  malgré  sa  répugnance  pour 
les  allaiies,  il  les  suivit  avec  tant 
d'activité,  cju'il  les  gagna  tous  les 
deux.  11  fit,  en  1715,  un  troisième 
voyage  en  Angletene,  pour  obser- 
ver l'éctipse  solaire  qui  devait  y  être 
tot,de;etil  ne  quitia  pas  Lonr.res 
sans  être  agrégé  à  la  société  royale* 
Comme  il  n'habitait  que  rarement  la 
capitale;  l'académie  des  sciences 
n'avait  pu  l'admettre  au  nombre  de 
ses  membres  :  il  entra  ,  en  1  7  1 G  , 
dans  la  classe  des  associés  liijres, 
nouvellement  créée.  Quelques  a  flaires 
l'avant  conduit  a  Paris  ,  au  mois  de 
septembre  1719,  il  y  mourut,  le  7 
octobre  suivant,  victime  de  la  fa- 
meuse épidémie  de  petite-vérole ,  qui 
fit  tant  de  ravages.  Montmort  était 
plein  de  candeur  et  de  modestie,  et, 
quoique  vif ,  d'un  caractère  très- 
doux.  Il  avait  une  force  de  tête  qui 
lui  permettait  de  travailler  aux  pro- 
blèmes les  plus  embarrassants,  dans 
la  même  chambre  où  l'on  jouait  du 
clavecin,  pendant  que  son  fils  cou- 
rait et  le  lutiuait.  Le  P.  Malebran- 
che,  ajoute  Fontenelle  ,  eu  a  été  plu- 
sieius  fois  témoin  avec  élonnemcuî. 


INION 

îMonîmorl  donna  une  seconde  ciU- 
liou  de  V Essai  d'analj  se  sur  les 
jeux  de  hasard,  Paris,  1713  ou 
1714,  in-4'^.  ;  elle  est  ;ingmentce  de 
sa  cuiieiise  CoirCij)ondance <,uv  cette 
rnalière,  avec  Jean  et  Nicol.  Jjoi- 
noulli.  On  a  encore  de  lui  un  Trai- 
té des  suites  infinies,  que  Taylor  , 
son  ami,  fit  imprimer  dans  les  Tran- 
sactions de  \'j  l'j.aiXcc  une  adiiifion. 
Il  travaillait  à  une  Hi  loire  de  la 
géométrie;  et  l'on  regrette  que  ce 
qu'il  eu  avait  tait  soit  perdu.  Voy. 
son  Eloge,  par  Fontenelle,  Ilisl.  de 
l'acad.  de  sciences,  1719.  W — s. 
MONTPENSIER  (  FrI^çois  de 
Bourbon  duc  DE  ), connu  aussisous  le 
nom  de  prince  Dauphin ,  parce  qu'il 
était  daupliin  d'Auvergne,  naquit  en 
1 539  II  était  fils  de  Louis  II  de  Bour- 
bon ,  duc  de  Montpeusier  ;;  et  mon- 
tra de  bonne  heure  qu'il  avait  hérité 
de  la  valeur  et  des  vertus  de  ses  an- 
cêtres. Il  se  signala  au  siège  de  Rouen , 
en  i56u,  et  aux  batailles  de  Jarnao 
etdeMontcontour,en  1 56g.  Il  obtint, 
en  1574  ■)  'c  commandement  d'une 
des  trois  armées  chargées  d'agir  con- 
tre les  protestants  ;  il  pénétra  dans 
leDâuphiné,  enleva  quelques  places 
an  brave  Montbrun  ,  mais  tut  obligé 
de  lever  le  siège  de  Livron.  Il  passa 
en  Flandre  à  la  suite  du  duc  d'Anjou  , 
et  contribua  à  rallier  les  tlébris  de 
l'armée  ,  après  la  déroute  d'An- 
vers (  F.  Anjou,  ii  ,  187  ).  Honoré 
de  la  confiance  de  Henri  III ,  il  fut 
envoyé  par  ce  prince  en  Angleterre, 
pour  solliciter  des  secours  contre  la 
Ligue;  et  après  l'horrible  attentat  de 
Jacques  Clément ,  il  fut  l'un  des  pre- 
miers à  reconnaître  les  droits  incon- 
testables deHenri  IV  à  la  couronne.  H 
se  distingua,  en  1 590,  aux  batailles 
d'Arqués  et  d'Ivri  ,  soumit  Avran- 
clies  ,  et  mourut  à  Lisieux  ,  le  4  juin 
iSgu,  laissant  un  fils  unique,  nommé 


Henri,  qui  lui  succt'da  dans  le  (Inclié 
de  Montj)eii.'-ier.  C'était  un  jirincc 
généreux,  compatissant ,  et  exa(  t  i 
remplir  ses  promesses.  Il  baissait  la 
flatterie;  et  lorsque  des  courtisans 
lui  raj)pelaienl  les  succès  qu'il  avait 
obtenus  :  «  Oui,  disait-il;  mais  dans 
d'autres  occasions,  j'ai  commis  des 
fautes.  »  W — s. 

MONTPENSIER  (  Catherine- 
Marie  DE  Lorraine,  duchesse  de  ;, 
fille  du  duc  de  Guise  assassiné  de- 
vant Orléans,  était  née  en  i55'.i ,  et 
fut  mariée,  en  1570,  à  Louis II, duo 
de  Monlpcnsier.  Cette priiicesseélait 
boiietse;  et  l'on  dit  que  la  haine  fu- 
rieuse qu'elle  manifesta  contre  Hen- 
ri III  venait  de  ce  que  ce  monarque 
l'avait  raillée  à  ce  sujet  :  mais  il 
est  plus  probable  qu'elle  ne  put  li.i 
pardonner  la  mort  de  ses  frères  ;  et 
en  effet,  ce  n'est  que  depuis  la  tenue 
des  étals  de  Blois  qu'en  la  retrouve 
dans  toutes  les  conspirations  qui  se 
succédèrent  contre  l'état  ou  contre 
la  personne  du  roi.  Elle  eut  des  pré- 
dicateurs à  ses  gages  pour  insulter 
Henri  III  en  chaire  ;  et  elle  poussa 
l'audace  jusqu'à  tenter  de  le  faire 
enlever.  Il  se  contenta  de  lui  don- 
ner l'ordre  de  sortir  de  Paris  ;  mais 
elle  n'obéit  point ,  et  continua  do  se 
montrer  publiquement  avec  les  li- 
gueurs les  plus  forcenés  :  elle  por- 
tait ordinairement  à  sa  ceinture  des 
ciseaux  d'or,  et  elle  répéta  plusieurs 
fois  que  ces  ciseaux  lui  serviraient 
à  tondre  frère  Hciiri  de  Valois.  Les 
succès  qu'obtenait  son  frère,  le  duc  de 
Maïenne ,  augmentèrent  encore  son 
exaltation.  La  reine  lui  eu  ayant  fait 
un  jour  des  reproches  :  «  Que  vou- 
lez-vous ,  répondit-elle  ;  je  ressemble 
à  ces  braves  soldats  qui  ont  le  cœur 
gros  de  leurs  victoires.  »  Elle  sauta 
au  col  du  premier  qui  lui  annoiiça  que 
Henri  III  venait  d'être  assassiné,  et 


3o  MON 

l'on  assure  que  dans  son  délire  elle 
s'ëcria  :  «  Jene  suis  marrie  (jiic d'une 
chose,  c'est  qu'il  n'ait  pas  su  avant 
de  mourir  que  c'est  moi  qui  ai  fait  le 
coup:  »  paroles  horribles, et  qui  ont 
donne  lieu  de  conjecturer  que  c'était 
elle  qui  s'était  charf;;ée  de  séduire  Jac- 
ques Clément ,  et  qu'elle  avait  tout  sa- 
crifié pour  y  réussir  (  Voy.  \e  Journal 
d'Henri  IH^  la  Satire  Menippée  et 
les  autres  écrits  du  temps  \  Elle 
monta  en  carrosse  avec  la  duchesse 
de  Nemours,  sa  mère,  et  parcourut 
les  rues  de  Paris  criant  :  Bonne  nou- 
velle I  et  distribuant  aux  passants  des 
écharpes  vertes.  Celte  princesse  res- 
ta ensuite  enfermée  dans  Paris  , 
«'exposant  à  toutes  les  horreurs  du 
siège ,  pour  affermir,  par  ses  dis- 
cours et  par  son  exemple,  les  habi- 
tants dans  leur  l'ebellion.  Eu  appre- 
nant que  les  portes  avaient  été  ou- 
vertes aux  troupes  du  nouveau  roi , 
elle  fut  consternée,  et  demanda  s'il 
n'y  avait  pas  quelqu'un  qui  pût  lui 
donner  un  coup  de  poignard  dans  le 
sein.  Cependant  Henri  IV,  en  arri- 
vant, lui  envoya  le  bonjour^  la  fai- 
sant assurer  qu'il  la  prenait  sous  sa 
protection  particulière;  et  ,  dès  le 
soir  même  ,  ce  bon  prince  la  reçut , 
et  joua  aux  cartes  avec  elle.  La  du- 
chesse de  Montpensier,  habile  à  dis- 
simuler ,  feignit  de  se  l'éconcilier 
sincèrement  avec  le  roi.  Henri  IV 
lui  ayant  demandé  si  elle  n'était 
pas  bien  étonnée  de  le  voir  à  Paris  : 
«  Je  n'eusse,  répondit -elle,  désiré 
qu'une  seule  chose  ,  c'est  que  M.  de 
Maïenne,  mon  frère,  vous  eût  abais- 
sé le  pont  pour  v  entrer.  —  Ventre- 
saint-gris  ,  répliqua  le  roi  ,  il  m'eût 
fait  possible  attendre  long -temps  , 
et  je  ne  fusse  pas  arrivé  si  malin.  » 
En  i5(j5,  le  bruit  s'étant  répandu 
que  le  parlement  voulait  faire  re- 
chercher les  auteurs  de  tous  les  dé- 


MON 

fordres  commis  pendant  la  Ligue, 
la  duchesse  de  Montpensier  conçut 
une  si  grande  frayeur  qu'elle  alla 
se  réfugier  auprès  de  Catherine  de 
Bourbon  ,  qui  habitait  alors  le  châ- 
teau de  Saint-Germain.  Elle  se  ras- 
sura cependant,  et  revint  à  Paris, 
où  elle  mourut  d'un  flux  de  sang,  le 
6  mai  i5g6,  à  l'âge  de  quarante- 
cinq  ans  ,  sans  postérité.  Lestoile  re- 
marque, dans  son  Journal,  qu'il  fit 
cette  nuit-là  un  grand  tonnerre,  et 
ajoute  qu'il  devait  avoir  rapport  à 
son  esprit  mahn ,  brouillon  et  tem- 
pétueux. W — s. 

MOMPENSIER  (  Anne-Marie- 
LouisE  o'Or.LÉA.xs  ,  connue  sous  le 
nom  de  Mademoiselle  ,  duchesse 
DE  ) ,  naquit  à  Paris ,  le  ■29  mai  1 627, 
de  Gaston ,  duc  d'Orléans ,  et  de 
Marie  de  Bourbon,  héritière  de  la 
maison  de  Montpensier.  Elle  fut  te- 
nue sur  les  fouis  par  la  reine  Anne 
d'Aulriche  et  par  le  cardinal  de  Ri- 
chelieu. Une  des  singularités  les  plus 
remarquables  de  l'histoire  de  M^*^. 
de  Montpensier,  c'est  la  quantité  de 
mariages  qu'elle  souhaita  ou  qui  lui 
furent  proposés.  Ces  projets  d'éta- 
bhssemeut  occupèrent  une  partie  de 
sa  vie,  et  eurent  la  plus  grande  in- 
fluence sur  sa  conduite.  Elle  sortait 
à  peine  de  l'enfance ,  et  Louis  XIV 
était  encore  au  berceau  ,  qu'on  la 
nourrit  dans  l'idée  qu'elle  serait  l'é- 
pouse du  jeune  roi.  La  reine-mère 
elle-même  la  confirma  dans  cette 
flatteuse  espérance  ;  et  la  princesse, 
après  l'avoir  conservée  bien  long- 
temps, ne  se  vit  pas  obligée  d'y  re- 
noncer sans  éprouver  de  la  douleur 
et  du  ressentiment.  Pendant  près  de 
vingt  ans,  Mademoiselle  se  flatta 
d'être  un  jour  reine  de  France.  Elle 
n'eût  pas  été  tant  occupée  de  ses  pro- 
jets d'alliance ,  si  Louis  de  Bour- 
bon, comte  de  Soissons  ,  ne  fût  pas 


WON 

raort  en  {çagnanllib.UailIeîc  la  Mar- 
iée (lO.'ji).  Gaston  l'avait  (Icsliiic'e  à 
ce  prince,  corapaf:;iiou  de  son  exil. 
Depuis,  Anne  d' AuUichc  voiilul  uuir 
Mademoiselle  aa  cardiaal  infant,  sou 
frère,  gouvernenr  général  de  laFlau- 
dre:  la  mort  de  ce  prince,  en  iG4a, 
mit  fui  à  la  négociation.  Trois  ans 
après,  le  roid'Espagnc,PnilippelV, 
devint  veuf,  et  il  fut  question  de  lui 
faire  épouser  Mademoiselle:  Anne  et 
Mazarin  ab  iscreut  le  duc  d'Orléans 
et  sa  (il'.e,  par  des  promesses  qui  n'eu- 
rentaticuu  résultat.  Un  émissaire  se- 
cret du  roi  d'E>pague  fut  arrêté  et 
emprisonne.  C'est  alors  que  la  jeune 
princesse  se  convaiuq'iit  du  peu  de 
désir  que  le  premier  ministre,  mal- 
gré ses  protestations  de  service,  avait 
de  lui  être  véritablement  ntile:  elle 
eu  conçut  une  baiiie  q  l'elle  jura  de 
satisfaire,  lorsq  l'clle  en  trouverait 
l'occasion;  et  les  troubles  qui  mena- 
çaient la  puissance  du  caidinal  lui 
promettaient  de  sûrs  moyens  de  ven- 
geance. Dans  le  même  temps,  Made- 
moiselle crut,  à  ])lus  d'iuie  reprise, 
épouser  l'empereur  ;  elle  sacrifia  à 
cet  liynien,  qui  ne  pouvait  flatter 
que  son  ambition,  le  prince  de  Gal- 
les, depuis  roi  d'Angleterre,  Cliarles 
II.  Ses  espérances  furent  t^Oiupées; 
il  eu  fut  de  même  de  sou  union  avec 
rarchidnc  Léopold  ,  freiede  l'empe- 
reur, auquel  ou  prétendait  prociueria 
souveraineté  des  Pays-Bas.  Enfin,  ou 
voulut  encore  faire  épouser  Made- 
moiselle au  duc  de  Savoie.  La  car- 
rière de  cette  princesse  avait  été  rem- 
plie par  dps  intrigues  l'elatives  à  ses 
projets  d'alliance,  lorsque  les  trou- 
bles de  la  Fr.)ude  éclatèrent.  Par 
devoir,  elle  resta  d'abord  fidèle  à 
la  cour;  ccpeul.uit  son  esprit  fier  , 
élevé,  cnlropr.'^uant,  l'avait  fait  re- 
chercher des  Frondeurs.  S  ju  humeur 
re-Tiuaute  et  son  ressentiracut  au- 


MON 


3i 


raient  pu  la  porter  à  les  e'couler.  Au 
mois  de  janvier  1O49,  lorsque  la 
cour  quitta  Paris,  elle  hésita  à  la  sui- 
vre; il  fallut  des  ordres  exprès  de 
son  père  et  de  la  reine,  pour  l'y  uc- 
ciJer.  Elle  fut  la  seule  princesse  poi  r 
laquelle  les  rebelles  coni^ervèrent  du 
respect:  ils  lui  ac.:ordè;ent  plus  d'u- 
ne fois  ce  qu'ils  refusaient  à  la  reiiie- 
et ,  certains  qie,  daas  le  fond,  xMadt- 
inoiscUc  leur  était  enlièreme/it  dé- 
vouée, ils  ne  balancèrent  point  à  se 
servir  d'elle  pour  gagner  à  leur  parti 
des  personnes  attachées  à  la  cour. 
Une  première  paix  suivit  cette  pre- 
mière insurrection.  La  reine  ne  vou- 
lut pas  rentrer  aussitôt  dans  la  capi- 
tale :  Mademoiselle  s'y  rendit,  etf.it 
l'objet  des  égards  les  plus  einpressés. 
La  tranquillité  ne  fut  pas  de  longue 
durée;  mais  les  chefs  des  partis 
av.nient  changé  :  le  prince  de  Conde 
s'était  brouillé  avec  la  cour  et  les 
Frondeurs;  il  en  était  devenula  victi- 
me. Monsieur  s'étant  uni  à  la  reine  et 
au  ministre,  sa  fd!e  ne  pouvait 
que  limiter;  d'ailleurs  elle  avait 
Voué,  sans  raison  il  est  vrai,  la  hai- 
ne la  plus  déci  Jée  au  prince  de  Cou- 
dé, et  elle  était  heureuse  de  le  voir 
persécuté.  Eu  i  G  jo,  elle  accompagna 
la  cour,  lors  du  voyage  de  Guieune. 
Dans  les  perpétuelles  variations  des 
aflaires,  les  intérêts  de  chacim  ne  de- 
meuraient pas  long-temps  les  mêmes. 
Le  cardinal  ne  sut  pas  ménager  ses 
alliés  ;  il  se  sépara  des  Frondeurs,  et 
Mademoiselle  se  vit  de  nouveau  re- 
cherchée par  les  ennemis  du  minis- 
tre. Dans  ce  temps  ,  la  reine  et  Ma- 
zarin lui  témoignaieut  la  plus  grande 
confiance;  ils  lui  demandaient  sou- 
vent son  avis.  Cette  princesse,  douée 
d'un  esprit  élevé  et  propre  aux  gran- 
des choses,  placée  alors  entre  deux: 
partis ,  jugeait,  avec  plus  d'impartia- 
lité que  ceux  qui  appartcuaieat  à  l'ua 


34 


MON 


L'alliance  de  ce  prince  avec  inie  Fran- 
çaise était  nécessaire  dans  ses  inlcjèts 
et  dans  ceux  de  la  France.  Turen- 
ne,  parent  de  la  reine-i:ière  de  Por- 
tugal ,  et  de  Mademoiselle  ,  fut  char- 
gé de  la  proposition  ;  elle  fut  mal 
reçue  :  le  ton  d'autorité  que  prit 
Tureune,  blessa  la  princesse,  et 
l'enhardit  à  refuser  un  roi  dont  il 
ji'y  avait  que  beaucoup  de  mal  à 
dire  (i).  Mademuiselle  fut  exilée  à 
Saint-Fargeau.  Elle  ne  revint  à  la 
cour  qu'au  bout  de  dix-huit  mois  : 
en  ne  lui  reparla  plus  du  roi  de  Por- 
tugal, qui  était  marié,  et  elle  se  vit 
aussi  bien  traitée  que  par  le  passé. 
Nous  arrivons  à  une  époque  où 
un  événement  singulier  va  changer 
toute  l'existence  de  Mademoiselle. 
La  pctile-lille  de  Henri  IV,  parve- 
nue à  l'âge  de  quarante-deux  ans  , 
après  avoir  été  destinée  à  tant  de 
princes  et  à  tant  de  rois  ,  devint 
amoureuse  d'un  simple  gentilhom- 
me;, cadet  d'une  grande  maison , 
parvenu  par  quelques  belles  actions  , 
son  adresse  et  la  faveur  du  roi,  à  une 
charge  éminente  de  la  cour.  Made- 
moiselle entendait  parler  tous  les 
jours  du  comte  de  Lauzun,  comme 
d'un  homme  d'esprit ,  de  mérite,  et 
qui  ne  ressemblait  en  rien  à  un  au- 
tre; voilà  ce  qui  commença  à  le  lui  fai- 
re remarquer:  Laréputation  df  hon- 
nête homme  ,-a.Q\\sà'\.l-c\\ç  ^et  d'hom- 
me singulier,  m'a  toujours  touchée. 
De  l'estime  elle  passa  bienîôt  à  l'a- 
mour ,  et  à  l'amour  le  plus  vif,  tel 
qu'on  aime  à  le  trouver  dans  une 
personne  jeune,  et  non  dans  une 
femme  de  quarante  ans,  ([u'il  ne 
peut  que  rendre  ridicule.  Mademoi- 
selle déclara  sa  passion  à  Lauzun  : 
on  doit  croire  d'après  la  conduite  du 

(i)  C'e'lail  Alphonse  Heui  i  VI ,  «etoiid  roi  df  la 
maison  de  Bragauce  ,  qui  se  fit  chasser ,  t  u  1O67,  cl  un 
tronc  dont  il  était  indigne. 


MON 

comte  jusqu'à  cette  époque,  qu'il 
l'avait  découverte,  et  il  ne  négligea 
rien  pour  l'entretenir.  Mademoiselle 
aimait  avec  toute  l'ardeur  de  son  ca- 
ractère :  la  viinité  donna  chez  elle 
encore  plus  de  force  à  l'amour  ;  et  en 
prenant  la  résolution  d'épouser  Lau- 
zun, elle  ne  fut  pas  peu  flattée  de 
l'idée  de  faire  à  son  amant  une  for- 
tune plus  brillante  que  celle  qu'aucun 
roi  pouvait  procurer  à  un  de  ses  su- 
jets. A  la  lin  de  novembre  1670,  elle 
demanda  la  permission  de  Louis  XIV 
pour  contracter  ce  mai'iage;  après 
quelques  délais  ,  le  roi,  plutôt  par 
amitié  pour  Lauzun  que  par  com- 
plaisance pour  Mademoiselle,  l'ac- 
corda. On  sait  quel  fut  l'étonnement 
de  la  cour  à  cette  nouvelle  (  i  ).  Plus 
d'une  personne  donna  le  conseil  aux 
deux  amants  d'achever  le  mariage 
sur-le-champ:  la  princesse  écouta 
cet  avis  ,  et  se  hâta  de  faire  dresser 
le  contrat ,  par  lequel  elle  assurait  à 
son  époux  une  fortune  de  vingt  mil- 
lions ;  mais  l'orgueilleux  Lauzun  per- 
dit un  temps  précieux  en  vains  pré- 
paratifs. Cependant ,  la  reine  ,  Mon- 
sieur ,  le  prince  de  Condé ,  et  surtout 
M"*^.  deMontespan  (2),  ennemie  de 
Lauzun,  représentèrent  à  Louis  XIV 
le  tort  que  lui  ferait  une  pareille  al- 
liance chez  les  étrangers  ,  qui  l'accu- 
seraient de  faiblesse  pour  un  favori. 
Le  roi,  ébranlé  par  ces  remontran- 
ces, retira  sa  permission  (  i  «ï".  décem- 
Ère  ).  La  douleur  de  Mademoiselle  fut 
extrême  :  après  avoir  essayé  de  tou- 
cher Louis  par  ses  larmes  et  ses  priè- 
res, elle  se  livra,  dans  son  dépit,  à  tous 
les  emportements  d'une  passion  abu- 
sée. On  croit  que  les  deux  amants  se 


(i)  Oo  !e  To't ,  j>ar  la  lettre  si  connue  de  31™^.  d« 
Sévigné   j  iil.  de    Coulantes,  du  i5  décembre  167^ 

(2)  .l.'em.  rie  Clioi'r.  fragment  inédit  d  ms  l'éditioi 
des  lettres  de  M°>°.  de  Sivigné,  par  AL  de  Mi>n 
luei-qué. 


IVION 

dodommagèrciU  de  leur  inallioiir  par 
une  union  secrète  ;  mais  on  ignore  à 
({uellc  (ipoque  ils  la  contrarièrent  , 
.si  ce  fut  avant  la  prison  de  I^aiiz-un, 
ou  seulement  après.  La  première  de 
CCS  deux  opinions  est  combattue  par 
les  Mémoires  mêmes  de  Mademoi- 
selle; on  y  voit  qu'après  la  rupture 
de  son  mariage  avec  f>aiiznn,  onlni 
proposa  plusieurs  princes,  et  (|uc  le 
comte,  par  ge'ne'rosilé ,  lui  conseilla 
d'accepter  ,  quelque  cliagiin  qu'il 
dût  en  ressentir  (i).  La  conduite  de 
Lauzun,  immédiatement  après  son 
retour , contrarie  la  seconde  version, 
qui  n'est  appuyée  que  sur  le  conseil 
qui  en  l'ut  donne'  à  la  princesse  par 
M'"^.  de  Montespan.  Mademoiselle 
eut  la  plus  grande  douleur  de  l'empri- 
sonnement de  son  amant  (  ii5  novem- 
bi'c  1G71  )j  mais  elle  ne  dit  rien  qui 
fasse  croire  qu'elle  le  trouvât  injuste , 
ce  qui  donne  à  penser  qu'il  n'était 
cause  par  rien  qui  eût  rapport  à 
leurs  amours  (  V.  Montespan  ). 
Pendant  dix  ans  que  dura  la  captivi- 
té de  Lauzun  ,  Mademoiselle  tenta 
bien  des  t'ois  inutilement  de  la  faire 
cesser  :  ce  ne  fut  qu'en  donnant  une 
partie  de  son  bien ,  ainsi  qu'on  le  lui 
avait  suggéré,  aux  enfants  du  roi  et 
deM'"*^.  de  Montespan ,  qu'elle  reçut 
de  celle-ci  l'assurance  de  la  liberté 
de  l'homme  à  qui  elle  prenait  tant 
d'intérêt.  Il  l'obtint  en  ellèt,  mais 
il  ne  recouvra  point  sa  faveur  au- 
près de  Louis  XIY  ;  et  le  méconten- 


(il  Quoiqu'il  soit  dit  dnns  1rs  Mi  luolris  ,  il  est 
plus  naturel  tie  croire  avec  Voltaire  ,  t(ue  le  mariage 
tut  lieu  avant  la  (irison  (le  Lauzuu;  d'autres  expres- 
fiions  de  IMndemoisclie  pourraient  le  cnoGriner.  Ce 
qui  viendrait  encore  à  l'appui  ,  c'est  le  fait  rapporté 
par  AïKpictil ,  dans  une  note  de  sou  otivrage  de  ï.oftls 
aIV,  sa  cour,  itc,  tom.  II.  Cet  hiâturien  avait 
vu  en  1744  •  au  Trfport ,  une  femme  d'environ  70 
ou  ^5  ans  ,  qu'on  disait  fille  de  Mademoiselle  ,  qui 
croyait  l'être  ,  et  ressemblait  beaucoup  u  la  princesse: 
elle  ignorait  de  qui  elle  recevait  la  pi.'nsion  dont  elle 
vivait.  L'â^e  de  celtr  femme  fait  rcni"nter  sa  uaissan. 
«d  à  l'aniice  iC-o  ou  iG-i. 


MON  35 

temcnt  qu'il  en  ressentit,  joint  à 
l'airaiblissement  que  devait  apporter 
le  temps  à  une  passion  que  peut-être 
même  il  n'avait  jamais  éprouvée,  le 
rendit  fort  indilTérent  pour  Made- 
moiselle :  il  se  laissa  plus  d'une  fois 
aller  à  des  insolences  que  la  princesse 
soulfrit  trop  long-temps  (  i  ).  Elle  fut 
débarrassée  de  lui ,  lorsqu'il  se  ren- 
dit en  Angleterre  (  iGS.j  ).  Dans  ses 
dernières  années ,  Mademoiselle  se 
livra  toute  entière  à  la  religion,  et 
ne  fut  plus  occupée  que  de  pratiques 
pieuses,  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  lé 
5  de  mars  1693.  Elle  n>/aît  pas 
voulu  voir  le  duc  de  Lauzun  dans  sa 
dernière  maladie.  Par  son  testament, 
fait  en  i685,  elle  distribuait  pour 
'îoo,ooo  francs  de  legs  pieux  ,  et  do 
grandes  libéralités  pour  ses  domes- 
tiques. Monsieur  était  son  légataire 
universel.  Ce  testament  en  annulait 
un  de  1670,  en  faveur  de  Lauzun  , 
et  qu'il  produisit  inutilement.  Le 
corps  de  Mademoiselle  fut  porté  à 
Saint-Denis,  et  son  cœur  au  Val-de- 
Grâce.  L'abbé  Anselme  fut  nommé 
par  le  roi,  pour  prononcer  l'oraison 
funèbre  de  la  princesse.  Mademoi- 
selle était  née  avec  de  grandes  qua- 
lités, et  beaucoup  des  défauts  de  son 
père  ;  mais  elle  n'hérita  pas  du  plus 
grand  de  tous,  la  faiblesse.  Pleine 
d'orgueil  et  même  de  vanité  (2),  ces 
deux  sentiments  dictèrent  toutes  ses 
actions  ,  même  les  meilleures.  L'am- 
bition et  les  intrigues  occupèrent  sa 
jeunesse  :  plus  lard  elle  éprouva  les 
chagrins  qui  suivent  une  passion 
peu  raisonnable  et  une  confiance  mal 
placée.  Enfin,  elle  finit  une  vie  si 


^t)  On  rapporte  i'i  ce  sujet  plusieurs  anecdotes  qui 
ne  méritent  peut-être  pas  une  eutière  croyance,  mais 
qui  atlesteirt  les  torts  de  Lanzun  à  l'égard  de  la  prin- 
cesse ,  à  laquelle  il  devait  tout. 

(2)  j\Iad^m'li^elIe  convl(  iit  cent  fois  qu'elle  étart 
plei'ie  de  fierté  ;  elle  trouvait  que  cela  cocveualt 
ijeaucouii  à  une  princesse  comme  cite. 


;36  Mo:^ 

souvent  romanesque,  cl  une  manière 
plus  couiiniinc,  mais  plus  sage,  dans 
la  tlevotiou  et  robscurile.  Voltaire 
loue  Mademoiselle,  de  ec  qu'elle  fut 
la  seule  personne  de  la  cour,  qui  ne 
porta  point  le  deuil  de  CromwcU  : 
le  fait  n'est  point  exact.  Mademoi- 
selle dit  (  Méin.  t.  VI ,  p.  1 07  ) ,  que 
le- deuil  du  prince  de  Conti  sauva 
l'aflVont  que  la  cour  aurait  eu  de 
pi'cndre  le  deuil  du  destructeur  de 
la  monarcliie  d'Angleterre  5  que  pour 
elle,  elle  nç  l'aurait  pas  porte,  à 
moins  d'un  ordre  exprès  du  roi. 
Seulem««tt  Mademoiselle,  par  égard 
pour  la  reine  d'Angleterre  sa  tante  , 
avait  demande  et  obtenu  la  permis- 
sion de  ne  "point  se  trouver  au  Lou- 
vre ,  toutes  les  fois  que  les  ambas- 
sadeurs de  Cromweil  y  venaient.  On 
a  de  cette  princesse  des  Mémoires 
qu'elle  commença,  comme  elle  nous 
l'apprend  ,  dans  son  premier  exil , 
qu'elle  discontinua  et  reprit  dans 
l'année  1O77,  et  qu'elle  conduisit 
jusqu'en  1688.  Us  sont  plus,  a  dit 
Voltaire,  d'une  femme  occupés 
d'elle,  que  d'une  princeise  témoin 
de  s.rands  événements.  Eu  efièt ,  on 
y  trouve  une  foule  de  minuties  j  les 
faits  im]»ortanls  y  sont  rapportés 
d'une  manière  incomplète,  taudis  que 
des  intrigues  subalternes ,  des  détails 
fastidieux  d'affaires  a  intërêi:,  de  cc- 
re'monies  ,  d'étiquette  ,  de  fétos  , 
remplissent  l'ouvrage  et  abusent  le 
lecteur.  Mademoiselle  écrivait  d'a- 
près ses  souvenirs  j  d'où  il  arrive 
qu'elle  retrace  imparfaitement  eu 
quelques  pages,  ou  bien  omet  eulic- 
/  rement ,  les  événements  de  plusieurs 
années.  Le  style  des  Blcnioires  est 
peu  correct;  le  récit ,  souvent  embar- 
rassé et  fatigant.  ^Néanmoins  il  s'y 
rencontre  des  clioses  curieuses  ;  par- 
fois le  fil  d'une  intrigue  conduit  à  la 
découverte  d'une  iinportante  vérilé 


MON 

Lisloriqne.  Il  y  a  de  nombreuses  édi-' 
tions  de  ces  Mémoires  :  la  meillcimr 
est  celle  d'Amsterdam  (  Paris  )  ♦ 
1740,  8  vol.  iu-iu  (i).  On  y  a  joint 
différents  opuscules  de  Mademoi- 
selle. I.  La  Relation  de  Vile  imagi- 
naire ,  et  V Ilisloii'e  de  Icf  princesse 
de  Paphlagonie.  Ces  deux  bagatelles 
sont  écrites  avec  plus  de  facdité  et 
de  correction  (pie  les  Mémoires.  La 
dernière  fait  allusion  à  quelques  par- 
ticularités de  la  vie  de  plusieurs 
personnes  qui  entouraient  Made- 
moiselle ;  elle  y  paraît  elle-même  , 
sous  le  nom'  de  la  reine  des  Ama- 
zones. IL  Un  grand  nombre  de  Por- 
traits;  il  y  eu  a  dix-sept,  faits  par 
Mademoiselle  :  ils  ont  les  défauts  na- 
turels de  ce  genre  dt;  composition , 
qui  n'était,  dans  ce  temps,  qu'un 
amusement  du  société;  ce  sont  des 
flatteries  ,  à  commencer  par  le  por  • 
trait  de  la  princesse  ,  écrit  par  elle- 
même  :  ils  avaient  été  imprimés  en 
1G59.  On  ajoute  aux  OEuvres  de  Ma- 
demoiselle ses  Lettres  à  M'"'=.  de 
Mottcville ,  et  celles  de  cette  dernière 
à  la  princesse ,  ainsi  qu'un  roman  in- 
titulé :  Amours  de  Mademoiselle  et 
du  comte  de  Lauzun  ,  rapsodie  dé- 
testable, dit  Voltaire,  et  l'ouvrage 
de  quelque  valct-de-chambre.  Enfin, 
il  nous  est  encore  resté  de  mademoi- 
selle de  Moutpensier  un  petit  ouvra-' 
ge  de  piété  :  Jiéjlexions  morales  et 
c'nréliennes  sur  le  premier  livre  de 
l' Imitation  de  J.  C. ,  qu'on  va  réim- 


(1)  On  roBsei-ve  à  ]a  bil)lio>)'C(|UC  au  Roi  deux  mn- 
Diisirils  des  MèiniMies  de  IxD^':.  dt-  Montpellier.  (In 
H  lout  lieu  tie  croire  eue  le  preïiiîcr  e5t  autof^rapfie  . 
quoique  rien  ne  l'indique  d'une  ludnière  cei  l^iine  , 
et  qu'on  u'iiit  pas  de  pièces  authentiques  qui  puissent 
ser\ir  de  point  de  coiuparaisnn.  Ou  reconnaît  la  vi- 
laine écriture  dont  Madrnioistlle  s'accuse  elle  u:èiiie. 
n  manque  à  ce  précieux  lounu^crit  l'équivalent  des 
I '»o  premières  paires  de  l'édition  d'Ânjsterdani  ;  il  y 
a  de  plus, quelques  laruius  dans  l'i»uvi'a;;e.  Ce  lu^tniLs- 
crit  ne  contient  d'ailleurs  que  les  niémuires  propre-, 
ini.nt  dits  ,  it  non  1-s  autres  piî-ces  i|u'ou  y  a  joiaUt. 
Le  iccoud  ,  Cil  niùciiiuiiiil  uue  copie. 


MON 

primer  dans  une  collection  des  OEii- 
vri;s  des  Bombons,  iniiioiicèe  il  y  a 
(jiiel((iie  temps;  ravcrlisscmciU  pla- 
ce' eu  lèle  des  Rellexioiis  ,  attriUie  à 
Mademoiselle  mi  écrit  sur  les  héa- 
tiliuies  ,  ((iii  n'est  pas  connu.  D — is. 
MONTPETlï  (  AiniAND-Vm- 
citNT  DE  ),  artiste  rec'.>mmandal)le, 
ne  à  Màcon ,  le  1 3  décembre  1 7  1 3  , 
iit  ses  premières  éludes  à  Dijon  ,  et 
i'it  envoyé,  à  l'à^c  de  quinze  ans,  à 
Lyon,  où  il  étudia  la  jurisprudence, 
et  cultiva  les  arts  et  la  mécanique. 
11  apprit  à  peindre,  sans  maître,  et 
copia  les  meilleurs  tableaux  qu'il  put 
se  prociirer  :  s'étant  marié  à  Bourg, 
eu  1749?  d  (it  exécuter  dans  cette 
ville  une  charrue  de  son  invention  , 
qjie  deux,  hommes  pouvaient  mettre 
facilement  en  œuvre  ,  sans  le  secours 
d'aucun  animal.  II  fit ,  en  1753,  un 
voyage  à  tParis  ,  pour  connaître  les 
artistes  ;  il  y  apportait  dillérenles 
pièces  d'horlogerie  ,  et  une  machine 
pour  le  finissage  des  roues ,  dont  la 
simplicité  étonna  les  connaisseurs. 
Ayant  perdu,  en  1 763,  la  plus  grande 
p.iriie  de  sa  fortune  ,  qu'il  avait  pla- 
cée sur  les  vaisseauK  d'un  armateur 
corse  ,  il  se  vit  forcé  de  chercher  des 
ressou.rces  dans  les  arts,  qu'il  n'avait 
cultivés  jusqu'alors  que  pour  son 
agrément.  Il  se  livra  tout  entier  à  la 
peinture,  et  fut  admis  à  l'honneur 
de  faire  le  portrait  de  Louis  XV  , 
dont  il  multiplia  les  copies  par  l'or- 
dre de  ce  prince.  Montpetit  avait 
imaginé,  quelques  années  auparavant 
(  1759),  une  nouvelle  manière  de 
peindre  la  miniature  ,  qu'il  nomma 
éludoricfue  ,  parce  qu'on  n'y  em- 
ploie que  l'huile  et  l'eau.  Il  fit  cons- 
truire ,  en  T770  ,  le  premier  poile 
hydraulique  ,  et  introduisit  à  Paris 
l'usage  de  mettre  sur  les  poîles  des 
vases  pleins  d'eau.  Il  présenta  suc- 
cessivement à  l'académie  des  scien- 


MON 


37 


ces,  sur  des  objets  d'utilité  publique, 
dilférents  Mémoires,  qui  furent  .ic- 
cueillis  par  celte  savante  compagnie. 
En  1793,  le  bureau  de  consultation 
lui  décerna  une  gratiiicalion'de  8000 
francs  ,  en  récompense  de  sô^n  zèle 
])our  les  progrts  de  la  mécanique. 
Monipelit  mourut  à  Paris,  le3o  avril 
1800.  II  a  publié  :  I.  Note  sur  les 
moyens  de  conserver  les  portraits 
-peints  à  l'huile ,  et  de  les  faire  passer 
sans  altération  a  la  postérité,  Paris  , 
1776,  in-8°.  ;  son  procédé  fut  ap- 
prouvé par  l'académie.  II.  Prospec- 
tus d'un  pont  de  fer  d'une  seule 
arche  (  de  400  pieds  d'ouverture  )  , 
pour  cire  jeté  sur  une  grande  rivière, 
ibid. ,  1783,  in- 4°.  111.  Observa- 
tions phjsico-inécaTiiques  sur  la 
théorie  des  ponts  dejer;  daus  le 
Journal  de  physique ,  ann.  1788, 
tom.  !'='■.  Les  inventions  de  Montpe- 
tit sont  décrites  dans  le  Dictionnaire 
des  arts  ,  de  l'abbé  Jaubert  j  ou- 
vrage auquel  il  a  fourni  plusieurs  ar- 
ticles. Lalande  a  donné  une  iVb- 
tice  sur  cet  artiste,  dans  le  Magas. 
encjclopéd. ,  ann.  1800,  tom.  i^i". 
W— s. 
MONTPL  AISIR  (  René  de  Bruc  , 
marquis  de  ) ,  puète  français  ,  d'une 
ancienne  famille  de  Bretagne  ,  était 
oncle  de  la  maréchale  de  Créqui ,  et 
se  fit  autant  de  réputation  dans  les 
armes  que  dans  les  lettres.  Ami  de 
Saint-Pavin  ,  de  Charleval  et  de  La- 
lane  ,  connus  tous  les  trois  dans  la 
poésie  légère  ,  il  s'attacha  plus  étroi- 
tement à  ce  dernier  ,  avec  lequel  il 
servit,  en  i636,  contre  les  Espa- 
gnols, quiavaienlenvahi  la  Picardie. 
A  son  exemple  ,  il  chanta  l'amour 
malheuieux  ,  et  les  agréments  de  la 
vie  champêtre;  plus  tard,  il  com- 
posa un  grand  nombre  devers  pieux , 
mais  qui  ne  nous  sont  pas  parvenus. 
Pour   prix   de  ses   services  ,  il  fus 


3§  MON 

nomme,  en  1671,  lieutciianl  de  roi 
à  Arras  ;  cl  l'on  croit  qu'il  mourut 
en  cellç  ville,  vers  1673.  Montplai- 
sir  passe  pour  avoir  initié  la  com- 
tesse de  La  Snzc  dans  les  secrets  de 
l'art  des  vers;  et  l'on  conjecture  qu'il 
gi  eu. quelque  part  aux  élégies  pu- 
bliées sous  le  nom  de  celte  dame 
(  F".  La  SuzE  ).  Les  vers  de  ce 
poète,  disséminés  dans  les  Recueils 
du  temps ,  en  ont  été  extraits  par 
Lefèvrc  de  Saint-Marc  ,  qui  avoue 
s'étie  fié  à  son  t.ict  pour  les  distin- 
guer. II  en  a  formé  un  petit  volume 
qu'on  trouve  oïdiuaircment  réuni 
aux  Poésies  dt'  Lalane,  Amsterdam 
(  Paris  ) ,  175») ,  in-i2  ;  l'éditeur  y 
a  joint  des  recherches  sur  la  vie  de 
l'auteur,  et  une  table  raisounée  ,  qui 
l'enferme  des  parliculaiMtés  littérai- 
res assez  inléicssantes.  Les  poésies 
de Montplaisir  consistent,  en  stances, 
sonnets  ,  épigrammes  ,  chansons  , 
etc.  :  de  toutes  les  pièces ,  au  nom- 
bre de  trente-cinq  ,  que  renferme  sou 
recueil  ,  les  deux  plus  remarquables 
sont  une  Eglogue  sur  la  maladie  de 
Daphnis  (  Louis  XIV  ,  enfant  ) ,  et 
d'Aminte  (  M'"<^.  de  La  Suzc  )  ;  et  un 
poème ,  intitulé  :  le  Temple  de  la 
gloire,  adressé  au  duc  d'Enghicn, 
à  l'occasion  de  la  victoire  de  Norl- 
îingne    (   V.  Montigny  ). 

F— T  et  W— s. 
MONTRÉAL  d'ALBANO  ou 
Fra  Moriale,  général  d'une  ar- 
mée d'aventuriers  ,  au  quatorzième 
siècle,  était  un  gentilhomme  proven- 
çal, chevalier  de  Saint- Jean  dcJérusa- 
lem.  II  se  distingua  au  service  du  roi 
dcHorigric,  dans  les  guerres  du  royau- 
me de  ÎNaples.  Il  y  avait  appris  adon- 
ner nne  certaine  régularité  au  bri- 
gandage, et  à  maintenir  quelque  dis- 
cipline parmi  des  soldats  auxquels 
tous  les  crimes  étaient  familiers.  Par 
cette  association  de  la  règle  avec  la 


MON 

licence ,  il  rassembla  une  de  ces  ar- 
mées de  brigands,  qu'on  nommait 
compagnies  d'aventure,  avec  laquelle 
il  resta  dans  le  royaume  de  Naples  , 
en  i35i ,  après  le  départ  du  roi  de 
Hongrie.  La  reine  Jeanne,  pour  s'en 
délivrer ,  envoya  contre  lui  Malatcsli 
de  Rimini,  qui  assiégea  Montréal,  eu 
1 352,  dans  Avei'se,  et  qui  le  contrai- 
gnit de  sortir  du  royaume,  après 
avoir  restitue  tout  le  butin  qu'il  y 
avait  fait.  Montréal,  avec  le  petit 
nombre  de  soldats  qui  lui  étaient  de- 
meurés fidèles,  se  mit  à  la  solde  du 
préfet  de  \ico,  seigneur  de  quelques 
A'illes  du  patrimoine  de  Saint-Pierre; 
mais  dans  cet  abaissement  même,  il 
nourrissait  de  plus  vastes  projets.  Il 
avait  écrit  à  tous  les  connétables  qui 
commandaient  des  gens  de  guerre  eu 
Italie,  pour  leur  olïrir  une  solde  et 
du  service ,  comme  dans  los  troupes 
réglées  ,  et  leur  promettre  en  même 
temps  toute  lalicence  dont  jouissaient 
les  soldats  des  compagnies  d'aventu- 
re. Par  ses  promesses,  il  attira  sous 
ses  drapeaux  quinze  cents  gendarmes 
cl  deux  mille  fantassins,  et  il  condui- 
sit aussitôt  celte  troupe  contre  Mala- 
tcsti,  seigneur  de  Rimini,  dont  il  vou- 
lait se  venger.  Il  entra  dans  ses  étals 
au  mois  de  uoA'cmbre  i353,  cl  y 
répandit  la  désolation.  Cependant 
Montréal  avait  donncà  sa  compagnie 
un  gouvernement  régulier;  il  avait 
nommé  un  trésorier,  des  conseillers, 
des  secrétaires,  avec  lesquels  il  dé- 
libérait sur  les  intérêts  communs 
de  la  bande.  Des  juges  maintenaient 
la  paix  dans  son  camp ,  et  faisaient 
observer  entre  ses  soldats  une  rigou- 
reuse justice,  tandis  que  Montréal 
leur  laissait  exercer  toute  espèce  de 
brigandages  contre  les  habitants  des 
pays  où  ils  portaient  la  guerre.  Le 
butin  était  partagé  d'une  manière 
régulière  entre  les  officiers   et   les 


MON 

soldats  :  il  était  vendu  ensuite  à  des 
marchands,    qui   suivaient  l'armée 
pour  racheter  les  edets  pillés,  e(  que 
Montréal  prenait  sons  sa  protection. 
Par  cette  discipline  ,  il  faisait  rcp;ner 
l'abondance  dans  son  camp.  Les  gens 
de  guerre  ne  parlaient  en  Italie  que 
des  richesses  qu'on  acquérait  à   sou 
service;  et  de  toutes  parts  ils  venaient 
se  ranger  sous  ses  drapeaux.  Mont- 
réal, après  avoir  rava;^é  le  territoire 
de  Riinini,  et  obligé  le  seigneur  de 
cette   ville  à   lui  payer  une  grosse 
rançon  ,  vint  menacer  les  républi- 
ques Toscanes.  Il  fit  alliance  avec 
celle  de  Pérouse,  où  il  voulait  s'as- 
surer un  asde  au  besoin  ;  mais    il 
mit   à    contribution    Sienne ,   Flo- 
rence et  Pise.  1!  engagea  ensuite  sa 
bande   à  la  solde  d'une  ligiu^  for- 
mée en  Lorabardie  contre  les  Vis- 
conti  ;  et ,  après   en  avoir  confié  le 
commandement  au   comte   Conrad 
Lando ,  son  lieutenant,  il  vint  avec 
luie  suite  peu  nombreuse  à  Pérouse 
et  à  Rome,  sous  prétexte  d'y  régler 
des  affaires  domestiques ,  et  dans  le 
fait,  pour  se  ménager  des  intelligen- 
ces dans  le  midi  de  l'Italie,  où  il 
comptait  ramener  au  printemps  sa 
terrible  troupe.  Mais,  a  son  arrivée 
à  Rome,  Colas  fie  Rienzo,  auquel  les 
frères  de   Montréal    avaient    rendu 
service,  fit  saisir  cet  aventurier,  et 
le  fit  ti'aîner  devant  son  tribunal.  Un 
acte  d'accusation  fut  dressé  contre 
lui,  pour  avoir  attaqué  sans  provo- 
cation les  villes  de  la  Marche  et  de 
la  Romagne;  pour  avoir  porté  le  fer 
et  le  feu  dans  les  campagnes  de  Flo- 
rence, de  Sienne  et  d'Arezzo;  pour 
avoir  commandé  une  troupe  de  bri- 
gands souillés  de  i-apiues  et  de  meur- 
tres: et  comme  il  n'opposait  à  des 
faits    aussi  notoires  ,    que  le  droit 
prétendu  de  la  guerre ,  le  tribunal 
<iéclava  que  le  titre  de  général  n'atté- 


MON 


3^ 


nuait  point  des  crimes  qu'on  punis- 
sait chez  les  autres  malfaitciu's  •  il 
condamna  Montréal  à  la  peine  de 
mort,  et  il  lui  fit  trancher  la  icle  à 
Rome,  le  '>.g  août  i354.   S.  S — i. 

MONTRÉSOR  (  Claude  de  Bour- 
DEiLLE  ,  comte  DE  ) ,  ué  vers  1G08  , 
d'une  ancienne  et  noble  famille  ,  re- 
çut une  éducation  conforme  à  sa  nais- 
sance ;  et  le  fameux  abbé  de  Bran- 
tôme ,  son  grand-oncle  ,  le  voyant 
51  bien  élevé  et  si  joli,  lui  légua  sou 
château  de  Richemont.  Attaché  dès 
sa  première  jeunesse  à  Gaston ,  duc 
d'Orléans, il  futpourvu,dans  la  suite, 
de  la  charge  de  son  grand-veneur.  Il 
succéda  à  Puy-Laurent  dans  la  con- 
fiance de  Gaston ,  dont  la  faiblesse  lui 
rendait  nécessaire  un  favori;  et  il  le 
capliva  au  point  que  ce  prince  n'osait 
plus  rien  entreprendre  sans  ses  con- 
seils. Montrésor,  naturellement  am- 
bitieux ,  profita  de  l'ascendant  qu'il 
avait  sur  sou  maître  poupeloigner  de 
lui  toutes  les  créatures  du  cardinal  de 
Richelieu.  Il  facilita  plusieurs  entre- 
vues entre  Monsieur  cl  le  comte  de 
Soissons  ,  et  leur  communiqua  nu 
plan  qu'il  avait  formé  pour  se  dé- 
barrasser du  premier  ministre,  dans 
le  cas  où  l'on  ne  réussirait  pas  à 
forcer  le  roi  de  le  renvoyer.  Ou  ne 
peut  guère  douter  que  Montrcsor  ne 
se  fût  chargé,  avec  Henri  des  Gars  , 
son  cousin  ,  favori  du  comte  de  Sois- 
sons  ,  de  faire  assassiner  Richelieu  : 
mais  le  coup  manqua  par  la  timidité 
des  princes;  et  l'on  en  levint  à  l'idée 
de  former  un  parti  pour  l'expulser 
du  royaume.  Tandis  que  Montrésor 
était  en  Guienne ,  occupé  à  séduire 
le  duc  d'Épcrnon ,  le  complot  des 
princes  fut  éventé  ;  et  Monsieur  se 
hâta  de  faire  la  paix  avec  Richelieu, 
sans  rien  stipuler  pour  son  favori. 
Montrésor  se  retira  dans  sa  terre ,  o\x 
il  passa  cinq  à  six  ans  ,  n'y  recevant 


4o 


MON 


personne  ,  pour  eloi^^ner  tout  soup- 
çon d'intrigue,  mais  voyant  toujours 
en  secret  Gaston  ,  quand  ce  prince 
venait  à  Blois.  11  entra  malgré  lui 
dans  la  conspiration  de  Cinq-Mars 
(  F.Ci>q-Mars,  Mil,  57'i  ),eteut 
la  douleur  de  se  voir  aliandonuer  nne 
seconde  lois  par  Gaston, qui  desavoua 
tout  ce  que  Montre'sor  avait  fait  par 
ses  ordres  ,  et  déclara  en  outre  que 
c'était  ce  favori  qui  l'entretenait  daus 
l'esprit  de  faction.  Il  n'échappa  à  la 
vengeance  de  Pdclielieu  qu'en  fuvant 
en  Angleterre  ;  mais  ses  biens  furejit 
saisis,  et  l'ordre  de  l'arrêter  pro- 
clame' à  son  de  trompe.  Il  revint  en 
France  après  la  mort  de  Riclielieu 
(  1643).  Monsieur  ayant  exigé  qu'il 
parût  avoir  quelque  déférence  pour 
son  aumônier ,  l'abbé  de  la  Rivière 
(  /^.  Rivière  ) ,  Monfrésor,  qui  mé- 
prisait ce  favori ,  préféra  vendre  sa 
charge  de  grand-venem-,  et  s'éloigna 
de  la  cour.  Il  reçut,  peu  de  temps 
après,  l'ordre  de  quitter  Paris;  mais 
il  se  justifia  facilement  des  soupçons 
auxquels  sa  liaison  avec  le  duc  de 
Beaufort  avait  donné  lieu  (  F.  Beau- 
tort  ,  III ,  6^5  ).  Ennuyé  de  se  trou- 
ver sans  emploi,  il  veudit  une  p;irtie 
de  ses  biens,  résolu  de  se  fixer  en 
Hollande:  ses  affaires  Taj-ant  rappelé 
à  Paris  ,  en  i645  ,  il  y  reçut  deux 
lettres  de  la  duchesse  de  Clievreuse  , 
qui  le  priait  de  lui  faire  passer  ses 
pierreries  en  Angleterre.  Cette  corres- 
pondance avec  une  exilée  le  rendit 
suspect  au  cardinal  ?ifctzarin.  If  fut 
arrêté  ,  au  moment  où  il  se  disposait 
à  retourner  en  Hollande  ,  et  conduit 
à  la  Bastille,  d'où  il  fut  transféré  au 
château  de  Viucennes.  Il  passa  qua- 
torze mois  dans  celte  prison  ,  gardé 
à  vue  ,  et  traité  avec  mie  telle  ri- 
gueur, qu'il  était  souvent  privé  d'en- 
tendre la  messe.  Enfin  ,  le  cardi- 
nal ,  touché  àçi  soUicilalious  de  ses 


MON 

parents  ,  lui  rendit  la  liberté,  en  lui 
faisant  olfrir  son  amitié.  Montre'sor 
ne  jugea  pas  devoir  mettre  a  l'épreuve 
la  bonne  volonté  du  ministre  ,  qu'il 
méprisait ,  et  se  contenta  de  lui  ren- 
dre ,  de  temps  en  temps,  des  visites 
de  politesse.  Des  rapports  de  princi- 
pes et  de  caractère  le  lièrent  bientôt 
avec  le  coadjuteur  ,  l'un  des  adver- 
saires les  plus  dangereux  de  Maza- 
rin,  et  il  joua  un  rôle  trcs-aclif  dans 
les  troubles  de  la  Fronde.  Les  fac- 
tieux s'étant  divisés  en  i65o  ,  Mon- 
trésor  resta  uni  au  parti  qui  n'a- 
vait pour  objet  que  l'honneur;  et  il 
entra  daus  les  vues  des  grands  qui 
voulaient  profiter  de  leur  position 
pour  obtenir  le  rétablissement  des 
privilèges  de  la  noblesse.  Il  se  récon- 
cilia cependant  avec  la  cour  en  i  G53 . 
et  fut  rétabli  dans  la  jouissance  de 
quelques  bénéfices  qu'il  possédait  , 
entre  autres  l'abhaye  de  Brantôme, 
qui  était  comme  héréditaire  dans  sa 
famille.  Mais  il  ne  cessa  pas  ses  liai- 
sons avec  le  cardinal  de  Retz  ;  et  il 
continua  de  lui  adresser,  dans  son 
exil ,  de  fort  bons  conseils.  Mon- 
tre'sor passa  les  deiyières  années  de 
sa  vie ,  étranger  aux  intrigues ,  et 
mourut  au  mois  de  juillet  iG63  , 
d'une  maladie  de  langueur.  Son  at- 
tachement pour  IM'l*^.  de  Guise  a 
fait  conjecturer  qu'il  y  avait  entre 
eux  un  mariage  de  conscience  ;  mais 
on  n'en  a  jamais  trouvé  la  preuve. 
Les  défauts  de  Montrésor  étaient  ba- 
lancés par  ses  qualités.  En  blâmant 
son  ami>ition  et  son  goût  pour  les 
intrigues  ,  il  faut  convenir  qu'il  était 
généreux,  sincère  ,  et  ami  dévoué. 
On  a  de  lui  des  Mémoires ,  intéres- 
sants par  le  ton  de  candeur  et  de 
bonuc-foi  qui  y  règne.  Ils  ont  été 
insérés  dans  le  Recueil  de  plusieurs 
pièces  servant  à  l'Histoire  moderne  ' 
Cologne  (Elzéviers),  i(i63;  in-12' 


MON 

et  rcimpiiine's  par  les  mêmes  Elzc- 
\icrs,  Leydo  ,  i6G.5  ,  -i  vol.  in-i'Jt , 
tTvcc  diverses  pièces  pour  l'hisloiie 
du  temps.  Ou  trouvera  dans  le  toine 
XV  des  œuvres  de  Draïuôme  ,  c'd. 
de  Le  Ducliat ,  une  Notice  curieuse 
sur  le  comte  de  Moutresor,  que  l'écii- 
tcur  annonce  avoir  tirée  du  cabinet 
de  Cicrarabaud.  W — s. 

MONTREUIL  (  i  )  (  Jean  de  ) ,  né 
à  Paris  ,  en  i6i3  ,  d'un  avocat  au 
parlement,  suivit  quelque  temps  la 
profession  de  son  père.  Il  y  renonça 
pour  s'attacher  à  Pomponne  de  Bel- 
lièvre  :  on  lui  reconnut  du  lalcnt  pour 
les  négociations  ;  et ,  sous  les  aus- 
pices de  son  protecteur  ,  il  (ut  en- 
voyé à  Rome  et  en  Angleterre  ,  en 
qualité  de  secrétaire  d'ambassade.  Il 
])assa  de  là  en  Ecosse  ,  avec  le  titre 
de  résident  ;  il  y  servit  utilement 
son  gouvernement,  et  il  crut  signa- 
ler son  zèle  pour  Charles  I*^''.  ,  en 
agissant  pour  qu'il  fût  l'erais  entre 
les  mains  des  Ecossais.  De  retour  en 
France  ,  il  accepta  la  place  de  secré- 
taire des  commandements  du  prince 
de  Gonti;  et  lorsque  celui-ci  eut  été 
enfermé  à  Vincennes  avec  le  duc  de 
Longueville  et  le  Grand-Conùé,  Mon- 
treuil  ne  cessa  de  correspondre  avec 
eux  et  de  s'agiter  pour  leurs  intérêts. 
Il  ne  fut  pas  récompensé  de  son  dé- 
vouement ,  sa  mort  ayant  suivi  de 
près  l'élargissement  des  pi  inces.  Jean 
de  Montreuil  était  de  l'académie  IVan- 

(0  Quelqiips  lilograplies  c'crlvenl  MonUreul:  et 
Pcllisson  ((iai..,]'/:/n/;a  àeVIIiiloiie  de  l'ucacU- 
iiiie  française  )  ,  dil  que  celle  orlhoginplie  est  la  vé- 
ritable. Nous  avous  cru  ilevoir  écrire  Montrettil  ^ 
coiuiue  portent  le  titre  des  œiivris  de  Maltbieu  ,  sii- 
jrl  de  l'article  suivant,  et  les  deux  vers  dt-  Iioiieau  , 
cités  dans  le  même  article  :  il  serait  pourtant  permis 
lie  croire  que  ISoilcau  n'a  écrit  ce  nom  ainsi  que  pour 
Il  commodité  de  la  rime  —  Uu  autre  Jcau  DE  ÏJON- 
TREUU. ,  médecin  de  liourges  ,  professeur  au  rollege 
royal  h  Paris,  mort  eu  i()47  ,  et  donl  le  nom  s'icri- 
vail  Monsiroeil ,  a  ini  article  J  itis  le  Mémoire  hùtoi: 
et  liltéruire  <lu  culté^,-  ,U  Francs,  par  Oouict. 
Voyez  aussi  son  orai^m  fiiÉii-l>ii-  (  ci  lati'i  ) ,  j-ar  Cli. 
Le  Breton,  Pans,  l6^7,  iu-Su.  de  3ji  p.    C.  »i.  P. 


MON  4  ' 

raise.  11  avait  été  pourvu  d'un  cano- 
nicat  du  chapitre  de  Tout ,  et  il  jouis- 
sait de  ])ensions  considérables  sur 
des  bénéticcs.  Il  mourut  ^  le  '^7  avril 
iG5i.  F — T. 

MONTREUIL  (  Matthieu  de  ) , 
frère  du  précédent  ,  né  à  Paris  ,  en 
1620  ,  porta  l'hibit  ecclésiastique 
sans  être  engiigé  dans  les  ordres  sa- 
crés; c'était  un  abbé  à  la  manière  de 
Marigny ,  d'une  humeur  enjnuée  et 
paresseuse  ,  faisant  négligemment  de 
petits  vers,  pariant  uu  peu  l'italien 
et  l'espagnol  ,  aimant  les  voyages  et 
surtout  les  femmes  ,  et  ne  craigiwnt 
même  point  sur  ce  chapitre  un  peu 
de  scandale  ;  réunissant  j)ar-dessus 
cela  ,  toutes  les  faiblesses  d'un  petit- 
maître,  et  les  fadeurs  obligées  de  la 
galanterie  du  temps  (i).  Son  peu- 
-chaut  pour  les  plaisirs  mit  obstacle 
à  sa  fortune  ;  il  s'en  consola  par  la 
possession  d'un  patrimoine  assez  ri- 
che et  d'un  gros  bénéfice  en  Breta- 
gne, dont  il  ne  manquait  jamais  d'an- 
ticiper les  revenus.  Il  mourut  à  Va- 
lence (  et  non  à  Aix  )  ,  eu  juillet 
169':»  ,  entre  les  bras  de  l'évêque 
(  M.  de  Gosnac  ) ,  son  patron  et  sou 
ami.  Ses  œuvres  furent  publiées  à 
Paris  ,  i666  ,  chez  Billaine  ,  iii-12  . 
de  plus  do  600  pages.  L'auteur  en 
soigna  lui-même  la  deuxième  édi' 
tion  ,  en  1671.  La  plus  grande  par- 
tic  du  volume  consiste  en  lettres  ga^ 
lantes  sur  le  modèle  de  Voiture  : 
c'est  ,  avec  moins  d'agrément  ,  le 
même  jargon  sentitncnîal  ou  louan- 
geur ,  le  même  goût  de  plaisanterie  , 
la  même  profusion  de  pointes.  L'au-. 
teur  nous  apjirend  qu'il  avait  entre- 
pris de  commenter  le  Cprus  de 
W^".  Scudéry  ;  et  l'on  sent  qu'il 
avait  toutes  les  dispositions  requises 


T,   <'■>  peut   voir,  dans   ses  Lettres,  comlii 
Jit  ido!àU-e  de  la  Lcautu  de  s..i  dents. 


4^ 


MON 


pour  développer  la  quintessence  ine- 
taphj'sipie  de  ce  tendre  et  intermi- 
nable oiivnge.  On  prend  une  idée 
plus  avaiiîdL;eu.se  de  l'esprit  de  Mon- 
Irenii  en  ])arcourant  ses  epigrammes 
et  SCS  madrigaux.  :  ils  se  trouvaient 
dissémines  dans  tons  les  recueils  du 
temps  ,  grâce  à  l'empressement  des 
libraires  plutôt  qu'a  la  gloriole  de 
l'auteur;  ce  qui  lui  attira  ces  vers  de 
Boilcau  ; 

Od  ne  voit  point  iiips  vers,  .'.  T'iivi  (îeMtinlreuil  , 
Grossir  iiupuiiLiiicul  les  tVuille>  d'un  recueil. 

Le  poète  et  l'ablje-rimeur  n'en  de- 
nieinèrcut  pas  moins  bons  amis.  Ce- 
lui-ci avait  une  sœur  Ursuline  , 
dont  on  vantait  l'esprit  et  la  facilite 
pour  les  vers.  Montreuii  lui  adresse 
souvent  des  missives,  dont  le  ton  est 
parfois  plus  qne  leste.  Il  pensait  sans 
doute,  comineDuclos,  que  les  femmes 
les  plus  honnêtes  étaient  aussi  les 
plus  disposées  à  entendre  des  choses 
libres.  M.  Cimpeuou  a  publié  ,  en 
ï8o6,  les  lettres  choisies  de  Balzac, 
Voiture,  Pellisson,  Roursauît  et  Mou- 
treuil  ,  1  voi.  in- 1 2. On  trouve,  dans 
le  tome  i^^  des  Mélang.  histoiq. 
delMichanh,  un  Mémoire  sur  la  vis, 
le  caractère,  l'esprit  et  les  ouvrages 
de  Matthieu  de  Moutreuil ,  jiag.  83- 
94-  F — T. 

MONTLIEUIL  (  Eudes  de  ).  F. 
Eudes. 

MONTREYEL.  F.  Baume. 

MO.MFiOSE  oa  MONTROSS 
(  Jacques  Graham  ,  comte  et  dt:c 
DE  ) ,  l'un  des  plus  intrépides  défen- 
seurs de  Charles  P-. ,  naquit  à  Edin- 
bourg,  en  iGiu.  Une  partie  de  sa 
jeunesse  fut  employée  à  parcourir 
l'Europe:  il  acquit,  dans  ses  vovages, 
des  connaissances  très-variées.  Avant 
que  les  troubles  civils  éclatassent  , 
il  avait  olVert  ses  services  au  roi  ; 
mais  le  duc  d'flamilton,  qui  jouissait 


MON 

de  la  confiance  exclusive  de  ce  prince , 

mit  ob.stacle  à  ce  que  Mont  rose  fût 
accueUli  avec  la  distinction  à  la- 
quelle il  croyait  avoir  des  titres.  Les 
Covenanlaires  profitèrent  de  son 
mécontentement  pour  l'attirer  dans 
leur  parti.  Il  y  donna  les  premières 
jireuvcs  du  courage  et  des  talents 
militaires  dont  il  était  doué.  Mais 
bientôt ,  chargé  d'une  mission  im- 
portante auprès  de  Charles  l*^"". ,  qui 
était  alors  à  Berwick ,  il  fut  si  touché 
des  manières  affables  de  ce  prince  , 
que  ,  de  ce  moment ,  il  se  voua  en 
secret  à  son  service.  Une  corres- 
pondance très-active  s'établit  entre  le 
monarque  et  lui.  Dans  la  seconde  in- 
surrection, les  Covenantaires  lui  con- 
fièrent un  grand  commandement;  et 
il  fut  le  premier  qui  passa  la  T^veed  , 
à  la  tête  de  ses  troupes  ,  dans  l'inva- 
sion de  l'Angleterre.  Ce  fut ,  à  cette 
époque,  qu'une  lettre  qu'U  écrivait 
au  roi  tomba  entre  les  mains  d'Ha- 
milton  ,  qui  eut  la  bassesse  d'en  en- 
vover  une  copie  à  Leven  ,  général 
écossais.  Montrose,  accusé  de  trahi- 
son et  de  correspondance  avec  l'en- 
nemi ,  n'échappa  à  une  perte  cer- 
taine que  par  l'énergie  de  ."^on  carac- 
tère. Il  avoua  la  lett'e,  et  interpel- 
lant les  autres  généraux  ,  il  leur 
demanda  s'ils  osaient  appeler  leur 
souverain  un  ennemi.  Depuis  ce  jour, 
il  dissi.'nula  peu  ses  principes  ,  et 
tacha  d'engager  ceux  qui  pensaient 
comme  lui ,  à  se  lier  par  un  acte 
d'association.  Le  duc  d'Hamilton  ne 
cessait  de  contrarier  ses  projets;  mais 
à  la  fin  les  vives  représentations  de 
Montrose  prévalurent.  Hamilton,  de- 
venu suspect ,  fut  envoyé  en  prison; 
et  l'audacieux  Montrose  obtint  une 
espèce  de  carte-blanche.  Il  commen- 
ça par  rassembler  les  moyens  d'agir. 
A  l'aide  de  plusieurs  déguisements  , 
il  négocia  directement  avec  les  roya- 


MON 

li'sles  les  plus  zëlcs.  C'est  ainsi  ([u'il 
obtint  un  corps  de  onze  cents  Irlan- 
dais. Ses  Écossais  n'étaient  pas  eu 
nombre  l)eauconp  phis  considéra- 
ble. C'est  ccj>endant  avec  cette  i'aible 
tronpe  qn'il  ouvrit  ,  en  iG45  ^  ci-'^lc 
carrière  d'exploits  qui  ont  illustré 
son  Jiom.  11  fond  sur  lord  Elelio  , 
qui  était  à  Perth  ,  avec  six  mille 
hommes  :  il  en  passe  un  tiers  au 
fil  de  l'epéc,  et  fait  mettre  bas  les 
armes  à  tout  le  veste.  A  Aberdeen  , 
lord  Burleig,  à  Innerlochy ,  le  com- 
te d'Argyle  ,  éprouvent  la  valeur  de 
son  bras.  Le  conseil  d'Edinbourg 
s'alarme  :  il  implore  les  secours  des 
parlementaires  anglais.  Caillie  et  Ur- 
rey  attaquent Montrosc  de  deux  cotés 
à-la-fois  ;  il  les  défait  l'un  et  l'autre. 
Ce  fut  dans  un  de  ces  coml>ats ,  qu'il 
blessa  ,  de  sa  propre  main  ,  Crora- 
well,  déjà  devenu  célèbre.  Ne  sachant 
plus  quelles  armes  emploj^er  contre 
Monlrose  ,  le  parlement  d'Ecosse 
l'avait  proscrit ,  et  l'église  puritaine 
l'avait  excommunié.  Enfin ,  le  mal- 
heureux Charles  I*^^.  ,  s'éîant  remis 
entre  les  mains  des  Écossais  ,  or- 
donne à  son  fidèle  défenseur  de  dé- 
sarmer :  Montrose  n'obéit  qu'à  re- 
gret. Il  se  retira  en  France  :  trcs- 
froidemcut  accueilli  par  Mazaria  ,  il 
passa  en  Allemagne,  où  il  prit  part 
aux  dernières  campagnes  delà  gueri'e 
de  Trente  Ans,  et  s'éleva,  par  son 
courage ,  au  grade  de  maréchal  de 
l'empire.  P.îais ,  dès  qu'il  apprit  la 
mort  tragique  de  Charles  î*^'. ,  il  ne 
songea  plus  qu'à  ses  devoirs  ;  et  il 
courut  offrir  ses  services  à  Charles 
II,  qui  était  alors  à  La  Haye.  Ce 
prince  les  accepta  avec  reconnais- 
sance :  le  nom  de  Montrose  seul  était 
déjà  un  appui  pour  la  cause  royale. 
Le  roi  de  Danemark  et  le  duc  de 
Holstfin  lui  envoyèrent  des  secours 
d'argent  :  la  reine  Christine  lui  four- 


MON 


43 


nit  des  armes  ,  et  le  prince  d'Orange 
des  vaisseaux.  Monli  use  se  hâta  de 
s'embarquer  ,  et  de  se  porter  sur  les 
Orcades.  Il  arma  plusieurs  habitants 
de  ces  îles ,  et  descendit  avec  sa  [)etite 
armée  sur  les  côtes  du  comte  de 
Cailhness  (avril  iG5o).  Il  se  flattait 
que  l'aspect  de  l'étendard  roval  suf- 
fi) ait  pour  sotdever  le  pays  eu  faveur 
de  Charles  II  ;  mais  tout  le  monde 
était  las  des  troubles  et  de  la  guerre. 
Les  états  ordonnèrent  à  leur  général 
David  Lesley  de  marcher  contre  les 
royalistes.  Montrose  ,  sans  cavalerie 
pour  s'éclairer,  fut  surpris  par  celle 
du  colonel  Stravvghan.  Sa  troupe 
lâcha  pied  ;  et  lui-même  se  vit  con- 
traint de  fuir ,  déguisé  en  paysan. 
Après  avoir  erré  plusieius  jours  dans 
les  rocliers  qui  bordent  la  côte, 
épuisé  de  faim  et  de  fatigue ,  il  re- 
clama l'assistance  d'un  de  ses  anciens 
officiers  ,  nommé  Aston:  cet  homme 
promit  de  le  caclier;  mais  bientôt, 
séduit  par  l'appât  de  deux  mille  livres 
sterling,  promises  à  quiconque  livre- 
rait Montrose  ,  il  eut  l'infamie  de  li- 
vrer son  général  et  son  ami.  Lesley  en- 
voya aussitôt  Mont  rose  à  Edinbourg. 
Tous  les  outrages  que  peut  inventer 
la  fureur  de  l'esprit  de  parti,  furent 
prodigués  à  l'inlréj^ide  guerrier ,  sans 
que  sa  grandeur  d'ame  en  fût  altérée 
un  seul  moment.  Le  parlement  re- 
belle le  condamna  à  être  pendu  à  un 
gibet  de  trente  pieds  de  hauteur.  La 
sentence  po;tait,  de  plus,  que  ses 
membres  seraient  attachés  aux  por- 
tes des  principales  villes  d'Ecosse  : 
«  Ah  I  s'écria  Montrose ,  que  ne  me 
»  coupe-t-on  eu  un  assez  grand  «cra- 
»  bre  de  morceaux,  pour  rappeler 
))  à  chaque  village  du  royaume  ia 
w  fidélité  qu'un  sujet  doit  à  son  roi?  î) 
Il  mit  même  cette  pensée  en  assez 
beaux  vers;  il  avait  toujours  cultive' 
les  lettres.   11  marcha  au  supp'ice 


4i  MON 

comme  il  marchait  au  coinbal  ;  il 
liaiangiia  le  peuple  ,  et  l'exhorta  vi- 
vement à  rentrer  sous  l'aulorite  légi- 
time de  Charles  II,  fils,  dit-il,  de 
Cluirles  le  Martjr.  Pomait  il  penser 
fjue  cette  expression,  (piil  employait 
pour  la  première  fois ,  serait ,  un 
jour,  consacrée  par  l'usage  dans 
toute  la  Grande  -  Bretagne  ?  Ainsi 
périt,  le  21  mai  i5jo,  à  l'âge  de 
trente-huit  ans  ,  ce  héros  ,  modèle 
des  vrais  royalistes.  Le  cardinal  de 
lletz  le  peignit  par  ce  seul  mot  : 
«  C'est  un  de  ces  hommes  qui  ne  se 
))  rencontrent  plus  dans  le  monde , 
»  et  qu'on  ue  retrouve  que  dans  Pju- 
w  îanjuc.  »  S — V — 5. 

MONTUCLA  (  Jean  -Etienne  ) , 
savant  mathématicien,  né  à  Lyon 
en  1725,  était  fils  d'un  négociant  , 
qui  le  destinait  à  la  carrière  du  com- 
merce; mais  envové  au  collège  des 
Jésuites  de  cette  vilie  ,  l'un  des  éta- 
Llisscraents  les  plus  complets  que  la 
Société  eût  eu  France ,  il  s'appliqua 
aux  langues  anciennes  et  aux  ma- 
thématiques avec  une  ardeur  qui  ré- 
véla sa  vocation,  et  lui  mérita  la 
Kienveillance  de  ses  maîtres.  Resté 
orphelin  à  l'âge  de  seize  ans,  il  aila 
suivre  un  cours  de  droit  à  Toulouse; 
et  après  avoir  pris  ses  grattes,  il  vint 
à  Paris  perfectionner  sou  éducation 
dans  la  société  des  savants  et  des  ar- 
tistes. Admis  aux  réunions  littéraires 
qui  avaient  Jieu  chez  Jombert  ,  li- 
braire instruit  (  F.  Jombert  ,  XXI , 
(joH),  il  se  lia  bientôt  avec  Lcblond  , 
d'Alembert,  Cochin^  etc.,  dont  les 
conseils  furent  très  utiles  au  jeune 
mathématicien.  Possédé,  comme  il  le 
disait  lui-même, du  démon  delà  volr- 
glotiomaide ,  Montucla  avait  appris 
sans  maître  l'italien,  l'anglais,  l'alle- 
mand et  !e  hollandais;  il  joignait  à 
mie  instruction  solide  autant  que 
\ ai iée,  une  mémoire  brillante;  une 


RION 

clocuUon  vive  et  animée.  Tous  ce* 
avantages  le  firent  proraptement  con- 
naître; et  il  fut  associé  à  la  rédac- 
tion de  la  Gazette  de  France,  jour- 
nal presque  uniquement  consacra 
alors  a  la  littérature  et  aux  sciences. 
Dans  le  même  temps  il  publia  chez 
Jombert  quelques  opuscules,  en  gar- 
dant l'anonyme  ;  et  il  préparait  l'ou- 
vragç  qui  lui  assure  une  place  distin- 
guée parmi  les  meilleurs  analystes 
d'un  siècle  oîi  les  sciences  exactes  ont 
brilléd'un  si  grand  éclat.  Bacon  avait 
fait  voir  de  (juelle  utilité  serait  l'his- 
toire des  développements  de  l'es- 
prit humain  dans  ses  diverses  bran- 
ches; et  Montmort,  digne  d'entrer 
dans  les  vues  de  ce  grand  homme, s'é- 
tait occupé  de  tracer  V Histoire  des 
mathématiijues  (  F.  Monthiort  )  : 
mais  son  ouvrage  était  perdu,  etMon- 
tucla,  à  peine  âgé  de  trente  ans,  osa 
concevoir  l'idée  de  réparer  cette 
perte.  Les  difficullés  de  toute  espèce  ' 
que  présentait  ce  travail  immense, 
ne  furent  peint  capables  de  le  rebu- 
ter; et  il  fit  j^ruaitre,  en  1768,  la 
première  édition  de  cet  ouvrage  ,  où 
l'on  ne  sait  ce  qu'on  doit  le  plus 
admirer,  de  l'élendue  et  de  la  profon- 
deur des  recherches,  ou  delà  clarté  et 
de  la  précision  avec  laquelle  y  sont 
traitées  les  matières  les  plus  abstrai- 
tes. Appelé  à  Grenoble,  en  1761, 
pour  y  remplir  les  fonctions  de  se- 
crétaire de  l'intendance,  il  y  forma, 
quelques  années  après,  une  union  qui 
contribua  au  bonheur  du  reste  de  sa 
vie.  Le  chevalier  Turgot,  chargé,  eu 
17  04,  de  l'établissement  d'une  colo-^- 
loiiie  à  Caienne^  demanda  Montucla, 
qui  l'accompagna  comme  premier 
secrétaire,  litre  auquel  il  joignit  ce- 
lui d'astronome  du  roi.  L'expédition 
ne  fut  pas  heureuse.  Après  une  absen-* 
ce  de  quinze  mois  ,31ûutuc!a  revint, 
rapportant    des   observations  dou6 


MON 

©n  rcgrcltc  la  ])crtc',  des  plantes  cu- 
rieuses pour  les  serres  de  Versailles, 
et  le  haricot  sucré ,  ([iii  a  angineiite 
le  iiornljrc  de  nos  Ic^iiraes.  Il  se  liàta 
de  rejoiiidie  une  epuiise  cliciie,  qu'il 
avait  laissée  à  Grenoble;  mais  Co- 
cliiu  ,  lui  ay.iiit  procure  ,  peu  après  , 
la  place  de  preuiicr  commis  des  bâti- 
ments de  la  couronne,  il  revint  se  fi- 
xer à  Paris,  au  milieu  de  ses  anciens 
amis  ,  à  qui  sa  position  lui  permit  de 
rendre  les  services  qu'il  en  avait  i^c- 
çus,  d'autant  plus  qu'il  fut  aussi  nom- 
me' censeur  royal.  Les  devoirs  de  sa 
charge,  et  i' étude  des  mathemaliques, 
qu'il  n'abindonna  jamais  tout-à-fait, 
partagèrent  sa  vie  pciidaut  vingt-cinq 
années.  La  rc'volulion,  en  le  privant 
de  ses  traitements,  le  laissa  sans  for- 
tune :  sa  générosité  ne  lui  avait  pas 
permis  de  s'occuper  de  l'avenir;  et 
sa  modestie,  autant  que  la  prudence, 
l'empêcha  de  réclamer.  Compris  ,  à 
son  insu ,  dans  une  liste  de  savants  à 
qui  le  gouvernement  accorda  des  se- 
cours ,  il  fut  charge,  en  1795,  de 
l'analyse  des  Traités  déposés  aux  ar- 
chives des  affaires  étrangères.  La 
même  année ,  il  fut  nommé  profes- 
seur de  mathématiques  à  une  des 
écoles  de  Paris  ;  mais  sa  mauvaise 
santé  l'éloigna  d'un  emploi  qu'il  n'a- 
vait point  sollicité.  Retiré  à  Ver- 
sailles ,  il  y  travaillait  à  la  nouvelle 
édition  de  l'Histoire  des  mathéma- 
tiques, augmentée  de  toutes  les  dé- 
couvertes du  dix  -  huitième  siècle  , 
lorsqu'il  mourut  d'une  rétention  d'u- 
rine, le  18  décembre  179c).  Depuis 
deux  ans  ,  un  bureau  de  loterie  était 
la  seule  ressource  de  sa  famille  ;  et  il 
n'avait  joui  que  quatre  mois  d'une 
pension  de  cent  louis  que  M., François 
de  Neufcliùtcau  lui  avait  fait  donner 
après  la  mort  de  Saussure.  Montucla 
était  membre  de  l'académie  de  Ber- 
lin ,  depuis   i"')") ,  et  de  l'Institut  ^ 


IVION  4'; 

depuis  sa  création.  Simple  dans  ses 
manières  ,  modeste  a  l'excès  ,  bon  , 
sensible,  obligeant,  il  fut  l'im  des 
hommes  les  plus  aimables  et  les 
})lus  vertueux  de  l'époque  où  il  a 
vécu.  Outre  une  excellente  édition 
des  Récréations  inalliéniatiques  d'O- 
zanain  (  177B,  4  vol.  in-8°.  ) ,  dont 
il  fit  un  livre  tout  neuf  (  i  )  par 
la  multitude  d'articles  refaits  ou 
ajoutés  (  F.  OzANAM  ) ,  çt  une  tra- 
duction des  Voyages  de  Carver  dans 
l'intérieur  de  l'Amérique  septentrio- 
nale ,  avec  des  remarques  et  addi- 
tions, Paris,  1784,  in-8^.,  on  a  de 
Montucla  :  L  Histoire  des  recher- 
ches sur  la  quadrature  du  cercle, 
Paris,  1754,  iJi  -  l'-i,  fig-  Cet  ou- 
vrage ,  devenu  rare  ,  est  intéressant, 
par  le  tableau  des  découvertes  qu'ont 
lait  éclore  les  tentatives  infructueuses 
pour  la  solution  dur.  problème  trom- 
peur. L'auteur  en  a  reproduit  ce  qu'il 
y  a  de  plus  important ,  dans  son 
Histoire  des  mathématiques  (  tome 
i*"'.) ,  et  dans  ses  Récréations  (tome 
I '''■.)  IL  Recueil  de  pièces  concer- 
nant l'inoculation  de  la  petite -vé~ 
raie,  trad.  de  l'anglais,  ibid.,  1706, 
in- 12.  m.  Histoire  des  mathémati- 
ques,  Paris,  1758,  •!  vol.  in  -  4*^  ; 
nouvelle  édit.  très-augmentée,  ibid., 
1799-1802,  4  vol.  in-4°.  Montarla 
mourut  pendant  l'impression  du  troi- 
sième volume.  Lalande ,  son  ami,  se 
chargea  de  revoir  le  manuscrit,  et 
de  compléter  cet  important  travail;, 
pour  lequel  il  s'associa  plusieurs 
savants  distingués.  Mais  on  ne  peut 
se  dissimuler  que  les  deux  derniers 
volumes  ,  bien  inférieurs  aux  pré- 
cédents, n'offrent  le    plus  souvent 


(i;  Le  titre  iiorti',  par  31.  de  C.  G.  F. ,  rjni  si-;-:!  • 
fient  de  Chanta  ^  Géomètre  h'orézien  ,  dn  nom  diri 
petit  douiiiinc  qr.e  sa  fauiiJle  avait  dans  le  Fore/.  Au 
moyen  de  ce  (loçjtiiseuieTit,  ii  put  lui-même  annroii- 
vcr  le  livre,  qui  lui  lut  renvoyé  cornue  censeur  pouff 
les  ouvrages  lualLc.iidtiqucs. 


46 


MON 


([ii'unc  lourde  <:;azcttc  d'optique  et 
d'astrouomic  p!iy.si(|uc,  où  se  trou- 
vcut  parfois  dts  jugements  hasardés, 
ïj'oiivrage  est  uéaumoins  précieux, 
et  le  plus  complot  cpie  nous  ayons  sur 
cette  i.':al;cre.  L'aiilcur  eût  mis  plus 
d'ordre  cl  de  rapiJilé  dans  son  tra- 
vail ,  s'il  n'y  avait  pas  mêlé ,  peut- 
être  a  sse?  mal  à  pn  po"; ,  des  rcsii- 
mcs  tliéi-rirpies  sur  les  diverses  par- 
ties lie  la  science.  Le  tf  me  m  ,  pré- 
cédé d'u'ie  préface  de  Lalande,  est 
orne  du  portrait  de  Montuc'a  ,  dia- 
prés une  miniature.  Le  (pialrième 
volume ,  qui  conlieut  Tbistoire  de 
l'astronomie ,  est  celui  auquel  La- 
lande  a  eu  le  plus  de  part  (  on  y  a 
réuni  le  portrait  de  ce  savant,  gravé 
par  les  suius  de  M.  Janvier,  son  élè- 
ve, et  un  extrait  de  V Eloge  de  Mon- 
lucla  ,  par  Savinien  Lebloud  (  F^.  Le- 
BLOiND  ).  Le  Ma^as,  encjclopédiq. 
contient  une  courte  Notice  swr  ce  ma- 
lliématicien  ,  année  1799  ,  tome  v, , 
p.  40G-10.  W — s. 

MONTVALLON  (  André  Barri- 
GUE  DE  ),  savant  magistrat,  naquit 
à  Marseille,  en  167S.  L'ardeur  dé- 
mesurée pour  l'étude ,  qui  avait  con- 
sumé sa  première  jeiuicsse,  fît  place 
en  lui  au  goût  des  voyages  et  des  arts. 
Cette  dernière  passion  lui  procura 
l'affection  de  Boyer-d'AguilIes ,  con- 
seiller au  parlement  d'Ais.,  dont  il 
épousa  la  fille,  et  dont  il  devint  le 
collègue  et  le  collaborateur.  Une  ap- 
plication soutenue  à  l'étude  de  la  ju- 
risprudence le  rendit  bientôt  l'oracle 
de  sa  compagnie.  Retiré  à  la  campa- 
gne, en  1 720,  il  y  composa  un  Abré- 
gé des  principes  du  droit  romain^ 
qui  fut  classique  dès  sa  publication. 
Un  travail  bien  différent  occupa  sa 
plun)e;il  mit  au  pur,  à  la  sollici- 
tation de  l'intendant  Lebrct ,  une 
dissertation  sur  la  peste,  et  sur  la 
manière  dont  elle  se  communique: 


MON 

il  y  réfutait  Chirac  ,  et  les  parti- 
sans lie  son  opinion  (  V.  Chirac  ). 
Le  parlement  ayant  condamné  au 
feu  un  accusé  que  Montvallon  ju- 
gea innocent ,  celui-ci  publia  Qua- 
tre lettres  écrites  d' Jix ,  »  733  ,  iii- 
4". ,  où  il  rendait  compte  au  chan- 
celier des  motifs  qui  avaient  décidé 
sa  conviction  et  celle  d'un  petit  nom- 
bre de  ses  collègues.  11  n'avait  pas 
attendu  pour  s'expliquer  ouveite- 
nient  la  iiu  de  cette  procédure,  qui 
fit  beaucoup  de  sensation.  D'Aguej- 
seau ,  qui  depuis  long  -  temps  ap- 
préciait ses  lumières  ,  en  réclama 
le  tribut,  lorsqu'il  prépara  ses  or- 
donnances sur  les  donations ,  les 
testaments  et  les  substitutions.  Mont- 
vallon  exécuta,  par  ordre  du  parle- 
ment d'Aix ,  un  Précis  des  ordon- 
nances ,  déclarations ,  lettres-pa- 
tentes, statuts  et  règlements  ,  dont 
les  dispositions  étaient  le  plus  eu 
usage  dans  le  ressort  du  parlement 
de  Provence,  Aix  ,  i'jo'i,  in-12. 
Dans  ce  cadre  étroit ,  mais  complet, 
les  textes  législatifs  sont  disposés 
par  ordre  alphabétique  ;  la  date 
des  enregistrements  est  exactement 
indiquée  ,  et  des  notes  laconiques 
éclaircissent  les  points  obscurs.  UE- 
pitome  juris  et  legum  roinana- 
ruiii  frequentioris  usûs  ,  jiixtà  se- 
riem  Bigestoruni,  par  Montvallon  , 
Aix,  1758,  in-12,  a  eu  plusieurs 
éditions.  Montvallon  mourut  à  Aix, 
le  18  janvier  1779.  Unecomplexiou 
délicate  avait  souvent  contrarié  ses 
travaux;  et  le  chagrin  troubla  ses 
dernières  années.  11  a  fourni  plu- 
sieurs observations  aux  Mémoires 
de  l'académie  des  sciences,  années 
1730  et  suiv.  Mais  l'ouvrage  qui  le 
fit  connaître  le  plus  avantageusement 
est  son  T'Tcui'ej'U  sjsièine  sur  la 
transmission  et  les  effets  des  sons  , 
sur  la  proportion  des  accords  et  la 


I\ION 

méthode  d'accorder  juste  les  or- 
gues et  clcwecins ,  Avignon ,  i  '^50  , 
dcuxicinc  édition.  On  ca  trouve  un 
extrait  dans  l'Iiistoire  de  l'acadcniic 
des  sciences,  de  1 74^-  ;  et  le  P,  Cas- 
tel  en  a  donné  un  autre  dans  le  jour- 
nal de  Trévoux,  Montvallou  était 
très-habile  sur  le  clavecin.  Il  consa- 
crait aussi  ses  loisirs  k  la  littératu- 
re; et  il  a  laissé  manuscrit  un  diction- 
naire provençal-français,  et  un  re- 
cueil de  ])oésies  provençales.  F — t. 
MO^ÏYON  (  Antoine  -  Jean- 
Baptiste  -  Robert  Auget  ,  baron 
)t>E  ),  né  le  '^6  décembre  1733  ,  avait 
pour  sœur  M"^'^.  de  Fourqueux,  qui 
est  souvent  nommée  dans  les  Re- 
cueils d'anecdotes  du  dix -huitième 
siècle  (i).  Il  se  destina  de  bonne 
heure  à  la  magistrature.  Entré  au 
conseil  du  roi,  il  fut  le  seul  qui ,  en 
1 766 ,  tenta  de  s'opposer  à  l'infrac- 
tion des  lois  de  l'état,  par  laquelle 
ce  conseil  se  trouvait  transformé  eu 
commission  criminelle  pour  juger 
La  Chalotais.  Plus  tard  ,  il  refusa  de 
coopérer  à  la  suppression  des  cours 
de  jus'iice  en  installant,  dans  la  pro- 
vince dont  l'administration  lui  avait 
été  confiée,  le  corps  de  magistrats 
désigné  par  le  chancelier  Maupeou 
pour  y  remplacer  la  cour  depuis 
long  -  temps  existante.  Il  perdit  son 
intendance  par  ce  refus ,  et  ne  devint 
conseillerd'ciat  qu'en  1775.  Il  avait 
été  successivement  intendant  de  Pro- 
vence, de  l'Auvergne  et  du  pays  d'Au- 
nis.  Nommé,  en  janvier  17S0,  chan- 
celier de  M.  le  comte  d'Artois,  il 
dotnia,  dans  cette  place  ,  de  beaux 


(1)  On  n  (lublip,  tomiiie  clai:t  d'elle^sais  y  tiiel- 
Ire  pum*tt*ut  son  jioni)  ;  Julie  d'Olniotit  ,  et  Amélie 
de  I^réi'iUe  ou  le  ■.VoUtaii'e  ,  ifiotî.  ?>  vol.  in-i^;  ou 
Confessions  de  M'^'.  rie  **'  Principes  de  morale 
pour  se  conduire  dans  le  inonde^  iRi6  j  i  vo\  in-12. 
M.  de  Moiifyoo  désavouait  ce  s  ouvrages  ,  et  il  voulut 
liomiueuieiit  rcu.ire  plainte  cootie  l'iniprctsinn  des 
prélcuj'iui  Confisitom  do  «i"'"8,  de  Foiu-<jiieux. 


MON  47 

exemples  de  désintéressement.  Il 
n'avait  pins  auprès  du  second  frère 
de  Louis  XVI  que  le  titre  de  son 
chancelier  honoraire  lorsque  nos 
premiers  troubles  politiques  le  dé- 
terminèrent à  passer  en  Angleterre, 
où  il  séjourna  pendant  un  grand 
nombre  d'années  ;  il  y  fut  nommé 
membre  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres. Il  avait  fondé  ,  en  1780,  sans 
se  nommer,  un  prix  de  l'.ioo  francs 
pour  être  adjugé  tous  les  ans,  par 
l'académie  française  ,  à  l'ouvrage  le 
plus  utile  au  bien  teinpovfl  de  l'hu- 
manité ,  qui  aurait  paru  dans  l'an- 
née. L'académie  ne  crut  pas  devoir 
étendre  cette  fondation  jusqu'à  tous 
les  genres  d'écrits  (1)5  elle  en  exclut 
les  arts  et  les  sciences,  comme  n'étant 
point  de  son  ressort,  et  avec  d'autant 
plus  de  raison  que  M.  de  Monlj'on 
avait,  quelque  temps  auparavant, 
fondé  à  l'académie  des  sciences  (  en 
gardant  déjà  l'anonyme  )  un  prix  de 
même  valeur  jiour  les  objets  dont 
cette  compagnie  s'occupe  spéciale- 
ment. Au  total ,  ses  fondations  de 
prix  se  montaient ,  avant  la  révolu- 
tion ,  à  un  capital  de  plus  de  Goooo 
francs.  L'académie  française  ne  com- 
mença que  le  iG  janvier  1783  à  dé- 
cerner le  prix  d'utilité  (  F.  Epinay). 
Cette  académie  était  aussi  chargée 
de  décerner  le  prix  de  vertu  insti- 
tué par  le  même  bienfiitcur  de  l'hu- 
manité (/".  PouETiER  dansîa  Eiogr. 
des  hommes  vivants).  Ces  donations 
devinrent  nulles  par  la  suppression 
des  académies  en  1 790  ;  M.  de 
Montyon  les  a  remplacées  avant  de 
mourir.  Il  avait  lui-même  concouru 
deux  fois  à  l'académie  française  ;  il 


(i)  I.rs  ac.Klemicluns  français  s'<'\cliircTit  du  droit 
de  prendre  part  nix-Miènirs  h  e<'  nouveau  ronrours  , 
qu'ils  bornèrent  '»  la  lîllcratuie  en  '^enerivl  ;  ri  ils  s!a- 
t!!Creuf,  d'ailleurs,  que  parmi  les  livres  bons  el  ntiies 
on  couronnerait  celui  cjui  ie  rait  jugé  «voir  le  plus 
jraud  oierite  de  style. 


48 


MON 


Y  oblhil,  ca  1777  ,  lin  arrcssit  ])otu* 
l'Eloge  du  chancelier  de  V  Jlûpital; 
et  remporta  le  dernier  prix  dc'ccrnc 
par  la  nicme  compagnie  sur  la  ques- 
tion De  l'injluencc  de  la  découverte 
de  V Améi  ique  Hir  V  Europe.  II  ob- 
tint encore  ,  en  1800,  !e  prix  qu'a- 
vait propose  l'académie  des  belles- 
lettres  de  Stockholm  Sur  le  progrès 
des  lumières,  du  dix-huitième  siè- 
cle. Nous  ne  connaissons  pas  son 
Mémoire  ;  mais  nous  sommes  per- 
suadés qu'en  comprenant  la  France 
dans  le  tableau  de  ce  siècle,  il  ne 
s'était  pas  mis  en  contradiction  avec 
lui-même  par  l'éloge  de  la  secte 
philosophique.  On  se  souvient  que, 
dans  un  rapport  fait  au  roi  en  1796, 
il  avait  signalé  cette  secte  comme 
ayant  servi  à  la  destruction  de  la 
monarchie.  Dans  ses  écrits  ,  mais 
surtout  dans  ses  actes  de  Lieulai- 
sance ,  M.  de  Montyou  se  montrait 
im  véritable  philantrope  moderne  : 
il  suivait  en  ccia  l'esprit  du  temps 
qui  a  précédé  les  révolutions  ;  mais 
il  ne  donna  jamais  dans  les  erreurs 
de  nos  philosophes  modernes.  Dé- 
voué constamment  à  la  famille  des 
Bourbons ,  il  suivit  1*  roi  à  son  re- 
tour en  France.  Il  fut  souvent,  pen- 
dant les  dernic-res  années  de  sa  vie, 
consulté  en  raison  de  la  connaissance 
parfaite  qu'il  avait  des  traditions 
de  l'administration  ,  connaissance 
qu'il  déclarait  avoir  duc  priucipa~ 
lement  à  M.  de  Trndaine.  N'ayant 
presque  jamais  fréquenté  que  le  grand 
monde  et  les  savants  ou  gens  de 
lettres  les  plus  distingués  ,  il  savait 
prodigieusement  d'anecdotes,  et  les 
racontait  de  la  manière  la  plus  at- 
tachante. Il  est  mort  à  Paris  le  29 
décembre  iSuo,  âgé  de  quatre-vingt- 
sept  ans.  Il  aurait  pu ,  au  dernier 
terme  de  sa  carrière ,  répéter  ce  qu'il 
disait  au  ro  i  eu  1 796  :  «  Ma  vie  n'a 


MON 

1)  pas  eu  nn  graiid  éclat  ;  peut-être 
»  en  a-t-elie  eu  trop  pour  inonboii- 
»  heur.  Cependant,  si  je  puis  me  fé- 
»  licilcrdcquelquesactionslouables, 
»  j'ai  pris  plus  de  soin  pour  les  ca- 
»  cher ,  que  d'autres  n'en  ont  pris 
»  pour  en  cacher  de  répréhcnsiblcs. 
»  Celles  de  mes  actions  qui  ont  eu 
»  une  publicité  indispensable  prou- 
»  A'ent  que  je  n'ai  point  l'ame  sei- 
»  vile,  rf  D'après  Textrême  économie 
avec  laquelle  il  vivait  depuis  son  re- 
tour en  France,  comme  il  avait  vécu 
en  Angleterre  oii  cependantsix  mille 
francs  étaient  annuellement  repar-; 
tis  par  lui  parmi  ses  compagnons 
d'exil  ,  et  aussi  parmi  les  malheu- 
reux prisonniers  fi'ançais  .  mais  sans 
que  ses  bienfaits  fussent  connus  ) ,  on 
ne  devait  pas  soupçonner  qu'il  pos- 
sédât encore  une  grande  fortune  , 
disséminée  dans  les  différentes  par- 
ties de  l'Europe.  Il  est  même  permis, 
d'après  ses  dispositions  testamen- 
taires ,  de  croire  qu'il  ne  la  con- 
naissait pas.  Il  n'aimait  à  dépenser 
que  pour  de  bennes  œuvres,  pour 
des  œuvres  qu'il  jugeait  utiles  à  l'hu- 
manité. De  i8i5a  i8'2o  il  Cl  aux  bu- 
reaux de  charité  de  plusieurs  des  ar- 
rondissements de  Paris,  divers  dons 
très  -considérables,  qui  ont  été  em- 
ployés à  des  achats  de  rentes  pour 
les  indigents.  Au  moment  de  ses  ob- 
sèques, le  deuil  était  composé  d'un 
très-petit  nombre  de  personnes^  mais 
plusieurs  centaines  de  pauvres  y  ac- 
coururent spontanément  des  difté- 
rentes  parties  de  la  capitale ,  et  ver- 
sèrent des  larmes  abondantes  sur  la 
dépouille  mortelle  de  leur  bienfai- 
teur. Dans  sou  testament ,  daté  du 
\'2  novembre  1819,  et  où  se  trou- 
vent beaucoup  de  dispositions  géné- 
reuses qui  doivent  l'honorer  comme 
Français,  comme  ami  de  la  morale 
publique,  des  scieuces  et  des  lettres ,, 


MON 

il  a  stipule  deux  legs  de  loooo 
francs  en  faveur  de  l'académie  fran- 
çaise ;  l'un  pour  un  prix  de  vertu , 
et  l'autre  ])our  l'ouvrage  qui  dans 
l'année  sera  jiip;c  le  plus  utile  aux 
bonnes  mœurs.  Par  une  clause  par- 
ticulière ,  ces  deux  sommes  peu- 
vent être  doublées,  triplées  ,  miilti- 
plie'es  enfin  selon  l'évaluation  de  la 
succession  el  la  nature  des  autics 
legs  :  il  en  résulte  que  le  total  des 
deux  legs  faits  àracadémiescrapciil- 
être  porté  à  près  d'un  million.  Un 
autre  legs  de  M.  dclMontyon ,  au  pro- 
fit des  hospices,  s'élève,  par  suite  de 
la  même  clause,  à  1,800,000  francs. 
On  regarde  sa  succession  comme 
étant  de  4  à  5  raillions.  11  a  laissé 
une  petite  -  nièce  ,  la  comtesse  de 
Balivière,  qui  semble  l'avoir  pris 
pour  modèle  dans  ses  bonnes  ac- 
tions. L'académie  française  a  décidé 
qu'un  de  ses  membres  prononcerait 
l'éloge  de  ce  magistrat,  qui  s'est  ac- 
quis tant  de  droits  à  la  reconnais- 
sauce  des  sociétés  savantes  de  Fran- 
ce. Elles  ne  comptent  guère,  parmi 
les  particuliers,  de  bienfaiteurs  aussi 
constants.  L'académie  des  sciences 
a  adjugé,  dans  le  m&is  d'avril  i8'^i, 
un  prix  de  statistique  qu'il  avait  fon- 
dé. Il  en  a  aussi  fondé  un  de  phy- 
siologie expérimentale,  qu'une  or- 
doiuiance  du  roi ,  en  date  du  '22  juil- 
let 1818,  a  autorisé,  pour  l'ouvrage 
imprimé  ou  manuscrit  qui  aura  paru 
avoir  le  plus  contribué  aux  progrès 
de  celte  science.  Enfin  3oo  frai;cs 
de  rente  sur  l'Etat  avaient  été  des- 
tinés par  lui,  eu  1819,  à  un  piix 
de  mécanique  (  1  ).  M.  de  Montyou 

(3)  Un  des  prix  fondes  par  M.  de  llonlvon  ,  en 
»vril  17^*9,  avait  pour  ol)ji  t  de  découvrir  !o  moyen 
de  rendre  les  vpcrtitiom  mècufnqiies  tnoin^  tlarii^e- 
feuses  et  inoifis  malsaines.  Loivs  X VI  fit  erriie  it 
l'académie  des  scieures  par  M.  Anielot  ,  secrtl;iire 
d'elat  ,  qu'il  v.>y;)it  avec  la  pins  grande  salisfacliiiii 
cel  arle  de  bienlnisauce  el  d'humanité  ,  et  qu'il  re- 
^rcll lit  de  u'cu  avoir  pas  eu  lui-mèiue  Tiilée. 

XXX. 


MON  4q 

peut  encore  être  cité  comme  écri- 
\aiu  distingué.  C'était  lui  qui  avait 
rédigé  le  Mémoire  des  princes  ,  en 
i'-8ç);  et  ce  travail  lui  valut  d't:- 
tre  inscrit  un  des  premiers  sur  la 
liste  rie  ceux  qu'on  devait  mettre 
à  la  lanterne.  Il  publia  ,  en  i  '•()()  , 
à  Londres^:  I.  Son  Bapport  fait 
à  S.  M.  Louis  XriII,  in -8".  de 
3o3  pages,  à  l'occasion  du  Ta- 
bleau de  V Europe  en  i^fp,  qu'a- 
vait publié  M.  de  Galonné,  et  dans 
lequel  l'ex-ministre  exprimait  cette 
opinion  paradoxale,  qu'avant  l'^Sg 
il  n'existait  pas  de  constitution  po- 
litique en  France.  Du  reste,  M.  de 
Montyon  prouve  que  les  lois  de  l'é- 
tat n'ont  pas  toujours  ob(ei:u  chez 
nous  le  respect  qui  leur  était  dij;  mais 
il  observe  que  plusieurs  des  abus  exis- 
tants dans  l'ancien  gouvernement 
étaient  des  irrégularités  .  philof  que 
des  vexations,  et  que  la  liberté  publi- 
que avait,  depuis  quarante  ans  sur- 
tout ,  acquis  dans  l'opinion  un  défen- 
seur qui  croissait  et  se  fortifiait  jour- 
nellonent  ,  et  dont  l'ascHidant  eût 
été  pour  la  France  un  bonheur ,  si 
son  influence  se  fût  bornée  a  la  con- 
servation des  mœurs  pubiiuios  et  à 
une  simple  action  de  résistance;  si 
elle  n'eût  pas  affiché  la  prétention 
de  devenir  le  guide  du  gouverne- 
ment ,  dont  elle  ne  devait  être  que 
le  censeur.  Louis  XVIIÎ  fit  impri- 
mer ce  rapport  à  ses  dépens ,  et  dai- 
gna écrire  de  sa  main  à  i'auteur  pour 
le  remercier.  On  a  encore  de  M.  de 
Montyon  :  II.  Eloge  de  Corneille.,  su- 
jet proposé  par  l'Institut  de  France  , 
en  iSo'j  :  l'ouvrage  de  M.  de  Mon- 
tvon  m-  fut  point  admis  au  cojicours, 
d'après  des  considérations  particu- 
lières ;  mais  il  le  fit  imprimer  en 
Aug  eîcrre.  HT.  Quelle  es  -rce  d'in- 
fluence onl  les  di\'e:  ses  esptces  d'im- 
pôts iwr  1(1  moralité  p  l'actii'ité  et 

4 


5o 


MOxN 


l'industrie  des  peuples,  Paris ,  1 808, 
iii-8".  Celle  question  avait  e'te'  pro- 
posée par  la  bociélë  royale  de  Goet- 
tiugiie;  des  raisons  politiques  la  de'- 
teriiiinèrcnt  à  ne  point  donner  ce 
prix.  IV.  Particid  uiiés  et  observa^ 
lions  sur  les  ministres  des  jinances 
de  France,  les  plus  célèbres,  depuis 
j66o ,  jusqu'en  1791,  Londres, 
181 '2,  in -8".  L'édition  qui  en  fut 
irapriméeà  Paris,  dans  la  mcme  an- 
née, était  tronquée  ;  cet  ouvrage  est 
rempli  de  vues  ingénieuses,  de  résu- 
més bien  faits  et  d'anecdotes  intéres- 
santes. V.  Etat  stalistiqiie  du  Tun- 
hin.  Le  Journal  des  savants  (  mai 
1779),  dit  que  l'on  attribue  en 
partie  au  même  magistrat  le  livre 
deMolieau  qui  a  pour  titre  :  Recher- 
ches et  considérations  sur  la  popu- 
lation de  la  France  ,  Paris  ,  1778, 
in-8°. Cette  opinion  a  prévalu  assez 
généralement.  L — p — e. 

MONVEL  (Jacques  IMarte  Bou- 
TET  DE  ) ,  acteur  de  la  Comédie- 
Française  et  auteur  dramatique  , 
naquit  à  Lunéville  ,  en  1745.  H 
était  fils  d'un  comédien  qui  avait 
joué,  eu  province,  les  rôles  à  man- 
teau. Le  jeune  Monvel  débuta  au 
Théâtre-Français,  le  20  avril  1770; 
il  y  fut  reçu  en  1772.  Double  de 
Mole,  pour  l'emploi  des  jeunes  pre- 
miers et  des  amoureux,  il  était  loin 
d'avoir ,  dans  la  comédie,  les  grâces 
naturelles  et  le  brillant  prestige  de 
ce  célèbre  acteur;  mais  il  y  faisait 
preuve  d'une  si  grande  intelligence, 
il  y  apportait  tant  de  soins ,  qu'on  ne 
pouvait  se  dispenser  de  lui  tenir 
compte  de  ses  efforts.  Il  joua ,  d'ail- 
leurs, quelques  rôles  tragiques,  no- 
tamment ceux  de  Séide  et  de  Xi- 
pharès,  avec  autant  de  chaleur  et 
peut-être  plus  d'art  que  son  chef 
d'emploi.  Lorsque  le  théâtre  perdit 
Lekain  ,  IMonvel  se  crut  en  droit 


MON 

de  réclamer  les  premiers  rôles;  mai» 
il  ne  tarda  pas  à  reconnaître  que 
c'était  une  prétention  au-dessus  de 
ses  forces;  et  il  fut  bicutôt,  ainsi 
que  Mole,  contraint  de  renoncer  à 
un  emploi  oii  son  défaut  de  repré- 
sentation et  la  faiblesse  de  sa  santé' 
lui  faisaient  perdre  presque  tous  les 
avantages  qu'il  avait  attendus  de  sou 
talent.  Monvel  ne  tarda  pas  à  recou- 
vrer, par  ce  sacrifice,  la  faveur  pu- 
bhque:  mais  il  ne  parut  pas  alors 
y  attacher  un  très-grand  prix;  car, 
après  avoir  rempli  avec  le  plus  bril- 
lant succès  le  rôle  du  jeune  Bramine, 
dans  la  P'euve  du  Malabar,  il  quitta 
subitement  la  France  (  1  781).  Ce  brus- 
que départ  (  ordonné  par  la  haute- 
police  ) ,  fit  naître  toutes  sortes  de 
conjectures  ,  qui  furent  consignées 
dans  les  chroniques  scandaleuses  de 
ce  temps,  et  que  nous  nous  garde- 
rons de  rapporter.  IMonvcl  se  rendit 
à  Stockholm,  où  le  roi  de  Suèdp 
l'employa  en  qualité  de  lecteur  et  de 
comédien  ordinaire.  Il  y  resta  jus- 
qu'en 1786,  époque  où  il  revint  à 
Paris  ,  pour  faire  représenter  les 
Amours  de  Bojard,  pièce  de  sa. 
composition.  Il  s'attacha  ,  quelques 
années  après  ,  aux  Variétés  du  Pa- 
lais-Royal, nouveau  spectacle  qui , 
à  la  fin  de  179*^,  prit  le  nom  de 
Théâtre  de  la  République,  et  auquel 
se  réunirent,  en  1799,  presque  tous 
les  anciens  acteurs  de  la  Comédie- 
Française,  que  les  malheurs  de  la 
révolution  avaient  dispersés.  Son  âge 
le  forçant  alors  de  lenoncer  aux 
rôles  tragiques  qui  avaient  fait  sa 
réputation,  il  ne  se  chargea  plus 
guère  que  des  personnages  de  pères 
nobles  et  de  grands  raisonneurs.  Il 
en  joua  quelques-uns,  entre  autres. 
Auguste  (de  Cinna) ,  Fénélon ,  l'abb* 
de  l'Epée,  et  le  Curé  (de  Mélanie) 
avec  une  supcriorilé  d'autant  plus  re 


MON 

tiiarqnable  ,  que  le  nombre  clés  bons 
acteurs  conimcntj:ait  à  «liminiier  sen- 
siblement autour  de  lui.  Il  se  relira 
en  1806;  et  il  mourut  en  1811  (le 
i3  février),  âge  de  soixante-six  ans. 
Cet  habile  comédien,  le  plus  intelli- 
gent, peut-être,  de  tous  ceux  que 
nous  avons  connus ,  se  serait  proba- 
blement e'Ieve'  au  rang  des  Baron  et 
des  Lekain,  si  la  force  de  sa  cora- 
plexion  avait  répondu  à  la  chaleur 
de  son  ame  et  à  la  profondeur  de 
sou  talent.  C'était  ta  propos  de  lui 
que  M"'',  Clairon  disait  :  «  On  an- 
»  nonce  Achille,  Horace,  un  héros 
»  quelconque  qui  vient  de  gagner 
)>  une  bataille,  en  combattant  pros- 
«  que  seul  contre  des  ennemis  for- 
»  midables;  ou  bien  un  prince  si 
»  charmant,  que  la  plus  grande  prin- 
5>  cesse  lui  sacrifie  sans  regret  son 
»  trône  et  sa  vie ,  et  l'on  voit  arriver 
»  un  petit  homme^fluet,  sans  force 
»  et  sans  organe  :  que  devient  alors 
1)  l'illusion?  »  Il  y  avait  assurément 
du  vrai  dans  ces  observations  criti- 
ques; mais  plus  elles  étaient  fondées, 
plus  Monvel  avait  de  mérite  à  vain- 
cre, pour  ainsi  dire,  la  nature,  et  à 
nous  arracher  des  applaudissements. 
Toute  sa  physionomie  était  dans 
ses  yeux,  qu'il  avait  grands  et  ex- 
pressifs. Son  art  consistait  principa- 
lement dans  l'étude  approfondie  de 
la  valeur  des  mots,  dans  l'extrême 
justesse  du  débit,  dans  la  savante 
économie  des  détails.  Il  avait,  du 
reste,  une  sensibditc  profonde ,  et 
personne  n'a  mieux  combine  les  di- 
verses ressources  du  pathétique.  Mais 
tel  était,  vers  les  dernières  années  de 
sa  vie  théâtrale,  l'a Ifaibiissemcnt  de 
SCS  organes,  qu'il  n'osait  plus  s'aban- 
donner à  des  développements  dont  il 
n'aurait  pu  soutenir  la  fatigue.  Il  se 
voyait  contraint  d'y  suppléer,  en 
remplaçant  la  force  par  la.  finesse  ^ 


MON  5l 

f  t  de  rabaisser  le  Ion  delà  déclama- 
lion  tr.'.gique  ,  pour  l'accommoder 
à  la  faiblesse  de  sa  voix  et  de  ses 
autres  moyens  jdiy.sjijiies.  La  perte 
de  ses  dents  contribuait  d'ailleurs  à 
rendre  sa  prononciation  aussi  dilll- 
cile  pour  lui-même  que  pénible  pour 
ses  auditeurs;  et,  lorsqu'il  se  retira  du 
théâtre,  il  ne  lui  restait  presque  plus 
de  mémoire.  Nul  cloute  que  le  comé- 
dien ne  l'emportât  en  lui  sur  l'auteur 
dramatique  :  un  grand  nombre  de 
scsproducticns ,  cependant,  ont  reça 
des  applaudissements  ;  et  quelques- 
unes  sont  restées  au  théâtre.  Il  écri- 
vait négligemment  ;  mais  il  enten- 
dait assez  bien  la  scène ,  et  il  dia- 
loguait avec  chaleur.  Monvel  était , 
après  Sedaine,  l'homme  qui  savait 
le  mieux  prêter  au  jiatois  de  nos 
paysans  des  grâces  na'ives  et  piquan- 
tes. La  i"'.  représentation  de  son 
Amant  Bourru^  pièce  dont  un  ro- 
man de  M™^.  deRiccoboni  lui  avait 
fourni  le  sujet,  fut  pour  lui  une  sorte 
de  triomphe.  Il  joua  dans  cette  co- 
médie le  rôle  de  Monlalais ,  et  il  le 
lit  singulièrement  valoir;  mais  ce  fut 
principalement  au  jeu  de  Mole, 
son  ennemi,  chargé  du  rôle  princi- 
pal, qu'il  dut  ie  brillant  succès  de 
l'ouvrage.  Le  public  ayant  demandé 
à  grands  cris  Mole  et  Monvel ,  ces 
deux  rivaux  ,  enthousiasmés,  se  pré- 
cipitèrent dans  les  bras  l'un  de  l'au- 
tre; et  les  acclamations  redoublées 
des  speclatem's  scellèrent  une  récon- 
ciliation, qui  depuis  ne  fut  pas  rom- 
pue. On  rapporte  à  ce  sujet  une  au- 
tre particularité  :  C'est  aujourd'hui 
qu'on  juge  mon  procès,  dit  Monta- 
lais  dans  le  cours  de  la  pièce  :  il  est 
gagné ,  cria  quelqu'un  du  fond  de 
la  salle;  et  tout  le  public  répéta  ces 
mots,  que  la  reine ,  Marie -Antoi- 
nette ,  présente  à  la  représentation  , 
daigna  elle  même  applaudir  avec  une 
4.. 


5i  MON 

bienveillance  remarcpiable.  Pourquoi 
faut-il  que,  peu  d'aniiccs  après,  un 
homme  toujours  favorablement  trai- 
té par  la  cour  en  ait  montre  si  peu 
de  reconnaissance  ;  et  que  dans  l'é- 
glise de  Saiut-Roch ,  au  mois  de  no- 
vembre 1793  ,  prostituant  la  chaire 
de  vérité  ,  il  ait  osé  prononcer  contre 
ce  qu'il  y  a  de  plus  sacré  au  monde, 
les  plus  horribles  imprécations?  Les 
révolutionnaires  lui  avaient  com- 
mandé un  discours  pour  la  fête  de 
la  raison,  où  il  figura  ainsi  qu'une 
grande  partie  de  ses  camarades  :  il 
le  prononça  avec  l'énergie  qu'il  met- 
tait dans  le  rôle  de  Séide,  et  il  le  fit 
imprimer  sous  ce  titre  :  Discours 
fait  et  prononcé  par  le  citoyen 
Manuel  ,  dans  la  section  de  la 
Montagne ,  le  jour  de  la  fête  de 
la  raison,  célébrée  dans  la  ci-de- 
vant église  de  Saint  -  Roch ,  le  10 
frimaire  an  11  de  la  répuhlique 
une  et  indivisible  ,  Paris ,  Lefer  , 
an  II  ,  in  -  8°.  de  32  pages  ;  on  en 
trouve  les  principaux  passages  dans 
les  Essais  sur  la  révolution  de 
i^rance  ,  par  M.  Beaulieu,  5*^.  vol., 
p.  252.  Celte  révolution,  où  l'on  a 
vu  tant  de  clioses  étranges ,  n'a  rien 
produit  de  plus  impie  et  de  plus  au- 
dacieux ;  on  ne  peut  guère  expliquer 
un  aussi  fâcheux  épisode  de  la  vie 
de  Monvel,  que  par  sa  faiblesse  de 
caractère  et  sa  pusillanimité.  La  vé- 
rité est  qu'il  s'en  repentit  amèi'ement; 
et  l'on  nous  a  même  assuré  qu'il  ne 
s'en  est  jamais  consolé.  Après  le  9 
thermidor  (27  juillet  1794)7  il  f"t 
désarmé  comme  anarchiste ,  par  dé- 
libération de  la  section  du  Mail ,  où 
il  demeurait.  Ses  ouvrages  drama- 
tiques sont  :  L  Au  Théâtre-Français  , 
I".  V Amant  Bourru  ,  comédie  en  3 
actes  et  eu  vers  libres ,  dont  nous 
avons  parlé,  1 3  août  1777,  in-8". 
—  a'*.  Clémentine  et  Désarmes , 


MON 

drame  en  5  actes  et  en  prose,  1780. 
—  3^.  Les  Amours  de  Bayard,  co- 
médie héroïque  en  3  actes  et  en 
prose ,  1 78G ,  in-80.  —  4"*.  Les  V^ic- 
times  cloîtrées ,  drame  en  4  actes  et 
en  prose,  1791 ,  in-S". ,  où  il  y  a  de 
fortes  situations,  mais  où  toutes  les 
convenances  sont  blessées ,  et  qui 
dut  principalement  son  grand  succès 
aux  circonslances.  —  5°.  La  Main  de 
fer  ou  Rixlehen  ,  comédie  en  5  actes 
et  eu  prose,  i794- — 6".  La  Jeunesse 
du  duc  de  Richelieu ,  ou  le  Lovelace 
français  ,  drame  en  5  actes  et  en 
prose  ,  composé  en  société  avec  M. 
Alex.  Duval  ,  1796,  in-80.  —  7°. 
Mathilde ,  drame  en  5  actes  et  en 
prose  ,  1799,  in-8°.  IL  A  l'Opéra- 
Comique  :  i  ".  Julie  ,  comédie  en  3 
actes  ,  mêlée  d'ariettes  ,  musique  de 
Dezède,  1772  ,  in -8°.  —  2°.  V Er- 
reur d'un  m.oment ,  ou  la  suite  de 
Julie,  comédie  en  i  acte,  mêlée  d'a- 
riettes, musique  de  Dezède,  1773,  , 
in-S".  —  3°.  Le  Stratagème  décou- 
vert,  coméd.  en  2  actes  et  en  pi-ose, 
mêlée  d'ariettes,  musique  de  Dezède, 
1773,  in-8''.  —  4°-  I^es  Trais  Fer- 
miers, coméd.  en  2  actes,  mêlée  d'a- 
riettes ,  musique  de  Dezède,  1777, 
in-8".  —  o^.  Le  Porteur  de  chaise, 
coméd.  parade  ,  en  prose,  mêlée  d'a- 
riettes, musique  de  Dezède,  1778, 
iu-8".  (  I  )  —  6°.  Le  Charbonnier 
ou  le  dormeur  éveillé,  comédie  en  4 
actes ,  1 780.  —  70.  Biaise  et  Babet , 
ou  la  Suite  des  Trois  Fermiers,  co- 
médie en  2  actes  ,  mêlée  d'arieltes, 
musique  de  Dezède  ,  1788  ,  in  -  8'*. 
—  8°.  Alexis  et  Justine,  comédie 
en  2  actes ,  mêlée  d'ariettes  ,  musi- 
que de  Dezrde,  1785,  in-8".  (2)  — 

(i)Cptte  pièce  a  reparu  en  I  acte,  le  ii  )au\ier 
1781 ,  sous  le  titre  de  Jcrdine  et  Champagne. 

(?.)  Plusieurs  de  ces  pièces  ,  envovées  de  Sut-de 
par  l'auteur  ,  furent  arrangées  pour  l'opéra-comiquc 
el  le  musicien  par  Sr.nvigny  ,  etc.  ;  et  celle  inèiue 
iX'AUxis  ei  Justine  fut  réduite  à  deui actes.  G — CE. 


MON 

^'^.  Sargines  ou  VElàçe  de  l'amour, 
comc'dic  chevaleresque  ,  eu  4  actes  , 
mêlëe  d'ariettes  ,  musique  de  Dalcy- 
rac,  1 788,  iu-8°.  —  1 0°.  Raoul,  sire 
de  Crëqid,  comédie  en  3  actes,  mê- 
lée d'ariettes,  musique  de  Daleyrac, 
1789,  in -8". —  1 1".  Le  Chêne  pa- 
triotique ,  ou  la  Matinée  du  1 4  juil- 
let, comédie  en  'i  actes,  mêlée  d'a- 
rictles,  musique  deDaieyrac,  1790. 
—  vx°.  Agnès  et  Olivier,  opéra  en 
3  actes,  eu  prose,  musique  de  Da- 
leyrac, 1791.  —  i3",  Roméo  et  Ju- 
liette ou  Tout  pour  V amour ,  opéra 
en  4  actes ,  musique  de  Daleyrac , 
1 792.  —  1 4**.  Amhroise  ou  Foilà 
ma  journée ,  opéra  -comique  en  un 
acte,  musique  de  Daleyrac,  1793, 
in-B".  —  1 5°.  Urgande  et  Merlin , 
opéra  en  3  actes,  musique  de  Daley- 
rac ,  1 793.  —  1 6°.  Philippe  et  Geor- 
gette,  opcra-comique  en  i  acte,  mu- 
sique de  Daleyrac  ,  1793,  in-8°.  — 
17°.  Le  Général  suédois ,  fait  his- 
torique en  '2  actes ,  musique  de  Della- 
Maria ,  1799.  III.  Au  théâtre  des 
Variétés  du  Palais-Royal  :  1°.  L'Heu- 
reuse indiscrétion,  comédie  on  3  ac- 
tes et  en  vers ,  1 789.  —  2".  Le  Po- 
tier de  terre ,  coméd.  en  3  actes  et 
en  prose^  1791^  On  a,  en  outre,  de 
Mouvel ,  un  roman  historique,  inti- 
tulé Frédé^orule  et  Brunehaut ,  in- 
o^. ,  avec  gravures  ,  1 776  ;  et  quel- 
ques poésies  fugitives,  qui  furent  in- 
sérées dans  divers  journaux.  Une 
farce  qu'il  fit  jouer  à  Choisy ,  en 
1777,  "'^'^  T'i  n'est  point  impri- 
mée ,  est  intitulée  a.  e.  i,  o.  u.  Il 
avait  retouché  et  réduit  en  trois  actes 
les  Deux  nièces,  comédie  de  Boissy, 
1785,  in-8°.  Au  double  talent  d'au» 
teur  et  d'acteur,  il  joignait  celui  du 
lecteur  le  plus  séduisant  ;  aussi  le 
comédiens  se  dénaient-ils  de  lui  et 
d'eux-mêmes  lorsqu'il  se  chargeait 
de  lenr  lire  une  pièce  nouvelle.  Il 


MOO  55 

avait  été  élu  membre  de  l'Institut,  à 
une  époque  où  ce  corps  ne  se  faisait 
pas  scrupule  d'admeltrc  des  acteurs 
dans  sou  sein  ;  et  quelque  temps 
après  ,  le  Conservatoire  impérial  le 
compta  au  nombre  do  ses  profes- 
seurs. II  a  laissé  plusieui's  enfants  , 
parmi  lesquels  un  (ils,  (|ui  porte  son 
nom,  et  quia  ai'ssi  cultivé  la  poé- 
sie j  et  une  (illo  ,  M'^^.  Mars  cadette, 
qui  est  aujouril'hui,  dans  la  comé- 
die ,  la  meilleure  de  nos  actrices. 
Monvel  fut  inhumé  au  cimc;ière  de 
Montmartre. Urcdéputalion  de  l'Ins- 
titut ,  et  presque  tous  les  acteurs  de 
la  capitale ,  suivirent  son  convoi.  Le 
secrétaire  perpétuel  de  la  4*^'  classe 
de  l'Institut ,  et  l'acteur  Lafon,  du 
Ïhéàtrc-Français,  prononcèrent  un 
discours  sur  sa  tombe.     F.  P — t. 

MOONEN  (  Arnold  )  ,  théolo- 
gien hollandais  ,  de  la  communion 
réformée,  né  à  Zwoll  ,  en  i644, 
mort  en  1 7 1 1  ,  exerça  le  ministère 
sacré  à  Devenler ,  et  s'est  distingué 
comme  préclicalenr,  comme  poète  et 
cumiiie  grammairien.  On  a  de  lui  : 

I.  Quelques  volumes  de  sermons,  sur 
la  Focation  du  patriarche  Abra- 
ham (  Delft ,  1 7 1 5  ,  in-4'^.  )  ;  sur  la 
Passion  de  N,  S.  J.-C.  (  Deventer, 
1702  ,  in-4^.  )  ;  sur  la  Prédication 
de  Saint- Paul  parini  les  Gentils 
{  Delft,  1715,  in-4°.  );  sur  le  xv!!*^. 
Chapitre  du  livre  des  Actes  des  Apô- 
tres :  la  plupart  ,  sinon  tous  ,  tra- 
duits en  allemand.  Pierre  Francius , 
bon  juge,  l'estimait  le  meilleur  pré- 
dicateur hollandais  de  son  temps. 

II.  Une  Grammaire  de  la  langue 
hollatidaiss ,  publiée  en  17  16,  et 
fréquemment  réimpriroéc.  Il  n'en 
avait  point  paru  de  comparable  avant 
lui ,  et  elle  n'a  pas  encore  cesse  d'ê- 
tre le  manuel  des  puristes.  III.  Des 
Poésies  hollandaises,  Amsterdam, 
1700,  et  1720,  1  vol.  in-4°.  Le 


54 


MOO 


vieux  corypliëc  du  Parnasse  batavc, 
Voudcl ,  avait  sip;nale  Mooncu  par- 
mi ceux  i[iii  devaient  lui  succéder. 
Braudt,  VVcstcrLaan,  Poot,  Broek- 
biiizcD,  eu  faisaient  grand  cas  :  ce 
dernier,  qui  a  écrit  eu  latin  sous  le 
nom  de  Broukliusius,  célèbre  sur- 
tout les  ëglogues  ou  idylles  deMoo- 
ncn  dans  une  fort  belle  tlégie  latine, 
la  prejnièrc  du  second  livre  de  ses 
Poëmata  (Amsterdam,  171 1  ,  in- 
4°.  )  L'hisloricn  de  la  poésie  hol- 
landaise, M.  de  Vries,  (tome  i ,  p. 
3G1  ),  ne  lui  a  pas  rendu  peut-être 
assez  de  justice.  IV.  Mooiien  culti- 
vait aussi  la  poésie  latine  :  ses  Poé- 
viata  laiina  ont  paru  à  Groningne, 
l'jiG,  in-8°.  j  on  y  remarque  trop 
de  réminiscences.  M — on. 

MOOlvE  (Sir  JoNAs),  raatliéraa- 
niaticien  anglais,  ne  en  1617,  à 
Wbitle  ,  dans  le  Lancashire ,  était 
maître  de  mathématiques  de  Jacques, 
second  fds  de  Charles  I"^'. ,  lorsque  la 
guerre  civile  de  i64o  éclata.  11  pro- 
fessa publiquement  pendant  la  pé- 
riode qui  s'écoula  jusqu'à  la  reslau- 
ralion  de  Charles  IT  ',  alors  ce  prince 
lui  donna  la  place  d'intendant  de 
rarlilleric.  Moore  se  servit  du  crédit 
qu'il  avait  à  la  cour,  pour  faire  éri- 
ger la  maison  de  Flamsteed  en  obser- 
vatoire public  ,  et  pour  fonder  une 
c'cole  de  mathématiques  à  l'hôpital 
du  Christ;  et  c'est  à  son  zèle  et  à  ses 
talents  que  l'Angleterre  doit  l'éta- 
blissement d'un  système  régulier 
d'instruction  mathématique.  Il  mou- 
rut à  Godalming  (  sur  la  routé  de 
Portsmouth,  à  Londres  )  ,  le  27 
août  1679;  et  ou  lui  éleva  un  mo- 
nument dans  la  chapelle  de  la  tour 
de  Londres.  11  a  laissé  plusieurs 
ouvrages  :  I,  arithmétique  en  deux 
livres  ,  5^4^017',  l' Arillnnélique  vul- 
gaire et  V.^ls,èhre.  II.  Ahi-égé  de 
Maihéinatiqws^    III.     Truiié   gé- 


MOO 

ne'ral  sur  V Artillerie,  traduit  de 
l'italien.  IV.  Plusieurs  Traités  sur 
l'Arithmétique  ,  la  Géométrie  pra- 
tique ,  la  Trigonométrie  et  la  Cos~ 
mograpliie.  Perkins  y  a  ajouté  V Al- 
gèbre,  la  Navif^ation  et  les  Livres 
d'Euclide;  et  Flamsteed,  VAstro- 
jiomie  et  la  Doctrine  de  la  sphère. 
Ce  recueil  fut  publié  par  la  famille 
de  Woore,  eu  1G81  ,  in-4".       L. 

MOORE  (Fba>çois),  voyageur 
anglais,  alla  tn  Afrique  en   1780, 
comme  écrivain  du  fort  Saint- Jac- 
ques, sur  la  Gambie,  et  y  resta  jus- 
qu'en 1735. 11  remonta  le  fleuve  jus- 
qu'à la  distance  de  deux  cents  lieues 
de  la  mer  j  ce  qui  le  mit  à  même  d'ob- 
server de  près  les  mœurs  et  les  usa- 
ges des  nègres  de  ces  contrées.  A  son 
retour  en  Angleterre,  il  publia  une 
relation  intitulée  :  Forages  dans  les 
parties  intérieures  de  L'Afrique,  con- 
tenant une  description  de  plusieurs 
nations  qid  habitent  le  long  de  Ict 
Gambie ,  dans  une  étendue  de  Goo 
7nz7/^.y ,  Londres ,  1788,  i  vol.  in- 
8".  On  y  trouve  beaucoup  de  parti- 
cularités intéressantes  et  nouvelles , 
entre  autres  T  histoire  de  Job-ben-Sa« 
loraou  (  V.  tome  XXI  ,  p.   676  }. 
Moore  gagne,  par  sou  ton  de  vérité, 
la  confiance  de  ses  lecteurs,  et  fixe 
leur  attention.  Sa  relation  fut  réim- 
priméeen  1742,  Londres,  i  vol.  in- 
4*^.  avec  (Igures.  11  y  joignit  :  Voya- 
ge de  Stibhs  dans  la  Gambie;  ce 
voyage   eut  lieu  de  1723  à  1724: 
on  y  trouve  peu  de  choses  curieu- 
ses. —  Voyage  de  Leach  dans  la 
Gambie  :  l'auteur  le   fit  en  166 « , 
remonta  jusqu'aux   cataractes ,  au- 
dessus  de  Barraconda  ,  et  acquit  de 
grandes  richesses  ,  par  la  traite  de 
l'or:  il  dressa  une  carte  de  sa  navi- 
gation, et  joignit  à  sa  relation  .  dcs- 
Exlraits  de  Lt'cn  VAfricainet  d'au- 
tres géographes ,  et  un  /'ocabulain: 


MOO 

mandingue.  Le  voyage  de  Moorc  fut 
encore  rëiiu prime  en  i77(',  Londres, 
1  Aol,  in -8**.,  avec  la  relation  de 
Slibbs  :  il  a  été  extrait  et  traduit  en 
français  ,  avec  les  relations  de  Slibbs 
et  de  Leach  ,  par  M.  Lalleniant.  Ces 
extraits  forment  le  second  volume 
des  Voyages  de  Ledyai'd  et  de  Lucas 
en  Afrique,  Paris,  i8o4,  2  vol. 
in-S-^.  E— s. 

MOORE  (Robert  ),  habile  maître 
d'écriture  et  ])liilologue  anglais  , 
exerçait  sa  profession  à  Londres , 
et  mourut  (Vers  1727.  On  a  de  lui: 
I.  UAide  du  matre  d' Ecriture , 
iticjfij  réimprime'  en  1704.  IL 
7'he  gênerai  Penman,  \yi.5.  IIL 
Court  Essai  sur  l'invention  primi- 
tive de  l'écriture^  avec  des  exem- 
ples gravées  ;  ouvrage  qui  a  été  fort 
utile  a  ceux  qui,  après  lui,  ont  écrit 
sur  le  même  sujet.  L. 

MOORE  (Puilippe),  théologien 
anglais  ,  recteur  de  Kirkbridge  et 
chapelain  de  Douglas ,  mort  le  2a 
janvier  1783,  âgé  de  soixaute-dix- 
huit  aus ,  a  joui  d'une  grande  consi- 
dération dans  son  pays  pour  sa  piété 
douce ,  sou  esprit  original,  et  le  talent 
qu'il  avait  de  rendre  l'instruction 
aimable.  Plusieurs  ecclésiastiques  dis- 
tingués ont  été  formés  par  ses  leçons. 
A  la  sollicitation  de  la  société  pour 
la  propagation  de  la  doctrine  chré- 
tienne, il  se  chargea  de  la  révision 
delà  traduction  des  Saintes-Écritures 
dans  la  langue  des  habitants  de  l'île 
de  Man,  et  de  quelques  autres  livres 
de  religion,  imprimés  pour  l'usage  de 
ce  diocèse  :  mais  son  plus  beau  îiti'e 
littéraire  est  sa  Correspondance  fa- 
milière avec  des  liouimes  du  pi-emier 
ordre  ,  et  qui  ne  le  cède  ni  eu  soli- 
dité, ni  en  agrément  à  aucun  autre 
recueil  de  ce  genre.  L. 

MOORE  (  Le  docteur  Jean  ) ,  mé- 
decin et  littérateur  écossais  ,  né  à 


MOO 


55 


Stirling,  en  1780,  avait  pour  père 
nu  ministre  de  l'Eglise,  qu'il  perdit  à 
l'âge  de  cinq  aus.  Après  avoir  suivi 
les  lercjiis  de  deux  professeurs  célè- 
bres ,  les  docteurs  Hamiiton  et  Cul- 
Icn  ,  en  1747  ?  il  f"t  envoyé  sur  le 
continent ,  et  employé  à  l'armée  de 
Flandre  ,  comme  aide  (  mate  )  dans 
les  h(j|iitaux  militaires  de  Macstricht 
et  de  Fiessingue.  Il  fut  ensuite  nom- 
mé chirurgien-adjoint  du  régiment 
des  gardes  a  pied  ;  et  après  être  reste 
à  Bréda  avec  le  régiment  jusqu'à  la 
paix  (  1748)  ,  il  revint  à  Londres, 
reprit  ses  études  sous  le  docteur  Hun- 
ier ,  et  partit  bientôt  après  pour 
Paris,  où  il  obtint  la  protection  du 
comte  d'Albemarlc, qui  l'avait  connu 
en  Flandre  ,  et  qui  était  ,  à  cette 
époque ,  ambassadeur  auprès  de  la 
cour  de  France.  Moore  devint  le 
chirurgien  de  sa  maison,  et  profita 
des  sources  d'instruction  qu'il  trou- 
vait à  Paris  :  i\  se  rendit  à  Londres 
deux  ans  après  ,  pour  suivre  les 
cours  du  docteur  Smellie,  qui  jouis- 
sait d'une  grande  réputation  comme 
accoucheur  ,  et  retourna  en  Ecosse, 
où  il  exerça  la  chirurgie  à  Glas- 
gow. Lorsqu'il  fut  parvenu  à  l'âge 
de  quarante  aus  ,  un  incident  ouvrit 
une  nouvelle  carrièi'e  à  son  esprit 
nalurellement  actif  et  observateur. 
En  1 769 ,  Jacques-George ,  duc  d'Ha- 
milton,  fils  du  duc  d'xîrgyle,  jeune 
seigneur  d'une  grande  espérance , 
ayant  été  attaqué  d'une  maladie  de 
poitrine,  fut  traité  par  Moore,  et 
succomba  malgré  tous  les  eiTtris  de 
l'art.  Mooie,  q".i  avait  été  témoia  des 
soulTrauces  ciuelles  et  de  la  résigna- 
tion du  jeune  Hamilton  ,  fît  gra\  rr 
sur  sa  tombe  une  épitaphe  dans  la- 
quelle il  rappelait  ces  circonstances, 
et  faisait  l'éloge  des  qualités  de  co 
seigneur.  Sa  famille  en  fut  exlrême- 
meut  touchée  :  s' etaut liée  inlim émeut 


fie 


MOO 


avec  Moorc,  elle  le  pria  d'accompa- 
gner sur  le  continciil  un  autre  fils  de 
la  duchesse  d'Ara  vie,  dont  la  consli- 
tutioiictaitaussiforf  dolicate.  Moore, 
qui  venait  d'obtenir  les  degrés  de 
docteur  en  médecine,  partit  avec  son 
Jeune  pupille ,  et ,  pendant  un  sé- 
jour de  cinq  ans  hors  de  l'Angle- 
terre ,  visit  1  la  France  ,  l'Italie  ,  la 
Suisse  et  la  Hollande.  A  son  retour, 
en  1778,  Moore  vint  se  fixer  à 
Londres  avec  sa  famille;  et  il  y  pu- 
blia, l'année  suivante,  le  re'sultat  de 
ses  voyages  sous  le  titre  de  Coiip- 
d'œil  sur  la  .société  et  les  mœurs  en 
France,  Suis:.e  et  Allemagne ,  1 
vol.  in-8°.,  1779.  Deux  ans  après  il 
fit  paraître  la  continuation  du  même 
ouvrage  sous  le  litre  de  Coup-d'œil 
sur  la  société  et  les  mœurs  en 
Itale,  'jivol.in-8'>.,  1781.  Os  deux 
ouvrages  ont  ctë  traduits  en  français, 
par  ]M.  Henri  Ricu  ,  Genève,  1799, 
4  vol.  in-8  '.  M'l«.  de  Fontenay  a  pu- 
blié une  nouvelle  traductitin  (lu  pre- 
mier de  ces  ouvrages,  sous  le  litre 
de  F'ojage  de  John  Moore  en  Fran- 
ce,  etc. , y  ans  ,  1806,2  vol.  in-8". 
Moore,  ayant  passé  un  si  grand 
nombre  d'années  tant  en  Ecosse 
qu3  sur  le  continent,  no  pouvait 
espérer  d'avoir,  à  Londres,  une 
clientelle  nombreuse.  Pour  se  faire 
connaître,  il  publia,  en  1785,  ses 
Esquisses  médicales,  ouvrage  qui 
fut  favorablement  accueilli  ,  mais 
qui  n'appurta  pas  un  grand  change- 
ment dans  sa  situation.  L'^rsque  la 
révolution  française  éclata,  le  doc- 
teur Moore,  qui.  pendant  son  séjour 
en  France ,  tout  en  ronflant  justice  au 
caractère  de  ses  liabitants,  avait  jugé 
trop  sévèroment  son  gouvernement, 
parce  qu'il  diîfcr;.i}  de  celui  de  l'An- 
gleterre, fut  ravi  d'aj>prenJre  qu'il 
allait  être  modifié.  Il  désirait  vive- 
ment être  témoin  des  cbaiisements 


MOO 

qui  allaient  s'opérer  :  aussi  accepta- 
l-il ,  avec  empressement ,  loflrcque 
lui  fit  le  comte  de  Lauderdale ,  de 
l'accompagner  à  Paris.  Ils  s'y  ren- 
dirent en  août  1792  ;  mais  les  mas- 
sacres de  sept<mbie ,  el  les  autres 
ati  ocités  dont  ils  furent  les  témoins  , 
les  décidèrent  à  retourner  en  Angle- 
terre vers  la  fin  de  cette  année. 
Moore  continua  de  s'y  occuper  de 
littérature,  jusqu'à  sa  mort,  arrivée 
le  28  février  i!So'2,  dans  sa  maison 
de  Ciiil'ord-Street ,  suivant  quel  ji-cs 
biographes  ,  et  dans  sa  terre  de  Ri- 
cbemond  ,  suivant  d'ai.trcs.  Outre 
les  ouvrages  dont  nous  avons  parlé, 
on  a  de  Mocre  :  i.  Zeluco,  Londres, 
1786.  Ge  roman  rempli  d'événe- 
ments intéressants  .  nés  des  pa  «ions 
désordonnées  d'un  enlant  gâté  ,  et  de 
l'aveuglement  d'une  mère,  est  re- 
marquable par  la  pureté  du  style, 
l'originalité  des  idées  ,  la  vénlé  des 
caractères,  et  surtout  par  sa  douce 
et  pure  morale  :  il  a  été  traduit  en 
français  par  Gantwell,  1796,  4  ^'ol. 
iu-i8.  IL  Edouard,  autre  roman 
moral ,  où  l'on  trouve  quelques  ta- 
bleaux assez  vrais ,  puisés  surtout 
dans  la  vie  el  les  mœurs  de  l'An- 
gleterre :  il  a  aussi  été  traduit  en 
français  par  Gant  well ,  1 797  ,  3  vol, 
in-i'2.  m.  Journaléciit  /  endanl  un 
séjour  en  France  ,  d'août  à  décem- 
bre 1792  ,  etc.  ,  avec  nue  carte  ,  2 
vol.  in-8°.  ,  1795.  IV.  f'ues  des 
causes  el  des  progrès  de  la  Révolu- 
tion française,  2  vol.  in-8\,  1796; 
dédie  au  duc  de  Devonshire.  Get  ou- 
vrage ,  qui  commence  au  règne  de 
Henri  IV,  et  se  termine  à  l'exclusion 
de  la  famille  royale ,  fut  composé  sur 
les  matériaux  que  Moore  avait  re- 
cueillis dans  le  troisième  voyage  qu'il 
fit  en  France ,  à  une  eqjoque  si  fé- 
conde eu  événements.  V.  Mordaunt 
ou  Esquisses  de  la  vie  ,  des  mœurs 


MOO 

et  des  caractères  de  divers  pays , 
contenant  l'hist'  ire  d'une  F  ancnis.e 
de  (jualité ,  1798,  '2  vol.  in-<S".  C'est 
une  série  ilc  lettres  que  l'cTilenr  sup- 
pose écrites  p:ir  Jean  Muiilauut, 
pendant  sa  rcîr.iiteà  Vevei,  et  dans 
lescpiellcs  il  fait  le  récit  de  ce  qu'il  a 
observe  de  plus  reiuarqnahle  eu  Ita- 
lie ,  en  Allemagne  ,  en  France  ,  en 
Portugal  ,  etc.  Cet  ouvrage,  intitule' 
R  nnan,  devrait  ]»orter  plutotle  titre 
de  Soiti'enirs.  iNIoorea  été  aussi  l'édi- 
teur des  ouvrages  de  Tobie  Mallet, 
médecin  ,  8  vol.  in-B".,  1797  ;  il  y  a 
joint  une  Notice  sur  la  vie  de  l'au- 
tcî.ir,ctc.  On  lui  attribue  encore  des 
OEuvres morales^  dont  MM, Pievost 
et  [ilagdon  ont  publié  des  extraits  , 
Londres,  i8o3,  2  vol,  in-8". ,  en 
anglais.  Dans  ces  œuvres,  Moore  trace 
le  portrait  des  principaux  person- 
nages (jui  ont  (iguré  dans  la  révolu- 
lion  trançaise,  dont  il  parle  en  ob- 
servateur exercé.  On  y  trouve  un 
aperçu  géogrjphique  des  villes  les 
plus  remarquai  des  de  l'Europe;  et 
les  éditeurs  y  ontajomé  des  notes  et 
une  Vie  de  Jean  Moore.  Cet  auteur 
avait  des  connaissances  tvcs-yarioes, 
mais  super' "cielles.  4près  qu'il  eut 
commence  ses  vojages  comme  gou- 
verneur ,  il  ac  }uit  la  réputation 
d'homme"  d'esprit ,  rempli  de  gaîlé, 
qualités  qui  dominent  dans  ses  jtro- 
ductions.  Ses  Fofages  obtinrent  un 
très-gran  1  succès  lors  de  leur  publi- 
cation, à  cause  des  scènes  remplies 
de  plaisanteries  fines  et  gaies;  mais 
la  fréquence  de  ces  plaisanteries  fait 
qu'ils  doivent  être  recherchés  plutôt 
pour  la  manière  spirituelle  avec  la- 
quelle l'auteur  raconte ,  que  pour 
l'exactitude  des  renseignements  ou 
la  profondeur  des  remarques.  Pai-rai 
ses  romans  ,  Zeluco  est  à  peu  près 
le  seul  qui  ait  conservé  une  certaine 
réputation.  D-z-s. 


MOO 


^7 


INIOORE  (  Sir  John),  général  an- 
glais ,  fds  du  précédent  ,  naquit  à 
Glasgow,  en  1761  ,  et  fut  élevé  sur 
le  continent,  pendant  le  séjour  que 
son  père  y  fit  avec  le  duc  d'Hamil- 
ton.  Par  la  protection  de  ce  seigneur, 
il  obtint,  en  1776,  le  grade  d'en- 
seigne dans  le  [)i^.  régiment  d'infan- 
terie, alors  en  garnison  à  iMinorque, 
fut  employé  à  la  guerre  d'Amérique, 
et  réformé  à  la  paix  de  1 783.  Il  en- 
tra ,  peu  après,  au  parlement,  où 
il  représenta  le  bourg  de  Lanerk. 
Eu  1788,  il  reprit  du  service  ,  et  se 
rendit ,  en  1793  ,  k  Gibraltar,  avec 
son  régiment,  et ,  l'année  suivante, 
fit  partie  de  l'expédition  cor.trc  l.i 
Corse,  sous  les  ordres  du  général 
Slewart,  qui  le  mit  à  la  tète  delà  ré- 
serve. Il  se  distingua  au  siège  de 
Calvi ,  et  reçut  sa  première  blessure 
à  l'assaut  du  fort  Morcllo.  Sa  bonne 
conduite  lui  valut  l'emploi  d'adju- 
dant-général.  Quekpies  différends  sur- 
venus entre  le  vice-roi  et  le  général 
Stewart,  ayant  fait  l'appeler  ce  der- 
nier, Moore  le  suivit  en  Angleterre, 
où  il  arriva  le  3  nov.  1 795.  Il  fut 
nommé  immédiateinent  brigadier - 
général,  et  attaché  à  une  brigade 
composée  des  hussai'ds  de  Choiseid , 
et  de  deux  corps  d'émigrés  français. 
Le  25  février  1796  ,  il  reçut  l'ordre 
de  prendre  le  commandement  de  la 
brigade  du  général  Perryn  ,  et  de 
s'embarquer  avec  elle  pour  les  Indcs- 
Occidcntales ,  sous  sir  Ralph  Alier- 
crombie  ,  qui  venait  de  mettre  ino- 
pinément à  la  voile ,  et  qui  avait 
laissé  cette  brigade  en  arrière.  A  son 
arrivée  aux  Barbades ,  il  se  rendit  au- 
près du  général  ALerci'ombie  ,  qui 
le  distingua  bientôt,  et,j)endant  le 
cours  des  opérations  contre  Sainte- 
Lucie,  qui  eurent  lieu  aussitôt  après, 
l'employa  dans  les  occasions  les 
plus    importantes.    Après  la   capi- 


58  i\:oo 

tiilation  de  cette  île  (  ^5  mai  1 796) , 
sir  Kalph  lui  fu  donna  le  gouverne 
ment.  De  nombreuses  bandes  de  nè- 
gres s'étaient  réfiij;;iées  dans  les  bois, 
él  ils  inquiétaient  les  troupes  anglai- 
ses :  Moore  parvint  à  les  réduire. 
Mais  l'insalubrité  du  climat  lui  don- 
na deux  fois  la  fièvre  jaune:  en  août 
1 797 ,  il  retourna  eu  Angleterre, 
pour  y  rétablir  sa  santé;  et  en  sep- 
tembre, il  suivit  à  Dublin  sir  Ralph 
Abercrombie,  nommé  commandant 
des  forces  anglaises  en  Irlande.  Lors 
de  la  rébellion  de  1798,  il  fut  d'a- 
bord employé  sous  le  major-général 
Johnstone,  à  l'affaire  de  JNew-Ross, 
oîiles  insurgcuts  éprouvèrent  de  gran- 
des pertes.  Détaché  ensuite  sur  Wei- 
ford,  dont  les  rebelles  s'étaient  em- 
parés, il  fut  attaqué  par  un  corps 
de  six  mille  hommes,  commandés 
par  un  prêtre,  nommé  le  général 
Roche;  mais,  malgré  l'infériorité 
tle  ses  forces ,  il  les  repoussa  ,  après 
un  sanglant  engagement.  Ayant  été 
joint  par  deux  régiments,  sous  les 
ordres  du  général  Dalhousie,il  mar- 
eha  sur  Wexford,  dont  il  s'empara. 
Moore  continua  de  servir  quelque 
temps  encore  en  Irlande,  où  il  fut 
élevé  au  grade  de  major-général,  et 
obtint  un  régiment.  En  juin  1799,  il 
accompagna  le  duc  d'York  dans  son 
expédition  de  Hollande,  et  y  reçut 
diverses  blessures.  Il  revint  dans  sa 
patrie  pour  s'y  rétablir;  le  roi  ajou- 
ta un  second  bataillon  au  5'i^.  régi- 
ment, et  lui  eu  donna  le  commande- 
ment de  la  manière  la  plus  flatteuse. 
Lorsque  ses  blessures  furent  fermées, 
il  accompagna  de  nouveau  sir  Ralph 
Abercrombie,  chargé  du  comman- 
dement des  forces  anglaises  qui  de- 
vaient se  rendre  en  Egypte  (  1800  ). 
]\Ioore  débarqua  d'abord  à  Malle , 
et  passa  ensuite  à  laffa ,  pour  exa- 
liuncr  i'arnicc  laraae;  ayant  juj^é 


MOO 

qu'elle  ne  pouvait  être  que  d'un  fai- 
ble secours,  le  général  en  chef  prit 
le  parti  de  débarquer  dans  la  baie  d' A- 
boukir  ,  et  de  marcher  immédiate- 
ment sur  Alexandrie.  Moore  blesse  à 
la  jambe,  à  la  bataille  d'Aboukir  (  r. 
Abercrombie),  fut  transporté  à  bord 
du  Diadème,  puis  conduit  à  Ro- 
sette, pour  changer  d'air  :  il  reprit 
ensuite  son  service,  et  après  la  pri- 
se d'Alexandrie,  il  retourna  en  An- 
gleterre, où  il  fut  fait  chevalier,  dé- 
coré de  l'ordre  du  bain,  et  obtint 
un  commandement  dans  l'intérieur. 
En  mai  1808,  Moore  fut  mis  à  la 
tète  d'un  corps  de  10,000  hommes, 

four  soutenir  le  roi  de  Suède  contre 
attaque  combinée  de  la  Russie,  de 
la  France  et  du  Danemark.  L'expé- 
dition arriva  à  Gothenbourg  le  7 
mai;  mais  des  difficultés  s'étant  éle- 
vées entre  le  roi  de  Suède  et  le  gé- 
néral anglais,  ce  dernier,  après  avoir 
été  un  instant  retenu  à  Stockholm  , 
par  ordre  de  Gustave  IV ,  parvint 
à  quitter  cette  capitale,  et  ramena 
les  troupes  en  Angleterre.  A  son  re- 
tour de  la  Baltique,  il  fut  envoyé 
en  Portugal ,  avec  les  forces  qu'il 
avait  ramenées  et  la  brigade  de  ca- 
valerie de  lord  Pagct  :  il  arriva  dans 
ce  royaume  ,  au  moment  de  la  con- 
vention de  Cintra.  SirHen,  Dalrym- 
ple  et  sir  Karry  Burrard ,  qui  l'a- 
vaient signée,  ayant  été  rappelés 
pour  rendre  compte  de  leur  condui- 
te, sir  Jean  Moore  fut  nommé  com- 
mandant en  chef.  L'armée  sous  ses 
ordres  devait  pénétrer  en  Espagne, 
et  se  réunir  dans  la  Galice  et  sur 
les  confins  du  royaume  de  Léon:  il 
devait  avoir  en  outre  scus  ses  or- 
dres sir  David  Baird  et  1 5, 000  hom- 
mes ;  et  on  lui  annonçait  qu'uue 
armée  considérable  d'Espagnols  cou- 
vrirait sa  marche  ,  et  soutiendrait 
ses   opérations.  Il   se    convai;:quit 


MOO 

bientôt  du  peu  de  fonds  qu'il  devait 
faire  sur  l'assistance  des  Espap;nols, 
et    de    rexaj;eratiou   des   rapports 
qu'on  lui  avait  adresses  sur  ce  pays. 
Énrgos  avait  e'te  dcsij^ine  comme  le 
point  de  réunion  des  dilfbrcntes  di- 
visions ^e  l'armée  anglaise;  et  non- 
seulement  cette  viile  ,  mais  Vallado- 
lid,  étaient  au  pouvoir  des  Français, 
qui  s'avançaient  à  sa  rencontre.  Il 
se  trouva   dans  la  viile  ouAerte  de 
Salamanque ,  avec    trois    brigades 
d'infanterie,   à   trois   marches  des 
Français,  sans   avoir  un  seul  coips 
avancé,  ni  un  piquet  espagnol  pour 
couvrir  son  front  ;  et  il  ne  pouvait 
être  rejoint  par  le  reste  de  son  ar- 
mée qu'au  bout  de  dix  jours.  Les 
corps  espagnols  étaient  séparés  l'un 
de  l  autre  par  toute  la  largeur  de  la 
péninsule.  Les  conséquences  fatales 
de  ce  manque  d'union  se  firent  bien- 
tôt sentir.  Blake  fut  défait,  et  Cas- 
tauos  ne  tarda  pas  à  éprouver  le 
même  sort  ;  de  sorte  qu'il  ne  res- 
tait plus  en  Espagne  aucune  armée 
à  opposer  aux  Français,  à  l'excep- 
tion de  celle  qui  était  sous  les  or- 
dres de  Moore,  et  qui  se  composait  de 
corps  également  disséminés.  Moore 
crut  devoir  se  retirer  vers  le  Portu- 
gal ,  et  presser  sa  réunion  avec  le  lieu- 
tenant-général Hope ,  qui  s'était  avan- 
cé vers  Madrid.  11  ordonna  ensuite  à 
sii-  David  Baird,  de  rcirairner  la  Co- 
rogne  en  toute  hâte.  L'opinion  des 
autres  généraux ,  et   les  pressantes 
sollicitations  de  son  armée,  déter- 
minèrent Moore  à  changer  de  réso- 
lution, et  à  se  diriger  sur  Madrid  , 
qu'on  lui  avait  assuré  pouvoir  résis- 
ter long-temps  aux  Français.  H  se 
décida  à  marcher  au-devant  du  gé- 
néral Soult ,  posté  à  Saldanha  ,  es- 
pérant que  s'il  parvenait  à  le  défaire, 
il  donncrriit  aux  années  espagnoles 
le  temps  de  se  rallier  et  de  se  réu- 


MOO 


59 


nir;  mais  après  quelques  escarmou- 
ches sans  résultat ,  Moore  étant  ins- 
truit  que  Buonapartc  en   personne 
cherchait  à  se  placer  entre  l'aruiée 
anglaise  et  la  mer,  et  craignant  d'ê- 
tre coupé,  cfTectiia  sa  retraite.  Suivi 
de  près  par  Buonapartc  et  Soult ,  ne 
recevant  aucun  secours  des  Espa- 
gnols, et  manquant  de  tout,   avec 
une  armée  harassée  de  fatigue,  il  ne 
put  éviter  d'avoir ,  à  Lugo  ,  un  en- 
gagement avec  ce  derniei'  :  l'armée 
anglaise  soutint  vivement  le  choc  ; 
et  il  paraît  que  la  bravoure  qu'elle 
montra  ,  détermina  le  général  fran- 
çais à  différer  une  attaque  plus  sé- 
rieuse, jusqu'au  moment  où  les  An- 
glais  se   prépareraient   à  s'embar- 
quer. Moore  trompa   l'ennemi ,    en 
faisant  allumer  de  grands  feux  pen- 
dant la  nuit  :  il  s'avança  vers  la  co- 
te à  marches  forcées,  et  gagna  ainsi 
une  avance  considérable.  Le  1 1  jan- 
vier  1809,    toute  l'armée  anglaise 
atteignit  La  Corogne,  où  elle  devait 
s'embarquer  :   on  n'y  trouva  aucun 
transpoit ,  et  la  bataille  devint  iné- 
vitable. Les  Français  n'attaquèrent 
que  vers  le  midi  du  16  janvier,  au 
moment  où  Moore  donnait  des  or- 
dres pour  l'embarquement.  Aussi- 
tôt qu'il  aperçut  toute  la  ligue  de 
l'ennemi  sous  les  armes  ,  il  monta  à 
cheval^  et  vola  au  combat.  Les  pi- 
quels  avancés  éiaient  déjà  engagés 
avec  l'ennemi  qui  descendait  rapide- 
ment la  colline  sur  l'aile  droite  des 
Anglais.  Dans  le  commencement  de 
l'action  ,  sir  David  Baird  eut  le  bras 
fracassé,  et  fut  obiigé  de  quitter  le 
champ  de  bataille.    A  ce  moment 
l'artillerie  française  plongeait  de  des- 
sus les  hauteurs,  et  les  deux  lignes 
d'infanterie  s'avancèrent  l'une  coutre 
l'autre  sous  une  grêle  déballes.  Elles 
étaient  cacore  séparées  par  des  murs 
de  iiiLi  re  et  des  iiaics.  Moore  se  mit 


6o 


MOO 


à  la  tète  du 5o^. régiment,  comman- 
de par  les  majors  Napicr  et  SlanLo- 
pe,  et  s'avança  vivement  sur  IV'nne- 
rai.  Le  premier  de  ces  officiers  est 
};;riève;iient  blesse' et  fait  prisonnier; 
le  second  tombe  mort  d'une  balle 
dans  la   poitrine  ;  Moore  s'avance 
alors  vers  le  4'^*^. ,  et  s'écrie  :  «  Mon- 
»  tagnards ,  souvenez-vous  de  V E- 
^>  gypte  ;  »  et  en   même   temps  il 
donne  l'ordre  à  nn  bataillon  des  gar- 
des de  les  soutenir.  Les  montagnards, 
dont  les  munitions  étaient  épuisées  , 
croyant  que  les  gardes  venaient  pour 
les  remplacer,  commençaient  à  re- 
culer •  mais  Moore  voyant  leur  mé- 
prise ,  leur  dit  :  «  Soldats  de  mon 
»  brave  ^•2'^. ,  rejoignez  vos  cama- 
»  rades,  les  munitions  vont  arriver, 
^  et  d'ailleurs  vous  avez  vos  baioiinct- 
»  tes.  »  Ils  obéirent,  et  revinrent  au 
combat.  Mais  au  moment  oîi  Moore 
les  exhortait ,  un  boulet  le  jeta   à 
ferre;  il  eut  la  f  rce  de  se  relever  et 
de  les  eshort'  l   encore.  Le  chirur- 
gien était  à  peine  arrivé  pour  le  pan- 
ser, qu'il  expiri  (  16  janvier  1809), 
après  avoir  demandé  des  nouvelles 
du  combat.  Or.  trouve  des  détails  sur 
les  actions  de  .lean  Moore,  dans  l'ou- 
vrage de  Jacques  Moore,   son  frè- 
re, intitulé  :  Histoàe  des  campa- 
gnes de  l'armée  anglaise  en  Espa- 
gne. Le  rapport  du  lieutenant  géné- 
ral Hope ,  sur  l'affaire  de  la  Coro- 
gne  ,  dans  lequel  il  rend  compte  des 
circonstances  qui  avaient  précédé  et 
de  celles  qui  avaient  suivi  la  mort 
du  général  Moore  ,   fut  amèrement 
critiqîié  dans  le  IMoniteur.  Chacun 
des  partis  s'attribua  la  victoire.  On 
ne  peut  disconvenir  cependant  qu'à 
en  juger  par  les  résultats ,  ce  ne  furent 
pas  les  Anglais  qui  demeurèrent  vain- 
queurs:  vivement    pressés  par    les 
Français,  ils  eurent  d'abord  beau- 
coup de  peine  à  gagner  la  Corogue  ; 


MOR 

cl  à  la  suite  de  rengagement  qui  eut 
lieu  auprès  de  cette  ville,  ils  abin- 
donnèrenl  toute  l'Espagne.  On  a  éle- 
vé un  momiment  au  général  Moore , 
dans  la  cathédrale  de  Saint-Paul ,  à 
Londies,  et  un  autre  dans  sa  ville 
natale.  D — # — s. 

MORA  Y  JARABAS  (  Paxtl  de  ), 
jurisconsulte  espagnol,  et  membre  du 
conseil  du  roi,  depuis  1768,  naquit 
en  1718,  dans  la  Vieille-Castille,  et 
mourut  à  Madrid,  en  août  i  79'^.  Son 
principal  ouvrage  est  un  Traité  cri- 
tique sur  les  erreurs  du  droit  civil  et 
les  abus  de  la  jurisprudence ,  Ma- 
drid ,  1748,  in-8".  Cet  ouvrage  est 
divisé  en  sis  chapitres.  Dans  le  pre- 
mier, il  cherche  à  établir,  par  le  té- 
moignage des  savants,  que  le  droit 
civil  est  rempli  d'erreurs.  Dans  le  se- 
cond, il  veut  prouver  que  les  Pandec- 
tes  que  nous  avons  aujourd'hui ,  ou 
du  moins  la  plus  grande  partie  de  ce 
recueil  est  apocryphe.  Dans  lelroisiè-  ' 
me,  i!  censure  divers  poinjs  de  dfoit, 
regardés  comme  axiomes  par  les  au- 
tres jurisconsultes.  Le  quatrième  cha- 
pitre est  consacré  à  l'exposition  des 
lacunes  de  la  jurisprudence  espagno- 
le. Dans  les  deux  derniers  chapitres, 
il  développe  ses  vues  sur  l'amélio- 
ration de  cette  partie  importante , 
ainsi  que  des  études  qui  y  ont  rapport. 
On  attribue  à  Mora  le  rapport  du 
conseil  des  avocats,  d'après  lequel  il 
fut  enjoint  aux  universités  de  sou- 
mettre à  des  censeurs  les  écrits  àts 
étudiants.  Sempère  cite  de  lui,dai;s 
la  Bibliothèque  espagnole ,  un  grand 
nombre  de  Dissertations  manuscrites 
sur  divers  points  de  droit  civil  et 
ecclésiastique.  D — g. 

MORABIN  (Jacques),  secrétaire 
dn  lieutenant  de  police  de  Paris,  était 
né  à  la  Flèche  ;  il  fut  agrégé  comme 
docteur  de  la  faculté  de  Navarre,  et 
protégea    la    jeimesse  indigente   de 


RIOR 

Cliamfort,  Ilumaiiistc  laborionK  et 
e'nidit ,  il  fit  une  étude  spéciale  et 
aprofondic  des  ouvraj^cs  de  Cice'ron. 
Malgré  la  sécheresse  de  son  style,  ses 
traductions,  et  les  deux  productions 
biograpliiques  sorties  de  sa  plume , 
obtinrent  un  succès  que  leur  ont  en- 
levé presque  en  entier  des  écrivains 
plus  exerces.  Morabin  mourut  à  Pa- 
ris ,  le  9  septembre  i  76'^.  On  a  de 
lui:  I.  Une  traduction  du  Traité  des 
lois,  le  Cice'ron,  Paris,  1719; 
1777,  in-iy..  IL  Une  autre  du  Dia- 
logue sur  les  causes  de  la  corrup- 
tion de  l'éloquence  romaine  ,  attri- 
bué à  Tacite  ou  à  Quintilien  ,  ibid. , 
i7'i2,  in-i>.  Morabin  l'attribue  à 
Maternus,  l'un  des  interlocuteurs. 
Les  Versions  de  Dallier ,  de  Bureau 
de  Lamalle  et  de  Chcnier  ont  fait 
oublier  celle  de  Morabin.  IIL  Tra- 
duction du  Traité  de  la  consolation, 
de  Cice'ron,  1733,  ibid.,  iu-isij 
réimprimée  avec  la  Dii'ination,  Irad. 
par  Régnier-Desraarais  ,  Paris,  Bar- 
bon,anin  (179;^;,  in-i2.  Ce  Traité 
de  la  consolation  et  celui  des  lois , 
ont  été  insérés  ,  avec  q-.ielques  cor- 
rections ,  dans  les  OEuvres  de  Cicé- 
ron ,  publiées  par  le  libraire  Four- 
nier,  Paris  (  1817  ,  in-S'^.  )  IV.  ffis- 
toire  de  l'exil  de  Cicéron  ,  i'J'2.5, 
in- 1 2  :  elle  a  été  traduite  en  an- 
glais, et  a  été  très-utile  à  Middle- 
ton,  par  la  précaution  que  prend 
l'auteur  de  confirmer  continuelle- 
ment sa  narration  par  le  témoignage 
des  écrivains  anciens.  V.  Histoire  de 
Cicéron,  174'j,  '-*  vol.  in-4^.;  exacie 
et  méthodique:  elle  ne  soutint  pour- 
tant pas  la  concurrence  avec  l'ouvra- 
ijede  Middleton,  dont  la  publicalion 
fut  de  très  -  peu  antérieure.  Middle- 
ton avait  évité  de  s'apesantir,  com- 
me l'écrivain  français ,  sur  des  dé- 
tails généralement  connus.  Celui-ci 
sembla  n'avoir  rais  sou  étude  qu'à 


'I\[OU  Gt 

rassembler  des  niatcrianx;  celui-là 
sut  encadrer  les  siens  dans  iwie  com- 
position qui  parut  à -la -fois  savante 
et  neuve.  VI.  Nomenclator  Cicero- 
nianus,  17^7,  in- r^.  Morabin  est 
encore  l'auteur  de  l'Avertissement 
qui  précède  le  Dialogue  sur  la  musi- 
que des  anciens,  par  l'abbé  de  Châ- 
teauneuf.  F — t. 

MORAD.  r.   Amurat  et  Mou- 

RAD. 

MORALES  (  Ambroise  ) ,  l'un  des 
écrivains  espagnols  les  plus  distingués 
de  son  temps,  né  en  i5i3,  à  Cordoue, 
était  fds  d'un  habile  médecin.  11  fut 
dirigé  dans  ses  études  par  son  oncle, 
le  savant  Perez  d'Oliva ,  et  fit  de  ra- 
pides progrès  dans  les  langues  an- 
ciennes et  dans  la  litléi'aturc.  De  Thon 
rapporte  que  Morales  entra  dans,l'or- 
dre  de  Saint-Dominique,  et  qu'il  en 
fut  exclus  pour  avoir  imité  l'exemple 
d'Origèue,  dans  un  accès  de  zèle  fu- 
rieux: mais  les  auteurs  espagnols  qui 
répètent  ce  fait,  ne  s'aj)puient  que  de 
l'autorité  de  rhisloricn  français  ;  et 
il  en  est  plusieurs,  entre  autres  Ni- 
col.  Antonio,  qui  le  nient  formelle- 
ment. Quoi  qu'il  en  soit,  Morales  em- 
brassa l'elat  ecclésiastique,  et  devint 
professeur  de  belles-lettres  à  la  célè- 
bre académie  d'Alcalà,  où  il  avait 
achevé  ses  études.  Il  eut  la  gloire  de 
compter  au  nombre  deses  élèves  San- 
doval,  depuis  cardinal,  Guevara , 
Alph.  Chacon ,  etc.;  et  il  fut  choisi 
])our  enseigner  les  éléments  de  la 
grammaire  au  fameux  D.  Juan  d'Au- 
triche, fils  naturel  de  Charles-Quint. 
Le  roi  Philippe  II  le  nomma  sou  his- 
toriographe; et  Morales  visita,  par 
autorisation  de  ce  ])rincc.  ks  archi- 
ves et  les  bibliolhèqucs  des  princi- 
pales abbayes  d'Espagne,  pour  eu 
extraire  les  pièces  nécessaires  à  son 
projet.  Il  avait  entrepris  la  continua- 
tion de  la   Chrcni  jue  générale  de 


63  MOR 

Florian  d'Ocampo  ;  et  l'on  sait  qn'il 
travaillait  encore  à  ce  grand  ouvrage 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie. 
Il  mourut  en  1 5go.  Morales  est  un 
historien  exact  et  plein  de  candeur; 
son  style  est  clair,  mais  peu  correct. 
On  a  de  lui  :  I.  Coronica  gênerai  de 
Espana;  prose guiendo  adelante  de 
los  cinco  lihtos  rpie  el  maestro  Flo- 
rian de  Ocampo  a  escrilos,  Alcalà  , 
1574-77;  Cordoue,  i586,  Svol.in- 
fol.  On  trouve  assez  ordinairement, 
à  la  fin  du  second  volume  ,  une  par- 
lie  datée  de  1375,  intitulée  :  Las  an- 
tiquedades  de  las  ciudades  de  Espa- 
na che  van  nomhradas  en  la  coro- 
nica, etc.;  et,  à  la  suite  du  troisième 
volume,  une  Dissertation  sur  la  des- 
cendance de  saint  Dominique  de  la 
maison  de  Guzman.  Cette  histoire 
finit    en    1087  ,   à  la  réunion  des 
royaumes  de  Léon  et  de  Gastille  (  F. 
Ferdinand  P"".)  Elle  acte  continuée 
par  Prud.  de  Saudoval.  On  reproche 
à  Morales  un  mauvais  système  chro- 
nologique, son    aveugle    confiance 
dans  les  traditions  populaires ,  et  de 
graves  erreurs  dans  les  copies  qu'il 
â  données  d'anciennes  inscriptions  , 
dont    plusieurs   ont    été   reconnues 
fausses.  Malgré  les  défauts  de  cette 
histoire,  Mayans  desirait  vivement 
que  quelque  savant  se  chargeât  d'en 
publier  une  nouvelle  édition ,  avec 
des  notes  qui  en  augmenteraient  l'u- 
tilité. Schott  en  a  inséré  plusieurs 
morceaux,  dans  le  tome  n  de  V Ilis- 
pania  illitstrata.  II.  Fiage  por  or- 
den  del  rei  Philipe  à  los  reynos  de 
Léon. y  Galicia,  y  principado  de 
Asturia,  etc.,  Madrid ,  1 763  ,  in-fol. 
C'est  la  relation  du  voyage  entrepris 
par  Morales  ,  dans  ditFérentes  pro- 
vinces  d'Espagne,   pour  en  visiter 
les  reliques,  les  tombeaux  et  les  ma- 
nuscrits; elle  a  été  pid)liée  par  le  P. 
Henri  Florès,  qui  l'a  fait  précéder 


MOR 

de  la  Vie  de  l'auteur.  On  a  encore  de 
Moralè.i  une  édit.  des   OEiivres  de 
saint  Euloge ,  avec    des  notes  (  F. 
EuLOGE,  XIII,  5o4  ).   Il   avoue, 
dans  la  préface,  qu'il  en  a  suppri- 
mé plusieurs  passages  pour  de  bon- 
nes  raisons.    Mayans   lui  reproche 
justement  d'avoir  donné  par -là  aux 
éditeurs  futurs  l'exemple  le  plus  fu- 
neste.   C'est  à  Morales    qu'on  doit 
le  recueil  des  OEuvres  de  son  on- 
cle ,  Perez  de  Oliva ,  Cordoue ,  1 588 , 
in-4".  Il  les  a  fait  suivre  d'une  tra- 
duction  espagnole  du   Tableau  de 
Cébès ,  et  de  quinze  Discours  ou  Dis- 
sertations sur  divers  objets  de  philo- 
sophie et  de  littérature.  Dans  l'un , 
il  recommande  fortement  la  culture 
de  la  langue  espagnole,  alors  si  né- 
gligée :  dans  les  autres,  il  traite  de 
l'importance  des  études  de  rhétori- 
que; de  la  difîërence  des  méthodes 
d'enseignement  de  Platon  et  d'Aris- 
tote;  de  la  nécessité  de  s'aider  soi-  . 
même,  pour  mériter  d'être  aidé  par 
la  Providence;  de  l'obligation  aux 
juges  de  ne  point  céder  aux  mouve- 
ments de  la  colère,  etc.  Les  vues  de 
Morales  ne  sont  pas  profondes,  mais 
claires  et  justes;  son  style  est  natu- 
rel, précis,  et  souvent  embelli  d'ima- 
ges assorties  au  sujet  (  F.  V Hist.  de 
la  littér.   espagnole,    par  Bouter- 
\veck,i,  p.  369).  On  a  donné  une  édi- 
tion complète  de  ses  œuvres,  à  Ma- 
drid, 1791-92.  W — s. 
MORALES  (  Louis  ).  F.  Divino. 
MORALES   (Jean -Baptiste  )  , 
célèbre  missionnaire  espagnol,    ne 
vers  i597  ,  à  Ecija,  ville  de  l'An- 
dalousie, prit  jeune  l'habit  de  saint 
Dominique,  et  se  distingua  bientôt 
par  ses  progrès  dans  la  piété  et  dans 
les  lettres.  Il  n'était  encore  que  sim- 
ple diacre,  lorsque  ses  supérieurs  le 
désignèrent  pour  la  mission  des  îles 
Philippines.  Le  vaisseau  qu'il  moa- 


MOR 

fait,  Lattii  par  la  lonpête,  relAcha 
à  Mexico,  où  Murales  lut  ordonné 
prêtre;  et  il  arriva,  en  iGi8,àsd 
destination.  Il  se  rendit  familier  en 
peu  de  temps  l'idiome  des  naturels 
du  pays ,  et  travailla  sans  relâche  à 
leur  instruction ,  avec  im  zèle  que 
couronna  le  succès.  Les  missionnai- 
res ayant  conçu  l'espoir  de  former 
un  e'tablissement  dans  le  Mogol ,  le 
P.  Morales  y  fut  envoyé' en  1G29, 
avec  quatre  autres  religieux,  charge's 
de  l'aider  dans  cette  sainte  entrepri- 
se: mais  les  difficultés  qu'ils  e'prou- 
vèrent,les  contraignirent  d'yrenon- 
cer.  Il  alla,  en  it)33,  à  la  Chine, 
où  les  missionnaires  de  son  ordre 
avaient  pe'ne'trc'dcux  ans  auparavant, 
et  il  se  fixa  dans  la  province  de  Fo- 
kien.  Il  ne  tarda  pas  à  donner  de 
nouvelles  preuves  du  zèle  qui  l'ani- 
mait pour  les  progrès  de  l'Evangile  ; 
mais  la  se've'ritc  avec  laquelle  il  pros- 
crivit le  culte  des  ancêtres,  que  tolc'- 
raient  les  Jésuites  comme  une  ins- 
titution purement  civile,  lui  attira 
de  grandes  persécutions  de  la  part 
des  mandarins  ;  et  il  fut  contraint 
de  sortir  de  la  Chine,  eu  i638.  Il 
fut  aussitôt  député  à  Tiome ,  par.  ses 
confrères  ,  afin  d'y  rendre  compte 
de  l'état  des  missions  de  la  Chine  , 
et  demander  au  Saint-Siège  d'inter- 
poser son  autorité  pour  faire  cesser 
les  abus  résultant  du  défaut  d'unifor- 
mité dans  l'enseignement  des  matiè- 
res de  la  foi.  Le  P.  Morales  courut 
de  grands  dangers  dans  ses  voyages, 
et  n'arriva  qu'en  i643  dans  la  ca- 
pitale du  monde  chrétien.  Il  remit 
au  souverain  pontife  dix-sept  propo- 
sitions, qui  furent  imprimées  et  ren- 
voyées à  l'examen  d'une  congréga- 
tion ;  et  il  revint  en  Espagne  travail- 
ler à  augmenter  le  nombre  des  ou- 
vriers évangéliques.  Le  pape  con- 
damna; par  un  décret  du  1 2  septem- 


MOR  r,5 

bre  iG4'>,  tous  bs  abus  qu'avait 
signalés  Morales;  et  celui-ci,  muni 
d'une  expédition  de  cette  pièce  im- 
portante ,  repartit  pour  la  Chine, 
où  il  n'arriva  qu'à  la  fin  de  décem- 
bre 1649-  ï'  s'empressa  d'y  faire 
connaître  la  décision  du  Sain[-Sic"e. 
et  en  assura  la  stricte  execulion  par 
tous  les  moyens  qui  étaient  en  son 
pouvoir.  Cependant  les  Jésuites  , 
ayant  présenté  la  question  sous  tous 
ses  points  de  vue ,  et  montré  que 
celte  défense,  observée  à  la  rigueur, 
rendrait  les  conversions  extrême- 
ment rares  et  difficiles,  obtinrent,  en 
i6.j6,  un  décret  du  pape  Alexandre 
VII ,  dont  les  dispositions  annulaient 
toutes  celles  du  premier.  Le  P.  Mo- 
rales n'en  persista  pas  moins  dans 
la  conduite  qu'il  a^ait  tenue  jus- 
qu'alors, et  continua  d'exiger  des 
néophytes,  avant  de  les  admettre 
au  baptême,  une  renonciation  for- 
melle à  tout  ce  que  le  décret  de  1649 
qualifiait  de  pratiques  superstitieu- 
ses. Il  les  combattit  tant  qu'il  vécut, 
par  ses  discours  et  ses  écrits;  et  il 
recommanda  aux  disciples  qu'il  avait 
formés  ,  de  ne  jamais  se  relâcher  à 
cet  égard.  Ce  zélé  missionnaire  mou- 
rut dans  la  ville  de  Fo-ning-tcheou  le 
17  septembre  1 064,  emportant  l'es- 
time et  les  regrets  mêmes  de  ses  ad- 
versaires. Outre  plusieurs  écrits  re- 
latifs aux  missions  de  la  Chine,  dont 
on  trouvera  la  liste  dans  la  Bihlioth. 
d'Echard  et  Quetif  ,  tome  11  ,  p. 
612  et  suiv.  ,  il  avait  composé  une 
Grammaire  et  \\n  Diclionnaire  Chi- 
nois ,  dont  ses  confrères  parlent  avec 
éloge;  et  quelques  Opuscules  ascéti- 
ques, dans  la  même  langue.  W — s. 
MORAND  (Jean),  chirurgien 
français,  né  en  i(i58,  fut  un  des  plus 
habiles  opérateurs  de  son  temps,  11 
devint  chirurgien  -  major  de  l'hôtel 
des  Invalides,  où  il  mourut,  le  7 


64  M  OR 

novcualjie  i  "j'iô.  Il  n'a  licn  écrit  sur 
la  chirurgie.  —  Son  (ils,  Sauveur 
M  on  AND,  né  à  Paris,  en  i(i97  , 
reçut  de  lui  les  premiers  éléments 
de  la  chinirgie.il  professa  lui-même 
les  principes  de  cet  art,  et  fut  nom- 
mé, eu  1730,  censeur  royal  et  chi- 
rurgien en  chef  de  l'irôjàtal  de  la 
Charité.  En  1789,  il  devint  chirur- 
gien-major des  Gardes  -  Françaises  , 
et  mourut  le  'ii  juillet  1773,  chirur- 
Sjicn  en  chef  de  l'hôtel  roval  des  In- 
valides. Il  était  membre  des  acadé- 
mies royales  des  sciences  et  de  chi- 
rurgie, de  la  plupart  des  autres  aca- 
démies nationales  et  étrangères  ,  et 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel. 
11  fut  imdes  premiers  protecteurs  du 
célèhre  anatomiste  Sabatier,  et  il  lui 
donna  sa  fille  en  mariage.  Il  a  laissé  : 
Traité  de  la  taille  au  haut  appareil^ 
etc. ,  avec  une  dissertaiion  de  l'au- 
teur^ etuneleltrede  Jf'inslow sur  la 
même  matière^  Paris,  1728,  in-S'».; 
trad.  en  anglais,  par  Douglas,  Lond., 
1 729 ,  in-8°.  Ce  fut  après  la  publica- 
cation  de  ce  Traité,  que  l'auteur  en- 
treprit le  voyage  de  Londres  ,  pour 
être  témoin  de  la  manière  dont  Che- 
selden  pratiquait  alors  l'opération  de 
la  taille.  De  retour  à  Paris,  Morand 
adopta  la  méthode  du  chirurgien 
anglais  ,  et  la  simplifia  même  par  la 
suite,  eu  cessant  de  distendre  la  ves- 
sie par  une  injection  d'eau  tiède,  et  en 
se  bornant  à  repousser  avec  le  doigt 
les  intestins  qui  tendaient  à  faire  her- 
nie. II.  Eloge  historique  de  Mares- 
chal,  premier  chirurgien  du  roi,  Pa- 
ris, 1737,  in-4°.  m.  liéjutation 
d'un  passage  du  Traité  des  opérr.- 
tions  publié  en  anglais  par  Sharp, 
Paris,  1739,  in-i'i.  I\ .  Discours 
pour  prouver  qu'il  est  nécessaire  à 
un  chi  urgien  d'être  lettré,  Paris  , 
1 743  ,  in-4°.  V.  Piecueil  d'expérien- 
ces et  d'observations  sur  la  pierre 


MOR 

(  avec  Bremond  ) ,  Paris,  174^,  'i 
vol.  in-r.i.  VI.  \.' Art  de  jahe  des 
rapports  en  chirwgie,  Paris,  1743, 
in-iu  \1I.  Catalogue  des  pièces 
d'anatomie ,  instruments,  mac'û- 
nes  qui  composent  l'anenal  de  chi- 
rurgie à  Pétersbourg,  Paris,  1759  , 
in-i'2.  Cette  collection  fut  faite  par 
les  souis  de  Morand,  et  toutes  les 
pièces  d'anatomie  artifii  ielles  furent 
exécutées  par  une  D"".  Biberon,  et 
envoyées  ensuite  dai.sla  capitale  de 
la  Russie,  qui  manquait  alors  de 
tout  ce  qui  pouvait  f-iciliter  l'étude 
de  la  chirurgie.  VIII.  Opuscules 
de  Chirurgie,  Paris,  1768,  in -4"., 
seconde  partie ,  Paris ,  177-»,  iu-4'^; 
trad.  en  allemand,  Leipzig,  1776. 
Les  Recueils  de  l'académie  des  scien- 
ces, et  de  l'académie  royale  de  chi- 
rurgie, contiennent  des  Mémoires 
fort  intéressants  sur  différents  points 
de  la  science,  que  l'auteur  a  traités  , 
et  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer. 
Son  LZo^e  par  Grand  Jean  deFouchy 
se  trouve  dans  la  même  rolleclioUj 
année  1773.  H.  p.  99.      P.  et  L, 

MORAND  (Jea>-"Fra?jçois-Clf:- 
MENT  ),  fils  du  précédent ,  naquit  a 
Paris  ,  en  17.26;  il  fut  reçu  docteur 
en  médecine,  en  1750,  et  profes- 
sem'  d'anatomie.  L'académie  d(îs 
sciences  le  nomma  son  bibliothé- 
caire; il  devint  membre  de  la  plu- 
part des  sociétés  savantes  étran- 
gères ,  et  mourut  en  i  784.  Nous  ci- 
terons de  lui  :  I.  Histoire  de  la  ma- 
ladie singulière  et  de  l'examen  du 
cadavre  d'une  femme  devenue  en 
peu  de  temps  toute  contrefaite  par 
un  ramollissement  général  des  os , 
Paris,  1732,  in-isi,  fig.  La  pièce 
analomique  se  trouve  encore  dans 
les  cabinets  de  la  faculté.  IL  Nou- 
velle description  des  grottes  d' Ar- 
cy,  Lyon,  1752,  in- ri.  III.  Lettre 
à  iM.  Leroi ,  au  sujet  de  la  j'ein- 


RIOR 

\n6  Suppiot ,  Paris,   1753,  in- 12. 
IV.  Eclaircisseinenl  abrégé  sur  la 
maladie  d'une  fille  de  Saint- Geu- 
7/ie,  Paris,   1754,  in-4"-    V.   Be- 
ciieil  pour  servir  d' éclaircissement 
détaillé   sur  la  maladie  de  la  jille 
de    Saint -Geome,    Paris,    1754, 
in-iu.  VI.  Lettre  sur  l'instrument 
de  Roonhujsen,  Paris,  lyJJ,  iii- 
12.  Vil.  Lettre  {  à  M.  Lecamus  ) 
sur  les   médecins -chirurgiens    du 
Fal  dJjot,   1755,   iii-i'i.  VIII. 
Lettre  sur  les  antiquités  trouvées  à 
Jjuxeul ,  et  sur  les  eaux  tlicriiialcs 
de  cette  ville,  insérée  dans  le  jour- 
nal de  Verdun  ,  cahier  de   mars , 
Ï756.  IX.  Mémoire  sur  les  eaux 
thermales  de  Bains ^covijia.ées  dans 
leurs  ejfets  avec  celles  de  Plombiè- 
res,ïnséié  dans  le  tome  vi  du  Jour- 
nal de  médecine,  année   1757.  X. 
Du  chai  bon  de  terre  et  de  ses  mi- 
nes,  Paris,  1769,  in-fol.  XI.  Mé- 
moire  sur  la  nature ,   les  effets , 
propriétés  et  avantages  du  charbon 
de  terre ,  apprêté  pour  être  einplojé 
commodément ,  économiquement  et 
sans  inconvénient ,  au  chau/fage  et 
à  tous  les  usages  domestiques ,  Pa- 
ris, 1770,  in  12,  avec  figures.  XII. 
"L'Art  d'exploiter  les  mines  de  char- 
bon déterre,  1769-79,  in-fol.,  lig., 
fait  partie  de  la  collection  des  arts 
et  métiers,  publiée  par  l'académie 
des  sciences.  XIII.  De peritissimi et 
clarissiini  parentis  morte  m  erentis, 
epistola  ad  omnes  academias  quœ 
patrem  in  gremium  asciverant,  Pa- 
xis,  Quiliau,  in-8*^.  de  8  pag.  La 
même,  traduite  en   français,    avec 
beaucoup  de  notes,  in -8".  de  16  p., 
fut  envoyée,  comme  une  circulaire, 
aux  quatorze  académies  ou  corps  lit- 
téraires auxquels  appartenait  Sau- 
veur Morand.  XIV.  Eloge  du  même, 
inséré  à  la  tète  du  Catalogue  de  ses 
livres.  L'Éloge  de  Jean  -  François- 

AXX. 


MOR  65 

Clément  Moran  I  se  trouve  (îans  le 
Korueil  de  l'académie  des  scitjices 
.784,  H.,  p.  48.  PctL. 

MOKA^D  (  PiERjiE  DI-;  ) ,  poète 
dramatique  ,  né  à  Arics,  eu   .    01 
fut  destiné  aubarreauj  niuij  uiîraî- 
né  par  son  penchant  vers  les  Muses, 
il  ncg'igoa  Thémis  pour  les  suivre. 
11  mil   beaucoup  do  zclc  au   réta- 
blissement de  l'académie  de  musi- 
que  d'Arles ,  et  prononça  uu   dis- 
cours pour  l'ouverture,  qui  eut  lieu 
en  1729,  et  qui    coïncida   avec  les 
fêtes  de  la  naissance  du  Dauphin, 
dont  ii  a  donné  la  (lescrij)lion.  Mo- 
rand vint  a  Paris,  en   I73i  ,  et  fut 
admis   aux  réunions    littéraires    du 
comte  de  Clermoat ,   et  a  la  petite 
cour  de  la  duchesse  du   Miine.   II 
composa  ,  en  1 732 .  pour  la  duchesse 
de  Bourbon^  mère  du  premier  de 
ces  princes,  un  Divertissement  en 
forme  de  prologue;  et  en   1734,  un 
autre  Prologue  pour  l'ouverture  du 
théâtre  de  la  duchesse  du  Marne.  Le 
7    avril  suivant,  il  fit    représenter 
sur  ce  théâtre  la   tragédie  de   Té- 
glis ,  précédée  aussi  d'un  Prologue  ; 
et    Les  applaudissements    qu'elle   y 
obtint  le  déterminèrent  à   la    don- 
ner,  en    1735,  au  Théâtre- Fran- 
çais; elle  eut  onze  représentations  , 
et  fut    imprimée  la    même    année  : 
cette  pièce  ofTre  de  l'intérêt  et  beau- 
coup d'intelligence  de  l'art  drama- 
tique ;   mais  le  style  en  est  faible. 
La  tragédie  de  Childeric  ,  jouée  en 
1735,  est  jnieux  conçue,  et  intriguée 
à  la  manière  de  \'  Hé  radius  de  Cor- 
neille ;  on  y  trouve  des  caractères 
soutenus  ,  des  situations  attachantes  , 
des  sentiments  nobles,  exprimés  quel- 
quefois en  vers  énergiques.  Cepen- 
dant la  première  représentation  en 
fut  orageuse  :  au  cinquième  acte,  un 
plaisant  du  parterre,  voyant  sortir  de 
la  foule  qui  obstruait  alors  les  cou- 
5 


66  RIOR 

lisses ,  le  capitaine  des  p;ardes ,  cliar- 
gé  d'une  lellrc  pour  Clovis,  s'ccria: 
Place  au  facteur  ;  cetie  sai'Iie  exci- 
ta iiî'.e  risce  généialc  ,  qui  detirisit 
l'illusion  du  clcnouenieul.  Le  p'd.lic 
se  munira  plus  juste  aux.  représenta- 
tions suivantes  ;  la  pièce  en  eut  huit, 
cl  fut  imprimée  en  i  "j 3'j ,  telle  qu'elle 
avait  été  jouée,  avec  une  épître  de'di- 
catoire  à  la  reine.  A  la  deuxième  édi- 
tion, en  l'jTii ,  l'auteur  fit  disparaî- 
tre ce  qui  avait  jnis  le  parterre  eu 
gaîté  .  et  changea  même  tout  le  dé- 
nouement. C'est  dans  cette  tragédie 
que  se  trouve  le  vers  suivant,  qui  fut 
fort  applaudi  : 

Tenter  est  des  mortels  ,  re'ussir  est  des  dieux. 

Morand  s'était  marié  en  Provence  : 
.sa  belle-mère,  qui  par  sou  humeur 
intraitable  avait  obligé  son  mari  de 
se  séparer  d'elle  ,  réussit  également 
à  brouiller  les  jeunes  époux;  et  Mo- 
rand, ne  put  recouvrer  sa  femme 
qu'en  filant  avec  elle  une  seconde  in- 
trigue amoureuse,  et  en  l'enlevant  , 
pour  ainsi  dire ,  à  sa  mère.  Mais 
celle-ci  lui  intenta  un  procès ,  et  pu- 
blia im  horrible  factinn  contre  lui. 
Il  arrangea  cette  histoire  pour  la 
scène  italienne  ,  sous  le  titre  de  TJ^^- 
prii  de  divorce.  Cette  comédie ,  qu'il 
fit  jouer  et  imprimer  en  1788,  et 
qu'il  dédia  à  sa  femme  ,  fut  très-bien 
accueillie.  Mais  on  désapprouva  que 
Dorante  se  mît  aux  genoux  de  Lu- 
cinde.  On  trouva  aussi  le  caractère 
de  M">^.  Orgon  trop  odieux  et  hors 
de  nature.  Morand  crut  devoir  s'a- 
vancer sur  le  théâtre ,  et  assurer  le 
public  que  ce  caractère ,  pour  être 
invraisemblable,  n'en  était  pas  moins 
fort  au-dessous  de  la  vérité.  Lors- 
qu'à la  fin  du  spectacle ,  on  vint  an- 
noncer la  seconde  représentation  de 
l'Esprit  de  divorce,  quelqu'un  dit 
tout  haut  :  Avec  le  compliment  de 


IMOR 

l'auteur.  Morand  se  croit  insulté,  et 
jette  avec  fureur  son  chapeau  dans 
le  parterre  ,  en  criant  :  Celui  qui 
veut  voir  Vautc  ur,  n'a  qu'à  lui  rap- 
porter son  chapeau. — luisque  l'au- 
teur a  perdu  l  ■  télé  ,  répond  un  au- 
tre malin ,  il  n'a  pas  besoin  de  cha- 
peau. On  arrcte  Morand ,  et  ou  le 
conduit  chez  ie  lieutenant  de  police , 
qui  lui  reproche  sa  vivacité  et  lui  in- 
terdit le  spectacle  pendant  un  mois. 
La  pièce  fut  retirée;  mais  le  public 
l'ayant  redemandée,  elle  eut  beau- 
coup de  succès  pendant  neuf  repré- 
sentations ,  qui  ne  furent  interrom- 
pues que  par  la  clôture  des  théâtres. 
Cette  comédie,  le  meilleur  ouvrage 
de  l'auteur  ,  est  bien  conduite  ,  vive- 
ment dialoguée,  et  mériteiait,  ainsi 
que  Childeric  ,  de  reparaître  sur  la 
scène.  Au  reste ,  la  confidence  qne 
Morand  avait  faite  au  public  ,  V\ï 
valut  un  nouveau  procès  eu  diflama- 
lion  de  la  part  de  sa  bcUe-mci'c  ,■ 
dans  lequel  il  fut  condamné  à  de 
gros  dommages  envers  elle.  Les 
autres  pièces  de  ftlorand  sont  :  1. 
Ij' Enlèvement  imprévu,  comédie, 
non  représentée.  IL  Les  Muses,  sor- 
te d'ambigu,  joué  en  1738,  par  les 
comédiens  italiens,  et  composé  d'un 
Prologue  ,  de  Phanazar ,  tragédie 
en  un  acte  ,  imprimée  depuis  ,  sous 
le  titre  de  Menzikof ,  et  dédiée  à 
l'impératiice  Anne  Ivanowna  ;  A^A- 
f^r.thine ,  pastorale,  et  d^  Orphée  , 
ballet  -  pantomime.  III.  La  Ven- 
geance trompée  ,  comédie  jouée  à 
Arles,  en  1743.  I\  .  iVeg^a/e ,  tra- 
gédie ,  sifflée  par  une  cabale ,  au 
Théâtre-Français,  en  1748,  et  dont 
la  seconde  représentation,  longtemps 
annoncée  avec  des  changements,  n'a 
jamais  eu  lieu.  Le  rôle  de  Alégare  est 
très-dramatique  ,  et  offre  de  grandes 
beautés.  A  la  fin  de  la  pièce ,  quel- 
qu'un demanda  la  liste  des  morts. 


MOR 

La  plaisanterie  était  bien  déplacée  , 
puisqu'il  ne  meurt  dans  celte  tragé- 
die que  deux  {x-rsonnages  :  mais  la 
scène  du  cha/jeau  avait  indispose 
le  public  contre  Morand.  V.  Les 
ylinoiirs  des  grands  hommes  {  So- 
lon  ,  Cyruset  Pétrarque  ),  ballet  lie- 
roïque ,  en  trois  actes  ,  pie'ccdes  d'un 
Prologue.  VI.  r^es  Peines  de  Va- 
jnour ,  ballet  bero'ique  compose'  d'un 
Proloi^ue  ,  et  des  actes  d' Ulissc  et 
Pénélope, de Flo7x:tan  et  Calénis,et 
à' HcroetLéandre.NW.  Les  Tnwiux 
d' Hercule  ,  antre  ballet  he'ro'ique  , 
dont  il  ne  reste  que  le  prolo^'jue ,  avec 
la. première  et  la  cinquième  entrée. 
Les  autres  entrées  se  composaient  de 
l'opéra  de  Mesure ,  mis  en  tragédie 
par  l'auteur.  Aucun  de  ces  trois  bal- 
lets n'a  été  représenté.  Toutes  ces 
pièces  ont  été  réunies  et  imprimées 
sous  ce  titre  :  Théâtre  et  œuvres  di- 
verses de  Morand  ,  Paris  ,  1 7  5 1  , 
3  vol.  in-i  2 ,  qui  contiennent  de  plus  : 
VIII.  Dix  dii>ertissements  ,  sorte  de 
petits  o[)éras  en  un  acte  ,  dont  quel- 
ques-uns ont  été  exécutés  sur  des 
théâtres  particuliers.  IX.  Des  Can- 
tates,  des  Cantatilles ,  des  Poésies 
fugitii'es ,  des  Dis^  ours  ,  etc.  Oii  a 
aussi  de  lui  :  X.  Justification  de  la 
musique  française  ,  contre  la  que- 
relle qui  lui  a  été  faite  par  un  Al- 
lemand et  un  Allohroge  ,  adres- 
sée au  coin  de  la  reine ,  le  jour 
(jaa,>ec  Titon  et  l'Aurore ,  elle 
s'est  remise  en  possession  de  son 
théâtre ,  Paris  ,  1754,  i»-8".  L'au- 
teur y  attaque  vivement  Grimm  et 
J. -J.  Rousseau,  et  il  prouve  que 
«celui-ci  a  pris  une  grande  partie  de 
ce  qu'il  a  écrit  siu-  la  musique  fran- 
çaise, dans  le  Droit  des  beaux-arts, 
par  Estcve.  Cette  brochure  de  Mo- 
rand a  été  mal-àpropos  attribuée  à 
Eslève  lui-même,  et  au  chevalier 
de  Mouliy.  XI.  Le  Pot  de  cham- 


MOPi  67 

hre  cassé ,  tragédie  pour  rire  ,  ou 
comédie  pour  pleurer  1  en  un  acte  et 
en  vers,  précédée  d'une  J^iéface 
sérieuse,  et  composée  avec  Gu'ret 
et  Gatibier ,  ancien  valet-de-t  hambrc 
du  roi,  P.n-is  ,  s.  d.  (1749)  i'i-8".  (i) 
XII.  Morand  a  été ,  avec  Rousseau  de 
Toulouse  et  P.ibbé  Prévost,  l'un  des 
londatijurs  du  Journal  encyclopé- 
dique, qui  commença  en  1 75(j.  Mal- 
heureux en  mariage  et  au  théâtre, 
accablé  de  revers  de  toute  espèce  , 
Morand  ne  conserva  que  son  coura- 
ge et  sa  gaîté.  Reçu  avocat  au  parle- 
ment de  Paris  .  en  1739,  il  cessa 
d'être  porté  si;r  la  liste  annuelle  de 
l'ordre,  en  1755.  Il  avait  été  nom- 
mé, en  1749»  correspondant  litté- 
raire du  roi  de  Prusse;  mais  des  en- 
vieux lui  firent  perdre  cette  place, 
au  bout  de  huit  mois.  Un  trait  bien 
marqué  du  malheur  qui  le  poursui- 
vait ,  c'est  que  ses  dettes  se  trouvaient 
pavées  à  sa  mort ,  et  qu'au  premier 
janvier  de  l'année  suivante ,  il  allait 
toucher  le  premier  quartier  de  cinq 
mille  francs  de  rentes  qui  lui  res- 
taient. Cette  circonstance  n'attrista 
point  ses  derniers  moments.  Il  dis- 
posa ,  en  faA  eur  d'un  neveu  et  d'une 
nièce,  d'un  bien  dont  il  n'avait  pu 
jouir*  et  parodiant  le  testament  de 
Crispin,  dans  le  Légataire  ^  il  don- 
na aux  item  des  inflexions  comiques 
qui  faisaient  rire  tous  les  assistants. 
11  s'entretint  ensuite  de  vers,  de 
prose  et  de  nouvelles ,  avec  quel- 
ques amis  :  ayant  appris  la  victoire 
d'Hastembeck ,  remportée .  le  -iCi  juil- 
let 1757,  par  le  maréchal  d'Estrées  , 


(l)  C'est  par  une  erreur  typo^aphique  ,  (jii'on 
trouve  la  date  17(3-,  Jaus  le  i>ict,on/iaiie  de*  ano- 
nymei  de  M.  Bnriiier.  Il  y  a  I  eauL  lup  d'incertitude 
sur  les  notas  dis  auteurs  de  celte  pièce  ..tlribuoc  );e- 
Uf  ralenieut  à  Grandval  seul ,  ou  en  société  avec  ('•\\i- 
ret  et  Ganbicr.  N>.us  pensnnsque  Moraod  n'a  fait  (;ue 
le  Discours  piéliininaite ,  et  Tepilre  dedicaloirc  à 
l'uiubrc  de  Muhèrc. 


(38  MOR 

sur  le  duc  du  Cr.mberlancl ,  il  pnro- 
dia  ainsi  le  fameux  vers  do  Milhri- 
dalc  : 

Et  mes  deroiers  rcpM-cls  nal  vu  fuir  le?  Anglais. 

Il  raoïu'ut  le  5  août  suivant.  Los  ou- 
vrages de  Morand  inanqucutdc  grâce 
el  de  coloris;  mais  on  y  trouve  du 
sens,  des  idées  ,  de  l'esprit,  et  une 
grande  connaissance  de  l'art  drama- 
tique, ainsi  que  de  la  scène  lyrique 
et  de  la  chorégraphie.  A — t. 

MORA.ÎSD  (  Jean- Antoine  ),  ar- 
chitecte ,  né  à  Briançon  ,  en  17^7  , 
quitta  la  maison  paternelle  à  l'âge  de 
treize  ans ,  afin  de  se  livrer  à  son 
goût  pour  les  arts:  contrarié  par  sa 
famille  ,  qui  voulait  l'élever  pour 
l'état  ecclésiasticjue ,  de  Lyon  où  il 
avait  commencé  à  se  faire  connaître, 
il  se  rendit  à  Paris  ,  pour  étudier  la 
perspective  et  la  décoration  sous  le 
célèbre  Servaudoni.  SouiUot  fut  sou 
second  maîU'C  et  sou  ami;  et  en  1 7^7, 
Morand  exécuta,  d'après  les  plans  de 
ce  gr,ind artiste,  la  salie  de  spectacle 
de  Lyon  ,  dont  les  décorations  don- 
nèrent l'idée  la  plus  favorable  de  sou 
talent.  Ou  apjdaudissait  surtout  à  ses 
peintures  à  fresque.  Sa  réputation 
le  fit  appeler  à  Parme,  en  1759, 
à  l'époque  du  mariage  de  l'archidu- 
chesse avec  rempere\ir,  pour  cons- 
truire u!i  théâtre  à  machines  ;  son 
habileté  répondit  à  l'attente  de  ses 
illustres  patrons ,  et  força  même  le 
suln-age  des  artistes  d'Italie.  Morand 
rapporta  de  son  se'jour  à  Rome  de 
nouvelles  connaissances,  qu'il  fil  ser- 
vir encore  à  rembcllissement  de 
Lyon.  Il  présida  ,  eu  partie  ,  à  la 
construction  des  édifices  qui  bordent 
le  quai  Saint-Clair;  et ,  en  1 762 ,  il 
traça  un  plan  d'agrandissement  de 
Lyon  ,  connu  sous  le  nom  de  projet 
de  la  ville  circulaire.  Si  l'on  avait 
suivi  ses  vues  ,  ou  aurait  disposé 


MOR 

quatre  quais  le  long  du  Rhône  et  de 
la  Saône;  les  distances  auraient  été 
rapprochées  ,  résultat  si  précieux 
pour  une  plice  de  commerce,  et  de 
vastes  terrains  auraient  considéra- 
blement augmenté  de  valeur.  L'admi- 
nistration préféra  le  projet  de  l'ar- 
chitecte Perrache.  L'exécution  du 
plan  de  INIorand  était  subordonnée  à 
la  confection  d'un  pont  qui  devait 
suppléer  à  l'insuffisance  de  l'unique 
pont  en  pierres  jeté  jusque-là  sur  le 
Rhône. Il  oirritde faire  cette  construc- 
tion en  bois:  à  ce  moyen  économique, 
on  opposa  quelque  temps  la  fragilité 
d'un  pareil  ouvrage  placé  sur  un 
fleuve  si  rapide.  L'architecte  répon- 
dit en  élevant,  dans  l'espace  de  trois  j 
ans  ,  le  pont  qui  garde  son  nom  :  il  i 
est  porté  sur  dix-sept  arches  ,  dans 
une  longueur  de  six  cent  quarante  i 
pieds  ,  et  une  largeur  de  quarar.te-  1 
deux;  et  des  formes  élégantes  et  légè- 
res en  dissimulent  la  solidité.  L'é- 
cole des  pouts-et-chaussées  a  donné 
son  approbation  aux  principes  qui 
ont  présidé  h  cette  construction  ;  et 
leur  exposition  fait  partie  de  son  cn- 
seiçïnement.  Monsieur  (aujourd'hui 
Louis  XVIII  ) ,  passant  à  Lyon  ,  en 
177.5  ,  fit  un  accueil  flatteur  à  Mo- 
rand, et  obtint  pour  lui  la  décora- 
tion de  l'ordre  de  Saint-lVIichel  ,  qu'il 
s'app;i([uait  à  relever.  Lors  du  siège 
de  Lyon,  révolté  contre  l'anarchie  de 
1793,  Morand  mit  en  usage  toutes 
les  ressources  de  son  art  pour  la  con- 
servation de  sou  pont.  Il  le  défen- 
dit long-temps  el  avec  succès  contre 
l'explosion  d'une  machine  infernale, 
essayée  par  Dubois  de  Crancé.  Pros- 
crit après  le  siège,  il  porta  sa  tète 
sur  l'echafaud ,  le  •24  j^^^i^i'  ^1S)\- 
F— r. 
MORANDE  (  CuAULES  Theve- 
notde),  pamphlétaire  et  journa- 
liste ,  naquit ,  eu  1 748 ,  à  Arnai  -  le- 


IMOR 

Duc,  où  son  ])èrc  e'iait  procureur  : 
on  l'ciiA'^oya  faire  ses  etii'les  à  Dijon  , 
et  il  les  iiilcrroinpit  partie  fréquents 
écarts.  Sou  père  lui  ayant  nu  jour 
refuse  de  l'arj^enf,  de  dc'pit;,  le  jeune 
Thcv'Cnot  s'enrôla  dans  un  rty^inient 
de  (Il  a|:^ons  ;  il  ne  se  faisait  point  en- 
core appeler  IMorandc  :  il  ne  prit  ce 
ïiom  que  lorsqu'il  e/uhrassa  la  jiro- 
Icssion  de  chevalier  d'industrie.  Cet- 
te fois  il  se  laissa  vai  ncre  par  la  honte 
lîaterneile,  qui  rompit  sou  eiigage- 
luent,  et  il  promit  de  s'occuper  !-c- 
l'ieuscment  de  la  procédure  ;  njais 
hicnlôt,  emporte  par  son  jicnchaut 
jiour  l'intrigue  et  la  dissij)aliou  ,  il 
vint  à  Paris,  et  y  attira  les  rcguds 
de  la  police.  Des désordi'cs  crapuleux, 
des  filouteries  et  d'autres  actes  des- 
honorants, excitèrent  la  sollicitude 
de  sa  famille  j  elle  ohùnt  des  Icllres- 
de-cacKet  pour  le  faire  enfermer , 
d'abord  au  Fort-l'Evcque,  puis  à  Ar- 
mentibres.  Élargi  au  bout  de  qiùuze 
mois  ,  il  passa  en  Angleterre,  où  la 
composition  de  quelques  libelles  de- 
vint sa  ressource.  Son.  FhiLsoplie 
cjnùjue,  et  s(^iîélanges  confus tur 
des  malièresfm'c  chùrcs  yh'jnires , 
1771,  iu-8^.,  qi'jiquc  Ijcaucoup 
d'impudence  en  fit  tout  le  sel,  trou- 
A'èreut  im  certain  nombre  de  lec- 
teurs. Encouragé  par  ce  succès ,  il 
noircit  ses  crayon ^ ,  et  ]>ublia  ,  l'au- 
jiëe  suivante,  le  G  a  zetier  cuirassé, 
ou  anecdotes  scandaleuses  de  la 
cour  de  France,  (i^^'i)  in-iii, 
(  avec  des  Jtc-cherches  sur  la  Bas- 
tille,  etc.,  qui  ont  luie  paginaîiou 
particulière,  )  tissu  de  calomnies 
grossières  contre  tout  ce  qu'il  y  avait 
de  cousiJe'rabiedaus  son  pays.  11  n'a- 
vait laissé  aucnue  trace  d'esprit  dans 
ces  pages  satiriques:  il  en  laontra  da- 
vantage en  spéculant  sur  la  révéla- 
tion des  premiers  scandales  de  la  vie 
de  M™--.  DaLarry,  révélation  dont  il 


IMOR  60 

menaça  la  favorite.  Beaumarchais  , 
charge  d'une  mission  secrète  à  Lon- 
dres ,  re^nt  l'ordre  d'acheter  le  silen- 
ce du  li!jclliste  ;  ccliii-ci  se  contenta 
d'une  somme  de  cinq  cents  guinées, 
et  d'une  pension  de  quatre  mille 
francs, doiit  h  moitié  réversible  à  sa 
femme.  II  se  crut  un  moment  ap- 
ydé,  comme  l'Arélin,  à  rançomier 
les  j)uissanccs.  Voltaire  aussi  en 
tiait  une  :  pour  lui  arracher  un  tri- 
but ,  Morande  l'aA-erlit  qu'il  avait 
en  ujain  le  inoven  de  le  difFamer. 
Le  j)hilosophe,  accoutumé  à  com- 
mander à  l'opinion,  répondit  aux 
ouvertures  d'un  aussi  méprisa ide  ad- 
versaire ,  en  les  rendant  ])ubliqucs. 
Le  comte  de  Lauraguais ,  depuis  duc 
de  Brancas  ,  fit  mieux  encore  :  il 
distribua  des  coups  de  canne  à  Mo- 
1  ande ,  dont  il  eut  soin  d'exiger  quit- 
tance, l^a  pension  que  Louis  XV 
])avaità  celui  ci,  fut  supprimée  sous 
1j  règne  suivant.  La  condition  qui 
enchaînait  la  ])lume  de  Morande , 
n'existant  plus,  il  fit  j)araître,  eu 
1 77G,  les  Amcdoies  secrètes  sur  la 
comtesse  Dubarrj .  Le  salaire  qu'il 
lecevait,  ccinmc  agent  de  la  police 
l'raiiçaise  ,  et  leprovluil  d'une  feuille 
])éi-ifjdique  qn'd  rédigeait  soifs  le  ti- 
tre de  Courrier  de  VEinope,  lui  don- 
naient les  moyens  de  tenir  à  Lon- 
dres un  état  de  maison  as.^ez  agréa- 
1-le.  Ce  fut  sur  .'"■es  dénonciations  que 
Brissot  fut  mis  a  la  Dastiîle,  comme 
auteur  d'un  pamphlet  :  le  Diable 
dans  un  bénilicr.  Morande  se  ven- 
geait aiusi  des  mépris  du  [uibliciste 
de  C'iartres.  Revenu  en  France  à  l'c- 
j)oque  de  la  révolution,  il  se  retrou- 
va en  hi'te  avec  ce  mê?ue  Brissot  ; 
mais  leur  pcsition  devint  l)ienlôt  iné- 
eaîe  ,  autant  que  leur  talent.  Tandis 
queceaernier  prenait  de  I  nscenclauE 
comme  écrivain  politique  ,  Morande- 
demeura  cfkcé  dans  la  foule  des  jour- 


7»  MOR 

nalistcs.  Son  audace  ,  qui  avait  fait 
SCS  succcs  en  d'autres  temps,  ne  fut 
plus  un  titre  pourêlre  remarque,  dès 
que  la  presse  fut  libre.  Flottant  en- 
tre les  partis,  il  jinit  par  se  icndre 
suspecta  celui  qui  dominait.  L'yJr- 
gui palri(Aiqiie,  publie  par  lui,  de- 
puis le  mois  de  juin  l'jgi  jusqu'au 
J  0  août  l 'jg'.),,  fut  signale  comme  une 
feuille  indirectement  favorable  à  la 
cour,  et  l'auteur  ])crit  dans  les  mas- 
sacres de  septembre.  Nous  devons 
dire  qu'il  n'avait  pas  mérite  cet  hon- 
neur. F — T. 

MORANDI  -MANZOLINI  (  An- 
IVE  ) ,  professeur  d'anatomie  à  l'uni- 
versitede  Bologne,  naquit  dans  cette 
ville  en  1 7 16.  Celle  dame  avait  étu- 
dié le  dessin  et  la  sculpture,  lors- 
qu'ayant  épouse,  en  ^'^^o,  J.  IMan- 
zolini ,  habile  anatomiste  ,  elle  ap- 
prit de  lui  la  science  qu'il  professait. 
Elle  s'adonna  ensuite  à  l'art  de  mo- 
deler en  cire  les  diverses  parties 
du  corps  humain  :  elle  y  obtint  de 
grands  succcs ,  et  parvint  à  représen- 
ter la  nature  avec  beaucoujj  d'exac- 
titude ,  particulièrement  les  organes 
externes  et  internes  de  la  génération , 
ainsi  que  le  fœtus  dans  toutes  les 
2>ositions  qu'd  occupe  sous  Viilénis. 
Ces  préparations  étaient  destinées  à 
l'instruction  des  sages-femmes. Après 
la  mort  de  son  mari ,  arrivée  en 
1755,  Anne  Rlorandi  fut  pourvue 
d'une  chaire  d'anatomie;  et  sa  ré- 
putation ,  comme  modeleuse  en  cire, 
s'étanl  étendue  clans  toute  l'Europe, 
diverses  académies  se  l'açréiièrent. 
Elle  reçut  des  oiïres  brillantes  pour 
aller  s'étabiir,  soit  à  Milan  ,  soit  à 
Londres,  soil  à  Saint-Pétersbourg; 
mais  l'amour  de  la  patrie  les  lui  lit 
refuser.  Toutefois  elle  s'acquitta  en- 
yers  ces  différentes  villes,  en  enri- 
chissant ieurs  cabinets  de  noinbrcu- 
ses  préparations  auatomiques  en  ci- 


MOR 

rc  ,  accompagnées  des  explications 
convenables.  Le  sénateur  comte  Gi- 
rolamo  Ranuzzi  lui  acheta  la  collec- 
tion de  ses  préparations,  ses  instru- 
ments et  .ses  livres ,  et  fit  placer  le 
tout  dans  son  magnifique  jialais,  où 
il  accorda  un  appartement  à  cette 
femme  célèbre,  l^cs  savants  et  les 
étrangers  les  plus  illustres  vinrent 
l'y  visiter.  L'empereur  Joseph  II  lui 
jnodigua  les  plus  honorables  applau- 
dissements lors  de  son  passage  à  Bo- 
logne. Elle  mourut  en  ^"j"^.  L'art 
de  représenter  les  parties  anatomi- 
ques  et  pa.hologiques  du  corps  hu- 
main a  fait  depuis  de  grands  pro- 
grès ,  et  il  est  aujourd'hui  fort  répan- 
du en  Europe.  Paris  jiossède  on  ce 
genre  ,  dans  le  Muséum  de  la  Fa- 
culté de  médecine  ,  des  richesses  qui 
efl'acent  celles  que  l'on  admirait  na- 
guère à  Florence  (  V.  Fontana, 
XV,  197).  F— R. 

MORAjST  (Philippe),  antiquaire 
et  biographe  anglais,  né,  en  l'an 
1700,  dans  l'île  de  Jersey,  occupa 
plusieurs  bénéfices  dans  le  comté 
d'Essex ,  et  publia  uii^rand  nombre 
biterons  seule- 


uiicr 
1  et  a 


d'ouvrages  dont  noï 
mciit  :  i".  Histoire  él  anliquilés  de 
Colchesier,  1784,  in-folio,  réim- 
primé en  17G8.  —  îi".  Tous  les  ar- 
ticles de  la  JJiographia  britanvica 
(  1739-  1760,  en  7  vol.  in -fol.  ), 
signés  de  la  lettre  G,  et  de  plus  l'ar- 
ticle Stillindleet.  —  3".  U Histoire 
du  comté  d^Essex,  1760-1768,  2 
vol.  in-folio.  Il  prépara  ,  pour  I  im- 
pression ,  les  rôles  du  parlement , 
jusqu'à  la  seizième  année  du  règne 
d'Henri  IV.  Ce  travail  a  été  conîiiuic 
par  Th.  Astle,  qui  épousa  sa  fille  uni- 
que. Ph.  Morant  mourut  le  2j  no- 
vembre 1770.  L. 

MOiiARD  DE  GALLE  (  Jusnx- 
Bo>" aventure),  était  né  à  Goncelin, 
en  Dauphiné,  le  3o  mars  1741  ?  ^c 


I 


MOU 

parents  nobles  ,  qui ,  le  destinant 
a  l'ctat  militaire,  le  (iieut  inscrire, 
dès  IVi^e  de  onze  ans,  dans  les  gen- 
darmes de  la  fiante.  Domine  par 
nu  j^OLit  décide  pour  la  marine,  il  y 
entra,  en  1757,  comme  garde  du 
])avillon  ;  et  au  mois  de  janvier  sui- 
vant, il  fut  endîarque  sur  ['Ecureuil 
vil  il  remplit,  dès-lors,  les  louctions 
d'oiUcier.  Il  passa  successivcincnt 
sur  les  frégates  la  Fleur  de  Ijs  et 
V Hermine  ,  et  sur  le  vaisseau  le 
Sceptre  :  nommé  enseigne  en  i  "05, 
il  s'embarqua  sur  V Héroïne.  Cette 
frégate  était  destinée  à  croiser  sur 
les  côtes  de  Barbarie ,  pour  arrêter 
les  corsaires  qui  infestaient  la  Médi- 
terranée. Le  comte  de  Grasse,  qui 
commandait  V Héroïne  ,  avait  été 
témoin ,  dans  plus  d'une  circons- 
tance, de  la  bravoure  du  jeune  Mo- 
rard  de  Galle;  il  le  chargea  d'aller 
brûler  un  corsaire  algérien  qui  était 
en  vue  :  l'entreprise  était  d'autant 
plus  périlleuse  que  ce  bâtiment  s'é- 
tait réfugié  sous  la  protection  d'une 
des  batteries  de  la  côte.  La  nuit  ar- 
rivée, notre  intrépide  enseigne  s'em- 
barque dans  un  canot,  arrive  auprès 
du  corsaire ,  et  lui  applique  une 
cJiemise  soufrée.  L'explosion  qui  eut 
lieu  une  demi  -  heure  après  ,  an- 
nonça an  commandant  de  ï Héroïne 
que  ses  ordres  étaient  exécutés.  Lors 
du  bombardement  de  Larache  (  'iQ 
juin  17G5  ),  Morard  de  Galle  était 
détaché  sur  VEina  ,  qui  y  prit  une 
part  très-active.  Après  diiférentes 
campagnes  dans  l'In.ie  et  en  Améri- 
que ,  sur  la  Normande  ,  le  Sphinx  , 
la  Perle,  et  V. aurore,  il  revint  à 
Brest ,  où  il  fut  attaché  à  la  direction 
des  constructions,  jusqu'en  177(3, 
qu'il  s'embarqua  sur  la  Dédaigneu- 
se, et  ensuite  sur  le  vaisseau  le  Rol- 
land ,  dans  l'escadre  de  M.  Du- 
clialfaut.  Promu,  en  1777,  au  grade 


MOR 


7» 


de  lieutenant,  il  |(assa  sur  le  vais- 
seau la  nile  de  Paris,  ci  a.>>si.>ta  au 
combat  d'0uessant(U7Juiliel  17  78). 
11  était  sur  le  vaisseau  la  Cuwonne y 
faisant  partie  de  l'armée  combinée, 
sous  les  ordres  de  M.  de  Guichen  , 
aux  condjats  des  17  avril,  ij  et  19 
mai  1780.  L'aimée  suivante,  il  fut 
embarqué  ,  comme  capitaine  en  se- 
cond ,  sur  Vylnr.i'<al ,  dans  l'esc-idre 
du  marquis  de  ijuifren.  Au  combat 
de  la  Praya  (  iG  avril  1781  ),  M.  de 
Trémigon,  qui  commina.iil  c-e  vais- 
seau ,  fut  biessé  grièvement  dès  le 
commencement  de  l'action;  Morard 
de  Gaile,  quoi'ju'ayaul  déjà  reçu  cinq 
blessures  ,  le  remplaça,  et  contribua 
puissamment  au  gain  de  celte  batail- 
le. Eu  récompense  de  sa  belle  con- 
duite, M.  de  Siilî'ren  le  nomma  ca- 
pitaitie  de  vaisseau,  et  ce  (hoixfut 
ratifié  par  la  cour.  M.  de  Trémigon, 
guéri  de  ses  blessures  ,  reprit  sou 
commandement;  et  le  captaine  Mo- 
rard de  Galle  passa  sur  la  fré- 
gate la  Pouruofeuse.  V  Annibal 
ayant  été  pris  sur  les  Anglais  ,  le 
Commandement  lui  en  fut  conlié;  et 
il  participa,  avec  ce  vaisseau,  aux 
combats  des  17  février,  et  1-2  avril 
1  782  ,  ainsi  qu  a  ceux  des  6  juiliei  et 
3  septemlire  suivants,  dans  lesquels  il 
reçut  encore  trois .blessures  graves. 
Sa  santé  se  trouvant  altérée  jiar  sui- 
te des  fatigues  qu'il  avait  éprouvées, 
il  obtint,  du  bailli  de  Sidî'ren ,  la  per- 
mission de  quitter  son  commande- 
ment pour  aller  se  rétaijJir  h.  l'île  de 
France.  Il  y  était  à  peine  depuis  quel- 
ques mois,  lorsqu'il  reçut  l'ordre  de 
s'embarquer  comme  capitaine  en  se- 
cond sur  le  vaisseau  V  Argonaute , 
qui  rejoignait  l'escadre  devant  Gou- 
delour;  et  il  v  prit  part  au  condwt 
du  20  juin  I  783.  Il  passa  successive- 
ment sur  divers  vaisseaux  et  fréga- 
tes ,  et  continua  de  remplir  uu  service 


72  MOR 

très-actif ,  jusqu'en  1790,  que  l'ctat 
de  sa  saritc  le  força  u^e  seconde  fois 
de  quitter   l'iude  pour  revenir  eu 
France.  Promu  au  grade  de  contre- 
amiral,  au  mois  dejuillcl  179'i,  il 
porta  son  pavillon  sur  le   iiépuhli- 
cain  ,  comme  commandant  une  di- 
Tision  de  rarnic'e  navale.   Nomme 
vice-amiral  l'année  suivante  ,  il  fut 
destine  à  commander  la  station  de 
Saint-Domingue;  mais  de  nouveaux 
ordres  ayant  réuni  sous  son  comman- 
dement trois  vaisseaux,  et  sept  fré- 
gates, il  sortit  de  Brest,  avec  cette 
escadre ,  et  tint  la  mer  pendant  quel- 
ques mois  ,  pour  protéger  la  rentrée 
des  bâtiments  du   commerce  dans 
riOS  ports.  A  l'époque  où  la  terreur 
couvrait  la  France  de  deuil ,  jMorard 
de  Galle  fut  destitué  et  arrêté;  puij 
Tc'lntégrc,  nommé  commandant  des 
armes  au  port  de  Brest,  et  ensuite 
amiral    de  l'armée   navale   qui    s'y 
trouvait  réunie.  Lors  de  la  création 
du  sénat  (  dcc.  1  799  ),  il  fut  appelé 
à  eu  faire  partie;  et  quelque  temps 
après  ,  il  fut  fait  comte ,  grand-oill- 
cier  de  la  Légion-d'honneur,  et  titu- 
Jaire  de  la  séuatorerie  de  Limoges. 
Il  était  retiré  à  Guéret  ,  depuis  plu- 
sieurs  années  ,  lorsqu'une   attaque 
d'apoplexie  l'enleva  presque  subite- 
ment ,  le  -23  juillet  1809 ,  à  l'âge  de 
C8  ans.  Peu  d'hommes  de  mer  ont 
l'ourni  une  carrière  aussi  remplie  que 
cet  amiral:  il  comptait  trente -sept 
campigues ,  avait  exercé  onze  coni- 
maudcmenîs,  et  assisté  à  quinze  com- 
bats ,  dans  lesquels  il  avait  reçu  huit 
blessures.  H — Q — n. 

MORATA  (  OiFAfPi-i  FvLviA  ), 
l'une  des  femmus  les  plus  savantes  de 
5on  siècle ,  naquit  à  Ferra  re  en  1 528. 
Son  père  (  V.  Morato  ) ,  ayant  re- 
jnarqué  ses  dispositions,  mit  tous 
aes  soins  à  les  cultiver  ;  et  elle  fit  de 
rapides  prcciè.s  dcins  la  philosophie 


MOR 

et  dans  les  langues  anciennes  :  admise 
à  partager  les  leçons  de  la  jeune  prin- 
cesse Aune  d'Esté  ,  elle  devint  l'ob- 
jet de  l'admiration  de  toute  la  cour 
par  la  facilité  avec  laquelleellerépon- 
dait  en  grec  et  en  latin  aux  questions 
qui  lui  étaient  adressées.  Le  séjour 
({u'elle  fit  dans  une  cour  aussi  polie  , 
fut  sans  doute  avantageux  au  déve- 
loppement de  son  esprit  ;  mais  elle 
s'y  familiarisa   avec   les   nouvelles 
opinions  que  partageait  et  protégeait 
secrètement  la  ducbesse  de  Ferrare. 
Elle  revint  dans  sa  famille  pour  soi- 
gner son  père  dans  sa  dernière  mala- 
die ;  et  ayant  perdu  les  bonnes  grâces 
de  la  duchesse,  elle  se  trouva  seule 
avec  une  mère  infirme,  sans  fortune 
et  sans  appui,  chargée  de  l'éducaliou 
de  trois  sœui's  et  d'un  frère ,  en  bas 
âge.  Ayant  épousé,  en  i548,  André 
Grundier,  jeune  médecin,  qui  venait 
d'achever  ses  cours  à  Ferrare  ,  elle 
le  suivit  en  Allemagne  ,  avec  Emile 
son  jeune  frère ,  qu'elle  Instruisait 
dans  les  langues.  Après  avoir  de- 
meuré quelques  mois  à  Augsbourg  , 
les  deux  époux  se  rendirent  dans  leur 
famille  à  Sclnveinfurt^  mais  le  mar- 
quis de  Brandebom'g  en  ayant  fait 
sa  place  d'armes  ,   cette  ville   fut 
cernée  par  les  troupes  de  l'Empire  : 
après  un  siège  de  quatorze  mois , 
elle  fut  prise  d'assaut,  livrée  au  pil- 
lage et  réduite  en  cendres.  Olympia 
n'échappa  qu'avec  peine  à  mille  dan- 
gers ;  dépouillée  par  les  soldats  qui 
ne   lui   laissèrent  que  sa  chemise , 
échevelée  ,  nus  pieds ,  elle  suivit  sou 
mari,  emmenant  son  jeune  frère  ;  et 
tous  les  trois  parcoururent  une  par- 
tie de  la  Franconie ,  repoussés  de 
tous  les  lieux  où  ils  se  présentaient. 
Enfin  ,  le  comte  d'Erbach  leur  ac- 
corda un  asile  dans  ses  domaines  ; 
et  peu  après,  Grundier  fut  appelé  .1 
Heideibcrg  pour  y  professer  la  raç- 


MOR 

dccinc.  Mais  la  santë  tic  Morata,  af- 
faiblie par  les  maux   qu'elle    avait 
soufferts,  ne  put  se  rétablir  ;  et  après 
avoir  langui    pendant   une   onue'e , 
elle  mourut,  le  16  octobre  i55fj, 
n'ayant  pas  encore  vingt  neuf  ans. 
Son  mari  et  son  frère  lui  survccuicut 
quelques  mois  ,  et  furent  inhumés  à 
cote'  d'elle  ,  dans  un  toml)oaa  c'ieve 
par  l'amitic  ,  ollVant  une  double  épi- 
taplie ,  rapportée  par  JNiceron.  Les 
ouvrages  d'Olympia  avaient  e'te'  dé- 
truits en  partie  dans  l'incendie  de 
Sch^veinfurt.  Cœl,  Sccund.  Curicn  , 
son  ami ,  en  a  recueilli  les  fragments 
échappes  aux  flammes,  et  Ici  a  pu- 
bliés sous  ce  titre  :  Oljmpiœ  Fiihnœ 
Moratœ  ,    fœminœ  i^ocli.'.simœ   ac 
plané  divince  ,    opéra   oinnia  qiice 
hactenùs  inveniri  potusnint ,  Baie , 
1662  ,  in-8".  :  ce  recueil ,  reproduit 
avec    quelques    augmentations  ,   en 
1570  et  i58o,  contient  des  lettres 
et  des  harangues  de  Curion  (  V.  Gu- 
BioN,  X,  3^  1  ).Les  écrits  de  Morata 
sont  :  Trois  discours  prononcés  à  la 
cour  de  Ferrare  ,  sur  les  Fd'-o-doxes 
deCicéron,  qu'elle  devait  expliquer  à 
une  assemblée  choisie.  —  L  Eloge 
de  Mut.  Scevola,  gr.  lat.  —  La  tra- 
duction latine  de  Deux  nouvelles  de 
Boccace. — Deux  dialogues. — Deux 
livres  de  lettres ,  et  Deux  de  vers 
grecset  latins  ,  la  plupart  sur  des  su- 
ietspieux:  ona  justement  reproché  à 
Curion  d'avoir  mgiigc  de  ranger  dans 
im  ordre  chronologique  les  Lettres 
d'Olympia  ,  qui  renferment  des  par- 
ticularités intéressantes.  La  plupa^-t 
des  poètes  contemporains  ont  expri- 
mé leurs  regrets  Je  la  mort  de  cette 
femme  célèbre.  De  Thou  en  a  fait 
mention  dans  son  histoire;  Giraldi , 
Tomasini,   Melch.  Adam,  Th.  de 
Beze,  lui  ont  consacré  des  éloges. 
On  peut  consulter  en  outre  ïeissier , 
tome  1*='^.  ;  les  Mémuires  dcNicerou , 


MOR  73 

tome  XV;  la  Dissertation  de  George 
Louis  Noltcn  ,  De  Olyinp.  Moratœ 
vild,  scriptis ,  fatis  et  virtiitibus , 
Francfort,  i-ySi ,  in  -  4".,  réimpri- 
mée ,  avec  une  préface  de  J.  Gust. 
GuiM.  Uesse,  Francfort -sur- Oder  , 
1775  ,  in-8".;  et  celle  de  M.  J.  G. 
Kuctschke,  De  Olympia  FulvidMo- 
raid,  Zittau,  1808,  in-4''.   W — s. 

MORATIN  (Nicoltvs-Fernan- 
DEz  ) ,  savant  espagnol ,  était  avocat, 
rtîén'bre  de  l'académie  latine,  de  la 
société  économique  de  Madrid,  et 
des  Arcaftiens  de  Rome.  II  débuta 
en  i70'.>, ,  daii->  h  caiTitre  dramati- 
que ,  par  la  comédie  de  La  Petime- 
tra  ,  qui  était ,  ainsi  qi.e  l'indique  le 
titre,  écrite  con  todo  lo  rigor  de 
arte.  Jusque-là,  la  comédie  cspa- 
guole  avait  suivi  l'exemple  donné 
par  Lope  de  Vega  ,  Calderon ,  Mo- 
reto ,  Solis,  etc.  Moratin  se  proposa 
de  rapprocher  le  théâtre  comique 
de  sa  nation  de  celui  des  Français.  Il 
expose  dans  sa  préface  ce  projet  et 
les  motifs  qui  doivent  déterminer  ses 
compatriotes  à  l'exécuter.  Il  s'essaya 
ensuite,  avec  peu  de  succès,  dans  la 
tragédie ,  par  le  sujet  de  Lucrèce  : 
il  fut  plus  heureux  dans  sa  seconde 
tragédie,  Ilorinesinda ,  jouée  et  im- 
primée eu  i77o.Ccttepiècea  été  pu- 
bliée avec  les  éloges  de  poètes  distin- 
gués, tels  qu'Yriarte,  Ortega  et  Conti . 
Hormesinda  fut  en  effet  de  toutes  les 
pièces  dramatiques  de  Moratin ,  celle 
(juelepidjlic  accueillit  le  mieux.  Guz- 
manie  Bon,  tragédie  en  trois  ac- 
tes, qu'il  fit  paraître  en  1777  ,  parut 
très -inférieure  à  la  précédente.  On 
trouva  l'héroïne ,  Maria  Coronel, 
trop  larmoyante  J  et  l'on  blâma  sur- 
tout l'auteur  d'avoir  présenté  pour 
dénouement  la  mort  de  l'innocent 
don  Pèdio  ,  et  le  triomphe  du  crime. 
11  fallait  que  l'idée  de  la  tragédie  fût 
encore  bien  confuse  alors  chez  les 


74 


WOR 


Espagnols  ,  puisqu'ils  blâmaient  ce 
qui  est  commun  a  tant  de  tragédies 
jnodcines.  Moratin  composa  aussi 
deux  poèmes  :  Diane  ou  Vylrt  de  la 
chassa,  en  six  cliants,  Madrid,  1 765, 
dont  le  slyle  est  en  j^eueial  d'une 
grande  simplicité;  et  Las  naves  de 
Cortès  destruidas  ,Mdànil,  1785, 
cliaut  e'piqne  ,  qui  n'a  e'ie  publié  qu'a- 
près sa  mort,  avec  les  notes  de  son 
îlis.  Ce  sujet  (  l'iiéroisme  de  Cortez 
brûlant  sa  flotte)  avait  déjà  été  traite 
dans  la  Hernandia  de  Ruiz  de  Léon; 
et  l'académie  espagnole  l'a  vait  choisi, 
cil  1777  ,  pour  sujet  d'un  prix  qui 
fut  accordé  à  Vaca  de  Guzmau.  Mo- 
ratin est  encore  auteur  d'une  églo- 
gue  (  Dorisa  et  Ainarilis  ) ,  lue  en 
1778  ,  à  la  distribution  des  prix  de 
la  société  économique,  et  d'uue  Let- 
tre historique  sur  l'origine  et  les 
progrès  des  combats  de  taureaux  en 
Espagne,  Madrid,  1777,  1801  ,  in- 
8'\,  dans  laquelle  il  cherche  à  prouver 
que  ce  divertissement  national  est 
antérieur  à  la  domination  des  Ro- 
mains dans  la  péninsule.  Moratin 
avait  rédigé  en  outre  pendant  quelque 
temps  deux  ouvi-agcs  périodiques  : 
J^l  desenganador  del  texitro  espa- 
vol,  et  El  poet  i.  Il  mourut  en  1780. 
Son  fils  ,  Léandre  -  Fernandez ,  qui , 
comme  lui  ,  a  commencé  par  s'éle- 
ver contre  l'irrésularité  du   théâtre 

o 

espagnol,  lient  actuellement  le  pre- 
mier rang  parmi  les  auteurs  de  comé- 
dies dans  sa  patrie.  Il  a  préparé  de- 
puis long-temps  une  édition  des  poé- 
sies de  sou  père.  D — g. 

MORAÏO  onUOM:ï:0 {F ui.y  10 
Pellegrino  ),  littérateur  italien  , 
né  à  Mantone  ,  vers  la  lin  du  quin- 
zième siècle  ,  de  parents  peu  favori- 
sés de  la  fortune,  suivit  la  carrière 
de  l'enseignement  ,  et  professa  les 
])clles-letlres  dans  différentes  villes 
■^\  ce  beaucoup  de  réputation.  Attire 


MOR 

à  Ferrare  par  le  duc  d'Esté,  qui  ac- 
cordait une  généreuse  ])rotection  à 
tous  les  savants,  il  y  ouvrit  une  école 
que  s'empressa  de  fréquenter  la  jeune 
noblesse  ;  mais  accusé  de  partager 
en  secret  les  opinions  des  nova- 
teurs (  I  ) ,  il  fut  obligé  de  quitter  celle 
ville  ,  et  se  retira  à  Yicence  ,  vers 
iô3o.  Il  passa  ensuite  à  Venise,  oii 
sa  réputation  l'avait  précédé  ;  et  il 
y  reçut  de  la  ])lupart  des  littéra- 
teurs un  accueil  distingué.  Ce])endant 
les  amis  qu'il  avait  laissés  à  Ferrare 
continuaient  d'agir  en  sa  faveur  ,  et 
il  obtint  la  permission  de  revenir  en 
cette  ville,  oii  l'on  sait  qu'il  était  de 
retour  en  i538.  L'éducation  de  sa 
fille  (  la  célèbre  Olympia  Morata  )  , 
la  culture  de  la  poésie,  et  la  société 
dequelques  amisdont  ilavaitéprouvé 
le  dévouement ,  occupèrent  le  reste 
de  sa  vie;  et  il  mourut  en  i547. 
On  a  de  lui  :  I.  Il  Rimario  di  tuite 
le  cadentie  di  Dante  e  Fetrarca  , 
Venise,  i528,  in -8".;  réimprimé 
dans  la  même  ville,  en  i5i9,  i533  , 
i55o, et avecdcs additions,  en  i565, 
in-8".  C'est  le  plus  ancien  Diction- 
naire de  rimes  que  l'on  connaisse  ; 
sa  publication  a  précédé  de  quarante- 
quatre  ans  celle  du  Dictionnaire  de 
rimes  par  JeanLeFevre,  le  premier 
qui  ait  paru  en  français  (  /^'.  Fevre, 

XIV  ,  4G8  ,  et   P.  RiCHELET  ).   Mo- 

reto  promet  dans  sa  préface  V Ex- 
plication des  passages  les  plus  obs- 
curs du  Dante  et  de  Pétrarque  ;  mais 
cet  ouvrage  n'a  pas  été  terminé.  II. 
Carmina  quœdam  lalina  ,  Veni- 
se ,  i533,  in -8".;  livre  tellement 
lare  qu'il  n'a  point  été  cohou  de 
Tiraboschi  ,   ni   des    meilleurs  bi- 


^\)  Tiriil'osclii  cuuclul  d'un  [»assage  d'une  jeLtre 
de  Calcauiuiii  .  Mon.to  ,  que  c,  lu. -ci  ..v;nl  puMic  un 
ouvrage  lavoi-ahlc  aux  principes  de  la  refariuc;  mais 
si  celte  coujtcture  est  vraie  ,  l'ouvrage  est  louilié 
dans  un  tel  oubli  ,  qu'un  n'eu  conuait  plus  inème  le 
litre.  Y"J  Sloi.  liUcrat,  d'Ital. ,  loiu.  Vil. 


MOR 

bliof^raplics  italiens.  lïl.  Dei  si^ni- 
ftcalo  de  colovi  e  de'  muz:oli, il)iil., 
i535,  1543,  in  8'.  C'est  imc  iu- 
IrodiicfioJi  à  la  science  du  blason. 
IV.  Une  Lettre  a  Olympia  ,  snr  la 
prononciation  de  la  langue  latine, 
t'tc.  ,  inj primée  dans  le  reci'.cil  des 
(cnvres  de  sa  liile  (  f\  Muf.ata  ).  On 
conserve  en  mannscrit ,  à  la  îjiblio- 
thèqijc  d'Esle ,  ses  Commentaires  sur 
le  quatrième  'ivi"c  de  rÉ'.ic'ide  ,  les 
Satyres  d'Horace  ,  V Oraison  pour 
Arcliias  ,  et  W  Seconde  Phdijfpitjue 
de  Ciceron,  et  enfin  sur  le  premier 
et  le  quatrième  livre  de  la  Guerre 
des  Gaules  ,  de  César.      W — s. 

MORCELLI  (Etienne-Antoine), 
antiquaire,  ne  en  1737,  a  Chi,iri, 
dans  la  province  de  Brescia  ,  fit  ses 
c't'ules  chez  les  Jésuites  qui ,  vovaut 
ses  heureuses  dispositions ,  l'atti- 
rèrent dans  leur  ordre  ,  et  l'cn- 
Toyèrent ,  à  l'àgc  de  seize  ans ,  au 
collège  de  Ptome ,  d'oîi  il  passa  à 
l'Vrmo,  puis  à  Raguse  ,  pour  y  en- 
seigner le  latin.  En  1771,  il  futrap- 
jiclé  à  Rome,  et  y  obtint  la  chaire 
d'éloquence.  Il  professa  avec  bc>au- 
roup  de  succès,  et  ne  négligea  rien 
pour  soutenir  et  répandre  le  goût  des 
études  classiques.  Ce  fut  dans  cette 
intention  qu'il  fonda  l'académie  d'ar- 
chéologie au  musée  du  P.  Kircher  , 
et  y  donna  l'exemple  du  zèle  pour  la 
connaissance  des  antiquités,  en  com- 
posant plusieurs  dissertations.  Après 
la  suppression  de  son  ordre  (1773), 
il  se  retira  chez  le  cardinal  Albaîii , 
el  prit  soin  de  la  magnifique  biblio- 
thèque de  ce  prélat.  Dans  cette  po- 
sition ,  ayant  du  loisir  pour  le  tra- 
vail ,  et  les  phis  grandes  facilités 
pour  les  recherches  savantes^  il  com- 
posa plusieurs  ouvrages  ,  notam- 
ment celui  du  Style  des  inscrip- 
tions. En  1791,  il  revint  dans  sa 
A  ille  natale  pour  y  exercer  la  charge 


1\I0.'\  "j'j 

de  prévôt  du  chapitre;  et  depuis 
lurs  il  r'">ta  à  Chiari ,  et  devint  le 
bienfaiteur  de  ses  concit.jy.' us.  Il  re- 
fusa l'archevèchi  de  Ragasc,  pour 
n'être  pas  obligé  de  s'cluigner  de  sa 
patrie.  Il  fonda  el  doîa,d.>nsla  vi!le 
deChiari,  une  institution  pour  l'édu- 
cation des  jeunes  {,L!cs,  améliora  !es 
écoles,  (it  présent  à  la  ville  de  sa  bi- 
biiothè(pie  ,  et  restaura p!iLsieursédi- 
lices,  surtout  les  ég'ises.  M.  Labus  dit 
de  Morcelli,  que  son  extérieur  e'tait 
noble,  sa  démarche  grave,  ses  traits 
réguliers  et  gracieux,  son  regard  bril- 
lant, sa  conversation  séricu>e  et  sa- 
vante, et  que  ces  qualités,  jointes  à 
sa  réputation  d'honime  juste,  pieux 
et  charitable,  attiraient  sur  lui  l'at- 
tention et  l'admiration  partout  où  il 
allait.  L'abbé  MorccUi  passait  pour 
l'homme  qui  possétlait  le  mieux  le 
style  convenable  aux  inscriptions  la- 
tines, genre  dans  lequel  il  surpassa 
beaucoup  Emanuel  Tesauro  et  Gui 
Ferrari  (  V.  ces  noms);  el ,  dans 
toutes  les  solennités  ,  on  s'efforçait 
d'obtenir  quelque  inscription  de  sa 
main.  Ce  savant  et  pieux  ecclésiasti- 
que est  mort  à  Chiari  le  i*^'".  janvier 
1821.  On  connaît  de  lui  :  I.  De 
stylo  Inscriptlonum  l.itinarum  li~ 
bri  III,  Home,  1780,  in  -  4".  Cet 
ouvraîie  a  reçu  ks  éloges  des  anti- 
quaires  les  plus  cbstiugac's.  L'auteur 
y  mettait  la  dernière  main  ,  lors- 
que le  c.xidinal  Albar.i  vint  à  mourir: 
aussi  Morceili  le  te:  mine-t  il  par  un 
c'ioge  en  style  lapidaire  de  son  pro- 
tecteur. En  plusieurs  endroits  de  S(ni 
trav^ail  ,  il  exprime  un  goût  très-vif 
pour  la  littérature  classique  ;  et  quel- 
quefois il  y  ajoute  des  expressions 
un  peu  dures  contre  les  lettres  et  les 
mœ  lis  modernes  Lhie  profonde  éru- 
dition se  montre  dans  tout  le  cours 
du  livre  :  cependant  les  traits  eu 
sont  bien  choisis ,  et  ne  tendent  qu'à 


.  7(5  MOR 

l'iustrucliou.  II.  Inscriptiones  com- 
mentariis  sul/jeciis,  l 'j'S'i  ,  ia  -  4"- 
C'est    U!ic    suite    du    traité    précè- 
dent ;  railleur  y  range  suiv  uit  l'or- 
dre des  sujets  ,  les  iuscriptions  la- 
tines qu'il  a  composées  à  l'imitation 
de  celles  des  Uojnaius  ;  et  il  les  ac- 
compagne d'un  commentaire  pour 
jiistilier  les  expressions.  Ce  que  l'on 
trouve  de  plus  reraarquaMc  dans  ce 
volume  ,  c'est  uu  essai  de  fastes  des 
siècles  de  l'ère  chrétienne ,  écrits  à  la 
manière  des  fastes  du  Capilole.  llf. 
Ilapepyo»  inscriplionuni  novisdma- 
rurn  ab  anno  i  ;84  Andrii  Andrecc 
curd  editum  ,  Padoue ,  1 8 1 8 ,  iu  fol. 
Ce  livre   forme  la  suite  des  deux 
précédents,  que  l'on  réunit  ordinaire- 
ment. IV.  Indication  des  antiquités 
de  la  maisoii  Albani ,  Rome,  i^8j. 
V.  Ancien  calendrier  de  l'église  de 
Cunstantinople  ,  traduit  du  grec  en 
latiii ,  et  accompagné  de  notes  ,  Ro- 
me ,  1788,  -1  vol.  in- 4".  Ce  calen- 
drier est  fort  important,  et  surpasse 
en  antiquité  tous  ceux  qui  avaient  été 
publiés  jusqu'à  présent.  \  I.  Expla- 
natio  ecclesiastica  sancti  Gregurii 
(  évêque  de  Girgenti) ,  en  dix  livres  , 
grec  et  latin,    1791.   VII.  AJ'rica 
chrisliana,  Rome,  1816,  3  vol.  in- 
40.  On  a  encore  de  Morcelli  deux 
livres  de  Sermons,  1783;  trois  pelils 
vol.  d'OEuvrcs  ascétiques,  i8tio,  et 
plusieurs   petits   Traités  ,   tels  que 
Electorum ,  libri  u,  1 8 1 4;  Agapeia, 
i8i6(sursaintAgape,  martyr,  dont 
le  corps  fut  donné  par  Pie  VI  à  la 
ville  de  Chiari ,  et  dont  le  culte  fut 
établi  par  Morcelli  dans  sou  égli- 
se );  De  Agone  CapitoUno  ^  ^^17; 
}Atxeti]M4^,  1818.  M.  Labus  se  pro- 
pose de  publier  les   manuscrits  de 
Morcelli  ,  avec  une  Vie  de  ce  sa- 
vant. Il  a  fait  insérer  préalablement 
dms  uu  journal  de  Milan  une  Noiicc 
sur  i'abbé  Morcelli,  traduite  dans  la 


M  OR 

Revue  encj  clopédique,  février  1 82 1 , 
IX,  3g I ■4-  D — G. 

MORD  \UNÏ  (  Charles  ).  Z^.  Pe- 

TERBOROUGH. 

MORE  (  TnoMAs  ),  en  latin  Mo- 
rus,  grand-chancelier  d'Angleterre , 
né  à  Londres ,   en   1 480 ,  était  C!s 
d'un  lies  juges  du  banc  du  roi.  Le 
cardinal  ;\îorton ,  arclicvè(pie  de  Can- 
teibury,  charmé  de  son  caractère  ai- 
mable et  de  ses  heureuses  disposi- 
tions, le  reçut  dans  sa  maison,  et 
veilla  sur  sa  première  éducation,  qu'il 
1  envoya  terminer  à  Oxford.   More 
fit  des  progrès  aussi  rapides  que  bril- 
lants dans  tous  les  genres  de  littéra- 
ture :  au  sortir  de  l'université,   il 
suivit  la  carrière  du  barreau,  et  s'y 
acquit  une  telle  réputation,  qu'aussi- 
tôt qu'il  eut  atteint  l'âge  nécessaire 
pour  entrer  au  parlement ,  il  en  fut 
élu  membre  ;  et  il  y  débuta  par  faire 
refuser  un  subside  onéreux  que  vou- 
lait imposer  Henri  VII.  Wolscy  l'in- 
troduisit auprès  de  Henri  VllI,  et 
lui  ouvrit  la  porte  du  conseil-privé. 
Ce  monarque    goûta    beaucoup    sa 
conversation  ,  l'admit  dans  sa  plus 
grande  intimité,  le  nomma  trcso- - 
lier  de  l'échiquier ,  et  l'employa  dans 
plusieurs  missions  importantes,  sur- 
tout aux  conférences  de  Cambrai, 
ou  il  eut  beaucoup  de  part  au  traité 
qui  fut  conclu  dans  celte  ville.  8es 
services  furent  récompensés,  après  la 
disgrâce  de  Wolsey  ,  par  la  charge 
de  grand-chancelier.  Il  n'est  pas  vrai 
qu'il  fut  le  premier  laïc  qui  eût  oc- 
cupé   cette    éminente    place  ;    mais 
personne  ne  l'avait  remplie  avec  au- 
tant de  zèle ,  d'intégrité  et  de  désin- 
téressement. Aussi,  lorsqu'il  la  quitta 
au  bout  de  deiix  ans  d'exercice  ,  sa 
fortune  se  réduisait-elle  à  cent  livres 
sterUug  de  revenu.   Ses  enfants  se 
plaignant  quelquefois  de  ce  qu'il  ne- 
profilait  pas  de  son  élévation  pour 


I\IOR 

îcnr  avancement:  «  Laissoz-nioi  ren- 
»  dic  la   jiislico  à  toiil  le   laonde  , 
»  leur  re'pund.iil-il  ;  aoIic  gloire  et 
»  mon  .salut  en  dépendent  :  ne  crai- 
»  gncz  rien  ,  vous  aurez  tonjonrs  le 
»  meilleur  parlaj^c, la  bénédiction  de 
»  Dieu  et  des  hommes.  »  More  ecou- 
ttit  indistinclement  tous    les    plai- 
deurs. 11  .sullisait  d'être  pauvre  pour 
obtenir  une  prompte  justice.  «  La 
«justice  m'est   si  clièrc,  disait-il, 
))  ffuc  si  mou  père  plaidait  contrôle 
»  diable ,  et  ([u'il  eût  tort,  je  le  con- 
5)  damnerais  sans  hésiter,  »  En  moins 
de  deux  années ,  il  fit  expédier  toutes 
les  causes  arriérées,  dont  queiqucs- 
iincs  l'étaient  depuis   vingt  ans  ;  et 
tout  se  trouvait  au  courant  quand  il 
donna  sa  démission.  Vu  de  S£s  gen- 
dres ,  qui  n'avait  soutenu  un  procès 
que  parce  qu'il  avait  compté  sur  sa 
laveur,  se  plaignant  de  l'avoir  per- 
du :  «  Je  suis  fils  de  Thémis,  lui  dit- 
«  d,  et  aussi  aveugle  que  ma  mère.  » 
More  connaissait  à  fond  le  caractère 
de  Henri.  Un  de  ses  amis  lui  faisant 
un  jour  l'éloge  de    ce    prince,  qui 
s'était  promené  pendant  deux  heures 
dans  le  jardin  du  chancelier,  le  bras 
passé  autour  du  cou  de  ce  favori.  «  Je 
»  conviens  cju'il  est  bon  maître  ,  re'- 
»  pliqua-t-il  ;  cependant,  malgré  la 
}>  faveur  dont  il  m'honore  ,  si  cette 
»  tète  qu'il  vient  de  caresser  pouvait 
»  lui  gagner  uu  château  en  France  , 
»  il  ne  la  laisserait  pas  long-temps 
»  sur  mes  épaules.  »  11  ne  tarda  pas 
à  éprouver  la  vérité  de  cette  conjec- 
ture prophétique.  Comme  tous  les 
hommes  éclairés  de  son  temps,  Mo- 
re desirait  la  réforme  des  abus  qui 
s'étaient   glissés  dans   le  gouverne- 
ment de  l'Église,  surtout  dans  l'ex-  ' 
cessivc  autorité  que  la  cour  de  Rome 
exerçait  sur  celle  d'Angleterre.  Mais 
il  prévit  (juc  les  changeraenls  entre- 
pris par  Uouri  VIII  iraient  jusqu'à 


briser  les  liens  qui  l'unissaient  avec 
le  Saint-Siège,  et  que  le  j)ostc  émi- 
nent  t[u'il  occuj>ait  le  mettrait  dans 
le  cas  d'y  prendre  part:  il  se  démit 
du  grand-sceau  ,  pour  aller  vivre  en 
.simple  particulier  dans  sa  maison  de 
Chelsea,  où  il  partagea  tontson  temps 
entre  la  prière ,  l'étude  et  les  soins  de 
sa  famdle.   L'ombrageux  monarque 
ne  l'v  laissa  pas  jouir  long-temps 
des  douceurs  delà  retraite.  Persuadé 
que  le  sulliage  d'un  homme  de  soa 
caractère  et  cîe  sa  réputation  ,  dont  la 
plume  lui  avait  été  foit  utile  pour 
repondre  à   Luther  ,  donnerait  uu 
grand  lustre  à  sa  cause,  Henri  sonda 
ses  dispositions;  et  sur  son  refus  de 
prêter  le  serment   de  siiprémalie , 
il  le  (it  renfermer  à  la  Tour,  où  il  fut 
privé  de  ses  livres  qui  faisaient  sa 
plus  douce  consolation,  et  réduit  k 
vendre  ses  meubles  pour  faire  sub- 
sister sa  nombreuse  famille.  Les  me- 
naces, les  insinuations  les  plus  cap- 
tieuses ,  les  offres  les  plus  séduisan- 
tes échouèrent    contre  sa  fermeté. 
Quand  on  lui  opposait  le  statut  du 
parlement  qui  avait  prescrit  le  ser- 
ment ,  il  répondait  que  c'était  une 
épée  à  deux  tranchants,  qui  tuait  ou 
l'ame  ou  le  corps.  Lui  représentait- 
on  qu'il  ne  devait  pas  se  croiic  plus 
habdc  que  le  grand-conseil  d'Angle- 
terre. «  J'ai  pour  moi .  disait-il,  le 
»  grdnd-coirseil  des  Chrétiens,  qui 
»  est  toute  rÈglisc.  »  Le  solliciteur- 
général  Rich  ,  chargé  d'instruire  son 
procès ,  prit  tour  à-tour  le  rôle  d'ami 
et  de  juge,  lui  tendit  toute  sorte  de 
pièges  pour  le  surprendre,  mêlant 
insidieusement  des  questions  politi- 
ques et  des  questions  religieuses ,  puis 
confondant  à  dessein  les    fépouscs 
sur  les  unes  et  sur  les  autres ,  pour  en 
former  un  corps  de  délit.  Son  inter- 
rogatoire roula  sur  la  question  du  di- 
vorce ,  sur  celle  de  la  suprémade  , 


;3 


IMOR 


et  sur  «a  corrospo'-K.l.'jnce  arec  l'e- 
vêquc  Fishcr.  More  rf'poiiàit  sur  la 
première,  qu'il  s'en   6ta.it  explique 
franchement  avpo,  le  roi;  sur  la  se- 
conde ,  qu'il  n'avait  poiut  de  carac- 
tère clans  l'Èsj'.isc  peur  la  décider, 
mais  que  le  nouveau  titre  du  monar- 
que lui  parai-'-^ail  coutrairo  à  ladoc- 
liine  dans  lacp'clle  il  avait  ëléelcvc; 
et  sur  la  troisicinc,  que  sa  coirespon- 
daiice  avec  Fisher  ,  pi  isoumer  eoiu- 
me  lui,  et  pour  la  uièine  cause,  n'a- 
vait d'autre  objet  que  de  s'encoura- 
ger l'un  et  l'autre  à  une  parfaite  ré- 
signation dans  le  sort  commun  dont 
ils  étaient  menaces.  :va  femme  le  con- 
jurant de  se  soumettre  à  la  volonté 
de  Henry  YII I ,  pour  l'inlèrêt  de  ses 
enfants  :  «  Ah  î  ma  femme  ,  lui  dit- 
»  il  ,  voulez-vous  que  j'échange  l'é- 
))  tcrnité  avec  vinp;t  années  que    je 
»  peux  encore  avoir  à  vivre.'»  Quand 
on  vint  lui  annoncer  sa  sentence  de 
mort ,  celui  qui  était  chargé  delà  lui 
iioliticr,  lui  fil  valoir  comme  une 
marque  signalée  de  la  clémence  du 
roi ,  qu'il  avait  commué  la  peine  de 
la  potence  en  celle  de  la  décapita- 
tion :  «  Dieu  préserve  mes  amis  d'une 
»  pareille    faveur,    lui    répondit-il. 
»  J'espère  que  mes  enfants  n'en  au- 
«  ront  pas  besoin.  »  Après  la  lec- 
ture de  la  sentence,  il  reprit   son 
flegme   ordinaire  :   il  renouvela   sa 
profession  de  foi  sur  la  suprématie 
comme  contraire  à  la  loi  évangéti- 
quc  qui  a  conféré  la  primauté  spiri- 
tuelle à  saint  Pierre  et  à  ses  succes- 
seurs ;  à  la  tradition  de  tous  les  siè- 
cles, oiî  l'on  ne  trouvait  pas^ni  seul 
docteur  qui  fùl  d'avis  qu'un  laie  pût 
être  le  chef  de  l'Église  ;  à  toutes  les 
lois. de  l'Angleterre,  spécialement  à 
la  grande  cliarte ,  qui  avait  reconnu 
fous  les  droits  du  souverain  pontife, 
tels  qu'ils  existaient   à  l'époque  où 
elle  fut  faite;  au  serment  par  lequel 


IMOR 

le  roi  s'était  en<;a<ïé  à  son  sacre  do 

n    n 

inairitenir  et  défendre  les  droits    df; 
l'E^^lise.  La  mort  de  More  fut  celle 
d'un  martyr.  Après  s'être  préparé  a'i 
supplice  par  des  actes  de  piété,  il 
reprit  sa  gaîté  naturelle.  Monté  s  ur 
l'éch  ifjiud ,  il  se  mit  a  genoux,  fil  ses 
])rières  à  liante  voix,  embrassa  l'exé- 
cuteur ,  et  l'encouragea   à  faire  son 
devoir.  Il  eut  la  tête  tranchée  sur  la 
plate-forme  de  la  Tour,  le  G  juillet 
i;")3j  :  elle  fut  exposée  pendant  qua- 
torze jours  sur  le  pont  de  Londres  , 
d'où  sa  lillc,  Marguerite  Roper,  la 
fit  enlever ,  ainsi  que  son  corps,  qui 
était  resté  à  la  Tour. La  tête,  enfer- 
nicc  dans  une  coupe  de  plomb,  fut 
enterrée  à  Saiut-Dunstan  de  Cantcr- 
buiy,  et  son  corps  dans  l'église  de 
Chelsea.  «  Pour  ce  qui  regar  le  la 
»  justice,  le  désintéressement,  l'hu- 
»  milité  et  la  véritable  générosité, 
»  dit  Rapin  Thoiras,  More  était  un 
»  ex(^raple  au  siècle  où  il  vivait.  »  Il 
avait  beaucoup  de  sang-froid  ,  l'air 
riant ,  l'abord  facile.  11  avait  vécu  à 
la  cour  sans  orgueil  ;  il   parut  sur 
l'échafaud  sans  faiblesse.  On  lui  a 
reproché  un  trop  fréquent  usage  de 
la  plaisanterie  ,  et  daûs  des  circons- 
tances qui  exigeaient  beaucoup  de 
gravité,  comme  dans  les  moments  qui 
précédèrent  sou  supplice.  «  Mais  , 
»  dit  Colliers,  il  faut  convenir  que 
))  cette  gaîté  provenait  de  la  séréiiilé 
»  d'une  ame  pure  ;  que  l'habitude  de 
»  réfléchir  sur  la  mort  lui  avait  ap- 
»  pris  à  en  contempler  les  appro- 
»  ches  sans  frayeur ,  de  sorte  que  la 
»  vue  de  son  supplice  ne  put  pro- 
»  duire  aucune  altération  dans  son 
r>  caractère  naturellement  gai.  »  Mo- 
re passait  pour  un  des  hommes  les 
plus  aimables  de  son  temps,  et  un  des 
meilleurs liltérateurs,  dans  un  siècle 
très-fertile  en  gens  de  lettres.  Il  s'ex- 
primait  naturellement  ;   sou    style 


MOR 

est  ('li^j^ant ,  d'une  lalinitc  pure.  II 
avait  l'art  de  présenter  les  objets 
sous  le  eotc'  le  plus  avantageux.  Il 
avait  cultivé  la  poésie  avec  succès  : 
il  connaissait  parl'aitenient  les  lois, 
l'histoire  sacrée  et  profane.  Ses  ta- 
lents eu  politi'pic  brillèrent  dans  les 
négociations  dont  il  fut  chargé  au- 
près de  l'empcreiu-  et  du  roi  de  Fran- 
ce. Son  allichenicnt  à  l'Kglise  ca- 
thoIi((ue  ne  se  dénicutit  jamais ,  quoi- 
qu'il se  permît  quelquefois  des  plai- 
santeries sur  les  abus  qui  s'étaient  in- 
troduits chez  les  moines.  On  l'a  mê- 
me accusé  d'avoir  contribué  à  la  per- 
sécution que  les  Luthériens  éprouvc- 
rdnt  sous  Henri  VIII.  Ses  ouvrages 
ont  été  recueillis  en  •}.  vol.  iu-fol.  ; 
l'un ,  qui  renferme  tous  ceux,  qu'il 
avait  composés  en  anglais,  Londres, 
1559,  et  l'autre,  où  se  trouvent  tous 
ceux,  qui  sontécrits  en  latin,  Louvain, 
i5(3G.  La  plus  connue  de  toutes  ces 
pièces  est  son  Utopie  :  De  optimo 
reipuhliciv  statu ,  dequenovd  insiild 
fJtopid ,  Louvain  ,  1 5 1 6  ,  in  -  4°-  ; 
Bàle ,  1 5 1 8 ,  iu-4°.  :  ouvrage  allégo- 
rique ,  dans  le  goût  de  la  République 
de  Platon,  quoique  traité  avec  moins 
d'éloquence.  C'est  une  débauche  d'es- 
prit qui  lui  échappa  dans  sa  jeunesse. 
On  y  trouve  de  bonnes  vues  ,  et  un 
grand  zèle  pour  le  boîilicuir  public. 
Mais  il  y  propose  des  opinions  assez 
bizarres  sur  le  suicide ,  le  paitage 
égal  des  biens  ,  la  tolérance  des  reli- 
gions ,  et  plusieurs  autres  chimères. 
Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  anglais 
par  Ilaphe  Robinson  ,  1 55 1  (  réim- 
primé par  les  soins  de  Thomas 
Frognall  Dibdin  ,  Londres  ,  1 809  ,  -i 
vol.  in-8°.  ) ,  et  par  Burnet.  Nous  en 
avons  plusieiu's  traductions  françai- 
ses, la  première  par  Jean  Leblond  , 
Paris  ,  i55o  ,  in-Bc».  ;  la  seconde  par 
Gueudeville ,  Leyde ,  1 7  1 5 ,  Amster- 
dam,  1730,  ia  -  12;  la  troisicme, 


79 


MGR 

par  Th.  Rousseau  ,  1780  , 
in-8". ,  avec  des  notes  ,  et  une  pré- 
face ,  qui  contient  le  précis  de  la 
vie  de  l'auteur.  Parmi  ses  autres 
écrits  ,  on  distingue  :  I.  La  /^/>  de 
fiichard  III ,  composée  dans  sa  jeu- 
nesse, sous  l'influence  du  cardiîial 
Mortou  ;  ce  qui  l'a  fait  soupçonner 
de  parti. dite  en  faveur  de  la  f.icîion 
Lancastrienne,  à  laquelle  ce  cardi- 
nal était  dévoué  :  il  n'y  avait  pas 
mis  la  dernière  main;  aussi  man- 
que-t-elle  d'exactitude  dans  certains 
faits  et  dans  quelques  dates; —  celle 
d'Edouard  ^,  qu'il  composa,  dit 
Hume  ,  pour  charmer  son  loisir  et 
exercer  son  imagination  ;  ecUe  de 
Pic  de  la  Mirandole,  qui  n'est  qu'une 
traduction  du  latin  en  anglais.  II. 
Des  Lettres  écrites  de  sa  retraite  de 
Chelsea.  III.  Qubd  projide  mors 
Tlnn  sit  jui^ienda;  fruit  de  sa  réclu- 
sion à  la  Tour.  IV.  CGjmnentaria. 
insanct.  Jui^iistin.,  de  ChdtateDei. 
V.  Epistola  ad  academicos  Oxo- 
nienses.  VI.  Defensio  Erasmi  con- 
tra Z)orp;Hm.  VII.  Traduction  lati- 
ne de  plusieurs  dialogues  de  Lucien. 
VIII.  Divers  livres  de  controverse, 
de  dévotion ,  des  pièces  de  poésie,  etc. 
M.  Cuyley  a  puldié  ,  en  anglais,  les 
Mémoires  de  Th.  Morus  ,  a\ec  une 
nouvelle  traduction  de  l'Utopie,  sou 
Histoire  de  Richard  iri,  et  ses  poé- 
sies latines,  Londres,  1808,  2  vol. 
iu^"-  I-iS  Vie  de  cet  illustre  martyr 
de  la  foi  a  été  écrite,  i  °.  par  son  gen- 
dre Will.  Ruper  (Oxford,  17  iG, 
in-S**. ,  publiée  par  Th.  Hearne  );  — 
1°.  par  son  arrière-pelit-fils  (i), 
i627,in-4"-5  Londres,  17-26,  in- 
8".;  trad.  eu  allemand  par  C.  G. 
Joecher  ,  Leipzig  ,  1741  ,  iu-B".  ;  — 
3".  par  Stapletou,   dans  son   Très 


(1)  Thomas  More,  inissiouTinire  cataoliqiif  nu  An- 
glelerre  ,  puis  chargé  des  alTaires  de  CVlte  misait»  e« 
É5[)ngoe,  luort  eu  anit  i'Ja5. 


8o  MOR  MOR 

Thomœ  (  les  deux  autres  sont  l'apô-    font  trouvé,  et  Gilblas,  et  sa  trage'dîe 
tre  et  l'archevêque  de  Canierbury  ),     du  Joueur ,  quoique  froidement  ac- 


Douai,  i58B,  in-S".  —  4°-  parle 
docteur  Wordsworth  dans  son  Ec- 
clesiastical  Biogra>iItj.,  d'après  un 
manuscrit  de  la  ]>ibliolhcqi)ede  Lam- 
beth,  et  que  l'on   croit  de  Harps- 
field ,  etc.  Sa  postérité  existait  en- 
core en  i8i5,  dans  la  personne  de 
lady  Ellenborougli  ;  et  son  dernier 
descendant  en  ligne  directe  était  le 
révérend  Thomas  More ,  décédé  à 
Bath,  en  179J.  Les  enfants  et  les 
petits-enfants  de  cet  homme  célèbre 
se  sont  presque  tons  distingués  par 
des  ouvrages  de  littérature  ecclésias- 
tique. Nous  ueciterons  que  Henri  Mo- 
re, son  pelit-fils ,  connu  par  une  tra- 
duction anglaise  du  Manuale  medi- 
tationum   de   Villocastani ,    Saint- 
Omer,  1618  et  i6'i3  ,  et  par  ïliis- 
toria  missionis  anglicame  societa- 
tis  Jesu^  iii-fol.  Celte  histoire  va  de- 
puis i58o  jusqu'en  i6?)5.  Margue- 
rite Ropcr ,  la  fille  chérie  du  chance- 
lier, a  aussi  publié  divers  ouvrages; 
et  le  cardinal  Pôle  assurait  qu'il  n'a- 
vait jamais  rien  lu  d'aussi  bien  écrit 
delà  main  d'une  femme.     T — d. 

MORE  ou  MOORE  (  Edouard  ) , 
littérateur  anglais  ,  du  dix-huitième 
siècle  ,  quitta  le  magasin  d'un  mar- 
chand de  toiles ,  où  il  avait  été  rais  en 
apprentissage  ,  pour  se  livrer  à  son 
goût  pour  la  poésie.  Il  eût  étéenelTct 
à  regretter  qu'un  talent  aussi  agréa- 
ble que  celui  qu'il  a  montré  dans 
plusieurs  ouvrages  ,  fût  étouffé  par 
une  application  journalière  à  des 
calculs  arides.  Le  titre  principal  de 
sa  réputation  littéraire  est  son  re- 
cueil de  Fables  pour  le  sexe  fémi- 
nin ,  qui  sont,  après  celles  de  Gay  , 
cç  que  la  littérature  anglaise  possède 
de  mieux  en  ce  genre.  Le  sens  en  est 
énergique,  et  la  versification  aisée  et 
élégante.  Ses  deux  comédies  V En- 


cueillies  au  théâtre,  ont  beaucoup 
de  mérite.  La  dernière  a  été  traduite 
en  français ,  par  l'abbé  Brute  de 
Loirelle,  censeur  royal ,  i'y62,in« 
12,  {F.  Grimm,  17G9,  t.  vi ,  p. 
4i.)  On  doit  distinguer  parmi  ses 
autres  productions  le  Jugement  du 
persan  Selim ,  où  il  adresse,  sous 
la  forme  du  reproche,  un  compli- 
ment très -ingénieux  au  lord  Lytlel- 
tou.  11  est  aussi  l'auteur  de  ce  èbres 
fouil'es  périodiques ,  intitulées  le 
Monde ,  dont  on  a  fait  un  recueil 
après  sa  mort,  en  4  vol.  in-r^.  Mo- 
oie  avait  épousé  une  demoiselle  Ha- 
millon  ,  qui  avait  comme  lui  du 
talent  pour  la  poésie  :  il  cessa  de  vi- 
vre le  28  février  1757.  Ses  œuvres 
ont  été  imprimées  en  un  vol.  in- 4°. , 
1756.  L. 

MOREAU  (Rejné)  ,  docteur-mé- 
decin ,  savant  dans  la  diététique ,  né 
à  Montreuil-Bellai,  en  Anjou,  vers 
1587  ,  mourut  à  Paris  le  17  octobre 
i65().  11  professa  pendant  quarante 
années,  avec  distinction,  la  méde- 
cine et  la  chirurgie  à  la  faculté  de 
Paris.  Sa  bibliothèque,  l'unedes  plus 
considérables  pour  son  temps,  l'avait 
mis  à  porléede  recueillir,  des  auteurs 
anciens  et  modernes  les  plus  esti- 
més ,  un  grand  nombre  de  documents 
sur  l'hygiène  ;  et  il  s'était  propos» 
d'en  composer,  pour  ses  auditeurs  , 
un  cours  qui  eût  donné  au  moins  l'é- 
tat de  la  science  à  cette  époque  :  un 
pareil  cours  n'a  pu  être  établi  avec 
fruit ,  comme  une  branche  de  l'art 
médical ,  que  dans  ces  derniers  temps. 
Les  démonstrations  des  professeurs 
étant  alors  plus  circonscrites  et  bor- 
nées à  un  espace  de  deux  années, 
Moreau  reconnut  qu'il  ne  lui  était 
pas  loisible  d'exposer  son  cours 
d'hygicue,  qui  eût  demandé  plusieurs 


MOR 

mois;  mais  il  conçut  l'idée  de   pu- 
blier ses  extraits  et  ses  remarques 
eu  les  faisant  servir  tiecommeutaires 
au  livre  connu  sous  le  nom  de  ï J£- 
cole  (le  Sulerne ,  ([uU   compléta  et 
revit  d'après  des  manuserils  plus  am- 
ples et  moins  défectueux.  L'édition 
qu'il  eu  a  donnée  sous  le  litre  de 
Schula  Salernltana  ,  de  valetudine 
iuendd,  Paris,   i6'.i5,  réimprimée 
en  1672,  iu-8°.,  est  accompaj^iuée 
des  commentaires  d'Arnaud  de  Ville- 
neuve, de  Carion  ,  Gueliius  ,    Gos- 
tanson;  et  il  y  a  joint  de  nombreuses 
remarques,  enrichies  de  citations  ex- 
pliquées ou  corrigées  d'environ  huit 
cents  auteurs  dont  il  donne  la  table. 
D'utiles  proléf;;i)mènes  indiquent  l'o- 
rigine de  l'ouvrage,  la  fondation  de 
l'école  dont  ce  livre  a  reçu  le  nom; 
l'auteur  ou  le  compilateur  des  vers 
techniques  qui  le  composent  (  F. 
Jean    le    Mila-\ais  )  ;     l'oltjet    du 
rythme  employé;  lenombre  des  vers 
publics  jusqu'alois  (de  3  à  4  cents), 
et  augmentés  de  plus  du  double  dans 
les  manuscrits  que  l'éditeur  indique, 
mais  dont  il  se  borne  à  donner  ce 
qui  est  relatif  à  l'hygiène;  eulin  ,  un 
ordre  de  chapitres  pins  conforme  à 
la   disposition  des  matières.  —  Le 
même  docteur  a  traduitde  l'espagnol 
d'Antoine  de  Golmeneru,  un  Traité 
du   chocolat.   Paris,   i643,  iu-4°. 
—  On    ne    citera    de    ses   propres 
écrits  sur  l'art  médical  ,  qu'un  petit 
traité  de  Missione  sanguinis  in  pieu- 
ritide,   i6'2.i  ,  in-i'2;  une  Lettre  à 
Baldi,  à  ce  sujet,  1640.  (/^'^.Baldi); 
et   une   Larj  ngotomia ,    jointe    au 
traité  de  Bartholin  de  Angind  pue- 
ron«rt,  1646,  in-8^.  G — ce. 

MOKEAU  (  Jacob  -  Nicolas  )  , 
historiographe  de  France  ,  né  à 
Saint-Florentin ,  le  20  déc.  1 7  1 7  ,  fit 
son  droit  à  Aix  ,  fut  reçu  avocat ,  et 
devint  conseiller  à  la  cour  des  comp- 


Mon  81" 

tes ,  aides  et  finances  de  Provence.  Il 

était  jeune  encore ,  lorsque  sa  pas- 
sion  pour  les  lettres   le   fit    renon- 
cer aux  fonctions  delà  magistiatme. 
Il  se  rendit  à  Paiis,  où  ses  prcmieis 
essais  ,  comme  ceux  de  pie.s({iic  tous 
les  gens  de  lettres,  furent  dans  l'art 
des  vers.  Il  chanta  la  Bataille  de 
Fontenoi ,    dans    une   ode   qui  fut 
imprimée  en   1745.    Mais  il  eut   le 
bon  esprit  de  comprendre  qu'il  n'a- 
vait point  reçu  ce  que  Boileau  appelle 
Vinjluence  secrète-,  et  renonçant  au 
culte  puJdiî-  des  muses ,  il  consacra  sa 
longue  carrière  littéraire  à  (!es  tra- 
vaux plus  sérieux.  Il  étudia  les  inté- 
rêts des  cours  de  rE:;rope  ,  les  bases 
de  l'ancien  droit  public  de  France  , 
l'histoire  et  ses  raonuraeuts ,  la  scien- 
ce de  l'administration,  et  chercha 
l'heureux  et   difficile  acccrd  de  la 
morale  et  de  la  politique.  L'  Olser- 
vateur  hoUaudais ,  espèce  de  jour- 
.nal   politique   contre  l'Angleterre  , 
commença,  en  1735,  la  réputation 
de  More;ai.  Il  écrivit  pendant  un  dé' 
mi-siècle,    et    coînpusa   un    grand 
nombre  d'ouvrages  dont  nous  don- 
nerons la  liste  complète,  avant  pa- 
ru la  pliqtart  sous  le  voile  de  l'ano- 
nyme. Un  des  plus  singuliers  est  ce- 
lui   qu'il  publia,  en    1707,  sous  le 
titre  de  Aiéinui  espoursevir  àVhis- 
toiredes  Cacouacs. Il  s'y  dcclaie l'en- 
nemi des  philosophes ,  qui  de\  inrent 
les  siens,  parce  que  cette  production, 
vraiment  originale,  fut  lue  et  recher- 
chée avec  avidité,  Laliarpe,  qui  mar- 
chait alors  sous  les  enseigi;es  philoso- 
phiques, l'attaque  vivement  clans  sa 
Correspondance:  «C'est,  dit- il,  un 
»  homme  d'esprit,  mais  qui  s'en  est 
»  servi  beaucoup  plus  pour  sa  for- 
»  tune  que  pour  sa  réputation  ,  et  (\n\ , 
»  avec  quelque  crédit  à  la  cour,  n'a 
»  jamais  eu  de  considération  dans  le 
))  monde  ^  et  encore  moins  paniTi  ics 
6 


8c» 


MOR 


»  gens  de  lettres.  »  Ce  jugement  est 
bien  scvcre.  Moreau  ne  dcvia  jamais 
des   principes  qu'il   avait  adoptes  : 
c'était  un  nomne  d'esprit ,  habile  , 
et  verse'  dans   la  science  de  l'his- 
tjire  et  du  droit  public  de  l'ancienne 
montrchie.   Ou  pouvait  combattre 
ses  opinions  ;  mais  ni  sa  vie  ni  ses 
ouvrages  ne  donnaient  le  droit  de  le 
mésestimer.  Sans  doute  il  deTendît 
le  pouvoir  ;  il  écrivit  dans  rinle'rèt 
du  gouvernement  absolu  :  mais  il  ne 
trafiq'ia  point  de  ses  doctrines;  elies 
étaient  connues,  ainsi  que  son  talent: 
on  recourut  à  lui;  et  ses  ouvrages, 
consacres  au  trône  et  à  l'autel,  fu- 
rent toujours  l'expression  de  sa  pen- 
sée et  de  ses  sentiments.  Le  père  de 
Louis  XVI  ,  le  chargea  de  rédiger, 
pour  l'instruction  de  ses  enfants  .  un 
ouvrage,  qu'il  puLliacn  1773  ,  sous 
le  titre  de  Leçons  de  morale ,  de  /  0- 
litique  et  du  lirait  public.  Ce  fut  en- 
core pour  r>ouis  XVI,  qu'il  comjjosa 
les  T)evoirs  d'un  prince  réduits  à  un 
seulprincipe  ou  Discows  sur  La  jus- 
tice. Sous   le  r:  gne   précédent,   en 
17G8,  Clément  X!II  s'etùl  brouillé 
avec  tous  les  Bourbons,  par  son  href 
du  3o  j mvier  ,  où  il  excommiuiiait 
le  duc  de  Parme ,  et  ceux  q ji  avaient 
sigtié  ses  édits  :  cebref,  suppi  imé  par 
un  arrêt  du  parlement  de  Paris  ,  fut 
condamné  à  Naples,  en  Espagne,  en 
Poitui'iil;  et  Louis  XV  ordonna  la 
saisie  d'Avignon,  qui  fut  exécutée, 
après  qu'un  arrêt  du  parlement  de 
Provence  (  19  juin    17G8)  eut  pro- 
noncé l.i  réunion  du  con:tat  Venais- 
s  n  audumainedu  roi.  11  fallait  pré- 
pare, l'opinion  publiquesur  ce  grand 
événement  :  Moreau  fut  chargé  de  ce 
soin,  et  publia  ses  Lettres  histori- 
ques sur  le  comtat    Fenaissin ,  et 
sur  la  seigneurie  d' Avignon.   Plus 
tard   la    rédaction  des  préambules 
des  édits  du  chancelier  Maupeou  lui 


MOR 

fui  attribuée,  et  il  reçut  le  sobriquet 
de  Moreau  préambule.  Mais  lorsque , 
peu  de  temps  avant  la  révolution, 
les  ministres  de  Louis  XVI  envoyè- 
rent au  parlement  de  Paris  ,  pour  y 
être  enregistré ,  le  fameux,  édit  sur 
l'état  civil  des  protestants,  non-seu- 
lement Moreau  n'en  rédigea  pas  le 
préambule ,    mais   il    attaqua  avec 
force  les  cli^positions  mêmes  de  l'é- 
dit ,  et  publia  la  Lettre  d'un  magis- 
trat, dans  laquelle  on  examine  ce 
que  la  justice  doit  aux  protestants. 
Son  but  était  ,  comme  i!  le  dit  lui- 
même,  de  «  contribuer  à  réunir  les 
»  opinions ,  et  à  fixer  les  reg.irds  sur 
»  ce   juste    milieu    que   cherche  la 
»  conscience  du  roi  ,  mais  ipie  sa 
»  prudence  ne  peut  dépasser,  ni  d'ua 
»  côté ,  ni  d'un  autre,,  sans  se  repro- 
»  clierime  grande  injustice,  ou  sans 
»  s'alarmer  d'un  grand  danger.»  Ou 
l'accusa  de  ne  pas  se  montrer  assez 
favorable  aux  protestants.  Mais,  di- 
sait-il ,   «  Les  protestants  autiefois 
»  furent   de  zélés  républicains  ;  et 
»  dans  ce  moment  (  1787  ),  on  voit 
»  régner  presque  partout  le  faiialis- 
»  me  de  la  démocratie.  »  11  voulait 
donc  qu'on  se  bornât  à  marier  les 
protestants ,  et  que  d'ailleurs  on  main- 
tînt rigoureusement  l'exécution  des 
lois  qui  les  excluaient  des  emplois, 
des  di'^nités  et  de  toute  espèce  d'ad- 
ministration pu  lique.  Ce   svsième 
ne  diminua  pas  le  nombre  des  enne- 
mis r!e   Moreau.  La  même  aiuiée , 
Rulhières  avait  publié  ses  Eclaircis- 
sements histoiiques  sw  les  causes 
de  la  révocation  de  l'édil  de  Nan- 
tes ;  Malesherbes  avait  fait  paraître 
ses  deux  Mémoires  sur  le  mariage 
des  protestants.  Cependant  Moreau 
avait  été  récompensé  de  son  zèle;  il 
était   premier    conseiller   de    Mon- 
sieur [  depuis  ,  Louis  XVTII  ) ,  bi- 
bliothécaire de  la  reine  ,  et  historio- 


MOR 

çjraplic  de  France.  Il  écrivit  à  Ma- 
Icslicrbes,  lors([iie  ccliii-ci  se  retira 
ministère,  au  mois  de  mai   I7'}6: 
«  J'eus   riiomieiir   de  vous   tc'moi- 
»  giicr  ma  joie  quand  le  roi  vous  ap- 
■»  pela  au  ministère.  Me  sera-t-il  per- 
»  mis  de  vous  féliciter  sur  votre  rc- 
«  traite?  Elle  ajoute  au  respect  ([ue 
»  l'on  doit  à  votre  vertu;  et  il  doit 
»  être  permis  à  un  homme  qui  ii'.i- 
«  borda  jamais  le  ministre  ,  de  com- 
»  plimenter  le  sage.  Je  n'ai  point 
j>  cherche  à  vous  rappeler  vos  an- 
1»  ciennes    bontés    pour  moi ,    tant 
»  qu'elles  eussent  pu  m'ctrc  utiles  ; 
»  je  n'en  suis  que  plus  en  droit  de 
»  vous  olïrir  l'hommage  le  plus  libre 
■')  et  le  jilus  désintéressé.  Vous  lûtes 
»  autrefois  les  productions   de   ma 
»  jeunesse,  vous  fûtes  même  com- 
»  f>lice  de  ces  forfaits  que  la  phi- 
»  Losophie  ne  m'a  point  pardonnes , 
»  etc.  »  (i)  Il  semblerait  résulter  de 
ces  derniers  mots,  que  Malesherbes 
eut  quelque  part,  du  moins  par  ses 
conseils  ,  à  la  rédaction  des  Mémoi- 
res sur  les  Cacouacs  ;  mais  son  opi- 
nion et   son    caractère   connus    ne 
permettent  pas  même  de  le  Siuppo- 
scr.  Moreau  fut  chargé  de  rassem- 
bler les  chartes,  les  monumenls  his- 
toriques, les    édits  et  les   déclara- 
tions qui  avaient  formé  la  législation 
française,  depuis  Charlemagne  jus- 
qu'à nos  jours.  Ce  vaste  dépôt,  dont 
la  garde  lui  fut  confiée,  était  connu 
sous  le  titre  de  Dépôt  des  chartes  et 
(^r  législation.  11  s'éleva,  en  178(3, 
(j'.ielques  difficultés  entre  Moreau  et 
Biéquigny  ,  qui  continuait  la  publi- 
cation des  Ordonnances  des  rois  de 
France  ,   et  faisait    imprimer   chez 
Nyon  ,  un  Recueil  de  diplômes  et  de 
chartes,  en  3  vol.  in-fol.  Moreau  exi- 


(i)  Cctli-  lettre  iuédile  fait  jiartie  de  luu  cnllertlon 
J'aulo;;!  aplics.  V — \  K. 


MOR 


S3 


geait  qu'on  lui  envoyât  deux  épreu- 
ves de  chaque  feuille  de  ce  dernier 
ouvrage,  soit  pour  les  corriger,  soit 
pour  y  faire  des  additions.  Il  se  di- 
sait autorisé  en  cola  ]>ar  le  gan'c- 
des-sceaux  :  il  borna  bientôt  sa  dt  - 
mande  à  une  seule  épreuve;  et  en- 
(iu  une  assez  longue  correspondant  0 
à  ce  sujet,  eut  pour  résultat  le  désis- 
tement de  sa  piétenîion  :  elle  eût  rc- 
lanlé  l'impression  d'iui  vaste  recueil 
à  l'édition  duquel  il  était  cfranger. 
L'ouvrage  le  plus  considérable  de 
]\Ioreau  a  pour  titre  :  Principes  de 
morale  politique  et  du  droit  public  : 
il  comprend  'i  i  vol.  iu-8'\ ,  et  devait 
en  avoir  4o  :  ce  sont  des  tableaux  de 
l'histoire  de  France ,  en  forme  de 
discours, depuis  Clovis  jusqu'à  saint 
Louis.  L'auteurs'esttiop étendu  dans 
des  dissertations  oratoires;  une  his- 
toire de  France  eu  ^0  volumes  ,  eût 
été  trop  longue  :  4o  volumes  de  dis- 
cours sur  cette  histoire ,  ne  pouvaient 
obtenir  aucun  succès;  et  quoique 
Moreau  y  fasse  preuve  de  talent  et 
d'érudition,  quoique  son  style  ne 
manque  ni  de  force  ni  d'élégance  , 
cet  ouvrage  est  peu  lu  de  nos  jours, 
et,  quand  il  parut  (  1777-1789  ), 
on  reprocha  vivement  à  l'auteur  de 
favoriser  le  despotisme  et  le  pou- 
voir arliitraire.  Cette  accusation  lui 
ferma  les  porles  dt;  l'académie  fran- 
çaise. Cependant  il  lî'c'tait  pas  dé- 
pourvu de  talent:  il  a  composé  des 
chansons  agréables ,  éparses  dans  di- 
vers recueils,  et  qu'il  a  réunies,  en 
1781 ,  smjs  le  tilre  de  Pot-Pourri  de 
Fille-d'yJi>raj.  Il  avait  des  vertus 
sociales ,  de  l'esprit ,  et  plusieurs  des 
qualités  qui  foJit  l'habile  écrivain.  La 
France  littéraire  de  Ersch  ,  servile- 
ment copiée  parles  Siècles  littéraires 
de  Desessarts ,  fait  périr  Moreau  sur 
l'échafaud  ,  le  27  mars  1 794.  Deses- 
sarts ajoute  nKMne  que  «  le  courage 
G.. 


84 


MOR 


w  de  ses  opinions  fut  le  prc'textc  de 
«  sa  condamnation.  »  Celte  erreur  , 
re'petee  dans  d'autres  biographies  , 
est  fondée  sur  ce  que,  le  -27  mars, 
le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris 
condamna  à  mort  un  avocat  nommé 
Moreau.  Mais  le  prénom  de  celui- 
là  était  Henri  j  et  non  Jacoh-Ni- 
colas.  Henri  était  âgé  de  67  ans  ,  et 
Jacob-Nicolas  en  avait  77.  Enfin, 
Henri  était  officier  municipal ,  et 
avait  été  accusateur  public  près  le 
tribunal  de  la  Moselle,  tandis  que 
Moreaul'historiograplie  n'avait  exer- 
cé, ni  probablement  voulu  exercer 
aucune  fonction  dans  la  république 
(i).  Il  est  mort  à  Ghambourci,  près 
de  Saint-Germain  ,  le  29  juin  i8o3  , 
à  l'âge  de  près  de  8(3  ans.  Voici  la 
liste  de  ses  ouvrages  :  I.  Ode  sur  la 
bataille  de  Fontenoi,  1745,  in.4°. 
II.  h' Obsen'ateur  hollandais,  ou 
Zettres  de  M.  Fan**,  à  M.  H**. , 
sur  l'état  -présent  des  affaires  de 
l'Europe,  la  Haye  (Paris  ),  1735- 
1759,  3  vol.  in-S**.  Ces  lettres  sont 
au  nombre  de  47-  L'auteur  y  déve- 
loppe ,  avec  talent ,  les  intérêts  et 
la  situation  des  divers  états  de 
l'Europe.  III.  Lettres  du  cheva- 
lier de  ***.  à  Monsieur  ***. ,  con- 
seiller au  parlement ,  ou  Réjleiions 
sur  l'arrêt  du  parlement,  du  18 
mars   1755,  in-12:  ces  lettres  ont 


(i)  Henri  MoREAU  fut  coudamné  à  mort  pour 
«voir  écrit  à  VergniauH  ,  le  3  janTÏtr  I7g3  ,  dans  le 
Courier  de  l'égalité  ,  eu  faveur  de  \'/ippel  au  peu/j'e  : 
«  Le  peuple  souverain  ,  disait-il,  n'a  envoyé  ses  rc- 
ji  préstutaiits  que  pour  lui  donner  des  lois  rcpublicni- 
>i  nos,  mais  nou  pour  juger,   mais  non  (lour  coudain- 

»  ner ,  sauf  l'asseotimeat  du  souverain Vuici  iio(re 

})  maxime  : 

Le  vrai  républicain  ,  en  détestant  Ifs  rois , 
Adore  la  justice  et  se  soumet  aux  lois.  » 

Fouquier  Tinville  fit  de  cp  passage  la  l>nsp  de  son  acfc 
<î 'accusation;  il  y  trouva  la  preuve  non  équu'oejue  du 
royalisme  à.'Hi:\\r\  Moreau;  et  luèiue  passage,  qui 
le  fit  condamner  comme  contre-révolutionnatre  ,  et 
eompirattur  contre  la  république  ,  pourrait  le  faire 
«undaumer  aujourd'hui  c»uira«  euusrai  àv  U  moBar- 


MOR 

e'té  réimprimées  dans  le  tome  i^"". 
des    Variétés   morales  et  philoso- 
phiques. IV.  IJEurope  ridicule  ,  ou 
Réjlexions  politiques  sur  la  guer- 
représente,  Cologne  (Paris),  1757, 
in- 12.  V.  Mémoires  pour  servir  à 
l'histoire  de  notre  temps ,  par  V  Ob- 
servateur hollandais,  1727,  2  vol. 
in-i'2.  VI.  Nouveau  mémoire  pour 
servir  à  l'histoire  des  Cacouacs , 
Amsterdam,  17^7,  iu-12;  réimpri- 
mé dans   les    J'^ariétés  morales   et 
physiques  du  même  auteur.  L'année 
suivante  (1758)  parut  uiiebrocliurc 
intitulée  :   Catéchisme  et  décisions 
de  cas  de  conscience  à  l'usage  des 
Cacouacs ,  avec  un  discours  du  pa- 
triarche des  Cacouacs  pour  la  récep- 
tion d'un  nouveau  disciple,  à  Caco- 
polis  (Paris)  1 708 ,  iu-i  -i.  Cette  plai- 
santerie est  attribuée  à  l'abbé  Giry 
de  Saint-Cyr,  de  l'acad.  française. 
VII.  -Mémoire  pour   les  doyens , 
sjndics  et  compagnie  des  conseil-^ 
lers  du  roi ,   commissaires   enquê- 
teurs et  examinateurs  au  Chdlelet 
de  Paris  ,  contre  MM.  les  prévôts 
de  Paris ,  lieutenants  civil,  de  po- 
lice,  criminel,  particuliers ,  et  con- 
seillers du  Chdtelet  de  Paris,  Pa- 
ris,  1738,  iu-4°.   VIII.    Examen 
des  ejjets  que  doivent  produire  Vu- 
sage  et  la  fabrication   des   toiles 
peintes ,   Genève   et  Paris  ,   veuve 
Delaguette,    1739,  iii-12.  IX.  Le 
Moniteur  français ,  Paris,  Desaiut 
et  Saillant,  1760,  in- 12.  X.  j!é- 
moire  (second  )  pour  les  consrH- 
lers    du  roi .  commissaires  enanè- 
teurs  et  examinateurs  au  Chdtelet 
de  Paris,  en  réponse  au  Mémoire 
de  MM.  les  prévôts  de  Paris,  lieu- 
tenants civil,  criminel,  etc.,  Paris  , 
1 762 ,  in  -  4".  XI.  Entendons-nous  ? 
ou  Piadotage  d'un  vieux  notaire , 
sur  la  richesse  ds  l'état  (  1763  ), 
iu-8°.  Cet  écrit  parut  à  l'époque  où 


1\10R 

h  secte  tics  cconoinisles  commen- 
çait à  faire  du  bruit.  Plusieuis  bro- 
chures publiées  la  uiêine  aune'e,  ont 
pour  litre  unique  :  La  lUchesse  de 
L'état  (  par  Uoussel  de  La  Tour  )  ; 
Supjdéinent  à  la  Richesse  de  l'état. 
Or,  celle  richesse  n'e'lait  pas  phis 
apparente,  maigre  les  ëcriis  ilu  mar- 
quis de  Mirabeau,  de  ra])be  Ban- 
deau ,  de  Moreau  ,  etc.  XIL  Lettre 
sur  la  paix  (de  1762  ),  à  M.  le 
comte  de***.,  Paris,  1763,  in-8°., 
et  dans  le  tome  2*^.  des  Fariétcs 
morales  et  philosophiques.  XliL 
Lettres  historiques  sur  le  comtat 
Tenaissin  ,  et  sur  la  seigneurie 
d'A\>igiion  ,  Amsterdam  (  Paris  )  , 
17G8,  in-S".  XIV.  FAhliothèque  de 
Madame  la  Dauphine ,  n°.  1 ,  His- 
toire ,  Paris,  Saillant  etNyon,  1770, 
in  8°.;  ouvrage  im  peu  superficiel, 
mais  utile  aux  gens  du  monde,  et 
qui  eut  peu  de  succès.  Moreau  avait 
fait  présent  de  son  manuscrit  au  li- 
braire Saillant;  il  voulut  en  donner 
une  seconde  édition,  en  178.5,  avant 
que  la  première  fût  épuisée.  Le  li- 
braire Nyon  y  consentait  ;  mais  il 
desirait  que  l'auteur  continuât  sou 
travail,  et  traitât  dans  le  même  gen- 
re la  partie  des  belles-lettres.  Ce- 
pendant, quoique  Moreau  attachât 
un  grand  prix  à  donner  cette  nou- 
velle édition  ,  et  qu'il  écrivît  au  li- 
braire :  Il  faut  absolument  que  je 
fasse  réimprimer ,  etc.  Touie  la 
cour  est  persuadée  que  V édition  est 
épui-ée ,  etc.  (i),  cette  seconde  édi- 
tion n'a  point  paru.  XV.  Leçons  de 
morale  ,  de  politique  et  du  droit  pu- 
blic ,  puisées  dans  Vhistoire  de  no- 
tre monarchie ,  ou  Nouveau  plan 
d'études  de  l'histove  de  France  , 
rédigées  par  les  ordres  et  d'après  le 


^i)  Ciirrcspomiaiice  île  Morcan,  dans   mn  rollec- 
liou  4e  Lïttrei  aulogiai<hf:s.  V — TE, 


MOR 


85 


vœu  de  Monseigneur  le  Dauphin  y 
pour  l'instruction  des  princes  ses 
enfants ,  Versailles  et  Paris  ,  1773, 
in-8".  XVL  Les  Devoirs  d'un  prin- 
ce ,  réduits  à  un  seul  principe ,  ou 
Discours  sur  la  justice ,  dédiés  au 
roi ,  Versailles  ,  1775,  in-8".  ;  nou- 
velle édition,  I78'2,  i;i-8°.  :  traduit 
en  hollandais,  avec  des  notes,  par 
Elie  Luzac,  Leydc ,  1778,  in-8°. 

XVII.  Principes  de  morale  politi- 
que et  du  droit  public ,  puisés  dans 
l'histoire  de  notre  monarchie ,  ou 
Discours  sur  Vhistoire  de  France, 
Paris,    1777-Î789,    21    vol.  in-8°. 

XVIII.  Recherches  et  considéra- 
tions sur  la  population  en  France  , 
1  778  ,  in-  b''.  XIX.  Le  Pot-Pourri 
de  Fille  -  d'Avray  (  imprimerie  de 
Mo^'SIEUR,  Paris,  Didot  ) ,  1781, 
petitin-12 ,  de  180  pag.  C'est  nu  re- 
cueil de  chansons  et  de  poésies  fugi- 
tives ,  assez  rare  ,  composé  par  Mo- 
reau A  sa  maison  de  campagne  de 
Ville -d'Avray.  XX.  Plan  des  tra- 
vaux littéraires  ordonnés  par  Sa 
Majesté,  pour  la  recherche  ,  la  col- 
lection et  l'emploi  des  monuments 
de  l'histoire  et  du  droit  public  de  la 
monarchie  française ,  Paris,  impri- 
merie royale,  1 782  ,  in-8°.  —  Pro- 
grès des  travaux  littéraires  relatifs 
à  la  législation ,  à  Vhistoire  et  au 
droit  public  de  la  monarchie  fran- 
çaise,  ibid.,  1787  ,  in -8°.  Ce  Mé- 
moire  est    la    suite  du    précédent. 

XXI.  Fariétés  morales  et  philoso- 
phiques ,  Paris,  imprimerie  de  Mon- 
STEVR,  1785,  2  vol.  petit  in-i2:  ce 
recueil,  où  se  trouve  le  Nouveau  Mé- 
moire sur  les  Cacouacs ,  fut  an- 
noncé comme  imprimé  aux  dépens 
de  V auteur  et  pour  ses  seuls  amis. 

XXII.  Lettre  d'un  magistrat,  dans 
laquelle  on  examine  ce  que  la  justi- 
ce du  roidoit  aux  protestants,  1 787, 
iu-8'^.  XXIII.  Exposé  historique  dei. 


80 


MOR 


administrations  jwpulaires  aux  plus 
anciennes  époques  de  notre  monar- 
chie, 1789,  iii-8°.  XXÏV.  Eiposi- 
tionel  déj'ensede  la  constitution  de 
la  monarchie  française ,  1789,  u 
vol.  in-8".  C'est  ici  le  deruier  ouvra- 
ge de  Moreau.  Il  y  donne  un  aperçu 
liistorique  de  toutes  nos  assemblées 
nationales,  et  établit  qu'il  nest  au- 
cun changement  utile  dans  notre 
administration,  dont  cette  consti- 
tution ne  pyé!>ente  les  moyens.  Ain- 
si Moreau  termina  sa  carrière  com- 
me il  l'avait  commencée,  et  se  mit 
souvent  au-dessus  de  l'opinion:  s'il 
se  trompa  quelquefois,  il  montra  du 
moins  le  coui-age  soutenu  qui  ne  peut 
tenir  qu'à  une  conviction  profonde  , 
et  cet:c  force  de  caractère  que  la 
vertu  et  la  religion  inspirent,  et  peu- 
vent seules  soutenir.  On  trouve  dans 
les  Annales  littéraires  et  morales 
(  suite  des  Annales  catholiques  ) 
tome  i^'". ,  pag.  .i59-:i64 ,  une  Notice 
sur  la  vie  et  les  écrits  de  Jacob-Nico- 
las Moreau.  Cette  notice  est  signée 
Mathivon.  V — ve. 

MOREAU  (  Le  généralJEAN-Vic- 
TOR  ) ,  né  à  Morbix.  en  t  768 ,  fils 
d'un  avocat  estime ,  fut  destiné  à 
la  même  profession  j  mais,  entraîné 
par  un  penchant  décidé  pour  les  ar- 
mes, il  s'engagea  dans  un  régiment, 
où  il  ne  resta  que  peu  de  temps,  son 
père  lui  ayant  acheté  son  congé ,  en 
exigeant  qu'il  reprît  ses  études.  Mo- 
reau se  trouvait  prévôt  de  droit  à 
Rennes ,  et  y  exerçait  une  sorte  d'em- 
pire sur  les  étudiants,  lorsqu'en  1 787 
le  miîiistère  voulut  essayer  une  révo- 
lution dans  la  magistrature.  Remar- 
auable  dès-lors  par  un  air  de  fran- 
chise ,  des  formes  agréables  et  des 
connaissances  acquises,  il  figuia,  dans 
les  premiers  troubles ,  comme  chef 
de  la  jeunesse  de  Rennes;  ce  qui  le  fit 
nommer  le  général  du  parlement.  Il 


MOR 

montra  en  cette  occasion  uwc  soric 
de  sagesse  au-dessus  de  son  âge  ,  sur- 
tout dans  les  journées  des  26  et^7 
janvier  1787,  où  l'on  se  servit  uti- 
lement de  son  influence  pour  calmer 
la  populace  et  prévenir  l'elfusion  du 
sang.  Il  eut  même.pour  cet  objet,  des 
rapports  avec  les  autorités,  et  sur- 
tout avec  le  grand-prévôt  de  la  ma- 
réchaussée ,  qui  fut  très-satisfait  de 
son  zèle  et  de  sa  prudence.  Au  com- 
mencement delà  révolution, i!  forma 
une  compagnie  de  canonniers  volon- 
taires dans  la  garde  nationale  ,  et  il 
en  devint  le  capitaine.  Cette  troupe 
fut  très -bien  organisée  et  exercée 
par  ses  soins  ;  il  continua  de  la  com- 
mander jusqu'en   1792.  Il  était  en- 
core loin  de  prévoir  le  rôle  qu'il  de- 
vait jouer  un  jour;  et  commençant 
à  se  lasser  d'une  carrière  qui  sem- 
blait ne  pouvoir  le  conduire  à  rien  , 
il  fit  des    démarches    pour  entrer 
dans  la  gendarmerie  ,  se  contentant 
d'un  grade  subalterne.  Heureusement 
sa  demande  ne  fut  point  accordée  ; 
et  il  s'enrôla  dans  un  bataillon  de  vo- 
lontaires qui  partait  pour  les  armées 
du  Nord.  Il  fit  sa  première  campa- 
gne sous  Dumouriez,  comme  chef  de 
bataillon,  devint,  en  1798,  général 
de  brigade ,  et  l'année  suivante ,  gé- 
néral de  division ,  sur  la  demande  de 
Pichegru,  qui  lui  confia  aussitôt  un 
corps  destiné  à  agir  dans  la  Flan- 
dre maritime.  Moreau  s'empara  d'a- 
bord de  Menin  ,   puis   de  Bruges  , 
d'Ostende,  de  Nieuport,  de  l'ile  de 
Cassandria  ,  et  enfin  du  fort  l'É- 
ciuse,  qui  capitula  le  .>6  août.  Au 
moment  où  il  faisait  la  conquête  de 
cette  place  pour  la  république,  les 
révolutionnaires  de  Bi  est  envoyaient 
son  père  à  l'écliafaud  comme  aristo- 
crate. Ce  vieillard  vénérable  ,  que  le 
peuple  de  Morlaix  appelait  le  père 
des  pauvres,  s'était  chargé  de  l'ad- 


MOR 

ministration  des  biens  de  plusieiirs 
éniigrcs  :  on  se  servit  de  ce  prétcxle 
pour  le  perdre.  Moreau  s'était  déjà 
éloigne  du  système  revoliiiionnaire  : 
lin  tel  événement  le  lui  fit  détester 
encore  davantage;  il  ne  vit  p'us  la 
patrie  que  dans  les  camps.  Jetant 
dès-lors  les  bases  de  sa  réputation 
militaire,  il  commanda  l'aile  droite 
de  l'arrace  de  Picbegru,  avec  beau- 
coup d'éclat,  pendant  la  célèbre  cani- 
fiagne  d'hiver  de  1794?  q"i  soumit 
a  Hollande  à  la  Fraiice.  Appuyé  des 
suffrages  et  de  l'amitié  de  son  général 
en  chef,  estimé  de  tout  le  monde  pour 
SCS  talents  et  sa  bravoure ,  il  fut  ap- 
pelé au  commandement  de  l'armée 
du  Nord  quand  Picbegru  alla  pren- 
dre celui  fie  l'armée  de  Rhin  et-Mo- 
selle.  Se  débarrassant  aussitôt  des  en- 
traves que  lui  opposait  le  gouverne- 
ment révolutionnaire  établi  en  Hol- 
lande, il  arrêta  un  plan  d'opérations 
politiques  et  militaires  ,  digne  d'un 
général  consommé,  plan  qu'il  lit  si- 
gnifier au  comité  batave,  et  dont  il 
exigea  la  mise  à  exécution.  Il  passa 
au  commandement  en  chef  des  ar- 
mées de  Rhin-et-Moselle  après  la  re- 
traite de  Picbegru  ;  et  il  ouvrit ,  en 
juin  1796  ,cettecamp3gne  qui  devint 
le  fondement  de  sa  gloire  militaire. On 
le  vit  successivement ,  après  avoir  re- 

Eoussé  le  général  Wurmser  vers  Man- 
eim,  effec  tuerie  passage  du  Rhin, 
près  de  Strasbourg,  attaquer  l'archi- 
duc Charles  à  Rastadt ,  le  forcer  à 
lui  abandonner  le  cours  du  Necker , 
et  livrer  à  ce  prince,  le  11  août, 
près  d'Heydenbeim,  une  bataille  qui 
dura  dix-sept  heures.  Les  Autri- 
chiens s'étant  repliés  sur  le  Danube, 
Moreau  se  porte  en  avant,  et  bien- 
tôt se  trouve  avoir  en  têle  le  général 
Latour,  qui  recevait  sans  cesse  des 
renforts  :  mais  il  se  croyait  soutenu 
par  lai  diversion  ou  plutôt  par  l'in- 


MOR  87 

vasion  parallèle  que  faisait  Jourdan 
vers  Ratisbonne.  Ce  général  ayant  été 
accablé  et  force  par  l'archiduc  Char- 
les à  une  promj)te  retraite,  Mureau 
isolé  commença  d'ellecluer  la  sienne 
le  I  I  scpUjnbre.  Cette  retraite  est 
un  des  plus  beaux  faits  militaires  que 
l'histoire  ait  consacrés.  Il  parut  d'a- 
borcl  vouloir  s'emparer  des  deux  ri- 
ves du  Danube,  et  repassant  tout-à- 
coup  le  Lcch,  il  battit,  l'un  après  l'au- 
tre, dans  sa  marche  rétrogiade,  pres- 
que tous  les  curps  ennemis  qr.i  vinrent 
pour  lui  barrer  le  passage.  A  travers 
les  plus  grands  obstacles  ,  il  parvint 
à  déboucher  eu  Brisgau ,  passa  le 
Rhin  à  Brisach  ,  et  conserva  sur  la 
rive  droite,  deux  lèles  de  pont ,  l'une 
à  Brisach ,  l'autre  au  fort  de  KehI.Ce 
fut  là  qiierarchi'hic  per»]it  un  temps 
précieux. Cette  belle  retraite, des  fron- 
tières d'Autriche  et  de  Bivière  jus- 
qu'auxbordsdu  Rhin  acquit  à  Mo- 
reau une  grande  réputation.  On  doit 
surtout  y  reniarq:;er  le  respect  reli- 
gieux qu  ii  montra  pour  la  neutralité 
de  la  Suisse,  lorsque  ,  pressé  par  des 
forces  supérieures  el  poussé  vers  le 
Rhin .  il  préféra  se  faire  jour  à  tra- 
vers les  déiilés  de  la  forêt  Noire,  oc- 
cupée déjà  par  les  Impériaux ,  et 
s'aLstint  de  vijler  un  territoire  neu- 
tre el  ami  ;  exemple  si  peu  imité  de- 
puis. Se  mettant  au-dessus  de  tous  les 
sentiments  de  rivaiité  ,  Moreau,  qui 
avait  appris  que  Buonaparte  se  trou- 
vait pressé  par  les  forces  autrichien- 
nes eu  Itabe,  détacha  un  corps  suf- 
fisant pour  le  renforcer.  Ce  secours, 
envoyé  si  à  propos ,  lui  valut  plus 
tard  un  hommage  historique  de  Car- 
not ,  en  ces  termes  :  «  0  Moreau  ! 
»  à  mon  cber  Fabius  I  que  tu  fus 
»  grand  dans  cette  circonstance  ! 
»  que  tu  fus  supérieur  à  ces  pe- 
»  tites  rivalités  de  généraux  qui 
»  font   échouer   les  meilleurs    pro- 


»i<nBbiiéf**<iwikpa»-  «car  ^r^HffrW .  «^  ar  lil  fa»  «^ 

^  •"•  «•  pèn»  i««r  .  tt  4r  taira  ctte^p  I  jtmi  fifiar  ki  lam 

.  «aaC  ■■  «■■nu  naçr  'vvdÉHHv  a  IK  c^c'irwrar^Hal  asac:^ 

ji  nri  <èr»  par-  M««4vr  »  wfi— u  ■  ar  rvfHI  ^  a 

v^  fmr  fciiaa  b  6a  ^  'T^-  IrMarCiwftctwr' 

iTttF  Wiàitfiar  «fv-  *.<i'  .1  -  ïHirs  aa  saà»  <l'«vni  5a»> 

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tmm.w9i  ar  p—ualMMi—  aarrfa 
vtr .  VWarr .  ar  sackaal  |àM  BB 


68  MOR' 

»  jets  !  »  A  l'ouvprtiirc  de  la  cim- 
]iagiic  suivanle  ,  IMorcaii  reprenant 
l'olrensive  cll'cctua  de  nouveau  le  pas- 
sage du  Rhin  en  plein  jour  ,  el  de 
vive  force,  devant  un  ennejni  range 
en  bataille  s\ir  l'autre  rive  ;  c'elait  le 
jour  mèiae  de  la  signature  des  pré- 
liminaires  de    i.eoben   par  Buona- 
parte.  La  suite  de  celte  bi  iliante  ope- 
ration  fut  la  reprise  dufurtdeKelil, 
renlèvcmeut  de  jjlusieiirs  drapeaux  , 
et  pr^s  de  quarante  mille  j)rison- 
niers.  L'armée  passa  le  reste  de  l'été 
dans   ses  positions.  La   répiib'i.'['ie 
touchait  .alors  à  une  crise  amenée 
par  la  'utîe  établie  entre  le  Direcluire 
exécutif  et  les  Conseils  ,  t'est-a-dire, 
entre  le  cciiic  révolutionnaire  et  un 
commenccraeut   d  idées    monarchi- 
ques. Ce  ne  fut  qu'ajuès  la  journée 
du  18  fructidor  (4  septembre  1797}, 
que  Moreau  ,  provoqué  par  les  di- 
recteurs que  la  violence  avait  rendus 
triomphants,  leur  abaudomia  la  cor- 
respondance du  prince  de  Condé  avec 
Pichcgru  ,  corrospcudance  saisie  au 
commencement  de  la  campagne  dans 
les  fourgons  d'un  générai  autrichien. 
Il  l'avait  gardée  jusque-là  par  égard 
pour  son  ancien  bienfaiteur  et  sou 
ami ,  peut-être  aussi  en  attendant  l'is- 
sue de  la  lutte  du  gouvernement  avec 
les  Conseils.  Mandé  prcsqu'au  même 
instant  à  Paris .  par  la  portion  du  Di- 
rectoire qui  était  restée  victorieuse, 
et  à  laquelle  il  avait  été  dénoncé  ,  il 
lui  envoya ,  le  7  septembre  ,  copie 
d'une  de   ses  proclamations  ,  dont 
l'etiTet  ,  disait-il ,  avait  été  de  con- 
vertir beaucoup  d'incrédules  sur  ie 
compte  dePichegru  qu'Un' estimait 
plus  depuis  long-temps.  Cette  lettre , 
fortement  condamnée  alors  par  le 
public  ,  qui  n'y  vit  qu'un  acte  d'ex- 
cessive faiblesse,  fut  regardée  depuis 
comme  une  action  indifférente  par 
Pichcgru  lui-mèiae.  Il  est  certain  que 


MOPi 

son   amitié  pour  Moreau   n'en  fut 
point  affaiblie.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
celte  fl(inai<he  ,  elle  ne  lit  pas  ob- 
tenir à  celui  q';i  1  avait  faite  la  bien- 
veillance d'un  gouverne  ment  ombra- 
geux; et  Moreau  fut  même  obligé  de 
preiidre  sa  retraite.  Il  ne  reçut  qu^à 
la  fin  de  179^,  le  titre  d'inspecleur- 
général  :  mais  au  mois  d'aviil  sui- 
vant (  1 799  ),  le  mauvais  début  d'une 
guerre  générale  rendit  ses  talents  né- 
cessaires. De  foutes  nos  conquêtes , 
celle  d'Italie  paraissait  la  plus  me-  ~ 
naccc,  Pd.reau  fut  envoyé  à  l'armée 
commandée  par  le  général  Schérer, 
sur  l'Adige  ,  où  il   resta   plusieurs 
mois   sans   commandement  ,  et  fut 
là  témoin  de  nos  défaites ,  que  ses 
consei's  ne  purent  prévenir  ni  répa- 
rer. Schcrcr,  ne  sachant  plus  ni  com- 
mander ni  combattre,  lui  remit  le 
soin  de  sauver  l'armée. Déjà  Moreau, 
dans  un  conseil  de  guerre,  avait  ou- 
vert l'avis  de  se  retirer  sur  le  Pié- 
mont ,  en  évitant  tout  engagement 
avec  les  Austro-Russes  qui  avaient 
acquis   une  supériorité  déciiiée  ,  ft 
dont  le  maréchal  Suwarow  préci- 
pitait les  mouvements.  Enfin  après 
avoir  résisté  long-temps  aux  prières 
des  autres  généraux  ,  il  accepta  le 
commandement  lorsque  déjà  l'armée 
s^élait  retirée  derrière  i'Adda.  Bien- 
tôt forcé  da.'S  sa  position  de  Cas- 
sano ,    il    se   replia    en   bon    ordre 
sur  le  Tesin  ;  porta  sa  droite  vers 
les    Apennins  ,    et   forma    une    es- 
pèce de  camp  retranché  derrière  le 
Po  et  le  Tauaro,  entre  Alexandrie  et 
Valence.  Le  1 1  mai,  il  repoussa  les 
Russes  près  de  Bassiguano,  et  passa 
lui-même  la  Borraida  ;  mais,  assailli 
par  la  plus  grande  partie  des  forces 
de  Suwarovv ,  il  lui  fallut  songer  à 
évacuer  Valence  et  Alexandrie.  Cette 
guerre  d'ailleurs  était  coutrc-révolu- 
tiomiaiiCj  les  alliés  ue  marchant  que 


MOR 

favorises  par  les  insurrections  clos 
paysans.  Dans  cctlc  situation  crili- 
que,  Morean  se  replia  sur  Coni ,  piit 
position  au  coldcïoncle,  faisant  filer 
la  division  du  gênerai  Victor  sur  sa 
droite,  afin  d'assurer  ses  commu- 
nications avec  le  gênerai  Macdonald, 
qui  accourait  du  royaume  deNaples 
pour  opérer  sa  jonction.  Morean  , 
dans  la  vue  de  le  seconder,  peuctra 
dans  le  pays  de  Gènes,  par  les  Apen- 
nins, dont  il  tenait  les  passages  et 
les  hauteurs.  Il  espérait  reprendre 
l'oircnsive   a])rcs    sa    réunion   avec 
Macdonald.  Ce  fut  en  vain  qii'il  sor- 
tit de  Gènes  avec  quinze  mille  hom- 
mes ,  et  qu'il  battit  le  corps  que  lui 
opposait  le  général  autrichien  Belle- 
garde;  ce  fut  envain  aussi  qu'il  déblo- 
qua Tortone  ,  et  poussa  l'ennemi  jus- 
qu'à Voghera;  la  victoir':;  de  Suwa- 
rovv  ,  l'emportée  à  la  Trebia  sur  l'ar- 
mée de  Naples  ,  le  força  de  reprendre 
l'abri  des  Apennins.  Il  venait  d'être 
nommé  au  commandement  en  chef 
de  l'armée  du  Rhin  ,  lorsque  Jou- 
bert  arriva  pour  le  remplacer  en  Ita- 
lie. Sur  le  point  de  livrer  bataille  , 
le  nouveau  général  voulut  en  laisser 
la  direction  à  Morcau,  qui  la  refusa 
et  demanda  de  combattre  sous  les 
ordres  du  nouveau  chef  de  l'armée. 
A  cette  bataille  ,  livrée  à  Novi ,  et 
dans  laquelle  Joubert  fut  tué,  Mo- 
rean courut  les  plus  grands  dangers  ; 
il  eut  trois  chevaux  tués  sous  lui,  et 
reçut  une  balle  dans  ses  habits.  Il 
opéra  sa  retraite  avec  tant  de  supé- 
riorité ,  qu'il  rendit   cette  victoire 
presque  nulie  pour  les  alliés.  C'é- 
tait à  la  tète  des  débris  d'une  armée 
vaincue,  qu'il  avait  si  bien  disputé 
une  partie  du  Piémont  ;  et  cette  con- 
trée semblait  ne  devoir  plus  coûter 
que  quelques    marches  aux.   forces 
victorieuses  des  alliés.  En  allant  pren- 
dre le  co)nmaadement  de  l'arrace  du 


MOR  8g 

Rhin,  Morcau  vint  à  Paris,  au  mo- 
ment oii  rcxislence  du  Directoire 
chancelait  sous  le  poids  du  mépris  , 
de  la  haine  et  de  ses  propres  fautes. 
La  faction  qui  avait  formé  le  projet 
de  le  renverser  ,  était  persuadée  qu'il 
n'y  avait  qu'un  général  d'une  grande 
réputation  qui  pût  redonner  de  la 
considération  au  gouvernement.  Ou 
sonda  Morean ,  qui ,  ne  se  croyant 
pas  en  état  de  diriger  les  afi'aires 
de  son  pays  ,  au  milieu  de  la  lutte 
des  partis,  refusa  de  jouer  un  pa- 
reil rôle.  On  sait  qu'il  regretta  de- 
puis ,  bien  amèrement ,  cette  défiance 
de  lui-même.  A  l'arrivée  de  Buona- 
partc,  échappé  de  l'Egypte,  Morean, 
toujours  modeste,  consentit  à  servir 
sous  les  ordres  de  ce  général ,  et  à 
l'aider  de  son  influence  et  de  ses 
moyens  dans  la  révolution  qui  se 
préparait.  A  peine  eut-elle  été  effec- 
tuée à  Saiut-Cloud  ,  le  18  brumaire 
(  9  nov.  1799  ) ,  qu'il  craignit  d'a- 
voir concouru  à  donner  un  tyran 
à  sa  patrie.  Appelé  presque  aussitôt 
au  commandement  des  armées  du 
Danube  et  du  Rhin  ,  il  y  introdui- 
sit des  changements  importants.  A 
l'exemple  des  giands  capitaines  de 
tous  les  âges  ,  il  commença  par  met- 
tre les  corps  des  ailes  et  du  cenitre 
sous  les  ordres  de  trois  lieutenants 
sur  lesquels  il  pouvait  compter.  Il 
forma  ensuite  un  corps  de  réserve , 
à-peu-près  du  tiers  de  la  totalité  de 
ses  forces,  destiné  à  n'agir  que  sous 
ses  veux.  Son  plan  ,  qui  consistait  à 
pénétrer  en  Soiiabc,  et  jusqu'au  cœur 
tics  états  héréditaires,  ne  fut  point 
adopté  par  Buonaparte.  Celui-ci, 
ne  songeant  qu'à  reconquérir  l'Ita- 
lie, ne  voulut  faire  de  l'armée  du 
Rhin  qu'une  aimée  d'observation. 
?.Iorcau  tenait  à  son  plan ,  et  il  ré- 
sista: Ce  coriîiit  sur  la  coopération 
des  deux  années  fut,  entre  ces  deux 


9" 


MOR 


rivaux  célèbres ,  le  germe  de  la  liai- 
re  qu'ils  se  vouèrent ,  après  une  rup- 
ture éclatante,  et  qui  f^it  peut-être 
l'une  des  causes  les  plus  décisives  de 
leur  commune  ruine,  comme  de  tons 
les  revers  de  la  France.  Copcndaut  le 
prompt  succès  des  opérations  de 
l'armée  du  Rhin  pouvait  seul  ouvrir 
à  Buona parte  les  passages  de  l'Italie, 
en  éloij:;nant  les  Autrichiens  des  dé- 
bouchés où  il  leur  aurait  été  facile  de 
couper  ses  communications  avec  la 
France.  Il  fallut  céder,  et  laisser  à 
I^Ioreau  tout  l'honneur  de  la  concep- 
tion de  son  plan  de  campagne ,  et 
tous  les  moyens  de  l'exécuter.  Une 
sorte  de  transaction  eut  lieu  à  Paris , 
où  le  général  Dcssoles  ,  chef  d'état- 
major  de  l'armée  du  Rhin,  ayant 
été  appelé  par  Buonaparte  ,  l'obli- 
gea de  se  rendre  aux  avis  de  Mo- 
reau.  Celui  -  ci  ,  dès  son  début , 
amena  le  fcld maréchal  Rray,  qui 
lui  était  opposé ,  à  s'engager  dans  les 
vallées  qui  descendent  du  Bri'^gau  , 
tandis  qu'il  effectuait  son  véritable 
passage  du  Rhin  à  Stciu.  Rencon- 
trant l'enneral ,  d'abord  à  Stockach , 
il  l'y  battit,  et  lui  livra  successive- 
ment deux  batailles  ,  l'une  à  Engen  , 
l'autre  à  Moesklrch,  d'où  il  sortit 
victorieux.  Le  feld-maréchal  Krav, 
forcé  d'abandonner  sa  ligne  d'opé- 
rations, s'étiit  retiré  en  bon  ordre 
au-delà  du  Danube.  Morcau  mar- 
chant aussitôt  en  Souabe  ,  l'armée 
impériale  repassa  le  fleuve;  les  Fran- 
çais l'atteignirent ,  et  gagnèrent  en- 
core sur  elle  la  bataille  de  Bibe- 
rach.  Les  Autrichiens  se  retirèrent 
dans  leur  camp  retranché  d'Ulm. 
Séparés  ainsi  du  Tyrol ,  et  ne  pou- 
vant plus  rien  entreprendre  qui 
changeât  le  cours  des  événements , 
iis  laissèrent  Buonaparte  franchir 
librement  le  grand  S  ;int -Bernard. 
C'est  ainsi  que  les  victoires  de  Mo- 


IWOR 

rean  facilitèrent  la  conquête  Je  l'Ita- 
lie.  Ce  général  détacha  même  douze 
mille  hommes  pour  aller  re:  forcer 
l'armée  de  Buonaparte.  Quand  il  eut 
reconnu  que  ses  démonstrations  ,  et 
ses  incursions  momentanées  en  Ba- 
vière, nedéieruiineraient  pas  lefeld- 
mar^'clial  Kray  à  quitter  sa  position 
inexpugnable  d'Ulm,  il  conçut  uu 
projet  plus  étendu  el  plus  décisif,  ce- 
lui de  traverser  le  Danube  au-des- 
sous d'Ulm,  afin  d  isoler  et  de  cou- 
per larmée  autrichienne  de  ses  ma- 
gasins. Passer  le  fleuve  au  -  dessus 
de  Donawerlh  ,  forcer  l'armée  en- 
nemie, en  l'isolant  de  sa  base  d'o- 
péralions ,  à  quitter  son  camp  re- 
tranché, et  à  faire  sa  relrnite  en 
livrant  la  Bavière  ;  tel  fut  le  plan 
hardi  dont  l'exécution  couronna  le 
talent  de  celui  qui  l'avait  formé. 
Après  s'être  porté  au-delà  du  Lech , 
Moreau  attaque  les  Autrichiens  sur 
toiite  la  ligne,  traverse  le  Danube 
de  vive  force  à  Bleinheim  ,  et  ,  sur 
la  rive  gauche  de  ce  fleuve  ,  dans 
les  plaines  d'Hochstaedl  ,  obtient , 
par  les  mêmes  manœuvres,  à  trois 
jours  seulement  de  différence  (  du 
16  au  iQ  juin  j,  un  avantage  pa- 
reil a  ceUii  que  Buonaparte  obte- 
nait à  Marengo.  Le  feld  -  maréchal 
Kray  abandonnant  enfin  sa  position 
d'Ubn  ,  Moreau  marche  à  sa  pour- 
sr.ite ,  et ,  après  l'avoir  vaincu  encore 
à  iVeubourg ,  il  entre  en  Bavière,  bat 
de  nouveau  les  Autrichiens  à  Lands- 
but,  et  ne  suspend  ses  opérations 
qu'après  leur  avoir  fait  signer  (  le  1 5 
jiiiilet  ),  l'armistice  de  Parsdorf ,  à 
limitationde  la  convention  d'Alexan 
drie.  Ces  deux  suspeusions  d'armes, 
q(ii  servirent  d'ouverture  à  des  négo- 
ciations plus  décisives,  se  prolongè- 
rent jusqu'à  la  fin  de  novembre.  Mo- 
reau ,  à  celte  époque ,  revenu  à  son 
armée ,  lui  annonça  la  reprise  des 


MOR 

iioslilitcs.  Cette  fois  il  avait  pour 
.idvcrsaire  l'arcliichic  Jean;  cl  l'ar- 
incequi  lui  était  opposée,  s'c'Icvait  à 
eeiit-vinp;t  mille  hoiiuiies.  Cette  sii- 
])eriorite  mimeii([iie  donna  aux  Au- 
trichiens la  confiance  de  prendre 
l'olTensive,  Les  deux  armées  e'iaienl 
séparées  par  le  cours  de  l'Inn.  Ij'ar- 
cluduc  passe  le  fleuve;  et  l'aile  '^ini- 
clie  des  brancais,  engagée  avec  le 
grosdesonarine'e,  se  replie.  Moreau, 
se  retirant  lui-uièine,  conlinne  sou 
mouveuienl  sur  Holienlindcn,  et  il 
allireainsi  rennemidans  des  défiles. 
C'est  là  que  ,  le  3  décembre  i8uo  ,  il 
livre  à  l'armceautrichiemie  cette  ba- 
taille sanglante  et  décisive  ,  oîi  il  n'y 
rut  pas  un  corps  français  qui  ne  don- 
nât et  qui  ne  se  couvrît  de  gloire. 
L'action  s'engagea  au  centre  :  les  ef- 
forts des  Autrichiens  j)Our  dcbonclier 
de  la  forêt  dans  la  plaine  furent  i'.iuti- 
les.  Le  corps  du  ge'ne'ral  Richepanse 
marchant  à  travers  la  forêt,  le  cen- 
tre des  Autrichiens  se  trouva  tourne 
<"t  mis  en  fuite  ;  il  entraîna  le  reste 
de  leurarrne'e.  Ainsi  se  tcnnina  cette 
înc'mora])!e  bataille  ,  qui  fut  complè- 
tement gagnée  par  l'exécution  litté- 
rale et  précise  du  plan  donne'  par  le 
gênerai  en  chef.  A  quatre  heures  du 
soir,  onze  mille  prisonniers  et  cent 
pièces  de  canon  étaient  eu  son  pou- 
voir. Ces  trophées  eussent  e'îe'  plus 
considérables  encore,  si  Li  plus  lon- 
gue nuit  d'hiver  et  les  mauvais  che- 
mins n'eussent  favorise  la  retraite  de 
tant  de  corps  rompus  et  désunis. 
I*lus  de  six  mille  Autrichiens  restè- 
rent sur  le  champ  de  bataille.  La 
])erte  des  Français  ne  fut  que  de  deux 
mille  ciuq  cents  hommes  tues  ou 
blessés.  Moreau  ne  répondit  aux  fé- 
licitations de  ses  généraux  qu'en  leur 
attribuant  la  plus  grande  partie  de 
la  gloire  de  cette  journée  ,  et  en  ne 
laissant  éclater  sa  joie  que  par  ces  pa- 


MDR 


î)' 


rôles  :  «  Mes  amis,  vous  avez  conquis 
))  la  paix  î  »  L'archiduc  s'était  réfu- 
gie derrière  l'Inn.  Moreau  le  pour- 
suivit sans  relâche;  il  remporta  en- 
core une  victoire  à  LaufTeu  ,  passa 
la  Salza ,  s'empara  de  Saltzbourg, 
pénétra  dans  les  étals  héréditaires, 
et,  s'avançanl  toujours,  porta  l'ef- 
frui  dans  la  capitale  de  l'Autriche. 
JSa  marche  ne  fut  suspendue  que 
lorsque  l'archiduc  Charles,  rappelé 
à  la  tête  de  l'armée,  lui  eut  annoncé 
que  l'empereur  était  décidé  à  faire  la 
paix,  quelles  que  fussent  les  détermi- 
nations de  ses  alliés;  et  cete  déclara- 
tion servit  de  base  à  la  convention 
d'armistice  signée  à  Sfeyer,  le  25 
décembre.  Cette  campagne  de  vingt- 
cinq  jours  venait  de  placer  Moreau  , 
sans  contestation,  au  rang  des  plus 
gi'ands  capitaines  :  il  recueillit,  à  son 
retour  à  Paris  ,  l'hommage  de  l'ad- 
miration publique.  Buonaparte  lui 
remit  une  paire  de  pistolets  magniG- 
qucs  ,  en  lui  disant  ,  «  qu'il  avait 
»  voulu  y  faire  graver  tontes  ses  vic- 
»  toires,  mais  qu'on  n'y  eût  pas  trou- 
y>  vé  assez  de  place  ;  »  éloge  forcé , 
et  qui  ne  put  dissimuler  la  jalousie 
quêtant  de  triomphes  avaient  exci- 
tée dans  le  cceur  de  l'homme  le  plus 
accessible  à  cet  odieux  sentiment.  Il 
savait  d'ailleurs  que  Moreau  avait 
du  ses  victoires  à  \ua  concours  de 
dévouement  rare  entre  les  généraux 
secondaires,  et  au  bon  esprit  de  sou 
armée,  qu'il  avait  su  cajitivcr  par  sa 
bienvcillani  e  natr.ieile.  11  n'ignorait 
pas  non  plus  que  IMoreau  comman- 
dait avec  fernielé,  mais  jamais  avec 
dureté,  couscrvaut  envers  sesjirinci- 
paux  officiers  le  ton  affectueux  d'un 
camTrade  ;  que  son  quarlier-général 
ressemblait  à  une  réunion  de  famille 
où  l'on  discutait  avec  une  entière  li- 
berté sur  tons  les  objets  d'intérêt 
public,  sur  la  guerre  et  sur  l'admi- 


gi  IVÎOR 

nislralion.  Cette  tlcriiicrc  ron.si;lera- 
îion   ,'ivait  surtout  donne  beaucoup 
d'oinbia^c  à  Buonaparte;  el  (Icj  i  il 
avait  envoyé  aji])r('.s  de  son  rival  un 
grand    nombre   d'esjiions ,  charges 
d'cljscrver  SCS  moindres  actions,  cl 
qui  les  di'nalurèrenl  et  les  noircirent 
bien  souvent.  IMoreau  ne  prit  jamais 
aucun  soin  de  se  cac!ier;elil  continua 
d'ap^ir  avec  sa  iVaneliise  ordinaire ,  en 
présence  d'un  einiemi  dont  la  dissi- 
luulation  était  le  premier  moyen.  Ses 
opinions  très-liberales  (dans  le  ve'- 
lilabic  sens  de  ce  mot),  et  par  con- 
séquent opposées  au  système  de  Buo- 
naparte,  trouvaient  de  nombreux 
approbateurs,  dans  une  arme'c  où 
l'esprit  criudcpendance  c'clatait  sans 
contrainte.  Buonaparle  ne  fut  rassu- 
re que  lorsqu'il  eut  disloque  et  anéan- 
ti ,  pour  ainsi  dire,  celte  belle  armée 
de  Moreau,  dans  sa  fatale  expédition 
de    Saint-Domingue.    Ce   général, 
voyant  les  dangers  de  sa  position  , 
ne   songea  plus  qu'à  vivre  dans  la 
retraite.   On    l'avait  mal  jugé  dans 
le  monde  ,  où  son  indiîlérence  à  sou- 
tenir son  rôle  l'avait  fait  paraître 
médiocre.  Sa  gloire  semblait  cepen- 
dant s'augmenter.  Les  ennemis  se- 
crets de  Buonaparte  prenaient  plai» 
sir  à  exalter  Moreau  devant  lui.  Ils 
rantaient  sa  simplicité,  sa  modestie, 
son  goût  pour  la  retraiie.  Fixé  dans 
ime  terre  qu'il  venait  d'acquérir ,  il 
ne  paraissait  presque  plus  à  Parisj 
et  il  refusa  ])lusieurs  fois  de  se  ren- 
dre à  la  cour  que  venait  de  créer 
Buonaparle.  C'était  à  Grosboisquc, 
dans  les  douceurs  d'inie  union  récente 
(il  avait  épousé  M'^"^.  Ilulot),    au 
milieu  d'un  petit  nombre  d'amis  et 
d'étrangers   qui    se   succédaient   en 
foule ,  pour  lui  témoigner  leur  ad- 
miration, il  cbcrcliait  à  rendre  moins 
importuns  de  sinistres  présages.  Là , 
il  désapprouvait  hauleiaeut  la  rapi- 


IMOR 

dite  avec   laquelle  Buonaparte  en- 
valiissail  le  pouvoir.  Toutes  ses  épi- 
grammes,  toutes  ses  conversations  , 
incessamment  répétées  à  son  rival, 
ajoutaient  chaque  jour  à  la  haine  de 
celui-cij  eldéjà  il  considérait  Moreau 
comme  le  ])lus  grand  obstacle  à  ses 
projets  d'usurpation  ;  déjà  le  désir  de 
le  perd  reétait  sa  preniièrtpensce.Soit 
que  sa  police  ,  pour  le  tirer  d'embar- 
ras, eût  fait  naitie  l'occasion  d'en- 
velopper ce  général  dans  une  trame 
conspiratrice,  soit  que  Moreau  lui- 
même  ,   en  en  voyant  l'abbé  David 
auprès  de  Picliegru,  qui  était  alors 
en  Angleterre,  eût  aidé  à  élever  des 
soupçons  ,  il  est  certain  que  cet  in- 
termédiaire ,  arrêté  à  Calais,  se  trou- 
vant porteur  d'une  lettre  de  Moreau , 
qui  lui  était  adressée,  fut  amené  à 
la  prison  du  Temple  ,  où  il  avoua  , 
dit -on,  a  qu'en  effet,  il  avait  cm 
»  devoir  rapprocher  ces  aeux  an- 
»  ciens  amis.  »  Sur  ce  premier  in- 
dice, on  épia  Moreau  avec  nu  nou  • 
veau  zèle  ;  et  le  général  George  étant 
venu  d'Angleterre  à  Paris,  avec  d'au- 
tres royalistes,  pour  y  préparer  les 
moyens  d'enlever  de  vive  force  Buo- 
naparte ,  ce  plan  qu'il  avait  concer- 
té avec  Picliegru  ,  touchait  à  sa  ma- 
turité, quand  ce  dernier  fit  sonder 
Moreau.  Sans  contester  la  nécessité 
du    rétablissenîent    des    Bourbons , 
Moreau  voulait  cependanlle  préparer 
par  des  gi-adaîions  qui  amenassent 
son  propre  parti,  dans  lequel  il  comp- 
tait plusieurs  républicains,  à  l'ap- 
prouver et  à  le  seconder.  Hais  Pi- 
cliegru, redoutant  les  lenteurs,  exi- 
geait que  P.Ioreau  se  prononçât  sur- 
le-champ,  et  se  licàt  sans  condition 
à  la  cause  dont  il  desirait  le  succès. 
Enfui ,  sacrifiant  ses  scrupules  à  la 
si'ireté  de  son  ami,  Moreau  comprit 
que  ceux  qui  avaientproposé  le  plan, 
le  mcllraienl  à  exécution,  et  que  le 


WOR 

succès  o1)tcnu ,  il  se  montrerait  avec 
sou  ])arli ,  pour  les  protéger  contre 
les  adhérents  de  lîuoua parte;  mais 
il  s'était  décide  trop  tard  :  la  police, 
e'claire(;  déjà  p;ir  les  re'velations  de 
Querelle  ,  était  informée  de  la  pré- 
sence de  Picliegrit  et  de  George  à 
Paris ,  et  même  de  leurs  rapports 
avec  Moreau.  Celui-ci  lut  arrête  le 
premier;  et  (piaud  tous  les  conjures 
turent  au  pouvoir  de  la  police,  B:io- 
naparte  fit  couvrir  les  rues  de  Paris 
d'une  ailiche  où  ou  lisait  :  «  Liste  des 
»  brigands  envoyés  par  l'Angleterre, 
»  pour  assassiner  le   premier  con- 
»  sul.  »  Dans  cette  liste  on  voyait  le 
nom  de  Moreau  :  le  public  en  tut  re'- 
volte'.  Pendant  trois  mois ,  ce  géné- 
ral fut  tenu  au  secret  le  plus  rigou- 
reux. Il  résultait  des  aveux  que  la 
police  avait   arrackés    à    quelques- 
uns  des  prévenus,  qu'il  n'avait  con- 
senti à  participer  au  complot  qu'avec 
des  restrictions  et  qu'après  beaucoup 
d'hésitation  ;  qu'il  avait  promis  de 
concourir  au  renversement  de  Buo- 
iiaparte,  mais  qu'il  ne  voulait  pas  de 
la  monarchie  des  Bourbons,  insis- 
tant pour  un  gouvernement  représen- 
tatif,  alin  d'être  lui-même  à  la  tête 
des  affaires  ;  ce  qui  avait  fait  dire  à 
Pichegru ,  en  sortant  d'une  conféren- 
ce avec  lui  :  «  Je  crois  qu'il  veut 
»  aussi  gouverner;  mais  je  ne  lui  en 
»  donne  pas  pour  huit  jours.  »  Mo- 
reau fut  traduit  avec  les  autres  ac- 
cusés, devant  le  tribunal  criminel: 
il  n'existait  contre  lui  aucunes  preu- 
ves écrites  ;  cent  quarante  témoins 
fuient  entendus;  aucun  ne  présenta 
ni  une  charge,  ni  même  nue  indica- 
tion; il  n'y  eut  que  des  déclarations 
extorquées  par  la  police  à  quatre  ac- 
cusés qui  se  démentaient  ou  se  ré- 
tractaient devant  le  tribiuial  (i).  La 


(l)  On  s:i:t  que  ,   dans  •  c  inui-ts  <  l  ilms  piiisii 


MOI\  o3 

plus  importante  l'ut  celle  de  Roland, 
enfrrpreiieur  des  vivres  de  l'armée, 
qui  avait  caché  Pichegru  dans  sa  mai . 
son.  Il  dit  autribunalque,  chargé  j)ar 
ce  général  de  négocier  avec  iMorcan, 
celui-ci  avait  répondu  :  «  Je  ne  puis 
»  me  mettre  à  la  tête  d'un  mou»/c- 
«  ment  pour  les  fiourboîis;  im  es.^ai 
»  semblable  ne  réussirait  pas.  Si  Pi- 
w  chegru  fait  agir  dans  un  autre  sens 
»  (et  en  ce  cas,  je  lui  ai  dit  qu'il 
»  faudrait  que  les  consuls  et  ie  gou- 
»  vernement  de  Paris  disparussent,', 
»  je  crois  avoir  un  parti  assez  furt 
»  dans  le  sénat,  pour  obtenir  l'auto- 
»  rite;  je  m'en  servirai  aussitôt  pour 
»  mettre  tout  le  monde  à  couvert  : 
»  ro])inion  dicteia  ensuite  ce  qu'il 
w  conviendra  do  faire;  mais  je  ne 
«  m'engagerai  à  riea  par  écrit.  » 
Dans  le  peuple,  dans  l'armée,  à  la 
cour  même  de  Buonaparte,  on  aflcc- 
tait  de  ne  pas  croire  aux  de  seins  de 
l\Ioreau,  Cet  illustre  accusé  excitait 
un  intérêt  général ,  et  son  parti  se 
montrait  ouvertement.  Plus  le  juge- 
ment approchait,  plus  cet  intérêt  se 
manifestait.  Les  soldats  sedéclaraient 
tout  haut,  et  des  murmures  violents 
commençaient  a  éclater.  Moreau  pro- 
nonça devant  ses  juges  un  discours 
noble  et  touchant.  Sa  défense ,  que 
présenta,  avec  autant  d'art  que  d'é- 
loquence, M.  Bonnet,  son  avocat,  se 
trouva  forti'Ilée  par  les  dénégations 
généreuses  de  plusieurs  accusés.  Les 
juges  s'étant  retirés  dans  la  chambre 
du  conseil,  le  commissaire  du  ç;ou 
vernement  ^  Thuriot  )  ouvrit  l'avis 
de  condamner  Moreau  à  la  peine  ca- 
pitale, bien  persuadé,  dit-  il,  qu'il 
aurait  sa  grâce  (  i  ).  Le  président  Hé- 

iiieut  aux  horveurs  de  la  lorlure  j>luâtc(tr!>  prison- 

(  1  )  Ce  fut  alors  que  le  vertueux  Cuvier  ,  uo  de  o-is 
joge-* ,  que  la  15ijgrajjhie  s'iuuorc'  d*uvoir  c<itnplc  su 
uuuilire  de  sts  iiulrurs,  s'écria  iivec  tant  d"  cjuraj-;  ; 
«  Et  rjni  nous  In  tloiinor.i  îi  nous,  notre  gi.'ife?  »  ^  A', 
Ct.'.VIS:'. ,  :;a  S-ai<;>iciiici:l.; 


ÎH' 


mm 


inart  pencha  pour  cet  avis.  S'a  per- 
cevant tous  deux  que  six  jnges  sur 
«louze  ,  votaient  pour  l'absolution  , 
ils  prétendirent  que  l'acquittcnicnt 
de  M'jrcau  serait  un  sit^nal  de  f;u('rre 
oiv,ile,  et  que  les  puissances  étrangè- 
res  attendaient  (e   jugenaent   pour 
reconnaître   Buonapartc  empereur, 
ïliuriot ajouta  :  «  Vous  voulez  inel- 
»  trc  en  liberté  Moreau;  il  n'y  sera 
1)  pas  mis.  Vous  t'orcerez  le  gouvcr- 
V  ncment  à  fair;'  un  coupd'efat;  car 
i>  ceci  est  inieadaire  politique  plutôt 
»  qu'une  affaire  judiciaire  ,  et  il  y  a 
»  quelquefois  des  sacrifices  nc'cessai- 
))  res  à  la  sûreté'  de  l'État.  »  Cepen- 
dant plusieurs  liommcs  puis  ants  tels 
queFoaclié,  Real,  Thuriot lui-même, 
et  le  commandant  de  la  gendarmerie, 
représentèrent  à  Bucnaparte  que  si 
IMoreau  était  cendamnè  à  mort  ,  un 
mouvement  était  à  craindre  de  la  part 
des  soldats,  dont  le  plus  grand  nom- 
bre aideraient  à  l'enlever.  Ce  fut  à  la 
suite  de  ces  représentations  qu'un  des 
juges  proposa  un  moyen  de  ra])pro- 
clier  les  divers  avis.  Cédant  à  ces 
motifs ,   ceux  qui  avaient   d'abord 
rejeté  la  complicité  de  Moreau  pour 
sauver  sa  tête,  revinrent  à  ce  moyeu 
terme  permis  par  la  loi  ,  et  le  con- 
damnèrent, le  1 G  juin  (  180.4  ),  à 
deux  années  de  détention.  A  l'instant 
même  on  entendit  partout  le  peuple 
s'écrier:  «  11  est  sauvé!  »  Cependant 
il  était  à  cr^iindre que, transiéi <•  dans 
une  prisi  n  i\e  l'intérieur,  ii  n'éprou- 
vât le  sort  de  Pichegi'u  (  ^.Piciie- 
GRU  )  :  aussi  sa  femme  s'empressa- 
t-elle  de  demander  comme  une  grâce 
qu'il  lui  iv:t  pcrjnis  de  voyager  pen- 
dant les  deux  années  que  devait  du- 
rer sa  détention.  Aidée  par  Fouclié 
(  redevcru  ministre  de  la  police), 
elle  obtint  ce  départ,  eu  plutôt  cette 
espèce  d'ostracisme  ,  sous  la  condi- 
tion que  IMoreau  se  retireiait  aux 


MOR 

Etalti-Uuis  ,  et  ne  ])0urrait  rentrer 
en  France  qu'avec  l'autori^iation  de 
Bucnaparte.  Il  partit  pour  l'Kspague, 
escorté  par  des  gendarmes  ;  et   de 
Cadix  il  s'embarqua,  en  i8o5,  pour 
se  rendre  aux  Etats-Unis.  M'"'^.  Mo- 
reau l'y  accompagnait.  Ses  biens  en 
Fiance  furent  vendus  par  sa  belle- 
mère,  qui  lui  en  fit  passer  les  fonds  , 
retenue  faite  des  frais  énormes  de  la 
procédure  criminelle  à  la  suite  de 
laquelle  il  avait  été  condamné.  Arrivé 
aux  Etats-Unis,  Moreau  parcourut  ce 
pays  en  observateur  ;   il  visita  les 
cliutes  dulNiagara,  descendit  l'Ohio 
et  le  jNIississipi ,  et  revint  par  terre 
à  Morisville  d'où  il  était  parti.  Là  il 
acheta  une  belle  maison  de  campa- 
gne ,  au  pied  de  la  chute  de  la  Dcla- 
vvare,  et  s'y  établit.  Celte  solitude, 
où  il  n'avait  d'autre  délassement  que 
la  pêche  et  la  chasse,  était  pour  lui 
remplie  de  charmes.  Les  Américains, 
si  simples  eux-mêmes  ,  ne  savaient 
comment  accordertantde renommée 
avec  tant  de  simplicité.  Moreau  ve- 
nait passer  l'hiver  à  New-York,  on 
il  recevait  chez  lui  des  personnes  de 
toutes  les  opinions  et  de  tous  les  ]jar- 
tis.  Là,  entouré  d'amis,  il  oubliait 
ses  infortunes,  et  eu  nommait  rare- 
jiient  l'auteur.  La  nouvellede l'horri- 
ble agression  de  l'Espagne   sembla 
mettre  un  terme  à  son  indi/Térence 
politique  ;  il  pressentit  le  sort  futur 
de  la  France.  Ne  pouvant  plus  dé- 
tourner sa  pensée  des  maux  dont  sa 
patrie  allait  être  accablée,  ii  se  «our- 
j  it  de  l'espoir  d'en  rétablir  un  jour  le 
bonheur  et  la  gloire.  Quand  on  lui 
annonça  les  désastres  de  Moscou,  il 
passa  de  l'airiiction  à  la  fureur ,  et 
dit  en  parlant  de  Buonaparte.  «  Cet 
»  homme  couvre  de  lionte  et  d'op- 
))  probre  le  nom  français  ;  il  réserve 
»  à  mon  malheureux  pays  la  haine  et 
»  les  malédictions  de  l'univers'  »  et 


MOR 

Tinc  autre  fuis  :  «  Sou  i^poraiirn  cgalc 
»  sa  lolic.  »  Ce  fut  clans  ces  disposi- 
lioiis  qu'il  reçut  les  prcitiièrcs  ouver- 
tures de  l'empereur  Alexandre.  Do- 
eidcà  s'unir  à  ce  moriarque,  qui  n'a- 
vait armé  que  pour  repousser  une 
inji:stc  a;;rcssiou  ,  il  s'e.nbarqua  se- 
crètement,  le  ui   jui:i    i8i3,  avec 
M.  de  Sviniue,  conseiller  de  l'ambas- 
sade russe,    eteulra,  le '^-4  juillet, 
dans  le  port  deOoleuibonrg.  Partout 
on  le  reeut  comme  un  libérateur;  il 
était  obligé  de  se  dérober  aux.  accla- 
raatiousdela  multiuide.  AStralsund, 
il  passa  trois  jours  avec  le  piince  (le 
Suède  (  I  ) ,  son   ancien  compagnon 
d'armes  ,  concertai;t  avec  lui  le  plan 
de   campagne  qui  devait  rendi-e  la 
paix  au  monde.  lia  joie  que  sa  pré- 
sence fit  éclater  en  Prusse,  sur  tou- 
te la  route  ,  l'accueil  qu'il  reçut  du 
peuple  et  des  grands  à  Berlin  ,  an- 
nonçaient assez  qu'on   le   regardait 
partout  en  Allemagne  comme  le  sau- 
veur de  l'Eurojie.  A  son  arrivée  à 
Prague  ,  où  étuient  réunis  les  souve- 
rains alliés,  son  nom  vola  de  bouche 
en  bouche.  L'empereur  de  Russie  le 
prévint,  et  eut  avec  lui  une  entrevue 
de  deux  heures.  Il  le  présenta  lui- 
même  à  ses  sœurs  ,  les  grandes-du- 
rhesses    de    Weimar    et   d'Olden- 
bourg. En  sortant  de  chez  le  czar  , 
Moreau ,  attendri ,  dit  à  M.  de  Svi 
tiine  :  «  Quel    homme  qne  l'empe- 
»  reur  Alexmdrel  je  sacrifierai  ma 
»  vie  à  cet  ange  de  bonté  ;   tout  ce 
»  qu'on  dit  de  lui  est  au-lcssous  de 
«  la  réalité.  »  L'empereur  d'Autri- 
clie  lui  rappela  ses  campagnes  sur 
le  Rhin,  ajoutant  :    «   Le  caractère 
»  personnel  du  général  a  cont:  ibué 
^  beaucoup    à   diminuer   les    maux 
»  de  la  guerre  ».  Ce  fut  Alexandre 


(•)    Le    général  Beruulotte,    au]  jurd'Lui    rJi  de 
Suède ,  ioit»  le  ugm  de  ChurUf-Jeim. 


IMOR  95 

lui-même  qui   lui  amena  le  roi  de 
Prusse.    En    l'aburdint,    Frédéric- 
("luiliaume  lui  dit  (pi'il  venait  avec 
le  plus  grand   plaisir  faire  une  vi- 
site à  im  général  si   renomme   par 
ïes  talents  et  ses  vertus.   Une  sor'.e 
d'égalité  semblait  s'être  établie  entre 
la  grandeur  de  ces  monarques  et  la 
gloire  du   grand  capitaine.  Cepen- 
dant l'armistice  entre  Napoléon  et 
les  alliés  venait  d'expirer.  Le  plan 
(les  alliés  consistait  à  déboucher-  de 
la  Bohème  aAcc  leur  grande  armée 
pour  venir  tourner  et  attaquer  Dres- 
de, le  pivot  des  opérations  de  Buona- 
parte.  Dresde  fut  attaquée  le -^O  août. 
Moieau  s'en  approcha  en  personne 
à  côté  de  rernpci-eur  Alexandre  et 
du  roi  de  Piiisse  ;  il  examina  la  po- 
sition de  Buonaparte,  en  parcourant 
le  front  des  colonnes  au  milieu  des 
boulets  et  des  bombes.   Le   lende- 
main recoinsnencèrent  les  attaque?. 
Moreau,  qui  accom|)agnait  l'empe- 
reur,  venait   de   lui   communiquer 
quelques  observations,  et  s'avar.çait 
pour  observer  le  monvementde  l'en- 
nemi,  lorsqu'un  boulet  lui  fracassa 
le  genou   de    la    jambe   droite ,    et 
traversant  le  cheval  emporta  le  mol- 
let de  l'autre  jambe.  Il  tomba  dans 
les  bras  du  colonel  Rapatel ,   en  lui 
disant  :  «  Je  suis  perdu  ;  mais  il  est 
»  doux  de  mourir  pour  une  si  belle 
»  cause.  »  Alexandre  lui  prodigua 
en  pleurant  tous  les  secours.  On  lit 
un  brancard  avec  des  piques  de  co- 
•sarpies  ,  et  on  emporta  Moreau  dans 
une  maison  voisine.  Le  premier  chi- 
rurgien de  l'empereur  lui  coupa  la 
jambe  droite.  Le  général  le  priad'exa' 
miner  l'autre,  et  sur  la  réponse  qu'il 
était  impossible  de  la  sauver!  «  Eh 
»  bien  coupez-la  donc,  dit-il  froide- 
»  ment.  »  L'armée  alliée  étant  en  re- 
traite ,  on  le  transporta  plus  loin  sur 
un  brancard  fermé  par  des  rideaux. 


96 


MOR 


Le  lendemain  il  avança  jusqu'à  Latm, 
où  il  écrivit,  maigre  sa  faiblesse, 
une  lettre  à  sa  femi.ne  ,  et  une  autre  à 
rcmpercur  de  Russie.  Pendant  cinq 
jours,  ses  amis,  qu'il  consolait,  le  vi- 
rent descendre  lentement  dans  la  tom- 
be j  il  expira  dans  la  nuit  du  1'='".  au 
•2  septembre.  Soncorps , conduitd'a- 
bord  à  Prague  pour  être  embaume , 
fut  transféré  et  enterré  dans  l'église 
catholique  de  St.-  Pctersbourg  avec 
tCi;s  les  honneurs  qui  avaieiH;  été 
rendus  au  maréchal  prince  Kutusofl'. 
IMoreau  expira  avant  d'avoir  publié 
une  proclamation  aux  Français,  que 
l'empereur  Alexandre  avait  approu- 
vée :  elle  était  courte  ,  simple,  éner- 
gique. 11  expliquait  le  but  de  son  re- 
tour en  Europe  ;  c'était  d'aider  les 
Français  à  se  soustraire  au  despolis- 
ine  de  Buonaparte,  et  de  sacrifier  au 
besoin  sa  vie  pour  rendre  le  bon- 
heur à  sa  patrie,  dont  il  appelait 
tous  les  véritables  enfants  sous  les 
étendards  de  l'indépendance.  Il  avait 
demandé  à  l'empereur  Alexandre, 
qui  le  regardait  comme  l'intermé- 
diaire entre  les  aUiés  et  la  nation 
française,  de  n'avoir  aucun  titre  près 
de  sa  personne.  «  Eh  bicnl  lui  avait 
»  dit  ce  prince,  vous  serez  mon  ami, 
V  vous  serez  mon  conseil.  »  Le  czar 
écrivit  une  lettre  touchante  à  la 
veuve  de  Moreau  ;  il  lui  fit  don  de 
cinq  cent  mille  roubles  et  d'une  pen- 
sion de  trente  mille.  Comme  homme 
de  guerre ,  Moreau  fut  supérieur  à 
tous  les  généraux  de  la  révolution  ; 
il  eut  le  génie  des  Fabius  et  des  Tu- 
renne.  Son  nom  était  plus  populaire 
que  celui  de  Buonaparte  ;  et  il  pou- 
vait rendre  à  son  pays  les  plus  grands 
services,  si,  avec  plus  de  résolution 
dans  le  caractère,  il  eût  été  animé, 
douze  ans  plus  tôt;  de  la  noble  et  se- 
crète ambition  de  se  faire  le  Monk 
de  la  France.  Quelle  iuflueuce  al- 


MOR 

lait-il  avoir  sur  les  événements,  lors- 
que la  mort  vint  le  frapper  ?  N'esl- 
il  pas  vraisemblable  qu'à  la  faveur 
de  sa  renommée  ,  accélérant  la  chu- 
te de  Buonaparte  et  la  restaura- 
tion du  trône  des  Bourbons  ,  il  eût 
aidé  la  France  à  briser  elle-même 
ses  chaînes,  et  l'eût  garantie  de  deux 
invasions?  Sous  ce  double  point  de 
vue  il  mérite  nos  regrets  et  nos  hom- 
mages. Louis  XVllI  a  déposé  le  bâ- 
ton de  maréchal  de  France  sur  la 
tombe  de  Moreau.  L'Eloge  de  ce 
général  par  Garât  (  i8i4  ,  in-8°.  ) , 
a  essuyé  de  sévères  critiques.  L'au- 
teur eut  cependant  l'honneur  de  le 
présenter  lui-même  à  l'empereur 
Alexandre,  en  181  4-  B — p. 

MOREAU  (  Jean-Michel  ) ,  des- 
sinateur du  cabinet  du  roi ,  naquit  à 
Paris,  en  1741.  (0  Artiste  pres- 
que en  naissant,  il  ne  se  rappelait  [îas 
lui-même  l'époque  de  ses  premiers 
essais.  Il  avait  à  peine  dix-sept  ans , 
lorsque  Lelorrain ,  son  maître,  nom- 
mé directeur  de  l'académie  des  arts 
de  Pétersbourg,  l'emmena  en  Russie, 
pour  le  seconder  dans  les  fonctions 
de  sa  place.  La  mort  de  cet  artiste 
obligea  Moreau ,  au  bout  de  deux 
ans,  de  revenir  à  Paris.  Naturelle- 
ment observateur,  les  monuments, 
les  costumes  ,  les  mœurs ,  les  usages 
des  contrées  qu'il  avait  parcourues , 
n'avaient  point  échappé  à  sa  saga- 
cité; et  toutes  ces  connaissances  lui 
devinrent  bien  utiles  dans  l'âge  mûr. 
A  son  retour,  se  trouvant  sans  fortu- 
ne ,  sans  occupations  luciaiives  ,  il 
eut  des  moments  très-pénibles.  Il  fit 
connaissance  avec  Lebas,  graveur 
habile;  et  son  aptitude  au  travail  le 
mit  bientôt  en  état  de  graver  àl'eau- 


(i')  Od  le  dcbigne  sous  le  nom  de  liloreau  jeune , 
pour  te  distiiii;uer  de  son  Itère  ,  Louis  Moreau  ,  ujort 
à  Paris  p)n>ieiu-s  ar-uees  avant  lui,  et  dut^ueluua 
plusieurs  paysages  à  la  gouacLe. 


MOR 

forte.  Celait  à  telle  o'pof|iic  que  le 
comte  de  Caylus  imprimait  son  bel 
ouvrage  sur  les  aiiti(|uites.  Ayant  eu 
oecasioii (l'apprécier  le  talent  de  no- 
tre jeune  artiste ,  il  le  chargea  d'une 
partie  de  ses  planches.  Mais,  crai- 
gnant que  le  dcsir  de  gagner beaucoup 
d'argent  ne  lui  fît  négliger  son  avan- 
cement, c(ft  ami,  ce  père  des  artis- 
tes lui  donnait,  le  samedi,  la  besogne 
qu'il  devait  faire  le  dimanche  ,  afin 
de  ne  le  pas  détourner  des  études  de 
la  semaine,  et  lui  pavait  assez  son 
travail  pour  qu'il  pût  suflire  à  ses 
dépenses  journalières.  La  réputa- 
tion de  Moreau ,  comme  dessina- 
teur (  car  il  avait  entièrement  re- 
noncé à  la  peinture  ),  croissant  à 
mesure  que  son  génie  se  développait, 
il  se  vit  bientôt  chargé  presque  seul 
de  la  composition  de  la  plupart  des 
estampes  destinées  à  orner  les  belles 
éditions  imprimées  à  la  fin  du  der- 
nier siècle.  On  peut  même  dire  que  , 
dans  ce  genre,  il  surpassa  tous  ses 
rivaux.  Cochiu,  dessiuaieurdes  me- 
nus-plaisirs du  roi,  ayant  quitté  celte 
place,  en  1770,  indiqua  Moreau 
pour  le  remplacer.  Ce  fut  à  la  même 
époque  que  celui-ci  fut  chargé  des 
dessins  des  fêtes  qui  eurent  lieu  à 
l'occasion  du  mariage  du  dauphin, 
(  depuis  ,  Louis  XVI  ),  et  ensuite  du 
dessin  et  de  la  gravure  du  sacre  de 
ce  prince;  ouvrage  qui  lui  ouvrit 
les  portes  de  l'académie,  et  lui  mé- 
rita la  place  de  dessinateur  du  cabi- 
net du  roi,  avec  une  pension  et  un 
logement  au  Louvre.  Curieux  de  vi- 
siter les  chefs-d'œuvre  qu'on  admire 
dans  la  capitale  du  monde  chrétien, 
il  entreprit  le  voyage  d'ita'ic ,  eu 
j  785.  Toutes  les  productions  deMo- 
reau,  postérieures  à  celte  époque, 
ont  uu  caractère  grandiose  et  histo- 
rique ,  qui  prouve  combien  l'as- 
pect des  monuments  de  l'autiquitc  a 


I\IOR  97 

d'influence  sur  le  génie  des  artistes. 
Il  embrassa  le  parli  delà  révolution 
avec  beaucoup  de  chaleur,  et  fut,  à 
l'époque  sanglante  de  i  7()3,  membre 
delà  corn  mission  temporaire  des  arts; 
ce  qui  lui  fournit  l'occasion  de  sous- 
traire au  vandalisme  révoluiionnai- 
rc  beaucoup  d'objets  précieux.  Eu 
1797,  il  fut  nommé  professeur  aux 
écoles  centrales  de  Paris,  avec  un 
modique  trailement.  Si  la  î)remièrc 
éducaiion  de  Moreau  avait  été  r-é- 
gligée,  il  répira  ce  tort  dans  l'âge 
mûr.  Une  heureuse  mémoire  l'a- 
vait merveilleusement  servi  ;  sa  tète 
é[ait  eu  quelque  sorte  une  biblio- 
thèque vivante.  Cet'e  vaste  éru- 
dition s'aperçoit  aisément  dans  ses 
dessins,  où  l'on  retrouve  le  carac- 
tère et  le  génie  des  auteurs  aux  ou- 
vrages desquels  ils  étaient  destinés. 
L'œuvre  de  Moreau  se  monte  à  plus 
de  deux  mille  pièces  gravées  d'après 
lui,  parmi  lesquelles  on  distingue, 
deux  suites  pour  les  œuvres  de  Vol- 
taire, contenant  plus  de  deux  cents 
estampes;  la  suite,  pour  l'édition  in- 
4".  de  J.-B.  Rousseau,  imprimée  k 
Bruxelles;  lOo  figures  pour  l'histoire 
de  France;  près  de  100  pour  les 
évangiles  et  les  actes  des  apôtres;  une 
multitude  d'autres  compositions  pour 
les  œuvres  de  IMolière,  Ovide,  Bar- 
fhélemi,  Marmontel ,  Racine,  Gesner, 
Montesquieu  ,  Rayual,  Rcgnard,  La 
Fontaine ,  Delille  ,  et  surtout  pour 
les  belles  éditions  de  Psyché,  d'A- 
nacharsis,  des  Entretiens  dePhocion, 
etc.  Nous  u'oub'ions  pas  sa  grande 
estampe  du  sacre,  et  les  quatre  des 
fêles  du  mariage  de  Loui^  XVI,  dont 
il  a  gravé  lui-même  les  ea\ix-fortes , 
ainsi  que  celles  des  '^5  sujets  qu'il  a 
composés  pour  les  Chansons  de  La- 
bordo.  Toutes  ces  productions  attes- 
tent un  génie  riche  et  fertile.  Il  ne  se 
répétait  jamais,  ni  daus  la  pose  de 


g8  MOU 

ses  ngiircs .  r.i  dans  leurs  airs  de  lêtd. 
Le  retoiirdes  Bourbons, dont  U  s'était 
raoïilre  un  des  eiineinis  les  plus  ar- 
dents, lui  préparait  cependant,  à  la 
fin  de  sa  carrière,  des  jours  plus  heu- 
reux :  déjà  le  roi  lui  avait  rendu  sa 
place  et  sa  pension,  lorsqr.'un  squir- 
rc  cancéreux  au  hras  vint  mettre 
un  terme  à  son  existence,  le  3o  no- 
veml)re  i8i4-ll  n'a laisse'qu'une  fille 
unique  ,  mariée  à  M.  Carie  Vcrnet. 
En  1819,  le  roi,  sur  la  demande  de 
cette  dame,  a  consenti  à  acquérir  , 
pour  son  cabinet  particulier  ,  les  ly 
dessins  originaux  suivants  :  I.  deux 
vignettes  in-^". .  pour  les  Satires  de 
Juvéncd.  II.  Deux  autres  in-4".  , 
pour  les  Pensées  de  Marc-Aurele. 
jII.  Deux  de  même  format,  pour 
les  Entreliens  de  Phocion.  IV.  Cinq 
figures  in-i8,  pour  les  œuvres  de 
Gresset.  V.  Quatre,  même  format, 
pour  le  Roman  de  Gérard  de  Ne- 
vers.  VI.  Quatre  vignettes  in- 4°. , 
pour  YÉiieide.  Il  existe  deux  Lia- 
ges de  Moreau  jeune,  l'un  de  M. 
Feuillet ,  bibliotliccaire  de  l'Institut , 
imprimé  dans  le  Moniteur  de  1814 
(  n".  355),  et  tirée  aussi  à  part: 
l'autre ,  par  M.  Ponce,  inséré  rlans  le 
Mercure  du  i5  juin  18 16.         Z. 

MOREAU  UF.  LA  KOCÎIETTE 
(  FRA^çoIS-T^oMAS  ) ,  inspecteur- 
général  des  pépinières  royales  de 
France,  né  en  1720,  à  Rigni-îe- 
Feron,  bourg  près  de  Ville-Neuve- 
l'Arclicvèquc  ,  aujourd'hui  départe- 
ment de  l'Aube,  est  un  exemple  de 
ce  que  peut  le  génie ,  accompagné 
d'mie  volonté  forte  et  persévérante. 
Il  était  directeur  des  fermes  du  roi, 
à  Melun.  Il  existe,  presque  à  la  porte 
de  cette  ville,  un  petit  village  appelé 
la  Rochette,  nom  que  lui  a  valu  son 
sol  ingrat  et  rocailleux.  Il  y  avait , 
dans  ce  village,  un  domaine  d'un  re- 
venu  presque    nul  _,   quoique  assez 


MOtl 

étendu  (i) ,  ix  cause  de  la  stérilité  du 
terrain.  Moreau  de  la  Roclictte  ju- 
gea qu'il  était  possible  d^en  tirer 
parti.  Il  l'acheta,  en  1751,  pour 
une  somme  modique:  il  s'y  trouvait 
un  petit  corps  de  ferme,  où  il  se 
pialiqua  un  logement.  Sa  place  le 
relenait  à  Melun  pendant  le  jour: 
mais  dès  que  ses  occupations  avaient 
cessé,  il  courait  à  la  Rocbettc  ;  il  y 
passait  la  nuit,  méditant  ses  plans 
d'amélioration  ,  et  donnant  ses  or- 
dres pour  les  travaux  du  lendemain. 
La  plupart  des  terres  n'étaient  que 
des  friches  arides;  il  commença  par 
faire  valoir  ce  qui  était  en  culture. 
Des  labours  mieux  dirigés ,  des  en- 
grais distribués  à  propos  ,  lui  don- 
nèrent de  meilleures  récoltes.  Insen- 
siblement la  culture  s'augmenta  ;  et 
des  essais  de  pépinières  se  firent  dans 
les  terrains  qui  le  comportaient. 
Vers  i^Oo,  Moreau  commença  ses 
défricbcments  j  et  ses  vues  s'éten- 
daul  à  mesure  qu'il  obtenait  des 
succès  .  il  conçut  le  projet  d'une 
école  d'agriculture  sur  sa  propriété. 
Son  plan  consistait  à  y  établir  une 
grande  pépinière  d'arbres  de  toutes 
espèces,  indigènes  et  étrangers,  et  à 
tirer  des  hôpitaux  un  certain  nom- 
bre d'enfants-trouvés,  pour  y  être 
emf)loycs  et  formés  aux  travaux 
agricoles.  Il  représentait  que  ces  en- 
fants ,  élevés  à  la  campagne  et  en  bon 
air,  s'en  porteraient  mieux, s'y  for- 
tifiei'aient  par  l'exercice,  et  devien- 
draient par  la  suite  des  ouvriers 
utiles.  Ce  plan  fut  agréé  par  le  gou- 
vernement •  et  un  arrêt  du  conseil , 
du  g  février  1 767,  en  ordonna  l'exé- 
cution. Cinquante,  et  peu  de  temps 
après  cent  enfants ,  furent  mis  à  la 
disposition  de  IMoreau  de  la  Rochet- 
te. Au  moyen  de  cette  multitude  de 

(i)  D«  la  cuDtuiiaBce  d'tovirOD  20»  becUro». 


MOft 

hr.is  ,  les  travaux  pi iiciit  de  l'acti- 
vile  ,  et  SCS  (léfilchciuciits  se  firent 
cil  grand.    Le  terrain  l'ut  nettoyé, 
nivelé,  dcroncé;  une  partie  lut  mise 
en  culture;   une  antre  fut  seraee  et 
j)lanlee  en  hois.  De  vastes  jardins  , 
des  Ijosquets,  de  riches  pepirdcrcs 
remplacèrent  les  friches  ;  de  belles 
avenues   tracées  avec   intelligence , 
s'alignaient  sur  celles  de  la  foret  de 
Fontainebleau  ;  et ,  ce  qui  n'était  au- 
paravant qu'une  lande  infructueuse, 
devint  sous  la  main  de   l'homme , 
luic  campagne  riante,  parée  de  tout 
le  luxe  et  de  toutes  les  richesses  de 
la  culture.   Pour  couronner  ce  ma- 
Fîiiûque  ensemble,  une  belle  maison, 
construite  d'après  les  dessins  de  l'ar- 
chitecte Louis  ,  et  accompagnée  de 
tous  les  bâtiments  nécessaires  à  une 
fjrande  exploitation  .  s'éleva  au  cen- 
tre :  de  lonsucs  terrasses,  dominant 
sur  la  Seine,  se  prolongèrent  des 
deux  côtés.  Quelques  années  suffirent 
pour  opérer  cette  étonnante  méta- 
morphose. Un  résumé  court ,  mais 
exact  des  heureux  produits  de  cette 
institution  ,  excitera  la  surprise.  En 
treize  années ,  il  sortit  des  pépinières 
de  la  Rochctte  ,  un  million  d'arbres 
de   tige,    et  trente-un    millions   de 
plants  forestiers,  dont  une  grande 
partie  a  servi  à  repeupler  les  bois  et 
les  forets  du  domaine.  Le  reste  a  été 
donné  gratuitement  à  des   particu- 
liers. Pendant  le  même  espace  de 
lemps  ,  il  a  été  formé  à  la  Rochettc 
quatre  cents  élèves  ,  tirés  des  hôpi- 
taux ,  et  de  ce  grand  nombre  il  n'en 
est  mort  qu'un  seul  :   presque   tous 
sont  devenus    de    bous  jardiniers , 
d'excellents  pépiniéristes  ;  quelques- 
uns  même,  des  dessinateurs  et  plan- 
teurs de  jardins  d'agrément.  Lors- 
qu'en  1780,  par  suite  des  réformes 
de  Necker  ,  la  pépinière  de  la  Ko- 
chelte   cessa  d'être  au  compte  du 


MOR  99 

gouvernement,  il  y  existait  sept  rail- 
lions cent  trente-un  mille  six  cents 
plants  d'arbres  de  toutes  les  espèces. 
Les  talents  et  les  services  rie  Moreau 
ne  deaieurèieut    point  sans  récom- 
pense.OuIre  sa  jilacc d'inspecteur  gé- 
néral des  pépinières  royales  ,  il  avait 
été  nommé  à  celle  d'inspecteur-génc- 
ral  des  familles  acadiennes  restées  sur 
les  ports  de  mer,  puis  fait  commis- 
saire du  roi,  chargé  d'aménager  les 
bois  servant  à  l'approvisionnement 
de  Paris,  et  de  rendre  flottables  les 
ruisseaux  affluents  aux  communica- 
tions avec  la  Seine.  Dès  17G9,   le 
roi  lui  avait  accordé  des  lettres  dç 
noblesse,  et  l'avait  décoré  de  l'or- 
dre de  Saint-Michel.  Son  mérite,  sa 
réputation ,  et  les  avantages  qu'on 
tirait    de   ses   pépinières  ,  l'avaient 
mis  en  relation  avec  tous  les  grands 
propriétaires  de  France,  et  les  per- 
sonnes les  plus  distinguées  des  hau- 
tes classes  de  la  société.  Voltaire  lui- 
même  avait  lié  avec  lui ,  sous  le  rap- 
port agricole  ,  une  correspondance , 
dont  il  reste  dans  la  famille  Moreau 
des  monuments  curieux  (  i)  :  le  vieil- 
lard de  Ferney  lui  demandait  des  ar- 
bres pour   ses  plantations,   et  des 
conseils  sur  la  manière  de  les  gon- 
verner.  On  doit   encore  à   Moreau 
l'établissement  à  Urcel,  près  Laon, 
d'une  belle  manufacture   de  sulfate 
de  fer.  Il  avait  dressé  des  plans  pour 
le  défrichement  des  landes  de  Bor- 
deaux, qu'il  croyait   «  susceptibles 
«  de  bonne  culture  et  de  productions 
i>  fertiles.  »  11  mourut  dans  sa  terre, 
leiio  juillet  1791.  —  Son  fils  ,  Jean- 


(i"^  I!s  consistent  eii  sixleltres  autographes  de  Vol- 
taire ,  écrites  av*  c  celle  originahte  piquaL.le  qxii  dis- 
tingue sa  manière  ,  et  quatre  h  ttres  ^  lui  nilressées 
par  Mureau  de  la  Rocliette.  Ces  dix  lettres  ont  été 
imprimées  et  insérées  de«s  les  Mémoires  de  la  socié- 
té d'a^i-icultuiedii  département  de  In  Sîine  ^^  tuni.  IV, 
pag.  at'>4  et  suiv  ),  par  bs  suius  de  M.  Fra,  çois  de 
Neucliàleau,  avec  nue  Notice  du  uienie,  sur  le»  pé- 
pinières de  la  Hucbette. 


BIBLHOTHECA 


100  MOR 

Etienne  Moubau  de  la  Rochette  , 
ne  à  Melun,  en  1 75o ,  mort  le  8  mai 
i8o4,  continua  de  diriger  les  éta- 
blissements agricoles  dont  on  vient 
de  parler  :  il  était  le  pcrc  du  baron 
de   la  Rochette  ,  préfet  du    Jura. 

L— Y. 

MOREAU  DE  MAUTOUR  (  F. 

M  AUTOUR  ). 

MOREAU-SAINT-MÉRY  (  MÉ- 
deric-Louis-Elie  ),  conseiller- d'é- 
tat, naquit  au  Fort-Royal  de  la  Mar- 
tinique, le  i3  janvier  i-ySo.  La  fa- 
mille à  laquelle  il  appartenait,  l'une 
lies  plus  distinguées  de  cette  île ,  ori- 
ginaii-e  du  Poitou,  remontait  à  la 
fondation  de  nos  colonies  dans  l'ar- 
cLipel  ame'ricain,  et,  depuis  plu- 
sieurs générations ,  occupait  les  pre- 
miers emplois  de  la  magistrature. 
Cette  famille  avait  possédé  des  biens 
considérables  à  la  Martinique^  mais 
la  plus  grande  partie  de  ces  biens  ve- 
nait d'être  dissipée  à  l'époque  de  la 
naissance  de  Morcau-de-8aint-Méry. 
il  perdit  son  père  avant  l'àgc  de  trois 
ans  j  et  sa  mère,  ne  pouvant  se  résou- 
dre à  se  séparer  de  lui,  ne  l'envoya 
point  en  France,  où  les  colons  al- 
laient faire  leurs  études  classiques  , 
à  défaut  d'institutions  scolastiques 
dans  leur  pays  natal.  -Moreau  n'ap- 
prit donc  qu'à  lire  et  à  écrire;  mais 
sa  mère, femme  éclairée,  ornait  sou 
esprit  de  toute  l'instruction  néces- 
saii'e  aux.  gens  du  monde  :  surtout 
elle  l'habituait  à  la  pratique  des  ver- 
tus sociales;  et  lui  inspirait,  pour  la 
morale  évangélique ,  le  goût  qu'il  n'a- 
vait que  de  trop  fréquentes  occasions 
de  satist^ure  dans  un  pays  où  régnait 
l'esclavage.  Ces  sentiments  germè- 
rent dans  son  cœur;  et,  bien  jeu- 
ne encore,  il  était  le  protecteur  des 
noirs ,  leur  avocat  auprès  de  leurs 
maîtres  et  surtout  près  de  son  aïeu! , 
«iue  sa  charge  de  sc'uéchal  consîiUiait 


MOR 

l'interprète  du  rigoureux  code  noiri 
Moreau  sollicitait  la  grâce  des  noiis 
accusés  ;  et  lorsqu'elle  était  iiii])os- 
sible,  il  faisait  au  moins  adoucir  leur 
chàliment:  il  allait,  dans  la  prison, 
les  consoler ,  et  leur  apporter  l'espé- 
rance. Le  code  noir  porte  la  peine  de 
mort  contre  tout  esclave  dénoncé  par 
son  maître  comme  ayant  déserté 
trois  fois.  Un  cas  semblable  se  pré- 
senta ,  et  le  sénéchal  dut  prononcer  la 
peine  capitale  :  rcscla.ve  condamné 
était  un  excellent  homme  qui  n'avait 
jamais  déserté  que  pour  se  soustrai- 
re aux  cruautés  de  son  maître.  Le 
jeune  Moreau,  désespéré ,  se  jeta  aux 
pieds  de  son  grand-père  pour  qu'il 
fît  grâce  au  noir;  mais  la  loi  était 
positive.  Va  seul  moyen  se  présen- 
tait :  c'était  que  le  condamné  accep- 
tât la  place  d'exécuteur  des  hautes^ 
œuvres.  Moreau  fut  chargé  de  la  lui 
offrir  :  a  Non  ,  répondit  le  noir  dans 
»  son  jargon  naïf,  je  ne  dois  mourir 
>)  qu'une  fois  ;  si  je  devenais  bour- 
»  reau,  mou  supplice  recommence- 
»  r.iit  chaque  jour.  »  Moreau  ne  ra- 
contait jamais  cette  anecdote  qu'avec 
attendrissement.  C'est  ainsi  que,  dès 
sa  jeunesse,  son  ame  se  pénétrait 
de  l'amour  de  l'humanité.  Ce  senti- 
ment y  domina  toute  sa  vie  :  mais  , 
dans  la  crainte  d'oublier  quelquefois 
de  l'exercer ,  il  faisait  graver  sur  l'é- 
maii  de  toutes  ses  montres  la  devise 
qu'il  avait  adoptée  dès  son  jeune  âge: 
Il  est  toujours  l'heure  de  faire  le 
bien.  L'aïeul  de  Jloreau  était ,  ainsi 
qu'on  l'a  dit ,  sénéchal  de  la  Marti- 
nique ;  et  le  pelit-lils  ,  qui  devait  lui 
succéder,  ne  pouvait  occuper  cette 
jnagislralure  qu'après  s'être  fait  re- 
cevoir avocat  :  le  sénéchal ,  sentant 
approcher  ses  derniers  moments  ,  fit 
appeler  ^loreau ,  alors  âgé  de  seize 
ans  ,  et  lui  indiqua  l'endroit  où  il 
avait  dépose  GG,ooo  francs  qu'il  lui 


]MOR 

donnait  pour  aller  ('tnclier  en  France. 
Dès  qnele  Tieillard  eut  cesse  (le  vi- 
vre, SCS  nombreux  he'ritiers  fnrcjit 
mis  par  son  petit-fils  en  possession 
du  trésor  qui  était  destine  à  lui  seul. 
Lorsqu'il  eut  atteint  sa  dix-neuvième 
année  ,  sa  mère  consentit  enfin  à  ce 
qu'il  se  rendît  à  Paris  pour  y  cora- 
plc'ler  son  e'ducation.  Il  y  trouva  des 
parents  opulents  ,  magistrats  ,  oifi- 
ciers-ge'ncraux,  dont  il  l'ut  accueilli , 
et  qui  le  pre'scntèrent  dans  le  monde. 
Il  était  grand ,  bien  fait  et  d'une 
belle  physionomie:  on  le  fit  recevoir 
gendarme  de  la  garde.  Toutefois  il 
voulut  être  inscrit  aux  écoles  de 
droit;  et  il  entreprit,  sans  maître, 
l'étude  du  latin.  De  plus,  il  suivit 
avec  assiduité  les  cours  de  raalhéma- 
tiques  et  de  géométrie ,  du  Collège 
royal.  Ses  progrès  dans  la  langue  la- 
tine furent  si  rapides ,  qu'au  bout  de 
quatorze  mois,  il  écrivit  et  soutint 
en  latin  sa  thèse  de  bachelier  en 
droit.  C'est  une  chose  remarquable 
qu'ayant  étudié  si  tard,  et  pendant 
si  peu  de  temps ,  il  ait  su  pour  tou- 
te sa  vie  la  langue  de  Cicéron  , 
qu'il  parlait  même  avec  une  assez 
grande  facilité.  Sa  mémoire  était 
ornée  des  plus  beaux  passages  des 
meilleurs  classiques.  Il  eh  était  de 
même  du  droit  romain,  dont  il  ci- 
tait à  propos  le  texte  ,  dans  les  dis- 
cussions de  jurisprudence.  Dévoré 
du  besoin  de  savoir  proraptement, 
et  aimant  aussi  le  plaisir,  il  avait 
imaginé,  afin  d'avoir  plus  de  temps  à 
sa  disposition  ,  de  ne  dormii'  qu'une 
nuit  sur  trois.  C'est  ainsi  qu'il  trou- 
vait le  loisir  de  vaquer  a  ce  qu'il 
devait  ou  voulait  faire,  sans  négliger 
sou  service  militaire.  Après  trois  ans 
de  séjour  à  Paris  ,  Moreau  de  Saint- 
Méry  ,  devenu  avocat  au  parlement , 
repartit  pour  la  Martinique,  Sa  mère 
était  morte ,  et  sa  fortune  dissipée  : 


MOU  lot 

il  résolut  de  la  rétablir  en  exerçant 
la  profession  d'avocat.  Ce  fut  au  Cap- 
Français  (pi'il  alla  se  fixer.  Son  pre- 
mier plaidoyer  décela  un  orateur 
éloquent  et  un  jurisconsulte.  Dès- 
lors,  il  prit  rang  à  la  tête  de  son  or- 
dre ,  et  son  cabinet  fut  un  des  pins 
fréquentés.  Fidèle  h  sa  maxime,  il 
se  consacrait  à  la  défense  du  faible 
et  de  l'innocent.  Après  avoir  plaidé 
pendant  huit  ans  ,  et  s'être  assuré 
une  fortune  indépendante,  Moreau 
fut  nommé  conseiller  à  ce  même  tri- 
bunal (  le  cojiseil  supérieur  de  Saint- 
Domingue),  oîi  il  avait  honoré  la 
profession  d'avocat,  par  un  savoir 
étendu,  un  esprit  brillant  et  rempli 
de  sagacité ,  une  éloquence  qui ,  à 
Paris,  l'eût  placé  au  rang  dos  Ger- 
bier  et  des  Target.  Il  a  public  un 
grand  nombre  de  Mémoires,  la  plu- 
part remarquables  ,  non  -  seulement 
par  les  qualités  de  l'écrivain,  mais 
encore  par  les  questions  importantes 
sur  le  droit  et  sur  l'administration 
coloniale,  qui  y  sont  traitées  avec  une 
grande  profondeur.  Dès  sa  jeunesse, 
il  s'était  ocriipé  de  l'histoire  des  An- 
tilles ,  et  de  la  connaissance  des  lois 
dont  elles  avaient  été  l'occasion  ;  et  il 
n'avait  cessé  de  réunir  des  matériaux 
à  ce  sujet.  Il  profita  des  loisirs  que 
lui  laissait  sa  nouvelle  fonction,  pour 
rédiger  ces  matériaux,  et  pour  en 
rassembler  de  nouveaux ,  spéciale- 
ment sur  1rs  lois  de  Saint  -  Do- 
ra ingue,  jusqu'alors  éparses,  et  sou- 
vent ignorées  des  magistrats  eux- 
mêmes.  Les  travaux  auxquels  il  se 
livrait-  étaient  d'une  importance  trop 
grande  à  l'égard  des  colonies,  pour 
que  le  goiiverncmcnt  ne  les  encou- 
rageât ])cint.  Il  lui  donna  le  pou- 
voir d'explorer  tous  les  greffes  , 
tous  les  dépôts  d'archives  de  la  co- 
lonie; ce  cpii  mit  Moreau  dans  le 
cas  de  visiter  toutes  les  parties  de 


10 1  MOR 

Saint-Domingue ,  dont  l'histoire  par- 
ticiilièreet  la  description  l'occupaieut 
aussi.  Pendant  nue  de  ses  excursions, 
il  découvrit  à  San-Doraingo  ,  dans 
une  ancienne  église,  le  tombeau  de 
Christophe  Colomb,  dont  les  habi- 
tants de  la  colonie  ignoraient  l'exis- 
lence.  Le  minislèrc,  pour  compléter 
ses  recherches ,  lui  lit  ensuite  par- 
courir la  IMartinique,  la  Guadeloupe 
et  Sainte- Lucie.  Appelé  à  Paris,  par 
ordre  de  Louis  XV I ,  pour  s'occuper 
d'objets  relatifs  à  l'administralion 
des  colonies,  et  pour  faire  imprimer 
son  grand  travail  sur  les  lois  de 
Saint-Domingue,  il  trouva  le  temps 
de  s'adonner  à  la  culture  des  sciences 
et  des  lellrcs.  Ce  fut  alors  que,  de 
concert  avec  Pilàtie  de  Kozicr ,  il 
fonda  le  Musée  de  Paris ,  dont  il  fut 
çiu  secrétaire  (  F.  Court  de  Gebe- 
LiN  ),  comme  il  avait  été  l'un  des 
fondateurs  de  la  société  des  Philadel- 
phes  ,  au  Cap-Français.  La  révolu- 
tion ,  qui  éclata  en  1 789 ,  le  trouva  à 
Pa:is ,  et  il  s'en  montra  l'un  des  plus 
chauds  ])artisans ,  fut  un  des  élec- 
teurs, et  devint  vice- président  de 
celte  assemblée  éleclorale  qui,  jieu- 
dant  un  mois,  exerça  la  puissance 
souveraine  sur  toute  la  France  :  l'as- 
semblée nationale  lui  envoya  des  dé- 
pntaîions,  et  le  roi  vint  lui-même 
s'hr.railier  devant  ce  nouveau  pou- 
voir ,  dans  la  joul-nce  du  i  7  juillet , 
(  r.  Louis  XVI  ).  Mt  roau  présidait 
alors  l'asscnibléc  ;  sa  fermeté  emjiè- 
cha  du  moins  ce  jour-là  refl'usiou  du 
sang,  mais  elle  ne  put  arrêter  tous 
les  désordres  qui  se  prolongèrent  en- 
core pinsicurs  jours.  Enlin  le  calme 
.«0  rétablit;  et  le  3o  juillet,  l'assem- 
blée se  sépara,  eii  votant  des  re- 
■mercîmeiits  à  son  président  :  elle 
décida  même  qu'ujie  médaille  serait 
frappée  en  sou  honneur.  Moreau  alla 
pfendre  place  à  l'assemblée  naliona- 


MOR 

le,  où  l'avait  appelé  le  choix  des 
colons  do  la  I\larlini([ue.  Il  y  dé- 
fendit courageusement ,  contre  l'o- 
pinion dominante  ,  les  véritables 
intérêts  de  la  métropole  et  de  ses  co- 
lonies ,  dont  personne  autant  que  lui 
necoimaissait  l'importance.  Partisan 
delà  liberté,  il  était  l'adversaire  le 
plus  ardent  de  la  licence.  A  peine 
l'as-semblée  constituante  était-elle  dis- 
soute, qu'il  se  vit  proscrit  ;  et  quoi- 
que membre  du  conseil  judiciaire 
établi  près  le  ministre  de  la  justice, 
il  fut  attaqué  dans  la  rue ,  par  des 
brigands  ,  au  nom  de  la  liberté  : 
ces  furieux  le  frapj^èrent  à  coups 
de  sabre  ,  et  le  laissèrent  pour  moi  t 
dans  un  café  où  il  s'était  réfugié.  Il 
espéra  pouvoir  se  dérober  à  tous  les 
dangers  ,  en  se  rendant  dans  la  petite 
ville  de  Forges  :  mais  sa  retraite  fut 
découverte  :  les  terroristes  vinrent 
l'y  chercher,  et  il  fut  arrêté  avec  le 
duc  de  la  Rochefoucauld,  dont  il 
était  le  compagnon  d'exil.  Par  bon- 
heur ,  un  des  sicaires  reconnut  en 
Moreau  un  ancien  bienfaiteur,  et 
favorisa  son  évasion.  Il  chercha  un 
nouvel  asile  au  Havre;  mais  informé 
à  temps,  que  Robespierre  avait  don- 
né l'ordre  de  l'y  faire  arrêter ,  il  par-, 
vint  à  s'embarquer  pour  les  Ltats- 
Uuis,  en  171)3,  avec  sa  femme  et 
deux  enfants  en  bas  âge.  Il  peitlit 
tout,  et  n'eut  que  le  temps  d'em- 
porter ses  mauuscrits.  Arrivé  à  New- 
York,  ce  magistrat  ,  que,  peu  de 
temps  auparavant,  le  roi  avait  dési- 
gné pour  une  intendance  coloniale  , 
fut  réduit  à  se  faire  le  commis  d'un 
marchand,  homme  grossier  et  dur, 
(jui  rendit  sa  condition  iusupporla- 
ble.  Cependant  jMuroau  s'était  procu- 
ré quelques  ressources  ,  et  il  alla  s'é- 
tablir à  Philadelphie,  où  il  ouvrit  un 
magasin  de  librairie;  plus  tard  il  y 
aioula    une  imprimerie.    Ce  fîU    là 


P 


MOR 

qu'il  mit  au  jour  sa  Description  tic 
Saint-Domingue,  ainsi  que  d'autres 
ouvrages  qui  lui  appartenaient,  soit 
en  propre,  soit  comme  traducteur. 
Il  vécut  alors  dans  une  soi  te  d'aisan- 
ce, et  put  rendre  service  à  plusieurs 
Français  expatries  par  suite  de  la 
rc'voiution.  Enfin,  l'ordre  s'etant  ré- 
tabli en  France ,  Moreau  y  revint, 
après  cinq  ans  d'absence,  sous  les 
auspices  de  son  ami ,  l'amiral  Bruix, 
ministre  de  la  marine,  qui  le  nom- 
ma historiographe  de  ce  de'paite- 
ment,  A  l'époque  de  l'établissement 
du  consulat,  Moreau  fut  nomme  cou- 
seillcr-d'état ,  puis  crée  commandant 
de  laLëgion-d'honueur.  Peu  de  temps 
après,  il  fut  envoyé  auprès  de  l'in- 
fant duc  de  Parme  ,  et  chargé  d'une 
mission  diplomatique  importante. 
Par  deux  traités  secrets ,  conclus 
entre  la  France  et  l'Espagne,  l'un  à 
la  fin  de  1800,  et  l'autre  le  121  mars 
1801  ,  la  Toscane  avait  été  éri- 
gée en  royaume,  et  cédée  par  la 
France  à  l'infant  D,  Louis ,  prince 
héréditaire  de  Parme ,  à  la  condi- 
tion que  les  états  de  Parme,  Plai- 
sance et  Guastalla,  héritage  de  cet 
infant,  et  que  possédait  comme  sou- 
verain, son  père,  D.  Ferdinand, 
passeraient  à  la  France,  soits  la  ga- 
rantie de  l'Espagne.  Ou  devait  in- 
demniser le  duc  régnant ,  en  lui  ac- 
cordant des  rentes  et  des  terres.  En 
attendant  que  le  nouveau  roi  d'Étru- 
rie,  qui  était  alors  en  Espagne,  fût 
arrivé  dans  ses  états,  Moreau ,  dési- 
gné pour  l'ambassade  de  Florence  , 
l'ut  envoyé  à  Parme,  auprès  de  D. 
Ferdinand,  pour  lui  faire  connaître 
les  traités  qui  le  spoliaient ,  et  récla- 
mer de  lui  la  renonciation  à  son  du- 
ché. Moreau ,  touché  de  l'infortune 
d'un  prince,  que  sa  sœur  surtout  (  la 
reine  d'Espagne  )  rendait  ainsi  vic- 
linae  de  sou  ambition  pour  l'époux 


MOR  io3 

de  sa  fille,  remplit  sa  mission  avec 
tant  de  ménagement ,  et  si  peu  d'em- 
pressement à  dépouiller  Fenlinand 
de  son  autorité,  ()ue  leducdePaïuie 
et  l'archiduchesse,  son  épouse,  le 
comblèrent  des  marques  de  leur 
affection  et  de  leur  confiance.  Le  duo 
mourut  le  9  octobre  1802,  d'une 
maladie  inflaramatoire.  Dès-lors  ,  le 
premier  consul  enjoignit  à  Moreau 
de  prendre ,  au  nom  de  la  France , 
possession  des  états  du  défunt ,  et  de 
les  gouverner  sous  le  litre  d'adjninis- 
trateur-gcnéral.  Il  se  trouva  revêtu 
d'une  autorité  immense  ,  puisqu'il 
exerçait  les  droits  régaliens ,  et 
même  celui  de  faire  grâce.  Il  admi- 
nistra ces  contrées  d'une  manière 
toute  paternelle,  accorda  une  pro- 
tection spéciale  aux  étab'issements 
de  bienfaisance  et  d'instruction  pu- 
blique ,  et  fit  partout  observer  la 
justice  la  plus  exacte.  A  la  fin  de 
i8o5,  ou  avait  ordonné  la  réu- 
nion d'un  camp  de  réserve  à  Co- 
logne, et  la  mdice  des  états  de  Par- 
me devait  en  faire  partie  :  quel- 
ques compagnies  de  cette  milice,  qui 
habitaient  les  montagnes  de  l'état  de 
Plaisance,  refusèrent  de  marcher,  et 
se  mirent  en  révolte.  Moreau  sut  les 
ramener  à  l'obéissance  par  les  seuls 
movens  de  persuasion  :  on  le  b'àma 
de  n'avoir  point  sévi ,  et  le  général 
Junot ,  envoyé  à  Par.me  avec  des  pou- 
voirs extraordinaii'es,  y  établit  une 
commission  militaire;  on  rechercha 
les  fauteurs  de  la  révolte  ;  un  grand 
nombre  de  victimes  furent  fusillées, 
et  on  brûla  deux  villages ,  bien  que  le 
calme  fût  déjà  rétabli.  Moreau ,  qui 
gémissait  de  voir  déployer  une  li- 
gueur inutile,  s'y  opposa  fortement; 
ce  qui  n'eut  d'autre  effet  que  de  le 
faire  rappeler  à  Paris.  Il  y  arriva 
complètement  disgracié,  mais  fier 
d'une  conduite  qu'approuvaient  tous 


io4 


MOK 


les  honnêtes  gens.  On  le  priva  de  ses 
appointements  de  ronscilIcrHrdtat  ; 
et  on  Ini  refusa  n;ênic  le  rembourse- 
ment de  40  miile  iVancs  d'arre'rages. 
11  obtint  une  audience  de  Buonaj)ar- 
te;  et  l'explication  c'iant  devenue 
fort  vive ,  Moreau  lui  dit  avec  gra- 
vite': «  Je  ne  vous  der.iande  point 
V  de  récompenser  ma  probité  j  je 
»  demande  seulement  qu'elle  soit 
»  tolérée  :  ne  ciaignez  rien  ;  cette 
M  maladie  n'est  pas  contagieuse,  » 
J;a  saillip  ne  déplut  point  :  mais  le 
sort  de  Moreau  ne  fui  pas  amélioré  j 
et  bientôt,  réduit  aux  plus  dures  né- 
cessités, il  se  vit  conuaintde  vendre 
son  argenterie ,  sa  montre ,  ses  livres 
les  plus  précieux  ,  et  même  une  par- 
lie  de  sou  linge.  Pendant  six  années, 
il  languit  dans  cette  indigence ,  et 
ne  subsista  que  par  les  bienfaits  de 
M'""^^^.  Buooapaitc,  sa  parente.  En 
1 8 1  '2 ,  cependant ,  on  lui  accorda  une 
faible  pension,  qui  suiUsait  à  peine 
aux  besoins  de  sa  maison,  et  qu'il 
conserva  jusqu'à  sa  mort.  11  se  con- 
solait de  ses  adversités  dans  son  ca- 
binet d'étude ,  où  il  travaillait ,  pen- 
dant dix  heures  chaque  jour,  à  la 
rédaction  des  or.A'rages  qu'il  a  lais- 
sés en  manuscrit,  particulièrement 
aux  Mémoires  de  sa  viej  travail 
d'un  grand  intérêt ,  parce  que  ,  dans 
ce  cadre,  il  a  fait  entrer  l'histoire 
politique  et  littéraire  de  l'époque 
où  il  a  vécu,  dos  détails  intéressants 
sur  un  grand  nombre  de  personna- 
ges contemporains,  et  enfin  la  rela- 
tion de  faits  curieux ,  observés  pen- 
dant ses  voyages.  11  ne  quittait  son 
cabinet  que  pour  se  rendre  ti'ès-exac- 
tement  aux  sé..nces  des  sociétés  sa- 
vantes et  littéraires  donti!  était  mem- 
bre, et  où  il  était  sûr  de  rencontrer 
d'anciens  amis.  Il  avait  contracté  des 
dettes,  pendant  sa  longue  disgrâce  ; 
et   l'impossibilité  de   les  acqiàlter 


MOR 

troublait  son  repos.  Le  roi,  dont 
Moreau  avait  eu  l'honneur  d'être  con- 
nu, avant  la  révolution,  et  (|ui  lui 
savait  gré  du  zèle  avec  lequel  il  avait 
servi  Louis  XVI  en  i  'y8<) ,  fut  in- 
formé de  sa  mauvaise  fortune:  il  dai- 
gna le  faire  appeler,  en  1817  ;  et , 
après  l'avoir  comblé  de  bontés ,  lui 
(it  remettre  quinze  mille  francs.  Cctle 
somme  suilitpour  apaiser  ses  créan- 
ciers, et  pour  ré])an  Ire  quelque  ai- 
sance dans  sa  famille.  Tant  d'adver- 
sités avaient  affaibli  sa  santé.  Il  mou- 
rut le    iS    janvier    l8lg^,    âgé   de 
soixante-neuf  ans.  Son  Eloge  fut  pro- 
noncé sur  .sa  tombe,  par  l'auteur  de 
cet  article.  Il  a  été  imjirii:ié  par  l'or- 
dre de  (a  société  d'agriculture,  dont 
Moreau  était  membre.  M.  Silvcstre, 
secrétaire  perpétuel  de  celte  compa- 
gnie, y  lut,  dans  la  même  aniice,  un 
Kloge  historique  de  Moreau.  Voici  la 
liste  de  ses  ]irincipaux  ouvrages  :  I. 
Lois  et  coiislilutions  des  colonies 
françaises  de  V Amérique-sous-le- 
Fent,àc  KOoà  178^,  Gvol.  in-  j'^., 
Paris,    1784-1790.   Louis  XVI  or- 
donna qu'un  exemplaire  de  cet  ou- 
vrage serait  déposé  dans  chaque  bu- 
reau d'administration  et  dans  chaque 
greiîc  des  colonies  américaines  :  il  est 
devenu  très- rare.  II.  Description  de 
la  partie  espagnole  de  Saint-Domin- 
gue,  1  vol.  in  -  8^. ,  Philadelphie  , 
1 796.  m.  Idte  générale  ou  abrégée 
d<  s  sciences  et  des  arts,  à  V usage 
de  la  jeunesse ,  in-12,  ibid.,  1795. 
Ce  livre  élémentaire ,  imité  de  celui 
que  l'ormey  avait  publié  en  1754  , 
est  infiniment  supérieur  à  son  mo- 
dèle j  il  a  été  traduit  en  anglais ,  et 
adopté,  comme  classique;,   dans  les 
collèges   des  États-Unis.    IV.    Re- 
lation de  l'ambassade  de  la  coni' 
jagnie  des   Indes  Orientales   hol- 
landaises,  à  la  Chine  ,  rédigée  par 
Vau-Eraam,  traduite  en  français 


MOR 

?.  vol.  in-4".,  il)i(leiii,  179G-  1797. 
L.»  traduction  de  INÎmo.iii  a  ctc  tra- 
duite PU  aitf;lais  et  piihlic'e  à  Lon- 
dres. Le  nièmc  ouviagc  a  ensuite  o'té 
réimprime  à  Paris,  eu  français.  V. 
Description  de  la  partie  française 
de  la  colonie  de  Sai'<t-Doinin-,'^ue  , 
:>.  V(iL  in-4".,  Pliiladelpliie,  1797- 
J798.  Cet  ouvraç;e.  ainsi  f(ue  celui 
qui  renferme  la  description  delà  p;ir- 
îie  espagnole  ,  contient  des  notions 
cfenducs  et  importantes  sur  l'agri- 
culture des  Antilles,  sur  l'industrie 
et  le  commerce,  sur  l'histoire  phy- 
sique et  naturelle,  sur  les  usages  an- 
ciens et  modernes  des  peuples  de  ces 
contrées.  VI.  De  la  danse,  in- 10/, 
i'jid. ,  1797,  et  Panne,  Bodoni  , 
1801,  in- 16.  L'auteur,  clans  ce 
morceau  c'crit  avec  beaucoup  de 
grâce  et  de  feu,  montre  l'analogie  qui 
ox.iste  entre  les  danses  coloniales  et 
celles  des  Maures,  des  Africains,  et 
surtout  celles  des  Grecs.  VIL  Dis- 
cours sur  l'utilité  du  Musée  de  Pa- 
ris ,  prononcé  le  jour  de  l'inaugura- 
tion de  cette  société,  en  17S4,  in- 
4". ,  Parme  ,  i8o5.  VIII.  Discours 
sur  les  assemblées  publiques  litté- 
raires ,  prononcé  au  Muséum,  de 
Paris,  en  1785,  in-4°.,  Parme  , 
i8o5.  Les  principaux  manuscrits 
qu'a  laissés  Morean  de  Saiut-?àérv, 
sont:  1°.  Histoire  générale  des  jln- 
tilles  françaises.  Ce  manuscrit,  sus- 
ceptible de  former  plusieurs  volu- 
mes, était  son  ouvrage  de  prédilec- 
tion ;  il  a  travaillé  à  le  perfectionner 
jusqu'à  ses  derniers  moments.  Il  est 
rempli  de  faits  curieux  et  ignorés, 
tant  historiques  que  biographiques, 
et  particuliers  aux  mœurs  et  a  l'ori- 
gine des  premiers  naturels.  —  0.°. 
Eépertoire  de  notions  coloniales.  Ce- 
lui-ci  doit  former  aussi  plusieurs  vo- 
lumes; il  est  entièremer.t  destiné  à 
recueillir  des  anecdotes  et  des  faits 


liistoriipies    sur  les    premiers   fon- 
da leurs    des   colonies,    et    sur    les 
indigènes,  Indiens    et  Caraïbes:  il 
renferme    les  lois  coloniales  inédi- 
tes ,  dont  la  rédaction  lui  avait  élé 
confiée   par   le  gouvernement ,  d"a- 
j)rès  SCS  rcpréseulations  sur  divers 
abus.  —  3°.  Description  de  la   Ja-  • 
indique.  —  4°-  Histoire  de  Porto- 
Rico.  —  5".  Observations  sur  le  cli- 
mat ,  l'histoire  naturelle ,  les  mœurs 
et  le  commerce  des  Etats  -  Unis 
d'Amérique.  — 6'\  Matériaux  d'un 
traité  général  sur  les  cultures  colo- 
niales. —  7''.  Histoire  des  états  de 
Parme,  Plaisance  et  Guastalla; 
(Xi  ouvrage  renferme,  sur  cette  par- 
tie de  l'Italie,  des  détails  fort  inté- 
ressants ,  relativement  aux  moeurs  et 
à  la  politique.  — 8'\  La  Vie  de  l'au- 
tew ,   écrite  par  lui  -  même.  ]Mo- 
reau  de  Saint-Méry  a  traduit,  sur 
le  manuscrit  espignol  de  D.  F.  Aza- 
ra  ,  VJ/aitdre  naturelle  des  quadru- 
pèdes du  Paraguay ,  'i  vol.  in-S"., 
Paris,  1800.  Le  traducteur  y  ajouta 
un  grand  nombre  de  notes  instruc- 
tives;   et  son  travail  fut   approuvé 
par  l'Institut.  Cet  écrivain  a  publié 
i:n  grand  nombre  d'articles  histo- 
riques, littéraires  et  scientifiques,  et 
de  Mémoires  ,  soit  séparément,  soit 
dans  différents  recueils.  Désessarts  a 
recueilli   plusieurs   de   ses  factums 
dans  le  Journal  des  causes  célèbres. 
F— R. 
MOREL   (EusTAcnE),dit  Des- 
champs ,  né  en  Flandre  ,  fut  chàlc- 
lain  de  Fismcs  ,   bailli  de   Senlis  , 
écuyer-huissier-d'armes  de   Charles 
VI,  et  figure  parmi  les  poètes  français 
qui,  dans  le  quatorzième  siècle,  ob- 
tinrent le  plus  de  célébrité.  Plus  jeu- 
ne que  Jean  Froissart,  qui  eut  au- 
tant  de    réputation    pour   ses   vers 
q'ie  pour  sa  Chronique  ,  il  élait  plus 
âgé  que  Charles  d'Orléans  cl  Alain 


io6  MOR 

Charticr,  dont  les  poc'sirs  ont  coti- 
sejrvë  jiisfjn'à  ce  jour  quelque  rc'puta- 
tion.  MorcI  clail  aussi  contemporain 
de  Sohicr  et  de  Guillaume  de  Ma- 
cliaiill,  ptȏU'  ef  musicien.  L'auteur 
d.i  Songe  du  vieil  pèlerin  (  i  ) ,  après 
avoir  conseille  à  Cliarles  \I  de  s'abs- 
tenir des  lectures  dangereuses  on  fri- 
voles ,  ajoute  :  «  Tu  peux  bien  lire  et 
»  ouir  aussi  les  dictiez  vertueux  de 
»  ton  scrviicur  et  olllcier  Eustache 
»  Morel.  »  Il  n'est  pas  facile  de  ju- 
ger jusqu'à  quel  point  cet  éloge  était 
fonde,  ies  poésies  de  Morel  n'ayant 
point  e'îc  imprimées.  Le  recueil  de 
ses  OEuvres  est  conservé  parmi  les 
manuscrits  de  la  bibliothèque  roya- 
le ,  sous  le  n**.  y'iig.  On  y  trouve 
des  Biîladcs ,  des  Gbauts  royaux,  des 
Farces, des  Moralités, des  Gliausons 
halladées,  des  Lais,  des  Vireiais  , 
des  Kondeaux,  et  des  écrits  en  prose  , 
tels  qu'une  Complainte  en  latin,  sur 
Je  schisme  de  Pierre  de  Lune  (  datée 
da  i3  avril  j393  )  ;  il  contient  aus- 
si plusieurs  morceaux  intéressants 
pour  l'Histoire  de  France ,  depuis 
i3jo  jusqu'en  i4io;  des  Lettres 
missibles,  des  Traitiez ,  Dicts,  Sup- 
plications ,  Commissions ,  etc.  Le 
principal  ouvrage  de  Morel  a  pour 
litre  :  Le  Mirouc'du  mariage.  L'au- 
teur peint  dans  cette  pièce ,  d'une 
manière  plaisante  ,  et  qui ,  dans  le 
quinzième  siècle  ,  pouvait  paraître 
ingénieuse  ,  les  embarras ,  périls  et 
traverses  du  mariage.  Les  Anglais  , 
maîtres  ,  à  celte  époque,  d'une  partie 
de  la  France ,  sont  fréquemment  , 
dans  les  poésies  de  More! ,  l'objet  de 
sa  haine  et  de  ses  imprécations.  Il 
va  jusqu'à  exprimer  dans  une  balîa- 
de ,  le  vœu  que  l'Angleterre  soit  dé- 
truite, et  que  les  générations  futures 


^i)  L'abbé  Ltbtr.f  a  donni  ai  c  Notice  cm-leuse  de 
cet  uuvra^o. 


