BIBU10TECA DELiLiA R. CASA
IN NAPOLI
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VOYAGE
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PORTUGAL.
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Et se trouve -•
Strasbourg, chez L ztr a oi t et compagnie,
Imprimeurs-Libraires.
Bale , chez Schoele et compagnie , Libraires*
Darmstadt, à la Librairie de la Cour.
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K # 11 .
VOYAGE
E N
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PORTUGAL,
par M. le Comte DE HOFFMANSEGG j
• * 4
Rédigé e a r M. LINK,
Ht faisant suite à son Voyage dans le
même Pays.
Chez Le'vrault, Schobll et O*, Libraires»
rue de Seine y hôtel de la Rochefoucault»
\ •
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AVIS
DES ÉDITEURS.
L’accueil qu’a reçu le Voyage
en Portugal, par M. Link; *
nous est un sûr garant du succès
qu obtiendra cet Ouvrage, qui ren-
ferme les rectifications de plusieurs
passages contenus dans les deux
volumes que nous avons publiés,
et des développemens que ceux-ci
ne présentent pas. Cet empresse-
ment à profiter des nouveaux ren-
seignemens qu’il a pu se procurer,
et l’aveu qu’il fait des obligations
qu il a eues pour son travail à M. Je '
Comte de Hoffmansegg , attes-
tent le bon esprit de l’auteur,
honorent son caractère, et doivent
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àj Avis des éditeurs;
mériter à ses observations une
grande confiance.
Les Voyages de M. Link ; tra-
duits, il y a peu de temps, en
anglais , ont obtenu les suffrages
unanimes de toutes les personnes
qui ont visité le Portugal, ou qui
entretiennent des relations avec ce
pays. Il est vrai que plusieurs Ou-
vrages ont déjà paru sur cette
contrée ; mais aucun n’est aussi
impartial, aussi détaillé, ni aussi
complet. Les talens de l’auteur et
ses connaissances devaient lui offrir
ce succès, sur- tout lorsqu’il s’est
vu secondé par M. le Comte de
Hoffmansegg, qui est aussi dis-
tingué par son savoir et l’excellent
esprit qui l’anime, que par l’emploi
honorable qu’il fait de sa fortune.
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I
AVERTISSEMENT
DE L’AUTEUR.
J E me suis principalement attaché T
dans ce troisième volume du Voyage
en Portugal , que j’offre au publiç, à
rectifier plusieurs passages contenus
dans les deux premiers, et à donner la
relation des Voyages entrepris dans ce
pays par M. le Comte de Hoffmansegg ,
après mon départ.
En 1802, j’ai eu le plaisir de revoir
M. le Comte de Hoffmansegg à Ros-
tock , où nous avons terminé notre tra-
vail sur la Flora Lusitanien , que nous
ferons paraître incessamment. Dans nos
entretiens fréquens sur le Portugal , il
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iv AVERTISSEMENT*
I *
me fit part de plusieurs observations
qu’il avait été à portée de recueillir à
Lisbonne, où il consulta des personnes
qui ont une connaissance particulière
de ce pays; et c’est d’après ses avis que
je fis les rectifications que je soumets à
l’approbation du public avec d’autant
plus de confiance, que j’ai fait le sacri-
fice de l’amour-propre d’auteur, au
mérite d’une plus grande exactitude.
Je n’ai omis aucune correction , même
■sur les objets les moins importans, et
je suis flatté de voir qu’en général mes
observations aient été reconnues con-
formes à la vérité, quoique mes recher-
ches sur la botanique aient souvent dé-
tourné mon attention de tout autre
objet, et que la beauté du climat, la
richessse de la végétation, la complai-
sance et la politesse des habitans, même
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•v
DE l’AüTEüR,
des classes inférieures de la campagne,
m aient souvent fait préférer le séjour
des champs à celui des grandes villes.
. • t
• M. le Comte de Hoffmansegg ne s’est
* pas borné à me faire profiter de ses
observations isolées sur le contenu des
deux premiers volumes de mon voyage;
il a encore eu la bonté de per-
mettre que je me servisse du journal
des excursions botaniques qu’il a faites
en Portugal après mon départ. Lorsque
1 expiration du congé que j’avais ob-
tenu du prince auquel je suis attaché,
me força de partir , il me restait encore
- • ;
une province intéressante, le Traz. os
Montés, à parcourir, ainsi que les bords
du Minho et les lieux où le Tage entre
en Portugal. Le Comte de Hoffmansegg
jisita toutes ces contrées pendant mon
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i
Vj AVERTISSEMENT
absence. Il se rendit de Lisbonne à
Portalègre, et de là à Montalvao, en
passant le Tage, et il retourna par
Castello - Branco. Dans un second
Voyage, il parcourut avec tant de soin
le nord du Portugal, et principalement
la province de Traz os Montés, que
l’on peut affirmer que personne ( sans,
même en excepter les Portugais) ne
connaît mieux que lui toutes les par-
ties de ce royaume. La connaissance
qu’il a des langues de l’Europe , le met
à même d’acquérir des connaissances
dans tous les genres , et ne le rend étran-
ger nulle part. D’ailleurs , avant mon
arrivée en Portugal, il avait séjourné
six mois à Lisbonne, où il était accom-
pagné de M. Tilesius.
Si ce volume renferme plusieurs ob*
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DE l’AUTEDJ, Vïf
servations intéressantes, le public en
est redevable à M. le Comte de Hoffl-
mansegg ; mais s’il se trouve quelques
inexactitudes dans la manière dont les
objets sont présentés , ou bien dans les
détails, il faut les attribuer uniquement
à moi. Je dois ajouter que si M. de
Hoffmansegg a eu quelque influence
sur mon travail, même sous le rapport
de la rédaction , ce n’est qu’à moi qu’il
faut attribuer toutes les observations que
renferme mon Ouvrage, soit sur plu-
sieurs points de politique, soit sur le
caractère national des Portugais, soit
enfin le jugement que j’ai pu porter sur
quelques individus. t
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TABLE
DES CHAPITRES.
Chap. I La province du Traz os Montés ,
page i
Ch AP. II. La province entre le Minho
e Donrg ,
5i
Chap. III. La province du Beira ,
89
Chap. IV. La province d’ Estrémadure ,
i54
Chap. V- La province dé Alemtejo ,
260
Chap. VI. Le royaume des Algarves ,
* 1 ,
3o G
Chap. VU. Coup -d'œil général sur
tout
le royaume ,
3i8
Fin de la Table.
Voyage
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y O Y A GE
%
EN
P O 11 T U G A L.
CHAPITRE ■ . 1“
LA PROVINCE DE TRAZ OS MONTÉS.
i.° Montéalègre , Chapes.