MOR 

apprennent  seulement  par  ses  ruines 
qu'elle  avait  existe.  Mais  malgré  ces 
fureurs  patriotiques  ,  et  nonobstant 
l'éloge  que  l'auteur  du  Songe  du 
vieil  pèlerin  fait  des  Œuvres  d'Eus- 
tachc  Morel ,  cet  écrivain  n'eût  pro- 
bablement point  obtenn  un  article 
dans  la  Biographie  universelle ^  s'il 
n'était  pas  regaidé  comme  l'inven- 
teur de  la  Chanson  à  boire.  A  ce 
titre,  assez  important  quoi(pie léger, 
son  nom    mérite    d'être    conservé. 

Y— VE. 

MOREL  (  Jeam  ) ,  seigneur  de  Gri- 
gny ,  né  à  Embrun  en  i5ii  ,  fut 
le  plus  fidèle  ami  d'Érasme,  dont  il 
avait  été  le  disciple  .  et  auquel  il  fer- 
ma les  yeux  à  Bàle.  Après  avoir 
voyagé  en  Italie,  où  il  s'était  acquis 
raffection  des  gens  de  lettres  ,  il  re- 
vint à  Paris,  Catherine  de  Médicis 
lui  confia  l'éducation  de  Henri  d'An- 
goulême  ,  fils  naturel  de  Henri  IJ. 
Il  devint  maître  d'hôtel  ordinaire 
de  la  maison  du  roi ,  et  mourut  en 
i58i  ,  regretté  de  tous  les  gens  de 
lettres ,  qui  s'empressèrent  de  répan- 
dre des  fleurs  sur  son  tombeau.  Mar- 
quis, principal  du  collège  Bertrand, 
recueillit,  en  1 583 ,  les  vers  grecs,  la- 
tins et  français  dont  ils  honorèrent 
sa  mémoire;  ils  forment  un  volume 
sous  le  titre  de  Royal  mausolée. 
Joachim  Dubellay,  son  ami,  fit  im- 
primer ses  ouvrages.  L'amour  des 
lettres,  qui  avait  formé  leur  liaison, 
fut  héréditaire  même  pour  les  filles 
dans  la  famille  des  Morel.  Antoinette 
de  Loynes,  femme  de  Jean  Morel ,  et 
leurs  trois  filles,  Camille,  Lucrèce  et 
Diane  ,  faisaient  des  vers  grecs  et 
latins.  Camille  surtout  fut  un  prodige 
d' érudition  :  outre  les  langues  an- 
cienuij-  qi'eile  savait  très-bien  >  elle 
parlait  facilement  l'espagnol  et  lïta- 
lien.  Elle  composa  plusieurs  poèmes» 
et  fit,  sur  la  mort  de  son  pcre^  de- 


MOR 

vfiiiu  aveugle  sur  la  lin  de  sa  vie,  une 
épigramnie  grecque  ,  admirée  par  les 
liclle'nistes  du  temps.  T — d. 

MOREL  (  JusKPii) ,  surnomme  le 
P rince,  né  k  Arhois,  dans  le  sei- 
zième siècle ,  s'était  l'ait  la  réputation 
d'un  bon  ollicier,  dans  les  guerres 
qui  désolèrent  à  ccltccpoquelecomlé 
de  Bourgogne.  Henri  IV,  occupe  à 
combattre  les  Espagnols,  refusa  de 
reconnaître  la  neutralité  du  comte, 
et  donna  l'ordre  à  Bironde  pe'ne'trer 
dans  cette  province.  A  l'approche  des 
Français,  le  capitaine  Morel  se  retira 
dans  Arbois,  et  en  lit  fermer  les  por- 
tes. La  ville,  n'étant  revêtue  que  d'une 
simple  muraille,  sans  aucune  fortifi- 
cation extérieure,  ne  pouvait  opposer 
une  longue  résistance  à  une  armée 
victorieuse  ;  mais  Morel  avait  l'es- 
poir d'obtenir  des  conditions  favo- 
rables pour  ses  concitoyens.  Cet^en- 
dant  l'armée  de  Biron ,  forte  de 
:i5,ooo  hommes  ,  était  arrêtée  de- 
puis trois  jours  devant  les  murs 
d' Arbois.  Le  quatrième  jour,  le  ca- 
non des  assiégeants  ayant  renversé 
ime  partie  des  murailles  ,  Morel  fut 
pris  sur  la  brèche  ,  qu'il  défendait 
vaillamment ,  et  conduit  à  Biron  : 
l'inflexible  général  luireprocha, dans 
les  termes  les  plus  durs,d'avoir  con- 
trevenu aux  lois  de  la  guerre  en  se 
défendant  dans  une  place  non  tcna- 
ble  ,  et  le  fit  pendre,  le  7  août  iSpà  , 
a  un  tilleul,  qu'on  voit  encore  à  l'en- 
trée de  la  promenade  d'Arbois  ,  et 
qui  est  devenu  un  objet  de  vénéra- 
tion pour  les  habitants.  Henri  IVsau- 
va  cette  malheureuse  ville,  que  Biron 
voulait  brûler  pour  la  punirde  sa  ré- 
sistance. Apres  le  départ  des  Fran- 
çais, les  restes  de  Plorcl  furent  in- 
luimés  dans  la  chapelle  Saint-Roch, 
sous  une  tombe,  décorée  d'une  épi- 
taphe  latine  que  composa  JeanYui- 
lemin  ,   poète  dont  on  a    quelques 


IMOR  107 

pièces ,  devenues  rares  (  F".  J.  Vui- 
LEMiN  ).  La  mère  de  Morel ,  déjà 
avancée  eu  âge ,  ne  survécut  pas 
long-tcraps  à  la  douleur  de  s'être  vue 
privée,  d'une  manière  si  cruelle,  du 
udton  de  vieillesse  sur  lequel  ,apr..'s 
Dieu ,  elle  avait  placé  son  espoir. 
Elle  (it  plusieurs  legs  pieux  par  son 
testament,  rédigé  avec  une  touchante 
simplicité ,  et  qui  a  été  inséré  avec 
uno  Notice  sr.r  Jos.  Morel ,  dans 
VAnnuaire  du  Jura  pour  1807. 
W— s. 
MOREL  (  Guillaume  ) ,  savant 
imprimeur ,  était  ué,  en  i5o5,au 
Tilleul ,  bourg  du  comté  deMortain , 
dans  la  Normandie,  de  parents  pan- 
ATcs  ;  il  trouva  cependant  le  moyen 
d'étudier,  et  fit  de  rapides  progrès 
dans  les  langues  anciennes.  Etant 
venu  à  Paris ,  il  y  donna  des  leçons 
de  grec  à  quelques  jeunes  gens  ,  et  en- 
tra ensuite ,  comme  correcteur ,  dans 
l'imprimerie  de  Jean  Loys ,  connu 
sous  le  nom  de  Tiletan.  11  publia  , 
en  i544  ■)  i"i  commentaire  sur  le 
traité  de  Cicéron ,  de  Finibus ,  qu'il 
dédia  à  Jean  Spifame  ,  chancelier  de 
l'université,  et  qui  fut  fort  bien  reçu 
du  public.  En  1 5  18  ,  il  s'adjoignit  à 
Jacq.  Bogard ,  pour  une  édit.  des  Ins- 
titutions oratoires  de  Quintilieu  ,  à 
lacpieile  il  ajouta  des  notes.  L'année 
suivante  ,  il  fut  admis  dans  la  corpo- 
ration des  imprimeurs  de  Paris  ,  et 
établit,  près  du  collège  de  Reims,  un 
atelier,  d'où  sont  sorties  plusieurs 
éditions  d'ouvrages  grecs  ,  estimées 
pour  leur  correction.  Le  célèbre  Adr. 
Turnèbe  ,  imprimeur  du  roi  pour  la 
langue  grecque,  s'associa  Morel,  en 
i55'i ,  et  le  désigna  pour  lui  succé- 
der dans  la  direction  de  l'imprimerie 
royale  (  F.  TurnÈde  )  :  le  brevet  en 
fut  expédié  à  Morel ,  en  1 555  ;  et  \\ 
publia, depuis  cette  époque,  plusieui> 
bonnes  éditions ,  enrichies  de  notes 


j-s  Mon 

<;l  <le  variantes  tirées  des  incilleiits 
raamiscrits.  11  fut  mal  recompense'  de 
son  z,clc  :  on  cessa  de  lui  payer  la 
pension  qui  lui  aA'ait  c'ic'  accordée , 
sons  prétexte  que  les  ressources  de 
l'elat  étaient  absorbées  par  les  guer- 
res civiles  ;  et  l'on  apprend  par  une 
lettre  de  ïurnèbe  à  (lliarles  IX,  ini- 
priinc'o  au-devant  de  l'edit.  des  OEu- 
\'rcs  de  saint  Cyprien  ,  que  ]\Iorel 
avait  laisse'  sa  famille  dans  un  dër.ue- 
Jîient  absolu.  Ce  savant  et  laborieux 
iiii primeur  était  mort  le  ir)  février 
1  )(i4-  Une  de  ses  [illes  avait  épouse 
Etienne PrcYOstcau ,  bon  imprimeur: 
sa  veuve  se  reniaria  avec  Bienne' 
(r.J.BiEiVNÉ,IV,475).— JeanMo- 
j'.EL  ,  son  frère  cadet ,  mourut ,  en 
i.'jjO,  à  l'àf^e  de  yiui^t  ans  ,  dans  la 
])rison  du  Fort-l'Evêque,  où  il  avait 
e'ie  enferme  pour  cause  de  religion. 
Jean  s'était  aussi  applique  à  l'ël/ude 
des  langues  avec  succès  :  mais  il  u"a 
laisse  aucun  ouvrage  (i)  ;  et  ce  n'est 
qu'à  raison  de  son  dévouement  au 
calvinisme  queProsp.  Marchand  lui 
a  donne  dans  sou  Dictionnaire  nu 
assez  long  article,  auquel  on  renvoie 
]j(>ur  les  détails.  Il  paraît  que  Guill. 
Morel  avait  eu  e'galement  du  pen- 
chant pour  les  nouvelles  opinions  ; 
mais  qu'il  y  renonça,  ou  pour  con- 
server son  emploi ,  ou  par  la  ci'ainte 
des  supplices.  C'est  à  son  inconstance 
que  Henri  Estiennc  fait  allusion  dans 
l'ëpilapLe  satirique  qu'il  lui  a  com- 
posée ;  mais  ce  qui  est  réellement 
inconcevable  ,  c'est  qu'un  liomm,e 
comme  Estienue  ait  cherché  à  insi- 


(i)'C'esl  à  tort  qu'on  lui  attribue  un  ouvrage  iuti- 
tive  :  UAine  toujours  impassible  dans  toutes  fcs 
positions  de  la  vie ,  fort  en  une  seule  ,  qui  est  la 
i:miide,  Paiis,  i558  ,  in-i».  Cet  ouvrage  ,  sur  liqucl 
/•I.  IWbieij-i  JnDDCunc  cote  e'tcaùue  dans  la  Tabli-  de 
Min  Dictionnaifc  des  ononrmes  ,  peut  bien  innins 
«'iicore  être  de  Jean  HorcI,  fils  de  tVderie  H  ,  ué  le 
16  novembre  iX)'{\  il  tant  en  1  berchcr  laiitcur  |i;ir- 
mi  les  trois  ou  quatre  J.  au  Morel ,  tous  coiileiapo- 
V.iius  cilis  par  Prosp  Marcbaiid  :  la  soluliou  de  cette 
itïUicuItC  iiCîl  j>as  d'ailleuis  Ircs-iniportaote. 


MOR 

niu'i-  dans  cette  pièce  que  Morel,  en 
abandonnant  le  parti  de  la  reforme, 
avait  beaucoup  perdu  de  ses  talents 
typographiques. Del'avcu de  tous  1rs 
connaisseurs  les  éditions  grecques  de 
Morel  égalent  en  beauté  et  en  correc- 
tion celles  de  Robert  Estiennc ,  le 
plus  savant  et  le  plus  habile  impri- 
meur dont  s'honore  la  France  (  F. 
Rob.  Es'iiE^jiE  ).  La  marque  parti- 
culière de  Morel  est  le  thêta  0  en- 
toure de  deux  serpents  ,  avec  un 
Amour  assis  au  centre.  On  trouvera 
sa  Vie  et  le  Catalogue  de  >"es  éditions 
dans  les  P'itœ  tjpo^r.  Paris.  ,  de 
Maittaire,p.  33-40.  Outre  les  ouvra- 
ges déjà  cités  ,  on  a  de  lui  :  I.  Des 
jVotes  sur  les  OEuvres  de  saint  Denis 
l'aréopagite,  saint  Cyprien,  Déraos- 
thènes,  etc.,  r£j^/tcrtfi0/i  des  pas- 
sages les  phis  difficiles  des  Partitions 
oratoires  de  Cicéron  ;  wnSupplément 
à  la  Chronique  de  Carion.  II.  Des 
Traductions  latines  des  Sentences 
des  Pères  sur  le  respect  dû  aux  ima- 
ges ,  des  Epitrcs  de  saint  Ignace,  etc. 
III.  De  grœcormn  verborum  ano- 
vialiis  commentarius ,  Paris,  id49  > 
3  558,  i5G6;Lyon,  i56o,in  8''.IV. 
Commentarius  verborum  latinorum 
ciim  ^rœcis  ,  gallicisque  conjuncto- 
rum ,  ibid. ,  1 558,  in-4°.  Cet  ouvrage 
curieux  et  intéressant,  parce  qu'il  con- 
tient une  foule  de  citations  d'auteurs 
grecs ,  tirées  de  manuscrits  encore 
inédits  de  la  Bi!)lioth.  du  roi,  a  été 
réimprimé  plusieurs  fois  dans  le  sei- 
zième siècle  et  même  dans  le  dix-sep- 
tième, sous  le  titre  de  Thésaurus 
VQCwn  omnium  lalinarum ,  orcline 
alphabetico  digestarum,  etc.  V.  Ta- 
liila  compendiosa  de  origine  ,  suc- 
cessione^  etc.  vetenun  philosopho- 
ram,  Paris,  in-4°.;ib.,  1578;  Bàle, 
1 58o ,  iu-8°.  ;  inséré  avec  un  suppié- 
ment  deJér.  Wolf,  dausletomexdu 
Thesaur.  anliijidt.  grœcar.      W-s. 


IMOR 

MOREL  (Fiu)ERic),clit  VAncien , 
imprimeur  du  roi,  ne  en  i5-t3, 
d.'ins  la  Cluimp.ignc,  d'une  famille 
noble,  vint  à  P.iris  étudier  les  lan- 
gues anciennes,  et  y  lit  des  progrès 
très-reman{uablcs.  Il  se  chargea  eu 

I  55ji,  de  revoir  le  manuscrit  AvxLexi- 
qiie  c^rec  de  Jacq.  ïoussain  (  Tassa- 
nus),  l'un  de  ses  maîtres,  et  détermina 
Charlotte  Gnillard,  veuve  du  libraire 
Ci.  Chevallou,  à  en  donner  la  pre- 
mière édition ,  cette  même  année.  II 
e'pousa,  en  1 559,  ^^"^  ^'^'^  ^^^  célèbre 
Vascosan,et  e'iablitun  atelier  typo- 
p'aphicpic  dans  la  rue  Saint-Jean  de 
Beauvais,  à  l'enseigne  du  Franc  JMeii- 
rier  (  i).  Son  érudition  élait  déjà  tel- 
lement connue,  que  les  écrivains  les 
plus  distingués  s'empressèrent  de  lui 
confier  la  ])ublication  de  leurs  ou- 
A'rages.  Il  fut  nommé,  en  lo^i  , 
premier  imprimeur  ordinaire  du 
roi:  mais  il  ne  prit  que  rarement, 
et  seulement  à  la  fin  des  livres  sortis 
de  ses  presses,  un  titre  si  honorable 
alors ,  quand  il  n'était  accordé  qu'au 
mérite.  Il  obtint,  en  1 58 1 ,  la  permis- 
sion de  le  transmettre  à  §on  fils  Fe- 
deric,  dont  l'article  suit:  et  il  mou- 
rut sexagénaire,  le  17  juillet  ]583. 

II  avait  toujours  A'écu  dans  la  plus 
étroite  union  avec  son  beau-père,  et 
ils  ont  publié  ensemble  plusieui's 
ouvrages  •(  ^.  Mich.  Yascosan  ). 
Maittaire  a  donné  le  Catalogue  des 
éditions  de  Féd.  jMorel,  parmi  les- 
quelles on  doit  distinguer  celle  des 
ÎDéclaniations  de  Quintilicn ,  1 565  , 
in-/i°. ,  mais  surtout  ['Architecture 
de  Philib.  de  Lorme.  Outre  quelques 
petites  pièces  en  grec  et  en  latin ,  in- 
sérées par  Maittaire  dans  la  F^ie  de 
cet  im|n'imeur ,  on  a  de  lui  :  I.  Trois 
traités  de  Suint-Chrysostome,  traà. 
en  français  :  de  la  Providence,   de 

(1)  Kri  lul!:i  Moiiii ,  c'était  une  espèce  d'allusiou 
à  sju  uuiu. 


MOR  109 

l'ame,  de  l'iuiniililé ,  1^57,  in-ifJ. 
II.  Discours  du  vray  amour  de 
Dieu,  raêm.  ann.  et  mcm.  l'orm.  III. 
De  la  guerre  coniinnclle ,  et  perpé- 
tuel combat  des  Chrétiens  contre 
leurs  plus  grands  et  principaux  en- 
nemis, i5G4  ,  in-8".  IV.  Des  Douze 
manières  d'alnts,  extrait  des  œn- 
vies  de  saint  Cyprien ,  1 57  i  ,  in-8'\ 
W— s. 
MOREL  [  Federic  II  ),  fifs  aîné 
du  précédent,  a  élé  l'un  des  plus  sa- 
vants hellénistes  de  son  siècle.  Né  à 
Paris  ,  en  i558  (i),  il  fut,  après 
avoir  achevé  ses  études  classiques , 
envoyé  à  Bourges ,  pour  suivre  les 
leçons  du  célèbre  Gujas.  Ayant  com- 
paré avec  le  texte  la  version  qu'xY- 
myot  venait  de  publier,  d'une  partie 
des  OEui>}es  àe  Plutarque,  il  trouva 
que  l'illustre  traducteur  n'avait  pas 
toujours  rendu  fidèlement  le  sens  de 
l'original  ,  et  il  osa  lui  faire  part  de 
ses  observations.  Amyot ,  Uàn  do 
prendre  en  mauvaise  part  la  har- 
diesse d'un  jeune  homme  à  peine 
sorti  de  dessus  les  bancs,  l'accueillie 
avec  bonté ,  et  ne  cessa  depuis  de  lui 
donner  des  marques  d'un  véritable 
intérêt.  Il  succéda  ,  en  i58i  ,  à  son 
père,  dans  la  place  d'imprimeur  du 
roi,  et  ce  fut  Amyot  qui  se  chargea 
de  lui  eu  faire  expédier  le  brevet  ; 
mais  comme  il  fallait  avoir  vingt- 
cinq  ans  pour  pouvoir  l'exercer  ea 
litre,  ce  ne  fut  qu'en  1 583  ,  qu'il  mit 
son  nom  à  la  tête  des  ouvrages  qui 
sortaient  de  ses  presses.  Il  s'attacha 
à  donner  des  éditions  également  re- 
marquables par  leur  beauté  et  leur 
correction  ;  et  il  les  enrichissait  or- 
dinairement de  préfaces  et  de  notes 


(1)  Tous  ceux  qui  ont  parlé  de  ce  Federic  Mt-rel 
s'accordent  à  pl:iccr  sa  uaissauce  en  i3'i>.  ;  niais  Sun 
père  ne  s'est  marié  qu'en  ijô-  :  il  faut  donc  bi.  ii 
convenir  qu'il  n'rst  né  qu'en  iJàS  ,  et  cille  date  c>t 
d'ailleurs  (Onllruiec  par  l'âge  qu'U  av^t  en  i^^' i 
lursqu'il  Cl  jjraver  son  portru't. 


xio  MOR 

iule'ressanlos.  Fedcric  avait  qwusc 
la  lille  do  Léger  Diichcsnc,  profes- 
seur d'cluqucuce  an  Collège  royal  ; 
il  obtint  ,  en   i585  ,  par  le  crédit 
d'Amyot,  la  chaire  de  son  beau-père, 
(iiie  son  grand  âge  obligeait  à  prendre 
sa    retraite.  Les  nouvean\  devoirs 
((lie  lui  imposait  celte  place  ne  ralen- 
tirent point  SCS  travaux  typographi- 
ques; il  ne  laissait  pas  s'ccouler  une 
année   sans    publier  quelques   nou- 
velles c'ditions  d'auteurs  grecs,  avec 
de   savants   commentaires ,   ou  des 
traductions  dont  le  mérite  est  encore 
apprécie.  II  s'associa,  en  j6oo,  son 
frère  Claude  Morel,  et  lui  abandon- 
na la  direction  de  l'imprimeiie  ;  mais 
il  ne  s'en  livra  qu'avec  plus  d'ardeur 
a  ia  collation  des  manuscrits ,  et  à  la 
critique  verbale  des  anciens  auteurs. 
IjC  zèle  qu'il  montrait  pour  le  pro- 
grès des  lettres ,  ne  resta  point  sans 
re'corapensc.  Henri  IV  augmenta  ses 
appointements  de  professeur,  et  lui  ac- 
corda différentes  gratifications  pour 
faciliter  l'impression  d'ouvrages  dont 
le  débit  ne  devait  pas  répondre  à 
leur  utilité.  Morel  renonça,  en  1617, 
à  l'exercice  de  son  art:  du  moins  , 
on  n'a  encore  découvert  aucun  ou- 
vrage postérieur  avec  son  nom.  11 
publia,  en  1619,  chez  son  frère, 
une  nouvelle  édition  du  P  lui  arque 
d'Amyot,   améliorée   par  de  nom- 
breuses corrections,  et  un  curieux 
avertissement  que  Maittaire  a  inséré 
dans  les  ntce  tjpogr.  Parisiens. ,  p. 
i35.  Il  revint  ensuite  aux   OEwres 
<!c  Libanius ,  dont  la  traduction  ter- 
mina une  vie  si  bien  employée  (  F. 
LiBAMUS,XXIV,43'  )•  Il  était  oc- 
cupé de   cette  version ,    quand   on 
vint  lui  annoncer  que  sa   femme , 
malade  dangereusement ,  demandait 
à  le  voir.   «  Je  n'ai  plus  que  deux 
«  mots,  répondit-il;  j'y  serai  aussi- 
»  tôt  que  vous.  »  Dans  l'intervalle , 


MOR 

sa  femme  expira ,  et  on  se  hâta  d«? 
l'en  prévenir  :  «  Hélas,  dit  il,  j'en 
»  suis  bien  marry ,  c'était  une  bonne 
»  femme  ;  »  et  il  continua  son   tra- 
A'ail  (i).  More!  mourut,  doyen  des 
imprimeurs  et  dis  professeurs   du 
roi ,  le  "^7  juin  iG3o.  Outre  les  nom- 
breuses éditions  qu'il  a  publiées  avec 
des  préfaces,  des  avertissements  et 
des  corrections ,  on  a  de  lui  :  I.  Des 
Notes  sur  Strabon,  Catulle, Tibulie 
et  Properce,  les   Sylves  de  Slace, 
Dion  -  Chrysostomc  ,  OEcuracnius  , 
etc.  II.  Des   Traductions   eu  vers 
grecs  de  plusieurs  Hymnes,  ci  des 
Epigrammes  choisies   de   Martial; 
il  a  traduit  en  vers  latins  ,  une  Tra- 
{rèdie ,  dont  le  sujet  est  la  fuite  des 
Hébreux  de  l'Lgypte  (  P^.  Ézecuikl  , 
XIII ,  584  );  un  poème  sur  la  prise 
de  Troie  (  Iliacum  carinen  ; ,  par  un 
auteur  inconnu  ;  les  fiagmenls  d'un 
poème  de  Marcel  -  Sidetès  ,  sur  les 
Poissons,  considérés  par  rapport  à, 
l'utilité  dont  ils  peuvent  être  pour 
la  santé  ;  en  latin  ,  l'ouvrage  d'Hié- 
roclès ,  sur  la    Providence ,  et  les 
Œuvres  aratoires  de  Libanius  ;  en- 
fin en  français ,  Discours  des  Pères 
grecs  ,  1604  ,  in  -  8". ,  et  quelques- 
unes  des  Dissertations  de  Maxime 
de  Tyr,  Paris,  1G07.  in- 12.  Cora- 
lîe-Dounous  ,  le  plus  récent  des  tra- 
ducteurs  de  Maxime ,    parle    avec 
éloge  de  cette  version  (  F.  Maxime 
DE  TvR  ).  III.  Alexander  Severus , 
tragœdia  togata,  iGoo,  in-8".  Le 
portrait  de  Fed.  Morel  a  été  gravé 
en  1617;  et  l'inscription  qu'on  lit 
au   bas ,  nous   apprend   qu'il   était 
alors  âgé  de  Sg  ans.  —  Nicolas  Mo- 
r.EL  ,   l'un  de  ses  llls ,  honoré  du 
titre  d'interprète  du  roi ,   a  inséré 
quelques  petites  pièces  de  vers  dans 

(i")  Coloiniès  ,  qui  rapporfe  cftle  anecdote  .  qu'il 
assure  tenir  Je  la  bouche  de  Vossius  ,  y  a  ojouti;  des 
parlicuWitcs  pm  Yraiseiublables. 


MOR 

ics  éditions  piiblic'cs  par  son  père. 
Il  a  traduit  eu  vers  les  Sentences  de 
Menandre  el  de  Philistieii ,  et  a  don- 
né ,  à  l'exemple  de  quelques  savants 
de  sou  temps ,  l'Eloge  de  la  pous- 
sière (  Encomium  pulvens  ) ,  lOi  4. 
W— s. 
INIOREL  (  Claude  ) ,  frère  cadet 
du  précëdeul ,  ne  en  \S']!^^  fut  ad- 
mis en  lôgg  ,  dans  la  corporatiou 
des  imprimeurs  de  Paris  ,  et  entra 
eu  société  avec  Marc  Orry  el  Etienne 
Prevosteau  ,  pour  la  publication  de 
difterents  ouvrages.  Des  l'année  sui- 
vante ,  sou  frère  le  mit  à  la  tète  de 
son  atelier  ,  qu'il  lui  céda  entière- 
ment, en  1617.  Claude  ne  prit  qu'eu 
lô'iS  le  titre  d'impriisieur  du  roi; 
mais  ou  voit ,  par  les  éditions  sorties 
de  ses  presses ,  qu'il  se  servait  long- 
temps auparavant  des  caractères  de 
l'imprimerie  royale.  Il  mourut, le  iG 
novembre  1 626,  à  l'âge  de  cinquante- 
deux  ans  (  i  ) ,  et  fut  inhume  à  Saint- 
Benoît,  dans  letombeau  de  sa  famille. 
Quelques-uns  de  ses  contemporains 
ont  loue  son  érudition  et  sou  assi- 
duité au  travail  :  les  belles  éditions 
qu'il  a  publiées  ,  justifieraient  assez 
leurs  éloges  ,  si  l'on  ne  savait  pas 
que  l'houneir  doit  en  revenir  pres- 
qu'enlici'ement  à  sou  frère.  Les  plus 
remarquables  sont  ciilesdes  OEuvres 
de  saint  Basile,  de  saint  Cyrille  ,  de 
saint  Grégoire  de  INazianze  et  de 
saint  Grégoire  de  Nysse  ,  de  saint 
Épipbane,  de  saint  Denys  l'aréopa- 
gite ,  de  saint  Justin  ,  n'Eu«obe ,  etc. , 
d'Arcliimè'le  ,  dePhilosîrate,  etc. — 
MoREL  (  Charles  ) ,  son  fils  aîné,  na- 
quit vers  itto'i  ,  fut  reçu  imprimeur , 
en  1627  ,  et  titré  iuipiimeur  du  roi, 
dès  l'année  suivante,  il  s'attacha  sur- 
tout à  donner  de  nouvelles  éditions 


O)  C'est  Vâge  qu'on  lui  donne  au  basds  sou  pyv- 


MOR  1 1 1 

des  Ouvrages  des  Pères  grecs.  Il  re- 
nonça, en  1O39  ,  à  l'exercice  de  sou 
art ,  acquit  une  chargr  de  secrétaire 
du  roi,  et  mourut  vers  iG4o  ,  si  l'on 
en  croit  Lottiu  (  Calai,  alphabet.  , 
11 ,  p.  1  28  )  ;  mais  on  est  obligé  d'a- 
vertir que  ce  n'est  pas  un  guide  tou- 
jours sûr.  —  Son  frère ,  Gilles  Morel, 
luisuccédadanslaplaced'impriraeur 
du  roi ,  qu'il  remplit  jusqu'en  1646. 
Il  céda  ses  presses  à  Cl.  Piget  ,  son 
associé  ,  acheta  une  charge  de  con- 
seiller au  grand-conseil,  et  mourut , 
dit-on,  vers  i65o.Il  n'a  public  qu'un 
petit  nombre  d'éditions  ,  mais  d'ou- 
vrages importants  ;  le  plus  considé- 
rable est  la  Grande Biblioth.  des  Pè- 
res,  ea  17  vol.  in-fol.:  on  trouvera 
dans  les  Fitœ  tjpoi^raph.  Paris,  de 
Maittaire  ,  déjà  citées,  tous  les  rei> 
seiguements  qu'il  a  pu  rassembler 
sur  ces  imprimeurs  et  sur  les  ouvra- 
ges sortis  de  leurs  presses.   W — s. 

i^ïOREL  (  Dom  Ropert  ) ,  bénédic- 
tin delà  congrégation  de  Saint-Maur, 
d'une  éminenle  piété,  était  né,  eu 
16.53,  à  la  Chaise-Dieu,  petite  ville 
d'Auvergne,  de  pannts  qui  tenaient 
un  rang  honorable  dans  la  province. 
Sa  vocation  l'appelait  à  la  vie  mo- 
nastique ;  et  il  prit  l'hibit  de  Saint- 
Benoît ,  eu  1672,  dans  l'abbaye  de 
Saint -Faron  de  Meaux.  Envoyé  par 
ses  supérieurs  à  Saint- Gcrinain-des- 
Prés  pour  y  achever  ses  cours  de  phi- 
losophie et  de  théologie  ,  il  fut  fait, 
en  1 680  ,  bibliothécaire  de  cette  ab- 
baye. 11  ne  conserva  pas  long-temps 
cet  emploi,  auquel  on  peut  conjec- 
turer qu'il  n'était  point  propre  :  il 
remplit,  avec  plus  de  succès,  la  char- 
ge de  prieur  dans  difFérentes  mai- 
sons ;  mais  la  .surdité  dont  il  était  af- 
fecté, le  força  d'y  renoncer,  et  s'ctant 
retiré  à  Saint  Denis,  il  y  partagea  son 
temps  entre  les  devoirs  de  son  état  et 
la  rédaction  de  plusieurs  ouvrages 


112  MOR 

asceliqucs,  qu'il  ne  publia  que  sur 
l'invitation  de  ses  supérieurs,  Dom 
Morel  mourut  le  :h)  août  1731  ,  à 
l'âge  de  soixante  dix-ucut'  ans,  en  rc'- 
putation  de  saiiilcle.  Tous  les  ecclé- 
siastiques et  les  pci"Sonnes  les  plus 
distinguées  de  la  ville  de  Saint-De- 
nis assiitèrcnl  à  ses  obsèques.  Son 
portrait,  peint  à  son  insu  par  Res- 
tout ,  a  e'tc  grave  par  Larmessin ,  in- 
fol.  On  trouvera  la  liste  de  ses  ou- 
vrages dans  le  Dict.  de  More'ri ,  éd. 
de  1 7'j9,  et  dans  VBist.  littéraire  de 
la  congiégat.  de  Saint- Maur,  par 
D.  Tassin.  Les  principaux  sont  : 
I.  Entreliens  spirituels,  en  forme 
de  prières  ,  sur  les  Évangiles;  — sur 
la  Passion  de  Jésus -Christ;  —  sur 
l'Incarnation ,  etc.  II.  Effusions  de 
cœir,  ou  Entreliens  spirituels  et  af- 
fectifs d'une  ame  avec  Dieu  sur  cha- 
que verset  des  psaumes  et  des  canti- 
ques, Paris,  1716,  4  vol.  in- 12.  Cet 
ouvrage  ,  dit  D,  Tassin  ,  est  un 
chef-d'œuvre  en  son  genre;  les  peu- 
.sées  eu  sont  très-judicieuses  ,  et  les 
expressions  pures  et  fort  touchantes. 
III.  \J Imitation  de  Jésus-Christ, 
traduction  nouvelle,  aA^ec  une  elïïi- 
sion  de  cœur  à  la  fin  de  chaque  cha- 
pitre , etc. , ibid.,  1 7 22  , iu-i 2. Le  tra- 
ducteur ,  conformément  à  l'édition 
qu'il  avait  sous  les  yeux,  n'a  point 
employé  la  distinction  du  texte  par 
versets  ,  peut-être  à  cause  de  ces  ef- 
fusions de  cœur,  plus  longues  parfois 
que  les  chapitres  mêmes  ;  double 
motif  qui  a  pu  nuire  au  succès  cons- 
tant de  sa  version ,  supérieure  par 
l'onclion  et  la  pureté  à  la  traduction 
dite  de  Gonnelijen  et  à  celle  de  l'abbé 
Débonnaire.  Suivant  M.  Barbier,  le 
pieux  auteur  a  beaucoup  profité  de  la 
traduction  de  Sacy  (  Voy.  Dissertât, 
sur  soixante  trad.  françaises ,  etc., 

il.  67  ;.  On  voit  toutefois  que  dom 
^lorel  cherche  à  traduire  plus  fidè- 


MOR 

Icmcnt  que  Sacy  ;  qu'il  suit  une  c'di- 
tion  latine  dilTércnte,  et  qu'il  se  sert 
avec  plus  de  discrétion  de  la  ])ara- 
phrase  que  ne  l'avait  fait  l'écrivain 
de  Port-Royal.  La  Bihliothctjue  jan- 
séniste seîuble  faire  entendre  que  le 
nouveau  traducteur  aurait  publié  le 
livre  de  V Imitation ,  sous  le  noni  de 
Jean  Gersen  ,  prétendu  abbé  de  sou 
ordre ,  tandis  qu'il  l'a  donné  sans 
nom  d'auteur  :  il  s'est  seulement  con- 
formé à  l'édition  (  des  Bénédictins  ) 
qu'il  a  crue  la  plus  correcte,  comjnc 
faite  d'après  d'anciens  manuscrits  ; 
et  il  en  pré\  ient  le  lecteur.  IV.  i)[c- 
ditatinns  chrétiennes  sur  les  évan- 
giles  de  toute  l'année,  ibid. ,  17  .'.(3 , 
in-4''. ,  ou  2  vol.  iu- 1  '2.  V.  De  l'espé- 
rance chrétienne  et  de  la  confiance 
en  la  miséricorde  de  Dieu,  ibid,  , 
1728;  réimprimé  en  i']^^  ,  in  -  12. 
On  peut  consulter,  pour  plus  de  dé- 
tails ,  1'  Oui>ra^e  de  D.  Tassin  ,  déjà 
cité.  W — s  et  G — CE. 

MORELL  (André),  naquit  à  Ber- 
ne en  Suisse,  le  9  juin  1G46.  Ce  fut 
un  saA  aut  distingué.  Ses  connaissan- 
ces en  numismatique  égalèrent,  si 
elles  ne  surpassèi'ent  pas  celles  de 
tous  ses  contempor.'iins.  Ses  études 
commencées  à  Saint-Gall,  furent  con- 
tinuées à  Zurich ,  et  terminées  à  Ge- 
nève, La  nature  l'avait  doué  dune 
mémoire  prodigieuse  et  d'une  rare 
pénétration.  Ses  rapides  progrès  dans 
l'histoire  développèrent  bientôt  son 
goût  pour  la  numismatique,  qu'il  re- 
gardait comme  une  des  bases  essen- 
tielles des  connaissances  historiques  ; 
et  d  apprit  à  dessiner , afin  de  se  icn- 
dre  cette  science  plus  familière.  Char- 
les Patin,  qui  avait  déjà  publié  plu- 
sieurs volumes  de  numismatique , 
l'ayant  rencontré  à  Baie,  fut  enchan- 
té des  heureuses  dispositions  qu'il 
reconnut  dans  ce  jeune  Suisse  ;  il  se 
lia  d'une  étroite  amitié  avec  lui^l'aida 


MOR 

de  SCS  conseils,  de  son  expérience ,  et 
lui  prodigua  tous  les  secours  dont  il 
avait  besoin.  Morell  \int  à  Paris  en 
iGBo.  Prcccde'  [Ktr  sa  rcnoninic'c,  il 
fut  admis  dans  l.i  société  des  savants 
et  des  gens  de  lettres  que  le  duc  d'Au- 
mont  reunissait  cliez  lui,  et  y  fut  ac- 
cueilli par  (les  hommes  du  premier 
mérite,  qui  lui  conseillèrent  d'entre- 
prendre la  publication  générale  de 
toutes  les  médailles  anticpies  qui  exis- 
taient alors  dans  les  divers  cabinets 
de  l'Europe,  en  y  joignant  des  com- 
mentaires sur  celles  qui  avaient  déjà 
été'  puîdiées  ,  et  des  dissertations  sur 
les  pièces  inédites.  Cette  tâche  lui  pa- 
rut digne  de  son  zèle  et  de  ses  elforts. 
Il  donna,  en  iG83,  un  essai  de  ce 
grand  ouvrage,  sous  le  titre  de  Spé- 
cimen nniversœ  rei  nuni'iiarice  an- 
tiquœ.  Rainssant,  alors  conservateur 
du  cabinet  royal  des  médailles,  ob- 
tint l'agrément  de  Louis  XIV,  pour 
s'adjoindre  Morell,  qui,  de  ce  mo- 
ment, rejeta  les  offres  avantageuses 
que  lui  avaient  faites  les  cours  de  Co- 
penhague et  de  Berlin,  et  se  livra 
avec  une  ardeur  infatigable  à  la 
classification  et  à  l'arrangement  du 
ïiche  cabinet  conlié  à  ses  soins.  Les 
profondes  connaissances  qu'il  mon- 
tra dans  l'exercice  de  sa  place  (i), 
furent  appréciées  comme  elles  de- 
vaient l'être,  par  Vaillant  et  Noris  , 
les  deux  plus  célèbies  antiquaires  de 
cette  époque ,  et  qui  le  seraient  peut- 
être  encore  de  la  notre.  Lorsque  son 
travail  au  cabinet  du  roi  fut  achevé, 
la  récompense  qu'on  lui  avait  pro- 
mise se  Ht  attendre;  il  s'en  plaignit 
d'une  manière  inconvenante,  et  déplut 
au  ministre  Louvois,  qui  le  fit  met- 


(i)  U  s'y  familiarisa  tellement  avec  la  roniiaisean- 
ce  du  protil  de  t.ules  les  lêles  de  la  série  des  médail- 
les iinpiTia'es  ,  qu'il  pouvait  les  ilessiner  toutes  ,  de 
mémoire  ,  d'une  luauit're  fort  rcssembîaule.  Voyez 
sa  Vie  ,  par  J.  G.  Alluianu  ,  daus  l'Aile  und  /l'eiic 
aus  den  geiehilen  JJ-elt ,  1718,  t.  V,  p  Sig-SjG. 

5.XX. 


MOR  !i3 

treàlaBastnic,  en  juillet  1O88.  Re- 
lâché, à  la  prière  de  ses  pr(jlecteurs 
et  de  ses  nombreux  amis,  il  ne  tarda 
pas  à  être  de  nouveau  incarcère 
(  1690)5  et  ce  qui  doit  paraître  assez 
remarquable,  pendant  tout  le  temps 
que  dura  sa  disgrâce  près  du  minis- 
tre, il  continua  de  jouir  de  la  bien- 
veillance de  Louis  XIV.  C'est  lui-mê- 
me (pii  le  dit,  avec  l'expression  de  la 
plus  vive  recoui-aissance,  dans  une 
lettre  à  sou  ami  Périzouius,  iusérée 
dans  la  préface  du  Thésaurus.  Le 
gouver  rement  de  Berne  fut  obligé 
cette  fois  d'intercéder  pour  la  mise 
en  liberté  du  prisonnier:  elle  lui  fut 
accordée  (  i6nov.  1691  );  et  il  retour- 
na daus  sa  ville  natale.  La  mort  de 
Rainssant  (,iG8g)ayantlaissévacaute 
la  place  de  couservatcnr  des  médail- 
les du  cabinet  du  roi ,  elle  avait ,  dit- 
on,  été  offerte  à  Morell,  à  condition 
qu'il  embrasserait  la  religion  catholi- 
que ;  mais  ne  voulant  ni  faireviolence 
à  ses  principes  religieux,  ni  s'exposer 
à  de  nouvelles  persécutions ,  il  avait 
tout  refusé,  et  la  place  fut  donnée  à 
Oudinet.  U  est  peut-être  curieux  au- 
jourd'hui de  voir  comment  s'expri- 
me, à  son  sujet,  le  père  Jobert,  jé- 
suite: «  ]\L  Morell  est  certainement 
«l'honneur  des  antiquaires;  aussi 
»  aimable  par  sa  probité,  sa  candeur 
»  et  son  désintéressement ,  qu'il  est 
»  admirable  par  son  génie,  son  in- 
»  dustrie  et  son  application ,  qui  pas- 
»  sent  ce  que  l'on  peut  imaginer  dans 
»  ce  quiconccrne lesmédailles.  Eiifiu 
»  c'est  un  génie  rare ,  à  qui  rien  ns 
»  manquera,  lorsque  Dieu  lui  aura. 
»  fait  connaître  la  vérité  de  la  re- 
»  ligion  catholique.  »  Ses  bridantes 
espérances  s'étaut  évanouies  en  quit- 
tant la  France,  il  no  put  subvenir 
tout  seul  aux  frais  énormes  qu'eutrai- 
nait  le  vaste  plan  de  son  ouvrage;  de 
sorte  que  ses  UavaiLX  languirent.  Le 
8 


ii4  MOR 

chagrin  s'cjnpara  de  lui  ;  ol  sa  santé 
s'altc'ra  Icllcmeul,  qu'il  eiil  la  moitié 
du  corps  paralysée,  et  lut  obligédeie- 
noucer  à  tenir  la  plume  ou  le  crayon. 
Cependant,  en  1694,  le  comte  de 
Schwartzeuburç;  -  Arustad  ,  grand 
amateur  de  modadles,  l'appela  près 
de  lui  (en  Thuringe),  pour  avoir 
soin  de  son  cabinet.  11  l'autorisa  mê- 
me a  faire  une  excursion  en  Hollan- 
de et  à  Berlin,  pour  visiter  les  cabi- 
nets des  curieux  et  enrichir  le  sien. 
Notre  antiquaire  ne  put  jouir  long- 
temps du  bien-être  et  de  la  tranquil- 
lité qu'il  goûtait  au  château  d'Arns- 
tad  :  une  chute  de  voilure,  où  il  se 
démit  l'épaule  (1699),  et  une  attaque 
de  paralysie  ,  le  lorcerènt  de  sus- 
pendre ses  travaux ,  et  il  succomba 
à  ses  souffrances,  le  1 1  avril  1703, 
avec  le  regret  de  n'avoir  pu  terminer 
rouvragedenumismatiqnequ'il  avait 
conçu  sur  un  très-vaste  plan,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit  plus  haut.  Ha- 
vercarap  recueillit  les  matériaux 
e'pars  de  cet  ouvrage,  et  publia  ,  en 
i'7  34,  Thésaurus  Moreliianus ,  sive 
familiarum  Romanarum  numisma- 
ta  omnia,  en  1  vol.  in-fol. ,  dont  un 
vol.  de  planches  et  un  vol.  de  texte. 
Le  volume  de  planches  offre  la  réu- 
nion la  plus  complète  qui  ait  jamais 
été  faite  des  médailles  consulaires 
disperséesdanstouslescabinetsd'Eu- 
rope,  dessinées  sur  les  originaux,  de 
la  main  même  de  Moi-ell ,  et  gravées 
ensuite  sous  ses  yeux.  Nous  pouvons 
assurer  qu'il  a  rendu  avec  nnc  vérité, 
un  art  et  un  talent  remarquables,  le 
caractère  des  figures  ,  tel  qu'il  est  sur 
chaque  médaille.  Il  est  à  regretter 
qu'Havercamp ,  entraîné  par  le  mo- 
tif bien  louable  sans  doute,  celui  de 
donner  à  Morell  tonte  l'illustration 
que  méritaient  ses  travaux,  ait  voulu 
accumuler  sur  la  description  de  cha- 
que médaille,  non-seulement  les  com- 


MOR 

mentaircsd'Eri/.zi,Orsini,  Vaillant, 
Morell  et  autres,  mais  encore  les  siens 
propres ,  pour  critiquer  à  tort  et  à 
travers  ses  devanciers  ,  et  former  de 
nouvelles  conjectures ,  plutôt  faites 
pour  embrouiller  la  matière  que  pour 
l'éclaircir- d'où  il  résulte  que  l'ama- 
teur qui  considte  cet  ouvrage,  voit, 
il  est  vrai,  d'un  coup-d'œil ,  tout  ce 
qui  a  été  dit,  depuis  Goltzius  jusqu'à 
Havercamp,  sur  les  divers  types  des 
médailles  consulaires  :  mais  il  lui  res- 
te à  prendre  parti  entre  les  opinions, 
trop  souvent  contradictoires,  des 
commentateurs;  et  l'embarras  oùilsc 
trouve,  diminue  sensibleraeut  l'inté- 
rêt de  ces  commentaires  !'i).  Morell 
avait  aussilaissé,  en  manuscrit,  l'his- 
toir'i  numismatique  des  douze  pre- 
miers empereurs  romains.  Havei- 
camp ,  Schlcgel  et  Gori ,  se  réunirent 
pour  la  publier  avec  d'amples  com- 
mentaires :  c'était  l'usage  alors.  L'ou- 
vrage parut  en  1752,  sor.s  le  titre  de 
Thesauri  MorelUani  numismata  aii- 
rea,  argentea,  aerea^  cujusque  mo- 
duUxiipriorum  imperatorum,  Ams- 
terdam, 3  vol.  in-fol.  fig.  A  l'excep- 
tion des  planches  qui,  ainsi  que 
celles  des  familles  consulaires,  ont 
été  gravées  sur  les  dessins  et  sous  les 
yeux  de  Morell ,  et  qui  sont  la  partie 
la  plus  reconimandable  de  cet  ouvra- 
ge, on  peut  dire  qu'il  règne,  dans  la 
classification  et  l'arrangement  systé- 
matique des  médailles,  une  telle  coii- 
fusidû,  ainsi  que  dans  les  explica- 
tions et  les  commentaires  élaborés  eu 
commun  par  ces  trois  savants,  qu'il 


(i^  Le  iL^utiscrit  autographe  du  grand  ouvrage  do 
M^^rell,  iiitilulé  :  yiim'smatn  res^um  ,  tirbiitm  ^  po- 
pulorum  ^Jamiliitritm  Somnnanirn  ,  Au^ustorutu  eC 
Ctje^tmtm^  eu  6  vol.  .  pet.  in-4^.,  api  es  avoir  passe  de 
la  hibliotlièque  de  Poz.e  (  uo.  ïijS  )  ."i  celli;  di'  CoKe 
(  no.  ii.7  j  )  .  puis  à  celle  de  Vau  Daniiue  no  5,ii  ). 
est  acliK-lUniuit  dans  celle  du  barou  \Vt  stree  n  u  de 
Titllandt,  à  la  Uay  ,  ainsi  que  les  luaaiiscrits  aulo- 
grnplies  de  Gollviuh,  de  Peiresc  ,  et  cul  des  A»- 
inism.  crrea  m  Colonits  yeicu.'sa,  de  Vaillant,  enri- 
chi de  uambrcuset  additiouf  dv  la  maïu  de  MorelU 


MOR 

(nI  crunc  exlrêrnc  dinirnlie,  an  nii- 
iicii  lies  diverses  liv|)<>lluscs  loiii-;i- 
to'irsoiitcmies  cl  coiiihaltiies  paieiix, 
de  pouvoir discciiicr  le  bon  du  in.iii- 
vais ,  l'utile  de  riiuililc,  le  vrai  du 
faux  :  de  sorte  qu'il  est  à  -  pou  -  pri\s 
gcuc'ralcmcul reconnu  t]ue  le  seul  mé- 
rite réel  de  cet  ouvrage  est  dans  les 
planches.  Ou  connaît  encore  d'Aiiurc 
Morell  une  Lettre  (latine)  à  Pcri- 
zonius,  De  numinis  consul uriOus 
(  1701  ),  in-4°.  ,  17  i3,  in-12,  et 
dans  V Elccta  rei  nanimarUe  ,  de 
Woltercck,  p.  l^'i  )•  — une  fiCitre  au 
chevalier  Fountaiue  (  i  708,  iu-4°.  )  ; 
et  d'autres  à  Henri  Haas ,  dans  les 
Mémoires  (  BeytrcTgc  )  d'histoire 
et  de  littérature,  de^Ch.  F.  Lub. 
Haas,  Marbourg,  1784,  in-B",,  p. 
si88-'2i)3.  F.  la  Vie  d'André  Morell , 
écrite  en  latin  par  A.  P.  Giulianelli , 
et  pidjliée  en  1752,  par  Gori,  à  la 
tète  de  sa  ColumnaTrajana  ,  ou- 
vrage auquel  Morell  avait  eu  beau- 
coup de  part.  A — r. 
^  MORELL  (  Thomas  ) ,  naquit  à 
Eton  ,  en  Angleterre,  le  18  mars 
1703.  A  douze  ans  ,  il  entra  comme 
boursier  à  l'école  de  sa  ville  natale  , 
d'où  il  passa  au  collège  du  Roi ,  dans 
l'université  de  Cambridge ,  et  il  y 
prit  le  degré'  de  maître-ès-arts.  Plus 
tard  ,  il  se  fit  recevoir  docteur  en 
lliéulogic.  La  (îure  de  Kew  lui  fut 
donnée  en  1731  ;  et  il  y  joignit,  pen- 
dant quelque  temps,  celle  de  Tvsic- 
kcnham,  joli  vill  ige  que  Pope  habita 
plusieurs  années,  et  qu'il  a  rendu  fa- 
meux. Morell  fut  nommé,  eu  1  737  , 
recteur  de  Buckland,et,  eu  177^, 
chapelain  de  la  garnison  de  Porls- 
mouth.  H  mourut,  le  19  février 
1784  ,  après  avoir  consacré  sa  lon- 
gue vie  à  la  pratique  de  ses  devoirs 
ecclésiastiques,  et  à  la  culture  des  lan- 
gues anciennes  ;  après  avoir  enfui, 
par  d'utiles  ouvrages  et  par  de  bons 


MOR  1 1  j 

exemples ,  propagé  l'amour  de  la 
icligion  ,  et  celui  de  la  iilte'rafurc 
classique.  Ce  savant  estimable  a  été 
un  peu  négligé  par  ses  contempo- 
rains; mais  la  postérité  le  traite  avec 
plus  de  justice.  Les  services  qu'il  a 
rendus  aux  bonnes  éludes,  furent  im- 
portants :  leur  utilité  est  permanen- 
te ;  et  le  nom  de  Morell  sera  honoré 
tant  que  l'éiudilion  sera  elle-même 
en  hoimciir.  Ses  principaux  ouvra- 
ges sont  :  L  Ukc  collection  de  poè- 
mes tliéologiqucs  ,  tant  originaux 
que  traduits ,  avec  des  notes  ,  Lon- 
dres, i73'^-3G.  IL  Une  édition  des 
Contes  de  Gantorbery.pai-  Chaucer, 
avec  les  imitations  modernes,  Lon- 
dres ,  1737.  IlL  Une  eViition  des 
OKuvres  de  Spencer,  1747.  IV. 
L'Hécube,  l'Orcste,  les  Phénicien- 
nes et  l'Alceste  d'Euripide,  avec  les 
scholies  anciennes  ,  et  des  notes 
Londres,  1748.  Dans  les  trois  pre- 
mières pièces  ,  il  a  en  général  répété 
le  texte  de  King;  mais  la  recension 
de  l'Alceste  est  neuve,  et  lui  appar- 
tient. V.  Une  traduction  anglaise  de 
l'Hccube,  avec  des  notes  relatives 
principalement  aux  antiquités  :  celte 
traduction  est  faible  ,  s'il  faut  croire 
ce  qu'en  disent  les  critiques  anglais. 
VL  Une  édition  du  Prométhéc  d'Es- 
chyle ,  avec  les  scholies,  des  notes 
sur  le  mètre,  et  une  traduction  an- 
glaise, en  vers  Lianes.  «  Le  soin  et 
»  l'exactitude  que  Morell  a  mis  dan» 
»  ce  travail ,  sont,  dit  un  biographe , 
»  grandement  méritoires.  La  tra- 
»  duction  n'est  pas  imprégnée  du 
»  feu  d'Eschyle;  mais  les  jeunes  étu- 
»  diants  en  ont  bien  prulite.  »  VIL 
Deux  Lettres  (  dans  les  tomes  3  et  5 
de  ['  .-Irchœologia  Brilawiica  )  sur 
deux  inscriptions  grecques ,  trouvées 
à  Corbridgc  ,  dans  le  Northuraber- 
laud.Vlll  et  IX.  Des  éditions  correc- 
tes et  soignées  du  Lexique  grec  de 

8  . 


iiô  MOR 

Hédéric,  et  du  Dictionnaire  latin  de 
Ainsworth.  X.  Theuiuais  ^rœcie 
poëseos ,  etc. .  Élon  ,  l 'jG'.i.  Cet  ou- 
vrage ,  qui  est  le  cli  •(' d'(i.'nvre  de 
Morell ,  est  fait  à  l'iinitalion  du 
Gradus  ad  Farnassnni.  Au  coni- 
mcncemoiU  est  un  excellent  traite  des 
dificrenies  espèces  de  nicsnres,  rédi- 
ge sur  le.s  pnfcepfcs  d  Héphestion 
et  des  sclioliastes;  précepîcs,  il  est 
vrai ,  parfois  contestables  ,  mais 
qu'il  est  utile  que  les  jeunes  j^ens 
connaissent,  avant  de  se  jeter  dans 
de  plus  hautes  théories.  Le  P.  Labbe, 
Smith  et  d'autres,  avaient  fait  des 
recueils  de  sj^nonymes  et  d'épi- 
thètes;  mais  ces  ouvrages  incom- 
plets et  insuftlsauts,  n'étaient  que 
d'un  faible  secours  pour  les  études 
classiques.  3Iorell  a  réuni  ,  avec 
un  travail  immense  ,  tous  les  mots 
des  poètes ,  en  a  montré  la  quantité 
par  des  exemples,  y  a  joint  les  épi- 
thèles ,  les  synonymes  et  les  ph  rases  ; 
en  un  mot,  il  a  donné  au  Gradus 
grec  la  richesse  du  Gradus  latin. 
Toutefois  le  Gradus  latin  a  un  avan- 
tage de  plus  ;  c'est  d'olîVir  les  signes 
de  la  quantité  ,  qui  manquent  au 
Gradus  grec  :  il  faut  la  conjecturer 
d'après  les  exemples  ;  mais  ce  tra- 
vail, fort  aisé,  il  est  vrai ,  quand 
Jes  vers  cités  sont  des  hexamètres  et 
des  pentamètres,  peut  embarrasser  les 
commençants,  lorsque  les  exemples 
sont  pris  dans  les  iambes  des  poètes 
dramatiques;  et  it  est  au-dessus  de 
leurs  forces .  et  peut  arrêter  même 
les  maîtres  et  les  professeurs,  quand 
le  lexicographe  ne  s'appuie  que 
sur  des  ]iassages  lyriques  ,  dont  la 
mesure  est  souvent  incertaine,  et 
même,  quand  elle  est  certaine,  n'est 
pas  toujours  facile  à  reconnaître, 
îji  dans  le  Gradus  latin  il  fallait 
deviner  la  quantité  d'un  mot  d'après 
les  vers  lyriques  d'Horace,  les  chœurs 


MOR 

de  Sénèque,  les  poésies  bigarrées 
d'Ausone,  de  Prudeiîce  et  de  3I.ui- 
rus,  ou  d'après  les  mètres  trop  libres 
de  Piaule  et  de  Tcrencc,  que  de  fois 
l'élève  hésiterait!  «jne  de  fois  il  se 
tromperait  !  Tel  est  le  défaut  du  Tre'- 
sor  de  Morell  :  et  il  est  capital. 
Néanmoins  ce  livre  était  important, 
utile  ,  nécessaire,  et  le  succès  en  fut 
grand.  On  lecontrelit  même;  ou,  si 
l'on  aime  mieux,  on  le  réimprima, 
en  1768,  à  Venise.  Cette  réimpres- 
sion n'est  pas  belle;  mais  elle  sem- 
ble faite  assez  correctement.  Toute- 
fois l'original  sera  toujours  proféré, 
tant  à  cause  de  la  supériorité  mani- 
fosle  de  l'exécution,  du  papier,  et 
des  autres  accessoires  typographi- 
([ties,  que  pour  un  fort  beau  portrait 
de  Morell,  gravé  d'après  un  dessin 
du  célèbre  Hogarth.  A  côté  du  vieux 
savant,  dont  la  mine  et  le  costume 
ne  manquent  pas  de  bizarrerie  et  de 
singularité,  on  voit  un  petit  orgue  » 
sou  instrument  favori  :  car  Moiell 
était  un  grand  amateur  de  musique; 
et  c'est  même  lui  qui  a  composé  les 
paroles  ,  que  l'on  dit  excellentes ,  des 
oratorios  de  Haendel  (1).  En  181 5, 
le  D'.  Maltby  a  donné,  à  Cambridge, 
une  édition  considérablement  aug- 
mentée du  Trésor  de  Morell.  Nous 
n'avons  pas  encore  été  à  portée  d'ap- 
précier par  nop.s  mêmes  ce  nouveau 
travail  :  mais  l'on  s'accorde  généra- 
lement à  en  faire  l'éloge.  De  bons 
juges  disent  que  les  additions  faites 
par  l'éditeur  sont  de  la  plus  hauie 
importance;  qu'il  a  exactement  posé 
la  quantité  des  syllabes,  et  ajouté 
une    foule    d'exemples  ,    toujours 


(1)  Feu  M.  Bast,  pour  le  dir.^  en  passant ,  avilit 
a¥<>o  Morell .  ce  point  (ie  ressemhiarco.  i:  était  r orn- 
iiie  lui  rt  plus  t|iie  lui  ,  erudit  et  plii'o!ogu>  ;  (  rom- 
me  lui  ,  il  cultivai  ù. la-fois  11-  ■j,rec  et  la  umsiqup. 
M'izart  avait  éle  son  luaitrr;  son  ex<<  iilioii  sur  le 
piano  était  presque  de  U  secoad«  foice  i  it  éUU  siur- 
tuMl  graud  tlisoricieu. 


MOR 

clioisls  avec  un  iroût  cxcinis;  rpi'il  a 
traité,  avec  ii:ie  ciiticjiio  et  une  érii- 
dii  i  on  ieniarf[naijir.,i»l!i.''i"»i"''i  points 
dilliciles,    i'ursis    et    la  thcsi.s    par 
oxera[)le,  V accent  et  le  coiij/  melri- 
que;  en  nn  mot,  qu'il  a  lait  de  ec 
dictioiHKiirc  un  ouvrpge  indispensa- 
ble à  tous  ceux  qui  veulent  ac(|ucrir 
nue  connaissance  aprofondic  de  la 
prosodie  grecque.  Ils  ajontont  que 
ce  livre,est  un  chef-d'œuvre  de  ty- 
pofjraphie,  et  peut-être,  en  fait  de 
littérature  classique,  le  plus  beau 
qui  soit  sorti  des  presses  anp;laiscs, 
qui,  depuis  quelques  années  surtout, 
ont  produit   tant  d'adinir.il)les  ou- 
vra {^cs.  XI.    En    1771,   BlorcU   fut 
l'cditeuret  le  rédacteur  du  Catalogue 
de  la  bibliothèque  de  M.  Cliild.  Ce 
catalogue,  qui  forme  un  beau  volume 
in-4". ,  a  été  tiré  seulement  à  vingt- 
cinq  exemplaires.    La  bibliothèque 
de  M.  Francis  Cliild   avait  été  for- 
mée primitivement   par  M.    Bryau 
Fairfax.  Parmi   les  magnifiques  et 
rares  curiosités  de  cette  riche  collec- 
tion, étaient  la  Bible  de  14G2,  sur 
vélin ,  et  les  Offices  de  Cicéron ,  de 
iI^tîG  ,    également    sur    vélin.    M. 
Francis  Child  en  était  devenu  pos- 
sesseur, en   1761 ,  pour  une  somme 
de  9,000  livres  sterling,  et  elle  fut 
fondue ,  en   1782,  dans   la   biblio- 
thèque de  M.  Robert  Ghild.  Ce  M. 
Fairfax ,  grand   collecteur  de  mé- 
dailles, de  marbres,  d'urnes,  et  de 
tableaux,  avait  été  propriétaire  de 
la  portion  des  tables  d'Héraclée  que 
Maitîaire  a  publiée.  A  sa  mort,  ce 
précieux  débris  fut  acheté  4'i  livres 
stcrl. ,  par  M.  Cartcret  Webb,  qui, 
en  17O0,  l'offrit  au  roi  de  Kaplcs. 
En  retour,   le   roi    lui  donna   une 
bague  de  diamants ,  estimée  3oo  li- 
vres   sterling.    C'était    royalement 
payer  une  antiquaille  ,  un  morceau 
de  vieux  bronze.  Il  al  vrai  que  co 


MOR 


117 


frafjmenl  complétait  un   monument 
fort  cuiieux,  important  même  ,  au- 
lanl  que   peiivt-nt   l'être  aujourd'hui 
des  ins(ii])(iuns  delà  (îrande-Grèce, 
et  ({ui,  restitué  [jar  celle  adfliiion  à 
sa  première  inJegiité,  est  devenu  un 
des    plus    preVieux    ornements    du 
musée  de  Naj)les.  Ces  détails    nous 
ont  écartés  de  notre  sujet;  juais  ils 
sont  peu    connus  ,  et  ils  intéressent 
l'histoire  littéraire.  Comme  nous  le 
disions  en  commenrant,  le  zèle  avec 
lequel   le   D'"-    Morell   cultivait  les 
leUres  profanes,  ne  lui  faisait  pas 
négliger  les  graves  devoirs  de  son 
état.  II  prêchait  souvent,  et  plusieurs 
de  ses  sermons  ont  éié  itn primes. 
Pins  d'une  fois  aussi  les  produclions 
de  sa  musc  furent  consacrées  à  des 
sujels  pieux.  Il  soutint  même  une 
vive  controverse  avec  les  méthodis- 
tes, secte  de  fanatiques  rigides,  dont 
les  progrès  ,  de  jour  en  joîU'  plus 
étendus  et  plus  eifrayants,  menacent 
la  religion  dominante.  Non  content 
de  s'en  prendre  à  leur  doctrine,  leur 
nom  même  lui   fournit  des  armes 
contre  eux.  Il  le  dérivait  du  grec 
Mtêoê'ta. ,    qui    quelquefois    signifie 
J'use,  machinatinn  perfide,    ou  de 
Méoè'ivitv ,  qui  a  le  sens  de  trom~ 
per.  En  effet ,  c'est  de  MiSoàict  qv.e 
saint  Paul  se  sert  peur  désigne!'  les 
piéf^es  du  malin  Esprit,  II  csi  juste 
d'ajouter  que  de  pareils  arguments 
sont  moins  philosophiques  que  sati- 
riques; et,  probablement ,  la  théo- 
logie et  la  logique  de  Moicb  avaient 
encore   d'autres   ressources.    On   a 
publié,  depuis  sa  mort,  des  Remar- 
ques sur  le  Traité  de  rEuiemlement 
br.inain  de  Locke,  qu'il  avait  écrites 
par  ordre  de  la  reine,  cl  une  excel- 
lente Traduction  des  Énitres  de  Sé- 
nèque,  dans  laquelle  il  a  su  imiter, 
avec  une  élégante  fidélité,  la  manière 
de  l'auteur.  «  Vieux  comnie  mo  vg»- 


it8 


IMOR 


w  là  ,  dit  quelque  part  le  traducteur , 
•»  je  n'ai  pas  reçu  d'injuic  qu'il  ne 
»  lut  aisé  de  pardoiuicr;  ui  connu 
»  do  malheur  (jui  ne  iùl  supportable, 
»  et  qui,  de  la  manière  dont  va  le 
V  monde,  ne  fût  plus  di^ne  d'un 
w  sourire  de  mépris  que  d'une  lar- 
•»  me,  »  Cette  confidence  l'ait  aiaaer 
l'honncle  vieillard  ;  on  voit  avec 
plaisir  qu'il  a  dû  passer  une  heu- 
reuse vie  ,  se  consolant  de  quelques 
amertumes  lé;;ères  par  les  charman- 
tes douceurs  de  la  retraite,  de  l'étude 
et  des  arts.  B — ss, 

MORELLET  (  Anot.e  ) ,  de  l'aca- 
démie fraiiçaisc,  naquit  à  Lyon,  le  7 
mars  1 7 .17 ,  d'un  marchand  papetier. 
Après  qu'il  eut  fait  ses  prcmiiires 
études  au  collège  des  Jc,sui;es  de 
cette  ville,  son  père  l'en  fit  sortir, 
à  l'âge  de  quatorze  ans  ,  pour  l'en- 
voyer à  Paris  au  5e /?î mat re  des  Tren- 
te-Trois. Le  jeune  élève  dut  aux 
succès  qui  l'y  distinguèrent,  son 
admission  en  Sorbonne.  Il  passa 
cinq  années  dans  cette  maison  célè- 
bre, livré,  mais  non  pas  exclusive- 
vement ,  aux  études  théologiques  :  il 
se  délassait  de  Morin  ,  de  1  ourne- 
ly-,  de  Spiuosa  ,  de  Cudvvorth  ,  avec 
Locke,  Butlon  ,  Bayle,  Voltaire, 
etc.  lient  en  Sorbonne,  pour  com- 
pag:.ons  d'études .  qultpies  jeunes 
gens  qui,  depuis,  st.  1.!  devenus  des 
personnages  importants  ^(ans  l'Égli- 
se eî  djii5  l'état.  Ou  doit  citer  parti- 
adièremeut  MM.  de  Lomci.ie  de 
Bricnnc  et  Turgot,  imbus  déjà  l'un 
et  l'autre  des  principes  de  la  phiio- 
so])hie  qui  coramen(;ait  à  devenir 
celle  de  leur  siècle.  Les  trois  jeunes 
abbés  traitaient  entre  eux  des  ques- 
tions d'un  haut  intérêt;  ils  cher- 
chaient à.  s'éciairer  sur  les  éléments 
de  la  richesse  et  du  bonheur  des  na- 
l/ons.  Ce  ne  fut  que  pendant  les  der- 
nières années  de  son  scjcur  en  Sor- 


MOR 

lionne,  que  l'abbé  Morellct  fit  con- 
naissance avec  Diderot  et  d'Alem- 
bert ,  qu'il  n'a  jamais  cessé  de  comp- 
ter au  nombre  de  ses  amis.  Eu  1  ■j.j^  , 
il  se  chargea  de  diriger  l'éducation 
du  (ils  de  l\i.  de  la  Galaizière ,  chan- 
celier du  roi  de  Pologne  ,  et  céda  vo- 
lontiers à  la  demande  qu'on  lui  fit 
d'accompagner  son  élève  en  Italie. 
L'appartement  que  l'abbé  Morellet 
occupait  à  Rome,  se  trouvait  voisin 
d'une  immense  bibliothèque,  toute 
composée  de  théologiens  et  de  cano- 
nistes.  Curieux  de  parcourir  ce  fa- 
tras ,  il  tomba  sur  le  Direclorium 
inquisitorum  (  F  Eymeric  ) ,  et  ré- 
solut d'eu  donner  un  extrait ,  sous 
le  titre  de  Manuel  des  Inquisiteurs. 
Ce  recueil  parut  en  176'^  ,  grâces  à 
Malesherbes  ,  ami  de  l'auteur,  qui 
n'hésita  point  à  en  favoriser  la  pu- 
blication, dans  un  pays  où  la  dou- 
ceur du  gouverucmeut  ne  permettait 
de  crainclre  l'effet  d'aucune  allusion 
fâcheuse.  De  retour  à  Paris ,  Mo- 
rellet fut  introduit  dans  ces  sociétés 
vantées,  oii  l'on  n'était  admis  que 
présenté  par  des  hommes  dont  la  ré- 
putation était  faite,  ou  sur  la  recom- 
mandation d'un  nom  déjà  connu.  Une 
conversation  à-la-fois  solide  et  mali- 
gne, sans  être  caustique,  ime  hu- 
meur enjouée,  un  caractère  droit  et 
ferme,  rendaient  son  commerce 
agréable  et  sûr:  aussi  fut-il  très  goû- 
té ,  chez  M'"^".  Geoffiin  ,  de  tous  les 
hommes  de  talent  que  cette  maison 
réunissait;  et,  dès  ce  moment  même, 
il  gagna  la  bienveillance  de  cette  da- 
me, qui  bii  témoigna  de  l'attache- 
ment jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  On  lui 
trouvait  quelque  chose  du  tour  d'es- 
prit de  SvNift.  Divers  petits  écrits  , 
qu'il  publia  dans  le  même  temps  , 
contre  Lefranc  de  Pompignau  ,  et 
contre  Palissot,  sont  en  elFet  remplis 
de  ce  que  les  Anglais  appellent  fiu- 


r»i()u 

mouv ,   expression  qu'ils   scinhieut 
nous  avoir  fin  jîruiitce,  pour  lui  dou- 
ucr  un  sens  qu'dlc  a  pcitlu  clans  no- 
tre langue.  Palissot  venait  de  faire 
jouer  sa   comédie  tics  PhiloiO]yhci  : 
il  y  désignait  plusieurs  amis  de  Mo- 
rellet  avec  la  licence  et  l'effronlerie 
(l'Aristopliaue.  Ce  fut  pour  les  ven- 
ger ,  que  ce  dernier  écrivit  la  Pré- 
face des  Philosophes ,  ou    Vision 
de    Charles  Falisj.ot ,   plaisanterie 
assez  uiordantequi  réussit  beaucoup. 
Mais  l'abhé  iMorellel  avait  eu  l'im- 
prufleuce  d'y  jeter  un  trait  im  peu 
vif  contre  la  princesse  de  Robecq  , 
connue  par  son  aversion  poar  les 
ptilosoplies.   Le  paruphlet  pirvint 
à  cette  dame ,   comme   en\  oye  lie 
la  part  de  l'auteur.  C'était  une  per- 
fidie de  ?alissot.  M'"^'.  de  Robecq 
demanda  vengeance  au  duc  de  Choi- 
seul ,  et  l'auteur  fut  mis  à  fa  Bastille. 
Il  y  resta  deux  mois  ;  ce  fut  au  cré- 
dit de  la  marée lialc  de  Luxembourg, 
et  surtout  au  zèle  de  J.-J.  Rousseau, 
qui  la  fit  agir,   qu'il  fut  en  grande 
partie  redevable  de  sa  liberté.  ISous 
n'oublierons  pas  un  procé  iégénéreux 
par    lequel   il  s'hou',  ra  pendant  sa 
détention.  Six  semaines  s'étaient  é- 
coulées ,  sans  qu'il  eût  été  permis  à 
Morellet  de  sortir  de  sa   chambre. 
Au  bout  de  ce  temps,  des  ordres  fu- 
rent doimcs,  pour  qu'il  pût  se  pi'O- 
raener  dans  !a  cour.  Quoique  cette 
faveur  fût  assez  légère,  il  était  natu- 
rel qu'il  y  mît  un  g^and  prix.  Ce- 
pendant, api-ès  en  avoir  profité  deux 
fois,  il  observa  que,  pour  lui  pro- 
curer le  plaisir  de  la  promenade ,  il 
fallait  qu'un  autre  en  fût  privé.  Aus- 
sitôt il  pria  le  gouverneur  de  faire 
jouir  de  cette  grâce  quelque  4 utre  pri- 
sonnier à  qui  ce  soulagement  pou- 
vait <  tre  plus  nécessaire.  Le  gouver- 
neur accepta  ce  sacrifice  ,  et  la  pri- 
son de  l'abbé  jMoreliet  se  referma  sur 


MOR 


110 


lui.  L'cfTet  de  ces  petites  persécOlions 
passagères , exercées C'.utre  des  hom- 
mes de  lettres,  ou  de^  }<Iiilobophes  , 
était  presque  toujours  d'a|)p(.:;.'r  sur 
eux  l'attention  ,  d'exciter  l'intérêt  en 
leur  faveur,  queiq^efois  même   de 
les  mctUeà  la  mode.  I/albé  Morel- 
let i'dpiouva  d'une  m.'Miicrc  .sensible  ; 
il  dut  a  ses  deux  mois  de  captivité  , 
un  surcroît    de    considération,  de 
nouveaux  amis ,  et  surtout  un  redou- 
blement d'affection    de  la  part  de 
ceux  qu'il  possédait  déjà.  Pa:mi  les 
sociétés  où  son  zèle  pour  la  philoso- 
phie le  faisait  rechercher ,  il  plaçait 
lui-mêrne  au  premier  rang  celle  du 
baron  d'IlolLacb.  Quoique  la  mai- 
son de  ce  dernier  fût  comme  le  quar 
tier- général  des  esprits  -  forts  {F". 
HoLBACu  ) ,  les  philosophes  théistes 
n'en  étaient  pas  exclus.  IL  s'y  trou- 
vaient même  assez  nombreux,  pour 
tenir  tête  à  leurs   adversaires.  On 
pense  bien  que  l'abbé  Morellet  ne  se 
rangea  point  parmi  les  apôtres  de 
l'atiicisme  ;  il  fut  au   contraire  un 
des  antagonistes  qui  les   embarras- 
saient le  plus  dans  la  discussion.  En 
I  '-G6 ,  a  la  prière  de  Malesherbes  ,  il 
fit  et  pubha  la  traduction  di:  fameux 
Traité  des  delit-^  et  des  peines ,  de 
Beccaria.  Cette  traduction  ,  où  s'est 
conservée  tout  entière  la  chaleur  de 
l'écrivain  oiT^inal,  eut  sept  éditions 
en  six  mois.  Beccaria  s'eiupressa  de 
remercier  J'aLbe  Morellet  d'un  tra- 
va.l  par  lequel  le  sien  était  amélioré. 
«  J'avoue,  lui  écrivait -il,  que  je 
V  dois  tout  aux  livres  français ,  et 
))  surtout  à  mou  tra-luefenr.  »  En 
17G9,  Morellet  conuibiia.  par  des 
écrits  soliiement  r^'isonnés   sur  la 
Coiupapuc  des  Indes,  à  faire  sup- 
primer le  privilège  de  cette  associa- 
tion,dont  les  alTiires  étaient  dans  un 
désordre  tel .  qu'il  devenait  impossi- 
ble de  la  maintenir,  sans  de  graves 


120  MOR 

inconvenieuts.  C/osl  vers  la  fin  de  la 
mènic  année  ,  qu'il  ])ublia  le  Pros- 
pectus d'un  nouveau  Diclionnaire 
de  commerce  i  entreprise  d'une  hau- 
te importance,  qui  l'occupa  vingt 
.tns  entiers  ,  et  qu'il  aljandoiU)a 
ne'anraoins,  non  sans  de  vifs  regrets, 
à  l'époque  où  la  re'volution  éclata. 
L'abljc  Morcllet  a  déclaré  que  l'a- 
bandon de  ce  grand  projet  était  le 
tort  de  sa  vie  lilte'rairc.  De  1770 
à  1789,  il  composa  diffi-rcnts  cciits 
plus  ou  moins  importants.  Ijcs  prin- 
cipaux sont:  la  Béfutation  des  Dia- 
logues sur  le  commerce  des  blés,  de 
l'abljë  Galiani  ;  la  Traduction  des 
Jxecherches  sur  le  style,  de  Beccaria; 
la  Théorie  du  paradoxe  ,  brochure 
pleine  de  sel  et  de  vevA'e ,  dirie;e'e 
contre  Linguet;  V Analyse  de  l'ou- 
irage  sur  la  législation  et  le  com- 
jnerce  des  grains ,  par  INecker;  des 
Observations  sur  la  Virginie^  tra- 
duites de  Jeffeison  ,  etc. ,  etc.  Au  mi- 
lieu de  l'année  1772,  Morcllet  iit  un 
voyage  en  Ajiglctcrre,  avec  la  mis- 
^ioll  d'en  rapporter  au  gouvernement 
quelques  instructions  relatives  au 
tomnicrce.  Il  eut  a  se  féliciter  de  l'ac- 
cueil qu'il  reçut  à  Londres ,  de  lord 
Shelburne,  depuis  marquis  de  L.ms- 
doAvu  ,  dont  il  avait  acquis  l'araitie' 
])endant  un  séjour  de  cet  homme 
d'état  à  Paris.  Ce  fut  chez  lui  qu'il 
connut  Fi'anklin;  et  bientôt  s'établit 
entre  eus  un  commerce  d'estime  et 
d'attachement.  Bîorcllet  eut  aussi 
des  relations  avec  les  membres  les 
plus  distingués  dn  parlement  d'An- 
j^leterre  qui  pensaient  comme  lui  et 
professaient  les  mêmes  doctrines  ])o- 
liliqucs.  Trois  ans  après ,  il  goûta 
la  satisfaction  qu'il  desirait  impa- 
tiemment ,  de  voir,  cà  Ferney ,  cet 
liomme  extraordinaire ,  qui ,  depuis 
cinquante  ans,  lenipUssait  du  bruit 
de  &0»  nom  le  niQiuie  civilise.  Vol- 


MOR 

faire  l'accueillit.  11  aimait  à  trouver 
dans  les  autres  un  peu  de  cette  ma- 
lice dont  il  pétillait  lui-même.  L'ab- 
hé  Morcllet  était  loin  d'en  manquer; 
il  y  joignait  des  connaissances  élen- 
dnes  et  un  zèle  hardi,  que  le  vieux 
philosophe  prisait  encore  davanta- 
ge. Long-temps  auparaA'ant,  Voltaire 
s'était  exprimé  sur  son  compte^  en 
termes  qui  permettent  de  croire  qu'il 
le  regardait  comme  un  des  plus  fer- 
mes auxiliaires  du  parti  philosophi- 
que. On  trouve,  dans  une  de  ses  let- 
tres à  Thiriot,  en  date  du  19  nov. 
17G0  :  «  Embrassez  pour  moil' abbé 
»  Mords-les.  Je  ne  connais  person- 
»  ne  qui  soit  plus  capable  de  rendre 
»  service  à  la  raison.  »  Lié  depuis 
plusieurs  années  avec  Marmontel  , 
qu'illustraient  déjà  des  succès  liué- 
raires  beaucoup  plus  éclatants  que  les 
siens,  l'abbé  Morellet  voulut  resser- 
rer encore  les  liens  de  celte  amitié, 
en  lui  faisant  épouser  une  de  ses 
nièces.  C'est  en  1777  que  ce  mariage 
eut  lieu.  La  nièce  de  Morellet  était 
très-jeune;  et,  malgré  une  dispro- 
portion marquée  dans  l'âge  des  deux 
époux,  IMarmontel  dut  à  celte  union 
le  repos  du  reste  de  sa  vie  et  le  bon- 
heur de  sa  vieillesse  (  F.  Marmon- 
tel). Le  gouvernement  avait  récom- 
pensé plus  d'une  fois  les  travaux  uti- 
les de  i'abbé  Morellet;  mais  le  motif 
d'un  nouveau  bienfait,  qu'il  obtint 
en  1783,  est  trop  honorable  pour 
être  passé  sous  silence.  En  signant 
le  traité  qui  terminait  la  guerre  d'A- 
mérique ,  lord  Shelburne,  placé  ré- 
cemment à  la  Icte  du  cabinet  britan- 
nique, et  qui  s'était  opposé  constam- 
ment à  la  paix,  déclara  que,  si  sa 
manière  franche  de  procéder  dans  le 
cours  des  négociations,  avait  paru 
(ligne  de  l'approbation  du  roi  do 
France  et  de  son  ministère,  le  raé- 
lite  de  ces  dispositions  apj>art(;uait 


MOR 

tiirtont  à  r.tbho  JMoroliot,  dont  Ins 
priiiciprs  et  les  opiiiioiiv  l'avaient 
dirij^c.  Sur  le  coinj)te  tjiic  Veif^ennos 
rendit  à  Loiiis  XVI  de  ce  nt>ljie  te'- 
moignage,  ce  prince  accorda,  sur  les 
fonds  des  économats ,  !\  ooo  francs  de 
pension  à  l'abbe'  Morellet.  Un  hon- 
neur littéraire,  qu'il  semblait  ne  point 
espérer  encore  ,  l'attendait  l'arnée 
suivante.  Il  remplaça  l'al-be' Millot  à 
l'académie  française.  1 /académie  fai- 
sait eu  lui  une  accpiisilion  précieuse. 
Peu  de  ses  confrères  possédaient  au 
même  degré  l'habitude  et  le  talent 
d'analyser  les  idées  ,  de  dédnir  les 
mots,  d'y  attacher  le  sens  qui  leur 
est  propre.  Ce  fut  surtout  dans  ie 
travail  du  Dictiotumirequ'U  dtplova 
le  fruit  de  ses  éludes  sr.r  le  mécanis- 
me et  la  philosophie  des  langues.  Il 
était  alors  ,  cojnme  il  n'a  cossé  d'ê- 
tre à  rinstilut,un  des  coopéra'eurs 
les  plus  éclairés  et  les  plus  laborieux 
de  cet  ouvrage  mile.  Quand  les  pre- 
miers symptômes  de  la  révointion 
se  manifestèrent,  Moreliot,  qui  s'é- 
tait toujours  occupe  de  questions 
d'intérêt  public,  se  trouvait  naturel- 
lemcnt  conduit  à  discuter  celles  dont 
le  gouvernement  lai -même  provo- 
quait et  recommandait  l'examen.  Il 
les  traita  particulièrement,  dans  mie 
correspondance  avec  le  cardinal  de 
Brieune,  d'abord  membre  de  l'as- 
semblée des  notables,  puis  ciief  du 
conseil  des  finances,  et  enfin  princi- 
pal minisire.  Ce  prélat,  dont  iléîaît 
l'ami  depuis  quarante  ans  ,  le  con- 
sultait, l'écoutait  volontiers,  mais  se 
contentait  de  l'écouter.  Il  parait  qu'il 
ne  tint  pas  à  l'abbé  Morellet  que  M. 
deBrienne  n'évitai  un  grand  nombre 
■de  fautes  qui  firent  de  son  ministère 
ime  époque  désastreuse ,  et  qu'au  lieu 
de  tâtonnements ,  de  vues  incomplè- 
tes et  de  petits  moyens  ,  il  n'adoptât 
et  u'eséculât  des  pians  sagement  or- 


MOR  lar 

donnés  et  mieux  appropriés  aux  be- 
soins du  ternj)s.  Vers  la  (in  de  l'jHH. 
quand  la  seconde  assemMée  des  no- 
tables eut  délibéré  sur  la  question  de 
savoir  quelle  forme  on  donnerait  aux 
états-gcnéraux,  l'abbé  Morellet  pu- 
blia des  Observations  sur  la  forme 
des  états  de  \(ji,\.  Cet  écrit,  dans 
lequel  il  défendait  ro|)inion  du  bu- 
reau de  Monsieur  sur  la  double  re- 
présentation du  tiers-état,  fut  bien- 
tôt suivi  d'un  autre,  dont  le  but  était 
le  même,  et  qu'il  intitula  :  Bépunse 
au  Méinoire  des  princes.  L'année 
suivante,  il  en  fit  paraître  deux  nou- 
veaux :  liéjlexionsdu  lendemain. — 
Moyen  de  disposer  utilement  des 
biens  ecclésiastiques.  Dans  le  prr;- 
raier,  il  relevait  le  vice  des  opérations 
i'ailes  sur  les  biens  du  clergé  ;  il  pro- 
posait, dans  le  second,  des  mesures 
d'équité  qui  n'étaient  nullement  du 
goût  des  réformateurs.  Il  perdit,  par 
l'eiret  des  décrets  de  l'assemblée  na- 
tionaic,  un  très-beau  bénéfice,  et  s'en 
consola.  Ghamfort  avait  écrit  (  i  ■jqi  ) 
la  diatribe  la  plus  anit-re  et  la  plus 
perfide  contre  les  corps  académiques, 
cCAï  I J'amencr  l'assemblée  constituan- 
te à  suppr  i:ner  l'académie  française 
dont  ilctait  membre.  L'abbé  Morellet 
répondit  avec  vigueur  à  la  brochure 
de  (  handort,  quoique  celui-ci  n'eût 
pas  manque  de  désigner  d'avance  les 
défenseurs  des  académies  ^  comme 
des  ennemis  de  la  révolution.  (  OEu- 
vres  de  Ghamfort,  t.  i*^'".,  p.  ^43.  ) 
]  1  osa  pareillement  braver  les  fureurs 
du  ])arii  démocratique,  en  attaquant, 
dans  le  Jou  nal  de  Paris,  la  détes- 
tal)]e  doctrine  de  Brissot  sur  la  pro- 
priété. Nommé  directeur  de  l'acadé- 
mie fjançaise,  en  i7<)2,  s'il  ne  put 
la  préserver  de  sa  ruine,  il  empêcha 
du  moins  que  le  vandalisme  n'elFaçàt 
les  traces  de  son  existence  :  il  eut  la 
prudence  hardie  d'emporter  cliczlui 


i-i-i  MOil 

les  archives,  les  regislics ,  les  titres 
fie  cre'aliou  de  cette  comp;igiiic,  et  le 
manuscrit  inciue  du  Dictionnaire. 
Cet  héritage  d'un  corps  illustre  resta 
loug-tcmps  en  dépôt  dans  sa  maison. 
En  iSoT),  il  en  enrichit  la  bil>]iolhè- 
qiie  de  l'Institut ,  où  l'acadëinie  l'a 
retrouve.  Après  une  sanj^lante  et 
longue  tyrannie,  le  <)  thermidor  ar- 
riva. Les  événements  de  cette  jour- 
née menioraLlc  ayant  paru  briser 
les  liens  qui  tenaient  ia  presse  cap- 
tive, l'ahîjé  IMorellet  rompit  le  si- 
lence qu'il  gardait  ilepuis  un  an  sur 
les  afïairos  publiques.  Il  donna  le 
plus  nolde  eiempie  aux  écrivains, 
en  publiant  le  Cri  des  familles ,  ou- 
vrage dans  lequel  il  plaidait  avec 
force  la  cause  des  enfants  et  des 
autres  héritiers  naturels  de  tous  les 
Français  immolés  par  les  tribunaux 
révolutionnaires.  C'est,  d'im  bout  à 
l'autre,  l'élan  d'une  ame  ardente,  que 
l'indignation  soulève.  La  publication 
d'un  pareil  écrit  parut  et  dut  paraî- 
tre à  l'Europe  un  acte  du  plus  géné- 
reux courage;  car  la  tempête  gron- 
dait encore.  Si  Robespierre  n'était 
plus  ,  son  esprit  lui  survivait ,  et  la 
terreur  n'était  qu'à  moitié  désarmée. 
Le  Cri  des  familles  produisit  en 
France  une  impression  remarquable. 
La  voix  énergique  d'un  écrivain  vieil- 
li dans  ces  sortes  de  butes,  soutint, 
enhardit ,  fortifia  l'opinion ,  qui  se 
prononçait  déjà  pour  la  restitution 
des  biens  des  condamnés.  Cette  me- 
sure, long-temps  incertaine,  fut  en- 
fin décrétée  par  la  Convention  ,  qui 
se  vit  forcée  de  céder  à  l'ascendant 
d'un  vœu  devenu  général.  Animé 
par  ce  succès,  l'abbé  Morellct  per- 
sista sans  relâche  à  combattre  les 
violences  révolutionnaires  ,  à  sollici- 
ter les  réparations  dues  à  l'humani- 
té. Au  Cri  des  familles  succéda  la 
Cause  des  pères,  plaidoyer  en  faveur 


MGR 

des  pères  et  mères,  aieuls  et  a'ieules 
des  émigrés  atteints  par  diverses  lois 
cruelles.  D'autres  écrits  du  même 
genre,  sortis  presque  à-la-fois  de  sa 
plume  courageuse,  attestèrent  tout 
ce  que  son  ame  conservait  de  cha- 
leur, et  son  esprit  d'activité;  ils  por- 
tent les  titres  suivants  :  Supplément 
à  In  Cause  des  pères  ;  —  Nouvelles 
réclamations  ;  —  Dernière  défende; 

—  ^^ppel  à  l'opinion  publiijue  ;  — 
Discussion  du  rapport  fait  par  le 
rcpre.sentanl  yludonin.  Do  toutes  les 
pensions  de  l'abbé Morelht,  il  nelui 
restait,  eu  1797,  qu'environ  l'^oo 
francs  de  rente ,  en  inscriptions  sur 
îe  grand-livre.  Le  besoin  de  se  créer 
des  ressources  ,  et  de  faire  vivre  sa 
sœur,  le  jeta  dans  une  carrière  nou- 
velle. Il  se  mit  à  traduire  ,  de  l'an- 
glais ,  des  vovages  et  des  romans  ; 
on  ne  lisait  guère  alors  d'autres  ou- 
vrages. Il  traduisit:  V Italien,  ou  le 
Confessionnal  des  Pénitents  noirs; 

—  Les  Enjants  de  V abbaye  ;  — 
Clermont;  —  Phédora  ;  —  Cons- 
tanlinople  ancienne  etmoderne ;  — 
le  troisième  volume  du  Forage  de 
T'ancouver;  —  les  livres  ix  et  x  de 
Y  Histoire  d' Amérique  ,  de  Robert- 
son.  Toutes  ces  traductions ,  formant 
ensemble  plus  de  vingt  volumes  , 
dont  un  iu-4°. ,  furent  faites  et  pu- 
bliées de  1797  à  1800.  Cette  oc- 
cupation, qt:e  ses  travaux  antérieurs 
devaient  lui  rendre  fastidieuse ,  il 
ne  l'interrompit  \m  moment  ,  que 
pour  flétrir,  dans  un  écrit  plein  d'é- 
nergie ,  l'horrib'e  Loi  des  Ota- 
g;es ,  porlée  le  i-i  juillet  1799.  H 
eut  encore  cette  fois  à  se  féliciter 
d'avoir  impmiément  bravé  le  parti 
des  révolutionnaires.  Lors  de  la  créa- 
tion de  l'Institut,  en  l'an  iv  (179G), 
il  n'en  fit  point  partie  ;  ce  ne  fut 
qu'à  la  nouvelle  organisation  ,  en 
1 8o3 ,  qu'il  y  fut  appelé  ainsi  que  ses 


]\10R 

anciens  confrères  à  racaclciiiii:  fran- 
çaise ,  un  seul  excopte  (  V .  JMavby  , 
XXVll,  573,  à  la  note).  Il  fnt 
compris  dans  la  classe  de  la  lanj^uc 
et  de  la  littérature  fraucMises ,  et 
nomme  secrétaire  de  la  commission 
du  Dictionnaire.  En  1S07.  il  fiit  ap- 
pelé au  corps  législatif.  Une  consti- 
tution sint^ulicrenient  forte  ,  tpi'tni 
travail  eonsf;int  n'avait  point  altérée, 
le  défendait  des  inliniiilés  do  Xà\^c. 
Le  goût  qu'il  avait  toujours  eu  pour 
la  musique  ,  était  devenu  plo.^  vif 
dans  sa  vieillesse.  Il  s'amusait  à 
composer  des  vers,  et  particulière- 
ment des  chansons.  Ces  petites  piè- 
ces,  dont  quelques-unes  ont  ètè  pu- 
blic'es ,  se  font  presque  toutes  re- 
marquer par  un  mèlaijge  de  grâce, 
de  (inesse  et  de  simplicité  ,  qu'il  ne 
porta  dans  aucun  autre  genre  de 
composition.  Une  chute  qu'il  fit  en 
181 5,  à  l'âge  de  quatre  -  vingt-  huit 
ans  ,  et  qui  lui  brisa  le  fémur  ,  le 
laissa  dans  un  état  d'iuimobiiite  sans 
remède  et  sans  espérance.  Calme ,  se- 
rein et  résigne',  il  ne  parut  sentir 
que  la  douleur  des  siens.  Cet  accident 
ne  changea  rien  à  l'oidre  de  ses  (ra- 
A'aux  habituels.  Il  sut  même  proHter 
de  la  vie  sédentaire  à  laquelle  il  était 
condamné,  pour  choisir ,  dans  ses 
ouvrages  inédits  et  dans  ceux  qui 
avaient  déjà  paru,  les  écrit--  qu'il  ju- 
geait le  pi.  s  dignes  de  fixer  l'attention 
du  public;  et ,  en  1818  ,  il  publia 
quatre  volumes  in-8^. ,  sous  le  litre 
de  Mélanges  de  lillérature  et  de  phi- 
losophie du  dix-hnilièine  iiècle  (  )  ). 


(i^  Le  i^T^  volume  renfenn--  l;s  discours  acadé- 
iniqiies  do  l'auteur  ,  y  roiopris  \'TiU>j^e  de  Iflarnion- 
tel ,  et  la  ret'ufatiou  de  Clmmtort.  Le  ?.<>.  ,  tout 
eulier  poleninjue  ,  cnulient  des  iiLstrviiliuiis  sur  des 
e^crils  lexiioli'giques  dir'i;és  cuiilrc  l'a<  adriiiif  ;  li  s  Xi 
et  les  poiin/iioi ,  )icrsiffl,ij;e  couhe  Poinpiguan  .  la 
yisian  de  Paliisot  ,  iX  la  critique  des  ouvrages  de 
Liiiguet  et  de  M.  de  Chateaubriand.  Des  rcflexious  sur 
la  liberté  de  la  presse  ,  sur  les  droits  politiques  à 
Atheucs  et  à  Kome  ,  uu  Tableau  de  la  comuiuue  de 


IVIOÎI  mZ 

Il  ne  faut  cheichcr  dans  les  ouvra- 
ges de  l'abbé  Murellet,  ni  réiégance 
ni  l'agréiuent  d'un  écrivain  (pii  songe 
à  plaii  e. Incapabled'éprouveraucunc 
s('duclion,  on  irait  qu'il  n'en  veut 
exercer  aucune  sur  l'esprit  de  ses 
lecteurs.  Sa  force  la  plus  sûre  était 
dans  une  raison  puissante;  il  veut 
convaincre,  et  n'a  point  d'autre  but. 
Aussi  négligeait-il  presque  toujours, 
et  comme  à  dessein ,  les  ressources 
de  l'iinaginalion ,  les  combinaisons 
du  style  et  les  autres  artifices  du  langa- 
ge. Souvent  même  il  n'est  pas  exempt 
d'une  sorte  de  rudesse,  qui  lient  à  la 
nature  des  malièies  qu'il  avait  trai- 
tées pendant  une  longue  partie  de 
sa  vie ,  et  à  l'habitude  d'une  dialecti- 


Paiis  en  I7Ç)3  ,  l'Avis  de  Franklin  aux  fai.seurs  de 
conslituliuii  ,  uu  extroil  du  .«ernjon  de  Swift  pour 
l'auuiier^aire  de  la  uiiirt  de  Charles  le'.  ,  dis  obscr- 
vatious  sur  Us  mois  souverain  ,  sujet  ,  propriété  , 
remplissent  le  3e.  viil.  Dans  le  t^'.  s  lit  réuu!»  de 
courts  fragnipuls  puliliqu -s,  uu'- apuVigie  de  la  phi- 
losophie acruSL'c  de  la  révolution  »  des  Bemartjues 
pliilosopliiiiues  sur  le  mol  ON  ,  le  T-eî^s  d'un  père  à 
se^  filles ,  frad  de  Grtgnry  ,  uu  Essai  sur  la  couver- 
salion  ,  d'après  Swift.  En  dissipant  aiusi  sau  talent 
eu  opuscules ,  Morellct  s'attira  ces  deux  vers  de 
Chênier  ; 

Et  ce  hiin  Mnrellet ,  qui  toujours  se  repose  , 
Enfant  de  su.xaute  ans,  qui  promet  quelque  chose. 

Parint  hs  autres  morceaux  sortis  de  la  plume  de 
Morellet  ,  nous  citerons  ses  articles  de  métaphysique 
et  de  ihmil.jgie  daus  l'£nc^  r/iy/éi/ie  ;  les  Réjiexioiit 
sur  les ptépiiiés  i/ui  s'opposent  au  propres  de  l'irio- 
culaliun  en  France  ,  Ira  I.  de  Galli  ,  17(14  ,  iu-40.  j 
uu  elose  de  M""^.  GeuUi-iu  /rf  uni  à  ceux  de  d'AIem- 
berl  cl  de  Thomas  ,  18  iS  .  iu-ïo.  ^  J'oi .  d  autres  in- 
dications dans  1>'  Dicl.  des  aironrmes.  )  Suard  a 
insère  quelques  morceaux  de  IVloretiet  dans  ses  iJ/c- 
lart^e*;  ,  et  lui  a  cnipruute  des  noies  sur  Vauveuar- 
gués.  Morellet  a  encore  eu  p..rl  au  Publicisle  ,  aux 
ylrrlûves  littéraires  ;  et  il  y  a  de  lui  nue  excclli  nte 
dissertation  sur  les  étymolo;;ies  da:  s  le  Mercure  de 
l'an  VIII.  Ses  Mémoires  ,  qui  sont  sur  le  point  dp 
paraître  en  2  vol.  iii-fio,  ^pt  dont  ou  a  fait  usage  pour  la 
rcd.ïcti^ju  de  cet  article,  rmbrass*  ut  toute  la  dernière 
moitié  nu  XVIIie.  siècle  .  et  ne  s'arrêtent  qu  à  I.1  lin 
du  consulat  de  Biionaparte.  Ils  soûl  riches  en  iiouis- 
propres  ;  c'est  une  suite  de  p  rlraits  des  peisoilnages 
marquants  du  parti  p':ilosophi(jue  ,  et  d'aperçus  re- 
latifs aux  ti-avaux  littéraires  de  l'auteur  ,  et  à  quel- 
ques écrits  politiques  coiitemporitins.  Il  s'y  lijèle  des 
lettres  iuédites  de  Maleslierlies,  Labarpe  ,  Raynal  , 
Thomas  ,  Chamfort ,  etc.  On  a  quelqm  fois  attribue  à 
l'ahbé  Morelie'  V/Cxanien  crit  </ue  dfs  npologistcs  de 
la  rclii;,iin  rhiétientie  f-'.  BUIUGNY  ,  VI  ,  3li)  ): 
M.  Karbier  s'est  ettljrce  de  détruire  cette  iiiiputalion  , 
dans  sou  JOicttonn,  des  anonymes  ^  irc,  (dit.,  tome 
IV,  pag.  II  etsuiv.  P — T. 


r.,i 


RIOR 


qiiepressanlect  serrée.  Mais  il  a  pres- 
que toutes  les  qualités  d'un  tspiit 
ciniuciiimeiU  juste,  et  toute  la  clarté 
d'un  écrivain  qui  s'cnfcnd  ft  veut  être 
entendu.  Quelquefois  il  renferme  les 
leçons  de  la  murale  dans  nn  cadre 
ingénieux;  et,  au  milieu  d'une  dis- 
cussion raisoiinée,  il  a  recours  à  l'i- 
ronie socratique  ,  arme  délicate  à 
manier,  et  dont  la  vérité  peut  se  ser- 
vir avec  avantage.  L'abbé  Morellet 
aimait  le  monde.  Sa  conversation 
était  vive,  et  devenait  quelquefois 
Vassionnée  :  on  y  trouvait  toutes  les 
ressources  cl  une  instruction  aussi 
substantielle  que  variée.  Peut-être 
portait-il  trop  souvent ,  dans  la  dis- 
cussion ,  la  persévérance  obstinée 
d'un  es])rit  fortement  convaincu.  On 
le  voyait  toujours  ]>rét  à  s'indigner 
de  ce  qui  lui  semblait  déraisonnable; 
prisant  assez  peu  ce  qu'on  appelle  es- 
prit, mais  frappé  du  bon-sens  chez  les 
autres ,  comme  d'un  point  de  contact 
avec  lui.  Quoique  sa  conviction  ne 
fédàt  jamais  à  une  autre  autorité 
que  celle  de  la  raison,  il  ne  manquait 
cependant  ni  d'indulgence  dans  le 
caractère,  ni  de  douceur  el  de  faci- 
lité dans  le  commerce  habituel  de  la 
vie.  Il  croyait  avec  beaucoup  de  pei- 
ne et  de  répugnance  aux  actions  blâ- 
mables ,  aux  mauvaises  intentions. 
Tout  ce  qui  est  ma!  lui  paraissait  ab- 
surde ,  et  l'absurde  lui  semblait  pres- 
que impossible.  L'abbé  Morellet  est 
mort  le  i-i  janvier  1819,  entouré 
d'une  famille  qui  le  chérissait.  M. 
Lémontey  lui  a  succédé  à  l'académie 
française.  C — p — x. 

MORELLI  (  Marie-MadelÈne  ), 
célèbre  improvisatrice  ,  naquit  à 
Pistoie  ,  en  l'^-iS.  Les  séductions  de 
la  poésie  remplirent  sa  jeunesse  ;  et 
ses  talents  éprouvés  lui  ouvrirent  ,  à 
Rome, les  portes  de  l'a^'adémic  des 
Arcatlieus  ,  où  elle  prit  le  nom  de 


MOR 

Corilla  Oljmpica ,  sous  lequel  on  la 
désigne  communéinenl.  Elle  faisait 
preuve  delà  fécondité,  ou  j-.lutôtdc 
la  flexibiliiéd'imagination  la  plus  re 
marqual^le ,  lorsqu'on  lui  proposait 
on  public  un  sujet  de  poésie  à  traiter 
sans  préparation.  On  la  vit  quelqr.e- 
fois ,  maniant  avec  une  ingénieuse 
viAacité  la  langue  italienne  ,  com- 
poser d'inspiration  des  tirades  con- 
sidérables ,  et  jusqu'à  des  scènes  en- 
tières de  tragédie.  Sa  réputalicn 
littéraire  lui  fit  décerner  le  ti  iomphe 
qui  avait  honoré  Pétrarque,  et  dont 
le  Tasse  ne  put  jouir.  Le  3i  août 
1  "^66  ,  elle  reçut  au  Capitole  la  cou- 
ronne de  laurier.  Pasquin  protesta, 
par  de  nombreux  sarcasmes ,  contre 
cet  hommage  solennel  ;  et  ces  sar- 
casmes trouvèrent  tant  d'échos,  que 
l'abl)é  Pizzi  qui ,  en  sa  qualité  de  di- 
recteur de  r  Aroadie  ,  avait  présidé  à 
cette  fête  poétique  ,  disait  en  riant  , 
que  le  couronnement  de  Corilla  était 
devenu  pour  lui  le  couronnement 
d'épines.  La  verve  de  Corilla  s'étei- 
gnit avant  le  temps;  elle  n'était  pas 
encore  sexagénaire,  qu'on  la  vit 
presque  réduite  à  se  faire  honneur 
des  sonnets  qu'elle  avait  autrefois 
confiés  au  papier.  Elle  mourut  à 
Florence,  d'une  att.ique  d'apoplexie, 
le  8  novembre  1800.  Bodoni  a  pu- 
blié, dans  un  recueil  intitulé  :  ^c- 
tes  du  couronnement  de  Corilla , 
les  pièces  composées  à  cette  occa- 
sion. F — T. 

MORELLI  (  Jacques),  célèbre bi- 
bliotheVairede  Saint- Marc,  à  Venise, 
naquit  dins  cette  ville,  le  i4  avril 
174  5-  Son  père  ,  né  à  Lugano  ,  avait 
l'emploi  de proto-muratore.  Morelli 
fît  ses  piemicres  éludes  dans  une 
école  que  timait  le  prêtre  Frédéric 
Testa  ,  qui ,  quoique  élève  des  Jésui- 
tes, était  peu  versé  dans  les  lettres 
latines  cl  italiennes  :  il  avait  cepen- 


MOR 

(laM  la  manie  des  vers  cl  de  la  miisi- 
qiio,  et  il  tàclia  vainement  de  l'aire 
de;  IMorclli  un  poetante  et  iiii  canlo- 
ra.  Le  niaîtie-d'ecole,  ayant  obtenu 
Tinc  cure,  congédia  ses  «lèves.  INIi)- 
relli,  qui  port.iit  déjà  l'Iiahit  cleii- 
cal  ,  piit  le  j:i;oût  des  études  solides  , 
au  couvent  des  Dominicains  ,  où  il 
fréquentait  les  deux,  frères  Concina, 
dont  l'un  professa  depuis  avec  suc- 
cès la  mctapliysique  à  l'université 
de  Padoue  ;  Patnzzi,  que  ses  lettres  , 
j)uljlicessous  le  nom  d' Eiiselno  Era- 
iiiste  ont  fait  appeler  le  Pascal  de 
V Italie;  Coutarini,  Valsecchi,  et  Me- 
negatti,  ami  d'Apostolo  Zeno.Co  fut 
vers  cette  époque  qu'ayant  acheté  à 
vil  prix,  doux  gros  volumes  manus- 
crits de  lettres  de  Françui»^  Barbaro  , 
qui  avaient  appartenu  au  cardinal 
Qîiirini,  il  les  conlVcnta  avec  les 
deux  volumes  impriniés  des  épîtres 
du  même  Barba ro.  f.,es  manuscrits 
contenaient  un  assez  grand  nombre 
de  lettres  inédites,  et  offraient  sou- 
vent, dans  les  autres,  un  texte  plus 
exact  et  de  meilleures  leçons.  On 
doit  regretter  qu'il  n'ait  point  donné 
une  nouvelle  éditiou  des  lettres  de 
Barbaro  (  i  ),  Morelli  rechercha  et  ob- 
tint l'amitié  du  savant  dominicain  de 
Ruijcis ,  connu  par  un  grand  nombre 
d'ouvrages  :  introduit  par  ce  bon  re- 
ligieux dans  la  bibliothèque  Zeniana 
(  d'Apostolo  Zeno  )  ,  dont  les  prin- 
cipales richesses  ont  enrichi  depuis 
la  bibliothèque  Murciana  (de Saint- 
Marc  ) ,  il  se  vit ,  avec  joie  ,  comme 
au  centre  de  ses  goûts.  Il  venait  d'être 
admis  au  sacerdoce  ;  mais  son  court 
service  <lans  une  église  à  laquelle  il 
s'était  attaché,  lui  laissait  uii  temps 
considérable  ,  qu'il  consacrait  aux 
travaux   littéraires.  Rubeis   dirigea 

(l)  Oun'.iqur?  l'édition  inooiiiplèle  imblie»'  jiar  le 
cnriiinal  Qiiirini ,  lîrescia,  i7sJ,  »  vijl,  iu-^".  (^  ^'. 
railicls  liAtlUlnO.  ) 


MOR  i:o 

ses  premiers  pas  avec  tine  affection 
particulière.  Morelli  devint  un  cri- 
tique habile ,   un  bon  archéologue, 
et  ,se  rendit  familière  l'histoire  de 
tous  les  peuples ,  celle  des  sciences 
et  des  arts.  Rubeis  mourut  en  t'J'jS; 
et  dans  ses  derniers  moments,  il  ne 
cessait  de  nommer,  d'appeicr  Mo- 
relli.   Mais  cet   élève  si    cher   bu- 
tait lui-même  alors  contre  une  ma- 
ladie grave,  née  d'une  élude  immo- 
dérée. La  douleur  qu'il  ressentit  à  la 
nouvelle   de   la  juort  de  son  maître 
et  de  son  ami,  ne  fut  "ni  stérile  ,  ni 
passagère  :  il  le  regretta  toujours , 
et  le  loua  souvent  dans  ses  ouvrages, 
principalement  dans  les  préfaces  des 
deux  catalogues  des  manuscrits  la- 
tins   et    italiens  de  la    bibliothèque 
Naniana.  Rien  ne  pouvant  plus  dé- 
sormais   ralentir    ni    assouvir   sou 
ardeur  pour  l'histoire  littér.nre  ,  il 
passait  sa  vie  dans  Icsbibliolhèciues 
de  V'enise.  Celles  des  religieux  S.t- 
masqucs  ,  du  couvent  Délia  Viçjna, 
de  Saint-Michel  in  Miirano  ,  étaient 
souvent  visitées  :  partout  il   faisait 
des    extraits    ou    des   copies   d'une 
foule  de   manuscrits.   Il  convers.iit 
souvent    avec   les    bibliothécaires  , 
avec  les  moines  les  phisérudils;  et 
causer  était  pour  lui  synonyme  de 
s'instruire.  Lorsqu'en   i3o6  les  bi- 
bliothèques des  séculiers  et  des  régu- 
liers ,  dans  Venise  ,  furent  détruites 
et  dispersées,  Morelli  acheta  tout  ce 
qu'il  put  de  manuscrits  et  de  livres 
rares.  Le  bail'i  Tommaso  Far.setti , 
qui  avait  les  mêmes  goûts, avait  re- 
cherché   son   amitié  ;  et  leur  liai- 
son devint   si    intime ,    ((ii'ils    ne 
pouvaient  plus  vivre  séparés  l'un  de 
l'autre.  C'est  pour  complaire  à  Far- 
selti,  autant  que  piiir  se  livrer  à  ses 
propres  goûts,  (pie  Morelli   écrivit 
la  Vie  de  deux  «!e  ses  ancêtres  (  An- 
toine-François etMaiici-Nicolas  Far- 


ïiG 


IMOR 


setti),   imprimée  eu  1778;  et  qu'il 
publia  ,  de  1 77G  à  1 788  ,  quatre  (]a- 
talof^ucs  raisonuc's  des  diverses  par- 
tics  de  la  bibliotiièquc  de  son  ami. 
H  ne  serait  peut  -  être  jamais  sorli 
de  Venise ,   s'il  eût  pn   eonscntir  à 
vivre  éloigné  de  celui  qu'il  appelait 
toujours  son  caro  balï   (  sou  cher 
baiili  ).  11  le  suivait  donc  àPadoue, 
à  Vicencc,  à  Vérone  :  mais  il  n'alla 
jamais    plus   loin    que   Milan  ;   et , 
dans  les  dernières  aimées  de  sa  vie, 
il  entrait  en  sueur  si  on  lui  proposait 
de  s'absenter  de  Venise  ,  même  pour 
quelques  jours.  Il  s'était  lié  ,  à  Pa- 
doue,  avec  l'abbé  Brnnacci,  zélé  nii- 
raismale,  avec  l'abbé  Gcnnari ,  aussi 
aimable  littérateur  qu'ériidit   habi- 
le et  profond;   avec  le  comte  Bor- 
romeo,  qui  le  pria  de  revoir  et  de 
corriger  sa  curieuse  notice  des  No- 
velUere  italiani ,  qui  a  eu  trois  édi- 
tions. Depuis  long- temps    Farsctti 
desirait  que   son  ami  pût   devenir 
garde  de  la  bibliothèque  de  Saint- 
Marc  ;   il  lui  conseilla   d'écrire  un 
ouvrage  sur  la    3Iarciaiia.    Après 
avoir   d'abord  craint  d'affliger,  en 
excitant  sa  jalousie ,   le  garde  Za- 
netti,  qui  avait  publié,  en  1740  et 
17 41,  les  Catalogues  des  manuscrits 
grecs,  latins   et  italiens  de  cette  bi- 
bliothèque, en  '1  vol.  in-fol. ,  Morelli 
se  laissa  vaincre  aux  instances  de  son 
ami,  et  fit  imprimer,  en  1774?  sa 
Dissertazlone  storica  deJla  piibli- 
ca  libreria  di  S.  Marco.  Quatre  ans 
après  ,  Zanetti  mourut  (1778),  lais- 
sant un  frère  qui  se  présenta  pour  le 
remplacer.    Celui-ci   était    protégé 
par   le   procurateur    Coutarini  ,    et 
même  par  le  sénateur  Grimani  ,    à 
qui  Morelli  avait  dédié  sa  disser- 
tation.   IMais    le    bailli     Farsctti  , 
aidé  du  réformateur  Pierre  lîarba- 
rigo  ,    réussit  à  faire  nommer  Mo- 
relli; et  ce  choix  obtint  l'approba- 


MOR 

tion  générale.  Beltinelli  dit  à  ce  sujet  : 
«  Un  ancien  ,  en  liabit  moderne  ,  ne 
»  pouvait  être  mieux  placé  que  dans 
»  celte  diustre  bsbiiotlièquc  (  i  ).  »  11 
serait  dillieile  de  dire  tout  ce  qu'a 
fait  Moieili  pour  lui  donner  plus 
de  richesse,  plus  d'ordre  et  plus 
d'éclat.  Il  fit  augmenter  le  nombre 
des  salles  ;  il  obtint  qu'on  y  trans- 
portât les  manuscrits  littéraires  qui 
é;aient  conservés  dans  les  archives 
secrètes  du  con>eil  des  Dix.  C'est 
par  ses  soins  que  le  fécond  Arnaldi 
l'enrichit  de  ses  longs  travaux  sur 
les  œuvres  de  WolH";  le  cavaher 
Ziistinian,  de  tous  ses  livres  ;  le  ca- 
valier Zani ,  de  ses  manuscrits  en 
diverses  langues;  Farsctti,  de  plu- 
sieurs objets  précieux;  le  cavalier  Zu- 
lian  ,  de  ses  riches  antiquités  ;  Mo- 
lin  .  de  sa  bibliothè(iîie  et  de  ses  mé- 
dailles. Morelli  connaissait  tout  ce 
que  contenaient  de  rare  les  biblio- 
thèques particulières  de  Venise;  et 
lorsqu'elles  étaient  mises  en  vente  , 
il  achetait  tout  ce  qui  méritait  de 
trouver  place  dans  celle  de  Sain;- 
Maic.  On  entreprendrait  en  vain 
de  peindre  sa  douleur ,  lorsqu'cii 
1797,  et  à  d'autres  époques  posté- 
rieures ,  il  se  vit  contraint  de  livrer, 
pour  cire  transportés  en  France ,  un 
grand  nombre  d'ouvrages  imprimés 
et  manuscrits  ,  lui  qui  frémissait  à 
l'idée  de  prêter,  pour  peu  de  temps , 
quelque  livre  rare  du  dépôt  confié  à 
sa  garde  ;  lui  ,  qui  parlait  souvent 
de  la  joie  extrême  qu'il  avait  éprou- 
vée (  1789  ),  en  obtenant  du  sénat  , 
que  ce  fût  à  Venise  ,  et  non  ail- 
leurs, que  serait  faite  la  copie,  de- 
mandée par  Louis  XVI,  de  deux 
manuscrits  des  Assises  et  bons  usai- 
ges  du  royaidine  de  Hierusalem. 

(t^  Uomo  anticoin  nbilo  e  in  i-ollo  morlenw  ,  «./, 
per  tlir  liillo  ,  rie^no  di  r/uellu  sl'Uuslit  bil/tiol<  ck. 
(^  Letlcrc  Si-.lb  belle  arti.  ; 


l^Forclli  revit  avec  soin  celle  copie, 
pour  s'assurer  de  sa  fidelile;  el  le  mo- 
narque français  lui  en  tcmoigua  sa 
salist'action  par  une  leflrc  graciouso, 
accompagnée  d'iuie  nie'daille  d'or. 
Mais,  dans  le  même  tcînps  où  i^fo- 
lelli  dc'piorait  la  perte  des  livres  im- 
])riiues  et  manuscrits  cpie  venait  de 
iairc  [il  Marciana  ^  il  a]iprit  (pic 
cette  bibliothèque  allait  elle-même 
être  transférée  au  palais  Ait  ducale, 
dans  la  vaste  salle  du  grand- con- 
seil. Il  fondit  en  larmes  ,  s'évanouit; 
et  l'on  put  craindre  que  la  nouvelle 
de  ce  déplacement  ne  lui  coûtât  la 
vie.  Heureusement ,  le  baron  Galva- 
gna  ,  alors  préfet  de  l'Adriatique ,  et 
depuis  conseiller  aulique  de  l'empe- 
reur d'Autriche  ,  ranima  les  forces 
et  le  courage  de  Morelli,  en  lui  pro- 
mettant d'employer  tous  ses  soins 
pour  que  cette  translation  se  fit  avec 
ordre  et  sans  aucune  perte.  Otte  im- 
mense quantité  de  livres,  de  statues  , 
de  bustes,  de  monuments,  fut  en  elfet 
enlevée  et  replacée  sans  dommage 
et  sans  confusion.  Un  jour  que  Mo- 
relli assistait  au  dîner  du  vice-roi 
d'Italie,  un  des  principaux  person- 
nages de  cette  cour ,  lui  demanda 
si,  placé  au  milieu  de  tant  de  ri- 
chesses, il  pouvait  dire  quels  seraient 
les  douze  volumes  qu'il  choisirait, 
nu  cas  où  il  lui  serait  permis  de  les 
emporter.^  «Excusez-moi,  répondit 
»  Morelli,  je  ne  puis,  en  ce  moment 
»  de  bonheur,  fatiguer  matcte  d'une 
»  question  si  dilucile.  —  Bien!  s'é- 
1)  cria  le  prince  Eugène,  bien  Mo- 
»  rcllil  il  ne  faut  jamais  faire  con- 
»  naître,  en  les  dévoilant,  tons  les 
»  attraits  de  sa  maîtresse.  »  La  bi- 
bliothèque de  Saint-Marc  était,  en 
eftet,  la  maîtresse  àe  Morelli:  elle 
occupait  toutes  ses  pensées;  il  en  par- 
lait à  toute  occasion,  et  terminait 
tous  ses  discoiu's  par  l'éloge  qu'il  en 


MOR  17-7 

faisait.  Si,  parfois,  il  entendait  don- 
ner la  préférence  a  une  autre  bi- 
bliothèque, il  paraissait  soulTrir,  et 
mumunait  entre  ses  dents  :  Si,  si... 
m.n,  ma... —  Les  travaux  littéraires 
de  cesa\antsont  si  considérables, 
qu'il  serait  trop  long  de  les  exami- 
ner en  détail  :  un  coup-d'œil  géné- 
ral suffira  pour  les  apprécier.  En 
1785,  il  publia  sa  version  latine  de 
rt)raisoii  d'Aristide  conlie  Leptinr; 
de  la  D('c!amation  de  Libanius  pour 
Socrale,  et  des  Fragments  du  second 
1  i v  re  d  es  Eléments  harin  oniques  d' A- 
ristoxène ,  d'après  des  manuscrits 
grecs  où  personne  ne  les  avait  dé- 
couverts.L'Oraison  d'Aristide,  qu'on 
croyait  perdue ,  n'avait  ni  titre,  ni 
fin,  ni  nom  d'auteur.  La  Déclama- 
tion de  Libanius  avait  échaj)pé  aux 
regards  de  Zanelti  et  dcBongiovanni, 
quand  ils  décrivirent,  dans  la  Grœca 
D.  Marci  Bibliotheca,  le  manuscrit 
où  elle  était  contenue.  Morelli  trouva 
les  fragments  des  Eléments  harmo- 
niques, dans  un  autre  manuscrit ,  où 
étaient  réunis  divers  écrits  déjà  pu- 
bliés d'Euclide ,  de  Bacchius,  d'A- 
lipe  et  d'Aristoxène.  Il  ûdlail  tonte 
la  sagacité,  tonte  la  patience  du  sa- 
vant bibliothécaire, pour  rétablir  et 
fixer  le  texte  d'Aristide  :  il  y  a  joint 
des  notes,  sans  les  jirodiguer,  parce 
qu'il  n'aimait  point  la  pompe  d'une 
érudition  inutile.  Une  des  plus  im- 
portantes publications  de  Morelli  est 
celle  des  Fragments  de  Dion  Cassius 
sur  l'histoire  romaine,  avec  de  nou- 
velles leçons  (  1^98  ).  Ses  Lettres  sur 
une  nouvelle  version  grecque  de  quel- 
ques livres  du  Vieux-Testament;  sur 
un  manuscrit  de  l'Histoire  des  ani- 
maux, par  Aristote;  sur  une  version 
latine  du  Phédon;  sur  une  inscrip- 
tion grecque  du  Musée  Grimani  ;  sur 
les  comincuîaires  grecs  de  David  . 
philosophe  arniénii'u  ,    conoeruai'.î 


j'i8 


MOR 


les  Catégories  d'Arisfotc;  sur  les 
manuscrits  vciii'ifns  d'lJ('siodc;  sur 
les  statues  décrites  j)ar  Ca.'listratc, 
forment ,  avec  la  traduction  des  rc- 
5»lcments  de  l'acadeinic  Aldine  (  F. 
FoRTE<;utRRi  ,  XV,  ugS  ; ,  et  avec 
le  toine  premier  (le  2*^.  n"a  point 
paru  )  tics  Manuscrits  de  ia  biLlio- 
thèque  de  Saint-Marc  [  1802  ),  qui 
contient  l'examen  et  ia  collation  de 
260  manuscrits  ^recs  avec  les  meil- 
leures éditions  ,  l'importante  série 
des  travaux,  helléniques  de  xAIurcili, 
Les  services  qu'i'  a  rendus  aux  leltros 
latines  ne  sont  pas  moins  recomman- 
dables  :  il  sullit  de  citer  sa  notice 
sur  l'ouvrage  à  peine  connu  de  Cl. 
Ptoléme'e  ,  De  coriuptis  veibiijuris 
civilis  ;  sa  lettre  sur  deux  éditions 
ignorées  de  Tiijulle  et  de  Claudien  ; 
d'autres  lettres  où  il  prouve  que  la 
tragédie  de  Terée,  qu'on  attribuait 
à  L.  Varius,  n'est  autre  chose  que  !a 
ProgJié  du  vénitien  Gregorio  Cor- 
raro;  ses  éditions  de  quelques  poésies 
très-rares  d'Aide -Pie  ÎNIanuce  ,  et 
des  poésies  latines  de  Jean  Cotta  ;  sa 
lettre  sur  deux  inscriptions  antiques 
de  la  ville  de  Salone  ,  etc.  Lorsque 
Pie  VI  fit  donner,  par  le  P.  Bruni  , 
une  édition  des  œuvres  de  St.  M  xi- 
lue  de  Turin  (  i-^S/fiin-fol.),  Moiclli 
envoya  à  Rome  cinq  sermons  inédits 
de  ce  saint,  dont  trois  étaient  extraits 
de  la  bibliothèque  ^Marcienne,  dcnx 
de  celle  du  chapitre  de  Padoue;  et  il  y 
joignit  un  grand  nombre  de  correc- 
tions pour  le  texte  des  autres  ser- 
mons. Le  pape  lui  écrivit  pour  le 
remercier;  et  le  P.  Bruni  consigna  , 
dans  sa  préface,  les  obligations  qu'il 
lui  avait.  Les  autres  ouvrages, en  la- 
tin ,  de  Morelli ,  sont  ses  deux  Cata- 
logues des  bibliothèques  Nani  et  Pi- 
iielii  (  1776  et  17H7  ).  Au  milieu 
de  ses  vastes  occupations ,  il  ne  né- 
gligeait point  la  langue  italienne  :  il 


MOR 

avait  fait  un  nombre  prodigieux  de 
notes  et  d'obserA'alions  sur  le  dic- 
tionnaire de  l'académie  dclla  Crus- 
ca.  IlaidaBravetti  jiourson  ouvrage 
intifulé  :  Indice  de"  libri  a  stampa 
cniiie  Tesd  di  lingua.  Il  donna  'inc 
excellente  édition  de  l'Histoire  de 
Venise  ,  par  le  cardinal  Bembo  : 
c'est,  de  tous  ses  travaux  littérai- 
res, celui  qui  lui  coîita  h  plus  de 
temps  et  de  fatigues.  Il  eut  la  pa- 
tience decopier  le  niannscrit  original 
de  la  version  italienne  de  cet  ouvia- 
ge,  faite  par  l'auteur  lui-même,  et 
qui  était  '  ans  les  archiA'es  du  conseil 
des  Dix.  Ou  doit  à  Morelli  de  bonnes 
éditions  :  i'*.  des  Poésies  de  Pétrar- 
que; 2"^. des  Lettres  d'Aposlolo  Ztno; 
3"^.  des  Lettres  familières  de  l'abbé 
Lastesio  ,  etc.  Il  mit  au  jour  des 
stances  inédites  de  Srozzi  Sopra  la 
rahhia  di  3Jacrme  ;  des  stances  pa- 
reillement inédites  d'Antonio  de 
P.izzi  et  du  Tasse  ;  une  lettre  excès-  , 
sivement  rare  de  Christophe  Co- 
lomb ,  avec  de  savantes  notes  ,  etc. 
IMoreUi  s'occupa  particulièrement 
de  l'histoire  civile  et  littéraire  de  sa 
patrie.  11  publia  une  bonne  disserta- 
tion sur  la  guerre  des  Vénitiens  en 
Asie,  depuis  i^yO  jusqu'à  i474t 
une  antre  dissertation  encore  plus 
estimée,  sur  plusieurs  savants  voya- 
geurs vénitiens  peu  connus  ;  une  troi- 
sième sur  les  pompes  nuptiales,  dans 
les  états  vénitiens;  une  qualrième 
dissertation  historique  ,  pleine  de 
recherches  et  d'intérêt ,  sur  la  cul- 
ture de  la  poésie  par  les  Vénitiens  , 
depuis  les  temps  les  plus  recidés  jus- 
qu^a  nos  jours;  un  grand  recueil  de 
poésies  latines  et  italiennes,  compo- 
sées par  divers  auteurs,  à  la  louan- 
ge de  Venise;  une  édilion  de  la  vie 
du  doge  Gritti ,  écrite  en  latin  par 
Nicolô  Barbarigo  ;  les  Monumsnti 
Feneziani,  contenant  une  relation 


1\U)P. 

t)iiblic;c,  et  qui  no  luc'rilait  pas  de 
l'clrc ,  du  sic'gc  et  do  la  reprise  de 
Zara  j)ar  les  Vénitiens,  on  i346, 
ccrite  par  un  auteur  contemporain  ; 
quatre  lettres  inédites  du  rardinal 
13emb(),el  une  lettre  ep;ilcmenl  inédi- 
te de  Galilée  à  la  seigneurie  de  Venise, 
eu  lui  présentant  (en  1609)  son  te'li?!- 
cope  avec  le  décret  du  sénat,  relatilà 
cette  découverte,  etc.  Il  nous  rcsîe  à 
citer  les  ouvrages  deMorellisurriiis- 
toire  des  arts  :  on  estime  surtout  ses 
Monuments  dcî'liistoiredespremieis 
temps  derimprimerieà  Venise, et  sa 
Notice  sur  l'art  du  dessin  pendant  la 
première  moitié  du  seizième  siècle. 
Le  nombre  des  ouvrages  ou  éditions 
publies  par  ce  savant ,  selcve  à  soi- 
xante -  un.  Il  aida  beaucoup  d'écri- 
vains de  ses  lumières  et  de  ses  con- 
seils. François  Accordini,  Leonardo 
Steccbini,  J.  B.  V  ermiglioli ,  Anto- 
nio Meneghelli ,  Gaetano  Puiggeri, 
le  comte  Rizzo  -Patarol  et  plusieurs 
autres,  enrichirent  leurs  écrits  du 
fruit  de  ses  recherches  et  de  ses  tra- 
vaux. Personne  n'était  plus  écono- 
me du  temps  que  lui.  Dans  un  des 
derniers  jours  de  sa  vie,  on  le  trou- 
va notant  sur  une  carte  les  noms  de 
ceux  qui  lui  avaient,  disait  -  il,  fait 
perdre  ce  temps  si  rapide.  Déjà 
depuis  longtemps  la  réputation  de 
IMorelli  avait  franchi  les  Alpes.  Si , 
à  re\emple  de  l'ai  bé  Bruuncci,  ileût 
tenu  registre  de  tous  les  écrivains 
qui  l'avaient  loué  dans  Icus  ouvra- 
ges, on  trouverait  peut-être  qu'au- 
cun auteur  contemporain  n'a  reçu 
].lus  de  témoignages  d'estime  et  d'ad- 
miration. Il  suffira  de  citer,  en  Ita- 
lie, Marini,  l'un  des  plus  savants  bi- 
bliothécaires du  Vatican  ,  qui  avait 
la  modestie  de  l'appeler  Princi- 
pe de'  hibliotecarii.  Wslteuibach, 
en  Hoilande,  Chardon  de  la  Rochelte 
et  \  illoison,  en  France, lui  ont  rendu 

XXX. 


MOR  lof) 

le  même  témoignage.  Une  modestie 
rare  et  profonde  égalait  et  ornait  sou 
immense  savoir.  Il  avait  les  uid'urs 
douces  et  régulièj-es:  «.a  vie,  comme 
homme  et  comme  prêtre,  était  un 
modi  le.  Quel  que  fût  son  resjKct 
])our  les  livres  rares  ,  il  n'hésila 
pas  à  brûler  un  bel  exemplaire  qui 
lui   ap])artenait  ,  des   fameux  son- 


nets de  rArctiu.  Il  fut  cliarcré. 


pen- 


dant dix  -  huit  ans ,  de  l'examen  des 
livres  dont  l'introduction  devait 
cire  permise  ou  défendue  dans  les 
états  vénitiens.  Etranger  au  monde 
politique,  à  ses  passions  et  à  ses  ré- 
volutions, il  avait  vu, sans  éprouver 
aucune  vicissitude  dans  sa  place  et 
dans  sa  fortune,  tumîjer  l'antique 
gouvernement  de  V  enise ,  et  cette  rei- 
ne de  l'Adriatique  passer  successi- 
vement sous  la  dominaiion  de  la 
France  et  de  TAiitriche.  Pensionnai- 
re du  royaume  dllaUe,  il  continua 
de  l'être  de  la  cour  de  \  ienne:  che- 
valier de  la  couronne  de  fer,  celte 
décoration  lui  fut  conservée  eu  1816, 
lorsque  l'empereur  François  recréa 
cet  ordre  et  s'en  dédara  souverain. 
Le  même  prince  lui  avait  déjà  con- 
féré, en  180'^,  le  titre  de  consiiller 
auîique.  Moreili  apparlenait  à  pres- 
que toutes  \c^  académies  d'Italie. 
L'Académie  des  bel.es  -  lettres  de 
Paris  le  comptait  au  nombre  de  ses 
correspondants  ;  il  avait  été  admis 
daîis  celles  de  Berlin  et  de  Goet- 
tingue.  Sa  conversation  était  vive 
et  animée  ;  mais  dans  ses  dernières 
années,  dégoûté  du  monde,  il  ai- 
mait à  vivre  seul  avec  lui-même.  Il 
publia,  au  commencement  de  1819, 
ses  Lelere  di  varia  er.  dizione,  et  il 
les  appela  son  testament  littéraire. 
En  eliét ,  il  mourut  le  5  mai  de  cette 
année  ,  al'àge  de  ■j4  aus.  Le  comte 
de  Goëss  ,  gouverneur-général  ,  lui 
fit  faire  de  magnifiques  funérailles 

0 


i3o  BTOU 

dans  l'église  de  Saint-Marc.  L'abbé 
Pierre  Betlio  ,  son  élève  et  son  suc- 
cesseur, alors  sous-garde  de  la  Mar- 
ciflrtrt,])rononçason  oraison  funèbre. 
Il  fut  enlcrrc  dans  l'église  de  Saint - 
Michel  iji  Murano ,  où  reposaient 
déjà  Costadoni ,   Mittarclli  et  Man- 
dclli.  Un  marbre  ,  placé  dans  la  bi- 
bliothèque de  Saint-Marc ,  contient 
une   belle    inscription    latine  à    sa 
louange  en  forme  d'épilaphe ,  par  le 
même  abbé  Betlio.  Morelli  a  légué 
à   cette   bibliothèque  une  précieuse 
collcclion  de  manuscrits  de  tout  âge, 
et  une  autre  de  vingt  mille  opuscu- 
les ,  dont  plusieurs  d'une  rareté  ex- 
trême ,  et  qui  lui  furent  d'un  si  grand 
secours  pour  ses  travaux  littéraires, 
qu'il  avait  eu  le  dessein  d'écrire  un 
traité  de  l'utilité  qu'on  peut  tirer  des 
petits  livres  (  Délia  ulililà  che  pub 
trarsi  dai  piccoli  libri  ).  Si  l'on  im- 
prime un  jour,  suivant  le  désir  qu'il 
en  avait  manifesté,  le  catalogue  rai- 
sonné de  cette  collection  ,  on  pourra 
y   mettre    pour    épigraphe   ce   que 
Runhkenius  a  dit  de  Morelli  dans  le 
tome  IV  de  son  édition  des  OEuvrcs 
de  Muret  :  Morellius  ,  quem  fugiti- 
voruni ,  ut  vocantur,  opusculoriim 
nulluiii  utiquam  fugit.  \  oici  la  liste 
complote  de  tout   ce  que  IMorelli  a 
publié  :  I.  Bihlioteca   manoscritta 
del  bail  Farsetti  ,  Venise,    1771- 
1780,  -2  vol.  in-i2.  Quelques  no- 
tes du  premier  volume  et  les  préfa- 
ces ,   sont    du    bailli    Farsetti.    Le 
second  volume  est  plus  difficile  à 
trouver  que  le  premier  ,  n'ayant  été 
tiré  qu'à  25o  exemplaires.  II.  Dis- 
scrtazione  storica  intorno  alla  puh- 
hlica  lihreria    di    San   Marco    in 
fenezia  ,  \emse  ,   Zatta  ,    17745 
in-S'^.  ;  réimprimé  dans  le  tome  i  ^'^. 
des  Opérette  di  Jacopo  Morelli,  pu- 
bli  e'cs  par  Barthelemi  Gamba ,    à 
Venise,  eu  i8ao.  li   v  a  quelques 


MOR 

exemplaires  de  cet  ouvrage  m  pa- 
pier bleu.  Morelli  avait  fait  de  nom- 
breuses additions  et  corrections  sur 
un  exemplaire  de  son  ouvrage,  (ju'il 
a  laissé  en  mourant  à  la  bibliothèque 
de  Saint-Marc.  III.  Fr.  Pbenoi/.  i- 
QVM  ,  dialogus  de  Vitd   Viclorini 
Feltrensis  ,  ex  codice   F^alicano , 
cum  annotatiunculis  J.  Mouellii  , 
edente  Natali  Lastesio  ,  Padoue^ 
1774,  in-8'^.  Ce  volume  est  utile  pour 
l'histoire  littéraire  de  Padoue ,  où 
Vittorino  avait  professé  avec  beau- 
coup de  succès.  IV.  Coâices  manu- 
scripti  latini  Bihliothecœ  Nanianœ 
relaii ,  cum  opuscuUs  ineditis  ex 
iisdem  deproinptis ,  Venise,  Zatta  , 
177G,  iu-4°.;  les  opuscules  impri- 
més qu'on  y  trouve ,  sont  au  uoiiibre 
de  sixj  cinq  concernent  l'histoire  de 
Venise  ;  le  sixième  est  une   lettre 
d'Etienne  Gradi  au  cardinal  d'Es- 
trées,  sur  le  traité  de  l'Eucharistie 
d'Ant.  Arnauld.  Les  notes   de  Té-' 
diteur  sont  courtes ,  savantes  et  va- 
riées.  V.   Codici  manoscritti  vol- 
gari  délia,  lihreria  Naniana  riferiti, 
con  alcune  opérette  inédite  da  es  si 
iratîe  ,  Venise,  Zatta,  177(3  ,  in-4°. 
Les  opuscules  inédits  ,  publiés  dans 
ce  Catalogue  ,  sont  un  discours  de 
Benvenuto    Cellini    sur    l'architec- 
ture ;  une  lettre  de  Jérôme  V  ecchiet- 
ti  sur  la  vie  et  les  voyages  en  Orient, 
de    Jean-Baptiste    Vecchietti  ,    sou 
frère;  une  lettre  de  Galileo  Galilci  à 
un  prélat  sur  la  prohibition  du  livre 
de  Copernic;  une  lettre  du  même 
Galilée  à  Pictro  Dini  sur  le  système 
de  Copernic;  et  deux  sonnets  de  Da- 
niel Barbaro  sur  la  mort  de  Trifone 
Gabriele  (i).  Vî.  Catalogo  dicom- 


(1)  D'autres  savan 

ÎliïS  amples  tioscript 
/al.'he  Simon  Assi: 
173 
bibliothèque ,  eu  2  \ 


publièienl ,  apiîs  Morelli,  de 

s  dt  la  l)ibliotUèc|ue  Saniaim. 

,i  fit  imprimer  à  Padoue  ,  en 

11-  catalcs"»  des  mauascrils  orientaux  (^c  celte 

ul.  in/i».  aLngarcUi  ^lublia  i  Bo- 


Mon 

medie  ilnliane  raciolle  drd  haVi 
Farselti,  con  annota zioni,  Venise, 
l'j'jG,  in-iu.  La  luèine  aniic'c  fut 
publie  un  appendice  à  ce  Calaloguc. 
VII,  File  di  ylnton.  Francesco 
Farsetti  cavalière ,  e  di  3IafJeo 
ISicolb  Farsetti  arcivescuvo  di  Ra- 
veniin,  imprimées  dans  les  IVotizie 
délia  f ami glia  Farsetti ,  Cosmopo- 
li (  Venise  ,  1778  ),  in-4°.  Ces  No- 
tices sont  très-rares,  le  bailli  Far- 
setti lui-même  n'ayant  pas  voiiiu  les 
répandre  ,  ets'ëtant  brouille  avec  son 
frère  ,  qui  avait  demande  la  coiilcc- 
tion  de  ce  livre  et  désire'  sa  publica- 
tion. Les  deux  yies  écrites  par  Mo- 
rélli  ont  été  reproduites  dans  ses 
Opérette,  tome  11.  VIIL  Catalogo 
di  storie  generali  e  jtarticolari  d'I- 
talia  ,  quant 0  a  città  ,  hioghi  e  fa- 
miglie  ,  raccolte  dal  bail  Farsetti , 
con  annotazioni,  Venise,  i  "Hu  ,  in- 
lu.  La  préface  est  de  Farsetti.  IX. 
Lettera  al  senatore  Angiolo  Quiri- 
'  ni ,  snpra  due  antiche  inscrizioni 
spettanti  alla  città  di  Salona,  pos- 
te nella  villa  Alticchiera  ,  Venise , 
1 784,  dans  le  tome  xvi  de  la  Raccol- 
ta  Ferrarese  di  opuscoli  :  quelques 
exemplaires  ont  été'  tirés  à  part,  in- 
4°.  ;  réimprimé  dans  le  deuxième 
volume  des  Opérette.  On  trouve 
dans  le  livre  intitulé  Allicchieri ,  une 
lettre  écrite  en  français,  par  Morel- 
li ,  sur  le  même  sujet  ,  mais  qui , 
comme  l'observe  Villoison,  a  aussi 
pour  but  de  faire  mieux  connaître 
deux  tables  isiaques  ,  qui  étaient  con- 
servées dans  le  même  lieu,  et  qui 
ont  été  achetées  par  David  Weber. 
X.  Aristidis  Oratio  adversus  Lep- 
tineni,  Libasu  Declamatio  pro  So- 

logoe  ,  eu  1784,  le  catalogue  des  maïuiscrils  srers  > 
to-40.  ,  t*t,  eu  1-3  j,  le  catalogue  des  mnuusci'ils 
egvplîeiis  (  yV'i^ypt'iorum  codicutn  reliqma;  ')  ,  fn-4°. 
Kufiu,  d'Aiisse  de  Villoison  fit  iicpriiuer  à  Rome, 
J787,  les  Moniimeiita  groica  et  lalina  ex   mmuat 


NOR  i3t 

crate,  JnisToxEsi  Bhjthmicorum, 
ele inenlorutn  fragmenta  ,  ex  hihlio 
thecd  Fenetd  D.  Marci  nnnc  pri 
viùm  édita ,  cum  annotatianibus  ' 
grœcè et  latine,  \eiiise  ,  178!) ,  iii- 
8".  La  traduction  de  cet  ouviat;e  es- 
timé est  dédiée  par  Morelli  à  Pierre 
Coniariui,  biLliolhécaire  de  Saiiit- 
Marc  ,  qui  venait  de  faire  transpor- 
ter ,  de  Padoue  ,  dans  la  Marciana^ 
60  manuscrits  en  diverses  langues  , 
et  uoo  exemplaires  d'éditions  du 
quinzième  siècle.  XL  Catalogo  di 
libri  italiani  raccolti  dal  hall  Far- 
setti,  Venise,  1785,  in-  12.  XIL 
Lettere  di  Ayostvlo  Zeno  evien- 
date  ed  accresciute  di  moite  iné- 
dite,  Venise,  1783,  G  vol.  in-8'^. 
IMarco  Forcellini  avait  donné  à  Ve- 
nise, en  1732,  la  première  édition 
dc^ces  lettres,  en  3  vol.  in- 1-2.  L'édi- 
tion de  Morelli  contient  toutes  les 
lettres  qui  étaient  imprimées  séparé- 
ment ou  éparses  dans  divers  ouvra- 
ges ,  et  3oo  autres  inédites.  L'éditeur 
fut  aidé  dans  son  travail  par  son  ami 
Schioppalaiba.  Les  lettres  d'Apos- 
tolo  Zeno  sont  curieuses  et  très-utiles 
pour  l'histoire  littéraire  de  sou  temps. 
Un  grand  nombre  d'autres  letîres  da 
même  auteur  ,  ont  été  découvertes 
depuis.  XIII.  Biblioiheca- Mapha'i 
PiXELLi,  Feneli  ,.magnojam  stu- 
dio collecta  ,  desciipta  et  annota- 
tionibus  illustrât  a  ,\  cnhe ,  Palese, 
1787,  6  vol.  in-8°.  Tous  les  e:iera- 
plaires  sont  en  grand  papier ,  cl: 
doivent  avoir  en  tète  le  portrait  de 
Pinelli ,  gravé  par  Bartolozzi.  Ga 
catalogue,  estimé  et  recherché  par 
les  bibliographes ,  contient  une  très- 
belle  collection  d'auteurs  grecs  et 
lalins ,  et  d'éditions  du  (piinzième 
siècle.  On  trouve ,  dans  le  cinquième 
volume ,  un  appendice  consacré  k 
la  description  des  monuments  anti- 
ques ,  des  monnaies  vénitiennes  ,  et 

9- 


i3i  MOR 

des  médailles  d'hommes  illustres , 
qui  e'taienl  lëmiis  à  cette  riche  bi- 
l)liolhè;[ue.Robson,  libraire  anglais , 
en  fit  l'acquisition,  avec  plusieurs  de 
ses  confrères;  et,  avant  de  les  met- 
tre en  vente  à  Londres,  il  publia  un 
abrège  du  catalogue  de  Morelli,  sous 
le  titre  de  Bibliolhcca  Pinelliana  , 
Londres  ,  1789,  in-8^.  Il  est  iuutile 
de  dire  que  Morelli  n'eut  aucune  part 
à  ce  nouveau  catalogue  ,  qui  est  sans 
table  d'auteurs  ,  et  fort  mal  rédigé. 

XIV.  Catalogo  di  quadri  raccolii 
dalj'u  sig.  Majfeo-Pinelli ,  ed  ora 
posti invendita, Venise,  1 783, in-S"^. 

XV.  Catalogo  di  lihri  latini  raccolti 
dal  bail  Farsetti,  con  annotazioni , 
ibid. ,  1788,  in- 12.  Ce  volume  con- 
tient des  additions  aux  précédents 
catalogues  de  la  bibliothèque  du  mê- 
me Farsetti.  XVI.  Fita  di  Jacopo 
Sansovino,  descritta  da  Giorgio  VA- 
SARI,  Venise,  Zatta,   1789,  in-4*'. 
Cette  vie,  augmentée  de  plusieurs 
notices  ,  est  d'un  grand  intérêt  pour 
l'histoire  des  beaux -arts.    XVII. 
Délia  istoria  Finiziana  di  Pietro 
Bemho  cardinale  ,  da  lui  volgariz- 
zata  ,  libri  dodici ,  ora  per  la  pri- 
ma volta  seconda  l'originale  publi- 
cati,  Venise,  Zatta,  1790,  'x  vol.  m- 
4".  C'est  la  première  édition  con- 
forme au  manuscrit  de  l'auteur  ,  et 
par  conséquent  la  plus  estimée.  Elle 
est  ornée  du  porti-ait  de  Bembo  , 
grave'  par  Bartolozzi,  d'après  le  Ti- 
tien.  XVIII.   Epistola  ad  Christ. 
Frid.  Ammonium  de  novd  versione 
grœcd  ubro7v.m  quoritndam  veîeris 
Testaïuenti  in  coaice  Mss.  Biblio- 
thecce   Fenetœ  D.  Ma'ci  servatd  , 
cumvariis  ejusdem  codicis  lectinni- 
hus ,  se  trouve  dans  le  t.  m  de  la  Ver- 
sion du  Pentateuque  publiée  à  Er- 
lang  en  1 790 ,  dans  les  Setie  Epistole 
de  Morelli  imprimées  à  Padoue,  et 
dans  le  tome  ii  des  Opérette.  XIX. 


MOR 

Epistola  ad  Armanduni  Gastonem 
Camus  y  de  ccdicc  Mss.  grœco  JJis- 
toriœ  Animalium  Aristotelis  ,  in 
bibliothecd  Marciand  servato,  data 
Fenctiis  ,  ann.  )'"9i  ;  insérée  dans 
les  Notices  et  extraits  des  Manus- 
crits de  la  bibliothèque  nationale 
de  Paris  ,  tome  v ,  et  dans  le  tome 
II  des  Opérette.  XX.  Andreœ  Grilli 
principis  Venetiarum  vita,  Nicolao 
Barfadico  aiiclore ,  ^  enise  ,   1 79'i, 
in-4°.  Cette  vie,  dont  il  existait  une 
version  italienne  manuscrite,   faite 
en  1686,  fut  traduite  de  nouveau  et 
publiée  parTabbé  Voipi ,  ex-jésuite, 
à  Venise  ,  T793,  in-8''.Uiic  troisiè- 
me traduction  ,  faite  par  Molin  ,  fut 
insérée  dans  ses  Orazioni  scritte  da 
letterati    Feneli  patrizii ,  \ enise, 
1798.  XXI.  Componimenti  poetici 
latini  e  volgnri  di  varii  autori  de' 
passati  tempi  in  Iode  di  Fenezia  , 
sceltie  raccolti,  etc.,  Venise,  Palesc, 
I79'2,  in-4''.  IjCS  auteurs  des  poésies 
latines  sont  au  nombre  de  17, Sauna-  ' 
zar,  Délia  Casa  ,  Molza  ,  Calcagnini, 
Muret ,  Capilupi  ,  etc.  :   parmi  les 
treize   auteurs    de    poésies   italien- 
nes, on  compte  Marc  de  Tienne , 
Capello  ,  Veniero  ,  Bettiuelli ,  Ant. 
Conti ,  Fr.  Algarotti ,  etc.   XXII. 
Epistola  ad  Jo.  Bapt.  Gasparem 
d'Ansse  de  Filloison,    qud  tragœ- 
diam ,    Tereus  inscriptnm  ,    nuper 
inventam  ,  et  L.  Fario  adjudica- 
tam ,  Prognem  Gregorii  Courabu 
esse  demonstratur  ;  data  Fenetiis, 
X  cal.  octobi'.  1792,  imprimée  sur 
une  feuille  volante;  réimpriméedans 
le  Magasin  encyclopédique  (Paris, 
an  IX,  tome  v,  p.  95);  dans  les 
Mélanges  de  Chardon  de  la  Ro- 
CHETTE  ,  tome  III  ,   etc.  ;   traduit 
en  italien  par  le  baron  Vernazza , 
dans  la  Bibliotheca  Torinese.  IMo- 
l'elli  possédait  le  manuscrit  autogra- 
phe des  poésies  inédites  de  Corraro  , 


MOR 

où  se  trouve  la  tragédie  faussement 
attribuée  à  Varius.  XXIII.  Epistola 
ad  Josephum  de  lielzer  de  operibus 
Ilieronj'mi  Balhi  P'^eneti,  episcopi 
Gurcdiisis ,  Vienne,  i'^9'2;  réimpri- 
mée flans  le  tome  ii  des  Opérette, 
XXIV .  Dissertazione  délie  solenni- 
ta  e  pompe  nuziali  gm  iisate  pressa 
li  f  eneziani  ^  per  le  nozze  Tiepolo- 
Gradenigo ,  Venise,  1793,  in-4".  ; 
ibid. ,  «819,  in-4°.  Celte  dissertation 
est  cinieuse  et  estimée. XXV.  Monu- 
inenti  del  principio  délia  stampa  in 
Venezia,  Venise,  l'jgS  ,  in-4'^.  Mo- 
relli  détruit  dans  cet  écrit ,  qu'on 
retrouve  au  second  volume  de  ses 
Opuscules,  l'erreur  qui  a  fait  assigner 
raunée  \  [><i\  ,  puurdate  tic  l'impres- 
sion du  fameux  livie  intitulé  Decar 
•puellarum  (  F .  JtrvsoK);  i!  prouA^e 
que  les  premiers  ouvrages  imprimés 
à  Venise,  l'on'  é:é  par  Jean  de  Spire 
en  14*^0,  et  il  rapporte  le  privilège 
accorde  par  la  Seigneurie  à  cet  Alle- 
mand, le  iSsepteuib.  de  la  même  an- 
née. L'opinion  de  Morelli,  appuyée 
sur  des  monuments  authentiques,  a 
été  adoptée  par  Micliel  D-'uis,  célè- 
bre bibliographe  autricliien  ,  et  par 
le  P.  Pellegriiii ,  dans  son  traité  de 
l'origine  de  l'imprimerie  a  Venise. 
Les  monuments  publiés  par  Murelli , 
ont  été  reproduits  dans  le  Journal 
vénitien  ,  iulituié  Genio  letterario 
d'Ew'opa,  janvier  1794;  dans  les 
Suppléments  de  Harles,  ad  brev.  not. 
littéral,  roin.,  et  dans  les  Memorie 
délia  tipografia  brewiana, de  l'abbé 
Gussago.  XXVI.  Edizioni  del  se- 
colo  \r,  in -8'\,  formant  22  pages 
dans  le  Catalogue  d'Amadeo  Savier, 
mort  en  1794.  XXVII.  Monu- 
menti  Feneziani  di  varia  lettera- 
tura ,  Venise,  Palese,  1796,  in-4°. 
Les  quatre  lettres  inédites  de  Bem- 
bo  ,  qui  font  partie  de  ce  recueil , 
sont  reproiluites  dans  le  sccoud  vol. 


MGR 


i35 


des  Opuscules  de  Morelli.  XXVIIT. 
Délie  guerre  de'  Feneziani  nelV 
Asia  dalV  anno  1470  rtZ  14; 4 5  l'-- 
b.  i  tre  ,  di  Coriolanu  Cjppjco  ,  ri- 
prodotti  cuH  illustra zioni,  Venise, 
Palese,  i79(),  in-4'^.XXIX.  Z'tijer- 
tazione  iturica  délia  cuUura  délia 
poesia  pressa  li  feueziani ,  dalii 
pià  rimoti  teinpi  sina  alli  moderni. 
Cette  savante  dissci-taùun  est  impri- 
mée dans  le  P amassa  Veneziano , 
de  l'abbé  Bettijselli  ^  édition  de 
1799,  in  "4°.  On  la  retrouve  aussi 
dans  les  Opuscules  de  IMorelli,  tome 
II.  XXX.  Lettera  sopra  una  statua 
con  inscrizione ,  posta  in  Fadova. 
iiel  Prato  délia  Valle ,  alV  insigne 
sculture  Antonio  Canova ,  insérée 
dans  le  Mercurio  d'italia,  Venise, 
1796,  tome  i'^'". ,  pag.  9G.  XXXI. 
Diosis  Cassii  Histariaum  Ro- 
manaruni  fragmenta ,  cum  novis 
ea-uindem  lectionibus ,  nunc  pri- 
mant édita  ,  et  annotaliunibus  illus^ 
trat<i ,  gœce  et  latine,  Bassano  , 
Reuiuudini ,  1798,  iu-8".;  Paris, 
Dclance,  1800  ,  in-ful.  Ce  fragment 
de  Dion  Cassius  ,  offre  des  détails 
intéressants  de  la  Vie  d'Auguste.  Mo- 
relli s'attache  a  distinguer,  avec 
toute  la  patien  e  d'un  savant,  les 
diverses  leçons  qu'ulFre  ce  ma- 
nuscrit ,  et  ceux  des  Médicis  et  du 
Vatican  :  mais  une  grande  tristesse 
accoin|iagna  ce  travail ,  parce  qu'il 
avait  reçu  l'ordre  de  remettre  ce 
manus  rit  aux  commissaires  fran- 
çais. XXXII.  Lettera  al  con.  Anto- 
nio Ba'tolini commendatore  Gero- 
solimitano  sopra  due  sconosciute 
edizioni  di'  Tibullo  e  di  Claudiano , 
Jatte  nel  secolo  XF  ;im^nmécdai\s\e 
Saggio  de  Bartolini  sopra  la  Tipo- 
grafia del  Friuli  nel  secjlo  xy  , 
UiJine,  i799,in-4°.,et  dans  le  tome 
Il  des  Opérette.  XXXIII.  Le  Pdme 
di  Franc.  Petrahca  Iratte  do"  uis- 


i3 


MOR 


^liori  esemjdari ,  con  illustrazioni 
inédite  di  Ludoi'ico  Beccadeli.i  , 
Vérone,  Giulari ,  1799,  n  vol.  in- 
j6.  La  savante  préface  de  Morelli 
fait  encore  reclioclier  celte  édition  , 
c^iii  d'ailleurs  ne  se  recommande 
])oint  par  rexéciition  typop;ra|)lii(jiic. 
XXXIV.  Nolizia  d'opere  di  dise- 
gno ,  nella  prima  melà  dcl  secolo 
y.Vi  esislcnii  in  Fadoi'a,  Cremona , 
Milano ,  Pm'ia,  Bej-gamn  ,  Crema 
■e  Fenezia ,  scritta  da  un  Anonimo 
di  quel  tempo,  pnblicata  e  cûn  co- 
piose  ann  iazioni  illustiata,  Bassa- 
jio,  Rcraondlni ,  1800,  grand  in-S". 
Morelli  avait  copié  cette  notice  d'un 
des  manuscrits  de  la  bibliothèque 
d'Apostolo  Zeno.  Les  notes  qu'il  y  a 
jointes,  sont  plus  précieuses  que  la 
texte.  On  trouve  un  extrait  de  la 
notice  dans  le  Magasin  encyclopè- 
diipie  ,  tome  n  ,  page  486.  XXXV. 
Miblio'Jicca  manuscripta  grœca  et 
ZaU'na,  Bassano,  Remoudini,  1802, 
tome  I ,  grand  in-8°.  11  n'a  paru  que 
ce  volume.  Par  son  testament,  Mo- 
relli en  a  légué  un  cxempl.iire  ,  char- 
gé de  notes  et  d'addiiions,  à  la  bi- 
blioihèqne  de  Saint -Marc.  Cet  ou- 
vrage n'est  pas  simploraent ,  comme 
l'ont  cru  quelques  bibliographes  , 
im  catalogue  des  manuscrits  grecs 
et  latins  de  cette  bibliothèque  :  Mo- 
relli y  décrit  aussi  les  manusciits 
tlont  il  était  possesseur ,  et  «'eux 
qui  appartenaient  au  chanoine  Lui- 
gi  ,  cx-jesui'e.  XXXVI.  Joannis 
CotTjE  Ligniacensis  carmina  re- 
çosnita  et  aucta,  Bassano  .  Remou- 
dini,  i8o'2  ,  in-4°.  C'est  la  plus 
Lello,  la  jilus  amp'e  et  ia  meilleu- 
re des  noiubreuses  édi  ioiis  des  poé- 
sies de  Colta.  XXXVll.  Disserta- 
zione  inionio  ad  alcuni  viaggiatori 
eniditi  P^eneziani  poco  jwti,  jiibbii- 
cata  nelJe  j'nustissime  nozze  del 
conte  Leonardo  Manino  con  la  ii- 


MOR 

gnora  contessa  Foscarina  Giova 
nelli,  Venise,  Ant.  Zatta  ,  i8o3  , 
gr.  in-4".  Cet  ouvrage  est  estimé  , 
recherché  et  tort  rare,  parce  qu'il 
n'en  fut  tiré  qu'un  petit  nombre 
d'exemplaires,  pour  être  donnés  en 
présent  aux  parents  et  aux  amis  des 
deux  époux.  Les  A'oyageurs  vénitiens 
sur  lesquels  Moielli  donne  des  no- 
tices ,  sont  :  Paul  Trevisano  ,  Jean 
Bembo  ,  Pellegrino  Brocardi ,  Am- 
broiseBembOjCt  Jean-Ant.  Sûderino. 
Il  fait  connaître  plus  sommairement 

B.  Dandolo,  Buonaiulo  Albani ,  T. 
Gradcnigo,N.Brancalcone,A.Priuli, 

C.  Maggi,  et  Cecchino  Martinellp. 
Morelli  prend,  sur  le  frontispice, 
le  titre  de  Régie  consigliere  di  sua 
Maestà  j.  r.  a.  Chardon  de  la  Ro- 
chette  a  donné ,  dans  le  Magasin  en- 
C)  clopéditjue  (nov.  i8o5) ,  une  ana- 
lyse de  cet  ouvrage,  qu'on  a  réimpri- 
mée dans  le  tome  11  des  Opérette. 
XXXVIII.  Memoriale  di  Agos- 
tino  P^aliero ,  cardinale  ,  à  Lidgi 
Contarini ,  sopra  gli  studj  ad  un 
senatore  veneziano  convenienti^  con 
annot azioni  ^Yenisc  ,  i8o3,  in-4°. 
Cet  ouvrage  était  inédit.  XXXIX, 
Lettere  jamiliari  delVAbate  Na- 
tale Lastesio  ,  per  la  prima  volt  a 
])ubblicate  ,  con  una  narrazione  in- 
tomo  alV  autore ,  Bassano  ,  Remon- 
dini ,  1804,  in  -  8°.  La  notice  sur 
Lastesio  ,  ami  intime  de  Morelli , 
a  été  réimprimée  dans  le  tome  3  des 
Opuscules  de  ce  dernier.  XL.  Aldi 
Fii  Manutii  scripta  tria  longe  ra- 
rissima  denu'o  édite  et  annotatio- 
nibus  illustrât  a,  ibid. ,  1806,  in-8''. 
(  P^.  Manuce  (Aide) ,  xxvi ,  536, 

et    FOBTEGUERRI  ,    XV  ,    IQ^.  )     Mo- 

relli  avait  projeté  de  recueillir  des 
Anecdotes  Aldines  ,  d'écrire  des 
Commentaires  de  la  vie  et  des  ou- 
vrages des  Mannces ,  et  des  édi- 
tions qails  ont  publiées  :  ic  temps , 


MOU 

ou  une  autre  direction  doniie'e  à 
ses  travaux,  ont  enipèclie  l'exécution 
de  cet  utile  dessein.  XLI.  Stanze 
del  poeta  Strozzi  fiorentino  scpra 
la  rabbia  di  J\[acone  ,  teslo  di  lin- 
gua  recato  a  huona  lezione  ,  Bas- 
sano  ,  Remoudini ,  1806,  in-  b".  , 
eu  lettres  capitales.  Morellifait  con- 
naîlre,  dans  sa  préface,  le  mérite 
de  ces  stances  cclibrcs  ,  citées  par 
l'acad.  délia  Criisca;  leur  auteur  , 
Pierre  Strozzi  ;  et  les  diverses  édi- 
tions qui  en  ont  été  faites.  La  der- 
nière est  celle  qu'a  donnée  M.  A.  A. 
lîcuuuard,  Conslantinopoli,  i55o 
(  l'aris  ,  vers  1809),  grand  iu'-S'^.  , 
en  lettres  capitales,  tirée  seulement 
à  1 2  exemplaires  ,  tous  sur  pap.  vé- 
lin. XLIl.  Descrizione  tielle  feste 
celehrate in  Fenezia,l\inno  1807, 
f)er  la  venuta  delV  imperatore  de 
Francesi  e  re  d'Italia  ,  Venise , 
Picotti,  i8o8,  in-4".,  fig.  On  s'a- 
perçûit ,  en  lisant  cette  description  , 
que  Morelli  écrivait  dans  un  genre 
qui  lui  était  peu  familier.  XLIII. 
ÏRaccolta  di  varie  lettere  scritle  a 
diver.d  soggetti  da  Alessandro  As- 
tesani,  circa  li  moite  pregj  di  belle 
arti,  di  culio  ,  e  di  anliquaria ,  che 
distinguono  in  Milano  la  Basilica 
di  S.  Satiro ,  ]\Iilan,  Fr.  Felsi,  in- 
8*^.  On  trouve ,  dans  ce  recueil ,  deux 
lettres  de  Morelli,  écrites  au  mois 
de  juillet  iSo-y  ,  sur  le  Bramante. 
XLIV.  Stanze  inédite  di  Antonio 
de'  Pazzi  in  biusimo  délie  donne , 
et  di  Torquato  Tasso  in  iode  di 
esse ,  pubblicate  per  le  nozze  Mid- 
lazzani-Cappadnca^  Venise,  Picotti, 
181 0,  in -8°.;  réimprimées  dans  le 
second  volume  des  Opérette.  XLV. 
Eime  inédite  di  Antujiio  Maria  de' 
Fazzi  con  notizie  intomo  alV  au- 
lore ,  imprimées  en  181 '2  d-ms  le 
Po%rfl/b,  journal  de  Milan.  XLVI. 
Notizie  intomo  alla  introduziune 


MOU 


^YJ 


alla  'virtà ,  testa  di  lingua  sin  ora 
inedito  ,  Florence,  1810,  in-S".  ; 
l'académie  ilella  Crusca  avait  adopté 
V introduzione  alla  virtà  ,  comme 
teslo  di  lingua.  La  notice  de  Mo- 
relli sur  cet  ouvrage  ,  intéresse  l'his- 
toire des  premiers  temps  de  la  langue 
italienne.  XLV  IL  Amore  fu^ilivo  , 
idillio  di  Mosco  ,  tradotto  da  Be- 
nedetto  Farchi  ,  e  lUrnebiideche 
di  Agnolo  BnoNZiNO ,  cdizione 
prima  per  le  nozze  Venieri-Giova- 
nelli ,  Venise  ,  Ciirti,  1810,  in-8<'. 
XLVIIL  Leltera  rarissima  diChris- 
tofcj'O  Colombo  ,  jcrilta  dalla  Gia- 
maica,  nel  i5o3  ,  alli  re  e  rei^ina 
di  Spagfia,  intomo  li  suoi  viag^i  ^ 
riprodotta  ed  ilhutrata  con  ar.nota- 
-sz'on/,  Bassano,  1810,  ii:-8''.;eldans 
le  premier  volume  des  Opérette  {  V. 
Colomb,  ix ,  3oo  ).  XLIX.  Ng- 
tizia  di  un  operella  latinaa  stam- 
pa  nppena  nota  di  Claudio  ToLO- 
MEi ,  nella  quale  sono  introdotti 
Giasone  del  Maino  ed  Angelo  Po~ 
liziano  a  dialo^izzare  de  corruptis 
verbis  juris  ci\>ilis  ;  im])iimée  dans 
le  Poligrafo  ,  journal  de  IMilau  , 
i8i'i,  u"s.  19  et  20  ,  et  dans  le 
second  volume  des  Opérette.  L. 
Epistolp-  duœ  ad  l/anielem  fFjt- 
tembachium ,  ann.  1784  et  1806, 
de  versione  laiind-  Phœdonis  Pla- 
TONis ,  qwn  pulari  solet  facta  ah 
HenricoARisTiPPO  Atheniense;  im- 
primées dans  lePhtrdon  deWyttem- 
l3acb  ,  Levde,  181  o,  et  dans  le  se- 
cond volume  des  Opérette.  Moreiii 
entretint,  pendant  trente  ans  ,  une 
correspondance  suivie  avec  Wyt- 
If  rahacli ,  qui  le  consultait  pour  ses 
édilious  des  classiques  grecs.  LL 
Let'ere  due  al  Car.  Filipvo  Ee , 
sopra  l'opéra  Buraiicm  coramodo- 
rum  d\  Pietro  (yRESCENZiO;  impri- 
mées dans  VElogio  del  Crescen'io , 
par  Re,  Bologne,  1812,  iu-B".,  et  dans 


i36  MOR 

le  second  volume  des  Opérette.  LU. 
LeUera  a  Lorenzo  Pignotti,  scrilta 
nelVuniio  i8o.i  ,  soiira  la  prima 
edizione  del  sinodo  di  Firenze  , 
contro  Papa  Sisto  iv,  cclehrato  uel 
1 4  ;8  ;  iiupriraéc  dans  Vhtovia  délia 
Toscana  ,  par  Pignotli ,  Florence  , 
i8i3,  tome  6,  cl  dans  le  second 
volume  des  Opérette.  LIU.  Ephtola 
ad  Albinum  Ludnvicum  MilLinum  , 
de  insciiptione  grœcd  quœ  Fenetds 
in  viuseo  Grimanorum  extat;  dans 
le  Magasin  eiicjclopédique  ,  avril 
i8i4,  p-  281  ;  dans  les  Epistolœ 
seplem ,  imprimées  à  Padoue  ,  en 
1819  ,  et  dans  le  second  volume  des 
Opuscules  delMorelU,  LIV.  Epistola 
ad  Danielem  Jl^jtteinbachiumj  de 
D avide  ylrmeno  ,  pkilu.sopho ,  ejiis- 
que  cominentario  grœro  in  Aiisio- 
telis  categonas;  imprimée  dans  le 
Philomailùa  de  Wyttembach  ,  lib. 
m  ,  Amsterdam  ,  181 7  ,  p.  317. 
LV.  Notilia  Codicum  Mss.  Fe- 
netorum  Hesiodi  ,  in  qud  Tiin- 
cai'elliance  editioTiis  fenetœ  \5Zn 
foules  ostnidunlur ;  imprimée  dans 
les  Analectaliiteraria  varice  erudi- 
tionis  ,  de  Frédéric  Aug.  Wolf , 
Berlin  ,  181 8, tome  '2,  p.  .^(iS.LYl, 
T/ieojdiilo  Cristuphvro  Ilavledo  de 
Cùdicibus  Mss.  Theocriti  ,  in  Bi- 
hliothecd  regid  Venetiaruni  asser- 
vatis ,  de  vaiiis  in  Hsdcni  lectioni- 
hus  .  deqiie  Ilieronjini  Ai.ea^pri 
junioris  dissertatiouihus  varice  eru- 
ditinnis^qitavumunaaclThefjcntum. 
jieriinens  h'c  prodit ,  aliisque  yllean- 
dri  scriptis  inedilis .  dans  l'édition 
de  Tlieocrite  ,  donnée  par  J.  C.  D. 
Schreiher ,  à  Leipzig,  en  i8i8, 
dans  les  Epistolœ  septem  ,  et  dans 
le  deuxième  volume  des  Opérette. 
L^  II.  Opnscoli  o  scritti  varii 
per  diverse  occaAoni  lavorati ,  ed 
ara  per  la  prima,  voila  dati  aile 
slampe  ,  Vérone,  Ramanzmi,  1819, 


MOR 

in-Ro,  Ces  opuscules  sont  de  Mgrf. 
Innorenzo  Ljruti  ,  é\èqi\e  de  \  c- 
rone.  On  y  trouve  une  lettre  de  Mo- 
relli  sur  les  livres  que  doit  d'.ibord 
se  procurer  celui  qui  veut  se  livrer  à 
J'élude  de  l'histoire  iitléraire.  LV  1 II, 
Epistolœ  septem  variœ  eindiiianis, 
Padoue  ,  1819  ,  iii-8".  ;  toutes  ces 
Ictties  sont  reproduites  dai.s  la  col- 
lection des  Opuscules  de  Morelli. 
Jj'une  d'elles  est  adressée  a  l'abbé 
Fiacchi ,  et  a  pour  tilre  :  De  J.eonis 
Baptistœ  Ali.erti  intercœnalihus 
('jusque  scriptis  qidbusdam  aliis  , 
vel  ineditis  ,  vcL  nondum  satis  co- 
gnitis.D^us  une  autre  lettre  adressée 
à  MM.  Silvestre  de  Sacy  et  Boisso- 
nade,  se  trouve  une  dissertation  iné- 
dite PJe  provincid  f^enetiarum  ,  de- 
que  urbe  Fenetiaram.  La  "j^.  let- 
tre est  adressée  à  Philippe  Schiassi, 
chanoine  de  Bologne,  et  savant  ar- 
chéologue. LIX.  Osseri'azicmi  fdo- 
logiche  intorno  aile  descrizioni  di  ' 
alcune  statue ,  dettate  da  Callis- 
trato  ;  con  la  notizia  dello  studio 
délia  critica  ,  incominciato  in  Ita- 
lia  dal  Petrarca,  e  feli cémente  poi 
in  essa  crdtivuto.  LX.  Di  una  tra- 
duzione  latina  inedita  delV  Apolo- 
gia  di  Gorgia,  futta  da  Pietro 
Bembo  ,  poi  cardinale ,  primizia  dé* 
suoi  studj.  LXL  Di  un  orazione 
greca  inedita  di  esso  Bembo  ,  corne 
se  fosse  da  recitarsi  alla  signoria 
di  Fenezia per  muoverla  a  favorire 
e  fare  che  rifiorisca  la  letteratn- 
ra  greca.  Ces  derniers  articles  sont 
trois  savants  Mémoires  envoyés  par 
Morelli  à  l'institut  italien  de  Ve- 
nise, en  181 4  et  i8i5.  LXII.  Opé- 
rette di  Jacopo  Morelli  .  Ve- 
nise,  Alvisopoli,  1820,  3  vol.  in- 
8''. ,  avec  portrait  gra^c  ,  d'après  A. 
Bosa,  par  Fr.  Zu'ian},  Nous  avons 
indiqué  un  assez  grand  nombre  d'o- 
puscules insérés  dans  ce  recueil  pu- 


MOR 

blio  par  le  savant  Barth.  Gamba , 
élève  el  ami  de  Moiclli.  Des  lellres, 
dont  beaucoup  sont  inédites,  rem- 
pbsspiit  presqu'cn  entier  le  troisième 
volume,   et  contiennent  des   docu- 
ments précieux  pour  la  bibliof^ra- 
phic  et  l'histoire  littéraire.  A  la  tète 
du  premier  volume  est  une  excellen- 
te IS'arrazione  intorno  alla  vila  e 
aile  opère  di  D.  Jacopo  Morelli,  par 
Moschiui ,  qui  fut   aussi  son   élève 
et  son  ami.  Ou  y  trouve ,  à  la  suite 
d'une   notice   curieuse  de  tous    les 
écrits  de  Morelll ,  l'indication  d'une 
quantité  con>ilèrable   d'ëpitaphes  , 
qu'il  avait  consacrées  à  plusieurs  il- 
lustres Vénitiens  ;  et  d'inscriptions 
latines  qu'il  composa ,  en  diverses  co- 
casions  ,  pour  l'empereur  des  Fran- 
çais ,  roi  d  Italie,  et  pour  l'empe- 
reur Frciiçois  I"^"".  ;  pour  Pie  VU, 
et  pour  riinpcratrice  Marie -Louise; 
pour  l'amiral  Villaret  -  Joyeuse,  et 
pour  le  comte  de  Goëss,  successive- 
ment gouverneurs  de  Venise  pour  la 
France  et  pour  l'Autriche.  Morelli 
composa  aussi  la  légende  de  la  mé- 
daille   que    le   sénat  de    Venise   fit 
frapper  ,  en  i  'j[)5 ,  en  l'honneur  du 
célèbre  sculpteur  Canova.  On  remar- 
quera que  les  dcii\  plus  célèbres  bi- 
bliographes de  notre  temps,  Mercier 
de  Saint  -  Léger ,  et  Morelli ,  n'ont 
attaché  leur  nom  à  aucun  ouvrage 
considérable,   et  qu'ils  n'ont  guère 
publié  que  des  opuscules.    V — ve. 

MOKELLY  (  )  que  la 

France  littéraire  de  17G9  fait  à 
tort  naître  à  Vitry-le-Français  ,  était 
fils  d'un  régent  de  cette  ville ,  au 
teur  de  trois  ouvrages  remplis  d'idées 
rebattues:  l'Essai  sur  l'esprit  hii- 
main  ,  Paris  ,  1743  ,  in-i-i  ;  V Essai 
sur  le  cœur  humain,  ibid.,  i745; 
et  la  Physique  de  la  Beauté ,  ou 
Pouvoir  naturel  de  ses  charmes , 
Amsterdam  ,  1748,  iu- 12.  Morclly 


MOll  07 

fils,  en  écrivant  aussi  sur  la  mo- 
rale, chercha  des  moyens  de  succès 
dans  l'art  du  paradoxe   et  dans  des 
formes  de  composition  qui  lui  pa- 
raissaient neuves.  Il  publia, eu  1751, 
Le  Prince ,  les  délices  du  cœur ,  ou 
Traité  des  qualités  d'un  grand  roi , 
et  Système  d'un  sage   gouverne- 
ment.  Amsterdam,   1  vol.  in- ici. 
Ce  tableau  d'un  chef  de  nation,  réa- 
lisant ,  pour  le  bonheur  géiiéral ,  les 
vues  spéculatives  d'une  philosophie 
exigeante,  il  le  reproduisit  dans  sa 
Basiliade,  ou  Naufrage desilesjlot- 
tantes ,  poème  héroique  en  prose , 
qu'il  supposa  traduit  de  l'indien  de 
Pilpaï,  Messine,  1  753,  2  vol. in- 12. 
Dans  quatorze  chants,  oîi  l'allégo- 
rie est  prodiguée,  il  s'attache  à  pein- 
dre l'état  digne  d'envie  d'un  peuple 
régi  par  les  seules  lois  delà  nature, 
et  qui  a  foulé  aux  pieds  les  frivolités 
de  convention  dont  tous  les  corps 
politiques  connus  sont  surchargés. 
Ces  lies  flottantes  submergées,  qu'in- 
dique le  second  titre  du  poème  ,  ne 
sont  autre  chose  que  les  préjugés.  Le 
nom  de  la  Basiliade  est  dérivé  du 
grec  ^ariMeç ,  parce  qu'elle  ofTre  le 
type  d'un  roi  accompli.  Morclly  si- 
gnale, dans  un  langage  tranchant,  les 
erreurs  funestes  des  législateurs  qui , 
tout  eu  voulant   réformer  l'espèce 
humaine,  y  ont  introduit,  selon  lui , 
des  éléraenls  de  corruption.  Tout  son 
secret,  pour  replacer  la  société  sous 
l'empire  de  la  iSature  et  de  la  f V- 
rité,  c'est  de  la  ramener  à  un  sys- 
tème d'égalité  absolue.  Déjà Pechraé- 
ja ,  dans  son  Télephe ,  avait  hasardé 
épisodiquement,  sous  le  voile  d'une 
fiction  romanesque,  une  attaque  con- 
tre le  droit  de  propriété.  La  pensée 
de  renverser  entièrement  cette  base 
de  toute  association  est  celle  qui  do- 
mine continuellement  Morelly ,  à  tra- 
vers des  déclamalioas  que  ne  rachète 


i38 


MOR 


aucune  béante  de  style.  Son  Utopie 
essuya  des  critiques  sévères  dans  deux 
journaux,  la  Bihlinihèfjue  impartiale 
<'t  la  Nouvelle  Biçfa:rure.  Il  re'pon- 
dit  en  développant  ses  principes  dans 
le  Code  de  la  Nature ,  ou  le  véri- 
table esprit  de  .ses  lois ,  de  tout  temps 
né^liç^éou  méconnu.  Partout,  chez 
le  vrai  sage,  1 755,  in- 12.  L'auteur 
ëtal)lit ,  dit  Laliarpe ,  pour  première 
base  de  sa  doctriue ,  qu'il  y  a  eu  dans 
le  monde  une  première  erreur ,  celle 
de  tous  les  législateurs ,  qui  ont  cru 
que  les  vices  de  la  nature  humaine 
fî  la  concurrence  des  intérêts  et  des 
passions  rendaient  l'état  social  ira- 
possible  sans  des  lois  coërcitives.  11 
prétend  que  l'homme  n'est  réelle- 
ment méchant  que  parce  que  nos  gou- 
vernements l'ont  rendu  tel  ;  que  tous 
ses  maux  et  ses  crimes  naissent  de 
l'idée  de  propriété,  qui  n'est  qu'une 
illusion  et  non  un  droit ,  de  l'inéga- 
lilé  des  conditions,  qui  n'est  qu'iuie 
autre  illusion  et  une  autre  barbarie  ; 
qu'enfin  rien  n'aurait  été  plus  facile 
que  de  prévenir  entièrement ,  ou  à 
peu-près,  tous  ces  crimes  et  ces 
maux,  seulement  en  mettant  à  pro- 
fit les  affections  bienfaisantes  et  so- 
ciales ,  qui  suflisaient ,  selon  lui ,  pour 
établir  et  maintenir  la  société,  si  on 
lui  eût  donné  pour  fondementla  cojn- 
muiiauté  des  biens.  C'est  en  efîèt  à 
ce  résultat,  que  Morelly  rapporte  la 
série  de  lois  positives  par  laquelle 
il  a  couronné  sou  ceuvi-e  de  délire. 
Elle  fut  assez  long  -  temps  attribuée 
à  Diderot,  parce  qu'elle  avait  été 
comprise  dans  une  édition  falsifiée 
des  œuvres  de  ce  philosophe ,  Lon- 
dres (  Amsterdam  ),  1778  ,  5  vol. 
in-8'^.  Laharpe,  qui  regardait  aussi 
le  Code  de  la  Nature  comme  la  pro- 
duction de  Diderot,  en  fit  une  réfu- 
tation véhémente  dans  sa  chaire  du 
Lycée  ;  cl  sans  avoir  besoin  de  pres- 


MOR 

séries  conséquences  de  ce  livre,  il 
démontra  la  conformité  des  princi- 
pes qui  y  étaient  posés  avec  les  vœux 
des  brigands  révolutionnaires.  La- 
harpe aurait  diî  remarquer  du  moins, 
au  milieu  de  sa  verbeuse  et  légitime 
indignation,  que  Diderot  ne  pouvait 
guère  être  l'auteur  d'un  ouvrageuni- 
quement  composé  pour  justifier  une 
Basiliade  ignorée  ;  que  les  éditions 
de  ses  œuvres  avouées  par  lui  ne 
renfermaient  point  le  Code  de  la 
Nature  ,  et  que  l'édition  mensongè- 
re d'Amsterdam  cont''nait  plusieurs 
morceaux  qui  étaient  évidemment 
d'une  autre  main.  Morelly  fut  l'édi- 
teur des  Lettres  de  Louis  XIF  aux 
princes  de  V Europe,  à  ses  généraux, 
ses  ministres  ,  recueillies  par  Roze , 
secrétaire  du  cabinet,  Paris  et  Franc- 
fort', 1755,  2  vol.  in  12  :  elles  s'é- 
tendent depuis  iG6r  jusqu'à  la  fin 
de  1678.  Morelly  s'est  borne  à  y 
ajouter  des  sommaires  au  commence- 
ment de  chaque  année,  et  nu  pelit 
nombre  de  notes  explicatives.  F — t. 
MORELOT  (  Jean  ) ,  juriscon- 
sulte ,  né  à  Be-iançon  ,  vers  le  milieu 
du  seizième  siècle  ,  chercha  à  rame- 
ner le  goût  des  lettres  dans  sa  pa- 
trie. 11  avait  étudié  à  l'université  de 
Dole ,  sous  le  savant  Cl.  Chifflet,  qui 
lui  légua  son  commentaire  sur  les  Ins- 
titules  de  Justinieu.  Il  recueillit  et  pu- 
blia une  partie  des  ouvrages  inédits 
de  son  maître  (  F.  Cl.  ChiîVlet  ),  et 
prit  l'engagement  de  mettre  au  jour 
son  commentaire  ;  mais  il  n'a  point 
tenu  sa  promesse.  Après  avoir  reçu 
ses  grades  avec  beaucoup  de  distinc- 
tion ,  il  revifil  à  Besançon  remplir 
la  charge  de  juge  en  la  Régalie ,  et 
partagea  son  temps  entre  ses  devoirs 
et  la  culture  des  lelfres.  Nommé 
lieutenant  du  b;nUiage  d'Arbois  , 
Morcidt  mourut  en  cette  ville,  au 
mois  d'août  i(5i6.  Ou  a  de  lui:  I. 


MOR 

Discours  (  en  vers  ),  aux  excellents 
et  magnifiques  seit^neurs  les  gou- 
verneurs de  la  cité  impériale  de  Be- 
sancon, il)i(l.,  i588,  petit  in-  4". 
L'auteur  y  l'ait  l'elogc  de  la  valeur 
de  ses  compatriotes  ,  et  les  ent;aj^e  à 
moins  dédaigner  le  culte  des  Muscs  ; 
enfin,  il  demande  aux  gouverneurs 
leur  protection  pour  les  imprimeurs, 
établis  alors  très  -  récemment  dans 
cette  ville  : 

ContÎDurr  aussi  d'une  même  toneur , 

A  ces  gentils  psprils,  votre  grâce  et  faveur. 

Qui  commcDceut  ici  de  dresser  uns  presse  (i). 

II.  Carmina ,  id  est  Elegiœ  ,  epi- 
grainmata  et  alia  miscellanea,epis- 
tolœ ,  ibid. ,  1 58f) ,  in  -  8''.  Ce  petit 
recueil,  dédie  à  l'archevêque  Ferdi- 
nand deRyc,  renferme  cependant  plu- 
sieurs pièces  licencieuses.     W — s. 

MORENAS  (  François  ),  compi- 
lateur infatigable  ,  né  en  1702,  d'une 
famille  obscure  d'Avignon,  aurait  pu 
donner  à  Voltaii'e  l'idée  de  son 
Pauvre  Diable.  Après  avoir  ter- 
miné ses  études ,  il  prit  du  service 
dans  un  régiment  d'infanterie,  rpiitta 
la  casaque  de  soldat  pour  le  froc  de 
cordclier,  et ,  s'étant  fait  relever  de 
ses  vœux,  entreprit,  eu  1733,  la  ré- 
daction du  Courrier  d'Avignon , 
journal  qui  eut  de  la  vogue  dans  les 
provinces  ,  et  surtout  dans  les  pays 
étrangers.  Obligé  de  partager  les 
bénéfices  de  cette  feuille  avec  ses 
associés  ,  la  part  qui  lui  en  revenait 
ne  pouvait  suffire  à  ses  besoins  :  il 
CJiercha  donc  de  nouvelles  ressour- 
ces dans  sa  facilité ,  et  publia  succes- 
sivement différentes  compilations  qui 
auraient  mérité  plus  de  succès ,  si 
elles  eussent  été  faites  avec  moins  de 
précipitation.  Lors  de  l'entrée  des 

(0  Besauçon  avait  déjà  eu  des  impriin'-nrs  dans  le 
qninzième  siècle;  mais  la  proteciion  spcciale  que 
leur  accordaiint  epielques  ecclésiastiques  éclairés 
Ii'avait  pu  les  reirair;  et  la  ville  tut  privée  d'une 
iiiiprinieric  pendant  près  de  cent  ans  (^.  La  IRE  ). 


MGR 


10(J 


troupes  françaises  dans  Avignon,  en 
I  ^08 ,  Morénas  alla  continuer  à  Mo- 
naco sa  gazette,  et  ses  spi-culalions 
littéraires;  il  y  mourut  en  iT^j, 
dans  un  âge  avancé.  Il  avait  éfc  dé- 
coré du  titre  pompeux  d'Iiislorio- 
graplie  de  la  ville  d'Avignon  ;  mais 
il  ne  l'a  justifié  que  par  une  Histoire 
de  l'inondation  de  i^oj  ,  et  d'au- 
tres opuscules  qui  n'avaient  d'inté- 
rêt que  pour  la  ville  d'Avignon  ,  et 
qui  n'en  sont  pas  sortis.  Outre  quel- 
ques écrits  distribués  périodique- 
ment, tels  que  :  Lettres  historinjes 
(  1789,  in-i2  )j  le  Solitaire  '^Ailes, 
1 745  ,  in  -  12  )  ;  Entretiens  histori- 
ques, etc.  ,  (  1743-48,  18  vol.  in- 
12),  et  des  brochures  lie  circons- 
tance ,  on  a  de  Morénas  :  I.  Pa'allèle 
du  ministère  du  card.  de  Richelieu 
et  de  celui  du  card.  de  F  leur j  , 
Avignoi. ,  1743,  in- 12.  II,  Histoire 
de  la  présente  guerre ,  1 7  44  5  in-»  2. 
III.  Histoire  de  ce  qui  s'est  passé 
en  Provence ,  depuis  l'entrée  des 
Autrichiens  jusqu'à  leur  retraite , 
1 7  47  ,  in- 1 2.  IV.  Abrégé  de  l'His- 
toire ecclésiastique  de  Fleur  y,  17^0, 
et  années  suiv. ,  10  vol.  in- 12  ,  avec 
des  approbations  honorables.  L'ou- 
vrage l'ut  néanmoins  vivement  cri- 
tiqué ;  D.  Cléuicucet  et  le  président 
Rolland  ont  composé,  chacun  de 
leur  coté,  des  LelVes  à  Morénas 
sur  son  Ahrégé  de  l'Histoire  ec- 
clésiastique, V.  Dissertation  sur  la 
commerce  ,  tr  unit  de  l'italien,  du 
mnrquis  B?lloni  ,  la  Haye  (  Paris  ), 
1755  ,  in-i  2.  VI.  Dictionnaire  por- 
tatif des  cas  de  conscience  ,  Avi- 
gnon. 17  >8,  3  vol.  in-80. ,  avec  des 
suppléments  à  la  lin  de  chaque  vol. 
(  F.  PoNTAS.  )  VII.  Dictionnaire 
historique  port  at[f  ds  la  géographie 
ancienne  et  mn-leme  ,  Paris ,  i  ''5o , 
in-8".  VÏII.  Dictionnaire  portatif, 
comprenant  la  géographie  ,  l'his- 


llO 


]MOR 


lolre  universelle ,  la  chronologie , 
etc.,  Avignon  ,  i-jtto-G,* ,  8  vol.  iu- 
8".  IX.  Précis  du  réélit  al  des 
Conférences  ecclésiastitjues  d'An- 
f,ers ,  ibid. ,  17O4,  4  "^'ol.  in-12. 
(  ^.  Badix  ,  III ,  1.57.  )       W — s. 

MOKÉRI  (Louis  ),  premier  au- 
teur du  J)i(;lioiniaire  historique  qui 
porte  son  nom  ,  naquit  à  Barge- 
mont,  on  Provence, Ic'jtS mars  i(>43. 
Destine  par  la  A^olonlë  de  ses  pa- 
rents,  ou  par  son  propre  choix,  à 
l'état  ecclésiastique ,  et,  par  la  nature 
de  son  esprit,  aux.  travaux  d'érudi- 
tion, il  sembla,  dans  les  premières 
productions  de  sa  jeunesse,  n'avoir 
écoute'  aucune  de  ces  inspirations. 
Le  Pajs  d'amour ,  allégorie  froide 
et  galante,  qu'il  mit  au  jour  à  l'âge 
de  î8  ans,  ne  promettait  pas  plus 
un  ministre  à  l'c'glise,  que  le  Doux 
plaisir  de  lapoésie ,  recueil  des  meil- 
leures pièces  de  vers  coiunies  dans 
notre  langue,  n'annonçait  l'auteur  du 
Dictioiinaire  historique.  Après  avoir 
achevé  ses  premières  études  à  Diagui- 
gnan  et  à  Aix ,  il  alla  étudier  la  théo- 
logie à  Lyon.  C'est  là  qu'il  commen- 
ça de  s'appliquer  à  l'élude  des  lan- 
gues italienne  et  espagnole ,  dans  les- 
quelles il  devait  trouver,  par  la  sui- 
te, de  grands  secours  pour  ses  tra- 
vaux biographiques.  Il  traduisit  mê- 
me ,  de  l'espagnol ,  le  livre  delà  Per- 
fection chrétienne  ,  de  Rodri^uez.  Il 
prit  aussi,  pendant  son  séjour  dans 
cette  ville  ,  les  ordres  sacrés  ,  et  prê- 
cha la  controverse.  Mais  l'idée, qui 
depuis  long-temps,  et  surtout  alors 
le  dominait,  à  laquelle  on  peut  dire 
qu'il  sacrifia  même  sa  vie ,  était  la 
composition  de  son  Dictionnaire , 
qui  parut  <à  Lyon  en  un  volume  in- 
fol.  1673.  Moréri  n'avait  que  trente 
ans.  On  admira  ,  et  avec  raison  , 
l'immense  éiudiliou  qui  avait  pré- 
side' à  ce  travail ,  et  ordonne  les  nar- 


IVIOR 

ties  de  ce  vaste  édifice.  L'ouvrage 
était  cependant  bien  incomplet:  mais 
il  fournissait  les  moyens  de  faire 
mieux  j  c'est  aux  imperfections  de 
ce  même  dictionnaire,  qu'on  doit 
celui  de  Bayle,  qui  ne  s'était  pro- 
posé d'abord  que  de  réfuter  les  er- 
reurs ou  de  suppléer  aux  lacunes  de 
Moréri.  Il  ne  paraît  pas  inutile  de 
raj)pe]er  ici  comment  s'exprime  Bay- 
le lui-même,  sur  les  fautes  échap- 
pées à  son  devancier.  «  Je  ne  souhai- 
»  te  pas ,  dit-il ,  que  l'idée  méprisante 
))  que  cela  pourra  donner  de  son  tra- 
»  vail ,  diminue  la  reconnaissance 
»  qui  lui  est  due.  J'entre  dans  les 
»  sentiments  d'Horace,  à  l'égard  de. 
»  ceux  qui  nous  montrent  le  chemin. 
»  Les  premiers  auteurs  des  dictiou- 
»  naircs  ont  bien  fait  des  fautes  j 
»  mais  ils  ont  mérité  une  gloire  dont 
»  leurs  successeurs  ne  doivent  ja- 
»  mais  les  frustrer.  Moréri  a  pris  une 
»  grande  peiue  qui  a  ser\  i  de  queU 
»  que  chose  à  tout  le  monde,  et  qui 
»  a  donné  des  instructions  suifi- 
»  santés  à  beaucoup  de  gens.  Elle  a 
»  répandu  la  lumièie  dans  des  lieux 
»  oii  d'autres  livres  ne  l'auraient 
»  jamais  portée ,  et  qui  n'ont  pas  be- 
»  soin  d'une  connaissance  exacte  des 
»  faits.  »  Le  mérite  des  successeurs 
de  Moréri  a  été  de  rectifier  ces  faits  , 
de  porter  dans  leur  rédaction  uu 
esprit  de  critique  ,  qui  ti*op  sou- 
vent manque  à  son  ouvrage;  de  pré- 
senter cndn  sur  chaque  personnage, 
au  défaut  des  grands  développements 
que  l'histoire  seule  peut  donner  , 
des  notions  justes  et  complètes  pour 
lo  cadre  étroit  oîi  elles  sont  res- 
serrées. Cetlc  reconnaissance  de  la 
postérité  ,  que  réclame  Bayle  eu  fa- 
veur de  Moréri  ,  lui  est  d'autant 
mieux  acquise  ,  qu'il  périt  véritable- 
ment victime  de  son  zèle.  Il  était 
veuu  à  Paris  en  1675,  avecrévêquc 


«l'Apt, Gaillard  de  Loii^jiiinoau,  dont 
il  e'iait  aumônier,  et  aiujiiei  il  .ivait 
dédie  son  Dictionnaire  ,  par  recon- 
sancc  pour  les  recherches  et  les  nia- 
tcrianx  immenses  qu'il  devait  à  ce 
prélat.  (  F.  Gaillard,  XVI,  273.) 
lise  lia,  dans  la  eajiitale,  avec  tont 
ce  que  la  France  comptait  alors 
d'hommes  illustres  dans  les  lettres 
et  les  sciences.  Ces  liaisons  lui  furent 
agréables  :  il  en  fil  une  autre  qui  pou- 
vait être  utile  à  sa  fortune,  celle  de 
Pomponne,  qui  se  l'attacha  en  1O78; 
mais  ,  à  la  disgrâce  de. ce  ministre, 
c'est-à-dire,  après  un  an  de  séjour 
chez  lui ,  Moréri  se  consacra  de  nou- 
veau tout  entier  à  ses  études,  et  par- 
ticulièrement aux  soins  d'une  nou- 
velle édition  de  son  Dictionnaire. 
L'excès  du  travail  avait  épuisé  ses 
forces  :  il  mourut  le  10  juillet  1680  , 
âgé  de  trente-sept  ans  et  quatre  mois , 
n'ayant  pu  faire  i^rpriraer  que  le 
premier  volume  de  cette  édition.  Un 
premier  commis  de  M.  de  Pompon- 
ne surveilla  l'impression  du  second  , 
achevée  en  1681  ,  et  dédia  tout 
l'ouvrage  au  roi.  On  a  reproché  au 
Dictionnaire  de  Moréri ,  d'être  fort 
inexact  dans  la  partie  géograpliique, 
de  mêler  mal-à-propos  dans  sa  no- 
menclature la  mythologie  à  l'histoi- 
re ,  et  de  contenir  un  trop  grand 
nombre  de  généalogies  ;  ce  qui  peut 
en  efl'et  le  faire  ressembler  ]>arfois 
à  certains  nobiliaires  de  nos  provin- 
ces :  mais  ce  n'est  pas  sur  ce  fait 
qu'il  est  jugé  le  pbis  sévèrement, 
surtout  par  les  parties  intéressées. 
Auteur  clu  premier  ouviage  où  se 
trouvent  réunis  les  noms  de  tous  les 
personnages  qui  ont  quelques  droits 
à  la  célébrité,  Moréri  ne  pouA'ait 
êtreoubliédans  celui-ci.  Nous  croyons 
même  pouvoir  ajouter  qu'après  les 
noms  historiques,  ou  ceux  que  le 
génie  a  rendus  fameux  dans  les  scieix^ 


MGR  i^i 

ces  ou  dans  les  lettres  ,  nul  ne  récla- 
mait à  ])lus  juste  litre  une  place  dans 
la  Biogiaj)hic  universelle.  L'iudica- 
cation  ([u'il  donne  des  autorités,  et 
le  progrès  des  connaissances  biblio- 
graphiques, ont  depuis  fait  revoir 
son  ouvrage;  ce  qui  l'a  porté  à  5  vol. 
in-fol.  en  17  18,  à  G  vol.  eu  1729 
et  1  73^,  et  enfin,  à  10  vol.  en  1759, 
])arDrouet,  au  moyen  de  la  refonte 
des  suppléments  de  Tabbé  Goujet: 
de  sorte  que  le  Dictionnaire  de  Moré- 
ri n'est  pbisà  lui,  à  proprement  par- 
ler ;  mais  son  nom  est  l'esté.  (  F. 
le  Discours  préliminaire.  )  Moréri 
fut  l'éditeur  de  3  vol.  de  Fies  des 
saillis  ,  dont  il  retoucha  le  style  ,  et 
auxquels  il  ajouta  des  tables  chrono- 
logiques, et  d'une  Belation  nouvelle 
du  Levant ,  ou  Traité  de  la  religion, 
du  gouvernement  et  des  coiitumes 
des  Perses ,  des  Arméniens ,  et  des 
Gaures ,  parle  P.  Gabriel  de  Chi- 
non,  capucin.  Cet  auteur  infatiga- 
ble avait  rassemblé  les  matojiaux 
d'un  Dictionnaire  historique  et  bi- 
bliographique des  Provençaux  célè- 
bres ,  et  commencé  une  Histoire  des 
conciles;  il  laissa  un  Traité  des  étren- 
nes ,  en  manuscrit.  F  -  t  et  L-d-x. 

MORES  (Edouard  Rowe),  anli- 
quaireanglais,  né!e  1 3  janvier  1730, 
à  Tunstall,  dans  le  comté  de  Kent, 
où  son  père  était  recteur,  publia 
avant  l'âge  de  vingt  ans ,  à  Oxford , 
où  il  aA'ait  fait  ses  études,  un  ouvrage 
intitulé  :  Nomina  et  insignia  genlt- 
litia  nobilium  equitiimcjne  sub  Ed~ 
wardo  primo  rege  militanlium  , 
1748,  in-4°.  Cette  publication  et 
quelques  autres  lui  ouvrirent,  en 
17.52,  l'entrée  de  la  société  des  an- 
tiquaires. C'est  à  lui  que  doit  son 
existence  la  société  appelée  Equitable 
Society  for  assecurance  on  lives  , 
espèce  de  tontine  ,  dont  la  première 
idée  avait  été  doonée,. en  i']56,  par 


i4^  MOR 

James  Didson.  Mores  en  fut  nomme' 
directeur  perpétuel  ;  et  il  a  publié 
divers  écrits  sur  cette  association 
pliilantropique.  On  a  de  lui,  une 
Dissertation  cwieuse  sur  les  fon- 
deurs et  les  fonderies  typographi- 
ques {  Londres,  1776,  in-S".  firce 
seulement  ;i  100  exemplaires)  j  Vhis- 
toire  et  les  antiquités  de  Tunstall 
dans  le  comté  de  Kent ,  etc.  îviores 
ëlait  fort  jaloux  de  se  faire  remar- 
quer par  des  siiigularilés  :  sa  prédi- 
lection pour  la  langue  latine  le  porta 
à  l'enseigner  à  une  lille  qu'il  cbcris- 
sait  uniquement.  Dès  sa  plus  tendre 
enfance,  il  ne  lui  parlait  guère  qu'en 
latin. Il  l'envoya  ensuileàliouenpour 
s'y  perfectionner  dans  ses  études. 
Mais  ,  ce  qu'il  n'avait  pas  prévu,  et 
ce  qui  l'affligea  beaucoup,  elle  y  suça 
en  même  temps  les  principes  de  la 
doctrine  catholique  romaine.  Mores 
vint  résider,  en  1760  ,  à  Low-Lay- 
ton,  village  où  il  bâtit  une  maison 
d'un  genre  bizarre,  dont  il  avait  vu 
dit- on,  le  modèle  en  France.  On 
peut  s'étonner  qu'un  Anglais  soit  ve- 
nu prendre  en  France  des  modèles 
de  bizarrerie.  Après  une  jeunesse 
très-laborieuse  ,  IMores  se  livra ,  dans 
la  dernière  partie  de  sa  vie,  à  la  dis- 
sipation j  et  cette  conduite  précipita 
sa  mort,  arrivée  à  Low-Laytou,  le 
•28  novemlu-e  1778.  L. 

MORET  (Antoine  de  Bourbon, 
comte  DE  ),  (ils  naturel  dcHenii  IV 
et  de  Jacqueline  de  Bcnil,  comtesse 
de  Bourbon-Moret,  né  à  Fontaine- 
bleau en  1607,  légitimé  en  1G08, 
était  abbe'^de  Savigui,  de  Saint-Vic- 
tor de  Marseille,  de  Saint- îltienne  de 
Caen ,  et  de  Signi;  ce  qui  ne  l'empc- 
cba  pas  de  porter  les  armes  dans  les 
guerres  civiles  qui  désolèrent  la 
France  sous  le  ministère  de  Riche- 
lieu. 11  fut  élevé  au  château  de  Pau , 
où  il  eut  pour  premier  précepteur 


MOR 

Sciplon  Dupleix ,  depuis  historiogra- 
phe de  France,  qui  lui  dédia  son 
Corps  (ou  cours)  de  philosophie , 
premier  ouvrage  de  ce  genre  qui  ait 
été  imprimé  en  français  [V.ïiv- 
PLEix  ).  Lorsque  les  jésuites  ouvri- 
rent le  coUégede  Clermont,  en  vertu 
d'un  arrêt  du  Conseil,  obtenu  contre 
l'université  de  Paris,  le  1 5  février 
1618,  Louis  XIII  leur  donna  ])0ur 
écoliers  le  marquis  de  Verncuil  et 
le  comte  de  Morel,  ses  frères  natu- 
rels. «  Eu  ])eu  de  temps  ,  dit  dans 
»  ses  Mémoires  l'abbé  de  Marolles  , 
»  qui  était  leur  condisciple ,  ils  se 
»  rendirent  si  savants,  que,  sur  la 
«  fin  de  leurs  études,  qui  ne  fut  pas 
»  fort  éloignée  de  leur  commence- 
»  ment,  ils  so(îtinrent  des  thèses  en 
»  philosophie  et  en  théologie,  avec 
1)  mi  succès  merveilleux.  »  Le  comte 
de  IMoret  avait  pour  précepteur  au 
collège,  Lingenc«es,  depuis  évêquede 
]\Iâcon.  Eu  sortant  de  ce  collège  ,  il  ' 
se  trouva  jeté  dans  les  intrigues  de  la 
cour,  et  s'attacha  au  duc  d'Orléans  -, 
il  suivit  la  mauvaise  fortune  de  ce 
prince,  qui  quatre  fois  sortit  du 
loyaume  pour  y  rentrer  à  main  ar- 
mée, ne  sut  jamais  soutenir  ses  pré- 
tentions, et,  dans  des  paix  particu- 
lières, abandonna  trop  souvent  ses 
partisans  et  ses  amis  aux  vengean- 
ces d'un  ministre  implacable.  C'est 
dans  les  pièces  officielles  du  temps, 
trop  rarement  consultées  par  les 
historiens,  qu'il  faut  cherclier  en- 
core la  situation  de  la  France  à 
cette  époque,  la  physionomie  des 
personnages ,  et  le  caractère  des  faits 
et  des  événements.  Une  déclaration 
du  l'oi,  donnée  à  Dijon,  le  3o  mai,  et 
une  autre  du  1 2  août  suivant,  signa- 
lent le  comte  de  Moret,  les  ducs  d'El- 
beuf ,  de  BcUegarde  et  de  Roanez  ,  le 
président  le  Coigneux,  etc.,  comme 
les  principaux  auteurs  des  dange- 


MOR 

reitx  conseils  donnes  à  son  frère 
Gaston,  et  comme  l'ay.inl  emmené 
hors  du  royaume  :  le  roi  les  déclare 
atteints  el  convaincus  du  crime  de 
lèse  •  majesté  et  perturbateurs  du 
repos  public  ;  ordonne  la  re'union  de 
lenrs  fiefs  au  domainedela  couronne, 
la  saisie  et  confiscation  de  tous  leurs 
autres  biens,  etc.  Une  chambre  du 
domaine,  composée  de  conseillers- 
d'etat  et  de  maîtres  des  requêtes,  fut 
établie  à  la  suite  de  la  cour;  et  par 
divers  arrêts  qu'elle  publia  le  1 5  oc- 
tobre ïG3i  ,  le  comte  de  Moret ,  les 
duchés  d'Elbeuf,  de  Bellegardc  et 
deRoanez,  les  biens  des  marquis  de 
la  Vievdle  et  d'Oisan,  et  ceux  du 
président  le  Coigneux,  furent  con- 
fisqués au  roi  et  réunis  à  son  do- 
maine En  même  temps  la  scignearie 
de  Richelieu  fut  érigée  en  duché- 
pairie,  pour  venger  le  cardinal  de 
ses  ennemis.  Ce  ministre  célèbre 
était  violemment  attaqué  dans  les 
lettres  que  le  duc  d'Orléans  écrivait 
au  roi ,  et  que  le  comte  de  Moret  et 
ses  autres  favoris  étaient  accusés  de 
lui  suggérer.  Nous  citerons,  comme 
un  document  historique  très-curieux, 
une  lettre  datée  de  Nanci ,  le  3o 
mai  i63i,  écrite  à  Louis  XÏII  par 
son  frère  ,  adressée  par  lui  au  par- 
lement de  Paris,  qui  était  chargé  de 
la  transmettre  au  roi ,  et  qui  fut  im- 
primée avec  la  réponse  de  S.  M.  (Pa- 
ris ,  iG3 1 ,  in-8'\  de  47  pages.  )  Cet- 
te lettre,  disait  Monsieur ,  demeure- 
ra dans  l'histoire.  Il  est  donc  utile 
d'y  en  conserver  du  moins  quelques 
extraits.  Le  prince  parle  des  perni- 
cieux desseins  du  ministre  ,  de  ses 
déportemens ,  de  son  cjjronterie , 
de  ses  exécrables  calomnies  ,  de  sa 
rage ,  de  ses  crimes  abominables. 
Le  cardinal  est  appelé  pi'ëtre  inhu- 
main et  pervers ,  pour  ne  pas  dire 
scélérat  et  impie.  «  Ce  tyran  formi- 


MOR  143 

»  dablc  ,  écrit-on  au  roi ,  force  vo- 
»  tre  parole ,  dispose  lie  votre  seing, 
»  de  votre  sceau,  et  de  vos  armes, 
»  malgré  vous...  11  dépense,  en  un 
»  jour,  six  fois  plus  d.uis  sa  mai- 
»  son  ,  que  vous  ne  faites  dans  la 
»  votre.  Et  tandis  qu'il  a  consommé 
»  plus  de  deux  cents  millions ,  il 
))  n'y  a  pas  un  tiers  de  vos  sujets , 
»  dans  la  campagne  ,  qui  mange  du 
»  pain  ordinaire  ;  l'autre  tiers  ne  vit 
»  que  de  pain  d'avoine  ,  et  l'autre 
»  tiers  ne  se  substantcquede  glands, 
>>  d'herbes  et  de  choses  semblables  , 
»  comme  les  bètes.  J'ai  vu  ces  raisc- 
»  rcs  ,  etc.  »  Le  frère  du  roi  repro- 
che à  son  ministre  d'avoir  à  lui  un 
grand  nombre  de  places  ,  telles  que 
Brouage  ,  Olerou  ,  Ké  ,  la  Rochelle  , 
Saumur,  Angers,  Brest,  Amboisc  , 
le  Havre  ,  le  Pont-dc-l'Arche  et  Pon- 
toise ,  en  sorte  qu'il  vient  jusqu  aux 
portes  de  Paris  ;  d'être  maître  de  la 
Provence ,  de  la  citadelle  de  Ver- 
dun ;  d'avoir  une  armée  de  mer, 
d'immenses  trésors,  des  gardes;  de 
tenir  toutes  les  clefs  de  la  France 
en  sa  mainj  en  sorte  que  ,  «  quand 
»  la  France  serait  aussi  florissante 
»  qu'elle  fut  jamais ,  elle  ne  serait 
»  pas  capable  ,  en  dix  ans  ,  de  faire 
»  une  armée  assez  forte  pour  s'op- 
»  poser  à  la  sienne,..  Les  prisons 
»  sont  des  sépulcres  pour  y  enseve- 
»  lir  vos  vrais  serviteurs  ;  et  dès-à- 
»  présent ,  ne  semble-t-il  pas  ({uc  le 
»  crime  de  lèse-majesté  n'est  plus 
»  d'attenter  contre  le  roi  ou  contre 
»  son  Eiat,  mais  que  c'est  de  n'avoir 
))  pas  un  zèle  et  une  obéissance 
»  aveugles  pour  toutes  les  volontés 
»  et  les  desseins  du  cardinal  de 
))  Richelieu?  »  Ces  desseins,  dont 
le  prince  dit  avoir  des  preuves 
palpables  et  évidentes  ,  sont  de 
se  rendre  souverain,  vous  laissar.t 
et  le  nom  et  la  figure  de  roi  pour 


lU 


M  OR 


jm    temps.    Louis  repondit  à  son 
frère  que  sa  lettre  était  «  un  ma- 
»  uifeste  aussi  importun  par  sa  lon- 
»  gucur ,    qu'odieux    aux.    gens  de 
»  bien  ,  pour  les  calomnies  et  meV/j- 
»  sances  qu'il  contient. (le  sont  per- 
j)  sonnes  lâches  et  infâmes  qui  écri- 
))  vent  que  ye  suis  jjj-isonnier ,  sans 
»  que  je  le  connaisse.  »  Louis  exal- 
te ensuite  la  fidélité,  le  courage,  les 
vertus  et  les  services  signale's  du  car- 
dinal. «  Je  ne  mériterais  pas  ,  ajou- 
»  te-t-il ,  le  nom  de  Juste  ,  si  je  ne 
»  les    reconnaissais.  Vous  saurez  , 
•»  une  fois  pour  toutes  ,  que  j'ai  en- 
»  tière  confiance  en  lui  j  et  je  tien- 
»  drai  pour  fait  et.  dit  contre  moi , 
«  tout  ce   que  vous  direz  et  ferez 
»  contre  une  personne  que  ses  servi- 
»  ces  me  l'endcut  si  recommandable 
»  et  si  chère.  »  Ce  qu'il  y  a  de  re- 
marquable et  desingulicr,  c'est  que, 
lorsque  Monsieur  lit ,  l'année   sui- 
vante, sa  paix  avec  le  roi ,  il  écrivit 
de  sa   main ,  et  signa  ce  qui  suit  : 
«  Nous  promettons  en  outre...  d'Ai- 
»  MER  particulièrement  notre  cousin, 
»  le  cardinal  de  Richelieu,  que  nous 
»  avons    TOUJOURS    estime,   v    Le 
comte  de  Moiet  avait  suivi,  en  Lor- 
raine et  dans  les  Pays-Bas  ,  Gaston, 
que  la  maison  d'Autriche  encoura- 
geait et  aidait  dans  sa  révolte.  C'est 
a  cette  époque  que  Richelieu  conçut 
et  ne  tarda  pas  a  cxéculer  le  dessein 
d'abaisser  cette  éternelle  ennemie  do 
La  France.  Le  procès  du  maréchal  de 
Marillac,   instruit  à  Ruel  par  une 
commission,  et  l'exécution,  sur  la 
place  de  Grève,  de  ce  vieux  guei- 
X'ier,    qui  comptait  quarante- trois 
années  de  services,  venaient  d'accroî- 
tre la  haine  qu'on  portait  au  cardi- 
nal. Le  duc  de  Montmorenci ,  gou- 
verneur du  Languedoc  ,  leva  l'éten- 
dard contre  son  souverain.  Il  prati- 
qua des  intelligences  avec  l'Espagne: 


MGR 

six  mille  Napolitains  ,  qui  devaient 
le  joindre,  parurent  dans  des  galè- 
res, sur  la  côte  dcNarboniie,  mais 
n'rnècluèrenl  point  leur  débarque- 
ment.   Bagnols  ,    I3é/.iers  ,    Lunel  , 
Beaucaire  ,  Ahiis ,  s'insurgèrent  ;  des 
évêques  ,  des  barons ,   des  députés 
des  Etats,   dos  consuls,   entrèrent 
dans  la  révolte.  Gaston  publia  ,  le 
i3  juin,  un  manifeste,  où  il  prenait 
le  litre  de  lieutenant-général ,  rentra 
en    France   avec     iSoo    chevaux  , 
brûla  le  faubourg  Saint-Nicolas  de 
Dijon  ,  et  les  maisons  de  camjtagne 
des   membres  du  parlement  qui  a- 
vaient  été  juges  de  Mariilac  ;  il  tra- 
versa le  Bourbonnais,  l'Auvergne,  le 
Rouergue,  et  entra  dansTAibigcois. 
li'évèque  d'Albi  lui  ouvrit  les  por- 
tes :  Gaston  laissa,  dans  cette  place, 
le  comte  de  Morct  avec  5oo  Polo- 
nais ,  et  se  dirigea  vers  Béziers.  Tou- 
louse ,    Garcassonne    et  Narbonnc , 
restèrent  fidèles.  Les  états  de  la  pro-  • 
vincc  s'assemblèrent  à  Pézenas.    Le 
ducde  Montmorenci  les  engagea  dans 
le  parti  du  prince.  L'insurrection  de- 
venait menaçante;  la  Guienne  était 
agitée.  Richelieu  mit  en  mouvement 
trois  armées  :  l'une ,  sous  le  com- 
mandement du  maréchal  de  la  Force, 
entra  en  Languedoc  par  la  ville  du 
St. -Esprit;  l'autre,  commandée  par 
le  maréchal  de  Schomberg,  s'avan- 
ça dans  le  Lanraguais;  la  troisième, 
fortedtevingt  mille  hommes  de  })ied, 
et  de  deux  mille  chevaux,  fut  con- 
duite par  le  roi  et  par  Richelieu , 
qui  partirent  de  Paris  ,  le  19.  août , 
et  arrivèrent  à  Roanne,  le  i*^'.  sep- 
tembre. Mais  ce  jour-là  même  décida 
tout  dans  le  combat  livréprèsde  Cas- 
teinaudari.  Le  maréchal  de  Schom- 
berg assiégeait  le  château  de  Car- 
maing  ou  Caraman ,  qui ,  avec  une 
garnison  de  '25  à  3o  hommes  ,  se  dé- 
fendait depuis  douze  jours  ,  lorsque 


MOR 

les  ducs  d'Orléans  et  de  Moiilmo- 
rcnci    s'avanccrci;t   de  l'aulie    côlc 
pour  le  dcgat^er.  Mais  quatre  gcnlil- 
honiines  ((ui  avaient  vendu  le  c.lià- 
teau  à  (iaston  jiour  lioo  e'cus  ,  le 
livrèrent  à  Schumlicru;  pour  10,000 
livres;  et  le  maréchal    marcha   au 
devant  de  l'ennemi.   Les  deux  ar- 
mées se  trouvcreut  en  présence,  à 
une   demi  -  liciie   de  Castelnaudaii. 
Schojnberg  n'avait  cpie    itioo  che- 
vaux et  environ  1000  hommes  d'in- 
fanterie. L'armée  de  Monsieur  était 
forte  de  3ooo  chevaux,    de    -iooo 
hommes    de    pied ,    et  d'un  grand 
nombre  de  gentilshommes  qui  ser- 
vaient comme  volontaires.  Le  comte 
de  Moret  était  venu  joindre  le  duc 
d'Orléans    avec    ses    Polonais.     Le 
prince   avait  déféré  le  commande- 
ment à  Montmoreuci  ;  le  duc  se  pla- 
ça à  l'aile  droite;  le  comte  de  IVIoret 
à  l'aï  le  gauche  :  ce  dernier  ne  s'était 
encore  trouvé  à  aucune  action.  Bouil- 
lant et  plein  d'ardeur  ,  impatient  de 
faire  son  premier  coup  d'épée,  s.ins 
attendre  aucun  ordre ,  il  s'avance  à 
la  tète  d'une  compagnie  de  carabi- 
uiers  et  des  5oo  Polonais  ,  commen- 
ce  l'attaque  en  tirant  un  coup   de 
pistolet,  et  aussitôt  reçoit  unemous- 
quetade  :  son  écuyer,  nommé  Pes- 
ché,  est  tué  à  ses  côtés;  il  îomlie  lui- 
mèiue,  on  l'emporte  :  les  Polonais  se 
retirent,  et  refusent  de  combattre  (  i  ). 
Le  duc  de  IMontmorenci ,   instruit 
que   l'action    était  engagée    sur    la 
droite ,  oublie  la  promesse  qu'il  a 
faite  à  Monsieur,  d'attendre  ses  or- 
dres pour  le  combat  :  il  s'élauce  sur 
la  cavalerie  royale  ,  reçoit  dix  bles- 

(1^  ll.ms  iiMf  r.  l..ti,:n  du  temps,  intitulée,  le  l'oya. 
tjc  t/e  ?î/.  df  tiuUion  à  Beziers  vers  moiiseig^jenr  !c 
duc  d'Oiléims ,  iinpriiUM  ■.  Ly.m  ,  itiii ,  iu-S". ,  on 
lit  ce  nui  soit  :  «  Cinq  coiitsPolacrcs,  qui  se  ret^i-iiiiit 
»  prcn.mt  ia  roule  d' \u\irgae  ,  furent  tous  dr  trons- 
)>  ses  |i.ir  des  soMat-;  du  mi ,  puis  touillèrent  entre  l:  s 
«  luaiiu  des  p.ijsaus,  qui  mirent  eu  chemise  ceux 
»  ijui  leur  firent  pitic  ,  et  assommèrent  le  resti'.  » 

XXX. 


MOI! 


i/p 


sures,  est  fait  prisonnier;  et  la  for- 
lune   de    Kicheiieu  l'emporte   (  f^. 
MoNTMorvL.NCi ,  pag.  17  ,  ci-dessus). 
Les    historiens    ne    s'accordent    ni    '' 
sur  le  temps,  ni  sur  lei  circouitan- 
•cs  de  la  mort  du  comte  de  ?»îorct. 
Les  u!is  le  font  expirer  sur  le  champ 
de  bataille;  les  autres,  dans  le  carros- 
se de  Monsieur,  deux  ou  trois  heu- 
res   après  y  avoir  été  transj)orté  ; 
ceux-ci,  dans  le  monastère  des  reli- 
gieuses de  Prouillc,   quatre  hciyes 
après  que  le  carrosse  du  prince  l'y 
aurc'it  amené:  ceux-là    prétendent 
qu'il  ne  mourut  pas  de   ses  blessu- 
res; qu'ayant  été  secrèîement  pansé 
et  guéri,  il  passa  en  Italie,  se  fit  er- 
mite,  parcourut  divers  pays    sans 
être  connu,  et  se  relira  enfin  ,  dans 
l'ermitage   dos  Gardellcs  ,   à    deux 
lieues  de  Saumur,  où,  sous  le  nom 
àojrère  Jean  JjUjAisie,  il  mourut  en 
odeur  de  sainteté,  le  '2^  déc.  i6q2, 
soixante  ans  après  le  combat  de  Cas- 
telnaudari ,  et  à  l'âge  de  quatre-vingt- 
cinq  ans.  Voilà  un  problème  histori- 
que à  résoudre.  Il  est  certain  que  si  le 
comte  de  Moi-et  ne  fut  pas  tué  au 
combat  de  Gastcînaudari ,    on   crut 
généralement  qu'il  l'avait  été.  L'abbé 
deMaroUes ,  qui  l'avait  connu  au  col- 
lège, et  qui  avait  conservé  des  rela- 
tions avec  lui,  dit  positivement, dans 
ses  Mémoires ,  qu'il  fut  tué.  L'histo- 
riographe Dupleix,  qui,    un   mois 
après  le  combat,  alla  visiter  îelieu  où 
il  avait  été  donné,  et  s'instruire  de 
toutes  les  circo7i:,tances^  dit  dans  sa 
grande  Histoire  de  France  :    «  Le 
»  comte  de  Moret,  qui  donna  du  cô- 
»  té  du  chemin   creux  ,   avec  peu 
»  d'autres  ,  reçut  une  mousquetade, 
»  de  laquelle  il  mourut  trois  heures 
»  après,  ayant  été  porié  hors  de  la 
»  presse  dans  le  carrosse  de  Mon- 
»  sieur  ,    qui    témoigna    un    regret 
»  extrême  de  sa  perte  ;  car  c'était  un, 
10 


i4& 


MOR 


V  prince  bien  ne,  de  gentil  esprit  et 

V  de  belle  espérance.  »  Enfin ,  si  le 
comte  de  Morct  n'avait  pas  ctc 
mort  ou  cru  mort ,  lorsque  Mon- 
sieur fit  la  paix  avec  le  roi  ,  paix 
négociée  par  le  surintendant  Bul- 
lion,  et  signée  à  Béziers  ,  vingt-huit 
jours  après  le  combat  (  le  ug  sep- 
tembre ) ,  il  aurait  demandé  et  ob- 
tenu, pour  sou  frère  naturel,  la  grâce 
qu'il  obtint  pour  d'autres.  Ce  traité 
porte  en  effet  :  Le  roi  pardonne 
pareillement  au  duc  d'Elbeuf.  Au 
fait ,  Louis  XIII  aimait  le  comte  de 
Moret  :  «  Il  lui  avait  témoigné,  dit 
Dupleix,  toutes  les  affections  qu'il 
devait  désirer  d'un  bon  frère  ;  et 
même  naguère  Sa  Majesté  avait 
pourvu  au  paiement  de  ses  créan- 
ciers ;  "D'ailleurs , le  comte  n'aurait 
cil  quelque  intérêt  à  se  cacher,  qu'au- 
tant que  le  duc  d'Orléans  n'eût  pu 
obtenir  sa  grâce ,  dans  les  négocia- 
tions de  Béziers.  Il  résulte  de  toutes 
ces  autorités  ,  que,  s'il  ne  fut  pas  tué 
au  combat  de  Gastelnaudari ,  l'opi- 
nion générale  fut  qu'il  y  avait  péri; 
et  c'est  le  témoignage  uniforme  de 
S.  du  Gros,  de  dom  Vaissettc,  et  de 
tous  les  historiens  du  temps.  Cepen- 
dant, comme  l'observe  le  P.  GnlFet 
dans  sa  continuation  de  V Histoire  de 
France  de  Daniel ,  environ  cinquante 
ans  après  la  mort  vraie  ou  présumée 
du  comte  de  Moret,  on  commença 
eu  France  à  parler  de  ce  personnage 
comme  s'il  était  encore  vivant.  Lu 
curé  d'Angers  (  V.  Gr.AisDET  )  fit 
imprimer,  en  1699,  une  Vie  d'un 
solitaire  inconnu ,  qu'on  a  cru  être 
le  comte  de  Moret,  mort  en  Anjou, 
en  odeur  de  sainteté,  le  'i^  décem- 
bre 1692.  Déjà  l'année  même  de  la 
mort  de  ce  solitaire  ,  l'abbé  d'Asniè- 
res  ,  qui  l'avait  connu,  et  qui  le  re- 
gardait comme  étant  le  comte  de  Mo- 
ret, avait  fait  imprimer,dans  le  Mer- 


MOR 

cure  (fer.  1692),  une  Lettre  à  M'"'. 
la  duchesse  de  La  Meilleraje ,  où  il 
exposait  les  motifs  de  son  opinion. 
Parmi  les  historiens  qui  ont  le  plus 
cherché  à  l'accréditer ,  est  le  P.  Grif- 
fct.  Dans  sa  nouvelle  édition  des  Mé- 
moires ded'Avrigny  (  1758,  5  vol. 
in-i  2  ) ,  il  réfute  ce  même  d'Avrigny 
qui  avait  réfuté  Grandet.  Dans  son 
histoire  de  Louis  XIII  (  ann.  i632), 
il  cite  un  auteur  contemporain  qui 
avait  reçu  Monsieur  dans  la  ville  de 
Lodève,  en  qualité  de  premier  con- 
sul ,  et  qui  rapporte,  dans  le  troisiè- 
me livre  d'une  histoire  de  Montnic- 
renci,  que  l'abbessede  Prouille,  sœur 
du  duc  de  Veutadour ,  perdit  son 
abbaye ,  pour  avoir  donné  asile  au 
comte  de  Moret,  dans  son  couvent  : 
«  Si  ce  fait  est  vrai  ,^dit  le  P.  Griffet, 
»  il  suppose  que  ce  comte  vivait  en- 
»  core  lorsqu'il  arriva  dans  le  mo- 
»  nastère  ;  car  on  n'aurait  pas  pu 
»  faire  un  crime  à  cette  abbesse,  d'y  , 
»  avoir  reçu  son  cadavre  :  c'était 
»  donc  plutôt  pour  l'avoir  recelé 
»  dans  son  couvent,  qu'elle  fut  pu- 
»  nie.  »  Enfin ,  après  avoir  rappelé 
ce  que  rapporte  l'abbé  Richard ,  dans 
sa  Fie  du  P.  Joseph,  où  il  ne  fait 
guère  que  copier  la  Fie  d'un  so- 
litaire inconnu,  par  le  curé  Gran- 
det, l'historien  de  Louis  XIII  finit 
par  dire  :  «  Ce  fait  pourrait  bien 
»  n'être  pas  aussi  fabuleux  (fu'on  s& 
»  l'imagine.  »  L'abbé  Richard,  l'ab- 
bé d'Asnières  et  le  curé  Grandet 
sont  les  trois  écrivains  qui  ont  don- 
né le  plus  de  détails  à  l'appui  de  ce 
système.  Ils  racontent  les  principaux 
traits  suivants ,  comme  preuves  :  i  ". 
Un  vieux  gentilhomme,  nommé  de 
Grandval,  après  avoir  entretenu  et 
regardé  avec  attention  le  frère  Jean- 
Baptiste  ,  le  reconnut  pour  le  comte 
de  Moret ,  qu'il  avait  vu  plusieurs 
fois  à  la  cour  et  à  l'armée.  2"^.  Ug 


MOR 

prêtre  de  Saiimnr ,  nommé  Tliomas , 
qui  avait  demeure  un  an  avec  le  frère 
Jean-Baptiste,  à  rerniita,;e  d'Oisilly 
en  Boiirjjjor^ne ,  dccltra  lui  avoir  en- 
tendu  dire    qu'il   s'était  trouvé  au 
combat  de  Castelnaudari,  à  trente 
pas  du  duc  de  Montnior enci ,  lors- 
qu'il  fut  arrêté  prisonnier;  (fiie  se 
souvenant    alors    d'une    prédiction 
qu'on  lui  avait  faite  à  la  cour,  qu'il 
s'embarquait  dans  nn  parti  où ,  s'il 
n'y  prenait  f;;arde,  il  pourrait  Lien 
perdre  la  tète  ,    il   se  détermina  à 
quitter  le  monde ,  qu'il  se  sauva  pas- 
sant une  rwière^  etc.  (  ce  qui  est  en 
contradiction  avec  tous  les  Iiistoricns 
du  temps  ),   3".  Le  solitaire  dit  un 
jour  à  l'abbé  Thomas ,  que,  peu  d'an- 
nées après  s'être  ictiré  du  monde , 
il  fut  rencontré  et  reconnu  par  un 
seigneur  de   la  cour  ;  que ,   mandé 
par  Louis  XIII  ,  lorsque  ce  prince 
allait  à  la  conquête  du  Pvoussilion  ,  il 
eu  fut  reçu  avec  beaucoup  débouté; 
que  le  roi  lui  offrit  tel  bcnéfîce  qu'il 
voudrait  pour  vivre  dans  le  monde; 
mais  qu'ayant  goûté  les  plaisirs  delà 
.  solitude,  il  pria  son  auguste  frère  de 
lelaisserau  rang  des  morts  parmi  les- 
quels ou  l'avaitcompiési  long-temps. 
4°.  Un  gentilhomme,  nommé  Han 
Dorvaine-Fontaiue,  ancien  majorde 
Philisbourg,  avait  dit  plusieurs  fois 
au  prêtre  Thomas  q'ic  le  frère  Jcau- 
Baptistc  était  réellement  le  comte  de 
IMoret.  5".  Frère  Jean-Baptiste  avait 
dit  lui-même  à  Thomas  qu'il  avait 
été  élevé  au  château  de  Pau,  et  qu'on 
avait  fait  passer  les  IMaures  devant 
sa  fenêtre  pour  les  lui  faire  voir  lors 
qu'ils  furent  chassés  d'Espagne  (  en 
iGio  ).  6°.  Le  sieur  Guillot,  grand- 
pénitencier  de  Boulogne,  avait  dit 
au  même  Thomas,  avoir  vu  certains 
Mémoires  de  Scipion  Dupleix ,   où 
il    était    marqué  très-positivement 
que  le  comte  de  Moret  n'était  pas 


MOR  i47 

mort  au  coml)at  de  Caslelnaudari , 
et    qu'il   s'était  fait    cajjucin.    Mais 
Dupleix  serait  ici   en  cijiilradiclion 
avec  lui-même,  à  moins  (ju'k.m  n'ad- 
mette que  ces  Méniuires  sont  j)osié- 
lérieurs  à  sinxHislci-ede  LouisXt  II 
imprimée  en    i6^3  ;  ce   qui   serait 
possible,  Dupleix  n'étant  mort  qu'en 
iGG'.  7**.  Le  même  grand-pcniten- 
cier  Gudiot,  passant  un  jour  clans 
l'ermitage  de   Saint  Jean-du- Désert 
en  Auvergne,  ie  supérieuj- lui  lit  que 
certainement  le  comte  deMi.re?  s'é- 
tait fait  capucin.  8<*.   L'abbé  d'As- 
nières  demanda  un  jour,  a':  nom  du 
roi  (  Louis  XIV  ),  à  frère  Jean-Bap- 
tiste, s'il  était  fds  naturel  de  Henri 
lY  ,  et  le  frère  répondis  :   Je  ne  le 
nie,  ni  ne  V assure;  (ju'un  me  laisse 
comme  je  suis.  Mais  l'ermite  s'élait 
déjà  expliqué   plus  clairement  avec 
le  prêtre  Thomas,  g*^.  L'abbé  d'As- 
nières  écrivit  à  fjouis  XIV  ,  que  tou- 
tes les  fois  que  l'ermite  voyait  le  por- 
trait de  Henri  IV, il  ne  pouvait  rete- 
nir ses  larmes.    lO'^.   \Jn   jour  une 
personne  de  qualité  étant  allée  voir 
i'eriûite,  fit  apporter  un  ])ortrait  de 
Henri  ÏV,  pour  voir  si  eflèctivement 
frère  Jean-Baptiste  ressemblait  ii  ce 
monarque.  La  resscmblancefut  trou- 
vée très-grande  :  l'ermife  pleura  ,  et 
s'enfuit.  1 1°.  Le  frère  Hilarion,  re- 
venant  de    Tours   à   l'ermitage  de 
Saint-Pérégrin,  diocèse  de  Langres  , 
annonça  au  frère  Jean-Bapiisle  qui 
l'habitait  alors  ,  que  Jeanne-Baptiste 
de  Bourbon,  abiiesse  de  Foiitevrault, 
et  fille  naturelle  de  Henri   IV,  était 
morte  le  lo  janvier  1670.  Jean-Bap- 
tiste parut  inconsolable  ;  et  le  frère 
Hilarion  dit  :  Il  pluie  la  mort  de 
sa  sœur.  12°.  Il  parlait  facilement 
le  basque  ,  et  le  comte  de  Moret  avait 
été  élevé  à  Pau  ,  où  il  dut  apprendre 
sans  eli'ort  celte  langue.  Le  marquis 
de  Chàleau-Neuf ,  secrétaire-d'ctat , 
10.. 


i48  MOR 

écrivit ,  le  3o  octobre  1 687 ,  à  l'abbe 
d'Asuières  ,  pour  lui  demander ,   au 
nom   du  roi ,   l'éclaircissement  du 
bruit  qui  courait   alors,  que  frère 
Jean-Baptiste,  ermite,  était  fils  natu- 
rel de  Henri  IV.  L'abbé  répondit  que 
ledit  frère  habitait  depuis  onze  ans  , 
dans   son  voisinage,  l'ermitage  dit 
des  Gardelles;  qu'on  n'avait  rien  pu 
découvrir  de  sa  naissance,  de  sa  fa- 
mille ,  de  sou  pays  et  de  son  âge;  que 
pressé  de  s'expliquer  ,  pendant  une 
maladie  grave,  par  le  plus  ancien 
de  SCS  frères  ,  qu'il  chérissait  beau- 
coup ,  et  qui    le  conjurait,  au  nom 
de  Dieu ,  de  se  faire  connaître  à  lui , 
il  avait  répondu  :  «   H  y  a  plus  de 
»  quarante  ans  que  je  travaille  à  me 
•»  cacher;  et  vous  voulez  me  faire 
»  perdre  un  travail  de  tant  d'années 
»  dans   un  quart  d'heure  I  »    Il  est 
vrai,  continuait  l'abbé  d'Asnières, 
que,  dans  la  province  de  Bourgogne 
011  il  a  demeuré ,  le  bruit  a  couru 
qu'il  était  fils  naturel  du  roi  Henri  IV, 
et  qu'aussitôt  qu'il  a  été  en  celle-ci , 
le  même  bruit  s'y  est  répandu  :  ce 
quipouvait  provenir,  ajoutait  Tabbé, 
de  sa  grande  prestance,  de  son  air 
majestueux  ,  de  ses  manières  nobles 
et  aisées  ,  et  de  beaucoup  de  traits  de 
ressemblance   avec  Henri-le-Grand. 
Lorsqu'il  vint  ici ,  ce  fut  au  mois  de 
juin  1676,  il  médit  qu'il  avait  trois- 
vingt-dix  ans  ;  ce  furent  ses  termes. 
Il  m'a  dit  qu'il  avait  porté  les  armes 
sans  avoir  été  blessé  ;  qu'ayant  em- 
brassé la  vie  des  premiers  solitaires 
d'Orient  ,    il  s'était  d'abord  retiré 
dans  une  forêt  de  l'état  de  Venise , 
qu'il   était  ensuite  allé  en  Allema- 
gne; que  pour  voir  un  brave  ermite, 
il  faisait  volontiers  trois  ou  quatre 
cents  lieues  ;  qu'il  avait  bàli  des  er- 
mitages et  assemblé  des  congréga- 
tions en  Lorraine  ,  en  Champagne  , 
dans  le  Lyonnais ,  en  Bourgogne ,  et 


MOR 

enfin  en  Anjou.  Louis  XIV  ,  ayantlu 
cette  lettre  de  l'abbé  d' Asnières ,  dit  : 
«  Il  suflit  que  cet  ermite  soit  homme 
»  de  bien  ;  puisqu'il  ne  veut  pas  être 
»  connu  ,  il  le  faut  laisser  en  paix  , 
»  et  ne  nous  point  opposer  à  ses  des- 
»  seins.  »  Quelque  temps  après  ,  le 
vieil  ermite  s'enlrelenant  avec  le  mê- 
me abbéd' Asnières,  s'écria  :  «Ahî  que 
»  je  suis  malheureux  de  m'être  arrêté 
»  en  Anjou  !  Lorsque  j'y  suis  venu, 
»  mon  dessein  était  d'aller  en  Portu- 
»  gai  :  si  j'y  étais,  on  ne  s'informe- 
»  rait  point  de  moi;  w  et  il  ajouta:  «Il 
»  y  a  long-temps  que  je  me  serais 
»  balafré  le  visage  pour  effacer  les 
»  traits  {[iii   me  font  ressembler  à 
))  Henri  IV,  si  je  n'avais  pas  eu  peur 
»  d'offenser  Dieu.  »  L'ablié  Richard 
cite,  parmi  les  personnages  du  temps 
qui  crurent  que  frère  Jean -Baptiste 
était  le  comte  de  Moret  ,  Henri  Ar- 
nauld ,  évêque  d'Angers  ;  le  duc  de 
Mazarin  ,  le  comte  de  Séran  ,  la  du- 
chesse de  la  Meilleraye ,  le  marquis 
Dreux  de  Brezé,  l'abbé  Rousseau,  vi- 
caire-général et  officiai  de  l'évêchéde 
Dol,  divers  magistrats,  etc.  L'abbé 
Richard  avait  lui-même  plusieurs 
fois  visité  l'ermite  dans  sa  solitude  ; 
mais,  après  avoir  rapporté  les  détails 
ci-dessus  ,  extraits  ou  plutôt  copiés 
en  entier  de  la   Fie  cVun  solitaire 
inconnu  ,  détails  qu'il  qualifie  tantôt 
de  preuves  ,  tantôt  de  conjectures  , 
cet     auteur     n'ose     conclure     que 
frère  Jean-Baptiste  soit  réellement 
le  comte  de  Moret.  Il  serait  porté 
à  croire  que  cet  ermite  était  fils  na- 
turel de  Henri  IF.  Richard  termine 
sou  récit  en  ces  termes  :  «  Ou  peut 
»  proposer  ce  fait  historique  comme 
»  un  problème ,  et  laisser  au  lecteur 
»  à  porter  son  jugement.  »  Le  curé 
Grandet  entre  dans  de  longs  détails 
sur  la  vie  érémitique  de  frère  Jean- 
Bapliste,  qui  prit  d'abord  le  nom  de 


MOR 

Jean- Jacques  ,  habila  le  Daupliiiic  , 
le  diocèse  du  Piiy  ,  celui  de  Gciicve  , 
l'ermitage  du  Mont  Cindre, au  dioci'se 
de  Lyon  ;  il  visita  Avignon ,  Turin  , 
Iloine,  Notrc-Damc-dc-Lorette,  s'ar- 
rêta dans  l'ctat  de  Venise  ;  rentra  eu 
France  ,  se'journa  successivement  en 
Jjorraine .  à  Martemont  ,  à  Doulc- 
vant ,  à  Saint-Gninefort  ;  passa  dans 
le  diocèse  de  Langres  ,  bâtit  nn  er- 
mitage à  Oisilly  ;  fit  nn  voyage  en 
Espagne  j  repassa  en  France  ,  s'e'ta- 
blit  a  Saint-Pcrcgrin  ,  et  enfin  eu 
Anjou  ,  dans  l'ermitage  des  Gardel- 
les  ,  où  il  mourut  d'une  fluxion  de 
poitrine,  le  'i\  décembre  1G91.  Il 
av^ait  ëte'  vicaire  ou  visiteur-gène'ral 
des  ermites  de  plusieurs  diocèses.  Il 
avait  eu  des  procès  à  Lyon ,  à  Dijon; 
il  avait  bdti  des  cellules  ,  des  cha- 
pelles ,  reçu  des  novices ,  compose' 
des  statuts  ou  règlements  pour  la  vie 
solitaire.  Le  quinzième  chapitre  du 
second  livre  de  la  Vie  d'un  solitaire 
inconnu  a  pour  titre  :  S'il  est  vrai- 
semblable qiCil  ait  été  le  comte  de 
Moret.  L'abbë  Grandet  commence 
par  reconnaître  que  Dupleix,  de  Ser- 
les ,  ou  plutôt  son  continuateur,  Jean 
Leclerc ,  dans  sa  Vie  du  cardinal  de 
Richelieu  ,  Morcri  et  tous  les  his- 
toriens, font  tuer  sou  lie'ros  au  com- 
bat de  Castelnaudari,  et  qu'enTm^tous 
les  ans,  on  célébrait  l'anniversaire  do 
sa  mort  dans  l'abbaye  de  Saiut-Elieu- 
ne  de  Caeu ,  dont  ce  prince  avait 
fait  bâtir  le  chœur.  Grandet  avoue 
ensuite  qu'à  cette  foule  d'auteurs 
(auxquels  il  eût  pu  aj  outer  le  maréchal 
de  Bassompiei're,  qui  dit,  dans  ses 
Mémoires  ,  que  M.  de  Morct ,  a^  ant 
voulu  aller  voir  détrousser  les  en- 
nemis, fut  rapport'é  mort),  il  ne  peut 
opposer  <j»e  le  témoignage  de  deux 
personnes  ,  celui  du  gcaliliiomme  de 
(jranval  et  du  prèlre  Thomas  ,  et  il 
ne  conclut  pas  que  ce  témoignage 


MOR  149 

doive  prévaloir  ;  il  se  borne  à  dire 
iju'ilj  a  au  moins  beaucoup  de  sujet 
de  douter:  cette  conclusion  est  sage 
et  raisonnable,  et  c'est  la  seule  qu'on 
puisseadopter  aujourd'hui.  Ou  impri- 
ma, dans  le  Mercure  français ,  tome 
IX,  eu  i63.', ,  une  relation  du  combat 
de  Castelnaudari,  sous  leuom  du  ma- 
réchaldeSchoniberg  :  il  y  est  ditque 
le  comte  de  Moret  avait  été  blessé 
d'une  mousquetade  dont  onle  crojoit 
mort,  paroles  remarquables,  si  la 
relation  ne  fut  pas  écrite  par  le  ma- 
réchal ,  le  soir  même  du  combat.  On 
lit  aussi  dans  les  Mémoires  du  comte 
de  Brlenne  ,  raiuistre  et  secrétaire- 
d'élat  (Amst. ,  17 19,  tome  1,  pag. 
73  )  :  «  0\  DISAIT  que  le  comte  de 
»  Moret  avait  été  tué.  »  Ces  mots  on 
DISAIT  semblent  exprimer  un  doute 
singulier  dans  la  bouche  d'un  minis- 
tre ;,  à  l'égard  surtout  d'un  prince , 
fils  de  Henri  IV  ,  frère  naturel  et 
légitimé  de  Louis  XIII.  Ou  peut  ajou- 
ter qu'aucun  historien  ne  fait  con- 
naître le  lieu  oii  le  comte  de  Moret 
aurait  été  inhumé  après  le  combat  de 
Castelnaudari  (  i  ).  Mais  comment  sa 
sépulture  serait-elle  restée  ignorée  ? 
comment  serait -il  arrivé  qu'aucun 
parent,  qu'aucun  ami ,  n'eût  cherché 
à  la  découvrir  ,  et  à  lui  consacrer  un 
monument  ou  une  simple  inscrip- 
tion funèbre  (2)  ?  V — ve. 

MORETO  Y  CABANA  (  Au- 
gustin) ,  poète  espagnol ,  du  dix- 
septième  siècle,  et  contemporain 
de  Galdcron ,  écrivit ,  comme  ce 
poète,  pour  le  théâtre,  mais  avec 
moins  de  fécondité.  Il  fut  protégé 
par  Philippe  IV  ,  et  entra  dans  l'état 


(i)  On  avilit  dit  qu'i!  fui  piiteiré  dans  Téglise  des 
Coidelieis  d'Allii  ;  mais  cette  iudicatioD  a  été  recoii  - 
nue  sans  tondcuient. 

(7.)  L?  pjrtrait  du  comte  de  Morct .  peint  (lar  Van 
Dyck  et  par  VaWée ,  a  été  gravé  par  de  Ballii ,  3Ion« 
coruiît  et  DnVPt.  Tlioraassin  l'a  {représenté  ça  ';■ 
Vmire. 


i5o  MOR 

crclësiastique,  comme  Calderon  et 
Lope  de  Vega;  il  renonça  dès-lors 
à  la  carrière  dramatique,  et  ne  se 
livra  plus  qu'aux  pratiques  de  dévo- 
tion. Ses  comédies  onl  e'të  recueillies 
en  3  v(.luniesi)>-4".,  V.)'ei!ce,  lO^O 
et  i-joS  :  chaque  volume  contient  l 'i. 
pièces  ;  le  premier  avait  Lièja  paru  à 
Madrid,  en  10.54.  Moret,  n'avait 
pas  l'imagination  aussi  brillante,  ni 
autant  de  f.icilité  dans  sa  coiuposi- 
tion  que  les  premiers  poètes  du  l.'ièà- 
tre  espagnol;  mais  ses  pièces  sont 
ge'ne'ralemeut  mieux  coîiçues,  et  con- 
tiennent peut-être  plus  de  vrai  co- 
mique que  les  leurs.  Il  n'a  p^^s  si 
souvent  recours  à  l'histoire  et  à  la 
romance  que  Lype ,  pour  trouver  Ai^s 
sujets;  il  les  invente  pour  ia  pi  part. 
On  y  voit  aussi  l'intention  de  tracer 
des  caractères;  art  qui  était  ignore' 
de  ses  contemporain».  Au  reste  le 
théâtre  de  Moreto  offre  les  mêmes 
défauts  que  celui  de  Loj)e  et  de  Cal- 
deron ;  les  travestissements  et  les 
coups  d'épée  y  abondent;  le  dialo- 
gue dégénère  en  longues  conversa- 
tions qui  n'ont  aucun  rapport  à  la 
pièce;  la  dévotion  se  mêle  a  la  bouf- 
fonnerie; le  comique  est  fréquem- 
ment de  mauvais  goût;  enfin  les 
convenances  du  lieu,  du  temps,  des 
mœurs,  sont  rarement  observées.  Le 
gracioîo  é'.ait  alors  un  personnage 
d'obligation  :  aussi  le  voit-on  figu- 
rer dans  toutes  les  pièces  de  Mo- 
reto ,  même  dans  celles  dont  le  su- 
jet est  tiré  de  l'histoire  ancienne, 
])ar  exemple  dans  le  Pouvoir  de  Va- 
initié,  où  paraissent  Alexandre  ga- 
lant, le  prince  de  Thèbes,  et  le  duc 
d'Athènes;  ainsi  que  dans  ^fntiochus 
et  Seleucus,  qui  est  l'histoire  connue 
de  Stratonice  :  dans  cette  pièce,  où  le 
rôle  du  jeune  prince  est  tracé  avec 
intérêt,  il  est  question  de  la  fête  du 
gaint-Sacrement,  Les  meilleurs  ou- 


MOR 

vrages  de  Moreto  n'ont  pas  e'té  inuti- 
les aux  auteurs  français.  Sa  comédie 
El  desdencmi  tl  desden,  a  donné, 
dit-on,  a  Molière,  lidée  de  la  Prin- 
cesse d' Elide  ;  le  sujet  en  est  heu- 
reux, et  a  été  mis  plusieurs  fois  au 
théâtre.  Diane,  l'héroine  delà  pièce 
de  IMoreto,  est  une  prude  à  qui  plu- 
sieurs amants  font  la  cour,  et  qui  ne 
renonce  à  sa  froideur  pour  Charles 
qu'elle  aime  eu  secret,  qu'en  se 
vo\ant  négligée  pour  son  amie  Cin- 
ihie.  Le  fiomes  iquc  Polillo ,  qui  se 
fait  introduire  chez  Diane,  comme 
un  médecin  fraîchement  débarqué  , 
et  b-uagouinant  le  latin,  est  assez 
comique.  Cette  pièce  arrangée  pour 
la  scène  allemande,  par  West,  a  en 
récemment  du  succès.  Linguet  pré- 
tend ,  probablement  a  tort ,  que  Rc- 
giiarda  pris  dans  une  pièce  de  Moreto 
(l' Occas  onfait  le  larron),  toute  l'in- 
vention des  Ménechmes  ,  dont  le  su- 
jet est  de  Plante.  Du  emprunt  mieux 
constaté  est  celui  que  Scarron  a  fait 
au  Marquis  de  Cii^arral,  comédie 
très-bouli'onne  de  Moreto ,  qu'il  s'est 
presque  borné  à  traduire  sous  le  titre 
de  iJon  Japhet  d'Arménie.  Une  des 
meilleures  pièces  de  Moreto,  et  qui 
a  servi ,  à  ce  qu'on  prétend ,  à  Mo- 
li  re,  pour  son  Ecole  des  Maris ,  est 
celle  de  G  uardaruna  mu ger  no  j7uede 
ser,  où  une  femme,  aimée  d'un  jaloux, 
met  sa  vigilance  en  défaut,  pour  lui 
prouver  qu'il  vaut  mieux  s'en  rap- 
porter à  la  bonne-foi  des  femmes  : 
c'est  en  favorisant  l'intrigue  amou- 
reuse et  le  mariage  clandestin  de  la 
sœur  du  jaloux,  qu'elle  donne  cette 
leçon  cà  son  amant.  Il  y  a  ,  dans  la 
pièce  espagnole,  des  scènes  d'un  bon 
comique,  et  une  intrigue  originale. 
Une  autre  comédie ,  dont  le  titre  est 
De  fuera  vendra  quien  de  casa  nos 
echarà ,  mérite  d'être  remarquée,  à 
cause  des  caractères  bien  soutenus 


MOR 

d'une  vieille  coquette,  d'un  militaire 
bon  vivant,  et  d'un  pédant  aniou- 
l'cux.  El  parecido  en  la  corte,  est 
encore  une  pièce  justement  cslirnce 
par  les  Espagnols,  On  l'avait  arran- 
gée, il  Y  '■*  plusieurs  années,  pour  le 
théâtre  do  Madrid,  conl'ormcmeut 
aux  règles  des  trois  unités;  mais  la 
tentative  fut  mal  accueillie,  et  il 
fallut  revenir  à  la  pièce  ancienne. 
Quelques-unes  des  comédies  de  Mo- 
reto  sont  des  pièces  de  dévotion  j 
telles  (jue ,  Notre-Dame deV Aurore ^ 
Saiiil-Francois  de  Sienne,  Sainte- 
Base  du  Pérou ,  la  Fie  de  Saini- 
Alexis.  D — G. 

MORGAGNI  (  Jean-Baptisïe  ) , 
l'un  des  plus  grands  médecins  du  dix- 
luiillème  siècle,  naquitàForli,  d'une 
famille  noble  ,  le  25  février   i68'2. 
II  avait  à  peine  sept  ans  ,  lorsqu'il 
perdit  sou  père.  Un  peu  plus  tard  il 
faillit  périr  dans  les  eaux  d'un  canal 
voûté,  lorsqu'un  passant,  averti  seu- 
lement par  le  brait  que  Morgagni 
avait  fait  eu  tombant ,  se  précipita 
dans  l'eau  ,  et  le  sauva  d'une  mort 
inévitable.  Après  avoir  fait  des  pro- 
grès rapides  dans  les  langues  savan- 
tes et  dans  les  belles-lettres  ,  il  alla 
étudier  la  médecine  à  Bologne  ,  et 
s'y  lia   particulièrement  avec  Val- 
salvi,  qui  devint  tout-à-la-fois  son 
ami  et  son  précepteur.  Son  ardeur 
pour  l'étude  le  mit  bientôt  en  état 
r  on-seulement  d'aider  Yalsaiva  dans 
son  grand  ouvrage  sur  l'organe  de 
l'ouie,  mais  encore  de  remplacer  ce 
professeur  pendant  son  absence.  IMor- 
gagni  avait  une  telle  aptitude  au  tra- 
vail et  une  si  heureuse  mémoire,  qu'il 
faisait  marcher  de  front  l'étude  des 
sciences  naturelles  ,  de  la  physique 
et  même  de  l'astronomie.  Mais  c'était 
surtout  pour  l'anatomie  qu'il  avait 
une  passion  décidée  ,  au  point  qu'à 
.   l'âge  (le  vingt-quatre  aiis ,  il  publia^ 


jMOR  i5i 

ses  Adversaria  anatomica  prima  ^ 
ouvrage  qui  renferme  plusieurs  dé- 
couvertes ,  des  vues  nouvelles  et  de 
nombreuses  rectifications  anatomi- 
ques.   Après  avoir  passé   plusieurs 
années  à  Bologne  ,  il   se  rendit    à 
Venise  ,  et  à  Padoue  ,  oi!i  il  ne  tarda 
pas  à  se  lier  avec  les  hommes  les 
])lus   distingués  ,  entre  autres  avec 
Gugliclmini  et  Lancisi,  et  à  se  livrer 
à  de  nombreuses  expériences  de  phy- 
sique et  d'anatomie  comparée.  Riche 
de    tant  de  connaissances  variées , 
Morgagni  retourna  dans  sa  patrie  , 
pour  y  exercer  l'art  de  guérir.  Mais 
le  penchant  qui  l'entraînait  vers  l'en- 
seignement ,   lui    lit   accepter  ,    ea 
1 7  1 2 ,  une  chaire  de  médecine  théo- 
rique  à  Padoue.   C'est  alors    qu'il 
s'occupa  de  la  continuation  de  ses 
Mémoires  anatoviiques ,  dans  les- 
quels il  porte   partout  le  flambeau 
de  la  vérité  ,  soit  qu'il  découvre  la 
structure  intime   d'une    foule  d'or- 
ganes mal  observés  avant   lui,  soit 
qu'il  réfute  victorieusement  les  âpres 
critiques  que    Biauchi    s'était    per- 
mises ,  soit   qu'il    redresse   les   er- 
reurs que  Manget  avait  consignées 
dans  sou    Théâtre  anatomique  ,  et 
qu'il  force  ces  deux  auteurs  de  rendre 
boinmage  à  la  supériorité  de  son  ta- 
lent. Du  reste  ,  Morgagni  fut  bien 
dédommagé  decette  polémique  éphé- 
mère par  les  éloges  éclatants  qu'il 
reçut  des  plus  grands  anatoniistes  de 
cette   époque  ,    parmi  lesquels    on 
compte  Ruysch  ,  Boerliaave  ,  Heis- 
ter  ,  Winslow  ,  Hoffmann  ,  Mead  , 
Senac  ,  Meckel ,  etc.  Quelques  an- 
nées après  ,  Morgagni  fut  pourvu  de 
la  première  chaire  de  Padoue  (  celle 
d^anatomie  )  ,  par  le  choix  du  sénat 
de  Venise.  Cependant  l'éclat  de  son 
nom  se  répandait  au  loin  ,  et  le  fit 
successivement  admettre  dans  la  so* 
ciété  royale  de  Londres ,  daus  l'aca- 


ïSci 


MOR 


demie  des  sciences  de  Paris  ,  dans 
celles  des  Curieux  de  la  nature,  de 
Pe'tershourg,  de  IVrliii ,  etc.  La  ville 
de  Forli ,  glorieuse  d'avoir  donne 
naissance  à  Morgaj^ni,  (it  placer  de 
son  vivant,  da!;s  le  palais  princi- 
pal ,  son  bnstc  avec  une  inscrip- 
tion des  plus  honorables,  TiCS  le- 
çons de  Morgcigui  et  ses  de'iuons- 
tralions  étaient  toujours  suivies  par 
un  grand  concours  d'auditeurs  de 
toutes  les  classes.  Aussi  poli  que  sa- 
vant, il  accueillait  les  étrangers  de 
la  manière  la  plus  affable.  Plusieurs 
grands  personnages  de  son  temps 
lui  te'rnoigncrenl  toute  leur  estime  : 
le  roi  de  Sardaigne,  Charles  Éma- 
nuel  III,  eut  avec  lui  un  entrelien  de 
^plusieurs  heures  en  passant  à  Forli. 
jVlorgagni  reçut  aussi  de  grandes  mar- 
ques de  bienveillance  des  souverains 
pontifes  Clément  XII,  Benoît  XIV 
et  Clément  Xî  II.  Il  avait  une  mémoi- 
re e'toimante;  et  il  s'en  servait  nou- 
scnicmentdansrinte'rèt  delà  science , 
mais  encore  dans  celui  de  l'huma- 
nité :  c'est  ainsi  qu'il  n'oublia  jamais 
l'homme  qui  lui  avait  sauve  la  A'ie  , 
qu'il  pourvut  à  tous  ses  besoins  (  car 
cet  homme  e'iait  pauvre  ) ,  et  qu'il 
pleura  sa  mort.  Doue  d'une  santé  ro- 
buste, Morgagni  ne  cessa  de  travail- 
ler jusqu'à  la  fin  de  sa  carrière,  qu'il 
termina  le  6  décembre  1771,3  l'âge 
de  près  de  quatre-vingt-dix  ans.  Il 
fut  long-temps  l'ami  de  Haller  ,  qui 
sut  dignement  l'apprécier  en  l'appc- 
lanl  :  Fir  ingcnii ,  memonœ ,  sdidii 
incomparahiUs.  Le  savoir  de  Mor- 
gagni n'e'fait  point  borné  à  l'art  mé- 
dical :  sa  vaste  érudition  endirassait 
la  philologie,  la  critique,  l'histoire 
et  les  antiquités,  comme  le  prouvent 
ses  productions  nombreuses  et  va- 
riées dont  A'oici  l'énumération  : 
I.  Adversaria  anatomica  prima  , 
Bologne,    1706,  in-4°.  ;  Leyde  , 


MOR 

1714,  in-S".  j  nllera  et  terlia  ,  Pa- 
doue,  1717,  in-4''.;  Leyde,  1723, 
in-  /{".}  quarta,  fjuinta  et  sexta  , 
Padoue,  17 19,  in-4''.;  Leyde,  i7'i3, 
in  4°.  yldversaria  omnia  ,  Padoue , 
1 7  1 9  ,  in-4°.  ;  Leyde ,  1 7*^.3 ,  1 74 1 , 
in-4".,  fig. ;  Venise,  i^jCn  ,  in-fol. 
Ces  Mémoires,  dont  les  premiers  da- 
tent de  la  jeunesse  de  Morgagni ,  an- 
noncèrent ce  cpi'il  serait  un  jour  ;  ils 
renferment  non -seulement  plusieurs 
découvertes  auxquelles  son  nom  est 
restéattachc,  mais  encore  beaucoup 
de  faits  importants  de  haute  patho- 
logie et  la  relation  de  maladic-s  va- 
riées. II.  Noua  institutionuni  me- 
dicarum  idea ,  Padoue,  l'j^o.,  in- 
4°.;  Leipzig,  1735,  in-4''.  Dans  cet 
ouvrage,  IMorgagni,  donne  d'excel- 
lents conseils  aux  jeunes  gens  qui 
veulent  acquérir  des  connaissances 
solides  :  il  leur  recommande  l'étude 
de  l'anatomie  pratique  et  celle  des 
substances  médicamenteuses;  i!  éta- 
blit que,  pour  faire  une  bonne  cli- 
nique ,  ils  ne  doivent  soigner  q-ie 
peu  de  malades  à  -  la  -  fois  ;  il  les 
engage  à  voyager ,  à  s'arrêter  dans 
lea  grandes  villes,  à  suivre  les  hô- 
pitaux des  armées  ;  enfin  ,  il  con- 
seille à  ceux  qui  veulent  écrire  .  de 
se  servir  de  la  langue  latine.  III. 
In  Aarel.  Cornelium  Celsum  et 
Quintuni  Sererium  Samonicnm  épis- 
tolœ  quatuor ,  la  Haye,  17^^47  "i" 
4°.;  Padoue,  1700,  in -8".  Mor- 
gagni n'avoue  que  la  dernière  édi- 
tion ,  qui  contient  six  lettres ,  tandis 
que  la  première  n'en  renferme  que 
quatre.  On  trouve  dans  ces  lettres  , 
luie  foule  de  corrections  sur  la  vie 
et  les  ouvrages  des  deux  auteurs 
qu'elles  concernent.  En  parlant  de 
Screnus  ,  Morgagni  détruit  les  re- 
marques et  les  assertions  de  Bur- 
mann  ,  et  démontre  l'incompétence 
de  ce  philologue,  dans   une  cause 


INIOH 

qui  exige  fies  connaissances  dont  il 
clait  dcpourvn.  IV.  EjUiloUv  ana 
toinicœ  duœ  ,  ncwas  observatiancs 
et  animadversiones  continentes  , 
Lcydc,  1728,  in-4".  lia  première 
de  ces  Ic'tlres  est  prcsqii'cnlièremeiit 
consacicc  à  l'aHrilomie  pathologique; 
la  seconde,  quoique  Iraitanl  le  mê- 
me sujet ,  a  pour  Lui  de  repousser 
les  injustes  attaques  de  Bianchi.  V. 
Epistolœ  anuLomicœ  duodcviginli. 
Ces  lettres  sont  jointes  aux  œuvres 
poslliunies  de  Valsalya,  dont  Mor- 
gagp.i  fut  l'éditeur ,  et  à  la  tète  des  ■ 
quelles  il  donne  la  vie  de  son  prcîoier 
maître,  Venise,  1740,  2  vol.  in-4''. 
VI.  De  sedibus  et  causis  mcrbonini 
per  anatomen  inda^atis  libri  v, 
Venise,  1 761  ,  2  vol.  in-fol.  ;  Leyde, 
1768,  4  "^'o'-  iii -4''.  ;  Yverdun  , 
1779,  3  vol.  in-4°. ,  avec  une  pré- 
face de  Tissot  ,  contenant  l'histoire 
de  la  vie  et  des  ouvrages  de  Moi'ga- 
gni;  Paris,  1820,  8  vol.  in-8°. ,  dont 
quatre  seuleineut  ont  paru  (  juillet 
1821  ),  par  les  soins  de  MM.  Chaus- 
sier  et  Adelon  ,  qui  ont  reproduit 
l'excellente  préface  de  ïissot  ,  et 
rendu  cette  éJilion  fort  pre'cieuse  , 
à  cause  de  sa  correction,  de  son  e'ié- 
gancc ,  et  surtout  à  cause  des  notes 
qu'ils  y  ajoutent,  et  que  l'on  regrette 
de  ne  pas  voir  plus  nombreuses  : 
traduit  en  anglais,  1769,4  vol.  in- 
4°.  ;  en  allemand,  par  Konigsdbrfer, 
Altenbourg,  1771  -  177G  ,  5  vol. 
in-8'\;  eu  français,  par  MM.  Des- 
ormeaux et  Destouet,  Paris,  1821  , 
3  vol.  in-8'.  ,  dont  les  suivants  se 
continuent.  Morgagni  avait  près  de 
quatre-vingts  ans  lorsqu'il  publia  cet 
excellent  ouvrage  ,  qui  lui  a  mérite' le 
litre  de  grand ,  et  qui  sans  contre- 
dit est  l'un  de  plus  recomaiandables 
et  des  plus  utiles  qui  aient  paru  dans 
le  dix-huitième  siècle.  C'est  une  col- 
lection nombreuse  et  choisie  de  faits 


MOR  i53 

pratiques  d'autant  plus  infc'ressauts, 
que  l'histoire  de  chacun  d'eux  ,  rap- 
portée avec  tous  les  déîails  que  l'on 
peut  désirer  ,  est  complétée  par  des 
ouvertures  cadavériques  très  -  soi- 
gnées ;  ce  qui  forme  une  a  éritable 
anatomic  de  l'homme  malade,  scien- 
ce dont  Bonet  avait  posé  les  fonde- 
ments dans  son  Sepulchretum ,  et 
que  les  médecins  cidlivcnt  aujour- 
d'hui avec  ardeur ,  parce  qu'elle  con- 
duit à  la  connaissance  matérielle  de 
la  plupart  des  maladies ,  et  qu'elle 
écarte  réellement  de  l'art  médical  ce 
qu'on  pcjuvait  autrefois  lui  repro- 
cher de  conjectural.  VII.  Miscella- 
nea  opuscula,  Venise,  •  7G3  ,  in-fol. 
Ces  mélanges  sont  divisés  en  trois 
parties  :  la  première  est  relative  à 
divers  sujets  d'anatomie  et  de  mé- 
decine. La  seconde  est  consacrée  à  la 
philologie,  sous  les  titres  suivants  : 
De  Prospéra  Alpino  epistolœduœ  ; 
De  philologo  Rai'ennate ,  et  de  An- 
gelo  Bolognino  epislola  ad  Joan 
neni  Asiruc  ;  De  vitd  et  scriptis 
D.  Giiglielmini  covimentarioluvi  ; 
De  vild  et  scriptis  A.  M.  Fal- 
salvce  connnentariolum  ;  De  gé- 
nère morlis  Cleopatrœ  cpislohv  ad. 
Lancisiinn  ;  De  ordinario  Froniini 
consulat  H  epistolœ  duœ  ;  De  qud- 
dam  librorum  M.  ■  T'arronis  parli- 
culd  ;  In  Vitruvii  locum ,  ad  iem- 
pus  quo  is  scripsit  ,  attinentem  , 
etc. ,  epislola;  Laudationes  à  Mor- 
gagno habilœ  olim ciim gymnasiar- 
chas ,  aliosve  doctoris  insigjùbus 
exornaret  ;  In  scriptores  rei  rusticœ 
epistolœ  iv.  La  troisième  section 
renferme  quatorze  lellres  historico- 
critiques ,  intitulées  :  ^Emiliam;  , 
parce  qu'elles  se  rapportent  tontes 
aux  antiquités  et  à  la  géographie 
d'une  grande  partie  de  la  province 
appelée  Eniilia  ,  du  nom  de  la  voie 
romaine  qui  la   traverse.  Tous  les 


i5/l 


MOR 


ouvrages  do  Morgagni  ont  cfc  rc;i- 
iiis  et  p)iblies,  par  If^s  soins  de  son 
disciple  Antoine  Larber,  soiiâ  le  li- 
tre iV  Operaomnia,  Bassano,  1^65, 
5  tomes  en  -x  gros  vol.  iii-fol.  La  vie 
de  Morgagiii  a  été  écrite  par  Fabro- 
ni  (  Fitœ  Ilalomm  ) ,  et  ensuite  par 
Jos.  Mossea  ,  Naples,    1768,  in-8''. 

MORGAN  (  Henri  ),  fameux  chef 
de  flil)iis(iers  anglais  ,  était  lils  d'un 
riclie  fermier  du  pays  de  Galles  ;  il 
s'enrôla  d'abord  comme  matelot  , 
pour  la  Barbadc  ,  se  rendit  ensuite 
à  la  Jamaïque ,  et  bientôt  s'embarqua 
sur  un  corsaire.  Ses  cxpédilious  fu- 
rent heureuses  :  il  acheta  \\n  bâtiment 
avec  quelques-uns  de  ses  camarades, 
devint  leur  chef;  et  s'étant  fait  con- 
naître par  ses  entreprises,  notam- 
ment à  la  baie  de  Campèche,  but 
onlinaire  de  ses  courses,  ii  fut  pris 
on  amitié  par  Mansfield,  vieux  fli- 
bustier, qui  le  nomma  son  vice-ami- 
rul,  et  niouriit  peu  de  temps  après  , 
on  16G8.  Le  commandement  ne  fut 
pas  disputé  à  Morgan  par  ses  com- 
pagnons ,  et  lui  fournit  bientôt  le 
mo jeu  de  devenir,  par  sa  rare  in- 
trépidité ,  un  des  chefs  les  plus  fa- 
meux qu'aient  jamais  eus  les  flibus- 
tiers. Apres  avoirfait  quelques  prises 
avantageuses  ,  il  persuada  à  ses  ca- 
marades de  ne  pas  dissiper  folle- 
ment leur  argent ,  mais  de  le  ré- 
server pour  de  grandes  entreprises. 
Plusieurs  se  conformèrent  à  son 
idée;  et ,  en  peu  de  mois ,  il  eut  douze 
bâtiments  de  diflereutes  grandeurs  et 
montés  de  sept  cents  hommes.  11  at- 
taqua d'abord  et  rançonna  une  ville 
de  l'île  (luba;  puis  emporta  d'assaut 
Porto-Bello ,  où  il  souilla  sa  victoire 
par  les  plus  horribles  excès,  et  eut 
l'audace  de  se  faire  payer  la  rançon 
de  cette  ville  par  le  président  de 
Panama.  Les  flibustiers  ,  s'élautcm- 


MOR 

barques  sans  obstacle,  se  transpor- 
tèrent avec  leurs  trésors  à  la  Ja- 
maïque :  le  butin  qu'ils  avaient  fait, 
leur  attira  de  nouvcauxcompagnons; 
et  Morgan,  par  la  protection  du  gou- 
verneur de  l'île,  obtint  un  vaisseau 
de  trente-six  canons.  Arrivé  sur  la 
côte  de  Saint-Dojniiigue ,  il  se  rend 
maître ,  par  ruse,  d'tui  gros  bâtiment 
français.  Tandis  qu'il  célèbre  sa  vic- 
toire par  un  festin  où  chacun  peid 
sa  raison  dans  le  vin,  le  vaisseau 
saule  en  l'air.  Trois  cent  cinquante 
Anglais,  et  tous  les  prisonniers  fran- 
çais, sont  engloutis  dans  les  flots. 
i\[organ  se  sauve  avec  trente  des 
siens;  mais  sa  flotte  comptait  en- 
core quinze  bâtiments,  et  neuf-cent 
soixante  hommes  :  une  tempête  lui 
eu  enleva  quatre  cents  ,  et  sept 
bâtiments.  Alors  ,  au  lieu  d'aller 
attendre  à  Samana  la  riche  flotte 
cs])agnole  qu'on  y  épiait  ,  il  fit 
voile  vers  Maracaïbo,  s'empara  du 
fort ,  le  détruisit ,  enleva  l'arllUcrie  , 
mit  à  rançon  Gibraltar,  ville  voisi- 
ne, en  fit  autant  à  Maraca'ibo  ,  après 
avoir  iucendiérescadre  ennemie,  bien 
supérieure  à  la  sienne  ,  enfin  sortit 
heureusement  du  lac,  et  recasuii  la 
mer.  Une  tempête  affreuse,  qui  dura 
quatre  jours  ,  le  força  d'aller  se  ré- 
parer à  la  Jamaïque ,  en  1 669.  11 
avait  acquis  une  grande  fortune  ,  et 
voulait  goûier  le  repos  :  ses  compa- 
gnons ,  qui  eurent  bientôt  consommé 
le  produit  de  leurs  pillages ,  le  pressè- 
rent avec  tant  d'instances  de  for- 
mer de  nouvelles  entreprises ,  qu'il 
se  rendit  à  leurs  désirs.  Aussitôt 
que  sa  résolution  fut  connue  ,  i!  ac- 
courut de  toutes  les  îles  voisines  des 
flibustiers  anglais  et  fiançais  se  ran- 
ger sous  ses  ordres.  Il  partit  le  ai 
octobre  irtno,  avec  une  flotte  de 
trente-sept  voiles  ,  la  plus  grande 
qu'un  flibusiier  eût  jamais  commau- 


MOR 

dec  dans  ces  mers.  Morgan  avait  ar- 
boré à  son  grand  inàt  In  pavillon 
royal  d'Angleterre,  et  s'était  donne 
le  titre  d'amiral.  Les  paris  du  hiitiu 
réglées  d'avance  el  ses  mesures  pri- 
ses, il  annonça  son  projet  d'attaquer 
Panama;  et  pour  se  prociuer  dos  {gui- 
des qui  connussent  le  chemin  à  tra- 
vers l'istbmc  qu'il  fallait  traverser, 
il  fut  résolu  qu'on  s'emparerait  préa- 
lablement de  l'île  Santa-Catalina,  à 
l'est  de  la  côte  de  Nicaragua.  La  ten- 
tative réussit  sans  perdre  un  homme. 
Morgan  trouva  beaucoup  de  muni- 
tions ,  laissa  garnison  dans  le  fort , 
enimena  trois  malfaiteurs  pour  gui- 
des ,  et  envoya  en  avant  une  partie  de 
ses  forces ,  commandée  par  un  Fran- 
çais ,  pour  emporter  un  fort  situé  à 
l'embouchure  du  fleuve  de  Chagres. 
Bientôt  il  arrive,  y  met  garnison , 
adresse  une  courte  harangue  à  ses 
compagnons  d'armes ,  et  se  met  eu 
marche  pour  Panama  le  18  janvier 
i(5']i ,  avec  treize  cents  hommes  d'é- 
lite. Après  avoir  essuvé  des  fatigues 
inouies,  éprouvé  toutes  les  horreurs 
de  la  faim  ,  et  soutenu  plusieurs 
combats,  les  flibustiers  livrent  l'as- 
saut à  Panama,  et  emportent  cette 
ville,  dont  la  prise  fut  suivie  d'un 
pillage  général.,  Morgan  y  fit  ensuite 
mettre  le  feu ,  qui  la  dévora  entiè- 
rement; il  expédia  en  croisière  un 
bâtiment  qui  revint  avec  de  riches 
captures,  et  fit  battre  le  pays  par 
des  détachements,  qui  ramenèrent  un 
grand  nombre  de  prisonniers  ,  et 
beaucoup  de  butin.  Plusieurs  Esj^a- 
gnols  furent  mis  à  la  torture  pour 
déclarer  où  ils  avaient  caché  leurs 
edèts  précieux.  Morgan  commit  des 
excès  qui  firent  murmurer  même  ses 
compagnons.  Plusieurs  avaient  for- 
mé le  projet  de  se  séparer  de  lui  :  sa 
vigilance  en  prévint  l'exécution. 
Apvès  (juatrc  semaines  de  séjour,  il 


IMOR 


i5f 


al)nndonna  les  ruines  de  Panama, 
traînant  après  lui  plus  de  six  cents 
prisonniers  de  tout  sexe,  et  de  tout 
âge ,  dont  il  eut  la  barbarie  d'exiger 
une  rançon  considérable ,  que  la  plu- 
part étaient  hors  d'état  de  payer.  Le 
9  mars,  il  fut  de  retour  à  Chagres, 
d'où  il  envoya  tous  ses  prisonniers 
a  Porto-Bello,  menaçant  en  même 
temps  de  détruire  cette  ville,  si  elle 
ne  se  rachetait  point  par  une  grosse 
somme  d'argent  :  on  la  lui  refusa  ;  il 
tint  parole.  Dans  le  partage  du  bu- 
tin, dont  la  valeur  fut  de  plus  de  qua- 
tre millions  de  piastres  ,  Morgan  mit 
de  côté  pour  lui  une  grande  quantité 
de  pierreries,  et  excita  par-là  le  mé- 
contentement de  ses  compagnons  à 
un  tel  point,  que-,  craignant  un  soulè- 
vement, il  mit  secrètement  à  la  voile 
avec  trois  autres  bâtiments,  dont  les 
c.pitaines  n'avaient  pas  eu  plus  de 
bonne-foi  que  lui.  Malgré  ses  heureux 
exploits  ,  Morgan  ne  songeait  pas 
encore  à  quitter  le  métier  de  pirate  : 
il  conçut  mêmel'idée  de  l'exercer  plus 
en  grand ,  et  d'une  mauièrequi  devait 
consolider  ses  succès  :  c'était  de 
s'emparer  de  l'île  Santa-Catalina  , 
de  la  fortifier,  et  d'en  faire  la  rési- 
dence des  flibustiers.  A  la  veille  d'exé- 
cuter ce  plan  ,  il  apprit  qu'un  vais- 
seau de  ligne  anglais  ,  arrivé  à  la  Ja- 
maïque, apportait  une  déclaration 
du  roi  d'Angleterre  ,  qui  voulant  vi- 
vre désormais  en  bonne  intelligence 
avec  l'Espagne,  défendait  à  aucun 
flibustier  de  sortir  de  l'île  pour  atta- 
quer les  possessions  de  cette  puissan- 
ce. Le  gouverneur  de  la  colonie  était 
rappelé  pour  venir  se  justifier  de  la 
protection  qu'il  avait  accordée  à  ces 
scélérats  ,  avides  de  sang  et  de  pilla- 
ge. Morgan  même  reçut  ordre  d'al- 
ler en  Europe  ,  répondre  aux  plain- 
tes que  le  roi  d'Espagne  et  ses  sujets 
avaient  portées  contre  lui.  Probable- 


i56  MOR 

ment,  il  n'eut  pas  de  iiciiic  .'i  se  dis- 
culper; car  il  revint  à  la  Jamaïque, 
s'y  maria,  parvint  à  des  emplois 
brillants  ,  et  y  finit  ti'anquillement 
ses  jours.  E — s. 

MORGENSTERN  (  Jacques- 
Salomon  ) ,  géographe  et  bouffon 
de  la  cour  de  Prusse  ,  naquit  en  1 706, 
à  Pet^au,  dans  Iclcctorat  de  Saxe. 
Ayant  pris  ses  dep;r('s  à  l'universitcde 
Leipzig  ,  où  il  ne  liouva  pas  à  don- 
ner des  leçons  d'histoire  et  dp  ge'oj^ra- 
pliie,  il  vint  à  Halle,  où  il  fut  ])his 
Jieureux.  Il  écrivit  aussi  quelques 
ouATages,  entre  autres,  son  Droit 
public  de  Fatssie ,  dédie  à  l'impéra- 
trice Anne  ,  qui  chargea  son  minis- 
tre à  Berlin  de  lui  remettre  une  gra- 
tification de  cent  roubles.  Morgcn- 
stern ,  traversant  Potsdam  en  i-jSd  , 
pom-  aller  à  la  capitale  toucher  cette 
somme,  la  tournure  singulière  et  la 
vivacité'  de  ses  reparties  fixèrent  l'at- 
tention de  l'oflicier  de  garde;  on 
en  parla  au  roi.  Frcde'ric-Guillaumc 
le  fit  venir;  ce  monarque  (herchait 
alors  quelqu'un  pour  remplir  au- 
près de  lui  la  place  de  lecteur  et  in- 
terprète de  gazettes,  et  de  conseiller- 
bouffon  dans  son  cercle  de  fumeurs. 
La  convei'sation  de  Morgcnstern  lui 
plut  ;  et  malgré  la  répugnance  et  les 
jnotestations  de  ce  dernier,  il  le  prit 
à  son  service  pour  occuper  l'em- 
ploi vacant ,  et  lui  donna  le  litre 
déconseiller auliquc,  avec  un  traite- 
ment de  5oo  écus  ,  et  un  logeraenl  à 
Potsdam;  enfin,  il  le  chargea  de 
l'entretenir  sur  l'histoire  ancienne 
et  moderne.  En  1  737  ,  ce  monarque, 
le  moins  endurant  de  tous  les  rois  , 
obligea  Morgenstern  de  soutenir  pu- 
bliquement une  thèse  sur  la  folie,  et 
força  tous  les  professeurs  d'argu- 
menter en  forme.  A  la  mort  de  ce 
prince,  Morgenstern  ,  qui  craignait 
d'être  privé  de  son  traitement  sous 


MOR 

Frédéric  II,  demanda  d'être  em- 
ployé à  la  fixation  des  limites  de 
la  Silésie.  Son  travail  lui  valut  la 
confirmation  de  sa  pension,  qui  fut 
assignée  sur  la  caisse  de  la  ville  de 
Breslau  ;  et  il  en  iouit  jusqu'à  sa 
mort  arrivée  à  Potsdam  ,  le  16 
novembre  1785.  On  a  de  lui:  I. 
Nouvelle  ge'o'^raphiejiolilique ,  dans 
laquelle  on  trouve  un  tableau  exact 
de  l'état  naturel ,  politique  ,  ecclé- 
siastique et  civil  de  chaque  pajs  , 
tome  i*^'".  léna  ,  1735  ,  un  vol. 
in^"-  Meusel  dit  que  c'est  un  des 
premiers  ouvrages  dans  lesquels  la 
statistique  a  été  traitée  méthodique- 
ment. IT.  Jus  publicum  imperii  Bus- 
sorum  ,  Halle,  1736  ,  mi  vol.  in-8«. 
III.  Pensées  raisonnables  sur  la  fo- 
lie ,  et  sur  la  dissertation  composée 
et   soutenue    devant   une    auguste 

assemblée '^"i^']  1  in-8°.  L'auteur 

traite  d'aijord  de  la  folie  en  général , 
classe  ensuite  les  divcises  espèces  de 
fous ,  et  donne  des  principes  pour  les 
distinguer:  il  les  divise  en  rusés  et  en 
simples,  puis  expose  les  traits  carac- 
téristiques des  fous  des  différentes 
nations  et  professions;  les  savants  en 
fournissent  le  plus  grand  nombre , 
qui  s'élève  à  nciif  sur  dix.  Il  n'a  pas 
fait  entrer  les  fous  de  cour  dans  sa 
classification  :  c'est  de  sa  part  un 
trait  de  sagesse  ;  il  n'en  parle  que 
sous  des  expressions  déguisées.  IV. 
Sur  Frédéric -Guillaume  (  1793  ), 
ouvrage  posthume,  sans  indication 
de  lieu  d'impression.  Morgenstern  , 
comme  tous  les  hommes  facétieux  , 
a  été  le  sujet  de  plusieurs  notices 
spéciales.  J.F.  Nicola'i  en  publia  une 
pour  réfuter  celles  qui  lui  attribuaient 
beaucoup  de  bouffonneries  auxquel- 
les il  était  étranger.  E — s. 

MORGIER  (François),  né  à 
Villeneuve-lez- Avignon  ,  en  1 688  , 
étudia  d'abord  la  jurisprudence,  et 


MOR 

se  fit  recevoir  avocat  ;  mais  son 
goût  pour  la  lilteratiiic  et  pour  la 
poésie  le  delounia  de  la  canièic 
du  barreau.  A  uuc  époque  où  les 
plaisirs  de  la  table  louaient  encore 
un  rang  distingue  parmi  ceux,  rie  la 
bonne  compagnie,  il  s'était  formé  à 
Avignon  ,  sous  le  titre  d' Ordre  de 
la  boisson  ,  une  assorialiun  d'un 
certain  nombre  de  joyeux,  gastrono- 
.  mes ,  qui  rapj^elait  1'  Ordre  des  co- 
teaux,  dont  parle  Boilcau,  et  qui 
avait  son  pendant  à  Londres,  dans 
le  fameux  club  des  Beef-Steak.  (  F. 
EsTCOURï. )  Admis,  très-jeune  enco- 
re, dans  cette  société,  Morgier  devint 
presque  aussitôt  le  principal  rédac- 
teur de  la  gazette  qu'elle  publiait. 
L'abbé  tle  Charncs  (  F.  Charnes  ) 
eut  aussi  quebjue  part  à  la  com])osi- 
tion  de  cette  feuille  ,  qui,  à  travers 
beaucoup  de  facéties  dignes  d'une 
réunion  bachique ,  décèle  dans  ses 
auteurs  des  gens  d'esprit  et  de  goût. 
Un  des  articles  des  statuts  défendait 
de  s'enivrer.  Dans  un  autre ,  le  grand 
maître  s  exprimait  ainsi: 

Daus  nosliôtels,  fi,  d'avciiluie, 

Uu  frire  sulit  ses  discoiu» 

Par  la  luoiiidrc  petite  ordure , 

Je  J'en  baïuiis  pour  quelques  jours. 

Que  si  et  s  peines  reûonblces 

Sur  lui  ne  font  aucuu  eji'et , 

Je  veuj  que  son  procb  soit  fait, 

Toutes  les  tables  assemblées. 

La  gazette  inlittdée  :  Nouvelles  (le 
V  Ordre  de laboisson, se  disait  impri- 
mée chez  Museau-Cramoisi ,  au  pa- 
pier raisin.Tons  les  noms  y  étaient, 
comme  celui  du  typographe,  allé- 
goriques, et  désignaient  cependant 
des  personnages  réels.  C'était  frère 
des  n^nes  .frère  Mortadelle  natif 
de  Saint- Jean-Piedde  Fore;  don 
Barrique z  Carajfaj  Fuenles  Fino- 
sas-,  M.  de  Flaconville-  le  sieur 
Fillebrequin ,  et  tant  d'autres.  L'an- 
iiouce  des  hvres  a  vendre  présentait 


MOU 


VJ-) 


des  plaisanteries  du  raèinc  genre. 
Ou  y  trouvait:  V  Introduction  à  la. 
cuisine  par  le  Fr.  Le  Porc;  Remar- 
ques sur  les  langues  mortes  ,  com- 
me lau'^ues  de  bœuf ,  de  cochon  et 
autres  ;  Recueil  de  diverses  pièces 
de  finir ,  par  le  Fr.  Godiveau;  Ma- 
nière de  rendre  l'or  potable  et  l'ar- 
i^ent  aussi ,  par  le  Fr.  Labuvetle  .- 
l'Art  de  bien  boucher  les  bouteilles, 
impression  de  Liège;  V  Itinéraire 
des  cabarets  ,  œuvre  posthume  de 
Tavernier;  De  arte  bibendi,  auc- 
lore  Fr.  Templier ,  etc.  etc.  Mais 
CCS  bouffomiericsetccs  calembourgs 
étaient  accompagnés  de  traits  fins 
et  délicats;  tel  est  l'article  suivant 
sous  la  rubrique  de  Lisbonne  :  «  Le 
■» 'xo  février  170J,  l'archiduc  fit 
«une  superbe  mascarade,  suivi  de 
»  l'amirante  de  Castille  et  de  quel- 
»  quos  seigneurs  Portugais.  11  était 
»  masqué  en  roi,  et,  dans  cet  équipa- 
»  gc  ,  il  ne  fut  reconnu  de  personne. 
«L'amirauté  dansa  les  folies  d'Es- 
«  pagne,  qui  est  la  danse  ordinaire.» 
Tel  est  encore  cet  autre  article,  qui 
annonçait  les  victoires  des  armées 
françaises  en  Espagne  ,  pendant  la 
guerre  de  la  succession  :  «  De  Bru- 
«xellcs,  le  28  juin  1707.  L'armée 
»  des  alliés  est  toujours  campée  près 
»  de  Tirlemont ,  où  elle  ne  boit  que 
»  de  la  bière,  et  celle  du  duc  de  Ven- 
»  dôme,  près  de  Gembloux,  où  elle 
»  ne  boit  que  du  vin  ;  ce  qui  cause 
»  un(;  grande  désertion  dans  la  pre- 
«  luière,  et  attire  quantité  de  soldats 
a  dans  celle  de  France.  —  Dans  une 
))  fête  donnée  à  Loridres  ,  ajoute  le 
»  mèiue  article,  on  fit  de  vastes  pro-  ■ 
»  jets  pour  donner  des  bornes  au 
»  pouvoir  exorbitant  de  la  France 
»  (  vieux  style  )  :  on  parle  d'aller 
«fourragerjusqu'auxportcsdcReims, 
»  et  dienlever  tout  le  vin  de  Cham- 
»  pag!îe  pour  la  bouche  de  la  reine  ; 


i58 


MOR 


»  de  tailler  en  pièces rarmce  dcPlii- 
»  lippe  V  ,  et  de  mener  le  roi  Cliar- 
»  les  III  en  triomphe  dans  sa  bou- 
5)  ne  ville  de  Madrid.  Cette  journée 
»  se  passa  à  faire  des  cliàlcanx  en 
»  Espagne;  mais  le  lendemain  ,  ils 
»  furent  tous  abattus  par  l'arrivée  de 
w  deux  courriers ,  dont  le  premier 
»  apporta  la  nouvelle  de  la  défaite 
»  des  allies  ta  Almanza  ,  par  le  duc 
»de  Bcrwick,  et  l'autre,  la  perte 
»  d'un  grand  nombre  de  vaisseaux 
))  pris  ou  coules  à  fond  par  les  Fran- 
»  çais.  On  ne  peut  dire  combien  la 
»  surprise  fut  grande  pour  les  An- 
»  glais,  nation  lière  et  entêtée  de  sa 
»  puissance.  La  reuie  demanda  avec 
»  empressement  si  Alicanle  e'tait 
»  pris;  et  le  courrier  ayant  repondu 
»  qu'il  était  à  la  veille  de  l'être,  S. 
»  M.  parut  si  fàcliee,  que  Ton  jugea 
»  que  celte  ville  lui  tenait  fort  à 
»  cœur.  Depuis  ces  nouvelles  ,  le 
»  commerce  est  tout  dérangé ,  l'ar- 
»  gent  a  disparu  ;  les  boissons  sont 
»  renchéries  de  inoitié  ,  et  le  vin  ne 
»  circule  plus  dans  Londres ,  non 
»  plus  que  lesbdlets  de  l'Échiquier. 
»  L'on  s'est  assemblé  en  grand  comi- 
»  té,  afin  de  pourvoir  aux  moycjjs 
»  d'avoir  du  vin,  puisqu'on  ne  peut 
5)  plus  compter  sur  celui  d'Espagne. 
1)  L'embarras  est  de  savoir  comment 
»  en  transporter  d'ailleurs.  Nous 
»  avons  beau  publier  que  l'empire 
»  de  la  mer  nous  appartient  ;  le  che- 
»  valier  de  Forbin  et  les  armateurs 
))  de  Saint -Malo  n'en  veulent  rien 
V  croire  :  ils  attaquent  effrontément 
»  tout  ce  qui  porte  pavillon  d'An- 
»  glelerre;  et  l'on  dirait  qu'ils  ont 
»  juré  la  ruine  de  ce  pays  ,  tant  ils 
»  sontalerfes  pourlui  enlever  le  vin.» 
Les  nouvelles  de  V  Ordre  de  la  bois- 
son contenaient  quelquefois  des  vers  : 

A  la  barbe  des  cuDt>niis , 
ViUars  t'est  empare  des  lignes  : 


MOR 

S'il  virnl  à  s'emparer  des  vignes, 
Vuil.'i  les  Allruiaiidii  soumis. 

La  philosophie  du  grand-maître  est 
agréablement  exprimée  dans  le  qua- 
train suivant  : 

Je  dnuDc  à  l'oubli  le  passé, 
ïjf  )■  re'seiit  à  l'iiidilTcrrnce  ; 
Et  ,  pour  vivre  drharrassé  , 
L'avenir  à  la  Provideui.e. 

Ce  badinage  eut  une  grande  vogue, 
et  fit  à  Morgier  une  réputation  qui 
lui  facilita  ,  lorsqu'il  vint  à  Paris  , 
les  relations  les  plus  honorables.  Il 
passa  dès-lors  la  majeure  partie  de 
sa  vie  d^ns  la  capitale,  estimé  des 
gens  de  lettres  les  plus  fameux,  et 
de  plus  eu  plus  recherché  par  le 
grand  monde ,  à  cause  des  agré- 
ments et  de  l'originalité  de  son  es- 
prit. Ce  genre  de  mcrile  que  la  prin- 
cesse de  Conti  (  Louise-Elisabeth  de 
Bourbon  )  possédait  au  plus  haut 
degré ,  et  qui  ne  l'a  pas  moins  ren- 
due célèbre  que  sa  beauté,  le  fit  ad- 
mettre chez  elle  dans  une  sorte  de 
familiarité.  La  princesse  l'honora 
d'une  constante  bienveillance ,  et  ne 
dédaigna  pas  quelquefois  de  coope'- 
rer  avec  lui  à  la  composition  des 
plaisanteries  dont  elle  faisait  son 
amusement  et  celui  de  sa  cour.  Ces 
petits  ouvrages ,  et  un  grand  nombre 
d'autr(  s  pièces  fugitives  ,  n'ont  pas 
vu  le  jour  :  mais  ils  furent  dans  le 
temps  avidement  recueillis  par  les 
amateurs.  Blorgier  mourut  dans  sa- 
patrie,  en  1726.  V.   S.  L. 

MORGUES  (Matthieu  de),  mau- 
vais  historien,  connu  aussi  sous  le 
nom  de  sieur  de  Saint-Germain,  na- 
quit dans  le  Vêlai,  en  i  OSi,  d'une  fa- 
mille notable  du  pays.  Il  prit  d'abord 
l'habit  de  jésuite ,  et  fut  pourvu  d'u- 
ne chaire  au  collège  d'Avignon.  Le 
désir  d'une  plus  grande  liberté  le  por- 
ta, quelque  temps  après,  à  rompre  ses 
liens  avec  la  Société;  et  il  vint  prc- 


MOR 

rlicr  à  Paris,  où  sa  reputalion  gran- 
dit plus  vile  qu'il  n'avait  ose  se  le 
promettre.  Mari;ucritc  de  Valois  le 
nQiQiP.a  son  prédicateur,  en  i6i3. 
Louis  XIII  se  l'attacha  au  même  ti- 
tre ,  sur  la  présentation  du  cardinal 
Dupcrron  ;  et,  en  1G20,  Marie  de 
Medicis  le  choisit  pour  son  aumô- 
nier. L'abbe'  de  Saint-  Germain  mit 
sa  plume  à  la  disposition  de  Riche- 
lieu, alors  simple  évêquc  de  Lnçon, 
et  conseiller  intime  de  la  reine-mère  : 
il  e'crivit ,  sous  l'inspiration  du  pre'- 
lat,  contre  ceux  qui  avaient  ôté  à  la 
reine  l'e'ducation  de  ses  enfants  •  et 
son  fastidieux  pamphlet,  qu'il  inti- 
tula les  Vérités  chrétiennes,  circula 
sous  le  nom  de  Manifeste  cV Ans,ers. 
Richelieu  se  servit  encore  de  l'au- 
mônier pour  sa  propre  cause.  II 
commanda  une  réponse  à  des  écrits 
publiés  contre  lui  chez  l'étranger;  et 
les  Avis  d'un  théologien  sans  pas- 
sion, dont  il  avait  lui-même  fourni 
le  canevas,  parurent  en  1616,  iu-8'*. 
Lorsque  le  ministre  se  fut  brouillé 
avec  son  ancienne  protectrice,  Saint- 
Germain  demeura  fidèle  à  la  prin- 
cesse. Pour  le  punir  de  son  dévoue- 
ment, Richelieu  emi)êcha  que  sa  no- 
mination à  l'évêché  de  Toulon  fût 
confirmée  à  Rome.  La  reine  -  mère 
ayant  été  arrêtée  à  Compiègne,  Saint- 
Germain  ,  pour  échapper  à  la  colère 
du  ministie  persécuteur,  se  retira 
dans  la  province  qui  l'avait  vu  naître. 
Ne  s'y  trouvant  pas  en  sûreté,  il  alla 
rejoindre  Marie  de  Medicis  à  Bruxel- 
les. Richelieu  redoutait  tellement  la 
causticité  de  Saint-Germain,  que  dans 
toutes  les  négociations  ponr  le  rappel 
de  la  reine-mère,  il  stipulait  que  l'au- 
mônier lui  fût  livré.  Après  la  mort 
de  leur  ennemi  commun,  Saint-Ger- 
main revint  à  Paris,  et.y  mounit,  le 
ag  décembre  1670,  dans  la  maison 
des  Incurables,  qu'il  avait  choisie 


MOR  i'Jq 

])0iU'  l'asile  de  sa  vieillesse.  Sa  Par- 
faite  histoire  du  J'en  roi  Louis  XliJ, 
qu'il  ne  voulut  pas  mettre  au  jour 
de  son  vivant,  rcsîa  inédite,  malgré 
la  précaution  qu'il  avait  prise  d'eu 
faire  six  co))ics.  jMais  on  a  de  lui  , 
sous  le  titre  de  Diverses  pièces  pour 
la  défense  de  la  reine  -  mèj'e  et  de 
Louis  XIII ,  Anvers,  iGS-y  ,  i(J4î, 
i.  vol. ,  in  -  fol. ,  un  Recueil  de  dc- 
cuments  authentiques  sur  lesquels 
peut  s'appuyer  l'histoire,  en  raetlaut 
à  l'écart  les  injures,  les  récrimina- 
tions, \cs  impulatious  suspectes  ,  et 
tout  cet  appareil  d'esprit  de  parti 
dont  Saint-Germain  a  chargé  son  li- 
vre. Ce  qu'il  y  a  de  mieux  est  une 
Réfutation  de  l'histoire  de  Dnpleix. 
Balzac  qui,  en  sa  qualité  d'écrivain 
dévoué  à  Richelieu  ,  s'était  attiré  sur 
les  bras  l'ardent  adversaire  du  car- 
dinal ,  le  signale  comme  le  déser- 
teur d'une  douzaine  de  pariis  ,  et 
qui ,  pour  son  dernier  métier,  s'était 
fait  le  parasite  des  Espagnols  et  des 
mauvais  Français  qu'accueillait  leur 
cour.  On  retrouve  le  langage  pas- 
sionné et  même  brutal  de  Saint-Ger- 
main ,  dans  ses  écrits  de  controverse; 
il  sidHt  d'eu  citer  lui  :  Bruni  spon^ia^ 
composé  contre  Antoine  Brun.  Ou 
a  encore  de  lui  des  ^!5e;v?2y«5,-i!lisib!es 
par  le  style  comme  par.  le  ton  qui  y 
règne,  Paris,  i665,in-8°.  La  seconde 
Savcisienne  j  où  se  voit  canine  les 
ducs  de  Savoie  ont  usurpé  plusieurs 
états  appai  tenant  aux  rois  de  Fran- 
ce, Grenoble,  i63o,  in-S**.,  est  attri- 
buée à  Matthieu  de  ûlorgucs;  d'au- 
tres en  ont  fait  honneur  à  Franc,  de 
Rechignevoisin  ,  seigneur  de  Guron. 
L'auteur  de  la  ])remière  Savoisienne 
était  Ant.  Arnauîd  (  F.  ce  nom.  Il, 
497  ).  On  peut  voir  dans  Fonfette 
le  détail  des  a'itrcs  écrits  de  Matth. 
de  IVIorgues.  Mazarin  en  avait  payé 
quelques-uns.  F^ — t. 


ibo 


MOK 


MORHOF  (  Daniel -GKor.GE  ), 
l'un  des  plus  savants  rt  des  plus  la- 
borieux philologues  de  l'Allemagne, 
était  ne  en   i63i)  ,  à  Wismar,  dans 
le  RIecklenbouig.  Son  ]/cic,  notaiie 
instruit ,  le  fit  élever  sous  ses  yeux  , 
et  favorisa  le  goût  (ju'il   aunonçait 
pour  la  littérature.  A  seize  ans,  il  fut 
envoyé  à  l'académie  deStettiu ,  et  se 
rendit ,  en  iOj'],  à  Roslock  ,  pour  y 
achever  son  cours  de  droit  ;  Juais 
une  pièce  de  vers  qu'il  composa  en 
1G60,  sur  la  C/cog-ne  de  Laur.  Bu- 
dock  ,  tuée  par  accident,  donna  une 
si  haute  idée  de  son  talent ,  qu'on  le 
pressa  d'accepter  la  chaire  de  poé- 
sie. Il  demanda  un  congé  d'un  an 
pour  visiter  les  principaies  univer- 
sités de  Hollande  et  d' Angleterre  ;  et 
il  prit  possession  de  sa  chaire ,  en 
1 6G I ,  pai'  une  dissertation  ,  De  en- 
thusiasmo  etfurore  poëtico,  qui  fut 
fort  applaudie.  Il  ne  resta  que  peu  de 
temps  a  Rostock;  car  le  duc  de  Hol- 
stein  le  chargea ,  en  i  (JG5 ,  de  profes- 
ser les  belles-letlrcs  à  l'université  de 
Kiel,  nouvellement  fondée.  En  1670, 
il  fit  un  second  voyage  en  Angleter- 
re ,  où  il  se  lia,  entre  autres,  avec 
Vossius  et  Boyie,  dont  il  a  traduit 
en  latin  un  ouvrage.  Le  vaisseau  sur 
lequel  il  repassait  en  Hollande ,  ayant 
fait  naufrage ,  le  bruit  courut  qu'il 
avait  péri;  et  ses  amis  étaient  oc- 
cupés  de  recueillir   des   matériaux 
pour  son  éloge,  lorsqu'il  reparut  à 
Kiel ,  où  il  se  maria ,  au  mois  d'octo- 
bre   1671.  Deux  ans   après,  il  fut 
nommé  professeur  d'histoire,  et,  en 
i68o",  bibliothécaire  de  l'acadéinie. 
Celte   double   fonction  ne   l'empê- 
chait pas  de  trouver  encore  du  loisir 
pour  composer  les  ouvrages  dont  il 
enrichissait  chaque  année  le  monde 
savant.  IMorhof  avait  publié  une  thè- 
se sur  les  dangers  d'une  vie  trop  sé- 
dentaire j   mais  il  ne  les  redoutait 


MOR 

pas  pour  lui-même.  Cependant    il 
tomba  malade,  et  mourut  d'épuise- 
ment ,  en  revenant  des  eaux  deAyr- 
monl ,  à  Lubeck,  le  3o  juillet  iW|i  : 
il  n'était  âgé  ([uede  53  ans.  Klefeker 
lui  a  donné  mie  place  dans  la  Bibl. 
eriidit.  pnrcoc.  Morhof  a  beaucoup 
contribué  à  répandre  en  Allemagne 
le  goût  des  bonnes    élr.des;   il  joi- 
gnait à  une  vaste  érudition  un  talent 
remarquable  pour  la  poésie.  Ménage 
le  regardait  comme  le  premier  poêle 
de  l'Allemagne  ,  de  sou  temps.  On 
trouvera  la  liste  de  ses  ouvrages  au 
nombre  de  trente,  dans  le  tome  -i  des 
Mémoires  de  ISiceron  (i  \  el  dans  le 
Dictionnaire  de  Moréri,  éd.  de  i']5(J. 
Les  principaux  sont:  I.  Princeps  me- 
d  i  eu  s,  Rostock  ,   i6(i5,  in-4".  C'est 
une  dissertation  sur  la   réalité  des 
guérisons  que  les  rois  de  France  et 
d'Angleterre  opéraient  sur  les  scro- 
phuleux  ,  le  jour  de  leur  sacre .  par 
l'apposition  des  mains.  Morhof,  en 
admettant  ces  guérisons,  qu'il  regar- 
de comme  l'eilet  d'un  pouvoir  mira- 
culeux ,  s'est  exposé  au  reproche  de 
crédulité,  que  ne  lui  oui  pas  épargné 
les   théologiens  de  sa  communion. 
IL  Epi.'toia  de  scyph)  vilreo  per 
soniim  humanœ  vorls  riipto ,  Kiel , 
167.1,  in-4".  Il  T^c\\\.  cette  lettre,  la 
refondit,  et  la  publia  eu  forme  de  dis- 
sertation sous  ce  tilre  :  Stentor  hja- 
loclastes  sive  de  Scjpho  ,  etc.  La 
meilleure  édition  est  celle  de  Kiel  , 
i-o3,  in^".   IMcrhof,  dans  un  de 
de  ses  vovages  à  Amsterdam ,  avait 
vu  un  marchand  de  vin  qui  rompait 
des  verres  à  boire ,  en   élevant  la 
voix  d'une  octave  au-dessus  de  leur 


(ij  Xicrron  a  omis  le?  trois  suiv.mts  ;  10,  X^anx  .«c- 
turasive  C'entn  in  chrislogoniam  è  Viie^ilio  ,  Slnlio 
et  Citiudiaiio  conscripiu^ ,  l(J^7  i  rcinipiiine  daiis 
ses  Opsra  poètica  ;  •»-  •>.<*  Epi£;ramniatum  et  jocofum 
c£r.tuna  prima  popula/itiits  dicatay  Rostork  ,  1G59, 
io-S".  ; — 30.  De  génie  Brocfctorfid ,  dai's  Us  J'Veit- 
phal.  monum,  inédit. ,  I  ,  861. 


Mon 

ton  Tiatiircl  ;  c'est  rctlr  oxporionce, 
rp'petp'c  ]>Iusieiirs  fois  on  sa  piéscnre, 
<[iii  flonna  lie»  à  cet  ouvrage,  qui 
abonde  en  anecdotes  curieuses.  III. 
EiHstola  de  mclallornm  transinii- 
taîi^ne  ,  Hambourg,  iG'-S  ,  iu-8". 
Moiliof  croyait  à  la  possibilité  de 
convertir  les  /ue'laux  en  or;  il  pro- 
nonça à  Kiel ,  en  i  (k)0  ,  sur  le  même 
sujet ,  un  Discours  qui  a  e'tc  tr.iduit 
eu  allemand  ,  par  un  adepte  mo- 
derne, làareilh  ,  17G4,  iu-S''.  IV. 
Traité  de  la  langue  et  de  la  poésie 
allemandes ,  etc.  [  en  allera.  ) ,  Kiel , 
lOSi,  in-8''.;  réimprime  à  Lubei^k, 
en  1702,  17  18,  mèiue  format.  Cet 
ouvrage,  curieux  et  savant,  est  di- 
vise en  trois  parties  :  daus  la  pre- 
mière ,  il  cherche  à  établir  rpie  l'al- 
lemand est  plus  ancien  que  le  grec 
et  le  latin;  mais  les  preuves  dont 
il  appuie  cette  opinion ,  partagée 
par  plusieurs  de  ses  compatriotes, 
sont  loin  d'être  satisfaisantes.  Dans 
la  seconde ,  il  traite  de  l'origine  de 
la  poésie  allemande  ,  et  de  ses  pro- 
grès depuis  les  premiers  siècles;  la 
troisième  contient  les  règles  de  la 
versification.  On  trouve ,  a  la  suite  , 
des  poésies  allemandes  de  Morliof , 
qui  sont  assez  médiocres.  V .  De  Pa- 
tavinitale  Liviand  liber ,  uhi  de  ur- 
banitate  et  peregrinitate  sermonis 
latini  universè  a^itur ,  i]iid.  ,  iG8î, 
in  -  4".  11  y  justifie  Titc-Live  du  re- 
proche que  lui  font  quelques  criti- 
ques d'avoir  employé  des  termes 
particuliers  à  sa  province,  et  qu'on 
ne  trouve  pas  dans  les  autres  bous 
auteurs  (  F.  Tite-Live  ).  VI.  Po- 
lyhistor. . . .  sive  de  notitid  aucîo- 
rum  et  rerum  comment arii^  Lubeck, 
iG88-9'-i  ,  3  parties,  in-4°.  C'est  de 
tous  les  ouvrages  de  Morhof ,  le  plus 
important,  et  le  seul  qui  soit  recher- 
ché hors  de  l'Allemagne.  Il  est  di- 
visé eu  douze  livres,  dans  lesquels 


I\FOR 


ifif 


ranfrurfraite  successivement  de  l'u- 
lililé  (le  l'hisloire  Jilléiaire  ;  de  l'usa- 
ge et  du  choix  des  livres  ;  des  bijilio- 
tlièfpies;  des  différentes  nu-'lliodes 
d'enseignement;  des  langues  et  des 
meilleures  grammaires  ;  de  la  rhé- 
torique ,  de  la  poésie,  de  la  philoso- 
phie ;  de  la  physique  et  des  sciences 
occultes;  des  malhémafiqucs;  delà 
philosophie  pratique  ou  de  la  mo- 
rale ;  et  cnrHi,de  l'histoire  et  des 
principaux  historiens.  Oii  y  recon- 
naît-luie  immense  érudition;  mais 
on  ydesirerait  plus  de  méthode,  et  il 
manque  parfois  de  critique.  Le  Po/f- 
historïui  reimprimé  eu  iGcy:!!.  Jean 
Moller  en  donna,  eu  1708,  une 
nouvelle  édition  ,  augmentée  de  pro- 
légomènes et  de  notes  ,  et  d'une  Fie 
de  Morhof,  pleine  de  détails  curieux, 
mais  faliganîe  à  lire  par  les  di- 
gressions continuelles  dont  il  l'a 
semée.  Cette  édition  a  été  surpassée 
par  celle  qu'a  donnée  le  savant  J. 
Alb.  Fabricins,  avec  de  nouvelles 
additions,  Lr.beck,  1782,2  vol.  in- 
4"^.  (  F.  Fabricius  ,  XIV,  60.  )  Les 
Poésies  latines  de  Morhof  ont  été 
publiées  par  Henri  Muhlius  ,  avec 
une  boiiue  préface,  Lubeck,  iG^-^, 
in-8''.  Le  Recueil  de  ses  haranmies 
et  de  ses  programmes  a  paru  à 
Hambourg,  en  1G98.,  in-80,;  et  ses 
Dissertations  académiques  ont  été 
réimprimées  daus  la  même  ville, 
iGgt),  in-40.,  précédées  d'un  60m- 
mentaire  sur  sa  vie,  trouvé  daus 
ses  manuscrits,  et  continué  par  l'é- 
diteur ,  depuis  l'année  167  i.  Parmi 
les  ouvrages  que  Morhof  avait  laissés 
inédits ,  il  en  est  deux  qui  ont  été 
puliliés,  im  traité  :  Depurd  dictio- 
ne  lalind,  Hanovre  ,  17'îj,  in-8'*.  , 
par  J.  Laurent  Mosheim  ;  et  un 
opuscule  ,  De  legendis,  imilandis 
et  excerpendis  aucloribus  ,  Haïu- 
buurg,  1731  ,  in-8'\,  par  J.  Pierre 
1 1 


i62  MOR 

Kolil,  sujet  intéressant,  et  auquel 
ou  icp;rctte  que  l'auteur  n'ait  ])as  pu 
donuer  tout  le  développement  dont 
il  serait  susceptil)le.  W — s. 

MORICE  DE  BEAUBOTS  (  Dom 
Pierrk-Hyacintue  ),  bc'uëdictin  de 
la  congrégation  de  Saiut-Maur,  né 
en  1693,  à  Quiuiperlé,  d'une   fa- 
mille noble,  fit  profession ,  à  l'âge 
de  vingt  ans ,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Melaine  ,  et  se  distingua  bientôt  par 
son  goût  pour  l'étude  et  par  son  as- 
siduité à  ses  devoirs.  11  fut  appelé, 
en  1 731  ,  à  Paris,  pour  travailler  à 
la  généalogie  de  la  mai.'on  de  Ro- 
han  •  et  on  lui  donna  pour  collabo- 
rateur D.  Duval ,  son  compatriote 
et  son    ami  (1).  Ils  visitèrent  en- 
semble les  archives  de  Bretagne,  où 
se  trouvaient  les  matériaux  qui  leur 
étaient  nécessaires;  mais  D.  Morice 
acheva  senl  cet  ouvrage,  et  le  pré- 
senta au  cardinal  de  Ruban  ,  qui  lui 
en  témoigna  sa  satisfaction  par  une 
pension  de  800  livres.  Il  se  chargea 
ensuite ,  à  la  prière  des  états  de  Bre- 
tagne, de  donner  une  nouvelle  édi- 
tion de  l'/Zi^foirc  de  cette  province, 
par  D.  Lobineau;  et  il  publia,  de 
174*^^  *  7  4^  7 1'""^^  volumes  in-fol. , 
de  Pièces  justificalwes  que  Lobi- 
neau n'avait  fait  connaître  que  par 
des  extraits  :  il  y  ajouta  de  savan- 
tes  Dissertations  sur  l'origine  des 
Bretons  ,  leurs  mœurs  et  leurs  cou- 
tumes à  l'époque  de  l'entrée  des  Ro- 
mains ;   sur  l'origine    des  barons  , 
et  des  fiefs  ;  des  états-généraux  de 
Bretagne,  etc.   Il   fit  paraître,  en 
ii5o  ,  le  premier  volume  de  V His- 
toire ecclésiastique  et  civile  de  Bre- 


MOR 

tagne{\)-y  et  il  préparait  le  second, 
lorsqu'il  mourut  d'une  attacpie  d'a- 
poplexie, le  i4octobrc  \')')0.li  l'âge 
de  cinquante-sept  ans. D.  Taillandier 
fut  chargé  de  revoir  cl  de  terminer  le 
travail  de  son  confrère;  et  c'est  par 
ses  soins  que  le  dernier  volume  parut  1 
en  1756.  L'histoire  de  Bretagne, 
par  D.  Morice,  est  supérieure  à 
celle  de  D.  Lobineau  ,  par  les  addi- 
tions et  les  éclaircissemens  qu'elle  ' 
renferme;  mais  on  estime  siu  tout  les 
pièces  curieuses  que  le  nouvel  auteur 
y  a  ajoutées ,  et  dont  la  plus  grande 
partie  était  inédite.  (  V.  Ch.  Tail- 
LANDiKR.  )  Son  Histoire  iiénéalngi- 
qtie  de  la  maison  de  Rohan  n'a  point 
été  imprimée;  elle  forme  2  vol.  in- 
fol.  avec  les  preuves.         W — s. 

MORIGIA      (  BUONINCONTRO  )  ,    ' 

chroniqueur,  né  à  Monza ,  dans  le 
duché  de  Milan,  au  treizième  siècle, 
était  d'une  famille  déjà  ancienne.  Il 
fut  charge,  en  i3'2'2,   de  conduire' 
deux  cents  fantassins  au  secours  de 
Galeaz  Visconli;  en  i3'29,  il  faisait 
partie  du  conseil  des  Douze,  qui  avait 
l'administration    de    Monza  ,    ville 
alors  sujette  de  l'empereur  Louis  de 
Bavière  ;  enfin  il  fut  député,  en  1343, 
à  l'archevêque  de  Milan  pour  aviser 
aux  moyens  d'obtenir  la  restitution 
du  trésor  de  cette  église,  transporté 
dans  Avignon.  Il  a  laissé  une  Chro- 
nique latijie  de  la  vil  le  de  Monza  ,  de- 
puis son  origine  jusqu'à  l'an  i349  : 
le  style  en  est  grossier;  mais  l'auteur, 
qui  paraît  sincère  et  judicieux,   ne 
rapporte  que  les  faits  dont  il  a  été  le 
témoin  :  elle  a  été  puliliée  par  Mura- 
tori  dans  les  Script,  rendu  italic. ,' 
tom.  XII.  —  MoRiGiA  (  Jacques-An- 


(1)  D.  Jacques-Etienne  DiJVAL  ,  né  ^  Rpunes  en 
1635  ,  fut  appelé,  eu  i734t  ^  l  al'haje  Saint-Gerniain- 
des  -  Préi,  uii  il  mourut  bibliothécaire  ,1e  ?.3  avril 
174»-  Ou  n'a  de  lui  qu'une  Lettre  {  toucliaut  la  po- 
•ition  de  quelques  villes  des  Gaules),  Mercure  de 
septembre  IJ.^Q. 


(i")  D.  Morice  a  Liséré' daus  ce  voUniie  Vhi^inirK 
des premien  rois  Bretons , parVahhe  Jacqurs  Galletj 
mort  eu  17'-^  1  curé  de  Corapaiis  ,  au  diiK'èse  de 
Meaux  ;  mais  il  a  retouché  le  style  de  cette  histoire  , 
écrite  avec  trop  de  difttisîou  [^r.  V Examen  criiiijun 
par  M.  Barbier  ,  I  ,  367  ). 


I\10R 

toinc  ),  dit  V ancien  ,  pour  lo  disfin- 
;4iicr des  suivants,  ne  à  IMilaii  vcvs 
1 4ç)3, s'adonna, d.ms  sajcunessc,  aux 
plaisirs  et  à  la  dissipation  ;  mais  tou- 
che' des  reproches  de  ses  parents,  il 
chanj^ea  de  conduite,  et  devint  l'nu 
des  fondateurs  de  la  congrégation 
des  Barnabitcs,  dont  il  lut  élu  le 
premier  prévôt  en  i53(3.  11  remplit 
cet  emploi  avec  beaucoup  de  sa- 
^essc  ;  et  ayant  leiuis  son  auto- 
rite à  sou  successeur,  il  se  destiria 
aux  missions:  mais  il  fut  réélu  pré- 
vôt eu  1 545,  et  mourut  la  même  an- 
née, regrette  de  ses  confrères,  qu'il 
avait  édifiés  par  ses  vertus.  —  Mo- 
RiG(A(Le  cardinal  Jacq.-Antoine) , 
de  la  même  famille,  né  à  Milan  en 
i632,  entra  chez  les  Barnabites  à 
l'âge  de  dix-sept  ans  ,  et  professa  la 
pliilosophie  dans  les  collèges  de  sa 
congrégation  à  Macerata  et  à  Milan  : 
il  s'adonna  ensuite  à  la  prédication , 
et  parut  avec  éclat  dans  les  princi- 
pales chaires  de  l'Italie.  Le  grand- 
duc  de  Toscane,  charmé  de  ses  ta- 
lents, le  retint  à  sa  cour,  et  lui  con- 
fia l'éducation  de  son  fils.  La  ma- 
nière dont  il  s'acquitta  de  cet  emploi 
lui  mérita  la  faveur  du  grand-duc  , 
qui  lui  procura  l'évèchc  de  San-Mi- 
uiato,d'où  il  passa,  en  i(383,  sur 
le  siège  de  Florence.  Il  fut  depuis 
décoré  de  la  pourpre  romaine,  et 
nommé  à  l'évèché  de  Pavie,  qu'il  ad- 
ministra avec  beaucoup  de  zèle:  il 
refusararchevêchéde  Milan, et  mou- 
rut le  8  octobre  i-joS.  Il  fut  enterré 
dans  sa  cathédrale ,  avec  une  cpita- 
])he  très-honorable,  rapportée  par 
Argelati.  On  a  de  ce  prélat  trois  Orai- 
SOIS  funèbres  et  des  Lettres  pasto- 
rales adressées  aux  fidèles  de  Flo- 
rence. —  MoRiGiA  (  Paul  ) ,  jésuite, 
ué  à  Milan  en  iS'iS,  se  distingua 
tellement  dans  son  ordre  ,  qu'il  fut 
élevé  <piatre  fois  à  la  dignité  de  su- 


MOR 


ig: 


périeur- général.  Il  profita  de  sou 
ascendant  sur  ses  confrères  pour  re- 
former les  statuts  ,  avec  l'approba- 
tion du  Saint-Siège.  Il  mourut  octo- 
génaire en  i(h)4,  et  fut  inhuiné 
dans  l'église  Saiiil- Jérôme  de  Mil.iu 
dont  il  avait  posé  la  première  pierre. 
George  Trivulce ,  comte  de  Melfi  , 
dècoi-a  sa  tombe  d'une  épilaphc,  qui 
porte  que  Morigia  avait  compose' 
soixante  et  un  ouvrages.  Argelati 
n'en  a  pu  découvrir  que  quarante- 
cinq  ,  tant  imprimés  que  manus- 
crits ,  dont  il  donne  les  titres  dans 
la  ItihUoth.  Mediol.  ,  tome  i*"r. .  p, 
966  et  suiv.  Les  principaux  sont  : 
1.  Origine  ditutte  le  Relii^ioni^  libri 
ni ,  Venise  ,  1 569  ,  1 58 1 ,  1 580  , 
in  -  8».  ;  trad.  en  français  ,  Paris  , 
1578,  in  -  8".  :  c'est  une  histoire 
superficielle  de  rctahlissement  des 
ordres  religieux.  II.  Sloria  de" 
yersjnna^i  illustri  delV  ordine  de'' 
Jesuati,  libr.  vi,  ibid.  ,  1599,  in- 
4°.  Cet  ouvrage  ne  vaut  pas  mieux 
que  le  précédent,  quoique  l'auteur 
ait  eu  la  facilité  de  pniser  aux  sour- 
ces. III.  Storia  delV  anlichità  di 
Milano ,  Ubri  ly,  ibid. ,  1 59.2 ,  in- 
4*^.  C'est  un  recueil  des  fables  et  des 
récits  populaires  accrédités  dans  le 
Milanez.  IV.  Délia  nobiltà  de  l 
Sipiori  hyidel consigna  di  Milano, 
Ubri  ri,  Milan,  iSgo,  in- 40.,  et 
avec  un  Supplém.  de  Borsieri ,  ib. , 
1619,  in- 8>^.  On  y  trouve  quelques 
Notices  intéressantes  ,  noyées  au  mi- 
lieu de  contes  puérils  qui  prouvent 
l'extrême  crédulité  de  l'auteur.  W-s 

MORILLOS.  r.  MuR.LLo. 

MORIN  (.Iean-Baptistk),  le 
dernier  des  astrologues  qui  méritent 
d'être  cités ,  et  plus  connu  par  ses 
travers  que  par  les  services  qu'il  a 
rendus  à  la  science  ,  était  ué  en 
1 583 ,  à  Villefranche  dans  le  Beau- 
jolais. Il  fit  son  cours  de  philoso- 

1  !.. 


î64  MOR 

phie  à  Aix,  et  alla  ensuite  étudier 
fa   médecine  à    l'université'  d'Avi- 
gnon ,   où   il   reçut  le  doctorat  en 
i6i3.  S'etant  rendu  à  Paris  pour  y 
exercer  son  elat ,  il  fut  admis  chez 
Claude Dormy,  ëvêquedc  Boulogne, 
qui ,  lui  avant  reconnu  des  disposi- 
tions particulières  pour  les  sciences 
naturelles  ,  l'envoya   visiter   à   ses 
frais  les  mines  d'Allemagne  et  de 
Hongrie.  A  son  retour  ,  Morin  se*lia 
d'une  étroite  amitié  avec  un  Écos- 
sais ,  nomme  Davisson ,  qui,  détrom- 
pé des  chimères  de  l'astrologie,  y 
avait  renoncé  pour  s'appliquer  à  la 
médecine  (  F.  Davisson  ,  X ,  617  ). 
Les  raisonnements  de  son  ami  con- 
tre l'astrologie  ,  firent  uaîtrc  à  IMo- 
rin  l'envie  d'étudier  cette  science  ; 
et  il  V  prit  tant  de  goût,  qu'il  renon- 
ça à  "la  pratique  de  son  art  pour  se 
livrer  entièrement  à  cette  nouvelle 
étude.  Entêté  des  découvertes  qu'il 
croyait  y  faire  chaque  jour ,  il  se  crut 
bientôt  en  état  de  prédire  raveuir; 
et  il  annonça  à  l'cvcqne  de  Boulogne 
que,  dans  le  courant  de  l'année  1617, 
il  serait  mis  en  prison.  Ce  prélat  in- 
trigant fut  eneOc-t  arrêté;  et  Moiiu 
se  consola  de  la  perte  de  son  protec- 
teur ,  par  le  plaisir  d'avoir  deviné 
juste.  Avec  un  pareil  talent ,  il  ne 
pouvait  guère  d'ailleurs  manquer  de 
se  faire  des  amis.  Il  entra,  en  i6'ii , 
au  service  du  duc  de  Luxembourg  ; 
mais  ne  jugeant  pas  le  traitement 
qu'il  en  recevait  assez  considérable , 
il  le  quitta  eu  le  menaçant  d'une.ma- 
ladie  dangereuse,  qui  emporta  clFec- 
tivement  ce  seigneur  au  bout  de  quel- 
que temps.  Mécontent  des  grands ,  il 
s'attacha  cependant  encore  au  maré- 
chal d'Elïîat,  et  obtint,  en  i63o  , 
la  chaire  de  mathématiques  au  Col- 
lège royal.  Ses  amis  lui  conseillèrent 
d'épouser  la  veuve  de  Sainclair  ,  son 
prédécesseur;  et  il  céda  à  leurs  rai- 


Mon 

sons.  Mais ,  comme  il  allait  rendre 
une  jucmière  visite  à  la  jeune  veuve, 
il  ap[)iit  qu'on  faisait  les  dispositions 
pour  ses  funérailles  ;  et ,  fraj)pé  de 
cet  événement,  il  prit  la  résoliitiuu 
de  ne  jamais  se  marier.  Moriii  avait 
gagné  la   confiance  dn  cardinal  de 
Richelieu  ,  qui  daignait  le  consulter 
quelquefois. il  lui  lit  part  des  moyens 
qu'il  avait  imaginés  pour  trouver  les 
longitudes  en  mer;  mais  les  commis- 
saires chargés  d'examiner  cette  dé- 
couverte, ne  lui  ayant  pas  été  favo- 
rables dans  leur  rapport,  il  n'obtint 
pas  les  encouragements  qu'il  avait 
réellement  mérités  ;  et  il  se  brouilla 
sérieusement  avec  le  premier  minis-- 
trc.  11  fut  plus  heureux  avec  le  car- 
dinal Mazarin ,  qui  lui  accorda  ,  en 
1G45,  une  pension  de  2000  livies  , 
somme  considérable  pour  le  temps. 
Les  grandes  querelles  qu'il  eut  à  sou- 
tenir contre  les  partisans  de  Coper- 
nic ,  contre  les  ennemis  de  l'astrolo- 
gie judiciaire,  et  enfin  .  contre  ceux 
qui  lui  disputaient  la  découverte  des 
longitudes,  occupèrent  toute  sa  vie. 
11   mourut  à  Paris  le  G  novembre 
iG56,  et  fut  inhumé  dans  l'église 
de  Saint- Etienne- du  -  ]\Iont ,  avec 
épitaphe   qu'il   avait  composée,  et 
que  l'abbé   Goujet    rapporte    dans 
VHlsloire  du  Collège  royal.  Morin 
aurait  pu  être  très-utile  à  l'astrono- 
mie ,  si,  par  un  travers  d'esprit  dé- 
plorable, il  ne  se  fût  établi  comme 
le  champion  de  J'asli'ologie  judiciai- 
re, et  l'un    des  contra  licteurs   les 
plus  opiniâtres  de  Copernic  et  de 
Galilée  ,  en  soutenant  avec  une  sor- 
te de  rage  l'immobilité  de  la  terre 
(  V^oy.  VHisloire  des  mathémati- 
ques,  par  Montucla  ,  11 ,  336  ).  Ou- 
tre les  ouvrages  publiés  par  Morin  , 
et  dont  le  P.  INiceron  a  donné  la 
liste,  dans  le  tome  m  de  ses  Mé- 
laoiiès .  il  a  laisse  en  manuscrit  plu- 


MOR 

sieurs  Opuscules  astronomiques  , 
sur  lesquels  ou  lira  des  ilelails  iiife- 
ressauts  daus  le  Dictiunn.  de  ]Mo- 
le'ri ,  e'd.  de  l'^JÇ).  Panui  les  pro- 
ductions de  cet  astrologue ,  ou  se 
contentera  de  citer:  \.  Fainosi  pro^ 
blcmalis  de  telluiis  inotu  vel  quiele 
hactenus  optata  solutio  ,  Paris  , 
iG3i  ,  ia-4'*.  C'est  dans  cet  ouvra- 
ge ,  que  Moriu  se  déclara  contre  le 
système  de  Copernic,  dont  l'adop- 
tion ,  comrae  il  le  sentait  bien  ,  de- 
vait ruiner  tous  les  principes  sur 
lesquels  repos-iient  les  calculs  de 
l'astrologie  judiciaire.  II.  Longitu- 
dinum  terreslriuin  et  cœlestaun  no- 
va et  hactenus  oplata  scieniia,  Pa- 
ris ,  1634  ,  in  -  4".  IMorin  ,  ayant 
fait  successivement  des  adiiitions  à 
cet  ouvrage  (  Voy.  la  Bibliographie 
astronomique  ,  p.  :wn  et  uocj  ) ,  le 
reproduisit  en  i64o,  sous  ce  titre  : 
Abtronomia  jam  à  fundamentis  in- 
tégré et  exacte  restituta.  Il  est  di- 
vise en  neuf  parties,  et  contient  de 
fort  bonnes  choses.  La  méthode  de 
Moriu  pour  déterraii;er  les  longitu- 
des eu  mer  consistait  à  calculer  la 
hauteur  de  la  lune,  et  mesurer  la  dis- 
tance d'une  étoile  dont  la  position 
était  connue.  Cette  même  méthode, 
simplifiée  par  Pagan,  est  celle  que  Le- 
monnier  et  Pingre  proposaient  d'a- 
dopter :  elle  fut  d'abord  accueillie 
par  les  commissaires  que  le  cardinal 
de  Richelieu  avait  nommés  ,  et  re- 
jetée  ensuite ,  parce  que  la  théorie  de 
la  lune  n'était  pas  assez  perfec- 
tionnée,  et  qu'il  n'indiquait  aucun 
îno\ en  de  s'assurer  de  la  régularité 
d'une  opération  (  Voy.  VBiit.  des 
mathémat. ,  11  ,  33G  et  suiv.  ,  iv , 
543  et  suiv.  )  Les  instruments  d'as- 
tronomie usités  à  celte  époque  étaient 
d'ailleurs  trop  imparfaits  pour  don- 
ner à  ces  observations  une  précision 
*uirisante  et  utile  dans  la  pratique. 


MOR 


iC^ 


On  trouve  encore  des  choses  for" 
remarquables  dans  l'ouvrage  de  Mo- 
rin,  et  par  exemple  la  description  du 
moyen  ingénieux  (pi'il  avait  imaginé 
pour  continuer  d'observer  une  étoile 
fixe  ou  une  planète,  pendant  une 
heure  après  le  lever  du  soleil,  dé- 
couverle  plus  curieuse  qu'utile ,  d'au- 
tant plus  que  le  mouvement  du  vais- 
seau eût  rendu  l'observation  impra- 
ticable sur  mer.  Taudis  que  les  juges 
de  Morin  lui  refusaient  l'honneur  d'a- 
voir travaillé  ulilcraenl  à  la  déter- 
mination des  longitudes  (  i) ,  quelques 
astronomes  revendiquaient  pour  Lon- 
gomontan  ,  la  gloire  que  s'attribuait 


(i)  On  De  deTail  pas  à  Morin, le  prix  qu'il  récla- 
mait ,  comme  nne  chose  due,  si  ce  prix  était  tel  que 
celui  qui  a  été  depuis  arrêté  en  Angleterre  ,  ou  si 
rob;et  et  les  Cjïceuves  élaieut  bien  déterminés.  Mais 
on  lui  devait  quelijHfs  éloges  et  des  encourape- 
mints;  il-  fallait  exciter  son  7.èle ,  stimuler  so:\ 
ainoiir-pro[>re  ,  lui  montrer  le  pi  ix  ,  ou  <lu  moirs  , 
partie  du  prix  en  perspective  ,  s'il  parveuait  à  per- 
fectionner quelques  idées  heureuses  ,  te:le  que  la  lu- 
nette placée  sur  l'alidade  avec  des  pinnules  qui  ser- 
vaient à  amener  l'astre  an  milieu  du  ch.'mp  de  la  lu- 
nette. Df  clarer  durement  que  ces  moyens  ne  contri- 
bueraient en  rien  à  la  bonté  des  observatious  ou  -* 
l'amélioration  des  tables  ,  était  nne  assertion  non- 
seuleinei.t  décourageante,  mais  fausse,  et  l'événement 
l'a  complètement  démentie.  Les  commissaires  u'ont 
pas  senti  le  mérite  de  ces  amélioi'ations...  Leur  pre- 
lîiler  arrêté  était  trop  précipité,  trop  favorable;  il 
exprimait  la  pensée  des  juges  ,  bien  moins  que  celle 
de  Taud-tuire  ;  mais  le  second  est  aussi  trop  dur  et 
trop  injuste...  L'éirit  adressé  au  cardinal  était  plus 
dm-  encore  ;  il  était  injurie  ux  à  Morin  ,  qui  en  attri- 
bue l'àcTeté  àMjdorge.et  .i  Beaugrand.  Les  commis- 
saires ont  tort  maivfeitement,  quaud  ils  assurent  qu? 
les  moyens  d-.  Morin  ne  peuvent  donner  aucune  amé- 
lioration aux  tables  L'établissenieit  d'un  Observ.»- 
toire  pi  rnianc  nt,  une  série  non  interrompue  d'cbsei- 
vatioiiS,  pendant  un  temps  indéfini,  leslunettes  aùap- 
tées  au  circle  .  le  vcrnier  substitué  à  la  division  par 
trai  sverales,  les  efforls  de  Morin  pour  amener  l'as- 
tre au  milieu  du  champ  de  la  lun:  tte  ;  voilà  certes, 
des  améliorations  de  la  plus  grande  iinp<irtmce  (  si 
elles eu.'-stnt  été  réélisent  exécutées  ,  nu  lieu  d'être 
vagu  ment  indiquées  comme  elles  le  sont  dans  le  li- 
vre de  Moriu  )  ,  et  elles  devaient  infailliblement  aug- 
mcntcr  la  prccisiou  des  tables.  Il  est  vr.»i  que  ces 
rnoycis  étaient  loin  encore  de  suffire  à  la  dit  rmin:>- 
tioù  des  nombren.'es  inégalités  de  la  lime  ;  mais  les 
commissaires  étaii  nt  loin  de  soupçimner  celte  causa 
de  difficulté  :  leur  décision  était  denc  téméraire,  et 
prouvait ,  ou  de  la  malveillance ,  ou  une  inadvcrtarto 
bien  singulière..  L'ne  recompen«e  décernée  publique- 
ment par  le  ministre  l'eût  satislilt  ;  il  n'y  avsiit  pas 
de  somme  délenninée  ;  il  n'eu  fixaii  aucune  dans  s» 
demande  ;  il  se  serait  couteutc  d'un  peu  d'argent,  et 
d'un  peu  de  sloire,  que  sa  vanité  amnit  assez  exajç- 
ree.  D— L— E. 


MorinjctleP.  Du  Liiis,  loligicux 
îècollet,  se  vantait  d'avoir  dccouvort 
un  meilleur  procëflë.  Morin  rcpoudit 
à  ce  nouveau  rival  par  un  ouvrage  in- 
titule' :  m.  La  Science  des  longitu- 
des,  réduite  en  une  exacte  et  fa- 
cile pratique  sur  le  globe  céleste, 
tant  pour  la  terre  que  pour  la  nier  , 
avec  la  censure  de  la  nouvelle  théo- 
rie et  pratique  des  longitudes  du  P. 
jDu  Liris,  etc. ,  Paris  ,  1647  '  i"-4°- 
Morin  lui  reproche  de  l'avoir  pille', 
et  de  ne  pas  posse'der  les  premiers 
éle'ments  des  mathe'matiques.  A  ces 
grossières  accusations,  le  P.  Du  Liris 
re'pondit  avec  une  modération  qui  ne' 
fit  qu'augmenter  la  colère  de  Morin  ; 
mais  ces  deux  hommes  finirent  par 
se  réconcilier  (  F.  Liras,  XXIV, 
557  ).  IV.  Epistola  de  tribus  im- 
postoribus  ,  Paris ,  1 654  '  i"- 1  ^-  I-ies 
trois  pre'tendus  imposteurs 'que  si- 
gnale Morin  ('ans  cette  lettre,  sont 
Gassendi,  avec  lequel  il  s'était  brouille 
à  l'occasion  du  système  deCopcrnic, 
Bernier,  et  Rlaîhuiin  de  Ncurë.  Il 
la  j^i'blia  sous  le  nom  de  rincent 
Panurge  ,  en  se  l'adressant  à  lui- 
même,  afin  de  pouvoir  dire  plus  li- 
brement ce  qui  lui  plairait. V.^>/h- 
tatio  compendiosa  erronei  ac  detes- 
tandi  libri  de  prœadamitis ,  ibid. , 
1657,  in- 12,  rare  (T.  La  Peyrere). 
VI.  Astrologia  gallica  ,  la  Haye  , 
ï66i ,  in-fol.;  cet  ouvrage,  auquel  il 
avait  travaillé  trente  années,  ne  parut 
qu'après  sa  mort  par  les  soins  de 
Louise- Marie  de  Gonzague,  reine  de 
l^ologne  y  qui  fit  les  frais  de  l'im- 
pression ;  l'éditeur  anonyme  l'a  fait 
précéder  de  la  traduction  latine  d'une 
Fie  de  M  orin ,  qui  avait  paru  en  \  660, 
in-T'2.  L'article  que  Bayle  lui  a  cun- 
aacré  dans  son  Dictionnaire  est  fort 
curieux,  et  renferme  bien  des  par- 
ticularités intéressantes,  qui  avaient 
échappé  a  l'auteur  de  la  Vie  qu'on 


MCI! 

vient  de  cilcr.  On  peut  encore  con- 
sulter les  dillérents  Biographes  in- 
diqués dans  le  courant  de  cet  arti- 
cle, et  le  Mémoire  sur  Morin,  par 
Grandjean  de  Fouchy ,  dans  le  Re- 
cueil de  V académie  des  sciences 
pour  1787,  mais  surUml  Y  Histoire 
de  l'astronomie  moderne ,  par  M. 
Delambre,  tome  n  ,  p.  235-274.  Le 
portrait  de  Morin  a  été  gravé  par 
fr.  Poilly  ,  in-fol.  ,  et  il  fait  partie 
dt'  plusieurs  collections.     W — s. 

MORIN  (  Jean  ),  prêtre  de  l'Ora- 
toire, né  à  Blois,  en  ijgijde  parents 
yélés  calvinistes  ,  fit  ses  humanités  à 
la  Rochelle,  et  fut  ensuite  envoyé  à 
licyde ,  où ,  pendant  son  cours  de 
philosophie  et  de  théologie,  il  apprit 
le  grec  et  l'hébreu.  De  retour  dans 
sa  patrie,  les  langues  orientales  ,  l'E- 
criture sainte ,  les  conciles  et  les 
Pères,  devinrent  les  principaux  ob- 
jets de  ses  études.  Les  excès  auxquels 
il  avait  vu,  en  Hollande,  les  Goraa-' 
ristes  et  les  Arminiens  se  porter  dans 
leurs  disputes ,  lui  avaient  ii:spiré  des 
doutes  sur  le  fonds  de  la  doctrincdes 
réformés  j  les  relations  qu'il  eut  avec 
les  controvcrsistcs  catholiques,  aug- 
mentèrent ces  doutes.  Le  cardinal 
Duperron  acheva  de  le  convaincre; 
il  reçut  son  abjr.ration ,  et  l'admit 
dans  sa  maison,  d'où  Morin  passa 
dans  celle  de  M.  Zamet ,  évêque  de 
Langres.  Mais  enfin  ,  le  désir  de  con- 
cilier ,  dans  une  vie  plus  libre ,  sa 
passion  pour  l'étude  avec  les  devoirs 
de  son  état,  le  conduisit,  en  1618, 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire  , 
nouvellement  fondée.  Il  était  supé- 
rieur du  collège  d'Angers  dans  le 
temps  du  procès  bruyant  de  M.  Mi- 
ron  avec  le  chapitre  de  sa  cathédra- 
le- et  il  fut  très-utile  à  ce  prélat  pour 
la  composition  des  divers  écrits  pn- 
bliés  dans  cette  affaire.  En  i625  ,  le 
P.  de  BéruUe  le  choisit,  pour  être  un 


MOR 

des  douze  prclres  de  l'Oratoire  qui 
devaient  former  la  cliapelle  de  Ileu- 
riellc  de  France ,  reine  d'Angleterre; 
espérant  qu'il  lui  serait  d'un  grand 
secours  par  son  savoir  on  llic'ologie, 
s'il  fallait  entrer  en  controverse  avec 
les    Anglicans.    Les    contradictions 
auxquelles  cette  colonie  fut  exposée 
l'ayant  oblige  de  repasser  la  mer  , 
il  se  {ixa  dans  la  maison  de  Saint- 
Honorë,  à  Paris,  où  il  résida  le  reste 
de  sa  vie.  li  s'y  occupa  de  la  conver- 
sion des  Juifs,  et  de  celle  de  ses  an- 
ciens  co-rcligioniiaires  ,  dont   plu- 
sieurs lui  durent  leur  retour  à  l'Église. 
Un  grand  nombre  d'e'vèques ,  et  mê- 
me les   assemblées  du  clergé,  le  con- 
sultaient  sur  les  matières  de  disci- 
pline dont  il   avait  fait   une   étude 
particulière.  Sa   vaste   et  profonde 
érudition  dans  toutes  les  sciences  , 
le  mit  en  relation  ou  en  dispute  avec 
la  plupart  des  savants  de  l'Europe.  Le 
premier  fruil.  de  ses  travaux  fut  Extr- 
citaùonum    ecclesiasticanim    libri 
duo  de  patriarcharum  et  primatum 
oris^ine  ,  primis  or  bis  terrarum  ec- 
clesiasticis  divisionibus  atque  anli- 
qud  et  primigenid  censurarum   in 
clericos  natiirdet  praxi,  Pai'is,  1 6'26, 
in-4''.  Cet   ouvrage,    fruit  précoce 
d'un  esprit  encore  novice  dans  les 
matières  qui  en  sont  le  sujet  ,  ren- 
ferme   des    recherches    curieuses  ; 
mais  le  style  en  est  prolixe  et  diffus  : 
l'auteur    y    cite,,  comme    authen- 
tiques ,  les  fausses  décrétales  ,     les 
écrits    attribués  à  saint  Denys  l'a- 
réopagite  j  il  y  parle  en    ultramon- 
tain  ,  surtout  dans    l'épître  dédica- 
loire  à  Urbain  VIII,  où  il  l'appelle 
omnium  inortalium  judex  ,   unicus 
sid  dominus  et  nindex.  Le  P.  Morin 
ne  tarda  pas  à  s'apercevoir   de  ces 
défauts  ;  et  il  s'en  corrigea  dans  ses 
autres  ouvrages.  Ou  fut  moins  con- 
tent à  Kome  du  suivant  ;  Histoire 


MOR 


ir,' 


de  la  délivrance  de  V Eglise  chré- 
tienne,  par  l'empereur  Constan- 
tin .  et  de  la  grandeur  et  souve- 
raineté temporelle ,  donnée  à  VE- 
glise  romaine  parles  rois  de  France, 
Paris  ,  i63o,  in-fol.  Les  Romains 
furent  surtout  choqués  de  la  vignette 
qui  est  à  la  tète ,  où  l'on  voit  Cnarle- 
magnc  présentant  une  carte  d'Ita- 
lie au  pape  Léon  111,  en  lui  disant  : 
Italos  parère  jubebo  ;  et  Léon  lui 
répondant  :  Tu  mihi  quodcumque 
hoc  regni.  Le  cardinal  Barberini  lui 
en  fit  faire  des  reproches  ,  et  exigea 
qu'il  promît  de  réparer  ses  torts  dans 
une  seconde  édition,  qui  n'a  jamais 

F  ru.  L'ouvrace  est,  du  reste,  écrit 
d  une  manière  incorrecte  et  uiihise. 
Le  P.  Morin  avait  fait,  de  la  critique 
sacrée,  une  de  ses  principales  occu- 
pations :  c'est  parce  motif, que  le 
clergé  de  France  le  chargea  de  diri- 
gerTédilion  de  la  Bibledes  LXX,  qiii 
parut  en  1628,  avec  la  version  latine 
et  les  notes  de  Nobilius ,  3  vol.  in-fol. 
Quelques  exemplaires  sous  la  rubri- 
que d'Antoine  Etienne,   portent  en 
titre,  Accurante  Morino;et  l'édi- 
tion de   Siinéon  Piget  ,   de    1641  , 
est  encore  la  même  avec  un  change- 
ment de  frontispice.  Dans  l'épître  au 
lecteMr,leP. Morin  donna  hautement 
la  préférence  à  la  version  des  LXX  sur 
le  texte  hébreu,  qu'd  prétendait  avoir 
été  altéré  par  les  Juifs;  ce  qui  fut  la 
source  de  ses  longues  et  vives  dLspu- 
tesavec les  hébraisants,  en  particulier 
avec  le  savant  Siméon  de  Muis.  On  le 
regarde  comme  le  restaurateur  del'an- 
cieniie  langue  des  Samaritains  ,  qu  il 
avait  apprise  sans  le  secours   d'au- 
cun maître.  Le  premier  fruit  de  son 
travail  en  ce  genre,  a  pour  titre: 
Exercitationes  ecclesiasticœ  in  u- 
tnwiipie    Samaritanorum     Penta- 
teucJuim  ,  etc.,  Paris,    i63i  ,    in- 
40.    11  y   traite  de  la  rehgion  ,  dos 


i68 


MOR 


mœurs,  des  sectes  des  anciens  Hé- 
breux, et ,  en  généra] ,  de  tout    ce 
qui   a  rapport  à    ce  peuple.    Il    y 
prouve  que,  les  deux  exemplaires  du 
Pcntateuque  samaritain  ,   celui  que 
Ir  P.  de  Hariay  avait  apporté  de 
Constantinople  ,  et  celui  qu'il  avait 
reçu  de  Pielro  dclla  Valle  ,  sont  en- 
tièrement les  mêmes  que  ceux  qui 
on?  été  cités  par  EusMjcet  par  saint 
Jérôme  ;  et  il  en  met  le  texte  fort  au- 
dessus  du  texte  hébreu,  qu'il  persiste 
à  représenter  comme  avant  éprouvé 
des    altérations   importantes.   Deux 
ans  après  il  revint  sur  le  même  para- 
<loxe  dans  ses  E xercitaiiones biblicœ 
{Je  hebiàici  grœcif/ne  textds  since- 
ritate,  de  germand  LXX  intcrpre- 
iiim  translalionc  dignoscendd,  etc. 
Paris  ,  i633  ,  in-4".  :  ouvrage  d'une 
vas'fëct  proi'onde  érudition  dans  tout 
ce  qui  concerne  la  Bd>Ie  et  l'état  des 
Juifs.   Comme  il  ne  laissait  jamais 
ses  adversaires  sans  leur  répondre 
aussi  vivement  qu'il  en   était  atta- 
qué ,  il  opposa  aux  critiques  de  son 
livre  :  Di.itribe  elenchica  de  since- 
ritate  hebrœi  grœcique   textiîs  di- 
gnoscendd adi'ersih  insanas  (Jito- 
îinndain    hœreticoTum  calumnias. 
Accédant   appeiidix   in  tjud    non- 
vulla   divinitatis   et    incarnationis 
J.  C.  D.  N.  illustrissinui  ieslimo- 
nia  in  hebrâco  textu  nunc  corrup- 
ta  ,  Thalmudis  et  Habbinoruni  an- 
tiqnorum  autorilale  reslituuntur , 
et    animadi'ersioncs  in   Censuram 
Exercitalionwn  in  Samaritanonim 
P entât euchum,  Paris  ,  iGSq  ,  in-8''. 
Urbain  VIII,  qui  s'occupait  alors 
du  grand  projet  de  réunir  l'Église 
grecque  avec  l'Église  latine  ,  fit  pro- 
poser au  P.  Morin  de  se  rendre  à 
Kome  pour  se  joindre  aux  théolo- 
giens chargés  de  ce  travail.  Le  car- 
dinal Rarberini  lui  donna  nu  loge- 
ment dans  son  palais  j  et  dans  les 


MOR 

conférences  qui  eurent  lieu  à  ce  sujet, 
le  P.  Moriu  justifia  l'ic^ce  que  le  pape 
avait  de  son  savoir  et  de  sa  sagat  itc. 
Tous  les  membres  delà  congrégation 
élaicnt  disposés  à  condamner  les  ot- 
diuations  de  l'ancirnue  église  ori(  u- 
tale,  parce  qu'on  n'y  retrouvait  pas 
la  forme  et  la  matière  des  scola^ti- 
ques  ;  mais  le  docte  oratorien  leur 
ayant  prouvé  avec  force ,  que  l'impo- 
sition des  mains  est  la  seule  foi  .ne 
nécessaire,  et  que  la  porreetion  dca 
instruments  et  l'onction  sont  d'un 
usage  moderne  ,  les  ramena  tous 
à  sou  sentiment.  Après  neuf  mois 
de  séjour  dans  cette  capitale  du  mon- 
de chrétien,  le  cardinal  de  Riche- 
lieu le  fit  rappeler  en  France ,  sous 
divers  prétextes.  On  a  prétendu , 
sans  aucune  preuve,  que  cette  émi- 
nence  voulait  s'en  servir  pour  le  fai- 
re travailler  au  projet  qu'elle  avait 
de  se  faire  déclarer  patriarche.  D'au-. 
très  ont  cru,  avec  plus  de  viaibcm- 
Llance,  que  ce  mhiistre  était  mécon- 
tent de  la  manière  peu  avantageuse 
dont  l'oratoricn  parlait  de  sa  per- 
sonne à  la  cour  de  Rome.  Celte  con- 
jecture est  fortifiée  par  le  froid  ac- 
cueil qu'il  en  reçut  à  sou  retour.  Ce 
fut  eu  1645,  que  parut  la  fameuse 
Polyglotte  de  Le  Jay.  Le  P.  Mo- 
riu y  exécuta  le  projet  qu'il  avait 
depuis  long-temps  île  donner  au  pu- 
blic le  Pentaleuque  samaritain.  Il 
y  fit  imprimer  les  deux  textes  de 
ce  monument  précieux  ,  l'un  eu 
caractères  samaritains,  et  en  lan- 
gue hébraïque,  sur  l'exemplaire  de 
Harlai,  l'autre  en  caractèies  et  en 
langue  samaiitaine  sur  celui  dç  Pie- 
tro  délia  Valle  ,  avec  une  version  la- 
tine de  sa  façon ,  accompagnée  d'une 
préface  où  il  rend  compte  de  son  tra- 
vail. Après  qu'il  eut  publié  cet  ou- 
vrage, Peiresc  et  Cambden  lui  com- 
muniquèrent  quelques   endroits   de 


IMOR 

leurs  manuscrits  ,  qui  conlcnaicnt 
<lcs  leçons  (lillcrenles  de  ceux,  sur  les  - 
quels  il  avait  doiuic  son  édition;  ce 
(jui  lui  fournit  l'occasion  de  compo- 
ser Touvraj:;»'  suivant  :  Opiisculci  hc- 
biivosainariianci,  qui  contient  une 
j^raïuniairc  et  un  lexique  samari- 
tains, etc.,  Paris,  1O57,  in-r^.  Le 
P.  Morin  avait  un  ç^oût  de  prédilec- 
tion pour  la  théologie  positive.  Il 
est  làcheux  que  ses  disputes  ra])bi- 
uiqucs  l'aient  empêche  de  s'y  livrer 
entièrement  :  nous  aurions  un  corps 
complet  sur  la  matière  des  sacre- 
ments ,  traitée  d'une  manière  plus 
solide  et  moins  rebutante  (pi'elle  ne 
l'est  dans  la  plupart  des  scolasti- 
ques.  Ce  qu'il  nous  a  donne'  sur  la 
j)enitcnce  et  sur  les  ordinations  ,  ne 
laisse  rien  à  désirer  à  cet  é^àïd.  Le 
premier  de  ces  traites  est  intitule  , 
Comment  arias  historicus  de  disci- 
jjlinà  in  administratione  sacramcnli 
pœnitentiœ  ,  tiàdecim  primis  sjcu- 
lis  in  ecclesid  occidentali  et  hucus^ 
(pie  in  orienlali  ohservtdd  ^  etc. ,  Pa- 
ris ,  lOj  I  ,  in-t"ol.  L'auteur  y  travail- 
lait depuis  trente  ans.  L'ouvrage  eut 
d'abord  peu  de  succès ,  parce  que 
le  P.  Moriu  s'y  e'cartait  des  maxi- 
mes jusque-là  en  vogue  dans  les 
écoles;  et  que,  sous  prétexte  d'e'vi- 
ler  le  reproche  de  rigorisme,  à  cause 
de  l'étalage  (ju'il  faisait  de  l'ancienno 
discipline,  il  avait  maltraité  les  théo- 
logiens de  Port-Royal ,  dans  la  pré- 
face ,  quoiqu'au  fond  il  fût  plus  d'ac- 
cord avec  eux  qu'avec  leurs  adver- 
saires. Les  censeurs  lui  firent  mê- 
me supprimer  un  livre  entier ,  De 
expiatione  catechumenorwn ,  où  il 
S(;  montrait  peu  favorable  à  la  con- 
fession auriculaire  ,  et  l'obligèrent  à 
d'autres  corrections.  Ce  ne  fut  qu'au 
bout  de  dix  ans  qu'on  rendit  justice 
au  méiited'un  ouvrage  que  tous  ceux 
qui  désirent  connaître  ii  fond  la  ma- 


MOR 


iCo 


lièrc  de  la  pénitence,  ne  peuvent  se 
dispenser  de  consulter.  Lorsque  les 
libraires  de  Paris  voulurent  le  réim- 
primer ,1e  chancelier  Séguicr  rcfu^a 
de  renouveler  le  privilège;  de  sorte 
qu'on  se  vit  obligé  de  le  faire  nictlre 
sous  presse  eu  Hollande,  sous  la  ru- 
bri([ue  d'Anvers.  Ce  txaité  fut  suivi  , 
quatre  ans  après  ,  de  celui  des  ordi- 
nations ,  sous  ce  titre  :  Commenla- 
rius  de  sucris  ecclesiœ  oïdinationi- 
hus  ,  secundàm  anti'pios  et  lecenlio- 
res  Latinos,  Grœcos,  Sjjvs  et  t'abj  - 
lonicos ,  inquo  demonstralur  orieu- 
talium  ordlnaiwnes  conciliis  genc- 
ralihus  et  siimmis  pontijiciius  ah 
initia  schismatis  in  hune  usipie  dieni 
fuisse  probatas  ,  etc. ,  Paris,  i655  , 
in-fol.  Ainsi  que  dans  l'ouvrage  pré- 
cèdent, l'auteur  a  épuisé  sa  matière, 
heurtant  de  front  un  grand  nombre 
d'opinions  scolastiques.  En  i6j4> 
le  P.  Morin  avait  fait  imprimer,  sons 
le  titre  de  Déclaration ,  etc. ,  un  jMc- 
moire  de  plus  de  200  pages  in-8<'. , 
non  contre  la  congrégaticu  de  i'Ora  ■ 
toire,  comme  on  le  croit  communé- 
ment ,  mais  contre  le  gouvernement 
particulief  du  père  Bourgoing,  gé- 
néral de  ce  corps  ,  qui,  s'étant  affran- 
chi des  entraves  mises  à  son  auto- 
rité arbitraire,  prétendait  y  dispo- 
ser à  son  gré  du  sort  des  individus  , 
sans  égard  pour  l'avis  de  ses  assis- 
tants. Le  niémoire,  écrit  avec  trop 
d'amertume,  lit  une  telle  sensation, 
dans  l'assemblée  générale  tenue  à 
Orléans  ,  que  celui  q.ii  en  était  l'ob- 
jet, elFrayé  du  résultat  de  cetle  alfai- 
re,  prit  de  lui-même  le  parti  de  re- 
connaître dans  ses  assistants  le  droit 
de  voix  delibéraîive,  pour  tout  eu 
qui  regardait  le  gouvernement  spiri- 
tuel de  la  congrégation.  Ce  mémoire 
est  devenu  exlrcmemcn^rare,  par  ce 
que^  l'auteur  Jie  l'avait  distribué  que 
parmi  les  membres  de  l'assemble© 


170  IMOR 

iVOiIeans.  Il  n'en  existait,  avant  la 
rcVolution  ,  aucun  exemplaire  dans 
les  j;;randes  bibliothèques  de  la  capi- 
tale. On  n'en  connaissait  que  deux 
dans  les  cinq  maisons  du  diocèse  de 
Paris.  Un  troisième,  qui  est  à  la  dis- 
position de  l'auteur  de  cet  article  , 
appartenait  au  séminaire  de  Greno- 
ble, d'où  il  a  dû  passer  dans  la  biMio- 
tlièque  de  cette  ville  (  i  ).  Quatre  ans 
après ,  il  en- parut  un  abrège' ,  que  Ri- 
chard Simon  attribue  au  P.  Desmares 
de'guisë  sous  le  nom  du  sieiy  de  la 
Tourelle.  Cet  ouvrage  intitule  :  Dou- 
tes proposés  à  notre  assemblée  de 
i658  ,  est  dégage  des  traits  satiri- 
ques reprochés  à  l'ouvrage  original. 
Le  P.  Morin  hiourut  le  28  février 
T  059,  d'une  attaque  d'apoplexie.  C'e'- 
tailunhommefrauc,  sincère,  et  d'une 
bonne  société,  mais  trop-vif  dans  la 
filspute  pour  la  défense  de  ses  senti- 
ments. Oulreles  ouvrages  dont  on  a 
donné  la  notice,  il  en  avait  composé 
im  grand  nombre  d'autres,  dont  plu- 
sieurs sont  restés  Imparfaits  ou  ma- 
nuscrits. La  mort  le  surprit  dans  le 
temps  oij  il  venait  de  remettre  sous 
presse  ses  Exercitationes  hihlicœ  , 
etc.,  augmentées  d'une  seconde  par- 
tie qui  n'avait  pas  encore  vu  le  jour. 
Le  savant  P.  Fronteau,  chanoine  ré- 
gulier de  Sainte-Geneviève,  se  char- 
gea de  diriger  cette  édition  .  qui  pa- 
rut en  i()G9,in-fol.;  elle  est  précédée 
de  la  Vie  de  l'auteur  par  le  P.  Cons- 
tantin, de  l'Oratoire,  aussi  imprimée 
séparément ,  in-4°. ,  et  d'une  pré- 
face de  l'éditeur,  où  il  donne  une 
bonne  analyse  de  tout  l'ouvrage.  Le 
P.  Moret  de  l'Oratoire  ,  publia  en 
1  -joS,  /.  Morini  opéra  posthuma  de 
caieclmmenorum  expiatione ,  de  sa- 
cramento  confirincdionis  ,  de  con- 

(i)  V..y,z. ,  sur  ce  livre,  une  note  <5ii  P.  Adry,  iu- 
eerée  <t.u5  la  3=.  editiou  du  Manuel  du  Libraire,  11, 


trilione  et  atlritione ,  etc.,  Paiis, 
in-4".  On  trouve ,  dans  le  premier 
tome  des  Mémoires  de  littérature  an 
P.  Drsmolets,  sept  lettres  latines  du 
P.  Morin  à  Allatius  ,  sur  les  basi- 
liques des  Grecs.  Enfin  Richard  Si- 
mon fit  imprimer  à  Londres,  ïa-ii , 
en  \GS'i ,  sous  le  titre  à' Antiquita- 
tes  Ecclesiœ  orientalis ,  la  corres- 
pondance de  ce  père  avec  divers  sa- 
vants ,  sur  différents  points  d'  ;nti- 
qnilé  ecclésiastique  ,  précédée  de  la 
vie  ou  plutôt  d'une  satire  contre  l'au- 
teur. Tout  cela  n'est  qu'une  partiede 
ses  ouvrages  dont  plusieuissont  res- 
tés manuscrits.  Ou  regrette  surtout  : 
i".Un  grand  traité  de  Sucramento' 
matiimonii  ^  dont  R.  Simon  attribue 
la  perte  aux  scrupules  de  quelqn'i'U 
de  ses  confjères,  quile  lit  disparaî- 
tre, parce  que  l'auteur  y  soutenait  la 
doctrine  de  France  en  opposition  à 
celle  du  concile  de  Trente ,  sur  le  ma- 
riage des  enfants  de  famille  ;  —  2". 
De  Basilicis  christ ianonim  ;  opus , 
dit  le  P.  Quesnel  qui  l'avait  vu,  ex- 
qiiiiitd  enidtione  rej'ertum,  suivi 
d'un  Opuscule  sur  le  même  sujet, 
qui  contenait  beaucoup  de  choses 
omises  dans  le  précédent  traité;  — 
3".  De  Paschate  et  de  velustissi- 
mischristianonan  Paschalis  ritihus; 
—  4'^-  Plusieurs  autres  traités  ,  qui 
annonçaient  sou  immense  érudition 
et  l'étendue  de  sa  correspondance 
avec  tous  les  savants  de  l'Europe. 

T— D. 

MORIN  (  SiMOiv  ) ,  visionnaire  et 
fanatique dudix-septicme siècle,  était 
né  vers  i6'i3,  a  Richemont  ,  près 
d'Aumale ,  dans  le  pavs  deCaux,  de 
parents  obscurs.  Sans  ressource  dans 
son  pays,  il  vint  à  Paris,  où  sa  belle 
écriture  lui  fit  obtenir  une  place  de 
commis  dans  les  bureaux  de  M.  Char- 
ron, trésorier  de  l'extraordinaire  des 
gueires  :  mais,  peu  assidu  à  son  ira- 


MOU 

vail  ,  et  moins  occupe  tic  son  ein- 
])Ioi  que   d'idées   ex lrav;t 'Miaules  ,   il 
se  fit  renvoyer.  Dans  le  denncnient 
où  le  mettait  la  perte  de  sa  place, 
il    prit  le  parti  de  se  faire  écrivain 
copiste.  On  signalait  en  France,  de- 
puis quelques  a  nne'es,  une  secte  d'i//?<- 
/mne'.v. Pierre  Gnërin,  cure  de  Saiiit- 
Georgede  Roie,  en  avait  senie'les  er- 
reurs en  Picardie;  et  elles  avaient  pé- 
nc'lre  dans  la  capitale.  Soit  que  IMo- 
rin  eût  eu  des  relations  avec  ces  sec- 
taires ,  que  le  gouvernement  faisait 
recherclier,  soit  qu'il  e'it  lui-même 
commis  quelque  imprudence,  il  fut 
arrête  et  coJiduit  dans  les  prisons  de 
l'officialité.  Il  s'y  comporta  si  bien 
qu'on  le  renvoya  ;  il  alla  se   loger 
chez  une  fruitière  ,   qui  tenait  une 
sorte  d(!  cabaret  dans  le  voisinage 
de  Saint-Germain-l'Auxerrois  :    elle 
avait  une  fille  nommée  Jeanne  Ho- 
nadier,  qu'il  débaucha.  Ce  commer- 
ce ayant  eu  des  suites,  il  l'e'pousa  , 
et  continua  de  demeurer  cliezsa  belle- 
mère.  Des  joueurs,  qui  fre'quenlaient 
un  jeu  de  paume  à  proximité  ,  ve- 
naient   s'y  rafraîchir,  et  boire  de 
la  bière.  I!  fit  sur  eux  ses  premiers 
essais.  Sa  doctrine  flattant  les  pas- 
sions, il  ne  inauqTia  pas  de  prosély- 
tes ,  et  son    auditoire   grossit.  Il  y 
prononçait  des  sermons,  et  distri- 
buait des  écrits  pleins  de  visions  et 
d'extravagances.  II  parvint  à  séduire 
un   grand  nombre  de  personnes  de 
i'un  et  de  l'autre  sexe.  Ces  assem- 
blées ayant  fait  du  bjuit ,  Morin  fut 
arrête  de  nouveau  ,  et  mis  à  la  Bas- 
tille, le  28  juillet  i644-  I'  y  passa 
vingt-un  mois ,  au  bout  desquels  il 
recouvra  sa  liberté.  Loin  que  citte 
de'tention  l'eût  corrigé,  il  se  montra 
plus  attache'  à  ses  rêveries  ,  et   les 
consigna  dans  un  écrit  qu'il  intitula 
ses  Pensées,  et  qu'il  fit  imprimer. 
11  ne  craignit  point  de  le  coinmu- 


P.IO?,  1  -  i 

ni([uer  au   curé  de  Saint-Germain  - 
l'Aiixerrois  ,  qui  lui    représenta    le 
danger  qu'il  courait  vn  répandant  un 
pareil  ouvrage.  IMorin  lui   répoiiuit 
(jue,  quel  que  fût  ce  danger,  il  ne  s'en 
cîiravait  point ,  et  qu'il  ne  dirait  pas  : 
Transcat  à  me  calix  iste.  Le  curé 
crut  devoir  prévenir  le  lieutenant  de 
police.   Morin ,  avant  su   qu'on   le 
cherchait,  changea  de  quartier  et  de 
nom.  Un  hasard  très-singulier  l'ayant 
fait  découvrir,  il  fut  une  secondefois 
renfermé  à  la  liastille.  Vers    1649, 
cnnuvé  de  sou  emprisonnement,  il 
donna  une  expresse  rétractation  de 
ses  erreurs,  eî  obtint  son  élargisse- 
ment :  ii  la  renouvela  même  quatre 
mois  après,  étant  en  pleine   liberté, 
en  son  nom  ,  et  au  nom  d'une  demoi- 
selle Malherbe,  sa  complice,  et  la 
fit  imprimer.  Il  faut  que  cette  rétrac- 
tation ne  fût  point  sincère,  puisqu'il 
continua  de  dogmatiser  ,  et  qu'on  le 
fit  arrêter  de  nouveau;  il  fut  con- 
duit à  la  Conciergerie  ,  et  de  là  aux 
Petites-Maisons,  comme  fou  incura- 
ble. Nouvelle  abjuration  plus  solen- 
nelle encore  que  la  prc:nière,  et  qv.i 
fut  suivie  d'un    Te  Dcnm  :  nouvel 
élargissement ,  que  ne  tarda  pas  de 
suivre  une  troisième  ou  quatrième 
récidive.  Les  choses  en  étaient  là  au 
mois  de  décembre  ifiGr ,  lorsque  le 
poète  Desmarets  de    Saiut-Sorlin , 
qui  n'était  guère  moins  fou  que  Mo- 
rin ,  et  visionnaire  lui-même  quoique 
membre  de    l'académie   française  , 
s'avisa,  on  ne  sait  par  quel  motif, 
de  s'attacher  aux  pas    de  Morin  , 
pour  lui  soutirer  le  secret  et  les  dé- 
tails de  sa  doctrine.  Il  le  vit   cliez 
lui,  le  flatta,  feignit  d'entrer  dans 
ses   sentiments  ,  et  parvint  à    s'at- 
tirer sa  confiance  et  celle  de  quel- 
ques femmes,  qu'il  avait  instruites. 
Morin  lui  dit  tout ,  ajoutant  à  ses 
autres  folies,  qu'il  fallait  que  le  roi 


i:.i  MOR 

le  leconiuit  pour  ce  qu'il  était,  ou 
<|||'il  mourrait.  Saint-Sorlin  crut  voir 
la  une  conspiration.  11  dénonça  Mo- 
rin,  et  se  rendit  sou  accusateur. 
Morin,  sa  femme  et  son  fils  ,  furent 
arrêtes,  conduits  à  la  Bastille,  et  de 
la  dans  les  prisons  du  Chàtelet.  Ou 
liii  fit  sou  procès;  et  une  sentence  de 
ce  tribunal,  eu  date  du  jo  dëcem- 
Ijic  i66a  ,  le  condamna  à  faire 
amende  honorable,  et  à  être  brûlé 
vif:  elle  fut  confirmée  au  parle- 
ment, par  arrêt  du  i3  mars  iG63  , 
et  exe'cute'e  le  lendemain  i/j.  Moriu 
avait  environ  quarante  ans.  Sa  fem- 
me et  son  fils  fiuent  bannis  pour  cinq 
ans.  La  Malherbe  fut  fouettée  et 
marquée;  et  quelques  autres  de  ses 
disciples  furent  condamnés  aux  ga- 
lères. Morin,  après  son  amende  ho- 
norable ,  retracta  encore  ses  erreurs , 
et  en  témoigna  du  repentir;  déclara- 
tion qu'il  réitéra  au  pied  du  bûcher. 
Du  ne  sait  au  reste  ce  qui  l'empjrte, 
tic  l'impiété  ou  de.,  l'extravagance 
dans  le  système  religieux  qu'il  avait 
tiré  de  son  cerveau  dérangé.  Il  se 
disait  le  liis  de  l'homme;  jirétendait 
que  Jésus-Christ  s'était  incorporé 
en  lui,  et  que  Dieu  lui  avait  don- 
né tout  jugement  sur  la  terre  j 
que  le  temps  de  la  grâce  de  Jésus- 
(Jhrist  était  passé,  et  qu'il  ne  fal- 
lait plus  s'adresser  à  lui  :  il  ensei- 
gnait que  les  plus  grands  péchés 
ne  font  pas  perdre  la  grâce  •  qu'au 
contraire,  ils  sont  salutaires,  en  ce 
qu'ils  abattent  l'orgueil  humain.  Il 
(lisait,  comme  les  quiétistes,  que  les 
actes,  même  impurs  ,  n'ont  rien  de 
criminel ,  et  ne  souillent  pas  l'ame  , 
dans  ceux  que  leur  raison  rend  saints 
et  dwins.  Selon  lui,  l'Eglise  romaine 
ctait  l'Antéchrist;  Dieu  et  le  diable 
avaient  fait  une  alliance  ensemble 
))0ur  sauver  tout  le  monde  ,  justes  et 
pécheurs  j  ia   puissance   du  roi  ne 


MOR 

jiouvait  subsister  qu'en  admettant  la 
sienne  ;  et  il  débitait  encore  d'au- 
tres rêveries.  Les  ouvrages  qu'a 
laissés  ce  fanatique,  sont:  1.  ses 
Pensées,  dédiées  au  roi,  in-8".  de 
i'j4  pages  j  très-rare.  Elles  sont  pré- 
cédées de  trois  Oraisons ,  l'une  à 
Dieu  ,  l'autre  à  Jésus-Christ,  et  la 
troisième  à  la  Vierge.  Suivent  quatre 
Epitres  :  la  première  au  roi  ;  la 
deuxième  à  la  reine  et  à  nosseigneurs 
du  Conseil  j  la  troisième  au  chrétieu 
lecteur;  la  quatrième  aux  fauxfrères 
j'ounés  en  l'Eglise  romaine,  etc., 
1647,  avec  approbation,  quoiqu'il 
n'y  en  ait  point  eu.  II.  Bequéte  au 
roi  et  à  la  reine  régente  ,  mère  du 
roi,  du  '.>.']  octobre  1647  '  ^  pages. 
Il  y  demande  à  n'être  plus  arrêté  ,. 
sans  que  sa  Majesté  s'instruise  ])ar 
elle-même  de  ses  sentiments.  IIF» 
Ses  deux  Rétractations,  ayant  toutes 
deux  4  pages  in-4°.:  la  première  du 
7  février  1649;  l'autre  du  i4  juin 
suivant. IV.  Témoignage  du  deuxiè- 
me avènement  du  fils  de  Vhomme  , 
janvier  )6|i.  Moriu  le  remit  lui- 
même  au  roi  dans  son  carrosse.  V. 
Discours  au  roi,  commençant  par 
ces  mots  :  «  Le  fils  de  l'homme  au 
»  roi  de  France  ;  »  il  achevait  de  le 
mettre  au  net ,  lorsqu'il  fut  arrêté. 
Les  curieux  joignent  à  ces  écrits  ua 
Factum  ,  (jui  contient  l'analyse  des 
Pensées ,  la  Déclaration  de  florin, 
de  sa  femme  et  de  la  Malherbe  ; 
VArrèl  (pii  le  condamne  ,  et  le  Pro- 
cès-verbal d'exécution.  Il  a  laissé 
quelques  manuscrits.  On  croit  qu'il 
a  eu  beaucoup  de  part  aux  ouvra- 
ges de  François  Davesne,  dans  les- 
quels, en  elïet,  on  retrouve  ses  prin- 
cipes et  sou  style.  (  V.  Davesne  ). 

L Y. 

MORIN  (  Etienne  ),  savant 
orientaliste,  né  le  !*='.  janvier  i625., 
à  Cacn  ,  de  parents  protestants  .,  k\X 


MOR 

elevc  avec  soin  par  sa  mire  ,  q'vi  le 
ucstinait  au  commerce.  Son  guûl  le 
portait  vers  k*  lettres;  et,    aj)rè,s 
(|n'il  eut  achevé  ses  liumaniles  et  sa 
])liilosophie,  il  fut  envoyé  à  l'aca- 
(leinie  de   Sedan ,  puis   à    celle   de 
Leyde,  où  il  fit  de  grands  propres 
dans  la  théologie  et  dans   les  lan- 
gues. De  retour  dans  sa  patrie,  il 
tut  promu  an   saint   ministère ,  et 
nomme,  en  i()497  pasteur  du  bourg 
de  St.-Pierre-sur-Dive ,  au  diocèse 
de  Lisicux.  11  desservit  cette  église 
({niuze  années,  refusant  les  vocations 
qu'on  lui   offrait  de  toutes    parts  ; 
mais  il  ne  put  re'sister  aux  sollici- 
tations re'itére'es  de  ses  corapalriotes, 
qui  le  pressèrent  d'accepter  une  place 
de  pasteur  à   Caen.  Il  fut  aussitôt 
admis  à  l'académie  de  cette  ville,  qui 
comptait  alors  dans  son  sein  des  sa- 
vants du  premier  ordre,  tels  que  Bo 
chart,  Huet,  Paulmier,  etc  [  F.  Mor- 
sant).  a  la  revocation  de  l'édit  de 
Nantes  ,  Morin  se  relira  en  Hollan- 
de ,  et  fut  nommé,  peu  après,  pro- 
fesseur de  langues  orientales ,  à  l'u- 
niA'ersité  d'Amsterdam.  I!  prit  pos- 
session de  cette  chaire,  en  i68(),  et 
Ja  remplit  avec  beaucoup  de  ré{)nta- 
tion.  Cesavantmourutle  5  mai  i  700. 
Ou  a  de  lui  :  I.  Dissertationes  octo 
in  quihus  midia  sacrœ  el  profance 
iintKjiiitalis  monwnenta  explican- 
tur,  Genève,  iGS3,  in-S".;  nonv. 
éd.  corr.  et  aug.  Dordrecht,  1700, 
in-S''.  Ces  dissertations  sont  intéres- 
santes et  pleines  de  recherches  cu- 
rieuses. II.  Exercitationes  delirv^ud 
piiimvi'd  ejusqae  appendic'bus ,  U- 
trecht,  iG94,in-4'^.;  livre  savant  et 
recherché.  I\lorin  prétendait  que  la 
langue  hébraïque  avait  été  inspirée  à 
Adam  par  Dieu  lui-même  ;  mais  les 
preuves  dont  il  cherche  à  appuyer 
cette    opinion  singulière ,   ne  sont 
pas   pleinement  satistiisautcs.   III, 


MOR  173 

Explanationes  sacrœ  el  philolo^i' 
cœ  in  aliquot  vel.  et   nox'i  Testa- 
menli  loca  ,  Leyde  ,   iG()8,   in-8". 
L'auteur  a  joint  à  ce  recueil  une  Dis- 
sertation,   déjà   imprimée    séparé- 
ment ,  sur  l'heure  où  commença  la 
passion  du  Sauveur,  et  le  temps  de 
sa  durée  ;  et  le  Discours  sur  l'utilité 
des    langues    orientales,  qn'il  avait 
prononcé  à  l'ouverture  cle  ses  cours. 
On  lui  doit  en  outre  :  Les   Fies  de 
Jac.  Paidmier^  oncle  de  sa  femme 
(  F.  Paulmier  ),  et  de  Samuel  Bo- 
chart;  —  Deux  Lettres  siirle  Pen~ 
taieuque  samaritain,  insérées  dans 
l'ouvraîie  de  Van-Dale  ,  De  orisine 
et  progrès  su  idololatriœ  •  —  et  iw.a 
Lettre  sur   l'origine  de  la  langiis 
hébmique ,  insérée  avec  la  réponse 
de  Huet ,  dans  le  Recueil  de  disser- 
tations Y>uh\ïé  par  l'abbc  Tilladcf, 
tom.  i*^'.,  iç)J-'258.  Pierre  Francius 
a  donné  un  Eloge  de  Moi  in ,  dans 
la  seconde  édition  de  ses  Orationes. 
On  peut  encore  consulter  les  Mémoi- 
res de  Niceron  ,  tom.  xii.  — Mo- 
rin  (Henri),  fds   aîné  du   précé- 
dent ,  ne  ,  en  i655  ,  à  Saint-Pierre- 
sur-Dive  ,  fut  élevé  sous  les  yeux  de 
son  père,  qui  lui  fit  faire  de  grands 
progrès   dans  les  lettres.  Retenu  à 
Caen,  après  la  retraite  de  sa  famille 
eu  Hollande  ,  il  fut  instruit  des  vé- 
rités de  la  religion  catholique, et  ne 
tarda  pas  à  rentrer  dans  le  sein  do 
l'Eglise.  S'étant  rendu  à  Paris,  il  v 
fut  accueilli  par  l'abbé  de  Caumar- 
tin,  d'puis  évêquc  de  Blois ,  qui  se 
l'attacha  comme  secrétaire, et  facilita 
son  admission  à  l'académie  des  ins- 
criptions.   Morin  se    montra   fort 
assidu  aux  séances  de  cette  compa- 
gnie ,  et  y  lut  plusieurs  mémoires  in- 
téressants.   Ses   infirmités  l'obligè- 
rent de  donner  ,  en  179.5  ,  la  démis- 
sion  d'une   place   qn'il   croj^ait   ne 
pouvoir  plus  remplir  ;  et  il  revint  à 


7'^ 


M  OR 


Cacn,  où  il  mourut  le  iGjuilirt  i-j.iB. 
Ou  a  (Je  lui  nuaturze  Mtiiioires , 
dans  le  Beciieil  de  l'acadeinie  ,  sur 
les  sacrifices  Aq  victimes  luiraainesj 
sur  les  piivile^cs  de  la  main  droite, 
les  baise-mains;  l'usage  des  prières 
pour  les  morts  ,  et  du  jeûne  chez  les 
anciens;  les  souhaits  en  faveur  de 
ceux  qui  e'ternueiU  ;  l'or  et  l'argent; 
le  chant  mélodieux  attribue'  aux.  cy- 
qnes  par  les  anciens,  sujet  traité 
encore  depuis  par  Mongez  aîné  (  F. 
1.»  Biographie  l'es  hommes  vivants ^ 
\S  ,  4^9  )  ;  l'Histoin-  critique  de  la 
pauvreté,  celle  du  célibat,  etc.  W-s, 
MORIN  ,'Loris),  médecin,  né  au 
jVIans  en  i(:i35.  était  fils  du  contrôleur 
au  grenier  à  sel  de  cette  ville.  Il  re- 
eut  une  éducation  aussi  soignée  que 
purent  la  lui  donner  ses  parents , 
chargés  d'une  nombreuse  famille.  11 
apprit  à  connaître  les  plantes  ,  d'un 
paysan  qui  en  fournissait  les  apothi- 
caires; et  il  eut  ])ient6t  épuisé  le  sa- 
voir d'un  tel  maître.  Après  avoir 
achevé  ses  humanités,  il  vint  à  Pa- 
ris suivre  les  cours  de  philosophie, 
et  il  s'appliqua  ensuite  à  l'étude  de  la 
médecine.  Dès-lors  il  adopta  un  gen- 
re de  vie  qui  ne  diOérail  guère  de  ce- 
lui des  anachorcles:  il  se  réduisit  au 
pain  et  à  l'eau,  afin  de  se  maintenir 
l'esprit  plus  libre;  et  il  trouva ^  par 
ce  moyeu,  de  quoi  safis.'aire  sa  gé- 
nérosité naturelle,  et  sa  tendre  com- 
jjassion  pour  les  pauvres.  Reçu  doc- 
teur en  médecine  vers  i(3r>2,  il  ac- 
quit bientôt  l'estime  de  Fagon ,  qui 
travaillait  alors,  avecdeux  autres  de 
ses  confrères,  au  Catalogne  des 
plantes  du  Jardin  royal  (  V.  Fa- 
GO^  et  Ant.  Vallot  ).  Après  quel- 
ques années  de  pi-atique,  il  fut  admis, 
comme  expectant ,  h  l'hôtel-dieu,  et 
obtint  enfin  la  place  de  médecin  pen- 
sionnaire, due  à  ses  longs  services  ; 
mais  aussitôt  qu'il  avait  touché  sou 


MOR 

traitement,  il  le  remettait  dans  Ir 
trunc  de  l'hospice,  après  avoir  bien 
pris  garde  de  n'être  pas  découvert. 
Ce  n'était  pas  là  ,  dit  l'ontenelle,  ser- 
vir gratuitement  les  pauvres,  c'élait 
les  payer  j)our  les  avoir  servis,  La 
réputation  de  Morin  lui  mérita  la  con- 
fiance de  M"*^.  de  Guise,  qui  voulut 
l'avoir  pour  médecin  :  il  n'accepta 
qu'avec  répugnance  cette  place  ,  qui 
l'obligeât  a  prendre  un  carrosse; 
mais  il  ne  relâcha  riéu  de  son  austé- 
rité dans  l'intérieur  de  sa  vie  ,  dont 
il  était  toujours  le  maître.  Au  bout 
de  deux  ans.  la  |)rincesse  étant  tom- 
bée malade,  Morin  pronostiqua  qu'el- 
le ne  guérirait  point;  et  il  le  lui  an- 
nonça dans  un  temps  où  elle  se  croyait 
hors  de  danger.  La  princesse  le  ré- 
compensa de  cetavrs.  par  une  bague 
de  gi  and  prix  ,  qu'elle  tira  de  son 
doigt  ;  et  elle  lui  laissa ,  par  sou 
testament,  une  pension  de  2000  li- 
vres. Morin  se  de'barrassa  aussitôt 
de  son  carrosse,  et  se  retira  à  Saint- 
Victor,  où  il  vécut,  sans  domestique, 
partageant  son  temps  entre  l'étude 
et  les  visites  qu'il  rendait  aux  pau- 
vres malades.  Sur  la  recommanda- 
tion de  Dodart ,  son  ami ,  il  fut  nom- 
mé, en  1699,  associé  botaniste  de 
l'académie  des  sciences;  et  il  lui  suc- 
céda en  1707.  Lors  du  voyage  de 
Tournefort  dans  le  Levant,  d  se  char- 
gea de  faire  son  cours  de  botanique, 
et  il  s'eu  acquitta  avec  succès.  Le  ré- 
gime de  lMorin,fort  propreà  prévenir 
les  maladies,  ne  l'était  guère  à  don- 
ner de  la  vigueur.  Il  se  décida  à  ajoti- 
ter  à  son  ordinaii-e  im  peu  de  riz 
cuit  à  l'eau,  et  une  dose  de  vin ,  fixée 
d'abord  à  une  once  par  jour,  qu'il 
augmenta  à  mesure  que  sa  faiblesse 
devenait  plus  grande.  Sur  la  fin  de  sa 
vie,  ses  jambes  refusèrent  de  le  por- 
ter. 11  s'éteignit  sans  douleur,  le  1^''. 
mars  1715^  âgé  de  piès  de  quatn.- 


i\ir,R 

vinfjls  ans.  Ses  journccs  ('laiciit  t'X.ic- 
tciiiciil  rcinpiios  par  la  prièn;,  la 
lecture,  l'etiide  et  la  jirouieiiade. 
11  se  couchait  dans  toutes  les  saisuns 
à  sept  heures,  et  se  levait  à  deux  heu- 
res du  matin.  Il  ne  rendait  jamais  do 
visites,  et  n'en  recevait  que  rarement. 
Ceux,  disait-il ,  qui  viennent  me  voir, 
me  font  honneur;  ceux  qui  n'y  vien- 
nent pas  me  l'ont  plaisir,  lllaissa  une 
bibliothèque  de  pics  de  vingt  raille 
cens ,  un  mcdailler  et  un  herbier , 
mais  nulle  autre  acquisition.  On  a  de 
Jui,dans  le  Hccucil  de  l'académie: 
Projet  d'un  système  touchant  les 
passai^es  de  la  boisson  et  des  urines ^ 
an.  i^oi;  —  Observations  sur  la 
guérison  faite  à  l'hôtel-dieu  de  plu- 
sieurs scorbutiques ,  par  de  l'oseille 
cuite  avec  des  œufs  j  —  Examen  des 
eaux  de  Forges ,  aun.  i  ■■  08.  On  trou- 
va dans  ses  papiers  un  Index  d'Nip- 
pocrate,  grec  et  latin,  plus  ample 
que  celui  île  Fini  ;  et  un  Journal  d'ob- 
servalions  météorologiques  de  plus 
de  quarante  années.  Foutenelle  a  pro- 
noncé V  Eloge  de  Murin  à  l'académie; 
c'est  la  source  où  l'on  a  puisé  pour 
la  ré  laction  decel  article.  Son  Poi- 
frrtiVaétégravéparPicartle  Romain, 
in-4'^.  —  MoRiN  ,  de  Toulon,  chi- 
miste et  naturaliste,  fut  reçu  à  l'a- 
cad.  des  sciences,  en  i6()3,  et  ob- 
tint, en  1699,  ''^  seconde  place  d'as- 
socié botaniste.  Il  s'attacha  parti- 
culièrement à  la  minéralogie  ;  et  il 
promettait  le  résultat  de  ses  obser- 
vations sur  les  métaux ,  loi'squ'il 
mourut  en  1707.  Il  avait  communi- 
qué, en  1693,  à  l'académie  un  3Ié~ 
moire  sur  une  mine  de  fer  malléa- 
ble ;  et,  l'année  précédente,'  deux 
Mémoires,  l'un  sur  la  porcelaine,  et 
l'autre  sur  l'azur  des  cendres  bleues 
de  la  montagne  d'Usson,  en  Au- 
vergne^ et  son  usage  dans  la  méde- 
cine. W — s. 