•
En parcourant le Portugal, nous n’avftns pas
été à portée de visiter la province de Traz os
Montés, qui est d’une étendue considérable;
elle renferme des plantes que nous ne con-
naissions pas jusqu’alors. Tournefort et jîn-
toine de Jussieu , qui voyagèrent en Portugal
au commencement du XVIIT.® siècle , dans
le dessein d’enrichir la botanique de quel-
ques nouvelles productions , y ont trouvé un
grand nombre de plantes qui échappèrent à
nos recherches. Le professeur Brotéro , à
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Coimbre , -ne put nous donner aucun ren-
seignement à ce sujet. Il était probable que
ces plantes existaient dans cette province ,
car nous eûmes des indices que ces deux
savans avaient traversé cette partie du Por-
tugal, lorsqu’ils retournèrent en Espagne. M.
le Comte de Hoffmansegg } én visitant les pro-
vinces septentrionales du Portugal , en 1800,
porta une attention particulière sur cette con-
trée. Nous le suivrons dans ce voyage , et
nous joindrons ensuite des* observations gé-
nérales sur cette province.
Une chaîne de montagnes, nommée Serra
de Gérez , dont il a été fait mention dans
la sec^de partie de ce voyage , sépare la
province Entre Minho e Douro de celle de
Traz os Montés. En partant des bains du
Gérez pour aller à Montéalégre , on traverse
Villar de Veiga ; la route tourne ensuite
à gauche jusqu’au village de Salamonde ,
et à Vendas-novas , auberge située à trois
lieues des bains chauds , dans la province de
Traz os Montés. Cette route serpente le long
de la chaîne de montagnes ; à gauche , on
apperçoit une vallée au fond, de laquelle
-\
(S)
coule un torrent, traversé par un pont qui
présente un coup-d’oeil pittoresque. Au-delà
de Vendas-hovas on apperçoit une haute
montagne , nommée Alturas de Barrozo ,
qui offre un aspect sauvage ; les villages sont
entourés de bouquets de chênes et de bou-
leaux ; la contrée présente ensuite un plateau
élevé. Nous n’apperçûmes au bord des forêts
que les fleurs violettes du chien - dent.
Montéalègre est une petite ville dominée par
un château en ruines; elle est située au centre
de quelques collines, et entourée de forêts
de chênes et de-bouleaux , de prairies et de
champs cultivés.- La température y est très-
rigoureuse. Dans la nuit du 21 au 22 mars,'
il avait tellement gelé par un vent d’est , que
les mares d’eau étaient couvertes de glace*
et le 9 chemins impratica'bles pour les mulets.
La montagne nommée Alturas de Barrozo ,
était couverte de neige dès le 21 du même
mois. La situation de Montéalègre est fort
.élevée ; elle surpasse même celle de la gorge
de Portéla de Homen , dans les montagnes
du Gérez. On compte quatre lieues de Ven*
das-novas à Montéalègre.
t.
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( 4 )
Les montagnes aux environs de Chaves
sont moins élevées. Cet endroit est caché par
des collines ; on ne l’apperçoit qu’à une pe-
tite distance. On est surpris de rencontrer
dans ce pays de montagnes une plaine con-
sidérable et bien cultivée. Le Taméga , dont
la largeur est de vingt à trente pas , est tra-
versé par un pont de pierre qui réunit le
fort de Santa-Maria-Magdalena à la ville.
Au-delà de cette rivière , la plaine s’étend à
une demi-lieue vers l’est , jusqu’à quelques
montagnes peu élevées; mais elle suit le cours
du Taméga pendant trois lieues , et acquiert
une plus grande étendue en entrant dans la
Gallice qui est à deux lieues de distance. Le
Portugal est tellement entrecoupé de collines
et de montagnes , que l’aspect d’une plaine
y produit la sensation la plus agréable.
Chaves , ville assez considérable , à cinq
lieues de Montéalègre , fait partie du distriet '
deBragance; le Corre'ge'dor Ouvédor y fait
sa résidence habituelle. Une ville située,
comme celle-ci , dans une plaine ( chose très-
rare sur les frontières élevées du Portugal) ,
qui s’étend jusqu’en Espagne , devrait être
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c 5 )
A
bien fortifiée. Elle mériterait alors son nom et
ses armes ( deux clefs en sautoir ) ; car elle
deviendrait la clef du nord du Portugal et de
la Gallice. Elle x-enferme une nombreuse gar-
nison , qui consiste en deux régimens de ca-
valerie , un régiment d’infanterie et un déta-
chement d’artillerie de Porto. Les fortifi-
cations sont en mauvais état ; elles ont été
en partie détruites par l’hiver pluvieux de
1799 à 1800. Dans la guerre de t*j 6 z -,
Chaves tomba au pouvoir des Espagnols par
surprise , ce qui fut cause que Pombal y fit
ajouter après la paix quelques ouvrages ex-
térieurs. Ne serait-on pas en droit de blâmer
en Portugal et’ sur-tout dans l’étranger , la
conduite de la gai’nison de Chaves , si cette
place, que l’on met au nombre des forteresses,
eût promptement capitulé ‘dans la dernière
• guerre? Des soldats obligés défaire résistance
dans une place dont les fortifications ont été
dégradées par un hiver pluvieux , ne sont-ils
pas fort à plaindre ?
A peu de distance de la ville , dans la di-
rection S. O. , on trouve plusieurs sources
chaudes , dont les habitans font usage ; elles
I • *,
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(B )
ne sont pas renommées. Elles étaient connues
du tems des Romains, qui nommèrent la ville
située dans leur voisinage, Aquœ Flaviœ.
Ce nom se retrouve sur quelques restes d’an-
tiquités qu’on a découverts à Chaves. On pré-
tend que le pont , sur le Taméga , a été éga-
lement construit par les Romains du tems
de Trajan.
Le district de Chaves , à vingt-huit lieues
carrées d’étendue , renferme cent quatre-
vingt-seize villages , sept mille soixante-dix-
huit feux, et trente-trois mille huit cents âmes ,
ce qui donne mille deux cent sept habitans
par lieue carrée , population assez considé-
rable. La ville de Chaves contient six cent
quatre-vingts maisons et trois mille six cent
cinquante âmes. L’industrie et le commerce y
sont peu florissans. Les deux cinquièmes du
district sont couverts de châtaigniers et de
quelques autres arbres ; un cinquième est en
friche , et deux cinquièmes sont cultivés. On
cultive beaucoup de seigle ; on recueille du
maïs , du froment et des pommes de terre ,
mais peu de vin et d’huile, et presque point
de sole. Les’autres productions consistent en
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( 7 )
lin, dont on récolte annuellement six mille,
arrobes ( l’arrobe a vingt-huit livres ) ; en
laine, quatre mille arrobes par an ; et en cire,
deux cens arrobes. On se sert d’uné charrue
particulière , dont le soc est courbé et qui ne
trace que des sillons peu profonds éloignés de
seize pouces ; comme la trace du soc n’a que
quatre pouces de largeur , il rçste entre chaque
sillon une espace de dix à douze pouces en
friche. Cette méthode est usitée dans plusieurs
provinces du Portugal ; elle est sans doute une
des causes principales du peu de rapport des
terres. On ne fume point les champs, parce
qu’on s’imagine que cela est inutile. On la-
boure quatre fois , et on herse autant ; les
herses ressemblent, aux nôtres , mais leurs
pointes sont en bois. Le rouleau n’est pas
en usage , car on trouve qu’il est trop pénible
de le conduire chaque jour' dans les champs
et de le ramener. Quoique le cultivateur Por-
tugais craigne le travail , il se livre cependant
à une occupation pénible, qu’il répète deux
fois par an , celle d’amonceler la terre autour
du maïs et d’autre bled. Dans ces contrées *
le bled est battu, au lieu que dans les
i-.*
t
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( 8 )
provincês méridionales , il est foulé par les
bestiaux. La population n’étant pas considé-
rable, les paysans s’assistent mutuellement
pour récolter leur bled. Il arrive souvent que
dans les lieux où il y a de l’eau , on inonde
les champs pour les laisser ensuite quatre ou
cinq ans en friche. On conçoit aisément
qu’un pays aride est, pour ainsi dire, forcé
de produire par cette méthode.
Il n’y a point de bestiaux dans ce district ;
on les achète communément en Gallice. Les
moutons sont de la plus mauvaise race ; on
prétend même que ceux qui y sont trans-
plantés, y dégénèrent. On doit en attribuer la
cause aux mauvais pâturages ; on employé
pour cet effet les communautés incultes. La
division par communautés , qui fut entre-
prise par ordre du Gouvernement , était si
contraire au but que l’on s’était proposé , que
les habitans détruisirent dans une nuit , non-
seulement les enclos , mais jusqu’au bled qui
couvrait les champs.
Les mémoires de l’Académie royale de
Lisbonne, tom. Il , pag. 35 1 , renferment une
dissertation agronomique relative au district
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( 9 )
de Cbaves , par José Ignace da Costa , que
j’ai souvent consulté. L’auteur , quoiqu’inti-
mément convaincu des avantages de la pra-
tique sur la théorie, ne traite son sujet que
théoriquement. Il paraît fort instruit ; mais
comme beaucoup d’écrivains Portugais , il
croit , par quelques observations nouvelles et
peu connues , pouvoir résoudre toutes les
questions.
‘ 2. 0 Bragance , et ses environs.
Depuis C hâves jusqu’à Fradizella on
compte cinq lieues et demie ; savoir : trois
jusqu’à Villarendella ; de-là au bac du Ra-
baçal , deux; et une demie jusqu’à Fradi-
zella ; mais on ne doit évaluer cette distance
qu’à quatre lieues. En général , les lieues por-
tugaises sont les plus fortes dans la province
de Minho , et les plus petites dans celle de
Traz os Montés ; elles ne sont guère plus
grandes que les lieues espagnoles. Le pays
est entrecoupé de collines. Le Rabacal, qui,
réuni à la Tuela , forme la Tua , a environ
soixante pas de large ; il est bordé de plan-
tations d’aunes et de saules , et il roule son
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C 10 )
onde paisible entre une chaîne de montagnes
peu élevée, qui, quoique formée de rochers,
est cependant entièrement cultivée. La ré-
colte n’est pas aussi abondante ici que dans
le Minho , probablement parce que le sol est
plus aride que celui de cette province où les
vallées sont arrosées par un grand nombre
de ruisseaux. On n’a cependant jamais éprouvé
de disette dans le Traz os Montés ; les récoltes
y sont même abondantes dans les bonnes
années. Il ne manque au Portugal que des
routes et des canaux ; alors cette province
pourrait exporter du bled. Des canaux et de
bonnes routes sont les premiers besoins d’un
pays , et c’est à quoi les Portugais et même
leurs écrivains ont le moins pensé.
A une demi-lieue de Fradizella, on tra-
verse la Tuela sur un pont de pierre. On
n’apperçoit de tous côtés que des montagnes
cultivées jusqu’à leur sommet. Lamalonga , à
deux lieues de Fradizella , a une certaine ré-
putation, parce qu’on y recueille du vin blanc
d’un goût agréable. De Lamalonga à Bra-
gance , il y a cinq lieues par des montagnes
escarpées. Cette chaîne se nomme la Serra de
'X ’
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( II )
Nogueira , et sépare les plaines de Bra-
gance du reste du Portugal ; elle est peu
élevée au-dessus de la plaine qui elle-même
est fort haute. Elle est couverte de quelques
chênes rabougris , comme où en voit sur les
montagnes de la vieille Castille.
Bragance est située dans une plaine dé-
couverte , dépourvue d’arbres , et entourée
de pâturages et de champs cultivés. Cette
ville a peu d’apparence ; elle est dominée par
un vieux château. Quoiqu’elle soit fortifiée ,
ses portes ne sont point gardées , et on peut y
entrer et sortir librement. Ce n’est que lors-
qu’on vient de l’Espagne , qu’on est soumis à
la visite des Préposés à la Douane. Le Gou-
verneur de la province , qui résidait autre-
fois à Chaves, habite actuellement cette ville.
Les frontières d’Espagne ne sont éloignées
que d’une lieue et demie. Une partie de la
ville , située en amphithéâtre et séparée de
l’autre , porte le nom de Villa , au lieu que
celle bâtie dans la plaine , est appelée Ci -
dade. La petite rivière de Fervema entoure
la ville , et va se réunir à peu de distance au
Sabor.
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C 12 )
Bragance est une des plus anciennes, villes
du royaume. Elle portait, du tems des Ro-
mains , le nom de Brigantium. Elle est peu
considérable , et n’est remarquable que par
son nom quelle a transmis à la famille ré-
gnante. Don Juan I , roi de Portugal , donna
à son fils naturel, Don Alfonso , comte de
Barcelos , la ville et le district de Bragance ,
en 1442, avec le titre de Duché. Don Juan I
était lui-même le fils naturel du roi Don Pèdre,
amant de la célèbre Inez de Castro. Ainsi la
famille régnante doit doublement son origine
à des enfans illégitimes ; on ne doit pas être
surpris , si une grande partie de la noblesse
Portugaise est dans le même cas. Les Ducs
de Bragance ne résidèrent jamais à Bragance
même ; mais choisirent pour leur séjour la
ville de Villa Viçosa, dans l’Alentejo , qui
est pl us grande et plus agréable. Ce fut là
que Don Juan IV reçut l’offre de la couronne ,
à condition qu’il affranchirait son peuple du
joug des Espagnols. Il hésita long-tems à se
rendre au vœu de la nation ; car aucun roi
n’a été, comme lui, élu par la voix unanime
du peuple. De la douceur et de la bonté dans
I
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(, 3 )
le caractère ont été l’apanage constant des
Ducs de Bragance ; ils l’ont apporté sur le
trône. Leurs ancêtres n’étaient cependant pas
doués d’un caractère aussi heureux ; on ne
leur eût pas offert deux fois la couronne. Ce
fut à Bragance que Don Pêdre apprit à con-
naître sa chère Inez de Castro , et on pré-
tend même que ce fut ici qu’il l’épousa.