Mr;R  ,n5 

MORISON  (  Ronicp.T  ) ,  un  dos 
botanistes  les  plus  distingues  de  son 
temps  ,  naquit  en  iO'>.o,  à  Aberdcen 
en  Ecosse.  Destine  d'abord  à  l'état 
ecclésiastique,  il  y  renonça  de  boiuie 
heure  pour  se  livrer  à  l'élude  des 
maihématiques  ,  de  la  médecine, 
et  surtout  de  la  botanique.  La  guerre 
civile  vint  l'enlever  à  ses  paisibles 
occupations.  Morison  embrassa  avec 
ardeur  la  cause  de  son  roi;  mais  daijs 
un  cem])at  près  d'Abcrdeen,  il  re- 
çut à  la  tctc  une  blessure  grave  , 
qui  le  mit  hors  d'état  de  servir  pen- 
dant le  reste  de  la  guerre.  Lorsqu'il 
fut  rétabli  ,  la  causf:  du  roi  étant  dé- 
sespérée, il  passa  en  France,  ainsi 
que  beaucoup  de  ses  compatriotes 
et  vint  s'établir  à  Paris.  Il  fut,  pen- 
dant quelque  temps,  gouverneurd'un 
jeune  homme  riche:  mais  il  ne  né- 
gligea pas  pour  cela  ses  éludes  ;  et , 
en  1G48,  il  fut  reçu  docteur  en  mé- 
decine, à  Angers.  Dès-lors  ,  il  s'oc- 
cupa plus  spécialement  de  botanique. 
Il  se  lia  d'amitié  avec  Vespasien  Ro- 
bin, qui  professait  cette  science,  et 
a  la  recommandation  duquel ,  Gas- 
ton, duc  d'Orléans,  lui  confia  la 
direction  de  son  jardin  de  Blois. 
Il  exerça  ces  fonctions  pendant  dix 
ans.  Dans  cet  intervalle  ,  il  fit  plu- 
sieurs voyages  ,  visita  le  Poitou,  la 
Bourgogne  ,  la  Provence,  le  Langue- 
doc ,  surtout  les  bords  de  la  Loire, 
et  recueillit  une  grande  quantité  de 
plantes.  Au  commencement  de  1660, 
Charles  II  alla  voir,  à  Blois  ,  le  duc 
d'Orléans ,  son  oncle.  Celui-ci  lui 
présenta  Morison  ,  dont  la  fidélité  et 
les  connaissances  furent  appréciées 
parle  monarque  anglais.  Gaston  mou- 
rut peu  de  mois  après  :  Morison  le 
regretta  vivement;  et  ses  ouvrages 
sont  remplis  d'hommages  rendus  à 
son  bienfaiteur.  Charles  II,  qui  élait 
reujLonté  sur  sou  trône,  se  souvint  de 


l'/j  MOR 

?,loiisoii ,  l'invita  à  paî^sfr  on  Anglc- 
icrrc.  Tinp.'iticnldc  revoir  sa  patrie  , 
et  d'y  jouir  du  triomphe  de  la  mo 
iiarchic,  il  sut  lésister  à  des  ofTrcs 
trcs-avaiitagcuscs,  qui  lui  étaient 
faites  par  le  surintendant  Fouquet. 
Charles  le  nomma  son  médecin,  et 
professeur  royal  de  botanique,  aux 
appointements  de  '.ioo  liv.  st., et  avec 
mie  maison,  en  qualité'  de  surinten- 
dant des  jardins  du  roi.  En  ifiG»), 
Norlson  fut  reçu  docteur  à  Oxford , 
et  bientôt  après,  nommé  professeur 
rie  botanique  à  la  même  université, 
ïl  avait  acquis  promptement  une 
p;rande  réputation  en  Angleterre  : 
elle  s'accrut  beaucoup  par  ses  cours, 
qui  étaient  trjs-fréqucntés,  et  ])ar 
les  ouvrages  qu'il  puiilia  successive- 
jnent;  mais  il  ne  jouit  paslong-teraps 
'  de  la  considération  que  lui  avaient 
méritée  un  excellent  caractère  et  la 
lovauté  de  sa  conduite.  Frappé  par 
le  limon  d'une  A'oiturc ,  en  traversant 
une  rue,  il  mourut  le  lo  nov.  i683. 
I/c\amcn  des  ouvrages  de  Morison 
fera  juger  quelle  part  doit  lui  être 
attr  buée  dansla  réforme  delà  botaiii 
que.  Les  grands  botanistes  ,  depuis 
(icsner  jusqu'au  s:  Bauliin  ,  avaient 
publié  des  ouvrages  plus  ou  moins 
utiles  par  lès  découvertes,  les  obser- 
vations, les  descriptions  et  les  figu- 
res. Gesner avait  f.iiî  un  grand  pas  en 
présentant  la  considération  du  fruit 
rommc  la  principale  pour  l'établisse- 
înent  des  genres.  Fabius  Columna 
l'adopta.  Césalpin  en  fit  l'application 
.1  une  classification  qu'on  doit  regar- 
der comme  la  meilleure  de  toutes 
celles  qui  ont  précédé  l'époque  dont 
)ious  parlons.  Morison  avait  fait  une 
étude  particulière  des  fruits,  dont  il 
avait  réuni  i5oo  espèces  différentes. 
Mais  il  signala  enfinrimportance  des 
afiinités  naturelles  des  autres  parties. 
II  revient  sur  cette  idée-mère, insiste 


IMOR 

spécialement  sur  la  nécessite  de  fixer 
des    caractères    génériques;   et  ses 
principaux    ouvrages   reposent   sur 
ces  bases.  Il  a  donc  réellement  avancé 
la  science  :  la  vanité  qui  lui  a  fait 
passer  sous  silence  ses   obligations 
envers  Césalpin  ,  ne  doit  pas  empê- 
cher de  lui  rendre  la  justice  qui  lui 
est  due.  Abel  Rrimyer,  médecin  <!e 
(>aston,  avait  ])ublié,  en  iG")3  ,  un 
catalogue  du  jardinde  Blois.  Morison 
en   publia   une    nouvelle    édition , 
sous  le   titre  de   Ilorlus  Blesensis 
aiictus,  etc.  Londres  ,  i669,in-8'\ 
Ce  catalogue   est  suivi  de   la   des- 
cription des  plantes  nouvelles  culti- 
vées dans  ce  jardin.   Le   même   vo- 
lume contient  aussi  les  Erreurs  des 
Banhin  ;  et  il  est  terminé  par  un  Dia- 
logue entre  un  membre  du  collège 
royal  de  Londres  (ou  de  Gresham  ;, 
et  le  botaniste  du  Roi,  sous  le  nom 
duquel   Morison  donne,    principa- 
lement sur  sa  méthode,    quelques-' 
unes  des  idées  qu'il  développa  plus 
tard.  Ce  morceau  substantiel ,  coin- 
jiosé  de  quarante  pièces,  mériterait 
d'être  plus  connu.   Son  second   ou- 
vrage porte  le  titre  de  Plajitarum 
umbelliferarum-  distributio   no^ui  , 
etc.,  Oxford,  167*2,  in-fol.  avecfig. 
L'auteur  prend  pour  base  de  sa  mé- 
thode la  différence  du  fruit,  carac- 
tère le  plus  noble,  parce  que  tout 
se  fait  par  lui;  et,  le  premier,  il  at- 
tacha beaucoup  de  valeur  aux  stries 
ou  côtes  relevées  sur  la  graine,  dont 
des  auteurs  modernes  ont  tiré  depuis 
un  plus  grand  parti.  Il  divise  cette 
famille  en   neuf  chapitres,  accom- 
pagnés de  huit  tableaux  synoptiques, 
iudiquaiit  les  affinités  et  les  differeai- 
ces  des  genres  qui  composent  cette 
famille.  Il  forme  un  dernier  cha]>itre 
de  ce  qu'il  appelle  OmhelUf ères  im- 
propres ,  telles  que  la  Valériane^  le 
Figamon  .  la  FiUvendule ,  etc.;  er- 


MOK 

rciir  ,  comme  le  remarque  un  de  ses 
biographes,  au  moins  «iiissi  jurande 
qu'aucune  de  celles  (ju'il  a  repro- 
chées aux  Banliin.  La  classilica- 
liondcs  oinbellili-res proprement  di- 
tes, présente  quelques  défauts.  L'au- 
teur néglige  totalement  l'involucre, 
que,  postérieurement,  Linné  a  re- 
gardé comme  un  caractère  de  i''*'. 
ligne,  et  qui  peut  être  utile  comme 
caractère  secondaire.  D'un  a;i!re 
côté,  il  fait  un  trop  grand  usage  des 
feuilles,  qui,  dans  cette  famille,  se 
ressemblent  trop  pour  offrir  des  ca- 
ractères distinclifs  et  précis.  Mais  il 
est  de  toute  justice  d'oLserrer  que 
cette  monographie  est  certainement 
la  première  qui  mérite  ce  nom.  L'E- 
cluse et  G.  Gemma  avaient  réuni, 
le  i".  les  champignons,  et  le  u^. 
les  orchidées,  familles  sans  doute 
fort  naturelles;  mais  ils  avaient  fait 
ces  rapprochements  sans  rendre 
compte  de  leurs  motifs  ,  et  sans 
distinguer  les  genres.  Le  travail 
de  Morison  est  ,  à  peu  de  chose 
près ,  aussi  méthodique  que  la  plu- 
part de  ceux  du  même  genre  qui 
ont  été  faits  depuis  ,  et  peut  encore 
être  consulté  Une  des  raisons  qui  lui 
assurent  la  supériorité  sur  ce  qui 
avait  précédé,  c'est  un  tableau  pré- 
sentant les  dessins  des  fruits  d'une 
grande  quantité  d'espèces,  apparte- 
nant à  3o  ou  4o  gcni'cs  de  cette  fa- 
mille. Il  n'avait  encore  rien  paru  de 
.semblable.  Toutefois  nous  remarque- 
rons que  Gésalpin  a  sur  lui  l'avanta- 
ge d'avoir  pris  en  considération, 
dans  les  graines  ,  même  la  position 
de  la  radicule.  Le  3*^.  ouvrage  de 
IMorison  est  intitulé  :  Histoire  uni- 
verselle des  Plantes^  etc.,  Oxford, 
1 680 ,  in-fol.  Cg.  Le  titre  porte  ,  2«. 
partie,  Morison  devait  traiter ,  dans 
la  i""".,  des  arbres  et  arbustes  :  mais 
ce  travail  lui  paraissant  plus  facile 


V 


MOR 


que  celui  des  plafiles,  il  l'avait  rr- 
scrvc'  pour  la  fin,  ciaignant  que  !a 
moi  t  ne  l'emprchàt  de  ])ublicr  ce- 
lui auquel  il  mettait  le  jjIus  de  prix; 
mais  il  n'a  point  été  imprimé.  Quel- 
ques auteurs  prétendent  que  Mori- 
son l'avait  terminé,  et  que  son  tra- 
A'ail  fut  la  proie  d'un  incendie  qui 
eut  lieu  à  Oxford,  Ce  volume  con- 
tient \'}.\  planches,  composées  d'en- 
viron l'ioo  figures,  dont  un  certain 
nombre  sont  copiées  des  auteurs  pi  c- 
cédents.  Les  frais  d'un  ouvrage  ar.ssi 
considérable  excédaient  les  facultés 
delNïorison;  mais  il  fut  puissamment 
secondé  par  l'université  d'Oxford, 
qui  regarda  la  publcatiun  de  ce  tra- 
vail comme  une  entreprise  nationale. 
La  i""*,  partie  ne  contenait  que  cinq 
sections;  quatre  autres  étaient  finies. 
Les  plantes  herbacées  devaient  en 
former  quinze.  Bobart  composa  les 
siK  dernières  d'après  les  idées  de 
Morison,  et  publia  cette  i^e.  partie  de 
V Histoire,  en  1699,  en  un  vol.  in- 
fol.  Il  y  joignit  187  planches,  c>  n- 
tenant  environ  '2i6o  figures.  Bo- 
bart fut  lui-même  secondé  par  l'u- 
niversité; et  son  travail  ne  fut  point 
indigne  de  paraître  à  coté  de  celui 
de  Morison.  On  y  trouve  une  assez 
grande  quantité  de  plantes  que  Mo- 
rison ne  connaissait  point,  et  qui 
avaient  été  communiquées  à  Bo- 
bart par  Sloane,  Petiver  ,  surtout 
Sherard,  ou  dont  il  avait  vu  les 
descriptions  dans  les  ouvrages  da 
Hermann,  Fagon,  Tournefort,  Rivin, 
Magnol ,  dans  le  Ilortus  malaba- 
riciis. ,  etc.  Les  ombellifèrcs  y  sont 
reproduites  comme  S'',  section  , 
et  avec  de  nouvelles  figures.  Celles 
de  ce  volume  sont  en  général  pics 
petites  mais  aussi  plus  nettes  que 
celles  de  la  •i'\  partie,  surtout  celles 
de  Burghers,  qui  en  avait  également 
fourni  quelques  -  unes  pour  cette 
l'i. 


i-jS  MOR 

même  partie.  On  trouve  dans  les 
deux  quelques  détails  de  graine  et  de 
floraison.  L'Histoire  des  plantes 
mit  le  comble  à  la  réputation  de 
Morison.  Ray  a  revendiqué  l'hon- 
neur de  l'invention  de  la  méthode, 
dont  il  avait  offert  les  éléments  dans 
ses  tableaux,  dressés  en  1G67,  pour 
l'évêque  Wilkins.  Mais  en  admet- 
tant que  Morison  en  eût  eu  connais- 
sance, il  faut  convenir  que  ce  n'é- 
tait qu'une  ébauche,  et  que  Mori- 
son aurait  eu  avant  Ray  lui-même  le 
mérite  de  la  développer.  La  méthode 
de  Morison  est  fondée  sur  le  fruit, 
la  fleur,  les  feuilles,  les  habitudes 
des  plantes,  leurs  qualités,  etc.  Ces 
ordres  sont  plus  naturels  que  ceux 
de  ses  prédécesseurs  ,  le  seul  Césal- 
pin  excepté  :  du  moins  ils  sont  nu)ins 
fréquemment  interrompus  par  l'ad- 
mission de  plantes  hétérogènes.  Tou- 
tefois il  est  loin  d'être  exempt  de  ce 
défaut.  Séduit  par  quelque  analogie, 
il  joint  r  Oxalis  aux  Légumineuses ^ 
le  Feronica  et  le  Poljgala  aux 
Crucifères  :  la  Scahieuse  et  V Eryn- 
giuni  se  trouvent  avec  les  compo- 
posées;  le  Plantain,  dans  la  même 
section  que  les  Graminées  ;  le  Chan- 
vre et  r  Ortie,  entre  les  Pédiculaires 
et  les  Borraginées.  La  12''.  section 
surtout  offre  l'alliance  monstrueuse 
entre  quelques  renonculacées ,  le  Se- 
dum,  la  Gentiane,  hs  Orchidées, 
le  Nénuphar,  l'aristoloche,  le  Gos- 
sypiwn,  etc.  Il  admet  des  plantes 
imparfaites,  c'est-à-dire,  sans  se- 
mence, telles  que  les  mousses,  les 
lichens,  qui  sont,  selon  lui,  un  mé- 
lange de  sel,  de  soufre,  etc.  {Hor- 
tus  £lesensis,-p,  480.)  Et  cependant, 
plus  bas,  il  reconnaît  des  graines 
dans  quelques  mousses.  Il  pense  que 
l'accroissement  des  truffes  se  fait 
par  superposition,  comme  celui 
des  minéraux  (490).  Ces  irrégulari- 


MOR 

tes  ou  erreurs  sembleraient  dcA'oir 
faire  rejeter  Morison  sur  la  ligue  de 
ses  devanciers:  mais  la  plupart  s'ex- 
pliquent par  une  ressemblance  quel- 
conque entre  les  fruits  de  ces  plant(  s 
hétérogènes,  tandis  que  les  erreuis 
des  autres  auteurs  sont  inexplica- 
bles. En  revanche,  plusieurs  familles 
sont  fort  perfectionnées.  !<  ou  s  rap- 
pellerons les  Ombelliferes ;  et  nous 
citerons  aussi  les  Graminées,  les 
Labiées  et  les  Crucifères.  Nous  fe- 
rons remarquer  que  c'est  à  lui  qu'est 
due,  dans  ces  dernières  ,  la  distinc- 
tion entre  les  Siliqueuses  et  les  Si- 
liculeuses,  qui,  même  après  lui,  n'a 
pas  toujours  été  suivie,  mais  qui  a 
été  consacrée  par  Linné  et  les  autres 
botanistes.  Il  rapproche  X'Acorus 
des  Cj  péracées ,  et  le  Pigamon  des 
Renonculacées  ;  de  plus  il  reconnaît , 
contre  l'opinion  reçue  jusqu'alors, des 
graines  dans  \ts  Fougères ',  ce  qu'il 
avait  avancé  pour  la  1  re.  fois  dans  la' 
préface  de  son  édition  de  Boccorc. 
Enfin,  les  tableaux  analytiques  pla- 
cés en  têtedes  sections  ,  sous-sections 
ou  genres,  quelque  défectueux qu'ib 
soient,  comparés  à  ceux  que  nous 
possédons  depuis  (piarauteaus,  sont 
fort  supérieurs  à  tout  ce  qui  existait 
auparavant.  Il  est  difficile  d'accor- 
der avec  les  excellentes  qualités  de 
Morison  ,  et  même  avec  une  certaine 
modestie,  l'excessive  vanité  et  l'cm 
phase  avec  lesquelles  il  jjarle  de  la 
jirétendue  découverte  de  sa  méthode 
Il  la  compare  à  celle  de  Colonjb 
(  Préface  de  V Histoire ,  p.  3  ).  Sans 
dire  un  mot  des  travaux  de  Gesner, 
Gohimna  etCésalpin,  il  déclare  (p.  i  ) 
que  chez  tous  les  botanistes  qui  l'ont 
précédé  (  et  il  en  cite  vingt -deux  )  , 
on  ne  trouve  que  chaos  et  confu- 
sion. Il  a  donc  mérité  les  critiques 
qu'il  a  eu  à  essuyer  sous  ce  rapport. 
Mais  plusieurs  de  ses  compatriote* 


MOR 

Vont  traite  au  total  avec  qiuîlque  s^- 
veïilc.  Cela  j)iovieiit  priit-ctic  Je 
leurvcuciatiou  puiir  Kay,  hoiarne 
plus  marquant ,  et  un  des  plus  uui- 
vcrscis  tic  cette  époque,  mais  dont 
Morison  était  ;e  dij^ue  rival  eu  bo- 
laMi([ue.  Voici  comment  Ray  s'ox- 
priiue  sur  sou  compte:  «  Tant  qu'il 
»  se  contenta  de  travailler  à  étudier 
»  les  caractères  des  plantes,  à  re'di- 
»  gcr  des  catalogues  de  jardins ,  et  à 
»  découvrir  les  erreurs  des  auteurs  , 
»  il  me'rila  des  éloges.  Mais  lorsque , 
»  trop  plein  de  son  mérite ,  et  nié- 
»  connaissant  celui  de  gens  plus  sa- 
»  vanls  que  lui,  il  fit  une  entreprise 
»  au-dessus  de  ses  forces,  et  osa 
»  écrira  une  histoire  universelle  des 
»  plantes  ,  il  négligea  le  soin  de  sa 
»  réputation  ,  et  ne  répondit  point  à 
»  l'attente  générale.  »  Ce  jugement 
prouve  jusqu'à  quel  point  les  liom- 
nies  les  plus  caiioes  et  les  plus  can- 
dides peuvent  oublier  le  sentiment 
de  leur  propre  dignité.  Ou  doit  ajou- 
ter que  Ray  ne  rapporte  que  très- 
rarement  les  observations  ainsi  que 
la  synonymie  de  Morison  ,  et  ne  dit 
rien,  ni  de  sa  classification,  ni  de 
son  travail  en  général.  La  vanité  de 
Morison  dut  être  justifiée  à  ses  pro- 
pres yeux  par  les  éloges  qu'oblin- 
rent  ses  ouvrages.  Nous  nous  con- 
tenterons de  citer  celui  de  ïour- 
nef'ort,  qui,  tout  en  critiquant  sa 
vanité,  dit  expressément  que  «s'il 
»  n'avait  éclaire  la  botanique,  elle 
»  serait  encore  dans  les  ténèbres.  » 
Toutefois  ,  il  ne  faut  pas  croire  que 
Morison  soit  tout-à-fait  injuste  en- 
vers les  autres  botanistes.  Il  déclare 
(  Hortus  Blés.  '2''.  part.  )  ,  qu'il  est 
bien  éloigné  d'êlre  le  détracteur  de 
ces  hommes  célèbres;  que  leurs  er- 
reurs sont  excusables  ,  et  qu'ils  ont 
procédé  le  flambeau  à  la  main.  On 
lui  a  reproché  aussi  de  u'ayoli'  pas 


MOR  179 

reconnu  le  mérite  des  Bauhin.  Mais 
il  excuse  leurs  erreurs  d'un  ton  fort 
convenable ,  et  leur  rend  p.nlaile- 
meut  justice.  11  dil  (  Dialv^ue  )  <\{\c 
la  inélhudede  J.  Bauhin,  est  meil- 
leure que  toutes  celles  (|iii  l'ont  pré- 
cédée ;  que  Gasp.r  a  plus  fiit  que 
tous  les  auteurs  qui  oui  écrit  avant 
lui.  Piusieuis  fois  i  bs  app^-be  les 
corijdiées  des  botanistes;  «  ce  sont 
des  hommes  d'une  science  iicompa- 
rable  ;  ils  ont  erré  :  mais  il  a  sans 
doute  erré  aussi,  et  il  désire  (ju'ou 
lui  indique  ses  erreurs.  »  Morisou 
publia  ,  en  1G74 ,  u»  ouvrage  de  Paul 
Bjccone,  intitulé  :  Figues  et  'des- 
criptions de  Fiantes  'arcs  cueilles 
en  Sicile ,  à  Malte  ,  en  France  et 
en  Italie,  in-4'^.  de  96  p. ,  Oxford, 
et  accompagné  de  5i  planches  d'une 
assez  bonne  exécution.  Il  nous  ap- 
prend dans  la  préface,  que  Ch.  Haï- 
ton,  à  qui  elle  est  adressée  ,  s'était 
chargé  tles  frais  ou  de  la  retouche 
des  quarante-cinq  premières  plan- 
ches ,  et  de  la  gravure  des  sept  der- 
nières. Plumier  a  doàUié  le  nom  de 
Movisonia  à  un  genre  de  la  famille 
des  Câpriers.  D — u. 

MOKISOT  (  Jean  ),  médecin,  né 
à  Dule,  vers  le  commencement  du 
seizième  siècle ,  acquit  des  connais- 
sances dans  toutes  les  sciences  qui 
étaient  cultivées  de  son  temps.  Le 
penchant  qu'il  avait  pour  la  poésie, 
servit  de  prétexte  à  ses  ennemis  pour 
lui  nuire  dans  l'exercice  de  son  état. 
Ils  réussirent  à  persuader  qu'un  hom- 
me qui  faisait  des  vers ,  ne  pouvait 
pas  être  un  médecin  instruit;  et  ils 
parvinrent  même  à  l'cxcliue  de  la 
chaire  de  médecine  de  l'université 
(  1  j.  MorisGt  se  consola  de  celte  iu- 

(i")  Il  est  vrui  qiip  Gilb  Cousin  !e  nninre»  nariut 
les  profe.'iSt'Ui-s  qui  «*l>nout  ^  Doie  ,  eo  l  ^^n  ;  ruRÎ?  oc- 
trequ:  Moi-is  it  u  .1  |iii<-  ce  titre  h  la  tel'  ij'auci  n 
de  it'ii  oiiU'>>«>-'i  y  >'il  >:ùt  réelltfuieut  occupé  u.ic  d&* 


î8o 


MOR 


justice ,  parla  culture  des  lettres.  On 
suit  qu'il  vivait  encore  en  1 55 1  ;  mois 
ou  ignore  l'époque  de  sa  mort.  GilL. 
Cousin  a  parlé  tris-lionoiablement 
de  Morisot,  dans  la  Descript.  comi- 
tatiit  Burgttndicp;  et  il  est,  avec  Ges- 
iier ,  le  seul  auteur  contemjiorain  qui 
ait  fait  mention  d'un  écrivain  si  re- 
marquable par  la  fécondité  de  son  es- 
prit et  par  la  variété  de  ses  connais- 
sances. Ou  a  de  lui  :  I.  Ciceronis  Pa- 
radoxa  ciini  grœcd  inttirpreialione , 
Bàle,  i547  ,  iu-8".  Mi.risot  a  public 
en  outre  une  édition  latine  des  Pa- 
radoxes de  Cicéron ,  avec  une  courte 
exposition  et  des  notes  ,  Paris  , 
i55[ ,  in-4°'  II'  ^^'ppoaalis  Apho- 
rismorum  genaina  lectio  ;  eomm 
Jidelis  interpretatio  ,  ciun  Galeni 
censura  in  eus  omnes  qui  minus 
erant  absoliUi;  adnotaiionts  in  Cor- 
nel.  Celswn;  trium  Galeni  de  die- 
bus  decretoriis  libronini  epitome  , 
Bâle,  1 547  ,  in-8°.  Dans  la  préface, 
il  reproclie  à  Tliéod.  Gaza  et  à  Ni- 
col.  fjéonicèiii;,  d'avoir  commis  une 
foule  d'erreurs  dans  les  éditions  qu'ils 
ont  données  des  Aphorismes  d'Hip- 
pocrate;  et  il  renvoie  ,  pour  les  j)reu- 
ves  ,  à  un  ouvra^^e  intitulé,  Horce 
succisivce  ,  qui  éiait  déjà  sans  doute 
imprimé,  mais  dont  on  n'a  pu  re- 
couvrer un  exemplaire.  III.  Col- 
loquiorum  lihri  ly  ^  Bàle  (  i55o  )  , 
in-S".  Le  desird'ètrc  utile  aux  jeunes 
gens  qui  fréquentaient  les  écoles  pu- 
bliques ,  détermina  Morisot  à  com- 


cliL-irrs  de  médecine,  Golliif ,  son  compatriote,  et 
^ui  avnit  dû  le  i.uimaitre  dans  sa  jriinisse  ,  u':iurait 
pas  oiibl!  de  e  cit-  r  di.ns  a  lisf'-  .in'il  a  do>  née  des 
illustre»  professeurs  de  l'université  de  Dole  (  Mé- 
moires Jii  Comté  de  Ponigogiie ,  liv.  n  ,  rli.  XLVItl). 
Cependiiit  on  peut  «'onjecluriT  .  d"ajirès  nnel(|ues 
passades  du  premier  livre  des  Collo</nes  de  Morisot  , 
t[u'.^  1  époque  oi'i  il  composait  c  t  ouvrage,  il  expli- 
quait le  uia  in  à  neuf  heures  les  Ornifons  de  Pteinos- 
thcne  ,  et  le  soir,  h  €|UJlre  heures  ,  les  Offices  de 
Cicéron  ;  c'était  sans  doute  nu  collège,  piiis'qu'il  n'y 
avait  point  alors  à  l'université  de  chaires  pour  i'ensrî- 
giieineut  des  langues  anciennes. 


MOR 

poser  cet  onvraf^e ,  où  il  se  pro- 
posait de  rassembler  des  préceptes 
de  conduite  pour  tous  les  à;;es  de  la 
vie.  Mais,  en  blâmant  Érasme  d'a- 
voir employé  dans  ses  Colloques  la 
manière  piquante  de  Lucien,  et  d'a- 
voir plus  cbcrclié  à  égayer  ses  lec- 
teurs qu'à  les  instruire ,  Morisot  n'en 
a  pas  moins  glissé  dans  ses  dialogues 
des  historiettes  licencieuses, des  anec- 
dotes contre  les  prêtres  et  les  moines. 
C'était  l'esprit  du  sièclej  car  il  se  mon- 
tre d'ailleurs  d'une  piété  minutieuse, 
et  il  en  recommande  toutes  les  prati- 
ques avec  une  attention  scrupuleuse. 
IV.  Libellus  de  iiaiecheinattt  conlià 
Ciceronis  calnmniatores  :  cet  opus- 
cule est  imprimé  à  la  suite  de  l'ou- 
vrage précédent.  Morisot  a  pour  but 
de  prouver  que  Cicéron  était  aussi 
bon  poète  que  bon  orateur  ;  c'était 
une  tâche  assez  difficile ,  en  ne  ci- 
tant de  Cicéron  qu'un  vers  critiqué 
souvent  comme  exemple  de  mauvais  • 
goût  : 

OJortunatam  natnni  me  concilie  Bomam  ! 

C'est  pourtant  ce  seul  vers  que  rap- 
porte Morisot  (  I  ;  ;  et  il  montre,  par 
une  foule  d'exemples  tirés  des  an- 
ciens auteurs  grecs  et  latins  ,  que 
la  lépélilion  du  même  mot  dans  un 
vers,  trouvée  vicieuse  par  les  cri- 
tiques moi!erncs  ,  n'est  que  l'emploi 
de  la  figure  que  les  Grecs  nom- 
maient parecheme ^  et  dont  les  an- 
ciens faisaient  usage ,  même  dans 
la  prose  la  plus  commune.  Morisot 
a  publié ,  à  la  suite  de  cet  ouvra- 
ge ,  le  catalogue  de  ceux  qu'il  avait 
déjà  terminés;  et  il  a  été  réimprimé 
en  entier  dans  la  Bibliotlièque  de 
Gesner.  Cette  liste  est  très -étendue; 
car  elle  ne  contient  pas  moins  de 


(l)  On  eût  pn  citer  de  Ciccrou  des  vers  hien  meil- 
leurs ,  dans  Ifs  fragments  de  sa  liadnction  des  Phé- 
nomènes d'Ar.itus, 


iMOR 

trente-un  ouvrages  en  prose,  et  qua- 
torze en  vers.  Jjes  principaux  sont  : 
De  verd  tàin  litterarwu,  tùin  ac~ 
cenliiuni  origine  libri  duo  ;  —  De 
octo  parlibus  orutionis ;  —  Dialecti- 
caet  Bheturica  jjev tabulas f —  Ora- 
tiones  xil  ;  —  De  AritJimeiicd  libri 
(jua  uor;  —  Ejistolaruni  libri  Ires; 
—  Herculunœ  historiœ  libri  XFi; — 
De  l'oëlicd  libri  1res; — De  compen- 
diusd  medendi  ratione  libri  très; — 
Dialogi  jr  ionicè  conscripti; — De 
cœcitate  libri  trcs  ;  —  De  divitiis  li- 
bri duo;  —  De  oiio  liber  unus  ;  — 
Des  Eglogues ,  des  Epi  grammes,  la 
Traduction  en  vers  d'Hésiode  et  du 
premier  livre  dcl'  Odj  ssée,  une  tra- 
gédie de  Didon,  et  un  Poème  en  qua- 
tre livres,  en  l'honneur  de  Saint-An- 
toine, etc.  W — s. 

M0RI80T  (Claude-Bartuele- 
wi  ),  né  à  Dijon,  en  i5ç)i,  d'un  con- 
seiller à  la  chambre  des  comptes  de 
Dole,  contracta, sons  des  maîtres  ha- 
biles, une  loi  te  passion  pour  l'étude, 
qui  devint  la  vocation  de  sa  vie.  11 
se  fit  recevoir,  par  complaisance 
pour  son  pcrc,  avocat  au  pailenient 
de  Dijon,  entretint  de  cette  viiJedes 
relations  assidues  avec  ungrand nom- 
bre de  savants ,  et  y  mourut  on  1 60 1 . 
La  plupart  de  ses  ouvrages  ,  très-rc- 
cKerchés  à  l'époque  où  ils  parurent, 
sont  encore  fenillf  tés  pai'  les  curieux. 
Ils  sont  tous  en  latin.  Son  Henricus 
Magnus ,  in-8".  ,  imprimé  à  Dijon 
en  iG'245  sous  la  fausse  indication 
de  Leyde  ,  et  réimprimé  à  Genève  , 
doit  être  ajouté,  aux  nombreux  pa- 
négyriques consacrés  à  la  mémoire 
du  bon  roi.  Morisot  rendit  le  même 
hommage  à  Louis  XIII  ;  et  ce  mor- 
ceau se  retrouve  à  la  suite  de  ses 
lettres.  Il  fît  aussi  des  vers  en  l'hon- 
neur du  cardinal  de  Richelieu,  et 
traça  sous  des  noms  supposés  ,  dans 
sou  livre  intitulé  Peruviana,  l'his- 


WOR  i8r 

toirc  des  démêlés  de  ce  ministre  avec 
la  reinc-mèrc  et  Gaston,  duc  d'Or- 
léans. Pour  compléter  cet  écrit  assez 
Jare,  imprimé  a  Dijon  en  i644»  '"■ 
4".,  il  tant  y  joindre  une  suite  de 
35  pages  {Conclusio  et  interpréta- 
tio  totius  operis ,  Dijon,  1G46  ) ,  où 
se  trouve  la  clef  de  cette  composi- 
tion allégorique.  Morisot  avait  donné 
à  la  polémique  les  prémices  de  sa 
pli. nie.  Excité  par  d'anciens  ressen- 
timents contre  une  société  dont  le 
sort  était  de  compter  des  ennemis 
jusque  dans  la  jeunesse  qu'elle  avait 
élevée,  il  écrivit .  à  l'instar  de  Bar- 
dai ,  sa  satire ,  intitulée  Alitopiiili 
veritatis  lacrjmœ  ,  sive  Euphor- 
mionis  Lusinini  continuatio ,  Ge- 
nève, 1 624 ,  in-S".  Les  Jésuites,  qu'il 
attaquait, obtinrent  un  arrêt  du  par- 
lement contre  cet  ouvrage  ;  mais  l'au- 
teur n'en  fut  que  plus  ardent  à  en 
donner  une  2'*.  édition.  Il  se  me- 
sura dans  sa  vieillesse  avec  un  ad- 
versaire non  moins  redoutable.  Mil- 
ton  avait  employé  son  talent  à  la 
défense  des  régicides  anglais  contre 
Saumaise  qui  les  avait  attaqués.  (  F. 
MiLTOJv.)  Morisot  se  fit  le  second  de 
Saumaise  dans  un  discours  publié  à 
Dublin  ,  i652  ,  in-8^.  On  a  encore 
de  ce  savant  :  I.  Orbis  maritimus , 
sii'e  rerum  in  mari  et  liiioribus 
gestarum  generalis  historia ,  Dijon  , 
1G43  ,  in-fol. ,  orné  de  figures.  Cet 
ouvrage  est  divisé  en  deux  livres ,  qui 
conliennent  chacun  cinquante  cha- 
pitres. La  moitié  est  consacrée  aux. 
temps  anciens  jusqu'à  Constauliiij  le 
reste  ,  aux  temps  modernes.  11  est 
beaucoup  trop  question  de  guerres 
dans  ce  livre ,  le  premier  qui  ait  été 
écrit  sur  l'histoire  navale.  On  y  trou- 
ve néanmoins  quelfjues  particularités 
curieuses  surles  découvertes  des  mo- 
dernes. Il  est  orné  de  petites  cartes 
et  de  figures  de  navires  et  de  canots 


l83 


]\IOR 


de  difTorcnts  peuplos.  II,  Fpislola- 
riim  centwiœ  II  ^D'x'Y'ii ,  i(i5G,  in- 
8°.  Ces  lettres,  qui  n'ont  pas  toii- 
joiiis  cté  envoyées  aux  savants  dont 
eHes  portent  le  nom,  renferment 
quelques  parliculai  ilés  sur  l'histoire 
contemporaine.  (/^.  Edm.  Ricueu.  ) 
Le  volume  esl  termine'  par  les  éloc;es 
de  Legoux  et  Boucliu ,  magistrats  dis- 
tingués ,  et  par  ceux  de  Saumaise  et 
de  Jacques  tiodefroy.  III.  Gvidii 
JFastorum  librixn,  quorum  sexpos- 
leriores à  Morisolo  subslituti  surit, 
Dijon  ,  i(ii9  >  '"  "  ^'^'  J^Ioiisot  avait 
fait  beaucoup  de  reclierchcs  sur  les 
monuments  etleseéiémonies  desRo- 
jnains ,  pour  les  ad.  picr  à  ime  '2''.  édi- 
tion de  son  ouvrage;  mais  il  ne  vé- 
cut pas  assez  pour  les  mettre  en  or- 
dre. Le  public  fut  également  privé 
de  sa  traduction  d'Arislenète  ,  qu'il 
avait  accompagnée  de  notes,  et  dont 
l'édition,  déjà  foi-t  avancée,  fut  in- 
terrompue par  la  mort  de  l'impri- 
meur, et  abandonnée  par  l'auteur: 
enfin  c'est  à  Morisot  que  l'on  doit 
la  publication  de  la  relation  delMa- 
dagascar,  par  Gauche  (  For.  VII , 
4*25);  i!  la  mit  par  écrit,  ety  ajouta  la 
carie  de  cette  île.  Il  a  probablement 
eu  part  aussi  à  l'impression  du  re- 
cueil qui  contient  cette  relatio)n  ; 
plusieurs  des  pièces  qui  le  compo- 
sent sont  traduites  par  Pierre  ftlo- 
reau ,  de Pa ray,  en Charolois.  F — t, 

IMORISSON  (  C.  F.  G.  ) ,  l'un  des 
membres  de  la  (jonvention  nationa- 
le qui  se  laissèrent  le  moins  entraî- 
ner aux  fureurs  de  1 798  ,  exprima  , 
dans  cette  assemblée ,  des  opinions 
qui , toutes  modérées  (|u'elles  pussent 
alors  paraître,  font  voir  aujourd'hui 
à  quel  degré  d'irritation  étaient  par- 
venus tous  les  esprits.  D'abord  avo- 
cat dans  le  Poitou,  il  devint  admi- 
nistrateur dudéiiartcmeiît  de  la  Ven- 
dée, eu  1790,  puis  députe  à  l'assem- 


MOR 

blc'e  législative,  et  enfin  à  la  Conren- 
tion  nationale.  Le  3  janvier  1792  , 
après  avoir  payé  son  tribut  au  délire 
de  ce  temps-là  par  de  violentes  diatri- 
bes contre  les  frères  du  roi ,  il  s'ap- 
puya vainement  de  puissantes  con- 
sidérations politiques  pour  empêcher 
le  décret  d'accusation  contre  ces 
princes.  Dans  le  mois  de  novembre 
de  la  même  année  ,  lorsqu'il  fut  ques- 
tion du  procès  de  Louis  XVI,  il  se 
livra  ei;corc  à  des  attaques  très-vives 
contre  le  mtn irque  ;  mais  il  finit  par 
s'opposer  de  tout  son  pouvoir  à  ce 
qu'on  le  mît  en  jugement ,  se  fon- 
dant sur  ce  que  les  lois  avaient  établi 
son  inviolabilité.  Il  vota  ensuite  pour 
sa  détention  pendant  la  guerre ,  et 
sa  déportation  après  la  conclusion 
de  la  paix  générale."  La  faction  des 
Jacobins ,  qui  avait  applaudi  à  ses 
injures,  se  déchaîna  contre  ses  con- 
clusions. Morisso?!  fut  depuis  ac- 
cusé, par  son  collègue  Garnier ,  de 
liaisons  avec  les  royalistes.  Cepen- 
dant il  resta  assez  paisible  pendant 
la  terreur,  et  fut  même  chargé  de 
quelques  missions  qu'il  reuiplit  avec 
autant  de  sagesse  qu'il  était  j)ossibIe 
à  une  telle  époque.  Devenu  membre 
du  conseil  des  Cinq-cents,  il  fit  adop- 
ter ,  en  décembre  i'jgô,  un  décret 
d'amnistie  pour  les  royalistes  de 
l'Ouest.  En  1797  ,  il  fut  nommé  un 
des  juges  de  la  cour  d'appel  de 
Bourges;  et  il  continua  d'en  remplir 
les  fonctions,  jusqu'en  i8i(5,  où  il 
mou.rut  honoré  et  regretté.  IM- — d  j, 
MORITZ  (  Chjvrlks-Puimppe  ) , 
écrivain  allemand,  naquit  à  Hamcln, 
eu  i'^57  ,  de  parents  pauvres,  qui 
ne  pouvant  lui  procurer  qu'un  peu 
d'instruction  qu'il  reçut  à  Hanovre  , 
l'envovèront  en  apprentissage  chez 
lui  chapelier  à  Brunswick.  Celui-ci  ne 
lui  trouvant  pas  de  disposition  pour 
sa  profession,  le  renvoya  chez  lui. 


MOR 

Par  l)onlicur  pour  le  jeune  Morilz, 
qui  n'avait  que  quatorze  ans ,  le  com- 
mandant de  Hanovre  s'intéressa  à 
son  sort ,  et  assigna  une  somme  d'ar- 
j;;enlpour  son  éducation.  Moritz  pro- 
fila (|uclqiie  temps  de  ce  bienfait  ; 
mais  il  ne  tarda  pas  à  donner  le  pre- 
mier signe  do  ce  caractère  bizarre 
et  fantasque  qui  a  fait  le  malheur  de 
sa  vie.  Par  une  conduite  déréglée,  il 
perdit  la  bienveillance  de  son  bien- 
faiteur ,  et  disparut  de    Hanovre  , 
avec  l'intention  de  s'engager  dans 
une  troupe  de  comédiens.  Ce  projet 
ne  réussit  pas;  et  il  se  fit  recevoir  à 
Erfurt  pai'mi  les  étudiants  pauvres, 
comme  candidat  de  théologie.  Trou- 
vant ensuite  ce  bienfait  à  charge  ,  il 
courut  de  nouveau  après  une  troupe 
de  comédiens;  mais  arrivé  à  Leip- 
zig ,  il  apprit  qu'elle  venait  de  se 
dissoudre.  Alors  il  se  dégoûta  de  la 
carrière  théâtrale  ;   et  ne  sachant 
que  devenir ,  il  erra  en  Saxe  à  l'a- 
venture. Un  hernhute  charitable  de 
Barby  eut  pitié  de  lui ,  et  l'accueillit 
dans  sa  maison.   Moritz  n'y  resta 
pas   long-temps.  Avec   les  secours 
que  lui  fournit  la  communauté  des 
frères  Moraves ,  il  se  rendit  à  Wit- 
temberg  pour  achever  ses   études. 
Il  parut  d'abord  plus  constant  que 
de  coutume  ,  et  y  demeura  deux  ans, 
pendant  lesquels   il  se  fit  beaucoup 
d'amis  parmi  les  professeurs  et  les 
étudiants.   Cependant   la  bizarrerie 
-de  sou  caractère  s'y  manifesta  éga- 
lement. Tantôt  on  le  voyait  appliqué 
outre-mesure  aux  études,  tantôt   il 
était  plongé  dans  ladébauche,  tantôt 
encore  il   paraissait  eu    proie   à  la 
plus  sombre  mélancolie.  Ayant  élé 
invité  par   Basedow  à  le  seconder 
dans  la  maison  d'éducation  que  cet 
instituteur  avait  fondée  à Dessau, Mo- 
ritz s'y  rendit  ;  puis  s'étant  brouillé 
avec  sou  chef ,  il  partit  pour  soUici- 


IMOR 


i83 


ter,  à  Potsdam  ,  une  place  de  pas- 
leur.  N'obtenant  rien  ,  et  ne  voyant 
plus  de  ressource  ,  il  prit  la  résolu- 
tion  de  mourir  de  faim  ;   mais  il 
changea  d'avis  en  obtenant  une  place 
d'instituteur  à  la  maison  d'orphelins 
à  Potsdam.  Sa  nouvelle  ])Osition  le 
dégoûta  bientôt  comme  les  autres; 
il   se   plongea   dans   une   profonde 
apathie,  et  erra  comme  un  fou  aux 
environs  de  la  ville.  Ses  amis  le  ti- 
rèrent de  cette  mclancohe  ,  en  lui 
procurant  une  place  d'instituteur  à 
l'une  des  écoles  de  Berlin;  et,  peu 
de  temps  après,  il  eut  dans  la  mê- 
me ville,  la  place  de  conrector.  Ses 
écrits  commençaient  à  améliorer  ses 
finances  et  à  étendre  sa  réputation  ; 
et  la  franc-maçonnerie,  dans  laquelle 
il  se  fit  recevoir,  donna  de  l'aliment 
à  son  esprit.  Néanmoins  il  retomba 
dans  sa   mélancolie.   Pour   se  dis- 
traire ,  il  fit  un  voyage  en  Angle- 
terre. La  relation  qu'il  en  a  donnée , 
respire  le  plus  grand  calme ,  et  porte- 
rait à  croire  que  l'arae  de  l'auteur  a 
dû  jouir  toujours  de  la  plus  grande 
sérénité.  Il  visita  l'intérieur  de  l'An- 
gleterre à  pied,  malgré  les  désagré- 
ments   que  lui   attira  ce  genre  de 
voyage,    et  qu'il   a  racontés  avec 
mie   simplicité  qui  ne  manque  pas 
de  charme.  Revenu  en  Prusse,   il 
ressentit  de  nouveaux  accès  de  mé- 
lancolie ,  tomba    malade ,    se    crut 
près  de  la  mort ,  et  eut  avec  ses  amis 
des  entretiens  édifiants  sur  l'immor- 
talité de  l'ame.  Toutefois  il  en  re- 
vint; une  place  de  professeur  qu'il 
obtint  ,  en    1784,  au  gymnase  de 
Berlin,  et  le  succès  de  ses  cours  de 
langue  allemande ,   de  belles-lettres 
et  d'histoire,  furent  propres  à  dissi- 
per ses  chagrins  :  un  nouveau  voyage 
acheva  de  rétablir  sa  sauté.  11  parut 
délivré  de  son  spleen  ,  revint  gaî- 
meut  à  Berlin,  et  y  entreprit  la  ré- 


iB4  MOK 

daclion  de  la  {çazclte  de  V  oss  ,  d'a- 
j^rùs  un  plau  ido'al.  qu'il  avait  tracé. 
Mais  ou  trouva  ce  projet  trop  su- 
Lliine  pour  les  besoins  jourualieis 
des  lecteurs  de  gazelles  ;  Morilz  lui- 
luèine  le  jugea  trop  difficile  ,  et  sur- 
tout tro|)  assuje'lisant  pour  lui.  Il 
abaudouua  l'eutrejjrise,  el  se  dirigea 
vers  la  Suisse  ;  mais,  au  lieu  de  re- 
créer son  amc  dans  le  climat  pur  des 
montagnes,  il  eut  le  malheur  de  de- 
venir amoureux  d'une  femme  mariée 
dont  il  n'avait  rien  à  espérer.  Cette 
fois  son  aliénation  d'esprit  fut  pres- 
que compicle.  11  se  crut  un  nouveau 
Werther,  et  en  joua  le  rôle  avec 
un  grand  talent  d'imitation  :  un 
autre  voyage  le  préserva  proba- 
blement de  la  fin  tragique  de  l'a- 
mant de  Charlotte.  Ayant  donné  sa 
démission  de  professeur  ,  eu  1786  , 
il  s'était  rendu  a  Brunswick,  et  avait 
fait  un  traité  avec  Campe,  qui  s'en- 
caccail  à  lui  avancer  les  frais  d'un 
voyage  en  Jiaie  ,  pour  q;i  il  compo- 
sât des  ouvrages  sur  les  anliquile's 
et  sur  d'antres  snjels.Un  Italien  avait 
dit  à  Mo'itz  avec  assurance  :  «  Vous 
V  voyagerez  dans  ma  ^patrie.  »  i^e 
professeur  allcujand  avait  été  telle- 
ment frappé  de  cette  prédiction  ,  que 
lorsqu'il  ia  vit  s'accomplir,  il  crut 
au^  présages,  et  devint  superstitieux. 
]i  profita  desonséjour  en  Italie,  au- 
tant que  le  periueltait  son  savoir,  qui 
n'était  pas  trcs-profond  en  archéo- 
logie et  eu  philologie  :  mais  i!  avait 
du  gcût  ,  de  l'esprit  ;  il  observait 
bien ,  et  il  décrivait  encore  mieux. 
Goethe  et  Angélique  Kaufmaun  de- 
vinrent ses  amis.  Ceux  qu'il  ava;t  à 
Berlin  ,  l'aidèrent  de  leur  bourse. 
Néanmoins,  après  deux  ans  de  sé- 
jour, d  fut  réduit  à  une  telle  misère, 
qu'il  parut  à  Wcimar  sous  l'extérieur 
d'un  mendiant,  (ioelhe  l'accueillit , 
et  le  mit  à  -taêiae  de  retourner  à  Bsr- 


lin  sous  des  dehors  décents,  H  y 
obtint ,  à  l'académie ,  la  place  de 
piofesseur  des  beaux  -  arts  et  d'ar- 
chéologie ,  et  se  livra ,  comme  au- 
paravant ,  à  une  foule  de  travaux 
littéraires.  Mais  Campe,  ne  trouvant 
pus  bon  son  premier  échantillon  qui 
était  un  essai  sur  l'imitation  du  beau, 
se  bioiiilla  avec  lui  ;  et  faisant  allu- 
sion a  l'un  de  ses  ouvrages ,  il  publia 
un  mémoire  polémique  sous  le  titre 
de  Moritz ,  triste  supplément  à  La 
Vsjchologie  expérimentale  :  Moritz 
fit  une  réplique  à  ce  Mémoiie  ;  mais 
dans  la  suite  les  deux  auteurs  se 
réconcilièrent.  Se  voyant  dans  une 
position  plus  avantageuse  ,  Moritz 
épousa  la  fille  d'un  libraiie  ;  mais 
son  affection  pour  elle  eut  une  lin 
presque  aussi  prompte  que  les  autres 
sentiments  qu'il  avait  éprouvés.  Ce- 
pendant à  peine  fut-il  séparé  de  sa 
jeune  femme,  qu'il  montra  le  plus 
grand  empressement  à  la  reprendre. 
En  avril  I7Ç)3,  il  fit  avec  elle  un 
vovage  a  Dresde  j  mais  étant  tombé 
malade  ,  il  expira  dans  un  état  assez 
calme.  Il  a  raconté  lui-même  les  bi- 
zarreries de  son  caractère  et  les  aven- 
tures de  sa  vie  dans  deux  romans  , 
Antoine  Heiser ,  et  André  Uart- 
knopf;  el  ses  amis  y  ont  ajouté  les 
traits  qui  manquaient.  Les  travaux  de 
Moritz  sur  la  langue  allemande  sont 
très-estimés  ;  et  Ton  peut  dire  de  cet 
écrivain,  qu'il  joint  le  précepte  à 
l'exemple  :  son  style  est  pur  ,  natu- 
rel ,  et  d'une  simplicité  élégante.  Son 
traité  sur  la  piosodieest  un  modèle. 
Ses  ouvrages  sur  les  antiquités,  man- 
quent d'érudition  ;  mais  on  les  lit 
avec  plaisir  ,  surtout  celui  qui  traite 
des  fêtes  religieuses  des  anciens  Ro- 
mains ,  parce  que  l'auteur  a  su  pé- 
nétrer, avec  son  imagination,  dans 
l'esprit  qui  a,  suivant  lui ,  donné  lieu 
à  ces  fêtes  religiauses^;  et  la  pureté 


MOR 

tlii  style  couvre  la  Icgèrelc  du  fond. 
Ses  voyaj^cs  ont  le  mOiiie  ileiaiit  et 
le  inèiiR'  ava:it<if;c.   l/autciir  a  jjai- 
coiirii  rapi  Ifiiicnt  les  cuutrccs  qu'il 
décrit  ;  uiais  sa  narration  iuleres^e 
par  un  style  vif,  concis  ,  et  toujours 
égal   dans    sa    marche.     Voici    les 
titres  de  ses  piincipaux  ouvrages  : 
1.  Enlretiens  avec  me  s  élèves,  Bei'- 
lin,  1-779;  iijid.,   1780.11.   Lettres 
sur  la  différence  de  l'accusatif  et 
du  datiJ\ondume  et  du  moi,  ibid., 
1780;  4''.  edit.,  1798.  III.  Supplé- 
ment aux  Lettres  sur  la  différence 
t\.c.ji\)i\. , \']^o.W  .Inslructianpour 
r accentuation  anglaise ,\hn\ . ,  i  "^80. 
\  .  Blunt  ou  le  convive,  comédie  eu 
un  acte,  ibid.,  1  781.  VI.  Lettres  sur 
le  dialecte  de  la  Marche,  ihià.  VII. 
Mémoires  pour  servir  à  la  philoso- 
phie  du  cœur  humain,  3^.   e'dif.  , 
ibid.,  1791.  VllI.  Opuscules  sur  la 
langue   allemande,   ibid.,    178^, 
1793.  IX.  Grammaire  allemande 
pour  les  dames ,  en  forme  de  kltres , 
ibid.,  1763,  1791,  I794-X.  rv«T/ 
<n  «uT«»,ou  Magasin  de  la  psycholo- 
gie expérimentale,  10  vol.  iu-8^., 
1783-179.3.  Porkels  et  Mairaon  ont 
rédige  une  partie  de  rei  ouvrage.  XI. 
Instruction  pour  écrire  des  lettres, 
ilnd.,  1783,  1795.  XII.  Grammai- 
re anglaise,  ibid.,  1783;  4'"-  edit., 
1  79O.  XI II.    Foj-ages  d'un  Jlle- 
mand  en  Angleterre,  i'jid. ,  1 783  , 
1785.  XIV.  De  l'orlhn'j^ruyhe  alle- 
mande, ibid.,  1781.  XV.  Idé:d d'u- 
ne ga:ette  parfaite,  ibii.,    1784. 
XVI.  Antoine  Eeiser,  roman  philo- 
sophique, 4  yo\.^  ibid.,  178')- 1790. 
KHschnig  les  a  fait  suivre  d'un  5*^. 
voluMie,  intitulé:  Souvenirs  des  dix. 
dernières  années  démon  ami  A.  Kei- 
spr,  pour  servir  à  la  Biographie  de 
Moritz .   1791.  XVII.  Essai  d'une 
prosodie  allemande,  ilnd.,   178'). 
XVIII.  Essai  d'une  petits  logii]ue 


IMUK 


18.S 


pratique  des  enfants,   ibid.  XIX. 
/)e  l'imitation   du  beau  dans   les 
arts,  Brunswick,  1788.  XX.Surun 
31  é: noire  de  M.  Campe,  dos  droits 
de  l'écrivain  et  du  libraire,  Bodin, 
I  -89.  XXI.  Manuel  mjthohtgitpie, 
avec  fig.,  ibid.,    1790.  XXI 1.  fie 
du  pasteur  André  //artknopf,  ibid. 
XX III.  Fictions  mjlhologi'jues  des 
rtnc(>«i-,  avec  63  fig.d'aprcs  l'antique, 
1791.  XXIV.  Anthousa ,  ou\ci  An- 
tiquités de  Home  (  i^^".  vol.),  con- 
tenant les  usages  sacrés  des  Romains, 
avec  fig.  ;  c'est  la  description  des  fê- 
tes religieuses  des  Romains,   dans 
l'ordre  de  leur  calendrier,  Berlin  . 
1 791  ,  1  797  :  Rambach  a  publié  une 
suite  en  3  vol.  XXV.   Grammaire 
italienne,   1790.   XXVI.    Forage 
d'un  Allemand  en  Italie,  3  vol.  , 
ibid.,  1792-1793.  XXVII.  De  la 
bonne  e.rpression  en  allemand,  ibid., 
1793.  XXVIII.  Correspondant  gé- 
néral  allemand,  il.id.,   1793;  7^. 
edit.  augmentée  par  Hoinsius,  1816. 
XXIX    La    Grande  loge,   ou  la 
Franc-maçonnerie  avec  l'équerre  et 
le  plomb ,  ib. ,  1 793  ;  ce  sont  des  dis- 
cours prononcés  dans  les  assemblées 
raaçoniqnes.    XXX.    Dictionnaire 
grammatical  de  la  langue  alleman- 
de, tome  i"^'.,  ibid,,    1793,  in -8". 
Les  •!  vol.  salivants  ont  elé  rédigés 
par  Slurtz  et  Stcuzel.  XXXI.  Préli- 
minaires d'une  théorie  des   orne- 
ments, avec  iig. ,  ibid.,  1 793.  Moi  itz  a 
traduit  de  l'anglais  plusieurs  ouvra- 
ges, entrev  autres,  les  principes  de 
la  psychologie,  par  Boaltie,  et  les 
Voyages  de  Walker  en  Flandre  ,  en 
Allemagne,  en  Italie  et  en  France,  i!  a 
publié  des  poésies  fugitives,  des  se;- 
muiis  ,  et  même  des  abécédaires.  Il  a 
commencé  un  assez  gran  i  nombre 
d'ouvrages  qui  ont  été  achevés  j)ar 
d'auties  ,  ou  au\([uels  il  n'a  fourni 
que  peu  de  morceaux.        D— g. 


inn 


IMOn 


MOULAND  (  Sir  S.amukl  ) ,  ])a- 
ronot ,  iiKM-aiiicien  anglais ,  fils  de 
Thomas  Morlaïul  ,  rectoiir  à  Siil- 
hamstcad  dans  le  Hciksjiiro,  naquit 
vers  i('yi5. 11  ))'issa  nue  dizaine  d'an- 
nées à  Innivcrsite  de  Cambridge,  où 
les  matlicinatirjiios  lurent  sa  princi- 
pale étude.  Pendant  le  règne  de 
Crorawcll,  dont  i!  se  disait  parent, 
il  se  voua  d'abord  à  la  carrière  di- 
plomatique ;  il  fit  partie,  en  i()53, 
de  l'ambassade  envoyée  en  Suède  , 
parle  Protecteur,  jiour  proposer  à  la 
reine  une  alliance  olfensivc  et  défen- 
sive. 11  paraît  qu'à  son  retour  il  fut 
admis  dans  les  bureaux  du  secrétaire 
d'état  Thurloe;  et  en  i655  ,  il  reçut 
«ne  mission  honorable  juiur  le  Pie- 
mont.  Crornwcll  avait  pris  fort  à 
cœur  le  sort  des  Vaudois  de  cette  con- 
trée (  r.  Léger  ,  XXIII ,  568  )  ;  et 
après  avoir  provoque  en  Angleterre, 
par  un  expose  habile,  rédige  de  la 
main  de  Milton,  une  souscrijnion,  qui 
rapporta  plus  de  3o  mille  livres 
sterling ,  il  ordonna  un  jour  de  jeûne 
et  de  prières  en  expiation  des  mas- 
sacres du  Piémont.  Il  voulut  encore 
protéger  les  Vaudois  plus  eiiicace- 
inent  :  à  cet  effet ,  Morland  fut  en- 
voyé auprès  du  duc  de  Savoie  pour 
intercéder  en  leur  faveur  :  et  quand 
s<t  mission  fut  terminée,  il  se  ren- 
dit à  Genève  ,  d'oii  il  lit  passer  aux 
\audois  les  secours  fournis  par  la 
générosité  anglaise  :  il  employa  ce 
séjour  à  recueillir  beaucoup  de  nia- 
tériaux  pour  l'histoire  des  religio- 
naires  qu'il  était  venu  secourir,  et  en 
fit  lin  corps  d'ouvrage  qu'il  publia 
en  id58,  après  son  retour  en  An- 
gleterre, sous  le  titre  à' Histoire  des 
églises-éi'angélif/ues  des  F  allées  du 
Piémont ,  as>ec  l'histoire  simple  et 
Jidèle  du  dernier  massacre,  etc., 
un  vol.  in-loî. ,  orné  du  po^rtrait  de 
l'auteur,  et  de  mauvaiies  vigfjçttcs 


MOR 

qui  ,  représentant  toujours  les  Vau- 
dois loiumentés  par  les  catholiques  , 
étaient  bien  faites  pour  exciter  l'ani 
mosité  du  peuple  contre  ces  der- 
niers. Dans  la  dédicace  à  Crorawell, 
l'auteur  se  nomme  le  dernier  des  ser- 
viteurs de  ce  souverain  ;  et  il  le 
représente  comme  ayant  été  choisi 
par  la  Providence  pour  réparer  les 
iniquités  des  Stuarts  ,  sur  lesquels  , 
dii-il ,  le  doigt  de  Dieu  s'est  apesanti 
au  milieu  de  leurs  oppressions  et  de 
leurs  folies  :  après  la  restauration  , 
l'auleiu'  jugea  prudent,  suivant  les 
Mémoires  de  Hollis,  de  retirer  celte 
dédicace  des  exemplaires  dont  il  était 
encore  le  maître.  Dans  le  livre  iv  de 
sou  Histoire  des  églises  évangéliques, 
il  rend  un  compte  détaillé  de  sa  mis- 
sion ,  et  insère  toutes  les  pièces  of- 
ficielles qui  y  ont  rapport.  Le  comité 
chargé  par  Cromv^ell  de  faire  une 
enquête  sur  la  mission  de  Morland, 
en  parla  d'une  manière  très-flatteuse. 
On  ne  sait  si ,  dans  les  années  sui- 
vantes ,  il  eut  quelque  emploi  ;  mais 
il  est  certain  qu'il  fut  admis  aux  affai- 
res les  plus  secrètes,  ou  du  moins 
qu'il  en  reçut  la  confidence.  Dans  un 
manuscrit  qu'il  a  laissé  et  qu'il  n'aA'ait 
rédigé,  comme  on  peut  bien  penser, 
qu'a  près  le  retour  de  la  famille  royale, 
il  raconte  des  faits  importants  dont 
il  fut  témoin ,  et  qui  prouvent  que 
les  trames  odieuses  qu'on  a  re- 
prochées de  nos  jours  à  la  police 
d'un  despote,  étaient  pratiquées  sous 
Cromwell.  (7est  ainsi  que  le  fameux 
Thurloe  ,  ministre  de  la  police  du 
temps,  fit  engager ,  par  des  agents  se- 
crets, le  d(;cteurHe\vitt,  à  solliciter 
des  commissions  en  blanc  de  Char- 
les II ,  à  Bruxelles  ;  et  lorsqu'elles 
furent  arrivées  ,  il  fit  saisir  Hewitt 
comme  coupable  de  haute  trahison, 
et  le  fil  mourir  parl'ojiération  ci  ivelle 
du  trc'pdn.  IN  on  couleul  d'avoir  fait 


MOR 

périr  iin  royaliste  ,  Tliurloc  voulut 
faire  tomber  le  roi  même  dans  un 
pic'ge ,  en  attirant  Charles  II  sur 
la  côte  d'Angleterre  ,  comme  étant 
appelé  par  de  nombreux  parti- 
sans. Moriand  raconte  qu'il  assista 
au  conciliabule  où  ce  complut  fut 
forge',  et  que  dès-lors  il  prit  eu  hor- 
reur le  gouvernement  de  Cromwell , 
et  re'solut  de  travailler  à  la  restaura- 
tion du  trône  royal.  On  lit  même  , 
dans  les  Mémoires  de  Welwood,  que 
Cromwell  s'e'tant  aperçu  de  la  pré- 
sence de  Moriand,  quand  le  complot 
eut  e'te'  résolu  chez  le  secrétaire-d'é- 
tat, tira  son  poignard  pour  le  tuer  , 
mais  que  ïhurloe  l'en  empêcha  ,  en 
lui  représentant  que  Moriand  dor- 
mait profondément,  vu  qu'il  avait 
été  obligé  de  veiller  deux  nuits  de 
suite.  Moriand  ne  parle  point  de 
cette  circonstance;  mais  il  fait  beau- 
coup valoir  la  résolution  que  lui  ins- 
pira sa  conscience,  de  se  dévouer  au 
service  de  son  souverain  légitime , 
eu  le  prévenant  de  la  trame  odieuse 
ourdie  contre  lui.  Pour  n'être  pas 
soupçonné  de  vues  intéressées  dans 
ce  changement  d'opinion,  il  se  hâ- 
te d'ajouter,  qu'alors  ayant  une 
grande  maison ,  raille  livres  ster- 
ling de  revenu,  un  équipage,  une 
jeune  et  jolie  femme  ,  il  n'avait  sû- 
rement plus  ricu  à  désirer,  et  que 
le  devoir  seul  l'engageait  aux  démar- 
ches qu'il  fit  pour  sauver  Charles  II, 
et  l'aider  à  remonter  sur  son  trône, 
lise  rendit  donc  àBreda,  et  fit  ses  ré- 
vélations au  roi:  celui-ci  les  accueillit 
avec  beaucoup  de  reconnaissance,  et 
promit  de  grandes  récompenses  à 
Moriand.  En  effet,  après  son  rétablis- 
sement, il  le  créa  baronnet,  gentil- 
homme de  la  chambre  privée,  le 
nomma  maîtredesmécaniquesdu  roi, 
et  lui  assip ;na  une  pension  de  5oo  livres 
sterling.  11  paraît  que  Morlaud  avait 


MOR  187 

attendu  davantage  :  il  attribue  ,  dans 
son  manuscrit ,  à  des  préventions  du 
chancelier  Hyde,la  parcimonie  avec 
laqucUeon  avait  reconnu  ses  services. 
Il  est  vrai  que  ses  titres  n'étaient 
qu'honorifiques,  et  que  l'état  de  ses 
affaires  le  força  de  vendre  sa  pen- 
sion. Dégoûté  alors  du  service  des 
grands ,  il  revint  aux  sciences  ,  et  se 
livra  aux  mathématiques  et  à  la  mé- 
canique avec  beaucoup  de  zèle.  Il 
fit  des  essais  dispendieux  d'hydros- 
tatique et  d'hydraulique,  dont  quel- 
ques-uns plurent  beaucoup  au  roi, 
entre  autres  celui  d'élever  les  eaux 
depuis  la  Tamise,  jusqu'à  la  plus 
haute  corniche  du  château  de  Wind- 
sor,  et  même,  à  ce  qu'assure  Mor- 
iand, jusqu'à  80  pieds  au-dessus 
de  cette  corniche.  Charles  II  crut 
faire  plaisir  au  roi  de  France ,  eu 
lui  envoyant  un  ingénieur  aussi  ha- 
bile. Moriand  eut  l'honneur  d'ex- 
pliquer ses  inventions  à  Louis  XIV, 
à  Saint-Germain;  mais  ce  fut  tout 
le  fruit  qu'il  retirade  ce  voyage  , 
qui  lui  coûta  beaucoup.  Avant  de 
se  rendre  en  France,  il  avait  pu- 
blié plusieurs  ouvrages.  I.  Descrip- 
tion et  emploi  de  deu.v  machines 
d' arithmétique ,  1 662  ,  livre  devenu 
très-rare.  (  F.  Gersten.)  IL  Méthode 
du  comte  de  Pagan ,  de  tracer  toute 
sorte  dej'oiifications,  réduite  à  la 
mesure  anglaise,  Londres,  1672. 
III.  Description  de  la  Tuba  sten- 
torphonica  ou  porte-voix ,  Londres, 
167  I  ,  in-fol.  Les  expériences  faites, 
en  présence  de  Charles  II  et  du 
prince  Rupert ,  et  détaillées  dans  cet 
ouvrage,  font  voir  que  Moriand  in- 
venta le  porte-voix  en  Angleterre, 
pendant  que  le  P.  Kircher  l'exécutait 
aussi  en  Italie.  Ce  Ir  lité  a  été  inséré 
par  extrait  dans  les  Transactions 
philosophiques ,  n°.  79,  pag.  3oj() , 
et  ti'aduilcn  français,  dans  le  Recueil 


i88 


MOR 


des  mémoires  et  conférences  sur  les 
arts  et  les  sciences ,  pour  i  G70 ,  pur 
Denis,   et  dans  le  Journal  des  sa- 
vants: le  P.  Maiiinan  a  ausii  c'cril  un 
l  raite  sur  la  Trompette  parlante  dn 
clievalier  IVÎorland.  IV.  La  Théorie 
de  l'intérêt^  simple  et  composé,  Lon- 
dres ,  1679,  in  b".  V.A  Paris  ,  Mor- 
I  and  prit  la  résolution  d'expliquer  an  X 
Français  ses  principales  dc'ronvei- 
tes.  11  paraît  avoir  refait  plusieurs 
fois  son  travail.  La  copie  que  l'on  a 
trouvée  récemment,  en  Angleterre  , 
a  quelque   importance  par  la  men- 
tion qui  y  est  faite  des   pompes  à 
feu  et  de  l'usage  de  la  vapeur;  in- 
A'cntion   dont  la  priorité  a  été  fré- 
quemment   discutée  ,  et  qui   pour- 
rait bien  appaitenir  à  Morland.  Ce 
manuscrit  de  peu  d'étendue,  et  in- 
titulé ,  Elévation  des  eaux  par  toute 
sorte  de  machines,  réduite  à  la  me- 
ture ,  au  poids  et  à  la  balance  ,  pré- 
sentée à  S.  M.  T.  G. ,  Paris,  iG83  , 
est  terminé  par  les  Principes  de  la 
nouvelle  foi  ce  du  feu,  inventée  par 
le  chevalier  Morland ,  Van   i68'2, 
et  présentée  à  S.    M.  T.  G.,  ifi83. 
On  dirait  que  l'auteur,  eu  indiquant 
avec  tant  de  prérision  la  date  de  sa 
découverte,  a  voulu  prévenir  les  con- 
testations   cpii    pourraient    s'élever. 
Cependant  on  a  disputé  long-temps 
à  cet  ép;ard ,  en  Angleterre ,  sans  co4i- 
naître  l'ouvrage  fiançais  de  Morland. 
il  y  parle,  ainsi  qu'il  suit ,  de  l'em- 
ploi de  la  vapeur  :  «    L'cm    étant 
e'vaporée  par  la  force  du  feu,  ces 
vapeurs  demandent  incontinent  un 
plus  grand  espace  (environ  x  .mille 
fois  )   que    l'eau    n'occupait   aupa- 
ravant, et.  plutôt    que  dêlre  tou- 
jours emprisonnées,  feraient  crever 
une  pièce  de  canon.  Miis  étant  Lien 
gouvernéfS  selon  les  règles  de  la  sta- 
tique et  par  science  réduite  à  la  me- 
•sare,  au  poids  et  à  la  balance,  aluis 


MOR 

elles  portent  paisildement  lenis  far- 
deaux (  comme  de  bons  chevaux) , 
et  ainsi  servent  elles  d'uu  grand  usa- 
ge au  genre  humain,  particulièrement 
pourTélévalion  des  eaux.  «Ce passa- 
ge est  beaucoup  plus  clair  que  celui 
qu'on  trouve  sur  la  vapeur,  dans  le 
Centurj  of  inventions ,  du  marquis 
de  Worccster,  pubié  en  iGO'i,  et 
qu'on  regarde  comme  la   première 
in  'ication  de  la  découverte  des  ma- 
chines à  vaj)eur.  Le  capitaine  Sa\a- 
ry,  qui,  le  j)remier,  obtint  en  Angle- 
terre un  brevet  pour  ces  machines  , 
eu    i(3<)9,  a   pu  connaître  l'idée  de 
Morland.  Ce  fut  la  mciue  année  qu'A- 
moiitons  en  présenta  le  premier  pro- 
jet à  l'académie  des  sciences,  à  Paris. 
Cependant  il  est  assez  singulier  que 
la  copie  du  Traité  de  V Elévation  des 
eaux ,  que  conserve  la  bibliothèque 
du  roi,  à  Paris  ,  et  qui  paraît  être  la 
même  que  Morland  avait  présentée  à 
Louis  XlV  ,  à  en  juger  par  le  soin 
aveclequel  elle  a  été  transcrite  et  re- 
liée aux.  armes  dn  roi,  ue  contienne 
rien  sur  l'emploi  de  la  vapeur.  Quoi- 
que cet  écrit  porte  la  date  de  1684,  et 
qu  il  soit  par  conséquent  postérieur 
à  la  copie  que  l'on  conserve  en  Angle- 
terre, il  ne  renferme  que  les  deux  pre- 
miers cliapitrcs  de  l'ouvrage  publié 
l'année  suivante,  à  Paris,  sons  le  titie 
de  :  Elévation  des  eaux  par  toute 
sorte  de  machines ,  réduite  à  la  me- 
sure ,  au  poids ,  à  la  balance ,  par  le 
moyen  d'un  nouveau  i-iston  et  corps 
ds  -pompe ,  et  d'un  nouveau  mouve- 
ment cjclo  -  elliptique  ,   en   reje- 
tant l'usage  de  tjule  sorte  de  ma- 
nivelles ordinaires,  avec  huit  pro- 
hl'jmes  de  mécanique ,  proposés  aux 
plus  liabilcs  et  aux  plus  savarUs  du 
siècle,  Paris,  1 685,  chez  Michallet, 
in-4".  L'auteui-  ne  s'y  explique  pas 
clairement  sur  l'usage  de  la  vapeur; 
mais  il  y  fait  allusion,  dans  un  pas- 


MOR 

sage  de  la  prelacc,  où  il  annonce 
que  ,  par  riuvention  de  son  nouveau 
mécanisme  ,  on  pourra  faire  monter 
les  eaux  jusqu'aux  [)lus  liantes  mon- 
tagnes, «  à  raison  de  tant  île  niuids 
par  heure,  ou  tant  de  pouces,  scion 
la  force  mouvante  donnée  (soit  des 
rivières  ou  du  vent,  soit  des  chevaux 
ou  des  lioraraes,  soit  enfin  du  feu 
ordinaire,  ou  de  celui  de  la  pou  ire 
à  canon.  Ce  Traite,  accompagné  de 
trente  cinq  planches ,  renferme  d'ail- 
leurs bien  des  niaiseries ,  et  n'est  pas 
exempt  d'une  teinte  de  charlata- 
nisme. 11  est  dédié  au  roi  de  France. 
L'auteur  annonce,  dans  la  préface, 
qu'après  s'être  app!  i:picpendant  tren- 
te ans  aux  mécaniques,  il  avait  mû- 
rement examiné  la  mauvaise  et  vai- 
ne multiplicité  des  parties  inutiles  , 
les  grands  frottements  et  autres  gros- 
siers défauts  de  la  plupart  des  méca- 
niques qui  sont  en  usage  par  toute 
l'Europe.  Il  a  enfui  eu  le  bonheur 
d'e'viter  ces  défauts,  dans  le  moyeu 
qu'il  a  trouvé  d'élever  les  eaux.  Mor- 
land  avait  d'abord  épousé  la  fille 
d'un  gentilhomme  français  ;  c'était 
probabiemenl  cette  jeune  et  jolie  fem- 
me qu'il  comptait,  sous  Cromwell, 
parmi  ses  avantages.  Mais  un  second 
ou  troisième  mariage  qu'il  contracta 
en  AngleteiTC,  fut  loin  de  lui  don- 
ner la  même  satisfaction.  Sa  femme 
dissipa  son  bien,  et  fut  convaincue 
d'adultère,  et  répudiée,  en  i(j88,  par 
l'infortuné  mari,  qui  dès-lors  ton.rna 
.ses  pensées  vers  la  dévotion.  Il  adres- 
sa à  l'archevêque  Tenison.ime  espè- 
ce de  mémoire  sur  sa  vie ,  oîi  il  avoue 
qu'il  a  été  mauvais  fils,  et  que  Dieu, 
pour  le  punir,  lui  a  donné  un  en- 
fant privé  de  toute  ai'ïéction  filiale. 
P.uivre  et  aveugle,  il  déshérita  ce  fils 
unique,  publia  un  Recueil  de  médi- 
taiions  pieuses,  sous  le  litre  du  Cii 
de  la  conscience,  où  il  ne  peut  s'em- 


l\TOÎl  i8f) 

pêcher  pourtant  (ic  revenir  encore  a 
son  sujet  favori,  la  mécanique;  et  il 
mourut  dans  un  triste  isfjleincnt,  eu 
1  Og-j.  La  même  année  ,  p.irut  encore 
un  ouvrage  de  lui,  sous  le  titre  de  : 
Hydrostatique,  ou  Instructions  c<,n- 
cemant  les  travail  i  hydrauliques. 
Quelque  temps  avantsa  mort,  il  avait 
pratiqué  auprès  de  sa  demeure  un 
puitsetunepompea  l'iisagedupublic, 
avec  cette  inscription,  qui  fait  connaî- 
tre la  tournurede  son  esprit:  »  Puits 
desirSaraueirdorland,qnicnaccoide 
le  libre  usage  à  tout  le  monde,  espé- 
rant qu'aucun  de  ceux  qui  viendront 
aprèslui,nerisquerad'encourirla  dis- 
grâce divine,  en  refusant  un  verre 
d'eau  fraîche  (  founi  aux  frais  d'un 
autre  et  non  aux  leurs  )  au  voisin,  à 
l'étranger,  au  passant  ou  au  pauvre 
mendiant  altéré.  »  C'est  d'après  son 
mémoire  manuscrit  et  d'autres  pa- 
piers qui  le  concernent,  et  qui  sont 
déposés  à  la  bibliothèque  de  Lani- 
beth  ,  que  le  General  biographical 
diciionarj  3i  donné  une  notice  éten- 
due sur  cet  ingénieur  ,  qui  eut  dans 
son  temps  ime  certaine  réputation 
pour  la  construction  des  instruments 
de  pliys'que.  Mussclienbroeck  dit 
quelesbaroraètresdeMorland  étaient 
les  plus  exacts  qu'il  eût  jamais  vus, 
pour  indi  pier  les  moindres  change- 
ments dans  la  pesanteur  de  l'air.  Lord 
JNurth  (mort  en  i6S5;  adressa  aussi 
nue  biochure  au  chevalier  Morland. 
à  l'occasion  de  son  baromètre;  et  il 
est  l'econuu  que  ce  n'est  que  depuis 
les  perfectionnements  introduits  par 
ce  dernier,  que  cet  instrument  est  de- 
venu, au  moins  en  Angleterre,  une 
espèce  de  meuble  usuel  :  jusqu'alors 
il  élait  relégué  dans  les  cabinets  de 
physique.  Ou  peut  voir  la  descrip- 
tion de  quelques  autres  machines  de 
l'invention  de  Morland  ,  dans  le  cu- 
rieux article  que  lui  a  consacré Ghal- 


190 


1\I0R 


mers,  Biogr.  dictionary ,  tome  11. 
par;.  4>3-4'-i3.  D — G, 

MORLAND  (  George  ) ,  peintre 
anglais  ,  ué  en  i  'j64 ,  ne  recul  d'au- 
tres leçons  dans  son  art ,  que  celles 
de  son  père  ,  peintre  médiocre,  qui , 
voyant  que  s«u  (ils  le  surpassait  en 
talent ,  négligea  de  faire  cultiver  ses 
heureuses  dispositions ,  jjour  l'em- 

})loyer  aux  travauxde  commande  qui 
e  faisaient  vivre.  Ainsi  le  jeune  Mor- 
land  ne  reçut  aucune  éducation;  et,  si 
dans  la  suite  il  devint  un  peintre  dis- 
tingué, il  le  dut  uniquement  à  son 
talent  inné  et  en  quelque  sorte  d'ins- 
tinct j  car  Une  fit  jamais  la  moindre 
étude  :  loin  de  là,  il  mena  toujours 
une  vie  tellement  irrégulière  et  in- 
tempérante ,  qu'il  finit  |)ar  s'aijritir 
complètement.  Se  livrant  à  la  bois- 
son ,  il  j)assa  ses  jours  dans  la  com- 
pagnie des  gens  de  la  dernière  clas- 
se ,  et  vécut  dans  la  plus  dégoû- 
tante misère.  On  dit  qu'on  le  trouva 
im  jour  occupé  d'un  très-beau  tableau 
au  milieu  d'une  chambre,  où  l'on 
voyait  d'un  coté  le  cercueil  de  sou 
enfant  mort  depuis  trois  semaines,  et 
que  probablement  il  n'avait  pas  le 
moyen  de  faire  enterrer;  de  l'autre  , 
im  àne  auprès  de  sa  crèche;  ailleurs, 
un  porc  dévorant  sa  nourriture  dans 
un  plat  cassé;  enfin, le  peintre  ayant 
ime  bouteille  de  mauvaise  eau-de-vie 
pendue  au  chevalet.  11  ne  peignait 
ordinairement  que  la  basse  nature, 
eu  sorte  qu'il  n'avait  qu'à  regarder 
autour  de  lui  pour  trouver  des  su- 
jets :  aussi  rendait-il  cette  nature 
avec  un  art  et  une  vérité  surpre- 
nante. Il  distribuait  avec  une  gran- 
de habileté  les  jours  et  les  ombres, 
dessinait  correctement,  n'exagérait 
aucun  effet,  achevait  parfaitement 
ses  tableaux  ,  et  montrait  partout 
un  naturel  admirable.  11  avait  d'a- 
bord peint  des  paysages  ,  daus  les- 


MOR 

quelles  il  représentait  le  chêne  an- 
glais avec  pius  de  fidélité  qu'aucun 
j)eintre  ne  l'avait  fait  avant  lui  ; 
dans  la  suite  ,  il  préféra  pour  ses  su- 
jets les  animaux  domesli(|ues.  On  re- 
gardé comme  son  chef-d'œuvre  ,  un 
extérieur  d'étable ,  qu'il  exposa  eu 
1791  ,  à  l'académie  royale.  Dans  les 
dernici  es  années  de  sa  vie,  il  fut  pi cs- 
que  cou5lara)ncnt  ivre,  et  tomba, 
malgré  son  talent,  dans  le  mépris 
général.  Ayant  été  arrêté  pour  une  pe- 
tite dette,  il  but  une  quantité  d'cau- 
de-vie  si  copieuse,  qu'il  en  mourut 
quelques  jours  après,  le  29  octobre 
1804,  presque  eu  raêjne  temps  que 
sa  femme ,  qui  avait  partagé  son  dé- 
règlement. D — G. 

MORf.lÈRE  (Adrien  de  la), 
chanoine  de  l'église  d'Amiens,  était 
né  à  Chauny  :  aussi  n'a-t-il  point  de 
place  dans  V Histoire  littéraire  d'A- 
miens du  P.  Daire.  Ménage,  dans  sou 
Histoire  de  Sablé  (  page  i3o  ),. 
l'appelle  un  généalogiste  sûr.  On 
a  de  lui:  I.  Becueil  de  j  lusieurs  no- 
bles et  illustres  maisons  du  diocèse 
d'Amiens  et  des  environs ,  1 63o ,  in- 
4-'.,réimpriméàlaflndela4*".édition 
de  l'ouvrage  suivant  :  \\.  Antiquités 
et  choses  les  plus  remarquables  de 
la  ville  d'Amiens,  1G21,  in-4°. , 
réimprimé  sous  le  titre  de  Bref 
état  des  antiquités  d' Amiens ,  1  Qi'2, 
in-4°.  ;  la  3^.  édilion,  i6.2n,  in-4°., 
et  la  4*^-?  i(i4'-i ,  in-folio  ,  portent  le 
titre  à^ Antiquités ,  et-.  l.englet-Du- 
fresuoydit  que  l'ouvrage  de  la  IMor- 
lière  est  mal  écrit;  mais  il  ajoute 
qu'il  est  utile  et  nécessaire.  A.  B — t. 

IMORMEKE  ;  Cuarles-Jacques- 
Louis- Auguste  RocHETTE,  de  la), 
ué  à  Grenoble,  en  1701,  avait  été 
mousquetaire  ;  mais  on  ignore  à  quel 
titre  il  était  chevalier  de  l'ordre  du 
Christ,  eu  Portugal.  Ce  singulier 
personnage,  grand  hâbleur,  acquit 


MOR 

une  sortp  de  cc'lnbrife,  moins  par 
le  mérite  et  le  nomlirc  de  ses  ouvra- 
ges, que  [Kir  la  dictature  qu'il  s'était 
arrogée  au  Théâtre-Français.  Avant 
lui ,  un  certain  comlo  de   l''oiitenai, 
vers  l'an  i^'io,  avait  présidé  celle 
X!spèce  de  trilnuiaUlrauialique  :  mais 
juste  et  modelé  dans  ses  criliques, 
il  s'était  réellement  attiré  la  con.-.i<_!é- 
i-atiou  des  auteurs;  et  son  sull'rage, 
réglant  celui  du  public,  décidait  sou- 
vent du  sort  dos  pièces.  Le  chevalier 
fie  la  Moriicre  marcha  d'abord,  sur 
les  traces  de  cet  arislarque,  qu'il  per- 
dit bientôt  de  vue.  Il  ne  se  borna 
plus  à  prononcer  ses  arrêts  dans  les 
•cafés;  il  établit  son  camp  au  milieu 
du  parterre.  Là,  entouré  de  jeuiies 
gens  dont  il  était  l'oracle ,  à  un  signal 
convenu,  il  faisait  porter  aux  nues  , 
ou  siffler  impitoyablement  toutes  les 
nouveautés.  Les  acteurs,  les  danseurs, 
les  débutants,  élaieut  également  sou- 
mis à  ses  jugements  sans  appel.  Aussi 
un  le  craignait,  on  le  ménageait,  ou 
Je  recherchait.  A  son  tour ,  il  ambi- 
tionna le  titre  de  lilîcratcar.  Son  pe- 
tit roman  licencieux  à:  Angola  eut 
d'abord  plus   de   succès  qu'il   n'en 
méritait.  On  l'attribua  à  Crébillon 
le  (ils,  dont  l'auteur  a^ait  assez  bien 
imilé,  en  ellet,  l'esprit ,  le  style  et  le 
ton,  surtout  dans  lavant-propos;  et 
véritablement    la   IMorlière    ne    se 
montra  jamais  capable  d'avoir  pu 
l'écrire.  Le    genre   sombre   parais- 
sait lui   convenir  davantage;  et  il 
aurait     peut  -  êire    réussi     en    s'y 
livrant    exclusivement.    Du   reste , 
malgré  quelques  situations  intéres- 
santes ,  rien  de  plus  lourd  et  de  plus 
ennuyeux  que  les  contes  et  les  romans 
de  la  Morlière.  Ses  essais  drama- 
tiques sur  les  Théâtres  Français  et 
Italien,  furent  encore  plus  mal  ac- 
cueillis. Enlln   il  eut  la  maladresse 
d'oser  entrer  en  lice  contre  Fréron. 


MOR  iQi 

Dès-lors  son  crédit  baissa,  el  alfa  tou- 
jours en  déclinant.  Accusé  par  la 
voix  publique  de  vendre  ses  sullia-'cs 
et  ses  censures,  et  d'être  plus  aud.i- 
cieux  que  brave;  soupçomié  d'à',  oir 
des  relaiious  secrètes  avec  la  police, 
il   fut   aiiaudonné  ,  accable  sous  le 
])oids  des  épigr.immcs  et  du  mépris 
universel,  et  vécut  depuis  telleiueiit 
oublié,  qu'aucun  jouriial  ue  daigna 
parler  de  sa  mort,  arrivée  à  Paris, 
au  coiumcacemcnt  de  février  i-^Sj. 
Tombé  dans  la  misère,  cet  liomme 
dont  l'ame  était  aussi  dure  que  le 
tempérament,    succomba   au    cha- 
grin d'avoir  vu  périr  une  jeune  per 
sonnedontiiavaitfait  sa  gouvernante 
et  qui  seule  ue  l'avait  pas  abandonne. 
S'il  faut  en  croiie  les  mémoires  de 
Bachaumont,  la  Jlorlière  était  ab- 
solument décrié  par  son  immoraîilé, 
et  même  par  ses  escroqueries,  quil 
exei'çait  pnncijjalemcnt  sur  des  s'i 
jcls   du  sexe  qu'il  foriiiait  pour  Iî 
théâtre.  Sur  la  demande  de  sa  l'amiiie 
il  avait  été  renfermé  à  Saint-Lazare  : 
il  y  passa  quelques  mois  .sans  être 
corrigé.  La  Morlière  était  d'ailleurs 
fort  instruit;  il  possédait  bien  l'his- 
toire et  l'art  dramatique  :mais,   à 
Lexceptiou  à' Angola ,  il  n'a  com- 
l)Osé  que  des  ouvrages  médiocres; 
en  voici  la  iisle  :  L  Le  chevalier  de 
IL.,  anecdotts du  jup^  de  Tourna j , 
1743,  in- 12.  IL   Angola  ,  histoire 
indienne,  i~^\(j,  m\i.  IIL  Milord 
St'Milej  ou  le  Criminel  vertueux^ 
Cadix  (Paris),  1747,  3  parties,  i;i- 
I  '2.1^ .  Les  Lauriers  ecclésiastiques f 
I748,in-i2;  ouvrage  obscène.  V. 
Mirza  Nadir,  où  se  trouve  l'histoire 
des  dernières  expéditions  de  Tha- 
mas  Koulikan,  1749,  4  '^ol.  iu-ia. 
VI.  Des  pièces  de  théâtre,  savoir 
le  Gouveriieur,  comédie  eu  3  actes 
et  en  prose,  jouée  en  17^1 ,  sur  le 
Théâtre- lia  lien,  imprimée  en  17J2; 


lO-ï  M  OR 

la  Créole ,  comédie  en  un  acte  r[  on 
prose,  jouée  lUie  seule  fois  au  Tlieà- 
tre-Frauçais,  en   i'754,etiion   iin- 
priinc'c;  V binant  déguisé ,  comédie 
en  deux  actes  et  eu  prose,  jouée  eu 
i'y58,   une  seule  fois,  et  non  im- 
primée. VII.    Très-huinhles  remon- 
trances à  la  cubue  au  sujet  de  la 
tragédie  de  Denjs  le  Tjran  (  i  -^  49). 
iu-i'2.  VllI.  Réjlexions  sur  la  tra- 
gédie d' Oreste,  où  se  trouve  placé 
naturellement  V essai  d'un  parallèle 
de  cette  pièce   avec  V Electre   de 
M.   de  C.   fCrébillon),    in-i'2,  de 
48  pagps.  IX.   Lettre  d'un  sa-^e  à 
un  homme  respectable  et  dont  il  a 
besoin,  sur  lu  niusi(jue  italienne  et 
française^  Paris,  i'^34.  X.  Lettre 
de  Racine  à  M.  M...  (Marraontel), 
et  Réponse  de  ce  dernier  sur  la  tra- 
gédie des   Iléraclides,   i'j^à.    XI. 
Observations  sur    la   tragédie  du 
duc  de  Foix,  de  M.  de  Foltuire , 
l'y.'ï.i,    in-i'2.    XII.    Analyse    de 
la   tragédie   de   l'Orphelin    de   la 
Chine,    1755,  in-ia,  de    4-^  pag. 
XIIÏ.  Le  Contre-poison  des  feuilles, 
ou  Lettres  sur  Fréron,  i'^^f^,m-i'i. 
C'est  probablement  cet  ouvrage  qui 
a  etc    rcpro  luit   sous  ie  titre  de   : 
Anti- feuille  s  ,  nu  Lettres  à  M'"'. 
de  **  sur  quehjues  jugements  por- 
tés dans  V Année  littéraire  de  Fré- 
nm,  i754,in-i'2.  XIV.  \.ç^  Fata- 
lisme ^  ou   colhction   d'anecdotes  , 
pour  prouver  Vinjluence  du  sort  sur 
l'histoire  du  cœur  humain,  1769) 
•2  vol.  in-12;  déclic  à  la  Du  Barrv , 
dont  aucun  homme  de  lettres,  avant 
La    Morlière  ,    n'avait    encensé   les 
vertus  et  les  talents.  L'aulcm-  dut 
à  sa  dédicace  le   prompt  débit  de 
son  ouvrage,  et  l'iionncnr  de  souper 
avec  cette  fameuse  courtisane.  XV. 
Le  royalisme  ou  les  mémoires  de 
Du  Barry  de  Saint- Aunetz,  et  de 
Constance   de  Cezelli  sa  femme. 


INTÔR 

anecdote  historique  sous  TJenri  If, 
1770,  in-8''.  En  17G3,  il  travail- 
lait à  une  suite  de  l'histoire  du  théâ- 
tre, depuis  1720.    A-TPt  A.  I}-t. 

MORLINO  (  JÉROMF.  ),  juriscon- 
sidte  napolitain  ,   florissait  dans   le 
seizième  siècle.  Peu  scrupuleux  sur 
ce  qui  pouvait  blesser  la  gr.aA'ite'  de 
sa    profession,   il   s'essaya  dans  le 
genre,  mais   non  à  la  manière   de 
Boccace,    et  donna    ses    contes    en 
latin,  persuade'  que  de  licencieux  dé- 
tails,  exprimes  dans  cette   langue, 
choqtieraieut  moins  que  s'il  les  revê- 
tait de  l'idiome  vulgaire.  En  eflet , 
l'extrême  négligence  de  son  style,  et 
l 'indifférence  qu'il  meta  jeter  quelque 
agrément  sur  les   gravelures    dans 
lesquelles  se  complaît  sa  plume  ,  ne 
permettent  pas   de  le  ranger  parmi 
les  écrivains  qui  dédaignaient  l'ila- 
lien  comme  un  langage  encore  trop 
grossier.  Les  prêtres,  les  moines,  les 
nonnes  et  les  chances  de  l'hymen ,  ' 
sujets  épuisés  par  tous  les  coufeuis  , 
sont  aussi  ceux  auxquels  Morlino  re- 
vient le  plus  souvent.  Son  recueil  or- 
duricr  parut  avec  privilège  de  l'em- 
pereur et  du  pape,  sous  ce  litre:  iSo- 
vellœ  (  80) ,  fabuiœ  20  et  comcedia , 
INaples,  chez  Pasquet  de  Sallo,  4  avi  il 
1 5'io,  en  trois  parties,  in-4".  Le  titre 
aurait  pu  énoncer  81  Nouvelles  au 
lieu  de  80  ;  la  72<^. ,  reproduite  dans 
le  volume  sous  une  forme  diflérente, 
offre  en  efîel    deux  nu  rceaux  dis- 
tincts. Le  commun  des  lecteurs  fut 
révolté  du  cynisme  de  Morlino.  Il 
n'y  eut  bientôt  qu'un  cri  sur  le  scan- 
dale de  cette  publication  ;  les  Aou- 
velles  furent  défendues  .  condamnées 
et  livrées  au  feu  :  les  exemplaires  du 
livre  proscrit  devinrent  excessive- 
ment rares  ;   encore   fut-il  difficile 
d'en  rencontrer  de  complets  parmi 
ceux  qui  avaient  échappé  à  la  con- 
damnation canonique ,  mais  que  n'a- 


MOR 

Tait  pas  cpnrgncs  dans  leur  inté- 
grité le  zèle  de  leius  possesseius. 
Morliiio  ncs'e'nint  point  de  cet  ora- 
ge :  il  ne  lit  attention  qn'à  une  criti- 
que ainère  dirii^ee  contre  son  livre  ; 
et  il  y  repondit  par  cette  epi'^raiumc 
du  plus  mauvais  goiit  : 

Quid  iiiodô,  ({uiJum  aict ,  in\iii  librum  hune  viderit 
aiictuin, 

luvidià  ac  rnhic  parriet  ilÏP  iiingis  ? 
VtrlieiM  prn  \orl)is,  )M'u  tùr^uâ  li{;uu  inciebit  | 

Et  (uiiliî  (îiiis  gultui'is  ejiis  «rit. 

Dans  une  nouvelle  e'dition  de  ses 
contes ,  qu'il  se  proposait  de  donner  , 
il  consacra  toute  sa  préface  à  se  jus- 
tifier des  solécismes  qu'on  lui  avait 
reproches.  Cette  seconde  édition  de- 
vait être  augnienteedcnenf  nouvelles, 
dcdie'ei  ,  on  ne  sait  trop  pourquoi , 
aux  neuf  chastes  sœurs.  Cependant 
le  cotnte  Borromeo  ,  qui  possédait 
le  manuscrit  autographe ,  a  insère 
dans  ses  Notizie  de  nu\'ellieri  ila- 
liani ,  deux  de  ces  Nouvelles  inédi- 
tes, où  Morlino  a  e'vité  l'indéoence, 
mais  pour  tomber  dans  la  platitude. 
Quant  aux  contes  imprimes  ,"  Strapa- 
l'ole  en  a  transporte'  seize  dans  ses 
Nolte  piacevoU ,  où  La  Fontaine  a 
daigne  faire  quelques  emprunts ,  et  où 
il  a  puisé  ,  entre  autres ,  le  conte  du 
Ciivier.  Les  fables  de  Morlino  sont 
d'une  insipidité  extrême.  Sa  comé- 
die ,  écrite  en  vers  ,  n'est  qu'une 
de  ces  insignifiantes  imitations  des 
pièces  latines  auxquelles  se  bornait 
le  théâtre  italien.  L'ouvrage  de  Mor- 
lino ,  devenant  presque  introuvable, 
a  été  payé  jusqu'à  48  livres  sterling, 
et  1  I -il  francs  par  les  amateurs  (Voy. 
\ç\ManHel  du  libraire,  ii.  527  ). 
Cette  considération  engagea  Caron  à 
lefaire réimprimer,  en  1799,  in-8°. , 
à  cinquante-cinq  exemplaires  ;  il  y 
conserva  religieusement  les  nom- 
breuses défectuosités  de  l'édition  ori- 
ginale ,  et  n'y  ajouta  (ju'ime  notice 


MOR  193 

sur  l'auteur.  Une  traduction  de  ces 
contes,  en  2  vol.  in-8". ,  le  texte  en 
regard  ,  par  E.  T.  Simon  ,  aniieu 
bibliothécaire  du  Tiibunat,  a  été  an- 
noncée en  i8j2o:  quand  elie  aura  pa- 
ru, ce  livre  sera  aussi  cominiui  qu'il 
mérilc  peu  de  l'être.  F — t. 

MORNAC  (  Antoine  )  ,  célèbre 
jurisconsulte,  né  près  de  Tours ,  dé- 
buta au  parlement  (ie  Paris,  en  i58o. 
Il  demeura  pendant  trente-quatre  ans 
attaché  au  barreau ,  et  y  recueillit 
d'honorables  suflrages  ,  parmi  les- 
quels il  compta  celui  du  chancelier 
de  Sillery.  Son  opposition  aux  Li- 
gueurs lui  attira  quehpies  persécu- 
tions; il  quitta  Paris,  eu  1,5.91  ,  pour 
se  réunir  à  la  majorité  fidèle  du  par- 
lement ,  retirée  à  Tours ,  et  ne  leutra 
dans  la  capitale  qu'aj)rès  le  rétablis- 
sement de  ce  corps  par  Henri  IV.  U 
cultiva  les  muses  latines  au  milieu 
des  dissensions  civiles  qui  aflligeaient 
la  France,  et  fit  même  de  ces  trou- 
bles le  sujet  d'un  poème  héroïque  en 
9  livres.  Ses  Feriœ  fore  mes ,  et  Elo' 
gia  illustriuin  togatornm  GaUiœ  ab 
arijio  i5oQ,  Paris,  1G19,  in- 8"., 
sont  un  cadre  assez  insignifiant,  où  il 
passe  en  revue  les  gens  de  robe  les 
plus  distingués  parmi  ses  contempo- 
rains. On  a  reproché  à  son  style  de 
la  sécheresse  et  un  ton  ampoulé. 
Moit  à  la  fin  de  juin  1620  ,  il  n'eut 
pas  le  temps  d'achever  sou  grand 
ouvrage  sur  le  droit  romain  mis  en 
rapport  avec  l'ancien  droit  français  ; 
une  partie  de  ce  travail  avait  été 
publiée,  de  1616  à  1619,  sous  le  titre 
d'  Obsen>ationes  in  xxir  priores 
libros  Digestorum  et  in  ir  prio- 
res lihros  Codicis.  François  Pinson, 
avocat ,  rassembla  les  notes  rédigées 
par  Mornac  pour  faire  suite  à  ces  pre- 
mières observations,  et  lesfonditdans 
une  édition  générale  des  œuvres  de 
ce  jurisconsulte j  Paris,  1 654- 1660; 
i3 


Î94 


MOR 


i'jii-'3.\,  4  vol.  in-folio.  De  courtes 
notes  de  l'éditeur  indiquent  les  chan- 
gements survenus  dépuis  Mornac 
dans  la  jurisprudence.  Un  auli'e  ou- 
vrage considérable  de  jjlornac  ,  qui 
termine  cette  édition,  est  son  llecueil 
d'arrêts  (  au  nombre  de  plus  de  douze 
cents  ) ,  depnis  1588  jusqu'en  iG-^o: 
c'est  proprement  le  Journal  des  au- 
diences de  cette  époque.  On  a  im- 
prime' à  part  un  opuscule  de  Mornac, 
de  24  pages,  De  Falsd  regni  Yve- 
toti  narratione  ex  majoribus  com- 
vwntanis  f  aginentuffi,  i()  1 5,in-8°. 
Une  dissertation  presque  aussi  courte 
de  Vertot ,  sur  celte  fabuleuse  tradi- 
tion de  l'existence  d'un  royaume 
d'Yvetot  ,  a  fait  oublier  l'extrait  ci'i- 
tico-historique  de  Mornac.    F — t. 

MORNAY  (Philippe  de),  sei- 
gneur du  PlessisMarly ,  et  connu ,  de 
son  temps ,  sous  ce  dernier  nom,  na- 
quit à  Bulii,  dans  le  Vexin-Français, 
en  i549-  Sa  famille,  originaire  du 
Berri,  était  alliée  aux  plus  illustres 
du  l'oyaumo ,  et  même  à  la  maison  de 
Bourbon.  Philippe,  ayant  plusieurs 
frères  aînés ,  fut  destiné ,  dès  le  ber- 
ceau, à  l'état  ecclésiastique.  Ses  pa- 
rents espéraient  lui  procurer  les  bé- 
uéliccs   d'un  oncle  paternel  ,  et  le 

fjousser  aux  dignités  de  l'Eglise,  par 
e  moyen  de  Philippe  du  Bec  ,  frère 
de  sa  mère ,  ëvêque  de  Nantes ,  et  de- 
puis arche\'Bque  de  Reims.  Ces  espé- 
rances furent  trompées;  mais  ce  qui 
éloigna  le  plus  Mornay  de  l'état  ec- 
clésiastique ,  et  même  de  la  religion 
catholique,  ce  furent  les  principes 
que  lui  inculqua  de  bonne  heure  sa 
înère ,  qui  professait  en  secret  les  nou- 
velles doctrines  ;  principes  que  déve- 
loppèrent dans  l'enfant  les  institu- 
teurs que  sa  mère  avait  chargés  de 
son  éducation  et  choisis  soigneuse- 
ment. La  mort  de  Jacques  de  Mor- 
uay  (  1 56o; ,  père  de  Philippe,  et  zé- 


MOR 

le  catlioliqiie,  laissa  de  bonne liciite 
à  sou  lils  la  liberté'  d'embrasser  ou- 
vertement le  calvinisme.  II  s'adou- 
na,  jeune  encore,  aux.  études  théo- 
logiques;  c'était  la  nourriture  con- 
venable à  son  esprit  grave  et  solile, 
qui  ne  lui  permettaitde  prendre  pour 
distractions  que  des  sujets  qui  eus- 
sent été'  pour  d'autres  une  occupa- 
tion sérieuse.  Amené  à  Paris,  il  y 
e'tudia  sous  les  -maîlres  les  plus  ce-, 
lèbres.  Mornay,  à  peine  âge'  de  dix- 
huit  ans,  alla  en  Suisse,  en  Allema- 
gne, où  il  prit  des  leçons  de  jurispru- 
dence; et  de  là  en  Italie ,  à  Venise  et 
à  Gènes  :  il  voulut  même  passer  en 
Orient  ;  mais  la  guerre  des  Turcs  avec 
les  Vénitiens  l'en  détourna.  Il  revint 
en  Allemagne,  parcourutla  Hongrie, 
la  Bohème,  l'Autriche;  il  s'arrèla 
quelque  temps  dans  les  Pays-Bas.  Ces 
voyages ,  qui  l'occupèrent  pendant 
plusieurs  années  ,  lui  furent  d'une 
grande  ulililé  :  outre  qu'il  se  perfec-» 
lionna  dans  les  sciences  ,  eu  parcou- 
rant chacun  des  pays  où  elles  étaient 
cultivées  avec  le  plus  de  succès ,  ta 
connaissance  qu'U  acquit  des  intérêts 
politiques  de  presque  toutes  les  na- 
tions de  l'Europe,  lui  donna  une 
grande  supériorité  dans  les  afraires. 
Ce  fut  pendant  son  séjour  en  Belgi- 
que, qu'il  dcbufa  dans  la  carrière  lit- 
téraire et  politique,  par  deux  écrits 
adressés  aux  Flamands,  qu'il  exhor- 
tait à  se  défier  des  Espagnols.  Ces 
deux  morceaux  le  liient  connaître 
avantageusement.  Peu  après  il  rentra 
en  France ,  et  présenta  le  fruit  des 
observations  qu'il  avait  faites  eu 
Flandre  ,  dans  un  Mémoire  que  l'a- 
miral de  Coligni  remit  au  roi  (  i  )  ; 


(1')  C'fst  par  erreur  qu'on  attribua  ( 
]'ainiral  de  Coligni ,  p^irce  qu'il  fut  Ire 


ce  Mémoire  ?i 

, —   ^....f,... ,  f,...  ^^  ^„ dau-.  ses 

papiers.  De  Tlioul'a  iasérë  JaUî  sou  Histoire,  toin. 
YI,  iu  4"- 


MOPv 

l'auteur  y  prouvait  qu'il  était  juste 
ot  utile  de  faire  la  p;iicrre  à  l'Espa- 
p;iip.  La  Saint-Dartliclcmi  suivit  de 
prèsj  et  ce  ne  lut  pas  sans  une  pei- 
ne extrême  que  I^Iurnayput  c'cliap- 
jier  à  la  mort,  après  être  reste  plu- 
sieurs jours  cache  à  Paris.  Il  se  sau- 
va (le  là  chez  ses  parents,  et  bientôt 
en  Ani^loterre.  L^tnne'e  suivante  ,  il 
revint  eu  France,  lorsque  les  Huu;ue- 
nots,  qu'on  devait  croire  abatfus, 
montrèrent  quelle  était  encore  leur 
force.  Un  frère  du  roi  s'était  joiut  à 
eux.  Cette  ligue  n'eut  pas  de  succès; 
et  quoique,  par  une  adresse  étonnan- 
te, Mornay  eût  fait  croire  qu'il  était 
attaché  à  la  cour,  il  trouva  pins 
prudent  de  se  retirer,  et  demeura  sur 
la  frontière  jusqu'en  i5'^5.  Il  con- 
nut à  cette  époque  Charlotte  Arba- 
leste  ,  veuve  tle  Jean  de  Pas  de  Feu- 
quières,  avec  laquelle  il  conclut  son 
mari^ige.  Duplessis  se,  joignit  aux 
Huguenots ,  qui  avaient  repris  les 
armes  :  dans  une  petite  expédition 
en  Champagne,  par  une  imprudence 
chevaleresque  ,  il  fut  blessé  et  pris  ; 
mais  n'ayant  pas  été  reconnu,  il  fut 
délivré  peu  de  jours  après ,  moycn- 
iiaiit  inie  rançon  fournie  j)ar  sa  fu- 
ture épouse.  C'est  alors  qu'il  se  ma- 
1  ia.  Dans  la  même  année  ,  il  fut  ap- 
pelé au  service  du  roi  de  Navarre, 
depuis  Henri  IV.  Ce  prince,  sur  le 
bien  qu'il  en  avait  entendu  dire  à 
tous  ceux  qui  l'entouraient ,  quelle 
que  fût  leur  religion,  l'admit  dans 
son  conseil ,  et  l'honora  bientôt 
d'une  confiance  qui  fut  entière  pen- 
dant bien  des  années.  Il  lui  remit 
l'administration  de  ses  finances,  et 
l'employa  surtout  dans  un  grand 
nombre  de  négociations.  Une  d'elles 
méiite  d'être  remarquée  :  il  s'agissait 
de  savoir  si  le  roi  de  Navarre  devait 
accepter  l'olbe  d'un  ancien  envoyé 
de  France  dans  le  Levant ,  qui  pro- 


MOR  u^ 

mettait  de  faire  venir  au  secours  des 
prolestants  une  armée  tuiqiie,  par 
la  Méditerranée.  Mornay, et  La  Noue 
qui  lui  avait  élédoiuié  pour  coiièfiie 
furent  d'avis  de  rejeter  celle  dange- 
reuse proposition,  dont  on  ne  paila 
plus.  Peu  iprès,  Mornay  fut  euAuvé 
auprès  de  la  i  ciiie  Elisabeth.  Il  aibiit 
demander  l'assistance  de  cette  prin- 
cesse pour  le  ioi  de  Navarre.  C'est  à 
celte  occasion  que  Henri  donna  pour 
toute  instruction  à  son  ambassadeur 
un  blanc  signé  ;  et  ce  ne  fut  pas  la. 
seule  fois  qu'il  lui  témoigna  une 
si  flatteuse  confiance.  Duplessis  avait 
et-' d'abord  attaché  au  duc  d'Anjou  , 
frère  de  Henri  ill ,  en  qualité  de 
geiiliihomme  de  sa  chambre  ;  ce 
prince  voulut  encore  se  servir  de 
lui,  lorsqu'il  fut  appelé  par  hs  ca- 
tholiques de  Flandre,  pour  se  met- 
tre à  leur  tète  contre  l'Espagne.  Le 
créJit  de  ?»Iornay  dans  ce  pays,  et 
surtout  auprès  du  prince  d'Orange , 
était  fort  étendu;  et  tout  eu  surveil- 
lant les  intérêts  du  roi  de  Navarre 
dans  les  Pays-Bas,  il  fut  d'une  gran- 
de utilité  au  duc  d'Anjou.  Les  affai- 
res de  ces  deux  princes  l'obligèrent 
à  plusieurs  voyages;  et  même  il  de- 
vait se  rendre  a  la  diète  d'Augsbour." 
(  1379  ) ,  lorsque  cette  mission  fut 
révoquée  :  elle  n'était  au  fend,  de  la 
part  du  duc  d'Anjou,  qu'une  manière 
honorable  d'éloigner  Mornay,  dont 
la  présence  le  gênait,  et  qui  revint 
en  France ,  aujjrcs  de  sou  maître.  Au 
bout  de  quelques  années,  il  lui  fut 
plus  nécessaire  que  jamais.  La  Ligue, 
formée  en  1 376 ,  éclata  eu  iâ84  :  le 
roi  de  Navarre,  devenu  présomptif 
héritier  de  la  couronne,  était  le  seul 
objet  de  ce  formidable  complot  des 
Guises.  Tout  le  parti  protestant  était 
en  mouvement;  et  Duplessis,  qui 
toute  sa  vie  en  fut  un  des  princi- 
paux chefs,  devait  le  diriger.  Après 
i3.. 


'igS  MOR 

avoir  conseillé  à  Henri  d'olTiir  au 
roi  de  France  toutes  les  sûieles  pos- 
sibles, pour  garantie  de  son  dosir 
de  la  paix,  lorsqu'il  vil  la  guerre 
inévitable ,  il  n'engagea  point  son 
inaUica  la  retarder  par  des  moyens 
qui  pouvaient  lui  nuire  pbis  tard;  il 
lui  lit  sentir  ,  au  contraire  ,  l'uti- 
lité de  U  commencer ,  puisque  des 
circonstances  impérieuses  le  force- 
raient, dans  tous  les  cas ,  d'en  venir  à 
cette  extrémité.  Alors  Mornay,  déjà 
cliargé  des  finances  delà  Navarre, 
créé  depuis  surintendant  général  de 
la  même  couronne,  après  avoir  refu- 
sé la  charge  de  chancelier,  se  vit 
obligé  de  supporter  presque  tout  le 
fardeau  de  la  nouvelle  guerre.  On  ne 
voulait  s'en  rapporter  qu'à  son  expé- 
rience et  à  ses  promesses  :  il  dressait 
les  plans  et  Its  instructions,  ména- 
geait à  sou  prince  des  parlisans  au- 
dedans  et  an-dehors,  par  des  négo- 
ciations habiles,  ef  parde  nombreux 
mémoires  réjiandus  de  tous  côtés 
avec  profusion.  Il  n'était  pas  étran- 
ger pour  cela,  aux  actes  mêmes  de 
la  guerre  ;  eu  sorte  qu'on  le  voyait 
se  multipliant  lui-même  ,  servir  à  la 
fois ,  son  roi  de  son  bras ,  de  ses 
conseils  et  de  sa  plume  exercée.  Il 
en  fut  ainsi,  pendant  tout  le  temps 
qu'Henri  combattit  ou  ses  ennemis 
ou  ses  sujets.  Mornay ,  fidèle  à  tous 
ses  devoirs,  était  sévère  pour  lui, 
mais  aussi  pour  les  autres:  il  était  , 
dans  sa  religion ,  un  de  ceux  que  les 
désordres  reprochés  aux  catholiques 
avaient  de  bonne  foi  contribué  à 
éloigner  de  l'église  romaine.  La  con- 
duite du  roi  de  Navarre  blessait  ses 
principes  ;  et  comme  il  sentait  qu'elle 
pouvait  aussi  nuire  à  la  réputation 
et  aux  intérêts  du-  prince ,  il  l'en 
avertit  plus  d'une  fois.  Cette  franchise 
inspira  souvent  à  son  maître  de  l'é- 
loiguement  poux  un  serviteur  trop 


MOR 

clairvoyant":  mais  Henri  rendaitbion- 
tôt  ju.sti(  c  àla  vertu  et  à  la  fidélité  -le 
son  ministre.  Pendant  qu'Henri  III 
tenait  les  états  de  lilois,  les  hugue- 
nots étaient  assemblés  à  la  Rochelle: 
quand  on  y  apprit  le  meurtre  des 
Guises,  Mornay  donna  le  conseil  au 
roi  de  Navarre,  de  marcher  vers  la 
CBur,  et  de  s'emparer  de  quelques 
places  importantes  dans  l'Anjou  et 
la  Tonraine,  au  lieu  de  rester  dans  le 
midi;  ajoutant  que  de  cette  manière 
il  obligerait  de  s'unir  à  lui  le  roi  de 
France,  qui  ne  pourrait  appeler  le 
duc  de  Ma'ienne  ,  dont  il  venait  de 
faire  mourir  les  frères.  Ce  qu'avait 
prévu  Mornay  ,  arriva  :  la  cour  fit 
des  propositions  de  paix.  Elle  eu 
chargea  le  frère  aine  de  Duplessis  , 
qui  vint  sous  prétexte  de  voir  son 
frère.  Ou  s'accorda  bientôt.  Une  des 
clauses  du  traité  fut  que  Saumur 
serait  donné  pour  place  de  sûreté 
au  roi  de  Navarre,  à  condition  que 
Mornay  en  aurait  le  gouveruemcnt. 
Les  deux  rois  se  réunirent.  Henri 
III,  charmé  de  la  noble  confiance 
de  son  nouvel  allié ,  qui  se  rendit 
auprès  de  lui  sans  prendre  aucune 
des  précautions  que  lui  dictaient  la 
prudence  et  ses  ruinisires,  s'attacha 
pour  toujours  à  ce  prince  généreux. 
Mornay,  que  son  service  retenait  à 
Saumur,  averti  par  son  maînc  de 
l'heureux  résultat  de  cette  démai- 
che,  lui  répondit:  a  Sire,  vous 
«  avez  fait  ce  que  vous  dev*z ,  et 
»  ce  que  nul  ne  vous  devait  conseil- 
ler. »  A  l'époque  de  l'assassinat 
d'Henri  III,  Duplessis,  toujours 
à  Saumur,  assura  le  pays  à  sou 
maître.  La  mission  délicate  dont 
il  s'acquitta  dans  la  même  année 
(  i5H9  )  avec  succès,  lui  mcriie 
encore  de  grands  éloges:  il  s'empara 
de  la  personne  du  cardinal  de  Bour- 
bon, oncle  d'Ilcuri  IV;  que  les  li- 


MOR 

gupurs  avaient  déclare  roi.  Apres 
avoir  laisse  son  prisonnier  eu  sûre 
garile  ,  Mornay  rejoignit  Henri  ,  eL 
prit  part  à  la  Ijalaiile  d'Ivri.  Le  roi 
le  nomma  bientôt  cotiseillir d'etdt. 
liOrs  tlii  sicj^e  de  Paris,  Duplcssis  , 
ronsullanf  ]>lntôtrintcrèldesoii  maî- 
tre ijnc  rimmanité,  s'opposait  à  la 
levée  du  siej^e  :  il  savait ,  par  ses  in- 
telligences parti<:ulières,  que  la  ville 
pouvait  cire  prise  facilement.  IMais 
la  ge'ncrosile  ,  et  peut-être  une  saine 
politique  ,  dictèrent  la  conduite  du 
roi.  Maieune,  auprès  duquel  iemiî'is- 
trc  fut  envoyé ,  pour  négocier  la  paix, 
en  i;^9.i ,  déclara  quelles  elaicnt  ses 
conditions  j  mais  il  exigeait  le  se- 
cret. Mornay,  dérogeant  pour  la  pre- 
mière fois  à  sa  délicate  probité  , 
crut  nuire  beaucoup  au  chef  de  la  Joi- 
gne en  divulguant  ces  conditions  , 
dont  la  plupart  étaient  dans  l'inlérèt 
de  Maïeune  :  mais  ily  en  avait  d'autres 
aussi  très-favorables  aux  seigneurs  et 
au  peuple;  et  riufidéiité  de  Mornay 
tourna  contre  lui-même  et  contre  le 
roi.  Séparé  d'Henri  IV,  qui  s'ex- 
posait à  Aumale,  où  il  fiif  blessé, 
Dupiessis  écrivit  à  ce  prince  :  «  Si- 
u  re,  vous  avez  assez,  fait  Alexan- 
))  dre;  il  est  temps  que  vous  soyez 
«  Auguste.  C'est  à  nous  de  mourir 
»  pour  votre  Majesté.  Vous  est  gloi- 
»  re  à  vous,  Sire,  de  vivre  pour 
»  nous,  et  j'ose  vous  dire  que  ce 
»  vous  est  devoir.  »  Mornsy  i.o  i:é- 
gligea  pas  les  intérêts  de  son  parti 
aupics  d'Henri  IV.  11  usa  de  tout 
son  crédit  pour  faire  rendre  auxliu- 
guenols  les  privilèges  qu'où  leur 
avait  enlevés,  et  pour  leur  eu  obte- 
nir encore  d'autres  djr-t  ils  n'avaient 
jamais  joui.  Le  roi,  protestant  lui- 
même,  il  est  vrai,  mais  obligé  de 
ménager  les  catholiques,  ne  put  re- 
fuser ce  que  réclamait  !a  justice:  il 
^la  m'èmc  plus  loin  j  car  la  coiu'  de 


MOR 


197 


Rome  continuant  ses  intrigues  et 
ses  menaces,  il  voulait  peut-être 
lui  montrer  ce  qu'il  pouvait  faire, 
si  elle  le  poussait  à  bout.  Cependant 
dès  celte  époque,  il  s'elait  engagé 
à  rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise. 
Trois  années  se  passèrent,  pendant 
lesquelles  Henri  IV,  combattant  tou- 
jours jiourses  droits,  suspendit  l'ac- 
complissonent  de  cette  résolution. 
i^Ioriiay  employa  tous  les  moyens 
jiour  l'en  deloniner  ;  il  lui  montra 
sa  grandeur,  ses  iiitércts  ,  son  tro- 
ue même,  compromis  par  son  ab- 
juration; et  sur  ce  qu'on  lui  disait 
lies  dilHcultés  qui  naissaient  de  la 
constante  opposition  de  Rome  ,  il 
réj)ondit  liardiment  :  Nous  ferons 
voir  au  pape  qu'il  nous  est  plus  aisé 
de  faire  un  pape  en  France  ,  quca 
lui  de  faiie  un  roi.  Quoi  qu'il  en 
soit,  Henri  IV  abjura  dans  l'année 
ijqS.  Cet  acte  menaçait  les  intérêts 
des  protestants  ;  mais  Duplcsssis  , 
qu'on  avait  en  vain  tenté  de  sédui- 
re ,  les  soutint  vivement,  et,  pae 
les  privilèges  qu'il  leur  procura , 
posa  les  fondements  de  l'édit  de 
Nantes  ,  aiiquel  même  il  ne  fut  pas 
étranger.  Quelque  zélé  que  fût  Mor- 
nay pour  la  religion ,  et  bien  qu'il 
reprocliàt  au  roi  tous  les  jours  soa 
cbangemcnî  avec  trop  d'amertume, 
sa  fidélité  ne  fut  point  ébranlée  : 
néanmoins  sa  condi.ite  eut  des  incon- 
véniciits.  Cequ'ob'iniciil  les  luigue- 
nots  les  enhardit  à  demander  davan- 
tagv;  ;  et  j)lus  d'uiu*  fois  iU  profitèrent 
de  reiJibarras  ou  ils  virent  Henri  IV, 
pour  renouveler  leurs  prétentions. 
Des  chefs  cachés  et  puissants  les 
dirigeaient.  Mornay  éprouva ,  eu 
i5()7,  uu  accident  qui  lui  valut 
des  marques  d'un  respect  général. 
Un  jeune  gentilhomme  le  frappa  ou- 
iraceusement;  il  en  demanda  justice 
au  roi,  c^ui  Lui  lit  cette  réponse  ad- 


igS 


MOR 


inirablc  :  «  Mousinir  Diiplessis,  j^ai 

V  un  extrême  déplaisir  de  rinjiue 
))  que  vous  avez  reçue,  à  laquelle  je 
«  participe  comiuc  roi  et  comme 
»  votre  ami.  Pour  le  premier,  je 
»  vous  en  ferai  justice  et  à  moi  aussi. 
M  Si  je  ne  portais  que  le  second  titre, 
»  vous  ifen  avez  nul  de  qui  l'epee 

V  fût  plus  prête  à  de'gaîner,  ni  qui 
j)  y  portât  sa  vie  j)lus  p;aîment 
»  que  moi ,  etc.  »  Eu  effet ,  il  oLtiut 
une  e'clatante  réparation.  Daus  le 
même  temps,  Moruay  travaillait, 
avec  d'autres  commissaires,  à  la 
soumission  du  duc  de  ÎMeroœur.  Ce 
gouverneur  de  Bretagne  rentra  daus 
le  devoir,  en  iSgS.  {T.  Meecoeur.) 
Duplessis  fut  encore  employé  pour 
terminer  l'affaire  de  la  dissolution 
du  mariage  d'Henri  IV,  qu'il  avait 
entamée  depuis  plusieurs  années  ; 
elle  finit  en  logg.  Jusqu'ici,  il  n'est 
pas  d'cve'ncment important,  pendant 
plus  de  vingt  ans  delà  vie  d'Henri 
IV,  auquel  Mornay  n'ait  pris  une 
très-grande  part.  Sun  crédit,  un  peu 
diminue  depuis  l'abjuration  du  roi, 
se  soutenait  toujours:  ce  prince  lui 
couservait  la  plus  flaticuse  amitié. 
Mais  son  zèle  excessif  pour  sa  reli- 
gion va  iui  attirer  une  disgrâce  qui 
empoisonnera  le  reste  de  sou  exis- 
tence. Il  avait  commencé,  en  i5i)5, 
un  Traité  de  V Institution  de  V Eu- 
charistie. Dans  ce  livre ,  destiné  à 
prouver  les  crre^'.rs  reprochées  à  l'é- 
glise romaine,  Mjrnayavail  déplové 
nn  grand  luxe  d'éiu'Ution  ;  il  l'avait 
de  plus  accompagné  a'invectives  vio- 
lentes contre  lesjMpes.Il  fit  paraître, 
eu  iSgS  ,  son  livr.-  de  l'Eucharistie  , 
qui  produisit  une  vive  impression. 
Après  un  mîir  examen,  on  se  crut  en 
droit  d'attaquer  la  bonne-foi  de  l'au- 
teur ,  à  l'occasion  des  uombreux  pas- 
sages des  saints  Près  et  des  théolo- 
giens, rapportés  dans  l'ouvrage.  Plu- 


MOR 

sieurs  réfutations  n'avaient  pas  nui 
au  livre  de  lMornay;maisraccusalion 
dont  il  s'agit,  frappa  les  esprits  :  en- 
fin, Duperron,  c'vèque  d'Evreux,  ai- 
dé d'autres  critiques  (  i  )  ,  prétendit 
trouver  plusde  cinqcenfs  fautes  dans 
le  Traité  de  l'Eucharistie.  Mornay 
défendit  son  ouvrage  avec  entêtement; 
et  Henri  IV,  excité  ])ar  le  pape  qui 
voulait  donner  un  éclatant  démenti 
à  l'oracle  des  protestants  ,  qu'il 
appelait  son  ennemi ,  indiqua  une 
conférence  publique  oi!i  devaient  être 
di-cutées  devant  des  juges  choisis, 
les  dilllcuUés  proposées.  Cette  pom- 
peuse conférence ,  qr.i  eut  lieu  le  4  d« 
mai  1600  ,  à  Fontainebleau  ,  ne  fut 
qu'une  misérable  intrigue  de  cour. 
On  prit  Moruay  au  dépourvu  ;  on  ne 
voulut  point  lui  indiquer  d'avance 
les  passages  argués  de  faux;  d'aulrcs 
éditions  que  celles  où  les  citations 
avaient  été  puisées  furent  produites; 
on  disputa  sur  les  mots.  Enfin,  il 
arriva  que  Duplessis  soutint  mal  sa 
cause,  et  abandonna  une  victoire  peu 
glorieuse  à  des  adversaires  peu  déli- 
cats. Il  en  ressentit  un  chagrin  qui  in- 
flua sur  sa  sauté  et  mit  fin  à  la  confé- 
rence, qui  n'avait  duré  que  quelques 
heures  (^2).  Il  résulta  d'une  aussi  sin- 
gulière manière  d'agir  de  la  cour, 
dans  cette  circonstance,  que  les  ca- 
tholiques et  les  protestants  s'attribuè- 
rent également  le  succès.  En  cfièt  , 
ces  derniers  purent  soutenir  que  la 
peur  d'être  convaincu  d'im])udence 
avait  fait  extorquer  par  surprise  uu 
avantage  qui,  lui  même,  ne  prou- 
vait rien,  sinon  qu'une  bonne  cause 


(\^i  Un  ^eiitilbonime  ,  Du;niiin  Sainle  Marie,  pro- 
Irstaut ,  xuais  qui  ahiiira  bientôt  après,  et  Reoe  de 
Vignerod,  beau-frère  du  «aidioal  .le  Richelii-u .  fu- 
rent les  premiers  à  s'apercevoir  des  erreurs  de  Mnr- 
iiav-  Daus  la  coufereiice  ,  ce  Git  le  Père  <le  BeruUe, 
depuis  Cardinal ,  ijiii  assura  vérilabtemeut  U  succès 
de  la  bônue doctrine. 

(■X)  Chaque  parti,  donna,  de  la  confe'ronce  ,  de»  re- 
lations retatcti  les  unes  par  lea  aut.'«s. 


MOR 

avait  Ole  mal  dcfciulue  (i).  On  cora- 
ïnitcn  cela,  une  f;raiido  faiilcj  car  il 
est  incontcstal)lc  que  Mornay,  trop 
absorbe  par  la  politique  pour  don- 
ner tout  le  temps  nécessaire  à  la  com- 
position d'ouvrac;es  longs  et  minu- 
tieux, e'iail  obliac  de  recourir  àl'ai- 
de  d'autrui.  Parmi  ses  coopc'rateurs  , 
il  s'en  trouva  plus  d'un ,  imi>u  de  cet- 
te mauvaise -foi  qu'on  a  reprocliée 
si  souvent  aux  ennemis  de  l'église 
romaine,  et  qui  ne  balancèrent  pas  à 
falsifier  les  Pères  ou  les'controver- 
sisles  pour  fortifier  leur  sentiment. 
Aussi ,  bien  que  la  cour  se  fût  donne 
tort  pour  la  forme  dans  la  conférence 
de  Fontainebleau ,  quant  au  fond , 
dans  le  peu  de  passages  qu'on  eut  le 
temps  d'examiner ,  ou  découvrit 
des  altérations  graves  (2).  Le  l'é- 
sultat  de  la  conférence  fut  d'éloi- 
gner Mornay  des  aflaires  :  il  se  re- 
tira dans  son  gouvernement  de  Sau- 
mur  ,  d'où  il  ne  sortit  pas  pendant 
six  ans,  s'occupant  seulement  des 
intérêts  de  l'église  réformée.  II  alla 
une  seule  fois  à  la  cour,  en  1606,  et 
revint  à  Saumur  l'année  suivante. 
Lorsqu'Heuri  IV  fut  assassiné,  Mor- 
nay fit  reconnaître  l'autorité  de  la 
régente,  qui  lui  témoigna  beaucoup 
de  bienveillance  ,  mais  sans  le  rap- 
jjeler  dans  le  conseil.  Il  se  rendit  , 
en  1617,  à  l'assemblée  des  no- 
tables de  Rouen.  Ou  l'avait  con- 
sulté sur  cette  convocation  ;  son 
avis  fut  d'en  abandonner  l'idée, 
ou  du  moins  de  l'ajourner  :  le  peu 
de  fruit  qu'on  en  tira  ,  justifia  sou 

(OC'est  ceejue  dit  Sully  (Mi>n.,toni.  iv,liv.  ii). 
r.n  ^c-néral  le  duc  (st  sévère  pnur  Muiimy;  il  esi  'i 
croire  que  c'est  parc  qu'ils  se  disputcreut  pendant  un. 
teiu|i5  la  faveur  du  roi.  Ils  étaieut  enucmis  :  SiJly  ne 
le  cache  pas;  et  cela  doit  faire  psir  le  tcuioigûage 
de  ce  dernier  ,  quand  il  s'agit  de  Mornay.  U  y  en  a 
encore  une  autre  raison  ,  c'e.st  qu'à  la  Kn  ils  se  trou- 
vèrent rivaux  de  crédit  dans  le  ])arli  protestant. 

(?.)  On  le  voit  dans  l'Histoire  du  président  Tta 
Tliou  ,  qui  tut  l'un  des  coiiiuiissaiies ,  tom.  XUl, 
1>  .'liÀ 


MGR  199 

opinion.  Venu  ])!i!s  tard  à  Paiis,  le 
roi  et  la  reine  l'honor:  rcnt  de  l'ac- 
cueil le  plus  flatteur;  il  retourna 
bientôt  dans  son  gouvernement.  Le 
grand  âge  de  Mornay  l'empocha  de 
prendre  une  part  active  aux  trou- 
bles qui  agitèrent  le  commencement 
du  règiîc  de  Louis  XIII.  Ou  doit 
lui  rendre  une  justice  :  quelque  atta- 
ché qu'il  fût  à  son  parti,  il  n'usa 
jamais  de  sa  grande  inf!uci/cc  que 
])Our  le  maintenir  dans  le  devoir,  et 
l'exhorter  à  n'employer  que  des 
voies  de  conciliation,  au  lieu  de  se 
mêler  aux  intrigues  qui  agitaient  la 
cour.  Mais  des  avis  si  sages  ne  fu- 
rent pas  écoutés  d'une  faction  os- 
senliellement  ambilieusc  et  remuan- 
te. Quand  la  face  des  affaires  chan- 
gea, et  que  la  mère  du  roi  se  trou- 
va opposée  à  son  fils  (lô'io),  on 
tenta  de  gagner  Mornay,  maître 
d'une  ville  importante,  dans  le  pavs 
devenu  le  tlicàtre  de  la  guerre.  11 
resta  fidèle  à  son  prince ,  conseillant 
à  la  reine  de  s'accommoder  avec  le 
roi,  ce  qu'elle  se  repentit  bientôt  de 
n'avoir  pas  fait.  C'est  dans  celte 
même  année  i6uo  ,  que  les  hugue- 
nots, outrés  du  rétablissement  de  la 
religiou  catholique  dans  le  Béarn  , 
réuni  à  la  couronne,  conimencèrenî 
à  former  eux  seuls  uti  parti  contraire 
à  la  cour;  ils  s'assemblèrent  maigre' 
les  ordres  du  roi ,  et  prirent  des  me- 
sures pour  commencer  les  ho.stilités. 
Mornay,  toujours  conciliateur,  es- 
saya de  les  calmer  ;  mais,  moins 
sage  que  par  lepas^é,  il  ne  bannit 
pas  celte  fois  toute  idéed'opposiiiou 
armée  et  par  conséquent  criminelle, 
si  la  conduite  dii  gouvernement  ne 
changeait  pas.  La  guerre  ayant  écla- 
té, Louis  XIII  vint  à  Sauiaur,  dont 
Mornay  fut  expulsé  adroitement.  Ou 
lui  promit  bien  de  ne  pas  abuser 
de  la  nécessite  qui  le  forçait  d'abau- 


20O  MOR 

donner  son  poste,  parce  qu'il  fallait 
lop;ei'  le  roi  dans  le  château,  et  l'on 
s'cnp;;!p;ca  de  le  lui  remettre  incessam- 
ment: mais  on  retarda  inclpTininicnt 
le  ferme;  et  sans  égard  à  la  parole 
royale,  on  déclara  enfin  à  Mornnv, 
qu'on  ne  lui  rendrait  point  son  goii- 
■\crnement.  La  résistance  opiniâtre 
des  huguenots  causait  cette  sévérité 
de   la  cour  contre  tous  ceux  de  la 
religion  reformée.  On  offrit  cepen- 
dant à  Mornayune  indcïnnite';  mais 
il  rejctta  toute  proposition,  et  récla- 
ma fortement  aupiès de  Louis  XIII : 
tout  fut  inutile;  il  vit  bientôt  qu^il 
fallait   renoncera   Saumur  (  i),  et , 
après  aA'oir  refusé  cent  mille  écus  et 
un  état  de  maréclial  de  France,  il 
se  vit  obligé  de  se  contenter  de  cent 
mille  livres  pour  tous  ses  droits.  Il 
mourut  peu  de  temps  après,  le    ii 
de  novembre   1623,  dans  sa  baro- 
■iiie  de  ia  Forêt-sur-Sèvre,  en  Poi- 
tou; c'est  là  qu'il  s'était  retiré  dei)uis 
sa  sortie  de  Saumur.  Mornay  jouit, 
pendant  tonte  sa  vie,  d'une  grande 
réputation  en  France,  chez  les  étran- 
j^ers  et  surtout  parmi  les  proleslanis. 
(iOnstamment   attaché  à   Henri  IV 
durant  vingt-cinq  ans .  il  n'est  pas  de 
.services  qu'il  n'ait  rendus  à  ce  ))iin- 
te,  qui  le  reconnaissait  volontiers, 
t^t  disait  de  lui  :   Je  fais  au   besoin 
d'un  escntvire un  capitaine  (u).  En 
effet  ,   tour-à-tonr   ministre ,   géné- 
ral, négociateur,  écrivain,   Mornay 
.s'acquitta  de  tous  ces  emplois  avec 
nu  égal  talent.  Passionnément  atta- 
ché à  sa  religion,  ce  n'est  pas  sans 

(i",  C.'cil  alors  qu'il  adressa  une  lettre  foiirlianle 
au  roi  ,  mais  (|oe  a«i  .-unis  lui  firent  retenir.  li  dcm^iu- 
dait  la  |)erin'»sion  do  sortir  de  France  avec  sa  Ta- 
inille  ,  et  à'eiupcrîer  les  ossements  de  se.s  pères,  et  il 
a)<n)lail  :  Ilsr.  trouveinf>eut-étir  quehjiCmi  qui  ira- 
VKia  Sur  ma  .'.imie  ;  CigU  ifiii ,  âgé  (te  -3  aii>  ,  nprés 
«n  acoir  employé ,  sans  re/iroclù- ,  4G  au  service  île 
a-ii.igran,'s  rois  ,fut  contiaini ,  /joiiravoii  Jiiil  son 
awoir,  de  c/ioi cher  s,m  sèpuUre  hors  de  sa  patrie. 
(»j  0  Autijuc  j  Huu  uuiv   ,  t.  iU  ;liï.  2  .  c,  -i. 


MOR 

raison  qu'on  le  surnommait  le  Pape 
des  Huguenots;  pendant  près  de 
cinquante  ans,  il  fut  le  véritable  chef 
de  la  nouvelle  église  de  France:  le 
parti  eut  quelquefois  à  sa  tète  des 
.seigneurs  plus  pui.s.sants,  les  ducs  de 
Bouillon  et  de  Sully,  par  exemple; 
mais,  pour  la  doctrine,  Moruay  n'en 
resta  pas  moins  l'oracle  des  religion- 
naires  :  il  n'est  pas  de  ministre  si  cé- 
lè])rc  qui  ait  balancé  sa  réputation, 
pajcc  qu'il  était  aussi  savant  (ju'im 
miiiisire  (i),  et  que  ses  nombreux 
CCI if.s  servirent,  autant  que  son  cré- 
dit etsou  pouvoir,  à  l'agrandissement 
et  à  la  considération  de  son  paiti. 
Aucune  vue  d'intérêt  ne  put  altérer 
la  croyance  de  Dupiessis-Mornay  : 
sou  altachemenl  inébranlable  à  ses 
opinions,  la  publicùé  avec  laquelle 
il  les  soutint,  l'arrêta  dans  la  carrière 
brillante  qui  s'ouvrait  devant  lui. 
Pour  sali>faire  sa  conscience,  il  en- 
couriit  la  disgrâce  d'un  roi  qui  lui  • 
avait  les  plus  grandes  obligations, 
mais  que  sa  po.silion  critique  força 
plus  d'une  fois  de  sacrifier  sa  recon- 
naissance à  son  intérêt,  qui  n'était 
que  celui  derÊlal.  Voltaire  a  répété, 
peut-être  asec  une  maligne  complai- 
saiice,les  louanges  prodiguées  a  Mor- 
nay, l'un  des  enjants  de  Calvin  : 

C.^  vertueux  smlieiî  du  parti  de  l'err- iir, 
(>)ni  sigualaul  toiij  jurs.soii  zèle  vl  sa  pi  mleuce  , 
Servit  cg.iicinent  son  Ejjlise  et  la  France  ; 
lieiiseur  des  conrtisans,  ïnais  h  la  cour  aimé, 
Fier  ciiuemi  de  Rome,  et  de  Rouie  estime. 

Et  lorsqu'il  suppose  que  le  génie  de 
la  France  cherche  un  sage  pour  ar- 
racher des  bras  de  la  Ixille  Gabriclle 
Henri  IV^,  à  qui  l'amour  faisait  ou- 
blier ses  devoii's,  c'est  encore  sur 
Mornay  que  tombe  le  choix  de  l'ange 


(1)  Moi-oay  t.ivaille  lit^n,  le  jtpc  ,  riieljrt  11 ,  l'al- 
lemaudj  l'italien,  l'espaguol^  et  ilu'efait  pas  élrau£:er 
aux  sc:ieDte^  ii;>liir''l'e«  .  c|n-jîqne  ses  éludes  •  ii.ssenl 
étepart'tuiièi.^^.  iil  dirigées  vcrsI'bisioiiT-  et  U  l!>e«i!- 


MOPv 

des  Français  (i).  Diiplcssis-Mornay 
n'a  pas  ctc  fjcticralcinent  juge  avec 
la  même  faveur  :  le  savant  Hiiel  (i), 
entre  autres,  a  fortcinenl  atlaquc  sa 
réputation  comme  écrivain.  11  est 
certain  qu'il  n'a  pas  compose  seul 
tous  les  ouvra j;es  pnlilies  sous  son 
nom ,  (le  même  que  celui  de  l'Eu- 
charislie,  comme  nous  l'avons  dit; 
mais  il  y  a  de  l'injuslice  à  ne  voir 
dans  Mornay  qu'un  savant  masque, 
rempli  de  vaiiile  et  de  mauvaise-foi. 
On  peut  croire  qu'un  zèle  episcopal, 
un  peu  trop  ardent,  a  dicté  le  senti- 
ment de  Huet,  qui  tendait  à  rabaisser 
beaucoup  la  vertu  d'un  homme  au- 
quel, de  l'aveu  d'un  aulre  prélat,  on 
ne  pouvait  rien  reprocher^  sinon  qu'il 
était  huguenot  (3).  De  sou  mariage 
avec  Charlolte  Arbalesle  ,  morte  eu 
1607,  Mornay  eut  quatre  enfants  : 
ini  fils  unique,  mort  en  iGoG,  au  ser- 
vice du  prince  d'Orange  ,  et  trois 
filles.  Ses  ouvrages  sont  assez  nom- 
breux :  I.  Traité  de  la  vie  et  de  la 
mort ,  Genève  ,  1 575.  II.  Traité  de 
V Eglise,  1577.  m.  Traité  de  la 
'vérité  de  la  religion  cJuéticjine , 
Anvers,  1 58o,  in-8".  Mornay  tradui- 
sit lui-même  en  lalin  ce  livre,  qui  fut 
généralement  estimé  (4).  IV.  Dis- 
cours •  ur  le  droit  prétendue  par  ceux 
de  la  maison  de  Guise  (5),  i58îi, 
in-8".  C'était  la  réfutation  d'un  mau- 
vais ouvrage,  dans  lequel  on  vou- 
lait établir  que  la  couronne  de  Fran- 
ce appartenait  à  la  maison  de  Lor- 
raine. V.  Traité  de  l'institution  de 
lu  sainte  Eucharistie ,  1 098 ,  in- fol. 
A  I.  Le  Mystère  d'iniquité  ou  His- 


(^i)  Heuriade  ,  ch.  i  et  <j. 

(■}.)  Hueliaim,  ii<'.  S^. 

(i)  Pjréfiic.   fl^d,:  ficnri  If^ ,  iie.  partie. 

(4)  Le  (jlmi  et  les  ai'^uiiicnis  de  cet  ouvr^ige  ont 
Ir  iinjiloys  iiar  Abha.lie  et  «l'imlics  adversaires  tirs 
■  |ii  .l.>-ioilf  et  ùisiior.\rMiix  pbil'is^ipi.cs. 


MOU 


201 


toire  de  la  papauté,  1C07,  in-4". 
C'est  dans  ce  livre  ,  que  l'auteur  pré- 
tend prouver  que  Paid  v  était  l'aiitc- 
clirist.  VII.  Mémoires  de  Philippe 
de  Mornay  ,  contenant  divers  dis- 
cours ,  instructions,  etc.,  4  ^ol.  in- 
4°.  Ces  quatre  volumes  ont  été  im- 
primés séparément  :  le  premier  à  la 
Forctsur-Scvre,  en  i6u4  ,  mais  sans 
nom  de  lieu  ni  d'imprimeur;  le  se- 
cond au  même  lieu  ,  en  i6'^5  , 
avec  désignation;  les  deux  derniers 
à  Lcyde,  chez  les  Elzevirs,  en  i65i 
et  lÔS'î.  On  trouve  rarement  réunis 
ces  quatre  volumes ,  dont  les  deux 
premiers  contiennent  les  pièces  re- 
latives à  ce  qui  s'est  passé  depuis 
1572  jusqu'en  «Sgg,  et  les  deux 
autres  continuent  jusqu'en  i623.  Ces 
Mémoires  sont  intéressants  et  esti- 
més. VIII.  Des  Lettres  publiées  ,  en 
1624,  par  Jean  Daillé,  célèbre  mi- 
nistre protestant,  qui  avait  été  pen- 
dant plusieurs  années  précepteur  des 
petits-Iils  de  Mornay.  Il  était  resté 
beaucoup  d'autres  lettres  manuscri- 
tes de  Duplessis,  au  château  de  la 
Forêt-sur-Sèvre  ,  ainsi  que  les  ori- 
ginaux des  Mémoires  dont  on  n'a- 
vait donné,  in-4°. ,  qu'une  étiitioii 
tronquée.  Le  propriétaire  actuel  do 
ce  château  vient  d'en  ordonner  la 
jîublicalion:  cette  première  édition 
complète  des  ?Iémoires ,  Corres- 
pondance et  Fie  de  Mornay  ,  pu- 
bliée par  M.  A.  D.  de  la  Fontenclle, 
est  sous  presse,  et  doit  foriner  r?. 
vol.  in-8'^. ,  contenant  près  de  4^0 
pièces  ,  pour  servir  de  suite  à  l'an- 
cienne ou  à  la  ncuvcllc  collection  des 
IMémoires  sur  l'Histoire  de  France. 
RIornay  avait  cultivé  la  poésie  dans 
sa  jeunesse,  et  avait  même  composé, 
sur  la  guerre  civile,  un  petit  poè- 
me, qui  est  perdu.  Une  Histoire  de 
son  t'-mps  ,  commencée  en  i57<>, 
éprouva  le  même  sort,  en  1^7 3., 


'209. 


BIOR 


(Irins  une  traversée  d'Angleterre  en 
Flandre.  Enfin,  Huçj.  Gruliiis  a  al- 
tri])ne'  à  Dnplcssis-Mornay  un  trai- 
té de  Monarchid  ;  mais  Bossiiet 
]irctcnd  qu'il  est  d'un  autre  protes- 
tant ,  et  que  Mornay  n'en  fut  que  l'é- 
diteur. Il  n'en  est  fait  aucune  men- 
tion dans  la  vie  lone;ue  et  dcijailléc 
de  IMornay:  cette  Fie,  Leyde,  \(')'\'], 
in-4''.  ,fut  composée  par  David  de 
Liques ,  flamand  ,  et  par  les  deux 
secrétaires  de  Mornay  ,  Meslai  et 
Chalopin,  Valenlin  Gonrart  est  au- 
ïeur  de  l'cpitre  dédicatoire.  Daillé 
s'en  occupa  pareillement  ;  et  l'on  y 
a  joint  un  petit  morceau  de  ce  mi- 
nistre :  Les  dernières  heures  de  M. 
Jjitplessis.  Celle  pièce,  ainsi  que  le 
testament  et  le  codicile  de  Mornay, 
avaient  été  imprimés  séparément,  en 
î  Giî/'i .  La  Vie  est  un  panégyrique  mal 
c:rit,  mais  composé  sur  de  bons  maté- 
riaux. Ily  a  encore  une  Vicde  Duplcs- 
sis-Mornay,  dans  les  Fies  de  plu- 
sieurs anciens  seis^neiirs  de  la  maison 
de  fflomay,  parR.de  IMornay  de  la 
Yilletertre,  1G89,  in-4^.  L'auteur 
annonce  que  son  ouvrage  sera  l'an- 
tidote de  la  première  Viede  Duples- 
sis;  et  cependant  il  n'a  fait  que  l'a- 
Lréger  avec  de  légers  cliangemeuts  , 
et  quelques  réflexions  mal  placées. 
IMais  l'auteur  était  catholique ,  com- 
me Mornay  était  huguenot;  et  il 
écrivait  ([uatre  ans  après  la  réyoca- 
lion  de  l'édit  de  Nantes.  Un  Eloge 
de  Duplessis-Mornay  ,  par  M.  Henri 
Duval ,  couronné  par  l'athénée  de 
Niort,  a  été  inséré  dans  le  recueil 
de  celle  société ,  et  imprimé  à  part 
ï8oQ  ,  in-S».  D — is. 

MOllO  (Christophe),  doge  de 
Venise,  fut  nommé,  le  i  i  mai  1  \Ç>'a  , 
pour  remplacer  sur  le  trône  ducal 
Tasqual  Malipieri.  Son  administra- 
tion, d'abord  prospère  ,  fut  mar- 
quée par  la  perte  de  Négrepont  ou 


MOR 

l'ilc  d'Eubéc,dont  Mahomet  II  prii 
d'assaut  la  capitale,  le  lu  juillet 
1/170.  On  accuse  Christophe  Moro 
d'avoir  clé  hypocrite,  vindicatif, 
perfide  et  avare.  Il  mourut  le  9  no- 
vendirc  \^']i.  Nicolas  ïrono  lui 
succéda.  S.  S — i. 

MORO  ou  MOOR  (Antoine), 
peintre  ,  né  à  Uîrecht  en  i5i2  ,  fut 
élève  de  Jean  Schoorécl.  Devenu  très- 
habile  ,  surtout  dans  le  genre  du  por- 
trait ,  il  vit  la  fortune  seconder  ses 
talents.  Nommé,  par  la  protection 
du  cardinal  de  Granvelle,  peintre  de 
l'empereur  Charles-Q'int,  il  fut  en- 
voyé par  ce  jirince  en  Portugal  et  en 
Angleterre ,  pour  y  faire  les  portraits 
de  plusieurs  princes.  Ayant  complè- 
tement réussi ,  il  revint  en  Espagne 
chargé  d'or  et  de  riches  présents;  et 
il  reçut  d'un  de  ces  princes  un  or- 
dre de  chevalerie.  Comblé  des  bon- 
tés de  Philippe  II ,  successeur  de 
Charles-Quint ,  vivant  même  avec 
lui  dans  une  grande  familiarité , 
une  indiscrétion  lui  fit  perdre  tous 
ces  avantages.  S'étaiit  permis, unjonr 
que  le  roi  lui  avait  donné  un  petit 
coup  sur  l'épaule  en  badinant ,  de 
riposter  avec  son  appui-main,  il  S(î 
vit  obligé,  dans  un  pays  où  l'éti- 
quette est  très-rigoureuse,  de  s'éloi- 
gner, et  de  retourner  dans  les  Pays- 
Bas,  où  le  duc  d'Albe,  qui  en  était 
gouverneur ,  le  condda  de  bienfaits  , 
lui  et  toute  sa  famille,  pour  laquelle 
il  obtint  des  places  et  des  canoui- 
cats.  Si  Moro  s'est  l'endu  célèbre 
par  ses  portraits,  il  a  peint  aussi 
des  sujets  d'histoire  fort  estimés , 
entre  autres ,  luie  Résurrection , 
qu'on  voyait  au  Musée  du  Louvre  il 
y  a  quelques  années ;vuiiSûi«tPi<?/ve 
et  un  Saint  Paul,  qui  ctaientdans  la 
collection  du  prince  de  Conti  ;  il  y 
avait  aussi  deux  beaux  portraits  de 
ce  peintre  dans  la  collection  du  duc 


Mon 

d'Orlc'ans, cnlrc  autres^ celui  (hCro- 
tiiis.  Le  Miisce  3'oy;il  possideaujour- 
d'Iiui  trois  beaux  portraits  pa  r  Moro: 
l'iiii  repiescLitaiii  un  liomiru' vcliide 
rouge,  coide  d'une  tuq:".e  urnc'e  de 
plaines;  un  autre  ,  vctu  de  noir,  la 
tète  nue,  la  main  posée  sur  une  ta 
b!e;  et  un  troisième,  aussi  a'cIu  de 
noir,  avec  une  toque,  et  tcnanl  des 
gants.  La  louche  de  cet  artiste  est 
vigoureuse  et  ferme  ,  son  coloris 
{l'une  grande  vc'riic,  et  l'imitatiini 
de  la  nature  parfaite.  IMoro  termina 
sa  carricic  à  Anvcîsen  i5G8.  P — c. 

MOKOGUES  (  SÉBASTŒN-FuArV- 

çôis  CfGOT,  vicomte  de),  liciiteuaiit- 
ge'nc'ral  des  arme'cs  navales,  corres- 
pondant de  l'acaderaicdcs  sciences  et 
honoraire  de  celle  de  marine ,  naquit 
au  Havre,  en  i  -03  (  i  ).  Son  père,  qui 
ciait  intendant  de  la  njarine,  à  Bicst, 
le  destina  de  bonne  heure  au  service; 
vi,  en  i723,lefdsentra,commeofri- 
cier,  dans  le  régiment  Boyal  artil- 
lerie, où  il  servit  environ  treize  ans. 
Au  mois  de  septembre  173G,  il  quit- 
ta le  service  de  terre  pour  celui  de 
la  marine  ,  et  fut  nomme  lieutenant 
d'artillerie,  deux  ans  après,  il  ser- 
vait en  cette  qualité,  sur  !e  vaisseau 
le  Bourbon,  lors  du  naufrage  de  ce 
bâtiment  à  la  IMarlinique,  au  n;ois 
d'avril  1 74 1 .  Eu  1 7^6,  il  fui  fait  ca- 
pitaine, et  chevalier  de  Saint-Louis. 
Déjà  il  avait  fixe  l'attention,  par  un 
±.ssai  sur  V application  de  la  théo- 
rie des  forces  centrales,  aux  ef- 
fets de  la  poudre  à  canon ,  Paris  , 
1737,  in-S**.  Cet  ouvrage,  qiii  a  élc 
traduit  en  allemand  (  iNuremberg  , 
1766,10-8».),  était  dédié  à  M.  de 
Maurepas,  qui  avait  alors  le  porte- 
feuille de  la  marine;  et  il  récompensa 
l'auteur,  en  le  nommant  commissai- 


(1}  Roairr,  dans  les  Tables  de  Vacadéiuie  des  scieii- 
cesj  dit  tiu'U  uaquit  j  brtsl,  Ik  5  avril  ijoj. 


rc-géuéral  d'arlilleiic.  En  17-^9, 
Murogues  commandait  le  Magni- 
fique, dans  l'escadre  du  maréchal  de 
(iOidlans:  à  la  fatale  joui-uéc  du  'xu 
jiovcruhre,  il  corn!  allil  seul  conirc 
trois  vaisseaux  ang'ais ,  pendant  près 
d'une  heure,  parvint  à  s'en  faire 
abandonner ,  et  il  ramena  le  Ma- 
g^nijique  à  l'île  d'Aix.  Il  fut  nommé 
chef  d'escadre,  en  récompense  de  sa 
belle  conduite  ;  en  1767,  inspecteur- 
général  d'artdlerie*  et  lieutenant-gé- 
néral ,  eui77i.  Il  conçut  le  désir 
d'arriver  au  ministère,  et  il  était  sur 
le  point  de  réussir,  lorsqu'une  iaitri- 
gue  de  cour  vint  renverser  ses  pro- 
jets. Il  fut  disgracié,  et  exilé  àVillé- 
Fa ver,  près  d'Oiléans,où  il  mou- 
rut en  i78i.Ona  de  lui  plusieurs 
Mémoires  relatifs  à  la  marine  et 
à  l'histoire  naturelle ,  insérés  dans 
le  recueil  de  l'académie  des  scien- 
ces. Il  est  auteur  d'un  ou^  rage  sur  la 
tactique  navale ,  intitulé  :  Traité  des 
évolutions  et  des  signaux,  i  764,  in- 
4". ,  que  les  marins  consultent  avec 
fruit,  malgré  l'excellent  ouvrage  de 
BourdédeViilehuet,  sur  le  même  su- 
jet (  I  ).  Nous  citerons  encore  ce  lui  : 
\.  Mémoire  sur  la  cormption  de  l'air 
dansles  vaisseaux,  et  sur  le  s  moyens 
d\y  remédier  (  Acad.  des  se,  savants 
étrangers,  i ,  394).  II.  Sur  un  ani- 
mal aquatique  d'une  forme  singu- 
lière (ibid. ,  II,  145  ).  Le  port  de 
Brest  possède  une  collection  de  mo- 
dè'es  relatifs  à  l'artillerie  ctauxcons-; 
tructions  naA  aies .  qui  prouve  (pic 
Morogues  réunissait  des  connaissau- 


(1,1  C'rsl  p:ir  trieur  qiu-  la  Bilniographle  histcii- 
<jue  de  la  Frai:ce ,  m  ,  \o.  351-7,  altribne  au  vi. 
cuinie  de  M'irugues,  l'Kssat  lU  lactique  siT  l'itijiin- 
/e;ie  ,  Amslerdam,  l'fil,  deilx  volumes  in-^o.  Cet 
ouvraj;e  esl  tio  Jacqiies-Adricii-Uaac  Bigot ,  seigiifU'^ 
de  Villaudry  et  de  Morogues,  cousin  issu  de  j;ri 
main  'iu  v:coai'c.  Jacques -Adri:-ii-I«aac  ,  dont  le  |.i— 
re  ovail  quillf  la  France  |.our  cause  de  religion  jrji.; 
Louis  XIV,  elait  ne  à  U'recbt  en  1709.  et  d.\ii;t 
gênerai-major  de  la  cavalerie  de  ]ï  r"l'u!)lic)i'.i!  Ca. 
Uuliaude.  A    li — r. 


9.0  [  MGR 

ces   lies  -  e'tanducs  dans  ces    deux 
parties.  H — Q — n. 

MORONE  (  PiçRRE  ).  F.  Geles- 

TIN  V. 

MORONE  (  Je'rome  ) ,  chancelier 
des  derniers  ducs  de  Milan  ,  et  l'un 
des  plus  liabiles  négociateurs  de  son 
temps  ,  e'tait  ne'  vers  l'année  i45o  : 
il  entra  de  bonne  heure  au  serA'icc 
des  ducs  de  Milan ,  de  la  maison 
Sforza,  ses  souverains:  il  s'était  formé 
à  l'école  de  Louis  le  Maure  ,  le  plus 
dissimulé  parmi  les  princes  d'Italie; 
et  il  avait  manifesté  sous  lui  de  rares 
talents  pour  la  négociation  et  pour 
l'intrigue.  Après  la  chute  de  ce  duc, 
Morone  s'attacha  aux  princes  ses 
fils  :  il  fut  nommé  vicc-chanceher  de 
Maximilien  Sforza,  lorsque  celui-ci 
fut  rétabli,  en  i5  12  ,  dans  le  duché 
de  Milan  ;  et  il  gouverna  l'état  au 
nom  de  ce  prince  presqu'imbécille. 
Cependant,  après  la  défaite  des  Suisses 
à  Marignan  ,  et  lorsque  le  duché  de 
Milan  était  déjà  reconquis  par  les 
Français,  Morone  engagea  Maximi- 
lien Sforza  à  signer,  le5octobrei  5  ij, 
une  capitulation  par  laquelle  il  ou- 
vrait aux  Français  le  château  de  Mi- 
lan ,  qu'il  aurait  pu  défendre  très- 
long-temps  encore,  et  il  se  rendait 
prisonnier  en  France.  Ayant  don- 
né à  son  maître  ce  lâche  conseil, 
Morone  le  quitta  pour  venir  joindre 
à  Trente  ,  François  Marie  Sforza  , 
second  fils  de  Louis  le  Maure ,  en 
qui  il  comptait  trouver  plus  de  réso- 
lution et  de  talents.  Morone  ,  après 
avoir  épié  long-temps  l'occasion  fa- 
vorable ,  réussit  à  engager  Charles 
Quint  et  Léon  X  à  s'allier,  en  loi  i , 
pour  chasser  les  Français  d'Italie , 
et  rétablir  François -]\Iarie  Sforza 
dans  le  duché  de  j\Iilan.  Celte  ville 
ouvrit  en  effet  ses  portes  ,  le  20  no- 
vembre 1321  ,  à  Prosper  Colonne  ; 
et  Morone  en  prit  possession  au  nom 


MOR 

du  duc  son  maître.  Il  excita  le  zèle 
des  Milanais  ,  et  leur  haine  contre  la 
France  par  tous  les  moyens  imagi- 
nables :  il  fit  prêcher  contre  les  Fran- 
çais dans  toutes  les  chaires  ;  et  il 
obtint  assez  d'argent  de  ses  compa- 
triotes pour  pouvoir  poursuivre  ses 
premiers  succès.  Cependant  Morone 
et  son  maître  ne  retiraient  presque 
aucun  avantage  des  victoires  de  leurs 
alliés  :  plus  Charles-Quint  avait  de 
succès  contre  François  P^  ,  pKis  il 
apesantissait  le  joug  sur  les  sujets  de 
Sforza,  que  ses  troupes  espagnoles 
et  allemandes  traitaient  avec  la  plus 
extrême  dureté.  Enfin  Morone  ,  lors- 
que François  I'^'".  fut  fait  prisonnier 
à  Pavie ,  voulut  secouer  le  joug  in- 
supportable des  Impériaux  :  il  pro- 
posa aux  \  éniliens  et  au  pape  de 
s'unir  à  la  France  ,  ainsi  que  le  duc 
de  Milan.  Il  voulut  aussi  gagner  Pes- 
caire  ,  général  de  l'empereur  ,  et  il 
lui  offrit  pour  récompense  de  leren-  '• 
dre  maître  du  royaume  de  !V,ipIes  j 
mais  Pescaire ,  après  avoir  pai  u  en- 
trer dans  tous  ces  projets,  fit  arrêter 
Morone  en  1 523.  Il  l'envoya  dans  les 
cachots  de  Pavie ,  et  il  dépouilla  le 
ducde  Milande  tousses  états.  Le  con- 
nétable de  Bourbon,  qui  fut  chargé 
par  Charles-Quint  de  commander  en 
Italie  ,  se  trouvant  sans  argent  pour 
entretenir  son  armée  ,  offrit  à  quel- 
ques prisonniersd'éiat  de  les  relâcher 
moyennant  une  rançon.  Morone  fut 
du  nombre,  et  recouvra  saliberté  pour 
vingt  mille  florins.  Ce  vieillard  insi- 
nuant et  adroit  réussit  bientôt  à  ga- 
gner toute  la  confiance  du  général  qui 
l'avait  tenu  en  captivité.  Il  fut  le  se- 
crétaire et  le  premier  conseiller  du 
connétable  de  Bourbon  :  il  l'accom- 
pagna dans  son  expédition  de  Ro- 
me ,  qu'il  paraît  lui  avoir  suggérée  ; 
et  lorsque  Bourbon  fut  tué  au  pittl 
des  murs  de  celte  ville,  Morone  était 


MOR 

devenu  tellement  preciciix  Jirarniéc, 
qu'il  y  conserva  le  rang  (juc  Uonibon 
lui  avait  procure.  Morone  fut  égale- 
ment sccielaire  et  confident  de  Phi- 
libert, prince  d'Orange,  que  les  sol- 
dats avaient  choisi  pour  leur  chef; 
et  il  fut  un  des  principaux  medialeurs 
du  traite  qui  rendit  la  liberté  à  Clé- 
ment Ylï  ,  le  3i  «ctobre  iHi"].  En 
récompense  de  ce  bon  odlce,  le  pa- 
pe nomma  Jean  Morone,  fils  de  Jé- 
rôme, à  l'cvêché  de  Modène  :  ce  pré- 
lat fut  ensuite  cardinal.  Morone  fut 
créé,  en  i  r^B  ,  duc  de  Bu\ino, 
dans  le  royaume  de  Naples:  il  mou- 
rut subitement,  en  lôag,  au  siège 
de  Florence  ;  il  était  alors  âgé  de 
quatre-vingts  ans.  S.S-i. 

MOROSINI  (  Dominique  ),  doge 
de  Venise,  succéda,  en  1148,  à 
Pierre  Polano.  Sou  règne  fut  signalé 
par  la  conquête  de  Gorfou,  en  1 149. 
1/  innée  suivante  ,  ce  doge  soumit 
Pola,  et  plusieurs  villes  d'Istrie , 
qui  s'étaient  révoltées;  il  jnourut  en 
1 156.  Vital  Micheli  II  lui  succéda. 
—  Michel  MoaosiM  n'occupa  que 
quelques  mois  le  trône  ducal  de  \  e- 
uise  ;  il  avait  succédé,  le  10  juin 
i38'2,à  André  Contarini  ;  il  mou- 
rut le  1 5  oetobre  de  la  même  année , 
et  il  eut  pour  successeur  Antoine 
Venieri.  S.  S — i. 

MOUOSINI  (  André  ) ,  historien, 
de  la  même  famille  que  les  précé- 
dents, naquit  à  \enise,  en  i558. 
Les  subtilités  de  la  scolaslique  sé- 
duisirent sa  jeunesse;  mais  le  dégoût 
suivit  de  près  l'ardeur  qu'elles  lui 
avaient  inspirée,  et  il  alla  étudier 
la  philosophie  à  Padouc.  Les  belles- 
lettres  et  le  droit  remplissaient  les 
loisirs  que  lui  laissait  souétude  prin- 
cipale. La  peste  le  força  de  quitter 
Padoue,  en  1576,  après  un  séjour 
de  trois  ans.  En  i583,  il  fut  fait 
Sage  des  ordres,  tvtrc  qui  était, 


M  OR 


20:» 


pour  la  noblesse  vénitienne,  l'ini- 
tiation aux  charges  publiques.  Eu 
i:k)3,  il  fut  du  nondjre  des  trois 
avocats -généraux;  deux  ans  après 
il  fut  élu  Saf^e  de  terre-ferme  ^  et 
rappelé  dix  fois  aux  m'èraes  fonc- 
tions. On  l'avait  proclamé  Saga 
grand,  en  iGn^t;  il  fit  partie  du 
conseil  des  Dix  pendant  trois  ses- 
sions ,  et  fut  nommé  trois  fois  réfor- 
mateur de  l'université  de  Padoue.  Il 
s'en  fallut  peu  qu'il  ne  réunît  les  suf- 
frages pour  succéder  au  doge  Jean 
Beinbo.  Le  sénat  le  choisit  pour  con- 
tinuer les  annales  de  la  république , 
qu'avait  commencées Parula  ;  et  cette 
tâche  ,  poui'suivie  avec  persévérance 
sous  le  fardeau  des  alFaircs,  devint 
son  plus  beau  titre  d'illustration. 
Scrupuleusement  ménager  de  ses 
heures,  Morosini  ne  se  permettait 
d'autre  délassement  que  la  conversa- 
tion des  gens  de  lettres  qu'il  rassem- 
blait dans  son  palais.  Les  afFcctions 
de  faindle  lui  parurent  des  chaînes 
incompatibles  avec  son  existence  la- 
borieuse :  aussi  raourut-il  sans  aA'oir 
été  marié,  le  iC)  juin  1618.  Le  temps 
lui  manqua  pour  mettre  la.  dernière 
main  à  son  histoire.  Admirateur 
du  style  de  Berabo  ,  et  aspirant  à  uu 
succès  européen,  il  avait  préféré, 
pour  la  composition  de  son  ouvrage, 
la  langue  latine  à  sa  langue  mater- 
nelle. Paruta ,  qui  avait  pensé  au 
contraire  que  tout  devait  être  natio- 
nal dans  une  histoire  de  Venise,  avait 
écrit  en  italien  la  sienne ,  qu'il 
conduisit  jusqu'aux  événements  de 
i55i  :  Morosini,  voulant  présenter 
un  ensemble  de  faits  complet  et  in- 
dépendant du  travail  de  sou  pré- 
décesseur,  remonta  à  l'an  i5ir, 
et  ne  s'arrêta  qu'à  irti5.  Son  his- 
toire, divisée  en  18  livres ,  ne  fut 
pijjliée  qu'eu  iGii3,  in  fol. ,  par  les 
soùis  de  Paul  Morosiui,  son  frère. 


aoG  MOR 

Son  dessein,  si  sa  vie  se  fût  prolon- 
gée davantage,  cf.ii;  de  reprendre 
celte  histoire  de  plus  liant,  et  nièiiie 
delà  ponsser  jiistpi'à  l'origijic  'le  Ve- 
nise. Eile  ciU  un  [)lcin  succès  ;  on 
rcniiit  hum!nap;c  à  l'eKactitude  de 
l'autour,  et  à  i'ele:;anre  de  son  style. 
IMais  il  ne  lut  pas  s^oûlé  à  Rome;  il 
avait  rapporte  trop  libreînent  le  dif- 
férend de  Paul  V  avec  la  république. 
L'ouvrage  de  i^îorosiiiia  éléréimpri- 
inédans  lellccuei!  des  historiens  de 
Venise,  1719,  in-4''.,  dont  il  occu- 
pe les  tomes  5,  6  et  7.  Le  sénateur 
Jérôme  -  Ascague  ?.Iûlino  traduisit 
cclto  Histoire  en  italien,  Venise, 
l'jSi.  On  doit  encore  1  ?»Toiosini  : 
I.  Opusciiloi um  et  ejù stalaritm  pars 
prima,  \enise,  1 6ci5,  ii!-S".  Cette 
première  partie  est  la'seule  qui  ait 
paru  :  elle  renferme,  entre  autres 
morceaux,  une  Vie  de  saint  Tho- 
mas d'Aquin ,  les  éloges  du  doge 
Jjembo,  de  Giorgi ,  procurateur  de 
Saint-7vïarc ,  de  Valiero  ,  baile  de  la 
république  a  Constantinopie,  et  un 
dialogue  où  l'auteur  examine  s'il  est 
permis,  par  la  loi  de  nature,  de  se 
nourrir  de  la  chair  des  animaux ,  et 
pourquoi  elle  interdit  à  l'homme  d'ê- 
tre antropopliagc.  II.  L'Imprese  ed 
espeditioni  di  Terra  Saiit'a,  e  l'ac- 
quisto  fatlo  delV  unperio  di  Constan^ 
tinopoli  dalla  republica  di  Venctiaj 
Venise,  iGi^  ,  in-4°.  C'est  le  récit , 
divisé  en  deux  parties,  des  armements 
des  Vénitiens  pour  la  conquête  et  la 
défense  des  Lieux  saints ,  et  de  l'occu- 
pation de  l'empire  de  Constantino- 
ple  par  leurs  forces  combinées  avec 
celles  des  Français.  III.  Leonardi 
Donali ,  Venelianim  principis  ,m- 
ta  ,  Venise,  1628,  in-A".  IV.  Corsi 
di  penna  sopra  l'isola  délia  Cefa- 
Zo7u"« ,  ibid. ,  1628,  in-4°.   F — x. 

MOROSINI  (Fr.A^çoIs),  l'un  des 
plus  grands  capitaines  de  son  siècle, 


MOR 

était  né  à  Venise,  en  1C18,  d'une 
famille  patricienne.  Il  embrassa  jeu- 
ne la  profession  des  armes,  et  se  bi- 
gjiala  ,  dès  l'âge  de  ^ingt  ans  ,  à  la 
poursuite  des  pirates  qui  infestaient 
l'Archipel.  Il  se  distingua,  eu  iG4^ 
à  l'attaque  d'une  (lottille  chargée  dii 
munitions  pour  la  Canée;  et  ayant 
obtenu  le  commandement  d'ujie  g.i- 
lère,  il  donna  ia  chasse  aux  Turcs, 
et  leur  détruisit  un  grand  nombre  de 
vaisseaux.  Il  força,  on  iG48,  la  fli.t- 
te  oîlomanode  s'éloigner  de  Candie, 
et  fut  nommé,  en  récompense  de  ce 
sei-\'ice,  général  des  galères  de  la  ré- 
publique. Il  contribua  beaucoup,  p;;r 
l'habileté  de  ses  manœuvres ,  à  la. 
victoire  que  les  Vénitiens  rempor- 
tèrciit ,  en  1  G5o ,  sur  les  Turcs  ,  pi  es 
de  l'île  de  Naxos.  La  gloire  dont  il 
se  couvritdanscclte  me'jnorable  jour- 
née, lui  mérita  le  liîre  de  comman- 
dajit  en  chef  de  la  Halte  vénitienne. 
T!  s'empara,  la  même  année,  d  nue, 
(lotte  turque,  chargée  de  vivres  et 
de  munitions  de  guerre.  En  iGj4  5  '1 
descendit  dans  l'ile  d'Egiue,  y  sur- 
prit treize  vaisseaux  ennemis,  et, 
poursuivant  sa  route,  enleva  dillé- 
rentes  A'illes  sur  la  côte  de  IMoroe. 
Il  revint  l'année  suivante  à  l'ile  d'E- 
gine  ,  et  en  détruisit  toutes  les  for- 
tifications. Nommé,  en  ]656,  gou- 
verneur de  Candie ,  il  dispersa  la 
flotte  turque  qui  en  bloquait  le  porî , 
et  l'obligea  d'abandonner  l'Archipel, 
Cependant  le  grand -visir  Koproli , 
honteux  de  la  longue  suite  de  revers 
qu'avait  essuyés  le  Croissant,  sortit 
de  Conslantinopie  avec  une  floltc 
nombreuse,  et,  ayant  attaque  à  l'im- 
proviste  celle  des  Vénitiens,  com- 
mandée par  Mocenigo.  la  battit  com- 
plètement. ?iIocenigo  perdit  la  vie 
dans  le  combat  ;  et  Morosini  lui  suc- 
céda comme  généralissime.  Il  prit, 
eu  iG58,  rîie  de  Charcie ,  et  il  se 


MOR 

disposait  à  suivre  le  cours  de  ses 
couquêtes;  mais  sa  flotte  ayant  es- 
suyé une  tempête  qui  détruisit  ou 
dispersa  la  j)lus  -grande  partie  de  ses 
vaisseaux.,  il  se  contenta  de  donner 
la  chasse  aux  Turcs,  sur  lesquels  il 
remporta  plusieurs  avantages.  11  ten- 
ta vainement, en  lOGo,  de  s'emparer 
de  la  Canec;  les  troupes  qu'il  avait 
débarquées  pour  marcher  contre 
celte  place,  tandis  qu'il  l'attaquerait 
par  mer,  lurent  enveloppées  et  mises 
en  fuite ,  avant  qu'il  put  prendre  une 
position.  Il  accusa  de  ce  revers  le 
jirovcditeur  Ant.  Barbaro,  et  le  tra- 
duisit devant  un  conseil,  qui  le  con- 
damna à  perdre  la  tète.  Barbaro  ap- 
pela de  ce  jugement  à  Venise,  où  il 
fut  absous;  et  ftîorosini,  à  qui  on 
pouvait  reprocher  un  excès  de  sévé- 
rité, fut  rappelé  en  iGGi.  Le  grand- 
visir  Koproli  s'étant  rendu  en  j)cr- 
sonne  an  siège  de  Candie  (  Z''.  Ko- 
proli, XXII,  543),  Morosiiii  fut 
renvoyé,  en  16G7,  pour  défendre 
cette  place  regardée  comme  un  des 
plus  fermes  boulevards  de  la  chré- 
tienté. Ce  siège,  l'un  des  plus  mémo- 
rables dont  l'histoire  fasse  mention, 
a  été  comparé  à  celui  de  Troie  par 
les  Grecs.  Pendant  vingt-huit  mois 
que  jMorosini  retarda  la  prisede  Can- 
die ,  il  fit  tout  ce  qu'on  pouvait  at- 
tendre de  son  habileté ,  de  sa  pru- 
dence et  de  sa  valeur.  Le  récit  des 
exploits  de  cet  illustre  guerrier  frap- 
pait toute  l'Europe  d'admiration.  A 
deuxdiverses  reprises,  l'élite  des  gen- 
tilshommes français  courut  partager 
ses  dangers  {F.  La  Feuillade  , 
XIV ,  /pG ,  et  Beaxjfort  ,  III,  626)  ; 
mais  ce  noble  exemple  ne  trouva 
pas  d'imitateurs.  Une  blessure  que 
reçut  ]\Iorosini,  ne  ralentit  point  son 
ardeur:  abandonné  de  ses  alliés  et 
réduit  à  ses  seules  forces,  diminuées 
par  la  pcslc  et  par  le  fer  de  l'ennemi; 


]MOR 


207 


il  soutint  un  assaut  général,  ■et  par- 
vint à  repousser  les  Turcs,  déjà  maî- 
tres d'une  partie  des  murailles  ;  en- 
fin il  fallut  capitulei',  pour  sauver 
les  restes  de  la  population.  Le  grand- 
visir,  plein  d'estime  pour  Morosini, 
lui  accorda  les  conditions  les  plus 
honorables;  il  fil  même  présent  à  la 
garnison  de  quatre  pièces  de  bronze, 
en  sus  de  cent  quarante  qu'elle  avait 
le  droit  d'emmener.  De  l'aveu  des 
Turcs  ,  ils  avaient  perdu  devant 
Candie  'ioo,ooo  hommes  et  les  Vé- 
nitiens 3o,ono  (  F.  ï Histoire  de 
Feiiise ,  par  M.  Daru  ,  liv.  xxxiii  ), 
Morosini  partit  de  Candie  le  '27  sep- 
tembre 1GG9,  avec  ({uinze  bàlimenls 
et  une  quarantaine  de  chaloupes,  qui 
suiTirent  pour  transporter  les  faibles 
resîes  de  la  garnison  et  les  infortunés 
habitants  de  Candie,  avec  leurs  biens 
et  touslesobjetsducu'te.  Arrivé  àVe- 
nisc,  il  fut  dénoncé  dans  le  grand  con- 
seil, pour  avoir  traité  avec  Koproli, 
sans  l'autorisation  du  sénat.  Le  héros 
fut  obligé  de  se  constituer  prisonnier; 
et  le  peuple,  à  qui  on  le  représentait 
comme  un  traître,  s'assembla  en  tu- 
multe, pour  demander  sa  tète.  Mais 
une  voix  éloquente  (  F.  Sagredo  ) 
s'éleva  en  faveur  de  Morosini;  et  il 
fut  maintenu  dans  la  dignité  de  pro- 
curateur de  Saint-Marc,  qui  lui  avait 
été  conférée  pendant  son  absence , 
et  dont  les  envieux  de  sa  gloire  vou- 
laient le  dépouiller.  La  guerre  avant 
recommencé,  en  1G84  1 1^  généralis- 
sime mit  à  la  voile  au  mois  de  juillet, 
vint  assiéger  Sainte-Maure,  et  s'en 
empara  an  bout  de  seize  jours;  il  dé- 
barqua ensuite  dans  la  presqu'île  du 
Péloponnèse,  et  s'en  rendit  maître 
dans  deux  campagnes.  Pour  assurer 
celte  conquête  importante,  il  porta 
la  guerre  dans  les  provinces  voisines, 
qu'il  ravagea.  Pendant  qu'il  faisait  le 
siège  d'Athènes ,  une  bombe  tomba 


208 


MOR 


sur  le  Parthénon ,  dont  les  Turcs 
avaient  fait  un  magasin  à  poudre , 
et  dévasta  ce  temple,  l'un  des  chefs- 
d'œuvre  de  l'architecture  grecque. 
Ce  ne  fut  ]>as  le  seul  dégât  que  les 
arts  eurent  alors  à  déplorer;  car, 
après  la  victoire  ,  les  \  énilions  bri- 
sèrent !a  statue  de  Minerve,  par  Phi- 
dias, en  voulant  la  tirer  des  décom- 
bres. Venise,  celte  fois,  se  montra 
reconnaissante  envers  le  grand  hom- 
me dont  les  victoires  répandaient  tant 
d'éclat  sur  ses  arnies  :  son  buste  fut 
placé  dans  une  salle  du  palais,  avec 
cette  inscription  :  A  François  Mo- 
rosini,  le  Péloj)onnésiarjue ,  de  son 
vivant.  Peu  de  temps  après,  en  1688, 
il  succéda  à  Giustiniani,dans  la  place 
de  doge;  et  c'étaifla  voix  du  peuple 
qui  l'avait  désigné  au  choix  du  sénat. 
Morosini,  parveiui  au  comble  des 
honneurs  ,  parut  y  trouver  le  terme 
de  ses  prospérités.  Forcé,  par  l'af- 
faiblissement de  sa  santé,  de  laisser 
à  Cornaro  la  conduite  du  siège  dcNé- 
grepont,  il  revint  à  Venise,  en  1689; 
et,  l'année  suivante,  il  y  reçut ,  des 
mains  du  nonce,  un  casque  et  une 
e'pée.  que  le  pape  Alexandre \  III  lui 
envoyait,  comme  une  marque  parti- 
culière de  son  estime  pour  un  héros 
qui  avait  acquis  tant  de  gloire  en 
combattant  les  ennemis  du  nom  chré- 
tien. Cependant  l'absence  de  Moro- 
sini et  le  besoin  de  ses  talents  se  fai- 
saient sentir  à  l'armée.  Un  décret 
du  sénat  le  nomma ,  pour  la  qua- 
trième fois,  généralissime;  et  il  par- 
tit au  mois  de  mai  lôgS,  condui- 
sant la  flotte  de  la  république  dans 
l'Archipel.  Les  Turcs  se  retirèrent  à 
son  appro(ihe,  et  il  n'eut  aucune  oc- 
casion de  se  signaler.  A  l'entiée  de 
l'hiver,  il  revint  dans  le  port  de  Na- 
j)oli  de  Romanie,  et  y  mourut  épuisé 
de  fatigues,  le  6  janvier  i(394;  ^  l'^- 
ge  de  soixante  -seize  ans.  Son  cerps 


MOR 

fut  rapporte' à  Venise,  et  déposé  dan^ 
un  tombeau  qui  lui  fut  élevé  par  le 
sénat.  La  Fie  de  François  Moro- 
sini a  été  éciite  en  latin,  par  Jean 
Gra/.iaiii,Padoue,  iGf)8,  in-4".  ;  et 
par  Ant.  Ariighi,  ibid.  ,  1749,  iu- 
4".  La  dernièie  est  la  plus  estimée, 
W— s. 
MOROZZO  (  CuAELEs-JosEPn  :, 
savant  prélat  ilalicn  (  i  ),  ué  en  i645, 
à  Monlovi  ,  d'une  ancienne  et  noble 
famille ,  renonça  à  tous  les  avantages 
qu'il  pou\ait  attendre  dans  le  mon- 
de, pour  se  consacrer  uniquement  à 
l'étude ,  et  à  la  pratique  des  vertus 
chrétiennes.  11  prit  l'Iiabit  religieux 
dans  l'ordre  des  Feuillants,  dont  il 
remplit  successivement  les  premiers 
emplois  :  après  avoir  été  abbé  de  la 
Consola,  à  Turin,  il  fut  élevé,  eu 
1693,  à  l'évêchéde  Bobbio,  d'où  il 
passa  ,  en  1O98,  sur  le  siège  de  Sa- 
Itices.  Il  gouverna  son  diocèse  avec 
zèle,  fonda  un  séminaire  pour  les 
jeunes  clercs  ,  et  décora  sa  cathédra- 
le à  ses  frais.  11  mourut  le  i4  mars 
i'j'29,  âgé  de  quatre-vingt-quatre 
ans  ,  laissant  la  réputation  d'un  pré- 
lat pieux  et  instruit.  On  a  de  lui  :  I. 
Cunus  vitœ  spiritualis  ,  Rome  , 
iG'j4  ,  in-S".  Cet  ouviage  a  été  réim- 
primé avec  une  traduction  italienne, 
par  Octave  de  Sainte-Croix,  Turin  , 
iG83,  in-i'i.  IL  Theatnim  chrono- 
lo^icwn  Cartusiensis  ordinis ,  Tu- 
rin ,  1681  ,  in-fol.  Cet  important  ou- 
vrage est  divisé  en  six  parties:  la  1  '^. 
contient  les  préliminaires  généraux; 
la  2*=.  donne  la  série  des  49  supérieurs 
de  l'ordre  (  ou  prieurs  de  la  grande 
Chartreuse  ),  jusqu'à  dom  Inn.  Le 
Masson  :  la  3^.  (  Infulœ  ),  parle  de 
54  prélats  fournis  par  cet  ordre  :  la 


(1)  U  se  nommait  fd  latm  Hlorotius  ;  et  il  ea  c«t 
résulté  que  quelqiirs  biographes  en  ootfait  deux  <  iii- 
Taius  .  T^loiuti  et  .l/or0::o,  auKjueh  ils  atUibu.bt 
\vi  u&me^  ouvrages. 


MOR 

4=.  (  Athenœum  ) ,  confient  la  notice 
ùe'i'ji  écrivains  chartreux  (i),aveo 
lii  liste deleurs  ouvrages  ;  ils  sont  p.ir 
ordre  chronologique,  Jcj)uis  S.  Bru- 
no ,  jusqu'à  dom  Bernard  de  Castro , 
qui  vivait  encore  eu  16(57.  ^^^^  nou- 
ées sont  en  gênerai  assez  siiperlicic!- 
les,  mais  il  y  en  a  de  curieuses.  Ou 
y  remarque  un  Jean  flaç;en  ou  De 
Inda^ine ,  prodige  d^érudiîiun,  mort 
vers  1  \r5,  après  avoir  été  prieur  en 
Poincrauie  et  en  ïhuriuge ,  et  avoir 
écrit  4<)'^'  ouvrages,  longtemps  con- 
servés dans  les  maisons  de  son  or- 
dre, mais  dont  un  seul  a  été  impri- 
mé :  Trilhèrae  assure  en  avoir  vu 
60.  La  5*^.  partie  (  Fasli  sacri  )  cite 
'2(jo  Chartreux  distingués  par  la  sain- 
teté de  leur  vie ,  quoique  tous  ne 
soient  pas  honorés  d'un  culte  public. 
Enfin  la  6\  (  Monasteriol'-giii  ) 
trace  l'histoire  abrégée  des  171  mai- 
sons de  l'oidre,  depuis  la  grande 
Chartreuse,  fondée  en  108G,  justju'a 
celle  de  S.  Julien  près  Rouen  (iGG4)i 
8'2  autres  chartreuses  détruite.s  ou 
supprimées  sont  l'objet  d'un  Apysn- 
dix.  Plusieurs  tables  facilitent  les  re- 
cherches dans  ce  livre,  qui  est  mal- 
heureusement défiguré  par  de  nom- 
breuses fautes  d'impression.  lîT.  p^i- 
ta  et  virtù  del  B.  Ainedeo ,  IH  du- 
i:a  di  Sai'oja,  ibid.,  i()8G,  in-fol. 
IV.  Cistercii  rejlorescentis  seu  con- 
î;regationum  cistercio-  monastica- 
runi  D.  MaritP  FuUensis  in  Gallid 
et  rej'or  nataviiin  S.  Bemavdi  in 
Italid  chronologie  a  histnri  a ,  ibid.  , 
1690,  in-fol.  Morozzo  a  laissé  quel- 
ques ouvraQ,es  en  manuscrit.  W — s. 
MORRES  (  Harvey  Rkdmoad)  , 
vicomte  et  baron  iNîountmorres  en 
Irlande ,  écrivain  politique ,  se  mon- 
tra !e  plus  dévoué  des  défenseurs  de 


(i)  La  nihliotheca  cnrlusiana  de  Pctreius,  pnbUe'e 
l>ai  Aui>.  Lcmiie,  en  1609,  n"eu  cuiitieiit  qnc  iSo. 


]\IOR 


109 


la  prérogative  royale,  dans  les  dis- 
eussions  qui  eurent  lieu  au  parle- 
ment irlandais  sur  la  fameuse  ques- 
tion de  la  régence.  Les  écrits  qu'il 
jnit  au  jour  ,  en  cette  occasion ,  ren- 
dirent au  gouvcrjiemeul  des  services 
qui  ne  furent  jamais  récompensés.  Ji 
était  très-savant,  et  se  p!ai>ait  à  fa- 
voriser les  lettres.  Des  nouvelles  aflii- 
geantes  deson  pays  agirent  sur  soii 
esprit  d'une  manière  si  vive,  que 
ce  fut,  dit-on  ,  ce  qui  le  porta  à  se 
donner  Ja  mort  d'un  coup  de  pisto- 
let, le  18  août  1797.  PariJii  ses  ou- 
vrages ,  on  remarq!ie  :  L  L'Histoire 
des  principaux  actes  du  parlement 
irlandais  de  i634  à  16G0,  pendant 
l'administration  du  comte*  de  6traf- 
ford  et  du  premier  duc  dOrmoad 
ai^ec  la,  Fie  de  sa  seigneurie^  le 
tout  tiré  des  papiers  de  sir  Robert 
Soulhwek ,  précédé  d'un  Discours 
préliminaire  sur  les  anciens  parle- 
ments de  ce  rojaume  ,  2  vol.  ii!- 
8^.,  17C.)'2,  IL  La  Crise;  coll  ctior. 
d'Essais ,  écrits  en  1792  et  i  -qZ  , 
sur  la  tolérance ,  le  crédit  public  , 
la  liberté  des  élections,  l' émancipa- 
tion des  catholiques  irlandais  ,  etc. 
in  80. ,  1794.  IlL  Lettres  de  Thé - 
mistocle,  in-80.,  1795.  IV.  Disser- 
tation hisioyique  sur  V origine,  Li 
suspension  et  le  rétablissement  de 
la  judicature  et  de  l'indépendance 
du  parlement  irlandais ,  in -8^, 
1 795.  V.  Réflexions  impartiales  sur 
la  crise  actuelle,  iu-8'.,  i'-9G.  La 
plupart  de  ces  écrits  ont  fait  sensa- 
tion, ï^ 

MORTCZINNÎ  (  Frédertc  -  Jo- 
seph, baron  de),  imposteur,  dont 
le  lîom  véritable  était  Jean-Théo^ 
pkile  Herman,  dit  JLichhornl ,  na- 
quit à  Bautzen  ,  en  Lusace ,  vers 
1750,  de  parents  catholiques.  Sou 
père  tirait  son  surnom  de  son  talent 
à  élever  àts  écureuils ,  qu'il  vendait. 

14 


a  10  MOR 

Le  jeune  Herman ,  annonçant  de  l'es- 
prit, fut  place  cbezun  avocat:  cette 
vie  trauq.iille  ne  lui  convenait  pas; 
il  la  quitta.  Il  n'avait  appris  le  latin 
que  très -imparfaitement.  Il  s'enga- 
gea ,  et  servit ,  comme  sons-officier  , 
dans  un  régiment  d'artillerie  saxon; 
il  déserta ,  puis  se  mit  à  courir  le  mon- 
de, en  changeant  fréquemment  de 
nom  et  faisant  des  dupes.  Il  se  don- 
nait pour  un  Hussite  persécute',  se 
disait  né  à  Gzschedecliowitz  ,  eu  Mo- 
ravie ,   et  ajoutait  qu'il  avait   reçu 
l'ordre  de  Saint  -  ÉUenne.  En  1777, 
il  parcourait  le  Mecklenbourg ,  sous 
le  nom  de  baron  d'Eckardt  :  l'année 
suivante,  il  vint  à  Witteuberg,  sous 
celui  de  F.-J.  de  Morlczinni,  et  de- 
manda d'être  reçu  au  nombre  des  étu- 
diants. Comme  il  arrivait  d'un  pays 
avec  lequel  on  était  en  guerre,  on  at- 
tendit de  Dresde  la  permission  de 
l'admettre.  En  1779,  il  fit  un  voya- 
ge sur  la  frontière  de  Bohème ,  avec 
un  approvisionnement  de  bibles,  et 
dépêcha  de  Zittau  un  messager  à  ses 
co-religionnaires  ,  en  Moravie,  ou, 
comme  il  le  prétendait ,  au  ci-devant 
régisseur  de  ses  biens  :  le  messager 
revint  avec  une  personne  qui  recon- 
nut  le  faux   baron  de  Mortczinni 
pour  sou  seigneur.  Le  fourbe  en  fit 
dresser  à  Zittau  un  procès  -  verbal , 
dont  il  prit  une  copie  légalisée  ,  qui 
ensuite  lui  servit  pour  appuyer  ses 
impostures.  Vers  la  fin  de  1779,  il 
parcourut  la   Thuringe ,   prêchant 
partout,  et  revint  à  Wittenberg  ,  où 
il  fit  imprimer ,  au  commencement 
de  1 78^  ,  l'Histoire  de  sa  vie.  Avant 
la  ÛQ  de  l'année,   un  auonyme  en 
publia  une  critique  intitulée  :  Juge- 
ment raisonné  et  impartial  .\ur  les 
aventures  du  baron  de  Mortczinni. 
On  prouvait  au  soi-disant  baron  que 
les  événements  de  son  prétendu  voya- 
ge eu  Italie  étaient  copiés  mot  poiu- 


MOR 

mot  d'un  vieux  livre  qui  a  pour  ti- 
tre :  Passe-partout  de  l'Eglise  ro- 
maine ,  et   que  toute   son  Histoire 
des  martyrs  ou  des  confesseurs  de 
la  foi ,  était  tirée  du  Martjrologiuin, 
Bohemicum.   Alors   Mortczinni  fit 
paraître  une  nouvelle  édition  de  sa 
Vie,  eu  effaça  les  plagiats  ,  les  men- 
songes et  les  contradictions  qu'on  lui 
avait  rcpi'ochés ,  et  poussa  l'impu- 
dence jusqu'à  désavouer  la  première 
édition ,  pour  laquelle  il  avait  reçu 
des  souscriptions.  Il  porta  ensuite 
ses  pas  à  Nuremberg  ,  où  ses  jongle- 
ries cui'ent  moins  de  succès  que  dans 
deux  petites  villes  voisines,  dont  il 
emporta  de  fortes  sommes.  Au  mois 
de  novembre  1 782  ,  il  était  à  Berlin  : 
un  écrit  contre  le  Nouveau  Livre  de 
cantiques ,  lui  procura  un  accueil  fa- 
vorable chez  les  antagonistes  de  cel- 
te réforme.  Il  prêcha  dans  cette  ca- 
pitale; et,  muni  de  certificats  hono- 
rables, il  gagna  Stettin,  puis  la  Po-' 
méranie  suédoise,  où  il  tâch.a  de  se 
faire   nommer  recteur  de  Trihsce. 
Ses  efforts  ayant  échoué  ,  il  courut 
à  Marienbourg,  eu  Prusse.  Il  disait, 
sur  toute  la  route ,   qu'il  était  ap- 
pelé à  Saint-Pétersbourg,  pour  y  oc- 
cuper une  chaire  de  professeur  de 
mathématiques.  Cependant  il  annon- 
ça l'intention  d'accepter  la  place  de 
troisième  prédicateur,   que  lui  dé- 
cernait la  lie  des  adversaires  du  Nou- 
veau Livre  de  cantiques.  Il  voulut 
aussi  se  donner  pour  franc-maçon  ; 
mais  ,   obligé  de  répoudre  à  quel- 
ques demandes,  pour  obtenir  l'entrée 
d'une  loge,  il  avoua  qu'il  n'était  pas 
du  nombre  des  frères.  On  découvrit 
quelques  autres  de  ses  impostures.  Il 
fut  forcé  de  s'éloigner  :  ce  ne  fut  pas 
les  mains  vides.  De  nouveaux  succès 
l'attendaient ,  comme  prédicateur,  à 
Elbing  et  à  Kœnigsberg.  Il  fit  impri- 
mer ses  sermons  dans  cette  capitale, 


MOR 

et  les  vendit  si  Lien ,  ainsi  que  divers 
écrits  de  sa  comjjosition ,  (|ii'il  fut 
en  ctat,  avec  leur  prodnil  et  les  uoiu- 
hreux  cadeaux  qu'il  rcyiit ,  d'acheter 
un  carrosse,  qui  le  conduisit  à  Piij^a. 
La  pie'tc  crédule  des  Livoiiiens  lui 
fut  très- pro(it.d)le  ;  il  parcourut  la 
province  en  voiture  à  quatre  che- 
vaux. Moins  lieureux  à  Reval ,  il  en 
fut  renvoyé.  De  retour  sur  la  fron- 
tière de  Prusse  ,  il  prétexta  cpie ,  la 
manière  de  vivre  des  Russes  ne  lui 
convenant  pas ,  il  avait  renoncé  à  la 
la  place  de  professeur  en  Russie,  et 
préférait  d'en  aller  occuper  une  à  Wit- 
tcnberg.  Dans  une  incursion  qu'il  lit 
en  Lilhuanie,  il  séduisit  tellement  la 
multitude  à  Kowno ,  qu'on  vou;ait 
le  nommer  prédicateur  ma!p;ré  les  ad- 
ministrateurs de  l'égiise.  Uiie  émeute 
faillit  à  éclater;  il  fallut  que  le  mi- 
nistre de  Russie  et  mèjne  le  roi  inter- 
vinssent pour  l'apaiser.  Morlcziuni 
obtint  gratis ,  à  la  loge  des  francs- 
maçons  de  Varsovie,  le  grade  de 
maître;  cette  faveur  put  le  consoler 
de  l'ordre  que  lui  fit  intimer  le  roi , 
de  quitter  la  capitale  et  le  royaume. 
Cependant  il  ne  x-especta  pas  beau- 
coup cette  injonction;  car,  après  s'ê- 
tre fait  ordonner  à  Ocls  en  Silésie, 
il  i-eparut  à  Kowno  ,  où  sa  présence 
excita  de  nouveaux  désordres.  Aidé 
de  ses  partisans  ,  il  essava,  malgré 
le  pasteur  ,  de  monter  en  chaire  : 
la  !force  militaire  le  contraignit  de 
passer  la  frontière.  Cet  échec  ne 
pouvait  le  décourager:  il  alla,  prê- 
chant ,  excitant  souvent  des  scènes 
scandaleuses,  ran»;onnaiit  partout  ses 
dupes ,  jusqu'à  Elberfeld  en  West- 
phalie.  Le  l'i  août  1784,  il  fnt  arrê- 
té dans  celte  ville,  et  l'on  s'empara 
de  ses  papiers.  11  avait  avec  lui  une 
femme ,  ur.c  servante  ,  un  cocher  , 
une  voiture  et  trois  chevaux.  De  tous 
ses  papieis,  on  ne  lui  rendit,  en  le 


MOR  ai  I 

mettant  en  libcrié,  «pic  son  diplôme 
fie  maîtrc-ès-arls.  Ou  écrivit  t  outre 
lui  ;  il  répondit.  11  patsa  rieux  ans 
a  Burgstciufiut  en  Wesiphalic.  En 
l'-Bt),  il  J)irut  à  Copenhague  sous 
lenomde  Pallini.  l>es  iVancs-marons 
decettc capitale  l'aidèrent  :  il  juècha 
d'une  manière  qui  plut  beaucoup  à 
la  foule;  mais  il  essaya  inutilement 
d'élever  une  loge  particulière  de 
francs -maçons  :  un  de  ses  adver- 
saires le  démasqua,  et  le  fit  connaître 
pour  l'imposteur  Mortcziuui.  Il  s'en- 
fuit :  arrêté  à  Corsoer  ,  il  fut  ramené 
à  Copenhague  ,  où  il  eut  l'audace  de 
se  défendre  publiquement  et  d'accu- 
ser les  deux  loges  de  francs-maçons. 
Dans  cet  écrit  il  avoua  son  vrai 
nom  ,  mais  déguisa  ce  qu'il  avait 
fait  pendant  ses  premières  années  j 
on  obtint  de  Bautzen  des  renseigne- 
menls  exacts  ;  ensuite  on  le  laissa 
tranquille.  Lorsqu'il  ne  prêcha  pins, 
il  gagnait  sa  vie  à  enseigner  la  reli- 
gion, et  se  prétendait  en  éiat  d'ins- 
truire des  jeunes  gens  dans  les  trois 
communions  chrétiennes.  Cet  hom- 
me ,  qui  avait  fait  un  certain  bruit 
dans  le  monde  littéraire  en  Allema- 
gne, tomba  dans  une  tcHe  obscurité, 
quand  on  l'eut  privé  (^u  m.oven  de 
faire  des  dupes,  qu'on  ignore  ce  qu'il 
devint  après  l'année  J790.  On  a  de 
Mortczinni  ,  sous  ce  nom  (en  alle- 
mand ):  I.  Pensées  raisonnables  sur 
la  relig'on  réi'éié^ ,  Zerbst ,  1781, 
in  -  8*^.  II.  Petii  recueil  de  puésics 
mêlées  ;'Our  mes  amis ,  Witlenbcrg , 
I  78  i,  in -8'^'.  III.  Fie  et  avenlures 
du  baron  de  }fortczinni,  ib.,  178^, 
in-8''.  IV,  Beaucou])  de  sermons.  V . 
Sous  le  nom  de  Pallini  :  Le  précep- 
teur habile  ^  pair  les  trois  princi/)a~ 
les  religions  chrétiennes  ;  oiwrage 
pour  les  éifves  en  théologie ,  Muns- 
ter et  Osuabruck  ,  1785.  in  -  8°. 
VI.  Punition  des  étourderies  de  la 

14.. 


il  3  MOR 

jeunesse ,  ou  Aventures  du  comte 
de  ***,  histoire  véritalle,'\h.j  17BO, 
in-8'\  VII.  Le  inrslagoi^ue  ,  on  de 
l'origine  et  de  la  nuisance  de  tous 
les  mystères  et  hiérogh  phes  des  an- 
ciens qui  se  rapportent  aux  jrancs- 
macons  ,  déri^'ës  et  extraits  des 
sources  les  plus  anciennes  ,  par  un 
vrai  franc  -  niaccn  ,  Osnabriirk  et 
Hamin,  1789,  iu-S".  VIII.  Divers 
écrits  polémiques.  Ou  lui  attriltuc 
aussi  :  Principes  pour  bien  connaître 
la  sphère  et  le  planiglohe  ,  destinés 
à  la  jeunesse^  Sclnvcrin  ,  179'i,  in- 
8''.  Les  iouj;lcries  et  l'impudeuce  de 
Mortcziuni  furent  dévoilées  dans  V.4- 
venlurier  spirituel ,  ou  le  Chevalier 
errant  de  l'ordre  de  Saint-Eiienne , 
baron  de  Morte Anni ,  voyageant 
comme  vainqueur  dans  la  foi ,  et 
virtuose  en  prédication  ,  Kœnigs- 
Lerg  ,  1784  ,  in -8".  Ce  livre  est  de 
C.-i.  Kravif,  professeur  à  Kceiiiç;s- 
berg.  La  plupart  des  journaux  litte- 
rr.ives  d'Allemagne  s'occupèrent  du 
charlatan  Mortczinni;el  VAlmanach 
de  l'église  et  des  hérétiques  de  1797 
lui  donna  un  article.  E — s. 

MORTE.MART  (Gabriel  deRo- 
cuECiiouAax,  ma  replis,  puis  duc  de), 
na([uit  dans  l'année  1600.  Sa  fa- 
mille c'iait  une  l)ranclie  de  celle  des 
vicomtes  souverains  de  Linioj;es,  et 
comptait  ainsi  des  alliances  avec  plus 
d'une  maison  royale  (  i)  1  t-t  avec  les 
plus  nobles  familles  du  royaume.  Il 
fut  attaclië ,  en  i63o  ,  à  Louis  XIII , 
en  qualité'  de  gentilhomme  de  la 
chambre;  et  ilTaccorapagna  dans  ses 
diverses  expéditions.  Louis  XIV  le 
créaducct  pairaumois  dedéc.  i65o. 
Les  troubles  de  la  Fronde  empêchè- 


(i)  Avecles  maisons  d'Angleterre  ,  de  Bourfiopie, 
ôp  Navarre  ,  etc.  Aujourd'liui  lu  famille  de  Morlc- 
•  Dkirl  se  Iriiuvc  triplemciit  nllice  à  la  maison  de  lioiir- 
linii ,  cl  |iar  sviite  à  beaucoup  d'autres  t'dUiiilst  suuv ti- 
railles de  l'£ui  U|><:. 


MOR 

rcnt  les  lettres  de  création  d'être  en- 
registrées au  parlement  ;  elles  le  fu- 
rent en  iG63.  Sixans  après,  le  duc 
de  Mortemnrt  ent  le  gouvernement 
de  Paris.  11  mourut  en  1(375,  lais- 
sant un  fils  très-connu  sous  le  nom 
de  duc  de  Vivonne  (  F.  Vivonnk  )  , 
et  qnatie  filles,  dont  trois  furent 
célèbres  ;  M"»*^.  de  Montespan  (  F. 
MoNTESPAN  ) ,  la  marquise  dcThian- 
ges,  et  l'abbesse  de  Funlevrault  {F. 
RocnEcuouART).  Ces  personnages  il- 
lustres qui  donnèrent  lieu  à  ce  mot  si 
connu,  V Esprit  des  MoJ'temart,\c 
naietit  cet  avantage  remarquable  de 
Icui' père, un  des  seigneurs  les  plus  ai- 
mables et  les  plus  savants  de  la  cour. 
Avant  lui  comme  depuis,  plusieurs 
membres  de  la  famille  de  Mortemart 
se  sont  fait  remarquer  sous  le  mê- 
me rapport*  et  c'est  pour  cela  qu'm» 
auteur  a  dit  avec  raison  que  de  quel- 
que côté  qu'on  envisage  la  maison 
de  Mortemart ,  on  ne  trouve  que 
beauté,  esprit ,  érudition  {  Biblioth. 
de  Poitou,  tom.  IV.  )  D — is. 

MORTEMART  (  Victurmen- 

He>RI-ElZEAR   de   RoCHECaOUART, 

vicomte  de  ),  ne'  à  Paris  en  1707  , 
entra,  dans  la  marine,  où  l'appe- 
laient une  prédilection  marquée  el  les 
souvenirs  honorables  qu'y  avait  lais- 
sés le  maréchal  de'  Vivonne,  sou 
a'icul.  Il  ne  farda  pas  à  se  distinguer 
par  sou  zèle,  son  intelligence  et  sou 
application,  et  à  se  concilier  la  bien- 
veillance de  ses  supérieurs.  Déjà  II 
avait  fait  plusieurs  campagnes  dans 
des  escadres  d'évolution ,  et  s'était 
familiarisé  avec  tous  les  devoirs  de 
son  état,  quand  l'ajipni  donné  par  la 
France  à  l'Amérique  insurgée  occa- 
sionna une  rupture  avec  l'Angleter- 
re. Le  vicomte  de  Mortemart  reçut 
alors  le  grade  de  lieutenant  de  vais- 
seau (  mars  1779),  et  le  comman- 
dement de  la   corvette  V^is^rette. 


i\ion 

rcu  après,  il  eut  celui  de  I;i  Dili'^en- 
l<:,  avec  laquelle  il  itil  employé  sous 
les  ordies  du  cowilc  d'OrvdIicrs.  Dés 
sî  seconde  sortie,  il  s'euipara  de 
deux  petits  b.tliments  de  guerre  eu- 
)icrnis.  Il  passa  ensuite  en  Amérique  , 
rejoignit  M.  de  Grasse,  et  j)rit,  dans 
les  eaux,  de  la  Cliesapcak,  la  iVegale 
Viris  ,  supérieure  en  forces  à  la  sieu- 
iie.  Alors  l'amiral  lui  coulera  le  com- 
mandement du  liicheiiwnd  ^  tombe 
le  même  jour  que  Vins  eu  notre  pou- 
voir; et  ce  tut  sur  ce  vaisseau  qu'il 
prit  part  à  la  malheureuse  allaire  du 
li  avril  i-ySii.  Le  dévouement 
îiéroiquc,  quoiqu'inutile,  dont  le  vi- 
comte de  Morlemart  fit  preuve  en 
cette  circonstance,  en  airromaul  le 
feu  de  trois  vaisseaux  anglais  pour 
essayer  de  leur  arracher  le  Glorieux, 
totalement  desemparé  ,  lui  valut 
l'estime  et  les  éloges  iXes  marins  des 
deux  flottes,  A  l'abri  de  sa  gloire 
pcrsuunelle  ,  on  le  crut  plus  propre 
que  tout  autre  à  porter  a  Versailles 
la  nouvelle  du  désastre  de  notre  ar- 
mée navale.  Le  roi  l'accueillit  avec 
nue  distinction  particulière  ,  et  lui 
pro,uva  le  cas  qu'il  faisait  de  lui ,  en 
le  njmmant  ca[iitaiiie  de  vaisseau  à 
vingt-cinq  ans.  Murtemart  retourna 
peu  aj.rcs  a  Brest ,  y  prit  le  comman- 
dement de  l.i  Njmphe ,  et  se  rendit 
à  la  Martinique.  Dans  une  de  ses 
croisières  ,  secondé  par  la  frégate 
Y  Ainphitrile ,  il  osa  attaquer  un  vais- 
seau anglais  de  5o  canons  ,  V Av^o  ^ 
dont  il  se  rendit  maitre  ;  mais  ce 
vaisseau  lui  fut  repris  deux  jours 
après  ^ArV Iiwincibis  de  y/j..  Enlin  , 
la  paix  fut  signée  ,  et  le  vicomte  de 
Mortemart  se  disposait  à  revoir  sa 
patrie,  quand  une  maladie  aiguë  en- 
leva, le  17  mars  1788  ,  ce  jeune  olG- 
cier ,  que  ses  talents  éprouvés  appe- 
laient à  honorer  long-temps  la  ma- 
rine française.  Z. 


MORTIMEIl  (Roger  comte  ue)  , 
puissant  baron  anglais  ,  ué  vevs 
ixH-'j,  sur  les  conlius  du  p.iys  de 
Galles,  était,  par  sa  mère,  a. lié  à  la 
reine  Klc>:iore  de  Caslille,  seconde 
femme  d  £  louard  T'".  ,  roi  d'Angle- 
terre. liC  père  de  Roger  Mortimcr 
étant  mort,  eu  i3o3  ,  des  suites  de 
blessures  reyiics  à  1  i  balail  e  de  Buclt 
contre  les  Gallois,  ÉJeJuardr-'.  con- 
fia la  tutelle  de  ^e  jcnne  seigneur , 
alors  dans  sa  dix-scplièiuc  année,  à 
Gaveston,  qui  lui  lit  acheter  u5oo 
marcs  la  liberté  de  se  marier  avec  la 
petite-iilie  de  GcolL  oi  de  Gencvili , 
seigneur  de  Trim  en  Irlande.  Mor- 
timer  fut  reçu  chevalier,  eu  i3uti, 
avec  Edouard  II ,  alors  prince  de 
Galles,  et  3oo  autres  seigneurs,  et: 
accompagna  le  roi  dans  son  expo- 
diliond'Ecosse.  Ayant  quitté  l'arméô 
sans  congé,  ses  terres  furent  saisies  ; 
et  il  n'en  obtint  la  restilutiou  quo 
par  l'intercession  de  la  reine  j\Iar- 
guérite.  Mortimer  lit  la  guerre  eu 
Ecosse,  en  Irlande  et  eu  Gascogne, 
pendant  les  quatorze  premières  an- 
nées du  règne  d  Edouard  H  ,  qui 
le  nomma  sou  lieuleiianl  eu  Irl.inilc. 
Il  eut  dilléreuies  quere  les  pariicu- 
bères  avec  d  autres  barons  ses  voi- 
sins, et  avec  les  souverains  du  pays 
de  Gades.  qui  avaient  envahi  ses  pro- 
priétés, et  qu'il  parvint  a  repousser 
avec  ses  seuls  vassaux.  Eu  i3io  il 
se  joignit  aux-comtes  de  Lancas- 
ter  ,  et  d'Hercford ,  et  aux  autres 
barous  méconlenls  de  !a  laveur  que 
le  roi  accord. it  aux  Speusers.  Ils 
marchèrent  eusemijie  sur  la  ville  de 
Loudres,  et  forcèrent  presque  tous 
les  évèques  et  pairs  du  royaume, 
à  prêter  serment  de  les  aider  a  ré- 
former le  gouvernement,  et  a  éloi- 
gner les  favoris.  Mais  leurs  clfort-; 
n'ayant  pas  obtenu  le  succès  qu'iU 
en    attendaient  ,    Roger    JMortimer 


2l4 


MOPx 


écoula  les  propositions  du  comte 
de  Pcnibrokc,  qui  s'était  engage  à 
le  faire  rentrer  en  giàce  auprès  du 
roi;el  il  se  mit  à  la  discretiou  du  mo- 
narque, qiii,  ne  croyant  pas  pouvoir 
se  confier  à  sa  feinte  soumission  ,  le 
fit  enfermer  à  la  tour  de  Londres, 
Ayant  appris  dans  sa  prison  que  le 
roi  se  proposait  de  le  faire  mettre  à 
mort  (  I  ) ,  comme  coupable  de  haute 
traliisou,  il  invita  le  gouverneur  de 
la  tour  à  un  repas  dans  sa  chambre, 
lui  fit  prendre  une  liqueur  sopori- 
fique ,  et ,  pendant  son  sommeil , 
s'échappa  au  moyen  d'une  corde , 
et  se  réfugia  en  France.  Comme 
Mortimer  était  un  des  personnages 
les  plus  considérables  de  son  parti, 
et  connu  par  sa  violente  animojité 
contre  le  jeune  Spenser,  rhaiuLel- 
lan  et  principal  favori  d'Edou.ird, 
il  fut  aisément  admis  à  faire  sa 
cour  à  la  reine  Isabelle.  Cette  prin- 
cesse ambitieuse  et  hautaine  ,  irritée 
de  la  faveur  dont  les  Spenscrs  jouis- 
saient et  de  leur  ascendant  sur  l'es- 
prit de  son  faible  époux  ,  se  trou- 
vait en  ce  moment  en  France  (  /^. 
Isabelle  de  France  ) ,  et  avait  ras- 
semblé autour  d'elle  tous  les  sei- 
gneurs qui  partageaient  sou  mécon- 
tentement. Les  grâces  du  jeune  Mor- 
timer ,  et  ses  manières  adroites  et 
insinuantes  ,  lui  firent  bientôt  obte- 
nir un  grand  empire  sur  le  cœur 
de  cette  princesse ,  (pji  le  choisit 
pour  son  confident  et  son  conseiller, 
et  sacrifia  enfin  à  la  passion  qu'il 
lui  avait  inspirée  ,  son  honneur  et 
ses  devoirs  envers  son  époux.  Haïs- 
sant dès  ce  moment  l'homme  auquel 
elle  avait  fait  une  si  mortelle  injure, 
Isabelle  seconda  tous  les  complots  de 


(i)  Uiiiiie  assuru  qci'll  avait  «"le  condamné  à  luort; 
que  le  roi  lui  avait  tiiit  gi'àce  de  la  vie,  mais  cjii'il 
avait  résulu  de  lui  faire  rnitit  un  eiu^rUuuueuitijt 
perpétuel. 


0  "MOR 

Mortimer  pour  rentrer  en  vainqueur 
dans  sa  patrie  ,  avec  le  prince  royal 
qu'elle  avait  attiré  auprès  d'elle. 
Ils  entretinrent  une  correspondance 
active  avec  les  principaux  barons 
d'Angleterre,  qui  s'eiigagèi'ent  à  les 
assister  ;  mais  ayant  a})pris  que  le 
roi  de  France  avait  promis  de  livrer 
tous  les  réfugiés,  Mortimer,  Isabelle 
et  les  barons  se  relirèrcnt  auprès 
du  comte  de  Hainaut ,  et  le  jeune 
Éilouard  fut  fiancé  à  Phihppe,  fille 
de  ce  prince  (  i3'2G).  Au  moyen  des 
secours  du  comte  de  Hainaut  et  de 
la  protection  secrète  de  sou  frère, 
Isabelle  enrôla  sous  ses  drapeaux 
environ  3ooo  hommes  ,  et  débar- 
qua sans  opposition  sur  la  côte  de 
Safto:k,  le  24  septembre.  Ils  y  fu- 
rent joints  jiar  leurs  partisans  ,  que 
la  haine  pour  les  ministres  du  roi 
grossissait  tous  les  jours.  Le  faible 
Edouard  ayant  abandonné  la  ville 
de  Londres  ,  la  populace  s'empa;  a 
de  la  toiir,  et  força  tous  les  habi- 
tants de  se  déclarer  contre  leur  sou- 
verain. Ce  malheureux  prince  essaya 
vainement  de  résister  ;  il  se  réfugia 
dans  le  pays  de  Galles  ,  et,  ne  s'y 
trouvant  pas  en  sûreté ,  il  s'embar- 
qua pour  l'Irlande  :  mais  ,  repoussé 
par  les  vents  contraires  ,  il  tomba 
entre  les  mains  de  ses  ennemis  ,  qui 
le  confinèrent  dans  le  château  de 
Kenilworth  ,  sous  la  garde  du  com- 
te de  Leicester.  Mortimer  et  Isa- 
belle dont  le  commerce  criminel  était 
devenu  public ,  craignant  les  efifets 
du  mécoutentcmeiit  général  qui  com- 
mençait à  se  manifester,  firent  dé- 
poser le  roi  (  1327  )  ,  et  placer  la 
couronne  sur  la  tète  de  son  fils  (  F". 
Edouard  III  ).  Les  sentiments  géné- 
reux de  Leicester,  et  sa  conduite 
pleine  d'égards  envers  son  auguste 
prisonnier,  leur  ayant  donné  quel- 
ques soupçons,  ils  crurent  prudent 


MOR 

de  lirer  le  roi  de  ses  mains ,  et  le 
fircut  enfermer  dans   le  ch.îtcan  de 
Berkeley,  sons  la  garde  de  trois  sei- 
gnenrs,  dont  dcnx   étaient  entière- 
ment de'vones  à  Mortinicr,  et  capa- 
bles de  commettre  tons   les   crimes 
qu'il  leur  commanderait.il  mit  bien- 
tôt leur  dévouement  à  l'épreuve  ;  et 
Edouard  II  fut  assassine  par  ses  or- 
dres ,  de  la  manière  la  plus  atroce 
(  F.  ce  nom  ).  Le  parti  violent  qui 
avait  pris  les  armes  contre  Edouard 
II,  et  déposé  ce  monarque,  obtint 
un  bill   d'indemnité  du  pailement, 
dont    il   provoqua   la    réunion.    Ce 
parlement  établit  un  conseil  de  ré- 
gence, composé  de  cinq  prélats  et 
de  sept  seigneurs  ,  et  nomma  le  com- 
te de  Lancaster  gardien  du  royau- 
me ,  et  protecteur  de  la  personne  du 
roi.  Quoiqu'à  cette  époque  (  iSa-y  ), 
Mortimer  jouît  de  la  plénitude  du 
pouvoir  ,  il  ne  prit  aucun  soin  de  se 
faire  admettre  dans  ce  conseil  ;  mais 
cette  feinte  modération  cachait  les 
projets  les  plus  amjjilieux.  Il  rendit 
le  conseil  iuu.ile.  en  usurpant  toute 
l'autorité  royale  ;  il  fit  assurer  à  la 
reine  douairière  la  plus  grande  par- 
tie des  revenus  de  la  couronne ,  et 
ne  consulta   ni  les  princes  ,  ni  les 
barons.  Par  une  telle  conduite ,  il  fut 
bientôt  aussi  abhorré  que  les  anciens 
favoris  Gavesfon  et  Spenser.  Cepen- 
dant les  Ecossais  firent  une  invasion 
en   Angleterre.    La   régence   fit   de 
vigoureux   préparatifs  ;  et  le  jeune 
Edouard  .se  mit  a  la  tête  des  forces 
anglaises  ,  et  marcha  contre  l'enne- 
mi. Après  avoir  cherché  vainement 
il  l'attirer  au  combat,  il  croyait  enfin 
avoir  trouvé  wne  occasion  favora- 
ble de  se  signaler  :  mais  Mortimer 
s'opposa  à  son  projet ,  en  interpo- 
.sant  son  autorité  ;  et  le  jeune  prince 
fut  contraint  de  céder.  Il  en  conçut 
un  violent  mécontcntemeut  contre 


MOR  2i5 

ce  seigneur ,   auquel  la  nation  at- 
tiibua    la  honte  qui   avait  couvert 
les    armes    anglaises  ;    et   la    haine 
publique   contre  Mortimer  et    Isa- 
belle   ne    connut  ylus    de    bornes. 
Mortimer ,  qui  en  craiguiiit  l'explo- 
sion prochaine  ,  crut  devoir  se  dé- 
barrasser à  tout  piix  des  ennemis 
extérieurs.   A  cet  effet ,  il   enfam;* 
des  négociations  avec  Robert  Bruce  ; 
et  comme  les  préientions  que  l'An- 
gleterre mai'ifeslait  à  une  supériori- 
té sur  l'Ecosse,  étaient  une  des  prin- 
cipales causes  qui  avaient  enflammé 
l'animosité  entre  les  deux  nations, 
IMortimer,  en  stipula  ttt  un  mariage 
entre  Jeamie,  sœur  d'Edouard,  et  Da- 
vid, fils  et  héri'ier  àr.  rr>i  d'E^^fse, 
consentit  à  se  désister  de  ces  préten- 
tions, et  à  reconnaître  Robert  Bru- 
ce comme  souverain  indépendant  de 
ce  royaume.  Quoique  le  roi  d'Ecosse 
se  fût  engagé  a  payer  3o,ooo  majcs 
à  l'Angleterre,  et  que  le  traité  eût 
été  ratifié  par  le  pailement ,  il  n'en 
occasionna    pas    moins    un    grand 
mécontentement  parmi  le   peuple , 
qui    se  trouva    humilié  par  la   ré- 
sistance heureuse  d'une  nation  qu'il 
considéiait    comme  lui  étant    bien 
inférieure.  Mortimer  ,  ajant  conçu 
des  soupçons  de  l'union   étroite  qui 
paraissait  exister  entre  les  princes 
du  sang  ,  leur  défendit ,  au  nom  du 
roi, de  se  faire  accompagner  pu-  des 
gens  armés,  au  parlement  qui  allait 
s'assembler.  Les  trois  comtes  (djéi- 
rent  :  mais  en  approchant  de  Sal  s- 
bury,  ville  choisie  pour  la  tenue  du 
parlement, ils  s'aperçurent  que  Mor- 
timer et  ses  amis  étaient  suivis  de 
tous  leurs  partisans  armés  ;  et  ils 
commencèrent  à  appréhender  quel- 
que dessein  dangereux  contre  leurs 
personnes.  l's  se  retirèrent  vivement 
irrités,  rassemblèrent  leurs  vassaux, 
et  ils  revenaient  avec  une  armée  pour 


o.iG 


MOU 


tirer  vengeance  de  Morlùncr,  lors- 
cfuc  la  faiblesse  des  comtes  de  Kent 
et  de  Norfolk ,   qui  de'serlcreiit  la 
cause  commune,  obligea  Lancastie 
à  se  soumettre  c'gajcracut;  et  des  e'vé- 
ques  ,  ayant  offert  leur  médiation, 
apaisèrent  pour  le  moment  celte  que- 
relle.    Mortimer  ,   poiir    intimider 
les  princes,  voulut  sacrifier  une  vic- 
time, et  choisit  le  comte  de  Kent, 
dont  il  connaissait  la  simplicité.  Par 
ini-mô.'iie  e;  par  ses  émissaires ,  il 
pàrvinî  à  lui  pcrsuaJcr  (  iù'aq)  que 
ïe  roi  Edor.ard  Jï  ,  son  frère  ,  était 
encore  vivant,  et  détenu  dans  une 
prison  secrète  d'Angleterre.  Le  com- 
te ,  qiie  ses  remords  pour  la  part 
qu'il  avait  prise  aux  infortunes  du 
ieu  roi ,  portaient  à  ajouter  foi  à 
cette  nouveile,  entra  facilement  dans 
le  projet  àc  lui  rendre  sa  liberté  et 
sa  couronne,  et  de  le  dédommager 
des  soulfrances  qu'il  avait  innocem- 
ment contribué  à  lui  iaire  éprou- 
ver. Après  que  ce  projet  eut  traîné 
quelque  temps  en  longueur,  le  comte 
lut  arrèié  par  Mortimer,  accusé  de- 
vant le  parlement,  et  couLianfiié  à 
perdre  la  vie.  La  reine  et  Mortimer, 
qui  craignaient  que  le  jeune  roi  n'u- 
sât d'indulgence  envers  sou  oncle , 
pressèrent  i'cîvécutiou  de  la  scuteji- 
cej  et  le  comte  de  Kent  e'.it  la  tète 
fraucLée  le  lendemaiti  du  jugement 
(  r.  EDiiOND  ,   XXII ,  48o  ).   Le 
comte  de  Lancasler  fut  bientôt  jeté 
en  prison,  sous  prétexte  qu'il  avait 
parîic.pé  a  la  couspiralion  ;  et  plu- 
sieurs prélats  et  meml.res  de  la  no- 
blesse furent  aussi  mis  e.u  juicmenl. 
Les  biens  du  comte  de  Kent  devin- 
rect  le  partage  du  je. me  Godcfrui , 
iils  de  Mortimer  ;  et  il  s'empara ,  de 
son  coté,  de  la  pres(|uc-totalité  de 
I  immense  forîuue  des  tSpenser  et  de 
leurs  adliérents.  Il  auccîa  un  état 
de  maison  cgai,  sinon  supériau"  à 


MOR 

celui  des  rois   (i),  dont  i'   arlop- 
tait  toutes  les   manières.   Le  jeune 
Edouard,  parvenu  à   l'âge  de    iti 
ans,  et  se  sentant  capable  de  gouver- 
ner par  lui  -même,  soupirait  après 
le  moment  oii  il  pourrait  être  délivré 
des  cbaines  de  cet  insolent  miuistri': 
mais  les  émissaires  de  Mortimer  le 
circonvenaient  tellement ,  (ju'il  crut 
devoir  exécuter  le  projet  de  s'en  dé- 
l^arrasser,  avec  autant  de  SKCiet  et 
de  j)récaulions   que   s'il  se  fût  agi 
d'une  conspiration  contre  son  sou- 
veiain.    !1    communiqua  ses  inten- 
tions à  lord  Mountacute  ,  qiii   fit  en- 
trer dans  ses  vues  plu.Nieurs  autres 
seigneurs  ;    et   le   cliàteau  de  Not- 
tingham  fut  choisi  pour  le  lieu  de  !  i 
scène.   Mortimer  et  la  reine  douai- 
rière logeaient  dans  cette  forteresse 
le  roi  y  fut  aussi  admis  ;  mais  on  ii  • 
lui  permit  de  se  faire  accompagner 
que  ]>ar  un  petit  nombre  de  servi- 
teurs. Comme  le  château  était  soi- 
gneusement gardé, les  portes  fermées 
chaque  soir  ,  et  les  clefs  apportées  i 
la  reine  ,  il  devint  nécessaire  d'avoi;- 
dans  ses  intérêts  sir  William  E!ai:d  , 
gouverneur  de  la  place  ,  qui  adop- 
ta avec  zèle  le  plan  (ju'on  lui  pro- 
posa. Il  introduisit  dans  la  citadelle 
les  associés  du  roi ,  par  un  ancien 
passage  souterrain,  elles  conjurés  pé- 
nétrèrent dans  la  chambre  de  Mor- 
timer ,  attenante  au  log«nent  de  la 
reine.  Ils  éprouvèrent  quelque  rcsis- 
taucede  la  part  de  Mortimer  et  des 
seigneurs  qui  se  trouvaient  avec  lui  ; 
m  lis,  après  eu  avoir  tué  deux,  ils 
s'emparèreut  du  comte,  et  le  firent 
garder  étroitement.  L'n  parlement  fut 
convoqué  pour  le  juger  ,  et  il  fut  ac- 


(l)  E'-lmard  Jn  l'ftyaut  tiii  jour  vi.<ilé  daus5c&  trr- 
res.  en  tut  reçu  avec  wjf:  una.^ïulicence  inoitie.  Vouiniit 
uiiiti-rlvr  îÂrtliur,  Itt.>rtiiuer  tint  dans  le  p:iv:i  de 
Galles  la  '.ablc  londs  chs  chcvalitrs.  Il  piin'ia  eu'in 
\fis  exiT.ivasnncts  si  loio ,  i|iie  son  propre  tU»  Gu-e  - 
itoi  i  apiiEJait /e  roii^e  la  Jolie. 


INIOR 

nisd  (l'avoir  usurpe  le  pouvoir  roy.il, 
d'avoir  cause  la  mu  ri  du   l'eu  roi , 
d'avoir  trompe  le  cotutc  de  Ki.'ut,eu 
l'ciUraînanî  ilaus  une  conspiration, 
d'avoir  dissipe  le  trésor  public ,  de 
s'être  empare  de  9,0,000  marcs  sur 
l'argent   pave  par  le  roi  d'ivosse  , 
etc.    Le  parlemciit    le   condaunia  , 
tl'après    la   notoriété  supposée  des 
iaits  ,  sans  en-^jnètc  predalile,  sans 
entendre   sa   réponse   ni  interroger 
im  seul  témoin;  et  il  lut  pendu  près 
de  Smilldield,  levig  novembre  ijio 
(  I  ).  Son  corps  lui,  deux  jours  après, 
enseveli  aux  C.on'.eiicrs  de  i^onUres  : 
n\.i  bout  de  quelques  aimées ,  on  le 
transporta  dans  un  de  ses  châteaux. 
Ainsi  périt,  a  43  ans,  d'une  manière 
ii^nonunieusc,  cet  liomrac  aussi  dij- 
îinguë  par  sa  bravoure  que  par  ses  ta- 
lents; et  que  sa  liainc  pour  Spenser, 
nue  ambition  c^e'mesurèe  ,  et  de  fa- 
tales circonsiances,  avaient  entraîne 
à  commettre  le  criuic  !e  plus  atroee 
et  à  usurper  presque  toute  l'autorité 
royale.  D — z — s. 

MOilTIMER  (Thomas)  écrivain 
anglais  ,  mort  à  Londres ,  en  1809, 
dans  sa  quatre-vingtième  année,  con- 
sacra sa  vie  entière  a  la  lillèraiure  ; 
et  la  vieillesse  ne  ralentit  point  sou 
ardeur,  aiguisée  sans  doute  p.ir  le 
besoin.  Presque  octogénaire  ,  il  se 
plaignait  encore,  dit  M,  d'Israeii(  6'rt- 
lamities  of  authors  ,  tome  t ,  page 
'^o  r  ) ,  de  la  rareté  des  travaux  litté- 
raires ,  et  de  la  préiéreuce  accordée 
à  de  jeunes  aventuriers.  Il  a  donné 
un  grand  nombre  d'ouvrages  utiles  , 
et  qui  sont  assez  estimés,  bien  qu'é- 
crits d'une  manière  un  peu  prolixe, 
comme  il  doit  toujours  arriver  aux 
auteui's  nécessiteux  ,  qui  n'ont  pas  le 
temps  d'être  concis.  On  a  de  lui  : 


(i)  Celte  s  iileiu-e  fut  léforinc'e  euviroo  vin^lai)! 
ppiès  |i..r  \k  parieucut,  sur  le  uotit'  de  riîltjunlilci  i!e 
Id  piucé-ui-j. 


T\IOR  •>.  1 7 

L  Le  Plut  ar qui:  anglais,  ou  lies 
des  plus  illustres  persounu^adela 
Grande- fi  eta^ne  ,  depuis  le  refîne 
de  Henri  FUI  jusqu'à  Geo'^e  II, 
1  "yOu,  l'i  vol.  in-8".  ;  trad,  en  fran- 
çais (par  1.1  baronne  de  Vasve  \  l'a- 
ris,  178  j  80,  Il  vol.iiiH'.  11.  Le 
Directeur  unive':-,el ,  ou  vrai  guide 
de  la  jeune  n  hUssc  ve  s  les  scien- 
ces et  les  beaux-a  ts ,  1763,  in -8"*. 
Itl.    IHciionnaire   du  coinmerce  , 
i^GG,  •!  vol,  in-fol.  W .  Eléments 
du  commercer  d-  la  politique  et  des 
Jinances  y    177'^,   in  -  4<^    V.    Dic- 
iionnaiie  de  poche  de  V étudiant  , 
ou  Abrégé  de  Vliistoire  universelle , 
de  la  chronoloi^ie  et  de  la  bio<j,ra- 
phie  ,  elc. ,  1777.  Cet  ouvrage  est  le 
plus  estimé  de  tous  ceux  de  l'auteur. 
Vl.  Every  man  his  own  bnker, 
l'jS'i  ,  in-8°.  C'est  sa-is  doute  une 
espèce  de  dictionnaire  des  ménages. 
Vn.  La  traduction  d(!  l'onvragc  de 
Necker  sur  les  Finances,    1786, 
in-8^.    VIII.    Leccns  sur   les    élé- 
ments du  commerce ,  de  la  politique 
et  des  finance,: ,  1801  ,    in-8^'.  IX. 
Dictionnaire  général  de  commerce , 
i8io,  in-8°.  On  lit  sur  cet  auteur 
une  Notice  avec  porti'ait  dans  V Eu- 
ropean  Tifagazine,  vol.  xxxv,  pag. 
aif).  L. 

iVIORTON  (  Jean\  cardinal,  ar- 
chevêque de  Gantcrbury  ,  giand- 
chancelier  li'Aiigleterro,  naqiàt  eu 
I  jio,  dans  le  petit  bourg  de  lî.ire  , 
au  comté  de  Dorset,  d'une  ancienne 
Inmillc  du  Nottingharashirc.  Il  fut 
élevé  à  l'abbaye  de  Corne,  puis  en- 
voyé au  collège Baliol  à  Oxford,  Ses 
talents  lui  procurèrent,  en  i4U', 
une  chaire  de  droit  civil ,  et  ensuite 
la  place  de  principal  de  Peckwaters'- 
inn.  L'éclat  de  ses  plaidoiries  le  lit 
connaître  avantageusement  de  Tho- 
mas Bouchier,  archevêque  de  Cau- 
teibury,  qui  lui  donna  successive- 


2i8 


MOR 


ment  une  prébende  dans  l'église  de 
Saruin ,  la  cure  de  Saiiit-Dan.staii  de 
Londres  et  rarchitliaconc  de  Win- 
chester. Il  fut  fait  maître  des  rôles, 
en  1473.  11  joua  un  rôle  très-actif 
à  l'epoquc  des  sanglantes  divisions 
survenues  entre  les  maisons  d'York 
et  de  Lancastre.  Parli.sau  outré  de  la 
rose  rouge  ,  il  avait  servi  Henri  VI; 
cependant ,  il  sut  s'accommoder  au 
jjouvernement  lct,'itime  d'Élouard 
IV.  Ce  prince,  satisfait  d'une  fidélité' 
«u  moins  apparente,  l'éleva  en  juil- 
let 1477  5  à  l'évèché  d'Ély,  l'admit 
dans  son  conseil-privé,  et  le  nom- 
ina  même  un  de  ses  exécuteurs  tes- 
tamentaires. Après  la  mort  d  É- 
douard ,  Morton  entra  daiis  le  con- 
seil de  Richard  son  frère,  duc  de 
Glocester^  protecteur  du  royaume. 
Il  y  était  présent  le  jour  où  le  duc  , 
qui  aspirait  à  la  royauté,  frappa  ce 
grand  coup  d'état  qui  mil  la  cou- 
ronne sur  sa  tèle.  Il  y  fut  arrêté  et 
donné  en  garde  libre  {in  liherd  eus- 
toclid  )  au  duc  de  Buckingham  ,  qui 
l'emmena  à  son  château  de  Kreck- 
nok.  Richard  était  loin  de  s'attendre, 
que  la  réunion  de  ces  deux  person- 
nages lui  coûterait  un  jour  le  trône 
et  la  vie.  Morton  mit  à  profit  le 
temps  de  son  exil,  et  employa  tout 
ses  efforts  à  faire  naître  la  discorde 
entre  le  protecteur  devenu  roi,  et  le 
duc  de  Buckingham,  dont  le  crédit 
avait  aidé  puissamment  Richard  III 
a  monter  sur  le  trône.  Lorsque  le  duc 
se  crut  suffisamment  assuré  du  suc- 
cès ,  il  leva  l'étendard  de  la  révolte, 
contre  le  roi  que  lui-même  avait  con- 
tribué à  faire  ;  mais  il  échoua  com- 
plètement, et  paya  de  sa  tète,  sa 
coupable  entreprise.  Morton  se  jetta 
dans  une  frêle  barque ,  et  ga:;,na  le 
continent,  où  il  se  tint  caché  jusqu'à 
l'époque  où,  de  trahisons  eu  trahi- 
sons, le  comte  Henri  de  Richcmond , 


MOR 

vainqueur  à  Rosnorth  ,  eût  mis  sur 
son  Iront ,  la  couronne  usurpée  de  la 
famille  d'York. Morton  reparut  alors, 
et  eut  la  satisfaction  de  faire  exécuter 
enfin  le  projet  qu'il  avait  arrêté  avec 
le  duc  de  Buckingham  ,  et  qui  con- 
sistait ta  réunir  les  partis  des  deux 
roses  ,  par  le  m.iriage  de  Henri  VU, 
avec  la  fille  d'Edouard  IV.  L'ovêque 
d'Ély  ,  qui  avait  jiartagé  les  dangers 
et  la  mauvaise  fortune  du  nouveau 
roi ,  fut  aussitôt  rappelé  au  conseil, 
devint  premier  ministre  de  ce  prin- 
ce, succéda,  en  148G,  à  Bouchicr 
dans  l'archevêché  de  Cauterbury, 
fut  nommé,  l'année  suivante,  grand- 
chancclier    du    royaume  ,    et  ,    eu 

I  j()3,  cardinal,  par  Alexandre  VI. 

II  moiiruî  en  octobre  i.joo,  âgé  de 
quali-e-vingl-dix  ans.  Thomas  More, 
qui  lui  était  redevable  de  son  éduca- 
tion ,  fait  de  ses  qualités  un  éloge  qui 
est  per.t-être  dicte  par  la  reconnais- 
sance. Il  le  représenle  comme  un 
homme  dont  la  figure  grave  et  sé- 
riei'.se  inspirait  la  vénération  ,  mais 
dont  l'abord  cependant  n'était  pas 
difiicile.  Il  n'était  pas  moins  res- 
pectable par  sa  sagesse  et  sa  vertu  , 
qiic  par  l'autorité  de  ses  charges. 
Ses  manières  étaient  douces  et  sim- 
ples ,  ses  mœurs  étaient  pures ,  ses 
goûts  étoient  tranquilles  :  il  prenait 
plaisir  h  s'occuper  lui-même  de  la 
culture  de  ses  jardins.  Il  eut  des  en- 
nemis, ce  qui  est  le  sort  ordinaire 
des  grands  ministres  ,  surtout  dans 
les  temps  de  trouble.  La  noblesse  lui 
reprochait  trop  de  hauteur  et  trop 
de  sévérité.  Le  peuple  murmura  sou- 
vent du  poids  des   taxes  (i);   mais 


{ i'^  Il  réuMlt  In  hénévolener:  ,  impôt  odimx  ,  abo- 
li par  re  Ricliard  III  i|u'il  faisait  |irof.  ssion  de  hair. 
Oii  prétend  nu'il  avait  iwiagioé  cet  élraiige  raiaonne. 
mei.l  .  p'.iir  cii.li  aiD'Irc  t  lit  le  monde  à  la  \,.iyer  ; 
on  disait  par  snu  or.'.re  à  celui  fi  :  «  TiiJ^ii'  A"  la  de. 
»  i/ense  ,  diinc  lu  es  riche  :  tu  paieras  ;  »  à  <olui-là  • 
»  Tu  ne  dépenses   rien,  donc  tu  es  riche  cl'sco-to- 


MOR 

comment  le  ministre  aurait-il  pu  im- 
poser aux  factions  sans  une  grande 
i'crmelo,  et  faire  jouir  la  nation  de 
la  paix  qui  signala  son  administra- 
tion, sans  des  impôts  proportionnes 
aux  besoins  du  royaume?  S  il  amas- 
sa de  grandes  richesses  ,  on  doit  dire 
qu'il  en  fit  constamment  le  plus  no- 
ble usage.  Une  partie  considérable 
fut  craploye'e  par  lui-même  en  répa- 
rations et  constructions  d'édilices  pu- 
blics et  de  grands  chemins.  Il  char- 
gea ses  exécuteurs  testamentaires  de 
fournira  l'entretien  et  à  l'éducation 
de  vingt  étudiants  pauvres  et  studieux 
d'Oxford,  et  de  dix  de  Cambridge, 
pendant  les  vingt  ans  qui  suivraient 
sa  mort.  Ou  lui  attribue  une  his- 
toire de  Richard  III;  mais  il  paraît 
que  cet  ouvrage  n'est  pas  de  lui.  Sa 
vie  a  été  écrite  par  Jo.  Ruddeu,  Lon- 
dres, 1607.  Z. 

MORTON  (  Jacques, iV^.  comte 
DE  ),  régent  d'Ecosse,  appartenait  à 
lafa.niliedes  Douglas,  l'ime  des  plus 
puissantes  de  ce  royaume.  Il  avait 
embrassé  la  religion  protestante  ,  et 
se  trouvait ,  en  ijS'j  ,  l'un  des  chefs 
de  l'union  que  les  religionuaires 
avaient  formée  sous  le  nom  de  con- 
gréi^a'.ion  du  Seigneur  (  i  ) ,  pour 
résister  à  IMarie  dv  I^orraine,  à  cette 
époque  ,  reine  douairière  et  régente. 
Après  la  mort  de  cette  princesse  , 
iVIaric  Stuart  sa  fdle  accorda  ,  pen- 
dant quelque  temps,  sa  confiance  au 
comte  de  iVIorton,  Mais  lorsqu'elle 
eut  épousé  Henri  Darnley ,  Morton  , 
s'étanl  aperçu  de  l'ascendant  que 
David  Rizio,  fils  d'un  musicien  pié- 
moutais,  avait  obtenu  sur  la  reine, 


>i  mies  ;  lu  paieras,  n  Ce  dilemme  iijernal  fut  uoni- 
me,  dnos  le  temps,  la  fourche  ou  le  hameçou  de 
Mortou.   Nul  u'y  pouvait  c'cbapper.  '      ' 

(i)  lUavaint  prisée  nom  eu  opposition  de  reini 
le  C'ongié^alion  deSutan,  uu'ils  JoMuaient  à  le  li,e 
ii^ùlic,  " 


MOR 


210 


partagea  la  haine  et  la  jalousie  que 
les  autres  seigneurs  avaient  conçues 
contre  cet  étranger,  et  se  détermina , 
avec  eux,  à  le  faire  périr.  Penlant 
qu'ds  étaient  occupés  du  plan  de  cet 
horrible  complot ,  le  jeune  roi,  qui 
attribuait  à  liizio  la  froideur  que  la 
l'eine  lui  témoignait ,  et  qui  était  ir- 
rité de  la  familiarité  imprudente  avec 
laquelle  cet  indigne  favoi  i  (Huit  traité, 
venait  de  prendre  de  son  côté  la  ré- 
solution de  se  défaire  de  lui.  Il  com- 
muniqua son  dessein  aux  seigneurs 
ennemis  de  Rizio,  qui,  sentant  tout 
l'avantage  d'avoir  un  associé  de  cette 
importance  ,  furent  au  comble  de  la 
joie  en  recevant  cette  ouverture.  Mais 
coin  me  ils  connaissaient  l'inconstance 
ordinaire  du  roi,  ils  hésitèrent  quclqiîc 
temps;  et  Morton,  qui  dans  ce  siè- 
cle d'intrigues  était  l'homme  le  plus 
adroit  et  le  plus  insinuant ,  se  char- 
gea d'affermir  le  prince  dans  sa  ré- 
solution. Il  enflamma  ses  passions 
en  lui  peignant  Rizio  comme  le  prin- 
cipal ou  plutôt  comme  le  seid  obsta- 
cle au  succès  de  la   demande  qu'il 
avait  faite  à  la  reine  de  la  couronne 
matrimoniale ,  et  donna  même  à  en- 
tendre, avec  un  air  de  confidence  et 
de  mystère ,  que  l'intimité  de  ce  fa- 
vori avec  IMarie  pouvait  servir  de 
voile  à  des  familiarités  criminelles. 
Ces    insinuations   produisirent  leur 
elfet    sur   le  jeune  roi  ,  qui   traita 
aussitôt  avec  les  seigneurs  :  on  con- 
vint des    préliminaires ,   on  dressa 
des  articles  ,  et  chacun  y  stipula  sa 
sûreté  et  ses  intérêts.  Le  comte  de 
Morton ,  que  la  reine  avait  élevé  à  la 
dignité  de  giand-chanceiier  d'Ecos- 
se ,  eut  la  direction  d'une  entrepri- 
se formée  au  mépris  de  toutes  les 
lois  ,  dont  il  était  lui-même  le  dépo- 
sitaire. Le  9   mars  i.'J66,  il  entra 
dans  la   cour  du  palais   avec    cent 
soixante  hommes,  se  saisit  de  toutes 


220  MOR 

les  portos,  cl  facilita  aux.  anlics  cou- 
jui  es  les  moyens  de  pe'nclrer  et  d'é- 
gorger Rizio  sans  avoir  à  craindre 
pour  leur  sûreté  (  /^.  M  arie-Stuaut). 
Les  conjures  se  rcudii  ont  cnlièrejnent 
maîtres  du  palais ,  et  gardèreut  la  rei- 
ne à  vue   avec  le  plus  grand    soin. 
Maigre  l'insulte  atroce  qu'elle  avait 
reçue  ,  et  qu'elle  sentait  vivement , 
elle   fut  obligée  d'admettre  Morton 
«nsa  présence,  et  de  promettre  qu'elle 
lui  accorderait  son  pardon  ,  daus  les 
termes  qu'il  jugerait  nécessaires  pour 
sa  plus  grande  sécurité.  Cependant 
Marie,  qui  avait  repris  de  l'ascendant 
sur  le  roi,  l'ay.iut  dccide  à  partir  pré- 
cipitamment avec  elle,  avait  eu  en 
iDèiue  temps  l'adresse  de   détacher 
Murray  et  ses  amis,  de  leur  union 
avec   les  assassins   de   Kizio.   Mor- 
ton, se  voyant  abandomié  par  le  roi 
et  par  le  j)arti  de  Murray,  puur  évi- 
ter sa  perte,  s'enfuit  eu  Angleterre 
avec  les  aiities  conjurés.  Il  y  resta 
jusqu'après  le   baptême  de  Jacques 
VI:  à  cette  époque,  !e  comte  de  Both- 
vvfll,  qui  gouvernait  la  reine,  et  qui 
espérait  trouver  dans  Morton  et  dans 
sesamis  des  partisaus  lidèles  et  déter- 
minés, leur  fit  accorder  une  grâce 
qu'ils  n'avaient  plus  l'espérance  d'ob- 
tenir. Le  roi  ayant  été  assassiné,  et 
Bothwell ,  qu'on  accusait  d'èlre  sou 
3ueurtrier  ,  étant  devenu  l'époux  de 
sa  veuve,  les  nobles  écossais,  soit  à 
cause  de  l'horreur  que  leur  inspirait 
cette  conduite,  soit  plutôt  pour  se 
venger    de   la    manière   impérieuse 
dont    Bolhwell    exerçait    l'autorité 
qu'il  avait  acquise,  et  par  la  crainte 
qu'iuspiiaient  ses  eutrepriscs  contre 
la  vie  dt:  l'héritier  présomptif  du 
trône,  résolurent  de  prendre  des  me- 
sures violentes.  Ils  se  réunirent  en 
graul  nombre  à  Stirling ,  et  y  for- 
mèrent une  association  pour  la  dé- 
fense de  la  personne  du  jeuac  prince, 


Mon 

et  pour  la  punition  des  jueurtriers 
du  roi.  Morton  fut  un  des  chefs  de 
cette  confédération  ,  qui  eut  bientôt 
mis  sur  pied  une  armée  considéra- 
ble. Ducroc,  ambassadeur  de  Fran- 
ce ,  essaya  de  négocier  un  accom- 
modement :  mais  il  jugea  (pie  sa  mé- 
diation serait  inutile  ,   lorsqu'il   vit 
l'exaspération  desseigueurs  écossais, 
et  d'après  la  réponse  tpie  Morton  fit 
à  ses  proposilious  ,  qu'ils  n'avaient 
point  pris  les  armes  contre  la  reine , 
mais  contre  le  meurtrier  de  son  ma- 
ri; et  qu'ils  étaient  prêts  à  rendre  à 
sa  iM.ijesté  l'obéissance   que  des  su- 
jets doivent  à  leur  souverain  ,  si  elle 
voulait  metti'e  le  coupable  entre  les 
mains  de  la  justice,  ou  le  bannir  du 
moins  de  sa  présence.  Ne  voyant  au- 
cun espoir  de  résister  aux  confédé- 
rés ,  Bulhv.'cll  prit  la  fuite;  et  la 
reine    se    livra    entre  leurs   mains. 
Morton  lui  lit,  au  nom  de  ses  alliés,  , 
les  plus  fortes  assurances  de  fidélité 
et  d'obéissance  pour  l'avenir;  mais, 
malgré  ces  protestations,  Marie  fut 
enfermée  comme  prisonnière  d'état 
dans  le  château  de  Lochleven,  ap- 
paricnant    au    laid   Douglas  ,  pro- 
che parent  de  Morton.  Les  seigneurs 
écossais    formèrent   entre  eux  une 
nouvelle  ligue  sous  le  nom  de  lords 
du  conseil  secret,  et  forcèrent  d'a- 
bord la  reine  à  se  démettre  du  gou- 
vernement en   faveur   de   son   fils. 
Marie  ,  ayant  ensuite  trouvé  moyeu 
de  s'échapper  du  château  de  Loch- 
Icveu,  rassembla  une  année  consi  lé- 
r able ,  que  les  confédérés  mirent  en 
déroute;  ce  qui  obligea  cette  prin- 
cesse à  chercher  un  refuge  en  An- 
gleterre. Elisabeth  ayant  obligé  Ma- 
rie Stuart,  et  Murray,  régent  d'E- 
cosse ,    à   comparaître   devant    ses 
commissaires,  pour  y  justifier  leur 
conduite,  le  comte  de  iMorton  fut 
un  des  seigneurs  qui  accompagnèrent 


1\10R 

ic  logent.  Ce  fut  lui  qui  decouvril  les 
iiilriu;ne,s  de  ce  dernier  avec  le  dur, 
de  Noifolk,  et  en  lit  pnit  an  secic- 
taire-d'elat  Ceoil  ;  ce  qni  de'lcruiina 
Elisabeth  à  tiansportcr  ic  lien  des 
conférences   à   Westminster  ,   et  à 
nommer  d'antres  commissaires.  A- 
|)rès  l'assassinat  de  Mnrray  en  lo-jo, 
l'anarchie  et  le  désordre  rc<:;iièrent 
quelque  temps  en  Ecosse;  et  le  parti 
du  roi  fut  dans  la  pins  grande  cons- 
ternation. ],e  comte  de  Morlou.  Ic 
chef  le  plus  habile  et  le  jihis  arlifde 
ce  parli,  eut  recours  a  la  reine  Elisa- 
beth, qni  l'appuya  A'ivement,  et  fei- 
gnit  de  vouloir  nép;ocier  un  fniiîé 
eulre  Marie  et  ses  sujets.  Mot  ton  fiit 
l'un  des  commissaires  choisis  par  le 
parlement  d'Ecosse.  La  manière  dont 
il  entreprit  de  jnslificr  le  trailcmcnt 
que  les  confédérés  avaient  fait  à  la 
reine ,  et  la  déclaration  qu'ils  ne  con- 
sentiraient jamais  à  aucun  tiaite'  qui 
pourrait  porter  atteinte  àl'aulorite' 
que  le  jctuie  roi  d'Ecosse  possédait 
alors,  rendirent  les  négociations  in- 
fructueuses. Les  deux  partis  eurent  re- 
cours aux  armes;  Morton  s'empara 
deLeith  et  le  fit  fortifier;  et,  se  livrant 
entièrement  à  l'influence  de  l'An-vle- 
terre ,    il    ne   songea    qu  a    rompre 
toutes  les  mesures   qui  tendaient  à 
une  réconciliation.  Le  parli  du  roi 
venait,  à  l'exemple  de  celui  de  la 
reine,  de  convoquer  un  parlementa 
Stirling,  et  commençait  à  prononcer 
des  sentences  de  proscription  contre 
la  faction  opposée,  lorsqu'il  fa!  sur- 
pris, le  3  septembre  i^yi,  ]>ar  un 
détachement  venu  avec  le  plus  grand 
secret  d'Edinbourg.  Le  comte  de  Le- 
nox,  père  du  feu  roi,  qui  avait  suc- 
cédé à  Mnrray  dans  la  régence  ,  et 
presque  tous  les  seigneurs  qui  étaient 
avec  lui, furent  faits  prisonniers. IMor- 
ton  seul  défendit  sa  maison  avec  un 
courage  intrépide,  et  ne  se  rendit 


mM\ 


O/J.  i 


que  lorqu'on  y  eut  mis  le  fcii  cl  qu'il 
craignit  d'être  la  j)roi('  des  flammes. 
Ils  fuient  bieiilol  sauvés  parle  comte 
delMarr,    commandant  du  cli;îleau 
de  Stirling;  mais  le  régent  avait  per- 
du la   vie  dans  l'émeule.   Morton  , 
Argyle  et  Marr,  furent  les  candidats 
qneles  nobles  assemblés  présentèrent 
pour  remplir  l'oHice  de  régent;  ce 
dernier,  fut  choisi,  et  dut  son  éléva- 
tion au  service  signalé  qu'il  venait  de 
rendre.  Morton,  (pii  commandait  les 
troupes  fin  régent,  assuré  de  l'assis- 
tance d'Elisabeth,  recommença  les 
lioslilitcs:  il  pressa  vivement  le  siège 
d'Edinbourg,  et  exerça  tonte  sorte 
de  bubaries.   Le   régent   travaillait 
alors  à  réunir  tons  les  partis,  et  il  y 
aurait  peut-être  réussi;  mais  Mor- 
ton ,  qui  craignait  de  voir  diiniimer 
son  pouvoir,  si  les  partisans  de  la 
reine  reprenaient  que!((ue  part  dans 
le  gonvcrneraent ,  et  jaloux  d'ailleurs 
du  comte  de  JMarr,  qui  l'aA'ait  sup- 
planté dans  la   régence,    se   plut  à 
renverser  tous  ses  projets.  La  dou- 
leur que  le  régent  en  ressentit,  abattit 
son  courage;  il  tomba  dans  une  im^ 
lancolie  profonde,  et  mourut  le  '.>.() 
cet.  l'jS'i.  Morton,  soutenu  paria 
reine  d'Angleterre,  fut  élu  à  sa  place 
{'2^no\.  ),  malgré  les  appréhensions 
du  j)eup!e  et  la  jalousie  des  nobles. 
Il   débuta  par  concilier  avec  adres- 
se les   débats    qui  s'étaient   élevés 
entre  les  nobles  et  le  clergé  protes- 
tant,  et  lit  ensuite  des   ouvertures 
aux  partisans  de  la  reine ,  divisés  en 
deux  factions.  La  première,  dirigée 
par   Maitlaiid   et  Kirkaldy ,    rejeta 
ses  propositions  ,  qui  furent  accep- 
tées par  celle  dont  le  duc  de  Chatelle- 
raut  était  le  chef.  Il  conclut  avec  lui 
lin  traité,  qui  fut  signé  à  Perth  ,  le 
33  février  iS^S.  Ou  y  stipula,  en- 
tre autres  choses  ,  que  l'autorité  de 
Morton,  comme  j-égent,  serait  ix- 


toiiDue;  que  tout  ce  qui  avait  e£e  fait 
contre  le  roi,  depuis  son  coiiroiine- 
meiit,  serait  regarde' comme  illégi- 
time, etc.  Avec  les  secours  que  lui 
envoya  Elisabetli,  Morlon  s'empara 
du  châte.iu  d'Ediiibonrg  (i),  et  fit 
pendre  Kirkaldi  quM  redoutait.  Mait- 
laud  s'était  donné  la  mort  pour  évi- 
ter l'ignominie  d'une  exécution  pu- 
blique. Le  royaume  jouissait  alors 
d'une  paix  profonde  :  Morton  entre- 
prit de  faire  disparaître  tous  les  dé- 
sordres, suite  nécessaire  de  la  guerre 
civile.  Par  son  adresse  et  sa  fermeté, 
il  vint  à  bout  de  rétablir  la  tran- 
quillité; mais  ses  exactions  le  ren- 
dirent bientôt  odieux.  Ses  procédés 
arbitraires  irritèrent  les  nobles  et  le 
clergé  ;  et  l'imprudence  qu'il  eut 
de  mécontenter  les  favoris  du  jeune 
roi ,  les  porta  à  inspirer  à  ce  prince 
des  soupçons  contre  son  pouvoir  et 
ses  projets.  Une  assemblée  des  no- 
bles, ennemis  du  régent,  fut  convo- 
quée au  nom  du  roi  ;  et  Morton ,  à 
qui  l'on  signifia  que  Jacques  desirait 
prendre  l'administration  du  gouver- 
nement, se  démit  de  la  régence  ,  au 
grand  contentement  d'une  partie  de 
la  nation  (  12  mars  i5y8  ).  Il  obtint 
un  acte  portant  approbation  de  sa 
conduite  pendant  tout  le  cours  de  sa 
régence,  et  le  pardon  de  tous  les 
crimes  ou  ofteuses  qu'il  avait  pu 
commettre,  et  se  confina  dans  une 
de  ses  maisons  (i),  oii  ne  paraissant 
s'occuper  que  d'amusements ,  il  ob- 
servait avec  soin  les  démarches  de 
ses  adversaires.  Ses  richesses  et  ses  ta- 
lents le  rendaient  encore  formidable: 


(l^  Morlon  pretindalt  avoir  iiitcrceplé  ,  m  cette 
occasion,  uur  cassette  que  Bulhwill  avait  hiissér  dans 
!••  château  d'Edinlinurg ,  et  qui  contenait  des  lel  très  et 
des  sonnets  écrits  de  la  main  de  la  reine  Marie.  Les 
conf('drri  s  1rs  firent  |iul<lier  puur  iustiiier  lenr  con- 
duite envers  ille.  U  est  prouvé  que  ces  piïces  «taieut 
supposées. 

(1}  L«  peuple  l'appelait  VAnlre  du  lion. 


MOR 

les  nouveaux  conseillers  voulurent 
opérer  sa  ruine  totale  ;  ils  lui  enle- 
vèrent d'abord  le  château  d'Edin- 
bourg,  et  lui  firent  éprouver  chaque 
jour  de  nouvelles  vexations.  Cepen- 
dant la  haine  que  le  peuple  avait 
conçue  contre  lui ,  commençait  à 
diminuer;  et  les  protestants  regret- 
taient son  administration, en  la  com- 
])araut  avec  celle  qui  avait  succédé. 
Morton  ,  instruit  de  ces  particulari- 
tés ,  s'efforça  de  gagner  la  confian- 
ce du  jeune  comte  de  Marr  et  de  sa 
mère,  et  parvint,  avec  leur  secours, 
à  s'emparer  de  Slirling  et  de  la  per- 
sonne du  roi.  Un  parli'uient  ^  con- 
voqué par  lui  dans  cette  dernière 
ville,  malgré  l'opposition  de  ses  ad- 
versaires, confirma  l'acceptation  que 
le  roi  avait  faite  du  gouvernement , 
et  ratifia  l'acte  accordé  à  Morton 
pour  sa  sûreté.  Celui  ci  conserva  par 
le  fait  toute  l'autorité:  aussi  les  lords 
Argyll  et  Athole  et  ses  autres  adver- 
saires coururent  aux  armes;  mais  ils 
se  réconcilièrent  avec  lui,  par  l'ea- 
tremise  delà  reine  Elisabeth.  Profi- 
tant bientôt  du  pouvoir  qu'il  avait 
ressaisi ,  Morton  se  livra  à  sa  haine 
pour  la  maison  d'Hamilton  ,  et  em- 
ploya contre  elle  les  procédés  les 
plus  injustes.  D'un  autre  côté,  il  ne 
ménagea  pas  assez  les  favoris  du 
roi,  qui  déterminèrent  ce  souverain 
à  convoquer  un  parlement  à  Elin- 
bou:g,  ou  il  se  rendit.  Quoique  rien 
n'y  fût  décidé  de  contraire  à  Morton, 
néanmoins  comme  le  roi  continuait 
de  résider  dans  cette  ville  et  que  tous 
les  ennemis  du  régent  avaient  un  li- 
bre accès  auprès  du  prince  ,  il  était 
aisé  de  juger  que  Morton  ne  tarderait 
pas  à  être  mis  en  accusation.  Mor- 
ton ,  qui  commençait  à  voir  le  dan- 
ger dont  il  était  menacé ,  crut  le 
prévenir  en  dénonçant  Leuox,  l'un 
des  favoris,  comme  ennemi  de  la 


MGR 

relij^ioii  profcstante  ;  mais  celui  -ci 
ayant  abjure  piil)li(iii(uifiit  le  callio- 
licisinc  ,  Mortoit  cul  recours  à  Eli- 
sabclli,  qui  se  prouon)5;a  lortcincnt 
en  sa  faveur  ,  et  fit  demander  le 
renvoi  de  Lenox  du  conseil  prive. 
Celte  demande  sans  exemple,  et  les 
rtproclics  menaçants  d'Elisabeth  lia- 
tèrent  la  chute  de  Morlon  :  accuse' 
en  plein  conseil  par  le  capitaine 
Smart,  du  meurtre  du  feu  roi,  il  fut 
arrête  bientôt  après  (2  janvier  1 58i  ) 
dans  sa  propre  maison,  et  envoyé  au 
château  d'Etlinbourg  ,  dont  Erski- 
ne,  son  ennemi,  était  gouverneur. 
Apres  avoir  été  transfère  au  château 
de  Dunbarton  ,  il  fut  reconduit  à 
Édinbourg  ,  le  i*^''.  juin  de  la  même 
année.  Elisabeth  fit  tous  ses  elforts 
pour  le  sauver;  elle  rassembla  un 
corps  de  troupes  sur  les  frontières 
d'Ecosse ,  et  envoya  dans  ce  pays 
Raudolph  comme  son  ambassadeur, 
pour  ce  seul  objet.  Tout  fut  inutile  ; 
et  ces  démarches  ne  firent  qu'accelë- 
rer  la  perte  de  Morlon.  Les  registres 
de  la  cour  de  justice  de  ce  temps-là 
sont  perdus;  mais  il  paraît  certain 
que  la  procédure  fut  très-irrégulière, 
et  que  tout  y  respira  la  Aiolence  et 
l'oppression.  Après  une  courte  déli- 
bération, les  pairs  le  déclarèrent  cou- 
pable de  n'avoir  pas  révélé  la  cons- 
piration formée  contre  la  vie  du  feu 
roi ,  et  d'en  avoir  été  nrtifer  et 
parliceps  (i),  et  le  condamnèrent  à 
être  pendu  comme  coupable  de  tra- 
hison; mais  le  roi  commua  ce  sup- 
plice ,  et  ordonna  que  le  lendemain 
ie  comte  serait  décapité.  Pendant  ce 
court  intervalle  de  temps  ,  Morton 
conserva  une  tranquillité  d'ame  ad- 
mirable :  il  soupa  gaîment,  dormit 


(i)  H  fut  Ircii-tmirbé  de  ces  tlfiniers  mots,  qu'il 
ropéta  avec  véliémciice ,  eu  s'ecriaiit  :  Dieu  tait  si 
cela  eit  ainsi  1 


un«  partie  de  la  nuit,  et  employa  le 
reste  du  temj)s  à  des  actes  de  pieté. 
11  soniïiit  la  mort  avec  inlrepiditc 
(juin  i58i  ).  On  fit  usage,  jjour 
sa  décapitation  ,  d'un  instrument  de 
supplice  imaginé  par  lui-même  ,  et 
qui  ressemblait  assez  à  notre  guil- 
lotine (  F.  l'Hist.  de  lUibertson  )  : 
la  tête  de  Morton  fut  placée  sur  la 
porte  de  la  geôle  publique  d'Edin- 
bourg.  Sou  corps  fut  porté,  la  nuit 
suivante,  au  lieu  destiné  pour  la  sé- 
pulture des  criminels.  Aucim  de  ses 
amis  n'osa  se  trouver  à  son  enterre- 
ment, ni  lui  donner  des  marques  j)u- 
bliques  d'attachement.  Le  comte  de 
Morton,  dernier  des  régents  écossais, 
était  de  petite  taille  et  d'une  physio- 
nomie engageante  :  sa  constitution 
était  vigoureuse  ,  et  son  caiaclère 
plein  d'activité  et  de  hauteur.  Il  joi- 
gnait à  une  instruction  variée  ,  une 
expérience  consommée  du  monde  et 
des  affaires.  11  avait  connu  les  mal- 
heurs de  la  pauvreté,  et  les  avanta- 
ges d'une  fortune  immense  et  d'un 
pouvoir  sans  bornes.  Une  ambition 
démesurée  lui  fit  tout  sacrifier.  A 
une  époque  oîj  tous  les  hommes  d'é- 
tat étaient  soldats,  il  eut  des  talents 
pour  la  guerre  comme  pour  la  paix  ; 
mais  son  courage  était  plus  remar- 
quable dans  le  cabinet  que  sur  le 
champ  de  bataille.  Il  était  dissimulé, 
cruel ,  envieux ,  vindicatif  et  plein 
de  rapacité,  porté  à  satisfaire  sans 
scrupule  ses  passions  et  ses  moindres 
caprices.  Les  vices  de  l'homme  privé 
étaient  cachés  sous  un  vernis  brilLuit, 
qui  déguisait  ce  qu'ils  avaient  d'o- 
dieux. Ses  palais  et  ses  jardins  étaient 
décorés  avec  un  goût  et  une  magnifi- 
cence peu  commune  à  l'époque  où 
il  vivait.  Sa  débauche  était  rairinée  ; 
et  la  violence  du  penchant  qui  l'en- 
traînait vers  les  femmes,  n'enipèehait 
pas  qu'il  ne  mît  une  certaine  délica- 


224  1\!0R 

icsse  dans  le  choix  de  ses  amours. 
Aussi  odieux  p.ir  sa  cornij)! ion  pri- 
vée, qu'exéei;djle  par  ses  crimes  pu- 
Llics,  il  épuisa  la  palicnre  d'uu  siè- 
cle accouUiine  aux  plus  jurandes  dé- 
prav.itions.  1) — z — s. 

MORTON  (  Richard  ),  medcciu 
anp;lais  ,  naquit  daîis  le  comté  de 
iSullolk,  vers  la  preiniJ-re  iitoitie'  du 
XVII''. siècle.  Il  avaitd'abordeinhr;is- 
sc  l'èlat  ecclésiastique,  et  fut  nom- 
me' chapelain  de  la  famille  Foley, 
dans  le  Worccsicr;  mais  étant  non- 
coJifurmisle  ,  il  dut  par  la  suite  re- 
signer, ce  qui  lui  fit  aliandoniier  la 
cari  ièrcdc  l 'église. Dès-lors  Morlon, 
qui  n'avait  ]>jS  encore  vingt-quatre 
ans,  embrassa  l'élude  de  la  médecine, 
et  s'y  distingua  bientôt. Nomme  mé- 
decin du  prince  d'Orange ,  et  l'ayant 
accompagne  à  Oxford,  il  prit,  dans 
l'universilc  de  cette  ville  ,  le  bonnet 


IMOR 

il  administra  aussi  intempcstivcnîcnt 
l'eau  de  chaux  dans  celte  dernière 
maladie.  Morlon  if.aque,  dans  ses 
écrits,  la  théorie  Iniuioraie  transmi- 
se par  Galicii;  mais  il  la  rerapha  a 
par  d'autre»  abslraclions,  peut-tUe 
plus  dangereuses.  C'est  ainsi  qu'il 
admellait  l'existence  des  esprits  vi- 
taux, et  celle  d'un  a»/r«A  destnicteui , 
dans  les  maladies  aiguës,  tout  en  se 
vantant  d'être  éclectique.  Dans  le 
fait,  il  était  imbu  de  cetfe  ridicule 
chiiniatriequi  a  déshonoré  la  méde- 
cine du  dix-septième  et  du  dix-huiîiè- 
me  siècle.  Il  blâmait  Sydenham  d'em- 
ployer les  anliphlogistiques  dans  les 
];h!egmasies  du  ttijjc  digestif,  ainsi 
que  dans  la  variole.  11  aurait  voulu 
faiie  prévaloirla  méthode  échaufihii- 
te,  qn'd  préconisait;  et  qui  le  gniJait 
souvent  dans  le  traitement  des  mala- 
dies aiguës,  parce  qu'il  croyait  que 


de  docteur.  Par  la  suite  ,  il  s'établit     les  excitants  étaient  seuls  propres  à 
à  Londres  ,  et  se  fit  agréger  au  collège     détruire  le  prétendu -ytru-s,  qui,  s 


de  médecine  de  cette  capitale  ,  où 
il  ne  tarda  point  à  être  fort  répandu 
tlans  la  piatiquc.   Il  fut  le  rival  , 
])iutùtque  l'émole deSydenham,qui, 
moins  docte  peut-être,  fut  incontes- 
tablemeni  p'us  habde  dans  le  juge- 
jnent  et  dans  la  curation  des  mabi- 
dies.  JMorlon  obtint  une  grande  vo- 
gue pour  le  ti'aitemcnt  des  maladies 
throniques  de  la  poiuine  ,  sur  les- 
(juclles  il  a  écrit  un  livre  qui  renferme 
d'utiles  recherches  ,  mais  aussi  de 
grandes  erreurs surla  véritablenature 
comme  sur  le  iraitementde  cesalïéc- 
lions.  Il  fut  un  des  premiers  promo- 
teurs du  hina  en  Angleterre;  il  l'ad- 
ministrait d'abord,  par  timidité,  à 
très-petites  doses,  dans  les  fièvres  in- 
lermiltcntes;  mais  l'expérience  Ini 
montra  rinuocuilé  de  cette  salutaiie 
écorce ,  dont  il  fit  toutefois  un  fu- 
neste abus  dans  l'hémoptysie,  dans 
la  pctilc-vérolc,  dans  la  dysenterie  : 


Ion    lui,  les    entretenait.    Moriou 
mourut  dans  le  comté  de  Surrey,  le 
3o  août  i6p8,  laissant  après  lai  la 
léputation  d'un  vaste  savoir,  que  ne 
démentent  point  ses  ouvrages.  Lien 
(ju'ils  contiennent  des  doctrines  ar- 
bitraires et  erronées.  Il  a  publié  :  I, 
Phthisuiogia ,  sive  exeicitalwncs 
dephlhisi,  Londres,  iG85  ,  in-8^.  ; 
traduit  en  anglais,  in-B".,  1694.  Il 
entre  ici  dans  des  détails  étendus  et 
variés  surla  phthisie  et  sur  ses  diver- 
ses espèces  :  mais  malheureusement 
on  V  cherche  eu  vain  des  connais- 
ccs  solides  d'anatomie  pathologique. 
11.  Exercilalioiies  de  morbis  iini- 
versalibus  aculis ,  in-B".  ,  Londres, 
1 O99..  111.  De  fehrihus  injlammaiw 
riis,  ibid.,  1694,  in-8°.,  169B.  C'est 
ici  surtout  qu'abondent  ses  erreurs 
sur  le  traitement  des  maladies  in- 
flammatoires, qu'il  veut  attaquer  par 
les  incendiaires,  s'éloiguauî  eu  cela 


MOR 

de  ia  doctrine  d'Hippocratc,  dont 
Sydenliam  au  contiaiie  so  lappro- 
ciie.  C'est  parliciiliiTeiufril  au  .sujet 
de  la  variolcMpi'il  lait  éclater  labar- 
baricdc  sa  inctliodc.  IV.  O,  eraoïii- 
nia  ,  'i  vol.  in  -  8". ,  Amsterdan» , 
iG<)G;  liyon,  1697,  '-*  ^^^-  '"-4'^-J 
Venise,  1737;  TiOydc,  1757.  F — R. 

MORTOiN  (Jacques  Douglas, 
comte  de),  pair  et  surintendant  des 
a  rchives  d'Kcosse,  pré>ident  de  !a  so- 
ciété' royale  de  Londres  ,  inemljre  de 
l'académie  des  sciences  de  Paris  ,  na- 
quit à  Edinbourj; ,  en  1707  ,  d'une 
des  plus  anciennes  familles  d'Ecosse. 
Après  avoir  vovagé  dans  toute  l'Eu- 
l'ope,  il  revint  à  Edinbourp;  ,  où, 
par  les  conseils  et  avec  le  secours  du 
célèbre  Mac -Laurin  ,  il  forma  une 
société  de  phiiosoplies  ,  dont  il  de- 
vint le  président,  se  trouvant  ainsi , 
à  râp;e  de  vingt-=is  ans  ,  fondateur 
d'une  académie  qui  est  aujourd'hui 
une  des  plus  célèbres  de  l'Kurope.  Il 
cultiva  les  sciences  en  aiuateur  éclai- 
ré, favorisa  leurs  progr' s  de  tout 
son  crédit  ;  il  eut  plus  de  [)art  que 
personne  à  l'observation  du  passage 
de  Vénus  sur  le  Soleil  ,  le  3  juin 
1769,  par  les  secours  et  les  instruc- 
tions qu'il  procura  aux.  observa- 
teurs, il  montra  nue  grande  intel- 
ligence dans  la  direction  du  i!/«- 
sœum  Britannicuin.  Il  soutint,  par 
son  éloquence,  les  grands  intérêts  de 
sa  patrie,  en  sa  qualité  d'un  des  seize 
représentants  de  la  pairie  d'Ecosse 
dans  le  parlement.  Il  avrdt  for- 
mé l'utile  projet  d'un  cabinet  des 
archives  du  royaume  d'Ecosse ,  et 
en  avait  même  commencé  l'exécu- 
tion .  lorsqu'il  mourut  en  17G8.  P', 
son  Eloge  parGrandjean  de  Fouchv, 
dans  le  Recueil  de  l'acadéiriie  des 
sciences,  année  1770,  Histoire, 
p.   149.  T — D. 

MORUS  (  Thomas  ).  F.  More. 

XXX. 


IMOR  29.5 

MORUS    (   Samuel  -  pBf'DtRic 
Natuanael  ),  huiiKMiiste  et  théo- 
logien   saxon  ,    naquit    le    3o  no- 
vembre  1730,   à  Lauban,  dans   la 
T.usace  .supérieure  ,  d'un  régent  de 
létolede  celte  ville.  Son  père  étant 
pauvre  et   chaigé  d'une  nombreuse 
famille ,  il    se   vit  dans  la  salutaire 
nécessité  de  se  créer  une  existence 
par  le  travail,  et  voulut  se  préparer 
à  la  carrière  de  l'enseignement  aca- 
démique   par  des   éludes    solides  : 
ses  progrès  le  signalèrent  de  bonne 
heure  parmi  les   élèves  de  l'univer- 
sité de  Leipzig  ,  et  le  portèrent  gra- 
duellement à    toutes    les    fonctions 
importâmes,  et  aux  plus  hon<rables 
places  auxquelles  un  mérite  supé- 
rieur  et  l'esiime  générale    peuvent 
élever,dans  l' Allemagne  protestante, 
un  savant  philologue  et  un  théolo- 
gien distingue.  Successivement  pro- 
fesseur de  philosophie  (  1768  ),  des 
langues  grecque  et  latine  (  1771  ), 
éphore    des  jeunes    gens    auxquels 
l'électeur    accordait   des    bourses  , 
(    1780),  professeur  de    théologie 
(  1782  ),décemvir  de  l'académie  et 
chanoine  du  haut  CiiâpitredeMeissen 
(  1786  ),  as.=esseurdu  consistoire  de 
Leipzig  (  1 787  ) ,  il  se  fit  aimer  et 
admirer  dans  les  rapports  où  ces  em- 
plois le  placèrent,  par  un  accoraplis- 
semeiiî  religieux  de  ses  devoirs,  et 
par  l'iiifluence  heureuse  que  sc^  lumiè- 
res, sou  rare  talent  jiour  l'instruction 
et  sa  piété  éclairée,  exercèrent  sur  la 
jeunesse  studieuse.  A  sa  mort ,  arri- 
vée en  179-i ,  et  accélérée  par  une 
applicatioiLtrop  afsidue,  des  accents 
de  douleur  et  de  vénération  pour  sa 
mémoire  partirent  de  tous  les  points 
de  l'Allemagne.  Parmi   ceux  de  ses 
élè  es  qui    témoignèrent   publique- 
ment les   sentiments  de  reconnais- 
sance et  d'admiration  ])our  le  naître 
et  le  bienfaiteur   qu'ils  pleuraient, 
i5 


o.iQ  MOR 

nous  devons  nommer  spécialement 
ceuxqniles  exprimôrtul  dans  !e  lan- 
gage cle'pjanl  e\  classi(|iicilonl  Morus 
leur  avait  enseigne  les  nglcs  et  donne 
lui-même  rf-xeniplcdans  ses  leçons, 
autant  et  peut-être  plus  encore  que 
dans  ses  eVr ils:  le  célèbre  historien 
et  philologue  Ch,  Dan.  Beck  (  Beci- 
tatio  de  Moro ,  suinrno  thtoloc,o , 
36  pp.  in-8'\);  le  savant  éditeur  des 
lettres  de  Ciceron,  J.  Aloys  Martyni 
Laguna  (  Elegia  ad  mânes  Mon  )  ; 
le  philologue  distingué  J.  Ge.  Chr. 
Hoepfner  ,  dans  une  notice  de  1 38 
p.  sur  la  vie  et  le  mérite  de  Moriis , 
Leipzig,  1793  ,  in-8^.  ,  où  la  me'- 
thode  d'institution  dogmaîi({ue  et 
cxe'ge'tiqucde  jMorus  est  caractérisée 
avec  autant  de  talent  que  d'uliiite' 
pour  le  moraliste  et  l'interprète  de 
«os  livres  sacrés.  Au  nomitre  des 
poèmes  en  langue  allemande,  consa- 
crés à  l'expression  des  jnêmcs  senti- 
ments d'alfection  et  de  regrets,  il  en 
parnt  un  signé  de  sept  cent  cinq  per- 
sonnes. Bien  que  Morus  eût  pris 
toutes  les  précautions  qui  dépen- 
daient de  lui,  pour  que  son  enterre- 
ment se  fit  sans  pompe  avec  la  mo- 
deste siinplicité  q'.ii  était  un  des 
traits  proérainciits  de  son  caractère, 
plusieurs  centaines  de  ses  élèves  sui- 
virent le  convoi  de  leur  maître  bien- 
aimé  ;  et  un  plus  grand  nombre  se 
réunit  auprès  de  sa  tomiie ,  et  la 
couvrit  de  fleurs.  Les  étudiants  de 
la  faculté  prirent  spontanément  le 
deuil,  et  le  portèrent  plusieurs  se- 
maines. 11  mourut  sans  laisser  d'en- 
fants. Disciple  et  digne  émule  de  J.- 
A.  Ernesti,  il  appliqua  au  nerfection- 
ncmpnt  des  diverses  branches  de  la 
tliéologie  et  de  l'oxcgcse ,  les  résul- 
tats les  plus  certains  des  nouvelles  re- 
cherches historiques  et  philologiques 
qui  ont  fait  de  l'Allemagne  la  terre 
classique  de  l'étude  des  langues ,  des 


MOR 

mœurs ,  des  monuments  et  de  l'es- 
prit de  l'anliquilé.  Si  nous  avions  , 
des  autres  parties  du  INouveau-Tes- 
tament,  une  aussi  bonne  tradii«iiou 
«l'io  l'est  celle  <]ue  Morus  a  faite  de 
l'Epîtif  aux  HcJjreux  ,  nous  pour- 
rions oITrir  anx  hommes  pour  qui 
le  texte  original  de  ce  code  de 
leurs  devoirs  et  de  leurs  espérances 
n'est  pas  accessible ,  une  version  des 
livres  qu'il  renferme,  aussi  fidèle, 
aussi  claire,  aussi  pleine  d'onction 
et  de  force,  qu'il  sera  ,  peut-être, 
donné  d'atteindre  aux  interprètes  les 
plus  habiles  et  les  plus  consciencieux, 
aidés  de  tous  les  secours  rassemblés 
par  l'érudition  et  soumis  à  l'eprcuvo 
d'unecriliqueexercée.  La  carrière  lii- 
téraire  de  Morus  se  divise,  comme 
sa  carrière  académique  ,  eu  deux 
périodes  ,  dont  la  première ,  dans 
l'ordre  du  temps,  le  prépara,  pour 
ainsi-dire,  à  mieux  fournir  la  der- 
nière. Nous  indiquerons  de  même 
ses  travaux  relatifs  à  la  philologie 
ancienne,  avant  de  passer  à  ses  ou- 
vrages théologiques.  I.  JsiCratis  Pa- 
neicyricus ,  i.eipzig,  i7G(>,  in-S".  ; 
3"^.  éd.,  1804,  in-8-'.  IL  Lonoinus, 
cwn  animadv.  et  versione  novd ,  il). 
17(39,  in-8'\  Il  faut  y  joindre  ■  Libel- 
las animadversioman  ad  Lons^i- 
niim,  ibid.,  1773,  in-S-^. ,  dont  l'in- 
troduction {De  variatd  sublimilG- 
tis  notione  in  commentario  Longi- 
HiV/«o),  est  un  modèle  de  goût  et  d'éru- 
dition. III.  M.  Anlonini.  imp.  com- 
inentarii  quos  ipse  sibi  scripsit  cum 
.yyllabo  var.  lect.  et  conjecturanim, 
ibid. ,  1774^  in  8<».  IV.  Xenophontis 
Cyronœdia  ciim  indice  e.rœcilalis , 
ibid.,  1783,  iu-80.  V.  Ai*^a.<rii  Kufis 
Xenophontis ,  etc.,  1773,  in-8°.  3''. 
Xenophontis  hisl.  grœca,  ib. ,  1778, 
in  8'^.  VI.  C.  Jul.  Cœ saris  Comm. 
de  bello  gallico  et  civili,  1780  ,  gr. 
iu-8".  VII.  P.uioms  liber  de  vlrtu- 


MOR 

tibux,  1781,  in-8°.  VIIT.   Fita  J. 
J.  Reiskii,  177O,  in  8'.   IX.   V\n- 

sk'iirs  dissertaliuiis  |)!iilolu}^icjiics 
d'un  grand  iiUorct ,  parcx  :  Dedis- 
criiniiid  seiisds  et  si^/rfcccilionis  in 
internretando; — De  n^xu  si'^nlftca- 
tioiiuiii  L'jusdem  veiin;  —  De  co- 
î^natiune  hislo/Le  et  eloqucnlicc 
ciim  puesi  ; — De  Fhœnissis  Eiiripi- 
tiis,  etc.,  etc.,  se  trouvent  dans  la  col- 
lection de  ses  opuscules  [Disserta- 
tiones  thealogicœ  et  philologie^, 
2  vol.  in-B'^.),  1787  et  i79f.  i/cle'- 
gance,  la  concision,  la  soLricte'  de 
remarques  (  il  n'en  met  qu'aux  eu- 
droits  vraiment  difficiles  },  caracté- 
risent ses  travaux,  sur  les  auteurs 
de  l'antiquité.  On  voit  qu'il  ne  perd 
pas  de  vue  son  maître  et  sou  modèle, 
El  nesti  ;  et  les  reproches  de  pe'nurie 
d'observations  critiques,  cl  d'une  cer- 
taine économie  d'érudition,  que  l'é- 
cole hollandaise  a  adresses  à  Ernesti, 
retombent  également  sur  son  disciple. 
L'un  et  l'autre  ne  considérèrent  les 
anciens  que  comme  moyens  de  for- 
mer le  goût  et  d'acquérir  des  con- 
naissances utiles  au  jurisconsulte,  au 
théologien,  au  philosophe,  etc.  Ils 
i'epoiisscreut  toute  espèce  de  luxe 
philologique;  et  ils  croyaient  devoir 
renvoyer  le  lecteur  à  un  glossaire 
pariiculiei',  pour  l'explication  des 
diiacultés  grammaticales.  En  revan- 
che ,  ils  n'évitaient  pas  les  occasions 
de  lui  offiir  des  réflexions  sur  les 
beautés  ou  les  défauts  de  la  diction, 
sur  !a  vérité  et  la  tendance  des  faits 
ou  des  doctrines  exposés  par  l'au- 
teur dont  ils  soignaient  î'édilion. 
Les  ouvrages  théologiques  de  Morus 
portent  l'empreinte  d'une  piété  é- 
claîréc  et  profonde.  Le  recueil  que 
nous  avons  indiqué,  contient  des 
dissertations  très-remarquables;  par 
exemple,  De  lipiniiie  suhmittenle se 
Btio  (  digne  peudaut  des  VinàiciJS 


MQR 

arbUrii  diviid,  d'Erncsli  ),  où,  sans 
s'en  douter,  IMorus  peint  son  humi- 
lité et  sa  résignation  excin[, Lires  j 
—  De  relii(Lunis  nolilid ,  ciiin  rébus 
exjiencnliœ  ohviis  co^  uhilà;  —  De 
modo  cogilandi  de  officiis,  etc.  X. 
Un  Choix  de  sermons,  i  78(1,  in-8'\ 
XI.  Epitoiiie  theologlid  chrislianœ^ 
1781),   in  8".  (prescrit  comme  ma- 
nuel dans  plusieurs  élats  de  l'Aile- 
magne,)  Apres  sa  mort,  G.  A.  Hem- 
pel  imprima  les  leçons  explicatives 
de  ce  traité  élémentaire,  telles  que  ses 
disciples  les  avaient  recueillies  de  sa 
bouche,  sous  ce  titre  :  Commentarius 
exegetico-histoncus  in  suant  epito- 
men,  1  vol..  Halle,  I7<j7,  et  1  71)8, 
gr.  in-S".  Dars  sou  Epitome,  Morus 
expose,  avec  candeur,  les  résultats 
de  ses   recherches  exégétique.s.  Ac- 
cueillant, avec  une  foi  humble  et 
vive  ,    les  dogmes   mystérieux    du 
christianisme,  lorsqu'ils  lui  parais- 
sent évidemment  énoncés   dans  l'É- 
critiire-sainte,  il  les  présente  comme 
liés   aux  besoins  moraux  de  notre 
nature,  et  comme  les  seuls  moyens 
olFerts  à  l'homme  pour  les  satisfaire. 
Cette  théorie  du  système   bililique 
déplut   cgaiement    aux    théologiens 
novateurs,  et  aux  ennemis  de  toute 
innovation  dans  les  formes  didacti- 
ques  de  l'enseignement  du  dogme. 
Après  sa  mort,  parurent  :  XIL  Eu 
latin,  ses  leçons  :    1°.  Sur  V Epitre 
aux  Romains,  mises  en  ordre  par 
J.  T.  G.  Holzapfel,  Leipzig,  179^, 
in-8\;  —  -1°.  Sur  celles  de  s.dnt 
Jacques  et  de  saint  Pierre  (par  C.  A. 
Donat ,  1784,  in-8°.);  —  3».  Sur  les 
^tïctes  des  Apôtres  (  par  H,  J.  Din- 
dorf,  ib.);  —  4".  Sur  Y  Evangile  de 
^rtmtZuc  (par  Donat,  ib.);  —  5'\  Sur 
celui  tle  saint  Jean  (par  Dindorf,  eu 
Si   vol.    1795);  (j".  Sur  les  É pitres 
de  saint  Vaul  aux  Galates  et  aux 
Ephésicns  ,  '.795,  in-8°.  (sous  le 
i5.. 


?.s 


MOR 


titre  à*Jcroasis  in  Epist. ,  etc.  )  — 
•1°.  Sur  les  ÉpUres  de  saint  Jean 
(par  Hempel,  1796).  Xlll.  En  al- 
lemand, son  Coîirs  de  morale  (2 
vol.,  1793  et  1794,  in-H».,  par  E. 
F.  Tr.  Voigt).  —  Troi":  volumes  de 
Sermons  posthumes,  par  K.  A.  G. 
Keil,  1794- 1797,  in- 8<^. —Un 
Commentaire  sur  VÉpitre  aux  Bo- 
mains ,  et  sur  celle  de  saint  Jude 
(  1 794); — Sur  les  Èpitres  aux  Corin- 
thiens (  1 794  -i  par  Holzapfel).  XIV. 
Enfin  l'ouvrage  intitule:  Hermeneu- 
tice.  Editionem  aptavit  variisque 
additamentis  instnixit  H.  C.  A. 
tlichstadt,  Pars  1  ;  ibid. ,  1 797  ,  in- 
8".  On  peut  voir  dans  Meusel  le  dé- 
tail des  e'crits  académiques  de  Morus 
et  la  liste  des  notices  biographiques 
qui  lui  ont  été  consacrées  ,  et  dont 
la  quantité  prouverait  seule  combien 
la  mémoire  de  ce  grand  théologien 
est  chérie  et  vénérée  de  ses  compa- 
triotes. S — R. 

MORVAN.  F.  Bellegarde  ,  IV, 
102. 

MORVEAU.  r.  GuYTON. 

MORVILLE  (  Charles  -  Jean- 
Baptiste  Fleuriau,  comte  de),  fils 
du  garde-des-sceaux  Fleurîau  d'Ar- 
menonville  (i),  naquit  à  Paris,  le 
3o  octobre  1686.  Le  comte  de  Mor- 


(1)  Josepb-Jf  an-BaplisIe  Fleuriati  d'ArmeDonTille, 

S  Ere  du  comte  de  Morville,  descendait  d'une  famille 
e  marchands,  dont  la  maiion  de  c<iramerce  était 
connue  à  Tout  s  ,  sons  le  nom  de  cumpa^oie  Bonn»  au , 
Bonchaad  i-t  Fleuri.iu.  Son  père  vint  à  Paris  ,  en 
1H84  ;  il  s'int^rtsSH  dans  les  fermes  .  et  arlict.»  en^Dite 
une  charge  de  secrétaire  du  roi.  Une  «les  sœUrs  de 
Flenriau  d'ArmruouvilIc  ayant ép  Aisé 'e  cimtrôleiir- 
géuéral  LepelleliT,celui-ciïît  nommer  son  b^au-frère 
ÎDtendûDt  de»  financs  ,  puis  directeur  gcuéral  eu 
1^0?..  U  obtint,  en  1716,  le  département  de  la  mari- 
ne, après  la  démission  du  marquis  de  Torcv,  et  fut 
remplace  |iar  le  comte  de  Morville.  soutits,  1"  9 
•Tril  172».  Il  avait  élé  nommé  garde -des- sceaux  ,  le 
aS  février  de  la  même  année,  loi  a  de  la  deuxième 
disgrâce  du  chajiceljer  d'Ajjuesseau.  Flptiri;iu  d'Ar- 
menunTÎlle ,  djsf;racié  à  ton  tour,  fut  obligé  de  rendre 
les  sceaux,  (U  1717,  ^*  "^°"'""*  ^*  ^7  iioveml»re  ï/nS, 
au  cliâleau  de  Madrid,  où  le  roi  lui  avait  donné  uuc 
retraite.  Sans  avoir  un  génie  supérieur ,  il  rt'iuplit  ses 
emplois  ïTec  exactitude  tl  iiilégrité. 


MOR 

ville  suivit  d'abor^  la  carrière  de  la 
magistrature,  où  iltlébula,  en  1706, 
par  les  fonctions  d'avocat  du  roi 
au  Chàtelet ,  et  fut  successivement 
conseiller  au  parlement  de  Paris  , 
et  procureur -général  au  grand-con- 
seil. Au  mois  de  janvier  1718,  il 
remplaça  ChaleauiK-uf  dans  l'ambas- 
sade de  Hollande,  et  détermina  les 
états-généraux  à  signer  la  quadruple 
alliance  ,  le  8  mars  de  la  même  an- 
née. 11  fut  envoyé ,  en  1 72 1 ,  comme 
])léuipotentiaire,  au  congrès  de  dm- 
brai ,  et  fut  chargé,  après  sou  père  , 
du  département  de  la  marine .  eu 

1 722.  Il  fut  admis  à  l'académie  fran- 
çaise ,  le  22  juin  1723.  La/norI  du 
cardinal  Dubois,  arrivée  !e  10  août 

1723,  avant  laissé  vacant  le  porte- 
feuille des  afl'aires  étrangères,  le  duc 
d'Orléans  le  fit  donner  au  conite  de 
Morville  ,  qui  le  conserva  jusqu'au 
19  août  1727,  époque  où  il  quitta 
le  département  des  affaires  étran- 
gères ,  soit  par  l'effet  du  chagrin 
({ne  lui  causait  la  disgrâce  de  son 
père,  soit  que  sa  retraite  fût  exigée 
par  la  reine  d'Espague,  qui  le  regar- 
dait comme  complice  du  renvoi  de 
l'infante.  Le  roi  lui  accorda  une  pen- 
sion de  20,000  livres  et  un  logement 
à  Versailles,  faveur  qui  semble  éloi- 
gner l'idée  d'une  disgrâce.  Le  com- 
te de  Morville  vécut  depuis  dans  la 
retraite,  et  termina  sa  carrière,  le 
2  féviier  1732.  La  nature  ne  l'avait 
pas  doué  d'un  esprit  éminent;  raai.s 
il  l'avait  exact  et  réfléchi:  il  portait 
une  attention  particulière  à  tout  ce 
qu'on  lui  disait,  et  était  ce  qu'on  ap- 
pelle bon  écouteur.  On  sortait  tou- 
jours satisfait  de  ses  audiences ,  ou 
sûr  du  moins  d'avoir  été  entendu.  Ce 
fut  cous  son  ministère  qu'eut  lieul'flZ- 
liance  d" Hanovre .  conclue  et  signée, 
le  3  septembre  172.5,  entre  la  Fran- 
ce, l'Angleterre  et  la  Prusse,  contre 


I 


MOR 

la  maison  d'Autriche  et  contre  l'Es- 

fjagnc;  alliance  à  laquelle  accciicrerit 
a  Hollande ,  la  Suiide  et  le  Dane- 
mark. On  sait  que  les  alliances  de 
Vienne  et  d'Hanovre  faillirent  em- 
braser de  nouveau  rEiu'0[je.  De  tou- 
tes parts  on  se  pre'parail  à  la  guer- 
re :  mais  la  mort  de  la  Czfline,  la 
médiation  du  pape  et  les  dispositions 
conciliatrices  du  cardinal  Flenry, 
qui  avait  remplace  le  duc  de  Bour- 
bon en  1 7 'if) ,  piévinrcnt  cet  embra- 
sement. L'accommodement  signé  à  ce 
sujet,  le  3i  mai  1727,  est  connu 
dans  l'histoire  de  ladiplomatie,  sons 
le  nom  de  Préliminaires  de  Paris. 
Morville  y  figura  comme  plénipo- 
tentiaire de  Louis  XV.  D — z — s. 
MORVILLIERS(j£ANDE  , chan- 
celier, ne  à  Biois  le  i'^"'.  décembre 
i5ot>  (  G  ail  Christ.  ) ,  était  fils  du 
procureur  du  roi  de  cette  ville.  Il  em- 
brassa l'état  ecclésiaslique ,  fut  pour- 
vu d'un  canonicat  de  la  cathédrale 
de  Bourges,  dont  il  devint  dans  la 
suite  doyen,  et  de  plusieurs  riches 
bénéfices.  Il  entra  au  grand-corseil, 
par  la  protection  des  Guises ,  et  fut 
l'un  des  juges  du  chancelier  I*oyet , 
accusé  d'abus  de  pouvoir  et  de  con- 
cussions (  F.  Poyet).  Nommé  am- 
bassadeur à  Venise ,  il  se  conduisit 
dans  ce  poste  difficile  avec  beau- 
coup d'adresse  ;  et  de  retour  en  Fran- 
ce ,  il  fut  élevé ,  en  1 55ti ,  à  Tévêché 
d'Orléans.  Une  contestation  singu- 
lière s'éleva  entre  lui  et  ses  chanoi- 
nes ,  qui  voulaient  l'obliger  à  rogner 
sa  barbe,  en  vertu  d'un  de  leurs  sta- 
tuts; et  il  fallut  un  ordre  exprès  du 
roi  pour  le  dispenser  de  s'y  confor- 
mer (i).  Il  assista,  en   i555,  aux 

(i)  Henri  II  man.la  anx  clianoiies  qu'ils  rnssent  à 
recevoir  Morvllliers  avec  sa  barbe,  parce  qu'il  clalt 
destiné  à  des  coniuiIssIoDS  en  différents  pays  où  il 
fallait  qu'il  parût  av^c  la  barbe.  L'usage  coiistmit 
depuis  ii4«  )usi)i!'tD  iSii  ,  fut  de  se  hCn-  rasir;  ic 
qui  H'empèth.ilt  pourtant  pas  quelques  particuliers 
•le  («irler  leur  barbe.  X D. 


MOR  nif) 

conférences  d'Ardres,  et  parut  avec 
éclat  au  concile  de  Trente  en  i.j62, 
1 1  conclut ,  l'année  suivante ,  un  ti  aif  ë 
entre  Charles  IX  et  la  reine  Elisa- 
beth, et  se  démit  de  son  évêché  en 
1 504  ,  allégii'int  pour  raison  que  ses 
infirmités  ne  lui  permettaient  pas  de 
s'occuper  du  gouvernement  cle  son 
diocèse.  Il  avait  refusé  les  sceaux 
après  la  mort  du  chancelier  Olivier, 
et  contribué  à  les  faire  donner  à  L'Hô- 
pital; mais  ,  à  la  retraite  de  ce  grand 
îiomiue,  il  fut  obligé  de  les  accepter. 
L'amiral  Coligni  ayant  démontré , 
dans  un  Mémoire  ,  la  nécessité  de 
déclarer  la  guerre  à  l'Espagne,  le 
roi ,  qui  ne  voulait  que  gagner  du 
temps,  chargea  Morvilliers  d'y  ré- 
pondre. On  trouvera  ces  deux  pièces 
dans  V Histoire  Ax\  présid.  deîhou, 
liv.  Li.  Morvilliers  remit,  en  1571,  ^ 
les  sceaux,  qu'il  avait  gardés  deux 
ans  et  quelques  mois  ,  et  se  retira 
dans  son  abbaye  de  Saint-Pierre  de 
Melun.  Les  intérêts  de  l'état  l'obli- 
gèrent cependant  à  faire  encore  de 
fréquents  voyages:  il  revenait  de  Poi- 
tiers, lorsqu'il  tomba  malade  à  Tours, 
où  il  mourut,  le  23  octobre  1577. 
Son  corps  fut  transporté  à  Blois , 
et  inhumé  dans  l'église  des  Corde- 
liers,  où  le  chancelier  Bellièvre,  son 
ami  et  son  légataire ,  lui  fit  élever 
un  tombeau.  Morvilliers  était  un  hon- 
nête homme,  mais  timide  et  inca- 
pable d'une  détermination  A'igoureu- 
sc.  Il  avait  acquis  une  grande  expé- 
rience des  affaires.  Dans  les  conseils, 
il  inclinait  toujours  pour  la  pais  , 
le  premier  besoin  des  peuples  ;  et  il 
ne  croyait  pas  qu'il  fijt  possible  de 
l'acheter  par  trop  de  sacrifices,  Quoi- 
qu' élevé  parles  Guises,  il  ménagea 
les  intérêts  des  Protestants,  et  con- 
seilla de  les  traiter  aVec  douceur  , 
comme  le  seul  moven  de  rétablir 
l'aulorité  royale,  compromise  pac 


^-Iq  ni  or 

leursadvcr.saires.il  favorisa  les  gens 
de  lettres.  Muret  lui  a  dcdic  qiicl- 
qiics-uus  de  ses  ouvrages;  et  Gcn- 
lien  Hervet,  sa  ti-aductiou  des  Basi- 
liques. Morvilliers  a  laisse  fies  Let- 
tres et  fies  Népxiations  ,  qui  sont 
en  manuscrit  à  la  biIj!IotIùf|ue  du 
roi ,  et  des  J/émoires  de  son  temps, 
dont  on  conservait  une  copie  flans 
le  caLinet  de  M.  Guyot ,  à  Dijon 
(  /^.  la  Bibl.  hist.  de  la  France , 
II".  18348).  W— s. 

MOKVÎLLIERS   (  Masson  de  ). 
/^.  M.\sso>". 

HORZÎLLO(Fox  de  ).  F.  Fox  , 
XV,  4ii. 

MOSCHEROSCII  (Jean-Micuel), 
lilléiatcur  ai!omanfl  ,  était  ne  le  i'^'. 
mars  iCoo,  à  Wildsladt,  sur  le 
Bliin,  à  4  lieues  de  Strasbourg.  Son 
ïiora  de  famille  ëlaitKa!bskopf(7'e/<? 
de  veau  ),  et  il  le  tiaduisit  en  celui 
rie  Mosc.herosch  .  fj[ai  ,  moitié'  eu 
grec ,  moitié  en  hébreu  ,  présente  le 
mcme  sens.  Euvoyé  à  l'académie 
de  Strasbourg,  pour  y  achever  ses 
t'iudes,il  reçut,  ta  1624?  I^  degré 
de  maître-cs-arts,  et  visita  les  priii- 
cipaies  villes  de  France ,  en  liom- 
jne  qui  ciicrcbe  les  occasions  de 
s'instruire.  Il  fut  chargé  eiisuite  de 
î'édiicaîion  d'un  jeune  prince  et  rem- 
plit successivement  diiTtrentscniplois 
suballèriies.  Ses  taicnts  lui  firent  trou- 
A'er  des  protecteurs  ;  il  fut  pourvu  de 
la  charge  de  conseiller  des  guerres  de 
la  couronne  de  Suède,  et,  peu  de 
temps  après,  de  celle  de  sécrétai 'e  Gs- 
calcle  la  ville  de  Strasbourg.  Nom- 
ine,  en  i  i^^Q,  président  de  la  chancel- 
lerie et  conseiller  de  la  chambre  de 
finances  du  comté  de  Hanau ,  il  fut 
ogalenieut  honoré  delà  conflimce  de 
l'électeur  de  Maïence,  et  d'Hed^vige 
Sophie,  landgrave  de  Hesse.  Mos- 
cherosch  mourut  le  A  «"ivril  ifiOy,  à 
Worms,  ou  il  était  allé  voir  uu  de 


MOS 

ses  fds.  On  cite  de  lui  :  I.  fFunderli- 
che  etc.  (  Visions  niervcilkuses  et 
réelles.  )  L'édition  la  plus  comulcte 
de  cet  ouvrage  est  celle  de  Slias- 
bourg,  1C60-65,  2  vol.  in-S".  ;  il 
Ta  j)ub!ié  sous  le  nom  de  Phdan- 
dre tle Sillcmi'ald. parlequel  il  était 
désigne  dans  l'acaflcmie  des  Fructi- 
fiants, dont  il  était  membre.  Que- 
vedo  lui  a  servi  de  modèle;  et,  à 
son  exemple,  Trloscherusch  passe  en 
revue,  dans  une  suite  de  petits  ta- 
bleaux, les  difTércnts  états  de  la  so- 
ciété: il  y  a  de  l'originalité  dans  ses 
peintures,  et  une  vérité  de  détails  qui 
prouve  un  observateur  attentif  et 
judicieux.  Les  critiques  allemands 
louent  la  pureté  et  l'agrément  de  son 
st}'lc.  On  a  pub'ié  à  Fr.incfurt,  en 
i']S'x,  un  extiait  de  cet  ouvrage, 
sous  ce  titre:  Fjlaster,  etc. (Emplâtre 
assuré  contre  la  goutte,  etc.)  II. 
Technologie  allemande  et  fran- 
çaise,  Strasbourg,  i656,  in -8°. 
III.  yJnthologia  seujlcnle^ium  epi- 
grammatifmselcctissimarum,StT,\s- 
bqurg,  iG5o;  Francfort,  i655  ;  lé- 
ua,  1672,  in-i2.  Les  cpigrammes 
de  IVIoscherosch,  divisées  eu  six  cen- 
turies ,  sont  estimées,  et  rappellent 
souvent  le  genre  d'Owen.  Ou  lui 
doit  encore  un  Supplément  au  Cata- 
logue des  évêques  de  Sti'asbourg ,  par 
Jacq.  Wimpheling.  W — s. 

MOSCHOI  ULE  (Mjimel).  Il  y 
a  eu  de  ce  nom  deux  grammairiens 
grecs ,  f[ue  Hody  a  mal  -  à  -  propos 
confoufius.  Ils  étaient  cousi!;s.  Le 
plus  ancien  naquit  dans  lîle  de  Crè- 
te, et  florissalt  sous  l'empereur  Ma- 
nuel Paléolcgue,  vers  la  lin  du  qua- 
torzième stccle,  et  non  pas  sons 
Amironic  Paléologue  l'Ancien,  com- 
me le  dit  Ducaiige,  et  aussi  Fabricius, 
que  iiarles  a  oublié  de  corriger.  Fabri- 
cius et  Ducaiige  ont  suivi ,  sans  y  fai- 
re assez  d'attculion ,  ujue  observatiou 


]\10S 

de  Criisius.  Le  second  cfait  de  By- 
x.ancc,  et  t'ul  du  iiom'oii' des  (îiTcs 
(jui,  après  Ja  prise  de  (iOii.^taiiliiio- 
iilc,  clierchèreiil  un  asde  en  Jt.ilie. 
Moschopiile  de  Crète  est  auteur  d'u- 
ne Gnumuaire  publiée,  eu  i54o,  à 
Càie,  et  (le  ^'t/jo/;c'>  encore  inédites, 
sur  les  Héroïques  de  Pliiioslmtc.  Il 
f.iut  probablement  lui  donner  les 
Srhvlies  sur  Hésiode ,  que  Trinca- 
vfiii  a  piJjliccs  sous  le  uoia  de  Ma- 
nuel >.e  Bvzancc.  mais  qu'un  ma- 
nuscrit d'Kbpap,iio  attriiaie  formel- 
lement à  îMoscliopule  de  Crète.  Ces 
srlîolies  ,  qui  se  trouvent  aussi  dans 
l'Hésiode  de  Heiusius ,  ont  clé  réim- 
primées eu  i8io,  par  M.  le  prof. 
Gaisford ,  avec  un  soin  digne  de  sa 
rare  exactitude,  et  une  élégance  di- 
gne des  presses  d'Oxioi'd.  Nous  vf  sa- 
vons trop  auquel  des  deux  Moscho- 
puies  il  faut  attribuer  les  Scholies  sur 
les  deux  premiers  livres  de  l'Iliade, 
que  Scherpezccl  a  fait  imprimer  en 
1719,  à  Utreclit,  et  non  pas,  com- 
me le  ditHarles,  à  Amsterdam,  en 
1702  ;  la  J  ie  a  Euripide ,  qui  se 
lit  au  commencement  de  plusieurs 
éditions  de  ce  poète;  et  quelques  pe- 
tits ouvrages  de  grammaire,  de  pro- 
sodie et  de  théologie,  restés  jusqu'à 
présent  inédits.  Le  Traité  sur  les 
carrés  inagiijues,  que  La  Hirc  a  tra- 
duit en  latin ,  et  qu'il  lut ,  en  1 69 1 ,  à 
l'académie  des  sciences ,  est-il  du 
Moschopule  de  Crète  ou  de  l'autre? 
cela  n'est  pas  facile  à  décider,  il  n'y 
a  pas  d'incertitude  sur  l'auteur  du 
Choix  de  mots  attiqués ,  qui  a  paru 
à  Venise ,  en  1 5i4i  f^'"'  ^^s  soins  d'A- 
sola,  et  à  Paris,  en  i53'2,  chez  Vas- 
cosan.  Les  manuscrits  le  donnent  à 
Manuel  de  Byzance  :  mais  nous  nési- 
tous  à  suivre  les  bibliographes  qui 
attribuent  à  ce  même  Mosciiopule 
le  Traité  de  grammaire  élémentaire, 
d'orthograpùe  cl  de  prouoiiciatiou, 


IMOS 


3i3r 


connu  sous  le  litre  de  Péri  schedoriy 
cl  dont  Robert  Klieime  a  donné,  en 
1545,  une  édilion  magiiilitpiemeut 
imprimée.  H  ne  nous  sendjle  pas  que 
les  iiianuscriLs  aient  indiqué  la  pa- 
trie de  l'auteur:  et  comment  alors 
se  décider  pour  le  plus  jeune  un  pour 
l'aine?  Ce  dérider  traité  a  été  réim- 
primé à  Vienne,  en  1773  et  en  1807. 
ija  philologie  n'y  tiouve  pas  beau- 
coup à  profiter  ;  mais  les  Grecs  mo- 
dernes en  peuvent  tirer  quelque  uti- 
lité. Eu  général,  c'est  surtout  pour 
eux  qu'il  est  aujourd'hui  avantageux 
t!e  publier  les  Ej)imé:ismes  et  les 
Schédographies  des  grammairiens 
des  temps  postérieurs.  Nous  n'éten- 
drons pas  davantage  cet  article.  Il 
serait  cependant  de  quelque  intérêt , 
pour  riiistoirc littéraire,  d'éclaircir, 
autant  que  possible,  les  points  dou- 
teux dans  la  nomenclature  des  ou- 
vrages des  deux  Moschopules.  llfau' 
drait,  pour  y  pouvoir  patvcnir,faire, 
dans  les  anciennes  étlitions  et  dans 
les  manuscrits ,  des  recherches  pour 
lesquelles  les  moyens  et  le  temps 
nous  manquent  entièiemcut.  B — ss. 
MOSCIiL  S,  poète  bucolique  grec, 
naquit  à  Syracuse.  (iOntemporain  et 
ami  du  ccièbre  critique  Aris:arqi'.e  , 
il  vécut  dans  la  i56=.  olympiade 
sons  le  règne  de  Ptolémée-Fhilomé- 
tor,  environ  cent  quatre-vingts  ans 
avant  J.-C.  H  fut  l'éiève  et  l'ami  de 
Bion  de  Smyrnc  j  et  ces  deux  char- 
mants poètes  succédèrent  à  Théo- 
crite,  qui  florissait  ])rès  d'un  siècle 
avant  eux.  Ou  doit  les  regarder 
consmc  les  inventeurs  de  Vldjlla 
proprement  dite.  Les  poésies  pasto- 
rales de  Théocrite,  bien  qu'on  leur 
donne  le  nom  d'idjllcs  ,  ne  sont  que 
des  éclogiies ,  puisqu'elles  contien- 
nent toujours  l'exposition  drama- 
tique, épi^e,  ou  mixte,  d'une  ae- 
tiou  qui  se  passe  eulre  des  bergers  : 


232. 


MOS 


Mais  riflylle ,  comme  le  donne  a  en- 
tendre rcfvmolof^ie  de  son  nom  ,  est 
MiiPetit  tableau  cl)anipclrp entremê- 
le de  réflexions  et  de  sentiments  (i). 
Telle   est  l'Idylle  chez,  Bion ,  chez 
jMoschns,  et  chez  ceux  des  modernes 
qui    ont   marche'   sur  leurs   traces. 
The'ocrite    s'était    immortalisé     en 
chantant  les  bergers  :  et  si  l'harmo- 
nie de  ses  vers  .  sa  naïveté ,  sa  sim- 
plicité exquise  ,   le   naturel  de   ses 
peintures  ,  lui  ont  fait  donner  la  pal- 
me dans  ce  genre  de  poésie  ;  on  peut 
dire  que  Bion  et  Moschus  ,  sans  se 
mesurer  avec  un  si  redoutable  rival , 
ont  su  cependaiit  trouverdc  la  g'oire 
dans   la  raêine  carrière,  en  ornant 
leurs  petits  tableaux  champêtres  de 
toute  l'élégance  d'un  style  enchan- 
teur ,  de  toutes  les  grâces  de  la  belle 
nature:  ils  sont  surtout  dans  le  goût 
delà  littérature  moderne,  qui  est  plus 
favorable  à  l'Idylle  qu'à  l'éclogue. 
Moschus  en  particulier,  moins  iiigé- 
uieux  que  Bion,  qui  l'est  quelquefois 
trop ,   a  plus  de  délicatesse   et  de 
sentiment.   Rien  de  plus  doux  que 
ses  vers.  Il  nous  reste  de  lui  sept  ou 
huit  petites  pièces  charmantes.  Son 
^mow  fugitif  a  été  imité  par    le 
Tasse  (i),  qui  ne  l'a  pas  éga'é.  L'I- 
dylle sur    l'enlèvement    d'Europe , 
qu'wU   a  mai-à  propos   attjiiJiiée  à 
The'ocrite  quciqu'cUe  soit  si  éloignée 
de  sa  manière,  peut  être  comparée 
à  la  corbeille  de  fleurs  de  cette  prin- 
cesse ,  que  notre  poète,  d.ms  cette 
idylle  même,  a  décrite  avec  de  si  bril- 
lantes couleurs.  Mais  ie  chef-d'œu- 
vre de  Moschus.  et  l'mi  des  chefs- 
d'œuvre  de  l'antiquité ,  est  l'Idylle 
sur  la  mort  de  Bion.  Ou  ne  peut  la 
lire  sans  être  attcudii  :  elle  est,  dans 


(i)Le  root  grec  I.iylle,  s^i,aiËe  ptijf  tableau.  Éc!o- 
guc,  daos  la  iuciiil-  Iduguu  ,  ï.giit/ie  choix  de  /tiscis, 
^j)  Prolog. d'J.uuit. 


MOS 

la  poésie  grecque,  ce  qu'est  dans  la 
notre  la  belle  élégie  de  Lafonlaiue 
sur  la  disgrâce  He  Fouquet.  Ou  ne 
sait  rien  de  la  xie,  ni  de  la  mort 
de  Moschus.  Ceux  de  ses  écrits  qui 
nous  ont  été  conservés ,  ont  toujours 
été  imprimés  avec  les  poésies  de 
Bion;  et  ces  deux  aimables  poètes, 
amis  pendant  leur  vie,  n'ont  pas  été 
séparés  après  leur  mort.  L'édition 
de  Meckerch  .  Bruges  ,  i  .56.j  ,  in-4"- 
gr.  et  lat.  ,  est  rare,  iMoschus  et  Bion 
ont  été  imprimés in-8".,  gr.  et  lat., 
à  Venise  ,  édition  de  Schrevclius  , 
i']\Ct ,  cuin  notis  variorum  ;  à  Ox- 
ford, avec  les  notes  deJ.  Herkin  , 
l'y 48  ;  à  Leipzig,  ex  recensione 
M.  J.  A.  Schier ,  i75'2  ;  à  Erlang  , 
avec  les  notes  de  G,  G.  Harles,  1780; 
enfia.  à  Londres,  par  Bentley,  i  ng5. 
Ils  ont  été  traduits  eu  vers  français 
p  jr  Longepierre,  Paris,  1  GSfi,  in- 1 2, 
et  par  M.  Gail,  en  prose,  Paris,  i  ^gS, 
in- 18.  On  les  trouve  aussi  dans  la 
Goilection  des  poètes  grecs  ,  et  dans 
un  grand  nombre  d'éditions  de  The'o- 
crite. M — s. 

MOSCHUS  (  Jean  ),  moine  grec  , 
surnommé  Eucratès,  florissait  sous 
les  règnes  de  Tibère  et  de  Maiirice.  II 
embrassa  la  vie  religieuse  dans  le 
couvent  de  S.  Théodose  de  Jérusa- 
lem ;  il  habita  successivement  les 
bords  du  Jourdain,  et  le  nouveau 
monastère  de  S.  Saba  ,  où  l'on  sait 
qu'il  remplissait  Y  office  de  prcecentor 
(  grand  chantre  ).  Poussé  par  une 
sainte  curiosité ,  il  visita  ensuite  les 
solitudes  de  la  Syrie  et  de  l'Egvpte , 
et  vintmème ,  jusque  dans  l'occident, 
étudier  les  règles  et  les  usages  des 
cénobites  qui  s'y  étaient  établis.  De 
retour  dans  sa  retraite,  il  composa 
uu  ouvrage  intitulé  Leimon  ,  etc.  , 
c'est-à-di:  e  le  pré  ou  le  verger  spiri- 
tuel, q-i'il  adressa  à  Sophrone,  son 
disciple  et  le  compagnon  de  ses  voya- 


MOS 

jjcs,  élevé  depuis  à  la  (lip;nilé  de  pa- 
triarche de  Jcrusalciii.  C'est  le  le- 
cuoil  des  vies  des  saints  solitaires  de 
son  temps;  on  y  trouve  des  particu- 
larités intéressantes,  des  pensées  et 
des  maximes  d'une  haute  sagesse  : 
mais  celle  compilation  est  déligurce 
])ar  des  récils  apocryphes,  (pie les  lé- 
gendaires n'ont  pas  manqué  d'ampli- 
iier  en  les  copiant.  Moschus  partagea, 
dit-on,  quelques-unes  des  erreurs  de 
Sévère  Acéphale,  et  mourut  en  (yj.o. 
Son  ouvr-igcalongteraps  été  conservé 
en  manuscrit;  il  en  panit  d'abord  une 
version  italienne,  dont  l'auteur  est 
inconnu  :  la  tra'luction  latine  ,  par 
Ambroise  le  Camaldule,  aété  impri- 
mée dans    le   tome    vu  des    ntce 
Sanctor.  de  Lipporaaui;  et  elle  forme 
le   x'=,  livi-e  des  ntœ  Fatrum ,  de 
RosweyJe,  qui  y  a  joint  (le  courtes 
notes.  Enfin  le  tcxlegrecdiviséen'^  19 
chapilres([),a  étcp-iblié  par  Fronton 
du  Duc,  dans  le  tome  1  de  L' Aucta- 
rium  Bihl.  Pair.,  d'où  il  a  passé  dans 
le  tome  xni  de  la  Bihl.  Pair.  Cote- 
lier  ayant  retrouvé  à  la  bibl.  du  roi 
un  manuscrit  plus  complet  que  celui 
dont  s'étail.  servi  le  dernier  éditeur 
des  OEiwres  des  Pères ,  eu  tira  tous 
les  fragments  inédits,  qu'il  oublia  ,ivec 
une  version  latine,  dans  le  tom.  11  des 
Monument,  eccles.   ^'œc.   Aniauld 
d'Andilly  a  trad.  eu  franc,  l'ouvrage 
de  Moschus;  mais  il  en  a  reîi  ujché 
plusieurs  passages.  W — s. 

MOSELEY  ('Benjamin),  'oédecin 
anglais,  natif  du  comte  d'Essex,  se 
forma,  dans  les  hôpi'aux  de  Londres, 
et  dans  ceux  de  Paris ,  à  l'exercice 
de  sa  ])rofession;  ii  alla  ensuite  s'éta- 
blir, comme  chirurgien  et  apothi- 


ÏVIOS 


•1?,^ 


(t)  Photiiis  en  coni|  tdU  Soi', ,  et  mpme  3  '.i.  On  en 
doit  conclure  ou  <jue  Touvrag.-  ne  nous  est  pas  par- 
Tci.ulout  cut.er  ,  ou  que  des  co].istes  posteripurs  à 
Fhotius  ,  en  ont  «haugû  la  distrlbuliui,  en  reuulssant 
jilusieurs  diapitre^i. 


Caire  ,  à  Kingston  (  Jamaïque  ) ,  oii 
bientôt  il  eut  peine  a  suffire  à   sa 
clientelle. C'était  l'époque  delà  guerre 
de  l'indépendance;  et  les  maladies 
épidémiques  faisaient  d'affreux  rava- 
ges parmi  les  troupes.  Moseley  s'oc- 
cupa d'en  observer  la  nature ,  et  d'en 
rechercher  les  moyens  curatifs  ;  et  il 
publia  le  résultat  de  son  expérience 
à  cet  égard,  sous  le  titre  à! Obser- 
vations sur  la  dysenterie  des  Indes 
occidentales^  i  -^83,  in  8°.  Cet  écrit, 
qui   fut  réimprimé   à  Londres  ,   et 
qui  a  eu  plusieurs  éditions,  étendit 
beaucoup  la  réputation  de  son  au- 
teur.   Il  était   alors   chirurgien   en 
chef  de  l'île.  La  guerre  entre  les  co- 
lonies et  l'Angleterre  étant  terminée, 
il   visita  New-York,  Philadelphie, 
et  la  plupart  des  provinces  améri- 
caines, fut  élu  membre  de  la  société 
philosophique,  passa  quelque  temps 
à  Londres ,  alla  prendre  son  pi-emier 
grade  comme  médecin  à  Leyde,  et, 
après  avoir  fait   un   nouveau   tour 
d'Europe  ,  toujours  dans  l'intérêt  de 
son  instruction,  il  se  fixa  définitive- 
jnent  à  Londres,  eu  1785.  De  nou- 
veaux écrits  le  firent  connaître  avan- 
tageusement ,  notamment  un  Traité 
sur  l&s  propriétés  et  les  effets  du 
Café  (  1 785 ,  in-8".) ,  qui  eut  une  3". 
édition  dans  la  même  année,  une  5*^. 
en  inçfi;  et  un  Traité  sur  les  ma- 
ladies des   Tropiques  (  4*-'.  édition , 
1806  ,   in  -  8^^.  )  ;  deux  sujets  que  , 
sous  le  rapport  de  la  science  ,  peu  de 
personnes  pouvaient  traiter  mieux 
que  hii.  Dans  le  premier  de  ces  écrits, 
il  donne  l'historique  du  calé ,  et  il 
expose  les  avantages  de  sa  culture,  et 
surtout  de  son  usage,  avec  une  com- 
plaisance qui  lui  mérita  des  témoi- 
gnages de  reconnaissance  de  la  part 
des   colons.    Moseley    ayant    eu    le 
bonheur  de  soulager  sensiblement  le 
comte  Mulgrave  dans  une  maladie 


234  MOS 

nerveuse;  cet  homme  d'état ,  devenu 
son  protecteur,  lui  piotura  la  place 
de  médecin  de  l'hôpital  militaire  de 
Chelsea,  où  rhumanite  du  docteur 
le  fit  chérir  autant  que  ses  talents  le 
firent  estimer.  On  cite,  entre  autres, 
une  occasion  où  il  arrêta  de  son  au- 
torité l'instrument  fatal  qui  allait 
amputer  la  jambe  d'un  pauvre  inva- 
lide, dont  lui-même  piit  soin,  et 
qu'il  rendit  prompteraent à  la  santé, 
sans  recourir  à  l'opération.  11  publia, 
en  1799,  un  Traité  sur  le  Sucre, 
in-8'.,  qui  eut  du  succès,  et  qui  a 
eu  deux  éditions.  Heureux  s'il  se  fût 
borné  à  traiter  des  sujets  aussi  po- 
pulaires; mais  il  vivait  depuis  long- 
tcmp.s  en  mauvaise  inielligence  avec 
ses  confrères.  11  se  montra  l'un  des 
plus  ardents  ennemis  de  la  vaccine  , 
qu'il  rcj^ardait  comme  une  innova- 
tion des  plus  dangereuses  ,  comme 
un  A-éritable  enipuLonnement.  Ce  fut 
eu  i8o5,  quil  entra  en  lutte  pres- 
que seul  contre  la  t'acullé:  il  assurait 
dès-lors  que  le  monstre  avait  expiié 
sur  son  sol  natal.  Ses  écrits  à  ce 
sujet  offrent  im  style  plein  d'images, 
mais  aussi  beaucoup  d'acreté.  11  pré- 
fend qu'outre  que  la  vaccine  ne 
donne  point  de  sûreté  contre  la  pe- 
tite-vérole ,  elle  a  produit  eile-mêjue 
nombre  de  maladies  inconnues  au- 
paravant ,  qu'il  nomme  faciès  bo- 
uilla  ,  scabies  bovilla,  linea  boi'il- 
la ,  etc.  En  1808,  un  ecclésiasti- 
que, Rowland  Hill,  grand  partisan 
de  la  vaccine ,  et  qui  s'était  vanté 
d'avoir,  de  sa  propre  main,  vacciné 
heureuseuîent  plus  de  4600  person- 
nes, s'ciant  attaqué  à  notre  inévlcciu, 
en  fut  traité,  dans  une  épître  à  son 
adresse,  avec  une  extrême  grossièreté 
sur  des  points  qui  n'étaient  nullement 
médicaux.  Moseley,  qui  professait 
eu  politique  les  principes  des  Whigs, 
soigna  Fox  dans  sadenùcre  maladie. 


MOS 

II  mourut,  le  i5  juin  1819,  dans 
un  âge  avancé.  Il  ])assail  pour  être 
très-hardi  dans  le  traitement  des  ma- 
ladies. Nous  ajoutons  ici  ceux  de 
ses  ouvrages  que  nous  n'avons  pas 
encore  cités  :  —  Traités  médicaux , 
i8o3,  in-S".,  2^,  édition.  —  Traité 
sur  la  Lues  Bovilla  ou  vaccine^ 
i8oti ,  in  -  8°.  ;  traduit  en  français 
dans  le  livre  intitulé  :  La  vaccine 
combattue  dans  le  pays  où  elle  a 
pris  naissance ,  Paris,  1807,1118*». 
—  Commentaires  iur  la  Lues  Bo- 
riLLA,  î8o4,  iu-8''.,  et  i8o5,  iu- 
8°.  —  Examen  du  rapport  du  col- 
lège des  médecins  sur  la  vaccine  , 
1808  ,  in- 8". —  Traité  sur  Vliy- 
drophobit!  ,  1 808  ,  in  -  8°.  L'auteur 
croyait  avoir  enfin  trouvé  \\\\  re- 
mède contre  cette  terrible  maladie. 
Parmi  les  écrits  dirigés  contre  lui  , 
on  cite  :  Epître  s  héroïques  de  la 
mort  à  B.  Muselej ,  sur  la  vaccine, 
1810.  L. 

MOSER  (  George -Michel  ), 
peintre ,  naquit  à  Scbalfouse ,  en 
1707  ,  et  mourut  à  Londres ,  le  24 
janvier  1783.  Son  père,  chaudron- 
nier de  son  métier  ,  et  artiste  ha- 
bile dans  la  ciselure,  lui  commu- 
niqua son  talent  ;  et  le  fils  le  perfec- 
tionna pendant  son  séjour  à  Genève, 
où  il  se  voua  spécialement  à  l'orfè- 
vrerie. En  1 726  ,  il  se  rendit  à  Lon- 
dres ,  et  il  y  travailla  plusieurs  années 
chez  le  fameux  artiste  lîaid,  dans  la 
maison  duquel  il  établit  une  petite 
académie  de  peinture,  qui  fut  sus- 
pendue peu  après  jiar  l'cloignement 
('e  Haid.  Moser  se  maria,  en  17.'.9, 
avec  Marie  Guyuier  ,  fille  d'un 
peintre  de  Grenoble  :  il  reprit  alors 
sou  académie;  et  comme  il  aA'aiî 
mérité  par  ses  travaux  ,  l'attcnlion 
et  la  bienveillance  du  roi,  George 

III  s'en  déclara  le  protecteur,  mal- 
gré les  intrigues  et  l'euvie  de  plu- 


MOS 

siciivs  arlislcs,  ])airnl lesquels  onpst 
fâché  tic  trouver  le  nom  de  Hogarth. 
Eti  1768,  celte acidoniic  dcpciiiliirc, 
devenue  celcbrc  depuis,  reçut  son 
organisation  et  sa  dolaliou.  Rey- 
nolds en  fut  nomme  le  pre'sident, 
et  Moscr  vice-pre'sident,  avec  une 
pension  de  cent  livres  sterling.  Il 
reçut  d'auîres  preuves  de  la  bien- 
veillance du  roi ,  qui  accorda  des 
lettres  de  noblesse  à  lui  cl  à  sa  fille. 
Ses  peintures  ,  ses  médaillons  en 
émail,  et  ses  travaux  d'orfe'vrerie , 
qu'il  ne  discontinua  point,  furent 
reclierche's  pour  le  goiÀt  et  i'elc'- 
gance  cpii  les  distinguaient.  Sa  fille, 
Marie,  née  en  17445  ^"t  ''^"■'•si  lia- 
bile  que  lui  dans  la  peinîure,  sur- 
tout poi;r  les  fleurs;  elle  a  beaucoup 
travaillé  pour  la  cour  d'Angleterre. 
Ù— I. 
MOSER  (  Je  AN- Jacques  ),  pu- 
bliciste  allemand ,  et  peut-être  le  plus 
fécond  écrivain  des  temps  modernes, 
né  à  Stutigard  en  1 701,  fut,  à  l'âge 
de  dix-neuf  ans  ,  professeur  extra- 
oi'dinaire  à  l'université  de Tubingue, 
où  il  venait  d'achever  ses  éludes.  A 
Vienne,  on  lui  fit  des  ofi'res  brillantes, 
à  condition  qu'il  changerait  de  reli- 
gion. Moser,  attaché  à  la  sienne  ,  re- 
vint dans,  sa  patrie  :  il  y  passa  d'a- 
bord pour  un  agent  secret  de  l'Au- 
triche ;  cej^endant  il  fut  nommé,  en 
17 16,  conseiller  de  régence  à  ,Str.tt- 
gard.  Ou  assure  que  je  duc  do  Wur- 
temberg avait  beaucoup  d'inférêt  à 
éloigner  Mosc;  de  la  cosu*  de  Vienne, 
pour  l'empéiher  de  faire  de  raar.- 
vais  rapports  à  cette  cour.  Lors  de 
la  translation  de  l'adniinisîration 
publique  de  Stutigard  à  Louisbourg, 
ce  savant  la  quitta,  et  accepta  une 
chaire  de  droit  à  Tubingue.  Il  y  eut 
un  grand  succès;  mais  il  finit  par 
se  brouiller  avec  ses  collègr.es.  Noiu- 
laéj  en  1 73G,  dircclcur  de  l'univer- 


MOS  2.35 

site,  et  professeur  de  droit,  à  Franc- 
fort -  sur  -  l'Oder ,  il  s'établit  dans 
celte  ville ,  mais  seulement  pour 
trois  ans.  Il  est  à  remarquer  que  Mo- 
scr eut  des  désagréments  jjrestpie 
parlent  où  il  vint  s'éfabiir;  ce  qui 
autorise  à  soupçonner  f|ueson  carac' 
tère  était  un  peu  diiricilc.  il  se  retira 
dans  la  petite  ville  d'Kbfisdorf  (pays 
de  Rouss  ),  et  y  travailla  aux  nom- 
breux ouvrages  qu'il  a  publiés,  par- 
ticulièrement à  son  j)foil  public  de 
l'Allemaç^ne.  rependant  il  se  vit 
interrompu  plusieurs  fois  dans  ses 
travaux^  par  les  missions  dont  il  fut 
chargé  pour  diverses  cours.  Ayant  eu 
des  querelles  religieuses  avec  les  Her- 
nutes  ,  qui  le  firent  exclure  de  la 
communion  ,  i!  quitta  cette  ville  ,  et 
entra,  en  17477  au  service  de  Hessc- 
Hon.'bourg:  il  en  sortit  bientôt^  après 
s'être  aperçu  qu'on  ne  suivait  point 
son  système  d'administration  pu- 
blique ,  et  se  retira  ,  en  1749?  ^1  H^' 
nau,  où  il  fonda  une  académie  ou 
institution  ,  pour  former  les  jeunes 
nobles  aux  affaires  publiques.  Deux 
ans  après  ,  il  fut  rappelé  dans  sa 
patrie,  où  il  occupa  le  poste  d'avocat 
consultant  auprès  des  étals  de  Wur- 
temberg. Ces  états  eurent  quehpies 
déu-iêlés  avec  le  souverain:  un  mé- 
moire qu'ils  lui  adressèrent ,  déplut 
vivement  aux  ministres  ;  ils  insi- 
nuèrent au  duc  que  INIoser  en  était 
l'aulnur.  En  conséquence  ,  le  duc, 
sans  aucune  forme  de  procès  ,  et  au 
mépris  du  droit  des  états,  fit  arrêter 
Moser,  en  17.59, et  l'envoya  dans  la 
forteresse  de  iiohentwiel.  Il  y  fut 
détenu  pendant  cinq  ans  ;  les  quatre 
premières  années ,  il  fut  presqus 
au  secret  :  le  duc  alla  même  jus- 
qu'à défeiidrc  à  Moser  l'usage  des 
plumes  et  du  papier,  et  même  d'au- 
cun livre,  à  l'exception  des  évan- 
giles et  des  psaumes.  Pour  le  dtli- 


î>3(> 


MOS 


vrer,  il  fallut  que  les  états  se  |ilai- 
ciiissent  au  conseil  .iiiliqiio  de  l'em- 
j)ire  ,  de  la  violation  de  leurs  prero- 
gjtives  ;  et  ce  fut  sur  un  ordre  de  ce 
idiiseil  qu'il  recouvra  sa  liberté.  Son 
]iersëcutenr,  ayant  reconnu  son  in- 
nocence, lui  accorda  une  pension 
de  i,5oo  florins.  Depuis  ce  temps  , 
Moser  ne  prit  plus  aucune  part  aux 
ailaires  publiques.  Il  poursuivit  ses 
nombreuses  occupations  littéraires: 
il  continua  d'écrire  et  de  compiler 
avec  ce  soin  laboi-f^ux  et  avec  cette 
franchise  qui  ont  fait  valoir  ses  tra- 
A'aux  si  multipliés.  Il  fut  le  premier 
qui  réduisit  en  système  le  droit  exis- 
tant ou  positif  des  peuples  d'Euro- 
])e.  Pendant  un  demi  siècle,  il  tra- 
A  ailla  sans  relâche  à  recueillir,  éclair- 
rir  et  faire  connaître  les  droits  , 
les  lois  et  les  franchises  de  l'Alle- 
luagne.  «  Ayant  l'esprit  trop  élevé 
pour  être  la  cre'jlure  de  personne, 
et  trop  juste  pour  tenir  aveuglément 
à  un  seul  parti,  il  n'avait  en  vue, 
dit  son  fils ,  que  le  bien  général  ;  il 
sacrifiait  to'.it  à  cette  considération  , 
sans  craindre  l'ingratitude  ni  la  persé- 
cution :  le  piincc  même  qui  le  traita 
SI  durement,  ne  put  lui  refuser  le  ti- 
tre de  par  fait  honnête  homme.  »  ]\Io- 
scr  mourut  à  Stuttgard ,  le  3o  sep- 
tembre 1785.  Ses  ouvrages  sont  in- 
norabraliîes.  Meusel  ,  qui  a  publié 
la  liste  de  la  plupart,  en  les  rangeant 
sous  trente-une  classes,  assure  qu'ils 
se  montent  à  plus  dequatreccnts(i). 


(  i^  Mrusi-l  u'a  pas  pris  la  peine  de  Im  coiiipler 
exactement  :  d'après  la  li^le  iiiêine  qn  il  donne  ,  e 
■  looibi-e  des  ouvrages  ou  opuscules  de  Moser  s'élève  à 
/jS^  ;  mais  dans  ce  nomijre  ,  i  ^  sont  denienr*  s  iuedils  , 
iti  lui  sont  contestés,  et  il  y  en  a  4  dont  il  nV'il  qu'é- 
diteur. Le  nombre  des  vninni' s  qu'il  a  mis  au  jour 
*-st  vraiment  prodigieux.  S  uis  y  comprendre  84  volu- 
mes de  réiiupressioDsou  nouvelles  éditions  de  ses  ou- 
vrages ,  ni  les  4  volumes  dont  il  ne  fut  qu'éditeur ,  ni 
5i-'(  Dissertations  ou  arlictes  quM  a  fournis  .-i  trois  re- 
cneîls  périodiques  ,  et  eu  ne  conipt.uit  que  pour  un 
roïuuic  les  ?0  numéros  de  ses  IVotices  hebdomadai 
les  det  nouvelles   littéraires  de  Souabe  (  semestre 


MOS 

Il  y  a  dans  cette  foule d'éciits,  beau- 
coup de  petites  Dissertations;  mais 
il  s'y  trouve  aussi  un  grand  nombre 
de  volumes  in-4°.  Au  milieu  des  livres 
de  droit  et  de  chancellerie ,  on  re- 
marque des  ouvrages  de  piété ,  et 
même  des  poésies  sacrées.  Ses  ou- 
vrages sur  le  droit  public  sont  en- 
core très-eslimés;  et  ceux  qu'il  a  pu- 
bliés sur  le  droit  de  l'ancien  Empire 
germanique ,  aA'aient  une  grande  au- 
torité dans  les  temps  oii  cet  empire 
subsistait  encore  (  i).  Nous  ne  pour- 
rons citer  ici  que  les  principaux  ou- 
vrages deMoser;  nous  suivrousdans 
cette  liste  la  classification  de  Meusel. 
—Ecrits  sur  le  droit  public  de  l'Alle- 
magne en  général  ;  I.  Flan  de  la 
constitution  moderne  de  l'Alle- 
magne ,  Tubingue,  1731,  réim- 
primé six  fois.  II.  .ancien  droit  pU' 
blic  d' Allemagne  ,^iiremher^,  1 7  "27, 
1753  , -26  volumes  in-4".  III. -You- 
veaii  droit  public,  Stuttgard,  17G6, 
etann.  suiv.  Cette  collection  se  com- 
pose d'un  grand  nombre  de  Disser- 
tations détachées.  Une  table  géné- 
rale de  ces  deux  collections  ,  un  ex- 
trait et  des  suppléments  ,  ont  paru 
dans  la  suite  ,  par  les  soins  de  l'au- 
teur. —  Ecrits  sur  les  lois  fonda- 
mentales de  l'empire:  IV.  La  capi- 
tulation  électorale  de  Vempereur 


d'été  ,  Tubin^eu  ,  1721,  iï.-8o.  ) ,  la  rollech'on  de  s^s 
ttu\Tes  se  moute  h  à  70*.*  volumes  publies  séj'aremcut , 
dont  71  sont  iu- folio  !  !  !  C.  M.  P. 

(r)  Sa  ni.'oière  de  travailler  seccud  lit  admir.ible- 
ment  son  infatigable  i.clivilé.  Comme  il  r  iilùl  à-la- 
fois  dans  sa  tète  le  plan  de  plusieurs  ouvrages  ,  il 
avait  s  <us  la  mnin  diftireuts  tiroirs  tunjunrs  prêt-  h 
s'ouvrir  aux  extraits  qu'il  faisait  de  ses  diffi  rentes 
leclurcs.  Le  premier  de  ses  tirjirs  ,  qui  se  trouvait 
plein,  était  aussi  le  premier  employé,  à  moins  qn'i^n 
n'eut  commandé  une  besogne  exlr.iordin.tire  ,  cas  où 
les  tiroirs  du  rédaeteur  lui  étaient  eoci-re  d'un  grand 
secours.  De  cette  manière  de  travailler,  il  n'est  ré- 
sulté d'abord  que  dos  compilations  de  lonle»  sortes 
de  formats  .  mais  l'auteur  ayant  acqu  s  ,  peu-H-|)eu  , 
par  cet  exerc  ce  ,  une  counaissance  aprofondie  des 
matières  qu'il  traitait  ,  la  plu;)art  de  st  s  reeoeils  et 
de  SCS  traductions  se  sont  sonver.t  fait  lire  avec  p'aisir, 
de  (eux  mèutc  que  les  longs  ouvra;:es peuvent  eâ*rayer. 
(  Magas,  encjrcl.^'.  auD-  179!)  ,  1 ,  384  )■ 


MOS 

Charles  /  .// ,  Fraïuforl ,  i'j4'-i-4i) 
3  V.  in  4".  V,  Citjiilulalum  de  L'ein- 
ftereur  François,  ibid. ,  x'j^G-^'j,  •! 
vol.  111-4".  VI.  Co  minent  aire  sur  la 
paix  de  ff^estphalie ,  1775  76,  '2. 
vol.  iii-4'\  —  Ecrits  sur  des  matières 
du  droit  germaHi(|ue  :  Vil.  Dcduhils 
regni  germanicifinibus ^  Francfort, 

1737,  iii-4".  ;  rciinprimc  plusieurs 
fois.  VIII.  Manuel  du  droit  public 
de  l' Empire  ,  Francfort ,  1 7G8-G(), 
'2  vol.  in-8".  —  Ecrits  sur  les  cours 
suprêmes  de  l'Empire:  IX.  Conclu- 
sions remarquables  du  conseil  an- 
liipie  de  V Empire ,  Franfort,  1 7^6- 
3-4 ,  3  vol.  in-8°.  X.  Conclusions 
choisies,  174^^5  ^  ^^^-  ^^'  -^'o^- 
velles  et  anciennes  conclusions , 
1743-45,  4  vol.  XII.  Introduction 
à  la  procédure  du  conseil  aulique, 
Francfort  et  Leipzig,  1731-37  ,  4 
V.  in-8'\ — Recueil  dé  pièces  :  XIII. 
Rapport  officiel  sur  la  persécution 
des  Protestants  ,  dans  le  pays  de 
Salzbourg,  ïubingue,  1 732,  réim- 
prime deux  fois.  XIV.  Manuel 
des  villes  impériales,  Tubingue, 
1732-33,  ia-4°.  —  Ecrits  sur  le 
droit  public  des  états  de  l'Empire, 
XV.  Esquisse  de  droit  public  des 
électeurs  ecclés  astiques,  Francfort, 

1738.  W\.  Droit  public  d'Aix-la- 
Chapelle,  Augsbourg ,  Constance, 
Trêves,  Zell  ,  Anhalt  ,  Nurem- 
berg,  etc. ,  plusieurs  vol.  in-fol. 
—  Ecrits  sur  les  affaires  et  le  droit 
public  de  l'Europe  :  XVII.  Nullité 
des  prétentions  espagnoles  sur  V or- 
dre équestre  de  la  Toison-d'or  , 
I723,in-4^.XVI1I.  De  jure  et  modo 
succedendi  in  régna  Europœ ,  Fran- 
fort, 1739,  in-4".;  réimprimes  fois. 
XIX.  Principe  du  droit  des  nations 
européennes  en  tem^^s  de  guerre, 
Tubingue ,  1 75'>.  jin-S**.  XX.  Essai 
du  plus  moderne  droit  des  peuples 
d'Èuvpe,  en  paix  et  en  guerre^ 


MO.S 


23- 


Stuttgard,  «777-80,  10  vol.  iu- 8". 

XXI.  Supplément  au  droit  public  en 
temps  de  paix,    1778-80,   5   vol. 

XX II.  Supplément ,  etc.,  en  temps 
de  guerre,  1779-81  ,  3  vol.  in-.S». 
XXXI 1 1 . ]j'Ain érique du  ISord, d'a- 
près les  traités  de  paix  de  l'an  1 183 
Leipzig,  1784-^5,  3  vol.  in -8*^. 
—  Écrits  sur  le  droit  ecclésiastique  : 
XXIV.  Coipus juris evangi'licorutii 
ecclesiastici ,  Zullichau  .  1 737-38  , 
u  val.  in^".  XXV.  Dissertations 
sur  le  droit  ecclésiastique  allemand 
Francfort  et  Leipzig ,  177'-*,  in  -8*\ 
XXVI.  Dissertation  sur  les  droits 
des  Jésuites  en  Allemagne  (  Ra lis- 
bonne),  in-fol.  — Écrits  sur  la  poli- 
ti  pie, l'administration. etc.:  XXVII. 
Introduction  aux  affaires  de  chan- 
cellerie, Hanau.  1700  ,  in-8''.  Prin- 
cipes de  l'ait  du  gouveiyiement  rai- 
sonnable ,  1753-1761.  XXVIIL 
Anli-Mirabeau,  ou  Ob  sensation  s  im- 
partiales sur  la  forme  du  gouverne- 
ment naturel,  du  marquis  de  Mira- 
beau, Francfort  et  Leipzig,  i-'-i  , 
iu-8'^.  —  Ecrits  sur  l'histoire  politi- 
que de  l'Allemagne:  XXIX.  Histoire 
politique  de  i" Allemagne ,  sous  le 
gouvernement  de  Charles  Fil,  lé- 
na  ,  1743-44,  -1  vol.  in-8\  XXX. 
Introduction  aux  plus  nouvelles 
ajf aires  politiques  dé  V  Allemagne , 
1750,  1756.  XXXI.  Histoire  nou- 
velle de  V  ordre  équestre  immédiat, 
Francfort  et  Leipzig,  1775-177(5, 
1  vol.  in-80.  XXXli.  Histoire  p:di- 
tique  de  la  guerre  entre  l'Autriche 
et  la  Prusse  en  1 778  et  79,  Franc- 
fort ,  1779.  in-4°.  —  Écrits  théolo- 
giques  et  de  piété.  XXXIÏI.  Triple 
ébauche  d'uni*  histoire  du  rojaume 
de  Jésus-Christ  sur  la  terre ,  parti- 
culièrement depuis  le  temps  de  Spr- 
ner,  jusqu'à  ce  jour,  (  Ebersdorf  ) 
1745,  in  8». ,  et  beaucoup  d'antres 
livres  daiiile  même  esprit  de  piétis- 


a38  MOS 

me.  XXXIV.  Heures  dernières  de 
trente-un  suppliciés  ,  Stiiltgard  , 
1753,  1767.  XXXV.  Cumidéra- 
tions  surXts  évangiles  îles  dinianclics 
et  tlcï  fêtes,  1774»  ^11^'  XXXVI. 
Cimjuante  cantiques  sjnrituels  ,Ti\- 
bingiie  ,  173^  iu-12.  ,  XXXVII. 
Chansons  pour  les  cas  de  maladie, 
1 76 ï ;  ic'iuiprime  4  lt>is. XXXV ill. 
Les  Libertés  relir^ieu^es  et  les  g  iejs 
des  éfani^éliffues  dans  toute  V Euro- 
pe, Ebersdort",  1741-  XXXIX.  Rap- 
ports dj  Ilanau  sur  les  ajjaires  re- 
ligieuses, i75o-5i,  2  vol.,  qui  ont 
e'té  suivis  de  plusieurs  volumes  de 
ïiouvcaux  rapporis.  — Mélanges: 
li]j.Bibliotheca  Mss.  maxime  anec- 
dotorum,  Nuremberg ,  1722 ,  in-4°. 
XLI.  Jugements  impartiaux  sur  des 
livres  juridiques  et  historiques  , 
Francfort  et  Leipzig,  \n.vi-j.î),(j 
cahiers.  XLII.  l'ihliotheca  juris  lu- 
hlici  S.  Imperii,  Tiibingue,  1729- 
34,  3  parties.  XLIII.  Dictionnaire 
des  jurisconsultes  vivants  en  .Alle- 
magne ,  Zullicliau  ,  1738;  nouv. 
c'dit.  augmentée,  i739.XLlV.-/Yo«f. 
hibliothcque  du  droit  public  d'Alle- 
magne,  177 1.  XLV.  Dictionnaire 
des  savants  fVurlembergeois,  1772, 
1  vol.  iu-S".  (  Il  avait  de'jà  donné, 
en  17 18,  les  Vies  de  dix  professeurs 
de  théologie  de  l'université'  de  Tu- 
bingue,et,  en  17^4)  f^'^uriembur- 
gia  litterata  viva ,  dccas  i  ''  . ,  ïu- 
Lingue,  in-8°.,  etc.)  XLVI.  Miscel- 
lanea  juridico  -  historica ,  Nurem- 
berg, i7.îo-3o,'.i  vol.  in-8''.  XL\1I, 
Moseriana^Vinnc^on  et  Ebersdorf, 
1739,  2  vol.  in-8".  XLVIII.  Opus- 
cula  academica,  le'na,  174 4-  H  * 
public'  deux  ouvrages  sur  la  généa- 
logie de  sa  famille;  et  il  a  écrit  sa 
propre  vie,  eu  4  vol.  in'-S"*. ,  Franc- 
fort et  Leipzig,  1777-83.  Le  fils  de 
Moser,  et  un  grand  nombre  de  bio- 
graphes allemands ,  ont  également 


MOS 

donne'  des  Notices  sur  ce  juriscon- 
sulte infatigable.  D — g. 

MOSEll  (  ruÉDERIC-CHAHLES  de  ), 

fds  du  préiédent,  natj  lità  Stuttgaid, 
le  18  décembre  1713.  Après  avoir 
faitses  études  à  léna,  il  se  forma,  sous 
la  direction  de  son  père,  aux  alFaires 
jjubliques  :  en  1749,  il  fut  nomme 
conseiller  auliquc  i.e  Hcsse  -  Hum- 
boui-^;  il  aida  ensuite-son  père  dans 
la  direction  de  son  académie  de  chan- 
cellerie. An  bout  de  deux  ans,  cet  éta- 
blissement étant  tombé  ,  Moser  ren- 
tra dans  les  fonctions  publiques ,  et 
il  y,  avança  rapidement:  d'abord  , 
député  des  deux  liesses  ,  au  cercle 
du  Haut-Rhin,  il  reçut  de  l'empereur 
d'Autriche,  en  I7<)3,  un  diplôme 
de  renouvellement  de  noblesse  •  puis 
il  fut  nommé,  au  conseil  aalique  im- 
périal, baron  ,  et  administrateur  du 
comté  irapéiial  de  Falkenslcin.  Eu 
1770,  il  fut  mis  à  la  tète  des  af- 
faires publicpies  ,  à  Darrasfadt ,  avec 
le  titre  de  premier  ministre  et  de 
chancelier;  mais  celte  élévation  fut 
j)0ur  lui  le  sujet  de  beaucoup  de 
désagréments.  Se  voyant  disgracié  , 
et  attaqué  dans  son  honneur,  il  prit 
le  parti  de  se  rendre  à  Vienne ,  et 
d'intenter  un  procès  à  son  souverain 
devant  le  conseil  aulique  de  l'empire. 
Ainsi  que  son  père,  il  obtint  satisfac- 
tion de  son  ancien  maître.  Le  land- 
grave lui  rendit  ses  biens  séquestrés  , 
paya  même  les  revenus  échus  ,  et  lui 
assigna  une  pension  de  5ooo  florins. 
Moser  se  relira  dans  le  Wurtem- 
berg ,  et  v  mourut,  le  10  nov.  1 79S. 
Il  n'a  pas  écrit  autant  que  son  père; 
cependant ,  le  nombre  de  ses  ou- 
vrages ,  qui  ne  sont  guère  que  des 
compilations,  est  très  -  considéra- 
ble. Eu  voici  les  principaux  :  I. 
Recueil  des  recès  du  Saint -Em- 
pve  romain,  Leipzig  et  Ebersdorf, 
1747  j    3    vol.  in  -  4°'  II-  Essai 


MOS 

d'une  .^raininairff  pniiliquc^  Franc- 
fort ,  i7'i<)i  iii-9".  m.  Vc's  laii^Ui's 
de  courel  iL'éliii  en  j'Jaiope  ,  ihid. 
17.50,  in-8".  IV.  Coinmentarius 
de  TituLo  Domitù ,  Leipzig ,  175», 
111-4".  V.  Oimscules  pour  servira 
V explication  du  droit  ptihlic  et  des 
nations,  et  du  céréinoniid  de  cour 
et  de  chancellerie,  Francfort  et 
l.cipzijï,  1751(35,  i'2  vol.  ia-8". 
VI.  Aniuseinents  diplomatiques  et 
historiques,  ibirl.,  1753-64,  7  vol. 
in-8°.  Vil.  L'ambassadrice  et  ses 
droits,  1754.  Vin.  Le  Maître  et  le 
Serviteur,  ou  les  Devairs  réciproques 
d'un  Souverain  et  de  son  Ministre , 
i75(),  1763;  irad.  en  fiançais  pav 
Chainpigny,  Himbourg,  1761.  IX. 
.LaCouv,  en  fahles ,  Lcipzii:;,  17O1; 
IVIanhciin  ,  178G.  Il  a  donne',  eu 
1789,  de  nouvelles  f.ibles.  X.  Opus- 
cules moraux  et  politiques ,  Franc- 
fort ,  î  763-64  ,  'i  vol.  kl.  Mémoires 
pour  servir  au  droit  public  et  des 
nations,  ibid. ,  1764-7'^,  4 vol,  XII. 
ïjcttres  patriotiques  ,  ibid.  ,  1767. 
XIII .  Apoloi^ie  du  comte  de  Goertz, 
ministre  de  Sue'de .  tire'e  des  actes 
aiitlientiqncs  ,  ^'J'J^j  Haïubourg  , 
1791.  XIV.  Archives  patriotiques 
pour  V Allemagne ,  Francfort  et 
Lcipzip; ,  1784-90,  i'.i  vol.  in-8^., 
auxquels  if  fit  succéler  de  Nouvel- 
les Archives,  Manhcira  et  Leipzig, 
179*2-94,  2  vol.  in-8".  XV.  Vérités 
politiques,  Zurich,  1796,  '.i  vol. 
XVI.  Mélau'j^es,  ibid.,  1796,  'i  vol. 
—  MosER  (  Guillaume  -  Godefroi  ) , 
fils  d'un  pasteur  wurtemberf^pois , 
qi'.i  est  auteur  d'un  Lexicon  manua- 
le  hebr'aïcum  et  chalddicum ,  pu- 
l)!ie  à  Ulm  en  1 795  ,  naquit  à  Tu- 
hiui'ue  en  i7".i9,  fut  conseiller  in- 
time et  pre'sidenl  àDanustadt,  puis 
députe  de  cercle,  à  Ulm.  I!  est  mort 
le  3i  janvier  179).  On  a  de  lui:  I. 
Ïj€S  Principes  de  l'économie  fores- 


MOS 


239 


tière ,  Francfort  et  Lcipzi;^,  1757  , 
'i  vol,  in-8'*.  II.  Les  Archives  fores- 
tières ,  Ulm,  1788-96,  17  volu- 
mes in-8".  D — G. 

MOSiai  '  Jt-STE  ).    F.   AIOKSER. 

IMOSES  MENDELssoim.  F.  Mm- 

DKf.SSOUiV. 

MOSUEIM  (Jfan-Laurent  de)  , 
théologien  protestant  ,  et  Fun  des 
créalturs  delà  littérature  allemande, 
était  issu  de  l'ancienne  maison  des 
barons  de  Moshcim,  qui  a  fleuri 
long-lems  en  Suisse  et  en  Slyrie.  Né 
le  9  octobre  169J,  à  Lubeck,  il  fut 
eleve  dans  la  communion  luthé- 
rienne, quoique  son  père,  qui  était 
entre  dans  la  cirrière  des  armes  , 
fût  attaché  à  l'Eglise  catholique  ro- 
maine. Il  eut  d'abord  des  institu- 
teurs particuliers;  il  suivit  plus  tard 
les  leçons  du  gymnase  de  Lubeck, 
et  termina  ses  études  à  l'université  de 
Kiel.  11  fit  en  peu  d'aimées  des  pro- 
grès extraordinaires.  La  manière 
dont  il  remplaça  dans  toutes  les  fonc- 
tions pastorales  ,  Alb.  zum  Feide  , 
premier  prédicateur  et  professeur  à 
KicI,  et  quelques  écrits  sur  des  ques- 
tions de  théologie  et  d'histoire 
ayant  de  bonne  heure  araioncé  ce 
que  !a  religion  et  les  sciences  pou- 
v.iieut  se  promettre  des  lumières  et 
du  zèle  d'un  jeune  homme  qui  déJ)u- 
tait  avec  tant  d'éclat  et  un  si  bon  es- 
prit ,  il  se  vit,  dès  son  entrée  dans  la 
carrière  de  l'enseignement ,  recher- 
ché par  ])lusicurs  gouvernements. 
Parmi  les  oUies  honorables  qui  lui 
furent  faites,  il  donna  la  pré.f"érence 
à  la  proposition  du  duc  de  Bruns- 
wick. Nommé  professeur  de  théo- 
logie à  l'université  do  Helmslsedt,  il 
en  fut ,  depuis  17*23  jusqu'en  1747  , 
le  principal  ornement ,  par  son  élo- 
quence et  son  rare  talent  pour  l'ins- 
truc'ion  scolaire  et  pour  !a  pré- 
diGaîiou  j  par  Icj  nombreux  ouvra- 


'2\o  MOS 

j^es  qui  étendaient  de  plus  en  plus 
la  célébrité  de  son  nom  et  celle  de 
l'univeisilc  à  laquelle  il  était  atta- 
ché; et  par  rinfliienre  salutaire  que 
ses  vertus  exercèrent  sur  la  jeunesse 
et  sur  le  public  ,  ép;alenient  avides 
de  ses  leçons  académiques  et  des 
sermons  qu'il  prononçait  dans  la 
cliaire  sacrée.  Le  duc  de  Brunswick 
lui  conféra  toutes  les  dignités  aux- 
quelles il  était  en  son  pouvoir  de  l'é- 
lever. Membre  du  conseil  qui  avait  la 
direction  suprême  de  l'église  et  de 
l'instruction  publique  ,  abbé  de  Ma- 
rientbal  et  de  Michaelstein  ,  inspec- 
teur-général de  toutes  les  écoles  du 
duché  de  WoHcnbuttel  et  de  la  prin- 
cipauté de  Blaiickenburg ,  il  reçut  en- 
core ,  de  souverains  étrangers  et  de 
diverses  sociétés  savantes,  des  n)ar- 
ques  de  la  plus  haute  considération. 
Celle  qui  avait  été  fondée  à  Leipzig  , 
souslc  nomàç  Société  allemande  {  F. 
Gottscued),  ayant  perdu,  en  1732, 
son  président,  J.  Burcard  Mencke  , 
Mosheini  fut  nommé  pour  le  rem- 
placer ,  comme  celui  des  écrivains  de 
l'Allemagne,  qui  avait  le  plus  con- 
tribué à  donner  de  la  correclinn  ,  de 
l'élégance  et  de  l'harmonie,  à  la  lan- 
gue dont  le  perfectionnement  était 
l'objet  des  travaux  de  cette  société 
(  /^.Mencke).  En  1747,  le  gouver- 
nement d'Hanovre  réussit  à  enlever 
Mosheim  à  l'université  de  Helras- 
tœdt ,  et  à  lui  faire  accepter  une  chai- 
re de  théologie  à  Cvottingue ,  avec 
le  litre  de  chancelier  de  l'université 
récemment  fondée;  dignité  dont, 
avant  et  après  lui,  aucun  des  illus- 
tres professeurs  de  cette  académie 
n'a  été  revêtu.  Il  mourut, épuisé  de 
travail,  le  9  septembre  175J,  à 
l'âge  de  soixante-un  ans.  Malgré  la 
faiblesse  de  sa  santé,  et  les  droits 
que  lui  donnaient  au  repos,  des  ser- 
vices immenses  rendus  aux  lettres  et 


MOS 

à  l'instruction  publique ,  il  ne  ces- 
sa pas  de  consacrer,  jusqu'à  sa  fin , 
trois  heures  par  jour  à  des  cours  de 
théologie  dogmatique,  morale,  his- 
torique ,  suivis  avec  ardeur,  non  seu- 
lement par  les  jeunes  gens  qui  se 
vouaient  à  l'état  ecclésiastique ,  mais 
par  des  hommes  de  tout  âge  et  de 
toutes  classes  ,  attirés  par  cette  élo- 
quence persuasive  qu'une  rie  exem- 
plaire rendait  plus  cfllcace  encore, 
tjon  enseignement  oral  avait  tous  les 
caractères  qui  fout  de  ses  écrits  une 
lecture  singulièrement  attachante 
la  pureté ,  l'élégance  et  les  grâces 
naivcs  de  sa  diction ,  étaient  l'expres- 
sion de  sa  belle  arac,  autant  que  le 
fruit  de  sa  profonde  connaissance 
des  grands  modèles  de  l'antiquité. 
Une  suavité  toute  particulière,  une 
douce  chaleur,  et  le  talent  d'ennoblir 
les  choses  qui  paraissent  les  plus 
simples  ,  lui  donnent  quelque  res- 
semblance avec  Fénélon.  En  général' 
on  peut  affirmer  qu'aucun  écrivain 
de  l'Allemagne ,  si  l'on  excepte  Gel- 
lert ,  ue  s'est ,  autant  que  Mosheim , 
approché  de  l'archevêque  de  Cam- 
brai ,  par  le  caractère  du  style  et 
par  les  qualités  du  cœur.  H  serait 
difficile  de  nommer  une  des  nom- 
breuses branches  des  sciences  théo- 
logiques, qui  ne  lui  doive  de  nou- 
velles richesse.s  et  des  améliorations 
réelles.  Toutefois  ses  travaux  les 
plus  importants  sont  relatifs  à  la 
morale  et  à  l'histoire  de  l'Eglise.  Il 
passe  a  juste  titre,  chez  les  Protes- 
tants ,  pour  être  le  véritable  réfor- 
mateur de  la  dernière  ,  par  une  con- 
naissance plus  étendue  des  monu- 
ments ,  et  des  sources  de  tout  genre  ; 
par  la  sagacité  d'une  critique  aussi 
fine  qu'iugéniease  ,  par  le  coup- 
d'œil  pénétrant  et  sîir ,  qui  embras- 
se tous  les  événements  ,  et  surtout 
par  une  rare  impartialité  et  une  mo- 


MOS 

dératîon  également  éloignée  cit  l'Iii- 
ditlerence  relip^icose  et  des  préven- 
tions de  parti.  Ces  avantages  de  la  mé- 
thode et  des  ouvra;^es  de  Moslieim 
ont  été  reconnus  cl  loués  par  do  sa- 
vants théologiens  ,  apparlenant  à 
des  communions  dilTerentesS.  Si  les 
services  qu'il  a  rendus  à  l'histoire 
ecclésiastique ,  ont  eu  phis  d'éclat 
pour  avoir  eu  des  juges  et  des  ad- 
mirateurs parmi  loiiLes  les  notions 
civilisées,  l'iulluencc  qu'il  a  exercée 
sur  la  chaire  sacrée  dans  sou  pays , 
et  sur  toute  la  litteiature  allemande, 
suppose  peut-être  encore  plus  dfe 
talent  créateur,  et  plus  de  grandes 
facultés  de  l'esprit  et  de  i'ame.  Dire 
que  Moslieim  a  été  pour  sa  patrie 
ce  que  Tillotson  lut  pour  l'Angle- 
terr«,  c'est  mal  apprécier  les  pro- 
j;rès  que  l'illustre  chancelier  de 
Gotlingue  a  fait  faire  au  style  di- 
dactique ,  et  à  l'éloquence  sacrée  , 
parmi  ses  compatriotes.  AGn  d'eu 
juger  dignement ,  ahn  d'estimer 
ce  qu'il  a  fallu  de  jugement ,  de 
goîit ,  d'efforts ,  pour  donner  à  la 
prose  allemande  les  qualités  qui  bril- 
lent dans  les  sermons  de  Mosheim  : 
la  pureté,  l'élégance,  l'harmonie,  la 
propriété  et  la  souplesse  d'expression 
qui  suit  tous  les  mouvements  de  la 
pensée  et  du  cœur  ;  on  a  besoin  de 
rappeler  la  pédanterie,  la  recherche, 
l'incorrection,  le  défaut  de  noblesse 
et  de  dignité,  la  bigarrure  de  ter- 
ïnes  empruntes  à  tous  les  idiomes, 
l'iusupporlabie  prolixité,  qui  carac- 
térisaient les  productions  littéraires 
de  ses  concitoyens  à  l'époque  où  il 
débuta.  Un  juge  bien  compétent  , 
lui-même  un  des  réformateurs  de  la 
littérature  allemande  ,  Gellert  (  P~. 
son  art.) ,  celui  des  écrivains  classi- 
ques de  sa  nation,  qui ,  par  sa  piété 
et  sa  modestie ,  oiTre  peut  -  être  le 
plus  d'analogie  avec  Mosheim ,  a 

XXX. 


MOS 


3tl 


proclamé  le  mérite  de  son  émule 
dans  ses  Leçons  de  murale ,  ea 
termes  qui  honorent  égaii-uient  l'ua 
et  l'autre  :  «  C'est  un  ouvrage  (  dit 
w  Gellert  en  parlant  du  Traité  de 
))  morale  de  Mosheim  ),  qui  porte 
5>  l'empreinte  du  génie  et  des  lu- 
»  mières  d'un  homme  qui  a  é;é 
»  la  gloire  de  notre  âga  ,  et  que  la 
»  postérité  admirera  peut-être  ju>- 
»  qu'à  désigner  l'époque  du  bon  goût 
»  de  l'éloquence  allemande  par  le 
»  nom  de  Siècle  de  ?iIosheira,comm8 
»  le  plus  beau  période  de  la  philo- 
»  Sophie  grecque  a  été  appelé  le  sié- 
»  cle  de  Socrate.  »  (Trad.  franc,  des 
Leçons  de  morale ,  t.  i ,  leçon  lo^. 
p.  2'24  ,  Paris,  1 787  ,  et  OEuvres  de 
Gellert,  Leipz.,  1784,  t.  vi,p.  'i\o 
et  suiv.)  Mosheim  enseignait  comme  il' 
écrivait.  Son  éloquence  avait  toutes 
les  qualités  que  le  poète  romain  com 
prend  sous  les  termes  de  facundici 
et  lucidus  ordo.  Le  pouvoir  de  ce  ta- 
lent était  augmenté  par  une  absence 
de  toute  prétention  à  l'effet  ,  et  par 
une  modestie ,  une  abnégation  de 
toute  vue  personnelle,  qui  ne  lais- 
saient aucun  doute  sur  la  force  de 
sa  conviction  et  sur  la  profondeur 
de  ses  sentiments  religieux.  Si,  parmi 
les  hommes  distingués  qui  ont  paru 
s'être  le  plus  approchés  de  l'idée 
de  la  perfection  chrétienne  ,  les 
grands  théologiens  brillent  au  pre- 
mier rang,  et  se  font  remarquer  par 
une  humilité  sincère  et  une  inépui- 
sable charité  ;  si  l'on  remarque 
l'union  des  vertus  et  des  bunièros, 
du  talent  et  de  la  docdité,  d'une  rai- 
son forte  et  d'une  piété  fervente , 
d'un  esprit  étendu  et  d'une  soumis- 
mission  absolue  aux  principes  de 
l'Évangile,  qu'offrent  dans  l'église 
protestante  les  Spenor,  lesBaumgai- 
ten  ,  les  Bengel  ,  les  Cramer  ,  les 
Less,  les  ^'^ssell,  les  Monis ,  le* 
16 


'^7.  rûos 

Slorr  cl  les  Rcinhard;  dans  aiiruti 
de  ces  modèles  de  savoir  et  de  foi 
clirëticuiie,  cette  rcunioiï  ne  s'est 
jnoulree  peut-être  avec  autant  «l'e'- 
clat  que  dans  le  cliaucelier  de  Got- 
tiugiie.  Dans  Moslicira,  comme  dans 
CCS  hommes  si  c'mincnts  par  leur 
vaste  érudition  et  par  leurs  grandes 
iacultcs ,  le  principe  qui  vivifiait  leur 
immense  savoir,  et  qui  guidait  leurs 
profondes  méditations  ,  était  l'a- 
jnour  de  Dieu  et  des  liommcs.  Ils 
croyaient  parce  qu'ils  aimaient.  — 
Après  avoir  indique'  le  principe , 
pour  ainsi  dire ,  régulateur  des  tra- 
vaux de  Mosheim  ,  et  caractérisé 
leur  tendance  gc'ne'rale,  nous  allons 
citer  les  plus  considérables  et  les 
plus  utiles  :  la  liste  complète  de  ses 
ccrits,  au  nombre  de  iGi ,  se  trouve 
dins  les  bibliographes  allemands, 
^losheim  lui-même  a  publié  à  Helra- 
slœdt,  i-jSi ,  un  Catalogue  raisonné 
des  écrits  qu'il  avait  mis  au  jour , 
jusqu'à  cette  époque.  On  n'y  trouve 
dune  pas  ia  notice  de  ceux  qui  sont 
les  plus  importants ,  et  auxquels 
nous  devons  borner  la  nôtre.  I.  six 
Tol.  de  Serinons,  Hambourg,  I747> 
in  •8*'.  Le  i®*".  tome  contient  une 
dissertation  remarquable  sur  l'éter- 
nité des  ])eincs.  Plusieurs  des  dis- 
cours renfermés  dans  les  trois  pre- 
miers volumes  ont  été  tradidts  eu 
français ,  en  anglais,  en  espagnol , 
eu  hollandais  et  en  polonais.  II.  La 
Morale  de  V Ecriture-Sainte ,  en  9 
vol.  iu-4°.,  5".  éd.,  Leipzig,  1773; 
les  4  derniers  volumes  sont  de  J.  P. 
Miller,  sou  disciple,  et  son  succes- 
seur dans  la  chaire  de  théologie  à 
Gottinguc.  Gellcrt ,  dans  sa  revue 
des  traités  de  morale,  assigne  à  ce- 
lui c'e  Mosheim  le  premier  rang. 
Le  même  3,  P.  Miller ,  moi-aliste 
dist'  '  "    "".  Sommerau,  eu 

C2t  ■  iibréfiés;  le  ï<^"é 


MOS 

en  un  seul  volume  (  Lcip/.ig,  Î777, 
in-S**.  ),  le  dernier  en  deux,  (Jucd- 
liidjourg  ,  1771  ,  in-S**.  111.  Instiln- 
tionian  historiœ  ecclcsiaslicœ  ,  on- 
tiffuioris  et  recentioris ,  libri  ir  , 
llelmsla3dt,  i  755,  iu^".  La  i*"".  éd. 
est  de  1726  ,  iu-8". ,  Francfort  j  la 
dernière,  de  i7()4,  a  été  soignée  p;ir 
Miller ,  qui  a  placé  en  tête  une  Noti- 
ce des  écrits  de  Mosheim.  J.  A.  Cli. 
d'Eincm  et  J.  R.  Schlegel  ont  Iradiiir 
celle  histoire  en  allemand,  el  l'ont  en- 
richic  :  i  ".  d'extraits  des  autres  nom- 
breux ouvrages  de  Mosheim  ,  qui  ont 
rapport  aux  différentes  parties  de 
l'histoire  de  l'église  chrétienne;  2". 
des  notes  du  traducteur  anglais  Ar- 
chibald  Maclaine  :  cette  traduction 
anglaise  a  elle-même  été  traduite  en 
français  (  par  Eidous  ) ,  Maestricht , 

6  vol.  in-8*'. ,  et  Yverdun  ,  1770  , 

7  vol.  in  8<^.  Celle  d'Eiuem  (  Leipz. , 
1 769-80,  en  9  vol.  gr.  iu-8°.  )  inter- 
cale dans  les  endroits  convenables,  ce 
q\i'offrenl  de  plus  important  les  l);d- 
tc's  spéciaux  de  Mosheim ,  parmi  les- 
quels l'Histoire  du  premier  siècle  de 
notre  ère  (  Inst.  Mit.  chr.  majores 
^œc.  I ,  Helmstœdt ,  1739,  iu^"- ), 
et  celle  des  temps  qui  ont  précédé 
Constantin  (i9e  rehus  Christianonan 
unte  ConstantinumM.  commentai  ii, 
ib. ,  1753,  in-4°.) ,  sont  les  plus  ic- 
marquables  :  mais  il  en  est  résulté 
un  ouvrage  trop  volumineux,  où  il 
ne  règne  aucune  proportion  cutjo 
les  diverses  parties.  On  lid  préfère 
la  traduction  allemande  de  Schlcgc] , 
qui  a  paru  à  licilbronu  (  1 7  79 ,  4  vol . 
in  -  8".  ) ,  avec  une  continuation  jiis- 
qu'cn  1789.  IV.  Une  version  latine 
du  Systema  intellectuale  de  Cud- 
Avortli ,  léua  ,  1738,  in  -  fol.  La 
deuxième  édition  ,  imprimée  à  L(  y- 
de,  en  2  vol.  in-/}.". ,  1773,  est  en- 
richie des  corrections  et  des  aug- 
mentations que  le  traducteur  avait 


1M0:Î 

lùilcs  sur  l'exemplaire  de  Pc'dilion 
m  -  fol.  (  V.  CunwoRTii.  )  Les  noies 
Je  Mosheiin  sont  dignes  de  l'orii^i- 
nal  ;  et  son  slyle  latin  ,  Tort  aç!;rcab)e , 
est  meilleur  que  dans  son  Histoire 
ecclcsiasticjiie,  où  l'on  voit,  non  sans 
étonnement  ,  l'cditcur  du  livre  de 
Morhof  :  De  jnird  dictione  latind 
(  Hanovre  ,   i  yi.ô  ,  in  -  8^.  ) ,  et  de 

celui  d'Ubert  Foîieta  :  De  linsiice 

o 

lalinœ  usu  et  prœstantid  (  ibid. , 
17^3,  in-8".) ,  se  servir  sans  cesse 
de  l'imparfait  dans  le  sens  du  parlait 
défini ,  faute  dans  laquelle  l'a  fait 
tomber  sans  doute  l'aoriste  alle- 
inand,  qui,  de  même  que  l'anglais  , 
a  une  double  signification ,  indiquée, 
en  latin  comme  en  français,  par  des 
formes  dilllnentcs.  La  partie  la  plus 
prc'cicuse  du  Commentaire  de  Mos- 
îieim  concerne  les  pliiiosophos  de 
l'école  d'Alexandrie,  leur  influence 
sur  lecbristianisrae,  elles  modifica- 
tions que  la  doctrine  de  l'Évaugile 
fit  subir  à  celle  de  Platon  par  ce 
que  ces  philosophes  en  empruntè- 
rent. Aux  notes  sur  Cudworlh,  rela- 
tives à  cette  matière  aussi  grave  que 
difficile,  et  nullement  épuisée,  il  faut 
joindre  quelques  Traites  parliculierr. 
de  Mosheim ,  qui  jettent  un  grand 
jour  sur  -l'action  léciproque  de  l'E- 
glise clirélienne  et  de  l'école  d'A- 
lexandrie :  De  îurhald  per  recentio- 
res  Platonicos  ecclesid{k  la  suite  de 
son  Cudworlh ,  et  augra.  dans  ses 
Diss.  ad  hist.  écoles,  perlin. ,  vol.  i, 
p .  85 ,  ss.  );  —  De  studio  Elhiiiconim 
Chnstianos  imitandi  (  ib. ,  p.  32 1 , 
ss.  )  ;  —  De  creatione  mundi  ex  ni- 
hilo  (p.  125-258)  ;  —  des  Commen- 
tationes  vnrii  argumenti ,  rec.  J.  P. 
Miller ,  1751  ,  111-8".  ),  où  Mosheim 
montre  avec  une  grande  évidence, 
que  les  Platoniciens  n'ont  point  con- 
nu ce  dogme  avant  (\\x&  la  religion 
chrélicmic  se  répandit  ;  et  qu'en  s'ex- 


MOS  9.43 

primant  de  manière  à  faire  penser 
(pi'ils  l'adoptent,  les  ])hilosoplies  du 
l'école  d'Alexandrie  disent  toute  au- 
tre chose  que  nos  livres  saints,  on 
se  incitent  en  contradiction  avec  les 
principes  fondamentaux  de  leur  .s\  s- 
tème ,  lorsqu'ils  admettent  la  créi- 
tion  dans  l'acception  orthodoxe  dcs 
Chrétiens.  V.  ISous  ne  pouvons  ici 
c'nuraérertouslcsécriîsdcMoshciTn, 
relatifs  à  l'histoire  derÉdise.  il  n'v 
a  prc%q:ie  pas  d  événement  intéres- 
sant dans  cette  histoire,  ou  de  ques- 
tion difilcile,  élevée  sur  les  dogmes 
ou  leurs  modifications  dans  les  divers 
systèmes  des  sectes  ou  des  commu- 
nions anciennes  et  modernes,  qu'il 
n'ait  traiic  dans  des  Mémoires  oii 
brillent  un  rare  savoir,  une  sagacité 
et  une  impartialité  plus  rares  encore. 
Les  plus  remarquables  de  ces  écrits 
concernent  la  différence  des  Naza- 
réens d'avec  les  Ebionites;  l'impos- 
teur Apollonius  de  Tyanej  les  mira- 
cles du  diacre  Paris;  la  flamme  pre'- 
tendue  sacrée ,  qui   descend  sur  le 
tombeau  de  Jésus-Christ,  à  Jérusa- 
lem ,  le  vendredi  saint;  les  livres  sup- 
posés par  les  Chrétiens  du  pi'cmier 
et  du  deuxième  siècle  de  notre  èrcj 
les  apologies  de  TertuUien  ,  d'Athe- 
nagore,  etc.  La  plupart  de  ces  mé- 
moires  sont   imprimés   dans  trois 
recueils  publiés  par  lui  -  même,  ou 
par  son  disciple  Miller  :  1°.  Disser- 
tationes  ad  hist.  eccles,  pertinen- 
tes,  Alloua,  1731  et  1743,2  vol. 
in-4''. ,  de  768  pag.  chacun  ,  nour. 
édit.  ,    1 767  ,  in  -  8°.  ;  —  2«.  Dis- 
sertationum  ad  sanctiores  discipli- 
nas pertinentium  Sjntagma,  Leip- 
zig ,    1733  ,  in  -  4".  de  891    p.  , 
avec  les  Traités  de  Moyle  et  de  P. 
King  :  De  legione  fidminatrice.  — 
S*».   Commenlationes  et  orationcs 
varii  argwn. ,  Hambourg,  1751, 
in  -  S^.  de  648  p.  L'éditeur  ,  J.  P. 


244 


MOS 


Miller ,  a  fait  imprimer  le  Recueil  des 
opuscules  allemands  de  Moslicim ,  à 
Hambourg,  i-yjo,  in-S".  Son  équité 
naturelle  paraît  l'avoir  abandonne 
dans  le  jugement  qu'il  porte  sur 
Calvin  et  sur  sa  conduite  à  l'égard 
du  mcfdecin  espagnol  Michel  Servet  : 
Historia  Mich.Sejveti,  i']3'j,  in-:}». 
—  Nouvelles  recherches  sur  Servet., 
1748  (  en  ail.  ),  Helmstasdt ,  1750, 
in  -  4^^.  11  oublie  tout-à-fait  que  la 
légitimité  de  la  condamnation  au 
feu  ,  des  hérétiques  ,  était  reconnue 
par  toutes  les  communions  chrétien- 
nes ,  dans  le  siècle  de  Calvin,  et  que 
ce  réformateur  fit  tout  ce  qui  dépen- 
dait de  lui  pour  obtenir  l'adoucisse- 
ment d'un  supplice  auquel  la  juris- 
prudence du  temps  ne  lui  eût  pas 
permis  d'arracher  entièrement  Ser- 
vet. Les  plus  remarquables  parmi 
les  autres  ouvi-ages  de  Mosheim , 
sont  :  VI.  Findiciœ  antiquœ  Chris- 
tianorum  discinlinœ  adv.  Tolandi 
Nazarenum  ,  Kiel,  1720,  in-4°-, 
2<=.  édit.;  Hambourg,  i']'i'i ,  in-8°. 
VII.  Historia  Tartarorum  eccle- 
siaslica  ,  \']l^i,  in- 4".  de  21G  p., 
(  par  H.  C.  Paulsen,  sous  la  direc- 
tion de  Mosheim  ).  VIII.  Une  Expli- 
cation en  ail.  des  Epitres  de  S.  Paul 
aux  Corintliiens  et  à  Timotliée  , 
1741  •,  in-4'^',  et  1762-4;  1755  ,  in- 
4".  IX.  Une  Trad.  ail.  d' Oris;ène 
contre  Celse ,  avec  des  notes  ,  Ham- 
bourg, 1745  ,  in-4*'- X.  Une  His- 
toire des  hérésies  (en  ail.) ,  Helmst. , 
i746,iii-4°.  XI.  Ses  Inslitutiones 
hist.  christianœ  majores  sœc.  i  , 
1789,  in-4°.,  n'ont  pas  été  conti- 
nuées. Les  matériaux  de  ce  volume 
sont  fondus  dans  le  meilleur  des 
traités  particuliers  de  Mosheim:  De 
rébus  Christianorum  ante  Constant. 
M. ,  Helmstaidt,  1 753 ,  in- 4".  Après 
sa  mort,  on  a  publié,  d'après  ses  le- 
vons ou  sur  ses  manuscrits  :  XII. 


MOS 

Elementa  theologiœ  dogmaticœ  , 
Nuremberg,  1758  ,  in-B".;  S*",  éd. , 
1780.  XIII.  Lue  Théologie  polé- 
mirpie,  publiée  par  C.  E.  de  Wind- 
heim,  Butzow  ,  3  vol.  ,  1763  -  ,\  , 
in-4''.  XIV.  Leçons  sur  les  preuves 
de  la  vérité  et  de  la  divinité  de 
la  religion  chrétienne ,  publiées  p'ir 
Godcfroi  VVinkler ,  Dresde,  1704; 
in-8".  XV.  De  Beghardis  et  Beg'u- 
nabus ,  éd.  Ge.  Henr.  Martini,  Loip 
zig,  1790.  in-8*'.  Mosheim  s'était 
marié  trois  fois  :  du  premier  lit,  il 
eut  deux  fils  et  une  fille;  du  troisième 
lit,  M™^.  la  duchesse  de  Noailles  , 
veuve  du  comte  Golowkin.    S — r. 

MOSLEMAH  appelé  Maselmas, 
par  les  historiens  du  Bas-Empire  , 
fameux  capitaine  arabe,  était  un  des 
fils  du  khalyfe  Abdel -Mclek.  Il  ne 
régna  point  ;  mais  il  commanda  les 
armées  musulmanes ,  avec  autant  de 
gloire  que  de  succès ,  pendant  le  kha- 
lyfatdesesfrèresWalidpr.SoIéiraaii, 
Yczidll,  etHescham.  Il  sedisting!:a 
principalement  dans  ses  expéditions 
contre  les  Grecs  ,  dont  la  première 
eut  lieu  ,  suivant  les  Arabes  ,  l'an  86 
de  l'hég.  (  703  de  J.-C.  ) ,  ou  quatre 
ans  plus  tard  ,  suivant  Théophane. 
Il  prit  Tyane  ,  Amasie  en  Cappa- 
doce ,  conquit  une  partie  du  Pont  et 
de  l'Arménie  ,  et  ravagea  la  Galatie. 
L'an  97  (  716  )  ,  sous  le  règne  de 
Soléiman  ,  il  s'avança  jusqu'à  Amo- 
rium  en  Phrygie  ,  à  la  tête  de  cent- 
vingt  mille  hommes  ,  surprit  Per- 
game ,  et  établit  ses  quartiers  d'hiver 
dans  l'Asie  mineure.  Dès  le  prin- 
temps, il  traversa  l'Hellespontà  Aby- 
dos,  défit  l'armée  impériale  qui  cou- 
vrait Constautinople,  et  investit  cette 
capitale  par  terre  et  par  mer.  La 
peste  et  la  famine  y  enlevèrent  plus 
de  soixante  mille  habitants  :  mais 
les  mêmes  fléaux,  joints  à  la  rigueur 
du  froid,  aux  attaques  dts  Bulgares, 


MOS 

et  aux  terribles  cflcts  (lu  fou  grégeois, 
<Hii  dc'liuisit  la  plus  grande  ])arlie  de 
la  flotte  musuimau»! ,  causi-rcut  des 
perles»  bien  ])Ui.s  considérables  aux 
Arabes.  iMosleniah,  ayant  appris  la 
mort  de  son  IVc-re  Soloiinan  ,  rampiia 
en  Syrie  les  débris  de  son  année, 
l'an  99  (  7  1 7  ).  Ce  siège  mémorable 
avait  duié  deux  ans  et  demi ,  si 
l'on  y  comprend  toute  la  durée  de 
l'expédition.  Sous  le  khalyl'at  de 
Yezid  11,  Moslemah  mit  fin  à  la  ré- 
volte du  fameux  Yezid  ibu  M;;îdcb  , 
le  vainquit  ,  et  lui  fit  trancher  la 
tète  (  V.  Yezid  iln  IMahleb  ).  Le 
khalyte  ,  pour  récompenser  les  ser- 
vices de  son  l'rcrc ,  lui  donna  le 
gouvernement  de  l'Irak  et  du  Kho- 
raçan,  qu'il  lai  ôta  bicJilot,  par 
suite  de  quelque  intrigue  de  cour. 
Moslemah  ne  laissa  pas  de  rempor- 
ter une  grande  victoire  sur  lesTurks 
Khozars  ,  et  de  les  chasser  de  l'Ad- 
zerbaidjan  qu'ils  avaient  envahi , 
après  avoir  vaincu  et  tué  un  autre 
général  arabe.  L'an  107  (  7'25  )  , 
sous  le  règne  de  Hcscham  ,  il  prit 
Césarée  de  Cappadoce,  et  en  réduisit 
touslcs  habitants  en  captivité,  à  l'ex- 
ception des  Juifs  ,  qui  l'avaient  aidé 
à  s'emparer  de  la  ville.  Ayant  suc- 
cédcà  Said-ibn  Omar,  qui  avait  ob- 
tenu des  succès  marqués  sur  les  Kho- 
zars, il  se  montra  jaloux  des  exploits 
de  ce  général  ,  lui  reprocha  d'avoir 
sacrifié  le  sang  des  Musulmans  à 
un  vain  désir  de  gloire  ;  sans  écou- 
ter sa  justification,  il  l'accabla  d'in- 
jures ,  et  s'oublia  au  point  d'ordon- 
ner qu'on  lui  cassât  siu-  la  tèle  le 
bâton  de  son  drapeau,  et  qu'on  le  ren- 
fermât dans  la  forteresse  de  Berdaâ  : 
maislckhalyfc  ayant  désaj)proiivé  la 
conduite  de  sou  frère  ,  celui-ci  ren- 
dit la  liberté  à  Said  ,  lui  fit  des  ex- 
cuses, ellecondjla  d'honneurs  et  de 
aiconipeusci»  L'un  109  (  '•^■x-]  ),  cl 


MOS  245 

les  annc'es  suivantes,  Moslemah  entra 
dans  le  Chirwan  ,  vaintjiiit  les  Kho- 
zars ,  conquit  toute  la  jiruvince  jus- 
qu'à Dcrbcnd  ,  et  rétablit  les  forti- 
fications qui  défendaient  le  défilé  aj)- 
pelé  Bah-el-Abwab  (  porte  de  fer  ), 
au  pied  du  Caucase,  et  que  les  Kho- 
zars avaient  détruites.  11  porta  chez 
eux  le  fer  et  la  flamme,  délivra  pour 
long-temps  les  provinces  musulma- 
nes des  ravages  de  ces  barbares  ,  et 
revint ,  chargé  de  butin  ,  dans  le 
Chirwan  ,  dont  il  laissa  le  gouverne- 
ment ,  ainsi  que  celui  de  l'Arménie  , 
\\  son  neveu  JMerwan ,  depuis  kha- 
iyfe  (  V.  Merwajv  II).  L'an  vu 
(  789  )  ,  Moslemah  fit  encore  une 
expédition  sur  les  terres  de  l'empire 
d'Orient.  Il  mourut  la  même  année, 
selon  Hadjilvhalfah  ,  ou  l'année  d'a- 
près ,  suivant  Elmakin  ;  et  il  ne  vi- 
vait plus  par  conséquent  eu  ici3  , 
ni  eu  I  a8  ,  comme  l'a  cru  Adier  , 
dans  la  218®.  note  du  tome  i  de  la 
version  latine  d' Aboulfcda.  Ce  savant 
orientaliste  a  été  trompé  par  un  pas- 
sage d'Ibn-Cota'ibah  ,  où  la  date  1 13 
doit  être  substituée  à  i  '23 ,  et  par  un 
autre  passage  du  Catalogue  imprimé 
des  manuscrits  orientaux  de  la  bi- 
bliothèque royale  ,  dans  lequel  ou 
attribue  à  Moslemah  un  fait  qui  se 
rapporte  à  son  fils  Abdel-Melek.  Ce 
prince  ternit  l'éclat  de  ses  lauriers- 
par  une  perfidie  indigne  d'un  grand 
capitaine.  Ayant  pris  par  capitula- 
lion  une  place  du  Chirwan  ,  il  jura 
de  ne  pas  faire  périr  un  seul  des  ha- 
bitants :  mais  aussitôt  qu'on  lui  en 
eut  ouvert  les  portes  ,  il  les  fit  tous 
égorger  au  nombre  de  dix  mille ,  à 
l'exception  d'«?i  seul ,  éludant  ainsi 
son  serment  par  une  équivoque  aussi 
basse  qu'odieuse.  Moslemah  s'était: 
donné  à  lui-même  le  surnom  de  Ci- 
gale jaune ,  parce  qu'il  était  maigre 
et  bloud.  A — X. 


3.ÎG 


VlOS 


MOSSAILAM AH , fameux  impos- 
teur anbe,  était  un  (Us  ])rlncipiiux 
chefs  de  la  tribu  de  lloiiaifali,  drins 
1,1  inovincc  de  Ycmamali.  L'an  9  de 
rhé<:;irc  (  G3o  de  J.-C.  ),  il  vint  à 
]\'cdine  comme  chef  d'une  amlwssa- 
dc  que  sa  tribu  envoyait  à  Malio- 
ïiiet,  et  il  embrassa  l'islamisme.  Mais 
à  son  retom-,  avant  conçu  le  dessein 
d'imilcr  ÎNIahomet ,  et  d'égaler  sa 
puissance,  il  s'érigea  en  prophète, 
el  prétendit  lui  être  adjoint  dans  la 
mission  de  détruire  l'idolâtrie,  et  de 
Tîjppeler  les  hommes  au  culte  du 
vrai  dieu.  Il  publia  des  révélations 
par  écrit,  dans  le  goût  de  celles  du 
(iOran.  On  prétend  même  qu'il  avait 
cté  d'abord  initié  dans  les  projets  du 
législateur  des  Arabes,  et  que,  ne  vou- 
lant pas  être  son  inférieur ,  il  avait 
Tompu  tout  commerce  avec  lui.  11 
comprit  ensuite  qu'il  courait  moins 
de  risque  en  agissant  de  con<:crt  avec 
Mahomet,  cl  il  lui  écrivit  en  ces  ter- 
mes :  Mossàiiamah,  apôtre  de  Dieu,, 
à  Mahomet ,  apôtre  de  Dieu.  Qiie 
la  moitié  de  la  terre  soit  à  toi^  et 
l'autre  moitié  à  moi.  Mahomet,  se 
croyant  trop  bien  affermi  pour  con- 
sentir a  un  pareil  partage,  lui  en- 
voya cette  réponse  :  J'ahomet  l'apô- 
tre de  Dieu  à  Mossàiiamah  l'impos- 
teur. La  terre  appartient  à  Dieu  ; 
il  la  donne  en  héritage  à  ses  fidèles 
serviteurs ,  <t  ceux  qui  le  crais^nent 
(ïuront  une  heureuse  réussite.  Mos- 
sàiiamah ne  laissa  pas  de  se  for^lcr 
un  parti  considérable,  à  la  tète  dn- 
((ucl  il  fit  des  progrès  assez  rapides. 
Mahomet  vit  le  commeticcmeut  de 
cette  révolte,  sans  avoir  la  consola- 
tion d'en  apprendre  la  (iu ,  avant 
d'expirer  (  F.  Mahomet,  XX\I, 
ïSG  ■).  Une  femme  nommée  Sedjah  , 
fdie  de  Hareth  ,  de  !a  tribu  de  Ta- 
laim  ,  se  donna  aussi  pour  prophé- 
tcsse  dans  la  province  de  Bahrain  , 


MOS 

cl  y  gagna  de  jniissanls  et  noniiirer.x 
prosélytes  :  elle  alla  trouver  ]\I(.s- 
sa'ilamah,  et  Aoulut  avtfir  avec  lui' 
un  entretien  particulier.  Apres  aviài' 
éloigné  la  suite  de  celte  femme,  il  lui 
fit  dresser  une  tente  à  coté  de  la 
sienne,  et  l'admit  auprès  de  lui,  par- 
fumée comme  une  fiancée.  Interroge 
par  elle  sur  les  preuves  de  sa  mis- 
sion divine,  il  lui  répondit  par  ûts 
galanteries  (pii  séduisirent  sans  doute 
Sedjah.  A  la  suite  d'un  colloque 
sur  le  même  ton ,  elle  l'épousa , 
passa  trois  jours  avec  lui,  et  retour- 
na dans  la  tribu  de  ïaglab,  qui  était 
celle  de  sa  mère.  Le  nombre  des  par- 
tisans de  Mossàiiamah  s'élant  beau- 
coup accru  par  la  jonction  de  ceix 
de  sa  nouvelle  épouse,  le  khaiyl'c 
Abou-Bekr  envoya  deux  de  .ses  gé- 
néraux dans  la  province  de  \enia- 
mah  ,  contre  cet  imposteur,  il  les 
fit  suivre  bientôt  par  le  fameux 
Khalcd ,  qui ,  avant  pris  le  comman- 
dement de  l'armée,  forte  de  qua- 
rante mille  hommes,  livra  bataille 
aux  rebelles.  Kepousséd'abord,  il  re- 
vint à  !a  charge,  el  les  tailla  en  piè- 
ces (633).  Mossàiiamah  y  fut  perce , 
dit-on  ,  par  la  même  lance  qui  a.\s.\L 
tué  Hamzah,  oncle  de  Mahomet,  au 
combat  d'Ohod,  sept  ans  aupara- 
vant. La  mort  de  ce  faux  prophète  . 
et  celle  de  dix  mille  de  ses  sectateur.-:, 
anéantirent  son  parti.  Mais  ia  per- 
te des  Musulmans  fut  si  conridéra- 
ble  en  hommes  instruits  des  premiè- 
res traditions  de  rislamisme,  et  ver- 
sés dans  la  lecture  et  l'écriture  du 
Coran  ,  qu' Abou-Bekr,  ])our  conser- 
ver ce  code  universel  de  la  religion 
et  de  la  législation  mahoméfanes,  cnit 
devoir  en  faire  rassembler  avec  soin 
les  feuillets  et  les  fragments  épars 
(  V.  Abou-Bkkr,  I,  86,etKuALED, 
XXII.  34'»  ).  Les  écrivaii?s  arabes 
désignent  Mcssaïlamah  par  le  sur»- 


NOS 

siam  àc  Menteur ,  cï  n'en  parlent 
ïjn'avec  exécration.  Qnant  à  la  pro- 
])lic'tcssc  son  cpoiisc ,  elle  denienra 
parmi  les  Taglabitcs  ,  jusqu'à  l'an 
4o(  GGi  ),  qu'ils  lurent  chasses  de 
ioiir  territoire  par  le  khalyi'c  Moa- 
wyali.  Alors  Sedjah  rentra  dans  le 
scia  de  l'islamisme,  et  se  retira  à 
Bjssorah  ,  où  clic  mourut,  A — t. 

MOSTACFY-BILLAH  (  Acoul- 
Cacem  Addallau  IV,  surnomme 
AI.  )  ,  23".  khalyfe  abbasside  de 
Baglidad ,  fds  de  Moktaiy,  succéda , 
l'an  333  de  Thcgirc  (  944  de  .T,-C.  ) , 
à  i\îoltaky,  son  cousin-gcrniain.  11 
confirma  dans  la  charge  d'c'myr  al 
omrah,  le  turk  Tonroun,  qnine  l'a- 
vait place  sur  le  trône  que  pour  être 
sou  tyran.  Mosîacfy  renvoya  du  pa- 
lais,  et  rele'gua  dans  une  autre  prison 
Caher,  un  de  ses  prédécesseurs  ,  ré- 
duit à  un  tel  état  d'indigence,  qu'il 
n'avait  pour  tous  vêlements  qu'une 
chemise  de  coton ,  et  des  sabots. 
Touronn  étant  mort,  en  moharreni 
334,  son  successeur,  Zaïrak  iba 
Chyr-zad,  se  fit  tellement  détester  par 
ses  extorsions  et  ses  violences,  que 
les  habitants  de  Bighdad  implore- 
ront le  secours  des  princes  Bowa'idcs. 
A  l'approche  d'Ahraed,  l'un  d'eux, 
Za'irak  et  Mostacfy  prirent  la  fuite 
avec  les  troupes  turkes;  mais  ce  der- 
nier rentra  bientôt  dans  Baghdad,  et 
y  fut  reconnu  khalyfe  par  Ahmed , 
anquel  il  conféra  la  charge  d'émyr 
al  omrah  ,etle  litre  de  rtloczz  ed  dan- 
]ah  (^.  cenom,XXlX,  209).  Cepen- 
dant la  favorite  de  Mostacfy,  nom- 
3Î1CC  Alam,  qiù,  par  ses  intrigues, 
avait  le  pins  contribué  h  élever  ce 
]irinceau  khalyfat,  vovant  qu'il  n'a- 
vait fait  que  changer  de  maître,  ra- 
liaîa  de  nouveau  pour  l'aflranchir  du 
joug  des  Bowa'ides  ,  dont  les  trou- 
])es  remplissaient  la  capitale.  Tnfor- 
Jné  de  ses  menées  ,  Moez  cd  dauiah 


MOS 


24 -f 


se  mit  ea  mesure  de  les  dc-jouer.  Le 
22  djoumady  2*". ,  334  (  ^-9  janvier 
946  ) ,  jour  destiné  à  la  réccptiou 
d'un  ambassadeur,  il  se  rend  dans 
la  salle  d'audience  ,  et  va  s'asseoir  à 
côté  de  Mosîacfy.  Aussitôt  deux  de 
ses  ofiiciers  s'approchent  du  trône, 
et  se  prosternent  devant  le  khalyfe  , 
qui  leur  présente  ses  mains  à  baiser. 
Mais  ces  pcriides  le  saisissent  cha- 
cun par  un  bras,  le  garotteut  avec 
son  turban,  et  le  traînent  au  palais 
de  l'émyr ,  qui  ordonne  qu'on  lui 
crève  les  yeux ,  et  que  l'on  coupe  la 
langue  à  l'imprudente  favorite.  Cas 
fut  alors  qu'on  vit  à  Baghdad,  en  mê- 
me temps  ,  trois  khatyfes  déposés  , 
incarcérés  et  privés  de  la  vue  :  Ca- 
her, Motîaky  et  Mostacfy.  Ce  der- 
nier n'avait  régné,  ou  })lutôt  rempli 
les  fonctions  pontificales,  que  iG 
mois.  Il  survécut  quatre  ans  à  sa  dis- 
grâce, et  mourut  en  338(949-5o  ), 
âgé  de  4 1  «Tis.  Il  eut  pour  successeur 
Mothv-Billah.  A— T. 

MOSTADHER-BILLAH  (ABou'r. 
Adbas  7VGMED  V,  AL  ),  aS^.  khalyfe 
abbasside  ,  lils  et  snccessenrdeMoc- 
tady,  l'an  487  de  l'hégire  (  1094),» 
l'âge  de  seize  ans  ,  dut  son  exalta- 
tion au  sullliîu  seldjonkide  Barkya- 
rok ,  qu'il  confirma  dans  la  die;ni- 
lé  d'émyr  al  omrah.  L'an  489 ,  des 
astrologues  ayant  prédit  une  inon- 
dation presque  égale  au  délnge  uni- 
versel, le  khalife  consulta  Aly-ibn- 
Isa ,  le  plus  savant  d'entre  eux, 
qui  répondit  que  ce  désastre  n'au- 
rait lieu  que  dans  un  endroit  oii  un 
grand  nombre  d'hommes  de  'n-jsîes 
pays  se  trouveraient  i-asserublés.  On 
craignit  pour  Baghdad,  où  a'iluait 
alors  un  grand  concours  d'étrangers; 
et  le  khalyfe  ordonna  d'élever  des 
digues,  et  de  détourner  les  eaux  le 
plusieurs  rivières  qui  se  jettai.t  dans 
le  Tygrc.   Mais  la  prédiction  s'ac» 


a48 


MOS 


complit  sur  la  caravane  clos  pèle- 
rins (le  la  Mekkc,  qui  fut  presque  en- 
tièrement submerfjce  dans  une  vallée, 
par  un  torrent  déborde.  Une  cala- 
mite'  plus  grande  pour  l'islamisme  , 
fut  l'arrivée  des  armées  innombra- 
bles de  Chrétiens  d'Europe,  qui,  sous 
le  nom  de  Croisés,  envaliirentl' Asie- 
mineure,  la  Sjrie  ,  la  Mésopotamie 
et  la  Palestine  (  V.  Bohemond  ,  IV, 
679;  GoDEFRoi  ,X\  Il ,  546;  Mos- 
TALv  ci-après,  et  aux.  Suppléments  , 
KiLiDj  AusLAN  I,  et  Korbouoa). 
La  guerre  que  le  suUhan  Barkyarok 
avait  alors  a  soutenir  contre  son  frè- 
re iMchammed  (  P'^.  ces  non)s,  III, 
078,  et  XXIX,  'i-i^i  ).  la  liaiiie  mu- 
tuelle du  klialyfe  abbassideet  de  ce- 
lui d'Egypte  ,  et  le  schisme  qui  di- 
visait leurs  sujets,  furent  favorables 
aux  progrès  des  Chrétiens.  La  nou- 
velledela  prise  de  Jérusalem,  arrivée 
à  Baghdad  ,  au  mois  de  ramadhan, 
I\Ç)'i  (août  io()ç)),  y  répandit  une 
telle  couslernaliou ,  qu'on  y  oublia 
le  jeûne  et  les  prières  d'obligation 
dans  ce  mois  sacré  ,  chose  jusqu'a- 
lors sans  exemple.  A  la  mort  de 
Earkyarok,  l'an  49^1  Mostadhcr , 
qui  avait  prononcé  la  kliothbah  ,  au 
nom  de  Mélik-Chah  ,  fils  de  ce  prin- 
ce, fut  obligé  de  rendre  le  même 
honneur  au  suhlian  Pilohammed , 
et  dans  la  suite  à  Mahmoud  ,  fils  de 
ce  dernier  ,  qui  exercèrent  successi- 
vement la  charge  d'émyr  al-omrah. 
Mostudher  mourut  le  iG  raby  a*^.  , 
5 1 2  (  août  1 1 1 8  ) ,  dans  la  4'-**'.  an- 
îiée  de  sou  âge ,  et  la  iS'^.  d'un  règne 
obscur.  Mais  si  ce  khalyfe,  réduit  à 
un  rôle  passif,  fut  étranger  aux 
grands  événemenis  qni  arrivèrent  de 
son  temps,  il  se  distingua  par  des 
v(>rriis  privées  ,  et  gouverna  ses  sur 
jets  nioins  en  maître  qu'en  père.  Il 
ti.'ait  ju.-le,  bienfaisant;  protégeait  les 
^cns  iïà  lettres,  et  cuIliYait  lui-même 


IMOS 

avec  succès  l'éloquence  et  la  poe'sie. 
(^'est  à  lui  que  Baghdad  dut  plusieurs 
de  ses  poi  (es,  le  fo.ssé  qui  l'entourait, 
et  le  rempart  qui  la  défendait  du 
côté  de  l'orient.  Il  eut  pour  suc(  cs- 
seur  son  fils  Mostarschcd.  A — r. 
MOSTADY  BIAMR  -  ALLAU 
(  Abou-Mohammeo  Haçan  II,  ai.  ), 
33''.  khalyfe abbasside,  installé  dans 
la  chaire  du  pro])hète,  l'an  56G  de 
l'hégire  (  1 170  de  J.-C.  ) ,  par  les 
émyrs  qui  avaient  avancé  la  mort  de 
son  père  Mostandjed  ,  fut  d'abord 
réduit  à  subir  leur  loi ,  et  à  récom- 
penser leur  crime  ,  en  leur  distri- 
buant des  honneurs  ,  des  présents  , 
et  les  premières  charges  de  l'état. 
Mais,  l'an  570,  il  secoua  un  joug  si 
honteux  ,  et  parvint  à  se  délivrer  de 
la  tyrannie  du  perfideKaimaz,  com- 
mandant-général de  ses  troupes  ,  et 
chef  des  conspiiateurs.  (  ^'^.Kaimaz  , 
au  Suppl.  )  Mostady  gouverna  de- 
puis avec  une  pleine  autorité.  Aussi 
juste  ,  aussi  sage  que  son  père ,  il  se 
montra  plus  libéral ,  et  fit  fleurir  les 
arts  et  les  sciences.  11  eut  la  gloire  et 
le  bonheur  de  voir  finir  le  graua 
schisme  qui  divisait  les  Musulmans 
depuis  près  de  trois  siècles  (  F. 
Moczz-LEni^-ALLAu  ,  XXIX  ) ,  et 
l'Egypte  rentrer  sous  son  in.^uen  ce  re- 
ligieuse, par  la  destruction  des  kha- 
lyfps  falhémides.  (  F.  Adhed  Ledin- 
Allah  ,  au  , Suppl.  )  Il  fit  célébrer 
ce  grand  événement  à  Baghdad  par 
des  réjouissances  qui  durèrent  plu- 
sieurs jours:  il  envoya  au  Caire  des 
étendards  noirs,  couleur  afièotée  aux 
Abbassides  ,  et  des  présents  ma- 
gnifiques au  su'than  de  Syrie  et 
au  général  qui  avaient  opéré  cette 
grande  révolution  (  /'^.  Nour-ed-dy.v 
et  Saladiîv  ),  ainsi  qu'aux  imams  qui 
avaient,  les  premiers  ,  prononcé  la 
klîothbah  en  son  nom,  dans  les  jnos- 
(jiiées  de  rEgypîc.  A^rès  avoii"  V'-?^';Q 


1\I0S 

neuf  ans  et  sept  mois  ,  ce  klialyfe 
mourut ,  ])lcui'e  de  tous  ses  sujets  , 
le  '2.  d/,oulk,alali  a'^S  (  mars  i  180  ), 
âge  de  trcutc  -  neut"  ans  ,  laissant 
pour  successeur  un  fils  qui  l'ut  loin 
de  lui  ressembler,  (  F.  N^ser  Le- 
din-Am,aii.  )  A — T. 

MOSTAIN-BILLAH  (  Acoul-ab- 
BAS  Ahmed  I  ,  at,),  i'^*^-  klialyi'e 
abbasside,  et  petit-fils  de  Motasem  , 
fut  mis  sur  le  trône  le  7°.  raby  2"=. 
248  (10  juin  8G1)  après  la  mort  de 
son  cousin  Monthasser  ,  par  la  fac- 
tion des  Turks,  qui  craignait  que  les 
frères  de  ce  dernier  ne  vengeassent 
l'assassinat  de  leur  père  Motavvakkel, 
obligea  le  nouveau  klialyfe  de  les 
faire  renfermer.  Quelques  trouî)les  à 
Hemesse,  et  une  invasion  du  fameux. 
Yacoub  Icsolîaride,  dans  le  Kliora- 
çan ,  signalèrent  le  commencement 
de  ce  règne  (  F.  Yacoubben  Leits). 
L'année  suivante,  les  Grecs  rem- 
portèrent sur  les  Musulmans,  près 
de  Tarse,  une  victoire  qui  leur  fraya 
le  chemin  pour  faire  plus  tard  des 
invasions  jusque  dans  la  Mésopota- 
mie. Mostaïn,  par  une  conûance  ex- 
cessive dans  sa  mère  et  dans  son  vé- 
zyr  ,  le  turk  Atamesch  ,  avait  laissé 
à  leur  disposition  les  trésors  et  les 
revenus  de  l'état.  Les  autres  chefs 
de  la  milice  turke ,  m  ilés  de  l'or- 
gueil du  favori,  etjalouxdesa  puis- 
sance, conjurent  sa  perte.  Atamesch 
se  montre  pour  reprimer  la  sédition; 
il  est  massacré  :  son  palais  est  livré 
au  pillage;  et  la  populace,  s'étant 
jointe  à  la  soldatesque,  commet  les 
plus  affreux  désordres  :  plusieurs  édi- 
fices sont  renversés  ,  uu  pont  sur  le 
Tygre  est  brûlé;  enfin,  les  meurtriers 
fatigués  de  carnage  et  cliargo's  de 
butin,  se  dissipent  d'eux-mêmes. 
L'an  i5o,  les  armes  de  Mostaïn 
trioriiphcrent  de  Yaliia, prince  alyde, 
t^ui  à'ciait  fait  piuoUmcï  khiilyfc  à 


MOS 


a49 


Koufah  ,  et  qui  paya,  de  sa  tête ,  sa 
révolte.  Mais  Ilaçan  ,  prince  de  la 
même  famille,  s'empara,  la   même 
année,  du  Tabarislan,  et  enleva  pour 
jamais  cette  province  ,  avec  le  i3ior- 
djan ,  aux  Abbassides.  La  ville  d'ile- 
messe  en  Syrie    ayant  égorge  son 
gouverneur;    Mousa  ,  l'un  des  géné- 
raux de  Mostaïn,  la  réduisit  en  cen- 
dres ,  après  avoir  fait  passer  au  fil 
de  Icpée  un  très-grand  nombre  des 
habitants.  L'an  25 1,  Bagher ,  l'un 
des  assassins  de  Motavsakkel,  s'é- 
tant brouillé  avec  Wasif  et  Bougha , 
ses  complices,  parce  qu'ils  étaient 
pins  en  faveur  auprès  du  khalyfe  , 
trame  leur  perte.  Son  complot  est 
découvert,  et  on  l'arrête  dans  le  pa- 
lais impérial.  Les  Turks   s'arment 
pour  le  délivrer.  L'imprudent  IMos- 
taïn  ,  par  le  conseil  des  deux  autres 
chefs  de  cette  milice ,  croit  étouffer 
la  sédition,  en  faisant  jeter  au  milieu 
des  mutins  la  têtedeBagher,  et  irri- 
te  davantage  leur   fureur.    Assiège 
dans  son  palais,  il  s'embarque  sur 
le  Tygre  avec  ses  deux  protégés ,  et 
se  retire  à  Baghdad.  Après  des  ten- 
tatives   infructueuses   pour   apaiser 
Mostaïn,  et  l'engager  à  revenir  à  Ser- 
menraï,  les  Turks  tirent  de  prison 
son  cousin   Motaz ,   le  proclament 
khalyfe,  et  marchent  au  nombre  de 
5o  mille,  sous  les  ordres  de  Mowaf- 
fek ,  frère  de  ce  prince,  pour  assiéger 
Baghdad.  Mostaïn  s'y  défend  avec 
intrépidité;  mais  au  bout  d'un  mois, 
la  famine  devient  si  horrible  dans 
la  ville,  qu'on  y  mange  de  la  chair 
humaine.  Wasif  et   Bougha   aban- 
donnent ce  prince  ,  et  vont  se  sou- 
mettre au  nouveau  khalyfe.  Enfin  , 
la  dérertion  du  gouverneur  de  Bagh- 
dad   oblige    Mostaïn  à  résigner   le 
khalyfal,  te  4  moharrem  uSa  ('^4 
janvier  860),  et  à  renvoyer  à  soii 
successeur,  le  bdtoU;  ic  ixiauicau  et 


7.JO  M  os 

raniuanduproplièle.  On  lui  refuse  la 
lil  ;  1  to  dépasser  le  resledeses  jours  à 
).;  Klekke,  et  on  lui  permet  en  appa- 
leiipe, dcse  retirera  Bassorah;  mais 
r.irive'à  Wasetli,  il  y  expire  sous  les 
verges,  par  ordre  de  Motaz  ,  à  l'âge 
de  trente-un  ans  ,  après  en  avoir  ré- 
5;ne  près  de  quatre  :  prince  juste,  sa- 
vant et  libéral,  mais  faible  ;,  prodi- 
î;iie  ,  sans  caractère  ,  et  toujours 
trompe' dans  sa  conljance.  —  Mos- 
TAiN-BiLLAH  ( Abou'-Fadlil  Al-Ab- 
1)3 s) ,  11"^.  klialyfe  abbasside  d'É- 
jiypte  ,  fut  revêtu  de  ce  titre  lionori- 
iique,  l'an  SoBderhègire  (i4o6  de 
J.-C),  après  son  pèreMotav.akkcl 
Mohammed  XI,  qui,  dans  l'espace 
de  qiiaranle-cinq  ans,  l'avait  porte 
"Jrois  fois  et  avait  ètë  deux  fuis  de- 
])osc'.  Mostain  fut  proclame'  sullban 
d'KgyptCjCn  moliarrcm  8i5  (  avril 
i4i2  j,  après  la  de'posilion  de  Fa- 
rad] (  F.  ]\ÎAHMOUDY,  XXVI,  1 84)  ; 
îu.-îis  ce  vain  titre,  dont  il  fut  dépouil- 
le sept  mois  après ,  et  qu'aucun  prin- 
ce de  sa  race, avant  et  après  lui ,  ne 
j'orta  en  Egypte,  ne  l'empêclia  pas 
d'être  privé  même  du  klialyfat ,  en 
^  1 7  (  février  i  \  r  5  ).  Il  mourut  de  la 
|)este  ,  en  833  (  1 43o), à  Alexandrie, 
où  il  c'tait  reie'gué.  A — t. 

MOSTURFY.  F.  Mostacfy. 

MOSTALY  ou  MoSTALA-BlLLAU 

f  ABoxr'r,  -  Cacem  -  Aumkd  ,  al  )  , 
sixième  klîalyfcfathemide  d'Egyp- 
îe,è:aitle  second  fiis  deMo'^fanser, 
.Tuquel  il  succc'da  en  dzoulhadjali 
/187  (décembre  ro94).  Ce  mouar- 
ffue,  avant  de  mourir,  avait  voulu 
p.ppelcr  au  trône  Nezar  ,  son  fils  ai- 
ne :  mais  le  vc'zyr  Chabin-chah  al- 
ACdhal ,  fils  du  célèbre  Bedr-aUDje- 
v.ialy.  et  non  moins  puissant  que 
son  père,  sut  éluder  les  inlenlionsde 
Moslanser ,  pour  se  venger  du  jeune 
prince,  qui  l'avait  insulté;  il  en- 
g-ag'^a  les  grands-officiers  de  l'état  à 


MOS 

proclamer  Mostàly,  en  Icnr  persua- 
dant ({u'ils  rempliraient  par-là  les 
dernières  \olonlesde  Mostanser.  INe- 
zar  feignit  de  se  soumettre  ;  mais 
quelque  temps  après,  ayant  pris  les 
armes  à  Alexandrie,  il  y  fut  assiégé 
par  xVfdhal ,  qui  le  fit  prisonnier 
et  lui  pardonna.  Vaincu  après  une 
nouvelle  révolte,  il  périt  de  faim  dans 
un  noir  cachot.  Afdhal  régnait  sous 
le  nom  du  faible  Mostàly,  prince  sans 
génie  et  sans  caractère,  plus  propre 
à  mener  la  vie  d'un  dervisch  qu'à 
occuper  nn  troue.  Ce  ministre  son- 
geait à  recouvrer  la  Syrie,  enlevée 
aux  khalvfes  falhcmides  par  les  sul- 
thans  scidjoukides,  qui  l'avaient  par- 
tagée en  plusieurs  liefs  relevant  de 
leur  empire.  La  désunion  des  divers 
princes  qui  les  possédaient,  l'inva- 
sion d'une  multitude  de  Chrétiens 
d'Europe,  qui ,  après  avair  pris  Ni- 
cée,  traversaient  l'Asie-mineui'c,  et 
menaçaient  Antioche,  parurent  à  Af- 
dhal une  occasion  favorable.  I!  refu- 
sa de  secourir  les  IMusulmans  de  Sy- 
rie contre  les  Croisés  j  et  ayant  mar- 
ché sur  Jérusalem  l'an  491  (1098), 
il  assiégea  ceite  ville,  où  régnaient 
Sokman  et  Ilghazy,  princes  orto- 
kides  ,  qu'il  força  d'en  sortir  ;  et 
après  y  avoir  fait  un  butin  considé- 
rable, il  y  établit  pour  gouverneur, 
Aftekha  red  daulah  (i).  Mais  onze 
mois  après  ,  c'est-à-dire,  le  '2 ci  cha- 
ban  40'i  \'i^  juillet  1099),  les  Croi- 
sés, sous  les  ordres  de  Godefroi  de 
Bouillon  ,  s'emparèrent  de  Jérusa- 
lem ,  après  quirantc  à  cinquante 
jours  de  siège,  la  livi'èrent  au  pilla- 
ge, l'inondèrent  de  flots  de  sang,  et  y 
passèrent  au  fil  de  l'épce  soixante- 


(r>  Alioiùff^j  rnppnrîc  la  prise  rfo  Jcm'.ilctii  p-»»- 
Ic'  Irotipes  < mpri.'nnr';.  ."•  I*anuee4B^H  juillft  loçyi 
mi  5   rautciril(- i;'Alioiilfjradj  nocs  a  paru  ilÏ  prr  ' 
riiblf  ,  m  i  ~  qM'ci'iC  en  .ippiijéo  pr.r  celle  il  ■  ''  mil 
lue  de  Tvr, 


MOS 

dix  mille  Musulmans,  dans  iiiio  scdIo 
mosquée.  I.a  mcineaiMice,  Aldiial 
.tyant voulu  reprendre  cette  ville,  à 
la  tclc  d'une  arinc'c  de  deux  cent 
mille  hommes  ,  lui  ballu  ,  Messe  et 
mis  ca  fuite  par  le  duc  de  INorman- 
dic  ,  prcsd'Ascalou.  Moslâlyne  prit 
«luciuic  part  à  ces  événements.  H 
mourut  le  i8  safar  [^^f^)  (  isider.cm- 
liie  I  loi  ),  âgé  de  y.']  ans  et  demi, 
après  en  avoir  règne  sept  et  deux, 
mois,  laissant  un.  (ils  de  cinjf  ans  , 
que  le  vczyr  Al'dlial  fit  proclamer 
khalyfc  (  F.  A.aii:r  ,  aux  Suppic- 
mcnls  ).  A — t. 

MOS  rANDJED-BILLAH  (  Aboul 
MoniiAFFKR  YousouF  ,  al),  Su''. 
khalyle  ahbasside  .fils  de  Moktafy , 
auquel  il  succéda  ,  l'an  de  l'heg.  555 
(  1  i6o  de  J.-C.  ),  reçut  à  Baglidad 
les  serments  de  son  oncle ,  de  son 
IVère  aîné  et  de  tous  les  princes  ab- 
bassides  ;  ce  qui  n'crapêclia  pas  la 
mère  d'Abou-Àlv,  l'im  des  frères  de 
Mostandjcd,  qui  voulait  élever  son 
fils  sur  le  trône,  de  former  ,  peu  de 
jours  après ,  une  conspiration  conlrc 
le  klialyfe,  en  répandant  l'or  par- 
mi les  grands  ,  et  distribuant  des  ar- 
mes aux  femmes  du  harem.   El'es 
attaquèrent  en  eO'ct  ce  prince,  qui , 
]ircvenu  de  leur  complot  et  revcîu 
d'mic  cotte-dc-mail!es  ,  tint  tête  aux 
assassins,  à  l'aide  de  quelques  es- 
claves fidèles,  et  fit  renfermer  Abou- 
Aly  et  sa  mère  :  mais,  plus  sévère 
envers  leurs  complices  ,  il  fit  exécu- 
ter plusieurs  femmes  etnover  les  au- 
tres. Mostandjed  gouverna,  par  lui- 
même  et  avec  sagesse,  les  états  que 
son  père  avait  su  alTranchir  de  toute 
domination  étrangère,  quoiqu'ils  ne 
s'étend  issentguèreau-delà  du  tcrriioi- 
redeBaghdad.  Les  Arabes  açadites, 
maîtres  de  liiilah  et  de  plusieurs  au- 
tres places,  ainsi  qne   des  lacjuncs 
de  rÊuphratc,  avaient  coîumis.  de- 


MOS 


9-5  r 


puis  ccntans,lcs  plusafTrcux  ravagesj 
et  leiu-s  chefs  avaieiU  jouélc  premier 
rôle  danslestroublcs  qui  avaient  agité 
l'irilv  et  la  Perse.  Mosfan'ijed  atta- 
qua ces  brigands,  l'an  55H,  en  ex- 
termina une  partie,  et  dispersa  le  res- 
te. Ce  prince  mérite  d'être  distingué 
parmi  les  khalyfes,  à  cause  de  soi* 
amour  pour  la  justice.  Terrible  en- 
vers les  malfaiteurs  et  les  perturba- 
teurs de  la  tranquillité  pivblique  ,  il 
n'était  pas  moins  inexorable  pour 
les  flélatcurs  et  les  calomniateurs. 
Un  de  ses  courtisans  lui  olï'raut  lui 
jour  2000  sequinspour  obîour  la  li- 
berté d'im  homme  coupable  de  ca- 
lomnie :  «  Je  vous  en  donnerai  lo 
»  mille,  répondit  lekhaiyfc,  si  vous 
«  pouvez  m'en  livrer  un  autre  qui 
»  lui  l'csserable,  tant  j'ai  à  cœur  de 
»  purger  mes  états  dei  cette  peste.  » 
Mostandjcd,  atteint  d'une  maladie 
grave,  veut  se  défaire  de  Kaimaz , 
l'un  de  SCS  principaux  émyrs;  celui-ci 
gagne  le  médecin ,  et  l'engage  à  pres- 
crire au  khalyfe  un  remède  qui  hâte 
sa  mort.  L'escul apc  ordonne  un  bain; 
Mosîandjed  s'y  refuse  :  on  l'enlève 
de  force  ,  on  le  met  dans  un  baiu 
chauffé  outre  mesure,  et  il  y  meurt 
sulfoqué,  le  g  raby  'i.^.  566  (  ai  dé- 
cembre 1170),  âgé  de  cinquante- 
six  ans,  après  en  avoir  régné  un  peu 
plus  de  onze.  Il  eut  pour  successeur 
son  fils  Mosîady.  A — t. 

MOSTANSEV,  -  BILLAH  (  Aoor 
Abdallau  Mohammed,  al),  roi  de 
Tunis,  de  la  dynastie  des  Hafsides  ^ 
succéda.  Tan  de  l'hég.  647  (  i^^o 
de  J.-C.  ),  à  son  père,  Abon  Zaka- 
riah  Yahia,  qui  avait  «^ecoué  le  joug 
des  rois  Almoitades  de  Fez  et  de  Ma- 
roc, conquis  Tripoli ,  et  mis  à  con- 
tribution îc  pays  des  Nègres.  A  peine 
Mostanser  fut-il  monté  sur  le  trône, 
qu'il  en  fut  chassé  par  fes  frères  . 
Abou-Ishak,lbrahim  cl  Mohammed: 


Z^^  MOS 

mais,  avec  des  forces  supérieures,  il 
triompha  des  usurpateurs,  et  rentra 
dans  SCS  états,  qu'il  gouverna  long- 
tfîinps  en  paix.  Il  acquit  une  grande 
reputjlion  par  son  courage  et  sa  li- 
béralité. Une  disette  afï'reuse  ayant 
ravage  l'Afrique,  saint  Louis  saisit 
cette  circonstance,  disent  les  liisto- 
riens  arabes,  pour  porter  la  guerre 
dans  le  royaume  de  Tunis.  Informe' 
de  ses  projets  et  de  ses  préparatifs  , 
Mostanser  envoya  demander  la  paix, 
moyennant  80  mi!le  pièces  d'or.  Le 
loi  de  France  reçut  la  somme , 
aioutent  les  mêmes  historiens,  et 
n'en  porta  pas  moins  les  armes  eu 
Afrique.  Il  débarqua  sur  les  côles  de 
Carthage,  tevec  3o  mille  hommes 
d'infanterie  et  6000  de  cavalerie , 
s'empara  de  cette  ville ,  et  mit  le  siè- 
ge devant  Tunis,  le  3o  dzoulkadah 
()G8  (  21  juillet  1270  ).  Il  y  eut  une 
sanglante  bataille,  le  i5  moharrem 
GCig  (  3  septembre  )  ;  et  les  Français 
vainqueurs  étaient  peut  -  être  à  la 
veille  de  se  rendre  maîtres  de  la  ca- 
pitale et  du  royaume,  si  la  contagion 
jie  s'était  mise  parmi  eux.  La  mort 
de  saint  Louis  changea  la  face  des 
affaires.  Mostanser,  qui  redoutait  les 
Chrétiens,  mêiiie  dans  leur  abatte- 
ment, saisit  cet  instant  pour  leur 
proposer  la  paix, qu'il  acheta  par  de 
grands  sacrifices.  Philippc-!e-Hardi 
l'accepta,  malgré  les  succès  qu'il  ve- 
nait d'obtenir ,  et  quitta  les  rivages 
de  l'Afrique  ,  au  mois  de  noveudire. 
Quclqiie  temps  après ,  IMostanser  re- 
poussa les  ciforts  tentés  par  Abon- 
Said-Othman,  dernier  rejeton  de  la 
dynastie  des  Almoîiadcs,  pour  réta- 
blir cette  puissance  anéantie;  et  il  le 
contraignit  de  se  retirer  en  Espagne. 
Le  roi  de  Tunis  mourut  en  (in 5 
(  l'-iTÔ).  Ses  deux  fils  furent  détrô- 
nés et  mis  à  mort  par  leur  oncle  , 
Abou  Ishak-lbrahim,  dcut  la  sccou- 


KiOS 

de  usurpation  excita  de  nouvelles  ré- 
volutions. A — T. 
MOSTANSER  BILLAH  (  Abou- 

Dj.4FAR     Al-MaNSOUR    II,     AL-    ), 

36'\  khalyfeabbasside  de  Baghdad  , 
succéda  immédiatement  à  son  père 
Dhaher,  l'an  de  l'hég.  Gi3  (  de  J.- 
C.  1226).  Plus  semblable  à  son 
père  qu'à  son  a'ieul  (  f^.  Naser),  il 
îïit  juste,  libéral  et  bienfaisant;  et 
nul  de  ses  prédécesseurs  ne  lui  est 
comparable  sous  ces  rapports.  Afia- 
ble  et  populaire,  il  se  montrait  sou- 
vent en  public,  et  ses  manières  gra- 
cieuses ne  lui  gagnaient  pas  moins 
les  cœurs  que  ses  largesses.  L'n  jour 
qu'il  visitait  les  trésors  amassés  par 
ses  ancêtres  ,  frappé  à  la  vue  d'une 
citerne  pleine  d'or ,  il  s'écria  :  Que 
ne  puis-je  vivre  assez  pour  faire  un 
noble  emploi  de  tant  d'or  jusqu'à  pré- 
sent inutile  1  «  Seigneur,  lui  dit  en 
souriant  un  de  ses  courtisans,  votre 
a'ieul  Naser  formait  des  vœux  bien 
différents  :  voyant  qu'il  s'en  fallait  de 
deux  brasses  (pie  cette  citerne  ne  fût 
pleine ,  il  desirait  vivre  assez  pour 
achever  de  la  remjilir.  »  Mostanser 
ne  démentit  jamais  ces  sentiments  gé- 
néreux. Pendant  les  nuits  du  mois  de 
ramadhan  ,  il  faisait  dresser  ,  dans 
toutes  les  rues  de  Baghdad ,  un  grand 
nombre  de  tables  bien  servies,  pour 
les  Musulmans  qui  avaient  jeûné  tout 
le  jour.  Avant  aperçu  du  haut  de  «ou 
palais ,  des  bardes  étendues  sur  les 
terrasses  d'un  grand  nombre  de  mai- 
sons ,  il  en  demanda  le  motif.  Ou 
lui  apprit  que  plusieurs  habitants 
de  Baghdad  avaient  lavé  et  mis  sé- 
cher leurs  habits  afin  de  solenniser 
la  fête  du  Béiram.  «  Est-il  possible, 
»  dit  le  khalyfe ,  qu'un  si  grand  nom- 
»  bre  de  mes  sujets  n'aient  pas  ic 
»  moyeu  de  s'acheter  un  habit  poui- 
»  fêter  le  Béiiam?  »  aussitôt  il  n)ari- 
da  des  orfèvres,  el  Ht  fondie  \xvs> 


1\Î0S 

«raiide  quaiilito  d'or  en   forme  de 
halles,  que  lui  et  ses  eourlisaiis  lan- 
cèrent avec  des  arbalètes,  sur  toutes 
les  terrasses  où  il  voyait  des  liardes 
étendues.  Mostauser,  protecteur  des 
lettres  et  des  arts  ,  illustra  son  règne 
par  plusieurs  fondations  utiles,  en- 
tre autres,  celles  d'une  ino.squce  et 
d'un  Medresseh  (  collège  ou  acadé- 
mie ),  qui  existent  encore,  au  rap- 
port du  voyageur  Olivier,  mais  dont 
Je  second  est  aujourd'hui  un  cara- 
vansei'a'i.  Ce  collège,  qui  fut  appe- 
lé  uil  Mostanseriah ,  du  nom  de 
son  fondateur ,  n'avait  pas  son  pa- 
reil dans  tous  les  pays  soumis  à  l'is- 
lamisme, tant  pour  réîcndue  et  la 
beauté  des  bâtiments,   que  pour  le 
nombre  des  élèves ,  le  choix  des  pro- 
fesseurs, et  les    revenus  alTecîés  à 
son  entrelien.  Au  moyen  d'une  ga- 
lerie  qui    communiq;:ait  avec    son 
palais ,  Mostanser  se  rendait  souvent 
dans  ce  collège  ,  inspectait  toutes  les 
parties  de  l'établissement  ,  et  assis- 
tait quelquefois  aux  leçons.  Sous  le 
règne  d'un  prince  si  digne  de  relever 
la  gloire  du  khalyfat,  l'Espagne  mu- 
sulmane et  une  partie  de  l'Afrique 
abjurèrent  la   doctrine   hétérodoxe 
des   Almohades  (  F.  Abdel-Mou- 
]\iEN,  I,  57, et ïoMRiTTn),  se  soumi- 
rent à  l'autorité  religieuse  de  ]Mos- 
tanser  ,  et   proclamèrent  son   nom 
dans  la  khothbah.  Mais  ce  khalyfe 
eut  la  douleiu'  de  voir  les  ïartares  , 
maîtres  de  la  Perse  depuis  la  des- 
truction de   la   puissance    Khari/,- 
niienne  (  V.  Djelal  eddyn  Maak- 
BERNY,  et  Ala  eddyn  Mohammed  ) , 
étendre  leurs  ravages  dans  l'Irak  et 
dans  la  Méso])otamie.  Il  dut  prévoir 
les  maux  qui  allaient  affliger  l'isla- 
misme et  arcabler  sa  propre  mai- 
son; mais,  du  moins  ,  il  ne  négligea 
rien  pour   retarder  cette   catastro- 
phe. Ses  générato.  taillèrent  eu  piè- 


MOS 


î>/.3 


ces  les  Moghols  ,  l'an  G3  "î  (  i  y,38  ) 
près  de  Sermenrai  ;  et  lorsque  ces 
barbares  ,  vainqueurs  à  leur  tour,  se 
fuient  avancés  la  même  année  jus- 
qu'aux |)orles  de  Baghdad;  lessa^'os 
et  vigoureuses  dispositions  de  Mos- 
tanser ,  pour  la  défense  desa  capitale 
imposèieni:  aux  barbares,  et  les  fur- 
cèrent  de  s'éloigner.  Apres  un  règne 
praernel  de  dix-sept  ans ,  ce  khalyfe 
mourut  en  djouraady  u*.  64o  (  dé- 
cembre \'iL\'x  ),âgéde  cinquauîe-ua 
ans  ,  et  emporta  les  regrets  d'autarit 
plus  mérités  de  ses  sujets ,  qu'il  laissa 
])our  successeur  son  fils,  le  lâche  et 
vicieux  Mosîàsera.  A — t. 

MOSTANSEa.BILLAH(  Abou'l- 
Cacem  Aumed  ) ,  premier  khalyfe 
abbasside  d'Egypte  ,  et  frère  ou  ne- 
veu du  précédent,  était,  par  con- 
séquent,  oncle  paternel  ou  cousin 
de  Mcstâsem  ,  dernier  khalyfe  de 
Baghdad.  Pendant  le  siège  de  cet- 
te ville  par  les  Tartares  ,  il  par- 
vint à  s'échapper,  et  mena  pendant 
trois  ans  une  vie  errante ,  jusfju'ea 
ti^Q  (  I  -1^0  ).  Amené  alors  en  Egypte 
par  quelques  Arabes  ,  il  fut  présenté 
au  sulthan  oibars  1^''. ,  qui  convoqua 
une  assemblée  d  imams  et  de  doc- 
teiu\s  musulmans  de  1  E;;ypte  et  de 
la  Syrie,  pour  qu'ils  délibérassent  sur 
les  droits  et  les  titres  de  ce  person- 
nage. Le  teint  olivâtre  d'Ahmed  ins- 
pira d'abord  quelque  défiance  sur  la 
réalité  de  sou  illustre  origine  ;  mais 
après  avoir  entendu  plusieurs  té- 
moins et  examiné  les  mémoires  gé» 
néalogiqucs  des  Abbassides,  l'assem- 
blée prononça  q:;'Ahuied  était  véri- 
tablement filsdukhalyfeDhaher,  qui 
sans  doute  l'avait  eu  d'une  négresse. 
Sur  cette  déclaration  ,  Bibars  recon- 
nut Ahmed  pour  khalyfe,  sous  Je 
nom  de  Mostanser  Billah ,  et  lui  ren- 
dit hommage  ainsi  que  les  grands  et 
ie  peuple,  il  ■pourvut  syleudidemeut 


-..-4 


]\IOS 


.1  son  eiilR'licn,  lui  fournit  des  équi- 
pages et  un  irain  înaguifiqiu'S  ,  et  le 
logea  dans  un  palais  particulier.  Il 
lui  doiuia  inèine  des  troupes  pour  l'ai- 
tJer  à  recouvrer  B.iglidad,  et  i'accoiu- 
]iagna  jusqu'à  Damas  ,  avec  beau- 
coup dcsolcnuite,  reogageaiit  à  se 
conduire  avec  leuleur  et  circonspec- 
tion dans  celte  grande  entreprise. 
IVÏostanser  recouvra  Anali  et  Hadit  ; 
mais .  avant  d'arriver  à  Bagbdad ,  il 
fut  surpris  par  lesTartarcs ,  sur  la  lin 
de  la  même  année,  et  périt  avec  la 
plupart  des  siens.  Comme  Bibars 
avait  dépense,  dit -un,  plus  d'un 
million  de  dinars  d'or  (  dix  millions 
de  France)  pour  ce  klialyfe,le  peu- 
ple avait  surno)unic  celui-ci  Al-Ze- 
rabiny  ou  plutôt  Al Scherafmy  (aux 
Scherafjs  d'or).  —  L'année  suivan- 
te, un  autre  Alimed,  issu  à  la  qua- 
îricnjc  g;;r;ération  du  khalyfe  ab- 
hasside  Rlostarscbed  ,  fut  recomm 
et  proclame  khalyfeen  Egypte,  sous 
le  nom  de  liakem  Biamr- Allah. 
Mais  le  sukkaii  Bibars  se  montra 
moins  prodigue  envers  celui-ci  qu'en- 
vers l'autre  :  il  lui  donna  un  loge- 
ment modeste  ,  ne  lui  laissa  aucune 
espèce  d'autorité  ,  et  ne  lui  accorda 
que  rhonneur  d'être  nommé  dans  la 
khotlibah.  Hakem  eut  quinze  succes- 
seurs en  Egypte  ,  jusqu'à  Motawak- 
kel.  (  F.  ce  nom ,  pag.  264.  )  A — t. 
MOSTANSER-BILLAH  (  Aboul- 
Hass  -  Al  Hakem  II  ,  surnommé 
Ah),  ou  Montaser-Billah ,  suivant 
Aboulleda  ,  9"^.  roi  d'EsiJaguede  la 
dynastie  des  Umiuayades,  et  le  2''- 
qui  ait  pris  les  titres  de  kbalyfc  et 
d'émyr-al-Moumenyn  ,  monta  sur 
io  trône  de  Cordoue ,  après  son  père 
Abdel -Rabman  Al-Naser  Ledin- 
Allali  (  Voyez  Abderame  m  , 
t.  1  ,  p.  Cl  ) ,  l'an  de  l'hégire  35o  , 
f  961  de  J.  C.  )  Il  fut  couronné  dans 
la  ville  de    Zahra  ^   avec  plus    de 


MOS 

porapequ'aucmi  de  ses  prédécesseur.*. 
Moins  guerrier  que  son  père,  mais 
aussi  sage  ,  aussi  habile ,  il  rendit 
ses  sujets  heureux  ,  en  faisant  fleurir 
la  justice  et  la  paix.  Il  dut  cette  lian- 
quiliité  à  la  désunion  des  princes 
chrétiens  d'Espagne,  et  aux  exploits 
de  son  père  ,  qui  avait  assoupi  tous 
les  troubles  intérieurs.  Mostanser 
crut  cependant  devoir  signaler  sou 
zèle  contre  les  ennemis  de  l'isla- 
misme. Ses  généraux  firent,  en  354 
(  965  ) ,  une  irruption  dans  le 
royaume  de  Léon,  dont  ils  assié- 
gèrent vainement  la  capitale.  La 
même  année,  il  ravagea  la  Castille, 
et  prit  en  personne  Sepulvcda  ,  Si- 
mancas ,  etc.  Encouragé  par  ces 
succès,  il  rompit  la  trêve  conclue 
avec  Ramire  III  ;  et  profitant  de  la 
minorité  de  ce  prince,  il  entra  dans 
le  royaume  de  Léon,  où  il  emporta 
d'assaut  et  fit  raser  Zamora.  Mais 
ce  sont-là  les  moindres  titres  ^de  ce' 
monarque  à  la  reconnaissance  de  ses 
peuples  ,  et  à  l'admiration  de  la  pos- 
térité. Aucun  prince  de  sa  race  n'é- 
gala sa  maguiîicence  ,  sa  piété,  son 
liumanité,  et  l'étendue  de  ses  con- 
naissances. Jamais ,  disent  les  au- 
teurs arabes,  les  leîtres  ne  furent 
plus  en  honneur;  jamais  prince 
ne  vit  à  sa  cour  une  telle  aflluence 
de  savants  ,  et  ne  les  protégea  plus 
efficacement.  Tvrostauser  les  em- 
ployait à  écrire  l'histoire  naturelle  , 
politique  et  littéraire  de  l'Espagne  • 
et  afin  de  rendre  leurs  ouvrages  plus 
parfaits,  il  chargeait  les  gouverneurs 
des  provinces,  et  les  principaux  ma- 
gistrats des  villes  ,  de  rechercher  et 
de  lui  envoyer  les  mémoires  les  plus 
authentiques  sur  l'origine  et  la  gé- 
néalogie des  familles,  et  sur  les  mo- 
numents anlnpies.  Il  fonda  plusieurs 
collèges,  el  y  plaça  les  plus  habiles 
proiesscius.  11  rassembla  ,  de  tous 


IMOS 

côtes  et  à  grands  liais,  les  livres  les 
1)1  us  piecicux.,  et  cii  l'urma  une  bi- 
ijliotlièqiie  royale,  composer  (le  si.v 
CL'ut  mille  volumes  ,  iloiit  le  cata- 
logue seul  en  couipreiiait  quaraule- 
(juatio.  Il  institua  r.icafle'iiiic  de 
Cordouo.  11  établit  aussi  des  collèges 
et  des  bibliolîièqiics  pu])li(jues  dans 
plusieurs  autres  parties  dcrEspague. 
Ce  khalvfe  était  lui-mciiie  très-verse 
dans  le  droit ,  dans  l'histoire  ,  dans 
toutes  les  sciences;  et  il  n'ouvrait 
aucun  livre  qu'il  n'y  ajoutât  de 
savantes  notes  de  sa  propre  main. 
On  cite  un  trait  remarquable  de 
6on  amour  pour  la  justice.  Désirant 
agrandir  les  jardins  de  sou  palais  , 
il  lit  proposer  à  une  pauvre  femme 
de  lui  vendre  un  ])etit  champ  qui 
leur  e'tait  configu.  Sur  le  relus  de 
celte  femme,  l'intendant  des  jardins, 
à  l'insu  du  prince,  s'empara  du 
chamj)  :  elle  alla  se  plaindre  au  cadhy 
deCordouc,  qui  pensa  que  le  klia- 
îyfe  n'avait  aucun  droit  de  prendre 
le  bien  d'autriii.  Un  jour  que  Mos- 
lanser,  entouré  de  ses  courtisans,  se 
délassait  dans  un  kiosk,  au'il  avait 
fait  bâtir  sur  le  terrain  de  la  pauvre 
femme,  le  cadhy  arrive,  moule  sur 
im  àne  ,  et  tenant  un  sac  vide ,  qu'il 
remplit  de  terre  avec  la  permission 
du  monarque;  puis  il  prie  ce  prince 
de  l'aider  à  charger  le  sac  sur  son 
âne.  Le  khal3'fe  y  consent  j  mais  il 
])eut  à  peine  soulever  le  sac ,  et  le 
laisse  tomber,  a  Commandant  des 
fidèles  ,  dit  alors  le  cadhy ,  si  tu 
trouves  trop  lourd  cesacqui  ne  con- 
tient qu'une  faible  partie  du  champ 
usurpé  par  toi  sur  une  de  tes  sujètes, 
comment  soutiendras-tu  le  poids  de 
tout  le  champ,  lorsque,  chargé  de 
cette  iniquité,  lu  paraîtras  devant 
le  juge  suprême?  »  Frappé  delà  le- 
çon, Mostanser  remercie  le  cadhy, 
rend  à  la  pauvie  femme  le  champ 


?.IOS 


%^:> 


dont  cUc  avait  été  dépouillée,  cl  lui 
donne  k  pa\illonavec  les  richo>.ses 
qu'il  renlVrmail.  Ce  mcmanpie  avait 
une  telle  horreur  pour  le  vin  ,  qu'il 
avait  résolu  de  faire  arracher  toutes 
les  vignes  du  sol  ilc  l'Lspagne.  La 
mort  l'empêcha  sans  doute  d'exé- 
cuter ce  projet,  préjudiciable  à  ses 
intérêts.  Il  mourut  subitement  le  '2 
safar  3GG(  3o  septembre  976  ),  dans 
la  16".  année  de  son  règne, et  la  04*^. 
ou  GG"=.  de  sou  âge,  laissant  pour 
successeur  son  fils ,  le  faible  AU 
Mowa'icd  Hescham  ÏI  ,  sous  lequel 
l'Espagne  musulmane  parvint  au  plus 
haut  point  de  gloire  et  de  puissance 
par  la  valeur  et  les  talents  du  cé- 
lèbre Al-Mansour  (  Fojez  ce  nom, 
XXVI ,  522  ) ,  et  tomba  ,  bienltjt 
après,  dans  l'anarchie  et  la  dissolu- 
tion. (  F,  Maudy,  XXYI,  i55,  et 
Hesguam  II ,  au  Supplément.  )  A-x. 
MOSÏANSER-BILLAH  (Abou- 
Temiiw.-Maad  al),  5*=.  khalyfe  fathe- 
mide  d'Egypte,  naquit  au  Caire ,  l'aa 
420  de  l'hégire,  et  fut  proclamé  suc- 
cesseur de  son  père  Dhaher ,  le  1  j 
schaban  4^7  (io36  de  J.-C.)  Sa 
mèi'e  était  une  esclave  noire,  qui 
avait  passé  des  bras  d'un  marchand 
juif  dans  ceux  de  Dhaher  :  investis 
de  l'autorité  pendant  le  bas  âi":;e  de 
sou  fils ,  elle  fit  venir  à  la  cour  sou 
ancien  maître;  et  tout  se  régla  quel- 
que temps  par  les  conseils  de  ce  fa- 
vori. Les  premières  années  du  règne 
de  Mostanser  furent  signalées  par  la 
soumission  de  la  Syrie  à  ses  armes. 
I/an  44 1  ?  Moëzz  ben  Badis,  prince 
d'Afrique,  ayant  cessé  de  le  recon- 
naître, eu  substituant  à  son  noiiT^ 
dans  les  prières  publiques  (  V. 
MoEzz,  XXIX,  21 3),  celui  du  klia- 
lyfe  abbasside  Caim  Biamr-AUah, 
Mostanser,  pour  s'en  venger,  gagna, 
par  des  distributions  d'argent,  plu- 
sieurs tribus  arabes  j  leur  promit  de 


a56 


MOS 


puissants  secours,  et  abandonna  à 
leurs  excursions  les  états  du  rebelle, 
qu'elles  désolèrent  par  leurs  ravages. 
Les  Benou  Korrali ,  peuplade  établie 
en  Egypte,  mécouteuls  du  chef  que 
leur  avaitaonné  Ickhalyfe,  se  révol- 
tèrent à  leur  tour  :  Mustanser  par- 
vint à  les  contenir.  11  eut  en  même 
temps  la  satisfaction  de  voir  le  Yémen 
se  placer  sous  sa  protection.  Caïra , 
pour  arrêter  ses  progrès,  fit  répan- 
dre une  déclaration  signée  par  les 
cadhis  et  les  schérifs ,  dans  laquelle 
on  traitait  de  mensongère  la  généa- 
logie dont  se  prévalaient  les  khalyfes 
d'Egypte ,  et  où  l'on  niait  qu'ils  des- 
cendissent d'AIy,  gendre  de  Maho- 
met.  Cependant  l'Egypte    était   en 
proie  aux  horreurs  de  la  famine  et  de 
la  peste.  Le  premier  de  ces  fléaux  de- 
vait être  imputé  au  vczir  Yazoury, 
qui  avait  déterminé  Moslanser  à  sup- 
primer les  greniers  publics  :  il  répara 
son  imprudence  par  une  administra- 
tion pleine  de  sagesse  et  de  fermeté, 
qui  ramena  l'abondance.  L'an  44^? 
Mostanscr   appuya  la  défection  de 
Bésasiry,  général  des  Turks  au  ser- 
vice du  khalyfe  de  Baghdad,  et  fut 
proclamé  souverain  dans  l'Irak  et  à 
Baghdad.  Déjà  il  se  croyait  sûr  d'a- 
voir anéanti  la  puissance  des  Abbas- 
sidesj  et  il  avait  fait  construire  un 
palais  au  Caire  pour  y  reléguer  la 
famille  détrônée.   Mais  la  défiance 
qu'il  témoigna  contre  le  génie  entre- 
prenant de  Bésasiry,  et  les  secours 
qu'il  lui   refusa,    lui  firent  perdre 
tousses  avantages,  etCaïm  recouvra 
sa  capitale  et  ses  droits.  (  V.  Gaim, 
VI ,  479)'  '-'^  ^*^  terminèrent  les  pros- 
pérités de  Mostanscr  :  indolent ,  ir- 
résolu et  livré  à  ses  plaisirs,  il  flot- 
tait entre  les  avis  contraires  qu'il  sol- 
licitait de  toutes  parts  ;  et  l'Egypte 
gémissait  sous  l'administration  im- 
prévoyaute  de  vézyrs  renouvelés  sans 


MOS 

cesse,  et  qui,  ne  faisant  que  passer 
dans  leurs  fonctions ,  n'y  apportaient 
d'autre  soin  que  celui  de  se  défendre 
contre    des    attaques    personnelles. 
Son  empire  dépérissait;  et  des  luttes 
sanglantes,  engagées  entre  les  Turks 
et  les  Noiis ,  que  la  mère  du  khalyfe 
protégeait  comme  ses  compatriotes, 
mirent  le  comble  aux  désordres.  Les 
Turks  prirent  le  dessus;  et  mettant 
à  leur  lêto  Naser-ed-Doulah ,  le  géné- 
ral le  plus  accrédité  de  Mostanscr,  ils 
s'emparèrent  du  pouvoir,  et  lui  lais- 
sèrent à  peine   gouverner  le  Caire 
et  ses   environs.   Au   milieu   d'une 
famine  qui  vint  se  joindre  à  ces  ca- 
lamités, le  khalyfe  fut  réduit  à  une 
telle  extrémité,  qu'il  ne  dut  sa  con- 
servation qu'à  la  bienfaisance  d'une 
femme  qui  le  comprit  dans  les  dis- 
tributions alimentaires  qu'elle  faisait 
aux  indigents.  Dans  cet  abaissement, 
il  ne  restait  presque  à  Mostanscr  que 
trois  esclaves  et  la  natte  oix  il  était: 
couché    :    les   Turks   avaient  exigé 
qu'il  leur  abandonnât  à  vil  prix, 
pour  leur  solde,  le  précieux  mobi- 
lier de  son  palais,   et  jusqu'à  des 
parties  nombreuses  de  sa  riche  bi- 
bliothèque (  I  ).  Jouet  des  émyrs,  qui 
opprimaient  l'Egypte,  il  appela  en- 
fin à  son  secours  Bedr-al-Djémaly, 
qui  tenait  sous  ses  lois  la  Syrie,  et  il 
réunit  dans  la  personne  de  ce  nou- 


(i)  La  bibliothèque  du  Caire  ,  la  plus  considérable 
nui  existât  dsns  tout  Tempire  mu^ulinan,  était  com- 
posée de  plus  de  seize-ceut  mille  volumes ,  selou  Ibu 
Alïv'Tav  :  on  y  comptait  jusriu'à  19.00  exem|>lairfS 
de  îa  Chronique  de  Tabary.  Une  partie  consiilér.ible 
des  livres  qui  furent  ,  pour  ainsi  dire  ,  mis  au  pillnjie 
sous  Mostaiiser ,  l'au  461  ,  a!  rêti'e  par  les  Lewatmis  , 
taudis  qu'elle  descendait  le  Nil,  fut  abandonnée  aux 
esclaves  qui  prireul  1»  s  rii  lies  couvertures  pour  s'eu 
faire  des  souliers,  et  briilèreut  les  feuillet»  comme 
cviitenant  une  doctrine  bérétjque.  D'autres ,  échap- 
pes aux  tlamiucs  ,  restèrent  entassés  par  mouce.»ux  , 
sur  lesquels  1rs  vents  accumulèrent  taut  de  sable, 
qu'il  s'en  forma  des  monticules  qui  couservèrent  la 
nom  de  ÇtiUmes  des  livres.  Ce  curieux  détail  fourni 
par  M.  Et.  Quatremère  {Trlr-m.  géugr.  et  hi<t.  sur 
l'Egypte,  II,  385  )  ,  est  tiré  du  Kual  al  dckiair 
^  livre  du  tiéior  }■ 


MOS 

veau  ve'/.yr,  toute  l'aïUoritc  civile  et 
militaire.  Bcdr  cxlcrniiiia  Irs  piinc- 
luis  les  plus  dangereux  du  klialyfe, 
poursuivit  avec  une  .activile  infati- 
gable tous  les  révoltes  ,  dispersa  les 
Arabes,  et,  par  le  succès  deses  armes, 
il  parvint  à  pacifier  la  Basse-Egypte. 
Cependant  la  Syrie  s'était  soustraite 
à  l'obéissance  de  Mostanser;  et  Atsiz, 
chef  des  Turcomans  ,  maître  de  la 
plus  grande  partie  de  celte  contrée, 
osa  s'avancer  sur  le  Caire.  Bedr  eut 
encore  la  gloire  de  le  vaincre;  et  il 
mourut  au  Caire,  l'an  4^7,  après 
avoir  gouverne  l'Egypte  pendant 
'J.0  ans  avec  une  autorité  absolue,  et 
lui  avoir  rendu  sa  population  et  sa 
fertilité  par  la  sagesse  de  son  admi- 
nistration (/^.  Bedr-al-Dj£Maly). 
Mostanser  le  suivit  de  près ,  et  ter- 
mina, le  8  du  mois  de  dzoulhadjah 
Je  la  même  année  {'21  décembre 
I  og4  de  J.-C.) ,  un  règne  de  soixante 
ans,  le  plus  long  dont  fassent  men- 
tion les  annales  des  diverses  dynas- 
ties de  klialyfes ,  et  qui  n'eut  de 
me'morable  que  les  malheurs  qu'il 
attira  sur  l'Egypte.  Il  eut  pour  succes- 
seur son  fils  Mostàlv.  F — t. 

MOSTARSCHED-BILLAH 
(Abou-Mansour  Al-Fauhi,  II,  al), 
•29*^.  khalyfe  abbasside  ,  fut  pro- 
<!ame  à  Baghdad ,  l'an  5 1 2  de  l'hcg. 
(  1 1 18  de  J.-C.  ) ,  après  la  mort  de 
son  père  Mostadher,  qui  depuis  lojtg- 
temps  l'avait  fait  reconnaître  pour 
son  successeur.  Aboul  Haçan  voulut 
disputer  le  tronc  à  son  frère  Mostar- 
sched  ;  il  rassembla  des  troupes  k»Hil- 
lah ,  et  s'empara  de  Waseth  :  mais 
le  khalyfe  ayant  mis  dans  ses  inteVêts 
Dobais  ,  émyi"  des  Arabes  açadides  , 
gouverneur  de  Hillah ,  en  lui  pardon- 
nant ses  révoltes  et  ses  brigandages  ; 
Aboul  Haçau  fut  vaincu,  arrête  dans 
sa  fuite,et  amenedevant  sonfrèrequi, 
après  lui  avoir  fait  une  sévère  l'épri- 

XXX. 


MOS  257 

mande,  lui  accorda  sa  grâce  et  sa  li- 
berté. Plus  belliqueux  que  ses  prédé- 
cesseurs ,  Mostarschcd  se  brouilla 
bientôt  avec  Dobais  ,  lui  lit  la  guerre 
en  personne,  l'an  517(1 1'23),  chose 
inou'ie  depuis  deux  siècles  ,  le  vain- 
quit ,  et  l'obligea  de  se  retirer  chez 
les  Arabes  du  désert ,  et  de  là  auprès 
des  Chrétiens  de  Syrie.  Fier  de  ce 
triomphe ,  le  khalyfe  crut  pouvoir 
s'afiVanchir  aussi  aisément  de  la  ty- 
rannie de  l'émir  al-omrah  :  il  prit 
les  armes  contre  les  Scldjoukides  , 
soutint  un  siège  dans  Baghdad  contre 
le  sulthan Mahmoud, en 5uo(  1 126), 
fut  forcé  de  subir  la  loi,  et  vécut  de- 
puis en  bonne  intelligence  avec  ce 
prince,  qui  le  secourut,  en  SaS,  con- 
tre Dobais  (  r.  Mahmoud,  XX V^, 
174  )•  Après  la  mort  de  Blahmoud, 
en  5^5  ,  il  fit  de  nouveaux  efforts 
pour  rétablir  l'indépendance  du  kha- 
lyfat ,  en  favorisant  tour-à-tour  les 
princes  seldjo:;kides,  qui  se  dispu- 
taient la  succession  de  ce  prince  et  le 
titre  de  sulthan.  Il  eut  la  gloire  de 
vaincre,  en  5^6 ,  les  troupes  du  sul- 
than Mas'oud  ,  commandées  par 
Dobaïs  et  par  le  fameux  Zenghy 
(  r.  ce  nom  ).  Il  alla  même,  l'année 
suivante,  assiéger  Moussoul,  qu'il  ne 
put  prendre  :  mais  après  avoir  fait 
la  paix  avec  Zenghy  et  Mas'oud  ,  il 
©sa  supprimer  de  la  khothbah  ,  le 
nom  de  ce  dernier  qu'il  avait  reconnu 
sulthan  (  F.  Mas'oud  ,  XXVII , 
38'i  )  ,  et ,  bravant  sa  vengeance,  il 
marcha  au-devant  de  lui.  Les  deux 
armées  s'étaut  rencontrées  ,  le  1  o 
ramadhan  ,  Sag  (  i4  jui»  ii35  ), 
entre  Hamadan  et  Baghdad  ,  le  sul- 
than hésitait  à  engager  l'action  par 
un  reste  de  respect  pour  le  khalyfe. 
Celui-ci'donna  le  signal  du  comb^it; 
et  quoique  la  plus  grande  partie  de 
ses  troupes  eût  passé  du  côté  des  en- 
nemis ,  il  tint  ferme  sur  le  champ  de 

17 


2.^8 


I\IOS 


balaillCjàlatêtedesamaison,  jusqu'à 
ce  ijiie,  force  de  ocdcr  au  nombre,  il 
fut  fait  prisonnier  ,  et  einin-'iie  par 
le  vaiuqijcur   dans    l'AdziTbaùljaii. 
Arrivés  à  Mcraglie,  les  deux  princes 
conclurent  untraité.  Mostarschcd  s'o- 
bligea de  payer  au  sultlian  4oo  mille 
dinars  d'orlous  les  ans  ,  de  demeu- 
rera Baghdad,  et  de  n'y  avoir  d'au- 
tres troupes  que  sa  garde;  mais  lors- 
qju'il  se  disposait  à  retourner  dans  sa 
capitale,  il  fut  assassiné,  le  1 7  dzoul- 
kadah  (  19  août  i  i35  ) ,  par  vingt 
Balhéniens  ou  Ismaéliens,  qui  le  sur- 
prirent dans  sa  tente  ,  au  moment  où 
la  réception  d'un  ambassadeur  en 
avait  éloigué  la  plus  grande  partie 
de  ses  gens.  Les  assassins  lui  coupè- 
rent le  nez  et  les  oreilles,  ledépouillè- 
rent  du  manteau  du  prophète ,  et  le 
laissèrent  tout  nu  sur  la  place.   Ce 
khalyfe  ,  dip;ne  d'un  meilleur  sort , 
était  dans  la  quarante-quatrième  an- 
née de  son  âge  et  la  dix-huitièrae  de 
son  règne.  A  un  grand  courage  ,  il 
oignait  un  esprit  vif  et  pénétrant , 
une  éioquence  brillante  et  concise, 
des   connaissances    très  -  profondes 
surtout  en  théologie  ,  et  beaucoup  de 
talent  pour  la  poésie.  Il  fut  le  der- 
nier khalyfe  qui  prononça  lui-même 
en  chaire  le  prône  ou  la  khothbah. 
SonfilsRasched  lui  succéda.  A — t. 
MOSTASEM  BTLLAH  (  Abou- 
Ahmed  Abdallah  VII  al-),  87*.  et 
dernier  khalyfe  abbasside  de  iiagh- 
dad,  succéila,  l'an  de  l'hég.  64o  (de 
J.-G.  1 1^'i  ) ,  à  son  père  Moslanscr, 
dont  il  n'imita  pas  les  vertus.  Dès  le 
jour  de  son  iustal!atio]i,il  laissa  voir 
sa  sotte  vanilé  et  son  goût  pour  un 
faste  puéril,  qu'il  prenait  pour  de  la 
grandeur.  En  se  rendant  à  la  mos- 
quée ,  il  ne  marchait  que  sur  des  tapis 
d'or  :  il  ne  voulut  point  descendre  dé 
cheval,  à  la  porte  du  temple  ;  il  se 
voilait  le  visage  ,  afin,  disait-il ,  que 


MOS 

SCS  traits  ne  fussent  point  souillé.ç 
partes  regards  d'une  vile  populace: 
il  exigea  que  l'on  baisât  le  seuil  de 
son  palais,  ainsi  qu'une  pièce  de 
velours  noir,  qu'il  y  fit  suspendre 
au-dessus  de  la  porte,  voulant  qu'où 
leur  rendît  par-la  le  même  honneur 
qu'à  la  fameuse  pierre  noire  du 
temple  de  La  IMekke.  Le  cortège  de 
ce  khalyfe,  dans  les  cérémonies  pu- 
bliques ,  était  si  nombreux  et  si  ma- 
guiiique,  qu'on  accourait  en  foule 
pour  le  voir  passer  ,  qu'on  louait  à 
des  prix  excessifs  les  portes  et  les 
fenêtres,  et  qu'une  maison  fut  payée, 
dans  une  occasion  pareille,  jusqu'à 
3ooo  dinars  (  3o  mille  fr.  )  Mosta- 
sem  d'ailleurs  était  un  prince  sans  es- 
prit, sans  jugement,  sanséiieri;ie,  sans 
aptitude  jiour  les  affaires.  11  se  lais- 
sait dominer  par  ses  femmes  et  par 
ses  courtisans,  et  passait  son  temps 
à  entendre  de  la  musique,  à  A'oir  des 
tours  de  gobelet,  à  visiter  ses  vo-  ' 
Hères  ,  ou  à  s'occuper  superficielle- 
ment dans  sa  bibliothèque.  Tel  était 
le  monarque  destinéà  laisser  au  mon- 
de ini  exemple  mémorable  du  néant 
des  grandeurs  humaines.  Déjà  sou 
vain  orgueil  avait  été  hfimilié  dans 
la  personne  d'un  ambassadeur  ,  qu'il 
avait  été  forcé,  l'an  G45  (  i-2^"j  ), 
d'envoyer  au  grand  khan  des  Mo- 
gols  (  f.  Kaiouk.  )  Mais  cette  mor- 
tification ne  fut  que  le  prélude  des 
maux  que  le  successeur  de  Kaiouk 
devait  causer  à  l'empire  musulman. 
(  F.  Makgou-Kuan.  )  IMostaseia 
avait  pour  vézvr  Mowayed-eddyii 
Mohammed  Al-Karav,  homme  de 
mérite  ,  que  l'esprit  de  parti  rendit 
traître  à  son  prince,  à  son  pays  et 
à  sa  religion.  Des  riies  sanglantes 
avaient  lieu  depuis  fort  long-temps 
ë  Baghdrf  l  parmi  les  habitants, dont 
les  uns  étaient  Ckyites  ou  sectateurs 
d'Aly,  et  les  autres  Sunnites,  ou  tra- 


MOS 

dilionnairos.  Une  scciic  scinl)laLle 
s'étant  renouvelée  ,  l'an  G5o  (  î'i^i), 
et  le  ve'zyr  ayant  pris  le  parti  des 
premiers;  Aboul-Abljas  Aluned,  à 
lu  têle  des  troupes  du  klMlyfe,sou 
père  ,  ordonna  le  pillaj^c  «lu  (piarliir 
de  Karkli ,  habite  par  les  Chyilcs  , 
dont  les  feiunies  cl  les  filles  lurent 
outrage'es  de  la  niauierp  la  plus  in- 
fâme et  la  plus  scandaleuse.  Le  vè/vr 
dissimula  son  ressentiment  ,  pour 
mieux  assurer  sa  vfii^cance.  Mus- 
taseni  n'elail  pas  moins  avare  que 
vain;  elle  plaisir  d'entasser  des  tré- 
sors, même  pardes  moyens  honteux, 
était  aussi  une  de  ses  jouissances. 

(   f\   MeUK    EL    Naseu,   XXVIII, 

221  ).  Mowayed  eddyu,en  Itattant 
les  deux  passions  favorites  de  son 
maître ,  lui  persuada  cprune  armée 
décent  mille  hommes  lui  e'iail  inu- 
tile dans  Baghdad  ,  ou  les  Tartares 
lie  viendiaieut  jamais  l'attaquer; 
que  si,  ce(ien(iant,  ils  osaieut  s'y 
hasarder  ,  les  femmes  et  les  enfants 
suthraient  pour  les  écraser,  du  haut 
des  maisons,  avec  des  pierres.  Le 
khalyfe  suivit  ce  perfide  conseil ,  et 
réduisit  ses  troupes  à  vingt  mille 
hommes.  En  même  temps,  le  vézyr, 
sous  prëlexle  de  réconij)enser  les 
meilleurs  officiers  ,  leur  donna  des 
emplois  et  des  gouvernements  loin 
de  la  capitale.  Il  eut  soin  .durs  d'in- 
former Houlagou,  frère  du  grand 
khan  ,  que  Baghdad  n'était  plus  en 
e'iat  de  résister  aux  Tartares.  {  r. 
Houlagou.)  Eu  vain  quelques  servi- 
teurs fidèles  teulèrcul  d'ouvrir  les 
yeux  au  khaivfc  sur  le  danger  qui 
le  menaçait.  Infatué  de  sa  puissance 
fantastique,  ne  seformanl  ipi'unc  fai- 
ble idée  de  celle  des  ennciMis  contre 
lesquels  il  allait  avoir  à  se  défendre , 
et  retenu  par  son  caraolère  indolent 
et  apathique,  il  méprisa  les  plus  sages 
conseils  ,  et  s'abandonna  au  traître 


MOS 


a  09 


qui  l'entraînait  dans  le  pre'cipire. 
Ba^hdadme  iujjit  ,  disait-il  stiipi- 
demeut;  les  Tartares  ne  m'envie- 
nmt  pas  cette  ville  et  son  territoire, 
si  je  leur  cède  les  autres  provivces. 
L'aïqirnchc  tl'Hunlagou  lui  inspira 
néanmoins  quelque  inquiétude.  Il 
lui  envoya  un  ambassadeur ,  qui 
fut  ïenvové  avec  mépris:  il  opposa 
aux  Tartares  un  corps  de  dix  mille 
hommes  ,  qui,  après  un  léger avan- 
vantagc  ,  fut  taillé  en  pièces,  à  quel- 
ques lieues  de  Baghdad,  Enfin ,  Hou- 
lagou investit  celte  célèbre  cité,  dont 
^imnlcn^;e  popul.ilion  se  trouvait  en- 
core augmentée  par  toute  celle  des 
campagnes  voisines.  Le  khalyfe  sor- 
tit alors  de  sa  léthargie  ;  mais  en  s'ar- 
rachantkses  plaisiis,il  tomba  dans 
raccablemcnl  du  malheur  ,  et  ne  sut 
prendre  aucun  parti  généreux.  La 
résistance  fut  courte  et  faible:  après 
un  siège  de  quinze  jours  ou  trois  se- 
maines, ou  tout  au  plus  de  deux 
mois,  suivant  les  auteurs  ,  qui  eu 
placent  le  commencement  à  l'arrivée 
des  premières  troupes  ennemies  dans 
les  environs  de  Baghdad,  les  éten- 
dards de  Houlagou  furent  aiborés 
sur  une  des  tours  de  cette  malheu- 
reuse ville,  le  29  moharrem  056  (  5 
févr,  1258).  Aussitôt  les  Tartares  se 
précipitent  en  foule',  se  répandent 
dans  les  rues  ,  se  gorgent  de  sang  et 
de  butin ,  et  se  livrent  aux  excès  les 
plus  épouvantables.  Dans  le  même 
temps,  le  khalyle  ,  par  ordre  du 
vainqueur  ,  ou  plutôt  par  le  con- 
seil de  l'infâme  Mowayed  -  eddvn, 
se  rend  au  camp  de  Houlagou  ,  ac- 
compagné dune  multitude  de  Itm- 
mes,  (l'cmuiques,  de  courtisans  ,  et 
des  deux  (ils  qid  lui  restaient  (  l'au- 
tre avait  péri  les  armes  à  la  main  , 
en  défendant  une  des  portes  ).  Le 
conquéranl  tartare  refusa  d'admet- 
tre cette  nombreuse  escorte ,  où  se 


26o 


aios 


montrait  pour  la  dernière  l'ois  l'ap- 
pj^rcil  (le  la  majeslc  des  klialyfes.  Il 
reçut  Mostascm  ,  Ir.i  reprocha  sa  né- 
gligence, sa  faiblesse  et  sa  lâcheté  , 
et  assembla  son  divan,  pourdelibe'- 
rer  sur  le  sort  de  riuforluuë  kha- 
lyfe ,  qui  fut  condamne  avec  ses  t^cux 
fils  suivant  les  lois  pénales  du  Yasa 
(  le  code  de  Djengliyz-khan).  Les  re'- 
cits  varient  sur  le  genre  de  mort  que 
l'on  6t  subir  à  Moslasera.  Suivant 
l'opinion  la  plus  commune  et  Ja  plus 
probable,  il  fut  enveloppé  dans  un 
sac  de  cuir  ou  de  feutre ,  et  foulé  aux 
pieds  des  vainqueurs.  Ainsi  périt, le 
4  safar  65G  (  lo  février   1258), 
après  avoir  vécu  quarante-six  ans  et 
en  avoir  régné  dix-sept,  le  dernier 
des  successeurs  de  Mahomet.  En  lui 
s'éteignit  le  khalyfat ,  qui  aA-ait  duré 
6a6  ans  depuis  Abou-Bekr,  et  que 
les  Abbassidcs  avaient  possédé  5 08 
ans.  (  F.  Abou'l-Abbas,  1 ,  88  ). 
Cette    famille    trouva    uu   asile   en 
Egypte ,   où   elle    ne  recouvra    que 
l'ombrede  son  antique  puissance  [  V. 
MosTA>'SER,  p.  ';t53 ci-après). L'his- 
torien Fakbreddyn  Razy  vautela  pié- 
té ,  la  douceur  et  l'affabilité  de  Mos 
tasem  :   mais  comme  il  est  le  seul 
qui  donne  des  éloges  au  vézyr  Mo- 
wayed  eddyn  ,  il  est  évident  que  cet 
auteur  était  cbyite;  et  dès-lors  ses 
récits   et   ses    louanges   dans   celte 
circonstance  doivent  être  regardés 
comme  suspects.  A — t. 

MOSTO.  r.CiDAMosïo. 
MOTADHED-BILLAH  (  Aboù'l- 
Abbas  Ahmed  ÎII,  al  ),  16*^.  khalyfe 
abbasside  de  Bagbdad ,  succéda  aux 
droits  de  son  père  Mowaffek,  et  fut 
inauguré  l'an  279  de  l'hég.  (  882  de 
J.-C.  ),  après  la  mort  de  son  oncle 
Motamed,  que  quelques  auteurs  sun- 
nites lui  ont  faussement  attribuée. 
La  paix  dont  jouissait  l'empire  à  l'a- 
vénement  de  ce  prince,  ne  fut  trou- 


iMOT 

blée  que  par  la  révolte  d'Hamdan , 
émyr  arabe,  qui  possédait  plusieurs 
places  en  Mésopotamie.  Le  kha 
lyfelc  vainquit,  le  lit  prisonnier, ra- 
sa tous  ses  châteaux ,  et  pardonna  à 
ses  enfants,  qui  parvinrent  dans  la 
suite  à  une  grande  puissance  (  V.  Na- 

SER  ED-DAULAH  et  SeIF  ED-DAULAh). 

Motadhed  déploya  une  magnificence 
inouic ,  quand  il  épousa  la   fille  de 
Khomarouiah  (  V.  ce  nom  );  et  il 
confirma  Ce  prince,  ainsi  que  son  fils, 
dans   la  souveraineté  de  l'Egypte  , 
moyennant  un  tribut  considérable. 
Ce  fut  sous  le  règnedeMotadhed  que 
les  Carmathes, commandés  par  Abou- 
Sa'id  al  Djannaby  ,  commencèrent  ù 
propager  leur  secte,  les  armes  à  la 
inain   (  V.   Carmath  ).  Le  khalyfe 
prit  toutes  les  mesures  pour  arrêter 
les  progrès  de  ces  fanatiques.  Il  for- 
tifia Basrah  d'un  nouveau  rempart, 
afin  delà  mettre  à  l'abri  de  leurs  en- 
treprises :  mais  une  armée  qu'il  leur 
opposa,   fut  taillée  en  pièces  ;    et 
tous  les  efforts  de  ce  prince  n'abou- 
tirent  qu'à   retarder    les   horribles 
brigandages   qu'ils  exercèrent  pen- 
dant près  d'un  siècle  dans  l'Arabie, 
l'Irak ,  la  Syrie   et  l'Egypte.   Cet 
c'chec  fut  le  seul  qu'éprouva  Mota- 
dhed, durant  un   khalyfat  de  neuf 
ans  et  trois  mois.  Craint  et  respecté, 
comme  monarque  et  comme  ponti- 
fe ,  de  tous  les  gouverneurs  et  prin- 
ces musulmans,  depuis  les  bords  du 
Sihoun  (  le  laxarte  ) ,  jusqu'au  de 
iroit  de  Gibraltar,  il  eut  la  satisfac- 
tion d'avoir  en  sa  puissance  le  sof- 
faride  Amrou,  émule,  frère  et  Suc- 
cesseur de  ce  Yacoub  qui  avait  porté 
des  cou  ps  si  terribles  au  trône  des  kha- 
lyfes  (  F .  Amrou  ben-Leits  et  Ya- 
coub ben-Leïts  ).  IMotadhed  mourut 
le  25  raby  2*^.,  289  (  5  mars  902  ) , 
âgéd'environquarante-huitaus,après 
avoir  assuré  l'empire  à  son  fils  Mok- 


MOT 

tafy.  Alliant  le  comaç;''  à  la  pruden- 
ce et  radrcssc  à  la  feniicK-,  ce  prince 
tint  d'une  main  vit;oiireiisp  les  rênes 
du  «gouvernement.  Il  rc'iablit  la  dis- 
cipline militaire  ,  et  ne  veilla  [>a.s 
moins  au  maintien  de  la  justice  el 
à  l'exécution  des  lois.  Sévère  jusqu'à 
la  cruauté',  envers  les  grands  dont 
l'ambition  pouvait  bouleverser  l'é- 
tat comme  sons  les  rèç;nes  précé- 
dents; il  diminua  les  impots  qui 
pesaient  sur  le  peuple,  et  se  mon- 
tra d'une  indulgence  extrême  pour 
les  fautes  uniquement  relalives  au 
service  de  sa  personne.  Doué  de 
beaucoup  d'esprit  et  de  pénétration  , 
il  protégea  les  lettres;  mais  il  ban- 
nit de  sa  cour  les  astrologues,  les 
géomancieus  et  les  charlatans.  Mo- 
tadlied  témoigna  toujours  une  grande 
vénération  pour  la  mémoire  d'Aly, 
et  ccn;bl(i  défaveurs  les  descendants 
de  ce  klialyfc  (  V.  Aly,  I,  56g). 
De  là  ,  les  éloges  restreints  et  même 
les  reproches  de  quelques  auteurs  , 
zélés  sunnites,  d'après  lesquels  ou 
pourrait  le  regarder  comme  un  ty- 
ran ou  comme  un  prince  inconsé- 
quent el  sans  caractère.       A — -t. 

MOTAMED-BILLAH  ou  AL-AL- 
LAH  (  Abou'l  -  Abbas  Ahmed  IÎ  , 
al)  ,  i5^,  kbalvfe  abbasside  ,  et  fils 
de  Motawakkei ,  fut  tiré  de  prison  , 
l'an  de  l'hégire  256  (870  de  J.-C.  ) , 
pour  succéder  au  vertueux  et  infor- 
tuné Mohtady ,  son  cousin-germain. 
Ce  prince  indolent,  avec  quelque 
goût  pour  les  lettres,  n'avait  d'au- 
tres passions  que  celles  du  jeu  ,  du 
vin ,  de  la  musique  et  de  la  bonne 
chère.  Il  végéta  sur  le  trône,  pendant 
un  règne  de  vingt-trois  ans,  fécond 
en  événements  remarquables,  aux- 
quels il  ne  prit  aucune  part.  Il  par- 
vint néanmoins  ,  secondé  par  son 
frère  Abou- Ahmed  Telhah  ,  à  répri- 
pier  l'insolence  et  les  mutineries  des 


MOT 


261 


milices  turkes,  et  sut  éviter  le  sort 
funeste  de  ses  cinq  derniers   prédc'- 
cet^seurs  ;  mais  il  se  laissa  dominer 
entièrement  parce  prince  ,  qui  s'em- 
para do  toute  l'autorité,  et  qui  eut 
a-scz  d'influence,  pour  se  faire  dé- 
clarer héritier  du  khdlyfat,  sous  le 
titre  de    Ifcnva/f'ek-  Billah,   après 
Djàfar,  flis  de  Motamed.  La  révolte 
de  YacoublesofTaride,  dans  la  Perse 
Orientale ,  cl  l'invasion  d'Aly  ,  sur- 
nommé le  prince  des  Zendjcs,  dans 
les  provinces  voisines  du  golfe  Per- 
sique ,   causèrent  de   grands  matix 
à  l'empire  ,  et  mirent  le  khalyfat 
à  deux  doigts  de  sa  perte.  Mowaf- 
fek  vainq-.iil    ces  deux  rebelles,  et 
lit  périr  le  second.  Une  mort  natu- 
relle ,   mais  imprévue  ,   avait  déli- 
vré   le    khalyfe  de  la    crainte   du 
premier.  (  F.  Yacoub  BEN-LEiTset 
MowAFFEK  ).  Les  Turks  ne  dictsient 
plus  la  loi  dans  Baghdad;  mais  Ah- 
med ,  un  de  leurs  chefs  ,  s'était  em- 
paré de  l'Egypte  ,  de  la  Syrie,  et  y 
avait  fondé  la  dynastie  des  Thoulou- 
uides  (  F.  Ahmed  Ben  Tuouloun  , 
1 ,  335  ).  Ahmed  était  cependant 
moins  ennemi  du  khalyfe  que  du 
prince  MowafTek.  Aussi  Motamed  , 
lassé  de  la  tyrannie  de  son  frère,  s'é- 
chappa de  Baghdad.,  tandis  que  ce- 
lui-ci était  occupé  à  combattre  les 
Zendjes,  et  prit  la  route  de  l'Egypte, 
où  il  espérait  trouver  dans  Ahmed 
un  soutien  et  un  libérateur  ;  mais 
il  fut  arrêté  par  le  gouverneur  de 
Moussoul ,  qui  l'obligea  de  retourner 
à  Baghdad.  Un  seul  trait  donnera 
une  idée  de  la  nullité  et  de  l'insou- 
ciance de  ce  khalyfe.  Ayant  eu  be- 
soin de  3oo  dinars  d'or  (3, 000  fr.  ), 
il  ne  put  les  obtenir  de  son  frère  ,  et 
se  consola  de  celle  petite  disgrâce, 
en  la  mettant  eu  vers.  Après  la  mort 
deMowalTek  ,  loin  de  recouvrer  une 
autorité  qu'il  était  incapable  d'exer- 


262 


MOT 


cer,  Mofamed  la  \'\t  passer,  sans 
osor  se  plaindre,  rnlrc  'es  mains  de 
son  neveu  Motadlicd  ,  fils  de  ce  prin- 
ce j  il  fut  même  force  de  deslieritcr 
son  propre  fds  Djàlai-  Al-l\lofa\vcd  , 
en  faveur'  de  cet  anihitieiix  neveu 
(_F.  Motadhed).  Motaiiied  mourut 
d'indigestion  à  Baglidad ,  à  la  suite 
d'une  grande  dcbauclic,  le  19  redjeb 
379  (  oct.  892  )  ,  dans  la  cinquante- 
unième  année  de  son  âge.      A — t. 

MOTAINABBI.  r.  MoTENAimy. 

MOTASEM-BIf.LAH  (  A  bol  Is- 

IIAK  MOUAMMED  III,  Al-  ),  8*=.  klia- 

lyfc  abbasside,  et  quatrième  fils  du 
célèbre  Haroun  Al-Raschid,  monta 
sur  le  trône,  l'an  'a  18  de  rbégire 
(  833  de  J.-C.  ) ,  par  le  choix  de 
son  frère  Al-Mainoii^i,  au  préjudice 
de  Cacem  Al-Motamen  ,  sou  autre 
frère,  et  de  son  neveu  Abbas  (  F. 
Aaron  ,  1 ,  5  ,  et  Mamoun  ,  XXVI , 
433).  On  murmura  d'abord  de  cette 
desobéissance  aux  volontés  pater- 
nelles; mais  la  soumission  volon- 
taire des  deux  princes  exclus  étouf- 
fa toute  semence  de  discorde ,  et 
Motasem  fut  unanimenienl  reconnu 
khalyfe.  A  l'exemple  de  son  prédé- 
cesseur ,  il  se  livra  aux  discussions 
tlicologiques  ,  et  persécuta  avec  fu- 
reur tous  ceux  qui  niaient  la  création 
du  Coran  :  mais  ce  qui ,  chez  le  pre- 
mier, avait  été  l'abus  tlu  raisonne- 
ment et  des  lumières,  ne  fut,  chez 
le  second,  que  l'eflct  de  l'entête- 
ment et  de  la  plus  grossière  ignuran- 
ce.  Motasem  fit  périr  plusieurs  doc- 
teurs ,  et  fustiger  ,  en  sa  piésence , 
l'imam  Ahmed  Ibu  -  llanbal  ,  avec 
tant  de  barbarie,  que  des  lambeaux 
de  chair  se  détachaient  de  son  corps 
{  T.Hanbal,  XIX,  377  ).  11  prêta 
même  sa  main  aux  bourreaux  pour 
e'corchcr  vif  un  autre  ouléma  ,  qui 
avait  osé  soutenir  l'origine  céleste 
du  Coran.  Les  longues  guerres  des 


MOT 

Arabes  dans  le  Tuikestan  avaientcon- 
sidérablenient  multiplié  dans  l'em- 
pire le  nombre  des  ju-isonniers  f  uiks. 
Le  khalyfe  en  forma  un  corps  de 
troupes ,  qui  devint  redoutable  à  plu- 
sieurs (le  ses  successeurs.  Ce  fut  ap- 
|iaremmeiit  pour  soustraire  cette  nou- 
velle milice  à  l'animosité  des  habi- 
tantsdcBaghclad, naturellement  por- 
tés a  la  sédition ,  que  Motasem  jeta  , 
l'an  '20.0,  à  douze  lieties  de  cetic 
ville  ,  les  fondements  de  Sermcnraï , 
Samarah  ou  Samirra  ,  qui  fut  pen- 
dant quelques  l'ègnes  le  siège  du  kha- 
lyfat.  Depuis  vinqt  ans  le  rebelle 
Babck  résistait  à  toutes  les  forces 
musulmanes.  Chassé  de  la  Perse  ,  il 
s'elForçait  de  soulever  l'Arménie,  où 
il  s'était  retiré.  Le  turk  Afschin,  qui 
d'esclave  était  devenu  général ,  vain- 
quit enfin  re  fameux  imposteur , 
l'an  -ri'i  (837),  avec  le  secours  des 
princes  Arniénien.s  ,  qui  le  remirent 
entre  ses  mains  ;  et  il  l'envoya  au 
khalyfe  ,  qui  le  fit  expirer  dans  les 
supplices  (  F.  Babek,  III,  i55  ). 
L'empereur  Théophile  ,  voyant  les 
étals  du  khalyfe  en  proie  aux  guer- 
res civiles  et  aux  quei  elles  religieu- 
ses ,  élait  entré  dans  la  Comagène  , 
avait  pris  Jianiosaih  ,  et  assiégé  Za- 
petra  ,  où  Motasem  était  né,  sans 
égards  pour  les  instancesdecepiince 
qui  le  ])riait  d'épargner  cette  ville, 
il  la  prit ,  et  y  commit  les  plus  hor- 
ribles cruautés.  Le  khalyfe  ,  animé 
par  !a  fureur  et  le  désir  de  la  ven- 
geance ,  marcha  bientôt  contre  les 
Chrétiens  ,  s'aA'ança  jusque  dans  la 
Galatie  ,  et  réduisit  en  cendres  Amo- 
rium  j  patrie  de  Théophile.  On  pré- 
tend q-u'il  avait  fait  écrire  le  nom  de 
cette  ville  sur  les  boucliers  de  ses 
soldats  ,  afin  de  déclarer  hauleoienl 
son  dessein  de  la  sacrifier  à  son  res- 
sentiment. La  guerre  entre  ces  deux 
priucts  fut  une  guerre  de  Ijarbarts. 


MOT 

Ail  retour  de  celle  cxpcdilion  ,  Mota- 
scin  lil  arrêter  SOI)  neveu  Abb.is,  sotis 
prélcxte  q\i'ii  avait  tenté  de  recou- 
vrer le  klialvlal  ;  il  le  rond.iiuiia  à 
mourir  de  soif,  et  se  défit  par  divers 
sujipliccs  de  Ions  les  parti>aus  de  ce 
jeune  piince. Il  triompha d'nn rebelle 
dans  le  Ibabaristan  ,  et  le  fit  périr  , 
ainsi  que  le  général  Afschin  ,  qui  , 
outre  des  inlelligrnces  eriminelks  , 
fut  convaincu  de  s'être  livre  au  culte 
du  feu,  et  d'avoir  voulu  le  rétablir 
eu  Perse.  IMotasein  mourut  à  Ser- 
menrai,  le  18  laby  i*^.  •n'j  (5  jan- 
vier 84'^  ),  àgédequarante-buil  ans. 
11  était  ne  le  8^'.  mois  de  l'année  218, 
et  avait  régné  huit  ans  et  huit  mois. 
Il  fut  le  8"'-.  khalyfc  de  sa  famille,  et 
se  trouva  dans  huit  batailles.  Il  laissa 
Luit  fils,  huit  filles  ,  huit  mille  es- 
claves, huit  millions  de  dinars  d'or, 
et   hiiitanle  millions   de  drachmes 
d'argent.  Aussi  a  t-il  été  surnommé 
le  Jiuitaiiiier.  Ce  klialyfe,  peu  re- 
comrn;indable  par  ses  qualités  mora- 
les ,  odieux  nitme  aux  zélés  musul- 
mans, à  cause  de  ses  princijies  hété- 
rodoxes et  de  sa  cruelle  intolérance, 
se  disti;.guait  par  les  avant,  ges  phy- 
siques, et  par  une  force  pr.  digicuse: 
il  soulevait  un  poids  de  dix  quintaux, 
et,  par  la  seule  pression  de  son  pou- 
ce ,  il  elï'.içait ,  dit-on  ,  l'empreinte 
d'une  pièce  de  monnaie.  11  fui  le  pre- 
mier Lhalyfe  qui  joignit  à  son  nom 
celui  de  Dieu  ,  en  prenant  le  titre  de 
Motasem-JJillah  (protégé  par  Dieu^; 
exemple  qu'inàlèrent  non-seulement 
tous  ses  successeurs,  mais  encore  la 
]>lu|iart  des  princes  musulmans  de 
l'Afrique  ,  de  rEvp.'gno  et  de  l'Ara- 
bie ,  qui  ajoutèrent  à  leins  titres  , 
ceuxdePianir-.Mlah,  de  J.edin-Allah, 
etc.  Mutasem  transmit  le  kiialyfat  à 
Wathek-Billah  son  fils  aîné.  A — t. 
MOTAWAKKEL  ALA- ALLAH 

(  ApOU-AbD^LLAE   MoilAMllED    BEN 


l\IOT 


loi 


TocsovF  jkL- DjfZAMY  ,  Al)  ,  roi 
d'une  grande  partie  de  I  Kspagiie  mu- 
sulmane, au  treizième  siècle  de  l'ère 
chrétienne  ,  était  issu  de  la  f.imille 
des  Ben-Houd ,  qui  avait  occupé  le 
Irone  de  Saragoce,  pendant  un  siè- 
cle ,  à  l'époque  de  la  décadence  des 
Ommavades  ,  et  qui  depuis  avait  ré- 
gné à  IMurcic.  Ce  prince  comptait 
aussi ,  au  nombre  de  ses  ancêtres , 
Djezani-ben-Amer ,   nn   des  princi- 
paux ofliciers  de  Mousa  Ibn-Naser, 
le  conquérant  de  l'Espagne,  et  Oth- 
man  l'un  des  gouverneurs  de  cette 
contréepourles  khalyfesd'Orient.  La, 
puissance  des  Almohades  s'él;jit  fort 
a  (l^illie  eu  Espagne,  ajrès  la  fameuse 
bataille  de  Tolo.'a  (  F.  Mehfmed  el 
Nasser  ,  XXVIIl,  1 18  ).  Moham- 
med beu-Houd  se  révolta  contre  eux , 
à  l'exemple  de  plusieurs  autres  gou- 
verneurs .  el  devint  leur  plus  redou- 
table cniicmi  ,  non  moins  par  les 
combats  qu'il  leur  livra  ,  que  par  les 
proclamations  qu'il  pub  ia  centre  eux 
et  leur  doctrine,  au  nom  dcMostanser, 
khalyfe  ahbasside  de  Baghdad.  Lors- 
qu'Abdallali  el  Adel  eut  quiité  l'Es- 
pagne pour  aller  régner  en  Afrique  , 
l'an  6i  I  (  I  i'i4  ) ,  Mohammed  s'em- 
para de  Murcie  ,  dont  il  était  sans 
doute  gouverneur;  il  prit  le  litre  de 
roi  et  le  surnom   de  Moiawakkel 
al  Allah,  et  enleva  encore  aux  Almo- 
hades Alracria  et  Grenade.  IMoham- 
med,  prince  de  cette  famille,  possé- 
dait idicw  ,  Baeza  et  Cordoue  :  mais 
ét.int  devenu  odieux  aux  musulmans, 
pour  s'être  rendu  tributaire  et  vassal 
de  Feriinaud  111  ,  roi  de  Castille  ,  il 
fut  assassine  à  Cordoue  par  les  habi- 
tants ,  dout  les  vœux  appelèrent  Mo- 
tawakkcl,  qui  s'était  de]à  emparé  de 
Jaen  et  de  Baeza.  Enfin  ,  le  départ 
d'Abou-Aly  Edris  qui  était  A\é  dis- 
puter à  sou  neveu  le  trône  de  M;iroc  , 
l'an  62  i  (  1^27  ),  fit  tomber  Seville, 


u64  MOT 

Ecija  ,  Carmona,  Mériil.i  ,  etc.  ,  au 
pouvoir  de  Motawakkcl  ;  et  l'Espa- 
gne l'ut  alors  cutièrcmcnl  perdue 
pour  les  Almohades.  Aussi  grand  ca- 
pitaine que  gi'and  politique  ,  il  joi- 
gnait à  CCS  talens  le  don  de  l'élo- 
quence et  une  générosité'  sans  bornes. 
Ce  prince  semblait  destine  à  relever 
en  Espagne  l'empire  musulman , 
dont  il  travaillait  sans  relâche  à  réu- 
nir tous  les  débris.  Mais  Ferdinand 
III ,  roideCastille,  et  Jayme  I,  roi 
d'Aragon,  ne  lui  on  laissèrent  pas 
le  temps,  Motav^'akkel  avait  déjà 
penin  Badajoz  et  Mérida  ,  et  essuyé 
une  défaite  devant  cette  dernière 
place,  lorsque,  marchant  pour  déli- 
vrer Cordouc,  que  Ferdinand  tenait 
assiégée  ,  il  apprit  que  le  roi  de  Va- 
lence, sou  allié  ,  était  serré  de  près 
par  l'Aragonais.  Persuadé  sans  doute 
qi\c  les  villes  qu'il  possédait  dans  l'in- 
térieur de  l'Espagne,  lui  échappe- 
l'aient  bientôt ,  et  qu'il  lui  importait 
davantage  de  conserver  les  provinces 
voisinesdela  mer  •  il  vola  au  secours 
du  roi  de  Valence ,  dont  les  états  ser- 
vaient de  boulevard  aux  royaumes 
de  Mnrcie  et  de  Grenade.  Mais  en  ar- 
rivant a  Almcria,  il  y  fut  assassiné 
dans  le  bain  par  ordre  du  gouverneur, 
l'an  634  (  1.236  ).  Après  la  mort  de 
Molawakkel ,  Cordoue  et  Séville  fu- 
rent subjuguées  par  Ferdinand  ;  Va- 
lence fut  conquise  par  le  roi  d'Ara- 
gon ;  et  il  ne  resta  aux  juusulmans 
que  les  royaumes  de  Murcie  et  de 
Greuade  ,  dont  le  premier  demeura 
encore  quelques  années  dans  la  fa- 
mille des  Ben-Houd,  et  dont  le  se- 
cond passa  sous  la  domination  des 
Nasseridcs  qni  déjà  s'étaient  révoltés 
contre  ce  prince  (  F.  Mkhoied  I''"".  , 
roi  de  Grenade,  tome  XXVIII,  pag. 
Ï2I  ).  A— T. 

MOTAWAKKEL  ALA-ALLAH 
■(  Abou  DjAFAR  Mohammed  XII  ) , 


MOI' 

17''.  klialyfe  abbassidc  d'Egypte, 
et  le  dernier  de  sa  race  qui  ait  por- 
té ce  titre,  en  fut  décoré  après  son 
pèreMostanserYacoub.  S'étant  Ikju 
vé  à  la  fameuse  bataille  qui  eut  lieu. 
l'an  (yi'j.  (i5iG),  entre  le  sulthau 
mamloiik,  Kansouh  al  Gaury,  et 
l'empereur  othoman,  Selim  I*^"". ,  il 
fut  fait  prisonnier  par  ce  dernier , 
qui  renver-ia,  d'un  seul  coup,  l'em- 
pire des  mamlouks  en  Egypte,  et  la 
puissance  khalyfale.  En  eiîet  Mota- 
wakkcl renonça  formellement,cn  fa- 
veur du  vainqueur  ,  à  tous  ses  droits 
à  l'imamat  et  au  khalyfat;  et  peu 
de  temps  après,  le  clieryf  de  la 
Mekke,  issu  de  Mahomet  par  Aly, 
reconnut  Selim  par  un  hommage 
solennel ,  pour  le  chef  suprême  do 
la  religion  musulmane.  Cette  dou- 
ble cession,  faite  par  les  deux  prin- 
cipales branches  de  la  tribu  de  Co- 
raisch ,  a  suffisamment  légitimé,  aux 
yeux  des  Sunnites,  les  droits  que 
les  sultlians  othomans  se  sont  depuis 
arrogé  d'ajouter  à  leurs  titres  ceux 
d'imam  et  de  khalyfe,  c'est-à-dire 
de  joindre  l'autorité  spirituelle  à  la 
puissance  temporelle.  Motawakkel, 
conduit  à  Constantinople,  y  fut  re- 
tenu jusqu'en  g'if)  [i 5'2.g)  :  Selim,  à 
la  Acille  de  mourir  ,  lui  rendit  alors 
la  liberté,  et  lui  assigna  60  drachmes 
par  jour  (quarante-cinq  francs)  pour 
sa  subsistance.  Après  la  mort  de  ce 
prince,  le  khalyfe  revint  en  Egypte, 
où  ,  l'an  gSo  (  i59.4  ) ,  il  fut  forcé  de 
donner  le  titre  de  sulthan  au  pacha 
du  Caire,  Ahmed,  qui  s'étant  révolté 
contre  Sole^man  I,  fils  et  successeur  de 
Selim  ,  crut  devoir  faire  sanctionner 
son  usurpation  par  celui  qu'il  affectait 
de  regarder  comme  le  légitime  kha- 
lyfe. Molawakkel  finit  ses  jours  l'an 
945  (i538),  laissant  deux  fils  qui 
recevaient  une  pension  du  ti'ésor  pu- 
bbc.  C'est  ainsi  que  s'anéantit  l'il- 


MOT 

liisue  famille  des  Abbass'ulcs ,  qui, 
a])r('.s  avoir  occupe  environ  800  ans 
la  cliaiie  pontilicalc  de  l'islamisme 
(  F,  IMostasem)  ,  est  lombec  dans 
une  telle  obscurilé,  depuis  près  de 
trois  siècles  ,  qu'on  ignore  s'il  en 
existe  cnrore  quelque  rejeton.  A — t. 
MOTAWAKKEL  -  BILLAH 
(  Aboul-Fadul  Djafau  P'.  ,  AL-  )  , 
1 0*^.  khal yfe  abliassidc ,  et  (ils  de  iMo- 
tascm  ,  fut  proclame  à  Scrraenrai , 
après  la  mort  de  son  frère  Watbck, 
eu  dzoulhadjah  'xZ'.i  (  août  847  ). 
Pour  sevenger  du  ve'zyr  Mohammed 
ibn-Haramad,  qui  avait  voulu  placer 
sur  le  trône  le  fils  de  Wathck  ,  il  le 
dépouilla  de  sa  charge,  de  ses  biens, 
l'empêcha  de  doimir  pendant  plu- 
sieurs jours  ,  et  le  (it  enfin  renfermer 
dans  un  fourneau  de  fer,  hérisse'  eu 
dedans  de  pointes  aiguës ,  et  rougi 
par  le  feu.  Ce  ministre ,  qui  avait 
imaginé  ce  supplice  ,  en  fut  la  vic- 
time ,  comme  autrefois  l'inventeur 
du  taureau  do  Phalaris  j  et,  taudis 
qu'il  poussait  des  cris  affreux,  sa 
maxime  favorite,  la  pitié n  est  que 
faiblesse ,  était  répétée  par  le  kha- 
lyfe.  Ce  prince  extermina  l'impos- 
teur Mahmoud -ibn- Farad]  (  F.  ce 
nom.  XXVI ,  i83  ).  Il  abjura  l'hé- 
résie de  ses  trois  dernieis  prédéces- 
seurs ,  et  mit  fin  aux  persécutions 
dirigées  contre  ceux  qui  soutenaient 
l'éternité  du  Coran.  (  7^'.  Mamoun, 
XXVI,  438.  )  Mais  Motawtkkel  ne 
se  montra  pas  moins  fanatique  et 
intolérant  sous  d'autres  rapports. 
Ennemi  déclaré  d' Aiy  et  de  Houcéiu, 
il  anathématisa  leur  mémoire  ,  or- 
donna la  démolition  de  leurs  tom- 
beaux, en  interdit  le  pèlerinage  ;  et 
joignant  l'outrage  à  la  cruauté  ,  il 
ne  se  borna  pas  à  des  poursuites 
sanglantes  contre  la  race  et  les  par- 
tisans d'Aly;  il  se  fit  un  jeu  de  tour- 
ner en  dérision ,  dans  ses  orgies  ,  la 


MOT 


'^05 


personne  ,  les  mœurs  et  le  sacer- 
doce du  gendre  de  ^Tjhomet(  F. 
Ar,i,  I,  509").  Cette  imj)iètc  l.:i  attira 
les  inalcLlictions  universelles;  et  sa 
lin  tragique  eu  fut  regardée  comme  le 
juste  châtiment.  Mijlawakkf!  |iersé- 
cuta  aussi  les  chrétiens  ei  les  juifs. 
Pour  les  distinguer  des  musulm.ius, 
il  leur  interdit  l'usage  des  élriers  : 
il  leur  enjoignit  de  ne  monter  que 
sur  des  ânes  et  des  mulets  ;  de  porter 
une  large  ceinture  de  cuir,  et  de 
faire  peindre  sur  les  portes  de  leurs 
maisons ,  des  figures  de  poiu'ceaux  et 
de  siusres.  L'osdiîian  ou  irouverueur 
arabe  d'Arménie,  ayant  péri  dans 
une  révolte,  le  khalyfc  envova  le 
turk  Bougha ,  l'un  de  ses  généraux, 
qui  .dans  l'intervalle  des  années  85 1 
a  855,  tailla  en  pièces  les  rebelles, 
conquit  l'Arménie  entière  ,  entra 
dans  la  Géorgie ,  prit  et  brûla  Tcflis  , 
signala  son  zèle  pour  l'islamisme 
par  d'horriJjles  cruautés  ,  et  revint 
avec  une  multitude  de  captifs ,  au 
nombre  desquels  se  trouvaient  plu- 
sieurs princes  et  grands  du  pays,  qui 
furent  forcés  d'embrasser  le  maho- 
métisme.  L'an  208  (  852-3  ) ,  les 
Grecs  ayant  opéré  une  descente  en 
Egypte,  prirent,  pillèrent,  brû- 
lèrent Damiette  et  Mesr,  et  enle- 
vèrent 600  femmes  musulmanes, 
Molawakkel,  pour  mettre  Damiette 
à  l'abri  d'une  nouvelle  insulte  ,  la 
fortifia  d'un  double  mur  du  côté  du 
Nil ,  et  d'un  triple  mur  du  côte  de 
terre  ,  et  en  fit  un  des  boulevards 
de  son  empire.  Ce  fut,  sans  doute  , 
afin  de  se  rapprocher  des  provinces 
qui  étaient  le  plus  souvent  exposées 
aux  invasions  des  Grecs ,  qu'aban- 
donnant la  Mésopotamie  l'an  '243 
(  837  ) ,  il  vint  à  Damas  ,  où  il  se 
proposait  d'établir  le  siège  du  kha- 
lyfat  ;  mais  ,  dès  le  commencement 
de  l'année  suivante,  les  mutineries 


adG 


MOT 


des  milices  turkes  le  degoûtî'rcnt  de 
sa  nouvelle  résidence  ,  el  il  retourna 
à  Scnueurai.  Ses  Iro'ipcs  rciiipor- 
tèreiit  une  grande  victoire  sur  les 
Grecs  coraïuandos  par  l'empereur 
MiclicI  111  ,  (ji]i  fut  l'ait  prisonnier. 
Deux  ans  après  ,  clUs  oblinrcut  di- 
vers succès  sur  plusieurs  points  ,  et 
prirent  la  ciîadeilc  d"  Autioclie  ;  mais 
un  de  leurs  généraux  fut  vaincu  près 
à  Ephcse ,  et  périt  avec  la  plus 
grande  partie  de  son  armée.  En  j.\G 
(  8Go  ),  Moiaw.ikk'jl  fixa  son  séjour 
dans  un  magnilique  palais  <pi'il  avait 
élevé  à  grands  frais  ,  l'année  précé- 
dente, et  qu'il  nomma  Djafaiiah. 
Ce  fut  là  que  dans  la  nuit  du  5  chavval 
247  (  «'^  décembre  80 1  ) ,  à  la  suite 
d'une  débauche,  il  fut  assassiné  par 
les  chefs  delà  garde  iuike,qiii  pré- 
ludèrent ainsi  au  meurtre  de  plu- 
sieurs autres  khalyfes  :  celui  Je  Mo- 
tavvakkel  fut  provoqué  par  la  haine 
qu'il  avait  inspirée  aux  gran.ls.  Bar- 
bare dans  ses  plaisirs  ,  ii  s'amusait 
à  eiTrayer  ses  coiivives,  en  lâchant 
au  milieu  d'eux  des  lions,  des  ser- 
pents, des  scorpions;  et  il  les  faisait 
îïuérir,  lorsqu'ils  avaient  été  mor- 
dus ou  piqués.  Moiithaser,  fils  aîné  de 
Motawakkel  ,  était  devenu  aussi  le 
jouet  des  brutales  fantaisies  de  son 
père,  qui  l'avait  pris  en  aversion  ,  à 
cause  de  la  diversité  de  leurs  prin- 
cipes moraux  et  religieux.  A  des- 
sein de  l'aviiir,  il  le  forçait  de  s'eni- 
vrer; et  dans  cet  état ,  il  l'accabl  it 
d'injures  el  de  coups.  Quelques,  in- 
justices du  khalyfe  ayant  achevé 
d'irriter  les  oiliciers  turks ,  le  jeune 
prince  devint  malgré  lui  l'ame  et  le 
chef  de  leur  complot,  oupIutiH  il  ne 
fut  que  le  témoin  passif  de  leur  ven- 
geance. De  tous  les  courtisans  de 
Motawakkel,  Falhah-ibn-Khàcaii  , 
son  vc'zyr,  fut  le  seul  qui  ne  l'aban- 
donua  pas  :  il  fut  tué  eu  le  couvrant 


MOI 

de  son  corps.  Ce  khalyfe  était  âgé  de 
4')  ans,  et  eu  avait  régné  près  de  1 5. 
Allable  envers  le  peuple ,  il  proté- 
geait les  lettres  et  les  sciences.  II 
fit  construire  en  Egypte  ,  un  nilo- 
mètre  dans  l'île  de  Roudha  ,  à  la 
place  de  celui  qui  avait  été  élevé  par 
ordr(!du  klialvfc  Sokiman.  Le  règne 
de  Motawakkel  fut  regaixlé  corama 
celui  des  prodiges  et  des  fléaux  de 
la  colère  céleste.  Des  tiemblements 
de  terre  ,  des  ouragans  ravagèrent 
la  Perse,  la  Syiie,  l'Arabie;  les 
sources  de  \é  Mekke  furent  taries  ; 
une  montagne  s'écroula  près  d'An- 
tioche;  le  ïygrc  se  teignit  de  diver- 
ses couleurs  ;  des  pierres ,  du  sang  , 
tombèrent  du  ciel  eu  quelques  can- 
tons. Ce  prince  avait  appelé  à  sa 
succession  trois  de  ses  flhi,  Montha- 
scr ,  Motaz  et  IMowa'ied  ,  et  en  avait 
exclu  les  deux* autres,  Motamed  et 
Mowalîl'k.  Mais  la  Providence  eu 
décida  autrement.  Les  deux  aînés 
ne  lirei;t  que  paraître  sur  le  trône  ; 
le  troisième  n'y  monta  pas  :  le  qua- 
trième régna  long-temps,  et  le  ciu- 
qv.ième,  devenu  héritier  présomptif 
de  l'empire,  transmit  ses  droits  à 
son  fils,  souche  de  tous  les  khalyfes 
abbassides  ,  jusqu'à  la  complète  de 
l'Egypte  par  .Selim.  (  V.  Mom'ua- 
SEH-BiLLAH  ,  Motamed  ,  Mowak- 
FEK.,  Motadued,  l'article  précèdent 
et  le  siiivaiil  ).  A — r. 

MOTAZ  BILLAH  (Abou-Abdal- 
LAH  Mohammed  V,  Al  ) ,  iS*".  kha- 
lyfe abbasside,  était  le  second  fils 
et  le  fils  ciieri  de  M.itiwakkel,  qui 
lui  avait  donné  la  surintendance  de 
toutes  les  monnaies  de  l'empire,  et 
l'avait  appelé  à  régner  après  sou 
frèie  aîné;  il  l'aurait  même  désigné 
pour  son  successeur  immédiat,  si 
une  mort  violente  n'eût  dérangé  ses 
projets  (  F.  l'art,  précédent  ).  Privé 
de  ses  droits  par  son  frère  Monlhi-- 


MOT 

ser ,  ft  t!ii  klialyfat  par  Moslaiii  son 
cousin  ,  il  y  l'ut  rappelé  en   iiioliar- 
rcra  •i.'î'i  (janvier    8G(j  ),  par  les 
«•Iicl's  de  la  inilire   turkc,    qui  l'eu 
avaient  exclu  ;  el  il  en  dcuieura  pos- 
sesseur par  la  déposition  et  la  mort 
de  Moslain  {F.  ce  nom).  Motaz  ré- 
tablit d'aboid  son   i'rcre   Mowaied 
dans  son  droit  à  la  succession  ;  mais 
Lieulôt  il  le  fit  arrêter,  et  se  défit 
même  de  lui  secri-tenient ,  lorsqu'il 
apprit  que   les  milices   turkcs  s'é- 
taient soulevées ,    pour  le  délivrer. 
IMowallek  ,  qui  avait  triomphe  de 
Mostain  ,   soumis  Baglidad ,  et  as- 
sure le  klialyfat  à  sou  frère  Motaz  , 
fut  exile  par  ce  dernier  ,  pour  avoir 
pris  trop  à  cœur  la  mort  de  3Io- 
■naied.  Motaz  était  le  plus  bel  hom- 
me de  son  empire;  mais  il  n'avait 
pas   d'autre  mérite  :  indoleut,  vo- 
luptueux, sans  ca])acitc,  il  était  de 
plus  ingrat ,  perfide  et  cruel,  il  ten- 
ta' imprudemment  de  renverser  les 
commandants    turks    qui    l'avaient 
placé  sur  le  trône.  Il   les  dépouillii 
de  leurs  charges  ,  et  voulut  les  faire 
périr.  Ses  mentes  furent  découvertes, 
et  il  se  vit  forcé  de  les  investir  d'une 
plus   grande   autorité.  Wasif,   l'un 
d'eux,  ayant  étc-  massacre  par  ses 
soldats,  maliués  faute  de  paie  ,  Bou- 
gha,  son  collègue,  s'enfuit  à  Mous- 
soul,  d'où   il  revint   à   Sermenraï, 
pour  châtier  les  séditieux  qui  avaient 
pillé  son  palais.  Mais  le  khalvfe,  lui 
ayant  opposé  des  troupes  qui  le  fi- 
rent prisonnier ,  ordonna  qu'il  fût 
décapité.    Le    triomphe    de  Motaz 
dura  peu  :  les  Turks  ,  ayant  mis  â 
leur  tèlc  Saleh  et  Mohammed ,  fils 
des  deux  commandants  morts,  pil- 
lèrent aussi  la  maison  du  vézyr,  et 
assaillirent  le  palais  impérial  ,  en 
demandant  insolemment  la  solde  qui 
leur  était  due    depuis  quatre  mois. 
Mot.z  ,  hors  d'état  de  les  satisfaire , 


IMOT  2G7 

qnoiipi'ils  réduisissent  leurs  préten- 
tions à  5o  millcdinars  d'or  (Goo, 000 
fiaïus)  ,  eut  recours  à  sa  mère,  qui 
possédait  des  trésors  immenses.  L'a- 
varirc  de  celle  princesse,  et  son  re- 
fus de  donner  une  si  modique  som- 
me ,  causèrent  la  mort  de  sou  fils. 
Les  Turks  forcèrent  le  palais ,  sai- 
sirent le  khalyfe  ,  le  frappèrent  de 
leurs  masses  d'armes  ,  l'exposèrent 
à  l'ardeur  du  soleil ,  et  le  contrai- 
gnirent ,  en   présence  de  témoins  , 
ci'abdiquer  le  klialyfat,  en  faveur  de 
Mohlady  ,    qu'ils    firent    venir    de 
Baghdad  (  F.  Moutady).  Celle  ré- 
volution arriva  en  redjeb  '>.55  (juin 
8t)()  ,  de  J.-C.  ).  Motaz  n'avait  ré- 
gné  que  trois   ans  et  demi;   on  le 
rciiferma  dans  un  cachot ,  oîi  on  le 
laissa  mourir  de  faim  et  de  soif,  à 
l'âge  de  vingt-deux  ans.  Ce  fut  sor.s 
le  règne  de  ce  prince ,  qu'Ahmed  ibn 
Thouloun  ,  qui  avait  servi  dans  la 
garde  turkc  des  khalyfes,leur  enleva 
l'Egypte,  dont  il  était  gouverneur, 
et  y  fonda  la  dynastie  des  Thoulou- 
•nides  {F.  An;iEt),  1 ,  335).  A — t. 

MOTÉN ABBY  (  Auou'l  -  Tayvb 
AuMED,  al),  célèbre  poète  arabe ,  na- 
quit l'an  3o3  de  l'hég.  (9>5  de  J. 
C.  ) ,  dans  un  quarlicr  de  Koufah  , 
nommé Kiuda,  d'où  il  futsurnommé 
Al-Kindy.  Il  était' de  la  tribu  de 
Djof;  et  l'on  prétend  que  Houcein, 
son  père ,  était  porteur  d'eau  :  ce 
qui  l'exposa ,  dans  la  suite  ,  aux 
épigrammes  de  ses  rivaux.  Ahmed 
fit  ses  études  à  Damas ,  avec  un  très- 
grand  succès.  11  s'appliqua  particu- 
lièrement à  la  langue  arabe,  à  la 
gra.mmairc  et  aux  belles-lettres.  En- 
flammé du  génie  poétique,  il  se  mé- 
piit  lui-même  sur  la  nature  de  sou 
talent,  et,  se  croyant  animé  de  l'es- 
prit divin  ,  il  voulut  passer  pour  pro- 
phète. J..1jux  de  partager  la  gluiie 
de  îïahomct,  dont  le  caractère  pro- 


2G8 


MOT 


phèlique  est  aux  yetix  des  Musulmans 
tout  aussi  clairement  marque'  par 
la  belle  prose  du  Coran  que  par  sa 
mission  en  elle-même,  notre  poète 
osa  croire  que  si  Dion  lui  avait  don- 
ne' relo(|ndncc,  c'était  sans  doute 
•pour  l'appeler  à  un  nouvel  aposto- 
lat. De  la  lui  vint  le  surnom  de  Mo- 
ténabbj ,  sous  lequel  il  est  générale- 
ment connu.  Cette  prétention,  ap- 
puyée par  des  vers  pleins  de  force  et 
d'enthousiasme,  séduisit  plusieurs 
tribus  de  l'Arabie-Désertc,  entre  au- 
tres celle  de  Kelab  ,  aux  environs 
des  ruines  dePalmyre,  et  attira  sur 
les  pas  dcMoténabby  un  grand  nom- 
bre de  disciples.  Mais  Loulou ,  gou- 
verneur d'Emesse,  au  nom  des  prin- 
ces ykhscliidides ,  qui  rognaient  sur 
l'Egypte  et  sur  une  partie  de  la  Sy- 
rie ,  arrêta  les  })rogrès  de  la  nouvelle 
secte,  en  s'assurant  du  prc'tendu  pro- 
pliète,  et  en  dispersant  ses  prosély- 
tes. Cette  leçon  guérit  Moténabby  de 
la  cliimère  qui  avait  égaré  sa  jeu- 
nesse. Il  recouvra  sa  liberté,  se  livra 
entièrement  à  la  poésie,  et  lui  dut  sa 
réputation  et  sa  fortune.  Accueilli 
avec  distinction,  l'an  SSn,  à  la  cour 
de  Seïf-cd-daulah  ,  prince  d'Halcp  , 
dont  il  chanta  les  exploits  (  F.  Seif- 
ed-daulah),  il  la  quitta,  l'an  346, 
pour  se  rendre  auprès  <ieKafour, 
souverain  de  l'Egypte  (  F.  Kafouk, 
XXII,  208);  mais  ayant  composé 
des  vers  satiriques  conti'e  ce  prince, 
auquel  il  avait  d'abord  prodigué  les 
louanges,  il  se  retira,  l'an  35o,  à 
Ghyraz  ,  oii  régnait  Adhad-ed-dau- 
lah ,  qui  le  combla  de  bienfaits  (  F. 
ce  nom  ,  I,  224).  Dégoûté  du  mé- 
tier de  courtisan,  Moténabby  reve- 
nait de  la  Perse  avec  son  fils,  l'an 
354  (965  de  J.  C.  ),  pour  revoir  sa 
patrie,  et  y  jouir  paisiblement  des  ri- 
chesses qu'il  avaitamassées ,  lorsqu'il 
fut  attaqué,  près  de  Noumaniah  , 


MOT 

ville  dans  le  désert ,  à  l'ouest  deBagh- 
dad ,  par  une  troupe  d'Arabes  aça- 
dides  qui  convoitaient  ses  trésors,  et 
il  périt  en  se  défendant.  D'au  lies  at- 
tribuent sa  mort  aux  ennemis  qu'il 
s  était  attirés  par  ses  satires ,  ou  à  un 
ordre  d'Adhad-ed-(laulah.  On  a  de  lui 
un  Diwan  ou  Recueil  de  poésies,  si 
estimées  en  Orient,  qu'elles  ont  été 
exj)liquées  et  commentées  par  qua- 
rante auteurs  différenls.  Toutefois  , 
au  jugement  de  Reiske  et  de  M.  Sil- 
vestre  de  Sacy ,  les  ouvrages  de  Mo- 
ténabby n'égalent ,  ni  en  mérite  ni  en 
difficultés  ,  les  anciennes  poésies  ara- 
bes; et  il  n'a  dû  son  extraordinaire 
célébrité  qu'à  la  décadence  du  goût 
chez  sa  nation.  La  bibliothèqueroyale 
possède  plusieurs  manuscrits  du  Di- 
wan de  Moténabby.  On  y  voit  aussi 
trois  exemplaires  des  Commentaires 
d'Abou-Zakharia  Yabia  al-Tabrizy , 
sur  les  ouvrages  de  ce  poète.  Les 
premiers  vers  de  la  jeunesse  de  Mo-  ' 
tc'nabby  ont  été  donnés  par  Golius  , 
dans  l'Appendice  de  la  grammaire 
arabe  d'Erpenius  ,  éd.  de  i656.  Reis- 
ke a  publié ,  en  arabe  et  en  allemand , 
un  assez  grand  nombre  d'extraits  des 
poésies  de  MoténabBy ,  sous  ce  titre  : 
Froben  der  arabischen  Dichtkunst 
ans  dem  Moténabby,  Leipzig,  1 765. 
Il  a  aussi  donné  la  Description  du 
lac  de  Tibériade, -par  le  même  poè- 
te ,  à  la  fin  de  ses  notes  sur  la  Des- 
cription de  la  Syrie  d' Aboulfeda ,  pu- 
bliée par  Kohler,  i-jôC).  Plusieiirs  de 
ces  morceaux  ont  été  réimprirae's 
dans  la  Neue  arabische  anthologia , 
de  ]M.  S.  F,  Giinther  Wahl,  Leipzig, 
1791.  Reiske  a  inséré  une  Descrip- 
tion de  la  j'.èvre,  par  Moténabby 
dans  ses  Miscellanea  medica  ex 
Arabum  monumentis ,  publiés  de 
nouveau  à  Halle,  en  1776,  par  M. 
Griiner,  sous  ce  titre:  /.  /.  Reiske, 
etc ,  Opuscula  medica  ex  monumen- 


MOT 

tis  yJrabuiii  et  Ehrœvrum.  M.  Ousc- 
ley,  dausses  Oriental  C ullc étions , 
tome  1*"'. ,  11°.  I ,  a  iiLscrc  une  Bio- 
irruf/hie  de  Molenabby  ,  par  sif  John 
Haddou  Hindlcy,  suivie  de  deux,  pe- 
tites pièces  de  ce  poète,  relatives  à 
SeiC-ed-daidah  ,  e'inyr  d'Haiep  (  /  . 
ce  nom).  M.  Silvestre  de  Sacy ,  dans 
le  tome  3  de  sa  Chresloinalhie  ara- 
be ,  a  donne  la  IraduOlion  de  trois 
f>etits  poèmes  où  Molenabby  célèbre 
es  victoires  du  même  prince.  Enfin 
il  vient  de  paraître ,  dans  le  G°.  volu- 
me des  Mines  de  l'Orient,  l'Élégie 
composée  l'an  35o  (  i  )  par  notre 
poète,  sur  la  mort  d'Abou  Chodja 
Fatek,  rival  de  Kafour,  avec  une 
traduction  française  de  M.  Grange- 
ret  de  Lagrange.  Cette  èiègie  se  re- 
trouve ,  avec  d'autres  pièces  inédites 
de  Moténabby  ,  à  la  louange  de  Fa- 
tek ,  dans  le  Recueil  de  poésies  ara- 
bes, publié  par  le  même  orientaliste, 
1 8'i  I ,  in-8'\  A — T  et  R — d. 

MOTHARREZ  (  Abou  Omar  Mo- 
hammed AL  ),  écrivain  arabe,  né 
l'an  261  (  8^4  de  J.-G.  ),  passa  une 
partie  de  sa  vie  auprès  de  Talcb  Al- 
Sclia'ibani,  docteur  de  l*école  deKou- 
fah,  célèbre  par  son  commentaire  de 
l'Alcoran  :  il  mourut  eu  l'an  345 
(  956  de  J.-G.  )  Sa  passion  pour  l'é- 
tude l'éloigna  tellement  du  soin  de 
ses  affaires ,  qu'il  se  vit  dans  la  néces- 
sité de  vivre  du  travail  de  ses  mains  j 
du  moins  est-on  autorisé  à  l'inférer 
de  sou  sobriquet  di  Alinoiharrez  , 
qui  indique  quelqu'un  dont  la  profes- 
sion est  de  travailler  à  des  garni <u- 
res  d'habits.  Sa  réputation  fut  im- 
mense de  son  vivant  •  il  en  était  sur- 
tout redevable  à  une  mémoire  heu- 
reuse et  fidèle,  qui  lui  fournissait  à 
point  nommé  les  passages  de  l'Al- 


(»)  Voyez  Abul-Feila  ,  Annales  moilemici ,  loiu« 


MOT  269 

corau ,  ou  du  recueil  des  traditions 
les  plus  analogiies  à  chaque  sujet.  Ce 
luxe  (l'érudition  allait  si  loin  qu'il 
fut  soupçonné  de  savoir  forger  des 
textes  ,  (|uand  il  se  trouvait  au  dé- 
pourvu. Ses  écrits  sont  fort  nom- 
breux. Il  a  laissé  une  Histoire  des  Ara- 
bes ,  qui  embrasse,  outre  la  biogra- 
phie des  hommes  illustres,  tout  ce  qui 
se  rapporte  aux  moMirs,  aux  scien- 
ces et  aux  antiquités.  Elle  est  citée 
par  Gasiri ,  tom.  ir ,  p.  i56  de  la 
Bibliothèque  de  l'Escurial ,  sous  le 
litre  A' .Ikhbar  alarab.  Il  a  écrit 
aussi:  1°.  Sur  les  clepsydres  :  (  Ke~ 
îab  alsaat  )  ;  —  2°.  Sur  le  jour  et 
lu  nuit ,  ouvrage  d'astronomie  ;  — 
3".  Sur  les  tribus  arabes;  —  4°-  ^m* 
les  expressions  peu  connues,  qui  se 
rencontrent  dans  les  traditions,  etc. 
R— D. 
MOTHARREZY  (  Abou'l  Fath 
Nasser  ebn  Abd'Alsayd  al  ) ,  phi- 
lologue arabe  ,  reçut  le  jour  dans  la 
capitale  duKbarizm,  l'an  538  (jan- 
vier 1 144  <^^  J.-C  )  On  ignore  si  le 
sobriquet  de  Molharrezy  lui  fut 
transmis  par  quelqu'un  de  ses  ancê- 
tres ,  ou  s'il  travailla  lui-même  à  des 
garnitures  d'habits.  11  eut  pour  maî- 
tres son  père  et  les  hommes  les  plus 
savants  de  sa  patrie.  La  jurispru- 
dence, la  philologie.,  l'occupèrent 
tour-à-tour.  La  poésie  même  vint 
lui  servir  de  délassement.  Enfin  , 
l'universalité  de  ses  connaissances 
lui  acquit  une  telle  réputation  ,  qu'il 
fut  regardé  comme  un  digne  succes- 
seur du  célèbre  Zamakschari  (  V.  ce 
nom  ).  Quoiqu'attaché  à  la  secte  des 
hanéfites  ,  il  avait  embrassé  la  doc- 
trine des  motazalites;  et  ce  fut  son 
entêtement  pour  ces  opiiiions  erro- 
nées aux  veux  des  Musulmans,  qui 
lui  attira  de  violentes  attaques  de  la 
part  des  docteurs  de  Baghdad  ,  lors- 
qu'il passa  par  celte  ville  pour  s'ac- 


^TO 


IMOT 


quitter    tlii    ptltrinnge  ,   l'an    Coi 
(  i'2o4%  11  mourut  dans  sa  patrie  eu 
r,inGio  (l'îiS),  selon  Ibu  Klialc- 
kau  et  Hadji  Klialfa  ,  (jue  nous  pre- 
nons pour  guiilcs  dans  cet  article. 
Aboul-Feda  avance  de  quatre  ans  la 
mort  de  notre  auteur.  Outre  plu- 
sieurs morceaux  de  poésie  ,  il  nous 
reste  de  Mothario/.y  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages  fort  csliine's  des  na- 
tionaux.  Les    principaux  sont  :  I. 
Un  dictionnaiic  arabe,  intitulé  :  Jl- 
moi^reb  fjlîogat ,  où  il  explique  les 
termes  obscurs  usités  dans  les  livres 
de  jmisprudcncc.  Il  est  cité  souvent 
par  Pococke  dans  son  Spécimen  liis- 
toricB  Arabuin  ,  et  on  le  trouve  dans 
les  principales  bibliothèques  de  l'Eu- 
rope. II.  Un  commentaire  des  Ma- 
kainat,  de  Hariri  (  F.  Hauiri  ),  in- 
titulé Idhah  ,  où  la  brièveté  ne  nnit 
pas  à  la  solidité  des  observations.  Ce 
commentaire  a  été  mis  à  contribution 
dans  le  choix  de  gloses  dont  M.  Sil- 
vestrc  de  Sacy  a  enrichi  son  édition 
classique  do  l'ouvrage  de  Hariri.  III. 
Un  traité  de  grammaire  intitulé  Mis- 
bah  ou  flambeau.  IV.  Un  abrégé  du 
traité  de  logique  de  Yakoub  Ebu  Is- 
hak  dit  ELn  Al  Sckyt ,  sous  le  titre 
de  Isldh  Àhnardhek,  R — d. 

MOTHE-HOUDANCOURT 
(  Philippe  de  la  ) ,  duc  de  Cardone, 
maréchal  de  France  ,  né  en  i(5o5, 
fit  ses  premières  armes ,  dès  l'âge  de 
17  ans,  contre  les  Calvinistes  ,  et  se 
trouva  an  combat  naval  où  le  duc  de 
Montmorenci  reprit  l'île  de  Rhé  sur 
les  rebelles.  11  se  distingua  dans  une 
foule  d'autres  combats,  tant  en  Fran- 
ce qu'en  Italie,  et  dans  les  Pays- 
Bas.  Envoyé  comme  lieutenant-gé- 
néral, à  l'armée  qui  était  eu  Pié- 
mont, il  en  prit  le  commandement, 
après  la  mort  du  cardinal  de  Lava- 
ietto.  en  attendant  l'arrivée  du  com- 
te d'Harcourl ,  que  le  roi  avait  nom- 


MOT 

me  à  la  place  du  cardinal.  Ce  fui  par 
orilre  du  comte,  qu'il  s'empara  de 
(^)uiers ,  à  la  vue  de  l'armcc  espa- 
gnole, la  nuit  du  1^  octobre  ifiof). 
Cependant  l'arrivée  du  comte  d  Ilar- 
court  était  marquée  par  quelques  (!>;- 
sa  va  otages  ;  et  malgré  la   présence 
de  Turenne  qui,  dans  un  poste  infé- 
rieur, se  formait  dans  Part  dont  il 
devait  donner  un  jour  de  si  hantes 
leçons,   larmée  française,   obligée 
de  se  retirer ,  eût  éprouvé  de  bien 
plus  grandes  pertes  sans  le  secour» 
de  La  I\Iothe,  cpii  seul  soutint,  pen- 
dant deux  heures,  l'effort  d'un  enne- 
mi triomphant,  et  très  supérieur  en 
nombre.  Le  siège  de  Turin  ,  entre- 
pris Tannée  suivairte  ,  et  dans  lequel 
il  déploya  autant  de  talent  que  de 
courage  ,  en  ajoutant  beaucoup  à  sa 
gloire ,  le  signala  au  choix  du  roi  , 
pour  un  commandenient  supérieur. 
La  France  n'avait  al  ors  que  trop  d'oc- 
casions  d'employer  les  talents    di- 
ses hommes  de  guerre;  elle  comp- 
tait six  armées  sur  pied.  La  Mothc 
Houdancourt  partit  en  1 64 1 1  comme 
vice-roi,  pour  commander  l'armée 
en  (Catalogne.  Cette  province  s'était 
soulevée,  avec  le  projet  de  se  rendre 
indépeudante  de  l'Es|)agne  ,  et  de  se 
constituer  en  république;  mais  ayant 
bientôt  renoncé  à  ce  projet,  et   ne 
se  trouvant  pas  assez  forte  pour  ré- 
sister au  roi  d'Espagne,  elle  s'était 
donnée  à  la  France,  sous  la  réserve 
de  ses  privilèges.  La  Mothe- Hou- 
dancourt y  mène  cinq  mille  hom- 
mes de  troupes ,  commence  par  s'em- 
parer de  la  ville  et  du  château  de 
Constantin  ,  et  défait  les  Espagnols 
devant  Tarragone,qu'ils  cherchaient 
à  ravitailler.  Cet  avantage  fut  suivi 
d'un  autre  encore  plus  important  : 
dans  un  combat  qu'il  livra  près  de 
Vdlefranche,  vers  la  fm  de  mars  il*' 
la  même  année,  il  surprit  plus  de 


trois  mille  E^p;ii:;iiols  ,f|iu  passaient 
ilaiis  le  Roiissillon  ,  cl  (|Mi  se  rendi- 
rent à  discrétion.  Nomuié  maréchal 
de  France  ,  eu  rcVojiijx-nse  de  ce  fait 
d'armes,  il  délit  de  nouveau  les  Espa- 
gnols devant  Lerida  ,  et  entra  dans 
Barcelone.  Ici,  la  fortnne  sembla 
le  trahir.  Philippe  de  Siivas,  i;é- 
neral  esp  ignol  ,  vint  inopiiieuient 
meitrc  le  siège  devant  liCrida.  Le 
raarechal  alla  an- levant  des  enne- 
mis ,  et  lenr  livra  bataille  :  mais  le 
désordre  se  mit  parmi  ses  troupes; 
et  après  avoir  perdu  Lc'rida  ,  il  se  vit 
encore  force  de  lever  le  siège  de 
ïarragone,  (pi'il  avait  commencé.  On 
lui  fit  un  crime  de  cet  échec  ,  comme 
il  arrive  trop  souvent  sous  un  mi- 
nistt'refaiblectsoupçonneux.  Des  in- 
Irigucs  de  l)ureau  llélrirent  un  guer- 
rier (pti,  pendant  vingt  ans,  avait 
servi  son  pays  avec  la  plus  grande 
distinction.  Le  maréchal  avait  pour 
ami  Desnoyers,  secrétaire  d'état  de 
la  guerre ,  ([ui  était  sur  le  point  de 
donner  sa  démission,  fjetellier,  dé- 
signé pour  lui  succéder,  et  qui  même 
était  déjà  en  fonctions,  ne  pouvait 
pardonner  an  maréchal  ses  liaisons 
avec  un  homme  qu'il  était  impa- 
tient de  remplacer.  Il  paraît  que  La 
Motte  fut  accusé  de  n'avoir  pas 
profité  d'une  occasion  qui  s'était  of- 
ferte de  s'emparer  du  roi  d'Espa- 
gne ,  pendant  qu'il  était  à  la  chasse. 
Il  fut  donc  enfermé  au  château  de 
Pierre-Encise,  et  traîné  devant  plu- 
sieurs tribunaux,  jusqu'à  ce  qu'enfui 
le  parlement  de  Grenoble  le  justifia , 
et  le  fit  sortir  de  prison.  L'époque 
de  sa  mise  en  liberté,  au  bout  de 
quatre  ans  de  détention ,  était  celle 
oùl'esprit  de  faction,  répandu  dans 
toutes  les  classes  du  royaume ,  et 
alimenté  par  les  troubles  insépara- 
bles d'une  régence  ,  organisait  à  Pa- 
ris  cette   guerre   civile    si  connue 


MOT  271 

sons  le  nom  de  la  /'ronde.  Le  sou- 
venir de  l'injustice  dont  il  avait  é'é 
victime,  fermentait  encore  au  fond 
de  son  cœurj  et  s'il  n'étdt  pas, 
comme  dit  le  cardinal  de  Relz,  en- 
rapé  contre  la  cour,  du  moins  était- 
il  disposé  à  entrer  dans  un  parti  de 
mécontents.  Il  paraît  d'aiihurs  que 
son  dévouement  a  M.  de  Longucvil- 
le,  l'un  des  chefs  de  la  Fiondc ,  ne 
lui  eût  pas  permis  de  séparer  sa  cause 
de  celle  du  duc.  «  Il  lui  avait  été  at- 
»  taché  vingt  ans  durant ,  dit  le  car- 
»  dinal  de  Relz  ,  par  une  pension 
T)  qu'il  avait  voulu  lui-même  retenir 
»  par  reconnaissance,  encore  qu'il 
»  eût  été  f.dt  maréchal  de  France.  » 
Au  reste,  ce  ne  pouvait  être  une  ac- 
quisition bien  précieuse,  pour  tui  jiar- 
ti  où  tout  se  passait  en  intrigues  et 
en  négociations,  qu'un  militaire  qui 
avait  toujours  vécu  dans  les  camps, 
étranger  a  l'art  de  la  parole  ,  et  dont 
«  les  oraisons  n'e'laient  jamais  o'ie 
»  d'une  demi  période.  »  Nous  achè- 
verons son  portrait  par  cette  cita- 
tion de  l'auteur  qui  nous  a  fourni  les 
traits  précédents  :  «  Le  maréchal  de 
»  La  Mothe  avait  beaucoup  de  cœur. 
»  Il  était  capitaine  de  la  seconde 
»  classe  :  il  n'était  pas  homme  de 
»  beaucoup  de  sens.  li  avait  assez  de 
»  douceur  et  de  facilitédans  la  vieci- 
)>  vile.  Il  était  très-utile  dans  un  parti, 
V  parce  qu'il  y  était  très-commode. « 
Le  cardinal  de  Retz  ,  en  jugeant 
le  maréchal  avec  cette  hauteur,  et 
comme  un  homme  peu  propre  à  ses 
vues  turbulentes  et  faclieuses,  ne 
pensait  pas  que  la  postérité,  plus 
juste,  dû>  un  jour  tenir  compte  an 
guerrier  des  qualités  qui  lui  avaient 
manqué  pour  être  chef  de  parti,  et 
qu'elle  en  serait  d'autant  plus  sévère  à 
l'égard  du  [)rélat  qui  avait  déshono- 
ré son  caractère  par  les  qualités 
d'un  tribun.  Cependant  les  troub'es 


27.i  MOT 

intérieurs  avaient  donné  de  grands 
avanl.igcs  aux  Espagnols.  Le  souve- 
nir des  anciens  services  de  La  Mo- 
ihe-Houdancourtlui  fit  accorder  une 
seconde  fuis  le  tilrc  de  vice-roi  en 
Catalogne.  Kaiucné  sur  un  terrain 
qui  avait  été  déjà  le  théâtre  de  ses  suc- 
cès, il  y  soutint  de  nouveaux  l'hon- 
neur de  nos  armes,  força  les  ligues  des 
ennemis  devant  liarcelone,  et  défendit 
pendant  cinq  mois  cetie  place  con- 
tre les  meilicures  troupes  de  l'Espa- 
gne. Il  conserva  le  commandement 
de  l'armée  française  et  de  la  Catalo- 
gne jusqu'à  l'année  1657,  où  il  l'e- 
vint  à  Paris ,  et  mourut ,  dans  la  cin- 
quante-deuxième année  de  son  âge. 
Il  eut  trois  filles,  que  Bussy-Rabutin 
n'a  pas  épargnées  dans  sa  scanda- 
leuse Histoire  amoureuse  des  Gau- 
les ;  mais ,  quand  même  le  caractère 
connu  du  prétendu  liistorien  n'aiïai- 
blirait  pas  considérablement  son  té- 
moignage, peut-être,  en  cette  occa- 
sion ,  trouverait- on  une  raison  par- 
ticulière de  s'en  défier,  dans  la  lettre 
de  Bussy-Rabutin  écrite  à  M"^^.  de 
Sévigné,  pendant  le  siège  de  Paris.  Il 
avait  fait  redemander  au  maréchal, 
des  chevaux  que  les  domestiques  de 
celui-ci  lui  avaient  pris  ;  le  maré- 
chal n'en  avait  probablement  pas  te- 
nu compte.  «  Pour  moi, dit  Bussyà 
»  sa  cousine,  je  suis  tout  consolé  de 
«  la  perte  de  mes  cbevaux,  par  les 
»  marques  d'amitié  quej'ai  reçues  de 
»  vous  en  cette  rencontre.  Pour  M. 
»  de  La  Mothe,  maréchal  de  la  li- 
»  gue ,  si  jamais  il  a  besoin  de  moi , 
»  il  trou"\  era  un  cbevalier  peu  cour- 
»  tois.  »  Il  paraîtrait  que  celte  dis- 
position peu  courtoise  trouva  ,  par 
la  suite,  à  s'exercer  à  l'égard  des 
filles  du  maréchal  ;  ce  qui ,  dans  tous 
les  cas ,  s'accorde  assez  avec  la  ré- 
putatiori  très-équivoque  de  loyauté 
dont  jouit  Bussy-Rabutin.   R — te. 


MOT 

MOTHE-  LE  -  VAYER  ( Fra>- 
çois  Dic  La),  naquit  à  Paris,  en  i588, 
d'une  famille  noble  ,  originaire  du 
Maine.  Son  père,  magistrat  distin- 
gué ,  le  dirigea  dans  ses  études  ,  qui 
embrassèrent  à-la-fois  les  lettres,  1<; 
droit  et  la  morale.  Il  était  âgé  de 
vingt-deux  ans  ,  lorsque  Heiui  IV 
tomba  sous  le  poignard  d'un  fanati- 
que. Ce  crime  le  remplit  d'horreui  , 
et  lui  iuspira  la  résolution  de  lester 
étranger  aux  troubles  qui  agitèicnl 
la  France  pendant  la  minorité  de 
Louis  XIII.  Lié  avec  plusieurs  sa- 
vants de  cette  époque  ,  il  fut  ausbi 
admis  dans  les  cercles  brillants  que 
réunissait  chez  elle  mademoiselle  de 
Gournay,  célèbie  par  son  esprit  plus 
que  par  sa  beauté,  et  qui,  en  mourant, 
lui  légua  sa  bibliothèque.  11  succéda, 
en  1 6'25,  à  son  père  (  i  )dans  les  fonc- 
tions de  substitut  du  procureur-gé- 
néral au  parlement  ;  mais  il  quitta 
bientôt  Tliémis  pour  les  Muses. 
L'histoire  était  son  étude  favorite; 
et  la  diversité  prodigieuse  des  opi- 
nions et  des  mœurs  de  tous  les  peu- 
ples devint  la  base  de  ce  scepticis- 
me qui  domine  en  général  dans  tous 
ses  écrits.  L'académie  française  lui 
ouvrit  ses  portes ,  le  1 4  février 
1 63g.  Le  cardinal  de  Richelieu ,  qui 
l'honorait  d'une  estime  particulière, 
satisfait  de  l'ouvi'age  que  Le  Vaycr 
venait  depuLlier  sur  l'éducation  d'un 
prince  (  1640),  l'avait  désigné,  en 
mourant ,  pour  être  le  précepteur  du 
dauphin.  !^Iais  la  reine  Aune  d'Au- 
triche, influencée  par  quelques  en- 
vieux, refusa  son  consentement, suus 
prétexte  que  La  Mothe  était  marié. 
Notre  philosophe  fut  néanmoins 
chargé ,  en  1649  ^  ^^  diriger  les  pre- 


(t)  Ffllx  de  LaMothe-Le-Vayeb  .  mort  If  ai 
seplenihre  itJ7.5 ,  âge  de  78  aus.  U  a  |)uljlié  :  Le^atus , 
se»  de  legaloruni  privilc^us  ,  ojficio  ac  muneie  l'- 
bcllus ,  Paris,  l5;g  ,in-4'- 


1\10T 

mières  étiidos  du  jeune  duc  d'Or- 
léans, frère  du  roi.  Les  prugics  de 
l'élève  frappèreul  viveinenlla  reine, 
qui  rendit  enfin  justice  aux  talents  du 
Tuaîtrc,  et  lui  conlia  ,  en  niai  i652, 
le  soin  de  terminer  l'éducation  du 
roi.  Le  nouveau  précepteur  accoin- 
paj^na  son  auguste  disciple  dans  les 
ditïérents  voyages  qu'entreprit  la 
cour,  et  le  suivit  à  Reims  ,  pour  la 
rérémonic  du  sacre,  en  \6^^.  Lors 
du  mariage  de  liOiiis  XIV,  eu  i(i6o, 
liH  Mothe  -  Le  -  Vaycr  cessa  toute 
fonction  auprès  de  lui.  Il  j)ut  alors 
se  livrer,  sans  partage  ,  à  l'instruc- 
tion de  Monsieur.  Devenu  veuf,  et 
privé  d'un  (ils  unique,  qui  mourut 
célibatàir(î  en  iGG^  (i),  Le  Vayer 
contracta  un  nouvel  hymen,  ayant 
près  de  soixante-dix.-liuit  ans,  fai- 
blesse que  ses  amis  lui  reprochèrent 
en  plaisantant.  La  vieillesse  n'avait 
point  ralenti  son  ardeur  pour  l'étu- 
de ;  les  relations  des  pays  éloignés 
étaient  ses  plus  doux  amusements. 
Comme  il  avait  la  mort  sur  les  lèvres, 
le  voyageur  Bcrnier  vint  le  voir:  Eh 
bien  !  quelles  nouvelles  avez-vous 
du  Grand-Mogol  ?  Ce  furent  pres- 
que ses  dernières  paroles.  Il  mourut 
sans  laisser  de  postérité,  en  1672, 
dans  sa  SS'^.  année.  Ce  philosophe  , 
({uc  Naudé  appelait  le  Plutarque  de 
la  France,  ressemblait  aux  anciens 
sages  par  ses  opinions  et  par  ses 
mœurs.  Son  costume  même  était 
celui  d'un  homme  qui  affecte  de 
se  distinguer  du  vulgaire.  Passant 
un  jour  sous  les  galeries  du  Louvre, 
il  entendit  quelqu'un  dire  en  le  mon- 
trant :  Foilà  un  homme  sans  reli- 


(1)  Ce  liU  avait  embrassé  Telat  fcelcsiasticiue.  H 
tenait  ua  rang  ilistiii^uc  parmi  les  ^i'n»  di*  lettres. 
Bii'leau,  son  ami  ,  lui  a  dédie  une  de  ses  s-itires. 
L'alibé  Le  Vayrr  a  public  ,  en  i()6i  ,  une  édition  es- 
t.incc  de  Florus  (  A".  F I.ORUS  ),  el  il  mourut  à  35 
ans,  parce  que,  dit  Gui-Patin,  ses  médecius,  lui 
ayant  donné  trois  fois  le  vin  éméti(|uc  ,  rcnvovèfnt 
au  pays  d'où  persoune  l^e  revient. 

X\X. 


!MOT  273 

ç^ion.  11  lui  répondit  avec  douceur  : 
Mon  ami ,  j'ai  tant  de  religion ,  que  je 
vous  pardonne ,  en  pouvant  vous 
faire  punir.  Donc  <le  la  mémoire  la 
plus  heureuse  ,  une  lecture  immense 
l'avait  enrichi  d'une  érudition  prodi- 
gieuse :  mais,  suivant  la  remarque  de 
Bayle,  s'il  était  plus  savant  que  ses 
confrères  de  l'académie,  la  plupart 
écrivaient  mieux  que  lui.  La  Mothe- 
Le-Vayer  avait  connu,  étant  jeune  , 
le  père  Sirmond,  qui  lui  donna  d'u- 
tdes  conseils  pour  se  guider  dans  l;i 
carrière  des  sciences.  Travailler  de 
bonne  heure  et  publier  tard,  était  la 
maxime  du  savant  jésuite.  La  Mothc 
avait  près  de  cinquante  ans  quand  il 
mit  au  jour  ses  premiers  écrits.  De- 
puis cette  époque  (  i63G  ),  il  publia 
successivement,  et  d'année  en  année, 
ses  nombreux  ouvrages,  qui  obtin- 
rent un  succès  extraordinaire.  Les 
plus  importants  sont  :  I.  Discours 
de  la  contrariété  d'humeurs  qui  se 
trouve  entre  certaines  nations ,  et 
singulièrement  lafrancoise  et  V es- 
pagnole ,  (  le  litre  porte  ,  traduit 
de  l'italien  de  Fabricio  Campolini), 
Paris,  i636,  in  8°.  ;  il  y  a  des  traits 
curieux:  «  Le  soldat  français  se  fait 
toujours  craindre  d'abord;  jurant  et 
tempêtant ,  quand  il  entre  quelque 
part:  le  lendemain,  il  se  trouve  des 
grands  amis  de  la  maison.  L'espa- 
gnol use  de  courtoisie  en  arrivant  ; 
mais  rien  de  plus  rude  que  sa  sortie 
pillant  et  désolant  tout.  »  IL  Consi- 
dérations sur  l'éloquence  jVancoi- 
se ,  1 638,  in- r.i.  L'auteur  démontre 
la  grande  supériorité  des  anciens 
sur  les  modernes ,  la  nécessité  de 
l'élude  du  grec,  et  il  indique  les 
nombreux  rapports  de  cette  langue 
avec  la  nôtre.  III.  De  Vinst faction 
de  Monsieur  le  Dauphin,  1640, 
in- 4°.  Il  analyse  successivement  le* 
vertu-;,  les  sciences  et  les  arts  que 
iS 


274 


MOT 


doit   posséder  un  prince:   rc  qu'il 
dit  de  l'astrologie  judiciaire  et  de  la 
magie,  pri)nve  qu'il  ne  partageait  pas 
les  erreurs  du  siècle.  IV.  De  la  vertu 
des  Païens,  Paris,  in-4".,    iG^a; 
troisième  édition  ,    1647.   Arnauld 
entreprit  de  le  réfuter,  dans  son  trai- 
té De  la  nécessité  de  la  foi  en  Jé- 
sus-Christ. L'ouvrage  de  La  Mothe 
ne  se  vendait  pas;  et  son  libraire  lui 
en  faisait  des  reproches  :  Je  connais, 
lui  répondit  l'auteur,  un  secret  pour 
en  assurer  le  débit.  Il  alla  solliciter 
lui-même  l'autorité  d'en  défendre  la 
lecture  :  à  peine  la  censure  fut-elle 
connue,  que  chacun  voulut  se  ptocu- 
rerl'onvrage,  et  l'édition  fut  bientôt 
épuisée.  V.  Jugement  surles  anciens 
et  principaux  historiens  tarées  et  la- 
tins, i6'|6,  in-8".  Cet  ouvrage  an- 
nonce une  connaissance  profonde  des 
grands  modèles  de  l'antiquité.  Baillct 
et  Struvc  ont  relevé  qc.elqucs  erreurs 
c'chappées  à  La  Mothe- Le -Va  ver. 
VI.  La  Géographie,  la  Rhétorique , 
la  Morale,  V Économique,  la  Politi- 
que, la  Logique,  la  Physique  du 
prince.  Ces  différents  traités  pour  ser- 
vir à  l'éducation  du  Dauphin,  ont  été 
pubhés  de  i65i  à  i656.  Scipion  Ale- 
vani  les  traduisit  en  italien,  Venise, 
^Ç^^'^,m^^Q.W\.  En  quoilapié^des 
François  diffère  de  celle  des  Espa- 
gnols ;  opuscule  écrit  par  ordre  du 
gouvernement,  à  une  époque  où  la 
cour  de  Madrid  était  irritée  de  ce  que 
la  France  faisaitcause  commune  avec 
l'Angleterre ,  contre  l'Espagne.  VIÏI. 
Petits  Traités  en  forme  de  lettres, 
1659  et  1660,  4  vol.  Chaque  lettre 
roule  sur  un  sujet  de  philosophie 
■morale:  ellcssont,  disent  les  derniers 
éditeurs  de  ses  œuvres,  une  source 
où  pUiîieurs  écrivains  ont  puisé,  sans 
l'indiquer.  IX.  Discours  pour  mon- 
trer que  les  doutes  de  la  philosophie 
é.ceptiquc  sont  d'un   grand  usa^e 


MOT 

dans  les  sciences,  Paris,  16G8,  un 
volume.  On  trouve  à  la  suite  un  Dis- 
cours sur  la  rnusi((ue,  adressé  anté- 
rieurement au  père  Merscnne.  arui 
de  l'auteur,  qui  l'avait  consulté  sur 
celte  matière.  X.  Dupeu  de  certitu- 
de qu'ilj  a  dans  V histoire ,  iG()H  . 
cet  opuscule  est  plein  de  sens  et  de 
justesse.    «Patcrcule,  disiit-il,  éle- 
vait Séjan  jusqu'au  ciel  ;  Eusèbe  écri- 
vait les  vertus  de  Constantin ,  sans 
dire  ses  crinies;  Eginard,  celles  di; 
Cbarlcmagne,  se  taisant  sur  ses  dé- 
fauts. Si  nous  avions  les  Commen- 
taires de  Vcrcingintorix  ou  de  Divi- 
liacus,  comme  ceux  do  César,  il  s'y 
trouverait  des  récits  Lien  difTérents  ; 
et  ces  vieux  Gaulois  donneraient  ù 
leurs  guerres  des  jours  bien  contrai- 
res à  ceux  où  les  fait  voir  leur  vain- 
queur, rt  XI.  Hexameron  rustique ^ 
ou  les  six  journées  passées  à  la  cam- 
pagne,  Paris,   1670,  in- 16;  Ams- 
terdam,   1671,  in-12.  La  Mothe-' 
Le-Vayer  est  aussi  l'auteur  des  Dia- 
logues faits  à  l'imitation  des  an- 
ciens, sous  le  nom  deOrasius  Tuba- 
ro ,   Francfort,   1698,   in-4". ,   et 
1716,  1  vol.  in-iu.  Ces  det:x  ou- 
vrages ne  se  trouvent  point  dans  la 
collection    publiée    d'abord  de   ses 
Œuvres,  donlles  trois  ])remières  édi- 
tions, données  par  l'abbé  Le  Vaycr, 
son  fds,  in-fol.,  Paris,  iG54-i65u» 
■2  vol. ,  et  i66i,  3  vol. ,  ne  contien- 
nent que  les  traités  pn])liés  jusqu'à 
CCS  époques.  La  meilleure  est  cel!e 
de  Dresde,  1756- 17^9,  en  1 4  volu- 
mes in-S"*.  Elle  a  été  faite  sr.r  les  ma- 
tériaux fournis  par  Roland  Le  Vayer 
de  Boutigni ,  neveu  ilc  l'auteur  f  /''. 
BouTiGM  ,  tom.  V ,  page  406  ).  Nous 
avons  VEsgrit  de   La    Mothe-Le- 
Fajer  (  par  Montlinot  ),  1763,  iu- 
!'.>-.  Alletz  a  aussi   donné  un   autre 
Recueil  sous  le  même  titre,  Paris, 
i783,iu-iu.  L — u. 


MOT 

MOTHY-LlLLAIi  ou  BILLAH 
(  Auou'l-Caci;m  Fauhl  ou  Mokwd- 
DAL  AL  ) ,  23-.  khalyfe  abbassiclc  et 
filsdeMijctader,  sortit  de  prison  pour 
succéder  à  Moslakl'y  ,  son  cousin- 
gerrnaiii ,  Tau  334  dt-I'heg.  (  de  J.-C. 
g4(J).  Mais  l'éaiyr-al-oinrah,  Moezz- 
cd-dâulali ,  qui  avait  eu  le  projet  de 
dépouiller  les  Abbassidesdtiklialyfat, 
et  de  le  rendre  aux  descendants  d'Aly 

(   F.    MotZZ-ED-DAULAU   ,     XXlX  , 

1209  )  ,  ne  consentit  à  le  donner  à 
Molhy,  que  parce  qu'il  ne  vit  eu  lui 
qu'un  prince  sans  énergie  ,  sans  am- 
bition, sans  génie,  et  par  conséquent 
incapable  de  lui  porter  ombrage. 
L'émyr  régna  souverainement  à 
Baglidad ,  et  dans  tous  les  pays  qui 
reconnaissiient  encore  la  supx'éma- 
tie  spirituelle  du  khalyfe  ,  auquel  il 
ne  laissa  pas  même  l'apparence  de  la 
souveraineté.  Motby  n'eut  ni  vézyr , 
ni  ministres;  on  uelui  accorda  qu'un 
secrétaire ,  et  une  très-modiqud  pen- 
sion. Il  régna,  ou  plutôt  il  vécut, 
dans  une  si  profonde  obscurité  que 
lesbistoriens  se  sontborués  à  nous  ap- 
prendre qu'il  était  doux  ,  pacifique , 
charitable,  plein  de  droiture  et  de 
piété.  Forcé  de  suivre  l'émyr- al- 
omrah  dans  toutes  ses  expéditions 
militaires,  il  n'en  recueillit  ni  gloire, 
ni  avantage.  CefntparTordieet  pour 
satisfaire  la  cupidilé  de  ce  prince  , 
qu'il  rendit  vénales  toutes  les  charges 
publiques,  et  surtout  celles  de  la  ma- 
gistrature :  innovation  scandaleuse  et 
funeste  à  l'empire.  Tels  étaient  le 
dékibremeutetlapénuriedukhalyfat, 
qii'Azz-ed-daulab,bls  et  successeur  de 
Moezz-ed-daulah ,  ayant  exigé  de  l'ar- 
gent, sous  prétexte  de  repousser  une 
invasion  des  Grecs  en  Mésopotamie, 
mais  en  eOet  pour  le  distribuer  à  ses 
favoris  ;  le  khalyfe  fut  obligé  de  ven- 
dre la  plus  grande  partie  des  meubles 
de  sou  palais ,  et  u'cu  relira  que  4o 


MOT  275 

mille  drachmes  (  environ  3o  mille 
francs  ).  Tombéen  paralysie,  Motliy 
abdiqua  en  faveur  de  sou  (iU  Ta'ic- 
I.illaii,  sur  la  fin  de  l'an  3()3  (9" 4  ). 
Il  avait  porté  le  vain  titre  de  klia- 
lyfe ,  pendant  \  ingt-neuf  ans  et  demi, 
plus  long-temps  fiu'aucun  de  «es  pré- 
décesseurs y  et  il  mourut  dcui  moi» 
après  son  abdication  ,  à  l'àgc  de 
soixante-trois  ans.  De  son  temps  les 
Carinalhes  rapportèrent  à  la  Mekke, 
la  Pierre  noire  de  la  Caabah  ,  qu'ils 
avaient  enlevée  vingt-deux  ans  aupa- 
ravant. Ce  fut  aussi  sous  le  khalvfat 
de  iMothy-Liliah ,  que  les  Abbassides 
perdirent  l'Éj^ypte ,  ainsi  que  leur 
autorité  religieuse  sur  la  moitié  des 
pays  soumis  alors  aux  lois  du  C»ran 
(  F.  Moezz-Ledin  Allau  ,  XXIX , 

21'2  ).  A T. 

MOTRAYE.  F.  Mottraye. 

MOTTAKY-BILLAH  (  Abov-Is- 
HAK-IsRAum  II,  AL  ),  '21^.  khalvfe 
abbasside,  et  fds  de  Muctader,  suc- 
céda à  son  frère  Radhy-Billah  ,  l'an 
de  l'hcgire  329  (  de  J.-C.  940  J ,  par 
le  choix  des  oulémas  de  Bagbdad  et 
des  princes  de  sa  famille  ,  et  par  la 
volonté  du  Turk  Y'^ahcam,  qu'il  con- 
firma dans  la  charge  d'émyr  al-om- 
rah.  Obeid-allah  al-Baridy,  prince  de 
Bassorah,  refusa  de  reconi'.aîlre  celte 
élection  ,  vainquit  Touroun  ,  lieute- 
nant de  Yahcam  ,  et  fut  battu  à  son 
tour  :  mais  ayant  appris  que  ce  der- 
nier avait  été  assassiné  daiis  le  Kour- 
distan  ,  et  que  jMottaky  s'était  em- 
paré du  palais  et  des  trésors  de  cet 
émyr,  il  accourut  à  Baghdad,  mit 
le  khalyfe  à  contribution  ,  et  voulut 
se  saisir  de  la  dignité  d'émvr  al- 
omrab.  Moltaky  se  retire  à  Mous- 
sûul ,  où  l'émyr  hamdanide  Haçan 
le  reçoit  avec  les  plus  grands  hon- 
neurs ,  le  ramtnc  dans  sa  capitale  , 
à  la  tête  d'une  armée  ,  et  chasee' 
Obci^- Allah.  En  reconnaissance  de 


'ilÔ 


MOT 


ce  service  ,  le  khalvfe  confère  à  Ha- 
çan  la  charge  d'e'niyr  al-omrah  ,  lui 
donne  le  titre  de  jVaser-ed-daulah 
(  le  protecteur  de  l'empire  ) ,  et  à 
Aly,  frère  de  ce  prince,  celui  de 
Séif  -  ed  -  daulah  {  l'épée  de  l'em- 
pire )  :  c'est-là  le  premier  exemple  de 
ces  surnoms  honorifiques  ,  prodi- 
gue's  depuis  par  les  khalyfes  à  leurs 
tyrans ,  et  usurpés  ,  pendant  cinq 
ou  six  siècles  ,  par  la  plupart  des 
princes  musulmans.  Apres  le  départ 
des  princes  haradanides  (  F.  Naser- 
F.DDAULAH  et  Seif-zddaulah),  i'au 
33 1  (  943  ) ,  Touroun  rentre  dans 
Baghdad  ,  à  la  tête  des  Turks  ,  et 
force  le  khalyfe  à  le  décorer  du  man- 
teau et  du  titre  d'émyr  al-omrah. 
Mais  un  an  après ,  Mottaky ,  fatij^ué 
des  vexations  de  ce  ministre  ,  sort 
de  sa  capitale  ,  et  se  rend  de  nou- 
veau à  Moussoul.  Il  y  est  reçu  avec 
des  démonstrations  qui  lui  paraissent 
peu  sincères  ;  et  s'apercevant  qu'il 
est  à  charge  ,  il  écrit  à  ïourouu 
pour  lui  faire  des  ouvertures  d'ac- 
commodement, et  se  relire  à  Rakka, 
en  attendant  sa  réponsiv  Ykscliid , 
souverain  de  l'Egypte  et  d'une  partie 
de  la  Svrie ,  auquel  il  avait  adresse 
ses  plaintes,  va  le  trouver,  et  lui 
offre  un  asile  dans  ses  états.  Mais  le 
khalyfe,  entraîné  par  sa  destinée,  et 
séduit  par  les  promesses  astucieuses 
de  Touroun ,  reprend  le  chemin  de 
Baglidad.  I/émyr  vient  à  sa  rencon- 
tre^, à  la  tète  des  chefs  de  tous  les 
ordres  de  l'état ,  se  prosterne  à  ses 
pieds,  et  le  conduit  dans  une  tente 
magnifique.  L't ,  \\  lui  fait  crever  les 
veux  ,  en  présence  des  femmes  et  des 
eunuques  de  ce  malheureux  prin- 
ce ,  et  il  couvre  leurs  cris  par  un 
bruit  général  de  timballes.  Ce  fut  en 
safar  333  (  octobre  944  ) ,  1"^  Mot- 
taky éprouva  ce  malheur ,  auquel  U 
survécut  vingt-cinq  ans.  après  avoir 


MOT 

porte  le  titre  de  khalyfe  près  do 
quatre  ans,  réduit  aux  fonctioJis  sa- 
cerdotales et  au  privilège  de  voir  son 
nom  sur  la  monnaie.  C'est  lui  qui , 
])our  délivrer  un  grand  nombre  de 
Musulmans  que  les  Grecs  avaient 
emmenés  captifs  dans  une  invasion 
en  Mésopotamie ,  consentit  à  cé- 
der à  l'empereur  Romain  Lécapène, 
le  fameux  mouchoir  conservé  à 
Edesse,  lequel,  suiviuit  la  tradition  , 
avait  servi  à  essuyer  la  face  de  Je- 
sus-Christ ,  qu'on  y  voyait  représen- 
tée. Ce  khalyfe  eut  pour  successeur 
son  cousin  Mostacfy.  A — t. 

MOTTE  (  Antoine  Hovdar  de 
la  ) ,  l'un  des  littérateurs  les  plus 
remarquables  parmi  ceux  qui  illus- 
trèrent la  fin  du  siècle  de  Louis  XIV 
et  le  commencement  du  dix  huili  *me 
siècle,  naquit  à  Pans,  le  17  janvier 
167'i.  Sou  père  était  chapelier:  ori- 
ginaire du  diocèse  de  Troie ,  il  y  pos- 
sédait ,  entre  autres  biens ,  une  petite 
terre  nommée  La  Motte;  de  là  est  ve- 
nu le  surnom  de  cette  famille.  Après 
avoir  fait  ses  humaniiés  chez  les  Jé- 
suites ,  Antoine  La  Motte  étudia  le 
droit;  mais  il  avait  une  telle  aver- 
sion pour  le  barreau,  (ju'il  n'v  parut 
point.  Son  goût  rcntraîuait  vers  le 
théâtre ,  et ,  dès  sa  première  jeunesse, 
il  se  plaisait  à  représenter  des  comé- 
dies de  Molière  ,  avec  d'autres  jeu- 
nes gens  de  son  âge.  Il  n'avait  que 
vingt-un  ans  ,  lorsqu'en  1693,  il 
donna  au  Théâtre-Italien  sa  pre- 
mière pièce,  comédie  en  prose  mêlée 
de  vers  ,  intitulée  les  Originaux. 
Cette  farce  eut  peu  de  succès  (i). 
Dégoûté  par  ce  premier  échec ,  il  ré- 
solut de  renoncer  au  monde  ,  et  de 
se  retirer  à  la  Trape  ,  avec  un  de 
ses  amis.  Le  célèbre  abbé  de  Rancé 


(i)  Elle  n'a  point  éls  insérée  dars  S'S  n>»vrts. 
tjiais  elIt-  est  imprimée  d.iiiâ  le  looie  IV  du  tbvàtre  it^c- 
liti)  de  Gtj^rarai. 


MOT 

sut  apprécier  à  sa  juste  valeur  celle 
exaltation  inomciitaiiee  de  deux  jeu- 
nes gens  irrelIcLliis;  et  il  les  renvoya 
an  bout  de  deux  mois ,  sans  leur  avoir 
donne  l'habit.  Opendant  la  dévotion 
de  La  >lotte  se  soutint  encore  assez 
long-temps,  après  son  retour  à  Paris. 
Il  composa  en  prose  une  Paraphrase 
des  psaumes  de  la  Pénitence,  que  le 

5)crc  Tournemine  a  louée  dans  une 
le  ses  lettres  ,  mais  qui  n'a  jamais 
été  imprimée.  La  Motte  finit  par 
s'abandonner  à  sou  penchant  pour 
le  théâtre;  et  il  composa  successi- 
vement ,  pour  celui  de  l'Opéra,  l' Eu- 
rope galante  ,  hsé ,  Ainadis  des 
Gaules ,  Marthesie  ou  la  Reine 
des  Amazones ,  le  Triomphe  des 
arts,  Canente ,  Omphale,  Alcione, 
Sémélé,  Scanderberg,  le  Ballet  des 
âges,  ceux  du  Don  des  Fées  ^  du 
Carnaval  et  la  Folie  ,  de  la  Féni- 
tienne  ,  et  de  Narcisse.  De  l'aveu  de 
tous  les  critiques,  c'est  dans  ce  genre 
de  composition  que  La  Motte  est 
resté  vraiment  supérieur  ,  non-seu- 
lement à  ses  coiitemporains,  mais  à 
ceux  qui  depuis  s'y  sont  exercés  :  il 
y  a  obtenu  le  premier  rang  après 
Quiuault.  Lh  versilicationde  ses  opé- 
ras ,  est  d'une  douceur  et  d'une  har- 
monie qu'on  ne  retrouve  que  dans  ses 
odes  anaeréontiques.  Issé  est  sans 
contredit  la  meilleure  de  toutes  nos 
pastorales  lyriipies.  Le  Triomphe 
des  arts  fut  aussi  celui  de  l'auteur, 
f  t  eut  un  succès  mérité  :  cet  ouvrage, 
dont  l'idée  est  ingénieuse  ,  théâtrale 
et  lyrique,  offre  un  intérêt  varié;  il 
est  partout  embelli  des  plus  agréa- 
bles détails;  le  style,  sulïisamnient 
poétique  ,  a  cette  élégance  musicale , 
qui  est  la  plus  convenable  à  ce  genre. 
Sémélé  est  le  nieilleur  de  tous  les 
grands  opéras  de  La  Molle  ,  au  ju- 
gement de  Laharpe.  Ce  grand  criti- 
que, en  louant  la  versification  de  La 


MOT  277 

Motte,  dans  ses  opéras,  remarque 
cependant  qu'il  est  toujours  fort  loin 
de  la  facilite  graiieuse  et  de  la  mélo- 
die enchanteiesse  de  Qninault.  «  Un 
»  des  défauts  habituels  de  cet  écri- 
»  vain  ,  même  dans  ses  opéras  ,  dit- 
»  il,  c'est  la  gêne  fies  constructions  ; 
»  et  le  prosa'isme  et  la  dureté  s'y 
»  joignent  encore  trop  souvent.  Il 
»  s'en  faut  bien  que  sa  pensée  parais- 
»  se,  comme  dans  tout  auteur  népoè- 
»  te,  s'arranger  d'elle-même  dans  sa 
»  phrase  métrique.  Le  plus  souvent 
»  il  a  l'air  d'avoir  pensé  en  prose,  et 
»  traduit  sa  [lensée  en  vers.  »  La 
Motte  commença  de  bonne  lieure  à 
travailler  pour  le  Théàtic-Français  : 
après  avoir  débuté  par  le  ballet  de 
Y  Europe  galante  ,  il  composa  en 
commun  avec  Boindin,  une  comé- 
die intitulée  les  Trois  gascons.  Boin- 
din et  lui ,  donnèrent  ensuite  sépa- 
rément deux  petites  pièces  :  celle  de 
La  Motte  était  intitulée  la  Mal  one 
d'Ephèse;  celle  de  Boindin  ,  ie  .  al 
d'Auteuil.  Enfin,  ils  se  réunirent  de 
nouveau  pour  composer  le  Port  de 
mer,  qui  fut  joué  en  1704.  (  i  )  Mais 
leur  liaison  ne  dura  pas  long-temps  ; 
et  depuis ,  Boindin  a  indignement  ca- 
lomnié celui  dont  il  n'avait  eu  qu'à 
se  louer,  comme  collaborateur  et 
comme  ;tmi.  La  Motte  donna  encore 
le  Talisman  ,  Richard  Minutolo  , 
le  Calendrier  des  vieillards  ,  trois 
autres  comédies  en  un  acte  ,  en  pro- 
se, qui  ne  firent  que  paraître,  et  qui 
n'eurent  qu'un  succès  médiocre.  Mais 
le  Magnifique ,  comédie  eu  deux  ac- 
tes, est  restée  au  théâtre.  Ij  Amant 
difficile,  comédie  en  cinq  actes,  don- 
née aux  It  diens ,  offre  une  intrigue 
intéressante  :  le  dialogue  en  est  spi- 


^i)  VoT'i  '»  V't  de  Boindin  pir  lui  miin-  OÎ^UTrcs 
de  Bolodio  ,  t  1  ,  p.  ïlll  )  pour  r«cti>'er  1rs  M'  moi- 
re» .le  Trubli't ,  p.  i!\o  ,  et  ce  cjur  l'auU  ur  de  l'Hrticie 
BoiNDlN  ,  a  dit  t  Y  ,  p.  i5  ,  de  cette  Biognphit:. 


373  MOT 

rituel  et  gaij  et  cette  pièce  depuis 
lonç;  temps  oubliée  pourrait,  suivant 
nous,  être  remise  avec  succès,  sur- 
tout si  un  habile  musicien  refaisait 
la  musique  des  inlcrmèdcs  et  des 
ballets  qui  terminent  chaque  acte.  Ce 
sujet  plaisait  tant  à  La  IMotte,  qu'il 
le  mit  depuis  en  vers;  mais  la  pièce 
n'a  jamais  ctc  jouée  de  cette  manière, 
et  a  plutôt  perdu  que  gagné  sous  sa 
nouvelle  l'arme.  La  Motte  eut  plus 
de  succès  dans  la  tragédie  ;  il  en  com- 
posa quatre,  les  Maccnabées  ,  Ro- 
mulus ,  OEdipc  et  Inè$  de  Castro. 
La  première  fut  prodigieusement 
exaltée ,  tant  que  l'auteur  se  tint  dans 
le  secret ,  et  singulièrement  déprimée 
quand  il  se  fut  fait  connaître  ;  la  se- 
conde n'eut,  de  même  ,  qu'une  fortu- 
ne éphémère;  la  troisième  tomlta  : 
la  dernière  eiît  un  succès  tel ,  qu'on 
n'en  avait  pas  vu  de  pareil  depuis  le 
Cid  ;  il  se  renouvellera  toutes  les  fois 
qu'on  trouvera  une  jeune  actrice 
qui  pourra  ,  par  son  jeu  ,  soutenir 
pendant  cinq  actes  la  situation  la 
plus  pathétique  qu'on  ait  encore  ima- 
ginée au  théâtre  (  i  ).  Mais  si  le 
plan  et  la  conduite  de  cette  tragé- 
die ont  obtenu  tous  les  suflVages  ,  le 
style  a  été  justement  critiqué.  Non- 
seulement  la  versification  en  est  fai- 
ble et  dure  ,  ïuais  les  sentiments  ne 
sont  qu'effieurés;  Fauteur  est  cons- 
tauimeut  resté  au-dessous  des  scènes 
qu'il  a  si  habilement  amenées;  les 
sentences  ne  sont  qu'indiquées  ,  et  la 
passion  s'exprime  sans  chaleur  et 
sans  force.  La  facilité  de  La  Motte, 
et  les  succès  qu'il  obtenait  au  théâ- 
tre ,  lui  faisaient  illusion  sur  la  na- 
ture de  son  génie ,  qu'd  croyait  pro- 
pre à  tout.  Il  s'essaya  dans  tous  les 


^i )  Nons  avons  vu  ime  jeime  actrice,  31^'''.  Des^ar- 
C»us  ,  faire  \erser  des  lanups  tiaus  c*'  rôle  d'Inès,  dès 
Ifspruu  icrcs  tènps^et  <»i;ltt>r ,  dans  tout  le  couis^e 
la  pièce ,  b.Mis  jniuais  lasser  ,  la  scosibililé  des  spci.L<f 


MOT 

genres  de  composition.  II  composa 
(les  Odes  ^  dont  quelques-ifties,  pu- 
bliées séparément,  lui  attirèrent  des 
louanges;  mais  lorsqu'il  en  forma  un 
recueil  ,  on  trouva  qu'elles  abon- 
daient en  pensées  justes  ,  morales  , 
et  souvent  ijigénieuses  et  fines  ,  et 
)nème  quehpici'ois  profondes,  mais 
qu'elles  étaient  dépourvues  de  poésie 
et  d'imagination  :  la  froideur  de  sa 
composition  y  est  d'autant  plus  sen- 
sible, qu'elles  sont  remplies  des  for- 
mules usées  d'un  enthousiasme  fac- 
tice. Ces  critiques  ne  frappent  point 
sur  ses  Odes  nnacréontiques ,  qui 
sont  écrites  avec  grâce  et  facilité,  et 
dont  les  idées  sont  ingénieuses.  Mais 
de  toutes  les  tentatives  de  La  Motte, 
Sans  contredit  la  plu>.])résoniptueuse 
et  la  plus  bizai  re ,  ce  fut  celle  de  tra- 
duire l'Iliade  sans  savoir  un  mot  de 
grec  ,  et  d'abréger  ce  poème  dans  le 
dessein  de  l'améliorer.  D'un  corps 
brillant  de  tout  l'éclat  de  la  jeunesse 
et  de  la  santé,  il  fit,  dit  Voltaire,  \m 
sqvielelte  décharné.  Cet  abrégé  rime 
eiit  été  plus  promptement  oublié 
encore  que  ses  Odes  (  qui  olFrent  du 
moins  quelquefois  de  très -belles 
strophes  ) ,  s'il  n'avait  fait  précéder 
celte  Iliade  d'mi  discours  écrit  avec 
beaucoup  d'esprit ,  d'adresse  et  d'é- 
légance, dans  lequel  il  prétendit 
prouver  que  l'adrai ration  pour  les 
anciens,  et  surtout  pour  Homère,  est 
un  préjugé  des  modernes,  et  où  il 
relève  et  exagère  beaucoup  les  dé  • 
fauts  du  prince  des  poètes.  Ma- 
dame Bacier  r«uta  ce  discours  par 
son  Traité  des  causes  de  la  corrup- 
tion dngoiit.  Elle  avait  raison  pour 
le  fond,  mais  toujours  tort  parla 
forme  ;  et  elle  mit  dans  sa  réponse 
autant  de  pédantisme  que  d'âereté. 
La  ]Motte  répliqua  avec  i>olitessc  et 
modéialion,  par  ses  PejU'xio7i\  sj/r 
litciilique.  Cet  qcrit  est  excellcut  ; 


1 


MOT 

cm  en  peut  dire  autant  de  ses  Discours 
sur  Vode,  sur  la  trui^édic  ,  sur  IV» 
fflogue  ,  sur  la  fable,  aux  paradoxes 
près.  Kn  fjcufiral ,  le  style  de  La 
Moite  ,  on  prose,  pont  cire  ))rosen- 
té  cotnine  un  modèle  ;  sa  dicliou 
est  copslamnieiit  élep;ante  et  pure  , 
pleine  de  doui  our  et  d'harmonie;  il  a 
un  grand  nombre  de  pensées  neuves, 
de  réflexions  judieieuses  ,  (lues  et 
instructives  ,  exprimées  d'une  ma- 
nière brillante  ;  son  coloris  est  vif  , 
son  ton  varié  ;  il  disente  avec  clar- 
té ,  avec  méthode  et  de  bonne-loi , 
mais  avec  trop  de  subtilité  :  il  est 
facile  de  sentir  quand  il  a  tort ,  mais 
dilTicile  de  le  réfuter  ;  car  il  donne 
prise  par  ce  qu'il  omet  de  dire  plu- 
tôt que  parce  qu'il  dit.  Comment  dé- 
montrer ce  qui  est  sublime  ou  tou- 
chant, à  celui  qui  reste  froid  en  pré- 
.sence  des  plus  belles  créations  du 
génie  .^  Les  Béjlexions  sur  la  critique 
firent  beaucoup  de  bruit  parmi  les 
gens  de  lettres,  etoccasionnèrent  plu- 
.sieurs  écrits  pour  et  contre.  La  dis- 
pute s'échauffa  tellement ,  qu'on  en 
joua  les  auteurs  sur  plusieurs  théâtres 
de  Paiis.  \alincourt  rapprocha  en- 
fin les  partis  ennemis  ;  il  leur  fit  si- 
gner la  paix.  Fénélon,  que  La  Motte 
avait  pris  pour  juge  dans  cette  dis- 
pute ,  et  dont  il  a  publié  les  lettres, 
se  montra  l'interprète  du  go4t  et  de 
la  raison  ,  comme  il  le  fut ,  en  tant 
d'occasions, de  la  vertu  et  de  la  reli- 
gion. «  Je  crois,  disait-il,  que  les 
bommes  de  tous  les  siècles  ont  eu  à- 
pcu-près  le  même  fonds  d'esprit  et 
les  mêmes  talents  ;  niais  je  pense  que 
les  Siciliens,  par  exemple ,  sont 
plus  propres  à  être  poètes  que  les 
Lapons.  De  plus,  il  y  a  eu  des  pays 
où  les  mœurs  ,  la  forme  du  gouver- 
nement ,  et  les  études ,  ont  été  plus 
convenables  que  celles  des  autres  pays 
pour  faciliter  les  progrès  de  la  poé- 


MOT 


279 


sic  ;  par  exemple  ,  les  raœnrs  des 
Grecs  formaient  bien  mieux  des 
poètes  que  celles  des  Cimlires  et  des 
Tentons.  L«s  anciens  ont  évité  re- 
cueil du  bel  esprit,  oîi  les  Italiens  mo- 
dernes sont  tombés  ,  eldont  la  con- 
tagion s'est  fait  un  peu  sentir  à  plu- 
sieurs de  nos  écrivains  ,  d'ailleurs 
très-distingués.  Ceux  d'entre  les  an- 
ciens qui  ont  excellé,  ont  peint  avec 
force  et  grâce  la  simple  nature.  Ils 
ont  gardé  les  caractères  ;  ils  ont  at- 
trapé l'harmonie;  ils  ont  su  employer 
à  propos  le  sentiment  et  la  passion. 
C'est  un  mérite  bien  original.  Ma 
conclusion  est  qu'on  ne  peut  trop 
louer  les  modernes  qui  font  de  grand» 
elïorts  pour  surpasser  les  ancieus. 
Une  si  noble  émulation  promet  beau- 
coup :  elle  me  paraîtrait  dangereuse, 
si  elle  allait  jusqu'à  mépriser  et  à 
cesser  d'étudier  ces  grands  origi- 
naux. »  Au  reste,  il  était  plus  facile  à 
La  Motte  de  défendre  son  discours  que 
son  poème  ,  dont  on  ne  se  ressou- 
viendrait plus  aujourd'hui  sans  l'é- 
pigramme  de  J.-B.  Rousseau  ,  qui  en 
a  fait  justice,  et  qui  a  vengé  Homère: 

L»  tradncteur  qui  rima  l'Iliade, 

Dp  ilonxe  cbanLs  prélciidit  l'nlircïïer  ; 

Biais,  par  sou  style  aussi  Iribte  que  fade, 

Df  douze  eu  vus  il  a  su  l'alouj^er. 

Or  le  leclem-,  qui  se  seof  affli^jev  , 

Le  douuF  au  diabîe ,  et  dit  pci  danl  haleine  : 

«  Elt!  finissez,  rinieur  a  la  douzaine; 

»  Vos  alireges  sont  longs  au  derniet*  poiut.  » 

Ami  lecteur,  vous  voilà  bien  en  peine: 

Keiidous-U's  coulis  vu  ne  les  lisaut  |>uiu(. 

La  Motte  a  été  plus  heureux  dans 
Véglo^rite  et  dans  la  fable  que  dans 
le  po^ne  soutenu:  le  style  noble  et 
élevé  était  celui  qui  convenait  le 
moins  à  son  génie  soiple  ,  varié,  in- 
génieux et  brillant ,  mais  peu  vigou- 
reux et  peu  profond.  Il  a  composé 
envir»iit  vingt  eiï/ogj/ei\et  l'on  V  trou- 
ve plus  de  naturel ,  que  dans  cellos  de 
Fouteuelle  ;  elles  ont  le  ton  du  genre: 
il  y  a  de  la  délicatesse  et  du  sentiment, 


a8o 


MOT 


mais  pas  assez  de  poésie  et  d'imagi- 
nation; au  reste,  ce  sont  peut-être 
encore  les  meilleures  que  uous 
avons  dans  notre  iauj;;ue;  la  qua- 
trième est  excellente.  Les  Fables  de 
J^a  Motte  eurent,  ainsi  que  ses  Odes, 
un  succès  étonnant,  lorsque  l'auteur 
les  récitait  aux.  séances  publiques  de 
l'acadèraie.  La  Motte  fut  en  cfTct 
un  des  meilleurs  lecteurs  de  sou 
temps  :  c'était  par  ce  talent  trom- 
peur, qu'il  séduisait  le  public,  ses 
propres  confrères,  et  peut-être  lui- 
même,  en  déguisant  la  faiblesse  de 
ses  vers  par  le  prestige  de  son  débit. 
Cependant,  devenu  aveugle  dès  l'âge 
de  quarante  ans,  et  perclus  de  ses 
membres,  il  n'avait  pas  même  l'a- 
vantage du  regard  et  du  geste,  qui 
animent  si  puissamment  la  parole  , 
ni  aiêrae  les  ressources  d'un  organe 
flatteur  :  sa  voix  n'avait  rien  d'a- 
gréable, mais  elle  parlait  à  l'anie; 
elle  ne  négligeait  aucun  détail;  elle 
saA^ait  adoucir  avec  une  adresse  mer- 
A'eilleuse  la  dureté  d'uu  vers,  que,  par 
paresse,  il  refusait  de  changer.  L'art 
de  faire  valoir  ses  ouvrages  a  été 
cause  que  La  Motte  a  négligé  l'art 
plus  important  de  les  corriger.  Ce- 
pendant on  lit  encore  ses  fables 
avec  plaisir  ;  presque  toutes  sont  de 
son  invention  et  un  grand  nombre 
sont  d'une  invention  ,  très-heureuse  : 
mais  son  style  est  souvent  recher- 
ché ,  précieux ,  et  il  manque  de 
poésie  et  de  naturel.  Par  une  bizar- 
rerie sing'.lière,  La  Motte,  si  l'on 
excepte  quelques  discours  acadé- 
miques et  un  éloge  funèbre  de 
Louis  XIV,  n'a  jamais  écrit  en  prose 
que  pour  faire  valoir  ou  pour  dé- 
fendre ses  ouvrages  eu  vers  :  et 
cependant ,  il  a  fini  par  décrier 
la  poésie;  et  il  prétendit,  à  la  fin  de 
sa  carrière,  que  tous  les  genres  d'é- 
crire traites  jusqu'alors  ea  vers^  et 


MOT 

même  la  tragédie,  pouvaient  l'être 
heureusement  en  prose;  il  soutint 
même  que  la  poésie  avait  un  A'ice 
essentiel  qui  devait  la  faire  réprou- 
ver, ou  du  moins  priser  fort  peu 
par  les  gens  sensés:  c'était  de  gêner, 
j)ar  la  mesure  et  parla  rime  la  j>eD- 
sée  et  la  raison  ;  en  sorte  que  celui 
qui  écrivait  eu  vers  ne  disait  jamais 
tout  ce  qu'il  pouvait  ou  devait  dire. 
Pour  prouver  ce  (ju'il  avançait,  il 
mit  en  prose  une  scène  de  Racine  ; 
il  écrivit  une  ode  en  prose,  puis  une 
tragédie  d'OEdipe  en  vers  et  une 
autre  en  prose.  Cependant  Vol- 
taire avait  déjà  fait  son  OEdipe;  et 
La  Motte,  dans  l'approbation  qu'il 
donna  comme  censeur  pour  l'impres- 
sion de  cette  pièce,  dit  qu'elle  an- 
nouçciit  un  siccesseurà  Corneille  et 
à  liacine.  Comment  pouvait  il  allier 
un  jugement  si  sûr  et  si  prophétique 
avec  des  idées  aussi  fausses  sur  la 
poésie?  Quoi  qu'il  en  soit,  La  Fayc 
fit  une  ode  en  vers  pour  défendre  1* 
poésie,  et  combattre  le  sentiment  de 
La  Motte;  et  La  Motte  la  mit  en 
prose,  pour  mieux  prouver  ce  qu'il 
avait  avancé  dans  la  préface  de  sa 
tragédie  d'OEdipe.  Voltaire  crut 
aussi  devoir  réfuter  les  étianges  pa- 
radoxes d'un  homme  dont  la  renom- 
mée et  l'influence  étaient  grandes 
alors  dans  le  monde  littéraire  ;  il 
défendit  non-seulement  la  poésie , 
mais  la  règle  des  trois  unités,  que  La 
Motte  voulait  proscrire  :  celui-ci  ré- 
pondit avec  beaucoup  de  politesse, 
d'esprit  et  de  raison.  Depuis,  La- 
harpe  a  envisagé  la  chose  sous  un 
point  de  vue  plus  sérieux.  Il  a  vu, 
dans  les  querelles  élevées  par  La 
Motte,  Fouteuelie  et  autres,  sur  les 
anciens  et  la  poésie,  une  conspiration 
qui  attaquait  les  mœurs  publiques, 
et  le  dessein  prémédité  de  secoua 
à-la-fois  le  poids  de  la  mnrale  ci 


I\IOT 

iJe  l'admiration  (  c'est  ainsi  qu'il 
.s'exprime  ).  Presque  tous  ceux  qui 
ont  éprouve  q-.ielqucs  remords  d'a- 
voir coopcié  aux  oonimeiicemciits 
d'une  révolution  qui  a  en  des  sui- 
tes si  funestes,  se  montrent  in^^e- 
Jiieux  à  trouver  des  causes  éloignées 
à  nos  malheurs  :  ils  ont  voulu  Tai- 
re eonsidércr  les  sottises  et  les  cri- 
mes de  la  génération  actuelle  eoninie 
une  conséquence  inévilaliledcs  fautes 
et  des  erreurs  des  générations  qui 
l'avaient  précédée.  Cela  se  conçoit  et 
s'explique  facilement.  Mais  il  fallait 
que  La  Harpe  lût  bien  aveuglé  par 
su  cliimcre,  pour  donner  cette  im- 
portance aux  innocents  paradoxes 
de  La  Motte,  et  pour  supposer  de 
telles  dispositions  et  un  ])areil  des- 
sein au  plus  modéré  et  au  plus  sage 
detous  les  écrivains  qui  aient  honoré 
la  littérature  française.  Vollaiij|»par- 
cc  qu'il  <léfendit  toujours  la  cause 
•Je  'a  poésie  et  du  bon  goût ,  doit- 
il  être  compté  au  nombre  des  sou- 
tiens de  la  morale  publique  et  de  la 
leligion?  La  Motte,  harcelé  conti- 
nuellement par  des  épigiarames,  des 
satires  ou  des  réfutations  injurieuses, 
n'a  jamais  imprimé  un  seul  sarcas- 
me, une  seule  ligne,  contre  aucun  de 
(.eux  qui  l'attaquèrent.  Il  était  d'une 
douceur  rnaltérubie.  «  Presque  tout 
)>  le  monde  (dit-ii  avec  véiilé  dans 
»  les  lléflexiom  sur  la  critique  ),  ou 
«  par  amitié  ou  sous  ])rétexte  d'a- 
»  raitié  ,  est  en  possession  de  me 
«  dire  les  choses  les  plus  dures  pour 
«  l'amour-propre.  Tout  devient  Ma- 
»  dameDacier  pour  moi.  »  Un  jeune 
homme  à  qui  par  mégardeil  marcha 
sur  le  pied  dans  une  foule ,  lui  ayant 
donné  un  soufflet:  Monsieur,  dil-;l, 
vous  allez  être  bien  fdché I  je  ,suis 
aveugle.  La  Motteétaittrès-religieux; 
d  a  composé  un  grand  nombre  de 
cantates   sur  des  sujets    sacrés,   et 


!M;)T 


■jthi 


traduit  envers  plusieurs  psaumes j 
on  trouve  dans  ses  ceuvres  un  petit 
écrit  excellent  à  tous  égards,  intitule: 
Flan  de  preuves  de  la  relif^ioti.  Il 
était  très  en  état  de  remplir  ce  plan, 
et  fort  versé  dans  les  malièro  reli- 
gieuses; discij)le  des  jésuites,  il  était 
opposé  aux  jansénistes.  Il  avait  une 
sœur  religieuse  au  couvent  des  An- 
nonciades  de  Melun  ,  qui  pensait 
dilFéremment  :  il  chercha  plusieurs 
fois  dans  des  lettres  laisonnées  (  dont 
on  avait  dans  le  temps  tiré  des  co- 
pies), à  la  faire  rcAcnir  de  ce  qu'il 
croyait  être  ses  erreurs;  mais,  comme 
on  le  pensebien,  il  ne  put  y  parvenir. 
Cette  différence  de  sentiment  entre 
le  frère  et  la  sœur  n'altéra  point  un 
seul  inslant  l'amitié  qui  les  unissait. 
La  Motte  se  faisait  chérir  et  estimer 
même  de  ses  antagouisfes,  par  un 
caractère  plein  de  bonté,  de  dou- 
ceur et  de  droiture.  Aussi,  lorsque, 
vingt  ans  après  sa  mort,  le  factiua 
posthume  de  Boindin  sur  les  fameux 
couplets  qui  firent  exiler  J,  B.  Rous- 
seau, le  déclara  un  des  auteurs  qui 
l^s  avaient  composés,  le  souvenir  de 
sa  vertu  défendit  sa  mémoire  contre 
celte  calomnieuse  accusation,  avant 
même  que  Voltaire  eût  ]noduit,  (^ans 
son  Siècle  de  Louis  X£Fj  les  rai- 
sons ])éremploires  qui  la  réfutent. 
Les  cdcs  anacréoiitiqucs  de  La  Mot- 
te ,  et  qsielqi-.es  chansons  un  peu 
libres, ne  doivent  rien  faire  préjuger 
contre  ses  mœurs,  qui  ont  toujours 
été  très  pures.  Ou  sava't  (  et  tous  ses 
contemporains  lui  ont  rendu  cette 
justice),  que  ces  compositions  n'é- 
taient pour  lui  qu'un  pur  jeu  d'esprit. 
C'est  ainsi  qu'on  doit  juger  aussi  de 
ses  'ettres  à  la  duchesse  du  Maine , 
Louise-  Bénédicte  de  Bourbon  (  i  ) , 

(ilOans  cfttr  ccri  tspon  Jancc ,  ces  abrevialious 
j  «.  g»«»  jj  B'"  do-uisrnt  le  Dom  Je  'a  diichtsse  du 
M.<i'  (' ,  Louis:;-bcae^icte  rie  Buui'bou ,  )>clitc-lillu  du 
giwid  Coude. 


.8* 


1\I0T 


incliscrctcment  publiées  par  l'ahbe 
licblanc.  Pour  n'être  pns  trop  étonne' 
que  La  Moite,  avec  la  sévérité  de 
s^'S  principes  ,  et  la  réserve  qu'il 
mettait  dans  toiUes  ses  actions,  osât 
adresser  à  une  princesse  du  sanc; 
des  vers  tels  que  ceux,  qui  commen- 
cent par  ces  mots  : 

D«  ma  dernière  nuitcrnutcz  rnvPiiliire  , 

Je  vons  la  recdmi  Irait  pour  Irait (i'». 

il  faut  se  rappeler  qu'alors  noii-scii- 
îemcntiî  était  avcu[:;!c ,  accablé  d'in- 
firmités douloureuses  ,  suites  de  la 
goûte  qu'il  avait  eue  de  bonue  heure, 
mais  que  cette  princesse,  qui  se  plai- 
sait àcesbadinages  spirituels,  cxic^eait 
qu'il  lui  écrivît  sur  ce  Ion  :  alors  il  ne 
pouvait  faire  un  pas  seul,  ni  même 
se  tenir  debout;  il  ne  vivait  que  de 
pain ,  de  légumes  et  de  lait  :  un  état 
aussi  misérailb  n'altéra  point  sa 
douceur  ni  sa  gaîlé  naturelle.  Il  ne 
se  maria  point;  et  un  neveu  nommé 
Lelebvre  lui  servit  de  secrétaire 
pendant  les  vingt-quatre  dernières 
années  de  sa  vie.  Il  en  sentit  appro- 
cher la  fin  avec  une  résignation 
toute  chrétienne,  et  mourut,  le  '2.Q 
décembre  1731,  d'une  fluxion  de 
poitrine,  à  l'âge  de  cinquante-neuf 
eus.  Peu  ûc  jours  auparavant,  il 
avait  livré  à  sou  curé  une  pièce  de 
tlic'àtre  commencée.  Ce  ne  fut  cepen- 
dant pas  sans  quelques  regrets  ;  car 
il  dit  à  son  neveu  :  «  Admirez  la 
différence  des  paroisses  ;  le  curé  de 
Saint  -  André  veut  brûler  ma  pièce  , 
et  le  curé  de  Saint-Sulpice  me  l'au- 
rait deiuandée  pour  la  faire  jouer 
i\i  profit  de  sa  petite  communauié.» 
On  a  sous'ent  comparé  Fontenelle  à 
La  Motte  ;  et  en  effet  ces  deux  hom- 
mes ,  qui  furent  liés  de  la  plus  étroite 


(1)   Voyez  les  tellra  de  Dlati.tieur  de  T.a  Noite  , 
^P-'K servir  Je  sin/tUmn'.l  à  ies  œiuref ,  j>.  lOj. 


MOT 

amitié,  eurent  dans  leurs  talents,'dans 
leurs  opinions  et  leurs  caractères  , 
inic  si  surprenante  analogie  ,  que 
leurs  noms  semblent  inséparables. 
Tous  deux,  peu  sensibles  à  la  man>ie 
de  la  Tcrsiftcation  ,  firent  des  vers  ; 
mais  La  IMotte,  en  plus  grand  nom- 
bre et  avec  plus  de  bonheur  et  de  ta- 
lent ({lie  Fontenelle.  Tous  deux  sou- 
tinrent les  mêmes  paradoxes  sur  les 
anciens  et  la  poésie  ;  tous  deux  com- 
posèrent des  églogucs  ,  des  opéras  , 
et  des  tragédies  en  pfose  ;  tous  deux 
écrivirent  en  prose  avec  une  élégante 
clarté,  et  leur  stvle  abonde  en  pen- 
sées fines  et  ingénieuses  :  celui  de  La 
Motte  a  plus  de  naturel  et  de  fran- 
chise ,  et  peut  davantage  être  propo- 
sé comme  modèle.  Fontenelle  eut 
un  esprit  plus  vaste,  plus  étendu  , 
des  connaissances  plus  variées ,  et 
trai^Jjdes  sujets  plus  intéressants  et 
plus  instructifs.  «  Mais,  disait  ce 
»  dernier,  il  n'a  manqué  à  La  Motte  ' 
»  pour  être  plus  riche  que  nous  ,  que 
»  lies  yeux  et  de  l'étude,  d  Tous  les 
deux  portaient  au  plus  haut  degré, 
le  talent  de  plaire  en  société;  et ,  gui- 
dés par  les  mêmes  motifs  ,  leur  con- 
duite était  pareille,  et  ne  différait 
que  par  les  nuances  qui  distinguaient 
le  caractère  de  l'un  et  de  l'autre. 
La  familiarité  de  La  Motte  avec  les 
grands ,  était  plus  réservée ,  plus  res- 
pectueuse; celle  de  Fontenelle  ,  plus 
aisée  et  plus  libre,  mais  cependant 
aussi  circonspecte.  Fontenelle,  tou- 
jours peu  pressé  de  parler  ,  même 
avec  ses  pareils ,  se  contentait  d'é- 
couter ceux  qui  n'étaient  pas  dignes 
de  l'entendre  ;  La  Motte  ,  plus  com- 
plaisant encore,  s'appliquait  à  cher- 
cher dans  les  hommes  les  plus  dé- 
pourvus d'esprit ,  le  côté  favorable  : 
ils  sortaient  contents  de  Fontenelle  j 
ils  étaient  enchantés  de  La  Motte, 
Les  OEuvres  de  cet  auteur  ;,  qui  eut 


]\10T 

t«rop  (le  rcpulation  dans  son  temps  , 
et  qui  n'en  a  pas  assez  conserve  de 
nos  jours,  onlcle  rccnri!lics,en  1754, 
10  vol.  in-i'.i ,  y  coinpris  le  volume 
de  supplenioiil,  qui  contient  ses  let- 
tres à  la  duchesse  du  Maine  ,  et  quel- 
ques autres  pièces.  Le  lomc  i""''.  est 
divise  en  deux  paities.  On  a  public', 
en  Si  vol.  in-i8(  chez  MIM.  Didot  ), 
les  OEuvres  choisies  de  La  Mufle. 
L'editcnr  (  M.  Gobet)  n'a  pas  rendu , 
suivant  nous ,  une  pleine  justice  à  cet 
écrivain  ,  en  n'admettant  dans  son 
e'dition ,  de  tous  ses  ouvrages  en  pro- 
se ,  que  l'éloge  de  Louis  Ic-Grand ,  et 
une  petite  portion  des  Bejlexions  sur 
la  critique.  Il  nous  semble  qu'on  au- 
rait dû  réimprimer  ses  discours  sur 
la  tragédie  ,  l'églo^ue  ,  la  fable  , 
l'ode  ,  etc. ,  elc,  :  de  courtes  notes 
auraient  suffi  pour  prémunir  la  jeu- 
nesse contre  ses  paradoxes  ,  qui  d'ail- 
leurs ,  toujours  ingénieux  ,  présen- 
tent, sous  certains  rapports  ,  des  vé- 
rités qui  peuvent  être  utiles.  Si  un 
goût  trop  sévère  avait  proscrit  ces 
excellents  morceaux,  qui  suffiraient 
à  la  réputation  d'un  des  auteurs  de 
nos  jours,  il  fallait  extraire  de  tous 
les  ouvrages  de  La  Motte,  ces  pen- 
sées justes  ,  brillantes  ,  spirituelles  , 
qu'il  a  toujours  su  rendre  en  prose 
avec  élégance  ,  et  qu'il  a  riraées  quel- 
quefois assez  heureusement.  Enfin,  si 
ce  n'était  pour  la  gloire  de  l'auteur  , 
au  moins  pour  le  plaisir  et  l'amuse- 
ment des  lecteurs ,  on  n'aurait  pas  dû 
oublier  d'insérer  dans  im  tel  recueil , 
sa  petite  nouvelle  orientale,  intitulée  : 
Scdncdet  Garaldi.  W — n. 

MOTTE  (  GVILLAUME  Mauquest 
DE  LA  ),  chirurgien,  né  à  Valogne, 
le  '}.']  juillet  i655  ,  y  mourut  à  pa- 
reil jour  en  1737.  11  vint  faire  ses 
cours  à  Paris  ,  où  il  suivit,  pendant 
plusieurs  années  ,  la  pra!i([ue  de  l'hô- 
ieVdieu.  C'est  dans  cet  hènifal  qu'il 


MOT 


283 


s'adonna  ]>arliculièrcmentà  l'excrci- 
cedes  accouchements.  De  retour  dans 
sa  ville  natale,  il  y  acquit  bientôt, 
ainsi  que  dans  toute  la  basse  Nor- 
mandie, une  haute  renommée,  jus- 
tifiée par  une  grande  habileté  ,  com- 
me opérateur  et  comme  accoucheur. 
Maiscesont  ses  ouvrages,  entre  autres 
son  Traité  des  accouchements,  qui 
ont  transmis  son  nom  à  la  postéri- 
té. Les  écrits  de  La  Motte  attestent 
un  vrai  savoir  ,  un  goût  dominant 
pour  l'observation  ,  et  une  grande 
sagacité    dans    cette   partie    de    la 
science.  Il  recueillit  dans  sa  pratique 
fort  étendue,  une  foule  de  faits  ins- 
tructifs, tant  sur  les  maladies  chirur- 
gicales que  sur  les  accouchements. 
C'est  surtout  cette  dernière  partie 
de  l'art  qu'il  a  réellement  enrichie 
par   de   nombreuses   observations  , 
auxquelles  il  a  joint  des  réflexions 
fort  judicieuses  et  propres  à  éclairer 
les  jeunes  praticiens.  La  Motte  fut 
moins  savant  en  théorie  et  en  érudi- 
tion j  c'est  le  coîé  faible  de  ses  ou- 
vrages. Mais  les  excellents  préceptes 
qu'ils  renferment ,  les  histoires  cu- 
rieuses de  maladies  chirurgicales,  et 
l'exposition  de  quatre  cents  cas  ex- 
traordinaires d'accouchement,  ont 
donné  ime  grande  vogue  à  tous  ses 
écrits  ,  qui  ont  eu  beaucoup  d'édi- 
tions ,  et  qui  ont  été  traduits  en  di- 
verses langues.  Nous  avons  de  lui  .- 
L    Traité  complet   des  accfuche- 
ments  naturels ,  non-naturels  et  con- 
tre nature ,  in-4'*. ,  Paris,  1715.  De- 
vaux  donna,  en  1722,  nue  nouvelle 
édition  de  ce  Traité,  enrichie  de  ré- 
flexions et  d'observations.  Celte  édi- 
tion a  servi  de  type  à  toutes  celles  qui 
ont  été  faites  depuis,  ainsi   qu'aux 
traductions.  La  Moite  a  beaucoup 
critiqué,  dans  cet  ouvrage,  les  accou- 
cheurs qui  l'avaient  précédé.  Il  le  fait 
souvent  d'une-  manière  lumineuse; 


284  MOT 

mais  on  peut  lui  reprocher  de  par- 
ler des  autres  avec  peu  de  inéuage- 
meut,  et  de  se  louer  eu  toute  oc- 
casion avec  trop  de  complaisance. 
C'est  à  ce  sujet  que  Hallcr  a  dit 
de  lui  :  Laudes  suas  non  ncf^ligit , 
non  periudè  jdmœ  collègue um  slu- 
diosus.  II.  Dissertation  sur  la  gé- 
nération ,  sur  la  superfétation,  etc., 
in- 12,  Paris,  171  S.  Ce  livre  est 
une  f^pèce  de  coiitroverse  où  La 
Motte  réfute  les  opiuiuns  des  divers 
auteurs  contemporains  sur  ^a  ge;  é- 
ralion,  sur  l'exclusion  des  hommes 
de  l'exercice  des  accouchements,  sur 
l'alaitcmeut  des  cnfanis  par  icur  mè- 
re ,  etc.  Au  sujet  de  la  génération , 
ii  combat  le  système  des  ovaires»  et 
des  animalcules  ;  mais  il  soutient  une 
théorie  purement  hypothétique  ,  en 
établissant  que  l'animal  résulte  delà 
semence  des  deux  sexes.  11  nie  la  pos- 
sibilité de  la  superfétation,  si  bien 
démontrée  de  nos  jours.  Il  s'attache 
à  combattre  l'opinion  de  ceux  qui 
trouvaient  qu'il  y  a  de  l'indécence 
aux  hommes  d'accoucher  les  femmes 
(  P^.  Hecquet);  il  leur  oppose  l'i- 
gnorance grossière  des  sages-femmes 
de  son  temps  et  des  temps  précé- 
dents. Ses  idées  sur  l'alaitcmeut  des 
enfants  sont  très  -  médicales.  III. 
2'raité  cojnplet  de  chirurgie  ,  con- 
tenant des  observations  sur  toutes 
les  maladies  chirurgicales  et  sur 
la  manière  de  les  traiter,  3  vol., 
in-  12,  Paris,  1722.  C'est  Devaux 
qui  publia  cette  édition  :  il  s'en  fit  par 
la  suite  plusieurs  autres  ;  on  ne  lit 
plus  que  celle  de  Sabathier ,  2  toI. 
iu-8°. ,  Paris  ,  i''7i.  Ce  grand  chi- 
rurgien l'a  revue  ,  corrigée  ,  et  enri- 
chie de  notes  critiques  très-savantes. 
F— R. 
MOTTE  (François  la),  pre- 
mier violon  de  la  chapelle  impé- 
riale de  Vienne,  naquit  dans  cette 


MOT 

ville  en  1731.  A  douzeans,  il  s'élait 
déjà  fait  une  sorte  de  réputation  ^ 
il  jouait  des  morceaux  entiers  sans 
changer  de  corde,  et  exécutait  de 
longs  passages  tout  en  staccato.  Il 
vint  à  Paris  en  177O,  et  se  fit  en- 
tendre avec  beaucoup  de  succès  au 
Concert  spiriliu-l.  De  là  il  passa  en 
Angleterre  ;  mais  ayant  fait  des  det- 
tes à  Londres  ,  il  y  fut  arrêté  à  la 
requête  de  ses  créanciers.  Les  pri- 
sons ayant  été  enfoncées  dans  la  fa- 
meuse insurrection  excitée  en  1780 
par  lord  Gordon  ,  La  Motte  se  revit 
en  liberté  :  il  en  profita  pour  se  réfu- 
gier en  Hollande,  où  il  mourut,  en 
1781,  n'ayant  encore  que  trente  ans. 
Ses  œuvres  gravées  consistent  en 
ti  ois  Concerto,  sw  Solo,  et  des  y^irs 
variés  pour  le  A'iolon.     S — v — s. 

MOTTE  (  L.-Fr.  Gabriel  d'Or- 
léans DE  LA  )  P^.  DoRLEANS. 

MOTTE  (Jeanne  de  Lrz,  de 
Saikt-Piemy,  D£  Valois  ,  comtesse 
DE  la),  née  le  22  juillet  175G,  à 
Fontetle  en  Champagne ,  sohs  le 
chaume  et  dans  l'indigence,  descen- 
dait de  la  maison  royale  de  Valois, 
par  Henri  de  Saint-Remi,  fils  natu- 
rel, que  le  roi  Henri  II  avait  eu  de 
Isicole  de  Savigni.  En  1776,  sa 
généalogie ,  appuyée  des  titres  les 
]i!us  authentiques,  étant  certifiée  par 
d  Hozier  de  Serigni,  juge -d'armes 
de  la  noblesse  de  France,  le  duc  de 
Céreste-Braucas  se  chargea  de  pré- 
senter à  la  reine  Marie- Antoinette  , 
et  à  M.  deMaurepas ,  un  mémoire  eu 
faveur  de  la  demoiselle  de  Valois  , 
de  son  frère  aîné,  et  d'une  jeune 
sœur.  La  marquise  de  Boulainvil- 
lic'is,  femme  du  prévôt  de  Paris, 
avait  trouvé,  dans  le  viPage  de  Bou- 
logne, les  deux  premiers  de  ces  en- 
fants, demandant  l'aumône,  et  les 
avait  fait  élever  à  ses  frais.  Cette  da- 
me se  chargea  aussi.,  par  charité  ,.d,e 


MOT 

la  sœur  puînée  ,  qui  était  venue  ])Ins 
tard  de  Fontette  ,  où  ses  parents  l'a- 
vaient abandonnée.  Le  9  dc'cenibre  , 
trois  brevets  de  pension  turent  ac- 
cordes par  le  roi ,  an  (ils  et  aux  deux 
filles  de  Jacques  de  Saint-Keini  de 
Valois  ,  mort  à  l'hôtel-dieu  de  Pa- 
ris. Le  jeune  houinie ,  ayant  com- 
mence' par  être  matelot,  devint  en- 
seigne, puis  lieutenant  de  vaisseau, 
sous  le  nom  de  baron  deSaiut-Rcmi 
de  Valois.  Il  était ,  dit-on,  aussi  mau- 
vais sujet  que  sa  sœur,  avait  moins 
d'esprit,  et  mourut  avant  elle.  En 
i-jSo  ,  M''"^.  de  Valois  devint  l'épou- 
se du  comte  de  La  Motte ,  qui  ser- 
vait dans  la  gendarmerie  de  France , 
et  qui  fut  placé,  alors,  dans  les  gar- 
des de  Monseigneur  le  comte  d'Ar- 
tois.Leurs  communes  ressources  (qui 
se  bornaient  aux  trois  pensions),  étant 
trop  faibles  pour  les  faire  subsister, 
Mni^.  de  La  Motte  i)ria  M""^.  deBou- 
lainvilliers  de  la  mener  chez  le  car- 
dinal de  Rolian,  granJ-aumônier  de 
France  ;  ce  qui  eut  lieu  an  mois  de 
septembre  1781.  La  piotectrice  des 
enfants  Valois  mourut  bientôt  après. 
Leur  mère,  à  une  époque  peu  éloi- 
gnée de  là ,  fit  un  appel  à  la  généro- 
sité du  même  prélat,  et  vint  lui  de- 
mander ses  bons  oflices  auprès  du 
roi.  M'"*=.  de  la  Motte  était  âgée  de 
vingt-cinq  ans  :  sans  avoir  l'éclat  de 
la  beauté,  elle  était  parée  des  grâces 
delà  jeimesse,  s'énonçait  facilement 
et  avec  l'air  de  la  plus  grande  bon- 
ne-foi. Ces  dehors  séduisants,  venant 
à  l'appui  de  la  naissance  et  des  mal- 
heurs d'une  descendante  des  Valois  , 

'   intéressèrent  vivement  le  cardinal. 

.  Elle  reçut  d'abord  de  lui  de  légers 
secours  ,  et  ensuite  le  conseil  de  s'a- 
dresser dirertemmit  à  la  reine  ,  dont 
il  avouait,  avec  un  profond  chagrin, 
avoir  encouru  la  disgrâce  complète. 
M""*,  de  la  Motte  .  formant  dès  lors 


MOT  283 

son  plan  pour  se  luire  entièrement 
un  e^prit  faible  et  ci  é  Iule  ,  dit  très- 
positivement  à  ce  prince ,  qu'elfe 
avait  par  (iegrés  o!);enu  la  confiance 
la  plus  absolue  de  Marie-Anlointttc, 
et  quV'lle  pouvait  ainsi  devenir  un 
intermédiaire  utile  entre  lui  et  la 
souveraine  dont  il  souhaitait  si  ar- 
demment reconquérir  le  suffrage.  La 
comtesse  de  La  Motte  découvrit  que 
la  reine  avait  refusé  aux  joaUliers  de 
la  couronne  (  Boehmeret  Bassange  ), 
l'aulorisalion  de  lui  acheter  un  su- 
perbe collier  de  diamants,  du  prix 
de  16  à  18  cent  mille  francs  :  au  bout 
de  quelque  temps  l'intrigante  vint 
dire  à  Boehmer,  que  Sa  Majesté  s'é- 
tait ravisée  ,  et  paierait  le  collier  à 
des  époques  fixes  ,  mais  qu'elle  exi- 
geait que  ce  marché  se  passât  dans 
le  plus  grand  secret.  Soit  en  même 
temps  ,  soit  quelques  jours  après  , 
M™^.  de  La  Motte  apporta  au  joail- 
lier une  prétendue  lettre  de  Marie- 
Antoinette.  Celui-ci  ne  trouvant  pas 
que  cette  assurance  écrite  fût  tout- 
à-fait  sulFisante,  M'"",  de  La  Motte 
promit  de  lui  envoyer,  comme  char- 
gé spécialement  de  traiter  mystérieu- 
sement l'afifaire,  un  des  personnages 
les  plus  considérables  de  la  cour.  Eu 
effet ,  le  cardinal ,  dont  cette  femme 
avait  fasciné  les  yeux  ,  au  point  de 
lui  persuader  que  la  reine,  soupirant 
après  la  possession  du  collier,  con- 
sentait à  lui  en  avoir,  à  lui  seul ,  l'o- 
bligation ,  comme  négociaieur ,  en 
traita  avec  Boehmer  et  Bassange  , 
moyennant  la  somme  de  seize  cent 
mille  francs.  Au  mois  d'aoîit  1  ■j84  , 
une  scène  ,  combinée  avec  la  plus 
grande  perfidie  et  d'une  impudence 
sans  égale ,  fit  croiiY  au  prélat  , 
dupe  de  M'»«.  de  Fia  Motte  et  de 
ses  complices  ,  qu'il  recevait  un 
soir,  dans  un  des  bosquets  de  Ver- 
sailles ;  un  témoignage  non  équivo- 


286 


MOT 


que  de  l'approbation  de  sa  souve- 
raine. Dès  ce  moment  il  mit  la  plus 
grande  activité  dans  ses  démarches: 
le  précieux  bijou  dont  il  était  ques- 
tion passa  entre  ses  mains  ;  et  il  le 
livra  ,  le  i*^"-.  lévrier  1783,  à  M'"'--. 
de  La  Moite  ,  sur  une  simple  autori- 
sation signée  :  Maiic-Anloineile  de 
Ji'rance.  Or,  il  est  à  remarquer  que 
la  reine  n'avait  jamais  ajouté  ces  der- 
niers mots  à  sa  signature ,  étant  née 
archiduchesse  d'Autriclie,  et  n'ap- 
partenant ,  comme  on  sait,  à  la  mai- 
son de  France  que  par  son  mariage. 
Le  cardinal  de  lîohan  pouvait-il  igno- 
rer cette  circonstance  ,  ou  l'avoir  ou- 
bliée ?  Au  surplus  ,  le  nom  de  la  se- 
conde personne  de  l'état  ne  parais- 
sait nullement  dans  le  marché  conclu 
par  le  grand  aumônier  :  celui  -  ci 
avait  acquis  le  collier  pour  son 
compte  uniquement ,  mais  en  con- 
liant  aux  joailliers  que  c'était  en 
vertu  d'un  ordre  signé  de  l'épouse 
de  Louis  XVI ,  à  laquelle  celte  ri- 
che parure  était  destinée.  Les  bil- 
lets souscrits  par  bii  étaient  paya- 
bles à  des  termes  fixes  ,  dont  le 
premier  (  de  4^0  mille  livres  tour- 
nois )  avait  son  échéance  le  10  août. 
Le  cardinal  de  tlohan  n'ayant  pas 
été  en  mesure  de  payer  à  celte  épo- 
que, Boehmer  alla  se  plaindre  à  une 
personne  de  la  maison  de  la  reine  , 
et  produisit  une  lettre  du  grand-au- 
mônier. Marie- Antoinette,  hors  d'el- 
le-même, ainsi  qu'on  peut  le  penser, 
lorsqu'elle  en  eut  connaissance,  lais- 
sa cependant  écouler  le  temps  néces- 
saire pour  rassembler  les  preuves  , 
avant  de  parler  au  roi  de  faits  aussi 
graves.  Personne  n'ignore  de  quelle 
jnanière  le  cardinal  fut  arrêté  à  Ver- 
sailles ,  le  jour  de  l'Assomption.  On 
sait  aussi  qu'il  eut  le  temps  et  la 
jn'ésence  d'esprit  de  donner  à  l'un  de 
gçs  gens  l'ordre  de  partir  pour  Paris , 


MOT 

et  de  brûler  toute  la  correspondance 
de  M""^.  de  La  Motte,  a  laquelle 
étaient  probablement  joints  Ifs  pré- 
tendus écrits  àf  la  reine.  La  justice 
atteignit,  le  18,  à  Bar-sur- Aube  , 
l'auteur  de  tant  d'iniquités  j  et  dcs- 
lors  s'ouvrit ,  pour  l'épouse  de  Louis 
XVI ,  la  carrière  des  malheurs  les 
plus  terribles  (  F.  Marie  -  Antoi- 
nette ).  La  Motte,  complice  des  cri- 
mes de  sa  femme,  et  surtout  comme 
faussaire  ,  était  déjà  passé  en  Angle- 
terre, après  avoir  mis  en  sûreté  le 
produit  de  la  vente  du  collier.  Con- 
duite à  la  Bastille ,  M'n<=.  de  La 
Motte  nia  d'abord  de  s'être  mêlée 
de  l'afl'aire  pour  laquelle  elle  était 
arrêtée  ,  et  déclara  qu'on  pouvait 
tirer,  sur  ce  sujet,  de  grandes  lu- 
mières de  Cagliostrô ,  chez  qui  elle 
avait  demeuré ,  rue  Saint-Claude  au 
IMarais.  Dans  ses  confrontations  avec 
l'infortuné  prélat  et  les  autres  accu- 
sés, elle  se  montra  le  frant  armé 
d'insolence  et  d'impudeur,  et  eut 
presque  toujours  l'injure  à  la  bou- 
che. Par  l'arrêt  que  le  parlement 
de  Paris  rendit  le  3i  mai  1785,  elle 
fut  coudajiinée  à  faire  amende  ho- 
norable ,  la  corde  au  cou ,  à  être 
fouettée  et  marquée  sur  les  deux 
épaules,  puis  enfermée  pour  le  reste 
de  ses  jours  à  la  Salpêtrière.  Elle 
subit ,  dans  la  prison  même  de  la 
conciergerie  ,  la  peine  qui  lui  était 
infligée,  parce  qu'on  craignait  que 
le  désespoir  et  la  fureur  ne  la  portas- 
sent à  proférer  eu  public  des  calom- 
nies atroces.  Transférée  à  la  maison 
de  correction  ,  elle  tenta  de  s'étoulïcr 
avec  la  couverture  de  son  lit.  Au  bout 
de  quelque  temps  ,  ayant  trouvé  un 
moyen  de  s'échapper  déguisée  eu 
bomme,  elle  alla  rejoindre  son  mari 
qui  avait  élé  condamné  avec  elle  par 
contumace,  et  qui  jouissait,  dans  la 
cité  de  Londres,  du  fruit  et  de  l'im- 


MOT 

•]iMnite  de  ses  vols.  Des  le  moment 
«le  rexc'cnlion  du  jugement  ,  La 
Moite  avait  ose  menaeer ,  si  l'on 
Jie  lui  rendait  pas  sa  femme ,  de 
faire  jiublicf  uu  Meuioiie  où  la 
reine  et  le  haion  de  Brcleuil  se- 
raient étrangement  coni[3ioiuis.(^)uel- 
(|ues  personnes  repètent  encore  ,  (pie 
le  silence  de  ce  couple  inlaine  fut 
acheté  par  un  envoi  d'or  et  d'ar- 
gent, et  (pi'à  ce  prix  on  obtint  la 
remise  de  la  pre'tcmlue  minute  du 
libelle  qui  avait  e'te'  annonce'.  Ce 
Mémoire  de  M.  de  La  MoUe,  amas 
de  mensonges  évidents  et  de  gros- 
sièretés dégoûtantes  ,  n'en  fut  pas 
inoins  imprime,  et  l'édition  envoyée 
tout  entière ,  dans  les  premiers  temps 
de  la  révolution  ,  à  Gueilior,  libraire 
de  Paris.  L'intendant  de  la  liste  ci- 
vile la  fit  acheter  ,  et  donna  l'ordre 
de  la  brûler ,  ce  qui  eut  lieu  dans  les 
fours  de  la  manufacture  de  Sèvres  , 
le  3o  mai  179.*  ,  avec  si  peu  de 
mystère  ,  qu'une  de'ncnciation  en 
donna  connaissance,  le  jour  même, 
à  l'assemblée  nationale  :  on  trouva 
un  certain  noraljje  d'exemplaires 
du  Mémoire  daivs  le  château  des 
Tuileries  ,  après  le  siège  qui  en  fut 
fait  le  10  août  ini)!  (  i  ).  M'"^ 
de  La  Motte  ne  piofita  pas  long- 
temps de  sa  liberté  et  de  son  in- 
famie. Sa  santé  avait  été  altérée  par 
une  chute  qu'elle  avait  faite  pour 
se  soustraire  à  ses  créanciers  :  une 
fièvre  bilieuse  s'ensuivit,  et  fut,  dit- 
on,  occasionnée  par  un  excès  auquel 


(1)  Ccl  ouvrage  a  rppani  sous  le  titre  iIk  T^ie  ife 
Jeanne  (le  Saint-  Reini  tle  faiois  ,  comtesse  de  La 
l[fotte  ,  pte  etc.  ,  èciite;  par  elle-même  y  {leuxteme 
édition  ,  l'aris ,  Ganieiy  ,  \'iia  i".  de  la  iPiinl.lique 
fiaiiçaise,  a  vol.  in  8".  Ou  a  ciictinî  :  I.  Ménoires 
jiislificiiiifi  d,:  la  romtenir  de  Valois  de  T. a  Moite  , 
écrili  par  elle  nu-ine  ,  T.oiidies  ,  1788,  iii-80.  :  :i  l:i 
jiago  ■iit  est  loie  sii;natiii-e  iaanii$crite  ;  un  petit 
cahier  supp^éin  ^tilaire  de  i'ttî  pa:;es,eoiitîent  les  piecps 
i(i«t<nealives.  M.  Second  Mémoire  justificatf  de  la 
comtesse  de  Valoii  de  T.a  MoUe  .  iciit    par  tilt- 


i\roT 


elle  s'était  livrée  ,  on  mangeant  des 
fruits.  D'autres  prétendent  qu'elle  se 
jeta  du  haut  d'une  fenêtre  sur  le  pavé. 
Ce  (pii  est  certain  ,  c'est  (ju'elle  mou- 
rut à  Londres  ,  le  23  août  i7«^i.  Le 
27  janvier  1  794  ■>  ^^^  amena  dans  la 
prison  de  Paris  dite  Fort- Libre,  une 
demoiselle  Saiiil-Kcmi  de  La  Motte. 
On  la  prit  d'abord  ])our  la  femme 
trop  fameuse  à  laquelle  cet  article 
est  consacré  ;  m;jis  on  se  souvint  que 
celle-ci  était  motte  en  Angleterre,  et 
il  fut  coni>lalé  que  c'était  sa  sœur. 
Pour  tout  ce  qui  concerne  l'allaire 
du  collier  et  l'accusation  intentée  au 
cardinal  de  Rohan  ,  on  peut  consul- 
ter les  Mémoires  de  l'abbé  Georgel. 
Voyez  aussi  les  articles  Cagliosteo 
et  Rohan.  L — p — e. 

MOTTE  FOU OUÉ.  F.  Foijque, 
MOTTE -GUYON.   F.  Guyon, 
XIX,  u4f). 

MOTTE- PICQUET  (  Le  comu^ 
Toussaint  Guillaume  Picquet  or. 
LA  Motte  _,  plus  connu  sous  le  nom 
delà),  naquit  à  Rennes  ,  en  1 7'^o, 
Une  aciitité  extraoïdiuaire  ,  une 
grande  habileté  dans  les  manœuvres , 
et  une  audace  peu  commime ,  en  ont 
fait  ini  des  oliiciers  les  plus  distin- 
gués de  la  marine  française.  Entré 
au  service  en  1735,  il  s'embsr- 
qua  ,  deux  ans  apris  ,  sur  la  Fè~ 
nus,  envoyée  eu  croisière  contre  les 
Saletins,  corsaires  barbarcsques.  îl 
avait  déjàfait  neuf  campagnes,  lors- 
qu'en  i74'3  il  t'embarqua  sur  la  Re- 
nommée, commandée  jiar  Kersainî. 
L'année  suivante  ,  cette  frégate  reve- 
nait, pour  la  troisième  fois,  du  Cana- 
da eu  Europe,  et  avait  livré  aux  An- 
glais deux  combats  très-glorieux , 
lorsqu'elle  tomba  ,  pendant  la  nuit, 
au  milieu  de  l'escadre  de  l'amiral 
Anson,  qui  venait  d'échouer  dai^s  sa 
tentative  sur  Lorient.  L'amiral  an- 
dais  detacb.i  coctrc  elle  xme  fréoate 


u88 


MOT 


de  36  canons,  qui  fut  dcmàtce  et 
oblige'e  de  se  retirer.  Une  deuxième 
frégate  eut  le  même  sort.  Celle-ci  fut 
remplacée  par  un  vaisseau  de  70  , 
<[ui  lâcha  plusieurs  bordées  contre 
la  Renom inée.  Kersaint,  blesse  griè- 
vement ,  fit  appeler  les  ofliciers  ,  et, 
croyant  avoir  assez  fait  pour  l'hon- 
neur du  pavillon ,  leur  proposa  de 
se  rendre.  «   Est-ce  pour  cela  que 
»  vous  m'avez  fait  venir  ?  «  deman- 
da La  Motte  Picquet  :  «  en  ce  cas  , 
»  je  retourne  à  mon  poste.  »  Ker- 
saint étant  hors  d'état  de  diriger  !e 
combat ,  La   Motle-Picquet  prit  le 
commandement ,  et  manœuvra  avec 
tant  d'audace    et  d'habilele ,   qu'il 
j-cussit  à  faire  rentrer  la  frégate  au 
Fort-Louis.  11  avait  eu ,  pendant  l'ac- 
tion ,  la  joue  dépouillée  par  un  coup 
lie  canon  qui  coupa  sou  chapeau  au 
ras  de  la  tète.  Pendant  la  guerre  de 
1-155,  il  fut  presque  continuellement 
employé.   En    ï^^o,    commandant 
une  prame   portant  16  canons   de 
36,  destinée  à  défendre  les  côtes  et 
à  escorter  les  convois  ,   il  proposa 
au  commandant  d'une  autre  prame, 
d'attaquer  de  compagnie  un  vaisseau 
anglais:  l'autre  ofùcier ,  plus  a'.icien 
que  lui ,  refusa.  La  paix  de  i^GS  ne 
fui  point  pour  La  Motte  le  signal  du 
repos.  Il  se  distingua  surtout  dans 
les  campagnes  d  évolution  des  esca- 
dres de  d'Orvilliers  et  de  Duchaffault. 
Il  commandait  le  Solitaire,  lîans  l'es- 
cadre de   ce  dernier  ,  ayant  à  son 
bord  le  duc  de  Chartres.  Il  passa, 
en  17*^7  ,  au  coniinandemcnt  du  Bo- 
hisLc  ;  il  eut  l'honneur  d'y  recevoir 
l'empereur  Joseph ,  qui  se  souvint 
toujours  de  lui  avec  intérêt,  et  lui 
écrivit,  pendant  la  guerre  d'.iméri - 
<(ue,  pour  le  féliciter  de  ses  succès. 
Dans  cette  même  campapne ,  un  vais- 
seau anglais  vint  le  héler   pendant 
la  nuit,  d'une  manière  qui  lui  parut 


MOT 

inconvenante.  La  Molle  -  Picquef  . 
accoutumé  à  braver  des  forces  supé- 
ritfures ,  et  peu  disposé  à  suppor- 
ter des  insultes,  le  joignit  au  jour, 
et  le  força  de  lui  envover  à  bord  un 
officier  pour  lui  faire  des  excuses. 
Au  mois  de  février  1778,   chargé, 
avec  7  vaisseaux  et  3  frégates,  de 
conduire  au-delà  du  cap  Finistère, 
un  convoi  américain,  il  remplit  avec 
succès  sa  mission  ,  sans  avoir  été  at- 
taqué par  les    Anglais.  La   Motte- 
Picquel.  était  déjà  un  des  meilleurs 
officiers  de  son   corps ,   lorsque  la 
guerre  d'Amérique  vint  lui  fournir 
les  occasions  d'augmenter  sa  réputa- 
tion. Il  n'était  encore  que  capitaine 
de  vaisseau.  Il  n'avait  point  sollicité 
d'avancement   :  il  avait  été  oublié. 
Cette  espèce  d'injustice,  dont  il  n'a- 
vait   pu    s'empêcher  de   témoigner 
quelque  mécontentement,   fut  répa- 
rée :  il  fut  nommé  chef  d'escadre. 
Au  combat  d'Ouessant ,  en  1778,  il 
montait  le  Saint-Esprit ,  ou  se  trou- 
vait le  duc  de  Chartres  ;  et  il  partagea 
la  gloire  d'avoir  combattu,  au  moins 
sans  désavantage  ,  des  forces  très-su- 
périeures. De  ce  moment ,  nous  ver- 
rons La  Motte  se  multiplier,  se  sur- 
passer,  méritant  toujours  le  succès , 
même  quand  il  ne  l'obtient  pas.  A- 
près  le  combat  d'Ouessant,  il  alla 
croiser  sur   les    côtes  d'Angleterre 
avec  trois   vaisseaux ,   et  rentra  au 
bout  d'un  mois  à  Brest ,  comme  le 
lui  avait  ordonné  le  ministre  ,  rame- 
nant treize  prises  faites  sur  l'ennemi. 
Au  mois  d'avril  1 779  ,  il  mil  en  mer 
avec  V  AnnihalAe  74  ,  quatre  autres 
vaisseaux  et  quelques  frégates,  et  es- 
corta jusqu'à  la  Martinique  un  con- 
voi de  80  voiles.  Aussitôt  après  ,  il 
rejoignit  le  comte  d'Estaing,  et  eut 
part  à  la  prise  de  la  Grenade ,  ainsi 
qu'à  la  victoire  remportée,  à  la  fin 
de  juin,  sur  le  vice-amiral  Byron. 


MOI' 

VAnnibal,  scrrc-filc  fJr  la  ligue  fran- 
çaise, y  fin  très-iuallraitc.  La  Motlc- 
Picquct  fut  ensuite  rliari^ed'elFccluer, 
avec  une  escatlie  de  7  vaisseaux  ,  le 
débarqueuient  des  troupes  qui  atta- 
quèreut  Savannah  ;  et  le  siège  ayant 
cte'  levé ,  il  fit  voile ,  avec  3  vais- 
seaux seulement,  pour  la  Martinique. 
II  y  e'iait  occupe  à  réparer  ses  bâti- 
raeuts  ,  qui  avaient  beaucoup  souf- 
fert dans  l'expédition  de  Savaunah  , 
lorsque,  le  18  décembre,  les  signaux 
de  la  côte  annoncèrent  (lu'iui  convoi 
de  a6  voiles  fiauçaiscs,  escorté  par 
une  frégate  ,  était  poursuivi  par  une 
flotte  anglaise  de  i5  A'aisseaux  et 
une  frégate ,  cpii  entraient  dans  la 
rade  à  sa  suite.  L'officier  que  La 
Motte  avait  envoyé  au  marquis  de 
Bouille ,  gouverneur  de  la  Martini- 
que ,  pour  lui  en  donner  avis  ,  n'eut 
que  le  temps  de  revenir  pour  s'em- 
barquer :  déjà  les  voiles  de  VAnnibal 
étaient  euA^erguées,  les  cables  coupés; 
et  La  Motte  se  porta  seul  en  avant, 
et  attaqua  la  tète  de  l'escadre  enne- 
mie. Le  Fengeur ci  le  Réi'lèchi,aya.nt 
embarqué  ,  avec  une  promptitude 
inespérée  ,  les  munitions  dont  ils 
étaient  dépourvus,  vinrent  rejoindre 
l'amiral,  qui  combattait,  depuis  près 
de  deux  heures  ,  le  Comjueror  et 
V Elisahsth.  Pendant  quatre  heures  , 
les  trois  vaisseaux  eurent  souvent  à 
soutenir  le  feu  de  dix  vaisseaux  an- 
glais, dont  sept  tiraient  quelquefois 
ensemble  sur  VAnnibal.  Eufin,  la 
nuit  étant  survenue,  l'amiral  anglais 
fit  signal  de  ralliement  à  ses  vais- 
seaux; et  La  Mot(e-Picquct  rentra 
au  Fort-Royal,  avec  la  frégate  et  la 
plus  grande  partie  du  convoi  :  le 
capitaine  du  Conrjueror ,  5  otïiciers 
et  environ  '200  hommes  de  ce  vais- 
seau furent  tués.  Cette  action  fut 
sans  doute  une  des  plus  éclatantes 
de  la  guerre  ;  et  les  relations  angîai- 
x\x. 


MOT  289 

ses  du  temps  rendirent  justice  à  La 
Motte  :  mais  un  snlliage  inapprécia- 
ble fut  celui  de  l'amiral  Paiker  lui- 
même  ,  qui  lui  écrivit  le  lendemain 
pour  le  féliciter  sur  ce  combat.  Au 
mois  de  janvier  1780,  La  Motte  mit 
en  mer  avec  six  vaisseaux  et  deux 
frégates,  croisa  entre  les  îles  anglai- 
ses ,  et  rentra  au  bout  d'mi  mois ,  ra- 
menant une  grande  quantité  de  pri- 
ses ,  et  après  avoir  été  chassé  phi- 
sieurs  fois  par  quinze  vaisseaux  de 
ligne  anglais  ,  qui  n'avaient  pu  lui 
faire  essuyer  aucune  perte.  Il  déploya 
beaucoup  de  talent  dans  cette  croi- 
sière ;  et  quoiqu'il  n'eût  point  eu  à 
combaltre,  elle  lui  fit ,  aux  yeux  des 
marins  ,  le  plus  grand  honneur.  Au 
mois  de  mars  de  la  même  année  , 
étant  sorti  de  nouveau  de  la  Marti- 
nique avec  quatre  vaisseaux  ,  pour 
escorter,  jusqu'à  Saint-Domingue, 
un  convoi  de  80  voiles  ,  il  rencon- 
tra trois  vaisseaux  ennemis ,  et  or- 
donna la  chasse.  Comme  au  Fort- 
Royal  ,  il  joignit  d'abord  ,  avec 
son  seul  vaisseau  ,  les  Anglais  ,  qu'il 
combattit  pendant  plusieurs  heures. 
he  reste  de  sou  escadre  l'ayant 
rejoint ,  il  continua  le  combat  tou- 
te la  nuit;  mais,  atteint  d'un  bis- 
ca'icn  dans  la  poitrine  ,  il  resta 
quelques  heures  sanS  connaissance. 
Un  calme  plat  empêcha  pendant  le 
jourlesdeuxescadresde  manœuvrer. 
Le  veut  étant  revenu  vers  le  soir,  la 
chassef  ut  de  nouveau  ordonnée  ;  mais 
trois  autres  vaisseaux  ennemis  et  plu- 
sieurs frégates  ayant  paru,  le  com- 
mandant français  fut  obligé  à  sou 
tour  de  prendre  cliasse.  Les  trois  pre- 
miers vaisseaux  anglais  avaient  été  si 
maltraités,  qn'ils  ne  purent  le  suivre 
que  très-peu  de  temps;  et  il  rentra  , 
sans  avoir  été  inquiété ,  au  Cap ,  où  le 
convoi  l'avait  précédé.  La  Mette 
alla  ensuite  rejoindre  l'armée  coni- 

'9 


ar)0  MOT 

binëe  de   Cadix  ,   commandcc   p/ir 
Guichcn,  et  revint  presque  ^■issitôt 
en  Europe,  avec  d'Eslaiiig.  Les  com- 
bats, (iwel'Annibal  avait  livres  pen- 
dant deux,  ans,  l'avaient  tellcmeiit 
avarié,  que, lorsqu'il  revint  à  Brest, 
il  pouvait  à  peine  tenir  la  mer.  La 
Moite  appareilla   de  Brest,  le   2'j 
avril  de  l'année  suivante,  avec  six 
Taisseaux  et  deux  fréi;;ates,  pour  al- 
ler croiser  sur  les  côtes  d'Angleterre. 
Le  '2  mai,  il  rencontra  nn  convoi  t!e 
trente  voiles,  charge  du  riclic  butin 
faitparles  Anglais  à  Saint-Eustache, 
et  escorté  par  quatre  vaisseaux  sous 
les  ordres  du  coinmodore  Hotliam, 
qui  se  sauvèrent  en  apercevant  l'es- 
cadre française.  Vingt-six  de  ces  bâ- 
timents furent  amenés  à  Brest.  Les 
vaisseaux  furent  vendus  en  masse , 
environ  huit  millions  ,  à  des  négo- 
ciants de  Bordeaux;  mais  Y Aiinual 
regii7erpour  1782  (p.   io5  ) ,  por- 
te à  Ci  ou  700,000  livres  sterling  la 
perte  supportée  par  la  compagnie 
d'assurance  de  Londres  ;  et  l'opposi- 
tion fit    de   cet   événement    l'objet 
d'une  attaque  très-vive  contre  l'ami- 
ranté.  Depuis  cette  époque  jusiju'à  la 
piix,La  iMotte commanda  l'escadre 
légère  de  douze  vaisseaux,  dans  la 
flotte   combinée,   soit  en  croisière 
sur  les  côtes  d'Angleterre,  soit  au 
siège  de  Gibraltar,  soit  enfin  au  com- 
bat du  cap  Spartel  où  il  attaqua  le  pi  c- 
riierl'armée  anglaise.  Au  moisd'avi  il 
1 783  ,  il  ramena  son  escadre  à  Brest , 
où  il  désarma.  Il  avait  été  fait  cor- 
don rouge ,  en  1  780  ,  à  l'occasion  de 
son  combat  du  Fort-Ro3'al,  et  lieu- 
tenant-général en  1782;  il  fut  nom- 
mé grand'-croix  en    1784.  Ne  sans 
fortune,  il  avait  reçu,  en    1773, 
une  pension  de  800  livres.  En  1781, 
Je  roi  lui  en  accorda  une  autre  de 
3ooo  livres.  Mais  il  nejoiiit  pas  long- 
temps de  ces  avantages.  Les  fatigues 


INTOT 

continuelles  avaient  fort  altéré  sa  san- 
té :  les  attaques  violentes  de  gonfle 
auxquelles  il  était  fort  sujet,  hâtè- 
lent  sa  mort,  qui  eut  lieu  à  Brest , 
le  1 1  juin  1791.  r^a  Motte  était  trc5- 
petit,  très-maigre  et  fort  laid:  en  re- 
vanche il  avait  beaucoup  d'esprit  , 
et  ses  yeux  étaient  pleins  de  feu.  Il 
était  en  cfîét  d'une  vivacité  ex- 
trême, et  qui  dégéiiérait  souvent 
en  craporlenient.  Mais  ajoutons  q.ie 
des  marins  qui  ont  constamment  ser- 
vi à  côté  de  lui  pendant  la  guerre 
d'Amérique,  attestent  qu'il  conser- 
vait dans  l'action  i:n  sang-froid  im- 
])erturbab!e.  Au  reste,  sa  colère  du- 
rait peu ,  sintcut  quand  il  avait  tort , 
parce  qu'il  était  naturellement  Irès- 
bon  ,  très-juste ,  cl  d'une  loyauté 
rare.  Cet  homme  si  intrépide  ne 
croyait  pas  à  la  làcl-.eté.  Ces  qua- 
lités peuvent  donner  la  mesure  de  !  i 
confiance  et  de  l'attachement  qu'il 
inspirait  à  tous  ceux  qui  servaient 
sous  ses  ordres.  Il  est  permis  d'à  (Tir- 
mer  que  peu  de  marins  français  ont  au- 
tantfait  poi'r  l'honneurde  leur  pavil- 
lon elpour  l'intérèi  ducomraer<'eque 
La  Motte,  pendant  quarante-six  ans 
de  service,  et  dans  vingt-huit  cam- 
pagnes, dont  nous  avons  rappoïîé  les 
])rincipaux  résultats.  —  Picquet  d:: 
MoMKEUiL  ,  son  frère  aîné,  né  à 
lleiuies  en  1717  .conseiller  au  par- 
lement de  cette  ville  ,  et  très-distin- 
gué par  son  espiit,  ses  lumières  et  ;;a 
]>robité,  fut  mis  à  la  Bastille  avec  la 
Chalotais  et  quatre  antres  membres 
du  parlement  de  Bretagne,  à  l'insti- 
gation du  duc  d'Aiguillon.  Il  mourut 
à  bennes,  en  1786.  D — u. 

MOTTEVILLE  (Fbakçoise  Br.R- 
TAUT,  dame  de  ) ,  fille  de  Pierre  Ber- 
taut,  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre  du  roi,  descendait,  par  sa 
mère ,  de  l'ancienne  maison  de  Salda- 
gue,  en  Espagne.  Jeaa  Bertaut ,  évè- 


]\IOT 

tiV.r  lie  Srcz ,  son  oncle' ,  a  laisse  dfs 
jiocsies  Ic'gi'rps  (  V.  Bi.ktaut,  IV, 
340  ).  FraïKiiiselM  riaitt  naquit  vers 
1  ()  !  5. suivant  tous  les  Ijiii'j^raphcs  (  1  ); 
Kiais  il  est  [/lus  vraiscinMahlc  niio  ce 
ne  lui  qu'en  iG.U.  Klle  nous  Ta])- 
piend  elît!  nii'iue  <l,ins  un  [lassaj^c  de 
ses  JMcriioires,  qui  a  c'ic  altère ,  el  que 
l'on  rctdijlira  ici,  d'après  un  manus- 
crit digue  de  foi  :  «Je  pen^e,  dit  elle, 
V  que  la  Kocliellc  se  rendit  au  roi  en 
»  iGiS  ;  et  quelque  temps  après 
»  cette  célèbre  victoire ,  ma  mère 
»  ine  donna  à  la  l'eine ,  àgee  d'eu- 
»  virou  sept  ans....  Trois  ans  après, 
1)  pour  l'éloigner  elle-même  de  la 
»  confiance  de  la  l'cine,  qui  se  scr- 
»  voit  d'elle  pour  ses  intelligences 
»  en  Espagne ,  le  cardinal  de  Riclie- 
»  lieu  me  fit  commander  par  le  roi 
»  de  me  retirer.  La  reine,  à  laquelle 
»  il  y  avoit  quelque  temps  qu'on 
»  avoit  6tc  madame  du  Fargis ,  se 
»  plaignit  sensiblement  de  ce  qu'on 
»  lui  ôtoit  jusqu'à  un  enfant  de  dix 
»  ans  ,  Sc'\ns  qu'on  lui  en  donnât  de 
»  meilleures  raisons.  Ou  lui  rèpon- 
»'  dit  que  ma  mère  e'toit  demi-Espa- 
»  gnole ,  qu'elle  avoit  beaucoup 
»  d'esprit ,  que  déjà  je  par'ois  espu- 
»  gnol,  et  que  je  pourrcis  lui  ressem- 
»  bler;  ce  qui  obligea  feu  ma  mère 
»  de  m'cnvover  eu  Normandie.  »• 
M'*'=.  Beiiaut  conliuua  de  rccevoirde 
la  reine  nue  modique  pension  de  six 
cents  livres ,  (jiii  fut  portée  à  àçi\^ 
mille  livres ,  en  1640.  Elle  avait 
épouse,  l'année  précédente,  Nicolas 
Langlois,  seigneur    de  Motteville  , 


(  O  ns  s*  fuiideiit  sur  un  passage  des  Mcinoir.  s  iin  - 
jjiioiés,  dms  lequel  ils  auraient  cppcudaot  pu  remar- 
quer une  cniitïadictioii.  On  y  v.iit ,  à  la  paqe  3S  du 
touie  l''. ,  i*d.  de  TJ"?  qu'ii>  ibîa ,  M™<^.  do  Mol- 
tevill»*  avait  sept  ans.  et  tju'après  i?  rcuvoi  de  IMiuc. 
Du  Fdvgis  ,  elle  n'avait  que  neufoix  dix  ans.  Or,  le 
rt'nvoi  de  celle  dame  d'iionneur  dWiiue  d'Autriche 
tuf  lieu  après  la  Journée  des  Jupes ,  le  27  décLiabre 
»63<>  (  Hisl.  de  Louis  XIII,  par  GriftVt,  tome  II  ,  p. 
t)R  ,  in-'|0.  )  Si  M"",  de  MoKevil'e  avait  eu  sept  aus 
eu  iGïî  ,  elle  anrait  éU  al'.Ts  àjée  He  »8  am, 


MOT  itgi 

premier  président  de  la  chambre  dcS 
comptes  de  jNormandic,  magistrat 
recojnmandable  et  déjà  parvenu  à 
un  âge  avancé.  Ce  mariage  réparait, 
1)0111  madame  de  Molteville,  les  torts 
4e  la  fortune  :  «  J'y  trouvai,  dit- 
»  elle,  de  la  douceur,  avec  une  abon- 
»  dancc  de  toutes  choses;  et  si  j'a- 
»  vais  voulu  profiler  de  l'amific 
»  qu'il  avait  puiir  moi,  et  recevoir 
»  luns  K's  avantages  qu'il  pouvait  et 
»  voulait  me  faire ,  je  me  serais 
»  trouvée  riche  après  sa  mort  (  i  ).  » 
Cette  union  ne  dura  que  deux  ans. 
Apres  la  mortde Louis  XIII  (iG43), 
Anne  d'Autri<:lie  ,  devenue  régente, 
rappela  près  d'elle  M"'^.  de  Motte- 
ville,  et  elle  se  l'attacha,  sans  cepen- 
dant lui  donner  une  des  charges  dé 
sa  maison;  car  on  ne  trouve  point 
sou  nom  sur  les  Etats  de  la  Fran- 
ce ,  qui  ont  été  consultés.  Depuis  cette 
époque.  M""-',  de  IMottevilie  ne  s'é- 
loigna plus  de  la  reine  :  elle  ne  la 
quitta  pas  pendant  sa  longue  mala- 
die ,  dont  elle  nous  a  transmis  les  pé- 
nibles détails  ;  et  la  reine  couronna 
tous  les  bienfaits  dont  elle  l'avait: 
comblée,  en  lui  léguant  la  somme  de 
trente  mille  livres  (2).  Attachée  à 
celle  princesse  par  le  devoir  comme 
par  la  reconnaissance,  ^1"»*=.  de  Mot- 
teville résolut  d'écrire  sou  histoire. 
Il  faut  l'enlendre  elle-même  ex])Ii- 
quer,  dans  son  Avertissevient  ,  les 
motifs  qui  l'v  ont  déterminée  (3  . 
«  Les  rois,  dit-elle ,  ne  sont  pas  scn- 
»  lement  exposés  aux  veux ,  mais  an 
))  jugement  de  tout  le  monde;  leurs 
»  actions ,  bien  souvent ,  ne  sont 
»  lionnes  ou  mauvaises  que  selon  les 
»  différents  sentiments  de  ceux  qui 

(i)  (  Mcmoirei ,  tome  I-'. ,  p.  4«  ,  éd.  de  i;5o.  ) 

(2)  Le  te!.lauicnt  u'Aniie  d'Autriche  est  imprime  \ 
la  suite  des  Mémoires  de  M"'c.  do  Motteville. 

(3)  On  donne  celle  pièce  ici ,  quoiqu'un  per.  elcir- 
diie  ,  p;jrce  que  l'éditeur  lies  îHenioires  de  M°^«  da 
MoUevUlv  lui  a  kit  >ul.<ir  de  graujcs  alleritlions. 

19.. 


•XQ'i. 


INIOT 


»  en  décident  par  leurs  passions.  Ils 
»  ont  le  malheur  trèlrc  censures  avec 
i>  riç^ueur  sur  les  choses  dont  ils  peu- 
»  vent  être  blâmés;  et  personne  n'a 
1)  la  bonté  de  les  défendre  sur  celles 
»  qui  pourroient   recevoir  5^]uelque 
))  excuse.  Tous  ceux  qui  les  appro- 
1)  chent.  par  un  lâche  intéri-l,  les 
»  louent  en  leur  présence,  afin  de  leur 
»  plaire;  et  chacun,  par  une  fausse 
»  vertu  ,  se  mêle  de  les  juger  sévcre- 
»  ment  en    leur  absence.  De  plus , 
»  leurs  intentions  et  leurs  sentiments 
»  étant  inconnus  ,  et  leurs   actions 
))  publiques,  il  arrive  souvent   que, 
>;  même  sans  choquer  i'équité,  on 
»  peut  les  accuser  de  beaucoup  de 
»  fautes  qu'ils  n'ont  pas  eu  dessein 
»  de  faire,  et  dont  pourtant  ils  sont 
»  coupables ,  parce  qu'ils  sont  trorn- 
)>  pés,  soit  par  eux-mêmes ,  faute  de 
)>  connoissance,  soit  par  leurs  mi- 
»  nistres,  qui  ,  esclaves  de  leur  am- 
«  bition ,  ne  leur  disent  jamais  la  vé- 
w  rite.  C'est  ce  qui  m'oblige  d'écrire, 
»  dans  mes  heures  inutiles  et  pour  me 
w  divertir,  ce  que  je  sais  de  la  vie, 
»  des  mœurs  et  des  incliaations  de  la 
1)  reine  Anne  d'Autriche,  et  de  payer, 
»  par  le  simple  récit  de  ce  que  j'ai 
w  reconnu  en  elle,  l'honneur  qu'elle 
»  m'a  fait  de  me  donner  sa  familia- 
»  rite:  car,  quoique  je  ne  prétende 
»  pas  la  pouvoir  louer  sur  toutes  cho- 
M  ses,  et  que,  selon  mon  inclination 
»  naturelle,  je  ne  sois  pas  capable  de 
«déguisement,  je  suis  persuadée  que 
1)  les   historiens  ,  qui  n'auront  pas 
»  connu  sa  vertu  et  sa  bonté ,  et  qui 
»  ne  parleront  d'elle  que  sur  le  dire 
»  satirique  du  public  ,  ne  lui  feront 
»  pas  la   même  justice    que  je  vou- 
»  drois  bien  lui   pouvoir  faire ,  si 
»  mon  incapacité  et  mon  peu  d'élo- 
»  quence  ne  m'en  ôtoient  les  moyens. 
»  Aussi  ce  que  j'entreprends  présen- 
■>■)  (ement ,  n'est  pas  avec  un  dessein 


.MOT 

»  formé  de  réparer  leur  igu  «rancf 
»  on  leur  malice  ;  ce  projet  seroit 
»  trop  grand  pour  une  paresseuse, 
»  et  trop  hardi  pour  une  personne 
»  comme  mni,  qui  craint  de  se  mon- 
»  trer,  et  qui  ne  voudroit  pas  passer 
))  pour  auteur;  mais  je  le  fais  pour 
»  ma  pro])re  saîisfaction,  par  grati- 
»  tude  envers  la  reine,  et  pour  re- 
»  voir  un  jour,  si  je  vis  ,  comme 
»  dans  im  tableau,  tout  ce  qui  est 
»  venu  à  ma  connaissance  des  choses 
»  de  la  cour  ;  ce  qui  sera  fort  borné , 
»  parce  que  je  n'aime  pas  l'intrigue; 
»  mais  aussi  je  n'y  ajouterai  rien  :  ce 
«  que  j'ai  mis  sur  le  papier,  je  l'ai 
»  vu  et  je  l'ai  ouï  ;  et ,  pendant  la  ré- 
))  gencc ,  qui  est  le  temps  de  mon 
»  assiduité  auprès  de  cette  princesse, 
»  j'ai  écrit  sans  ordre  ,  de  temps  en 
«  temps  ,  et  quelquefois  chaque  jour, 
»  ce  qui  m'a  paru  tant  soit  peu  re- 
1)  marquable.  J'ai  employé  à  cela  ce 
«  que  les  dames  ont  accoutumé  de 
M  donner  an  jeu  et  aux  promenades  , 
»  parla  haine  que  j'ai  toujours  eue 
»  pour  l'inutilité  de  la  vie  des  gens 
»  du  grand  monde.  ...»  Ce  passa- 
ge peint  mieux  M"^^.  de  Molteville, 
que  toutes  les  recherches  que  nous 
pourrions  accumuler  :  elle  s'y  mon- 
tre naïvement,  dans  cette  simplici- 
té avec  ce  caractère  modeste  et  vé- 
ridique  que  la  postérité  a  reconnu 
en  elle.  Ancun  de  ses  contemporains 
ne  donne  des  détails  plus  positifs  et 
plus  vrais  sur  l'intérieur,  et,  pour 
ainsi  dire,  sur  la  vie  privée  d'Anne 
d'Autriche ,  de  même  que  sur  les  res- 
sorts secrets  qui  ont  fait  agir  la  r OTir 
pendant  les  troubles  de  la  Fronde. 
La  modeste  iMotteville  a  eu  cette 
destinée  singulière  d'être  entrée ,  sans 
ambition  comme  sans  brigue,  dans  la 
confidence  de  deux  grandes  reines. 
Aimée  d'Anne  d'Autriche,  elle  fut 
admise  aussi  dans  l'intimité  de  Hen- 


MOT 

nttlc  de  France,  Icmmn  tic  l'infor- 
tuut-  Charles  1"'.  Ce  fut  dans  le  sein 
de  M"'^  de   Mollcvillc ,  que  cette 
ïeine  mallienrcuse  repaiidil  ses  pre- 
mières douleurs,  quand  tlîe  reçut  la 
nouvelle  accablante  de   la  mort  du 
roi,  son  mari.  On  ne  peut  lire  sans 
un  attendrissemenl  mêle  d'admira- 
tion, les  paroles  qu'à  cette  occasion 
la  fille  de    Henri  IV  chargea  M"»'-, 
de  Molteville  de  transmettre  à  An- 
ne d'Autriche  (  i  ).   Elle  contribua 
par   ses    conseils    à   déterminer    la 
reine  d'Angleterre  à  fonder  la  mai- 
son de  la   Visitation   de  Chaiilot  , 
où  cette  princesse   se   relirait   fré- 
quemment depuis  son  veuvage.  Une 
sœur  de  M°i^  de   Motteville  y  fit 
profession  :   elle  -  même  y   choisit 
nne  retraite,  où  elle  venait  souvent 
se  délasser  du  tourbillon  du  monde. 
Placée  au  milieu  d'une  cour  hiillan- 
te ,  dont  elle  ne  partageait  pas  la 
dissipation,  elle  parlait  peu,  mais 
observait  avec  soin  les  hommes  et 
les  choses.  Telle  est  l'idée  que   ses 
Mémoires  nous  eu  donnent^  une  de 
ses  contemporaines  la  présente  sous 
le  même  aspect.  M'»^.  de  Sévigné  n'eu 
lait  mention  qu'une  seule  fois  ;  mais 
c'est  pour  la  montrer  se  tenant  à  l'é- 
cart dans  le  salon  de  Fresnes  ,  et  rê- 
vant profondément  (2).  Elle  mourut 
le  29  dec.   1689,  laissant  un  frère 
(3),  sur  lequel  les  Mémoires  du  temps 
n'offrent  aucun  détail.  On  a  deM'"^. 
de  Motteville  des  Mémoires  pour  se r- 
•vlr  à  l'histoire  d" Anne  cl' Autriche , 
Amsterdam  ,    1 723  ,  6  vol.  in- 1 2  : 
on  ])réfère  l'édition  d'Amsterdam , 
de  1739  ou  1700.  L'éditeur  eu  est 
resté  inconnu;  mais  il  paraît  s'être 

(1)  Mémoires  de  Madame  de  MoUerille,  (oiu.  III , 
p.  ibâ,  éil.  de  i-5o. 

(2)  LcUre  à  M.  «le  PonipoiiDe ,  du  ler.  août  1GC7  , 
tome  1er.  ,pa-.  njde  l'cdition  iii-S".  de  Bhilse,  1S18. 

(3;  Letlri.  de   Mme.  de   Sevigué,   à  s^  Glle,   du  4 
jstiiTiei'  1690,  tome  IX,  y.  287  del»  même  éditiQQ. 


IMOl  293 

permis  de  fréquentes  altérations.  On 
ne  peut  p  is  en  douter  si  l'on  prend 
la  peine  de  comparer  l'ouvrage  im- 
primé avec  un  manuscrit  de  la  bi- 
bliothèque de  MoNSiEut!  ,  dite  de 
l'Arsenal,  numéroté  902,  in-fol, 
tome  XII ,  p.  297  à  38 1.  Il  contient 
la  copie  du  commencement  de  l'ou- 
vrage; mais  il  s'arrête  malheureuse- 
ment à  l'an  1644  '  correspondant 
àiap.229dutom.  i*-'.  de  l'édition  de 
1750:  celle  copie  est  tout  entière 
de  la  main  de  Valenlin  Courart, 
mort  en  1675  (  F.  Conrart  ).  Ce 
manuscrit  offre  de  grandes  différen- 
ces avec  l'imprimé.  On  a  encore  de 
M'»«.  de  Motteville,  deux  Lettres, 
adressées  à  M''"^.  de  Monlpeusier , 
qui  ont  paru  pour  la  première  fois, 
avec  les  réponses  de  cette  princesse  , 
dans  le  Recueil  de  pièces  nouvelles 
et  galantes,  Cologne,  1667,  2^. 
partie,  pages  21  à  46.  L'auteur  de 
cet  article  a  remarqué,  dans  une 
lettre  revêtue  de  la  signature  origi- 
nale de  cette  dame ,  qu'elle  signait 
Mauteville ;  Courait  écrit  ce  nom 
de  cette  manière  dans  la  copie  qui 
vient  d'être  indiquée.  M — e. 

MOTTLEY  (  Jean  ) ,  auteur  an- 
glais ,  était  (ils  d'un  colonel  au  ser 
vice  de  France  sous  le  règne  de  Louis 
XIV.  Ce  colonel  ,  ayant  été  envoyé 
en  Angleterre  par  le  roi  .Jacques  II , 
trois  ans  après  la  révolution  de  1688, 
et  chargéd'une  commission  secrète, 
ce  fut  pendant  le  peu  de  temps  qu'il 
y  resta ,  que  naquit  son  fils  Jean , 
en  i6(j2.  Mottley,  attaché  à  la  car- 
rière de  l'administration,  n'y  obtint 
point  d'avancement ,  malgré  les  pro- 
messes de  lord  Halifax  et  de  Robert 
Walpole.  H  se  vit  ejdin  réduit  à  sub- 
sister de  ses  travaux  littéraires.  Plu- 
sieurs pièces  de  théâtre  qu'il  com- 
posa ,  eurent  assez  de  succès ,  ainsi 
qu'une  Vie  du  czar  Pierre  qu'il  publia 


9r)4  MOT 

par  souscription.  Les  Vies  des  c'cri- 
v.iiiis  <lrain,iti(jiies ,  inipriiiieVs  à  la 
suite  de  la  fragc  lie  de  Scanderbcrg, 
de  Wîiiiicop,  lui  soûl  allribiiéts  par 
il  seule  raison  qi-c  sa  Vie  qui  en  fait 
partie  est  ceiic  qui  est  etrile  avec  le 
plus  de  détails  personnels,  et  que  lui 
seul  pouvait  connaître.  11  mourut  ca 
1700.  L. 

MOTTRAYE  (Aubry  de  la), 
royaj^eur  français  ,  parcourut ,  de 
iC)(.)6à  1729,  la  plus  grande  partie 
de  l'Europe,  ainsi  que  quelques  con- 
tre'es  de  l'Asie  et  de  l'Afriqu''  ;  il  sé- 
journa longtemps  en  Angleterre,  et 
revint  mourir  à  Haris,  eu  mars  1 743, 
âgé  de  soixanlc-neut"  ans.  11  paraît 
que  ,  gêné  dans  l'exercice  de  la  reli- 
tion  proiestanle  qu'il  professait ,  il 
s'était  déterminé,  en  1O98,  à  aller 
s'établir  à  Constantinoplc  ;  mais  il 
n'explique  pas  dans  qnel  but  :  il  dit 
simpiement  que  le  conseil  et  Texcm- 
])le  d'un  miniàUc  fiançais  ,  qui  élair 
appelé  dans  la  capitale  de  l'empire 
othoman,  pour  y  prêcher  l'Evan- 
j^ile  à  quelques  réfugiés  de  sa  na- 
lion,  lui  iircnt  naître  ce  dcsir.  Déjà 
il  avait  vu  Rome  et  Tlialie  septen- 
trionale, lalfa,  Alexiudric,  Tripo- 
li, le  Port  -  Mali  on  ,  l.isbunue  et 
Nantes  ;  puis  il  avait  suivi  Taliard 
en  Angleterre.  A  Constantinoplc,  il 
lit  connaissance  avecTckéîi;  et  lors- 
que cet  illustre  fugitif  se  fut  retiré 
a  Ismid,  La  Mottrayc  l'y  vit  plu- 
sieurs fois,  et  profita  de  cette  occa- 
sion pour  parcourir  l'Anadoli  jus- 
qu'à Angora  et  à  Amastro,  l'an- 
<  ienne  Amestris,  s".r  la  mer  îSoire, 
II  vit  aussi ,  à  différentes  époques  , 
plusieurs  îles  de  l'Archipel,  la  cô- 
te de  Roumlîi,  les  îles  Ioniennes, 
et  ,  dans  une  de  ses  excursions,  ren- 
contra Paul  Lucas, en  1 707.  L'année 
suivante  ,  i!  pirlit,  comme  capitaine 
^e  deux  çaiques ,  pour  Malte;  deus; 


MOT 

ans  après,  il  monta  siir  un  li.iliment 
de  comnicrce destiné  pour  Rarcelo- 
nc .  et  dont  il  avait  la  gestion.  En 
revenant,  il  aborda  dans  i'ile  de  Can- 
die ,  et  aux  rives  de  la  Troadc.  Il  se 
lia,  vers  171  i ,  avec  F.  E.  Fabrice 
(  f.  t.  XIV,  •p.!^V},A^cnià^  Cliarles 
XII,  et  le  suivit  a  licnder.  Il  fut  char- 
gé d'aller  à  Constantinoplc  prendre 
de  l'argent  pour  le  monarque  sué- 
dois ,  et  revint  à  Bouder ,  vi!>ila  la 
Crimée  ,  le  détroit  tie  Taman  ,  et  les 
stoppes  qui  s'étcnrlcnt  de  la  mer 
d'Azuf  à  la  mer  Caspienne.  11  s'cm- 
barqiM  sur  ce  lac  immense  ,  s'ap- 
procha d'Astrakan  ,  regagna  ,  par 
terre ,  les  bords  des  Palus  Méolides, 
traversa  la  mer  Noire,  et  retour- 
na auprès  de  Fabrice,  à  Bender.  On 
peut  supposer  qu'il  fui  ensuite  char- 
gé d'une  mission  pom' laquelle  il  se 
rendit  à^Coartantinoplc,  à  travers  la 
Hongrie  et  l'Allemagne  ,  puis  eu  Hol- 
lande et  en  Angleterre,  et  revint  en 
luiquie.  Des  courses  continuelles 
entre  Constantinoplc  et  Dernctica , 
l'occujîèrent  )u^qn'cn  1714.  Alors, 
de  compagnie  avec  Fabrice,  i!  j)ar- 
tit  pour  la  Suède  ,  pénétra  jusqu'en 
Lapouic,  \\i  les  mines  de  Kengis  et 
de  .Junossnfvando ,  cH  fut  témoin 
du  spectacle  singulier,  pour  un  ha- 
bitant des  climats  tempérés,  du  so- 
leil se  montrant  à  minuit.  Sa  cu- 
riosité lui  fit  gravir  les  montagnes 
qui  bornent  au  nord  le  lac  d'où  le 
Torneotire  son  origine.  Un  vieillard 
lui  indiqua  l(?  rocher  dePescomarca  , 
sur  lequel  Regnard  et  ses  compas 
gnons  avaient  gravé,  en  loSijl'ins- 
ciiptionpar  laquelle  ils  annonçaient, 
avec  l'exagératioa  permise  aux 
poètes ,  qu'ils  ne  s'étaient  arrêtés 
qu'au  point  où  la  terre  leur  avait 
manqué.  La  Motîrave  raconte  qu'il 
arracha  la  mousse  qui  couvrait  lins- 
criplicn,  et  qu'il  en  lut  faciicmw.l 


MOT 

I(s  vers.  Apres  la  mort  Ae  Charles 
\II  ,  et  la  lin  lrap;i(|iic  de  Gocrtz,  il 
<|iiitla  !a  Siiètlc  ,  cl  gas'i'i  P^'"  terre 
I.';  Ilollaiule  et  rAiif:,k'lerrc.  Il  s'oc- 
f'ipa  de  l'aire  iiiiprimer  ses  voyages 
t;n  anglais ,  et  Cil  présenta,  eu  ir'i^, 
le  premier  volume  à  George  I'^^''. 
Ensuite  il  soiigoa  à  les  taire  paiaitre 
en  français  à  Amsterdai'i.  De  nou- 
velles excursions  ,  eu  France ,  en  Al- 
lomaf^iie ,  eu  Pologne  ,  en  Prusse , 
Cl)  Russie  jus([a'à  Saint-Pelersbourg, 
l'occupèrent  pisqu'en  l'jM);  et  de  re- 
tour eu  Angleterre  ,  où  l'on  croit 
qu'd  se  fixa,  il  fit  un  tour  en  Irlan- 
de. La  relation  de  ses  courses  si  lon- 
gues parut  sous  ce  litre  :  f'ojages 
en  Europe  y  Aiie  et  Afrique,  où 
Von  trouve  une  grande  variété  de 
recherches  <^é<>^rai>hi(jues ,  histo- 
rifjues  ,  et  politiques,...  n</ec  des  re- 
marques sur  les  mœurs,  coutumes 
et  opinions  des  peuples  et  des  pnys 
où  L'auteur  a  vojagé  :  enrichis  de 
plans,  cartes,  etc.  la  Haye  ,  1727  , 
■2  vol,  in-fol,  Dès  17*24  >  i's  avaient 
paru  eu  anglais.  L'auteur  fut  très- 
raeconteut  de  celte  version  :  il  ne  le 
fut  pas  moins  de  ce  que  les  librai- 
res d'Amsterdam  avaient  publie  le 
second  volume  sans  son  aveu  .  pen- 
dant souabsence ,  et  avant  qu'il  l'eût 
achevé.  Aussi  de  retour  de  sa  der- 
nière excursion  au  nord,  il  en  tra- 
duisit lui-n;t-me  la  relation  en  an- 
gl  fis  ,  et  lit  imprimer  celte  version  , 
avec  le  texte  ("rançais  en  regard  ;  i'oii- 
vrage  est  intitulé  :  Foja^e  en  di- 
verses provinces  de  la  Prusse  du- 
cale et  royale ,  de  la  Russie ,  de 
la  Pologne,  etc.,  fait  en  17 26;  la 
Haye,  f^ondres  et  Dublin,  1732,  un 
vol.  in-fol. ,  avec  caries  ,  plans  et  fig. 
Ce  volume  commence  par  un  Iraiie 
des  divers  onlres  de  chevalerie,  et 
se  termine  par  nu  petit  vovage  eu 
iù'aucc,  fait  en   ijiJ,  qi.o  les  U- 


MOT  295 

braircs  d'Amsterdam  avaient  omis 
d'insérer  à  la  lin  des  précédentes  re- 
lalions.  On  ne  peut  cotitesler  à  La 
Moitraye  le  me'rile  d'être  un  voya- 
geur exact  et  vcjiiiiijue j  mais  il  n'est 
pas  1res- profond  observalcur  ,  et 
s'occupe  peu  de  la  description  des 
pays:  il  s'altaclie  davantage  à  celle 
des  villes  et  des  monuments,  aux 
us^iges  et  aux  coutumes  ,  et  raconte 
surtout  un  grand  nombre  d'anecdotes 
ciuicuscs  sur  des  personnages  dont 
l'histoire  a  consacre  le  nom  ;  ces  dé- 
tails ,  c[ui  se  lisent  avec  intérêt ,  ra- 
chètent i'ennui  cjue  causent  parfois 
les  discussions  ihéologiqucs  auxquel- 
les il  preiul  [)laisirà  selivrer.  On  trou- 
ve a  la  lin  du  second  volume:  i°.Une 
Dissertation  historique  en  latin,  sur 
l'inoculalion  de  la  pctile-vc'role ,  par 
le  docteur  Timon;  — u°.  Quatre  Let- 
tres écrites  de  Beuder  ,  par  Fabrice; 
elles  otfient  beaucoup  de  détails  sur 
Charles  XII,  entre  autres,  sur  le 
lanieux  assaut  qu'il  soutint  avec  une 
poignée  de  monde  contre  une  armée; 
—  3°.  Projet  du  baron  de  Goerlz 
pour  le  rélablissemeut  du  crédit,  eu 
laveur  de  l'introduction  des  MyatC' 
kcns  ou  marques  et  billets  de  raon- 
n;.ie  dans  les  finances  ^,  F.  Goektz  , 
XVII,  5b3  )  :  La  rdottrayc  donne 
les  ligures  de  ces  p^îtiîes  monnaies  de 
cuivre  ,  dout  la  plupart  représentent 
desdiviiiilés  romaines  ,  et  cpii  circu- 
knt  encore  aujourd'hui  en  Suède 
pour  Icr.r  valeur  intrinsèque  ;  —  4**. 
Extraitdu  procès  criminel  de  Goertz. 
Les  ligures  qui  ornent  ces  voyages, 
sont  généralement  exactes  et  bien 
gravées  ;  elles  sont  le  premier  ou- 
vrage  de  G.  Hogarth,  depuis  si  ce- 
lèbie.  Un  bibliographe  français,  qui 
probablement  n'a  fait  attention  qu'à 
l'ordre  des  dates,  a  pris  la  relation  eu 
français  pour  une  traduction  de  l'an- 
ghùs.  Ou  a  encore  de  La  Motlraye 


sqG 


MOT 


des  Remarques  lùstoriques  et  criti- 
ques sur  VJIisioire  de  Charles  AU 
par  M.  de  rollaire,  Loiidrc;;,  1/3  2, 
in  i.i ,  de  80  pag.  11  relevé  quelques 
iuexaclittidcs  de  ce  livre,  el  .se  plaint 
de  ce  que  Voltaire  n'a  point  ])arlé 
des  leuseigiicrneuts  qu'il  lui  avafît 
douiie's  lui-même  à  Paris  ,  en  1  7^8, 
Les  remarques  de  La  Motlrayc  se 
trouvent  d-ms  une  édition  de  V  fJis- 
toiiede  Charles XII ^  1733,  j  vol,, 
petit  in-8".  ;  elles  y  sont  accompa- 
gnées de  réponses  de  Voltaire. E — s. 

MOUÇA.  F.  MousA. 

MOLCH AN  (  Jean  D£  Castilloiv, 
comte  DE  )  ,  brave  ofticier  ,  tué  au 
siège  de  Tortose  ,  le  ii5  juin  1708  , 
était  entré  aux  mousquelaiies  ,  en 
167 '2,  et  s'étaiit  distingué,  en  1673, 
au  siège  de  Mastricth  ,  il  l'ut  lait  sous- 
brigadicr,  en  1674,  capitaine  au 
régiment  de  Bourbonnais,  en  1687, 
et  so  signala  dans  toutes  les  campa- 
gnes de  Flandre.  En  1 700 ,  il  passa  , 
avec  le  roi  d'Espagne,  à  Naples,  et 
prit  part  à  la  bataille  de  Lnzara  ,  à 
la  prise  de  celte  place  ot  de  Borgo- 
Forte  ,  en  1702.  11  servit  comme 
aide-major-genéral  de  l'armée  d'Al- 
lemagne ,  et  se  trouvait  à  la  ])aîaille 
d'Hochstett,  en  1704.  Nommé  ina- 
jor-général  de  l'armée  d'Esp-igne,  ia 
même  année,  il  était  aux  sièges  do 
Gibraltar  et  de  Barcelone,  obtint lo 
grade  de  brigadier,  le  4  ocîobrc 
i7o5;se  trouv<i,  en  1700,3  la  prise 
de  Carthagène;  en  1 707 ,  à  la  bataille 
d'AJmanza;  fut  nommé  colonel  d'nn 
régiment  d'infanterie  de  son  nom,  le 
1 1  mai ,  et  continua  de  remplir  les 
fonctions  de  niajor-géi;éral  au  siège 
de  Lérida,  la  même  année,  et  à  celui 
de  Tortose,  prise  le  1 1  juillet  1708, 
où  il  fut  tué.  Cet  officier,  qui  avait 
toujours  servi  avec  distinction,  fut 
singulièi  cment  regretté  par  ses  géné- 
raux et  par  Louis  XIV.       D.  L.  C. 


MOU 

MOUCHEGH.  F.  MotscnEOH. 

MOUCHERON  (  Frédéric  )  , 
peintre  de  j)aysages,  élève  de  Jean 
Asselyu,  naquit  à  Embden,  en  i633, 
11  vint  à  Paris,  d'après  l'avis  de 
son  maître,  et  y  dessina  et  peignit 
tous  les  environs  de  celle  ville.  Ses 
ouvrages  se  faisaient  distinguer  par 
un  bon  ton  de  couleur,  un  dessin 
plein  de  liberté,  des  arbres  d'une 
belle  forme ,  des  ciels  et  des  lointains 
variés  et  vaporeux.  Un  cours  d'eau 
divise  ordinairement  ses  composi- 
tions ,  dont  les  premiers  plans  sont 
peints  avec  une  grande  vigueur ,  pour 
servir  de  repoussoir  à  ses  fonds. 
Pendant  son  séjour  à  Paris  ,  Helm- 
breker  peignait  ics  ligures  et  les  ani- 
maux qui  se  trouvaient  dans  ses  pav- 
sages.  Lorsqu'il  eut  quitte  la  France 
pour  se  fixer  à  Amsterdam  ,  Adrien 
Vanden  Vclde  lui  rendit  le  même 
service,  et  ajouta  ainsi  au  prix  de 
ses  tableaux,  qui  n'obtinrent  pas 
moins  de  succès  en  Hollande  qu'en 
France.  Le  musécduLo.uvre  possède 
de  ce  maître ,  un  tableau  représen- 
tant la  Fue  d'unyarc  en  terrasse  , 
Civecun  escalier  orné  de  deux  grands 
vases.  Les  ligures  et  les  animaux 
sontd'Ad.  Yau  deuVelde.  La  cam- 
pagne de  Prusse,  de  1807,  avait 
enricbi  cette  collection  de  deux  au- 
tres tableaux  de  ce  maître ,  repré- 
sentant ,  l'un  ,  le  Matin ,  avec  des 
ligures  d'Ad.  Vanden  Vclde;  l'autre, 
le  Soleil  couchant ,  avec  des  figures 
de  Heguyn.  Tous  deux  ont  été  repris 
en  181 5.  Cet  artiste  mourut  à 
Amsterdam,  en  1686.  —  Sou  fils  , 
Isaac  MoucnERON  ,  né  à  Amster- 
dam, en  1670,  se  rendit  à  Rome  , 
en  1694  ,  et  y  fut  admis  dans  la 
bande  académique  sous  le  nom 
à' ordonnance.  Revenu  dans  sa  pa- 
trie, il  y  débuta  par  de  grands  ta- 
]>leaux  ornés  de  (i"urcs  et  d'animaux. 


IVIOtl 

Toujours  vrai ,  toujours  exact,  il 
sait  embellir  la  iialiuo  sans  jamais 
l'outrer.  Son  talent  consiste  flaiis 
l'art  avec  lequel  il  lait  contraster  les 
objets,  ou  les  rapprocher  pour  pro- 
duire (les  eHi'ts  piqnauls  et  ingé- 
nieux. Sa  couleur  est  celle  clc  la  na- 
ture: elle  est  fine,  trausparenle  et 
harmonieuse;  le  leuille  de  ses  arbres 
est  touche  avec  esprit  et  facilite  ,  et 
Je  fini  (.\es  détails  ne  nuit  point  à 
l'exactitude  de  l'ensemble.  Il  dessine 
également  bien  les  ligures  et  les  ani- 
maux; et  peu  de  peintres  ont  entendu 
mieux  que  lui  la  perspective  et  l'ar- 
chitecture. Ses  dessins  se  l'ont  re- 
chercher ])ar  les  mêmes  qualités  ; 
ils  soûl  ordinairement  colorie's  et 
d'un  fini  admirable.  Cet  artiste  ne 
se  bornait  pointa  la  peinture:  on  a 
de  lui  un  grand  nombre  d'estampes 
gravées  d'une  pointe  trcs-délicate, 
parmi  lesquelles  on  cite  :  I.  Deux 
suites  de  belles  Fîtes  de  jardins, 
enrichies  de  figures  dans  le  goût  an- 
tique et  de  divers  édifices.  Chacune 
de  ces  suites  est  composée  de  quatre 
planches,  grand  iu-fol.  II.  Un  par- 
sage  -pittoresque  ,  où  l'on  voit  au 
milieu  un  gros  moucberon;  pièce 
fort  rare.  111.  Mais  la  suite  la  plus 
considérable  et  la  plus  précieuse  est 
celle  qui  a  été  publiée  sous  ce  litre: 
Plusieurs  belles  et  jdaisaniesvues, 
et  la  cour  de  Heemstède ,  dans  la 
province  d'Ulrecht  ,  dessinées  et 
gravées  par  J.  Moucheron  ^  et  don- 
jiées  en  lumière  par  la  veuve  Nie. 
Fisscher ,  -i(j  feuilles  numérotées, 
petit  in -fol.  en  travers;  chaque 
feuille  est  accompagnée  d'une  des- 
cription en  français  et  en  hollan- 
dais. James  Mason  et  Paul  Angier 
ont  gravé  ,  d'après  lui,  deux  beaux 
morceaux.  Celui  du  premier  est  in- 
titulé :  The  Herdsman  (  le  pâtre  )  ; 
celui  du  second  ;  A  view  of  Tivoli. 


iMOU  297 

ïsaac Moucheron  mourut  à  Amsler- 
flaiu  ,  en   1  "jS^.  P — s. 

M  OU  Cil  ET  (  GEonr.i:-.fF,AN  ), 
lexicographe,  naquit  à  D.irnelal , 
près  de  Kouen  ,  en  1737.  Ses  pre- 
miers pas  dans  l.i  carrière  de  l'érii- 
dilion  furent  diiigés  par  Foncema- 
gne  :  Sainte  Palave  et  lîreqiiigny 
î'associèrer.t  ensuite  à  leurs  travaux 
et  à  leur  amitié.  Muuchet  accompa- 
gna ce  dernier  à  Londres,  eu  i^GS 
et  I  -jOti,  et  lui  fut  d'un  grand  secours 
pour  la  rédaction  de  !a  Table  chrono- 
logique des  diplômes  ,  Chartres,  ti- 
tres et  actes  imprimés  concernant 
l'Histoire  de  Fiance,  1769-83,3 
vol.  in-folio.  Mais  ce  fut  à  un  travail 
d'une  tout  autre  importance,  qu'il 
fut  redevable  de  son  existence  litté- 
raire. Sainte-Palaye  ,  excité  par  une 
généreuse  émulation  de  la  gloire  de 
Ducange ,  avait  conçu  le  plan  d'un 
Glossaire  deV  anciennelangue  fran- 
çaise,  depuis  son  origine  ju' qu'au 
siècle  de  Louis  XIF.  Cette  "randc 
cntrcpiise  ,  résultat  d'un  commerce 
non  interrompu  avec  les  écrivains 
de  notre  vieil  idiome,  était  au-dessus 
des  forces  d'un  seul  homme.  L'aca- 
démicien qui  en  avait  préparé  les 
matériaux,  et  qued'autres  essais  con- 
sidérables tenaient  encore  en  halei- 
ne, sentit  la  nécessité  de  se  donner 
un  auxiliaire  qui,  profondément  pé- 
nétré de  ses  vues,  pût  conduire  à  sa 
fin  le  monument  dont  les  pierres 
d'attente  étaient  seulement  rassem- 
blées. Mouchet  fut  choisi  par  son 
ami  pour  cette  honorable  coopéra 
tion  ;  et  en  17^0,  il  demeura  seul 
chargé  du  soin  de  mettre  en  œuvre 
les  recherches  amassées  en  commun 
ou  recueillies  auparavant.  Le  prince 
de  Beauvaufit  accorder  en,  1773,  au 
modeste  continuateur  de  Sainte  Pa- 
laye ,  une  gratification  annuelle  de 
mille  francs ,  portée  au  double  deux 


sqS  mou 

ans  après.  En  i-jJJo, lorsqu'il  venait 
de  perdre  son  devanricr  ,  Mouchct 
confia  aux  presses  <lu  J^ouvre  le 
premier  volnnie  du  Gloss.iirc.  ij'im- 
])rc5.^ion  ne  liit  pas  coiitinuc'c  au-de- 
là des  deux  tiers  du  volume  ,  for- 
mant 74"  H^f''^'  et  se  tcriiiinant  à 
la  syll;dje  Asr.  Ciiaque  article  réu- 
nit les  variantes  d'oiiliographc  et 
la  filiation  des  idées  ditlcrcnles, 
expiiiuées  par  le  même  mot.  L'his- 
toire métaphysique ';<dcs  acceptions 
successives  par  lesquc  les  a  passé 
toute  locution  complexe,  n'est  pas 
toujours  satistai.saiite  ,  ai  coiuplète  : 
peut-être  est-on  o|:i;alcment  (u  droit 
de  i.lâmcr  ie>  développeuicats  trop 
éleudus  qu'entraînent  des  digres- 
.sions  ,  intéressantes  d'ailleurs  ,  sur 
nos  antitjî'.ilés ,  et  le  scrupule  de  ne 
sacriîier  que  lieu  peu  d.:s  citations 
d'auteurs  f]ui  avaient  tant  coûté  à 
extraire.  Du  moins  tes  eitaiions  sont 
souvent  rattachées  l'iuica  l'auire  par 
des  transitions  qui  ne  manquent  pas 
d'agrément.  Nous  indiquerons  pour 
exemple ,  l'article  Amour.  Les  arti- 
cles Advocat ,  A:  anage  ,  Arbales- 
trler.  Arme,  Armet,  Arnold ^  Art , 
Asne ,  peuvent  donner  une  idée  suf- 
fisante d'un  ;:^lossaire  avec  lequel  in 
Borel,  ni  Lacombe  ,  ni  le  bénédictiu 
Jean  François,  ne  t'muaisscnt  point 
decompar.iison.  A  l'époque  de  la  ré- 
volution, Mouchct  n'avait  guère  plus 
avancéson  Iravaii.  Letraite;iier.tqu'd 
recevait  du  p;ouverneraent,  se  trouva 
supprimé;  et  il  fut  à  la  veille  de  con- 
naître le  besoin.  Brequigny,  que  la 
l'évolution  avait  pareillemeat  dé- 
pouillé des  fruits  de  ses."  veilles  , 
exigea  que  son  ami  accej)tàt  le  don 
de  sa  bibliothèque,  dont  il  se  dessai- 
sit sur-le-champ.  Legrand  d'Aussy, 
nommé  conservateur  des  manuscrits 
à  la  bibliothèque  im|)ériale,  v  intro- 
duisit J^I'juciict  sous  le  titve  de  Iroi- 


MOU 

siènie  employé'.  Mouchet  avait  le 
rang  de  premier  employé  lors  de  sa 
Tiiort,  arrivée  le  G  février  1807. 
Q.ielqne  temps  auparavant  ,  lora- 
(ju'une  comniis.'iou  de  l'Institut  , 
formée  pour  présider  à  la  continua- 
tion du  Glossaire,  lui  demanda  quel 
prix  il  attachait  à  son  travail,  il 
lépondit  qu'il  lui  suflisait  d'entre- 
voir sa  récompense  dans  la  repri- 
se du  raouuincnl  «pi'il  avait  élau- 
ché.  Il  ne  laissa  cependant  lien  qui 
pût  compléter  l'impression  du  vo- 
lume commencé.  Son  temps  s'é- 
tait consumé  à  extraire  vi  à  couvrir 
de  notes  marginales  sur  la  significa- 
tion des  vieux  mots  ,  les  manuscrits 
d'anciens  chroniqucurset  romanciers 
que  renfermr'iit  sa  bibliothèque.  Les 
matériaux  qui  devaient  être  cléponi!- 
lés  pour  la  rédaction  délinitive  du 
Glossaire,  sont  consignés  dans  plus 
de  Go  vol.  in-fol.,  conservés  à  la  bi- 
bliothèque royale.  La  partie  méta- 
physique y  est  a  peine  effleurée  ; 
Tindicationdcs  sources  et  autorités  , 
et  des  citations  nombreuses,  rem- 
plissent ces  pages  ,  où  les  recherches 
historiques  ne  trouvent  place  que 
bien  rarement.  Ce  vaste  répertoire 
ne  pouvant  pas  de  long- temps  être 
rais  au  jour,  le  Glossaire,  beaucoup 
plus  réduit,  de  M.  Roquefort,  comble 
en  quelque  sorte  ce  vide  de  notre 
littoiature.  Voyez  \c  Journal  des  sa- 
vants, décembre,  1791.     F — t. 

MOUCHET  (  Fr  \^çoIs  Nicolas), 
peintre,  né  eu  i;5o,  à  Grai  ,  eu 
Franche  -  Comté  ,  était  (ils  d'un 
ayocat  du  roi,  au  bailliage  de  cette 
ville.  Il  alla  jeune  étudier  à  Pa- 
ris ,  reçut  des  leçons  de  Grcuzc  , 
et  obtint,  en  177G,  le  premier  prix 
à  l'académie,  La  nécessité  de  trouver 
des  ressources  dans  son  talent  le  dé- 
cida à  s'appliquer  au  genre  de  la  mi- 
LÏature ,  tt  il  se  1:1  d'.ujcrd  c-uualu*- 


MOU 

par  (les  portraits  :  il  venait  <Tc- 
li*'  cliar^^é  do  quelques  ouvrages  par 
!<•  {gouvernement  ,  lorsque  la  re'volu- 
lioii  larraelia  à  sou  atelier,  lien  em- 
brassa les  |iiiii(iposavee  uni;  clialciir 
que  part.i^eail  le  plus  grainl  uonibrc 
des  ailisles  ,  et  fut  successivenicnt 
élu  iiKunbic  de  la  muuicipalile  ,  et 
ju^c  de  paix  d'une  des  sections  de  Pa- 
ris. Envoyé,  eu  i7()'-*>  comiuissaire 
dans  la  Belc;ique,  pour  designer  les 
objets  d'art  qui  devaient  être  dirigés 
sur  la  capitale  de  la  France ,  il  ne  vit 
pas  dans  cette  mission,  comme  tant 
d'autres,  un  moyen  d'augmenter  sa 
t<.)rtune;,  et  revint  pli'.s  pauvre  (pi'il 
n'était  parti.  Les  ciiraes  dont  il  était 
témoin  ,  le  y)énétrt'rcnt  d  indigna- 
tion ;  et  le  courage  avec  lequel  il 
signala  les  chefs  du  parii  qui  oppri- 
mait la  France,  lui  valut  une  hono- 
rable détention.  11  passa  quatorze 
mois  dans  Il-s  prisons,  occupé  a  l'aire 
des  portraits,  dont  leproduit  l'aidait 
à  soutenir  sa  famille.  Rendu  à  la  li- 
berté en  1794?  il  se  hâta  de  reve- 
nir dans  sa  ville  natale,  où  ,  satisfait 
du  modeste  patrimoine  qu'il  avait 
retrouvé,  il  se  lis'ia  tout  entier  à  la 
pratique  de  son  art.  Il  forma  une 
ccolc  de  dessin  à  ses  frais ,  et  n'épar- 
gna rien  pour  inspirer  à  ses  élèves 
le  goût  de  l'antique,  qu'il  se  repro- 
chait d'avoir  négligé,  ija  mort  de  sa 
leinmc,  suivie  bientôt  après  de  celle 
de  sa  fille  unique,  vint  troubler  sou 
repos;  et  dès  ce  moment  il  ne  fit 
plus  que  languir.  Cependant,  d'a- 
près les  conseils  de  ses  amis ,  il  ve- 
nait de  contracter  une  nouvelle 
union ,  lorsqu'il  mourut  à  Grai ,  le  1 0 
février  1814,  à  l'âge  de  soixante- 
quatre  ans.  Outre  un  grand  nombre 
de  Portraits  renîarquablcs  par  une 
louche  large  et  vigoureuse,  on  cite 
de  lui  deu\  cuiu positions  :  L' Oripns 
i.^i  la  peinture  et  le  Çriouwke  de  Ui 


MOU 


200 


justice^  qui  ont  paru  au  salon;  et 
une  foule  de  petits  sujets  gracieux  , 
(pi'a  reproduits  la  gravure,  tels  que 
le  Larcin  d'amour,  VlLUision,  le 
Coucher,  etc.  W  —  s. 

MOUCHON  (  PiERP.E  ) ,  né  à  Ge- 
nève ,  en  1  733  ,  d'un  pire  horloger  , 
occupe  une  jîlace  distinguée  entre  les 
prédicateurs  protestants.  Après  s'être 
voue  ,  pendant  quelques  années  ,  à 
l'enseignement  de  la  jeunesse  ,  dans 
le  collège  de  Genève  ,  il  exerça  les 
fonctions  du  ministère  sacré,  dans 
l'église  française  de  Bâle,  puis  dans 
sa  patrie,  ou  il  mourut,  en  1 797.  Au 
milieu  des  devoirs  de  son  état,  il  sut 
encore  trouver  du  temps  pour  qucl- 
(jues  sciences  de  prédilection ,  comme 
Tastronomie  ;  et  il  ne  craignit  pas  de 
se  charger  d'une  lâche  immense ,  qui 
pourrait  ne  paraitrc  d'abord  qu'un 
ouvrage  de  pdtience  ,  mais  qui,  par 
le  mérite  de  l'exécution,  annonceun 
esprit  étendu  ,  accoutume  à  embras- 
ser un  grand  nombre  d'objets  ,  à  les 
disposer  ^\ec  ordre ,  et  une  variété 
de  connaissances  acquises  qui  ne  re  • 
jette  rien  comme  lui  étant  étranger. 
Nous  voulons  parier  de  la  Table 
analyli'jiie  et  raisonnée  des  matiè- 
res conLeiiues  dans  V£nc)  clojjédie. 
Paris  ,  i';8o  ,  ?-  vol.  in-fol.  Les  di- 
vers articles  disséniinés  dans  ce  grand 
Dictionuaire,  et  qui  se  rapportent  a 
un  même  sujet ,  toutes  l'^s  idées  epar- 
ses  dans  des  arûcles  où  l'un  ne  pense- 
rait pas  à  les  chercher  ,  sont  rappro- 
chées avec  autant  de  dibcernement 
que  d'ordre  et  d'exactitude.  Mou- 
chon  eraplova  cinq  années  à  ce  tra- 
vail ,  y  donnant  une  portion  de  cfia- 
cune  de  ses  journées,  conformément 
à  un  plan  qu'il  s'était  tracé  d^avance, 
et  qu'il  a  lidèlement  suivi.  On  a  dit 
qu'il  était  probablement  le  seul  hom- 
me qui  eût  lu  rKiicyclopédie  en  to- 
Uht£;Ct  celui  qui  cii  a  retire  le  ^Uis  de 


3oo  MOU 

fruit.  En  faisant  cette  revue  des  cou- 
îiaissances  humaines  ,  il  clcndit  les 
siennes,  il  s'enrichit  d'un  grand  nom- 
bre d'idées  générales  ,  pericctionna 
cet  esprit  phihisophitiue  qu'il  possé- 
dait à  un  haut  degré  ,  et  qui ,  appli- 
qué À  l'étude  et  a  la  défense  de  la  reli- 
gion, servit  à  fortifier  sa  foi,  en  mèrae- 
terapsqu'ildonnaun  caractère  neuf  et 
original  à  son  éloquence.  On  a  public, 
«iprès  sa  mort ,  un  choix  de  ses  Ser- 
7no;is,  en  deux  vol.  in-S".  (  Genève  , 
1798),  qui  font  regretter  qu'on  n'en 
ait  pas  donné  davantage.  La  force 
des  pensées  y  est  égalée  par  celle  du 
style.  Ceux  qui  l'ont  entendu,  admi- 
raient combien  son  action  simple  et 
majestueuse  était  eu  harmonie  par- 
faite avec  le  ton  de  sa  composition  . 
et  complétait  en  lui  l'heureux  assem- 
blage des  premières  quahîés  de  l'o- 
rateur chroliei).  Son  Sermon  du  jeû- 
ne ,  prononcé  dnjis  un  temps  de 
tioubles  et  de  malheurs  ,  est  peut- 
être  une  des  plus  belles  productions 
de  l'éloquence  sacrée.Cotte  éloquence 
Vouait  du  cœur.  Dans  les  dissensions 
qui  agitèrent  quelquefois  sa  patrie, 
Mouchon  jouit  do  la  considération 
de  tons  k-s  partis.  Il  fut  lié  avec 
J.  -  J.  Rousseau  ,  qu'd  alla  Toir  à 
Motier-Travers ,  en  1 762 ,  et  qui  lui 
donne  le  litre  de  cousin ,  dans  une 
lettre  datée  du  29  octobre  de  la 
mèrae  année  (rapportée  dans  le  Ly- 
cée français  ,  tome  III,  p.  190, 
févr.  1820  ).  Mouchon  a  fait  un 
récit  intéressant  et  animé  de  cette 
visite,  dans  une  lettre  écrite  sur  les 
lieux,  le  4  octobre  de  cette  même 
année,  et  rapportée  dans  l'Histoire 
de  J.-J.  Rousseau  (  par  M.  De  Mus- 
set ),  tome  II,  p.  5oo.  Voyez  V Elo- 
ge histurijue ,  placé  en  tête  de  ses 
iSermons  ,  et  dont  l'auteur  est  M.  Pi- 
rot  ,  professeur  en  théologie  ;  la  Re- 
vue  de  1807   (  tom.  5'2,  p.  182  ), 


MOU 

et  la  Notice  insérée  dans  l'Alma- 
nach  des  Protestants ,  pour  1809. 

M — N IJ. 

MOUCiHY  (  Antoine  oe  ) ,  conni! 
en  latin  sous  le  nom  de  Deinoclui- 
res,  docteur  de  la  maison  et  sociél/^ 
de  Sorbonne,  était  né  a  Ressoas  , 
bourg  de  Picardie,  au  diocèse  de 
Beauvais.  Il  til  ses  étud>'sdans  l'uni- 
versité de  Paris,  et  y  professa  la 
philosophie.  Il  en  était  recteur,  en 
1 539  :  en  1 540  ,  il  prit  le  bonnet  de 
docteur  eu  théologie,  et  presque  aus- 
sitôt fut  nommé  a  une  chaix'e  ,  pour 
professer  celte  science  dans  les  éco- 
les de  Sorbonne.  Il  devint  ensuite 
chanoine  et  pénitencier  de  l'église  de 
Noyou,  S'étant  fait  remarquer  du 
cardinal  de  Loi  raine ,  ce  prélat  l'em- 
mena au  concile  de  Trente,  eu  1 562 , 
avec  quelques  autres  docteurs.  On 
lui  reconnaissait  de  la  piété  ,  du  sa- 
voir et  du  zèle.  Quelques  -  uns  néan- 
moins pensent  qu'il  n'était  pas  pro- 
fond théologien.  Il  prenait  le  titre 
d'inquisiteur  de  la  foi  en  France  ;  et 
il  en  exerçait  les  fonctions  contre  les 
partisans  des  opinions  nouvelles  , 
qu'il  faisait  épier  et  poursuivait  avec 
une  chaleur  qui  pass.iit  pour  être 
quelquefois  outrée,  et  qui ,  au  lieu  de 
les  ramener,  lui  attirait  leur  haine. 
Il  fut  un  des  commissaires  que  Henri 
II  nomma  pour  instruire  le  procès 
d'Anne  du  Eourg  et  des  autres  con- 
seillers au  parlement,  arrêtés  avec  lui 
comme  soupçonnés  d'hércsie.  Mou- 
chv  ne  manquait  pas  d'éloquence  ^ 
et  jiarnt  avec  éclat  au  colloque  de 
Poissi  et  au  concile  de  Reims,  en 
i564.  11  fut  chargé,  en  i567,  de 
faire ,  de  concert  avec  le  recteur 
de  l'université ,  la  visite  de  tous 
les  collèges  ,  pour  s'assurer  de  l'or- 
thodoxie des  disciples  et  des  maî- 
tres, et  priver  ceux-ci  de  leur  chaire, 
si  leur  foi  était  suspecte.  Il  mourut 


MOU 

iiP.iris.cn  i574i^"y^ndc  la  faculté 
(ic  tlieolop;ii;,  el  sénifiirdc.  Sorboniic. 
Ou  a  de  lui  :  I.  la  llaraiinuc  (jn'il 
j)rononça  aii  concile  (le  Trente.  II. 
Un  traite  J)e  sacrificic  Misyœ  ,  ou- 
vrage exact,  pour  le  do^i^me  ,  mais 
rcujpli  de  digressions  iiiuliics,  et  dé- 
pourvu de  critique.  111.  Plusieurs  au- 
tres ouvrages  ,  cil  res|Jiit  ne  manque 
point ,  mais  qui  pèchent  egaleineut 
par  défaut  de  critique.  Mézcrai  a 
prétendu  que  la  dénomination  de 
mouchards  ^  donnée  aux  espions  de 
police ,  était  dérivée  du  nom  de  De- 
mochares  ,  que  Mouchy  avait  sidis- 
litué  au  sien,  parce  que  l'on  s'en 
servait,  dit-on,  pour  désigner  les 
agents  secrets  qu'il  employait  nour 
découvrir  les  sectaires  de  son  temps. 
Mais  il  paraît  «pie  ce  sobriquet  est 
beaucouj)  plus  ancien  (  F.  Ménage  j, 
et  qu'il  vîput  tout  simplement  de  ce 
qu'ainsi  que  les  mouches,  ces  sortes 
de  gens  s'insinuent  partout.  Plutar- 
que,  en  effet,  comparait  les  espions 
aux  m<fuches.  L — y. 

MOUCHY  (Philippe  de  Noailles, 
duc  DE  ) ,  maréchal  ne  France  ,  na- 
quit à  Paris,  le  7  décembre  1715.  I! 
était,  ainsi  que  le  dernier  maréchal 
de  Noailles,  iJls  d'Adrien  Maurice, 
qui  avait  épousé,  en  1(398,  la  nièce 
de  M'"^.  de  Maiutenou,  et  dont  ou 
a  imprimé  les  Mémoires.  (  V.  Mil- 
Loret  Noailles.  )  Il  entra  très-jeune 
an  service,  commanda,  en  1784,  un 
régiment  de  son  nom  ,  et  fit  avec 
distinction  ,  tant  sous  son  père,  que 
sous  les  maréchaux  de  Saxe ,  d'Es- 
trées  ,  de  Richelieu  ,  etc.  ,  toutes  les 
guerres  qui  eurent  lieu  depuis  1733 
]usqu'en  1 739.  Dans  la  campagne  de 
Bavière  (1742)  ,  le  duc  d'Harcourt, 
qui  commandait  l'armée  à  la  retraite 
d'Hilkersperg  ,  manda  à  la  cour  que 
c'était  au  comte  de  Noailles  (  depuis 
maréchal  de  Mouchy  ) ,  qu'il  avait 


MOU  3ot 

l'obligation  du  s.dut  de  son  arracc. 
Ce  dernier  fut  fait  lieiitcnant-géuc- 
ral,  eu  1748,  après  avoir  été  aide- 
de-can)p  de  Louis  XV  dans  la  cam- 
pagne de  Flandre.  Le  maréchal  de 
Mouchy  vécut  beaucoup  à  la  cour 
de  ce  prince,  qui  le  traitait  avec 
bonté  ;  mais  c'était  une  véritable 
amitié  que  lui  accordait  le  dauphin. 
Ils  avaient  ensemble  une  correspon- 
dance que  la  famille  de  Noailles  a 
conservée,  et  qui  ne  laisse  pas  de 
doutes  sur  les  sentimens  flatteurs 
qu'avait  pour  le  maréchal  l'héri- 
tier tlii  trône  de  France.  Chargé 
successivement  par  le  Roi  de  plu- 
sieurs missions  honoraldes,  il  le  fut 
spécialement  du  commandement  de 
la  Guienne  .  en  remplacement  du  ma- 
réchal de  Richelieu.  Il  donna  dans 
cette  province  toute  sorte  de  bons 
exemples  ,  et  y  obtint  l'estime  géné- 
rale ,  l'affection  même,  par  son  ca- 
ractère doux  et  conciliant,  qui  ne 
l'empêchait  pas  de  remplir  scrupu- 
leusement tous  les  devoirs  attachés 
à  SOS  fonctions.  Quoique  très-zélé 
pour  la  religion,  et  la  pratiquant 
avec  exactitude,  dans  un  temps  où  il 
V  avait  quelque  mérite  pour  les  geus 
du  monde  à  se  montrer  religieux , 
il  était  d'une  extrême  tolérance;  et 
les  protestants  ,  très-nombreux  en 
Guienne,  montraient  pour  lui  autant 
d'attachement  et  de  res])ect  que  les 
catholiques.  Les  Bordelais  se  sou- 
viennent encore  du  bien  qu'il  leur  fit, 
en  remédiant  aux  désordres  qu'en- 
traîne la  passion  du  jeu ,  désordre 
qui  dans  une  ville  de  commerce  de- 
viennent plus  funestes  qu'ailleurs.  On 
a  souvent  tourné  en  ridicule  l'amour 
excessif  peut-être ,  qu'avait  le  maré- 
chal de  ^louchy  pour  la  représenta- 
tion. L'importance  qu'il  mettait  à 
l'étiquette  en  général ,  n'était  que  la 
conséquence  d'un  bon  principe,  pous- 


3o2 


MOU 


se  jusqu'à  l'exagération  ;  pt  elle  tenait 
clie7.  lui  à  (les  seiitiirenls  très-nobles 
et  très  -  fli;j;nps  d'ëloges.  Véritable 
pliilosoplie  chrétien  ,  il  avait  fixe 
nne  e'poq'Te  où  il  devait  quitter  le  plus 
beau  eornmandeiJie.nt  de  France  ,  et 
son  gjuvernement  de  Yerî>'i!les  , 
pour  se  retirer  au  sein  de  sa  l'iinilie. 
Il  e'tait  âge'  de  70  ans  ,  lcrs(|u'il  ef- 
fectua celte  re'solutiou.  B  n  parent  , 
bou  ami ,  bon  maître  ,  essentielle- 
înent  cliaritab'e  dans  ses  terres  , 
comme  il  l'était  à  Paris  ,  où  il  allait 
lui-même  visiter  cl  secourir  les  indi- 
gents, il  parut  occupé  sans  cesse  du 
bonheur  de  tous  ceux  qui  avaient 
des  t*elations  avec  lui.  Il  fut  mem- 
bre de  l'assemblée  des  notables  ,  en 
1787  et  1788;  mais  depuis  cette 
époque  son  ççrand  âge  l'empêcha  de 
prendre  part  aux  événements  politi- 
ques. Cependant ,  une  émeute  popu- 
laire ayant  eu  lieu  à  Monllhéry ,  il 
apaisa  les  perturbateurs  en  leur 
montrant  su  fiç;ure  imposante  ,  et 
il  désarma  leur  fureur  par  son  lan- 
gaj^e simple,  mais  énergique.  Au  mo- 
ment des  humiliations  les  plus  pé- 
nibles pour  Louis  XVI  ,  il  redou- 
bla les  hommages  qu'il  se  plaisait  à 
lui  rendre.  Rien  n'honore  plus  la  fin 
de  la  carrière  de  ce  noble  vieillard  , 
que  son  dévouement  dans  la  déplo- 
rable journée  du  20  juin  i79'2. Quoi- 
que le  roi  eût  donné  a  tous  ses  fidèles 
scr^^teurs  l'ordre  de  se  retirer ,  le 
maréchal  de  Mouchy  espéra  que  ses 
années  feraient  pardonner  sa  présen- 
ce au  château,  et  ii  ne  quitta  pas  un 
instant  la  personne  de  son  maître.  At- 
tachant à  la  boutonnière  de  son  habit 
ime  canne  que  son  âge  lui  rendait  né- 
cessaire ,  on  le  vit ,  d'un  bras  que  le 
zèle  semblait  rajeunir  ,  repousser 
plusieurs  fois  les  téméraires  dont  la 
violence  pouvait  faire  craindre  pour 
les  jours   de  l'infortuué  monarque. 


MOU 

Le  lendemain  ,  la  leine  le  remercia 
avec  la  plus  vive  émotion  ,  en  pré- 
sence du  jeune  dauphin;  et  le  roi, 
à  son  tour  ,  lui  témoigna  ,  aussitôt 
qii'il  le  put ,  ainsi  qu'a  sa  fj'le .  la 
duchesse  de  Duras  ,  combien  il  était 
reconnaissant  d'une  telle  conduite, 
11  voulait  occuper  encore  le  poste 
de  l'honneiu-  le  10  août  ;  mais  il  ne 
put  parvenir  jusqu'à  Louis  XVI.  A 
dater  de  ce  jour  funeste,  il  ne  cessa 
pas  d'être  en  butte  aux  persécutions. 
On  vint,  dans  son  cliàleau  de  Mou- 
chy où  il  s'était  réfugié ,  le  sommer 
de  déclarer  le  lieu  de  la  retraite  de 
son  fils  aîné,  le  prince  de  Poix,  dont 
la  tète  avait  été  mise  à  prix  :  il  )e- 
poussa  avec  horreur  cette  odieuse  de- 
mande. On  sut  que  lui  et  sa  respec- 
tabie  é))ousc,  Anne -Claude- Louise 
d'Arpajoii  ,  assistaient  des  prêtres 
qualifiés  de  réfraclaires  ,  réduits  à 
une  extrême  misère.  Par  suite  d'une 
dénonciation,  le  maréchal  fut  arrêté, 
et  conduit  à  la  Force.  Peu  de  temps 
après,  on  le  transféra  au  Luxem- 
bourg, d'où  il  ne  sortit  que  pour 
comparaître  devant  le  tribunal  lé- 
volutionnaire,  et  périr  avec  la  ma- 
réchale. L'un  et  l'autre  intéressaient 
vivement  tous  leurs  compagnons  de 
détention  par  leur  union  touchante 
et  par  leurs  vertus.  Seulement ,  on  se 
])crmettait  quelquefois  de  sourire  à 
la  vue  de  leur  costume  aussi  anti- 
((ue,  aussi  solennel,  que  leurs  mœurs. 
Quand  ou  apprit  qu'ds  partaient 
pour  la  conciergerie  ,  ils  furent  com- 
b!és  de  témoignages  de  douleur  et  de 
respect.  Le  jugement  rendu  contre  le 
maréchal  de  IMouchv  ,  est  un  monu- 
ment curieux  parla  longue  énumé- 
ralion  des  délits  qu'on  lui  imputa. 
Ce  fut  le  ^7  juin  i'j()i,  qu'il  fut 
immolé,  à  l'âge  de  79  ans.  ]>a  maré- 
chale ,  nui  périt  avec  lui,  était  âgée 
de  6t>  ans  j  elle  se  trouvait  alors  fort 


MOU 

soiifTranle.  îl  y  eu  avait  !)3  qu'ik 
o'iaienl  niaiics.  Mad.iiuc-  de  Muiiciiy, 
dont  le  courage  relii;icux  répondit  , 
eu  ce  moment,  à  sa  vie  toute  cnliiie, 
avait  e'tif  sncccssivcmcul  dame  d'hon- 
neur des  reines  femmes  de  JjOuis  XV 
et  de  Louis  XVI.  L — r — i.. 

MOUGIN  (  PlIT.r.E  -  A.NTOl.Mi  )  , 

astronome  ,  était  ne  à  Cliarquemont, 
bailliage  de  Baume,  eu  Franche- 
Comté,  le  '.IX  novembre  1 735.  Apres 
avoir  termine  ses  études  au  se'mi.iaire 
de  Besançon  ,  il  embrassa  l'c'tat  ec- 
clesiasticjue  ,  et  lut  nomme  cure  de 
la  (irand'Combe-des-Bois ,  paroisse 
sjir  le  revers  du  Loniout.  Dès-!ors  il 
s'appliqua  par  goût  à  l'étude  de  l'as- 
tronomie :  il  adressa  ses. premières 
observations  à  Lalande ,  eu  !  766  ;  et 
)i  en  reçut ,  avec  une  lettre  Irès-fl a i- 
teuse  ,  nu  grand  télescope  ,  et  quel- 
fpies  autres  instruments  qui  lui  étaient 
iiidispcnsables  pour  donner  à  ses  opé- 
ritious  toute  Texaclitude  nécessaire. 
Devenu  correspondant  du  bureau  des 
longitudes  ,  il  avait  prorais  de  s'oc- 
cuper d'un  travail  sur  les  comètes  ; 
mais  il  eu  fut  détourné  |)ar  les  évé- 
nements de  la  révolution.  Il  avait  été 
élu  ,  en  1790  ,  membre  de  l'aduiinis- 
tratiou  centrale  du  déparlcment  du 
Doubs  :  il  lefusa  cette  place  qui  l'au- 
rait distrait  de  ses  études  habituelles , 
et  continua  de  vivre  au  milieu  de  ses 
livres.  I/estime  générale  dont  il  jouis- 
sait, ne  put  le  sauver  de  la  persécu- 
tion dirigée  contre  les  préîres  :  il  fut 
obligé  ,  sur  la  fin  de  i  ^fjS  ,  d'aban- 
donner sa  cure,  et  de  chercher  un 
asile  dans  le  creux,  d'un  vallon,  d'où, 
écrivait-il  à  Lalande, /<;  ne  vois  plus 
le  ciel.  Le  bureau  des  longitudes  ob- 
tint enfin  du  gouvernement  un  dé 
crct  qui  rendit  Mouginà  ses  travaux 
et  à  son  ancien  séjour,  plus  favora])le 
à  la  re.dierche  des  comètes.  En  1 80 1 , 
il  idreisa à  Lalande  une  grande  Table 


MOU 


3o^ 


de  prèvession ,  c'est-à-diro ,  des  chan- 
gements annuels  des  étoiles  en  ascii- 
sion  droite.  «  Il  y  a  trente  ans  ,  »  dit 
rastroiU)ine  français,  en  annonçant 
ce  nouveau  travail  ,  «  il  y  a  trente 
))  ans  que  nous  recevoiLS  de  ce  digne 
»  pasteur  des  Jiiarqiies  de  Z''le ,  d'ap- 
»  plication ,  de  curiosité  et  de  cou- 
»  rage  ,  qui  sont  bien  rares,  surtout 
))  dans  les  déserts.  »  Mougin  est  mort 
dans  sa  paroisse,  le  au  août  i8i(j  ^ 
à  l'âge  de  qaalre-vingt-un  ans.  On  a 
de  lui  des  Calculs  dans  la  Connais- 
sance des  temps,  de  l'-'jS  jusqu'à 
i8o3;  — \ciTubhsda  nonatrésime 
dans  le  vol.  cie  i';75;  —  les  Calculs 
de  Vélipse  de  soleil  oljservée  à  la 
Grand'Cjmbe  ,  le  M)  janvier  i  787  , 
dans  le  Journal  des  savants ,  p.  5o3 , 
etc.  Les  instruments  et  les  manus- 
crits de  l^Iougin  ont  été  achetés  par 
nn  Suisse  ;  et  l'en  ne  sait  s'ils  sont 
perdus  pour  la  science.  (  F.  VlJis- 
loirc  abrégée  de  V astronomie  ,  par 
Lalande,  à  la  suite  de  sa  Biblio^r. 
astronomique.  )  \\ — s. 

MOUHY  (CUAP.LESDI:  Fii-ux, 
chevalier  de  )  ,  neveu  du  baron  de 
Longepicrre  ,  naquit  à  Metz,  le  ij 
mai  170! ,  et  vint  de  bonne  heure  a 
Paris.  II  n'avait  d'autre  ressource  qu« 
sa  plume;  mais  le  ])roduit  ne  sulli- 
sant  ]ias  à  ses  besoins,  il  y  supjJéa 
comme  il  put.  11  fut  d'abord  au.\  L;a- 
gcs  de  Voltaire  ,  qui  le  payait  pour 
être  solliciieur  de  ses  procès,  et  sou 
chef  de  meute  au  parterre.  Plus  tard , 
il  rendit  au  maréchal  de  BLlie-î&le  , 
mini^itre  de  la  guerre ,  des  services 
honteux,  qui  lui  furent  bieu  pa\(ss  : 
c'était  tout  ce  que  voulait  Mouhy. 
Apres  la  mort  du  maréchal  ,  il  nu 
jouit  pas  d'une  grande  cousidératiou 
dans  le  monde  (i).  Il  n'eu  avtiit  pas 


(i)  Le  cliuvaiiir  '.if!  Mo  ;hy  allait  da!  s  k;  i:.Mi 
du  is  lis  foyers,  r!:fii.ill,iii  lont  ci- qu'tu  y  asti. 
it.;tra  k   =oir  cb  i  lui,  U  écrivait  uu  ruuij.i ,  d. 


3o4 


MOD 


davanla{»e  dans  la  rcpublirpie  des  let- 
tres, qiiui(jii'il  ait  produit  licaiicoiip 
d'ouvrages  pendant  sa  luiii^iic  car- 
rière, (pi'il  pi)u>.s;i  jusqu'à  l'àj^e  de 
quatre-viii^l-tro  s.ius.ll  inoiinitie'ig 
icVrier  1784.  O.i  ado  lui  :  I.  I.e  Ee- 
pertoirc'j  oiivrai;e  periodicpic.  1735, 
in- 12.  II.  l^a  J^ajsarnie  pajv^nue  , 
1735,  i\i  parties  en  4  vol-  in  -  \:i , 
dont  le  litre  seul  r.ippclic  le  Paysan 
par^-enu  de  Marivaux.  III.  Le  Dé- 
mêlé iUTvenu  eut  e  le  Paysan  par- 
venuel  la  P  ajsanne  parvenue.  1 735, 
in-i'2.  IV.  Mémoires  poslhumes  du 
comte  de  *** ,  avant  son  retour  à 
Dieu ,  1  'j35,  4  parties  in- 1 2.  V.  La- 
mekis,  ou  les  F'ora^es e i  traordinai- 
res  d'un  Egyptien  dans  la  terre  in- 
térieure, avec  la  découverte  de  Vile 
des  Silphides  ,  1735-37,  4  partif's 
in-i'i.  VI.  Mémoires  du  marquis  de 
Fieux ,  1 7  35  -  1 73G  ,  '^.  vol .  in  - 1  u. 
VII.  Paris ,  ou  le  Mentor  à  la  mo- 
de,  1 735  ,  3  parties  in- 1 1  ;  ouvrage 
non  termine.  Vlll.  Le  Mérite  vengé, 
ou  Conversations  sur  divers  écrits 
modernes,  173G,  in-  11.  IX.  Le 
Papillon  ,  ou  Lettres  parisiennes , 
4voL  in- 12.x.  La  Mouche,  ou  les 


lequel  il  anial^amuit  les  anecd  tes  qu'il  avait  enlcn- 
da  rarouttT.  Un  ou\Ta^c  n'ur  eati  ..va  t-il  cin  surcès  , 
il  en  cuuposait  aussilôt  le  pond  .ni.  Il  t-rait  d'ailleurs 
très-l»uu  parti  de  !<es  ccrifs  ;  ils  î*tai<  ul  alî.  Iirs  par- 
tout il  en  avait  S's  poches  pleines  ,  il  les  colportait 
lui-même  ,  et  l'on  était  forcé  de  l';s  aclu-ler  pour  se 
débarrasser  de  ses  instances.  Les  ïpialri'-vingts  volu- 
mes d'-  ruuiaiis  que  Moubv  a  publiés,  s  >iit  devenus 
r.ires  ,  sans  èlre  plun  recherchas.  Ils  ot.l  passe  dans 
1.  s  coK-uies  tt  Jaus  les  pavs  «^tmiigers.  Non?  »-u  avons 
trouvé  plusieurs  en  Hullande.  chez  des  libraires,  qui 
n'avaiei.l  presque  pas  d'antres  bvres  li-a.çais.  L'a- 
innur  -  propre  de  Rhinhy  était  anssi  r  dirule  qn.  la 
plupart  de  ses  nuviages.  En  fèle  de  .«a  niauvaise 
rompilafion  ,  qu'il  a  intitulée  ,  fïi'tnhedu  Théti(re- 
FrancaiSy  il  a  pla.  e  la  gravure  <.c  .sou  p-^irtrail ,  où 
i' esf  ropré.senle,  sans  qu'on  sache  pour 'iio<  .  armé 
et  cuirassé  oninic  un  maréchal  de  France.  Dans  les 
IMêmoiiei  de  Mademoiselle  de  Mvrn^ ,  "h'^roine 
ass'stant  à  la  conie'iie  .  se  fait  i.nnnner  quelques-uns 
lUis  des  spectateurs  :  «  Quel  *  st  ,  dit-elle  .  c  t  liouï- 
>'  me,  qui  vil  ut  de  s'asseoir,  qii  n'esl  pas  b  an,  mais 
>'  qui  a  1  air  si  nobie?  >.  C  est  le  i  bevall.  r  de  Mou- 
hy  .  repond  l'auteur  <In  livre  ,  <|ui  s'est  («eint  hii- 
tnème,  dans  un  portrait  assez  f'.dèl.- ,  aioute  Pa'iss  jI, 
à  l'air  noble  pr«s  ,  dont  sa  nc;ure  était  le  plus  iiarfait 
c  Diraste.  '  A-^T. 


MOU 

Aventures  de  Bigand,  173G,  6  par- 
lies  in-12;  il  y  a  plusieurs  éditions  : 
traduit  en  alluiuand  sous  le  titre  de 
r  Kspion.  On  y  trouve  de  la  gaîle  ,  de 
l'iinagiiiation  ,  de  l'originalité;  enfin 
il  passe  pour  le  moins  mauvais  des 
ouvrages  de  l'au'eur.  XI.  Nouveaux 
motij'i  de  couver-ion  ,  1738,  in-12. 
XII.  Fie  de  Chimene  de  Spinelli, 
I73<S, in-12.  XïlI.  Mémoires  d' An- 
ne-Marie de  Moras ,  comtesse  de 
Cour-bon,  i73g,  x  vol.  in-12.  XIV. 
L'Art  de  la  toilette,  in-  32,  sans 
date.  XV.  Lettre  d'un  Génois  à 
son  correspondant  à  Amsteidam, 
1 747  ,  in-i  2.  XV  I.  Mémoires  d'une 
fille  de  qualité  qui  ne  s'est  pas  re- 
tirée du  monde ,  1747»  4  vol-  in-12. 
Le  titre  de  cet  ouvrage  est  la  parodie 
du  titre  d'un  roman  de  l'aLbé  Pré- 
vost (  F.  Prévost  ).  XVII.  Le  Mas- 
que de  fer ,  1747'.  ï5  parties  en  3 
vol.  in-12.  L'adresse  de  l'auteur, 
par  le  chois  de  ses  titres  ,  appela 
quelquefois  l'attention  des  lecteurs 
sur  ses  ouvrages.  Quelques-uns  cir- 
culèrent dans  les  maisons  de  la  ca- 
pitale; mais  ils  n'arrivaient  pas  tou- 
jours jusqu'au  salon.  XVIII.  Mémoi- 
res de  la  marquise  de  Fillenemours, 
1 74  7  ,  in- 1 2.  XIX.  Mille  et  une  fa- 
veurs, 1748,8  vol.  in-12.  XX.  Opus- 
cules d'un  célèbre  auteur  égjpAen, 
1752,  petitiu-i2.  XXI.  Tablettes 
dramatiques  ,  contenant  l'abrégé 
de  l'hitoire  du  Thédli  e-Francais  ; 
l'établissement  des  théâtres  à  Pa- 
ris ;  un  dictionnaires  des  pièces ,  et 
l'abrégé  de  l'histoire  des  auteurs  et 
des  acteurs,  1 752,  petit  in-8°.  L'au- 
teur se  proposait  de  faire  chaque 
année  réimprimer  un  certain  nombre 
de  feuillets  ,  qui  devaient  contenir,  à 
leur  ordre  alphabétique,  les  pièces 
omises  dans  son  premier  travail,  ou 
représentées  depuis.  D'après  Y  Aver- 
tissement  de   l'ouvrage   publie'  en 


MOU 

1i"8o,  il  aurait  cxcculc   ce   projet 
jii.s((u'en    i-jSS.  IM.iis  ces  Tableurs 
n'en  sont  [)as    plii^  cstiinces  :  elles 
sont  iijcoui|)lctis  et  lautivcs.  XX.II. 
f.c  liérerluire  de  toutes  les  pièces 
restées  au  Théâtre-Français,  1 7  j3, 
in- 1  ()  ;  c'est  un  extrait  des  Tablettes. 
Moiihy  publia  un  siipple'nicut  pour 
ics  années  17JJ-1757.  XKIII.  Los 
Délices  du  ientinient,  1703,  6  vol; 
iii-i'.i.  XXIV.  Lellres  du  comman- 
deur de  ***  à  M" '.  ***,  avec  des  ré- 
ponses,  1753,  3  vol.  in- 12.  XXV, 
3[éinoiiesdumrirqiiiule  Benuvidez, 
17.V4,  7  parties.  XXM.  \j  Amante 
anonjine  ,  17>J,  4  parties  ia  -  12; 
ouvrage  non  achevé.  XXV II.  Le  Fi- 
nancier,    1735,   5   parties  in-i'2. 
XXVIII.  Les  Dangers  des  specta- 
cles ,  ou  Mémoires  de  M.  de  Chnm- 
pigny ,  1780,  4  vol.  iii-ia,  en  y 
parties.  XXIX.  Ahrév!;é  de  l'histoi- 
re du  Théâtre-Français ,  deiiids  son 
origine,  jusqu'au  i *"''.  iui;i  de  Van- 
née 1780,   1780,  3  vol.  iu-8'.   Le 
premier  est  un  Dictionnaire  des  piè- 
ces; ic  second  contient  i;a  Diction- 
naire des  auteurs ,  suivi  d'un  Diction- 
naire des  acteurs  et  actrices  :  c'est 
le  troisième  qui  renferme  V Histoire 
du  Théâtre-Français .Qc.n  est  qu'u- 
ne sèche  nomenclature  chronclogi- 
que.  Les  omissions  sont  aussi  nom- 
breuses  que  les   inexactitudes  ;    le 
style  en  est  plat  et  très -incorrect. 
Du  vivant  de  iMouhy,  un  conseiller 
en  la  cour  des   monnaies  ,   nomme 
D'Origny,  donna   la  suite  de   son 
ouvr:i^e,  sous  le  litre  à\4brégé  da 
l'histoire  du  Théâtre  -  Français  , 
depuis  le  mois  de  septembre  1780, 
jusqu'au    1"^''.   janvier  de   Vannée 
Î783  ,   tome  IV,    1783,   io- 8^. 
Mouhy  avait  travaille  à  la  Gazelle 
de  France;  et  il  nous  apprend  lui- 
même  que  ce  fut  du  1 8  mai  1749 
au  i^''.  juin  1701.  Yoltairo,  dans  su 

XXX. 


MOU  3o5 

lettre  à  d'Argcntal ,  du  28  novembre 
17JO,  accuse  IMouhy  d'avoir  écrit 
(les  sottises  contre  lui,  dans  les  Bi- 
^'irruie^  (  Journal  qui  s'impriiuait 
à  la  Haye}.  Il  n'y  a  là  rien  que  de 
vraisemblable.  Une  notf  .monyme  , 
qui  ne  se  trouve  que  dans  quelques 
éditions  des  OEuvrcs  de  Voltaire  , 
porte  que  !c  Préservatif ,  o-  Il^culc 
de  Voltaire,  fut  publie'  sous  le  nom 
de  Mouiiy.  Le  Préservatif  ivX  im- 
prime, il  est  vrai,  par  les  soins  de 
Mouliy ,  en  1738,  mais  sans  nom 
d'auteur.  La  Justijication'.de  la  mu- 
si(jue  j ranc'.r  ie ,  1754  ,  in-y^. ,  qu(î 
la  Correspondance  de  Grimm,  i^ 
1  j3,  attribue  à  Mouliy,  et  d'antres 
à  Estève ,  est  de  Morand  (  ^.cc 
nom  ,  pag.  67  ci-dessus  ).  A.  B — t. 
INIOULEY.  r.  MuLEY. 
MOULIiN(  Charles  Du).  /".Du- 
moulin. 

i'IOULÎN  (Pierre  du)  ,  fameux 
tlièulogien  de  la  communion  réfor- 
mée, était  originaire  d'Orléans  :  il 
naquit,    le    18   octobre    1  ï68 ,  au 
château  de  Buhi  dans  le  Yexin ,  oii 
son  père,  persécute  pour    ses  opi- 
nions religieuses,  avait  trouvé  un  asi- 
le auprès  de  Duplessis-3Iornav(  F'. 
MoRNAY  ).  Il  fit  ses  premières  études 
H  l'académie  de  Sedan  ,  et  passa  en- 
suite en  Angleterre ,  où  il  suivit,  pen- 
dant quatre  ans,  les  leçoiîs  des  plus 
célèbres  professeurs.  S  "^  amis  l'ayant 
invité  à  se  rendre  en  '^'jllandc,  il 
fut  pourvu  de  la  chaire  ue  philoso- 
phie de  l'université  de  Leyie,  qu'il 
remplit  plusieurs  années  avec  beau- 
coup de  distinction.   Il  obtint,  eu 
1  599,  une  vocation  pour  l'église  de 
Charenton  ,  et  fut  nomme  chapelain 
de  la  priucesse  Catherine  de  Bom-- 
bon.  Il  eut  une  conférence,  en  1602 , 
avec  Cavet,  nouvellement  converli  ; 
mais  elle  n'aboutit  qu'à  les  aigrir  l'un 
contre  L' autre,  et  à  produire  des  deux 

'X9 


3o6 


MOU 


rôtés  plusieurs  écrits  justement  ou- 
blies (  F.  Cayet,  VH  ,  463  ).  Ce 
fut  du  Moulin  qui  prononça  l'oraison 
funèbre  de  Henri  IV,  à  (^harenlon. 
Sou  discours  fil  pleurer  tout  le  inon- 
de. 11  composa  peu  après  ,  par  ordre 
du  roi  d'Angleterre ,  un  livre  qui  fut 
saisi  à  la  requête  du  chancelier  :  mais 
il  en  obtint  la  restitution  ;  et  le  chan- 
celier ,  qui  nomme  du  Moulin  un 
homme  de  bien  ,  profita  de  cette  cir- 
constance pour  le  prier  de  continuer 
de  prêcher  modestement  (  Voy.  le 
Jouin.  de  Henri  IF.  t.  rv,  '2'i4)- 
Il  fil  un  voyage  à  Londres  en  i6i5; 
et  il  y  donna  ,  à  la  prière  du  roi,  un 
plan  de  réunion  des  églises  protes- 
tantes, que  Dav.  Blondel  a  inse'rë 
dans  les  Actes  authfnticjues,  etc.  Du 
Moulin  pre'si  la,  en  iCrio  ,  le  synode 
d'Alais  :  informé,  quelque  temps 
après,  que  la  cour  avait  connaissance 
d'une  lettre  qu'il  avait  écrite  au  roi 
d'Angleterre  pour  l'engager  à  pren- 
dre la  défense  des  protestants  ,  et 
craignant  d'être  arrêté  ,  il  s'enfuit  à 
Sedan,  où  il  fut  accueilli  avec  beau- 
coup d'empressement  par  le  duc  de 
Bouillon.  Il  fut  nommé  sur-le-champ 
ju'ofesseur  en  théologie ,  et  ne  cessa 
depuis  de  prendre  part  aux.  affaires 
les  plus  importantes  de  sa  commu- 
nion. 11  mourut  à  Sedan  le  lo  mars 
1(558,  à  l'âge  de  quatre-vingt-dix  ans. 
C'était  un  homitie  plein  de  zèle  pour 
les  intérêts  de  sa  secte  ,  et  d'une  acti- 
vité infatigable,  mais  violent  et  em- 
porté. I>'<'irticle  cpi'on  litdans  les  der- 
nières éditions  du  Dictionnaire  de 
Bajle,  parut  pour  la  première  fois 
dans  l'édition  posthume  de  i7'20: 
ce  n'était  que  le  commencement  d'un 
article,  qui  certainement  eut  été  plus 
étendu  ;  tout  ce  qu'on  y  lit,  c'est  que 
du  Moulin  a  été  l'un  des  protestants 
qui  rejetaient  la  fable  de  la  papesse 
Jeanne.  On  a  de  lui  soixante-quinze 


MOU 

ouvrages,  dont  on  trouvera  les  ti- 
tres ,  avec  la  note  des  diflérentes  édi- 
tions ,  dans  les  Synodes  des  églises 
réj années  de  France ,  par  Aymon, 
t.  11 ,  p.  i^S  et  suivantes.  Nous  nous 
bornerons  à  citer  ceux  qui  sont  en- 
core recherchés  de  quelques  curieux: 

I.  Hé<aclile ,  ou  De  la  vanité  et  mi- 
sère de  la  vie  hum  une  ,  i6io,  in- 

II.  11.  De  monaxhid  temporali 
ponlijicis  romani  liber ,  in  fjuo  im- 
peratoris,  regum  et  principum  jura 
defenduntur,  Leyde,  i(3i4  ,  in-8".j 
réimprimé  plusieurs  fois,  et  notam- 
ment à  Londres  ,  en  1712,  dans  un 
Recueil  in-fol.  d'écrits  contre  la 
puissance  temporelle  des  papes,  III. 
Accroissement  des  e aux  du  Siloé  ^ 
pour  éteindre  le  feu  du  purgatoire  et 
noyer  les  satisfactions  humaines  et 
les  indulgences  papales ,  Genève  , 
161  4,  in-i'2.  On  ne  doit  jias  con- 
fondre cet  ouvrage  avec  celui  qu'il 
avait  publiécontre  Cayet,  etqui  porte 
à  peu-près  le  même  titre.  IV.  Nou- 
veauté du  papisme,  opposée  à  l'an- 
ticpdté  du  christianisme,  Sedan, 
16^7,  in -fol.  L'édit.  de  iG33,  in- 
4". ,  passe  pour  la  meilleure  j  mais 
l'ouvrage  en  lui-même  est  assez  peu 
de  chose.  Du  Moulin  avait  composé 
cet  écrit  par  ordre  du  roi  Jacques  P"". 
Leclerc  dit  qu'il  avait  été  traduit 
tout  entier  en  anglais  ,  mais  que 
tous  les  exemplaires  furent  con.sumés 
dans  l'incendie  de  Londres,  eni666 
(  Bibl.  choisie  ,  tome  xxvi  ).  V. 
L'anti  -  barbare ,  ou  Du  langage 
étrange  et  incogneu  es  prières  , 
Sedan,  16*29,  in-8^.  Il  y  attaque 
avec  beaucoup  de  violence  différents 
points  de  la  liturgie  catholique  ;  il 
a  commis  dans  cet  ouvrage  une  plai- 
sante bévue  ,  rapportée  dans  la  Bi- 
bliothèque mise  en  tête  du  dictionnai- 
re de  Richelet  (  F.  au  sujet  de  cette 
Jjiblioth.  l'article  Laiir.  Josse  Lz 


MOU 

Ci.iinc).  Uii  aiKtiivirip  opposa  à  Du 
Moulin  :  Le  vrai  Barbare  en  lan- 
i^ugt:  cogneu ,  m  enfer,  i  Cnç) ,  in-B^. 
\  I.  Anatomie  de  la  messe,  Lcydc, 
i638,  in-i.i  :  cette  édition  fait  partie 
(le  la  collection  des  Elzcvirs  fran- 
çais, li'edition  de  Sedan  ,  1 63t) , 
\n  -  8". ,  est  augmentée  d'une  se- 
conde partie  ;  mais  comme  on  ne 
fait  aucun  cas  de  l'ouvrage  ,  elle 
est  à  très  -  bas  prix.  VU.  Le  Ca- 
pucin ,  traité  aiujuel  est  décrite 
et  examinée  l'origine  de  ces  moi- 
nes,  s.  d.  ,  in- 12  ;  Sedan  ,  16^1  , 
même  format  :  ce  petit  ouvrage  sa- 
tirique est  rare.  VllI.  Trois  Ser- 
mons faits  en  présence  des  RR.  PP. 
capucins,  etc.,  Genève,  164 1  ,  in- 
8"^.  ÏX.  Eclaircissement  s  des  con- 
troverses Sahnuriennes  ,  ou  Dé- 
fense de  la  doctrine  des  églises  ré- 
formées ,  ihid. ,  1O49,  i'!-^*^-  O» 
peut  consulter  ,  pour  plus  de  détails  , 
le  Récit  des  dernières  heures  de 
P.  du  Moulin,  Sedan,  i658,  in- 
8".,  ou  Genève,  16GG,  in- 15,  dans 
un  Recueil  de  pièces  du  même  genre, 
et  sa  f^ie  dans  les  P'itœ  selecîo- 
rmn  aliquot  viromm ,  par  G.  Bâtes , 
Londres,  iG8>-,  in-4".  Quant  à  la 
Légende  dorée  de  P.  du  Moulin , 
contenant  l'histoire  de  sa  vie  et  de 
ses  écrits,  Paris,  164 1,  in -8",, 
c'est  une  diatribe  très-virulente  dont 
l'auteur  est  reste'  inconnu.  Le  por- 
trait de  Du  Mouiiu  a  ètè  gravé  dans 
tous  les  formats  et  par  les  plus  cé- 
lèbres artistes  du  temps.    W — s. 

MOULIN  (Gabkiel  du  ),  histo- 
rien, né  au  commencement  du  dix- 
septième  siècle,  à  Bernai  en  iN'or- 
mandie,  embrassa  l'état  ecclésiasti- 
que, fut  pourvu  de  la  cure  de  Màn- 
ueval  ,  et  consacra  ses  loisirs  à 
étudier  l'histoire  de  sa  province.  Il 
mourut  vers  1C60.  On  a  de  lui:  \. 
Histoire  générale  de  Normandie , 


MOU  .3r,7 

contenant  les  choses  mémoraLlcs  ad- 
venues depuis  les  j»remièrcs  courses 
des  Norujands  païens  ,  jus(ju'à  la 
réimion  de  cette  province  à  la  cou- 
ronne, Kouen,  iG3i,infol.  ;  elle 
contient  beaucoup  de  particulatités 
curieuses  :  on  trouve  a  la  suite  le 
Catalogue  des  seigneurs  norniaruis 
qui  allèrent  aux  croisades  ,  avec 
leurs  armoiries  ,  depuis  Guillrtinne- 
le-Couquérant,  jusqu'à  Piiilippc-Au- 
guste,  et  enlin  les  noms  des  ur) 
gentilshommes  qui  défendirent  le 
Monl-Saiut-Michel  contre  les  Aji- 
glais,  eu  i443  ,  et  les  foicèrent  à  eu 
lever  le  siège.  Fontette  avertit  qu'on 
ne  doit  pas  avoir  beaucoup  de  con- 
fiance dans  le  catalogue  des  Croisés  , 
rédigé  trop  long-temps  après  les  évé- 
nements pour  faire  autorité.  II.  Les 
Conquêtes  et  les  trophées  des  Nor- 
mands francois ,  aux  royaumes  de 
Napies  et  de  Sicile  ,  aux  duchés  de 
Calabre,  d'Autioche  ,  de  Galilée  et 
autres  principautés  d'Italie  et  d'O- 
rient ,  ibid. ,  1 G58 ,  in-fol.  Celte  com- 
pilation est  moins  estimée  que  la 
précédente;  on  y  trouve  cependant 
quelques  faits  intéressants  pour  l'his- 
toire du  xi^'.  et  du  xii^  siècle.  W-s. 
MOULIaES  (  Gi;iLLAu:.iE  de  ; , 
traducteureslimable,étaitnéeni-j'iH, 
à  Beilin,  de  parents  protestants,  ori- 
ginaires du  Languedoc.  Après  avoir 
achevé  ses  études,  il  fut  promu  au 
saint  ministère,  et  nommé  pasteur 
de  la  colonie  française  de  Bernau. 
Rappelé,  quelque  temps  après,  à  Bei- 
lin, ses  talents  ])our  la  chaire  lui  ga- 
gnèrent la  îjienveillance  du  grand- 
chancelier  de  Jarrigcs,  qui  le  mit  eu 
relation  avec  \  oltaiie,  dont  les  con- 
seils l'aidèrent  à  corriger  son  style 
des  défauts  qu'on  reproche  aux  réfu- 
giés. De  Jarrigcs  le  présenta  aussi  au 
grand  Frédéric,  qui  emplova  la  plu- 
me de  Moulines  ,  dans  plusieurs  cir- 
:10.. 


3oB  MOU 

constances,  et  l'cngaç^ca  à  cnlrcpren- 
dre  «ne  noiivelle  traduclion  de  \ His- 
toire d'Ammien  Marcellin:  elle  lui 
mérita  son  admission  à  l'acadcraie 
de  Berlin  ,  et  une  pension.  iMuulines 
traduisit    ensuite    les   écrivains    de 
V Histoire  Auguste;  et  ce  nouveau 
travail  ne  fut  pas  moins  bien  accueil- 
li que  le  premier.  11   renonça,  en 
1783,  aux  fonctions  du   pastoral, 
])our  remplir  la  place  de  résident  du 
duc  de  Brunswick  à  la  cour  de  Ber- 
lin; et  il  fut  cliarge  de  donner  des 
leçons  de    philosophie    au   prince 
royal  de  Prusse,   Le  roi  Frédéric- 
Guillaume  l'anoblit ,  en  1786,  et  le 
nomma,  eu  même  temps,  membre 
de  son  conseil-prive  ,  membre  de  la 
commission  économique   de   l'aca- 
démie, ctconseillerau  consistoire  su- 
périeur français.  L'âge  affaiblit  les  fa- 
cultés de  Moulines;  et  il  mourut, 
dans  un  état  complet  d'imbécillité, 
à  Berlin,  le  il\   mars  iBoi.  C'était 
un  homme  d'un  caractère  fort  obli- 
geant; et  il  joignait  à  une  érudition 
solide  beaucoup  de  goût  et  de  fines- 
se. On  a  de  lui  :  \.  Réflexions  d'un 
jurisconsulte,  sur  l'ordre  de  la  pro- 
cédure ,  et  sur  les  décisions  arbitrai- 
res et  immédiates  des  souverains, 
BerUn,    17O4;   la  Haye ,  1777,10- 
8".  C'est  la  traduclion  abrégée  de 
l'écrit   que  le    jurisconsulte    Steck 
avait  publié ,  en  allemand  ,  pour  dé- 
montrer que  le  roi  ne  doit  point  exa- 
miner par  lui-même  les  arrêts  ren- 
dus en  matière  civile,  et  que  les  tri- 
bunaux sont  établis  pour  pronon- 
cer sur  les  différends  qui  s'élèvent 
entre  les  citoyens.  II.  Lettre  d'un 
habitant  de  Berlin  à  son  ami  à  la 
Haye,  ibid.,  1778  ,  in-S".  L'auteur 
y  répond  aux  déclamations  que  l'ab- 
bé Kavnal  s'éiait  permises  contre  le 
roi  de  Prusse,  dan  la  seconde  édition 
de  sou  Histoire  philosophiifue.  III. 


MOU 

Ammien  Marcellin ,  ou  les  dix-liuit 
livres  de  son  histoire  qui  nous  sont 
restés,  Berlin,  1775,  3  vol.  iu-iij 
Lyon,  1778,  même  format.  Celle 
traduction  joint  à  l'élégance  du  style 
le  mérite  de  l'exactitude  ;  elle  esl  en- 
richie de  noies  courtes  et  judicieuses 
(  r.  Ammien  MARCtLLm  ).  IV.  Les 
Ecrivains  de  l'histoire  Auguste  (  1  ), 
Berlin,  1783,  3  vol.  in-iu;  Paris, 
1806,  même  format.  Le  traducteiir 
a  fait  précéder  cet  ouvrage  d'un  Mé- 
moire ,  lu  en  1779  îi  l'académie  de 
Berlin,  dans  lequel  il  apprécie  le 
mérite  de  ces  différents  écrivains 
avec  impartialité;  et  il  l'a  fait  suivre 
d'un  second  Mémoire  sur  les  livres 
cataciiens;  c'est  ainsi  qu'il  désigne 
les  livres  de  critique  attribués  à  l'cjn- 
pereur  Adrien.  L'édition  de  180G, 
due  aux  soins  de  M.  Barbier,  est 
augmentée  d'une  Dotice  sur  la  vie 
et  les  ouvrages  du  traducteur,  oîi 
l'on  a  puisé  pour  la  rédaction  de  cet 
article.  On  doit  regretter  que  Mou- 
lines n'ait  pas  terminé  la  traduction 
de  Dion-Cassius ,  à  laquelle  on  sait 
qu'il  travailla  plusieurs  années.  On 
trouve  son  éloge  dans  la  Collection 
de  l'académie  de  Berlin,  180-2,  H, 
p.  40'  ^V — s. 

MOULINS  (  GUYART  DES  ) ,  l'un 
des  plus  auciens  traducteurs  fiançais 
de  la  Bible,  était  né  vers  luoi  ;  il 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  ob- 
tint un  cauonicatde  la  collégiale  de 
Saint-Pierre  à  Aire  en  Artois.  Il  nous 
apprend  lui-même  qu'il  avait  qua- 
rante ans  ,  lors(|u'il  entreprit  la  tra- 
duction de  V Histoire  Scholastique  , 
de  Pierre  Comestor,  qui  n'est,  comme 
l'on  sait,  qu'une  espècede  paraphrase 
des    livres    historiques  de  la  Bible 


(i  )  On  a  rciini  sous  ch  t'ire  les  fra^rnents  qui  nous 
rcsldil  lies  Hi'tnirei  il'yElrpn  Sparlifii ,  Vuic.iliii» 
Galliraniis,  X.\.  Linipilào  ,  Juif  s  Cainlulin  ,  Trebtl- 
lius  PoUiou  ,  tt  Flav.   Yoi>iscus, 


MOU 

(  V.  fiOMrsTOR  ,  IX  ,  3^5  )  ;  mais 
il  y  ajouta  la  tiadncliou  des  Parali- 
|iumcnes  ,  du  second  et  du  troisième 
livre  d'Esdras  ,  des  Psaumes  ,  des 
livres  de  Salomon  ,  des  grands  et  des 
petits  Prophètes,  des  cpîtres  de  saint 
Paul  ,  des  autres  ephres  ranoniques 
et  de  l' Apocalypse.  Jl  avait  coniuien- 
cè  ce  travail  en  i  .191  ;  et  il  le  termina 
dans  l'espace  de  trois  années,  Guyart 
i'ut  élu  doyen  de  son  chapitre  ,  eu 
I  '197 ,  et  mourut  ])eu  de  temps  après. 
La  traduction  de  la  Bilîle  par  Dcs- 
moulins  n'est  pas  la  plus  ancienne 
qu'il  y  ait  dans  notre  langue.  (  Voy. 
lii  Dissert,  de  TabLc  Lcbeuf  sur  les 
premiers  traducteurs  français,  dans  le 
Kecueil  de  l'ac  ui.  des  inscript,  lom. 
XVII  )  ;  mais  le  style  des  autres  avait 
vieilli.  Celle  de  Desmoulins  fut  suc- 
cessivement retouchée  par  dillerents 
auteurs  dontles  plus  connussent  Jean 
de  Sy,  Ptaoul  de  Presle,  et  Jean  de 
Rely,  confesseur  de  Charles  YIII, 
nommé  évcque  d'Angers  ,  en  i49>. 
Celte  révision  fut  imprimée  par  or- 
dre de  ce  prince,  cliez  Verard  ,  vers 
1495,  en  -2.  vol.  iii-fol,  sous  ce  titre: 
Les  livres  historiaulx  de  la  Bible 
translatés  du  lat.  en  fr.  L'abbé  Ri- 
ve a  employé  cinquante  pages  de  sa 
Chasse  aux  biblio  profites  (  247  97  ), 
à  déterminer  l'époque  de  la  publica- 
tion de  cette  édition;  mais  il  a  plutôt 
embrouillé  qu'éclairci  la  question  par 
ses  digressions  coulinuelles  ,  et  ses 
invectives  grossières  contre  tous  les 
savants  qui  avaient  déjà  examiné  ce 
point   d'histoire  littéraire.    La  tra- 
duction de  Desmoulins  a  eu  jusqu'à 
quinze  éditions  ;  mais  clic  n'est  plus 
recherchée,  même  des  curieux.  Ce- 
pendant il  y  a  des  exerapl,  de  l'cd. 
de  Verard ,  sur  velin  ,  dont  le  prix 
dans  les  ventes  est  assez  élevé.  L'ori- 
ginal manuscrit  se  trouve  dans  plu- 
sieurs bibliothèques.   On  croit  que 


Mon 


3o<7 


celui  qui  est  conservé  à  Genève  ,  y 
était  employé  à  l'usage  public  avant 
la  reformations  W — s. 

MOULINS  (  F.  DfiSMouLiîvs  ). 
MOUNDAU  (Abou'i,  Hakem  al), 
ibn- Yahia ,  ibn - lloucéin,  premier 
roi  maure  deSaragoce,  était  gou- 
verneur do  cette  ville,  sous  lekhaly- 
fat  de  Soléiinan ,  l'un  des  dcriiieis 
souverains  de  Curdoue,  de  la  race 
des  Omma'iades.  Favorisé  par  sou 
éloignement  de  la  capitale  ,  il  fut  le 
premier  qui,  profilant  des  troubles 
qui  agitaient  l'Espagne  musulmane  , 
arboia  l'étendard  de  l'indépendance, 
et  prit  le  titre  de  roi ,  vers  l'an  4o5 
de  l'hégire  (  1  o  1 4  de  J.-G.  )  ;  exem- 
ple qu'imitèrent  bientôt  les  gouver- 
neurs des    autres  principales  villes 
qui    dépendaient    un    royaume    de 
Cordoue.   Il  s'empara    de  Iluesca  , 
de  ïudcla,  etc.  j  mais  ,  ayant  voulu 
entreprendre  des  conquêtes  en  Na- 
varre ,  il  fut  vaincu  l'aunéc  suivante 
par  Sanche  IcGraud.  Il  aida  AÎy  ibu- 
Hamoud  à  détruire  Icparii  de  Soléi- 
inan ,   et  à  s'empai'cr  du  trône  de 
Cordoue  ;  mais  il  se  déclara  bientôt 
contre  ce  prince,  et  lui  suscita  un 
compétiteur  dans  la  personne  d'Abd- 
el-Rahman  iv,  de  la  race  des  Om- 
ma'iades. Tandis  qu'il  était  en  Anda- 
lousie ,  ses  troupes,  ayant  fait  une 
invasion    en   Catalogne ,    l'an    4"9. 
(ioi8) ,  furent  battues  par  Richard 
II ,  duc  de  Normandie  ,  gendre  de  la 
comtesse  Ermesinde,  régente  de  Ca- 
talogne ;  et  JMoundar,  pour  arrêter 
les  ravages  des  Chrétiens  dans   ses 
états  ,  fut  obligé  de  si-  lendre  tribu- 
taire des  comtes  de  Barcelone.  Ce 
prince   ne  se  distingua  pas   moius 
par  sa  munificence  ,  sa  libéralité  en- 
vers les  poètes,  sa  prudence  et  soir 
babileié,  que  par  sou  courage  et  se. 
talents  militaires,  qui  lui  valurent  le 
surnom  à' Jl  -  Mansour.   Abdallali 


5io  MOU 

il)n-A!-Hakem ,  sonpnreiit.  or  j;('tic- 
rai  de  SCS  troupes  .  rass^«<;liii  dans 
son  palais,  le  lo  (b.oiilhadjali  43*5 
{ '}.  septembre    lo'Sç)  \    Yahia   Al- 
Modhaflcr,   fils    de  Moundar ,   fut 
dépouille  du  royaume  de  Saragcce 
parSolcïiilan  iI)ii-Houd ,  dont  la  pos- 
térité', après  s'êfre  maintenue  plus 
de   ICO  ans  dans    l'Aragou ,  régna 
depuis  à  Murcic,  à  Grenade ,  à  Cor- 
doue ,  etc.,  et  joua  nu  rôle  impor- 
tant sous  Molawakkel    ibn-Hond 
(  /^.  ce  nom  ,  pag<r  tiGi  ci-dessus  ). 
A — T. 
MOUMER  (  Jka^-Josf.pu  ) .  l'un 
des  membres  les  plus  disùngués  des 
c'tats-génc'ranx  de    1789,    naquit  à 
Grenoble,  le  l'i  nov.  i-pS.  Sou  père 
suivait  la  profession  du  commerce. 
Bon    piobe,  pieux,  il  s'était  conci- 
lié l'estime  et  l'affection  de  ses   con- 
citoyens.   A  huit  ans,Mounier  fut 
envoyé  à  la  campagne,  che/-  un  curé, 
frère  de  sa  mère,  dont  la  sévérité dé- 
înésurcf;  jeta  dans  l'amc  de  son  élève 
les  premiers  germes  de  la  liaiue  qu'il 
porta  toute  sa  vie  à  l'injustice  et  à 
ro]>pressicn.  Passant  de  cette  édu- 
cation privée  à  l'éducation  pu'lique, 
Mounicr  entra  au  collège  de  Greno- 
ble; et  parvenu  aux  classes  sujiéricu- 
res,  il  annonça  tout  ce  qui  devait  un 
jour  le  distinguer.  Entraîné  par  les 
idées   de  vanité  que  lui  suggéraient 
d'autresienncsîrens,il  voulntd'aborrl 
entrer  dans  la  carrière  militaire  :  il 
la  trouva  fermée.  La  rigidité  du  cu- 
ré  ne  l'avait  pas  disposé  pour  le 
clergé  ;  l'exclusion  de  l'armée  ne  le 
prévint  pas  eu  faveur  des  privilèges 
de  la  noblesse.  Ces  impressions  se 
gravèrent  dans  son  esprit  ;  et .  tou- 
jours juste  pour  les  individus ,  il  ne  le 
lut  peut-être  pas  toujours  assez  pour 
les  classes  et  les  institutions.  Il  es- 
saya du  commerce,  et  s'en  enuuva  : 
la  nature  ne  l'avait  pas  fait  pour  cîre 


MOL' 

marcliand:  elle  l'avait  fait  pour  oii'^ 
jurisconsulte,  magistrat,  puLliciste, 
législateur.  Après  avoir  passe  fjucl- 
que   temps    chez    un  avocat,   il  se 
fit  recevoir  ,  à  dix-huit  ans,  bache- 
lier en  druil  à  l'université  d'Orange. 
Ou  sait  avec  quelle  légèreté  les  gia- 
dcs  se  donnaient  alors.  Mounier  se 
plaisait  à  raconter  que,  pour  avoir 
appris  par  cœur  vingt  lignes  de  latin. 
Contenant  les  demandes  et  les  répon- 
ses, il  avait  obtenu  les  plus  grands 
compliments  sur  son  brillant  exa- 
men. Le  nouveau  bachelier  ,  après 
trois  ans  d'études  chez,  les  juriscon- 
sultes les  plus  éclairés  du  parlement 
de   Grenoble,   fut  reçu  avocat,   en 
1779.    La  justice  civile    et   crimi- 
nelle en  première  instance,  était  ren- 
due à  Grenebie,  alternativement  par 
un  juge  royal  et  par  un  juge  ëpis- 
copal,  suite  d'un  partage  bizarre  de 
la  seigneurie  de  la  ville  entre  le  roi 
et  Févèque,  Mounier,  âgé  de  vingt- 
cinq  ans,  acquit  la  charge  de  juge 
royal.  De  tons  les   jugements  qu'il 
prononça  pendant  0  années,  il  n'v 
en   eut  qu'un   dont  ou  appela  ;   et 
dans  cette  magistrature  secondaire, 
il  s'acquit  la  plus  grande  considé- 
ration. Daiis  les  intervalles  de  ses 
travaux   judiciaires  ,    il    s'occupait 
d'histoire   naturelle ,    mais   surtout 
de  politique  et  de  droit  public.  Lie 
avec  plusieurs  Anglais,  que  le  voisi- 
nage des  Alpes  attirait  en  Dauphiné, 
il  étudiait  leur  langue  .  la  théorie  et 
plus  encore  la  pratique  de  leurs  ins- 
titutions. Te!  était  ISIounier, lorsque 
les  troubles  civils  Tarrachèrent  à  ses 
paisibles  fonctions,  pour  le  lancer 
au  milieu  des  orages  politiques.  L'im- 
prudente convocation  des  notables  , 
eu  17B7,  avait  tout-a-îa-fois  provo- 
qué les  sentiments  les  plus  généreux 
et  les  passions  les  plus  aveugles.  L',' 
contrôleur  -  ccnc'ial   Calonije    et    \c 


MOU 

gaiilc  -  des  -  sceaux,  de  Miromesnil , 
occiipe's  depuis  loiig-tcmps  à  se  frap- 
per dans  l'ombre ,  avaient  été  ren- 
voyés le  même  jour.  Le  parlement 
de  Paris  avait  songe  à  se  mettre  à 
la  tète  du  mouvement.  11  donna,  au 
commencement  d'août  i'j87,  le  si- 
gnal de  l'insurrection  à  toutes  les 
autres  cours  du  royaume,  cléclarant 
la  taxe  du  timbre  désastreuse,  la  sub- 
vention Icrrilov'yÀic  impossible  ;  pro- 
clamant un  «/eyZat  énorme,  mais  exi- 
geant la  convocation  immédiate  des 
étjtts-généraux.  Les  parlements  de 
Grenoble,  de  Rouen  el  de  Rennes 
étaient  ceux  qui  avaient  répondu 
avec  le  plus  d'ardeur  au  signal.  Tou- 
tefois rien  n'avait  encore  lie  le  vœu 
généraldcscitoyensavccles  vues  per- 
sonnelles des  cours  de  justice;  mais 
dans  l'impossibilité  de  réduire  celles- 
ci  ,  les  ministres  avaient  imaginé  une 
cour  pléuièrc,  qui ,  au  premier coup- 
d'œil ,  olfrait  une  aristocratie  colos- 
sale, écrasant  la  nation  entière  de 
son  pouvoir.  A  l'apparition  de  cette 
nouveauté,  tout  s'était  enflammé; 
les  parlements  de  Grenoble  et  de 
Rouen  avaient  déclaré  traître  au  roi 
et  à  la  nation  quiconque  irai  t  prendre 
p!ace  à  la  cour  plénière.  Le  prélat 
JJrienne,  premier  ministre,  s'était  cru 
assez  fort  pour  vaincre  ces  excès  d'in- 
subordination, l^e  ']  juin  i-ySSjle 
duc  de  Tonnerre,  commandant  dans 
le  Daupbiné ,  avait  fait  distribuer, 
par  des  oiliciers ,  à  tous  les  magis- 
ti'ats  du  parlement,  des  lettres  de  ca- 
chet ,  qui  leur  euj  oignaient  de  s'exiler 
dans  leurs  terres.  La  populace  s'op- 
posa à  l'exécution  de  cette  mesure  ; 
elle  escalada  et  saccagea  l'hôtel  du 
commandant,  qui  fut  réduit  à  ca- 
pituler et  à  révoquer  les  lettres  de 
.  cachet.  Les  magistrats  avaient  paru 
d'abord  se  prévaloir  de  ce  triomphe; 
mais,  quelques  jours  après,  ils  avaieut 


!MOU 


3ii 


profite  de  la  nuit  pour  sortir  de  Gre- 
noble, et  tous  s'étaient  rendus  au  lieu 
de  leur  exil.  Privée  de  son  parle- 
ment, craignant  d'avoir  perdu  avec 
lui  toutes  ses  libertés,  la  ville  de  Gre- 
noble demanda  une  assemblée  de  ses 
notables.  Mounier,  juge  royal,  y  fut 
appelé;  et  la  réunion  de  ses  fonctions 
magistrales,  de  son  caractère  person- 
nel ctde  ses  connaissances  politiques, 
fit  de  lui  le  consed  et  le  guide  de 
cette  assemblée.  Il  y  imprima  le  pre- 
mier sceau  des  principes  qu'il  ne  de- 
vait jamais  séparer  :fidélitéaux  droits 
du  prince  et  à  ceux  des  sujets;  législa- 
tion formée  par  le  concours  du  mo- 
narque et  de  la  nation;  balance  du 
pouvoir  et  proscription  de  l'arbitrai- 
re. Il  avertit  les  notables  de  se  pré- 
server de  tout  ce  qui  offrirait  l'appa- 
rence de  la  rébellion ,  et  leur  proposa 
de  se  borner  à  une  humble  adresse, 
dans  laquelle  le  roi  serait  supplié  de 
l'appeler  le  parlement^  et  de  rendre  à 
la  province  ses  états ,  où  les  trois 
ordres  délibérant  ensemble  ,  exer- 
ceraient, avec  leurs  anciens  droits, 
toutes  les  fonctions  attribuées  aux 
assemblées  provinciales  de  nouvelle 
création.  On  voit  naître  ici  cette  réu- 
nion des  ordres  et  cette  opinion  par 
tête,  qui  allait  bientôt  exciter  de  si 
vifs  débats.  Mounier  a  pu  regretter 
par  la  suite  d'avoir  mis  trop  de  prix 
a  cette  opinion  :  mais  elle  était  alors 
celle  de  la  France;  elle  avait  été  con- 
sacrée dans  la  formation  des  assem- 
blées provinciales.  Les  écrivains  , 
provo(|ués  par  un  inconcevable  arrêt 
du  conseil ,  à  publier  leur  avis  ,  exi- 
geaient tous ,  |)lutôt  qu'ils  ne  sollici- 
taient ,  la  délibération  commune  des 
trois  ordres  et  le  vote  par  tète.  Enfin 
Mounier  ne  savait  pas  transiger  sur 
tout  ce  qui  élait  pour  lui  la  justice  et 
la  vérité.  A  l'aspect  des  troubles  , 
chaque  jour  plus  menaçants,  il  ne 


3l2 


MOU 


voyait  pas  cle  constitution  fixe  qui 
pÙ!  ni  les  arrcîcr  ni  les  picvcnir.  Il 
en  voiiliiit  une,  et  il  n'espcrait  pas 
l'oLlcnir  de  celte  forme  (l'tiats-gcne- 
laux ,  dont  ou  avait  dit  avant  lui , 

«  Qre  de  ces  grands  conseils  l'i  ffct  le  plus  cotiiiuua 
»  list  de  voir  tous  Içj*  maux  sans  en  réparer  un,  » 
Volt-,  Heiiiiii(ie,çh.  m. 

Delà,  son  impatienced'annoncer,  et 
sa  perscvc'rance  à  soutenir  que,  pour 
l'établissement  d'une  constitution  , 
tons  les  ordres  devaient  delihe'rcr  eu 
commun.  Quoi  qu'il  faille  penser  do 
ce  système,  les  notables  assembles  à 
Grenoble  l'adoptèrent  avec  ardeur. 
3  Is  chargèrent  Mounier  de  rèdigerl'a- 
dresse  an  roi,  qu'il  avait  proposée.  Ils 
arrètèroit  ,  en  la  signant,  que  les 
députes  des  trois  ordres  de  la  pro- 
vince se  reuniraient  dans  soixante- 
dix  jouiS,  si,  dans ''intervalle,  ilsn'e- 
laient  convoques  par  un  acte  du  gou- 
vernement. Après  cet','  première  as- 
semblée do  la  ville,  les  gentilsliom- 
mes  delà  province  en  formèrent  une 
seconde  ;  et ,  comme  les  notables ,  ils 
s'adressèrent  à  Meunier,  pour  la  ré- 
daction de  deux  Mémoires  qu'ils  en- 
voyèrent à  Vcrs;iilles,  par  six  gen- 
tilshoinnies  ,  s'inlitniant  députés  de 
la  nobiC.e  du  Daujdùné.  L'arche- 
vêque de  Sens  leur  contesta  le  droit 
de  stipuler  pour  la  noblesse  dauphi- 
noise. Les  députes  repondirent  qu'ils 
venaient ,  comme  'es  barons  anglais  , 
lors  de  la  grande  charte,  stijuik'r 
pour  toute  la  communauté  du  Dan- 
phinc;  que  dans  l'anarchie  de  leur 
province,  sans  as' emblée  provin- 
ciale, et  sans  parlemeut,  ils  sup- 
pliaient le  roi  de  rendre  au  Dau- 
phiné  ses  ai  cicns  étals.  Le  minis- 
tre proposa  aux  députés  ,  non  pas 
les  anciens  états  du  Dauphiné,  im- 
prégnés ,  disait-il ,  du  vice  de  ces 
insli.ulions  féodales  où  le  peuple 
n'était  compté  pour  rien  ^  mais  des 


MOU 

états  formes  sur  le  type  de  ceux  de 
Provence.  Les  députés  y  consenti- 
icnl.  Pendant  qu'ils  rapportaient  à 
leurs  commettants  les  promesses 
ministéiielles,  le  ministre  faisait 
marcher  vers  le  Dauphiné  des  trou- 
pes sous  les  ordres  d'un  des  plus 
braves,  mais  des  plus  sévères  guer- 
riers de  l'armée,  le  maréchal  De- 
vaux.  11  aniA'a  à  Grenoble  la  veille 
du  jour  où,  conformément  à  la  dé- 
cision des  notables,  les  états  de  la 
province  devaient  se  réunir.  Il  avait 
ordre  d'emj)êcher  cette  réunion  :  il 
la  permit  sagement  ,  juj^eant  que 
l'opinion  publique  était  irrésistible. 
11  défendit  seulement  de  s'y  ren- 
dre avec  la  cocaide  jaune  cl  noire 
qu'avaient  arborée  les  habitants. 
En  reconnaissance  xle  la  permis- 
sion ,  ils  obéirent  à  la  défense.  Le 
'.X I  juillet  1 788,  se  tint  rassemblée  de 
Vizille.  A  travers  une  double  haie  de 
soldats,  -j.^o  députés  des  deux  pre- 
miers ordres  ,  et  Qi5o  de  toutes  les 
municipalités,  se  rendirent  au  lien  où 
ils  allaient  délibérer  les  supplications 
H  porter  au  pied  du  trône,  pour  lo  re- 
couvrement de  leurs  anciennes  liber- 
tés, et  pour  l'établissement  des  liber- 
tés publiq:ics  danstouîela  France.  La 
séance  dura  depuis  neuf  heures  du 
malin  jusqu'à  minuit;  Meunier  en  fut 
le  secrétaire  cl  l'orateur.  On  y  arrêta 
de  demander  au  roi  la  convocatiou 
des  états -généraux,  le  letour  des 
cours  de  justice,  et  le  rétablissement 
des  états  de  la  province.  L'assem- 
blée indiquait  encore  le  principe 
que  les  étals,  capitulations,  pri- 
vilèges de  certaines  provinces  ne  de- 
vaient plus  être  regardée  que  comme 
provisoires,  et  qu'il  fallait  se  sou- 
meître  d'avance  à  l'organisation 
commune  que  les  états-généraux  vou- 
draient donner  à  tout  l«  royaume. 
Enlin  ,   cette    assembléç   s'ajourna 


MOU 

pour  le  i*"".  septembre ,  dans  la  ville 
lie  Grenoble.  Le  |)reial-iniuislrf  ju- 
gea ([ull  lallait  ;m  moins  donner  une 
({enii-satislactiou  au  Dauphinc.  Il 
lit  rendre  un  arrêt  du  conseil,  (pii 
annonyail  les  ctals-gcnc'raux  pour  le 
mois  de  mai  suivant  ;  mais  il  refusa 
le  rappel  des  cours  de  justice.  11  ac- 
corda les  anciens  états  de  la  provin- 
ce, niais  dans  une  forme  qui  n'était 
ni  celle  qu'on  avait  demandée  ,  ni 
celle  qu'il  avait  promise.  11  les  con- 
voqua pour  le  •2'j  août,  à  Ilomaus; 
m  lis  non  pour  le  i*"".  septembre,  à 
Gicnoble.  La  noblesse,  d'abord  sc- 
j^'uément,  pui^  avec  les  deux  au- 
tres ordres,  rédigea  des  Mémoires 
outre  l'arrêt  du  conseil.  L'archevê- 
que de  Sens  envoya  au  duc  de  Ton- 
ucrve  l'ordre  d'arrêter  six  gentils- 
hommes et  Mounier.  Comme  on  se 
disposait  à  exécuter  cet  ordre,  (^re- 
liuble  reçut  la  nouvelle  que  Bricniie 
avait  été  réduit  à  donner  sa  déniis- 
siouj  et  la  scène  changea.  Le  i'^''. 
septembre, les  trois  ordres  delà  pro- 
A  iuce  se  réunirent  à  Romans  ,  avec 
la  permissiou  du  roi.  Mounier  fut 
noiumé  et  confirmé  secrétaire  de 
l'assemblée  par  acclamalion.  11  ré- 
digea la  belle  lettre  écrite  au  roi  par 
les  trois  ordres  réunis,  le  i4  sep- 
tembre, et  celle  qu'ils  adressèrent  le 
même  jour  à  Neckcr.  11  proposa 
un  plau  d'organisation  des  étals  de 
la  province,  qui  fut  adopté  par  las- 
.-eniblée.  Selon  ce  plau  ,  A"ingt-quaîre 
membres  du  clergé,  quarante-huit 
de  la  noblesse,  et  soixante-douze  du 
lioisième  ordre  devaient  composer 
les  états  ,  y  délibérer  ensemble  ,  et 
voter  par  têle.  Le  clergé  n'admettait 
que  deux  curés  :  la  noblesse  exigeait 
]  our  l'admission  quatre  géuéra'ions 
de  gentilshommes.  Le  tiers-état  ex- 
chiait  les  fermiers  des  dîmes  0!i 
droits  seigneuriaux,  cl  les  agents  de 


MOU       ,  3 1  '. 

l'administration.  Uiie  seule  condition 
très-importante  avait  été  (ixce,  tt 
malheureusement  nerlcvait  pas  pré- 
valoir par  la  suite  :  Mounier  avait  vou- 
lu  que  tous  les  dépurés,  même  les  deux 
curés  ,  payassent  nu  ini])6t  foiuicr. 
Enfin,  les  trois  ordres  av. dent  ter- 
miné leur  session  de  vingl-sppt  jours, 
eu  nouimaat  une  commission  in- 
termédiaire de  douze  membres  , 
séante  à  Grenoble,  pour  correspon- 
dre avec  les  ministres  sur  l'accom- 
plissement des  vœux  de  rassemblée; 
et  les  commissaires  du  roi,  en  ve- 
nant la  clore ,  avaient  dit  à  ses 
membres  :  a  La  constitution  qui  va 
w  régir  celte  province  ,  a  reçu  de 
»  vos  mains  cette  empreinte  qu'on 
»  devait  attendre  de  sujets  cgale- 
»  meut  éclairés  et  fidèles.  »  Le  22 
octobre ,  un  arrêt  -du  conseil  ho- 
mologua ,  avec  très-peu  de  modi- 
fications ,  le  plan  de  Mounier.  A. 
peine  cet  arrêt  fut-il  publié  ,  que 
foute  la  France  tourna  ses  regards 
vers  le  Dauphiné.  La  Franche-Com- 
té, la  Normandie,  l'Alsace,  la  Lor- 
raine, l'Auvergne,  le  Poitou,  la 
Guienue  ,  Nîmes  ,  JNanîes  ,  récla- 
mèrent, les  uns  leurs  anciens  états, 
les  autres  la  lor.'nation  de  leurs  as- 
semblées provinciales  sr.r  le  type 
des  états  du  Dauphiné.  Ces  états  ne 
s'étaient  pas  encore  réunis  depuis  l'ar- 
rêt qui  les  constituait;  et  des  pro- 
vinces ,  des  villes  ,  s'adressaient  à 
eux,  et  leur  demandaient  une  direc- 
tion. Le  secréîairc-géiîéial  Mounier 
recevait  tout ,  et  répondait  à  tout. 
On  eût  pu  dire  que  le  Dauphii.é  ré- 
gissait toute  la  France,  et  que  Mou- 
nier résissail  le  Dauphiné.  Les  nou- 

O  .         •  I  J  ' 

veaux  états  se  rcuiurent  le  i*-"".  clc- 
cembre,  et  déchirèrent,  comme  rè- 
gle générale  pour  tout  le  royaume  , 
que  les  ordres  et  les  provinces  de- 
vaient délibérer  ciseuîblej  les  sulTia' 


3ii 


I\IOU 


ftcs  être  comptes  par  tête  ,  et  le  tiers- 
état  avoir  un  aussi  j;raud.  nombre  de 
représentants  que  les  deux  autres  or- 
dres réunis.  Le  i-^^^  janvier  1789, 
l'instruction  ministérielle  sur  rélec- 
tion  des  députes  aux  états-géneïaux, 
.(jiii  avait  été  annoncée  ,  n'étant  pas 
♦  iicore  arrivée  ,  les  états  ,  cédant  à 
1  impatience  de  la  province  ,  élurent 
trente  députés.  IMounicr  lut  nom- 
mé le  premier  par  acclamation.  En 
exprimant  sa  reconnaissance  à  ses 
compalriotes  ,  il  réclama  le  scrutin 
légal.  Le  scrutin  s'ouvrit  :  il  lui  man- 
qua deux  voix,  la  sienne,  et  celle  de 
son  père ,  dont  la  vertu  modeste  crut 
devoir  se  récuser  dans  l'hommage 
universel  rendu  à  son  fils.  Les  3o 
députés  nommés  ,  l'instruction  du 
roi  arriva  :  elle  n'en  assignait  que 
a4  au  Daupliiné.  Les  états,  avec 
luie  soumission  respectueuse,  en  re- 
tranchèrent six  ;  et  le  commissaire 
du  roi  leur  dit ,  en  fermant  leur 
session  :  «  Une  sagesse  profonde 
»  a  dirigé  vos  démarches  et  pré- 
»  sidé  à  vos  choix,  »  Ils  avaient 
pourtant  consacré  deux  grandes  in- 
novations :  ils  avaient  donné  à  leurs 
députés  des  pouvoirs  généraux,  sans 
les  entraver  par  des  cahiers  im- 
pératifs j  et,  dans  leur  conviction 
qu^il  n'y  avait  rien  à  espérer  de 
trois  ordres  séparés  ,  ils  avaient  dé- 
Jendu  à  leurs  députés  de  voter 
sur  aucune  proposition  autrement 
que  dans  la  réunion  des  o  rires 
délibérant  par  tète.  Assurément 
Mounier  n'admettait  pas  l'idée  d'une 
constitution  fermant  le  corps  lé- 
gislatif d'une  chambre  unique.  Dans 
-un  livre  remarquable ,  qu'il  publia 
le  mois  suivant,  sous  le  titre  de 
j\oui'elles  Observations  sur  les 
Etats -Généraux  (i),  il  établissait 

fi)  r.pt  oiirr  .;;p  .    imprimé   ù    GiTDoble  j   enl    en 


MOU 

(chap.  3o  )  la  nécessité  d'une  Pai- 
rie ;  m.iis,  disait -il  ,  après  avoir 
détruit  tous  les  privilège''  pécuniai- 
res ,  abrogé  les  exclusiom  pronon- 
cées contre  les  citoyens  non  privi- 
légiés ,  soumis  tous  les  sujets  du 
prince  indistinctement  à  l'autori- 
té des  lois  i  enfin  ,  quand  la  consti- 
tution serait  formée.  Ce  que  lui 
avaient  appris  ses  recherches,  ce 
qu'il  avait  observé  lui-Uicme  ,  lui 
avait  fait  concevoir  des  jirc'ventions 
contie  le  clergé  ou  la  noblesse  iso- 
lés :  et  le  tableau  que  venaient  de  lui 
présenter  les  états  du  Dauphiné, 
modelés  sur  sou  plan  ;  la  concorde 
qui  avait  régné  entre  tous  les  ordres 
réunis;  l'o\ibli  des  intérêts  person- 
nels ,  le  respect  pour  l'auturité 
royale ,  qui  avaient  caractérisé  ces 
étals  provinciaux  ,  faisaient  espérer 
à  Mounier  qu'il  eu  serait  de  même 
des  représentants  de  toute  la  France, 
siégeant  ensemble  dans  les  états-gé- 
néraux. Tels  furent  les  sentiments 
qui  le  conduisirent ,  telle  fut  la  ré- 
putation qui  le  précéda  dans  la  capi- 
tale. 11  y  fit  d'abord  ,  au  mois  de 
mars  ,  un  voyage  dans  lequel  il  ac- 
compagna l'archevêque  de  Vienne, 
qui  avait  présidé  les  élats  de  la  pro- 
vince  ;  et  le  roi  ayant  dit  au  prélat 
qu'il  le  remerciait  d'avoir  sauvé  le 
Dauphiné  ;  Sire  ,  répondit  l'arche- 
vêque ,  ce  n'est  pas  moi,  c'est  notre 
secrétaire  -  général.  Les  états-géné- 
raux ouverts  à  Versailles  ,  Mounier 
y  pai'ut  avec  l'influence  qui  appar- 
tenait au  premier  orateur  des  élats 
du  Dduphiné.  Ou  devait  s'attendre  à 
son  ardeur  pour  la  réunion  des  or- 
dres ;  il  y  porta  celte  justice  et  cette 
vérité  qui  ne  l'abandonnaientjamais. 
Dans  les  conférences  préliminaires  , 
les  Target  et  les  Chapelier  ,  pour 
allirer  les  commissaires  de  la  110- 
bies»e  a  une  vérification    de   pou- 


MOU 

A  uiis     en     commun  ,     jirotcslaicnt 
qu'ils  ne  s'en  fer.iiont   pas    un  ar- 
p,umcul     pour    la   delibcTatioii    sur 
le     fonds    des    aiïaires.    Mounlcr  , 
supérieur   à    ces    petites  ruses,  dé- 
clarait franchement  «  qu'il  s'aç:;issait 
»  d'assurer  par  une  constitution  la 
»  liberté  ])ublique;  que  la   re'union 
5)  de  tous  les  députes  elait  nécessaire 
»  pour   im  si   grand   objet;  qu'elle 
»  était  exigée  par  le  vœu  de  la  na- 
»  tien;  qu'on  ne  pouvait  y  résister, 
V  non -seulement  sans  une  extrême 
y>  injustice,  mais  sans  une  extrême 
»  imprudence.    »   vSon  équité  ne  le 
céda  pas  à  sa  franchise.  Le  5  juin, 
il  appuya,  dans  le  comité'  secret  des 
communes  ,  le    projet  d'adresse  au 
roi,  propose  par  Malouet,  dans  lequel 
ou  lisait  :  Toujours  nous  reconnai- 
trons,  dans  le  clergé  et  dans  la  no- 
blesse, de  grands  propriétaires ,  les 
premiers  citoyens   de  V empire  ;  et 
les   pTééminences  raisonnables   de 
rangs  et  d'hoiineurs  qui  leur  appar- 
tiennent,  les  droits  de  propriété^ 
sacrés  pour  toutes  les  classes  de  vos 
sujets,  ne  seront  violés   dans  au- 
cune. Le  leudcmain  de  celle  propo- 
sition conciliante,  la  chambre  de  la 
r.oblessc  prit  un  arrêté  hostile  con- 
tre les  communes;  et  il  ne  fut  pins 
question   de  ménagements.   Les  es- 
prits s'aigrirent  de  jour  en  jour;  le 
i5  juin  ,  les  communes  formèrent  la 
résolution  extrême  de  se  constituer 
activement    en  l'absence  des    deux 
premiers  ordres,  qu'elles  avaient  vai- 
nement invites  à  les  joindre  ,  et  elles 
débattirent  quelle  qualification  elles 
se   donneraient.    Mirabe.ui    A'oulait 
d'abord    qu'elles  s'intitulassent    les 
représentants  du  peuple  français  ; 
mais  il  abandonna  cette  qualification 
pour  une  autre  plus  séditieuse,  celle 
d' assemblée    nationale  ,    jiroposée 
par  le  député  Legrand.  Sieyes  ,  lui 


MOU 


3i5 


même ,  se  liâta  d'adopter  celle  der- 
nière dénomination  ,  en  renonçanla 
celle  qu'il  avait  suggérée  de   seuls 
représentants    vérijiés    et   connus. 
Mounier  les  repoussa  toutes  les  trois 
comme  inexactes  et  comme  dange- 
reuses. Voulant  encore  laisser  une 
porte  ouverte  à  la  conciliation,  il 
proposa  un  arrête  ainsi  conçu  :  «  Lfl 
»  majorité  des  députés  ,  délibérant 
))  en  l'absence  de   la   minorité  dû- 
»  ment  invitée ,  a  arrêté  que  les  dé- 
5>  libéraiions  seraient  prises  pai  têle 
»  et  non  par  ordre ,  et  qu'on  ne  re- 
•ù  connaîtra  jamais  aux  membres  du 
»  clergé  et  de  la  noblesse  le  droit  de 
»  délibérer  séparément,  v,  Cette  pro- 
position eut  un  grand  succès  dans  la 
séance  où  elle  fut  développée;  mais 
du  iour  au  lendemain  en  travailla 
les  esprits  :  la  modération  de  Meu- 
nier fut  rendue  suspecte  ;  son  projet 
présenté  comme  un  raoyxn  dilatoire. 
Les  communes,  à  une  majorité  im- 
mense ,    se  déclarèrent   Assemblée 
nationale,  et  commencèrent  le  tra- 
vail de  la  constitution.  Une  séance 
rov.'dc,  taidivemei.t  résolue,  fut  mal- 
habilement  annoncée,  et  mallieureu- 
semcnt    dénaturée    au    moment   de 
l'exécution.  Les  députes  des  commu- 
nes, se  rendant  à  la  salle  de  leurs  dé- 
libérations ,  s'en  virent  barrer  l'en- 
trée. Cette  interdiction  n'avait  pour 
objet  que  de  préparer  l'appareil  con- 
venable pour    une    séance    royale; 
mais  les  députés  n'ayant  point  étc 
prévenus,  les  uns  se  prétendirent, 
d'autres  se  crurent  chassés  de  leur 
salle  législative,  menacés  de  dissolu- 
lion,  même  d'emprisonnement  arbi- 
traire :  agités  de  ces  craintes  ,   de 
ces  passions  ,  factices  chez  les  uns  , 
réelles  chez,  les  autres,  ils  se  réfii- 
gièrent  dans  xmjeu  de  paume;  et  ce 
fut   là  que.    sur  la  proposition  de 
Moiîuier,  tous,  moins  un  seul,  prê- 


3iG  Mocr 

tèrent  serinent  de  ne  se  séparer  qu'a- 
pW's  que  ]a    constitution  dcmandc'c 
par  la  France  cuticrc  serait  établie. 
Otte  proposition  si  divcrscjucnt  ju- 
gée depuis,  Mouuier  en  a  fait  con- 
naître les  motifs  dans  nne  note  de 
son    ouvraîre   intitule  :   Becherchcs 
sur  les  causes  qui  ont  empêché  les 
Français  de  devenir  libres.  11  y  in- 
siste p.'irticulièrement  sur  la  réso- 
lution qu'allait  prendre  l'assemblée 
de  se  rendre  à  Paris ,  et  de   solli- 
ci'.er    un    asile   dans    la    capitale , 
comme  cliassée  du  lieu  de  ses  séances 
à    Versailles.  iMounier  avait  frc'mi 
(les  suites  incalculables  d'nue  telle 
démarche,  et  avait  voulu  la  pre'venir 
à  tout  jrix.  11  ne   nie  pas  que  la 
crainte  de  voir  s'évanouir  toutes  les 
espérances   qu'il  avait  conçues  des 
c'îats- généraux  ,   n'ait   aussi  beau- 
<;oup  agi  sur  lui  dans  cette  circons- 
tance; mais  fort  de  la  pureté  de  ses 
juotifs  ,  il  peint  avec  une  rare  can- 
deur son  regret  de  s'êli'e  vu  placé 
dans  nne  telle  extrémité.  En  exami- 
nant ce  qui  a  suivi,  il  en  vient  à  dou- 
ter si  tout  n'était  pas  préférable  à  dé- 
pouiller le  roi  du  droit  de  dissoudre 
l'assemblée  ;  et  il  exalte  l'intrépide 
fermeté  de  IMartin ,  député  d'Auch  , 
(fui  seul  osa  protester  contre  ce  ser- 
inent du  jeu  de  paume.  Le  O-'i  juin, 
la  majorité  du  clergé  se  réunit  aux 
rommunes.    Le    i?>    se    tint    cette 
séance  royale,  dont   les  intentions 
étaient  si  bienfaisantes  ,  les  formes 
si  inconsidérées,  et  dont  l'issue  a  été 
si  malheureuse.  D'après  l'idée  qu'il 
se  faisait  des  états-généraux ,  Mou- 
nier  ne  pouvait  que  supporter  im- 
patiemment de  les  voir  convertis  en 
lit  de  justice.  11  fut  du  nombre  de 
ceux  qui  s'élevèrent  contre  toutes  les 
formes  et  contre  plusieurs  disposi- 
tions des  ordonnances  qui  venaient 
d'ctrc  proclamées.  Il  a  iniprirac,  en 


MOU 

1789  et  ej)  179^-,  que  «  la  séance- 
»  du  u3  juin  était  certainement  un? 
»  des  causes  qui  avaient  préparé 
1)  l'anarchie  qui  déchirait  la  France.» 
Il  pressait  l'assemblée  avec  d'autant 
plus  d'ardeur,  de  s'occuper  d'une 
constitution  fixe  ,  qu'il  regardait 
comme  le  remède  à  tous  les  maux  y 
et  à  laquelle  il  ne  trouvait  plus  d'obs- 
tacle depuis  la  réunion  des  trois  or- 
dres consommée  le  '^8  juin.  11  obtint 
enfin ,  le  0  juillet ,  la  nomination, 
d'un  comité  central,  chargé  d'indi- 
quer un  ordre  de  travail  constitu- 
tionnel, et  pour  la  formation  du([uel 
chaque  bureau  choisirait  un  de  ses. 
membres.  Mounier  fut  choisi  parle 
sien  pour  commissaire  ,  et  par  le 
comité  central  pour  rapporteur.  Ce- 
pendant des  troupes  venaient  s'éta- 
blir dans  la  capitale  ou  dans  les  lieux 
environnants.  Dans  la  disposition 
des  esprits,  il  était  impossible  que  •'. 
ce  déploiement  de  force  militaire  ne 
parût  pas  menacer  au  moins  la  li- 
berté des  sulTrages.  Mirabeau  en- 
flamma toutes  les  tètes  par  nne  adres- 
se pour  demander  au  roi  le  renvoi 
des  troupes.  Moimier  ne  pouvait 
manquer  de  l'appuyer:  mais,  immé- 
diatement après  avoir  reconnu  la. 
nécessité  de  préparer  des  digues  con- 
tre les  débordements  du  pouvoir  ar- 
bitraire ,  il  fit,  au  nom  du  comité 
central ,  le  rapport  le  plus  favorable 
au  pouvoir  royal  ;  et  ce  rapport  fut 
couvert  d'applaudissements.  En  deux 
jours  les  esprits  se  trouvèrent  telle- 
ment calmés ,  la  confiance  dans  le 
caractère  personnel  du  roi  prévalut 
à  ce  point ,  que  l'on  cessa  d'insister 
sur  le  renvoi  des  troupes.  Le  change- 
ment de  ministres  opéré  dans  la  nuit 
du  II  au  12,  vint  renverser  subite- 
ment ces  dispositions.  A  peine  fut- 
on  instruit  de  l'exil  de  Necker  et 
de  la  disgrâce  de  ses  collègues ,  qive- 


MOU 

tout  Paris  fut  en  mouvement.  Le 
i3,  Mounier  se  hâta  de  dénoncer 
à  rassemblée  ualionalc  les  intrij;ues 
qui  lui  paraissaient  avoir  j)rcci[iitc 
le  monarque  et  la  monarcliie  dans 
les  plus  luneslcs  dangers.  Il  proposa 
une  adresse  au  roi,  pour  demander 
le  rappel  des  rainisti-cs  disgraciés. 
Cette  proposition  ,  soutenue  succes- 
sivement par  les  comtes  de  Lally  To- 
lendal ,  de  Clerniont-  Tonnerre,  de 
Virieu,  de  Castellanc  ,  de  Montmo- 
reuci,  fut  croisée  par  une  multipli- 
citéd'autres  propositions  telles  qu'on 
devait  Taltendre  d'une  assemblée  si 
nombreuse  et  si  a^çitée.  Au  milieu  des 
débats ,  ou  reçut  la  nouvelle  que  le 
sang  avait   coulé  dans  la  capitale. 
L'assemblée  vota  aussitôt  l'envoi  de 
deuxdéputations,  l'une  au  roi  pour 
en  obtenir  l'éluiguement  des  trou- 
pes,  l  autre  à  Paris  pour  y  ramener 
la  paix.  Le  i  4,  on  apprit  que  le  peu- 
ple de  Paris  était  en  insurrection,  et 
tpi'il  s'était  emparé  de  la  Bastille. 
L'assemblée   renouvela  ses   démar- 
ches pour  obtenir  le  renvoi  des  trou- 
pes ,  et  passa  la  nuit  entière  à  déli- 
bérer. La  motion  de  Mouuier  fut  de 
nouveau  discutée.  Dans  la  matinée  du 
1 5  ,  une  troisième  députation  allait 
partir  pour  demander  encore  au  roi 
le   renvoi  des  troupes  et  celui  des 
ministres,  lorsque  Louis  XVI  entre 
dans  l'assemblée.  11  engage  les  re- 
présentants de  la  nation  a  s^inir  à 
S071  chef  pour  l'aider  à  assurer  le  sa- 
lut de  l'état,  annonce  l'ordre  qu'il  a 
•donne  aux  troupes  de  s'éloigner  de 
Paris  ,  et  invite  l'assemblée  à  faire 
connaître  ces  dispositions  à  la  capi- 
tale. L'assemblée ,  après  avoir  con- 
duit le  roi  en  triomphe  dans  son  pa- 
lais ,  retourne  à  sa  séance  pour  nom- 
mer la  députation  qui  devait  porter 
à  Paris  la  nouvelle  d'un  si  heureux 
cUajiKement.  Jiluuiiier  eu  fut  uu  des 


MOU 


3i' 


principaux    membres.  Témoin  des 
scènes  touchantes  que  la  capitale  of- 
frit ce  iour-là ,  il  les  peignit  vivement 
dans  un  récit  qu'il  lut  le  lendemain  à 
l'assemblée,  et  dont  clic  ordoiUM  jj 
publication.  A  peine  avait-il  liiii  .«•a 
lecture,  que  Mirabeau  et  Barnave  re- 
nouvelèrent la  motion  du  i3,  pour 
le  rappel  des  anciens  ministres,  et 
le  renvoi  des   nouveaux ,  mais  en 
exigeant  celte    mesure  comme    un 
droit  de  l'assemblée,  plutôt  qu'en  la 
sollicitant  de  la  faveur  et  de  la  con- 
fiance  du  roi.    IMounier   combattit 
fortement  cette  prétention;  il  rap- 
pela les  principes  établis  par  lui  et 
le  comte  de  Lally  ,  même  dans  la 
séance  du  1 3 ,  «  que  le  roi  était  maître 
»  absolu  du  choix  de  ses  ministres; 
»  que  des  circonstances  extraordi- 
»  naires  pouvaient  seules  autoriser 
»  l'assemblée  à  former  uu  vœu  à  cet 
»  égard;  que  ce  vœu ,  dans  tous  les 
»  temps  ,  ne  pouvait  se  manifester 
))  que  par  la  voie  d'une  prière  hum- 
»  ble  et  soumise,  et  que  peut-être 
))  même  devrait  -  on  se   l'interdire 
»  aujourd'hui ,  si  le  roi  n'avait  fait 
»  hier  un  appel  au  z^le  des  repré- 
»  sentants  de  la  nation ,  et  ne  leur 
»  avait  demandé  leurs  conseils  sur 
»  les  moyens  de  sauver  l'état  et  d'y 
»  ramener  l'ordre  et  la  paix.  »  Eu 
vain  IMirabeau  traita  ces  principes 
de  doctrine   impie   et   détestable  : 
ils  triomphèrent  encore  cette  fois. 
La  motion  fut  rédigée  dans  le  sens 
que  voulaient  Meunier  et  ses  amis; 
mais   elle   fut   prévenue.   Tous   les 
nouveaux  ministres  donnèrent  leur 
démission.  Mounier  se  flattait  en- 
core de  voir  établir  ,  sans  de  nou- 
velles secousses,  les  institutions  né- 
cessaires pour  garantir  la  liberté  pu- 
blique. Cette  espérance  fut   conlir- 
mée  par  le  voyage  que  le  roi  fit  à  Pa- 
ris ;  le  17  juillet ,  et  par  les  scrnieuts 


3i8  MOU 

de  fidélité  qui  lui  furent  renouvelés  à 
rhôtel-de-ville.  Mais  bientôt  les  ma- 
chinations des  farlieux ,  la  défection 
hideuse  des   j;ardcs  -  françaises  ,  les 
assassinats  qui  marquaient  ledcchaî- 
nenient  d'une  populace  corrompue, 
tout  porta  dans  l'esprit  de  Mounier 
la  funeste  conviction  des  dangers  de 
la  patrie.  Il  travailla  dès-lors  à  dé- 
jouer les  projets   des  factieux ,  avec 
le  même  zèle  ({u'il  avait  mis  à  réta- 
blissement d'une  sage  et  légitime  li- 
berté ;  et  il  s'associa  ,  dans  ce  noble 
dessein,  les  députés  qui ,  dans  cha- 
que ordre  ,  réunissaient  le  plus  l'a- 
mour du  monarque  au  desir  de  la  li- 
berté. On  distinguait  surtout  parmi 
eux  MM.  M;douet,  Bergassc,  i'Àcv- 
mont-Tonnerio ,  et  le  comte  de  Lally- 
Tolcndal ,  qui  lui  fut  le  plus  inlinie- 
ment  uni.  Le  -lo  juillet,  ce  dernier 
ayant  proposé  que  l'assemblée  natio- 
nale publiât  une  proclamation  pour 
condamner   les   désordres  auxquels 
une   multitude    insensée    se    livrait 
dans  toute  la  France,  et  pour  pro- 
voquer l'exécution  des  lois  contre 
les  rebelles  et  les  séditieux ,  Mou- 
nier appuya  de  tout   sou   pouvoir 
cette  motion  qui,  après  quatre  jours 
de  débats,  fut  enfin  adoptée  ,  mais 
avec  des  modiîicaîions  qui  lui  étaient 
la   plus  grande  partie  de  sa    force. 
Dix  jours  après  ,   Mounier  ne  fut 
pas  secondé  moins  vivement  par  le 
comte  de  Lally,   lorsqu'avec  toute 
l'énergie  de  sa  conscience,  il  s'éleva 
contre  la  détention  du  baron  de  Be- 
scnval ,  que  la  miUce  d'une   petite 
ville  avait   osé  arrêter,  et  dont   la 
menace  d'une   insurrection  dans  la 
capitale  maintenait   l'incarcération. 
C'est  eu  ayant  à  lutter  contre  un  !el 
désordre  ,  que  le  comité  de  consti- 
tution ,   dont  Mounier  était   mem- 
bre ,  soumettait  le   résultat  de  ses 
travaux  à  l'assemblée  nalio.nale.  Le 


MOU 

comité  avait  partage  entre  ses  mem- 
bres les  grandes  questions  dont  cha- 
cun devait  faire  un  rapport  spécial. 
Mounier ,  que  ses  études  longues  et 
variées    avaient    pourvu  de    maté- 
riaux   abondants    pour    toutes    les 
parties  de   l'édifice  social ,  était   à 
toutes  les  questions.  Il  mit  une  dé- 
claraliondes  droits  ,  claire  et  loyale, 
à  la  place  de  la  déclaration  énigma- 
tique  et   perfide  de  l'abbé  Sicycs. 
Le  tlélire  nocturne  du  4  août  vint 
rendre  plus  difficile    encore  la  lâ- 
che du  comité  de  constitution.  Mou- 
nier  s'éleva  surtout  contre  l'exten- 
sion qu'on  voulut  donner   aux  ar- 
ticles déjà  si  imprudemment  votés. 
Autant  il  approuvait  l'abolition  des 
droits  et  devoirs  féodaux   et  ceu- 
suels  ,  autant  les  abolir  sans  les  ra- 
cheter lui  paraissait  une  injustice  et 
la  violation  du  droit  sacré  de  pro- 
priété. Il  conquit,  pour  ainsi  dire, 
la  parole  qu'on  voulait  lui  refuser 
sur  cette  question  :  lui  et  ses  amis 
réclamèrent   et   protestèrent  vaine- 
ment. Ce  fut  alors  que  Mounier  pu- 
blia ses  Considérations  sur  le  gou- 
vernement, et  principalement  sur 
celui  qui  convient  à  la  France.  Il  y 
établissait  les  principes  qui ,  A'iugl- 
ciuq  ans  après ,  ont  servi  de  base  à 
la  constitution  où  la  France,  après 
tant  d'orages ,  a  trouvé  repos  et  li- 
berté. A  l'approche  des  deux  grandes 
questions  qui  allaient  décider  du  sort 
de  la  monarchie,  il  y  eut  des  pom*- 
parlers  entre  les  chefs  des  diflérentcs 
opinions  qui  partageaient  l'assemblée 
nationale.  Mounierrecounut  qu'il  n'y 
avait  point  de  transaction  possible.  Il 
fallut  risquer  la  lutte.  Le  3 1  août  était 
fixé  ])our  le  rapport  du  comité  de 
constitution.  La  veille  ,  les  factieux  , 
rassemblés  dans  le  jardin  du  Palais- 
Royal  ,  menacèrent  de  la  peine  des 
traîtres  tout  défenseur  de  la  sanction 


MOU 

royale.  Deux  d'cnlre  ciik  porlèreiit 
ces  menaces  au  corn  le  de  Lally,  qui 
devait  parler  le  piemier.  11  dénonça 
CCS  envoyés  et  leurs  menace*  à  ras- 
semblée. Mounier  demanda  qu'une 
récompense  de  cinq  cent  mille 
tr.inrs  fui  promise  à  (|uicon(pie  don- 
m-rait  des  preuves  d'un  complot 
contre  la  sûreté  el  la  liîjcrtc  du  roi 
et  de  l'assemblée.  Lally  et  Mounier 
j)re'sentcrent  ,  aussi. ôt  après  ,  les 
rapports  annonces.  A  peine  ('taient- 
ils  achevés,  qu'une  foule  de  voci- 
ferateurs  s'écrièrent  qu'on  voulait 
leur  donner  le  ^oit\>ernement  de 
Fenise ,  le  conseil  des  Dix  et  les 
inquisiteurs  d'ét:it ,  parce  que  le  co- 
]nitc  proposait  la  division  du  corps 
législatif  en  deux  chambres  ,  la  sanc- 
tion royale  d.ins  toute  sa  plénitude  , 
le  droit  royal  de  convoquer,  proro- 
ger, dissoudre  l'assemblée  nationale^ 
enfin  tous  les  vrais  principes  d'une 
monarchie  et  d'un  gouvernement  re- 
présenlatif.  De  ce  jour,  Monnier  fut 
en  butle  à  la  rage  de  tous  les  factieux; 
ils  le  tirent  appeler  par  la  canaille  ré- 
volutionnaire du  nom  de  monsieur 
Veto.  Dans  un  écrit  infâme,  iutitiilé 
la  Lanterne  aux  Parisiens ,  jVlounier 
fut  inscrit  avec  Lally  -  Tolcndal  , 
Bergasse,,  Malouet ,  Glermont-Ton- 
nerre  et  autres  défenseurs  de  la  sanc- 
tion royale,  comme  devant  être  li- 
vrés à  la  mort.  Leurs  têtes  furent  mi- 
ses à  prix  dans  le  jardin  du  Paiais- 
Koyal.  Mounier  n'en  fut  ni  moins 
courageux, ni  moins  convainquant, 
dans  un  discours  qu'il  prononça  le 
f)  septembre,  poxu-  soutenir  le  sys- 
tème du  comité,  en  s'attachant  prin- 
cipalement a  la  sanction  royale.  Sa 
fermeté  fut  applaudie  ,  lorsqu'impo- 
sant  silence  aux  clameurs,  il  s'écria: 
f^ous  préparez  à  la  France  une 
lojigue  et  funeste  anarchie  ,  au  lieu 
du   bonheur   quelle    attendait   de 


MOU  3 19 

nous.  Les  efforts  des  députc's  fidè- 
les aux  principes  monarchiques  fi- 
rent coutevoir  des  inquiétudes  aux 
factieux.  Ceux-ci  prirent  le  paiti  de 
faire  clore  les  débats  ;  et ,  dès  le  i  i 
septembre,  on  recueillit  les  voles, 
par  appel  nominal,  sur  la  question 
des  doux  chambres  et  sur  celle  de 
la  sanction  royale.  Mille  soixante 
membres  votaient  :  quatre  -  vingi- 
neuf  seulement  opinèrent  pour  l'é- 
tabiissement  de  deux  chambres  ; 
cent  vingt-deux  déclarèrent  n'avoir 
pas  entendu  la  question  j  huit  cent 
quarante-neuf  se  prononcèrent  pour 
mie  chiunbre  unique  et  permanente. 
Les  sectateurs  de  la  démocratie,  et 
ceux  de  l'aristocratie  la  plus  enva- 
hissante, avaient  émis  le  même  vote. 
On  prit  ensuite  les  suffrages  sur  la 
sanction  royale,  sous  le  nom  odieux 
de  vélo.  On  n'en  contestait  plus 
l'exercice  au  roi;  mais  on  posa  ea 
question:  Le  veto  royal  sera-t-il 
suspensif  ou  indéfini?  Ici  le  parta- 
ge des  opinions  fut  moins  inégal  : 
toutefois  le  veto  suspensif  l'empor- 
ta encore  à  la  majorité  de  six  cent 
quatre-vingt-quatre  voix  contre  trois 
cent  vingt-cinq.  Dès  le  lendemain, 
Mounier,  Lally  et  Bergasse  écrivi- 
rent au  président  de  l'assemblée,  que 
les  bases  qu'ils  avaient  proposées  , 
et  les  seules  qu'ils  pussent  admettre 
pour,  la  constitution,  ayant  été  re- 
jetées, il  ne  leur  était  plus  possi- 
ble de  i-ester  membres  du  comité, 
et  qu'ils  lui  envoyaient  leur  démis- 
sion irrévocable.  Bergasse  ne  parut 
])lus  à  l'assemblée.  Mounier  et  Lally 
jirirent  encore  la  parole  pour  pro- 
tester plutôt  que  pour  persuader. 
Ainsi  le  premier  s'éleva  fortement 
contre  la  proposiîion  du  dé|)Uté  Bou- 
che ,  que  le  jxnwnir  lég''sl:itif  rési- 
dait dans  les  mains  du  peuple  ;  pro- 
position, dit  Mirabeau,  à  hiq:icUe 


3'o  MOU 

(ta  ne  pouvait  s'opposer  sans  uc,'^- 
nir  traître  à  l'Liat.  Au  srn'.'iîi  se- 
cret, la  njajoritcdo  l'i-s;  iiiLIvC  leur 
ctait  encore  favorable,  i.iiliy,  réélu 
j)t)i!r  le  iiointa-i  coiilc  de  consli- 
tutioii,  rciiisa.  Meunier,  riortc  Ji ''< 
présidence  de  ''assemblée,  u'acccpla 
que  parce  qu'il  v  avait  du  da).^'v,  et 
que  les  lactieux  le  icci-'  '■'•iciit  d'une 
chute  glorieuse.  EU'Ve  a  cet  îionneur 
rcdoufaLlc,  le    îb  septembre  ,    on 
peut  dire  lua  aucune  époque  d'une 
vie  pleine  de  ecuage  et  de  vertu,  il 
n'a  mieux  rempli  l'idée  qu'on  avait 
de  son  cai'aclère.  Les  alleutats  des  5 
et  6  octobre  se  tramaient  ;  un  repas 
de  corps ,  donne  par  les  p,ardes  du 
roi  au  régiment  de  Flandre  appelé 
à   Versailles ,  en  était    le   prétexte 
pour  les    démagogues ,  et  la   cause 
pour  une  multitude  égarée.  Quelques 
députés  fidèles  ,  ayant  dénonce  des 
menaces  qui  annonçaient  une  irrup- 
tion aimée  de  Paris  à  \  crsailles  , 
]\îira]jeau  avait  osé  récriminer,  en 
dénonçant  le  duc   de  Guiche,   ca- 
pitaine des  gardes,  et  la  reine  elle- 
même.  Il  avait  fallu  la  fermeté  de 
Meunier  pour  le  contenir.  Le  5  oc- 
tobre ,  au   matin,  l'assemblée,  qui 
âvait  reçu  le  consentement  du  roi 
aux  articles  déjà  décrétés  de  la  coris- 
titution    et   de   la    déclaration    des 
droits,  arrêta   que  son  président, 
à  la  tête  d'une  grande  députation  , 
irait  demander  au  monarque  une  ac- 
ceptation pure  et  simple.  Pendant 
que  Meunier  s'occupait  à  désigner  les 
nieml^res  de  cette  députation ,  Mira- 
beau s'approche  de  lui  :  Monsieur  le 
président  ,  dit-il  à  demi-voix ,  je 
vous  demande  d'être  compris  sur 
la  liste  que  vous  écrivez.  —  Ao/i, 
vous  nj  serez  pas. —  Croyez-moi, 
je  puis  être  utile.  —  Fous  ne  pou- 
vez être  que  dangereux.  —  Tout 
dangereux   que  vous  me  croj  ez , 


MOU 

laissez-moi  vous  conseiller  de  pres- 
ser la  délibération,  même  de  lever 
la  séance ,  même  de  vous  dire  ma- 
lade. —  Lh  !  pourquoi  donc ,  j)/i'n- 
sie.r?  —  f'^dici  une  lettre,  JiJon- 
sieu:  le  président  :  elle  m' annonce 
V arrivée  de  quarante  mille  hommes 
venant  de  Paris.  —  Eh  bien!  c'est 
une  laison   de  plus  pour  que  l'as- 
semblée reste  à  ïon  poste.  —  Mais , 
Mon.ieurle  président,  on  vous  tuera. 
—  Tant  mieux  :  si  l'on  w  us  lue  tous, 
tous  sans  e.icepiion,  la  chose  publi- 
que en  ira  mieux.  —  Monsieur  le 
président ,  le  mot  est  joli  ;  mais  si 
la  famille  royale  est  atteinte ,    si 
elle  est  réduite  h  fuir ,  je  ne  réponds 
plus  des  conséquences.  Pendant  ce 
dialogue  ,    une   foule    considérable 
s'était  rassemblée  à  la  ])orte  de  la 
salle;  quelques  individus,  hommes 
et  femmes  ,  entrèrent  pour  pétition- 
ner a  la  barre  :  ils  demandèrent  du 
pain   avec  une  audace  menaçante. 
Le  seul  moyen  d^ obtenir  du  pain  , 
leur  dit  Mounier  ,   est  de  rentrer 
dans  l'ordre  :  plus  vous  menacerez , 
moins  il  y  aura  de  pain.  11  partit  à 
quatre  heures,  pour  se  rendre  au 
château,  accompagne  de  la  députa- 
tion. Appelé  par  le  roi  dans  son  ca- 
binet ,  Meunier  lui  roumitle  plan  de 
conduite  qui  lui  paraissait  seul  pro- 
pre à  sauver  la  monarchie  :  c'était 
d'accepter  purecient  et  simplement , 
mais  en  même  tomps  de  se  préjiarer 
à  repousser  la  force  par  la  force  ;  et 
si  l'issue  du  combat  n'était  pas  favo- 
rable, Mounier  proposait  d'accom^ 
pagner  le  roi,   soit  à  Rouen,   soit 
dans  toute  autre  vdle  où  les  députés 
fidèles  se  réuniraient  autour  de  lui* 
Le  roi  donna  l'adhésion  la  plus  en- 
tière à  ce  plan,  dont  l'eséculion  au- 
rait prévenu  tant  de  maux  :  mais  rintj 
heures  se  consumèrent  en  délibéra- 
tions du  conseil,  en  projets  formes  et 


INIOl) 

^l).iiidonnes  ;  v.t  l'iiKiction  fut  dcfini- 
Uvemcnt  rcsoliio.  iMouiiier  altomlil  , 
pendant  tout  ce  temps,  Vaccepla- 
tion  pure  et  simple,  qui  lui  fut  en- 
voyée vers  dix  heures  du  soir.  A  son 
retour  dans  l'asscrnblcc,  il  la  trouva 
livrée  au  plus  aHiciix.  désordre  ,  la 
populace  maîtresse  de  la  salle  ,  une 
femme  dans  le  fauteuil  du  président, 
des  vocife'rations  insolentes  ,  et  des 
scènes  de  crapule.  H  parvint  à  réla- 
blir  un  peu  d'ordre,  et  proposa  que 
les  de'pute's  se  rendissent  au  château, 
pour  entourer  le  roi,  dans  un  tel 
dauEjor.  ]VIiral)eau  opposa  la  dignité' 
de.  l'assemblée  :  ISotre  dis^iiilé  est 
dans  notre  devoir  ,  répondit  le  ver- 
tueux, président;  mais  la  peur  avait 
j;lacé  tous  les  courages  :Mounier  s'a- 
dresseaux  députés  (pi'ilavailtoujours 
vus  dévoués  au  trône  ;  il  les  appelle, 
les  conjure  de  l'accompagner  :  mais  il 
se  rend  presque  seul  chez  le  roi,  où 
il  trouve  le  commandant  de  la  mi- 
lice parisienne.  Il  ne  restait  plus  qu'à 
rentrer  dans  la  salle,  et  à  s'y  asseoir 
sur  la  chaise  curule.  Bientôt  ce  com- 
mandant, après  avoir  distribué  ses 
postes  dans  les  cours  et  aux  environs 
du  château,  se  rendit  dans  un  des  bu- 
reaux, de  l'assemblée.  Il  était  trois 
heures  du  malin  :  les  députés  deman- 
daient du  repos.  Mounier,  épuisé  de 
fatigues ,  crachant  le  sang ,  pouvait  à 
j>eine  se  faire  entendre.  M.  de  La 
Fayette  croyait,  ainsi  que  son  état- 
major,  pouvoir  répondre  de  la  tran- 
quillité publique,  et  l'avait  déclaré 
trois  fois  sur  l'interpellation  du  pré- 
sident. Mounier  leva  la  séance ,  et 
rentra  dans  son  logement,  oiî  ,  pen- 
dant son  absence ,  des  bandits  étaient 
venus  le  demander,  en  ne  cachant 
point  leurs  horribles  desseins.  On 
peut  juger  quelle  fut  sa  douleur,  eu 
apprenant ,  à  son  réveil,  les  événe- 
ments de  cette  nuit  fatale.  Il  conser- 

XXX. 