Une contrée monotone couverte de col-
lines , règne depuis Bragance à Val de No-
gueira , à la distance de trois lieues. Au cou-
chant on apperçoit une chaîne de montagnes
nommée la Serra de Chacim , avec un bourg
du même nom. Le Gouvernement établit ici
une famille Italienne , destinée à .introduire
la filature de la soie. Les mesures qui furent
prises , étaient sÿnconvenantes , que cet éta-
blissement nuisit à cette branche d’industrie
plutôt que de lui être favorable. J’en ai parlé
plus haut , tom. II , p. 69 ; j’ajoutai que je ne
pouvais pas affirmer la vérité de mon assertion ;
elle m’a été confirmée depuis.Un Portugais me
dit qu’il était assez singulier de voir que tout
ce que ses compatriotes entreprenaient d’utile,
ne leur réussissait ordinairement point.
i
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I
C H )
Autour de Carrapatos , bourg à trois lieues
et demie de Val de Nogueira, le pays est
moins élevé , et ne présente que des collines
et des terres bien cultivées. On traverse qilatre
villages. A une lieue et demie de Val de
Nogueira est situé Sa/se/as. En poursuivant
son chemin depuis cet endroit jusqu'à Val de
Porcos , on apperçoit des carrières près de ce
village , à cent pas de la route. Elles sont
formées par une couche de pierres calcaires
feuilletées , qui s’étend du nord au sud ; elle
est entremêlée de schiste micacé , dont les
veines ont la même direction. Les montagnes
aux environs de Chaves et de Montéalègre
sont formées de granit qui est remplacé près
de Bragance , par différentes sortes de schistes
qui s’étendent jusqu’ici. L’étendue de la
couche de pierres calcaires est de mille pas.
On n’a pu encore déterminer son épaisseur
qui est très-considérable. Toute la province
tire de la chaux de cette carrière; son ex*
traction occupe les habitans des villages voi-
sins. On ne la brûle pas sur les lieux ; mais
à Prudencia , au pied de la Serra de Chacim,
à deux lieues de distance. C’est ici le seul
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( i5 )
endroit du Portugal où l’on trouve de la
chaux primitive , à moins d’y comprendre
la pierre calcaire de Cintra et d’Elvas.
4
3.° Villaréal , Pe'zo da Re'goa. Le Campo
de Villariça.
Depuis Carrapatos à Mirandella , on compte
trois lieues. Après avoir traversé les premières
collines , où arrive dans un pays inégal , mais
très-fertile, qui fait bientôt place â des mon-
tagnes arides ; on descend ensuite dans la
belle vallée où est située Mirandella. Cette
ville est renommée pour la douceur du climat
et la fertilité de son sol. Nous y arrivâmes
au commencement du mois d’avril. Les mon-
tagnes étaient ornées des grandes et belles
fleurs du Ladanum , et les vallées couvertes
de riches moissons. Les arbres fruitiers por-
taient des fleurs , et les champs présentaient
des fleurs champêtres qui étaient aussi belles
qu’à la même époque à Lisbonne. Cette
contrée est bien différente de la partie supé-
rieure de la province formée par le plateau de
Montéalègre, Chaves et Bragance. Une jolie
variété de la barrelière que l’on rencontre
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C 16 )
souvent dans le Traz os Montes , ornait
les champs. Mirandella est adossée à une
colline et traversée par la rivière de Tua ;
elle ne se distingue ni par sa grandeur , ni
par la beauté de ses édifices. L’auberge est
des plus misérables^ le Juiz dos Orfaos de
Golfeira , village situé à l’opposé de la ville,
et qui semble en être un fauxbourg, quoiqu’il
appartienne au district de Villaréal , a ce-
pendant la complaisance de loger les étran-
gers. Les montagnes des environs consistent
en schiste micacé qui fait place au granit;
leur cime est arride, quoiqu’elles soient bien
cultivées à leur base.
Entre Golfeira et Murza on apperçoit la
Serra de Lamas d’une élévation médiocre ,
au pied de laquelle est situé le village de
Pastor , entouré de champs cultivés et de
plantations de châtaigniers. Des rochers
amoncelés d’une manière effrayante cou-
ronnent sa cime ; ils présentent l’image de la
destruction. Il paraît qu’une grande com-
motion a été la cause de ce bouleversement.
Aux environs de Murza, à cinq lieues de
Golfeira , le pays devient inégal , montueux
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C *7 )
et sauvage ; le petit bourg de Murza est
cependant situé fort agréablement sur le
penchant d’une colline; il est environné de
champs , de vignobles et de vergers. La route
qui conduit à Villareal , distant de cinq
lieues, traverse un pays agreste et désert.
Villareal , chef-lieu d’une Cpmarça , est
à tous égards une des villes les plus belles et
les plus grandes- de la «province. Elle est
située dans une contrée riante, au pied de
la Serra de Marao. Des maisons bien bâties ,
beaucoup de boutiques , une grande activité
annoncent que cette ville est le centre d’un -
commerce considérable. Il y a i5oo feux. Sa
proximité de Pezo da Regoa , d’ Amarante
et du Minho en général , la grande route
d’Espagne qui passe par Miranda , Villa-
real jusqu’à O-porto , sont les causes aux-
quelles il faut attribuer la prospérité de
Villareal.
Pezo da Regoa n’est qu’à la distance de
quatre lieues. La route qui y conduit tra-
verse un pays si bien cultivé , qu’on ne voit
que peu d’endroits en friche. Les vignobles
qui entourent Pezo da Regoa sont d’une
1 , a
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( *8 )
grande beauté. Cette route serait agréable si
elle était mieux entretenue. Le Marao était
encore couvert de neige au io avril. J’ai
parlé de Pezo da Regoa dans le T. II. p. ;
j’y ai joint l’histoire de la culture de la vigne
en Portugal et du monopole du Douro su-*'
périeur. J’aurai occasion de revenir sur cet
objet. Il faut cependant rectifier une erreur
qui s’est glissée dan&le T. II. Pezo da Regua
se prononce ordinairement Pezo da Regoa; il
faut l’écrire ainsi. Le district ( Concelho ) de
Pezo fait partie de la Comarça de Lamego ,
et par conséquent de la province de Beira ,
quoique , selon sa position naturelle, il de-
vrait appartenir à la province de Traz os
Montes.
La route de Pezo à Favayos , ville éloignée
de quatre lieues , passe par des vignobles
jusqu’à Poyares ; elle traverse ensuite un
pays élevé et monotone jusqu’à Sabrozo ,
d’où l’on descend dans une vallée profonde
couverte de vignobles. Favayos est dans une
situation élevée. L’auberge du lieu se dis-
tingue par la promptitude avec laquelle on
est servi , et par la politesse de l’aubergiste.
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C *9 ) "
En avançant vers Torre de Moncorvo et
les rives du Douro , on remarque des vigno-
bles et une riche végétation. On passe la
Tua dans un bac , là où elle se réunit au
Douro. La rive opposée est bordée de quelques
maisons isolées et d’un cabaret qui portent le
nom de Faustua ou Fostua , qui dérive sans
doute de Faux tuae , dénomination qui
rappelle le souvenir des Romains. A une
lieue et demie de Favayos on arrive à une
maison isolée, nommée Capellao ; c’est une
auberge , ou Estalagem , située dans une
contrée sauvage et élevée. Quoique cette hô-
tellerie ne soit pas une des meilleures , elle
est cependant recommandable par l’honnêteté
de ses liabitans.
Aux environs de Villajlor , à trois lieues
et demie de distance 3 le pays reprend son
aspect ordinaire. Des champs cultivés dans
une contrée dépourvue d’arbres, et des masses
de rochers n’offi ent rien d’agréable à l’œil ;
cette uniformité n’est interrompue que par
quelques bouquets de chêne. Villaflor n’est
rien moins qu’un lieu florissant ; c’est un
misérable bourg , avec une mauvaise auberge ,
2 .
i
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( 20 ) ,
situé clans une gorge. Le joli nom qu’il porte
a sans doute déterminé l’auteur des délices
d’Espagne et de Portugal , à nommer Villa-
flor une jolie petite ville.