MOU 


3ui 


va  encore  la  présidence  le  6  et  le  7  ; 
mais  il  ne  laivsa  pas  eCliapper  une 
occasion  de  njanilester  son  indigna- 
tion contre  une  assemblée  qui  avait 
montré  si  peu  de  force  pour  repous- 
ser le  crime;  et  ,  dans  cet  état  de 
choses  ,  il  sentit  qu'il  ne  restait  plus 
d'espoir  d'atteindre  le  noble  but 
qu'il  s'était  proposé,  et  de  réaliser 
l'attente  de  la  France,  tant  que  l'as- 
semblée délibérerait  sous  la  hache 
de  la  populac(^  Il  jugea  qu'il  devait 
s'éloigner  d'un  théâtre  où,  par  sa 
présence,  il  aurait  en  quelque  sorte 
participé  à  des  actes  qu'il  abhor- 
rait; et  en  chercher  un  autre  où  il 
])ùt  encore  agir  pour  les  intérêts  du 
trône  et  de  la  liberté.  Il  crut  que  le 
premier  devoir  des  députés  fidèles  à 
leurs  mandats  ,  était  de  se  rendre 
dans  leurs  provinces,  pour  éclairer 
leurs  commettants  ,  et  proposer  les 
moyens  de  réunir  une  nouvelle  as- 
semblée ,  qui  pût  librement  délibé- 
rer ,  et  résister  à  la  tyrannie  déma- 
gogique que  la  capitale  cherchait  à 
créer.  Dans  la  soirée  du  7,  il  délivra, 
en  sa  qualité  de  président ,  plus  de 
Goo  passeports  à  des  députés  qui 
pensaient  comras  lui.  Le  8,  il  en- 
voya sa  démission  ;  et  le  9 ,  appre- 
nant que  celte  quantité  de  passeports 
venait  d'être  dénoncée  à  l'assem- 
blée, il  jugea  qu'il  n'y  avait  plus  un 
moment  à  perdre.  Dans  la  matiiu  e 
du  8,  immédiatement  après  l'envoi 
de  sa  démission,  le  comte  de  Lallv 
l'avait  trouvé  dans  une  profonde  rê- 
verie :  A  quoi  pensez-vous  si  pro- 
fondément'} A\^vi  dit  Lallyàson  ami. 
—  Je  pense ,  avait  répondu  Mou- 
nier, qu^ il  faut  se  battre.  Le  Dau- 
phiné  a  appelé  les  Français  à  éta- 
blir la  liberté  ;  il  faut  qail  les  ap- 
pelle aujourd'hui  à  défendre  la 
rojauté.  J'ai  déjà  écrit  à  notre 
commission  intermédiaire  ;  je  lui 


32Î 


lyiou 


demande  une  protestation  contre 
les  actes  d'une  a  semblée  qui  ne 
■peut  plus  élre  reardée  corrune  li- 
bre; pui^  la  convocatirn  de  nos 
états.  Le  reste  suivra.  Tous  deux 
qMlitèrc.'ît  la  capitale  le  même  jour. 
Moiiiiier  fut  reçu  ,  à  Greiuible  ,  de  la 
maiiicre  la  plus  honorahle  ;  la  com- 
missioii  a  'opta  toutes  ses  proposi- 
tions :  elle  n'avait  pas  attendu  son 
arrivée  pour  l'aire  imprimer  une 
protestation  contre  les  artes  d'une 
assemblée  asservie.  On  s'occupait 
d'organiser  les  milices  de  la  provin- 
ce 5  on  jiarlait  de  former  des  corps 
de  volontaires  pour  marcher  sur 
Paris,  el  arracher  le  roi  à  une  indigne 
captivité.  Un  pareil  mouvement  de- 
vait avoir  des  imitateurs;  mais  le  roi, 
entoure  de  conseillers  dominés  parla 
ei'ainte  ou  trompés  par  les  intrigues 
des  factieux  ,  déclara  qu'il  défendait 
toute  asserai.iéc  des  états  comme  illé- 
gale, en  annulant  les  délibérations 
qui  auraient  été  prises.  Les  efforts  de 
Mounier  se  trouvant  ainsi  paraly- 
sés, il  résolut  de  vivre  dans  la  re- 
traite, en  attendant  que  des  circons- 
tances plus  favorables  lui  permis- 
sent de  cherchera  délivrer  sou  pavs. 
Il  emplova  ce  loisir  à  rendre  compte 
de  sa  condui'.e  à  l'assc-mblée  ,  et  à 
signaler  la  mérité  obscmcie  par  les 
déclamations  des  partis  ,  dans  un 
ouvrage  qu'il  intitula  :  Exposé  de  la 
conduite  de  Mounier ,  etc.  Mais 
bientôt  des  lettres  de  Paris  le  signa- 
lèrent comme  un  traître  :  la  terfeur 
comprima  les  hommes  honnêtes  ; 
et  les  factieux  virent  qu'ils  pou- 
vaient tout  oser ,  pour  éloigner  ce- 
lui qui  avait  donné  de  telles  preu- 
ves de  dévouement  au  roi.  II  alla 
joindre  ,  à  Lausanne ,  le  comte  de 
Lallv,  et  lui  apprit,  avec  tristesse, 
le  renversement  de  leurs  espérances 
communes.  Celui-ci  se  rendit  à  sou 


MOU 

tour  â  Grenol^le,  au  mois  de  jan- 
vier 1790.  Mounier  put  encore,  à 
cette  époque  ,  faire  respecter  les 
jours  et  le  caractère  de  son  ami  : 
peu  après,  ct-la  lui  eiit  été  impos- 
sible. Alarmés  des  dangers  tonjouis 
croissants  dont  il  était  entouré,  ses 
parents  ,  ses  amis  le  décidèrent  à 
quitter  le  Dauphiué.  Cette  province, 
qu'il  avait  illustrée,  qu'il  a\ait  servie 
avec  un  zèle  si  pur  et  si  désintéressé, 
il  fut  réduit  à  s'éloigner  d'elle ,  eu 
traversant  à  pied  les  montagnes  qui 
séparent  la  France  de  la  Savoie. 
Quelques  amis  dévoués  l'accompa- 
gnèrent jusqu'à  la  frontière.  II  arri- 
va ,  le  2'i  mai  1790,  à  Chambéri , 
où  il  trouva  sa  femme  et  ses  enfants, 
dont  il  n'avait  point  voulu  se  sépa- 
rer au  moment  où  il  commençait  un 
exil  dont  il  prévoyait  la  durée.  Il  se 
fixa  d'abord  à  Genève  ,  et  s'occupa 
d'écrire  son  Appel  à  l'opinion  publi- 
que (Genève,  1790,  i  vol.  in -8°.) 
Cet  ouvrage  ,  qui  contient  la  rela- 
tion détaillée  des  événements  des  5 
et  G  octobre  ,  arracha  aux  factieux 
le  masque  dont  leurs  jiartisans 
avaient  voulu  les  couvrir.  De  Genè- 
ve, où  il  s'était  lié  avec  les  hommes 
les  plus  recommaudables  ,  les  événe- 
ments le  conduisirent  à  Berne.  Ac- 
cueilli avec  une  distinction  particu- 
lière par  les  magistrats,  il  y  forma 
des  liaisons  d'amitié  avec  les  ci- 
toyens les  plus  distingués  ,  notam- 
ment avec  l'avoyer  Steiguer ,  dont 
le  noble  caractère  est  consigné  dans 
l'histoire  de  la  Suisse.  Il  eut  occa- 
sion de  donner  des  conseils  très-uti- 
les à  cette  sage  république  ;  et  le  pe- 
tit-conseil lui  décerna  une  grande 
médaille  d'or  ,  pareille  à  celles  qu'il 
accordait  pour  les  services  les  plus 
importants.  L'exergue  portait  :  /.- 
/.  Mounier ,  civi  gallico ,  de  repii- 
blicd  bénit  merito.  Ce  fut  pendant 


MOU 

son  séjour  à  Genève ,  et  chez  son 
aiuic  la  comles.sedcTcs.se,  (jui  avait 
égaicraent  clicrchc  ,  dans  les  iiiou- 
tagiics  de  la  Siiis.sc  ,  un  asile  con- 
tre les  tureiiis  de  la  révoliuion , 
qu'il  (Hiivil  et  publia  ses  Rcclier- 
ches  sur  les  causes  qui  ont  eiiipèché 
les  Français  de  devenir  libres  ,  etc. 
(  2  vol.  iii-8". ,  Genève,  i^Qi),  un 
des  ouvrages  politiques  les  plus  mar- 
quants ,  publies  depuis  3o  ans;  il  lut 
prcsqu'aussilôt  traduit  en  allemand 
par  un  publiciste  connu,  M.  Gcntz , 
qui  l'a  augmenté  de  noies  intéres- 
santes. La  position  de  jMouiiier  était 
devenue  Irès-diiHcile  ;  les  communi- 
cations avec  la  France  étaient  inter- 
rompues :  personne  nepouvait,  s«ns 
s'exposer  a  la  mort ,  l'aire  passer  des 
fonds  a  un  émigré.  D'un  autre  côle, 
sa  famille  allait  s'accroître  d'un 
troisième  enfant.  Obligé  d'autant 
plus  de  se  créer  des  ressources  par 
son  travail ,  qu'il  refusait  ce  tpii  lui 
était  offert  par  dillerents  gouverne- 
ments ,  il  se  décida  enfin  à  se  charger 
de  l'éducation  du  (ils  d'un  pair  de  la 
Grande  -  Bretagne.  11  se  rendit  à 
Londres  eu  179^.  Lord  Ha'Ake  et 
le  comte  de  Lally  le  présentèrent  au 
roi,  qui  lui  fit  l'accueil  le  plus  flat- 
teur ,  ainsi  que  lord  Grenville  ,  Urd 
Lûugborougli ,  et  les  autres  hommes 
marquants  de  cette  époque.  Le  gou- 
vernement anglais  lui  offrit  la  place 
de  grand-juge  au  Canada,  avec  des 
appointements  considérables;  mais 
il  ne  pouvait  supporter  l'idée  de  re- 
noncer à  sa  patrie.  Uevenu  en  Suisse 
auprèsde  sa  famille ,  Mounier  en  par- 
courut tous  les  cantons ,  accompagné 
du  jeune  homme  dont  il  dirigeait  l'é- 
ducation. Il  recueillit  sur  le  pays,  et 
sur  les  constitutions  particulières  des 
différents  étals  ,  des  notes  aussi  inté- 
ressantes qu'étendues ,  et  pou.ssa  ses 
courses  jusqu'à  Milan,  où  il  fut  reçu 


MOU 


323 


comme  il  l'avait  été  à  Genève,  à 
Berne  et  à  Londres.  Malgré  ces  vuva- 
ges  et  ces  occupations,  i\!ounier  ne 
jterdait  pas  de  vue  tout  ce  qui  pou- 
vait servir  la  France.  Il  pi.blia 
un  ouvrage  intitulé  Ad(dj}Jie  ;  Ijer- 
ne ,  i7<)4'  in -8".),  destiné  sur- 
tout à  coinbdtfre  Je  ddgrne  se  lui- 
sant,  et  si  susceptible  d'interpréta- 
tions dangereuses,  de  la  souveraineté 
du  peuple.  Genève  ayant  été  entraî- 
née dans  le  gouffre  delà  révoJutiou 
française,  et  ayant  vu  périr  ses  plus 
vertueux  citoyens  (  y.  Naville) 
dont  plusieurs  e'iaient  ses  amis  inti- 
mes, il  retraça  ces  crimes  et  ces  mal- 
hei'.rs  dans  une  brochure  intitulée  : 
Relaliun  des  malheurs  de  Genève. 
Prévoyant  les  désastres  qiii  devaient 
fondre  sur  la  Suisse,  il qiutta, au  niois 
d'octobre  1795,  cette  terre  hosjiita- 
lièrc,  pour  aller  en  Allemagne,  lise 
rendit  a  Erfurt  ,  puis  à  Weimar. 
Jusque-la  Mounier  avait  trouvé  dans 
son  bonheur  domestique  un  dédom- 
magement des  chagrins  que  lui  cau^ 
sait  l'état  de  sa  patrie.  Il  fut  alors 
atteint  dans  ce  qu'il  avait  de  plus 
cher  au  monde;  sa  femme,  égale- 
ment distinguée  par  son  esprit  et 
par  ses  agréments  extérieurs ,  lui 
fut  enlevée  par  une  maladie  aiguë. 
Il  fallut  tout  le  sentiment  des  de- 
voirs qu'il  avait  à  rejnplir  t-n\ers 
ses  jeunes  enfants ,  pour  lui  donner 
la  force  de  rësisier  à  un  pareil  cha- 
grin ,  qui  n'en  devint  pas  moins  le 
germe  de  la  maladie  à  laquelle  il 
succomba  lui-même  dix  ans  plus 
tard.  Le  duc  de  Weimar  ,  désirant 
le  fixer  dans  ses  états,  lui  proposa 
de  former  un  établissement  d'éduca- 
tion dans  un  de  ses  châteaux  ap- 
pelé le  Belvédère.  Mounier,  adoptant 
cette  idée,  annonça  que  son  but  était 
de  compléter  l'éducation  de  jeunes 
gens  qui  se  destinaient  aux  fonctions 

31.. 


3-24 


MOU 


publiques;  il  alla  passer  six  mois  à 
Dicsde,  et  revint  à  Wcirnar  dans 
l'cté  de   1797.  Les  commeiic'jmenls 
de  cet  établissement  furent  lilUoiles; 
mais  il  s'augmenta  progressivement 
par  l'arrivée  d'élèves  de  diircrcntes 
nations,  surtout  d'Anglais.  Une  pa- 
reille direction  exigeait    des  soins 
très-muUipliés. Néanmoins,  indépen- 
damment de  la  snrveillaucegénérale, 
Mounier  faisait  des  cours  de  philo- 
sophie ,  de  droit  public  et  d'histoire. 
Il  ne  négligeait  aucun  moyen  d'in- 
fluence   sur    ces    jeunes   gens.  Peu 
d'hommes  en  ont  exercé  une  aussi 
grande  dans  les  écoles;  son  ascen- 
dant s'étendait  sur  toutes  les  per- 
sonnes qui  l'approchaient.   Ce    fut 
pendant  son  séjour  à  Wcimar,  qu'il 
publia  l'ouvrage  intitulé  :  De  l'in- 
iluence  attribuée  aux  jJiil'Sophes , 
aux  francs-macons  et  aux  illumi- 
nés ,  sur  la  révolution  de  France,  in- 
8°.jTubingue ,  1 80 1  ;  Paris,  i S.i  \ .  F^a 
première  partie  est  un  résumé  rapide 
de  ses  idées  sur  les  causes  de  la  révolu- 
tion française.  Les  deux  autres  sont 
traitées  avec  une  rare  impartialité.  La 
dernière,  pour  laquelle  ii  avait  puiséà 
d'excellentes  sources,  présente  ce  qui 
a  été  écrit  de  plus  satisfaisant  sur  ce 
sujet.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en 
anglais  et  en  allemand.  Aussitôt  que 
la  révolution  du    18    brumaire  eut 
annoncé  le  rétablissement  de  l'or- 
dre en  France,  Moi!ni<'r  songea  à 
rentrer  dans  cotte  patrie ,  objet  de 
ses   plus   constantes  affections.   Ses 
amis  obtinrent,  dans  les  premiers 
mois  de  i8ot  ,  sa  radiation  de  la 
liste  des  émigrés  ;  et  il  quitta  Wei- 
mar,  le  premier  octobre,  pour  se 
rendre  à  Grenoble.   Son   intention 
n'était  point  de  remplir  des  fonc- 
tions publiques.  Il  se  propusiit  de 
former  a  Lyon  un  établissement  sem- 
blable à  celui  du  Beh'édere  :  mais 


MOU 

ses  anciens  collègues  l'engagèrent  i 
venir  à  Paris;  et  le  désir  de  revoir 
des   amis  dont  il  avait  été  séparé 
par  tant  de  vicissitudes ,  le  déter- 
mina à  se  rendre  dans  la  capitale. 
Là ,  pressé  par  eux  de  servir  encore 
son    pays ,  sous    un   gouvernement 
qui    avait    enchaîné  la    révolution , 
rappelé  les  exilés  ,  ramené  la  paix, 
et  qui  semblait  doublement  sanction- 
né par  la  résignation  des  Français 
et  par  la  reconnaissance  des    puis- 
sances étrangères,  il  accei)ta,  au  prin- 
temps de  i8o'4,  les  fonctions  de  pré- 
fet d'Tlle-et-Vilainc.  Ce  département, 
nu  de  ceux  qui  avaient  le  plus  souf- 
fert par  les  excès  de  la  terreur  et  par 
la  guerre  civile,  demandait  un  ad- 
ministrateur doué  d'un  grand  esprit 
de  justice  et  d'une  égale  fermeté.  Peu 
après  son   arrivée ,    il  déjoua    une 
conspiration  dangereuse,  tramée  par 
des  militaires  mécontents  ,  qui  vou- 
laient  rél.ib'.ir  le  gouvernement  po- 
pulaire. Plus  tard,  il  osa,  de  sa  pro- 
pre autorité,  délivrer  des  hommes 
faussement  accusés,  que,  contre  tou- 
tes les  lois,  le  premier  consul  avait 
fait  arrêter  par  un    aide-dr-ramp. 
Ainsi  fut  signalée  toute  son  adminis- 
tion ,  par  la  répression  de  tous  les  ex- 
cès, et  par  sa  fermeté  à  repousser  tou- 
tes les  mesures  arbitraires,  au  mépris 
des  dangers  qui  pouvaient  en  résul- 
ter pour  sa  personne.  Jamais  il  ne 
manqua  une  occasion  de  faire  con- 
naître ses  principes;  et  il  professa 
toujours  ceux  de  ce  gouvernement 
constitutionnel  qu'il  croyait  néces- 
saire à  sa  patrie.  Appelé  à  Paris  ,  à 
la  fm  de  1804,  il  demanda  à  être  en- 
voyé dans  un  département  du  midi, 
espérant  qu'un  climal  plus  doux  amé- 
liorerait sa  santé.  Mais  Napoléon  , 
qui  craignait  l'oppositi m  que  Mou- 
nier  avait  plusieurs   fois  apportée 
aux  mesures  oiilounées  par  le  goa- 


MOU 

ycruemcnt,  ne  voulut  pas  lui  confier 
j)lusltiig-tempsradniiiiistiati()ii  d'u- 
ne piëfecture.  INc  voulant  pas  cepen- 
dant paraître  écarter  un  homme  aus- 
si distinj^ue,  il  le  nomma  conseiller- 
d'e'lat.  On  se  rappelle  combien ,  dans 
celte  position  délicate,  Mounier  sut 
maintenir  son  indépeniiauce.  «  Oh! 
»  pour  celui-là,  disait  de  lui  Napo- 
»  Ic'on,  c'est  un  honnête  homme;  je 
»  sais  ce  (pi'il  pense.  »  Fixe  dans  la 
capitale,  entouré  de  ses  enfants  et  de 
ses  nombreux  amis ,  Mounier  em- 
ployaitles  moments  que  lui  laissaient 
ses  fonctions  publiques,  à  revoir  ses 
cours  du  Belvédère ,  qu'il  se  propo- 
sait de  refondre  et  de  publier.  Les 
parties  auxquelles  il  donnait  le  plus 
de  soin,  étaient  la  métaphvsique  et  la 
politique.  Celle-ci,  comme  offrant 
des  applications  journalières,  faisait 
plus  souvent  encore  le  sujet  de  ses 
conversations.  Ses  idées  étaient  alors 
ce  qu'elles  avaient  été  quinze  ans  au- 
paravant. Il  aimait  à  développer  cet- 
te bei  le  théorie  delà  monarchie  cons- 
titutionnelle, qu'il  avait  cherché  à 
faire  établir ,  et  à  l'abri  de  laquelle 
la  France  devait  enfin  se  reposer.  Ce- 
pendantses  souffrances, sans  ralentir 
son  zèle,  interrompaient  souvent  ses 
travaux;  sa  sauté  s'était  de  plus  en 
plus  altérée  :  une  affection  au  foie  , 
dont  il  souffrait  depuis  long-temps  , 
avait  pris  une  grande  intensité.  Les 
symptômes  d'une  hvdropisie  de  poi- 
trine S8  manifestèrent;  et  il  expira 
le  26  janvier  180G.  Regnault-de- 
Saint-Jean-d'Angely,  son  ancien  col- 
lègue, prononça  son  éloge  funèbre. 
Ily  peignit  énergiquemcnt  son  carac- 
tère, par  cette  phrase  :  Cet  homme 
qui  avait  la  soif  de  justice.  L'amour 
de  la  justice  était  en  effet  le  trait  do- 
minant de  son  ame,  comme  la  recti- 
tude celui  lie  son  esprit.  M.  Berriat- 
Sainl-Prix  publia  peu  après  ^  à  Gre- 


noble ,  un  Éloç^e  historique  de  Mou- 
nier,  qui  renferme  des  détails  inté- 
ressants. Au  bas  de.  son  portrait  on 
avait  inscrit  ce  vers  de  Virgile: 

Jlliim  non  po/julijasces  ,  non  purpura  rcgum 
f'Uxil. 

Le  nom  de  Mounier  a  été  honoré  de 
la  pairie,  dans  la  personne  de  son 
fils.  L— T— L 

MOUNTFORT  (  Guillaume  )  , 
comédien  anglais,  né  en  lÔJg,  dans 
le  comté  de  Stafford,  se  distingua  de 
bonne  heure  dans  les  rôles  d'amou- 
reux et  de  petits-maîtres.  Il  avait 
au  suprême  degré  le  talent  de  con- 
trefaire la  voix,  les  gestes  et  les  ha- 
bitudes des  hommes  :  le  grand-chan- 
celier Jeffeiies  ,  qui  le  logea  quelque 
tems  dans  sa  maison,  l'ayant  un  jour 
engagé,  après  un  repas  donné  au 
lord-maire  et  à  la  cour  des  alderraen, 
à  prononcer  un  plaidoyer  dans  une 
cause  simulée  ,  il  contrefit  avec  une 
très-plaisante  vérité,  les  plus  célè- 
bres avocats  qui  existaient  alors. 
Mounlfort  relevait  au  reste  ses  qua- 
lités brillantes  par  un  excellent  es- 
prit, et  un  ton  de  décence  qu'il  sa- 
vait conserver  dans  les  rôles  les  plus 
dissolus  ;  tellement ,  que  l'austère 
Marie  II ,  l'ayant  vu  un  jour  jouer 
dans  la  comédie  du  Corsaire,  par 
Mistriss  Behn,  tout  en  condamnant 
la  p'èce,  lie  put  s'empêcher  d'ad- 
mirer l'acteur  chargé  du  principal 
rôle.  Colley-Cibber  ,  qui  se  fit  de 
la  réputation  dans  les  rôles  de  fats 
et  de  petits-maîtres,  avoue  qu'il  s'é- 
tait formé  sur  son  modèle ,  sans 
prétendre  l'avoir  égalé.  Mountlort 
avait  de  la  littérature;  et  il  a  don- 
né au  théâtre  quelques  tragédies  et 
comédies  ,  qui  cependant  n'auraient 
pas  suffi  pour  lui  faire  un  nom. 
11  avait  une  figure  agréable  avec 
des  manières  séduisantes  ;  et  ces 
ayautages  furent  en  grande  parlic  U 


326  MOU 

cause  de  sa  mort ,  arrivée  d'une  ma- 
nière trafique ,  dans  l'iiivor  de  i  €ç)9,. 
Le  capitaine  [liil  ,  homme  sans 
mœurs  et  sans  coura£:;e,  étant  eper- 
diimcnt  anioiiroiix  dune  actrice  cé- 
lèbre ,  1\I"'*.  iiracef^inlîc  ,  et  n'en 
ayant  éprouve  que  des  mépris ,  s'i- 
map,ina  que  Mountl'ort  était  plus 
lieurcux  que  lui,  et  résolut  de  trou- 
Ller  leur  prétendue  félicite.  Il  com- 
ïnuniqiia  ce  soupçon  à  un  homme 
digne  de  lui,  le  lord  Mohun,  et  ces 
deux  scélérats  formèrent  le  projet 
d'enlever  M"^'".  Bracegirdle  :  ayant 
manque  leur  coup,  ils  tournèrent 
leur  rage  contre  iMoiuufort,  qu'ils 
rcEcontrèrcut  retournant  chez  lui; 
îc  lord  ?fIohun  le  salua ,  et  causa 
avec  lui  d'un  air  d'amiiié ,  pour 
donner  le  temps  à  son  complice  de 
le  frapper  par  derrière  :  l'assassin 
s'échappa.  Lord  Rîoii.iuiut  acquitté 
par  ses  pairs  ;  mais  il  périt  lui-mê- 
Jue  quelque  temps  après  ,  dans  un 
duel  avec  un  duc  Hamilton,  par  l'ef- 
fet d'iîne  trahison  a-pen-près  pa- 
reille à  la  sienne.  Mouiitl'oi  t  n'avait 
que  trente-trois  ans.  Ses  pièces  de 
théâtre  sont:  Les  ornants  outragés, 
Irag. ,  iG8H;  Edouard  HT,  trag., 
ï()Ç)i;  le  f'arc  du  Greejnvich,  com., 
1G91  ;  les  Heureux  Étrangers  , 
coiD.  ,  iCjqG;  la  Fie  et  la  mort  du 
docteur  Faust,  farce,  1697  7  ■^<^^- 
îHane,  trac:. ,  1705.  L. 

MOURÀD-BEYG,  fameux  chef 
de  Mamlorks,  naquit  en  Circassic, 
vers  le  milieu  du  dix-huitième  siècle. 
Acheté  par  Mohammed  Abou-Dha- 
hab ,  et  devenu  l'uu  des  c>,4  bcygs  de 
l'Egypte,  il  partagea  la  haine  de 
son  ancien  patron  centre  Aly-lîeyg, 
vainquit  ce  dernier,  prcsde  Salehieh, 
en  1773,  le  combattit  corps  à  corps, 
le  blessa  et  le  fit  prisonnier  (  F.  Ali- 
ÎÎKV,  I,  5"/i  ).  Blohammed  étant 
mort  à  Acre,  en  1776  {K  Mouam- 


1\I0U 

med-Beyg  ,  XXIX, a3G),  Monrad. 
qui  se  trouvait  auprès  de  lui,  et  qui 
s'était  distinguéau  siège  de  cette  ville, 
reprit  en  hâte  la  route  de  l'Egypte  , 
pour  disputer  à  Ibrahim-Beyg  le 
gouvernement  du  Caiiv.  Mais  les 
dc\i\  rivaux,  se  voyant  à-peu-près 
égaux  en  forces ,  craignirent  de  s'af- 
faiblir mutuellement,  et  de  donner 
occasion  à  quelque  autre  prétendant 
de  s'é'ever  sur  leur  ruine.  Ils  firent 
la  paix,  et  partagèrent  l'autorité. 
Ibrahim  eut  le  titre  de  Cîieikh-al- 
Belud  (prince  du  pays),  et  Mou- 
rad  celui  à''Emjr-el-/Jadj  (  com- 
mandsiit  des  pèlerins  ),  et  de  Défier 
dur  (trésorier).  Lnc  ligue  se  for- 
ma contre  eux,  parmi  les  anciens 
bevgs  :  Ismaël,  i  ui  eu  était  le  chef, 
chassa  du  Caire  IMourad  et  Ibra- 
him, et  les  força  de  se  réfugier 
dans  le  château .  d'où  ils  gagnèrent  le 
Said  (  la  Haute-Egypte  ).  Ils  revin- 
rent bientôt,  avec  des  forces  plus 
considérables  ,  attaquer  Ismaèl ,  de- 
venu odieux  par  ses  extorsions ,  et 
l'obligèrent  de  s'enfuir  à  Gaza,  d'où 
il  se  rendit  par  mer  sur  la  côte 
d'Afrique  ,  et  arriva  par  terre  au 
Said.  11  y  trouva  le  brave  Haçan- 
Beyg ,  qu'ds  y  avaient  exilé  peu  de 
temps  auparavant;  et  ilfitflésormais 
cause  commune  avec  lui.  Mourad  et 
Ibrahim  inquiets  de  l'union  de  ces 
deux  chefs,  leur  cèdent  un  district  au- 
dessus  de  Djirdjeh  ;  mais  ensuite, 
alarmés  de  leurs  mouvements,  ils 
projettent  de  les  exterminer.  Mourad 
marche  contre  eux,  en  1783:  à  son 
approche,  la  division  se  met  parmi 
les  exilés  ;  les  nns  capitulent  ;  les  au- 
tres suivent  lîaçan  et  Ismnël  à  As- 
souan.  Mourad  les  poursuit  jusque 
vers  la  cataracteduNil:  mais  n'ayant 
pu  les  débusquer  des  rochers  qui 
leur  servait  de  retraite,  il  se  hâte  de 
rcluunitr  au  Caire,  où  ses  propres 


MOU 

intérêts  exigeaient  sa  présence;  et 
les  pioscrils  icvicniieiit  prendre  leur 
première  pusilion  dans  le  S.Vid.  Un 
troisième  parti  s'élant  iornié  au 
Caire,  et  ses  projets  ayant  échoué, 
cin([  bevj:;s  qui  en  étaient  les  chcis, 
lurent  exiles  dans  le  Delta  par  ÎMou- 
rad.  Mais  en  sortant  du  Caire,  ils 
prirent  la  route  du  Said,  échappè- 
rent aux  poursuites  des  Manilouks 
et  des  Arahes,  allèrent  s'emparer 
du  village  de  Miuieh,  sur  le  ISil,  à 
4o  lieues  au-dessus  du  Caire ,  et  maî- 
tres de  la  navigation  du  fleuve,  ils 
afl'amèrent  cette  capitale.  Ibrahim 
se  chargea  de  les  réduire  :  au  lieu  de 
recourir  aux  armes,  il  conclut  avec 
eux  un  traite  dont  leur  rétablisse- 
ment fut  l'article  principal.  IMourad 
se  crut  trahi  par  son  collègue,  et  à 
son  tour  se  relira  au  Saïd,  Après  huit 
Utois de  bravades  sans  hostilités,  et 
de  négociations  sans  résultat,  il  re- 
vint au  Caire,  dépouilla  les  cinq 
beygs  de  leurs  biens,  et  les  fit  arrê- 
ter. La  mésintelligence  divise  de 
nouveau  ces  deux  chefs.  Mourad  sort 
du  Caire,  campe  sous  les  murs  ,  et, 
par  son  attitude  menaçante  ,  oblige 
îbrahira  de  s'enfuir  au  Said,  d'où  un 
nouvel  accord  leramène  au  Caire, en 
mars  i'j85.  Ainsi  ces  deux  rivaux, 
divisés  par  l'ambition  ,  mais  réu- 
nis par  un  commun  intérêt,  se  sou- 
tenaient mutuellement;  l'un  (Mou- 
rad ),  par  sa  bravoure,  son  audace, 
son  impétuosité,  et  par  son  carac- 
tère quelquefois  noble,  généreux, 
et  toujours  libéral  ;  l'autre  (  Ilna- 
liiin  ),  par  sa  dissimulation,  sa  pru- 
dence, son  espiit  conciliant  et  rusé, 
son  hajiileté  dans  le  maniement  des 
air.iires  :  tous  deux  d'ailleurs  égale- 
ment vindicatifs ,  cruels  et  avides; 
mais  Ibrahim  n'amassant  l'or  que 
par  des  moyens  bas  et  pour  thésau- 
riser; Mourad  au  contraire,  parla 


MOU  327 

violence,  et  dans  le  but  de  se  faire 
des  partisans  ou  de  satisfaire  son 
goût  démesuré  pour  le  faste  et  pour 
les  plaisirs.  Tels  étaient  les  deux  do- 
minate#irs  de  l'Egypte  ,  lorsqu'en 
l'jbG,  le  fameux  capitan  -  pacha, 
Ghazy  Haçan,  y  arriva  pour  rétablir 
l'autoritcdc  ta  Poxte-Olhomane qu'ils 
avaient  méconnue,  insultée,  dans  la 
personne  du  pacha  du  Caire,  et 
pour  y  exiger  le  tribut  annuel  qu'Us 
avaient  néglige  d'envoyer.  Quelques 
avantages,  remportés  sur  les  Mam- 
louks,  ayant  ouvert  les  portes  du 
Caiic  à  Ghazy -Haçan  ,  au  lieu  de 
détruire  leur  gouvernement  tyran- 
niqnc,  il  ne  s'occupa  qu'à  lever 
pour  45  millions  de  contributions. 
Il  investit  du  commandement  les 
be^  gs ,  Haçan  et  Ismaël,  à  la  place  de 
Moiu'ad  et  d  Ibrahim,  qui,  quoique 
fugitifs  ,  battirent  complètement  les 
Oimanlis.  Après  le  départ  de  cet 
amiral,  en  1787  (/''.  Guazy-Ha- 
ÇAN  ) ,  l'Egypte  épuisée  jouit  d'une 
sorte  de  trauquiilitc  jusqu'en  1 791 . 
La  mort  d'ismaél ,  que  la  peste  em- 
porta cette  année,  ayant  laissé  Ha- 
çan seul  dépositaire  du  pouvoir,  il 
ne  put  lutter  contre  Mourad  et  Ibra- 
him ,  qui  vinrent  ie  lui  disputer,  et 
il  se  reiiiaà  Djirdjeh.  PJaiiresdu  Cai- 
re et  de  la  basse  E^ïypîe,  ces  deux 
beygs  sentirent  le  besoin  de  vivre 
désormais  dans  une  parfaite  intel- 
ligence, et  de  faire  sanctionner  leur 
usurpation.  Ils  députèrent  à  Cons- 
tantinoplc  pour  négocier  la  paix,  et 
y  envoyèrent  des  chevaux,  des  étof- 
fes, etc.,  en  guise  de  iriuuî  volon- 
taire: mais,  voyant  tpi'ou  y  avait 
donné  à  leur  agent  le  litre  de  vek- 
kil  (lieutenant) du sulîhan  en  Egyp- 
te ,  ailn  de  semer  la  défiance  et  la. 
désiuiion  parmi  les  Mamlouks  ;  ils 
cessèrent  de  ménager  la  Porte  ,  et 
n'envoyèrent  plus  de  tribut,  lis  laiis- 


3i8 


MOU 


sèrent  néanmoins  le  \'tm  titre  de 
])acl)a  au  gouverneur  qu'elle  conti- 
nua d'y  entretenir,  et  dont  le.sé)our 
toiiîporaire  dans  le  château  du  Caire 
dillerait  peu  d'une  détcutiuu  hono- 
ra'ole.  Dcs-lors  Mourad  et  Ibrahim 
se  livrèrent  impunément  à  leur  ava- 
lice  et  à  leur  ornante'.  En  1798  ,  une 
famine  horriLle ,  causée  par  leur 
monopole,  désola rÉp;ypte,  pendant 
que  leurs  magasins  regorgeaient  de 
grains.  Des  révoltes  eurent  lieu  à 
Alexandi  ie  et  ailleurs  :  les  suppli- 
ces et  l'exil  en  punirent  les  auteurs. 
Les  négociants  français  ,  le  consul 
de  la  nation,  ne  furent  point  à  l'abri 
des  avanies,  des  extorsions  de  ces 
tyrans  ;  et  le  désir  de  tirer  vengeance 
de  leurs  outrages,  dont  la  Porte  n'é- 
tait pas  en  état  de  donner  satisfac- 
tion, fut  ,  sinon  la  cause,  du  moins 
le  prétexte  plausible  et  apparent  de 
l'expédition  des  Français  sous  le 
commandement  de  Buonapartc  ,  en 
1798.  Dès  leur  première  apparition, 
une  querelle  s'éleva  entre  iN'ourad  et 
Ibrahim  :  celui-ci  repioclia  à  son 
collègue  d'avoir  attiré  cette  guerre 
sur  rEgy|)te  ,  par  sa  conduite  en- 
vers les  Français.  «  Eh  bien  I  je  la 
»  sauverai  seul ,  »  s'écria  Mourad. 
tout  bouillant  de  colère.  Si  la  fortu- 
ne contraria  cette  résolution  géné- 
reuse ,  il  taut  le  djre  ,  jamais  Mou- 
rad ne  se  montra  plus  grand  qu'à 
cette  époque  de  sa  vie,  où  il  éclipsa 
totalement  Ibrahim.  Au  premier 
bruit  du  deliarquement  des  Français 
et  de  la  prise  d'Alexandrie,  il  arma 
tous  ses  Mamlouks.  et  rappela  Mo- 
hammed Elfy-Beyg.  son  favori ,  qui 
faisait  la  guerre  aux  Ar.ibes  ,  dans 
la  proviucede  Charkieh.  Mais, trop 
vain  de  sa  puissance  ,  et  trop  peu 
instruit  des  forces  de  ses  nouveaux 
ennemis,  il  ne  dirigea  contre  eux 
qu'une  partie  de  ses  troupes*  Elles 


MOl 

furent  battues,  le  10  juillet,  a  Rah- 
nianieh  ,  et  le  i3  à  Chebreisse ,  ou  la 
Hotte  des  Mamlouks  fit  beaucoup  de 
mal  à  celle  des  Français,  qui  remon- 
tait le  Nil.  Alors  Mourad  ordonna 
l'arrestation  des  négociants  de  cette 
nation  qui  étaient  au  Caire  ,  et  vou- 
lut leur  faire  couper  la  tète.  La 
femme  d'Ibiahim-Beyg lear  sauva  la 
vie  ,  en  obtenant  qu'ils  fussent  ren- 
fermés dans  son  propre  palais  ,  où 
elle  eut  pour  eux  les  soins  les  plus 
nobles  et  les  plus  délicats.  Tandis 
que  le  prudent  Ibrahim  incendiait 
la  plupart  des  bateaux  sur  le  Nil,  et 
gagnait  la  rive  droite  du  fleuve,  d'où 
il  se  contenta  de  livrer  quelques  es- 
carmouches et  de  fomenter  des  in- 
surrections partielles,  jusqu'au  mo- 
ment oii  il  se  retira  en  Syrie  et  se 
joignit  à  l'armée  du  grand-vézyr, 
Mourad  se  présenta  partout  où  il  y 
avait  des  Français  à  combattre,  et 
leur  opposa  toujours  la  plus  vigou- 
reuse et  ia  plus  longue  résistance.  11 
traversa  le  Nil,  et  vint  se  retrancher 
en  avant  du  Caire,  dans  la  position 
d'Embalx'h,  où  il  fut  forcé,  le  2i 
juillet  ,  par  les  Français.  Dans  cette 
bataille  ,  livrée  à  la  vue  des  Pyrami- 
des ,  d'où  elle  a  jiris  son  nom ,  Mou- 
rad, à  la  têle  de  5  à  Gooo  Mamlouks 
seulement,  lutta  contre  l'armée  fran- 
çaise forte  de  3o, 000  hommes  :  il  y 
perdit  son  artillerie,  ses  chameaux  et 
ses  bagages.  Après  cet  échec  ,  il  re- 
monta le  Nil ,  et  rallia  un  grand  nom- 
bre de  Mamlouks  et  d'Arabes.  Mais, 
harcelé  bientôt  par  Desaix ,  il  sc 
retira  dans  le  Faioum  ,  où  Haçan- 
Beyg  vint ,  de  la  Haute-Egypte  ,  se 
joindre  à  lui.  Vaincu  par  le  général 
français,  au  terrible  combat  de  Sedy- 
man  ,  le  7  octobre, Mourad  fut  obli- 
gé d'abandonner  cette  pro\"ince  ,  de 
s'éloigner  du  Nil ,  et  de  gagner  !a 
Haute-Egypte.  Il  écrivit  aux  chef* 


de  laïubo  et  de   Djcdda  ,    qui,  de 
l'antre  rive  de  la  nier  Rouge  ,  lui  en- 
voyèrent des  seeniirs  ;  ii  enrôla  des 
soldats  de  la  Nubie  et  de  diverses 
autres  parties  de  l' Afrique.  Avec  ces 
renforts  ,  il  ne  craignit  pas  d'atten- 
dre ,  à  Sainanliout ,  Desaix  ,  qui  le 
battit  encore  le  î-i  janvier  1799,  le 
repoussa  au-delà  des  cataractes,  et 
s'empara  d'Assouan,    le    lo  avril. 
L'invasion  de  Biionapartc  en  Syrie 
ayant  contraint  Desaix  de  centrali- 
ser ses  forces  en  Egj'pte ,  Monrad 
rentra  dans  le  Saïd  ,  et  continua  de 
fatiguer  les  Français  par  des  atta- 
ques continuelles.  Apri?s  le  retour  de 
Buonaparte,  i!  tenta  de  seconder  la 
descentcdeia  flotte  turque,  au  moyen 
d'une  diversion  dans  le  Faïoum,  tan- 
dis qu'il  envoyait  un  renfort  à  Ibra- 
him ,  qui  repassait  vers  Gaza.  La  ba- 
taille d'Aboukir,  où  les  Turcs  furent 
taillés  en  pièces,  le  -25  juillet,  fit 
échouer  l'eutrepiise  de  Mourad  :  il 
retourna  dans  le   Sa'id.    C'était  là , 
qu'il  re'parait  ses  pertes,  rc'organi- 
sait  ses  forces  ;  et  il  se  rapprochait 
du  Caire,  dès  que   les  circonstan- 
ces lui  perinellaient  de   reprendre 
l'oifeu'^ive.  La  longue  vallée  oi!i  cou- 
le  le   Nd  ,  le  vit  souvent  aut  pvi- 
scs  avec  les  Français.  Toujours  bat- 
tu ,  il  parvenait  toujours  a  s'échap- 
per pnr  les  routes   du  désert  ,   et 
reparaissait    bientôt  dans  les  lieux 
où  les    vainqueurs  ne   l'aîteadaieut 
pas.  Cette  guerre  de  chicane,   sans 
avantages  pour  Mourad,  employait 
beaucoup  de  troupes  devenues  utiles 
a  l'armée  française,  que  Buonaparte 
venait  d'abandonner  pour  retourner 
en  Europe,  et  empêchait  Kleber.  son 
sucfes,>;eMr ,  de  tirer  du  8aul  une  infi- 
nité'de  ressources.  Pendant  les  négo- 
ciations du  traité  d'el-Arisch ,  qui 
devait  amener  la  reddition  de  1  E- 
gyptc  j  Mourad,  à  qui  les  Osmanlis 


MOU  329 

iîispiraient   plus  de  haine  et  de  dc'- 
fiaiice  que  les  Français,  demanda, 
pour  la  première  fois  ,  à  traiter  avec 
ceux-ci ,   ])ar  l'intermédiaire   de  sa 
femme,  Setli-Nefîis,   veuve  d'Aly- 
Beyg  ,  et  vénérée  au  Caire  ,  pour  ses 
vertus  et  son  humanité.  Kleber,  sans 
accepter  ni  rejeter  les  propositions 
de  Mourad,  lui  prouva  sa  confiance, 
en  lui  perraettaut  de  venir  camper  à 
Djizeh.  Mourad  prévoyait  avec  dou- 
leur que   le  départ  des  Français  le 
laisserait  aux  prises  avec  les  Turcs. 
11  pressait  Kleber  d'attaquer  ces  der- 
niers, et  promettait  de  le  seconder. 
La  rupture  de  la  couvenlion    d'el- 
Ariscli  par  les  Anglais,  el  l'indigna- 
tion que  cette  perfidie  excita  paridi 
les  Français,  réalisèrent  une  partie 
de  ses  désirs.  Placé  hors  de  ligne,  et 
borné  ,   malgré  lui ,  à  une  stricte 
neutralité,  il  fut  témoin  de  la  défaite 
du  grand-vézyr  Yousouf-Pacha  ,  le 
20  mars  1800,  près  des  ruines  d'flé- 
liopolis.  Après  la  bataille,  il  se  re- 
tira sur  la  droite  du  ^«il,  à  1  lieues 
au  dessus  du  Caire,  et  refusa  de  se 
joindre  àTbrahim,  qui,  secondé  par 
un  corps  d'Osmanlis,   était  rentre' 
dans  cette  capitale  ,  qu'il  avait  fait 
soulever  contre  les  Français.  Mourad 
renoua  ses  négociations  avec  Klétcr, 
et  obtint  par  un  trai!é,le  titre  de  prin- 
ce-gouverneur, au  nom  de  la  Fran 
ce ,  des  provinces  d'Assouan  et  de 
Djirdjeh  dans  le  Sàid.  Satisfait  de 
ces  concessions  ,  il  voulut  aider  Kle- 
ber à  étoutler  l'insurrection  du  Cai- 
re; il  proposa  de  mettre  le  feu  à  la 
ville,   et  rassembla  même  les  com- 
bustibles  nécessaires.   Mais  voyant 
que  ce  général  pieferait  employer  des 
movens  plus  doux ,  il  interposa  sa 
médiation  ,  et  eut  beaucoup  de  part 
à  la  capitulation  qui  rendit  cette  ca- 
pitale aux  Français.  Avant  de  retour^ 
ner  dans  la  Haute-Egypte,  il  témoi- 


33o 


MOU 


giia  le  désir  d'avoir  avec  Klcbcr  iire 
eiitreviio,  qui  eut  lieu,  le  3o  aviil 
1800  ,  dans  une  île  au  -  dessus  de 
Djizeh.  Mourad  piornit  à  ce  gênerai 
une  (idelilc  qui  ne  s'est  jamais  dé- 
mentie. Ces  deux  horajncs  ecicbres, 
après  s'être  concertes  sur  les  moyens 
de  défense  qu'exi^^Ciiit  leur  sûreté  res- 
pective contie  l'ennemi  commun  ,  se 
séparèrent  pleins  d'estime  et  d'ami- 
tié l'un  pour  1  autre.  Quoique  la  po- 
litique de  Mourad  dût  être  de  ména- 
ger tous  les  partis,  son  traité  avec 
Kléber  le  liait  tellement  au  sort  de 
l'armée  française,  qu'après  la  mort 
de  ce  général  (  V.  Klebkr  ),  il  en- 
voya nu  beyg  à  Menou,  qui  en  avait 
pris  le  commandement,  pour  lui 
l'aire  connaître  les  forces  et  les  plans 
de  campagne  des  Anglo-Turcs,  lui 
offrir  ses  services  ,  et  l'instruire  des 
propositions  pacinques  du  grand- 
vézyr.  L'imprudent  Menou  refusa  le 
secours  de  Mourad  ,  méprisa  ses 
avis  ,  et  témoigna  à  son  envoj  é  une 
dcHance  injuste  et  oOcnsaute  pour 
sou  maîtie ,  que  les  ennemis  de  la 
France  sollicitaient  alors  de  se  dé- 
clarer contre  ses  vainqueurs-  Mais 
Mourad  ne  varia  point  dans  sa  con- 
duite. Lorsque  l'armée  anglaise  eut 
débarqué  (^  8  mars  180 1  ' ,  le  général 
Bcliiard,  qui  rom mandait  au  Caire, 
forcé  de  rappeler  les  troupes  qui 
occupaienl  mie  partie  de  la  Hante- 
Egyple,  invita  Mourad  à  se  joindre 
à  elles.  Fidè'e  à  ses  engagements  ,  ce 
guerrier  se  mit  en  devoir  de  descen- 
dre le  iNil.  Les  revers  des  Français  , 
l'inquiétude  sur  sou  sort  futur,  l'af- 
iectaieut  vivement.  Sa  santé  ,  déjà 
altérée  parles fatiguesclles  chagrins, 
lie  put  résister  à  la  peste.  Après 
trois  jours  de  maladie,  il  mourut  à 
Bcnissouéf,  le  'l'i  avril  1801,  âgé 
d'environ  5o  ans.  Ses  compagnons 
de  gloire  et  de  malheur  honorèrent 


MOU 

sa  mémoire,  en  brisant  ses  armes 
sur  sa  tombe,  et  eu  déclarant  qu'au- 
cun d'eux  n'était  digne  de  les  porter. 
Son  successeur,  Osman-Beyg-Tam- 
bourdjy  ,  héritier  des  sentiments  et 
de  la  politique  de  son  maître,  en- 
voya des  grains  aux  Français.  La 
force  des  ciiconslauces  le  détermina 
bientôt  à  se  soumettre  au  capitan- 
pacha  ,  lorsqu'il  vit  leur  cause  per- 
due; mais  il  refusa  de  prendre  part  à 
aucune  hostilité  coritre  eux.  Mourad- 
Bcvg  élail  belhomme.  quoique  d'une 
taille  moyenne  :  il  avait  cette  appa- 
rence de  dignité  que  donne  l'habi- 
tude du  pouvoir;  une  barbe  épaisse 
et  noire ,  de  larges  sourcils  arqués, 
de  grands  yeux  pleins  de  feu,  une 
longue  cicatrice  sur  la  joue,  ren- 
daient sa  physionomie  dure,  mais 
imposante:  à  une  bravoure  si  sou- 
Tcut  éprouvée  ,  il  joignait  une  force 
et  une  adresse  extraordinaires  ;  ex- 
cellent cavalier  ,  il  abattait  la  tête 
d'un  bœuf ,  d'un  seul  coup  de  sabre , 
en  galopant.  Il  avait  l'instinct  du 
gouvernement  sans  en  connaître  les 
ressorts  ,  et  possédait  éminemment 
les  vertus  et  les  défauts  qui  appar- 
tiennent aux  peuples  à  demi  civilisés. 
Assurément  ce  n'était  pas  un  homme 
ordinaire  que  celui  qui,  pendant  '25 
ans,  à  quehjnes  interruptions  près, 
avait  su  conserver  le  gouveincment 
intégral  ou  partiel  de  l'Egypte  ; 
échapper  aux  pièges  ,  aux  ellorls  de 
de  ses  ennenùs  ;  s'attacher,  même  au 
sein  du  malheur ,  la  race  inconstante 
et  avide  des  Mamlouks:  résister  pen- 
dant trois  ans  aux  meilleures  troupes 
de  l'Europe,  avec  des  forces  infé- 
rieures ;  déployer  un  grand  carac- 
tère ,  une  constance  admirable  au 
milieu  de  ses  revers  ;  mériter  enfin 
l'estime  de  ses  vainqueurs  ,  et  la 
justifier  par  sa  conduite  franche, 
loyale ,  et   dictée  par  une  sincère 


MOU 

reconnaissance.  Rien  de  plus  magni- 
fique que  le  camp  et  les  c'quipoges 
de  Moiirad-Beyg  dans  les  jours  de 
sa  prospérité;  ses  tentes  ,  divisées 
en  plusieurs  s.illcs,  étaient  revêtues, 
en  dedans ,  des  plus  riches  eloires 
de  Lyon,  et  l'on  y  inarcliait  sur  les 
plus  beaux  tapis:  l'or,  rar^',ont,  les 
plus  riches  broderies,  couyi aient  les 
harnais  de  ses  clievaux.  et  les  ha- 
bits de  ses  cavaliers.  On  a  vu  ,  aux 
expositions  du  Louvre,  le  dessin  du 
portrait  de  Mourad  ,  fait  par  Du- 
tcrtre  ,  l'un  des  artistes  attachés  à 
l'expédition  d'Egypte  ;  c'est  d'après 
le  récit  de  cet  artiste,  que  l'on  peut 
rappeler  l'anecdote  de  la  générosité 
de  Mourad,  qui,  après  avoir  fait 
présent  de  Siibres  de  Damas  à  plu- 
sieurs officiers  français ,  oiTtit  une 
poignée  de  pièces  d'or  càDntertre, 
qui  avait  dessiné  les  ruines  de  Thè- 
bcs  :  le  refus  que  lit  celui-ci  de  les 
accepter ,  frappa  Mourad  ,  qui  vou- 
lut l'attacher  à  son  service.  A — t. 

MOURAD-KHAN  (Aly),  cinquiè- 
me prince  de  la  dynastie  des  Zcnds 
en  Perse,  était  fds  d'un  cousin -ger- 
main de  Kerym-Khan,  fondateur  de 
la  puissance  de  ceîte  famille  (  V. 
Kerïm-Khan,  XXII ,  3'i4  )•  Zeky- 
Khan,  frère  de  Kerym,  ayant  usur- 
pé le  trohe  sur  son  neveu  ALou'1-Fe- 
îhah-Khan,  en  l'j'j 9,  avait  envoyé 
Aly-Mourad  avec  une  armée,  pour 
s'assurer  du  nord  de  la  Perse.  Mais 
à  peine  celui-ci  fut-il  arrivé  à  Teh- 
ran ,  que,  sous  prétexte  de  venger 
les  victimes  du  barbare  Zeky-Khan, 
et  de  soutenir  les  droits  du  souverain 
légitime,  il  se  révolta,  et  alla  s'em- 
parer d'Lspaban.  (icpendanî  Zeky- 
Kiian  fut  assassiné  dans  sa  tente, 
près  de  Yezdkast,  tandis  qu'il  mar- 
ehait  contre  le  rebelle.  Abou'i-Fcthah 
Khan  recouvra  sa  liberté,  fut  pro- 
clamé wekhil  (  régent  )  par  l'armée, 


î\IOU 


33  r 


et  reprit  la  roule  deChyraz,  oîi  bien- 
tôt après  il  fut  de  nouveau  arrêté  , 
puis  aveuglé, par  l'ordre  de  son  oncle 
Sailek-Kliau  ,  qui  n'avait  paru  aban- 
donner Bassorah  que  pour  tirer  ce 
prince  des  mains  de  Zcky-Kiian. 
Aly-I\lourad   s'était  soumis  à  son 
cousin  Abou'l-Fethah ,  l'avait  recon- 
nu pour  souverain,  et  s'était  retiré 
d'Ispahan;  mais  il  se  déclara  contre 
Sadek,  quoique  celui-ci  fût  son  oncle 
et  l'époux  de  sa  mère.  It  reprit  les 
armes;  et  ajirès  avoir  soumis  divers 
khans  ,  dont  l'ambition  s'était  ré- 
veillée par  la  renaissance  de  l'anar- 
chie ,  il  s'empara  de  Cazwin  ,  d'Is- 
pahan ,   d'une  grande  partie  de  la 
Perse ,  et  se  présenta  devant  Chyraz , 
à  la  tête  de  cinquante  raille  hommes, 
dans  l'été  de  1780.  Sadek,  inférieur 
en  forces ,  et  suspectant  la  fidélité 
des  habitants,  n'osa  pas  risquer  une 
bataille.  Après  un  siège  de  huit  mois , 
aussi  mal  dirigé  que  mal  soutenu, 
la  ville  ouvrit  ses  portes  à  Aly-Mou- 
rad, à  la  fin  de  février  i-ySi  ;  et  Sa- 
dek eut  à  peme  le  temps  de  se  ren- 
fermer dans  la  citadelle,  où,  le  troi- 
sième jour,  il  fut  obligé  de  se  ren- 
dre à  discrétion.  Le  vainqueur  fit 
crever  les  yeux  à  ce  prince,  à  vingt- 
six  de  ses  fils  et  petits-fils ,  et  ordonna 
ensuite  qu'ils  fussent  mis  à   mort. 
Djafar  fut  le  seul  épargné  :  il  avait 
désapprouvé  l'usurpation  de  son  pè- 
re, et  il  était  venu,  dès  le  commen- 
cement du  siège,  joindre  Aly  Mou- 
rad, son  frère  utérin.  Ce  dernier  lui 
procura  même  la  satisfaction  de  ven- 
ger les  malheurs  de  sa  fawiille,  dans 
le  sang  d'Akbar-Khan ,  fils  de  Zeky- 
Khan,   leqr.el  en   avait  été  l'insti- 
gateur  et  l'exécuteur.  Aly  Mourad 
Khan,  maître  de  la  Perse  méridio- 
nale, par  la  soumission  de  Chyraz  , 
trouva  un  dangereux  rival  dans  Tcu- 
nuqr.c  Agha  Mohammed  ^  qui  s'était 


332 


MOU 


çmparë  d'une  partie  des  provinces 
du  nord,  penrlaut  la  guerre  que  Sa- 
dek  Khan  av.iit  soutenue  ronlre  Aly 
Mourad.  Celui-ci  opposa  une  armée 
à  l'euiuique,  sous  les  ordres  de  son 
fils  Cheikli-Weis  Kbau,  et  transtéia 
sa  cour  a  Ispahan  ,  afin  d'être  plus 
à  portée  de  seconder  les  opérations 
de  ce  jeune  prince.  Après  trois  cam- 
pagnes sans  succès  déciiifs,  quoiijue 
les  exploits  de  Cheikli-Weis  eussent 
été'  célébrés  par  de  grandes  réjouis- 
sances, à  Ispahan,  en  17H4;  Aly 
Mourad  partit,  le  24  juillet  de  la  mê- 
me année,  pour  se  rendre  à  Tehran, 
et  se  rapj)rochpr  ainsi  du  théâtre  de 
la  guerre.  Bientôt  la  désertion  de  l'ar- 
mée de  son  fils ,  et  la  révolte  de  Dja- 
far  Kan,  qui,  profitant  de  l'absence 
d'Aly  Mourad  ,  menaçait  Ispahan  , 
contraignirent  celui-ci  de  se  mettre  en 
route ,  au  cœur  de  l'hiver ,  pour  aller 
défendre  sa  capitale  contre  les  entrc- 

Srises  de  son  frère.  Mais  sa  santé  , 
epuis  long-temps  délabrée,  ne  put 
résister  aux  fatigues  du  voyage  et 
aux  rigueurs  de  la  saison.  Il  expira 
en  janvier  ou  févrieri']85  ,à  Mourt- 
ehah  Koureh ,  à  dix-huit  lieues  d  Is- 
pahan. Il  avait  régné  quatre  ans,  sous 
le  titre  de  régent  ;  mais  il  se  propo- 
sait de  prendre  celui  de  chah  (  roi  ). 
Quelques  auteurs  assurent  même  qu'il 
l'avait  pris  à  Ispahan, après  la  con- 
quête de  Ghyraz.  Ce  prince  avait  des 
talents ,  du  courage ,  de  la  franchise , 
de  la  générosité;  et  sa  mort  tut  un 
malheur  pour  la  Perse,  qu'elle  re- 
plongea dans  le  goulTre  de  raiiarchie 
et  de»  guerres  civiles.  Son  année  se 
dispersa;  et  son  (ils  ,  en  arrivant  à 
Ispahan,  y  fut  arrêté  et  aveuglé  par 
ordre  de  Djafar  Khan ,  qui  fut  bien- 
tôt oblige'  d'abandonner  cette  capi- 
tale au  pouvoir  d'Agha  Mohammed. 
Une  longue  lutte  s'engagea  dès-lors 
entre  ces  deux  compétiteurs  (  f^.  Dja- 


MOU 

far-Khan, XI,  4'-^9>et  Mohammed 
AonA.XXlX,  227  ).        A — t. 
MOURADGE\  D'OHSSON  (Igna- 
ck),  Arménien  d'origine,  naquit  à 
Conslantinople,  en  17'io.  Son  père, 
qui  devait  au  commerce  un   com- 
mencement de  fortune ,  avait  rem- 
pli les  fonctions  de  consul  de  Suède 
à  Smyrne.  Mouradgca  ,  l'aîné  de  sa 
famille  ,  fut  préparé,  par  sou  éduca- 
tion, à  la  même  carrière,  et  de  lionne 
heure  attaché  à  la  légation  suédoise. 
A  vingt-quatie  ans,  il  possédait  les 
principales  langues  de  l'Otient ,  et 
avait  étudié  l'histoire  de  ces  contrées 
dans  les  écrivains  nationaux.  Frap- 
pé de  l'inexactitude  et  de  l'indigence 
de  faits  que  ][nésentaient  les  ouvra- 
ges publiés  à  l'étranger  sur  les  na- 
tions soumises  à  l'influence  du  ma- 
hométisrae,  il  se  proposa  de  jeter 
plus  de    lumières    sur   les   annales 
othomancs,  en  s'appuyant  sur  les 
documents  originaux,  et  choisit  pour 
son  essai,  dans  cette  entreprise,  le 
règne   de  Sélim  II.  Un  diplomate 
suédois,  qui  encourageait  la  jeunesse 
de  Mouradgea,  n'eut  pas  de  peine  à 
lui  faire  abandonner  ce  projet  pour 
un  autre  plus  vaste,  plus  difficile, 
mais  plus  analogue  à  ses  fonctions 
ha])iti telles.  Mouradgea  eut  la  noble 
ambition  de  donner  à  l'Europe  des 
notions  certaines  et  complètes  sur  la 
civilis  ition  turque.  La  difficulté  était 
extrême  de  rassembler  les  éléments 
d'un  p  .reil  travail  au  milieu  d'une 
nation  peu  communicative,  et  dispo- 
sée par  ses  préjugés  ,  par  son  iguo- 
lance  même,  au  mépris  et  à  la  mé- 
fiance envers  les  étrangers.  La  posi- 
tion de  Mouradgea  ,  élevé  sur  les 
lieux ,  familiarisé  avec  les   princi- 
paux officiers  de  l'empire  par  les 
relations  de  son    emploi  ,    recom- 
)nandé  à  leur  estime  par  sa  droi- 
ture^ et  ajoutant  à  ces  moyens  ceux 


MOU 

d'une   fortune   assez  considérable , 
aplanit  tous  les   obsUules.  Les  rc- 
{|;is(rcs  des  adriuuislralions  lui  fu- 
rent ouverts  ;  il  put  s'éclairer  de  ses 
propres  yeux  dans  tous  les  détails 
uîi  sa  présence  n'alarmait  point  un 
])euple   superstitieux   et   jaloux,  et 
suppléer  par  des  rapports  fidèles  à 
la  connaissance  personnelle  des  ob- 
jets dérobés  à  ses  investigations.  Un 
jurisconsidle  et  un  théologien   mu- 
sulmans,  tous  les  deux  accrédités, 
épuisèrent    pour    lui    leur    savoir. 
Loni;-temps    secrétaire   et    pi'emier 
interprète  de  l'ambassade  de  Suède, 
Mouradgea  reçut,  en  i-jS.t ,  le  titre 
de   chargé  d'alFaircs    de    la    même 
cour,   et  fut  nommé  clievaiicr   de 
l'ordre  de  Wasa.  En  1784,  il  obtint 
de  passer  en  France,  et  de  faire  à 
Paris  un  long  séjour,  qu'il  jugeait  né- 
cessaire à  la  perfection  de  l'ouvi'age 
dont,  pendant  vingt-deux  ans,  il  avait 
amassé  les  matériaux.  Aidé  parMal- 
let  Dupan  ,  et  par  la  plume  plus  ex- 
péditive  d'un  abbé  qu'il  avait  à  ses 
gages,  il  mit  au  jour  la  première  par- 
tie du  Tableau  général  de  l'empire 
Othoinan,  Paris,  1787-90,  2  vol. 
in -fol.,  avec  187  planches  (i  ).  Le 
luxe  typographique,  le  grand  nom- 
bre et  la  beauté  îles  gravures  ,  répon- 
daient à  l'importance  du  sujet.  Jus- 
que-là ,  le  prince  Cantémir,  les  An- 
glais Sale  et  Porter  ,  et  parmi  nous 
Voltaire,  avaient  presque  seuls  écrit 
en  connaissance  de  cause  sur  les  ins- 
titutions turques  ;cncore  n'cna  vaient- 
ils  elHeuré  qu'un  côté.  Muuradgea  le 
premier  présenta  l'ensemble  de  la 
législation  et  des  coutumes  othoma- 
nes  ,  avec  la  confiance  d'un  homme 
habile  qui  avait  tout  vérifié.  Il  prit 
pour  base  de  son  travail  le  Code  uni- 


^i)  n  en  exist"  une  édition  ia-S**  ,  eu  5  vol. ,  avec 
6  gravures  seulcmeut. 


MOU  333 

'yerjeZ, rédigé,  suus  Soliman !«■■.,  par 
le  célèbre  imam  Ibrahim-Halcby , 
et  divisé  en  ;>7  livres  ,  oii  les  matiè- 
res sont  très-confusément  classées  : 
ce  Code  est  connu  sous  le  num  em- 
phatique de  Multekit-ul  ulhliur  ou 
Conjliient  des  mers  ,  parce  (ju'il  est 
le  résumé  du  Coran,  des  préceptes 
traditionnels  de  Mahomet ,  des  glo- 
ses de  ses  disciples  ,  et  des  décisioiis 
canoniques  émanées  des  imams.  Dans 
une  coiislitulion  où  tout  repose  sur 
des  lois  théocratiqucs,  où  le  chef  de 
l'état  est  en  uièuie  temps,  comme 
successeur  des  khalyfes  ,  dépositaire 
du  pouvoir  religie  !X,  Haléby  n'avait 
pas  pensé  à  tracer  une  ligne  de  dé- 
marcation entre  les  divers  ordres 
d'objets  généraux  sur  lesquels  sta- 
tu.lit  la  loi.  Moiuadgea,  pour  intro- 
duire plus  de  clarté  dans  ce  labyrin- 
the de  règles  religieuses  ou  morales, 
publiques  et  civiles,  militaires  et  pé- 
nales, les  encadra  en  autant  de  co- 
des distincts.  Chaque  disposition 
particulière  est  accompagnée  d'un 
commentaire  turc  ,  presque  au^si 
court  que  le  texte;  Muuradgea  y 
rattache ,  sous  le  litre  d'  Observa- 
tions, de  riches  développements  his- 
toriques ,  didactiques  ou  descriptifs, 
fruit  de  sa  longue  expérience  el  de 
ses  recherches  assidues.  Les  deux 
premiers  volumes  du  Vahle^ai  géné- 
ral de  Venu  ire  Ot'.oinan  ,  renfer- 
ment le  code  religieux  ,  sens  ses  trois 
divisions  des  dogmes,  des  rits  et  de  la 
morale.  La  partie  dogmatique  roule 
sur  les  58  articles  de  foi  des  I\Iusul- 
mans ,  recueillis  par  Omar  Nesséfi 
au  commencement  ilu  douzième  siè- 
cle. Moiiradgea  ras-<emble  ,  dans  des 
appendix  pleins  d'intérêt,  les  tradi- 
tions turques  sur  la  cosmogonie ,  sur 
les  patriaiches  ,  les  prophètes  et  les 
saints  de  l'islamisme;  il  donne  l'ex- 
plication précise  dudogmede  la  pré- 


334  MOU 

destination,  dessine  avec  rapidité'  le 
talileau  des  sanglantes  divisions  en- 
fanlc'es  par  le  conflit  des  opinions  , 
après  la  raorl  de  Maliomel  ;  et,  fai- 
sant luire  un  nouveau  jonr  Mir  un 
cote  de  l'histoire  abandonné  aux. 
liypotlièses ,    il   décrit   en    peu   de 

Ïiages  la  succession  des   khalyfes , 
es  progrès  ,   le  déclin  et   la  cbulc 
de  leur   puissance.   Les  détails  qui 
concernent  les  purifications,  la  priè- 
re ,   les   fêtes  et  les   sacrifices ,   la 
dîme  aumdnière  ,  la   circoncision  , 
les  funérailles,  les    mosquées,    les 
abstinences  et  les  pèlerinages  ,  ne 
laissent  rien  à  doiier.  Le  chapitre 
des  collèges  ,  et  celui  des  bibliothè- 
ques publiques  ,  démontrent  la  légè- 
reté de  l'upiuion  qui  suppose  l'ab- 
sence de  toute  instruction  chez  les 
Turcs.  L'auteur  enfin,  dans  la  partie 
morale,  traite  des  préceptes  d'hy- 
giène  publique  combinés  avec   les 
pratiques     religieuses  ,     des    règles 
somptuaires,  de  l'industrie  ,  de  l'in- 
térieur des   familles  ,    et   substitue 
aux  récits  contradictoires  des  voya- 
geurs ,    des    notions   saines  ,    atta- 
chantes pour  un  plus  grand  nombie 
de  lecteurs.  Les  fVakfs  ,  ou  fonda- 
tions ,  sont  encore  une  des  parties 
neuves  de  l'ouvrage ,  qui  se  termine 
par  une  notice  sur  la  hiérarchie  des 
oulémas  et  des  dervischs.Le  Tableau 
général  de  Vempire  Othoman  ,  ri- 
che de  faits  ,   mais   peu   agréable 
dans  sa  forme  ,  et  que  la  maj^nificen- 
ce  de  l'exécution   mettait  d'ailleurs 
au-dessus  des  fortunes  médiocres,  fut 
peu  répandu  lors  de  sa  publication, 
mais  ajouta  beaucoup  à  la  considé- 
yation  de  l'auteur.  Mouradgea  avait 
épousé ,  à  Cinstantinople  ,   la  fille 
d'un  riche  arménien  ,  nommé  Kou- 
léli:  il  engagea  son  beau-père  à  con- 
fier ses   fonds  à    la    trésorerie   de 
France,  et  lui  fit  obtenir  la  croix  de 


MOU 

Saint-Louis.  Les  secousses  politiquw 
qui  agitèrent  la  France,  ne  lui  pro- 
mettant plus  le  repos  nécessaire  à 
la  continuation  de  son  ouvrage ,  il  se 
rendit  à  Vienne,  puis  revint  à  Cons- 
tanlinople  ,  où  il  fut  nommé  minis- 
tre de  Suède  en  i"i)5.  Sélim  111  lui 
fit  l'accueil  le  plus  favorable  :  pre- 
nant sous  sa  protection  un  ouvrage 
qu'il  jugeait  honorable  pour  sa  na- 
tion, il  voulut  que  les  deux  volumes 
qui  avaient  paru  lui  fussent  présen- 
tés ,  et  que  l'auteur  obtînt  un  libre 
accès  dans  tous  les  dépôts.  En  1 799, 
Mouradgea ,  chargé  de  nouvelles  dé- 
pouilles de  l'Orient,  désira  retour- 
ner K  Paris.  II  n'y  retrouva ,  de  toute 
sa  fortune  ,  que  de  faibles  débris  : 
les  dépots  même  de  sa  belie  édition 
avaient  été  dispersés.  Devenu  veuf, 
il  se  consola  de  ses  différentes  per- 
tes, en   se    choisiosant ,  dans    une 
famille  française  ,  une  compagne,  à 
laquelle   il    ne    demanda    que    des 
qualités    aimables.    Cette    seconde 
épouse  se   chargea   de  corriger   le 
style  de  ses  manuscrits,  et  mit  sou 
élude  à  l'entourer  des  douceurs  de 
l'amitié.    Le    plan   de   Mouradgea 
s'était  agrandi  d'après  le  résultat  de 
ses  dernières  recherches.  En  atten- 
dant qu'il  pût  compléter  son  travail 
sur  les  institutions  turques,  il  enta- 
ma  le   corps    d'histoire   auquel  il 
avait  voulu  préluder  dans  sa  jeu- 
nesse. Celte  histoire  de  la  puissance 
othomane  devait  s'étendre    depuis 
Othoman  P'".  jusqu'au  sulthan  mort 
en  1708.  Deux  volumes  in-8^.,  des- 
tinés à  lui   servir  d'introduction  , 
furent  publiés  en  1804:  ils  embras- 
saient ,  sous  le  titre  de  Tableau  his- 
torique de  V  Orient,  l'histoire  de  la 
monarchie  des  anciens  Perses,  de- 
puis répo(jue  assignée  à  la  création 
jusqu'au  septième  siècle  de  notre  ère. 
L'auleur  expose ,  sans  critique ,  les 


MOU 

vëoits  des  historiens  persans  :  on  a 
iDcnie  trouvé  sou  ouvrage  superfi- 
ciel. Mais  il  n'en  est  pas  moins  cu- 
rieux de  s'enquérir  des  vicissiliides 
d'un  empire  qui ,  sous  qiiatic  dynas- 
ties, et  pendant  près  de  3oûo  ans  , 
s'étendit  a  l'Asie- Mineure,  et  sub- 
sista jusqu'à  l'invasion  des  Ar.ibcs  , 
en  05 1  ;  et  de  comparer  aux.  anna- 
les persanes,  le  langage  Lien  diiré- 
reut  des  auteurs  grecs  et  latins. 
Cyrus ,  par  exemple,  appelé  le 
grand  roi  par  ces  derniers ,  ne  fi- 
gure dans  les  pages  orientales  que 
comme  un  vassal ,  nu  tributaire  de 
la  grande  monarchie.  Lu  rupture  de 
la  Suède  avec  la  France  vint  rendre 
le  séjour  de  Moiuadgea  impossible  à 
Paris,  Il  obtint  du  gouvernement 
français  et  du  sien,  l'autorisation  de 
se  retirer  au  château  de  Bièvre  , 
dont  il  promit  de  ne  point  s'éloi- 
gner. Il  vécut  dans  cette  solitude,  au 
milieu  des  amis  de  sa  femme,  jus- 
qu'à sa  mort,  arrivée  le  '27  août 
1807.  Le  chevalier  d'Ohsson,  issu 
de  son  premier  mariage,  a  marché 
sur  ses  traces  dans  la  tanière  di[)lo- 
matique.  Il  a  publié,  en  1821,  la 
seule  partie  des  manuscrits  de  son 
père  en  état  de  paraître  :  c'est  le 
troisième  volume  du  Tableau  géné- 
ral de  l'empire  Olhoman,  conte- 
nant les  codes  civil,  politique  ,  cri- 
minel et  militaire.  F — t. 

IMOURET  (  Jean-Joseph  ) ,  com- 
positeur de  musique,  né  eu  i68i, 
était  fils  d'un  marchand  de  soie  d'A- 
vignon ,  qui  lui  donna  une  bonne 
éducation  ,  et  lui  permit  de  se  livrer 
à  sa  passion  pour  la  musique.  Quel- 
ques morceaux  qu'il  avait  composés 
dès  l'âge  de  vingt  ans  ,  lui  ayant  ac- 
quis de  la  réputation  dans  sou  pays  , 
il  vint  à  Paris  ,  en  1707.  Sa  figure  , 
sa  gaîté ,  son  esprit ,  ses  saillies  pro- 
vençales ,  sa  voix  assez  belle  pour  un 


MOU  335 

compositeur  ,  le  (iront  rccherclier 
dans  les  meilleures  compagnies.  Là 
duchesse  du  Maine  le  nomma  sur- 
intendant de  sa  musique.  C'était  à 
réj)oque  où  cette  princesse  donnait 
à  Sceaux ,  pendant  l'été  ,  ces  fêtes 
inagni!ii|ues  qu'on  nomma  les  IVuils 
de  Sceaux M-anvai  y  compu-a  la  mu- 
sique de  plusieurs  JJiverlisienients  ^ 
qui  eurent  beaucoup  i!c  succès,  en- 
tre autres  liagonde  ou  la  Soirée  de 
village  ,  qui  réussit  également  à  l'O- 
péra ,  en  17^.».  Il  donna  aussi ,  à 
l'Académie  royale  de  mnsi<jue  ,  six 
opéias  ou  ballets  :  les  Fêles  de  Tha- 
lie ,171  4; ^J'iane,  1 7  1 7  ;  Fiiilhoiis^ 
1 7  -i  3  ;  les  Amours  des  Dieux ,  17^-1 
repris  eu  1787  ,  1 7  4^»  et  1707  ;  le 
Triomphe  des  sens  ,  1 7 3i  ,  repris  eu 
1  7  ^jO  ;  les  Grdcei  ,  1 735.  Ou  a  en^ 
core  de  lui  des  Cantates  ;  des  Can- 
taiilles;  truis  livres  à' Airs  sérieux  et 
à  boire;  des  Sonates  pour  deux  liâtes 
ou  violons  ;  des  Fanfares  ;  six  re- 
çue! s  de  Divertissements  pour  la  co- 
médie Italienne,  et  plusieurs  Diver- 
tis emenls  pour  la  comédie  Fran- 
çaise. Malgré  la  célébrité  dont  a  joui 
Mourct,  malgré  le  succès  et  le  mé- 
rite de  ses  opéras  (aujourd'hui  tota- 
lement oubliés  ) ,  le  nom  de  ce  com- 
positeur ne  serait  point  parvenu 
jusqu'à  nous  ,  s  il  n^ avait  p.is  d'au- 
tres titres  à  une  réputation  durable. 
C'est  dans  les  Divertissements  de 
Mouret,  que  l'on  trouve  la  plupart 
de  ces  airs  de  chansons  et  de  vau- 
devilles ,  devenus,  pour  ainsi  dire, 
proverbes  ,  parce  qu'ils  sont  pleins 
de  gaîté ,  de  naturel ,  d'esprit  et  de 
caractère.  Sous  ce  l'apport,  il  fut  le 
créateur  d'un  genre;  et  on  pourrait 
l'appeler  le  Dancourt  de  la  miisique. 
Parmi  ce  grand  nombre  d'airs  qui 
ont  soutenu  seuls  les  opéras-corai- 
ques  de  Pannard,  de  FaA'art ,  etc.  , 
jious  ne  citerons  que  celui  des  cahin- 


336  MOU 

caha.  Moiiret  fut  musicien  du  roi , 
directeur  du  Concert-spirituel ,  com- 
positeur de  la  comédie  Italienne.  11 
perdit  ces  deux  dernières  places  , 
eu  1736,  où  la  mort  du  duc  du 
Maine  lui  enleva  aussi  l'intendance 
de  la  musi(}ue  de  la  duchesse.  Prive, 
par  ces  revcis ,  de  5ooo  francs  de 
rente  ,  il  ne  put  résister  au  chagrin 
de  ne  plus  vivre  dans  nue  aisance 
qui  lui  était  devenue  habituelle  ,  et 
de  ne  pouvoir  pas  marier  avanta- 
geusement sa  fille.  En  vain  le  prince 
de  Carignan  lui  assura  nue  pension 
de  1000  francs  :  la  raison  de  Mou- 
ret  s'aliéna  5  on  fut  obligé  de  le  por- 
ter chez  les  pères  de  la  Charité,  à 
Charenton  ,  «t  il  y  mourut  le  'l'X  dé- 
cembre 1788.  A — T. 

MOIJRGLES  (Michel),  né  en 
Auvergne,  et  vraisemblablement  à 
Saint-Flour,  vers  l'année  1 64"-i ,  en- 
tra dans  la  compagnie  de  Jésus  ,  et 
s'v  distingua  par  sa  douceur,  sa 
piété  ,  une  politesse  exquise  ,  et 
ime  profonde  érudition.  Il  professa 
la  rhétorique  et  les  mathématiques 
avec  éclat ,  dans  l'université. de  Tou- 
louse ,  où  il  mourut ,  en  1 7 1 3 ,  de  la 
maladie  éj.idémique  qui  fit  tant  de  ra- 
vage dans  cette  ville.  Chaque  année 
voyait  édore  de  sa  plume  féconde 
une  nouvelle  pièce  de  poé?ie  ,  ou  un 
nouveau  traité.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  I.  Recueil  d'apoph- 
tegmes, ou  bons-mots  anciens  et 
modernes ,  mis  en  vers  français , 
Toulouse,  i6()45  in-12  :  ce  recueil 
est  fait  avec  discernement.  II.  Trai- 
té de  la  poésie  francoise,  Toulouse, 
i685;  Paris,  1724,  ï7'^9et  1754, 
par  les  soins  du  père  Brumoy.  L'au- 
teur a  joint  à  ses  préceptes  quelques 
exemples  de  sa  façon ,  dit  l'abbé 
Sabatier,  et,  entre  autres  ,  un  du 
chant  royal  et  de  la  ballade  ,  dont  il 
paraît  avoir  bien  saisi  l'esprit.  III. 


MOU 

Noui>eaux  Eté  mens  de  Géométrie , 
par  des  méthodes  particulières  ,  en 
moins  de  cinijuante  propositions  , 
Toulouse  et  ailleurs,  plusieuis  éd. 
in-i  2.  IV.  Plan  théolo^ique  du  Fj- 
tha^orisme  et  des  autres  sectes  sa- 
vantes de  la  Grèce ,  pour  servir  d'é- 
claircissement aux  ouvrages  polé- 
miques des  Pères  contre  les  Païens, 
avec  la  traduction  de  la  Thérapeu- 
tique de  Théodoret ,  où  l'on  voit 
l'abrégé  de  ces  fameuses  controver- 
ses /ïouloust  et  Amsterdam  ,  1 7  lU, 
in-B'^.  a  vol.  A  la  fin  du  second  vo- 
lume, ou  trouve  une  Lettre  apolo- 
gétique pour  justijier  le  sentiment 
de  Théodoret  et  des  autres  Pères 
de  l'Eglise^  sur  la  fixation  du  rè- 
gne de  Sémiramis  ,  au  temps  d'A- 
braham ,  contre  Porphyre,  suivi  de- 
puis par  M.  Usser ,  adressée  à  La 
Loubcre,  en  1705,  et  une  seconde 
Lettre  apologétique  ,  pour  justifier 
le  sentiment  des  Pères  de  V Eglise 
sur  les  oracles  du  paganisme  ,  con- 
tre diverses  dissei-tations  de  Van- 
Dale ,  au  même  La  Loubère  ,  1709. 
Cet  ouvrage  mérite  d'être  lu.  V. 
Parallèle  de  la  morale  chrétienne 
avec  celle  des  anciens  philosophes  , 
pour  faire  voir  la  supériorité  de  nos 
saintes  maximes  sur  celles  de  la  sa" 
gesse  humaine ,  Toulouse ,  1 70 1  ,  in- 
1-2',  Paris  et  Amsterdam  ,  même  an- 
née et  même  format  ;  Bouillon  , 
i7(m),  in- 12.  Cet  ouvrage  est  pré- 
cédé de  la  f^ie  d'Epictète,  d'une 
lettre  d' Arrian  ,  et  suivi  d'une 
Paraphrase  chrétienne  du  Manuel 
d'Epiclète.  L'éditeur  de  Bouillon 
(  qui  est  vraisemblablement  l'abbé 
Feller  )  ,  met  cette  production  du 
Père  Mourgues  au-dessus  de  toutes 
les  autres.  L — b — e. 

MOURTEZA,  pacha  de  Bagbdad, 
était  né  en  Géorgie  :  quoique  élevé 
dans  l'islamisme,  ou  prétend  qu'il  ne 


MOU 

fut  jamais  circoncis,  et  qu'il  resta 
toujours  sccrctcmciitatlaclK' au  oliris- 
tianisinc.Devciuiselikh-dardiigraiid- 
seif^iiciir ,   ensuite    ve'zyr   et    pacha 
d'Arz-Houm,  il  fut  nommé  au  ^ou- 
veruemoi'.tde  Baghdad  J'auderiic^;. 
I  o63  (  i053  de  J.-C.)  Celait  un  hom- 
me inconstant  et  bizarre,  violent  et 
affable  par  accès  j  dur  ,  inexorable 
pour  la  perception  des  impôts,  mais 
magnifique  dans  ses  libéralités  en- 
vers le  peuple  ,  et  réellement  ami  de 
la  j  nslice.  Son  palais ,  loin  d'être  rem- 
pli de  capidjis,  était  ouvert  à  tout  le 
monde.  On  raconte  même  qu'un  pay- 
san, ayant   pénétre  un  jour  jusque 
dans  sa  chambre  à  coucher,  le  ré- 
veilla, lui  présenta  son  placet ,  et  en 
obtint  une  réponse  favorable.  Mour- 
tcza  mécontenta  les  janissaires,  qu'il 
ne  traita  pas  avec  autant  d'indulgen- 
ce. Depuis  cinquante  ans  ,  Bassorah 
s'étaitsoustrait  à  la  domination  otho- 
inane.  A  la  mort  d'Aly,  dont  le  père 
s'y  était  érigé  eu  souverain ,  Houcein, 
fils  du  premier ,  ayanteu  ses  deux  on- 
cles pour  compétiteurs,  ceux-ci  im- 
plorèrent  le  secours  du  pacha   de 
Baghdad.  Mourteza,   sans  attendre 
les  ordres  de  la  Porte,  marcha  vers 
Bassorah  ,  à  la  tête  de  toutes  ses  for- 
ces ,  sous  le  prétexte  de  mettre  ses 
protégés  eu  possession  de  cette  prin- 
cipauté.Houccins'étantréfugiéen  Per- 
se, le  pacha  n'éprouva  aucune  résis- 
tancej  mais  à  peine  fut-il  maître  de 
Bassorah, que, faisant  rassembler  ses 
canons  et  ses  musiciens  dans  la  prin- 
cipale  place,  il   fit  périr  dans  les 
tourments  ,  au  bruit  de  l'artillerie  et 
âu  son  des  instruments  guerriers,  une 
vingtaine  des  principaux  habitants, 
s'empara  de  leurs  richesses,  et  vde 
tous  les  trésors  que  Houcein  avait 
laissés, et  ordonna  même  qu'on  étran- 
glât les  deux  princes  dont  il  avait 
paru  embrasser  la  défense.  Cette  per- 


MOU  337 

fidie,  aussi  cruelle  ({u'impolilique, 
excita  un  soulèvement  général.  Les 
Arabes,  qui  s'étaient  soumis  volon- 
tnircmcut ,  prirent  les  armes  ,  s'em- 
parèrent de  Koruah,  l'une  des  piin- 
cipales  clefs  de  Bassorah ,  et  taillè- 
renten  pièces  les  troupes  othomanes: 
la  désertion  acheva  le  reste;  et  Mour- 
teza, réduit  à  fuir  presque  seul,  à 
iravei's  le  désert,  ne  jiut  pas  même 
emporterlcs  dépouilles  de  Bassorah. 
Mille  désordres  avaient  eu  lieu  à 
Haghdad  pendant  sou  absence  :  les 
citoyens  avaient  été  obligés  d'y  mon- 
ter la  garde,  pour  se  défendre  contre 
les  voleurs, et  les  brigands.  La  con- 
duite du  pacha  fut  improuvée  :  privé 
de  son  gouvernement ,  en  ramadhau 
io65  (  i655  ) ,  il  passa  à  celui  de 
Diarbekir,  et  fut  chargé,  trois  ans 
après,  du  commandement  de  l'armée, 
contre  Abaza  Haçan  pacha ,  qui  s'é- 
tait révolté  dans  l'Anatolie.  Il  prit  si 
mal  ses  mesures, qu'il  fut  Aaincu  au- 
près de  Konieh,  et  contraint  de  se 
réfugier  à  Alep.  Mais  ayant  su  atti- 
rer le  rebelle  dans  une  entrevue,  il 
le  fît  assassiner,  et  envoya  sa  tête  à 
Constantinople.  Ce  fut  pour  cet  ex- 
ploit ,  et  plus  encore  par  les  présents 
qu'il  distribua  parmi  les  membres 
du  divan,  que  Mourteza  obtint  pour 
la  seconde  fois  le  pachalik  de  Bagh- 
dad, à  la  fin  de  1069  (  lOSg  ).  Il  y 
reparut  avec  tout  le  faste  d'un  sou- 
verain f  entretint  une  nombreuse 
armée,  et  voulut  reprendre  ses  pro- 
jets d'agrandissement  du  cotéde  Bas- 
sorah. Il  commit  d'énormes  exac- 
tions, tant  pour  soutenir  son  train 
et  pour  remplir  ses  ei!ga<^eii3enis  en- 
vers la  Porte,  que  pour  faire  face 
aux  dépenses  du  curar^e  de  la  riviè- 
re Diala,  qu'il  vint  à  bout  d'opérer. 
Ses  inteutio/)s  parurent  suspectes;  on 
l'accusa  d'aspirer  à  l'indépendance, 
et  d'avoir  oUert  Baghdad  au  roi  de 

23 


338  MOU 

Perse.  Il  fut  rappelé ,  en  redjpb  1 072 
(  mars  1662  )  ;  et  il  eut  ordre  de  se 
rendre  à  Candie.  Ayant  refuse  d'o- 
béir, et  voyant  que  ses  troupes  ii'e- 
taienl  pas  disposées  à  le  défendre ,  il 
s'enfuit  dans  le  Kourdistan;  niais  il 
y  fut  dépouille  par  les  habitants,  et 
poursuivi  par  le  pacha  de  Diarbekir, 
qui  lui  fit  trancher  la  lête.  Mourtcza 
ne  manquait  pas  de  talents  adminis- 
tratifs. Il  publia  quelques  règlements 
sages,  qui  ont  été  long-temps  en  vi- 
gueur à  Baglidad.  A — t. 

MOUSA  ,  fils  de  Cajazet  I^r.  ^ 
reçut  de  Tamerlan  l'investiture 
de  l'empire  Olhoman  ,  dans  l'Asie- 
Mineure.  Ce  fut  en  lui  abandonnant 
les  provinces  qu'il  avait  conquises  , 
queleconquérantTartarelui  adressa 
ces  nobles  paroles  :  «  Reçois  l'héri- 
))  tage  de  tes  pères  :  un  grand  cœur 
«  sait  subjuguer  les  royaumes,  et  les 
n  restituer;  c'est  la  gloire  à  laquelle 
»  j'aspire.  »  Après  la  retraite  de  ce 
bienfaiteur  d'une  espèce  si  particu- 
lière ,  Mousa  fut  loin  d'être  paisible 
possesseur  des  états  (ju'il  tenait  de  la 
main  du  vainqueur.  Les  Musulmans 
eux-mêmes  rougissaient  d'obéir  à  un 
prince  qui  n'avait  pas  refusé  de  se 
revêtir  des  dépouilles  de  son  père. 
Un  autre  fils  de  Bajazct ,  le  coura- 
geux et  fier  Soliman ,  régnait  sur  les 
provinces  européennes  :  il  disputa 
avec  succès,  à  la  créature  du  souve- 
rain tartare ,  et  les  ])ays  et  les  sujets 
qui  lui  étaient  soumis.  Mousa  fut  dé- 
pouillé par  son  frère,  et  s'enfuit,  sans 
combattre ,  dans  les  montagnes  de 
la  Valakie.  Les  vices  les  plus  hon- 
teux ternissaient,  chez  Soliman,  les 
plus  brillantes  qualités.  S'étaut  per- 
du lui  -  même  dans  l'esprit  des 
Othomans,  par  le  plus  scandaleux 
penchant  à  l'ivrognerie,  il  par- 
vint à  faire  regretter  Mousa  ,  qui  ne 
tarda  pas  à  retrouver  ses  partisans 


WOU 

et  unf*  armée  ;  mais  il  ne  paya  pas 
de  sa  personne.  Les  Turcs  combat- 
tirent pour  un  prince  doux  et  sans 
caractère,  qui  ne  repanit  que  lorsqu'il 
n'eut  plus  de  rival.  Soliman  fut  tué;  et 
sa  mort  rendit  son  frère  possesseur 
des  provinces  othoraanes  d'Europe  et 
d'Asie.  Mais  un  tel  maître  ne  pouvait 
convenir  longtemps  aux  fougueux 
et  indociles  Othomans  ,  accoutumés 
aux  A'oix  mâles  et  au  joug  dur  des 
Arauralh  et  de  Bajazet.  Un  troisième 
fils  de  ce  courageux  et  infortuné  sul- 
than,  le  prince  ÎMahomet,  se  présen- 
ta comme  antagoniste  de  son  frère 
Mousa.  Celui-ci , faible  souverain ,  in- 
capable de  soutenir  le  parallèle,  fut 
abandonné  à-la-fois  du  peuple  et  de 
l'armée.  Mahomet  unissaitaux  vertus 
d'nn  grand  prince  ,  les  talents  et  la 
A'aleur  d'un  guerrier  :  les  Olhomanj 
l'appelaient  par  leurs  vœux  secrets  ; 
ils  reconnurent  eu  lui  le  sulthan  fait 
pour  les  commander.  Mousa  prit  de  ' 
nouveau  la  fuite  :  il  fut  atteint  par 
les  soldats  de  Mahomet.  Le  courage 
qu'il  montra,  pourdéfendre  sa  liberté 
et  sa  vie,  ne  le  garantit  pas  de  sa 
malheureuse  destinée  :  il  périt  les 
armes  à  la  main  ,  l'an  de  l'hégire 
816  (  1  4'  3)  ;  et  s'il  régna  en  prince 
faible ,  du  moins  ne  mourut-il  pas  en 
lâche.  S — y. 

MOUSA  AL-KADHEM,  le  7e. 
des  douze  imams  révérés,  comme 
khalyfes  légitimes ,  par  les  Musul- 
mans Chjites  ou  sectateurs  d'Aly, 
naquit  entre  la  Mekke  et  Medine , 
l'an  ia8  ou  laçj  de  l'hég.  (  745  à 
747  de  J.-C.  )  Il  était  le  'j«.  fils  de 
Djafar  al-Sadik,  qui,  après  la  mort 
de  son  fils  aîné  Ismaël ,  et  au  préju- 
dice des  enfants  de  ce  dernier,  trans- 
mit à  Mousa  les  droits  à  l'imamat 
{V.  Djafar,  XI,  43o).  Le  khalyfe 
Haroun-al-Raschid  ,  craignant  que 
Mousa  u'occasiounât  des  troubles  en 


MOU 

Arabie, le  fit  venir,  dans  une  litière 
couverte,  de  Mcdine  à  Ba^lidad,  où 
il  le  coiisliliia  prisonnier  dans  la 
maison  d'un  de  ses  ofliciers.  (le  fut 
là  qu'il  se  délit  de  lui  par  le  fer  ou 
par  le  |)oison ,  l'.ui  i83  (799),  pu- 
bliant ensuite  ffu'il  c'fait  mort  nalu- 
turcllemcnt.  (îct  imam  a  ctc  suriiom- 
mc  y/l-Kad/iem  (le  débonnaire), 
ytl-Sabev  (  le  patient  ),  à  cause  de  sa 
douceur  envers  ses  ennemis  ,  et  do 
sa  résignation  pendant  sa  captivité. 
Son  austère  piété  lui  a  valu  encore  le 
titre  d'^^mm  (fidèle).  En  eflét,  le 
jour,  la  nuit,  à  toute  heure,  il  était  en 
prières  ou  en  méditation  :  aussi  sa  mé- 
moire est-elle  en  vénération  parmi  les 
Musulmans.  Son  tombeau, quise  trou- 
vait autrefois  dans  la  partie  occiden- 
tale de  Batçhdad  ,  nommée  Karkli , 
est  aujourd'hui  à  trois  quarts  de  lieue 
de  cette  ville,  et  à  l'ouest  du  ïygre. 
Il  est  renfermé  dans  une  vaste  et  an- 
tique mosquée.,  qui  a  donné  son  nom 
au  village  cVIinam-Mousa,  très-fré- 
quenté  par  les  péleiins.  Mousa  fut 
père  de  l'imam  Aly-Ridha ,  à  qui  Al- 
Mamoun  le  khalyfat  voulut  résigner. 
(r.MAMouN,  XXVI, 453).  A— T. 
MOUSA  (ou Mo'ïse)  benChakir, 
est  auteur  d'une  histoire  intitulée  , 
les  Sources  de  l' Histoire ,  ou  du 
moins  il  paraît  l'être,  d'après  le  té- 
moignage de  d'Herlielot ,  qui  lui  at- 
tribue cet  ouvrage.  11  est  plus  con- 
mi  par  ses  trois  fils,  Mohammed, 
Ahmed  et  Haçan ,  qui  fleurirent 
Aers  le  milieu  du  douzième  siècle  de 
l'ère  chrétienne.  Ces  trois  frères,  unis 
dans  leurs  goûts  et  dans  leurs  études, 
firent  rassembler  tous  les  livres  d'as- 
tronomie et  de  mathématiques  épars 
dans  r Asie-Mineure,  l'Egypte,  la 
Perse,  et  même  la  Chine.  Le  plus  cé- 
lèbre d'enti'e  eux  est  Mohammed, 
un  des  astronomes  qui  furent  chargés 
par  Mamoun  de  la  mesure  d'un  degré 


MOU 


33d 


de  la  terre  dans  la  plaine  de  Sindjàr, 
Ahmed  était  grand  mccaniciin;maig 
il  avait  moins  d'érudition.  Al-Ilaçan, 
lej)lus  jeune,  s'adonna  particulière- 
ment à  la  géométrie,  et  il  n'a  peut  être 
pas  eu  d'égal  dans  cette  science  chez 
les  Arabes.  Telle  fut  l'union  de  ces 
trois  frères  dans  leurs  travaux,  qu'il 
est  dillicilc  de  déterminer  les  ouvra- 
ges qui  appartiennent  à  l'un  ou  à 
l'autre.  Ahmed  passe  pour  l'auteur 
d'un  Li^re  de  musique,  et  d'un  tr,uté 
des  Machines.  Haçan  avait  écrit  un 
traité  du  Cjlindre,  et  d'autres  ou- 
vrages semblables  ;  il  inventa  et  sut 
résoudre  beaucoup  de  problimes  do 
géométrie  ;  il  s'occupa  avec  succès  de 
la  trisection  de  l'angle ,  et  des  deux 
moyennes  proportionnelles  pour  lar 
duplication  du  cube.  Cette  opération 
lui  attira  l'admiration  des  savants 
Arabes.  Mohammed  mourut,  en  Si5c) 
de  l'hég.  (  janvier  878),  laissant  des 
Tables asironomiques ,Q\  des  Traités 
particuliers  sur  la  géométrie,  qui  lui 
firent  beaucoup  d'honneur.  Il  fut  en 
astronomie  le  maître  du  célèbre  Ta- 
bet  ben-Corra  ;  Ibn  lounis  et  d'au- 
tres auteurs  le  citent  souvent  avec 
distinction.  Z. 

MOUSA  Ben  -  NASER  (  Aeou- 
Abder-Raiiman  ) ,  général  du  kha- 
lyfe  Walid  pr.,  partit  d'Egyp- 
te ,  vers  l'an  708  de  J.-C. ,  pour 
aller  pacifier  la  IMauritanie  ,  et  gou- 
verner l'Afrique  en  qualité  de  vice- 
roi.  En  709,  il  vainquit  les  Berbers, 
et  s'empara  de  Sous  et  de  Tanger. 
Méditant  dès-lors  la  conquête  de  % 
l'Espagne,  il  fit ,  dans  la  même  an- 
née, une  tentative  infructueuse  sur 
la  forteresse  de  Ceuta,  qui  apparte- 
nait aux  Wisigoths,  et  ({ui  fut  défen- 
due par  le  fameux  comte  Julien. 
Peu  de  temps  après  ,  ce  seigneur 
goth  ,  ayant  voulu  se  venger  du  roi , 
Rodrigue ,  engagea  lui  -  même  les 
22.. 


34o  IMOU 

Maures  à  pcnélivr  en  Espaj^ne  , 
conclut  avec  Moma  in  fraitf',  q 
ouvrit  à  celui-ci  i'c  ntife  <  e  lu  Pénin- 
sule. Avant  de  hasarder  son  aimce 
sur  une  terre  etrangèic,  Mousa  en- 
voya quelques  troupes  sous  la  con- 
duite de  Tarik  ben-Z"iad  ,  son  lieu- 
tenant. Le  succès  ayant  surpasse'  son 
espérance  (T.  Tarik),  il  deliarqua 
lui-même  en  Espa5:;ne  en  7  rî  ,  à  la 
tête  de  20  mille  hommes.  Tout  ce  qui 
avait  échappé  aux  armes  de  Tarik  , 
tout  ce  qui,  depuis  sonéloignement, 
avait  secoué  le  joug  des  Musulmans  , 
céda  aux  efforts  de  Mousa  :  Carmo- 
na ,  Sevillo  furent  emportées  d'as- 
saut ;  Merida  se  rendit  après  ime 
longue  résistance.  Le  Portugal  et  la 
Galice  se  soumirent  également.  En 
habile  politique,  le  général  arabe 
offrait  aux  habitants  des  grandes 
villes  ,1a  conservation  de  leurs  biens 
et  le  libre  exercice  de  leur  religion; 
et  c'est  de  son  nom  que  les  chrétiens 
d'Espagne  furent  appelés  Mosara- 
bes.  Jaloux  des  succès  qu'avait  ob- 
tenus Tarik,  et  voulant  éloigner  un 
lieutenant  qui  l'éclipsait ,  Mousa 
l'accusa  d'exactions  auprès  du  kha- 
lyfe.  Il  le  dépouilla  de  tout  son 
butin,  lui  demanda  nne  table  d'é- 
meraude,  qui  avait  été  prise  à  Mc- 
dina-Celi  ;  et  voyant  qu'il  y  man- 
quait un  pied  ,  il  s'emporta  contre 
Tarik ,  le  fit  charger  de  fers  ,  et 
s'oublia  jusqu'à  le  frapper  de  son 
bâton.  11  feignit  toutefois  de  se 
réconcilier  avec  lui ,  et  lui  donna 
du  service  en  marchant  à  la  con- 
quête de  l'Aragon  ,  tandis  que  sou 
fils  ,  Abdel  -  Aziz  ,  sidjjugiiait  le 
royaume  de  Valence.  La  prise  de 
Saragoce  ,  qui  ouvrit  ses  portes  et 
livra  ses  trésors  au  vainqueur  ,  en- 
traîna la  réduction  de  l'Espagne  , 
jusqu'aux  Pyrénées.  Mousa  les  fran- 
chit ,    et    pénétra  jusqu'à  Carcas- 


MOU 

sonne.  Cependant  la  cour  de  Damas, 
iiif'  rméc  de  ses  d<  mêlés  et  de  ses 
i)!ji.sliccs  ,  lu  rappela,  en  714, 
aiiiSi  que  Tarik,  A  son  arrivée  on 
Syrie,  il  trouva  Walid  mourant, 
et  se  rendit  à  D^mas,  malgré  la 
défense  de  Solciman  ,  frère  de  ce 
prince.  Admis  à  l'audience  du  kha- 
lyfe  ,  il  lui  présenta  ses  captifs  , 
son  butin  et  surtout  la  fameuse  ta- 
ble, à  laquelle  il  avait  substitué  un 
pied  d'or.  Tarik,  qui  était  présent, 
produisit  alors  le  pied  que  l'on 
croyait  perdu,  et,  par  ce  moyen, 
convainquit  de  mensonge  Mousa  , 
qui  assurait  avoir  trouvé  cette  table 
précieuse  a  Medina-Celi  ,  avec  un 
pied  de  moins.  W.did  étant  mort  sur 
ces  entrefaites,  eu  703,  Solciman, 
son  successeur ,  condamna  Mousa  à 
être  battu  de  verges ,  à  payer  une 
amende  de  200  mille  dinars  d'or 
(2  millions),  et  l'exila  à  la  Mckke, 
où  ce  malheureux  moui-ut  de  douleur' 
en  apprenant  la  fin  tragique  de 
son  fils  Abdel  -  Aziz ,  qu'il  avait 
laissé  en  Espagne.  (  Foyez  Abdel- 
Aziz,  tom.  I,  pag.  53.)  Aussi 
ambitieux  que  brave,  Mousa  ne 
regardait  la  possession  de  l'Es- 
pagne que  comme  le  premier  pas  à 
la  conquête  de  l'Europe.  Déjà  même 
il  se  préparait  à  porter  de  nouveau 
ses  armes  au-delà  des  Pyrénées,  lors- 
qu'il fut  rappelé.  Son  projet  était  de 
joindre  l'Espagne  aux  possessions 
musulmanes  en  Asie  ,  en  snbjuguant 
une  partie  de  la  France,  de  l'Allema- 
gne ,  de-  la  Hongrie  et  de  l'empire 
Grec  ,  jusqu'à  Constantinople  et  à 
l'Asie -Mineure.  Il  avait  conquis  la 
Sardaigne  ,  la  Corse  et  les  îles  Ba- 
léares ;  mais  on  ne  sait  pas  précisé- 
ment si  ce  fut  pendant  son  séjour  eu 
Afrique,  ou  en  quittant  l'Espagne. 
Avec  toutes  les  qualités  qui  formeni 
un  conquei'aut,  il  n'eut  pas  assez  de 


MOU 

grandeur  d'ame  pour  voir  le  li  iora- 
jiliede  Tarik  sans  envie;  et  il  causa 
lui-mcmc  son  niallicur  en  voulant 
nuire  à  sou  riva!.  A — t  et  IJ — p. 

MOUSCHl'.GH  ,  prince  des  Ma- 
inij:;oniaus  ,  vivail  dans  le  iv*^.  siècle. 
Son  père,  V^asag  ,  ayant  ete' emme- 
né prisonnier  eu  Perse,  en  l'an  870  , 
avec  le  roi  d'AruiCuic,  Arsace,  par 
Sclialipour  II,  il  licrila  de  la  proA'iu- 
ce  de  Daron.  Bientôt  après  il  fut  in- 
vesti de  la  dignité  de  connétable, 
que  son  père  avait  possédée ,  et  il  fut 
envoyé  a  Conslantinople  par  le  pa- 
triarche Nersès  1'='".  ,  pour  supplier 
l'empereur   Yaleus  de  donner  l'Ar- 
ménie au  fils   d'Arsace,    que   tous 
les  seigneurs    arméniens  desiraient 
avoir  pour  roi.  Ce  piince,  nommé 
Bab ,   était  alors   enfermé  avec  sa 
mère,  Pharandsem,daus  la  forteres- 
se d'Ardagers  ,  cîi  il  était  assiégé  par 
les  Persans.  Ou  parvint  à  en  faire 
sortir  ce  jeune  roi ,  dans  le  temps 
même  que  Mouschegh  revenait  ac- 
compagné du  général  Terentianus,  à 
la  tète  li'une  armée  romaine,  Mous- 
chegh  et  Terentianus  eurent  bientôt 
chassé  les  Peisans  de  l'Arménie:  Mé- 
roujan,  prince  des  Ardzrouniens,  qui 
les  commandait,  fut  complètement 
défait  à  la  bataille  de  Dsirav,  et  obligé 
de  chercher  un  asile  en  Perse.  Mous- 
chegh  lit  ensuite  une  expédition  dans 
l'Atropatène,  où  il  remporta  de  nou- 
velles victoires.  Bab  fut  donc  réta- 
bli sur  le  trône  de  ses  pères  ,  par  les 
victoires  de  Mouschegh.  Ce  jeune 
prince  ,   gouverné  par  quelques  eu- 
nuques ,  qui,  sous  le  règne  de  son 
père  ,  avaient  déjà  fait  beaucoup  de 
mal  à  l'Arménie,  ne  tarda  pas  à  mar- 
cher sur  les  traces  d'Arsace.  Le  pa- 
triarche Nersès  voulut  en  vain  lui 
rappeler  ses  devoirs  ;  Bab  le  fit  em- 
poisonner. Les  Persans  cherchèrent  à 
profiter  des  désordres  causés  par  sa 


MOU 


341 


tyrannie ,  et  MeTonjan  parut  en  Ar- 
ménie à  la  tête  d'une  armée  persane: 
il  fut  encore  vaincu  par  Mouschegh  , 
qui  le  contraignitde  rentrcren  Perse. 
Les  Arméniens  furent  bientôt  las  du 
gouvernement  de  Bab;  ils  s'en  plai- 
gnirent à  l'empereur,  qui  le  man- 
da près  de  lui.  Pendant  trois  mois 
on  le  garda  prisonnier  à  Tarse , 
d'où  il  parvint  à  s'échapper;  cl  il 
revint  dans  ses  étals ,  où  il  fut  assas- 
siné, en  377,  parTrajan,  un  des  gé- 
néraux romains  en  Arménie.  Ce  pays 
fut  quelque  temps  sans  roi  -,  les  Per- 
sans et  5réroujan  voulurert  prcr'iter 
de  cet  état  de  choses  pour  y  ri  litrer:  ils 
furent  encore  honteusement  repous- 
sés parMouschegli.  L'empereur  don- 
na enfin  la  couronne  à  Yaraztad,  pa- 
rent de  Bab,  qui  ve  se  conduisit  pas 
njieuxquesoii  prédécesseur,  et  lit  pé- 
rir le  counétab'e  Mouschegh.  qui  avait 
rendu  à  l'état  tant  de  services  signa- 
lés (  F.  Manuel  ).  —  Mouscoegh, 
prince  de  la  même  famille,  vivait  à 
la  fin  du  vr.  siècle.  En  récompeuse 
des  services  qu'il  avait  rendus  a  l'em- 
pire ,  l'empereur  Maurice  le  fit  duc 
de  l'Arménie  romaine  ,  titre  qu'il 
joignit  à  celui  de  prince  de  Daron, 
qu'il  possédait  depuis  l'an  553  qu'il 
avait  succédé  à  son  père.  Il  vainquit 
plusieurs  fois  les  généraux  du  roi  de 
Perse,  Hormisdas.  Lorsqu'en  l'an 
590,  ce  prince  eut  étéassassiné,  et  que 
le  rebelle  Bahram-Tchoubin  se  fut 
emparé  de  la  couronne,  le  légitime  hé 
ritierKhosrou-Parviz  se  réfugia  dans 
l'empire  pour  implorer  l'assistance 
de  Maurice.  Mouschegh  accori  a  un 
asile  à  tous  les  fugitifs  ;  Berdouiéh  et 
Kettehm  ,  oncles  de  Khosi-ou,  se  re- 
tirèrent à  sa  cour.  Quand  les  armées 
romaines  eurent  pris  rotVensive  , 
Mouschegh  les  seconda  efiicacementj 
il  se  joignit  aux.  troupes  persanes 
commandées  par  Mihran ,  qui  étaieoT 


34î 


MOU 


cantonnées  en  Arménie,  et  qui  te- 
naient pour  le  roi  léf^itiine.  Sous  les 
ordres  de  Mouscliej^h  ,  elles  contri- 
buèrent puissamment  à  la  défaite  de 
Bahram-Tchouliin.  Kliosrou promit 
à  Mouschegh  de  le  laire  luarzba 
de  r Arménie  ,  pour  le  récompenser 
de  ses  services.  Quelques  envicuv  de 
Mouschegh  le  desservirent  auprès 
du  roi,  et  empêchèrent  le  prince  de 
s'acquitter  de  ses  promesses  :  IMous- 
chegh  ,  mécontent ,  se  retira  dans  sa 
souveraineté.  En  l'an  6o3  ,  le  roi  de 
Perse  fit  une  expédition  dans  l'em- 
pire romain,  pour  venger  le  meurtre 
de  Maurice  ;  il  envoya  inviter  Mous- 
chegh à  y  prendre  part,  et  il  le  pres- 
sa de  venir  le  joindre  dans  son  camp 
auprès  de  Garin  (  Arzroum  ).  Mous- 
chegh s'en  excusa  sur  son  grand  âge. 
Le  roi,  irrite  de  son  refus  ,  menaça 
de  le  châtier  à  sou  retour  ;  il  lui  tint 
parole.  Miliran  ,  neveu  du  roi ,  fut 
envoyé  contre  Mouschegh ,  avec  un 
corps  de  dix  mille  hommes.  Vahan, 
que  celui-ci  avait  choisi  pour  son 
successeur  ,  fut  chargé  de  repousser 
le  général  persan  ,  qui  fut  vaincu  et 
tomba  entre  les  mains  de  sou  vain- 
queur, lequel  le  fit  mettre  à  mort. 
Mouschegh  ne  survécut  pas  long- 
temps à  cette  victoire  :  il  mourut 
l'an  6o4,  et  laissa  la  principauté  de 
Daron,  à   Vahan.         S.    M — n. 

MOUSKES  (  Philippe  ) ,  évèque 
de  Tournai ,  né  à  Gand ,  doit  être 
cet  évè]ue  nommé  par  les  historiens 
de  la  Belgique  Mus  et  Meuzius,  et 
qui  occupa  le  siège  de  Tournai  en 
12^4  ,  et  mourut  eu  iCiSs,  Des  écri- 
vains contemporains  le  qualifient  de 
personnage  savant  et  discret.  Lors- 
qu'il n'était  encoi'e  que  chanoine  de 
Tournai ,  il  se  proposa  ,  comme  il 
l'annonce  lui-même  ,  de  mettre  en 
rùnestoiite  V histoire  et  la  lignée  des 
rois  ds  France.  Il  commence  sou 


MOU 

récit  un  peu  haut ,  dès  l'enlcvomcnt 
de  la  belle  Hélène  par  Paris  ,  et  con- 
tinue jusqu'après  l'année  i24').  Il 
n'a  garde  d'oublier  les  fables  de  l'ar- 
chevêque Tnrpin.  Du  Gange  a  pu- 
blié, à  la  suite  de  l'histoire  de  Ville- 
hardouin,  un  fragment  des  rime?  de 
l'évêque  de  Tournai.  Les  curieux  en 
trouveront  à  la  bibliothèque  royale 
le  manuscrit  complet.  Un  jour  peut- 
être,  on  ne  le  jugera  pas  indigne  d'ê- 
tre publié  en  entier.  G — l. 

MOUSLEM  Gheryf-ed  Daulaii 
(AboclMocrem),  v'^.  ou  vi*'.  prince 
de  la  dynastie  des  Oka'dides  ,  oc- 
cupa le  trône  de  Moussoul,  après 
son  père  Goraisch,  l'an  4^3  de  Thég. 
(  io6i  de  J.G.  ),  et  triompha  de 
l'un  de  ses  oncles  qui  voulait  le  lui 
disputer.  L'an  4'^^'  Je  sulthan  sel- 
djoukide,  Alp-Arslan  ,  dont  il  était 
vassal,  lui  céda  moyennant  un  tri- 
but, les  villes  d'Anbar  et  de  Tekrit. 
En  472,  Mouslem,  ayant  obtenu  du 
sulthan  Melik-Ghah,  la  permission 
d'aller  s'emparer  d'Alep  ,  et  s'étant 
obligé  de  payer  à  ce  prince  une  re- 
devance annuelle  de  3oo  mille  di- 
nars d'or  (  3  millions  ) ,  assiégea 
cette  ville,  qu'il  prit  par  capitula- 
tion, l'année  suivante;  l'emyr  raar- 
daschide,  Amiu  alSabck.  dont  les  an- 
cêtres la  possédaient  depuis  60  ans, 
fut  réduit  à  une  pension.  Soit  que,  ])ar 
son  anibiliou ,  Mouslem  eût  donné  de 
l'inquiétude  au  sulthan,  soit  qu'il  eût 
manqué  à  ses  engagements  ,  il  se  vit 
dépouillé,  en  477,  parles  généraux 
de  ce  jH'ince,  de  tous  ses  états  de 
Mésopotamie.  Assiégé  dans  Amide, 
il  sut  gagner  l'émyr  Ortok,  qui ,  pou- 
vant le  forcer  de  se  rendre  à  discré- 
tion,  lui  permit  de  sortir  de  la 
place,  et  de  se  retirer  à  Rakka, 
Quelques  avances  de  Melik-Ghah , 
qu'une  révolte  appelait  dans  le  Kho- 
rarau,    d,etei'Uii."crciit  Mouslem  ^ 


I\ÏOU 

venir  se  soumellrc  à  co  prince. 
(Jetle  deinarclic  et  surtont  ses  pré- 
sents ,  parmi  les(|U(ls  était  uu  su- 
])erbe  conrsier  qui  lui  avait  sauve 
la  vie  dans  une  bataille,  et  qui, 
en  ]>rescnce  du  sultlian,  vainquit  à 
la  course  les  meilleurs  chevaux  de 
<e  prince,  charmèrent  tellement  le 
monarque,  qu'il  rendit  à  Mouslcm 
toutes  les  places  qui  lui  avaient  ëte 
enlevées  ,  et  même  les  trésors  qu'on 
y  avait  trouA'es.  Fier  des  faveurs  de 
sou  suzerain,  Mousiem  qui  avait 
reçu  jusqu'alors  un  tribut  de  Phila- 
rète,  gouverneur  d'Antioche,  voulut 
exiger  le  même  tribut  du  prince 
seldjoukideSolciraan,  qui  venait  d'en- 
lever cette  ville  aux  Grecs.  Irrité  du 
refus  de  Soléiman,  il  eut  recours  aux 
armes  pour  l'y  contraindre  j  mais  il 
fut  tué  dans  une  bataille,  le  '2^  safar 
478  {'21  juin  io8;j).  Les  états  de  ce 
prince,  distingué  par  son  courage  , 
ses  talents  politiques  et  son  amour 
pour  la  justice ,  s'étendaient  depuis 
Alepjusqu'auxenvironsdeKaghdad , 
dans  un  espace  déplus  de  '200  lieues. 
Ses  fils  Mohammed  et  Aly  régnèrent 
l'un  à  Nisibyn  ,  l'autre  à  Moussoul , 
jusqu'en  489  (  itig6  ),  que  le  fa- 
meux Korbouga  s'empara  de  leurs 
états.  (  F.  Korbouga,  au  Suppl.  ) 
Son  cousinSalem,chasséd'Alcp  par 
le  sulthan  Melik-Chah,  obtint  le 
château  de  Djabar ,  que  les  Croisés 
assiégèrent  inutilement  l'an  497 
{  1 104  ) ,  et  qui  ,  après  avoir  résisté 
aussi  à  Imad  eddyn  Zenghy,  l'an 
541,  fut  pris  cnihi  par  le  célèbre 
Nour  eddyn,  l'an  5^4  (  nf^9  )  5 
sur  Mclik  Ghchab  -  eddyn  ,  arrière- 
pelit-(ils  de  Salem.  (  f\  Zenghy  et 

Nour.    EDDYN  ).  A T. 

MOUSSA  (  Mohammed  ben  ).  F. 
MousA  ben  Cuakir. 

MOUSSET  (N.),  poète  français  , 
âJiJC  lequel  ou  a   peu  de  renseigne- 


MOU 


313 


ments  (  i) ,  passe  pour  a  voir  fait  >isa- 
ge  ,  le  j)remier  ,  des  vers  mesurés,  à 
la  manière  des  grecs  et  des  latins. 
Il  avait  traduit  on  vers  de  ce  genre 
y  Iliade  et  Y  Odyssée  d'Homère  ; 
mais  il  paraît  que  cette  version  est 
jicrdue  ,  puisqu'on  ne  la  trouve  citée 
dans  aucun  catalogue.  D'Aubigné  en 
fait  mention  dans  la  préface  de  la 
seconde  partie  de  ses  Petites  œuvres 
viciées,  où  il  en  rapporte  le  début  : 

Cliantc,  déesse,  le  cnerfarieax  et  l'ire  d'Atliillè» 
l'ciuicieuse  qui  Cul ,  tic. 

Il  nous  apprend  en  outre  que  cet  ou- 
vrage fut  terminé  vers  1 53o.  Mous- 
set  vivait  encore  en  iSSo,  si  l'on  eu 
croit  Philippcu  de  la  Madelaine 
(  Dict.  des  poètes  français  ).  Il  est  as- 
sez remarquable  que  cet  écrivain  ait 
échappé  aux  recherches  de  tous  nos 
anciens  bibliothécaires.  Prosp.  Mar- 
chand a  publié ,  dans  son  Diction- 
naire ,  à  l'art.  Mousset,  une  longue 
et  curieuse  dissertation  sur  l'origine 
des  vers  mesurés ,  et  les  auteurs  qui 
en  ont  composé  dans  les  langues  mo- 
dernes de  l'Europe.  W — s. 

MOUSTAPHA.   r.  Mustapha. 

MOUSTIER  (de  ).  F.  Demous- 
tier  et  Merinvilee. 

MOUSTIER  (  Éléonor-Fran- 
cois-Élie,  marquis  de  ),  d'une  an- 
cienne maison  de  Franche-Comté, 
naquit  à  Paris,  en  1731.  Son  père 
le  mena ,  pendant  la  guerre  de  Sept- 
Aiis ,  au  collège  des  jésuites  de  Hei- 
delberg.  Quand  ses  études  furent  ter- 
minées, il  désira  suivre  la  carrière 
des  armes,  à  l'exemple  de  ses  ancê- 
tres ,  et  lit ,  à  Besançon  ,  un  double 
apprentissage,  comme  cavalier  dans 


(i)  Quelques  Mograpbos  lui  donnent  le  (ireuDm  do 
Jean  ;  uials  il  uVst  jias  lerlaiu  que  ce  soil  le  sjn.  On 
trouve  cité  dans  1»  l>il>l  hAt,  iD.muscr  de  Sanderus  , 
un  Jean  lUorsset ,  auteur  d'un  piièiuc  sur  la  Passion  ; 
mais  il  est  iinpossilile  d'alBrnier  que  «u  loit  1«  mOin» 
«jiiele  tradui.Uur  d'Hoiucre. 


344  MOU 

le  régiment  do  la  reine,  et  comme 
canonnier  dans  une  brigade  d'artil- 
lerie, trouvant  encore  le  temps  d'ap- 
prendre les  langues,  et  de  se  livrer 
aux  sciences  exactes.  11  passa,  en  qua- 
lité de  sous-lientenaut,  dans  Koyal- 
Navarre,  à  l'âge  de  17  ans,  et  en- 
tra en  17G8,  comme  surnuméraire, 
dans  les  gardcs-du  corps.  Son  beau- 
frère,  le  marquis  de  Clermout  d'Am- 
boise  ,  aujba.ssadcur  en  Portugal  , 
l'emmei.a  ensuite  à  Lislionuc  ,  où 
il  le  garda  deux  ans,  comme  gcniil- 
honune  d'auiLassade,  et  il  lui  don- 
na le  titre  de  secrétaire  ,  lorsqu'il  fut 
chargé  de  celle  de  Naples.  En  i  778, 
le  marquis  de  Moustier,  ayant  à  pei- 
ne aîteint  sa  vingt-septième  année  , 
fut  promu  au  grade  de  niestre-de- 
camp  de  dragons  ,  et  nomme  minis- 
tre du  roi  à  i  rêves.  En  1788,  il  par- 
tit pour  Londres  ,  immédiatement 
après  la  signature  de  la  paix,  avec 
la  qualité  de  mmistre  plénipoten- 
tiaire ,  pour  achever  d'aplanir  des 
diflicultés  relatives  à  l'iulervcntion 
de  l'Espagne.  Eu  1787  ,  il  rempla- 
ça ,  aux  Étals  -  Unis  d'Amérique  , 
M.  de  La  Luzerne  ,  qui  était  ap- 
pelé à  l'ambassade  d'Angleterre,  et 
fut  chargé  de  celle  de  Prusse,  en 
1 790  ,  dans  les  circonstances  les  plus 
critiques.  Mandé  à  Paris,  au  mois  de 
septembre  1791  ,  ]>^r  une  lettie  au- 
tographe de  Louis  XVI ,  qui  le  pres- 
sait pour  la  deuxième  fois  d'accepter 
le  ministère  des  affaires  étrangères, 
il  déclina,  dès  sa  première  entrevue 
avec  le  roi ,  un  poste  que  l'austérité 
de  ses  principes  monarchiques  ne 
lui  permettait  pas  de  remplir  alors. 
«  Sa  réputation  méritée  de  talent , 
»  d'instruction  et  d'énergie  (  dit  Eer- 
»  traud  de  INTollevilIe,  dans  ses  Mé- 
»  moires,  tome  i^'". ,  p.  1 13  ),  le  fit 
»  regarder  comme  un  homme  dan- 
»  gereux  pour  la  révolution ,  et  ani- 


i\iou 

»  ma  contre  lui  tous  les  partis  qui  la 
»  soutenaient.  »  Sur  son  refus  de  re- 
partir poiu-  Berlin  ,  à  l'eflèt  de  dé- 
tourner Frédéric-Guillaume  de  la 
coalition  ,  que  probablement  il  avait 
engagé  lui-même  ce  monarque  à  for- 
mer contre  les  révolutionnaires  de 
France  ,  ce  fut  le  comte  de  Ségur  qui 
se  chargea  de  cette  négociation ,  dont 
on  connaît  le  résultat.  Nommé  à 
l'ambassade  de  Constantinople  ,  le 
marquis  de  Mousti;r  ne  tarda  pas  à 
se  voir  forcé  de  chercher  un  asile  eu 
Angleterre,  pour  ne  pas  grossir  le 
nombre  des  victimes  envoyées  à  la 
hriule-cour  d'Orléans  ,  et  massacrées 
à  Versailles.  11  passa  immédiatement 
sur  le  continent,  y  rejoignit  les  prin- 
ces ,  frères  de  Louis  XVI,  et  re- 
çut d'eux  la  mission  d'aller  traiter 
près  des  puissances  coalisées  ,  no- 
tamment près  du  roi  de  Prusse,. pour 
qu'il  reconnût  à  Monsieur  le  titre  de 
régent  du  royaume  pendant  la  durée 
de  la  captivité  du  roi.  Ce  titre  devait 
être  solennellement  conféré  au  prin- 
ce, quand  la  retraite  de  Champagne 
changea  entièrement  la  face  des  évé- 
nements. Les  équipages  de  Monsieur 
ayant  été  enlevés  aux  portes  de  Ver- 
dun ,  par  une  partie  de  l'armée  de 
Kellermann  ,  la  correspondance  du 
marquis  de  Moustier  avec  leurs  al- 
tesses rovales ,  tomba  entre  les  mains 
des  Jacobins  ,  et  fut  lue  à  la  tribune 
par  Hérault  de  Sechclles ,  qui  fit  ren- 
dre ,  le  'il  octobre  1 792  ,  un  décret 
d'accusation  contre  le  marquis  de 
Moustier.  Ces  mêmes  pièces  furent 
reproduites  dans  l'acte  d'accusation 
de  Louis  XVI ,  comme  un  indice 
du  concert  de  ce  monarque  avec  ses 
frères.  Le  marquis  de  Moustier ,  re- 
tourné en  Angleterre  après  l'issue 
fimeste  de  la  campagne  de  1792  ,  se 
trouva  en  mesure  de  rendre  de  nou- 
veaux services  aux  princes  par  ses 


MOU 

relations  avec  Pitt,  Witiflliam,  Bm- 
ke,  et  par  la  consulcratioii  que  lui 
avaient  acquise  ses  missions  auprès 
du  cabinet  britannique.  Désigne ,  en 
1795,  après  le  dèsaslre  de  Quibcroii, 
commissaire  du  roi  ,  pour  aller  ré- 
sider au  milieu  des  armées  royales 
de  l'Ouest ,  il  pressa  vainement  le 
départ  de  l'expédition  que  les  An- 
glais devaient,  faire  débarquer  sur 
les  côtes  de  France.  La  pacifica- 
tion forcée  de  1790,  après  la  mort 
de  Cbarctte  et  de  Stofflet ,  contribua 
à  neutraliser  tous  les  ellorts  des  roya- 
listes dans  cette  partie.  N'ayant  plus 
rien  à  faire  personnellement  pour 
la  cause  du  roi  de  France  eu  Aji- 
gleterre  ,  M,  de  Mousticr  prit  le 
parti  d'aller  résider  de  nouveau  eu 
Prusse,  où  la  bicuveillauce  de  Frédé- 
ric-Guillaume II,  et  celle  du  roi 
sou  fils,  le  placèrent  dans  une  si- 
tuation utile  aux  intérêts  de  Louis 
XVIII.  Chargé  par  ce  monarque , 
en  1 797  ,  de  complimenter  Frédéric- 
Guillaume  III  sur  son  avènement 
au  trône,  il  s'acquitta  de  celte  mis- 
sion avec  autant  de  noblesse  que  de 
circonspection  ,  dans  le  moment  oîi 
Syeyes  résidait  à  Berlin,  comme  mi- 
nistre de  France.  La  réponse  du  roi 
de  Prusse  j  en  date  du  5  décembre 
1797  ,  et  par  conséquent  postérieure 
à  la  paix  de  Bâle,  qui  avait  rétabli 
entre  la  France  républicaine  et  la 
monarchie  prussienne  des  relations 
amicales,  honore  beaucoup  ce  prin- 
ce. On  y  voit  la  justice  qu'il  rend 
aux  éminentes  qualités  de  Louis 
XVIII  (  dont  il  avait  les  lettres  sous 
les  yeux  ) ,  par  le  témoignage  de  son 
admiration  pour  des  ^>ertus  mises 
à  une  si  rude  épreuve ,  l'intérêt 
constant  qu'il  prend  aux  malheurs 
de  l'auteur  de  cette  lettre;  les 
vœux  fervents  qu'il  forme  pour  sa 
prospérité  et   pour  la   joidssance 


MOU  345 

d'un  sort  plus  heureux  et  plus  di- 
pie  de  lui.  La  lettre  du  marquis  de 
Moustier,  intermédiaire  des  commu- 
nie allons  secrètes  entre  les  deux  mo- 
narques, a  le  mérite  de  conttuir  une 
phrase  prophéîique  sur  la  restaura- 
tion de  Louis  XVIII.  Il  se  trouva, 
eu  1806,  du  jietit  nombre  des  fidè- 
les serviteurs  du  roi  de  France  main- 
tenus définitivement  sur  la  lisie  des 
émigrés  par  Huonaparte  ;  et  l'inva- 
sion en  Prusse  faite  la  même  année 
obligea  M.  De  Moustier  d'abandon- 
ner son  dernier  asile.  Il  partit  alors 
pour  Hartwell,  où,  admis  dans  l'in- 
timité du  roi  et  de  sa  famille,  il  ne 
fut  point  étranger  au  noble  élan  qui 
ramena  dans  la  patrie  de  Henri  I\  , 
son  digne  descendant.  Monseigneur 
le  duc  d''Angoulème.  Il  accompagna 
Sa  Majesté,  en  France  ,  au  mois  d'a- 
vril 1814  ,  et  suivit  encore  son  maî- 
tre au  20  mars  et  au  8  juillet  181 5. 
Regardant  dès-lors  son  rôle  politique 
comme  fini,  il  se  retira  dans  un« 
maison  de  campagne ,  voisine  de 
Versailles  ;  c'est  là  qu'il  fut  frappé 
d'apoplexie,  et  termina  sa  carrière  , 
le  i<^r_  février  181 7  ,  à  l'âge  de  66 
ans.  Les  archives  des  affaires  étran- 
gères sont  remplies  de  documents 
fournis  par  cet  habile  diplomate, 
principalement  sur  l'Amérique ,  qu'il 
avait  parcourue  en  observateur  éclai- 
ré. La  plus  grande  partie  des  ouvra- 
ges sortis  de  sa  plume,  est  restée  en- 
sevelie dans  le  secret  du  cabinet.  Il  a 
seulement  livré  à  l'impression  :  I. 
De  Vintérét  de  la  France  à  une 
constitution  monarchique  (  Berlin  . 
juillet  1791  ).  II.  De  Vintérét  de 
V  Europe  dans  la  révolution  fran- 
çaise,  Londres,  1793.  III.  Obser- 
vations sur  les  déclarations  du  ma- 
réchal prince  de  Cobourg  aux  Fran- 
çais ,  par  un  rojaliste  français, 
Londres  ,  1793.  L — p — e. 


S4C  MOU 

MOUTON  (Gabriel),  raathema- 
licieii,  ne  à  Lyon,  eu  i6i8,  em- 
brassa l'état  ecclésiasiiqup ,  et  devint 
vicaire  perpétuel  de  Tëglise  Saint- 
Paiil ,  au  service  de  laquelle  il  avait 
c'té  attaché  dès  son  enfance.  Consa- 
crant tous  ses  loisirs  à  l'étude  de 
l'astronoinie,  il  publia,  en  1670,1e 
résultat  de  ses  observations,  sous  ce 
titre  :  Ob^eivationes  diametronnn 
solis  et  lunœ  apparenlium ,  meri- 
dianarumqne  alùfuot  altitiidininn , 
cùm  tabuld  declinationum  solis  • 
dtssertatio  de  diennn  inœqtialitate, 
etc.,  in-4''.  (  r.  la  Bibl.  astronoin., 
•173.  )  Ce  volume,  dif  Lalande,  con- 
tient des  Mémoires  intéressants  sur 
les  interpolations  ,  et  sur  le  projet 
d'une  mesure  universelle  tirée  du  pen- 
dule. L'académicien  Picard  faisait 
un  cas  particulier  de  cet  astronome, 
qu'il  avait  beaucoup  vu  pendant  le 
séjour  qu'il  fit  à  Lyon,  pour  détermi- 
ner la  position  géogra plaque  de  cette 
ville.  Mouton  mourut  le  28  septem- 
bre 1 694 ,  et  fut  inhumé  dans  la  cha- 
pelle des  Trois-Maries,  dont  il  était 
titulaire.  Par  son  testament,  il  fit 
diverses  fondations  et  beaucoup  de 
legs  pieux.  Il  avait  calculé  les  loga- 
rithmes ,  avec  dix  décimales ,  des 
sinus  et  des  tangentes,  pour  chaque 
seconde  des  quatre  premiers  degrés  î 
le  manuscrit  était  à  la  bibUothèque 
de  l'académie  des  sciences  ;  ces  lo- 
garithmes, réduits  à  sept  décima- 
les seulement ,  ont  été  insérés  dans 
les  Tables  de  Gardiner ,  Avignon , 
1770,  in-fûl.  On  voit ,  dans  ses  Ob- 
servationes  diametrorum,  que,  dès 
1G61 ,  il  avait  déterminé  le  diamètre 
du  soleil ,  dans  son  apogée ,  avec  une 
exactitude  à  laquelle  on  ne  trouve  rien 
à  changer  actuellement;  ce  qui  paraît 
bien  surprenant,  quand  on  considère 
le  peu  de  secours  qu'il  avait  pour  opé- 
fer  exattcpieut.  Oncoiiscrvaità  Lyon 


MOU 

une  pendule  astronomique ,  exécutée 
par  l'abbé  Mouton,  et  qui  était  re- 
marquable par  la  précision  et  la  va- 
riété de  ses  mouvements  (  Lyonn. 
di^n.  de  mémoire^  11,  i3o).  W-s. 
MOUTON  (Jean-Baptiste- 
SYLVAI^),  né,  vers  1740,  à  la  Cha- 
riJé-sur-Loire,  et  élevé  au  séminaire 
d'Auxerre,  se  fixa  en  Hollande,  au- 
près de  l'abbé  Dupac  de  Bellegarde, 
et  le  seconda  dans  sa  correspondance 
et  la  composition  de  ses  ouvrages. 
Dupac  entretenait  des  relations  assi- 
dues avec  l'Allemagne  ,  l'Italie  et 
l'Espagne,  et  y  envoyait  un  grand* 
nombre  de  livres  en  faveur  de  l'ap- 
pel et  de  l'église  dX'^trecht.  Il  fit  plu- 
sieurs voyages  pour  le  soutien  de  cette 
cause  :  Mouton  partagea  son  zèle,  et 
voyagea  daus  le  même  but.  Ou  croit 
aussi  qu'il  eut  part  à  quelques-uns 
des  écrits  et  des  recueils  publiés  par 
Bellegarde.  Lorsque  les  Nouvelles 
ecclésiastiques  eurent  cessé  à  Paris  , 
à  la  fin  de  1793,  il  entreprit  de  les 
continuer  à  Utrecht.  Il  commença  le 
!•=■■.  janvier  1794;  mais  les  numéros 
ne  paraissaient  que  tous  les  quinze 
jours,  et  long-temps  après  leur  date, 
tellement  qu'une  feuille  datée  du 
mois  d'août  1794^  ne  voyait  le  jour 
qu'en  juin  1 790.  On  sauta  ensuite  de 
1 794  à  1 796  pour  se  mettre  au  cou- 
rant. Depuis  ,  les  numéros  parurent 
régulièrement  tous  les  quinze  jours, 
jusqu'au  10  mai  i8o3  ,  qui  est  la 
date  du  dernier.  L*esprit  de  ce  recueit 
est  le  même  que  celui  des  anciennes 
Nouvelles  de  Paris ,  et  des  Annales 
de  la  religion  ,  rédigées  à  la  même 
éjtoque  par  les  constitutionnels,  et 
qui  s'imprimaient  à  Paris  chez  l'an- 
cien curé  de  Saint-  André- des-Arls 
(  F.  Desbois  ).  On  remarque  qu'é- 
ci^ivant  lors  des  disgrâces  et  de  la 
caplivité  de  Pie  VI  ,  il  parle  à 
peine  une  ou  deux  fois  de  ce  poa- 


MOU 

tifc,.sans  donner  le  moindre  si[];nc 
d'intérêt  pour  ses  malheurs.  Mouton 
mourut  à  Utreclit  le  i3  juin  i8o3: 
il  était  le  dernier  des  Français  éta- 
blis en  Hollande  par  suite  de  leur 
atlacheinent  au  jauscnisuie;  et  à  sa 
mort  se  trouva  dissoute  la  colonie 
formée  autrefois  par  Poncet  et  au- 
tres appelants  ,  et  soutenue  depuis 
par  d'Etémarc  et  Bellegarde.  Les 
Nouvelles  ecclésiastiques  n'ont  pas 
reparu  depuis.  P — c — t. 

MOUTON  NET-CLA1RF0NS(  Ju- 
lïeîv-Jacques)  ,  littérateur  français, 
naquit  au  Mans,  en  1740.  Ses  pa- 
rents ,  peu  aises  ,  le  confièrent  aux 
soins  d'un  oncle  généreux  ,  curé  aux 
environs  de  cette  ville,  qui  lui  donna 
les  premiers  rudiments  des  sciences. 
Il  vint  continuer  ses  études  au  Mans, 
sous  les  pères  de  l'Oratoire.  Les  suc- 
cès qu'il  obtint  dans  les  langues  clas- 
siques, lui  ont  assigné  un  rang  assez 
distingué  parmi  les   hellénistes  de 
France.   Le  besoin   d'améliorer   sa 
fortune  l'attira  ensuite  à  Paris.  Il  fit 
la  route  à  pied,  pour  ménager  ses 
faibles  moyens  pécuniaires.  Ce  fut 
durant  ce  Aoyage,  que,  se  reposant 
nu  jour  au  bord  d'une  fontaine,  dont 
l'eau  fraîche  et  limpide  l'avait  dé- 
saltéré ,  il  prit  le  surnom  de  Clair- 
Jons,  qui  fait  suite  à  son  nom  patro- 
nymique. Moutonnet  était  alors  âgé 
de  dix-huit  ans.  Il  fut  bientôt  chargé 
d'une  éducation  particulière;  et  ceux 
dont  il  a  dirigé  l'enseignement ,  se 
plaisent  à  i-econnaître  les  talents  de 
leur  instituteur.  Les  premiers  ouvra- 
ges qu'il  publia ,  le  bèrent  avec  plu- 
sieurs   écrivains  de  cette  époque  , 
parmi  lesquels  nous  citerons  l'au- 
teur d'Emile  et  le  père  Elisée.   Sa 
conversation   était  agréable   autant 
qu'instructive,  son  caractère  noble 
et  franc.  11  avait  épousé  une  femme 
\içs-airnable  ;  et  il  n'eut  ricu  tuau- 


MOU  3|7 

que  à  son  bonheur  ,  s'il  eût  jowi 
d'une  bonne  santé  :  mais  de  longues 
et  douloureuses  infirmités  rendirent 
vains  tous  les  secours  de  l'art.  11 
n'eut  qu'une  existence  languissiinie  , 
et  mourut  le  3  juin  181 3,  a])iès 
avoir  subi  l'opération  de  la  taille. 
A  l'époque  de  sa  mort,  il  occupait 
un  emploi  dans  l'administration  des 
postes.  Il  avait  pris  pour  son  épi- 
graphe favorite  ce  distique  inscrit 
par  l'amitié  au  bas  de  sou  portrait  : 

Aiirra  libellas  blnndé  reipexit  amanlem  : 
Sfjcrno  divil'as ,  vlioloijuejhtor. 

Ses  ouvrages  sont  peu  nombreux  j 
mais  ils  attestent  son  goût  et  ses  con- 
naissances :  I.  Les  Baisers  de  Jean 
Second  ,  traduction  française  ,  ac- 
compagnée du  texte  latin  ,  Paris  , 
1771  ,  in -8°.  Jean  Second  est  un 
des  restaurateurs  de  la  bonne  poé- 
sie latine,  dans  un  genre  que  Ti- 
buUe  et  Propercc  ont  rendu  très-dif- 
ficile. Moutonnet  avait  l'ame  aiman- 
te :  sa  ti'aduction  est  exacte  ;  on  voit 
qu'il  était  en  harmonie  de  sentiments 
avec  l'auteur.  II.  Les  Iles  fortunée  s, 
ou  les  Aventures  de  Bathille  et  de 
Cléobule,  Paris ,  1 7  7  i ,  un  vol.  ;  in- 
séré dans  la  collection  des  Vojas,es 
tTOrtg-trtflirei ,  1 787 ,  39vol.  in-8\  La 
Bonne  mère  ,  la  Fille  bien  née , 
V Hirondelle  et  ses  petits ,  etc. .  font 
suite  aux  Iles  fortunées.  Ces  diffé- 
rents apologues  se  recommandent 
par  une  morale  douce  ,  nn  style 
agréable  et  facile.  111.  Anacréon , 

Sapho ,  Bion ,  Moschus ,  etc 

traduits  eu  français.  Cet  ouvrage , 
publié  en  1773,  in -8".,  et  orné 
de  gravures ,  a  eu  quatre  contrefa- 
çons avant  la  seconde  édition,  Pa- 
ris ,  1779,  '-i  vol.  in-i'2.  On  y 
réunit  souvent  le  poème  de  Musée 
(  Léandre  et  /Tero )_^aduit  par  le 
même,  1774»  ^77^,  iu-T2.  On  sait 
combien  les  bucoliques  grecs  sout 


548 


IMOU 


difficiles  à  traduire  ;  combien  la  lan- 
gue et  les  mœurs  des  Leii^ers  qu'ils 
mettent  en  scène  ,  dilTèient  des  nô- 
tres. Cependant  le  travail  de  Mou- 
tonnet  n'a  point  ctc  eflace  par  ce- 
lui des  auteurs  qui  depuis  ont  cssaj'e' 
d'enrichir  notre  littc'iature  des  clas- 
siques de  la  poésie  pastorale.  Il  a 
traduit  aussi  quelques  c'pigrammes 
de  l'Anthologie  giccque ,  le  Pervi- 
gilium  Veneris ,  et  uivers  morceaux 
d'Horace  et  de  Catulle .  qui  font  suite 
à  la  même  édition.  I\  .  ^j  Enfer  du 
Dante ,  accompagné  du  texte ,  de 
notes  ,  et  de  la  vie  du  poète,  Paris, 
1  -y-jô,  iu-8°.  Cette  traduction,  la  plus 
impoulanle  de  cciles  qu'a  publiées 
Mou'ounet,  est  Lien  inférieure  à  l'o- 
riginal. Cette  différence  tient  moins 
à  la  largue  qu'au  génie  même  de 
Dante,  auteur  sublime,  original, 
quelquefois  bizarre,  et  l'un  des  plus 
difficiles  dans  l'idiome  italien.  V. 
Manuel  épistolciire  ou  Choix  de  let- 
tres puisées  dans  les  meillems  au- 
teurs français  et  Zcftn^, Paris,  i  'j85, 
in-i'^.  Ce  recueil  est  surtout  recom- 
mandable  par  un  précis  intéiessant 
sur  la  vie  et  les  écrits  cie  Cicéron. 
VI.  Lettre  à  M.  Clément,  dans  la- 
quelle ou  examine  son  ëpîlre  de  Boi- 
leau  à  Voltaire,  par  un  homme  im- 
partial, Paris  ,  177'i,  in-8°.  de  25 
pag.  VII.  Le  Féntable  philartlrope, 
Pliiiadelphie  (Paris  ),  1790,  in-8°. 
L'auteur  s'efforce  de  justifier  le  trop 
sensible  Jean- Jacques  ,  dont  il  avait 
été  l'ami;  et  il  se  proclame  le  par- 
tisan des  préceptes  de  morale  que 
ce  philosophe  a  professés  avec  tant 
d'éloquence.  VIII.  La  Galéide  ou 
le  chut  de  la  nature ,  poème  et  au- 
tres menues  brochures,  1798,  in- 
8**.  Ou  disiii.gue  ,  parmi  ces  derniè- 
res ,  un  jugement  plein  de  goût  sur 
le  Mantouan  ,  poète  latin  trop  fé- 
ronddu  quijizième  siècle,  IX.  M***. 


MOW 

(Morcl  )  dénoncé  au  puhllc  comme 
le  plus  grand  plagiaire  ^  a  \a  suite 
de P anurge ,  ballet-comique,  par  Fr, 
Parfait  ),  Paris,  an  xi  (  i8o3  ),  in- 
8°.  X.  Divers  articles  dans  le  Jour- 
nal des  arts ,  des  sciences  et  de  la 
litléralwe.  Moutonntt  élail  membre 
des  académies  des  Arcadicns,  de  la 
Crusca ,  de  Lyon ,  de  Rouen,  etc. ,  et 
censeur  royal.  11  a  laissé  en  manuscrit 
une  traduction  du  Paradis  du  Dan- 
te. M.  DurOKceray  a  publié  une  No- 
tice sui-  la  vie  et  les  ouvrages  de  cet 
homme  estimable,  dans  ses  Conso- 
lations d'un  solitaire  ,\()\n.  Il,  181 5. 
L— u. 
MOWAFFEK-Bll  LAH  (  Abou- 
Abmed  Teluah  ,  al  ) ,  prince  abbas- 
side  et  capitaine  célèbre,  était  le  cin- 
quième fiisdukhal>fe  ]Vlota^^akkcI, 
qui  l'avait  exclu  du  droit  de  succé- 
der à  ses  frères  ,  quoiqu'il  fiit  le  seul 
digne  du  tioi;e.  Le  mérite  et  les 
talents  supérieurs  de  Mowaflèk  le 
vengèrent  plus  tard  de  rinjuslicc 
de  son  père ,  et  de  Tingratilide  de 
son  frère  Motaz,  à  qui  sa  valeur  avait 
assuré  le  khalvfaî.  \V.  Motaz.)  Dé- 
positaire de  l'autorité  souveraine  , 
sous  le  règne  de  son  frère  Motamed, 
l'an  256  de  l'hég.  (  870  de  J.-C.  ), 
il  lit  rentrer  dans  le  devoir  les  gardes 
turkes  ,  releva  l'honneur  du  khaly- 
fat  qu'elles  avaient  avili  el  ensanglan- 
té, rétablit  la  paix  dans  Baghdad, 
et  triompha  du  fameux  Yacoub  le 
soffaride,  l'an  o.(^yi  (  F.  Yacolb  ben 
Leïts  ).  Il  rem])orta  plusieurs  vic- 
toires sur  le  barbare  Aly,  surnommé 
le  prince  des  Zendjes  ,  parce  qu'il 
avait  enrôlé  sous  ses  étendards  une 
multitude  de  nègres  du  Zanguebar  , 
à  la  tète  desquels  il  s'était  emparé 
des  îles  et  des  côtes  du  golfe  Per- 
sique ,  de  Basrah  et  de  l'Ahwaz. 
Pendant  14  ans ,  Aly  avait  résisté 
à  toutes  les  forces  de  l'empire  ,  im-' 


MOW 

(uolc  un  friand  iionibrc  de  MimiI- 
maiis  et  fait  trcnibler  plusieurs  foii 
la  capil.ile.  Ce  fut  après  une  der- 
nière hil.iiile,  J^a^iièe  l'an  270  sur 
ce  lebelle  ,  aiiijiiel  il  fil  Iranclier  la 
têle  ,  ijiie  le  prince  abbassi  le  ,  déjà 
associe  au  trône  par  Motaîiicd  ,  et 
de'clarc  héritier  pre'soinplit  de  rem- 
pire  sous  le  noiii  de  Howairok  , 
reçut  le  surno'ii  de  Naser  LeJiii 
Allah{\e  protecteur  de  la  relij:,ion). 
Il  mourut  de  la  lèpre  ,  à  Sermemai , 
le  21  scfer  -i-jS  (  4  iuin  891  ),  dans 
les  souUVances  les  plus  cnieiles.  Tdo- 
waffek  était  brave,  prudent ,  libéral , 
plein  de  noblesse  eldec;;raiideurd'ame, 
et  possédait  à  tojid  l'art  de  gouver- 
ner. Deux  ou  trois  ans  avant  sa  mort, 
il  avait  fait  renfermer,  pour  des  mo- 
tifs qu'tîH  ignore,  son  fils  Motadhed, 
qui  s'était  distingué  à  la  tête  des  ar- 
mées ,  contre  les  Zen  ijs,  et  contre  le 
souverain  de  l'Egypte.  (  F.  Kuo- 
■MAROxj'iAH.  )  Mais  aussitôt  que  Mo- 
waffek  eut  expiré,  les  troupes,  les 
-grands  et  le  peuple,  demandèrent 
■que  le  jeune  prince  succédât  à  tous 
■les  droits  et  a  toutes  les  dignités  de 
■son  père.  (  V.  Motadhed  et  Mota- 

MtD.  )  A — T. 

MOYLAN  {  François  )  ,  évèquc 
catholique  de  Cork  en  Irlande  ,  était 
né  dans  cette  ville,  en  1735,  d'un 
commerçant  estimé.  On  le  fit  passer 
de  bonne  heure  sur  le  continent  pour 
ses  études  ,  les  catholiques  n'ayant 
point  alors  en  Irlau  eiii  en  Angleter- 
re d'établisseiiieat  pour  élever  leurs 
enfants  dans  leur  religion.  Le  jeune 
Moylan  fut  envoyé  à  Toulouse,  où 
il  y  avait  \\u  séminaire  fondé  par 
Anned'Autrichc  pour  les  cathulicpies 
irlandais  :  ce  fut  la  qu'il  connut  l'abbé 
Edgeworth  ,  qui  faisait  aussi  a! ors 
ses  études ,  et  avec  lequel  il  contracta 
une  amitié  inaltérable(  /^^Firmont). 
Ils  allèrent  achever  leurs  cours  à  Pa- 


ris,  oîi  Moylan  fut  ordonné  prêtre  on 
1761.  11  futqucl([i  c  leif/ps  employé 
dans  le  ministère,  et  il  exerça  les 
fonctions  de  vi(  aire  à  Chalou  ,  près 
Paris.  Peu  après  il  retourna  dans  sa 
patrie,  cl  il  fui  missionnaire  pendant 
plusieurs  années  ,  jusqu'à  ce  que  son 
mérite  el  son  zèle  le  firent  choisir 
pour  lévêclié  de  Kerry  ,  le  i5  aviil 
1 775. On  voit,  par  une  lettre  (le  l'abbé 
Edgeworth  ,  récemment  publiée  (  1  ) , 
que  le  docteur  Moylan  avait  voulu  , 
en  1777  ,  se  doiiher  son  ami  pour 
coarljuleur  ;  mais  la  modestie  de 
l'abbéEdgeworth  repoussa  bien  loin 
un  tel  projet.  Les  deux,  amis  entrete- 
naient une  correspondance  dont  quel- 
ques leltres  se  trouvent  dans  le  Re- 
cueil cité.  Dès  1 7  79 ,  le  docteur  IMo}^- 
lan  s'occupait  de  former  en  Irlande 
une  congrégation  pour  l'éducation 
des  filles  pauvres:  le  '2o  mai  1787  , 
il  fut  transféré  au  siège  de  Cork,  qui 
venait  d'eue  abandonné  d'une  ma- 
nière fâcheuse  par  le  précédent  titu- 
laire, le  D',Duuboynej  et  de  concert 
avec  une  (ille  pieuse  ,  miss  Nano 
Nagle  ,  il  établit ,  dans  sa  patrie ,  les 
religieuses  de  la  Présentation  ,  qui  y 
rendent  beaucoup  de  services  pour 
l'iustrucliou  des  jeunes  personnes, 
Cork  dut  également  à  l'eVèque  des 
écoles  pour  les  garçons.  Movlan  prit 
part  à  l'établissement  du  col'ége  de 
Maynoolh  ,  pour  l'éducation  des 
catholiques  irlandais.  Lors  de  la 
révolte  qui  éclata  en  Irlande,  ea 
1797  ,  il  pid3lia  une  adresse  à  ses 
diocésains  pour  les  engager  à  ne  se 
laisser  séduire  ,  ni  par  les  promesses 
des  étrangers  ,  ni  par  les  suggestions 
des  factieux.  11  donna,  eu  179H  et 
I  799,  des  mandements,  des  discours 
et  des  remor.trauces  dans  le  même 


{i)  r.ettrei  de  l'abbi  Edgeworth  à  ses  amis.fi- 
ri».  j8i8,iu  80. 


35o 


MOY 


sens  :  nom  avons  sons  les  yenx  nne 
Bemonlraiicc  du  prélat  an  peuple  , 
datcctlii  iG  avril  i-^cjq. Sa  conduite, 
en  celte  occasion  et  dans  tous  les 
troubles  qui  suivirent,  lui  Ht  un  hon- 
neiu'  infini  ;  et  le  gouvernement  an- 
glais lui  en  témoigna  sa  reconnais- 
sance :  c'est  l'expression  dont  se  ser- 
virent lord  Castlereagh  ,  M.  Pelham , 
et  les  autres  chefs  de  l'administration 
en  Irlande  ,  dans  les  lettres  qu'ils  lui 
écrivirent.  L'cvêque  reçut  alors  les 
témoignages  les  plus  honorables  d'es- 
time de  la  part  des  Protestants.  Il 
s'était  concilié  l'afiectiun  de  Burke  ; 
el  l'on  trouve  quelques  lettres  de  cet 
orateur  célèbre  à  iVîoyIan  à  la  suite 
de*  Lettres  de  l'abbé  Edç^eworth. 
L'évêque  de  Cork  devait  un  accord 
si  flatteur  de  suffrages  à  une  sagesse 
qui  ne  se  démentit  jamais.  Un  cœur 
excellent,  et  en  même  temps  un  ca- 
ractère ferme  ,  des  talents  distin- 
gués ,  une  aine  loyale  et  franche  , 
des  manières  engageantes  ,  se  joi- 
gnaient chez  lui  aux  connaissances  et 
aux  qualités  propres  à  son  état.  Ce 
prélat  mourut  à  Cork,  le  lo  février 
i8i5  ,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  ; 
on  remarqua  que  l'évcquc  proles- 
tant de  cette  ville,  etbeaucoup  d'ha- 
bitants de  la  même  communion,  as- 
sistèrent à  ses  funérailles.  M.  Moylan 
avait  obtenu  pour  coadjuteur  ,  en 
i8o3 ,  Florent  Mac'  Cartliy  ,  qui  fut 
fait  évêquc  d'Antinoiis  ;  et  celui-ci , 
étant  mort,  fut  remplacé  par  M.  Jeau 
Murphy.  P — c — t. 

MOyLE(WALTER),né,  eu  1672, 
à  Baks  ,  dans  le  comté  de  Cornouail- 
les  ,  fut  un  fongueux  presbytérien. 
Il  fit  ses  humanités  à  Oxford,  étu- 
dia le  droit ,  ne  le  considérant  que 
comme  un  travail  préparatoire  à  l'é- 
tude des  lois  politiques ,  et  siégea  ,  en 
169J,  dans  la  chambi'e  des  commu- 
nes ,  comme  représentant  du  bourg 


MOY 

de  Sallash.  11  se  plaça  sur  les  bancs 
de  l'opposition  ,  oii  d'abord  il  garda 
une  contenance  embarrassée  ,  mani- 
festa une  grande  animosité  contrôle 
clergé ,  et  insista  avec  chaleur  sur  le 
licenciement  de  l'armée,  après  la 
paix  de  Ryswick.  Il  vit  arriver  , 
avec  satisfaction,  la  fin  de  ses  pou- 
voirs parlementaires,  qui  le  rendait 
à  son  goût  pour  la  solitude  et  pour 
les  lettres.  Sa  fortune  lui  donnait  les 
moyens  de  s'y  livrer  ,  sans  autres 
distraclions  que  celles  de  l'amitié. 
Moyle  cultiva  particulièrement  celle 
de  Congrève  et  de  Wichcriey.  En 
1697  5  ^1  li'aduisit  le  traité  de  Xéno- 
phou  sur  les  revenus  d'Athènes,  à 
la  prière  du  docteur  Davcnant,  qui 
en  orna  son  ouvrage  sur  les  rcA'enus 
et  le  commerce  de  L'Angleterre.  La 
critique  historique  occupa  la  plu- 
part de  SCS  loisirs  ;  il  ne  reconnais- 
sait ,  comme  originaux  ,  que  les 
auteurs  qui  avaient  écrit  jusque  vers 
le  milieu  du  cinquième  siècle  ,  et  ne 
consultait  qu'avec  défiance  les  écri- 
vains postérieurs.  Il  fut  en  corres- 
pondance avec  le  docteur  Musgra- 
ve ,  au  sujet  du  Belgium  hritanni- 
CHin  de  ce  dernier,  et  traita  divers 
points  d'histoire  nalurelle.  Une  fois 
sur  ce  terrain,  il  poussa  plus  loin 
ses  observations ,  fit  un  recueil  d'oi- 
seaux curieux ,  pour  le  cabinet  du 
docteur  Tancrède  Robinson  ,  et  un 
choix  de  plantes ,  pour  l'herbier  de 
Shérard.  Son  projet  le  plus  cher 
était  de  former  une  collection  orui- 
thologique  complète  ,  et  de  soumet- 
tre, à  la  société  royale  de  Londres, 
une  suite  de  recherches  où  il  aurait 
rectifié  les  erreurs  de  Ray  :  mais  la 
faiblesse  de  sa  sauté  interrompit  ce 
travail.  Il  mourut  le  9  juin  1721. 
Ses  œuvres  parurent  à  Londres  en 
i'J'i-6,  2  vol.  in-S-».  Elles  renferment 
une  exhortation  aux.  grands  jurés, 


MOY 

assembles  à  Loscud  ,  en  i-jofi  ;  un 
Essai  sur  le  ^oiivcnicnieut  ilc  Uoino  ; 
mie  discussion  ojnstolaire  ,  entre 
King  et  lui,  sur  le  icmi)s  où  l'ut 
icorapose'  le  dialogue  de  Pliilopatiis  , 
qui  est  altiihue'  i  Lucien  ;  div^ers 
morceaux  sur  les  antiquités  et  l'his- 
toire natuiclle  ;  des  Observations  sur 
ie  livre  de  la  Connexion  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament ,  par  Pri- 
deaux  ,  qui  adopta  avec  reconnais- 
sance ses  corrections  ;  et  une  Disser- 
tation sur  le  miracle  delà  légion  ful- 
minante, sous  Marc-Aurcle.  Moyle, 
qui  s'exprinio  en  gênerai  avec  rae'- 
piis  sur  les  apologistes  de  la  religion 
dominante,  traite  de  conte  cet  évé- 
nement miraculeux  ;  il  a  été  com- 
battu par  King  et  d'autres  écrivains 
(  F.  MosHEiM  ,  pag.  '243  ci-dessus). 
Hammond ,  qui  représenta  l'univer- 
sité de  Cambridge  au  parlement ,  et 
fut  lié  avec  Moyle  ,  a  publié  un  com- 
plément in-8°.  aux  deux  volumes 
précités  ,  de  ses  œuvres.  Ce  nouveau 
recueil  comprend  la  traduction  du 
Traité  de  Xcnophon ,  un  Essai  sur  le 
gouvernement  de  Lacédémone  ,  des 
traductions  de  Lucien,  des  Lettres,  un 
écrit  composé  en  société  avec  Tren- 
chaixi ,  sur  l'incompatibilité  d'une 
armée  permanente  avec  im  gouver- 
nement libre ,  et  sur  le  danger  d'un 
tel  système,  pour  la  constitution  an- 
glaise. Barère  a  traduit,  en  1801  , 
l'Essai  sur  le  gouvernement  de  Ro- 
me, auparavant  peu  connu  en  Fran- 
ce, et  a  prétendu  que  Montesquieu 
y  avait  puisé,  eu  grande  partie,  les 
idées  de  son  livre  sur  les  causes  de  la 
grandeur  et  de  la  décadence  des  Ro- 
mains. L'écrit  de  Moyle  peut  avoir , 
comme  l'esquisse  tracée  par  Saint- 
Evremond ,  quelque  conformité  avec 
l'ouvrage  de  Montesquieu  :  mais 
cette  aflinité,  qui  se  retrouve  entre 
quelques    idées  de  ces   ecriyaius , 


MOY 


35  r 


naît  purement  du  sujet  ;  ot  INIontes- 
(|MifU  ])araîl  avoir  eu  pluhJt  pour 
guide  lîossuet,  qui  écrivait  4o  ans 
avant  Mo  vie.  F — t. 

MOYNE  (Le),  r.  Le.m«yne. 

MOYRIAC.  r.  Mailla. 

MOYSAiM  (FuANçors),  biblio- 
thécaire de  la  ville  de  Caen,  etc.  , 
naquit  le  5  mars  1735  ,  au  village 
d'Audrieu,  près  de  cette  ville.  Les 
Jésuites  ,  sous  la  direction  desquels 
il  lit  de  brillantes  études  ,  voulu- 
rent l'admeitre  dans  leur  Société  ; 
mais  il  préféra  la  congrégation  des 
Eudislcs  ,  qui  le  chargèrent  de  pro- 
fesser ,  au  collège  de  Lisieux,  la 
grammaire,  et  bientôt  après  la  rhé- 
torique. La  faiblesse  de  sa  com- 
plexion  l'ayant  forcé  d'abandonner 
ces  pénibles  fonctions  ,  il  vint  à 
Paris,  où  il  étudia,  pendant  six  an- 
nées ,  la  médecine.  Ces  travaux  ne 
l'empêchèrent  point  de  s'occuper  de 
littérature  ;  et  il  fournit  plusieurs 
articles  au  grand  Vocahulaire  fran- 
çais, Paris,  1767,  3o  vol.  in-4*'.  Il 
donna  ensuite,  conjointement  avec 
MM.  Vacher  et  La  Maullerie ,  le 
Dictionnaire  de  chirurgie,  Paris, 
17(37,  '2  vol.  in-S".  En  1764  7  il 
avait  obtenu  ,  dans  la  faculté  de 
médecine  de  Caen  ,  le  grade  de 
docteur.  Une  de  ses  thèses  agitait 
une  question  dont  la  solution  ne 
saurait  être  douteuse  ,  mais  qui , 
savamment  traitée,  olTrait  le  plus 
haut  intérêt  -.Aji  à  mald  vivendi  nor- 
md ,  functionum  débilitas?  Moy- 
sant  ne  farda  pas  à  reconnaître  , 
dans  la  pi-alique ,  combien  il  avait 
eu  raison  de  soutenir  l'afîirmative. 
Une  imprudence  de  régime  mit  aux 
jjortes  du  tombeau  ,  un  malade  au- 
quel il  avait  donné  tons  ses  soins  ;  et 
celte  circonstance  suffit  pour  l'éloi- 
gner d'un  état  qui  était  sa  seule  res- 
source, mais  où  «a  seusibihtc  avait 


3!;.i 


MOY 


trop  cruelleiiicnt  à  souffrir.  Il  rcde- 
m;inda  et  obtint  à  Carn  mu;  cliaire  de 
ilietorir|ue,  qu'il  jic  qui  lia  que  pour 
occuper  la  place  de  bibliotiic'cairc. 
Lors  (S:  la  suppression  des  maisons 
religieuses,  il  fut  charge  de  la  surveil- 
lance des  bibliothèques  des  e'tablisse- 
ments  supprimes.  Eu  visitant  ces  an- 
tiques et  précieuses  collections,  il  con- 
çut l'idée  de  publier  les  chartes  qu'el- 
les contenaient,  et  de  créer  un  3Ionas- 
ticon  neustriacuin  sur  le  modèle  du 
Monasticon  an^licanum  de  Dods- 
worth  et  Dugdalc.  Il  se  proposait 
d'y  joindre  les  vues  des  principaux 
édifices  gothiques ,  et  les  inscrip- 
tions les  plus  intéressantes;  mais  les 
troubles  toujours  croissants  ne  lui 
permirent  pas  de  publier  un  ouvrage 
aussi  considérable.  Il  passa  en  Angle- 
terre, où  il  croyait  intéresser  l'orgueil 
des  seigneurs  descendants  des  compa- 
gnons de  Guillaume-le-Gonquérant  : 
des  contrariétés  de  tout  genre  vinrent 
s'opposer  à  son  entreprise.  D'abord 
il  fnt  déclaré  émigré  ,  et  le  retour 
en  France  lui  fut  interdit.  La  vente 
des  domaines  nationaux,  la  destruc- 
tion de  plusieurs  édifices  remarqua- 
bles, apportèrent  de  nouveaux  ob- 
stacles à  ses  projets  :  il  fallut  qu'il 
s'occupât  de  pourvoir  à  sa  subsistan- 
ce. 11  aurait  pu  recevoir  les  secours 
que  le  gouvernement  britannique  dis- 
tribuait aux  émigrés ,  ou  se  rendre 
aux  nombreuses  sollicitations  des 
Anglais  qu'il  avait  eus  pour  élèves; 
mais  il  ne  voulut  rien  devoir  qu'à 
son  travail.  Il  jniblia  un  ouvrage  in- 
titulé :  Bibliothèque  des  écrivains 
français,  ou  Choix  des  meilleurs 
morceaux  en  prose  et  en  vers ,  ex- 
traits de  leurs  ouvra^^es ,  Londres  , 
1800,  4  vol.  in-S**.  (  ^.  Levizac.  ) 
Moysant  fit  suivre  cette  compilation 
d'un  Dictionnaire  portatif  anglais  - 
français.  Tourmenté  du  désir  de  re- 


MOY 

voir  sa  ()alrie,  il  s'empressa  de  profi 
ter  de  l'amnistie  qui  fut  accordée  aux 
émigrés  ,  et  revint  à  Caen  ,  au  mois 
d'août  i8o'2.  Les  sociétés  savantes 
de  cette  ville  l'admirent  au  nombre 
de  leurs  membres;  et  il  lut  dans  leur 
sein  plusieurs  Mémoires  intéressants. 
11  fut  chargé  en  même  temps  de  réor- 
ganiser la  bibliothèque.  Il  était  en- 
core à  la  tète  de  ce  dépôt  littéraire, 
à  l'époque  de  sa  mort  (  3  août  1 8 1 3  ). 
MM.  Barbier,  dans  son  Dictionnai- 
re des  anonymes ,  et  Henniker,  dans 
un  ouvrage  anglais  sur  les  briques 
armoriées  'de  Saint-Etienne  de  Caen  , 
sont  convenus  des  obligations  qu'ils 
avaient  à  Moysant.  Chaudon  lui  dut 
plus  d'un  volume  d'augmentation  de 
son  Dictionnaire  historique  qui  s'im- 
primait à  Caen  sous  sa  direction.  Soh 
neveu ,  M.  Hébert,  bibliothécaire  ac- 
tuel delà  ville  de  Caen,  a  publié  une 
Notice  historique  sur  sa  vie  ,  Caen , 
1814,  in-8°.  Nous  avons  encore  de 
Moysant  :  I.  Prospectus  d'un  cours 
public  gratuit  des  belles-lettres  fran- 
çaises ,  etc. ,  Caen ,  1 761 ,  in- 4".  IL 
In  felices  nuptias  Ludovici  Augusli 
Galliaruni  delphini,  etc.  ,  ibid.  , 
1770,  in-4°.,  '^6  pag.  m.  Recher- 
ches historiques  sur  la  fondation 
du  collège  de  Notre  -  Dame  de 
Bdieux  ,  fondé  dans  l'université  de 
Paris ,  par  maître  Gervais ,  1788, 
in-4°.  G — T — R. 

MOYSANT   DE    BRIEUX.    F, 

MoiSANT. 

MOYSE.  Foy.  Moïse. 

MOYSE  (Henri  ),  historien 
écossais,  né  à  Lanerk  en  i573,  fut 
successivement  page  et  gentilhomme 
de  la  chambre  du  roi  Jacques  :  il 
se  trouvait  à  Perth  avec  ce  prince  en 
l'an  1600,  lorsqu'éclata  la  fameuse 
conspiration  du  comte  de  GaviTy 
(  V.  ce  nom),  sur  l'histoire  de  laquelle 
il  n'a  pu  cependant  répandre  des  lu- 


MOY 

niièrcs.  TI  passa  ses  (îcniicios  aiiiiecs 
dans  la  rotiailc,  et  inoiiriit  à  Ediii- 
boiirfiçei!  i()3o,àu;c;d(;  ciii()iijiiife  sept 
ans.  (Jii  a  im])rimc,  en  1753,  im  Mè- 
moriul  iin'il  avail  eompose  sur  ce  qui 
s»'  passisil  (losoti  temps  à  la  cour  ;  ou 
y  trouve  (les  pirliculariles  curieuses, 
et  jusque  !à  peu  couuues.  Jj. 

MO/ART  (  VVoi,FriANG  -  Amic- 
DÉii),  coiupositei'.r  du  premier  or- 
die ,  naquit  <à  Saltzbour^  le  27  jan- 
vier 17ÔL).  Dès  l'âge  de  trois  ans,  il 
reçut  de  sou  père  (1)  les  premièix's 
noiions  ini'sicales.  11  en  avait  ta  peine 
six  lorS(pi'il  composa  de  petites  piè- 
ces de  riaveeiu  ,  qu'il  esecutait  lui- 
même  d'une  manière  fort  aG;realile. 
8on  père  l'ayant  conduit  à  Vienne 
en  176J,  l'empereur  François  I*-""". 
voulut  voir  cet  enfant  extraordinai- 
re :  charme  de  ses  talents  précoces, 
il  le  surnomma  son  petit  sorcitr ,  et 
daigna  l'associer  aux  jeux  de  l'arclii- 
dndiesse  Marie-Antoinette,  depuis 
reine  de  France.  Mozart  n'avait  pas 
encore  huit  ans,  quand  il  parut,  en 
1763,  à  la  cour  de  Versailles.  Il 
toucha  l'orgue  à  la  chapelle  du  roi , 
et  se  montra  dès-lors  l'cga!  des  plus 
grands  maîtres.  Ce  fut  à  cette  èj)0- 
que  qu'il  fit  paraître  les  premières 
productions  de  son  génie  prématu- 
ré ;  ce  sont  deux  œuvres  de  sonates  : 
Il  dédia  l'un  à  M'"^  Victoire  ,  fille 
du  roi,  et  l'autre  à  la  comtesse  de 
Tessé.  Le  jeune  virtuose  se  fit  enten- 
dre à  Paris  dans  deux  concerts  pu- 
blics. Son  portrait  fut  gravé  d'après 
le  dessin  de  Carmontelle,  et  promp- 
tcment  enlevé  par  tous  les  amateurs. 
Mozart  passa  ,  l'année  suivante  ,  en 
Angleterre.  Le  roi  George  Il[  ,  qui 
était  grand  amateur  et  même  escel- 

(OLeopol.l  Mozart,  né  h  Augsliourg,  le  14  uov 
1719,  coiuiu  surtout  ^lar  une  Bléthode  raisunnée  de 
violon,  qui  »  l'té  traduite  eu  français  (  p»r  Vul.  Roj;- 
»vr  J,  en  «/7°- 


mz 


3,"  ' 


lent  musicien  ,  prit  mi  plaisir  jiatti- 
culier  à  exeicer  les  talculs  du  jfune 
artiste.  Il  plaçai'  devant  lui  les  ni'.r- 
ceaiiK  les  plus  dilliciles  de  H.mIi  ,  de 
Haendel  et  d'autres  grands  harmo- 
iiisies.  L'enfatitlesexécutaità  la  nre- 
mièrevue,  avec  le  inouxemcnteti'ex- 
presslon  con\enablcs  Avant  de  qnit- 
Ici'  Londres,  il  composa  six  sonates , 
qu'il  dédia  à  la  reine  CliarloUe.  Il 
paicourut  les  Pays  -  Uas  et  la  Hol- 
lande, rec'ieillanl  partout  les  témoi- 
gnages unanimes  de  l'cniliousiasme 
qu'il  excitait.  Au  bout  de  trois  ans 
d'absence  ,  il  revint  à  Saitzbourg  , 
et  il  s'y  livra  entièrement  à  l'étude 
de  la  composition.  Kmanuel  IJach 
Hasse  et  Haendel  ,  étaient  l'objelde 
ses  méditations  coiitinuelies.  fi  se  ren- 
dit aussi  fauiiliers  les  anciens  maî- 
tres italiens  ,  qu'il  regaidait ,  en  gé- 
néral ,  comme  fort  supérieurs  aux 
modernes.  Ei;  i7()8,  Mozart  reparut 
à  Vienne,  âgé  de  <lou7.c  ans.  L'em- 
pereur Joseph  II  lui  demanda  uu 
upera  -huffa.  Mozart  composa  la 
Finta  Semplice.  Hasse  applaudit;  et 
le  célèbre  abbé  Métastase  lit  éclater 
l'admiration  et  l'amitié  la  plus  sin- 
cère pour  le  jeune  artiste.  En  i""o 
sa  réputation  était  déjà  si  grande' 
que  le  théâtre  de  Mdan  le  choisit 
pour  écrire  Yopera  séria  de  la  sai- 
son. Mozart,  âgé  de  quatorze  ans 
donna  son  Mitliridate  ,(\ui  eut  vin-n 
leprésentations  consécntires.  Ce  fut 
la  même  année  quil  (it  le  vovage  de 
Bologne.  Il  s'empressa  d'y  rendre 
visite  au  P.  Martini,  si  célèbre  dans 
la  science  du  contre-point.  Ce  pro- 
fond harmoniste  ,  fra])pé,  selon  ses 
propres  expressions  ,  des  éclairs  que 
lançait  ce  génie  naissant ,  prcfiit  avec 
assurance  ,  que,  lorsqu'il  serait  dans 
toute  sa  splendeur,  il  n'y  aurait  plus 
de  rivaux  qu'il  n'éclips.àt.  f/acade- 
ciic  des  jPlulaniioni(ju€s de  Bologne 
2'S 


354 


MOZ 


désirant  s'associer  le  jeune  Allemand, 
lui  fit  subir  l'examen  d'usaj^c.  Il  IV.t 
eutcrmé  dans  nne  cliamhi  e ,  où  il 
trouva  le  tlicme d'une  Itij^neà  quatre 
voix.  En  une  demi  -  lieuic  le  mor- 
ceau fui  compose;  et  Mozart  reçut 
son  diplôme;  lioimcur  que  personne 
n'avait  encore  obtenu  dans  un  à^e 
aussi  tendre.  Comble  d'honneurs  à 
la  cour  de  Toscane,  et  pressé  de  s'y 
fixer,  il  n'aspir.'iit  qu'à  se  rendre  à 
Rome  pour  y  assister  à  tentes  les  so- 
lennités de  la  semaine-sainte.  Ses  de- 
sirs  lurent  remplis:  à  peine  arrivé,  il 
courut  à  la  chapelle  Sixtine,  pour  y 
entendre  le  fameux  Miserere  d'Alle- 
gri.  On  sait  (pi'il  est  défendu  ,  sous 
Jes  peines  sévères ,  de  donner  ou  de 
prendre  copie  de  ce  morceau.  Pré- 
venu de  cetie  défense,  le  jeune  Alle- 
mand se  place  dans  un  coin,  et  prête 
l'attention  la  plus  scrn])uleuse.  Au 
sortir  de  l'église,  il  note  la  pièce  en- 
tière, le  vendredi- saint,  il  v  eut  une 
seconde  exécution  du  Miserere.  IMo- 
zart  tenait  sa  copie  dans  son  cha- 
peau ,  et  s'assura  de  la  fidélité  de  sa 
méinoiie.  Le  lendemain,  il  chanta 
ce  Miserere  dans  un  concert ,  en 
s'accompagnant  du  clavecin.  Ce  trait 
jirodigieux  fit  la  plus  grande  sensa- 
tion à  Rouie.  Le  ])ape  Clément  XIV 
voulut  que  cet  eufar.t  extraordinaire 
lui  fût  j  résenté;  et ,  loin  de  le  répri- 
mander d'avoir  transgrcss'  sa  dé- 
fen>c,  ii  lui  fit  l'accueille  pli.s  gra- 
cieux. Peu  de  temps  ajuv's,  Mozart 
parut  à  Nap'ies  :  il  y  excila  un  ici 
en;housiasme,  (pie l'on  entendit  plu- 
sieurs personnes  s'écrier  qu'un  ta- 
lent aussi  surnaturel  ne  pouvait  être 
que  l'cfTet  d'un  talisman.  Cependant 
il  regrettait  l'Allemagne  ;  il  revint  à 
Vienne.  11  y  vit  le  chevalier  Gluck, 
dont  le  génie  a^ait  tant  d'analogie 
avec  le  sien,  puisa  dans  les  entre- 
tiens et  dans  les  ouvrages  de  cet  im- 


MOZ 

mortel  compositeur,  des  lumières 
qui ,  comme  il  se  plaisait  à  le  répé- 
ter ,  préparèrent  les  grands  succès 
qu'obtinrent  ses  compositions  dra- 
matiques. Mozart  ne  mit  pas  moins 
d'empressemeni  a  rechercher  l'ami- 
tié du  célèbre  Haydn  ,  qu'il  nommait 
souvent  son  maître.  11  lui  dédia  un 
œuvre  de  quatuois,  qui  sont  di- 
gnes de  l'un  et  de  l'autre.  Mozart 
lit  un  second  voyage  à  Paris,  en 
177G  :  c'est  à  cette  époque  même, 
que  (jluck  y  mit  sur  la  scène  son 
Alceste.  On  sait  que  ce  chef-d'œu- 
vre ne  fut  pas  même  senti  des  Pari- 
siens. A  près  la  première  représenta- 
tion, (jltick  était  dans  le  fover,  re- 
cevant les  félicitations  de  quelques 
connaisseurs  ,  et  les  compliments  de 
condoléance  des  profanes.  Un  jeune 
homme,  tout  en  pleurs,  entre  et  se 
précipite  dans  ses  bras.  Il  ne  savait 
que  s'écrier  :  «  Ahî  les  barbares  [ 
»  Ah!  les  cœurs  de  bronze  I  Que  fant- 
»  il  donc  pour  les  émouvoir?  — 
»  Console-toi,  petit,  répondit  Gluck, 
»  dans  trente  ans  ils  me  rendront 
))  jusiice.  »  Ce  jeune  homme  était 
Mozart;  il  a  a'u  ,  depuis,  (|i;e  la  pré- 
diction du  sublime  auteur  d'Alcesle 
s'était  parfaitement  accomplie.  Mo- 
zart fui  si  révolté  du  mauvais  goût 
qui  régnait  alors  dans  la  majeure 
partie  du  public  français,  et  de  l'état 
de  barbarie  où  languissait  particu- 
lièrement la  musique  vocale,  qu'il 
renonça  bienlôt  au  projet  qu'il  avait 
coi'çu  de  composer  un  opéra  pour 
le  théâtre  de  Paris.  Il  se  contenta  de 
donner  plusieurs  morceaux  au  Con- 
cert spirituel.  Le  chagrin  qu'il  eut 
de  perdre  sa  mère  dans  cette  capi- 
tale, contribua  beaucoup  à  hâter  son 
retour  en  Allomague.  Il  entra  au  ser» 
vice  de  l'enipereur  Joseph  II,  et 
s'attacha  tellement  à  ce  prince,  qu'il 
ne  voulut  jamais  le  quitter.  Quoique. 


MOZ 

son  haiteiiuiit  à  l.t  (  aiir  de  Vienne 
ne  fût  que  (le  Soi)  (ioiins  (  eii\ iiun 
•iooo  fr.  ),  il  refusa  les  olîjcs  bril- 
lantes que  lui  firent  |)l(isitiirs  prin- 
ces ,  et  nutam  nient  Frederic-ie-Grand. 
Cle  l'ut  à  la  deinaucle  de  l'empereur  , 
([ii'il  mil  en  musique  le  Mariuge  de 
Fii^iiro  (  1786  ).  Le  premier  acte 
ayant  ete'  indif:;ucment  exécute  par 
les  acteurs  italiens,  Mozart  déses- 
père courut  à  la  lop;c  du  moiiarfuîc 
pour  se  plaiiulre  de  leur  mal\eill.i!i- 
ee,  Joseph  lit  dire  aux  acteurs  que 
si  le  second  acte  n'allai  pas  miei;x 
que  le  premier,  toulc  !a  IroiijH'  irait 
eu  prison  ;  et  aussitôt  l'exceulion  de- 
vint parfaite.  Après  avoir  félicite  le 
compositeur  de  son  succès,  l'empe- 
reur lui  dit  :  «  Il  faut  convenir  pour- 
1)  tant  ,  mon  cher  Mozart  ,  que 
»  voilà  bien  des  notes  I  —  Pas  xxnç; 
»  de  trop  ,  Sire  !  »  répondit  vive- 
ment l'artiste.  Joseph  II ,  peu  de 
jours  après  ,  le  fit  mander  et  s'entre- 
tint familièrement  avec  lui.  Ses  amis 
avaient  exige  qu'd  profilât  de  celte 
occasion  pour  solliciter  une  aug- 
mentation de  traitement  ;  ils  l'at- 
tendaient au  sortir  de  l'audience,  et 
le  questionuc!ciit  sur  la  réussite  t!e 
sa  demande  :  «  Quoi  î  leur  répondit 
»  Mozart,  vous  eussiez  voulu  que, 
»  pendant  que  mon  souverain  me 
»  parlait  avec  tant  de  bonté  ,  j'al- 
»  lasse  l'interrompre  ,  pour  l'entre- 
»  tenir  de  mes  intérêts  I  Je  vous 
»  pu'e  que  je  n'y  ai  seulement  point 
»  pensé.  «  L'année  suivante,  il  com- 
posa son  chef-d'œuvre  de  Don  Juan^ 
pour  le  théâtre  italien  de  Prague, 
Cet  opéra  ne  fut  point  senti  gé- 
néralement à  Vienne ,  lors  des  pre- 
mières représentations.  On  en  par- 
lait un  jour  dans  une  assemblée 
nombreuse ,  où  se  trouvait  l'élite 
des  amateurs.  Haydn  faisait  partie 
de  cette  réunion.  Quelqu'un  s'aper- 


çnl  cnlin  que  |;nit  le  monde  avait 
«•mis  son  (q)inion  exceplé  ce  grand 
artiste.  Pressé  enfin  de  s'e\p!i([uer  : 
«  Je  ne  suis  pas  en  éîal  de  juger  le 
»  dillcrend  (  répondit  lîivdn,  avec 
»  une  excessive  raodcslie  ou  la  plus 
»  amcre  dérision  )  ;  tout  ce  que  je 
»  sais,  c'est  que  Mozart  est  le  plus 
»  grand  compositeur  qui  existe.  '> 
iMufart ,  dans  la  force  de  l'àgc , 
piometlait  de  fournir  encore  une 
longue  et  brillante  carrière,  lorsque 
des  excès  auxquels  il  s'abandonnait 
que!<{!;cfois ,  parurent  avoir  altère 
sa  santé.  11  sentit  tout-à-coup  sa  fin 
s'approcher  ,  et  il  s'éciia  doulou- 
reusement :  «  Je  meurs  au  moment 
»  où  j'allais  jouir  de  mes  travaux; 
»  il  faut  qî'.e  je  renonce  à  mon  art, 
))  lorsque  je  pouvais  m'y  livrer  tout 
»  enîicr,  lorsqu'après  avoir  triom- 
)»  phé  de  tous  les  obstacles  ,  j'allais 
»  écrire  sous  la  dictée  de  mon  cœur  I  » 
Mozart  expira  le  5  décembre  1791  , 
n'ayant  pas  encore  trente-six  ans  ré- 
volus. On  remarqua  que  cette  fin  pré- 
maturée était  une  conformité  de  plus 
avec  Rapliaèl,  qui  mourut  à-peu-prcs 
au  même  âge.  Peu  d'heures  avant  de 
rendre  le  dernier  soupir,  il  se  fit  ap- 
porter la  partition  de  sa  fameuse 
messe  de  Re<juicm.  Eh  bien  !  s'écria-t- 
»  il ,  n'avais-jc  pas  bien  dit  que  c'était 
»  pour  moi-même  que  je  composais 
»  ce  chant  de  mort?  »  L'origine  sin- 
gulière de  ce  chef-d'œuvre  a  étérap- 
jiorlée  de  dix  manières  dillcrentes  : 
nous  donnerons  ici  cette  anecdote, 
telle  que  nous  la  tenons  de  la  veuve 
même  de  Mozart.  Un  inconnu  se 
présente  un  jour  chez  lui  ,  et  lui 
remet  une  lettre  sans  signature,  par 
laquelle  on  lui  demande  s'il  veut  en- 
treprendre la  composition  d'une 
messe  de  Requiem  ,  quel  prix  alors 
il  met  à  son  travail ,  et  dans  com- 
bien de  temps  ii  croit  jî^uvoir  le 
7  3.. 


356 


MOZ 


terminer.  Mozari  répond  ,  par  un 
e'ci'it ,  qu'il  se  charf;e  de  l'ouvi-age 
désire  :  il  s'exprime  noblement  sur 
les  conditions,  mais  refuse  de  ])ren- 
dre  des  engagements  pour  un  terme 
fixe.  11  prie  qu'on  lui  indique  oii  il 
devra  envoyer  sa  partition.  Peu  de 
temps  après  ,  l'inconuu  revient  avec 
une  seconde  lettre  anonyme  :  elle 
contenait ,  non  -  seulement  la  som- 
me convenue  ,  mais  ,  de  plus  ,  la 
promesse  d'augmenter  considérable- 
ment ses  honoraires  ,  qu'd  avait 
réglés  beaucoup  trop  bas.  On  l'en- 
gageait, d'ailleurs ,  à  ne  point  se 
presser  ,  à  ne  suivre  que  l'inspira- 
tion de  son  génie.  Le  billet  finissait 
par  le  conseil  de  s'épargner  des  dé- 
marclies  superflues  pour  découvrir 
le  nom  d'une  personne  qui  ne  serait 
jamais  connue  de  lui  que  sous  le 
nom  d'admirateur  secret  de  ses  ta- 
lents. Sur  ces  entrefaites  ,  Mozart 
fut  invité,  par  les  plus  illustres  per- 
sonnages de  Bohème,  à  se  rendre  à 
Prague ,  pour  y  composer  un  grand 
opéra  ,  à  l'occasion  du  couronne- 
ment de  l'empereur  Léopold  II.  Il 
accepte  la  proposition  avec  joie  :  au 
ïnoment  oîi  il  montait  en  voiture 
avec  sa  femme ,  l'inconnu  apparaît 
tout-à-coup  comme  un  spectre,  et 
demande  ce  que  deviendra  le  Re- 
quiem. Mozart  promet  de  s'en  oc- 
cuper dès  son  retour  :  l'inconnu  se 
letire  satisfait.  En  elFet  ,  revenu  à 
Vienne  ,  Mozart ,  dont  la  santé  dé- 
périssait chaque  jour, se  livra  ,  avec 
une  excessive  ardeur,  à  la  composi- 
tion de  cette  messe.  Son  sang  s'allu- 
ma ;  sa  tète  se  remplit  d'idées  lugu- 
bres ,  et  bientôt  il  ne  dissimula  plus 
5a  persuasion,  qu'il  travaillait  pour 
ses  propres  funei'ailles.  Sur  -  le- 
champ  ,  de  l'avis  du  médecin  ,  on 
lui  retira  son  manuscrit,  et  il  parut 
reprendre  des  forces  et  de  la  gaîtc. 


MOZ 

Trompée  par  ces  heureuses  appa- 
rences, sa  femme  lui  rendit  sa  j)ar- 
tition.  Mozart  ne  la  quitta  plus  ,  et 
la  mort  vint  le  surprendre  avant 
qu'il  y  eût  mis  la  dernière  main. 
L'^gnus  Dei ,  qui  leiraine  ce  moi- 
ceau  célèbre ,  fut ,  pour  ce  grand 
artiste,  le  chant  du  cygne:  les  gens 
de  l'art  y  reconnaissent  l'empreinte 
de  la  profondemélancolieetde l'onc- 
tion religieuse  dont  son  amc  était 
jemplie.  Cette  notice  serait  incom- 
plète ,  si  elle  n'olirait  quelque  idée 
du  caractère  distinctif  des  produc- 
tions de  ce  génie  extraordinaire. 
Nous  commencerons  d'abord  par 
faire  observer  que  ,  depuis  la  simple 
romance  jusqu'à  la  tragédie  lyi  ique  et 
à  la  musique  sacrée ,  depuis  la  vsal- 
se  jusqu'au  quatuor  et  à  la  sympho- 
nie ,  Mozari ,  mort  si  jeune  ,  compo- 
sa dans  tous  les  genres  imagina- 
bles :  il  excella  dans  chacun  d'eux. 
De  tous  les  compositeurs  anciens  et 
modernes ,  c'est  le  seul  auquel  ou 
puisse  donner  cette  louange.  Il  em- 
jdoya  les  instruments  à  vent  d'une 
manière  totalement  inconnue  avant 
lui.  On  ne  se  lasse  point  d'admirer 
l'art  infini  avec  lequel  il  les  fait  par- 
ler sans  se  confondre ,  sans  nuire 
en  rien  au  chant  principal.  Celte 
inépuisable  variété  devient,  pour  les 
oreilles  même  les  moins  exercées  , 
une  des  principales  causes  du  char- 
me répandu  sur  toutes  les  produc- 
tions de  ce  maître.  Mais ,  quelque 
riche  ,  quelque  brillant  que  fiit  son 
orchestre,  jamais  IMozart  ne  négli- 
gea de  soigner  ses  chants.  Ils  sont 
toujours  mélodieux  et  purs  ,  mais 
toujours  originaux ,  toujours  adaptés 
au  caractère ,  à  la  situation  du  per- 
sonnage dramatique.  Une  tête  si  for- 
tement organisée,  un  fonds  si  prodi- 
gieux de  richesses  harmoniques ,  de- 
vaient assurer  à  Mozart  une  préémi- 


MOZ 

nonce  absolue  lia  lis  les  morceaux  d'en- 
scinblc  :  aussi  ses  jinals d'o\)évn  sont- 
ils  le  nc'C  plus  ullrà  ilc  l'ait  et  du 
guùt.  Jamais,  contre  riisa':;c  com- 
miiu,  il  n'approcliait  (lu  piano  dans 
SCS  moments  d'inspiration.  Des  qu'il 
avait  sai.si  sa  plume,  il  écrivait  avec 
un»;  rapidité  qui,  au  premier  aspect, 
eût  pu  ressemidei"  à  de  la  précipita- 
tion.  Le  morceau  entier,  tel  qu'il 
l'avait  conçu ,  médite  et  mûri ,  s'exé- 
cutait dans  sa  tète ,  comme  il  le  disait 
lui-même ,  pendant  qu'il  jetait  les  no- 
ies sur  le  papier.  Rieu  de  plus  rare 
i|ue  de  trouver  une  rature  dans  ses 
partitions.  La  merveilleuse  facilite 
de  création  dont  il  était  doué ,  fut 
mise  quelquefois  à  de  surprenantes 
épreuves.  On  n'oubliera  jamais  que 
l'ouverture  de  Don  Juan,  avec  tou- 
tes ses  parties  ,  a  été  improvisée  en 
trois  heures;  et  l'on  se  souviendra 
éternellement  que,  dans  les  quatre 
derniers  mois  de  son  existence,  lut- 
tant déjà  contre  une  maladie  mortelle, 
et  distrait  par  deux  voyages  (  i  ) ,  il  a 
composé  trois  de  ses  chefs-d'œuvre  : 
la  Flille  enchantée  ,  la  Clémence 
de  Titus ,  et  sa  Messe  de  Ref/uient , 
sanscomprendre  (pielques  morceaux 
détachés,  comme  un  IMotet,  et  une 
Cantate  de  francs-maçons,  à  giands 
ci'.œurs.    Les    ouvrag'es   de  Mozart 
sont  si  nombreux  et  si  variés  ,  qu'ils 
forment  onze  classes  dislincles.  Cet 
immense  catalogue  ne  pouvant  avoir 
place  ici ,  nous   nous  bornerons  à 
indiquer  ses  compositions  dramati- 
ques; i^.  Opéras  italiens  :  l^a  Finta 
Seinplice  (  i  'jliiiiy,Miihridate  { i  "J  70); 
Ascanio  in  Alha  (  1771  );  Lucio 
Silla  (  1772  );  Il  sopîo  di  Servi o- 
ne{i ']']'!)',  La  Giardiniera  (  1774  ); 


(  l)  On  ra[>j>Qrle  nt-cUi.Qoins  qu'il  Gt  ,  dans  l'un  de 
cm  voyagrs  ,  ïi-  preiuiei-  3<  le  pntier  de  lii  Cleiucuce 
«ie  rilu:>,  eu  .iliaiit  d..-  Vieiuje  à  PiagUB. 


MOZ  357 

Idnmeneo  (  1 780)  ;  Le  Nozze  di  Fi- 
ç,aro{  I  '•jH());Don  Giovanni  (  1 787); 
Cosi  fan  lutte  {  1790  );  La  Clemen- 
zadi  Tito{i']{)\). — '.i'». Opéras  alle- 
mands :  Die   Entfïihrun'^  ans  dent 
Serad  (  1 78 1  )  ;  Dcr  Schausjnel-Di- 
rektor  (  178G  );    Die  Zauberjlols 
(  1191  )•  Les  amateurs  qui  désireront 
des  détails  pins  précis  sur  les  œu- 
vres de  Mozart ,  pourront  cojisnlter 
la  Notice  de  SchlichtcgroU,  dans  le 
ÎS'écrologc  allemand  de  «793,  tome 
11;  on  la  traduction  que  Wincklcr  eu 
a  donnée  dans  le  3Iagas.  encj-cl.,'j°. 
ann.  (  180  f  ),  m,  29et  43o;  — Der 
Geist  von  Mozart  (  Erfurt ,  i8o4  )  ; 
—  la  Vie  de  Mozart ,  par  le  profes  - 
seur  Niemtschek ,  qui  avait  vécu  clans 
l'intimité  de  ce  grand  artiste;  —  les 
Anecdotes  sur  IVfozart,  trad.  de  l'al- 
lemand par  C,  F.  Cramer,  Paris  , 
1801  ,  in-8°.  ;  enfin  la  Notice  compo- 
sée par  l'antcnr  de  cet  article,  e!.  pla- 
cée en  tète  de  la  partition  de  la  ?.Ics- 
se  de  Requiem  ,  publiée  par  le  con- 
servatoire de  musique,  en  i8o5  (  i). 
S — v — s. 
MOZZI  (  Marc  -  Antoine  ) ,  ea 
lalin  Mutins ,  chanoine  de  Florence, 
d'une  noble  famille  de  cette  ville,  y 
prit  naissance,  le  17  janvier  1G78. 
Son  père  se  chargea  de  sa  première 
instruction  ,  et  lui  fit  faiie  un  cours 
do  beilcs-lcitres  et  de  philosophie 
chez  les  Jésuites.  IMozzi  étudia  en- 
suite la  théologie  et  les  lois  dans  l'u- 
niversité de  sa  ville  natale,  et  lit  des 
progrès  remarquables  dans  les  difTé- 
rcntes  branches  des  sciences  divines 

(t)  n  iKUt  èlre  iolPi-fssaut  d'aioiiter  qne  Moz»rt 
ava;t  pris,  dis  rtuUnce ,  l'Iinbitnde  di-  tenir  uo 
re'i  str»  -}  nfual  de  Si's  rompofilions  ,  dont  il  indi- 
qua.t  en  même  temps  le  iimlif  et  la  mesiiic.  Ce  jour- 
nal, dont  il  .xiste  pliisienrf  copii  s  çnir-  les  ujnins 
des  pieuiieis  cuuiposllcurs  de  l'Allsma^jup  ,  act  ève 
tic  déiuoiitrei-  reloniiiuiîe  t'acilité  avec  l<w|u<-lle  il. 
cùinp';sait.  On  y  trouve  r(n'il  a  l'ai'  sourei  t ,  dans  la 
mênie  juunire  ,  à  peu  d'iieures  d'intervalle,  deux 
mon  tani  ,  de  genres  entièrement  uppusés  ,  tl  tous 
lrs.deux  cgalciueiit  subliiiiea.  L— O 


3^8  MOZ 

et  humaines.  A  ces  counaissanccs  \\ 
joip;n.iitle  goût  et  la  ciiltiuolcs  beaux- 
arts.  La  poésie,  leloqueiKe,  la  mu- 
sique, l'occupaient  alleniativemeut. 
II  jouait  du  tlieorhc  cl  de  la  niaii- 
duliiie  avec  tant  de  perfection,  que 
peu  de  maîties  régalaient.  Le  jeune 
prince  Jean  (iaston  deMëdicis,  ama- 
teur de  musiq'ie,  l'appelait  souA'eut 
dans  son  palais  pour  s'en  faire  ac- 
compagner. 11  chantait  avec  goût  et 
improvisait  en  vers.  Cosmc  III  lui 
fit  donner,  en  i-^ocun  canouicat  de 
la  iMelropoîe.  Il  fallut  alors  se  par- 
tager entre  la  cour  et  l'cgHse  :  il  n'a- 
])andon!ia  j)as  la  première,  et  sut 
remplir  les  devoirs  du  be'ne'fice  qui 
raltaciiailà  la  seconde.  En  i-oi ,  il 
prononça,  pir  ordre  de  la  cour ,  l' O- 
raison  funèbre  de  Charles  II,  roi 
d'Espagne  ;  et,  en  1708  ,  sur  l'invi- 
tation du  cliapiire  métropolitain  , 
celle  de  Léon  Stroz:i,  archevètjue 
de  Florence.  L'académie  de  la  Criis- 
ca  se  l'as-socia;  et  celle  de  Florence, 
en  1702,  le  nomma  professeur  de 
littérature  toscane.  L'université'  de 
la  n:cmc  vdîe  le  promut  an  grade 
de  docteur  en  iLcologie;  et  la  prin- 
cesse \  ioliute  -  Be'atrix  de  Bavière 
le  fit  son  the'ologien;  distmctions 
qui  supposent  le  me'rile,  et  qui,  dans 
Mozzi,  ne  faisaient  que  le  vécorn- 
penser.  On  a  de  Ini  :  1.  Discorsi  .sa- 
cn ,  Florence ,  1 7 1 7.  Parmi  ce:,  dis- 
cours se  trouvent  les  deux  Graions 
funèbres  citeVs  ci -dessus.  IL  So- 
net ti  sopra  i  noini  dati  ad  alcune 
dame  florentine  dalla-  serertisii- 
ma  principesiu  t'iolanta ,  etc. ,  j'o- 
rence,  1705.  Cette  princesse  s'e'tait 
amusée  à  donner  différents  noms  sui- 
guliers  à  quarante-cinq  dasucs  de  la 
cour.  L'abbé  Mozzi  fit  mî  sonnet  sur 
chacun  de  ces  noms.  III.  Istoria  di 
S,  Crescl  e  de'  santi  martji  ri  suoi 
compagnie  came  pure  delta  chiesa 


MUZ 

del  medeiinio  santo  ,  posta  in  t'ai- 
cuva  di  Mngello  .  etc.  ,  l'Iorencc  , 
1710,  in-fol.,  fig.  Il  s'était  élevé  des 
diflérends  sur  l'authenticité  des  ac- 
tes du  martyre  de  ces  saints.  Cosmc 
m  chargea  l'abbé  Mozzi  d'écrire 
leur  histoire  :  on  y  trouve  une  cri- 
tique judicieuse  et  beaucoup  d'éru- 
dition. IV.  nta  di  Lorenzo  Bel- 
Uni  Fiorentino  :  elle  a  été  insérée 
dans  le  recueil  des  Fies  des  illustres 
Arcadiens,  partie  i'^*'.,  pag.  108, 
Rome,  1 7 1 3.  V.  Traduzione  in  vcr- 
siscioUi  degVinnidi  Prudenzio,  inti- 
tolati  Corone  ,Wi\â\\,  1740, etc. Moz- 
zi mourut  subitement  le4avril  173G. 
âs;c  de  cinriuanic-huitans.  On  trouve 
son  Eloge  parmi  ceux  Degli  Uoiiiini 
illustri  Toscani ,  vol .  i  v ,  p.  701.  — 
On  connaît  encore  du  nom  de  Moz- 
zi ,  noble  et  ancienne  famille  de  13er- 
game,  laquelle  tirait  son  nom  du  châ- 
teau de  Mozzo  :  I  ^.  AmbroiseMozzi , 
archevêque  de  Berg ame,  dcpnis  l'an 
1112  jusqu'en  i  1  ip;  — '2°.  Achilie 
Mozzi ,  au  seizième  siècle,  qui  écrivit 
en  vers  latins  les  Eloges  des  hommes 
illustres  de  Bergame .  sons  le  titre 
de  Teatro.  —  3'^.  Augustin  M<»zzi  , 
jurisconsulte  et  recteur  de  l'univer- 
sité de  Padoue ,  duquel  on  a  :  Dispu- 
tationes  puhlicœ  per  octo  dies  agi- 
tatœ ,  Padoue ,  1 558 ,  in-4''.  ;  —  4"- 
Picrie-jSicolas  Mozzi,  auteur  d'un 
traité  De  coTitractibns^Wcrnsc,  1 585, 
in-fol.  —  5^.  Kniin  le  chanoine 
comte  Louis  Mozzi ,  ex-jcsnite  esti- 
mé du  pape  Pie  \  I,  dont  il  reçut  des 
marques  d'une  bonté  particulière. 
Le  plus  connu  de  ses  ouvrages  est 
[^'Histoire  abrégée  du  schisme  de 
lu  nouvelle  église  d' i'trecht ,  pu- 
bliée en  1785  ,  et  à  laquelle  Bossi, 
chanoine  de  Milan  .  opj)Osa  ,  en 
1788.  le  Catholicisme  de  l'église 
d'Uirechi.  L — y. 

MOZZOLINO.  r.  Mazolip^o. 


MUD 

MUDGE  (  Thomas  ) ,  inëcanicien 
aiij:;lais,  naquit  à  E\clcr,  en  i-yo. 
Son  père,  qui  était  erclesiaslique,  et 
tenait  une  école  à  Bidileford,  lui 
donna  la  pr-cmière  instruction.  Le 
jeune  Mudgc  montra  moins  de  goût 
pour  l'étude  que  pour  la  mécanique  ; 
et  son  père  ,  lui  voyant  des  dispo- 
sitions extraordinaires  pour  l'hor- 
logerie, le  mit,  à  l'âge  de  i4ans, 
en  apprentissage  chez  Grahaui  , 
le  plus  fameux  horloger  du  temps. 
Thomas  fît  des  progrès  si  rapides 
dans  son  art,  que  bientôt  son  maî- 
tie  lui  confia  les  ouvrages  les  plus 
difficiles  tt  les  plus  délicats  dont  il 
était  chargé.  Après  son  apprentis- 
sage, il  commença  de  travailler  pour 
son  compte.  Ce  fut  alors  qu'un  des 
rueilleurs  horlogers  de  Londres  , 
chargé  par  le  roi  d'Espagne,  Ferdi- 
nand VI,  de  lui  faire  une  montre  à 
équation,  et  ne  se  sentant  pas  capa- 
ble de  remplir  cette  commission , 
tut  recours  au  seul  artiste  qui  pou- 
vait l'exécuter  :  c'était  Mudge.  L'hor- 
loger ,  nommé  Ellicot  ,  ne  s'en  fit 
pas  moins  honneur  de  l'ouvrage  ,  y 
mit  son  nom  ,  et  en  expliqua  savam- 
ment le  mécanisme  aux  curieux  ; 
mais  avant  ,  par  ma  heur  ,  dérangé 
quelque  chose  dans  le  mouvement , 
il  fut  obligé  d'avouer  que  Mudge  seul 
était  capable  de  réparer  sa  mala  tres- 
se, et  que  cet  artiste  était  l'auteur  d'un 
travail  si  ingénieux.  Le  roi  d'Espa- 
gne, grand  amateur  des  ouvrages  mé- 
caniques, surtout  des  montres  infor- 
mé de  celle  circonstance,  s'acl rossa 
directement  à  Mu  Ige,  et  le  chargea 
de  faire,  ])ourlui,  les  ouvrages  qu  d 
jugerait  les  plus  curieux  ,  et  d'»  n 
•iixer  lui-même  le  prix.  L'artiste, 
-exécuta,  entre  autres,  po^ir  ce  sou- 
-verain,  une  montre  à  répétition,  qui 
indiquait  le  temps  vrai  et  le  temps 
moyen  :  elle  sonnait  et  répétait  l'un 


MDD  339 

et  l'autre,  ce  qui ,  auparavant,  n'a- 
vait eu  lieu  dans  aucune  montre;  de 
plus  elle  répétait  les  heures  ,  les 
quarts  et  même  les  minules.  Le  roi 
avait  voulu  que  celte  montre  fût  en- 
fermée ,  sous  verre ,  dans  le  gros 
bout  d'une  canne,  en  sorte  que,  par 
des  coulisses,  il  pouvait  voir,  dans 
ses  promenades,  opérer  le  mécanis- 
me de  ce  beau  travail.  Mudge  se  le 
fit  payer  480  guinées  :  ses  amis  l'a- 
vaient engagé  à  en  demander  au 
moins  5oo  ;  mais  il  répondit  qu'il 
avait  calculé  strictement  le  profit 
honnête  qu'il  devait  avoir  sur  un 
travail  de  ce  genre,  et  qu'il  ne  voyait 
pas  de  raison  de  surfaire  à  un 
souverain  plus  qu'a  un  simple  par- 
ticulier. Eu  1730,  il  s'associa  Dut- 
ton  ,  autre  élève  de  Graham  ,  et  ou- 
vrit un  atelier  d'horlogerie.  Les  An- 
glais racontent  que  le  comte  de 
Bruhl,  ayant  apporté  de  Faris  une 
montre  de  Berthoud,  avec  un  défaut 
que  l'auteur  même  était  incapable  de 
corriger  ,  s'adressa  au  mécanicien 
anglais,  qui  d'abord  ne  voulut  pas , 
par  délicatesse,  se  charger  de  l'en- 
treprise, et  qui  ensuite,  cédant  aux 
pressantes  sollicitations  du  comte 
saxon ,  remédia  complètement  au 
défaut  de  la  montre  parisienne. 
Mudge  porta  ses  vues  sur  la  cons- 
truction des  montres  marines  ou 
garde-îemps ,  et  publia  d'abord,  en 
Ti']ii5  ,  ses  Pensées  sur  les  moyens 
de  perfeclionnerlfs  montre.^ ,  j'arti- 
culiii  emeiit  celles  de  la  m  urine. 
Po'.ir  mieux  rellcchir  sur  cet  objet , 
si  important  en  Angle  eire,  Mudge 
quilta  ,  en  1771  ,  son  commerce,  et 
se  r.'lira  a  Plyuiouth,  où  il  employa 
plusieurs  années  a  c<)n^truireun  gar- 
(ie-teiups.  Celte  montre  fut  donnée 
à  l'essai,  d'abord  à  l'observatoire  de 
Gretunvich  ,  puis  au  baron  de  Zach  , 
astronome  du  duc  de  Gotha,  et  ca- 


3()0  ML'D 

fin   à  l'amiral  Caraphpll  ,   qui  s'rn 
servit   fi.iiis    un    voyage  à    Tcrro- 
JNenvc.  Ou  la  trouva  partout  d'nun 
Ircs-grau'ic  préri>iou.  Le  bureau  des 
)()iij^iliides  accorda  au  conslnictcur 
«lie  prime  de  5oo  livres  steiling,  en 
l'invitant  à  coilcourir,  par  ia  cons- 
truction d'une  seconde  montre  par- 
faitement semblable  à  la  première, 
an  grand  prix  propose  par  le  parle- 
ment. Mudge,  au  lieu  d'une,  en  lit 
deux  autres;  elles  furent  soumises  à 
l'essai  de  l'aslronome  royal.  Waske- 
lyne  fit  au  bout  de  l'année,  an  bu- 
reau des  longitudes,  un  rapport  très- 
satisfaisant  ;  et  il  fut  convenu  que  les 
montres  de  Mudgc  seraient  essayées 
aussi  sur  mer  :   mais   nu  nouveau 
rapport    de    l'astronome   tendit   à 
])rotiver,  par  des  calculs,  qu'elles  ne 
soutenaient  pas  mie  épreuve  rigou- 
reuse :  en  conséquence,  le  bureau  des 
longitudes  airéla  qu'il  ne  serait  plus 
donne  suite  aux  premiers  essais.  Le 
fils  de  Mudge  attaqua  le  rapport  tle 
rastronorae,  dans  nue  brochure  vi- 
\\{\i\éii:  Exposé  des  faits  relatifs  aux 
^arde -temps    construits    par    Th. 
jV/iid^e,  1790;  Maskelyue  y  fit  une 
re'ponse,  et  cette  réponse  attira  une 
réplique  de  Mudge.  L'année  suivante, 
Mudgc  s'adressa  au  bureau  des  lon- 
gitudes, afin  d'obtenir  une  recom- 
pense quelconque  pour  des   gaide- 
temps  qui,  liicn  qu'ils  n'eusseiU  }»as 
t'tc  jugés    dignes    du    grand   prix, 
avaient  pourtant  été  reconmis  par  le 
bureau  même,  supérieurs  à  ceux  que 
l'on   avait    conslriiits   auparavant  , 
et  ne  s'étaient  ixunt  dérangés  pen- 
(iaut  '^0  ans  d'expérience.  Le  bureau 
des  longitudes  ne  fut  pas  favorable 
à  sa  demande;  mais  Mudge  s'étant 
adressé,  eu  I7<)'^,  à  la  ebambre  des 
rommunçs,  en  obtint,  l'année  sui- 
vante ,    une  récompense    de    '25oo 
livres  sterling..  Outre  le  pcrfccliou- 


ML'D 

nemenf  des  montres  marines,  on  lui 
doit  l'invention  d'un  nouvel  échap- 
pement pour  les  montres  ordinaires. 
Le  roi  d'Arigleterre  l'avait  nommé 
son  boilogcr,  en  1777  s  il  s'entretint 
plusieurs  fois  avec  cet  artiste,  qui 
devait  cette  faveur  à  l'estime  que  le 
roi  av.iil  conçue  pour  la  supériorité 
des  talents  de  Mudge,  depuis  que  lui 
seul  s'elail  montré  capable  de  rac- 
commoder une  montie  très  compli- 
quée, app;irtenHnt  à  S.  M.  ftludge 
mourut  octogénaire,  le  14  novembre 
1794  •  i'  fvail  perdu,  en  i7H9,sa 
femme,  fille  d'un  membrede  l'univer- 
sité d'Oxfoid.IJ  en  avait  eu  deux  (ils, 
dont  le  j'I'is  jeune  fut  recteur  à  Lusl- 
leiglli  ;  il  sera  question  derautredans 
l'ariicle  siii\r.n!.  D — c. 

MUD'iF,  (  WiixiAM  ),  majir- 
gént'rai  dans  farmée  anglaise,  fils  du 
précèdent ,  né  à  Plyniouth  en  1762  , 
fi't  placé,  comme  cadet,  à  l'école  mi- 
litaire de  WoolwJcb,ets'y  distingua 
jiar  ses  talents.  Il  servit  au  dehors 
dans  rartiilcrie  royale  ,  comme  ca- 
pitaine :  à  son  retour,  devenu  mem- 
bre de  Iq^société  royale  de  Londres  , 
ii  inséra  dans  les  Transactions  phi- 
losophiques plusieurs  Mémoires  in- 
téressants. Il  fut  long-temps  em- 
plovo  dans  renseignement  des  ca- 
dets ,  à  l'arscnal-militaire  royal ,  et 
à  l'école  de  la  compagnie  des  Indes- 
Orientales.  Il  fut  aussi  l'un  des  com- 
missaires du  bureau  des  longitudes. 
Il  seconda  M.  Biot  dans  ses  opéra- 
lions  pour  lu  mesure  d'un  arc  du 
méridien  en  Ecosse;  mais  sa  faible 
sanîé  ne  lui  permit  pas  d'accumpa-  ^ 
gner  le  savant  français  aux  iles  Shet- 
land ;  il  le  fît  accompagner  par  son 
fils,  qui  avait  le  grade  de  capitai- 
ne. Mudge  coiicouriit  à  la  dcsciip- 
tion  Irigonométrique  de  la  Grande- 
Bretagne;  et  c'est  à  lui  que  ses  conic- 
pnUioUs   doivent  en  grande  parliç 


1rs  cartes  de  rlivcrs  ronifos  ,  pnLlicVs 
rccemnioiit,  cl  qui  se  font  icmai-'Hicr 
par  la  bi'aulc  du  coup-d'a-il ,  cl  par 
la  corroclioii.  On    trouve  dans  VE- 
dinbuigh  Beview  de  janvier   iHoS 
(  pag;.  37a  et  suiv.  ),  nue  Molice  dé- 
taillée de  ses  travaux,  pour  le  levé 
1rigonométrif|nc   de  l'Anç^leterre  et 
du  pays  de  (ialles  L'académie   des 
.sciences  de  Copenhague  l'appela  dans 
son  sein;   et  l'institut  de  France  le 
nomma  l'un  de  ses  correspondants. 
Ce  savant  olUcicr  est  mort  à  Lon- 
dres ,  le  17  avril  i8'io.  On  trouve, 
dans  les    Transactions  philusophi- 
quesdcii  années  1 79.5  ,  1  797  el  1 800 , 
le  rapport  détaille  des  travaux  tri- 
gonon)ctriques  qu'il  avait    exécutes 
de  1791  à  1799.  Z. 

MUET  (  Kerre  Le  ).    T.  Le- 
Mur/r. 

MUGNOZ  ou  MUNOZ  (  Gilees 
DE  ),  anti-pape  ,  connu  sous  le  nom 
de  Clément  VIII,  était  chanoine  de 
Barcelone ,  docteur  en  droit  canoni- 
que, et  jouissait  d'une  certaine  ré- 
putation de  sagesse  et  de  lumières. 
Ce  fut  ce  personnage  que  les  deux 
cardinaux  restés  fidèles  à  l'antipape 
Benoit  XIII  élurent  à  sa  place,  en 
i4'''-4')    d'après  le   serment    qu'ils 
lui  avaient    fait    (  Fojcz    Benoît 
XIIÏ,   anti-pape).  Clément  se   fit 
installer    à   Peniscola    avec    toutes 
les  cérémonies  usitées  eii  pareilles 
occasions.  Il  prit  les  ornements  pon- 
tificaux, fit  des  promotions  dans  le 
sacré  collège,  et  n'y  oublia  point  son 
neveu.  Cinq  ans  se  passèrent  dans  ce 
vain  exercice  d'une  puissance  non 
reconnue,  lorsque  le  roi  Alphonse, 
q>îi  seul  la  ])rotégcait,  s'ctant  récon- 
cilié avec  le  pape  ftlartin  V,  envova 
deux   conseillers  à  Clément ,   pour 
l'exhorter  à  se  démctUe.  L'ai.li-pa- 
j)c,  qui  avait  d'abord  accejUé  .sa  no- 
Wiuatiou  avec  répugnance,  et  qiii  cc- 


MUG 


30 1 


pendant  semblait  s'y  être  allaché  , 
consentit  avec  assez  de  docilité  à  la 
demanded'Alplionse.  11  voulut  néan- 
moins donnerquclq'ie  solcnniléà  son 
obéissance.  Comme  il  ne  lui  restait 
quedciix  cardinaux  de  tous  ceux  qu'il 
avait  créés;  11  en  nomma  un  troisième. 
Il  prit  ensuitela  thiarcet  ses  habit.s 
pontificaux,  monta  sur  son  trône, 
environné  de  ses  trois  cardinaux.,  de 
ses  autres  olViciers  ;  et  en  présence 
d(\sdeux  conseillers  d'Alphonse  qu'il 
décorait  du  nom  d'ambassadeurs ,  il 
fit  son  abdication  authentique,  cl  in- 
vita ses  cardinaux  à  choisir  son  suc- 
cesseur. L'clec;  ion  eut  lieu,  et  le  choix 
l'.naiiinie  tomba  sur  Olhon  Colonne, 
ou  Martin   V.  Mufioz   se  dépouilla 
ensuite  des  marques  de  sa  dignité, 
reparut  dans  l'assemblée ,  vêtu  com- 
me un  simple  docteur;  et  l'on  rendit 
grâces  à  Dieu ,  de  l'issue  de  cette  heu- 
reuse journée.  La  cour  de  Rome  fer- 
ma les  yeux  sur  le  ridicule  et  rindc>- 
cence  de  cette  cérémonie  théâtrale. 
On  regarda  l'événement  comme  la  fia 
du  grand  schisme  qui  avait  désole 
l'Église  pendant  cinquante -un  ans. 
Gilles  de  Muùoz  reçut  son  absolu- 
tion ;  et  le  pape  lui  donna  l'évcché 
de  Maiorquc(en  xf^iÇ)).     D — s. 

MUGiNOZ  ou  MUNOZ  (  Sébas- 
tien ) ,  peintre  d'histoire  ,  naquit , 
en  1654,  à  Naval  -  Carnero  ,  et 
fut  un  des  élèves  les  plus  distin- 
gués de  Claude  Coèllo.  Chargé,  en 
partie,  de  l'exécution  des  décorations 
que  l'on  fit  à  Madrid  pour  le  ma- 
riage de  Charles  II  avec  Louise  d'Or- 
léans (  1675  ),  il  employa  le  produit 
de  ses  travaux  à  faire  un  voyage  à 
Rome,  où  d  entra  dans  l'ecule  de 
Carie  Maratti.  Malheureusement  les 
arts  du  dessin,  à  cette  époque  ,  se 
ressentaient  déjà  de  la  fausse  direc- 
tion qui  leur  avait  été  imprimée  par 
les  Bernini  ,  les  Piètre  de  Cortoue, 


3oi 


MUG 


clc.  En  1684,  Muùoz  revint  dans  sa 
patrie,  aida  sou  premier  maître  k 
terminer  quelques   travaux ,  et    se 
ren:lit    avec    lui     à    Madrid  ,     où 
Miinoz  ne  tarda  pas  à   obtenir  un 
grand  crédit  à  la  roiir ,  et  fut  nommé 
peintre  du  roi,  en  1 688.  Pour  justifier 
ce  titre,  il  cxcciiîa  son  beau  tableau 
de  Pijché  et  l'Amour  ,  et  huit  su- 
jets tires  de  la  rie  de  saint  Eloi, 
pour     l'église    du    Sauveur.    Mais 
son  chef-d'œuvre  est  le  MiJrljre  de 
saint  Sébastien,  grand  tableau  peint 
sur  toile,  que  l'on  a  vu  au  Musée  du 
Louvre   en    i8i 4,  et  que  T Espagne 
a  repris   en  181 5.  Chargé  de  retou- 
cher, daus  l'église  d'Atocha  ,  la  belle 
voûte  peinte  par  Herrcra  le  jeune  , 
IMunoz  tomba  du  haut  de  l'échafau- 
dage,  et  se  tua  sur  la  place,  le  lundi- 
saint  de  l'an  1G90.  11  n'avait  alors 
que  trente-six  ans.  Le  roi  lui  (it  faire 
des  obsèques  magnifiques.  Quoicpie 
Mimoz  fût  un  peintre  d'un  talent  dis- 
tingué .  on  peut  lui  reprocher,  avec 
justice,  d'avoir  été  l'un  des  corrup- 
teurs du  goût  en  Espagne  ,  en  v  in- 
troduisant les  vices  qui  de  son  temps 
infestaient  les    écoles    d'Italie.   Ses 
productions  se  font  remarquer  par 
le  fracas  de  la  composition  .  par  un 
coloris  heurté  et  visant  à  l'effet;  on  y 
désirerait  d'ailleurs  un  dessin  pi  us  cor- 
rect, plus  de  noblesse  dans  le  style  et 
df  grandeur  dans  les  caractères.  C'est 
à  ïarragoue  et  à  Madrid ,  que  l'on 
voit  le  plus  grand  nombre  de  ses  ou- 
vrages. —  Evariste  Ml  >oz  ,  peinire 
d'histoire  ,  né  à  Valence  ,  en  iG-  1  , 
fut   élève    de  Conchillos  :  doue    de 
grandes    dispositions    et    de    beau- 
coup   de  fécondité,    la    fougue    de 
son  génie  l'empêcha  toujours  d'être 
correct,  et  de  donner  de  la  noblesse  à 
ses  caractères.  11  avait  pris  par  goût 
le  métier  des  armes,  qui  lui  permet- 
tait de  te  livrer  à  son  penchant  pour 


MUG 

la  peinture.  Il  avaitépouscune femme 
dont  on  croyait  le  mari  mort  dans 
l'esclavage  chez  les  Algériens  :  ce 
mari  reparut,  et  Muùoz  fut  obligé  de 
quitter  sa  femme.  Il  épousa  en  se- 
condes noces  la  veuve  d'un  militaire 
que  l'on  disait  avoir  été  tué  à  ÎMcs- 
sine;  mais  comme  s'il  eût  été  destine' 
à  voir  toujours  reparaître  un  prédé- 
cesseur ,  le  premier  mari  revint 
au  bout  de  quelque  temps  ,  et 
ÎMunoz  se  trouva  veuf  de  nouveau.  Il 
tenta  encore  une  troisième  épreuve  ; 
cette  fois  -  ci  il  fut  plus  heureux  , 
et  personne  ne  vint  le  déposséder.  Il 
établit  a  \'alence  une  école  de  dessin, 
qui  fut  très  -  fréquentée  jusqu'à  sa 
mort  ,  arrivée  en  i-yS^  :  la  plus 
grande  pjrtie  d  s  églises  de  Valence 
possèdeiil  de  ses  ouvrages.  P— s. 

MUGNOZ  ou  MUNOZ  (  Jean- 
Baptistl  ) ,  né  en  1  -^45  ,  à  Museros 
près  de  V.dence  (  Espagne  ) ,  où  il_ 
tit  ses  études  ,  se  montra  supérieur 
a  tous  ses  camarades  ,  et  fut  ensuite 
l'un  de  ceux  qii  contribuèrent  le  plus 
aux  progrès  de  la  philosophie  dans 
les  écoles  espagnoles.  Dans  un  des 
concours  pour  la  chaire  de  philoso- 
phie en  l'univcrsilé  de  Valence,  il 
piiblia  une  dissertation  latine  intitu- 
lée :  De  recto  p'ùlo  ophiœ  recentis 
in  theologid  usa  Dissertatio.  Il  y 
traite  de  l'i.tilité  de  la  philosophie 
moderne  p-air  les  sciences  en  géné- 
ral ,  et  en  particulier  pour  la  théolo- 
gie,soit  naturelle,  soit  révélée.  Ce  fut 
en  1768,  qu'il  donna  un  traité  con- 
tre les  Péripatéticiens  ,  une  réim- 
piossiondela  Logique  de  Vernet  avec 
une  préface  ,  et  une  édition  des  œu- 
v.es  latines  du  P. -F.  Louis  de  Gre- 
nade, avec  des  préfaces  qu'il  mit  à  la 
tète  de  chaque  volume,  et  parrailes- 
quelles  on  doit  surtout  remarquer  le 
morceau  qui  précède  la  Rhétorique  ec- 
clésiastique de  ce  savant  dominicain. 


MUG 

Miiùoz  y  trailp  de  roii};iiic  et  ties 
]iîot;rcs  de  la  rlio'toriqiie  cliez  les 
Grecs  et  les  RoiDiiiiis  ,  des  piincipa- 
Jes  époques  de  rcloqtieiice  tcclesias- 
tiqiic,ct  des  éludes  nécessaires  pour 
l'acquérir.  Quelques  années  après  , 
il  litpar,iîlre  (  1775  )  une  nouvelle 
édition  du  Collectanea  moralis phi- 
Insophiœ ,  du  luênie  relij^ieux,  eu  le 
faisant  précéder  d'un  t  rai  (éfort  estimé 
intitulé  :  De  Sciiptorum  gentiliuiii 
Itcùone  et  jn'olariaruin  disciplina- 
rum  studiis  ad  cJtristiamv  pictutis 
normam  exigendis.  Trois  ans  après 
il  eut  une  querelle  litiérairc  avec  le 
P.  Cesareo  Pozzi  ,  commensal  du 
fardinalCiolonna  ,  alors  nonce  en  Es- 
pagne :  Pozzi  avait  publié  en  italien 
uu  Essai  sur  l'éducation  des  cou- 
vents (  Saggio  di  educazione  claus- 
trale );  ce  fut  le  sujet  de  l'opuscule 
de  Munoz  ayant  pour  titre  :  Juicio 
tîel  tratadodd  M.  R.  L.  D.  Cesa- 
reo Pozzi  ;  la  eôCribia  par  el  honor 
de  la  literatura  er,panola  D.  Juan 
n.  Munoz  ,1778,  in-8'\  Le  P.  Pozzi 
pour  la  défense  de  son  livre  ,  fit  im- 
pritoer  à  Perpit;nan  une  Apolo'^Ja. 
De  son  côté,  Munoz  avait  pris  la 
plume, et  déjà  même  avait  composé 
une  réplique  ;  mais  il  la  garda  en 
porte-fcuJHe.  Il  avait  été  appelé  à 
la  place  de  cosmograplie  en  chef 
des  Indes  et  à  celle  doificial  de 
la  secrétairerie  d'état  et  dépêches 
générales  du  même  dép  irteraent.  Il 
reçut  la  commission  d'ccriie  nue 
Histoire  de  l'Amérique  :  pour  la 
remplir  dignement ,  il  voyagea  pen- 
dant plusieurs  années  ,  visitant  les 
archives  de  Simauca-,  de  Séviile, 
de  Cadix  ,  de  Li.^boune  .  et  recueil- 
Jit  uu  nombre  immen.^e  de  pièces 
inconnues  ,  de  lettres  originales  de 
Christophe  Colomb,  de  Pizarre  ,  de 
Ximenès  ,  etc.  Cavanillcs  dit  que 
i'C5  pièces  formaient  cent  trente  vo- 


MLG  363 

lûmes.  C'était  vers  1780,  qu'il  avait 
commencé  ses  recherches;  ce  ne  fut 
qu'en  1793  ,  qu'il  donna  le  premier 
volume  de  son  Ilisloria  del  nuevn 
mundo,  in-8''. ,  le  seul  qui  ait  vu  le 
jour.  L'auteur  rend  compte  des  événe- 
ments qui  ont  eu  lieu  jusqu'aux  pre- 
mières années  du  seizième  siècle.  Il 
parutà!\Iadrid,une  critique  de  ce  vo- 
lume :  on  V  accusait  Miifioz  de  pla- 
giat, comme  s'il  avait  pu  se  dispenser 
de  consulter  ses  devanciers,  et  ne  pas 
être  d'accord  avec  eux  sur  plusieurs 
points:  ou  lui  reprochait  amèremeiît 
une  faute  d'impicssion  I  Au  reste  on 
n'altacpia  pas  le  fond  de  l'ouvrage,  qui 
fut  même  traduit  en  allemand  ,  avec 
des  notes ,  par  K.  Sprengel  (^Weimar. 
179J.  in-8'.  )  ;  et  en  anglais  (  Lon- 
dres ,  I  797  ,  in-8'^.  )  Au  milieu  de 
ses  travaux  ,  Muîioz  se  vit  arrêté  par 
de  fréquentes  fluxions  à  la  tête  et  à  la 
gorge.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  d'un  an 
que  sa  santé  se  rétablit,  11  avait  re- 
prisses travauxdepuisqaelques  mois, 
et  était  sur  le  point  de  publier  deux, 
nouveaux  volumes  qui  auraient  con- 
tenu, l'un  la  fin  du  règne  de  Ferdi- 
nand leCatnoîiune  (  i5iG),  et  l'au- 
tre des  pièces  justificatives, lorsqu^u.e 
attaqtie  d'apoplexie  l'enleva  ,  le  19 
juillet  1799.  Outre  les  ouvrages  dont 
il  a  été  fait  mention,  on  a  encore  de 
lui ,  Elrjgio  de  Antonio  de  Lehrija^ 
1796,  iu-S*".  (  F.  A>Toi>E  de  Le- 
biija,  II,  280).  dont  Chardon  Laro- 
chettea  rendu  compte  dans  le  Ma- 
ga  in  encyclopédique  ,  troi^ièmc 
année,  tome  m.  p.  i8i-v>.oi.  3Funoz 
avait  commence  dos  Institutions  phi- 
losophiques ,  en  latin  :  Sempere  v 
Guarino-^.  qui  en  avait  vu  plusieurs  ca- 
hiers relatifs  à  la  logique,  dit  qu'en 
1787  ,  les  travaux  littéraires  et  les 
fonctions  de  l'auteur  ne  lui  avaient 
pas  permis  d'achever  cet  ouvrage  ; 
il  est  dcutenx  qu'il  ait  pu  le  rrpren- 


0(14. 


?!L"G 


(ire.  Il  existe  en  espagnol ,  sous  le 
ujin  irAiitoine  Miiiio/.,  un  Discurso 
sobjela  economia  polilica,  IMadrid , 
i^-jç),  in  8''.  ;  mais  Scinperc  y  Giia- 
liuos  pense  que  l'auteur  de  cet  écrit 
a  pris  un  non  supposé.  A — B — t. 
MUCIIKT  DE  NAMHOU  (Fra.n- 
çois-FtMX-HvAciMHK) ,  député  à 
rassemblée  ronstiluauîe ,  né  à  Bc- 
sinçon  en  i-^Oo,  était  fils  d'un  des 
premiers  ncç^ociants  de  la  Fianclie- 
Comlc  ,  connu  par  des  services  Irès- 
èmineiifs  rendus  à  la  province.  H  fit 
ses  éludes ,  à  Paris,  au  collc'ffc  d'Har- 
court,  et,  après  avoir  reçu  ses  pre- 
miers grades ,  fat  pourvu  succes.-i- 
vcmeut  de  la  charge  d'avocat  du 
roi  et  de  celle  de  lioulenanl-général 
au  bailliage  de  Grai.  Il  se  distingua, 
lors  des  émeutes  de  17B8,  par  sa 
fermeté,  et  appuya  de  tout  son  pou- 
voir les  mesures  adoptées  par  le 
parlement.  L'estime  que  lui  avait 
méritée  sa  condr.ite  le  fit  élire  député 
aux  étals-généraux  par  le  grand- 
b=iiliiage-  d'Amont.  Il  se  lia  bientôt 
avec  les  membres  de  l'assemblée  qui 
voulaient  l'ab olilion  des  privilèges  , 
ainsi  que  la  réforme  des  abus ,  signa- 
lés dans  les  cahiers  de  doléance ,  et 
adopta  franchement  les  principes  de 
la  révolution.  Nommé  inembre  du 
comité  des  recherches ,  il  ne  piarut 
guère  à  la  tribune  que  pour  ren- 
dre compte  des  événements  malheu- 
reux qui  se  succédaient  sur  tous  les 
points  du  royaume,  et  pour  provo- 
quer des  mesures  contre  les  auteurs 
des  troubles.  D'une  santé  délicate, 
qui  ne  lui  permettait  aucune  appli- 
cation soutenue,  mais  doué  d'une  ra- 
re facilité  ,  ?ilnguel  ne  parlait  pres- 
que jamais  q!;e  d'abondance,  ou  si:r 
des  notes  rédigées  au  courant  de  la 
plume.  Il  appuya  ,  en  i'yf)i ,  la  loi 
rendue  contre  l'émigration:  à  l'épo- 
que du  départ  da  roi,  il  fut  l'on  des 


MUG 

commissaires  chargés  de  veiller  an 
maintien  de  l'ordre  dans  Paris.  Il  fit 
mander  à  la  barre  M.  deMontmorin, 
pour  domier  des  explicatiojis  sur  le 
passeport  dont  le  roi  s'était  servi; 
appuya  vivement  les  raisons  présen 
técs  par  le  ministre  pour  sa  justili- 
calion,  et  fit  décréter  qu'il  n'avait 
pas  cessé  de  mériter  la  confiance 
de  l'assemblée,  décret  (ju'il  fil  por- 
ter sur-le-champ  à  la  cor.naissauce 
du  peuple  qui  cntouiait  l'hôtel  du 
ministre  dans  une  attitude  mena- 
çante. Muguet  demanda  que  des  re- 
compenses fussent  décernées  à  tous 
ceux  qui  avaient  contribué  à  l'ar- 
jcslation  du  roi;  et  il  fit  un  rap- 
port ,  au  nom  des  comités  réunis  , 
sur  les  chefs  militaires  soupçonnés 
d'avoir  favorisé  son  départ.  A  la  fin 
de  la  session  ,  il  fut  nommé  juge 
d'un  des  tribimaux  de  Paris;  mais 
il  pria  les  électeurs  d'agiéer  sa  dé-, 
mission  ,  et  se  retira  dans  une  terre 
qu'il  possédait  à  Soing  près  de  Grai , 
décidé  à  ne  plus  prendre  de  part  ans 
alfaires  publiques  :  il  y  vécut  dans 
la  retraite  la  plus  profonde,  s'intcr- 
disant  toute  espèce  de  correspon- 
dance. La  levée  extraordinaire  or- 
donnée eu  i-jf)'^  ,  ayant  éprouvé  à 
Grai  des  obstacles  qui  pouvaient  at- 
tirer des  mesures  rigomeuses  contre 
celte  ville ,  Miiguet  n'hésita  pas  à 
se  faire  inscrire  le  premier  pour  par- 
tir ,  et  son  excniple  entraîna  une 
foule  de  citoyens  :  mais  les  autorités 
crurent  devoir  s'opposer  a  sou  dé- 
part; et  il  fut  nommé  commandant 
de  la  gai-de  nationale  de  l'arrondis- 
sement. 11  donna  sa  démission  an 
bout  de  trois  mois  ;  et  sa  sauté  qui 
s'aff  iiblissaiî ,  ne  lui  permettant  pas 
de  faire  uu  service  actif ,  il  de- 
manda à  être  employé  dans  les  ad- 
ministrations de  l'armée.  L'obscu- 
rité a  laquelle  il  k'était  condamné  , 


iMur. 

ne  put  le  sonslraiic  aux  persécu- 
tions qui  s'attacliaionl  de  [ircfc'rence 
aux  conslitu^iuts.  Deux  fois  il  fut  ar- 
rête ,  en  I  ■^ç)^  ,  par  l'ordre  des  coiu- 
missaircs  de  la  Coiiventioii  ;  et  il  ne 
dut  la  liberté  et  la  vie  (|u'à  la  fer- 
înclc  de  son  caraetère.  Nomme  ,  en 
i'y()B,  député  au  conseil  dos  Cinq- 
cents  ,  par  le  département  de  la 
Haute -Saône,  il  refusa  celte  mis- 
sion. Il  résista  é|:;;alement  à  toutes 
les  clïres  qui  lui  furent  faites  de  la 
paît  du  ])remier  Consul ,  et  n'accepta 
que  la  place  de  maire  de  Seing,  qui 
lui  dut  des  améliorations  utiles  dans 
sa  culture.  En  s'occupant  à  procurer 
à  cette  commune  des  eaux  de  source , 
il  fut  saisi  de  la  fièvre,  et  mourut , 
victime  de  son  zèle,  en  mai  1808,  à 
l'âge  de  47  -t-s.  W — s. 

MUHL EN  F ELS  (  Jea>-He.xri 
DE  ) ,  alchimiste  charlatan  ,  exjiloita 
fort  habilement  le  champ  de  la 
crédulité  humaine,  à  une  époque  où 
le  défaut  général  de  connaissances 
mettait  en  crédit  les  soi-disant  pos- 
sesseurs du  grand-ceuA^'e.  Son  nom 
de  famille  était  Millier  :  il  naquit 
vers  iSng  ,  à  Wassclonne  ,  en  Alsa- 
ce ,  et  fut  d'abord  barbier  à  Eslin- 
gen  ;  il  alla  ensuite  à  Breslau ,  puis 
à  Florence,  où  il  passa  six  mois ,  et 
fit  connaissance  avec  Daniel  Rapold , 
fameux  alchimiste,  qui  lui  vendit 
plusieurs  de  ses  secrets.  Mùiler,  qui 
manquait  de  tout,  emprunta  l'argent 
dont  il  avait  besoin,  au  maître-d'hô- 
tel du  rhingrave  Christophe  de 
Stein  ,  en  s'engageant  à  le  payer  par 
ses  services.  Muni  de  secrets  mer- 
veilleux ,  il  revint  en  Allema- 
gne, et  alla  d'abord  à  la  cour  de 
VVùrtemberg ,  où  il  parait  qu'il  ne 
produisit  pas  beaucoup  d'effet  ;  mais, 
après  d'autres  courses  inutiles ,  sa 
bonne  étoile  le  conduisit  à  Prague, 
où  l'empereur  Rodolphe  II  tenait 


ML*  H 


365 


%n  cour.  Ce  prince ,  qui  avait  pli;s 
de  zèle  pour  les  seioiices  que  de 
connaissances  réelles  ,  e'tait  sans 
cesse  entouré  de  charlatans  et  d'em- 
piriques; et  il  suflisait  de  lui  pro- 
mettre quelque  chose  d'extraoïdi- 
u.iire  pour  attirer  son  attention. 
Mùiler  se  fit  présenter,  et,  par  toute 
sorte  de  tours  de  passe-passe,  ac- 
quit beaucoup  de  crédit  sur  l'cs- 
]>rit  de  Rodolphe.  11  prétendit,  en- 
tre autres  ,  posséder  uu  secret  qui 
le  rendait  invulnérable  ,  et  se  fit 
plusieurs  fois  tirer  des  couj^s  de 
pistolet  ])ar  son  domestique ,  en 
jJiésence  de  l'empereur.  Rodolphe, 
émerveillé,  combla  Mùiler  de  pré- 
sents ,  et  l'anoblit  sous  le  nom  de 
Miihlenfels.  C'était  un  appât  bien 
séduisant  pour  tenter  de  nouvelles 
aventures.  IMùhlenfels  court  à  Nu- 
remberg; il  annonce  au  rhiugravc  de 
Stein,  qui  était  riche  et  aussi  crédu- 
le qu'il  pouvait  le  désirer,  que  le  se- 
cret de  la  pierre  philosophale  lui  a 
été  euseigué  sur  les  frontières  de  la 
Pologne,  par  uu  célèbre  alchimiste: 
il  ajoute  qu'il  a  fait  de  l'or  à  Rres- 
lau,  où  il  en  a  vendu  aux  orfèvres 
pour  plus  de  3ooo  florins;  à  Prague, 
pour  plus  de  18,000  en  présence  de 
l'empereur  ,  qui ,  par  reconnaissan- 
ce, l'a  anobli; enfin,  que,  par  souve- 
nir de  son  ancienne  amitié  pour 
Stein,  il  veut  en  peu  de  temps  lui  eu 
faire  pour  plus  de  10,000  :  mais  il 
lui  faut  une  avance  de  6000  écus  de 
Hongrie.  Stein  ,  ébloui ,  lui  donna 
/|5oo  écus,  et  une  chaîne  qui  valait 
5oo  florins.  Mahlcnfels ,  bien  luiude 
lui  faire  de  l'or ,  s'échappa  sans  bruit 
de  Nuremberg,  et  muni  d'argent, 
décoré  de  la  chaîne, il  ne  lui  fut  pas 
diflicile  de  se  faufiler  avec  les  per- 
sonnes du  plus  haut  rang,  et  d'eu 
faire  ses  dupes.  11  trompa  d'abord  , 
k  Prague  ,  un  colonel ,  qui  était  au 


3GG 


i\:uii 


M  rvice  du  inaîG;iavc(l'Anspach  :  rc- 
liii-ci  l'introduisit  auprès  de  son  soii- 
Acraiti,  eu  i()o>,.  Miililcnfels  répéta, 
devant  ce  priiirc  d  sou  successeur 
prësouiptif,  rcxpiricnce  de  faire  ti- 
rer SIM  lui.  Ce  dernier  le  uicna  au  siè- 
ge d'Ostendc  ,  et,  de  retour  dans  ses 
e'iats,  le  fil  travailler  au  grand-œu- 
vre. L'adepte  lui  escroqua  plus  de 
3o,ooo  e'cus  sans  rien  produire,,  et 
sut  si  bien  entretenir  le  prince  daiis 
des  dispositi;iHs  favorables,  que  ses 
yeux  ne  s'ouviaient  pas.  En  lOoj, 
Mïddeut'els  dupait  le  d'.ic  de  Wur- 
temberg, et  d'un  antre  côte  vendait, 
à  qui  en  voulait ,  de  sa  teinture  d'or  : 
indépendamment  des  p.irticulicrs  , 
le  roi  de  Pologne,  les  électeurs  de 
Saxe  et  du  Palatinat ,  et  le  prince 
d'Anhalt  ,  lui  en  achetèrent  pour 
360,000  écus.  Gagnant  de  l'argent 
.si  aisément,  Mïdiicnfels  le  dèjjcnsail 
de  même ,  afin  de  convaincrelc  mon- 
de que  son  creuset  était  une  mine 
inépuisable.  Le  duc  de  Wurtemberg 
conçut  quelquefois  des  soupçons  : 
l'impudence  de  Muhlcufels  sut  les  dé- 
truire ;  elle  alla  jusqu'à  faire  tinr 
du  pied  d'un  chêne  une  somme  de 
lao, 000  écus  qu'il  prétendait  avoir 
découverte  par  la  force  de  son  art , 
mais  qu'il  y  avait  fait  enterrer.  Ses 
jongleries  devaient  avoir  leur  récom- 
pense. Sendivog,  fameux  adepte  po- 
lonais, étant  venu  à  Stullgard ,  le 
duc  conçut  bientôt  pour  lui  plus  de 
considération  (|ue  pour  Mïdiicnfels  , 
parce  qu'il  était  j>lus  habile  mani  j)U- 
lateur  ;  et  il  vouhit  le  retenir  auprès 
de  sa  personne ,  par  les  cflics  les  plus 
brillantes.  Muhlenfels  prévoyant  que 
ce  Polonais  ne  tarderait  pas  à  le 
remplacer  dans  la  confiance  du  prin- 
ce ,  résolut  de  se  débarrasser  de  lui. 
Il  feignit  donc  un  attachement  ex- 
traordinaire pour  Sendivog ,  parvint 
à  l'alarmer  sur  les  inteutionsduduc, 


MUI 

l'aida  à  s'enfuir  pour  le  dérober  .i'!x 
mauvais  desseins  de  ce  prince,  cpii  , 
disait  il ,  vo\ilait  lui  arracher  ses  se- 
crets par  la  force  des  tourments  ;  et 
il  le  conduisit  à  Nidlingen,  où  il  le  fit 
meltre  en  prison,  en  trompait  le 
bailli.  On  pn-tend  même  qu'il  essava 
de  s'emparer  par  violence  de  ce  que 
possédaitSendivog,et,  entre  autres, 
de  ses  papiers.  Le  malheureux  Po- 
lonais ne  se  soucia  pas  d'attendre  la 
fin  de  l'alïaire;  il  trouva  le  moyen  de 
sortir  de  captivité,  retourna  daiK^ 
son  pays,  où  il  raconta  son  aventu- 
re, et  écrivit  même  à  Vienne,  pour 
se  plaindre. Mùhleiifels,  aux  aguets 
fit  enlever  les  dépèches  adressées  au 
duc  par  plusieurs  magnats  de  Po- 
logne :  mais  celles  delà  cour  imj)c)ia- 
le  décillèrent  les  yeux  de  ce  jiiince. 
jMùhlenfels  fut  arrêté;  il  avoua  dans 
son  interrogatoire  toutes  ses  fripon- 
neries. On  sut  qu'il  avait  l'adresse 
de  faire  enti'er  un  homme  affidé', 
dans  les  laboratoires,  soit  en  le  ca- 
chant dans  uu  colfre,  soit  par  le 
moyen  de  fausses  clefs ,  et  de  meltre 
ainsi  de  l'or  et  de  l'argent  da^is  lef 
creusets.  Une  autre  fois,  d  avait  fait 
percer  uu  trou  dans  la  cave  d'une 
maison  voisine  de  celle  où  l'opératioa 
s'etlectuait.  Les  juges  condamnèrent 
Miihlenfels  à  être  pendu:  il  deman- 
da instamment  à  être  décapité;  mais 
on  le  considéra  comme  uu  voleur 
qui  avait  employé  la  violence  ,  et  ii 
fut,  au  commencement  de  i6o'j,  at- 
taché à  un  gibet  en  fer,  élevé  quel- 
ques années  auparavant  pour  un  au- 
tre fripon  du  même  genre.  Miihlen- 
fels  n'a  rien  écrit.  E — s. 

MUIS  (  SiMLON  Marotte  de), 
savant  hébra'isant,  né  à  Orléans, 
en  i58-  ,  devint  chanoine  et  ar- 
chidiacie  de  Soissons.  Eu  i6o4  ,  le 
l'oi  le  nomma  à  la  chaire  d'hébreu 
au  collège  royal.  Il  mourut  eu  iu44- 


MUI 

Doue  d'un  bon  jugement  ,  il  roti- 
Ufùssait  à  fond  les  do-^^nies  et  l'Iiis- 
toircdela  rdi^;iou.ISiihiulie,eiiFr;iii- 
ce,  n'a  joui  d'iun'  j)lns  liante  re'pnla- 
tion  de  science  d.ms  la  langue  lie- 
biau[uc  et  dans  le  rahhinisnie;  nul 
ne  l'a  mieux  nic'nteo.  Sun  style  pur, 
net  et  facile,  se  l'ail  et^aienient  re- 
maïquer  par  nne  grande  fuicede  rai- 
sonnement dans  la  pulemitjuo.  Nous 
avonsdclui;I./K  HsalinitiiiMxtriuiii 
erudilissiiiionua  rablniioruin  com- 
ment arii  hcbrai  ce  citiii  lalind  inter- 
pretaliune  ,Vans,  1610,  in-S".  Cet- 
te traduction  des  commenlaires  de 
David  Kimclii  ,d'Abcn-Ezraetde  Sa- 
lomon  Jarciii,  sur  le  psaume  dix- 
neuvième,  dédiée  au  cardinal  de  la 
Rochefoucauld,  n'est  point  insérée  , 
non  nîus  que  la  suivante  ,  dans  !a 
collection  des  œuvres  de  IM:;i.'i.  II. 
II.  Davidis  Kimchi  connneniaiui 
m  Mahchiam ,  hcbr.  et  lat.  ,  Pa- 
ris ,  1618.  iu-4".  in.  liellarinini 
instiliUiones hebraïcœ ,  Paris,  iG'ri, 
in-8  '.  Cette  édition  de  la  Gramiiiai- 
re  hébr.deB;'l!arininestsui\ied  An- 
Hotalions  sur  le  psaume  34-  IV. 
Commenta  lus  litteralis  et  hislori- 
cus  in  oinnes  Psalni'js  Duvidis  et 
selecta  veteris  Teitamenti  cantica, 
Paris,  i63o,  in- foi.,  dans  la  collec- 
tion publiée  par  Claude  d'AuvergiiC, 
Paris,  i65o,  in-fol.,  et  Louv^ain, 
1770,  in  -  4°- ,  3  vol.  Déjà,  en 
iiii5  ,  Muis  avait  fait  paraître 
les  cinquante  premiers  psaumes,  Pa- 
ris, in-8*'.,  comme  un  essai.  Ce  cotn- 
inentaire  des  psaumes  est  sans  con- 
tredit le  medleur  qui  existe.  C'est  le 
jugement  de  Bossuet,dans  une  lettre 
au  père  Mauduit  de  l'Oratoire  (  édit. 
de  Versailles  ,tome  3i ,  page  47  i  )  • 
«  Parmi  les  catliolif|ues, dit  l'illustre 
»  prélat,  Muis  emporte  le  prix,  à 
»  mon  gré,  sans  comparaison.  »  C'est 
aussile  jugement  de  Godeau  évêqucde 


MUI  3G7 

Vence  ,dc  Gassendi ,  de  Voisin  et  de 
presque  tous  les  iulei  prêtes.  Richard 
Simon  ,qui  n'aimait  point  àlouersans 
restriction ,  convient  d'aboid  cjuç 
IVIuis  a  réussi  dans  son  dessein  prin- 
cipal, qui  clait  de  s'attachera  la  let- 
tre et  à  la  gianimaire;  mais  il  ajou- 
te :  «  On  pourrait  retrancher  de  ce 
))  conimcMl.iire  plusieurs  choses  qui 
»  le  rendent  l.inguiss.int;  en  im  mot, 
»  il  n'est  pas  assez  châtié  (  Histoire 
critique  du  Vieux-Testauient,  pag. 
4'i5  ).  »  V.  As::eriio  veritatis  he- 
braiciS  ad^'ersàs  Joanins  Morini 
exercitatimes  in  ut;  unique  Saniari- 
lanorum pentateuchum , Paris,  i 63 1  y 
in-8^.  VI.  -Jssertio  veritatis  hehrài- 
cœ  altéra,  Paris,  i(i34>  in-8°.  VII. 
Castigatio  animadversiomtm  Mori- 
ni in  censurnni  E.iercitalionwn  ad 
Fentateuchuni  auniaritanum  ,  seu 
veritatis  htbraïcœ  Assertio  tertia^ 
Paris,  i63g,  in-80.  Le  père  Morin 
de  l'Oratoire  avait  fait  paraître,  en 
i63i ,  ses  Exercitaliones,  dans  les- 
quelles il  n'oubliait  rien  pour  dimi- 
nuer l'autoritédu  texte  hébreu  d'au- 
jourdhui,  et  pour  relever  celle  du 
Penlatcuque  samaritain  et  de  la  ver- 
sion grecquedes  Septante.  De  Muis  , 
dans  le  premier  de  ces  trois  traités, 
entreprit  de  défendre  le  texte  hébreu, 
et  de  répondre  aux  propositions  du 
j)ère  Morin  ;  et  comme  le  docte  ora- 
torien  persista  dans  ses  opinions  , 
Muis  fit  paraître  successivement  les 
deux  autres.  Ils  peuvent  être  d'une 
grande  utdité  contre  les  erreurs  du 
P.  Morin ,  suivant  Richard  Simon  et 
le  père  Fabricy,  quoique  l'auteur 
soit  tombé  dans  l'extrémité  opposée, 
en  attribuant  à  la  M  ssore  des  pri- 
vilèges qui  ne  lui  conviennent  point, 
et  qu'il  n'ait  pas  toujours  compris  le 
sens  de  son  adversaire.  Ils  se  trou- 
vent dans  le  deuxième  tome  de  la 
collection   des  OEuvres   de    Muis  , 


368  MUI 

Paris,    i05o.   VIII.    Varia  sacrx 
variis  è  rabhinis  conte it a,  Piiris, 
itt34  »  in-8'^.;  à  la  suite  de  VAsserlio 
veritatis  hebràide  altéra ,  dans  le 
tome  VII  des  Critii  sacri,  el  dans 
le  tome  ii  de  la  collection  de  i65o. 
C'est  im  recueil  de  ce  que  les  rahhini; 
ont  dit  de  meilleur  sur  les  endroits 
les  plus  dilîiciles  duPentaîeuque,du 
livre  de  Josné  et  des  premiers  cha- 
pitres du  livre  des  Juges.  De  IMuis 
s'était  exercé  dans  la  poésie  liébrai- 
que  ;  et  Bourdelot  a  recueilli  une  de 
ses  pièces  ,  Paris ,  i  G 1 9.  On  lit  dans 
V Abrégé  de  la  vie  da  D aillé ,   que 
ce  ministre  ayant  écrit  en  laveur  des 
protestants ,  sur  le  dernier  verset  du 
psaume   20,  de  Muis  lui  répondit 
pour  soutenir  riiilerprcte  latin.    Il 
est  question  de  quelques  autres  de  ses 
opuscules, dans  les  Mémoires àc^v- 
ceron,  dans  Moréri  et  dans  le  Gai- 
lia  orientalis  de  Paul  Golomiès. 

L B £. 

MULEY-ABDALLAH,  empereur 

de  Maroc ,  de  la  dynastie  rén;nanlc 
des  chcryls-filely ,  et  fils  de  Miiley- 
Ismaël,  succéda  ,  en  1729,  à  son 
frère  Muley-Alimed-Dehaby ,  par  les 
intrigues  el  les  largesses  de  sa  mère, 
qui  le  lit  venir  de  Tafilet  à  ftlekinez. 
Ce  prince  avait  montré  quelques  bel- 
les qualités   avant  de   parvenir  au 
trône.  On  rapporte  un  trait  singu- 
lier de  sa  clémence  el  de  sa  justice. 
Un  esclave  portugais  ,  l'ayant  volé 
deux  fois  ,  avait  deux  fois  obtenu  sa 
grâce;  il  revint  encore  à  récidive  , 
prit  des  pistolets  d'arçon  à  son  maî- 
tre ,  et  en  substitua  d'autres  moins 
riches.   Abdallah   s'aperçut  de   cet 
échange,  pressa  l'esclave  d'avouer  sa 
faute  ,  promit  de  lui  pardonner  de 
nouveau  ,  et  lui  offrit  même  de  l'ar- 
gent pour  aller  racheter  les  pistolets , 
s'ils  étaient  vendus.  Irrité  des  im- 
pudentes dénégations  de  l'esclave , 


MUL 

il  lui  cassa  la  tête  d'un  coup  de  fu- 
sil. Il  alla  cnsuilc  au  couvent  des  ré- 
collets de  IMekinez ,  exposa  le  fait 
au  père-gardien  ,  sous  des  noms  sup- 
posés ,  et  lui  demanda  quel  châti- 
ment on  infligeait  chez   les    Chré- 
tiens à  un  esclave  qui   aurait  volé 
trois  fois  son  maître:  ayant  su  qu'on 
le  punissait  de  mort,  il  ajouta  qu'il 
avait  tué  le  sien.  Le  religieux  lui  fit 
observer  que  sa  précipitation   n'a- 
vait pas  laissé  à  ce  malheureux   le 
tcmj)s  de  se  repentir,  et  causerait 
peut  être  sa  damnation.  «  Tant  pis 
»  pour  lui  s'il  est  damné,  reprit  le 
»  prince;   les    voleurs  méritent  de 
w  l'ctrc.  »  L'élévation  de  Mule)- Ab- 
dallah  changea   son  caractère  ;   il 
devint  aussi  injuste,   aussi    avare, 
aussi  cruel  qu'il  avait  été  jusqu'alors 
équitable,  généreux  et  humain.  Mal- 
gré la  conduite  circonspecte  du  fils 
d'Ahmed- Dehaby  ,  il  le  dépouilla 
de  tous  ses  biens,  après  l'avoir  pri- 
vé  du  trône ,  le   fit   arrêter   deux 
fois  ;  et  i!  l'eût  sacrifié  à  sa  sûreté  , 
si  ce  jeune  prince  n'était  parvenu 
à  se  sauver.  La  ville  de  Fez  n'ayant 
pas  voulu  reconnaître  Abdallah  ,  il 
l'assiégea,  la  prit  d'assaut,  fit  pas- 
ser la  garnison  et  une  grande  partie 
des  habitants  au  fil  de  l'épée  ;  et  011 
ne  le  dissuada  de  la  détruire  de  fond 
eu  comble ,  qu'en  lui  faisant  crain- 
dre de  s'attirer  les  malédictions  du 
ciel,  cette  ville  ayant  été  fondée  par 
Edris  ,  l'un  de  ses  ancêtres  ,  dont  le 
tombeau  y  était  en  grande  vénéra- 
tion [F .  Edivis,II,  536).  Il  ne  laissa 
pas  d'en  faire  raser  les  murailles. 
Ce  fut  auprès  de  Muley- Abdallah 
que  se  retira,  en  fjS'i  ,  le  duc  de 
Ripperda ,  disgracié  par  la  cour  de 
Madrid  ,  et  dont  les  intrigues  en- 
gagèreot  ce  prince  dans  des  guerres 
ruineuses  et  malheureuses,  tant  pour 
secouiir  Grau,  que  pour  recouvrer 


MTIL 

Ceula  (  ^.RiPPERUA  ,  cl  Philippe  V, 
roi  d'Espagne).  Miilcy-Abilallah  uc 
manquait  pas  de  courage  cl  d'acti- 
vité ;  mais  ,  fougueux,  imprudent  , 
téméraire,  il  échoua  dans   presque 
toutes  SCS  expéditions,  et  répandit 
le  sang  de  ses  sujets  pour  se  venger 
de  ses  revers.  «  Mes  sujets  (  disait- 
il  à  sa  mère ,  qui  lui  reprochait  sa 
barbarie  ),  »  n'ont  d'autre  droit  à  la 
»  vie  que  ma    volonté;  et  je  n'ai 
»  pas  de  plus  grand  plaisir  que  celui 
»  de  les  tuer  moi-même.  »  En  efïét, 
non  content  d'assister  aux  exécu- 
tions ,  il  trouvait  souvent  que  les 
bourreaux  s'en  acquittaient  mal,  et 
leur  montrait  comment  il  fallait  s'y 
prendre.  Le  général  du  corps  des  nè- 
gres, pour  échapper  à  son  ressenti- 
ment, s'était  réfugié  dans  un  asile. 
11  en  sortit  sur  la  parole  du  tyran , 
qui  avait  promis  de  lui  pardonner. 
Revêtu  du  drap  du  sanctuaire ,   il 
parut  devant  ce  prince  ,  qui ,  après 
avoir  baisé  religieusement  l'étoile  sa- 
crée, en  dépouilla  l'infortuné  géné- 
ral ,  le  perça  de  sa  lance  ,  et  deman- 
da une  coupe  pour  boire  son  sang. 
Son  premier  ministre  le  détourna 
de  ce  dessein ,  «n  lui  représentant 
que  ce  breuvage  était  indigue  d'un 
monarcjue,  et  eu  offrant  de  le  boire 
à  sa  place.  Ce  prince  ,  pendant  les 
premières  années  de  sou  règne ,  fut 
le  jouet  des  caprices  de  la  fortune, 
de  l'inconstance  des  peuples  ,  et  de 
la  cupidité  de  ses  soldats ,  quoique  , 
pour  les  satisfaire  ,   il  se   fût  livré 
à   des  prodigalités   bien  étrangères 
à  son  caractère.  Déposé  cinq  fois 
et  remplacé  par  quatre  de  ses  frères, 
avec  lesquels  il  fut  continuellement 
en  guerre  ,  il  demeura  enfin  paisible 
possesseur  du  trône ,  pour  la  sixiè- 
me   fois,  vers    i']^'^.  Instruit  par 
l'expérience,  il  résolut  d'affaiblir  le 
corps  des  nègres  ,  qui  avaient  épui- 


INUJL 


3-ru 


se  l'éta!  par  les   révolutions   qu'ils 
avaient  causées.  Voulant  les  rendre 
odieux  dans  les  provinces  ,  il  leur 
suscita  de  fréquentes  querelles  avec 
les    montagnards  ,  et   envoya    des 
troupes  au  secours  de  ces  derniers. 
Par  cette  politique  barbare,  il  anéan- 
tit l'infliieuce  que  cette  milice  tur- 
bulente avait  usurpée.  L'empire  jouit 
alors  de  quelque  tranquillité  ,  ji!S- 
qu'à  la  mort  de  Muley  -  Abdallah  , 
arrivée  le  i'2  novembre  1757  ,  dans 
un  palais  qu'il  avait  fait  construire 
à  Fex  ,  où  il  passa  les  dernières  an- 
nées de  sa  vie.  Auparavant  il  rési- 
dait alternativement  a  Mekincz  et  à 
Maroc  ,  aux  deux  extrémités  de  ses 
états.  Les  vicissitudes  qr.e  ce  prince 
avait  éprouvées,  loin  de  le  corriger, 
l'avaient  rendu  pins  sanguinaire.  11 
régna  par   la  terreur.   11  ne  passait 
pas  de   semaine,  de  jour  peut-être  , 
sans    immoler  quelque  malheureux 
à  sa  fui'eur  ou  à  ses  caprices.  Aussi 
féroce  ,  aussi  bizarre  que   son   père 
Ismaël,  il    se    montra    quelquefois 
moins  avare ,  moins  superstitieux; 
il  fut  plus  accessible  aux.  Ëurojiéens. 
11  conclut  la  paix  avec  les  Anglais 
et  les  Hollandais;  il  autorisa  plu- 
sieurs établissements  de  commerce 
dans    ses    états.    Quoique    dur    et 
cruel  envers   les  esclaves  chrétiens, 
il  ne  leur  refusait  ])as  la    liberté  , 
moyennant    une    rançon  ;    et    il    v 
eut    plusieurs    rachats    de    captifs 
sous  son  règne.  Dans  ses  cruautés  , 
on    distinguait    quelques    principes 
de  justice.   Un  alciude ,   condamné 
à  mort  ,  odiit  tout  son  bien  pour 
sauver  sa  vie.  «  Ton  bien  est  à  tes 
«  enfants  ,  lui  dit  le  monarque;, tu 
»  es  seul  coupable,  tu  ])criras.  »  La 
fcrocitéde Muley- Abdallah  semblait 
provenir  d'une  humeur  atrabilaire 
et  de  l'agitation  de  son   sang.    Il 
pi-éscuta  un  jour  iiooo  ducats  à  uu 


370  MUL 

de  ses  gens ,  et  le  pressa  de  s'cloi- 
gner  pour  se  soustraire  à  ses  fu- 
reurs. Cet  ofTicier  ne  voulut  pas 
quitter  son  ra.utre,  qui  le  tua  dans 
une  autre  occasion  ,  en  lui  repro- 
cliant  de  n'avoir  pas  suivi  son 
conseil.  Ayant  couru  risque  de  'c 
noyer,  il  fut  secouru  pa.  un  nègre 
qui  se  félicitait  de  l'-.voir  relié  de 
l'eau,  lorsque  ce  pruice  lui  enditia 
tête  d'un  coup  di;  sabre  .  en  disant  : 
«  Voyez  ce  ci  ien  qui  c  ait  que  Dieu 
»  a  liesoiade  lui  pur  sav.veruuche- 
»  r}f.  )>  Sans  manquer  p^ibliquemenl 
aux  pratiques  de  l'islainisine  ,  il  res- 
pect.dt  peu  !cs  prejiigës  populaires. 
11  lit  périr  plusieurs  Maures  eu  répu- 
tation de  saiiilcté  :  l'un  d'eux  ayant 
pre'tcn  iu  être  envoyc'  [lai-  le  pro- 
phète pour  J'exliortcr  a  cliangcr  de 
conduite  :  <•  Le  proplii  te  ,  repondit 
»  Abdallah  ,  l'a  t-il  dit  comment  je 
5)  te  recevrais  ?  Il  m'a  assure',  re'- 
»  pliqua  le  santon,  que  vous  seriez 
»  touché  de  mes  avis ,  et  que  vous 
»  en  feriez  votre  profit.  »  —  Il  t'a 
trompé,  dit  l'empereur,  en  le  cou- 
chant par  terre  d'un  coup  de  fusil  ; 
et,  pour  punir  son  audace,  11  dcfeu- 
dit  qu'on  l'enterrât.  Livré  à  des  goûts 
infâmes,  ce  monarque  n'eut  que  deux 
fils,  l'un,  qui  périt  dans  les  guei'res 
civiles  ;  l'autre  ,  Sidy-Mohammed  , 
qui  gouverna  l'empire  pendant  les 
deux  dernières  années  de  son  père , 
auquel  il  succéda.  A — t. 

MULEY-ABDELMELEK,  roi  de 
Fez  et  de  Maroc ,  de  la  première 
dynastie  des  Chcryfs  ,  avait  servi 
dans  les  armées  othomanes  avant 
de  parvenir  au  trône.  Après  la  mort 
de  son  frère  Abdallah,  l'an  981  de 
l'hég.  (1.574  de  J.-C.  ),  Mulcy  Mo- 
hammed al  Monthascr  ,  fds  et  suc- 
cesseur de  ce  dernier  ,  sacrifia 
jusqu'à  SCS  propres  frères  à  une  po- 
litique barbare.  Abdelmeîek ,  crai- 


MUL 

gnant  d'éprouver  le  même  sort ,  se 
révolta;  et,  secondé  par  son  frère 
Muley-Ahmedet  par  les  secours  que 
lui  envoya  Ramadhan,  pacha  d'Al- 
ger, il  iivia  batiiille  à  sen  neveu, 
en  984  (1576)  remporta  sur  lui  une 
victoire  décisive,  quoique  avec  des 
forces  très-inféiieures  ,  et  deuieura 
maître  du  royaume.  Mohamnied  eut 
recours  à  la  protection  des  Chré- 
tiens ,  qui  possédaient  plusieurs  pla- 
ces en  Afrique.  Il  ne  put  rien  obte- 
nir des  Espagnols  ;  mais  il  fut  plus 
heureux  auprès  des  Portugais  ,  aux- 
quels il  promit  les  p(jrts  d'Arzille  et 
de  Larache  ,  s'ils  l'aidaient  à  recou- 
vrer ses  états.  Dom  Sébastien  ,  leur 
roi ,  saisit  avec  ardeur  cette  occasion 
de  se  signaler  contre  les  infidèles. 
Après  deux  années  de  préparatifs, 
il  parvint  à  rassembler  une  année 
de  io  mdle  hommes  ,  débarqiia  en 
Afrique ,  près  d'Arzille  ,  le  29  juillet , 
1578,  et  vint  camper,  le  4  ^oût 
suivant, dans  les  plaines  d'Al-Caçar- 
Kcbir.  Muley-Abielmelek  essaya  en- 
vain  d'acheter  la  neutralité  de  ce 
prince  imprudent,  par  les  offres  les 
plus  avantageuses.  Éh  bien  !  qu'il  iC 
perde,  s'écria-t-il,  irrité  de  ses  refus. 
Le  monarque  africain,  atteint  d'une 
maladie  dangereuse ,  et  porté  daus 
une  litière ,  après  avoir  pris  les 
mesures  les  plus  sages  pour  mainte- 
nir la  tranquillité  dans  sa  capitale, 
s'avança  contre  l'ennemi ,  à  la  tête  de 
5o  mdle  hommes  ,  et  donna  ses  or- 
dres en  grand  capitaine.  Le  roi  de 
Portugal  cond^atdt  en  soldat.  Ses 
troupes  ,  accablées  par  le  nombre,  et 
enveloppées  de  toutes  parts  ,  furent 
taillées  en  pièces.  La  fanjeuse  ba- 
taille d'AI-Caçar  eut  cela  de  re- 
marquable, q'ie  trois  rois  y  perdi- 
rent la  vie.  Sébastien  demeura  au 
nombre  des  morts.  MuleyMoham- 
med ,  qui  était  venu  joindre  ce  prince 


MUL 

avec  800  cavaliers,  se  noya  dans  sa 
fuite  ;  et  Mulcy-Abdclmclck  ,  ayant 
voulu  monter  à  cheval  pour  animer 
ses  soldats,  sentit  ses  forces  défail- 
lir ,  et  fut  reporte  dans  sa  litiè- 
re, où  il  expira,  eu  mettant  le  dnigt 
sur  sa  bouche ,  afin  de  recommander 
à  ses  gardes  de  cacher  sa  mort,  dont 
la  nouvelle  pouvait  empêcher  son 
armée  de  remporter  une  victoire 
complète  :  mais  les  auteurs  ara!)es 
disent  qu'il  mourut  de  joie.  Ce  pi  in- 
cc ,  qui ,  pendant  un  règne  de  deux 
ans ,  avait  su  mériter  l'affection  de 
ses  sujets ,  eut  pour  successeur  son 
frère  Muley-Ahmed  Labass,  qui  fut 
proclame'  roi  sur  le  champ  de  ba- 
taille. A — T. 

MULEY  -  AHMED  DEHABY  , 
empereur  de  Maroc ,  fils  et~  succes- 
seur de  Muley  -  Ismaël ,  en  1727  , 
prit ,  avant  que  ce  monarque  eût  ex- 
pire ,  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  s'assurer  le  trône ,  auquel  sou 
père  l'avait  appelé.  Reconnu  à  Me- 
kinez ,  il  commença  son  règne  par 
im  acte  de  clémence  remarquable 
dans  un  prince  musulman  et  africain. 
Il  pardonna  à  son  frère  Abdallah  , 
qui  ,  après  avoir  tenté  de  s'emparer 
de  celte  ville  ,  avait  eu  la  confiance 
de  se  livrer  à  lui.  Mais  Ahmed  n'en 
fut  pas  moins  un  prince  aussi  inca- 
pable qu'indigne  de  régner.  Généreux 
par  politi(jue,  mais  avare  comme 
son  père,  s'il  diminua  quelques  im- 
pôts ,  il  dépouilla  de  leurs  bijoux  les 
femmes  de  ce  prince.  Féroce  et  dis- 
solu, il  eut  bientôt  dissipé  les  trésors 
que  son  père  avait  amassés.  Attaqué 
par  Abdelmelek,  un  autre  de  ses 
frères  ,  il  lui  opposa  Mulev-Aly,  son 
frère  utérin,  qui  fut  taillé  en  pièces. 
Le  vainqueur  fut  reconnu  à  Maroc  , 
dans  tout  le  midi ,  ainsi  qu'à  Fez  et 
à  Tctuan  ;  mais  les  nègres  qu'il  n'a- 
vait pas  su  ménager,  l'ayant  défait 


INIUL  '       371 

dans  une  embuscade ,  le  faux  bruit 
de  sa  mort  releva  le  parti  d'Ahmed. 
Fez  se  soumit  j  et  les  Arabes  ren- 
trèrent dans  le  devoir.  Abdelmelek 
olli  it  la  paix,  et  demanda  la  moitié  de 
l'empire, des  trésors  ,  des  chevaux, 
des  arsenaux.  Ahmed  aurait  acheté 
à  ce  piix  la   liberté  de  se   plonger 
impuuémcut  dans   la  crapule  et  la 
ciuaulé  :  ses  luiuistrcs  l'eu  détour- 
nèrent ;  et  il  continua  de  souiller  le 
trône  par  toutes  sortes  d'infamies  et 
d'horreurs.  Passionné  pour  les  plai- 
sirs de  la  table,  et  ne  trouvant  point 
assez  de   variété  dans  les  mets  en 
usage  chez  les  Maures,  il  choisit, 
parmi  ses  esclaves  chrétiens  ,  quatre 
cuisiniers   de   quatre   nations  dilTé- 
rentes ,  et  les  chargea  de  lui  apprêter 
les  mets  de  leurs  pays.  Pour  se  dé- 
rober à  sa  fureur,  on  n'avait  d'autre 
ressource  que  de  l'enivrer  :  car  sou 
ivresse  était  moins  dangereuse  que 
l'usage  de  sa  raison.  Un  jour  il  pi-é- 
cipite  un  esclave  du  haut  d'une  ter- 
rasse, pour  avoir  trop  pressé  le  ta- 
bac dans  sa  pipe  ;  étant  à  la  chasse  , 
il  en  fait  périr  un  autre  qui  n'avait 
pas  assez  tôt  amené  ses  chiens.  Il 
fait  arracher  les  dents  à  une  de  ses 
femmes,  et  lui  envoie,  pour  la  con- 
soler ,  les  dents  de  l'exécuteur  de 
cet  ordre;  couché  auprès  d'une  au- 
tre de  ses  favorites  ,  il  lui  coupe  le 
bras  en  s'évcillant,  parce  qu'elle  avait 
osé  le  passer  au  cou  de  son  empereur. 
11  abuse  des  femmes  de  ses  sujets , 
et,  par  une  atroce  jalousie,  il  .les 
condamne  ensuite  à  mort,  avec  leurs 
maris   auprès   de  qui   elles   étaient 
retournées.  Ou  se  soulève  contre  lui, 
on   l'arrête  ;  et  l'on  proclame    soa 
frère  Abdelmelek,  en  mars  17-^8.  Le 
premier  eunuque  ,  frustre  dar.s  son 
espoir  de  posséder  seul  la  confiance 
du   nouveau  souverain,  entreprend 
de  le  renverser  du  trône.  Pour  prc- 
•24  . 


372  MUL 

venir  les  suites  de  ce  complot,  Abdel 
melek  ordonne  à  son  fiLs  de  faiic  cre- 
ver les  yeux  au  prince  délrôué,  qui 
était  relégué  à  Taiilel.  Sou  secret 
est  trahi.  Muley- Ahmed  s'évade  de 
sa  prison  ,  et  s'enfuit  dans  les  déseï  ts. 
Ab  lelmclek,  ennemi  juré  des  nègres, 
irrite  ce  corps  redoutable.  Ahmed, 
rappelé  ,  s'empare  de  Mckinez  ,  par 
trahison ,  et  lait  clouer  vifs  aux 
portes  de  la  ville  les  principaux  au- 
teurs de  sa  disgrâce.  Son  frère  s'é- 
tait sauvé  à  Fez  :  il  y  est  assiégé  ;  et 
les  habitants,  pressés  par  la  famine, 
obliennent  Iru  grâce  eu  le  livrant 
au  vaiucpieur.  Mu]ey-Ahme<l  le  traite 
quelque  temps  avec  douceur  ;  mais  , 
a'taqué  d'une  hydro[àsie,  fruit  de 
son  intempérance,  il  le  fait  étran- 
gler, et  expire  lui-même  six  jours 
après  ,  le  i'>.  mars  ly'iQ.  Il  eut  pour 
successeur  son  frère  Muley-ALdal- 
lah.  Dins  les  derniers  temps  de  son 
règne,  il  s'était  occupé  d'embellir 
son  pilais  de  Miiror;  il  en  avait  doré 
tout  l'intérieur  ,  décoré  de  glaces  les 
plafoi.ds,  et  onié  les  principales 
salles  ,  de  grands  bassins  de  marbre, 
où  coulait  une  eau  vive  et  remplie 
de  poissons.  A — t. 

NULEY- AHMED  LAB ASS  AL- 
MANSOUR ,  fut  proclamé  roi  de  î\la- 
roc  ef  de  Fez,  après  la  mort  de  sou 
frère.  Abdcl-Melek,  sur  lechau.pde 
bataille  d' Al-Caçar.  En  alla  ut  prendre 
possession dn  !rO(ie,rant)8G;  i  178  ) 
il  fit  porttr  en  triomphe  devant  lui 
la  peau  elupaiiiée  de  son  neveu , 
Mnley  Mohammed,  afin  d'avilir  la 
mémoire  d'un  prince  qui  s'était  al 
lié  aux  Chrétiens,  et  d'épouvanter 
les  esprits  portes  à  la  révolte.  Ce- 
pendant, loin  de  chei'cher  a  cide- 
V'.'r  aux  Portugais  les  places  qui  leur 
re.-taieot  eu  Afrique,  Muley-Ahmed, 
persuadé  que  ses  états  avaient  besoin 
de  repos  ,  entretint  la  paix  avec 


MUL 

Philippe  II,  qui  s'était  emparé  du 
Portugal ,  et  lui  renvoya  le  coips  du 
roidom  Sébastien, avec  les  seigneurs 
qui  avaient  été  faits  prisoimiers  a  la 
bataille  d' Al-Caçar.  Il  méditait  alors 
une  guerre  moius  glorieuse,  mais  qui 
lui  olTrait  de  grands  avantages  et  peu 
de  dangei  s.  En  998  (  1 089  ) ,  il  en- 
voya un  corps  de  troupes  choisies  et 
bien  équipées,  dans  l'intérieur  de  l'A- 
frique. Isliak,  roi  de  Tombouktou  , 
à  la  tète  de  cent  mille  hommes ,  aux- 
quels s'étaient  jointes  les  troupes 
des  cheikhs  arabes  du  Sahrah  , 
voulut  eu  vain  arrêter  la  marche 
des  Marocains.  Son  armée ,  épou- 
vantée par  le  bruit  de  rartiilerie , 
prit  la  fuite;  et  sa  capitale,  ainsi 
que  plusieurs  places  voisines  ,  tom- 
bèrent au  pouvoir  des  vainqueurs. 
Le  roi  de  Tombouktou ,  ayant  tra- 
verse le  Niger  ,  s'était  renfermé  dans 
une  place-  forte;  il  y  fut  bientôt  in- 
vesti par  les  Marocains ,  demai.da 
la  paix,  et  offrit  de  se  soumettre  à 
un  traité  annuel.  Mais  Muley-Ahmed 
ordonna  de  continuer  la  guerre  avec 
la  plus  grande  activité;  et,  mécon- 
tent de  ce  qu'on  avait  levé  le  siège , 
sans  attendre  sa  réponse,  il  destitua 
son  général.  Ishak ,  poursuivi  de 
place  eu  place  jusque  dans  Kourkia, 
y  mourut  de  chagiin.  Tous  les  sou- 
verains de  l'intérieur  de  l'Afrique 
se  soumirent  au  roi  de  Maroc,  qui 
étendit  sa  domination  de  ce  côté  , 
plus  loin  qu'aucun  de  ses  prédéces- 
seurs.Il  les  surpassa  en  richesses  com- 
me en  puissance.  De  toutes  parts 
on  lui  envovait  de  la  poudre  d'or  : 
aussi  ne  pavait-il  ses  troupes  qu'avec 
ce  métal.  Près  des  portes  de  son 
palais,  i4oo  marteaux  étaient  con- 
tinuellement occupés  à  battre  mon- 
naie. De  là  lui  vint  le  surnom  de 
Duré ,  qui  lui  plaisait  beaucoup. 
Ou  ne  saui-ait  évaluer  les  richesses 


MUL 

qu'il  retira  des  pays  nouvellement 
conquis.  Le  règne  de  ce  monarque 
dura  vingt-cinq  ans,  et  ne  fut  qu'une 
suite  de  tètes  et  de  plaisirs  j  chose 
sans  exemple  dans  l'histoire  d'Afri- 
que, Sa  tranquillité  ne  fut  trouhlee 
que  par  l'entreprise  infructueuse  de 
Muley-Naser,  son  neveu,  qui  ten- 
ta de  s'emparer  de  Fez,  en  iSgS. 
Muley-Clieikh  ,  fiLs  et  héritier  pré- 
somptif du  roi  de  Maroc,  détruisit, 
par  deux  victoires,  les  es{>crances 
du  prince  rebelle.  Muley  -  Ahmed 
mourut  en  i6o3,  emportant  les  re- 
grets de  ses  peuples,  dont  il  avait 
mérité  l'amour  et  le  respect.  Ama- 
teur des  arts ,  il  avait  fait  venir  deux 
peintres  espagnols ,  dont  il  récom- 
pensa généreusement  les  travaux.  Il 
protégea  et  cultiva  les  sciences:  elles 
l'avaient  servi  dans  son  expédition 
au-delà  du  Désert  ;  car  la  boussole 
et  des  observations  astronomiques 
avaient  dirigé  la  marche  de  son  ar- 
mée. Malgi  é  ses  dispositions  en  fa- 
veur de  Mulcy-Cheikb ,  prince  digne 
d'un  tel  père,  le  trône  de  Maroc  lui 
fut  disputé  par  les  autres  fds  de  Mu- 
ley-Ahmed,  et  demeura  enfin  à  Mu- 
ley Zeidan  ,  le  plus  jeune.      A — t. 

' MULEY- ARGHYD,  S-^.  prince  de 
la  "2.^.  dynastie  des  Gheryfs ,  nom- 
mée Filely  ,  aujourd'hm  régnante  à 
Maroc  ,  était  (ils  de  Muley  -  Aly  , 
qui  l'avait  fondée  à  Tafilet ,  vers  le 
commencement  du  dix  -  septième 
siècle.  Après  la  mort  de  son  père , 
il  se  révolta  contre  son  frère  aîné, 
Muley-Mohammed  ,  qui  le  vainquit 
et  le  fit  renfermer.  Archyd  s'évada  , 
fut  repris,  et  ayant  été  délivré  de 
sa  nouvelle  prison  par  un  nègre,  il 
coupa  la  tête  à  ce  fidèle  esclave  ,  en 
montant  à  cheval,  de  peur  d'en  être 
trahi.  Déguisant  son  rang  et  son 
nom  ,  il  alla  successivement  oftVir 
ses  services  à  deux  princes  raauxes 


MUL  Z')^ 

qui  régnaient  dans  les  montagnes  de 
Cliavoia  et  de  Rif.  Oblige  de  quitter 
la  cour  du  premier  ,  où  il  avait  été 
reconnu  ,  il  paya  d'ingratitude  le  se- 
cond ,  qui  lui  avait  accordé  toute  sa 
confiance,  le  fit  périr,  s'empara  de 
ses  états  ,  et  distribua  la  plus  grande 
partie  de  ses  trésors  ,  aux  dignes 
compagnons  de  ses  exploits.  Moham- 
med ,  roi  de  Tafilet ,  alarmé  des  pro- 
grès de  son  frère ,  tenta  contre  lui  le 
sort  des  armes  :  mais  après  avoir 
essuyé  deux  défaites ,  il  fut  assiégé 
dans  sa  capitale ,  ft  y  mourut ,  en 
16G4.  Tafilet  ouvrit  ses  portes  à 
Muley- Archyd  ,  qui ,  l'année  suivan- 
te, se  rendit  maître  de  Fez,  et ,  par 
suite ,  de  toutes  les  provinces  septen- 
trionales. Après  y  avoir  détruit  plu- 
sieurs principautés  qui  s'y  étaient 
formées  pendant  les  troubles ,  il 
marcha,  au  printemps  de  1667,  vers 
Maroc,  où  régnait  Muley- Cheikh, 
lîls  de  l'usurpateur  Crora-el-Hadj  , 
qui  venait  d'être  assassiné  par  sa 
femme.  Il  dissipa  les  troupes  de  ce 
jeune  prince,  le  fit  traîner  dans  la 
ville,  attaché  à  la  queue  d'une  mule, 
et  ordonna  que  le  corps  de  Crom- 
el-Hadj  fût  exhumé  et  brûlé,  avec  le 
cadavre  et  la  famille  vivante  d'un 
juif,  qui  avait  gouverné  l'état  sous 
cet  usurpateur.  Maître  de  Maroc  , 
Muley-Archyd  prit  le  titre  d'empe- 
reur ,  alla  soumettre  les  provinces 
orientales,  limitrophes  de  Tafilet, 
et  revint  par  celle  de  Taroudant.  Il 
avait  ûiflonné  aux  plus  riches  habi- 
tants de  Fez  ,  d'y  bâtir  des  casernes 
pourses  troupes.  Do  retoiir  dans  cette 
ville  ,  pour  les  punir  de  leur  déso- 
béissance, il  les  fit  attacher  à  des 
orangers  ;  et  déjà  il  commençait  à 
les  mettre  en  pièces  à  conns  de  sa- 
bre ,  lorsque  son  beau-père,  intercé- 
dant pour  ceux  que  le  prince  n'avait 
pas  encore  frappés  ,   lui  persuada 


374  MUL 

de  se  contenter  d'une  forte  con- 
tribnlion.  Les  veuves  des  malheu- 
reux qu'il  vouait  d'immoler,  ayant 
refuse'  d'y  concourir ,  l'-empereur 
les  y  contraignit,  enserrant  leurs 
mamelles  entre  rouvcrlured'un  cof- 
fre, sur  lequel  il  monta  lui-même. 
.Après  avoir  assnje'li  toutes  les  pro- 
vinces maritimes,  il  poursuivit  le 
prince  de  Sous  ,  jus((iie  dans  le  pays 
de  Soudan  :  mais  n'ayant  pu  l'arra- 
cher de  cet  asile ,  il  craignit  de  s'en- 
gager dans  les  déserts ,  et  ramena 
dans  ses  états  un  grand  nombre  de 
noirs,  dont  il  composa  la  garde  de 
son  palais.  Devenu  le  plus  puissant 
monarque  de  l'Afrique,  par  l'éten- 
due de  son  empire  ,  ([ui ,  depuis  le 
Détroit ,  allait  jusqu'au  cap  jNouu  ,  il 
voulut  en  être  aussi  le  plus  riche. 
Un  des  moyens  dont  il  usa  pour 
grossir  son  trésor,  fut  d'envoyer  des 
troupes  dans  toutes  les  provinces, 
afin  d'y  lever  des  contribution^  ar- 
bitraires,  auxquelles  les  voyageurs 
même  furent  assujétis.Une  caravane, 
ayant  résisté,  fut  piesque  entièrement 
égorgée.  iVluley  -  Archyd  publiait 
des  ordonnances  très-sévères  contre 
les  voleurs;  et  il  était  lui-même  le 
premier  brigaiid  de  son  empire. 
Fléau  des  méchants,  il  les  punissait 
par  des  crimes ,  outragea:  t  dans  leurs 
supplices  î'humsBité,  la  pudeur,  la 
justice  et  la  majesté  royale;  car  il 
cxerçaitsoiîventroiilce  de  bourreau , 
qu'il  regardait  comme  un  des  plus 
beaux  attributs  àe  la  souveraineté. 
La  compassion  que  l'on  témoignait 
pour  ses  victimes ,  était  à  ses  yeux 
nne  preuve  de  complicité,  et  punie 
du  même  supplice.  Ce  monstre  fai- 
sait malheureusement  respecter  sa 
cruavlté  par  un  grand  courage,  un 
génie  supérieur  et  une  extrême  libé- 
ralité :  mais  il  réservait  ses  lécom- 
pensespourieshoramesquiluiétaient 


MUL 

dévoués  ou  qui  lui  ressemblaient. 
Une  révolte  des  neveux  de  ce  prince, 
et  qui  fut  élouflée  dans  leur  sang,  est 
le  dernier  événement  d'un  règne  bril- 
lant, quoique  horrible.  Muley- Ar- 
chyd, inexorable  contre  les  ivro- 
gnes, mourut  à  la  suite  d'ime  orgie, 
le  U7  mars  1672,  dans  la  quarante- 
unième  année  de  son  âge,  et  la  hui- 
tième de  son  règne.  Il  se  fracassa  le 
crâne  sous  une  allée  d'orangers  ,  oîi 
il  avait  j)oussé  son  cheval.  C'est  ce 
prince  qui  a  établi,  le  premier,  à 
Maroc  ,  ce  système  de  tyrannie  san- 
guinaire ,  consolidé  et  perfectionné 
par  Muley-lsmaël ,  son  frère  et  son 
digne  successeur.  Pour  lui  la  férocité 
était  une  habitude,  un  amusement. 
Un  de  ses  alca'ides ,  voulant  lui  vanter 
la  sûreté  des  roules  de  son  empire, 
disait  avoir  rencontré  un  sac  de  noix 
que  personne  n'avait  osé  ramasser. 
Comment  sais-Ui  que  c  étaient  des 
noix,  dit  Archyd?  Je  les  touchai 
ai'ec  mon  pied,  répondit  le  ministre. 
Qu'on  lui  coupe  le  pied,  reprit  l'em- 
pereur ,  pour  punir  sa  curiosité. 
A—  T. 
MULEY-HAÇAN  ,  roi  de  Tunis, 
delà  dynastie  des  Hafsides,  parvenu 
au  trône ,  l'an  de  l'hég.  940  (  de 
J.-C. ,  i533  ) ,  après  la  mort  de  son 
père  ]Muley-Mohammed,  que  la  mère 
de  H.içan  avait  empoisonné,  s'y  main- 
tint en  faisant  étrangler  ou  aveugler 
la  plupart  de  ses  frères  et  de  ses  ne- 
veux. Al-Raschid,  l'un  des  premiers, 
s'étant  réfugié  auprès  de  Khair  eddyn 
Barberousse,  r^i  d'Alger  ,  celui-ci  lui 
promit  les  secours  de  la  Porte,  et  le 
conduisit  à  Constantinople.  On  y  pré- 
para un  armement  considérable,  qui 
devait  agir  contre  Tunis ,  au  nom 
d' Al-Raschid  ;  mais  lorsque  la  flotte 
mit  à  la  voile,  ce  prince  fut  retenu 
prisonnier  dans  le  sérail ,  et  l'on 
n'entendit  plus  parler  de  lui.  Cepen- 


IVIUL 

danf  Barberoussc  débarqua  près  de  la 
Goiilctte,dont  il  aclicti  la  reduitioii , 
et  inaicha  vers  Tunis  ,  où  sou  a])pro- 
che  excita  un  soulèvciueut  gctucral 
en  faveur  d'AI-Rascliid  ,  que  l'on 
croyait  malade  a  bord  ,  et  dont  il  se 
disait  le  protecteur  et  l'allie',  Muley- 
Haçati ,  de'tesie'  de  ses  sujets  ,  essaya 
vainement  d'arrêter  lu  sélition.  II  tut 
forcé  d'abandonner  son  palais  et  sa 
capitale,  où  il  laissa  des  ncuesses 
immenses.  Les  Tunisiens  ouvrirent 
leurs  portes  aux  Turcs  :  mais  ,  se 
voyant  trompes  ians  leur  attente,  ils 
prirent  les  armes  pour  les  chasser. 
Barberousse  ,  déji  maître  du  châ- 
teau ,  les  contraignit  de  se  soumettre 
au  sulthan  Soléiman  I^'^.  Muley- 
Haçau,  ayant  levé  une  armée  parmi 
les  tribus  arabes,  revint  bientôt  atta- 
quer les  Turcs  ;  mais  quehpies  dé- 
chargesd'artiilerie  suffirent  pour  dis- 
siper ses  troupes.  Réduit  à  fuir  et  à 
se  cacher  ,  il  eut  recours  à  la  protec- 
tion de  Charles-Quint ,  par  le  conseil 
d'un  renégat  Génois,  qui  fut  chargé 
de  la  négociation.  L'empereur,  à  la  tê- 
te de  trente  mille  hommes  ,  portés 
sur  quatre  cents  voiles  flamandes  , 
napolitaines  et  maltaiies ,  aborda 
près  de  la  Goulette ,  eu  i531  ,  et 
dressa  ses.  tentes  au  même  endroit 
où  avait  campé  autrefois  saint  Louis. 
La  Goulette  fut  emportée  d'assaut  ; 
et  Charles^  en  en  prenant  possession , 
dit  à  Muley  -  Haçan  ,  qui ,  à  travers 
mille  dangers ,  était  parvenu  au  camp 
des  Chrétiens  :  «  Voila  ia  porte  par 
»  où  vous  rentrerez  dans  vos  états.  » 
Une  victoire  remportée  sur  Barbe- 
rousse  ,  et  la  révolte  des  esclaves 
chrétiens  à  Tunis  ,  mirent  au  pou- 
voir de  l'empereur  cette  ville,  qui  fut 
pillée  et, saccagée  (  F.  Rarberousse 
II,  ui ,  34t  ).  Muley-Ha-^au,  rétabli 
sur  un  trône  entouré  des  cadavres 
de  quarante  mille  de  ses  sujets ,  se 


MUL  373 

rendit  tributaire  de  la  couronned'Es- 
pagne  :  il  céda  la  Goulelte  ,  Biseite, 
I)onna  ,  et  toutes  ses  places  maiiti- 
mes  a  l'empereur  ,  relâcha  tous  les 
captifs,  et  accorda  aux  Ch;  '  i  ;  s  la 
liberté  du  commcr  e  et  de  1  1  h- 
gion  dans  ses  état  .  Devenu  odieux 
par  ce  tiailé,  aux  ISl.isulmans  qui  le 
regardaient  comme  un  apostat,  il  vit 
les  piiucipales  villes  de  son  royaume 
se  révolter  ;  Mahdiah  .  Sousa  ,  etc., 
arborer  l'indépentiance  ,  et  se  créer 
des  magistrats  annuels;  Constantine, 
et  d'autres  places,  se  donner  à  Bar- 
beroussc, qui  fomentait  ia  lebeilion 
dans  les  états  de  ce  prince,  et  qui  ac- 
cueillait à  Alger  tou.->  les  Tunisiens  mé- 
contents. Environné  d  ennemis  se- 
crets ou  déclarés  ,  le  roi  de  Tunis  va 
lui-même  implo-  er  une  seconde  fois 
le  secours  du  monarque  qu'il  avait 
l'econnu  pour  suzerain.  Il  s'embarque 
avec  cinq  cents  cavaliers  ,  eu  900 
(  1 543  )  :  mais  il  ne  trouveTempereur 
ni  à  Naples  ,  ni  en  Sicile  :  Charles 
était  alors  en  Allemagne.  Haçan  ap- 
prend à  Naples  la  révolte  de  son  lils 
Homaïdah.Du  consentement  du  vice- 
roi  ,  il  lève  im  corps  de  deux  mille 
bandits  et  déserteurs  ,  retourne  en 
Afrique  ;  et  ,  malgré  les  conseils  du 
gouverneur  de  la  Goulette  ,  il  s'obs- 
tine à  marcher  contre  Tunis  ,  sans 
a  t  tendre  de  nouveaux  renfoits.  Aveu- 
glé par  le  désir  de  la  vengeance  ,  et 
trompé  par  la  feinte  soumission  de 
quelques  perfid;'S  ,  il  s'avance  impru- 
demment avec  sa  petite  troupe.  En- 
veloppé par  des  forces  trcs-supé- 
rieuscs  ,  il  se  bat  en  désespéré  :  tofts 
ses  gens  sont  taillés|;n  pièces  ,  et  lui- 
même,  blessé  et  renversé  de  cheval  , 
se  traîne  dans  un  marais  et  s'y  cache 
sous  des  roseaux.  Ou  le  découvre,  et 
on  le  conduit  a  "^îuley-Homaidah , 
qui  lui  fait  crever  les  yeuxetlecon- 
line  dans  une  prison.  Haçau  fut  mis. 


a-G 


MUL 


en  liberté  dans  la  suite ,  par  sou 
frère  Abilcl-Melck  que  les  Espagnols 
avaient  place  sur  le  trône  de  Tunis. 
Il  se  relira  d'abord  à  la  Goulette  , 
d'uii  il  passa  à  Naples,  puis  à  Rome. 
11  se  rendit  ensuite  à  Augsbourg  où 
il  vit  Charles-Quint  ,qui,  touchcf^de 
ses  malheurs  ,  promit  de  le  rétablir  ; 
ïnais  Haçan  mourut  à  Rome  ou  en 
tjicile  ,  quelque  temps  après  (  F. 
l'article  suivant  ).  A- — t. 

MULEY-HOMAIDAH,  dernier 
roi  de  Tunis,  de  la  dynastie  des  Haf- 
sides ,  et  fils  du  précédent,  se  ré- 
volta tandis  que  son  père  était  à  ISa- 
p!es.  Il  publia  que  Muity-Haçan  était 
mort  dans  cette  ville,  après  avoir 
reçu  le  baptême,  et  que  Mohammed, 
second  fds  de  ce  prince,  allait  être 
donné  pour  roi  aux  Tunisiens  par 
les  Espagnols ,  chez  lesquels  il  était 
en  otage,  et  dont  il  avait,  disait -il, 
adopté  les  mœurs  et  la  religion.  Ces 
faux  bruits  répandent  Taiarme.  Mu- 
ley-Horaa'idah  est  proclamé  souve- 
rain de  Tunis  l'an  900  (  i543)  :  les 
portes  lui  en  sont  ouvertes.  Il  fait  pé- 
rir le  gouverneur  de  la  ville  et  celui 
du  château,  qui  étaient  dévoués  à 
son  père,  s'empare  du  palais,  et 
souille  le  harem  de  ce  prince,  dont 
il  s'approprie  les  plus  bt-lles  fem- 
mes. Après  avoir  vaincu  et  privé  de 
la  vue  Muley- Haçan  {F .  l'art,  pré- 
cédent ) ,  l'usurpateur  crut  échapper 
an  ressentiment  de  Charles- Quint , 
en  se  reconnaissant  son  feudataire. 
Le  gouverneur  espagnol  de  la  Gou- 
lettefcignitd'accepter  cet  hommage  ; 
mais,  ayant  reçu  des  troupes  que  lui 
envoya  le  vice-roi  de  Naples, il  mar- 
cha contre  Tunis,  et  y  établit  pour 
souverain  Abdel-Melek ,  l'rèrc  de  Mu- 
ley-Haçan, tandis  que  Homa'idah  était 
allé  soumettre  Biserte.  AbLlel-McIck 
étant  mort  cinq  semaines  après,  les 
Espagnols  placèrent  sur  le  troue  son 


MUI, 

fils  Mohammed ,  âgé  de  douze  aus , 
sous  la  tutèle  de  trois  ministres.  Le 
peuple  se  lassa  bientôt  de  ce  trium- 
virat, et  rappela  Homaidah  ,  qui  s'é- 
tait retiré  dans  l'île  de  Djerbeh.  Mo- 
hammed se  réfugia  chez  les  Arabes  ; 
et  Homa'idah  signala  son  retour  à 
Tunis  par  le  massacre  de  tous  ceux 
qui  lui  avaient  été  contraires.  11  ré- 
gna paisiblement  jusqu'à  l'an  9-^8 
(1570),  qu'il  fut  chassé  de  ses  états 
par  Kilidj-Aly ,  dey  d'Alger.  11  re- 
prit Tunis  avec  le  secours  des  Es- 
pagnols en  g8i  (  1578  )  :  mais  ,  re- 
jeté par  ses  sujets,  il  alla,  dit-on, 
mourir  en  Sicile  ,  où  il  se  fit  chré- 
tien. L'année  suivante ,  son  frère 
Muley -Mohammed  fut  détrôné  par 
Sinan- Pacha,  qui  prit  la  Goulette 
et  Tunis,  v  établit  le  gouvernement 
turc,  et  mit  fin  à  la  dynastie  des 
Hafsides  (  V.  Sinan-Pacha).  A — t. 
MULEY-ISMAEL,  empereur  de 
Maroc,  était  frère  utérin  de  Mulcy- 
Archyd,  ayant  eu  pour  mère  la  mê- 
me négresse.  Pendant  le  règne  de  ce 
prince ,  il  vécut  à  Mekiuez  ,  en  sim- 
ple particulier,  se  livrant  à  l'agri- 
culture et  au  commerce,  afin  d'aug- 
menter ses  richesses;  car  la  soif  de 
l'or  fut  une  de  ses  passions  favorites. 
Dès  qu'il  eut  appris  la  mort  de  Mu- 
ley-Archyd,  eu  167U,  il  s'empara 
de  Fez,  où  étaient  les  trésors,  et  y 
fut  proclamé  souverain.  »Son  frère, 
Muley-Haran ,  se  rendit  à  TaGlet,  où 
il  prit  le  titre  de  roi  ;  et  Muley-Ah- 
med  leur  neveu  fut  reconnu  à  Maroc. 
L'année  suivante  ,  Ismacl  marcha 
contre  ce  dernier  ,  et  dut  à  son  artil- 
lerie la  victoire  qu'il  remporta  à  une 
lieue  delà  capitale.  Ahmed,  blessé 
d'une  balle,  s'enfuit  dans  les  monta- 
gnes ;  et  Ismaél  entra  dans  Maroc. 
Mais  sa  parcimonie  ayant  indisposé 
ses  troupes,  des  révoltes  éclatèrent 
dans  le  nord  de  l'empire.  Le  vieux 


MUL 

Fez,  Teza,  se  déclareront  pour  Ali- 
mod.  Le  gouvcnionr  d'Arzille,  avec 
le  secours  des  Alj^iC'rioiis  ,  fit  soulever 
la  province  de  Garb.  Isrnaol ,  avec 
dou7.e  mille  hommes  qui  lui  restaient, 
tailla  en  pièces  les  rebelles,  et  sou- 
mit toutes  les  provinces  du  nord.  11 
alla  dans  celles  du  raidi,  eu  1^)74 » 
et  y  alFermit  son  autorité  par  des 
cruautés  iuou'ics.  Aliraed ,  soutenu 
par  les  Maures  de  Taroudant,  et  se- 
conde par  les  intrigues  de  sa  mère , 
rentra  secrètement  dans  Maroc,  l'an- 
née suivanle,  battit  les  troupes  en- 
voyées par  sou  oncle  ,  et  résista  d'a- 
bord avec  avantage  aux  efforts  ,  aux 
ruses,  aux  pièges  de  ce  prince,  qui 
parvint  à  le  cerner  dans'  Maroc, 
sans  pouvoir  l'obliger  à  se  rendre. 
Rebuté  de  la  longueur  du  siège  ,  et 
réduit  à  la  disette  ,  Ismaèl  employa 
lour-à-tour  la  perfidie  et  la  cruauté, 
pour  extonpier  des  vivres  et  de  l'ar- 
gent aux  cheikhs  des  tribus  voisi- 
nes. Enfin  la  médiation  de  Mulev- 
Haran ,  roi  de  Tafdet  ,  rétablit  la 
paix  entre  Ismacl  son  IVère,  et  Ah- 
med son  gendre  et  son  neveu.  Le 
jeune  prince  conserva  le  titre  de  roi , 
et  obtint  la  souveraineté  de  Dara.  h- 
inaël  étant  entre  dans  le  château  de 
Maroc  ,  et  ayant  vu  qu'il  y  restait  à 
peine  des  munitions  pour  huit  jours, 
s'arracha  la  barbe  de  dépit,  accusa 
son  frère  de  trahison,  le  fitarréter,  et 
s'empara  deTalilet.  Sans  respect  pour 
la  capitnlation  ,  il  abandonna  Maroc 
au  pillage ,  et  exerça  lui-même ,  con- 
tre les  habitants ,  toutes  les  violences 
que  lui  suggéra  sa  férocité.  Une  ré- 
volte qu'il  étouffa  par  la  force  des  ar- 
nes  ,  dans  la  province  de  Chavoia, 
termina  la  guerre  qui  durait  depuis 
trois  ans.  Ismaël  fit  main-basse  sur 
les  femmes  et  les  enfants  des  rebel- 
les, et  envoya  dix  raille  têtes  pour 
être  clouées  aux  murs  de  Fez  et  de 


MUL  377 

Maroc,  afin  d'annoncer  sa  victoire, 
et  d'inspirer  la  terreur  aux  deux  ca- 
pitales de  son  empire.  Ce  jirince  , 
jouissant  enfin  à  Mckiiicz  ,  îles  don- 
ceiirs  de  la  paix,  se  livra  à  la  pas- 
sion des  femmes  et  à  la  manie  des  bâ- 
timents. L'une  et  l'autre  lui  offraient 
de  fréquentes  occasions  de  satisfaire 
son  humeur  capriciense  et  sangui- 
naire. Il  se  faisait  un  jeu  de  tuer  de 
sa  main  ses  femmes,  ses  esclaves 
chrétiens  ,  ses  ouvriers  ;  et  les  jours 
destinés  à  la  prière  étaient  ordinai- 
rement ceux  qu'il  consacrait  à  des 
acies  de  cruauté.  Afin  d'ôter  à  ses 
sujets  le  loisir  de  réfléchir  sur  son 
avide  et  barbare  despotisme  ,  il  les 
employait  sans  cesse  à  détruire  et  à 
élever  de  nouveaux  édifices,  dont  il 
donnait  et  changeait  lui-même  h  ■* 
jilans.  Quand  je  tietis  un  panier 
plein  de  rats,  disait-il  à  ce  sujet, 
je  l'agite  continuellement  ;  sans 
quoi  ils  le  rongeraient  jx^ur  en  .sor- 
tir. Non  moins  avare  qu'inhumain  . 
il  disait  brutalement  à  ses  offi- 
ciers, lorsqu'ils  lui  exposaient  leurs 
besoins  :  f'oyez-vous  ,  chiens  de 
Maures ,  les  mulets  ,  les  chameaux 
de  mon  empire,  me  demander  quel- 
que ch'jse  pour  leur  nourriture  .'  ils 
la  trouvent  eux-mêmes  :  faites  com- 
me eux,  et  ne  ni  importuniez  pas 
davantage.  Aussi  ses  troupes  ne  vi- 
vaient (pie  de  brigandages.  En 1G78, 
la  peste  lui  enleva,  dit-on,  quahe 
millions  de  sujets,  et  respecta  ce 
monstre.  Fier  de  quelques  succès  ob- 
tenus snr  les  Anglais ,  qui  possédaient 
alors  Tanger,  il  s'engagea  impru- 
demment dans  une  expédition  contre 
les  montagnards  de  l'Atlas,  et  perdit, 
an  milieu  des  neiges,  troi^;  mille  ten- 
tes, et  une  grande  partie  de  son  ar- 
mée et  de  ses  richesses.  Il  se  vengea 
de  celte  disgrâce,  en  faisant  péiir 
son  vczyr,  coupable  d'exactions  et 


378  MUL 

de  violences  envers  les  femmes ,  mais 
dont  il  fil  injnstrmcnt  |)arlagcr  le 
sort  à  tous  les  j^ens  an  service  de  ce 
m  nisire,  comme  complices  de  ses 
prévarirations.  hedontant  l'incons- 
tance et  liiidocilitc  des  Maures,  11 
acheta  un  p;rand  nombre  d'esclaves 
noirs  des  deux  sexes  ,  les  maria, 
leur  assij^na  des  terres  et  des  habita- 
tions, les  (il  instruire  dans  la  rcli{|;ion 
musulmane,  exerça  les  hommes  aux 
évoluîions  militaires,  elles  incorpo- 
ra dans  la  milice  que  Muley-Archyd 
avait  instituée.  Ces  noirs ,  auxquels 
Ismacl  conlia  la  garde  de  sa  person- 
ne, formèrent  au  mdieu  de  ses  états, 
une  n..tiori  isolée ,  qui  lui  était  spécia- 
lement dévouée.  Par  cette  politique 
adroite,  et  parla  rivalité  qu'il  sut 
fomenter  entre  ses  sujets  et  ces  nou- 
veaux soldats,  il  parvint  à  conleuir, 
pendant  un  long  rèp,ne ,  toutes  les  pro- 
vinces (le  son  empire.  Ces  nègres  mul- 
tiplièrent tellement,  qu'à  la  mort 
d'Ismaèl,  ou  en  comptait  cent  mille 
fAi  état  de  porteries  armes.  Leur  in- 
solence etkur  avidité  les  rendirent  re- 
doutables aux  siiccesseurs  de  ce  prin- 
ce (  P^.  Muley-Abdallau  et  Mule  y 
Ahmed  D..UABY  ).  En  i68o,Ismnël 
s'empara  de  deux  forts  qui  défen- 
daient Tanger;  et ,  quatre  ans  après, 
les  Anglais  lui  abauflounèrent  cette 
place  ,  dont  l'cnlrelien  leur  était 
moins  utile  qu'onéi  eux.  Kn  1681  ,  il 
enleva  sans  peine ,  aux  Espagnols  , 
Mamora ,  place  négligée  depuis  la 
mort  de  Philippe  IV;  et,  en  iGBf), 
après  deux  aiîsde  si'.-'ge^  1  ieur  prit 
Laraclie ,  dont  Ii  gn jnisoii  fut  échan- 
gée à  raiMjU  de  dix  Maures  pour  un 
Chrétien.  11  crut  pouvoir  également 
se  l'eu.'lre  maître  l'eCeuta.  INlalgréla 
guerre  dont  1  Espagne  fut  le  théâtre 
pour  la  succession  de  Chai  les  II,  le 
siège  de  cette  place  dura  vingt-six 
ans.  Philippe  V  ,  voulant  se  '^euger 


MUL 

de  l'empereur  de  Maroc,  qui  avait 
fourni  des  secours  aux  impériaux 
pendant  celte  guerre ,  envoya  le 
ra;irquis  de  Lède,  qui,  en  17*20, 
força  les  Maures  dans  leur  camp  re- 
tranché, elles  contraignit  de  renon- 
cer à  ime  entreprise  qui  leur  avait 
coûté  cent  mille  hommes.  Le  chef 
d'escadre,  Château-Renaud,  s'était 
présenté  devant  Salé,  en  1G80  et 
1682  ,  pour  obliger  le  cheryf  à  con- 
clure une  trêve  avec  la  Fiance.  La 
négociation  traîna  en  longueur,  par- 
ce qu'lsmaël  en  faisait  un  objet  de 
spéculation.  Les  ambassadeurs  qu'il 
envoya  à  Paris ,  annoncèrent  ses  in- 
tentions pacifiques  ,  sans  être  munis 
de  pouvoirs  pour  traiter  de  la  paix. 
La  mission  de  Saint  Olon  à  Maroc, 
fut  tout  aussi  infructueuse.  Cepen- 
dant, frappé  de  l'éclat  du  règne  de 
Louis  XIV,  et  du  châtiment  qu'a- 
vaieutessuyé  Alger, Tunis  et  Tripoli, 
il  en  voya  de  nouveaux  ambassadeurs, 
qui  conclurent,  en  1699,  un  traité 
de  paix  et  de  commerce.  Le  bruit 
courut  que  ,sur  le  rapport  qu'ils  lui 
firent  de  la  beauté  de  la  princesse 
douairière  de  Conli  (  fille  naturelle 
de  Louis  XIV  ),  il  écrivit  à  ce  mo- 
narque pour  la  demander  en  maria- 
ge ,  en  prometlaut  d'embrasser  le 
christianisme.  On  crut  ensuite  que 
celte  lettre  avait  été  supposée,  afin 
d'encourager  les  missionnaires  qui 
devaient  partir  pour  Maroc.  L'an 
1 700,  Muley-Ismaël  entreprit  en  per- 
sonne une  expédition  contre  les  Al- 
gériens, qui,  avec  dix  à  douze  mdle 
hommes,  dissipèrent  son  armée,  for- 
te de  soixante  mille.  Pour  comble 
d'humiliation  ,  les  vainqueurs  exigè- 
rent qu'il  envoyât  un  de  ses  fils  avec 
des  piéseuts  à  Alger,  pour  deman- 
der la  paix.  Quoique  cet  empereur  , 
par  les  divers  renouvellements  de 
son  harem,  ait  eu  jusqu'à  huit  mille 


MUI> 

fcraraes  ,  qui    lui    domièrciit    neuf 
cents  cillants  mâles,  vl  environ  trois 
cents  lilles  ;  jamais  les  plaisirs  des 
sens  ne  lui  (ircnl  négliger  les  alliiircs 
de  l'ctat,  et  ne   pnienl  le  ùisposcr  à 
la  mollesse.  Mais  eette  innombrable 
postérité  fut  pour  sa  vieillesse  un  su- 
jet de  soupçons,  d'inquiétudes,  de 
guerres  et  de  crimes.  Les  tils  d'un 
monarque  sans  foi,  sans  principes, 
sans  liuniauilé,  devaient  ressembler 
à  leur  père.  Aussi  ne  trouvait-il  de 
sûreté  qu'en  les  entretenant  dans  un 
état  continuel  de  défiance  et  de  ri- 
valité. L'aîné,   Muley-Moliammed , 
poussé  à  bout  par  les  intrigues ,  les 
calomnies  et  la  haine  d'une  de  ses 
belles -mères ,  qui  voulait  assurer  le 
trône  à  son  fils  ,  Muley-Zcidan,  se 
révolte  et  s'empare  de  Maroc.  Obli- 
gé de  fuir  à  l'approclie  des  troupes 
royales,  ilse  retire  àTaroudant.  Vain- 
cu par  sou  frère  Zeidan ,  il  est  as- 
siégé dans  ceMe  place ,  et  livré  à  son 
ennemi  ,  qui  l'cuvoie  à  Mekinez.  Is- 
raaël  vient  au-devant  de  sa  victime  , 
lui  présente  la  pointe  de  sa  lance  , 
jouit  de  ses  angoisses,  et  lui  fait  cou- 
per un  pied  et  ime  main.  Lhhien! 
malheureux ,  lui  dit-il,  connais-tu 
à  présent  ton  père  7  Lui-même ,  il 
abat  la  tète  du  bouclier  qui  avait  re- 
fusé de  répandre  le  sang  d'un  clieryf , 
et  tue  d'un  coup  de  fusil  le  bouclier 
qui  vient  de  mutiler  son  fils.  Cette 
atroce  inconséquence  est  remarquée 
du  malheureux    prince.    Forez  le 
vaillant  homme ,  s'écrie-t-il ,  qui  tue 
celui  qui  exécute  ses  ordres ,  comme 
celui  qui  refuse  de  lui  obéir.  Moham- 
med   expire    quelques    jours    après 
(  170G  ),  malgré  les  précautions  de 
son  père,  pour  lui  conserver  la  vie. 
MuleyZe'idan  commit  toutes  sortes 
d'horreurs   à  Taroudant  :   mais  sa 
conduite  alarma  bientôt  l'empereur, 
qui  résolut  de  s'en  défaire.  N'ayant 


IMUL  37g 

pu  l'attirer  près  de  lui ,  en  feignant 
d'être  dangereusement  malade,  et 
de  vouloir  lui  assurer  remjfire;  il 
gagna  les  femmes  de  ce  jirince, 
qui  l'étoulïeient  entre  deux  ma- 
telas (  1707  ),  pendant  qu'il  éi.ait 
plongé  dans  le  vin.  Lsmacl ,  mé- 
content d'Abdel-Mclck,  son  troisiè- 
me fils  ,  désigna  enfin  le  quatrième  , 
Muley- Ahmed  ,  pour  son  successeur 

(    r.  MuLKY-AlIMED   DkUACY  ).    Plé- 

solu  de  se  venger  des  Espagnols, 
Mulcy-Tsmaël  avait  préparé  un  ar- 
mement considérable, qu'une  tempê- 
te détruisit  en  i'j'2'2.  Après  une  ty- 
rannie de  55  ans,  dont  l'histoire 
n'ofirc  aucun  exemple,  ce  prince 
succomba  à  ses  débauches  excessi- 
ves ,  le  'A'x  mars  ï'j'-i'],  à  i'àge  de 
quatre-vingt  un  ans.  Sa  taille  était 
moyenne,  son  visage  long  et  maigre; 
son  teint,  presque  noir,  le  devenait 
tont-à-fait ,  lorsqu'il  était  eu  colère, 
et  ses  yeux  pleins  de  feu,  se  remplis- 
saient alors  de  sang.  Il  conserva , jus- 
que dans  la  vieillesse,  sa  force  et  son 
agilité.  Un  de  ses  divertissements 
ordinaires  était  de  tirer  son  sabre  en 
montant  à  cheval,  et  de  couper  la 
tète  à  l'esclave  qui  lui  tenait  l'étrier. 
Habile  à  prévoir  les  dangers  ,  il  les 
iiravait  avec  iutrépidrté,  lorsqu'il  ne 
pouvait  les  détourner  ,  et  il  suppor- 
tait avec  constance  la  mauvaise  for- 
tune. Sa  frugalité  était  extrême }  il 
ne  A'ivait  que  de  riz,  de  volaille,  et 
ne  buvait  que  de  l'eau.  Il  affectait 
une  grande  dévotion  ,  et  savait,  par 
des  vertus  apparentes  ,  imprimerie 
respect  à  ses  sujets ,  en  même  temps 
qu'il  les  glaçait  de  terreur  par  ses 
cruautés.  Il  dompta  leur  barbarie, 
en  se  montrant  plus  barbare  qu'eux; 
et  il  eut  le  rare  talent  de  leur  faire 
désirer  l'honneur  de  mourir  de  sa 
main ,  et  de  laisser  des  regrets  après 
lui.  A — T. 


38o 


MUL 


MUT.GR  AVE,  Coiïsïantin-Jeaw- 

Piiips,  lord  ),  navij;.iloiir  anj^lais  , 
était  fils  d'un  y.^ii  d'Iilaudo;  il  na- 
quit le  3o  mai  i';34.  Kutic  de  bonne 
hourc  dans  la  mai i ne,  il  fut  nomraé 
capitaine  de  vaisseau  en  i-jGS:  on 
Je  regardait  déjà  comme  un  olfitier 
très-instruit,  lorsqn'en  1773,  il  trou- 
va une  occasion  de  donner  une  preuve 
de  ses  connaissances  et  de  son  zèle. 
Depuis  161 5  on  avait  cesse  de  s'oc- 
cuper de  la  recherche  du  passage 
par  le  nord;  cet  objet  (ixaratlcntion 
de  Daines  Barrington^  membre  de  la 
société  rovale  de  Londres.  Il  pré- 
senta un  mémoire  à  cette  compagnie, 
pour  prouver  que  le  passage  était 
praticable.  La  société  pria  le  coraie 
de  Sandwich,  premier  lord  de  l'a- 
mirauté, d'obtenir  le  consentement 
du  roi  pour  une  expédrtiou  dont  le 
but  serait  d'essayerjusqu'à  quel  point 
un  navire  peut  s'apjirocher  du  pôle 
Itoréal.  Phips,  instruit  du  projet, 
offrit  ses  services  à  l'amirauté;  ils 
furent  acceptés.  Il  partit  de  la  rade 
du  Nore ,  le  to  juin  1773,  avec 
deux  l)orabardes  :  le  Racelinrse  et  le 
Carcass.  Le  '27  ,il  atteignit  le  paral- 
lèlle  de  la  pointe  sud  du  Spifzberg, 
sans  avoir  vu  de  glaces;  le  ug,  il 
eut  connaissance  de  la  terre.  JjC  5 
juillet,  par  79°  34'  de  latitude,  il 
rencontra  la  masse  des  glaces  qui 
enveloppent  le  pôle  boréal.  Il  dirigea 
sa  course  de  divers  cotés ,  à  l'ouest , 
au  noid  et  à  l'est,  au  milieu  des  gla- 
çons, sans  pouvoir  trouver  un  pas- 
sage, à  travers  la  grande  masse.  «  Je 
n  commençai  alors  à  concevoir,  dit-il 
»  dans  sou  journal,  à  la  date  du  9 
»  juillet,  que  la  glace  formait  un 
"  corps  compact  et  impéuétra«ble.  » 
Il  ne  put  pas  s'élever  au-delà  de  8o'> 
48'.  Le  3o  juillet ,  par  le  plus  beau 
temps  imaginable,  les  deux  bâtiments 
étant  près  des  Sept-lles,  par  80"  37', 


MUL 

se  trouvèrent  environnes  de  glaçoiii», 
qui  s'étenelaient  à  perte  de  vue;  l'air 
était  calme  :  leur  situation  devenait 
critique.Le  i^"".  août, les  glaçons  com- 
mencèrent à  les  presser;  il  ne  restait 
plus  la  moindre  ouverture  pour  sor- 
tir :  les  glaçons  s'accumulaient  les 
uns  sur  les  autres;  ils  s'étaient  élevés 
jusqu'à  la  hauteur  de  la  grande  ver- 
gue. Il  fallut  couper  et  scier  la  glace, 
qui  avait  quelquefois  douze  pieds 
d'épaisseur  :  cet  expédient  ne  fut  pas 
d'un  grand  secours  ;  les  bâtiments  ne 
purent  pas  avancer  beaucoup.  Dans 
cette  extrémité,  Phips  proposa  d'a- 
bandonner les  bâtiments  ,  et  de  s'em- 
barquer dans  les  chaloupes  et  les 
canots;  on  les  hala  sur  la  glace  pour 
les  conduire  ainsi  jusqu'à  la  mer  :  en 
même  temps  les  bâtiments  mirent 
toutes  voiles  dehors,  pour  profiter 
du  vent;  heureusement  il  devmt  fa- 
vorable :  le  10,  Phips  fut  dégagé;  il 
alla  mouiller  au  Spitzberg,  eu  repar- 
tit le  'iO,  et,  le  2 5  septembre,  atté- 
rit  à  la  rade  du  Nore ,  ayant  constaté 
rtm possibilité  de  franchir  les  gla- 
ces du  pôle  boréal.  Il  se  lança  ensuite 
dans  la  carrière  politique,  et  fut  nom- 
mé membre  de  la  chambre  des  com- 
munes en  177'ï,  et  l'un  des  comniis- 
saires  de  l'amirauté,  en  1777.  Ces 
fonctions  ne  l'empcchèrent  pas  de 
servir  sur  mer;  il  commanda  un 
vai'^scau  de  ligne  jusqu'à  la  paix  de 
1  783.  La  chute  du  ministère  Nortli 
l'avait  éloigné  du  conseil  de  l'ami- 
lauté  :  il  obtint  ensuite  di!]crcnls  em- 
])iois  ,  devint  membre  du  conseil 
privé .  et  enfin ,  fut  élevé  à  la  pairie 
de  la  Grande-Bretagne  en  17^4.  Le 
délabrement  de  sa  santé  le  força  , 
en  1791  ,  de  quitter  les  affaires;  il 
passa  sur  le  continent  pour  prendre 
les  eaux  de  SpJf,  et  mourut  à  Liège  , 
le  10  octobre  1794*  I'  ^^^it  membre 
de  la  société  royale  et  de  celle  dfs 


wur. 

antiquaires,  et  coutriLiia  à  faire  cta- 
lilir  celle  qui  a  pour  but  de  perfec- 
tionner l'arcliilcclurc  navale.  H  pu- 
blia la  relalijii  de  son  cxpcililion  : 
hoyas^e  an  pôle  boréal,  entrepris 
par  ordre  du  roi  ^  en  1773,  Londres 
1774,  I  vol.  in-4°. ,  carre  et  fig.  ; 
traduit  eu  français,  Paris,  1  vol. 
in -4". ,  carte  et  figure;  en  allemand 
avec  des  additions  par  Samuel  Eugel, 
Berne,  1777,  i  vol.  iM-4",  cartes 
et  figure.  Ce  livre ,  utile  pour  la 
science  niutique  ,  fait  honneur  à 
Phips.  Indépendamment  des  obser- 
vations relatives  au  voyage,  on  y 
trouve  un  catalogue  descriptif  des 
productions  de  la  nature  au  Spilz- 
berg,  et  un  mémoire  sur  un  procède' 
2)our  dessaler  l'eau  de  la  mer.  i^cs 
observations  astronomiques  furent 
faites  de  concert  avec  Isrftcl  Lyons  , 
membre  de  la  société  royale.  Une 
expédition  envoyée  au  pèle  boréal  en 
ibi8  ,  n'a  pas  pénétré  plus  au  nord 
que  Phips  :  un  des  navires  a  failli 
être  fracassé  par  les  glaces.  E — s. 

IMULLER  (Jean)  ,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Rcgiomontanus  (  i  ) , 
astronome  célèbre  ,  na({uit  le  6  juin 
143G  ,  à  Koningshoven,  -n  Franco- 
iiie,  selon  Doppelmayer  {'i).  A  l'âge 
de  douze  ans  ,  ses  parents  renvoyè- 
rent à  Leipzig  ,  où  il  étudia  la 
sphère  avec  ardeur  ,  et  montra  le 
goilt  le  plus  décidé  pour  l'astroiio- 
mie,  que  Purbach  enseignait  alors 
avec  éclat  dans  l'université  de  Vien- 
ne. Millier^  à  peine  âgé  de  1 5  ans  , 
prit  la  route  de  Vienne,  et  alla  se 


(t j  Dans  ses  pciits  i!  |)reud  les  uoriis  de  Jonnnes 
Germnntts  de  itegirmonte. 

(7)  WcidKr  dit  à  Kœnigslierg  (  Mons  retint  )  ^  re 
qui  p.ir  litrail  p'us  vruis<'iiibl»!>le  ,  puisqus  c\st  de  là 
qn'll  |>r  ud  le  unui  de  Re^ioniontiiiiiti.  Starovolsci  , 
(rompe  par  le  même  nom  lahu,  l*  croyait  narif  de 
Kocni^sberg  en  Prusse.  Tous  étaient  dons  l'srreur  De 
Mun  a  deconvi'rt  que  J.  Miillir  était  né  an  vil'age 
dIJnG.id,  près  Kœiiigshrrï,  dai  s  le  duché  de  Saxe- 
Hildbiirgbaiiseu  ,  déprndanl  Je  la  Francuuic.  ^  iVo. 
tUi^  trium  codicum  autour,,  etc. ,  p.  3.  ] 


MUL 


3.Si 


présenter  à  Purbach  ,  qui  l'accueillit 
avec  bonté.  FiC  trouvant  déjà  fort 
instruit ,  son  nouveau  professeur  lui 
donna  une  première  idée  de  la  théo- 
rie des  planètes  ,  pour  le  préparer  à 
la  lecture  de  Plolémce.Muller  trouva 
bientôt ,  dans  l'ouvrage  de  l'astro- 
noïne  grec  ,  la  matière  de  nombreux 
problèmes  dont  il  cherchait  les  solu- 
tions, et  qu'il  calculait  ensuite,  pour 
se  familiariser  avec  les  mélhodcs 
astronomiques.  Ces  occupations  ne 
l'empêchaient  pas  de  lire  Archimède 
et  tous  les  géa'nètres  grecs  dont  il 
existait  des  tradiictions  laîines.  Dès- 
lors  Purbach  et  Ilegiomontanus  en- 
trèrent en  société  de  travaux  :  ils 
observèrent  ensemble  quelques  éclip- 
ses ,  et  une  conjonction  de  Mars  , 
pour  laquelle  ils  reconnurent  deux 
degrés  d'erreur  dans  les  taldes  Al- 
phonsines.  Le  cardinal  Bessarion 
était  alors  à  Vienne.  Il  avait  entre- 
piis  une  version  latine  de  la  grande 
composition  de  Ptolémée,  parce  qu'il 
était  peu  content  des  traductions 
qu'on  avait  de  cet  important  ou- 
vrage. Ses  diverses  missions  politi- 
ques et  religieuses  l'empêchant  d'exé- 
cuter son  projet ,  il  engagea  Purbach 
à  donner  au  moins  un  abrégé  de  son 
auteur  favori.  Purbach  se  chargea 
de  cet  abrégé  ;  mais  à  peine  avait -il 
p:i  le  commencer ,  qu'il  mourut  à 
l'âge  de  89  ans.  D'après  l'invitation 
qu'il  en  avait  reçue  de  son  maître, 
Mïdier  s'oflrit  pour  le  suppléer;  et  , 
en  14O2,  il  suivit  le  cardinal  à  Ro- 
me. II  commençait  à  lire  le  gi  ec  :  il  fit 
connaissance  avec  George  i!e  Tréb;- 
zonde  ,  traducteur  de  Ptolémée  et  de 
Théon.  A  Rome  ,  il  observait  toutes 
les  éclipses ,  et  passait  -jou  temps  à  la 
recherche  des  manuscrits  grecs,  dont 
il  achetait  les  copies,  ou  qu'il  copiait 
lui-même.  De  là,  il  se  rendit  à  Per- 
raie ,  pour  y  converser  avec  Bîan- 


382  MUL 

cliinus.    Il   s'y    lia   d'amitié    avec 
Théodore  de  Gaza  ,  auprès  dutjuel  il 
se  perleclionna  dans  la  couiiaissaïice 
du  grec.  Alors  il  recoimiit  nombre 
d'erreurs     dans    la    traduction    de 
Theon  ,  et  même  dans  celle  de  Ptolc- 
rnéc.  Kn    1 403  ,  il  c'tait  à  Padoue  , 
où  il  fut  invite  à  faire  un  cours  d'as- 
tronomie. 11  prit  pour  texte  l'ouvra- 
ge d'Alfergany,  et  ouvrit  ses  leçons 
par  un  discours  rpie  depuis  ,  en  1 537, 
Mélanclulion  joignit  à  l'édition  qu'il 
donna  de  cet  auteur  arabe.  Eu  1 4^4  ? 
Regioinontanus  vint  à  Venise  ,  pour 
y  altendi'e  Bessarion.  C'est  là  qu'il 
composa  ses  cinq  livres  des  Trian- 
gles ,  et  sa  réfntalioji  de  la  quadra- 
ture du  cardinal  de  Cusa.  Il  y  ré- 
digea une  espèce  de  calendrier,  an- 
quel  il  joignit,  pour  trente  années, 
la  table  des  jom'S  où  la  Pàque  de- 
vait être  célébrée  ,  suivant  l'usage  de 
l'Eglise  et  le  décret  du  concile.  De 
retour  à  Rome  ,  il  eut  quelques  dé- 
mêlés avec  George  de  Trébizoïide  , 
dont  il  avait  critiqué  les  ti'aduclions. 
Peu  de  temps  après,  il  partit  pour 
Vienne ,   où  il  reprit  ses  coure  de 
mathématiques.  Le  roi  de  Hongrie , 
Mathias  Corvin  ,  l'appela  à  Bude  , 
où  il  se  plaisait  à  rassembler  les  ma- 
nuscrits grecs  enlevés  à  la  prise  d'A- 
thènes et  à  celle  de  Coustantinople. 
Midler  composa,  pour  un  archevê- 
que de  Strigonie,  des  tables  de  di- 
rection ,    dans    lesquelles  il   ne  se 
montra  pas  moins  passionné  pour 
l'astrologie  que  pour  l'astronomie. 
Les  troubles  de  Hongrie  lui  firent 
désirer  de  retourner  à  Nuremberg. 
\\  s'y  lia  de  la  manière  la  plus  intime 
avec  Bernard  Walter,  l'uudes  prin- 
cipaux et  des  plus  riches  citoyens. 
Ils  firent  construire ,  en  cuivre ,  de 
grandes  règles  comme  celles  de  Pto- 
lémée,  un  grand  rayon  astronomi- 
que, un  astrolabe  arraillaire,  sem- 


MUL 

blable  à  celui  d'Hipparque,  un  Tor- 
f/uctum  ,  espèce  d'équatorial ,  et  le 
méléoroscope  décrit  par  Ptolémée. 
Walter  se  chargea  de  toute  la  dé- 
pense. Avec  ces  instruments,  ils  com- 
mencèrent un  cours  régulier  d'ob- 
servations ,   et  acquirent   bien    des 
preuves  de  l'inexactitude  des  tables 
Alphonsiues.  Une  comète  viut  à  pa- 
raître ,  et  fournit  à  Rcgioraontanus 
l'occasion  de  composer  un  traité  des 
parallaxes.  Dans  le  même  temps  ,  il 
dirigeait  vuie  imprimerie  d'où  l'on 
vit  sortir  les  Théoriques  de  Purbach, 
le  poème  de  Manilius,  un  calendrier 
et  des  Éphémérides  pour  trente  ans, 
de   1475  à  i5oG.  Pour  ce  dernier 
ouvrage ,  le  roi  Mathias  lui  fit  comp- 
ter 800   écus  d'or  (d'autres  disent 
1200).  Ce  livre  eut  un  tel  succès  , 
que  ,  malgré  le  prix  de  12  écus  d'or, 
que     coûtait    chaque    exemplaire , 
l'édition  entière  se  répandit  eu  peu 
de  temps   dans  la  Hongrie  ,   dans 
l'Italie ,  dans  la  France  et  dans  la 
Grande  -  Bretagne.    Regiomontanus 
passa    pour  le  premier    auteur  de 
cette  sorte  d'ouvrages ,  cpii  se  sont 
fort   multijiîiés   depuis  ;  mais  il  en 
avait  sans  doute   pris    l'idée    dans 
Théon  ,  qui  nous  a  laissé  le  plan  très- 
détaillé  d'Ephémérides  toutes  sem- 
blables qui  se  composaient  à  Alexan- 
drie. Midler  projetait  bien  d'autres 
ouvrages;  mais  le  pape  Sixte  IV  , 
qui  voulait  réformer  le  calendrier, 
l'attira  auprès  de  lui,  par  les  pro- 
messes les  plus  magnifiques,  et  en  le 
nommant  à  l'évèché  de  Ratisbonne. 
Il  quitta  donc  Walter ,  et  s'achemina 
vers  Rome,    en   juillet    il^"]^.  Il  y 
mourut  le  6  juillet  1 4;6 ,  âgé  de  4o 
ans  et  quelques  semaines  ;  les  uns 
disent  de  !a  peste,  et  d'autres  par  le 
ressentiment  des  fils  de  George  de 
Trébizonde  ,    dont  il  avait    relevé 
les  erreurs.  Il  fut  enterré  au  Pan- 


MUL 

thcon.  On  a  fait  honneur  à  J.  Mill- 
ier ,  de  la  C'Jiistnictioii  de  dedx  an- 
toinales  :  l'un  était  une  moiiolie  de 
fer,  qui ,  ]nei:aiU  son  vol ,  Taisait  le 
tour  de  la  table  et  des  cunvives  , 
après  quoi  clic  revenait  dans  la  main 
de  son  maître.  L'autre  était  un  aigle 
qui  vint,  eu  volant,  au-devant  de 
l'empereur,  qu'il  accompaççna  jus- 
qu'aux portes  de  la  vdle.  Voyez  Gas- 
sendi, dans  11  f^iedc  Re[i;iomuntanus, 
et  We''.'tr,  pap;e  3o().  Ce  dernier 
noio  cngaç^e  à  n'ajouter  aucune  foi  a  ce 
contedesdeuxaulomates,  dontleseul 
Ramus  a  pailc,  et  dont  il  n'est  ques- 
tion dans  aucun  auteur  allen.'and.  (  i  ) 
Weidier  nous  do/iue  ensuite  la  lisie 
de  21  ouvrages  sortis  dos  presses  de 
Rcgiomout^nus  ,  à  Tiuremberg.  Il  y 
ajoute  celle  des  a;ares  ouvrages  qu'il 
se  proposait  de  publier.  On  y  remar- 
que principalement  un  commentaire 
surlaCosmograpliiedc  Plolcnie'e;  une 
défense  de  Théou,  contre  (îeorLje  de 
Tiébizonde;  w.  commentaire  sur  les 
livres  d'Arobiinède  dont  Eutocius 
ne  s'est  point  occupé  ;  un  traité  des 
maisons  célestes,  contre  Tampanus 
et  Gazuins  ,  astrologues  dont  il  ré- 
prouvait la  doctrine  ;  un  trailé  des 
mouvements  delà  liuiîicme  sphère, 
contre  Thébith  et  ses  sectateurs  ;  un 
autre  sur  la  réfur-uation  du  calen- 
drier; un  abrégé  de  l'Alniageste;  des 
problèmes  astronomiques  et  géomé- 
triques; une  grande  table  du  premier 
mobile  ;  un  traité  des  miroirs  brû- 
lants ,  et  d'autres  miroirs  dont  les 
effets  ne  sont  pas  moins  étonnants. 
Il  s'occupait  d'mi  .4  traire ,  oiivra- 
ge  merv?.illeux  et  d'un  usage  con- 
tinuel.   (  Doppebnjiyer    pense    que 


MUL 


383 


ce  devait  être  une  espèce  de  jJa- 
nélaire.  )  H  })rojclait  enfin  un  trai- 
té de  rimprimerie  et  de  la  fonte 
des  caractères.  11  metlait suitmit  une 
grande  impgrtw.oe  à  ce  dernier  ou- 
vrage, et  disait  que  ,  s'il  pouvait  le 
terminer,  il  aurait  peu  de  regret  à  la 
vie  ,  sûr  de  ic;isser  à  la  poslérilé  un 
héritage  wiii  préviendrait  la  disette 
de  bons  livres  (i).  Ou  voit,  par 
cette  liste  ,  quelle  était  l'activité  de 
Miiiier,  et  la  variété  de  ses  coniiais- 
sances.  La  plupart  de  ces  traités  sont 
restés  manuscrits;  on  peut  même 
douter  que  tous  fussent  achevés. 
Tachons  do  donner  une  idée  de  ceux 
qui  ont  paru,  et  cjue  nous  avons  pu 
nous  procurer  :  I.  Joannis  Rcgio- 
montani  Ephemerides  a^tronomicœ 
ah  unao  \^']^  ad  annum  i5oG,  Nu- 
remberg. in-4'^'.  ;  II.  Disputaiiones 
contra  Gherardi  Cremonensis  in 
planetaruin  tlieoricas  deliramenta 
ibid. ,  1474.  in  fol.  III.  Tabula  ma- 
gna priini  inobilis  cum  usumultipli- 
ci ,  rationibusque  certis ,  ibid.  1 4 7  5 
in-4°.  IV.  Fundamenta  o/.eralio- 
nuni  quœjiunt  per  tabulam  genera- 
Zt?7/i,Neubourg,  i557,  in-fol.  C'est 
une  espèce  de  trigonométrie  com- 
plète, dont  toutes  les  opérations  sont 
facilitées  par  la  table  précédente.  V. 
Kalendarium  navum .  Nuremberir . 
1 470,  in-4°.;  le  même  ouvrage  a  été 
réimprimé  en  1699,  à  Augsbourg, 
sons  ce  titre  -.Kalendarium  magistri 
de  Manière gio  viri  peritissimi.  Ce 
calendrier  est  composé  pour  les  an- 
nées 1475,  i494^t  i5i3,  à  19  an- 
nées d'intervalle,  c'est-à-dire,  pour 
ti'ois  années  où  le  régulier,  le  cycle 
lunaire,  le  cycle  de  19  ans,  l'épacte 


_  (i)  Sur  l'ori;  ne  Je  ci  ttr  tUbl.-.  vny  i  U  nlss»i  ta- 
lion lie  J.  Andr  •  HiiMc,  De  arfitdti  musa)  feried 
qiiai  mechanico  nilificio  itpiid  Norih'i penses  i/uon- 
aàin  voliliisie  fernnlui ,  AlldDif,  i-c8  ,  iii-^».  'o  >.!^ 
pai;.  (  Novn  titleraiùs  gerin,,  Hambourg,  1708,  p. 
a3-a5.) 


(1)  Vove/.  h  Disse riRii  m  d^  f.lir.  Golll.  ScIiwDvz  , 
De  Joh.  K'-SiJomor.lani  mer.lii  in  rein  ly/'ogruplii- 
cam  y  rwt  indice  cpf mm  eftifflcH  et  ohsen'nttOni- 
hns  f/rt,hifidaiti ,  à  a  siiiti'  de  lii  (roiVietiie  d'iserta- 
tou  du  iiièfiiP  auteur.  D'nr'^^ine  lypa^raphia ,  K\l' 
Uorf ,  174»'  >  îu-ij*-  >  p»»'  4^-68. 


384  MUL 

et  la  clef  des  fêtes  mobiles,  ctaicrrt 
les  nicraes,  et  marqiie's  des  chiffres 
•j,  10,   i3,   i'2,  i/j.  Une  pièce  de 
vers  ,  qui  "vieiit  après  le  frontispice, 
comini'iuc  pnr ^ureus  hic  liber  est. 
L'explication  indique  les  moyens  de 
faire  servir  ces  trois  almanaclis  à 
toutes  les  années  inlerme'diaires  du 
cycle.  La  colonne  de  147^,  qui  était 
dcA'enue  inutile,  est  restée  en  blanc 
dans  cette  édition.  Les  figures  des 
c'clipsesde  1/197  ^  '^'3o,  y  sont  en- 
Inniiue'es.  On  y  voit  que  l'on  em- 
ployait déjà  \cb.  heures  égales  et  équi- 
noxialcs,  mais  que  les  heures  aiiti- 
ques  et  inégales  n'e'taient  pas  encore 
tombées  endesue'tude.  Ony  trouvcdcs 
pre'ceptes  pour  les  jours  auxquels  il 
est  bon  de  se  faire  saigner  ou  purger. 
Il  promet  un  traite  plus  complet  sur 
ce  sujet  intéressant ,  et  se  borne  à 
donner  les  qualités  des  1 2  signes  du 
zodiaque.  Mais  ce  qui  rend  cet   ou- 
vrage curieux ,  c'est  la  figure  et  la 
description  du  Carré  horaire,  plus 
connu  maintenant  sous  le  nom  d'a- 
nalemme  rectiligne  universel;  ce  ca- 
dran a  e'tc  depuis  copie  par  tous  les 
gnoraonistcs ,  dont  aucun  n'a  su  en 
donner  la  démonstration ,   trouvée 
enfin  par  le  P.  de  Challes:  nous  eu 
avons  présenté  une  plussimple  et  plus 
générale  dans  notre  Histoire  de  l'as- 
tronomie du  mojen  âge,  p.  Si'].  Ce 
calendrier  avait  déjà  été  réimprimé 
en  1482,   1483,   148'),   1489,  Q'i 
et  95.  VL  Tabulce  directionum  pro- 
fectionumque,  Venise,  1 485,  in-  4**.  ; 
réimprimé  eu  1490,  et  puis  avec  une 
table  de  sinus  en   i5o4;  en  i'>5o, 
avec  une  table  des  sinus  pour  toutes 
les  minutes;  en  1 55 1 , 1 552  ;  enfin  en 
1 584,  P^*"  Reinliold ,  qui  les  annonça 
comme  très-utiles  ,  uouseulemeut  à 
l'astrologie  ,  mais   à    raslrcnomic. 
0(1  y  trouve  la  VihXt  féconde  ou  des 
taiigenles ,  la  première  qui  ait  ctc 


RTUL 

calculée  en  Europe  :  les  Arabes  m 
avaient  depuis  5oo  ans  ,  et  saAViienl 
en  faire  usage  dans  la  trigonométrie  ; 
au  lieu  que  Millier  n'a  jamais  soup- 
çonné  le    parti    avantageux  qu'on 
pouvait  en  tirer  dans  une  midtitude 
de  calculs  ,  et  qu'il  ne  l'a  employée 
que  comme  moyen  subsidiaire  dans 
un  cas  tout  particulier;  ce  qui  n'a 
pas  empêché  qu'on  lui  ait  fait  hon- 
neur de  la  première  idée  de  ces  lignes, 
et  de  leur  introduction  dans  la  tri- 
gonométrie.   Sa    table   ne  méritait 
guère  le  nom  ûcjéconde  ;   au  lieu 
de   l'étendre    à    toutes   les    minutes 
comme  celle  des  sinus,  il  l'avait  bor- 
née aux  simples  degrés.  VIL  Alma- 
Tiach  ad  annos  18  ab  anno  1489. 
VIIL   /.  R.  et   Georgii  Purbachii 
e/  itoma  in  Almagestum  Ptolomœi, 
Venise,  iii-fol.  1496-  Oet  ouvrage  a 
été  réimprimé  plusieurs  fois  ,  et  no- 
tamment à  Bâle  en  1 543  ;  on  y  trour 
vc  quelques  développements  qui  pou- 
vaient avoir  alors  un  degré  d'utilité 
qu'ils  ont  entièrement  perdu;  l'au- 
teur y   résout  ce   problème  ,  dont 
personne  encore   n'avait   parlé,    et 
qui  sert  à  trouver  le  lieu  de  l'éclipli- 
que  oij  la  réduction  à  l'équateur  est 
la  plus   grande.  IX.    Ephemerides 
incipientes  ab  anno  i473,  Venise, 
1498,  in-4°.   X.   In  Ephemerides 
conimentariiim,  à  la  suite  del'alma- 
nach  de  Stoefler,Venise,  1 5 1 3, in-4". 
XL  Tabulce  eclipsiwn  Purbachii] 
Tabulce primi  mobilisa  Monteregio. 
ibid.,in-fol.,  i5i5.XIL  Problemata 
xvi  de   cometœ  longitudine ,   ma- 
gnitudine  el  loco  vero,  Nuremberg-, 
i53i,iu-4°.  Ce  sont  des  méthodes 
exactes  en  thc'orie,très  peu  sûres  dans 
lapratique,  pour  déterminer  la  paral- 
laxe, la  distance  et  la  grandeur  d'une 
comète.  Il  y  en  a  pourtant  une  dont 
Tycho  a  fait,  depuis,  quelque  u.-age, 
XUL  Epistola  ad  cardinalem  Bes- 


MUL 

sanonem  de  compositions  et  nui 
cuJHsdam  metcoroscoyii  arniillnris; 
à  la  suite  Aa  l'iiilrudiiction  j:,co^r;i- 
phi([iic  tic  P.  A[tiaiui.s,  lii^olstadt, 
i53J,  iii-f(tl,  XIV.  Problevuda  jtç) 
sapliew  n(ibilis.''iini  itist:  nnicnti  n  J, 
de  Monlercpo,  Nu  ici!  1).  ,  i5'i\.  Il 
appelle  saphee  un  iiistruniPiit  ({li 
servait  à  mn]vcei>i!!entvs  les  dcnions- 
tratioiis  des  prublônies  ,  et  qui  res- 
semble beaucoup  à  l'analcnime  dont 
on  a  fait  un  si  long  usage.  XV.  Ob- 
seivationcs  3o  aunomvi  à  Joann, 
Begioinontano  et  B.  fFtdthero  i\o- 

rimbergœ  habitœ Scripta  claris- 

simi  mathenialici  de  torqueto  , 
astrolabio  armillari,  régula  iii<t<^nd 
Ptolemàicd ,  baculoque  astronomi- 
co,Nureinl),  1 5/(4  in-4°. Ces  oLscrva' 
tions  n'étaient  pas  très-correctement 
imprimées;  Snellius  en  a  donne  une 
édition  plus  soigne'e  sous  ce  titre  : 
Cœli  et  iiderum  in  eo  errantiwn  ob- 
servationes  Hassiacœ....  quibus  ac- 
cesserunt  Begioinontani  et  Bernardi 
IFaltheri  observaliones  Norimber- 
gicce,  Leydc,  ï6i8.  XVI.  De  trian- 
gulis  plants  et  sphcericis  libri  y 
und  cum  tabulis  sinuiim,  sans  date; 
mais  ,  dans  le  même  volume ,  on 
trouve  un  autre  ouvrage  qui  est 
de  l'éditeur  Sanlbecli,  et  qui  porte  la 
date,  Badle.v,  1 56 1 .  La  préface  fait 
I  mention  d'une  édition  précédente 
publiée  quelques  années  auparavant 
par  Scboner,  qui  avait  ajouté  ce  qui 
manquait  au  manuscrit.  On  est  étou' 
né  qu'on  ait  dilféré  si  long-temps  à 
faire  jouir  le  public  d'un  ouvrage  le 
plus  intéressant  qu'eût  composé  un 
auteur  si  célèbre,  et  le  seul,  peut- 
être,  qui  ofTre  aujourd'hui  quelque 
intérêt.  Lalaude ,  dans  sa  Bibliogra- 
phie, n'a  point  donné  la  date  de  la 
première  édition  ;  De  Murr  nous  ap- 
prend ,  qu'elle  est  de  Nuremberg, 
i54i,  in-4'^.  {Notiiia  triiim  cod. 

XXX. 


MlJÎ, 


38  > 


pag.  i\.  )  Sclioncr  y  avait  mij 
le  titre  suivant  :  DuClissiini  et  ma- 
thematicaniiii  disciplinantm  eiimii 
professons  Jo.  de  tlcgiornonle  J)c 
trittngulis  omnimodis  libri  y  ;  ac- 
cesserujit  in  calce  J).  Cusani  de 
qiutdrnlurà  circuli  atque  recli  ne 
CLirvL  coininensuraiione ,  ilemque 
eddem  de  re  tXiyx.'^r/)^  hdcttmus 
à  neinine  pnblicaln.  On  y  trou- 
vait la  table  des  sinus  calculée 
par  MuUer  pour  le  rayon  de 
G,ooo,ooo,  et  une  autre  table poiir 
\\n  rayon  de  10,000,000  parties,  et 
rien  pour  les  tangentes,  dont  l'au- 
teur ne  fait  anCune  mention.  Tous 
les  cas  des  triangles,  soit  rectili- 
gnes,  soit  sphériques  ,  y  sont  résolus 
par  les  sinus  ;  sans  parler  d'une  mul- 
tiludc  de  problèmes  ,  plus  curieux 
qu'utiles  pour  la  plupart.  Les  solu- 
tions en  sont  parfois  fort  ingénieu- 
ses,  mais  toujours  prolixes  par  la 
maladresse  qu'il  a  eue  de  ne  tirei" 

aucun  iiarti  des  tangentes.  11  enseigne 
•     •  •  1     •  ■    '^  I 

a  circonscrire  un  cercle  a  un  triangle 

sphérique  quelconque.  Il  s'élend 
avec  complaisance  sur  le  cas  où  les 
trois  angles  étant  donnés  on  demande 
les  trois  côtés.  Ce  cas  n'avait  jamais 
été  résolu  par  les  Grecs ,  ni  par  ])er- 
sonne  peut-être  ;  et  il  n'est  d'au- 
cun usage  en  astronomie.  Miilier 
paraît  y  attacher  une  importance 
particnlicre.  C'est  un  problème  qu'il 
propose  à  ses  correspondants  sans 
leur  donner  jamais  la  véritable  solu- 
tion qu'il  réservait  pour  son  ouvrage. 
Celle  qu'il  voulait  J;ion  leur  commu- 
niquer était  beaucoup  jilus  longue  et 
plus  compliquée,  parce  qu'il  eu  cher- 
chait les  principes  dans  l'ancienne 
trigonométrie  grecque.  XVII.  Ses 
Lettres  inédites  ont  été  publiées,  en 
l'y 86,  par  De  Murr  ,  dans  sou 
MemorabiUa  hihliothecarum  pvbli- 
cariim  lYoriinhcrgensiimi  et  wii^ei'-' 
a5 


386 


MUL 


sitatis  Jltdorfianœ{t.  I.  p.  74-'?.o5  ). 
Ou  y  décrit  quelques  iustruiueiits  qui 
out  apparteuu  à  Muiler,  et  qui  ont 
été  achetés  des  hérilicrsde  W.dllier. 
Ce  sout  trois    petits   astrolabes  de 
quelques    pouces    de  diamètre;   les 
limbes  eu  sout  d'argent  :  l'im  des 
trois  est  arabe.  Ce   recueil  contient 
nombre     de    problèmes  ,   la    plu- 
part de  simple  curiosité.  Dans  une 
de  ces  lettres  il  parle  d'un  volume 
dont  il  u'indiquc  pas  le  titre,  et  qui 
doit  être  publie'  par   ordre  de  son 
seigneur     le     cardinal     Bessariou  , 
auquel  il  se  dit  attaché  comme  fu- 
inilinns  :  dans  une  autre ,  on   voit 
qu'il  avait  trouvé  à  Venise  les  six 
premiers  livres  de  Diophaute  et  qu'il 
était   disposé  à   tradidrc  l'ouvrage 
entier    s'il    avait   pu   se    procurer 
les   sept  derniers  livres.   Il  revient 
plus  d'une  lois  sur  le  problème  des 
trois  côtés  connus  qu'il  paraît  regar- 
der aussi  comme  diiiicile,  quoiqu'il 
ait  dû  voir ,  dans  le  livre  d'Albale- 
gnius    qu'il  a  commenté ,  les   deux 
solutions  de  ce  proidème  que  nous 
employons   encore  le  plus  souvent. 
Aucun  de  ses  historiens  ne  parle  de 
ce  commentaire;  l'éiilion  où  il  se 
trouve  est  de  iG45  :  il  est  dit  qu'elle 
est  faite  sur  un  manuscrit  du  Vatican. 
Il  est  possible  que  Muller  y  ait  ajouté 
ces  notes  pendant  l'un  de  ses  deux 
séjours  à  Rome.  Ces  Lettres  se  termi- 
nent par  un  problème   astrologique 
plutôt   qu'astronomi([uc ,    celui    de 
chercher  si    deux   lieux    diiïérents 
peuvent  avoir  le  même  ascendant. 
La  question  est  bien  sim})le;  la  solu- 
tion qu'il  eu  donne  par  la  synthèse, 
est  adroite  et  curieuse.  Mais  pour 
finir  par   une   chose  plus    impor- 
tante, il  remarqua  le  premier  que  si 
l'hypothèse  lunaire  de  Ptolémcc  était 
véritable,  le  diamètre  de  la  lune  se- 
rait quelquefois  presque  double  de 


MUL 

celui  que  nous  lui  voyons.  On  fait 
honneur  de  cette  remarque  à  Coper- 
nic, qui  de  plus  a  su  trouver  le  re- 
mède à  ce  défaut  de  l'ancienne  théo- 
rie. Murr  possédait  trois  manuscrits 
autographes    de   Midler;   l'un  con- 
tenait ses  notes  sur  la  version  laline 
de  la  Géographie  de  Ptolémée  :  Pirc- 
kheiraer  les  a  insérées  dans  son  édi- 
tion de   ce  géographe,   donnée  en 
i5'i5.  Le  u*^.,  de  0^3  pag.,  renfer- 
mait sa  défense  de  Théon    contre 
George  de  Trebizoude  ;  et  le  3"". ,  diî 
io6  feuillets  in-4''.  ,  était  intitulé: 
De  tria?igulis  oninimodis  libri   r. 
Murr  en  a  donné  un  extrait  avec 
un  fac-slmilc  de  l'écriture  de  l'au- 
teur ,  sous  ce  titre  :  Notilia  tiitini 
codicum  autoi^rajihoruni  Johannis 
Begiomonlani ,  Nuremberg  ,  i8oi , 
in-4<'.  de  34  pag.  (  i  ).  —  Midlcr  était 
un    homme    plein    d'ardeur   et    de 
sagacité,  actif  et  entreprenant  ;  il 
avait  conçu  le  projet  de  réformer 
les  tables  astronomiques  ;  il    avait 
fait  tous  les    préparatifs  nécessai- 
res ,  et  commencé  un   cours  d'ob- 
servations :  il  ne  lui  manqua  que  du 
temps  et  du  loisir.  Son  voyage  de 
Rome  et  sa  mort  prématurée  ont  fait 
à  l'astronomie  un  tort  qui  n'a  pu 
être  réparé  de  long-temps;  et  il  eut 
à  se  repentir  lui-même  d'avoir  pro- 
voqué, par  ses  écrits  ,  une  réforma- 
tioii  pnur  laquelle  il  eût  été  mieux 
d'attendre  que  l'astronomie  fût  un 
peu  moins  imparfaite  et  la  longueur 
de  l'année  mieux  connue.  Ou  a  sou- 
vent parlé  d'une  prédiction  préten- 
due   trouvée  dans   le  tombeau   de 
Regiomontanus  :  c'est  une  superche- 
rie. (  F.  BauscniLS,  VI,  iGo,  not.  ) 

D— L— E. 


(i)  De  Murr  dotioa,  quelques  années  aj»r*:-î ,  ce» 
troi»  manuscrits  à  l'entpen-ur  de  Rti5:>ie;  et  ils  out  ^tê 
déposes  \  la  bibliulLcquc  iiupcriiile.  {Ma^ui,  «a*^* 
cLop.j  mars  1807,  it,  169.) 


MUÎi 

TVÎULLER  (  Andri:),  sav.int  orien- 
taliste, ne  vers  iG/Ju,  à  (iicillcnlia- 
gcii ,  dans  la  Porncnniic  ultcrieinc; , 
acheva  ses  éludes  à  Kostock,  avec 
une  rare  distinction.  11  n'avait  alors 
que  seize  ans,  et  il  composait  déjà 
des  vers  tiès-a;^r(''ablos,  non  •  senle- 
lûent  en  grec  et  en  latin,  mais  enco- 
re en  hébreu  ;  aussi  Klefeker  lui  a-t-il 
accorde  une  place  dans  ta  Di'olioth. 
erudit.pi\ecuc.l[  vintensiiiteà  Grips- 
■wald  ,  ou  il  prit  le  dcgn;  de  niaitrc- 
cs-arls  ;  et,  s'étanl  reuvlu  a  Wittem- 
berg,  il  y  donna  des  preuves  de  ta- 
lent et  de  ca})acite\  ipii  lui  méritèrent 
le  pastoral  de  l'église  de  Kœnigsberg 
sur  la  Warta.  Son  aveisioa  natu- 
relle pour  la  socie'te,  et  le  (Ic?,ir  de  se 
livrer  plus  tranquillement  à  1  étude, 
le  déterminèrent  à  se  retirer  à  Trep- 
tow;  mais  il  passa  bientôt  en  Angle- 
terre, où  il  était  appelé  par  Walton 
et  Caste'l ,  qui  |)ré[Mraicnt  une  nou- 
velle édition  de  la  làible  polyglotte 
(  f^.  Walto.\).  Il  devncura  dix  ans 
à  Londres,  dans  la  maison  deCastell, 
trav  lillantavec  une  telle  application, 
qu'il  ne  se  dérangea  pas  même  pour 
voir  le  cortège  de  Charles  II,  qui 
passait  sous  sa  (enctre,  lors  de  la 
l'csiauratiou.  Ce  fut  la  que  Wiîkins 
lui  inspira,  p  )ur  la  langue  chinoise 
un  goût  qui  se  changea  pour  ainsi 
dire,  en  passion,  qi.ind  il  eut  trou- 
vé l'occasion  d'acheter  à  Amster- 
dam ,  d'un  certain  Jean -S.  Morus 
(  ou  le  More  )  une  quantité  assez 
considérable  de  types  chii.ois  ,  et 
que  ses  relations  avec  le  P.  Kircher 
lui  eurent  encore  procuré  d'autres 
secours  en  ce  genre.  De  retour  en 
Allemagne,  il  fut  nommé  pistcur 
de  Bernow,  et,  en  1(1(57,  pn  vot 
de  l'église  de  Berlin,  bcnéficc  qu'il 
résigna,  eu  i6B5  ,  pour  se  retirer 
à  Stettin.  Occupé  entièrement  de 
l'élude  des  langues  oiieutalcs ,  il  y 


MUL  387 

avait  faitde  grands  progrès,  Ils'était, 
comme  ou  a  dit,  applique  au  chin  is: 
et  il  annonçait  nue  méthode  par  la- 
qui.-Ileuue  femme  ou  un  enfant  pour- 
rait apprendre  celte  langue  dans 
très -peu  de  joins  {intrà  paiicos 
(lies)  ( .).  11  brûla  cet  ouvrage  avec 
la  plupart  de  .ses  autres  écrits  (^i, 
dius  un  accès  d'humeur  contre  le 
genre  humain  ,  qu'il  accusait  d'in- 
gratit  iile,  parce  qu'il  n'avait  pu  par- 
venir à  reuiplir  une  sousciij)ti  'u  de 
deux  :i:i!le  éeus  de  Prusse,  ipi'il  de- 
mandait pour  sa  Cluvi\  nui  a  Dans 
le  5'.  prosj)eclus  qu'il  publia  en 
168  i ,  à  la  suite  du  ■pecimcn  le.rici 
man/lariuici  il  convient  que  des  pi  in- 
cos  puurraieut  seuls  ï.nre  les  fnis 
d'une  telle  j)ubiication  ;  quant  aux 
autres,  ajoute-t-il  :  Sriro  volunt 
oinnes  ,  mercedein  s'ilve^e  ne  no, 
Mulicr  mourut  le  'i6  octobre  1694. 
Ce  savant  était  capricieux  et  peu 
communicatif  ;  il  retouchait  sans 
cesse  ses  ouvrages,  et  ne  se  déter'ui- 
nait  «nie  dift'wiîenient  à  les  rendre 
publics.  11  refusa  à  Job  Lulolf, 
."^on  ami,  de  lui  donner  copie  de  sa 
Clavis  sinica ,  dont  ce  savant  lui 


(i")  Celle  anivmce  fastueuse  ,  (iiilp  du  tnn  !«  plus 
ma;i>litii ,  pouvait  imposer  tt\i  (einps  dp  ^lii'ler  :  le 
rlt-iiiciils  J,  la  langue  el  de  re^rlturr,  Jeuis  dUirultes 
elles  mnyins  de  les  sunrioi  ti-p,  elditnt  (ij;,i'cineut 
iiicuuiius.  Il  .11  H(a:t  alors  d  s  ci-  cirr.s  chi'un  s  , 
comiu.'  iiu  nur  i'Iiul  d- s  lileiOjl>  |i!i(s  •  j-vpll^ns. 
C  iicuii  prop  s.iil  SIS  iili'PS  ait  ha^.ird  ,  et  ii  n'y  eu 
avii'i  pas  de  si  il  >u  dt;  ,  ijuMl,-  ne  i  ^wi(  qiK-lijue 
temps  ie  l'idniiriliim  du  vul,-.;  re  disstvriiiis.  B.iv<r, 
medioireiiirul  inslruil  loi  mÈ  n.-  d  uis  le  <  liinois  , 
BV«il  appipcie -i  l.i.r  jii  le  \Afm-  lis  i-inpii.il  tiuu 
pioinesst^  d'Audri'  Miillrr.  Il  a  leinipi  iiiie  l.i  l'ropo- 
sitiii  Cluv  ■  s  niCiX  '  la  G.:  du  toiii.  i  ,  dr  su  .  T/«- 
seitm  irlc'tn  :  Ip«  Ii  et  nr^  cu:ii  iix  de  voir  ins(pi'oik 
peut  a'er  le  rliiirl  itaidsaie  dps  s.vails.  fpi-iiul  biea 
dp  r  usul'  r  ce  i  rcp;iu.  ils  Ir'iuvernut  au>.>i  des 
d'  liiils  'uti  ip-siMls  it  f  ri  pxa  Is  sur  s  .  tiijp-  que 
iiliir  av.ilt  f.ntes  en  chiiois,  dm.s  la  Pr  t'ace  du 
iiièiup  /)i':itff;i;n  ,  p.  ?3  io.  I.  s  laits  ricup  11  s  [lac 
Bajrr  avaipnt  rie  ^luli^  |  nr  Siarik-  A.  R— T. 

i^a .  Ils  se  mautaii  ut  ^'  a>o  viiluines  ou  oaliiers, 
."•ans  coupler  un  :raud  iio  uhre  de  IVulles  vnljul.-s  : 
car  le  soir  avant  do  se  coucher,  il  ue  luaiiqtMÏt  ja- 
mais d'icr  re  t'uil  ce  qu'il  ava  t  ap;jris  i.uis  la 
journpp  .  !  iir  ses  lectures  ei  sa  ('orre^pv>iidau>'e  ou 
en  converstiuii ,  et  tiui  pouvait  sa  raltuchcr  au 
yosle  i^lnu  de  :>;-s  éludes. 


388  MUL 

olfrait  mille  ducats.  Ludolf  nous 
apprend  ,  dans  sa  correrponJaace 
avec  Lcibnitz  ,  qu'il  fut  oblige  de 
cesser  tout  commerce  avec  Muller  , 
parce  qu'il  ne  pouvait  <ju'à  peine 
dcchlirrcr  ses  lettres  ,  écrites  d'uu 
style  enigmatique.  Maigre  tous  ses 
défauts,  on  doit  convenir  que  Muller 
a  beaucoup  contribue'  aux.  progrès 
des  langues  orientales  en  Prusse.  Il 
fit  graver  à  ses  frais  soixante-six  al- 
phabets ;  et  il  possed.iit ,  comme  on 
a  vu ,  une  espèce  d'imprimerie  chi- 
noise, qu'il  légua  à  la  bibliothèque 
de  Berlin,  en  recoimaissanre  des 
secours  qu'il  y  avait  trouves  pour 
son  instruction.  li  légua  sa  nom- 
breuse bibliothèque  ,  au  gymnase 
académique  de  Stetlin.  Les  princi- 
paux ouvrages  de  ce  savant  sont  : 

I.  Excer-pta  maniiscripti  cujusdam 
turcici  quod  de  cognilione  JJei  et 
hominis  ipsius  à  quodain  Aiizi 
NESEPH.EO,  tataro,  scriptiim  est , 
çiim  vers.  lat.  et  nnlis  jwnnullis 
subitaneis  ,  Berlin  ,  j  6f  J5  ,  in  -  4". 

II.  Une  bonne  èdit.  des  Foja^es 
de  Marc  Polo ,  avec  des  notes  des 
dissertations  et  des  index  ^  iLid.  , 
iG'yi,  in-4".  Le  texte  qu'il  donne  est 
celui  de  la  version  latine  attribuée  à 
J.  Huttich  ,  et  qui  avait  déjà  paru 
dans  le  Ncvus  Orhis  de  Grina;;is  ; 
mais  Muller  l'avait  coUalionné  quoi- 
que imparfaitement,  avec  mi  ma- 
nuscrit de  la  Liblioiltèque  de  Ber- 
lin. (  F.  Polo.  )  III.  Symboles  srria- 
cœ ,  sive  epistolœ  duce ,  una  Mosis 
Mardeni  sacerdoiis  sjri ,  altéra 
Andr.  Masii,  cum  versiune  latind  et 
notis,  acdisserîationes  duce  de  rébus 
sj-riacis,  ibid.,  1G73,  in-4°.IV.L'  O- 
raison  dominicale  ^  en  chinois,  com- 
parée avec  cent  autres  versions  en 
autant  de  langues,  ibi;l.,  iG'G;  il). , 
iGSo ,  in-4'^.  (  F.  LuDEKEN,  xxv  , 
38G.  )  Sebast.  God.   Starck  en  a 


MLL 

donne  une  troisième  édition  augmen- 
tëe  d'après  les  manuscrits  de  l'au- 
teur ,  ibid.,  i-joS  ,  in-4".  ^  >'  •' 
joint  une  Vie  de  Muller,  et  le  Cata 
logue  détaille  de  ses  ouvrages  (i'. 
Ce  travail  n'a  pu  qu'être  fort  utile  .< 
Charaberlayne  (  F.  ce  nom).  Y.  Le 
Catalogue  (  en  allemand  )  des  ou- 
vrages chinois  de  la  bibl.  de  Berlin 
(au  nombre  de  24  ,  formant  environ 
3oo  volumes),  ibid.,  iG83,  in-fol.; 
nouvelle  édit.  en  latin,  1G84  ,  iG85, 
in-fol.  Elle  est  augmentée  de  la  liste 
des  manuscrits  précieux  que  possé- 
dait Muller,  tant  en  chinois  que 
dans  les  autres  langues  orientales,  et 
delà  nomenclature  des  ouvrages  qu'il 
avait  déjà  pu})liés  ou  qu'il  se  pro- 
posait de  faire  paraître.  Vï.  Opus- 
cida  nonnulla  orientalia  ,  Franc- 
fort ,  i6g5  ,  in-4'*.  C'est  le  recueil 
de  ditférents  petits  écrits  que  Muller 
avait  déjà  publiés  séparément.  On  y 
distingue  :  Abdallœ  Beidawœi  His- 
toria  sinciiiis ,  pers.  latin.  ,  cum 
notis  et  Appendice  ,  Berlin,  i6'j7, 
in-4°.  (2)  —  Monumenti  sinici  his- 
toria  ,  textds  illustratio  per  com- 
mentarios ,  et  examinis  initium. 
C'est  la  fameuse  inscription  en  mar- 
bre, découverte  en  i6'.i5  ,  près  de 
Si'an-Fcu  ;  la  date  qu'elle  porte  ré- 
pond à  l'année  780,  et  prouve  que  , 
dès  cette  époque.  l'Evangile  a  été  prê- 
ché à  la  Chine. Kircher  avait  déjà  pu- 
blié ce  monument ,  dans  sa  China  il- 


(i)Ot  trouve  le  ))T-ecls  <ïe  cflte  vie  df  jlullrr  , 
dans  le  Nnva  Lllerana  Germantœ  ,  de  uov.  i7o3  , 
jiaf;.  403-407.  ; 

(i)  Cette  liisioii'e  de  !a  Clilne  ,  coiiniip  ci>  persa^ 
5011S  le  tUre  de  Tmiili  Kilai,  et  i>iibfiec  p;ir 
Hliiller  cnmiue  é(;iDl  l'onvrase  du  célèbre  AHd- 
allali  Bridliawi  (  /',  Bi;iDHA.\VY  ,  IV  ,  «j-  ^ ,  «t 
vraisciiiblabiriiieiil  traduite  duu  original  chÏDu  s  ;  et 
tout  |<irte  à  croire  <)iie  c'est  nue  vi  r.sioii  persane  di) 
liMe  rédige  en  m.nijjol ,  par  Tcliagan  .  d'apri-s  un 
ôri.^inal  chinois,  vers  lau  i3;>o,  et  connu  ri» 
ibinuis  sous  If  titre  abrège'  de  Ti  warg  ki  r.ian 
(  Abrégé  clironologiquc  de  1  histoire  des  EmpereursV 
Vovex  les  détails  <|ue  je  donne  ii  ce  sujet  dans  n.e< 
Ihcheiclies  tartmes  ,  loaa.  i«'.  aoî-aoi.  A.  R— t 


MUL 

litstrnla.  (  /''.  KiRcutr. ,  xxii,  /^4^)' 
Millier  l'a  reproduit  avec  de  nouvel- 
les expliralioiis.  (  iJcrlin  ,  167?, ,  111- 
4".  de  i-.t.'.  pag.)Mais  il  a  eii  la  inal- 
heureuse  idée  de  la  luellrc  en  mu- 
sique pour  en  noter  la  prononciation. 
Hehdomas   observationuin  siiii- 
caruni,  (  ibid.  1G74,  i"-'i''-,  '^c  4"^ 
pag.  )    —  Cominentatiu   alphabe- 
lica  de  Sinaruin  man^nœciue  Tarla- 
riœ  rébus,  (7-2  pag.  )  —  Geop-a- 
phicus  imperii  Sinensis  nomencla- 
ior.  Dès   lOGg,  MuUer  avait  donne' 
une  réduction   de   la  grande   carte 
publiée  par  les  géographes  chinois, 
avec  des  explications  eu  latin.  — 
Basilicon  Sinensc  (  3()  p  'g.)  C'est  un 
tableau  comparatif  des  listes  d'eni- 
percurs  de  la  Chi!:e,  données  par 
Martini, IMcndoza  ,  le  prétendu  Béi- 
dha^vy ,  et  les  manuscrits  chinois. — 
Spécimen  anahticœ  Utlerariœ.  On 
y  trouve  une  lettre  à  Ludolf ,  par 
laquelle   Muller  s'olFre  d'expliquer 
tous  les  morceaux  qu'on  lui  présen- 
tera ,  même  ceux  qui  sont  écrits  dans 
les  langues  dont  les  caractères  lui 
sont  tout-à-fait  inconnus.  Vlï.  Spe- 
peciminuni    sinicoruiu  decimce   de 
decimis,  unà  cum  niantissis.  i685, 
iu-fol.  de  60  pag.  C'est  le  plus  rare 
des  ouvrages  de  Muller  :  ou  y  trou- 
ve d'abord  la  relation  chinoise  (  avec 
la  lecture  suivant  les  prononciations 
tonqninoises    et  japonaise  )   de  l'é- 
clipse  arrivée  la  7^.  année  de  Aouang- 
■woii  ti,  comparée  avec  i'éclipse  mi- 
raculeuse qui  accompagna  la  passion 
de  Jésus  -  Christ  :  vient  ensuite  un 
Spécimen  Lexici  mandarinici.  .  .  . 
uno   exemplo  Syllabce  xjm  com- 
monstratum  (  1648  )  6  pag.  ;  De 
eclipsi  passionali  te>.timonia  i'Cte- 
ruiii  et  judicia  recentionim  ;  enfin 
Proposilio  clavis  sinicce  edilio  quar- 
ta  ,  et  les  catalogues  des  livres  chi- 
nois etc.  (n^.  Y.  ci-dessus.  )  W — s. 


MUL  389- 

MULLKR  (  JrAN-Hir^Fi),  phy- 
sicien et  astronome   allemand  ,  ne 
])rès  de  Nuremberg,   le    i  j  janvier 
1671  ,  observa  dans  sa  jeunesse  avec 
Eimniart,  qui  lui  donna  sa  fille  en 
mariage,  et  lui  légua  ses  manuscrits. 
11  fut  nommé  professeur  de  mathé- 
matiques et  de  physique  a  l'uuiver- 
silé  d'Altorf,  contribua  ,   en  171 1, 
à  faire  élever    un    observatoire   au 
collège  de  celte  ville,  et  mourut  le 
5  mars  1731  :  il  eut  Doppelmaycr 
pour  successeur.  On  connaît  de  Mul- 
ler (  i  )  :  I.  Oratio  de  physicœ  trac- 
latione;  —  Dcscriptio  eclipsi  s  50- 
lis  anni  1706,  Nuremberg,  172G, 
in-4''.  n.    Exercitatio    academica 
dc:extispiciisvtHtrum,A.\Xoi!L,  '7'  '' 
in-4°.  C'est  une  savante  dissertation 
sur  les  présages  que  les  anciens  li- 
raient de  l'examen  des  entrailles  des 
victimes.  111.  Programma  de  spe- 
culis  uranicis  celebn'oribus  ,  ibid.  , 
1713,  iu-fol.  IV.  Disputatio  de  ga- 
Zrt.r/a,  ilid. ,  17 15,  in-4".  ^'    -^^ 
{itjudprincipio  remm  ex  vienls  Tha- 
Ictis  dissertaiio ,  ibid.,   1718,  in- 
4°.  VI.  CoUegium  expérimentale  , 
etc. ,  Nuremberg  ,1721  ,  in-4"- C'est 
un  recueil  des  expériences  qu'il  fai- 
sait répéter  à  ses  élèves  sur  ce  qu'on 
liommait  alors  les  quatre  éléments. 

VII.  Disputatio  covietas  sublu- 
nares  si\'e  aërens  non  prorsùs  ne- 
gandos  esse,  ibid.,    1722,  in-4°. 

VIII.  Observatiunes  aslronomicœ 
physicœ  selectœ  in  spécula  Altorji' 
nd  ab  avno  novœ  ejus  instauratio- 
nis ,  1 7  1 1  ,  annototionibus  illustra- 

(l)  Muller  avait  un  frrre  ,  r.omme  Jean-l'hnslo- 
^//e,  BlUclié  au  cunile  do  Marsiïli,  qui  se  servit  de 
Inip^mrles  op.  ratio:  s  astron.Mr.iqucs  cl  se'.srap!»- 
tjutS.  U  luunrui  c-.«iiilaini-ili^ruitur,  i  Viiliiie  .  *il 
1-2Î.  C-  t  .illirier  a  doDue  »■  e  mrte  de  Moravie  i-n  8 
liuillf^,  et  1.»  autres  cartes  des  elat*  aulrichieuj, 
qui  5.)iit  ius'  i-ers  d:u  s  l'atlas  de  Homaun.  U 
ob5cr%a  ,  eu  ilVitJ .  la  liauleor  du  jiole  de  V  lenue  ,  et 
)c  3  r.oT.  11197  ,  le  pajsjge  de  Mercure  sur  le  Soleil.  Il 
reudit  compte  de  celte  dernière  observatioo  dajib  um 
JLcllrc  \  liiuiuurt,  Vi«ui>p,  itijS^in-^». 


Sgo 


MUL 


tœ,  Alldorf,  17^3  ,  in^".  IX.  Dis- 
sertuiio  de  inœqitali  claritale  lu- 
cis  diwnœ  in  Itrrd  et  planetis , 
ibid.,  17'.>.9,  iii-4'  •  Ses  <  LsfTvatiuus 
inamiscriios  ëtaiciit  à  Paris  au  cc- 
pof  des  caitc.v  de  la  inaiinc.  —  Ma- 
lie-CIaire  Eimmap. T,  cpuiise  de  Mill- 
ier, avait  (ite  élevée  par  ^ou  |)èie, 
qnii'iiiiiia  dans  les  si  e rets  de  l'as- 
troïKiiiie,  el  lui  apj)ril  le  latin,  le 
fra-çais,  el  les  arts  du  dessin,  la 
peiiUi.re  et  !a  gravure.  Kiie  ai' 'a  son 
j>ère,  et  ensuite  soh  mari  dans  leurs 
observations ,  et  destina  élegaui- 
ïnent.  à  la  manière  noire,  un  grand 
pojibre  d'e'clipses,  de  comèles,  de 
ta(  Le-  solaiies  et  lunaires,  cl  deux 
oeil  ;re«!o-cinq  phases  delà  Liii;e. 
Ou  a 'con  crve  u'elîe  des  fleurs  et 
des  discaux  rares  peints  d'après  na- 
ture.  et  plusieurs  gravures  à  i'caii- 
forie.  (-c!t<'  ciaiiiC  nuunit  le  'iS  oc- 
îoLre  1707,  âgée  de  trente  un  ans 
(F.  lMi.:MAirr.\X]J.  57:^).  W— s, 

MLLLER  (  GlrardFrkdi-:f.i(;  ), 
voy.Tgeur  et  hislorien  aileniand  ne' 
vn  1705,  à  HerArd.  eu  \\  csîj  lialie, 
lit  ses  études  socs  ;e  proies. '■ei.r  i\iei;c- 
ke ,  a  Leij)zig  ,  a\  ec  laiit  d'er'a! ,  que 
ccprci'es.seiirle  reeomm.-.nda  au  gcju- 
veri;eineiit  de  Paissie,  et  (Lîint  jxair 
lui  une  plaee  à  la  classe  îiistoriqne 
rie  la  ncvelle  acadénùelVuidcoà  Pé- 
îarsbo.rg.  Mujlcr  lut  secrétaire-ad- 
joint de  I  académie,  et  en.Migna  le 
latin,  l'histoire  el  la  géigraj  l)ie.  11 
eut  ensuite  la  place  de  sous  jiiblio- 
ihécaire,  puis  celle  de  prci"es.>eur 
(i'iiisloiie.  I/acadéniie  l'ayant  char- 
gé de  faire  lui  voyace  scicntifque,  il 
,■•  e  rendit  à  Londres  ,  et  y  fut  nommé, 
va  1731,  membre  de  !a  suciclé  roya- 
le. De  retour  à  Péîerslicurg ,  il  fut 
désigné  pour  accompagner  (jmeîin 
ctBe.islc  de  la  Croyère,  (ians  leurs 
VO}ages  en  Sibéiic,  avec  la  u  ission 
U'éaidiftr  surtout  l'histoire,  les  aa- 


MUL 

tiquilcs  cf  la  gcograpliic  des  contrées 
qu'ils  allaient  visiter.  Ces  voyages 
pénibles  dans  un  pays  désert  et  bar- 
bare, dujèrent  dix  ans  :  Gmelin  eu 
a  public  la  relation.  Plusieurs  années 
api  es  son  retour,  Mu'lcr  fut  nommé 
bisioiitgr;  plie  de  l'empire  russe  j  à 
ce  lilic,  ii  juigiiit,  en  1704  ,  celui  de 
secrétaire  de  lacademie  des  science;-;. 
De  nouvelles  dislinctions  l'atlen- 
daienl  :cu  17G3  i\  fut  appeléa  la  di- 
rection de I  érulc des enfants-triuvés, 
fondée  par  (Catherine;  et,  trois  ans 
après,  onluicoiilia  Icsarcliivesiuij-é- 
ria  les  des  affaires  étrangères.  Il  fut  éle- 
veau  rangdeconscilicr-ii'elal.cl  r<  eut" 
ladécoiation  de  l'ordre  de  \  ladimir. 
11  li!  pal  tiède  la  comn:ission  législati- 
ve, instituée  par  GatL(rihe  11 ,  et  fut 
cbai  gc  de  rédiger  un  recueil  des  Irai- 
tés  diplcmatiques  de  la  Russie,  sur 
le  niL  (il  le  du  Ccrps  diplumatiq:  e  de 
Diiiiiont.  V  s'acqui.ta  t  e<esdivtrs('s 
mi.ssinns  avec  autant  fie  zèie  que  dé 
lalrnl;  et  'a  Russie  a  eu  peu  de  sa- 
vants qui  lui  aienr  été  aussi  utiles. 
Parti  ut  cùi!  fut  emplo\é,  il  Iravad- 
la  .^.ans  rt lâche,  et  alla  souvent  au- 
delà  de  i'a;ten  e  de  ses  supéiiiiirs. 
lndépcn:ian)ment  des  ouvrages  rédi- 
ges par  lui,  il  a  contribué  à  la  jiu- 
biication  de  bcaucouj)  de  travaux 
d'autres  .savants;  et  il  a  facilité  à 
tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  la 
littérature  russe,  les  moyens  de  le 
f.iire  avec  succès.  Quoiqu'il  eût 
à  lutter  contre  de  jjuissanis  en- 
nemis, il  trouva,  dans  l'imjiérafri- 
ce,  un  appiéciateur  de  son  mérite. 
Non  contente  des  digiiîcis  et  cîes  li- 
tres qu'eilelui avait  conférés,  elle  lui 
paya  la  valeur  d'une  maison  qu'il 
avait  aeheîée,  et  fit.  j'our  l'Etat,  l'ac- 
quisition de  sa  bibliothèque,  moyen- 
nant uo.ooo  roubles,  mais  en  lui 
laissant  la  jouis.sancedesa  collection. 
Dans  l'étranger,  les  ouvrages  deMuK 


IMUL 

lor  ont  ctc  d'un  giaiifl  srcours  aux 
geoginphes  et  aux  bisloricns.  Les 
uns  et  les  autres  y  ont  puisd  une 
foule  de  matériaux  iieul's  ci  curieux^ 
relatifs  à  la  Russie  ;  aucun  Russe 
n'en  avait  rassemble  autant  sur  ce 
pays.  Quoiqu'il  n'ait  point  donne' 
luie  histoire  suivie  de  la  Russie  ,  on 
jient,  eu  quelque  sorle,  le  re^;irdcr 
comme  le  pi'rc  de  l'histoire  de  cet 
empire,  tant  pour  les  ouvrages  qu'il 
a  publics,  que  pour  le  vaste  fonds 
de  matériaux  qu'il  a  laisse  aux 
historiens  qui  viendront  après  lui. 
Aussi  sont-ils  cites  avec  recon- 
naissance par  tous  ceux  qui  ont 
trailc'  de  l'histoire  et  de  la  géogra- 
phie de  celle  immense  contrée.  On 
peut  voir  à  ce  sujet  les  témoigna- 
ges que  lui  rendent  Coxe,  Le'vesque, 
Schlozer  et  autres.  Miiilcr  a  écrit  en 
russe,  en  allemand,  en  latiji;  quel- 
ques Mémoires  sont  même  rédigés  eu 
français;  car  il  parlait  ces  quatre  lan- 
gues avec  une  facilité  particulière  , 
et  il  lisait  l'anglais,  le  hollandais,  le 
suédois ,  le  danois  et  le  grec.  Sa  mé- 
moire était  étonnante;  et  la  connais- 
sance exacte  qu'il  avait  des  moin- 
dres événements  des  annales  russes, 
surpasse  presque  toute  croyance.  Sa 
collection  de  papiers  d'état  et  de  ma- 
nuscrits était  précieuse.  L'impéra- 
trice en  fit  l'acquisition.  L'académie 
des  sciences  de  Paris  l'avait  nommé 
son  correspondant.  Il  mourut  le  23 
octobre  i  y83.  Ses  principaux  ouvra- 
ges sont  :  I.  Gazette  allemande  de 
Saint-Pétersbourg,  depuis  l'^'^iB 
jus(ju'en  i-jSo,  in-4°.  II.  lieniarijues 
historiques,  généalogiques  et  géo- 
graphiques sur  les  gazettes,  17 28 
et  années  suivantes.  Lors  du  voyage 
de  Muller  en  Sibérie,  cet  ouvrage  pé- 
riodique fut  continué  par  d'autres. 
m.  Becueil  pour  l'histoire  de  Rus- 
*^{'e  j  Pclcrsbourg,  1  ^'22-1  -^64 ,  9  voi. 


INHJL  3()i 

in-8". ,  dont  une  partie  a  élé  publiée 
par  d'autres  savants,  pendant  les 
voyages  de  l'auteur.  L'ouvrage  a  été 
réimprimé  à  Oflcnbach,  en'  5  vol. 
in-80.,  1777-80';  mais  cette  édition 
est  moins  complète.  IV.  De  sciiptis 
Tangulicis  in  Sibirid  repertis,  Pc- 
tcrsbonrg,  17  ■^17,  ^^-^^'■,  et  dans  les 
Comm.  acad.  Pct.ropolil.,  x,  ,\-xo. 
des  fragments ,  échappés  à  la  destruc- 
tion d'une  vaste  bibliothèque  Ihi  tare, 
sont  passés  en  diverses  bibliothè- 
ques, cl  r.e  sont  pas  très-rares  dans 
les  cabinets  des  curieux.  La  premiè- 
re découverte  en  ee  genre  remon- 
te au  règne  de  Pierre  -  le  -  Grand 
(  F.  FouRMONT  ,  XV  ,  37G  ).  Ou 
trouve  de  plus  grands  détails  sur  cet 
objet  intéressant,  dans  les  Recher- 
ches tartares  de  M.  Abcl  Remusat, 
tome  i«'". ,  p.  228  et  33-2.  V.  Ori- 
gines gentis  et  nominis  Russorum  , 
ibid. ,  1 7  49'  VI.  Histoire  de  la  Si- 
bérie, tome  i<^''. ,  Pétersbourg,  1 750. 
Cet  ouvragC;  quifait  aussi  partiedu  re- 
cueil n".  ni  {F.  Fischer,  XIV,  574), 
n'a  pas  été  continué;  mais  Fischer 
a  fait  un  abrégé  du  premier  volume 
publié  et  de  la  continuation  manus- 
crite. Cet  abrégé  a  paru  en  1768  ,  à 
Pétersbourg,  en  2  vol.  in-B*^.  VIT. 
Dissertations  nouvelles  ,  Péters- 
bourg, 1755-64,20  vol.  VIII.  Dis- 
cours prononcé  en  1763,  après  le 
couronnement  de  CaUie  ine  II,  dans 
une  séance  publique  de  V académie 
des  sciences,  1762.  IX.  Les  Deui: 
deiTiiers  ^^oj  âge  s  faits  dans  la  mer 
Glacial" , parle cavitalne  Tchitchu- 
gow ,  Pélersbourg,  1773,  in-B".  Il 
a  fourni  un  grand  nombre  d'articles 
curieux  et  insUuctifs  à  des  ouvrages 
périodiques  et  à  des  recueils  scienti- 
fiques ,  entre  autres ,  une  Lettre  d'un, 
officier  de  la  marine  nissienne  à 
un  seigneur  delà  cour  ,hcr\in,  1703, 
contre  la  relation  publiée  à  Paris,  par 


39»  MUL 

Delislc  de  La  Croyère ,  sur  son  expé- 
dition au  Kaintschalka;  —  Mémoi- 
re sur  la  colle  de  j'oision ,  imprime 
dans  le  tome  v  des  Mémoires  des  sa- 
A'ants  étrangers  ,  présenic's  à  l'acadé- 
mie des  sciences  de Paiis  ;  —  IVotice 
sur  ravenemeut  de  IMicliel  Fcdéro- 
vitcli  au  trône  de  Russie; —  Notice 
sur  le  jlcuve  u-imur;  —  Eclaircisse- 
ments sur  une  lettre  de  Louis  XII 
au  tza"  Michel  Fedconùlch  ;  — 
Sur  les  langues  et  la  servitude  ■  — 
et  RéJ'utalion  de  la  fable  donnée 
f/our  'vraie  dans  les  nouveaux  voj'a  ■ 
ges  de  Bussu,  relativement  à  la 
■princesse  Brunswickoise  ^  Christine 
Sophie  (  ou  Charlotte  ),  dans  le  Ma- 
gasiu  liistor.  et  gcoc;r.  de  Bùschiiig 
(  V.  Brvnswick,  VI,  145  j;  —  Pe- 
tits  vojages  en  Faissie  ,  dans  le 
Journal  PéîcisLouri^eois  deArncil; 
—  Remarques  sur  le  i«'".  tome  de 
l'Histoire  de  Russie , -par  Foliaire^ 
dans  lé  Magasin  des  amis  des  scien- 
ces utiles,  Hambourg-,  1^60-61  (i). 
Bliiiler  a  été  l'éditeur  de  V Histoire 
du  Kanitschalka  ,  par  Krasclieuin- 
nikow  ;  du  Dictionnaire  allemaiid- 
latin-russe;  de  la  Généalogie  des 
czars  de  Russie;  de  V Abrégé  de  l'his- 
toire russe ,  par  le  prince  CLiikow; 
de  ['Histoire  de  Russie,  par  Tatis- 
clitchew.  JI  a  coopéré  au  Cellarius 
russe;  au  Dictionnaire  i>éuç;raphi- 
que  de  Fe/u  jnrc  russe ,  par  Polienia  ; 
au  Recueil  des  lettres  de  Pierre-îe- 
Grand  au  fcld- maréchal  Chérémt- 
tovi.  Diimas  a  traduit  de  l'aliemand 
ï Histoire  des  voj'ages  et  découver- 
tes des  Russes  ,  réiligée  par  IVhiiloi- , 
Amsterdam,  1766,  2  vol.  petit  iu- 
tJ^  D— G. 


(i  .•  C'ist  î^roccasioii  fjeci-s  Jierannjiics  Ae?<lu]\ev, 
que  V,.|l.iire  lit  cglte  rc|K>n>e  ^i  «.ouime  :  C'e>l  un 
Aileiiinnil  ;  je  lui  s^uhaileplus  d'esvnt  tt  mviiii  de 

flUi^otillel. 


MUL 

]\IULLER  eu  MILLER  (  Jean- 
SÉhastien  ),  peintre  et butanislc  al- 
kmand  ,  né  à  Nuremberg ,  en  1715, 
était  fils  d'un  jaidiuier  bolar:is- 
îo.  Après  avoir  apjjiis  la  gravure 
dans  sa  ville  natale,  il  se  rendit  eu 
Angleterre  avec  son  Acre  Tcbic, 
qui  a  gravé  jdusieurs  feuilles  d'ar- 
chitecture. Jean-Sébastien  s'établit 
dans  ce  pays,  en  qualilc  de  peintre- 
graveur,  et  y  lit  de  uondjrenx  tra- 
vaux. 11  grava  des  paysages  de  Van- 
der  Neer  etdo  Claude  Loriaiii;le  com- 
bat  naval  entre  EUiot et ThHrot,i76'i; 
Kéron  déposant  les  cendres  de  Bri- 
tanuicus ,  d'après  Lesucur  ;  uue  Sain- 
te-Fami!!e,d'a];rcs  Baroccio.  17(^7; 
la  Coîîtinence  de  Scipion,  d'après 
Van  Byck.On  lui  doitjes  gravuresdc 
l'Ilisluijc d'Angleterre  de  Smollctt; 
les  \igi;ellcs  du  Virgile  et  de  l'Hora- 
ce de  lédinon  de  Baskerville,  des 
voyages  de  Han^vay,  ainsi  que  la  plu-, 
part  des  gravuics  contenues  dans  le 
Tiailé  de  la  méthode  antique  de  gra- 
ver en  pierres  fines  par  IN'alf  er  ,  dans 
les  Ma  rbi  es  d' Arundcl  par  Chandler , 
thaïs  les  Faunes  de  Pœstum.  Mullcr 
a  peint  des  paysages,  ainsi  que  d'au- 
tres tableaux ,  tels  que  la  Confirma- 
lion  de  la  grande  charte,  tableau 
qu'il  a  aussi  gravé;  les  Poitrails  du 
roi  et  de  la  reine  d'Angleterre ,  etc.  ; 
mais  son  principal  ouvrage,  dans  le- 
quel il  fc'est  montré  de j)lus  botaniste, 
est  son  Illustratio srstematis  sexua- 
lis  Limicci,  en  latin  et  en  anglais , 
Londres,  1777,  10  cahiers  grand 
iu-l"ol.  Pour  icjircsenter  le  système 
sexuel  du  naturaliste  suédois,  Muller 
avait  choisi  cent  quatre  plantes  ,  qu'il 
avait  dessinées  et  gravées  avec  le 
plus  grand  soin  :  elles  sont  représen- 
tées en  floraison  ;  et  souvent  les  fleurs 
sont  figurées  à  jjart,  dans  le  plus  mi- 
nutieux détail.  Cliaque  planche,  re- 
piésentaul  les  plantes  en  noir,  est 


MUL 

accompagnée  d'une  aiilrr  où  la  même 
plante  est  coloriée  il'a  jucs  nature.  Le 
texte  eonliciil  la  deCmilion  de  la  plan- 
te ci  ses  caractères,  lires  des  œuvres 
de  Linné,  avec  la  traduclion  et  une 
tcrniiuoloj^ie  anglaises.  Rlullcr  y  a 
joint .  en  caractères diirèrents ,  des  re- 
marques sur  les  diverses  parties  de 
la  plante,  des  explications  des  ter- 
mes employés  par  les  botanistes,  etc. 
Muilcr  est  mort  en  Augletcrre,  après 
i-yHS;  il  a  eu,  de  deux  maiiagcs, 
vingl-neuf  enfants  :  deux  de  ses  (ils 
&e  sont  fait  connaître  comme  dessi- 
uateurs;  soniils  aîné,  Jeau-Frèdc'ric, 
a  accompagne'  Banks  et  Solander 
dans  leurs  voyages. — Muller  (^Fré- 
déric-Adam)  avait  fait  une  riche  col- 
lection de  gravures  relatives  à  l'his- 
toire du  Danemark,  dont  la  descrip- 
tion a  étéimprimç'e  en  -2.5  vol.  in-fol., 
sous  letitrcde:  Pinacotheca  Dano- 
Norvegica  œve  incisa,  collecta  et 
in  nrdiiieni  redacla  à  Frederico- 
Adaino  Millier ,  Copenhague,  i  "jÇ)']. 
Le  roi  de  Danemark,  Christian  VII, 
acheta  cette  collection ,  moyennant 
une  rente  de  deux  mille  rixdales,  à 
la  liile  du  défunt.  D — g. 

MULLEK  (  Louis  )  ,  ingénieur 
prussien,  né  en  1735,  dans  la  Mar- 
che de  Prcguitz,  entra  fort  jenne  au 
service,  et  prit  part  aux  principaux 
événements  de  la  guerre  de  Sept-Aus. 
Ses  longs  services  et  ses  connaissances 
le  firent  nommer,  en  1 786 ,  capitainc- 
iaistructeur du  corps  des  ingénieurs, 
aux  leçons  d'hiver  qui  furent  établies 
à  Berlin,  pour  l'inspection  générale 
des  officiers  de  la  Marche  de  Bran- 
debourg. Les  travaux  et  les  écrits  de 
cet  officier  ont  produit  une  espèce 
de  révolution  chez  les  Prussiens  ;  et 
ils  ont  surtout  beaucoup  contribué  à 
perfectionner  leur  artillerie,  et  leur 
système  d'attaque  cl  de  défense  des 
places,  considéré  jusqu'alors  co.nime 


MUL  393 

le  seid  côté  faible  de  l'armée  formée 
par  le  grand  Frédéric.  Muller  joi- 
gnait à  un  coup-d'œi!  exercé  par  cin- 
quante années  li'cxpérience,  des  étu- 
des très-profondes  j  et  l'on  trouve, 
dans  ses  ouvrages ,  des  leçons  pré- 
cieuses sur  la  stratégie  et  sur  le 
parti  que  l'on  peut  tirer  de  toutes 
les  espèces  de  terrain.  Nommé  ma- 
jor en  1797  ,  il  mourut  le  l'J  juin 
1804.  On  a  de  lui,  en  allemand  : 
I.  \jArt  des  retranchements  et  des 
cantonnements  d'hiver,  Potsdam, 
1782,  in-8".,  i5  planches;  réim- 
primé à  Vienne  en  1 78G ,  et  à  Gotha , 
en  179'j;  ouvrage  fort  estimé.  II. 
Introduction  au  dessin  des  plans  et 
caries  militaires ,  ibid.,  1783,  in- 
4^*.  III.  Instruction  sur  la  manière 
dont  la  largeur  et  la  profondeur  des 
ris'ières  peuvent  être  exprimées  sur 
les  cartes ,  Berlin,  1784,  et  dans  le 
calendrier  généalogique  de  Berlin  , 
pour  1785.  IV.  Précis  des  trois 
campagnes  de  Silésie ,  pour  servir 
d'explication  à  une  grande  carte  où 
sont  tracées  les  vingt-six  batailles  ou 
combats  principaux  de  cette  guerre, 
1785,  iu-4*'.  (en  allemand  et  en 
français  ).  V.  Tableau  des  guerres 
de  Frédéric-le-  Grand ,  in-4''. ,  Ber- 
lin, 1785;  Potsdam,  1787;  les  édi- 
tions de  1786  et  de  1788  sont  en 
allemand  el  en  français.  Don  Fran- 
cisco Palerno  le  traduisit  en  espa- 
gnol, Malaga,  1789J  et  c'est  le  mê- 
me ouvrage  que  le  comte  de  Gri- 
moard  fil  imprimer  à  Paris  ,  sous  le 
titre  de  Tableau  historique  et  mili- 
taire de  la  vie  et  du  règne  de  Fré- 
déric-le-Grand.  VI.  Plan  de  Vile 
de  Postdam  ,  et  des  environs ,  1 787. 
VII,  OEuvres  militaires,  Berlin, 
1806,  2  vol.  iji-4°..  fig.  Cette  collec- 
tion complète,  ])ubliée après  la  mort 
de  l'auteur,  a  eu  beaucoup  de  succès 
duiis  toute  l'Allemagne.     M — u  j. 


3u4 


WUL 


MULLER  (  OxHON-FRi'ntRic  ), 
savant  naturaliste  danois,  l'un  des 
t>iiservaleurs  les  plus  laljorieux  et 
les  plus  exacts  du  dix-huitième  siè- 
r!c,  naquit  à  Copenliap;ue,  en  i'j3o. 
Son  g'oùt  pour  le  travail  lui  fît  sur- 
monter la  mauvaise  fortune.  Un  de 
ses  talents  l'aidait  à  en  acquérir  d'au- 
tres; et  ce  l'ut  par  la  musique  qu'il 
p;agna  sa  subsistance  ,  pendant  qu'il 
étudiait  en  théologie.  Sun  instruction 
et  la  rciïularite  de  ses  mœurs  le  firent 
nommer,  en  1733,  ])récepteur  du 
jeune  comte  de  Scludiu ,  fds  d'un 
ancien  ministre-d'ëlat ,  que  sa  mère 
faisait  élever  sous  ses  yeux  à  la  cam- 
pagne. M"»*=.  (le  Schulin  était  mie 
]i.-rsonne  distinguée  par  l'esprit  et 
par  le  caractère.  Ce  fut  elle  qui  en- 
gagea Millier  à  se  livrer  à  l'observa- 
tion des  êtres  naturels,  et  qui  donna 
ainsi  à  la  science  un  des  hommes  qui 
l'ont  le  plus  enrichie.  Non-seulc- 
jiicnt  il  apprenait  à  connaître  et  à 
décrire  les  animaux  et  les  plantes; 
mais  il  s'exerçait  à  les  peindre,  et  il 
parvint  en  peu  de  temps  à  le  faire 
avec  beaucoup  de  vérité  et  de  finesse. 
Les  voyages  qu'il  fit  avec  son  élève  , 
lui  fournirent  l'occasion  d'étendre  sa 
]n'opre  instruction;  et,  dès  sou  re- 
tour à  Copenhague  en  1767  ,  il  fut 
en  état  de  prendre  rang  parmi  les  na- 
turalistes les  plus  estimés.  11  obtint, 
eu  1769,  la  place  de  conseiller 
de  cliaHcellerie,  et,  en  1771,  celle 
d'arcliivistedela  chambre  des  finan- 
ces de  Norvège  ;  mais  ayant  contrac- 
té ,  quelque  temps  après ,  un  mariage 
avantageux  ,  il  i-enonca  à  la  carrière 
des  emplois  pour  se  livrer  enlière- 
ment  à  ses  occupations  scientifiques. 
Son  prcraier  ouvrage  sur  quelques 
champignons .  est  en  danois ,  cl  avait 
paru  dès  1 763.  Il  donna  en  latin ,  et 
en  2  vol.  in -8°.,  en  1764  et  eu 
1767,  l'histoire  des  insectes  et  des 


ML'L 

plantes  de  la  campagne  qu'il  habi- 
tait, sous  les  titres  de  l'aiina  in- 
sectorum  Friedrichsdaliana  et  de 
Flora  Friedrichsdahana.  On  remar- 
qua ,  dans  ces  écrits,  beaucoup  de 
méthode  ,  et  l'attention  la  plus  scru- 
puleuse dans  la  recherche  des  cires; 
et  ces  qualités  lui  méritèrent  l'hon- 
neur d'être  chargé  de  continuer  la 
Flore  de  Danemark ,  ouvrage  su- 
perbe, que  la  botanique  doit  à  la 
générosité  du  roi  Frédéric  V  ,  ce 
protecteur  de  toutes  les  connaissan- 
ces utiles.  George-Chrétien  Oeder 
l'avait  commencé  par  ordre  de  te 
prince,  en  i7()i ,  et  en  avait  publié 
trois  volumes.  Millier  en  a  ajouté 
deux  autres,  dont  le  dernier  a  été 
terminé  en  1782.  Les  amateurs  de 
la  botani([ije  savent  que  l'élégance 
et  la  vérité  des  figm'es  de  la  Flore  do 
Danemark  surpassent  tout  ce  qui 
avait  été  fait  auparavant  dans  ce 
genre.  Cependant  Millier  prenait  en- 
core plus  de  plaisir  à  l'observation 
des  petits  animaux  qu'à  celle  des 
plantes.  Il  publia,  en  1771 ,  en  alle- 
mand, un  volume  in -4°.  sur  cer- 
tains vers  de  l'eau  douce  et  de  l'eau 
salée  ,  où  il  traitait  particulièrement 
de  ces  animaux  articulés  et  à  sang- 
rouge  auxquels  Linné  avait  donné 
les  noms  d'aphrodites  et  de  néréides, 
et  que  leur  force  de  reproduction, 
récemment  observée  par  Bonnet, 
veu.tit  de  rendre  célèbres.  Millier  les 
divisa  en  quatre  genres,  en  fit  con- 
naître un  grand  nombre  d'espèces 
nouvelles  ,  et  donna  beaucoup  d'ob- 
servalions  curieuses  sur  leur  struc- 
ture,  sur  leurs  habitudes  et  sur- 
leurs  propriétés.  Il  se  montra  en- 
core plus  givind  observateur  dans  un 
ouvragegénéral  qu'il  publia  en  latin, 
en  deux  volumes  iu-4".,  177^  et 
1774,  stir  les  vers  de  terre  et  d'eau 
douce.  La  première  partie  est  coiisa- 


TMUL 

crée  aux  ai)itnaiix  infiisoircs ,  c'est-à- 
dire,  à  CCS  pilits  êtres  invisibles  à 
l'œil  nu  ,  cl  dont  la  plupart  ne  nous 
apparaissent  ijua  l'ai  Iode  torts  mi- 
croscopes. Il  eu  dcVoiivrit  un  ç^rand 
nombre  ;  et  le  premier  ])armi  les  na- 
turalistes, il  eut  le  courage  de  les 
distribuer  en  genres  ,  cl  d'assif^ucr  à 
cliacune  de   leurs   espèces  des    ca- 
raclèrcs  ilistinctifs,  La  seconde  par- 
tie contient   des  ob-ervatiuns  inte- 
rcssanlcs  sur  les  vers  des  intestins. 
La  troisième,  qui  remplit  le  second 
volume,  a  poui-  objet  ies  coqiidiages; 
et  l'auteui-  essay.i  de  les  classer  ,   à 
l'exeniple  d'A;!anson  et  de  Cieofi'roy, 
d'-jpres  l'organisaliou  des  aniraauK 
qui  les  hal-i'cnt  :  mais  l'analomiede 
ces  .îuimaux  était  trop  peu  avancée 
alors,  etiui-nièuie  était  Imp  pcuaiia- 
tomiste,  pourqu'i!  eût  de  grands  suc- 
cès dans  celle  entrepiise.  Son  li.dlé 
sur    les    livârachves  ou  araignées 
aqnat'qnes.  public  en  »  '-81 ,  et  celui 
des  enioino  tracés  (  autre  sorte  «le  pe- 
tits ani  maux  aquatiques,  compris  par 
Linné  dans  [■•  genre  des  monocles  ), 
imprime  en   1  '■b5  ,  ne  sont  pas  des 
monuments  moins  remarquables  de 
sa  prodigieuse  patience.  Ils  sont  l'un 
et  l'autre  en  l.ilin  ,  eî  consistent  cha- 
cun en  un  jictit  volume  iu  4°- 1  or- 
né d'un  granJ  nombre  de  planches. 
L'auteur  y  fait  cuiinaître  une  mul- 
titude d'êtres  animés ,  dont  on  sonp- 
jounait  à  peinel'exisleucejbienqu'ils 
remplissent,  par  millions,  toutes  nos 
eaux   douces ,  et   même    celles  que 
nous  regardons  comme  les  plus  pu- 
res. Cependant    Muiler    tiavai'lait 
sans  relâche  à  multiplier  ses  dccou- 
verles  sur  les  animaux  infusoires : 
et  à  sa  mort,  arrivée  le   /(j  décem- 
bre 1784,  il  en  laissa  l'histoire  et 
les  descriptions  dctaUlées  en  un  fort 
volume in-4".,  orne  de  5o planches, 
tjiii  fut  publie  par  les  soins  de  sou 


amiOlhouFabricius.  Ces  trois  écrits, 
sur  les  infusoires ,  sur  les  momicles 
et  sur  les  lijdracfines,  ont  assigné  à 
Mullcrl'un  îles  premiers  rangs  par- 
mi 1rs  nat^u■aliste^  qui  ont  enrichi  la 
science  d'observations  originales  :  ils 
sont  classiques  ,  chacun  pour  la  la- 
miHe  à  laquelle  il   se  rapporte,  et 
ils  le  demeureront  long-temps ,  non- 
seulement   à   cause  de  la    patience 
et   de   l'exactitude  infinie    de  l'au- 
teur ,  mais  encore  à  cause  des  obsta- 
cles nombreux  qu'opposent  aux  ol)- 
servateurs  la   ])eti!esse  extrême    et 
le  peu  de  consistance  des  animaux 
qui  composent  ces  familles.  Les  in- 
fusoires surtout  forment  en  quelque 
sorte  un  nouveau  règne  animal,  que 
Muiler  a  révélé  au  monde ,  et  sur  le- 
quel depuis  lors  on   n'a  guère  fait 
que  le  co|;icr.  Il  avait  commencé  , 
en  1 779  ,  un  ouvrage  beaucoup  plus 
maguilique  ,  la  Zoologie  danoise, 
qui  devait  êtie  pour  les  animaux  de 
Danemark,  ce  que  la  Flore  du  mê- 
me pays  est  pour  les  plantes.  Il  n'a 
pu  en  publier  de  sou  vivant ,  que 
deux  cahiers  in-fo!.,  comprenant 
chacun  4o  planches  enluminées.  Le 
texte  latin,  qui  avait  paru  d'abord 
iu  8°. ,  a  élé  réimprimé  en  1788, 
dans  le  format  des  planches.  L'année 
suivante,  M.  Abildgaardt  a  publié  le 
troisième  cahier  que  l'auteur  avait 
laissé  incomplet;  et  ce  naturaliste 
étant  mort  lui-même  pendant  qu'il 
travadiait  au  quairième,  a  eu  pour 
continuateur  M.  Rathké,  ([ui  a  fait 
paraître  ce  4*^-  cahier  en  1806.  De- 
vant  embrasser  tou.t  le  règne  ani- 
mal  du  nord   de  l'Europe,  et  ne 
comptant  jusqu'à   ce  jour  que  160 
planches,   on  conçoit  que  la  Zoo- 
logie   danoise   est    encore    un,  ou- 
viage  bien  incomplet;  mais  il  n'en 
est  pas  moins  précieux  ,  et  même  in- 
dispensable pour  les  naturalistes  ,  à 


396  MUL 

cause  du  grand  nombre  de  raoUus- 
([ues,  de  vers  et  de  zoophylrs  qui  s'y 
trouvent  décrits  et  rc|)rcsenlt's  pour 
la  première  fois.  I/aulcur  avait  été 
j).iissammenl  seconde'  pour  ses  ob- 
servations, et  surtout  ]>our  ses  des- 
sins, par  son  frère  Cliarles-Frèdé- 
ric,  ({u'il  avail  forme  à  sa  manière 
de  travailler,  et  qui  lui  fut  toujours 
fort  attaclié.  Outre  les  grands  ou- 
vrages dont  nous  avons  parle' ,  on  a 
encore  de  lui  un  catalogue  général 
des  animaux  du  Danemark,  intitulé 
Zoologiœ  Danicœ piodromus ,  Co- 
penhague, 1777  ,  in-8°.  — un  traité 
en  danois  sur  la  Chenille  à  queue 
fourchue ,  ibid. ,  1 77  i  ;  —  une  rela- 
tion, aussi  en  danois,  d'ua  Fojage 
à  Christiansand,  ibid.  ,  1778,  et 
quelques  Mémoires  imprimés  par- 
mi ceux  de  diverses  sociétés  savan- 
tes. Le  gouvernement  danois  mar- 
qua combien  il  appréciait  l'honneur 
que  INIidler  faisait  à  sou  pays  ,  en  lui 
a.ccordant  successivement  les  titres 
de  conseiller  de  justice ,  de  conseiller- 
d'état  ,  et  de  conseiller  de  conféren- 
ces, lesquels  demeurèrent  cependant 
toujours  purement  honorifiques.  Il 
ne  paraît  pas  qu'il  ait  laissé  d'en- 
fants. C — v R. 