Au-delà de Villaflor, vers Torre de Mon-
. corvo , on descend par une pente douce et
à travers de beaux pâturages , dans la riche
et fertile vallée nommée Campo de Villa -
riça. Ce plateau est renommé par la douceur
du climat, et par la bonté de son terroir;
il ressemble à celui de Chaves , mais il est
plus long , plus étroit et moins froid. Il est
borné au levant , par la Serra de Estevaes ,
et arrosé par le Sabor , qui , en hiver , est
sujet à. de fréquens débordemens qui inon-
dent une partie de la plaine. Un ruisseau
nommé Ribeirode Villariça , le traverse.
Le sol est argi lieux , et entremêlé de chaux
et de sable. Les terres ne sont point fumées,
quoiqu’on soit dans l’usage de le faire aux
environs. Les champs sont labourés d’abord
au mois de novembre , ensuite vers le mois
de mai , ce qu’on nomme dans cette pro-
vince, estravessar. On sème le froment de-
puis la fin de septembre jusqu’au commen-
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C 21 )
cernent de novembre , et on récolte au mois
de mai ; le bled est battu ou bien foule' par
des bœufs. Outre le bled dont on recueille
annuellement 3 oooo alqueires ( environ 8000
muids ) , on cultive du chanvre dans les en-
droits inondés par le Sabor ; on compte que
cette plaine produit annuellement 220 à 264
milliers de chanvre. La terre propre à re-
cevoir le chanvre , est d’abord labourée au
printemps , et ensuite hersée ; quinze jours
après on répète la même opération , et on
sème aussitôt le chanvre. Il reste ordinai-
rement cent jours sous terre ; ensuite on
le coupe , et on l’amoncèle dans de grands
tas ( molhos ), pendant huit jours, dans un
lieu destiné à cet usage (tendal) ; ensuite
on en forme de petites gerbes ( estrigas ) ,
pour le faire tremper dans l’eau ( cor iis ) , etc-
On récolte ici , chaque année, environ 12 à
i 5 ooo alqueires de maïs , et on compte
qu’un alqueir de semence produit 3 oo al-
queires de grain. On le cultive comme dans
les autres provinces du royaume. Outre 5 à '
6000 alqueires de fèves et d’haricots , oa
recueille d’excellens melons, et des melons
* a—
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( 22 )
d’eau qui passent pour les meilleurs du
royaume. On laboure trois fois la terre ,
et ensuite on sème. On arrache les herbes
parasites , et aussitôt que la tige a 4 ou 6
feuilles , la terre est remuée avec la herse
\
( sachar ) , ce qui est répété quelque temps
après. Cette plaine est , ainsi que toute la
contrée , exposée à de fréquens orages qui
causent des ravages d’autant plus grands ,
qu’ils sont accompagnés de grêle et d’ou-
ragans qui déracinent les arbres et renver-
sent les maisons. En général , les orages
dans les contrées élevées , entre le 45 e . au
40 e . degré de latitude nord , sont d’une
violence extrême, sur -tout en été. 'Dans
les plaines ils sont plus rares , et ne de-
viennent impétueux qu’à l’époque des équi-
noxes. En été , il tombe pendant la nuit , un
brouillard très-froid qui , joint à la grande
chaleur du jour , occasionne beaucoup de
maladies ,|*ur-tout des lièvres qui paraissent
endémiques à ce pays.
Le Campo de Villariça est partagé entre
plusieurs propriétaires qui afferment leurs
terres par portions nommées Courellas , et
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C *3 )
à un prix exhorbitant. Les inondations d'une
rivière aussi rapide que le Sabor en hiver ,
empêchent toute démarcation de posses-
sions , et sont la source de procès inter-
minables. Il ne reste d’autre mojen que de
désigner les possessions de chacun , dans un
registre déposé à la justice. Le premier de
ces registres fut ouvert sous le roi Phi-
lippe III, en 1629; ainsi que tous les actes
déposés aux archives , il porte le nom de
tombo. Mais par la suite ce registre devint
insuffisant ; plusieurs portions de terre furent
réunies par des héritages , d’autres furent
partagées , et les plaintes augmentèrent
chaque jour. Des personnes mal intention-
nées profitant de ce désordre , cherchèrent à
empiéter sur leurs voisins. En conséquence
on établit en 1 775 , un nouveau tombo qui
est encore aujourd’hui en usage ; mais il
passe pour être très - défectueux. Ainsi le
Campo de Villariça est toujours la matière
de procès et de chicanes.
Après avoir quitté cette plaine fet repris
la route de Torre de Moncorvo, on redescend
3 ...
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( M )
pour traverser le Sabor, sur un pont bien bâti,'
long de i83 pas sur 4 de large, d’où l’on
remonte jusqu’à Torre de Moncorvo, à trois
lieues de Villaflor.
3°. Torre de Moncorvo , Forge de Chapa -
cunha. Mogadouro.
Torre de Moncorvo , ville et chef-lieu
d’une Comarça , est située sur une colline
entourée de hautes montagnes et de vallées ,
au sud du mont Roboredo ; le climat y est
assez doux , mais la terre peu productive.
Cette ville, défendue par quelques fortifi-
cations , n’est pas considérable , et ne renferme
que 383 feux j un vieux château la domine.
Il n’y a ici aucune industrie ; la plupart des
habitans sont employés dans les adminis-
trations judiciaires. Lima , dans sa géographie
du Portugal , lait mention d’une fabrique
de soieries considérable , et porte le nombre
des maisons à 460. Le grand magasin de
chanvre, appartenant aux Domaines Royaux,
n’existe plus depuis soixante ans. Voici
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C *5 )
comme il était administré : outre l’Inspecteur
et d’autres fonctionnaires , deux Experts
( estimadores ) , y étaient attachés. Ceux-ci
estimaient le produit des terres où le chanvre
est cultivé, et le propriétaire était obligé de
livrer au magasin royal la quantité de
chanvre déterminée par eux et à un tanx
fixe. Non-seulement le chanvre de cette con-
trée , mais aussi celui du district de Mi-
randella et de la province de Beira jusqu’à
Penhel , devait y être versé. Il n’est pas
étonnant qu’un pareil établissement qui met-
tait des entraves à la culture du chanvre , ait
cessé d’exister ; on doit plutôt être surpris
de voir que le chanvre est encore cultivé
dans cette province.
Le revers des montagnes , du côté du nord ,
présente un coup - d’œil très - varié ; on y
aperçoit de jolies quintas entourées de châ-
taigniers , de vergers , de champs et de vi-
gnobles , et, dans quelques endroits , le pin
maritime qui est assez rare dans cette pro-
vince. Le paysage est animé par des prés
émaillés de fleurs , et des coteaux couverts
d’arbustes de toute espèce. On rencontre ici ,
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C 26 )
pour la première fois , l’arbre à thérébinthe
( Pistacia Therebinthus ).
Le territoire de la ville renferme douze
villages composés de 1434 feux. Les terres
sont bien cultivées, la végétation est riche
même jusqu’au sommet des montagnes ; on
amende les terrains incultes avec du fumier
ou des cendres. Les montagnes qui ne sont
d’aucun rapport , forment des pâturages ,
sur -tout pour les moutons. La ville est
entourée de beaux vergers qui produisent
des pommes , des poires , des cerises , Ses
figues et des melons. On ne recueille point
de vin , mais beaucoup d’huile. Il existe ici
différentes espèces d’oliviers ; le fruit est
écrasé , ou conservé comme olives. Dans
quelques endroits on cultive le mûrier et on
récolte un peu de soie. Le troisième volume
des mémoires de l’Académie royale de Lis-
bonne , pag. 253 , renferme une Description
économique de Torre de Moncorvo , par
José Antonia de Sa , dans laquelle j’ai
puisé differentes notices. Elle n’est pas fort
bien écrite , mais l’auteur cite des faits sans
aucune prétention ; on doit la mettre au
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C 2 7 )
nombre des relations les plus fidèles sur ce
district, qui ont été envoyées à l’Académie.
Depuis Torre de Moncorvo jusqu’à Car-
riçaes, mauvaise auberge, il y a deux lieues.
Le chemin s’élève par une pente douce , et
passe sur un plateau. Nous apperçûmes
une montagne couverte de pins* maritimes ,
chose rare et fort agréable dans ces contrées.
A quelque distance de Carriçaes, à Chapa
Cunha on voit une forge de fer qui est la
seule du royaume. A partir de Carriçaes ,
éloigné d’une demi-lieue , on traverse par le
misérable bourg Mos , et à une lieue plus
loin jusqu’à Chapa Cunha , le pays est mon-
tueux. Cette usine est située dans une petite
vallée , au bord d’un ruisseau qui fait mou-
voir les soufflets , et consiste, outre le bâ-
timent principal , en une mauvaise habi-
tation pour le directeur. Celui-ci , nommé
uintonio- José- Alves Braga , natif d’O-
porto , a voyagé dans la Biscaye , et passé
quelques années à Bordeaux. On lui écrivit
de son pays , de faire des recherches sur tout
ce qui a rapport à l’exploitation du minerai
de fer. Le désir de s’instruire lui avait déjà fait
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C 28 )
entreprendre quelques essais ; il se livra avec
zèle àcette étude, parce qu’il conclut qu’il était
probable que l’on avait découvert, en Portu-
gal, des raines de fer dont on voulut lui con-
fier la direction. A son retour d’Espagne , il
visita cette province. Depuis longtemps les
habitan» de Carriçaes travaillaient le fer ,
mais ils se servaient d’une mauvaise mé-
thode; aussi était-il de médiocre qualité et
très-pailleux. Il fit des observations sur les
montagnes , et trouva un meilleur minérai ;
cependant son fer était également cassant.
Il crut en découvrir la cause dans l’humidité
qui régnait autour de l’usine. Il tâcha delà
faire disparaître en entourant le bâtiment de
fossés profonds , et en établissant des cou-
rans d’air ; il assure que depuis ce temps ,
son fer est de meilleure qualité. Le minéral
se trouve pur ou entremêlé de schiste ar-
gilleux. Quelques montagnes , comme par
exemple, celle qui est couverte de pins ma-
ritimes , et dont nous avons parlé plus
haut , renferment la mine de fer le plus
pur ; on voit aussi du minérai dans les
champs , à une lieue de Torre de Moncorva.
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( 29 )
Cette mine rend 3 o à 40 pour cent de fer
brut. La forge qui appartient à Domingos
Martino , négociant à O- porto , est établie
depuis 19 à 20 ans , parM. Braga ; il croit
cependant que ce n’est que dans ce moment-
ci qu’il a surmonté toutes lès difficultés , et
qu’il peut compter sur un bénéfice réel. Le
charbon qui est employé dans l’usine, est
mauvais et très-dur; il provient des racines
de quelques espèces de bruyères que l’on fait
brûler. Cet établissement manque de beau-
coup de choses nécessaires , sur-tout d’bu-
vriers. On ne rencontre le minerai qu’à une
demi-lieue de la forge , vers Felgueira et
Torre de Moncorvo. On travaille le fer
comme on le fait en Biscaye , c’est-à-dire ,
qu’on ne le fond pas , mais qu’on l’amollit
et qu’on le forge. M. Braga prétend avoir
découvert aux environs de l’usine , du mi-
néral de fer entremêlé de cuivre , ainsi que
des indices de plomb. On trouve de la plom-
bagine à Ventozello , à deux lieues de Mo-
gadouro , vers Miranda. M. Braga en a dé-
couvert dans cet endroit , et y a fait des
recherches par ordre du Gouvernement ,
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C 3o )
qui lui a depuis ordonné de faire cesser
les fouilles. On a aussi remarqué du minerai
de plomb , à quelque distance de Moga-
douro , vers le Sabor. On en exploitait autre-
fois dans cet endroit. M. Braga et le comte
de H.... possèdent quelques échantillons de
ces deux minerais. Dans notre premier
voyage , le professeur de physique , à Coim-
bre, nous montra dififérens morceaux de
mine de plomb provenant des environs de
TMogadouro.
La distance de Carriçaes à Mogadouro ,
est de 4 lieues. Avant d’arriver à ce dernier
endroit et près du village Estavai , on ap-
perçoit la Serra de Navalheira à une demi-
lieue de la route , vers les rives du Sabor.
C’est une vallée étroite, pittoresque et cou-
verte de buissons , qui borde le torrent
pendant quelques lieues ; plusieurs sentiers
se croisent en tous sens , ils sont peu
commodes , mais on y trouve de l’ombre.
Le sol , très - fertile , offre par - tout la
plus belle végétation , et produit des plantes
remarquables. On voit souvent l’arbre à
thérebinthe ( Corcinabra des Portugais ) ;
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( 3i )
les ceps de la vigne sauvage , ont par fois
un demi-pied d’épaisseur ; elle grimpe aux
plus gros arbres jusqu’à une hauteur de 40
à 5o pieds ; les rochers sont couverts de
mousse et de la saxifraga hypnoïde. Cette
province a un aspect tout particulier ; par-
tout ailleurs on ne trouverait pas une Serra
comme celle-ci.