MULLER  (  Christopue-Henri  ) , 
né  à  Zurich,  en  1740,  fît  ses  étu- 
des dans  celle  ville,  et  se  rendit ,  en 
l7G7,àBerlin,où  il  obtint  une  chai- 
re de  phi!oso})hic  au  gymnase  dit 
de  Joachim.  A  un  esprit  philosophi- 
que il  joignit  beaucoup  de  connais- 
sances ;  il  s'appliqua  surtout  à  des 
recherches  sur  les  poètes  allemands 
du  XII".  an  xlV.  siècle,  dont  il  a 
publié  (  Berlin  ,  1 784  ,  '^  vol.  in-4''.  ) 
plusieurs  poèmes  d'après  des  manus- 
crits peu  ou  point  connus.  Ses  pro- 
pres écrits  (Zurich  ,  179'i,  2  part. 
in-8'^.  )  se  ressentent  des  idées  sin- 
gulières et  des  paradoxes  qui ,  peu- 


MUL 

à-peu ,  subjuguèrent  sa  raison ,  et  lui 
firent  quitter  tout  commerce  avec  les 
hommes.  Il  vécut  d'une  modique 
pension  qu'il  rerevait  de  Berlin  ;  et 
il  s'éiai? ,  en  1788,  retiré  dans  sa 
ville  nat-ile,  où  il  mourut,  le  "X'i  fé- 
vrier iho7.  U — I. 

MULLÉR  (  Frî'dep.ic-Augcste  ) , 
poète  allemand  ,  né  à  Vienne  ,  le  iG 
septembre  1 767  ,  reçut  sa  premiè- 
re éducation  dans  le  IMiilauîropin  de 
Dessau  {f'^.  BaïEdow,  III ,  47^  ).,  et 
passa  ensuite  quelques  années  dans 
les  universités  de  Ka!le  et  de  Gotlin- 
gue.  Indépendant  par  sa  fortune,  qui, 
sans  être  considérable,  suffisait  à  ses 
besoins,  il  ve-^ut  tantôt  à  Vienne,  tan- 
tôt a  Erlang,  sans  y  remplir  aucu- 
ne fonction  publique,  et  mourut  dans 
la  première  de  ces  villes,  le  3i  jan- 
vier 1807.  Ce  poète  s'est  acquis  une 
réputation  méritée  dans  le  genre  de 
l'épopée  romantique.  Son  premier 
ouvrage,  Bichard-Cœur -  de-Lion  , 
poème  eu  sept  chants,  qui  fut  publié 
eu  1790,  est  remarquable  par  l'ex- 
pression ,  eu  vers  harmonieux  et  fa- 
ciles, des  sentiments  les  plus  nobles 
et  les  plus  élevés.  Ce  mérite  est  en- 
core plus  frappant  dans  sa  seconde 
production ,  Alfonso ,  poème  en  huit 
chants.  î\Iais  sa  troisième  épopée, 
Adelbert ,  poème  en  douze  chants  , 
est  très-inférieure  à  ses  premiers  ou- 
vi-ages.  P.    L. 

IMLLLER  (  Jean  de  ) ,  célèbre 
liistoricn  ,  naquit  à  Schallhouse  ,  le 
3  janvier  1  7  ri.  Son  a'ieul  maternel, 
homme  d'un  excellent  caractère, 
était  curé  ,  et  emplovait  ses  heures 
de  loisir  à  rédiger  des  chroniques. 
Les  bons  souvenirs  qu'il  laissa  dans 
l'ame  de  Jean  de  Millier,  ne  furent 
point  étrangers  au  développement 
du  caractère  et  à  la  destinée  de 
celui-ci.  A  peine  âge  de  neuf  ans, 
il  s'essava  sur  l'histoire  de  sa  ville 


Ml  L 

natale  :il  n'en  avait  ({ne  doii/.e,  lors- 
que déjà  il  com])arait  laborieuse- 
ment les  divers  syilcmcs  de  clirono- 
lofjie.  Sa  pre  lilcction  ponr  les  clas- 
siques latins  s'accrnt  par  le  debout 
que  Ini  causa  l'étude  ohlige'e  des  dê- 
Jinilions  de  la  plùlosojilne  de  ff^olj\ 
j)ar  iMumcibter  :  selon  tonte  appa- 
rence, il  faut  rapporter  à  celle  épo- 
que l'origine  <le  son  aversion  invin- 
cihle  pour  la  jne'taphysique.  Des- 
tine à  la  tliéologie  ,  après  avoir 
c'tndie  an  gvmnasc  de  SchafTIionse  , 
il  se  rendit  à  l'université  de  Cioftin- 
gne.  Miller,  Walcli ,  Hryncet  Srhloe- 
zer ,  furent  ses  maîtres,  et  fixèrent 
les  études  et  les  travaux,  du  jenne 
savant,  au({uel  la  carrière  du  théo- 
logien n'olTrait  plus  rie'.i  d'attrayant. 
Il  fut  engage  par  Schioe/.er  à  écrire 
l'histoire  de  la  guerre  cimbriqiie, 
qu'il  jniblia  deux  années  après  {BeU 
liun  Cimbricum ,  Zurich  ,  1772,  in- 
8".  )  ;  et  c'est  à  Miller  qu'il  dut  la 
première  idée  de  se  faire  l'historien 
de  sa  patrie.  De  retour  à  Schatthouse, 
le  "onvcrnement  lui  conféra  la  chaire 
de  langue  grecque.  Il  l'accepta  ;  mais 
son  génie  et  ses  moyens  restèrent 
voués  aux  grands  travanx  histori- 
ques qu'il  s'était  proposés.  L'ac- 
cueil qu'il  reçut  des  premiers  savants 
de  sa  patrie ,  des  Bodmer  ,  des  Brei- 
tingcr,  des  Haller  et  des  Fucssli  ,lui 
servit  d'encouragement;  après  plu- 
sieurs années  d'un  travail  assidu  , 
dans  sa  A'ille  natale,  il  fit  la  connais- 
sance de  Charles-Victor  de  Bonstet- 
ten,  dont  l'amitié  parut  remplir  tous 
lesbcsoins  de  sou  cœur.  La  correspon- 
dance de  ces  deux  amis  a  été  publiée 
sous  ce  litre  :  Lettres  d'un  jeune  sa- 
vant à  son  ami ,  à  Tubingne,  1 801 , 
en  allemand  :  (une  traduction  françai- 
se ,  rédigée  avec  soin  par  une  dame 
aussi  aimable  qu'instruite  et  spirituel- 
le, parut  à  Zurich,  en  1810.  )  C'est 


MCL  3f)7 

un  monument  durable  et  touchant  de 
l'amitié  la  pins  pure  et  la  plus  ver- 
tueuse,  diiigée  vers  les  plus  dignes 
fins;  et  elle  est  en  même  temjis  nu 
modèle  des  études  les  mieux  ordon- 
nées. Désirant  étendre  ses  connais- 
sances dans  un  cercle  moins  étroit 
que  celui  de   Schadhouse,    Miiller 
partit  ]iour  Genève  .en  1 77  i  ,  com- 
me instituteur  des  (ils  du  conseiller 
Tronchin.  Le  commerce  dos  savants 
de  cette  ville ,  parmi  lesquels  il  dis- 
tingua Bonnet,  et  celui  de  son  ami 
Bonstettcn  ,  qui  demeurait  dans  le 
voisinage  ,  rendirent  son  séjour  heu- 
reux. Il  donna  successivemcjit  à  Ge- 
nève el  à  Berne  des  leçons  d'histoire 
universelle,  qui  furent  singulièrement 
goûtées.  Peu  de  temps  après  (1780), 
parut ,  à  Berne  ,  la  première  partie 
de  son    Histoire  de  la  confédc'ra- 
tion  Suisse.  Cette  jiremicre  édition 
n'a  point  été  continuée;  et  elle  dif- 
fère essentiellement  de  celle  qui  a  été 
commencée ,  six  ans  après ,  a  Leip- 
zig (dont  cinq  volumes  ,  qui  complè- 
tent l'Iiistoire  du  quinzième  siècle, 
ont  été  publiés,  et  dont  les  premières 
parties  ont  encore  été  réimprimées  , 
revues  et  augmentées  en  1806) ,  et 
traduite  en  français .  par  Labaume  , 
Lausane,  i7g5-i8o3,  i'^  vol.  in-8°. 
Mallot,  en  abrégeant  cet  ouvrage, 
l'a  continué  jusqu'à  nos  jours  (  P^. 
Mallet  ,  XXVI ,  3()o  ).  En  1  780  , 
IMiider  se  rendit  en  Prusse  ;  le  grand 
Frédéric  s'entretint  avec  lui  :  il  s'û- 
gissait  de   l'attacher  à  l'académie  ; 
mais  l'envie  s'en  mêla  ,  et  la  chose 
n'eut  point  lieu.  Les  Essais  histori- 
r/ues ,  que  Millier  fit  imprimer  à  Ber- 
lin ,  renrcrment  cpieiqucs  pièces  cu- 
rieuses  et   intéressâmes.    Le    land- 
grav«  de  Hesse  lui  ayant  donné  une 
chaire   à   Cassel  ,  il  y   reproduisit 
ses  cours  d'histoire  qu'il  avait  don- 
nés à  Gcuève.  En   1783,  il  revint 


398 


MUL 


en  Suisse  ,  où  il  vcciit  pendant  quel- 
ques années  chez  soiKimi  Bonstcllen. 
Au  conimenccmenl  de  i^yCjillut 
a]ij)cle  au  service  de  l'élertcur  de 
Ma'icnce.  Ce  prince  éclaire  l'allira 
dans  ses  états  ,  et  le  nomma  secie- 
taiie  du  cabinet ,  et  sou  conseiller 
intime.  Muller  se  trouva  ainsi  occu- 
pe' des  affaires  publiques  les  pbis  gra- 
ves, c[ui  touleloisne  le  detourncrcnt 
ni  do  ses  études,  nicle  ses  travaux  bis- 
toriques.  L'Allcniagnorcdoutaita!ors 
des  projets  de  domination  de  la  mai- 
son d'Autriche,  auxquels  un  contre- 
poids semblait  nécessaire  :  Millier  dé- 
veloppa (  en  1787)  les  motifs  d'une 
coalition  des  princes  de  l'Allemagne 
pour  la  défense  de  la  constitution  de 
l'empii-e  ;  et  dès  l'année  suivante  , 
dans  un  second  écrit  sur  ce  mèuie 
objet ,  il  eut  à  déplorer  le  but  man- 
qué de  l'association.  ^  ers  le  même 
temps  sa  plume  traitait  des  rapports 
de  la  puissance  ecclésiastique  avec 
celle  de  l'état.  La  révolution  françai- 
se survint,  et  Maïence  fut  conquise; 
Millier  fut  envoyé  à  Vienne.  L'em- 
pereur Léopold,  qui  avait  su  l'appré- 
cier à  Francfort,  à  l'époque  de  son 
couronnement,  lui  avait  conféré  des 
titres  de  noblesse  :  il  voulut  le  retenir 
à  son  service,  et  lui  accorda  ime  place 
de  conseiller  à  la  chancellerie  d'état. 
Millier  ne  trouva  plus  dans  celte 
place  la  confiance  dont  l'avoit  hono- 
ré Frédéric-Charles- Joseph  :.sa  pla- 
ce dé  conseiller  ne  l'occupait  guère; 
et  celle  de  bibliothécaire,  à  laquelle 
il  avait  été  nommé,  lui  devint  odieu- 
se par  l'intrigue  :  il  n'obtint  pas  , 
pour  SCS  travaux  littéraires,  l'indé- 
pendance qu'il  aurait  souhaitée.  On 
conçoit  qu'un  historien  protestant  ne 
pouvait  toujours  être  d'accord  avec 
la  censure  impériale  de  Vienne  ;  et 
son  histoire  de  la  Suisse  figura  sur 
la  liste  des  livres  prohibes.  11  desirait 


MUL 

quitter  l'Anlriche  ;  et  en  i8o4,  U 
accepta  la  place  que  Frédéric-Guil- 
laume lui  olïiit  à  l'académie  de  Ber- 
lin ,  place  qu'd  avait  ambitionnée, 
dix-huit  ans  .luparavant.  Il  se  ])ro- 
mit  dès-lors  d'éciire  la  vie  de  Fiedé- 
ric-le-Grand  :  deux  discours  qu'il  lut 
à  l'académie,  en  i8o5et  1807, don- 
nent l'idée  de  la  mai  ièie  dont  il  em- 
brassait ce  mémorable  sujet.  'La 
guerre  dans  laquelle  la  Prusse  suc- 
comba ,  changea  de  nouveau  les 
pians  de  Muilcr.  Buonapartc  l'avoit 
distingué  et  jugé  pendant  son  séjour 
à  Berlin;  et,  quelque  temps  après 
(  1807  ),Mijllerse  trouvait  en  che- 
min pour  l'universiié  de  Tubingue 
où  le  roi  de  Wurtemberg  lui  avait 
conféré  u!!C  place  de  pndesseur,  aux 
conditionslcs  ])lus  hunorables,  lors- 
qu'il fut  mandé  à  Paris,  et  nommé 
secrétaire-d'état  du  royaume  éphé- 
mère de  \Vcst[)ha!ie  ,  emploi  (|u'il  , 
échangea  ensuite  contre  celui  de  di- 
recteur général  de  l'instructii  n  pu- 
blique. Les  travaux  mullijJiés  des 
nouvelles  organisations  auxquelles  il 
dut  contribuer  ,  et  surtout  [<■  chagrin 
que  lui  causa  le  peu  de  succès  de  ses 
soins  et  de  tout  son  zèle,  hâtèrent 
sa  mort ,  qui  eut  lieu  le  'iÇ)  mai  1 80g. 
Ce  fut  une  perte  irréparable  pour  les 
sciences,  en  les  privant  d'une  partie 
considérable  de  ses  travaux  prépa  ■ 
rés  avec  tant  de  peines.  Jean  de  Mul- 
ler ne  fut  jamais  marié  t  son  carac- 
tère était  renipli  de  candeur  et  de 
bonté  ;  sa  ])rf  bité  et  sa  générosité' 
étaient  parfaites;  sa  modesiie  et  sa 
simplicité  extrêmes.  Mais  on  est  fon- 
dé à  lui  reprocher  la  faiblesse  de 
caractère,  l'imprévoyance  qu'il  por- 
ta dans  sa  carrière  pobtique,  et  sa 
persévérance  à  demeurer  homme 
d'état ,  environné  d'une  médiocre  in- 
fluence, au  détriment  de  ses  impor- 
tants travaux  littéraiics.  11  est  mort 


MUL 

pauvre  ;  et  le  produit  de  ses  œu- 
vres posthume.s  a  paye  ses  det- 
tes. Son  tcslamcnt  est  remarquable 
par  sa  noble  et  louchante  siinpli- 
cilc.  L'Histoire  de  la  Goufcdcralion 
helvétique,  par  MiJlicr  ,  ne  dépas- 
se pas  le  quiiizicnie  siècle  :  «  elle 
»  est,  ditClicnier,  pleine  de  reclier- 
»  clies  sur  les  origines  des  villes  et 
»  sur  leurs  traditions  particulières. 
»  Quoique  fort  erudite,  elle  n'est 
»  ])oint  sèche;  elle  abonde  en  re- 
»  flexions  toujours  judicieuses  et 
»  (pielquefois  d'une  i^randc  portée, 
w  Quant  à  l'exe'cution  générale ,  la 
»  manière  de  l'auteur  est  large  et 
»  grave:  la  chaleur  n'est  pas  sa  qua- 
»litc  dominante  ;,  juais  il  a  souvent 
»  de  la  noblesse;  et  dans  ce  qui  con- 
»  cerne  l'histoire  naturelle  de  la 
»  Suisse ,  partie  traitée  de  main  de 
»  maîtie ,  son  stylo  s'élève  à  des  for- 
»  mes  majeslueuses...  L'ouvrage  est 
»  dédié  à  tous  les  confédérés  de  la 
»  Suisse,  Cette  dédicace ,  que  l'auteur 
»  fait  à  ses  «pairs,  n'est  pas  d'un  ton 
»  subalterne.  On  y  remarque,  comme 
»  en  tout  le  reste  du  livre,  un  profond 
»  sentiment  de  liberté;  et,  ce  qui  pour- 
»  rait, àl'analyse,  se  trouver  encorela 
»  même  chose,  un  grand  respect  pour 
»  le  genre  humain.»  Un  autre  contem- 
porain (  Ch.  Villers  ),  qui  professait 
la  même  religion  que  jMiUler,  et  qui 
avait  enfin  adopté  ses  principes  et 
ses  opinions  en  politique  et  eu  litté- 
rature, l'a  jugé  encore  plus  favora- 
3)Icment  ;  nous  citerons  néanmoins 
également  le  portrait  flatteur  qu'il 
en  a  donné.  «  L'opinion  puljliquc 
»  accorde  assez  généralement  à  Miil- 
»  1er  le  premier  rang  parmi  les 
5)  kistoriens  de  sou  temps ,  et  re- 
»  connaît  en  lui  la  plus  exquise 
»  réunion  des  qualités  nécessaires 
»  pour  qui  se  voue  à  la  haute  fonc- 
»  tion  d'ccrire  les  fastes  de  l'huaui- 


MUL  3<)9 

»  nifé.  Les  uns  le  comparent  à  Ta- 
»  cite; d'autres,  avec  plus  (K-  raison, 
»  le  nonimenlleïhucydjfic  de  l'ik-l- 
»  vétie.  Sans  doute  que  la  grave 
»  majesté  de  son  style,  (pie  la  vi- 
»  gueurde  ses  tableaux, que  la  gran- 
»  deur  de  ses  vues,  que  Ja  richesse 
»  de  son  imagination ,  enfin  que  sa 
»  manière  vraiment  antique,  autori- 
n  sent  ces  comparaisons.  INFais  nu 
))  genre  de  mérite  que  n'ont  j)!i  avoir 
»  ces  anciens  historiens ,  c'est  celui 
))  des  recherches  les  plus  laborieuses, 
»  les  plus  profondes  et  les  phis  exac- 
«  tes.  L'historien  suisse  conduit  celte 
»  histoire  de  sa  patrie  depuis  l'ori- 
»  giue  de  la  nation,  au  travers  de 
»  toutes  les  relations  qu'eut  celle-ci 
»  avec  la  France,  l'Italie  et  l'AUema- 
»  gne;  ce  qui  rend  ce  bel  ouvrage  un 
»  complc'mciit  indispensable  à  l'his- 
^  toire  de  ces  diverses  contrées.  »  Le 
frère  de  Jean  de  Millier,  ]\I.  Jean- 
George  Millier,  professeur  à  Sch;ii- 
fouse  ,  a  donné  la  Collection  des 
œuvres  conudètes  de  l'illustre  his- 
torien (  ïubini[cn,  Cotla,  in-8°.  ;  , 
dont  le  •jn'^.  volume  a  paru  en  i8ui. 
Les  trois  premiers  offrent  le  Cours 
d'iiisloire  universelle ,  qui  a  été  tra- 
duit en  français  par  J.-G.  Hess  , 
Genève.  1814-17.  4  vohimes  in- 
8".  Sa  correspondance  familière  eu 
remplit  plusieurs  autres.  Uu  de  ses 
amis,  M.  Fuessli  de  Zarich  ,  a  pu- 
blié séparément  les  lettres  que  Millier 
lui  avaitécrites.(  Foj  .  Abrégé  de  la 
vie  de  J.  de  Mitller,  écrit  par  hii- 
jncnie,  et  formant  le  premier  cahiof 
des  f^ies  et  portraits  des  hoinmis 
lettrés  de  Berlin ,  publie'  par  M, 
Lowe  ,  180G,  à  Berlin,  iu-S»  —  Me- 
moria  J.  Mùlleri,  script  are  C.  G. 
Lehutz,  Halle,  1809,  in-4".  —  Je({n 
de  3IuUer,  l'historien,  par  A.  H.  I , 
Ileeren ,  Lt^pzig,  1809 ,  en  allcm.  — 
Notice  bio^rapUique  sur  J.  de  MiU- 


402 


MUL 


»  n'y  a  de  nouveaux  cinij^i.ml.s  ,  que 
»  les  auteurs  et  complices  de  l'as- 
»  sassinat  du  patriote  Lcscuyer.  La 
»  loi  est  en  vigueur  :  nous  avous  , 
»  pour  témoins  de  notre  conduite  , 
»  des  membres  de  l'asscmltlce  cous- 
»  tituantc.  »  Une  nouvelle   réquisi- 
tion plus  pressante  de  Mulot ,  ayant 
été  suivie  d'une  réponse  encore  plus 
insigniliantc,  il  l'ut  réduit  à  être,  en 
quelque  sorte ,  l'impuissant  témoin 
des  forfaits  d'Avignon.  Mais  il  ac- 
cueillit ,  il  consola  les  parents  et  les 
amis  des  victimes  ;  il   transmit  au 
ministère  leurs  justes  réclamations  , 
et   pressa  le  départ  des   nouveaux 
commissaires  qui  devaient  le  rem- 
placer. Ils  arrivèrent  le  21  j  et  Mu- 
lot qui ,  nommé  membre  de  la  de'pu- 
tation  de  Paris  à  la  seconde  législa- 
ture, avait  été  pendant  son  absence, 
dénoncé  par  les  anarchistes,  comme 
le  principal  auteur  des  crimes  d'Avi- 
vignon  ,    s'empressa    de    retourner 
dans  la  capitale.  Il  lut ,  le  19  novem- 
bre, à  la  barre  de  l'assemblée,  un 
rapport  où  il  se  justifia  pleinement 
des  accusations  qui  lui  étaient  impu- 
tées, et  donna  des  détails  très-exacts 
sur  les  horreurs  d'Avignon ,  et  sur 
les  scélérats  qui  en  étaient  les  vérita- 
bles fauteurs  ou  complices  ,  parmi 
lesquels  il  signala  Rovère ,  l'un  de  ses 
dénonciateurs  (  /'.KovÈre).  Ici  se  ter- 
mine l'époque  la  plus  bonorablede  ia 
carrière  politique  de  Mulot.  Admis  à 
siéger  avec  ses  collègues,  il  joua  un  rô- 
le à-peu-près  nul  dans  cette  mémora- 
blesession.  Le  5  décembre,  il  yrènou- 
vela  sa  motion  contre  les  maisons  de 
jeu.  Le  28  février  i'jgx  ,  il  annonça 
que  le  roi  avait  retiré  les  distributions 
qu'il  faisait  aux  pauvres  de  Paris.  Le 
]3  mars,  i!  parla  sur  les  troubles 
d'Arles ,  et  proposa  de  suspendre  , 
de  leurs  fonctions ,  les  administra- 
teurs du  déparlcmeut  et  du  district. 


MUL 

ainsi  que  les  officiers  municipaux , 
et  de  les  entendre  à  la  barre,  avec 
les     commissaiies     civils.    I/cner- 
gie  qu'il  avait  déployée  un  instant  , 
s'affaiblissait  graduellement,  à  me- 
sure qu'il  voyait  s'accroître  l'audace 
de  la   faction    démagogue.     Le    19 
mars,  il  appuya  l'admission,  à  la 
barre  ,   d'un  député  extraordinaire 
d'Avignon  ,  qui  venait  faire  connaî- 
tre à  l'assemblée  la  véritable  posi- 
tioii   de   celte  ville.  Mais ,  lorsque 
Thuriot  eut  présenté  son  rapport  en 
faveur  des  assassins  de  la  Glacière, 
Mulot,  dont  le  témoignage  aurait  pu 
éclairer  un  grand  nombre  de  ses  col- 
lègues trompés  ou  influencés,  et  dé- 
terminer leur  opposition  ,  n'osa  pas 
ouvrir  la  bouche  dans  une  discussion 
qui  lui  olïialT  l'occasion  de  se  distin- 
guer et  de  prévenir  de  grands  mal- 
heurs j  et  le  jour  même  (  G  avril' 
que  le  fameux  décret  d'amnistie  fut 
prononcé,  il  ne  rompit  le  sileuce  que 
pour  parler  en  faveur  de  la  prohilii- 
tion  du  costume  ecclésiaslique. Mulot 
rentra  dans  l'obscurité  après  le  10 
aoiit  ;    il   fut  incarcéié  pendant   la 
terreur  ,  et  lit  ensuite  partie  de  la 
commission  des  monuments.  Sous  le 
régime  directorial ,  il   fut  commis- 
saire du  gouvernement  à  Ma'ience, 
puis   professeur   de  belles-lettres  à 
l'école  ceulrale  de  la  même  ville  j 
mais  il  s'y  fit  principalement  con- 
naîtrecorame  apôtre  de  la  secte  des 
Théophilantropcs.  De retourà Paris, 
il  y   mourut  subitement  au   jardin 
des   Tuileries,  le    9  juin  1804.  II 
était  membre  de  la  société  des  scien- 
ces ,  lettres  et  arts  de  Paris ,  de  celle 
des  Bosali,  et  président  du  lycée  des 
arts.   Mulot  avait  de  la  bonhomie 
et  des  qualités  sociales  estimables; 
mais  il  n'avait  aucune  de  celles  d'un 
ecclésiastique.  Il  épousa  une  femme 
qui  avait  été  sa  maîtresse  avant  la 


MUL 

rc'voliilion ,  et  il  eu  a  laisse  nue 
fille.  Ou  a  do  lui  :  I.  Essai  dn  ser- 
mons jirtcliés  à  ilukel-ilieic  de  Pa- 
ris, 1781  ,  iu-i.i  11.  Traduction  de 
Daphnis  et  C///oe', Mytiièuc( Paris), 
1782,  in-8°.,  et  Paris,  1793,  in- 
iG.  m.  Hcquéte  des  vieux  ailleurs 
de  la  bihliothetjue  de  Saint- fief  or 
à  j\[.  de  Marbeuf,  éi'c't/ue  d'./u- 
tun,  ou  vers ,  Paris  ,  iu-8*\  ilc  8  pa^. 
IV.  Collection  des  fabulistes,  avec 
Undiscours  sur  les  fables ^el  la  tra- 
duction des  Fables  de  Lockman, 
Paris,  1785,  in -8**.  L'auteur  n'a 
donne  que  le  premier  volume  de  cet- 
te collection.  V.  Le  Muséum  de  Flo- 
rence, grave  par  David  ,  avec  des 
explications  françaises,  Paris,  1788 
et  années  suivantes,  6  vol.  iu  -  8^. 
VL  Rêve  d'un  pauvre  moine ,  1789. 
Vn.  Compte  rendu  à  V Assemblée 
nationale,  comme  commissaire  du 
roi  à  Aviç^non,  avec  supplément  et 
correspondance  ojficielle ,  i79i,in- 
8°.  de  21 4  pai;;es.  VIIL  Ahnanach 
des  sans-culottes ,  Paris,  1794,  iu- 
8**.  ;  ouvrage  destine,  dit  l'auteur,  à 
rappeler  ceux  qui  prenaient  alors  le 
nom  de  sanS-culottes ,  aux  vérita- 
bles principes  de  la  société.  IX.  Dis- 
cours sur  les  funérailles  et  le  res- 
pect dû  aux  morts,  prononcé  à  la 
cérémonie  iuncbrc  consacrée,  parle 
lycée  des  arts,  à  la  mémoire  de  La- 
voisier,  le  'i  août  1796.  X.  f^ues 
d'un  citoyen ,  ancien  député ,  sur  les 
sépultures,  Paris,  i797,iu-8o.  Ces 
deux  ouvrages  ont  été  refondus  dans 
le  suivant.  XI.  Discours  qui  a  par- 
tagé le  prix  proposé  par  l'Institut, 
sur  cette  question  :  Quelles  sont  les 
cérémonies  à  faire  pour  les  funé- 
railles ,  et  le .  règlement  à  adopter 
pour  le  lieu  des  sépultures?  Paris, 
an  IX  (  1800  ) ,  in-8".  Xïl.  Rapport 
fait  au  lycée  des  arts,  sur  une  ma- 
chine propre  à  faire  des  allumettes, 


MU M  4o3 

iuiS".  XI II.  Réflexions  sur  l'état 
actuel  de  V instruction  publique  , 
iu-8".  XIV.  Mémoire  sur  l'état  ac- 
tuel de  nos  bibliothèques  ,  an  v 
(  1 797  ) ,  in-8'*.  XV.  Dis'  ours  pi  onon- 
ce  à  la  société  littéraire  des  Rosati 
de  Paris ,  pour  le  couronnement  des 
Rosières ,  floréal  an  v  (  mai  1797  ). 
XVI.  Essai  de  poésies  légères, 
JMaioncc,  1799,  in-8".  Rien  de 
plus  lourd  que  ces  poésies  légères. 
XVII .Des  Notices  biographiques any 
plusieurs  écrivains ,  tels  que  l'abbé 
Lemonnicr,T)emoustier,  etc.,  et  les 
notices  nécrologiques  des  tomes  -x  et 
3  du  Nouvel  Almanach  des  Muses. 
XVIII.  Des  Hjmnes  ,  fdes  Discours 
pour  des  fêtes  républicaines  natio- 
nales ,  et  pour  des  cérémonies  pu- 
bliques. On  y  trouve  ses  Sermons 
thcophilantropiques.  Mulot  parlait 
avec  facililé,  avec  onction  ;  mais 
il  n'était  nullement  orateur:  son  style 
est  lâche,  incorrect.,  et  ses  vers  valent 
encore  moins  que  sa  prose.       A-t. 

MUMMIUS  (  lîucius  )  ,  consul 
romain,  était  d'une  famille  plébéien- 
ne. Envoyé  l'an  601  (av.J.-C. ,  i53) 
dans  l'Espagne  ultérieure  ,  avec  le 
titre  de  préteur  ,  il  essuya  d'al3t»rd 
un  échec  considérable  ;  mais  il  i-é- 
para  ce  malheur,  et  remporta  plu- 
sicnrs  avantages  ,  qui ,  sans  être  dé- 
cisifs ,  lui  méritèrent  pourtant  les 
honneurs  du  triompàc.  Elu  consul, 
l'an  ()o8  (  av.  J.-G. ,  1 46  ) ,  et  chargé 
de  continuer  la  guerre  contre  la  ligue 
desAchécns  ,  il  hâta  sa  marche  dans 
la  crai)ite  que  Metellus  ne  pacifîiitle 
pays  avant  sou  arrivée ,  et  lui  ravît 
ainsi  la  gl  oi  re  de  terminer  cet  te  guerre 
mémorable.  Metellus  lui  ayant  remis 
le  commandement  (  V.  Metellus  , 
XXVIII,  453  ),Mnmraius  rassem- 
bla ses  troupes,  et  vint  camper  sous 
lesmursdeCorinthe.  Les  assiégés,  en- 
flés d'un  petit  avantage  qu'ilsavaient 
2fi. 


4oi  MUI\I 

obtenu  datis  une  soitic  ,  osèrent  en 
A'euir  à  une  halaille  r-ni^dv.  ,  qui  de- 
vait (ixer  Icnr  sort.  Le  euns'il  ,  pour 
accroître  encore  leur  audace  ,  retint 
ses  troupes  dans  le  camp:  mais  la 
cavalerie  des  Aclie'ons  ayant  été  alla- 
que'een  flanc  par  celle  des  Uoraains  , 
fui  l'urréc  de  se  replier  en  désurflre; 
et  leur  infanterie,  n'etanl  ])lus  sou- 
tenue, fut  rompue  et  mise  en  fuite  , 
après  quelque  résislance.  Les  Achéens 
quittèrent  Corinthe  pendant  la  nuit; 
et  Mummius  y  entra  dès  le  lende- 
main. Tous  les  liommes  qui  y  étaient 
restés,  furent  passés  au  lil  de  l'éj)ée  , 
elles  femmes  et  les  enfants  réduits  eu 
esclaraî^e.  Après  en  avoir  enlevé  les 
statues ,  les  tableaux  et  les  meubles 
les  plus  précieux  ,  on  mit  le  feu  à  la 
ville,  qui  fut  réduite  en  cendres.  Ou 
prétend  que  les  mélau\  fondus  dans 
cet  incendie  ,  venant  à  se  mêler  ,  en 
formèrent  un  nouveau ,  conim  sous  le 
nom  d'ai:aiu  deCorintlie.  Ainsi  pé- 
rit celle  ville  fameuse  par  ses  riches- 
ses ,  la  même  année  que  Cartilage  fut 
détruite.  Les  commissaires  du  sénat 
abolirent  le  gouvernement popidaire 
dans  toutes  les  villes;  et  la  Grèce,  ré- 
duite en  province  romaine  ,  prit  le 
nom  d'Vcliaie  ,  Darce  (pi'aiors  les 
Acliéeus  en  étaient  le  peuple  le  plus 
puissant.  Parmi  les  tableaux  aban- 
donnés aux  soldais  ,  comme  des  ob- 
jets sans  valeur  ,  se  trouva  le  Bac- 
chu$  d'Aristide  ,  que  le  roi  Atlale 
racheta  pour  ■j5,ooo  liv.  de  noire 
monnaie.  Mummius  ,  étonné  que  ce 
tableau  eût  été  porté  h  un  prix  si 
élevé  ,  et  soupçonnant  qu'il  avait 
quelque  vertu  cachée,  le  reprit  à  A  Itale 
pour  l'envoyer  à  Rome,  oîi  il  fut 

f)lacé  dans  le  temple  de  Gérés  ,  avec 
equel  il  a  péri.  Au  reste  iMummius 
ét^it  tellement  étranger  aux  arts , 
qu'a  vaut  chargé  un  vaisseaudes  chefs- 
d'œuvre  ,  fruits  de  sa  conquête ,  il 


MUN 

menaça  le  pilote  de  l'obliger  à  rem- 
placer les  objets  ,  s'il  les  laissait 
détériorer  dans  le  trajet  (  F.  Vel- 
leitis  Patercu'e,  liv.  i"", ,  ch.  i3). 
A  son  retour  à  Rome,  Mummius  re- 
çut les  honneurs  du  triomphe,  d  le 
surnom  à'.ichaujuc.  Il  fut  élu  cen- 
seur, l'an  fn  3;  i4i  avant  ,1.  G.  )  ;  et 
ce  fut  vendant  qu'il  exerçait  cette  ma- 
gistrature (pi'on  dora  les  bmibrisdu 
G.ipitole(  Pline,  xxMii,chap.3  ).  U 
mourut  si  jmivre,  qu'il  ne  laissa  p,is 
de  quoi  marier  sa  fille ,  qui  fil  dotée 
aux  frais  du  sénat  (  ibid.  xxxiv  ). 
Geux  qi'i  prétendent  qu'd  mourut 
e\ilé  à  Delos  ,  paraissent  l'avoir  con- 
fondu avec  (pielque  autre  personnage 
du  même  riom.  Mummius  était  nu 
médiocre  orateur.  Il  avait  laissé(|uel- 
ques  discours  ,  que  Gicéron  trouvait 
écrits  d'un  style  grossier  (  Brntiîs  , 
ch.  xxv  )  ;  mais  il  rend  une  justice 
éclatante  à  sa  probité  et  à  son  désin- 
téressement, en  l'ollrant  comme  mo»- 
dèle  dans  sa  conduite  à  Gorinthe  , 
d'où  il  ne  rapporta  pour  lui ,  ni  im 
tableau,  ni  nue  statue,  ni  un  seul 
meuble  jjrécienx.  W — s. 

MUNCER,  MuyTZER  ou  MvyzER 
(  Thomas),  chef  de  la  secte  des  ana- 
baptistes conquérants,  étail  né  vers 
la  fin  du  quinzième  siècle  à  Zwiikau 
dans  la  INIisnie.  Il  reçut  les  ordres 
sacrés ,  et  desservit  quelque  temps 
une  des  paroisses  de  celte  ville.  Sou 
extérieur  mortifié  et  sa  dévotion  ap- 
])arente  lui  acquirent  la  vénération 
des  peuples;  mais,  sous  des  dehors 
humbles,  il  cachait  un  cœur  dévoré 
d'ambition.  11  adopta  d'abord  avec 
ardeur  les  principes  du  luthéranis- 
me; peu  satisfait,  ensuite,  du  rôle  se- 
condaire (|u'il  avait  joué  dans  Tc'la- 
blissement  de  la  réforme  ,  il  ne  larda 
pas  de  s'attacher  aux  enthousiastes 
qui  reprochaient  à  Luther  d'avoir 
laissé  subsister  beaucoup  d'abus  dar.s 


l'Éj^lise.  Tj'asrciulanl  qu'il  ohliiit  sur 
(les  hommes  simples  et  (  rediiles,  se 
conçoit  f'.irilcirietit  :  doniiaut  à  un 
passa^^ede  l'Ev.ur^ile  une  interpréta- 
tion ioree'c,  il  annonça  que  le  Ijap- 
tème  (les  enfants  ne  pouvoit  les  jus- 
tifier, parce  que  l'enseignement  doit 
])icceder  le  bnplcrae.  Il  proscrivit 
les  imaç;os,  et  fit  disparaître  des  tem- 
ples tous  les  restes  du  culte  catholi- 
que. Luther,  informe'  des  progrès 
des  nouveaux  sectaires,  arma  contre 
eux  l'autorité  des  magistrats ,  et  les 
fit  pi'oscrirc  pour  des  motifs  qui  ren- 
ferment sa  propre  condamnation. 
(  P^.  V//ist,  des  variations  deséglses 
protestantes.  )Muncci\  banni,  par- 
courut, avec  Stork,  la  Souahe,  la 
Thiiringe  et  la  Franconie,  prêchant 
à-la  fois  contre  le  pape  et  contre  Lu- 
ther, et  se  faisant  partout  de  nom- 
breux prosélytes.  L'ouvrage  de  Lu- 
ther ,  De  la  Liberté  chrétienne ,  ré- 
pandu avec  profusion  dans  les  cam- 
pagnes.av.iit  disposé  les  paysans  à  la 
révolte;  cl  Muncer  résolut  de  profi- 
ter de  cctlc  tendance  des  esprits  pour 
atTerrair  la  nouvelle  sec.e.  Il  n'eut 
pas  de  pv^ine  à  se  faire  regarder 
comme  un  autre  Gedéon,  destiné  à 
rétablir  le  royaume  de  Jésus-Christ 
par  le  moyen  de  répée(Voy.  VHist. 
des  Anabaptistes  par  le  P.  Catrou): 
il  encouragea  les  paysans  dans  leur 
dessein  de  se  soustraire  à  la  domina- 
tion des  seigneurs  ;  leur  défendit,  au 
nom  de  Dieu  lui-même,  de  paver 
aucun  tribut;  et  leur  persuada  de 
mettre  leurs  biensen  commun  comme 
faisaient  les  premier^  chrétiens.  Des 
soulèvements  eurent  lieu  dans  la  plus 
grande  partie  de  l'Allemagne  :  les 
habitants  de  Mïdhauscn  (  en  Fran- 
conie )  chassèrent  leurs  magistrats , 
et,  d'une  voix  unanime,  nommèrent 
pour  i«ur  chef  Muncer,  qui  se  trouva 
bientôt  à  la  tête  de  trente  mille  fana- 


INIUN 


4o5 


licpics  armés.  Les  princes  sentirent  la 
nécessité  de  se  réunir  et  d'attaquer 
Mimccr,  avant  que  son  armée  se  fût 
grossie  des  bandes  de  révoltés  qui 
étaient  en  marche  pour  le  rejoindre. 
La  bataille  fut  sanglante;  plus  de  sept 
mille  paysans  perdirent  la  vie  dans 
cette  journée.  Muncer,  après  la  dé- 
roule des  siens  ,  se  réfugia  a  Franc- 
knau  ,  où  il  fut  arrêté  :  conduit  à 
Mùlliausen,  i:  y  eut  la  tête  tranchée, 
vers  la  fin  de  l'année  \5jl5.  Ou  dit 
qu'avant  de  monter  à  l'échafaud  ,  il 
fit  l'aveu  de  ses  erreurs  ,  et  en  témoi- 
gna le  plus  grand  repentir.  Son  sup- 
plice n'arrêta  point  les  progrès  de 
l'anabaptisme  ;  de  nouveaux  chefs 
lui  succédèrent  d'intervalle  à  autre. 
Les  deux  plus  fameux  sont  IMathi- 
senet  Jean  de  Lcyde.(  /^.  sur  les  pro- 
grès de  cette  secte  ,  le  Dictionnaire 
des  hérésies  de  Plnquet.  )     W — s. 

MUNCHHAUSEN  (Gerlach- 
Adolpqe,  baron  de),  borame  d'é- 
tat allemand,  d'une  des  plus  an- 
ciennes familles  hanovrienncs  ,  na- 
quit le  1 9  octobre  i  G88.  Après  avoir 
fait  ses  études  à  léna,  Halle  et 
Utrccht,  il  occupa  divers  emplois  , 
et  parvint ,  depuis  les  fonctions  de 
conseiller  du  tribunal  d'appel  à 
Dresde ,  en  1 7  1 4  >  jusqu'à  la  place  de 
premier  ministre  deTélectorat  d'Ha- 
novre ;  dignité  dont  il  fut  revêtu  en 
1768,  après  avoir  siégé  trente-sept 
ans  dans  le  conseil-privé  de  l'élec- 
teur. Pendant  les  cinq  années  de  son 
ministère,  il  montra  un  esprit  éclairé, 
et  un  caractère  de  douteur  qui  lui 
concilia  rafFectiow  des  Hanovriens  ; 
il  s'occupa  soigneusement  de  tout  ce 
qui  pouvait  contribuer  <à  la  prospé- 
rité de  sa  patrie  :  mais  ,  ce  qui  lui  a 
valu  surtout  les  éloges  de  l'Aliema- 
gne .  c'est  !a  part  distinguée  qu'il  a 
eue  à  la  prospérité  de  l'université  de 
Goltinguc.  Avant  été  nommé  cura- 


4oG  MUN 

teur  ou  dircclenr  de  celle  univcrsilé; 
quelque  temps  après  sa  fondation , 
le  baron  de  Miinchlianscn  veilla  pen- 
dant trente-deux  ans,  sur  cette iusli- 
tutiou  littéraire,  avec  le  zèle  d'un 
liorame  inliiucment  persuade' del'ijn- 
portancc  des  lettres;  cl  c'est  en  par- 
tie à  sa  direction  ,  qu'elle  doit  son 
e'clat  et  le  rang  distingue  qu'elle  tient 
parmi  les  universités  d'Allemagne. 
Heyne  le  loue  d'avoir  introduit  à 
l'uuiversitc,  lihertatem  cogitandi, 
sentiendi,  scribendi  j  d'avoir  ac- 
commode' tout  le  cours  de  l'instruc- 
tion des  jeunes  gens  aux  besoins  de 
la  vie  civile,  en  donnant  la  préfé- 
rence aux  sciences  vraiment  utiles 
sur  celles  qui  n'étaient  qu'oiseuses; 
d'avoir  complété  l'cnseiguement  de 
toutes  les  branches  de  la  jurispru- 
dence ;  d'y  avoir  établi  l'étude  de 
la  politique,  de  la  géographie,  de 
l'histoire  lilléraire;  d'avoir  foudc 
l'étude  de  la  théologie  (protestante), 
sur  des  bases  philologiques  et  his- 
toriques ;  d'avoir  bauui  la  barbarie 
de  la  philosophie  scolastique ,  et  d'y 
avoir  fait  substituer  l'éclectisme 
de  la  philosophie,  Muuchhauseu 
contribua  en  outre  beaucoup  à  enri- 
chir la  bibliothèque  de  l'imiversité , 
à  fonder  la  société  académique,  son 
journal  littéraire  et  ses  prix  annuels. 
C'est  grâce  à  son  active  coopéra- 
tion, que  tant  d'hommes  célèbies  ont 
été  réunis  pour  les  chaires  diverses  :  il 
■  iacdita aussi  aux  savants  qui  avaient 
besoin  de  voyager  en  Europe  pour 
leurs  recherches,  les  moyens  d'entre- 

JHeudi'c  ces  voyages  utiles.  EnOnIcs 
eltres  eurent  constamment  en  lui 
un:  protecteur  plein  de  zèle  et  de 
lumières.  On  voit  son  portrait  à  la 
bibliothèque  qui  lui  a  tant  d'chli- 
gaiions.  Munchhauscn  mourut  a  Ha- 
novre, le  •.>{)  novembre  1 770.  Le  cé- 
lèbre Heyne  a  prononcé  deux  fois 


ftlUN 

l'éloge  de  cet  homme  d'état ,  unf 
fois  en  qualité  de  professeur  de  l'uni- 
versité, et  la  seconde  fois  comme- 
académicien.  Le  premier  discouis  a 
été  inséré  dans  le  tome  11  des  Opus- 
cula  academica  de  ce  savant  ;  l< 
second  se  trouve  dans  le  tome  11 
des  IS'vi'i  Comment ard  socielatis 
Goltingensis.  —  Otlion  ,  baron  de 
IMuNcuHAUSEN  ,  l'un  des  agronomes  ' 
allemands  des  plus  estimés,  jié  en 
171G,  mort  le  l'ô  juin  1774?  dans 
son  cliàteau  de  Schwbbber ,  près  de 
Hanovre ,  a  publié  divers  ouvrages  '• 
d'économie  rurale.  D — g. 

MU^XK(  Jean  ),  navigateur  da-  '' 
uois,  reçut  ordre,  en  1619,  d'aller  • 
à  la  recherche  d'un  passage  au  nord- 
ouest  pour  arriver  aux  Indes ,  les  dé- 
couvertes d'Hudson-etde Bafbn avant  , 
fait  regarder  le  succès  comme  infail- 
lible. ]\Iunck  était  aussi  chargé  de 
retrouver  le  Groenland  oriental.  H 
partit  d'EIscueur,  avec  deux  vais- 
seaux, le  iG  mai,  cul  connaissance 
du  cap  Farewell^  le  20  juiu,ct 
tâcha  de  pénétrer  au  nord  dans  le 
détroit  de  Davis ,  pour  suivre  les 
traces  de  Baflïn  et  de  Bylot.  Les 
glaces  le  forcèrent  de  retourner  au 
sud;  il  entra  d  .ns  le  détroit  d'Hud- 
sou,  qu'il  uom.ma  Fretwn  Chriitia- 
neum  (  détroit  de  Christian  ).  H  ap- 
pela Mare  noviim^  la  partie  septen- 
trionale de  la  mer  d'Hudson,  et  les 
parties  méridionales  et  orientales 
Mare  Christianeum.  H  attérit  sur 
la  cote  d'Amérique  par  03°  uo'  de 
latitude;  les  glaces  le  contraignirent 
d'entrer,  le  7  septembre,  dans  un 
port ,  oii  il  passa  l'hiver.  W  lui  don- 
na le  nom  de  Muncks  Finterhavn 
(  port  d'hiver  de  Munck }  :  c'est  pro- 
bablement celui  que  les  Anglais  ont 
appelé  Chesterfield' s  ou  Bowdens- 
inlet.  Des  malheurs  sans  nombre  ac- 
cablèrent Munck;  le  froid,  les  ma- 


MUN 

ladics  el  le  inaiH[U('  de  vivres  Cirent 
périr  la  plus  grande  partie  de  son 
équipage.  Le  petit  nombre  de  ceux 
qui  survécurent  ,  grc'a   le  plus   petit 
des  deux  bâtiments,  et ,  après  une 
navigation  pénible  ,  aborda  dans  un 
port  de  Norvège ,  et ,  quclipus  jours 
après,  à  Copenhague,  au  mois  de 
septembre   16.10.  CInistiau  IV,  qui 
les  avait  regardc's  comme  perdus ,  lut 
vivement  touche  du    récit  des  mal- 
Leurs  de  Munck;  et  il  (ilpréparer  une 
nouvelle  expédition.  Lorstpie  Munck 
pritcongcde  ce  prince,  la  conversa- 
tion  tomba  sur  le  précèdent  voyage  : 
Christian  l'avertit   d'être  plus  pru-^ 
dent,  et  sembla  lui  imputer  la  perte 
de  son  équipage.  IMunck  ,  pique  du 
reproche ,  répondit  un  peu  vivement. 
Le  roi  outré  de  colère  le  poussa  avec 
sa  canne.  Le  malheureux  navigateur 
en  conçut,  dit-on,  un  si  grand  cha- 
grin, qu'il  mourut  peu  de  jours  après, 
Ce  fait  a  clé,  avec  raison,  révoqué  en 
doute.  Eu  elïét ,  Forster,  dans  sou 
Histoire  des  découverles  dans  le 
Nord,  nous  apprend    que   Munck 
fut  employé  par  Christian,  en  \iyi\, 
i6i.5  et  i6'2'y,dans  la  mer  du  Nord 
et  sur  l'Elbe,  et  mourut  sur  mer  le 
3  juin  1628.  Le  voyage  de  Munck  a 
été  publié  eu  danois ,  sous  ce  titre  : 
Relation  de  la  nai'igatioji  et  du 
voyage   au  nouveau   Danemark , 
Copenhague  ,  i6'i3  ,  in-4''.  j  elle  est 
accompagnée  de  mauvaises  ligures, 
et  d'une  carte,  dans  laquelle  la  géo- 
graphie de  la  merd'Hudsou  est  tou- 
te bouleversée.  Il  y  eu  a  une  traduc- 
tion allemande,  Francfort,  itioo, 
in-4°.,  et  une  KoUaudalse,  Amster- 
dam ,    iG-jS,  in-4o.  Ce  livre,  peu 
instructif  pour  la  géographie,  oftre, 
dans  un  grand  détail ,  le  récit  des  in- 
fortunes endurées  par  Munck  et  ses 
compagnons.  E — s. 

MUNDINUS.  F.  MowDiNi. 


MUN  407 

MUNNICM    (  BLur.nAKD-Cnp.is- 
TOPHE,  comte  de  ),naf]uil  en  i(i83, 
dans  le  comté  d'Oldenbourg,    d'un 
lieutenant-colonel ,  retiré  du  service 
de  Danemark  ,  qui  était  insper  leur 
des  digues  de  la  principautéde  Frise. 
La   connaissance   de    l'architecture 
hydraulique  était,  en  quelque  sorte, 
héréditaire  dans  cette  famille  depuis 
trois  générations  ;  et  le  jeune  INIun- 
nich  en  prit  le  goût  dès  l'enfance  , 
ce  qui  eut  une  grande  influence  sur 
sa  destinée  (i).  Après  avoir  reçu,  sou* 
les  yeux  desonpère,  une  instruction 
très-soignée,  il  vint  en  France,  à  l'âge 
de  seize  ans,  et  fut  sur  le  pointd'accep- 
tcruncplaced'ingénieur  au  service  de 
de  cette  puissance^  mais  voyant  ('da- 
ter la  guerre  de  la  succession,  où  l'em- 
pire germanique  se  trouvait  engagé , 
i!  ne  voulutpasservircontresa  patrie, 
et  se  rendit  en  Allemagne,  où  il  obtint 
luie   compagnie ,   dans    les  troupes 
de  Hesse-Cassel.  Il  suivit  le  prince 
Eugène  en  Italie,  puis  eu  Flandre, 
et  ce  fut  sous  les  yeux  de  ce  grand 
homme,  qu'il  fit  l'apprentissage  des 
armes.  Blessé  et  fait    prisoimier  à 
Denain  ,  on  le  conduisit  à  Cambrai, 
où  il  fut  un  de  ces  militaires   traités 
avec   tant   d^humanité  par   le  ver- 
tueux Féuélon.  Il  paya  lui-même  sa 
rançon,  et  revint  dans  sa  patrie,  où 
ii  reçut  le  grade  de  colonel ,  à  l'âge  de 
trente  ans ,  et  fut  chargé,  par  le  land- 
grave de  Hesse,  du  plan  d'un  canal 
(fcstiné  à  joindre  la  Fulde  au  Weser. 
Mais  déjà  son  am];ilion  se  trouvait  à 


(i)  Il  n'est  donc  pris  vrni ,  que  Mmuiicli ,  cuiniuc  le 
<lit  TR.x\\UcTes,dei.'ifU  habile  ingénieur,  lornjue  U  ha- 
sard eut  fiiil  to.uber  entre  ses  mains  ,  dam  le  desicH- 
viemanl' d':m  quartier  d'hi^-t^r_,  i/uelques  femlles 
irnirse-  et  déchirées  d'une  mauvaise  ficometriefran- 
caise.  On  «ail  <ltt  ■  cet  liistorUn  a  soiiveotniusi  sacri- 
iié  \a  vi-rilo  au  df  sir  de  piodiiive  de  IVfkt  par  de» 
contrastes  el  irar  des  récits  cxtraordina  rts;  cVst  à- 
iieii-prls  de  h\  inime  inanibre  ,  qu'il  dit  que  Mun- 
uicli  lit  eulerrer  fifs  trois  soldats  qui  avaieut  teint 
d  être    maLvles   V'Onr  ne  r»»    roarober  à  Icunemi. 


4o5 


MUN 


l'cU-oildans  les  états  d'un  aussi  petit 
souverain  ;  et  la  qneicllc  de  Charles 
XII  et  de  Pierrc-le-Grand  ,  qni  em- 
brasait le  nord  de  l'Europe ,  lui 
parut  une  occasion  de  satisfaire  sa 
passion  pour  la  guerre.  Il  entra  ,  en 
I  -j  1 6,  au  service  de  Pologne ,  avec  le 
grade  de  colonel,  et,  dès  l'année  sui- 
vante, fut  inspecteur  et  major -gc'uc- 
ral.  Cet  avancement  lui  suscita  des 
jaloux  ;  et  il  eut  à  soutenir  plusieurs 
querelles  dont  il  se  lira  avec  honneur 
(  \  ).  Il  n'en  fut  pas  de  même  des  dés- 
agréments que  lui  fit  essuyer  le 
comte  de  Fleming  :  l'insolence  de  ce 
favori  obligea  Munnicli  à  s'éloi- 
gner ;  et  ce  fut  alors  qu'il  tourna  ses 
])as  vers  la  Russie  ,où  Pierre  I'"''.  je- 
t'iit  les  fondemPHts  de  son  vaste  em- 
pire. Sa  politesse  et  ses  manières 
élégantes  lui  nuisirent  d'abord  au- 
près d'un  monarque  aussi  grave  et 
aussi  sévère:  il  fiit  cependant eînpjové 
comme  iugcuiciu'  gênerai;  et  le  czar 
l'emmena  avec  Itii  lorsqu'il  alla  v  - 
siier  i'arairiuité,  le  port  de  Crocsfadt 
elles  foitilicatioiis  de  liiga.  Les  ob- 
servations que  fil  Munuich ,  et  les 
avis  qu'il  donna,  furent  appréciés 
par  Pierre  I'^'".;  mais  ce  prince  n'avait 
encore  rien  fait  pour  lui ,  lorsque  le 
hasard  et  une  es})èce  de  caprice,  dont 
le  czar  n'était  pas  exempt ,  lui  firent 
envoyer  le  brevet  de  luutenanî-gé- 
néral.  Munuich  mérita  bientôt  plus 
réellement  les  faveurs  de  .son  maî- 
tre, en  dirigeant  la  grai^de  entreprise 
du  canal  de  Lidoga,qui  devait  èire 
si  utile  à  la  prospérité  de  Peters- 
bourg  ,  et  que  Pierre  desirait  si  ar- 
demment terminer.  Le  czar  n'eut 
cependant  pas  cette  satisfaction  , 
puisqu'il  mourut  en  i7'25,  se  flat- 
tant encore  de   voir  la  fin   de  ses 


(i)  Miinoirh  tua  çn  duel  I3  colonel  français,  1 
ifouXii^uicUiit,  comme  iui,  au  service  de  Polo 


,  Jion- 


grands  projets ,  et  disant  dans  les 
souffrances  qui  prérédèrciit sa  mort: 
«  J'espère  que  les  travaux  de  Mun- 
î)  nich  me  guériront.  »  Catherine , 
sa  veuve,  qui  lui  succéda  ,  s'étant 
fait  un  devoir  d'accomplir  ses  des- 
seins, aida  Munnich  de  tonte  sa 
protection  ,  et  fit  continuer  les  tra- 
vaux. Sous  le  règne  de  Pierre  II ,  la 
chute  de  Menzikolf,  rival  de  Mun- 
nich ,  ajtiiita  encore  à  son  crédit  ; 
il  reçut  le  titre  de  comte ,  avec  le 
grade  de  général  d'infanterie,  et  fut 
nommé  gouverneur  de  Petersbourg, 
de  la  Carelie  et  de  la  Finlande.  (Je 
ne  fut  cejiendant  qu'en  1788,  sous 
le  règne  d'Anne  Iwanowna  ,  que  les 
travaux  du  canal  furent  couronnes 
d'un  succès  complet,  et  que  rt-ii.i 
q 'i  les  avait  dirigés  eut  le  bonheur 
de  faii'e  passer  l'impéralî-ice  et  tou- 
te sa  suite  par  les  treiite  -  deux 
écluses  qu'il  avait  fait  construire., 
Ce  fut  pour  lui  un  véiiîable  triom- 
phe: il  était  alors  au  comble  de  la 
faveur  ,  et  il  reçut  le  titre  de  feld- 
maréchal  et  de  membre  du  conseil- 
privé:  mais  une  fortune  aussi  biii- 
lauteet  aussi  rapide, ne  pouvait  man- 
quer d'exciter  l'envie.  0>termaun 
et  Biren  se  réunirent  contre  Im  ; 
et  lis  réussirent  à  l'ébtigner  de  I.i 
cour,  en  lui  faisant  donner  l'ordre 
de  céder  à  la  princesse  de  Mcc- 
klenbouig,  nièce  de  l'impéivilrice, 
rappaiteineut  qu'il  occupait  dans  le 
palais.  II  alla  habiter  sur  l'autre 
rive  »le  la  ?^e\va,  où  ses  nvaux,  le 
jugeant  encore  trop  près  d'eux,  lui 
tirent  donner  le  commandement  des 
troupesqiii  devaient  porter  la  guerre 
en  Polo^iue,  et  l:.i  fournirent  ainsi  , 
en  voulant  le  perdre,  une  nouvell-/ 
occasion  d'ajouter  à  sa  gloire  et  a 
sa  fortune.  Malgré  un  échec  qu'il 
essuva  par  la  négligence  d'un  de 
ses  lieutenants,  malgré  l'enAoi  d'im 


MUN 

corps  tic  troupes  françaises  qui  devait 
reiilorccr  la  guiiisoii  de  Daiit/ij;;  , 
(  V.  Pr.F.r.o  )  ,  il  (>bli';,o;«  cette  ville 
à  capituler  an  bout  fie  deux  rnuis, 
et  revint  trioinpliaut  à  l'ctcrsbom-^  , 
où  rimpéialriec  l'accueillit  d'autant 
mieux.,  qu'elle  songeait  à  se  venger 
des  adiouts  que  les  Turcs   avaient 
l'ait  essuyi'rà  ses  prédécesseurs  (  y\ 
PiKRRE  P''.  ).  et  qu'aucun  chef  ne 
lui  paraissait  plus  propre  que  iVIni)- 
uich  ,  à  diriger  une  telle  guerre.  Ce 
lut  eu  1 73ti,  que  ce  général  lit  sa  pre- 
mière camp  igiie  contre  les  .furcs  , 
et  ([ii'il  marcha  vers  la  Crimée  avec 
»me  armée  de  56,ooo  hommes.  Les 
prc'canlioiis  qu'il  eut  à  prendre  pour 
ïa  défense  de  ses  immenses   équi- 
pages et  pour  résister  à  l'impétuo- 
Hitc  de   la  cavalerie    ennemie ,  lui 
lirent  des-lors  imaginer  ces  bataillons 
carrés  dont  riunintcric  russe  à  oon- 
.scnc  l'usage.  Il  emporîa,  l'ep'^e  à 
la  main,  les  lignes  de  Précop,  dé- 
fendues par  cent  mille  Tartaics,  et 
parcourut  en  vainqueur  toute  la  Pé- 
lùnsule.  Celte    campagne  giorieose 
ne  fut  cependant  pis  lienreuscpour 
les   Russes  :   ils   y  peidirent  trente 
mille  Jiommcs,qui  périrent  de  besoin 
et  de  fatigue;  et  le  maréchal  ,   dé- 
noncé secrètement    par   ses    lieute- 
nants ,  fut  reçu  froi  icment  lorsqu'il 
revint  à  Petersbourg.  On  parla  même 
<le  le  faire  j'^igcr  par  un  conseil-dc- 
guerre;  mais  la  fermeté  qu'il  mon- 
tra en  présence  de  ses  ennemis,  et  la 
générosité  de   Lascy  à  son  égard  , 
écartèrent  toutes  les  préventions  ;  et 
il  fut  cohtinué  dans  son  commande- 
ment pour  la  campagne  de  i73'y, 
oïl  la  prise  d'Oczakolf  le  rt-rait  en 
crédit.  11  avait  attaqué  celte  place 
avec  de  faibles  moyens;  eî,  cepen- 
dant, il  y   donnait,    avec  audace, 
\\\\   assaut  général  :  mais  déjà  ses 
troupes   pliaient  devant  les  ellarîs 


IMUN 


/»' 


»'".>> 


de  'zo,ooo  Turcs  ,  lorsqu'un  licQrcnx 
hasard  lit  sauter  le  magasin  a  pou- 
dic  ,  et  lui  livra  ,  prestpie  sans  com- 
bit,  un  des  boulevards  île  l'empire 
Olhoman,  La  fortune,  il  iaut  le  di- 
re, l'avait  encore  mieux  servi  dans 
cette  occasion  que  la  prudence;  cl  co 
fut  avec  quelque  raison  (pi'im  colonel 
aulrichicn,   qui  s'élail   trouvé  à  la 
bataille,  écrivit  à  Vienne  que  tous  les 
généraux   ruses,  sans  cxcrpiion , 
Il  étaient  tout  an  plus  (jue  de  bons 
capitaines  de  ^renadiars.  Cette  im- 
prudente leltre  fut  envoyée  à  Peters- 
bourg; et  jMunnich,  qui  en  eut  con- 
naissance ,  conçut  pour  les  Autri- 
chiens un  ressentiment  qui  ne  s'ef- 
faça jamais.  Cette  seconde  campa- 
gne contre  les  Turcs  lui  acq-iit  ce- 
pendant, aux  yeux  du  pidjlic ,  qui  nu 
juge  que  parles  résultais,  une  grande 
icnommée;  tandis  que  la  troisième, 
oi'i  il  montra  beaucoup  plus  de  sa- 
gesse  et  de   prudence  ,  mais  où   il 
n'obtint  pas  des  succès  aussi  bril- 
lants ,  porta  des   atteintes  funestes 
à  sa  répulaiioa.  Forcé  de  se  x-etirer 
par  la  supériorité  dé  l'ennemi  et  les 
revers  des  Autrichiens,  il  allaj',is([u'à 
désobéir  à  sa  souveraine,  qui  k;i  or- 
donnait de  marcher  en  avant;  eî  il 
abandonna  aux  Turcs  la  forteresse 
d'Oczakoff,  dont  la  conquête  lui  a>  ait 
fait  tant  d'honneur.  De  pareils  loris 
et  d'aussi   grands  revers  ne  |untn£ 
affaiblir   la  conliance  que  l'iriipéra- 
trice  avait  en  lui  ;  et  il  recommença 
la  guerre,  en  i-jjg,  avec  des  forces 
encore  plus  nombreuses.  Cette  der- 
nière campagne  mit  le  sceau  à  sa 
gloire,    et   donna  aux    armes   i-ns- 
ses  un  éclat  dont  elles  n'avaient  pas 
encore  brillé.  Ce  fut  par  sa  fermeté 
et  par  ses  savantes  disposilions,  quvî 
les  Turcs  furent  entièrement  défai:s 
à   Stav.'utshane ,  et  qu'ils  perdirent 
la  place  importante  de  Chouzim.  Le 


4io  MUN 

fcld  -  maréchal  écrivit  à  Bircn  ,  de 
lassi ,  où  il  était  ciilrc  victorieux  : 
«  C'est  l'ouvrage  de  Dieu;  celui  qui 
»  n'eu  a  pas  élc  lo'moin  pourrait  met- 
»  tre  en  doute  la  vc'ritc  de  tout  ce 
»  qui  s'est  passé.  Le  Prutli,  source  de 
«  honte  pour  la  Russie  ,  est  devenu 
»  une  source  de  biens;  je  suis  au  mo- 
»  ment  de  marcher  sur  Bender ,  et 
»  de  terminer  glorieiisement  11  guer- 
»  re  par  cetle  conquête.  «  Mais  les 
malheurs  de  l'Autriche ,  qui  traita 
séparément  de  la  paix ,  rendirent 
moius  avantageuse  celle  que  la  Russie 
conclut  elle  -  même  un  mois  plus 
tard.  Mimnich  revint  triomphant  à 
la  cour  ;  et  il  crut  que  dès-lors  rien 
ne  pouvait  lui  être  refusé.  Cepen- 
dant il  ne  put  se  faire  nommer  duc 
de  l'Ukraine  ,  malgré  ses  demandes 
réitérées;  et  son  ambitieux  orgueil 
essuya  encore  d'autres  refus.  Biren, 
sou  ennemi  secret,  était  au  ])ht$  haut 
point  delà  faveur;  et  l'impératrice 
Aune ,  qui  ne  survécut  pas  long- 
temps à  la  paix  glorieuse  que  î\Iun- 
nich  lui  avait  procurée,  confia  à  son 
favori  la  rcgenoe  de  son  petit-nev€u 
Iwan  m.  Le  fcid -maréchal  ne  sentit 
pas  assez  toutes  les  conséquences  de 
cette  disposition;  et,  se  flattant  de 
diriger  le  régent,  il  concourut  lui- 
même  à  lui  assurer  le  pouvoir:  mais 
lors  qu'il  vit  ses  avis  méprisés,  lors 
qu'il  fut  informé  des  trames  secrètes 
de  Biren  avec  la  princesse  Elisabeth, 
il  se  liâta  d'en  prévenir  les  suites  ; 
il  avertit  la  princesse  Anne  de  tout 
ce  qui  se  passait ,  obtint  son  consen- 
Icment  pour  renverser  Bireji,  et,  par 
une  de  ces  révolutions  de  cour  si 
fréquentes  en  Russie  ,  fit  relé- 
guer le  régent  eu  Sibérie  et  placer 
toute  l'autorité  dans  les  mains  de  la 
mère  de  l'empereur.  Il  fut  alors 
nommé  premier  ministre  ;  mais  il  ne 
put  obtenir  le  titre  de  généralissime, 


MUN 

qui  fut  donné  au  duc  de  Brunswick, 
père  du  jeune  empereur  :  on  lui  fit 
essuyer  encored'autres  désagréments; 
et  les  intrigues  de  la  princesse  Eli- 
sabeth reprirent  une  nouvelle  activi- 
té, fja  régente,  trop  faible  pour  sup- 
porter le  fardeau  de  l'autorité,  ferma 
les  yeux  sur  les  avis  qu'elle  reçut,  et 
se  laissa  circonvenir  par  les  ennemis 
du  feld-maréchal.  Celui-ci  essuya, 
daiis  ce  temps  là,  une  grave  maladie  ; 
et  tout  le  monde  crut  qu'il  avait  été 
empoisonne  :  mars  la  force  de  sa 
constitution  l'emporta,  et  il  se  réta- 
blit. Voyant  le  danger  s'approcher, 
il  se  disposait  à  le  fuir  en  quittant 
la  Russie  ,  lorsque  la  révolution 
qu'il  avait  si  bien  prévue,  vint  à  écla- 
ter; et  que  le  triomphe  d'Elisabeth  , 
qu'il  avait  fait  tant  d'efforts  pour 
empêcher,  vint  mettre  tous  les  par- 
tisans du  jeune  empereur  dans  le 
plus  grand  jiéril.  IMuuuich  et  Os- 
termanu ,  qui  en  étaient  regardés 
comme  les  chefs ,  furent  arrêtés  ;  et 
l'on  instruisit  contre  eux  un  procès 
qui  ne  fut  (ju'une  vaine  formalité. 
Leurs  ennemis  les  plus  déclarés  de- 
vinrent à-la-fois  leurs  accusateurs  et 
leurs  juges  ;  et  l'on  produisit  pour 
témoins  les  hommes  les  plus  mépri- 
sables. Après  avoir  démontré  au 
procureur  -  général  toutes  ces  irré- 
gularités, Munuich  lui  dit  :  «  Ecri- 
»  vez  plutôt  en  mon  nom  toutes  les 
»  réponses  que  vous  voulez  que  je 
»  fasse  ,  et  je  signerai  sans  rien 
»  voir.  »  Le  procureur-  général  le 
prit  au  mot,  et  il  signa.  Ce  fut  le  27 
janvier  l'y/j-'-î  ^"'ou  le  conduisit  au 
supplice  sur  ia  place  du  sénat ,  avec 
les  aulres  condamnés  :  i!  montra  la 
même  intrépidité  q  iQ  sur  le  champ 
de  bataille.  Ostermann  monta  le 
premier  à  l'échafaud  ;  et  déjà  il 
avait  la  tète  sur  le  fatal  billot,  lors- 
qu'on lui  annonça  sa  grâce.  On  lut 


MUN 

ensuite  à  Mumiicli  l'airèl  qui  le  con- 
damnait à  cire  ecartolc'j  mais  on  lui 
annonça  aussitôt  que  cette  peine 
était  coinninc'c  en  nu  Laiinisscuient 
en  Siljeric.  Tons  ses  1  iens  furent 
cotifisqnes,  et  son  fils  int  exile  de  la 
cour  :  pour  lui,  on  le  transporta  à 
Peliui  uù  il  avait  fait  conduire  Biren 
un  an  anparavani  ;  et  il  l'y  rtinplaça 
dans  la  maison  dont  lui-même  avait 
trace  le  plan  pour  y  loger  son  enne- 
mi. Celui-ci  éprouva  au  contraire 
quelque  adoucissement  à  son  sort; 
lui  lui  permit  de  quitter  la  Si- 
bérie ,  et  les  deux  rivaux,  se  rencon- 
trèrent dans  le  fauboiug  de  Casan  : 
ils  se  reconnurent,  se  saluèrent, 
mais  ne  se  diiTut  pas  un  seul  mot. 
Munnich  fut  peiil-étre  plus  grand 
dans  l'exd,  par  la  résignation  et  la 
piété  qu'il  y  montra,  qu'il  ne  l'avait 
été  sur  le  champ  de  bataille  et  dans 
tout  l'éclat  de  sa  fortune.  Il  habitait 
une  cabane ,  et  cultivait  lui-même  mx 
petit  jardin.  Trois  roubles  par  jour, 
que  l'on  donnaitàrofficierchargédc 
sa  garde,  suffisaient  à  son  entretien  , 
et  à  celui  de  sa  femme  et  du  docteur 
Martens,  qui  s'était  exilé  volontaire- 
ment pour' le  suivre.  Au  bout  de  sept 
ans,  il  eut  le  malheur  de  perdre  cet 
excellent  ami,-  et  il  le  pleura  long- 
temps. Ce  fut  lui  qui  le  remplaça 
dans  l'exercice  delà  prière,  ponr la- 
quelle il  réunissait  toute  sa  maison 
deux  fois  par  jour  :  il  composa 
même  alors  des  cantiques  spiri- 
tuels, et  des  pensées  sur  la  religion, 
qu'on  a  imprimés  depuis.  Séparé  de 
tout  l'univers,  il  ne  savait  de  uon- 
velles  quepaKun  jai'dinier.  qui  avait 
soin  d'envelopper  avec  <lcs  gazettes 
les  graines  qu'il  lui  ei:'.  oyait  tous  les 
ans  de  Pétersboi'.rs,,  Munnich  passa 
vingt  ans  dans  ce!  te  triste  situaliviu;  et 
lamort  del'impératriccElis.ibeth  put 
seule  mettre  fin  à  ses  maux.  Il  était 


iMLIN 


4.1 


à  faire  la  prière  du  matin  avec  ses 
domestiques ,  lorsqu'arriva  l'oitlre 
de  s.i  liberté:  sa  femme  qui  la  premiè- 
re aperçut  le  courier,  ne  voulut  pas 
iutenomprc  la  prière,  et  elle  ne 
l'introduisit  qu'apris  que  ce  devoir 
pieux  fut  rempli.  Les  deux  époux 
se  jelèient  alors  à  genoux  ,  et  , 
tendant  les  bras  au  ciel ,  lui  ren- 
direntsiràcedeleur  délivrance,  Mun- 
uich  voulut  s'éloigner  aussitôt  de  ce 
séjour  d'info iluue  :  ni  les  mauvais 
c]iemins,nilarigueurdela  saison,  ne 
purent  le  retenir;  il  était  alors  âgé 
de  S'2.  ans  :  et  il  avait  conservé  pres- 
que toute  sa  vigueur ,  et  surtout  l'ar- 
deur iiiiatigable  de  son  ame.  Depuis 
Moscou  jusqu'à  Pétersbourg  ,  sa 
marche  fut  un  véritable  triomphe: 
tous  les  militaires  qui  avaient  servi 
sous  ses  ordres,  accouraient  pour  le 
voir,  et  tous  répandaient  des  larmes 
de  joie;  mais  ce  qui  lui  causa  une 
impression  bien  plus  vive,  ce  furent 
les  embrassemenls  de  son  fils  uni- 
que, et  de  sa  petite-fille,  M">*^.  de 
Vitinghof,  qui  étaient  accourus  au- 
devaat  de  lui,  dès  qu'ils  avaient  su 
son  rappel.  Le  nouvel  empereur, 
Pierre  111 ,  le  combla  de  bienfaits  , 
et  lui  rendit  tous  ses  titres;  mais  il 
fit  d'inutiles  etlorts  pour  le  réconci- 
lier avec  Biren  (  i).  Munnich  semoa- 
tra  reconnaissant  et  fidèle  dans  la 
catastrophe  qui  précipita  du  trône 
cet  infortuné  monarque.  Il  lui  avait 

(l^  Lorsque  Cfs  deux  vieillards  reparurent  à  \a 
cour  ,  dit  Rulhière»  ,  i-ii  les  eût  pris  p>«r  dtioiiilir.  s 
qui  revenaient  à  la  lumière  ,  au  milirii  (i'un  mono 
inconnu.  Pione  UI  s'etaitfait  un  ■  fêle  de  l.s  reunir  ; 
et  il  les  jugeait  d'ajuès  lui-même,  on  myanl  que  la 
rancune  se  noie  dans  les  pois  comme  le  chagrin.  Il 
Et  a[>[>orter  trois  vf rrts  plrins  .  et  présenta  l'uu  à 
Munnicb  et  l'antre  à  Biren  ;  mais  tandis  qu'il  prenait 
le  si  n ,  on  vii  t  lui  parler  l  l'or,  ille  :  i!  but  en  écou- 
tant, et  courut  à  <e  qn'onlui  «lisait.  Lis  deux  erait- 
mis  restaient  vis  n-vis  l'un  de  l'autre  le  verr^- en  luain  . 
sans  dire  un  mot,  les  yeux  lixes  sur  l'euHruit  d'oii 
l'au;ii'rcur  atait  ilisparu;  et ,  se  Qaltant  Ijiculôt  qu'ii 
les  avait  oubliés ,  tous  deux  se  r( gardèrent ,  se  mesu- 
rèrent des  v.  nx  ,  et ,  Inissaul  ieuis  ^£rlls  pleius,  s^ 
tournèrent  le  dos. 


4iA  M UN 

donne  d'excellents  a  vis;  et  lorsqu'il  le 
vil  réduit  par  sa  faiblesse  à  la  der- 
nière extrémité  ,  il  lui  dit  avec  cou- 
lage :  Prenez  un  crucijix  à  la  main; 
ils  n'oseront  pas  vous  toucher  ;  r.\:,i 
je  me  charge  des  dangers  du  com- 
bat. Mais  le  niallieurcux  cinpcreur 
e'iait  incapable  de  re'nert^ie  (pi'exi- 
goait  une  pareille  circonslance  (  f^. 
Pierre  111  )  :  il  se  livra  sans  com- 
battre à  ses  euncmis  ;  et  le  leiideinain 
Munnich  parut  au  milieu  de  ceux 
qui  allaieut  féliciter  Catherine  II. 
«  Vous  avez  voulu  combattre  contre 
r>  moi  ,  lui  dit  celte  princesse.  — 
»  Oui  Madame,  lui  re'pondil  le  vieux 
»  feld-mare'cbal  ;  pouvais-je  moins 
»  faire  pour  le  prince  qui  m'a  déli- 
»  vrc'  de  la  captivité  ?  mais  c'est  à 
»  présent  mon  devoir  de  combaflrc 
»  pour  votre  ]\Iajesté;  et  je  le  rera- 
«  pli  rai  avec  dévouement.  »  Cathe- 
riiie  fut  assez  juste  pour  tenir  comp- 
te à  Munnich  de  la  noblesse  de  sa 
conduite  :  elle  soulTrit  qu'il  por:ât 
pendant  trois  mois  le  deuil  de  son 
bienfaiteur;  et  mettant  à  profit  son 
expérience  et  ses  derniers  elFoits 
pour  le  bien  de  son  empire,  elle  le 
chargea  de  diriger  les  travaux  du 
port  Baltique,  projet  conçu  par  les 
Suédois  ,  puis  adopté  par  Picrrcle- 
Grand  ,  mais  que  Catherine  semblait 
regarder  comme  inexécutable  (i). 
Munnich  entretenait  cette  prin  - 
cesse  d'un  autre  projef  qui  la  flattait 
davantage  :  celui  de  chasserles  Turcs 
d'Europe,  et  de  rétablir  l'enijiire 
d'Orient.  Il  travaillait  dans  le  même 
temps  à  perfectionner  son  système 
lie  fortifications ,  et  composait  son 
Ebauche  pour  donner  une  idée  de 
la  forme  du  gouvernement  de  l'em- 


(i)  Trs  travaux  t\p  ce  port  fiir'iit  aliandi 
deux  aus  après  la  mort  de  Mnu-.ilih;  mais  on  m 
pas  eiitiirt:  si  ce  lut  lanlt  de  ino\ eus  ou  de  \n.\i 
iMite. 


ML\ 

pire  Eusse  ;  ouvrage  écrit  en  français 
avec  assez  de  correction,  el  dans  le- 
quel on  trouve  des  détails  précieux 
sur  l'histoire  de  Russie:  il  a  été  pu- 
blié à  Copenhague  (  Leipzig,  Breit- 
kopf  ),  177  +  ,  in-H".  Munnich  s'é- 
tait aussi  occupé  à  rédiger  ses  Mé- 
moires; et,  d'après  le  désir  que  lui 
en  témoigna  Catherine  II,  il  reprit 
ce  travail  dans  les  derniers  moments 
de  sa  vie.  Cet  ouvrage,  ccrivait-il 
lui-même,  devait  donner  des  so- 
lutions importantes  sur  plusieurs 
points  historiques  :  mais  il  est  perdu 
pour  la  postérilé;  on  croit  qu'après 
la  mort  de  l'auteur ,  il  fut  placé  dans 
les  archives  impériales  ,  d'où  il  ne 
sortira  probablement  jamais.  Mun- 
nich avait  publié,  en  17O5,  un  vo- 
lume de  dessins,  intitulé:  liecueil  des 
éclu  es  el  ries  travaux  du  canal  de 
Ladoga.  11  songeait  à  aller  finir  ses 
joiirs  dans  sa  patrie,  lorsqu'il  mou- 
rut, le  16  octobre  17^)7,  âgé  de 
quatre-vingt  quatre  ans.  Mansicin, 
son  aide-de-camp,  est  un  des  hom- 
mes qui  l'ont  le  mieux  connu  :  ce  gé- 
néral avait  fait  sous  lui  toutes  les 
campagnes  contre  les  Turcs;  et  il 
fut  son  confident,  et  son  princijtal 
agjnt  dans  les  circonstances  les  plus 
importantes  ,  surtout  dans  la  révo- 
lution qui  l'euversa  Biren.  Personne 
ne  pouvait  mieux  le  juger  :  nous  ne 
saurions  donc  mieux  faire  que  de 
ra|)porlcrun  portrait  très-impartial 
et  très-vrai ,  qu'il  en  a  tracé  dans  ses 
lilénioires  sur  la  Russie.  «  Le 
»  comte  de  Munuich,  dit-il,  est 
»  un  vrai  contraste  de  bonnes  et  de 
»  mauvaises  qualités.  Poli ,  grossier , 
»  i;umain  ,  emporté  tour-à-tour  , 
))  rien  ne  lui  est  plus  facile  que  de 
»  gagner  les  cœurs  de  ceux  qui  ont 
»  a  faire  à  lui;  mais  souvent,  un  ins- 
»  tant  après,  il  les  traite  d'une  ma- 
w  nière  si  dure,  qu'ils  sont  forci's  , 


MUN 

»  pour  ainsi  dire,  de  le  li.iir.  Duis 
»  ae  cei'taiiics  occasions ,  ou  l'a  ^  u 
«d'une  gc'ne'rusitc'  exlicme;  dans 
»  d'autres,  d'une  avarice  sordide. 
»  C'est  l'iioniinc  du  monde  (jiii  a 
»  l'anic  la  plus  haute;  et  copond.mt 
»  on  lui  a  vu  faire  des  bassesses. 
»  L'oiçrueil  fst  son  vice  dominant. 
»  Dévore  sans  cesse  par  une  atnlii- 
w  tion  déuicsuree,  il  a  sacrifie  tout 
»  au  monde  pour  la  satisfaire.  Il  n'a 
»  jamais  connu  d'autre  ami  que  son 
»  intérêt;  après  tout  cela,  celui  qui 
»  savait  entrer  dans  ses  vues  ,  et  le 
»  flatter  ,  en  était  très-bien  reçu.  Un 
»  des  meilleurs  ingénieurs  de  l'Eu- 
»  rope ,  il  a  été  aussi  l'un  des  plus 
»  grands  capitaines  de  son  siècle. 
»  Souvent  téméraire  dans  ses  ciUre- 
»  prises,  il  a  toujours  ignore  ce  que 
»  c'est  que  l'impossible  ;  car  tout  ce 
»  qu'il  a  entrepris  de  plus  ditllcile, 
»  lui  a  réussi.  D'une  stature  haute  et 
»  imposante,  et  d'un  tempérament 
»  robuste  et  vigoureux  ,  il  semble 
»  être  né  général.  Jamais  aucune  i'a- 
»  tigue  n'a  pu  le  rebuter.  Peu  fait 
»  pour  être  ministre,  il  n'a  cepen- 
»  dant  rien  négligé  pour  entrer  dans 
»  le  cabinet  :  il  y  est  parvenu  à  force 
»  d'intrigues  ;  et  c'est  là  la  source 
»  de  son  malheur.  Pour  tirer  de  lui 
»  les  choses  les  p'us  secrètes ,  il  suf- 
»  fit  de  le  contrarier  et  de  le  fâcher.  » 
Le  grand  Fré  léric  lui-même  a  accu- 
se Munnich  d'avoir  sacrifié  la  vie  de 
ses  soldats  à  sa  réj)iitation.  Du  reste, 
ce  monarque  professait  pour  ses  ex- 
ploits une  grande  admiraliou;  et  il 
l'appelle  le  pince  Eugène  des  Mos- 
covites. Plusieurs  auteurs  ont  écrit 
sur  le  maréchal  de  Munnich  ;  nous 
ne  citerons  que  l^Ianstcin,  son  aide- 
de-camp,  le  comte  de  Sobus  ,  son 
gendre,  Kempel,  Biiscliiiig ,  et  de 
Halem,  dont  l'ouvrage  a  été  traduit 
eu  français  (  par  J.  F.  Bourgoing  j , 


WUN  4  1 3 

sous  ce  titre  :  Fie  du  comte  de 
Munnich,  général,  jeld-inaréclial 
au  service  de  Russie  jVdv'\s,  «807, 
in-8',  M — i)j. 

MUNNIKS  (Winold),  racdccia 
hollandais,  naquit  à  Joure,  en  Fri- 
se, le  4  décembre  i744'  -^  l'^î^e  de 
quatorze  ans  ,  il  fut  envoyé  en  Fran- 
ce; et  il  resta  deux  ans  à  Bolbcc  , 
principalement  pour  s'y  foimer  dans 
la  langue  française.  Son  goût  ne  tar- 
da pas  à  se  décider  pour  la  méde- 
cine; mais  avant  d'être  envoyé  dans 
une  université  ,  il  fut  confié  à  un  ha- 
bile j)haruiacien  d'Amsterdam,  chez 
lequel  il  acquit  d'utiles  connaissan- 
<x's  préliuiinaires  en  botanique  et  eu 
«liimie.  Il  était  dans  sa  vingtième 
année,  quand  l'académie  de  Gro- 
ningue  le  reçut  au  nombre  de  ses 
élèves.  Il  y  trouva  deux  hommes  dis- 
tingués, G.imper  et  Van  Dueveren  , 
tous  les  deux  célébrés  dans  les  Elo- 
ges do  Yicq-d'Azyr  (  tome  i"^'". ,  p. 
3o5-33.i ,  et  tome  m  ,  p.  3.>G-333  ), 
11  s'attaclia  surtout  au  premier,  et 
il  finit  par  en  être  honoré  d'une  es- 
pèce d'adoption  scientifique,  réci- 
proquement utile  à  l'un  et  à  l'autre. 
Au  bout  de  quatre  ans  ,  Munniks 
visita  l'iuiiversilé  de  Leyde,  et  y  sui- 
vit les  leçons  de  Gaubius,  dii  ^'au 
Roven  et  des  Albinus.Il  couronna  ses 
études  académiques  par  un  nouveau 
voyage  en  France.  Louis  ,  Noliet , 
Lcvret,  Senac.  Sabatier,  Portai,  le 
sigu/.ièreut  à  Paris  dans  le  nombre 
de  leurs  élèves.  Il  vit  Lecat  à  Rouen , 
Pouteau  et  Flamand  à  Lyon;  s'ar- 
rêta pen  lant  quelque  temps  à  Monl- 
)>e!lier ,  et  s'en  retourna  chez  lui  par 
l'Allemagne  et  la  Suisse.  Ce  ne  l'ut 
que  le  28  avril  1  769  ,  qu'il  prit  ses 
degrés  en  médecine  à  l'université 
de  Leyde,  par  une  sayantc  thèse 
tt  sur  la  maladie  vénérienne  ,  et  sur 
»  SCS  principaux  remèdes  ,  spéciale- 


4i4  MUN 

w  ment  ceux  de  Van-Swiotcii  et  de 
»  Plcnck.  »  Une  cruelle  cpizootie  ra- 
vageait la  Hollande;  elle  avait  paili- 
culièrement  fixe  l'attention  de  Cam- 
per. Vau-Docveren  et  Mnnniks  formè- 
rent ime  société  pour  l'inoculation 
du  mal  redoute.  Ij'autorite'  publique 
s'intéressa  au  succès  de  l'entreprise, 
dont  Munniks  devint  l'acteur  prin- 
cipal, mais  dans  laquelle  il  ne  man- 
qua ni  de  tracasseries ,  ni  de  dégoûts. 
L'issue  en  fut  toutefois  aussi  hono- 
rable que  satisfaisante.  En  1771  , 
Camper  s'étaut  démis,  à  l'académie 
de  Groningue ,  de  la  partie  anato- 
mique  et  médicale  de  ses  fonctions , 
elles  furent  confiées  à  Munniks,  lien 
prit  possession,  le  19  juin,  par  un 
discours  latin  a  sur  les  jouissances 
1)  attachées  à  l'anatomie,  »  et  par 
une  leçon  inaugurale  «  sur  les  étroits 
»  rapports  qui  existent  entre  la  mé- 
»  canique  et  l'art  de  guérir,  »  Deux 
ans  après,  Camper  ayant  pleinement 
résigné  sa  chaire,  Munniks  lui  succé- 
da tout-à-fait.  Mais  sa  santé  ne  tarda 
pas  à  souffrir  de  l'excès  de  travail; 
et  Camper  lui  conseilla  un  voyage 
dans  la  partie  méridionale  delà  Fran- 
ce, pour  se  refaire  de  ses  fatigues  : 
ce  voyage  eut  l'effet  désiré.  A  son  re- 
tour, Munniks  se  maria  ,  et  reprit 
ses  fonctions  avec  une  nouvelle  ar- 
deur. En  1784,  il  concourut  pour 
le  prix  destiné  par  l'académie  d'A- 
miens au  meilleur  mémoire  «  sur 
»  les  cau'^es  des  heinies  elles  moyens 
»  de  les  prévenir;  »  et  il  remporta 
la  couronne,  La  société  royale  de 
médecine  de  Paris  .  dont  il  était  cor- 
respondant depuis  1780,  lui  adju- 
gea, à  la  même  époque,  le  prix 
sur  cette  question  «  :  Quels  sont  en 
»  France  les  abusa  réformer  dans  l'é- 
»  ducation  physique,  etc.?  »  Toutes 
les  sociétés  savantes  semblaient  riva- 
liser pour  l'admettre  au  noinlup  de 


MUN 

leurs  membres  ,  quand  les  effets  des 
troubles  politiques  de  sa  patiic  l'at- 
teignirent au  mois  d'octobre  i'"9t). 
Il  conserva  cependant  une  partie  de 
ses  attributions,  et  il  supporta  l'in- 
justice avec  une  noble  résignation. 
Ses  discours  académiques  roulent 
tous  sur  des  sujets  bien  choisis,  et 
qu'il  savait  traiter  avec  autant  d'in- 
térêt que  de  sagesse.  Quand  on  eut 
créé,  dans  les  Provinces  -  Linics  , 
des  commissions  d'administration 
et  de  surveillance  médicales,  celle 
de  Groningue  le  compta  parmi  ses 
membres  les  plus  distingués.  Le  8 
septembre  1806,  il  succomba  aux 
suites  d'une  attaque  de  paralysie.  La 
partqu'il  eut  aux  travauxde  l'illustre 
Camper,  n'est  pas  un  des  moindres 
titres  qui  honorent  sa  carrière  lit- 
téraire. Une  Notice  biographique, 
ornée  de  son  portrait,  pub  ice  en 
Hollande,  par  son  fils,  J,  Munniks, 
docteur  en  médecine  (  Groningue  j 
1812,  in-rj".  ),  nous  a  fourni  les 
matériaux  de  cet  article,  —  Jean 
Munniks  ,  médecin  et  professeur  à 
Utrecht,  mort  le  10  juin  1711,  âgé 
de  cinquante-neuf  ans ,  est  aussi  con- 
nu par  quelques  ouvrages,  dont  une 
Praxis  chirwgica  ,  publiée  à  Ams- 
terdam, en  1710  ,  in-4''.  H  fut  l'é- 
diteur des  tomes  iv  et  v  de  Vllortus 
Malaharicus.  M — on. 

MUNOZ.  Fqre-MrGNoz. 

MUNSTEPv  (Sebastien),  savant 
hébi'a'isaut  ,  et  l'un  des  bons  géo- 
graphes et  mathématiciens  de  sou 
temps  ,  était  ne  ,  en  1489,  à  Ingel- 
heim  ,  dans  le  Palatinat,  Il  avait  ter- 
miné ses  études  à  l'âge  de  seize  ans  ; 
et  s'étant  rendu  à  Tubmgue  })0ur  y 
suivrft  les  leçons  de  Stoftler  et  de  Rcu- 
chlin  ,  il  se  décida  à  prendre  l'habit 
de  cordelier,  aiin  de  pouvoir  se  li- 
vrer plus  tranquillement  à  la  cul- 
ture di^s  lettres  et  des  sciences.  Se- 


MUN 

diiit  par  U  lecture  des  ouvrages  de 
Lullior,  d  quilla  son  cciuvtut ,  elfut 
appelé,  en  i fï'.iQ  ,  à  B.Uc ,  où  il  cn- 
scit:;na  successivement  riicineu  et  la 
théologie  avec  beaucoup  de  réputa- 
tion. 11  V  mourut  de  la  peste,  le  'xi 
mai   i55'2.  Munster   était  petit   de 
taille,  mais  d'une  constitution  ro- 
buste, d'ailleurs  très  -  laborieux,  et 
d'iuic  simplicité  de  mœurs  adnnra- 
ble.  Loin  de  chercher  à  se  faire  va- 
loir ,  il  ne  voulut  jauiais  accepter  le 
titre  de  docteur  en  tlicologic;  et  l'on 
fut  obligé  d'user  d'une    espèce    de 
violeuce  pour   le   déterminer   à   se 
charger  des  fonctions  du  rectorat. 
Munster  a  été  surnommé  V Esdras 
et  le  Strahon  de  l'Allemagne,  par  les 
Protestants  conlempoi'ains  ;  et  bien 
que    sa    réputation  ne   se  soit  pas 
soutenue    à    cette    hauteur,  on   ue 
peut  qu'être  indigné  du  mépris  avec 
lequel  Scaligcr  parle  de   ce  savant. 
Outre  les  traductions  des  ouvrages 
de   Grammaire  de  DaT.  Kimchi , 
d'Elias  Levita   [F.    Elias,  XIII, 
12) ,  de    V Histoire  de    Jossiphou 
(  F.  GoRIONIUES  ,  XVIII ,     i4'  )  ? 
etc.  ;  une  édition  augmentée,  de  l'an- 
cieune  version  latine  de  la  Géogra- 
phie àeVlolémée  (  i54o,  in-fol.)j 
des  Notes  sur  Pomponius  -  Mêla  et 
Solin,  etc.,  on  citera  de  Mimster  :  I. 
Bihlia  hebraïca,  charactere  singu- 
lari  apud  Judœos  Gerinanos  in  usu 
recepto ,  cum  latind  planèqiie  ncvd 
translatione  post   omneis  omnium 
hactenus  ubiius  gentium  editiones 
ei^ulgata,  et ,  quoad  f.eri  potuit , 
hebraïcœ  veritati  conj'urmata  :  ad- 
jectis  insuper  è  Rahbinorum  com- 
inentariis  annotationibus  liaud  pœ- 
nitendis ,  pulchrè  et    voces   ambi- 
guas  et  obscuriora   quœque  eluci- 
dantibus,  Bàle,  1 534-5,  in-fol.,  2 
vol.;  1 536,  in  -  4°.,  2  vol.;  i546, 
in-fol.,  2  vol.,  aycc  dos  additions 


MUN 


41: 


et  des  corrections  importantes.  Celte 
Bible,  dont  le  titre  indique  tout  ce 
qu'elle  renfcruic,  est  très  -  bien  exé- 
cutée, surtout  celle  de  i53(i,  qui 
est  sans  notes.  Munster  a  été  le  plus 
exact  et  le  plus  lidèle  de  tous  les 
protestants  dans  sa  version ,  au  ju- 
gement d'Huet  et  de  Richard  Simon. 
Cependant  on  peut  lui  reprocher  de 
s'être  trop  attaché  aux  rabbins  , qu'il 
semble  copicr'partout ,  et  de  négli- 
ger les  anciens  interprètes.  Ses  no- 
tes ,  excellentes  pour  le  sens  gram- 
matical ,  le  seraient  encore  davan- 
tage si  elles  étaient  purgées  des  su- 
perfétations  rabbiniqucs  dont  elles 
abondent.  II.  Fides  Christianoruni 
sancta,  recta  et  perfecta ,  alque 
indubitata,  et  fides  Judœorum  :  ac- 
cedit  lex  Dei  nova,  quie  est  dociri- 
na  et  vita  Christi.  sive  Evangelium 
Domini  nostri  Jesu  Christi  secwi- 
dàm  Matthœum  ,  liébr.  lat. ,  BAle, 
1537,  in-l'ol.  ,  très-rare.  L'évangile 
de  saint  Matthieu  est  en  mauvais 
hébreu,  plein  de  solécismcs  et  de  bar- 
barismes ;  Munster  n'en  possédait 
qu'un  exemplaire  défectueux,  et  il  se 
crut  autorisé  à  suppléer  ce  qui  man- 
quait. Cinq- Arbres  le  fit  réimprimer 
à  Paris,  i55o,  in-S". ,  avec  très- 
peu  de  changements;  mais,  eu  i55j, 
Du  Tillet  eu  donna  une  meilleure 
édition  dans  le  même  format.  III. 
Calendarium  bihlicum  hebràicum 
ex  Hebrœorumpenetralibiis  editum, 
Bàlc,\5'2'j,in-^^.YV.Sphœra  mundi 
et  Arithmelica,  hébr.  lat.,  Bàle, 
1 546,10-4".,  très-rare  selon  LaSerna- 
Santandcr.Ces  ouvrages  d'Elie  Orien- 
tal avaient  été  traduits  en  latin  par 
Schreckenfuchs  ;  Munster  v  joignit 
des  notes.  \  .  Colloquiiuii  cunijudivo 
de  Messid,  héb.  lat. ,  Bàle.  VI.  Hig- 
gàion ,  logica  R.  Simeonis ,  latine 
versa  etpunctis  vocalibusillustrata, 
Bâlc,  15^7,  in-8°.  Cette  logiqie,at- 


4i6 


RlUN 


triliuec  par  MunstcràRabbi  Siineon, 
n'est  ])a.s  de  lui,  mais  de  Maiuionide, 
comme  le  prouve  très  bien  Hicliard 
Simon.  {Lettres  choisies ,  tome  /r, 
page  40  at  siiii>.)  1-e  inème  ciilique 
nous  semble  trop  sévère,  quand  il 
ajoute  t[ae  Mujister  ne  faisait  pres- 
que aucun  pas  sans  t  inher;  qu'il 
était  un  pauvre  homme,  lorsqu'il  se 
mêlait  de  traduire  d'autres  livres 
que  ceux  de  la  Bible  ^  ou  quelques 
liahhins  granimaijiens, dans  l'inler- 
p>-étation  desquels  il  a  été  aidé  par 
Elias  Levita.  W\.  Aruch,  JJicdo- 
narium  Jiebraïcum  ultimb  recogni- 
tum,  et  ex  Eahbinis,  prceseTtiin  ex 
radicibus  David  Kimcki  compleia- 
tum,  Bàle,  i^i*^,  iu-8".  Ce  diclion- 
iiaire  avait  déjà  paru  à  Bàle.  ^  lîl. 
Graimnalica chaldi:ïca._ Bàle,  i  ou-j, 
in-4".  Munster,  dans  la  préface,  se 
glorifie  avec  raison  d'être  le  premier 
(|ui  ait  réduit  la  langue  clialdaique 
eu  prir.cipes  :  il  a  été  surpassé  depiiis , 
mais  il  n'en  a  pas  moins  frayé  le 
chemin.  IX.  Dictionarium  clialdaï- 
cuni  nontcpn  ad  Chaldaïcos  interprè- 
tes^ quàm  ad  Rabbiiwrum  iJitelligeJi- 
da  commeniarianecessarium ,  etc., 
ibid.,  i5'27,  in-4*'.  X.  Dictionarium 
triliu'^ue  in  quo  lalinis  vocabulis 
grœca  et heb^àica  vespondent ,  ibid . , 
i53o,  in-fol.  XI.  Captiviaies  Ju- 
dœoriim  incerti  autoris ,  liéb.  et  lat., 
Wornis,  iSuc),  iu-8".j  léua  ,  1340, 
in-S^C  /^.  Maïi.'onide,  xxvi,  ij'^.  ) 
XII  Isaïasprcphelaliebr^dcè,  g,rœcè, 
latine,  ex  versione  S.  Hieranjmi  et 
ex  versione  Seb.  Munsteri;  accessit 
succincta  dijficiliorum  hebraïconim 
vocahulorum  erposiiio,  collecta  l'x 
D.  Kivicld  commentario  yV^li: .  v.i- 
4*'.,  sans  date.  Rosenmuller  blâme, 
dans  Sebastien  Munster,  sa  hardiesse 
à  donner  comme  certain!  s  les  conjec- 
tures (les  Rabbins.  XIII.  Epistvla 
inncà  Pauliad  Hebrceos^héh.  cl  lat., 


îkîUN 

Bàle,  i5')7,  i58^,  in-S".  OnigJiore 
dans  quelle  langue  a  été  écrite  rE[)i- 
tre  aux  Hébreux  :  ce  ne  peut  donc 
être  sur  l'original ,  que  Munst<r  a 
fait  sa  traduction.  XIV.  Fnvcr- 
bia  Salomonis  :  atcedit  dialogus  in 
commeni  ariolo  H.  Jben-Ezra,  liéb., 
lat.,  Bàle,  iS'.i- ,  iii-8'\  Les  com- 
HKiitaires  de  Sébastien  Mmister  sur 
diliérents  livres  de  l'Ancien-Testa- 
ment,  sont  insérés  dans  les  Critici 
sacri.  XV.  Cafahigus  omnium pn:- 
ccplorum  legis  Mosuicœ,  quœ  ab  He- 
brœis  sexcenta  et  octodecies  nume- 
rantur ,  cum  succinctd  llabbinorum 
exposiiione  et  addilionc  traditin- 
num,quibus  irrita  fecerunt  mandata. 
Dei,  héb.  lat.,  Bâle  ,  i533,  in  8". 
Ce  n'est  puinl  une  traduction  litté- 
rale, mais  un  abrégé  des  comman- 
dements négatifs  et  aftirmatifs  des 
Juifs.  1!  y  a  deux  préfaces  très- 
intéressantes,  l^e  grand  nombre  de, 
traductions  qu'a  données  Sébastien 
IMunsler,  indi  [ue  assez  qu'il  travail- 
lait fort  vile  ,  et  qu'il  devait  lui 
échapper  bien  des  fautes  :  quant  à 
ses  ouvrages  grammaticaux  ,  ils  ne 
]ieuveiil  mainieuant  servir  que  poi;i- 
l'histoire  de  la  science.  XVI.  Hon»- 
logiographia,  ibid.,  \53i  ,  i533, 
iu-4°.;  traité  de  gnomoniquc  le  plus 
complet    qui  eût    paju  jusqu'alurs. 

XVII.  OriiànumUranicunij  theori- 
cœ  omnium  planetanim  motus,  cn- 
nones ,  etc.,    ibid.,    i536,    in-fol. 

XVIII.  Cosmographia  universalis , 
ibid.,  i544?  i"-fol.,  on  allemand. 
Cet  ouvrage  a  été  réimprimé  plu- 
sieurs fois  dans  les  ^mn^  langues. 
Hager  croit  que  l'édition  allcnian.de 
est  l'oi'iginale.quoitju'elle  n'ait  j)aru 
(]ue  le  1 7301-1  i544;  ft  suivant  Ilal- 
ler  (Biblioih.  Jnst.  de  la  Sidsse) , 
l'cdilion  de  ifj53  passe  pour  la  plus 
belle  et  la  plus  rare,  n'ayant  point 
éprouvé  de  mutilations;  n;aisil  yen 


MUN 

a  hcaiicoup  dans  la  traduction  latine, 
q>ii  est  d'Hiiguo  d'Amcrongcn  ,  1 55o, 
1559,  Ole.    L'ouvrage  a   aussi    été 
traduit  en  français  (Bàlc,   1 555 ,  in- 
fol.); eu  italien  (Bàlc,  i558,  in-f'ol.), 
tiianglais,  par  Rich.Edeu,  et  mémo 
tu  bolicraicn,    par  ,1.    de;    Pucliou 
(Prague,   i554  ,   iu  loi.),  rn-lleforèt 
en  a  l'ait  la  base  de  sa  Cosinu^ravhia. 
Cet    ouvragi'    de   Munster    coulieiit 
beaucoup  de  détails  d'histoire  natu- 
relle ;  et  il  est  intéressant,  surtout 
pour  la  géographie  de  l'Allemagne. 
Les  cartes, (pioifpie  gravées  en  bois, 
sont  remarquables  conirae  un  momi- 
nument  de  cette  partie  de  riiistoire 
de  l'art  :   celle  de  la   Suisse,   par 
exemple,  qui  est  eu  deux  feuilles  ,  est 
la  première  carte  de  ce  pays  qui  eût 
été  publiée.   XIX.  Rud-menta  ma- 
thematica  in  duos  libros  digesla, 
ibid.,  i55i  ,  in-fol.  Le  premier  livre 
conlicnt  des  éléments  de  géométrie, 
et  le  second  des  principes  de  gnorao- 
nique.  Sébastien  Munster  a  obtenu 
l'honneur  peu  commun  d'une  Oraison 
funèbre  en  hébreu ,   prononcée  par 
Erasme-Oswald  Scbreckeufucbs,  et 
imprimée  àBàle,  i553,  in-8''.  Son 
portrait .  gravé  en  bois  ,  est  à  la  tête 
de  sa  Cosmographie ,^1  en  cuivre  par 
Th.  de  Bry,  dans  la  Biblioth.  de 
Boissard ,  qui  contient  une  Notice 
sur  cet  écrivain  ;  on  en  trouve  une 
beaucoup  plus  détaillée  dans  Hager 
{Geogr.  Buchersaal,  i,   79-140), 
avec  la  liste  complète  de  ses  ouvra- 
ges ,  au  nombre  de  40  :  on  peut  con- 
sulter aussi  VAthenœ  rawicœ  ,  pag. 
23.  L — B — E  et  W — s. 

MUNTING  (  Henri  ) ,  médecin 
et  botaniste  hollandais,  du  commen- 
cement du  dix-septième  siècle,  après 
avoir  acquis,  par  ses  cours,  une  gran- 
de réputation  dans  son  pays,  voya- 
gea en  Angleterre,  en  France,  en 
Italie  et   eu   Allemagne.    Plusieurs 


MUN  4 .  ; 

hommes  distingués,  avec  lesquels  il 
s'était  lié  dans  ces  differeuts  pays  , 
lui  firent  passer  une  grande  quanfité 
déplantes,  dont  il  couvrit  un  trrraiii 
acheté  du  produit  de  sa  pratique  , 
comme  médecin.  Sou  jardin  s'en- 
richit très  -  promplemeut  par  ce 
moven  ,  et  devint  bienlôt  un  objet  de 
curiosité  pour  les  vovagcurs.  Ses  le- 
çons sur  la  culture,  et  entre  autres, 
sur  l'art  d'élever  et  de  conduire  les 
arbres  ,  contribuèrent  beaucoup  à 
procurer,  sous  ce  rapport,  à  sa  pa- 
trie, et,  surtout  à  sa  ville  natale, 
une  grande  célébrité.  Il  y  mourut 
en  i(>5(S.  On  a  de  lui:  IJortus  um- 
i'ersœ  materiœ  inedictp  gazopJ>jla- 
cium,  Groningue,  1G46,  pet.  in-i'2. 
C'est  un  catalogue  de  jardinier,  qui 
n'ofïre  d'aulre  intérêt  que  de  donner 
le  nombre,  assez  remarquable  pour 
cette  époque ,  des  plantes ,  presque 
toutes  étrangères  ,  qui  étaient  cidti- 
vées  dans  ce  jardin  ,  en  y  compre- 
nant les  variétés  de  tulipes,  d'œillets, 
de  jacinthes,  etc.  D- — u. 

MUNTIXG  (Abraham),  fils  du 
précédent,  comme  lui  médecin  et 
botaniste,  naquit  à  Groningue,  eu 
iG'iG.  Elevé  par  son  père  ,  il  acquit 
de  bonne  heure  de  grandes  connais- 
sances en  botanicpie  et  dans  la  cul- 
ture des  plantes.  Après  avoir  voyagé 
en  Hollande  ,  il  visita  la  France  ,  en 
1649.  Il  s'y  lia  avec  Davisson  et 
Vespasien  R:  bin;  et,  avant  de  quitter 
ce  pays ,  il  se  fit  recevoir  à  Angers 
docteur  en  médecine.  De  retour  a 
Groningue,  il  seconda  son  père ,  au- 
quel il  succéda,  en  i658,  dans  les 
chaires  de  médecine  et  de  botanique , 
et  obtint  des  succès  semblables.  La 
Hollande  était  alors  le  pavs  le  plus 
renommé  pour  la  culture  des  plantes: 
elle  en  recevait  une  grande  quantité 
de  ses  nombreuses  colonies;  et  Mun- 
tiug  lui-même,  dans  ce  qu'il  appelait 
27 


'  T  tp.(piÎMtlei 

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»» 


Sulereon.  \.   i 

et  AuistelUai!!  .    i 

fig.  Seguiei  et  H  liltr 

autre  de  i  7  «  3  , 

celle  de   17^7. 

par  le  deriiifi  :  1 

gè.  C'est  II.:'-  t 

tient,  à  Tu- 

quinecoiifi 

ches  ,  plli^ 

Domeiic'.it 

très-jK-iii 

les  deux  >I 

services  a 

rendu  1 

incntiii 

))li  par  1  . 

Mtiiitii.'_ 

plante- 

nus ,  St.  ,  > 

eu  duuii... 

genre  de  la  iauuilc  U 

MÎT    ' 

noble  ,  (Il 
ancctrr^ 
leur  p^' 
brasse  1.1  • 
avccd'ji!': 
riiospi; 
rrnl   ti 
B.^nie.    .1 
habilr.  t  :: 
en  rï'V).   !  ' 
ftieiirs   "lii 
rrliii  dimi 
Allcrn  i. 
pIftTr 
en    167 I . 
ville  ,  et  ; 


iui  ciino- 
\\  Leyde 
-iol. ,  ^45 
citcni  une 
.laine  que 
^  ilemeut 
1  it  chau- 
la préie- 
is,  mais 
mes  plau- 
■> .  que  la 
lie ,  et  un 
. liions.  Si 

I  i|iielqucs 
u'cii   ont 

1    proprc- 

i^ia ,  rta- 

:•<  ur  d'A. 

nue  seule 

Il  Hham- 

ctnthui  , 

''^(li  .1  un 

uturcos. 

n— r. 

'  oiu 
.iille 

II  no  ;  ses 
le  quitter 

\y41\X  em- 
I  "ivèrent, 
'  me  pays , 
«.'elabli- 
>,!'.•  et  ^ 
;ien 

l'itl  ,  plu- 
i  ,   ,,,. .  et 

;  ^  m 

■  i  ni    An- 

I  à  BJle , 

iii   (le  la 

'ivsi(jue  et 


'•«I  p»s-  ' 


MUft 

eu  matliémaliqucs ,  à  Zui 

habile d.ins  sou  art,   et  s 

tingue  :  le  nombre  de  ses 

considérable,  sans  parler 

nombre    de    MaJnaircs  ei 

valions  qu'il     lit    insérer 

JifilieineriJe-i    uaturje   ci 

Ou  ne  citera  que  les  ]niuci| 

perinienLii    unatomicu  , 

f'iule  mecum  anutumicuti 

Exercitutiones  meciicw  si 

menla  anatotnica  de  htu 

corpore  circunifiucntibus 

OEinres   de  clururi^le  , 

I  7  I  I  ;  —  iiiojKHUuLci  i 

iVnyji  et    17  iG; — l'esci 

bains  d '  i'rd.'rj' ,    1 7  o  i  ; 

sicit    speciaiis  ,   eu     six 

17;)^  a    1714.    dont    la 

partie  ronipreud  ini  Cal 

plantes   de   lu   Suisse  , 

tradiut  et  allemand  ,  en 

Cl 'Ue^iuin   anatonticuin 

l(»87  ;  —  Lur  in  lenetr, 

bns  rejecla ,  tvin  tiiinen 

siéh  diuin    rei'ocata  in 

siuin  pe^srnitionc ,  sous 

J.  Kutich.usàClnranion 

rut ,  en    17.13  ,  à   l'âge 

vingt-hiiitans.  —  Son  (ils 

rad  DE  Mlralt  ,  fut  de  n 

ciu  cle  la  ville  à  Zuricli 

qMeltjue»  Dissertatinii>s  uv 

MlT.AI.T     lir.lt-Loui.S  I)K ), 

s'est  fait  ronuaitrepaicpirl 
gc»,telsqu«'Jrs  Ijeltrcs.ur 
et  les  Français,  1 7  78:  — 
les  vnj'afii'i  et  sur  l'r.' 
17)3;  —  l'Instinct  conu 
rnarulraur  hoin  'nés,  1  •y:") 
nouvelles,  17'ÏJ.  Ce»  c 
vent  que  l'auteur  avait  ( 
rtqu'ade.^  ronn.iissauces 
iirirlles  il  joignait  un 
ch.int  au  i^aradoxe.  Le  1 
Iriiliiit  ru  anglais,  et  tii 
i'buuucur  d'uuc  refutati 


4i8  Wt^ 

son  Paradis  de  Gronin^ie ,  en  réu- 
nissait beaucoup  de  rares,  qui  lui 
étaient  envoyées  de  toutes  les  parties 
du  monde.  11  exerçait  les  fonctions 
de  professeur  ,  depuis  vingt-quatre 
ans ,  à  la  grande  satisfaction  de  ses 
compatriotes,  lorsqu'il  fut  attaque 
d'un  catarrhe  sulFoquant,  et  mourut 
au  bout  de  vinp^t-quatre  heures,  le 
3i  janvier  i683.  IMunting  a  publie  : 
J.  IKanre  OEJfcning  der  planîen , 
etc.  (Culturcdes  plantes,  etc.  ),  un  vol. 
petit  lu  8°. ,  4»  %'  Amsterdam, 
167'i;  2=.  éd.,  ibid.  fet  non  h  Leu- 
Tvarde,  comme  l'indique  Haller), 
1682.  Cet  ouvrage  est  divisé  en  trois 
parties  :  arbres,  arbrisseaux  et  plan- 
tes, contenant ,  sur  les  formes  exté- 
rieures, les  propriétés  et  la  culture 
de  chacune,  les  détails  connus  alors; 
mais  aucun  ordre  n'y  est  observe  , 
et  les  planches  sont  fort  médiocres 
et  inférieures  à  celles  de  la  plupart 
des  ouvrages  de  botanique  du  même 
giècle  et  du  précédent.  II.  Alnida- 
riiim,  etc.,  ou  Histoire  de  Valoès 
américain  et  de  quelques  autres  es- 
pèces ,  sans  nom  de  ville,  1680  ,  un 
vol.  pet.  in  -  4"-  de  33  pag.,  8  (ig. 
L'auteur  v  décrit  le  port  et  la  végé- 
tation fort  remarquable  d'un  pie  de 
cet  aloès  (  Agave  americana  ) ,  et 
entre  dans  quelques  détails  sur  la  cul- 
ture et  les  propriétés  de  cette  espère 
et  des  autres.  Les  figures  sont  égale- 
ment médiocres;  quelques-unes  n'ont 
point  de  fleur.  Sept  se  retrouvent 
<lans  de  plus  grandes  dimensions  , 
dans  la  Pliytographia.  III.  Deverd 
uiitiquorurn  Ilc/bd  hritamiicd  ,  \\n 
vol.  petit  in-4''.  de  23 1  p.,  Amster- 
dam, i68i  ,  u4  lig.  Séguier  cite  une 
y.*",  édition  de  1698.  Cet  ouvrage  pos- 
thume renferme  des  détails  iutéros- 
sants;  mais  l'origine  des  diiîérputs 
peuples  de  la  Hollande .  de  la  ^:\^.o , 
etc.,  la  descripdoa  du  terrain  où  se 


MUN 

trouve  cette  plante ,  qui  est  le  Fumet 
aquaticus  (  et  non  le  Britannica  de 
Dalechamp,  espèc*  d'///u/a);  l'éty- 
molojie  de  son  nom  spécifique  (  i), 
les  opinions  des  anciens  et  des  mo- 
dernes sur  ses  vertus, auiipiel  les  Mun- 
ting  attache  une  extrême  importan- 
ce ;  tout  y  est  comme  entassé  sans 
ordre  et  sans  méthode,  de  manière  a 
en  rendre  la  lecture  très-fatigante.  Au 
reste  ,  il  n'est  nullement  prouvé  (pic 
c«  Bumex  soit  V Ilerba  britan/nca 
des  anciens.  On  peut  consulter  à  ce 
sujet:  Dissertatio  de  Brittenburgo , 
etc.,deCannegietcr.IV.7V'tfaMwA<ru- 
ri»e  beschrjving  der  aard^ewas- 
sen ,  etc. ,  ou  Description  exacte 
dés  plantes,  atc. ,  Leyde  et  Utrccht , 
1696,  gr,  in-fol.,  243  fig.  Le  fond 
de  cet  ouvrage  ,  aehevé  et  publié 
par  le'i  héritiers  de  Munting  ,  est  le 
même  que  celui  du  premier;  mais 
il  est  de  deux  tiers  plus  considéra- 
ble, de  sorte  qu'il  peut  être  regar- 
dé comme  neuf.  Les  dessins,  beau- 
coup plus  nombreux,  et  accompa- 
gnés, pour  la  plupart,  d'assez  jolis 
])c'iysages  ,  sont  aussi  d'une  meilleure 
exécution.  Ce  livre  est,  sinon  utile  , 
vu  les  progrès  que  la  culture  a  faits 
depuis  un  siècle,  du  moins  curieux, 
comme  otîVant  l'état  de  cet  art  eu 
Hollande,  à  cfette  époque.  Toutefois 
il  contient  une  foule  d'inutilités;  il 
n'y  a  presque  point  de  plantes  nou- 
velles :  la  plupart  des  figures  sont 
inexactes  ;  quelques-unes  même  pa- 
raissent être  de  pure  invention,  com- 
me celle  du  Macer  arbor  antiquo- 
rum, des  deux  Cardamotnum  et  du 


(t)  Britannica  {fiitanniea,  vrifl  on  vn/iandica)  , 
vSfDnetil.snloD  lai,  di  Bn'Jew  ,  mol  frison,  qui  \fuf 
dif  forlificr  .  Mn  ,  dml,hyc  on  hyck  ,  cTpnlsioii 
{  cjectio)  ,et.  signifie  par  coii.itqucnt/)r^ie;inn/  ^^ 
perlK  des  tlfrts,  ceftn  piaule  elatit  surloul  bnnoe 
criitre  1  ■  scnrliit.  Kuutfuyii  partage  ccl!*  ojiin.on  , 
t.  VI  ,  p.  ':'<'G  ,  Ira'l.  ,  ^iliî.  al.eliia;.de.  I.'aiili-iir  Oiil 
]>ai'làe  sescgDJeclureilur  i'oiigiue  diimoti^ritaM/ùa. 


MUN 

Suîcreon.  V.  Phjiosi^raphia,  ciirio- 
irt,etc.,  publiée  par  Kigj^claor.Leyde 
€t  Ainsfcrdam ,  i'jo'2  ,  iu-Iol. ,  •^45 
fig.  Sq;nier  et  Hallcr  eu  citent  une 
aiilre  tic  1713,  qui  est  la  lucme  t|iie 
celle  de   17^7  ,  indiquée  également 
par  le  dernier  :  le  titre  seul  est  chan- 
ge. C'est  u;ie  traduction  du  précë- 
tlcnt ,  à  l'usage  des  ctiant^ers ,  mais 
qui  ne  contient ,  avec  l^  mêmes  plan- 
ches ,  plus  deux   nouvelles,  que  la 
ïiomenc'ature,  la  synoiiymie  ,  et  un 
Ircs-pclit  nombre  d'observations.  Si 
les  deux  Munting  ont  rendu  quelques 
services  à  la  culture  ,  ils  n'eu  ont 
rendu  aucun  à  la  botanique  propre- 
jncntdiie.  Le  genre  jluntingia ,  éta- 
bli par  Plumier,  eu  l'honneur  d'A. 
Munting,  se  composait  d'une  seule 
plante  que  Liiuié  a  réunie  au  Rliani- 
n!<5,souslc  nom  de  R.  Micanthus , 
en  donnant  celui  de  Muntin^^ia  a  ua 
ccnre  de  la  famille  des  îiliacécs. 
^  D-u. 

MURALÏ  (  Jkan  de  )  ,  médecia 
de  Zurich  ,  descendait  d'vme  famille 
noble  ,  originaire  de  Locarno  ;  ses 
ancêtres  avaieiU  été  obligés  de  quitter 
leur  patrie  ,  en  1 555  (  i  ).  Ayant  em- 
pirasse la  réformation,  ils  trouvèrent, 
avec  d'autres  familles  du  même  pays  , 
l'hospitalité  à  Zurich  ;  ils  s'établi- 
rent ensuite   dans   cette   ville  et  à 
Berne.    Jean  de  Murait  ,  chirurgien 
habile,  fut  reçu  bourgeois  de  ZurjcJi , 
en  i55<).  De  ses  descendants  ,  phi- 
«ieurs   ont  cultivé  la  médecine  ;  et 
celui  dont  il  s'agit,  fit  ses  études  eu 
Allemagne,  eu  France,  et  en    An- 
gleterre. Il  fut  créé  docteur  à  Bàlc  , 
en    167  I,  et  devint  médecin  de  la 
ville  ,  et  professeur  en  physique  et 


(l'i  On  croit  qu'ils  ctaieut  de  la  inèHie  famille  que 
Françwis  Muraifu,  ge)tilhoDone  d»  Come  ,  (jiii  ocri- 
■vit  en  lutin  les  .innaUs  de  sa  pnlrie,  ouvrage  nn'ieiix 
pour  1.  s  évciiemenjs  du  saiiièuic  siècle.  Voyez  les 
Uomini  UliKtri  drila  C'omascjj  pat  le  cuuJte  Giu. 
viu,  pus.  I  Ji  tt  \o'S, 


MLft 


4'9 


en  mathématiques  ,  à  Zurich.  Il  fut 
habile  dans  son  art,   et  savant  dis- 
tingué :  le  nombre  de  ses  écrits  est 
considérable,  sans  parler  de  grand 
nombre    de    Mémoires  et   d'obsei- 
vatioiis  qu'il    lit   insérer    dans    les 
1:^1)  lie  me  ride  s   naturce   cwiuioruin, 
On  ne  citera  que  les  principaux  :  Ex- 
perimenta    unatomica  ,    1670  5  — 
Fademecum  anatomicum,  1077; — 
Exercilutiones  medicœ  seu  exfjeri- 
menla  anatomica  de  hiunoriius  in 
corpore  circumftuenlibiis  ,  i  G7  5  ;  — 
OEuvres   de  chiruraie  ,    itiQi    et 
1711  ; —  Jiippocrates  htlveticus  , 
1692  et   !7iti;  — Descripiion  des 
bains  d'UrdjrJ  ^    170^;  —  P^'J- 
sica    speciaiis  ,   en    six    parties  , 
1707  a    1714»   dont   la  quatrième 
partie   comprend  un  Catalogue  des 
plantes   de   la   Suisse  ,  qui   a    été 
traduit  et  allemand  ,  en   i7i5  ;  — 
Cidlegium   anatomicum  curiosiim , 
1G87  ;  —  Lux  in  tenebris  à  tene- 
hris  rejecta,  non  tamen  extincla  , 
suif  diuin   revocata  in   Locarnen- 
sium  pe~secuiione.  sous  le  nom  de 
/•  Eutichius à  Claranionte.  l\  mou- 
rut,  en    1733,  à  l'âge  de   quatre- 
vingt-huitans.  —  Son  fUs,  Jean  Con- 
rad DE  MuRALT  ,  fut  de  même  méde- 
cin de  la  ville  à  Zurich  ,  et  publia 
qx.elques  Dissertations  médicales. — 
Mur.ALT    Beat-Louis  de),  lîéà  Berne, 
s'est  fait  connaître  par  quelques  ouvra- 
^c%,tehquehs  Lettres -iir les yinglai s 
et  les  Français,  1 728:  —  Lettres  sur 
les   ^^nyages  et  sur  l'esprit  -fort  ^ 
1753;  —  ['Instinct  conununrecom- 
mandé  aux  hommes ,  \  753;  --Fables 
nouvelles ,   1753.   Ces  écrits  prou- 
vent que  l'auteur  avait  de  l'esprit , 
et  qu'a  des  connaissances  assez  super- 
licieîles   il    joignait   un  grand  pen- 
chant au  paradoxe.  Le  premier  fut 
traduit  en  anglais,  et  tut  eu  France 
l'houneur  d'une  réfutation,  sous  le 

U7-. 


420 


MLR 


liiro  cV.Ijiologie  du  caractère  des 
Français  et  des  yJn^lais.   U — i. 

MURAT  (He>riltte  -  Julie  de 
Castelivau  ,  comtesse  de  ),  ctait 
pelite-fille  du  raare'clial  de  Castel- 
nan  (  F.  ce  nom ,  V  H  ,  3-28  ) ,  et  fdie 
de  Micliel  II ,  marquis  de  Castelnau, 
mestie-de-campde  cavalerie  et  gou- 
verneur de  Brest,  lequel  mourut  à 
Tjtreclit ,  le  ■!  décembre  167.4 ,  âgé 
de  "i"]  ans  ,  d'une  blessure  reçue  à 
l'atlatiued'Ameyden,  Henriette-Julie 
eut  aussi  pour  aïeul  maternel ,  iia 
maréchal  de  France ,  Louis  Fou- 
cault, comte  de  Dau(:;nou.  Elle  na- 
quit à  Brest,  eu  1670,  et  quitta 
cette  ville  ,  à  l'âge  de  16 ans,  pour  se 
rendre  à  Paris  ,  où  elle  était  deman- 
dée en  mariage  par  Nicolas,  comte  de 
P.îurat,  brigadier  des  armées  du  roi, 
d'une  très  -  ancienne  famille  trans- 
plantée d'Auvergne  en  Daupliiné  , 
et  alliée  de  celle  de  la  Tour-a'Au- 
A'ergne.  La  jeune  Castelnau  parut  de- 
vant son  prétendu  ,  dans  !e  costume 
des  villageoises  bretonnes,, dont  elle 
parlait  passablement  la  langue  La 
reine  voulut  qu'elle  fût  présentée  à 
la  cour,  sous  cetliabit.  dont  on  lui 
.ivait  beaucoup  vanté  l'originalité; 
cl  celle  circonstance  ,  jointe  à  l'es- 
prit et  à  la  beauté  d'Henriette,  lui 
mérita  les  hommages  des  poètes 
contemporains.  Sou  mariage  eut 
lieu  peu  de  temps  après.  Née  avec 
beaucoup  d'imagination  et  de  viva- 
cité ,  mais  avec  un  caractère  ardeut 
et  opiniâtre  ,  et  avec  trop  de  pen- 
chant au  plaisir  ,  madame  de  Murât 
donna  quelquefois  dans  des  égare- 
lucnts  auxquels  sa  naissance  ne  servit 
qu'à  donner  plus  d'éclat.  Soupçon- 
née d'avoir  coopéré  à  un  libelle  dans 
loqucl  était  insultée  toute  la  cour 
de  Louis  XIV,  elfe  fut  exilée  k  Lo- 
ches ,  par  ce  monarque  ,  à  la  sollici- 
taliou  de  jjiadamc  de  Maiutcnou.  Ce 


MLR 

fut  dans  celte  retraite  qu'elle  compo- 
sa :  I.  Mémoires  de  sa  vie,  Paris, 
1697  '  i""'-^  '•  c'est  moins  une  his- 
toire qu'un  roman.  IL  Noui'eaiix 
Contes  de  fées ,  Paris,  iG()8,  2 
vol.  in-i'2;  insérés  depuis  dans  la 
coUeclion  intitulée:  Cabinet  des  fées. 
III.  Le  P^ojage  de  campagne ,  Pa- 
ris, 1O99,  '2  vol.  in-i'i;  ouvrage 
agréablement  écrit,  faussement  at- 
tribué à  madame  Durand.  IV.  Un 
Dial'igue  des  morts.  V.  Histoire 
de  la  courtisane  Rhodope  ,  Loches, 
1  708  ;  cette  histoire  n'est  pas  ache- 
vée. VL  Histoire  galante  des  ha- 
bitants de  Loches^  qui  est  désignée 
sous  le  nom  de  Ségovie;  l'auteur  prit 
l'idée  de  ce  l'oman  satirique  dans 
le  Diable  boiteux ,  qni  venait  de 
paraître.  VIL  Les  ÏMtins  du  châ- 
teau de  Kernosy  ,  Leyde  ,  Paris, 
1710-1717,  [u-i-x,  1  vol.;  réim- 
primés plusieurs  fois.  Ce  roman 
ingénieux  ,  et  rempli  de  grâces  , 
est  le  meilleur  ouvrage  de  madame 
de  Murât.  VIII.  Histoires  sublimes 
et  allégoriques,  1699,  'i  vol.  in- 12, 
attribuées  à  la  comtesse  d'Aulnoy  , 
par  Lenglet  Dufresnoy.  IX.  Des 
Chansons  et  autres  Poésies  fugitif 
ves ,  répandues  dans  les  recueils  du 
temps,  et  paimi  lesquelles  on  dis- 
tingue sa  Chanson  sur  V Hiver  de 
1709,  son  Couplet  sur  le  Plaisir j  et 
cinq  à  six  autres  pièces  assez  agréa- 
bles. L&  comte  de  Danois,  1671  ^ 
in-i2  ,  qu'on  lui  a  ,  mal-à-propos  , 
attribué ,  est  de  madame  de  Ville- 
dieu.  Le  marquis  de  Paulmy  possé- 
dait un  manuscrit  de  lettres  de  ma- 
dame de  Murât  ,  adressées  à  ses 
amies  ,  et  contenant  des  petits  ro- 
mans,  des  nouvelles  ,  des  contes  de 
fées.  On  y  trouvait  aussi  un  roman 
inédit ,  intitulé  le  Sopha  amoureux. 
C'est  encore  à  tort  qu'on  a  attribué  à 
cette  dame  les  Effets  de  la  jalousie^ 


IVIL'R 

Paris  ,  169G  .  in-i'2  :  ce  n'csl  qu'une 
réimpression  (lomic'c  ]iar  liCsconvcl, 
sons   1111  nouveau    tilic ,    selon    sa 
coulumc ,  de  V Histoire  tra^que  de 
Françoise  de  Faix ,    comtesse  de 
Chdleaiibriant   (   V.   Lesconvel  , 
XXIV,  283).  Les  romans  de  la 
comtesse   de   Murât  ,   l'oul    placée 
au  rang  des  femmes  les  plus  célè- 
bres dans   ce  genre  de  littérature. 
Ils   se   font  remarquer  par  la  pu- 
reté du  goût ,  la  sagesse  des  idées  , 
l'honnêteté  des  tableaux  ,  et  par  une 
teinte  de  philosophie  qui  caractérise 
le  siècle  où  ils  ont  été  écrits.    Ses 
vers ,  en  petit  nombre ,  se  distin- 
guent par  la   facilité  ;  et  elle  aurait 
pu  se  faire  un  nom  parmi  les  poètes 
erotiques  ,  si  elle  s'était  livrée  uni- 
quement à  la  poésie.  Eu   1 7  1 5  ,  le 
duc  d'Orléans  ,  régent  de  France , 
sur  la  recommandation  de  madame 
de  Parabcre,  sa  maîtresse,  mit  fin  à 
l'exil  de  madame  de  Miuat ,  qui  ne 
jouit  pas  long-temps  du  ])laisir  de 
revoir  une  amie  dont  elle  dictait  les 
lettres  énergiques.  Elle  mourut,  non 
à  Paris,  comme  l'ont  dit  la  plupart 
de  ses  biographes  ,  mais  à  son  châ- 
teau delà  Buzardière,  dans  le  Mai- 
ne, le  :i\  sept.  1 7  1 6  ,  âgée  de  46  ans, 
sanslaisser  d'enfants.  Ses  deux.sœurs 
n'ayant  point  été  mariées ,  elle  fut 
le  dernier  rejeton  de  l'ancienne  fa- 
mille des  Castelnau ,  originaire  du 
Bigorre.  A — t. 

MURAT  (  JoAGHiM  ) ,  l'un  des 
lieutenants  de  Buonaparte  ,  naquit 
le  ^25  mars  1771 ,  à  laBastide,  près 
de  Ckxhors,  où  son  père  était  auber- 
giste. Envoyé  à  Toulouse  pour  y 
faire  ses  études  ,  il  y  prit  quelque 
teinture  des  lettres  ;  mais  son  goût 
pour  la  dissipation  et  les  aventures 
l'en  détourna  bientôt.  Revenu  à  l'au- 
berge de  son  père ,  il  y  fit  le  service 
de  la  maison  avec  les  domestiques , 


MUR  4 'il 

puis  s'enrôla  dans  les  chasseurs  des 
Ardennes.  Il  déserta  ,  bientôt  après, 
jjar  incouduite,   vint  à  Paris,   s'y 
trouva  dans  la  détresse  ,  et  fut  con- 
traint de  servir  à  table  chez  un  res- 
taurateur. S'ctant  fait  remarquer  par 
son    activité   et  par   sa  tenue  ,    et 
son  père  s'étant  déterminé  à  lui  en- 
voyer des  secours,  il  fut  admis  dans 
la  garde  constitutionnelle  de  Louis 
XV I.  Le  licenciement  suivit  de  près 
la  formation  de  cette  garde;   et  Mu- 
rat  obtint  une  sous-licutenance  dans 
le  onzième  régiment  de  chasseurs  à 
cheval.  II   s'y   montra  révolution- 
naire exalté,  et  se    procura  par-là 
\n\  avancement  rapide.  Il  était  delà, 
lieutenant-colonel  ,  et  l'un  des  plus 
fervents  apôtres  de  Marat,  lorsqu'à 
la  mort  de  ce  féroce  tribun  du  peu- 
ple, il  écrivit  d'Abbcville,  où  il  était 
en  garnison,  à  la  société  des  Jacobins 
de  Paris ,  pour  lui  faire  connaître 
son  intention  de  changer  son  nom  en 
celui  de  Ma  rat.  On  ne  sait  si  celte 
demande  lui  fut  positivement  ac  - 
cor.iée  ;  mais  il  est  sûr  qu'après  le 
règne  de  la  terreur  il  fut  destitué , 
comme  terroriste,  par  une  confor- 
mité singulière  avec  Buonaparte,  et 
se  trouva,  ainsi  que  lui,  à-peu-près 
sans  ressources  dans  Paris,  eu  atten- 
dant une  révolution  qui  pût  lui  être 
favorable.  Son  espoir  ne  fut  pas  trom- 
pé. Réintégré  à  l'époque  du  1 3  vendé- 
miaire an  IV  (  5  octobre  179S  ) ,  il 
servit  sous  les  ordres  de  ce  même 
Buonaparte,  chargé  de  disperser  les 
Parisiens  armés  contre  la  Convention 
(/^.Buonaparte,  au  Supplément). 
Murât  s'attachaut  de  plus  en  plus  à 
son  nouveau  général,  montra  beau- 
coup d'intelligence  et  de  bravoure  à 
l'ouverture  de  la  campagne  d'Italie , 
en   179GJ  et  il  devint  son  aide-de- 
camp  de  confiance.  A  la  suite  d'une 
mission  à  la  cour  de  Turin ,  qui  a- 


^72  MUR 

vait  fait  des  ouverlur*  île  paix  ,  il 
partit  pour  Paris  avec  des  dcpèclics 
rclalivcs  aux  np'j^ociations.  Au  mois 
de  juin  ,  Jjiioiiaparle  le  chargea  d'ac- 
compagner  le    miiiislrc  Faypoult  , 
cliez  le   doge    de    Gènes,   pour  le 
sommer  d'expulser  le  minisire  im- 
pcri  ,1.  De  reiour  à  l'armée,  Murât 
dirigea  ([ueiques  attaques  avec  suc- 
cès; et  pendant  toute  celte  campa- 
gne ,  et  celle  de  1797  ,  il  se  fit  re- 
inarcjner  par  sa  bravoure.  Dévoré 
d'aïuijition  comme  son  chef,  il  as- 
pirait dès-lors  aux  plus  hau'esdiguî- 
les.  Au  mois  de  mars  1798,  il  mar- 
cha vers  les  confins  de  la  Valtcline, 
avec  une  colonne,  el  réunit  cette  jiro- 
vince  à  la  nouvelle  re'publifjuc  Cisal- 
pine. Il  prc'ce'da  Buonaparîe,   lors- 
«ju'aprcs  la   paix  de   Canipo  For- 
luio ,  ce  général  traversa   la   Suisse 
et  l'Alsace,  se  rendant  à    Rasladt. 
Envoyé  à  Rome  avec  Bertliier ,  il 
îuarcîia  contre  les  insurgés  de  Ma- 
riiio  ,  Aib^no  et  Castello  ,  en  tua  un 
grand  nombre,  et  fit   arrêter  beau- 
coup de  moines  et  de  prélats  réputés 
ennemis  des  Français.  I/expétiition 
d'Egypte  résolue ,  il  décLua  qu'atta- 
ché a  Buonaparte  il  le  suivrait  par- 
tout: il  ne  le  quitta  plus  en  effet,  se 
distingua  dans  tout  le  cours  de  eetle 
expédition  ,  nolampjcnt  à  la  bataille 
flu  Mont-Tabor,où,par  des  charges 
3)ii!lanles  ,   il  acheva  la  dispersion 
de  l'armée  turque;  ce  qui  lui  valut 
le  grade  de  général -de-division.  De 
a'etour  en  France  avec  Buonapai'te,  il 
le  servit  très- efficacement  à  Sainl- 
Cloud,  oij  cegénéral  changea laforme 
du    gouvernement   et   s'empara  du 
pouvoir.  Ce  fut  Murât  qui ,  à  la  tête  de 
soixante  grenadiers ,  dispersa  le  con- 
seil des  Cinq-cents.  Ilfutaussitôtnom- 
mé  commandant  de  la  garde  consulai- 
re: sa  faveur  n'eut  plus  debornes.  Buo- 
uaparlç  resserra  eucore  les  liens  qui' 


MUR 

les  unissaient  en  lui  donnant  sa  sœur 
Caroline  en   mariage.  11  l'cu'ptpya 
comme  un^de  ses  lieutenants  a  l'ar- 
mée de  réserve;  Murât  entra  le  pre- 
mier à  Mdan,  occupa  Plaisance,  et 
commanda  la  cavalerie  à  la  bataille 
de  Ma  rengo.L'aïuiée  suivante  (  1801) 
il  commanda  l'armée  d'observation, 
et  si^rna,  avec  le  chevalier  Miche- 
roux,  à  l'oligno,  un  armistice  entre 
le  gouvernement  français  et  le  roi 
desDeux-Sieiles.ïl  gouverna  ensuite, 
aA'ec  le  iitre  de  général,  la  républi- 
que Cisalpine,  el  se  rendit  a  la  con- 
sulla  de  j.yon,  à  la  suite  de  laquelle 
il  installa,  en  1802,  les  nouvelles  au- 
torilés.  Nomme  goiivsrreur  de  Paris 
en  janvier  1 8o4,  avec  le  rang  de  gé- 
néral en  chef,  il  dirigea  la  force  mi- 
litaire ,  quand  Buonaparte  ,  voulant 
se  faire  proclamer  empereur ,  fit  pé- 
rir i^ichegru  et  le  duc  d'Enghien  (  F, 
PicHEGBU,  et  Enghien,  XIII ,  i55). , 
Peu  de  jours  après  ,  Murât  fut  élevé 
au   rang    de    maréchal  -  d'empire, 
et ,  l'a;. née  suivante  ,  à  la  dignité  de 
priuce  el  de  grand-amiral.  A  la  re- 
prise des  hostilités  avec  l'Autriche 
en  1806,  il  passa  IcRhiuàKehl  avec 
la  réserve  de  cavalerie ,  se  porta  en 
Souabe  ;  et  au  moment  de  la  prise 
d'Ulm  elde  la  capitulation  deMack, 
il  poursuivit  avec  activité  les  corps 
autrichiens  qui  cherchaient  à  se  re< 
tirer  en  Bohème  par  la  Francouie, 
sous  les  ordres  de  l'archiduc  Fer- 
dinand. Il  força  le  corps  du  généial 
Werneck  à  mettre  bas  les   armes, 
et,  arrivant  l'un  des  premiers  sur  la 
route  de  Vienne,  y  lit  son  entrée  le 
1 1    novembre  ;   il   marcha  ensuite 
contre  les  Russes  enIVIoravie ,  et  con- 
tribua par  différentes  charges  de  ca- 
valerie à  la  victoire  d'Au^terlit^.  In- 
vesti du  grand-duché  de  Berg ,  il  prit 
le  train  d'un  souverain,  figura  dans  les 
deux  campagnes  suivantes,  partie;»- 


MUR 

licrcmontàla  bataille  de  Tdna ,  fit  son 
t'iiire'c  à  Varsovie  le  -iS  novembre 
1807,  et  coiiiiuaiida  la  cavalerie  à 
la  bataille  d'Hylau  et  à  celle  de  Fricd- 
laiid.  Instiiiincut  toujours  ans.siaclif 
que  dévoue'  dos  entreprises  les  plus 
odieuses  de  Buonaparte,  il    fondit 
sur  l'Espagne,  au  mois  d'avril  i8u8, 
à  la  tèle  d'une    armée  nombreuse  j 
cl  il    eut    recours   à  toutes    sortes 
d'artifices   pour    ajouler  aux    divi- 
sions qui  existaient  déjà  dans  la  fa- 
mille royale.  Ce  ne  fut  qu'a  force  de 
menaces ,  de  ruses  et  de  violences, 
qu'il  parvint  à  la  faire  partir  pour 
Baionne,  et  à  la  livrer  à  Buonaparte 
qui  l'y  attendait.  Le  peuple  de  Ma- 
drid ,  indigne ,  s'etant  soulevé, T\îurat 
ordonna  froidement  un  massacre  qui 
dura  plusieurs  jours;  et  ce  fut  ainsi 
qu'il   débuta  dans  un  pays  dont  il 
voulait  être  le  roi.  L'ambition  qu'il 
manifesta  a  celte  époque  ,  donna  de 
l'ombrag*  à  Napoléon.   Il  fut  éloi- 
gne' de  l'Espagne  ,  et  revint  très-mé- 
conlent  en  France,  où  il  eut  des  ex- 
jilications  très-vives  avec  son  beau- 
frère.  Celui-ci  ajouta  encore  aux  cha- 
grins  qu'il  lui  avait  causés,   en  fai- 
sant passer  son  frère  Joseph  sur  le 
trône  d'Espagne  ,  qui  lui  avait  été' 
pronùs  ;  et  ce  ne  fut  que  par  les  sol- 
licitations de  sa  femme,  encore  jilus 
!     impatiente  de  régner  que  lui-même, 
que  Buonaparte  consentit  à  le  faire 
roi  de  Naples.  Ce  fut  le  premier  août 
1808,  qu'on  le   proclama   roi   des 
Deux-Siciles,  sous  le  nom  de  Joa- 
cbim- Napoléon.  Il  succédait  à  Jo- 
seph Buonaparte  que  les  Napolitains 
avaient  méprisé  :  et  la  comparaison 
ne  pouvait  être  qu'a  son  avantage. 
D'ailleurs  il  réussit  dans  l'esprit  des 
liabitants  par  le  faste  qu'il  déploya, 
et  par  son  air  martial.  Ressemblant 
sous    beaucoup   de  rapports  à    uu 
roi   de  théâtre ,  il  se   donnait  de 


MUR  4a  3 

grands   airs;  il  aimait  la  pompe, 
les  cavalcades  elles  cérémonies  bril- 
lantes ;  enfin  l'on  reconnut  dans  le 
nouveau   roi  ,  l'homme  qui  ,   dans 
les  armées  françaises  ,  avait  affecte 
tous  les  genres  de   costumes  et  de 
magnificence, au  point  d'en  fatiguer 
les  siddats  ,  qui  ne  le  dé.signaienl  que 
par  le  nom  de    Franconi ,   célèbre 
bateleur.  IMurat  aflTecta  aussi  beau- 
coup de  modération  et  de  bienveil- 
lance, travaillant  à  s'attacher  la  no- 
blesse  et  le   peuple,   tant  par  son 
faste  que  par  sa  condescendance  pour 
les  préjugés  populaires.   Il   montra 
même  une  grande  partialité  eufaveur 
des  nationaux  contre  les  Français 
qui,  sous  la  domination  de  Joseph, 
avaient  envahi  toutes  le»  places  et 
abusé  de  tous   les  pouvoirs.  Il  té- 
moigna en  même  temps  une  obéis- 
sauce  moins  servile    aux    volontés 
de  sou  impérieux  beau-frère,  cher- 
chant,  par  une  conduite  plus  adroi- 
te, à  jeter  quelques  racines  sur  uu 
sol   si    souvent  en  proie   aux    cou- 
vulsions  de  la  nature  et  de  la  politi- 
que. Cependant  ses  tentatives  pour 
s'emparer  de  la  Sicile,  échouèrent 
complètement  ;  mais  il  est  permis 
de  douter  qu'elles  fussent  sérieuses. 
Joachini  régnait  paisiblement  depuis 
quatre  ans,  qua.d  la  plus  gigantes- 
que des  eutreprijes  de  Buon.iptrte  ^ 
l'invasion  de  la  Russie,  le  ramena 
sous   les   drapeaux    de  son    ancien 
maître.  Placé  a  la  tète  de  la  cavale- 
rie ,  il  eut  part  à  toutes  les  opération» 
qui  précédèrent  la  prise  de  Moscou  j 
cl  il    commanda   un  corps  sépara 
vers    Kalouga,   où  il   obtint   quel- 
ques avantages  :  mais  il  essuya  en- 
suite de  graids  revers;  et  apiès  le 
départ  de  Buonaparte,  il  se  vit  ac- 
cablé de  tout  le  poids  du  comman- 
dement dans  une  retraite  désastreuse 
depuis  Smolensk  jusqu'à  Wilna.  Fa.» 


47.4  MUR 

1  igue  et  mccontent,il  abandonna  aussi 
l'arme'c,  et  prit  le  chemin  de  Naplcs , 
pour  essayer  de  se  soutenir  encore 
sur  un  trône  qui  semblait  devoir 
s'écrouler  avec  le  colosse  de  l'cmpi- 
le  français.  De  retour  dans  sa  capi- 
tale, il  lit  à  la  cour  d'Autriche  des 
ouvertures  tendant  à  se  réunir  à 
cette  puissance.  Mais  bientôt  s'ou- 
vrit la  campagne  de  i8i3;  et  les 
premiers  événements  ayant  été  fa- 
vorables àBuonaparte,  Murât  quitta 
ÎNapIcs,  et  parut  de  nouveau  à  l'ar- 
mée française,  toutefois  avec  moins 
d'éclat  et  de  zèle  ,  et  comme  forcé 
d'y  faire  acte  de  présence.  Après  la 
perte  de  la  bataille  de  Leipzig,  il  s'é- 
loigna encore  pour  retourner  dans 
ses  états  ,  avec  le  dessein  de  se  rap- 
procher de  l'Autriche  et  de  l'Angle- 
terre. Voyaut  s'éclipser  l'étoile  de 
Buonaparte  ,  il  eut  l'ambition  de  se 
soustraire  à  sa  dépendance ,  et  de  se 
créer  une  sphère  à  part ,  afin  de  pro- 
longer son  existence  royale.  Les  con- 
seils de  Fouché,  éloigné  dans  ce 
temps-là,  du  ministère,  et  relégué 
en  Italie  ,  le  décidèrent  à  suivre  cette 
nouvelle  politique.  Murât  ne  se  crut 
réellement  souverain  qu'à  partir  de 
cette  époque  ;  alors  seulement  il  put 
avoir  une  volonté  et  des  intérêts 
séparés  de  ceux  de  la  France.  Mais 
ses  talents  ,  comme  chef  d^un  état , 
étaient  loin  de  pouvoir  faire  face 
aux  difficultés  de  cette  nouvelle  po- 
sition. A  peine  arrivé  à  Naples,  il 
ouvrit  ses  ports  aux  Anglais,  et  re- 
noua les  négociations  qui  avaient  été 
rompues  par  son  accession  à  l'al- 
liance européenne.  Toutefois  il  ne 
voulut  point  entendre  parler  d'in- 
demnités ni  d'équivalent,  persistant 
au  contraire  à  vouloir  régner  sur 
î^aples ,  sans  aucune  restriction.  On 
consentit  à  lui  laisser  son  royaume, 
pourvu  qu'il  prît  l'engagement  de 


MUR 

joindre  ses  forces  à  celles  des  alliés. 
Par  une  sorte  d'esprit  de  vertige  ,  il 
crut  voir  la  possibilité  de  s'agrandir 
en  Italie,  à  la  faveur  des  disposi- 
tions de  l'Autriche,  de  la  décadence 
de  Na  poléon,  et  des  intérêts  de  l'Angle- 
terre. Instruit  que  les  alliés  venaient 
de  passer  le  Rhin ,  et  connaissaut  la 
situation  morale  de  la  France  ,  il  si- 
gna ,  le  II  janvier  1814,  avec  la 
cour  de  Vienne ,  un  traité  par  le- 
quel il  s'engageait  à  fournir  aux  puis- 
sances confédérées  un  corjis  detren- 
teraille  hommes.  Il  obtint,  pour  prix 
de  cette  défection,  la  reconnaissance 
de  son  existence  politique  ,  et  de  ses 
droits  de  conquête  sur  la  ville  d'An- 
cone,  et  sur  les  Marches  pontifica- 
les. D'un  autre  côté,  le  commandant 
des  forces  britanniques  dans  la  Mé- 
diterranée ,  lord  Bentinck  ,  conclut 
avec  lui  un  armistice  ,  auquel  le  gou- 
verneraent  anglais  n'adhéra  qu'afîn  de 
complaire  à  l'Autriche  ,  et  à  condi- 
tion que  Murât,  pour  conserver  son 
royaume  ,  donnerait  des  indemnités 
au  roi  de  Sicile.  Il  se  mit  eu  marche 
le  6  février  ,  prit  Reggio,  et  arriva 
sous  les  murs  de  Plaisance.  Son  mou- 
vement força  l'armée  française  , 
commandée  par  le  vice-roi  Beauhar- 
nais,  de  se  replier  sur  l'Adige  ,  pour 
ne  plus  agir  que  sur  la  défensive.  Tel 
fut  le  premier  fruit  de  la  défection  de 
Joachira,  Il  dépendait  de  lui  de  faire 
changer  le  sort  de  la  guerre  en  Ita- 
lie: mais  bientôt  sa  conduite  parut 
équivoque;  il  sembla  contrarier  jiar 
son  inactivité,  et  ensuite  par  des  ma- 
nœuvres combinées  avec  adresse,  les 
projets  des  alliés,  dans  des  circons- 
tances décisives.  Leur  défiance  s'é- 
tant  convertie  en  certitude,  la  posi- 
tion de  Murât  devint  délicate  et  pé- 
nible :  redoutant  à-la-fois  le  mécon- 
tentement des  confédérés ,  et  la  co- 
lère de  Napoléon,  dont  il  apprit  avec 


un  ëlonnemcut  mêlé  de  craiulc  les 
succès  inattendus  dans  les  plaines  de 
la  Champagne,  on  le  vit  dans  une 
grande  agitation.  11  avoua,  dans  une 
couveisalion  avec  le  consul  l'rauçais 
à  Ancone,  que  la  nécessite'  seule  l'a- 
vait force  de  se  joindre  aux  allies , 
mais  que  jamais  son  année  ne  com- 
battrait les  Français.  Le  vice-roi  en 
était  lui-même  persuadé  :  «  J'ai  les 
•»  plus  grandes  espérances ,  ccrivit- 
»  il  à  Napoléon ,  que  le  roi  de  Naplcs 
w  n'ajoutera  pas  à  ses  torts  envers 
»  votre  Majesté,  celui  de  faire  feu 
»  sur  les  troupes  impériales  (  i  ).  » 
En. même  temps  ,  la  reine  de  Naplcs, 
dans  sa  correspondance    avec    son 
frère ,  cherchait  à  ménager  un  rap- 
prochement. Buonaparte  ,  dans  une 
de  ses  réponses,  faites  au  moment 
où  il  obtenait  quelques  succès,  traita 
Murât  du  ton  d'un  maître  :  «  Votre 
■»  mari,  dit-il,   est  très-brave   sur 
»  le  champ  de  bataille;  mais  il  est 
»  plus  faible  qu'une  femme  ou  qu'un 
»  raoiue ,  quand  il  ne  voit  pas  l'eu- 
»  nemi.  Il   n'a  aucun   courage  mo- 
»  rai.   Il  a   eu  peur,  et  il   n'a  pas 
»  hasardé  de  perdre  en  un   instant 
»  ce  qu'il  ne  peut   tenir   que   par 
»  moi  et  avec  moi.  ..."  Daus  une 
autre  lettre  adressée  à  ]\Iurat  hù- 
.même.  Napoléon  le  menaçait  de  son 
mécontentement.  «  Je  suppose,  lui 
»  dit-il,  que  vous  n'êtes  pas  de  ceux 
»  qui  pensent  que  le  lion  est  mort  ; 
»  si  vous  faisiez  ce  calcul,  il  serait 
»  faux.  .  .  .   Vous  m'avez  fait  tout 
»  le  mal  que  vous   pouviez  depuis 
»  votre  départ  de  Wdna.  Le  litre  de 
»  roi  vous  a  tourné  la  tête  •  si  vous 
»  desirez  le   conserver  ,    conduisez- 
»  vous  bien  {'j.).  w  La  duplicité  de 


{i)  Lettre  d'Eugèue  Beaubarnais  ù  NiHpiilf'ou  ,  du 
18  février  i8i4- 

(ii  Docuuiculs  fournis  au  parlement  d'Anflelerre, 
par  lord  CastU'rea|b  ,  dans  la  séance  du  7  uiai  )8i5. 


MUR 


4ij 


Murât  n'ayant  pu  échapper  aux  gé- 
néraux alliés,  ils  s'aperçurent  aisé- 
ment qu'il  voulait  tenir  Ia  balauce, 
s'emparer  de  l'Italie  jusqu'au  V6,  et 
se  ranger  du  côté  du  plus  fort.  I^es 
ofTiciers  de  son  armée  disaient  hau- 
tement, que  l'Italie  dcA'ail  être  réu- 
nie sous  une  seule  domination ,  et 
que   Murât  en  serait  le  souverain. 
Les    carbonari ,  ou    révolutionnai- 
res italiens  ,  s'agitèrent  dès-lors  sous 
sa  protection  ,  accréditant  et  propa- 
geant les  mêmes  idées.  Ce  fut  dans 
ves  entrefaites  que  la    puissance   de 
Napoléon  s'écroula,   et   que  Louis 
XVIII  remonta  sur  le  trône  de  ses 
ancêtres.  A  la  suite  du  traité  de  Pa- 
ris,   toutes   les    armées    combinées 
commencèrent  leur  retraite  ;  celle  de 
Naples  rentra  dans  les  Marches  pon- 
tificales, sur  lesquelles  Murât  ne  dé- 
guisait pas  ses  prétentions.  Les  rap- 
ports de  toutes  les  puissances  allaient 
être  déterminés  au  congrès  de  Vienne. 
Toutes  les  branches  de  la  maison  de 
Bourbon  se  prononcèrent  contre  la 
reconnaissance  du  roi  Joachim.  De 
tous  ces  rois  créés  par  l'usurpateur 
du  trône  de  France  ,   Pslurat  était 
le  seul  qui  régnât  encore.  La  cou- 
ronne de  Naplcs  pouvait-elle  rester 
sur  la  tête  d'un  soldat ,  tandis  que  le 
congres  des  rois  de  l'Europe  faisait 
revivre  le  principe  de  Thér édité  et 
de  la  légitimité  ?  Déjà  le  roi  de  Sicile 
s'était  prononcé  contre  toute  espèce 
d'indemnité  pour  le  royaume  de  Na- 
ples. Dans  ces  circonstances,  le  sé- 
jour de  Napoléon  à  l'île  d'Elbe,  et 
les  espérances  que  ne  dissimulaient 
pas  ses  partisans  en  France  et  eu 
Italie,inspirèrentaMuraluneaveugle 
confiance  dans  ses  forces  ;  et  l'intérêt 
commun  fit  taire  l'inimitié  de  ces 
deux  soldats  parvenus.  Menacé  des 
mêmes  revers  que  son  lieau-frère , 
Joachim  jugea  que  l'union  seule  fe- 


4'j..'^ 


MITR 


ijil  leur  force ,  et  que  le  concert  était 
nécessaire  au  salut  de  tous  les  deux. 
D'ailleurs  Murât,  grossissant  chaque 
jour  son  armée  ,  de  déserteurs  et  de 
réfugiés  italiens,  formant  dos  plans 
vastes  pour  l'avenir,  et  combinant 
tous  les  éléraenls  d'une  révolution 
Kiililaire  et  politique  ,  avait  en  sa  fa- 
veur six  années  d'un  règne  auquel  ses 
goûts  faUiicux  et  sa  tournure  mili- 
taire avaient  donné  quelque  éclat:  il 
avait  encore  pour  lui  une  grande 
partie  de  l'ancienne  noblesse,  trop 
coupable  envers  ses  anciens  souve- 
rains pour  être  exempte  de  remords 
et  de  crainte;  et  il  venait  de  s'atta- 
cher la  secte  propagandiste  des  Car- 
bunari ,  ennemie  ,  par  essence,  d'une 
succession  d'onlre  et  de  stat;ilité. 
D.ms  le  temps  où  il  devait  redouter 
les  révolutions  ,  sa  police  avait  sévi 
contre  leurs  réunions;  mais  dès  qu'il 
lit  soumettre,  au  congrès  de  Vienne, 
la  question  de  sa  déchéance ,  il  eut 
recours  à  leur  appui ,  leur  accorda 
une  protection  spéciale  ,  et ,  non 
content  de  laisser  rétablir  leurs  as- 
semblées ,  se  déclara  publiquement 
leur  chef.  De  leur  côté ,  les  Carbo- 
nari  forlilièrent  d'autant  plus  son 
parti .  que  ,  selon  leur  vœu  ,  sa  poli- 
tique tendait  à  mettre  toute  l'Italie 
en  révolution.  Ses  préparatifs  ne 
pouvaient  guère  échapper  à  l'atten- 
tion du  congrès  de  Vienne.  Murât 
y  avait  ses  ambassadeurs  ,  ainsi 
que  la  cour  de  Pa'errae.  Il  sut  qu« 
la  France  et  le  reste  de  l'Europe 
insistaient  pour  qu'il  fût  détrôné  ; 
et  ce  fut  alors  qu'il  renoua  ,  plus 
que  jamais  ,  ses  relations  secrètes 
avec  Buonaparte  ,  relégué  à  l'Ile 
d'Elbe  ;  qu'il  prit  part  à  ses  com- 
plots, et  qu'il  se  chargea  de  sou- 
lever l'Italie,  et  d'en  expulser  les 
Autrichiens.  Déjà  tous  les  esprits 
étaient  agités  :  paiîout  les  partisans 


M  un 

rie  Muraf  et  de  Napoléon  clicrcliaicnt 
à  confondre  les  intérêts  de  ces  deux 
usurpateurs  avec  la  cause  de  la  li- 
berté; maislepremier  n'aurait  jamais 
eu  assez  d'énergie  pour  lever  seul 
l'étendard  de  la  guerre  ,  si  son  en- 
tre])ri5e  n'eût  pas  été  combinée  avec 
la  tentative  plus  audacieuse  de  son 
beau-frère.  Presse  d'agir,  il  couvrit 
ses  entreprises  par  des  prétextes  spé- 
cieux, et  mit  son  armée  au  grand 
complet ,  alléguant  la  nécessité  oii  il 
se  trouvait ,  de  résister  à  la  France , 
qu'il  accusait  de  projets  d'agression. 
Enfin,  il  demanda  ,  à  la  cour  de 
Vienne  ,  le  passage  ,  par  la  Haute- 
Italie,  d'une  armée  de  80  raille  hom- 
mes ,  qu'il  feignit  de  vouloir  faire 
marcher  contre  Louis  XYIII.  Cette 
étrange  proposition  fut  repoussée 
par  l'empereur  d'Autriche,  qui  adres- 
sa aux  cabinets  de  France  et  de  P^a- 
ples  ,  le  25  et  le  26  février  ,  des  dé-  V 
darationspar  lesquelles  il  annonçait 
la  ferme  résolution  de  ne  permettre, 
dans  aucune  circonstance ,  que  la 
tranquillité  de  la  Haute- Italie  fût 
compromise  par  le  passage  de  trou- 
pes étrangères.  Murât  ne  donna  point 
de  contre  -  déclarations  :  le  moment 
de  dévoiler  ses  véritables  desseins 
n'était  pas  arrivé.  Le  5  mars,  il  reçut 
la  nouvelle  de  l'évasion  de  Buonapar- 
te ;  et  il  lui  expédia  aussitôt  le  comte 
de  Baufremout ,  son  aide-decamp, 
pour  l'assurer  d'une  coopération  ef- 
ficace. Dès  qu'il  eut  connaissance  de 
son  entrée  à  Grenoble  et  à  Lyon  ,  il 
fit  déclarer  à  la  cour  de  Rome  «  qu'il 
i>  regardait  la  cause  de  Napoléon 
»  comme  la  sienne  ,  et  que  bientôt  il 
»  prouverait  qu'il  ne  lui  avait  ja- 
»  mais  été  étranger.  »  11  fit  en  même 
temps  la  demande  impérative  du 
passage,  à  travers  l'Etat  de  l'Eglise  , 
pour  deux  divisions  de  son  armée  , 
qu'il  mit  en  marche  maigre  le  refus. 


MUR 

<lii  souverain  pontife.  Le  \\  rnnrs  , 
liés  avoir  revcle  ses  projets  aux 
unis  lie  l'clnt ,  et  ainioiiee  à  l'at- 
H  0  napolitaine  ({u'ellc  allait  acconi- 
_  iir  (le  grandes  destinées ,  il  oiilon- 
iia  la  création  des  gardes  nationales, 
;  m  111  ma  sa  femme  régente  ,  et ,  vou- 
ait se  populariser  ,  diminua  les  im- 
;i()ls  d'un  tiers.  Il  quitta  Naplcs  le 
\C)  mars,  et  arriva,  le  19,  à  Anco- 
iic,  Instniit,  peu  de  jours  après,  que 
)}uonaparte  avait  fait  son  entrée  à 
Paris  ,  il  reprit  son  litre  de  Joachiin 
Napoléon,  qu'il  avait  rejeté  depuis 
l'abdication  de  Fontainebleau;  et, 
fout  en  se  disposant  à  ouvrir  la  cam- 
pagne contre  l'Autriche  ,  il  fit  assu- 
rer cette  puissance  ,  par  un  raftine- 
ment  de  duplicité  ,  de  sa  volonté'  im- 
jiuiableûe  ne  jamais  se  séparer  d'elle. 
Dès  le  3o  mars ,  sans  déclaration 
préalable  ,  il  commença  les  hostili- 
)cs  contre    les  posles   autrichiens  , 
dans  la  Légation  ,  et  publia  le  même 
jour,  à  Riniini ,  une  proclamation 
qui  appelait  les  peuples  de  l'Italie  à 
l'indépendance.  Son  armée  ,  forte  de 
40  mille  hommes  d'infanterie  et  de 
8  mille  chevaux  ,  marchait  en  cinq 
colonnes  vers  la  Haute-Italie  ,  se  di- 
rigeant à-la-fois  sur  Bologne  ,  Modè- 
ne  ,  Rcggio  ,  et  menaçant  toute  la  li- 
gne du   Pô ,  tandis  qu'une  division 
filait  en  Toscane,  par  les  Apennins. 
Attaquée  àl'improviste  ,  l'ariuée  au- 
trichienne se  replia  sur  Bologne  et 
ÎVtodène.  Murât  enleva  ses  positions 
devant  cette  dernière  ville,  et  y  lit 
son  entrée  à  la  tète  de  sa  cavalerie  , 
tandis  qu'une  de  ses  divisions  s'em- 
parait d.e  Florence.  Au  bruit  de  ces 
avantages  remportés  au  nom  de  la  li- 
berté de  l'Italie  ,   un  grand  enthou- 
siasme se  manifesta  pai  mi  les  Carho- 
narii\m  ,  rédigeant  parîoutdes  adres- 
ses ,  cherchaient  à  se  lier  eut reeux  et  à 
former  un  pacte  fédéral.  Les  mouar- 


ques  alliés  parurent  d'abord  ofTi  ayés 
de  cet  embrasement.  Le  3 1  mars  un  de 
leurs  pl('ni[)oteniiaires  fut  ihargé  de 
donner  à  Mural  l'assurance  de  sa  con- 
servation sur  le  trône,  s'il  s'unissait 
à  la  confédération  européenne  contre 
Napoléon. Ce  fut  à  Parme  que  le  cour- 
rier autrichien  joignit  Murât,   qui 
répéta   plusieurs  fois  en  lisant  ses 
dépêches  :  Il  est  trop  tard  ;  V  Halle 
veut  être  libre,  et  elle  le  jerrt.  Simu- 
lant aussitôt  une  fausse  attaque  sur 
Plaisance  et  sur  Crémone  ,  il  dirigea 
ses  principales  forces  sur  Ferrare. 
Ce  plan  était  liabileinenl  conçu  :  il 
consistait  à  se  rendre  maître  de  Fer- 
rare  et   du   Bas -Pô,  à   couper  les 
communicalions   de   l'armée  autri- 
chienne, et  à  provoquer  l'insurrec- 
tion des  peuples  de  la  Lombardie  et 
du  pays  Vénitien.  Mais  Joachira  n'a- 
git pas  avec  assez  de  promptitude  ; 
et  laissant  aux  Autrichiens  le  temps 
de  recevoir  leurs  renforts,  il  étendit 
trop  sa  ligne,  et  ne  put  réunir  autour 
de  Ferrare  une  masse  de  forces  suf- 
fisante. Kepoussé  dans  plusieurs  at- 
taques devant  la  tête  du  pont  d'Oc- 
chio-Bello,  et  assailli  lui-même  sur 
son  flanc  gauche,  il  se  vit  oblige, 
non-seulement  de  renoncer  à  ses  opé- 
rations olïènsives,  mais  d'abandonner 
Parme,  Modène,  Bologne  et  même 
Florence.  Cet  échec  eut  pour  lui  des 
conséquences    aussi    fâcheuses    que 
s'il  eût  succombé  dans  une  bataille 
générale  :  le  moral  du  soldat  en  fut 
ébranlé;  et  l'armée  n'eut  bientôt  plus 
ni   ressoit,  ni    consistance.   On  ne 
saurait  d'ailleurs  expliquer  que  par 
la  fausse  espérance  d'une  prompte 
diversion  tentée  par  Buonapartevers 
le  Piémont  et  la  Lombardie  ,  l'obsti- 
nation de  Mural  à   rester   cantonné 
dans  la  Romagne  après  l'échec d'Oc- 
chio-Bello.  I!  se  flattait  encore  de 
pouvoir  y  faire  face  à  l'armée  autri- 


4^8  ftîUR 

chienne  ,  et  publiait  des  bulletins 
mensongers;  il  appelait  les  Italiens 
au  secours  de  la  patrie  en  danger, 
et  convoquait  à  Rome,  pour  le  8 
mai,  les  députes  de  toutes  les  villes 
re'unies  en  assemblée  nalionale.  Mais 
tous  les  secours  de  Napoléon  se  ré- 
duisirent à  l'envoi  d'un  ministre  plé- 
nipotentiaire (  le  gênerai  B(;lliard), 
cJiargc  de  régenter  Murât ,  et  de 
lui  donner  des  leçons  de  taclirpie. 
î,e  l)aron  de  i'rimont.  commandant 
de  l'armée  autrichienne,  poussant 
ses  opéraîions  avec  vigueur,  Murât 
fut  à  la-fois  tenu  en  échec,  et  .cbordc 
jiar  de  fortes  divisions.  11  rassembla 
cependant  le  gros  de  ses  forces  à  Cé- 
scne,  avec  l'intention  de  livrer  ba- 
taille; mais  désespérant  enfin  d^élre 
secouru  par  Buonaparte,  il  solli- 
cita un  armistice.  Dans  sa  dépêche 
du  21  avril,  il  représentait  la  mar- 
che de  son  armée  sur  un  teiritoire 
étranger,  ses  assauts  contre  des  pla- 
ces -  fortes  et  des  tètes  -  de  -  pont ,  et 
même  sa  proclamation  de  Rimini, 
comme  des  actions  fortuites  et  Irès- 
simples,q!ii  n'avaient  pu  rompre  la 
bonne  haimonie  dans  laquelle  il 
voulait  vivre  avec  l'Autriche  et  l'An- 
gleterre. La  jcponse  du  baron  de 
Frimont  fut  un  refus  positif  d'in- 
terrompre ses  opérations.  Alors  Mn- 
jat  quitta  sa  position  sur  le  Savio , 
rt  il  continua  sa  retraite  sur  Ri  mini. 
Mais  déjà  les  Autrichiens  entraier.t 
à  Fùligno,  que  ses  troupes  étaient 
encore  à  Pesaro.  Là  les  INapolitains, 
inquiétés  dans  toutes  les  directions, 
cédèrent  le  terrain,  après  un  léger 
combat ,  et  précipitèrent  leur  re- 
traite. IMurat ,  toujours  décidé  à  li- 
vrer bataille  dans  une  position  favo- 
rable ,  en  était  empêché  par  les  mou- 
vements rapides  des  colonnes  au- 
trichiennes, qui  semblaient  vouloir 
lui  couper  toute  retraite  vers  sa  ca- 


.     MLR 

pilalc.  Enfin  ,  devant  Tolentino,  \cs 
deux  armées  se  mesurèrent ,  le  .t 
mai,  dans  une  espèce  de  bataille  gc- 
nér;de.  Murât  attaqua  en  personne  et 
à  plusieurs  reprises,  avec  l'élite  de 
ses  troupes,  les  positions  du  général 
Bianchi.  Il  fut  constamment  repousséj 
et  son  aile  droite  finit  par  lâcher  le 
pied,  et  abandonner  le  champ  de 
bataille.  Le  lendemain  sa  défaite  fut 
complétée  à  Macerata  :  la  ville  fut 
prise  d'assaut ,  et  saccagée  par  les 
deux  parfis.  Poursuivis  sans  relâche, 
les  Napolitains  fuyaient  par  des  che- 
mins impraticables  le  long  de  la  côte 
orientale;  de  nombreuxdétacheraents 
les  devançaient  dans  d'autres  direc- 
tions. Caisses  militaires  ,  bagages, 
artillerie,  tout  devint  la  proie  du 
vainqueur.  Murât  n'eut  aucun  repos: 
sans  cesse  harcelé  sur  ses  flancs  et 
attaqué  sur  ses  derrières,  il  vit  son 
armée  se  dissoudre  entièrement  à  son 
entrée  dans  la  PouUle;  et  suivi  de 
quelques  Français,  de  Lombards  et 
de  Corses,  il  marcha  le  long  des 
côtes  de  l'Abruzze.  On  n'apprit  à 
INaples  que  le  1 8  mai ,  toute  l'étendue 
de  ces  revers  :  l'arrivée  de  1 5  mille 
fuyards ,  et  d'un  grand  nombre  de 
blessés  ,  ne  laissa  bientôt  plus  aucun 
doute.  La  reine,  les  ministres,  les 
favoris ,  les  courtisans  ,  tous  furent 
plongés  dans  l'abattement  et  la  dou- 
leur. Le  lendemain  ,  à  la  chute  du 
jour.  Murât  entre  dans  la  ville,  à 
cheval  et  au  galop  ,  accompagné  seu- 
lement de  quatre  lanciers.  Il  se  pré- 
sente au  palais,  paie  et  défait,  de- 
vant sa  femme  :  «  Madame,  lui  dit- 
»  il,  je  n'ai  pu  mourir!  »  Le  len- 
demain il  se  dérobe  seul  à  cheval, 
vêtu  d'un  frac  gris  sans  aucune  déco- 
ration, arrive  sur  la  plage  ,  se  jette 
dans  nne  barque,  et  se  dirige  vers 
l'île  d'ischia.  Il  rencontre  en  mer 
une  autre  barque,  où  se  trouvaieul  les- 


MUR 

p;encraux  Millet  de  Villeneuve  et 
KoccaRoinana,  ainsi  que  d'autres 
oflicicrs  de  son  état-major;  et  tous 
firent  voile  vers  les  côtes  de  France. 
Le  25  mai,  à  dix  heures  du  soir, 
Murât  débarqua  sur  la  fameuse  plage 
de  Cannes,  avec  sa  suite,  composée 
de  trente  personnes.  Il  se  liàta  d'ex- 
pédier un  courrier  à  Paris  ,  où  sa 
4'ause  était  déjà  regardée  comme  per- 
due. La  nouvelle  de  sondétrôucmcut 
y  Ht  ime  sensation  d'aut.uit  plus  vive, 
que,  par  sa  nature  même,  l'évéue- 
ment  seralilait  préluder  à  la  catas- 
trophe du  vrai  moteur  de  tant  de 
guerres  et  de  révolutions.  Frappé 
d'un  si  funeste  présage,  et  craignant 
que  le  public  n'en  reçût  la  même  im- 
pression,Buonaparte  interdit  à  Murât 
racccsdeParis,  et  le  tint  éloigné  de  sa 
présence.  Le  mot  d'exil  entre  Siste- 
ron  et  Grenoble,  fut  même  prononcé. 
Accablé  d'tni  accueil  aussi  imprévu, 
«  qui  le  privait,  disait-il ,  de  l'hon- 
»  neur  de  combattre  pour  la  France 
»  en  danger,  «Murât  exhala  t,outson 
chagrin  dans  la  lettre  (  i  )  qu'il  écrivit 
au  ministre  de  la  police  Fouché. 
Ct  tle  lettre  est  un  document  d'autant 
j)lus  précieux,  qu'on  y  trouve  la 
preuve  qu'il  n'avait  agi  que  par 
J'impulsion  de  Buonaparte,  et  pour 
faire  une  diversion  utile  à  son  entre- 
prise :  «  Je  répondrai ,  dit-il ,  à  ceux 
»  qui  m'accusent  d'avoir  commencé 
»  les  hostililés  trop  tôt ,  qu'elles  le 
»  fi'ient  sur  la  demande  formelle  de 
«l'empereur,  et  que,  depuis  trois 
»  luois ,  il  n'a  cessé  de  me  rassurer 
»  sur  ses  sentiments,  en  acci'éditant 
»  dos  ministres  près  de  moi ,  en 
»  in'écrivant  qu'U  comptait  sur  moi 
»  et  c|u'il  ne  m'abaudonuerait  jamais. 
»  Ce  n'est  que  lorsqu'on  a  vu  que  je 
»  venais  de  perdre  avec  le  trône  les 


(i)  D.vtce  de  Plaisance,  le  njiiiiUft  iSil 


MUR  l^xç) 

»  moyens  de  continuer  la  puissante 
»  diversion  qui  durait  depuis  trois 
»  mois  ,  qu'on  veut  égarer  l'opinion 
»  publique,  en  insinuant  que  j'ai  ugi 
»  pour  mon  prcjpie  compte  cta  i'iusu 
«de  l'empereur  »  (i).  Murât  vivait 
incognilo  et  presque  ignoré,  à  Plai- 
sance ,  maison  de  campagne  près  de 
Toulon  ,  lorsqu'il  apprit  le  désastre 
de  Waterloo.  Ce  fut  pour  lui  un  coup 
de  foudre  ;  car  ,  malgré  la  dureté  et 
l'ingiatilude  de  son  beau-frère,  il  ne 
pouvait  avoir  d'espoir  que  dans  sa 
foriune.  Un  seul  mois  d'intervalle 
avait  séparé  sa  propre  chute  de  la 
seconde  chute  de  Buonaparte  ;  mais 
la  catastrophe  de  Joacliira  n'en  est 
pas  moins  une  des  pins  singulières 
dont  l'histoire  puisse  faire  mention. 
Tout-à-l'heure  maître  d'un  des  plus 
beaux  royaumes  de  l'Europe ,  il 
élait  précipite  du  troue  pour  avoir 
fait  la  paix  quand  il  aurait  dû  con- 
tinuer la  guerre ,  et  commencé  la 
guerre,  quand  il  aurait  dû  rester  en 
]ia:\.  Dans  l'espace  de  deux  mois  , 
il  avait  perdu  à-Ia-fois  son  armée  , 
sa  flotte,  une  partie  de  ses  trésors, 
sa  couronne, et  jusqu'à  ses  équipages 
de  campagne.  Réfugié  dans  la  domi- 
nation de  celui  pour  le^piel  il  venait 
de  perdre  le  trône ,  tenu  par  lui  en 
exil  et  dans  une  disgrâce  humiliante, 
il  se  trouva  tout-à-coup  dans  un  état 
bien  plus  misérable  encore  après  sa. 
chute,  ayant  tout  à  craindre  de 
lexaspérationdes  royalistes  du  midi. 
Ne  voyant  plus  de  sûreté  pour  sa 
personne,  il  envoie  un  de  ses  officiers 
à  l'amiral  anglais  Exmoulh  ,  pour 
lui  demander  à  passer  en  Angleterre 
sur  son  escadre.  L'amiral  cousent 
à  le  recevoir ,  mais  sans  lui  faire  au- 
cune promesse  sur  sa  destination  ul- 


(O  Vovix  [1.   :!?.S,   3?.ii  et  suivMilcsde  la  Uilj'.^»- 
ll  i  ijui-  liistorlqu'.; ,  luiuc  X. 


43o  MUR 

térleure.   Murât  ose  alors  d'autant 
moins  se  livrera  l'amiral,  qu'il  a 
l'exemple  re'cent  de  son  beaii-tVèrf  , 
prisonnier  sur  le  Belleiophviiy  dans 
ime  circonstance   à   peu  près  sem- 
blable. Apres  avoir  erre  dans  les  can- 
tons montueux  des  environs  de  Tou- 
lon, obligé  de  chanç;cr  souvent  de  gîte 
et  de  se  nourrir  d'un  pain  grossier  , 
il  n'échappa  à  tant  de  périls  qu'en  se 
jetant  furtivement,  le  ii  août ,  dans 
une  frêle  embarcation  avec  trois  de 
ses  aiîidés,  pour  gagner  l'île  de  Corse, 
où  l'appelaient  un  grand  nombre  de 
ses  partisans.  Mais  une  tempête  sur- 
vint en  liaate-mer  ;  et  vingt  fois  il 
faillit  être  submergé.  Rencontré  par 
la  Balancelle  qui  sert  de  messager 
entre  la  France  et  la  Corse  ,  il  y  est 
reçu  à  bord  ;  et  à  peine  a-t  il  quitté  le 
bateau  où  il  avait  tant  souifert ,  qu'il 
le  voit  s'engloutir.  Ce  fut  à  bord  de 
la  Balancelle ,  que  ,  rencontrant  des 
généraux  français  ,    comme  lui   fu- 
gitifs ,  il  forma  le  projet  insensé  de 
se  jeter  dans  le  royaume  de  ^'aples. 
Débarqué,  le  'x5  août,  àBastia  ,  sans 
avoir  été  d'abord  reconnu,  il  se  rend 
immédiatement  au  bourg  voisin  de 
Viscovato  ,  dans  la  maison  du  vieux 
Colonna  -  Cecaldi.  Là ,  il  est  salué 
•d'abord    par    le    général    Frances- 
chetti,  et  successivement  par  plus 
de  deux  cents  officiers  qui  avaient 
servi  sous  lui.  Les  vétérans  Corses 
accouraient    en    foule  ;    en   peu   de 
jours  ,  Viscovato  devint  la  résidence 
d'une   cour  et  le  quartier -général 
d'une    armée.   Toutefois   les  roya- 
listes   de    Bastia    préparant    contre 
lui   une    expédition  ,    il  se   dirigea 
"vers  Ajaccio  ,  qui  tenait  encore  pour 
INapoléon.  Le  peuple  vint  à  sa  ren- 
contre ;    et   les   soldats   qui    occu- 
paient la  citadelle  ,  firent  entendre 
les   cris  de  vive   le  roi  Joachiin  ! 
Ses  partisans  le  sollicitent  alors  de 


MUR 

se  faire  proclamer  roi   de  Corse: 
mais  ne  rêvant  que  son   rétablisse- 
ment  sur   le   trône  de   NapJes  ,  il 
dédaigne   la   souveraineté  précaire 
de  la  Corse,  fait  ouvertement   les 
préparatifs  d'une  expédition,  et,  en- 
traîné par   son  imagination  roma- 
nesque, il   se   livre  à  des  inconsé- 
quences, et  commet  une  foule  d'in- 
discrétions. La  cour  de  Naples ,  qui 
faisait  suivre  ses  traces,  avait  auprès 
de  lui  deux  émissaires,  qui  l'infor- 
maient exactement  de  sesdémarchcs. 
Marat  allait  mettre  à  la  voile,  lors- 
que son  aide  -  de  -  camp  Macirone 
qu'il  avait  envoyé  <i  Paris ,  vint  lui 
communiquer  officiellement  la   dé- 
cision de  l'Autriche,  en  vertu  de  la- 
quelle il  devait  renoncer  au  titre  de 
roi ,  et  se  contenter  de  celui  de  eomte 
de  Lipona  (  anagramme  de  Napoli  ) . 
que  sa  femme  venait  d'adopter  en  dé 
barquant  à  Triestc.  Il  était  autorisf 
à  résider  en  Bolième ,  en  Moravie  bi 
en  Autricbe,  à  condition  de  se  sou 
mettre  aux  lois  du  pays  ,  et  de  ne 
point  sortir  de  sa  résidence  sans  1« 
consentement  de  l'empereur.  «  Ains 
»  donc,  s'écria  Murât,  après  avoi 
»  lu  la  déclaration  du  prince  de  Met 
Mtcrnicb,    on   m'ofl're  une   prisoj 
»  pour  asile  !  De  la  prison  à  la  tomb 
»  il  n'y  a  qu'mi  pas  !  Vous  êtes  ar 
»  rivé  trop  tard ,  mon  cher  INfaci 
»  rone^  le  dé  en  est  jeté.  »  Rien  n 
put   le  détourner  de  sa  résolution 
Après    avoir  remis  à  sou   aide-de 
camp  une  première  réponse  dila 
toire,  il  lui  laissa   une  lettre  ,  où  : 
chercliait  à  justifier  son  entreprise 
et  le  même  jour,  28  septembre  ,  : 
mit  à  la  voile  avec  sept   bâtimeu 
de   transport  contenant  2  5o  bon 
mes  des  plus  braves  et  des  plus  rés< 
lus  de  l'île.   Il   avait  le  projet  cl 
débarquer  aux  environs  de  Salern» 
d'occupcî"    d'abord  cette  ville  ,  t 


MUR 

ïr'iiiiir  sous  ses  drapeaux  les  offl- 
ticrs  et  les  soldats  de  sou  ai  race  qui 
s'y  léorgaiiisait ,  de  continuer  eu- 
snite  sa  marche  sur  Avellino,  et  de 
^e  présenter  enfin  devant  Napics , 
dès  que  le  nombre  de  ses  troupes  et 
de  ses  partisans  aurait  pu  en  im- 
poser. Ce  }^rand  projet  lut  deîriiit 
par  le  souffle  de  l'aquilon  ,  qui  dis- 
per»a  sa  flolille.  Séparé  des  compa- 
j^nons  de  son  entreprise ,  Murât 
fut  jeté  ,  le  8  octobre ,  dans  le  golfe 
de  Sainte-Enpliémie  :  une  seule  de 
se«  barques  l'avait  rejoint.  Attendre 
les  antres,  ou  aller  à  leur  rencontre, 
lui  paraît  c'gaicment  dangereux.  Il 
débarque  sur  la  plage  de  Pizzo  ,  ac- 
compagné de  trente  hommes  seu- 
lement ;  mais  sss  tentatives  pour 
soulever  le  pays  aux  cris  de  vive  le 
roi  Joachim!  sont  inutiles.  Les  ha- 
bitants prennent  les  armes  ,  et  font 
feu  sur  sa  troupe.  iSes  deux  bâtiments 
gagnent  le  iaj-ge,  et  l'abandonnent. 
JVIurat  revient  sur  ses  pas  ,  et  conrt 
à  un  bateau-pêcheur  qui  était  sur  le 
sable ,  croyant  pouvoir  le  mettre 
à  flot  :  il  s'épuise  eu  vaius  efforts. 
Entouré ,  pris  ,  maltraite  par  le 
peuple ,  il  est  traîné  prisonnier  au 
château  de  Pizzo.  On  saisit  sur  lui 
et  sur  ses  adhérents,  des  proclama- 
tions qui  auraient  complété  la  res- 
semblance de  sou  entreprise  aA'ec 
l'expédiliou  non  moins  téméraire  de 
î^apoléou  ,  si  celle  -  ci  n'avait  eu 
un  succès  momentané!  Murât,  sin- 
geant son  beau -frère,  prétendait 
comme  lui  rentrer  dans  ce  qu'il  ap- 
pelait ses  états  ;  il  était  le  roi  lé;ji- 
time,  Ferdinand  un  usurpateur;  il 
allait  rendre  au  peuple  son  indépen- 
dance, à  l'armée  l'honneur  et  la 
gloire  dont  on  l'avait  dépouillée; 
les  puissances  de  l'Europe  étaient 
d'accord  avec  lui,  et  celles  qui  ne  fa- 
vorisaient pas  sou  entreprise  étaient 


MUR 


43 1 


du  moins  intéressées  à  ne  poiS  la  tra- 
verser. Quant  à  lui,  ayant  fail  assci 
pour  la  gloire,  il  renonçait  à  la 
guerre,  et  voidait  vivre  en  paix  avec 
le  reste  du  monde.  Tandis  que  les  mi- 
nistres de  Ferdinand,  instruits  de  la 
captiirede Murât, ordonnaient  sa  tra- 
duction devant  une  commission  mili- 
taire; lui,  tranquille  et  serein  (Lns  sa 
prison,  se  flattait,  la  veille  même  de 
sa  mort,  qu'un  arrangement  pouvait 
encore  se  conei.ue  entre  Ferdinand 
et  l'usiu-pateur  du  troue  :  «  Je  ne 
w  garderai  que  mon  royaume  de 
»  jNaplcs,  dil-il,  et  mon  cousin  cou- 
»  servera  la  seconde  Siciiel  »  Lors- 
qu'il connut  son  arrêt  de  mort,  sa 
fermeté  l'abandonna;  il  marchan- 
da sa  vie ,  et  versa  des  pleurs  ,  s'é- 
criant  :  «Je  suis  Joachim-Napoléon, 
î)  roi  des  Deux-Siciles  !  »  Les  se- 
cours de  la  religion  que  vint  lui 
offrir  le  chanoine  Masdea  ,  purent 
seuls  le  décider  à  se  résigner.  Le  i3 
octobre,  après  avoir  écrit  a  sa  femme, 
il  est  conduit  dans  une  salle  du  châ- 
teau de  Pizzo,  devaut  douze  soldats 
disposés  sur  deux  rangs.  Là,  il  ne 
veut  pas  qu'on  lui  bande  les  veux  , 
voit  charger  les  armes  ,  se  place 
comme  pour  mieux  recevoir  les 
coups ,  et  dit  aux  soldats  :  »  Sauvez 
»  le  visage,  visez  au.  cœur!  A  ces 
mots,  il  tombe  mort,  tenant  dans  ses 
mains  les  portraits  de  sa  femme  et 
de  ses  enfants.  Son  corps  fut  enterré 
sans  pompe  ,  dans  l'église  même  de 
Pizjo.  Ainsi  périt,  à  quarante-huit 
ans,  l'un  des  liommes  dont  la  des- 
tinée fut  la  plus  extraordinaire  de 
ces  temps.  Sorti  des  dernières  classes 
de  la  société,  parvenu  au  rang  su- 
prême, il  s'était  élevé  d'une  manière 
d'autant  plus  surprenante,  qu'on  re 
trouvait  en  lui  ni  les  grandes  quali-» 
tés  ni  les  grands  vices  qui  semblent 
conimaudcr  aux  évéucmcnts.  La  for^ 


l\  Yi. 


MUR 


tune  l'avait  tellement  aveugle  qu'il 
)ic  vit  pas    les  iiiévilahles  dangers 
dont  la  chiite  de  Biioiia  parle  et  le  re- 
tablisseineut  des  Bourbons  l'avaient 
environné,  et  qu'il  ne  sut  tirer  aucun 
parti  des  ressources  que  les  circons- 
tances lui  ollraient  encore.  On  a  cru 
assez  ge'neralement  qu'il  ne   s'était 
jeté  avec  tant  d'inconsideration  dans 
le  royaume  de  Naples,  qu'attire  par 
quelques-uns  de  ses  anciens  adhérents, 
que   les   ministres   du  roi    légitime 
avaient  gap;nés  pour  le  faire  tomber 
dans  un  piège.    Mais    cette   suppo- 
sition ,   qui   n'a  été  appuyée  d'au- 
cune preuve ,  souffre  peu  l'examen: 
les  ministres  de  Ferdinand  auraient- 
ils  pu  répondre  des  suites  d'une  en- 
treprise ,  très -hasardée  sans  doute  , 
n)ais  dont  toutes  les  chances  ne  pou- 
A'aient  être  soumises  aux  calculs  de 
la  prévoyance?  On  sail^  à  présent , 
que  l'idée  de  son   entreprise  vint  à 
Murât,  pendant  que  sa  position  lui 
suggérait  des  projets  désespérés.  Gâté 
par    son  étonnante  fortune;  avant 
bravé  impunément  des  périls  de  tous 
les  genres;  et  croyant,  d'ailleurs,  à 
la  fatalité  ,  il  courut  à  la  mort  sans 
craintcetsansprévoyance.  Si  le  })aàse- 
port  de  l'Autriche  lui  était  venu  au 
moment    où    l'adversité  l'accablait 
aux  environs  de  Toulon ,  il  aurait 
renvoyé  à  d'autres  temps  ses  projets 
sur  Naples:  mais  il  lui  parvint  en 
Corse,  au  moment  où  il  avait  rcjtris 
l'attitude  d'un  roi  et  les  habitudes  de 
la  prospérité.  îl  crut  voir  dans  l'ac- 
riieil  que  lui  firent  les  Corses,  le  pré- 
lude de  celui  qui  l'attendait  à  Naples; 
il  avait  des  hommes  et  une  tlotille 
]Hète,  et  il  ne  manquait  pas  de  résa- 
jution  :  il  voulut  tenter  la  fortune 
dans  un  pays  où  la  couroîmc  a  si 
souvent  appartenu  à  des  aventuriers. 
On  peut  consulter  :  Catastrophe  de 
Murât  {  par  l'auteur  de  cet  article"^ , 


MLR 

181 5,  in-S".  —  Fie  de  Joachim 
Murât,  et  Relation  des  événements 
qui  Vont  précipité  du  trône  de  Na- 
ples,  Paris,  18 1.5,  iu-8".  —  Faits 
intéressants  relatifs  à  la  chute  et 
à  la  mort  de  Joachim  Murât,  etc. , 
par  F.  Macirone,  traduit  de  l'an- 
glais, (iand  ,  1817  ,  in-8°.  —  His- 
toire des  six  derniers  mois  de  la 
vie  de  Joachim  Murât,  par  Colletta, 
traduite  en  français  par  L.  Gallois, 
1 8'Ji  I ,  in- 1  a,  —  Fie  et  aventures  de 
Joachim  Murât ,  par  M.  L.,  1816, 
1817,  in-i'^..  B — p. 

MLRATORI(Louis-ANTOiwE),run 
des  savants  les  plus  distingués  et  les 
plus  laborieux  dont  s'honore  l'Italie , 
naquit,  le  "il  octobre  1672,  àVigno- 
la  ,   dans  le  Modénèse.  Il  fit  ses  pr(f- 
micres  éludes  au  collège  de  Modène, 
où  il  se  signala  par  son  application  , 
et  par  la  rapidité  de  ses  progrès  dans 
les  langues  anciennes  et  dans  la  lit- 
téralure.  Il  fréquenta,  ensuite,  les 
cours  de  l'université ,   s'appliquant 
avec  la  même  ardeur  à  la  phdoso- 
phie  ,  à  la  jurisprudence  et  à  la  théo- 
logie. Le  P.  Bacchini ,  savant  biblio- 
thécaire du  duc  de  Modène  ,  lui  ins- 
pira le  goût  des  recherches  histori- 
ques ,  et  lui  apprit  à  lire  les  manus- 
crits. Enfin,  à  l'âge  de  vingt  ans, 
on  le  regai'dait  déjà  comme  un  pro- 
dige d'esprit  et  d'érudition.  Il  fut 
appelé,  en  1G941  à  Milan,  par  le 
comte  Ch.  Borromeo,  pour  remplir 
une  des  places  de  conservateur  de  la 
fameuse  bibliothèque  ambrosienne. 
Avant  de  quitter  Modène  ,  il  voulut 
recevoir  le  doctorat  iji  utroquejure. 
Les  thèses  qnil  soutint  à  cette  occa- 
sion, furent  universellement  applau- 
dies.   Arrivé  à  Milan,    Muratori  , 
après  avoir  pris  les  ordres  sacrés, 
ne  tarda  pas  de  justifier  les  espéran- 
ces que  SCS  talent*  avaient  données  ; 
il  fit  un  chois  parmi  les  nombreux 


MLR 

iiKiimscrits  dont  la  garde  lui  était 
.iiidec,  et  les  ])uljlia  avec  des  di«- 
M  rtatioiis  propres  à  répandre  un 
nouve.iu  jour  sur  dillereiils  points 
d'aiiliijiiifes.  Sa  repulation  fit  bieu- 
tùt  rei^rcttcr ,  au  iluc  de  Modène,  d'a- 
voir laisse'  éloigner  un  liomiuc  (pii 
s'annonçait  avec  tant  d'éclat.  Pour 
l'engager  à  revenir  ,  il  lui  offrit  la 
charge  de  conservateur  des  archives 
jîubliques  ,  et  celle  de  son  biblioilic'- 
paire  ,  vacaulc  par  la  retraite  du  P. 
Bacchini  {  F.  Bacchim  ,  III ,  i03). 
.Muratori  revint  à  Modène  en  i  ■joo  , 
.€t  ne  sortit  plus  de  cette  ville  que 
^our  visiter  les  dëpùts  publics  des 
principales  villes  d'Italie.  Apost. 
Zéno  lui  fit  offrir ,  en  1784,  la 
chaire  de  belles-lettres  de  l'universi- 
të  de  Padoue;maisMuratoris'excusa 
•d'accepter  une  place  qui  l'aurait  de'- 
lourné  de  ses  études  favorites.  La  pu- 
blication d'une  l'ouïe  de  morceaux 
précieux  sur  l'histoire  de  l'Italie 
au  moyen  âge ,  et  de  savantes  dis- 
sertations ,  ajoutait,  chaque  année  , 
.à  sa  renommée  toujours  croissanle; 
cet  infatigable  écrivain  trouvait  en- 
core le  loisir  de  cultiver  la  litté- 
xature  agréable,  et  même  de  pren- 
dre part  aux  discussions  théologi- 
ques qui  occupaient  alors  les  es- 
prits. Tous  les  journaux,  tous  les 
recueils  littéraires  ,  s'enrichissaient 
de  quelques-uues  de  ses  productions, 
dirigées  constamment  vers  un  but 
d'utilité.  La  complaisance  avec  la- 
quelle il  communiquait  le  résultat  de 
ses  recherches  l'avait  mis  en  relation 
avec  les  savants  les  plus  illustres  de 
l'Italie  ,  de  la  France  et  de  l'Allema- 
gne ,  qui  recouraient  à  ses  lumiè- 
res, certains  d'obtenir  les  éclaircis- 
sements qu'ils  avaientdemandes.  Les 
sociétés  littéraires  s'empressaient  à 
l'envi  de  lui  adresser  des  diplômes 
d'associé  j  et  une  foule  d'homnie*  re- 

XXX. 


MUR  433 

commandables  dans  tous  les  genres 
lui  faisaient  hommage  de  leurs  écrits, 
le  priant  d'en  accejitcr  la  dédicace. 
Miiis  au  milieu  des  distinctions  flat- 
teuses dont  il  était  l'objet ,  il  eut 
aussi  parfois  à  essuyer  des  criti- 
ques injurieuses,  et  à  repousser  d'in- 
justes accusations.  Le  bruit  courut 
que  le  pape  Benoît  XIV  avait  dé- 
couvert ,  dans  les  ouvrages  de  Mu- 
ratori, des  propositions  contraires 
aux  vérités  de  la  religion,  et  qu'il 
les  avait  signalées  dans  un  bref  à  l'in- 
quisiteur d'Espagne.  Sûr  de  son  in- 
nocence ,  le  savant  bibliothécaire 
n'hésitd  pas  à  écrire  au  pape  une 
lettre,  pleine  de  respect  et  de  sou- 
mission ,  dans  laquelle  il  lui  exposait 
SCS  inquiétudes  ;  et  le  souverain  pon- 
tife s'empressa  de  le  rassurer,  en 
lui  expliquant  la  cause  du  bruit  qui 
s'était  répandu.  Il  lui  déclare  qu'il 
n'a  vu  de  répréhcnsible  dans  ses 
ouvrages  ,  que  certains  endroits  qui 
concernent  la  juiidiction  tempo- 
relle j  mais  qu'il  n'a  jamais  eu  l'in- 
tention de  les  faire  censurer,  per- 
suadé qu'on  ne  doit  point  chagriner 
un  homme  d'honneur  sous  le  prétex' 
te  qu'il  erre  sur  des  matières  qui 
n'appartiennent  ni  au  dogme,  m  à 
la  discipline.  La  santé  de  Muratori, 
affaiblie  par  un  travail  excessif,  de- 
mandait les  plus  grands  ménage- 
ments :  par  le  conseil  de  médecins ,  il 
interrompit  ses  occupations  pour  al- 
ler respirer  l'air  de  la  campagne.  A 
son  retour,  il  se  hâta  déterminer 
quelques  écrits,  qu'il  se  proposait 
de  publier;  mais  les  accidents  qui 
avaient  fait  craindre  pour  sa  vie , 
reparurent  bientôt,  et,  après  avoir 
langui  quelques  mois ,  il  mourut  le 
23  janvier  1750,  à  l'âge  de  soixan- 
te-dix-sept ans.  Il  fut  inhumé  avec 
beaucoup /le  pompe,  dans  l'église 
Sainte-Marie  de  Pompcsa^  d'où,  lors 

23 


4V+  MUR 

de  la  reconstruction  de  cette  basili- 
(fiie ,  ses  restes  furent  transportes  , 
en  1774  ,  dans  celle  de  Saint- Angns- 
tin,  Miiratori  n'avait  jamais  possè- 
de' d'autre  bénéfice  que  la  prévôté  de 
Sainte-Marie;  et  l'on  assure  même 
qu'il  ne  l'avait  ni  recherché,  ni  de- 
mandé. Ou  a  de  lui  soixante-quatre 
ouvrages,  dont  ou  trouvera  la  liste 
dérail Ic'c  dans  la  Bibl.  Modenese  Ag 
ïiral)oschi,   ni,3iG-46.  Les  prin- 
cipaux sont  :  I.  Anecdota  ex  Am- 
brosianœ  biblioth.   codicihus    nwc 
priinnmeruta,  notis  el  dissertatio- 
nibus  illuslrala^  Milan,    1697-98; 
Padoue,  17  '  3,  4  toni.  en  2  vol.  iu- 
4".  Le  premier  tome  oulicnl  quatre 
poèmes  atfiiliués  à  saint  Paulin  sur 
la  fête  de  saint  Félix  de  Noie,  avec 
vingt-trois  dissertations  dans  lesquel- 
les le  savant  auteur  a  rassemblé  les  re- 
cherches les  plus  curieuses  sur  ces 
deux  saints  et  leurs  familles,  et  sur 
différents    usages    de    la    primitive 
Église  (  F.  S.  Paulin  )  :  le  second , 
plusieurs  opuscules  relatifsà  l'hérésie 
des  Manichéens,  et  des  dissertations, 
dont  la  dernière  et  la  plus  ample, 
qui   traite    de    la  couronne   de  fer 
gardée  à  Pavie,  a  été  réimprimée  sé- 
parément à  Leipzig  :  le  troisième, 
le  livre  de  Terlullien  De  oratiojie, 
d'après  un  meilleur  manuscrit  que 
celui  dont  Rigault  avait  fait  usage, 
et  divers  petits  écrits  d'auteurs  ec- 
clésiastiques du  moyen  âge  :  et  enfin 
le  quatrième,  plusieurs  sermons  de 
S.  Maxime ,  évêque  de  Turiii  ;  un  cu- 
rieux antiphonaire  du  monastère  de 
Bangor  en  Irlande;  quelques  autres 
opuscules  ecclésiastiques ,  et  les  vies 
des  patriarches  d'Aquilée  jusqu'au 
quinzième  siècle.  Quelques  assertions 
de  Muratori,  dans  ses  notes  et  ses 
dissertations,  ont  été  reconnues  fau- 
tives; mais  son  travail  n'eu  était  pas 
moins  utile  et  digne  de  l'accuoil  qu'il 


MUR 

reçut.  IL  Fita  e  rime  di  Maggi, 
Milan,  1700  (/^.  Ch.  Mar.  Maggi, 
XXVI  ,  125  ).  Une  lettre  de  Muratori 
publiée  par  Crcvenna  {Calai,  vi , 
228),  nous  apprend  qu'il  désavoua 
cette  éJition   faite  à   son  insu  ,  et 
qu'il  tenta  en  vain  de  la  supprimer. 
III.  Délia  perfetla  poesia  italia?ia, 
Modène,    170G,  2  vol.   in-4".;  ré- 
imprimé avec  des  notes  de  l'abbc 
Salvini,    Venise,    1724,  et    174^) 
même  format;  celte  dernière  édition 
est  la  plus  recherchée.  Cet  ouvrage, 
dans  lequel  Muratori  ne  craignit  j)aî 
de  signaler  les  défauts  des  ccrivainf 
les  plus  admirés  des  Italiens,  ne  pou- 
vait manquer  de  lui  attirer  beaucouj 
de  critiques;  mais  il  laissa  au  temjij 
à  eu  faire  justice,  et  n'eu  persisli 
pas  moins  dans  ses  sentiments  {F". 
Pétrarque).  IV.  Anecdota  grceco 
ex  mss.  codicihus  eruta  ,  lulinè  do- 
nata,  Jiotis  el  disqidsitionihus  aucta 
Padoue,    1709,   in-4".    Ce    recuei 
contient  des   épigrammes  de  sain 
Grégoire   de  Nazianze;   des  lettre: 
de  Firraus ,  évê({ue  de  Cesarée  ;  qua 
tre  lettres  de  l'empereur  Julien,  c 
une  ,  attribuée  faussement  au  pap 
Jules  pf".  Outre  les  notes  quiserven 
àéclaircir  ces  différentes  pièces,  l'an 
teur  y  a  joint  quatre  dissertations  su 
les  agapes  et  les  causes  de  leur  sup 
pression  ;  sur  les  sépulcres  des  an 
ciens  chrétiens ,  et  enfin  sur  la  leltr 
supj)oséc  de  Jules  i^"".  V.  De  inge 

nioruin   moderatione  in  relisioni 

o 

negotio^  Pans,  1714,  "1-4".;  souveri 
réimprimé.  L'édition  la  plus  récent 
estcelle  de  Venise,  1 768 ,  iu-80.  Mu 
ratori  publia  cet  ouvrage  sous  I 
nom  de  Lamindus  pritanius,  mar 
que  dont  il  s'était  déjà  servi  préce 
demment.  II  y  expose  les  règles  d 
critique  qui  lui  semblent  les  plus  cci 
taines  pour  juger  des  choses  (}ui  af 
partienuent  à  la  religion;  et  il  rc 


MUR 

pond  à  la  critinuc  qiip  Jcati  Vhere- 
ponus{J.  Lccicrc)  avait  faite  de  la 
dernière  édition  des  Olùnres  de 
saint  Augiislin.  VI.  Velle  anlichità 
eslensi  ed  ilaliane ,  Modcne,  1717- 
4o,  'X  vol.  iii-fol.  Cet  ouvrajje  est  un 
modèle  en  son  genre.  VU.  Reruui 
Italica-  uni  scriptores  prcecipiii  ab 
anno  5oo  ad  i5oo,  quorum putissi- 
ma  pars  nunc  prodiit,  etc.,  Aîilan, 
I7i3-Ji,  28  ou  29  vol.  iii-tol.  On 
joint  à  cette  précieuse  collection  nu 
nouveau  reciuil  puliliësous  le  luème 
titre  par  Jos.  Mar.  Tartiui,  Florence, 
174^-70,  2  vol.  iii-fol,,  et  les  yJc- 
cessiones  du  P.  Mitlarelli,  qui  cou- 
tieuneut   les   historiens   de    Faenza 

{F".   MlTTARF.LLl).  Cc  fut  CH     I72O, 

que  Muratori  conçut  l'idée  de  cette 
collection  ,    dont  l'exécution  ,  qui 
suppose  des  recherches  et  une  pa- 
tience infatigables,   est  telle   qu'on 
devait  l'attendre  d'un  savant  aussi 
distingue'.  Il  communiqua  son  projet 
à  Argellati,  et  iiii  fit  part  en  même 
temps  de  l'embarras  où  il  se  trouvait, 
ne  connaissant  pas  eu  Italie  un  seul 
imprimeur  en  e'tat  de    se   charger 
d'une  pareille  entreprise.  Argellati 
parvint  à  intéresser  à  ce  projet  quel- 
ques nobles  Milanais,  qui  seréunirent 
sous  le  titre  de  Société  palatine  {\), 
et  obtint  xl'eux  les  fonds  nécessaires 
pour  rétablissement  d'une  imprime- 
rie magnifique,  de  laquelle  est  sortie 
cette  importante  collection.  {F.  Ar- 
gellati ,  II,    4o8.  )    VIII.   Délie 
f,rze  delV  intendimento   umano  , 
Venise,  1735,  et  17^5,  iu-8''.  C'est 
une  réfutation  du  traité  de  Hiiet  De 
la  faiblesse  de  l'esprit  humain  [f, 
HuLT  et  d'ÛLiVET  ).  IX.  De  Para- 
diso  reg/ùqne  cœlestis  glorid  liber, 


(i)  La  suiiélé  piit  ce  nom  parce  qu'elle  teiiaif  ses 
assemblées. nu  coll'-ge  coddu  anterii  ureuieut  sous  le 
Boui   d'jEdes  PaLitinœ. 


MUR 


4.1' 


Vérone,    1708,  in  4".  Cet  ouvr.  ge 
est  une  réponse  à  l'ouvrage  de  Bur- 
net.  De  statu  mortuorutn.  X.  y^n- 
tiquitales  italicœ  mcdii  œvi  ;  sive 
Dissertationcs  de  moriùus  italicipc- 
puli  ab  inclivatione  Romani  im péril 
u  que  ad  ann.  1 5oo  ,  Miiâu ,  1 7 38- 
43  ,  G  vol.  in  fol.;  Are/./.o  ,  i  777-80, 
17  vol.  in- 4".  C'est  un  recueil  des 
chartes,  dijdomes,  lettres  ,  throni- 
qiies ,   que  Muratori  avait  extraites 
des  bibliothèques  et  des  archives  des 
principales  villes  de  l'Italie.  Malgré 
les  erreurs  qu'y  ont  relevées  plusieurs 
savants,  cet  ouvrage  est  un  de  ceux 
qui  font  le  plus  d'honneur  à  la  pa- 
tience et  à  l'érudition  de  Muratoii  : 
il  en  donna  un  abrégé  en  italien  pour 
servir  de  suite  aux  ylwuili  d'Italia 
(  /^^.  ri-dessous  n°.  xiv  ),  que  J.  Fr. 
Soli  Muratori,  son  neveu  ,  a  publié. 
Milan,  170 1,3  vol.  in-4".;  réimprimé 
plusieurs  fois.  XI.  Novus  thésaurus 
veterum  inscriptionum  inprœcipuis 
earumdem  coUectionihus  hactenùs 
prœtermissarum  ,  ]\Ii!an ,  1 739  4^  , 
6  vol.  iu-fol.  C'.est  le  recueil  le  plus 
ample  qu'on  possède  en  ce  genre  j 
mais  il  s'est  glissé ,  dans  la  copie  de 
quantité  d'inscriptions  ,  des  erreurs 
qui  ont  été  relevées  par  La  Bastie , 
Leich  ,  Cannegieter  ,  Hegembuch , 
Christ.  Sassi ,  etc.  Sébast.  Donati  a 
publié  un  supplément  à  ce  Recueil , 
Lucqucs,  1775  ,  2  vol.  in-fol.  XII. 
De  superstitione  vitandd  adi^ersùs 
votum  sanguinaiium  pro  immacu- 
latd  DeiparJ'   conceptionc ,    IMilaii 
(Venise  ),    1740  et  i74'-^)  in-4°.  Il 
publia    cet   ouviage   suus   le    noni 
dC -4nt.  Lampridius ,   suivant  Tira- 
boschi.  ou  (V^7it.  Campana^  sai- 
vaut  M.  Barbier   (  Dict.  des  ano- 
njmes  ,  n°.    11,178)  :   il  y  com- 
bat .  avec  autant  de  force  que  de  rai- 
son ,  le  vœu  de  défendre  jusqu'à  la 
mort  l'immaculée  conccplion  de  la 


430 


MUR 


Vicrjjc  ,  opiuioii  rcspcctalilc  sans 
tlotite,  mais  qui  ri'csl  point  un  dogme 
de  la  loi.  Xlîl.  //  Cristianesimo 
felice  nelle  inissioni  del  Pai  aguai , 
Venise,  «743,  in^".  ,  et  augmente 
d'une  seconde  partie  ,  1 749)  même 
i'orniat  (  K  Catta.m  ,  vu  ,  4'9)j 
la  première  ])arlie  a  ete  traduite  li- 
brement en  trançais  sous  ce  titre  : 
Relation  des  missions  nu  Paraguay , 
Paris  ,  1 7  ")4  ,  i»-  >  '-i  (  i  )•  ^' V.  An- 
nali  d'Ilalia  dali'  era  volgure  sino 
aW  c.nno  174O  -  Milan  (  Venise  ) , 
ï  744-49»  1'-^  ■^'0^-  iii-4''-  Cet  ouvra- 
ge, réimprime  plusieurs  fois  ,  a  e'tc' 
traduit  en  allemand  avec  des  notes  , 
par  Baudis  ,  Leipzig  ,  i745-5o  ,  9 
vol.  in-4'*.  :  l'édition  de  Luccpies  , 
i76'i-7o,  i4  vol.  in-4''.,  est  augmen- 
tée d'un  vol.  qui  renferme  la  conti- 
nuation jusqu'en  17GA  ,  et  d'un  vol, 
de  tables.  Celles  de  AFonaco  ,  1761  , 
deNaples,  1773,  de  Rome,  1786, 
contiennent  des  Vrcjaccs  critiques 
de  Jos.  Calalaui  ;  enfin  ,  l'abbc  Jos. 
Oggeri  a  publié  nue  Continuation 
de  cet  ouvrage,  de  17.50  à  178G, 
Home,  1790,  5  vol.  in-B".  On  a 
reproché  aux  Annali  d'Italia,  un 
style  trop  familier,  et  trop  peu  de 
soin  dans  les  discussions  clironologi- 
qnes.  XV.  Liturgia  roniana  velus 
tria  sacramentarict  complectens  , 
Venise,  174^?  '^  tomes  in-fol.  :  le 
fonds  de  cet  ouvrage  appai  tient  au 
savant  P.  Bacchini créditeur  l'a  fait 
précéder  d'une  curieuse  dissertation 
surrancicnnelittirgie  i-omaine,  com- 
parée à  celles  des  églises  d'Orient  et 
d'Occident.  XVl.Vellapnblica  féli- 
cita oggetto  de'  buoniprincipi ,  Luc- 
qoes,  1749;  trad.  en  français  par  le  P. 


Ci)  La  Fian.:e  liNériiiie,  Se  1-769  (  l,  Svï  1,  »(- 
faibue  <  ttte  trajuttioa  au  p.  lie  LuurKul  (  Fçlix- 
^ "l"'*  ,  •  i«"'le,  't  •'  IVï-nui-s,  lo  a  (.vrll  i'-aO. 
I.'^xvio'ihii-o  de  \a  Relation  qui  «!sl  k  la  bÙjljiJtLiiJ.ie 

jlii  nie  ,  ji.rtr  ,  sur  If  t  lie  ,  uii«  nptt  uiiiotiscijlo  ,  qui 

J'iiUlibut  iiii  P.  Loi!i!.tit,  j'^ju-tc. 


MUR 

de  Livoy.XVTI.  Les  Hes  du  P.  Paul 
Segneri  ,  de  Sigonius  ,  de  J.- J.  Orsi , 
deTassoni,etc.  XVllI.  Des  Disser- 
tations dans  les  Opuscoli  de  Calo- 
gcrà  ,  dans  les  Recueils  de  la  société 
Columbaire,  de  l'académie  étrusque 
de  Gorlona  ,  dans  les  Sjmbol.  litte- 
rar.  de  Gori ,  etc.  XIX.  Des  Lettres  , 
Venise  ,  1783,  '2  vol.  Ce  recueil  est 
précédé  d'une  f^ie  de  Muiatori  par 
André  Lazzari ,  recteur  et  professeur 
d'éloquence  au  séminaire  de  Pesaro. 
Les  OEuvres  de  Muratori  ont  été 
publiées,  Arezzo  ,  17G7-80  ,  36  vol. 
in- 4''.  5  et  Venise,  1790-1810,  48 
vol.  in-8'^.  Peu  de  savants  ont  été 
l'objet  de  plus  d'éloges  :  les  journaux 
littéiaires  de  l'Italie  et  del' Allemagne 
renferment  des  Notices  sur  sa  vie  et 
ses  ouvrages  ;  l'abbé  Goujet  a  puMio; 
une  Pie  de  Muratori,  avec  des  addi- 
tions, dans  le  tome  vides  Mémoires 
ded'Arligny;  J.  Fabricius,  Brucker, 
et''!,  lui  ont  consacré  des  articles  dé*- 
tailles  :  enfin  le  neveu  de  Muratori  a 
publié enitalien  la  Fieàe  cet  homme 
célèbre,  Venise  ,  17.56,  in-4®-;  clie 
est  très  -  recherchée.  On  trouvera 
des  détails  sur  ses  autres  biograplies 
darisla  Eihl.  Modenese,  à  laquelle  ou 
renvoie  les  curieux  avec  confiance. 
W— s. 
■MURBERG  (  Jean  ) ,  littérateur 
et  poète  suédois  ,  mort  au  commen- 
cement du  dix  -  neuvième  siècle  , 
était  recteur  d'un  des  col'éges  de 
Stockholm,  et   devint   membre  de 

•  l'académie  suédoise  ,  peu  api  es  la. 
fondation  de  cette  société  par  Gus- 
tave IIL  On  a  de  lui  plusieurs  dis- 
cours académiques;  mais  il  est  sur- 
tout connu  en  Suède  par  sa  traduc- 
tion , en  vers  suédois,  de  VAlhalie,  de 
Ra.ciue,  Cette  U'*idui-.tiou,  trcs-iîdèle  , 
est  en  même  temps  de  la  plus  grande 

élégance ,  et  rend  les  beautés  de  l'ori- 
ginal aussi  bien  qu'il  est  possible  de 


MUR 

les  icproduire  dans  une  langue  elran- 
gÀirc  dont  le  gcnie  est  enticicment 
aiftcrent  de  celui  de  Racine.  G-  au. 
MURDOG,  roi  d'Ecosse,  (ils 
d'Ambcrkcllelli ,  succéda  ,  en  7  1 5  ,  à 
Eugène  IV.  Le  règne  de  ce  prince  fut 
si  tranquille  ,  que  Bèdc  l'iiistorien 
s'c'crie  dans  sa  surprise  :  «  Quels  se- 
»  ront  les  fruits  de  ceci?  la  postérité 
»  le  saura  ,  car  on  a  presque  enlic- 
»  rement  mis  de  côte'  tontes  les  idées 
»  chevaleresques  ,  et  oublie  l'usage 
»  des  armes,  w  Murdoc  répara  les 
églises,  bâtit  des  monastères,  et  mou- 
rut en  730.  Elfin  lui  succéda.  E — s. 
MURE  (Jj- an-Marie  de    la), 
chanoine    de  Montbrison    au    dix- 
septième  siècle.  ,    appartenait  très- 
pfobablement  à  la  famille  de  son 
noiu  ,  connue  dans  le  Forez  (  aujour- 
d'hui département  de  la  Loire  ) ,  dès 
le  Ireizième  siècle.  Il  n'est  cependant 
pas  nommé  parPcrnetli,  dans  ses 
Lyonnais  dignes  de  mémoire.  On 
a  de  La  Mure  :  I.   Antiquilés  du 
prieuré  des  religieuses  de  Beaulieu  , 
ordre  de  Fontevrauld  (diocèse  de 
Lyon),  1654,  in- 12.  II.   Histoire 
ecclésiasti(jue  du  diocèse  de  Lyon , 
traitée  par  la  suite  chronologique 
des  Fies  des  archevêques ,  Lyon  , 
167 1  ,  in-4°.  III.  Histoire  univer- 
selle civile  et  ecclésiastique  du paj  s 
de  Forez  ,  Lyon  ,   i()74  ,  in- 4°. 
A.  B— T. 
MURE  (François  Bour.c.uiGNOM 
DE  BussiÈre  de  ea),  professeur  et 
doyen  de  la  faculté  de  médecine  de 
Montpellier,  naquit  au  Fort-Saiut- 
Pierre  de  la  Martinique  ,  le  1 1  juin 
1 7 1 7 ,  et  mourut  à  Montpellier  le  1 8 
mars  1787.  Il  descendait  d'une  an- 
cienne famille  de  France;  et  ses  ancê- 
tres avaient  été  du  nombre  des  pre- 
miers habitants  qui  fondèrent  la  co- 
lonie de  la  ?.Iartiniq;ie  datis  le  xv!!*^. 
siècle.  Son  père,  l'un  d^es  proprié- 


MUR  437 

laires  de  cette  île,  était  chevalier  de 
Saint-Louis,  et  commandant  des  mi- 
lices du  quartier  du    Macoidm.  ],r. 
jeune  La  Mure  fut  envoyé  dans  la 
luèrc-patric,  vers  l'âge  de  six  ans  , 
pour  y  recevoir  nne  éducation  conve- 
nable; il  fut  d'abord  placé  au  collège 
de  Nantes,  puis  à  celui  de  la  Flèche. 
Après  y  avoir  achevé  sa  philoso- 
phie, il  fut   rappelé  par  son  père 
à  la  Martinique,  où  il  apporta   le 
plus   vif  désir  d'étudier   la  méde- 
ciue;  mais  son  père,  qui  avait  sur 
lui  d'autres  vues  ,  s'opposa  à  sou 
dessein  de  repasser  en  France  pour 
prendre  ses  degrés.  La  3Iure ,  âcé 
de    19  ans,  et    désespérant  de    le 
fléchir,    s'embarqua    secrètement, 
«e  rendit  à  Marseille  ,   et  de  -  là  à 
Montpellier,  où  il  se  livra  sans  re 
lâche  à  l'étude  de  la  médecine.  Il  y 
obtint  le  doctorat  en  1740?  après 
avoir  fait  preuve,  dans  ses  examens, 
de  connaissances  étendues  ,  et  d'une 
brillante  élocution.  Abandonné  de  sa 
famille ,  il  conçut  le  projet  de  se  fixer 
à  Montpellier,  et  de  se  procurer, 
dans  la  carrière  de  renseignement , 
les  moyens  de  subsistance  que  lui  re- 
fusait la  rigueur  d'un  père.  Les  cours 
qu'il  fit  sur  l'anatomie,  la  physiolo- 
gie ,  et  en  général  sur  tous  les  sujets 
d'institution  de  médecine ,  attirèrent 
la  foule  des  élèves.  La  Mure  possédait 
à  un  très-haut  degré,  le  talent  d'ensei- 
gner :  on  admirait,  dans  ses  leçons, 
l'abondance  ,  le  choix,  l'heureux  en- 
chaînement des  idées ,  la  clarté  avec 
laquelle  il  les  exposait,  et  l'élégance 
soutenue  de  ses  expressions.  Il  pre- 
nait souvent  pour  sujet  les    diver- 
ses propositions  de  Boerhaave ,  alors 
très  eu  crédit  dans  les  écoles.  Il  com- 
mentait ces  propositions  ;  et  tout  en 
admirant  le  génie  de  ce  grand  hom- 
me ,  il  combattait  victorieusement 
ses  théories  mécaniques.  En  174^7 


4^8 


I\1UR 


une  chaire  de  professeur  rn  ruede- 
ciuc  vint  à  vaquer  dans  la  faculté' 
de  IVIontpellier  :  La  Mure  se  mit  sur 
les  rangs  peur  la  disputer  aux  six 
autres  candidats.  L'opinion  publique 
lui  donnait  la  préférence  sur  tousj 
il  justifia  cette  opinion,  par  la  supé- 
riorité qu'il  montra  dans  le  cours  de 
la  dispute.  Ce  fut  surtout,  dans  les 
prélecons  auxquelles  les  candidats 
étaient  obligés  ,  qu'il  fit  briller  l'é- 
tendue de  ses  connaissances  et  ses 
talents  oratoires.  Dans  une  de  ces 

f)rc'leçons ,  il  avança  et  soutint  que 
a  fièvre  n'est  pas  bien  caractéri- 
sée par  la  fréquence  du  pouls  ,  et 
que  son  vrai  caractère  est  indiqué 
par  le  rapport  de  la  force  du  cœur 
avec  la  force  constante  des  muscles 
soumis  H  la  volonté.  Cette  assertion 
ayant  été  combattue  par  M.  Sérane, 
l'un  des  concvirients,  LaMiirr-la  jus- 
tifia dans  un  écrit  imprimé.  Jl  s'ap- 
puya judicicusemeiit  sur ce  que , dans 
les  lièvres  dites  malignes ,  le  pouls 
est  souvent  très-semblable  au  j>ouls 
naturel ,  bien  que  ce  pouls  insidieux 
soit  trop  fort  relativement  à  l'étal  de 
faiblesse  du  malade.  Après  être  sorti 
viotoi  ieux  de  ces  prélecons,  l.a  Mure 
ne  brilla  pas  moins  dans  ses  tri'dua- 
nes.  Celaient  douze  thèses  dojit  les 
sujets  étaient  assigiîés  par  les  juges 
du  concours  ,  et  qui  devaient  être 
composées  ,  imprimées  dans  l'espace 
de  douze  jours  ,  et  soutenues  dans  le 
cours  de  trois  autres.  Ces  sortes  de 
cora])csitions  sont  rarement  remar- 
quables, n'étant  que  des  espèccsd'im- 
provisations  :  celles  de  La  Mure  ont 
eu  un  sort  plus  heureux  ;  elles  sont 
restées' dans  la  littérature  médicale, 
comme  autant  de  chefs-d'œuvre. 
Quoique  les  sujets  qu'il  avait  eu  à 
traiter  ,  parussent  choisis  exprès, 
pour  leur  difficulté,  par  la  malveil- 
lance de  ses  juges  ,  on  dirait  que  les 


MUR 

thèses  dont  il  est  question  sont  le 
fruit  de  longues  nieditJitions  ,  et 
qu'elles  ont  été  écrites  dans  le  plus 
grand  loisir.  Malgré  ces  éclatants 
succès,  La  Mure  n'obtint  point  les 
suffrages  de  la  faculté  :  il  lui  était 
devenu  suspect  par  sou  opposition 
aux  systèmes  qui  avaient  long  temps 
dominé  dans  l'école.  Révolté  de  cette 
injustice,  il  se  rendit  à  Paris,  et 
recourut  à  la  justice  du  troue.  Le 
chancelier  D'.Aguesseau  examina  lui- 
même  les  dilîérentes  thèses  du  con- 
cours :  celles  de  La  Mure  réuni- 
rent tous  les  suffrages  ;  et  le  roi  le 
nomma  candidat  perpétuel  à  la  pre- 
mière chaire  qui  lui  serait  convena- 
ble, parmi  les  places  qui  viendraient 
à  vaquer  dans  la  faculté  de  iMontpel- 
lier.  Ce  fut  trois  ans  après,  en  i  701, 
qu'il  y  entra  en  qualité  de  professeur. 
Il  sut,  par  la  douceur  comme  par  Té- 
lévation  de  sou  caractère,  et  par  l'as- 
cendant de  ses  talents  ,  se  conciliei* 
les  suffrages  et  l'amitié  d'une  com- 
pagnie qui  av«it  Aonlu  le  repousser 
de  son  sein.  Dès  lors,  il  associa  aux 
travaux  de  l'enseignement,  des  re- 
cherches et  des  expériences  phvsio- 
logiques  du  plus  haut  intéièt.  Il 
devint  membre  de  l'académie  royale 
des  sciences  de  î\Ionlpeilier  ;  et  ce 
fut  à  cette  compagnie  qu'il  lut 
différents  Mémoires  sur  ces  objets. 
Le  premier  est  relatif  à  l'écoule- 
ment de  la  salive.  Il  y  démon- 
tre ,  contre  l'opinion  généralement 
reçue  alors  ,  que  ce  n'est  point 
par  la  pression  des  glaiides  saliva i- 
res  que  cet  écoulement  devient  plus 
abondant,  lorsqu'on  parle,  ou  pen- 
dantla  mastication.  D'autres  mémoi- 
res sont  consacrés  à  l'csplication  de- 
là cause  des  mouvements  du  cerveau 
dans  l'homme  et  dans  les  animaux. 
11  établit  que  le  mouvement  d'éléva- 
tion du  cerveau  nui  a  lieu  dans  les 


MUR 

chiens  vivants,  pendant  l'expiration, 
doit  être  altiibiic  à  la  pression  du 
sang  coniprinie  dans  la  vciiic-cavc, 
qui  reflue  vers  le  ccrvc.iii  ,  et  lève  ce 
viscère  ,  en  gonflant  les  sinus  qui  se 
trouvent  à  la  base  du  crâne;  el  que 
l'abaissement  du  cerveau  ,  au  con- 
traire, rc'sullc  de  la  dilatation  qu'é- 
prouve la  veine-cave  ,  pendant  l'ins- 
piraliou.  L'auteur  tire  de  cette  doc- 
trine, des  conséquences  intéressantes 
sur  la  théorie  de  la  saignée.  Cette 
découverte  a  donné,  par  la  suile, 
de  très  -  grandes  lumières  sur  la 
circulation  du  sang  en  général  ,  et 
sur  la  progression  du  ch\le.  Tou- 
tes 'es  expériences  de  La  Mure  ,  fu- 
rent consignées  dans  un  Mémoire  , 
ex  profe.sso ^  qui  fut  lu  à  l'acadé- 
mie de  Moiiipcliier  dès  le  mois  de 
mai  i-p-i  ,  et  adressé  à  l'académie 
des  sciences  de  Paris.  I^a  compagnie 
attacha  im  si  grand  prisa  ce  travail, 
qu'elle  le  {it  impiimer,  par  antici- 
pation^ dans  le  volume  de  ses  Mé- 
moii  PS  pour  1 7  49*  C'était  le  l 'i  auùt 
1  "y  Vi  ,  que  l'académie  de  Paris  avait 
lu  le  Mémoire.  Toutes  ces  dates  sont 
remarquables,  à  raison  de  l'accusa- 
tion de  plagiat,  que  forma  contre 
La  Mure,  l'illustre  Haller:  celui-ci 
avait  fait  part  dans  une  lettre  au  célè- 
bre Sauvages,  de  ses  nouvelles  idées- 
sur  l'irritabilité  et  la  sensibilité,  et 
prétendait  que  la  leltre  avait  été 
commnniq'iée  à  La  Mure ,  qui  en 
avait  fait  son  profit  pour  le  travail 
dont  il  vient  d'èirc  parlé.  La  Mure 
se  justifia  complètemen!  ;  il  prouva, 
en  comparani  les  dates  de  la  lecture 
de  son  mémoire,  et  de  la  lettre deHal- 
1er.  qu'ils  avaient  fait  leurs  découver- 
tes en  DièiiiC  temps.  La  Mure  se  livra 
ensuite  a  des  recherches  sur  la  pulsa- 
tion des  artères.  Il  s'attacha  à  dé- 
montrer que  ce  mouvement  résulte 
d'une  secousse  ou  d'une  vibi'ation 


MUR  43q 

qu'elles  e'prouvnit ,  et  non  de  leur 
dilatation.  11  rédigea,  à  ce  sujet,  un 
IMémuire  qui  fut  imprimé  dans  le 
recueil  de  l'académie  des  sciences 
de  P.iris,  pour  i-jô'j.  Ce  Mémoire, 
celui  qui  traite  des  mouvements  du 
ceivcau ,  des  pièces  relatives  à  la 
dispute  avec  Ilalhr ,  aiiisi  qu'une 
dissertation  sur  la  couleur  du  sang  , 
ont  été,  |)ar  la  suite,  réunis  en  un 
volume.  La  Mure,  qui ,  par  une  sor- 
te de  défiance  de  lui-même,  s'était 
interdit  la  pratique  de  la  médecine, 
peiidantles  premières  années  oùil  s'a- 
donnait à  rcnseignemeni ,  essaya  ce- 
pendant de  faire  l'application  de  ses 
vastes  connaissances  théoriques  à  la 
guérison  des  malades.  Ses  premiers 
essais  furent  couronnés  du  jtlus  grand 
succès;  et  bientôt  il  mérita  d'être 
compté  parmi  les  plus  habiles  pra- 
ticiens de  son  siècle.  Les  étrangers 
accouraient  de  toutes  parts,  pour  re- 
cevoir ses  conseils  ;  et  quci(pi 'il  fût 
fort  désiutéressé,  et  qu'il  visitât  gra- 
tuitement un  grand  nombre  de  pau- 
vres ,  sa  clientelle  lui  rapportait 
40,000  fr.  par  an,  somme  considé- 
rable pour  l'époque  et  la  ville  où  il 
exerçait.  Comme  il  n'avait  point 
"i'eiifants,  et  qu'il  avait  été  repoussé 
par  sa  famille ,  il  dépensait  tout  son 
revenu  dans  l'intérieur  de  sa  mai- 
son, ou  à  des  actes  de  générosité.  La 
Mure  joignait  aux  talents  les  plus 
rares  du  pi'ofesseur  ceux  qui  cons- 
tituent le  grand  praticien  :  ces 
avantages,  depuis  plusieurs  siècles, 
ne  s'étaient  pas  rencontrés ,  chez 
le  même  professeur,  à  IMontpeîlier. 
Il  cessa  de  bonne  heure  d'écrire  ; 
tons  ses  moments  étaient  absorbés 
par  sa  pratique,  et  par  ses  de- 
voirs de  professeur  ,  qu'il  remplit 
jusqu'aux  derniers  instants  de  sa  vie. 
Tous  ses  ouvrages,  dont  nous  avons 
indiqué  les  plus  importants ,  ont  été 


44o  IVIUR 

réunis  en  deux  volumes  in-12.  Voy. 
son  Eloge,  par  Vicq-d'Azyr,  et  par 
Deratte,  dans  ceux  des  acadéraiciens 
de  Montpellier;  ou  en  a  un  troisiè- 
me en  latin ,  par  le  professeur  Brun, 
lu  à  la  faculté  de  médecine  de  la  mê- 
me ville.  F — R. 

MURER  f Henri), de Lucerne,  mou- 
rut ])rocui  c'.ir  de  !a  Chartreuse  d'It- 
tingcu  en  Tur^ovie,  en  i638,  dans 
sa  ciii'fiiaiitièrae  année.  C'était  un 
homme  savant  et  laborieux ,  qui  se  fit 
connaître  par  son  ouvrage:  Helvetia 
sancta,  seu  Faradisu^  sanclorum 
Ilelvetiœjlorum  ,  imprimé  après  sa 
mort,  en  1648  ,  à  Lucerne,  in -fol. 
(jfUe  première  édition  ,  ornée  de  4o 
planclies,  d'après  les  dessins  de  Jean 
Aspei',  est  reclierchée.  Un  ouvrage 
bien  plus  considérable ,  le  Thea- 
triim  Ilelvelioriim  seu  Monumen-^ 
ta  sacra  Hcl\'ef.iœ  episcopatuiim  et 
motiasterioriim,  l'occupa  une  grande 
partie  de  sa  vie.  On  le  conserve  eu 
manuscrit  dans  les  abbayes  et  cou- 
vents de  la  Suisse ,  dont  il  renferme 
l'histoire.  U — i. 

BÎURET  (MARC-A^TOI^E  )  cé- 
lèbre humaniste ,  naquit  au  bourg  de 
ce  nom  ,  près  de  Limoges,  en  iSaG. 
Il  appartenait  à  une  famille  honora- 
ble: ses  panégyristes  ont  même  vou- 
lu lui  conférer  des  titres  de  noblesse, 
sans  autre  fondement  que  la  confor- 
raitédeson  nom  avec  celuidu  lieu  qui 
l'avait,  vu  naître.  Ses  professeurs  lui 
inspirant  un  dégoût  invincible,  il 
devint  son  propre  maître,  et  fut,  au 
sortir  de  l'adolescence,  eu  état  d'en 
servir  aux  autres. Il  n'avait  guère  que 
dix-lîuit  ans ,  lorsqu'encouiagé  par 
la  bienveillance  de  Jules  Scaliger, 
qu'il  se  plaisait  à  nommer  sou  père  , 
il  expliqua  Cicéron  et  Térence  dans 
la  maison  de  l'arrbevêqne  d'Auch. 
Il  se  rendit  ensuite  à  Villeneuve- 
d'Agen ,  pour  se  charger  de  l'édu- 


MUR 

cation  du  fih  d'un  riche  marchand  , 
et  enseigner  en  même  temps  les  clas- 
siques latins  au  collège  de  cette  ville. 
Son  séjour  ne  se  prolongeait  nulle 
part.  Poitiers  le  retint  peu  de  mois 
dans  les  modestes  foutions  de  répé- 
titeur de  quelques  jeunes  gens  :  enfin 
une  chaire  lui  fut  offerte  à  Bordeaux, 

avant  i547  î  ^^  ''  '^"^  '""  ^^^  P*"^" 
cepteurs  de  Montaigne  (  r.  ce  nom), 
A  cette  dernière  époque  il  professait 
la  troisième  à  Paris ,  ou  il  parut  se 
fixer  ;  et  il  donna  ATrs  i552,  sur  la 
philosophie  et  sur  les  généralités  du" 
droit  ci  vil,  des  leçons  qui  attirèrent  un 
concours  prodigieux  d'auditeurs.  Au 
milieu  de  ses  succès ,  on  l'accusa  de 
penchants  anti -physiques  :  enferme" 
dans  les  prisons  du  Châtelet,  il  avait' 
pris  le  parti  désespéré  de  se  laisser 
mourir  de  faim,  lorsque  les  démar- 
ches de  ses  amis  le  rendirent  à  U 
liberté.  Une  retraite  inhospitalièro 
l'attendait  à  Toulouse.  A  peine  y 
avait-il  ouvert  des  conférences  sur 
les  éléments  du  droit  romain ,  qu'il 
fut  poursuivi  par  le  reproche  de 
n'avoir  point  renoncé  à  un  vice  in- 
fâme. On  dénonça  comme  son  com- 
plice un  jeune  Dijonnais ,  son  élève, 
nommé  Luc-Menge  Fremiol  (1);  et 
tous  deux  furent  condamnés  à  èhe 
brûlés  comme  sodomisles  et  liéré- 
tiques,  est-il  dit  dans  l'arrêt  inscrit 


(i)  Ce  jeune  bomiue  appaïUwait  d  une  famillr  par  • 
ipinciitairt: ,  féconde  en  Iir>utmes  ilisIinRués.  If  y  a 
drux  ;)icts5  dr  lui  dans  lei  JuveniUa  de  Mjjrft ,  et 
Ton  en  trouve  trois  aulr-s  d»ns  Gruter ,  et  dans  ie 
densième  volume  dis  Drlicin; poëtamm  gaUoniin. 
IHur«-t,  en  lui  dediaut,  en  j5.i4iSa  Iraduttion  du 
-<:.  livre  des  Topiques  d'Arisîote,  lui  parle  de  son 
îitfertion  et  de  leur  commune  disgrâce  atec  uïi  ahnp- 
<]oii  qui  serait  le  roinble  de  l'iiopudenre  ,  si  It  s  briiil  s 
rlcves  contre  lui  étaient  (ondes.  Ces  bruit»  sont  dt- 
m(  utis  par  sa  conduite  posli  rieurc.  D'ailliMir»,  qnanJ 
ou  conriait  le  j;cuie  âpre,  orguiilleui,  exclu»'*  et 
Irès-iriitablr  de  la  plupart  des  lettrés  de  celte  e|>oqoe 
(jue  le  commerce  des  grands  n'avait  pas  lauuanisi'.  , 
<m  se  persuade  aisément  que  Muiet  l'ut  pTCii  de  rf\-- 
ler  devant  les  manœuvres  de  ses  cnueiois.  for.  dans 
le»  Amèuili.^  littéraires  de  Lejser,  pag- ll^  •  ^^''i''' 
Apolo^  a  pro  Mtrcto  criuiinis  sofiomia  pos  lulato. 


MUR 

sur  les  rcr:;istrcs  des  oapitouls  de 
i554.  Cette  complication  de  délits 
porte  à  croire  que  Muret  fut  victime 
de  la  grossière  crédulité'  de  ses  juges 
et  des  uienees  de  quelques  envieux 
ardents  à  le  perdre.  Prévenu  à  temps 
de  la  trame  ourdie  contre  lui ,  il 
chercha  un  asile  en  Italie,  et  tomba 
malade  en  chemin  :  le  médecin  ap- 

Selc  pour  le  traiter,  trouvant  le  cas 
ifVicile,  voulut  entrer  en  consulta- 
tion avec  im  confrère.  Ils  délibérè- 
rent en  latin  en  présence  du  patient, 
qu'à  son  extérieur  de  fugitif  ils  pre- 
naient'pour  un  misérable,  incapable 
de  les  entendre,  et  convinrent  de 
hasarder  sur  lui  un  remède  violent 
et  inusité.  Ces  mots  prononcés  par 
eux  :  Faciamus  periculuin  in  aniind 
vili  (i),  retentirent  dans  la  tête  de 
Muret;  et  lelendemain  il  recouvra  ses 
forces  pour  échapper  à  l'épreuve 
meurtrière.  Les  flétrissantes  impu- 
tations qui  avaient  plané  sur  lui  en 
France  se  renouvelèrent  pendant  son 
séjour  à  Venise  et  à  Padoue;  mais 
elles  tombèrent  devant  les  témoigna- 
ges d'estime  qu'il  reçut  des  hommes 
cminents  dans  la  littérature.  Loré- 
dano,  Contarino,  Bembo,  les  Ma- 
nuces,  s'empressèrent  de  le  recher- 
cher. Le  cardinal  Hippolyte  d'Esté, 
auquel  il  avait  été  recommandé  par 
le  cardinal  de  Tournon,  le  pressa 
de  venir  grossir  à  Rome  sa  petite 
cour  littéraire.  Muret  avait  alors  34 
.ans.  La  plupart  des  membres  du 
sacré  collège,  et  le  pape  Pie  V,  le  ven- 
gèrent, par  leur  accueil ,  d'une  ca- 
lomnie expirante.  Deuxanciens  amis 
de  Muret,  Lambin,  et  Joseph  Sca- 
iiger,  avaient  contribué  à  la  répan- 


MUR  44» 

dre ,  en  la  répétant  eux-mêmes.  Le 
premier  s'était  pris  d'humeur  contre 
Muret ,  qu'il  accusait  de  lui  avoir  vo- 
léquelqucs  notes  sur  Horace;  mais  il 
tarda  peu  à  rétracter  les  suggestions 
d'une  aveugle  animosité.  Une  plai- 
santerie avait  aigri  le  dernier  sans 
retour  :    Muret   ayant    imaginé    de 
donner,  comme  fragments  de  deux 
anciens    comiques  latins ,    quelques 
vers    de    sa  composition  ,   Scaliger 
avait  été  assez  dupe  pour  insérer  ces 
vers    dans    une   édition   de  Varron 
sons  le  nom  des  auteurs  supposés, 
Attius  etTrabéas:  cette  méprise  jeta 
sur  l'hyper-critique  un  ridicule  qu'il 
ne  put  jamais  digérer.  En  i56i  (i). 
Muret  accompagna  son  protecteur 
Hippolyte  d'Kste,  nommé  légat   à 
latere  en  France.  H  y  réveilla  s.i 
viei'le  amitié  pour  Tnrnèbe,  auquel 
il  dédia  ses  srholies  sur  les  Philip- 
pifjites  de  Cicéron.  De  retour  à  Rome, 
en  i563,  il  prit  pour  texte  de  ses 
leçons  publiques  la  Morale  d'Aris- 
tote,  sur  laquelle  il  épuisa  les  déve- 
loppements  jusqu'en    1567.   Après 
avoir  reçu  le  bonnet  de  docteur  à  As- 
coli,  il  professa,  pendant  quatre  ans , 
le  droit  civil ,  et  mena  de  front  l'en- 
seignement des  belles-lettres.  Muret 
porta  dans  cette  première  étude  ce 
qu'elle  pouvait    emprunter    d'agré- 
ments de  la  seconde  :  à  l'aridité  d'ex  - 
position  en  nsage  dans  les  écoles  de 
jurisprudence,  il  substitua  un  style 
toujours  clair,  élégant  et  harmonieux. 
Le  goût  d'une  vie  réjrlc'e  le  condni- 
sit  à  entrer,  en  iSnô  ,  dans  l'état  ec- 
clésiastique. Deux  ans  après  ,  Etienne 
Battori,   roi    de    Pologne,   voulant 
l'attirer  auprès  de  sa  personne,  lui 


(i^  Des  compi'ateurs  mod^nies  ont  brodé  celte 
anecdote  de  divt rses  maiiièrts  ,  en  Irti^Kiiit  repoudj  e 
TÎTeiuent  par  le  malade  :  Anima  non  est  viit^  fjro 
q^td  moriuiis  fift  Chnstn^  ^  etc.  Nous  avons  cru  t)c- 
Toir  suivre  le  récit  cuDiigué  dansla  Pi osogrsj)Uie  d« 
Puviruier,  auteur couleujj'oraiu. 


(  I  '1  Nous  avons  prtftré  celte  ilate  .'i  Cflla  de  iSGi  « 
parce  qu'en  i5!ii  se  litit  le  collucjiie  de  Poissi,.  aiiqtief 
asï'St;i  le  c:.ruiiiul  d'Esté.  Quant  nux  difterrolrs  rfsi- 
dences  de  Maret,  sur  l'ej>ui|u«  disquelles  re>laiint 
beaucoup  de  difficultés,  lous  avons  suivi  en  ^ruerai 
Tant'  tit«  du  président  De  Thi.u. 


443  MUR 

ofTrit lin  trailemeut  annuel  de  l'joo 
cens  d'or,  et  un  bénéfice  qui  en  rap- 
]H)rlait  5oo.  Grégoire  IX  se  piqua 
d'obtenir  la  préférence  sur  le  prince 
étranger;  et,  pour  retenir  Muret,  il 
doubla  les  Soo  écus  d'or  auxquels 
montaient  ses  honoraires.  Murel  s'a- 
bandonna, sur  la  fin  de  sa  carrière, 
à  toute  la  ferveur  des  sentiments  re- 
ligieux ;  ils  s'accordaient  avec  la  dis- 
position à  être  ému ,  qui  le  dominait, 
«lit-on,  à  un  tel  degré,  qiic  plusieurs 
fois,  en  célébrant  la  messe,  il  se  sur- 
prit attendri  jusqu'aux  larmes.  Il 
mourut  à  Rome,  le  4  )"i'ï  i585, 
laissant  aux  Minimes  de  la  Trinité  du 
Mont ,  mille  écus  romains  pour  son 
anniversaire  perpétuel  ;  et  au  P.  Fr. 
Eenci,  jésuite,  son  disciple  et  son  ami, 
et  qui  prononça  son  oraison  funèbre, 
tous  ses  livres  et  ses  ouvrages  nîanns- 
crits,  que  i'on  voyait  encore,  à  !a  iin 
da  xYin*^.  siècle,  dans  la  bibliothèque 
du  Collège  romain.  La  première  édi- 
tion de  ses  OEuvres,  donnée  à  Vé- 
rone, 17-27-30  ,  5  vol.  in-8°.,  et  dé- 
taillée par  Nicerou,  est  incomplète 
et  d'une  exécution  vicieuse  de  tout 
point.  Kuhnkenius  en  a  publié  une 
infiniment  meilleure,  Leyde,  1789, 
4  vol.  iu-8^.  Il  V  a  réuni  les  préfa- 
ces composées  par  Thomasius  et 
Checcotius,  pour  leurs  éditions  par- 
ticulières des  Harangues ,  des  Lettres 
■•  et  des  Poésies  de  Muret.  Son  pre- 
mier volume  renferme  qiarante-six 
de  ces  Harangues ,  les  Lettres  aug- 
mentées ,  les  Jw.'eniUa  et  poèniata 
varia  de  Muret.  Le  second  contient 
les  P^arLe  Icctiones ,  des  Commeu- 
1  aires  sur  Catulle  et  les  Gatiliuaircs  ; 
un  livre  Obseivationum  juris,  et 
de  simples  Scholies  surTéreuce,Ti- 
bulle  ,  Properce,  Horace,  et  sur  les 
Philippiqucs  de  Cicéron.  Le  troisiè- 
me se  compqse  de  Commentaires  sur 
la  Mora'.e  et  les  Economiques  d'A- 


MUR 

ristofe,  d'une  Traduction  du  septiè- 
me livre  des  Topiques,  et  de  deux 
livresde  la  Rhétorique  de  ce  jdiiloso- 
phc;  d'un  Commentaire  sur  les  deux 
livres  de  la  République  de  Platon  ; 
de  Notes  sur  Xénophon  ,  de  Scholies 
sur  Sénèque,  sur  la  première  Tuscu- 
lane,  les  OOiccs,  les  cinq  livres  de 
Finibus ,VOiii\son  Fro  Dcjotaroàe 
Cicéron.  Dans  le  quatrième  entrent 
un  Commentaire  sur  cinq  livres  des 
Aimales  de  Tacite  et  sur  Salluste;  des 
Discussions  sur  les  titres  du  premier 
livre  du  Digeste  De  ori^i^ine  juris.  De 
legibus  et  senatusamsultis ^  etc.; 
des  Notes  sur  les  Institutes;  enfin  un 
Coni menîaire français  sur lcs^:/;noi/r5 
de  Ronsard.  Ruhukcnius  a  négligé 
de  recueillir  (  et  il  n'y  a  pas  matière 
à  regrets  )  les  dix  -  neuf  Chansons 
spirituelles  de  Muret,  détestables 
vers  français  ,  mis  en  musique  à  qua- 
tre parties,  par  Cl.  Goudimel,  Pa- 
ris, i5.j5,  iii-i'i.  Les  productions 
oratoires  de  iMuret ,  vides  dépensées, 
ne  sont  rem  irquables  que  par  une 
élocution  qui  paraît  avoir  beaucoup 
d'affinité  avec  le  style  de  Cicéron,  si 
servilement  adopté  pour  modèle  par 
les  humanistes  de  celte  époque.  Elles 
consistent  en  Discours  de  congratu- 
lation, adressés  au  pape,  au  nom  de 
diilérents  souverains ,  par  Muretj 
en  Discours  d  introduction  à  ses  le- 
çons pubUquts  ,  et  en  Oraisons  funè- 
bres, entre  lesq  ;e!!es  on  dislingue 
celle  du  i-oi  de  France,  Charles  IX. 
L'orateur  ,  comme  op  devait  l'atten- 
dre de  sa  position  ,  fait  un  niaeniû- 
quc éloge  de  la  Saint-Birthé'emi» L'é- 
crivain qui  prostituait  ainsi  «-a  voix, 
ne  méritait  pas  de  s'élever  à  des  ins- 
pirations éloquentes.  Rien  ne  prouve 
mieux  comlùen  il  en  était  iucii])able, 
que  la  harangue  qu'il  prononça  pour 
célébrer  la  victoire  de  Lépanle.  L'i- 
luagiualion  abandonne  peut-être  en- 


core  pins  Muret  dans  ses  poésies  lali- 
Ues.Saiispaii'  rdesaliM^^cdicdeyMZ  -s 
César,  crocinis  iufoniii  dosa  jeunes- 
se, rit  II  n'est  [ilu.s  t'roid  que  ses  Odes, 
ses  Hymnes,  ses  Kiej^ies.  Ou  cherche 
en  vain,  dans  sesvSalires  et  ses  Ep:- 
j;rauime.s,  la  pointe  qu'exige  ce  genre. 
Les  1  ravaux  d'érudiliun de  Minet  ont 
conservé  plus  d'estime.  Ses  Fariœ 
It'ctiones,  recueil ,  en  cinq  livres ,  de 
corrections  et  d'exj)liiatious  sur  un 
j;rand  noicbre  de  passages  des  au- 
teurs anciens  ,  ont  beaucoup  contri- 
bué à  les  éidaircir,  ainsi  que  ses 
Commeulaires.  Ce  recueil  est  dédié 
au  cardinal,  son  Mcocne,  qu'il  pré- 
sente avec  complaisance  comme  le 
généreux  émule  de  François  I'^^'. ,  ce 
restaurateur  des  lettres,  qui,  s'il  eût 
vécu  plus  tard,  n'eût  pas  cédé  i\Iuret 
à  riulie.  Le  savant  fluet  mettait  les 
veisions  latines  d'auteurs  grecs ,  par 
Muret,  fort  au-dessus  de  celles  de 
Lambin  :  il  les  trouvait  piusélégantes, 
et  à-la-l'oispliisexac;cs  et  plus  coni  or- 
mes au  génie  del'uriginal.N  uns  passe- 
rions volontiers  sous  siJence  ube  tra- 
duction eu  vers  français  des  poésies 
de  Muret,  par  un  sieur  Moret  (  Pa- 
ris, 1682,  in- Il  ).  Mais  nous  ne  de- 
vons pas  oublier  les  Comeils  d'un 
père  à  son  fils,  imités  des  distiques 
de  Muret,  par  M.  François  delNcuf- 
chàleau,  Parme,  Bodoni ,  1801,  in- 
8",  (  r.  l'Eloge  de  IMuret  ,  par 
l'abbé  de  Vitrac,  Limoges  ,  ^"j']^  -, 
in8'\)  F— T. 

MURET  (P.)  (0,  littérateur, 
né  ,  vers  i  G3o ,  à  Cannes  ,  bom'g  du 
diocèse  de  Grasse,  entra  jeune  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire.  Son 
talent  pour  la  chaire  l'ayaiit  fait  con- 
naître d'une  manière  avantageuse, 
il  vint  à  Paris,  et  y  soutint  sa  répu- 


(1)  C'est  par 
ilvimoiit  le  prêiiu 


«|iu((iuc»  bio.i.i|)! 


MUR  443 

fation  de  grand  prédicateur.  L'ar- 
chevêque d'Eml/riin  ,  D'Aiibii^son, 
se  chargea  de  la  fortune  de  Muret , 
et  le  (it  attacher, comme  premier  se- 
crélaire,  à  l'ambassade  d'Lspagne. 
A  son  retour,  il  fut  nommé  aumoniti- 
du  duc  de  Vivonne  ,  gciiéral  des  ga- 
lères ,  et  se  fixa  à  Marsi  ille.  11  y  pi  c- 
cha  le  carême  de  1587  ,  et  y  pro- 
nonça ,  la  même  année,  un  ]>ariégyri- 
quc  de  Louis  XIV,  à  l'occasion  de  ia 
conva'escence   de    ce    ju'ince.    On 
ignore  i'epoqne  de  la  mort  de  Mu- 
ret ;  mais  on   conjecture  qu'elle  est 
posléritiire  à  i6go.  Ou  a  de  lui  :  I. 
Cérémonies  funèbres  de  (ouïes  les 
tuUiojis,  Paris,    iG^S,  in- 1-2.   IT. 
Traité  des  festins   des   anciens  , 
ibid. ,  1682  ,  in-i  2.  11  y  a  des  (?xem- 
])!aircs  avec    nu   frontispice  de    la 
Haye,  lyiS;   mais   c'est  la  même 
cdiîion.  Ces  deux  petit»  traités  sont 
assez  estimés  ;  ou  u'v  trouve  cepen- 
dant rien  de  neuf.   L'auteur  avertit 
lui-même  qu'il  a  puisé  dans  les  écrits 
publiés  sur  les  mêmes  sujets  par  les 
antiquaires  allemands.   111.   ExjAi- 
cation  morale  de  V  E  pitre  de  S.  Païd 
aux    Romains,   ibid.,    1677.  ^^  " 
Omison  fuutb'e  du  duc  de  îrlor- 
temart ,  maréchal  de  France  et  gé- 
néral des  galères  ,  Marseille  ,  1688  , 
in- 4'».  •         W — s. 

I^IURET  (  Jean-Louis  ) ,  savant 
économiste  suisse,  né  à  JMorges  , 
en  1715  ,  reçut  une  éducation  sé- 
vère ,  qui  développa  en  lui,  dès  l'en- 
fance ,  une  fermeté  qui  ne  se  démen- 
tit jamais.  Entré  dans  l'ordre  ec- 
clésiastique, en  174^5  i'  exerça  suc- 
cessivement le  ministère  du  saint 
Evaugi'iC  à  Berne  ,  a  Orbe,  à  Grand- 
son  ,  à  Corsier.  En  1747,  il  fut 
nommé  diacre  à  Vevei ,  puis  pre- 
mier pasteur  de  celte  ville,  place 
qu'il  rem])!il  jusqu'à  sa  mort,  avec 
zè'ie  et  activiié  ,  plus  occupé  d'édi- 


444 


MUR 


fier   son  troupeau  ,  que  de  briller 
par  la  pompe  du  style  et  le  luxe 
des  images.  Il  acquit ,  par   l'exer- 
cice ,  une  telle  facilité  d'improviser, 
que ,  se  trouvant  un  jour  dans  une 
église  dont  le  pasteur  l'ut  saisi  d'une 
indisposition   subite  ,   il  monta  en 
chaire ,  et  acheva  le  sermon  com- 
mence' ,    sans  s'écarter  du  texte  et 
du  plan  de  celui  qu'il  remplaçait. 
Nommé  doyen  du  synode  de  Lau- 
sanne et  de  Vevei ,  il  déploya ,  dans 
ces  fonctions,  autant  de  sagesse  que 
de  fermeté.  On  a  de  lui  plusieurs  Mé- 
moires dans  les  collections  de  la  so- 
ciété économique  de  Berne.  INous  ci- 
terons: 1°.  Lettre  sur  le  perfeclioti- 
nemenl  de  r agriculture ,  qui  offre 
quelques  idées  neuves  à  cette  époque 
(17^2),  et  sanctionnées  par  d'heu- 
reux résultats  ;  —  ci'^.  Mémoire  sur 
l'état  de  lapopulation,  dans  le  paya 
de  Faud ,  couronné  en  i  -y 66  ;  — 3". 
un    Méuioire   sur  cette    question  : 
Ouel  est ,  dans  le  canton  de  Berne ^ 
le  prix  des  grains  le  plus  avanta- 
geux ?    ^"àj.   Des  tables,     cons- 
truites pour  venir  à  l'appui  d'une 
théorie  de  rentes  viagères  ,  fixèrent 
singulièrement    raîtentioii  de    Buf- 
foa  ,  par  l'ordre  que  suit  l'auteur 
dans  le  classement  des  détails  et  par 
la  sagacité  des  aperçus.  Ce  fut  Muret 
qui  fournit,  à  Court  de  Gébelin,  vn 
(-)lossairedu  patois  du  pays  de  Vaud, 
Mais  ce  qui  l'occupa  surtout  dans 
.sa  longue  et  honorable  carrière  ,  ce 
furent  les  movens  d'améliorer  l'état 
Taoral   et  politique   de   ses    concis 
toyecs.  Eclairer  le  peuple  des  cam- 
pagnes sur  ses  vrais  intérêts  ,  rédiger 
un  catéchisme  d'agriculture,  ouvrir 
des  dépôts  où  le  cultivateur  pût  se 
procurer  les  graines  des  plantes  cé- 
réales et  des  graminées  nouvellement 
découvertes  ,  à  la  simple  charge  de 
les  rer-dre  eu  natiirs  après  !a  récol- 


MUR 

te  j  e'tablir  une  sorte  de  banque ,  oU 
le  laboureur  trouvât  les  avances 
nécessaires  à  ses  travaux  ;  rendre 
les  almanachs  plus  utiles  ,  et  en 
faire  des  organes  d'instruction  po- 
pulaire; amener,  dans  son  canton  , 
l'uniformité  des  poids  et  mesures j 
obtenir  une  réforme  de  la  jurispru- 
dence criminelle  :  tels  furent  ses 
plans  favoris.  S'ils  ont  été,  par  la 
suite ,  embrassés  avec  plus  de  succès 
et  réalisés  par  d'autres  philantropes, 
IMuret  ne  doit  pas  être  frustré  du 
mérite  de  les  avoir  conçus  et  pour- 
suivis à  une  époque  où  l'application 
des  sciences  aux  arts  usuels  et  à 
l'accroissement  de  la  prospérité  pu- 
blique et  privée,  n'était  pas  encore 
au  premier  rang  des  objets  de  re- 
cherches scientifiques.  11  mourut  le 
4  mars  1796.  On  trouve,  dans 
le  tome  vi  du  Conservateur  suisse 
du  pasteur  Bridel,  une  notice  in-, 
téressante  sur  ce  respectable  ecclé* 
siastique.  S — R. 

MURILLO  (Barthelemi- Este- 
ban),  le  plus  célèbre  peintre  de  l'é-'' 
coleespagnole,naquitàSéville,le  i*"". 
janvier  1618,  et  non  à  Pilas  comme 
l'annonce  Palomino  Vclasco.  Jean 
dcl  Caslillo ,  son  parent ,  lui  donna 
les  premières  notions  de  son  art.  Ses 
progrès  furent  rapides  ;  mais  soit 
maître  étant  allé  s'établir  à  Cadix, 
Muiillo,  resté  sans  guide,  se  mit, 
pour  vivre,  a  peindre  des  bannières, 
et  des  tablcaiix  de  p.irolille  pour 
expédier  en  Ajiiérique.  Ces  ouvrages 
lui  acijuirent  une  grande  pratique  ; 
cl  il  se  fit  connaître  dès-lors  comme 
un  habile  coloristc.il  n'avait  encore 
que  seize  ans  ,  lorsque  la  vue  des  ou- 
vrages de  Moya  ,  qui  jiassait  à  cette 
époque  par  Séville  pour  se  rendre  à 
(ladix  ,  lui  inspira  le  désir  d'imiter 
Van-Dyck ,  dont  cet  artiste  avait  re- 
cueiUi,  en  Angleterre,  les  deinièrcs 


r*iUR 

leçons.  N'ayant  pu  profitei'  que  Lien 
peu  de  temps  des  conseils  de  Moya, 
il  résolut  de  se  rendre  en  Italie.  Mais, 
de'nne'  de  forliuie,  il  se  voyait  dans 
l'impossibilité  de  subvenir  aux  frais 
d'un  tel  voyage.  Enfin  ,  réunissant 
toutes  ses  ressources,  il  achète  de 
la  toile,  la  divise  en  luie  multitude 
de  carrés  qu'il  imprime  lui-même, 
et  il  y  j>eint  des  sujets  de  dévo- 
iion  et  des  fleurs  :  il  les  vend  pour 
l'Amérique;  et,  avec  le  modique 
produit  de  celte  vente,  il  se  met  en 
route  à  l'insu  de  ses  parents  et  de 
ses  amis.  11  arrive  à  Madrid,  s'a- 
dresse à  Velasqucz ,  son  compa- 
triote ,  et  lui  fait  part  de  ses  projets. 
■Frappé  du  zèle  et  des  talents  du 
jeune  artiste  ,  Velasquez  le  reçoit 
avec  bonté ,  lui  prodigue  les  encou- 
ragements, et  le  détourne  du  voyage 
de  Rome  en  le  servant  d'une  manière 
encore  plus  efficace ,  par  les  nom- 
breux travaux  qu'il  lui  procuje , 
soit  à  l'Escurial ,  soit  dans  les  difTé- 
rents  palais  de  IMadrid.  Après  une 
absence  de  trois  ans ,  Murillo  re- 
vint à  Séville ,  en  i64'J-  Son  re- 
tour fit  d'abord  peu  de  sensation  ; 
mais ,  lorsqu'il  eut  peint  ,  l'an- 
née suivante ,  le  petit  cloître  de 
Saint-François ,  on  demeura  frappé 
d'étonnemeiit.  Le  tableau  de  la 
Mort  de  sainte  Claire,  et  celui  de 
Saint  Jacques  distribuant  des  au- 
mônes y  mirent  le  sceau  à  sa  réputa- 
tion. On  vit ,  dans  le  premier ,  nu 
coloriste  digne  de  Van-D yck ,  et  dans 
le  second  ,  un  rival  de  Velasquez.  Il 
fut  alors  chargé  d'une  multitude  de 
travaux quinc  tardèrent  pas  à  lui  pro- 
curer une  fortune  plus  qu'indépen- 
dante. Loin  d'imiter  tant  d'artiîtes  à 
qui  la  vogue  fait  négliger  le  soin  de 
leur  gloire,  il  perfectionna  de  plus 
en  plus  sa  manière;  donna  plus  de 
hardiesse  à  son  pinceau  ;  et ,  sans 


MUR  445 

abandonner  cette  suavité'  de  coloris 
qui  le  distinguait  de  tous  ses  rivaux, 
il  mit  plus  de  vigueur  dans  ses  tons  , 
et  de  franchise  dans  sa  louche. Placé 
ainsi  au  premier  rang  des  pciutics 
de  son  pays,  il  sufïliait  à  lui  seul 
pour  constater  le  mérite  trop  peu 
apprécié  de  l'école  espagnole:  mais 
il  parut  encore  se  surpasser  dans  les 
tableaux  qu'il  peignit  pour  Sainte- 
Marie-la-Blanche,  dans  la  Concep- 
tion  dont  il  orna  la  coupole  de  la  ca- 
thédrale ,  et  surtout  dans  la  Sainte 
Elisabeth  et  Y  Enfant  prodigue  , 
qu'il  exécuta ,  en  1 6-^4  ;  pour  l'église 
de  la  Charité.  Il  fit ,  à-peu-près  à  la 
même  époque ,  pour  l'hospice  des 
Vénérables,  une  Awlve  Conception ^ 
à  laquelle  l'école  lombarde  elle-mê- 
me pourrait  comparer  peu  de  pro- 
ductions. Il  avait  également  exécuté, 
pour  le  couvent  des  Capucins  de 
Séville,  vingt- trois  tableaux  qui 
faisaient  le  plus  bel  ornement  de 
leur  église.  Ces  religieux  ont  empor- 
té ces  chefs-d'œuvre  en  Amérique. 
11  serait  trop  long  de  rappeler  tous 
les  ouvrages  dont  cet  artiste  a  enri- 
chi les  églises  et  couvents  de  Sévil- 
le. Appelé  à  Cadix  pour  peindre  le 
maître-autel  des  Capucins  ,  il  y  exé- 
cuta son  célèbre  tableau  du  Mariage 
de  sainte  Catherine.  Sur  le  point 
de  le  terminer ,  il  se  blessa  si  griève- 
ment sur  l'échafaudage  ,  qu^il  sa 
ressentit  cruellement  des  suites  de 
cet  accident  jusqu'à  sa  mort ,  arri- 
vée à  Séville  ,  le  3  avril  1682.  Par- 
mi ses  nombreux  élèves  ,  on  distin- 
gue Antolinez  ,  Menescs  -  Osorio  , 
Tobar  ,  et  Villavicencio  ,  son  disci- 
ple chéri  et  son  plus  heureux  imita- 
teur. Au  mérite  le  plus  éminent  com- 
me peintre  d'histoire  .  sous  le  rap- 
port de  la  composition  expressive 
et  gracieuse  unie  à  la  vérité  de  l'imi- 
tation,  Murillo  joignit  celui  d'ex- 


4  î"' 


MUR 


cciier  cgaiemeut  dans    la  pcinlurc 
des   flewis    et   le    paysage.    11    se 
servit    long -temps    d'Yriarte  pour 
peindre  les  fonds  de  ses  taLleanx.; 
et  en  retour ,   il   peignait  les  figu- 
res  dans    les   tableaux  de   ce  der- 
nier.  Mais  les  deux  artistes  s'ëlant 
un  jour  pris  de  dispute  ,  IMurillo  ne 
voulut  plus  avoir  recours  à  une  main 
e'trangcre,  et  entreprit  de  faire  lui- 
même  les  paysages  de  ses  tableaux. 
Son  premier  essai  fut  un  coup  de 
maître;  et  depuis  ce  temps,  il  cul- 
tiva ce  geine  avec  un  succès  qui  ne 
lui  laissa  point  de  rival  parmi  ses 
compatriotes.  Henri  de  Las  Marinas 
seul  peut  lui  être  compare  pour  Us 
mariiics.  Le  Musée  du  Louvre  pos- 
sède de  ce  maître  les  cinq  tableaux 
suivants  :  l.  h' Enfant- Jésus  assis 
sur  les  genoux   de   la    f'ierge   et 
jouant  avec  un  cJtapelet.  IL   Dieu 
le  Père  et  le  Saint-Esprit  contem- 
plant la,  sainte  Famille.  IIL  Jé>us- 
Chriit  s-.'.rla  montagne  des  Olivier.:. 
IV.  Saint  Pierre  implorant  son  par- 
don. V.  Un  Jeune  niendimit.  On  a 
vu,  en  i8i4,à  une  exposition  du 
Louvre,  quatre  tableaux  de?'ïuri!Io, 
remarquables  par  leur  beauté,  et  re- 
présentant   :    i".  \j  Adoration  des 
bergers  ;   i'\    Sainte  Elisabeth  de 
Hongrie  ;  3".  et  4"-  h' emplacement 
de  Sainte- Marie- }[ajeure  ,  désigné 
an  Patiice  Jean  par  un  espace  cou- 
vert de  neige.  Ces  tabU^aux  étaient 
pemtssr.rtoile.Lcstroisderniers,qi'.e 
l'on  peut  regarder  comme  les  chcls- 
d'œuvrc  de  ce  maître,  avaient  été 
donnés  par  la  ville  de  Séville  au  nia- 
réchal  Sonlt.  A  l'arrivée  du  roi ,  en 
i8i4>    le  maréchal  en  fit  don  à  sa 
Majesté;  mais  les  alliés,  en  i8ij, 
en    exigèrent  la   remise.    Ces   der- 
niers tableaux  surtout  établissaient 
d'une  manière  incontestable  le  de- 
gré de  perfection   où    s'est  élevée 


IMUIl 

l'école    espagnole ,    et  le  véritable 
caractère  de  ses  artistes;  car  Mi- 
rillo  ,  comme  notre  Lesueur  [T.  cq 
nom),  n'ayant  jamais  quitté  son  pays 
natal  ,  n'a  pu  itrc  influencé  par  une 
manière  étrangère;  et  c'est  à  celte 
originalité  dn  talent  qu'il  doit  aussi 
d'occuper    un  des    premiers    rangs 
parmi    les    peintres    les    plus   di.s- 
tiiigués  de  toutes  les  écoles.  Il  n'a  ni 
la  noblesse,  toujours  pleine  de  char- 
mes, de  Kaphaël,  ni  le  grandiose  des 
Carraches  ,  ni  la  grâce  du  Corrége  j 
mais  ,  imitateur  fidèle  de  la  nature, 
s'il  est  quelquefois  trivial  et  incor- 
rect, il  est  toujours  vrai,  toujours 
naturel  ;  et  la  suavité,  l'éclat,  la  fraî- 
cheur et  l'harmonie  de  son  coloris, 
font  oublier  la  plupart  desesdéfaut.s. 
—  il  laissa  un  fiis,  nommé  Gaspar 
qui  suivit  la  carrière  des  letties  ,  en 
cultivant  la  peinture  comme  un  dé- 
lassement, ïl  y  montra  quelque  ta 
lent ,  quoi  ju'il  soit  resté  bien  loin 
de  son    père.  11  mourut  le  i   mai 
i-^oQ.  Ou  ignore  si  c'est  le  même 
que    celui   que  quelques    historien^ 
nomment  Jean,  et  d'autres  Joseph, 
qu'ils   signalent  comme  \\n   artiste 
distingué,  et  qu'ils  font  mourir  aus 
Indes ,  où  il  était  allé  exercer  sou 
art.  P — s, 

MURIS  (Jean  dî;),  docteur  d( 
Sorbonne  et  chanoine  de  l'église  di 
Paris,  florissait  dans  le  (piator/ièrat 
siècle.  Quelques  écrivains  le  font  Aa- 
glais  ,  et  d'autres  Italien  ;  mais  i 
nous  apprend  lui-raèine,  dans  la  sous 
cription  d'un  de  ses  ouvrages ,  qu'i 
était  Français,  et  on  le  croit  commu- 
nément originaire  de  Normandie.  I 
a  été  regardé  long-temps  comme  l'in 
Ycnteur  des  signes  qui  servent  h  fixer 
sous  le  rapport  de  la  mesure  ,  la  va 
leur  des  notes  de  musique;  cependan 
il  est  bien  démontré  qu'il  n'avait  fai 
que  réunir  dans  un  ordre  méihodi 


!\1UR 

t]ne,  et  développer  les  proce'dcs  em- 
ploye's  par  les  musiciens  do  son 
temps. Ou  sait  que  J.  de  Mûris  vivait 
encore  en  i3j<S;  nuds  on  ignore  l'e- 
poqne  de  sa  mort.  Sonoiivra;:,f,  dont 
on  conserve  d'anciennes  copies  dans 
les  bibliothèques  de  Paris,  de  Vientie 
et  de  Berne,  etc. ,  a  etc  analyse  par 
le  P.  Merseunc  (  Harmonie  univer- 
selle )  ;  par  dom  Juudlhac  (  Pra- 
tique du  plain-chant  )  ;  par  J.-J. 
Rousseau  (  Dict.  de  musique);  par 
La  Borde  (  Essai  sur  la  musiq.  ) , 
etc.  Le  savant  Mart.  Gerberl,ablicde 
Saint-Biaise,  l'a  piiblie'dans  letcm.  m 
àcsScriptor.  ecclesinsticide  musicd, 
p.  189-31 5.  L'ouvrage  est  divise  en 
sept  parties,  qui  ont  chacune  un  îitre 
différent  :  i".  Summa  musicœ  ;  celle 
première  partie,  écrite  en  prose  et 
en  vers,  traite  de  la  musique  en  gé- 
néral, de  son  origine,  de  ses  différen- 
tes espèceS;  des  proportions,  des  inter- 
valles, etc. —  l'^.De  musicd  spccula- 
tivà  ;  c'est  un  abrégé  de  l'ouvrage 
de  Boëce  :  Conrad  Noricus,  m-tiîlrc- 
ès-arts  de  l'acad.  de  Leipzig ,  an  com- 
mencement du  seizième  siècle  ,  l'a 
corrigé  et  rais  dans  un  nouvel  ordre. 
—  '6". De  numeris,  qui  musicas  icti- 
nenl  consonantias  ,  secundùm  Pto- 
lemœum  deParisiis.—  ^''.Deprnpor- 
tionibus,  —  5'^.  De  practicd  musicd 
seu  mensurabili.  —  6".  Qiiœstiones 
super  panes  muiicœ.  —  "]".  .4rs  dis- 
cantnsdalaabhrei'iando.On  a  enore 
de  J.  de  Mûris  :  Arithmeticœ  spécula- 
tives libri  duo  ,  Maience  ,  i538  , 
in-8°.  ;  éd.  rare , inconnue  à  la  plu- 
part des  bibliographes.  —  De  regu- 
Uscalcndarii;  Mansi,  qui  indique  cet 
ouvrage  dans  ses  notes  sur  la  Bihl. 
vied.  et  injlm.  latitinalis  de  J.  Alb. 
Fabririus,  pense  qu'on  ne  doit  pas 
le  distinguer  d'un  opuscule  du  même 
de  Mûris,  sur  la  ré  formation  du 
calendrier  y  conservé  parmi  les  ma- 


MCR  447 

nuscritsdclabihl.  impér.  dcVicnnrj 
avec  deux  antres  opuscules  qui  lui 
sont  encore  attribués ,  l'iui  :  De  anno 
nalivilale  Christi  et  ejus  Passiords 
atque  de  terminis  j'esti  paschalis  ; 
et  l'autre  :  De  iempore  celehrationis 
paschalis.  Nous  renverrons  ,  pour 
]dus  de  détails ,  aux  auteurs  cites  dans 
le  corps  de  l'article.  On  connaît  enfin 
de  J.  de  Mûris,  Arithmelica  com- 
niunis,  ex  Boelii  ariihmeticd  ex- 
cerpta,  Vienne,  Alantse  ,  i5i5,  in- 
4".,  publié  par  George  Tannstctter 
Colliinitius,  prcfessei;r  de  mathéma- 
tiques à  Vienne  en  Autriche.  Ce  livre 
est  si  rare  qu'il  a  écha|)|)é  aux  re- 
cherches du  savant  bibliographe  F. 
G.  A.  Murhard,  qui  n'en  fait  point 
mention  dans  sa  Bibliolheca  mathe- 
matica.  W — s. 

MURITII,  né  en  1749,,  a  Saint - 
Branchier  en  Valais  ,  entradans  l'or- 
dre des  religieux  de  Saint-Bernard , 
et  s'y  distingua  par  son  goût  pour 
les  sciences.  Grâces  à  ses  soins,  le 
petit  cabinet  des  antiquités  de  l'hos- 
pice du  Grand-Saint-Bernard  fut  aug- 
menté; et  il  V  fonda  un  cabinet  de 
minéralogie.  Son  cabinet  particulier 
d'histoire  natiuelle  et  de  médailles, 
qu'il  avait  formé  à  Lyddes  pendant 
qu'il  y  était  ciu'é  ,  était  cité  par  les 
voyageurs  (  /^. de  Loges,  Essais  his- 
toriques sur  le  mont  Saint-Bernard, 
page  178).  11  obtint  la  charge  de 
jirévot  à  Marligny  ,  bénéfice  dont  la 
collation  appartient  à  l'hospice;  et 
il  y  termina  sa  vie  en  octobre  1818. 
Le  désir  d'augmenter  ses  connais- 
sances le  porta  souvent  aux  tentati- 
ves les  plus  hardies  :  il  fut  le  pre- 
mier téméraire  (dit  de  Loges  ,  page 
180  ),  qui  osa  ftanchir  la  pointe  du 
niontVelan,  l'un  des  plus  élevés  du 
Valais.  Aussi,  parvenu  à  son  extré- 
mité, fit-il  vœu  de  ne  jamais  ten- 
ter pareille  entreprise.  On  a  de  lui 


â48  MUR 

une  Lettre  concernant  des  rensei- 
gnements curieux  sur  le  Saint-  Ber- 
nard ,  insérée  dans  le  Dlont-Joux  et 
le  Mont-Bernard^  ouvrage  publie  en 
3  8o2,in-8*'.,parM.  Mangourit,  qui, 
étant  résidant  de  France  en  Valais, 
lui  avait  adressé  une  série  de  ques- 
tions. L'académie  celtique  à  Paris  , 
qui  avait  admis  le  prévôt  Murilh  au 
nombre  de  ses  correspondai/ts  ,  a 
imprimé,  dans  le  cinquième  volume 
de  ses  Mémoires ,  une  Lettre  de 
ce  savant,  sur  la  véritable  position 
de  l'ancien  Tauredunam.  Il  avait 
adressé  aussi ,  à  cette  académie ,  un 
Mémoire  sur  les  monuments  anti- 
ques trouvés  sur  le  Grand -Saint- 
Bernard.  La  société  royale  des  anti- 
quaires de  France  ,  qui  a  remplacé 
l'académie  celtique  ,  a  donné  ,  dans 
le  troisième  volume  de  ses  Mémoi- 
-res  ,  la  seconde  partie  de  ce  travail , 
contenant  les  inscriptions  ,  dont  la 
plupart  avaient  déjà  été  publiées, 
mais  d'une  manière  très-incorrecte, 
par  de  Loges  ,  dans  ses  Essais  his- 
toriques sur  le  mont  Saint-Bernard, 
i-jSg,  in-8°.  On  lit,  dans  un  Voya- 
i^e  mis  au  jour  e)i  Allemagne  ,  que  ce 
travail  de  Murith ,  dont  le  manus- 
crit avait  été  envoyé  à  Turin  ,  y  fut 
très-maî  accueilli,  et  qu'on  ne  vou- 
lut pas  l'imprimer,  parce  que  Mu- 
rith ,  concluant  par  l'épithcte  Penni- 
nus  (  qu'il  dérivait  de  Pœnus  )  , 
qu'Hannibal  avait  passé  par  le  Saint- 
Bernard,  contrariait  l'opinion  des 
Piémontais  ,  qui  veulent  que  le  gé- 
néral cartliaginois  ait  passé  par  le 
luont  Genis.  Murith  est  encore  au- 
teur du  Guide  du  Botaniste  qui 
'vojage  dans  le  Valais,  Lausauue 
i8io,in-4°.  D — G. 

MUR]NER  (TuoMAs),  cordelier 

et  poète  s:itirique  allemand  ,   né  à 

-Strasbourg,  eu  ij^S  ,  a  joui  d'une 

:  rcputaîion  q;ie  n'ont  pu  scuteuir  le 


MLR 

nombre  et  la  variété  de  ses  ouvra- 
ges. Doué  de  beaucoup  d'esprit  et 
d'imagination ,  il  passait  pour  un 
des  meilleurs  poètes  de  son  temps. 
Il  fut  reçu  docteur  en  droit  et  eu 
théologie,  et  il  obtint  même  le  gra- 
de de  niaître-ès-arts  à  l'université  de 
Paris.  Il  enseigna  successivement  à 
Cracovie ,  à  Francfort,  à  Strasbourg 
(  où  il  professait  le  droit  en  iSao  ), 
à  Fribourg  t  n  Brisgau ,  à  Trêves  ;  et 
il  eut  presque  partout  des  disputes 
avec  ses  confrères  ,  notamment  avec 
Scbast.  Branrit  et  Jacq.  WimpLe- 
ling.  Tandis  qu'il  occupait  sa  chaire 
à  Gracovie  ,  il  s'avisa  de  publier  un 
cours  de  logique  sous  la  forme  d'un 
jeu  de  cartes  ;  et  cette  méthode  nou- 
velle facilita,  dit-on,  tellement  les  pro- 
grès de  ses  élèves  ,  qu'on  le  soupçon- 
na d'avoir  recours  à  la  magie.  Une 
accusation  si  peu  fondée  tomba  bien- 
tôt, Henri  VIII  ,  qui  l'avait  appelé 
eu  Angleterre,  lui  rend  le  témoignage 
le  plus  honorable  dans  les  lettres 
de  recommandation  qu'il  lui  remit, 
le  1 1  septembre  i523,  |)our  le  magis- 
trat de  Strasbourg.  î\Iurncr  fut  l'un 
des  plus  ardents  adversaires  delà  ré- 
fonaede  Luther.  Nommé  député  des 
cantons  catholiques  au  fameux  éollo- 
que  de  Bade  ,  en  i  5'26  ,  il  y  attaqua 
Zwingleavec  un  zèle  peu  mesuré:  car, 
au  lieu  de  répondre  simplement  à  ses 
arguments,  il  s'attacha  encore  à  faire 
la  censure  de  ses  mœurs,  et  termi- 
na sa  harangue  en  se  vantant  d'avoir 
prouvé,  par  quarante  raisons,  que 
Zwingleétaituu  malhonnête  homme. 
Les  Protestants  prétendent  qu'il 
tronqua  les  actes  de  ce  congres  , 
dans  l'édition  qu'il  en  donna  l'année 
suivante,  en  allemand,  et  dont  on 
a  une  version  latine  sous  ce  titre  : 
Causa  Jîelvetica  oHhodoxce  fdei , 
Luceruc  ,  i  JsS  ,  in-4°.  Murner  ha- 
bitait alors  Luccrue  ;  et  il  y  avait 


MUR 

établi  ,  tlans  le  couvent  de  son  or- 
dre, une  ini[)nmerie,  dont  il  se  servit 
pour  mettre  au  jour  plusieurs  traites 
de  controverse  ,  dans  lesquels  il  ne 
ine'nae,cait  pas  les  cantons  de  Zurich 
et  de  Berne  ,  qui  s'étaient  déjà  pro- 
nonces en  faveur  de  la  réforiiu-.  Il 
fut  cependant  appelé  à  une  nouvelle 
conférence,  qui  eut  lieu  à  Berne,  en 
i5u8;  mais  il  ne  crut  pas  devoir 
s'y  rendre.  De  nouveaux  écrits  , 
qu'il  publia  en  i53o,  piquèrent  si 
vivenicnl  les  novateurs ,  qu'ds  eurent 
la  lâcheté  de  s'en  venger,  en  faisant 
supprimer  la  pension  qu'il  rece- 
vait des  cordeliers  de  Strasbourg^ 
et  sou  départ  de  Lucerne  fut  une  des 
conditions  de  la  paix,  entre  les  can- 
tons. H  paraît  que  Marner  mourut 
peu  de  temps  après  (vers  l'an  1 533), 
dans  un  âge  assez  avancé.  On  trou- 
vera la  liste  de  ses  ouvrages,  tant 
allemands  que  latins  ,  dans  la  Bi- 
blioth.  de  Gesner.  Prosp.  Marchand 
en  a  donné  une  plus  ample  et  plus 
détaillée,  qu'il  aurait  été  facile  d'aug- 
menter à  l'aide  de  Bauer  et  des  bi- 
bliographies allemandes  publiées 
récemment.  Mais  on  nous  saurait 
peu  de  gré  d'exhumer  les  titres  d'é- 
crits qui  ne  peuvent  a^oir  aucun 
mérite  que  celui  d'une  extrême  i"are- 
té.  Nous  nous  bornerons  donc  à 
indiquer  ici  ceux  qui  paraissent  les 
plus  dignes  de  l'attention  des  cu- 
rieux :  I.  Invectiva  contra  astiolo- 
gos ,  et  contra  fœde'atos ,  quos 
vulgb  Suitenses  [\cs  Suisses  )  min- 
cupamns  ,  intentum  prœdicentes  , 
Strasbourg,  i494?  in  -  4°-  Celte 
date  est  celle  que  cite  Bauer;  mais 
les  autres  bibliographes  s'accor- 
dent à  placer  cette  édition  en  i499- 
II.  Tractatus  penitilis  de  Pytho- 
nico  spiritu,  Fribourg,  i499t  i'i- 
4".  C'est  un  dialogue  dont  Muruer 
8sl  l'un  des  trois  interlocuteurs  j  il  a 

XXX. 


MUR  449 

été  inséré  dans  le  tome  ii  du  Recueil 
intitulé:  .Vallein  maleficaum.  III, 
Ch  irtiludiuni  logices,  Ingica  me- 
moraliva  ,  sive  totins  dialerlicœ 
memoria  ,  etc  ,  Bruxelles  ,  Vand- 
voot ,  i5o9  ,  in-4°.  Cette  première 
édition  est  si  rare,  qu'elle  a  été  in- 
connue à  Prosper  ]\Iarchand  (i): 
Balesdens  l'a  reproduite  à  Paris, 
16*9  ,  in  8°.,  fig.  ,  avec  quelques 
additions  faciles  a  distinguer  parce 
qu'elles  sont  en  caractère  italique. 
Ce  traité  a  reparu  depuis  ,  avec 
quelques  perfectionnements,  qui  s'a- 
daplent  mieux  à  la  forme  des  cartes 
ordinaires ,  par  les  soins  du  père 
P.  (juischet,  cordelier  et  professeur 
de  philosophie  à  Angers  ,  sous  ce 
titre  :  Ars  ratiocinandi  lepida...  in 
cartiludiiun  redacta,  Saumur,  1 65o, 
in  -  4'*.  ,  de  i6  et  i52  pages.  Ce 
jeu  est  composé  de  5-2  cartes  ,  cou- 
vertes de  figures  si  bizarres ,  qu'elles 
sembleraient  plus  propres  à  em- 
brouiller qu'à  éclaircir  les  idées  des 
élèves ,  si  l'on  ne  savait  que  c'est 
précisément  par  la  bizarrerie  des 
rapprochements,  que  ces  inventions 
mnémoniques  se  fixent  plus  forte- 
ment dans  la  mémoire  (  Y.  J,  Her- 
degen ,  Schediasma  de  Th.  Murneri^ 
logicâ  memorativd  ,  Nuremberg  , 
1739  in  -  folio.  ).  Les  auteurs  des 
Epistol.  obscuror.  viror.  (/^.  Hut- 
ïEN  et  Reuculin)  se  sont  efforcés 
de  tourner  en  ridicule  cette  inven- 
tion ;  cl  Erasme  paraît  avoir  eu 
Murner  en  vue  ,  dans  plusieurs  pas- 
sages de  son  dialogue  :  Ars  notana. 


(ijCette  éJllloii  (le  Briii  1  es,  qui  est  Tmi!  iolie  , 
est  du  18  aoùl  l.îor)-  l'ronicr  !>idri"  auj  n'j  i.tfDnu 
que  celle  de  Slrasboiir^:,  Giui.iiijiir.  ach' vé*  ri'im- 
|>rnuer  \r  a()  d  c-  ml.rr  de  la  uièmc  auue  ,  ra  carac* 
tères  snthiqu.'s;  mais  i  Vst  "  tort  qu'il  acnisî  Bdlesdeos 
de  ii'avuir  ^las  couiiu  i  édition  originale  .  puisaiie  ce- 
lu  -ci  la  ri  pru  lu  l  leTtiiellein  ni  ,  <  t  i-P|ifte  mot  ù 
mot  la  tormidi-  (iuale  qui  s  rt  di-  date,  ./iioti  Bruxel- 
les J'humai  yaitdvoot  iinpresiii  anno  iSoQ  ipsd  dit 
divi  Au^ustini  episcupi. 


29 


45o  MÛR 

Cependant  cet  ou^TaJ:;e  est  remar- 
quable en  ce  (j-i'il  est  le  premier  de 
ce  genre  (i).  IV.  Ludus  itudenidm 
Fribur^ensium ,  Francfort ,  1 5 1  i  , 
iu-4°  :  c'est  la  prosodie  latine  mise 
en  jeu.  V.  Ritus  et  celcbratio  phase 
Judœorum  ,  ex  Ilebrœo  in  latin, 
trad.,  i5i"2,in-4".  VI.  Chartilu- 
dium  in  Instituta  Justinlani.  Ges- 
«er  en  cite  nne  édition  de  Venise , 
dont  il  ne  désigne  ni  la  date  ni  le  for- 
mat ;  et  Prosper  Marchand  était 
dispose  à  croire  que  l'ouvrage  n'avait 
jamais  été  imprimé  :  mais  Baner  en 
indique  une  édition  de  .Strasbourg , 
'l5i8,  in-4^.  {F.  Bibl.  libror.  ra- 
rior.  )  VII.  Narren  BescJuverung, 
id  est  :  Exorcismum  stultorum  , 
Strasbourg,  i5i8,  in-4".  (u)  Cet 
ouvrage ,  où  Tauteur  dépeint  ,  en 
vers  allemands ,  les  folies  et  les 
travers  des  hommes  ,  a  été  tra- 
duit en  latin  par  Jean  Flitner  (  r. 
ce  nom  )  ,  et  copié  presque  en  entier 
par  Pierre  Baardt,  qui  a  caché  la 
source  où  il  puisait  si  largement. 
VIII.  D'autres  ouvrages  allemands  , 
sur  lesquels  on  peut  consulter  Floe- 
gel  (  Hist.  de  la  littéral,  comique  , 
tome  3);  mais  c'est  à  tort  qu'on  a 
cru  qu'il  était  le  premier  auteur  du 
Toraaa  à'Eulen  Spiegel  ,  dont  la 
traduction  française  (  sous  le  titre 
à'JiUentiires  d'Ulespiègle  )  ,  fait 
partie  de  la   Biblioth.   bleue  (  F. 


{\)  Le  P.  Mennirier  a  doDué,daiis  «n  Bibliolh. 
aurieuse,  \a\i5le  tW  Iods  les  jem  de  Ciirips  iiislnic- 
lifs  parveuiis  à  sa  connaissance.  ProspT  Jlarchand  a 
jjublié  dans  sou  Diclionn.  {  a  Tart.  HtB>EP.  )  ,  uu 
etip)i1émeut  considérable  a  celte  liste  ,  en  averlissaiit 
«(n'i)  l'a  fire  en  grande  partie  de  VElenchut  ,/uonim- 
tia-n  eorum  qui  de  liiilis  scripieruni ,  donne  par  Th. 
Hjde ,  avec  son  traite  De  tiidis  orienlaliùu .-.  Le  ca  • 
tofogne  de  Marchanl  ïorait  susceptible  de  coiTec- 
tioii»  ,  et  Diêuif  d'addilioot  cou.sid»rables. 

(■>.)  Une  nouvelle  édition  parut  à  Fr.inifort,  l'iGî 
In  8».  (  K.  FouRrlein  ,  SupelUx  Ubmria ,  iio.  3-6'  ). 
Lr  nom  de  riiuteur  y  est  indique  par  ces  deux  Vers, 
jag.  G  : 

Jch  hm  Murr  Narr  meins  Katlers  Namen 
iiuiffish  misli  ver  Niamimlt  sshamtn. 


MUR 

Hcrmann  ,  Notices  sur  Strasbourg ^ 
II,  3<)4  )•  On  lui  attribue,  avec  plus 
de  vraisemblance  ,  le  Liber  vagato- 
runi  (  Bettler  Orden  ) ,  publié,  peu 
d'années  après  l'an  iJOQ,  sous  le 
pseudonyme  à'  Expert  us  in  Tnifis, 
et  à  la  suite  duquel  on  trouve  le  plus 
ancien  vocabulaire  de  l'argot  des 
vagabonds  connus  sous  le  nom  de 
Bohémiens  (  ibid. ,  pag.  Soj  ).  Ce 
qui  fait  vraiment  honneur  à  Murner, 
c'est  qu'il  a  osé,  le  premier,  entre- 
prendre une  traduction  de  V Enéide 
de  Virgile  ;  mais  elle  est  si  rare, 
qu'elle  a  échappé  aux  recherches 
de  la  plupart  des  curieux;  elle  est 
intitulée  :  Fergilii  Maronis  drey- 
zehen  jEneadisclie  Bûcher  von 
Troianischer  Zentôrung ,  und  Ujf- 
gang  des  Bômischen  Beichs ,  durck 
Doclor  Murner  veiiutst ,  Stras- 
bourg, i5i5,  in-fol.  ,  fig.  (  Feuer- 
lein ,  Supeïlex  librar. ,  u».  568 ,  b.  ) 
Voyez  ,  sur  ce  treizième  Hatc  de 
l'Enéide  ,  ce  que  dit  Gottsched  , 
dans  la  préface  qu'il  a  mise  à  la  tra- 
duction de  Virgile  par  Schvvarz , 
Ratisbonne,  t']^^2.-lnf^,\  ^  2  vol.  in- 
8°.  ,  et  V^'^aldau ,  dans  ses  Observ. 
litter.  Ilei  as  ,  obs.  4  ■>  P^g.  i  o. 
Feuerlein  avait  une  autre  éditioa 
sans  date  ,  Worms ,  in-S». ,  fig.  , 
de  cette  version  des  treize  livres  de 
l'Enéide,  par  Th.  ^hxrcitx  {Supeïlex 
librar. ,  n»,  4348  ).  Voy, ,  pour  plus 
de  détails  ,  le  Dictionnaire  de 
Prosper  Marchand ,  et  Waldau  , 
Notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de 
ïh.  Murner,  Nuremberg,  1775, 
ia-S".  de  112  pag.  (en  allemand  ). 
W— s. 
MURPI1Y( Arthur),  poète  dra- 
matique et  polygraphe  anglais  ,  na- 
quit à  Clooniquin  ,  dans  le  comté  de 
Roscommon,  en  Irlande,  le  27  dé- 
cembre 1727.  Son  père,  dont  le  com- 
merce était  assez  bieu  établi ,  ayant 


WUR 

ipéfH  dans  la  traversée  de  Londres  à 
Phil  tdflpliie  ,  il  dcinL-ura  coulif'  à 
sa   mère,  qui   l'envova  au    collecte 
anglais  de  Saint-Ointav,   oii  il  (il  <le 
bonnes  études.  Il  j^ard  i  de  celte  edn-' 
cati.in    nu    goût   très -vil'  j)our  les 
classiques  latins  ,  qu'il  cultiva   de- 
puis couslaniinent  et  sur  lesq  lels  il 
exerça  sa  plurae.  For^  e'  de  s'atta- 
cher à  un  coiU[)tuir  ,  sou  éloigne- 
inent  pour  les  intérêts  mercantiles 
s'accrut  par  la  passion  subite  qu'il 
prit  pour  le  tlie'ître.  Sur  la  Hn  de 
17  ï-^  ,  il  publia  une  feuille  hebdo- 
madaire qui,  bien  que  snperliciellc, 
lui  procura  des  amis  ,  avec  la  repu- 
talion  de  littérateur  j  ulicieux ,    et 
se  soutint  deux  ans  ,  malgré  la  con- 
currence de  Moorc,  d'Hawkesworth 
et  de  Johnson.  Gepen-iant  Murphy 
s'était  endetté  ;  et  une  succession  sur 
laquelle   il  comptait,  venait  de  lui 
manquer.  Le  fameux  acteur  Foote 
lui  couseillade  montersuilc  théàîre  : 
Murphy,  doué  d'un  extérieur  agréa- 
blé  ,  et  accoutumé  a  des  succès  dans 
la  société,    où  l'on  ne  plaît  guère 
sans  y  porter  quelque  chose  du  ta- 
lent de  comédien,  fut  néan.noins  peu 
goûtépar  le  public.  Sou  engagement 
d'une  année  fut  assez  lucratif.  Mais 
cette  démarche  de  sa  jeunesse  ,  dont 
le  souvenir  lui  fut  toujours  amer , 
l'exposa  aux  verssatiiiq.iesde  Chur- 
chill, et  lui  ferma  la  société  de  juris- 
prudence de  Mlddls-Teinple.  Celle 
de  Lincoln  sinn  futmoms  sévère,  et 
l'accueillit  en  1757.  Cette  même  an- 
née ,  Murphy  rédigea ,  sous  l'influen- 
ce de  M.  F')X,  alors  ministre  et  qui 
fut  depuis  lord  Holland  ,  un  journal 
politique,  dont  l'existence  ne  se  pro- 
longea pas  au-delà  de  celle  du  miuis- 
tèrc  qu'il  défendait.  De  cette  époque 
date  sa  liaison  avec  Ch.  Fox  ,  dont 
il  se  sépara  depuis  dans  ses  opinions 
politiques.  Au  milieu  de  ses  études 


DIUR  I^'A 

de  droit,  lethcâtrclul  ofTiitde  n(*ii- 
velles  lessonrces.  Kn  i^^G,  il  débuta 
jiai-  une   pièce   iniit;!ée  I    ■Jp:^renli. 
En  17)8  ,  il  en  (il  j  juei'  une  atilre  : 
le  T.  pis.icr,  dans    Irjuclle  u-i  ,ip- 
plaulil  surtout  le  rôle  d'un  b-tr  ucr- 
Jtoète  ,  et  qui  avait  pour  i^nt  de  fap- 
per  de  ridicule  ces  grut'j-ques  politi- 
ques dont   Ad.lisun  avait  déjà  trace 
ini  portr^dt  plaisant  dins  le\'erfrt- 
teur.  Vers  !a  même  époque, il  donna 
r  Oqihelin  de  la  C-'ina.  composé  en 
piriie  sur  ie  drame  chi.'iois,  tri  iuit 
par   le  P.  du    lîilde,   et  eu  partie 
sur    la  pièce  de   Voltdre.    h^ufin  il 
commença    de  plaider  ,     en  l'jfri; 
ce   qui  r.e  l'empêcha    pas   d'entrer 
prendre  un  journal (  the  .-iu-itor)^ 
en  faveur  de  lord   Bute,    coinuic  il 
l'avait    fait  autrefois  pour  AI.  Fox. 
Cette  entreprise   fut  médiocrL-ment 
soutenue  par  son  parti  •  et  une  mys- 
titica;i;)n  acheva  de  la  faire  tomber. 
Wilk.es  et  Churchill,  ses  adversaires 
dans  le   journal  iniitulé  Nord  Brl~ 
tain  ,  tirant  avaiiîage  de  son  ioiio- 
rance   des   matières  politi'jues     lui 
envovèrent  une  lettre  anonyme,  où 
entre  antres  avantages  du  Ircdié  con- 
clu par  lord  Bute  ,   on  vantait  l'uc- 
qnisition  des  Florides,  si  jirécieiise 
pour  ses  bois  de  chaulTage.  IM  rphy 
inséra  sans   soupçon    cette  missive 
pcrfi  !e  ;  et  sa  crédulité,  m  lui  atti- 
rant des  sarcasmes  de  toutes  parts 
lai  (it  perdre  le  reste  de  ^es  abonnés. 
En  1703,  il  alla  grossir  le  nombre 
des  hommes  de  loi  du  comté  de  Nor- 
folk; et  jusqu'en   1787  il  persévéra 
dans  celte  carrière,   quoi  qa'i!  l'eût 
parcourue  avec  peu  d'éclat.  Enfui 
blessé  de  se  voir  préférer  un  de  ses 
confrères,    beaucoup     plus    jeune 
pour  la  place  de  conseiller  du  roi 
il  se  livra  sans  partage  à  la  littéra- 
ture. Il  s'occupa  eu  1786  de  recueil- 
lir ses  œuvres^  7  vol.  in-8^.  ;  et,  eu 
29.. 


453 


MUR 


l 'jqi  il  donna  une  édition  de  celles 
de  Johnson  ,   où  il  iuscia  un  Essai 
sur  la  vie   et  les    ouvrages  de  cet 
écrivain,  morceau  peu  exact,  et  d'ail- 
leurs trop  visiblement  copie'  de  la  vie 
de  Johnson  par  IIa-\vkii;s.  L'année 
suivante,  Murphy  dédia  a  Bji  ke  une 
traduction  de  Tacite,  4  vol.  in^"., 
précédée  d'un  Essai  sur  la  vie  et  le  gé- 
niede  l'historien  x-omain  ,  ctaccom- 
pa"uée  d'un  supplément  historique 
et  de  notes.  La  liaduclion ,  d'ailleiirs 
élégante  ,  fut  jugée  doublement  infi- 
dèle, en  ce  qu'elle  ne  retraçait  point 
la  piécision  et  les  formes  cUi  style 
de  l'original ,  dont  souvent   même 
elle  ne  rendait  pas  le  véritable  sens. 
On  accorda  plus  d'estime  aux  notes  ^ 
mais  on  leur  reprocha  trop  d'alFec- 
tation  pour  amener  des  rapproche- 
ments avec  les  circonstances  politi- 
ques au  milieu  desquelles  vivait  le 
traducteur.  Il  s'y  montre  continuelle- 
ment pénétré  de  cette  indignation 
profonde  qui  animait  Burke  contre  la 
révolution  française.  Murphy  con- 
tinua  d'écrire  jusque  dans   un  âge 
très-avancé.  En  1798,  il  publia  son 
Arminius  ,  pour  rendre  plus  frap- 
pantes la  justice  et  la  nécessité  de  la 
guerre  contre  la  France.  La  protec- 
tion de  lord  Longborough  lui  valut 
un  emploi  important  à  la  banque,  et, 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie  , 
une  pension  de  200  livres  sterling. 
Le  regret  d'avoir  vu  presque  tous 
les  amis  de  sa  jeunesse  élevés  à  des 
charges  émincntcs,  tandis  qu'il  n'a- 
vait échappé    à    l'obscurité    qu'eu 
consacrant  toutes  ses  facultés  à  des 
conceptions    dramatiques    mises     à 
la    merci   d'un    fantasque    public , 
répandit    une  teinte  de  mélancolie 
sur  sa  vieillesse.   L'oblitération   de 
ses    idées    était    devenue   sensible , 
lorsqu'il  mourut,  le  18  juin  i8o5. 
Murphy  était  irascible:  ses  alterca- 


iMUR 

tions  avec  les  libraires  et  les  au- 
teurs l'entretenaient  surtout  dans 
cette  disposition.  Son  aménité,  les 
agréments  de  sa  conversation ,  le 
firent  cependant  rechercher.  Fils 
tendre,  excellent  frère  ,  il  se  con- 
serva de  nombreux  amis. L'un  d'eux, 
jcsse  Foot,  a  publié,  en  1812  ,  in- 
4**. ,  une  Vie  de  INIm'phy  ,  que  dis- 
tinguent de  curieux  détails  ,  et  où  il 
a  inséré  des  fragments  de  comédies, 
et  des  matériaux  préparés  par  Mur- 
phy pour  la  Vie  de  Samuel  Foote. 
Murphy  se  plaisait  quelquefois  à 
composer  des  vers  latins  ;  t'est  ainsi 
qu'il  a  traduit  le  Cimetière  de  cam- 
pagne ,  de  Gray.  Dans  ses  produc- 
tions dramatiques  il  avait  mis  sou- 
vent à  contribution  les  écrivains 
français;  ce  qui  ne  l'a  pas  empê- 
ché, ou  plutôt  ce  qui  a  été  pour  lui 
une  raison  de  les  dénigrer.  11  se  per- 
met surtout  une  critique  injtiste  con- 
tre Voltaire.  C'est  néanmoins  dans 
VAlzire  de  ce  dernier,  qu'il  ])araît 
avoir  puisé  l'idée  de  sa  tragédie 
à'Alzuma;  et  sa  Zénohie  doit  beau- 
coup au  BhaâamiAe  de  Crébillon. 
En  revanche  il  n'a  pris,  dit-il,  pour 
sa  Fille  Grecque  que  trois  vers  de  la 
Zelmire  de  Dubelloy.  Sa  comédie  , 
inlitulée  Know  your  ownmind,  une 
de  ses  meilleures  pièces  ,  offre  des 
traces  d'imitation  de  l'Irrésolu  de 
Destouches.  Dans  celle  qui  a  pour 
titre  le  Moyen  de  le  fixer  (i)  ,  et 
dans  laquelle  il  apprend  aux  fem- 
mes à  rendre  leur  intérieur  agréa- 
ble si  elles  veulent  régner  sur  le 
cœur  de  leurs  maris  ,  Murphy  a 
encore  fait  un  emprunt  considérable 
à  Lachaussée.  En  général ,  son  style 
tragique  manque  de  force  ,  mais  se 
recommande  par  sa  noblesse  et  par 


(i^  Il  y  a  une  traductioB  libre  de  celte  pièce  ,  |i»r 
AI"»^.  Kiccoltoui. 


MUR 

une  élégante  simplicité.  Ses  comé- 
dies, cloiii  l'iuliiguc  est  ordiuaire- 
ment  bien  iilcc  ,  et  parmi  lcs((uelies 
on  cite  surtout  V  École  des  tuteurs  ; 
Tout  le  inonde  a  tort ,  dont  l'action 
est  calqiic'c  sur  le  Cocu  imuginuire 
de  Molière  ,  le  Choix,  l'Ennemi  de 
lui-même  ,  sont  un  peu  outrées  : 
aussi  a-t-il  rencontré  son  véritable 
talent  dans  la  farce.  Toutes  ces  pir-- 
oes  sont  restées  au  répertoire,  ainsi 
que  le  Bourgeois  ,  la  Fieille  fille , 
V lie  déserte  imitée  de  la  pièce  jdc 
Mélastase  qui  porte  le  même  nom, 
et  le  Mariage  clandestin  qui  a 
servi  de  type  au  Matrimonio  Sécré- 
ta ,  mis  en  musique  par  Cimarosa. 
Murphy  est  encore  l'auteur,  i°.d'un 
Essai  sur  Fieldiu^i; ,  à  la  tête  de  l'é- 
dition de  i']6:i  de  ce  romancier  ;  — 
2".  d'une  Traduction  du  Bélisaire 
.  de  Marmontel ,  1791  ;  —  3*.  d'une 
autre  de  Salluste  et  des  Catilinaires 
de  Gicéron  ;  —  4°-  d'une  imitation 
de  la  treizième  satire  de  Juvénal; — 
5°.  d'un  Poème  des  Abeilles,  en  qua- 
tre cliants  ,  accompagné  de  notes  : 
c'est  une  imitation  du  quatorzième 
livre  du  Prœdium  rusticum  ,  de  Va- 
nière  ,  que  Murphy ,  dans  sa  pré- 
face ,  défend ,  ainsi  que  le  P.  Rapiu  , 
contre  des  critiques  trop  rigoureuses; 
6°.  d'une  vie  de  Garrick  ,  1801  , 
3  vol.  in-8".,  qui  a  été  resserrée  en 
un  vol.  in-i'i,  pour  l'adapter  au 
goût  français.  M  —s — t. 

MURPHY  (Jacques-Gavanah  ), 
architecte  et  voyageur  ,  né  eu  Ir- 
lande ,  partit  de  Dublin ,  le  -27  dé- 
cembre 1788  ,  pour  le  Portugal  , 
et  parcourut  ce  royaume  jusqu'à  la 
fin  de  1 790.  Il  visita  aussi  l'Espagne, 
et,  de  retour  dans  les  îles  Britanni- 
ques ,  publia  le  résultat  de  ses  ob- 
servations :  il  continua  de  s'occuper 
des  monuments  de  l'art  dans  la 
péninsule  ,  et  mourut  en  1 8 1 6.  On 


MUR 


453 


a  de  lui ,   en  anglais  :   \.  Voyage 
en   Portugal  ,    dans  les  provinces 
d'entre  Douro  et   Minho  ,   Eeira 
Estramadoure  et  Alenlejo,  dans  les 
années    17  89  et    i'jqo  ,  contenant 
des  observations  sur  les  mœurs  ,   les 
usages  ,  le  commerce  ,  les  édifices 
publics,  les    arts,    les    antiquités 
de  ce  royaume,  Londres,   179^  , 
I  vol.  in-4<*. ,  fig.  Le  Portugal ,  à 
répoquf*  du  voyage  de  Murphy,  avait 
été  peu  visité  par  les  étrangers.  Ceux 
qui  en  avaient  publié  des  relations, 
le  représentaient  comme  renfermant 
à  peine  quelque  objet  digne  de  fixer 
l'attention  du  philosophe,  de  l'anti- 
quaire et  de  l'artiste.  Murphy  essaya 
de  faire  voir  que  ce  jugement  était  in- 
juste. Il  convient   lui  même  que  se 
concentrant  dans  la  sphère  étroite 
des  talents  que  la  nature  lui  a  dé- 
partis ,  il  ne  s'est  arrêté  que  sur  les 
objets  à  sa  portée  :  mais  on  doit  lui 
rendre  la  justice  de  dire  que ,  surtout 
pour  ce  qui  concerne  l'arcLiteetuie 
et  les  antiquités ,  il  unit  au  talent  de 
bien  observer  le  mérite  d'aimer  la 
vérité.  Son  livre  offre  une  lecture 
agréable  et  instructive  ,  et  fait  ju- 
ger avantageusement  le  caractère  de 
l'auteur.  Le  docteur  Ranque ,  dans 
ses  Lettres  sur  le  Portugal ,  lui  re- 
proche néanmoins  des  négligences  et 
de  nombreuses  erreurs.  Se  liant  aux 
explications  qu'd  reçut  d'un  religieux 
portugais,  Murphy  donna  lUie  traduc- 
tion inexacte  d'une  inscription  aiabe 
tracée  sur  un  canon  conservé  à  Lis- 
bonne .  sous  le  nom  de   canon  de 
Diu  ,  et  qui  fut  envoyé   de  ITnde 
avec   d'autres  dépouilles   arrachées 
aux  Mahométans,  durant  la  période 
de  gloire  du  Portugal.  M.  Silvestre 
de  Sac v  a   retaija   l'inscripiion ,  et 
eu  a  inséré  une  traduction  correcte , 
dans  le  tome  11  des  Mémoires  de  l'ins- 
titut,  classe  d'histoire  et  de  litté- 


454  MUR 

rature  ancienne.  Ce  voyage  a  e'te' 
traduit  en  français  [)ar  M.  I>alle- 
inant,  Paris  ,  1-97  ,  i  vol.  in-4°.  , 
on  'i  vol.  iii-8".  ,  (i^Mires.  Celte  tra- 
duction offre  (les  nfgiigeiircs  et  des 
inoxactitudes.  II.  Pltm ,  élévations , 
coupes  et  vues  de  l'église  de  Ba- 
ïalha  ,  dans  la  province  d'Es- 
tranindoure  en  Portugal,  traduit 
de  Fr.  Lniz  de  Souza  ,  Londres  , 
1795,  in  i'ol,,  avec  27  p.'.ujciies.  Le 
monaslôre  royai  de  Batallia  dans 
rEs;r.!ma  ;oure,à  fio  milies  an  nord 
de  Lisbonne,  étant  un  de.sniuuuuients 
reinarq.ialjles  du  miiyen  âge,  Mur- 
pliy  en  publia  cette  descrij.tion sépa- 
rée, pour  en  bien  faire  connaitre  tou- 
tes les  beautés.  Ili.  Antiquités  des 
Arabes  en  Espagne,  Londres,  1816, 
1  vol.  gr.  in-fol.  Cet  ouvrage  oiîre 
une  suite  de  100  gravures,  exécu- 
tées par  les  premiers  ai  (istes,  d'après 
les  dessins  faits  sur  les  lieux  par 
l'auteur.^  Murpliy  mourut  à  l'ins- 
tant oiil'oji  publiait  ce  livz'e  magni- 
fiijuc.  ^  £_s_ 

MURR  (  Christopue-Theophile 
DE  )  savant  et  laborieux  écrivain 
allemand  ,  remarquable  par  l'éten- 
due et  la  variété  de  ses  connaissan- 
ces, naquit  a  Nuremberg,  eu  1733. 
Jj'amour  des  lettres  était  héiéditaii e 
dans  sa  famille.  Sa  mère  était  de  la 
fami'lc  de  Dilherr ,  l'un  des  plus  sa- 
vants bibliothécaires  de  cette  ville 
(  Foj.  Dilherr,  XI ,  3Gi  )  ;  et  sou 
aïeul  paternel ,  qui  avait  séjourné  en 
Italie  ,  s'était  formé  à  Rome  uue  fort 
Lelle  biLliothèque,  et  entretenait  une 
correspondance  active  avec  le  célc- 
l)r-e  Magliabecclii.  Le  jeune  Murr  , 
après  ses  premières  études  dans  sa 
ville  natale  et  à  l'universilé  d'Alt- 
dort ,  visita  successivement  Stras- 
5)0iîrg,  Aiuslerdam,  Leydc,  Utrcciit, 
fouillant  dans  les  bibliothèques  ,  en- 
Haut  çu  Uaisou  ayçç  ks  seiYiwts  l«s 


MUR 

plus  distingués ,  et  n'épargnant  n'crf 
pour  éiendie  ses  connaissances.  Il 
parcouiiit  de  même  l'Autriche,  ea 
i7r)8,  l'Italie,  en  1760,  retourna 
l'année  suivante  en  Angleterre,  pour 
voir  les  cérémonies  du  couronne- 
ment de  George  III,  visita  ensuite 
le  nord  de  l'Allemagne,  trouvant  par- 
tout à  exercer  son  insatiable  curiosi- 
té. La  place  de  directeur  des  doua- 
nes ,  qu'on  lui  donna  ,  en  1770,  le 
fixa  enfiu  a  Nuremberg,  où  il  s'oc- 
cupa de  la  comjjosition  de  ses 
nombreux  ouvrages,  de  la  rédaction 
de  deux  Recueils  périodiqiiies  (  indé- 
pendamment des  articles  qu'il  four- 
nissait à  beaucoup  d'autres  jour- 
naux ) ,  et  de  l'entretien  de  la  corres- 
pondance la  plus  active  peut-être 
(ju'aucun  savant  ait  eue  depuis  Pei- 
rcsc ,  si  l'on  en  excepte  Bliscbing. 
Dès  17.53,  il  avait  commencé  à  re- 
cueillir les  matériaux  de  trois  grands 
ouvrages,  auxquels  il  travailla  pres- 
que toute  sa  vie  :  1°.  une  Bibligra- 
plue  des  langues,  dont  il  n'a  publié 
que  le  prospectus  (n^.xiii  ci-après  ); 
'1°,  une  Histoire  diplomati<pie  de 
l'empereur  Frédéric  II  ;  et  3*^'.  une 
Bibliographie  mathématique ,  qu'il 
abandonna,  en  171)8,  au  piofesseur 
G.  A.  Murhard.  Une  carrière  aussi 
laborieuse  eût  difficilement  pu  s'ac- 
comoder  avec  les  soins  d'un  ménage  : 
il  s'était  vivement  épris  ,  à  Londres, 
des  charmes  d'une  jeune  Anglaise^ 
qui  répondit  à  ses  sentiments ,  et  Icuc 
mariage  était  sur  le  point  de  se  con- 
clure, lorsque  les  parents  de  la  de- 
moiselle furent  appelés  en  Russie 
parles  affaires  'k*  leur  commerce; 
et  quelques  mois  après ,  M  'rr  eut 
la  doideur  d'apprendre  qu'elle  était 
morte  de  la  petite-vérole  :  il  jura  do 
rester  célibataire,  et  il  tint  parole. 
To;:tes  les  langues  de  l'Europe  lui 
etaicul  i^milicy-cs  j  il  s'empressait  Ua 


MUR 

eoramuniqucr  au  public  tout  ce  que 
SCS  royages,  ses  i mineuses  lectures  et 
sa  vaste  correspondance,  lui  avaient 
fait  découvrir  de  curieux  :  aussi  ses 
nombreux  écrits,  quoique  manquant 
souvent  de  profondeur  et  de  cor- 
rection, olFrent  tous  quchpie  chose 
d'intéressant  et  d'instructif.  Ils  fu- 
rent fréquemment  en  balte  aux  sar- 
casmes de  la  Bibliollicque  allemande 
universelle ,  journal  rédige  par  le  li- 
braire Nicola'i ,  et  qui  avait  le  plus 
gland  succès  dans  le  nord  de  l'Alle- 
magne :  Murr  y  repli(jua  souvent 
dans  les  journaux,  ou  par  des  opus- 
cules particuliers  j  mais  celte  polémi- 
que ne  lui  réussit  pas  :  ses  épigram- 
ines  manquaient  de  sel,  et  il  mit  rare- 
ment les  rieurs  de  son  côté.  Dans  un 
de  ces  pamphlets,  il  prit  pour  épi- 
graphe ces  mots  de  l'Apocalypse  : 
Opéra  Nicolditarum  odisti  ?  equi- 
dem  odi.  Sa  correspondance  avec 
les  missionnaires  établis  à  la  Chine  , 
le  fit  quelquefois  soupçonner  d'être 
en  secret  catholique  ,  et  même  ce 
que  l'on  appelait  un  jésuite  de  robe 
courte.  Son  historien  s'efforce  de  le 
disculper  à  cet  égard ,  et  nous  ap- 
prend que  Murr  était  franchement 
déiste ,  ne  fréquentant  aucune  église, 
et  ne  croyant  à  aucune  révélation. 
Il  donne,  sur  la  vie  privée  de  son  hé- 
ros ,  de  grands  détails  dans  lesquels 
nous  ne  le  suivrons  pas  :  à  quoi  bon 
savoir  qu'il  ne  buvait  ni  vin  ni 
bière  ,  ne  faisait  point  usage  de  ta- 
bac ,  ne  prenait  jamais  de  thé,  mais 
qu'il  lui  fallait  au  moins  quatre  tas- 
ses de  café  chaque  jour  ?  qu'il  était 
grand,  sec,  etc.  11  nous  sufllra  de 
dire,  qu'il  fut  associé  aux  académies 
de  Gbttingue,  de  Berlin  ,  de  Gassel , 
de  Strasbourg,  de  Munich,  etc.;  qu'il 
fut  nommé,  le  ii  décembre  1807, 
correspondant  de  la  3".  classe  de 
l'institut  de  France  3  et  qu'il  mourut, 


MUR 


455 


presque  octogénaire,  leSavril  i8ri» 
Ses  travaux  ne  l'avaient  pas  enrichi: 
après  avoir  vendu  lui-même,  ou 
donné  a  divers  souverains ,  plusieurs 
des  manuscrits  ou  des  objets  les  plus 
curieux  de  sa  collection,  il  légua  sa 
nombreuse  bibliothèque  au  docteur 
Colmar  ,  président  de  la  société  pas- 
torale de  la  Pegnitz  (  F.  Herde- 
GEN  ) ,  lequel  fut  obligé  d'en  ven- 
dre It  plus  grande  jiartie,  en  1812, 
pour  payer  les  dettes  du  défunt.  J. 
Ferd.  Roth,  qui  rédigea  le  catalogue 
de  vente  (composé  de  5835  articles), 
y  joignit  une  notice  assez  étendue  suc 
la  vie  de  Murr  ,  avec  son  portrait» 
I.a  liste  de  ses  ouvrages  se  trouve 
disséminée  dans  {'Allemagne  litté- 
raire de  Meusel ,  dans  le  Diction- 
naire des  savants  Nurembergeois  , 
par  Will  et  Nopitsch  ,  et  dans  le 
Dictionnaire  de  Rotermund,  qui  en 
compte  quatre-vingt-deux,  quoique 
son  éntiijiération  ne  soit  pas  com- 
plète. Murr  publia  lui-même,  ea 
i8o'.i  et  i8o5  ,  la  liste  de  tous  se» 
ouvrages  imprimés  ou  inédits  (i)  : 
cinq  sont  en  fiançais  ,  et  trente  eu 
latin  ;  le  reste  est  en  allemand.  Ua 
grand  nombre  d'entre  eux  ne  sont; 
que  de  minces  brochures  :  quoique 
tous  ofi'rent  quelque  chose  de  cu- 
rieux ,  nous  ne  citerons  que  les 
plus  importants ,  en  commençant 
par  ceux  qui  sont  écrits  en  fran- 
çais :  I.  Essai  sur  l'histoire  des 
poètes  tragiques  grecs,  Nuremberg  , 
1760,  in -8".  11.  Bibliothèque  de 
peinture,  de  sculpture  et  de  gra- 
vure ,  Francfort,  in-jo,  2  vol.  in-S'». 
de  plus  de  800  pag.  C'est  un  ample 
catalogue  raisonné  de  tous  les  livres 


(i)  Depuis  1771,  jusqu'i  iRo4  ,  Murr  fit  aussi, 
tons  ii'ï  lieux  ans  ,  imprimer  ci>  la(in  et  en  iVançais  le 
Catalogne  di's  livres  ,  manuscrits ,  dessios  et  graTurr« 
de  sou  cabinet,  dont  il  n'avaif  plus  beïoiil  pouf  SfS 
travaiu,  «t  duut  il  voulait  «e  tleCiiie. 


,456  MUR 

concernant  les  arts  du  dessin  ,  ranges 
systématiquement  ,  quoique  d'une 
manière  assez  confuse  ,  et  termine 
par  une  table  al|)haljeli(|ue  des  au- 
teurs ,  au  nombre  de  plus  de  mille. 
L'aulcur  en  préparait  une  nouvelle 
e'dition  ,  très  -  augmentée,  lorsqu'il 
mourut,  m.  Bibliothèque  glypto- 
grapfiifjiie ,  Dresde,  iSu/j  ,  in-8°.  , 
de  UijGp.iges  :  c'est  une  réimpression 
du  chapitre  5  de  l'ouvrage  précé- 
dent (  qui  traite  des  pierres  gra- 
vées ),  avec  plus  d'i;n  lieis  d'aug- 
mentations, mais  sans  table  d'au- 
teurs. IV.  Description  du  cabinet 
de  M.  Paul  de  Fraun  ,  Nuremberg, 
1797,  in-h>\  ,  avec  sept  pi.  V.  Des- 
crijtion  des  ornemenls  impériaux  ^ 
etc. ,  gardés  à  Nuremberg  et  à  Aix- 
la-Chapelle  ,  ibidem  ,  1 790  ,  in-8'\  , 
avec  quinze  planches.  ^  I.  Commen- 
taliode  re diplomalicd Friderici  II, 
Altdorf.  175G,  in-4".  VII.  Cata- 
logus  omnium  openim  Mss.  et  sche- 
matnm  Georgii  Chr.  Eimmart,  Nu- 
remberg ,  1779,  in-4'*.  Cette  collec- 
tion ,  dont  il  était  possesseur,  se  com- 
posait de  cinquante  -  sept  volumes 
(  f^.  EniMART  )'y  il  l'augmenta  en- 
core depuis ,  et ,  dans  une  deuxième 
.édition  de  ce  catalogue  (  ibid.  1782, 
in-S".),  elle  s'élevait  à  soixante-deux 
volumes.  N'ayant  pu  trouver  d'ac- 
quéreur, il  en  enrichit ,  en  1786  ,  la 
bibliothèque  des  jésuites  de  Polocz  , 
•en  Russie.  VÏII.  Memorabilia  bi- 
bliothecarum  publicarum  Norim- 
bergenuum  et  itniversilalis  Altdor- 
finœ,  ibid.,  iu-8°. ,  tom.  i,  1786  , 
avec  huit  planches  ;  tom.  2  ,  1788  , 
quatorze  planches  ;  tom.  3  ,  i  791  , 
demplanches.Ce  n'est  pas  un  simple 
catalogue,  mais  une  notice  raisonnée, 
entremêlée  d'extraits ,  souvent  fort 
étendus,  tirés  des  manuscrits  inédits. 
(  F.  MuLLER ,  pag.  385  ci-dessus  }. 
On  peut  regarder  ce  livre  comme  un 


MUR 

modèle  en  ce  genre.  Outre  l'ancienne 
bibliothèque  de  la  république  de  Nu- 
remberg .  l'auteur  y  décrit  celles  de 
Solger,  de  Dilherr.de  Fenizer,  d'Kb- 
ner,  etc.,  qui  furent  successivement 
consacrées,  dans  la  même  ville,  à 
l'usage  du  public.  IX.  JSolilia  libri 
rarisiimi  geographiœ  Fr.  Berlin- 
ghieri,  ibid.  ,  «790,  in-8°.  ,  de  24 
pag.  A  la  suite  de  la  notice  sur  cette 
ancienne  géographie  (  Foj.  BtRLi.x- 
GniERi  ),  Muir  décrit  les  premières 
éditions  de  celle  de  Ptolémée,  et  rec- 
tille  quelques  inexactitudes  échap- 
pées a  Raidel,  qui  avait  traité  ce  sujet 
dans  le  plus  grand  détail.  X.JSodtia 
duorum  codicum  musicorum  Gui- 
donis  Aretini ,  etc. ,  ibid.  ,  1801, 
in-4°. ,  deux  planches.  XI.  Notilia 
trium  codicum  aufographorum  Joh. 
Begiomonlani ,  ibid. ,  1801,  in-4°., 
I  planche  f/"'.  Muller,  pag.  386  ci- 
dessus  \  XII.  Adnotationes  ad  bi- 
bliothecas  Hallerianas ,  in -4".  de 
72  pag.  (  F.  Haller  ,  XIX,  336.  ) 
XIII.  Ccnspectiis  bibllothecœ  glot- 
ticœ  universalis  propcdiem  edendœ, 
opus  quinquaginta  annonim ,  Nu- 
remberg, i8o4,  in-S".  de  32  pag. 
Ce  n'est  que  l'annonce  d'un  ouvra- 
ge immense  dont  les  maîériaux  ont 
passé  depuis  entre  les  mains  du 
professeur  J.  S.  Yat«r.  Ce  prospec- 
tus ne  contient  que  les  divisions  de 
l'ouvrage ,  et  la  classification  mé- 
thodique de  toutes  les  langues  con- 
nues (  au  nombre  de  466  ) ,  suivant 
le  système  de  l'auteur.  XIV.  Essai 
d^  une  histoire  delà  langue  anglaise 
et  de  ses  dialectes  ,  Leipzig  ,  i8o5 , 
iu-S'^.  XV.  Notices  surdii>ers  savants 
anglais  et  italiens  vivants  ,  avec  un 
Supplément  aux  voyages  de  Keyssler 
et  un  Mémoire  sur  la  numismatique 
anglaise  du  moven  âge,  Nuremberg, 
1770  ,  in-8°.  XVI.  Histoire  diplo- 
matique de  Martin  Behaim ,  ibid. , 


MUR 

1778,  in8«.  (  F.  Cr.HAiM.  )  XYII. 

Notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de 
Giordano  Bruno  ,  iHu.j  ,  iii-8".  (fg. 

XVIII.  Sur  le  meurtre  d'Albert  , 
duc  de  Friedland  (  F.  \VALLE^s- 
TKiN  ) ,  H;il!c,  1806,    in  -  8".  'i  pi. 

XIX.  Catalogus  chirografJiorum  et 
epistolarwn  autographarwn  perso- 
narum  celebrium  ,  Nuremberg  ,  in- 
8®.,  1797,  i8o';i.  XX.  Chirographia 
personaruni  celebrium  è  collectione 
C^  T.  de  Mun\,  missus primus,  Wei- 
mar,  1804,  iu-ful.  ,  12  pi.,  coiilc- 
nant  les  fac  simile  de  signatures  et 
dVcriturcs  autographes  de  .>-<S  per- 
sonuagps  célèbres  ,  Pétrarque  ,  Le 
Tasse  ,  Albert  Durer,  Cardan  ,  Lu- 
ther ,  Calvin ,  St.  Ignace  de  Loyola , 
la  reine  Christine,  Jusle-Lipsc,  Sau- 
maise ,  Leibnilz,  Voltaire,  Kous- 
seau ,  etc.  (  F.  le  Magas.  encycl.  de 
décembre  i8o5,  p.  4^3.)  Ce  cu- 
rieux recueil ,  qui  devait  avoir  en 
tout  60  planches  ,  n'a  pas  ëlë  conti- 
nue' dans  ce  format.  L'auteur  en  a 
seulement  publié  une  suite  dans  les 
Feuilles  littéraires ,  tome  in,  n°.  9, 
page  i38.  XXI.  Ben.  de  Spinosa 
adnotalinnes  ad  tractatum  theolo- 
gico-politicum  ,  ex  autographe,  cum 
imagine  et  chirographo  philosophi , 
la  rfne,  1802  ,  in-40.  XXII.  Anti- 
quités d'I/eiculamim,  Augsbourg  , 
1777-82,  6  part,  in-fol.  ,  contenant 
5o ,  60  ,  60 ,  7  o ,  94  et  i  o5  pi .  ^  id. , 
septième  partie,  Nuremberg,  1793, 
in-fol.  ,  98  pi.  X\III.  Specimina 
tmtiquissimœ  scripturœ  grœcce  te- 
nuioris  seu  cursivœ  ,  ante  Fespa- 
siani  tempora  ,  Nuremberg  ,  1792  , 
in-fol.  ,  fig.  ;  avec  un  supplément 
(  Manlissa  ) ,  ibid. ,  1798,  in-fol., 
0g.  XXIV.  De  papy  ris  seu  volu- 
minibus  grrcis  NercidanenJbus  , 
Strasbourg,  i8o4,  in-8'\ ,  de  60 
pages  et  2  planches.  XXV.  Extrait 
au  quatrième  livre  de  Philodème  , 


MUR  457 

sur  la  musique  ,  tiré  des  Mss.  trou- 
vés à  Horculanum  ,  avec  un  spécimen 
de    l'ancienne    musique    notée    des 
Grecs,  Bci lin,  i8o(J,  in-4".,de04 
pages  et  2  planches.  C'est  une  ver- 
sion allemanJe,  avec  commentaires, 
du  fragment  publié  dans  len".  pré- 
cédent. XXVI.  Mémoires  pour V his- 
toire des  premiers  e>sais  de  gra- 
vure en  taille  douce  ,  Augsbourg  , 
i8o4  ,  in -4". ,  5  planches.  XXVII. 
Al  cothaji  Meksowra ,  ou  Discours 
prononcé  par  le  muphti  au  sulthan 
actuel  Mustapha    111,   l'an     11 79 
(  17G5) ,  Nuremberg,  1767  ,  in-4<'. , 
avec  I  pi.  de  texte  arabe.  XWIII, 
Inscriptio  arabica  literis  cujicis  au- 
ro  iextili  picta  in  infimd  fimbrid 
pallii  imperialis,  Nuremberg,  1 790, 
in-8". ,  avec  2  pi.   et    16  grav.  eu 
bois.  L'inscription  qui  fait  le  sujet 
de  cette  curieuse  dissertation  ,  avait 
passé  jusqu'alors   pour  de  simples 
arabesques  ou  ornements  de  fantai- 
sie. XXIX.   Mémoires  (Beitraegc) 
pour  la  littérature  arabe  ,  Erlang  , 
i8o3,  in-4"..  3  pi.  On  y  trouve  la 
description  et  l'explication  de  quel- 
ques monuments  arabes  conservés  à 
Cordoue  ,  à  Iraola,  à  Cassel ,  etc.  , 
et  une  Notice  sur  l'état  de  la  littéra- 
ture arabe  en  Portugal,  en  Espagne 
et  à  Agram  (  F.  le  Magas.  cncfcl. 
de  i8o4  ,  VI ,  277  et  398  ).  XXX. 
Astrolabium  cufico-arabicum  quod 
adservatur  in  bibliothecd  publicd 
jVorimbergend  ,    cum   bibliothecd 
scriptorum  de  astrolabiis  ,  Leipzig, 
1806,  iu-4". ,  2  pi.  XXXI.  Haoh 
Kjoeh    Tshwen  ,   roman  chinois  , 
traduit  sur  la  version  anglaise ,  avec 
un   Essai  de  grammaire   chinoise , 
à  l'usage  des  allemands  ;  Leipzig, 
1766,  in-8''.  Ce  roman,  très-cclè- 
bre  à  la  Chine,  fut  traduit  en  fran- 
çais la  même  année,  par  Eidous  . 
d'après   la  même  version   anglaise 


458  MUR 

de  Th.  Perry  (  V.  Holwell  ,  xx  , 
49'3  ).  XXXII.  LitLene  patentas 
iiri'^ieratuiis  ^iniiiim  Kanz-hi.  — 
Noliliœ  SS.  Biblioruia  Judœorum 
in  imperio  Sinensi  (  f^.  KotcLLR, 
XXII,  519).  A  la  suite  r!u  premier 
de  ces  deux  oiivrac;es  ,  Miirr  donne 
un  aperçu  de  ses  travaux  sur  la  lan- 
gue chinoise,  et  y  joint  un  tableau 
des  noms  chinois  de  4'^  quadrupè- 
des ,  clasbés  par  lui  suivant  le  systè- 
me de  Linné.  Il  avait  déjà  pnblie  ce 
tableau  dans  le  Nalitralisle  Jialle, 
1775, iu-S".),  dans  le  n".  xii  ci  des- 
sus ,  et  ailleurs.  XXXIII.  E!,sai 
d'une  histoire  des  Jii'fs  à  la  Chine , 
avec  la  notice  de  la  Bible  qu'ils  y 
conservent  dans  leur  svnaaosue  de 
Caï  -  fong  -  fou  ,  et  un  suppléaient 
sur  l'origine  du  Pfntatcuque,  Halle, 
1807  ,  iu-S".  XXXIV.  Fo)  âge  de 
quelques  missionnaire  ;  jésuites  en 
Amérique,  Nuremberg,  1785,  -2. 
part.  in-8''. ,  avec  a  pi. ,  et  une  carte 
de  la  province  de  Maynas.  Gttte  re- 
lation des  missions  du  Haul-Mara- 
gnon  a  pour  auteur  le  P.  Fr.  Xav. 
Ycig]  ;  mais  Murr  y  a  fait  diver- 
ses additions  :  on  y  lit  (  pag.  SiiS- 
45o  ) ,  de  grands  détails  sur  la  lan- 
gue des  Indiens  voisins  de  l'Oréno- 
que ,  des  notes  du  P.  Anselme  Ec- 
kart  sur  le  Brésil  ,  etc.  XXXV. 
Forage  du  P.  f-Folfgang  Baier  au 
Pérou,  1776,  iu-8\  ,  avec  une 
suite  publiée  en  1810,  sous  ce  titre: 
Nolices  de  divers  pars  de  V Améri- 
que espagnole  ,  d'après  les  manus- 
crits autographes  des  missionnaires 
jésuites  ,  H  lUe  ,  in  -  8^  ,  avec  une 
grande  carte  espagnole ,  inédite ,  du 
Chili  et  de  l'île  Chiloé.  XXXVI. 
Description  des  principales  curio- 
sités de  Nuremberg  et  d' Altdorf , 
ibld. ,  1778,  in  8<*. ,  avecfîg.  etgrav. 
en  bois.  Le  caustique  Nicolaï(  Foya- 
ge,  i ,  208  ),  trouve  ce  livre  inexact 


MUR 

Pt  très-incomplet.  On  n'y  parlepoint 
du  gouvernement  et  de  l'elat  aduel 
de  l'industrie  dccette  ville  manufactu- 
rière :!edét.iil  de  sa  topographie  n'y 
occupe  que  1 3  pagfs,  tandis  que  l'au- 
teur en  consacre  35  à  la  description 
d'un  livre  chinois  sur  l'histoire  natu- 
relle, conservé  dans  la  bibliothèque 
d'AUdorf.  Le  lecteur  y  cherche  vai- 
nement le  plan  de  ces  deux  A'illes  ; 
mais  il  y  trouve  le  dessin  exact 
d'une  inscription  arabe  qui  se  lit 
sur  la  bordure  du  manteau  inipérial 
{F.  l'art,  xxvin  ci-dessus);  de  ma- 
nière, ajoute  Nicolaï,  quel'ouvjage 
aurait  plutôt  dû  être  intitulé  :  Z>ei- 
criplion  des  objets  que  M.  de  Murr 
a  jugés  les  plu:  remarquables  à  Nu- 
remberg. Au  reste  ,  cette  critique 
porte  a  faux,  puisque  le  titre  du  li- 
vre n'annonce  pas  une  description 
complète  ;  d'ailleurs  elle  ne  se  rap- 
porte qu'à  la  première  édition  ,  l'au- 
teur en  ayant  publié  une  entièrement 
refondueettrès-augmenlée, en  i8or. 
XXXVIl.  Curiosités  de  la  ville  de 
Bav.berg  ,  ibid, ,  1 799 ,  in-8°.  L'au- 
teur y  donna  un  supplément  dans 
les  Feuilles  littéraires  ,  tome  3,  n». 
9.  XXX\  III.  Collectiu  amplissimct 
scriptonim  de  Klinodiis  S.  R.  Imp. 
Gennanici  ,  de  coronatione  Imp.  , 
etc.,  1793,  in-8'\  XXXIX.  Des- 
cription des  oljets  servant  au  cou-' 
ronnemenl  des  empereurs ,  et  d'au- 
tres reliques  conservées  àAix-la-ChU' 
pelle ,  ibid.  ,  i8o  i ,  in-4*'.  ;  2*'.  édit. 
augm.  i8o5,  in-4°-,  4  pi- XL.  Sur 
la  fabuleuse  prétendue  sainte  am- 
poule de  Reims ,  ibid. ,  180 1  ,  in-S". 
de  16  pag.  La  figure  qu'il  présente 
de  l'ampoule  n'est  pas  exacte.  Les 
déclamations  de  l'auteur,  au  sujet  de 
la  crédulité  qu'il  attribue  aux  catho- 
liques ,  prouvent  qu'il  ne  connaissait 
pas  la  lettre  de  Pluche  sur  cette  re- 
lique (  F.  Plucuie  ).  XLI.  Sur  Ia 


MUR 

vraie  origine  des  Rose-Croix  et  des 
Francs  -  Maçons,  et  sur  l'iiisloirc 
des  Tciii[)liers,  Siil/.bacli,  i8o3,  iii- 
8".  (Je  iGo  jMj;.  ;  ouvrage  superficiel. 
Miirr  ne  t'ait  retnoiiter  l'ordie  des 
Rose  Croix  qu'à  Paracelse.ou  iiiêine 
qu'a  Jacob   Bœhm ,    et    celui    des 
Francs  -  INLnçoiis    qu'à    l'an    i63  3. 
XLII.  Notice  littéraire  .\ur  l'his- 
toire  des  prétendus  faiseurs  d'or, 
Leipzig,    iHoli  ,   iu  -  8".    XLllI. 
L'Homme  content  (  der  Zufried- 
ne),  feuille  hebdomadaire ,  Nurem- 
berg, 1703-64,  4  vol.  iii-S*^.,  avec 
musique  gravée,  et  les  portiails  de 
Micli(;l-Auge ,  de  Raphaël  et  diiCor- 
l'ége.  XLIV.  Journal  pour  l'histoire 
des  arts  et  de  la  littérature ,  ibid. , 
1775-89,  17  vol.  in-8".,  fig,  XLV. 
Nouveau  jounial  pour  V histoire  de 
la  littérature  et  des  arts,  Leipzig  , 
ï 798- 1800,  '1  vol.  iu-8'^.  Murr  a  été 
l'éditeur  des  deux  premiers  volumes 
de  V Uortus  nilidissinius  de  Trew  , 
i768-7'2,  iu-l'ol.  (  /^.Trew);  —  de 
]a  Historica  Cochinchince  descriptio 
in  epitoinen  redacta  du  P.  Koffler, 
abrégée  par  l'ex-jésuite  Ans.  Eckart , 
Nuremberg,    i8o3  ,  iu-S»^.;  —  du 
Tarahumaricuni   lexicon  ,    par    le 
P.  Matth.  Stelfel,  Halle,  1809,  in- 
8°.  (i)  II  a  traduit  du  grec  en  al- 
lemand la  Cassandraàe  i^ycophron 
(  dans  sou  Journal   de  littérature , 
dans  le  Ma^asinàe  Schirach  ,  etc.)  ; 
—  de  l'anglais  en  latin  et  en  alle- 
mand ,  la  Zoolosiia  britannica  (  V. 
Pennant  )  ;  — d'anglais  en  allemand 
la  Médée  àe.    Glover  (  1 7G3  )  ;  le 
yojage  à  Lisbonne  ,  de  Fielding 
(1764);  le  Traité  de  Pcrcival  Pott, 
sur  les  plaies  à  la  tête  (  1 768  )  ;  la 


^1  i  Vit*  ^ictii-Dnairtr  ;illeiBaud-lAraliuiuariqi)c  (  tau- 
guf  d'une  |>i'U|))Hdc  d'IniiiVns  de  la  Noiivelle-IV.vcnie, 
dans  i'auduii' e  de  Guudalajaia  )  ,  a  été  inséré,  au 
moins  en  partie,  dius  les  iS'ulices  de  divers  pays  de 
V/linénque  espagnole  ^  u",  XXXV  ti-ilcssus  }",  p-g. 


IMUR 


4'Ï9 


Notice  sur  la  découverte  de  Poin- 
peii ,  par  W.  Ilamilton  ^  1 780)  ;  — 
du  français,  V Ilisioire  de  l'Ajrique 
et  de  V Espa^^ne  sous   les   ,jrabes 
(  f^.  Cardoivne  ,  vil ,  1  if)  )  ;  un  Es- 
sai sur  les  machines  aérostatiques  , 
par  Faujas  de  Sainl-Fond  ;  —  du  la- 
tm  ,   une  Dissertation  sur  la  ma- 
nière de  former  les  cabinets  d'his- 
toire naturelle  ,  Leipzig,  '  77  '  1  il" 
8^'.  de  72  pag.  (  i); — de  l'csp-iguol , 
V Introduction  à  l'Histoire  naturelle 
de  l'Espagne ,  par  le  P.  Torrubia 
(  r.  ce  nom  )  ;  —  de  lita  ien  ,  une 
Notice  sur  les  Jésuites  établis  en 
Russie  (  1 785)  ;  et  presque  toutes  ces 
traductions  sont  enrichies  d'amples 
notes   historiques    et   bibliographi- 
ques. Parmi  les  nombreux  ouvrages 
que  Murr  a  laissés  inédits,  nous  iu- 
diq  lerons  seulement  un   Essai  sur 
l'histoire  de  la  musicj  e  à  i\urem- 
berg;  — Anecdota  LeUmitziana;  — 
Analecta  Spinosiana; — ]Solitiœ  ty- 
po^raph'.cœ ,  unà  cum  signis  char- 
tulariorum  ab  anno  iSig  ad  ann. 
i5oo,  avec  fig.;  et  dans  le  grand 
nombre   de   morceaux  intéressants 
qu'il    a   insérés    dans   divers   jour- 
naux ,  nous   signalerons  son  Essai 
sur  l'emploi  des  caractères  chinois 
comme  langue  universelle  (^Journal 
des  arts  et  de  la  littérature,  iv, 
i5o-2io),  et  un  article  sur  l'ancien- 
neté de   la  guillotine  (  Jounud  du 
luxe  et  des  modes,  1 797).  G.  M.  P. 
MURRâY  (Jacques,  comte  de), 
régent  d'Ecosse,  fils  naturel  de  Jac- 
ques V,  avait  pour  mère  Marguerite, 
fiile   de  lord   Erskine.  ]Sé  vers   le 
commencement  de   i53i,  il  avait 
onze  ans  de  plus  que  Marie-Stuart, 
sa  sœur  consanguine ,  dont  il  fut  tou- 
jours le  plus  cruel  ennemi.  Dès   le 


(1)  Ce  livre  ,  omis  par  Mccsel ,  Nopitscli  elRolf^r- 
Kiuiii,  »t  ciU-  ditu:>i«  DtUtUx  eotmiuuee,  p.  i\u 


46o  MUR 

berceau,  il  reçut  du  roi  son  père 
la  baronie  de  Tarnlallon;  et  il  n'a- 
vait pas  encore  sept  ans  ,  lorsque 
Jacques  V,  toujours  prodigue  pour 
ses  bâtards,  lui  conféra  le  prieuré 
de  Saint  -  André  ,  dont  il  porta 
long  -  temps  le  titre.  Il  commença 
ses  études  à  l'université  de  Saint- 
André  ;  mais,  à  la  mort  du  roi  , 
quoiqu'il  n'eût  encore  que  onze  ans, 
sa  mcre  le  relira  auprès  d'elle,  à 
LocLleven.  Lorsque  la  jeune  reine, 
Marie  Stuart ,  passa  en  France  ,  le 
prieur  de  Saint  André  l'y  accompa- 
gna. On  trouva  extraordinaire  de 
voir,  à  la  suite  d'un  jeune  homme  de 
dix-sept  ans,  des  savants  et  des  po- 
litiques ,  qui  afFectaient  une  gravité 
particulière.  Il  faut  prendre  garde  , 
en  lisant  les  Mémoires  du  temps  ,  de 
le  confondre,  comme  on  l'a  fait  trop 
souvent,  avec  un  de  ses  frères,  égale- 
ment fils  naturel  de  Jacques  V  ,  et 
que  l'on  appelait  aussi  le  Prieur 
à  Paris ,  parce  qu'il  possédait  le 
prieuré  de  Kelso.  Murray,  déjà  dé- 
voré d'ambition,  jeta  les  yeux  sur 
l'héritière  du  comté  de  Buchan  j  et , 
quoiqu'elle  fût  encore  en  bas  âge,  il 
parvint  à  faire  signer  un  contrat  de 
mariage,  qui  lui  servit,  par  la  suite, 
à  envahir  les  biens  immenses  de  cette 
illustre  famille ,  quoique  l'union  pro- 
jetée ne  s'accomplit  jamais.  Cette 
profonde  astuce  annonçait  déjà  ce 
qu'allait  être  Mtu'ray  dans  le  monde. 
lise  fit  donner  des  pleins-pouvoirs 
pour  gérer  les  affaiï'es  de  la  jeune 
reine-dauphine ,  comme  on  l'appe- 
lait alors;  et  il  n'eu  usa  que  pour 
nuire  en  tout  à  une  sœur  trop  own- 
veilîanle.  Il  ne  négligea  pas  d'oiite- 
nir  d'elle  des  lettres  de  légitimation. 
Passant  coutiuuellenicnt  u'Ecosse  en 
Franco  ,  et  de  Frauce  en  Ecosse  ,  on 
observa  qu'il  prenait  toujours  sou 
chemin  par  Londres.  Il  y  tramait 


MUR 

déjà  ces  odieuses  intrigues  qui  avaient 
pour  but  manifeste  d'arracher  la 
couronne  à  Marie,  et  de  la  placer  sur 
sa  tète.  Premier  espion  d'Edouard 
VI  à  Paris,  il  mettait  ses  services  à 
haut  prix.  L'appui  du  gouvernement 
anglais  lui  était  utile  d'ailleurs ,  pour 
accomplir  son  projet  favori  :  c'était 
d'extirper,  s'il  le  pouvait,  les  der- 
nières racines  du  catholicisme  dans 
sa  patrie  ,  pour  y  faire  triompher  la 
cause  de  la  réformation.  C'était  à 
ses  yeux  le  moyen  le  plus  sûr  d  éloi- 
gner tous  les  cœurs  de  Marie  Stuart , 
née  catholique ,  et  plus  zélée  que  ja- 
mais pour  l'ancienne  religion  de  l'é- 
tat, depuis  qu'elle  avait  uni  son  sort 
à  celui  du  jeuue  François  II.  Mais 
pendant  que  Murray  persécutait  l'é- 
glise catholique  en  Ecosse,  il  recher- 
chait ses  faveurs  en  France.  Il  y 
avait  obtenu  le  prieuré  de  Marcou, 
et  il  sollicitait  même  un  évêché.  Les 
projets  criminels  de  cet  ambitieux 
étaient  si  peu  déguisés  ,  qu'il  existe 
encore  des  lettres  où  François  et 
Marie  lui  en  font  de  vifs  reproches. 
La  correspondance  de  Cecil,  minis- 
tre d'Elisabeth,  avec  Throgmorton 
et  ses  autres  envoyés  ,  prouve  que 
Murray,  qu'ils  ne  nomment  jamais 
que  lord  Jacques ,  agissait  d'intel- 
ligence avec  la  reine  d'Angleterre. 
Cette  perfide  princesse,  quand  elle 
voulut  enlever  Marie  Stuart ,  à  son 
retour  de  France,  n'avait  pour  but 
que  de  mettre  le  sceptre  dans  les 
mains  d'un  homme  qu'elle  regardait 
déjà  comme  son  vassal.  Ce  ne  fut 
point  la  faute  de  Murray,  si  la  reine 
sa  sœur  échappa  aux  vaisseaux  an- 
glais qui  croisaient  sur  sa  route  :  il 
iciU"  avait  fourni  tous  les  renseigne- 
ments nécessaires.  Rentrée  en  posses- 
sioadcsos  états  héiiditaii'es,  la  jeune 
Marie, sansexpérience  etsans  appui, 
ne   montra  que  trop   de  déférence 


MUR 

Mil-  les  conseils  de  ce  frère  hypo- 
it( .  Mais  le  moment  ctail  arrivé  , 
I  (Ile  allait  le  comiaîtrc.  Dès  que 
(Il  lay  vil  qu'il  n'clait  plus  en  son 
iiivoir  d'empèclier  le  inariaç^e  de  la 
i III' avec  son  cousin  lor  i  Dandey, 
roulât  de  les  enlever  l'un  et  l'iiu- 
('.  Maiic  fut  obli'^co  de  prendre  les 
mes   pour  sa  sûreté  personnelle, 
miay  s'éloigna;  mais,  dès  le  len- 
Miaiii  de  l'assassinat  de  Riz/.io,  il 
uliaen  triomphe  dans  Édinbourg, 
■ce    les    principaux,  conjurés.    La 
tissauced'un  héritier  du  troue  râl- 
ai.t  toutes  ses  fureurs.  A  la  ccré- 
iiie  du  baptême,  il  refusa  d'entrer 
m.   la    chapelle  d'une   idolâtre  : 
.  (lit  ainsi  qu'il  désignait  sa  souve- 
iiio.  SesprocédéscavcrssoM  époux, 
Kii  Henri ,  étaient  si  injurieux 
il    ce  prince    menaça    de    quitter 
v'osse,  si  Murray  n'eu  était  éloi- 
iv\  Mais  nue  catastrophe  soudaine 
iiuhela  question  :  le  roi  est  assas- 
.  Murray,  accusé  ouvertement  et 
justement  d'être  le  chef  du  com- 
i'l,  passe  en  France,  accumulant 
riait  siu-  forfait  ;  et  il  invente  un 
m  réellement  infernal  ,  pour  re- 
cr    sur    la    reine    elle  -  même   le 
t'urlre  de  l'époux  qu'elle  pleure. 
-I  pour  premier  complice  de  son 
;ii  ide  ,  le  comte  de  Bothwell  :  il 
-;^  ite  à  enlever  Marie,  à  la  forcer 
lui  donner  sa  main  ;  il  fait  enfin 
illcrla  couronne  à  ses  yeux.  Mais 
I  ind  le  rapt  est  consommé,  quand 
iifortunée    princesse    s'est     laissé 
aîucr  à  l'autel ,  le  chef  de  cet  exé- 
ible  complot  se  montre  à  décou- 
i;,U  ;rt.  Tous  les  seigneurs  écossais,  qui 
sont  attachés  à  la  fortune  de  .Mur- 
ly,  tournent  le  dos  au  trop  crédule 
othwellàls  le  contraignent  de  fuir; 
Marie,  prisonnière,  reçoit  l'ordre 
s  décerner  la  régence  au  frère  bar- 
ire  qui  a  creusé  l'abîme  sous  ses 


MUR  46 1 

pas.  11  reparaît  insolemment  devant 
sa  victime  :  il  l'accable  d'oulrdges  , 
il  lui  reproche  d'avoir  fait  ce  que 
lui-même  l'a  contraint  de  faire;  il 
la  mot  enfin  sous  la  garde  de  sa 
proj)re  mère,  qui,  fidèle  aux  ins- 
ti  uclions  de  son  fils  ,  traitait  la  fille 
légitime  de  Jacques  V  comme  une 
bâtarde  et  une  usurpatrice.  Marie 
trouve  le  moyen  de  briser  ses  fers; 
ses  fidèles  sujets  courent  se  ranger 
sous  son  étendart.  Murray  se  met 
audacieusement  à  la  tête  des  rebelles, 
et  force  bientôt  sa  souveraine  et  sa 
sœur  à  chercher  un  asile  en  Angle- 
terre. Les  ministres  d'Elisabeth ,  et 
Elisabeth  elle  -  même  ,  attendaient 
leur  proie.  Depuis  long-lemps  ,  l'in- 
farae  régent  était  aux  gages  de  la 
cruelle  rivale  de  Marie.  I!  entrete- 
nait à  sa  cour  des  agents  dignes 
d'elle  et  de  lui^  et  entre  autres,  Jac- 
ques Melvill ,  secrètement  pensionné 
par  Elisabeth ,  et  dont  il  ne  faut ,  par 
conséquent,  lire  les  Mémoires,  qu'a- 
vec une  extrême  défiance.  Dès  que 
la  captivité  de  la  reine  est  bien  cons- 
tatée ,  Murray  fait  jouer ,  à  Édin- 
bourg ,  une  exécrable  comédie.  H 
demande  vengeance  du  meurtre  du 
roi  Henri ,  lui ,  le  premier  des  meur- 
triers de  ce  prince.  Les  commissai- 
res de  Marie  ont  le  courage  de  ré- 
torquer, contre  le  régent  lui-même, 
l'accusation  de  régicide.  Effrayé  un 
instant,  il  court  en  Angleterre  pour 
y  plaider  sa  cause  ;  elle  était  déjà 
gagnée  d'avance.  Bientôt,  on  le  vit 
revenir  en  Ecosse  ,  flétri ,  par  un 
présent  de  cinq  mille  livres  ster- 
ling ,  trop  faible  prix  de  ses  lâches 
perfidies.  Il  en  commet  à  l'instant  une 
nouvelle  ,  digne  de  toutes  les  autres. 
Le  duc  de  Norfolk  conçoit  le  projet 
d'arracher  Marie  de  sa  prison.  II 
croit  ne  pouvoir  mettre  trop  de  con- 
fiance dans  l'homme  qui  a  l'honneur 


462 


MUR 


d'être  son  propre  frère;  il  implore 
ses  b'jiis  ollices  :  Muii.iy  ics  lui  pro- 
met, et  il  envoie  toutes  ses  lettres  à 
ilisabellî.  Norfolk,  en  nioiilant  sur 
l'échafaiid  ,  reconnait  quel  coiilideut 
il  a  clioisi.  Mais  il  est  bientôt  venge. 
Murray  est  tué  d'un  coup  d'arqi  e- 
tuse  (  ^3  janvier  KÎôg  ) ,  comme  il 
passait  à  cheval  dans  une  rne   de 
Linlifligow  ,  par  un  mari  qu'il  avait 
oflensc  (i).  Il  ne  laissa    que  deux 
filles,  et  point  de  fortune  ,  quoiqu'il 
eût  eu  des  biens  iramei.ses.  Ses  pro- 
fusions et  ses  complots  avaient  tout 
absnrl  é.  Le  régent  d'Ecosse  ne  fut 
pleure  que  d'E!i>abetli  :  elle  s'écria, 
en  apprenant  sa  mort,  qu'elle  per- 
dait l'ami  le  plus  utile  qu'elle  eût  ja- 
mais eu.  Ce  mot  seul  couvre  Mur- 
xay  d'une  éternelle  infamie.  On  peut 
consulter,  sur  sa  vie  politique,  l'un 
des  six  mémoires  recueillis  par  M'". 
Clialraers ,  à  la  suite  delà  vie  de  Ma- 
rie Stuart,  (  F.  l'article  de  cette  rei- 
ne, XXV II ,  99.  )         S — V — s. 

MURRAY  (  Jacques),  prédicant 
écossais,  né  à  Dunkeld  ,  en  1702, 
fut  quelqre  temps  second  prédicateur 
d'une  congrégation  de  Westminster  : 
mais  ses  idées  exaltées  et  sa  tournure 
d'esprit  romantique  n'ayant  pu  ob- 
tenir défaveur,  il  s'attacha  au  duc 
d'Athol ,  qui  lui  donna  un  asile  dans 
sa  maison;  c'est  là  qu'il  composa  uu 
livre  intitulé  :  Aletheia,  ou  Sjstème 
de  vérité-  morales ,  en  forme  de 
lettres,  1  vol.  in- 12.  11  mourut  à 
Londres  ,  en  i658.  —  Un  autre  Jac- 
ques MvRRAY  ,  raiui,stre  anglican  , 
mort  en  1782,  possédait  un  esprit 
aussi  original,  maisplus  gai,  comme 

(l)t'el  lionimi  ctait  Jacques  Hamillnn  de  Bolh- 
^ellaush.  A|  rès  avoir  tué  BluiTfty.  il  se  sauva  en 
Francr.  Coniine  U'  rrt;enl  d'Ecosse  était  |irolesta)it , 
ou  crut  apparcmineiil  à  Paris.  qu'HamlIton  faisait 
Iirtifrssiou  de  tuer  !■  nsles  proteslanis,  't  on  lui  pro- 
jiosa,  dit-on,  de  tuer  Coligui  :  «  Vous  pouvez  roinp- 
»  ter  sur  moi  ,  rcpou*iit-îl ,  qnand  l'amiral  m-'aura 
tt  auuiciuelUiacBloutragéquel'dVoilfiiitlerrgeut.  » 


1\IUR 

on  peut  en  juger  par  ses  Sermon 
aux  ânes  ,  et  ses  Lectures  aut  eyè 
ques,  où  il  montre  beaucoup  d'hu- 
meur contre  l'épiscopal.  On  a  auss 
de  lui  une  Jlisioire  des  éiçlise: 
d' yJn^leterre  et  d'Ecosse,  en  3  vol. 
in-8°. ,  imprimées  sans  nom  d'au- 
teur. L. 
MURRAY  (William).  F.  Mans 

FIELD. 

MURRAY  (  Adolphe  ) ,  profes- 
seur d'auatomie,  et  médecin  du  roi 
de  Suède,  né  à  Stockholm,  en  i^So 
est  mort  à  Upsal,  le  5  mai  i8o3. 
Son  père  était  pasteur  de  l'église  al- 
lemande à  Stockholm  ,  et  lui  donna 
une  éducation  très -soignée.  Miirray 
fit  ses  études  à  Upsal,  sous  les  meil- 
leurs maîtres,  et  il  soutint  une  thèsf 
ayant  pour  objet  des   obserA'ations 
anatomiques,  qui  fixèrent  l'attention 
du  fameux  Haller.  Ayant  entrepris  ut 
voyage  dans  l'étranger,  il   s'arrêta 
long-tempsà  Florence,  yacquitl'és 
lime  du  grand -duc,  et  lit  une  étudt 
aprofondie  de  tout  ce  que  le  musée 
offrait  de  relatif  à  l'anatomie.  Re- 
tourné en  Suède,  en    1774,  il  fui 
chargé  d'enseigner  cette  science  à 
l'université  d'Upsal  ;  et  il  s'acquitta 
des  devoirs  de  sa  place  avec  un  zèk 
infatigable   jusqu'à  sa  mort.  Il  fit 
soutenir  un  grand  nombre  de  thèses 
sur  des  sujets  neufs  et  intéressants; 
et  il  enrichit  de  savants  mémoires 
les  recueils  de  l'académie  des  scien- 
ces de  Stockholm  et  de   la  société 
royale  d'Upsal.  Murray  était  membre 
de  ces  deux  sociétés  savantes,  ainsi 
que  des  académies  de  Berlin  et  de  Flo- 
rence. Il  avaitdeuxdesesfrères  Jean- 
Philippe  et  Jean- André,  l'un  et  l'au- 
tre professeurs  à  Gbltingue,  et  qui 
se  sont  fait  connaître  par  des  recher- 
clies  historiques  et  philologiques,  et 
parla  traduction  du  Voyage  de  Pierre 
Kalm  eu  allemaud,  qu'ils  publièienl 


MUR 

nsociete. — T/aînc'  (  Jean-Pliilippe) , 
le  à  SIeswi;;,  i-n  \']'ii),  mort  le  ri 
anvîcr  xr'jO,  a  Ira  luit  eu  .illiiiianJ 
es  Obscrv.ilioiis  critiques  clcNoi'.l- 
)erg,  sm- l'Histoire  de  Charles  XII 
par  Vollairc),  et  d'aiilres  ouvrages 
uedois ,  et  a  public  plusieurs  eurieu- 
es  dissertations  sur  la  géographie  et 
'histoire  des  pays  du  nord,  dans 
es  recueils  de  l'acade'mie  de  Gottin- 
;iie.  — Son  autre  frère,  Jean-André 
VluRRAY,  ne'  à  Stockholm,  le  27 
anvier  1740,  mort  le  22  mai  1791, 
?tait  prol'esseur  de  médecine,  et  di- 
ectcur  du  jardin  botanique  (  de 
jtottingue  ).  Outre  plusieurs  traduc- 
ions  et  dissertations,  dont  on  peut 
'oir  le  de'tail  dans  Meusel,  nous  ci- 
erons  de  lui  :  I.  Enumeratio  libro- 
um  prœcipuorum  medici  argiunen- 
t,  Leipzig,  1773  (1772),  iu-S", 
^.  G.  de  Halem  en  donna  une  ëdi- 
ion  très-augmente'e  ,  Auricb ,  1 792 , 
a-8''.  II.  Bibliothèque  de  médecine 
>rafi</Me ,  Goltingue ,  1774-81,  12 
los.  formant  3  vol.  in  S"^.  (  eu  alle- 
nand).  III.  ^pparatus  medicami- 
mm,  1776  1792  ,  6  vol.  in-8°.j  re- 
mpriraé  en  1793,  et  dont  on  a 
leux  traductions  en  allemand.  L'É- 
oge  de  ces  deux  frères,  par  Heyne, 
îe  trouve  dans  le  recueil  de  l'acade'- 
niede  Gbttingue  {Comment.,  t.  10, 
;l  Novi  cornm.j  tom.  G).  C — au. 

MUfiTHOG.  r.  Brien. 

MURVILLE  (P.  N.André  ,  plus 
connu  depuis  sous  le  nom  de  ),  na- 
quit en  1 754,  et  débuta  dans  le  inou- 
ïe littéraire  sous  le  nom  d'André 
jui  était  celui  de  sa  famille,  et  qu'il 
abandonna  ensuite  pour  en  prendre 
un  moins  commun,  et  qu'il  espérait 
illustrer.  Il  n'avait  que  dix-neuf  ans 
lorsqu'il  concourut  pour  le  prix  de 
poésie  à  l'académie  française.  Il  ne 
Tobtiiit  point,  mais  ne  se  découragea 
pas,  et  fut  pcuda^it  c[uelqu«$  a(iu««s 


MUR  453 

l'un  des  plus  obstinés  concurrents. 
Enfin,  eu  «77^,  le  prix  fut  partagé 
ciilrc  Miirvillc  et  Gruct  élève  de  De- 
lille  (mort  peu  de  temps  après  ). 
Les  deux  auteurs  avaient  imité  le 
même  morceau  d'Homère.  Enivré 
de  son  demi -triomphe  ,  Murville 
s'écriait  :  Si  je  ne  suii  pas  de  l'aca- 
démie à  trente  ans,  je  me  bnile  la 
cervelle,  —  Taise z-^u >us ,  cerveau 
brûlé ,  répondit  la  célèbre  M'I"^.  Ar-? 
nould,  qui  fut  depuis  sa  belle-mère. 
Murville  n'a  jamais  été  de  l'académie, 
et  il  a  vécu  bien  au-delà  de  trente 
ans.  En  1779,  quoique  n'ayant  mé- 
rité que  l'accessit,  il  toucha  le  mon- 
tant du  prix.  Laharpe,  académicien, 
avait  envoyé  au  concours,  dont  le 
sujet  était  l'éloge  de  Voltaire,  un  Di- 
thyrambe, auquel  le  prix  fut  décer- 
né. M.  d'Argental,  qui  s'était  prêté  à 
cette  infraction  au  règlement, déclara, 
au  nom  de  l'auteur  qui  voulait  rester 
anonyme,  qu'il  renonçait  à  la  mé« 
daille,  en  faveur  de  celui  qui  avait 
eu  l'accessit.  En  t  785 ,  un  prix  fut 
donné  à  Murville  par  l'académie 
française  ;  c'était  celui  d'encoura  - 
gement ,  fondé  par  ValbcUe.  Le  suc- 
cès de  la  comédie  intitulée  Melcour 
et  Ferseuil,  avait  déterminé  le  suf- 
frage de  l'académie;  etl'auteur  cou- 
rut quelque  temps  la  carrière  drama-» 
que,  sans  perdre  de  vue  l'académie 
française  et  ses  lauriers ,  ou  plutôt 
sa  médaille.  Deux  de  ses  pièces  fu- 
rent l'objet  d'une  mention  honorable 
en  1790.  Mécontent  de  ce  jugement, 
le  poète  voidut  haranguer  le  pu- 
blic pour  prouver  que  l'académie 
aurait  dû  lui  adjuger  le  prix.  Ou 
ne  voulut  pas  l'entendre;  et  Mur- 
ville, dans  la  préface  qu'il  mit  à  ses 
deux  opuscules  en  les  faisant  impri- 
mer, ne  craignit  pas  dédire  qu'il  ne 
tenait  qu'àlui  à' attaquer l' académ.ia 
9n  restitution,  uiàU  qu'il  était  au-' 


464 


MUR 


dessus  de  (juatre  cents  livres  (c'était 
le  montautdes  prix,  (jiii  est  aujour- 
d'hui de  quinze  cents  francs);  et 
le  prix  ayant  été  remis ,  il  signa- 
la d'avance  comme  un  voleur  l'hom- 
me de  lettres  qui  l'obtiendrait 
l'année  suivante.  L'année  suivante, 
il  ne  fut  Aucunement  mention  de 
lui  à  l'académie  ;  mais  il  appela 
d'une  autre  manière  l'attention  du 
public.  Le  24  décembre  1791,  pour 
remplacer  un  acteur  malade,  il  joua 
lui  même  le  rôle  de  Nasser  dans  sa 
traj^édie    à' Abdelazis.  l'end.mt  les 

cruerres  de  la  révolution  ,  Murville 
*^      .  .  .    * 

serviten  qualité  de  capitauie,  et  com- 
posa nue  pièce  de  théàtie  en  l'hon 
neur  de  la  cause  qu'il  défendait  de 
son  bras.  Revenu  à  Paris ,  il  se  livra 
tout  entier  aux  lettres,  et  n'en  de. int 
pas  plus  riche.  En  1811  ,  il  paya, 
comme  tant  d'autres  ,  son  tribut  au 
rejeton  de  Napoléon.  11  avait  fait 
jouer  denx  pièces  sur  le  théâtre  de 
rOdéon,  en  181  o  et  en  1812.  Le  27 
octobre  1812,  après  la  première  re- 
présentation de  son  drame  d'//e7oi;5e, 
il  réjouit  fort  le  parterre  par  les  re- 
mercînients  qu'il  lui  adressa  an  mi- 
lieu des  sifflets,  déclarant  qu'il  re- 
connaissait avec  une  gratide  recon- 
naissance l'indulgence  qu'on  avait 
eue  pour  son  faible  talent.  Quelque 
temps  après,  un  acteur  de  ce  théâtre, 
s'étant  permis,  dans  un  de  ses  rôles, 
de  parodier  Murville,  celui-ci,  juste- 
ment piqué,  demanda  une  réparation 
qui  lui  fut  refusée ,  et  se  décida  à 
retirer  sa  pièce  :  il  n'avait  cepen- 
dant, pour  subsister  ,  que  le  produit 
des  représentations.  Legouvé  avait 
e'të  l'élève  de  Murville  et  l'avait 
presque  journellement  à  sa  table. 
La  perte  de  Legouvé  fut  d'autant 
plus  grande  pour  Murvil'e ,  qu'il 
était  d'un  appétit  extraordinaire  ;  il 
ne  pouvait  le  satisfaire  tous  les  jours. 


MUR 

Enfin,  après  avoir  ce'lébréla  restau- 
ration ,  il  est  mort  dans  la  misère ,  à 
la  (in  de  décembre  1814,  ou  au  com- 
mencement de  janvier  181 5.  On  a  de 
lui  :  L  Epitre  d'un  jeune  poète  à  un 
jeune  ^uerrer,  i773,in-8°.  11.  Les 
Bienfaits  de  la  nuit,  ode,  1774» 
in-iu.in.  Epit'esui  les  avantages 
des  j'tmmes  de  trente  ans  ,  1775  , 
in-8".  ;  ces  trois  pièces  ont  concouru 
pour  le  prix  de  l'académie  française. 
IV.  Les  Adieux  d' Hector  et  d' An- 
dromaque ,  par  MM.  Giuet  et  Mur- 
ville, pièces  ijui  ont  parlagé  le  prix, 
1776,  in-8°.  V.  \j  Amant  de  Julie 
d'Èlange ,  ou  E/ître  d' Htrmoiime 
à  son  ami,  1776,  in-S".  VL  Ej  itre 
à  Voltaire,  pièce  qui  a  obtenu  lac- 
cessit  del'ùcadéinie  française,  1779, 
in-8°.  VII.  Les  Rendez-vous  du  ma- 
ri, ou  le  Mari  à  la  mode,  comédie 
en  un  acte  et  en  vers,  178a,  in -8°. 
Le  sujet  était  pris  dans  le  conte  de 
Chamfort.  intitulé,  ]e  Bendez-vous 
inutile.  VIII.  Melcour  et  rerseuil^ 
comédie  en  un  acte  et  en  vers ,  1 783, 
in-8°.  Une  aventure  de  Mll'^.Arnonld, 
belle  mère  de  l'auteur,  en  avait  four- 
ni le  sujet  (  F.  la  Correspondance 
de  Grimm,  tome  xiv,  page  •27':). 
IX.  Lainval  et  Fivianne,  ou  les 
Fées  et  les  chevaliers ,  comédie  hé- 
roï-féerie ,  en  cinq  actes  et  en  vers  , 
1788,  in-8  '.  Le  fond  était  tiré  d'un 
ancien  fabliau.  Ce  ne  fut  qu'avec  bien 
delà  peine  que  la  pièce  alla  jusqu'à 
la  dixième  représentation,  X.  Le 
Pajsage  du  Pcuisin ,  ou  Mes  il- 
lusions ,  épîlre  à  M.  de  Bounieii  , 
et  Dioclélien  à  Salone  ,  ou  Dia- 
logue en  vers ,  entre  Dioclétien  et 
Maximitn,  pièces  mentionnées  ho- 
norablement par  l'académie,  «790, 
in-8''.,  1791  ,  in-8°.  XI.  Ahdelazis 
et  Zuleima,  tragédie  en  cinq  actes 
et  en  vers,  i  791  ,  in-8'\  La  f  ble  que 
l'auteur  débita  le  jour  qu'il  y  joua  un 


MUR 

vûle,  est  ixnpiiinc'e  dans  le  Journal 
de  Paris  du  .iW  dcccnibrc  1 70 1 .  u-Jb- 
delazis  a  efe  nmis  au  théâtre,  en 
1807,  mais  n'y  est  pas  resté.  XII. 
Euinèiie  et  Codrus ,  ou  la  Liberté 
de  ThèbdSytr3i^é(\[c  républicaine,  en 
trois  actes  et  en  vers,  Bordeaux,  an 
III ,  iii-8<'.  XIII.  Les  Saisons  sous 
la  zone  tempérée ,  poème  en  tpiatrc 
chants  (  et  en  vers  libres  ) ,  Ba'ionnc, 
in-8'*. ,  sans  date,  mais  de  1796  ou 
environ.  C'est  probablement  cet  ou- 
vrage qu'il  reproduisit  sous  le  titre 
de  l'Année  champêlre ,  poème  en 
quatre  chants  et  en  vers  libres,  suivi 
de  Poésies  diverses,  1807,  in -8''. 
XIV,  Ode  sur  le  prochain  accoU' 
chement  de  S.  M.  l'impératrice , 
181 1,  iii-S-'. ,  et  dans  V Appendice 
aux  hommages  poétiques.  XV.  Hé- 
Idise,  drame  en  trois  actes  et  en 
vers,  181  ■^,  in-S**.  XVI.  Les  Infi- 
niment-petits, ou  Précis  anecdoti- 
que  des  événements  qui  se  sont  pas- 
sés au  théâtre  de  V  Odéon  ,  les  l'i  et 
29  novembre  18 ri,  ou  Détails  sur 
les  vices  d' administration  de  ce 
théâtre ,  qui  sont  cause  de  tous  ces 
désordres,  i8i3,  in- 8».  XVU.  La 
Paix  de  Louis  XVIII,  ode,  1814, 
in-S".  Murville  avait  fait  jouer,  le 
II  février  1790,  sur  le  Théâtre 
français ,  une  comédie  épisodique 
Qiclée  de  chants  et  de  danses ,  inti- 
tulée \*i Souper  magique,  ou  les  Deux 
ùècles ;  en  1798,  sur  le  Théâtre  de 
a  République ,  le  Huila  de  Samnr- 
:ande ,  comédie  en  cinq  actes  et  en 
vers;  et  en  1810,  à  l'Odéon,  Vln- 
'érieur  de  la  comédie.  Aucune  de 
;;cs  trois  pièces  n'est  imprimée.  Qucl- 
;jues  années  avant  sa  mort,  il  avait 
lu,  à  l'Athénée  de  P;;ris,  une  autre 
:oraédie  intitulée,  les  Journalistes  , 
pi  n'a  été  ni  représentée  ni  impri- 
mée. Si  l'on  en  croit  Laharpe  [Cor- 
respondance littéraire ,  tome  V.  p. 

XXX. 


ML'S  465 

3 1  o),  Murvilleest  auteur  de  V  Amour 
exilé  des  deux,  coiuédie  imprimée 
sous  le  nom  de  M'"'^.  Duficsnoi.  Il 
a  coopéré  au  Courrier  Ijrique  et 
amusant,  ou  Passe-temps  des  toi- 
lettes ,  publié  par  cette  dame,  en 
178G  et  1787.  Les  Almanachs  des 
Muses  et  autres  recueils  contiennent 
aussi  des  pièces  de  Murvdle.  A.  B-t. 
MUSA  (  Antomus  ) ,  célèbre  mé- 
decin, était,  suivant  l'opinion  com- 
mune, un  allranchi  de  la  famille 
Pomponia,  dont  il  yarda  le  surnom. 
D'autres  prétendent  qu'il  était  d'ori- 
gine grecque ,  et  que  son  père  se  nom- 
mait lasus.  Pline  parle  d'un  frère  de 
Musa,  nommé  Euphorbe,  médecin 
de  Juba,  roi  de  Mauritanie;  et  il 
ajoutequ'une  plante,  dontilavait  dé- 
couvert les  propriétés,  reçut  de  ce 
prince  lenom  cV  Euphorbia^liv.  xxv 
ch.  7  ).Musaavait  reçu  uneéducation 
très-distinguée.  11  étudia  la  médecine 
pour  soulager  son  père ,  accablé  d'in- 
firmités; et  il  fit  de  grands  progrès 
dans  cet  art.  Auguste,  touniunté 
d'une  maladie  au  foie,  contrelaquclle 
avait  échoué  tout  l'art  des  médecins 
manda  Musa,  qui  lui  prescrivit  un 
trailement  contraire  à  celui  qu'on 
avait  employé  jusqu'alors.  Il  suppri- 
ma les  fomentations,  et  les  remplaça 
par  des  bains  froids  et  des  boissons  ra- 
fraîchissantes. Ce  moyen  lui  réussit; 
et  l'empereur  recouvra  promptement 
la  santé.  Auguste  reconnaissant  com- 
bla Musa  de  richesses ,  et  lui  accorda  le 
droit  de  porter  un  anneau  d'or,  privilè- 
ge réservé  aux  personnes  de  l'ordre 
des  chevaliers.  Musa  ne  fut  pas  tou- 
jours aussi  heureux daus  sa  pratique; 
et  l'usage  des  bains  froids,  qui  avait 
sauvé  Auguste,  hâta,  ou  du  niuins 
ne  put  empêcher  la  mort  de  Marcei- 
lus.  Mais  comme  on  soupç  .ma  le 
jeune  prince  d'avoir  été  empoison- 
né, cet  accident  ne  nuisit  point  à  la 
00 


466 


MUS 


réputation  du  mëdecin.  11  avait  aussi 
la  'juiinaiice  d'Horace,  auquel  il  con- 
seilla de  renoncer  aux  baiiis  de  Baies 
(liv.  i^""-,  epîtrc  1 5  ;;ct  ii  était  l'a- 
mi intime  de   Virgile.    Alterbmy , 
évêquc  de  Rocliester,  prétend  que 
c'est  Musa  que  le  poète  a  célébré , 
dans    le  douzième    livre    de    l'/i- 
jiéide,  sous  le  nom  de  Japis.  Il  a  éta- 
bli ce  sentiment,  dans  une  curieuse 
Dissertation,  imprimée  à  Londres, 
en  1740,   in-8^. ,   et   dont  on   lit 
un  Extrait  à  la  suite  de  la  traduc- 
tion de  VÉjiéide,])air  l'abbé  Dcst'on- 
laines.  11  paraît  que  Musa  avait  lais- 
sé des  observations  sur  les  proprié- 
lés  médicales  de  quelques  plantes  , 
du  cloporte  et  de  la  vipère  (  Pline, 
liv.  XXIX,  cb.  6).  On  lui   attribue 
un  petit  Traité  de  la  létoine,  pu- 
blié par  Hnmelberg,  avec  des  notes; 
mais  d'autres  critiques  donnent  cet 
ouvrage  à  Apulée ,  et  on  le  trouve 
dans    plusieurs   éditions   du    traité 
qu'on  a  sous  son  nom  ,  Des  venus 
des  plantes.  Les  fragments  qui  nous 
restent  de  Musa  ont  été  publiés  à  part 
par  F!orianoCaldani,Bassano,  1800, 
ia-8°.  L' InstriiCtio  ad  Mœcenateni 
suum  de  bond  valetudine  conservaU' 
dd,  qui  lui  est  attribuée  ,  avait  paru 
à  Nuremberg,  i538,  in-S".,  par  les 
.soins  de  Fr.  Emeric  de  Troppau.  Ou 
a  lieu  de  penser  que  les  talents  de 
jMusa  ne  se  bornaient  pas  à  la  méde- 
cine. Virgile  loue  son  esprit  et  son 
goût,  dans  une  jolie  épigrammc,  où 
il  ajoute  que  Musa  a  été  comblé  de 
toutes  les  faveurs  d'Apollon  et  des 
Muses (Voj.  Fir^il.  Catalecla).  Le 
peuple  romain  lui  avait  érigé  une  sta- 
tue dans  le  temple  d'Esculapc,  après 
le  rétablissement  d'Auguste;  et  ce  fut 
h.  sa  considération  que  les  médecins 
furent  exempts  à  ])erpétuité  de  toute 
espèce  d'impôts.  Dan.  Lcclerc  a  con- 
Sitcré  un  chapitre  iutércssantà  ]Musa, 


MUS 

dans  son  Histoire  de  la  médecine. 
{F.  la  Dissertation  du  professeur  J, 
G.  G.  Ackermann  .  De  yJnl.  AJiisd  , 
et  lihris  qui  ilU  adscribunlur,  All- 
dorf,  1786,  in -4''.,  et  dans  i-vM 
Opuscules  ,  Nuremberg,  1707»  i"- 
8".  )  W— s. 

IMUSAEUS.  F.  Musée. 

MUSyEUS   (  Jean-Ckarles  Au- 
GusTE  ),  littérateur  allemand  ,  na- 
quit à  léna,  en  i'y35.  Son  ])ère, ju- 
ge dans  cette  ville,  fut  appelé  ,  peu 
de  temps  après  ,  à  des  fonctions  su- 
périeures à  Eisenach.  Le  jemie  Mu- 
sa?us  y  gagna  l'allèction  du  surinleu- 
daat   ecclésiastique,  Weissenborn  , 
son  parent,  qui  commença  son  édu- 
cation. Il  passa  quatre  ans  et  demi  à 
léna , se  livrant  aux  études  théologi- 
ques ,  et  retourna  ensuite  à  Eisenach  , 
eomjiie  ministre,  s'y  exerçant  à  la 
prédication  ,  où  il  obtint  même  des 
succès.  Il  fut,  au  bout  de  quelque 
temps  ,  nommé  pasteur  ;   mais  les 
paysans  ne  voulurent  i)as  lerecevoir , 
parce  qu'ils  se  souvenaient  de  l'a- 
voir vu  danser.  Obligé  de  se  créer 
d'autres  ressources,  il  se  lança  dans 
la  carrière  littéraire ,  et  débuta  par  un 
roman ,  en  forme  de  lettres ,  intitulé  : 
Grandison  der  zweite  (  Le  second 
Grandisson,  etc.  ), Eisenach,  1760- 
Gii,  3  vol.  in-8°.  Ce  n'est  point  la 
critique  du   roman  de  Richardson , 
mais  celle  de  toutes  les  caricatures 
que  produisait  dans  le  monde  réel 
la  fureur  de  l'imitation.  Les  qualités 
qui  firent  plus  tard  la  réputation  de 
l'auteur,  s'y  trouvaient  déjà  dans  un 
degré  assez  éminent  :  néanmoins  ii 
ne  dut  sa  vogue  en  Allemagne,  qu'à 
la  deuxième  édition  ;  celle-ci  fut  pu- 
bhéeen  'j.  voL,  sous  le  litre  de  Dej 
deutsclie  Grfi7?Jj,$07z (LeGrandissor 
allemand  ) ,  ibid.,  1781  ,  à  la  solli- 
citation du  libraire  ,  témoin  du  suc- 
cès (i(:s  Voja'j^es  phjsiognoinicjues 


MUS 

L'ouvrage  merilu  inèinn  d'ctrc  com- 
pare au  romau  si  célèbre  eu  Allc- 
luagiic  ,  de  Siegfried  de  Linden- 
berg.  Miisœiis  fut,  en  1768  ,  nom- 
me précepteur  des  pages  du  duc  de 
Saxe-VVeiniar ,  et,  sept  ans  plus 
tard ,  professeur  au  gymnase  de 
VVeimar.  Mais  les  appointemeuls 
de  ces  deux  places  ne  pouvant  suf- 
fire à  reulrelieii  de  sa  famille  ,  il  se 
détermina  à  donner  des  leçons  par- 
ticulières ,  et  à  piendre  des  pension- 
naires. Il  publia  successivement  les 
ouvrages  suivants  :  II.  Vas  Gartner 
màdchen  (  La  jardinière  ) ,  opera- 
comique  en  3  actes  ,  joue  à  Leipzig, 
et  imprimé  à  Weimar,  en  i77i,in- 
8"*.  C'est  une  imitation  de  la  Jardi- 
nière de  Fincennes.  III.  Physio- 
gnoinische  Reisen  (Voyages  physio- 
guomiques  )  ,  4  vol.  iu-S»^.,  Altcn- 
bourg,  ï  778-9;  •1'^.  e'dit.  ,  4  vol.  iu- 
8».,  ibid.,  1781;  3^  ëdit.,  ibicl., 
1781.  L'ouvrage  de  Lavater  sur  la 
Pliysionomie  ,  avait  paru  quelques 
années  auparavant  :  on  sait  queleiFet 
il  produisit  en  Europe.  Il  eut  en  Al- 
lemagne beaucoup  d'enthousiastes. 
Musœus  conçut  l'idée  d'attaquer  par 
le  ridicule  cette  admiration  irrèfle'- 
cliie,  qui  pouvait  avoir  d'autres  in- 
convénients que  celui  de  déranger 
quelques  cerveaux.  L'ar.teur  voyage 
pour  visiter  ses  co-réligionuaires , 
augmenter  le  nombre  des  adeptes ,  et 
agrandir  le  domaine  de  la  Phjsioi^- 
nomiqiie.  Ou  devine  que  les  juge- 
ments qu'il  porte  sur  le  caractère  et 
les  dispositions  des  individus  qu'il 
rencontre,  sont  fondés  sur  les  bases 
et  les  calculs  de  celte  science  des 
sciences  ;  et  l'on  doit  s'attendre  à  des 
méprises  fort  amusantes.  Nous  cite- 
rons seulement  celle  qui  a  lieu  à  l'é- 
gard d'un  personnage  mystérieux , 
qu'il  trouve  dans  un  café ,  et  qui , 
l'après  son  profii ,  l'expression  de 


MUS  3^7 

sa  pliysionomie,  sou  maintien,  ses 
gestes ,  et  jusqu'à  l'Iiabitude  de  tenir 
la  tète  élevé*!  en  fiunant ,  lui  paraît 
ne  pouvoir  être  que  le  sublime  Kl op- 
stock,  et  qui  est  tout  simplement  lui 
garde  de  nuit  (  Nachtwcvchter  ). 
Mais  comme  la  science  ne  peut  èti  c 
tout-à-fait  eu  défaut,  il  se  donne 
beaucoup  de  peine  pour  persuader 
au  faux  Klopstock  ,  que  s'il  n'est  pas 
ce  grand  poète,  il  est  du  moins  un 
être  supérieur.  Cette  production  , 
où  l'on  trouve  des  longueurs  et  beau- 
coup d'allusions  locales,  qui  main- 
tenant en  rendent  parfois  la  lec- 
ture un  peu  fatigante  ,  est  remar- 
quable par  une  grande  simplici- 
té, relevée  par  des  traits  spiri- 
tuels,  des  critiques  fines  des  liom- 
jnes  ,  des  mœurs  et  des  institutions  , 
dans  lesquelles  les  savants  eux-mê- 
mes sojil  loin  d'être  épargnés  ]  une 
morale  exccllciite,  une  grande  tolé- 
rance; culin  une  bonhomie  assai- 
sonnée de  beaucoup  de  gaîté ,  et  qui 
rappelle  un  peu  le  Vicar  of  fFake- 
jield.  Musœus,  mauvais  juge  de  son 
mérite  littéraire,  fit  paraître  son  ou- 
vrage sans  nom  d'auteur,  le  lançant 
dansleiniblic,  pour  ainsi  dire,  com- 
me un  essai.  Le  succès  surpassa  ses 
espérances  :  les  Forçages  pkysio- 
pioMiiques  furent  lus  avec  avidité. 
L'on  apprit  avec  étonnemcnt  qu'ils 
étaient  l'ouvrage  d'un  professeur  de 
gymnase;  et  les  savants  illustres  qui 
habitaient  Wciinar,  furent  tout  sur- 
pris de  n'avoir  pas  su  deviner  un  ta- 
lent aussi  distingué.  Cet  ouvrage 
contribua  beaucoup  à  la  fortune  du 
libraire.  Musjeus  eu  avait  retiré  tout 
au  plus  un  soulagement  momenta- 
né :  chéri  du  public,  il  eut  peu  à  se 
louer  de  la  fortune.  Ces  Foyû^:es 
ont  été  traduits  en  anglais  par  Aune 
Piumptre,  Londi'es,  1800,  3  vol. 
ia-ï'2  :  la  traduction  est  précédée  d« 


405 


MUS 


la  Notice  (le  Kotzcbuc,  Aux  foyages 
succcclèicnt  :  IV.  ff^olksincilirchen 
der  Deutsche»  {Cou[cs  popuLiires  ), 
5  vol,  in-8*^.,Gollia,  i78'2;6voI., 
9,*'.  cdit. ,  ibid. ,  1787;  8  vol.,  3*^. 
édition  ,  par  Wiclaud,  ibid. ,  1806. 
Cet  onvrafçe  ajouta  beaucoup  à  la  rc'- 
putalion  de  Musieus.  La  vogue  du  pré- 
cèdent ne  pouvait  que  diminuer  avec 
l'enthousiasme  croissant,  excité  par 
Lavater.  Celui-ci  était  un  ouvrage  na- 
tional, qui  convenait  à  tous  les  temps 
et  à  tous  les  âges  :  il  s'est  donc  sou- 
tenu, et  trouve  encore  des  lecteurs 
en  Allemagne.  Musœus  n'a  fait, dans 
presque  tous  ses  Contes ,  que  prêter 
son  style  aux.  récits  qu'il  tenait  sou- 
vent lies  bouches  les  plus  simples.  Il 
rassemblait  chez  lui  de  vieilles  fem- 
mes du  peuple,  qui  venaient  s'y  éta- 
blir avec  leurs  rouets ,  et  passaient 
la  soirée  à  raconter.  Il  faisait  venir 
des  enfants  ,  et  leur  donnait  une  piè- 
ce de  deux  sous  (  drejer  )  pour 
chaque  histoire.  Enfin,  on  raconte 
qu'un  jour  ,  sa  femme  ,  en  rentrant 
chez  elle,  trouva  sa  chambre  pleine 
de  fumée ,  et  découvrit ,  au  milieu  du 
nuage,  son  mari  assis  à  côté  d'un 
vieux  soldat ,  qui  fumait  à  l'envi 
avec  lui ,  et  lui  racontait  des  his- 
toires. V.  Freund  Heins  Erschei- 
nuns.sn,  etc.  (  Apparitions  de  l'a- 
mi Hein  ) ,  sous  le  nom  supposé  de 
Schellenberg ,  Winterihur  ,  1785, 
in-8°. ,  avec  a4  fig.  Cette  expression 
de  freimd  Hein,  ou  plutôt  Hain  , 
était  empruntée  d'Asmus  (i).  Les 
gravures  représentent,  et  l'auleur  dé- 
crit des  scènes  variées  de  la  vie  pri- 
vée, dans  laquelle  l'acteur  ou  les 
acteurs  sont  surpris   par  la  mort. 


(1)  Nom  sous  lequL'l  s'est  tait  coiiuHitre  ,  par  ses 
«ciitsiiopulaires,niatliio5  Cl.AUDIUS,  reviseur  delà 
banque  d'Altonn  ,  np  eu  i;4^  .  luiirt  ù  Hambouig  ,  le 
ai  iaavii-r  i8i5,  (ladiiotcur  du  Tableau  rf«  Pi,,is  , 
ttii  iivre  Ves  cireurs  et  Je  Ca  vérité ,  etc. 


MtJS 

Plusieurs  sont  imités  de  la  fameuse 
Danse  des  morts  de  Holbeiu.  Les 
explications  sont  en  vers  ,  en  prose 
mêlée  de  vers  ;  une  est  toute  entière 
m  prose-  Ce  sont  plutôt  des  ré- 
flexions morales  que  des  récits.  VI. 
Straiissf edern[Pluines  d' autruche)  ^ 
7  vol.  in-8''.,  Berlin  et  Stettin,  1 787- 
1797.  C'est  un  recueil  de  petits  ro- 
mans et  de  contes  ;  mais  le  premier 
volume  seul  est  de  lui.  VII.  Mora- 
lische  Kiiider-Klapper ^  un  vol.  in- 
8".,  publié  après  la  mort  de  l'au- 
teur, par  Bertuch  ,  Gotha  ,  1788  ; 
1^.  édit. .  ibid, ,  1 794.  C'est  une  imi- 
tation des  Hochets  moraux  de  Mon- 
get.  Musosus  laissa  ces  deux  ouvra- 
ges imparfaits  ,  et  mourut  le  '28  oc- 
tobre 1 788,  d'un  polype  au  cœur.  On 
a  aussi  de  lui  un  petit  opéra  en  un 
acte  :  Die  vier  StuJ'en  des  menschli- 
chen  Alters  (  Les  quatre  âges  de 
V homme)',  et  il  a  inséré  plusieurs  cri- 
tiques, dans  la  Biblioth.  allemande 
universelle ,  à  partir  du  second  vo- 
lume. Ses  articles  contribuèrent  beau- 
coup à  bannir  des  romans  allemands 
ce  ton  sentimental  et  ce  faux  pathé- 
tique qui  s'y  étaient  montrés  de  nou- 
veau. Il  fut  aussi  l'un  des  collabora- 
teurs de  la  Gazette  de  Gottiugue.  Des 
OEuvres  puithumes  furent  publiées 
en  un  vol,  in-8'\,  Leipz-g,  1791  , 
par  son  neveu  ,  le  célèbre  et  mal- 
heureux Kotzebue,  qui  y  joignit  des 
détails  fort  touchants  sur  la  vie  et 
les  habitudes  de  Musa^us,  et  une 
oraison  funèbre,  courte,  mais  pleine 
d'intérêt,  par  Hevder.  Ce  recueil  se 
compose  de  morceaux  en  prose  et 
en  vers,  de  vers  de  circonstance, 
etc.,  dont  plusieurs  sont  adressés  à, 
sa  femme.  Piesque  tous  se  distin- 
guent , comme  ses  autres  ouvrages, 
par  une  ironie  souvent  piquante,  et 
xm  abandon  qui  est  quelquefois  de 
la  négligence,  enfin  parla  bienvcil- 


MUS 

lance  la  plus  constante  et  la  ]>liis 
naturelle.  Celte  dernière  qualité  l'ac- 
compagnait dans  toutes  les  circons- 
tances de  sa  vie ,  et  dans  tous  ses 
rapports  avec  les  autres  hommes, 
à  quelque  classe  qu'ils  appartinssent. 
Toutes  se  ro'nnissaient  pour  rendre 
sa  société  extrêmement  attachante. 
Personne  n'avait  comme  lui  le  don 
d'égayer  une  assemblée  pendant  des 
Leurcs  entières  ;  et  plusieurs  habi- 
tants de  Weimar  conservent  encore 
le  souvenir  du  charme  qu'il  répan- 
dait autour  de  lui.  D — u. 
MUSGHKNIiROECK  Voy.  Mus- 

SCHENBROE!    . 

MUSCU,.US  (  WOLFGANG  )  ,  hé- 

braisantet  théologien  protestant,  na- 
quit, en  i4<)7,à  Dicuze en  Lorraine: 
son  nom  de  famille  était  Môscl  ou 
Moesel;  mais  il  le  latinisa  suivant 
l'usage  des  érudits  de  ce  temps-là. 
Doué  des  plus  heureuses  dispositions 
et  Lrûlantdu  désir  de  s'instruire,  il 
se  vit,  dès  son  enfance,  forcé  de  men- 
dier son  pain  en  chantant  de  porte 
en  porte,  parce  que  son  père ,  pau- 
vre tonnelier  ,  n'avait  pas  le  moyen 
de  fournir  à  sa  subsistance  durant 
ses  études.  A  quinze  ans  il  entra  chez 
les  bénédictins  de  l'abbaye  de  Lut- 
zelstein  ,  et  y  fit  profession.  Ayant 
e'té  ordonné  prêtre  ,  il  exerça  le  mi- 
nistère de  la  prédication  avec  beau- 
coup d'éclat.  Il  lut  avec  avidité  les 
e'crits  de  Luther,  qui  circulaient  par- 
tent, et  qui  trouvaient  des  partisans 
jusque  dans  le  cloître.  La  doctrine 
du  réformateur  le  séduisit.  Il  ne  se 
contenta  pas  de  l'embrasser  ;  il  la 
défendit  en  toute  rencontre,  et  la  ré- 
pandit parmi  ses  confrères.  L'estime 
que  l'on  avait  pour  lui,  le  lit  élire 
prieur  de  son  couvent;  mais, voulant 
être  plus  indépendant,,  il  refusa  cette 
charge.  En  i527,  ''  quitta  le  froc, 
pour  se  retirer  à  Strasbourg ,  et  se 


MUS  469 

mariera  l'exemple  des  autres  prêtres 
réformes.  Ces  piemicrs  temps  fu- 
rent pénibles  pour  lui.  Réduit  à  la 
plus  a H'reuse  misère,  il  contraignit 
sa  femme  deservirchez  un  ministre, 
et  se  réfugia  chez  un  tisserand  pour 
apprendre  son  métier.  Chassé  de 
cette  maison  ,  il  était  résolu  de  tra- 
vailler ,  comme  manœuvre,  aux  for- 
tifications pour  gagner  sa  vie,  quand 
les  magistrats  le  destinèrent  à  ensei- 
gner le  catéchisme,  tous  les  diman- 
ches seulement ,  dans  le  village  de 
Dorlisheim.  Il  employait  le  reste  de 
la  semaine  à  copier  les  ouvrages  de 
Bucer ,  et  à  étudier  la  langue  hébraï- 
que, dans  laquelle  il  se  rendit  assez 
habile.  Après  quelques  traverses 
qu'il  essuya ,  il  fut  élu  diacre  de 
l'église  réformée  de  Strasbourg,  et 
en  remplit  les  fonctions  pendant 
deux  ans.  En  i53i  ,  il  vint  à  Augs- 
bourg,  et  fut  fait  ministre.  Bayle  ra- 
conte avec  complaisance  les  combats 
qu'il  soutint  contre  les  papistes  et 
les  anabaptistes  ,  et  les  victoires  qu'il 
remporta  sur  les  premiers,  malgré 
leur  résistance  et  leurs  persécutions. 
Musculus  assista,  en  i536,  à  l'as- 
semblée de  Wittembcrg  ,  et  y  signa 
le  formulaire  d'union  entre  les  égli- 
ses de  la  haute  et  de  la  basse  ^Al- 
lemagne ,  sur  l'article  de  l'Eucha- 
ristie (  F.  Abraham  Puichat,  IJist. 
de  la  Ré  formation  de  la  Suisse  , 
livre  xiii ) (  I  )•  En  î  540,  il  fut  député, 
par  le  sénat  d'Augsbourg  aux  con- 
férences qui  se  tinrent  à  Worms  en- 
tre les  catholiques  et  les  protestants, 
et  à  celle  de  Ratisbonne.  En  i54ï  , 
il  rédigea  les  actes  de  la  dispute  en- 
tre Eccius  etMélanchlhon.  Eu  i544, 
il  organisa  la  réforme  à  Donawert , 
et  y  donna  des  preuves  d'une  grande 

^1)  Bavle  ,  Ditl.  Iiist.  (rit. ,  au  mot  Afiisfii/«.«r 
Kote  G  ,  tait  des  rtlleiions  Irès-piquaiilcs  jur  ït 
cuQcordat  cl  lur  la  conduite  de  Miiicukus. 


470  MUS 

facilite  pour  le  talent  de  la  parole. 
Gepcndaiit  ces  diverses  occiij)ution« 
ne  rabsorbaient  pas  tcllerarnt  qu'il 
ix;  pût  apprendre  l'arabe  et  le  grec. 
Eu  1548  ,  il  refusa  d'adhérer  à 
Yinlériiii  de  (jliarlcs-Qiiiut,  et  sortit 
d'Augsbourg.  11  erra  ipielrpie  temps 
on  Suisse  avec  sa  femme  et  ses  huit 
enfants  ;  mais  enfin  le  sénat  de  Berne 
lui  ayant  ollert  une  chaire  de  théo- 
logie dans  celte  ville,  il  l'accepta, 
et  l;t  remplit  avec  beaucoup  de  zèle 
et  d'exactitude.  Il  ne  voulut  point 
joindre  à  sa  place  celle  de  pasteur  , 
ni  passer  dans  des  royaumes  etran- 
gei's  ,  maigre  les  avantages  qui 
luie'taient  proposes,  par  reconnais- 
sauce  pour  la  ville  de  Berne,  quil'a- 
\'ait  si  honorablement  accueilli.  Il 
mourut  le  3o  août  i563.  Le  père 
le  Courayer  Ayante  son  habileté  et 
sa  modération,  son  savoir  dans  les 
langues  ,  la  réjiutalion  avec  laquelle 
il  exerça  le  ministère,  et  la  considé- 
ration dont  il  jouissait  dans  son  pos- 
te (  Histoire  de  la  Réformation  , 
tome  II,  page  1 1  •j,  note).  L'historien 
de  Tliou  n'en  parle  pas  avec  moins 
d'éloges.  Wolfgang  Musculus  a  com- 
])Osé  un  grand  nombre  d'ouvrages 
qui  ont  perdu  leur  utilité  et  qu'on  ne 
lit  plus  depuis  long-temps  ,  suivant 
la  remarque  de  Baylc.  On  en  trouve 
la  liste  dans  les  Eloges  des  savants, 
tirés  de  l'Histoii'e  de  Thon  ,  par 
Teissicr,  tome  i*"''. ,  et  dans  V Epilome 
biblioth.  dcGesner,  etc.  Voici  les 
principaux  :  I.  Commentarii  in 
Genesim ,  Bâle,  i557  ,  1600,  in-fol. 
II.  Enarrationes  in  tolum  Psalte- 
rium ,  Bàle ,  i55o  ,  in-fol.  Ce  com- 
mentaire, dédié  aux  magistrats  de 
Berne  ,  a  coîité  à  Musculus  vingt  ans 
de  travail  ,  d'après  l'aveu  qu'il  en 
fait  dans  sa  préface.  Il  montre  dans 
tout  sou  ouvrage  ,  dit  Richard  Si- 
mon ,  plus  de  modestie  et  même  plus 


MUS 

de  rcspcrl  pour  l'antiquité,  que  la 
plupart  des  auteurs  protestants;  et , 
bien  (ju'il  ait  fait  une  nouvelle  tra- 
duction des  Psaumes  sur  l'hébreu, 
il  lâche  néanmoins  de  s'éloigner  le 
inoins  qu'il  lui  est  possible  de  l'an- 
cien interprète  latin I^a  méthode 

qu'il  a  suivie  est  assez  exacte On 

peut  dire  qu'il  a  connu  la  véritable 
manière  d'expliquer  l'Écriture.  Mais 
il  n'a  pas  eu  tous  les  secours  néces- 
saires pour  y  réussir  complètement, 
parce  qu^il  n'était  pas  assez  exercé 
dans  l'étude  des  langues  et  de  la  cri- 
tique {Uist.  critique  du  Vieux-Tes- 
tament, page  438  ).  III.  Commen- 
tarii in  Hfatthœum  ,  Bàle,  i54i  et 
i544?  3  tomes  faisant  i  vol.  in-fol. 
Ce  commentaire  fut  suivi  d'un  autre 
sur  S.  Jean,  i553;surrépître  de  S. 
Paul  aux  Romains,  i555j  sur  les 
Épîtres  aux  Corinthiens,  iSSp  ;  sur 
les  Épîtres  aux  Galates  ,  auxEphé'  • 
siens,  i56i;  sur  les  Épîtres  aux 
Philippiens ,  aux  Colossiens ,  etc. 
Ces  divers  commentaires  ont  eu 
plusieurs  éditions.  «  Musculus,  dit 
»  encore  R.  Simon,  est  plus  théolo- 
V  gien  qu'interprète;  et  il  se  jette 
•»  aussi  sur  des  leçons  de  morale.... 
»  Il  rapporte ,  sur  les  endroits  les 
»  plus  embarrassés,  les  explications 
»  des  anciens  commentateurs,  et  il 
»  n'est  pas  de  lui-même  fort  décisif» 
(  Hist.  Crit.  du  N.  T.  page  750  ). 
IV.  De  Missd  papisticd.  Ce  sont 
deux  discours  prononcés  à  Ralisbon- 
ne,en  i54i  ,  imprimés  à  Wittem- 
berg  ,  et  ensuite  à  Augsbourg  avec 
des  aidilions surîes abus  de  lamesse. 
Cochlasus  écrivit  contre  cet  ouvrage, 
en  i544;  ^^  1"i  donna  lieu  à  la  ré- 
ponse suivante  :  V.  Anti-Cochlœus 
primas ,  adversàs  lihellum  Joannis 
Cochlœi  pro  sacerdotii  ac  sacrijicii 
novœ  legis  defensione  editum,  Augs- 
bourg, 1544?  c"  ^'^fi"  ^t  ^'"  *''*"  ■ 


MUS 

inanJ  (  Voy.  les  Anti  de  Ijaillct  ). 
VI.  Prolh'sis  ,-  liccal-ne  honiini 
chiisliano  ,  cvan^elicv  ductnnœ 
gnaro  ,  papislicis  supcrstitionihns 
ac  j'ulsis  cultibus  exlenui  societale 
coinmunicare ,  Malugi  ly ,  in-.f". , 
lîâlc  ,  1 5\(.)  ;  traduit  t-u  fiyaçais  , 
par  PouUam,  Londres,  i55o.  Mus- 
culus  ,  tolérant  envers  tous  les  sec- 
taires, ne  l'a  jamais  c'ieenvers  les  c;\- 
tlioliques.VIl./voacommM7i<?.y,Bâle, 
1 554  et  1 5(jû.  Si  l'on  s'en  rapnorte  à 
Baylc,  cet  ouviage  coûta  dix  ans 
de  travail  à  Musc.ilns.  C'est  au  su- 
jet des  Lieux  coinvwiis ,  (jue  Verhei- 
dcn ,  se  jouant  sur  son  nom  ,  a  dit 
que  Musculiis  n'était  pas  de  ces  rats 
ni  de  ces  souriceaux  allâmes  (jui  crai- 
gnait les  chats ,  mais  de  ceux,  qui 
font  peur  aux  chats.  VJII.  Eusebii 
de  rébus  ecclcsiaslicis  lib.  x,  sr.  et 
lat.;  Socratis  ecclesiastici histnrio- 
graphi,Ub.  vii,^r.  lat.,  lîàlc,  i54o, 
iu-ful,  IX.  Foljbii  libri  qninque 
cuin  duodecim  epitomls.  Il  donna 
une  foule  de  traductions  des  Pères 
de  l'Eglise,  où  l'on  remarque  assez 
de  clarté,  suivant  Huet  et  Ellics 
Dupin,  mais  pas  assez  de  connais- 
sance de  la  lauguegrccqne.  IMclchior 
Adam  lui  a  consacre'  un  article  assez 
long  dans  ses  fies  des  théologiens 
allemands  :  l'article  de  Biylc  n'eu 
est  guère  que  la  traduction.  Moreri  et 
les  autres  biographes  disent  peu  de 
chose  sur  Musculus.       L — b — e. 

MUSLE ,  est  le  nom  de  divers 
personnages  plus  ou  moins  ce'lèbres 
dans  la  Grèce  et  ailleurs.  Le  plus  an- 
cien de  tous  ,  celui  que  Virgile  place 
dans  l'Élysèe  (  Énéid. ,  vi,  v.  067  ), 
à  la  tète  des  poètes  qui  ont  lait  de 
leurs  talents  un  usage  digne  d'Apol- 
lon ,  était  Athénien  (i)  ,  et  (ils  ,  dit- 


(i)  Pausaiiias,  dnus  ses    Alliques,  prélend  que  le 
Httuaum   d'Albèicjc  emprimte  sl'D  «o»  ■io  i>oète 


MUS  4:  t 

on ,  du  second  Eumolpc  et  de  Selcne. 
L'on  n'a  rien  de  précis  sur  1  épo- 
que de  sa  naissance  ,  que  l'on  place 
i3ou  i4'>o  ans  av.  J.-C;  et  son  èpita- 
phe,  rapportée  par  Diogène  Lacrce, 
a  j)prcn(l  qu'il  mourulet  icçulta  sépuN 
turc  à  Phalère.  Ceux  qui,  comme 
Platon ,  Diodore  de  Sicile  etd'aulios , 
lui  donnent  l'ancien  Orphée  pour 
père,  se  sont  fondés,  sans  doute,  sur 
l'exacte  confoîuiilé  de  ses  doctrines 
religieuses  avec  celles  du  poète-phi- 
losophe qui ,  le  premier  ,  consacra  le 
bel  art  ci'j  î-i  poésie  au  développe- 
ment des  véiitt's  fondamentales  de 
Tordre  cl  de  la  société.  En  ciTet,  tons 
les  ouvrages  que  citent  de  Musée  , 
IJérodote  ,  Pausanias  ,  Philoslrate  , 
semblent  avoir  eu  suitout  pour  objet 
le  perfectionnement  de  l'homme  mo- 
ral. Ce  sont  les  Préceptes  ,  adressés 
à  son  fils  Eumolpe  ;  un  Hjmne  en 
l'honneur  de  Céres  ;  la  Théogonie^ 
la  Titunographie ,  ou  guerre  des 
Géants  ;  un  poème  sur  la  Sphère  ; 
les  Mystères ,  ou  les  Furifcalions. 
Une  erreur  ,  que  le  nom  de  .(ul.-Cés. 
Soaligcr  était  bien  capable  d'accrédi- 
ter ,  attribua  quelque  tc^mps  à  Musée 
rAtliéuien  ,  le  petit  pucme  de  Héro 
et  Léandre.  Si  l'on  en  croit  ce  grand 
arbitre  des  destinées  classiques  des 
Grecs  et  des  Latins ,  le  style  de  l'écri- 
vain, (pi'il  suppose  toujours  le  prâlé- 
cesseur  et  le  modèle  d'Homère,  l'em- 
porterait de  beaucoup,  quant  à  la  pu- 
reté etrclc'gdnce  poétique,  sur  celui 
du  cbantre  d'Achille  et  d'Ulysse.  Ce 
qu'il  y  a  de  fâcheux  pour  Ini.c'est  que 
lcsversmèmequ'ilcilc(Poef/(7î<eJiv. 
V,  cliap.  a  )  à  l'appui  de  son  opinion 
paradoxale  ,  sont  la  meilleure  réfu- 
tation de  son  hypothèse  ,  et  paraî- 
traient au  contraire  admirablement 


et  qui . 
eiitcrrc. 


venait  V  roinpo-îcr  NC5  hvniii -s  reli;;  rnx 
vant  k'iusme  auteur ,  y  mourut  et  y  tu 


choisis  pour  établir  le  contrasle 
frappant  de  l'ancienne  et  de  la  nou- 
velle école ,  où  la  recherche  et  raffec- 
tation  avaient  remplace  la  belle  et 
noble sim plicilc  d'iîonière.  Ce  n'est 
pas  que  l'auteur  de  Héro  et  Léan- 
dre ,  quel  qu'il  soit  ,  manque  de 
mérite  :  il  y  a  de  lintcret  dans  son 
plan;  de  la  grâce  et  de  la  vigueur 
lour-à-tour  dans  ses  tableaux;  et, 
dans  son  style,  une  harmonieuse 
flexibilité.  Mais  eu  vain  cherche- 
rait-on en  lui  cette  vérité  de  senti- 
ments ,  qui  donne  tant  de  prix  aux 
productions  des  anciens;  et  cette 
heureuse  unité  dedictiou,  le  premier 
mérite  ,  mais  la  plus  grande  diffi- 
culté peut-être  de  l'art  d'écrire.  On 
s'aperçoit ,  en  un  mot ,  qu'il  écrivait 
dans  un  siècle  déjà  insensible  aux 
beautés  simples  et  vraies  de  la  na- 
ture, et  passionnément  épris  du  mer- 
veilleux et  de  l'extraordinaire.  L'un 
des  plus  récents  et  sans  contredit  des 
plus  heureux  interprètes  de  Musée, 
M.  Hcinrich  ,  prenant  un  juste  mi- 
lieu entre  ceux  qui  placent  ce  poète 
avant  Ovide,  dans  l'ordre  des  temps, 
et  ceux  qui  le  font  naître  au  trei- 
zième et  même  au  quatorzième  sié- 
cledenotrecre,  luicrcitpoiivoirassi- 
gncr  pour  époque,  celle  du  deuxième 
au  quatrième  siècle  :  opinion  qui  a 
pour  elle  la  vraisemblance,  et  l'au- 
toriléde  Casaubon  ,  de  Heinsius  ,  de 
Tannegui-Lelevre  ,  et  du  célèbre 
Hcyue.  Peu  de  livres  ont  été  plus 
souvent  réimprimés,  commentés, 
traduits  ou  imités,  que  le  petit  poè- 
me de  Musée.  Il  parut  pour  la  pre- 
mière fois  à  Venise  ,  sans  date,  mais 
dans  le  cours  de  \!^^!\',ci  c'est  l'un 
des  premiers  ouvrages  sortis  des 
presses  que  les  Aides  ont  rendues 
si  célèbres.  L'o'ditioii  sans  date  et 
toute  grecque  de  Gilles  Gourraont,  à 
Paris,   qui  est    du  coraniencement 


MUS 

de  l'année  i5o7  ,  semble  être  le 
premier  essai  du  caractère  grec  en 
France  (  i  ).  Les  nombreuses  éditions 
des  seizième  et  dix-sep'ième  siècles 
ne  présentant  rien  de  li  ès-remarqua- 
ble  ,  par  rapport  à  la  critique  ou 
à  l'interprétation  du  texte,  nous  pas- 
serons immédiatement  à  celles  qu'ont 
plus  récemment  publiées  Kromayer, 
Halle,  17'ii,  in-8°. ,  qui  offre  un 
choix  judicieux  dans  les  notes  des 
précéder.ts  commentateurs,  et  quel- 
ques amciitrations  du  texte,  qui  est 
celui  de  Henri  Estienne  ;  Math.  Roe- 
ver,  Leyde,  1737,  in-8°. ,  avec  les 
principales  variantes ,  et  des  ob- 
servations critiques  ;  Joh.  Schrae- 
der  ,  Leuwarde,  174'-*  ?  in-8°.  ;  C. 
F,  Heinrich  ,  Hanovre  1793,  petit 
in-8^.;L.H.Teuch(r,  Halle,  1801, 
in-8°. ,  édition  bien  inférieure  à  la 
précédente,  regardée  à  juste  titre 
comme  la  meilleure  de  Musée,  et' 
comme  un  modèle  de  cette  sage  pré- 
cision que  n'ont  pas  toujours  connue 
les  commentateurs  allemands.  Musée 
a  fourni  à  notre  Gentil  Bernard  le 
sujet  et  les  principaux  détails  de  son 
poème  de  Phrosine  et  Mélidore  ;  à 
Lefranc  de  Pompignan, une  tragédie 
lyrique  eu  cinq  actes.  Il  a  été  traduit, 
en  vers  français,  par  Clém.  Marot  ; 
par  M.  Mollevaut,  Paris,  i8o;j!,  avec 
le  texte  en  regard;  deuxième  édition 
en  i8i(3,  avec  des  changements,  qui 
en  font  presque  un  nouvel  ouvrage. 
M.  Demie  Baron  a  publié,  en  1806, 
un  poèinc  eu  quatre  chants  ,  imité 
plutôt  que  traduit  chi  poète  grec  ^ 
et  deux  de  nos  savants  hellénistes  , 
La  Porte  du  Tlied  (1784),  et  M. 
Gail  (1796) ,  l'ont  traduit  et  publié 
en  prose  :  ils  avaient  été  devancés,  en 
1  774  ,  par  Moutonnet-Clairfoiis.  — 


ril  Voy(ile3I^oneldullbialre,3e.  edit.,H,53;, 
«t  lâitirlè  G0DRM0>'D. 


MUS 

On  compte  encore  iiiiMusKEjthchain, 
poêle  lyrique  ,  qui  florissait  long- 
temps avant  la  guerre  de  Troie  ;  un 
autre  d'EfiJièse  ,  auteur  d'une  volu- 
minenisc  e|)opec  ,  inlituice  La  Per- 
séide;  et  enfin  un  poète  latin  ,  con- 
temporain de  Ma. liai,  qu'il  rè  ci- 
tait par  l'obscenitc  de  ses  écrits. 
Voyez  l'épigramme  97  du  livre  xii. 
A_D— R. 
MUSGRAVt:  (  Guillaume  )  , 
médecin  et  antiquaire  anglais ,  ué 
en  1657,  "^  Cliarltou  -  Musgrave  , 
dans  le  comté  de  Somraerset,  se 
distingua  d'abord  par  ses  connais- 
sances en  médecine  et  en  physi- 
que ,  qui  lui  ouvrirent  l'entrée  de  la 
société  royale,  dont  il  devint  secré- 
taire en  1684,  '^^  *^^^'*^  du  collège 
des  médecins  de  Londres.  En  1691, 
il  vint  se  fixer  à  Escter,  où  il  exerça 
long -temps  sa  profession  avec  suc- 
cès. Lorsque  sa  réputation  comme 
médecin  fut  bien  établie ,  il  s'occu- 
pa plus  particulièrement  de  l'étude 
des  antiquités,  où  il  s'acquit  une  éga- 
le considération.  Musgrave  mourut 
le  23  décembre  \']'ii.  Voici  les 
titres  de  ses  écrits  :  L  De  arthritide 
symptomadcd  Disserlatio ,  Oxford, 
i-yoS,  in-8''.  II.  De arthiitide  ano- 
mald  sive  interna  Dissenatio  , 
ibid,,  1707  ,  inS».  IIL  Julii  Fi- 
talis  epitaphium  ,  cwn  commenta- 
rio  ,  Éxeter ,  1 7 1 1  ,  iu-8*'.  IV.  De 
legionibus  epistola.  V.  De  aquilis 
romanis  epistola,  17  i3  ,  in  -  8°. 
VI.  Inscriptio  Tanaconensis ,  cum 
commentariK  VII.  Geta  britanni- 
cus  :  accedit  domûs  Severianœ  sj- 
nopsis  chronologica,  et  de  Icunculd 
quondam  M.  régis  Alfridi  Disser- 
*af  10  ,  Exeter  ,  1716,  in-8<'.,  fig. 
La  première  partie  ,  intitulée  :  Jidii 
Capitolini  Anto7iinus  Geta  avait  pa- 
ru séparément  (  ibid.,  i7i4,in-8°.)  , 
et  contient  le  texte  de  Capitolin  sm* 


MUS  473 

Gela ,  avec  les  notes  de  Casaubon , 
de  Saumaise,  de  (îruler,  et  celles 
de  l'auteur.  La  dernière  partie,  of- 
frant l'explication  de  divers  monu- 
ments, est  curieuse,  mais  un  peu  sys- 
tématique. VIII.  Belgium  Britan- 
nicum,  in  quo  illius  limites  ,  fluvii , 
urbes ,  vice  militares ,  populiis  ,  lin- 
gua  ,  du ,  mnnumenta  ,  aliaqueper- 
mulla,  clariùs  et  iiberiùs  exponun- 
tur,  1719.  in-8'>.  (F.  MoYLE.)  Dans 
une  dissertation  imprimée  au  com- 
mencement de  cet  ouvrage,  Musgrave 
prétend  que  l'Angleterre  était  pri- 
mitivement une  péninsule,  et  qu'elle 
était  unie  à  la  France  vers  Calais. 
L'ouvi'age  est  ornéde  treize  planche» 
■  gravées.  C'est  Musgrave  qui,  en  qua- 
lité de  secrétaire  de  la  société  royale 
de  Londres,  a  publié  les  Transac- 
tions vhilosophiques ,  depuis  le  n"^. 
167,  jusqu'au  n°.  178,  inclusive- 
ment; on  y  trouvequelques-unesdeses 
observations  médicales. —  Son  petit- 
fds ,  le  docteur  Samuel  Musgrave  , 
d'Exeter,  membrede  la  sociétéroyale 
de  Londres,  pratiqua  aussi  la  méde- 
cine dans  sa  viUe  natale,  et  mourut  le  3 
juillet  1782.  On  a  de  lui:  I.  Exerci- 
tationes  in  Euripidem^  Leyde,  1 762, 
in-8°. — AnimadversionesinSopho- 
clem,  Oxford,  1800,  3  vol.  in-8<*. 
II.  Apologia  pro  medicind  empi- 
ricd,  ibid.,  1763,  in-4".  III.  Deux 
Dissertations  (en  anglais  )  sur  la 
mythologie  des  Grecs  et  sur  la 
chronologie  des  olympiades  (  con- 
tre les  paradoxes  de  Newton  ),  pu- 
bliées par  Tyrwhitt ,  en  1782.  Il 
avait  eu  part  à  l'édition  grecque  et 
lat.  d'Euripide,  Oxford,  1778,  4 
vol.  in-4''.  ;  et  ses  notes  sur  ce  poète 
font  partie  de  la  nouvelle  édition 
qui  se  public  dans  la  même  ville  ,  en 
8vo!.in-8«.  L. 

MUSH  (Jean),  né  dans  le  York- 
sliire   au   seizième   siècle ,   fut  cle 


4:4  wcs 

\é  et  ordonne  prêtre  dans  le  col- 
lège anglais  de  Rome  ,  puis  de 
Jà  envoyé  en  Angleterre,  pour  y 
remplir  les  fonctions  de  uiissiou- 
naire.  Il  exerça  sa  mission  princi- 
palement dans  le  nord  du  pays  ,  où 
il  s'acrpiit  la  confiance  générale  par 
son  savoir,  sa  sagesse  et  son  expé- 
rience. Quoique  attaché  an  parti  du 
clergé  séculier  ,  il  fut  estimé  de 
celui  des  réguliers,  et  se  donna  beau- 
coup de  peine  pour  éteindre  les  di- 
visions survenues  entre  les  mission- 
ïiaires  des  deux  partis,  qui  étaient 
prisonniers  dans  le  chàleau  de  Wis- 
bich.  Comme  il  écrivait  très  élé- 
gamment en  latin  ,  ses  collègues  se 
servirent  souvent  de  sa  plume  pour 
défendre  leurs  intérêts.  Un  lui  ait!  i- 
bue  :  I.  Declaralio  motuum  et  tur- 
halioniun  inler  Jesiiilas  et  sacerdo- 
tes  seminariorinn  ,  in  Anglid  , 
Rouen,  in-4°.  ,  1601.  Cette  exposi- 
lion  fut  adressée  au  pape  Clément 
VIII.  II,  Traité  contre  Thomas 
JBell ,  en  anglais.  III.  Relation  des 
souffrances  des  Catholiques ,  dans 
le  nord  de  V  Angleterre  ,  en  anglais. 
V.  Bi.ACRVVEL  (George).       T — d. 

M  U  S  I  U  S  (  Corneille  )  ,  ou 
MUYS  ,  supéi'icur  du  monaslère  de 
Sainte-Agalhe  ,  àDelft,  naquit  dans 
cette  ville,  le  1 1  juin  i5o3.  Son  père, 
cordonnier  ,  trouva  moyen  de  l'en- 
voyer à  l'université  de  Louvain  ,  où 
il  fit  de  bonnes  études,  tant  en  litté- 
rature ancienne  qu'en  pLilosopliic. 
ïl  se  livra  ensuite  à  l'éducalion  ,  et 
eut  occasion  de  faire  un  voyage  à 
Paris  ,  d'où  il  ne  tarda  pas  à  être 
chassé  par  nue  maladie  contagieuse 
qui  y  régnait.  Il  y  retourna  quelque 
temps  après ,  et  de  là  se  rendit  à  Poi- 
tiers ,  soignant  partout  sa  propie 
instruction  non  moins  que  celle  de 
ses  éli'ves.  De  retour  clans  sa  patrie  , 
il  embrassa  Tétât  religieux  ;  et  sou 


mérite  l'aida  a  y  trouver  un  posf« 
honorable.  Il  se  faisait  généralement 
aimer  par  l'aménité  de  son  caractire, 
la  douceur  de  ses  mœurs  et  sa  charité 
envei-s  les  pauvres.  Guillaume  1". , 
princed'Orange,Tbonoraitde  son  es- 
time spéciale;  mais,  en  i57'2,  ce 
prince,  de  retour  en  Hollande,  ayant 
établi  sa  résidence  a  Dclft ,  dans  le 
cloître  de  Sainte-Agathe  ,  il  en  ré- 
sulta pour  Musius  les  suites  les  plus 
déplorables.  La  soldatesque  efi'rénée 
de  Lumey,  comte  de  La  Marck,  ré- 
pandait partout  la  terreur  :  Musiu» 
songeait  à  se  retirer  ailleurs.  Le 
prince  lui  ordonna  de  rester ,  en  lui 
promettant  protection.  Le  pauvre  su- 
périeur de  Sainte-Agathe  ne  fut  pas 
rassuré,  et  partit.  Lumey  court  api  es 
lui  :  il  l'atteint  à  Leyde  ;  et ,  en  dépit 
des  ordres  envoyés  par  Guillaume, 
les  barbares  soldats  mettent  à  mort 
l'infortimé  vieillard  ,  après  l'avoir 
torture  de  la  manière  la  plus  affreuse , 
et  ils  sévissent  encore  le  lendemaia 
sur  son  cadavre  transféré  à  Delft,  et 
qui  n'est  rendu  à  la  terre  qu'après 
avoir  été  horriblement  mutilé.  Mu- 
sius a  laissé  quelques  poésies  latines 
qui  ne  soiU  pas  sans  mérite  U^  fit 
imprimer  à  Poitiers,  en  i536,  nu 
petit  Recueil  à' Odœ  et  Psalnii  ^ 
in-4°.  ,  et  la  même  année,  De  lem- 
porum  fugacitate  detjiie  sacronan 
poëmatum  immortalitate.  On  a  de 
lui  :  Institutio  fœmincs  christianœ ; 
—  une  élégie  intitulée  :  Imago  pa- 
iientiœ  ;  Tiimuli  Desiderii  Erasnii, 
Louvain,  i536  ,  in-4".  ;  Solitudo  , 
sive  vita  solitaria  laudata  (  en  vers 
rimes),  et  alia  poëmata,  Anvers, 
i566,  in-4°. ,  etc.  —  Le  tome  m 
du  Delicice  poëtarum  Belgicorum. , 
p.  6G7-680 ,  offre  quelques  pièces  de 
Musius,  dans  le  nombre  desquelles 
on  en  dislingue  une  en  l'honneur 
d'une  cigogne,  qui,  dans  un  incendia 


I 


11 


»( 


P 


MUS 

Je  la  ville  de  Dclft  ,  avait  mieux 
aime  se  laisser  brûler  avec  ses  pe- 
tits au  haut  d'une  tour,  (jue  d'abaa- 
Joauor  sa  couvée.  M — on. 

MUSLU,  janissaire,  clief  de  re- 
belles, vendait  des  fruits  à  Cous- 
tantinoplc ,  en  1730,  lorsque  Pa- 
'roiia  Khalil  l'associa  à  ses  coupa- 
bles projets.  Muslu  le  seconda  dans 
>ou  audace  ,  son  insolence  et  sou 
inibition.  Apres  la  déposition  d'AcIi- 
Qiet  III  et  la  proclamation  de  Mah- 
aioud  P''.  ,  Muslu  ,  qui  venait  de 
présenter,  au  graud-ve'zir,  un  prince 
le  Moldavie ,  du  choix,  des  rebcl- 
es  (  F.  Ianaki  )  ,  déclara  ,  de  son 
;hef,  qu'il  allait  faire  les  fonctions 
ie  kiaia  des  janissaires  ,  en  même 
emps  que  Patrona  Khalil  annonçait 
ju'il  allait  être  capitan  -  pacha.  Le 
daia  des  janissaires  et  le  capitan- 
lacha  eurent  le  même  sort.  Ils 
tvaieut  ose' ,  l'un  et  l'autre ,  pa- 
raître au  divan  ,  le  cimeterre  à 
a  ceinture  ,  affichant  ainsi  le  nië- 
îris  des  lois,  au-dessus  desqucl- 
es  ils  se  croyaient.  Maigre  cette 
)rëcaution ,  qui  n'était  qu'une  iu- 
■ulte  à  la  majesté  du  Sulthan ,  Mus- 
u  fut  poignardé  en  plein  conseil  , 
ivant  d'avoir  eu  le  temps  de  se 
nettre  en  défense.  Muslu  avait,  sur 
les  deux  complices ,  Emir-Hali  et 
i^atrona,  l'avantage  d'un  caractère 
levé,  de  cette  éloquence  naturelle  qui 
mtraîne  partout  la  multitude  ;  et , 
le  plus ,  il  savait  lire  et  écrire  ,  dis- 
.inction  qui,  en  le  signalant ,  donne 
a  déplorable  idée  de  ce  qu'étaient,  à 
;etle  époque  de  1730,  et  le  gouver- 
lement  othoman,et  le  triumvirat 
néprisable  qui ,  en  une  seule  j our- 
lée ,  changea  si  désastreusement  la 
ace  d'un  grand  ,  mais  faible  em- 
pire. S — Y. 
\  MUSSATO  (  Albertin),  négo- 
îiateur,  poète  latin,  et  historiés  très- 


MUS  475 

distingué,  était  né  à  Padorc  ,  en 
i'.i(ii ,  d'une  famille  oijscurc.  Resté 
orphelin  à  quinze  ans,  il  sub.sista  , 
quehjue  temps,  avec  deux  frères  et 
une  .'■œur  dont  il  était  chargé,  CP- 
transcrivant  des  ouvrages  de  droit 
pour  les  élèves  de  l'université  :  il  s'at- 
tacha ensuite  à  l'étude  de  la  juris- 
prudence, et  parut  au  barreau  avec 
un  tel  éclat,  qu'il  acquit  une  grande 
réputation  ,  et  une  fortune  considé- 
lablc.  (Irc'é  chevalier,  en  129G,  il 
fut  député,  en  i3i  1  ,  par  la  ville  de 
Padoue ,  pour  assister  au  couronne- 
ment de  Henri  VII,  comme  roi  de 
Lombardie.  Il  retourna  la  même 
année  vers  ce  prince ,  pour  lui  de- 
mander la  conservation  des  franchi- 
ses de  sa  patrie  :  il  mit  dans  cette 
négociation  beaucoup  de  prudence  et 
d'habileté;  mais  tout  ce  qu'il  put  ob- 
tenir, c'est  que  Padoue  serait  traitée 
plus  favorablement  que  les  autres  vil- 
les de  la  Lombardie.  Les  Padouaus 
étaienttelleraentaigris contre  l'empe- 
reur, qu'à  peine  Albertiu  avait-il  ren- 
du compte  de  son  ambassade,  que  le 
peuple  courut  aux  armes,  et  peu  s'en 
fallut  que  le  député  ne  payât  de  sa  vie 
le  malheur  de  n'a  voir  pas  réussi.  Ce- 
pendant les  succès  que  Henri  obte- 
nait chaque  jour  ,  ayant  convain- 
cu les  Padouaus  que  toute  résistan- 
ce de  leur  part  serait  inutile,  ils  en- 
voyèrent une  nouvelle  ambassade  à  ce 
prince;  et  Albertin,  à  qui  l'on  ren- 
dait plus  de  justice,  en  fit  encore 
partie.  Ce  fut  dans  cette  circonstan- 
ce qu'il  adressa  à  l'empereur  une  ha- 
rangue éloquente  ,  qui  nous  a  été 
conservée  {De  reh.  gest.  Henrici, 
lib.  111  ).  La  paix  fut  accordée  aux 
Padouaus,  mais  à  des  conditions  plus 
dures  que  la  première  fois  :  néan- 
moins ,  à  leur  retour,  les  ambassa- 
deurs furent  accueillis  comme  les 
sauveurs  de  la  patrie;  et  l'onapprou- 


4:6  MUS 

va  sans  examen  le  traite  qu'ils  avaient 
été  forces  de  signer.  Alberlin  retour- 
na encore  vers  Henri  VII  pour  lui 
présenter  l'hommage  de  la  fidélité 
de  ses  concitoyens  ;  et  il  fut  renvoyé , 
en  i3i'2,  vers  ce  monarque,  pour  lui 
demander    des   secours    contre   les 
Vicentins.  Dans  l'intervalle  ,    Cane 
de  la  Scala   fut  nommé  vicaire  im- 
périal pour  toute  la  Marche  Trevi- 
sanc  :  le  choix  d'un  homme  qui  leur 
était  odieux,  indigna  les  Padouaus; 
ils  se  révoltèrent  ;  et  Albertin ,  à  son 
retour,  tâcha  vainement  de  les  cal- 
mer, en  leur  représentant  qu'ils  s'ex- 
posaient à   une  ruine  certaine.  Ce- 
pendant Cane,  averti  de  l'insurrec- 
tion de  Padoue,  pénétra  sur  son  ter- 
ritoire,  et  y  causa  de  grands  ravages. 
Il  fallut  repousser  la  force  par  la 
force;  Albertin  ,  dont  les  sages  con- 
seils avaient  été  méprisés,  ne  son- 
gea plus  qu'à  défendre  sa  patrie,  avec 
son  épée  :  il  se  signala  dans  cette 
guerre  par  sa  valeur,  et  enleva  aux 
Vicentins  le  château  de  Pojana.  L'em- 
pereur, iudigné  de  la  conduite  des 
Padouans ,  s'avançait  pour  les  châ- 
tier ,  lorsqu'il   mourut    subitement 
(  V.  Henri  VII  )  :  mais  sa  mort  ne 
mit  point  tin  à  la  guerre  ;  et ,  après 
quelques   démarches   inutiles    pour 
amener  une  pacification,  les   hos- 
tilités reprirent  de   part  et  d'autre 
avec  une  nouvelle  fureur.  Les  Pa- 
douans avaient  moins  encore  à  souf- 
frir de  la  guerre  q>ie  de  leurs  dissen- 
sions :  Albertin  ,  accusé  d'avoir  pro- 
posé l'établissement  d'une  taxe,  que 
iiécessitaicut  les  besoins  de  l'état ,  fut 
poursuivi  par  la  populace,  qui  vou- 
lait incendier  sa  maison;  il  n'échap- 
pa qu'avec  peine  aux  séditieux  ,  et 
s'enfuit  à  Vico-d'Aggcrc ,  d'où  on 
ne  tarda  pas  à  le  rappeler.  Sa  ren- 
trée à  Padoue  fut  un  véritable  triom- 
phe; etl'ousaiiit  cette  circonstance 


n 

lu 


MUS 

pour  lui  décerner,  aux  acclamations 
de  tout  le  peuple,  la  couronne  poéti- 
que ,due  depuis  long-temps  à  ses  tra- 
vaux littéraires  (i).  Peu  de  jours 
après,  Albertin  rejoignitl'arraée,  sous 
les  murs  de  Vicence  :  les  Padouans 
s'étaient  emparés  d'un  des  faubourgs 
de  cette  ville  rivale  (  16  septembre 
i3 1  4);  mais,  comme  ils  s'étaient  dé 
bandés  pour  piller ,  Cane  de  la  Sca-    0 
la  tomba  sur  eux  à  l'improvistc  ,    jeii 
et  les  mit  eu  déroute.  Albertin,  avec 
quclq'ies  hommes  déterminés ,  osa 
seul  soutenir  le  choc  d'une  troupe 
victorieuse  ;  mais  couvert  de  blessu- 
res ,  il  fut  renversé  de  son  cheval , 
et  jeté  dans  un  fossé,  où  ayant  été 
découvert ,  il  fut  amené  prisonnier 
à  Vicence.  Cane  l'accueillit  avec  plus 
d'humanité  qu'on  ne  devait  en  atten- 
dre d'un  condottiere  ;   il  l'admit  à 
sa  table  avec  quelques  autres  offi- 
ciers ,  et  eut  pour  lui  tous  les  égards 
dus   au  courage  malheureux.    Une 
trêve ,  signée  un  mois  après  ,  permit 
à  Albertin  de  retourner  à  Padoue;  et  il 
y  passa  trois  ans  ,  occupé  de  rédiger 
l'histoire  des  événements  auxquels  il 
avait  eu  une  part  si  glorieuse.  La 
guerre  ayant  recommencé,  en  i3i7, 
il  fut  chargé  d'aller  demander  des 
secours  aux  principales  villes  de  la 
Lombardie  ;  et ,  en  1821,  il  fut  en 
vové  au  duc  d'Autriche,  pour  re'- 
clamer  sa  protection.  Tant  de  servi- 
ces ,  et  un  zèle  si  soutenu ,  ne  purent 
mettre  A.lbertin   à    l'abri    des    re- 
vers de  la  fortune.  L'un  de  ses  frè- 
res et  di'ux  de  ses  neveux ,  accusé? 
de  sédition ,  furent  mis  à  mort  pai 
0 litre  du   sénat;   Alberlin,  sous   !( 
pretf-xte  qu'il  avait  eu  connaLssancf 
de  leur  projet  sans  le  révéler,  fui 
exilé,  en    iSmS,  à  Chiozza.  Vaiue- 

'i;  En  i3i.',.  Celle  dalf-  est  elle  q.i'adopt»  Tii» 
bo^rM,  d'apris  ies  Cîîculs  dont  la  fidelile  ii'a  point 
eIccualcsUe. 


MUS 

menl  il  demanda  d'clrc  admis  à  se 
ustifier  ••  on  rctusa  de  rcntciidie  ;  et 
ce  j;;rand  citoyen  mourut  loin  de  son 
ingrate  patrie,  le  3i  mai  iStQ.  Ses 
restes- turent  z'apportés  à  Padouc, 
et  inliiime's  avec  pompe  dans  l'église 
do  Sainte- Justine.  On  a  de  Mussalo  : 
Hiiloriœ  uugiistœ  de  rébus  geslis 
Henrici  Fil  Cœsaris  libri  xri.  — 
De  gestis  Italicorum  post  Henri- 
ciim  y  11 ,    libri  xii.   Cette  histoire 
finit  à  l'anne'e  1317.  Le  neuvième  li- 
vre et  les  deux  suivants ,  e'crits  en 
vers  lie'ro'iqucs ,  ont  pour  sujet  le  siè- 
ge de  Padoue  ,  par  Cane  de  la  Scalaj 
et  le  douzième  livre,  en  prose ,  con- 
tient le  récit  des  troubles  domesti- 
ques qui  de'c'liirèrent  cette  malheu- 
reuse ville,  et  qui  la  firent  enfin  pas- 
ser sous  la  domination  du  seigneur 
de  Vérone.  Les  Histoires  de  Mus- 
sato  sont  très-importantes  pour  l'es- 
pace de  temps  qu'elles  renferment  : 
c'est  un  écrivain  plein  de  candeur  et 
de  bonne-foi  ;  son  style  est  abondant 
et  facile,  et  personne  n'aA'ait  mieux 
écrit  en  latin  depuis  la   de'cadence 
des  Ictti'cs  (  Foy.  Tiraboschi ,  Stor, 
délia  lelterat.  ital.  v  ,  347  )•  — 
Deux  tragédies  :  Eccerinus ,  et  la 
mort  di  Achille.  Le  sujet  de  la  pre- 
mière pièce  est  tire'  de  la  vie  d'Ez- 
zelin  ,  lyran  de  Padouej    Ginguené 
en  a  donne'  une  courte  analyse  dans 
l'Hist,  littér.  d' Italie,  \\,  1  3.  Mus- 
sato  a  cherche'  à  imiter  Sénèque  ,  et 
im  pareil  modèle  ne  devait  produire 
que  de  médiocres  copies  ;  mais  on  ne 
doit  point  oublier  que  les  tragédies 
de  Mussato  sont  les  premières  qui 
aient  été  écrites  en  Italie.  —  Des 
Poèmes  ,  des  épîtres  ,  des  élégies  , 
des  églogues ,  etc.,  toutes  en  latin, 
dont  le  style  est  moins  dur  et  moins 
grossier  que  celui  des  poètes  des  âges 
précédents  ,  au  point  que  le  marquis 
Maiïei  regarde  Mussato  comme  U 


MUS  477 

vrai  restaurateur  de  l'élégance  de  la 
langue  latine.  Ses  ouvrages  ont  été 
jîubliés  avec  des  notes  de  Félix  Osio , 
Laur,  Pignoria,  et   Nicol.   Villani, 
Venise,  1636,  in-fol.  Cette  édition 
est  fort  rare;  et  la  plupart  des  exem- 
plaires en  ont  été  mutilés  par  les 
Italiens  ,   en  haine  de    l'empereur 
Henri,  dont  Mussato  n'a  pas  dit  as- 
sez de  mal  à  leur  gré  :  ils  ont  été  re- 
produits avec  des  additions  par  Bur- 
mann,  dans  le  tome  vi  du  Thesaiir. 
antiquit.  Italiœ.  Muratori  a  inséré 
les  ouvrages  historiques  et  la  tragé- 
die à^ Eccerinus ,  dans  le  tome  x  du 
Rer.  Italie,  scriptores,  avec  des  va- 
riantes et  des  corrections  tirées  des 
Mss.  de  la  bibl.  jAmbrosienne.  Just. 
l\euber  est  le  premier  qui  ait  mis  au 
jour  les  histoires  de  Mussato,  dans 
le  recueil  des  Fêter,  scriptor,  rer. 
Germanicar.;  \nà\s  les  éditions  qui 
ont  suivi  sont  très-supérieures.  Mus- 
sato a  encore  composé  des  Priapées 
et  d'autres  vers  licencieux,  que  l'on 
conserve  en  manuscrit.      W — s. 

MUSSCHENBROEK  (  Pierre- 
Van),  célèbre  physicien,  naquit  à 
Leydc,le  1 4  mars  1692.  Après  avoir 
achevé  ses  humanités  sous  les  pro- 
fesseurs Perizonius  et  Gi'onovius,  il 
s'appliqua  à  la  philosophie ,  à  la 
chimie  et  à  la  médecine,  sous  Seu- 
guerd  ,  Bidloo,  Le  Clerc,  Burmann, 
Albinns ,  Boerhaave  et  Jean-Jacques 
Rau,  et  devint  un  disciple  digne  de 
pareils  maîtres.  11  fut  reçu  docteur 
en  17 18,  après  avoir  public  et  sou- 
tenu sa  Dissertation  inaugurale  De 
aéris  prœseutid  in  humoribus  ani~ 
malium-  dissertation  qu'il  faut  se 
garder  de  confondre  avec  un  grand 
nombre  de  pièces  de  ce  genre.  Elle 
est  remplie  d'expériences  nouvelle- 
ment faites  avec  beaucoup  de  soin, 
tellement  liées  entre  elles  ,  que  l'on 
est  conduit  de  conséquence  eu  eon- 


478  MUS 

séfjncncc  Jusqu'au  résultat;  et  plu- 
sieurs faits  y  sont  disciilcs  avec  saj^a- 
cilé.  Quoiqu'il  y  ait  plus  d'un  siècie 
qu'elle  a  paru,  elle  lueriterait  d'être 
lue  et  étudiée  encore  aujourd'liui. 
MussclienLroek  fit  connaître,  dans 
cette  dissertation,  et  son  goût  et  son 
talent  pour  la  physique  expérimen- 
tale. Il  se  trouva  dans  une  circons- 
tance singulièrement  heureuse  pour 
leur  développement.  A  son  entrée 
dans  ia  carrière  des  sciences  ,  le 
cartésianisme,  vieillissant  et  crou- 
lant de  toute  part ,  Ir.ltait  encore 
contre  le  newtonianisme  naissant. 
Burcliard  de  Volder ,  qui  reconnut 
sur  la  fin  de  sa  vie  ,  les  erreurs  du 
cartésianisme  ,  avait  fondé,  vers  le 
déclin  du  siècle  précédent,  un  théâ- 
tre de  physique  à  Leyde;  il  avait 
fait  un  voyage  en  Angleterre  ppur 
se  pourvoir  d'instruments.  Senguerd 
avait  suivi  cet  exemple  et  fait  des 
expériences.  Boerliaave ,  joignant 
l'exemple  au  précepte ,  inspira  le 
gcfit  de  la  vraie  physique  à  ses  dis- 
ciples, et,  bon  mathématicien,  lui- 
même,  leur  recommanda  fortement 
l'étude  des  mathématiques.  Muss- 
chenljroek  s'y  était  beaucoup  appli- 
qué ,  et  y  était  très-versé.  On  prétend 
néanmoins  qu'il  fut  surpassé  en  cela 
par  sou  frère  aîné,  Jean  \an  Muss- 
chenbroek,  homme  de  guerre,  ex- 
cellent mécanicien  comme  son  frè- 
re, et  qui  fut  d'un  grand  secours 
h  s'Gravesaude ,  pour  l'exécution 
des  appareils  inventés  ,  décrits  et 
successivement  perfectionnés ,  dans 
les  trois  éditions  de  ses  Eléments  de 
physique,  et  qui  tous  ont  été  faits 
j)ar  Jean  Van  IMusschenbroek.  Dès 
que  'sGravesande  parut  sur  la  scè- 
ne à  l'université  de  Leyde  (  1 7  1 7  ) , 
la  physique  expérimentale  s'y  in- 
troduisit pleinement.  Les  liaisons  qui 
se  formèrent  autre  ce  grand  homme 


Î\IUS 

et  la  famille  Musschenbrook,  furent 
singulièrement  utiles  à  celui-ci:  il  l'a 
témoigné  lui-même,  dans  une  de  ses 
harangues,  en  des  termes  qui  font  •* 
d'autant  plus  l'éloge  de  son  cœur , 
que  dès-lors  il  était  le  digne  émule 
de  son  maître ,  son  égal  en  célébrité, 
et  que,  dans  ce  moment,  il  devenait 
son  collègue.  Kn  effet,  c'est  à  ces 
deux. hommes,  si  éminemment  dis- 
tingués ,  que  l'on  doit  l'introduction 
complète  de  la  physique  expérimen- 
tale et  du  newtonianisme  en  Hollan- 
de: ce  sont  leurs  leçons,  leurs  exem- 
ples,  leurs  ouvrages ,  qui  répandirent 
successivement  la  lumière ,  même 
bien  au-delà  de  leur  patrie.  Ils  y  tra- 
vaillèrent chacun  séparément,  avec 
le  même  zèle,  et  un  égal  succès,  mais 
par  des  voies  différentes  :  'sGrave- 
sande ,  grand  mathématicien  et  doué 
d'une  sagacité  réelle,  prit,  en  quel- 
que sorte,  pour  lui  la  partie  mathé- 
matique de  la  physique;  mais  il  eut 
un  soin  particulier  de  la  confirmer 
par  des  expériences  décisives  ,  qu'il 
regardait  comme  la  pierre  de  touche 
de  ce  que  des  considérations  abstrai- 
tes lui  avaient  permis  de  démontrer 
rigoureusement.  La  troisième  édition 
de  ses  Eléments  de  physique,  ouvra- 
ge peut-être  unique  en  ce  genre,  trop 
peu  lu  aujourd'hui,  peut-être  même  jlili 
])eii  connu  de  plusieurs  physiciens  ,  ï 
sera  toujours  un  livre  infiniment 
précieux  aux  yeux  des  connaisseurs , 
ainsi  que  ses  Opuscules,  publiés  sépa- 
l'ément  ou  dans  des  journaux,  et  re- 
cueillis par  son  ami,  Allamand  , 
en  deux  volumes  in- 4'*.,  sous  le  titre 
(ï'OEm>res  de  "sGravesande.  Mus- 
schenbroek  s'appliqua  plus  particu- 
lièrement à  la  physique  expérimen- 
tale, dans  laquelle  il  excellait,  et  qui 
lui  doit  un  grand  nombre  de  dé- 
couvertes. La  carrière  à  laquelle  il 
se  voua,  en  1719,  après  avoir  pra- 


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MUS 

1-  la  médecine  pendant  quatreans, 
loiirnit  les  moyens  de  s'adonner 
iiisivcment  à  la  physique  :  il  Ait 
niiimc'  professeur  de  philosophie  et 
''  luathcinatiques  ,  et  professeur  ex- 
lordinaircen  médecine,  dans  l'uni- 
(  I  site  de  Duisbourg  sur  le  Rhin. 
!i  ■iKôt  il  acquit  une  grande  re'pu- 
iUon;  et  les  censeurs  de  l'uuivcr- 
ite'  d'Utrecht  l'appelèrent  dans  cet- 
e  ville,  en  i'ji'3.  Il  prit  posses- 
ion  de  la  chaire  de  philosophie 
it  de  mathématiques ,  le  3  de  sep- 
embrc ,  par  nne  harançue,  De  certd 
nethodo  philosophiœ  expérimenta- 
is ;  elle  a  été  imprimée ,  et  devrait 
Urele  manuel detous  les i^hysicieus. 
3n  y  reconnaît  un  digne  disciple  de 
Boerhaave ,  qui ,  huit  ans  aupara- 
vant, avait  prononcé  et  publié  sa 
)elle  harangue,  De  comparando cer~ 
lo  inphysicis;  laquelle  néanmoins, 
lui  valut  une  accusation  publique 
3t  imprimée,  de  spinosisme ^  de  la 
part  d'un  professeur  de  Franeker, 
Musschenbroek  resta  douze  ans  à 
O'trecht  (  de  ï'jlS  à  1735  ).  Cette 
pille  fut  le  théâtre  de  s«s  travaux 
les  plus  importants  ;  celui  où  il 
acquit  la  plus  grande  célébrité. 
Nous  passerons  rapidement  sur  les 
Éiéraents  de  physique  qu'il  pu- 
blia en  latin  dès  l'j'iô  ,  et  dont  il 
se  fit  différentes  éditions  toujours 
perfectionnées.  La  dernière ,  qui  pa- 
rut après  la  mort  de  l'auteur  ,  sous 
le  titre  de  Introducdo  nd  philoio- 
phiam  naiuralem,o^v&\Q  plus  vaste 
recueil  de  ce  qu'on  connaissait  alors 
€n  physique  :  il  contient,  eu  outre, 
beaucoup  de  recherches  particulières 
à  l'auteur,  sur  les  frottements,  la 
roideur  et  la  force  des  cordes,  l'é- 
lectricité, la  cohérence  des  corps, 
''  la  propriété  de  ceux  qui  sont  phos- 
phorescents après  avoir  été  expo- 
sés à  la  lumière,  et  une  table  des 


MUS  479 

pesanteurs  spécifiques ,  la  plus  am- 
ple qui  eût  paru  jusqu'alors,  et  due 
aux  travaux  de  l'auteur.  Sigaud 
de  Lafond  a  traduit  cet  ouvrage  ea 
français.  Il  est  entièrement  diffé- 
rent de  celui  qui  avait  paru  en  1735, 
dans  la  même  langue  ,  par  les  soins 
du  docteur  Massuct ,  sous  le  titre 
à" Essais  physiques  ,  en  deux  volu- 
mes :  celui-ci  est  la  traduction  de  la 
seconde  édition  de  l'ouvrage  hollan- 
dais publié  par  Musschenbroek.  La 
première  était  de  1726.  Ces  deux 
traités ,  écrits  dans  la  langue  du 
pays,  et  où  l'on  trouve  des  recher- 
ches qui  n'ont  pas  été  répétées  dans  la 
dernière  éditionlatine,  ont  infini  ment 
contribué  à  répandre,  en  Hollande  , 
le  goût  de  la  physique ,  parmi  le 
grand  nombre  d'habitants  (pii  ne  se 
livrent  pas  aux  études  proprement 
dites.  Nous  nous  arrêterons  davan- 
tage aux  autres  ouvrages  de  Mus- 
schenbroek, parce  que  ce  sont  ceux 
qui  lui  ont  acquis  ,  à  juste  titre,  la 
grande  renoihmée  dont  il  jouissait. 
Le  premier  est  son  recueil  de  Dis*- 
sertaliones  phjsicce  experinienca- 
lis  et  geometricœ  ,  publié  en  1729, 
in  -  4°-  Les  trois  dissertations  les 
plus  remarquables ,  sont  celles  sui' 
l'aimant,  sur  les  tubes  capillaires , 
sur  la  cohérence  et  la  force  des 
corps.  Toutes  contiennent  une  mul- 
titude de  recherches  curieuses  , 
d'expériences  nouvelles ,  discutées 
avec  soin,  et  comparées  avec  ce 
que  l'on  connaissait  alors  sur  ces 
matières.  Les  travaux  de  Mus  - 
schenbroek ,  sur  la  cohérence  des 
corps  ,  sont  immenses  :  il  les  a  com- 
plétés depuis  dans  son  Introduction 
citée  plus  haut.  Il  a  porté  la  connais- 
sance de  l'aimant  plus  loin  qu'on  ne 
l'avait  fait  auparavant;  et,  s'il  n'a 
pas  démontré  la  loi  des  attractions 
magnétiqi^es ,  qu'il  a  découverte plu« 


48o  MUS 

tard  ,  ou  porte  l'aiguille  d'inclinai- 
son à  sa  perfection  ,  ses  expériences 
ont  du  moins  fourni ,  à  Krafll  , 
l'occasion  dcpublicr  cette  démons- 
tration dans  un  beau  nicinoirc  insère 
parmi  ceux  de  l'académie  de  Pe'ters- 
hourg  (  tome  m  ) ,  et  à  Dnniel  Ber- 
noulli ,  les  donne'es  nécessaires  pour 
l'explication  de  sa  belle  théorie  sur 
les  aiguilles  d'iiiclinaison,  travaux 
dont  Mussclieubroek  a  lui-même 
profité  depuis  ;  car  il  gardait  cons- 
tamment la  règle,  si  peu  observée  de 
nos  jours  ,  de  recourir  toujours  aux 
travaux ,  aux  expériences  do  ses 
devanciers.  Sa  première  dissertation 
de  17  i5  fournit  déjà  la  preuve  de 
cet  excellent  esprit  d'une  judicieuse 
critique.  Ce  même  volume  cou  - 
tient  ,  outre  de  bonnes  observa- 
tions météorologiques  appliquées 
même  à  la  médecine ,  une  disser- 
tation sur  la  grandeur  de  la  terre, 
qu'il  est  important  de  faire  connaître. 
Snellius  publia,  en  1627  ,  dans  son 
Eratosthenes  Batavus  ,  la  mesure 
d'un  degré  du  méridien;  il  avait  em- 
ployé, le  premier,  la  méthode  tri- 
gonomélrique  qu'ont  adoptée  tous 
ceux  qui  se  sont  occupés,  après  lui, 
de  mesures  pareilles  ,  à  l'exception  , 
peut-être,  de  Mason  et  Dixon,  en 
Virginie,  lesquels  ont  suivi  celle  des 
Arabes  qui  mesurèrent,  dans  les  plai- 
nes de  Sinjar  ,  un  degré  par  les  or- 
dres du  Kalyfe  al  Maraoun  (  F.  Ma- 
MOUN  et  Mason  ).  Mais  ,  outre  que 
les  instruments  dont  Snellius  s'est 
servi ,  n'avaient  pas  l'exactitude  né- 
cessaire pour  obtenir  un  résultat 
bien  certain;  que  les  erreurs  de  calcul 
pouvaient  être  plus  fréquentes  par 
la  longueur  de  l'opération ,  les  loga- 
rithmes n'étant  pas  encore  en  usage; 
Snellius  lui-même  découvrit  qu'il 
s'était  glissé  des  fautes  dans  sa  me- 
sure :  il  recommença    son   travail 


MUS 

en  entier  ,  et  corrigea  ce  qu'il  y 
avait  de  défectueux  dans  le  pre- 
mier. Musschenhrock,  ayant  trouvé 
les  papiers  de  Snellius  ,  restés  en 
manuscrit, cj  ut  devoir  les  publier  ;  il 
fit  j)lus,  il  acheva  ce  que  Snellius 
avait  laissé  à  faire;  il  vérifia  ou  rec- 
tifia lui-njcme  j)lusieurs  angles,  et  cet 
examen  lui  lit  admirer  la  dextérité 
de  Snellius,  dans  l'emploi  d'instru- 
ments aussi  imparfaits  que  l'étaient 
ceux  de  sou  temps.  Il  partagea  sa 
dissertation  en  deux  sections,  dont 
la  premièie  contient  l'opér.ition  telle 
que  Snellius  l'avait  corrigée;  l'autre, 
son  propre  ouvrage.  Wous  n'igno- 
rons pas  qu'on  a  signalé  depuis  peu 
quelques  erreurs  dans  ce  travail , 
comme  on  en  a  trouvé  également 
dans  des  mesures  et  plus  célèbres  et 
plus  récentes  ;  mais  Musschcnbrock 
a  fait  ce  que  les  circonstances  lui  ont 
permis  de  faire,  et  il  a  bien  mérité 
des  sciences  et  de  son  pays  ,  en  met- 
tant au  jour  le  second  travail  de 
Snellius ,  homme  d'un  talent  ra  - 
re,  et  qu'une  mort  prématurée  enle- 
va aux  sciences  qu'il  cultivait  avec 
tant  de  succcSb  La  découverte  de 
la  loi  de  la  réfraction  de  la  lu- 
mière ,  lui  est  due;  et  ce  n'est 
pas  un  léger  mérite.  En  quittant  la 
charge  de  recteur  de  l'université,  en 
1730  ,  Musschenbroek  prononça 
une  harangue  singulièrement  intéres- 
sante. De  methoclo  institnendi  ex- 
périmenta j-hjsices ,  qu'il  a  fait  im- 
primer à  la  tête  d'un  ouvrage  dont 
nous  parlerons  dans  un  moment. 
Deslandes,  publiant,  en  1736,500 
Recueillie  dijférents  traités  de  phy- 
sique, y  a  inséré,  en  forme  de  préfa- 
ce ,  une  dissertation  sur  le  même 
sujet,  «  qu'il  a  empruntée,  dit-il, 
»  de  la  harangue  de  M.  de  Mus- 
»  schenbroek  ,  avec  une  liberté  qu'il 
»  ayoue  qui  n'aurait  pu  être  plus- 


MUS 

■»  grandfi,  puisque    cette  harangue 
»  (  ce  sont  SCS  termes  )  lui  a  scule- 
>»  ment    fourni    le  canevas   qu'il    a 
»  rcui[)Ii  et  brodé  à  sa  manière.  » 
Miissclicnbroek.  ne  s'est  jamnis  pro- 
nonce ,  que  je  sache,  sur  le  mérite  de 
cette  bro<lerie  ,  à  laquelle  cependant 
il  aurait  pu  prendre  quelque  intérêt; 
mais  la  modestie  était  une  partie  es- 
scnlielle    de    son  caractère.   Il   ne 
brodait  pas  les  ouvrages  d'autrui  qu'il 
estimait;  mais  U  en  faisait  une  tra- 
duction réelle,  et  les  accompagnait 
de  notes,  si  l'intérêt  de  la  science  le 
demandait.  Il  fit  preuve  de  son  ta- 
lent dans  ce  genre  en  publiant,  eo 
l'jSi  ,    une   traduction   latme    des 
Suiii^i  di  naturali  esperienze  fatle 
nelV  accademiii  del  Cimento ,  pu- 
bliés à  Florence,  en  16G7  '  ^*  ^"'' 
primés  depuis,  plus  d'une  fois.  Cet 
ouvrage .  précieux  en  lui-même,  l'est 
devenu  doublement  dans  la  traduc- 
tion par  les  notes  que  Musschenbroek 
y  a  jointes ,  et  plus  encore  par  de 
I  nombreuses  additions  qui  contien- 
nent  ime  foule  d'expériences  noii- 
velles.  C'est  dans  unede  ces  additions 
qu'il  a  décrit  un  pyromètre  de  son 
invention  ,  le  premier  instrument  rie 
ce  genre  qui  ait  paru  ;  et  il  y  ajouta 
les  résultats  de  ses  expériences  mul- 
ipliées  sur  la  dilatation  des  corps 
par  la  chaleur.  Il  a  perfectionné  cet 
instrument  depuis,  comme  il  paraît 
par  sou  IiUroductio  :  d'autres  phy- 
iiciens  en  ont  fait  aulant  ;  et  l'on  sait 
iombieu  nos  connaissances  sur  cet 
)bjel  se  sont  perfectionnées  depr.is 
juelq-ies  années  :  mais  les  premières 
loi  ions  exactes  qu'on  en  ait  eues,  sont 
lues  à  Musscheniuoek.   Il  décrivit 
'gaiement  les  expériences  qu'il  ava  t 
"aites  avec  un  nouvel  appareil,  sur 
es    forces   que    difTéreiits    aimants 
communiquent  au  même  acier ,   et 
ur  la  comparaison  de  ces  forces  de 

XXX, 


I 


IVTUS  418 

commnnlcalion  avec  les  {orC*c$  d'at- 
traetion  :  on  y  trouve  enfin  (its  ex- 
périenres   nombreuses   sur   la   cha- 
leur profluile  par  le  mcl mge  de  dif* 
férents  (luiilc-. ,  les  cfTervescenccs,  et 
les   dissolutions  des  corps.  Cet  ou- 
vrage   nit   le  comble  à  la  réputa- 
tion fie  Musschenbroek  :  aussi  te  roi 
de  Danemark  fit-il  des  efToils,  cette 
même  année,  pour  l'atlirer  à   Co- 
penhague ;  mais  ils  furent  inutiles. 
l.es  instances  faites,  en  1737,  parle 
roi  d'Angleterre,  électeur   ie  Hano- 
vre, puui   l'dt  irer  à  Goitingue,  et 
en  faire  undes  ornements  de  l'univer- 
sité qui  depuis  est  devenue  si  célèbre, 
n'eureiit  pas  un  succès  p!us  heureux. 
Les  curateurs  de  l'université   d  U- 
trecht .  sentant  de  quelle  importance 
il  étaitpour  eux  de  conserver  un  pro- 
fesseur de  cet  ordre,  lui  conférèrent, 
en  i73>i,la chaire deprofesseurd'as- 
tronoinie;  à  son  entrée  en  fonctions, 
it  prononça  une  harangue   De  As- 
tronomiœ  p  œstantid  et  utililate.  Il 
fit  connaître  l'observatoire  de  celte 
ville  par  quelques  observations  :  ce 
n'est  que  de  nos  jours  que  cet  ob- 
servatoire ,  ainsi  que  celui  de  Leyde, 
a  été  mis  en  état  de  tenir  un  rang 
parmi  les  établissements  de  ce  genre. 
Mais    les  euiateurs    de   l'univirsité 
d'Utrecht  ne  purent  retenir  toujours 
Musschenbroek;  invité,  en  1789,  à- 
remplir  ;i  Leyde  la  place  jue  la  inurt 
de   Wittichius  laissa  vacante,  le  de- 
sir  de  revenir  dans  sa  ville  n,.tale  le 
porta  à  accepter  ces  ofïres ,  et  1  suc-<» 
ce  1er  pour  la  seconde  fois  a  Witti- 
chius,  qu'd  avait  remplacé,  en  17  19, 
à  Duisburg.  Il  prit  posse-ssiou  de  sa- 
nouvelle  charge,  le  iS  janvier  1  740, 
pai  une  harangue  De  iMente  humatui 
se  met  ip:,um  ignorante  :  il  en  pro- 
nonça une  autre  le  (j  février  1714, 
en  quittant  le  rectorat,  De  Sapieniid 
divind.  Ce  fut  un  bonheur  rare  pour 
3t 


tsi 


MUS 


l'universilé  de  Leydc  d'avoir  à!a- 
fois  dans  la  incinc  faculté  deux  pro- 
fesseurs tels  que  'sGravcsaude  et 
Mussclieiibrock  :  mais  ce  bonheur 
fut  de  courte  durée  ;  car  'bGrave- 
snnde  mourut  en  re'vrier  i']\'i.  Mus- 
schenbroek  dcmeuia  constaïiiment 
attache  à  l'université  de  Leydc  :  ni 
les  efforts  faits,  eu  1740,  par  le  roi 
de  Prusse  jiour  l'attirer  à  Berlin  ;  ni 
ceux  du  roi  d'Espagne ,  en  1 7  4^  j  "* 
ro0'requi  lui  fut  faite,  eu  i-j^/^jà'anc 
place  de  professeur  honoraire  à  Pë- 
tersbourg  ne  junent  l'airachcr  à  sa 
patrie  et  à  èa  ville  natale.  Il  y  couli- 
luia  paisiblement  ses  travaux  ;  il  il- 
lustra son  académie  :  il  forma  d'ex- 
cellents disciples  ,  et  enrichit  la 
phvsique  de  nouvelles  découvertes. 
On  sait  quelle  part  lui  est  due 
dans  l'expe'rience  de  la  bouteille  de 
Leydc.  La  description  de  cette  cxpc- 
vience  qu'il  a  envoyée  àRcaumur, 
et  qui  est  imprimde  dans  les  ÎNlemoi- 
rcs  de  l'acadcmic  royale  des  sciences 
de  Paris  ,  pour  174^^5  prouve  l'im- 
pression que  peut  produire  sur  un 
excellent  esprit  ,  sur  un  homme 
rompu  dans  l'art  des  expériences  ,  la 
.sensation  imprévue  et  douloureuse 
d'un  phc'noraène  auquel  ou  n'avait 
aucun  lieu  de  s'atlendre.  Mus - 
«chenbroek  travailla  sans  relâche 
jusqu'au  moment  où  la  mort  l'en- 
leva aux  sciences,  le  ly  septem- 
bre 1 76 1  ,  à  l'âge  de  Gy  ans.  Sa 
jicrfe  fut  vivemenl  sciitie.  Jus- 
qu'ici aucun  monument  n'a  été  dres- 
se sur  sa  tombe,  située  dans  i'é- 
i^lise  de  Saiul-Pierre  de  Leyde;  mais 
>ou  nom  vit,  et  passera  à  la  posté- 
rilé la  plus  reculée.  On  sait  que  ^lus- 
.schcnbroeli  s'est  toujours  occupé  de 
météorologie  :  ses  ouvrages  eu  font 
foi  ;  et  l'on  trouve  quelques-unes  ue 
.ses  observations  dans  les  Mémoires 
de  l'académie  dcPaii.>,ct  daas  les 


MUS 

Transactions  de  la  socictedeLondrr.'îj' . 
et  une  Dissertation  sur  les  baromè- 
tres, parmi  les  Mémoires  de  l'aci- 
démie  de  Pctcrsbourg.  11  a  laisse  le 
Kecueil  completde  ses  observalioiis  : 
c'est  un  gros  in-folio ,  Irés-ncllcment 
écrit  de  sa  main.  Il  serait  à  sou- 
haiter que  ce  volume  fût  imprimé. 
Musscheiibroek  a  été  correspondant 
de  l'académie  royale  des  scien- 
ces de  Paris  ,  de  celles  de  Pelers- 
bourg,  de  Berlin  ,  de  Montpellier, 
et  de  la  société  royale  de  l^ondies, 
La  société  de  Félix  merilis  £e  fil , 
dès  sa  naissance,  im  honneur  de  le 
placer  au  nombre  de  ses  membres. 
Musschenbroek  fut  marié  deux  fois.. 
Il  laissa  ,  de  son  premier  maiiage, 
une  fille,  morte  sans  alliance,  eu 
1785,  et  un  (ils,  qui  a  rempli  les 
charges  de  conseiller  et  de  bcurgue- 
mcstrc  de  la  ville  d'Utrecht;  magis- 
trat estimé  par  ses  lumières  ,  cl  dont, 
\i  famille  perpétue  avec  houneui  un 
nom  cher  aux  sciences  et  à  sa  patrie, 
V.  S— >. 
MUSTAPHA  I-^r. ,  fut  proclamé 
empereur  des  Turcs  ,  après  la  moit 
d'Achmet  1^'". ,  son  frère  ,  l'an  de 
l'hégire  1020(1617).  Il  est  douteux 
si  ce  choix  fut  l'eJlét  de  la  volonté  du 
dernier  sulthan  ,  ou  celui  de  la  pcli- 
tique  des  pachas,  à  qui  le  bas  âge 
des  enfants  d'Achmet  faisait  redou- 
ter tous  les  troubles  qui  acco];')>a- 
gnentune  minorité. Musta))ha,l  ;.ii;é 
des  princes  de  la  maison  Othoii.;a.r, 
occupa  donc  le  troue  impérial;  mais 
il  ue  tarda  pas  à  prouver  à  ceux  q^ii 
l'avaient  reconnu  pour  maître,  qu'il 
n'était  qu'un  tyran  imbécille  ,  cntic- 
rement  incapable  de  gouverner.  Ou' 
le  vil  prodiguer  l'ullemenl  les  tré- 
sors de  l'état  ,- créer  pacha  de  Da- 
mas ,  un  ilcîioglan  à  peine  sorti  de 
l'enfance  ,  dé[)OuiiUr  de  son  limafi 
un  des  principaux  oliicicrs  des  î-pa-» 


Mt;s 

\vs,  potir  cil  î^ialilicr  nu  pnys.in  qui 
]iii  avait  appoitc  à  la  rliassc  un  pot 
il'can  tVaiclic.  Ce  fut  lui   qui  fitar- 
rêlcr  le  haron  de  Sancy  ,  ainbassa-, 
(leur  do  France,  soupçonné  d'avoir 
l'avnri^d   l'évasion  du    prince  polo- 
nais  Korcski  ,  lait  prisonuicr  dans 
les   guerres  de  Moldavie.   Tous  les 
ordres  de  l'état ,  la  sultane  Valide' 
sa  projirc  mère  ,  le  moid'ly  ,  le  di- 
van tout  entier,  se  reunirent  pour 
déposer  ce  slupide  lantornc  de  souve- 
rain. On  le  (it  descendre   du  trône 
au  bout  de  quatre  mois  ;  il  se  lais- 
sa reconduire  et  renfermer  au  fond 
du  sërail  d'où  il  n'aurait  jamais  dû 
sortir.    Une   bizarierie    de   la  for- 
tune le  remit  en  évidence  cinq  ans 
iprès.  Lejeune  Otlimau,  tils  d'AcIi- 
rnct  l'^''.  et  successeur  de  Mustapha  , 
ùtt  dépose'  par  les  janissaires  qu'il 
voulait  anéantir  :  lahaiiie  qu'ils  por- 
:àient  à  l'un, leur  (it  oul)lier  le  mépris 
|u'ils  avaient  jiour  l'antre  ;  et  le  man- 
nequin vivant,  quivéi;otait  dans  une 
;oud)re  prison  ,  fut  reporté  de  nou- 
veau sur  le  trône  des  suit  hans  ranioSi 
[  iG'25  ).  Sa  stupidité  ne  l'avait  pas 
ibandonné  :  seulement  pour  cacher 
a  honte  d'un  retour  si  inconséquent, 
m  publia  que  l'extérieur  taciturne  et 
ecucilli  du  souverain  restauré  était 
'ellet  de  sa  vie  contemplative  ,  et  des 
riéditations  sublimes  et  religieuses 
mxquelles  il  était  adonné  par  le  plus 
•fispectable  excès  de  sagesse  et  de 
liété.  Mais  l'imbécillité  de  Mustapha 
;e  changea  bientôt  en  démence  cl  en 
'ureur.   Il    courait  la  nuit  dans  les 
lortoirs  des  itchoglans  ,  frappant  à 
outes  les  portes  ,  appelant  a  haute 
voix.  Olhman ,  qu'il  ])riait   de   res- 
iusciter  ])our   revenir  régner  à   sa 
i)lace.  Il  poursuivait ,  le  sabre  à  la 
inain  ,  tous  ceux  qu'il  rencontrait , 
it  s'applaudissait  de  les  voir  tom- 
ber sous  SCS  coups  ;  il  mettait   en 


MUS 


m 


pièces  les  meubles  les  plus  précieux 
tic  son  palais.  La  «ncsurer.c  cc;::b!a  •  '. 
et  ceux  qui  avaient  relève  tcUe  ' 
odieuse  idole  ,  la  fenversèrtuf  de  ' 
nouveau.  Les  janissaires  se  soule- 
vèrent ;  et  l'an  de  ri-cgirc  loSa  ' 
(  iG'.i3)  ,  "Musiapha  ,  renferme'  en- 
te fois  à  perpétuité  ,  fit  place  à  so:i 
neveu  Aniurath  IV".  Les  OtÎTOi^urs 
n'attentèrent  pis  k  ses  jours  ,  pa;- 
le  respect  qu'il  portent  aux  in- 
sensés. 11  achevait  de  vivre  méprisj' 
ou  phitôt  oublié,  lorsque  le  sulthau 
son  successeur  prit  ombrage  de  son 
existence,  et  le  lit  élrangJer.  Ainsi 
liiiit  IMustapha  I"^'-. ,  en  1639  >  à  l'âge 
do  cinquante-quatre  ans.  Avant  Ira 
aucun  sidlhan  de  la  tace  othoman;; 
n'avait  été  déposé  ;  aUcuu  n'avait 
régné  aussi  peu  de  temps  j  aucun 
n'avait  succédé  cà  son  frère.    S — y 

MUSTAPHA  II  ,  Tingt-dcuxièmo 
sulthan  des  Olhomans .  lils  dcjMaho- 
mct  IV,  succéda  ,  en  i  loG  (iGgo)  , 
cà  son  oncle  Achmet  II  ;  malgré  les 
menées  du  grand -vézyi'  en  faveur 
d'Ibrahim  fds  de  ce  prince.  Musta- 
pha avait  environ  trente  -  deux  ans 
quand  il  monta  sur  le  trône,  et  pro- 
nicttait  un  règne  plus  ferme  et  plus 
glorieux  que  celui  de  ses  deux  jiré- 
décesseurs  Achmet  et  Soléiman.  Dès 
la  première  année  de  sou  avènement, 
le  pirate  IMeZzomorto  reprit  l'île  d.> 
Ghio  aux  Vénitiens  ;  et  Mustapha  II 
marcha  en  personne  contre  les  i;n';c- 
riaux  ,  commandés  par  l'électeur  de 
Saxe  Frédéric- Auguste.  Les  revcis 
des  règnes  précédents  firent  prciidi  c 
pour  des  victoires,  des  succès  sa;is 
lésultats  décisifs;  et  le  sulthan  rcnîia 
triomphant  dans  Adrianople.  L'uii- 
née  suivante,  il  ramena  eu  Hoii'-rie 
une  arnice  eïiéorc  plus  nombreuse  : 
mais  il  trouva,  pour  lui  tenir  tète ,  le 
prince  Eugène  de  Savoie  ;  et  la  ha- 
taillc  do  Zenta,  livrée  sur  les  jivi* 

01.- 


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MUS 


de  la  Theiss ,  en  1 697  ,  et  gagnée  par 
les  Ghre'tiens  ,  força  Mustapha  de 
fuir  houteuseraent,  se  trouvant  heu- 
reux de  réunir  les  débris  de  son  ar- 
mée sous  les  murs  de  Témeswar. 
Cédant  alors  aux  plaintes  et  aux 
murmures  de  ses  peuples  qui  deman- 
daient la  paix  ,  le  sultbau  sut  la  faire 
avec  adresse  et  dignité  ;  et  le  traité 
de  Garlowitz  ,  conclu  en  1699  ,  fait 
autant  d'honneur  à  sa  mémoire  et  à 
son  règne,  cpi'à  l'habileté  du  négocia- 
teur (  F.  Maurocordato  ,  XX  VII , 
661  ) ,  malgré  la  cession  de  la  Trans- 
silvanie  aux  impériaux ,  de  Kami- 
nieck  aux  Polonais, d'Azof  aux  Rus- 
ses ,  et  de  la  Morée  aux  Vénitiens. 
Cependant  celte  paix,  à- la -fois 
glorieuse  et  utile  à  l'empire,  amena 
la  chute  du  prince  qui  l'avait  sanc- 
tionnée. De  retour  dans  sa  capitale , 
Mustapha  ne  tarde  pas  à  se  rendre 
dans  une  de  ses  maisons  de  plaisan- 
ce ,  où  il  se  livre  à  la  chasse  et  aux 
plaisirs  :  les  murmures  du  peuple  et 
des  soldats  l'obligent  d'en  sortir  ,  et 
il  se  retire  à  Adrianople.  Sou  absence 
augmente  le  désordre  que  le  mécon- 
tentement avait  occasionné  à  Cons- 
tantinople.  La  déposition  du  grand- 
vézyr  Houcéin  ,  ministre  ami  de  la 
paix  ,  calma  momentanément  les  es- 
prits :  mais  son  successeur  Daltaban 
la  désapprouva,  et  tenta  ,  par  ses  in- 
trigues ,  de  recommencer  la  guerre 
et  de  perdre  ,  à-la-fois ,  le  drogman 
Maurocordato ,  le  reiseffendi  Ramy, 
et  le  moufty  Feyz-ullah.  Le  sullhan 
fit  tomber  la  tête  du  grand  -  vézyr  , 
et  celte  exécution  causa  la  révolte 
de  1703.  Elle  éclate  à  Gonstantino- 
ple  ,  par  l'imprudeuce  du  ca'iinekam 
Abdallah  Koproli,  à  peine  âgé  de 
ao  ans ,  qui  indisposa  les  troupes. 
C'était  le  gendre  du  moufty  qui  était 
universellement  déteste. Les  séditieux 
se  choisissent  des  chefs  ,  nomment 


MUS 

un  moufty,  de  nouveaux  ministres, 
et  marchent  sur  Adrianople,  au  noui- 
brede  5o  mille  hommes.  Les  troupes 
que  le  sulthan  leur  oppose  ,  loin  de 
leur  résister ,  passent  dans  leurs 
rangs.  En  vain  Mustapha  abandonne 
le  vieux  moufty  à  la  haine  des  re~ 
belles  ,  qui  lui  font  soufliir  mille  in- 
dignités. En  vain  il  s'abaisse  jusqu'à 
flatter  leurs  chefs ,  et  à  les  confii  mes 
dans  les  dignités  qu'ils  ont  usurpées. 
Ce  prince,  qui  n'avait  point  un  ca- 
ractère cruel ,  ne  voulut  pas  conser- 
ver le  trône  en  sacrifiant  Achmet , 
son  frère  ,  que  les  révoltés  voulaient 
proclamer  son  successeur.  Se  rési- 
gnant à  son  sort ,  il  lui  remit  l  ai- 
grette impériale,  le  ^4  aoiit(  ou  le  20. 
sept,  selon  V Art  de  vérif.  lesdates  ). 
Épargné  a  son  tour  par  Achmet  III, 
Mustapha  II  acheva  sa  vie  dans  l'in- 
térieur du  sérail  :  il  mourut  ,  d'hy- 
dropisie,  l'année  suivante ,  à  l'âge  de 
quarante  ans,  après  en  avoir  régné 
huit,  et  laissa  le  souvenir  d'un  prince 
qui  n'avait  pas  rempli  les  espérances 
que  ses  commencements  avaient  don- 
nées. Il  fut  religieux  et  justicier, 
appliqué ,  économe  ,  ennemi  de  la 
mollesse  et  des  voluptés.  La  confian- 
ce aveugle  qu'il  eut  dans  le  moufty 
Fcyz  uUah  remplaça  la  sagesse  et  la 
fermeté  qu'il  avait  annoncées  d'a- 
bord ,  par  la  faiblesse  et  la  tiraidilé 
qui  le  perdirent.     A — t  et  S — y. 

MUSTAPHA  III ,  l'aîné  des  en- 
fants du  sulthan  Achmet  III ,  succé- 
da, en  1757  ,  à  sou  cousin  Osmaa 
III.  Pendant  vingt-sept  années  d'in- 
tervalle depuis  le  détrônementd' Ach- 
met jusqu'à  la  mort  d'Osman  ,  Mus- 
tapha avait  vécu  renfermé ,  placé 
entre  l'ennui  et  l'inquiétude,  frappé 
sans  cesse  de  la  crainte  de  voir 
le  poison  terminer  ses  jours.  Les 
grands  de  l'empire  le  crurent  faible, 
et  se  flattèrent  de  gouverner  sous. 


MUS 

son  nom  ;  le  peuple  espéra  qu'il  se- 
rait prodigue  :  les  uns  et  les  autres 
se  trompaient.  «  Loin  d'iraiter  la 
»  faiblesse  de  mon  pre'dc'cesseur  , 
»  dit-il  au  grand-vc'zyr  lui-même  qui 
»>  l'asseyait  sur  le  trône ,  je  conser- 
»  verai  mes  ministres tantquejeserai 
»  content  de  leurs  sei"vices  :  s'ils  le 
»  méritent ,  je  les  punirai.  »  Comme 
il  passait  devant  les  odas  des  janis- 
saires ,  après  avoir  ceint  le  cime- 
terre à  la  mosquée  d'Eioub  ;  on  lui 
prësenla  le  sorbet,  suivant  l'usage  : 
a  Camarades  ,  dit-il  aux  comman- 
»  danls  en  leur  rendant  la  coupe  ;  s'il 
»  plaît  à  Dieu  ,  nous  le  boirons  cn- 
»  semble  ,  au  prinleraps  prochain  , 
»  sous  les  murs  de  Bender.  »  Ce  ca- 
ractère guei  rier  plaisait  à  des  soldats 
que  dix-huit  ans  de  paix  indignaient 
depuis  trop  long-temps.  Cependant 
le  grand-ve'zyr  Raghib -Pacha  ,  qui 
obtint  toute  la  confiance  de  Musta- 
pha III,  et  qui  la  méritait ,  lui  fit 
adopter  des  dispositions  plus  pacifi- 
ques, qui,  dans  les  circonstances  où 
était  rEuro])e,  ne  convenaient  lii  à  la 
gloire  ni  à  l'iniërêt  de  l'empire  Olho- 
man.  Il  s'occupa  d'abord  de  réfor- 
mes économiques  ,  supprima  plu- 
sieurs emplois  inutiles  ;  diminua  le 
luxe  du  sér.iil ,  rcnouvt  la  les  lois 
somptuaires  ,  et  les  anciennes  or- 
donnances sur  le  costume  obliga- 
toire des  Grecs,  des  Arméniens  et  des 
Juifs.  Ce  ne  fut  qu'en  i-jOS  ,  que  la 
Porte  ouvrit  les  yeux,  et  commença 
à  se  mêler  de  la  re'volution  de  Polo- 
gne et  de  la  querelle  des  Russes  et 
des  Polonais.  La  mort  du  grand- 
vézyr  Raghib-Pacha  laissa  éclater  la 
guerre  entre  les  cours  de  Pc'tersbourg 
et  deConstantinople.  Mustapha  prit 
les  armes  en  i  'J69;  il  aurait  dû  com- 
mencer à  combattre  ,  dès  l'année 
i-jGS.  La  première  campagne,  en- 
treprise sous  de  fâcheux  auspices , 


MUS 


485 


(F.  Mehemet-Emyn)  aboutit ,  pouf 
le  sidtian,  à  la  perte  de  Choczim ,  de 
la  Moldavie  et  d'une  partie  de  la  Va- 
lakic  :  celle  de  1770  fut  encore  plu5 
désastreuse  ;  elle  fut  signalée  par  la 
terrible  bataille  navale  deTchesmé, 
près  de  l'île  de  Scio ,  par  l'incendie 
de  la  flotte  othomane  ,  la  défaite  du 
khan  de  Crimée  sur  le  Pruth^  la 
déroute  derarmc'e  du  grand-vézyr  à 
l'embouchure  de  cette  rivière,  et  par 
la  perte  de  Bender,  de  la  Bessarabie 
et  de  plusieurs  îles  de  l'Archipel. 
Dans  le  nième  temps  ,  l'Albanie  et  la 
Morée  ,  excitées  par  les  Russes,  ten- 
taient de  se  soulever;  Ali  Gcyg  s'em- 
parait de  l'Egypte ,  et  la  dérobait  à  la 
domination  du  Grand  -Seigneur  j  le 
cheikh  Dhaher  régnait  en  prince  in- 
dépendant sur  une  partie  de  la  Syrie, 
et  les  Turcs  disputaient  avec  peine  le 
Daniibe  à  leurs  ennemis.  En  1771  , 
la  Crimée  tomba  au  pouvoir  des 
Russes  ;  enfin  en  1772,  sous  la  mé- 
diation de  l'empereur  et  du  roi  de 
Prusse  ,  le  congrès  de  Focziani  fut 
convoqué,  et  rompu  presque  aussi- 
tôt; des  conférences  à  Boukhorest , 
n'eurent  pas  plus  de  succès.  La  guer- 
re continua  ;  et  la  campagne  de 
1773,  procura  quelques  avantages 
aux  Othomans.  Le  courage  de  Mus- 
tapha n'était  pas  abattu  :  ce  prince 
avait  le  projet  de  se  mettre  à  la  tête 
de  ses  armées  ;  mais  ses  forces  phy- 
siques ne  répondirent  pas  à  la  vi- 
gueur de  son  caractère.  A  la  fin  de 
1 773,  sa  santé  s'affaiblit  visiblement j 
il  fit  appeler  Abdul-Hamid  sou  frère 
et  son  successeur  ,  lui  recommanda 
son  fils  Séliui ,  devenu  depuis  Sélim 
III,  et  mourut  le  ai  janvier  1774» 
âgé  de  58  ans.  Mustapha  III  était 
né  avec  un  jugement  sain  ,  un  cœur 
droit;  et  ses  mœurs  étaient  austères  : 
il  s'était  instruit  dans  sa  prison  par 
l'étude  de  l'histoire  et  des  lois  ;  il 


485 


MUS 


avait  l'elociuioii  facile,  mais  l'esprit 
îiH'diocrc,  L'iiicapacile  de  ses  gcné- 
laiix  fut  la  iciilc  cause  de  ses  revers  ; 
il  n'eut  pas  de  graiuls  talents ,  mais 
(clu  zèic  et  de  bonnes  intentions.  Dans 
dos  circonstances  moins  dirtlciles, 
d'Iles  eussent  sufli  pour  opérer  de 
};ranues  chosrs  :  celte  gloire  fut  re- 
iiisc'o  au  rogne  de  IMnstapha  III.  Le 
portrait  que  Catherine  II  en  a  trace 
dans  une  lettre  à  Voltaire,  n'est 
«pi'un  jeu  d'esprit  ,  ou  un  trait  de 
ïualignitc.  C'est  sous  le  règne  de  ce 
prince ,  que  la  Russie  inspira  aux 
Gi'ecs  cet  esprit  d'indépendance,  ces 
principes  de  liberté  ,  qu'ils  portent 
aujourd'hui  jusqu'à  l'exaltation  ,  et 
qui  peut  amener  de  grands  changc- 
jiients  dans  le  système  politique  de 
l'Europe;  .  A — t  et  S — y. 

MUSTAPHA  IV,  29«.  empereur 
otlioman ,  fils  aînc  du  sullban  Ahdul- 
liamid  ,  fut  tire  du  vieuy»  sérail ,  et 
porte  au  troue,  par  la  révolution  qui 
en  précipita  le  malhcurcur.  Sélim  Tll, 
.son  cousin-germain ,  le  29  mai  iSo'j. 
La  mort  de  quelques  miui.stres  et  des 
chefs  delà  liouvclie milice,  nommée 
jyizain-djtd'ul,  instituée  par  Sélim, 
ayant  apaisé  les  janissaires  ,1a  tran- 
quillité fut  bientôt  rétablie  à  Cons- 
tantinople  j  mais  l'insurrection  ga- 
gna  les  provinces.  Le  grand-vézyr, 
«{ui  commandait  l'armée  de  Valakie 
contre  les  Kusses ,  et  qui  venait  d'ob- 
tenir quelques  succès,  fut  massacré 
par  les  séditieux.  Le  pacha  dcBagh- 
dad.  fut  assassiné  par  son  kiaya  , 
<jue  la  Porte  lai  donna  pour  succes- 
seur. Les  pachas  de  Damas  et  de 
Tripoli  se  firent  la  guerre.  Celui 
d'iUcp  fut  chassé  par  les  janissai- 
res. Les  WahaLis  ,  maîtres  des  deux 
Ailles  saintes  en  Arabie,  continuaient 
leurs  progrès  sur  les  frontières  de 
la  Syrie,  et  s'emparaient  d'Ai;ah 
6ur  lEufrate.  Les  Russes  attaqucucnt 


l'empire  othoman  en  Europe,  bat- 
taient en  Asie  le  pacha  d'Erzroum  , 
et  secondaient  les  efforts  des  Ser- 
vicns  ,  qui  comballaient  sous  les  or- 
dres du  fameux  Czcrni  George,  pour 
recouvrer  leur  indépendance.  Telle 
était  la  situation  des  allaircs,  loisque 
Miisîapha  IV'  fut  proclamé  sultlian. 
Il  publia  un  firman,  pour  renouve- 
ler la  déclaration  de  guerre  contre  la 
Russie.  Il  promit  de  réiablii'  les  an- 
ciens usages,  les  anciennes  limites  de 
l'empire,  supprima  les  nouveaux  im- 
pôts, abolit  toutes  ks  institutions 
de  Sélim,  et  détruisit  même  l'imprime- 
rie de  Scutari.  Quelques  çvéuemenls 
heureux  signalèrent  le  court  règne  de 
Pilustapha.  Le  capitau-pacha,  Scid- 
Alv,  combattit  avec  avantage  la 
flotte  russe  de  l'amiral  Siniawin, 
près  de  Tenedos,  et  mérita  les  élo- 
ges ,  les  distinctions  et  le  surnom  de 
ghazy  (  vainqueur  des  infidèles  ) , 
que  lui  donna  son  souverain,  danà 
une  audience  solennelle.  La  paix  de 
Tilsitt  et  la  médiation  delà  France 
amenèrent  la  conclusion  d'un  arjnis- 
tice,  qui  fut  signé,  le  2^  août  .entre 
la  Russie  et  la  Porte-Othomanc ,  et 
'  d'un  second  entre  cette  dernière 
puissance  et  les  Serviens.  Les  Anglais, 
<lui,sous  le  règ)iede  Selim,  avaient 
forcé  l'entrée  des  Dardanelles,  et 
menacé  les  murs  du  sérail ,  cl  qui , 
deux  mois  avant  la  chute  de  ce  prin- 
ce ,  s'étaient  emparés  d'Alexandrie, 
échouèrent  sous  Mustapha  ,  en  vou- 
lant renouveler  la  première  expédi- 
tion. Lord  Paget  ,  leur  ambassa- 
deur ,  ne  réussit  pas  mieux  dans  s* 
négociation  pour  obtenir  que  l'E- 
gypte fîit  remise  aux  Anglais  pen- 
dant tout  h  temps  qu'ils  seraient  en 
guerre  avec  la  France.  Leurs  trou- 
pes, taillées  en  pièces  parcelles  du 
caimakam,I\îoh;unmed-Aly,  gouver- 
neur actuel  de  l'Egypie,  dans  une  teiix 


IMUS 

Jalivc  qu'elles  rirent  Sur  Rosoftc  ,  fi:- 
j'Piitl)loqiie'(S(laiis  Alcxaiidrii',  par  ce 
[).nlia,({iiilc.sc()iitraignitclc(M[>itiiler, 
et  fie  reudro  celle  ville,  où  il  entra  , 
Je  'Vi  septernlire.  Maigre  ees  siiecès  , 
mairijré  la  se'verile  que  déploya  Mus- 
la  pli.i  jiour  repriruer  les   iusolcntes 
pieteulions  des  janissaires  ;  uiaigrd 
les  mesures  qu'il  prit  pour  loiir  op- 
poser un  nouveau  corps  de  troupes , 
fliscipline'esà  l'européenne,  mais  ha- 
billées à  la  lur({ue  ,  il  éprouva  le  mô- 
me sort  que  Selim.  Ce  dernier  avait 
encore  de  nombreux  partisans  ;  I\IuS' 
taphci-Bairacdar  ,   paclia  de  Rouds- 
chouk ,  et  commandant  l'année  d'ob- 
servation sur  le  Danube,  était  secrè- 
tement leur  chef.  A  la  tcte  de  ses 
troupes,  il  vint  trouver  le  grand  ve- 
zyr  ,  Tcheleby-Muslapha  ,  dans  sou 
camp  d'x\drianople,  le  força  de  se 
joindre  à  lui;  et  tous  deux  marchè- 
rent sur  Constantinople.  Après  avoir 
campe  plusieurs  jours  devant  cette 
capitale,  il  y   entra,  le   28  juillet 
1808,  fit  prononcer  la  déposition  du 
sulthan  Mustapha ,  par  le  moufty  et 
les  oulèraaSj  qui  lui  devaient  leur 
nomination  ,  et  s'avança  vers  !e  sc'- 
rail,  en  demandant  Selim,  que  ce 
prince  refusait  de  livrer.  Selim  est 
c'gorge';  et  son  ca':avre  ,  offert  à  ses 
défensems  ,  les  anime  plus  encore  à 
ie  venger.  Mustapha  est  relègue  dans 
la  prison  qu'avait  occupée  ce  malheu- 
reux prince;  et  Mahmoud  II,  frère 
de  Mustapha  IV',  est  proclame  sul- 
than.  Mustapha -Dairacdar   obtient 
les  sceaux  de  l'empire;  il  s'attache  à 
de'truire  le  parti  du  dernier  monar- 
que ,  et  à  rétablir  les  institutions  de 
Selim.  Une  nouvelle  révolution  écla- 
ta le  i4  novembre  :  Mustapha  et  sa 
mère  en  furent  les  plus  illustres  vic- 
times. Le  grand-vézyr  les  fit  étran- 
■gler  le  i5,  avant  de  se  faire  sauier 
en  l'air  (/^.  MusTArnA-BAÏKACDAt;). 


MUS      '      .       4  §7 

Le  corps  de  ce  piiucc  fut  porte  le  18, 
dans  le  tombeau  de  son  père  .\bduU 
hamid;  et  le  lendemain  il  lui  naquit 
un  (ils,  neveu  du  suUhan  iMalmioud  , 
aujourd'hui  régnant.  A — r. 

M USTAPÎI A,  prétendu  fils  de  Ba- 
)azet  L',,  est  mis  ,  par  quehpies  his- 
riens  ,  au  nombre  des  imposteurs  in- 
signes. C'est  un  problème  historique 
que  de  savoir  si  Mustapha,  le  liis 
auié  de  Bajazet  I'""". ,  qui  combattait 
auprès  de  son  père  à  la  dé.iastrcusc 
journée  d'Aucyre,  resta  dans  la  foiilo 
des  morts.  Le  sulthau  Mahomet  I"-'"., 
son  fr!  rc ,  et  Amuralli  II ,  son  neveu, 
n'eurent  jamais   de  ceititude  à  cet 
égard.  La  preuve  en  est  dans  le  soin 
qu'ils  ont  eu  de  poursuivre  et  de  fai- 
re mettie à  mort  trente  iudi\'idus  qui 
prirent  le  nom  de  ce  légitime  héii- 
tier  du  trône  olhoraan.  Le  pi  us  remar- 
quable de  ces  imposteurs, si  ce  nest 
pasleprince  Muslaphalui-mcrac,  est 
celui  qui,  douze  ans  après  la  bi  taille 
d'Ancyre  ,  jjarut  en  Valakic,  recoii-. 
nu  et  soutenu  par  Cinéis, gouverneur 
de  jNicopolis  et  liiaîlre  des  rives  du 
Danube.  La  vie  politique  de  ce  der- 
nier, dont  l'ingratitude  et  l'adresse 
égalaient  la  bravoure  et  l'amiùlion  , 
jette  une  grande  défaveur  sur  le  sou- 
verain, véritable  ou  supposé,  pour 
lequel  il  combattit  ;    mais  la  vrai- 
semblance de  complicité  entre  le  pro- 
lecteur et  le  protégé,  ne  complète 
pas  les  preuves  sur  lesquelles  l'his- 
torien  doit   asseoir   sou  jugement. 
Quoi  qu'il  en  soitjCe  faux  ouvrai  Mus- 
tapha devint  formidable.  Mahomet 
F'',  le  délit  en  bataille  rangée;  et  le 
prince  ou  riinpostour  vaincu  se  jeta 
dans  Thessaionique ,  piacc-fortc  de 
l'eippirc  grec,  dont  le  gouverneur, 
Lascaris,  refusa  de  le  livrer.  L'em- 
pereur Manuel, ami  de  Mahomet  1-'". , 
mais  qui  souTuettait  ses  aflecîioiis  'j. 
sa  politique  ,  fcigVitd'cIre  aiictc  lui' 


488 


MUS 


même  par  les  lois  de  l'hospitalité, 
et  m-  voulut  pas  perniPttrc  q  le  Mus- 
tapha ,  quel  qu'il  fû  ,  ho  vît  arrache' 
de  l'asile  où  il  avait  cru  trouver  son 
salut.  L'île  de  Leranos  fut  le  lieu  de 
son  exil,  et  lui  servit  de  prison  jus- 
qu'à la  morl  de  Mahomet,  en  i^ii. 
Manuel,  quitte  envers  rarailië,  mais 
non  pas  sourd  à  la  voix  de  ses  inté- 
rêts politi  |ues  qui  le  portaient  à  sus- 
citer des  ennemis  aux  Othomans  et  à 
Amurath  II,  Vamiel  rendit  la  liber- 
té à  Mustapha,  sous  des  couditi'ins 
et  des  serments  que  ce  deinier  viola 
avant  d'avoir  per  lu  de  vue  le  seuil 
de  sa  prison.  Cette  lâcheté,  cet  oubli 
des  engagements  les  plus  sacrés,  sem- 
blent déposer  contre  sa  naissance  et 
ses  prétentions  ;  car  on  veut  retrou- 
ver les  sentiments  généreux  d,ins  les 
princes  ou  dans  ceux  qui  sont  digues 
de  l'être.  Quoi  qu'il  en  soit  encore, 
Mustapha  fut   reconnu  dans  Galli- 
poli,  où  il  débarqua,  et  dans  l'hexa- 
milion  de  Thrace.  Se  trouvant  à  la 
tête  de  soixante  mille  hommes,  com- 
mandés parce  mêmeCinéis.  qui  avait 
suivi  sa  fortune  ,  il  fut  reçu   dans 
Adrianople  ,   aux   acclamations  de 
tout  le  peuple.  Mais  son  ingratitude 
lui  avait  aliéné  l'empereur  Manuel, 
son  i  érateur;  et  Cinéis,  son  soutien, 
se  L;issa  acheter.  Mustapha,  aban- 
donné, saisi ,  fut  emmené  chargé  de 
chaînes  et  vivant ,  à  Amurath  IL  II 
fut  exposé  dans  Adrianople  même, 
aux  insultes  du  peuple,  qui  ne  vit 
plus  qu'un  imposteur  dans  un  mal- 
heureux; et  ce  faux  ou  vrai  Musta- 
pha termina ,  sur  un  gibet,  son  équi- 
voq'.e  destinée.  S — y. 

MUSTAPHA,  fils  aîné  du  sulthan 
Malmmet  11 ,  reçut  de  son  père  la 
souveraineté  de  la  Caramanie,  dont 
les  princes  venaient  d'être  chassés  et 
dépouillés  ,  en  punition  de  leurs  ré  - 
voltes  continuelles.  Le  jeune  IMusta- 


MUS 

pha  ,  marchant  sur  les  traces  de  son 

père,  combattit,  l'année  i4G0i  "Q 
général  d'0:izoim-Haçan,  roi  de  Per- 
se, le  fit  prisonnier ,  et  l'envoya,  char- 
gé 'le  chaînes,  a  >  sulthan  son  j)ère.  I^ 
campagne  suivante ,  il  eut  en  tète  Ou- 
zoun-Haçau;ui-inême.Mustapha  com 
mandait  la  gauche  des  Othomans, 
el  Zciuelbeyg,  (ils  du  roi,  l'aile  droite 
des  Persans.  Les  deux  princes  se  joi- 
gnirent corps  a  corps;  et  'a  mort  de 
Zeinel-beyg ,  que  Mustapha  tua  de  sa 
propre  main,  procura  une  victoire 
complète,  et  un  triomphe  de  plus  à 
MahometlI.  Mais  ces  titres  de  gloire 
ne  garantirent  pas  le  jeune  prince,  qui 
donnait  de  si  belles  espérances,  de  !a 
sévénté  et  peut-être  de  la  jalousie 
du  sulthan  sonpère. Ml  slapha,  après 
sa  victoire,  était  de  retour  à  Cons- 
tautinople  :  le  grand -vézvr,  Sadik- 
Ahmed,  était  resté  à  la  tète  de  l'ar- 
mée contre  les  Persans.  Ses  femmes, 
gardées  dans  son  harem  ,  n'en  sor- 
taient que  pour  aller  à  la  mosquée  ou 
auxbains  publics.  L'une  d'entre  elles 
rencontra  Mustapha ,  et ,  par  mégar- 
de  ou  avec  intention,  laissa  tomber 
son  voile,  et  se  laissa  voir  à  lui.  En- 
flammé d'une  passion  subite,  il  la 
suivit ,  força  l'entrée  des  bains  ,  que 
la  loi  musulmane  interdit  à  tous  les 
hommes  sans  distinction,  et  enleva 
cette  beauté  qui  l'avait  séduit.  Ma- 
homet II  fît  venir  sou  fils ,  lui  adres- 
sa les  reproches  les  plus  durs;  mais 
ayant  appris  que  le  jeune  prince  avait 
osé  s'en  plaindre,  il  le  fit  étrangler 
trois  jours  après.  S — y. 

MUSTAPHA ,  fils  de  Soléiman  I«. 
et  d'une  esclave  nommée  Bosphoro- 
ne,  était  l'aine  de  tous  les  enfants  de 
cetilluslrc sulthan.  L'empire  lui  était 
assuré;  il  joignait  à  ses  droits  d'aî- 
nesse l'affection  des  peuples  et  celle 
des  soldats  :  mais  l'ambition,  la  hai- 
ne et  la  jalousie  de  Roxelaue,  d'abord 


ftiUS 

favorite  ,  cnsuile  épouse  du  vieux 
^iillhan  ,  doiuiaiciit  au  prince  Miis- 
laplia  une  implac^Mc  euniinie  d^ns 
unemaràlre.  Celle  odieuse  femme  le 
caluuini.iaiipièsdeSoleiuiau  ettruu 
va  dans  le  grand-ve'zir  Rouslani ,  un 
complice  qui  appuya  oc  n)en.sonj:;e. 
On  essaya  de  louer  sans  mesure  le 

Icune prince  qu'on  voulait  perdre; et 
e  cœur  riu  grand  Solciman  ,  que  l'â- 
ge avait  rendu  soupçonneux,  s'ouATit 
à  toutes  les  impressions  de  la  crainte. 
L'exemple  «'omestique  de  Selim  L"". 
et  de    Bajazet   II  l'averlissait    que 
Mublaplia  pouvait  songer  à  '.ni  suc- 
ce'der  avant  le  temps  ;  et  quand  Ro- 
xelaneet  Roustam  avaient  le  soin  de 
vanter  avec  adresse  les  vertus,  l'af- 
fa!nlile,la  bienfaisance  de  son  fds; 
le  père,  ouibiageux  et  jalouv,  ne 
voyait  avec  i  liagnn  qu'un  ambitieux 
qui  se  faisait  des  amis.  Un  eunuque, 
chargé  autrefois  de  l'éducatiou  de 
Musiapiia  ,  et  vendu  a  Koxelane  , 
e'crivit    qu3   son  prince  s'était  as- 
suré (le  l'apjiui  de  sofy  de  Perse,  et 
qu'il  allait  prolitcr  de  cette  alliance 
secrète  et  de  l'-iinourde l'armée,  pour 
donner  l'essor  a  sa  coupable  «mbi- 
tion.  S.léinian  ,  crédule  et  aveuglé, 
sans  rica  ajirofondir,  demanda  un 
felfaaiiuioufty,qninele  refusa  point, 
par  bonne-foi  ou  par  complicité  avec 
les  ennemis  du  piince  innocent;  et  la 
mort  de   Must.ipha  fut  résolue.  Ce 
prince  était  dans  son  gouvernement 
d'Aïuasie;  l'ai  méeothoraaue  campait 
dans  le  voisinage:  Soléiman  s'y  ren- 
dit, et  ordoni'a  a  son  fils  de  venir  le 
trouver.  La  victime  se.  livra  elle-mê- 
me. Mustapha,  sans  déliauce,  parce 
qu'il  était  sans  reproche,  entra  dans 
la  tente  de  son  père  :  il  n'y  trouva 
que  des  bourreaux  qui  rétranglèrent, 
sans  que  Soléiman,   témoin  caché 
de  cette  horrible  scène,  entendît  un 
instant  le  cri  de  la  nature;  tant  on 


MUS 


4% 


avait  à  ses  ye<ix  noirci  son  fils  inno- 
cei.l.  Ainsi  périt  un  prince  (|ui  pro- 
mettait d'égaler  tous  les  héros  de  la 
dynaslic  d'Olhman  ;  un  prince  dont 
le  seul  crime  lut  d'être  ha'i  de  Roxe- 
lane  et  Irop  aimé  des  Othomans.  Il 
périt  l'an  de  I  hégire  9(30  (  1  ^53  ). 
La  lenisdc  calaslrophe  qui  signala 
son  injuste  et  touchante  mort,  a  été 
transportée  sur  la  scène  française. 
Belin  donna  au  théâtre  Mustaphaet 
Zeaiigir ,  en  l'joS.  Chamfurt,  qui 
surpassa   Belin  ,  coinjiosa ,  sous  le 
même  titre,  une  tragédie  semblable, 
qui  réussit,  en  1777.  M.  de  Maison- 
neuve  traita  le  même  sujet ,  eu  1  785 , 
sous  le  nom  de  Roxelanc  et  Mus- 
tapha, et  égala  au  moins  le  seul  rival 
qui  se  fut  montré  digne  de  son  sujet. 
S— ï. 
MUSTAPHA  (Le  faux) ,  prétendu 
fils  de  Soléiman-le-Grand,  ne  présente 
pas  à  la  critique  historique  la  même 
incertitude  que  le  prétendu  fils   de 
Bajazet  l*^"^.  (  F,  pag.  487  ci-dessus  ). 
11  y  avait  moins  d'un  an  que  Soléiman 
avaitsacrifiésonfds  Mustapha ,  lors- 
que, ce  nom,  cher  aux  soldats  et  au 
peuple  qui  le  pleuraient  encore,  ser 
vit   de   mo^Tu  à  la  trame  la  plus 
odieuse  :  elle  était  ourdie  par  Rose- 
laneet contre  lesulthan  lui-même,  au 
profit  de  Bajazet ,  fils  de  cette  femme 
ingrate  ,  ambitieuse  et  barbare.  Un 
esclave  d'une  adresse  et  d'une  audace 
extraordiuairesfut  instruit  parses  or- 
dres au  rôle  qu'il  devait  remplir  :  cet 
homme  avait  une  ressemblance  par- 
faite  avec    l'infortuné   Mustapha  ; 
et  quand  on  se  fut  assuré  qu'il  pou- 
vait jouer  son  personnage  avec  suc- 
cès ,  l'infâme    complot   s'exécuta. 
L'an    de  l'hégire    961    (  i554  ), 
l'imposteur  se  montra  près  de  Nico- 
poli  :  d  parcourut  tout  le  pays  qui 
est  entre  le  Danube  ,  la  Valakic  et  la 
Moldavie  ,  lieux,  où  la  mémoire  de 


Mustapha  avait  l;iisse  !e  pins  de  .sou- 
venirs et  de  regrets  :  il  ne  se  montrait 
qu'avec  précaution  ;  le  piîit  nombre 
de  gens  ailides  qui  étaient  à  sa  suite  , 
répandaient  tous  les  bruits  qui  pou- 
vaient le  mieux  accroître  la  com- 
passion ,  l'intérêt ,  et  l'indignation, 
Liii-mcrae  ,  en  se  découvrant  avec 
adresse,  ne  paraissait  jamais  que  se 
trahir  :  la  populace  curieuse  de  le 
voir,  semblait  le  forcer  à  faire  l'aveu 
de  ses  dangers  et  de  la  cruauté  de  son 
père  ;  il  avait  soin  d'apprendre  com- 
ment elle  avait  été  trompée.  «  Jesa- 
»  vais  ,  disait-il ,  combien  le  sulthan 
»  mon  père  était  irrité  contre  moi 
»  lorsqu'il  m'envova  l'ordre, à  Ama- 
»  sie  ,  de  venir  le  trouver.  Je  n'osais 
>)  obéir;  de  fidèles  amis  m'engagè- 
»  rent  à  prodiguer  l'or  et  les  pro- 
1)  messes  pour  persuader  à  un  liom- 
»  me  obscur  ,  qui  me  ressemblait 
»  parfaiîcmeut,  de  se  présenter  à 
»  ma  place  aux  premiers  regards  de 
»  mon  père.  Des  lâches  apostés  l'ont 
n  étranglé  inhumainement ,  et  ont 
»  ensuile  porté,  devant  la  fente  im- 
»  périale,  son  cadavre  qu'on  a  cru 
;)  le  mien.  J'ai  fui;  j'ai  traversé  le 
»  Pont,  côtoyé  le  Bosphore,  pour  me 
T»  réfugier  dans  ces  contrées,  persua- 
»  dé  que  j'y  trouverais  des  secours 
w  et  des  amis  :  ne  m'abandonnez  pas; 
»  attachez-vous  à  ma  fortune  ,  je 
»  veux  combattre  pour  conserver 
»  ma  vie;  et  je  ne  veux  conserver 
»  ma  vie  que  pour  vous  rendre  heu- 
»  reux.  »  Bientôt  le  faux  INTiista- 
pha  eut  un  parti  considérable  :  il  se 
vit  à  la  tête  d'une  armée ,  composée 
d'hommes  obscurs,  de  janissaires; 
vi\  de  gens  distingués,  les  uns  trom- 
pés ,  les  autres  feignant  de  Tctie. 
i.'imposteur  annonçait  le  projet  de 
marcher  sur  Conslantinople.Roxela- 
fte  et  Bajazet  souriaient  iecrèteraeut 
au  succès  de  leurs  coupables  manœa- 


MUS 

vrcs  ,  et  comptaient  de  briser,  quand 
il  en  serait  temps,  l'instnimeiU  dont 
ils  se  sei.  vaient  :  ils  fixaient  l'accom- 
plissement de  leur  crime  à  la  mort 
même  de  Soléiman  et  de  Sélim,  qui  de- 
vaient périr  sous  les  mêmes  coups. 
Mais  le  vieux  sidîhan  n'attendit  pas 
que  l'imposteur  fût  devenu  invinci- 
ble; et  quelque  sûr  qu'il  fût  d'avoir 
fait  mourir  Mustapha  et  de  ne  point 
s'être  trompé  dans  sa  vengeance  ,  il 
n'en  craignit  pas  moins  d'être  dé- 
trôné par  le  fourbe  qui  avait  trouvé 
des  sujets  et  des  soldats,  en  prenant 
le  nom  du  prince.  U  donna  ordre  à 
son  grand- vézir  (  F'.  Acumet  ) ,  de 
marcher  sans  nul  délai,  avec  ses 
vieilles  troupes,  et  de  prendre  vi- 
vant le  faux  iMustapha,  L'armée  de 
ce  dernier  n'attendit  pas  les  hasards 
d'une  telle  lutte.  A  l'approche  du 
danger,  ce  ramas  confus  se  dissipa  : 
l'imposteur  voulut  fuir  avec  ses  com-. 
plices  les  plus  intimes;  ils  tombèrent 
tous  entre  les  mains  d'Achmet.  Le 
faux  Mustapha  avoua ,  au  milieu 
des  tourments  ,  le  crime  dont  il 
n'était  que  l'instrument,  et  nomma 
Bajazot  seul  ,  parce  que  l'adroite 
Roxclane  avait  agi  sans  paraître. 
Un  ordre  de  Soléiman  fit  jeter  se-: 
crèteir.entdans  la  mer  le  faux  Mus- 
tapha (  r^.  Bajazet  ).  S — Y. 

MCSTAPHA  (  Jean-Abma>d  )  , 
voyageur,  était  un  mahométan  qui, 
après  avoir  parcouru  divers  pays, 
vint  en  France,  où  il  embrassa  la 
religion  chrétienne.  Il  parait  qu'il 
dut  beaucoup  aux  bienfaits  du  car- 
dinal de  Richelieu,  qui,  probable- 
ment, l'employait  comme  interprète. 
Ce  fut  en  cette  qualité  qu'il  accom- 
pagna le  commandeur  de  Razilly, 
dans  deux  voyages  à  la  côte  occi- 
denlale  de  Maroc;  il  en  a  écrit  la  re- 
lation sous  ce  titre  :  Foja^es  iVA~ 
fri'jue  ,  où  sont  conteniiei  les  na^'i- 


MUS 

l^ations  des  François ,  erUreurises 
<•«  iGiÇ)ct  il'}io,è<>  cuU's  (les ruy  mi- 
mes de  Fez  et  de  Maroc;  le  traité 
de  paix  fait  avec  les  habitants  de 
Sale,  et  lu  dëli\>rance  de  j)litsicurs 
esclaves  français  ,  ensemble  la  dcs- 
crijtioii  des  susdits  rojauines ,  vil- 
les, coutumes,  redirions,  mœurs  et 
commodités  de  ceux  du  pays ,  Paris , 
i(i3'2,  un  vol.  mil.  C'est  princi- 
j>alenient  du  second  voyage  qu'il 
esl  question  dans  ce  livre.  Uazilly 
partit  de  l'île  de  Rlie,  le  'lo  juin, 
f  t  Y  fut  de  retour  le  'i5  nov.  Par 
sa  forraetc"  il  délivra  les  esclaves 
fiançais  détenus  à  Sale,  et  conclut 
avec  cette  ville  un  tiaite  avanta- 
j;cux  :  mais  son  zèle  échoua  contre 
la  luanvaise-foi  de  l'empereur  de 
JMaroc  ,  qui  dilTera  toujours  de  relà- 
clier  les  malheureux,  qu'il  rcleuait 
dans  sa  capitale.  De  ce  nonihreefait 
Paul  Imbert,  pilote  des  Sables-d'O- 
lone ,  qui  vécut  encore  long-temps 
dans  l'esclavage;  car,  dans  wnc  Lettre 
écrite  en  réponse  de  diverses  ques- 
tions curieuses  sur  les  parties  de 
V Afrique  ,  où  l'e^ne  aujourd'hui 
Mulej-Arxid,  roi  de  Tafdette ,  par 
Tyî***.  qui  a  demeure  2.5  ans  dans  la 
Mauritanie,  Paris,  1670,  nn  vol.  in- 
l'.i  (i),  l'auteur  parle  de  Paul  Im- 
bert, «  lequel,  dit  il,  nous  faisait 
»  souvent  récit  de  son  voyage  de 
»  Torabouctou,  comme  d'un  voya- 
«  gc  de  grandes  fatigues  et  de  grande 
»  cousëciuence.  »  Combien  il  est  à 
regretter  que  cet  écrivain  ne  nous  ait 
pas  fait  connaître  en  détaille  résul- 
tat de  ses  conversations  avec  Paul 


yi)  Ctl  opuscule  forme  la  tr  lisièmc  parlic  du  livre 
fuivant  :  U,UouedeMuUr-Arj,Ul,  ruiJe  T.iJiLtU 
l'ez  ,  Mu,  oc  et  Tunidcnl  ,  avec  lu  Relation  rU 
voyage  fait  en  iG65,  Vers  ce  /j  rince  ,pour  Cétahln- 
seineiU  tlu  commerce  en  ses  étais.  Chacun  de  c  s  mi- 
ypifiFS  a  une  pagination  particulière.  Le  preiii.'ir  <>rt 
tri  ut  de  lu' -lais  :  le  sicoud  ,  qui  souvent  se  tromc 
ieM,  «t  dcRoawl  ricjus  de  Marseille;  il  et    m  o 


Î\IUS  /,;m 

Inibcrl!  INIusIapiia  donne  une  des- 
cription exacte  de  l'emjtire  de  Ma- 
roc, 11  a  souvent  recours  a  l'oiivrago 
(le  Jean  Léon,  et  en  convient;  mais 
il  ajoute  aux  notions  tirées  de  ce  li- 
vre lui  grand  nombre  de  p.»rlicula- 
rilés  inléressantes,  et  il  rliscute  haLi- 
lemciit  plusieurs  points  de  géogra- 
phie. Mustapha  avait  dessein  de 
publier  toutes  les  observations  qu'il 
avait  faites  durant  son  séjour  en 
Tunjuie ,  Perse  ,  Egypte  ,  Grèce  , 
et  Barbarie  :  il  ne  paraît  pas  qu'il 
ait  eiicctué  ce  projet.  E — s. 

MUSTAPHA -BAIUAKDAR,  cé- 
lèbre grand  -  vézyr  ulhoman  ,  na- 
quit à  Rasgrad,  veis  le  milieu  du 
dix-huiiième  siècle,  de  jiauvres  pay- 
sans :  il  exerça  comme  eux  la  pro- 
fession d'agriculteur ,  qu'il  quitta 
pour  se  livrer  au  commerce  des  che- 
vaux, et  ii  s'enrôla  enfin  sous  les  dra- 
peaux du  pacha  de  sa  province.  Il 
j^e  liislingua  par  ses  talents  et  par  son 
courage  en  plusieurs  rencontres,  et 
mérita  îe  surnom  deBairakdar,  pour 
avoii  repris  nu  étendard  a  l'ennemi  et 
l'avoir  conservé  malgré  ses  Llessiii  e> 
et  la  supériorité  de  ses  adversaires. 
Cette  action  d'éclat  lui  ac([uit  la 
pon!îance  de  Tersanik-Oglou,  pacha 
de  ilouslchouk  :  il  l'accompagna 
depuis  dans  toutes  ses  campagnes, 
noiainment  dans  celles  contre  Pas- 
v.an-Oglou  ,  et  lui  succéda  enlin  eu 
1804.  fiOrsque  les  Russes  envahirent 
la  Moldavie  en  i8o(),  Mustapha,  a 
la  tète  d'un  corps  de  troupes  ([u'il 
avait  armé,  livra  plusieurs  coml-ats 
au  général  Rliclielson  ,  sans  pouvoir 
l'empccher  d'entrer  dans  Boukho- 
rest  ;  mais  ,  l'année  suivante  ,  il  dé- 
truisit une  partie  de  l'armée  russe, 
a  Musahib  Kiou,  et  il  envoya  des 
têtes  et  des  oreilles,  à  Coustanti- 
liople ,  comme  trophées  de  sa  vie- 
luire.  La  révolution  qui  précipita  du 


49i  RltJS 

trône  Scflim  III ,  en  mai  1807,  la 
revollc  des  janissaires  de  l'année  de 
Valakie,  et  la  décapitation  du  grand- 
vézyr  ,  ayant  porte  Mustaj)ha  Baï- 
rakdar  au  commandcmcntaes  forces 
othoraancs,  il  marchait  déjà  contre 
les  Russes  ,  et  peut  -  être  allait  obte- 
nir de  nouveaux  succès,  sans  l'ar- 
mistice cjui  fut  conclu  au  mois  d'août. 
Le  séraskier ,  qui  avait  dissimulé  son 
attachement  pour  la  cause  de  Sélim , 
feignit  alors  de  marcher  contre  les 
Serviens;  et  se  rapprochant  peu-à- 
peu  d'Adrianople  et  du  camp  du 
j;rand-vé/.yr  Tcheleby  Mustapha ,  il 
contraignit  ce  ministre  à  le  suivre 
à  Constantinople ,  pour  rétablir  le 
sulthan  détrôné.  Malgré  le  respect 
qu'il  affectait  pour  l'empereur  ré- 
gnant ,  il  fit  étrangler  secrètement 
les  commandants  des  forteresses  du 
Bosphore  ,  et  les  remplaça  par  des 
hommes  qui  lui  étaient  dévoués.  A 
son  arrivée  devant  la  capitale ,  il 
dépose  le  moufty  ,  l'agha  des  janis- 
saires ,  tous  les  oulémas  qui  avaient 
pris  part  à  la  dernière  révolution  , 
-et  marche  vers  le  sérail  ,  en  rede- 
mandant Sélim  pour  le  couronner  de 
nouveau.  Après  une  courte  résis- 
tance ,  les  portes  s'ouvrent ,  et  le 
cadavre  de  ce  prince  infortuné  est 
jeté  aux  pieds  de  Baïrakdar.  Celui- 
ci  donne  des  larmes  à  son  maître  ; 
mais  redoublant  bientôt  de  fureur, 
il  ordonne  le  supplice  des  conseil- 
lers et  des  exécuteurs  de  ce  crime  , 
la  déposition  du  sulthan  Mustapha 
IV,  et  l'installation  de  son  frère  Mah- 
moud II.  Après  cette  révolution,  qui 
arriva  le  28  juillet  1808,  Mustapha- 
Bàirakdar ,  devenu  grand-vézyr,  con- 
tint les  pachas  dans  l'obéissance , 
rétablit  le  ministère  de  la  police  et 
des  approvisionnements  ,  et  prit  tou- 
tes les  mesures  pour  maintenir  la 
tranquillité  dans  la  capitale.  En  mê- 


MUS 

me  temps,  il  s'occupn  sans  relâcbe 
à  organiser,  à  augmenter  l'armée 
othomane,  à  y  introduire  de  nou- 
veau la  disci plaie  et  la  tactique 
européennes  ,  à  supprimer  le  corps 
redoutable  des  janissaires,  et  à  les 
enrôler  dans  celui  des  seymens.  Ces 
innovations  ,  qui  avaient  servi  de 
prétexte  à  la  chute  de  Selira  III  , 
l'inflexible  fermeté  du  grand-vczyr, 
et  sa  trop  grande  sévérité  ,  irritèrent 
ses  envieux ,  et  augmentèrent  le 
nombre  des  mécontents.  Dès  le  10 
novembre  1808,  des  troupes  ,  arri- 
vées sans  ordre  des  Dardanelles  et  de 
la  Homélie,  portent  au  comble  l'a- 
gitation ,  qui  se  manifestait  dep 
dans  Constantinople.  Des  combats 
partiels  s'engagent  entre  elles  et  la 
milice  des  sevnens,  instituée  et  pro- 
tégée par  Mustapha -Baïrakdar.  Ce 
vézyr  parcourt  les  rues  de  la  capi- 
tale, et  se  porte  partout  où  le  danger 
est  le  plus  grand  ,  donne  ses  ordres 
avec  sang-froid,  anime  les  seymens 
par  son  exemple  plus  que  par  ses 
discours,  et  enfonce  plus  d'une  fois  les 
janissaires  :  mais,  tandis  qu'il  triom- 
phe d'un  côté,  ses  partisans  sont  re- 
pousséssur  tous  les  autres  points.  For- 
cé enfin  de  céder  au  nombre,  il  se  re- 
tire dans  le  sérail.  On  l'y  assiège, 
on  y  met  le  feu  ,  on  en  escalade  les 
murailles.  Bàirakdar  n'a  que  le  temps 
de  faire  étrangler  Mustapha  IV,  que 
les  rebelles  redemandaient  pour  sul- 
than; et  craignant  de  tomber  vivant 
entre  leurs  mains ,  il  met  le  feu  au 
magasin  à  poudre  ,  se  fait  sauter,  et 
entraîne  avec  lui  une  fonle  de  ceux 
qui  étaient  le  plus  acharnés  à  sa 
perte.  Le  lendemain  16  novembre  , 
on  trouva  son  coips  sous  les  dé- 
combres; et  il  fut  livré  aux  ou- 
trages de  la  populace.  Ainsi  finit  ce 
fameux  vézyr,  dont  le  courage  et 
les  talents  supérieurs  auraient  pu  ope- 


MUS 

lor  (les  reformes  utiles  à  sa  nation, 
s'il  n'cûi  pas  imprudemment  brus- 
tjué  cette  révolution.  A — t. 

MUSTAPHA  (  Cara).  F.  Cara- 

MOUSTAPOA  ,   t.  VII  ,   p.  Qî. 

MUSTAPHADALTABAN,grand- 
vc'zyr,  reçut  le  singulier  surnom  de 
Daltahan  (  c'est-a-dire  liomme  qui 
marche  sans  chaussure),  parce  que, 
pour  mieux  s'acquitter  de  ses  fonc- 
tions d'aglia  des  janissaires  ,  pour 
veiller,  avec  plus  de  vigilance,  à  la 
sûreté  publique  qui  lui  était  confiée , 
il  se  déguisait ,  et  allait  de  nuit ,  à 
pied ,  dans  tous  les  quartiers  de  la 
ville;  bien  dififérent ,  en  cela ,  de  ses 
prédécesseurs  ,  qui  ne  se  montraient 
qu'à  cheval  et  en  grand  appareil. 
Mustapha-Daltaban  avait  été  simple 
janissaire,  et  élevé  dans  le  palais  du 
grand-vézyr  AcbmetKiuperli.  Après 
la  mort  de  son  protecteur  et  celle  de 
Cara-Mustapha,  qui  lui  avait  continué 
sa  bienveillance,  Daltaban  était  resté 
oublié  :  le  nouveau  grand  -  vézyr  le 
fit  agha  des  janissaires,  poste  où  il 
déploya  autant  de  fermeté  que  de  vi- 
gilance et  de  justice.  Il  devint  suc- 
cessivement pacha  de  Silistrie,  avec 
le  titre  de  séraskier,  en  lôg^,  et 
beglierbey  de  Natolie.  Il  arrivait  à 
Sophia  pour  rejoindre  l'armée  otlio- 
mane,  en  1697  '  ^^  aurait  probable- 
ment péri  à  la  funeste  bataille  de 
Zeula  ,  s'il  n'eût  trouvé ,  en  chemin  , 
l'ordre  d'aller  en  exil  dans  la  Bos- 
nie. Il  y  vivait  retiré  dans  un  petit 
village  ,  lorsque  les  Othomans,  dis- 
persés par  cette  déroute  de  Zenta , 
et  poursuivis  par  les  impériaux  jus- 
que dans  la  Bosnie,  sur  laquelle  ils 
se  reliraient  en  désordre  ,  se  voyant 
menacés  et  sans  chefs,  forcèrent  Dal- 
taban de  se  mettre  a  leur  tête ,  pour 
repousser  les  Chrétiens  vainqueurs. 
Le  séraskier  disgracié  marcha  sans 
l'aveu  du  sulthan  Mustapha  II ,  et 


MUS  491 

se  fit  pardonner  sa  désobéissance  à 
force  de  succès.  Il  reprit  sur  les  im- 
périaux ,  en  une  seule  carap.igiie  , 
vingt  -  quatre  châteaux  ou  villages 
fortifiés  ,  sur  les  deux  rives  de  la 
Save.  Il  fut  sans  peine  confii  me  dans 
le  commandement  que  l'arniéc  l'a- 
vait forcé  d'accepter. Bientôt  après, 
les  Arabes ,  exerçant  des  briganda- 
ges dans  le  Diarbekr ,  la  Porte  en- 
voya Daltaban  pour  les  repousser , 
et  lui  donna  le  gouvernement  de 
Baghdad  ,  en  i-joo.  Ce  qu'on  ra- 
conte de  sa  bravoure  personnelle  pa- 
raîtrait fabuleux  ;  ce  qu'on  rapporte 
de  sou  bonheur  dans  cette  guerre  , 
est  historique.  Les  Arabes  furent 
vaincus  ,  détruits  ;  et  Daltaban,  ac- 
cusé calomnîeusement  par  ses  nom- 
breux ennemis  ,  répondit  à  l'agho. 
em^oyé  de  Constantinople  pour  lui 
demander  sa  tête ,  en  montrant  3;* 
mille  têtes  d'Arabes  exposées  autour 
de  son  camp.  L'agha,  qui  n'avait  pas 
osé  avouer  sa  mission  ,  vint  rendre 
compte,  au  sulthan,  des  triom[)hes 
de  Daltaban,  qui  répondait  aux  ac- 
cusations par  des  victoires.  Le  vain- 
queur des  Arabes  ne  s'était  pas  eublié 
dans  le  partage  du  butin  :  sa  haine 
contre  les  chrétiens  lui  fournit  un 
nouveau  moyen  de  satisfaire  son 
avidité;  en  septembre  1701  ,  il  pilla 
et  détruisit  le  couvent  et  l'église  que 
les  capucins  français  possédaient  à 
Baghdad  ,  au  mépris  des  capitula- 
tions qui  les  leur  avaient  donnes  pour 
servir  de  maison  consulaire.  Le  voya- 
geur Paul  Lucas  perdit ,  dans  cette 
occasion,  plusieurs  bijoux,  que  ce 
pacha  s'appropria.  Aussi  bon  cour- 
tisan que  brave  général ,  il  sut  chan- 
ger les  fausses  préventions  en  bien- 
veillance ,  en  achetant  l'amitié  du 
moufty,  qui  le  fit  nommer,  en  i  ~o'i , 
pacha  de  Kioutaya  ,  et  bientôt  après 
grand  -  vézyr.  Mais  Daltaban ,  lier  . 


4-)4  l^.îÙS 

aliibilieiix  et  aime  du  peuple  et  de 
l'armée ,  se  lassa  d'êlrc  la  crcaliiie 
«lu  moiiifv,  ({iii  l'avait  clevc  au  vc- 
zyral.  Il  crut  à  tort  nue  tous  ses  ti- 
ties  à  la  faveur  publique  pouvaient 
jialaiieer  .  aux  yeux  de  Mustapha  II, 
l'iiiflueiiec  du  iiioufl}-  Fe3';',-i;l]a}i,  qui 
avait  cle  kliodjah  ou  ])!ecepteur  du 
suhhan.  Aimant  la  domination  et  la 
j^uerre,  il  voulut  à-la-fois  régner  sur 
.son  souverain,  se  défaire  du  moufly, 
«(ui  le  conseillait ,  et  en  même  temps 
du  reis-e'lendi  Ramy ,  et  de  Mauro- 
cordato,  auteurs  de  la  paix  de  Car- 
Jowitz  ,  dont  il  provoquait  la  viola - 
lion,  11  voulut  opposer  la  ruse  à  la 
lusc  ,  l'intrigue  à  l'intrigue  :  il  fut 
joue  par  ceux-niênies  qu'il  AOulait 
perdre.  Le  sulllian  sacrifia,  aux  in- 
.sinuationsdc  son  kliodjali,  l'homme 
3c  plus  hravc  et  le  plus  utile  de  l'em- 
pire.  Mustapha  -  Daltaban   fut  dé- 
pouille du  sceau  impérial ,  et  de'ca- 
piîé  entre  les  doux  portes  du  se'lail  , 
au  moment  où  il  croyait  triompher 
de  ses  dangereux  ennemis.  11  vit  ap- 
procher les  bourreaux  et  la  mort 
avec    autant   d'intrépidité'  qu'il    en 
avait  montre'  en  la  bravant  tant  de 
fois  sur  les  champs  de  bataille  ;  et 
avant  d'expirer  il  protesta  de  son  in- 
jiocenec  et  de  ses  bonnes  intentions 
(  l'an  de  i'he'gire  t  1 14  (  1703  ).  La 
jîiortde  Muslapha-Daltaban  entraîna 
celle  du  moufty  et  la  déposition  de 
IVIustapha  II ,  étant  devenue  la  prin- 
cipale cause  de  la  fameuse   révolte 
qui  éclata  la  même   année. 

A — T  et  S — Y. 
MUSTAPHA-KIRLOU,vc- 
zyr  et  j)eau-frcre  de  Soléiman  1*=' .  , 
fut  célèbre  par  sa  faveur ,  ses  ex- 
ploits ,  sa  disgrâce ,  sa  révolte ,  et 
sa  mort ,  qui  en  fut  la  punition.  En 
i5'2i  ,  Mustapha  prit  Belgrade  en 
moins  d'un  mois  ,  sous  les  yeux  du 
sullhau,  qui  venait  de  l'elcvcr  wiu 


MtS 

ve/.yraf.  En  ilyi'i,  i!  commanda  eti 
chef  la   seconde   expédition  tentée 
par  les  Oîhoraans,  contre  File  de' 
Rhodes.  Soléiman,  ennuyé  de  la  lon- 
gueur du  siège,  et  irrité  d'appren- 
dre qu'une  poignée  de  Chrétiens  te- 
naient tête  à  i5o  mille  Musulmans  , 
vint   en   personne  diriger  les  atla- 
qncs  et  punir  son  général  de  n'être 
pas    vainfpjcur.    Mustapha  -  Kirlou 
allait  être  attaché  à  un  jioteau  et  per- 
eé  de  flèches  ,  lorsque  la  princesse  , 
sœur  du  sulîhau  ,  et  tous  les  pachas 
de  l'armée^  intercédèrent  pour  lui. 
Soléiman  lui  laissa  la  vie  ;  mais  il  le 
bainiit  de  sa  présence,  et  l'envoya  en 
Egypte  corabatire  des  révoltés  qu'il 
eut  le  bonheur  de  soumettre.  Jusqr.e- 
là  ,  résigné  aux  volontés  de  son  maî- 
ire,  Mustapha  s'était  conduit  en  su- 
jet fidèle;  mais  il  apprit  que  le  suî- 
than  avait  nommé  grand-véxyr,  lo 
célèbre  Ibrahim,  son  ennemi.  Le  dé-, 
])it,  la  jalousie  et  le  désir  de  la  ven- 
geance, leportcrent  à  se  révolter  con- 
tre Soléiman.  Il  dissimula,  et  com- 
mença par  demander,  pour  récom- 
pense de  ses  services  ,  le  sandjakat 
d'Egypte,  qu'il  obtint.  Eu  ï5i3,  il 
leva  le  masque;  mais  ,  pour  son  mal- 
heur, il  nïit  sai  confiance  en  Pfléhé- 
mel-F^fléndi ,  sou   secrétaire,    qui 
rendit  compte  au  sulthan  des  projets 
de  Mustapha.  Soléiman ,  en  réponse, 
envoya  à  Méhémct  la   dignité    de 
sandjak ,  et  Tordre  de  punir  le  re- 
belle ,  dès  qu'il  l'aurait  dépossédé. 
Mustapha  eutà  coml-attre  les  soldats 
qu'il  avait  commandés  :  il  fut  vain- 
cu ,  pris  tivant ,  et  lié  cette  fois  au 
funeste  poteau  qu'il   av.iit  déùi   eu 
sous  les  yeux  à  Rhodes,  11  périt  per- 
cé de  flèches,  par  les  soldats  mêmes 
de  sa  garde.  Ses  exploits  avaient 
rendu  sa  disgrâce  injuste;  sa  révolte 
déshonora  tous  ses  exploits.  11  i  -t 
au  rang  des  illustres  rebelles;  car.  s'il 


RI  us 

y  avait  autant  d'iinpruclcncc  que  de 
crime,  il  y  avait  au  moins  ilii  cou 
rage  et  de  l'aiidacc  à  braver  Sulc'i- 
inan-lo-GraïKl.  S  —  v. 

MUSl'APllA-PACH.V,  lavoi-i  de 
Seliiu  II,  devait  la  bienveillance  de 
son  souverain  à  une  action  coura- 
geuse et  honorable.  Lurscjiic  iStilini , 
appuyé  d'une  année,  de  l'ordre  de 
Soleiman son  père,  et  d'un  f'clfa  du 
moufty,  combattait  Bajazct  son  l'rcrc 
rebelle  sous  les  murs  d'Iconiuni,  en 
l55],  Selim  eirniyc  parlait  de  pren- 
dre la  fuite;  et  IVlustaplia,  qui  était 
à  ses  côtes,  l'avait  sauve  du  dcsbon- 
neur  ,  en  le  forçant  à  se  jeter  de  nou- 
veau dans  la  mèle'e.  Ce  paclia  fut 
charge  par  le  sulthau  de  la  coiiquèle 
de  l'île  de  Cypre  ,  en  1 570.  S'il  était 
digne  de  quelque  gloire  par  son  in- 
trépidité', son  activité  et  sa  persévé- 
rance, il  soudla  toutes  ces  qualités 
par  sa  monstrueuse  barbarie,  son 
avidité  et  l'oubli  total  des  devoirs  de 
l'humanité,  qui  limitent  les  droits  de 
la  guerre.  De  tous  ses  crimes  ,  son 
avarice  fut  le  seul  qui  lui  fut  repro- 
ché devant  son  maître,  et  qui  fut 
puni.  L'exécrable  conquérant  de  Ni- 
cosie et  de  Faniagouste,  le  bourreau 
Ju  brave  et  généreux  Bragadino  ,  re- 
vint à  Constantinople  chargé  des 
malédictions  et  des  dépouilles  des 
vaincus ,  chargé  aussi  des  injures 
des  janissaires ,  qu'il  avait  refusé 
l'admettre  au  partage  du  butin.  On 
lui  demanda  compte  de  toutes  les 
richesses  qu'il  avait  détournées  à 
son  profit.  La  punition  d'un  vain- 
queur féroce ,  dont  la  gloire  eût 
déshonoré  une  autre  nation  ,  ne  fut 
qu'une  punition  imjiarfaite,  née  de  la 
haine  et  de  la  jalousie  de  ses  rivaux, 
et  non  pas  un  hommage  rendu  à 
l'humanité  outragée.  Mustapha -Pa- 
cha fut  dépouillé  de  ses  honneurs, 
et  relégué  dans  un  san  'q^ikit  éloi- 


gué  de  la  cour,  oii  la  fausse  gloire, 
achetée  par  tant  de  sang ,  et  .souil- 
lée par  l.jnt  d'actes  de  baibuic,  lui 
servit  de  .sauve-garde,  et  l'eni|.tîrli,i 
d'être  mis  à  njort.  Amuraîh  lll, 
successeur  de  Sélim  II  ,  rajiptla  le 
conquérant  de  l'île  de  (iypre,  cl  lui 
donna  le  commandement  de  l'ariuée 
qu'il  envoya  contre  les  Persans  ,  en 
i5'jS.  IMustapha,  après  s'être  cin- 
])aré  de  la  Géorgie  et  du  Chyrwan  , 
dispersa  ses  troupes,  que  les  enne- 
mis taillèrent  en  pièces  en  les  atta- 
quant en  détail,  l^e  vaincu  reçut  or- 
dre de  revenir  à  Constantinople,  où 
il  amena  un  ambassadeur  du  roi  do 
Perse  ,  ca  i58i  ,  et  fut  fait  mazou.  : 
il  s'empoisonna  de  honte  et  de  doii- 
leur.  S — Y. 

MUSURUS  (î\ÎARc),  l'un  de  ces 
illustres  Grecs  qui  ont  tant  contri- 
bué à  répandre  le  goût  des  lettres  eu 
Europe,  au  quinzième  siècle,  était 
né  vers  1470  ,  à  Rctimo  ,  dans  l'île 
de  Crète.  Il  fut  amené  fort  jeune  en 
Italie  par  son  père,  riclie  négociant, 
et  placé  sous  la  direction  de  Jean 
Lascaris,  qui  lui  fit  faire  de  rapide.s 
progrès  dans  la  connaissance  des 
bons  auteurs,  Tviusurus  ne  tarda  p;;.s 
d'être  admis  au  nombre  des  savants 
qui  furciit  si  utiles  h  Manucc  l'an- 
cien, pour  la  révision  des  manuscrits 
grecs;  et  il  fit  ])arlie  de  l'acadéuiie 
qui  s'assemblait  dans  l'atelier  de  ce 
fameux  imprimeur  (  F.  MANxrct:  ). 
i\I.  Reuouard  conjecture  que  BIusu- 
rus  fut  chargé  ,  par  le  sénat  de  \  t- 
nise,  d'exercer  une  sorte  d'iuspccticn 
littéraire  sur  les  ouvrages  que  les 
Aides  mettaient  sous  presse;  mais, 
ajoute  ce  bibliographe,  ce  fait  n'est 
pas  siifàsammcnt  prouvé  (  Annal, 
des  Aides  ^  11,  a6  ).  Il  fut  nomme 
professeur  de  lettres  grecques  à  l'ii-. 
niversité  de  Padoue  ;  et  sa  réputation 
v  attira  bientôt  un  nombre  inliiù 


4'jO 


MUS 


d'auditeurs  ,   de  toutes  les    parties 
de  rilalie,  de  la  France  et  de  l'Al- 
kmaj;ne.     Erasme    nous    ai)preiid 
qu'il  remplissait  ses  fonctions  avec 
tant  de  zèle,  que,  dans  une   année, 
il  laissait  à  peine  passer  quatrpjours 
sans   donurr  des  leçons    publiques 
(  Lettr. ,  liv.  V,  v3  ).  L'invasion  des 
Français  en  Italie ,  })ar  suite  de  la 
ligue  de  Cambrai,  le  déleruiina,  en 
i5o9 ,  à  retourner  à  Venise,  où  il 
continua  de  se  livrer  à  l'enseigne- 
ment avec  beaucoup  de  succès.  A[)rès 
la  retraite  des   Français  ,  Musurus 
revint  occuper  sa  chaire  à  l'acadé- 
mie de   Paioue.  11  fut    appelé    à 
Rome,  en  i5  i6,parlepapeLeonX. 
qui  le  récompensa  des  services  quil 
avait  rendus  aux  lettres  ,  en  le  nom- 
mant archevêque  de  Malvasie.  On 
présume  ,  d'après  le  témoignage  de 
plusieurs  savants,  que  Musurus  pro- 
fessa  la  littérature  grecque   à  Ro- 
me (  1  )  ;  ï^^si^  ^^  ^^  f"^  9"^  P^"  ^^ 
temps  :  il  tomba   malade  de   cha- 
grin ,  si  l'on  en  croit  Paul  Jove,  pour 
n'avoir  pas  été  compris  dans  une 
nouvelle  promotion  de  trente  cardi- 
naux, et  mourut  d'hydropisie  pen- 
dant l'automne  de   1517.   Musurus 
n'avait  pas  cinquante  ans  (a).  Il  fut 
inhumé  dans   l'église  Sainte-Marie 
i)eZ/rtPace,  avec  une  épitaphe  rap- 
portée par  les  auteui'S  cités  à  la  (in 
de  cet  article.  Il  n'a  publié  qu'un  pe- 
tit nombre  de  vers  grecs  et  quelques 
préfaces;  et  cependant  la  postérité 
le  place  à  côté  de  Jean  Lascaris  ,  de 
Théod.  Gaza  et  des  plus  illustres 
grammairiens.  Comme  éditeur  ,  on 
doit  à  Musurus  la  première  édition 


(i)  Voy.  I.nz.  Bsif,  elle  par  BnyU- ,  et  V Abrégé  de 
la  vie  de  Musurus,  par  Remuer. 

(7\  Il  n'est  pa»  pr<'suroal)le  i|ne  Musurus  n'eût  que 
36  ans,  comme  ou  l'a  répété  dans  le  Dict.  univei-?iel , 
puisqu'il  corrigea  inversion  liitine  de»  OEnvies  de 
PL.ton  ,  par  Ficin,  eu  i49<>  ^'  qu'alore  iln'niKait  «a 
<jo«  àix  ans. 


MUS 

des  Tom^JtVj d'Aristophane,  AIdr. 
1^98,  avec  une   préface;   celle  de 
V£tj'nologicuJn  mn^num,  Callirr- 
gi,  1499.  avec  une  préface  (  i);  celle 
des     OlAivres    de   Platon ,    Aide , 
i.')i3  ;    celle  du    LHctionnar.    gr. 
d'Hesychiiis,  ibid.  ,  i5i4  ,  d'après 
le  seul  manuscrit  conim;  celle  (V^- 
ihé'iée ,  ibid. ,  1 5 1 4  ;  de  Pausanias, 
ibi  I.,  i5i6;  des  O  aliones lectissi- 
rnœ  de  saint  Grégoire  de  Nazianze, 
ib. ,  i5  iG;  enlin,  l'édition  d'Oppicu 
De  naturd  seu  venalione  pis  ium  , 
Florence,  Giuni.i,  ij 1 5,  in-8".  Mu- 
surus revit  la    Grammaire  latine 
d'A!de  l'ancien, el  la  publia  en  1 5 1  (j, 
avec  une  préface  fort  curieuse  ,  que 
M.  Renouard  a  insérée  en  entier  dans 
SCS  Âwales  des  Aides  ^  pag.  121. 
Comme  poêle,   on  a   de   lui  ,   des 
Epigrammes  grecques  dans  le  Dic~ 
tionnar.  grœc.  copio^issim.  ,  Veni- 
se ,  1  497  '  ^^  *^"^  l'édit.  de  Musée, 
Venise,   iSi^  :  mais  de  toutes  les 
pièces  de  Mu.surus,  la  plus  étendue 
comme  la  plus  célèbre  est  un  Poème 
grec  de  deux  cents  vers  hexamètre.? 
et  pentamètres  à  la  louange  de  Pla- 
ton, imprime  dans  l'éd.  des  OiLu- 
vres   de   ce  philosophe,  revue  par 
notre  illustre  philologue.  Il  a   été 
traduit  eu  autant  de  vers  latins  par 
Zénobius  Acciaioli ,  et  publié  sépa- 
rément avec  cette  version  par  Phil. 
Muncker  ,  Amstcrd. ,  1676,  in-4'*. 
de  20  pag. ,   et  avec   de  nouvelle* 
notes,  par  les  soins  de  M.   Butler, 
Cambridge,  1797-  Cette  pièce  a  été 
traduite  de  nouveau  en  latin  par  J. 
Poster,  qui  l'a  donnée  à  la   suite  de 
V Apologie  des  ace  nts  g  ecs   con- 
tre Henri  Gally  (  F.  Fostlr,  XV^, 
320),  avec   ses  notes  et  celles  de 

(j ;  Rayle  a  remarqué  que  tons  i-u»  qo'  rfgar- 
daient  Mu.>urus  riirame  l'.mtcnrde  \'Elrii'"l"g'i  on 
Maanum  nul  été  dans  l'en-eur  ;  en  effet ,  let  ou\  th;^» 
est  cite  par  £uslatbe  :  celte  f'oUle  a  rep«i«Uut  pas.i« 
danâ  les  dictioncaircs  les  plus  réceuts. 


MUS 

J-ti'.  ]Markl.iiKl  (^''.  ytnn.  des  Aidas, 
lo'j).  Michel  Margiinius  a  insère 
les  Epi s;raiiimes  grecq.ics  de  Miisu- 
rus  d.ins  ses  Sjininkta.  (  Pa|);»- 
(lopoli,  Ilist.  gjmiuts.  Patavini.  ) 
Oiielqiie  temps  av.'.iit  sa  mort  il  avait 
traduit  eu  latin  un  traite  De  f>o- 
dagni,  qu'Henri  Estienne  a  publia 
avec  la  version  de  iMusnrus  dans  les 
3IeJic(e  arlis  principes ,  i;)(J7.  On 
a  encore  de  lui  une  Lettra  italieime 
dans  la  Raccolla  do  Piuo.  Paid  Jove 
a  l'ait  r  Elnge  de  Musurus  :  on  peut 
encore  consulter  le  Dict.  de  lîa^  le  ; 
—  Ze^tller,  Tlieatr.  viror.enidit. — 
Hody ,  De  Grœc.  illastrib. ,  et  Bocr- 
nei-,  De  doctis  hominibus  grœcis.  On 
trouvera  son  portrait  dans  Paul  Jo- 
ve, et  dans  les  Icon.  de  IS'icol.  Rcus- 
ner.  W — s. 

MUTAIIER,  prince  du  Yenien, 
et  imam  de  la  secte  des  Zeitîis,  e'tait 
fils  de  Che'ryf  -  eddin  Yahia  ,  qui 
s'était  arrogé  !e  titre  et  la  dignité 
d'imam  et  iïémjr  al-moumenjn  , 
dans  les  montagnes  du  Ytinen , 
\ers  l'an  9/^0  de.  l'Iic'g.  (  i533  de 
J.  C.  ) ,  parce  qu'il  descendait  de 
Zéid,  fils,  frère  et  oncle  de  trois 
imams  de  la  race  d'Aly.  Comme  Mu- 
taher  était  boiteux  ,  ignorant  et  d'u- 
ïie  conduite  peu  régulière,  son  pè- 
re ,  conformément  aux  principes  des 
Zéidis  ,  l'exclut  de  sa  succession ,  en 
faveur  d'Aly,  son  second  [ils  ;  mais 
celui-ci ,  ayant  renoncé  à  la  secte 
des  Zéidis ,  après  la  mort  de  son  pè- 
re ,  Mutalier  eut  i-ecours  au  paclui 
qui  gouvernait  Zabid  et  le  Ras  Yc- 
incn ,  au  nom  de  la  Porte-Otho- 
rnane.  Ce  pacha  ayant  été  assassiné, 
Ezdemir,  qui  le  remplaça  ,  se  décla- 
ra contre  Mutahcr,  dont  il  démêla 
les  projets  ambitieux ,  et  le  chassa 
deiianà  ,  eu  954  (i547  )•  ^^"^  a"s 
après  ,  il  l'assiégea  dans  Thela  ,  le 
coatraiguit  de  reconnaître  Tautoriié 

AAX, 


MUT 


497 


du  grand  Soléiman,  et  lui  accoida  le 
titre  de  saudjak. ,  avec  le  gouverne- 
ment de  quelques  districts.  Les 
vexations  du  pacha  fiednan  ayant 
indisposé  les  Arabes,  Mutaher  se 
dcCiara  le  chef  des  mécoiiunls  ,  eu 
974  (  i3(j(j  ).  La  njésintelligcnce 
des  deux  pachas  entic  lesqne.s  le 
gouvernement  du  Yemcn  ïji  alors 
partagé,  la  inoit  du  iidthan  Soléi- 
man ,  et  l'esprit  d'ii;si!rreition  qui 
ga-nait  toutes  les  tribus  des  arabes  , 
favorisèrent  la  révolte  de  Mutaher 
et  forcèrent  lledwau  de  lui  céder  de 
nouveaux  teriitoires.  Enfin,  aiirès 
avoir  vaincu  et  tué  Mcurad-Pacha 
l'an  975  (  i5(J7),  Mutaher  s'em- 
para de  Sanâ,  y  fit  faire  la  khoth- 
bah  en  son  nom  ,  et  prit  tous  les 
titi  es  qui  n'appartiennent  qu'an  Lca- 
lyfc  légitime.  Il  soumit  ensuite,  par 
SCS  généraux  ,  Taaz  ,  Aden ,  Mokha; 
et  il  ne  restait  plus  aux  Tuics,  que 
la  ville  et  le  district  de  Zabid  ,  lors- 
que Sinan-Pacha,  envoyé  par  Sélim 
11  ,  arriva  pour  réduire  le  Ycmen, 
à  la  fin  de  r.,unée  976  (avril  1069). 
Ce  vézyr  reprit  bientôt  presque  tout 
le  terrain  qu'ils  avaient  perdu,  et 
marcha  sur  Sanà.  A  son  a])proche  , 
Mutaher  en  sortit  avec  sa  famille  et 
ses  trésors ,  et  se  renferma  dans  la 
forte  place  de  Kaukebjîn  ,  puis  ,  dans 
celle  de  Thela  ,  q;ii  en  est  voisine. 
Maître  de  la  capitale,  Sir.an  pour- 
suivit Mutaher  daiis  ses  derniers  rc- 
tranchemeuis.  Celui  -  ci ,  favorise 
par  des  rochers  inaccessibles,  onpo- 
sa  une  vive  résistance;  mais,  moins 
guerrierque  politi.fuc,i!  fui  battu  dans 
toutes  les  actions  qu'il  osa  engager. 
Loin  d'èire  découragé  ou  aliiigé  de 
ses  revers  ,  il  les  anvionrait  aux  tri- 
bus éloignées,  coinmedes  victoires, 
eu  aliiiuiant  des  feux  sur  les  hau- 
teurs. Il  savait  d'ailleurs  ,  par  d'au 
Ires  ruses  ,  entretenir  le  zèle  et  l'eu- 

32 


498  MUT 

thousiasme  des  Arabes ,  afin  A' eu  ob- 
tenir des  secours.  Il  se  disait  inspi- 
ré de  Dieu,  et  instruit  ]i.ir  Maho- 
met. Il  prédisait  la  défaite  tol^e 
des  Turcs  ,  la  chute  de  l'empire 
othoinan;  il  promettait,  au  noni  du 
prophcle  ,  une  amnistie  générale, 
une  exemption  de  triliuts  pour  trois 
ans  ,  et  une  éclipse  de  lune,  qui 
devait  être  le  gage  de  ces  piomosses. 
Maigre  le  succès  passager  que  lui 
obtinrent  ses  artifices  ,  il  fut  enlin 
oblige'  de  céder.  La  mort  d'un  de  ses 
'fils,  et  la  reddition  de  Kaukcbàn  , 
où  commandait  un  de  ses  frères  ,  le 
réduisirent  à  demander  la  paix,  à 
la  fin  de  l'an  977  (  mai  1670  )  :  il 
l'obtint,  à  condition  que  le  nom  seul 
du  suhhan  figurerait  dans  la  khoth- 
bah  et  sur  les  monnaies  ,  que  les 
Turcs  rentreraient  dans  toutes  leurs 
conquêtes  ;  que  Mutalier  garderait 
le  district  de  Saada  ,  à  titre  de  fer- 
me ,  et  qu'il  Y  recevrait  une  garni- 
son de  trente  hommes.  Ce  fut  moins 
à  son  infirmité  ,  qu'à  son  avarice  , 
que  Mulaber  dut  attribuer  ses  dis- 
grâces. Il  obligeait  ses  servantes  à  lui 
rendre  compte  des  œufs  de  ses  pou- 
les ;  il  n'admettait  en  paiement  de 
ses  redevances,  que  des  poules  pon- 
deuses ,  et  ramassait  dans  des  sacs 
jusqu'aux  noyaux  de  dattes.  Ayant 
donné  un  jour  5o  dinars  à  un  tclia- 
ouclî ,  qui  lui  avait  apporté  un  habit 
d'honneur  de  la  part  du  Grand- 
Seigneur  ,  cet  officier  en  gratifia  les 
tambours  et  les  musiciens  de  Mu- 
talier ,  qui  les  força  de  restituer 
celte  somme  au  trésor.  Mulaber 
mourut,  en  980  (  1572-3  ) ,  et  eut 
pour  successeur,  son  fils,  ncramé 
Yahia  par  Hadjy  -  Khalfah  ,  on 
Abdel-Rahir.an  ,  suivant  le  Bark- 
Yemany  (  le  foudre  du  Yemen  )  , 
dont  M,  Silvestre  de  Sacy,  a  don- 
né la  substance,  dans  le   tome  iv 


MUT 

des  Notices  et  Extraits  des  manus- 
crits.   ( F.  COTUB - BDDYN    MoHAM- 

MED  ,  X  ,  O7.  )  Suivant  Niebulir,  la 
postérité  de  Mutalier  possède  encore 
le  district  de  Kaukebân  ;  mais  elle 
a  été  dépouillée  depuis  du  titre  d'i- 
mam ,  par  la  dynastie  souveraine  du 
Yemen.  A — r. 

M  UT  EL  DE  BOUCHEVILLE 
(Jacques-François),  né  à  Bernai 
le  tiS  macs  1730,  est  mort  dans  la 
même  ville,  le  4  février  181  4-  Apres 
avoir  fait  de  bonnes  études  au  col- 
lège des  Jésuites  de  Rouen  ,  il  y  fut 
pourvu  d'une  charge  de  conseiller 
à  la  cour  des  comptes.  Ami  des  arts 
et  des  lettres ,  il  se  livra  plus  parti- 
culièrement à  la  poésie  française. 
IMutel  fut,  on  '777)  nommé  juge  à 
l'académie  de  l'Immaculée-Concep- 
tion  de  Rouen  ;  il  était  membre  de 
l'académie  de  la  même  ville,  et  de 
la  société  d'agriculture  d'Evreux.  Il 
fut  long-temps  maire  de  la  ville  de 
Bernai.  Son  premier  ouvrage  fut  un 
poème  en  six  chants  ,  dont  le  sujet , 
tout  patriotique,  est  la  glorieuse  et 
chevaleresque  Conquête  de  la  Sicile 
par  les  Normands  ;  ses  autres  écrits 
sont  :  I.  Un  Discours  qui  remporta, 
en  1783,  le  prix  d'éloquence  à  l'a- 
cadémie de  l'Immaculée  -  Concep- 
tion :  Combien  il  est  intéressant  pour 
la  gloire  et  pour  le  bonheur  de$ 
Français  de  conserver  le  caractère 
national,  Lisieux  ,  1784,  in -8°. 
IL  \J Education  ,  poème  en  quatre 
chants,  imprimé  avec  plusieurs  piè- 
ces de  poésies  :  la  Conquête  de  la 
Sicile  ,  dont  nous  avons  parlé  ; 
G  unifie  j  tragédie;  V  oy  a^e  a  Ilon- 
Jleur;  la  Traduction  en  vers  des 
quatre  premiers  livres  de  l'Enéide , 
etc.,  '1  vol.  in-S".,  1807  et  1809. 
m.  h' Eloge  de  V agriculture  ,  poè- 
me ,  1 808,  in-8  \  Tous  ces  ouvrages , 
excepté  le  discours  ,  n'ont  d'autr* 


IMUT 

signature  qne  les  iniliales  J.  F.  M. 
—  Miitel  avait  public  (|ucI(]ir'.s  l)rt)- 
chures  politifpics  pond  ml  la  lo'volu- 
tion ,  dont  il  se  niontra  l'ami  pru- 
dent et  nioderif.Ce.s  opuscules  olilrcnt 
aujourd'hui  peu  d'intérêt.  lScs  poe'- 
sios  elles  -  mêmes  ,  quoique  écrites 
avec  facilite,  et  ne  manquant  ])as 
d'une  certaine  élégance ,  sont  bien 
j)en  connues,  et ,  bien  ([ue  vantées 
dans  quelqiies  journaux ,  n'ont  pas 
laissé  de  traces  au  -  delà  du  pays 
et  de  la  société  où  vivait  l'auteur- 
D— c— s. 
MUTIS  fDoiv  Josef-Ci;li:stIi\o), 
directeur  de  l'expédition  botanique 
du  i-oyaume  delà  Nouvelle-Grenade, 
et  asironoinc  royal  à  Santa-Fé  de 
Bogota,  niquit  à  Caili^,  d'une  fa- 
mille aisée,  le  G  avril  i'y3->,.  Il  n'a 
été  connu  en  Europe  que  par  ses 
vastes  connaissances  en  botanique 
{LiniiéV a\)i}c]\e  P hj  tologoruin ame- 
ricunonim  p'inreos):  mais  les  ser- 
vices qu'il  a  rendus  à  toutes  les  bran- 
dies de  riiisioirc  naturede,  la  dé- 
couverte des  qu;n((uinas  ,  dans  des 
régions  où  l'on  en  ignorait  l'exis- 
tence, l'influence  bienlaisantc  qu'il 
a  exercée  sur  la  civili-ia.'ion  et  le 
progrès  des  lumières  dans  les  colo- 
nies espagnoles  Jui  assignent  un  rang 
distingué  parmi  les  hommes  qui  osit 
illustré  le  Nouveau  -  blonde.  Après 
s'être  occupé  avec  ardeur  de  l'étude 
les  mathémaliqics.  Miitis  fut  forcé, 
par  ses  parents  ,  de  se  livrer  à  la  mé- 
decine pratique.  Il  suivit  des  cours  au 
collège  de  San  -  Fernai>do  deCidix, 
prit  ses  grades  à  Séville ,  et  fut  nom- 
mé, en  1757,  supj)lé;int  d'une  chaire 
i'anatomie  à  Madrid,  Pendant  un 
iéjoiir  de  trois  ans  dans  la  capitale 
le  l'E^^pague  ,  il  montra  plus  de  goût 
30ur  les  e\cursn)ns  botatii(jues  que 
pour  la  visite  des  hôpitaux  ;  eî  il  eut 
e  rare  bonheur  de  se  faire  connaître 


MUT  49i> 

au  célèbre  naturaliste  d'Upsal  ,  qui 
desirait  posséder  dans  ses  herbiers 
les  plantes  de  la  péniusule.  Olle  cor- 
res[)ondance  de  Mutis  avec  Linné  de- 
vint d'autant  pus  importante  pour 
les  sciences  ,  que  le  vice  -  roi ,  don 
Pedro  Mcsia  de  La  Corda ,  l'engagea , 
en  1730,  à  Ic'suivre  ,  en  quajiié  de 
médecin  ,  eu  Amérique.  Noire  jeune 
botaniste  avait  été  nommé  par  le 
ministère  parmi  les  personnes  ues' 
tinées  à  terminer  leurs  é'udes  à  Pa- 
ris ,  à  Leyde  et  à  Bologne  ;  mais 
il  n'hésita  pas  de  sacrifier  l'espoir 
do  visiter  les  plus  célèbres  univer- 
sités de  l'Europe  aux  avantages  d'une 
expédition  lointaine.  —  Arrivé  à 
la  Nouvelle -Greiiade,  il  fut  vive- 
ment frappé  des  richesses  naturelles 
d'un  pays  dans  lequel  les  climats 
se  succèdent,  comme  par  étages,  les 
uns  au-dessus  des  autres.  Après  avoir 
séjoui'né  long -temps  à  Carlhagène 
dcsIndeSjàTnrbaco  età  Honda  (em- 
barcadère principal  du  Rio-IMagda- 
lena  ) ,  Mutis  suivit  le  vice  -  roi  dans 
son  voyage  à  Santa-Fé  de  Bogota , 
situé  sur  un  plateau  qv.i  a  1 365  toi- 
ses de  hauteur  au-dessus  du  niveau 
de  l'Océan  ,  et  dont  la  température 
est  semblable  à  celle  de  Bordeaux.  Il 
traversa,  entre  Honda  et  Santa-Fé, 
des  forets  qui  renferment  de  précieu- 
ses espèces  de  cinchona  ;  quinquina)  ; 
mais  ,)usqu'iMi  1772,  il  ne  reconniit 
pas  cette  uliie  production.  Nommé 
professeur  de  mathématiques  dans  le 
Colegjo  mayor  deNucstra-Seùoradel 
Rosario,  il  répandit  à  Santa-Fé  les 
premières  notions  du  vrai  système 
planétaire.  Les  Dm  niinicainsuc  virent 
pas  sans  inquiétude  que  «  les  hérésies 
»  de  CiOpcrnic,  »  déjà  professées  par 
Bouguer,  (îodin  et  La  r,oadaraine,  à 
Quito ,  pénétrassent  dans  la  Nou- 
velle-Grenade; mais  le  vice-roi  pro- 
tégea Mutis  contre  les  moines,  qui 
32.. 


Coo  MUT 

voulaient  que  la  terre  demeurât  im- 
ïuo])ilc.Ccux  ci  s'accoutuincrcnt  peu- 
à-pcii  à  ce  qu'ils  appellent  encore  «  les 
»  hypothèses  de  la  nunvtlle  philo- 
V  Sophie.  »  Mutis  ,   auime  du  désir 
d'examiner  les  plantes  de  la  re'giou 
chaude,  et  de  AÏsiler  les  mines  argen- 
tifères delà  Nouvelle-Grenade, (piilta 
le  plateau  de  Santa-Fè.  Il  lit  un  long 
séjour,  d'abord  à  la  Monîuosa,  entre 
Girou  et  Pamplona,  puis  (de  l'j'j']  à 
1  '■S-2)  au  Rèal-del-Sapo  et  à  IMariqui- 
ta ,  situes  au  pied  des  Andes  de  Quin- 
dio,  et  du  Paramo  de  Herveo.  (-'est 
à  la  Montuosa   qu'il  counncnra  la 
grande  Flore  de  la  Nouvelle-Grenade, 
ouvrage  botanique  auquel  il  travailla 
sans  relâche  pendant  quarante  ans, 
et  qui,  nous  devons  le  craindre,  ne 
sera  peut-être  jamais  publie  en  en- 
tier. Linnë,  dans  le  Supplément  du 
Speciesflardanim ,  et  dans  sou  Man- 
tissa,  a  signalé  un  grand  nombre  d'es- 
pèces rares,  que  Mutis  lui  avait  en- 
voyées delaMonliiosa;  mais,  par  une 
erreur  bizarre  et  funeste  pour  la  géo- 
graphie des  plantes ,  il  les  a  indiquées 
comme  venant  du  IMexique.  Le  peu 
d'argent  que  notre  voyageur  gagnait 
par  la  pratique  de  son  art,  quelque- 
lois  dans  l'cxploilalion  des  mines  , 
il  l'employait  à  se  former  u.ne  biblio- 
thèque botanique,  à  se  procurer  des 
baromètres,  des  instruments  de  géo- 
désie, et  des  lunettes  pour  observer 
les  occultations  des  satellites  de  Ju- 
piter. Il  s'associa  des  peintres  qui 
dessinaient  les  plantes  les  plus  cu- 
rieuses, et  qui  peignaient  à  l'huile, 
le  plus  souvent  de  grandeur  naturelle, 
les  animaux  indigènes.  L'auteur  de 
cet  article  a  vu  une  partie  oe  cette 
précieuse  collection,  formée  avant 
que  Mulis  devînt  l'objet  de  la  niiini- 
flcencc  de  son  souverain.  C'est  aussi 
pendant  le  séjour  ^u  Rcal-del-Sapo 
(  178G  ),  qu'il  fît  la  découverte  im- 


MUT 

portante  d'une  mine  de.  mercm-e  , 
])rès  d'Ibagiiè-Yiejo  ,  entre  le  Nc- 
vado  de  Tolima  et  le  Rio-.Sahl.ina. 
Tant  de  travaux  utiles  trouvèrent 
enfin  d'hfuiorables  encouragements. 
La  cour  de  Madrid,  d'après  la  de- 
mande du  viceroi -archevêque  don 
Antonio  Caballero  y  Gongora,  réso- 
lut, eu  i-jS-i  ,  de  fonder,  d'abord  à 
l^Iariquita,  puis  (  1790  )  à  Sauta-Fé 
de  Bogota,  un  grand  établissement 
d'histoire   naturelle ,    sous  le  nom 
d'Iîxpediciun   real  hotaiiica  ,  à   la 
tête  du(|uel  on  plaça  don  Celestino 
Mutis.  Un  vaste  édifice  de  la  capitale 
fut  destiné  à   cet  établissement.  11 
renfermait  les   herbiers  ,  l'écoie  de 
dessin  ,  et  la  bibliothèque  ,  une  des 
plus  belles  et  des  plus  riches  que  l'on 
ait  jamais  consacrées  ,  dans  aucune 
partie  de  l'Europe,  à  une  seule  liran- 
che  d'histoiie  naturelle.  IMutis  av  .il 
embrassé  l'état  ecclésiastique  ,   d«s 
l'année   1772  :  il  fut   nommé  cha- 
noine de  l'église  métropolitaine  de 
Sanla-Fé,et  confesseur  d'un  couvent 
de  religieuses.  Zélé  dans  l'exercice 
des  devoiis  qu'il  s'éiait  imj)osés  ,  i 
ne  put  faire  des  excursions  que  dan; 
la  proxindté  de  la  capitale;  mais  i 
envova   les  peintres  atlachés  à  sm 
Expédition ,  dans  les  régions  chau- 
des et  tempérées  qui  environnent  li 
plateau  de  Bogota.  Des  artistes  es 
pagnols,dont  il  avait  perfcctionn. 
les  talents  ])ar  ses  conseils  ,  formé 
rent ,  eu  peu  d'années  ,  une  école  d' 
jeunes   dessinateurs    indigènes.   Le 
Indiens  ,  les  métis ,  et  les  naturel 
de  races  mêlées ,  montrèrent  des  dij 
positions  extraordinaires,  pour  imi 
ter  la  forme  et  la  couleur  des  vég( 
taux.  Les    dessins  de  la    Flore  d 
Bogota  étaient  faits  sur  du  papie 
grand-aigle  ;  on  choisissait  les  bian 
clics  les  plus  chargées  de  fleurs.  L'. 
nalyse  ou  l'auatomie  des  parties  d 


MUT 

1.1  fiuctificalion  c'ait,  ajoiit^'c  .111  bas 
dii(l('.ssiu.("ii'Jioiak-incMitr,liiH{Lic  plan- 
te était  représentée  sur  trois  ou  qua- 
tre ç^ramles  leuilles  ,  à  -la -fois  en 
couleur    et    en    noir.    Les   eonlenrs 
e'iaiiMit  tirons  en  partie  de  matières 
colorantes  indigènes  et  inconnues  eu 
Europe.  Jamais  collection  de  dessins 
n'a  e'ic  laite  avec  plus  de  luxe  ,  on 
pourrait  dire  siir  une  échelle   plus 
Invalide.  î\Iutis  avait  pris  pour  modè- 
les   les    ouvrages    de  botanique  les 
plus  admires  de  son  temps,  ceux 
jC   Jacqnin ,   de    L'Héritier,  et  de 
.'abbe  Cavanilles,  L'aspect  de  la  ve'- 
^ëtation ,  la  pliysionomie  des  plan- 
es, étaient  rendus  avec  la  plus  gran- 
le  fi  ie'lité  :  les  botanistes  modernes 
}ui  étudient  les  aOinite's  des   \é'^é- 
aux  d'après  l'insertion   et  l'adlie- 
"encc  des   or2;anes ,  auraient  peut- 
itre  désire  une  analyse  pins  détaillée 
les   fruits  et  des  graines.  Lorsque 
SliSl.  de  Humboidt  et  Bonpland  se'- 
ournèrent  à  Santa -Fè  de  Bogota, 
lans  l'année  1801 ,  et  qu'ils  jouirent 
le  la  noble   hospitalité  de  Mutis  , 
•eiui-ci  évaluait  le  nombre  des  des- 
ins  déjà  terminés  à  -ioûo  ,  parmi 
esquels  on  admirait  43  espèces  de 
)assiflores  ,  et  i-iv  espèces  d'orchi- 
lées.  Ces  voyageurs  étaient  d'autant 
dus  surpris  de  la  richesse  des  col- 
ections   botaniques   (  formées   par 
»Jutis  ,  par  ses  dignes  élèves  ,  M1\I. 
/alenzuela  ,  Zea  et  Caldas  ,  par  ses 
leinlres  les  plus  habiles  ,  I\LM.  Rizo 
t  Mathis  ).  que  les  plus  fertiles  con- 
rées  de  la  Nouvelle  -  Grenade,  les 
'laines  de  Tolu  et  de  San  -  Benito 
ibad ,  les   Andes  de  Ouindio ,   les 
irovinces  de  Sainte -Marthe,  d'An- 
ioquia   et  du  Choco,  n'avaient,  à 
etle  époque ,  encore  été  parcourues 
^ar  aucun  botaniste.  Plus  la  masse 
es  matériaux  réunis  par  sou  zèle 
ifatigable ,  était  grande  ,  pins  cq 


miT 


5ot 


.«avant  trouA'nit  de  difficultés  It  pu- 
blu  r  les  fruits  de  ses  travaux.  Il 
avait  fait  multiplier  les  dessins  de 
la  Flore  de  Mogota  (^  ou  comme  l'on 
dit  aujourd'hui,  de  Cundinamarca), 
pour  en  envoyer  un  oxcn plaire  en 
Kspague,  et  en  conserver  d'autres  k 
Santa -Fé.  Mais  comment  espérer 
que  les  savants  pussent  jouir  de  cet 
immense  ouvrage  ,  quand  la  Flora 
Peruvlana  et  Chllcnsis  ,  de  Ruiz  et 
Pavon  (  F.  DoMBEY  ,  XI ,  5o6  ) , 
malgré  les  secours  pécuniaires  du 
gouvernement  et  des  colonies ,  n'a- 
vançait qu'avec  une  extrême  lenteur? 
BTutis  était  trop  attaché  aux  établis- 
sements qu'il  avait  fondes  ,  il  aimait 
trop  un  pays  qui  était  devenu  sa  se- 
conde patrie,  pour  entreprendre  ,  à 
l'âge  de  76  ar.s,  le  retour  en  Europe 
(ij.  Il  continua,  jusqu'à  sa  mort,  à 
accumuler  des  matériaux  pour  sou. 
travail  ,  sans  s'arrêter  à  un  projet 
fixe  sur  le  mode  de  publication.  Ac- 
coutumé à  vaincre  des  obstacles  qui 
jiaraissaicnt  insurmontables  ,  il  se 
livrait  avec  plai.'ir  à  l'idée  d'établir 
un  jour  «ne  imprimerie  dans  sa 
maison  ,  et  d'enscisrner  à  craver  à 
ces  mêmes  inaig.>nes  qui  avaient  ap- 
pris à  peindre  avec  tant  de  succès. 
Malgré  sou  grand  âge  ,•  il  entreprit , 
en  1802,  au  milieu  de  son  jardin, 
la  construction  d'un  observatoire. 
C'est  une  tour  octogone  do  soixante- 
douze  pieùs  ^'élévation  ,  qui  renfer- 
mait, en  1808,  un  gnomon  de  trente- 
sept  pieds  ,  un  quart  -  de  -  cercle  de 
Sisson  ,  la  pendule  de  Graham  que 


(i)  r,i  aluifrs,  <(iii  a  coii.-i:icr<'  in  m  lirle  j  Mulis, 
lii.iis  sou  Hw^Kiphlenl  dietionaiy,ini  liom|ie  évi- 
deiïimciit  eu  disutifc  i[nf  co  bokauisîe  \ijit  à  P.tris,  en 
i-()-,  y  c!L'ir;eura  iusqn**!!  i8oi  ,  fl  qu'il  riait ,  eu 
î8o4,  lii-ohVssiur  de  liiU»nique ,  et  diieclenr  du  jardin 
botanique  de  SLidriJ.  U  Ta  vniisenildM.lcioent  cou- 
fuiidu  avec  uu  neveu  de  Dou  Celi.sliuo  ÎMulis  ,  qui  a 
pai-e  (|iielque  t-  inps  à  Pari.s  ;  it  avic  M.  Zea  ,  eiève 
de  Mutis  ,  qui  «lait  aloij  demoii:>tralenr  du  iarJia 
L  jtaïuHuc  dii  Srlr-ùciU.  £• 


5o2  1\IUT 

La  CiOndamine  a^ail  laisser  à  Quito, 
deux  chroiioinèttes  d'Euiery,  et  des 
lunettes  de  DoUoud.  —  INlntis  enl 
le  bonheur  de  ne  pas  voir  le  com- 
mencement des  sanglaiiîos  révolu- 
tions qui  ont  désole'  ces  bflies  con- 
trées, lia  mort  l'enleva  le  1 1  sep- 
tembre 1808,  au  moment  où  il  jouis- 
sait de  tout  le  bonhei  r  que  peuvent 
répandre  ,  sur  une  vie  laborieuse  et 
utile,  la  considération  des  hon)rues 
de  bien,  la  gloire  littéraire,  et  la 
cerliludc  d'avoir  contribué,  dans  le 
Nouveau-Monde ,  par  son  instruc- 
tion ,  par  sou  exemple  et  par  la  pra- 
tique de  to'ites  les  vertus  ,  à  l'amé- 
lioration de  l'ctat  svcirtl. — Nous  ve- 
nons de  donner  un  aperçu  succinct 
de  la  vie  de  Mutis.  Nous  allons  in- 
diquer sommairement  ses  travaux  , 
qui  eujbrassent  presque  toutes  les 
branches  des  scicures  naturelles.  Il 
n'existe  de  lui  qu'un  petit  nombre 
de  Dissertations  imprimées  dans  les 
Mémoires  de  l'académie  royale  de 
Stockholm  (  pour  l'année  i'j69  ),  et 
dans  un  excellent  journal  publié  à 
Santa-Fé,  eu  S794?  sous  Ictitrerle 
Papel  periodico.  Mais  le  Supplé- 
ment de  Linné,  les  ouvrages  de  l'ab- 
bc  Cavanilles  et  de  M.  de  Humboldt , 
le  Semanario  ciel  Nuevo-Reino  de 
Granada  ,  rédigé  par  M.  Caldas  , 
en  1808  et  1809,  ont  fait  connaître 
ime  partie  de  ses  observations.  Nous 
ignorons  l'état  des  m<'«nuscrits  que 
cet  homme  célèbre  avait  recomman- 
dés aux  soins  de  ses  amis  et  de  ses 
plus  proches  parents.  M.  Caldas  ,  le 
directeur  de  l'observatoire  de  Sanîa- 
Fé  ,  et  l'élève  chéri  de  Mutis  ,  don 
Salvador  Rizo  ,  premier  peintre  de 
l'Expédition  botanique,  et  la  plu- 
part des  citoyens  distingués  parleurs 
connaissances  et  leurs  talents ,  ont 
été  mis  à  mort  pendant  la  funeste 
réaction  du  parti  de  la  métropole. 


MUT 

La  précieuse  collection  des  dessins 
a  é:e  envoyée  en  Espagne  où  se  trou- 
vent déjà  les  matériaux  inédits  de 
la  Flore  du  Pérou  et  du  Mexique. 
Hspérons  que,  quand  les  agitations 
politiques  auront  cessé  dans  la  jé- 
uinsule  e!  dans  les  colonies,  les  tra- 
vauxdc  Mutis  ne  resteruutpas  vt.ués 
à  l'oubli  comme  ceux  de  Sessé  et  de 
Mocino.  —  Ce  sont  les  communica- 
tions que  Mutis  avait  faites  à  Linné, 
q;i  l'ont  rendu  ce  èbre  en  Europe, 
long  -  tenjps  avant  qu'on  eût  con- 
n;*issauce  des  ouvrages  qu'il  ])répa- 
rail.  Beaucoup  de  genres  {Alstonia, 
P  aile  a ,  Barnadesia  ,  Escallvnia  , 
M anetlia ,  Acœna.  Brathjs,  Myro- 
xj'htm,  Befaria^  Teh'pogon,  Brahe- 
juin  .  (^o;?ioziVi,  et  tant  d'autres,  pu- 
bliés dans  le  Supplément  de  Linné), 
sont  dus  à  la  sagacité  du  botaidsle 
de  Sauta- Fé.  En  parlant  du  genre 
Mudsia  ,  Linné  ajoute  :  Nomcnii'n- 
mortale  quod  nulla  œtas  unquam 
delebit.  C'est  ÎMutis  qui  a  fait  con- 
naître, le  premier,  les  véritables  ca- 
ractères du  genre  Ciuchona.  Com- 
me ce  travail  est  devenu  très-impor- 
tant, nous  allons  rappeler  ce  qu( 
l'on  savait  avant  celle  époque  sui 
les  quinquinas  du  Nouveau-Monde 
La  Condamine  et  Joseph  de  Jussiei 
avaient  examiné,  en  1788,  les  ar- 
bres qui ,  dans  les  forêts  de  Loxa . 
donnent  l'écorce  fébrifuge.  Le  pre- 
mier a  publié  la  description  et  h 
dessin  du  quinquina  du  Pérou,  dam 
lesMémoiresderacadcmie:  c'est  l'es 
pèce  que  IMM.  de  Humboldt  et  Bon 
pland  ont  fait  connaître  sous  le  noit 
de  Cinchona  condamineu,  et  que  le.' 
botanistes  ont  conionduelong-tcmp- 
avec  plusieurs  autres,  sous  le  non: 
vague  de  Cinchona  ojficinalis.  C( 
Cinchona  condaminea  (appelé  aussi 
CascariUajina  de  Loxa ,  de  Caxanu 
ma  et  d'Urilusinga),  est  l'espèce  h 


MUT 

pins  rare,  la  plus  prccicusc,  clviai- 
scmblableiiifiit  la  plusaiiciciiiieineiit 
cniployce.  11  n'en  est  exporte'  tons 
les  ans,  par  Gnayaqiiil ,  port  de 
la  mer  du  Sud,  que  loo  (luinlaux 
d'eVorces.  L'exportation  de  l'Aïue- 
riq'ie  entière  (  en  ditR-rentes  espèces 
de  quinquina  )  est  aniuiellemeiit  de 
1 4,000  quintaux.  Linné  avait  lormc, 
en  x'j^'.iySon  genre  Cincliona,  dont 
le  nom  devait  rappeler  celui  d'une 
vice-ieine  du  Pérou  (  f^.  CmcuoN, 
VIII  ,  564  )•  Il  n'avait  pu  fonder 
ce  genre  que  sur  la  description  im- 
parfaite de  La  Gondamine.  En  1 753, 
lin  intendant  de  la  monnaie  de  Santa- 
Fé  de  Bogota  (  don  Miguel  de  Santcs- 
tevan) ,  visita  les  forêts  de  Loxa,  et 
découvrit  les  arbres  de  quinquina 
(  entre  Quito  et  Popayau  ) ,  dans 
plusieurs  endroits  ,  surtout  près  du 
Pucblo  de  Gnanacas,  et  dn  Silio  de 
les  Coi'ales.  Il  communiqua  des  é- 
chantillons  de  cinchona  à  Mutis. 
C'est  sur  ces  e'chantillons  que  celui- 
ci  lit  la  première  description  exacte 
du  genre.  Il  se  hâta  d'envoyer  à 
Linné  la  fleur  et  le  fruit  du  quin- 
quina jaune  (  Cinchona  cordifolia  )  j 
mais  le  grand  naturaliste  d'Upsal, 
en  pubbant  les  observations  de  Mu- 
tis {Sjst.Tiat.  éd.  12,  pag.  164  ), 
confondit  le  quinquina  jaune  avec 
celui  qu'avait  décrit  La  Gondamine. 
Jusqu'à  cette  époque,  l'Europe  ne 
recevait  l'écorce  fébrifuge  du  quin- 
quina que  par  les  ports  de  la  mer  du 
»Sud.  On  ne  connaissait  point  encore 
au  nord  du  parallèle  de  -2°  /,  de 
latitude  boréale  ,  l'arbre  qui  donne 
celle  production  précieuse.  En  177'^, 
Mutis  reconnut  le  quinquina  ,  à  six 
lieues  de  Sanla-Fé  de  Bogota  ,  dans 
le  Monte  de  Tena.  Getlc  découverte 
importante  fut  bienlôt  (  1778  )  sui- 
vie de  celle  du  même  végétal  dans  le 
chemin  de  Honda  à  Villeta  et  à  la 


MUT 


)o3 


Mcsa  de  Gliinga.  Nous  sommes  en- 
trés dans  quei([ucs  détails   sur    cet 
objet ,  parce  que  le  quinquina  de  la 
Nouvelle-Grenade,  exporté  par  Car- 
lliagènc  des  Indes,  et  couséqucm- 
jucnt  par  uu  port  de  la  mer  des  An- 
tilles   rapproché   de    l'Europe  ,    a 
eu  l'inlluencela  plus  bienfaisante  sur 
l'industrie  coloniale  et  sur  la  dimi 
nution  diiprixdes  écorces  fébrifuges 
dans  les  marchés  de  l'Ancien-Monde. 
Mutis   a   eu  raison   de   mettre  nue 
grande  importance  à  cette   décou- 
verte ,  pour  laquelle  il  n'a  jamais 
été  récompensé  par  sou  gouverne- 
mcnt.  Un  habitant  de  Panama  ,  don 
Scbastien-Jose-Lopez,  Ruiz,  qui  avoue 
lui  -  même  ,   dans  ses  Informes   al 
i^cy,  n'avoir  connu  les  quinquinas  de 
Flouda   qu'en  1774?   a  passé  long- 
temps pour  le  véritable  descuhridor 
de  las  cascarillas  de  Santa-Fé.  Il 
a  joui ,  à  ce  titre  ,  d'une  pension  de 
10,000  fr.  ,  jusqu'à  ce  qu'eu  1775, 
le  vice-roi  de  Gongora  eût  démontre' 
à  la  cour  la  priorité  des  droits  de 
Mutis.  Vers  la  même  époque  (  1 77G), 
don    Francisco    Rcnjifo   trouva   le 
quinquina    dans   l'hémisphère   aus- 
tral ,  sur  le  dos  des  Andes  péruvien- 
nes de  Guanuco.  xiujourd'hui ,   on 
le  connaît  tout  le  long  des  Cordilliè 
res,  entre  700  et  i5oo  toises  de  hau- 
teur ,  sur  une  étendue  de  plus  de  Goo 
lieues  ,  depuis  le  Paz  et  Chuquisaca, 
jusqu'aux  montagnes  de  Sainte-Mar- 
the et  de  Mérida.  Mutis  à  le  mérite 
d'avoir   distingué ,  le  premier ,  les 
dilTérentes  espèces  de  Cinchona,  dont 
les  unes  à  corolles  velues,  sont  beau- 
coup plus  actives  que  les  autres  à 
corolles  glabres.  Il  a  prouvé  qu'on 
ne  doit  pas   employer  indistincte- 
ment les  espèces  actives  ,  dont  les 
propriétés  médicales  varient  avec  lu 
forme  et  la  structure  organique.  La 
Quinologia  de  Mutis  ,  qui  va  être. 


5o4 


MUT 


publiée  par  M,  Lagasci ,  à  Madrid  , 
et  duiit  une  partie  scnlonicnt  a  c'te' 
iusérce   dans    le    Fapel    peiiodico 
de  Santa -Fé  de  Bogota,  février 
i'jp4?  l'eufcrnie  l'cnseinble  de  ces 
recherches  rncdlcales  et  bolaiii(|iies. 
Cet  ouvra<5e  a  lait  coniiaîlrc  aussi 
inic  prcpaialion  de  quinquina  fer- 
mente' ,  qui  est  célèbre  à  Sauta  -Fé  , 
à  Quito  et  a  Lima  ,  sous  le  nom  de 
bière  (  Ceivcza  )  de  Quina  (  i  ).  — 
Parmi  les  piaules  utiles  dans  Id  mé- 
decine et  le  commerce,  que  IMutis  a 
décrites  le  premier,  il  faut  compter 
le  Psycliolria   emetica   ou   Ipcca- 
cuanha  (  Baizilla  )  du  Rio-M^gda- 
leni;  le  Tcluifei a ,c\.\c Mjrox;,  htm, 
qui  donnent  les  baumes  de  Toiu  et 
du  Pérou,  la  fVintera  grenadensis , 
voisin  de  la  Canella   alba  de  nos 
pharmacies  ,  et  VAlsionia  ihea'far- 
jnis  ,  qui  fournit  le  thé  de  Santa-Fé, 
dont  Tinfusion  ue  saurait  èire  assez 
ïcconim^indéc    aux    voyaj!;curs   qni 
ïcsîeut   ioiîg  -  temps    exposes    aux 
pluies  des  iropicpies.  A  Mari'^uita  , 
sous  un  climat  délicieux  et  tempéré, 
Miilis  a  formé  une  pfliie  planlâiion 
de  qiiiiiqnina,  de  ces  caneliiersXZoH- 
Tiis  cinnainoindides) ,  qui  abondent 
dans  les  missi'jiis  des  Andaquies  ,  et 
de  noix  de  muscades  indigènes  {My- 
ristica  Otoha  ).  Le  nom  de  ce  boia- 
iiiste  célèbre  se  rattache  aussi  à  une 
découverte  qui  a  beaucoup   occupé 


(i)t>n  VAè\e  il  Ivres  de  sucre,  trois  quarls  rie 
lîvi-t;  de  qti-uqnina  en  poitdrc  «  .•^ui'tnijt  le  quinquina 
lilnur  ,  CincUoiia  ovr.l  folta  ),  P(  i6  bouteilles  i.'euu  : 
dans  l'espace  de  acv  jours  ,  ou  olitietit(  la  température 
de  i'al.uius|il>trc  tlant  dt'  iS"  ),  «ue  bosson  iVi - 
îa  iitcf  d"nn  jiuiît  ayreable  ,  spiritueiisc  ,  nième  U'i 
j>eii  eDÎvrante ,  et  très-utile  ;iu:c  conval-  scciils  de 
fièvriS  lîercfe.  Celfe  bière  <ie quinquina  se  conserve 
pendant  4  ■"'  5  mois, et  ?>Iul>s  In  couverlit  en  un  vi- 
iiai^ieile  ijuint/ ni ii a  ,  to  }aisini't  cotitiiia''r  la  ('cr- 
in uia'.ion  à  l'air  lil>re,  et  eu  ajoulant  des  IraQ'his 
de  banaues.  Ce  v:i:aigre  de  t/uîna  a  *-lé  r^'cun'iu  Irès*- 
iitile  ilruis  lies  navigations  de  long  cours.  Les  proprié- 
té» iMcdieales  de  ces  boissons  prophylactiques  ,  qu'on 
n'a  poiui  eurore  iiiiitues  eu  Europe,  prouvent  que  l,i 
fer'<icnl»t!ou  n'a  pas  d.ssgus  la  maticre  vtgélale  tu 
ç^  deruicis  cleiHciit». 


MUT 

les  esprits  en  Amérique.  On  savait* 
que  les  Indiens  et  les  iNègres  qui  tra- 
vaillent dans  les  lavAges  d'or  et  de 
platine  de  la  province  du  Choco  , 
j)0ssèdent  ce  qu'ils  appellent  le  secret 
d'une  plante  qui  est    l'antidote   le 
plus  puissant  contre  la   piqûre  des 
serpents  venimeux.  Mulis  est  parve- 
nu adécouvrir  ce  mystère,  et  à  faire 
connaître  celte  piaule  :  elle  est  de  la 
famille  des  composées,  et  connue 
dans  le  pays  sous  le  nom  de  Fejuco 
dcl  G«rtCo.MiM.deHumboldl  ellion- 
])Iaiid  l'ont  figurée  les  premiers  ( /^. 
\a  Mikania  Guaco,  dans  les  Plaitce 
ceqninociiales ,  t.  ii  ,  p.  85 ,  pi .  i  o5  ). 
La  plante  a  une  odeur  nauséabonde  , 
qui  parait  aliecter  les  organes  de  l'o- 
dorat des  A'ipères:  l'odeur  du  Gua- 
co se  mêle  sans  doute  à  la  transpi- 
ration cutanée  de  l'homme.  On   se 
croit  garanti  du  danger  de  la  morsu- 
re des  serpents  ,  pendant  un  temps 
p!us  ou  moins  long,  lorsqu'on  s'est 
cur.'ir/o,, c'est-à-dire, introduit  (inocu- 
lé) dans  le  syslèmedermoïdc.le  suc 
du  Guaco.  Des  expériences  hardies, 
faites  dans  la  maison  de  Mulis  p.ir 
]M[\L  Zca ,  Vargas  et  Mathis,  et  j)cu- 
danl lesquelles  on  lésa  vusmanier  im- 
punément les  vipères  les  plus  veni- 
ineiises,  sontdécritesdansle^e7?jrtMfl- 
rio  de  agricultura  de  Madrid ,  1 7(^8 , 
tora.  IV,  p.  397.  Comme  ou  a  dé- 
couvert le  Guaco  dans  plusieurs  val- 
lées ciiaudes  des  Andes,  depuis  le 
Pérou  jusqu'à  Carlhagène  des  Indes 
et  aux  montagnes  de  Varinas ,  utt 
grand  nombre  de  personnes  doivent 
leur  guérisou  à  cette  belle  découver- 
te de  l\ïutis.  Il  est  à  regretter  que 
cette  plante,  qu'on  a  souvent  confon- 
due avec  l'Avapana,  perde  sa  ver- 
tu, lorsque  les  feuilles  et  les  tiges 
sont  conservées  dans  l'aicohol.   Le 
Guaco  ne  se  trouve  pas  dans  tous 
les  endroits  où   abondent  les  se,:-»- 


MUT 

pcnls  venimeux.  —  Nous  ne  connais- 
sons que  très-peu  les  travaux  île  zoo- 
lof^ieetdc  pliysicjnc  de  Mutis;  mais 
nous  savons  qu'il  avait  cfiidie  long- 
temps les  mœurs  des  fourmis  ,  et 
de  ces  termitfs  qni ,  en  Amérique 
comme  au  Sciic'ejal  ,  construisent 
des  tertres  de  5  à  (3  pieds  de  hau- 
teur. Il  a  fait  peindre  avec  une 
crande  fidcflite  beaucoup  d'espèces 
de  mammifères  ,  d'oiseaux  et  de 
poissons  de  la  Nouvelle-Grenade.  Il 
a  décrit,  d'après  !a  méthode  Lin- 
Deenne  ,  dans  les  Mémoires  de  l'aca- 
démie de  Stockholm,  dont  il  était 
membre,  une  nouvelle  espèce  de  pu- 
tois (  f'iverra  majuit  ito).  —  Les  ma- 
nuscrits de  Mntis  renferment  aussi 
un  grand  nombre  d'obserA  ations  pré- 
cieuses sur  les  marées  atmosphéri- 
qiies  qui  se  manifestent  sous  les  tro- 
piques ,  mieux  encore  que  sous  les 
cliu)ats  tempérés,  par  les  variations 
horaires  du  Laroiuèlre.  Cet  instru- 
ment monte  cl  baisse  quatre  fois  eu 
vingt-quatre  heures  sous  la  zone  tor- 
ride,  avec  une  telle  réjularilé,  au 
niveau  de  la  mer,  comme  sur  les 
plateaux  les  plus  élevés  ,  que  l'on 
peut ,  presque  à  un  quart  -  d'heure 
près,  savoir  l'heure  qu'il  est  par  la 
seule  inspection  de  la  colonne  de 
mercure.  Il  pavait  que  cette  obser- 
vation curieuse.,  qui  a  tant  occupé 
les  physiciens,  et  dont  La  Conda- 
mine  (  Voyage  à  l'éifualeur ,  pag. 
5o),  attribue  si  faussement  la  décou- 
verte à  Godin  ,  avait  déjà  été  faite  à 
Surinam  ,  en  i-j^'i  (Journal  litté- 
raire de  la  Haye,  pour  l'année  17*22  , 
pag.  '.i3  j  ).  Le  pèreljondier  (  174^) 
.s'en  était  occupé  à  Chandcrnagor  ; 
Godin  (1737)  a  Quito;  Thibault  de 
Ghauvalon  (  1 75 1  ) ,  à  la  Martinique  ; 
Lamanoii ,  en  1 786 ,  dans  la  mer  du 
Sud.  MuiH  assure  avoir  trouvé  que 
iv»  Lune  e^ei<'0  une  influence  scnsi- 


IVIUT 


5o5 


ble  sur  la  période  et  l'étendue  des 
variations  horaires  (  Caldas,  dans  lo 
Scinanario  del  hucvo  Heino  de 
Grcnada,  tom.  i'^''. ,  pag.  fi")  1 1  30 1 , 
n^'.  3  ).  —  L'homme  qui  a  df'pUiyc 
une  si  étonnante  activité,  pendant 
quarantc-liiiit  ans  de  Iravai.x  dans 
le  Nouveau-Monde,  était  doué,  par 
la  nature,  de  la  constitution  j)hysiquc 
la  plus  heureuse.  11  était  d'une  sta- 
ture élevée  :  il  avait  de  la  noblesse 
dans  les  traits  ,  de  la  gravité  dans  le 
maintien  ,  de  l'aisance  et  de  la  poli- 
tesse dans  les  manières.  Sa  conver- 
sation était  aussi  variée  que  les  ob- 
jets de  ses  études.  S'il  p.trlait  sou- 
vent avec  chaleur,  il  aimait  à  prati- 
quer aussi  cet  art  d'écouter,  auquel 
Fontenelle  attachait  tant  de  prix, 
et  que  déjà  il  trouvait  si  rare  de  son 
temps.  Quoique  fort  occupé  d'une 
science  qui  rend  nécessaire  l'étude  la 
plus  minutieuse  de  l'organisation  , 
Mutis  ne  perdait  jamais  de  vue  les 
grands  problèmes  de  la  physique  du 
monde.  Il  aAait  parcouru  les  Cor- 
dillières  ,  le  baromètre  à  la  main: 
il  avait  déterminé  la  température 
moyenne  de  ces  plateaux  qui  for- 
ment comme  des  îlots  au  milieu  de 
l'Océan  aéiien.  Il  avait  été  frappé  de 
l'aspect  de  la  végétation  ,  qui  varie 
à  mesure  que  l'on  descend  dans  les 
vallées,  ou  que  l'on  gravit  vers  les 
sommets  glacés  des  Andes.  Toutes 
les  questions  qui  ont  rapporta  la  géo- 
graphie des  plantes,  l'inléressaient 
Aivement;  et  il  avait  cherché  à  con- 
naître les  limites  plus  ou  moins  étroi- 
tes entre  lesquelles  se  trouvent  ren- 
fermées, sur  ia  pente  des  montagnes, 
les  différentes  espèces  de  Ginchona. 
Ce  goût  pour  les  sciences  physiques, 
cette  curiosité  active  qui  se  porte 
sur  l'explication  des  phénomènes  de 
l'organisation  et  delà  météorologie, 
s'est  miiiulcnu  en  lui  jusqu'au  dcr- 


5o6  MUT 

nier  moment  de  sa  vie.  Rien  ne 
prouve  plus  la  supëjiorité  de  sou 
talent,  que  l'enthousiasme  avec  le- 
quel il  recevait  la  nouvelle  d'une 
découverte  importante.  Il  n'avait 
pas  vu  de  laboratoire  de  chimie  de- 
puis i'j6o;  et  cependant  la  lecture 
assidue  des  ouvrages  de  Lavoisier, 
deGuyton-AIorveau  et  de  Fourcroy, 
lui  avait  donne'  des  connaissances 
très-  précises  sur  l'état  de  la  chimie 
moderne.  —  Mutis  accueillait  avec 
honte  les  jeunes  gens  qui  montraient 
des  dispositions  pour  l'étude;  il  leur 
fournissait  des  livres  et  des  instru- 
ments :  il  en  fit  voyager  plusieurs  à 
ses  frais.  Après  avoir  parlé  de  sa  li- 
béralité et  des  sacrifices  qu'il  faisait 
journellement  pour  les  sciences,  il 
est  inutile  de  vanter  sou  désintéres- 
sement. II  a  joui  long -temps  de  la 
<  onfiauce  des  vice-rois,  qui  exer- 
çaient un  pouvoir  presque  illimité 
dans  ces  contrées  ;  mais  il  ne  s'est 
servi  de  sou  crédit  que  puur  cire 
utile  aux  sciences ,  pour  faire  con- 
naître le  mérite  qui  aime  à  se  ca- 
cher, pour  plaider  avec  courage  la 
cause  de  l'infortune.  Il  n'ambition- 
nait d'autres  succès  que  de  faire 
triompher  la  vérité  et  la  justice.  Il 
remplissait  avec  zèle  ,  on  pourrait 
dire  avec  ime  ferveur  austère  ,  les 
devoirs  que  lui  imposait  l'état  qu'il 
avait  embrassé  ;  mais  sa  piété  ne 
cherchait  point  le  vain  éclat  de  la 
renommée  :  e!le  était  douce  ,  comme 
elle  l'est  toujours  lorsqu'elle  se  trou- 
ve unie  à  la  seusibilité  du  cœur  et  à 
l'élévation  dans  le  caractère.  H-dt. 
MUTIUS  ,  architecte  romain  , 
acheva  ,  par  l'ordre  de  Marins  , 
d'embellir ,  par  les  plus  riches  orne- 
ments de  l'architecture,  le  temple 
de  l'Honneur  et  de  la  Vertu ,  bâti 
par  Marcellus.  Cet  édifice  était  en 
pierre;  et  si  le  marbre  eût  fait  res- 


MUY 

sortir  la  beauté  du  travail  et  des  or- 
nements ,  on  eût  pu  le  mettre  au 
nombre  des  temples  les  [.lus  magni- 
fiques de  l'antiquité.  Il  existe  des 
médailles  d'argent,  qu'on  croit  avoir 
été  frappées  en  l'honneur  de  cet  ar- 
chitecte; on  y  voit  les  initiales  no. 
et  vip.r.,  et  dans  l'exergue,  cet  autre 
mot  coRDi.  .  .  Or ,  le  surnom  de 
Cordus  était  particulier  à  l'une  des 
branches  de  la  famille  Mutia  ,  dont 
descendait  aussi  le  triumvir  moné- 
taire Cordus.  L — s — E. 

MUTIUS.  r.  SciEvoLA. 

MUY  (  Louis  -  Nicolas  -  Victor 
DE  FÉLIX  ,  comte  du  ) ,  d'une  fa- 
mille originaire  de  Piémont ,  qui  a 
donné  des  héi-os  à  Malle  ,  naquit  à 
Marseille  ,  en  i'^  i  i.  D'abord  cheva- 
lier de  Saint -Jean  de  Jérusalem, 
dans  la  langue  de  Provence,  il  en- 
tra au  service  très -jeune,  et  fît, 
sous  Berwick  et  Coigny  ,  son  ap-, 
prentissage  dans  la  guerre  de  1784, 
entreprise  pour  soutenir  l'élection 
de  Stanislas  au  trône  de  Pologne. 
Après  avoir  terminé  ses  caravanes  , 
il  fut  appelé  à  la  cour  par  le  Dau- 
phin ,  père  de  Louis  XVI,  qui 
désira  l'attacher  à  sa  personne  en 
qualité  de  meuiu.  Ce  prince  ne  ces- 
sa dès-lors  de  le  traiter  comme  un 
ami  vertueux  et  dévoué ,  et  eut  en 
lui  toute  la  confiance  qu'inspirent 
une  sagesse  et  une  prudence  consom- 
mées. On  sait  qu'à  cette  épo(|ue  ,  le 
fils  de  Louis  XV ,  ayant  trouvé  sous 
sa  main  le  livre  de  prières  du  com- 
te ,  y  écrivit  celle-ci  :  «  Mon  Dieu  , 
»  protégez  votre  fidèle  serviteur  de 
»  Muy,  afin  que  si  vous  m'obligiez 
»  à  porter  le  pesant  fardeau  de  la 
»  couronne,  il  puisse  me  soutenir 
»  par  sa  vertu ,  ses  leçons  et  ses 
»  exemples.  »  On  ne  sait ,  dit  La- 
harpe  ,  qui  l'on  doit  plus  estimer  , 
ou  du  prince  capable  de  former  un. 


MUY 

pareil   souliait,  ou  du  sujet   digne 
qu'on  le  forme  pour  lui.  Lcufs  occu- 
pations ,  leurs  jjuissanccs   commu- 
nes ,    furent    i:i, ci  rompues    par    la 
guerre  de  i74'i-  ^^^  eoinie  du  Rluy 
se  IroMAa  l'amiee  siiivante,à  la  ba- 
taille de  Fontcnoi ,  et  fut  fait  lieutc- 
iiant-genéral  en  1748.  Il  se  montra 
aA'CC   avantage  à  la  bataille  d'Has- 
tembeck  {l'j^'])-,  à  celle  de  Crevelt 
(1758),  cl  à  celle  de  Mlnden  (i  759). 
Il  fui  employé  ,  eu  i  760  ,  dans  l'ar- 
mc'c  du  II  arecliai  de  (icntades,  et 
commanda,  pendant  loute  la  campa- 
gne ,  un  corps  consiilerable  de  tiou- 
pcs.  Attaque'  le  01  juillet,   ))rès  de 
Wari)Oi-rg  ,  par  4o   mille  honnnes 
qui  avaient  pour  (  lief  le  ])iince  lie'- 
rcditairc  ,    et   qui    étaient  soutenus 
par   l'arnie'e  du  prince  Ferdinand, 
il  combattit  pendant  quatre  lieures 
avec  la  plus  grande  valeur  ,  et  n'or- 
donna la  retraite,  qu'il  fit  en  bon 
ordre  ,  que  lorsqu'il  fut  force'  de  cé- 
der au  grand  nombre.  Sa  réputation 
militaire  ne  fut  point  altérée  par  ce 
revers,   dont    le  Dau])bin    sujtout 
s'occupa   de  le  consoler.  Louis  XV 
le  fit  cbevalier  de   ses  ordres,  en 
1 762,  et  lui  donna  le  commande- 
ment de  la  Flandre.  Il  l'avait  choisi 
pour  ministre  de  la  guerre.  Le  com- 
te du  Miiy  e'crivit  à  ce  prince  :  «  Je 
»  n'ai  jamais  eu  l'honneur  de  vivre 
»  dans  la  société'  particulière  de  vo- 
»  tre  Majesté  :   par  conséquent  .   je 
»  n'ai  jamais  été  dans  le  es  de  me 
»  pliera  beaucoup  d'usages,  que  je 
»  regarde  comme  des  devoirs  pour 
»  ceux  qui  la  formenî.  A  mon  âge  , 
•)■>  on  ne  change   p  .ii!t  sa    ûianière 
»  de  vivre.  Mon  c^aactère  inflexible 
«  transformerait    bientôt  en  Idàme 
»  et  en  haine,  ce  cri  favorable  du 
«public,  dont  votre  IMajesté  a   la 
»  bonté  de  s'apercevoir.  On  me  fo- 
»  rait  perdre  Ses  bonnes  grâces  ;  et 


IMUY  507 

»  j'en  serais  inconsolable.  Je  la  prie 
»  de  choisir  un  sujet  plus  capable 
»  que  moi.  »   Mais   il  ne  crut  pas 
pouvoir  se  refuser  à  la  volonté  du 
lils  de   M',  le    Dauphin,  lorsqu'il 
fut  appelé,  en   1774,  au  ministère 
qu'il  avait  refusé  sous    Louis  XV. 
Il  soutint,  dans  ses  nouvelles  fonc- 
tions, son  caractère  religieux,  juste, 
et  quelquefois  sévère  jusqu'à  l'austé- 
rité. Le  roi  le  comprit  alors    dans 
mie    promotion    de  maréchaux   de 
de  France.   Il    ne  jouit  pas   long- 
temps de  ces  honneurs  ,  étant  mort, 
le  10  oct.  1775.  des  suites  de  l'o- 
pération de  la  pierre.  Le  maréchal 
du    Muy     avait    exécuté    quelques 
c.hangt*ments    avantageux    dans    le 
système  et  la  discipline  militaires  j 
mais  sans  avoir  eu  le  temps  de  don- 
ner aux  troupes  françaises  une  cons- 
titution qui  leur  fut  tellement  pro- 
pre que  son  successeur  ne  put  la 
changer.    I!  avait   commandé  lui- 
même  à   Sens,  son   tombeau,    au- 
dessous  de  celui  du  Dauphin,  dont 
la  perte  lui  avait  été  si  sensible  ,  et 
sur  lequel  il  avait  fait  graver  cette 
inscription  ,   en    l'honneur  de  son 
bienfaiteur  et  son  ami  :   «  C'est  ici 
que  finira  ma  douleur.  »  Hue  usque 
Inclus  meus.  II  a  laissé  des  manus- 
crits pleins   d'excellentes   vues   sur 
différents  objets  de  l'administration. 
ï\  existe  trois  É'ogcs  du  maréchal  du 
Muy  ;   celui   qui  fut  couronné   par 
l'académie  de  Marseille,  en    1778, 
et    dont   l'auteur  est  le  Tourneur  , 
Iradutieurd'Young  (Bruxelles  et  Pa- 
ris ,  in-8  '.  de  59  pag.  )  ;  un  second  qui 
fut  piononcé  dans  la  chapelle  des 
Invalides ,  par  M.  de  Beauvais  ,  cvê- 
que   de  Senez  ;  enfin  ,  mi  troisième 
composé  par  M.  de  Tresséol  (  in-8°., 
1778  ).  —  Le  comte  Félix  du  Mu  y, 
pair  de  France,  mort  en  1820   était 
"  neveu  du  maréchal.       L — p — £. 


SoS  RIUY 

jNIUYART  DE  VOUGL.'UN'S  (Pifr- 
re-François  ),  le  soûl  des  anciens 
crirninalistes  français,  dont  on  lise 
encore  les  ouvrages ,  était  ne'  en 
1713,  à  Moirans ,  près  de  Saint- 
(^latidc,  d'une  iaraille  de  roLe.  Après 
avoir  termine  ses  études,  il  se  fit 
recevoir  avocat  au  parlement  de 
Paris,  et  s'attacha  spécialement  aux 
matières  criiuinencs.  Jl  entra,  en 
i-yyi  ,  au  parlement  forme'  par  le 
clianccîlicrdc  Maupeou  (  /^.  cenuia  j, 
et  devint  ensuite  couscilJerau  grand- 
conseil.  C'était  un  homme  tiès-ius- 
tniit,  mais  d'un  caractère  dur  qui 
perce  dans  tous  ses  ouvrages.  Il  est 
luorl  à  Paris ,  le  1 4  mars  1791,  dans 
un  âge  avance.  On  a  de  lui  :  I.  lusti- 
iiites  au  droit  criminel,  ou  Principes 
généraux  sur  ces  matières,  avec  un 
Traité  particulier  des  crimes,  Pa- 
ris, 17^7,  in-^".  II,  Instruction cii- 
ininelle  suivant  1rs  lois  et  ordon- 
nances du  royaume ,  ihid. ,  I7(i'2, 
in-4'^.  Cet  ouvrage  fait  suite  au  pré- 
cèdent. IIÎ.  lU'futatiun  de.  princi- 
pes hasardés  dans  le  Traité  des  Dé- 
lits et  des  Peines ,  ibid. ,  1 7G7,  petit 
in-8".  j  Utrccht,  1768,  in- 1-2;  tra- 
duit en  italien  et  en  allemand.  Le  Lut 
dé  Muyart  est  de  prouver  ,  contre  le 
sentiment  de  Beccaria,  que  la  juris- 
prudence criminelle  de  l'Europe  n'é- 
tait susceptible  d'aucune  améliora- 
tion :  il  justifie  l'usage  de  la  question, 
dont  un  de  ^es  conipalriotes  avait 
demandé  labulition  cent  ans  aupa- 
ravant (  V.  Aug.  Nicolas),  par  la 
raison  qu'on  n'y  soumet  que  des  cri- 
minels plus  qu'à  demi  convaincus  : 
il  établit  la  nécessité  de  la  peine  de 
rjîort  comme  un  frein  salutaire,  et 
cflle  delà  confiscation  des  biens  des 
condamnés;  ma'sil  veut  aussi  qu'on 
ait  égard  à  la  qualité  des  coupables^ 
parce  que  l'éducation  met  entre  les 
liorames  une  diûéi'cuce  si    grande 


MUZ 

qu'une  simple  peine  infamante  pro- 
duit sur  les  uns  plus  d'eiïèt  que  les 
])uuiti<)ns  corporelles  sur  les  autres. 
V^  .Motijs  de  ma;  oi  en  Jesu.'--Christ, 
o\\  Points  fondamentaux  de  la  re- 
lgiÔ7i  chrétienne ,  di;'Cutés  suivant 
les  principes  de  l'ordre  judiciaire, 
Paris,  177O.  in-iu  :  ouvrage  esti- 
mable, qui  valut  à  l'^ateiu-  une  lettre 
de  félicitation  du  pa;.e  Pie  vi  ;  il  a 
été  traduit  en  espagnol.  V.  Les  lois 
criminelles  de  la  France  dans  leur 
ordre  naturel ,  ibid.,  1788,  infol. 
Cette  compilation  ,  qui  avait  cOij:e 
viugt  ai;s  de  tiavail  à  l'auteur,  est 
rédigée  sur  le  plan  des  Lois  ecclésias- 
tiques par  d'îléricourt,  et  des  Lois 
civiles  par  Domat.  On  trouve ,  à  la 
fin  du  volume,  la  Héfutaliondn  trai- 
té de  Beccaria  ;  un  Mémoire  sur  les 
peines  infamantes  ;  et  les  Motifs  de 
ma  foi  eu  Jésus-Chiirt.  \I.  Preu- 
ves de  V autlienticité  de  nos  Evangi- 
le': contre  les  assertions  de  certains 
critiques  modernes ,  ibifl. ,  1785,  in- 
i'>.  Vil.  Lettre  iur  le  système  de 
fauteur  de  V Esprit  des  lois  tou- 
chant la  modération  des  peines  , 
ibid.,  1785,  in-12  de  83  pag.  II  y 
soutient  que  la  douceur  engage  aux 
ciimcs  ,  et  que  la  rigueur  des  suppli- 
ces peut  seule  en  aiminuer  le  nom- 
bre.— Muyart  de  Volglans,  bailli 
de  IMoirans  ,  oncle  du  précédent , 
mort  en  1781 ,  avait  forme  ui.t  belle 
collection  de  médailles  et  d'antiqui- 
tés. On  a  de  lui  des  descriptions  de 
quelques  pièces  de  son  cabinet ,  dans 
les  Affiches  de  Franche-Comté  ;  et 
une  hisscrtation  sur  les  antiquités 
de  la  ville  d\4ntre ,  dans  le  Journal 
encyclopédique,  ann.  1778,  tomç 
ni ,  p.  317-21  ;  avec  uu  Supplémejit, 
lomev,  \!\\-!^o..  W — s. 

MUYS.  F.  Muis  et  Musius. 

MLZIANO  (  JÉnoME  )  ,  ou  lç 
MuTii'jî ,  peintre  du  seizième  siè- 


de  ,  nalif  d'Aqu.ifrcflcl.i  ,  rlins  le 
Jiresciaii ,  lut  clôvc  do  Romaiiiiiu. 
liiconiui  niicoiT  dans  sa  jjatric  ,  il 
vint  fort  jeune  à  l\uirie ,  et  y  acijiiit 
biL'iilôt  la  re])iifalioii  (!'i!;i  soutien  du 
bon  çiuùl.  Il  avait  déjà  recueilli  dans 
l'o'colc  vénitienne  les  principes  du 
dessin  et  du  coloris.  Il  se  fil  d'abord 
connaître  par  ses  pa^'sages ,  et  se  dis- 
tingua tellement  dans  ce  genre  qu'on 
lie  le  coiniaissait  à  Rome  que  sous  le 
rïovciàn  jeunelioiame  auxpaysa^es. 
Mais  ce  n'était  pas  assez  ])0nr  lui  j 
il  voulut  V  joindre  une  etndc  as- 
sidue de  l'histoire  ,  et  il  alla  jus- 
qu'à se  faire  entièrement  raser  la 
tête  afin  de  n'èîre  pas  lente  ;ie  sor- 
tir de  chez  lui.  C'est  alors  qu'il  pei- 
gnit la  Résurrection  du  Lazare , 
qu'on  a  transférée  de  Sainlp-Marie- 
l\Iajeurc  au  palais  Quirinal.  Lorsque 
Michel- Ange  \'w.  ce  tablenu  expose 
en  public ,  il  accorda  sui'-le-champ 
son  estime  et  sa  protection  à  l'ar- 
tiste. Les  églises  et  les  palais  d<; 
Piome  possèdent ,  de  sa  main ,  un 
grand  nombre  de  tableaux ,  dont 
quelques-uns  sont  enrichis  de  pay- 
sages peints  à  la  manière  du  Titien. 
L'église  des  Chartreux  en  possède  un 
très-beau,  qui  représente  une  Ti'oupe 
d' Anachorètes  écoutant  la  parole 
d'un  Père  du  Désert.  On  fait  aussi 
beaucoup  de  cas  des  lal.lcaux  qu'il  a 
faits  pour  les  églises  du  Jésus,  iV  Ara- 
Céli ,  et  de  la  Conception,  à  Rome , 
rt  de  ceux  que  l'on  voit  à  Orviète  , 
à  Lorèle ,  et  à  Foligno.  Ses  figures 
sont  dessinées  avec  exactitude  ;  et 
elles  imitent  assez  souvent  l'anato- 
mie  de  Michel-Ange.  11  résssit  par- 
ticulièrement à  exprimer  les  costu- 
mes militaires  ou  étrangers  ,  et  sur- 
tout à  repréàenler  les  anachorètes 
et  antres  personnages  d'une  phvsio- 
uomie  grave  ,  et  exténués  par  l'abs- 
tiueuce.  jlais^  en  i^^éiiéral,  son  dessin 


IMÏJZ  5-f) 

tombe  dans  la  sécheresse.  On  lui 
doit  la  gravure  de  la  colonne  Trj- 
jane.  Jules  Romain  eu  avait  com- 
mencé le  dessin  ;  il  termina  cette 
vaste  entreprise,  et  la  conduisit  à  sou 
terme.  A  l'époque  où  il  viA'aif ,  l'art 
de  la  mosaïque  atteignit  son  plus  haut 
degré  de  j)erfection  ,  et  devint  une 
imitation  parfaite  de  la  peinture  , 
non  par  le  moyeu  de  petites  pierres 
de  diverses  couleurs  ,  choisies  et 
jointes  enscm'.jle  ,  mais  par  celui 
d'une  comp;isition  qui  peut  rendre 
toute  espèce  de  coloris  ,  imiter  les 
deini-leintes  et  les  dégi'adations  de  la 
lumière  aussi  paifaitement  que  le  fe- 
rait !e  pinceau.  C'est  à  Muziano  que 
l'on  doit  ce  perfectionnement;  et  les 
mosaïques  qu'il  dirigea  pour  la  cha- 
pelle Grégorienne,  passent  pour  les 
plus  beaux  ouvrages  de  ce  genre  qui 
aient  été  faits  depuis  les  anciens.  Il 
avait  été  lié  avec  ïhaddie  Zucchero, 
et  ils  peignirent  en  concurrence  bi 
Vigne  de  Tivoli,  qui  appartenait  au 
cardinal  d'Esté.  Il  fut  le  fondateur 
de  l'académie  de  Saint-Luc ,  et  fit 
servir  à  la  fondation  de  cet  claLlis- 
sement  une  partie  des  richesses  que 
lui  avaient  procurées  ses  travaux.  lî 
mourut,  en  lOQ'i,  âgé  de  soixante- 
quatre  ans  ,  et  fut  enterré  à  Sainte 
ISÎarie  -  Majeure,  Ses  dessins  ,  ordi- 
nairement exécutés  à  l'encre  de  la 
Chine,  sont  d'un  beau  fini.  Les  pay- 
sages de  Muziano  sont  reconnaissa- 
bles  aux  chàtaigners  qui  y  dominent; 
il  trouvait  le  feuillage  de  cet  arbre 
plus  pittoresque  (pi'aucun  auti'e.  Ou 
a  gravé  ,  d'après  lui  ,  environ  trente 
estampes  ,  dont  sept  paysages  par 
Cornel.  Cort.  Le  Musée  du  Louvre 
possède  deux  tableaux  de  ce  maître  r 
I.  Le  Lazare  ressuscite.  II.  l/Incré- 
didité  de  saint  Thomas.      P — s. 

MLiZZABELLÏ  (  ALPnoNSF.),théo- 
logica  romain  y  né  à  Fei'rare  ,  lé  •-»» 


5io 


MUZ 


août  l'y  :J  9,  de  la  famille  des  comtes 
de  ce  nom  ,  entra  chez  les  Jésuites 
en  1768.  Lors  de  la  suppression  de 
la  Société  ,  il  l'ut  pourvu  d'un  bc'ne'- 
fice  à  Fer  rare  ,  et  reçut ,  du  duc  de 
Parme  ,  la  cliarf;c  de  diiiger  le  col- 
le'^'e  des  nohles.  Appelé  à  Knme  par 
Pie  VIT ,  il  y  fut  fait  lliéoîogien  de  la 
pcnitenccrie,  litre  ([ui  revient  à  celui 
de  the'ologicn  du  souverain  pontife 
lui  -  même.  Il  fut  un  dos  premiers 
membres  de  l'acadëmie  de  la  religion 
catholique  formée  à  Rome  ;  et  lors 
du  rétablissement  de  la  Société  à  Na- 
ples,  en  i8o4,  il  demanda  la  per- 
mission de  se  rendre  dans  celle  capi- 
tale ,  pour  s'y  réunir  à  ses  anciens 
confrères  :  mais  on  ne  voulut  point 
priver  Rome  d'un  théologien  éclai- 
ré. Lorsque  le  pape  eut  été  arraché 
de  sa  capitale  ,  eu  180g  ,  Muzzarelli 
subit  aussi  la  déportation ,  et  fut 
obligé  de  venir  à  Paris ,  où  il  prit  un 
logement  chez  les  dames  de  Saint- 
Michel.  C'est  là  qu'il  mourut ,  le  a5 
mai  181 3.  Ses  écrits,  qui  sont  nom- 
breux ,  prouvent  combien  il  était 
laborieux  et  zélé  :  ils  pourraient  se 
Barta^er  en  deux  classes  ,  l'une  sur 

C  O  1  •    •     '      1>  1 

des  matières  de  pietc,  1  autre  sur  des 
points  de  critique  et  de  théologie. 
Nous  citerons  dans  la  première  classe: 
I.  lîistructioji  pratique  sur  la  dévo- 
tion au  cœur  de  Jésus  ,  Ferrare  , 
1788,  '\n-\i.  IL  Le  Mois  de  Ma- 
rie ,  qui  a  été  souvent  réimprimé. 
III.  U  Année  de  Marie  ou  V  Année 
sanàtifiée,  1791,  2  vol.  in- 12,  IV. 
Le  Carnaval  sanctifié,  Parme, 
1801.  V.  De  la  Vanité  du  luxe 
danslesvêtementsmodernes .  1 7gi, 
in-S".  VI.  Le  Trésor  caché  dans  le 
cœur  de  Marie ,  1 806 ,  iu- 1  i.  VII. 
Dissertation  sur  les  règles  à  obser- 
ver, pour  parler  et  écrire  avec  exac- 
titude sur  la  dévotion  au  cœur  de 
Jésus,  Rome,  1806,  in-12.  VIII. 


MUZ 

Neuvaines  pour  préparer  aux  fêtes 
des  cœurs  de  Jésus  et  de  Marie  , 
1806  et   1807.   IX.  Le  bon  usa^e 
des  vacances  ,  proposé  aux  jeunes 
étudiants.  —  Sur  des  points  de  criti- 
que et  de  théologie  ,  Muzzarelli  a 
publié  :  X.  Recherches  sur  les  ri- 
chesses du  clergé,  Ferrare  ,  1776  , 
in-8".  XL  Deux  Opinions  de  Char- 
les Bonnet  (de  Genève) ,  sur  la  ré- 
surrection et  les  miracles ,  réfutées , 
Ferrare,  i78i,in-8'\  XII.  Emi- 
le détrompé,  Sienne,  178'^  ,  1  vol. 
Il  en  a  paru  depuis   une  Suite  en 
deux  autres  volumes  ;  c'est  une  réfu- 
tation de  Rousseau,  qui  depuis  a  été 
traduite  en  espagnol.  XIII.  Du  bon 
usage  de  la  logique ,  en  matière  de 
religion ,  Foligno  ,  1 787  ,  3  vol.  in- 
S^.  :  il  y  en  a  eu  une  seconde  édition 
en  1 789  ,  en  6  vol. ,  et  une  troisième 
en  1810  ,  eu  10  vol.;  celle-ci  con- 
tient plusieurs    opuscules  déjà  pu- 
bliés séparément  par  l'auteur,  tels 
que  celui  qui  a  pour  titre  :  Du  Do- 
maine temporel  du  pape.  Il  y   a , 
dans  ce  recueil,  37  opuscules  diflé- 
rents  ;  et ,  dans  ce  nombre ,  il  en  est 
à-peu-près  la  moitié  qui  ont  été  tra- 
duits en  français  (  i  ).  Le  théologiea, 
Bolgeni  ayant  prétendu  que  c'était 
mie  exagération  de  supposer  que  nous 
pussions  aimer  Dieu  pour  lui  -  mê- 
me et  sans  rapport  à  notre  bien  par- 
ticulier, Muzzarelli  s'éleva  contre  ce 
système  dans  trois  écrits  :  XIV  .  Du 
Motif  formel ,  spécifique  et  princi- 
pal de  l'acte  de  charité  parfaite  , 
Foligno,  1791  (  c'est  la  deuxième 
édition),  in-8°.  XV.  Lettre  amicale 
à  Bolgeni.  XVI.  Béponse  à  quel- 
ques observations.,    17911.  Nous  ci- 
terons encore  de  ^luzzarelli  :  X^  IL 


(il  Vovez  le  comnte  qniaété  rendu  d.-  ce  recupi 
dans'lps  i\lélange<  de  /jhilosophie,  cbex  Le  Clère 
jSuQ,  toai.  VII,  pa^.  iljf. 


MLZ 

lettre  à  Sophie,  sur  la  secte  domi- 
iiinte  de  sun  temps  ,  i  791 ,  in-'i". 
\.VI1I.  Dt;  V Obligation  des  pas- 
eurs ,  dans  les  temps  de  persécu- 
ioii ,  1791  ,  in  8"^.  XIX.  Des  Cau- 
ev  de')  maux  présents,  et  de  la 
rainte  des  maux  futurs  ,  et  leurs 
eini'des ,  179'^-,  in -8".  XX.  Exa- 
nen  criticpie  des  principales  Jetés 
le  Marie.  XXI.  Jean  -  Jacques 
Rousseau,  accusateur  des  nouveaux 
philosophes.  Assise,  1798;  reim- 
)rime  à  Fcrrare  sous  le  titre  tic  Mè- 
noires  du  jacobinisme,  extraits  des 
ouvres  de  J.-J.  Rousseau.  XXII. 
Opuscules  inédits,  composés  jien- 
lant  la  persécution  d'Italie  ,  Foli- 
no  ,  1800  ,  iu  -  8"\  XXIII.  Qiies- 
ion  proposée  aux  détenteurs  des 
iens  ecclésiastiques  dans  la  Cisal- 
ine  ,  Fcrrare,  1800.  XXIV'^,  fie- 
ueil  d'événements  singuliers  et  de 
'ocuments  authentiques  sur  la  vie 
'e  François  de  Girolamo  (i), 
lomc  ,  1806  ,  in-8''.  Miizzarelli 
ontribua  beaucoup  à  la  be'alifî- 
atioii  de  ce  jésuite.  Tous  les  écrits 
ue  uous  avons  indiques  jusqu'ici 
ont  en  italien  ;  les  trois  suivants 
ont  eu  latin.  XXV.  Observations 
ur  les  notes  du  promoteur  de  la 
oi  (  Napulioni  )  ,  Rome  ,  i8o5  , 
i-fol.  C'est  une  réponse  à  des  objec- 
ions  du  prélat ,  contre  un  Office 
t  une  Messe  propre  du  cœur  de 
^larie.  XXVI.  Dissertations  choi- 
ies,  Rome,  1807  ,  in-8'\  Il  y  a 
ualre  dissertations  :  la  première 
ur  la  règle  des  opinions  morales  ; 
1  deuxième  sur  l'origine  et  l'usage 
es  offrandes;  la  troisième,  sur  le 
ègue  de  mille  ans  de  J.-C,  et  la 
uatricme  ,  sur  le  pouvoir  du  pape 


(1  )  François  de  Girolamo  ,  jesnllc  et  iiiiisiouuaire 
npolitain,  né  en  \(i!^^^  ,  morde  ii  mai  i-i(j,  a  oie 
eatilié  eii  1807.  Voyez  sa  Vie ,  n.ir  0<i<li  ,  Rome  , 
»o(i ,  i„-4«. 


I\1YD 


5ii 


(If;  destituer  nn  cvèque  malgré  lid. 
Celle-ci  a  été  traduite  en  français  ,  et 
publiée  sous  ce  titre  :  Dissertation 
sur  cette  question  :  Le  souverain 
pontife  a-t-il  le  droit  de  priver  un 
évéque  de  son  siège  dans  un  cas  de 
nécessité  pour  V Eglise ,  ou  de  gran- 
de utilité,  Paris  ,  1 809,  in-8°.  de  64 
pages.  XXVII.  De  V Autorité  du 
pontife  romain  dans  les  conciles 
généraux ,  Gand,  t8i5,  2  vol.  in- 
8°. Enfin, on  trouve,  à  la  suite  de  la 
correspondance  de  la  cour  de  Ro- 
me avec  Buonaparte ,  Paris ,  1 8 1 4  , 
un  dernier  écrit  de  Muzzarelli  : 
XXVIII.  Observations  surles  élec- 
tions capilulaires ,  traduites  proba- 
blement de  l'italien.  Muzzarelli  jouis- 
sait d'une  grande  réputation  dans  sa 
patrie  :  il  était  zélé  pour  Tinstruc- 
tion  de  la  jeunesse;  et  il  avait  formé, 
à  Ferrare  ,  une  association  de  jeunes 
étudiants  ,  qu'il  dirigeait  dans  la  pra- 
tique de  la  piété.  Quand  on  apprit 
sa  mort ,  on  lui  fit ,  dans  cette  ville, 
un  service  pompeux ,  où  son  éloge 
funèbre  fut  prononcé;  et  un  grand 
nombre  de  pièces  de  vers  fuz'eut  pu- 
bliées en  son  honneur.  Nous  en 
avons  vu  quelques-unes  ;  IMuzzarelli 
y  est  loué  avec  beaucoup  d'effusion, 
Lui-même  avait  cultivé  la  poésie 
dans  sa  jeunesse.  On  a  de  lui ,  dans 
ce  genre ,  un  Recueil  pnbliéà  \  enise, 
en  1780;  la  F ocation  de  saint  Louis 
de  Gonzagne  ,  poème  ,  Ferrare  , 
l'-^Sg ',V  Enfant -Jésus  ,  traduit  en 
vers  italiens  du  latin  de  Ceva  ,  Ro- 
me, 1808,  in-i'î,  et  Douze  Faits 
de  V Histoire-Sainte  ,  exprimés  en 
vers  ,  Feri'are  ,  1807  ,  in-8°.  Muz- 
zarelli avait  lu  ,  à  l'académie  de  la 
religioii  catholique,  une  Disserta- 
tion pour  répondre  aux  objections 
des  incrédules  contre  l'embrasement 
des  5  villes  dont  il  est  parlé  dans  la 
Genèse  :  cette  dissertation  se  trouve 


5ici  MUZ 

dans  le  Bon  usage  de  la  logique , 
tome  IX.  Un  Sermon  de  lui,  sur  la 
jéte  de  saint  Pierre  ^  a  ëtc  puLlié  à 
Foligno,  eu  iH()3;ct  il  eu  a  paru  une 
traduction  en  français.  Muzzarelli  a 
laisse  beaucoup  de  nïajuiscrils. 

P— €— T. 

MYDOUGE  (  Claude  )  ,  sa- 
vant géomètre,  ne  à  Paris,  eu  i585, 
d'une  des  plus  illustrts  fauiill.^s  de  la 
robe  (  sa  mère  était  une  La:iioi- 
gnon  ) ,  fut  d'abord  conseiller  au 
Chàtelet  j  mais  au  lieu  de  passer  au 
parlement ,  il  acquit  la  charge  de 
tre'sorier  de  la  généralité' d'Amiens, 
afin  de  pouvoir  se  livrer  plus  tran- 
quillement à  l'étude  des  matliéma- 
thiques.  Il  e'pousa  ,  en  iGi3  ,  la 
sœur  de  La  Haye  ,  ambassadeiu- 
de  Fi'ance  à  Conslantinopie.  Ce  fut 
peu  de  temps  après ,  qu'il  se  lia 
d'une  étroite  amitié  avec  Descar- 
tes, Il  fit  tailler,  en  16.27,  pour 
son  illustre  ami ,  des  verres  parabo- 
liques, liyperbolifpies,  ovales  et  el- 
liptiques, dont  il  avait  ti'acé  lui-mc- 
me  les  formes  avec  une  exactitude 
que  personne  alors  n'aurait  pu 
égaler  ,  et  qui  furent  très-uliles  à 
Descartes,  pour  expliquer  les  diflé- 
rents  phénomènes  de  la  vision.  My- 
dorgc  avait  fait  tailler  ces  verres  par 
un  certain  Ferrier  ,  qui  réunissait  à 
l'adresse  de  la  main ,  des  connaissan- 
ces supérieures  à  celles  d'un  simplear- 
tisan  :  celui-cir,e  se  pliait  quedifficile- 
inent,  pour  cette  raison ,  à  suivre  les 
idées  de  Mydorge  ;  et  vouhuit  se 
soustraire  à  sa  surveillance  ,  il  cher- 
cha, par  de  faux  rapports,  à  le  met- 
tre mal  avec  Descartes  :  mais  il  ne 
])ut  y  réussir.  Mydorge,  ayant  étu- 
dié de  sou  côté  la  dioptrique,  ne  se 
trouva  pas  d'accord  avec  Descartes, 
sur  plusieurs  points;  le  philosophe  se 
contenta  de  le  prier  d'examiner  plus 
«tteotivemeut  ses  raisons  j  Mydorgo 


MYD 

suivit  ce  conseil ,  et  entra  si  bien 
dans  les  idées  de  son  ami,  que, 
loin  de  le  fatiguer  de  nouvelles 
objections ,  il  se  chargea  de  résoudie 
toutes  les  dillicultés  qu'on  ne  vou- 
drait pas  lui  envoyer  eu  Hollande, 
où  il  s'était  retiré.  Descartes  le  dési- 
gna, avec  Hardi ,  pour  défendre  ses 
])rincipes  contre  Fermât ,  qui  lui 
avait  adressé  une  espèce  de  cartel  ;  et 
Mydorge  fit  plus,  puis  qu'il  eut  le  bon- 
heur, avec  Mersenne,  de  réconcilier 
deux  hommes  faits  pour  s'estimer. 
Ce  ne  fut  pas  le  seul  service  qu'il  ren- 
dit à  son  ami;  il  prit  encore  sa  dé- 
fense contre  les  Jésuites ,  et  parvint  à 
les  empêcher  de  faiiTcondaniner  quel- 
ques propositions  tirées  des  ouvra- 
ges du  philosophe.  Lord  Cavendish 
voulut  déterminer  Mydorge  à  passer 
en  Angleterre;  mais  ce  dernier  était 
trop  attachéà  son  pays  pour  consentir 
à  s'éloigner.  H  mourut  eujiiillet  1647, 
à  l'âge  de  soixante  deux  ans  ,  avec 
la  réputation  d'iui  savant  disiingué 
et  d'un  très-honnête  homme.  H  avait 
dépensé  près  de  cent  mille  écus  de 
son  bien,  à  faire  fabriquer  des  ver- 
res de  lunettes  et  des  miroirs  ar- 
dents, et  à  tenter  divers  essais.  Il 
laissa  peu  d'écrits  ,  dit  Baillet  (  Fie 
de  Descartes  ),  parce  que  la  pîws 
grande  partie  de  son  temps  comme 
de  son  bien ,  était  employée  en  expé- 
riences. On  a  de  lui:  L  Examen  du 
livre  des  Récréations  mathémati- 
ques ,  Paris  ,  i<J3o,  in-8°.;  réimpri-  |,j 
primé,  en  i643  ,  avec  des  notes  de 
D.  Henrion.  Les  Récréations  ma- 
thématiques ,  publiées  d'abord  sou* 
le  pseudonyme  de  H.  Van-Essen 
Pont-à'Mousson ,  i6'24,  in-8o.,soni 
du  P.  Leurechon,  jésuite  lorrain.  Cel 
ouvrage  eut  beaucoup  de  succès 
dans  le  dix-septième  siècle, jusqu'j 
ce  que  le  livre  d'Ozauara  sur  le  mê- 
me sujet,  l'eut  fait  oublier  {  Y.  Ozi.- 


MYD 

nam).  1T.  Prothomi  catoptricorum 
fl  dioptricorum  ,  sii>e  conicnrum  , 
libri  ly  ,  priores ,  Paris  ,  1639,  iu- 
lol. ,  insère  par  le  F.  Moi, senne, 
(ians  le  recueil  intiUile:  Cfniversœ 
gcoinclrice ,  iniitœ(jue  matheniati- 
<;œ  Synopsis  (  /'  •  IVI  k  R  s  e  n  n  e  , 
X.WIII  ,  3().i  ).  Ses  autres  maniis- 
erits  furent  disperses  ])eiulant  les 
troubles  de  Paris.  Sonfiîs,  clianoi- 
ne  (lu  S.iint-Sepiilcre  ,  n'en  avait  re- 
cueilli que  trois  petits  traités  :  De 
Li  lupiière  •  Dénombre;  De  la 
scioterique.  W — s. 

MYLE  (  Abraham  Van  der).  en 
latin  Mrlius ,  savant  hollandais  , 
issu  d'une  ancienne  famille  de  l)or- 
drccht,  mais  né,  le  i3  mai  i558,  à 
Saint- Hereuberg  en  Zéiande,  fut 
ministre  du  Saint-Evangile  à  Dor- 
diecht,  et  ymouruîlea'jmars  iGS^. 
Il  s'est  particulièrement  occupé  de 
rcchcrclics  sur  l'orii^ine  de  la  lan- 
gue flamande  ou  hollandaise,  et  en 
a  publié  le  résultat  dans  son  Traité 
De  anliqnitate  linguœ  Belgicœ , 
deqite  conimun  late  ejusdeDi  cnni 
latind ,  g^recd,  persicd  et  pl-risque 
aliis,  Leyde,  iOii,iu-4".  Quoi  que 
'on  puisse  penser  de  la  doctrine  de 
'auteur  (  Fuj'.  Ypey  ,  Hist.  de  la 
'angue  holl.  (en  holl.  ) ,  pag.  tîr  et 
J2  ) ,  il  ne  faut  pas  la  confondre 
ivec  les  rêveries  des  Becanus ,  des 
Schrieckius,  ni  avec  celles  de  Chnr- 
es-Joseph  de  Grave,  dans  sa  Bepu- 
dique  des  Chainps-Eljsses ,  3  vol, 
u-S'^.  ,Gand,  180G  {F.  Grave). 
yTorhoftlui  a  rendu  justice  dans  son 
'^olyh.,  1.4,3.4,  où  il  parle  aussi  de 

raités  posthumes,  mais  bien  dc- 
eclueusemeut  publiés  ,  de  Vau  der 
ivie  ,  De  migralione  ponidovum 
t  de  origine  animalium,  in-ii.  On 

encore  de  lui  :  Consolatio  siiner 
iorte  Eilardi  ah   Aima ,  lîeidc!- 

erg,  1587  ,  in-4"'7  ^f  ^'"f"  i'i'-"'-^e  dv' 
ixx. 


MYL  5iî 

vers  hollandais  sur  labatiilje  de  Le'* 
pante  ,  traduite  de  l'écossais,  de 
Jiirques  roi  d'Ecosse.  Van  deriMyle 
avait  eu  le  projet  d'un  Glossaire  de 
l'ancien  Jluniand ;  et  il  est  à  regret- 
ter qu'il  ne  l'ait  pas  mis  à  exécution. 
—  My'le  (  Arnold  ),  originaire  du 
comté  de  iMeurs  ,  et  né  le  »6  octobre 
1 540  ,  doit  être  niis  au  nombre  des 
savants  imprimeurs.  Il  exerça  cette 
profession  à  Cologne,  où  il  mourut 
le  17  novembre  \(')o^.  On  a  de  lui  : 
LocoTum  geogr.ipJùcomm  noinina 
antiqua  et  recentia,  dans  le  Tliea- 
tram  geographicum  d'Abraham 
Ortelius  ,  Anvers  ,  1 5^3  ,  in  -  fol.  ^ 
et  Principum  et  regum  Poloiiorum 
e^gies,  cum  comment ario ,  Colo- 
gne, i59i,  in-fol.  M — oïv. 

MYLIUS  (  Ji'.AN  -  Christophe '), 
bibliographe  allemand,  né  en  nio, 
à  Buttsticd,  dans  la  principauté  de 
Wfimar,  fut  adjoint  feu  professeur 
suppléant  )  de  \\  facidfc  de  philoso- 
phie, et  bibliothécaire  de  l'univer- 
sité de  léna.  Il  fut  un  des  membres 
de  l'académie  latine  de  la  même  ville, 
où  il  monru!;,  en  i "S;  ,  après  avoir 
composé  plusieurs  ouvra^jes,  dont 
voici  les  principaux  :  I.  Bibliotkeca 
annnrmoi'um  et  pseudonymo'-um  , 
Hamljourg,  ^l^o,  iujS"^.  en  deux 
volumes  d'une  grosseur  fort  inégale; 
le  !«'■.  {Deanonymis)  a  i36o  pages, 
et  le  2"^,  (  de  Pseudonymis  }  n'en  'â 
que  •i54  »  compris  la  table  ;dphabé- 
tique  pour  tout  l'ouvrage.  On  eii  'a 
aussi  fait  uiic  édition  in-folin  ,  poul- 
ie joindre  à  l'ouvrage  de  Placoiiis 
dont  il  est  le  suppléuient  (  f',  HEf 
MAN^\  11  contient  2419  arliclesd'a- 
no^vmv^s  et  450  de  ])seudonymes , 
outre >ii!  appendix de 348anonyuie>: 
cesarticies  sont  rangés  alp'iabe'iquc- 
inent  d'une  manière  assez  confuse-, 
avec  plusieurs  tables  pour  facilite^ 
les  recherches.  Ls  tt>a$  est  iirécédé 
33" 


5i4  IMYL 

du  Schediasma  deHcumann,  cnri- 
cbi  de   quelques  additions  cl   cor- 
rections ;   après   quoi  viciincnt   Jcs 
i'279  auonyiiios  français,   puis  les 
latins,  et  enfin  les  alleinauds.  Mylius 
a  rattcntioM  de  citer  toujours  exacte- 
ment SCS  autorilcs;  mais  il  omet  as- 
sez souvent  d'indiquer  la  date  et  le 
format  des  éditions ,   et  quelquefois 
IJ8  donne  qu'en  latin  le  titre  des  li- 
vres fiançais.  W . De sanctd quorum- 
dam   in  abolendis  vel  intililandis 
auctorihus  classicis    siinplicitatc  , 
Ic'na  ,  174  '  1  '»  ^°.  de  48  pag.  Ce 
sujet  avait  déjà  été  traité  par  le  P. 
Ficiiet,  dans  son  Edictuni  perpe- 
tuuni  {F.   FiciiKT  ,  XIV,  4^4)-  Hï* 
MemoTuhiiia  hivliolhecœ  acadcmi- 
cœ  lenensis ,  il.id.,  174'')  in-8\  Ce 
volume  ne  contient  que  la  première 
partie  de  l'ouvrage.  La  notice  raison- 
née  des  bibliothèques  de  Bosiiis  ,  de 
Sagittarins,  deLanz cl  de  liii'ckncr, 
réunies  au  même   dépôt  littéraire, 
devait  former  la  deuxième  partie. 
IV.  Iliitoiia  Mrlianavel  devariis 
Mj'lioramJ'amiliis,  eaiiiin  ortiict 
progressa ,   Hecnon  de  claris,  cele- 
brlorihus  et  illustribus  3fyliis,  eo- 
ruinque  vild,  fatis  ,  merilis ,  scrip- 
tis  ;   adjeclis  varoriun  Mj  iiornni 
imaginibus ,  et  varlavum  faniilia- 
rum  Mjlianarum  insignibus,  sigillis 
œre  incisis^  etc. ,  ijjid. ,  i75i-5.i ,  '2 
part.  in-4°.  Onvoit  assez,  par  ce 
titre  ,  que  l'auteur  n'a  rien  néglige 
pour  illustrer  sa  famille  et  ses  liomo- 
uymcs;  car,   sous  le  nom  latin  de 
lifylius,  il  comprend  un  grand  nom- 
Lre  de  Miller,  de  Molleret  de  3Iiil- 
ler ,  nom   plus   fréquent  encore  en 
Allemagne  que  ne  le  sont  en  France 
ceuK  de  Meunier  ou  de  Dumoulin , 
qui  présentent  la  même  signification. 
ÛolernumdcomjJte  87  Mylius  connus 
par  quelques  écrits  :  mais  la  Biblio- 
ihsca  Mrliana  en  mentionne  encore 


MYR 

un  grand  nombre  d'autres  qui  n'onê 
rien  publié.  Le  journal  des  savants, 
en  rendant  compte  de  celte  produc- 
tion (  juill.  1751  ,  pag.  U78  de  l'édit. 
de  Hollande),  dit  :  Le  titre  et  le 
godl  de  ce  li\>re  sentent  le  temps  de 
nos  pères.  Beaucoup  de  minuties  et 
de  noms  obscurs.  Ce  reproche  e>t 
peu  judicieux  ,  puisque  le  mérite  des 
monographies  et  des  bibliographies 
s])éciales  consiste  à  être  aussi  com- 
plètes qu'il  est  possible.  V.  Plusieurs 
articles  dans  les  yicta  eniditorum 
de  Leipzig,  etc.  C.  M.  P. 

MYNORS  (Robert),  chirurgien 
anglais,  exerça,  pendant  plus  de  4» 
ans ,  sa  profession  avec  réputalion 
à  Birmingham.  On  lui  doit,  i".des 
Réflexions  sur  les  amputations  , 
in  8^. ,  1 783  ;  —  2^.  Histoire  de  Vo- 
péralion  du  trépan,  in-8°.,  1785; 
et  quelques  articles  insérés  dans  les 
Commentaires  médicaux  du  doc- 
teur Duncaii.  11  est  mort  à  Birmin- 
gham, eu  1806,  âgé  de  soixante- 
sept  ans.  L. 

MYKMECIDES.  Foy.  Callicra- 

TES. 

MYRO,  ou  plutôt  MOERO,  fera- 

me  poète,  naquit  à  Byzauce ,  trois 
siècles  avant  J.-C.  Elle  épousa  le 
grammairien  Aiidromachus ,  dont 
elle  eut  Homère  le  jeune  ,  poète  tra- 
gique célèbre  ,  qui  florissait  sous 
Ptolémée  Philadelphe  :  voilà  tout 
ce  qu'on  sait  sur  sa  vie.  Ses  œuvres 
poétiques  furent  nombreuses  et  va- 
llées. Elle  composa,  dit  Suidas,  des 
vers  élégiaques,  héroïques  et  lyri- 
ques. Antipater,  dans  l'Anthologie, 
la  loue  comme  auteur  d'hymnes  ;  et 
Eustdthe  en  effet  lui  attribue  un 
Hymne  a  Neptune.  Athénée  cite  un 
fragment  épique  remarquable,  où 
elle  peint  l'éducation  d'Achille ,  dans 
l'ile  de  Crète  :  une  ou  deux  cpigram- 
lues  de  l'Anthologie  (  dans  les  Ana- 


NlïR 

Icctcs  de  Brunck  ),  poi  lent  son  iioin; 
cnlin  elle  avait  mis  au  jour  des  Sa- 
tires, ou  Impréciilidiis  ( àgus ) ,  pio- 
bableinciil  dans  le  goût  de  V Uns  de 
Callinia(jue.  /'o>'.,sur  Myro,  J.  (liir. 
Wolf, poi-triuiuin  oclo fra<j,inenla, 
Hamlunin^,  \']3f\ ,  \n-^°.      H — t, 

MVKON,  sculpteur  j;iec  ,  cé- 
lèbre l're'queinnieut  par  les  portes 
greOS  et  latins,  et  par  uu  fçrand 
nombre  d'autres  écrivains  ,  doit  être 
mis  au  rang  des  pins  illustres  et  des 
plus  aiicieiis  statuaires  de  l'anfiquite'. 
Ses  chefs-d'œuvre  étaient  encore 
admirés,  lors  même  que  ses  succes- 
seurs eurent  porté  Tartan  plus  haut 
degré  de  perfeclion.  L'indication  de 
ses  plus  importants  ouvrages  no\is 
est  parvenue  ;  mais  on  n'est  pas 
d'accord  sur  l'époque  précise  à  la- 
quelle il  a  dû  fleurir.  Scallger  , 
Winkelmann  ,  MIM.  Emeric  David 
et  Quatremcre  de  Quincy  ont  dis- 
cuté ces  diilicullés.  Suivant  Pline, 
Myrou  a  fleuri  dans  la  87^.  olym- 
piade, 432  ans  avant  J.  G.,  avec 
Ageladas ,  Gallon ,  Polyciète ,  Phrag- 
mon ,  Gorgias  ,  Lacon  ,  Pythagore, 
Scopas  et  Perelius  :  mais  le  même 
auteur  parle  des  vers  où  la  célèbre 
Erinna  de  Lesbos  ,  qui  vdv'ait  avant 
la  60^  olympiade  ,  désigne  un  rao- 
pumcnt  fait  par  Myron  en  l'honneur 
d'une  cigale  et  d'une  sauterelle  ;  et , 
parmi  trente -six.  épigrammes  de 
l'Anthologie  qui  font  mention  de  My- 
ron et  de  ses  ouvrages  ,  il  se  trouve 
deux  petites  pièces  attribuées  à  Ana- 
Créon,  contemporain  d'Erinna.  Ou 
remarque  également ,  pour  soutenir 
la  même  opinion  ,  que  Myron  a  fait 
des  statues  de  bois,  genre  de  sculp- 
ture qui  appartient  aux  plus  an- 
ciennes écoles  grecques  ;  qu'il  avait, 
suivant  un  ancien  usage  réformé 
dès  le  temps  de  Phidias,  inscrit  son 
liom  sur  la  cuisse  d'un  .ApoUon  de 


MÏR 


Sji) 


bronze  à  Agrigente;  qU»  pausaiiias 
parle  des  inscriplioni  placées  par 
Myrou  sous  les  statues  dans  uno 
foime  très-ancieimc  :  enfin  ,  que  Mv- 
ron  ne  traita  les  cheveux  et  la  barbe 
de  ses  statues  que  suivant  la  manière- 
rude  et  impai  faite  des  plus  anciens 
statuaires.  Toutefois  la  plupart  de 
CCS  observations  ne  reposent  que  sur 
des  conjectures  ou  sur  des  rajjpro- 
chements  plus  ingénieux  que  posi- 
tifs. Les  deux  épigrammes  attribuées 
à  Anacréon  ,  peuvent  n'être  pas  de 
lui.  Nous  n'avons  pas  les  vers  d'I:^- 
rinna,  qui  ne  sont  cités  par  Pline 
qu'avec  une  expression  douteuse  , 
indicaiur ;  enfin,  tous  les  autres 
faits  qui  regardent  Myron  ,  son  juaî- 
tre  et  ses  contemporains  ,  sont  tron 
positifs  pour  qu'il  soit  possible  de 
les  rejeter  en  faveur  de  quelques  pro- 
babilités contraires.  Myron  ,  né  à 
Eleuthère ,  fut  le  condisciple  il  l'é- 
mulc  de  Polyciète  :  tous  dci'ic  reçu- 
rent les  leçons  d'Ageladas  d'Argos  ; 
tous  deux  rivalisèrent  pour  le  choix 
du  bronze  qu'ils  employaient.  ?.ïy- 
ron  préférait  celui  de  Del  os  ;  Polv- 
clètc ,  celui  d'Eginc,  Myron  était 
plus  varié  dans  ses  ouvrages  ,  plus 
fécond  et  plus  soigneux  dans  quel- 
ques parties  de  l'art;  mais  il  donna 
moins  d'ameà  ses  compositions,  ct^ 
suivant  le  témoignage  de  Gicérwn  , 
les  statues  de  Polyciète  étaient  plus 
belles  et  plus  parfaites.  Le  ménje 
auteur  établit  ,  pour  l'exécution  , 
une  gradation  progressive  de  Gaua- 
chus  à  Galamis,  et  de  celui-ci  à  My- 
ron. Toutefois  Myron  est  regardé  , 
partons  les  écrivains,  comme  un 
sculpteur  digne  d'une  éternelle  ad- 
miration ;  et  Lucien  le  range  au 
nombre  de  ceux  «  qui,  dit-il ,  sont 
M  adorés  comme  des 'dieux.  »)  La 
génisse  de  Myron  est,  de  tous  ses 
ouvrages  ,  celui  qui  paraît  avoir  me- 
33.. 


5ia  MYK 

1  lie  et  obl^imi  la  plus  grande  célébri- 
té. De  iioiubreiix  passages  des  au- 
teurs anciens  reproct'iiscnt  l'clogcdc 
ce  clicl-d'œuvre  :  il  existait  encore  à 
Athènes  ,  au  temps  de  Cicéron  ;  et 
55o  ans  apri-s  J.-C. ,  on  l'admirait 
à  Rome,  dans  le  Forum  de  la  p.iix. 
Myrou  avait  iait  une  autre  statue 
d'un  jeui-'C  taureau  sur  lequel  il  avait 
placé  une  Victoire.  Il  paraît,  par  plu- 
sieurs passages,  que  cet  artiste  ex- 
cellait à  représenter  les  animaux  ,  et 
à  leur  donner  l'apparence  de  la  vie. 
Ses  statues  humaines  avaient  le  mê- 
înc  avantage.  «  Alors,  dit  Juvénal , 
I)  l'ivoire  de  Phidias  respirait  com- 
»  ine  les  tableaux  de  Parrhasius,  et 
I)  les  statues  de  Myron.  »  Son  dis- 
cobole de  bronze  était  une  des  ])lus 
célèbres;  et,  d'après  les  descriptions 
qu'en  ont  laissées  Lucien  et  Quinîi- 
lien,  il  est  proljablc  qu'il  nous  en 
reste  des    répétitions    antiques   en 
marbre.  Verres   enleva   du  tcinple 
d'Esculape,   à  Agrigcnte,  un  Apol- 
lon de  bronze  d'une  grande  beauté  , 
(  t  sur  la  cuisse  duquel  le  nom  de 
Mvrou  se  trouvait  incrusté  en  let- 
tres d'argent  ;  il  avait  également  dé- 
robé, à   Mamerte,    un  Hercule  du 
même  métal  et  du   même  artiste. 
Peut-être  cet  Hercule  était-il  celui 
<jui ,  du  temps  de  Pline,  était  placé 
(tans  l'ancienne  maison  de  Pompée  , 
près  du  grand  cirque.  Myron  avait 
l'ait  aussi  cet  Apollon    qu'Antoine 
avait  enlevé  aux  Ephésiens,  et  qu'An- 
p;ustelenrrenditsur  la  foi  d'unSonge. 
Ce   prince   Ht  encore    rétablir  ,    à 
Samos,  deux  statues  colossales  de 
Minerve  et  d'Hercide  ,  ouvrages  de 
Myron  ,  qui  en  avait  placé  trois  sur 
la  même  base,  Antoine  les  avait  en- 
levées toutes    trois.   La  troisième , 
-celle  de  Jupiter ,  lut  transportée  au 


UYS 

Capitule,  dans  un  aedicule  préparé 
par  l'ordre  d'Augnsfe.  Pausanias  vit, 
dans  l'acropolis  d'Atliènes,  un  en- 
fant de  bronze ,  de  Myron ,  j>ortant 
<!ans  ses  mains  un  vase  d'ean  lustra- 
le ,  et  Persée,  vainqueur  de  Méduse. 
H  décrit  aussi  une  flécate  de  Myron, 
qui  se  voyait  à  Egine,  et  qni  n'avait 
qu'iui  coi])S  et  (ju'iui  visage  :  «  car, 
»  ajuute-t-il  ,je  pense  que  ce  fut  Al- 
»  caniènc  (  élève  de  Phidias  ) ,  qui , 
»  le  premier  ,  la  représenta  avec 
)>  trois  corps  réunis.  »  Pline  et  Pausa- 
nias citent  (.'ucoi'e  un  grand  nombre 
d'autres  ouvrages  de  Myron  :  il  pa- 
raît néanmoins  qu'il  mourut  dans  \^ 
pauvreté.  H  eut  pour  élève  Lycius 
d'Eleuthère,  qui  lit  les  statues  des 
Argonautes  ,  et  un  enfant  soufflant 
sur  des  charbons  ,  statue  digne  de 
Myrou  lui-même.  Ou  peut  conclure 
de  diveis  passages  des  auteurs  déjà 
cités  ,  que  Lycius  était  ills  do  Myron, 
et  qu'il  reçut  aussi  des  leçons  de  Po- 
lyclète,  L — s — e. 

M  YRTIS,  née  à  Anthédon  en  Béo- 
tie,  5oo  ans  avant  J.-C,  avait  compo- 
sé des  chants  lyriques, dont  plusieurs 
subsistaient  encore  au  temps  de  Plu- 
tarque.  Elle  se  voua,  dans  sa  patrie , 
à  l'enseignement  des  règles  de  la 
poésie,  et  ne  fut  pas  sans  doute 
une  maîtresse  vulgaire  ,  puisque  la 
célèbre  Corinne  etPindare  lui-même 
se  formèrent  à  ses  leçons  ;  ce  qui , 
pourtant,  ne  s'accorde  pas  trop  avec 
le  reproche  que  lui  adressa,  dit-on, 
Corinne,  sur  ce  que  n'étant  qu'ime 
femme  ,  elle  avait  osé  entrer  en  lice 
avec  Pindai'e.  On  lui  érigea  une  sta- 
tue de  bronze ,  qui  fut  l'ouvrage  de 
Bo'iscus  :  Voyez  Suidas  ,  et  Phitar- 
que  dans   ses   Questions  grecques. 

H— T. 

MYS;  ciseleur.  Foj,  Me.ntor. 


^AV 


KAB 


N 


NaAMAN.  r.  Éusi'i;,  Mil,  74. 
NABEGA  (  ZiAD  Bjn-Moavia 
Aldociani,  siunoinuio  ),  ancien  cl 
f.iineux  poète  arabe  ,vivair  peu  avant 
Mahoiuct,  du  temps  de  INonian  Ben 
Moudar,  roi  de  Hira  ,  et  de  KIios- 
rou-Parviz,  vers  la  fin  du  G*^ , siècle 
de  l'ère  vulgaire.  Ce  nom  àcNabc^a, 
qui  signifie  un  improvisateur  ou  ce- 
lui qui  fait  des  vers  par  inspiration, 
est  commun  à  plusicursautres  poètes; 
mais  le  nom  de  Dobiam  est  parti- 
culier à  la  famille  deDobian  ,  (ils  de 
Baghid,  dont  notre  auleur  descen- 
doit.  Aboulfaradjc  observe  qu'ilavait 
parmi  les  poètes  de  la  première  clas- 
se un  rang  distingue;  il  le  prouve 
surtout  par  le  témoignage  du  klialyfe 
Omar.  11  rapporte  qu'à  la  fameuse 
foire  d'Occad,  on  élevait  un  pavillon 
à  Nabega;  que  tons  les  poètes  qui 
voulaient  concourir,  paraissaient  de- 
vant lui ,  et  lui  soumettaient  leurs 
poe'sies.  (  Voy.  la  Chrestom.  arah. 
de  M.  de  Sacy,  t.  m ,  p.  5 1 .  )  Si  les 
poètes  le  regardaient  comme  leur 
maître  et  leur  juge,  il  n'était  pas 
moins  considère  à  la  cour  de  Noman. 
Un  jour  ayant  récité  à  ce  jirince  mi 
poème,  où  se  trouvaient  ces  vers  : 
«  Vous  êtes  le  soleil^  et  les  autres 
rois  sont  autant  d'étoiles  ;  dès  que 
vous  vous  montrez  sur  l'horizon, 
toutes  les  étoiles  disparaissent  ■>■> ,  au 
même  instant  il  parut  cent  cliaraeaux 
noirs,  avec  leurs  conducteurs,  leurs 
tentes ,  leurs  chiens.  «  Disposez  de 
1)  tout  cela ,  dit  le  roi  à  Nabega ,  dis- 
»  posez-en  à  votre  gré ,  tout  vous  ap- 
»  partient,  »  Telle  était  l'estime 
qu'on  avait  pour  ce  poète,  que  plu- 
sieurs écrivains  le  substituent  à  Ha- 
rctli .  parmi  les  .sept  poètes  auteurs 


ûes  iamcnx  Moallakat ,  ou  poèmes 
suspendus  a\i  temple  de  la  I>I(kLe. 
Aboubekr,  fils  d'Abdalmalck-Almo- 
cri,  dans  le  deuxième  chapitre  de 
son  livre  .sur  l'art  poétique,  intituli; 
Trésor  des  poètes  ,  dit  que  cet  art, 
dans  les  temps  d'ignorance  (  ou  avant 
Mahomet),  commença  à  fleurir  dans 
la  tribu  Rabia  ;  qu'il  passa  de  cette 
tribu  à  celle  de  Kaïs ,  qui  produisit, 
entre  autres  poètes,  notre  Nabega  :  il 
ajoute  que  l'académie  du  Hedjaz 
donnait  la  première  palme  à  ce  der- 
nier ,  à  Zohair  et  à  son  fils  Kaab. 
Portant  ensuite  son  jugement  sur 
leur  mérite  en  différents  genres  ,  il 
pense  que  Nabega  l'emporte  sur  les 
autres  dans  la  poésie  morale  (  For. 
Casiri ,  1. 1 ,  p.  91  ).  Ses  poésies  ont 
été  recueillies  en  un  dii'an,  on  corps  , 
qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  du 
roi  à  Paris,  n"*.  i455,  1626,  et  en 
d'antres  bibliothèques.  C'est  d'après 
ces  deux  manuscrits  que  INI.  Silvcstrc 
de  Sacy  a  publié,  dans  sa  Chresto- 
inathie,  n°.  1 3  ,  un  poème  de  notre 
auteur,  accompagné  d'une  Traduc- 
tion française  et  desavanies  Notes, 
dans  lesquelles  il  donne  une  notice 
sur  ce  poète,  et  quelques  fragments 
de  ses  ouvrages,  Z. 

NABIS,  tyran  de  Sparte,  succéda, 
l'an  2o5  avant  J.-C. ,  .à  Machani- 
das ,  tué  p;^r  Philopœmen,  dans  la 
célèbre  bataille  de  Mantiisée ,  et  le 
surpassa  en  cruautés.  Comme  le  re- 
marque Rollln,  les  Lacédénioniens 
avaient  perdu,  avec  leur  indépendan- 
ce, le  courage  nécessaire  pour  tenter 
de  la  recouvrer.  Nabis  ,  voulant  af- 
fermir son  autorité,  et  satisfaire  son 
avarice,  bannit  de  Sparte  les  plus 
illustres  citoyens ,  et  s'empara   de' 


r»i8 


NAB 


ïcurs  richesses,  dont  il  distrilMia  une 
partie    à   ses  soldats  ,    leur  nban- 
donnant  les  femmes  des  exiles.  Il 
attira  dans  sa  capitale  les  étrangers 
chasses  de  leur  pays  pour  des  cri- 
mes ,  et  les  employa  à  dépouiller  les 
voyagerirs  qui  osaient  traverser  ses 
ctats.  L'histoire  rapporte  qu'il  avait 
imagine  une  espèce  d'automate  ,  res- 
semblant à  sa  femme,  qui  servait 
aussi  à  ses  odieux  projets.  Lorsqu'il 
avait  lait  venir  dans  son  palais  un 
citoyen    pour  lui    extorquer  quel- 
que somme,  sous  le   prétexte  des 
besoins    de    l'clat  j    s'il  se  défen- 
dait de  la  donner  :  a  peut-être,  disait 
N.ibis ,  n'ai-je  pas  le  talent  de  vous 
Persuader;  »  mais  j'espère  qu'Apèga 
(  c'était  le  nom  de  sa  femme  )  vous 
persuadera.  Alors  il  faisait  avancer 
l'horrible  machinequi,saisissantrin- 
fortuné,  le  perçait  de  pointes  de  fer , 
cachées  sous  les  magnifiques  habits 
dont  elle  était  revêtue.  Philippe,  roi 
de  Macédoine,  en  guerre  avec  les 
Romains,  fit  alliance  avec  rs'abis , 
auquel  il  remit  en  dépôt  la  ville  d'Ar- 
gos.  Luroduit  dans  cette  ville  pen- 
dant la  nuit.  Nabis  la  livra  au  pilla- 
ge ,  et  séduisit  la  populace,  en  lui 
promettant   l'abolition   des    de! tes 
et  un  nouveau  partage  des  terres. 
Prévoyant  que  l'issue  de  la  guerre 
ne  serait  point  favorable  à  Philippe, 
il  traita  secrètement  avec  les  Ro- 
mains, pour  s'assurer  la  possession 
d'Argos.  Cette  nouvelle  perfidie  ne 
lui  réussit  pointjetFlaminiuus, après 
avoir  conclu  la  paix  avec  Philippe, 
reçut  l'ordre  d'attaquer  Nabis  ,  pour 
l'obliger  de  rendre  Argos,  et  s'avan- 
ça   aussitôt  pour  faire  le  siège  de 
Sparte.  A  cette  nouvelle ,  le    tyran 
déolara  que  les  circonstances  le  for- 
çaient de  s'assurer  des  citoyens  dont 
la  foi  lui  était  suspecte  ,  s' obligeant 
par  serment  de  leur  rçiidrc  la  liberté, 


NAB 

sitôt  que  le  danger  serait  passé;  et  il 
en  fit  conduire  quatre-vingtsdans  une 
prison,  où  ils  furent  égorgés  la  même 
nuit  par  ses  ordres.  Cependant  l'ar- 
mée qu'il  avait  envoyée  contre  les 
Romains  ,  ayant  été  battue,  il  offrit 
de  rendre    Argos  :  Flamininus  lui 
imposa  d'autres  conditions,  qu'il  l'e- 
jeta  d'abord  avec  hauteur ,  mais  qu'il 
fut  trop  heureux  d'accepter  quand 
les  événements  de  la  guerre  eurent 
amené  les  Romains  sous  les  murs  de 
Sparte  ,  dont  il  ne  pouvait  échapper 
(  y.  Fla3«m>'US,  XV,  i4}.  Humilie 
par  ce  traité,  il  n'aspirait  qu'à  re- 
couvrer  les  avantages   qu'il    avait 
perdus;  et  à  peine  l'armée  romaine 
se  fut -elle  retirée,   que  ses  agents 
parcoururent   les   villes   maritimes 
pour  les  engager  à  se  x'évoltcr  :  en- 
fin il  reprit  les  armes  ,  et  vint  assié- 
ger Gvthium.  Les  Acliéens  envoyè- 
rent au  secours  de  cette  ville  unef 
flotte  commandée  par  Philopœmen, 
et  que  Nabis  détruisit  avec  quelques 
vaisseaux  équipés  à  la  hàtc.  Ce  pre- 
mier succès  redoubla   son  audace; 
et  il  pressa  le  siège  de  Gythiura,  qui 
fut  furcé  de  lui  ouvrir  ses  portes. 
INfais  Philopœmen ,  étant  venu  l'atta- 
quer par  terre,  le  battit  complète- 
ment ;  Nabis  fut  obligé  de  retourner 
à  Sparte,  etdcs'y  renfermer  avec  les 
débris  de  son  armée.  Cependant  les 
Etolicns  que  Nabis  regardait  comme 
ses  alliés ,  lui  envoyèrent  des  secours  : 
mais  Alexamène  avait  reçu  l'ordre  , 
avant  sou  dépnrt ,  de  tuer  le  tyran  , 
et  de  s'emparer  de  Sparte.  Un  jour 
que  Nabis  était  sorti  des  remparts 
pour  voir  manœuvrer  ses  soldats , 
Alexamène,  jugeant  le  moment  favo- 
rable ,  le  renversa  de  son  cheval ,  et 
des    cavaliers    étoliens   lui   ôtèrcnt 
la  vie  ,    l'au    19^2   avant  J.-C.  Ce 
monstre  avait  souillé  le  trône   pen- 
dant quatorze  ans.  Alexamène  ne 


NAB 

ÎHil  tirer  aucun  fruit  de  cclffi  tra- 
lison  j  car  tandis  que  ses  soldats 
étaient  occupes  à  piller  la  ville,  les 
Spartiates  le  massacrèrent  avec  tous 
les  Etolicns,  et,  ayant  proclame  leur 
indépendance ,  se  réunirent  à  la  Iv^uc 
des  Ache'cns  (  P^.  Puilgpoemi-.n  ). 
W— s. 
NABONASSAR,roi  de  IJabylone, 
qui  vivait  au  milieu  du  luiilicmc 
siècle  avant  notre  ère,  est  devenu 
célèbre  ,  pour  avoir  doiuié  son  nom 
à  une  ère  souvent  employée  par  les 
astronomes.  Cette  ère  remonte  au 
16  février  '^47  avant  J.-C  Son 
origine  a  été,  chez  les  modernes,  le 
sujet  de  bien  des  conjectures  ,  ipii 
nous  paraissent  toutes  aussi  peu  fon- 
dées les  unes  que  les  autres.  On  s'est 
imaginé  que  cette  ère  ne  [touvait 
être  autre  chose  que  la  commémo- 
ration d'un  grand  événement ,  com- 
me la  destruction  de  l'antique  empi- 
re des  Assyriens,  et  la  fondation  de 
la  monarchie  particulière  des  Baby- 
loniens ,  de  sorte  que  Nabouassar 
serait  le  même  que  Belesis.  On  ne 
s'est  pas  aperçu, en  faisant  cette  sup- 
position, que  tous  les  renseignements 
chronologiques  qui  nous  ont  été 
transmis  par  l'anliquité  ,  placent  à 
ime  époque  bien  plus  ancienne  la 
chute  de  l'empire  assyrien.  Les  an- 
nées de  l'ère  de  Nabouassar  sont 
vagues,  et  de  365  jours  ;  leur  com- 
mencement correspond  parfaitement 
avec  ceux  des  années  du  même  genre, 
qui  existaient  autrefois  en  Egypte  , 
où  elles  servaient  à  former  des  pé- 
riodes de  1 4^0  ans ,  dont  le  point 
de  départ  était  la  coïncidence  du  le- 
ver héliaqiie  de  Sirius  avec  le  pre- 
mier jour  de  l'année  civile.  Au  bout 
de  1460  ans,  par  le  retard  d'un 
jour  en  quatre  ans  ,  on  se  retrouvait 
îm  point  d'où  l'on  était  parti.  La  der- 
nière de  ces  périodes  commença  le 


9.0  juillet  i.V>,>,  avant  J.-C.  On 
l'appelait,  enKgyptf,  l'ère  de  Meno- 
phns.  Cette  ère,  dont  personne  n'a 
jamais  parlé,  méritait  bien  la  célé- 
brité qu'on  a  accordée  à  celle  de  Na- 
bouassar, et  elle  a  été  beaucoup  plus 
réelle.  Par  suite  du  retard  ijuadrien- 
nal ,  l'an  ~)-]G  de  Menophiès  dut 
commencer  le  '26  février  7 4?  av.int 
J.-C.  C'est  cette  année  qu'on  appelle , 
vulgairement,  la  première  de  Na- 
bouassar. C'est  à  l'astronome  Pto- 
léméc,  qu'il  faiit  rapporter  l'origi- 
ne de  cette  distinction  ;  il  possédait 
un  catalogue  d'observations  faites 
par  les  Chaldéens ,  et  qui  remon- 
taient à  la  première  année  de  Nabo- 
uassar. Pour  rendre  les  c.ilculs  plus 
faciles,  et  pour  avoir  toujours  sous 
le  nom  d'années,  une  somme  de  jours 
égale  ,  cet  astronome  a  traduit  toutes 
les  dates  de  ces  obseiA'ations ,  selon 
le  calendrier  é!:;ypticn  ,  beaucoup 
]dus  commode  pour  le  calcul  que  les 
années  luni-solaires  des  Chaldéens. 
Comme  l'an  S^fi  de  l'ère  égyptienne 
de  IMénophrès  tombait  dans  la  pre- 
mière du  règne  de  Nabonassar,  elle 
est  devenue  un  nouveau  point  de 
départ,  pour  la  supnutation  de  l'as- 
tronome, qui  n'avait  pas  ,  à  ce  qu'il 
paraît ,  d'observations  plus  ancien- 
nes traduites  en  grec.  L'ère  de  Na- 
bouassar est  donc  purement  fic- 
tive, comme  l'ère  de  la  mort  d'A- 
lexandre ,  ou  de  Philippe  An  idée  , 
qui  n'a  jamais  existé  que  dans  les 
calculs  de  Ptolémée ,  ou  de  ceux 
qui  l'ont  suivi.  Si  l'an  premier  de 
l'ère  de  Nabouassar  tomba  dans  l'an 
premier  du  règne  de  ce  prince,  il 
faut  en  conclure,  qu'il  était  monté 
sur  le  trône  de  Babylone ,  en  l'au 
748.  Comme  les  années  babylonien- 
nes commençaient  vers  l'équinoxe 
d'automne,  et  que  les  Babyloniens, 
ainsi   que   tous  les  autres    peuples 


:yio 


^'AB 


d*  rOricnl ,  supputaient  les  anfices 
royales  ,  en  partant  du  premier  jour 
de  l'auucc  civile ,  dans  laquelle  il 
s'opérait  inie  mutation  de  pri)!ce  ,  il 
eu  résulte,  que  c'est  de  l'automne 
de  l'an  74^  avant  J,-C. .  qu'il  faut 
compter  les  quatorze  afinc'es  tie 
règne  que  le  canou  chronologique 
de  Tlieon  assii^ne  à  Nabonassar  : 
il  cessa  donc  de  régaler  en  l'an  734  ; 
et  il  eut  pour  successeur  un  nomme' 
Nadius.  Le  souverain  de  Uabylone 
ctait  alors  subordon-ic  aux  rois  as- 
syriens de  jNinive  :  cet  état  de  choses 
subsista  jusqu'à  ce  que  le  père  de  Na- 
huchodunosor  montât  sur  le  tiône. 
S.  Vi—y. 
Î^ABOPOLASSAR,  roi  de  Babyio- 
ne,  monta  sur  le  trône  l'an  644"(  '  ) 
avant  J,-C.  Sa  valeur  avait  ëtè  utile 
au  roi  d'Assyrie,  qui  l'aida,  dit-on  , 
a  usurper  l'aulonle  souveraine.  Il 
s'allia  cependant  à  Cyaxare  ,  roi 
desMèdes,  pour  détruire  l'empire 
d'Assyrie  ,  et  s'empara  de  Ninive  , 
qu'il  réunit  à  ses  états.  Néchos  ,  roi 
d'Egypie,  eiTrayé  des  progrès  des 
Babyloniens,  leur  enlcA'a  Carklie- 
liiio,  l'une  de  leurs  principales  villes 
sur  l'Euphrate.  INabopolassar,  ac- 
cablé d'infirmités,  donna  le  com- 
mandement de  ses  Iroupes  à  Nabu- 
ciiodoiiosor  son  (ils  ,  pour  repous- 
ser l'injuste  agression  de  Néchos  (  F. 
IN^ABucnoDONosoR  le  Grand  )  ,  e-t 
mourut ,  l'an  ijï^  ,  après  un  rétine 
de  vingt  et  un  ans.  W — s. 


fi)  I-a  <lironologie  de*  rois  de  nalivlonc  et  d'Assy- 
rie est  extrêmciueiit  obscure  :  les  s"avanls  les  |>liis 
dislingués  ont  vaincnjent  cl.errlié  pisqu'ici  .'i  rcclrtii- 
cir  ;  cl  après  les  iiiiinenses  travaux  cDlrepris  c'.aus  ce 
I.11I  par  lis  Freret ,  Oihert ,  Misu'Jl ,  Larcher,  Vol- 
«cy,  <(c.  ,  on  est  rncore  r'^diiit  '■  dis  conj.clores 
plus  011  moins  plaiisibUs  Daiis  cet  article ,  et  dans 
ceux  de  Nabucliodoiiosor  ,  o»  a  adopté  la  cliroi.olo- 
gie  de  Larc'jcr  ,  sans  prrtendre  tnulerois  rja'elle  soit 
ex.-iuptL-  ciVrreiirs  ;  mais  du  muirs  .lie  concilie  les 
récits  des  historiens  avec  U;  texie  sacre  ,  et  ce  m  .lif 
a  du  uous  determiucr  à  lui  douucr  la  i.rcferi  uce. 


NAD 

NABUCHODONOSOR  ,  0  ,  roi 
d'Assyrie,  nommé  ArpJiaxad  par 
les  livres  saints,  monta  sur  le  trône 
l'an  G  jG  av.  J.-C.  (  F.  la  Chmnolog. 
d'JIdrodoie,  par  Larcher.  )  Attaqué 
par  Phraortes,  roi  des  Mèdcs,  il  le 
défit  l'an  G34  ,  et  le  tua  de  sa  pro])re 
main.  Cette  victoire  lui  enfla  le  cœur, 
et  il  conçut  le  projet  de  soumettre  à 
son  autorité  tous  les  peuples  voisins. 
Il  pénétra  dans  la  Judée,  et  chargea 
Holopherne,  l'un  de  ses  lieutenanls, 
d'assiéger  Béthulie,  qui  avait  refusé 
de  lui  ouvrir  ses  portes.  Holopherne 
ayant  été  tué  par  Judith  (  F.  ce  nom), 
les  soldats,  priAc'sde  leur  chef,  se 
retirèrent  en  désordre.  Cvaxare,  fils 
de  Phraortes,  qui  n'attendait  qu'un 
moment  favorable  pour  venger  la 
mort  de  son  père,  entra  aussitôt 
dans  l'Assyrie,  et  vint  mettre  le  siè- 
ge devant  Ninive  :  forcé  de  le  lever, 
par  l'irruption  des  Scythes  dans  ses. 
propres  états,  il  s'allia  avec  Nabo- 
polassar,  roi  de  Babylone,  et  les 
deux  souverains  vinrent  de  nouveau 
assiéger  Ninive ,  qui  fut  prise  et  livrée 
au  pillage.  On  conjecture  que  Nabu- 
chodonosor  périt  en  défendant  sa 
capitale;  il  est  du  moins  certain  qu'il 
ne  survécut  pas  à  la  destruction  de 
son  empire.  'W — s. 

NABUCHODONOSOR/e  Grand, 
roi  de  Babylone,  succéda,  l'an  GîS 
avant  J.-C. ,  à  son  père,  Nabopolas- 
sar.  Il  avait  reçu  de  la  nature  les 
qualités  et  les  défauts  d'un  conqué- 
rant. Jeune  encore ,  il  reprit  sur  Né- 
chos la  vUic  de  Carkhemis,  que  ce 
prince  avait  enlevée  aux  Assyriens  , 
et  qui  lui  ouvrit  la  Mésopotamie  (  F. 
Necuos).  Informé  de  la  révolte  de 


(1)  C'est  ainsi  'jne  les  e'crivains  caiboliqiics  c'cri- 
vcul  ce  nom  conrormrrneut  an  texIe  de  la  Vulgate  : 
les  Sept.inti'l'appell(  Ht  aussi  Nahoucodonosor ;  Mc- 
gasllièues,  B.  rose  et  Slraboo  le  utimmeiit  Nauoco- 
droioios  :  mais  les  auteurs  protcslauls  Je  nomiutnt 
ordinairement  tfébucadnézar. 


Joadiim ,  roi  (le  Jiidc'c,  il  traverse 
aussilùt  la  Syi'it!  et  la  Cœlc'syric ,  se 
rend  maître  de  Jcnisakin,  dont  il 
pille  les  trésors  >  et  retourne,  charge 
de  butin,  prendre  possession  du  trô- 
ne de  Babylone,  emmenant  avec  lui 
Joachim  et  les  jeunes  gens  les  plus 
distingues  de  sa  cour,  au  nonibrcdcs- 
quels  se  trouvait  Daniel  (  V.  Damll, 
X,  5o6).  Nabuchodonosor ,  touche' 
par  les  prières  de  Joachim,  lui  per- 
mit de  retourner  dans  ses  états,  sous 
la  condition  qu'il  se  reconnaîtrait 
son  tributaire.  Le  faible  roi  de  Judée 
essaya  bientôt  de  se  soustraire  à  un 
joug  odieux  (  F.  Joacuim,  XXI, 
5(i4  )  •  '"^is  il  fut  tué  dans  un  com- 
bat; et  Jéchonias,  son  fds  et  son 
successeur,  n'ayant  pu  fléchir  la  co- 
lère du  conquérant  babylonien  ,  fut 
conduit  en  captivité,  avec  l'elifedes 
Hébreux.  Nabuchodonosor  établit 
roi  de  Judée,  Sédécias ,  frère  de  Joa- 
chim; et  ce  prince,  étant  entré  dans 
la  ligue  des  rois  A'oisins,  ne  tarda  pas 
d'attirer  de  nouveaux  malheurs  sur 
sou  peuple.  Le  roi  de  Babj! on e  était 
occupé  à  soumettre  à  sa  dominaliou 
le  royaume  d'Elam ,  composé  des 
pays  situés  entre  la  Médie  et  la  Per- 
se. A  peine  eut-il  terminé  celte  guer- 
re, qu'il  fondit  stir  la  Judée,  pour  la 
châtier  de  sa  révolte;  il  s'empara  de 
Jérusalem  ,  après  un  an  de  siège,  et, 
ayant  fait  crever  les  yeux  à  Sédécias , 
le  fit  transférer  à  Babylone,  chargé 
de  fers  (  F.  Sédlcias).  II  rasa  les 
fortifications  de  Jérusalem  ,  détrui- 
sit son  temple ,  ses  paTais  et  ses  au- 
tres édifices,  et  emmena  tous  ses  ha- 
bitanlsdanslaChaldee.il  puiiit  rigou- 
reusement tous  ceux  qui  avaient  pris 
part  à  cette  dernière  révolte  :  mais 
il  témoigna  beaucoup  de  bienveil- 
lance à  Jérémie,  qui  avait  cherché 
à  détourner  Sédécias  de  ses  projets, 
eu  lui  en  prédisant  l'issue;  et  ce  fut 


NAB  'îai 

à  la  prière  du  prophète,  qu'il  établit 
gouverneur  de  la  Judée  (iodulias  , 
personnage  éminent  j)ar  sa  naissance 
et  par  ses  talents.  Nabuchodonosor 
fit  ensuite  la  guerre  aux  T\  riens  ,  et 
vint  mettre  le  siège  devant  leur  capi- 
tale. La  ville  de  Tyr,  fortifiée  éga- 
lement par  l'art  et  par  la  nature,  lui 
opposa  une  résistance  qu'il  n'avait 
pu  prévoir.  Dans  l'intervalle  du  siè- 
ge, qui  dura  treize  années , après  quoi 
les  habitants  s'échappèrent  sur  leurs 
vaisseaux,  emportant  toutes  leurs 
richesses ,  Nabuchodonosor  s'empa- 
ra de  l'Egypte,  de  la  Phénicie  et  des 
établissements  des  Phéniciens  sur  les 
côtes  d'Afrique.  On  croit  même  qu'il 
étendit  jes  conquêtes  jusque  dans  la 
partie  méridionale  de  l'Espagne  {F , 
le  Monde  primitif.,  par  Court  de  Ge- 
belin,  tome  vaii  ,  pag.  4o  et  suiv.  ) 
Il  rentra  dans  Babylone,  rassasié  de 
gloire,  et  ne  pensa  plus  qu'a  faire 
fleurir  les  arts  et  les  sciences  dans 
sou  royaume,  et  à  embellir  sa  capi- 
tale, qu'il  rendit  la  ville  la  plus  belle 
tle  l'univers.  Ce  fut  alors  que  ,  dans 
l'enivrement  de  son  orgueil ,  il  crut 
pouvoirexiger  despeuplcs  qu'il  avait 
soumis,  le  culte  ctles  hommages  qui 
ne  sout  dus  qu'à  Dieu.  Il  fit  fondre 
sa  statue  en  or,  en  commandant  à 
ses  sujets  de  l'adorer.  Trois  jeunes 
Hébreux ,  ayant  refusé  d'obéir  à  cet 
ordre  tyrannique,  furent  jetés  dans 
une  fournaise  ardente,  de  laquelle  ils 
sortirent  miraculeusement  (i  ).  Na- 
buchodonosor fut  puni  de  son  or- 
gued  par  une  maladie  singulière,  dont 
il  fut  attaqué  :  il  tomba  dans  un  état 
complet  de  démence,  et  se  persuada 
qu'il  avait  été  transformé  en  bœuf. 


(  1)  Le  CantLijue  celcl)re  de'-  Trois  Eiil.inls  d;ins  la 
fouruaise  j  itc  se  tionvepa.s  (iiins  Us  Bibles  <'u  li  "brt-u  ; 
il  a  elé  iud  vcalédaus  le  chapilic  111  du  livre  de  Da- 
niel, par  Theodotiuii ,  rt  coiisert't^  p'ir  s  tiut  Jérôme 
dans  la  veisiuu  latine,  d'oii  il  »  [MSS'i  d.iub  toutes  le» 
t>'.)(li''Ctioas  inudciucs. 


5i2  KAB 

(  F.  la  Dissertation  sur  la  meta' 
morphose  de  Nabuchodonnsor ,  par 
D.  Calinet.  )  Sa  femme ,  nommée 
ISitocris,  et  qui  était,  dit-on,  fille  de 
Cyaxare,  se  mit  à  la  tète  du  ç;ouver' 
nemeut,  et,  aidée  par  d'habiles  mi- 
nistres, exécuta  les  grandes  choses 
ffu'Hérodotc  a  rapportées  dans  son 
Histoire.  Nabuchodonosor  guérit  au 
bout  de  sept  ans  ,  et  mourut  un  an 
après ,  l'an  58o  avant  J.-C.  (  suivant 
les  calculs  de  Larcher,  )  Avec  ce 
prince  s'écroula  le  vaste  empire  qu'il 
avait  créé,  et  qui  ne  pouvait  subsis- 
ter, parce  qu'il  avait  négligé  de  s'as- 
surer l'affection  de  ses  sujets ,  lesquels 
se  hâtèrent  de  briser  un  joug  insuppor- 
ble ,  aussitôt  qu'ils  en  aperçurent  la 
possibilité.  Il  eut  pour  successeur, 
Evilmerodach ,  son  fils  (  V.  ce  nom, 
XIII,  50.2).  W— s. 

NAGHTGALL.  Foj:  Luscinius, 
XXV,  44'2. 

NADAL  (  L'abbé  Augiisti?j  ) ,  de 
l'académie  des  inscriptions ,  né  à 
Poitiers  en  1659,  vint  à  Paris,  au 
sortir  an  collège ,  pour  compléter 
ses  études  littéraires.  11  fut  d'abord 
précepteur  du  jeune  comte  de  Valen- 
çai,  qui  fut  tué  depuis  à  la  funeste 
journéed'llochstett.  Ayant  ensuite  été 
recommandé  au  duc  d'Aumont ,  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre,  il 
fut  secrétaire  de  la  province  du  Bou- 
îonais ,  dont  le  duc  était  gouverneur; 
puis  secrétaire  de  l'ambassade  fran- 
çaise, près  le  congrès  d'Utrecht,  à  l'é- 
poque du  traité  de  ce  nom.  Il  obtint, 
en  1716,  pour  prix  de  ses  services, 
l'abbaye  de  Doudeauville  ;  et ,  après 
avoir  passé  quelques  années  dans 
cette  retraite  ,  il  retourna  à  Poitiers, 
oii  il  mourut  le  7  août  174'-  Get 
écrivain  est  beaucoup  moins  con- 
nu aujourd'hui  par  ses  productions, 
que  par  ce  triolet  de  Voltaire,  sur 
h  Parnasse  français  exécuté  en  bron- 


NAD 
ze  par  Titon  du  Tillet  :' 

«  Dcp?chez  TOUS,  mon.tiiar  Titon  ; 
Enrickissez  vulre  Hi'liroD. 
PlaCPx-y  sur  un  piédrstal , 
Salnl-DIdier,  Dancbet  «"t  Niidal; 
Qu'on  voie  armps  du  roèfoe  archf  t 
S'atlal,  S.iint-Didiei'Ct  Daucbet , 
E(  couverts  du  mëm"  laurier 
Daucbet ,  Nadal  et  Saint-Oidier.  » 

L'abbé  Nadal ,  cependant,  n'était 
pas  un  poète  si  méprisable  ;  on  a  do 
lui  cinq  tragédies:  Saiil,  imprimée  , 
en  1731  ;  Hérode  (  1709  ^  j  Anlio- 
chus,  ou  les  Machabées  (  1708  )j 
Mariamne  {l'j  15),  et  Osarphis,oii 
Moïse  (  17-28  ).  La  première  de  ces 
pièces  eut  quelque  succès  :  le  rôle 
de  la  Pythonisse,  joué  par  M'K 
Desmares ,  fit  une  vive  impression 
sur  les  spectateurs.  Hérode  fut  trou- 
vé médiocre  ;  on  crnt  y  découvrir 
des  allusions  satiriques  ,  notamment 
dans  ces  vers  : 

«  Esclave  d'une  femuie  indigne  de  ta  foi ,  , 

»  Jamais  la  vérité  ue  parviut  jus<]u*à  toi.  i> 

Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour 
exciter  les  ennemis  de  M"",  de  Main- 
tenon  à  protéger  cette  pièce  ,  qui 
n'eut  toutefois  que  neuf  représenta- 
tions. Antiochus  et  Mariamne  réus- 
sirent encore  moins.  La  tragédie  d'O- 
saj-phis ,  que  les  comédiens  avaient 
apprise  et  annoncée,  fut  subitement 
défendue  par  la  police,  avant  d'être 
jouée.  Ce  ne  fut  pas  pour  le  public 
une  perte  considérable.  La  versifica- 
tion de  jNadal  ne  manquait  pas  de 
facilité  :  il  disposait  un  plan  avec 
assez  d'art  ;  mais  l'élévation  des  pen- 
sées ,  la  chaleur  et  l'énergie  de  l'ex- 
pression tragique,  lui  étaient  tota- 
lement étrangères  :  son  style  poé- 
tique enfin,  quoique  passablement 
correct  ,  n'avait  ni  couleur  ,  ni  pré- 
cision. Cet  abbé  donna,  en  1732, 
au  Théâtre-Italien  ,  uue  parodie  de 
Zairc,  sous  le  titre  A' Arlequin  au 
Parnasse,  ou  la  Folie  de  Melpo- 


NAD 

mène.  Rien  de  plus  faillie  que  colle 
esquisse ,  à  laquelle  le  parterre  (it 
le  plus  froid  accueil  :  elle  n'eut  pas 
même  l'honneuvde  piquer  Voltaire, 
dont  l'amour-propre  était  si  cha- 
touilleux. «  On  a  joue  depuis  peu 
»  aux  Italiens,  e'crivait  il  à  M.  de 
»  Formont ,  deux  parodies  de  Zaï- 
»  re  :  elles  sont  tombées  l'une  etl'au 
»  trej  mais  leur  humiliation  ne  me 
«donne  pas  grand  amour-propre, 
»  car  les  italiens  pourraient  être  de 
»  fort  mauvais  plaisants  ,  sans  que 
»  Zaircen  fût  meilleure.  »  En  qualité 
de  moraliste  et  de  critique,  l'abbc 
Nadal  doit  être  juge'  un  peu  plus 
favorablement.  Il  y  a  de  l'érudition 
sans  pédanterie  dans  son  Histoire 
des  vestales  ,  ainsi  que  dans  son 
Traite  sur  le  luxe  des  daines  romai- 
nes ,  et  dans  sa  Dissertalioti  sur  les 
vœux  et  le<i  offrandes  des  anciens  ; 
morceaux  de  peu  d'étendue ,  où  l'au- 
teur a  seulement  en  le  tort  de  vou- 
loir se  donner  des  airs  de  frivolité, 
qui  n'étaient  nullement  de  son  gen- 
re d'esprit.  Sa  critique  delà  Mariam- 
ne  et  de  la  Za'ire  de  Voltaire  ,  ses 
dissertations  sur  le  progrès  du  génie 
de  Racine,  contiennent  des  observa- 
tions judicieuses,  dont  nos  journa- 
listes se  s'ont  emparés  depuis  sans 
en  rien  dire,  bien  sûrs  qu'on  n'irait 
pas  fouillerdans  les  ccuvrcsde  Nadal, 
pour  y  chercher  des  preuves  de  leurs 
larcins.  En  elïct ,  lors  même  qu'il 
a  positivement  raison  ,  cet  écrivain 
prolixe  rebute  ses  lecteurs  par  l'ex- 
trême diffusion  de  sa  prose  ,  beau- 
coup plus  faible  et  plus  lâche  que 
ses  vers.  Nous  alongerions  considé- 
rablement oct  article,  sans  en  aug- 
meuler  l'intérêt,  si  nous  entrepre- 
nions de  citer  ici  toutes  les  pièces  de 
divers  genres  ,  que  cet  auteur  a  re- 
cueillies dans  ses  Œuvres  mêlées, 
imprimées  à  Paris,  «n  1738''  3  vol. 


NAD  523 

\i\-\l  ).  Nous  dirons  seulement  que 
quelques-unes  de  ses  autres  j)roduc- 
tions  ont  été  publiées  à  part ,  no- 
tamment un  petit  poème  sur  la  Con. 
fiance  en  la  miséricorde  de  Dieu  , 
et  uueÉpîtresurla  Pureté  des  mœurs 
ecclésiastiques  (Poitiers,  1740). 
Nadal  avait  travaillé,  avec  Piganiol 
de  la  Force ,  au  Mercwe  de  Tré- 
voux C  1708-171 1  ,  1  vol.  in-I2  )  ; 
et  les  amis  de  la  religion  firent,  dans 
le  temps,  un  grand  éloge  de  sa  Let- 
tre ,  en  prose,  à  l'abbé  dePibrac, 
contre  les  déplorables  ejjcts  de  l'in- 
crédulité. Il  tut  souvent  en  butte  aux 
sarcasmes  dont  les  faux  philosophes 
se  montraient  si  prodigues  envers  les 
écrivains  qui  refusaient  de  s'enrôler 
sous  leurs  bannières.  Néanmoins  ils 
ne  se  permirent  jamais  d'attaquer 
ses  mœurs  j  et  leur  malice  du  moins  , 

Sans  être  Irop  discrète  . 

Sut  Ue  rhotijme  d'buuueur  distinguer  le  poète. 

F.    P— T. 

NADASI  (Jean),  jésuite  hon- 
grois, né  en  161 4  'i  Tyrnau  ,  fut  ad- 
mis dans  la  Société  ,  à  l'âge  de  dix- 
neuf  ans ,  et  professa  au  collège  de 
Gralz ,  la  rhétorique,  la  philosophie, 
la  théologie  et  la  controverse.  Ap- 
pelé à  Rome,  en  1649  >  i^  Y  l'^digea 
cinq  ans  les  Lettres  [annuce  litterœ) 
sur  l'état  des  missions  ,  et  fut  em- 
ployé successivement ,  par  deux  des 
supérieurs  généraux,  à  l'expédition 
de  la  correspondance  latine,  A  son 
retour  en  Allemagne  ,  il  se  retira  au 
collège  de  Vienne,  dont  il  fut  nom- 
mé directeur  spirituel.  L'impératrice 
Eléonore  le  choisit  pour  son  confes- 
seur; et  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes de  distmction  l'honorèrent  de 
leur  confiance.  Il  mourut  à  Vienne  , 
le  3  mars  \Q'-;y).  Le  P.  Nadasi  est  au- 
teur de  beaucoup  d'ouvrages  ascéti- 
ques ,  dont  on  trouvera  la  liste  dans 


5i4 


NAD 


la  Bibliolh.  sciptor.  societ.  Jesu  , 
p-  4^'-^,  fct  dans  le  Specim.  hungar. 
littéral,  de  David  Czviuiijgcr,  p. 
283  et  suiv.  Il  a  laisse  aussi  plusicu)s 
ouvrages  historiques,  parmi  lesquels 
on  se  contentera  de  cilcr  :  I.  Reges 
ÏJun^ariœ  à  S.  Stephano  usque  ad 
Ferdinanâwniu,  Pre^Lourg,  1637, 
in -fol.  II.  f'ita  S.  Emerici ,\\Àà.^ 
1644»  iu-l'ol.  111.  Ammœ  lilte.œ 
soc.  Jesu  annor.,  i65o-54,  Diliiu- 
gen  ,  i658,  in-S".  IV.  Jnnits  die- 
ram  inemorabiUum  soc.  Jesu,  Colo- 
gne, 1G64,  in-4".  Il  avait  publié  un 
Spécimen  de  cet  ouvrage,  à  Rome, 
en  1657.  f"^  P-  Nadasi  a  e'ie  l'édi- 
teur de  àc\v%.  ouvrages  d'Alegambe  : 
Mortes  illustres,  etc.;  Heroes  et 
victimœ  charitalis ,  elc ,  et  les  a 
continués  jusqu'à  son  temps  (  F. 
Allgamce,  1 ,  479  ).        W — s. 

NADASTI,ou  deNADAZD  (Tho- 
mas 1 ,  seigueur  hongrois ,  comman- 
dait à  Bude,  au  nom  de  Ferdinand 
d'Aulriclie.  qid  en  avait  chassé  Jean 
Zapoli ,  lorsque  le  grand  Soliman  , 
protecteur  de  ce  dernier  prince,  vint 
mettre  le  siège  devant  cette  capitale 
de  la  Hongrie,  à  la  tête  de  deux  cent 
Jnille  Othomans  (  1029).  Dans  la 
place,  le  brave  gouverneur  était  le 
seul  disposé  à  se  défendre.  Habitants, 
officiers  et  soldats,  se  sentirent  éga- 
lement effrayés  des  préparatifs  de 
l'attaque,  et  du  nombre  de  leurs  en- 
nemis :  ils  eurent  Tinfamie  d'ouvi  ir 
les  portes,  de  lier  ce  fidèle  et  coura- 
geux commandant ,  et  de  le  livicr 
avec  leur  ville.  Soliman,  ami  de  la 
valeur,  et  juge  sévère  de  la  lâcheté, 
fit  passer  toute  la  garnison  au  fil  de 
l'épée  ,  reçut  Nadasli  avec  éloges,  et 
le  renvoya  sans  rançon  à  son  sou- 
verain. Le  dévouement  et  la  fidélité 
de  Nadasli  n'empêchèrent  pas  sou 
petit -fils  de  périr  sur  l'échafaud 
(  /"'.  l'article  suivant).  Quant  à  lui , 


NAD 

il  servit  ensuite  dans  les  atmees  d^ 
Charles- Quint;  et  il  enseigna  l'art 
de  la  guerre  au  fameux  duc  d'Albe, 
dont  il  devina  les  talents.    S — v. 

NADASTI  (  François  de  ) .  com- 
te de  Forgatsch,  petit-fils  du  précé- 
dent ,  est  principalement  connu  par 
le  rôle  qu'il  a  joué  dans  les  troubles 
qui  éclatèrent  dans  la  Kcngrie.  vers 
le  milieu  du  dix-sepiicme  siècle.  Na- 
dasli s'étailappliqué  à  l'éludede  l'his- 
toire de  son  pays ,  et  des  lois  qui  l'a- 
vaient anciennement  régi.  Humilié 
de  la  condition  à  laquelle  les  nobles 
hongrois  se  trouvaient  réduits ,  il 
nourrissait  le  désir  et  l'espoir  de  les 
rétablir  dans  les  privilèges  dont  les 
empereurs  les  avaient  successive- 
ment dépouillés.  D'un  caractère  fier , 
et  facilement  exalté,  après  avoir 
favorisé  les  luthériens,  il  devint  un 
de  leurs  plus  ardents  persécuteurs, 
et  en  réduisit  un  grand  nombre  de  ■ 
familles  à  s'éloigner  de  la  Basse-Hon- 
grie. Celte  conduite  fixa  sur  lui  l'at- 
tention générale;  et  lorsque  les  no  - 
blés  hongrois  formèrent  une  ligue 
pour  s'opposer  aux  projets  que  mé- 
ditait Léopold  ;  F.  ce  nom,  XXIV, 
1 8'Jï  ) ,  Nadasli  y  entra  l'un  des  pre- 
miers. Les  Hongrois  supplièrent,  en 
1G66,  l'empereur  de  permettre  la 
convocation  d'une  diète  ,  où  seraient 
discutés  les  intérêts  du  royaume  , 
dans  les  formes  accoutumées.  Léo- 
pold rejeta  cette  demande,  et  refusa 
également  de  conférer  à  un  noble 
hongrois  la  dignité  de  comte  palatin, 
A'acante  par  la  mort  du  titulaire.  Ce 
double  refus  augmenta  le  nombre  et 
l'irritation  des  mécontents.  Nadasti, 
déjà  président  du  conseil  souverain  , 
avait  conçu  l'espérance  d'obtenir  la 
dignité  de  palatin  ;  et  il  fut,  dit-on  , 
si  outré  de  l'affront  que  lui  faisait 
Léopold,  qu'il  prit  la  résolution  de 
5'cu  venger  par  la  mort  de  ce  pnn- 


NAD 

ce.  Tous  les  moyens  lui  parurenf 
bons  pour  parvenir  à  rcxenuion  de 
cet  lioirihlc  dessein.    Il    gagna  les 
f;ens  do  rcniperour,  et  lit  nicttre  le 
feu  au  palais  ,  penilant  la  nuit,  es- 
pérant   qu'il   pourrait    profiter  du 
desordre    pour   s'approcber  de   ce 
jirince  et  le  poignarder.  Il  essaya  en- 
suite de  l'empoisonner  à  une  f'ète  qu'il 
lui  donnait  à  son  cliàteau  de  Futtcn- 
dorrt';  on  l'accusa  inéiue  d'avoir  jetc 
du  poison  dans  les  sources  qui  four- 
nissaient de  l'eau  aux  cuisiues  du  pa- 
lais impérial.  Toutes  ces  tentatives 
échouèrent  ;  mais  on  doit  se  hâter 
de  dire  qu'il  n'est  pas  démontre'  que 
Nadasti   s'en    fut   rendu   coupable. 
Une  seule  raison  suffira  pour  faire 
partager  notre  doute  :  c'est  qu'il  ne 
cessa  pas  de  jouir  de  l'estime  géné- 
rale et  de  la  confiance  de  l'empereur, 
jusqu'au  moment  où  la  conjuration 
des  nobles  hongrois  fut  découverte: 
et  comment  imaginer  qu'un  homme 
sans  cesse  occupé  de  projets  d'em- 
poisonnement   ou  d'assassinat^   eût 
été  assez  maître  de  lui-même  pour  ne 
pas  inspirer  im  soupçon  ni  à  l'empe- 
reur, ni  à  aucune  personne  de  sa  suite 
(  i)?Despapierssaisisen  167  i, ayant 
procuré  la  connaissance  des  noms  des 
principaux  conjurés  , Nadasti  fut  ar- 
rêté ,  et  conduit  à  Vienne,  où  son  pro- 
cès fut  fait  avec  beaucoup  de  célérité. 
L'arrestation  d'un  personnage  aussi 
éminent  par  sa  naissance,  par  ses  ta- 
lents ,  et  par  les  fonctions  qu'il  rem- 
plissait, causa  la  plus  vive  douleur 
aux  nobles  hongrois  :  elle  fut  parta- 
gée par  toutes  les  classes.  Un  prélat 
de  Hongrie  fit  écrire  le  pape  eu  sa 


(i)  Son  véritalile crime,  et  le-  seul  qui  soif  proitTÇ  , 
«Vst  d'être  cotre  dans  la  ligue  des  noblis  lioiii,io's. 
Toules  II  s  uuti-es  aniisalioiis  parnisseut  n'avoir  elé 
>iiiagiiieesque)>oma(îi.ib!ir  rintérèt  queliii  portaient 
sps  I  niiip^triotes,  mais  qu'il  u'aurait  iauiais  inspiré  , 
»'il  eût  Plu  capable  -If  lous  Iji  i;ri,'u'.>  h:d  ou  a  clisi- 
i,Ué  à  Uelrir  sa  luemoù-e. 


NAD  5-25 

faveur;  mais  Léopold  se  montra  in- 
flexible.Nadasti  fut  condamné  à  a  voir 
la  tête  et  le  pohig  coupés;  et  le  mê- 
me jugement  condamna  ses  enfants 
à  la  tiégradalion.  L'empereur  con- 
firma la  sentence;  mais,  de  son  pro- 
pre mouvement,  il  fit  grâce  à  Na- 
dasti de  toutes  les  cruautés  qui  n'au- 
raient fait  que  prolonger  son  suppli- 
ce. Fait-il  agi  de  cette  manière,  s'il  eût 
été  bien  convaincu  que  Nadasti  avait 
essayé  iant  de  fois  de  le  faire  périr  ? 
Nadasti  se  borna  à  plaider  la  cause 
de  ses  ciifants  ,  à  qui  l'on  faisait  sup- 
porter la  peine  d'un  crime  dont  ils 
étaient  innocents;  et  sa  reqiiètcayant 
été  rejetée  ,  il  chercha  des  consola- 
tions dans  les  secours  de  la  religion. 
Il  monta  d'un  pas  ferme  sur  l'écha- 
faud ,  dressé  dans  une  des  salles  bas- 
ses de  l'hôtel-de-vilie,  et  tendit  sa 
tête  au  bourreau ,  qui  l'abattit  d'un 
seul  coup,  le  3o  avril  1671  ( /^. 
Frangipa?.'!,  XV,  498  ).  Son  corps 
fut  rendu  à  sa  famille,  et  déposé  dans 
un  caveau  de  l'église  des  Augustins. 
On  doit  k  Nadasti  :  I.  Une  nouvelle 
édition,  corrigée  et  augmentée,  de 
l'Histoire  de  P.  de  Rêva  ,  intitulée  : 
De  monarchid  et  S.  corond  rc^nl 
I/ungaricp,  Francfort,  1G59,  iu-fol. 
\\. Maiisoleumregni  aposloUci  hun- 
garici  regnm  et  duciim  ,  cinn  ver- 
iione  gennanlcd, Nuremberg,  1 664, 
in-fol.  ,'en  style  lapidaire.  Cet  ouvra- 
gc,  orné  d'un  grand  nombre  de  bel- 
les estampes,  est  fort  recherché.  L« 
P.  ïloranyi  en  donna  une  traduction 
hongroise,  Bude,  1771,  in-4°.  ÏII. 
Crnoswa  jnristarnm  ,  1668,  con- 
tenant ,  par  ordre  alphabétique  ,  les 
lois  et  ordonnances  du  royaume  de 
Hongrie,  jusqu'en   i6:h).  Une  nou- 
velle édition  ,  augmentée  ,  parut  à 
Leutzch  ou  Lculsch.au,  1700  ,  in- 
8°.  Les  enfants  de  Nadasli  prirent  le 
mm  de  Creutzhcrs.  VV — s. 


526 


NAD 


^'ADAUD  ^  Josi:pii  ) ,  ne  à  Limo- 
ges vers  le  commcnccmcul  du  dix- 
Luitième  siècle,  montra,  des  sa  jeu- 
nesse ,  r,n  goût  très-vif  pour  l'cUide 
de  riiis'oirc,  et  s'appliqua  dès-lors 
à  de'cliilTrer  les  mounnieiits  et  les 
vieilles  chroniques.  Ayant  embrasse 
l'état  ecclésiastique  ,  il  fut  pourvu  de 
la  cure  de  Saint- Léger  la  Montagne, 
puis  de  celle  de  Tcijac  au  diocèse 
d'Angoulème.  L'aisance  quelui  donna 
ce  dernier  emploi,  lui  permit  de  se 
livrer  avec  plus  de  succès  à  ses  étu- 
des favorites  ,  et  il  ne  negli;^ea  rien 
pour  les  rendre  utiles,  Recherthes, 
voyages  ,  dépenses ,  rien  ne  fut  épar- 
gne pour  obtenir  les  renseignements 
qui  lui  étaient  nécessaires.  En  peu  de 
temps  il  connut  tout  ce  que  le  Limou- 
sin renfermait  de  précieux  sous  ce 
rapport;  et  il  se  forma  une  collec- 
tion très  -  considérable.  Ce  savant 
mourut  eu  1792.   L'abbé  \itrac   a 

i)ub'ié  la  liste  suivante  de  ses  écrits  ; 
[.  Étj'inologies  des  villes  ,  bourgs, 
lieux  remarquables  du  Limousin. 
IL  Mémoires  eiwojés  à  l'abbé 
d'Exjnllj  ,  pour  la  confection  de 
son  grand  dictionnaire  des  Gaules 
et  de  la  France  (  Yoy.  Expilly  ). 
IIL  Mémoiies  pour  l'histoire  du 
Limousin  IV.  Fouillé  du  diocèsede 
Limoges.  V.  Nobiliaire  du  Limou- 
sin. YI.  Note  sur  les  littérateurs 
limousins.  VIL  Catalogue  des  évé- 
ques  de  Limoges,  des  abbés  de  Saint- 
Martial,  de  Saint  -  Augustin  ,  de 
Saint-Martin;  des  abbessesde  la  Bc- 
gle ,  des  Allois.  —  Chronologie  des 
seigneurs  suzerains  de  Limoges,  des 
soui'erneur-'>-i'énéraux ,  intendants. 
Ces  chronologies  ont  clé  imprimées 
dans  le  calendrier  de  Barbon  ,  1770- 
1785.  T— D. 

NADIR-CHAH ,  roi  de  Perse ,  non 
moins  fameux  comme  général  sous 
le  nom  de  Thahmas-Kouiy  Kbau , 


NAD 

c'tait  de  la  tribu  de  Kirklou ,  l'une; 
des  plus  considérables  parmi  les  Af- 
cliàrs ,  race  de  Turcomans  t'iablic 
dans  le  nord  de  la  Perse  orientale. 
Il  naquit  l'an  1 100  de  l'iiég.  (  itj88 
de  J.-C.  ),  dans  uu  village  peu  éloi- 
gné de  Méchehd ,  capitale  du  Kho- 
raçan,  et  fut  nommé  I^adir-Kouly 
Beyg.  Dès  l'âge  de  quinze  ans ,  il  prit 
le  parti  des  armes  pour  défendre  ses 
propriétés  contre  ses  jaloux  compa- 
triotes, et  conire  les  ravages  des 
Kourdcs  et  des  Ouzbeks.  Chah  ïlou- 
ccin  régnait  alors  en  Perse,  ou  plu- 
tôt, ses  courtisans ,  ses  eunuques ,  ré- 
gnaient sous  son  nom;  le  méconten- 
tement était  général  ;  des  révoltes 
éclataient  de  toutes  parts;  et  la  dy- 
nastie des  Sofys,  sous  un  gouverne- 
ment si  faible ,  si  méprisable,  pen- 
chait vers  sa  ruine.  La  valeur  que 
Nadir  avait  montrée  dans  plusieurs 
petites  expéditions,  attira  quelques 
tribus  sous  .'cs  étendards.  A  l'cxem- 
j)]e  des  divers  ambitieux ,  que  l'anar- 
chie transformait  en  soiiveiains  ,  il 
s'empara  du  château  de  Kelat,  le 
fortifia ,  et  en  fit  le  berceau  de  sa 
puissance  naissante.  Melik  -  Mah- 
moud Scïstany,  maître  de  Méchehd, 
dominait  sur  une  grande  partie  du 
Khoraçan.  Nadir  servit  quelque 
temps  sous  ce  rebelle,  lui  témoigna 
d'abord  un  zèle  extrême  afin  de 
trouver  plus  aisément  l'occasion  de 
le  .«upplanter,  tenta  de  l'assassiner, 
et  échoua  dans  l'exécution  de  ce 
projet  :  alors  il  quitta  Rlcîik  -  Mah- 
moud ,  lui  résista  avec  avantage,  et 
osa  bientôt  l'attaquer.  Sur  ces  entre- 
faites (  1722  ),  Chah  Houcein  fut 
détrôné;  et  Ispahan  tomba  au  pon^ 
voir  des  Afghans  de  la  tribu  de 
Khaldjeh ,  dont  la  révolte  avait  com- 
mencé à  Candahar  (  F.  MiR  Mah- 
moud XXIX,  1 35, et  Chah  Houcein- 
au  Supplément  ).  Cette  révolutiou 


NAD 

servit  de  prétexte  aux  Russes  et  aux 
Othomaiis.  pour  s'afjraiidir  aux  dc- 
])ens  de  la  Perse. (.hah  Tlialiuias,  he- 
liticr  léu;Uinie  du  troue,  s'e'lait  reti- 
ré daus  les  proviuccs  du  nord  ;  mais 
sou  autorite  était  à  peiue  rcconuuc 
daus  le  Mazaudcrau.  fjC  gouverneur 
<pie  ce  prince  envoya  daus  le  Khora- 
<;au,  ayant  méprise  les  services  de 
Nadir,  fut  battu  par  Melik-Mah- 
inoud  ,  cpji  s'empara  de  Nichaboiu- , 
et  y  prit  le  titre  de  roi.  Nadir  ,  de 
son  coléj,  soumit  SerakUs ,  Mérou ,  et 
tout  le  nord  du  Klioraçau  ,  jusqu'aux 
frontières  du  Kharizm.  CliahTiiah- 
jnas  ,  menacé  par  Melik-Mahmoud, 
se  rapproche  de  Nadir ,  dont  il  avait 
déjà  sondé  les  dispositions,  et  récla- 
me son  secours.  Leur  première  en- 
trevue a  lieu  h  Kliabouclian,  sur 
les  limites  du  Kliarizm  et  du  Djor- 
iljan,  en  septembre  i  726.  Nadir,  fei- 
guaut  un  grand  dévouement  à  son 
souverain  ,  marche  contre  Melik- 
Mahmoud,  l'assiège  dans  Méchehd  , 
le  réduit  à  se  rendre  à  discrétion  ,  à 
prendre  l'habit  de  derviche  ,  et  à  se 
consacrer  au  cidte  de  la  grande  mos- 
quée de  cette  vdle. Pendant  le  siège, 
Nadir,  qui  déjà  ne  voulait  point  souf- 
frir d'égaux  ,  fit  assassiner  Feth  Aly 
Khan  Kadjar  ,  commandant  en  chef 
des  troupes  de  Chah  Thahmas, 
et  bisaïeul  du  roi  de  Perse  d'au- 
jourd'hui (  F.  Mohammed  Haçan- 
Khan  ).  Il  prit  la  place  de  ce 
général  ,  disposa  de  tout  dans  le 
conseil  et  à  l'armée,  fit  venir  à  Mé- 
chehd sa  famille,  ses  femmes,  ses 
propres  troupes  ;  et  allèctant  des  airs 
de  grandeur,  il  ordonna  la  construc- 
tion d'une  nouvelle  coupole  à  la 
grande  mosquée  .  et  la  fit  dorer  ainsi 
que  l'ancienne.  Chah  ïhahmas  s'a- 
larma de  l'ambition  de  Nadir.  Il 
écrivit  à  tous  les  gouverneurs  de  le 
délivrer  de  ce  traître  ;  il  lâcha  de  lui 


susciter  des  ennemis  domestiques, 
cl  d'éveiller  la  haine  de  Mclik-Mah- 
moud.  Celui-ci  envoya  la  lettre  du 
roi  à  Nadir,  qui,  dissimulant  sou 
iuilignalion,  assiégea  Khabouchaii  , 
dont  les  habitants  s'étaient  révoltés  : 
mais  quoique  ChahTliahnias  fût  venu 
les  animer  par  sa  présence  ,  ils  se  vi- 
rent tellement  pressés ,  qu'ils  promi- 
rent à  Nadir,  s'il  consentait  à  le\ el- 
le siège ,  de  se  soumettre  ,  de  condui- 
re le  loi  à  IMe'chehd ,  et  d'engager  ce 
prince  à  rétracter  les  ordres  qu'il 
avait  donnes  contre  lui.  En  effet. 
Chah  Thahmas,  dont  les  trésors 
avaient  été  pillés  par  un  rebelle,  n'eut 
d'autre  ressource  que  de  se  rendre 
auprès  de  Nadir,  qui  les  lui  fit  resti- 
tuer. Ce  fut  sans  doute  alors  que  ce 
général,  pour  capter  la  confiance  de 
son  souverain ,  prit  le  nom  de  Tliah- 
vias-Koulj  Khan  (  le  Khan  ,  escla- 
ve Thahmas  ).  Il  s'attacha  surtout  à 
gagner  l'atrection  des  soldats  ,  en 
pourvoyant  à  tous  leurs  besoins  ,  et 
en  leur  assignant  une  paie  régulière, 
qu'il  leur  distribuait  lui-même.  Les 
courtisans  de  Chah  Thahmas  s'op- 
posèrent envain  à  l'ascendant  que  ce 
général  prenait  dans  les  affaires  et 
sur  l'esprit  de  son  maître.  Nadir  dé- 
joua leurs  intrigues,  et  triompha 
de  leurs  etl'orts.  Il  se  défit  de  Me- 
lik-Mahmoud,  l'ame  de  tous  les  trou- 
bles du  Khoraçan,  et  parvint  enfin 
à  pacifier  cette  province,  à  soumet- 
tre toutes  les  tribus  révoltées,  et  à 
les  forcer  à  combattre  pour  la  cause 
dont  il  semblait  être  le  principal 
soutien.  Impatient  de  régner,  Chah 
Thahmas  voulait  marcher  sur  Is- 
pahan.  Son  général  jugea  plus  né- 
cessaire de  ne  laisser  aucun  en-- 
nemi  derrière  lui.  Il  employa  l'an- 
née I7'i8  à  rétablir  la  tranquillité 
dans  le  Djordjan  et  le  Mazande- 
ran  ,  et  il  envoya  uu  ambassadeur  en 


5^8 


NAD 


Russie ,  pour  demander  la  resti- 
tution du  Ghylan.  En  avril  17 if), 
il  marcha  contre  les  Abdallis,  (jui, 
depuis  donze  ans ,  étaient  maîtres 
de  Hc'rat;  il  les  défit  en  plusieurs  ren- 
contres ,  leur  pardonna,  en  faveur 
de  leur  haine  contre  les  At'gliaus- 
Klialdjis,  reçut  leurs  sonniissiuns,  et 
laissa  ie  gonvernement  de  iu  ville  à 
■i'un  d'eux.  CiCpendant  Ascliraf ,  suc- 
cesseur, a  Ispalian,  de  iMir  Mah- 
moud ,  son  cousin ,  qu'il  avait  assas- 
sine' ,  marcha  vers  les  frontières  du 
Khoraçan,  qu'il  croyait  sans  défen- 
se, dans  le  dessein  d'arrêter  les  pro- 
grès de  Chah  Thahraas  et  les  succès 
de  son  général.  A  cette  nouvelle, 
Nadir,  de  retour  à  Méchehd  de  son 
expédition  de  Hérat  ;  s'avance,  avec 
le  roi,  contre  les  Afghans,  qv.e  son 
approche  oblige  de  lever  le  siège  de 
Semnan.U  les  rencontre,  et  les  taille 
en  pièces,  le  29  septembre,  enlre 
cette  ville  et  Demgàn,  sur  les  bords 
de  la  rivière  de  RIehmandost.  Les 
Persans,  qui  tremblaient  naguère  au 
nom  seul  des  Afghans,  recouvrent , 
sous  Nadir,  leur  antique  valeur.  L'en- 
nemi est  forcé  dans  les  déiiîés  de 
Serdé-Khar.  Une  troisième  victoire, 
remportée  le  i3  novembre,  près  du 
village  de  Mourtcha-Konreh,  à  dix 
lieues  d'Ispahan,  ouvre  à  Nadir  les 
jiortes  de  cette  capitale.  Il  y  signale 
son  entrée  par  le  massacre  de  tous 
les  Afghans  qi.i  n'avaient  pas  eu  le 
temps  d'en  sortir,  en  représailles  du 
sang  des  Persans  qu' Ascliraf  avait 
fait  répandre  avant  son  départ.  Un 
mois  après,  il  y  appelle  ChahThah- 
mas,  et  le  fait  proclamer  roi,  avec 
une  pompe  extraordinaire.  Ayant 
ainsi  replacé  le  souverain  légitime 
sur  le  trône,  Nadir  témoigna  le  dcsii" 
de  retourner  dans  le  Khoraçan;  mais, 
feignant  de  céder  aux  instances  du 
roi,  il  consentit  à  achever  son  ou- 


NAD 

vragc ,  et  à  rendre  à  la  Perse  sa  tran- 
quillité première  et  ses  anciennes  li- 
mites. Il  partit  au  milieu  de  l'hiver, 
et  marcha  vers  Cliyraz,  où  Aschraf 
s'était  fortifié.  Une  quatrième  batail- 
le ,  ])erdue  par  cet  usurpateur,  près 
des  ruines  de  l'ancienne  Persc[)olis, 
et  la  mort  qu'il  trouva  en  fuyant  vers 
Candahar ,  mirent  au  pouvoir  de 
Nadir  toutes  les  princesses  de  la 
faniil'e  royale,  qu' Aschraf  avait  em- 
menées ,  et  firent  enfin  rentrer  sons 
la  domination  du  soi'y  tontes  les 
parties  de  la  Perse  que  les  Afghans 
avaient  possédées  un  peu  plus  de  sept 
ans  (A^.MiuMAnMOun,  XXIX,  i3  j, 
et  AscnnAF,  au  Supplément}.  Chah 
Thahmas  ,  incapable  de  s'élever  au- 
dessus  du  général  qui  l'avait  place 
sur  le  trône,  voulut  au  moins  éloi- 
gner un  homme  dont  la  puissance  et 
l'ambition  lui  portaient  ombrage.  Il 
bii  offrit  la  souveraineté  de  toute  L^ 
Perse  orientale ,  depuis  le  Mazande- 
rr.n  et  le  Kcrman,lui  envoya  un  dia- 
dèraceiirichide  diamants,  etproposa 
le  mariage  d'une  de  ses  sœurs  avec 
Riza-KoulyMirza,  fils  aîné  de  Nadir, 
Le  général  accepta  tous  les  bienfaits 
de  son  souverain;  mais,  alïcctaut 
une  modération  qui  était  loin  de  sa 
pensée .  il  refusa  de  porter  le  diadè- 
me, l'aigrette  royale  et  le  titre  de 
sulthan,  et  se  contenta  de  faire  gra- 
ver son  nom  sur  les  monnaies  du 
Khoraçan.  Au  lieu  de  se  rendre  dans 
cette  province,  dont  il  avait  laissé  le 
gouvernement  à  sou  frère  Ibrahim- 
Khan  ,  il  y  envoya  son  Gis ,  Pviza- 
Kouly  Mirza ,  âgé  de  douze  ans  ;  et , 
poursuivant  l'exécution  de  ses  grands 
desseins,  il  soumit  les  Bakhtiaris  et 
les  peuples  du  Louristan,  et  marcha 
contre  les  Turcs,  au  printemps  de 
1780.  En  moins  de  cinq  mois,  il 
remporta  sur  eux  plusieurs  victoires, 
leur  reprit  ?Çehavend  ^   Ramadan , 


NAD 

Kpimanchali ,  ainsi  (|iip  toutes  les 
villes  de  rAdzcrbaidjan.  Il  se  [irc'pa- 
lait  à  l'aiie  le  siej:;c  d'I'.iivaii,  lors- 
qu'il fut  appelé  dans  le  Khoraçaii  , 
par  la  révolte  des  Abdallis,  qui,  après 
avoir  chasse  de  Hcrat  le  gouverneui' 
qu  il  leur  avait  donné,  s'étaient  em- 
parés de  cette  place,  avaient  battu 
Ibralii ni,  frère  de  Nadir,  et  mena- 
çaient WTécliclid.   Arrivé  dans  celte 
dernière  ville, Nadir  y  célébra  les  no- 
ces de  son  (ils  avec  la  pi  incesse  steur 
deCliah  Thahmas,  en  janvier  i-jSi. 
La  guerre  contre  les  Alidallis  l'occu- 
pa une  année  entière  :  il  leur  reprit 
Hcrat  et  Ferali  ;  et,  malgré  la  perfi- 
diequ'ils avaient  montrée  en  plusieurs 
occasions,  il  leur  pardonna,  et  se 
contenta  de  les  transplanter  dans  le 
Klioraçan.  Chah  ïlialimas,  croyant 
que  l'absencede  Nadir  lui  offrait  l'oc- 
casion   de   ressaisir    son   autorité , 
rompit  la  trêve  que  ce  général  avait 
accordée  aux  Turcs,  et  marcha  en 
personne  pour  assiéger  Erivan  ,  en 
i-j  3 1. 11  échoua  dans  cette  entreprise, 
fui  vaincu  dans  sa  retraite,  d'abord 
sur  les  rives  de  l'Araxe .  puis  par  Ah- 
med, pacha  de  Baghdad,  dans  les 
environsd'Hamadan,  et  termina  tout- 
à-coup  la  guerre,  eu  faisant  la  paix 
avec  le  grand-seigneur,  auquel  il  cé- 
da la  ville  et  la  province  de  Ker- 
manchah ,  ainsi  que  tous  les   pays 
sur  la  gauche  de  l'Araxe.  Nadir  ap- 
prit avec  indignation  la  nouvelle  de 
ce  traité  ,  conclu  à  la  fin  de  janvier 
\']o2.  De  sa  pleine  autorité,  il  fit 
sommer  les  pachas  de  Baghdad  et 
d'Erivau  d'évacuer  le  territoii  e  per- 
san. Il  publia  un  manifeste,  où,  rap- 
pelant ses  exploits,  ses  services,  il 
annonçait  la  résolution  d'empccher 
l'accomplissement  d'une  paix  si  hu- 
miliante.En  effet,  après  avoir  pourvu 
à  la  sûreté,  à  la  tranquillité  des  pro- 
riaces  orientales,  cl  recouvré  le  Gh y- 
xx\. 


NAD  5i9 

lin,  que  les  Russes  abandonnèrent  en 

exécution  d'un  traité  .^^igné  u  Kesclit 
le  i"^^'.  février;  Nadir  j)arlil  de  Mé- 
clichd,  et  vint  cam])er,àla  fin  d'août, 
])iès  d'ispahan.  Il  invita  le  roi  à  une 
grande  revue,  suivie  d'un  festin  ,  où 
ayant  enivré  ce  monarque,  il  le  fit  ar- 
rêter, le  déposa,  l'envoya  prisonnier 
àMéchehd,  avec  toutes  ses  femmes 
plaça  sur  le  trône  un  fils  de  ce  prin- 
ce, Abbas  111,  enfant   au  berceau 
s'empara,  sans  opposition  ,  de  la  ré- 
gence ,  et  devint  le  véritable  souve- 
rain de  la  Perse  (  F.  Abbjis  III  et 
Thahmas  II).  Il  recommence  aus- 
sitôt la  guerre  contre  les  Turcs.  A  la 
suite  de  plusieurs  avantages,  et  sur- 
tout d'une   victoire  remportée  sur 
Ahmed  ,  pallia  de  Baghdad,  il  in- 
vestit cette  ville ,  et  la  serre  de  piès, 
pendant  luùt  mois ,  quoiqu'il  n'ait 
])oint  de  pièces  de  siège.   Ahmed 
j)ressé  par  la  famine  ,   parlait  déjà 
de  se  rendr*.  lorsque  l'arrivée  d'une 
armée  othomane  ,  sous  les    ordres 
du  célèbre  Topai  -  Osman  -  Pacha  , 
rompt  les  négociations.  Nadir,  lais- 
sant douze  mille  hommes  pour  con- 
tinuer le  blocus,  marche  à  la  ren- 
contre des  Turcs,  qu'il  trouve  cam- 
pés sur  les  bords  du  Tygre,  à  douze 
lieues  de  Baghdad,  Il  leur  livre  ba- 
taille le  19  juillet  1  '■33  ,  la  perd,  v 
est  blessé,  renversé  deux  fois  de  che- 
val ,  et  abandonne  à  l'ennemi  pres- 
que toute   son  ai'tillerie.  Un  grand 
nombre  de  Persans  périssent  dans  le 
fleuve ,  en  voulant  le  traverser   ou 
s'y   désaltérer.    Il  lève  le   siège  de 
Baghdad ,  annonce  au   pacha  qu'il 
viendra  le  visiter  au  juintemps  sui- 
vant ,  et  se  retire  à  Hamadan  ,   on 
deux  mois  lui  suffisent  pour  répa- 
rer ses  pertes.  Informé  que  Topal- 
Osman  n'a  pu  obteiiir  les  renforts 
qu'il  a  demandés,  il  revient  au  mois 
d'octobre,  et  surprend  les  avant-p&s- 


53o 


NAD 


les  (le  l'armée  olhojnane,  sans  pou- 
voir attirer  le  seraskciiaii  combat, 
ni  le  forcer  dans  ses  retranclicmeiits. 
Une  affaire  s'engage  à  Le'ilan,  à  cinq 
lieues  de  cette  ville  :  les  deux  partis 
s'en  attribuent  l'avantage  j  mais,  le 
lendemain,  dans  une  action  gc'nc'rale, 
à  Akderbend ,  les  Turcs  sont  entière- 
ment del'aits  :  leur  brave  serasker  y 
est  tue ,  et  sa  tête  est  portée  à  Nadir , 
qui  ordonne  de  l'enterrer  huuorable- 
ment  (  F.  Topal  -  Osman  .  Maître 
de  la  campagne ,  il  revient  assiéger 
Baghdad:  Alinied  Paclia  demande  la 
paix,  la  conclut  sans  la  participation 
du  divan  de  Coustantinoplc,  et  en- 
joint aux  pachas  d'Erivan,  de  Te- 
flis ,  de  Chamakby ,  elc, ,  de  restituer 
ces  places  aux  Persans.  Nadir ,  ayant 
songe  un  moment  à  rendre  la  couron- 
ne à  Chah  ïhahmas,  avait  comman- 
dé qu'on  l'amenât  de  Méchehd  à 
Cazwyn,  où  était  la  courj  m.iis  sa 
défaite  ,  par  Topal-Osman  ,  lui  fit 
prendre  une  autre  détermination. 
On  reconduit  l'ex-monarque  à  Mé- 
chehd ,  où  le  jeune  roi  fut  aussi 
bientôt  relégué.  Une  révolte  avait 
éclaté  dans  la  Perse  méridionale  , 
en  faveur  de  Chah  ïhahmas  j  Nadir 
en  arrêta  les  progrès ,  chai'gea  un 
de  ses  lieutenants  d'en  étouffer  les 
dernières  étincelles,  et  marcha  vers 
le  nord,  en  1734,  pour  recouvrer 
les  provinces  que  'es  Turcs  s'obsti- 
naient à  garder.  La  Porte ,  au  lieu 
de  ratifier  le  traité  signé  par  Ahmed 
Pacha ,  avait  envoyé  une  nouvelle 
armée ,  sous  les  ordres  d'Abdallah 
Kiuproli.  Nadir  traversa  le  Kour,  re- 
prit Chamakhy  et  le  reste  du  Cliyr- 
wan ,  à  l'exception  de  Derbend  et  de 
Baklîou  ,  que  la  cour  de  Russie  ne 
restitua  que  l'année  suivante.  Il  for- 
ma le  siège  de  Gandjah  ,  qui  fut 
long  et  meurtrier:  il  l'interrompit  à 
l'approche  d'Abdallah  Pacha ,  qu'il 


NAD 

alla  provoquer  au  combat.  Ce  gêné"- 
rai  s'était  enfermé  dans  le  château 
de  Kars  ;  il  l'attira  par  une  fnite 
simulée  ,  dans  les  plaines  d'Erivan  , 
où  il  remporta  sur  les  Turcs  une 
victoire  complète,  en  juin  1^35.  Le 
serasker  y  fut  tue,  ainsi  que  le  pa- 
clia de  Diarbekir.  La  reddition  de 
Gandjah, 'de  Tcfiis,  de  Kars  et  d'E- 
rivan ,  la  soumission  de  l'Arménie  et 
de  la  Géorgie  ,  terminèrent  glorieu- 
sement celte  campagne.  Nadir  cié- 
truisit  Chamakhy,  fonda  une  autre 
ville  du  même  nom,  châtia  les  Tar- 
tarcs  Lesghis,  qui,  depuis  vingt  ans, 
avaient  été  des  voisins  dangereux 
pour  la  Perse ,  de  zélés  et  utiles  al- 
liés pour  les  Russes  et  les  Turcs:  en-r 
fin  il  disposa  des  principautés  de 
Kakhet  et  de  Karthalinie  ,  eu  faveur 
d'Aly  Mirza,  neveu  de  Tehmoiiras, 
et  au  grand  mécontentement  de  ce 
dernier,  qui  les  posséda  plus  tard 
et  les  transmit  à  son  fils  Héracliui. 
Au  retour  de  cette  expédition.  Nadir, 
vint  camper,  en  janvier  1736,  dans 
les  plaines  de  Mougan,  près  du  con- 
fluent du  Kour  et  de  l'Araxe,  et  y 
convoqua,  pour  le  mois  de  mars, 
une  assemblée  générale  des  grands 
et  des  notables  de  la  Perse.  Nadir, 
vainqueur  de  tous  les  rebelle-^ ,  Je 
tous  les  ennemis  extérieurs ,  était  re- 
gardé comme  le  sauveur,  le  libéra- 
teur de  la  Perse  :  l'armée  lui  était 
dévouée;  le  peupie  le  respectait;  les 
grands  le  craignaient  et  le  ména- 
geaient ;  ricu  ne  mau*juait  à  sa  gloi- 
re ,  à  sa  puissance  :  toutefois  son 
ambition  ,  accrue  par  tant  de  pros- 
pérités, était  loin  d'être  satisfaite. 
Le  jeuiîe  Abbas  III  venait  de  mourir; 
et  si  sa  mort  fut  naturelle,  elle  fut 
du  moins  très  -  utile  aux  projets 
du  régent.  Aj)rès  avoir  donné  deux 
rois  à  la  Perse  ,  il  se  voyait  trop 
près  du  trône,  pour  ne  pas  désirer 


NAD 

d'y  monter.   Mais  la  dynastie  des 
sufys  n'avait  pas ,  couiiuc  la  plupart 
des  antres  inonarcliies  de  l'Orient , 
ré^né  senlenient  par  la  force  des  ar- 
mes.   Ismaël ,  son  tundalcnr,  avait 
captive  l'opinion  dos  P<Titans,  et  en- 
chaîne lenrs  cimsiiences.  La  tyr.m- 
nie  ur^aniice  par  Chah  Abîmas  I'"''., 
lopins  grand  de  ses  sncccsseurs,  Lien 
fpie  ilcvennc  odiense  sons  Irois  prin- 
ces sangninaires ,  n'avait  pis  cesse 
d'èlro  respeclee  ;et  les  mallienrs  mê- 
me de  Chah  Houcëin  l'avaien'  ren- 
due p!  ns  vénérable  (  y.  Ismael  Cq  An, 
XXI,  iQf),  Abbas  I^'.  et  Aebas  II, 
I,  34  ei  37;  StFV  Chah  et  SolÉi- 
mam  Cuah  III,  et  HoucÉijy  Guah, 
an  Siippl.).  Nadir  n'osa  donc  pas 
imiter  les  nsurpatenrs  vn'gaires;  il 
voulut  avoir  Tair  d'être  appelé  au 
trône  par  le  vœa  de  la  nation,  et  d'y 
être  placé  par  les  ministres  de  la  re- 
ligion. Djiize  mille  ouvriers  firent  de 
son  camp  une  ville.  Les  députés,  eu 
arrivant,  y  trouvèrent  des  maisons 
élégantes  et  commodes,  des  bains, 
des  mosquées,  des  bazars,  des  places 
pour  les  courses  de  chevaux,  un  pa- 
lais pour  Nadir ,  etc.  Lorsqu'ils  fu- 
rent assemlilés ,  il  leur  rappela  les 
malheurs  qu'avaient  prodiuts  l'inca- 
pacilc,  la  fai!;lcssc  et  l'indolence  des 
derniers  l'ois  ;  la  nécessité  où  il  s'élait 
vu  de  déposer  Chah  Tliahmas  :   il 
leur  déclara  son  intention  de  se  dé- 
mettre de  la  régence  et  du  coraman- 
den)ent  des  troupes,  et  leur  donna 
ti'ois  jours  pour  choisir  un  autre  sou- 
verain. Il  avait   sa    gagner  les  uns 
par  ses  i!ons  et  ses  promesses;  la 
présence  de  son  armée  intimidait  les 
autres.  Apres  avoir  feint  de  résister 
au  vœu  général ,  il  fut  proclamé  roi, 
le  '10  mars   173G;  mais  il  déclara 
n'accepter  le  diadème  qu'à  condition 
que  l'on  prêterait  serment  de  li  léli- 
té  à  lui  et  à  sa  famide ,  et  qu'on  sous- 


NAD 


53 1 


crirait  à  quelques  changements  qu'il 
avait  à  proposer  relativement  a  la 
religion.  Los  mollahs  s'éuient  op- 
posés a  l'élection  de  JNadir-  ils  té- 
moignèrent  encore   plus  d'éloigne- 
mcnl  pour  les  innovations  qu'il  an- 
nonçait. Iriité  de  leur  résistance,  il 
jeta  le  masque,  et  fit  étianglor  leur 
chef  au   milieu  de  l'assemulée.  En 
usurpant  la  régence,  il  avait  qi-itlé  le 
nom  de  Thalimas-Kouly  Khan,  et 
l'av  lil  donné  à  l'un  de  ses  plus  lideles 
olUciers,  pour  prendre  celui  de  Wcly 
Neamet.   Il  fut  couronné  sous  son 
premier  nom;  ce  fut  le  seul  que  l'on 
grava  sur  les  monnaies,  que  l'on  pro- 
nonça dans  la  khothbah  :  mais  Na- 
dir Chah  lit  '  ouvent  regretter  Thah- 
mas  Koiily  Khan.  Informé  des  mur- 
mures des  mollahs,  il  fil  venir  les 
plus  lécalcitrants ,  et  leur  demanda 
q'iel  emploi  ils  faisaient   de  leurs 
biens,  lis  répondirent  qu'une  partie 
était  airectée  à  des  œuvres  pies ,  et 
que  le  reste  servait  à  l'entretien  des 
ministres  de  l'islamisme ,  qui  priaient 
sans  cesse  pour  la  vie  du  roi  et  la 
prospérité  du  royaume.  «  Vos  priè- 
»  res  ont  donc  été  inutiles,  leur  ré- 
»  pliqua  Nadir  ,   puisqu'elles  n'ont 
,)  pu  empêcher  la  Perse  d'être  en- 
»  vahie,  démembrée,   dévastée,  et 
»  ses  rois  d'cire  détrônés,  iucarce- 
»  rés  ,  égorgés  ou  fugitifs.  Mes  priè- 
»  res  et  cèdes  de  mes  soldats  ont  été 
»  plus  etGcaces;  c'est  nous  qui  avons 
»  sauvé  la  Per;>e  :  c'est  nous  qui  de- 
»  vous  jouir  de  vos  biens.  >>  11  en  fit 
dresser  l'inventaire,  montant  à  60 
millions  de  revenu,  et  les  confisqua 
au  profit  He  son  trésor.  11  accorda  la 
paix  aux  Turcs  ,  qui  renoncèrent  à 
toutes  leurs  conquêtes,  et  il  envoya  un 
ambassader.r  à  Constanlinople ,  pour 
en  porter  la  ratification.  Il  donna  le 
gouvernement  généial  des  provinces 
occidentales  ,  à  son  frère  Ibrahim 

34.. 


53i  NAD 

qu'il  c'nargea  d'observer  les  Otlio- 
mans;  et  celui  dii  Khor.içan  à  son  llls 
Riza,  qui  devait  contenir  les  Ouz- 
beks  et  les  Turk!)mans.  11  ordonna 
au  khan  de  Chyraz  de  repn-ndre  les 
îles  de  Bahra'iu  sur  les  Arabes  de 
Maskat;  cl  se  rendit  à  Ispahan,  où 
il  rassembla  une  armée  de  cent  mille 
hommes,  destinée  à  punir  les  Af- 
ghans (le  Candahar.  Houce'in  Khan, 
leur  prince,  malgré  des  services  ren- 
dus à  la  Perse  contre  l'usurpateur 
Aschraf ,  son  cousin-germain  et  sou 
ennemi  personnel  ,  avait  le  tort  d'ê- 
tre fds  et  frère  des  deux  chefs  de  la 
révolte  des  Afghans  Khaldjis  (  V. 
MiR  Mahmoud  ) ,  et  d'avoir  faV' Tisé 
celle  des  Afghans  Abdaliis.  Nadir  ar- 
riva devant  Candahar  en  mars  1 737. 
Prévoyant  que  le  siège  serait  long,  il 
transforma  son  camp  en  une  place- 
forte  qu'd  nomma  Nadir  -  Abad ,  et 
qui  est  le  Candahar  d'aujourd'hui,  à 
une  lieue  de  l'ancien.  11  envoya  des 
détachements  qui  soumirent  ou  dé- 
truisirent plusieurs  tribus  d'Afghans 
et  de  Beloutchis.  Dans  le  même 
temps,  son  fils  aîné  portait  la  guer- 
re chez  les  Ouzbeks  ,  s'emparait  de 
Baikh  ,  et  battait  les  troupes  du  roi 
de  Bokhara.  Nadir,  ayant  reçu  des 
renforts  ,  pressa  le  siège  de  Canda- 
har ,  qui  durait  depuis  plus  de  dix 
mois  ,  et  prit  cette  ville  d'assaut,  le 
■j4  mars  1738.  Un  grand  nombre 
d'Afghans  y  furent  passés  au  fil  de 
l'cpée;  il  transplanta  les  autres  ,  les 
remplaça,  suivant  sa  coutume,  par 
une  nouvelle  population  ,  amenée  de 
diverses  provinces  ;  il  incorpora  les 
jeunes  geus  dans  son  armée,  et  cu- 
vova  prisonniers  dans  le  Mazande- 
ran  ,  Houcéin  Khan,  avec  sa  famille 
et  les  enfants  de  Mir-Mahmoud.  Il 
avait  conçu  le  projet  de  conquérir 
l'Indoustan.  Les  réponses  évasives, 
faites  au  nom  de  l'empereur  moghol, 


NAD 

Mohammed  Chah  ,  à  un  ambas- 
sadeur persan  charge  de  réclamer 
contre  l'asile  accordé  dans  ses  étals 
aux  Afghans  é/nigrc's  ,  et  de  de- 
mander qu'on  les  renvoyât  en  Perse; 
le  coiigé  refusé  à  un  autre  ambassa- 
deur qui  était  venu  réitérer  les  mêmes 
réclamations  ;  tels  furent  les  prétex- 
tes de  Nadir  pour  entreprendre  cette 
expédition.  Mais  son  véritable  bat 
était  de  s'enrichir  des  trésors  de 
l'Inde.  La  faiblesse  de  cet  empire, 
les  intrigues  qui  divisaient  la  cour  de 
Dehly,  les  intelligences  qu'il  entre- 
tenait avec  quelques-uns  des  ])rinci- 
paux  omrahs,  lui  aplanissaient  tous 
les  obstacles.  Il  part  au  mois  de  mai, 
reçoit  les  soumissions  des  habitants 
de  Ghazna  et  de  Kaboul,  prend  de 
vive  force  la  citadelle  de  cette  der- 
nière place,  y  appelle  son  fils  ,  au- 
quel il  donne  le  nom  et  l'autorité  de 
vice-roi,  en  son  absence;  défait  Na- 
scr  Khan,  gouverneur  de  Pcichour 
et  de  Kaboul  ;  traverse  à  gué,  sur  des 
ponts  de  bateaux,  l'Indus  et  les  dif- 
rentcs  rivières  qui  se  jettent  dans  ce 
fleuve;  accepte  la  reddition  de  La- 
lior ,  arrive  sans  résistance ,  dans 
les  plaines  de  Karnal ,  où  il  met  eu 
déroute  l'armée  indienne,  et  s'em- 
pare de  Dehly,  qu'il  inonde  de  sang. 
Toutefois  il  traite  le  monarq\ie  avec 
quelque  modération  :  maître  de  sa 
personne  ,  il  lui  rend  la  liberté  et  la 
])lus  grande  partie  de  ses  états  (  f^. 
Mohammed  mv  ,  XXIX,  s-is,  et 
NizAM  AL  MoLouK  ).  Chargé dcs  dé- 
pouilles et  des  malédictions  des  peu- 
ples de  l'empire  moghol ,  Nadir  quit- 
ta celte  capitale  le  7  safar  i  i5.i  (  16 
mai  1739) ,  emmenant  une  princes- 
se du  sang  impérial ,  qu'il  avait  fait 
épouser  à  Nasrallah  son  second  fils. 
Son  armée  eut  beaucoup!  à  souffrir 
de  la  chaleur,  et  des  irruptions  des 
Afghans ,   et  perdit   beaucoup   de 


NAD 

inonde ,  en  repassant  les  rivières  que 
les  pluies  avaient  grossies.  Mais  Hcjà 
Naclir  n'est  plus  le  père  de  ses  sol- 
dats :  l'avarice  ,  l'orgueil ,  ont  en- 
durci son  cœur;  ses  jours  de  gloire 
vont  disparaître,  et  bientôt  on  ne 
verra  plus  dans  le  sauveur  de  la  Per- 
se ,  qu'un  brigand  couronne,  qu'un 
farouche  tyran. Pai  venu  sur  lesbords 
du  Tciienab ,  il  ordonne  à  tous  ses 
soldats  de  verser  au  trésor  royal  l'or 
et  les  bijoux  qu'ils  ont  apportés  de 
l'Inde.  Quelques-uns  obéissent,  et  re- 
çoivent en  échange  des  habits  ,  des 
présents  de  peu  de  valeur  ;  d'autres 
sont  dépouillés  brutalement  de  leur 
butin  :  plusieurs  aiment  mieux  le  je- 
ter dans  l'eau  que  de  se  voir  enlever 
le  fruit  de  leurs  travaux;  la  plupart 
enterrent  leurs  i-ichesses  ,  dans  l'es- 
poir de  revenir  les  chercher  :  mais 
il  fut  sévèrement  défendu  de  repas- 
ser le  fleuve.  Après  bien  des  fati- 
pnes ,  Nadir  ,  ayant  atteint  les  pro- 
vinces à  l'ouest  de  l'Iudus  ,  que 
Mohammed  Chah  lui  avait  cédées, 
fut  obligéde  conquérir  celle  du  Sind, 
dont  le  gouverneur  refusait  de  se  sou- 
mettre; et  cette  expédition  lui  coûta 
plus  de  monde  que  son  invasion  de 
î'Indoustau.  Enfin,  au  bout  de  deux 
ans  ,  il  revit  sa  nouvelle  ville  de 
Candahar,  le  3  ou  7  safar  11 53 
(  3o  avril  ou  4  mai  1 740  ).  Un  mois 
après,  il  arriva  à  Hérat,  rendez-vous 
général  des  nouvelles  levées  qui  de- 
vaient le  suivre  contre  les  Ouzbeks. 
Tous  les  princes  de  sa  famille  s'y 
e'tant  réunis ,  il  y  célébra  des  fêtes 
solennelles,  dont  la  pompe  fut  en- 
core augmentée  par  l'exposition  pu- 
blique des  trésors  qu'il  avait  rap- 
portés de  l'Inde  ,  parmi  lesquels  on 
remarquait  le  fameux  trône  du  paon, 
et  une  tente  construite  par  ses  or- 
dres ,  à  laquelle  on  n'avait  employé 
que  la  soie ,  l'or ,  les  diamants  et 


NAD 


533 


les  pierres  les  plus  précieuses.  Na- 
dir envoya  des  troupes  contre  les 
Lesghis  ,  qui  avaient  vaincu  et  tue 
son  frère  Ibrahim  ,  et  partit  pour 
punir  les  Ouzbeks  des  ravages  qu'ils 
exerçaient  en  Perse  ,  depuis  plus 
de  deux  siècles.  Ariivé  à  Balkh  , 
que  son  fils  leur  avait  enlevé  ré- 
cemment ,  il  côtoya  la  rive  gauche 
du  Djihoun  ,  sur  lequel  onze  cents 
barques  portaient  ses  munitions  et 
son  artillerie;  et  il  traversa  ce  fleuve 
près  de  Tchardjou,  sur  un  pont  vo- 
lant. Le  roi  de  Bokhara  ,  issu  de 
Djenghyz  -  Khan  ,  se  soumit,  con- 
serva sa  couronne  ,  et  obtint  le  ti- 
tre de  Chah ,  en  cédant  à  la  Perse 
toutes  ses  provinces  au-delà  du  Dji- 
houn ,  et  en  consentant  au  mariage 
de  sa  fille  avec  Aly-Kouly  Khan, 
noyeu  de  Nadir.  Pendant  son  séjour 
à  Bokhara,  le  vainqueur  fit  cnh  ver 
de  Samarkand  la  pierre  sépulcrale 
du  tombeau  de  Tamerlan,  et  les  por- 
tes d'aiiain  d'un  collège  fonde  par 
ce  conquérant  :  mais  la  pierre  s'é- 
tant  brisée  dans  le  transport,  Nadir 
renvoya  le  tout  à  Samarkand,  Après 
avoir  vaincu  une  armée  de  Turko- 
mans  et  d'Ouzbeks  ,  qui  voulaient 
arrêter  sa  marche,  il  entra  dans  le 
Kharizm,  s'empara  des  principales 
places,  fit  périr  le  souverain  ,  qui 
avait  rejeté  toutes  les  voies  d'accom- 
modement, et  disposa  de  ce  royaume 
en  faveur  d'un  autre  descendant  de 
Djenghyz  Khan:  il  y  délivra  plusieurs 
prisonniers  russes;  et,  ayant  ramené 
dans  le  Khoraçan  un  plus  grand 
nombre  de  captifs  persans  ,  il  en 
forma  la  population  d'une  ville , 
qu'il  fit  bâtir  sur  le  plan  de  Dehly , 
dans  le  village  où  il  avait  pris  nais- 
sance. Ensuite  il  déposa  ses  trésors 
à  Kélat,  château  voisin  ,  dont  il  aug- 
menta les  fortifications.  Le  Khora- 
çan était  sa  province  de  prédilec- 


534 


N.\D 


tion.  Il  répara,  embcHit  MeVlichd, 
et  y  fit  construire  son  toinljcaii.  Il 
disgracia  Riz  a  -  Koiily  i\Iir/.a  ,  qiii , 
pendait  son  absence,  avait  connais 
des  exactions  ,  aspire  au  po'ivoir 
suprême,  et  sacrilié,  dil-on ,  à  son 
arabition  Chah  Thabinas  et  les  res- 
tes infortunés  de  la  famille  des  So- 
fys.  Nadir  laissa  le  [;ouverncincnt  du 
Khoraçan  à  son  second  fils,  Nasr 
Allah  Mirza  ,  et  parlit,  en  mars 
i'j^^  ,  pour  aller  rt-duiie  les  peuples 
du  Cau<  ase.  Des  torrents  débordés 
subineigèrent  la  dixième  partie  de 
son  armée,  dans  les  défiiés  du  Ma- 
zanderan.  Ce  fut  pendant  cette  mar- 
che que  deux  assassins  inconnus  at- 
tentèrei.t  à  ses  jour*.  Blessé  légère- 
ment au  bras,  d'une  balle  qui  tua 
son  cheval,  il  tomba,  feignit  d'êlre 
mort ,  et  échappa  ainsi  aux  meur- 
triers ,  que  l'on  ne  put  arrêter.  Kiza- 
Kouly  Mirza  ,  soupçonné  ou  con- 
vaincu de  ce  parricide,  eut  les  yeux 
crevés,  quelque  temps  après,  ainsi 
que  le  grand -maître  de  la  maison 
du  roi.  Depuis  ce  moment ,  Nadir 
paraît  un  autre  homme.  Nalurelie- 
ment  avare,  ombi'ageiix  et  cruel, 
il  devient  de  plus  en  plus  avide, 
sombre  et  féroce,  l^a  fortune 
qui  l'a  comblé  jusque  -  là  du  ses 
faveurs  ,  l'abandonne  ;  el  son  bis- 
toire  n'offre  plus  que  des  revers  , 
des  extravagances  et  des  crimes.  Il 
arrive  au  pied  du  Caucase  :  les 
Lesghis,  du  haut  de  leurs  rochers, 
résistent  à  ses  efforts ,  bravent  ses 
menaces  ,  et  se  vengent  de  l'incen- 
die de  leurs  villages  et  de  leurs 
moissons ,  eu  harcelant  ses  soldais  , 
en  enlevant  ses  convois.  Fatigué  de 
cette  guerre  de  chicane,  Nadir  laisse 
un  corps  de  troupes  dans  le  Chyr- 
wan  et  dans  le  Daghestan,  et  tourne 
ses  armes  contre  les  Othomans.  Il 
s'empare  de  toutes  les  petites  pla- 


NAD 

ces  de  l'Irak  et  de  la  Mésopotamie  • 
mais  il  échoue,  en  174»^'  devant 
Bassorah  ,  Bagburid  ,  Wm  et  Mous- 
soul  :lescom!als  quillivrcii'i  m  au- 
cui'  succè."  dé(  isii.  INÎoliammed-Tiiki- 
Rhan.  gouvorneiii  di.  Karii-îtan  ,avail 
001  qiiis  les  îles  di;  B-iIna'in  ,  cf  pris 
Maskal  par  mi  prise,  t'iiy  ('eces  ex- 
ploits, il  se  révolta  pendani  que  son 
souverain  était  occupé  conire  les 
Turcs;  mais  ii  fut  vaincu,  arrêté, 
et,  avant  d'être  rcmiu  aA'^eugle  et  eu- 
nuque, il  eut  la  douleur  fie  voii  ses 
enfants  égorgés  et  ses  b  mmes  désho- 
norées. IN  arîir,  en  revenant  de  l'Inde, 
avait  publié  une  exemption  d'impôts 
pemiant  trois  ans,  pour  toute  la 
Perse  :  mais  il  se  repentit  bientôt  de 
cet  acte  de  munificence;  el,  ne  vou- 
lant pas  touchera  ses  trésors,  non- 
seulement  il  rétablit  les  contribu- 
tions ordinaires,  et  exigea  rigcureu- 
semeiil  celles  qui  étaient  arriérées  ,. 
mais  il  en  créa  de  nouvelles  ,  que 
l'augmentation  de  son  état  militai- 
re rendait  indispensables.  Quoiqu'il 
eût  toujours  eu  soin  d'enrôler  dans 
son  armée  les  peuples  quil  avait 
A'aiuous,  et  que  l'on  vît  marcher  sous 
ses  étendards  des  Afghans,  des  Ab- 
dallis  ,  des  Ouzbeks  ,  des  Turko- 
mans,  des  Kourdes  ,  des  Arabes, 
des  Géoi  giens  ,  etc.  ,  ces  recrute- 
ments é\entuels  étaient  loin  de  s;;f- 
fire  a  ses  besoins  ;  et  il  avait  sou- 
vent recours  à  des  levées  d'hommes 
sur  les  Persans.  La  difficulté  de  sou- 
mettre les  diverses  tribus  arabes  qui 
habitent  les  côtes  du  golfe  Persique,  et 
d'approvisionner  son  armée  dans  les 
pays  voisins  de  la  mer  Caspienne , 
lui  avait  inspiré  le  désir  d'avoir  une 
marine.  Cette  partie  avait  été  né- 
gligée sous  les  sofys ,  même  par  le 
graud  Chah  Abbas  I'^^'^.,  qui  n'avait 
abattu  le  despotisme  commercial 
des  Portugais  qu'avec  le  secours  des 


NAD 

Anglais.  Nadir  ,  dcdaignant  de  re- 
courir à  des  auxiliaires  ,  employa 
des  moyens  violents  :  il  fil  saisir 
tous  les  bâtiments  nationaux;  il  mit 
en  re'quisilion  tons  les  vaisseaux  eu- 
ropéens qui  relâchaient  dans  les 
ports  de  la  Perse,  et,  par  cette  me- 
sure impolitique ,  dont  il  n'obtint 
d'ailleui's  aucun  succès ,  il  éloigna 
toutes  les  nations  qui  venaient  ne'- 
gocier  dans  ses  états ,  et  anéantit  tota- 
lement le  commerce,  qui  leur  était  si 
nécessaire.  L'Anglais  Elton  qu'il  avait 
pris  à  son  service,  lui  fit  construire  , 
dans  les  forêts  du  Gliylan,  uu  vais- 
seau de  vingt  canons  ,  qui  obligea  les 
Russes  de  baisser  pavillon  sur  la  mer 
Caspienne  :  mais  la  vie  inquiète  et 
agitée  de  Nadir,  pendant  les  derniè- 
res anuc'cs  de  sa  vie  ,  l'empêcha  de 
tirer  jiarti  de  ce  faible  avantage. 
Rêvant  la  monarchie  universelle  ,  il 
paraît  avoir  eu  le  dessein  de  réunir 
les  Chrétiens,  les  Juifs  et  les  Musul- 
mans, par  une  même  croyance.  Il 
est  du  moins  certain  qu'il  fit  traduire 
en  persan  le  Pentateuque  et  l'Evan- 
gile. Forcé ,  par  des  difficultés  qu'il 
n'avait  pas  prévues,  d'abandonner 
ou  d'ajourner  cette  idée  absurde, 
il  se  borna  au  projet  d'établir ,  par- 
mi les  Mahoinétans ,  une  cinquième 
secte  orthodoxe,  fondée  sur  la  doc- 
trine de  ri  mam  Bjafar  al  Sadik ,  l'un 
des  descendants  d'Aly  (  V .  Djafar, 
Xl,43o).  11  mit  tour-à-tour  en 
usage  la  séduction  et  la  violence 
pour  amener  les  Persans  à  suivre 
cette  secte  ;  mais  tontes  ses  négo- 
ciations auprès  de  la  Porte -Otho- 
mane  ne  purent  !a  déterminer  à  con- 
sentir qu'un  cinquième  oratoire  fût 
établi  dans  le  sanctuaire  du  temple 
de  la  Mekke,  pour  les  Djaf ariens. 
Nadir  fut  encore  obligé  de  renon- 
cer à  celte  entreprise ,  et  à  l'es- 
poir qu'elle  pourrait  lui  faciliter  la 


NAD 


53f 


conquête  de  l'empire  othoman.  A  la 
suite  d'une  dernière  victoire  inu- 
tile, qu'il  remporta  sur  les  Turcs , 
près  d'Erivan,  eu  août  1745,  il  pro- 
posa de  nouveau  la  paix,  et  se  dépar- 
tit de  ses  prétentions.  Elle  fut  con- 
clue, eu  janvier  1747^  sur  les  bases 
de  celle  de  i638  ,  qui  avait  fixé  les 
limites  des  deux  empires.  Nadir  avait 
besoin  de  la  paix  :  les  fatigues  de  la 
guerre,  les  contrariétés,  les  soucis,, 
les  chagrins  ,  les  plaisirs  du  harem, 
avaient  altéré  sa  santé ,  et  lui  ren- 
daient le  repos  nécessaire.  Menacé 
d'hydropisie ,  pendant  son  séjour 
dans  l'Indoustan,  il  eu  avait  amené 
un  célèbre  médecin,  qui  le  soigna 
pendant  deux  ans  avec  succès.  Après 
le  départ  de  ce  docteur  musulman  , 
qu'il  voulut  vainement  retenir ,  il  se 
confia  aux  soins  du  frère  Bazin,  jé- 
suite ,  qui  ne  le  quitta  plus ,  et  à  qui 
nous  devons  une  relation  exacte  et 
intéressante  des  dernières  années  de 
ce  conquérant.  Nadir,  regardé  long- 
temps comme  le  libérateur  de  la  Per- 
se, aurait  fait  oublier  sou  usurpation, 
s'il. eût  ménagé  les  opinions  religieu- 
ses de  ses  sujets ,  et  respecté  leurs 
préjugés  j  s'il  eût  été  plus  avare  de 
leurs  fortunes,  de  leur  sang  ;  si  eu- 
fin  il  se  fût  plus  occupé  du  bon- 
heur de  ses  états  que  de  leur  agran- 
dissement. Mais  sou  ambition ,  sa 
soif  insatiable  d'or  et  de  conquê- 
tes ,  son  intolérance,  ses  vexations  , 
ses  cruautés ,  le  rendirent  un  objet 
d'horreur  pour  la  Perse,  et  de  ter- 
reur pour  les  états  voisins.  On  ne 
peut  se  faire  une  idée  de  la  férocité 
des  agents  qu'il  employait  pour  se 
procurer  des  ho'mmes  et  de  l'argent. 
Lui-même,  aigri  peut-être  par  ses 
souffrances,  par  ses  chagrins  domes- 
tiques, par  ses  revers  contre  les  Les- 
gLis,  par  les  révoltes  qui. éclataient 
de  toutes  parts  ,  il  se  transportait 


53G 


NAD 


successivcmeut  sur  tous  les  points 
on  l'on  bravait  sa  puissnncc;  il  par- 
courait la  Perse  en  brigand ,  en 
bourreau;  publiait  des  listes  de  pros- 
cription ,  faisait  mutiler  ou  aveugler 
nue  foule  de  malheureux  ,  et  éle- 
ver ,  sous  ses  yeux  ,  des  colonnes  et 
des  pyramides  de  têtes  humaines. 
Ispahan  ,  qui ,  sous  son  règne,  per- 
*lit  son  rang  de  capitale  de  la  Perse  , 
«tait  l'objet  particulier  de  sa  haine 
et  de  ses  cruautés.  Tant  de  crimes  , 
tant  de  maux  ,  devaient  avoir  leur 
terme.  Après  avoir  répandu  reffroi, 
la  dévasia'ion  et  le  carnage  ilans  la 
Perse  occidentale,  Nadir,  toujours 
suivi  d'une  armée  nombreuse  ,  com- 
posée de  soldais  de  vingt  nations 
difTérenles  ,  qui,  jusqu'alors,  avait 
fait  sa  sûreté  .  mais  dun;  il  com- 
mençait aussi  a  se  délier  ,  se  len- 
dit,  au  priulemps  de  «747  >  ^  ^^e- 
chehd  ,  devenue  le  siège  de  sou 
empire.  Son  neveu,  Aiy  -  Kouly 
Khan ,  venait  de  se  révolter  dans 
le  Seisfan  ,  où  il  avail  élé  envoyé 
pour  réduire  t'es  rebelles.  Nadir  se 
disposai)  à  marclier  contre  l.i,  quand 
il  apprit  le  soulèvement  des  Kour- 
des  de  Khabouchan,  dans  le  voisi- 
nage de  Kc'lat.  Agité  par  de  funestes 
pressentiments,  il  envoya  sa  famille 
dans  cette  forteresse,  où  il  comptait 
se  retirer  ,  et  s'avança  contre  les 
Kourdes.  Il  était  campéàFetb-Abad, 
lorsque  ,  dans  la  nuit  du  ig  au  20 
juin  1747  (11  djoumady  1160), 
quelques-uns  de  ses  généraux  per- 
sans, ayant  à  leur  tête  Mohammed 
Saleh  Khan,  intendant  de  sa  maison, 
et  Mohammed  -  Kouly  Khan  ,  son 
parent ,  capitaine  de  ses  gardes  ,  en- 
trèrent dans  sa  tente  pour  l'assassi- 
ner. Réveillé  par  le  bruit,  Nadir, 
couche  avec,  une  de  ses  femmes  ,  se 
lève,  prend  son  sabre,  et  leur  deman- 
de d'une  Voix  formidable  ce  qu'ils 


NAD 

veulent.  Un  coup  qu'on  lui  porte  sur 
la  tête  est  l'unique  réponse.  Il  se  met 
en  défense,  blesse  deux  des  assassins  ; 
mais  s'étant  embarrassé  dans  les  cor- 
des de  sa  tente,  il  tombe  et  deman- 
de la  vie.  «  Tu  n'as  fait  grâce  k 
»  personne,  lui  disent  les  conjurés; 
»  tu  n'en  mérites  aucune.  »  On  l'a- 
chève ,  et  on  lui  coupe  la  tête.  Ainsi 
périt,  dans  sa  59''.  année,  et  après  un 
règne  de  onze  ans.  Nadir  Chah,  l'un 
des  hommes  les  plus  extraordinaires 
dontl'hisloirefaise mention. On  pié- 
tend  qu'irrité  contre  ses  troupes  per- 
sanes, qui  ne  voulaient  point  adop- 
ter son  système  religieux,  il  avait 
donné  ordre  aux  Afghans  etauxOuz- 
beks  (qui  étaient  Sunnites)  de  les 
égorger,  et  que  les  généraux  i^ersans, 
informés  de  cet  oldre,  se  liâlèrent 
d'en  prévenir  l'exécution.  Ce  qu'il  y 
a  de  certain,  c'est  qu'au  point  du 
jour,  Ahmed  Khan  Abdally,  à  la 
tèle  des  Afghans  et  des  Ouzbeks, 
altaqua  les  Persans  et  les  Afchars, 
pour  venger  Nadir  qu'il  n'avait  ])u 
défendre  ;  mais  ,  forcé  de  céder 
au  nombre  ,  il  gagna  Caiidahar , 
où  il  fonda  un  nouveau  royaume 
(  r.  Ahmed  Chau  Abdally  ).  Aly- 
Kouly  Khan ,  chef  secret  de  la  cons- 
piration, accourut  à  Méchehd  ,  Gt 
périr  toute  la  famille  de  son  oncle, 
à  l'exceplion  de  Chahrokh  Mirza  , 
son  petil-fils  ;  il  s'empara  de  tous  ses 
trésors  ,  et  prit  le  titre  de  roi ,  sous 
le  nom  d'Adel  Chah.  Nadir  aA'ait 
cinq  pieds  neuf  pouces  de  haut.  Sa 
figure  était  majestueuse,  sa  voix  im- 
posante; sa  force,  sa  mémoire  pro- 
digieuses :  sa  bravoure,  son  activité  , 
sa  sobriété,  n'avaient  pas  d'égales. 
Quoiqu'il  n'eût  appris  à  lire  que  fort 
tard ,  il  ne  manquait  pas  d'instruc- 
tion ;  et  il  possédait  à  un  degré  su- 
périeur les  talents  politiques  et  mi- 
litaires :  mais  il  ne  connut  pas  l'art 


xNAD 

(le  s'attacher  les  hommes.  Tiîalgrc 
les  cruautés  «iii'il  exerça  sur  la  (iu  de 
sa  vie,  ou  ne  hii  reproche  pas  d'a- 
voir souille  ses  ruaius  dans  le  sang, 
si  ce  n'est  dans  les  combats.  Il  existe, 
en  français,  deux  mauvaises  histoires 
anonymes  de  Nadir-Cîliah  ;  l'une  in- 
titulée :  Histoire  de  Thainas  KouU 
Khan ,  Sophi  de  Perse  (  par  le  P. 
Dncerceau  ) ,  Amsterdam  «t  Leip/jy;, 
\']l\oci  1741,  2  parties iii-i 2;  l'au- 
tre (  par  Tabbc  Declaustre) ,  sous  ce 
titre  :  His'oive  de   Thamas  Kouli 
Khan ,  roi  de  Pc  se ,  l'aris  ,  1 743  , 
1758,   in-  12.  Ces  deux  ouvrages, 
pleins  d'erreurs  et  de  fables ,  se  ter- 
minent à  la  conquête  de  l'Indoustan. 
^i  History  of  NaderShah  ,  par  Fra- 
ser,   1742-43,   4  P*'''-   iii-y*-» 
plus  exacte,  finit  aussi  à  cette  épo- 
que de  la  vie  du  conquérant.  Ou  la 
trouve  complète  dans  V HisVÀre  de 
JYader  Chah ,  par  Mohammed  Mah- 
dy  Khan ,  traduite  du  persan  en  fran- 
çais ,    par  VVili.  Jones  ,  L'>ndies  , 
1770,   in-4".   IMais   ce  n'est  qu'un 
panégyrique,  qui  donne  une  fausse 
idée  de  son  héros ,  et  les  dates  y  sont 
presque  toujours    en  arrière  d'une 
année  (  F.  Mahdy,  XXVI,  1 57).  On 
peut  consulter  aussi  les  Révolutions 
of  Persia,  par  Hanway,  formant 
le  tome  2  des  Forages  du  même, 
1 753,  2  vol.  in-^".  ;  ceux  d'Olter.  en 
Turq'de  et  en  Perse ,  Paris .  1 748  , 
9-  voi.  in-i2;  ceux  de  Niebuhr,  en 
Arabie ,  etc.,  Amsterdam  ,  1776  et 
1780,  2  vol.  in-4''.;  la  Description 
de  l'Arabie,  par  le  même,  Paris, 
1779,  in-4''.;  V Histoire  de  Per.,e  , 
par  Laraamye-Glérac  ,  Paris,  1760, 
3  vol.  in-i2;  les  Lettres  édifianies , 
t.  IV,  Paris,  1780  ,  in-12  ;  Y  Illustre 
Paysan  ,  ovl Mémoires  et  Aventures 
de  Daniel  Moginié,  etc.,  Lausanne, 
1761 ,  in-12  ;  le  Dictionnaire  criti- 
que de  Chaufcpié  ,  etc.  Dubuisson  a 


NAD  537 

donne,  en  1780,  une  tragédie  inti- 
tulée: Nadir  ou  Thamas  Koidi  Khan 
(  F.  Dubuisson  ,  XTT  ,  \)i  ;.  On  a  \n\ 
Parallèle  de  l'expédition  d' Alexan- 
dre dans  les  Indes ,  avec  la  conquête 
des  mêmes  contrées  ,  par  Thamas 
Kouli  Khan ,  1752,  iii-8". ,  par  Bou- 
gainville.  L'auteur  de  cet  article  pu- 
bliera incessamment  un  Parallèle 
de  Nadir-  Chah  avec  un  personnage 
non  moins  fameux.  A — t. 

N  ADJAH ,  fondateur  de  la  dynas- 
ticdesNadjaliides,  dans  rYemenjl'an 
4  1 2  de  l'hég.  (  1021  de  J.-C.  ).  avait 
été  esclave  de  Mardjan,qui,  d'escla- 
ve lui  même ,  était  parvenu  au  timoa 
des  afl'aires,  pendant  la  minorité  d'I- 
brahim, dernier  souverain  de  la  dy- 
nastie des  Zéïadides,etsous  la  régence 
de  la  tante  du  jeune  prince.  Nadjah, 
do)ix  et  humain,  protégé  par  la  ré- 
gente ,  ayant  eu  pour  compétiteur  à 
la  charge  de  vézyr.  Gais  ,  son  ancien 
compagnon  d'esclavage,  hommevio- 
lent et  féroce;  celui-ci  employa  son 
crédit  sur  l'espritde  Mardjan,pourse 
venger  de  JNadjah  et  de  la  régente. 
L'an  407  (  1016-17  ),  Ibrahim  et  sa 
tante  furent  arrêtes  par  ordre  du 
ministre,  et  livrés  à  Gais,  qui  les  fit 
renfermer  dans  une  tour,  où  il  les 
laissa  mourir  de  faim.  Gais,  plus 
puissant  alors  que  son  maître,  usur- 
pa le  trône  du  Yemen,  qu'il  désho- 
nora par  sa  tyrannie.  Mais  Nadjah  , 
ayant  rassemblé  une  armée  d'Arabes 
et  de  Noirs,  lit  à  ce  monstre  une 
guerre  cruelle,  l'assiégea  dans  Zabid, 
le  tua  dans  une  sortie,  en  4'^  ,  et 
lui  succéda.  Son  premier  soin  fut 
d'ordonner  qu'on  ouvrît  la  tour , 
qu'on  eu  retirât  les  corps  des  deux 
victimes  du  barbare  Gais ,  qu'on  les 
ensevelît  honorablement ,  et  qu'on 
élevât  une  chapelle  sur  leur  tom- 
beau ;  ensuite  il  fit  renfermer  Mar- 
djaU;  soa  aucien  maître,  dans  la  tour, 


538 


KAD 


avec  le  c.atlavre  de  Gais,  et  l'y  laissa 
pc'iir  misérablement.  Délivre  alors 
de  tous  ses  ennemis,  Nadjali  régna 
quarante  ans,  et  mourut  en  452 
(  1060),  empoisonne,  dit-on,  par 
une  jeune  fille  qui  lui  avait  été  en- 
voyée à  ce  dessein ,  par  Aly  le  Sola- 
liide, lequel,  trois  ans  après  ,  enleva 
une  partie  du  Yemen  aux  enfants  de 
Naiijah ,  et  y  fonda  la  dynastie  des 
Solahidc*;.  A — t. 

NyEVIUS  '  Cneius),  poète  tragi- 
que et  comique,  e'iait  natif  delà  Gam- 
panie.  Il  avait  écrit  un  poème  sur  la 
première  guerre  de  Garthage,dans  la- 
quelle il  avai^servi  :  Varron  disait  de 
ce  poème:  llplait  à-peu-près ,  comme 
plairait  aujourd'hui  une  statue  de 
Mjron  ,  sculpteur  d'Athènes  ,  dont 
les  ouvrages ,  quoique  sans  vérité 
dans  l'expression  ,  ne  laissaient  pas 
d'être  beaux.  Nasvius  e'crivait  un 
peu  avant  Ennius.  Le  temps  nous  a 
conservé  à  peine  quelques  litres  de 
ses  tragédies ,  qui  sont  imitées  des 
Grecs.  Il  donna  également  des  dra- 
mes nationaux ,  parmi  lesquels  se 
trouvait  celui  qui  est  intitule  :  Ali- 
monicc  Rémi  et  Romuli.  Il  voulut 
imiter  dans  ses  comédies  la  liberlé 
grecque  ;  mais  ayant  tracé  le  por- 
trait de  quelques-uns  des  principaux 
citoyens  .  on  le  chassa  de  Rome  ,  et 
il  alla  terminer  sa  carrière  en  Afri- 
que. Nsevius  fut  aussi  poète  épique, 
et  Giceron  le  trouvait  supérieur,  sous 
plusieurs  rapports,  à  Ennius ,  qui  l'a- 
vait imité  en  partie.  Il  fixe  l'époque 
de  sa  mort  à  l'an  55o  de  Rome , 
quoique  Varron  la  porte  un  peu  plus 
tard.  T— D. 

NAGHID  (Samuel),  rabbin  de 
Cordoue,  ancien  grammairien  ,  était 
disciple  de  Judas  Khioug,  et  contem- 
porain de  Rabbi  Jonas  heu.  Gaunah. 
Il  a  écrit  vingt-deux  ouvrages,  au 
rapport  d'Aben-Ezra.  Les  plus  cou- 


NAG 

nus  sont  :  I.  Sephsr  ahoscer  (  Livre 
des  richesses  ).  Wolf  en  parle  dans 
sa  Bibliothèque  hébraïque.  Aben- 
Ezra  le  regarde  comme  le  meilleur 
ouvrage  qui  ail  paru  à  cette  époque, 
parmi  1rs  Juifs.  II.  Ben  mischie 
(  Fils  des  proverbes  ).  Bartolocci , 
Buxtorf  etWolf  ne  sont  pas  d'à rcord 
sur  le  suiet  de  ce  livre.  L'abbé  de 
Rossi,  qiu  n'en  possédait  que  des 
extraits  ,  se  contente  de  dire  qu'il 
renferme  des  ])oésies  magnifiques,  au 
jugement  de  Rabbi  Judas  Khari/.i , 
mais  profondes  et  obscures  (  Dizio- 
nario  storico  de^li  auiori  ebrei  ). 
III.  Méfia  aghemarà  (  Introduc- 
tion à  la  géraare  ) ,  Gonstautinople, 
laito;.  Venise  ,  1 545  ,  098,  in- 
4°.  j  dans  le  Talmud  d'Amsterdam, 
17 14,  et  ailleurs.  IV.  Un  Traité 
contre  Jouas  ben  Gannak,  pour  la 
défense  de  Judas  Khioug  ,  inconnu 
à  tous  les  bibliographes  hébraïques^ 
excepté  au  docte  abbé  de  Rossi. 
L — B — E. 
NAGOT  (  François  -  Charles  ) , 
né  à  Tours ,  le  1  g  avril  1 784  ,  fit  ses 
études  chez  les  Jésuites  de  cette  ville^ 
et  ensuite  dans  la  communauté  des 
Robcrtius  ,  à  Paris.  Il  entra  dans  la 
congrégation  des  prêtres  de  Saint- 
Sulpice ,  professa  la  théologie  au  sé- 
minaire de  Nantes  ,  et  prit  dans  cette 
A'ille  le  grade  de  docteur.  Devenu, 
en  1769,  supérieur  de  la  maison 
des  Ruberlins,  où  il  avait  été  élevé, 
il  encoiu'agea  les  éludes,  fdrma  une 
bibliothèque, et  mit  surtout  ses  soins 
à  établir  une  boniie  discipline  dans 
cette  école.  De  là  il  passa  au  petit 
séminaire  Saint  -  Sulpice,  dont  il 
fut  supérieur  pendant  plusieurs  an- 
nées ,  et  ensuite  au  grand  séminaire, 
où  il  fut  direcicur.  Dans  cette  place 
il  trouvait  encore  le  temps  de  s'oc- 
cuper de  bonnes  œuvres  au  dehors; 
et  il  créa  deux  nouvelles  communau- 


NAG 

les  de  jeunes  clercs,  pour  disposer 
de  bonne  heure  les  enfants  à  l'elat 
eccrësiastiqMe.  En  i'y<)i  jl'ahbe  Eme- 
ry  l'envoya  fonder  nu  se'minaire  à 
Baltimore  ,  où  le  pape  venait  d'éri- 
ger un  évèohc.  L'aLbé  Naj^ot  îriom- 
plia  des  obstacles  ,  cl  p;H\int  a  éta- 
blir, dans  les  États- Unis  ,  nn  gr;ind 
et  nn  pc.it  séniinaire,  et  de  plus  un 
cullép;o  qui  a  les  piivdc^cs  d'univer- 
sité. Il  lei.'lait  eu  même  îein])s  dos 
services  au  \  Français  ex  patries.  Etant 
devenu  infirme ,  il  .-e  démit  lies  fonc- 
tions de  sui>crieur,  e(  consacra  son 
loisir  à  traduire,  del'ang'ais  en  fian- 
çais, f'es  ouvr.ii^es  relatifs  à  la  reli- 
gion. Non  moins  pieux  q  .'instruit, 
il  avait  pciur  but  dans  toutes  ses 
actions  et  dans  tous  ses  travaux  la 
gloire  de  Dieu  et  le  salut  des  âmes. 
11  est  mort  a  Baltimore  ,  le  g  a^ril 
1816.  On  a  de  lui  :  1.  Conversion 
de  quelques  protestants ,  1791,  in- 
i'2;2  .  édit.  augmentée,  1796,  in- 
12.  II.  La  Doctrine  de  V Ecriture 
sur  les  zniriïfZei,  traduite  de  l'anglais 
de  l'évêque  catholique  Hay ,  et  pu- 
bliée à  Paris,  par  MM.  Emery  et 
Hémey,  i8o8,  3  vol.  in- 12.  III.  Le 
Traité  des  fêtes  mobiles  ,  traduit 
librement d'Alban  Butler,  pourfaiie 
suite  aux  Fies  des  Pères.  Ce  traité 
forme  le  treizàème  volume  des  der- 
nières éditions  de  ces  Fies  des  Pères 
(  F.  Butler,  vi  ,  394).  IV.  Fie  de 
M.  Olier,  i8i3,  in-8'\  On  dit  qu'on 
a  en  manuscrit,  de  Nagot,  des  tra- 
ductions d'autres  ouvrages  anglais  , 
comme  le  Sincère  chrétien  et  le  Dé- 
pôt chrétien  de  Hay  ;  le  Catholique 
insiruit,  par  Challoner;  le  Guide 
du  chrétien ,  etc.  P — c — t. 

NAHL  (  Jean- Augustin  ) ,  ha- 
bile sculpteur ,  né  en  1 7 1  o  à  Berlin , 
reçut  de  son  père  les  premiers  prin- 
cipes de  l'art  qu'il  devait  exercer 
avec  tant  d'éclat.  A  vingt  ans  il  vi' 


NAH  539 

sita  la  FrAcc  et  l'Italie  pour  se  per- 
fectionner par  l'élude  léflécliie  des 
modèles  ,et  séjourna  quelque  temps 
à  Strasbourg  ,  où  sa  famille  s'était 
étab'ie  pendant  son  absence.  Retour- 
né a  Bcilinen  174I)  '1  fut  charge 
de  dillérenls  messages  pour  la  dé- 
coration des  jardins  de  Potsdam  et 
de  Chailotteubuurg.  Au  bout  de 
quelques  aunccs  il  lit  nn  voyage  en 
Suisse,  et  s'v  fixa, Hat  s  les  environs 
de  Bcine,  charmé  de  la  beauté  du 
site  et  des  mœurs  pures  des  habi- 
tants. Il  se  plaisiil  surtout  à  Hindel- 
banck,  où  il  avait  reçu  l'accueil  le 
plus  gracieux  de  M.  de  Langhans  , 
pasteur  de  ce  village,  marié  depuis 
peu  a  une  femme  qui  réunissait  à  un 
haut  degré  les  attraits  et  les  vertus 
de  son  sexe.  Madame  de  Langhans 
mourut  en  couches,  laissant  son  mari 
inconsolable.  Nahl  se  chargea  d'éle- 
ver un  tombeau,  dans  la  petite  église 
d'Hindelbanck,  à  celle  qi  i  étaitdigne 
de  tant  de  respects.  Ce  monument , 
décrit  dans  la  plupart  des  ouvrages 
sur  la  Suisse ,  et,  entre  autres,  dans  le 
tomei'^''.  des  Tableaux  j^itt ors sques 
de  M.  de  Laborde,  a  été  modelé  dans 
de  petites  proportions,  en  terre  et 
en  scaiola,  et  reproduit  plusieurs 
fois  par  la  gravure.  Haller  et  Wie- 
land  l'ont  célébré  dans  leurs  vers. 
Nahl ,  en  quittant  la  Suisse , retourna 
eu  Allemagne ,  et  se  fixa,  en  17.55, 
à  Cassel ,  où  il  fut  nomméprofcsseur 
de  sculpture;  il  exécuta  en  cette  ville 
plusieurs  ouvrages  remarquables  , 
entre  autres  la  belle  statue  du  land- 
grave Guiliaume,  qui  décore  la  pla- 
ce de  l'Esplanade.  11  mourut  en  1 783, 
avec  la  réputation  d'un  des  plus 
grands  statuaires  dont  s'honore  l' Al- 
lemagne.  W—  s. 

NAHUM,  le  septième  des  petits 
prophè:es,  était  natif  d'un  endroit 
appelé  Elcèse,  dont  on  ne  connaît 


54o 


NAÎI 


point  la  position.  S.  Jc'rôrae  le  place 
dins  la  Galilée,  et  dit  que  ,  de  son 
temps  ,  on  en  montrait  encore  quel- 
ques restes.  L'on  ne  connaît  aucune 
particularité  sur  la  personne  de  Na- 
hum  :  le  temps   même  auquel  il  a 
prophétise' ,  est  un  sujet  de  dispute 
parmi  les  critiques.    Ceppndiint  ,  si 
nous  faisans  attention  qu'il   parle  , 
comme  d'un   événement  passé  ,  de 
la  défaite  de  Sennaclierib,  arrivée 
pendant  la   nuit   par  nn  effet  àc  la 
protection  du  Seip;neur  envers  Ezé- 
chias;  et  qu'il  annonce  la  destruction 
de  Ninive,  de  telle  manière  qu'elle  ne 
se  relèvera  plus  de  ses  ruines  ;  on  ne 
pourra   s'empêcher    de    mettre   ce 
prophète  entre  le  milieu  du  règne 
(i'Ezéchias,  sous  lequel  se  passa  le 
premier  événement,  et  celui  de  Jo- 
sias,  époque  du  second,  c'està  diic, 
plus  décent  ans  après  que  Jonas  eut 
été  envoyé  à  cette   ville.  On  croit 
même ,  d'après  le  9*".  verset  du  ch.  i , 
qu'il  avait  été  transporté  en  Assyrie 
avec  les  dix  tribus,  et  que  ce  fut  à 
la  vue  des  préparatifs  qu'on  faisait  à 
INinive  pour   attaquer  de    nouveau 
Jérusalem ,  qu'il  prononça  sa  pro- 
phétie   sur    l'inutilité  de    tous   les 
mouvements  qu'on  se  donnait.  La 
prophétie  de  Nahum  contient  trois 
chapitres  :  elle  a  pour  objet  les  mal- 
heurs auxquels  la  ville  de  Ninive  de- 
vait être  en  proie,  sous  son  dernier 
roi  Chyiialadan,   lorsqu'elle  fut  dé- 
truite de  fond  en  comble  par  Nabo- 
polassar ,  roi  de  Babylone,  et  par 
Cyaxare  ,  roi  des  Medes.  Le  style  de 
ce    prophète  est    grand  et    animé; 
ses  peintures  sont  nobles  et  varices. 
L'idée  qu'il  présente  de  la  Divinité 
a  quelque  chose  de  sublime  ;  il  laisse 
apercevoir  partout  une  imagination 
brillante  et   féconde  .  d'oîi  partent 
des  figures  hardies  et  des  traits  pleins 
ie  feu.  Les  Grecs  et  les  Latins  font  la 


NAI 

fête  de  ce  prophète,  le  premier  jour 
de  décembre.  T — d. 

NAIGEON  (Jacques- André), 
littérateur-encyclopédiste,  n.iq;iit  à 
Paris  ,  en  i  ■jSy.  Les  travaux  de  sa 
première  jeunesse  purent  pour  ob- 
jet presque  exclusif  l'étude  réfléchie 
des    productions   de    l'antiquité.    Il 
cherchait  en  même  temps  à  se  fa- 
miliariser un  peu  avec  les  sricnces 
exactes  ,  dont  il  voyait  l'influence 
s'étendre  tous  les  jours.  Il   ne  s'é- 
tait point  encore  arrêté  a   la   phi- 
losophie  rationnelle  ,    lorsqu'il   fut 
jeté  dans  la  société  du  baron  d'Hol- 
bach. Dans  cette  fameuse  coterie,  les 
déistes  étaient ,  comme  on  sait ,  en 
minorité  devant  les  fauteurs  de  l'a- 
théisme; si  bien  que  les  hommes  qui 
mettaient  du  prix  à  une  conduite  me- 
surée, avaient  cessé  d'y  paraître,  lais- 
sant la  carrière  libie  a  des  esprits 
plus  ardents  (  ^.♦Iorellet,  p.  1 19 
ci  dessus  ).  Naigeon  prit,  dans  cette 
réunion,  la  couleur  de  ses  opinions 
philosophiques ,  dans  lesquelles  il  ne 
se  distingua  que  par  une  âpre  téna- 
cité. Sa  frisure  recherchée,  la  déli- 
catesse de  son  tempéiament,  qui  lui 
avait  fait  adopter  dans  sa  manière  de 
vivre,  le  régime  pythagorique,  son 
pédanfisme  et  la  roideur  de  caractère 
qu'il  affectait ,  formaient  nn  contras-   • 
te  qui  prêtait   assez  au  ridicule.  II 
connut,  dans  la  maison  du  baron,  La- 
grange  ,  le  traducteur  de  Lucrèce  et 
de  Sénèque.  Naigeon  eut  part,  dit-on, 
au   travail  de  son  ami   sur  le  pre- 
mier de  ces  auteurs  ;  et  il  fut ,  depuis , 
l'éditeur  du  Sénèque.  Une-liaison  plus 
étroite,  et  à  laquelle  il  dut  toute  sa 
consistance  littéraire,  s'établit  entre 
lui  et  Diderot.  Naigeon  et  Damila- 
ville.  le  premier  surtout,  furent  les 
deux  écouteurs  en  litre  de  ce  philo- 
sophe, qui  éprouvait  le  besoin  de 
communiquer  son  enthousiasme,  et 


NAl 

de  répandre  on  loni^s  inoiio!oç;iics  son 
intarissable  f'ac.oiiiK'.  (liirnin  eiitr.iit 
en  tiers  dans  leur  admiration,  mais 
avec  un  esprit  d'une  tonte  anirc 
trempe.  Nai>^eon  composait  sa  con- 
versation de  celle  de  Di<lirot  ;  il 
copiait  son  ton,  ses  nianirres  :  plu- 
sieurs productions  de  Diderot  sorti- 
rent de  ce  commerce  intime,  et  ne 
sont  que  des  entretiens  avec  Naigeon. 
Cel;ii  ci,  à  son  tour,  conlondit  qnel- 
fois  ses  travaux  dans  ceux  de  Dide- 
rot. Il  ne  pouvait  raanijiier  de  (ii^n- 
rer  dans  la  liste  des  rédacteurs  de 
l'Encyclopédie;  ou  remanjua  l'arti- 
cle Ame  et  l'article  Unitaires,  p  irmi 
ceux  qu'il  y  avait  donnes.  Adepte 
vuîjjjaire  des  doctriues  qu'il  avait 
embrassées  avec  chaleur,  il  ne  les 
propageait  guère  qu'en  se  traînant 
sur  des  idées  d'einj)runt.  Jj'ouvr.ige 
dans  lequel  il  mit  peut  être  le  plus 
du  sien,  est  le  Militaire phih)Sophe , 
ou  Difficultés  sur  la  ,el-^iun,  pro- 
posées au  P.  Malebranche ,  Lon- 
dres (Amsterdam  )  ,  i^GS  ,  in- 1  >.. 
Il  le  composa  d'après  un  aianuscrit 
qui  portait  le  second  titie:  le  'ler- 
nier  chapitre  est  de  la  main  dii  baron 
d'Holbach.  Nai^ron  faisi<it  passer 
et  imprimer  en  H  iliaiide  les  écrits 
de  ce  baron ,  et  il  ajoiitait  des  no- 
tes aux  plus  considérables  (  V. 
HoLBAcn  ,  XX  ,  4'J7  ).  Le  minis- 
tre protestant  Ijccène  avait  donné 
une  mauvaise  traduction  du  Traité 
de  la  Tolérance  dans  la  relii^ion,  ou 
de  la  Liberté  de  conscience  ,  par 
Crellius;  Naii^eon  la  retoucha,  et  la 
fit  paraître  avec  V Intolérance  con- 
vaincue de  crime  et  de  folie,  par 
d'Holbach.  Il  réunit  divers  opuscu- 
les de  ce  dernier,  dans  son  tiecueil 
philosophique ,  ou  Mélanges  de  piè- 
ces sur  la  reliai  lU  et  la  morale  , 
Londres  (Amsterdam),  1770,  2  vol. 
in-i2,  qui  contiennent,  eu  outre,  des 


i\AI 


5/,, 


morceaux  attribués  à  Dumarsais, 
Vauvenargiies  ,  Fonlenrile,  Mira- 
baud,  Burigny,  et  une  Disserfalion 
sur  l'origine  des  pi  incipes  religieux, 
par  lVleister.Lagrange.iyautlai-.se  in- 
complète sa  iraduciion  de  Sénique, 
NaigeoM  y  fit  des  corrections  ,  la  ter- 
mina l'enrichit  de  notes  critiijues  , 
hi.slori([ues  et  littéraires,  et  la  publia, 
augmentée  de  V Essai  de  Diderot 
sur  la  vie  de  Séneque,  Paris,  1 778- 
79,  7  vol.  in- 12.  Laharpe,  en  pul- 
vérisant ,  dans  une  réfutation  pro- 
lixe, mais  victorieuse,  les  sophismes 
et  les  assertions  gratuites  qui  sura- 
bondent dans  ce  panégyri()ue ,  ré- 
serve toute  sa  colère  pour  Diderot , 
et  ménage  l'éditeur,  au  travail  duquel 
il  accorde  même  quelques  expres- 
sions d'eslime.  N.iigeon  reproduisit, 
peu  de  temps  après  (  1782),  une  par- 
tie de  cette  traduction  de  Sénèque, 
dans  la  Collection  des  moralistes 
anciens,  imprimée  par  Didot,  col- 
lecli.jii  dont  il  composa  le  discours 
preliuiinaire,  et  à  laquelle  d  fournit 
encore  une  nouvelle  traduction  du 
Manuel  d'Epictcte,  où  il  n'avait  pas 
de  peine  a  surpasser  Dacier.  11  prit 
part ,  sans  succès,  aux  deux  concours 
de  l'afadémie  de  Marseille,  qui  j»ro- 
dui-irent  les  beaux  Eloges  de  Lafun- 
taine  et  de  llacine,  par  Chamfoit  et 
J^a harpe  ;  mais  il  fit  revivre ,  avec  le 
titre  de  Notices ,  ses  deux  Essais  mal 
accueillis  sons  des  formes  or.itoires, 
et  il  les  mit  en  tcle  du  Lafontaine 
et  du  Racine  sortis  des  presses  de 
Didot  pour  l'édiicali  <u  du  Dauphin. 
Parmi  les  réimpressions  à  part  de  la 
Notice  sur  Lafoiit-iiue,  nous  citerons 
celle  de  dusse,  Dij)U.  i7()5,in-8\, 
de  48  piges.  Ou  a  désigne  Naigeon 
comme  undes  (  llaboraîeurs  de  Ray» 
nal ,  sur  cet  Mni(;ie  fondem-nt,  selon 
nous,  que  to  f  semblait  inséparable 
entre  lui  et  Diderot.  11  avait  esquis- 


54'2 


NAI 


se,  en  1784,  u»e  Vie  de  Julien,  que 
l'ouvrage  de  Gibbon  ne  pcruiet  point 
de  regrclter.  En  l'jSH,  il  |Hi!,lia  le 
Conciliateur de'£ur^(jl,  cl, deux  ans 
après,  les  Eléments  de  morale  uni- 
verselle,  du  baron  d'Holbach,  ami 
de  vingt-cinq  ans,  qui  venait  de  lui 
être  enlevé.  Cette  amitié  a  rendu  sus- 
pect à  plusieurs  personnes  le  témoi- 
gnage de  Naigeon.d'apr's  lequel  M. 
Barbier  a  restitué  au  baron  un  grand 
Dombred'écrits  philosophiques,  ano- 
nymes ou  pseudonymes.  Quelles  af- 
firmations,   cependant,    méritaient 
plusdeconfiancequecellesd'un  hom- 
me qui  avait  été  le  dépositaire  de  tous 
ces  écrits  ?  et  ces  affirmations  ne  sont 
combattues  par  aucun  témoignage 
de  poids,  si  l'on  excepte  Laharpe, 
qui  donne  à  Damilaville  le  Christia- 
nisme dévoilé  ;  mais  cette  opinion 
est  infirmée  par  la  correspondance 
même  de  Voltaire,  et  par  l'anecdote 
consignée  dans  le  Dict.  des  anony- 
mes, i '■''.édit.,  tome  IV,  viij.  Laharpe 
était  d'ailleurs.si  mal  informé  sur  ces 
secrets  du  parti  philosophique,  qu'il 
attribue  opiniâtrement  à  Diderot  le 
Code  de  la  nature  ,  qui  est  bien  cer- 
tainement de  Morelly.  D'un  autre  cô- 
té, quelle  invraisemblance  y  a-t-il  à 
ce  qu'un  écrivain  aussi  fanatique  à  'a 
manière  que  l'était  d'Holbach,  ait 
multiplié  des  productions  dent  les 
matériaux  lui  étaient  fournis  par  les 
conversationsiourualièresdeses  con- 
vives,parmi  lesquelsil  trouvait  même 
pUis  d'un  auxiliaire  pour  la  rédaction 
de  ses  manifestes  contre  ce  qu'il  ap- 
pelait les   préjugés  ?  Naigcon  ,  qui 
comprenait'es  prejugésd'une  maniè- 
re aussi  large  que  son  ami ,  se  per- 
suada  que   la   révolution  les  avait 
anéantis  sans  retour.  Il  publia ,  eu 
i^go  ,  une  adresse  à  l'assemblée  na- 
tionale sur  la  liberté  des  opinions  et 
celle  de  la  presse.  11  y  taxait  de  pu- 


NAI 

sillanimes  ses  confrères  en  philoso- 
phie, lui  qui  n'avait  jamais  .ifTiontc 
la  Basiidc  ,  et  qui  avait  pris  de  gran- 
des précautions  pour  assurer  a  ses 
livres  la  clandestinité.  Il  y  insistait 
sur  la  nécessité  d'écarter  toute  idée 
de  religion  dans  une  décl  iration  des 
droits  de  rhoinme;et  il  réclamait  la 
faculté  indéfinie  d'énoncer  sa  pensée. 
L'auteur  exhalait  une  haine  brutale 
contre  les  prêtres,  et  avait  visé  à  la 
A'igueur  du  raisonnement .  par  cette 
brochure,  qui  fut  louée,  i^ans  le  I^îer- 
cure,  par  Chimfi;rt,  m-ds  qu'un  es- 
prit plus  sain,  Morellet,  a  réduite 
à  sa  juste  valeur ,  dans  la  se<:onde 
partie  de  ses  Mémoires.  Naigeuu , 
chargé  de  l'histoire  de  la  philoso- 
phie ancienne    et   moderne  ,   dans 
V  Encjchrjiédie  niélhodifjiie  ,   s'ap- 
plaudit  d'en  pouvoir  faire  un  ar- 
senal d'athéisme.  H  poursuivit  cette 
tache  avec  une  entière  franchise  ; 
mais   l'exécution  en  fut  bien    meV 
diocre.  On  devait  s'attendre  à  une 
analyse  substaniielle  et  animée   de 
tous  les  systèmes  qui  avaient  forte- 
ment occupé  l'attention  des  hommes, 
depuis  les  traditions  des  brames  et 
des  prêtres  d'Égvptc,  jusqu'aux  théo- 
ries de  lécoie  écossaise  et  des  uni- 
versités d'Allemagne.  Naigeon  s'était 
d'autant  plus  engagea  se  rendre  maî- 
tre de  sa  matière,  qu'il  traite  dédai- 
gneusement, dans  son  discours  pré- 
liminaire. Brucker,  Stanley  et  Du- 
tens.  Cependant  il  n'a  fait ,  pour  la 
partie  ancienne,  que  reproduire  le 
travail  de  Diderot,  dans  la  première 
Encyclopédie,  modifier  légèrement 
les  articles  fournis  au  même  ouvra- 
ge par  des  auteurs  moins  connus  ,  et 
y  ajouter  trois  morceaux  importants 
de  Roland  de  Croissy ,  sur  les  aca- 
démiciens, sur  la  philosopliie  des 
Celtes,  et  sur  l'idée  de  Dieu  chez  les 
anciens.  Dans  les  articles  de  philo- 


^fAI 

soplik'  moderne,  il  iranscril  des  vo- 
lumes cnticis:  Ici  est  r.irlicle  Ijacon, 
où  se  trouve,  amende,  le  précis  de 
Deleyre;  tels  sont  les  arlicles  de  Ber- 
kley  ,  Cond'llac,  Diuiiarsais  ,  Fon- 
tenelle,  Frcret,  Muinc,  Toland,  etc. 
Il  faut  encore  déduire  dn  travail  du 
rédacteur  ,  la  Notice  sur  Helve'tius  , 
par  Saint-Lambert,  le  morceau  sur 
le  félicliisme,  par  de  Brosses;  les 
Elojjes  de  d'Alembert ,  de  BulFon  , 
de  Pascal ,  par  Gondorcet  ;  l'article 
de  Spinosa  et  quelcpies  autres,  Nai- 
geun  parle  avec  mépris  de  Glarke, 
de  Ditton  ,  de  Cndwortli.  Selon  lui , 
«  Bossuet  et  les  solitaires  de  Port- 
Royal  ,  s'ils  avaient  vécu  dans  l'an- 
tiquité ,  n'auraient  fait  que  res- 
susciter les  folles  subtilités  de  l'é- 
cole de  Mégare  ;  Pascal  seul  aurait 
pu  s'élever  aux.  de'couvertes  d'Ar- 
chimcde  :  il  a  été  ])erdu  pour  les 
sciences,  aussitôt  que  la  religion  en 
a  fait  la  conquête.  Bacon  lui  même, 
-lorsqu'il  paye  un  tribut  à  de  re- 
ligcuses  convenances  ,  n'est  plus 
qu'un  enfant  qui  répèle  les  coûtes 
*?  sa  nourrice.  Campanella  n'avait 
point  assez  d'élolfe  pour  être  athée  j 
on  n'imagine  pas  combien  il  faut  de 
force  de  tcte,  combien  il  faut  avoir 
observé,  comparé,'  médité,  aprofon- 
di  les  sciences,  pour  atteindre  à  cette 
opinion.  »  C'était  celle  d'un  Matbias 
Knuzen,  rêveur  allemand,  qui  ne  re- 
connaissait d'autres  lois  que  la  cons- 
cience :  Naigeon  n'a  eu  garde  de  l'o- 
mettre dans  son  Dictionnaire.  Il  ne 
connaît  point,  dit-il,  ses  arguments; 
mais  il  présume  qu'ils  ont  fort  em- 
barrassé les  prêtres,  puisqu'ils  ne  les 
ont  point  reproduits  dans  leurs  réfu- 
tations. Il  s'indigne,  dans  l'article 
/^rtnmf  ,contrerhistorienGramond, 
qui  accusetct  athée  d'aA^oir  dissimu- 
lé sa  doctrine  devant  ses  juges  :  Et 
d'où  le  sais-tu,  béte féroce  ?  qui  te  l'a 


NAÏ  543 

dit  .^s'écrie-I-il.On  croit  entendre  Di- 
derot se  déchaîner  contre  les  détrac- 
teurs dj  Séncquc.  Naigeon  gourman- 
de Voltaire  de  n'avoir  point  analysé 
les  objections  de  IMcsIier,  en  faveur 
du  nialéri  ilismc.  Le  méticuleux  vieil- 
lard de  Ferney  ,  qui  avait  la  faiblesse 
de  croire  à  l'inllnencc  morale  ties 
idées  religieuses  ,  ne  faisait  point  at- 
tention que  le  prédicateur  le  plus 
éloquent  d'un  état, c'est  le  bourreau, 
d  on  1 1  e  glaive  devrait  atteind  rc  toutes 
les  têtes,  même  celles  qui  portent 
une  couronne.  Le  curé  champenois, 
Meslier,  voyait  de  bien  plus  haut, 
quand  il  émettait  le  vœu  que  le  der- 
nier des  rois  fût  étr.mglé  avec  les 
boyaux  du  dernier  des  prêtres;  et 
Naigeon  admire,  dans  ces  paroles  , 
une  des  pensées  les  plus  fortes ,  les 
plus  sublimes  que  l'esprit  humain 
ait  pu  concevoir  ! . . .  C'était  en  i  ngj^ 
qu'il  s'exprimait  ainsi  (1).  Lorsque 
des  temps  plus  calmes  remplacèrent 
ces  jours  de  fureur,  Naigeon  recom- 
mença de  prêcher  ses  opinions  avec 
le  même  fanatisme.  Labarpe,  à  la 
même  époque ,  faisait  entendre  ses 
violentes  invectives  contre  les  parti- 
sans de  la  philosophie.  Chéuier  tour- 
na en  ridicule  ces  deux  missionnai- 
res emportés,  dans  une  petite  pièce 
que  voici  : 

Or  .  cnnnaispez-vous  en  Franco 
Cerlaîii  couple  sauvageoa 
Prisant  peu  la  tolérance. 
MM.  Laharpeet  Naigeou. 

Eîitre  ei;x  il  s*é!èvc  nn  schisme  ; 
Ij'ni»  ctaiil  grive  doclenr  , 
Forié  sur  le ratéchisnio  ; 
L'autre  .  alhei-  innuisili-ur. 

Tons  deux  hra'lleul  cnnme  pies  ; 
Deisds  ne  simt  leurs  saints  ; 
Loharpe  les  Dnnime  imnies  , 
Naigfoules  dit  eapucÎDs. 

A  ces  oracles  suprêmes , 
Bonnes  ;:*'ns ,  sovez  soumis  ; 
Nul  n'nura  d'esprit  qu'eux  >nèn)es  : 


(l)  h'fiiftoire  de  la  philotcphie  ancienne  et  mo- 
derne parut  de  ijpi  .■(  p4.  -^  ^"1-  in-^o.  U  aurait 
l'allu  un  /j"'.  volume  df  supplément;  Vollaire  «tJ.-J. 
Rousseau  cux-uièmcs  u'out  poiut  d'articles. 