Le chemin depuis Êstavai jusqu’à Moga-
douro est inégal ; ce dernier en droit , situé sur
une colline, est petit et de peu d’importance;
le pays est uniforme et ne présente que des
champs cultivés et des rochers arides. A une
demi-lieue de Mogadouro , vers l’est , ou trouve
une Quinta nommée de Nogueira^qm appar-
tenait autrefois à la famille Tavora . Cette
campagne formée d’un petit château et d’une
forêt de chênes nains et clair- semés, en-
trecoupée de buissons et de collines; le parc ,
où l’on entretient beaucoup de gibier, est en-
touré d’un mur. Une autre Quinta , nommée
de Mirminiz , est plus rapprochée du vil-
lage vers le sud ; il est vrai qu’elle est plus
petite , mais elle est agréablement mélangée
de buissons et de prairies. Ces deux Quintas
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C 3* )
appartiennent au comte de San Vicenie ;
mais elles rapportent peu, à cause de la stérilité
du sol , et peut-être aussi par la négligence du
propriétaire et des fermiers. Le sort de la mal-
heureuse famille de Tavora est connu ; elle
fut accusé d’avoir prit part à l’assassinat du
Roi D. José' ; les principaux membres en
furent exécutés à Belem , le i 3 janvier 1769 ,
par ordre de Pombal. Tavora était leur nom
de famille , ainsi que celui du Marquisat
qu’ils possédaient. Avant cette malheureuse
catastrophe , cette famille habitait les deux
Quintas , et répandait l’aisance dans les lieux
circon voisins. A cette époque , Mogadouro
renfermait , selon le rapport des habitans ,
700 maisons ; aujourd’hui on en trouve à
peine cent. Il est possible que cette évalua-
tion soit trop forte ( De Lima ne compte
que i 58 feux); mais il est hors de doute
que ce lieu est tombé en décadence : on n’y
trouve pas même une auberge ; cependant
celui qui en tenait une autrefois , a la com-
plaisance de recevoir les étrangers chez lui.
Le Monte do Azinhal , à quelque distance
de Mogadouro , est aussi célèbre par la
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C 33 )
richesse de sa végétation que la Serra de
Navalheira , et lui ressemble beaucoup. On
y arrive par le village Brunhozo , à une
demi-lieue de Mogadouro , séparé de cet
endroit par de beaux pâturages : au-delà
de Brunhozo, on aperçoit quelques collines ,
et après une demi-heure de marche on des-
cend jusqu’au rivage du Sabor. Des chemins
difficiles traversent une épaisse forêt où croît
ïa vigne sauvage qui rampe le long des
arbres ; les habitans ignorent qu’on peut la
cultiver ; des sangliers peuplent les endroits
les plus touffus de la forêt. La température
de la vallée est bien plus douce que celle
des environs ; le revers des montagnes est
entremêlé de champs et de vignobles. Il est
probable que le torrent creusa son lit dans
cette vallée, dont le climat tempéré fait
éclore des plantes que l’on chercherait en
vain dans les lieux d’alentour. Depuis les
coteaux de Brunhozo , on remarque au nord
la Sierra de Senabria en Galice , qui était
encore entièrement couverte de neige au 3o
avril.
La route qui conduit de Mogadouro à
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( 34 )
Vimiozo , à cinq lieues de distance , traverse
le village d ' Algozo. Avant d’y parvenir ,
on passe le Rio Ingueira , qui coule dans
une valle'e sauvage et pittoresque ; ensuite
on n’aperçoit qu’un pays élevé et peu fer-
tile , couvert de champs de seigle et de
froment et de quelques prairies. Les villages
entourés d’ormes et de peupliers présentent
un coup - d’œil agréable. A Vimiozo , on
trouve une mauvaise auberge ; depuis cet
endroit jusqu’à Bragance , il y a cinq lieues
par un pays aride et monotone , à l’excep-
tion de quelques prairies ornées d’arbres;
elles sont couvertes de vulpin des prés ( Alo-
percus pratensis ) , qui offre une fort bonne
nourriturè pour les bestiaux. Le Rio Ingueira
et le Sabor , que l’on passe sur deux ponts
de pierre, coulent dans deux vallées dont le
paysage est assez monotone ; au reste la rçute
est bonne.
5 3 . Bragance , Miranda , Freixo t Fron-
tières de Beira,
Dans cette saison ( au commencement du
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1
( 35 )
mois de mai ) , les environs de Bragance
sont fort intéressai pour les amateurs de la
botanique. Une plante que Tournefort prétend
être particulière au Portugal, l’élyme tête de
Méduse ( elymus caput Medusœ ) , et que
jusqu’alors nous avions cherchée en vain
abonde autour de cette ville. Il paraît que
Tournefort est entré en Portugal par le Traz
os Montés , car il a observé cette province <
avec attention. Les prairies des environs de
Bragance sont couvertes de plusieurs plantes
qui ne croissent que dans le nord de l’Europe,
et que l’on ne trouvedans aucune autre pro-
vince du royaume, par exemple, la crête de coq
( rhinanthus crista galli ) ,• Ja reine des prés
( spirœa ulmaria);et le vulpin des prés (alo-
percus pratensis). Toutes ces plantes déposent
en faveur de la grande élévation de cette pro-
vince, qui renferme des végétaux qui lui sont
particuliers, et qui n’ont point encore été dé-
crits. Bragance est en effet dans une situation
fort élevée ; elle est, pour ainsi dire, assise sur
une des terrasses des chaînes de montagnes
qui séparent le Portugal de l’Espagne.
Une de ces chaînes , la Serra de Monte-
/ ■ 3 .
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( 36 )
zinho au norddeBragance, forme une branche
de la Sierre de Senabrfe , dont nous avons
parlé plus haut. On compte deux lieues et de-
mie jusqu’au village de Montezinho ; la route
cotoye le Sabor et traverse les villages de Ro-
bal et de França ,dont ce dernier est situé fort
agréablement au pied d’une colline couverte
de bouquets de chênes. Plusieurs plantes de
l’Europe septentrionale, qui sont très-rares
partout ailleurs , se trouvent ici. Derrière
le village assez considérable de Montezinho ,
l’on gravit sur la chaîne de montagnes qui
est la plus aride de tout le royaume ; on n’y
voit aucun arbre, pas même un arbuste: des
bruyères la couvrent en totalité. Quoique
cette chaîne soit plus basse que la Sierra
de Senabria , elle ne le cède en rien aux
sommets les plus élevés du Gerez ; il est
même probable qu’elle le surpasse. Une butte
( Pedrastante ) qui se trouve sur une des som-
mités , marque la limite des deux royaumes.
Les sources du Sabor sont à quelque dis-
tance sur le territoire Espagnol. Les cimes
des montagnes du côté du Portugal, étaient
encore couvertes d’un peu de neige, aucom-
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C 3 7 )
mencement du mois d’avril ; il en était
même tombé dans le village de Montezinho.
La végétation prouve également la grande élé-
vation de cette contrée ; on ne voyait fleurir
que le souci d’eau ( calsha palus tris} , plante
que nous n’avons rencontrée dans aucune
autre partie du Portugal.
La route de Bragance à Miranda , distant
de 8 lieues , est triste et désagréable. Il n’y a
point d’auberge dans le village de S.-Joanica ,
et l’on est obligé de chercher un mauvais gîte
chez quelque paysan^ Les bords de P/>z-
gueira sont plats ici , quoiqu’ils soient escarpés
auprès de Vimiozo. La crue subite de ces
rivières occasionne en hiver de grands ra-
vages.
Bragance et Miranda sont les deux prin-
cipales villes de la province. La dernière
est une place forte sur les frontières de l’Es-
pagne , située près du Doure qui coule à
quelques pas de la ville.. Il roule ses eaux
avec une grande rapidité entre des rochers
escarpés et peu propres à la culture; on est-
exposé à de fréquens dangers , lorsqu’on le
passe au bac. Quand nous y arrivâmes >,
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( 38 )
le bac avait été entraîné; et il ne restait
plus d’autre moyen de communiquer avec
l’Espagne, que de la traverser à califourchon
sur un cable tendu d’une rive à l’autre. Les
personnes craintives se font passer dans un
panier attaché à ce cable. Les rochers qui
bordent le Douro sont intéressans pour la
botanique ; nous y vîmes fleurir une nouvelle
espèce d’ Isatis , et au bord de la rivière , la
Jonciole ou Aphyllante de Montpellier.