544  NAI 

Ils  ii'oo»  na»  d'aiitrrs  .unis. 

Le- r  eloiiuence  tiiodeite 
Auiullil  /fs  ctPiirs  dr  fer  ; 
La(inr|j<'»  le  feu  i-elcst"» , 
Et  Maiceoii  Je  feu  U'.  iiter. 

Partout  ces  deux  Proiurthres 
Vortt  formaul  inorlel»  nouveaux; 
Labnr|>e  l'ait  les  alhii  s , 
Et  >aigi'U(i  fait  les  devo(5. 

Naigcoii  donna,  en  1798,  sa  volu- 
mineuse édiliou  de  Diderot  ;  et  il  pré- 
sida, en  1801  ,  avec  Fayolle  et  Ban- 
carel ,  à  celle  de  J.  J.  Rousseau,  im- 
primée par  DiJot,  .20  vol.  in  -  8<>. 
L'année  suivante,  il  imagina  de  don- 
ner aussi  une  édition  dcMontai-^ne 
non  pas  d'après  celle  de  M''»,  de 
Gouruay,  la  plus  ample  de  toutes, 
mais  sur  un  exemplaire  de  réditiou 
de  i588,  conservé  a  la  biblioiiièqne 
centrale  de  Bordeaux,  et  char^^é  de 
notes  marginales  de  la  main  de  Mon- 
taigne. Le  philosophe  gascon  avait 
condamne'  ce  travail  à  l'obscurité 
puisqu'il  avait  laissé  une  copie  in- 
finiment plus  considérable  et  plus 
perfectionnée  des  Essais.  Il  ne  fal- 
lait donc  produire  de  ces  notes  ,  mi- 
ses par  lui-même  au  rebet,  que  ce 
qui  pouvait  être  curieux,  comme  va- 
riante. Mais  Naigeon  voulait  donner 
du  neuf;  et  il  se  montre  neuf,  surtout 
dans  le  Commentaire  fas'tidieux  et  si 
souvent  étrange,  dont  il  accompagna 
le  texte  (  i  ).  On  rit  beaucoup  de  celte 
substance  encore  inconnue  ,  qu'il 
suppose  renfermée  dans  la  tète,  et 
dont  Vidiosjncrasie  nous  porte  plus 
ou  moins  fortement  à  l'ordre  on 
au  désordre  :  c'était  rétablir, en  d'au- 
tres termes,  la  distinction  du  bien 
et  du  mal,  que  Naigeon  nie  ailleurs, 
quoiqu'il  convienne,  par  une  singu- 
lière distraction,  qu'on  est  heureu- 

(i)  Les  n  tes  de  ce  commentaire  ii'claiinl  encore 
«jue  le  pi  élude  d'un  coiiuiieiilrtire  bien  plus  ample 
qu'il  alatsp  manusiritsur  ^l....laigne  tl  Ch-.,TO»i  ' 
et  dout  le  possesseur  (  M.  A.juiurv  Ouval  )  a  ulrait 
un  clioix  de  notes  h  storiqu  s  ou  critiques  ,  1rs  moins 
enlachers  de  i.failosoi  hisiue  ,  pour  sa  Collection  des 
61oraUslesJ)aiicais.  G— CE 


NAI 

sèment  ou  malheureusement  neVNai- 
?eon ,  dans  ses  dernières  années  , 
devint  très-circonspect  dans  son  lan- 
gage. 11  désespérait  sans  doute  du 
progrès  de  ses  principes;  et  l'exem- 
ple de  son  confrère  Lalande,  ad- 
monesté publiquement,  de  la  paît 
du  chef  de  l'étal  (  P'.  Silvain  Mahé- 
CHAL,  XXVII,  9),  avait  dû  faire 
impression  sur  lui  :  ses  ennemis  pré- 
tendaient que  le  motif  de  cette  con- 
duite mesurée  était  l'ambition  de 
devenir  sénateur.  Naigeon  est  mort 
le  'j8  février  1810;  il  était  membre  - 
de  la  seconde  classe  de  l'Institut.  Ou 
a  trouvé,  parmi  ses  papiers,  ses  Mé^ 
moires  hi^torirjues  et  philosophi- 
ques vour  servir  à  la  Fie  de  Dide- 
rot. Il  ne  les  avait  ])oiiit  terminés; 
et  ce  qui  porte  à  croire  qu'il  avait 
renoncé  à  les  donner  au  public,  c'est 
qu'à  l'exception  de  l'analyse  de  quel- 
ques productions  inédites  deDiderol, 
ils  ne  contiennent  rien  de  plus  que 
l'article  Diderot ,  de  VHist.  de  la  phi-''- 
losophie  ancienne  et  moderne  ,  les 
Notes  sur  les  œuvres  de  cet  éci  ivai;^,^ 
et  le  Commentaire  précité,  sur  Mon- 
taigne. On  croit  Naigeon  l'auteur 
d'un  opéra-comique  (  les  Chinois  ) , 
joué  par  les  Italiens,  en  l'jSG  .  et 
mis  ausii  sur  le  compte  de  Favart. 

F— T. 

N  AILLAC  (Philibe  rt  de  \  trente- 
troisième  graud-maîtie  de  l'ordre  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem,  était  d'une 
ancienne  et  ilbistre  famille  du  Berri. 
Il  mérita  l'estime  des  chcTaliers,  au- 
tant par  sa  sagesse  que  par  sa  valeur, 
et  fut  élu  leur  chef,  en  1396.  Il 
entra  aussitôt  dans  la  ligue  des  prin- 
ces chrétiens  contre  Bajazet,  rejoi- 
gnit les  confédérés  dans  les  plaines 
de  Hongrie,  et  les  suivit  au  siège  de 
Nicopolis." Bajazet  livra  a'ux  Chié- 
ticns,  sous  les  murs  de  cette  ville, 
une  bataille  dout  l'issue  ne  fut  pas 


NAT 

tl'Uilcnsc  nn  seul  instant  (  r  Baja.- 
7,i:r,  m ,  '-147  ).  Apiîrs  avoir  vu  tom- 
ber à  ses  côtes  les  plus  illustres  ciic- 
valicrs,  le  f^raud-niaître,  c'|Miisc  de 
fatigues,  ne  s'attendait  qu'à  périr, 
lorsque  le  hasard  lui  fit  découvrir 
une  nacelle,  où  il  se  jeta  avec  le  roi 
de  Hongrie,  échappe'  comme  par 
miracle  au  massacre  gênerai  ;  et , 
clant  parvenus  à  gagner  la  flotte 
chrétienne,  ils  arrivèrent  à  l'ilc  de 
Rhodes.  L'invasion  de  la  Natolie  par 
ïamerlan,  arrêta  le  cours  des  con- 
quêtes de  Bajazci.  Tandis  que  les 
Turcs  et  les  Tartares  supputaient 
les  de'ijris  de  l'empire  grec ,  Philibert 
s'occupa  de  mettre  les  possessions 
de  l'ordre  sur  un  pied  respectable 
de  défense.  A  la  tète  d'inic  flotille, 
sortie  secrètement  du  port  de  Rho- 
des, il  descendit  sur  les  côtes  de  la 
Carie,  en  chassa  les  garnisons  que 
Tamerlan  y  avait  laissées,  et  cons- 
truisit sur  les  bords  de  la  mer  nn 
château  auquel  il  donna  le  nom  de 
Saint-Pierre  ,  et  qu'il  fortifia  avec  le 
plus  grand  soin.  Philibert  fut  choi- 
si, eu  i4o3,  pour  médiateur  entre 
le  roi  de  Cyprc  et  les  Génois,  et  p.ir- 
vint  à  terminer  les  dilférends  qui 
avaient  amené  une  guerre  longue 
et  sanglante.  Il  accompagna  ensuite 
Boucicaut  dans  ses  excursions  sur  le 
côtes  de  Syrie  et  de  Palestine,  et  eut 
beaucoup  de  part  aux  succès  renipor» 
tes  sur  les  infidèles.  11  conclut  avec 
le  sulthan  d'E^vpte  un  traite  avanta- 
geux aux  chrétiens  qui  visitaient  les 
saints  lieux,  et  étendit  la  gloire  de 
son  ordre  dans  toute  l'Asie.  Philibert 
assista  au  concile  de  Pise,  assemblé 
pour  mettre  un  terme  an  schisme  oc- 
casionné par  la  double  élection  de 
Benoit  Xill  et  de  Grégoire  XII ,  et 
à  celui  de  Constance,  où  Jean XXIII 
fut  déposé.  Il  réussit  à  apaiser  les 
dissensions  qui  troublaient  l'ordre  , 


NAl 


545 


rt  convoqua  à  Rhodes  im  chapitre 
général ,  dont  il  adressa  les  actes  an 
souverain  pontife,  qui  s'empressa  de 
les  con(irm''r.  Philibert  mourut  quel- 
ques mois  après,  en  14 '-i  ,  regretté 
de  tous  les  chevaliers.  Il  avait  gon- 
vernél'ordrepcndant  vingt-neuf  ans, 
avec  une  prudence  consominée.  Oti 
trouve  son  portrait,  gravé  par  Fli- 
part,  dans  V  Histoire  des  chevaliers 
de  Malte,  de  l'abbé  de  Vertot.  W-s. 

NAliN  {Foj.  Lenain  et  Tille- 
mont  ). 

NAIROBI  (  Antoine  Fauste  ), 
savant  mai-onite,  qui  vivait  à  Rome, 
dans  le  dix-septième  siècle,  naquit 
à  Ban  ,  petit  endroit  situé  dans  le 
mont  Liban  ;  il  était  neveu  ,  du  cô- 
té de  sa  mère,  d'Abraham  Eccliel- 
leiisis  :  il  vint  fort  jeune  à  Rome,  où 
il  (it  ses  études ,  et  retourna  dans 
l'Orient,  pour  s'y  procurer  les  ou- 
vrages relatifs  à  l'histoire  de  ses  co- 
religionnaires. A  son  retour  a  Rome, 
il  fut  fait  professeur  de  langue  syria- 
que ou  chaldaique  ,  au  collège  de  la 
Sapience;  et  il  occupa  cette  place, 
depuis  l'an  1666  jusqu'en  i6g4.  Il 
mourut  à  Rome,  en  171 1  ,  presque 
octogénaire.  Ses  ouvrages  sont  :  I. 
Officia  sanctorum  juxta  riciim  ec- 
clesiœ  Maronitajiim,  Rome,  i65Ct 
et  166G,  in-fol.  IL  De  saliibeiri- 
md  potione  cahuè  seii  café  jiim- 
cujjntd  discursus ,  Fi.ome ,  1 67  i ,  in* 
12.  Cet  ouvrage  fut  traduit  en  ita- 
lien ,  la  même  année  ,  par  Fr.  Fred. 
Yegilin  de  Cluerbergen  ,  capitaine 
fi'ison,  Rome,  1671  ,  in-12,  et  par 
le  P.  Paul  Bosca  ,  bibliothécaire  de 
l'Ambrosienne,  Milan,  1673,  in- 
I  .i.  Il  en  parut  aussi  une  traduction 
libre,  ou  un  extrait  en  français, 
(  F.  DuFOUR,  XII,  i49  )•  III.  Vis- 
sertatio  de  origine ,  nomine  ac  reli- 
gione  Mavonitavum  ,  Rome,  iG7(>. 
iu-8^.  j  ouvrage  utile  à  l'époque  ou  il 
3} 


i6 


NAI 


J4 

parut ,  mais,  qui  a  ële  complètcnient 
elKicc  par  les  travaux  du  célèbre  A.S- 
seniani.  IV.  Evopliajidei  catholicœ 
Romance  historico-dogmatica ,  Ro- 
me ,  i09'j ,  in-8°.  Ce  traité  contient 
un  gland  nombre  de  lails  curieux 
.sur  i'Jiistoire  civile  et  religieuse  des 
Clxrelieus  de  l'Orient;  el  quoiqu'As- 
sëmani  y  remarque  un  grand  nom- 
bre d'eireiirs ,  il  est  encore  fort  utile, 
parce  qu'on  y  trouve  de  la  clarté  et 
de   la   concision ,   mérite  fort  rare 
dans  les  savants  écrits  d'Assémani, 
S.  M— N. 
NALDI  (  Naldo  ),  littérateur  dis- 
tingué, né  à  Florence,  dans  le  quin- 
zième siècle,  fut  l'un  des  plus  illus- 
tres disciples  de  Marsile  Ficin  ,  qui 
parle  de  lui  avec  éloge  dans  diffé- 
rents endroits  de  ses  ouvrages.    11 
mérita  par  ses  talents  la  bienveillance 
particulici'e  de  Laurent  de  Médicis  , 
et  fut  l'ami  de  Politien  et  des  autres 
hommes  célèbresquibrillaieutalorsà 
la  cour  de  Florence.  Naldo  se  chargea 
pendant  plusieurs  années  de  faire  des 
leçons  de  littérature  aux  jeunes  prcfès 
de  l'ordre  des  Scrvites.   Il  mourut 
vers  l'an  1470-  On  a  de  lui  :I.  La  Fie 
de  Giannozzo  ftlanetti ,  publiée  par 
Burmann,  dans  le  tome  ix  du  The- 
saur.  antiquit.  ital.  ,  et  par  Mura- 
tori  sur  un  manuscrit  que  l'on  croit 
autographe  dans  les  Scriplor.  rer. 
italicar.  ,  xx  ,  529-608  ;  elle  est 
écrite  avec  élégance ,  et  renferme  des 
détails  intéressants  (  f^,  Manetti  , 
XXVI  ,    476  ).   II.    Une   EpiLrs   à 
Math.Corvin,  et  un  Poème  en  quatre 
livres ,  sur  la  fameuse  bibliothèque 
de  Bude.  Pierre  Jerrich  a  inséré  ce 
poème  dans  les  Meleteinata  Thoru- 
nensia  ,  tome  m  ;  et  Bel  ,  dans  la 
Nollt.    Hunoarioi  novœ  geograph. 
historica ,   tome  m.   Cet   ouvrage 
était  en  manuscrit  dans  la   biblio- 
thèque de  Mencke  (pag.    835   du 


NAL  \ 

c^tal.);etil  est  étonnant  qu'il  ne  ' 
soit  point  cité  par  Negri ,  qui ,  dans 
ses   Scrillori   Fiorentini  ,   indique 
tous  les  ouvrages  de  ce  poète,  dont 
ou   connaissait   des    copies.    Naldi 
réussissait  surtout  dans  la  poésie  : 
on  a  plusieurs  morceaux  de  lui  dans 
le  tome  vi  des  Carmina  illustrium 
puëtarum  italorum ,    1  7  1 9  -  26  ;  et 
l'on  en  conserve  en  maimscrit   des 
recueils   entiers   dans    la   biblioth. 
Riccardiana  et  dans  la  Lorenziana 
(  f^.  Bandini ,  Calai,  codicum  latin, 
bibl.  Laiir. ,  t.  n ,  pag.  '11 1  ).  Le  DiC'  . 
tionnaire  histurique  italien  ,  impri- 
mé à  Bassano ,  dit  que  la  famille  des 
Naldi  de  Bondiolo  coi]serve  un  re- 
cueil manuscrit  des  monuments,  de- 
vises et  autres  pièces  en  l'honneur 
de  cette  maison  ,  qui  a  produit  à 
Siena  ,  à  Faenza,  etc., plusieurs  per- 
sonnages qui  se  sont  illustrés  dans 
les  armes ,  dans  les  lettres  oh  par 
d'cminentes  dignités  ;  mais  c'est  à 
tort  que  ce  lexique  y  comprend  un 
Philibert  Naldi  ,  évêque  d'Angou- 
lême   et   d'Auxerre  ,  fait    cardinal 
parPielV,  à  la  sollicitation  de  Char- 
les IX,  en  1 56 1 .  Ce  prélat ,  qui  mou- 
rut le  '^5  janvier  1570  à  Rome  ,  où 
il  faisait  les  fonctions  d'ambassadeur 
de  France,  se  nommait  Philibert 
Babou  de  La  Bourdaisière,  et  était 
frère  de  Jean  Babou,  maître-géné- 
ral de  l'artillerie  ,  mort  le  1 1   octo- 
bre i569,  lequel  fut  l'aieul  de  Ga- 
brielle  d'Estrées  (  F.  Bourdaisière  , 
V,  356,  et  Moréri  au  mot  Babou). 
C.  M.  P.  et  W— s.- 
N  ALI  AN  (Jacques),  patriarche 
des  Arméniens  à  Coustantinople  ,  ya- 
quit,  à  la  Cn  du  dix-septième  siècle, 
à  Zimara,  dans  la  petite  Arménie. 
Il  se  voua ,  dès  sa  tendre  jeunesse,  t 
l'état  ecclésiastique,  et  il  s'attacha 
à  Jean  IX ,  surnommé  Golod ,  pa- 
triarche arménien  de  tjonstanlino- 


NAL 

pie.  Sous  la  direction  de  ce  clij^ne 
prélat,  il  acquit  bientôt  tontes  les 
connaissances  qu'on  exige  des  ecclé- 
siastiques de  sa  nation,  et  il  obtint  le 
graile  de  vartabicd.  Eu  lySS,  Jean 
IX  le  nomma  évêque  d'Aucyre  dans 
la  Galatie.  La  manière  louable  dont 
il  se  conduisit  dans  cet  e'piscopat ,  lui 
mérita  l'estime  de  tous  les  Armé- 
niens, qui,  en  l'an  i74ij  rélevè- 
rent au  siège  de  Coustantinople  à 
la  place  de  son  maîU'c ,  qui  Acuait 
de  mourir.  Depuis  long-temps  des 
haines  multipliées  et  des  jalousies 
particulières  divisaient  les  Armé- 
niens de  Constantinople.  Vainement 
les  prédécesseurs  de  Nalian  avaient 
interposé  leur  autorité  pour  faire 
cesser  ces  dissensions.  Plusieurs  fois 
ils  en  avaient  été  victimes.  Nalian  ne 
fut  pas  plus  tranquille.  En  1 7  49;  ^^^ 
vartabied  de  Silistria,  nommé  Brok- 
hoon  ,  soutenu  par  son  ennemi ,  ob- 
tint du  grand-vézyr  la  place  de  pa- 
triarche :  cette  intrusion ,  conti'aire 
au  vœu  des  Arméniens  ,  causa  un 
grand  tumulte  à  Constantinople ,  et , 
pour  le  faire  cesser  ,  le  gouverne- 
ment turc  exila  le  prétendu  patriar- 
che ;  mais  voulant  avoir  l'air  de  ne 
pas  céder ,  il  donna  ordre  d'en  élire 
un  auti'e.  On  choisit  Minas  ,  abbé  de 
Saint-Garabied  dans  la  grande  Ar- 
ménie ;  et  Nalian  fut  exilé  à  Brousse. 
Il  était  à  peine  arrivé  dans  le  lieu 
de  son  exil,  que  Grégoire  III ,  pa- 
triarche arménien  de  Jérusalem  , 
mourut  ;  et  d'un  consentement  una- 
nime on  conféra  sa  place  à  Nalian. 
Il  n'occupa  pas  long-temps  sa  nou- 
velle dignité.  Minas  ,  qui  l'avait 
remplacé  à  Constantinople  ,  mourut 
vingt  mois  après;  on  lui  donna  pour 
successeur  George  Ghaphanlsi ,  qui 
un  an  après,  en  175'^,  consentit  à 
céder  son  siège  à  Nalian  :  celui-ci 
quitta  Jérusalem  ,  et  revint  à  Cens- 


NaN  547 

tantinoplc  ,  à  la  grande  satisfaction 
du  peuple  arménien.  Cette  fois,  il 
gouverna  plus  tranquillement  jus- 
qu'à sa  mort ,  arrivée  en  1764,  le 
18  juillet.  Deux  mois  auparavant, 
il  avait  fait  nommer  pour  son  suc- 
cesseur Grégoire  IV;  et  il  avait  ob- 
tenu l'agrément  du  grand  -  vczvr. 
Les  belles  qualités  de  Nalian  lui 
avaient  mérité  l'estime  des  empe- 
reurs otîiomans  ,  des  principaux 
membres  du  divan  ,  des  ambassa- 
deurs des  puissances  chrétiennes,  et 
même  du  pape  Clément  XIII.  Ce 
patriarche  n'était  pas  moins  distin- 
gué par  son  savoir  que  par  ses  ver- 
tus. 11  a  composé  en  arménien  plu- 
sieurs ouvrages  qui  lui  assignent  un 
rang  distingue  parmi  les  littérateurs 
de  sa  nation.  Le  principal ,  intitule' 
Kandsaran  ou  Trésor^  imprimé  à 
Constantinople,  1758,  un  vol.  in- 
4°. ,  est  un  recueil  fort  intéressant 
sous  le  rapport  historique,  géogra- 
phique ,  etc.  Ses  autres  ouvrages  , 
presque  tous  relatifs  à  la  théologie  , 
sont  de  peu  d'intérêt  pour  nous  : 
quelques-uns  sont  en  vers  ;  il  a  aussi 
écrit  en  turc  quelques  opuscules  qui 
ont  été  impx'imés  à  Constantinople 
en  caractères  arméniens.  S.  M — n. 
NANCEL  (  Nicolas  de  ) ,  mé- 
decin, était  né  en  i53g,  au  village 
de  ce  nom  ,  dans  le  Noyonnais,  de 
parents  si  pauvres  ,  qu'ils  auraient 
été  hors  d'état  de  le  faire  étudier. 
Quelques  personnes  bienfaisantes  lui 
firent  obtenir  une  bourse  au  collège 
de  Presie,  dont  le  célèbre  Ramus 
était  principal.  Il  y  reçuf,  à  i3 
ans  ,  le  degré  de  maître-ès-arts  ;  et 
Ramus ,  qui  s'intéressait  vivement 
à  sa  position  ,  ne  tarda  pas  de  lui 
procurer  une  chaire  dans  le  même 
collège.  Nancel  commença  dès-lors  à 
s'appliquer  à  l'élude  de  la  médecine; 
mais  les  troubles  qui  éclaièreut  bien- 


>i48  NAN 

lot  après,  l'obligèrent  de  sortir  de 
Vrance,  et  il  accepta,  en  i5C3,  la 
chaire  de  langue  grecque  à  l'iuiivcr- 
ftitc  de  Douai,  nouvellciucut  fondée. 
11  ue  la  remplit  que  deux  ans ,  et  re- 
■\  iiit  à  Paris ,  à  la  sollicitation  de  Ra- 
mus ,  qui  lui  (It  rendre  sa  première 
place  au  collège  de  Presle.  INaucel  re- 
prit l'ctude  de  la  médecine,  en  1 5G8  : 
J'aunce  suivante,  il  quitta  une  ville  où 
il  n'avait  ])oint  de  malades  ,  pour  se 
reiidre  près  de  Muzile,  premier  më- 
decirî  du  roi ,  et  son  ami  particulier , 
alors  à  Angers.  En  passant  à  Tours  , 
on  le  pressa  de  s'y  arrêter;  et  il  eut  le 
bonlieur  d'y  faire,  en  1570,  un  ma- 
riage très-avantageux.  Il  obtint,  en 
1587  ,  la  place  de  médecin  de  l'ab- 
bave  de  Fontevrault ,  où  il  mourut , 
cu'^1610  ,  à  l'âge  de  71    ans.   Loin 
de  rougir  de  l'obscurité  de  sa  uais- 
,  fcance ,  Nancel  semblait  en  tirer  va- 
nité ,   puisqu'il  prenait ,   à  la  tète 
de  ses  ouvrages ,  le  tit;-e  de  Tra- 
chjenus   Noviodnncnsis    (    Paysan 
du  Noyonnais  ).  Il  en  avait  compo- 
sé im  très- grand  nombre,  dont  il 
publia  plusieurs  fois  la  liste ,  dans 
l'espoir  qu'il   se  présenterait  quel- 
ques libraires  disposes    à  les  faire 
iiijprimer;  mais  ii  fut  trompe  dans 
son  attente,  et  la  plupart  de  scsma- 
ïiuscrits  sont  perdus.  On  citera  de 
^'ancel  :  I.  Slicholngia  grœca  l./ti- 
iiaque  informanda  et  rejormanda , 
Paris,  1579,  in-8°.  :  il  y  propose 
d'assujetir  la  poésie  française   aux 
règles  de  la  poésie  grecque  et  latine. 
Plusieurs  écrivains  l'avaient  déjà  es- 
sayé sans  succès  (  V.  Mousset  ).  IL 
Discours  très-ample  de  la  peste  ^ 
ibid. ,  1  58i  ,  in-80.  Ambr.  Paré  es- 
timait beaucoup  cet  ouvrage.  III. 
P.  Rami  vita  ,  ibid. ,  i  Sgç) ,  in-S", 
Kancel  avait  conservé  la  plus  vive 
reconnaissance  puur  cet  illustre  pro- 
fesseur j  il  a  recueilli,  sur  sa  vto  et 


NAN 

SCS   ouvrages  ,   des  détails   curleut 
et  intéressants  ,    qu'on  cberclicrait 
vainement   ailleurs.  IV.  Déclama' 
tionum  liber,   ibid.,   iGoo,  iii-o\ 
C'est  la  collection  des  harangues  qu'il 
avait  prononcées  ,  tant  à  Paris  qu'a 
Douai.  On  trouve  ordinairemeni  à 
la  suite ,  la  Yic  de  Ilamus.  V.  Epi:,- 
tolarum  depluribus  rcliqtiarwn,  ic- 
mus prior ;  —  Frœfatinnes  in  Dcivi- 
dis  Fsallerinmet  inNcvum  Tcstn- 
vientum ,  ibid.,  iGo3,  iu-S".  INan- 
cel  aurait  voulu  publier  de  nouvelles 
éditions  du  Psautier  et  du  Nouveau- 
Testament,  revues  et  corrigées  sur  le 
grec.  Il  s'adressa  vainement  aux  pa-^ 
pes  et  aux  cardinaux  ,    pour  leur 
faire  approuver  ce  projet.  La  ])re- 
mièrc  section  de  cet  ouvrage ,  con- 
tient une  partie  des  lettres  qu'il  avait 
écrites  à  ce  sujet;  et  la  seconde,  le 
plan  et  l'analyse  de  sou  travail.  Yl. 
Analogia   microcosmi  ad   macro- 
cosmujn  ,  id  est ,  Belatio  et  propo^ 
sitio  universi  ad  hominem ,  etc. , 
ibidem ,  1611,  in-fol.  Ce  grand  ou- 
vrage ,  que  ISancel  annonçait,  de* 
puis  plusieurs  années  ,  comme  l'a- 
brégé de    toutes  les  connaissances 
humaines ,  est  tombé  justement  dans 
roui)!i  :  c'est  son  fils,  dont  l'article 
suit,  qui  en  fut  l'éditeur.  Ou  peut 
consulter  ,  pour  plus  de  détails  ,  les 
Mémoires  de  ]Niceron,tome  xxxix, 
et  le  Dictionnaire  de  IMoreri ,  cJit. 
de  1759.  —  Nancel  (Pierre  de), 
fils  du  précédent ,  né  en  1570,  à 
Tours,  fut  élevé  sous  les  yeux  de 
son  père  ,  qui  lui  inspira  le  goût  de 
la  littérature.  Après  avoir  terminé 
ses  premières  éludes ,  il  s'appliqua  à 
la  juiisprudence,  sans  renoncer  à 
cultiver  la  poésie.  A  la   prière    de 
quelques  amis,  il  composa  trois  tra- 
gédies qui  furent  représentées  dans 
le  fameux  amphithéâtre  antique  de 
Doué  (  eu  Anjou  ) ,  avec  un  succè» 


qjii  ne  prouve  autre  chose  que  la 
passion  qu'où  avait   alors  pour  les 
spectacles.  11  remplissait ,  eu  1610, 
la  place  de  substitut  du  procureur 
du  roi,  à    Paris.  Xauccl  reçut,  en 
i(>i3,  une  cliaîue  d'or  de  ÎMarc-Au- 
toine  Mcmrao  ,   doge  de  \euise  , 
pour  un  service  qu'il  avait  rendu  à 
la  republique  ;  et  il  lui  en  témoigna 
sa  reconnaissance  par  nue  Pièce  do 
vers  latins,  imprimée,  dont  un  exem- 
plaire est  cité  dans  le  Calai,  de  la 
ùiblioth.  du  Roi  ,  in -4".,  y,  1773. 
Il  avait  publié  auparavant  :  1.  Le 
Tliédtre  sacré j  Paris,    160C  ,  in- 
1 1 ,  très  -  rare.  C'est  le  recueil  des 
tragédies  dont  on  a  parlé  ^  Dina  ou 
le  rapt ,  Josué  ou  le  sac  de  Jéri- 
elio  ,  et  Deb-ora  ou  la,  délivrance. 
Il  convient ,  dans  la  préface  ,  qu'il  a 
composé  ces  trois  tragédies  «  eu  si 
»  peu  de  temps  qu'il  n'est  pas  quasi 
»  vraisemblable  ,  la  plus  longue  et 
»  la   plus  forte  n'ayant  pas  passé 
»  1 7  jours  ,    et  sans  grand    effort 
»  d'esprit.  »  On  en  trouve  l'aualvse 
dans  V Histoire  du  Théâtre-Fran- 
çais, IV,  88-96,  et  dans  la  Bill,  du 
Thédtre-Frçncais ,  i,  387-91.  II. 
De  la  Souveraineté  des  rois ,  poème 
épique,  divise  en  trois  livres,  Paris, 
iGio  ,  in-8°.  A  la  suite  est  une  élé- 
gie sur  la  mort  de  Henri  iv  :  Que- 
rimonia  super  acerbo  funere  Ilen- 
rici  ir,  elegiaco  carminé  erpressa. 
W— s. 
NANEK,  fondateur  d'une  secte 
devenue  bientôt  une  nation  célèbre, 
dans  le  noi'd-oucst  de  l'Hindoustan, 
sous  le  nom   de  Sikh,    naquit,  en 
1469  de  l'ère  chrétienne,  à  Tahven- 
dy ,  petit  village  du  district  de  Bliat- 
ti,  qui  fait  partie  de  la  province  de 
Lâhor.  Son  père,  nommé  Kàlou, 
était  un  kchetreya ,  de  la  tribu  des 
Vêdi  .Conformément  à  l'usage  adop- 
té dans  sa   tribu  ,  Nànek  avait  à 


NA.N 


>^9 


]>eine  vingt  ans  quand  il  prit  pour 
épouse  une  jeune  Hindoue,  qui  le 
rendit  père  de  deux  Uls  :  l'un  d'eux 
abandonna  les  vanités  du  monde,  et 
fonda  la  secte  àcs  Oudàri,  dont  les 
partisans  «.e  nomment  Ndnek  pou- 
trd  (enfants  de  Nànek);  l'autre  ne 
laissa  ni  postérité  ,  ni  réputation. 
Quant  à  Nànek,  il  témoigna,  dès  sa 
tendre  jeunesse ,  la  plus   profonde 
indifférence   pour  les   biens  de   la 
terre.  Son  père,  voulant  le  distraire 
de  ses  idées  mystiques  par  l'espoir 
du  gain  ,  lui  donna  quelque  argent 
pour  spéculer  sur  le  sel.  Suivi  d'un 
serviteur,  notre  jeune  marchand  se 
mit  en  roule,  et  rencontra  une  ban- 
de de  faquirs,  tellement  épuisés  de 
fatigues   et  de  besoin ,  qu^ils   n'a- 
vaient plus  la  force  de  parler.   Il 
distribua    tout    son  argent    à    ces 
contemplatifs  ;  et  quand  ils  eurent 
recouvré  la  force  et  la  parole  ,  il 
s'entretint  long  -  temps  avec  eux  , 
touchant  l'unité  de  Dieu.  De  retour 
chez  son  père,  qui  lui  demanda  com- 
bien il  avait  gagné  :  «  J'ai  nourri  les 
«pauvres,  dit-il,  et  j'ai  fait  pour 
»  vous  un  gain  qui  ne  périra  pas.  » 
Celte  réponse  ne  parut  pas  très -sa- 
tisfaisante à  Kâlou,  qui   le  châtia 
rudement  et  l'envoya  garder  les  trou- 
peaux. Un  jour  que  le  nouveau  pâtre 
dormait  exposé  aux  rayons  du  soleil^ 
un  serpent  de  l'espèce  nommée  co- 
bra de  capello,  lui  fit  un  parasol 
avec  son  capuchon.  Un  chef  de  dis- 
trict, témoin  de  la  miraculeuse  at-. 
tenlion  du  reptile,  ne  douta  pas  de 
la  grandeur  future  de  Nànek  ,  et  ren- 
dit publiquement  témoignage  de  la 
mission   divine  dont   il   le  croyait 
chargé.  D'après  un  pareil  témoigna- 
ge, Nànek  fut  traité  moins  sévère- 
ment par  son  père,  qui  cependant , 
pour  le  détourner  de  la  vie  contem- 
plative ,  lui  procura  ua  emploi  aux; 


55o 


NAN 


greniers  d'abondance  du  gouverne- 
ment. Nânek  commença  par  distri- 
buer tous  les  grains  commis  à  sa 
garde  ,  et  alla  se  plonger  dans  un 
étang,  où  il  resta  trois  jours  entiers. 
On  prétend  que,  pendant  ces  trois 
jours  ,  il  s'entretint  continuellement 
avec  le  prophète  Elie  (  appelé'  par 
les  Musulmans  Khezzcrs) ,  lequel  l'i- 
nitia dans  toutes  les  sciences  mon- 
daiues.  L'intérêt  de  cette  conversa- 
tion lui  fit  oublier  la  longueur  de 
sou  bain:  il  ne  le  quitta  que  pour 
sauver  le  garde  responsable  des 
grains  qu'il  avait  si  largement  dis- 
tribués. Se  livrant  dès-lors  à  de  ri- 
goureuses austérités,  il  ne  sortait  de 
la  méditation  que  pour  faire  dif- 
férents voyages ,  parmi  lesquels  nous 
indiquerons  le  pèlerinage  de  la  Mek- 
ke.  11  eut  constamment  deux  com- 
pagnons de  voyage ,  dont  l'un ,  nom- 
mé Merdânéli ,  était  un  personnage 
burlesque,  qui  préférait  les  bons  gî- 
tes et  la  bonne  chère  aux  déserts  et 
aux  austérités  :  aussi  changea- 1- il 
souvent  de  forme;  mais  il  avait  beau 
devenir  mouton,  âne,  etc.,  Nânek 
le  rappelait  toujours  à  la  forme  hu- 
maine. La  conversion  d'un  radjah  le 
retint  pendant  deux  ans  dans  la  ville 
de  Sivanobhou,  où  il  composa  une 
partie  de  son  code  nommé  .4di- 
Granth.  Ensuite  il  continua  ses 
voyages  dans  l'Inde ,  prêchant  l'u- 
nité, la  toute -science  et  la  toute- 
puissance  de  Dieu  ,  disputant  avec 
ies  molâs  musulmans  et  les  pandits 
hindous  ,  sans  jamais  offenser  ni  les 
•  uns  ni  les  autres ,  mais  les  rappe- 
lant au  grand  principe  de  l'unité  de 
Dieu  ,  sur  lequel  ils  sont  d'accord, 
et  leur  représentant  les  nombreuses 
erreurs  dans  lesquelles  ils  sont  tonj- 
bés.  Quelques  -  uns  de  ses  contradic- 
teurs le  sommèrent  de  prouver  sa 
saission  par  des  miracles  :  a  Je  n'ai 


NAN 

»  rien  à  vous  montrer  qui  soit  di- 
»  gne  de  vos  regards  leur  dit-il  j  un 
»  saint  instituteur  n'a  pour  défense 
»  que  la  pureté  de  sa  doctrine.  Le 
»  monde  peut  changer  ;  mais  le 
»  créateur  est  immuable.  »  Il  est 
difficile  de  concilier  cette  réponse 
avec  les  nombreux  prodiges  que  les 
biogiaphes  de  notre  législateur  lui 
attribuent.  Peu  de  temps  avant  sa 
mort ,  il  se  rendit  à  Moultâu  ,  ville 
célèbre  par  ses  nombreux  docteurs 
musulmans.  *  Je  suis  venu ,  dil-il  , 
»  dans  un  pays  rempli  de  docteurs , 
»  comme  le  Gange  sacré  visite  l'O- 
»  céan.  »  Bientôt  il  se  rendit  à  Kâr- 
tipour  Dehra  ,  où  il  dépouilla  sa 
forme  terrestre,  en  iSSg,  et  fut  in- 
humé sur  les  bords  du  Râvy  (l'an- 
cien Hydraotes  )  ,  dont  les  eaux 
recouvrent  maintenant  cette  sainte 
sépulture.  Kârtipour  est  encore  un 
lieu  de  pèlerinage  pour  les  Sikhs  ,  à  , 
qui  l'on  montre  un  petit  fragment  du 
vêtement  de  leur  fondateur.  Malgré 
l'absurdité  des  miracles  dont  les 
Sikhs  prétendent  embellir  l'histoire 
de  Nânek,  on  découvre  facilement 
en  lui  un  génie  supérieur,  animé  par 
les  sentiments  les  plus  sublimes  , 
l'adoration  d'un  Dieu  unique  et  tout- 
puissant  ,  et  l'amour  de  ses  sembla- 
bles. A  la  vue  des  querelles  qui  s'é- 
lèvent souvent  entre  les  Hindous  et 
les  Musulmans,  dans  une  contrée  li- 
mitrophe de  l'Inde  et  de  la  Perse , 
Nânek  conçut  le  projet  de  fondre  en 
une  seule  religion  le  brahmanisme 
et  l'islamisme ,  qui  reconnaissent 
tous  deux  l'unité  de  Dieu.  N'ayant 
trouvé  aucun  de  ses  deux  fils  capa- 
bles de  lui  succéder  dans  ses  fonc- 
tions spirituelles  ,  il  choisit  un  de  ses 
disciples  ,  nommé  Labana  ,  l'initia 
aux  fonctions  sacrées  ,  le  revêtit  du 
manteau  de  faquir,  et  lui  décerna  le 
titre  de  gourou  (maître,  instituteur). 


NAN 

qu'ont  porte  depuis  celte  époque,  les 
chefs  de  la  religion  des  Sikhs.  Ils 
ont   maintenant  un    chef  temporel 
soumis  au  Ahalsah  ou  consul  de  la 
nation.  Ce   chef  n'existe  et   n'agit 
qu'au  moment  où  se  tient  le  gouroji- 
Ttiata,  espèce  d'états-gcnéraux,  com- 
poses des  chefs  de  la  nation.  Ceux- 
ci  sont  censés  délibérer  et  décréter  , 
sous  rinspii-ation   immédiate  d'un 
être  invisible,  toujours  occupé  à  ved- 
1er  au  salut  de  la  république.  Tous 
les  Hindous,  musulmans,  juifs,  chré- 
tiens, guèbres ,  etc. ,  qui  veulent  em- 
brasser la  religion  de  Nànek ,  sont 
accueillis  ;  et  les  cérémonies  de  leur 
admission  sont  bien  simples  :  elles 
consistent  principalement  a  laver  les 
pieds  du  néophyte,  et  lui  faire  man- 
ger une  espèce  de  bouillie,  ou  du  gâ- 
teau j  et  même  du  porc,  s'd  est  juif  ou 
musulman.  Leurs  pratiques  religieu- 
ses consistent  à  manger  le  gâteau 
dont  nous  venons  de  parler ,  et  à  en- 
tendre, avec  un  grand  recueillement, 
la  lecture  et  l'explication  de  leurs 
deux  livres  sacrés.  Cette  nation  peut 
armer  plus  de  cent  mille  cavaliers. 
(  f^'^'^J''  les  Observations  sur  les  Sikhs 
et  sur  leur  collège  ,  tome  i  des  Asia- 
iic  researches ,  et  dans  le   Sketch 
pf  ihe  Sikhs  ,  tome  ii  de  la   mê- 
me collection  ;  dans  le  Skelches  re- 
lating  to  the  historj  of  the  IJin- 
doos  ,   par  M.   Grauffurd  ;  dans  les 
Tracts  of  India ,  par  Brown  ;  dans 
le  tome  iii  du  Voyage  du  Bengale 
à  Petershourg ,  par  Forster,   ren- 
fermant un  Précis  historique  sur  les 
Sikhs  ,  auquel    l'auteur   de  cet  ar- 
ticle a  fait  de  nombreuses  additions  ; 
et  dans  le  Mercure  étranger,  tome 
II,  pag.  1 19-1.14  ■>  où  il  a  inséré  une 
analyse  étendue  du  Sketches  of  the 
Sikhs.  L — s. 

NANGIS  (  Guillaume  de  ).  F. 
Guillaume  ,  XIX  ,  i53. 


KAN 


55 1 


NANI  (  Jean  -  Baptiste -Fe'lix- 
Gaspar)>  historien,  plus  commu- 
nément désigné  sous  le  second  de  ces 
prénoms,  naquit  à  Venise,  le3o  août 
1G16,  d'un  procurateur  de  la  répu- 
blique. Elevé  avec  le  soin  que  com- 
mandait l'illustration  de  sa  famille, 
il  accompagna  son  père,  nomme  à 
rambassadedeRome,en  1 638.  Après 
avoir  passé  par  les  dignités  prépara- 
toires, il  fut  lui-même  envoyé  en 
France ,  avec  le  caractère  d'ambas- 
sadeur, en  1G43.  Pendant  vingt-cinq 
ans  que  dura  sa  mission ,  il  jouit  d'un 
grand  crédit  auprès  du  cardinal  Ma- 
zarin,  auquel  il  donna  d'utiles  con- 
seils ,  à  l'époque  du  congrès  de  Muns- 
ter. Revêtu  du  titre  d'historiographe 
et  d'archiviste  de  la  république ,  il  en 
refusa  les  émoluments,  et  fut  nommé 
réformateur  de  l'université  de  Pa- 
doue.  Ces  fonctions  ,  dans  la  suite  , 
lui  furent  continuées  cinq  fois ,  et  il 
représenta  son  gouvernement  auprès 
de  l'empereur  Ferdinand  III.  Il  de- 
meura trois  ans  à  la  cour  de  Vienne, 
et  y  revint ,  quelque  temps  après  , 
pour  complimenter  Léopold  sur  son 
avènement.  Il  apprit  que,  pendant 
son  absence,  le  sénat  l'avait  choisi 
pour  bibliothécaire  de  Saint -Marc. 
A  son  retour  ,  on  jeta  les   yeux  sur 
lui  pour  aller  réclamer  en  France 
des  secours  pour  Candie.  Il  entama 
sa   négociation   au   moment   où  la 
cour   de   Louis   XIV   s'acheminait 
vers  les  Pyrénées  ,  pour  traiter  de  la 
paix  avec  l'Espagne.  Dans  ces  cir- 
constances, Nani  obtint  tout  ce  qu'il 
demanda.  La  dignité  de  procurateur 
de  Saint -Marc,  la  première  après 
celle  de  doge  ,  lui  fut  conférée  eu 
1661J  et,  sur  la  motion  qu'il  avait 
faite   de  réunir  eu   un   seul    corps 
toutes  les  lois  de  la  république  ,  \\ 
fut  l'un  des  commissaires  nommés, 
pour  présider  à  cette  compilatiou  lé- 


552  NAN 

gislative  ,  qui  parut  par  les  soins  du 
jurisconsulte  Marino  Angeli ,  sous  le 
titre  de  Legum  venetarum  comii- 
lalarum  methodus ,  1G78,  in  -  4°. 
Wani  monrui  le  5  noA'cmbredela  mê- 
me année.  Il  laissa  une  Relation  de  sa 
seconde  ambassade  en  France,  et  un 
Tableau  de  l'état  et  des  forces  de  l'Al- 
lemagne, l'un  et  l'autre  ouvrage  eu 
italien.  Mais  son  grand  travail  est 
son  Istoria  délia  republica  Veneta , 
dont  la  première  partie  fut  impri- 
mée en  1679,  in-4''.,  et  la  deuxième, 
après  la  mort  de  l'auteur,  par  les 
soins  d'Aut.  Nani ,  son  neA^eu.  Cette 
histoire,  souvent  réimprimée,  soit 
à  Venise,  soit  à  Bologne,  forme  les 
huitième  et  neuvième  volumes  de  la 
Collection  des  historiens  de  Venise , 
édition  de  1 7-^0  ,  in-4".  A  la  tête  du 
huitième  est  la  Vie  de  l'autour,  par 
Catarino  Zeno.  L'abbé  Tallemant  en 
a  traduit  la  première  partie  ,  Paris , 
1679-1680,  4  vol.  in- 12.  On  pi'é- 
iere  l'édition  de  Cologne  ,  ibSi,  oii 
sont  rétablis  les  passages  tronqués 
ou  supprimés  dans  la  première. 
Celte  version  ,  bien  médiocre  ,  est 
encore  supérieure  à  celle  de  la  se- 
conde partie  exécutée  par  Mascla- 
ry,  Frajiçais  réfugié  ,  Amsterdam  , 
j  702 ,  in-i  .>, ,  2  vol.  Njni ,  en  com- 
mençant son  Histoire  a  l'année  16 1 3, 
l'a  leprise  de  plus  hant  que  l'épo- 
que à  laquelle  Morosini  avait  con- 
duit la  sienne.  11  rattache  aux  anna- 
les de  la  république  les  événements 
contemporains  qui  y  ont  rappoit.  Il 
règne  beaucoup  d'ordre  dans  son 
plan,  beaucoup  de  clarté  dans  sa 
narration  ;  les  détails  deviennent  plus 
étendus,  loi'squ'on  approche  des  évé- 
nements les  plus  récents  :  on  sent  que 
l'auteur  est  sur  son  terrain  ,  qu'il 
parle  de  ce  qu'il  a  pu  observer.  Il  fait 
preuve ,  dans  son  histoire ,  de  la  dex- 
tç'fitédoiitWicijuefof t  le  loue  cqjoj^c 


NAN 

ambassadeur  •  on  reproche  à  cette 
histoire  d'être  partiale  et  ampoulée, 
grossie  de  harangues  de  pure  imagi- 
nation. La  diction  manque  de  pure- 
té, et  se  traîne  péniblement  embar- 
l'assée  de  parenthèses.         F — t. 

NANNI.  r.  Annius  deViterbe. 

NANNIUS  (  PiERUE  NANNING 
ou  en  latin),  savant  hollandais  ,  né 
en  i5oo,  à  Alcmaer ,  s'appliqua, 
dans  sa  jeunesse,  à  la  peinture  ; 
mais  ayant  renoncé  à  cet  art,  il  alla 
terminer  ses  éludes  à  l'académie  de 
Louvain ,  et  embrassa  l'état  ecclé- 
siastique. Il  donna  ensuite  des  leçons 
particulières ,  et  fut  nommé  ,  en 
1539,  professeur  d'humanités  au 
collège  fondé  par  Busleiden.  Los  ta- 
lents qu'il  développa  dans  l'explica- 
tion et  la  critique  verbale  des  anciens 
auteurs ,  lui  méritèrent  la  bienveil- 
lance de  Perreuot,  évêque  d'Arras,  si 
connu  depuis  sous  le  nom  de  cardi- 
nal de  Granvelle.  Il  obtint ,  par  sa 
protection  ,  un  canonicat  du  chapi- 
tre d'Arras,  avec  la  permission  de 
ne  point  quitter  Louvain  ,  où  sa  ré- 
putation attirait  un  grand  concours 
d'élèves  de  tous  les  Pays-bas  et  d'une 
partie  de  l'Allemagne.  Il  partageait 
tout  son  temps  entre  ses  devoirs  de 
professeur  et  l'étude  des  anciens. 
Une  mort  prématurée  l'enleva  aux 
lettres  ,\e  11  judlet  1.557.  ^^*  restes 
furent  déposés  dans  l'église  cathé- 
drale de  Louvain  ,  sous  une  tombe 
recouverte  d'une  épitaphe  honora»- 
ble,  qui  est  rapportée  par  les  diffé- 
rents auteurs  cités  à  la  fin  de  cet 
article.  On  a  de  Nannius ,  des  Notes 
sur  quelques  harairgues  de  Cicéron  , 
sur  le  troisième  livre  de  Tite  -  Livc , 
les  Bucoliques  et  l'Enéide  de  Virgile, 
Symraaqiie,  etc.  Il  a  traduit  en  latin 
les  Vies  de  Caton  etdePliooion  par 
Plularque  ,  la  Harangue  de  Démos- 
thènc  contre  Leptiuç  ;  les  Epiires 


NAN 

de  De'mostlicnc  et  d'iiscliinc  ,  celles 
de  Synesius  et  d'Apollonius  ,  le  li- 
vre d'Alhcnagoras  de  la   ri'sm'vec- 
tion  ,  la  plus  grande  partie  des  oeu- 
vres de  saint  Athanasc,  et  quelques 
homc'lies  de  saint  Basile  et  de  saint 
Cilirysostorae.  Le  docte  Hnct  loue  la 
f idclilc  et  rélëgance  des  versions  de 
Naanius  ;  mais  Hennant  se  plaint  de 
robscuritc  qui  régnait  dans  la  ver^ 
sion  de  saint  Athanase,  qu'a  rem- 
placée celle  du  P.  Montlaucon  (  V. 
saint  Athanase  ).  Ou  citera  encore 
de  Nannins  :  ï.  des  Discour,    pro- 
noncés à  l'ouverture  de  ses  cours 
o\j  dans  des  occasions  d'éclat.  II. 
X'jftjKinraiv  sive  Miscellanearuni  de- 
cas^  Louvaiu,  154B,  in-8°.  C'est  un 
jccueil  d'observations  critiques  ,  que 
Gruter  a  jugé  assez  important  pour 
l'insérer  en   entier  dans  le  premier 
volume  du  Thésaurus  criticus.  111, 
Dialogismi  y  heroïnanim  ,  ibid.  , 
i54i ,  iu-4'^.  Ces  dialogues,  qui  ont 
joui  d'une  grande  réputation ,  ont  été 
traduits  en  français  par  Jean  Millet 
(A^.  Millet,  xxix,  39).  IV.  \jSl  Pa- 
raphrase en  vers  de  quelques  psau- 
mes de  David  ,  publiée  pir  Jacques 
IMassou  (  Latomus) ,  Anvers,  iS^i, 
in-8°.    Nannius   a  laissé    plusieurs 
ouvrages  manuscrits,  dont  on  trou- 
vera la  liste  tlans  la  Blbl.  Belgica  de 
Foppens,  On  peut  consulter,  pour 
plus  de  détails  ,  sur  ses  ouvrages  im- 
primés ,  les  Mémoires  de  Niceron  , 
tome  xxxvii,  Isaac  Bullart  a  consa- 
cré une  Notice  à  Nannius  dans  V.4- 
cadéniie  des  sciences ,    et   l'a  fait 
précéder  de  son  portrait ,  que  Fop- 
pens a  reproduit  dans  son  édit.  de  la 
Biblioth.  Belgique.  W — s. 

NANNONI  (  Angelo  )  ,  célèbre 
chirurgien,  naquit  à  Florence,  le  i*^'', 
juin  17  i5.  Il  commença  l'étude  de 
i'anatomie  et  de  la  chirurgie  dès  l'â- 
ge de  seize  ans,  et  fut  disciple  d'An- 


NAN  5'i3 

toine  Benevoli ,  chirurgien  en  chef 
du  grand  hôpital  de  Sainte- Marie- 
la-Neuve  ,  de  Florence.  La  passion 
qu'avait  Nannoni  pour  l'étude ,  les 
excellentes  leçons  de  théorie  et  de 
pratique  qu'il  rjecevait  dars  cet  éta- 
blissement, le  mirent  bientôt  à  même 
de  se  livrer  avec  distinction  à  l'exer- 
cice do  son  art.  Il  y  acquit  très-- 
prompleraent  de  la  célébrité.  11  s'at- 
tacha d'abord  à  perfectionner  l'o- 
pdration  de  la  taille  par  la  méthode 
latérale.  Le  chevalier  Maggio  ,  sou 
bienfaiteur  .  lui  procura  les  moyens 
d'augmenter  sou  instruction  ,  en  lui 
faisant  faire  ,  en   1747-.  '<"  voyago 
de  Paris.  Là,  Nannoni  suivit  avec 
assiduité  la  pratique  dos  hôpitaux  ; 
puis  il  se  rendit  à  Rouen  dans   le 
même  but.   Il  y  fut  attiré   par   la 
haute  réputation  de  Lecat  ,  im  de* 
plus  habiles  bthotomisles  de  cetîo 
époque.  Nannoni  ne  fut  pas  long- 
temps à  s'apercevoir  de  l'abus  qu'où 
faisait  des  médicaments,  dans  le  trai- 
tement, tant  interne  qu'externe,  des 
maladies  chirurgicales  :  il  apprécia 
aussi  les  diverses  incorrections  qui 
existaient  dans  la  manière  d'opérer, 
et  forma  le  plan  de  rédiger  un  non- 
veau  code  chirurgical.  A  son  retour 
dans  sa  patrie,  devenu  professeur  et 
chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  où 
il  avait  fait  ses  premières  études  ,  il 
fut  en  possession  de  tous  les  moyens 
propres  à  exécuter  son  plan  de  ré- 
formation.   L'humorismc  galénique 
régnait  de  toutes  parts  :  Nannoni  la 
combattit  avec  succès  ,  dans  ses  le-r 
çons  cliniques  et  théoriques,  et  dans 
ses  écrits.  Il  établissait,  que,  dans 
les  maladies  ,  la    nature   veut    être 
secondée  et  quelquefois  aidée  :  cet 
axiome  fut  la  base  de  son  système 
médical.   Il   bannit    du   pansement 
des  plaies ,  les  corps  huileux ,  les 
bauîues  ^   les  résines  ,  les   teii'es , 


554 


NAN 


les  spiritueux.  Les  cataplasmes  de 
mie  de  pain  ,  la  charpie  sècbe  ,  les 
décoctions  ëmollientes ,  Teau  pure  , 
tels  e'taient  les  moyens  simples  et  sa- 
lutaires qu'il  introduisit  dans  cette 
partie  importante  de  la  thérapeuti- 
que. Défendre  les  plaies  du  contact 
de  l'air  était  un  préalable  nécessaire. 
«  Je  voudrais,  disait-il,  pouvoir  me 
»  garantir  de  l'influence  de  l'air , 
»  comme  je  le  fais  des  médicaments 
»  nuisibles.  »  La  philosophie  qui 
Lrille  dans  ses  préceptes  d'hygiène 
et  de  thérapeutique,  est  fort  remar- 
quable pour  le  temps  où  il  a  vécu  • 
car  alors,  l'humorisme, la  chémiatrie 
et  le  mécanisme,  se  disputaient  l'em- 
pire médical  ,  et  détournaient  les 
plus  grands  esprits  de  la  route  du 
vrai.  Les  opérations  difficiles  qu'il 
exécutait  chaque  jour  avec  un  suc- 
cès non-interrompu  ,  ainsi  que  ses 
sages  et  lumineuses  leçons  ,  attirè- 
rent auprès  de  lui  les  disciples  et  les 
malades j  non-seulement  de  l'Italie, 
mais  des  contrées  les  plus  éloignées 
de  l'Europe  :  on  venait  le  consulter 
comme  un  oracle.  Nannoni  fut  cons- 
tammentstudieuxj  il étaitfoit  savant  : 
hardi  dans  ses  opérations,  sans  ja- 
mais y  apporter  de  témérité,  il  dé- 
testait les  charlatans  ,  et  travaillait 
sans  cesse  à  découvrir  ,  par  l'obser- 
vation ,  de  nouvelles  vérités.  Il 
donnait  une  grande  partie  de  son 
temps  aux  pauvres  ,  auxquels  il  four- 
nissait gratuitement  des  médicaments 
et  souvent  même  de  l'argent.  Il  était 
aussi  simple  dans  ses  mœurs  que 
dans  ses  doctrines.  Cet  habile  chirur- 
gien eut  le  tort  de  rejeter  ,  trop  ex- 
clusivement ,  la  méthode  opératoire 
de  la  cataracte  par  l'extraction  in- 
ventée par  Dariel  ;  il  craignait  que 
ce  procédé  ne  déterminât  l'inflam- 
mation de  l'iris  :  l'ancienne  manière , 
qui  consiste  à  abaisser  le  cristallin 


•  NAN 

dans  la  chambre  postérieuie  ,  au 
moyen  d'une  aiguille  ronde,  lui  pa- 
raissait la  seule  avantageuse  ,  parce 
qu'il  croyait  que  quand  le  cristallin 
vient  à  remonter  dans  la  chambre 
antérieure  de  l'humeur  aqueuse  ,  il 
ne  tarde  point  à  se  dissoudre  et  à 
être  absorbé.  Il  eria  encore ,  lors- 
qu'au sujet  de  la  fistule  lacrymale  , 
il  blâme  la  perforation  qu'on  fait  à 
l'os  un  guis ,  dans  certains  cas,  pour 
introduire  une  canule  propre  à  en- 
tretenir le  cours  des  larmes.  Nan- 
noni atteste  avoir  vu  reprendre  , 
après  plusieurs  points  de  suture  , 
des  nez  qui  ne  tenaient  plus  qu'à 
une  étroite  languette  de  peau.  Ce 
fait  est  plus  vraisemblable  que  ceux 
qu'on  rapporte  à  la  suite  de  l'opé- 
ration taillacotienne  {  F.  Taglia- 
cozza).  Après  avoir  fourni  une  car- 
rière si  bien  remplie  par  d'utiles  tra- 
vaux pour  le  perfectionnement  de- 
son  art  et  pour  le  soulagement  de 
ses  semblables  ,  Nannoni  mourut  à 
Florence,  le  3o  avril  1790,  à  la 
suite  d'une  hydropisie.  Ses  princi- 
paux ouvrages  sont  :  I.  Trattato 
sopra  i  mali  délie  mammelle  ,  Flo- 
rence, 1746,  in -4'*.  Cet  ouvrage 
renferme  des  doctrines  fort  saines  , 
sous  le  rapport  thérapeutique.  L'au- 
teur judicieux  rejetait  tous  les  remè- 
des internes  ,  et  extirpait  le  plutôt 
possible  les  squirres ,  sans  essayer  de 
les  détruire  au  moven  de  l'applica- 
tion du  caustique.  L'amputation  de 
la  mamelle  est,  selon  lui  ,  le  seul 
moyen  propre  à  guérir  le  cancer  de 
cette  partie  :  il  ménageait  assez  de 
peau  dans  sou  opération ,  pour  réu- 
nir la  plaie  qui  en  résultait  ,  par 
première  intention.  Le  grand  nom- 
bre d'observalions  d'heureux  suc- 
cès ,  qu'il  rapporte  dans  sou  ouvra- 
ge ,  atteste  l'excellence  de  sa  doc- 
trine et  de  sa  méthode.  IL  Disserta- 


NAN 

tioni  chinirgiche  cioè  délia  fislola 
lagrimale,  délie  cataratte  ;  de  me- 
dicamenlis  exsiccantibus  ,  de  mcd. 
causticis ,  Paris,  1748.  III-  Dis- 
corso chirurgico  per  l'introduzione 
al  corso  dell  operazioni  da  dimos- 
trarsi  sopra  del  cadavere ,  Flo- 
rence, 1750.  IV.  Memorie  ed  osser- 
vasioni  chirurgiche ,  colla  sloria  dl 
moite  e  diverse  malattie  Jelice- 
mente  guarite  ,  Florence,  1756, 
in- Z^"^.  Y.  Della  semplicità  di  medi- 
care  i  mali  di  attinenza  alla  chi- 
rurgia ,  colV  aggiunta  sopra  le  ma- 
lattie délie  mainmelle  ,  Venise  , 
1764  ,  in-4''.  VI.  Lettera  scritta  in 
dij'esa  délia  semplicità  del  medi- 
care  à  Giuseppe  Bianchi  chirurgo 
in  Cremona,  l'jSS.y  II.  Délia  sem- 
plicità del  medicare,  3  vol. ,  1761- 
67.  Cet  ouvrage  qui  est  le  plus  re- 
marquable de  tous  ceux  qu'a  publies 
Nannoni ,  contient  une  foule  d'apho- 
risnies  judicieux.  VIII.  Trnttato  chi- 
rurgico  sopra  la  semplicità  del  me- 
dicare ^  con  csservazioni  e  ragiona- 
menti  appartenente  alla  chirurgia , 
aggiuntovi  il  trattato  sopra  le  ma- 
lattie délie  mammelle  ,  Venise  , 
1770,  in-4°-  IX.  Memoria  suif 
anevrisma  délia  pivgatura  del  eu- 
bit  o  ,  Florence,  1784.  F — r.  '^ 
N  ANSOUTY  (  Etienne- Antoine- 
Marie  Champion  ,  comte  de  ) ,  né  à 
Bordeaux,  le  3o  mai  1768,  descen- 
dait d'une  famille  noble  originaire 
d.e  Bourgogne  (i),  qui  se  distingua 
dans  la  double  carrière  des  armes  et 
de  la  magistrature.  Ou  trouve ,  au 
seizième  siècle,  un  seigneur  de  Nau- 
souty ,  qui  contribua  puissamment  à 
Jaire  rentrer  la  Bourgogne  sous  l'au- 
torité légitime.   Pour  récompenser 


(1)  Le  village  de  ISansouty,  ou  plus  einctement  , 
fian-sitr-TIul ,  «uitoa  dt  Pr«ci-»oiis-Thil,  est  ù  i 
iiSHCS  de  Scuiiw:  P — B — S. 


NAN  555 

ses  services,  Hcuri  IV  l'admit  dans 
son  conseil;  il  accorda  la  même  faveur 
à  sou  fils  ,  et  ordonna  que  le  château 
de  Nansouty,  à  moitié  détruit  pen- 
dant les  troubles  de  la  Ligue  ,  fût  ré- 
paré  aux  frais  du  trésor.  L'histoire 
remarquera  que,  dans  notre  siècle  si 
fécond  en  vertus  guerrières,  les  an- 
ciennes races  militaires  ne  déséne'- 
rèrent  point  de  leur  valeur  :  cheva- 
leresques à  la  Vendée ,  héroïques  à 
l'armée  de  Condé ,  aussi  brillantes 
et  plus  heureuses  dans  les  légions  de 
la  république  et  de  l'empire ,  elles 
ont  fourni  des  généraux  habiles,  des 
maréchaux  célèbres  :  Buouaparte 
même  est  sorti  de  leurs  rangs.  En- 
voyé à  l'âge  de  dix  ans  à  l'école  roya- 
le et  militaire  de  Brienne,  Etienne 
de  Nansouty  passa,  le  21  octobre 
1 779,  à  l'Écoîe-militaire  de  Paris.  Il 
obtint  une  sous-lieutenance  d'infan- 
terie, le  3o  mai  1785^  et  Monsieur, 
aujourd'hui  le  Roi,  le  créa  chevalier 
novice  du  Mont-Carme! .  La  croix  de 
cet  ordre  ne  s'accordait  qu'à  l'élève 
de  l'École  -  militaire  qui ,  pendant 
deux  ans,  avait  été  le  premier  dans 
toutes  les  classes  ,  et  qui  s'était  au- 
tant distingué  par  sa  conduite  que 
par  ses  études  :  Etienne  de  Nansouty 
était  destiné  à  recevoir  ses  premiers 
et  ses  derniers  honneurs  de  la  main 
de  son  roi.  Conduit  au  régiment  de 
Bourgogne,  par  son  père  ,  qui  avait 
laissé  des  souvenirs  honorables  dans 
ce  régiment,  il  obtint,  en  1788,  par 
la  protection  du  maréchal  de  Beau- 
vau,  un  brevet  de  capitaine  de  rem- 
placement au  régiment  de  Franche- 
Comté  cavalerie.  Il  parut  à  peine  à 
ce  corps,  et  entra,  le  a4  '"»i  *Ie  J^ 
même  année,  dans  le  sixième  régi- 
meui  de  hussards ,  commandé  par 
le  duc  de  Lauzuu ,  depuis  duc  de 
Biron  ;  personnage  trop  petit  pour 
la  révolution,  mais  qui  vivra  pour- 


556 


N.\N 


tant,  parce  qu'il  réunit  quelque  chose 
des  aventures  et  des  mallicurs  dont 
son  premier  et  son  dernier  nom  ra- 
pellenl  le  souvenir.  Etienne  de  Nan- 
souty  se  trouva  mêle,  à  Nanci,  dans 
l'allaire  du   régiment    de    Ghàteau- 
•vicux,  et  courut  des  dangers  en  res- 
tant fidèle  aux  ordres  du  roi.  La  ré- 
volution commençait  :  pour  accre'- 
diter  ses  doctrines  ,  elle  mit  d'abord 
quelque  discernement  dans  ses  choix. 
Ëlienne  de  INansouty,  malgré  sa  jeu- 
nesse, fut  désigné  par  les  officiers 
et  les  soldats,  pour  commander  une 
compagnie  de  son  régiment:  chaque 
régiment,  devenu  une  espèce  de  petite 
république  militaire,  avait  acquis  ce 
droit  d'élection.  La  guerreayanl  écla- 
té ,  le  capitaine  INansouty  fut  succes- 
sivement nommé  lieutenant-colonel 
du  9^.  régiment  de  cavalerie  (  4  avril 
1 79'2  ) ,  chef  de  brigade  ou  colonel 
du  même  régiment  (  ig  brumaire 
■an  II ,    I  793  J  ,  général  de   brigade 
ou  maréchal  de-camp  (  l'y  fructidor 
an  vu  ) ,  général  de  division  ou  lieu- 
tenant -  général  (  3  germinal  an  xi , 
iBo3  ) ,  et  enfin  colonel-général  des 
dragons  (  16  janvier   181 3  ),  tous 
grades  qu'il  acquit  avec  son  épée.  Il 
apprit  en  Allemagne ,  avec  le  général 
IVÏoreau,  et  en  Portugal ,  avec  le  gé- 
néral Leclerc,  ce  qui  fait  les  succès 
et  les  revers  à  la  guerre.  Il  comman- 
dait la  grosse  cavalerie,  sous  les  or- 
dres du  général  Mortier,  à  la  con- 
quête du  Hanovre.  Nommé  premier 
chambellan  de  M™'^.  Joséphine  Buo- 
naparte  ,  alors  impératrice,  il  donna 
bientôt  sa  démission  d'une  place  peu 
compatible  avec  l'indépendance  d'un 
soldat;  il  ne  voulut  ramper  ,  ni  sons 
les  crimes,  ni  sous  les  honneui's  de 
la  révolution.  Uetonrnéaux  camps, 
il  attacha  son  nom  à  la  plupart  de 
ces  grandes  journées  où  nos  soldats 
prodigu':rent  leur  sang  pour  faire 


NAN 

oublier  celui  qu'en  avait  verse'  s«i» 
les  échafauds.  Il  se  battit  à  Werlin- 
ghen  et  à  L'im,  acheva  la  victoire 
à    Austerlitz  ,  commença   celle   de 
Wagram,  se  trouva  au  feu  à  l'af- 
faire de  Friedland ,  et  fut  blessé  à 
la  Moskua.  La  cavalerie  de  l'armée 
et  de  la  garde  l'avait  pour  chef  à  la 
bataille  de  Leipzig;  et  ce  fut  lui  qui, 
dans  le  défilé  de  Hanau ,  rouvrit  à 
nos  étendarts  le  chemin  de  la  Fran^ 
ce.  Dans  la  campagne  de  i8i4>  où 
Buonaparte  manifesta  pour  la  der- 
nière fois  son  génie,  (car l'homme 
extraordinaire   finit  en    lui   au  20 
mars,  et  Waterloo,  placé  bors  des 
limites  assignées  à  sa  puissance ,  ne 
compte  plus  que  dans  sa  destinée); 
nos  soldats  étaient  rentrés  dans  le 
cœur  de  la  monarchie ,  accompagnés 
plutôt  que  repoussés  par  l'Europe  , 
qui  les  suivait  comme  à  la  trace  do 
leurs  victoires.  Après  douze  siècles  , 
notre  gloire  militaire,  déboMce SJir 
toutes  les  nations,  se  retira  vers  sa 
source  :  on  se  disputait  la  capitale  des 
Gaules  dans  les  lieux  mêmes  d'où  les 
premiers  Francs   avaient   marché  à 
sa  conquête.  L'éclat  de  nos  armes  faii 
sait  sortir  de  l'obscurité  les  hameaux 
de  l'Ile  de  France,  comme  il  avait 
donné  un  nom  aux  villages  inconnus 
des  Arabes  et  des  Moscovites  :  les 
derniers  boulets  de  celte  guerre  de 
^5  années  qui  nous    avait  soumis 
Berlin  ,  Vienne,  Moscou ,  Lisbonne , 
Madrid.,    Naples   et  Rome,  vinrent 
tomber  sur  les  boulevards  de  Paris. 
Le  général  Nansouly  assiste  à  tous  les 
combats  livrés  aux  bords  de  la  Mar- 
ne et  de  la  Seine,  comme  il  s'était 
trouvé  aux  batailles  données  sur  les 
rives  du  Borysthèue  et  du  Tage  :  il 
protèçela  retraite  à  Brienne,  ouvre 
l'attaque  à  Montmirail ,  à  Berry  au 
Bac,  à  Craonne,  et  voit  enfin  la  coi=- 
ronae  impériale  tomber  à  Fc^nlaiue- 


bicau,  dans  ce  luèmc  palais  oii  Btio- 
napartc  avait  retenu   prisonnier  le 

Sontife  qui  l'avait  niar([uc  du  sceau 
es  rois.  Ainsi  s'ecroula  après  irciite 
années  ce  prodisj;icu\cdi(ice  (lef;!'ji- 
rc,  de  folies  et  de  crimes  ,  ([non  ap- 
pelle la  révolution.    Les  couq'ièlrs 
utiles  de  Louis  XIV  cxislent  entiè- 
res ;  et  de  l'Europe  envahie,  il  ne 
restait  à  la  rcpublitpic  et  à  rcinpire 
que  le  camp  des  cosaques  autour  du 
Louvre.  Pendant    la    campagne  de 
France  ,  le  gênerai  Nansouly  ressen- 
tit les  atteintes  de  la  maladie  à  la- 
quelle il  devait  bientôt  succomber. 
Il  manquait  souvent  des  secours  cpie 
son  état  exigeait  ;  mais  il  voulut  res- 
ter à  cheval  tant  qu'il  y  eut  un  champ 
de  bataille.  Il  avait  vécu  sous  la  ten- 
te au  milieu  de   nos  triomphes  et 
loin  de   nos  malheurs  :   lorsque   le 
bruit  des  armes  cessa,  il  entendit  la 
voix  de  la  patrie;  il  fit  parvenir  à 
l'autorité  cette  adhésion,  remarqua- 
ble par  sa  simplicité  :  «  J'ai  l'iiou- 
»  neurde  prévenir  le  gouvernement 
»  provisoire  de  ma  soumission  à  la 
»  maison  de  Bourbon.  »  Cette  adhé- 
sion entraîna  celle  d'une  grande  par- 
tie de  l'arme'e  :  en  déterminant  ses 
compagnons  d'armes  à  rejoindre  le 
drapeau  blanc,  le  ge'nèral  Nansou- 
ty  obtint  pour  sa  patrie  sa  deruière 
et  sa  plus  belle    victoire.  Les   sou- 
verains de  l'Europe,  réunis  à  Paris  , 
en    i8i4  ,    lui   donnèrent   des   te- 
moignages   d'estime   d'autant    plus 
flatteurs,  que,  si  la  faveur  était  quel- 
quefois venue  le  trouver,  il  ne  l'a- 
vait jamais   recherche'e  ;    mais   un 
suffrage  que  le  cœur  d'un  Français 
ambitionnera  toujours  ,  lui  était  ré- 
servé :   MosiF.ur.  l'accueillit   avec 
tonte;  Louis  XVIII  l'honora  de  sa 
confiance.   Le  gduéral  parcourut  la 
Bourgogne,  en  qualité  de  commis- 
saire du  roi,  et  fut  nomiu :',  au  retouf 


NAN 


5^7 


de  celte  mission,  capitaine  lieutenant 
de  1j  première  compagnie  des  mous- 
(pictaircs.  Le  général  Nansouty,  un 
des  meilleurs  oHiciers  de  cavaîeriK 
que  les  guerres  de  la  révolulioii  aient 
produits  ,  était  brave  ,  humain  ,  dé- 
sintéressé, et  conservait, au  milieu  de 
la  rudesse  des  camps,  la  politesse  de 
nos  anciennes  mœurs.  11  sauva  cons- 
tamment la  vie  aux  émigrés  que  le 
sort  des  armes  jetait  entre  ses  mains  : 
il  épargna  au  Tyrol  les  horreurs  du 
pillage,  et  fit  distribuer  aux  hôpitaux 
nue  somme  considérable ,  que  !cs  au- 
torités du  pays  avaient  voulu  lui  faire 
accepter  par  reconnaissance.  Logé  à 
Moscou,  avec  des  soldats  affamés^ 
dans  le  palais  du  prince  Kourakin,on 
trouva  ,  après  son  départ ,  les  scellés 
intacts,  et  tels  qu'ils  avaient  étéap^ 
posés  sur  les  armoires,  parles  ordres 
du  prince.  S'il  avait  souvent  géinî 
des  maux  que  la  guerre  avait  fait  souf- 
frir sous  ses  yeux  aux  peuples  étran- 
gers, il  fut  plus  sensible  encore  à  ces 
mêmes  maux  quand  il  les  vit  retom- 
ber sur  sa  patrie.  «  On  ne  se  figure 
»  pas,  disait-il,  ce  que  c'est  que  d'eit 
»  tendre  de  malheureux  paysans  se 
»  plaindre  en  français.  »  A  une  a  {fai- 
re près  de  Fontainebleau, Buonapario 
lui  commande  d'enlever  un  retran- 
chement d'où  l'ennemi  faisait  un  feu 
épouvantable  :   des  files  entières  de 
cavaliers  tombent  dans  cette  entre- 
prise désespérée  et  inutile.  Tout-à- 
coup  le  général  Nansoufy  arrête  les 
escadrons  .  et  s'avance  seul  hors  des 
rangs  :  Buonapartc  lui  envoicdeman- 
dcr  la  raison  de  cet  ordre  ,  et  pour- 
quoi il  cesse  de  mai'cher  sur  la  re- 
doute :  «  Dites  lui  que  j'y  vais  seul , 
»  répondit  le  général  ;  il  n'y  a  là 
»  qu'à   mourir.  ;>   Le  général  Nuii- 
souty  ne  vit  point  les  nouveaux  mal- 
heurs de  la  France  ;  une  mal  idie  dov- 
loureusel'cmportale  l 'i février  1 8 1 3. 


558 


N.iN 


Il  expira  dans  ces  sentiments  reli- 
gieux qui  font  de  la  mort  la  plus  sim- 
ple une  grande  action,  et  qui,  donnant 
de  la  noblesse  aux  moindres  faits 
d'une  vie  chre'tienne  ,  les  élèvent  à 
la  dignité  de  l'histoire.  Le  comte  de 
Nansouty  avait  épousé,  en  1802, 
Adelaidede  Vcrgeunes,etaprès  avoir 
pu  disposer  d'une  partie  des  dépouil- 
les de  l'Europe ,  il  laissa  un  fils  sans 
fortune  :  il  l'a  recommandé  en  mou- 
rant aux  bontés  d'un  roi  qui  a  connu 
l'adversité.  G — t — d. 

NANTEUIL  (  Robert  ) ,  graveur, 
naquit  à  Reims,  en  iG3o,  et  fut  élè- 
ve de  Regnesson ,  dont  il  épousa  la 
sœur.  Son  père ,  simple  marchand 
sans  fortune ,  lui  donna  cependant 
ime  excellente  éducation.  Dès  son 
enfance ,  il  manifesta  son  goût  pour 
la  gravure;  et  il  portait  si  loin  l'a- 
mour de  cet  art ,  qu'il  grava  lui-mê- 
me sa  thèse  de  philosophie  (i).  Il 
avait  un  talent  très  -  distingué  pour 
la  peinture  au  pastel  ;  il  excellait 
surtout  dans  le  portrait ,  et  saisis- 
sait avec  une  extrême  habileté  la 
ressemblance.  Mais  ces  tableaux  n'é- 
taient pour  lui  que  de  simples  étu- 
des ,  auxquelles  il  attachait  peu  d'im- 
portance ,  et  qu'il  dédaignait  de  con- 
sei-ver.  Leur  perte  est  d'autant  plus 
à  regretter,  que  le  petit  nombre  de 
ceux  qui  existent  encore  dans  quel- 
ques cabinets ,  suffisent  pour  consta- 


(i)  Arrivé  à  Paris,  il  s'avis.i  tl'iin  singulier  moyeu 
pour  se  faire  coDiiai Ire.  Ce  jeune  arli^te  attendit  un 
jour  rheure  où  les  ecclrsiastiques  qui  Ptudiàieut  en 
S^rbonne,  si  rendaient  chez  un  Iraitenr  élahli  de- 
vant le  collrge.  Il  teii;iiit  de  rbercher  celui  d'entre 
«■ux  qui  devait  rrssembier  à  uu  portrait  cju'il  leur 
montra.  Le  prétendu  original  no  se  trouva  point; 
mais  le  portrait  fut  admire.  Nanteuii  propnsa  .\  tous 
lis  ecclésiastiques  de  le.speindio  chacnu  en  particulier 
d'une  manière  aussi  agréable  ,  et  pour  un  prix  modi- 
que :  sa  propos  ii'U  fut  acceptée.  L'ou\ra5e  ëlaut 
fini.  Cfsjfunts  abbés,  sati^fails  de  Imrs  purtraits, 
Minlèrent  le  latent  de  leur  peintre,  et  lui  procurè- 
rent de  nouvelles  pratiquas.  Nanteuii  c^nuuença  à 
être- plus  connu,  et  lut  rethfrihr.  Il  augmenta  le 
prix  de  ses  ouvrages,  et  amassa  en  peu  de  temps  une 
somme  d'argent  considérable.  T O. 


NAN 

ter  SCS  talents  comme  peintre.  Com- 
me graveur  de  portraits,  il  tient  le 
premier  rang;  et  ses  ouvrages  se- 
raient bien  plus  recherchés  encore , 
s'il  ne  s'était  borné  à  graver  de  sim- 
ples bustes  ,  et  ne  s'était  ôté  ainsi  le 
moyen  d'ajouter  à  l'intérêt  par  la  ri- 
chesse et  la  beauté  des  accessoires. 
Les  portraits  grands  comme  nature 
qu'il  a  gravés,  se  font  remarquer, 
malgré  leur  dimension ,  par  un  tra- 
vail moelleux  et  une  belle  couleur. 
Peu  d'artistes  ont  eu  comme  lui  l'art 
de  rendre  avec  du  noir  et  du  blanc 
la  valeur  des  tons  différents,  pour 
lesquels  les  peintres  ont  la  ressource 
des  couleurs.  Ses  cheveux  ont  beau- 
coup de  finesse,  quoiqu'il  ait  fait  peu 
d'usage  du  procédé,  un  peu  trop 
prodigué  dans  la  suite  par  Masson, 
de  détacher  quelques  cheveux  de  la 
masse ,  pour  donner  à  l'ensemble 
plus  de  légèreté.  Son  travail  variait 
suivant  la  nature  de  l'ouvrage.  11 
gravait  ordinairement  les  demi-tein- 
tes en  points.  Cependant  il  a  graA'é  en 
tailles,  et  sans  aucun  point  la  tête  du 
président  Edouard  .Mole,  et  tout  en 
points  ,  le  portrait  de  la  reine  Chris- 
tine de  Suède.  Le  travail  de  cette  der- 
nière pièce  est  extrêmement  léger, 
et  l'ajustement  du  portrait  est  très- 
pittoresque.  On  regarde  comme  ses 
chefs-d'œuvre  les  portraits  de  Jean- 
Baptiste  Fan  Steenbergen ,  dit  Va- 
vocat  de  Hollande;  de  Simon-Ar- 
naud de  Fomponc ,  secrétaire-d'é- 
tat ,  très-grand  in-folio,  gravé  en 
1657  ,  et  du  petit  Millard.  Il  fallait 
que  Nanteuii  joignît  à  l'amour  de  son 
art,  une  grande  facilité  et  beaucoup 
d'assiduité;  car  l'abbé  de  Marelles 
avait  rassemblé  de  lui  plus  de  a8o 
pièces,  parmi  lesquelles  on  compte 
14  portraits  de  princes  ou  princes- 
ses ,  83  de  personnages  illustres  dans 
la  guerre,  la  politique,  les  sciences 


NAN 

ou  les  arts  ;  et  7  thèses  on  morceanx 
liistoriqiics.  Il  a  grave',  huit  fois  dif- 
icrentcs,  et  dans  des  formats  divers, 
le  portrait  de  Louis  XIV.  Cet  liabile 
artiste  avait  épouse'  la  (illadu  fameux 
E'Ielinck ,  et  mourut  à  Paris ,  en 
1G78.  P— s. 

NANTIGNY.  V.  Chasot. 

NAOGEOllGUS  (Tuomas  ).  V. 

KinCUMAlER. 

NAPIER  (  Ji-Aiv),  NÉPER  ou  Ne- 
pair  (i),  baron  de  Merchiston  ou 
Markiiistou  ,  près  d'Edinbourg  ,  en 
Ecosse,  raatliématicien  célèbre  par 
l'invention  des  logarithmes,  naquit 
en  i55o.  Après  ses  études  faites  à 
l'université  de  Saint- André,  il  fit  le 
tour  de  l'Europe.  Revenu  dans  son 
pays ,  avec  tous  les  avantages  qui  au- 
raient pu  le  faire  distinguer  à  la  cour 
et  le  faire  parvenir  aux  emplois,  il 
préféra  consacrer  sa  vie  à  l'étude  et  à 
la  retraite.  La  théologie  exerça  quel- 
que temps  son  esprit  plein  de  saga- 
cité; il  l'appliqua  heureusement  par 
la  suite  aux  mathématiques.  Ce  fut 
vers  l'an  iSqS  qu'il  commença  de  se 
livrer  aux  recherches  qui  le  conduisi- 
rent à  la  découverte  des  logarithmes  ; 
découverte  qui ,  en  simplifiant  la 
science  du  calcul,  a  sî "merveilleuse- 
ment servi  aux  progrès  de  l'astrono- 
mie ,  de  la  géométrie  pratique  et  de 
la  navigation  (  V.  Briggs  ).  Napier 
fut  marié  deux  fois ,  et  mourut  le  3 
avril  1617.  Ses  ouvrages  sont  :  L  Ex- 
plication  claire  de  la  révélation  de 
saint  Jean.  Cet  ouvrage,  où  il  dési- 


(i)  Crawfurd  nnus  apprend  que  le  nom  ilo  Nmnir 
tire  sou  ori(;lue  a"uii«  jotion  sans  .^gale  (  PeeiL-a  ) 
de  DouaM  ,  un  des  a  icêlres  dp  ^ép.  r  ,  et  lils  d'un 
comte  Lenox,  au  lemps  de  David  11.  Si-s  descendants 
signent  aujourd'hui  Napier.  Arcbibald,  tils  de  Néner, 
«ut  crée  l.u-d  d'Iî.osse,  m  idjH  ;  le  pèie  et  .ses  ancê- 
Ires  u  avaient  ete  que  barons.  Un  Laiou  écossais  élait 
un  seigneur  liaul-jnsl;cie-,  ayant  ie  droit  de  PU  and 
OalLows  (Jossa  etfuica  )  ,  pour  nover  les  femmes 
convaincues  de  vo! ,  ou  pendre  les  liommes  coupable» 
«u  vol  ou  d'un  autre  dsiit  «apilal. 


NAP  559 

gue  le  pape  comme  ranléchrist^ de- 
vait trouver  beaucoup  de  faveur  par» 
mi  les  protestants,  et  fut  en  effet 
traduit  en  plusieurs  langues.  La  ver- 
sion française  (  La  Rochelle,  1602, 
in  -  4"-  )  ^'st  intitulée  :  Ou\>erlure 
de  tous  les  secrets  de  V Apocalypse 
ou  Révélation  de  saint  Jean^  mise 
en  français  par  George  Thomson. 
II.  Mirijici  logarithmorum  canonis 
descriplio,¥,àn\houT^,  \ij\l\,  iu/j.». 
L'auteur  n'y  explique  pas  encore  les 
fondements  des  logarithmes;  il  se 
contente  de  donner  les  sinus  naturels 
et  logarithmiques  pour  toutes  les  mi- 
nutes du  quart  de  cercle  ,  réservant 
pourun temps  plus  convenableladoc- 
trine  sur  laquelle  ila  fondé satable;ti 
attend  le  jugement  et  la  censure  des 
mathématiciens  ,  avant  d'exposer 
le  reste  à  la  malignité  des  envieux. 
Après  sa  mort,  son  fils  publia  (-ette 
explication,  Edinbourg,  i6i9,in- 
4°.  Les  deux  ouvrages  réunis  ont  été 
réimprimés  à  Lyon,  en  1G20,  chez 
Bartliélemi  Vincent ,  sous  ce  titre  : 
Logarithmorum  canonis  descrip- 
tion seu  arithmeticarum  supputatio- 
nuni  mirabilis  abbrevialio ,  e jusque 
usus  in  ulrdque  trigonometrid ,  ut 
etiam  in  onini  logisticd  mathema- 
ticd  ,  amplissimi  et  expeditissimi , 
explicatio,  authore  ac  invenîore  Je- 
anne Nepero  harone  Merchistonii  ^ 
Scoto,  etc.  La  seconde  partie  a  pour 
titre:  Mirifici  logarithmorum cano^ 
nis  constructio  et  eorum  ad  natura- 
les  ipsorum  numéros  hahitudines  , 
unà  cum  appendice  de  alid ,  edque 
prœstantiore  n  logarithmorum  spe- 
cie  condendd ,  quibus  accessére  pro- 
positiones  ad triangulasphœncaj'a- 
ciliore  calculo  resolvenda,  unà  cum 
annotationibus  aliquot  doctissimi 
D.  Henrici  Biiggii in eas,  etc.  Pour 
justifier  l'emphase  apparente  de  ces 
divers  titres,  il  nous  suffira  de  dire 


5Go  NAP 

<Hrer.  CiTtl  riuvcntion  de  Nr'pcr  est 
Traimciit  admirable,  et  par  l'usaj^e 
immense  dont  elle  est  dans  les  ral- 
culs  de  toute  espèce,  et  par  ia  simpli- 
cité des  moyens  trouves  pat  l'auleur, 
pour  construire  sa  table  avec  le 
moins  de  travail  possible.  Les  loga- 
litlimes  sont  des  nombres  artificiels, 
au  moyeu  desquels  toutes  les  multi- 
plications sont  réduites  à  de  simples 
additions,  les  divisions  à  des  sous- 
tractions; la  formation  des  puissan- 
ces 2  ,  3 ,  4  ?  etc. ,  réduite  à  des 
multiplications  par  les  nombres  2  , 
3  ,  4  1  etc. ,  suivant  la  puissance 
qu'on  désire;  enfin  les  extractions 
des  racines  2,  3  ,  4,  etc.,  à  de  sim- 
ples divisions  ,  par  u  ,  3,  4,  etc.  Le 
iivre  de  Néper  étant  excessivement 
rare,  il  n'est  pas  surprenant  que  très- 
peu  de  mathématiciens  aient  une 
idée  juste  de  ces  anciens  logarith- 
mes ,  et  surtout  des  procédés  par  les- 
quels l'auteur  a  su  les  calculer.  Ces 
moyens  sont  exposés  avec  tous  les 
détails  nécessaires ,  dans  la  nouvelle 
Histoire  de  l'astronomie  moderne  , 
t.  I,  p.  491  <^t  suivantes,  r.  aussi 
le  Recueil ,  Scriptores  logarithmici , 
de  Maseres ,  Londres ,  1 79 1 ,  tome  i 
(i).  lîL  Piabdologice ,  seii  numera- 
iicnis  per  mrgulas ,  libri  duo ,  ibid., 
1617,  in-i2,  réimprimé  la  même 
année,  à  Amsterdam,  et  souvent  de- 
puis :  l'auteur  y  décrit  ses  bâtons  ou 
ixches  arithmétiques  ,  dont  rusac;e 
est  d'abréger  les  multiplications  et 
les  divisions  ;  on  les  trouve  décrits 
dans  les  Récréations  mathématiques 
de  I\ïoutucla ,  tome  i,  p.  1 4-  ÏV.  Une 


(1}  T.c  principe  des  logarilbmes  avait  déjà  été  pro- 
pose iiu  siècîp  anpantvaDt  dans  VArithniéliqiif'  com- 
meicitile  de  Henri  Grammalens  (  Vienne,  i>i8,in- 
8".  ,fn  alleu.and  ),  et  plus  i  lalremenl  dans  X'Ari'.h- 
meùca  inteÉ^ra  de  IViitLel  Sliiél,  publiée  por  Me- 
]aiiL}i;hoTi ,  Xur^nibcrg,  i544î  ^"  •.''•  i  Vcy.  Scheibel , 
JtUrodiutiitn  à  la  ccnnaissance  tUs  Uvies  de  mathé- 
niatiijuci ,  u".  lî  ,  i;ag.  iii ,  eu  aliemaiid.  ) 


NAR 

lejfirc  à  Antoine  Bacon  :  inlifuléc  ; 
Inventions  secrètes,  utiles  et  néces- 
saires de  nos  jours ,  pour  la  défense 
de  cette  île  ;  elle  est  imprimée  dans 
l'Appendix  d'une  Tsolice  sur  les  ou- 
vrages de  Napier,  par  le  comte  de 
IJuchan  T  David  Stewart),  1 788,  in- 
4°.,  publié  par  Walter  Minto,  en 
anglais.  ISeper  est  encore  connu  par 
les  Analogies  qui  portent  son  nom  ,  et 
qui  sont  remarquables  par  leur  élé- 
gante symétrie.  Enfin,  on  lui  doit 
deux  Formules  générales  pour  la  so- 
lution des  triangles  sphériqucs  rec- 
tangles. D — L E. 

]N  ARBONNE  (HermexNgarde  ,  vi 
comtesse  de),  mariée,  eu  114'-*,  à 
un  seigneur  espagnol ,  recouvra  la 
vicomte  de  Narbonne,  par  l'abandon 
que  lui  en  fit  Alphonse  Jourdain  , 
comte  de  Toulouse,  et  contracta,  en 
1145,  une  seconde  union  avec  Ber- 
nard d'Anduze,  connu  dans  l'histoi- 
redes  troubadours-  Les  vicomtes  dé 
Narbonne,  originairement  vidâmes 
ou  vigulers  des  marquis  deSeptima- 
nie,  étaient  de]à  d'importants  feu- 
dataires  au  commencement  du  or«- 
zicine  siècle.  Bérenger,  le  trisaïeul 
d'Hermengarde ,  ayant  secouru  con- 
tre les  Maures,  en  1048,  Raimond 
Bérenger  1*^1.,  comte  de  Barcelone,  en 
avait  obtenu  la  ville  de  Tarragone, 
qui  ne  passa  point  à  ses  successeurs. 
Son  petit -fils,  Airaeri  P''. ,  réunit 
en  sa  personne  la  vicomte  de  Nar- 
bonne, partagée  entre  Pierre,  ëvêque 
de  Rhodes ,  son  frère .  et  Bernard  Pe- 
let, leur  ncAcu,  tige  de  la  brancbe des 
Narbonne  qui  porte  ce  nom.  Avide 
de  s'agrandir,  il  usurpa  les  biens 
de  l'archevêque  de  Narbonne ,  et , 
sans  doute  pour  expier  cette  spolia- 
tion, partit  pour  la  Terre-Saiute,  en 
1 104.  11  y  porta  le  titre  d'amiral , 
et  y  mourut  deux  ans  après.  Aimeri 
II,  né  de  son  mariage  aA'ec  Ame- 


NAtl 

naiile,  fille  du  fameux  RubcrtGuis- 
card,  lui  succéda,  el  fut  lue  dans  une 
bataille  livrée  aux  Maures,  en  i  i54, 
sous  les  murs  de  Fraj:;a  ,  par  Alfousc 
ï*^ ■'.,  roi d' Aragon.  Henncngarde  se  si- 
gnala comme  ses  pères,  contre  les  en- 
nemis du  nom  du  etien  :  cllemarclia , 
en  1 1 48,  au  secours  de  Tortûse, assié- 
gée parles  Sarrasins,  s'aLoucha  ,  eu 
1 1 55,  avec  le  roi  de  France  Louislc- 
Jeunc ,  renonça ,  en  sa  présence,  aux 
biens  enlevés  aux  arclievèques  de 
Narbonnc,  et  obtint  de  lui  l'autori- 
sation de  rendre  la  justice  en  per- 
sonne, quoique  les  femmes  fussent  ex- 
clues  formellement  de  ces  fonctions 
par  les  lois  romaines,  en  vigueur 
dans  la  province. Eu  1 1G7,  Hermen- 
garde  conclut  un  traité  de  commerce 
avec  les  Génois.  IN 'ayant  point  de 
postérité,  elle  adopta  et  désigna  com- 
me héritier  Aimeri  de  l.ara,  fils  de 
sa  sœur  Ermcliudcj  mais  il  mourut 
sans  descendants,  eu  1177.  l^ay- 
mond,  comte  de  Toulouse,  voulant, 
en  sa  qualité  de  suzerain  de  Narbon- 
nc,  influencer  le  second  clioix  d'Her- 
mengarde,  la  mciiaça  de  ses  armes  : 
elle  chercha  des  garanties  contre 
ses  attaques ,  dans  une  coalition 
avec  le  roi  d" Aragon,  les  vicomtes 
de  IN î mes  et  de  Carcassonne,  et  le 
seigneur  de  Montpellier.  Enfin  ,  elle 
remit,  en  i  iGi  ,  entre  les  mains  de 
Pierre  de  Lara,  son  autre  neveu  ,  un 
gouvernement  dont  elle  avait  soute- 
nu le  fardeau  avec  de  mâles  veitus  , 
et  mourut  le  1 4 octobre  i  I97,à  Per- 
pignan, oii  elle  s'était  retirée.  Son 
palais,  séjour  de  la  politesse  et  des 
fêtes,  était,  avant  son  abdication, 
très  fréquenté  par  les  poètes  méri- 
dionauxj  et  l'héroïque  châtelaine  ai- 
mait à  présider  des  cours  d'amour. 
F — T. 

NARBONNE  -  PELET  -  FRITZ- 

LAR  (  Jean-François  comte  de), 
x\s, 


NAR 


56t 


officier  distingué,  servit  an  siège  de 
Minorque,  sous  le  maréchal  de  Ri- 
chelieu, en  1756,  et  passa  ,  l'année 
suivante,  à  rurmée  du  Bas-Kliin, 
commandée  par  le  inarérhal  d'Es- 
trc'cs,  dans  le  grade  d'aide- major- 
général  de  l'infanterie.  En  17G1 ,  à 
Stallxig,  dans  un  de  ces  combats 
partiels  <[ui  faisaient  pressentir  la  fin 
dt;  la  guerre  de  sept-ans,  par  l'épui^ 
sèment  des  armées  qui  la  prolon- 
geaient ,  il  surprit  un  bataillon  de  la 
légion  britannique,  et  le  força  de  se 
rendre.  Mais  le  plus  beau  fait  d'ar- 
mes de  Narbonne,  devenu  brigadier 
et  colonel  d'un  régiment  de  grena- 
diers royaux  ,  fut  la  défense  du  pos- 
te de  Fritzlar,  où,  cojitre  l'espéran- 
ce de  ses  chefs,  il  arrêta  les  Prussiens 
pendant  trois  jours  ,  et  donna  le 
temps  an  maréchal  de  Brogiiedc  dé- 
gager l'armée,  qui  courait  le  risque 
de  subir  l'artVont  d'une  capitulation. 
Louis  XV,  pour  perpétuer  le  souve- 
nir de  celte  brdiaute  action,  voulut 
que  Narbonne  ajoutât  à  son  nom  ce- 
lui de  Fritzlar,  exemple  que,  dans 
ce  siècle,  le  gouvernement  espagnol 
avait  renouvelé  des  Romains ,  en  fa- 
veur de  quel(jues-uns  de  ses  géué- 
ratix.  Narbonne  mourut  en  17^4) 
lieutenant-général,  commandeur  de 
l'ordre  de  Saint-Louis  et  de  celui  de 
Saint-Lazare.  Il  s'était  choisi  un© 
épouse  dans  une  autre  branche  de  sa 
famille,  el  il  en  eut  un  fils  qui  laissa 
trois  enfants:  Albéric,  attaché  au 
serricc  de  l'empereur  d'Allemagne  ; 
Aimeri ,  et  Ermelinde,  mariée  à  l  hé- 
ritier de  la  maison  de  Luynes,  et 
qui,  portant  le  titre  de  duchesse  de 
Chcvreuse,  mourut  victime  de  la  ty- 
rannie de  Buonaparte  (i).     F — t. 


(1^  Apre»  l'avoir  forcée  d'acceplrr  an  emploi  i  5a 
roui-,  biiouapnrle  MUilut  oMi^eiMn»:.  de  (;ti«TTru«e 
à  se  1  '.iidiiî  .luprèâ  >.\«  lit  i«iav  U'Iïsp  igQC  ,  c^ui  vcuait 

36 


'j6i 


>AR^ 


NARBONNE  -  LARA  (  Le  comte 
Louis  de  ) ,  ministre  de  la  guerre 
60US  Louis  XVI,  naquit  a  Culorno  , 
dans  le  duché  de  Parme,  au  mois 
d'août  1-^^55.  Sa  mère  Y  était  daiue 
d'houneur  de  la  duclie.-.-e  de  Parme, 
Elisabeth  de  France  .  lille  de  Louis 
XV,  mariée,  en  1739,  à  l'iufant 
don  Philippe;  et  son  père,  premier 
^gentilhomme  de  la  chambre  (  i  ). 
Louis  de  Narbonue  fut  amerie'  eu 
France,  en  1  760,  après  la  mort  de  la 
duchesse  de  Parme,  et  élevé  a  la  cour, 
ou  sa  mère  ,  d'abord  dame  d'atours, 
puis  dame  d'houneur  de  madame 
Adélaïde  ,  conserva  constamment 
i'entière  confiance  de  cette  princesse. 
Son  éducation  fut  très-suignée  :  M.  le 
Dauphin,  père  du  roi,  daigna  lui  don- 
ner lui-même  quelques  leçons  dans 
son  enfance  ;  et  M.  de  Narbonne 
se  rappelait  avec  bonheur  qu'il 
lui  devait  les  premières  notions  de 
la  langue  grecque.  Du  reste,  il  fit  les 
meilleures  études  au  collège  de  Juil- 
li  ,  s'adonna  aussitôt  après  a  celles 
que  denuade  le  service  de  l'artil'e- 
lie;  et,  successivement  attaché  à 
cette  arme ,  capitaine  de  dragons  , 
guidon  de  la  gendarmerie,  coloneldu 
régiment  d' Angoumois ,  puis  du  régi- 
ment de  Piémont,  il  suivit  toutefois 
des  cours  d'histoire  et  de  droit  public, 
sous  le  professeur  Koch ,  à  Slras- 


d'ètre  amenée  prisonnière  à  Va'ençay.  Celle  dame 
repondit  avec  ccnii-a^;c  qu'il  n'y  iivnit  jamais  eu  .le 
geoler  dins  ya  fjmille.  Elle  fui  auuitôt  exi  et  ,  et 
mourut  dans  cet  exil,   en  1813. 

(i)  La  maison  de  Lara  est  une  des  pins  ancieures 
et  des  plus  illustres  d'Espagne.  Rien  de  p'us  fier 
ijuc  sa  devise  :  Voiji  ne  descendons  pas  dirais  , 
•na.s  Us  rois  descmdenl  de  noiK  ;  et  ce  qu'il  y 
a  de  remanniab'p  ,  c'ist  que  l'lii>ti.Hngranhe  gdnea"- 
logiste  de  l'Iiilippe  IV  et  d.-  Cha.les  II  (Luis de  Sa- 
Iraar)  .  qui  a  éciit  l'hisl  irc  d-  cftte  maison,  en  4 
vol.  m-foùo  ,  non-seulemeit  ne  la  lui  contrsle  pas, 
■lais  il  recontiaît  aussi ,  et  H  ct.bhl ,  qne  la  vicomte 
de  Narboiine  passa  dans  c.  tte  famille  avant  l'nii 
lioo  ,  par  ou  Lara  ,  devenu  héjiti  r  de  la  derniers 
▼■comteasa. 


NAR 

bourg.  Il  apprit  presquctouteslcslan- 
gucs  de  rturope;  et ,  sous  le  minis- 
tère du  comte  de  Vergennes ,  il  se 
livraquelque  temps,  dans  les  bureaux 
des  affaires  étrangères  ,  à  des  recher- 
ches diplomatiques.  Son  goût  parti- 
culier l'eût  appelé  dans  cette  dernière 
carrière ,  qui  lui  promettait  bien  des 
succès  ,  lorsque  la  révolution  arriva. 
M.  de  Narbonne  jouissait  alors  dans 
le  monde  des  plus  désirables  avanta- 
ges. Son  nom  ,  une  grande  place  à  la 
cour,  la  haute  faveur  de  sa  mère, 
le  titre  de  duc,  et  une  grandesse  dans 
sa  famille  ,  lui  ouvraient  un  bel 
avenir.  Sa  grâce,  son  amabilité,  des 
manières  nobles  et  faciles  ,  un  es- 
prit (ou  jours  prêt,  et  presque  toujours 
heureux  ,  relevaient  beaucoup  tous 
ces  avantages.  Il  voyait  les  hommes 
de  lettres  les  plus  distingués  de  son 
temps.  Un  goût  littéraire  très  pur,  un 
langage  de  la  plus  rare  élégance,  et  une 
instruction  singulièrement  variée,  qui, 
lui  échappait  comme  malgré  lui,  le 
plaçaient  convenablement  parmi  eux. 
On  ne  lui  faisait  pas  la  cour  ;  il  ne 
l'eût  pas  supporté  :  il  ne  la  leur  fai- 
sait pas  non  plus;  il  n'en  sentait  nul- 
lement le  besoin.  Il  fréquentait  aussi 
des  sociétés  très-spirituelles  ,  où  s'a- 
gitaient ,  avec  un  vif  intérêt ,  les 
questions  politiques,  devenues  si  fort 
à  la  mode,  la  société  de  Mw.  de 
Staël  en  particulier,  quoiqu'il  fût  peu 
partisan  de  i\I.  Necker ,  et  qu'il  ne 
s'en  cachât  point.  Le  comte  Louis 
de  Narbonne  était  âgé  de  33  ans  : 
attaché  à  la  maison  de  Bourbon  par 
devoir,  par  reconnaissance,  dévoue' 
spécialement  à  IMadame  Adélaïde  , 
dont  il  était  le  chevalier  d'honneur, 
incapable  avant  tout  d'une  déloyau- 
té ,  dont  le  soupçon  même  n'arriva 
jamais  jusqu'à  lui ,  il  adopta  pourtant 
sans  effort ,  quoique  sans  beaucoup 
d'enthousiasme,  plusieurs  des  idées 


noijvollps  ,  sr)it  qu'il  y  n!t,icli.U  do 
tics-bonne  loi  «les  osjicr.iucfs  iialio- 
ii.ilos ,  soit  (Hi'cn  iiioiiK'  Icriips  ,  et 
d'aussi  hoiiiie  foi  ,  il  n  ùt  qu'on  no 
])oiiv;iil  y  rc'sislcr  sans  les  rendre 
j)l'.is  dauficreiiscs.  Il  voyait  aussi 
qu'el'es  cnlr.uu.iient  partout  des  es- 
])rits  distingues  ,  qu'elles  avaient 
même  de  nombreux  appuis  à  la  cour. 
Enlin, elles  exerçaient  un  genre  par- 
ticulier de  séduction  sur  ceux  qui , 
(Lisigne's,  par  leur  position  ,  à  de 
grands  saciidces  ,  mettaient  une  sor- 
te de  clievalerie  à  ne  pas  être  soup- 
«;onncs d'avoir  voulu  s'y  soustraire; 
H  M.  de  IS'arbouue  êlait  de  ce  nom- 
bre. 11  ne  partagea  pourtant  pas ,  à 
beaucoup  ])rès  ,  l'engoùment  de  sa 
société  pour  rassemblée  constituan- 
te :  il  se  félicitait  très-sincèrcraent 
de  ne  pas  en  être;  il  aimait  tout 
autant  avoir  à  la  juger;  et  il  préféra 
plus  d'une  i'ois  l'avantage  de  réparer 
quelques-unes  de  ses  erreurs,  au  pé- 
rilleux honneur  d'en  faire  partie.  En 
i-^yo,  le  régiment  de  Piémont  était 
on  garnison  à  Besancon;  M.  deNar- 
bonne  ,  qui  en  était  le  colonel  ,  fut 
nommé  commandant  de  tontes  les 
gardes  nationales  du  département  du 
Doubs.  La  fermentation  jetée  dans 
les  esprits,  par  les  décrets  nouveaux, 
y  produisit  des  scènes  terribles  ;  la 
tranquillité  paraissait  impossible  à 
ramener.  M.  de  Narbonne,  par  une 
fermeté  pleine  de  noblesse  et  de  rai- 
son, et  par  les  plus  heureuses  ins- 
pirations de  son  esprit ,  en  vint  ce- 
pendant à  bout.  Il  rétablit  le  calme 
par  persuasion  ,  plus  encore  que 
par  autorité;  et  le  calme  se  souliut. 
Nïeicier  ,  Carra  ,  rinsullèrent  daïis 
leurs  Annale  s  patriotique  s. \, A  rec<m- 
uaissance  unanime  de  cette  contrée 
le  vengea  plus  qu'il  ne  l'aurait  voulu. 
Il  était  de  retour  à  Paiis,  lorsque 
Nesdaiaes  de  France,  au  mois  de  (é- 


NAli 


^Ay^ 


vrier  i7<)l  ,  tom-meutécs  poi;r  leurs 
opinions  religieuses,  par  suite  d*» 
dt'crets  si  iuiprudeuls  de  l'assi-mblée 
<;()uslituatite,  se  décidèieul  à  partir 
pour  Rome.  M.  de  jNarbonue  s'esti- 
ma heureux  de  pouvoir  les  accom- 
pagner. On  sait  qu'arrivées  à  Ar- 
uai-le-Duc  ,  elles  furent  arrêtées 
malgré  leur  pasiicporf  ,  par  ordre  de 
la  commune.  M.  de  Narbonne  par- 
vint à  s'échapper,  jntur  aller  sollici- 
ter <à  Paiis  un  dc'ont  qui  leur  rendît 
la  liberté  de  continuer  leur  roule.  H 
eut  le  bonheur  de  l'obtenir;  et  ses 
vives  et  habiles  instances  auprès 
des  membres  de  celle  assemblée , 
u'v  eurent  pas  peu  de  part.  Arrivé 
à  Rome,  il  ne  larda  pas  a  reveriir  en 
France  ,  où  d'autres  devoirs  l'appe- 
laient. Le  départ  du  roi  pour  \  arcn- 
ncs  eut  lieu  quelque  temps  après. 
A  cette  triste  époque,  il  fut  nom- 
mé maréchal-de-carap  par  l'assem- 
blée :  il  refusa  ,  et  ne  consentit  à 
êix'e  remis  sur  le  tableau,  qu'après 
l'acccptalion  de  la  constitution  par 
Louis  XYI.  Voilà  toute  !a  part  qu'eut 
M.  (le  Narbonne  aux  cvé:;ements  pen- 
dant l'assendjlée  consliluante  :  heu- 
reux ,  sans  doute,  s'il  avait sii  échap- 
per aux  antres!  Sa  destinée  ne  le  vou- 
lut pas  ainsi  ;  et  nous  ne  dirons  pas 
non  plus,  qu'il  ait  cherché  à  s'y  sous- 
traire. C'est  le  G  décembre  1791  , 
presque  au  début  de  l'assemblée  lé- 
gislative ,  qu'il  fut  nommé  ministre 
de  la  guerre.  S'il  fut  appelé  à  ce  mi- 
nistère par  un  ])arti,  c'est,  sans  aucun 
doute,  par  celui  qui  voulait  de  bonne- 
foi  la  constitution,  et  qui,  après  l'ac- 
ceptation ,  ne  voyait  plus  que  là  le 
salut  de  la  France  et  celui  du  roi.  Il 
serait  ici  hors  de  propos  d'exami- 
ner si  l'on  pouvait  voir  autrement, 
et  si  ,  par  d'autres  routes  ,  il  était 
pos^iille,  dans  l'état  de  choses  où  l'on 
se  trouvait, d'arriver  à  quelque  heu- 


66i  NAR 

reux  résultat.  Tl  est  certain  que  M. 
de  Narbonne  n'en  vit  pas,  et  qu'il 
rëpnp;naili]iême  à  sou  caractère  d'en 
chercher.  Ses  affections  ,  et  ses  liai- 
sons de  société ,  le  portaient  vers 
les  membres  du  cote  droit  de  l'as- 
semblée; mais  il  lui  parut  impor- 
tant  de  gagner  aussi  qiieU|ucs-uns 
des  membres  les  plus  influents  de 
l'autre  coté,  sans  le  secours  desquels 
il  ne  croyait  pas  à  la  possibilité  d'un 
succès  durable  :  il  prodiguait  pour 
cela  toutes  les  séductions  de  son  es- 
prit, tout  le  charme  de  ses  manières; 
et  il  paraissait  quelquefois  y  avoir 
réussi.  11  ne  voulait  pas  croire  qu'on 
lui  en  ferait  un  reproche:  il  se  trom- 
pait. 11  se  trompait  aussi,  quand  il 
se   flattait  de  captiver,   par    de   la 
grâce   et  de  l'esprit ,  un    parti  qui 
n'aspirait  qu'à  se  débarrasser  ,  par 
ruse    ou    par    violence ,    de    celle 
constitution  ,  qui  ne  satisfaisait  au- 
cune de   ses  passions  :  mais  enfin  , 
telle  fut  son  illusion  ;  elle  put  se  pro- 
longer quelque  temps  par  la  faveur, 
quoique  toujours  un  peu  contestée, 
qu'il  obtenait  à  la  tribune  ;  par  ses 
brillantes   improvisations  ;   par    ce 
voyage  rapide,  qu'a  peine  nommé 
iniiùstrr  il  lit  avec  tout  l'éclat  d'im 
c;rarid    succès  ,   sur  les  frontières  , 
<lont  il  allait  constater  l'état,  et  dont 
le    récit    parut    charmer    l'assem- 
blée; et  surtout  par  le  souvenir  de 
l'effet  qu'avait  produit  son  langage, 
si  nouveau,  sur  l'esprit  des  troupes, 
sur  les  olticiers  surtout ,  dont  il  sa- 
vait bien  que  plusieurs  répugnaient 
à  la  nouvelle  constitution ,  m.iis  aux- 
quels il  demauila  une  parole  d'hon- 
neur plutôt  qu'un  serment,  leur  lais- 
sant ,  au  surplus  ,  la  faculté  de  s'éloi- 
gner,  si  telle  était  leur  dernière  pen- 
.sée,  et  ajoutant,  avec  ua  accent  anime, 
que  tout  était  permis  à  un    Fran- 
çais ,  hors  là  trahison.  Sa  prodigicu- 


NAR 

se  activité  étonnait  ceux  qui  ne  rou- 
laient voir  en  lui  qu'un  homme  m- 
mable  et  léger;  et,  sous  ce  rapport  , 
aucun  ministre  ne  l'a  surpassé.  Un 
lui  a  reproché  de  s'être  montré  trop 
favorable  au  système  de  la  guerre 
La  gloire  de  la  prévenir  lui  eût  par» 
la  première  de  toutes  ;  il  l'a  dit  sou- 
vent ,  et  ce  n'est  pas  sous  son  minis- 
tère qu'elle  fut  déclarée  :  mais  dans 
son  système  tout  constitutionnel,  il 
lui  parut  aussi  indispensable  de  s'y 
préparer  avec  promptitude,  que  de 
ne  point  paraître  la  craindre.  11  an- 
nonça la  formation  de  trois  armées 
sous  le  commandement  des  généraux 
Rochambeau  ,  Luckner  et  Lafayelte. 
Il  obtint,  pour  les  deux  premiers  ,  le 
bâton  de  maréchal  de  France  ,  et  le 
leur  remit  a  la  tête  de  l'armée  ,  avec 
une  grande  solennité.  Il  pressait  le 
rassemblement  des  trofipes,  et  sollici- 
tait sans  cesse  tout  ce  qu'il  fallait  pour 
les  mettre  sur  pied.  Cent  cinquante 
miilehommesdevaient,dansunmois, 
se  trouver  aux  frontières,  prêts  à  en- 
trer en  campagne.  Chaque  jour ,  il 
se  montrait  à  l'assemblée  ,  \K>ur  lui 
faire  de  nouvelles  demandes  ;  c'était 
habituellement  ]>our  en  obtenir  les 
niovens  de  faire  face  aux  dépenses  de 
l'armée  :   c'était  aussi   pour   com- 
primer les   menées  séditieuses   qui 
la    désorganisaient.    Ces    dernières 
plaintes  irritaient  les  Jacobins  ;  et 
ceux  des  membres  de  la  Gironde  , 
qui  semblaient  quelquefois  vouloir 
marcher  aA-ec    lui  ,   n'osaient  plus 
alors  ic  défendre.  Contrarié  de  ces 
oppositions  tracassières  ,  qu'il  n'a- 
vait pas  le  sang-froid  d'endur.-'r , 
il  se  présenta,  le  -^3  janvier  179'^. , 
à  l'assemblée  ;  rappela   plus   éner- 
giquement  les  besoins  de  son  mi- 
nistère ,  et  se  montra  prêt  à  le  quit- 
ter ,   si  l'on  résistait  à  ses  deman- 
des :  «  ûle  vefusaDt  alors,  dit -il,  à 


aitcndre  la  Kontc  comme  ministre  , 
j'irai  chcrolur  la  nxirt  comme  sol- 
dat de  la  constitution  ;  et  c'est 'dans 
ce  dernier  poste  ,  qu'il  me  sera' per- 
mis de  ne  plus  calculer  le  nombre  et 
la  force  de  nos  ennemis.  »  Ce  langa- 
j;e  ,  ce  ton ,  eussent  été  fort  risques 
dans  un  autre  moment  :  ce  jour  là  , 
ils  lurent  applaudis,  et  oljtinrent  un 
pleinsuccès.  Peade  personnessavent, 
et  surent  même  dans  le  temps,  (pio 
M.  de  Narboune,  sentant  vivi  ment  la 
iieccssilede  rappeler  l'anricnnc  dis- 
cipline, et  de  prévenir  la  dissolution 
de  l'armée,  quieilVayait  tous  les  hom- 
mes raisonnables,  convaincu  que  ce- 
la dépendait  beaucoup  de  la  nomitia- 
lion  d'un  ciiet  qui  pût  inspirer  àla- 
fois  de  la  confiance,  du  lespect ,  et 
point  de  jalousie,  et  ne  pouvant  trou- 
ver alors  en    Fiance  personne   qui 
en  im  posât  de  la  sorle  a  tous  les  par- 
tis ,  s'arrêta  un  moment  à  l'idée  de 
proposer  ce  cominandemcnt  au  duc 
de  Brimswick,  qui  était  le  premier 
ïiom    militaire    de   l'Burope.    Il    la 
soumit  au  roi,  qui  l'adopta,  et  lui  or- 
donna même  d'écrire  à  ce  prince. 
Le  croirait  on?le parti  populaircde 
l'assemblée  ,  composé  de  Candorcct, 
VcrguiaaJ  ,  Brissot ,  n'en  fut  nulle- 
ment elVrayc.  Le  duc  de  Brunswick 
en  fut  délourné  par  quelques  instiga- 
tions; et  ridée  n'eut  point  de  suite.  11 
serait  çurieuxd'examinerce  qu'aurait 
produit  sur  les  destinées  de  la  Fran- 
ce une  telle  nomination,  si  elle  avait 
été  acceptée.  RI.  de  Narbonne  était 
sensible  L  la  pupn'ari'.é;  il  ne  s'en  dé- 
fend lit  pas  :  mais  on  lui  doit  la  jus- 
tice de  due  qu'il  ne  la  brigua  jamais 
par  des  moyens  indignes  de  son  ca- 
ractère. Toutes  les  fois  qu'il  avait  à 
prononcer  le  nom  du  roi ,  ses  paro- 
les étaient  pleines  de  chaleur  et  de 
sensibilité  :  il  était  visiblement  lieu- 
jFeii.\de  louer  ses  vertus.  Ses  advcr- 


INAR  565 

saires  n'étaient  pas  tous  à  rassem- 
blée. Les  plus  redoutables  ,  pour  le 
maintien  de  son  crédit,  se  trouvaient 
au  conseil  des  ministres,  où  pourtant 
il  |iaraissait  avoir  con(|uis  la  majo- 
rité :  mais  le  ministredela  marine,  M. 
de  Berirand-Molevdie,  lui  fut  cons- 
tajument  opposé.  Il  ne  peut  s'agir  ici 
de  prononcer  entre  eux  ;  les   senti- 
ments de  ces  deux  ministres  pour  la 
personne  du  roi ,  étaient  sûrement 
les  mcnies  :  mais,  en  tout  le  reste, 
ils  différaient  essentiellement;  et  les 
picoteries     qui  s'ensuivaient  ,  nui»- 
saient  au  service  du  roi.  M.  de  Nar- 
l)onne  ,  qui  ne  voyait  de  salut  pour 
la  monaichie  constitutionnelle,  que 
dans  l'accord  parfait  des  ministres  , 
se  déi'ouragea  :  il  résolut  dequitter  le 
miiiistcic,  et  sa  résolution  fut  connue. 
Les  trois  généraux  en  chef  crurent: 
devoir  li.i  écrire,  pour  l'en  délour- 
ncr;lenrslcltres  devinrent  publiques  : 
cela  parut  une  intrigue;  et  quoiqu'il 
ait   été  prouve'  que  cette  publicité 
ne  fut  pas  sou  ouvrage  ,    il   était 
trop  facile  de  la  lui  imputer,  trop 
diiiicile  d'en  accuser  un  autre  :  le 
porle-feuil'e    de    la  guerre    lui    fut 
reiiré;    ce  fut   le    lo   mars    179'i: 
il  l'avait  conservé  pcndai't  trois  mois 
et    trois    jours.    Quelque  jugement 
qu'on  veuille  porter  sur  son  minis- 
tère ,  tout  ce  qu'il  lit  ,  tout  ce  qu'il 
résolut  ,  tout  ce  qu'il  proposa  dans 
ce  court  espace  de  temps,  est  à  peine 
croyable.  Il  fut  tiès-rcgrelté  par  les 
membres  de  l'assemblée  attachés  à 
la  constitution;  quelques  autres  mon- 
trèrent aussi  des  regrets  qui  étaient 
loin  d'cire  sincères.  Mais,  quoiqu'on 
l'aiî  dit,  l'assemblée  ne  consacra  point 
ces  icgrcls  par  un  décret  ;  et  puis  , 
elle  l'oidilia  bien  vite,  entraînée  par 
ses  erreurs  ,  par  son  delii  e  ,  et  pai* 
les  événcmenls ,  qu'elle  ne   sut  ja- 
mais maîtriser.  Aussitôt  q^u'il  lui  t'iiî 


506 


NAll 


Ferinis  de  quitter  Paris,  il  se  rcmlit  à 
année,  et  se  trouva  présent  à  quel- 
ques petites  affaires  qui  eurent  lieu 
dans  ce  temps.  Bienlùt  il  revint  à 
Paris  ,  appelé  par  le  rui  :  il  y  était 
depuis  trois  jours,  lorsqu'cclata  le  i  o 
août.  Il  fut  à  l'instant  décrète  d'ac- 
cusation par  l'asscrablcc  ;  et  la  com- 
jnune  s'cui  pressa  de  le  mettre  hors  de 
ia  loi.  Il  échappa  à  ses  recherches, 
par  la  courageuse  amitié'  de  M""=.  de 
^taël ,  et  se  rendit  à  Londres  ,  où  il 
Testa  jusqu'à  la  déclaration  de  guerre. 
Ce  fut  là  qu'à  l'époque  du  procès  du 
Toi,  il  montra  d'une  manière  si  no- 
Lle  son  dévoûment  à  ce  malheureux 
prince.  La  constitution  déférait  à 
chaque  ministre  ia  responsabilité  de 
tous  les  actes  de  son  ministère  :  dans 
cet  instant ,  ce  danger  lui  devint  pré- 
cieux ,  et  il  briLi'ia  l'honneur  de  Teu- 
courir.  Il  réunit  tous  les  anciens 
ministres  àa  roi  qui  étaient  à  Lon- 
dres ,  et  leur  proposa  avec  chaleur 
de  demander  en  comraim  ,  à  laCon- 
Tention  ,  un  sauf-conduit  pour  être 
admis  à  ia  barre  ,  et  récianier  là  , 
pendant  tuute  la  durée  du  procès ,  la 
responsabiliié  qui  leur  appartenait 
pour  chacun  de  leurs  actes  minis- 
tériels. Ce  mouvement  était  beau  ; 
il  ne  lui  parut  que  simple  :  il  leur 
pi'omettait  à  tous  une  mort  à-peu- 
près  certaine  ;  mais  q  lelle  mort  I 
Faut  -  il  le  dire?  M.  de  ]N'arbonne 
fut  le  seul  qui  s'en  monira  décidé- 
ment jaloux.  Seul,  en  effet,  il  écri- 
vit à  la  Convention  pour  demander 
ce  sauf-conduit  en  son  nom  ,  à  rai- 
son des  trois  mob  de  son  ministère  : 
il  lui  fut  refuse;  mais  il  n'avait  épar- 
gné ni  sollicitations ,,  ni  instances 
pour  l'obtenir.  Privé  de  cette  gloiie, 
il  ne  lui  restait  qu'à  faire  parvenir  a 
l'assemblée  un  Mémoire  jusîincatif 
de  Louis  XVI  :  il  le  fit  ;  et  M.  de 
Maleshcrbes,  à  qui  il  l'envoya  aussi , 


Nau 

lui  en  adressa  au  nom  du  roi  les  plus 
touchants  rcmcrcîments.  On  trouve 
ce  Mémoire  parmi  les  pièces  du  prc 
oès.TVI.  de  Bertraiid,  dans  ses  IMé- 
moires, attaque  avec  un  acharnement 
extrême  l\l.  de  Narbonne.  Ceux  qui 
ont  bien  connu  et  suivi  de  plus  pics 
dansées  temps  le  comte  F^ouisde  Nar- 
bonne. n'ont  pu  le  recoimaîtrc  dans 
aucune  des  allégations  dont  il  se  plait 
à  lecharger.  lis  n'en  ont  vu  le  prin- 
cipe que  dans  une  pure  rivalité  mi- 
nistérielle ,  et  se  sont  affligés  qu'elle 
ait  pu  inspirer  un  pareil  langage.  Au 
reste,  M.  de  Narbonne,  qui  en  était 
très  -  blessé  ,  ne  s'en  est  jamais 
plaint.  Il  ne  s'en  vengeait  même  qu'on 
montrant  de  l'estime  pour  le  r?- 
iMctère  personnel  de  cet  ancien  mi- 
nistre ,  quoique  toujours  convaincu 
que  son  système  politiipie  ne  pouvait 
servir  utilement  la  cause  du  roi.  On 
a  dit  dans  le  temps  ,  ef  il  était  aise 
de  cire  (  puisqu'il  y  aurait  eu  peu  de 
grâce  aie  démentir  ),  que  M.  de  Nar- 
bonne, pendant  son  ministère,  cédait 
beaucoup  à  l'influence  de  M"^*^.  de 
Sîaèl,etqu'ils'ai  la  ukcmc  quelquefois 
de  son  talent.  La  réponse  à  ceUcpetite 
attaque  est  devenue  facile.  M'"'^.  de 
Staël,  dans  son  dernier  ouvrage  sUr 
la  révolution  ,  où  l'on  ne  dira  pas 
qu'elle  cherche  à  s'effacer  en  racon- 
tant les  événements,  parle  du  minis- 
tère de  i^L  de  Narbonne,  en  parle  avec 
éloge  ;  et  pourtant,  pas  un  mot  n'y 
laisse  même  entrevoir  qu'elle  ait  été 
de  quelque  chose,  ni  dans  ce  qu'il  fit, 
ni  dans  ce  qu'il  eût  désiré  de  faire. 
Lorsque  l'Angleterre  déclara  la  guer- 
re à  la  France  ,  M.  de  Narbonne 
se  réf  gia  en  Suisse,  puis  en  Sou.l- 
be  ,  puis  en  Saxe,  d'où  il  re\int  en 
France  au  commencement  de  1800. 
Le  gouvernement  consulaire  venait 
des'y  établir.  Il  ne  le  rechercha  point , 
et  n'en  fat  point  recherché.  Ce  ne  fut 


NAR 

qu'en  1809  ,  que  le  niinislrc  Je  la 
guerre  ,  Clarkc  ,  proposa  de  l'em- 
ployer militairement,  et  lui  fit  rendre 
son  grade  de  lieutenant-ge'ne'ral.  Il  fut 
appelé  à  Vienne  ,  puis  nomme  5:;on- 
vernenr  de  Raab  jusqu'à  la  paix  de 
Sclioenbrunn;  il  fut  aussi ,  mais  peu 
de  temps ,  j:;ouvcrneur  dcTriesle,  oîi 
il  eut  le  bonlieur  de  retrouver  sa  mère. 
Bientôt  il  fut  nomme'  ministre  pléni- 
potentiaire près  le  roi  de  Bavière ,  de 
qui  il  était  très-coniui  et  fort  aimé. 
Il  revint  à  Paris  ,  parcongé;  et  Buo- 
uaparle  qui  commença  dès-lors  à  le 
goûter,  et  à  s'étonner  surtout  de  son 
esprit,  le  fit  son  aide-de-camp:  c'é- 
tait peu  avant  la  campagne  de  Rus- 
sie. Il  avait  alors  cinquante-six  ans; 
ou  ne  put  le  soupçonner  assurément 
d'avoir  sollicité  cette  espèce  de  fa- 
veur. Il  ne  s'y  refusa  pouriant  pas  : 
et  la  manière  facile  dont  il  en  rem- 
plit les  fonctions,  la  gaîîé  de  son  cou- 
rage dans  cette  terrible  campagne, 
ses  bons  mots  ,  ses  manières  militai- 
res et  de  si  bon  genre  ,  tant  avec  les 
soldats  qu'avec  les  olFiciers  ,  lui  ga- 
gnèrent complètement  et  les  uns  et 
les  autres ,  et  ceux  -  là  mêmes  à  qui 
sa  nomination  avait  inspiré  le  plus 
d'humeur  et  de  jalousie.  Il  revint 
en  France  après  cette  campagne  ; 
fut  nommé  ambassadeur  à  Vienne , 
au  commencement  de  181 3,  puis 
employé  très  -  inutilement  à  Pra- 
gue pour  négocier  la  paix  que  Buo- 
naparte  feignait  de  vouloir  :  eu- 
(in  ,  envoyé  par  lui  à  Torgau  ,  il 
y  mourut,  le  17  novembre  18 13, 
moins  d'une  chute  de  cheval ,  com- 
me on  l'a  raconté,  que  de  la  maladie 
qu'il  avait  contractée  au  milieu  de 
ces  milliers  de  malades  encombrés 
dans  cette  place ,  auxquels  il  prodi- 
guait chaque  jour  les  soins  les  plus 
empressés.  La  manière  d'être  de  M. 
de  Narbonuc  à  la  cour  de  Buona- 


NAR 


5G- 


parte  ,  fut  remarquable  ;  il  y  porta 
une  franchise  peu  commune ,  du 
bon  goût ,  une  politesse  exquise  ,  et 
ce  ton  parfait  de  bonne  compagnie  , 
dont  on  retrouvait  si  peu  de  tra- 
ces. On  citait,  chaque  jour,  de  lui, 
des  mots  heureux  ,  qui  charmaient 
sans  jamais  nuire.  Ruonaparte  pa- 
raissait se  plaire  avec  lui,  parce  que 
IM.deNarbonne  savait  écouter;  mais 
il  sentait  assez  peu  le  prix  de  ses 
manières.  Seulement ,  elles  lui  impo- 
saient assez  pour  que  jamais  il  ne  lui 
ait  adressé  une  de  ces  brusqueries  , 
dont  il  se  faisait ,  dit-  on ,  rarement 
faute  avec  les  hommes  de  l'ancien 
l'égime.  Buonaparte ,  contrarié  un 
jour  de  quelque  résistance  du  pape  , 
qui  lui  avait  pourtant  si  peu  résisté  , 
dit  devant  M.  de  Narbonne ,  et  en 
s'aJressant  à  lui,  qu'il  était  tenté 
d'introduire  une  autre  église  pour 
son  compte  ,  et  que  le  pape  s'ar- 
raUj^erait  avec  la  sienne  ,  et  avec 
les  siens,  tout  commoil  l'entendrait. 
«  Vous  n'en  ferez  rien  ,  lui  répondit 
»  promptemcnt  M.  de  Narbonne;  il 
»  n'y  a  pas  en  ce  moment  assez  de 
»  religion  en  France  pour  en  faire 
n  deux.  »  Ce  mot,  léger  en  appa- 
rence ,  mais  qui  n'était  pas  sans  quel- 
que profondeur,  allait  droit  au  genre 
d'esprit  de  Buonaparte  :  il  produisit 
son  effet.  Le  comte  de  Narbonnc  avait 
épousé  M'I^.  de  l\îontholou  :  il  en  eut 
deux  lilles  ,  dont  l'une  est  mariée  à  M. 
de  Braaracamp.  portugais;  l'autre  à 
M.  le  comte  de  Rambuteau,  ancien 
préfet.  La  duchesse  de  Narbonne  sa 
mère  ,  lui  a  survécu  :  elle  est  morte 
à  Paris  cette  année  (  i8'2i  )  ;  elle 
avait  perdu  toute  sa  fortune  :  elle  y  à 
vécu  des  bienfaits  du  roi.  C'était  une 
personne  d'un  esprit  élevé ,  d'un 
caractère  ferme  ,  d'un  rare  devoû- 
ment.  Elle  a  partagé  toutes  les  in- 
fortunes de  Mesdames  de  France ,  et 


568 


NAR 


ne  les  a  pas  quittées  un  seul  instant 
jusqu'à  leur  mort.  D — R — s. 

NAllBOROUGH   (Jean  ),  navi- 
gateur anj^l.tis  ,  après  avoir  voyapjc 
dans  les  tUiTerentes  parties  du  mou- 
dc  ,  commanda  eu  1669,  uneexpc'- 
dition  de  deux  vaisseaux, le  Sweep- 
stakes et  le  Batchelor,  nue  Charles 
]I  fit  partir,  d'après  le  couneil   de 
son  frère  Jacques ,  ^rand-amiral ,  et 
depuis  roi ,  pour  reconnaitrc  le  dé- 
troit de  7',Iaj:;ellaai ,  la  côte  de  l'Ame- 
xique  rae'ridionale,  qui  en  est  voisi- 
ne, et  les  ports  espagnols,  qui  en 
sont  le  moins  éloignés  daus  le  grand 
Océan.  Le  but  principal  de  l'expé- 
dition était  d'étendre  le  commerce 
anglais  dans  ces  contrées  lointaines  ; 
en  conséquence  ,  Narboruugli  devait 
essayer  de  former  des  liaisons  d'a- 
mitié avec  les  Indiens,  Il  partit  de 
Depiford  sur  la  Tamise  ,  le  26  no- 
vembre. Le  i4  février  iv370,  il  per- 
dit sa  conserve  de  vue,  le  long  de  la 
côte  des    Patagons ,   et  ne  la  revit 
plus.  Le  si3  mars,  étant  mouillé  de- 
puis quelque  temps  dans  le  port  Dé- 
siré, il  trouva  un  poteau  dressé  par 
Lemairc  et  Schouîen,  et  une  plaque 
de  plomb,  sur  laquelle  ces  naviga- 
teurs avaient  grave  leurs  noms,  ceux 
iic  leurs  uavires  ,  ainsi  que  la  date  de 
leur  arrivée  et  de  leur  départ.  Le  'J2 
octobre,  il  entra  dans  le  détroit  de 
Magellan,  en  sortit  le    i5  novem- 
l>re,    et  remonta  ensuite  au  nord  , 
jusqu'à  trois  lieues  de  Valdivia.  Il  tà- 
cira  inutilement  d'établir  des  rela- 
tions de  commerce  avec  les  Espa- 
gnols. Des  officiers  de  cette  nation 
vinrent  à  son  bord, et  le  comblèrent 
de  politesses,  eu  l'invitant  à  entrer 
dans  le  port.  11  refusa,  parce  qu'il  se 
défiait  de  leurs  desseins  ;  et  il  avait 
raison.  Il   envoya  son  lieutenant  à 
Valdivia  dans  une  cbaloupe  :  on  re- 
feint cet  oiHcier  avec  trois  autres  per- 


NAR 

sonnes;  mais  on  la  laissa  relourncr 
avec  les  matelots.  Naibcroiigb  ,  re- 
connaissant    que   les    négociations 
pour  faire  remettre  ses  gens  en  liber- 
té, seraient  inutiles,  et  Jie  se  sentant 
pas  assez  fort  pour  les  enlever  ,  le- 
va l'ancre,  le  •2'2  décembre,  et  re- 
prit le  chemin  du  détroit.  Il  y  entra 
en  jinnier  167  i ,  eu  dcboiicLa  le  i  \ 
février,  pour  passer  dans  l'océan  At- 
lantique, et,le  lojeiu,  eut  connais- 
sauce  du    cap  Lézard.   On  dit  que 
Charles  II  avait  fondé  de  si  gran- 
des espérances  sur  celte  expédition  , 
et desiraitsi  ardemment  d'eu  appren- 
dre le  succès  ,  que,  dès  qu'il  fut  ins- 
truit   que  Narborougli    avait  passe 
devant  la  rade  des  Dîmes  ,  il  n'eut 
pas  la  patience  d'attendre  qu'il  vînt 
à    la  cour  ,  et  alla    an   devant  de 
lui   dans   son  canot  royal ,  jusqu'à. 
Gravescnd.     Quoique    IVarborougli 
n'eût  pas  atteint  le  but  principal  de 
son  voyage,  le  roi,  en  cousidératiou 
du  zèle  qu'il  avait  montré,  le  nom- 
ma  chevalier.   Sa   relation  fut  pu- 
bliée dans  un  recueil  intitulé  :  «  yJn 
accGunt   of  several  late  vojagcs 
and  discoi>eries  to  the  Soulh  aiul 
Norlh ,  etc. ,  Londres ,  1 G94 ,  i  vol.. 
in-8'\  Elle  a  été  rédigée  par  ce  navi- 
gateur, et  par  Pccket  son  lieutenant. 
On  en  trouve  une  traduction  fran- 
çaise ,  à  la  suite  du  voyage  de  Co- 
réaî ,  Amsterdam  ,  i^a-^  ,  '6  vol.  in- 
\i.  Jean  Wood;,  embarqué  sur  le 
SiveefJiialies.,  donna  aussi  une  re- 
lation de  celte  expédition  (  F.  J. 
Wood).  Tous  les  recueils  de  voya- 
ges en  oilrent   des   extraits.  «  Sou 
»  journal,  dit  Dcibrosses,  aussi  ins- 
»  truclif  que  peu  amusant  à  lire, 
»  contient  le  délad  k*  plus  exact  sur 
M  les  positions  géograpUiques  de  la 
»  rôle  des  Patagons  ,  et  de  celle  du 
»  détroit.  Les  navigateurs  y  tronve- 
»  ront  les  meilleurs  rcnseigncmtuls 


NAR 

»  sur  la  manière  de  reconnaître  les 
»  parages  de  ces  côtes,  d'y  entrer  et 
»  d'y  mouiller.  »  On  ne  j)ciit  qu'ap- 
plaudir à  ce  jugement  ;  et  en  exami- 
nant la  carte  du  détroit  de  Magellan, 
dressée  par  NarborougU  ,  on  voit 
qu'elle  mérite  encore  des  éloges.  Il 
donna  son  nom  à  une  île ,  au  sud 
de  l'archipel  de  Chiîoe.        E— s. 

NARCISSE,  alTranchi  de  l'empe- 
reur Claude,  devint  son  secrétaire  , 
et  acquit ,  dans  l'exercice  de  cette 
charge,  d'immenses  richesses,  par 
les  moyens  les  plus  odieux. I.a  révolte 
de  Scriboniea  ayant  e'tc  étoullbe  (  V. 
ScuiBOMEN  ) ,  INarcisse ,  assis  à  cote 
de  son  maître  ,  présida  à  la  condam- 
nation de  ceux  qui  y  avaient  pris 
part ,  et  se  fit  adjuger  leurs  sanglan- 
tes dépouilles.  Oubliant  la  bassesse 
de  son  origine ,  il  eut  l'impudence 
de  haranguer  les  le'gions  de  Plautius, 
qui  refusaient  de  passer  dans  la  Gran- 
de-Bretagne: mais  la  juste  indigna- 
tion des  soldats  ne  put  se  contenir  ; 
ils  couvrirent  de  leurs  cris  la  voix 
de  l'orateur ,  cl  déclarèrent  à  leur 
chef  qu'ils  e'taicnt  prêts  à  le  suivre. 
Narcisse  s'etant  aperçu  qu'il  n'avait 
plus  la  confiance  de  IMessaliue,  et 
craignant  qu'elle  n'usât  de  son  crédit 
pour  le  perdre,  résolut  de  la  préve- 
nir. Il  court  à  Ostie ,  oîi  Claude  était 
retenu  par  un  sacrifice  ,  lui  révèle  le 
houleux  mariage  que  sa  femme  vient 
de  contracter  avec  Silius,et,  sans  lui 
laisser  le  temps  de  se  remettre  de  sa 
surprise,  le  conduit  au  camp  des  Pré- 
toriens :  il  le  ramène  ensuite  à  la 
maison  de  Silius  ,  où  Messaline  célé- 
brait une  orgie ,  et  donne  à  un  centu- 
rion l'ordre  de  la  tuer,  avant  qu  elle 
ait  pu  voir  Ciaude  ,  dont  il  connais- 
sait la  faiblesse  (  V.  Messaline  ).  Le 
serA'ice  qu'il  iienait  de  rendre  à  son 
maître,  fut  récon) pensé  par  la  ques- 
ture. Il  voulut  délermiiiçr  le  chois 


NAR  SCq 

que  Claude  devait  faire  d'une  nou- 
velle épouse.  Agrippino,  l'ayant  em- 
porté sur  ses  rivales  ,  ne  lui  paniou- 
na  point  d'avoir  tenté  de  l'cci^rtcr  du 
troue.  A!o)s  Narcisse  se  déclara  pour 
Hritannicus,  quoiqu'il  pût  un  jotir  pu- 
nir le  meurtiicr  de  sa  mère;  et  il  en- 
gagea Claude  à  le  désigner  son  suc- 
cesseur. Agiippine ,  instruite  des  dé- 
marches de  Narcisse  ,  parvint  à  l'o- 
bliger de  se  rendre  aux  eaux  de  la 
Campanie,  pour  sa  santé;  et  ayant 
profité  de  son  éloigucment  pour  em- 
poisonner Claude,  elle  l'obligea  de 
se  donner  la  mort ,  l'an  54-  Narcisse, 
avant  de  mourir,  biùla  tous  les  pa- 
piers dont  il  était  le  dépositaire,  dans 
la  crainte  qu'Agrippine  ue  s'en  servît 
pour  exercer  de  nouvelles  vengeau- 
ces.  Il  fut  regretté  de  Néron ,  qui  per- 
dait en  lui  un  confident  habile  et  très- 
propre  à  favoriser  ses  vices  encore 
cachés.  Au  surplus,  cet  alTianchi  ne 
manquait  ni  d'audace ,  ni  de  capaci- 
té ;  et  il  prodiguait  les  richesses  avec 
autant  de  facUilé  qu'il  les  avait  ac- 
quises. W — s. 

NARDÎN  (  Thomas  ),  habile  né- 
gcciatcur  ,  était  né  vers  i54o  ,  à  Be- 
sançon .  d'une  famille  patricienne , 
qui  a  produit  plusieurs  hommes  de 
mérite.  Après  avoir  achevé  ses  étu- 
des ,  et  pris  ses  degrés  en  droit ,  il  re- 
vint dans  sa  ville  natale  ,  où  il  rem- 
plit successivement  les  premiers  em- 
plois de  la  magistrature.  11  fut  char- 
gé de  diftercnles  missions  en  Italie. 
Député  à  la  dicte  de  Ratisbonne,  pour 
y  détendre  les  franchises  de  la  ville 
de  liesançou,  menacées  par  le  chef 
de  l'empire  ,  il  parvint,  avec  l'appui 
de  Henri  IV  ,  à  faire  respecter  l'in- 
dépendance de  sa  patrie  (i),  et  à 


(i)  Chi(«signet  a  reiicîn  roinpl'-  du  siiccîs  <le  i  elfe 
n-^uoclalion,  dans  une- coitic  à  Narjm  ,  cjui  meiiU- 
rait  -i'è'.r.'  i>lus  coauua  ; 


570  NAR 

assurer  à  ses  concitoyens  la  jouis- 
sance des  privilèges  qu'ils  n'ont  per- 
dus qu'en  i6G4  ,  loi*»  de  l'ccliangc  de 
Besançon  ,  contre  Franckendal  (  F. 
Thoin.  Vap.in  ).  Nardiu  cliercLa  à 
inspirera  ses  compatriotes  le  goîit 
dos  lettres  ,  dont  !a  culture  charmait 
ses  loisirs  ;  et  ce  fut  lui  qui  encoura- 
i^ea  Cîiassignet,  sou  cousin,  à  met- 
tre au  jour  ses  différents  Recueils  de 
poésies  (  F.  S.  B.  Cuassignet  ).  11 
mourut  en  août  i6i6,  universcUe- 
jnent  regrette  pour  ses  talents ,  que 
relevaient  encore  la  simplicité  de  ses 
mœurs  et  sa  mode>tie.  Nardin  a  tra- 
duit de  l'italien  de  Jérôme  Gones- 
tiggio  :  Jj' Union  du  royaume  de 
Portugal  à  la  couronne  de  Castille, 
Besançon ,  1 59G  ou  iGoi ,  et  Arras , 
i6oo,in-3°.  Cette  traduction  a  élé 
icproduite  avec  quelques  change- 
ments dans  le  style,  Paris  ,  1680  , 
1  vol.  in-r.i.  W — s. 

NAREG  (  GRiiGoiRE  D£  )  ,  l'un 
des  pluscélèhres  écrivains  ascétiques 
de  l'Aiménie  ,  naquit  en  Tan  9^ i . 
Son  prrc  Khosrou  était  c'vêqiie  de 
la  province  d'Andsevatsi  ,  dans  le 
^  asbouragan  :  des  son  jeune  âge,  il 
Jliarqua  nue  piété  extraordiuaiie,  et 
tPie  vocation  dé' idée  pour  l'état  ec- 
clésiastique. On  le  fitélever  .avec  son 
frère  aîné  Jean  ,  au  monastère  de 
Nareg ,  dans  la  province  de  Rech- 
douni  ,  où  son  parent  Ananias  cîa  t 
abbé.  Grégoire  passa  toute  sa  vie 
dans  ce  monastère,  et  il  y  mourut  en 
ioo3,  le  '^7  février.  Sun  éloquence 
et  sa  Vie  exerajilaire  lui  acquirent 
r^wc  telle  réputation ,  que  l'église 
d'Arménie  le  révère  comme  un  saint. 


Ratisbonoe   sait  bien 

Qn".  u  cfs  drri.irrs  lUIs  tu  fus  le  sc.,1  suiitiea 
De  c  ettp  re|jiil>lii|ue  r  «■(  Htiirl ,  idi  de  Fr.mce  , 
AUire  des  nb-Muui><;  de  ta  douce  eWjquOMCe, 
Kioti  qti'il  (ùl  em(>êche  en  un  siéRf  douteux, 
A  sei  propres  drpeus  duuaà  poids  %  tec  Vtfui 


NAR 

Se:^  principaux  ouvrages  sont:  I.  Vn 
Bticue'd  de  jnèces ,  écrit  d'un  style 
si  éloquent  et  si  élevé  ,  qu'il  en  de- 
vient   parfois   obscur  :  on  compte 
une  multitude  d'éditions  de  cet  ou- 
vrage; il  faut  distinguer  celle  qui  a  élé 
donnée  en  1 77  4'  ^ Constantiuople,  un 
vol.in-ii  ;  et  celle  de  Venise,  1789, 
un  vol.  in-i'2.  II.  Des  Homélies. 
III.  Des  Hymnes.  lY.  Un  Commen- 
taire sur  le  Cantique  des  cantiques  , 
composé  à  râgedevingt-sixans,à  la 
piièie  de  Gourgeu,  roi  d'Andsevatsi. 
S — M — ^f. 
]NARSÊS,7'^.  roi  de  Perse  delà  ra- 
cedes  Sassanides,  surnommé  Nakli- 
djirkan  ,  ou  le  chasseur  des  bêtes 
sauvages,  fds  de  Bahram  ou  Vara- 
rancs  II ,  monta  sur  le  trône,  en  l'an 
29G,  après  la  mort  de  son  frère  Bah- 
ram m.  Durant  tout  son  règne,  il 
fut  eu  guerre  avec  les  Romains  ;  et 
il  n'y  eut,  long-temps,  d'avantage 
décisif  d'aucini  coté;  mais,  en  l'an 
3o  1 ,  il  battit  le  César  Maximien  ,  et 
se  lendit  maître  de  la  Mésopotamie. 
Le  roi  d'Arménie ,  Tiridate ,  fut  , 
par  suite  de  celte  conquête,  obligé 
de  se  ranger  du  parti  des  Persans. 
Dans   l'année  suivante  ,   Maximien 
vint  à  la  tête  d'une  nouvelle  armée 
venger  sa  défaite  ;  et  au  mois  d'avril 
3u'2  ,  Narsès  complètement  vaincu, 
fut  obligé  de  fuir  ,  laissant  la  reine 
Arzan  sa  femme,  et  plusieurs  de  ses 
enfants  ,  entre  les  mains  du  vain- 
queur, pour  obtenir  leur  délivrance , 
le  roi  de  Perse  fut  contraint  de  sous- 
crire  à  des   conditions  onéreuses  : 
il  abandonna  la  Mésopotamie ,  et 
céda  aux  romains  cinq  autres  pro- 
vinces situées   au  -  delà   du  Tigre. 
Narsos  ne  survécut  pas  long-temps 
à   celte  paix    honteuse  :    il    mou- 
rut,   en  l'an   3o3,  après  un  règne 
de  sept  ans  ;  et  il  eut  pour  successeur 
sou  ûls  Hormisdas  II.     S.  M — •>. 


^  AKSÉS  (  li'Kiiiiiiq!i?  ),  j^eiitiral 
sous  l'empire  de  Jii.stinii;!i ,  u.iqiiit 
dans  une  disse  si  obscure,  qu'on 
ne  trouve  aitrnnc  irare  de  sa  patrie 
et  do  sa  famille.  Ravale  au-dessous 
du  deniif-r  des  Iniinains ,  par  cet 
usage  barbare  de  l'Orient ,  que  n'es- 
jiliquaicut  point  alors  la  jalousie 
fa.-ouche  des  Turcs  ,  et  la  passion 
des  Italiens  pour  les  belles  voix  ; 
il  fut  condarutie'  dès  son  enfance 
in  mépris  des  liommos,  livre,  dans 
sa  jeunesse,  au  liavail  du  fuseau  et 
au  service  des  femmes  :  sans  force 
physique,  d'unostalure  petite  et  grê- 
le, il  s'éleva  ,  de  ce  profond  abaisse- 
ment ,  aux  postes  les  plus  brillants, 
par  l'e'ncrgie  de  son  caractère,  l'ac- 
tivité de  son  esprit,  la  grandeur  de 
ses  vues ,  l'étendue  de  ses  talents. 
Celui  auquel  on  ne  pouvait  assigner 
un  rang  parmi  les  hommes,  en  prit 
«m  parmi  les  héros  ,  et  força  la  plu- 
me de  l'histoire  d'inscrire  une  e'pi- 
thète  honteuse  dans  ses  fastes  glo- 
rieux. Narsès ,  conduit  dans  sa  jeu- 
nesse, par  des  fonctions  domestiques, 
]irès  de  Justinien  ,  fut  bientôt  distin- 
j^uc  par  lui.  L'art  de  flatter  et  de 
persuader  était  un  des  talents  de 
l'eunuque.  11  devint  successivement 
chambeiian  et  t  rèsoricr  prive  de  l'em- 
pereur, qui  eut  lieu  d'apprécier  aussi , 
dans  plusieurs  occasions,  la  force  et 
la  sagesse  de  ses  conseils.  Plusieurs 
ambassades  déployèrent  et  jierfec- 
tionuèrent  son  habiictéj  et,  en  S^o, 
la  jalousie  des  courtisans  contre  Be'- 
Ksaire  fît  choisir  INarsès  pour  com- 
mander un  corps  de  troupes  ,  qu'on 
envoyait  eu  Italie  avec  le  but  appa- 
rent de  soutenir  les  opérations  de 
Belisaire  ,  mais  avec  l'intention  se- 
crète de  les  contrarier.  Quoi  qu'il  en 
soit,  Narscs  joigia!  B'disaire  à  Sir- 
nùum ,  et  tous  deux  d'aboi-d  serablè- 
ranE  agir  de  boa  accord.  Ils  fiient 


ainsi  lever  le  siège  de  Uimini  ;  mai» 
Lieulôt  Narsès,  excite  par  les  enne- 
mis cache's  de  lièlisaire,  affecta  àd 
blâmer  ouvertement  ses  plans  ,  et 
proposa  dediviserics  forces  de  î'ar- 
mce  romaine.  Hèlisaire  eut  i  ecours 
à  l'autorité'  de  Justinien  :  une  lettre 
de  l'empereur  lui  confirma  le  com- 
mandement en  chef.  Mais  INarsès  et 
ses  partisans  interprétèrent  la  volon- 
té du  souverain  dans  un  sens  tOiit 
contraire;  et,  au  siège  d'IJrbin  ,  il» 
se  sépareront  de  lui.  On  attribua  à 
cette  scission  la  perle  et  le  sac  de 
Milan  ,  qui  fut  entièrement  ruine'  par 
les  Goths,  en  SSg.  L'empereur,  ins- 
truit de  ce  dèsiistre  ,  prit  le  jjarli  de 
rappder  Narsès.  De  retour  a  Cons- 
fautinoplc,  celui-ci  contin.uâde  jor.ir 
de  la  faveur  de  son  souverain.  On 
peut  croire  que,  pour  la  conserver  si 
long-temps  dans  une  cour  agitée  par 
la  faiblesse  du  prince  et  par  les  in- 
trigues et  les  passions  de  deux  fem- 
mes, telles  que  l'impératrice  Thèc- 
dora,  et  Antonina  femme  de  Bè  i- 
saire,  il  fallut  une  activité  d'esprif , 
des  moyens  et  des  talents  qui  n'at- 
tciidaient  tpi'une  occasion  plus  ho- 
norable pour  briller  cniin  de  tout 
leur  éclat.  Ce  fut,  rn  55'2 ,  que  Narsès 
fut  envoyé  de  nouvccui  dans  l'Italie, 
qui  devant,  dès  ce  moment,  le  thé.'K 
trc  do  sa  gloire.  Les  aSaires  des  Ro- 
mains y  étaient  dans  un  état  dé-e-;- 
péré.  Bélisaire  l'avait  quittée  en  548. 
Totila  ,  le  plus  habile  et  le  plus  sage 
des  rois  Goths,  cîail  tnaitre  de  Ro- 
me et  de  presque  toute  l'Italie.  Ger- 
hi,inu<s,  neveu  de  Justinien,  avait 
formé  une  armée,  qu'il  conduisait 
contre  les  Goths,  lorsque  la  mort  le» 
surprit.  ÎSarsès  fut  chargé  d'en  pren- 
dre le  commandement;  mais  il  exi- 
gea d'abord  que  les  préparatifs  fus- 
sent dignes  de  la  majesté  de  l'empire 
et  de  ritnporiaîicc  de  l'entreprise. 


Justiiiipn  ne  rcfusi  rien  à  son  favcii. 
Dl'S  libcralitcs  Ijieii  cnleiuliics  gagnè- 
rent à  Narsès  l'afrection  des  troupes; 
et  denoruhreux  allies  vinrent  se  rau- 
j;er  sous  ses  drapeaux.  L'entrée  de 
i'Ilalie  par  les  provinces  de  la  \é- 
nefic,  présentait  d'cllVayantcs  difil- 
cnJtés  ;  des  abattis  et  des  inondations 
couvraient  tout  le  pays,  ^arscs,  par 
le  conseil  d'un  de  ses  olHciers,  en- 
treprit de  faire  filer  ses  troupes  sur 
le  bord  de  la  mer ,  eu  se  faisant  ac- 
compagner de  sa  Hotte,  qui  côtoyait 
la  marche  de  l'armée,  pour  lui  faci- 
liter le  passage  des  embouchures  des 
fleuves.  Par  cette  manœuvre  har- 
die, il  se  trouva  ,  ea  peu  de  jours  , 
dans  Ravenue;  et  après  quelque  re- 
pos ,  il  partit  pour  aller  chercher 
Totila,  qui  l'attendait  prés  de  Noce- 
ra,  sur  la  voie  Flamiuienne.  Narsès 
ofliit ,  avec  hauteur,  un  pardon  (|ui 
fut  rejeté  Gèremont  ;  et  le  lendemain 
les  deux  armées  se  trouvèrent  en 
présence.  Les  Goths  commencèrent 
l'attaque,  et  se  précipitèrent  contie 
le  centre  de  l'armée  romaine ,  qui 
soutint  leur  choc,  en  se  déployant 
jusqu'à  ce  que,  dépassés  par  ses  ailes, 
les  Gûlhs  se  virent  chargés  de  trois 
côtés  à-la-fois.  Leur  cavalerie ,  après 
des  prodiges  de  valeur,  se  renversa 
sur  leur  infanterie,  qu'elle  luit  eu  dé- 
sordre. Au  milieu  du  tumulte,  Toti- 
la fut  percé  d'un  coup  de  lance:  l'ar- 
mée des  Goths  fut  prcsqu'eutièrenjcr.t 
détruite;  et  iN a rses, vainqueur,  mar- 
cha vers  Rome.  Pour  la  cinquième 
fois ,  depuis  le  règne  de  Justinien  ,  la 
ville  des  Césars  fut  prise  par  la  force 
des  armes:  mais  prendre  Rome  dans 
ces  siècles  malheureux,  c'était  s'em- 
parer d'une  soiitr.dc,  d'une  enceinte 
ruinée  ,  de  la  poussière  des  luorts  , 
et  des  débris  méconnaissables  des 
plus  nobles  monuments.  Narsès  y 
rappela  les  habitants  qu'avaient  em- 


KAR 

menés  les  barbares,  ou  qui  s'étnient 
réfugiés  dans  des  jnovinces  éloi- 
gnées; mais  un  gtand  nombre  d'en- 
tre eux,  avant  de  pouvoir  regagner 
les  murs  de  leur  patrie,  périrent  Tic- 
limes  de  la  vengeance  et  du  déses- 
poir des  Goths.  Ceux-ci  se  rassem- 
blèrent encore  des  deux  extrémités 
de  l'Italie  :  les  restes  de  leur  armée 
avaient  repassé  le  Pô,  et  choisi, 
ïeias  ,  le  plus  brave  de  leurs  chefs, 
pour  remplacer  et  venger  Totila  La 
ville  de  Curues,  dans  la  Campanie, 
recelait  les  trésors  du  dernier  roi,  et 
elle  était  fortement  défendue.  Narsès 
vint  en  faire  le  siège;  et  Teias  tra- 
versa toute  l'Italie  pour  venir,  au 
pied  du  Vésuve ,  sauver  les  restes  de 
sa  puissance.  Soixante  jours  se  passè- 
rent en  escarmouches  sans  résultat. 
Abandonné  par  sa  flolîe  ,  et  man- 
quant de  vivres,  Teias  gagna  ,  en  boa 
ordre  ,  le  sommet  du  Mont  Lactai- 
re. IjC  désespoir  et  le  besoin  le  forcè- 
rent d'eu  descendre  ,  et  de  se  préci- 
piter avec  les  siens  au  milieu  des 
bataillons  romains.  Il  y  trouva  uuc 
mort  glorieuse:  ses  compagnons  com- 
battirent deux  jours,  avant  d'accep- 
ter la  capitulation  honorable  que 
Narsès  leur  proposa,  en  rendant  jus- 
lice  à  leur  courage.  Aligern,  frère  de 
Teias,  dcfendit  Cumcs  pendant  plus 
d'un  an.  La  saaesse  et  l'habileté  d« 
Narsès  Iinircnt  par  en  faiie  un  aliié 
des  Romains.  II  montra  égalemert 
unr  généreuse  indulgence  envers  les 
habitants  de  Lucqucs.  Cependant  la 
conquête  entière  de  l'Italie  fut  refar- 
dée p  ir  une  iuvasion  des  Germiiins. 
Sous  la  conduite  de  Bucelin  et  de 
Lolhaire,  ils  pénétrèrent  jusqu'aux 
extrémités  de  l'Italie  :  harcelés  sans 
cesse  par  les  Romains,  ils  furent  en- 
core plus  alidiblis  par  les  maladies  , 
suite  de  leur  intempérance.  Narsès 
n'avait  pyict  entrepris  imprudcm.- 


NAR 

meut  de  liilfer  conlre  ce  torrent  dc- 
Vasfalcur;  mais  quand  il  aperçut 
l'instant  où  sa  fureur  se  ralentissait, 
il  rassembla  tout-à-conp  ses  garni- 
sons, et  en  forma  une  armée  redou- 
table :  a  cette  nouvelle,  Ijiiceiin  re- 
vint des  bords  du  dcfroit.  Il  attendit 
inutilement  son  i'rère  Lothairc,  qui 
venait  de  périr  avec  son  armc'e  ,  j)ar 
les  maladies ,  sur  les  bords  du  lac 
•Benacus.  Bucelin  et  Narsès  se  joigni- 
rent à  Casilinum.  N  irsès  déploya  la 
plus  grande  habileté  dans  ses  dispo- 
sitions ;  et  le  succès  les  couronna. 
Bucelin  et  son  armée  périrent  sur-le- 
champ  de  bataille,  dans  les  eaux  du 
Vultnine,  ou  par  la  main  des  pay- 
sans furieux.  JNarsès  victorieux  fit 
une  entrée  triomphale  dans  Rome. 
Toutes  les  villes  de  l'Italie  rentrèrent 
successivement  sous  la  puissance  ro- 
maine. Décoré  du  titre  d'exarque, 
Karscs  eut  l'art  de  conserver  long- 
temps la  faveur  de  Justinien,  et  em- 
ploya son  pouvoir  à  rétablir  l'ordre 
dans  les  provinces  de  l'Italie ,  et  à 
maintenir  la  discipline  parmi  ses 
troupes.  Il  établit  des  ducs  dans  les 
principales  villes.  Quelques  actes  de 
sévérité  arrêtèrent  des  émeutes  sus- 
citées par  les  Francs  et  par  les  Goths. 
iSiudbal,  chef  des  Hérules  ,  fut  pen- 
du par  ordre  de  Narsès.  L'itrilie, 
cependant,  ne  put  voir  ellacer  la 
trace  des  fléaux  affreux  et  prolongés 
q^i'clle  avait  soufferts.  La  misère  et 
la  dépopulation  alHigeaient  partout 
les  regards;  et  il  est  trop  vrai  que 
l'avarice  de  Narsès  n'était  pas  pro- 
pre à  remédier  à  des  maux  de  ce 
genre.  Après  une  durée  de  qtîatorze 
aimées ,  son  administration  devint  ou 
du  moins  parut  tyrannique.  Des  dé- 
putés portèrent  à  Constantinopicdes 
plaintes  contre  lui.  Justin,  neveu  et 
sticeesseur  de  Justinien,  le  rappela j 
et  l'impcratricG  Sophie  «chvit  au 


NAR  57-5 

vieil  eunuque  une  lettre  où  les  repio- 
ohes  et  l'insulte  n'étaient  pis  épar^ 
gnés.  Narsès  furieux  .se  retira  à  Na- 
})lcs,  et  vit  avec  joie  les  Lombards 
menacer  l'Italie,  et  punir  le  prince 
et  le  peuple  de  leur  ingratitude.  Les 
Romains  ,  effrayés  des  progns  de 
leurs  ennemis,  ne  tardèrent  pas  à 
rcgrettei'  celui  qui  les  avait  si  long- 
temps défendus;  ils  obtinrent  du  pa- 
pe ,  d'employer  sa  médiation  auprès 
de  Narsès.  Le  vieux  général  ne  fut 
pas  implacable  ;  il  consentit  à  re- 
tourner à  Rome,  et  s'établit  au  Ca- 
pitule, où  d  mourut  peu  de  temps 
après.  Les  conquêtes  des  Lombards 
firent  bientôt  sentir  la  perte  qu'on 
avait  faite.  Quelques  historiens,  cl 
notamment  Laurent  Échard,  ont 
confondu  avec  ce  Narsès,  Naisès  le 
Persan,  qui  se  révolta  contre  la  tv- 
raiinle  de  Fhocas,  et  qui,  pris  en 
tr.i bison  ,  fut  conduit  à  Constanti- 
no|)!e,  et  brûlé  vif  au  milieu  de  la 
ville.  L — s — E. 

NARUSZEWICZ  (  Adam-Stams- 
LAs),  évêque  de  Smolensk,  ]»iiis  de 
Luck,  né  en  1783,  dans  la  Lithua- 
iiie  ,  est  placé  au  premier  rang 
sur  le  Parnasse  polonais.  S'il  pèche 
quelquefois  contre  un  goût  pur;  si^ 
princi[)aleraeut  dans  ses  Oies,  on 
peut  lui  reprocher  do  l'enflure  et 
une  recherche  de  mots  inusités,  qui 
dégénère  fréquemment  en  néologis- 
me, il  a  en  revanche  une  force, 
une  vigueur  d'expressions  et  d'idées 
qui  en  font  un  véritable  poète.  Il 
fut  d'abord  jésuite  .-après  la  suppres- 
sion de  cet  ordre  ,  Sianislas-Auguste 
l'éleva  graduellement  aux  premières 
dignités  de  l'État  et  de  l'Église.  Lit- 
térateur érudit  et  laborieux,  il  doi:- 
ua  :  I.  Une  Histove  de  Pologne , 
6  vol.  in-8''.,  accompagnée  de  no- 
tes fort  étendues,  et  où  il  cite  nu 
nombre   prodigieux   d'auteurs    qui 


ù:\  NAR 

aY.'iieut  t'cnt  avant  ici  sur  ce  pays. 
Cette  histoire  ,  qui  se  termine  à  l'an 
i38G  ,  ii'embr;i8sc  que  les  rèjrnes  Je 
la  famille  des  Piasl.  Le  ])rfiiiier  vo- 
l'.ïmc ,  qui  devait  contenir  les  ori- 
gines de  la  naliiiu  |i()lonaise  et  ses 
temps  fdbulenx,  n'a  pas  e-e  publie; 
et  il  est  reste'  pariai  les  manuscrits 
de  l'auteur,  avec  des  matériaux  très- 
nombreux  pour  la  continuation  de 
son  histoire.  ]>c  tome  ii ,  publie  en 
1780  ,  co.'umonce  à  lan  96J  ,  épo- 
que de  l'etabli-^seinciit  du  christia- 
nisme en  Polop,()e  :  le  7' .  volume 
parut  en  i  ■"86.  Une  traduction  fran- 
çaise de  cet  (mvraj^e  .  par  M.  Glcy  , 
exisîeenmanu.scritdaiis  la  bibliothè- 
que del'InsliUit,  à  Paris.  ÎI.  La  fie 
de  Charles  Chodkic-wicz  ,  j^rand 
gênerai  ou  hclman  de  Luhuanie  , 
vainqueur  des  Suédois,  des  Russes 
et  des  Turcs,  Varsovie,  j8o5,  2 
vol.  in-8''.  III.  Une  Traduciion  de 
Jacite,  177'i ,  4  vol.  in-40.  IV.  La 
Description  de  la  7'an,ide,  on  His- 
toire des  Tartares  de  Crimée.  V. 
Poésies  dii'erseset  crir^inales^  telles 
[l'A  Odes ,  Satires,  dun  p;rand  mé- 
rite, E dogues,  Effilres  ,  4  vol.  \  J. 
Traduction  en  vers  de  tontes  les 
Odes  d'Horace  et  d'Anacrèon.  Vil. 
Proroge  de  Stamslas  -  Auguste  à 
Kaniou  ,  en  \  786  ,  lors  de  son  en- 
trevue avec  V impératrice  Catherine 
II.  Naruszewicz  y  avait  accompa- 
j^né  ce  prince  :  sa  relation  oOre  de 
bonnes  recherches  sur  l'origine  des 
Cosaques.  Les  matériaux  ,  tant  on 
actes  publics  et  parlicrdiers,  qu'eu 
manuscrits  ,  qu'il  avait  rassembles  , 
par  ordre  du  roi ,  ponr  servii'  à 
.l'Histoire  de  Pologne,  et  ([u'on  a 
.trouves  après  sa  mort ,  arrivée  le  0 
juillet  1 796 ,  formaient  36o  gros 
volumes  in  -  folio.  On  connaît  aussi 
de  lui  des  Poésies  éro'iques,  peu 
convenables   à  son   éîat ,   raais   oii 


KAR 

il  fait  preuve  d'un  rare  tàlcnî.  .S<  - 
OEuvres  font  partie  du  Choix  d'au 
tenrs  polonais^  publié  en  'jM  vuI. 
in-S". ,  par  l'auteur  de  cet  article  ,  k 
Varsovie,  i8o3-i8o5.        M — i. 

N.^liVAEZ  (.Pampuile  de  ; ,  jiurr- 
rier  espagnol  ,  était  né  à  Valladolid. 
11  passa  de  bonne  heure  dans  les  îles 
de  l'Amérique ,  que  l'on  venait  de 
découvrir,  et  ne  tarda  pas  à  se  m- 
giia'er  par  sa  };ravoure.  En  1,^10  ,  il 
servait  sous  Esquibel,  gouverneur  de 
la  Jamaïque  ,  qui  l'envoya  avec  une 
caravelle  an  secours  d'Ojeda,  arrivé 
par  luie  suite  d'aventures  nialheu- 
reuse.s  sur  la  côte  de  Cuba  ,  où  il  était 
jédnit  à  la  dernière  extrémité.  Nar- 
vaez  gagna  ensuite  la  conijance  de 
Diego  de  Velasquez  ,  gouverneur  dç 
Cuba  ,  qui  le  chargea  d'aller  ,  en 
i5i8,  annoncer  ses  découvertes  à  la 
cour  d'Espagne  ,  et  y  soutenir  ses  ii- 
térèls.  Quand  Velasqnez  eut  reconnu  , 
en  i52o,  que  Corîèz  auquel  il  avait 
donné  le  commandement  de  rexi>é- 
diîiou  du  (Mexique,  méconnaissait 
son  autorité,  ne  lui  rendaitpas  comp- 
te de  ses  progrès,  et  correspoiidait 
directement  avec  l'Espagne,  où  ses 
envoyés  avaient  été  bien  accueillis 
par  l'empereur;  il  résolut  d'équiper 
une  puissante  flotte  pour  ruiner  ce 
chef  audacieux  etses  partisans.  Ayant 
rassemblé 800  hommes  d'infanterie, 
80  cavaliers,  et  une  douzaine  de  piè- 
ces d'artillerie  ,  il  nomma  Narvaez 
pour  commander  cette  armée  ,  et  lui 
donna  la  qualité  de  son  lieutenant, 
en  prenant  lui-même  celle  de  gou- 
verneur -  général ,  et  lui  confia  se- 
crètement l'ordre  de  s'attacher  par- 
ticidièrement  à  se  saisir  de  Corlèz. 
Cependant  l'audience  rovale  de  Saint- 
Domingue  ,  informée  de  ces  prépara- 
tifs, eu  craignit  les  suites,  et  fit  j)ar- 
lirLuc  Vasquez  d'Aylcn,  pouradrcs- 
scr  des  représcnîalions  a  Velasquez: 


elles  furent  inutiles;  alors  Vasquez  , 
voulant  prévenir  une  rnpfure  iàclicu- 
sc  .  s'embarqua  sur  la  flultc  de  Nar- 
vacz  ;  elle  ciait  composée  de  onze 
navires  et  sept  hri£;antins  :  il  mit  à  la 
voile  au  mois  d'avril  iHio.  et  atté- 
rit  heureusement  au  Mexique.  Mon- 
tezuma  fut,  dit-on,  instruit  par  ses 
émissaires,  de  l'arrivée  d'une  armée 
espagnole ,  et  communiqua  celte  nou- 
velle à  Gorlèz  ,  qui  crul  d'abord  que 
c'était  un  renfort  qu'on  lui  amenait. 
Narvacz,  ayant  jeté  l'an.re  dans  le 
"port  de  Saint- Jean  d'Ulua ,  essaya 
vainement  de  gaj^ner  Sandoval,  cora- 
maudant  de  la   Vera-Cruz  :  celui-ci 
expédia  les  émissaires  de  Narvaez  à 
Cortèz,  qui  apprit  aiusi  le  débarque- 
ment d'une  armée  rivale,  la  commis- 
sion   dont    Narvaez   était    charge'  , 
et  sa  marche  sur  Zampoala.  Il  en- 
treprit de  l'amener  à  des  sentiments 
pacifiques  par  l'entremise  des  Espa- 
gnols, que  Sandoval  lui  avait  en- 
voyés. Les  propositions  de  Cort'  z 
couroucèrenl  tellement  Xarvicz qu'il 
interrompit  celui   qui  en  était  por- 
teur ,  et  le  chassa  de  sa  présence. 
Les  remonlrauces  de  Vasqnez  n'eu- 
rent pas  plus  de  succès  :  Narvaez  le 
lit  arrè'.er ,  et  reconduire  à  Cuba ,  sur 
un  navire  de  la  flotte;  puis  ,  n'écou- 
tant que  la  fougue  de  son  caractère, 
il  donna  l'ordre  de  puMier  .à  i'iustant 
la  "luerrc  à  feu  et  à  sang;  contre  Cor- 
t"z,  de  le  déclarer  trailr;,'  à  l'Espa- 
gne, et  de  mettre  sa  lète  à  prix.  Cet 
emportement  rcfroiiit  ses  propres 
troupes  pour  ga  cause;  et   lorsque 
Cortèz  se  fut  avancé  jusqu'à  Mo!ali- 
quita  ,  bourgade  à  douze  lieiies  de 
Zampoala,  quelques  soldats 'le Nar- 
vaez vinrent  l'y  joindre,  et  Tinior- 
nicrent  du  désordre  qui  régnait  dans 
l'armée  de  leur  chef.  Toutefois  Cor- 
tèz tenta  encore  un   dernier  effort 
pour  éviter  de  CD.nbattrcsej  conipa- 


'^'r- 


iNAS 

triotes.  Narvaez,  de  son  côt^,  dreg- 
.sail  à  Cortèz  une  embuscade,  dans  le 
dessein  de  l'enlever  ou  de  lui  oter  U 
vie.  Celui-ci  fit  marcher  ses  troupes 
sur  Zampoala,  où  il  attaqua  son  ad- 
versaire, le  jour  de  la  Pentecôte,  et 
le  battit.  Nar\aez,  renversé  d'un  coup 
de  pique  qui  lui  creva  un  œil  et  le 
fit  tomber  sans  connaissance,  ne  re- 
vint à  lui  que  pour  se  voir  les  fers 
aux  pieds  et  aux  mains.  Tonte  son 
armée  prit  parti  pour  Cortèz,  qui 
vint  le  IrouAcr  :  «  Seigneur  capitai- 
»  ne,  lui  dit  Narvaez,  d'un  air  fier, 
»  estimez  l'avantage  qui  me  rend  au- 
n  jourd'hui  votre  prisonnier.  »  Cor- 
tèz, choqué  de  cet  orgueil,  lui  ré- 
pliqua sans  s'émouvoir  :  «  Mon  ami, 
))  il  faut  louer  Dieu  de  tout;  mais  je 
»  vous  assure,  sans  vanité,  que  je 
»  compte  cette  victoire  etvotrc  prise 
»  entre  mes  moindres  exploits.  » 
Après  l'avoir  fait  panser  soignei'Se- 
mcnî,  il  le  fit  conduire  à  Vera-Cruz. 
Narvaez  revint  ensuite  à  Cuba  ,  où  it 
resta  jusqu'en  1 5'25.  A  cette  époque, 
il  partit  avec  quatre  cents  soldats 
pour  aller  faire  un  établissement  eu 
Floride.  Il  y  découvrit  la  belle  baie 
de  Pensacoia,  et  voulut  s'avancer 
dans  le  pays  ;  mais  n'écoutant  que 
son  entêtement,  il  mit  si  peu  de  pru- 
dence dans  sa  marche  ,  qu'il  fut  en- 
veloppé par  les  Indiens,  et  tué  avec 
tout  son  monde.  E — s. 

*  N  ASER  (Abou'l  Haçaw  ),  3% 
princede  la  dynastie  des  Samanides, 
qui  régnait  sur  la  Perse  orientale  et 
la  Transoxane  ,  n'avait  que  huit  ans 
lorsque  son  père  Ahmed  fut  assassin 
né,  l'an  3oi  de  l'hégire  (gi4  de 
J.-C.  )  EfTraj'é  de  ce  tragique  événe- 
ment ,  il  crut  qu'on  voulait  aussi  le 
tuer  ,  lorsque  le  gouverneur  de  Bo- 
khara  le  prit  sur  ses  épaules  pour 
l'offrir  aux  acclamations  du  peunie. 
Son  grand -onde  Ishak,  prii;Cf  de 


S-tG 


NAS 


iSamaïkande,  tenla  de  lui  tlisputcr 
If  trône  ;  mais  i!  cchoiia  dans  son 
tntrcprise ,  et  fut  conline  dans  une 
prison ,  pour  le  reste  de  ses  jours. 
6on  fils  Mansour  imita  son  exemple, 
et  n'eut  pas  un  meilleur  sort.  INaser 
triompha  de  plusieurs  autres  rebel- 
les ,  et  parvint  à  un  degré  de  gloire 
et  de  puissance  où  nul  de  ses  an- 
cêtres et  de  ses  successeurs  ne  put 
atteindre;  aussi    fut -il    surnomme' 
Emyr-al-Saïd  (  le  prince  heureux  ). 
On  altribua  les  prospe'ritc's  de  son 
règne  à  la  piele  filiale  qu'il  signala, 
en  faisant  rechercher  et  punir  tous 
les  assassins  de  son  père;  mais  il  en 
fut  aussi  redevable  à  ses  auires  ver- 
tus ainsi  qu'aux  talents  de  son  sage 
■vézyr  Abou-Abdallah-Mohammed , 
et  aux  exploits  du  fidèle  Hamouyah, 
son  général.  Il  vainquit  les  Turks 
lioeikes ,  qui  soutenaient  les  rel,«elh'S , 
et  les  rejeta  au-delà  du  Sihoun.  11 
repoussa  les  Alydes  ,  qui  avalent  en- 
Tahi  le  Khoraran  et  pénétré  jusqu'à 
ÎJichabuur;  et  il  leur  enleva  succes- 
sivement le  Djordjan  et  le  Thabaris- 
tan.  Les  états  de  Maser  s'étendaient 
depuis  les  frontières  du  Turkestan  , 
jusqu'à  Réi,  que  le  khaîyfe  Moctadcr 
lui  avait  cédée.  On  priait  aussi  pour 
lui  dans  le  Kerniau ,  où  un  prince 
de  sa  faraiile  s'était  établi.  Mais  les 
révoltes  d' Asfar  ,  du  fameux  Marda- 
Vi'idj  (  J^.  ce  nom  ) ,  et  des  enfants  de 
Bowa'ih  (  V.  Imad-ed-daulah  ),  !ui 
firent   perdre   momentanément    ses 
possessions    les    plus    occidentales. 
Vers  le  même  tera  ps ,  ses  frères  ,  qu'il 
s'était  vu  obligé  de  faire  renfermer, 
s'étant  évadés,  pillèrent  ses  trésors  , 
et  excitèrent  de  nouveaux  troubles. 
Après  avoir   rétabli  la   tranquillité 
dans  la  Transoxaue,   ISaser  ([uitîa 
Bokhara,  et  transféra  le  siège  de  son 
empire  à  Hérat,  dans  le  Khoraran  , 
afin  de  surveiller  les  opérations  de  la 


NAS 

guerre  qu'il  avait  projetée  pour  re- 
conquérir ses   provinces  de  l'occi- 
dent. Abou-Aly  ibn-Molitadj  fut 
chargé  du  commandement  de  son  ar- 
mée. Ce  général ,  après  avoir  chas- 
se du  Djordjan  le  rebelle  îNîakan , 
marcha  sur  Réi ,  capitale  des  états 
de  Waschmeîîhvr,  frère  et  succes- 
seur  de  Mardanidj.  Waschmeghyr 
et  Makan  avaient  réuni  leurs  forces  j 
mais  ils  furent  vaincus,  l'an  SiQ  de 
l'hég.  (  94o-i  de  J.-C.  ),  et  le  second 
resta  mort  sur  le  champ  de  bataille. 
Naser  survécut  peu  à  ses  conquêtes. 
Attaqué  de  phthisie,  ce  prince  se  pré- 
para de  bonne  heure  à  la  mort.  II 
fit  construire ,  près  de  son  palais,  un 
édifice  qu'il  appela  Baith  el  aha- 
det  (  maison  du  culte  religieux  ). 
Vêtu  d'un  habit  de  pénitence,  il  y 
passa,  dans  des  pratiques  de  dévo- 
tion, la  dernière  année  de  sa  vie. 
C'est  pour  cela  rans  doute  qu'on  lui 
a  cpielquefois  attribué  l'établissement  ' 
des  derviches.  Mais  la  liste  de  ces 
ordres  monastiques  chez  les  Musul- 
mans ,  donnée  par  Mouradgea ,  dans 
son  Tableau  de  l'empire  Ùthoman, 
prouve  qu'il  y  en  avait  qr.atre  qui 
existaient  déjà  avant  le  règne  de  ÎSa- 
ser.  Ce  prince ,  par  sa  clémence ,.  sa 
justice,  sa  libéralité,  sa  prudence, 
son  amour  pour  les  lettres,  et  la  pro- 
tection qu'il  accorda  aux  savants  ,  a 
été  regardé  comme  l'un  des  plus  il- 
lustres monarques  de  son  temps.  Il 
mourut,  l'an  33i  (  q43  ),  après  un 
règne  de  plus  de  3o  ans ,  et  eut  pour 
successeur  son  fils,  Nouh  I*^"".  A-t.  . 
NASER  -  ED-  DAULAH  (Abov- 

MoUAMMED  AL  HaÇAN  ),    foudatCUT 

de  la  dynastie  des  Hamdanides,  fut  un 
des  premiers  ambitieux  qui  s'érigè- 
rent en  souverains  ,  à  l'époque  de  la 
décadence  du  khalyfat.  Ce  fut  l'an 
3'23  de  l'hég.  (  935"^de  J.-C.  ) ,  qu'il 
se  rendit  tout  puissant  à  Moussoul  «t 


«lans  plu.sicut.s  autres  ])l,icrs  lU'  I.i 
Mosopol.iinie,  qncsoiiaimil  ilauidaii 
et  sou  pcie  Abou'l-Hiilja -Abdallah 
avaient  posscHces  avant  lui  ;  il  les 
recouvra  ,  en  faisant  pdrir  sou  oncle 
Ahou'l-Ola,  qui  les  avait  obtenues  du 
khalyfel\aLlliy-l5illaIi,niovciinantun 
tfibul.  Force  de  quitter  Moussoul  , 
pour  ccliapper  à  la  veuf^eanee  de 
Radhy  ,  il  lit  sa  paix  avec  ce  klia- 
lyle  ,  qui  lui  rendit  ses  états.  Alors 
Haçan  céda  Mciafarekin  et  le  Diar- 
Lekr  à  sou  frère  Abou'1-Iiaçau-Aly  , 
célèbre  depuis,  sous  le  nom  de  Stif- 
edd;vulali ,  par  ses  noiubrcuscs  ex- 
péditions contre  les  Grecs.  L'an  3i'j 
(gS»)) ,  liitçan  fut  encore  oblige  de 
fuir  à  l'approche  du  klialyfe  et  de  sou 
e'myr  al  oiurah  ;  mais  il  revint  à 
Moussoul  ,  après  leur  départ.  Mol- 
taky  ,  frère  et  successeur  de  Uadliy  , 
cbassé  de  Bai^hdad  par  le  rebelle 
Obeid-Allah  al  Baridy  ,  l'an  33o 
(t)i'i) ,  s'enfuit  à  Tekrit ,  d'où  il  en- 
voya sou  fils  et  l'cmyr  al  omrah 
Ibn-Raick  à  IMoussoul  ,  implorer  le 
secours  de  Haçan.    Celui-ci  reçut  le 

1)rince  abbasside  avec  les  plus  j:;rands 
ionneurs,  fit  assassiner  Ibn-Raïek, 
et  alla  au-devant  du  khalyfe,  qui  lui 
conféra  la  dignité  et  le  manteau  d'e- 
myr  al  omrah  ,  avec  le  titre  de 
Naser-eddaulah ,  et  celui  de  Séif- 
eddautah  à  Aly  ,  frère  de  llaçan.  Le 
premier  acte  du  nouvel  éuiyr ,  après 
avoir  ramené  le  khaiyfc  à  Baglidad  , 
fut  d'y  rétablir  sur  l'ancien  pied  la 
monnaie  ,  dont  la  valeur  nominale 
avait  été  haussée  de  plus  d'un  quart. 
Mais  ce  ne  fut  qu'un  tiait  de  poli- 
tique ;  car  ayant  donné  sa  lilh;  au 
fils  de  Motlakv ,  il  exigea  un  douaire 
de  1 5o  raille  dinars  (  \  5oo  mille  fr.  ) , 
ciuiisa  les  caisses  publiques,  et  s'em- 
para de  tout  le  nutiiéiaire  qu^il  put 
trouver.  Sou  avidité  excita  une  sédi- 
tion parmi  les  milices  turkcs  ,  qui 


.<A.5  ,G;7 

le  forcèrent  de  retournera  Moussoul 
l'année  suivante  ,  pillèrent  son  pa- 
lais, et  fairiircut  mettre  eu  pièces 
son  frère  Séif-eddaulah  ,  qui  com- 
mandait à  Waset.  N'iseï  -  iddaulah 
revint  bientôt  à  Baglidad,  exigea  en- 
core du  klialyie  l^oo  mille  dinars  , 
sous  ])rélexle  de  les  distribuer  à  ses 
troupes  ,  pour  les  encourager  à  re- 
})ousser  les  Tui  ks;  mais  dès  qu'il  eut 
celtesominc,  il  abandonna  Baghdad, 
le  khalyfe  et  la  ciiaige  d'émyr  al 
omrah  .  à  la  discrétion  de  Touroun  _, 
leur  chef  (  F.  Mottakv  ).  L'an  334 
(()4^>),  il  entreprit  de  chasser  de 
Baghdad  les  Deylemites  ,  qui  oppri- 
maient à  leur  tour  le  khalyfe.  ?»laitre 
de  la  ftioitié  de  la  ville  ,  il  leur  dis- 
puta l'autre  partie  -,  mais  après  une 
guerre  fort  longue  ,  dans  laquelle  il 
perdit  deux  fois  sa  capitale  ,  et  fut 
obligé  de  se  réfugier  auprès  de  sou 
frère  à  Alep  ,  il  lit  la  paix  ,  et  con- 
seutit  à  payer  tribut  a  Mo(^zz-cd- 
daulah  (  F.  ce  nom  ).  11  eut  aussi  à 
résister  aux  Grecs,  qui,  profitant  dé 
l'avilissement  du  khalji'at ,  et  des 
troubles  excités  par  les  ambitieux 
(pii  déchiraient  Femjure  musulman , 
recouvrèrent  une  partie  de  la  Syrie 
et  de  la  Mésopotamie.  Le  chagrin 
qu'éprouva  Naser  -  eddaulah  ,  l'an 
356 ,  de  la  mort  de  sou  frère  Sii\î- 
eddaulali  ,  émyr  d'Alep,  changea 
son  caractère  et  aflecta  sa  raisoiu 
Il  devint  dur,  avare  ;  et  son  humeur 
chagrine  le  rendit  iusuppoitable  à  sa 
famille  et  à  ses  olliciers.  Abou-Tag- 
lab  ,  son  fils  aine  ,  le  fit  renfermer 
dans  son  château,  et  s'empara  du 
trône.  Cet  attentat  produisit ,  entre 
les  princes  Hamdanides  ,  une  guerre 
dont  le  vieillaixi  ue  vit  ])as  la  fin.  Il 
mourut  eu  raby  i*^'".  358  (  février 
(jGf)  )  ;  et ,  dix  ans  après ,  ïxs  états 
passèrent  sous  la  domination  des 
Bowa'idcs  (  F.  Adhad  -  ldu  wcab  \ 


373  NAS 

—  NASi:R-EnDAULAn  (Abon'l  -Ha- 
çan  Aiy  ),  arrière  prtiMifvon  fUi  prc- 
cèlent ,  de'poiiille de  sc«  clafs d'Alcp, 
dès  sa  plus  tendre  cnratice,  l'aii-Sgr 
(looi),  se  relira  en  Egypte,  oîi  il 

Ïarvintaux  plus  cmineutes  dignités. 
1  joua  le  premier  rôle  pendant  les 
troubles  qui  aç^itèreul  le  règne  du 
kh.dyfe  Mostanscr  (  F.  ce  nom ,  pag. 
a55  ci-dessus),  et  fut  enfin  massacié 
l'ail  46 J  ;  «  070) ,  avec  ses  deux  frè- 
res. Son  corps  fut  mis  en  pièces  ; 
et  chaque  morceau  fut  envoyé  à 
l'une  des  villes  de  l'empire  des  kka- 
lyfes  Fathémides.  A — t. 

NASH  (Thomas),  poè:c  anglais 
du  seizième  siècle,  né  à  Leosloff", 
dans  le  comté  de  Suflblk,  a  montré 
du  talent  dans  le  genre  de  la  satire. 
Comme  la  plupart  des  poètes  satiri- 
ques ,  il  passa  sa  vie  dans  l'indigence 
et  le  malheur  ;  il  fat  lié  avec  Robert 
Green,  et  il  était  un  des  convives  du 
festin  où  ce  bel-esprit  débauché  ga- 
gna une  indigestion  mortelle.  Nash 
abjura  la  satire  vers  la  fin  de  sa  vie, 
devint  même  d'une  piété  édifiante, 
comme  ou  peut  le  supposer  par  uu 
petit  écrit  de  sa  composition  intitulé  : 
Les  pleurs  du  Christ  sur  Jérusalem. 
On  cite  de  lui  Diclon,  tragédie;  Vo- 
lonté cleniicre  et  testament  de  VEte', 
comédie;  l'Ile  des  Chiens  ,  comédie; 
et  un  pamphlet  qui  a  pour  titre 
Pierre  sans  le  sou  (  Pierce  penny- 
less) ,  écrit  avec  beaucoup  d'empor- 
tement contre  le  monde,  qu'il  accu- 
sait de  ses  malheurs.  L. 

NASMÎTH  (Jacques),  savant 
anglais ,  né  vers  1740,  fut  recteur 
de  Leverington  ,  dans  l'île  d'Eiy  , 
et  mourut  eu  180S.  11  est  auteur  de 
2jlusieurs  ouvrages  estimés,  et  entre 
autres  des  suivants  :  I.  Les  Itinérai- 
res de  Syjnon  .fils  de  Siméon  ;  et 
de  Guillaume  de  fVorcester.  177H. 
ÏI.    Truite  sur  Us  vers  léonins , 


NAS 

1778. 11  a  donné,  en  1 787  ,  une  édi- 
tion nouvelle  de  TVott.ifl  monaAicay 
de  l'évèq'-ic  Tanner,  à  laquelle,  il  a 
joint  quel(j  es  sermons  ,  et  d'autres 
écrits  d;i  même  auteur.  L. 

NASR-AI,L AH.  r.  Ibn  Alatsvr. 

NASIIEDDYN-HADJA,  fabuli«,ic 
turc,  que  sf  s  fables  ont  fait  surnom- 
mer l'Esope  turc  ,  par  les  écrivains 
nationaux  ,  vivait  à  Yf'uishcir  dans 
la  Natolie  ,  lorsque  Tamerlan  vint 
apj)orter  dans  ces  contjées  le  fléau 
de  la  guerre.  Ses  concitoyens  durent 
la  clémence  de  ce  terrible  vainqueur, 
à  l'intercession  de  l'ingénieux  Nasr- 
eddyn.  Sa  vie  prouve  qu'il  avait  au- 
tant d'originaliié  dans  l'esprit,  que 
de  prudence  et  d'adresse  dans  la 
conduite.  Le  trait  que  nous  allons 
rapporter,  d'api  es  Ganterair  ,  qui 
dit  l'avoir  tiré  d'un  livre  turc  ,  ea 
fait  foi.  Les  habitants  de  Yénishcïr 
se  préparaient  à  résister  au  prince 
tartare  ;  Nasruddin  n'eut  pas  de 
peine  à  les  en  détourner ,  en  offrant 
d'aller  comme  ambassadeur  au  de- 
vant de  Tamerlan  :  prêta  partir,  il 
chercha  quels  présents  il  mettrait  à 
ses  pieds  ,  et  se  détermina  pour  des 
fruits  :  «  Mais,  dit-il  en  lui-même, 
»  uu  conseil  à  demander  n'engage  à 
»  rieu  ;  il  faut  que  je  consulte  ma 
»  femme.  »  11  s'agissait  de  savoir  s'il 
présenterait  des  figues  ou  des  coings. 
La  femme  penchait  j)our  les  coings, 
comme  étant  plus  gros  et  plus  beaux, 
et  ne  pouvant  pas  manquer  de  plaire 
davan'age.  «  il  n'est  jamais  bon,  »  se 
répondit  Nasreddyu ,  «  de  suivre  le 
»  conseil  d'une  femme  :  »  il  empor- 
ta des  fig'ies,  et  n'eut  pas  lieu  de 
s'en  repentir.  Tamerlan  apprend  que 
le  célèbre  Nasreddyn  est  arrivé  en 
ambassade  dans  son  camp  ,  et  il  le 
fait  venir  deva/it  lui.  L'Ésope  turc 
était  chauve  ;  il  aiTccta  de  s^tppro- 
cher  uu-lête  du  souverain  ta:  tare , 


NAS 

qui ,  maigre  toiite  sa  ç;loire ,  était  boi- 
teux.: cHiii-ci  r(;5:;aid.i  le  panier  tic  fi- 
gues avec  Micpris  ,  et  orJoiinj  qu'on 
les  jetât  l'uuc  après  l'aulrc  à  In  tèle 
de  Njsreddyii.  Sans  doule  ,  le  spiri- 
tuel cl  l'acclioux.  ambassadeur  avait 
j)rep.ire  cette  coiuëdie;  car  ou  l'en- 
tendait répétera  chaque  coup:  «  Dieu 
» soitlouel  » TiTuerlanvoulutsavoir 
tie  quoi  il  remerciait  le  ciel.  — C'est 
répondit  gravement  JNasrcddyn,  «  de 
»  ce  qu'il  m'a  empêché  de  suivre  le 
»  conseil  de  ma  l'oinme  :  elle  voulait 
»  que  je  t'apportasse  des  coings  au 
»  lieu  de  ligues  ;  et  certainement ,  si 
».  ces  figues  ,  que  tu  rue  fais  jeter  au 
»  visage,  se  trouvaient  des  coings, 
»  j'aurais  la  tète  biise'e  î  »  Le  tigre 
sourit,  et  >'asreddyn  commença  ain- 
si à  l'apprivoiser.  Celte  fauiiliaritë, 
dont  les  exemples  et  le  danger  sont 
si  communs  dans  l'Iiistoire,  ne  fut 
pas  fimeste  à  Nasredtlyn;  elle  prouve 
à-la-fois  son  esprit  et  son  adresse  , 
mais  console  aussi  l'humanité,  en  ne 
présentant  pas  Tamerlan  seulement 
comme  un  monstre,  toujours  ivre  de 
sang,  et  digne  en  toute  occasion  de 
l'exécration  des  siècles.        S — y. 

NASSAFI  (  Nagmeddin  ).  Fgj. 
Omar. 

NASSAU'Engeldert,  comiedc), 
gouverneur  de  Brabant,  était,  disent 
les  vieilles  chroniques,  un  seigneur 
vaillant,  sage  et  prudent  sur  tous 
autres  de  son  siècle,  bon  soldat  et 
grand  capitaine.  Il  rendit  d'impor- 
tants services  a  Charles,  dérider  duc 
de  Bourgogne,  prinripaicinent  dans 
la  guerre  contre  les  Gantois  révoltés, 
et  fut  nommé  p;.r  ce  prince ,  en 
1473,  clicvaiicr  de  l'ordre  de  la  Toi- 
son d'or.  Engelbert  fut  fait  prison- 
nier à  la  bataille  de  Nanci ,  où  Char- 
les périt  avec  la  fleur  de  sa  noblesse 
(  F.  Charles- LE -Tjlméraire  )  ;  et 
dès  qu'il  eut  acquitté  sa  rançon ,  il 


NAS  579 

se  hâta  d'aller  ollrir  l'isominagede 
sa  fiflélité  a  1.1  jeune  et  u>jiJiciireuse 
héritière  de  B ourgogur  ,  qui  épousa , 
bientôt  après,  Maxitridien  {F.  Ma- 
rie, XXVIl,  125;.  11  se  signala,  en 
1479,  à  la  balailie  de  G'iinegale, 
et  eut  la  plus  grande  part  a'!  résultat 
de  cette  journée,  par  l'habiicléavec 
laquelle  il  exécuta  df-s  charges  de  ca- 
valerie, qui  erapèeliercut  les  hran- 
yais  de  se  rallier.  Après  !a  mort  d« 
Marie,  il  continua  d'otie  hoi.oré  de 
la  confiance  de  Maximilien.  Ce  fut 
Enge!berlqi'.i  épousa  seerèîeineut,aii 
no:a  de  ce  prince ,  Aune ,  duchesse  de 
Bretagne  :  il  viut  ensiute  à  la  cour 
de  France  réclamer  I^rirguerite  d'Au- 
triche, que  Charles  V  lii  avait  répu- 
diée pour  épouser  Anne  (  f^.  Mae- 
GUERiTF. ,  XXVIl ,  36  )  ;  et  il  signa, 
en  I  io3  ,  le  traité  de  Senlis,  par  le- 
quel Maximilien  renonça  au  vain  ti- 
tre de  duc  de  Bretagne,  pour  être 
mis  en  p(!S.sessic'n  du  lesfe  de  l'hc- 
ritagede  Bourgogne.  Engelbert,  tou- 
jours fidèle  à  son  souverain,  ne  cessa 
de  combattre  pour  aficrmir  la  domi- 
nation  de  l'Aulriche  d-ins  les  P.ijs- 
Bas;  mais  l'histoire  lui  reproche 
d'avoir  couîeillé  des  mesures  violen- 
tes ,  dans  l'unique  Ijut  de  s'eniicbir 
des  dépoiiilles  de  ma! heureux  que 
ses  vexations  avaient  pyi  tés  à  la  ré- 
volte. Il  mourut  sans  postérité,  eu 
1 5o4  (  1  )  r  ^*-  fi>t  enterré  dans  l'église 
cathédrale  de  Breda,  où  l'on  voit 
son  tombeau  ,  orné  de  quanîiiâ 
de  figures  et  d'iuseiiptiuns.  On  a 
prétendu  que  les  statues  d'Enge'bert 
et  de  la  princesse  de  Badeii  ,  sou 
épouse,  et  deirx  des  statues  placées 
aux  angles  de  ce  monuimut,  étaient 
l'ouvrage  de  ]\ïichel-Ange.   VV — s» 


(i)  Et  non  p.is  r  ^p'i  .cominc  rn  le  dt  tl.msle  Dic- 
UnnnaLte  de  .\îuiv  ri;  erreur  qu'où  iTanriiil  p&s  rel.-- 
Tée  ,  s;  e'Je  ii'avaU  fiasse  Jaus  Ks  Diugiwjilncs  plm 
!<;•;<  ules. 


3î.. 


5»a 


NAS 


NASSAU   (Guillaume   de)  V. 
Orange. 

NASSAU  (  Maurice  de),  l'un 
des  |)lus  grands  ca|»ilaiiR'S  des  temps 
modcnics  ,  c'iait  le  second    lils  de 
Guillaiinie  de  Nassau,   prince  d'O- 
ran[;e,  fondateur  de  la  i  épniiliquc  de 
Hollande.   Il   naquit   en    1567  ,  au 
château  de  Dillenl)ourg;  et  il  ache- 
vait ses  e'tudes  à  Leyde,  lorsque  son 
père  tomba  sous  les  coups  d'un  as- 
sa.ssin  (  V.  B.ilt.  Gérard  ).  La  re- 
connaissance que  les  Hollandais  con- 
scrvaieut  des  services  de  Guillaume  , 
les  décida  à  choisir  Maurice  pour  gou- 
verneur. Les  provinces  qui  avaient 
re«"-ouvre'  leur  indépendance,  étaient 
disposées  à  tous  les  sacrifices,  plutôt 
que  de  retomber  sous  le  joug  de  l'Es- 
pagne. Elles  offrirent  en  même  temps 
la  souveraineté  à  la  France  et  à  l'An- 
gleterre. Elisabeth  la  refusa  ;  mais 
elle  fit  passer  dans  les  Pays-Bas  une 
armée  sous  les  ordres  de  Dudlcy, 
qui  obtint  une  autorité ,  au  moins 
égale  à  celle  du  stathouder.  La  va- 
uité  de  cet  indigne  favori  révolta  tous 
ceux  qui  approchaient  de  sa  person- 
ne; son  incapacité  acheva  d'aigrir 
les  esprits  :  on  l'accusa  de  trahir  à- 
la-foisles  intérêts  de  l'Angleterreet 
ceux  de  la  Hollande;  et  il  sentit  bien- 
tôt la  nécessité  de  s'éloigner  (  /^.  Duo- 
LEY,  Xll,  i3G).  L("  grand-pension 
jiaireOlden-Banievf  !dl  présenta  Mau- 
rice comme  l'homme  le  plus  propre 
à  défendre  la  liberté  que  son  père 
avait  conquise  :  ce  héros  n'avait  que 
vingt  ans  ;  mais  on  oublia,  et  il  fit 
promptement    oublier  sa    jeunesse. 
il  gagna  l'affection  des  soldats ,  eu 
v£illantsur  leurs  besoins  et  en  adou- 
cissant leurs  privations  ,  qu'il  par- 
tageait ;    il    rétablit    la    discipline 
dans  l'armée  ,   et  releva    son  cou- 
rage par  quelques  succès  qui  étaient 
dus  uniquement  à  son  habileté.  Pi'o- 


NAS 

fitant  de  l'éloigucment  du  duc   de 
Parme,    envoyé    en    France,    par 
Philippe  11,  pour  appuyer  les  pro- 
jets des  ligueurs  (  f^oy.  Farnese  , 
XIV.   173),  \\  tomba  sur  les  Es- 
pagnols à  l'improviste ,  et  leur  en- 
leva  plusieurs   places    importantes. 
11  s'empara  ,  en   1 5yo  ,   de  Breda  . 
au  milieu  de  l'hiver,  par  une  ruse; 
informé  que  la  garnison  n'était  coau- 
posée  que  d'Italiens  ,  peu  habitués 
aux  rigueurs  du  climat  et  de  la  sai- 
son, il  fit  entrer  dans  la  place  un 
bateau  chargé  de  tourbe,  où  étaient 
cachés  soixante  hommes,  qui  lui  ou- 
vrirent les  portes  du  château.  L'an- 
née suiAMnte ,  il  ))riL  Zulphen .  Deven- 
ter,  Hulst,  Nimègue;  en  iSqî  .  il  se 
rendit  maître  de  Groniugue  ,  et  mit 
le  comble  à  sa  réputation  par  la  belle 
défense  d'Ostcn  le ,  dont  le  siège  coû- 
ta aux  Espagnols  plus  de  soixante 
mille  hommes,  et  cent  millions.  11 
vint,  eu  1600,  attaquer  l'archiduc 
Albert  devant  Niouport;  ayant  ren- 
voyé les  bateaux  qui  avaient  amené 
ses  troupes  :  «  Com])agnons ,  «  dit-il , 
aux  soldats  ,  «  il  faut  passer  sur  le 
>)  ventre  aux  ennemis ,  ou  boire  toute 
»  l'eau  de  la  mer.  »  Cette  courte  ha- 
rangue enflamma  les  Hollandais ,  qui 
demandèrent  à  marcher  au  combat. 
L?s  Espagnols  furent  culbutés  et  mi» 
en  déroute;  leurs  canons,  leur  ba- 
gage et  plus  de  cent  drapeaux  res- 
tèrent au  pouvoir  du  vainqueur.  Les 
campagnes  suivantes  de  Maurice  ne 
furent  qu'une  chaîne  non  interrom- 
pue de  succès.  Les  Espagnols  deman- 
dèrent la  paix;  mais  le  prince  d'O- 
range ,  prévoyant  qu'elle  diminuerait 
son  influence,  ne  parut  pas  disposé 
à  la  leur  accorder.  Oideu-Buneveldt 
remontra  qu'il  était  temps  délaisser 
respirer  les  peuples  accablés  du  far- 
deau de  la  guerre  depuis  quaiante- 
deiix  ans;  et  q«.^  d'ailleurs  la  Ho!- 


NAS 

lande  n'avait  plus  aucnn  inltiict  à 
faire  la  guerre  à  l'Kspagnc,  qui  re- 
connaissait son  indc'pcridancc.  Mai- 
gre l'opposition  de  Maurice  ,  une 
trêve  de  douze  ans  fut  signée  en 
1G09;  mais  il  ne  pardonna  pas  au 
grand-pensionnaire  d'avoir  déjoue' 
pyir-la  SCS  projets  ambitieux  :  il 
.essaya  d'abord  de  l'amener  à  ses 
vues  par  les  promesses  les  plus  se'dui- 
.santes;inais  voyant  qu'il  ne  pour- 
rait jamais  y  réussir,  il  devint  son 
ennemi  déclare,  et  ne  chercha  plus 
que  l'occasion  de  se  débarrasser  d'un 
.censeur  importun.  On  a  vu,  à  l'art. 
Barneveldt,  comment,  sous  le  iVi- 
vole  prétexte  d'une  dispute  théolo- 
gique sans  intérêt  comme  sans  im- 
j)ortancc,  le  cruel  Maurice  fit  traîner 
à  l'échafaud  un  vieillard,  son  bien- 
faiteur, qu'entourait  la  vénération  de 
toute  l'Europe;  et  l'on  sait  qu'il  ne 
tint  pas  a  lui  d'envelopper  dans  la 
même  proscription  ,  le  s  ivaut  Gro- 
•,tius  {V.  ce  nom  ),  et  les  autres  par- 
tisans d'Arrainius  :  mais  ce  fut  inu- 
tilement que  Maurice  dégrada  son 
noble  caractère,  en  se  montrant  vin- 
îlicalif  et  cruel.  La  mort  de  Barne- 
veld  ,  en  révélant  son  ambition,  lui 
ôtail  les  moyens  de  la  satisfaire.  Les 
Hollandais  qui  n'avaient  vu  en  lui 
que  le  protecteur  de  leur  indépen- 
dance, changèrent  de  sentiment;  et 
il  eut  plus  d'une  fois  l'occasion  de 
s'apercevoir  combien  il  était  hai,  La 
trêve  qui  durait  depuis  si  long-temps 
au  gré  de  son  impatience,  expirait 
en  i6'ii.  Les  Espagnols  opposèrent 
alors  à  Maurice,  Spiuola ,  l'un  des 
premiers  hommes  de  guerre  dans  un 
siècle  qui  en  compte  un  si  grand 
nortibre  (  V.  Spinola  ).  Obligé  de 
lever  le  siège  de  Bergopzoom ,  il 
prit  Brcda,  en  1623,  tandis  qtie  le 
stathonJer  tentait  inutilement  de 
^'emparer  de  la  ciladellc  d'Anvers. 


NAS  î>fii 

Le  chagrin  que  Maurice  conçut  de 
ce  double  échec  ,  acheva  de  ruiner 
sa  s  intc ,  aiï'aiblie  depuis  long-temps; 
et  il  mourut  a  la  Ii»yc,  le  u3  avril 
de  la  même  année ,  à  l'âge  de  58  ans. 
Frédéric-Henri,  son  frère,  lui  suc- 
céda dans  la  dignité  de  stathoiider. 
Le  portrait  que  l'abbcRaynal  a  tîacé 
de  Maurice  ,  n'est  qu'une  suite  d'an- 
tithèses plus  brillantes  que  justes. 
L'historien  du  Stathouderat  le  com- 
pare à  Moutecucculi,  à  Vauban  ,  au 
prince  Eugène,  au  duc  de  Vendôme , 
au  grand  Condé,  à  Charles  XII  et 
à  Turenne  :  si  Maurice  eut  réuni 
en  ellet  toutes  les  qualités  qui  dis- 
tinguent ces  grands  généraux,  il  ne 
faudrait  pas  hésiter  de  le  placer  à  la 
tête  des  capitaines  anciens  et  moder- 
nes ;  mais  il  est  évident  que'  Maurice 
n'a  pas  pu  posséder  au  même  degré 
la  sage  circonspection  de  Moutecuc- 
culi ,  et  la  fougue  impétueuse  de 
Charles  XIL  On  doit  donc  se  bor- 
ner à  dire  qu'il  eut  de  grandes  qua- 
lités comme  homme  de  guerre  ,  et 
qu'il  donna  dans  toutes  les  occasions 
des  preuves  décourage  et  d'habileté. 
Maurice  avait  fait  une  étude  particu- 
lière des  mathématiques  et  de  la  for- 
tification ;  il  imagina  un  pont  pour 
le  passage  des  rivières,  et  ditrércuts 
moyens  pour  hâter  la  réduction  des 
places  qu'il  assiégeait.  11  ne  cultiva 
point  les  lettres ,  mais  il  encouriigea 
les  poètes;  et  l'on  sait  qu'il  récom- 
pensa par  une  médaille  d'or,  Théo- 
phile, qui  lui  avait  adressé  une  od« 
sur  la  bataille  de  INieuport.  L'ouvra- 
ge intitulé  :  Généalogie  et  la  1  tiers 
de  la  maison  de  Nassau,  Leyde , 
i6i5,  in-fol.,  avec  cartes  et  llg. , 
contient  le  récit  des  exploits  de  Mau- 
rice, qui  romportt  trois  victoires  eu 
bataille  rangée  ,  prit  trente-huit  vil- 
les fortes,  quarante-cinq  châteaux, 
et  fit  lever  douze  sièges.  Oa  trouvera 


582  NAS 

des  détails  curieux  sur  son  caractère 
dans  les  Mémoires  de  Louis  Aubery 
du  Maurier ,  P;iris ,  1G87  ,  i"'^^' 
W— s. 
NASSAU-SIEGEN  (  Jean-Mau- 
BiCÉ  ,  prince  de  ;,  l'un  des  j)lus  vail- 
lants capitaines  de  son  temps,  était 
petit-îilsde  Jean,  comte  de  Nassau, 
dit  le  Fieil,  cliei  de  la  brauche  de 
Dillenbourg.  Ne  en  iGo4,  il  se  mon- 
tra ,  dès  sa  première  jeunesse,  pas- 
sionne pour  la  gloire  ,  recherchant 
avec  empressement  toutes  les  occa- 
sions d'en  acquérir.  Le  prince  d'O- 
range l'avant  nojnniè,  en  i636,  ca- 
pitaine-gene'ral  des  possessions  hol- 
Luidaises  dans  ic  Brésil,  il  s'y  rendit 
aussitôt,  et,  a  peine deioanpie,  tom- 
l)a  inopinément  sur  les  Portugais, 
auxquels  il  enleva  plusieurs  places 
importantes.  Persuadé  qu'avec  une 
partie  des  troupes  qu'il  avait  ame- 
îices  ,  il  viendrait  à  bout  de  chasser 
les  Portugais  du  Brésil,  il  envoya 
«u  d-élachcmcnt  i  uiiicr  leurs  établis- 
sements sur  la  cote  d'Afrique  ,  et 
conlinua  d'étendre  ses  conquêtes , 
aide  des  naturels  du  pays  ,  qui  se 
(léclarcrent  bientôt  pour  le  vain- 
queur. ÎManrice  éc!<oua  cependant 
devant  Sijn- Salvador,  dont  il  i'ut 
o!)!igc  de  lever  îe  siège ,  après  avoir 
perdu  ses  meilleurs  officiers.  iMais 
ayant  reçu  des  renforts,  eu  iti38, 
et  la  flotte  des  Portugais  et  des  Es- 
pagnols ayant  été  presque  entièrc- 
iî:C;it  déiniiîe  par  celle  des  Hollan- 
dais ,  à  la  vue  de  la  baie  de  Ïous-Ies- 
Saints,  U  guerre  recommença  dans 
le  Brésil ,  avec  un  acharnement  de 
part  et  d'autre  et  une  cruauté  si  gran- 
ule, que  les  généraux  furent  obligés 
de  régler ,  par  une  convention  spécia- 
le ,  la  manière  dont  on  se  battrait  à 
l'a^^enir.  La  nouvelle  de  la  révolution 
qui  éleva  la  maison  de.  Bragance  sur 
ic  ;iôiiedel-orti!g:(l,  étaut  (urveuuc 


NAS 

ail  Bre'sil,  Maurice,  qi-i  prévoyait 
que  les  Portugais  ne  tarderaient  pas 
à  s'iuiir  aux  Hollandais  contre  les 
Espagnols,  se  pressa  d'agrandir  ses 
conquêtes ,  persuadé  que  le  traité 
laisserait  les  deux  nations  en  posses- 
sion des  pays  qu'elles  se  trouveraient 
posséder  au  moment  de  la  signature. 
Afin  d'occuper  les  aventuriers  que 
l'espoir  du  butin  avait  attirés  sous 
ses  drapeaux,  il  leur  persuada  de 
faire  une  excursion  dans  le  Chili, 
et  proGta  du  loisir  que  lui  don- 
nait la  trêve  avec  les  Portugais  , 
pour  visiter  le  Brésil  et  eu  examiner 
les  productions  naturelles  les  plus  in- 
téressantes (  V.  Marggraf,  XXVII, 
i3  ,  et  G.  PisoK  ).  Après  avoir  ré- 
glé toutes  les  a  llaires  du  Brésil ,  Mau- 
rice repassa  en  Hollande,  en  1G44, 
rameuant  une  flotte  chargée  de  ri- 
chesses. H  y  fut  accueilli  avec  une 
pompe  extraordinaire,  et,  en  récom- 
pense des  semces  qu'il  avait  ren- 
dus à  la  république ,  fut  nommé 
gouverneur  de  Wesel  et  général  en 
chef  de  la  cavalerie  hollandaise.  L'é- 
lecteur de  Brandebourg  l'établit  en- 
suite grand-maître  de  l'ordre  ïeuto- 
niquc  ,  et  le  fit  gouverneur  du  duché 
de  (jîèves  ;  ii  embellit  cette  ville,  et 
y  établit  un  jardin  magnifique,  dont 
Voltaire  a  donné  une  description 
charmante  dans  son  Fojci'j^e  à  Ber- 
lin (  tome  XII  de  l'éd.  de  Kehl ,  in- 
8".  )  Ce  jjriuce  mourut ,  le  uo  dé- 
cembre iG'jg.  Gasp.  Baërle  a  écrit 
en  latin  V Histtire  du  Brésil,  sous 
le  gouvernement  de  Maurice  de  iNas- 
sau  (  F.  B  lEP.Lt; ,  III ,  'jo'j  ).  Ou  con- 
serve à  la  bi'dioth.  royale  un  Ouvra- 
ge de  la  main  de  ce  prince,  en  2  vol. 
in-fol. ,  q.ii  contient  les  animaux  les 
plus  rcmarqi.iables  de  l'Amérique 
méridionale  ,  dessinés  et  enluminés, 
avec  de  courtes  descriptions.  Blocl» 
a  donné  une  Notice  sur  ce  prccicu^ 


NAS 

manuscrit ,  dans  la  préface  dp  In  6*. 
partie  de  sou  Ichlhyolo^ie^  ou  il  a 
insère  les  fij^nrcs  dr  plusieurs  pois- 
sons, d'.iptrs  les  dessins  originaux 
du  jirijice  iManrioc.  VV — s. 

NA8.S\U-S1K(îI':N   (  CmnLFS- 
Hknri  Nico[.AS-0rHO\,  piincc  oic  ), 
célèbre  par  sa  vie  aventureuse  ,   ap- 
partenait à  la  brandie  catholique  de 
Siégea  ,  et  naquil  le  S  janvier  \']i\^). 
Sa  légitimité  lui  fut  contestée;  et  le 
bruit  qu'il  devait  taire  dans  le  mon- 
de, eominença  par  un  procès.  Enia- 
nuel-Ignace,  son  aieul,  avait  épou- 
sé GharloUc  de    Mailly  de  Nesie  : 
celle-ci  avait  donné  le  jour  à  un  fils  , 
]Vîaxiinilien ,  dont  elle  déro'ia  la  nais- 
sance à  sou  mari,  et  qu'après  la  mort 
d'Emanuel  -  Ignace,  elle   lit  réins- 
crire sur  les  registres  de  l'état-civil  , 
sous  le  nom  de  Nassau-Siegen.  Le 
conseil  aulique  de  Vienne  avait  refu- 
sé de  reconnaître    Maxiniilien    en 
celte  qualité,  et  s'obstinait  à  ne  voir 
dans  Charlotte  de  Mailly,  que  l'imi- 
tatrice des  scandales  de  sa  famille. 
(  i)  Le  tuteur  du  jeune  Nassau  ,  objet 
de  cet  article,  porta  ces  débats  au 
parlement  de  Paris,  qui,  par  arrêt 
du  3  juin  1750,  se  déclara  pour  la 
légitimité.  Le  conseil  aulique  reganla 
cette  décision  comme  non  avenue  j 
il  ne  l'avait  pas  attendue  pour  dis- 
poser en  faveur  d'un  autre,  des  biens 
de  la  maison  de  Nassau,  situés  en  Al- 
lemagne. Sans  cette  injustice,  dit  le 
prince  de  Ligne,  Nassau  eût  dépen- 
sé sur  des  sangliers, peut-être  sur  des 
braconniers  ,  sou  fougueux  caraclè- 
le,  jusqu'à  ce  que  son  goût  pour  le 
danger  l'eût  averti  de  ce  qu'il  pou- 
vait valoir  à  la  guerre.  Mais  la  né- 
cessité de  se  créer  un  état ,  lorsqu'on 


(1)  Elle  élaltlHnle  de  la  duchesse  de  Chaleaiiioui 
»t  rfe  SCS  :œnrs(  V.  r.HATEAl  HOOX  ,  VU,  ïj3  ,  et 


NAS 


583 


lui    refusait    re'ui    auqiel   il    avait 
droit,  lui  (it  cbcrchtr  unr  -^doirc  an- 
ticipée :  volontaire   à   quin7X'  ans, 
puis,  ai(Ie-de-eaui|)  de  la  phis  belle 
espérance,    lieulenant   d'infanterie, 
caj)i!aiiic  de  dragons,  il  s'éloigna  du 
champ  de  bataille,  poui- suivre  Bou- 
giinville,   dans  son  voyage  autour 
du  monlc  (176G-69).  Il  se  délassa  , 
comme  lui ,  dans  les  bras  de  la  rei- 
ne d'Olaiii ,  s'enfonça  dans  les  dé- 
serts de  l'x^frique ,  avec  le  chevalier 
d'Oraison  ,  compagnon  de  tous  ses 
basards  ;  et  son  combat  avec  un  ti- 
gre ,  ajouta  ,  à  sa  réputation  d'intré- 
pidité, celle  de  dom[)teur  de  raous- 
tres,  A  son  retour  en  Europe ,  il  s'at- 
tacha au  service  de  France,  en  quali- 
té de  colonel  d'infanlerie.  Eu  1779, 
il  essaya ,  sans  succès  ,  de siupreudr© 
l'ile  de  Jersey.  L'Espagne  en  guerre 
avec  l'Angieîene  lui   offrait  l'occa- 
sion de  se  signaler.  Le  siège  de  Gi- 
braltar aîiirait  tous  les  regards  :  Nas- 
sau y  vole  ,  monte  une  des  batteries 
flottantes  imaginées  par  le  cbevalier 
d'Arçon  ;  et  it  échappe  aux  dangers 
de  celte  tentative  désastreuse ,  où  il 
s'était  exposé,  ])lus  que  personne.  Le 
roi  d  Espagne  lui  donna,  eu  récom- 
pense ,  trois  millions  en  cargaison 
de  vaisseaux  ,  avec  le  brevet  de  ma- 
jor-général de  son  armée,  et  recon- 
nut ses  droits  à  la  grandesse  de  pre- 
mière classe.  Partout  où  le  canon  se 
faisait  entendre  en  Europe,  Nassau 
accourait  et  ollrait  sou  bras.  Cathe- 
rine Il ,  éblouie  de  sa  valeur  et  de 
ses  présomptueuses  promesses ,  lui 
coniia  le  commandement  d'une  esca- 
dre destinée  contre  les  Turcs.  Il  atta- 
qua ,  en  1783,  sur  la  mer  Noire, 
avec  des  galères  et  des  ba,'eaux  plats, 
la  iiotte,  Lien  supérieure ,  du  capitan- 
pacba  ,  s'empara  de  quelques  vais- 
seaux ,  mit  le  feu  aux  auties ,  et  dans 
deux  ou  trois  combats  pareils ,  uc- 


0»if 


NAS 


truisit  enîièremcDt  les  forc?s  iiavn- 
JcsqiTC  lui  opposait  la  Porte.  ChiIk-- 
^iiu;  récompensa  gcnereiiscmeiit  les 
yirtoires  de  son-vice-ainiral.  11  avait 
obtenu  l'incligcnat  en  Pologne  ,  et  y 
a'\ait  contracté  un  riche  maria'^e 
avec  Charlotte  Godzka  ,  fille  d'un 
Ta'ivodc  de  Podlaquie  ,  et  ferurne  di- 
vorcée du  priureianf;;usko.  I/impc- 
ralrice  de  Russie,  qui  ne  songeait 
point  encore  à  l'envahissement  delà 
Polof:;ne  ,  choisit  Nassau  pour  aver- 
tir les  cours  (le  Vienne,  de  Versail- 
les et  de  Madrid,  des  projets  de  Fré- 
dérir-G'iillaiiine  sur  Thorn  et  sur 
d'antres  points  du  territoire  de  cette 
république.  En  mars  1790  ,  elle  lui 
demanda  de  noiiveau\  triomphes  sur 
mer.  Nassau  battit  d'abord  la  flotte 
suédoise,  sur  les  cotes  de  la  Fin- 
lande, l'enferma  dans  le  golfe  de 
■Viborç; ,  et  se  crut  maître  un  mo- 
ment de  Gustave  III ,  qu'il  avait  en 
•tète  (  V.  Gustave,  XIX,  '}.'^^  ); 
mais ,  par  une  attaque  inopinée  de 
ce  prince  ,  il  vit  sa  ligne  forcée  ,  ses 
galères  coulées  à  fond,  et  perdit 
44  bâtiments.  Cet  échec  le  dégoûfa 
probablement  de  la  gloire  militaire; 
peut-être  aussi  sa  magnanimité  se  ré- 
voltait à  l'idée  de  servir  une  coali- 
tion qui  avait  démembré  la  Pologne, 
et  de  s'opposer  aux  prodiges  nudti- 
pliés  des  armées  françaises  pour 
l'indépendance  de  leur  pays.  Quel 
autre  motif  en  cfret,eût  enchaîné 
son  activité  ,  pendant  une  époque 
aussi  brillante  en  faits  d'armes  que 
la  rcvolnlion  ?  11  ne  fut  pas  même 
tenté  par  les  exploits  de  Somvarow. 
Paul  1*='., qui  lui  montrait  peu  d'esti- 
me ,  lui  continua  néanmoins  ses  ap- 
pointements après  la  mort  de  Ca- 
therine. Nassau  ne  fit  plus  que  vova- 
ger  fu  Europe  :  à  l'époque  du  traité 
d'Amiens,  ses  souvenirs  et  le  désir 
de  yoirde  près  l'horame  eitraordi- 


naire  qui  avait  hérité  d'une  sanglan- 
te anarchie,  l'amenèrent  en  Franco. 
.Quelques  années  après  ,  Nassau  a  ter- 
miné obscurément  sa  carrière.  Le 
prince  de  Ligne ,  plein  de  son  en- 
gouement pour  tout  ce  qui  environ- 
nait Catherine  ,  a  fait  de  lui  un 
brillant  portrait;  si  l'on  s'en  rap- 
porte à  un  autre  peintre  sans  pré- 
vention (  le  duc  de  Lévis  ),  «  le  prin- 
ce de  Nassau,  grand  et  bienfait, 
avait  une  physionomie  peu  expres- 
sive ,  que  ne  démentait  pas  son  es- 
prit. Ses  talents  étaient  aussi  médio- 
cres que  son  intrépidité  était  gran- 
de. Ses  voyages  militaires,  si  prorapts 
et  si  rapides  ,  ressemblaient  assea 
aux  courses  des  paladins;  et  quand 
il  arrivait  de  quelques  cinq  cents 
lieues ,  revenant  de  se  battre ,  ou  y 
all^-nt,  on  s'attendait  à  voir  un  che- 
valier de  la  table  roiide;  il  parais- 
sait :  adieu  le  roman  ;  sa  présence 
désenchantait;  point  d'éclat,  point 
de  brillant ,  pas  même  de  vivacité  ; 
son  abord  était  froid,  ses  manières 
communes,  et  sa  conversation  plate. 
Avec  la  plupart  des  qualités  qui  com- 
posent les  héros ,  il  n^a  laissé  que  la 
réputation  d'un  aventurier  ;  et  pen- 
dant sa  vie,  il  eut  plus  de  célébrité 
que  de  considération.  »  La  princesse 
de  Nassau,  exaltée  par  une  imagina- 
tion romanesque ,  était  parf;iitement 
assortie  à  son  mari.  On  s'amusait 
dans  les  salons  de  Paris,  du  sang- 
froid,  delà  gravité  avec  laquelle  elic 
débitait  les  histoires  les  plus  incroya- 
bles :  son  ame  ardente  se  trouva 
mieux  à  sa  place  à  Varsovie  ;  elle  y 
seconda  de  toute  son  énergie  les  ef- 
forts des  patriotes  Polonais,  et  elle 
emporta  le  regret  d'avoir  vu  suc- 
comber leur  cause.  Dans  le  cours  de 
la  révolution  française,  e!le  accueillit 
delà  manière  la  plus  noble  un  grand 
nombre  d'émigrés.  F — t. 


NAS 

NASSER  (  ABou'f.-D.ioiouscu  ) , 
quatrième  roi  de  Gronatle,  do  la 
dyiiaslic  des  Nasscridos,  monta  sur 
■le  trône  l'an  -joBil*'  riH'<:;ire  (  i3o8 
de  J.-C),  à  l''^?;^  ^^'^  viiij^t- trois 
ans,  après  en  avoir  chasse  son  IVoro 
Mehemed  III  {  Foj\  co,  nom).  La 
richesse  dr  sa  taille  ,  la  béante  de  ses 
traits,  le  luxe  recherche  de  ses  vê- 
tements, avaient  scdnitlc  peuple. que 
la  vie  retirée  et  les  indrinitcs  de  IMe- 
licmed  avaient  rebute.  Nasser  joi- 
gnait d'ailleurs  à  ces  avantages  phy- 
siques ,  des  qualités  qui  distinp;uent 
les  grands  princes:  alFalOe,  doux, 
juste,  libérai ,  il  aimait  la  vertu  et 
ceux  qui  la  pratiquaient.  Il  avait  fait 
de  si  grands  progrès  dans  l'astrono- 
mie et  la  gnomonique ,  sous  Abou- 
Ahdallah  beu  al  -  Racam  ,  le  plus 
grand  mathénjaticiende  son  temps  , 
qu'il  dressa  lui-mèrac  des  tables  as- 
tronomiques fort  exacîes ,  et  qu'il 
construisit  une  horloge  avec  une 
grande  précision  :  mais  ces  talents, 
ces  connaissances,  n'étaient  pas  con- 
venables à  un  souverain ,  surtout 
dans  des  circonstances  difficiles.  Sa 
révolte  contre  son  frère  avait  brisé 
tous  les  liens  de  l'état,  et  fut  la  cause 
de  tous  les  raallieurs  de  son  règne. 
Pendant  que  la  guerre  continuait  en- 
tre les  deux  princes ,  les  Chréfiens 
prolilèrent  des  troubles  qui  agi- 
taient le  roj^aiimc  de  Grenade.  Fer- 
dinand IV,  roi  de  Gastille  ,  prit  Gi- 
braltar, et  mit  le  siège  devant  Al- 
gésiras ,  tandis  que  Jacques  II ,  roi 
d'Aragon ,  après  avoir  taillé  en 
pièces  les  Manies  ,  investissait  Alrae- 
ria.  L'hiver,  et  l'or  du  roi  de  Gre- 
nade, déterminèrent  ces  deux  prin- 
ces à  renoncera  leur  entreprise.  iNas- 
ser  n'en  Ait  pas  pins  tranquille.  Sou 
cousin  Abon'l-Walid-Ismaël,  prince 
de  Malaga,  prit  les  armes  contre  lui , 
et  fut  reconnu  roi  par  ses  partisans. 


NAS  58,-; 

Le  vézyr  de  Nasser  ,  g.fgné  par  les 
Gliréliens,  excitait  des  troubles  dans 
les  autres  parties  du  royaume, et  jus- 
que dans  la  capitale.  Kn  vain  ce 
piiuce  reçut  des  secours  d'Aîfonsr 
IX.  roi  de  Casti!ie;en  vain  il  triom- 
pha des  séditieux  qui  l'avaient  as- 
sailli dans  Grenade  :  ceux-ci  allèrent 
se  ranger  sous  les  drapeaux  d'Is- 
maël,  qui  se  présenta  bientôt  de- 
vant cette  ville  ,  et  s'empara  de  l'an- 
cienne citadelle.  Nasser  s'était  ren- 
fermé dans  l'Alhambra;  il  fut  obligé 
de  capituler  le  2ç)  chawal  718  (16 
février  i3i4);  il  abdiqua  la  cou- 
ronne, qu'il  n'avait  portée  qne  cinq 
ans  ,  et  s'étant  l'etiré  à  Gnadix  ,  il  y 
vécut  dans  des  anxiétés  continuelles 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  i()  nov. 
i3i>,.  ï!  fut  enterré  à  Grenade  ,  au- 
près de  ses  ancêtres.  A — t. 

NASSER-EDDAULAH.  r.  Naser. 

NASSER-LEDIN-ALLAFI(Abou'l- 
Abbas  Ahmko  VI  ),  34".  khalvfe 
abbasside,  fut  proclamé  à  Bagltdad  , 
l'an  de  l'hég.  570  (  1 180  de  J.-G.  ), 
après  la  mort  de  son  père  Alostat'y, 
par  les  soins  da  véxyr  Thaliir-ed- 
dyn  ,  ministre  intègre  et  sage,  qu'il 
sacriiia  bientôt  à  la  haine  de  IMedj- 
eddyn,  auquel  il  accorda  toute  sa 
conliancc.  Le  règne  de  ?^asser  fut  de 
quarante-sept  ans  ,•  terme  auquel  ije 
parvint  aucun khalyfe  légitime. avant 
£t  après  lui;  mais  ce  prince  ,  uniqi.'c- 
ment  occupé  du  soin  d'amasser  des 
trésors ,  prit  fort  peu  de  part  aux 
grands  évéucmciils  qui  eurent  litii 
de  son  temps.  Il  sut  ménager  avec 
ailresse  tous  les  potentats  musul- 
mans ,  et  surtout  le  célèbre  Saiadin  , 
dont  les  exploits  el  les  vertus  soute- 
naient seuls  la  gloire  de  l'islamisme. 
Il  le  conilrma  fl.ms  la  dignité d'émyr 
al  omrah,  dans  la  souveraineté  de 
l'Egypte  et  de  la  Syrie ,  et  lui  donna 
le  titre  do  s.ultliau  ^  F.  SAi^\Dii>  )• 


i86 


NAS 


Toutefois,  à  l'exemple  de  ses  prédé- 
cesseurs, il  s'efforça  d'abattre  la 
puissance  des  Seldjoukides,  et  favo- 
risa la  révolte  de  Kizil-Arslau,  ala- 
LekderAdzcrbaiiijan,  contre  le  snl- 
ihan  Thogroul  III  ;  mais  ses  troupes 
furent  mises  en  déroule,  en  584 
(  I  188),  par  ce  dernier  (  F.  Kizil 
Arslan  et  ïiioGRouL  m  ).  Pcudant 
le  siège  d'Acre  par  les  Croises,  il 
envoya  deux  charges  de  naphte , 
avec  des  artificiers  destines  a  s'en 
servir,  pour  brûleries  machines  des 
lihre'tiens.  Lorsqtie  la  défaite  et  la 
mort  dcThogroul  eurent  fait  passer 
6OUS  la  domination  de  Takasch  ,  siil- 
than  de  Kliarizm  ,  ce  qui  restait  en 
Perse  de  la  puissance  seJdjonkide, 
le  khalyfc  envoya  une  armée  pour 
enlever  l'Irak  Adjcm  au  gouverneur 
que  ce  prince  y  avait  laissé;  mais 
son  général  ayant  été  battu  ,  l'an 
591  (  I  iç)"")  ),  par  le  snithan,  il  fut 
obligé  de  renoncera  ses  jîrétcntions, 
et  de  sanctionner  cette  nouvelle  dy- 
nastie (  V.  TAK.\scn  ).  Il  refusa  de 
s'immiscer  dans  les  querelles  des  fils 
de  Saladin  ,  et  préféra  recouvrer 
le  Khouzisfan,  et  les  autres  provin- 
ces maritimes  de  la  Perse  méridio- 
nale, livrées  à  l'anarchie  depuis  la 
destruction  de  l'empire  seldjoukide. 
L'an6i4  (  i'ii7  ),il  fut  sur  le  point, 
non-seulement  de  jierdrc  lekhalyfat, 
mais  de  le  voir  passer  dans  la  famil- 
le d'AJy.  Mohammed,  fils  et  succes- 
seur de  Takasch,  irrité  contre  Nas- 
ser ,  attaqua  tont-àla  fois  son  auto- 
rité spirituelle  et  temporelle  (    F. 

MoUAMMKD    AlA-LDDVm),     Ct     lui 

enleva  toute  Ja  Perse  occidentale, 
INasser  faisait  déjà  de  grands  prépa- 
ratifs poiu"  soutenir  v.w  siège  dans 
Baghdid,  lorsque  la  rigueur  de  la 
saison  et  le  manque  de  vivres  forcè- 
rent le  sullhau  à  retourner  dans  ses 
Éîatb.  [.ekiiulsfc  trouva  uu  vengeur 


NAS 

dans  le  fameux  Djenghyz-Khan, dont 
on  prétend  qu'il  sollicita  le  secours. 
Mais  en  appelant  les  Tartàres  contre 
son  ennemi,  il  attira  sur  l'empire 
musulman  la  tempête  qui ,  plus  lard  , 
dev.'iit  écraser  sa  propre  famille  (  V. 
Houf.AGou  et  MosTASEM  ).  Sur  la 
fin  de  ses  jours,  Nasser  Ledin-AUah 
ayant  perdu  la  vue  et  la  raison ,  une 
de  ses  feinnacs  ,  secondée  par  un  eu- 
nuque, contrefaisait  sa  signature,  et 
gouvernait  l'éaf.  Le  vézyr  fut  ins- 
truit de  la  fraude  par  un  médecin 
chrétien ,  à  qui  cette  indiscrétion 
coûta  la  vie.  Le  khalyfe  raeurut  le 
!•''■.  chawal  6ii  (  G  octobre  \vx^ 
de  J.-C,  ),  dans  sa  soixante-dixième 
année.  Ce  prince  était  Chyitej  c'est 
pourquoi  il  a  été  jugé  diversement 
];ar  les  historiens  musulmans  :  les 
uns  l'ont  accusé  d'avoir  été  injuste  et 
avare  ;  les  autres  ont  vanté  ses  gran- 
des qualités  et  sa  magnilicence.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'e.-.t  qu'il  laissa 
des  richesses  immenses ,  quoiqu'il 
eût  fondé  un  grand  nombre  de  mos- 
quées ,  d'hôpitaux  ,  de  collèges  et  de 
caravanserais.  Baghdad,  la  ville  la 
])lus  populeuse  et  la  plus  séditieuse 
de  l'Orient,  devint  la  plus  sûre  et  la 
plus  tranquille,  par  l'excellente  police 
qu'il  y  établit  :  il  sut  faire  respecter 
son  autorité  au-dedans  et  au-deliors, 
reculer  les  frontières  do  ses  états  ,  se 
maintenir  sur  nu  troue  en  décaden- 
ce, pendant  un  très-long  règne,  au 
milieu  de  circonstances  difûciles  ;  et 
cela  ne  suppose  ]>as  un  prince  sans 
mérite  et  sans  talents.  II  eut  pour 
successeur  son  fils  Dhaher  Biamr' 
Allah.  A— r. 

NASSER-MOHAMMED  (  Meur 
Al-),  9".  sulthau  mauilouk  d'Egyp- 
te et  de  Syrie,  de  la  dynastie  des 
Bahrites,  était  fils  de  Kelaonn,  et 
n'avait  que  neuf  ans  lorsqu'il  succé- 
da, l'an  O93  de  l'hég.  (  l'-iQJ  de  J.- 


NAS 
Ci.  ),  à  son  iVÎTc  Kli.illl.  INhis  Kd- 
boglia,  qui  j;oiivfiniait  prndaiit  sa 
ininorilc,  le  icic^^iia  Itieiitot  dans  le 
rli.ilcau  de  Karak,  et  s'empara  du 
troue,  ri  ont  il  fut  liii-inèuu-  ciias.se 
|iar  Iiadjyn(  ^.  Kulaoun  ,  Kiialil- 

AscnHAF,    KkTCOGIIA    et    liADJYN   ). 

JNasscr  y  fut  rappoie  après  la  mort 
de  ce  dernier,  eu  OgS  (  r^if)i)  ).  Les 
Tarlares-Mogliols, alors  maîtres  de  la 
Perse,  n'avaient  pas  renoncé  à  leurs 
projets  sur  l'Esjypte.  A  peine  le  sul- 
than  venait  d'y  rétablir  la  train|nillitc 
parla  réduction  de  qnekjucs  èinyrs 
rebelles,  qu'il  fut  oblige  de  marcher 
en  Syrie  pour  s'opposer  aux  troupes 
de  Gbazan-Khan  (  f^.  ce  nom  ). 
Ayant  rencontié  les  Tartarcs  près 
d'Hemesse  ,  le  •>.  i  décembre  1 299  , 
il  perdJt  la  baiaille  ,  et  se  saisva 
en  Rp;ypte,  abandonnant  la  Syrie 
au  pouvoir  des  vainqueurs.  Les  ra- 
vages qu'ils  y  commirent ,  excitè- 
rent le  repentir  des  émyrs  ,  qui  les 
avaient  appelés  uniquement  pour  se 
venger  de  Ladjyn.  i^a  clémence  de 
Nasser  envers  ces  derniers  lui  fut 
tiès-utile.  Il  prit  sa  revanche  sur  les 
IMoghols  ,dans  K^s  plaines  de  Damas, 
le '2^  avril  i3o3.  Après  une  bataille 
qui  dura  deux  jours,  le  sulthan  rem- 
porta unie  victoire  complète.  Les 
ennemis  perdirent  quatre-vint^t  mille 
hommes,  outre  un  grand  nombre 
qui  fut  tué  en  fuyant,  ou  (jui  se  noya 
dans  l'Eufrate^  et  Ghazan, leur  sou- 
verain ,  étant  mort  peu  de  temps 
après,  Oldja'itou,  so/i  successeur, 
s'e/n  pressa  de  concîi'.re  la  paix  avec 
lesAlamlouks.  Ces  triomphes,  céié- 
brésavec  nue  magnificence  inconnue 
même  en  Égvplc,  furent  suivis  de 
nouveaux  succès  obtenus  sur  une  tri- 
bu rebelle,  qui  fut  détruite  dans  le 
Saïd ,  et  sur  le  roi  do  la  petite  Armé- 
nie, dont  les  états  fyrent  livrés  au 
pillage,  (^ueljiie  tcjups  auparaxùiil , 


NAS  587 

Nasser,  en  représailles  des  incur- 
sions (pic  le  j  oi  de  Cypre ,  Henri 
II,  avait  faites  sur  les  cotes  d'E- 
gvpte  avec  le  secours  des  Hospi- 
taliers et  des  Templiers ,  équipa 
une  fbttlc,  et  chassa  ces  derniers  de 
l'ile  d'Arad,  près  deTiipoli.  Tran- 
quille siu"  ses  frontières,  Nasser  se 
vit  encore  en  butte  aux  factions  exci- 
tées par  les  ambitieuses  prétentions 
de  ses  éniyrs.  Pour  s'adiauchir  de 
leur  joug,  il  feignit  d'entreprendre 
le  pélerir.agc  de  la  Mekke ,  et  retour- 
na au  château  de  Karak,  d'où  il  en- 
voya son  abdication,  av.^c  les  orue- 
menis  royaux,  l'an  708  (  1809  ). 
Mais  cette  démarche,  loin  de  le  dis- 
cre'.iler,  le  rendit  plus  cher  aux 
peuples  de  l'Éj^ypte  et  de  la  Syrie. 
Les  trésors  qu'il  avait  trouvés  à  Ka- 
rak,  TaidèreiU  à  gagner  les  gouA^r- 
neurs  des  principales  villes  de  cette 
dernière  province ,  qui  se  déclara 
pour  lui.  Ëibars  II,  qui  avait  été' 
proclamé  s ulihau  au  Caire,  vit  jour- 
nellement diminuer  son  parti  ;  et 
Nasser  parvint  aisément  à  faire  ar- 
rêter ce  faible  rival,  dont  le  règne 
n'avait  pas  duré  onze  mois  entiers 
(  r.  BiBARS  11  ).  Après  lui  avoir  rc- 
prociié  sa  révolte ,  il  ordonna  de 
l'étrangler  en  sa  présence  ;  puLs  in- 
terrompant l'exécution,  il  l'accabla 
de  nouvelles  invectives,  et  donna 
enfin  le  sis^nal  de  serrer  tout  à-fait  lo 
cordon.  Etant  ainsi  remonté  sur  le 
U'ôue  pour  la  troisième  fois,  le  sul- 
tliau  s'y  afferjuit  eu  disgraciant  ou 
eu  faisant  périr  tous  les  émyrs  qui 
lui  étaient  suspects,  et  en  contenant 
dans  de  justes  boriies  l'autorité  de 
ceux  qui  étaient  restés  (idèlcs.  Ce 
fut  alors  qu'il  eut  occasion  de  dé- 
ployer les  talents  et  les  qualités  qui 
l'ont  mis  au  premier  rang  des  souve- 
rains de  l'Egypte.  Elcau  des  grands, 
t!.  cuiiiparablo,  sous  ce  rapport ,  ù 


588  NAS 

Louis  XI,  il  fiU  le  bienfaiteur  tics 
peuples.  Il  abolit  quelques  inipôls; 
et  diminua  les  autres.  Il  protégea  les 
arts,  principalfiueut  l'agriculture, 
et  lit  exécuter  des  travaux  iiuinenscs 
pour  opérer  le  dcIViclicuient  des 
terres  incultes  de  l'Egypte  ,  et  aug- 
menter la  fertilité  des  autres  parties. 
Il  fil  élever  des  ponts ,  des  digues  , 
percer  des  routes,  et  creuser  une  iu- 
liuilé  de  canaux,  entre  autres  ,  celui 
d'Alexandrie ,  qui  fut  achevé  en  qua- 
rante jours.  Il  embellit  ses  états  de 
monuments  vastes  et  somptueux , 
parmi  lesquels  on  peut  citer  la  gian- 
de  mosquée  et  le  palais  du  Caire.  Il 
y  employa  des  colonnes  d'une  gran- 
deur prodigieuse ,  qu'il  tirait  de  la 
Tlieba'ide.  Eufiu,  sous  son  troisième 
règne ,  qui  dura  près  de  trente-trois 
ans  (  terme  que  n'atteignit  aucun 
sulthau  d'Éi;ypte  ,  avant  ni  après 
lui  ),  cette  contrée  parvint  presque 
au  même  état  de  population,  de  ri- 
chesse et  de  prospérité  que  sous  ses 
anciens  rois.  Nasser  -  Mohammed 
s'occupait  sans  cesse  des  plus  minu- 
tieux détails  de  la  police  et  de  l'ad- 
iniiiislration.  Il  savait  le  nom  ,  l'ori- 
gine de  tous  ses  Mamlouks ,  l'époque 
où  ils  étaient  venus  en  Egypte,  le 
marchand  qui  les  avait  venclus ,  leurs 
années  de  service,  etc.  Il  les  récom- 
pensait libéralement ,  et  assignait  des 
terres  aux  invalides.  Les  chrétiens 
de  ses  états  eurent  seuls  à  se  plain- 
dre de  lui.  Dans  un  incendie  qui  con- 
suma une  partie  du  Caire,  en  iSai , 
et  dont  ils  furent  accusés  d'être  les 
auteurs,  parce  qu'on  surprit  deux 
moines  qui  se  sauvaient  d'un  collège 
où  l'on  prétendit  qu'ils  avaient  jeté 
des  matières  combustibles,  le  peu- 
ple massacra  quelques  chrétiens,  en 
demandant  à  grands  cris  que  tous 
les  autres  fussent  exterminés.  Le  sul- 
tiian  sacrifia  plusieurs  de  ces  mal- 


heureux  à  la  fureur  publique,  afin 
de  sauver  les  autres  ,  qui  furent  as- 
sujetis  à  ne  porter  que  des  turbans 
bleus ,  à  ne  monter  que  sur  des  ânes , 
à  n'entrer  aux  bains  puLlits  qu'a- 
vec une  sonnette  au  cgu.  Us  furent 
cxclusdes  charges,  et  l'on  ferma  leurs 
églisesel  leurs  monastères.  Plusieurs, 
pour  se  soustraire  a  ces  avanies,  pri- 
rent le  bonnet  jaune  des  Juifs; d'au- 
tres embrassèrent  I  islamisme.  Nas- 
ser-.Mohammed  ne  laissa  pas  toute- 
fois, à  la  demande  du  roi  de  France, 
Philippe  de  Valois,  d'accorder,  en 
1340.  îa  gHtde  du  Saint-Sépulcre 
aux  Cordeliers,  qui  Vont  conservée 
jusqu'à  nos  jours.  Les  armes  de  ce 
sulthan  pénétrèrent  aux  extrémités 
de  l'Arabie;  ses  états  s'étendaient 
jusqu'à  Malathiah  et  Anah  sur  l'Eu- 
frate.  Comblé  de  prospérités ,  adoié 
de  ses  sujets,  respecté  de  ses  voisins, 
lié  par  des  relations  de  politique  et 
de  commerce  avec  tous  les  poten- 
tats musulmans ,  Nasser  -  Moham- 
med mourut,  en  'j4i  (  '34»  ) ,  dans 
sa  cinquante-huitième  année,  après 
avoir  régné  en  toutenvirou  quarante- 
quatre  ans.  Il  laissa  une  nombreuse 
postérité,  qui  occupa  le  trône  jusqu'à 
la  fin  de  la  dynastie  des  Bahrites; 
et  il  eut  pour  successeur,  son  fils 
aillé,  Aboubekr,  auquel,  avant  de 
mourir ,  il  avait  fait  prêter  serment 
de  (idélilé  par  ses  émyrs.  Ce  prince 
est  appelé  Claudius ,  par  Sanut , 
nom  corrompu  de  Kelaoun,  qui  était 
celui  de  sen  père.  A — t. 

NASSIR-EDDTN  (  Abou-Djafar 
MoHAMMiiD  BEN  Haçan  ),  célèbre  as-  ^ 
trouome  persan,  cité  quelquefois  par 
les  Orientaux  sous  le  simple  nom  de 
Khodjah  (docteur  ),  naquit  l'an  597 
de  l'bég.  (  l'ioi  ) ,  à  Thous,  dans  le 
Khoraçan;ccquilefaitassezfréquem- 
jnc'i-.t  désigner  par  le  surnom  à'.-tl 
TLoussy .  Ou  ue  sait  rien  sur  leb  pre- 


NVS 

micrcs  années  de  sa  vie,  qu'il  em- 

Sloy.i  sans  doulo  à  voyager ,  et  à  e'tii- 
ier  les  auteurs  forces.  Étant  venu 
habiter  le  ('-ouhcstan ,  il  trouva   uu 
Mccciie  dans  le  j^ouvornciir  de  eetle 
province,  ancinel  il  dedi.»  un  Traite' 
de  morale,  iulitidé,  Akhlak  al  Nas- 
siry,  dans  lequel  il  a  ressemble  tout 
ce  qu'Arislote  et  Platon  ont  eeril  sur 
la  sagesse  (i).  H  adressa  aussi  une 
ode  à  Moslasem,  khidyle  de  Bagli- 
dadj  mais  comme  il  avait  oublié  de 
mettre  la  suscri[)tion  ,  Au  khalyj'e 
de  la  surface  de  la  terre  ^  son  pro- 
tecteur le  fit  incarcérer  ,  pour  faire 
sa  cour  à  l'orgueilleus.  Mostasem,  et 
Pcnvoya  comme  otage,  dans  le  clià- 
teau  d'Alamout,  auprès  d'Ala-eddyu 
Mohammed,  prince  des  Ismaéliens 
ou  Assassins.  Nassir-eddyn  y  demeura 
jusqu'à   l'époque  où    Rukn  -  eddyii 
Kliour-Cbah,  (ils  et  successeurd' Ala- 
eddyn,  fut  oblige  tie  cédera  la  puis- 
sance des  Moghuls,  l'an  634    *  -i^G). 
Rokucidyn, avant  de  renheses  châ- 
teaux et  sa  personne   à  Houlagou, 
hii  eiuMy  I  Nassir-ed  lyu    qui  amion- 
ça  au  ciiuquérant  que  la  chute  des  Is- 
maéliens était  écrite  dans  les  astres. 
Flatté  de  celte  prédiction ,  qui  se  réa- 
lisa bientôt,  Houlagou  retint  le  kho- 
d^ali  dans  son  camp,  le  combla  de 
bienfaits  et  de  distinctions,  et  l'ad- 
init  au  nombre  de  ses  favoris.  Les 
renseigne inents  et    les   conseils  que 
Nassir-eddyu  donna  à  ce  prince ,  lui 
furent  fort  utiles  pour  le  succès  de 
sou  expédition  conlre  Baghdad  (  V^. 
Houlagou  ot  Mostasem).  Houlagou, 
devenu  maître  de  la  Perse,  chargea 
Wassir-eddyn  de  faire  construire  uu 
observatoire  à  Meragah ,  dans  l'Ad- 
zerbaidjan,  d'y  réunir  tous  les  livres 


el  les  instruments  nécessaires; le  mit 
à  la  tcle  des  astronomes  qui  y  furent 
attachés  ,  el  lui  conlia  la  .surinten- 
dance de  tous  les  collèges  établis  dans 
son  empire.  Les  fondeiucnls  de  cet 
observatoire  furent  jetés  en  djonraa- 
dy  !•='■.  6^7  (  avril  ou  mai  l'-i^Q). 
Nassir-eddyn  dirigea  l'observatoire 
de    Méragah    pendant    douze    ans  ; 
il    mourut   le  i8  dzoulhadjah  G-j'^ 
(.25   juiu  17.74),   et  fut   enterré  à 
Baghdad,selonAbou!-Fe  la.  Les  nom- 
breux ouvrages  de  ce  khodjah  attes- 
tent son  érudition  et  son  activité.  Ses 
connaissances  embiassaienl  toutes  les 
malières.  I-es  Orientaux  le  placent 
surla  première  lipinedc  leurs  savants, 
et  l'égalent  à  Ptoiétnée,  dont  il  avait 
traduit,  coranicnlé  et  corrigé  le  TV- 
tra  bihlon  el  VAliiiageste.  Il  a  écrit 
sur  la  théologie  et  la  jurisprudence 
des  Musulmans;  sur  la  philosophie,  • 
l'économie  politique,  la  métaphysi- 
que, l'histoire  naturelle,  la  géogra- 
phie,   la   médecine,  la  géomancie. 
Mais  c'est  surtout  comiiie  astrono- 
me et  m. ithématicien,  que  Nassir-ed- 
dyn s'est  rendu  illu.^tre.  Il  a  perfec- 
tionné plusieurs  instruments  anciens, 
partit  uliers  à  ces  deux  sciences;  et 
il  en  a  inventé  de  nouveaux,  exé- 
cutés par  lui-même-,  ou  d'après  ses 
modèles    (i).  Il  fut   chargé    aussi 
de    diriger    la    construction   d'une 
mosquée,  et  de  faire  mouler  l'eau 
jusqu'au  sommet  d'une  montagne, 
par  des  procédés  hydrauliques.  IVas- 
sir-eddyn    n'était   pas    moins    re- 
commandablc  par  ses  qualités  mora- 
les et  sociales  que  par  sa  vaste  éru- 
dition. On  trouvera  de  plus  grands 
détails  sur  la  personne  elles  travaux 
de  ce  savant,  ainsi  que  la  liste  d'un 


(i)  Oii  trouve  uiif  analyse  de  cet  uuvrage  daus  le 
tbme  l^*".  des  Mémoires  (  l^ransnctions  )  de  la  sot-ié- 
tc  littéraire- de  lWnb»f,(  J«i»h.  der  stu:,  mcit^iliai, 


(1)  (>5  i  istriiru-iits.iIuEit  cnpeurvoala  desirip- 
tii)u  (l.iiis  r/As/oi/v  de  t'iistiviioinie  rlu  moyen  dgc, 
paj;.  ■f.no,  el^ueul  ev  bo.s  ,  U  prumittni  lit  |i>u  dÎ! 
piecwiou  U  — ;.— K. 


590  NAS 

grand  nombre  de  ses  ouvrages,  dans 
le  Mémoire  sur  Vohscrvaluire  de 
Méragah ,  par  Jourdain,  Paris, 
j8io,  iii  -  8".  (tire  du  Mw^asin 
enc)clnp,^  i8of),  vi,  43  0187.)  On 
a  publie  à  IiDmc,  dans  la  célèbre 
imprimerie  des  Medicis ,  la  Iraduc- 
tion  arabe  des  treize  livres  dc5  Elé- 
ments d'Euclide  ,  avec  un  commen- 
taire, parNassir-eddyn,  iîJ()!^,\ï\-ïo\. 
de  4 '33  pae;.  (i)  Mais  c'est  principa- 
lement par  ses  fameuses  Tables  II- 
Jihaniennes  { Zeidje-Ilkhaiij) ,  fruit 
de  ses  observations  astronomi(|ues,  et 
re'snme'  de  celles  qui  avaient  cLc  faiîes 
avant  lui,  (jue  ce  savant  a  immorta- 
lisé son  nom  et  la  mémoire  tics  deux 
princes  auxquels  il  les  a  dédiées 
(Honlagoti  et  son  fils  Abaca,  sur- 
nommés Ilklian  ).  La  bibliothèque 
royale  en  possède  un  exemplaire, 
d'autant  phis  précieux ,  qu'il  est  écrit 
de  la  main  d'Asyi-eddyn,  fds  de  ce 
grand  astronome  :-2).  Greaves  a  tra- 
duit en  latin  et  publié  à  Londres,  en 
1652,  une  Table  des  longitudes  et 
des  latitudes,  extraite  des  Tables  II- 
khaniennesde  Nassir-eddyn;  et  on  les 
a  reproduites  en  1711,  dans  le  tome 
III  des  Petits  géographes.     A — t, 

NASSUF-PAŒA.  F.  Nazouh. 

NATHAN  ,  rabbin  ,  président  de 
la  synagogue  deBabylone  ,  et  ensuite 
de  celle  de  Jérusalem ,  vivait  dans  le 
second  siècle,  et  était  contemporain 
de  Rabbi  Siméon  bon  Gamaliel.  Nous 
avons  de  ce  savant  docteur  Mischni- 


(0  \.n  (Jf rnièrp  |)ase  oftie ,  en  liirc,  le  |)iivllr;;e 
<3mul!h':.n  Amuiat  m  ,  pourla  veuU-  du  livre  d  iiis 
•  iius  les  étiils  ulhouians  C'est  par  erreur  que  l'abbé 
de  Kossl  a  cru  que  l'DucJùlc  arabe  im]iri[]iB  ;•  Scu- 
tari ,  au  roiiîuicucenicnt  ilu  dlx-ueuTième  siècle  , 
élalt  ime  rcimpressiciu  de  la  Irailuctum  df  Nassli- 
cddyn.  M.  Sylvestre  de  Sacy  nous  apireud  (  ;>/ug. 
emrcl.,iSi!f,  I  ,7.96  )  ,  que  celle  édition  de  Scuta- 
i-i,  imprimée  l'au de  l'hegire  121G  (1801}  ,  est  uu  nu- 
•vrage  tout  à-lait  diff'eieut. 

(a)  CeslabUi,qiii  uut  ëlé  commonfc'es  par  Cbili 
Cliulgius  ,  supposaient  le  luouvemeut  de  picctsiiou 
a  uu  d.  gré  eu  70  ans. 


NAT 

que  :  Pirhè  avblh  (  Chapitre  des 
pères  ) ,  imprimé  dans  le  Talmudde 
Babylono.  François  Taylor,  minis- 
tre de  Canterbury,  traduisit  cet  ou- 
vrage en  latin,  c:  !c  fit  imprimer  avec 
le  texte  en  regard  et  des  notes  expli- 
catives, Londres,  iG5i ,  in-4".  D.ns 
l'épitrc  dédicatoire  ,  adnsséeà  Jac- 
ques Uslier  ,  arclicvcqiic  d'Armagh  , 
il  avoue  que  ce  livre  de  Natlian  avait 
été  traduit  autrefois  par  Fagius  et  par 
Drnsius,  mais  que  i'impossibiliiéde 
se  procurer  ces  ti-aductions  lui  avait 
fait  entreprendre  I;i  sienne,  différente 
de  la  leur  en  jjltisieurs  endroits.  II. 
Massecheth  cwhih  (  Traité  des  pè- 
res), imprimé  avec  le  précédent  dans 
le  Talmud.  Taylor  en  a  donné  une 
traduction  latine,  Londres,  iGj4j  ^'^• 
4°.  On  a  élevé  quelques  doutes  sur 
l'authenticité  du  Massecheth  avbth. 
Mais  Taylor  nous  semble  les  dissiper 
complètement.  Ces  deux  traités  de 
Nathan  sont  estimés  des  Chrétiens  et 
des  Juifs,  notamment  le  premier, 
dont  on  admire  la  pureté  du  style  , 
quia  eu  un  grand  nombre  d'éditions , 
et  a  été  traduit  en  plusieurs  langues  , 
suivant  l'abbé  de  Rossi  {Dizionario 
storico  degli  aulori  ebrei ,  tome  ii  ). 

NATHAN-BEN-JÉCHIEL ,  pré- 
sident de  la  synagogue  de  liome,  dis- 
ciple de  Mo'ise  Adarsan  ,  vivait  dans 
le  onzième  siècle,  et  mourut  en  1 1  oG. 
Les  écrivains  de  sa  nation  font  le  plus 
grand  éloge  de  son  savoir  et  de  sou 
mérite.  11  est  célèbre  par  un  Diction- 
naire talmudique  ,  intitulé  :  Ariich , 
qu'il  finit  cinq  ans  avant  sa  mort ,  et 
par  lequel  il  a  obtenu  la  qualification 
de  Baal  Ariich  [auteur  du  Disposé). 
Ce  lexique  sert  à  expliquer  chaquo 
mot  des  deux  talmuds ,  qui  se  trouva 
à  la  marge,  par  ordre  alphabétique. 
Il  a  eu  un  grand  nombre  d'éditions^ 
dont  lapremièreestcellcde  i48o,in  • 


NAT 

fol.,  sans  claie,  iiicoiiinic  à  ions  Icsl)!- 
l>Iio;^fa|)lics ,  cxc('j)lc  .tu  s.ivaiU  al)l>c 
de  iiossi ,  qui  eu  a  ilounc  une  des- 
criplioii  (Ic'lalllee  dans  ses  Annales 
heh.-lyp.,  pa;;.  iJt3-4  :  les  aiilns 
éditions  sont  celles  de  Pesaro,  1^17, 
ia-t"ol.  ;  Venise,  i53i  ,  in  -  4".  , 
i553,  info!.,  iG53  ,  in-fol.  ;  Bàlc, 
\5{)[) ,  in-fol.  ,  par  les  soins  d'isaac 
ben  iMoise  ;  Amsterdam,  avec  des 
additions  de  Bcniatiiia  Mussapliia , 
ib.Tj  ,  in-fol.  Philippe  d'Aqiiiu  l'.i 
perfcclijnne  et  irapriiiid  à  Paris  , 
\(yx\)  y  in-fol.  On  a  un  supplé- 
ment de  r .  Iruch  dans  \çiVeiix  mains 
de  )\lenalieiu  de  Ijonzaiio.  Il  existe 
aussi  un  abrège  de  V Aruch,  {Ariich- 
Katzer  ,  )  Cracovie  ,  iJQ-i  ;  Cons- 
t'uitinople ,  1 5 1 1 ,  in-4°- ,  décrit  dans 
la  Continuation  des  Annales  liéhréo- 
typogiuphiijues  de  Jean  Bernard  de 
Rossi ,  |)age  5;  Prague,  1707.  Quant 
aux  imitations  ou  traductions  ,  v')y. 
Wolf ,  lUblwth.  heb.      L — c — e. 

NATHAN  ,  autrement  RABBI- 
ISAAC-NAÏIi.\N  ,  vivait  dans  le 
quinzième  siècle.  Il  est  le  premier  des 
Juifs,  dit  Richard  Simon,  «  qui  ait 
fait  une  concordance  hcbra'ique  de  la 
Bible.  II  la  composa  sur  la  latine 
d'Arlot,  ge'nèral  des  Cordeiiers,  de 
sorte  que  les  Juifs  sont  obliges  aux 
Chrétiens  des  concordances  qu'ils 
ont  maintenant ,  et  qui  sont  abso- 
lument nécessaires  pour  eutendre 
la  massore  ou  critique  du  texte  hé- 
breu. »  Cette  concordance  a  été  im- 
primée sous  le  titre  de  Meir  IVeliv' 
(  Lumière  des  sentiers  )  ,  Venise  , 
i52 4  ,  suivant  Wolf  et  Richard  Si- 
mon, et  non  i5':i3,  comme  le  dit 
l'abbè  deRossi  ;  ib.  t5()4  ,  in-fol.  ; 
Bàle,  i:58i.  Calasio  la  fit  réimprimer 
à  Rome  ,  avec  des  additions  considé- 
rables ,  1620;  etRuxtorf,  à  Bàle  , 
l63i  ,  dans  un  meilleur  ordre  et  avec 
de  nouvelles  additions  :  elle  a  étéauisi 


NAT 


Sqi 


traduite  en  latin  par  Reuculin  ,  et 
abrégée  par  (lillérents  philologues 
(  r.'Wolf).  Rab:.i  Nathan  a  com- 
posé encore  :  I.  Mea  dahberiin 
(  Cent  paroles  ).  II.  Mivlzar  Itz- 
chak  (  Fovtijicalion  d' Isaac  )  ;  dis- 
pute avec  un  Chrétien.  111.  Toca- 
ckad  Mathe  (  F.éf'utation  d'un  sé- 
ducteur ) ,  contre  Jérôme  de  Sainte- 
Fui.  Ces  trois  ouvrages  sont  manus- 
crits (  r.  Wolf  ,  Bihliolh.  hebr. ,  et 
de  Rossi,  Bibliolhccn  giudaica  anti- 
crisii'ina  ,  p.  7(5-77  ).  Le  nom  de 
IMardochce,  qu'on  lui  a  donné  f[uel- 
quefois  ,  a  été  l'occasion  de  plusieurs 
méprises  sur  sa  personne  et  sur  se5 
ouvrages.  L — b — e. 

NATHANAEL.  F.  B-iRTutLEMY 
(  Saint).  lîl.  440- 

NATIVITÉ,  Jeanne  Le  Royer, 
dite  la  sœui*  de  la  ),  fille  d'un  la- 
boureur de  la  Ch.ipeUe-Sanson,  près 
Fougères,naquitle  24  janvier  I73'2, 
et  entra  comme  domestique,  à  l'â- 
ge de  dix-huit  ans  environ ,  d^ns 
un  couvent  de  religieuses  de  Sainte- 
Claire,  appelées  Urbanistes,  à  Fou- 
"ères  :  elle  obtint  eusuile  d'èîre  re- 
eue  sœur  converse,  quoiqu  elic  n  ap- 
])ortàt  rien  en  dot.  Elle  fit  de  grands 
progrès  dans  la  vertu  ;  et  en  mêuie 
temps,  elle  se  crut  favorisée  d'ap- 
])aritions  et  de  révélations.  Ses  pre- 
miers confesseurs  tachèrent  de  la 
détourner  de  ces  voies  extraordi- 
naires; mais  un  nouveau  directeur, 
donné  à  la  maison  en  1790,  l'abbë 
Genêt ,  «ncouragea  au  contraire  la 
sœur  ,  et  écrivit  ce  qu'elle  lui  ra- 
contait de  ses  révélatiiuis.  La  révo- 
lution força  cet  ecclésiastique  de 
passer  en  Angleterre,  et  la  sœur  fut 
(>b!igée  de  quitter  son  couvent  :  elle 
se  retira  chez  son  frère  ,  puis  cliez 
nu  pieux  habitant  de  Foup,ères,  qui 
lui  ulTrit  un  asile,  et  chez  lequel  eiie 
mourut  le   1 5  août   i79y,  dans  les 


t^y^ 


NAT 


.srnliinents  de  |;iclc'  qu'elle  :\\\àt 
jrionUc's  toute  sa  vie,  L'abbe  Gcn.t 
n'avait  point  leuu  secrètes  en  Au- 
gtctcrre  les  révélations  de  la  sœur  de 
la  Nativité;  il  cunimuuiqua  >oii  nia- 
uuscrit ,  et  eu  doniîu  des  copies.  Les 
uiis  approuvèn  ut  ces  rc'vclalions ,  et 
crurent  y  voir  îles  preuves  de  véri- 
té; d'autres  suspendirent  leur  juj;;e- 
meul  sur  les  vivions  et  les  ])rédic- 
tioH.s  qui  rcnijdissaient  l'ouvrage. 
L'abbé  Genct,  clam  revenu  en  Frai- 
ce  après  la  mort  de  la  sœur,  reeuei!- 
lit  encore  de  nombreux  luanusciils 
qu'elle  avait  dictes.  Il  mourut  su- 
bitement en  1817  ,  laissant  ces  ma- 
nuscrits à  un  aiiii ,  qui  les  A'endit 
à-  un  libraire  de  Paris.  On  en  lit  une 
première  édition,  en  3  vol.  in  -  12  , 
M3US  le  titre  de  fie  et  révélations 
delà  sœur  dt  la  Nalivilé.  Ij'ouvra- 
ge  est  compose  d'un  Discours  prc- 
lim'naire  de  l'abbc  Genel,  pour 
iViontrer  que  la  soiur  était  ins])iree  ; 
^'uii  Abré<^é  de  la  vie  de  la  sœur , 
par  le  même  ;  d'une  Fie  intérieure 
de  la  sœur,  écrite  ou  plutôt  dictée 
par  clic;  de  ses  liévelaùons .  qui 
sont  aussi  nombreuses  qu'extraordi- 
naires. Elle  raconte  beaucoup  de 
choses  sur  l'état  futur  de  l'Lglise  et 
sur  la  fin  du  ujonde.  Il  )  a  certaiue- 
lUcnt  daus  le  livre  des  détails  et  des 
assertions  qui  olircnt  quequc  priseà 
la  critique;  mais  i!  y  a  aussi  des  mor- 
ceaux pleins  de  ];iète  et  inèmc  d'e- 
Ic'vation.  Le  troisième  volume  est 
compose  de  ]neces  fort  diverses  , 
entre  autres  d'un  Recueil  d'autori- 
tés en  faveur  de  l'ouvrage  ;  d' Ob- 
servalicns  àc  Genêt,  dans  le  même 
seîis  ,  et  d'une  Relation  faite  par 
lui  des  huit  dernières  années  de  la 
vie  de  la  sœur.  En  1819  ,  il  a  pan» 
une  seconde  édition  de  la  Vie  et  ré- 
vélations de  la  sœur;  elle  est  en  4 
vol. ,  dans  les  deux  furnialb  in  -  b"". 


NAT 

cl  in -12,  l'éditeur  ayant  ajout*;' 
nu  quatrième  volume,  lempli  eu 
entier  par  un  nouveau  Suppîcnici.t 
que  la  sœur  avait  dicte,  dans  les 
derniers  temps,  aux  religieuses  qui 
étaient  daus  sa  confidi  nce.  Il  a  paru 
une  Analyse  et  ini  Examen  de  cet 
ouvrage ,  dans  VAnii  de  la  leli^ion 
cl  du  roi  (  xxui ,  3i  i  ,  385  ;  xxiv  , 
1 93  ).  L'auteur  discute  le  pour  el  le 
contre,  et  donne  les  raisons  qui  lui 
paraissent  motiver  quelque  de'liance 
sur  un  sujet  si  délicat.  Son  jugement 
à  ctc  attaque  dans  une  Réponse  de 
mon  oncle  sur  la  censure  des  réi>élu- 
tions  de  La  Nativité.,  16  p.  iu-8". , 
.>aus  indication  d  auteur,  de  lieu  (<u 
d'année.  Cet  écrit  n'a  point  paru 
tiès-foit ,  et  l'auteur  convient  au  sur- 
plus que  tout  n'est  pas  vrai  dans  les 
révélations  de  la  sœm;  voyei  aussi 
la  Chronique  religieuse,  tome  m, 
])ag.  ^46.  —  Une  autre  sœur  Jeanne 
de  la  Nativité,  ursuline,  est  auteur 
du  Triomphe  de  l'amour  divin,  dans 
la  vie  de  la  benne  Armelle ,  Paris  , 
1 G83 ,  in- 1 'i .  P — c — t. 

NATOIRE  (CûARLLs).peinire, 
directeur  de  l'académie  de  Fiance 
à  Rome,  naquit  à  Nîmes  le  3  mars 
1700.  Formé  dans  l'atelier  de  Le- 
movue,  dont  on  a  prétendu  qu'il 
n'avait  guèi  e  pris  que  les  défauts ,  il 
tint  cependant  de  boime  heure  un 
rang  distingué  daus  l'école  fran- 
çaise avant  qu'un  de  ses  propres 
élèves,  Yien  ,  l'eût  ramenée  à  l'é- 
lude de  l'antique ,  au  goût  de  la  sim- 
plicité el  à  l'imitation  de  la  nature. 
Ce  ne  fut  pas  dans  ses  leçons  que 
cet  illustre  discijile  jiuisa  ces  prin- 
cipes. Quand  celui-ci  parlait  de  tra- 
vailler d'après  natuic,  le  maître  ne 
le  comprenait  pas  ;  el  il  lui  paraissait 
surtout  impossible  que  la  nature  eût 
pu  fournir  les  modèles  des  figures 
placées  si'.r  le  second  et  sur  le  Iroi- 


NAT 

sième  plan  des  tableaux  exe'ciite's  sui- 
vant le  nouveau  .svïtcine.  Quoi  qu'il 
en  soit ,  le  principal  mérite  de  Na- 
toire  consistait  dans   la  conecliou 
du  dessin,  bien  qu'on  ait  dit  qu'il  le 
possédait  à  nu  dcjjre  plus  eiuinent 
sur  le  papier  que  sur  la   toile.  On 
reproche  à  son  coloris  d'élre  géné- 
ralement faible  et  j^ris.  Toutefois  ses 
partisans  ont  compare,  même  sous 
le  rapport  de  la  couleur,  son  tableau 
d'un  Ange  arrachant  la  flèche  de  la 
plaie  de  saint  Sebastien  aux  meil- 
leurs ouvrages  du  Guide,  sous  lequel, 
au  reste,  l'art  avait  déjà  dégénère.  Ses 
lobleauxles  plus  estimés  sont  ceux 
qui  ornaient  les  appartements  du  pre- 
mier étage  du  château  de  Versailles , 
un  salon  de  l'hôtel  de  Soubise,  et  la 
chapelle  des  Enfants  -  Trouvés   de 
Paris.  On  fait  cas  aussi  des  peintures 
dont  il  a  décoré  en  partie  les  pan- 
neaux entre  les  fenêtres  du  cabinet 
des  médailles  et  des  antiques  de  la 
Bibliothèque  du  roi  ;  mais  la  plupart 
de  ces  productions   ont  été  retou- 
chées, et  n'ont  rien  gagné  à  cette  opé- 
ration. Le  burin  des  plus  habiles  gra- 
veurs ,   tels  que  Fcssart ,    Aveline  , 
J.-J.  Flipart,  élève  de  Laurent  Cars, 
etc.  ,areprodiiitles])lus  renommées. 
Après  avoir  été,  pendant  près  de 
vingt  ans,  à  la  tête  de  l'académie  de 
France  à  Pvoine,  où,  successeur  de 
Troy,  il  fut  remplacé  par  \ienj  il 
quitta  cette  direction  en  1775,  soit 
que  son  âge  ne  lui  laissât  pbis  assez 
de  force  et  d'activité  pour  un  tel 
cmpîoi,  soit  que  l'abus  qu'il  y  avait 
peut-être    fait  de  son  autorité    ne 

})ermît  pas  qu'il  en  conservât  plus 
ong-temps  l'exercice.  Partisan  zélé 
des  Jésuites ,  il  avait  accueilli ,  avec 
nue  bienveillance  particulière,  ceux 
de  leurs  écrivains  qui  étaient  venus 
chercher  à  Rome  un  refuge  contre 
les  poursuites  des   parlements.  Le 


NAT  5o3 

fameux  abbé  de  Caveirac,  son  com- 
patriote ,  qui  avait  surtout  obtenu 
sa  confiance,  exerçait  sur  son  es})rit 
l'ascendant  le  plus  al'solu.  Ce  fut  dit- 
on,  sous  l'influence  des  coiiseils  de  ce' 
dernier,  que  Nat^ire  osa  prendre  sur 
lui  d'expulser  de  l'acadériiie  un  pen- 
sionnaire du  roi,  nommé  Mouton, 
pour  ufavoir  pas  rem[)li  le  devoir 
pascal.  Le  jeune  ariiste  se  pourvut 
au  Cliàte  et  contre  une  décision  aussi 
violente  et  aussi  illégale;  et,  après 
plusieurs  années  de  débats  judi- 
ciaires ,  qui  accablèrent  de  dégoûts 
et  de  ridicules  la  vieillesse  de  son 
adversaire,  celui-ci  fut  condamné  à 
20,000  francs  de  dommages  -inté- 
rêts. Exclusivement  occupé,  depuis 
cet  événement,  de  pratiques  de  piété, 
Natoire  termina  sa  carrière  à  Cas- 
telgandolfo,  à  la  fin  du  mois  d'août 
1777.  V.  S.  L. 

NATTDAG  (  AuELSON  )  ,  séna- 
teur de  Suède  dans  le  dix-septième 
siècle,  était  d'une  famille  qui  passe 
pour  la  plus  ancienne  du  pays,  et 
qui  est  maintenant  éteinte.  Le  sa- 
vant Jean  Messenius  dirigea  ses 
études.  11  fit  ensuite  un  voyage  pour 
les  perfectionner,  et  fut  employé  à 
sou  retour  par  Gustave  Adolphe  dans 
plusieurs  circonstances  importantes. 
II  parvint  à  apaiser  une  émeute  qui 
s'était  élevée  dans  la  province  d'Ù- 
pland,  a  l'occasion  d'un  impôt  ordon- 
né pour  subvenir  aux  Irais  de  la 
guerre  d'Allemagne;  et  il  lit  rentrer 
le  peuple  dans  le  devoir  sans  eiFu- 
sion  de  sang.  I  a  dignité  de  sénateur, 
celle  de  maréchal  du  royaume,  et 
le  tilre  de  baron,  récompensèrent  ses 
services.  Il  mourut  en  itijj,  lais- 
sant quelques  ouvrages  en  latin  : 
Dissertatio  juridico-pL'Utica  de  re~ 
s,idsuccessione  ^Tuh'm^nc,  1 6 1 4 ,  in- 
4".;  —  Oratio  conlra  Poloniam  ^ 
Amsterd.;,  i636^  in-b**.  C — au. 
38 


5r,i  NAU 

î^  AU  (  Michel  ) ,  missionnaire  et 
voyageur,  né  à  Fiiris,  en  i63i  , 
d'une  famille  anoblie  par  Henri  IV 
en  i6o(3,  entra  jeune  dans  la  société' 
des  Jësiiites  ,  où  il  se  (it  estimer  par 
ses  talenls  et  par  ses  vertus.  Après 
s'être  dévoué  a  l'instruction  de  la 
jeunesse ,  il  fut  choisi  par  ses  su- 
périeurs ]>our  se  consacrer  aux  mis- 
sions dans  les  pays  orientaux  ,  et 
s'en  acquitta  avec  de  grands  succès. 
il  mourut  à  Paris  ,  le  8  mars  i()83. 
Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  esti- 
més :  I.  Foyage  nouveau  delà  Terre- 
Sainte  ,  Paris  ,  1679  ,  iu  12,  réim- 
primé ,  en  l'^o'i  •  curieux  et  non 
moins  édifiant  qu'utile.  II.  Ecclesiœ 
romanœ  grœcrqae  vera  effigies , 
Paris,  1G80,  in-4'^.  La  manière dotit 
il  traite  son  sujet,  est  fort  simple  en 
apparence  ;  mais  dans  le  fond  el  le  est 
fort  adroite  et  solide.  III.  h' Etat 
présent  de  la  religion  mahoinétane , 
a""^.  édit., Paris,  Bouillerot,  iG85, 
1  vol.  in-ra.  —  Son  frère  Nicolas 
Nau,  de  la  même  société,  a  écrit  en 
latin  une  Oraison  funèbre  du  cardi- 
nal de  la  Rochefoucauld  ,  i(345  , 
in-8"\  C.  T— Y. 

NAUBERT  (  BÉNÉDICTE  )  ,  la 
romancière  la  plus  féconde  de  l' Alle- 
magne ,  née  à  Lfipzi'j; ,  en  \'j^5  , 
était  (ille  du  professeur  Hobenstreit , 
mariée  à  un  négociant  de  Naumburg: 
elle  a  piblié,  depuis  l'année  178.5  , 
sous  le  voile  de  l'anonyme ,  un  très- 
grand  noini)re  de  ri  mans  ,  qui  ont 
obtenu  beaucoup  de  succès.  Ce  ne  fut 
qu'en  1817  ,  que  le  public  allemand 
connut  enfin  le  nom  de  cet  auteur 
modi'ste,  dont  les  ouvrages  avaient  été 
attribués  à  plusieurs  écrivains  célè- 
bres. M'w^Naiibertest  morte  à  Leip- 
zig, le  i.i  janvier  1819.  après  avoir 
suj)|)orté  pendant  plusieurs  années, 
avec  une  admirable  résig;iation  ,  la 
perte  de  la  vue  et  celle  de  l'ouie. 


NAU 

Quelques-uns  de  ses  nombreux  ou- 
vrages ont  été  traduits  en  français  , 
entre  autres,  herrmann  d'Uinia  , 
Elisabeth  de  Toggenburg,  f^Valther 
de  Montbarry  ,  Tliekla  de  ïliurn  : 
plusiems  autres  ,  tels  que  Cowadin 
de  Souabe ,  Emma  fille  de  Charle- 
magne,  Felleda^ct  surtout  Azaria, 
son  dernier  ouvrage  ,  mériteraient 
aussi  de  trouver  des  traducteurs. 
P.  L. 
NAUCLERUS  (  Jean  Vergen  , 
plus  connu  sons  le  nom  de),  célè- 
bre chroniqueur ,  était  né  vers  i43o, 
dans  la  Souabe,  d'une  famille  no- 
ble. Après  avoir  rempli  les  fonc- 
tions de  précepteur  d'Eherhard  , 
duc  de  Wurtemberg ,  il  reçut  les  or- 
dres sacrés ,  et  fut  nommé  prévôt  de 
l'église  de  Sluttgard  en  1  4^0 ,  et 
dix  ans  après  de  celle  de  Tubingen. 
Eberhard,  à  son  retour  des  croisa- 
des, ayant  fondé  une  université  eu 
cette  ville,  pourvut  aussitôt  Naucle- 
rusdela  chaire  dedroit  canon,  qu'il 
remplit  d'une  manière  distinguée. 
Il  en  fut  premier  recteur  en  i477  , 
et  ensuite  grand  -chance'icr.  Nau- 
clerus  vivait  encore  en  i5oi  ;  el  l'on 
croit  qu'il  mourut  vers  l'an  i5io. 
On  a  de  lui  une  67tro7!iVy?<e  eu  latin, 
depuis  la  création  ;  elle  est  esti- 
mée particulièrement  pour  les  faits 
qui  se  sont  pa^isés  dans  le  quinzième 
siècle  et  que  l'auteur  rajiporte  com- 
me témcin  ocu'aire.  La  première 
édition  (Tubingen  ,  i5oi  ,  in-fol.  )  , 
est  irès-rare,  sans  être  recherchée. 
Il  eu  parut  une  seconde  dans  la  même 
ville,  en  i5i6,  in-fol.  ,  avec  une 
Continualion  par  Nicol,  Basel;  elle 
est  sortie  des  presses  de  Th.  Ans- 
helmi  (1);  et  l'on  tait  que  le  fameux 


(i)Tlioioas  Ausbeluii,  noinai>>  quelquefois  Tho- 
mns  Budeiisii,  parce  qu'il  «lait originaire  He  Badrii  , 
fut  ensuite  impriiucur- libraire  à  Ha!;ueiijU  ,  où  il 
douiia  ,  en  1621 ,  iiuo  bonue  tditiou  d'Hesvchius   U 


NAU 

Melanchtlion,  alors  coiroctoiir  dans 
cette  iiiipiinicric,  la  revit  avec  le 
])liis  grand  soin  (  F.  le  Theatr.  vi- 
lor.  t^'•/a/t<t»,'•.  de  Zeltner  ,  p.  354): 
«ettc  édition  a  servi  fie  base  à  toutes 
celles  qui  ont  suivi  dans  le  seizième 
siècle.  La  plus  complète  est  celle  de 
Cologne,  i5G4,  '^  vol.  in-fol.,  ,avcc 
une  Cuntiniialion  par  Lauf.  Surius. 
Mclcluor  Adam  a  insère  une  courte 
Notice  sur  Nauclerus  dans  les  niœ 
y'iilosoph.  et  philo  la  go  r.  ;  et  Dan. 
Gnill,  Moller  a  publie  une  Disser- 
tation lat.  sui-  ce  chroniqueur,  Alt- 
dorf ,  i6()7  .  iu-4".  W — s. 

NAUGYDES  ,  sculpteur  grec ,  na- 
quit à  Argos  ,  et  fleurit  entre  la  90^. 
et  la  (j')".  olympiade,  4'-*o-4oo  ans 
avant  J.-C.  Il  était  (ils  de  lAIothon  et 
frère  de  Pèriclète,  cmule  et  contem- 
porain de  Cauachus  ,  Patroclc  et 
Dioniède.  Il  marcha  sur  les  traces 
de  Phidias  et  de  Polyclète ,  dans 
l'art  d'employer,  pour  la  statuaire, 
l'ivoire  et  les  métaux.  Ce  fut  ainsi 
q  l'il  (it ,  pour  Coriutlic  ,  une  statue 
d'Hèbc.  Il  fondit ,  en  bronze  ,  une 
statue  d'Hécate,  et  celle  d'Erinna, 
lesbienne  célèbre.  Ses  ouvrages  les 
plus  vantés  furent  un  Mercure  ,  un 
^Sacrificateur  immolant  un  bélier, 
et  surtout  son  Discobole,  dont  on 
croit  reconnaître  la  répétition  dans 
quehpies  statues  antiques  qui  nous 
sont  parvenues  ,  entre  autres  dans 
celic  qui  est  au  Musée  royal  de 
Paris.  Une  de  ses  statues  sert  à  éta- 
blir une  hypothèse  sur  le  temps 
où  il  a  vécu  :  c'est  celle  d'Euclès  le 
Khodien,  vainqueur  au  pugilat,  et 
petit-fils  de  ce  célèbre  athlète ,  Dia- 
goras,  que  ses  deux,  (ils  portèrent 


iiiilJiiiiiall ,  fn  iîo3,  à  Pforlilifiin,  oîi  il  publia  le 
linilc  du  Uali.iu  Mam-  Du  laudibns  crucis  ,  (ju'il  ac- 
c>Jiii[>.ijiia  de  ce  distique  : 

Est  natale  9  iliiia  Bad 'D  :  sedes  milii  Pliorcvs; 
Uicirt-  el  Aiiihelini  ljiblioi>ola  Thomas, 


NAU  Ùi/> 

en  IrioiHj/he  au\  jeux  olymjnqucs , 
]).)ur  lui  faire  houimage  de  ia  vic- 
toire qu'ils  venaient  eux-  mêmes  de 
l'emporter  d.ins  la  Bu",  olympiade. 
Eudes  était  fils  de  leur  sœur;  et  sa 
victoire  n'a  dû  suivie  ((ue  d'environ 
1  j  ou  20  ans  celle  de  ses  oncles. 
On  voyait  à  Rome,  dans  le  temple 
de  la  Paix ,  une  statue  faite  par 
Naucydès,  et  qui  y  avait  été  appor- 
tée d'Afgos.  Il  eut  pour  élèves  Aly- 
pus  de  Sicyone,  dont  Pausanias  cite 
plusieurs  ouvrages,  et  un  Pulyclète 
d'Argos  autre  que  le  sculpteur  de  la 
Junon  d'Argos.  E — s — e. 

NAUDÉ  (  Gabriel  ),  fameux  bi- 
bliographe ,  el  l'un  des  savants  les 
plus  distingués  de  son  temps'  na- 
quit à  Paris ,  le  'i  février  1 600.  Après 
avoir  achevé  ses  humanités  et  sa 
])hilosophie  avec  beaucoup  de  suc- 
cès, il  s'appli>|iia  de  préférence  à  la 
médecine;  et  l'on  sait  (pi'il  suivit,  en 
même  temps  que  Gui  Patin,  le  cours 
de  René  Moreau,  qui  jouissait  alors 
d'une  grande  réputation  (  r.  Mo- 
reau ).  Le  goût  de  Naudé  pour  les 
livres  s'était  manifesté ,  pour  ainsi 
dire ,  dès  son  enfance  ;  et  les  connais- 
sances qu'il  avait  acquises,  dans  tout 
ce  qui  constitue  le  maiériel  des  ou- 
vrages et  leur  classification,  détermi- 
nèrent le  président  de  Mesraes  à  lui 
confier  la  direction  de  sa  bibliothè- 
que; mais  cet  emploi  le  détournant 
de  ses  éludes  médicales ,  il  y  rcnou- 
ça  ,  et  se  rendit,  eu  i6i6,  à  Padoue, 
pour  y  achever  ses  coui-s.  La  mort 
de  son  père  l'obligea  de  revenir  à 
Paris,  la  mcine  année.  En  1628,  la 
faculté  de  médecine  le  chargea  du 
discours  de  clôture  des  examens  pour 
la  réception  des  bacheliers  ;  et  cette 
pièce ,  qui  fut  imprimée,  donna  une 
idée  avantageuse  de  son  érudition. 
Sur  la  recommandation  de  Dupuy, 
le  cardinal  de  Bagni  choisit  ^'audc 
38.. 


SqG 


NAU 


pour  bibliothécaire  ,  et  l'emmena  à 
îiome,  en  iG3i.  Il  s'y  lit  bif^iilot 
connaître  par  quebjucs  dissertations 
sur  difiërents  <  bjels  (l'aMti([uilc,  et 
reçut  des  preuves  multipliées  de  l'es- 
time (pi'àvaient  inspirée  ses  talents 
et  la  noblesse  de  son  caractère. 
Ayant  élë  nomme  ,  en  i633  ,  méde- 
cin ordinaire  de  Louis  XITI,  il  re- 
prit ses  éludes  médicales  qu'il  avait 
interrompues  ;  et  pour  se  rendre  plus 
digne  d'un  litre  aussi  honorable,  il 
alla  rcccA^oir  le  laurier  doctoral  à 
Padoue.  Après  la  mort  du  cardinal 
de  Bagni ,  son  protecteur,  dont  la 
mémoire  lui  l'ut  constamment  chère, 
Naudé  passa,  comme  Libliothécaiie, 
au  service  du  cardinal  Barberini.  Il 
était  encore  secrétaire  du  premier  , 
lorsque  D.  Grég.  Tarisse  ,  général 
de  la  congrégation  de  Saiut-Maur  , 
demanda  que  la  nouvelle  édition  de 
l'Imitation  de  Jésus  -  Christ ,  qui 
s'imprimait  au  Louvre  ,  portât  !e 
nom  de  J,  Gersen,  s'appuyant  de 
l'autorité  de  quatre  manuscrits  de  la 
bibliothèque  des  Bénédiclius  de  Ro- 
me, Le  cardinal  de  Richelieu,  avant 
de  rien  statuer  à  cet  égard,  fit  écrire 
à  Rome;  et  Naudé  fut  chargé  par  le 
cardinal  de  Bagni  d'examiner  ces 
manuscrits.  Sa  réponse  n'ayant  pas 
été  favorable  aux  prétentions  des 
Bénédictins  ,  leurs  adversaires  la 
firent  imprimer  ;  et  il  s'ensuivit  une 
longue  discussion,  que  termina,  en 
ï65'2,un  arrêt  du  parlement,  por- 
tant suppression  des  paroles  inju- 
rieuses employées  de  paît  et  d'au- 
tre (i).  Naudé  ne  resta  que  quel- 


(0  Om  |)<iit  voir,  pour  plus  de  d.'lails  sur  reite 
l'iuiîiip  queriUp,  uMirciesarticl.sGERSON,  (rER.SE\, 
KeMPIS,  FRdNHKAl),  ',)UATR1ÎM\IRE,  VaLGI:\- 
VE.  Pb.  t'.HIFFI.ET,  HeseR  ,  i-k.  .  \e^  Considéra- 
tions sur  la  ijueslivn  rnlnti^'e  U  l\.uleurds  l'Imita- 
tion ,  etc.  ,  pnr  M.  Gcnce ,  à  la  suite  flp  Ja  Dissolu- 
tion di-  M.  Aut  Alix.  Bai  hier,  sur  soixanle  Irafluu- 
tiODS  frHMc  .is  s  <{-  rTiuilntioii  de  J.;«n«  -  Christ  , 
i'aris,   iSii,  iu-ja.   Voj.i  aussi  i  U   liu  i'iua.c*- 


NAU 

ques  mois  attaché  au  cardinal  Bar- 
berini ;  il  fut   rappelé  à   Paris,  eu 
iG4'i  ,   par  le  cardinal   de  Riche- 
lieu, qui  se  proposait  de  lui  confier 
le  soin  de  sa  bibliotlièque  :  mais  ce 
ministie  étant  mort  la  même  année, 
il  serait  resté  sans  emploi ,  si  le  car- 
dinal Mazarin  ne  se  fût  hâté  de  l'at- 
tacher à  sa  personne.  Ce  fut  alors 
que  Naudé  forma  cette  bibliothèque 
moins  fameuse  encore  parle  nombre 
que  par  le  choix  des  ouvrages  dont 
elle  se  composait.  Il  visita  la  Fran- 
ce, rilaiie,  l'Allemagne,  dans  l'uni- 
que but  de  se  procurer  des  livres  ;  et 
il  parvint,  dans  l'espace  de  dix  ans, 
à  réunir  quarante  mille  volumes,  et 
une  foule  de  manuscrits   précieux. 
Naude  eut  la  douleur  de  voir  dis- 
perser une  collection  qui  lui  avait 
coûté  tant  de  peines  et  de  soins.  Eu 
vain  il  supplia  le  parlement  de  s'op- 
poser à  la  vente  d'une  bibliothèque, 
«  la  plus  bellç  ,  disait-il ,  qui  ait  ja- 
»  mais  été  au  monde,  et  dontlarui- 
»  ne,  ajoutc-t-il,  sera  bien  plus  soi- 
»  gneusement  marquée  dans  toutes 
»  les  histoires  et  calendriers,  que  n'a 
»  jamais  été  la  prise  et  le  sac  de 
»  Gonstanlinople»  {ylvis  à  nusicii^. 
dupàiiem.,  voy.  ci-dessous).  La  hai- 
ne aveugle  qu'on  portait  au  ministie 
empêcha  d'écouter  de  si  toirchantes 
roclamalions.    La    b:bliolhè.jue    du 
cardinal  Mazaiin  fut  vendue  eu  iGji  ; 
et  ÎNaudé  racheta  tous  les  livres  de 
médecine  pour  la  somme  de  trois 
mille  cinq  cents  francs  ,  sacrifice  qiii 
devait  être  considérable  pour  lui  , 
car  il  n'avait  pas  de  fortune.  IVLiza- 
rin  ,  si  prodigue  pour  les  siens  de  l.i 
fortune  publique  ,  n'avait  donné  à 
Naudé  qu'un  cauonicat  de  Verdun, 
et  le  prieuré    de  l'Artige,  qui  lui 

tiou  drs  pièces  du  proi  es  ,  et  celle  des  ouvrages  sur 
la  cout'slnlion  ,  faits  ou  public»  par  Naudé,  paj. 
169- I-j. 


NAU 

rapportaient  19.00  liv.  dp  renie.  11 
;K(:c|4a  donc  la  pidposilion  tpic  lui 
fitlarciiioCliristinoTdo  vcnir;'i  Slock 
liolm  ,  preiidic  I.1  diri-ctioi)  de  sa  lji- 
liliollièqne;  mais  le  climat  rigoureux 
de  la  Suède  ,  avant  altère  sa  saute  na- 
turellement délicate,  il  repassa  en 
France,  coraltlc  des  présents  de  la 
reine.  Les  fatigues  de  la  Iraverse'e 
l'obligèrent  de  s'arrêter  à  Ahbevillej 
et  il  y  mournt  de  la  fièvre,  le '.>.f) 
jnillet  16.53  ,  à  l'âge  de  53  ans.Nau- 
de  était  un  homme  de  mœnrs  irre'- 
prochaliles;  il  était  très-sobre,  ne 
buvait  jamais  que  de  l'eau,  et  em- 
ployait tout  son  temps  à  l'étude.  A 
des  connaissances  anssi  variées  qu'é- 
tendues ,  il  joignait  beaucoup  de  ju- 
gement et  un  esprit  supérieur  à  son 
.siècle.  Il  disait  franchement  son  opi- 
nion ,  et  la  défendait  avec  une  viva- 
cité qui  contrastait  avec  sa  douceur 
ordinaire.  Quelques  risioristes  ont 
cherché  à  faire  suspecter  ses  prin- 
cipes religieux  ;  mais  leurs  accu- 
.sations  n'ont  pas  le  moindre  fon- 
dement ;  et  ce  n'est  que  par  suite  de 
son  système  que  Svivaiu  Maréchal 
a  inscrit  le  nom  de  Naudé  dans  le 
trop  fameuxDiclionn.  des  athées  (  F. 
Maréchal  ).  INaudé  a  publié,  avec 
des  Préfaces  la  plupart  intéressan- 
tes ,  quelques  ouvrages  de  Hiolaa , 
de  Cardan  ,  de  Léonard  Aictin  , 
d'Ad.  liîackwood,  de  Léon  Allatius , 
de  J.  B.  Doni,  d'Ans;.  I^ifo,  de  Jac. 
Rorarins,  de  Suarès ,  évcquc  de  Vai- 
son  ,  etc.  11  a  composé  en  outre  un 
grand  nond)re  d'opuscules,  dont  ou 
trouveia  les  titres  dans  le  tome  ix 
des  Mémoires  de  Niceron,  et  dans 
les  Diclionn.  de  iMorcri  et  de  Chau- 
icpié.  Les  principaux  sont  :  1.  Le 
Majore  ou  Discours  contre  les  li- 
belles, Paris,  iG'.io ,  in-8<*. ,  ouvrage 
extrêmement  rare  ,  mais  qui  est  cité 
dans   les  Apes  Urbame ,  de  Léon 


NAU 


^07 


Allatius,  avec  l'indication  de  l'ira- 
priuieur  apud  .^Inysium  lioulenge- 
rwii.  II.  Jnslruction  à  la  France^ 
sur  la  vérité  de  l' histoire  des  frères 
de  la  Jiose-croix,  ibid. ,  iG^S,  in- 
8".  et  in-4".  ,  rare  Naudé  y  prouve 
que  les  prétendus  frères  de  la  Rose- 
croix  ,  qui  avaient  paru  en  France 
cette  année,  étaient  des  fourbes  qui 
cherchaient  à  trouver  des  dupes,  en 
promettant  d'enseigner  aux  adeptes 
l'art  de  faire  de  l'or  et  d'autres  secrets 
non  moins  merveilleux  (  F.  Maier, 
xxvi ,  23'2  ).  Ce  curieux  opuscule  est 
ordinairement  réuni  à  une  autre  bro- 
chure intitulée  :^-/t'eraV5emeHf  fl;t5«- 
jet  des  frères  de  la  Rose-croix.  U 
a  été  réimprimé  avec  la  Continua- 
tion de  V histoire  des  jjroiçrès  de 
Vhéréùe  ,  par  Cl.  Malingre.  111. 
y/folof^'e  pour  les  grands  hommes 
faussement  soupçonnés  de  magie , 
iî.id. ,  i6'25,  in -8".  Cet  ouvrage, 
qui  se  ressent  de  la  jeunesse  de  l'au- 
teur, et  qui  n'est  ni  exact  ni  pro- 
fond ,  a  eu  plusieurs  éditions  ;  la 
meilleure  est  celle  d'Amsterdam , 
^■J\'2,  ïn  -  Q°. ,  augmentée  de  quel- 
ques remarques,  par  l'éditeur  ano- 
nvme.  ]Naudé  v  prend  la  défense  de.s 
sages ,  anciens  et  modernes  ,  ac- 
cusés d'avoir  eu  des  génies  familiers, 
tels  que  Socrate,  Aristote,  Pîotin , 
etc.,  ou  d'avcir  acquis,  par  la  magie, 
les  connaissances  qui  les  rendirent 
l'objet  de  l'admiration  de  leurs  con- 
temporains. Le  père  Jacques  d'xVu- 
luu  ,  capucin  ,  a  essayé  de  réfuter 
Naudé,  dans  son  livre  de  ïlncré- 
dulilè  savante  AN  .Avis  pour  dresser 
wie bibliothèque,  ihïA.,  16.27,  in  8*'., 
réimprimé  en  «644 >  avec  l'ouvrage 
du  P.  Jacob  :  Traité  des  plus  belles 
Bibliothèques  {P'.S.w.on).  Jean-An- 
dré Schmidt  en  a  inséré  une  traduc- 
tion latine  ,  anonyme ,  dans  les  Ad- 
ditions au  Recueil  de  Maderus  :  Vo 


5qS  .NAU 

blhUothecis  (  V.  INIadehus  ,  XXVI, 
yi  ).  Cet  ouvraj^c,  surpasse  depuis, 
renferme  des  conseils  qui  peuvent 
être  trèsiililes  anx  personnes  clutr- 
gees  de  former  on  de  conserver  les 
liibliothèques  publiqncs.  \.  Addi- 
tion à  l'histoire  de  Louis  XI,  conte- 
nant plnsieurs  recherches  cnrienscs 
snr  diverses  matières,  ibid.,  i63o, 
in-8";  réimprime  dans  le  Siipplein. 
à   l'édition  des  Mémoires  de  Pli  il. 
deComincs  ,  ])nbliëe  par  Godcfrov. 
îsaiide'  s'attache  à  pronver  qne  nos 
rois  ont  constamment  montré  beau- 
coup d'alfection  pour  les  lettres,  et 
que  Louis  XI,  en  particulier,  leiira 
rendu  de  gran.ls  services.  Le  chap. 
VII ,  qui  traite  de  l'origine  et  de  l'é- 
tablisseraentde  l'imprimerie  en  Fran- 
ce, a  éié  inséré,  par  Prosp. Marchand, 
dans  son  Histoire  de  V imprimerie  : 
il  a  été  traduit  en  latin  par  iMath.- 
Jacq.  Stcyer;  et  Chr.  Wolf  a  publié 
cette  traduction  dans  les  Momimen- 
ta  trpop;raph. ,  i,  48G.  VI.  De  stu- 
dio liberali  srnîapna,  Urbin.  i632, 
in-4".;  Rimini,    i633,  in -8°.,  et 
dans  le  Recueil  De  studiis  institu- 
f  «^/.v ,  Amsterd. ,  iG45,in-i2.  On  y 
lit  de  fort  bons  avis  sur  la  manière 
'    d'étudier.  VIT.  Bibliog-a->hla  poli- 
tîca^  Venise,  i633,  in-iu  ;  Wittera- 
berg,  1640,  in-it),  avec  un  autre 
ouvrage   du  même  genre,   Leyde  , 
td^-?..  et  Amsterd.,  i6'p,  dans  le 
Reruei:  qu'on  vient  de  citer  (  i  )  ;  trad. 
^n français,  par  C.  Challine,  i64'-i  , 
in-8''.  Ce  fut  à  la  prière  de  Jacques 
GaiFarel,  son   ami  (  F.  Gaifarel 
(5),  XVI,  s>,48),  que  Naudé  com 

'i)  La  Pihl'oçirnnh.  poUtica  a  été  rëi'ru)>i  iiniip 
avpi  qiii'lqnes  aulrcs  pi'èues  du  même  ftenre,  par  les 
soins  de  Conrins,  Fi-ancfort ,  iti7;i,  i"-i7;  et  Frédé- 
ric Gladow  en  a  donné  une  b-tnne  édition  avec  ime 
jirefdce.  Halle,  i;i?. .  in-Ro.  L'éditeur  v  a  joint  la 
tr  iductiuii  latiue  des  Coiisidéia-.ions  sur  Us  couui 
d'êlar. 

{■n)  XJn-vwml  biKIin^aplie  a  fait  de  J.  Gaflfjrel  on 
caiiliiial.  qu'il  nomme  G.iSàreUi;  tov.  le  Répeiioire 
t'iliugrafj/u./iie  universel,   p.  445.  " 


NAU 

posa  ce  petit  traite,  où  il  hii  donne, 
avec  la  lisle  des  principaux  ailleurs 
qui  ont  écrit  sur  des  matières  poli- 
tiques, son  opinion  sur  leurs  ouvra- 
ges. Naudé  se  trouvait  alors  à  Cer- 
via,  dans  la  Romagivc ,  oii  il  man- 
quait des  secours  nécessaires  pour 
rendre  son  ouvrage  plus  complet  et 
plus  exact;  mais,  tel  qu'il  est.  la 
lecture  peut  encore  en  être  utile.  VIII. 
De  studio  militari  sjntagma  ,  Ro- 
me, 1(33; ,  in-4'\  11  y  traite  de  tou- 
tes les  connaissances  nécessaires  à  un 
homme  de  guerre,  en  mêlant  aux 
préceptes  des  digressions  curieuses. 
Georg.  Schubart  en  a  publié  une  se- 
conde édit.  augmentée,  léna,  iG83, 
iu-i2.IX.  Considérations  politupies 
surles  coups  d'état,  Rame.iG39,  in- 
4".  Si  l'on  en  croit  la  préface,  cette 
édition  n'aurait  été  tirée  qu'à  douze 
exemplaires;  mais   on  sait,de])uis 
long-temps  ,  qu'il  en  existe  un  bien 
plus  grand  nombre.  Cet  ouvrage  a 
été  réimprimé  en  Hollande,  1GG7, 
ou  1G79,  in-ia.  Louis  Dumay  en 
a  donne  une  édition  sous  le  ti're  de 
la  Science  des  princes,  avec  des  ré- 
flexions historiques,  morales,  chré- 
tiennes et  politiques  ,  dans  lesquelles 
il  réfute  solidement  plusieurs  asser- 
tions paradoxales  de  Naudé  (   P\ 
DujiAY  ,  xii ,  222}.  Enfin,  un  pla- 
giaire, qui  n'a  pas  jugé  à  propos  de 
se  faire  connaître,  s'est  emparé  de 
cet  ouvrage ,  en  a  supprimé  la  pré- 
face et  la  conclusion ,  retranché  quel- 
ques longueurs  ,  rajeuni  le  style ,  et 
l'a  publié  sous  ce  titre  :  Réjlexions 
Mstoriques    et    politiques   sur    les 
moyens  dont  les  plus  grands  prin- 
ces et  habiles  ministres  se  sont  sér- 
ias pour   gouverner  et  augmenter 
leurs   élats ,  Leyde,  1739,  in -12 
(  I  ).  Xaudédit  que  cet  ouvrage  lui  fut 

(O  Les  Considétaïioits  surles  coups  d'étaCoui  etc 
trad.  eu  latin ,  voT.  la  no;e  i".  col.  prcced. 


NAU 

dcmaiulc  par  le  card.  Bagni;  et  il 
fautlecroire,carilctait  trop  prudent, 
trop  atui  do  son  repos  pour  examiner 
franclicrucnt  la  ((uestioii  délicate  des 
coups  d'état ,  à  une  époque  où  la 
moindre  indiscrétion  pouvait  le  pri- 
ver de  sa  liberté.  Au  surplus,  il  s'est 
mis  à  l'abri  de  tonte  crainte,  en  pre- 
nant constamment  la  défense  du  pou- 
voir, qui  ,  selon  lui,  n'a  jamais  tort, 
puisqu'il  n'agit  que  pour  sa  conserva- 
tion. Ainsi  ilapprouve  l'assassinat  de 
Coligni  ;  et  il  trouve  que  c'est  une 
grande  lâcheté  à  tant  d'historiens 
français  d'avoir  abandonné  la  cause 
dii  roi  Charles  ix  ;  «  qu'il  y  avait 
»  un  grand  sujet  de  louer  le  massacre 
»  de  la  Saint-Barthélemi,  comme  le 
«  seul  remède  aux  guerres  qui  ont  été 
»  depuis  ce  temps-là, et  qui  suivraient 
»  peut-être  jusqu'à  la  fin  de  la  monar- 
»  chie  ,  si  l'on  n'aA^ait  imité  les  chi- 
»  rurgiens  experts,  qui,  pendant  que 
»  la  veine  est  ouverte,  tirent  du  sang 
»  jusqu'aux  défaillances  ,  pour  net- 
1)  toycr  les  corps  cacochymes  de 
»  leurs  mauvaises  humeurs))(p.  180- 
181  de  l'éd.  in  -  1 3  ).  Cette  citation 
sufiit  pour  faire  apprécier  cet  ou- 
vrage trop  vanté  (  f^.  la  Science  du 
i^ouvernem. ,  par  Real ,  viii ,  2 1 4  ). 
X.  Jnstauratio  tabidarii  majoris 
templi  Reatini,  "Rome,  1640,  in-4°.; 
inséré  dans  le  Thésaurus  antiquit. 
Italiœ ,  tome  ix.  XI.  Catalogus  bi- 
bliolh.  Cordesianœ  (  V.  Jean  de  Cor- 
des, ix.  574).  XII.  Jugement  de 
tout  ce  qui  a  été  imprimé  contre  le 
cardinal  Mazarin,  depuis  le  6  jan- 
vier jusqu'à  la  déclaration  du  i*^"". 
avril  1649,  'ri-4°'  La  seconde  édi- 
tion ,1a  seule  recherchécdes  curieux, 
3717  pages  (  I  ).  C'est  un  dialogue 
entre  S.  Auge,  libraire,  et  Mascurat, 

(il  L'abbé  >I<iH(-.-  ,1,.  .Sainl-Let;cT  ;i  rédigé  pn.ii- 
Cft  iiiivraj^r  iinp  Table  de  4  pag. ,  qui  u'i» ,  dil-ou  , 
elè  ianprimé«  qu'à  douze  exemplaires. 


NAU 


^99 


anagramme  de  R.  Carausat,  fameux 
imprimeur  de  Paris.  Mandé  y  passe 
en  revue  tous  les  reproches  faits  au 
card.  Mazarin,  son  patron,  et  en 
montre  la  fausseté  et  le  ridicule.  Il  y 
a  beaucoup  d'érudition  et  des  anec- 
dotes curieuses.  Cependant  il  a  échap- 
pé des  fautes  à  l'auteur  ;  La  Mou- 
noye  en  a  relevé  quelques-unes  dans 
le  Menagiana.  XIII.  Remise  de  la 
bibliothèque  du  cardinal  Mazarin 
entre  les  mains  de  31.  Tubeuf,  i65i, 
in-4'\  Tubeuf,  président  de  la  cham- 
bre des  comptes,  était  créancier  du 
cardinal ,  pour  une  somme  consi- 
dérable. XIV.  ^vis  à  nosseigneurs 
du  parlement ,  sur  la  vente  de  la 
biblioth.  du  card.  Mazarin,  iG5a, 
iu-4".  Cette  petite  pièce  et  la  pré- 
cédente sont  de  la  plus  grande  ra- 
reté :  elles  ont  été  insérées  dans  le 
Conservateur .,  juillet,  1758.  XV. 
Epistolce  ^  Genève,  1667,  i""^^- 
Ce  Recueil  a  été  publié  par  Ant.  La 
Poterie  ,  qui  aA'ait  été  attaché,  sous 
les  ordres  de  Naudé,  à  la  garde  de 
la  biblioth.  Mazarine.  Patin  a  lais- 
sé un  portrait  peu  avantageux  de 
La  Poterie,  dans  une  Lettre  à  Spon, 
du  9  juin  1654.  On  a  publié,  sous 
le  titre  de  Naudeana  ,  un  Recueil 
d'anecdotes,  tirées  des  conversations 
de  Naudé,  Paris,  1701  ,  in-  ici.  Le 
président  Cousin ,  qui  prit  soin  de 
cette  édition  ,  en  reti'ancha  quan- 
tité de  passages  licencieux;  mais  il 
y  laissa  subsister  un  grand  nombre 
de  bév  »  s  et  de  faussetés  :  elles  ont 
été  corrigées  par  Lancelot,  dont  les 
Remarques  ont  été  insérées  dans  la 
seconde  éd.,  Amstcrd.,  1708,  in- 12, 
due  à  Bayle  ,  qui  y  ajouta  une  Pré- 
face. Le  P.  Louis  Jacob  a  rassem- 
blé sous  ce  titre,  Gabrielis  Naudii 
ti'inulus ,  les  éloges,  les  épitaphes 
et  les  vers,  tant  latins  que  français  , 
composés  eu  l'houneur  de  ce  savant. 


6oo 


NAU 


Paris,  iGjQ,  111-4".  Son  portrait  a 
ëtc  5:;ravé  par  Gcorgi,  à  Padouc;  par 
Meilan,  in-.;"- ;  il  fait  partie  du  He- 
cuc'il  d'Odiciivrc,  et  a  été  reproduit 
(  au  trait  )  par  M.  Pctit-lv<del,  dans 
s«;s  liecherches  sur  les  bibliothèques, 
oii  l'on  trouve  de  curieuv  détails  sur 
ce  savant  bibliographe.      W — s. 

?J  AU  iM  A^  N     (  J  E  A  .V  -  A  M  LDt  K  )  , 

dircrteur  delà  chapelle  de  l'électeur 
de  Saxe  ,  naquit  à  Blasewitz  ,  près 
Dresde  ,  en  i745-  Son  père,  simple 
cultivateur  ,  avait  si  fort  à  cœur  de 
lui    procurer  une  bonne  éducation 
musicale  ,  qu'il  l'envoyait ,  tous  les 
matins  ,  à  la  ville  ,  prendre  une  le- 
çon de  clavecin,  ISaumann   n'avait 
encore  que  quatorze  ans,  lorsque  le 
iiasnrd  amena  chez  son  père  uii  vir- 
tuose attache  à  la  cour  de  Suède.  Il 
s'c'tabiit  aussitôt  entre  eux  une  afîbc- 
Jion  si  A  ive  qu'ils  se  décidèieuî  a  faue 
cnsemb'e  le  voy.iee  d'Italie.  J-e  cr!è- 
])ie  ïartini ,  qui  habitait  alors  Pa- 
doue,  fit  l'accueil  le  plus  flatteur  au 
^eune   Saxon.  Naumann   resta  liuit 
ans  entiers,  en  Italie  :  c'est  à  ce  long 
séjour,  dans  uiiâge  aussi  tendre, 
«p'.'il  faut  attribuer  non -seulement 
cette  parfaite  connaissance  de  la  pro- 
sodie ilaliouiie  qtù  le  distingue,  mais 
encore  ce  style  facile  et  suave  qui 
donne  à  un  grand  nombre  de  ses  airs 
nue  couleur  tout-u-fait  itaiiennr^.  Ce 
.succès,  inespéré  fut  sur  le  point  de  lui 
nuire  :  il  avait  envoyé' à  son  père  une 
<ie  ses  inoiileures  coraposilions.  Gel ui- 
oi ,  dans  l'espoir  de  faire  ^nnaitre 
ion  iils  à  la  cour ,  parviciit  à  pré- 
.sente-r  cet  oeuvre  à  l'èlectrice,  qui 
était  grandemiisicienne.La  princesse 
croit  reconnaître  ia  touche  d'un  maî- 
tre italien  ,  et  se  plaint  de  la  super- 
«•hene.  IMais  elle  fut  enlin  détrom- 
pée ,  et  n'en  devint  que  [jUis  ardente 
protectrice  du  jeune  Tsaumann  :  die 
v\)\wl  puur  hu  la  place  de  maître  de 


NAU 

chapelle  de  l'électeur.  L'opéra  cfai* 
supprimé  à  cette  éjioque.  Naumann, 
regrettant  de  se  A'oir  condamne  à 
l'inaction  ,  sollicita  la  permission  de 
retourner  en  Italie,  vers  1772.  II 
travailla  pour  les  théâtres  de  Venise 
et  de  >'aples.  Sa  réputation  était  par- 
venue à  l'autre  extrémité  de  l'Europe. 
Le  roi  Gustave  III  lui  fit  les  oliies 
les  plus  brillantes  pour  l'attirer  à 
Stockholm.  ISaumann  put  alors  se 
vanter  d'un  honneur  qu'il  ne  parta- 
geait avec  aucun  autre  compositeur 
de  l'univers  :  il  eut  un  roi  pour  son 
poète;  ce  fut  sa  majestéSuédolse  clic- 
mêmf>  qui  écrivit  poiu*  lui  le  poème 
de  Gustave  JVasa.  Toutes  les  cours 
du  rsord  se  disputèrent  la  personne 
du  musicien  ,  dont  les  chants  fai- 
saient le  charrue  principal  de  leurs 
spectacles  et  de   leurs   fêtes.   Mais 
Is'aumann ,  pénétré  d'un  attacliement 
sincère  pour  sou  souverain  ,  se  hâta 
de  revenir  fixer  son  séjour  en  Saxe. 
Depuis  quelques  années,  il  avait  con- 
sacré son  talent  uniquement  à  la  mu- 
sique d'église ,  lorsqu'il  fut  frappé 
d'une  apoplexie  foudroyante  ,  en  se 
jnomenant  dans  le  parc  de  l'électeur, 
à  Dresde  (27  mai   1801  ).  Les  ou- 
vrages de  Nauniann  sont  trop  nom- 
breux et  trop  variés,  pour  qu'il  soit 
possible  d'en  donner  ici  le  catalogue. 
Dans  sa  musique  sacrée  ,  on  remar- 
q(ie  la  Passion  ,  de  Métastase  ,  qu'il 
lit  deux  fois,  l'une  à  Padoue  ,  l'autre 
à  Dresde;  et  le   Ciuseppe  riconos- 
ciuto  ,  du   même  poète  ,   qu'il  mit 
aussi  deux  fois  en  musique,  la  pre- 
mière sur  paroles  italiennes  ,  pour 
Dresde ,  et  la  seconde  sur  paroles 
françaises  pour  Paiis.  Nauraann   a 
composé,  pour  le  théâtre,  des  opéras 
italiens  ,  allemands ,  suédois  et  da- 
nois. Il  a  laissé  une  (piantité  prodi- 
gieuse de  [ùèccs  de  clavecin .  et  ia  plu- 
part avec  acçompagneiueul  de  vit— 


NAU 

Ion  ,  basse  et  flùto.  -Ce  grand  artiste 
n'avait  pas  dcdai^iic  de  coiriposcr 
des  sonates  pour  un  iustrunu  nt  peu 
usité,  et  sur  lequel  d  excellait  :  c'était 
l'Iiarmonica  ,  qu'il  afrectionuait  an 
2)oint  d'en  porter  une  avec  lui  dans 
ses  voyages.  La  manière  de  Naumann 
se  recommande  particulièreincut  par 
la  purelé  des  motifs  et  ia  çi;r.ice  des 
détails.  Le  célèbre  Wieland  profes- 
sait une  haute  estime  pour  ce  compo- 
siteur :  il  lui  a  consacre'  une  Noiice 
nécrologique  dans  le  Mercure  alle- 
mand de  i8o3.  S — V — s. 

NAUSEA  (Frédéric  )  ,  célèbre 
tbe'ologien  allemand  du  seizième  siè- 
cle ,  naquit,  vers  l'an  i48o  ,  au  vil- 
lage deBleichfeld,  ou,  selon  d'autres, 
à  VVeisseufeld  (i)  près  de  Wiirtz- 
bourg,  et  fut  disciple  de  Jean  Co- 
clilée  pour  la  théologie,  dans  laquelle 
il  fit  de  grands  progrès.  Il  étudia, 
avec  le  même  succès,  le  droit  civil  et 
canonique ,  et  les  nitres  sciences  que 
l'on  cultivait  à  cette  époque.  Il  pro- 
fessa d'abord  les  belles-leltrcs,  avec 
tant  d'éclat,  qu'on  le  regarda  comme 
l'honneur  et  la  gloire  de  l'Allemagne. 
Ses  Distiques  sur  Lactance,  qui  ])a- 
rurent  en  i5it),  lui  attirèrent  l'es- 
time des  savants.  Il  était  professeur 
de  droit  en  i5'a3.  Il  parait,  par 
quelques  lettres  du  cardinal  Cam- 
pège ,  que  Nausea  était  chanoine  et 
curé  de  Saint-Barthélerai  de  Franc- 
fort ,  en  10  25  ,  mais  qu'il  fut  chassé 
de  cette  place.  L'année  suivante,  il 
cnspigna  la  théologie  ,  et  expliqua 
l'Écriture -Sainte  à  Maience.  C'est 
vers  ce  temps -là  que  commença  sa 
réputation  dans  la  chaire  ,  et  qu'il 
devint  secrétaire  du  cardinal  Lau- 


(t)  C'est  d'après  rnn   nu  Vautre  de  ces  noms  qu'il 

prenait  en  latin  le  tilri;  ùe  Ula/icicnm/itnniis  :  on 
crnil  qui"  son  uoia  de  famille  i-lail  Grau,  Eckel  ou 
yniulh  ,ni\nt  ,  s.iivnnt  l'usage  Je  SOii  siècle,  il  le 
latiuira  p.ii  ciliii  de  Sumen. 


NAU 


60 1 


rent  Campègc.  On  voit  ncmmoins 
qu'il  s'élevait  souvent  des  persécu- 
tions contre  lui ,  et  que  sa  fortune 
ne  répondait  point  à  sa  renommée. 
Il  s'en  plaignait  auièrement   à    ses 
amis.  Après  avoir  rempli,  pendant 
plus   de  douze    ans  ,    les   fonctions 
d'ecclésiaste    ou    de    prédicateur   à 
Maïence ,  il  envoya  au  roi  des  Ro- 
mains ,  Ferdinaml ,  un  volume  d'ho- 
mélies en  allemand.  Ce  prince,  sa- 
tisfait de  ces  discours,  Qt  engager 
Nausea,  par  le  cardinal  évêque  de 
Trente,  de  les  mettre  en  latin.  La 
traduction  n'était  pas   encore  finie 
que  Nausea  fut  appelé  à  Vienne  ,  en 
i533  ,  en  qualité  de  prédicateur  de 
la  cour  ,  de  lecteur  en  théologie  ,  de 
chanoine    de  la    cathédrale ,  et  de 
conseiller  du  roi.  Ferdinand  lui  écri- 
vit bai-même  })our  hâter  son  arrivée. 
En  i538,  il  fut  nommé  coadjuteur 
de  Jean  Fabri  ,  évcque  de  \  ienne. 
Après  la  mort  de  ce  prélat ,  eu  1 54 1 , 
Nausea  lui  succéda  ;  mais  il  ne  fut 
sacré  qu'en  i545.  Son  ambition  n'é- 
tait point  rassasiée.  La  correspon- 
dance de  ses  amis  et  de  ses  protec- 
teurs, imprimée  à  Bàleeu  i55o,nous 
dévoile  les  démarches   qu'il  faisait 
pour  son  avancement.  En  i548  ,  les 
habitanis  et  le  clergé  de  Glogan  de- 
mandèrent pour  lui  la  première  di- 
gnité du  chapitre.   Il  assista  au  con- 
cile de  Trente  ,  en  qualité  d'ambassa- 
deur du  roi  des  HomairjS,et  mourut 
dans  cette  A'ille  le  6  lévrier  i65o. 
Nous    avons   de  Nausea  un   grand 
nombre  d'ouvrages  de  grammaire  , 
de  poésie  ,  de  musique  ,  d'arithmé- 
tique ,  de  dialectique  ,  de  physique, 
d'astronomie,  d'hi^loire,   de  droit 
civil  et  canonique,  de  théologie,  dont 
il  a  donné  un  ample  Catalogue  rai- 
sonné,  adressé,  en  «547  ,  à  la  no- 
blesse et  au  clergé  de  Breslau  et  de 
Gloga'ii  :  on  y  trouve  .  à  la  fin  ,  les 


6oj  NAU 

noms  des  personnages  à  qui  il  les 
avait  dédies,  et  des  villes  dans  los- 
<|uellcs  il  les  avait  fait  imp'inier.  Ou 
les  a  recueillis  à  Cologne.  j(3iG,  in- 
fol.  Voici  ceux  cjai  moriteut  le  plus 
d'être  connus  :  I,  Lib.  m  de  novis- 
simo  JaiJHS  Sii'CnU  die  ,  dcque  su- 
■premo  ejiis  judicio  ,  Vienne,  i55i  , 
petit  in-4''.  ;  édition  très-rare  d'im 
ouvrage  singulier  et  fort  curieux  , 
selon  Dibure;  id.  ,  Cologne,  i555  , 
Jn-8°,  H.  De  consuninialivne  hujus 
sœciili ,  lib.  ly  ,  Cologne ,  1 555 ,  iu- 
8".  III.  Lib.  1  de  venerubili  Eu- 
charisiiœ  sacramento  ,  Lonvain, 
i55i  ,  in-8'>.  IV.  Ilomilianiin  in 
communes  aliquot  Evangeliorum 
locos  ,  parlim  in  ecclesid  Franc- 
fordiensi  apud  Mœnum  ,  parlim  in 
ccclesid  Moguntinensi  pro  concivne 
habitarum  lib.  i.  C'est  le  livre  en- 
voyé à  Ferdinand.  V.  Lib:i  ir  cen- 
tuiamm,  id  est,  ^oo  homiliarum 
veritatis  evangelicce  suver  lotius  an- 
ni  Ci'angeVis,  qiiœ  usitato  more  in  ec- 
clesid  ordinaùm  legi  soient, et .  iiper 
Incis  communibiis  eonimdemlam  de 
tempore  quàm  de  sanctis  ,  Maicnce , 
1534.  V[.  Libri  m  methodi  de 
^  ralione  concionandi ,  imprime'  plu- 
sieurs fois.  Nansea  traitait  avec  suc- 
cès la  morale  dans  ses  discours  ;  mais 
il  excellait  sur  tout  dans  la  contro- 
verse. VII.  Reram  mirabilium  li- 
bri septem ,  Cologne,  i53'2;  c'est 
l'ouvrage  d'un  homme  crédule,  imbu 
des  préjuges  de  son  siècle.  Vllî. 
JÀber  I  epitomes  vitarum  PU  ÏI 
Pont.  max.  et  Friderici  inip.  Rom. 
semper  aag.  Il  a  fait  plusieurs  ou- 
vrages sur  la  liturgie.-  On  est  étonné 
({ue  Zaccaria ,  dans  sa  Bibliot.  ri- 
iualis  ,  ne  parle  que  d'un  seul, 
Nausea  composa  aussi  des  Traites 
sur  les  concdes ,  et  sur  différents 
points  de  discipline  ecclésiastiqiie , 
(omme  ie  célibat  des  prêtres,  etc. , 


NAU 

dans  lesquels  il  semblerait  avoir 
professé  des  sentiments  assez  li- 
bres ,  puisqu'il  avoue,  dans  son  ca- 
tilogue  raisonné,  que  son  Livre  des 
conseils  sur  le  mariage  des  prêtres  , 
et  ses  Forêts  synodales ,  ne  pou- 
vaient être  imprimés  que  par  ordre 
d'un  concile  écuméni(pie.  Il  desirait 
ardemment  la  fin  des  troubles  reli- 
gieux; il  avait  composé,  dans  cette 
intention,  une  consultation  adressée 
au  roi  Ferdinand.  L — b — e. 

NAUZE  (Louts  JOUARD  DE  La), 
né  à  Villenciive-d'Agen ,  le  'x^  mars 
i()()6,  mort  le  1  mai  1773,  entra 
dans  la  société  des  Jésuites.  Après 
avoir  professé  quelque  temps  les 
liiimanités,  il  quitta  la  société  pour 
venir  a  Paris  faire  l'éducation  du  duc 
d'Antin  (mort  en  1743)- Le  succès  de 
cette  éducation,  et  sou  attachement 
pour  son  élève,  l'engagèrent  à  se 
charger  de  celle  de  son  fils  (mort  en 
1757  ).  Malgré  le  temps  que  ces  oc- 
cupations lui  prenaient,  il  cultiva 
les  lettres,  et  fut,  en  17*^9,  reçu 
membre  de  l'académie  royale  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  La  dis- 
pute que  fit  naître  le  système  chro- 
nologique de  Newton, lit  connaître  La 
]N;tuze.  Le  P.  Souciet  ayant  combat- 
tu ce  système,  La  INauze  lui  répon- 
dit par  cinq  Lettres,  imprimées  dans 
les  tomes  v  et  vi  du  liecued  du  P. 
Di'smolets  ,  intitulé  :  Continuation 
des  Mémoires  de  littérature  de  Sal- 
lengre.  Ces  cinq  Lettres  sont  écrites 
avec  beaucoup  d'ordre,  de  clarté, de 
précision;  il  y  règne  un  ton  de  po- 
litesse et  de  déférence,  qui  est  l'effet 
de  la  modestie  qui  caractérisait  leur 
auteur.  Il  eut  aussi  quelques  contes- 
titions  avec  d'Anviiîe  ,  dans  lesquel- 
les li  développa  fort  bien  la  manière 
dont  Pline  a  traité  des  arts,  et  éclair- 
clt  avec  esprit  et  érudition  plusieurs 
sujets ,  aussi  curieux  que  difficiles,  de 


NAU 

la  liante  anliqiiile.  Los  ouvrages  do 
La  Nauze  sont  :  L  Dos  Mémoires 
(au  nombre  do  troiifo),  dont  qiicl- 
((iios-?ins,  trcs-ctendns,  insères  dans 
la  (Jollcction  de  l'académie  des  ins- 
criptions. La  plupart  sont  relatifs  à 
divers  points  de  chronologie  ancien- 
ne, sur  lesquels  il  s'attache  presque 
constamment  à  combattre  Frerct  ;  ce 
qu'il  fait  rarement  avec  succès.  L'un 
des  plus  importants  est  le  Mémoire 
sur  le  calendrier  romain,  depuis  les 
docemvirs,  jusqu'à  la  correction  de 
Jules  Cc'sar  (tome  xxvi ,  M.  p.  219). 
n.  Le  Directeur  des  âmes  religieu- 
ses ,  compose'  eu  latin  par  Louis 
Blosius,  trad.  en  français,  Paris, 
17,46,  in-t8.  A.  B — T. 

NAVAGERO  (André),  célèbre 
humaniste  du  quinzième  siècle,  na- 
quit ,  en  1 483 ,  à  Venise  ,  oîi  sa  fa- 
raillc  occup.iitun  rang  très-conside- 
rable.  Elève  de  Sabellicus,  il  s'éloi- 
gna de  sa  manière  d'écrire;  et  dans 
l'âge  de  la  présomption,  un  goût  dif- 
ficile, qu'il  conserAa  toute  sa  vie,  lui 
fit  sacrifier  ses  premiers  essais  poé- 
tiques, entre  autres  ,des  Sylves,  com- 
posées à  l'imitation  de  Stace.  Marc 
jMusurns  lui  enseigna  la  langue  grec- 
que à  Padouo;  et  Navagero  se  pas- 
sionna pour  Pindare,  au  point  de  le 
copier  plusieurs  fois  tout  entier  de 
sa  main.  Il  fréquenta  encore  à  Pa- 
douo l'école  de  Pomponace,  et  s'v 
lia  étroitement  avec  Longueil ,  qu'il 
consultait  avec  fruit  sur  ses  ouvra- 
ges. Une  contention  d'esprit  trop 
prolongée,  développa  en  lui  une  af- 
fection mélancolique ,  qui   le  força 
de  renoncer  quelque  temps  à  ses  élu- 
des. Il  se  délassa  du  moins  dans  une 
réunion    littéraire  qu'avait   formée 
à  Pordenone,  dans  le  Frioul ,  Bar- 
thélemi  d'Alviane,  alors  le  héros  de 
Venise.  La  guerre,  qui  venait  de  fci- 
aer  l'université  de  Pkdouc,  avait 


NAV 


Go^ 


attire  autour  du  général  une  grande 
aiHuence  de  savants.  Navagero  tint 
parmi  eux  une  des  premières  places, 
et  y  trouva  de  nouvelles  inspirations. 
C'est  do  la  rivière  de  Naucelo  ,  qui 
coule  à  Pordenone,  qu'il  appela  les 
Muscs  qu'il  invoquait ,  du  nom  de 
NaiicelidcE.  La  garcfe  de  la  biblio  - 
thèque  de  Saint-Marc  lui  fut  confiée 
en  i5o6  ,  après  la  mort  de  Sabelli- 
cu^s;  et  il  lui  succéda  également  dans 
les  fonctions  d'historien  de  la  répu- 
blique. Il  fut  envoyé  en  ambassade 
auprès  de  Charîes-Quint ,  après  la 
défaite  de  François  l*^'.  ta  Pavie;  et 
pendant  son  séjour  en  Espagne,  il  ap- 
prit au  célèbre  Boscan  à  enrichir  sa 
langue  des  sonnets  de  l'Italie.  La  po- 
litique vénitienne,  inclinant  à  donner 
un  contre-poids  à  la  puissancede  Char- 
les-Quint,    choisit  Navagero  pour 
être  l'interprète  des  vœux  qui  appe- 
laient François!''",  en  Italie. Leiittera- 
tcur  diplomate  put  à  peine  entamer  sa 
négociation;  la  fièvre  l'enleva  rapi'- 
rnent  à  Bîois,  où  il  était  venu  cher- 
cher la  cour,  W  8  mai  iS^g.  Il  jeta 
au  feu,  avant  de  mourir,  un  Dis- 
cours sur  la  mort  de  Catherine  Cor- 
nara  ,  souveraine  de  Cvpre;  un  poè- 
me en  deux  livres,  De  ienaiione;  un 
autre ,  De  Fine  orbis,  et  son  Histoire 
de  Venise  ,  oîi  il  avait  pris  pour  mo- 
dèle l'élégante  simplicité  de  César. 
Amateur  de  l'agriculture  ,  il  natura- 
lisa dans  son  pays  plusieurs  plante^ 
qu'il  avait  apportées  d'Espagne.  Il 
avait  recherché  et  obtenu ,  dans  un 
voyage  à  Rome,  l'amitié  de  Bembo 
et  de  Sadolct.  Ses  conseils  affectueux 
et  son  active  coopération  soutinrent 
Aide  Manuce  au  nnlicu  des  dégnûK 
de  sa  profession.  Navagero  présida 
aux  éihtions  de  Cicérou  ,  Térence, 
Lucrèce,  Virgile,  Horace,  Tibulle  . 
Ovide,  Quintilieu  ,  données  par  cet 
imprimeur   habile.   Ses  leçon*;   sur 


6o/l 


NAV 


Ovide,  et  ses  Ephres  préliminaires 
sur  les  Oraisons  de  Cice'ron,  furent 
de'tache'es  et  publiées  à  part.  Les  au- 
tres oavraj^cs  principaux  de  Nava- 
pero  sont  les  Oraisons  funèbres,  en  la- 
tin,d'Alviano  ,  et  du  do[;;e  Loredano  ', 
un  \'oyaç;e  en  Espagne  et  en  PVance, 
«crit  en  italien; des  Poésies  italiennes, 
des  Lettres,  des  Epigrammes  et  des 
Eglogues  latines.  11  avait  atfeclë  l'i- 
initalion  des  tours  délicats  de  Catul- 
le ,  et  brûlait,  dit-on,  tous  les  ans, 
en  son  honneur ,  un  exemplaire  de 
Martial.  Fracastor  a  éleA'c  un  mo- 
nument de  son  estime  pourNavage- 
ro,  dans  son  Dialogue  intitulé,  Na- 
vagerius,  sive  de  Poeticd.  Les  frères 
Volpi  ont  insère'  ce  morceau  dans 
l'édition  complète,  publiée  par  eux 
à  Padoue  ,1718,  in^". ,  des  OEuvres 
du  littérateur  A'énilien.  Une  longue 
NotrTÏ  lui  est  consacrée  à  la  tète 
de  ce  Recueil.  Plusieurs  de  ses  pro- 
ductions erotiques  ont  été  traduites 
en  français  (  i  7HG) ,  par  E.  T.  Simon 
de  Troyes. —  Bernard  Navagero  , 
ëvêffue  de  Vérone,  de  la  même  fa- 
mille qu'André,  prit  part  aux  débats 
du  concile  de  Trente  ,  obtint  le  cha- 
peaude  cardinal ,  et  mourut  en  1 5()5, 
après  avoir  rempli  diftërentesambas- 
sades.  Il  a  laissé  des  Harangues  et  la 
Vie  du  pape  Paul  IV.  Augustin  Va- 
lerio  a  donné  la  Vie  du  cardinal  Na- 
vagero, dans  son  livre  Ds  cautione 
adhibenddin  edendis  libi'is,  Padoue, 
17 19,  in-4".  (  pag.  61-98.  )  F — T  j. 
NAV  AIL  LES    (  PniLipPi:    Dt 

MoNTAULT    BE    BeNAC  ,    duC   DE  )  , 

maréchal  de  France,  d'une  ancienne 
maison  de  Bigorre  ,  était  né  en  i6if). 
Élevé  par  ses  parents  dans  les  prin- 
cipes des  réformés  ,  il  fut  reçu ,  à 
l'âge  de  quatorze  ans  ,  page  du  car- 
dinal de  Pvichelieu  ,  qui  lui  persuada 
de  rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise  ;  et 
Sci  conversion  fut  bientôt  suivie  4° 


NAV 

celle  de  son  père  et  de  ses  frères.  Il 
obtint,  en  1  (338, l'enseigne  colonelle 
dans  le  régiment  du  cardinal  ,  et 
pas>a  rapidement  partons  les  grades. 
Colonel,  en  i54i  ,  d'un  régiment  de 
son  nom  ,  il  fit  toutes  les  campagnes 
d'Italie,  se  trouva  à  la  plupart  des 
sièges  ,  et  montra  partout  de  la  va- 
leur et  du  sang-froid.  Après  la  mort 
de  RichcHeu,  il  s'attacha  au  cardinal 
Maza  rin ,  devint  capitaine  de  sa  com  - 
pagnie  de  gendarmes,  poste  brigué 
par  les  plus  grands  seigneurs;  il  re- 
tourna eu  Italie  servir  sous  les  ordres 
du  duc  de  Modène ,  se  signala  encore 
dans  dillerentcs  rencontres,  et  revint 
à  Paris,  en  1648,  se  rétablir  d'une 
blessure  dangereuse  qu'd  avait  reçue 
au  siège  de  Crémone.  Pendant  les 
guerres  de  la  Fronde,  il  resta  cons- 
tamment attaché  au  parti  de  Mazarin, 
et  fut  employé  à  combattre  les  re- 
belles dans  l'Orléanais  et  l'Anjou. 
Nommé,  en  récompense  de  ses  ser- 
vices, gouverneur  de  Bapaume,  il  eut 
jiart  à  toutes  les  actions  qui  se  pas- 
sèrent en  Flandre ,  et  fut  renvové , 
en  )658  ,  en  Itabc  ,  avec  le  titre 
d'ambassadeur  extraordinaire.  Il  suc- 
céda ,  la  même  année ,  au  duc  de 
Modène ,  dans  le  commandement  des 
troupes  françaises ,  et  le  conserva 
jusqu'à  la  paix.  Une  intrigue  ,  à  la- 
quelle on  soupçonna  la  duchesse  de 
Navailles  de  s  être  prêtée,  lui  fit 
perdre  les  bonnes  grâces  du  roi  ;  le 
duc  fut  obligé  de  vendre  toutes  ses 
charges,  et  de  quitter  la  cour:  mais 
son  innocence  fut  reconnue,  et  Louis 
XIV  le  dédommagea  eu  le  nommant 
gouverneur  de  l'Aunis.  Chargé,  en 
j  G6() ,  de  conduire  les  secours  que 
la  France  envovait  dans  l'île  de  Can- 
die assiégée  par  les  Turcs  ,  il  se  rem- 
barqua à  la  fin  de  la  campagne,  avec 
les  débris  de  son  armée ,  sous  prétexte 
que  la  disette  de  vivres  se  faisait  seu- 


NAV 

tir  dans  la  ville  ,  et  (jii'iin  petit  corps 
de  Français  ne  puurr.iit  pas  en  re- 
tarder la  prise  (  r.  L\  Fluillaue,  et 
IMorosiim).  Louis XIV  desapprouva 
hautement  cette  es|)ère  de  défection  ; 
le  duc  de  Navaillcs  fut  exile  dans 
ses  terres,  où  il  resta  trois  années  :  il 
parvint  enfin,  sinon  à  se  justifier  ,  du 
moins  à  alFaiblir  les  préventions  du 
monarque  ,  qui  lui  |U'rmit  de  retour- 
ner dans  son  gouvcrxieuienl  d'Aunis. 
II  servit  dans  la  seconde  conquête  de 
la  Franche  Corufe,  prit  la  ville  de 
Grai ,  dont  la  position,  sur  la  Saô- 
ne, est  très-importante,  et  facilita 
la  prise  de  Dole  et  de  Besançon, 
qui  rendit  Louis  XIV  maître  de  la 
province.  Rappelé  en  Flandre ,  en 
1674  5  '1  commanda  l'aile  gauche 
â  la  hataille  de  Senef ,  reçut ,  l'année 
suivante  ,  le  Làtou  de  maréchal ,  et 
passa  ,  en  lô-jô  ,  dans  la  Catalogne, 
où  il  s'empara  de  J'iguières,  et  rem- 
porta plusieurs  avantages  sur  l'armée 
commandée  par  le  comte  de  Mon- 
terey.  Il  rentra  en  France,  après  la 
paix  de  Ximègue,  accablé  de  cha- 
grin d'avoir  vu  mourir  subitement 
son  fds  unique,  jeune  homme  de 
grande  espérance.  Il  fut  nommé 
gouverneur  du  duc  de  Chartres  (Phi- 
lippe d'Orléans,  depuis  régent  ),  et 
mourut  le  5  février  iG84,  à  l'âaede 
soixaute-cmq  ans.  Sa  veuve  lui  fit 
e'Iever,  dans  1  église  de-;  Dominicains 
du  faubourg  Saint-Germain  ,  un  ma- 
gnifique mausolée,  qui  a  été  détruit  il 
y  a  quelques  années.  Le  duc  de  Na- 
vailles  a  laissédes  Mémoires  {àe  1 63  j 
à  i683  ) ,  imprimés  à  Paris  ,  1701  , 
in- 1 2.  On  y  trouve  dos  détails  sur  ses 
services;  il  a  employé  une  jjartie 
du  quatrième  livre  à  justifier  sou 
départ  de  Candie.  W — s. 

NAVAILLES  (Susanne  de  Bau- 
DEAN  DE  Neuielant,  maréchale  de), 
femme  du  piécédeut ,  était  fille  de 


NAV 


Co- 


Charles  de  Baudéan  ,  comte  de  X'euil- 
lant  ,  gouveineur  de  JJiort  ,  et  de 
F'rançoise  Tiraqueau  (1).  Reçue  au 
nombre  des  filles  d'honneur  de  la 
reine  Anne  d'Autriche,  elle  obtint  fa 
confiance  du  cardinal  IMazarin  ;  et 
cette  liaison  lui  donna  quelipie  part 
auvsecrctsdelacour,  M""^'.  cicMotle- 
ville  dit  même  qu'elle  fut  chargée 
de  proposer  à  ÎNP''".  de  Moutpensier 
d'épouser  le  roi ,  si  elle  voulait  pro- 
mettre d'employer  son  crédit  sur 
le  duc  d'Oiléaus  son  père ,  pour  l'em- 
pêcher de  s'unir  au  prince  de  Conde 
contre  la  cour.  Le  cardinal  Mazarin , 
forcé  de  quitter  la  France ,  pria  la 
reine  de  consentir  au  mariage  d\idiic 
de  Navailles  avec 31'^*=, de  iNenillanî  : 
cette  union  fut  célébrée  dans  la  cha- 
pelle du  Palais-Royal,  au  mois  de 
février  iG5i  ;  mais  elle  fut  d'abord 
tenue  secrète.  M™"-",  de  Navailles  étant 
demeurée  près  de  la  reine ,  devint 
l'intermédiaire  de  la  correspondance 
que  le  cardinal  ne  cessa  pas  d'entre- 
tenir avec  cette  princesse  ;  et  elle  eut 
la  plus  grande  part  au  retour  du  mi- 
nistre. Elle  pressait  un  jour  la  reine 
de  le  r.ippeler  auprès  d'elle  ;  mais 
Anne  d'Autriche  ,  tout  en  rendant 
témoignage  à  la  fidélité  du  cardinal, 
fit  entendre  à  la  duchesse  qu'elle  re- 
doutait l'espèce  de  fatalité  qui  sem- 
blait s'attacher  à  la  personne  du 
cardinal  :  elle  ne  lui  dissimula  point 
qu'elle  craignait  que  son  retor.r,  tnp 
précipité  ,  n'empirât  la  situation  des 
alfaires.  La  duchesse  ,  croyant  aper- 
cevoir un  changement  dans  ce  qui 
n'était  que  relltt  de  la  j)rudence , 
écrivit  à  Mazarin  qu'il  était  perdu, 
s'il  ne  prévenait  sa  disg:ace  par  un 
prompt  retour.  La  duchesse  de  Na- 


(1)  La  romtfsse  île  N.willanl,  mère  àe  la  dudicss» 
dcNjvailles,  di.ona  qiielijiirs  soins  ;i  TiducatLiu  rie 
Mai»,  a?  M^inlfiioii  ;  in.3ls  elle  lui  fit  acii^  fer  ilier  s'.s 


Cofj 


XAV 


vailles  fut  nommée  ,  eu  iGGo  ,  daine 
d'huiiueiif  delà  reine Marie-The'rèhe. 
Cette  charge,  mettant  sous  sa  surveil- 
lance les  filles  d'honneur  de  la  reine  , 
lui  imposa  le  devoir  de  résister  au 
roi  dans  des  circonstances  délicates  ; 
et  elle  n'hcsila  point  à  embrasser  le 
pai  ti  qne  l'honneur  et  la  vertu  com- 
mandaient, l.eroi  ,  en  1662,  com- 
mençait  à   distinguer  M"«^.  de   La 
Vallicrc  des  autres  beautés  de    sa 
cour  :  la  comtesse  de  Soissons,  aidée 
du  duc  de  Guiclie  et  du  marquis  de 
Tardes  ,  et  secrètement  encouragée 
par  une  personne  illustre,  cherchait 
H  mettre  à  la  place  de  cette  favorite 
M''=.  delà  Mothe-Houilancouit, l'une 
des  fdlcs  d'honneur  de  la  reine.  Le 
roi ,  frappé  de  la  beauté  de  cette  der- 
nière ,  paraissait   incertain  :  la  du- 
chesse de  Navailles  ,  qui  s'était  aper- 
çue de  la  nouvelle  passion  du  monar- 
que, lui  adressa  des  représentations 
liardics  et  respectueuses;  elle  en  vint 
même  à  faire  placer  des  grilles  aux 
f-mèlres  de  l'appartement  des  filles 
d'honneur  ,  pour  empêcher  le  roi  de 
b'y  introduire  par  les  terrasses.  Con- 
trarié dans  l'objet  de  ses  désirs  ,  ex- 
cité d'adleurs   par  la  comtesse  de 
Soissons  ,  Louis  témoigna  son  mé- 
conteulement  à  la  ducbesse  de  Na- 
vailles :  néanmoins  ,  comme  il  ren- 
dait hommage  à   sa  vertu,  l'ayant 
rencontrée  quel  }ues  jours  après  dans 
la  chambre  de  la  reine,  il  viulà  e!!e, 
lui  tendit  la  main ,  et  lui  demanda,  la 
j);ix  d\cc  auîanl  de  noblesse  que  de 
modération.  W'^*^.  de  la  Yallicrerem- 
poria  sur  sa  rivale;  et  M^'"^.    de  la 
Motlie  -  Houdancourt  ,    oubliée    de 
Louis  X.1  Y,  épousa, en  iG-yj,  le  mar- 
quis de  la  Vieuvillc.  chevalier  d'hon- 
neur de  la  reine.  Cet  orage  apaisé , 
les  ennemis  de  M'"^.  de  Navailles 
cherchèreutàluien  susciter  d'autres: 
l'occasioa  se  présenta  bientôt  d'en- 


NAV 

g  itrer  le  monarque  à  repousser  loin 
(le  lui  un  censeur  incommode.  Une 
lettre  espagnole  avait  été  adressée  à 
la  reine,  et  remise  au  roi.  Ou  y  préve- 
nait cette  princesse  de  la  passion  de 
son  époux  pourM'^'^.  de  la  Vallicrc. 
Celle  lettre  était  une  nouvelle  intri- 
gue de  !a  duchesse  d'Orléans  ,  de  la 
comtesse  de  Soissons ,  du  duc  de 
Guiche  et  du  marqiiis  de  Vardcs  (  P\ 
Henriette,  XX,  iQÔ  ).  Ce  dernier, 
admis  dans  la  familiarité  du  roi ,  eut 
la  bassesse  de  diriger  les  soupçons 
du  monarque  sur  M'»'^,  de  Navailles  ; 
la  lettre  ne  parut  plus  être  que  le 
dernier  effort  de  la  vertu  austère  de 
celte  dame  ,  et  sa  perte  fut  résolue. 
Le  maréchal  de  Navailles  et  sa  fem- 
me eurent  ordre  de  se  défaire  de 
leurs  charges,  et  de  se  retirer  dans 
leurs  terres.  Les  Mémoires  du  temps 
ne  nous  apprennent  plus  rien  sur 
M'"'^.  de  Navailles;  on  sait  seule- 
ment qu'elle  mourut  à  Paris,  le  i5 
février  1-00.  M — t. 

NAVARETTE  (Ferdinand), l'un 
des  missionnaires  qui  ont  le  plus 
contribué  à  faire  connaître  la  Chine , 
élail  né  à  Penaficl ,  dans  la  Vieille- 
Castille.  Il  prit  jeune  l'habit  de  saint 
Dominique ,  et  fut  envoyé  par  ses 
supérieurs  à  Valladolid,  oîi  il  acheva 
ses  éludes  avec  une  telle  distinction  , 
qu'il  fut  retenu  dans  celte  ville  pour 
y  professer  la  philosophie.  Il  déve- 
loppa, dans  cette  place  ,  des  talents 
qui  lui  auraient  permis  d'aspirer  aux 
principales  chaires  de  l'Espagne,  s'il 
eiît  voidu  suivre  la  carrière  de  ren- 
seignement. Mais  touché  du  désir  de 
coopérer  à  répandre  au  loin  les  lu- 
mières de  l'Évangile,  il  sollicita  et 
obtint  la  permission  de  partir  pour 
les  Indes.  11  s'embarqua,  en  1647  ' 
sur  un  vaisseau  qui  se  rendait  au 
Mexique.  L'année  suivante  ,  il  y  fut 
rejoint  par  le  P.  JMcralès,  célèbre 


NAV 

par  SCS  tlemcles  avor  !cs  Jcsiiitcs  : 
il  le  suivit  aux  îles  riiilippiiics.  A 
son  arrivée  ,  il  lut  iioinruc  Icckiir  , 
et,  quclrfuc  Icrnps  après,  |»ieai!cr 
professeur  ilo  théologie  au  collcj^e  <lc 
Manille.  Lilne  (Jcfoiictioii'i  (|u'il  n'a- 
vait acceptées  q;ie  maigre  lui  ,  il 
passa  dans  l'île  de  Celèbcs,  et  se  ha- 
sarda enfin  à  pénétrer  seul  dans  la 
Cliine  ,  où  il  arriva  ,  en  1GJ9.  Il  re- 
çut ,  de  la  part  des  habitants  ,  un  ac- 
cueil aiiqie!  il  était  loin  de  s'atleiidro, 
et  parvint ,  escorlétoujours  pai-  cpiel- 
ques-uns  d'entre  eux  qui  se  relayaient, 
n  la  ville  de  Fuu-an-Ilian,  où  il  Iroiiva 
(les  missionnaires  de  sou  ordre.  Il  y 
demeura  deux  ans  ,  pour  étudier  la 
langue  chinoise,  et  ol)server  les  pro- 
ductions du  pays  et  les  mœurs  des 
habitants.  Au  bout  de  ce  temps  ,  il 
passa  ,  comme  supérieur  de  l,i  mis- 
sion, dans  la  province  du  Tché  k  ang. 
Mais  une  persécution  s'étani  élevée 
contre  les  missionnaires  ,  au  sujet  de 
ralmanach  rédigé  par  le  P.  Adam, 
président  du  collège  de  mathénia- 
tiqifes  (  F.  Scuall),  Navarelte  fut 
conduit  à  Peking  ,  avec  ses  con- 
ffères  ,  et  relégué  ensuite  à  Canton  , 
avec  défense  de  pénétrer  dans  l'inté- 
rieur de  l'empire.  Il  parait  qu'à  cette 
époque  il  approuvait  le  système  de 
tolérance  adopté  par  les  Jésuites  , 
relativement  aux  cérémonies  chi- 
noises ;  car  ,  dans  une  lettre  qu'il 
écrivait  ,  en  i  GCij) ,  au  P.  Govea  , 
vice-provincial  des  Jésuites  de  la 
Chine  ,  il  dit  :  «  Pour  ce  qui  regarde 
»  les  morts  ,  les  écriteaux  et  les  cé- 
»  rémouies  funèbres  ,  nous  suivons 
»  littéralement  tout  ce  qui  fut  arrêté 
»  dans  l'assemblée  de  vos  Pt^'res ,  qui 
»  se  tint  à  Hang  -  tchéou  ,  en  avril 
1»  \iy\x.  Q  lant  à  Gonfucius ,  nous 
■»  permettons  ce  que  vos  Pères  per- 
»  mettent  de  pratiquer,  en  retran- 
»  chant  les  deux  cérémonies  solcu- 


^AV  007 

»  nelles  que  la  Comj)agnic  ne  permet 
»  pas  non  plus.  »  Le  P.  Navarctte 
élait  dans  la  même  prison  cpie  le  P. 
Intorcetta  ;  et  ce  ne  fut  que  deux  ans 
après  le  départ  de  ce  religieux  (  f^. 
l.Mor.<:i;rTA,  XXT  ,  i^f)  ),  qu'il  par- 
vint à  s'échapper  de  prison  ,  et  s'en- 
fuit à  Macao.  Le  P.  Grimai  Ji,  jésuite, 
prit  voloLtairemcnl  la  place  du  fu- 
gitif, et  se  constitua  pri-ounier, pour 
rendre  le  nombre  complet ,  et  pour 
arrèîei'  par -la  les  ponv-uites  qu'on 
n'aurait  pas  manqué  do  diiiger  con- 
tre le  P.  Navarcîte  .  et  les  mesures  de 
ligueur  contre  ses  compagnons  soup- 
çonnés d'avoir  favorisé  son  évasion. 
Navarelte,  étant  rep  issé  en  Eurojic  , 
s'..rrêta  quelques  m^is  en  Esjta^ne  , 
pour  y  prendre  du  repos  ,  et  nartit 
pour  Rome,  où  il  arriva  dans  les  prc- 
miersjo  irsdel'aïuieo  iG^S.  Lecumj)- 
te  qu'il  [)résenta  de  l'état  des  missions 
de  la  Chine  ,  et  dans  lequel  il  re\  icnt 
au  système  de  rigueur  adopté  par  les 
missionnaires  de  son  ordre,  et  sclève 
fortement  contre  la  condescendjucc 
des  Jésuites,  fut  apjtronvé  par  le 
sacré  collège;  et  l'on  résolut  de  l'y 
renvoyer  avec  le  titre  d'évêque  :  mais 
il  se  défendit  d'accepter  une  charge 
qu'il  jugeait  au-dessus  de  ses  forces. 
Le  roi  d'Espagne  l'ayant  nommé  à 
l'archevêchéde Saint-Domingue  ,  eu 
1G78  ,  il  fut  obligé  de  faire  taire  ses 
répugnances  ,  et  partit  aussitôt  pour 
son  diocèse  ,  qui  soulFrait  de  î'ab- 
scuce  de  son  premier  pasteur.  ]\IaI- 
gré  les  violents  démc'és  qu'd  venait 
d'avoir  avec  les  Jésuites,  il  favorisa 
de  tout  son  pouvoir  leur  éablissc- 
ment  à  Saint  -  D  >miiigue  ,  et  fonda 
pour  eux  un  collège  et  une  chaire 
de  théologie  dans  sa  ville  épisco- 
pale.  Ce  digne  prélat  mourut  ,  uni- 
versellement regretté,  en  1689.  Le 
plus  connu  de  sps  ouvrages  est  in-, 
titulé  :    Tratados  historicos  ,  yuU- 


6o8 


NAV 


ticos  ,  ethicos  y  religiosos  de  la 
monarcliia  de  China  ,  Madrid  , 
1676,  iu-fol.  Ce  volume,  qui  est 
très-rare ,  est  divise  en  scpl  livres. 
Le  premier  traite  de  la  geoc;raphic  et 
du  gouvernement  de  la  Chine  ;  le 
second  ,  des  mages  civils  et  reli- 
gieux ;  le  Iroisièuic,  de  Goufucius 
et  de  sa  doctrine  ;  le  quatrième  ,  des 
principes  de  morale  des  Chinois  ;  le 
cinquième ,  des  différends  des  mis- 
sioiuiaires  (  i  )  et  des  livres  classiques 
de  la  Chine  :  le  sixième  comprend  la 
relation  des  différents  voyages  de 
l'auteur;  et  le  septième ,  les  décisions 
de  la  cour  de  Rome,  sur  les  prati- 
ques superstitieuses  des  Chinois.  Le 
sixième  livre  a  été  traduit  en  anglais 
dans  la  Collection  of  vojages  and 
travels  (  de  Churchill  ) ,  etc. ,  Lon- 
dres ,  1704,  in-fol.  (  F.  Locke, 
XXIV  ,  Gi  5  )  ;  cl  l'abbé  Prévost  en 
a  donné  un  extrait  intéressant  dans 
VHist.  générale  des  voyages.  L'ou- 
Trage  est  rempli  de  détails  curieux 
(2)  ;  mais  on  voit  que  l'auleur  raan- 

3uait  de  méthode  ,  et  son  style  est 
'une  prolixité  fatigante.  Navarette 
se  montre  supérieur  aux  préjugés  de 
sa  nation  :  il  condamne  ,  sans  mé- 
nagement ,  les  cruautés  commises 
par  ses  compatriotes  ,  en  prétendant 
établir  dans  les  Indes  une  religion 
d'amour  et  de  charité;  et  il  rend 
justice  aux  bonnes  qualités  des  Chi- 
nois ,  dont  il  loue  surtout  l'huma- 
iiiîé ,  le  respect  pour  les  femmes , 


f  1)  La  passion  rt  la  vivacité  de  rnuteiir  s'y  mon- 
In-ul  ii  uu  lel  point  que  quelqiif'S-uns  de  se»  coiifrè- 
r^s  n'eu  purent  cai;luT  leur  mécontent-  ment  :  l'on 
d'eux  ,  le  P.  Pierre  d'Alcaiès  ,  écrivant  au  P.  I;itor- 
cett.),  une  lettre  Ha  éc  de  Lan-ki ,  le  3i  mars  1680, 
dit  en  parl<»nt  de  ce  livre  :  «<  Dieu  m'est  témoin  conj- 
»  bien  i'<ii  suis  indigné  ;  «  t  que ,  si  cela  était  va  muu 
»>  punvoîr ,  îe  l'efiaccrais  de  mon  propre  sang.  » 

(a)  C'e-^t  Ti  tort  «pie  Voltaire  a  prélendn  s'appuyer 
de  l'aulorilc  du  P.  Navjretle  peur  loiitesler  l'au- 
tlieuticite  du  fameux  mouuiueat  de  Si'ou-luu  f  y. 
0-1,0  PEN  j. 


NAV 

et  les  vertus  hospitalières  qu'il  avait 
tant  de  fois  éprouvées.  Le  premier 
volume  ,  dont  on  vient  de  présenter 
une  analyse  sommaire,  fut,  dit-on  , 
suivi  d'un  second  ,  imprimé  à  Ma- 
drid ,  en  1679  ,  qui  coutemiit  le  dé- 
tail des  Conlrovcrses  débattues  en- 
tre les  Jésuites  et  les  Dominicains; 
mais  les  Jésuites  profitèrent  de  l'é- 
loignement  de  l'auteur  pour  en  ob- 
tenir la  suppression ,  qui  fut  faite 
avec  tant  de  rigueur  ,  qu'on  n'en 
connaît  pas  un  seul  exemplaire  ;  et 
ils  s'opposèrent  à  l'impresssion  du 
troisiènie  volume  ,  qui  devait  com- 
prendre les  remarques  et  les  obser- 
vations que  l'auteur  n'avait  pu  faire 
entrer  dans  les  précédents,  ISavaretle 
a  publié,  en  langue  chinoise,  une 
Explication  des  vérités  de  la  reli- 
gion ,  avec  la  réfutation  des  erreurs 
particulières  aux  Chinois  ;  —  un 
Caté  hisme  ;  —  un  Traité  des  noms 
admirables  de  Dieu  ;  —  et  une 
Apologie  des  missionnaires  ,  en  ré- 
ponse à  deux  écrits  d'un  lettré  , 
nommé  Fang-kouang  sian.  On  peut 
consulter  sur  cet  écrivain  la  Biblioth. 
des  PP.  Echard  etQuetif,  ii,  720-23. 
W— s. 

NAVARETTE  (  Fernàndez  -  Xi- 
isienksde)  ,  est  le  nom  que  quelques 
biographes  donnent  au  fameux  pein- 
tre espagnol ,  plus  généralement  dé- 
signé p.ir  le  surnom  de  Miido,  parce- 
(ju'il  était  sourd  et  muet.  Fuessli  , 
d'après  Palomino  Velasco,  le  nomme 
Navarretto  (  Jean-François-Xime- 
nès  ).  Le  Diclionnaire  des  peintres 
espagnols,  par  F.  Quilliet ,  l'appelle 
Fernandez  Navarrete  EL  jNIuBO 
(  Jean  );  et  c'est  rorlliographe  qu'on 
a  suivie  à  l'article  qui  lui  a  été 
consacré  dans  cette  Biographie  ; 
FoY.  tome  XIV ,  pag.  385.     Z. 

NAVARRE  (  Pierre  )  ,  célèbre 
capitaine  espagnol  ,  était  uc  au  quiu- 


NAV 

ziemc  siècle ,  dans  la  Biscaye ,  d'iiiio 
faïuillc  obscuie.  Il  servit  d'abord 
comme  simple  matelot  ,  et ,  dc'goùtc 
de  ce  juelicr,  vint  eu  Italie  ,  à  la  suite 
du  cardinal  d'Arap,oii ,  pour  y  tenter 
lortune.  Il  s'eniôla  dans  les  bandes 
génoises,  et  se  trouva,  en  14^7^  «'H 
siège  de  Scrancssa  ,oii  fut  faite  la  pre- 
mière épreuve  de  la  mine  :  cet  essai, 
n'ayant  point  réussi ,  fut  abandonne  ; 
mais  Pierre  s'empara  de  celte  terri- 
ble découverte ,  et  vint  à  bout  de  la 
perfectionner  dans  la  suite.  Ce  fut 
dans  une  campagne  contre  les  Mau- 
res ,  qu'il  commença  de  paraître  avec 
éclat;  et  après  la  prise  de  Velez-lVIa- 
laga  ,  il  en  fut  nomme'  gouverneur. 
La  réputation  qu'il  s'était  acquise  par 
sa  valeur,  le  fit  connaître  du  grand 
Gonzalve ,  qui  l'emmena  à  la  con- 
quête du  royaume  de  Naplcs.  Il  diri- 
gea le  siège  du  château  de  l'OEuf ,  re- 
gardé comme  imprenable  ;  et  après 
avoir  sommé  le  commandant  de  lui 
en  ouvrir  les  portes  ,  il  renversa  les 
murailles,  au  moyen  des  mines  dont 
ilavait  alors  seul  le  secret,  et  entra  par 
la  brèche.  La  même  année  (i5o3),  il 
prit  d'assaut  le  Mont-Cassin,  occupé 
parles  Français,  et  contribua  beau- 
coup à  les  chasser duroyaume.  Pierre 
fut  récompensé  de  ses  services  par 
l'expédition  de  lettres  de  noblesse , 
et  l'investiture  du  comté  d'Alvetlo. 
Nommé  commandant  d'une  flolille, 
il  donna  la  cha-se  aux  pirates  qui 
infestaient  les  côtes  de  l'Italie.  De 
retour  en  Espagne  ,  en  iSog,  il  prit 
le  Pignon  de  Vêlez,  sur  la  cote  d'A- 
frique ,  et  rendit  de  grands  services 
aux  Portugais  contre  les  Maures.  Il 
fut,  bientôt  après,  mis  à  la  tête  de  l'ex- 
pédition d'Afrique  ,  entreprise  par 
le  cardinal  Ximcnès.  Ses  premiè- 
res opérations  curent  de  l'éclat  (  F. 
XimenÈs  )  ;  ics  Maures  perdirent , 
Oran ,  Bugie  et  Tripoli  ;  mais  leur 

XXX. 


NAV 


Oo|^ 


cavalerie  (iuit  par  rmnporter  une  vic- 
toire décisive  ,  dans  la  défense  de 
l'île  de  Djerbi  ,  sur  une  armée  déjà 
décimée  par  les  chaleuis,  Pierre 
éprouva  de  nouveaux  revers  en  Ita- 
lie. Eu  i5i  i  ,  il  se  trouva  au  siège 
de  Bologne  ,  où  il  employa  la  mine 
avec  peu  de  succès,  à  raison  de  l'hu- 
midilédu  terrain. Il  fut  fait  prisonnier 
à  la  Isataillc  de  Ravcnnc  ,  en  i5i2  , 
et  languit  en  France  pendant  deux 
ans.  Ferdinand,  son  souverain,  avant 
lefusé  de  jiaycr  sa  rançon  ,  Pierre  _, 
indigné  de  cette  ingratitude,  lui  ren- 
voya ses  brevets,  et  accepta  les  oftres 
de  François  I^'  .Bientôt,  à  la  tête  de  six 
mille  Basques  et  Gascons,  qu'il  venait 
de  lever,  il  entra  dans  le  Milancz ,  et 
contribua  à  la  prise  de  Novai-e,  de 
Vigevano  et  de  Pavie.  Il  se  signala , 
eu  1 5 1 5  ,  à  la  bataille  de  Marignan , 
et  à  l'ai  laque  du  château  de  Milau  : 
il  conduisit ,  en  \~yii ,  des  secours  à 
Lautrcc  ,  arrêlé  par  des  forces  supé- 
rieures ,  et  se  couvrit  de  gloire  au 
malheureux  combat  de  la  Bicoque. 
Pveutré  en  France  après  la  perte  du 
Milanez  ,  il  donna  le  conseil  de  tout 
tenter  pour  sauver  Gènes  ,  et  fut 
chargé  d'y  introduire  lîes  troupes: 
malheureusement ,  onne  trouva  dans 
les  ports  de  la  Provence  que  deux 
petits  bâtiments,  sur  lesquels  il  mit 
deux  cents  hommes  ;  ce  faible  ren- 
fort ,  arrivé  au  moment  où  la  ville 
venait  d'cU'e  prise  d'assaut,  fut  en- 
veloppé de  toutes  paris.  Pierre  ,  qui 
le  conduisait ,  subit ,  au  château  de 
rOEuf ,  une  captivité  de  trois  ans.  Le 
traité  de  Madrid  lui  rendit  la  liberlé. 
11  se  hâta  de  rentrer  en  France  ,  y 
leva  un  nouveau  corps,  et  suivit  Lau> 
trcc  dans  son  expédition  contre  Na- 
plcs. La  maladie  qui  enleva  une  par- 
tie de  l'arriiée  française  et  son  général, 
ayant  obligé  à  la  retraite,  Pierre  fut 
pris  à  Avcrsa  par  les  Espagnols, 

39 


6io 


NAV 


a  et    mené    à   Kaples  ,  ou  ,  par   le 
»  commandement  de  ''empereur,  il 
»  fut  etoifftc  entre  deux  coites  de  lit, 
i>  comme  me  dirent  aucuns  vieux  sol- 
))  dats  espagnols  ,  la  première  fois 
»  que  je  fus  à  Naples  ,  et  m'en  mon- 
»  trèrentlelieuet  la  prison. D'autres 
»  disent,  qu  il  fut  etrangledecordcpar 
«  main  de  l^ourrcau  ,  mais  pourtant 
»  eu  cachette  »  (Brantôme,  Grands 
capit.  étraiig.  ,  dise,  ix  ).  La  haine 
que  Charles-Quint  portait  à  un  trans- 
fuge si  important  pour  la  France  ,  a 
pu  accréditer  ces  bruits  ;  mais  il  pa- 
raît que  la  maladie  dont  Pierre  était 
atteint  ,  et  le  chagrin  ,  terminèrent 
seuls  ses  joiu-s  ,  en  iS-^S.  Le  duc  de 
Sessa  (  I  )  lui  fit  élever  un  tombeau , 
à  côté  de  celui  de  Lautrec  ,  dans 
l'église  de  Sainte-Marie  la  nuova , 
avec  une  épitaphe  ,  rapportée  par 
Brantôme.  Pierre  de  Navarre  joignait 
à  une  rare  valeur  ,  beaucoup  d'acti- 
vité ,   d'intelligence  et  de  finesse  : 
aucun   capitaine  n'entendait  mieux 
que  lui  la  guerre  des  sièges  ;  et  il  pas- 
sait pour  le  premier  homme  de  son 
temps  da.'s  tout  ce  qui  était  relatif 
auxfurtifications.  PaulGiovio  et  Phi- 
lippe Tomasini  ont  publié  des  élo- 
ges de  Pierre  de  Navarre  ;  son  por- 
trait a  été  c;ravé  jilusieurs  fois.  W-s. 

NAVARRE  (Le  docteur) ,  fameux 
théologien  espagnol  ,  dont  le  vrai 
nom  était  iMartin  Azpilcueta  ,  na- 
quit, le  i3  déc.  1493,  à  Varosa'in 
dans  la  Navarre ,  à  quelque  distance 
de  Parapelune.  Il  commença  ses  étu- 
des h  Alcalà  de  Héaarès ,  et  alla  les 
continuer  en  France.  Ce  fut  à  Tou- 
louse et  à  Cahors  qu'il  débuta  dans 
l'art  de  professer.  Après  avoir  sé- 
journé quatorze  ans  en  France,  U 
rctourn.a   en   Espagne  ,  fut  nommé 


(1^  Et  non  Serra,  ccmme  ou  î'a  dit  par   erreur 
typogràjliique,  arL  LAUTREC  ,  XXIII,  45i. 


NAV 

chanoine  à  Roncevaiix,  et  remplit  à 
Salamanque  la  première  chaire  du 
droit  canonique,  pendant  quatorze 
ans.  Jean  ,  roi  de  Portugal ,  l'ayant 
appelé  à  Co'imbre ,  pour  donner  de 
l'éclat  à  l'université  qu'il  venait  de 
fonder ,  lui   assigna  un  salaire   de 
raille  pièces  d'or.  Azpilcueta  se  livra 
dans  cette  ville,  avec  beaucoup  de 
succès  ,  à  l'enseignement ,  pendant 
vingt-six  années,  et  forma  un  grand 
nombre  d'élèves  distingués  ,  ])armi 
lesquels   on  compte  Diego   Covar- 
ruvias  ,   le    Bartole    de    l'Espagne. 
Jeanne  d'Autriche,  et  les  princes  de 
Bohème,  le  choisirent  pour  leur  con- 
fesseur. Son  grand  âge  lui  ayant  fait 
enfin  désirer  le  repos ,  il  se  retira 
dans  sa  ville  natale.  L'amitié,  que 
l'âge  n'affaiblit  pas  dans  les  amcs 
vertueuses,  l'arracha  pourtant  à  sa 
retraite,  et  le  fit   reparaître   avec 
éclat  sur  le  tliéâlre  du  monde.  Ayant  • 
appris  que  l'archevêque  de  Tolède, 
Barthélemi  Carrança ,  dont  il  avait 
reçu  de  grands  témoignages  d'afTec- 
tion,  était  accusé  d'hérésie  et  avait 
été  jeté  en  prison  à  Rome,  il  entre- 
prit, quoiqu'octogénaire ,  le  pénible 
A^uyage  d'Italie ,  pour  défondre  son 
bienfaiteur.  Ses  cfTbrts  furent  infruc- 
tueux; et  l'archevêque;,  après  avoir 
langui  long-temps,  mourut  dans  sa 
captivité,  sans  que  l'on  eût  terminé 
l'examen  de  son  procès.  Cependant 
la  chaleur  et  le  courage  avec  lesquels 
il  fut  défendu  par  Azpilcueta,  ajou- 
tèrent encore  à  la  vénération  que  la 
cour  de  Rome  avait  pour  ce  viei  dard. 
Lepape  Pie  V  lui  accorda  le  titre  d'as- 
sesseur du  cardinal  François  Alciatj 
et  Grégoire  XIII,  accompagné  de 
plusieurs  cardinaux  ,  lui  rendit  une 
visite  solennelle.  Ce  même  pape  ne 
jugeait  pas  un  cas  de  conscience  sans 
l'avoir  consulté;  et  il  aimait  tant  la 
conversation  dn  savant  docteur,  que 


NAV 

souvent  il  s'arrêtait  devant  la  jnai- 
soii  lie  celui-ci ,  le  faisait  appeler,  et 
s'entreieiiait  avec  lui  dans  la  rue  , 
pendant  une  heure  cnlicrc.  Le  roi  de 
France  ayant  envoyé  à  Rome  Paul 
de  Foix,  qui  fut  accoiupaji^ne  dans 
son  anibassalc  par  de  Thon,  ce  cé- 
lèbre historien  eut  occasion  de  con- 
naître A/.pilcucla  plus  particulière- 
ment. Il  raconte  cpie  ce  docteur  avait 
été  plusieurs  fois  consulté  par  Char 
les-Qiiinl  et  Philippe  II,  pour  sa- 
voir s'ils  pouvaient  garder  à  juste 
titre  le  royaume  de  Navarre,  dont 
ils  s'étaient  emparés;  et  il  ajoute 
que  le  théologien  avait  répondu,  avec 
franchise ,  que  leur  conscience  et 
leur  devoir  exigeaient  de  restituer 
cette  province  à  son  maître  légi- 
time. Les  marques  d'honneur  dont 
Azpilcueta  fut  comblé  à  la  cour  de 
Rome ,  ne  changèrent  en  aucune  fa- 
çon, ni  sa  vie  simple  et  frugale,  ni 
ses  sentiments  désintéressés  et  géné- 
reux. Il  refusa  toutes  les  dignités 
qu  on  voulut  lui  conférer.  Son  ca- 
binet était  toujours  ouvert  à  ceux 
qui  venaient ,  souvent  de  très-loin  , 
pour  le  consulter  :  il  distribuait  beau- 
coup d'aumônes;  et  il  avait  tellement 
pris  riiabitude  d'être  charitable  , 
que ,  (pand  il  passait  dans  la  rue , 
sa  mule  s'arrêtait  d'elle  même  toutes 
les  fois  qu'elle  rencontrait  un  pau- 
vre ;  et  elle  n'avançait  que  lors- 
qu' Azpilcueta  lui  avait  mis  dans  la 
main  ,  selon  sa  coutume,  une  pièce 
d.e  monnaie.  Il  avait  fondé  et  doté 
dans  sa  patrie  l'hôpital  de  Sainte- 
Lucie.  A  Coimbre  ,  sa  maison  était 
l'asile  des  malheureux.  Pendant  le 
jour ,  on  le  trouvait  occupé  à  don- 
ner audience  ou  a  répondre  par  écrit 
aux  personnages  les  plus  distingués 
de  l'Europe  ,  qui  solliciîaieut  ses 
svis,  regardés  comme  des  oracles. 
Le  soir ,  ou  le  voyait  souvent  visiter 


NAV  6ii 

les  hôpitaux ,  soulager  et  consoler 
les  infirmes  et  les  misérables  ,  et  les 
servir  avec  une  humilité  lomJiante, 
portant  un  tablier,  et  ne  se  rebutant 
point  des  plus  viles  fonctions.  Sa 
sobriété  et  sa  modération  soutinrent 
sa  santé,  jusque  dans  son  extrême 
vieillesse,  (pioiqu'il  fût  d'une  com- 
|)lc\ion  délicate,  afïidblie  encore  par 
les  jeunes  qu'il  observa  scrupuleu- 
sement tonte  sa  vie.  Il  n'accordait  au 
sommeil  que  cinq  heures  :  ses  repas 
étaient  également  très  -  courts ,  et 
toujours  accompagnes  d'une  lecture 
pieuse.  11  travailla ,  et  il  dit  la  messe , 
encore  quelques  jours  avant  sa  fin. 
Sentant  enfin  la  mort  s'approcher  , 
il  se  fit  lire  la  Passion  de  Jesus- 
Christ;  et  quand  le  lecteur  en  vint  à 
ce  bel  aveu  du  Sauveur  :  a  J'ai  tou- 
»  jours  parlé  aux  hommes  eu  public , 
»  et  je  n'ai  jamais  rien  dit  en  secret.  » 
Azpilcueta  répéta  d'une  voix  déiail- 
iaute  ,  mais  avec  un  contentement 
visible,  ces  mots  dont  sa  conscience 
se  faisait  Tapplication  à  elle-même. 
Aussitôt  après  il  expira, âgé  de  qua- 
tre-vingt quinze  ans,  le  -i 2  juin  1 586. 
Son  corps  fut  porté  à  Saint  -  Antoine 
des  Portugais,  au  Champ-de-Mars  , 
où  il  fut  euterré,  Thomas  Correa 
prononça  sur  sa  tombe  une  oraison 
funèbre ,  imprimée  à  Rome  en  ï  586  ; 
et  Martin  Zurita ,  son  neveu ,  lui 
érigea  un  monument  avec  son  buste 
et  une  épitaphe  qu'on  trouve  dans 
la  collection  de  ses  œuvres.  Simon 
Magnus  avait  publié  ,  du  vivant 
d' Azpilcueta ,  des  détails  sur  sa  vie 
(  Fita  excellenlissimi  juris  juonar- 
chœ  Mart.  .J  zpilciiet  a  .Rome,  1 075, 
in-4°.  )  Jiil.  Roscius  Hortinus  ,  son 
disciple ,  publia  dans  la  suite  inie 
autre  notice  biographique,  qui  a  été 
insérée  dans  le  premier  volume  de 
ses  œuvres.  Azpilcueta  n'avait  jamais 
voulu  permettre  qu'on  fît  son  por- 


Gire 


NAV 


trait ,  quoique  des  personnes  d'une 
haute  distinction  le  lui  eussent  de- 
mande comme  une  grâce  :  un  artiste 
portugais  le  fit  à  son  insu  pendant 
qu'il  disait  la  messe;  on  en  voit  des 
copies  dans  les  ouvrages  qu'on  vient 
de  ciîer.  Les  traites  d'Azpilcueta  ont 
e'tc  imprimes  séparément  et  à  diver- 
ses époques  :  on  les  a  recueillis  en  3 
vol.  in-t'ol. ,  à  Lyon,  i5S(},  et  on  6 
vol.  in-4". ,  à  Venise  ,  160-2  ;  idem  , 
Cologne,  1616,5  vol.  in-foi.  Parmi 
ces  ouvrages  généralement  estimés  , 
et  qui  ont  été  fort  recherchés  des  ca- 
siiisfes  ,  et  de  ceux  qui  s'occupaient 
de  l'étude  du  droit  canonique,  ou 
distingue  plus  particulièrement,  dans 
le  i<^' .  vol.  édition  de  Venise  ,  le  4*^. 
traité,  intitulé  De  alienatione  rerum 
fcclesiaslicanim,  et  le  6^.  De  rediti- 
bus  beneficimiim  ;  il  soutient  dans  ce 
dernier  que  les  béneficiers  ne  doi- 
Aent  employer  le  revenu  de  leurs 
bénéfices  qu'au  soulagement  des  pau- 
vres :  cette  sévérité  de  principes  lui 
attira  des  ennemis.  François  Sar- 
miento,  auditeur  de  rote,  publia  un 
écrit  pour  attaquer  cette  décision. 
Mais  Azpilciteta  lui  répondit  par  un 
nouveau  traité  in(iiulé,-'^;t*oZt):,'-^a"c//5 
pro  libre  de  reditibus  :  on  le  trouve 
dansle'2*^.vcl.  delà  collection  de  ses 
ouvrages.  Enfin ,  dans  le  3^.  vol, ,  ses 
Traités  de  Cambus  ,  de  Furto  ,  de 
Homicidio  casuali  ,  prouvent  que 
les  éloges  que  presque  tous  les  sa- 
vants ont  faits  d'Azpilcueta,  n'étaient 
que  le  tribut  qu'ils  payaient  au  me'- 
Titeetaux  rares  qualités  de  se  savant 
jurisconsulte.  D — g. 

NAVIER  (Pierre  Toussaint), 
médecin,  ne  à  Saint-Dizicr ,  le  i<^'". 
novembre  1 7  12  ,  fut  reçu  docteur  en 
médecine  à  Reims ,  eu  1741.  Il  choi- 
sit Châions-sur-IVIarne  pour  le  lieu  de 
sa  résidence  ,  et  mérita  bientôt  le 
titre  de  correspondant  de  l'académie 


NAV 

royale  des  sciences ,  par  un  Mémoire 
contenant  la  découverte  de  l'éther 
nitrcux.  Depuis  ce  temps,  chaque 
année  de  sa  vie  fut  marquée  par  de 
nouveaux  mémoires  oudissertations , 
que  l'on  trouve  insérés  dans  les  Re- 
cueils de  l'académie  des  sciences  ,  de 
l'acad.  de  Chàlons,el  dans  la  Gazette 
de  médecine.  Toujours  animé  de  l'a- 
mour du  bien  public ,  et  du  désir  de 
contribuer  au  progrès  des  sciences 
et  des  arts  ,  il  entreprit  de  les  fixer 
parmi  ses  nouveaux  concitoyens,  en 
formant  ,  avec  Dupré  -  d'Ornay  et 
d'autres ,  le  projet  d'une  société  litté- 
raire ,  qui  commença  ses  séances  en 
1753  ,  et  qui  fut  érigée,  au  mois 
d'août  1775,  en  académie  des  scien- 
ces, arts  et  belles-lettres.  Louis  XVI 
lui  donna,  (;n  1779,  une  pension, 
dont  il  ne  jouit  pas  long-temps  ;  car, 
après  une  maladie  longue  et  doulou- 
reuse ,  il  mourut  à  Chàlons,  le  16 
juillet  1779,  emportant  les  regrets 
de  ses  concitoyens ,  dont  il  avait  mé- 
rité l'estime  par  ses  talents,  sa  dou- 
ceur et  son  généreux  dévoùment.  Na- 
vier  s'était  marié,  et  avait  eu  douze 
enfants ,  dont  deux  se  livrèrent  avec 
succès  a  la  même  profession  que 
leur  père.  Outre  les  différents  Mé- 
moires dont  nous  avons  parlé,  on 
a  encore  de  lui  :  I.  Dissertatkn  sur 
plusieurs  maladies  populaires ,  Pa- 
ris, i753,in-i2.  IL  Observations 
sur  V amollissement  des  05  ,  Paris  , 
1755,  in-r2.  IIL  Des  Observations 
sur  la  jusquiame IV.  Obser- 
vations .ur  le  cacao  et  le  chocolat , 
Paris,  i77->-,  in-ia,de  144  P^g-  V. 
De  thermis  Borboniensibus ,  1774» 
in  -  4"-  VI.  Réjlexions  sur  les  dan- 
gers des  inhumations  précipitées , 
et  sur  les  abus  de  l'inhumation  dans 
les  églises  ,  Paris  ,  1775  ,  in  -  12  , 
de  79  pag.  VIL  Question  sur  l'em- 
ploi du  vin  de  Champagne  mous- 


scux ,  contre  les  maladies  putri- 
des,  1778,  in-8".  VllI.  Précis  des 
mojens  de  secourir  les  personnes 
empoisonnées  par  les  poisons  cor- 
rosifs,  1778,  in-8".  IX.  Contre- 
poisons de  l'arsenic  ,  du  suhlimé- 
corrosij ,  du  i'crt  -  de  -  i^ris  et  du 
plomb,  avec  trois  Dissertations  sur 
le  mercure  et  Véther  nitreiix ,  Paris, 
1778,  2  vol.  in-  l'x.  Cet  ouvrage, 
puise  dans  la  chimie  la  plus  pro- 
fonde ,  et  le  fruit  de  plus  de  trou  le 
années  d'étude  ,  jouit  encore  d'une 
estime  raërite'e  ;  il  a  ctë  traduit  en 
allemand,  par  G.-E.  Weigel ,  Greifs- 
wald,  I78-2,  '^  vol.  in-8".  T'ojez 
V Eloge  de  Navier ,  par  V  icq-d'Azyr, 
dans  le  Recueil  de  la  société'  royale 
de  médecine,  1779,  H.  pag.  5-2. 

C.  ï— Y. 

NAVILLtl  (  François-André  ) , 
d'une  ancienne  famille  de  Genève, 
naquit  dans  cette  ville,  le  i5  février 
17.52.  Il  fut  reçu  avocat,  en  177Ô; 
et  il  parvint ,  en  1 78'-i ,  à  la  place  de 
procureur-général,  l'une  des  plus 
importantes  de  la  république.  Un 
édit  du  'Il  novembre  178'.^  venait 
de  décréter  une  chambre  des  tutel- 
les ^  la  présidence  hii  en  fut  déférée. 
C'est  à  l'influence  de  son  exemple  , 
c'est  au  mouvement  qu'il  imprima  , 
que  cette  institution  a  dû  de  lui  sur- 
vivre. A  peine  comptait-elle  trois 
ans  d'existence,  et  déjà  elle  avait  at- 
teint son  but;  les  comptes  arriérés 
des  tuteurs  étaient  réglés;  une  raarclie 
fixe  était  assurée  pour  l'avenir;  et 
la  générosité  des  particuliers  avait 
doté  cette  chambre  d'un  revenu  des- 
tiné à  fournir  des  apprentissages  aux 
mineurs  sans  fortune.  Quarante  ans 
se  sont  écoulés ,  et  le  bienfait  de 
l'institution  subsiste.  Aussi  le  nom 
de  Naville  ,  devenu  inséparable  de 
cet  établissement  pliilantropique  , 
est-il  toujours  béni  de  la  veuve  et 


NAV 


6i3 


de  l'orplielin.  Après  avoir  rempli  la 
place  de  procureur  -  général ,  pen- 
dant les  six  ans  que  la  loi  assi- 
gnait à  cet  emploi ,  Naville  fut  élu 
conseiller-d'élat.  Il  publia,  en  1790, 
in  -  8". ,  V Etat  civil  de  Genève ,  le 
premier  de  ses  titres  à  la  reconnais- 
sance de  ses  concitoyens.  Cei  ouvra- 
ge offre  un  modèle  de  l'application 
de  la  méliiode  analytique  à  la  scien- 
ce législative.  C'est  par  leurs  eftels 
que  Naville  juge  les  institutions  et 
les  lois  civiles  de  sa  patrie.  Eu  rap- 
prochant ses  recherches, des  données 
que  les  écrits  des  jurisconsultes  et  des 
pubHcistes  lui  fournissent  sur  les  au- 
tres nations,  il  parvient  à  établir 
que  Genève,  toute  proportion  gar- 
dée, était  probablement  le  pays  de 
l'Europe  où  il  y  avait  le  moins  de 
procès ,  celui  oîi  la  justice  coûtait  le 
moins.  De  ces  elî'ets  constatés  de  la 
législation  existante,  Naville  passe 
cà  l'examen  des  principales  lois  aux- 
quelles il  les  attribue.  L'homme  d'é- 
tat et  le  jurisconsulte  liront  toujours 
avec  fruit  les  deux  chapitres  sur  la 
Suhhastation  des  immeubles ,  et  ce- 
lui où  l'auteur  décrit  ce  bureau  de 
conciliation,  volontaire  et  gratuit, 
qui  n'abandonnait  jamais  les  plai- 
deurs,  depuis  le  premier  juge  jus- 
qu'au tribunal  suprême.  Mallet-Du 
pan  ,  rendant  compte  ,  dans  le  Mer- 
cure du  28  août  1 790  ,  des  travaux 
de  l'Assemblée  constituante  sur  l'or- 
ganisation judiciaire,  en  profita  pour 
annoncer  l'ouvrage  de  son  compa- 
triote, et  pour  ofli'ir  à  la  méditation 
des  législateurs  français  les  résultats 
de  l'expérience  sur  ce  mode  de  con- 
ciliation des  tribunaux  de  Genève. 
Les  notes  qui  accompagnent  l'ouvra- 
ge de  Naville,  renferment  une  foule 
de  vues  nouvelles  et  profondes  suj- 
les  points  les  plus  importants  du 
droit  :  on  y  trouve   les  germes  de 


Cî4  NAV 

plusieurs  autres  traites  que  me'ditait 
l'auteur.  Les  elForls  de  Navillc  pour 
attacher  les  Geuevois  à  des  institu- 
tions dont  il  leur  depei|^nait  les  bien- 
faits, ne  purent  les  sauver  de  nou- 
veaux troubles  :  l'aucienne  consti- 
tution l'ut  renversée  ,  le  Mj  décembre 
179'^  ;  le  gouvernement  passa  en 
d'autres  mains ,  et  Naville  rentra 
dans  la  vie  privée.  En  juillet  1794, 
une  eiTroyable  insurrection  éclate  à 
Genève  ;  les  membres  de  l'ancierne 
magistrature  ,  et  une  foule  d'autres 
citoyens  ,  sont  entassés  dans  une 
prison  :  un  tribunal  révolutionnaire 
siège  pour  prononcer  sur  leur  sort. 
Les  vertus  de  Naville ,  les  services 
qu'il  avait  rendus  à  sa  patrie,  sa  no- 
ble défense  devant  ceux,  qui  s'étaient 
constitués  ses  juges  ,  ne  purent  le 
sauver:  condamné,  à  la  majorité 
d'une  seule  voix ,  il  fut  mis  à  mort , 
le  2  août  i7ç)4-  Z. 

NAWAWI  (MouiEDDiN  Abou 
Zacuaria  Yahia  ) ,  fils  de  Scharaf  , 
né  l'an  63 1  (  i233  de  J. -G.  ) ,  à 
Nawa ,  bourg  du  territoire  de  Da- 
mas,  docteiir  de  la  secte  Scliaféi- 
tique,  mort  à  Damas  en  676  (  i'i77  ), 
se  rendit  si  célèbre  par  sa  science 
et  ses  nombreux  ouvrages  ,  que  les 
Musulmans  l'ont  proclamé  le  grand 
imam  de  son  siècle.  Il  a  particulière- 
ment écrit  sur  la  jurisprudence  et  les 
traditions.  On  distingue  ,  entre  ses 
meilleures  produclions,  un  Commen- 
taire sur  le  Coran,  qu'il  finit  en  666 
(  I  ^67  ) ,  des  Règles  critiques  pour 
V histoire ,  et  un  Dictionnaire  histo- 
rique ,  souvent  cité  sous  le  nom 
seul  d'Abou  -  Zacharia  ,  et  qui  se 
trouve  en  manuscrit  à  la  bibliothè- 
que de  Leydc  (  f^.  le  Journ.  des  sa- 
vants de  juin  182 1  ,  p.  3 19  ).  So'iou- 
thy  a  écrit  la  vie  de  Nawawi.     Z. 

NAZL-VNZE.  F.  Grégoire  f  tom. 
XVÏII,pag.4i4.)  . 


NAZ 

N  AZOUH  ouNASSOUH-PACHA, 
grand  -  vézyr  sous  le  sulthau  Ach- 
mel  I'-''",  ,  était  fils  d'un  piètre  grec 
de  Serres,  près  Salonique,  et  porta 
long-lcmps  le  nom  de  sou  village. 
Envoyé  à  Gonstantiuople,  vers  l'an 
i56}S,  comme  cufaiit  de  tribut,  pour 
le  service  du  sérail,  et  rebuté  [)arcc 
qu'il  éiait  petit  et  qu'il  avait  le  teint 
basaué  et  les  traits  désagréables ,  il 
fut  vendu  à  Mehemel  Agha ,  eunu'jue 
noir,  qui  lui  enseigna  le  turc,  et  lui 
apprit  à  lire  et  à  écrire.  Les  pen- 
chants vicieux  du  jeune  esclave  lui 
firent  perdre  ralTcclion  de  son  maî- 
tre, qui  voulait  lui  laisser  sou  héri- 
tage, m.iis  qui,  par  ua  reste  d'indul- 
gence ,  le  fît  recevoir  au  nombre  des 
baltadjis  (  portiers ,  tendeurs  de  bois 
et  commissionnaires  du  sérail  ).  Em- 
ployé <^n  cette  qualité  par  le  kislar 
agha  (  chef  des  eunuques  noirs  ) ,  et 
chargé  de  quelques  commissions  dé-  , 
licates ,  il  dut  aux  ressources  d'mi 
esprit  peu  difficile  sur  les  moyens, 
la  faveur  de  cet  officier  et  le  nom  de 
Nassouh  (  homme  de  conseil  )  :  ad- 
mis enfin  au  service  de  la  sulthane 
Validé  ,  il  marcha  rapidement  à  la 
fortune.  Envoyé  en  Syrie,  comme 
intendant  des  domaines  qu'y  possé- 
dait celte  princesse  ,  il  sut,  à  force 
d'extorsions  et  d'iniquités,  augmen- 
ter les  revenus  de  la  sulthane,  et  pour 
son  propre  compte  amasser  des  som- 
mes considérables.  Parvenu  au  rang 
de  capidjy-bachy ,  à  celui  de  pacha , 
et  pourvu  du  gouvernement  d'Alep, 
il  s'y  rendit  si  odieux  par  ses  exac- 
tions et  ses  cruautés  ,  qu'il  fut  révo- 
qué. Au  lieu  d'obéir  ,  il  résista  long- 
temps à  son  successeur.  Forcé  enfin 
de  céder,  il  alla  secrètement  à  Gons- 
tantlnople ,  se  présenta  di:vant  le 
sulthan  Mahomet  III,  à  l'iusu  du 
grand- A^ézyr,  eut  l'art  de  persuader 
à  sou  maître  qu'il  était  innocent,  et 


NAZ 

recouvra  sa  faveur ,  eu  de'^iit   des 
courtisans.  iNomnié  au  pacli-ilik  de 
Baghdad  ,  dont  les  peuples  ne  voulu- 
rent point  le  recevoir,  il  fut  oblige' 
de  se  contenter  de  celui  de  Diarbe- 
kir.  L'an  i60]  ,  il  marcha  contre  un 
rebelle  qui  s'était  empare  de  Bagh- 
dad ;  mais  ses  troupes  l'abandonnè- 
rcnt ,  et  il  fut  contraint  de  fuir  lion- 
teusemcnt.  Ce  revers  le  fit  soupçon- 
ner de  trahison:  on  le  rappela;  il 
désobéit,  et  fit  redouter  sa  desobcfis- 
sance.  Le  graud-ve'zyr  Mourad- Pa- 
cha ,  envoyé  pour  faire  la  guerre  au 
roi  de  Perse,  en  1609,  fut  charge' 
défaire  périr  Nazouh.  Gelni-ci  vint 
le  joindre  avec  des  troupes  nonibreu- 
scsj  il  capta  sa  confiance,  et  roussit  à 
devenir  son  premier  lieutenant.  Mais 
à  la  fin  de  la  campagne  suivante  ,  le 
serasker   mourut   empoisonne   par 
ce  traître  ,  qui ,  s'etaut  empare  des 
sceaux  de  l'état  et  du  commande- 
ment de  Tarméc,  parvint  à  se  faire 
nommer  grand-ve'zyr,  par  la  crainte 
que  Ton  eut  à  la  Porte  qu'il  ne  livrât 
ces   frontières  au  roi  de  Perse.   Il 
paraît  en  effet  que  Nassouli  se  lais- 
sa corrompre  par   Chah  -  Abbas  ; 
car  il  conclut  aussitôt  la  paix  avec 
ce  monarque ,  en  1 G 1 1 .  Il  aurait  bien 
voulu  rester  en  Mésopotamie  ,  pour 
y  jouir  tranquillement  du  fruit  de  ses 
rapines  ,  de'posëes ,  ainsi  que  sa  fa- 
mille ,  dans  la  forteresse  de  Mardin, 
Mais  les  invitiitions  re'iterces  d'Ach- 
met  P"".  le  déterminèrent  à  revenir  à 
Constantinople,  où  il  arriva  le  19 
septembre  i6iu.  Ses  ennemis  regar- 
daient sa  perte  comme  infaillible  , 
du  moment  où,  séparé  de  l'armée  et 
convaincu  de  crimes  nombreux  ,  il 
ne  fallait  plus  qu'un  mot  du  sullhan 
pour  terminer  une  carrière  souillée 
de  forfaits.  Cependant ,  dès  sa  pre- 
mière audience ,  il  se  justifia  si  bien  , 
qu'il  épousa  une  fille  en  bas  âge  de 


i\AZ 


Gi 


son  souverain,  qui  d'abord  ne  la  lui 
avait  promise  que  dans  l'intention 
de  le  tromper.  Nassouh  se  vit  alors 
plus  en  crédit  que  jamais,  par  l'ap- 
pui de  la  siilthauc  Kiosem  ,  sa  belle- 
mère  ;  il  l'avait  mise  dans  ses  inté- 
rêts ,  en    li'.i   promettant  d'assurer 
l'empire  au  second  fils  du  grand-sei- 
gneur ,  dont  elle  était  la  mère.  L'or- 
gueil du  vézyr  n'eut  plus  de  bornes. 
Le  nombre  de  ses  officiers  et  de  ses 
esclaves  était  si  considérable  ,  que , 
lorsqu'il   paraissait  en  public  ,  son 
cortège  égalait  celui  du  souverain. 
L'arrivée  de  Djigal  Ogiou-Mahmoud, 
ex-pacha  de  Baghdad  et  beau-frère 
du  sulthan ,  confondit  enfin  les  intri- 
gues de  Nassouh,  et  entraîna  sa  chu- 
te. Achraet ,  déjà  ofTiisquc  du  faste  de 
son  vézyr,  ayant  acquis  la  preuve  de 
sa  trahison  ,  résolut  de  le  faire  périr. 
Le  vendredi  9  octobre  1614,  jour 
d'autant  plus  solennel ,  qu'on  était 
alors  dans  le  ramadban,  Nassouh, 
appelé  au  sérail  pour  accompagner 
le  sulthan  à  la  mosquée ,  refusa  de 
s'y  rendre,  sous  prétexte  d'une  grave 
indisposition  :  soupçonnant  le  sort 
dont  il  était  menacé ,  il  avait  offert 
d'abdiquer  le  vézyrat.  Achmet  alors 
lui  fit  annoncer  sa  visite  j  mais  au 
lieu  de  monter  en  carrosse,  il  envoya 
à  sa  place  le  bnstandjy-bachy.  Ar- 
rive au  palais  du  vézyr,  cet  officier, 
suivi  de  huit  hommes  dévoués,  pé- 
nétra sans  obstacle  dans  l'apparle- 
ment_de  Nassouh,  l'obligea  de  re- 
mettre les   sceaux ,   et  lui   signifia 
Farrèt  du  suilhan.  En  vain  le  mi- 
nistre tremblant  sollicita  la  faveur 
do  parler  à  sa  femme  et  à  son  sou- 
vciain  ,  ou  du  moins  un  délai  pour 
faire  son    ablution  :   les  bostandjis 
l'étranglèrent ,  et  portèrent  le  corps 
au  grand-seigneur ,  qui,  après  avoir 
rendu  grâce  à  Dieu  d'être  débvré  de 
ce  traître,  ordonna  qu'on  lui  cou- 


ûit]  NAZ 

pât  la  tête  et  qu'on  jetât  son  corps 
par  la  fenêtre.  Ses  richesses  ,  qui 
étaient  immenses,  passèrent  dans  le 
trésor  du  sultliaii.  Outre  des  sommes 
considc'raljlcs  en  or  et  en  arj^eut,  on 
trouva  chez  lui  une  cuorme  quantité 
de  pierreries  montées  en  or  ;  mille 
cpécs  ,  des  élriers  ,  des  poignards 
ornés  d'or  et  de  pierres  précieuses. 
Ses  écuries  contenaient  onze  cents 
chevaux,  et  il  possédait  en  ontresix 
mille  chameaux,  quatre  mille  mulets, 
et  six  cent  mille  bêles  à  cornes.  La 
relation  la  plus  exacte  de  la  catas- 
trophe de  Nassouh-Pacha  se  trouve 
dans  le  tome  i*^""  ,Jes  Vojages  de 
Pictro  deîla  Valle.  A — t. 

N.lZZARI  (François),  littéra- 
teur italien,  né  vers  i634,  dans  le 
Rer'^amasque,  embrassa  l'état  ecclé- 
siastique, et  obtint  ,  jeune  encore  , 
une  chaire  de  philosophie  au  col- 
lège de  la  Sapience;  il  la  remplit  de 
manière  à  mériter  les  suffrages  des 
juges  les  plus  éclairés, et  la  bienveil- 
lance de  ses  supérieurs.  Rlich.  Ange 
Ricci,  depuis  cardiual ,  lui  conseilla 
d'entreprendre  la  rédaction  d'une 
feuille  périodique  sur  le  plan  du 
Journal  des  sitvants  ,  qui  parais- 
sait depuis  peu  de  temps  (  V.  D. 
Sallo  ).  INazz^ri  forma  doue  nne 
société  de  liitérateurs  et  de  savants, 
qui  s'engagèrent  à  lui  fournir  des 
extraits  d'ouvrages  en  langue  étran- 
gère;  il  se  chargea  lui-même  de  l'a- 
nalyse des  livres  français  ,  et  de  la 
révision  de  tous  les  articles  qui  lui 
seraient  envoyés.  Le  journal  de  Naz- 
zari  commença  en  i66S,  et  fut  con- 
tinué avec  le  plus  grand  succès  jus- 
qu'au mois  de  mars   167 5.  A  celle 


NAZ 

éj)oque  Nazzari  s'étant  broiiiilë  avec 
'Piuassi ,  sou  imprimeur  ,  la  société 
fut  dissoute  ;  e£  Ciampini  ,  l'un  des 
collaborateurs  ,  prit  la  direction  du 
journal  (  /^.  Ciampini,  VIII,  5'2i  ): 
mais  Nazzari ,  piqué  de  se  voir  dé- 
pouiller ainsi  de  sa  propriété  par 
un  de  ses  amis,  forma  une  nouvelle 
société,  et  continua  de  faire  paraître 
son  journal  chez  l'imprimeur  Car- 
rara  jusqu'à  la  fin  de  l'année  1679. 
C'est  le  premier  et  le  modèle  des 
Giornale  de'  Letterati ,  si  multi- 
pliés depuis  en  Italie.  Il  a  été  réim- 
prime à  Bologne  avec  quelques  ad- 
ditions. Nazzari  était  attaché,  com- 
me secrétaire ,  à  Jean  Lucius ,  savant 
dalmate ,  et  il  l'aida  dans  la  rédac- 
tion de  ses  ouvrages  (  F.  Lucius , 
XXV,  373  ).  11  suivit  en  France 
Adrien  Auzout,  célèbre  mathéma- 
ticien ,  auquel  il  fut ,  dit-on ,  très- 
utile.  La  douceur  de  ses  mœurs  ,  sa 
politesse  et  son  érudition,  lui  méri- 
tèrent la  faveur  des  prélats  les  plus 
illustres.  Il  passa  dans  l'aisance  une 
vieillesse  honorable ,  et  mourut  à 
Rome  le  19  octobre  1714»  ''gc  Je 
plus  de  quatre-vingts  ans.  Par  son 
testament ,  il  lésua  sa  riche  biblio- 
thèque  à  l'église  des  Bergamasqucs  , 
et  fonda  un  collège  à  Rome  pour  les 
jeunes  gens  de  sa  province.  Outre  le 
Journal  dont  on  a  parlé ,  on  lui 
doit  une  traduction  italienne  ,  élé- 
gante et  fidèle  ,  revue  par  le  cardi- 
nal d'Estrées  ,  de  V Exposition  de 
la  doctrine  de  V Eglise  Catholique  , 
par  Bossuet,  Rome,  i67}>,  in-8°.  ; 
et  une  bonne  édition  des  Letlere 
discorsive  ,  de  Diomède  Borghesi , 
ibid.,  i7oi,iu-4<'.  W — s. 


Fl>    DU    TRE>T1EIVIE    VOLUME. 


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