Miranda do Douro , pour le distinguer de
Miranda do Corvo , est un misérable endroit
qui renferme environ 200 feux. Cette ville
passe pour une place forte , mais ses forti-
fications sont peu considérables. Elle souffrit
beaucoup de l’explosion d’un magasin à pou-
dre , lorsqu’elle soutint le siège des Espagnols,
dans la guerre de 1762; et depuis cette époque,
elle ne présente plus qu’un amas de ruines.
Le bourg de Bemposta etft à 4 lieues de
Miranda et à une lieue du Douro ; il est
beaucoup plus élevé au - dessus du lit de la
rivière que cette dernière ville. Le premier
degré des montagnes , vers le fleuve , con-
siste en un bon terrain qui produit du
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( 3 9 )
bled, du vin et un peu d’huile ; mais plus
bas , le pays est rocailleux et stérile , sur- tout
près des bords de la rivièrê. De l’autre côté ,
sur le territoire Espagnol, on voit le Tormes
se réunir au Douro. Dans les environs des
villages à'Orroz et de Travanca on extrait
de la chaux. La route de Bemposta à
Freixo de Espada data , traverse le village *
de Ventozello , où l’on trouve de la plom-
bagine comme il a été dit plus haut , et le
village de Lagoaça entouré de cerisiers. Le
chemin jusqu’à Freixo passe par un pays
inégal et désagréable ; à gauche on aperçoit
les rochers qui bordent le Douro.
Freixo de Espada data est situé dans
un pays élevé , mais dont le climat est fort
doux ; cette ville est entourée de coteaux fer-
tiles qui produisent du vin, de l’huile, des
amandes et des figues. Les maisons sont
séparées par des plantations d’ormes et de
mûriers , qui les ombragent agréablement en
été , ce qui rend ce village un des plus beaux
séjours du royaume. L’éducation des vers à
soie est assez considérable; on recueille ici plus
de soie que dans aucun autre endroit de la pn>
3 .
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C 40 )
vince. L’hôtellerie n’a pas grande apparence,
mais la politesse prévenante des aubergistes
qui s’empressèrent de nous apporter toutes
sortes de provisions, nous dédommagea am-
plement du mauvais gîte. Un voyageur re-
çoit si fréquemment des témoignages de la
politesse et de la complaisance des Portugais,
qu’il deviendrait fatigant de le répéter.
Le Douro est éloigné de Freixo à une
lieue vers l’est. Une route large et bien
entretenue y conduit et traverse d’abord un
pays bien cultivé, ensuite des bruyères. La
rive opposée, sur le territoire Espagnol, est
mieux cultivée que celle du côté du Por-
tugal; elle paraît couverte d’une forêt d’oli-
viers. Ainsi que je l’ai déjà observé plusieurs
fois , l’agriculture et l’industrie sont en gé-
néral plus perfectionnés en Espagne qu’en
Portugal. Je m’«n suis souvent convaincu ,
mais je ne saurais en déterminer les causes.
Au sud , le Douro n’en est également éloigné
que d’une lieue et demie, parce que dans cet
endroit il prend sa direction à l’ouest; au-delà
de Freixo, la route monte d’abord et redes-
cend vers le Douro, Après l’avoir cotoyé
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C 41 )
pendant une demi - heure , on le passe à
B area de Al va , pour entrer dans la province
de Beira.
6°. Second voyage par le Traz os Montés.
Observations générales sur cette pro-
vince.
Nous avons suivi le Comte de H . ....
dans un voyage par la province de Traz os
Montés , qu’il visita avec tant de soin , que
même les lieux les moins intéressans n’ont pas
échappé à ses recherches. Le grand nombre de
plantes qu’il y» recueillit lui offrant un vaste
champ d’observations curieuses, il entreprit,
dans la même année , un second voyage par
cette province. Il se rendit par le Beira, l’Es-
trella et Coimbre, à O-porto, visita la province
de Minho, et retourna dans le Traz os Montés
par la Serra de Gerez et la route qu’il avait
suivie précédemment. Le 25 juillet, il entra
dans cette province par Vendas-Novas , et
la traversa pour arriver à Montealegre et
Chaves. A cette époque, les chênes étaient en
feuilles, et répandaient une grande variété
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( 4 * )
dans la campagne. La moisson ne se fait,
dans les environs de Montealegre , guère plu-
tôt qu’en Allemagne; les prairies étaient ta-
pissées d’une riche verdure , et plusieurs
déjà fauchées.
De Chaves , il se rendit par Virihaes à la
Serra de Montezinho. On traverse d’abord
le plateau de Chaves , ensuite on parvient à
l’ancien château Torre de Monforte , d’où
s’étend un plateau élevé jusqu’à Labaçao ,
village à trois lieues de Chaves. Depuis cet
endroit jusqu’à Vinhaes , on fait cinq lieues
par un pays désagréable, rempli de montagnes
et de rochers. Le Rabqçal coule dans une
profonde vallée. Vinhaes est situé dans une
gorge fertile , entourée de montagnes en partie
arides et en partie couvertes de bouquets de
chênes. Jusqu’à Montezinho, il y a cinq lieues.
Les villages, sont entourés de prairies ver-
doyantes , de plantations de châtaigniers , et les
coteaux parsemés de chênes. Le séjour de
Montezinho est un des plus agréables en été;
les chênes et les bouleaux offrent par -tout
une belle ombre. Les matinées et les soirées
sont fraîches, mais pendant le jour il fait très-
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( 43 )
\
chaud. Les prairies autour du village avaient
déjà été fauchées , et étaient découvertes
d’herbe dès le 3 i juillet. La végétation est
plus tardive sur les montagnes. Nous nous
étions proposé de recueillir un grand nombre
de plantes, mais notre attente fut trompée,
nous n’en trouvâmes pas une très - grande va-
riété ; nous n’aperçûmes que quelques fleurs
sur le doronic ( doronicum pardalianches ) t
plante assez rare en Portugal.
Bragance, que nous visitâmes pour la troi-
sième fois, récompensa nos recherches par
une nouvelle récolte pour la bbtanique. La
vallée que traverse la rivière deFervenza, est
très-fertile. La Serra de Nogueira , à trois lieues
de Bragance , produit des plantes rares. Le 4
août, nous vîmes encore de la neige sur la
Sierra de Senabria, preuve que cette chaîne de
montagnes est élevée à plus de 8000 pieds au-
dessus du niveau de la mer. Les géographes
ne font pas assez attention à la hauteur des •
montagnes d’Espagne. Dans ce pays , il y a
des chaînes de montagnes dont les sommets
s’élèvent de 8 à 9000 pieds et au-delà. On le
1
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C 44 )
remarque moins, parce que leur base [reposa
sur un plateau déjà fort élevé.
De Bragance , on traverse une partie de la
province pour se rendre , par Bornéo , à Torre
de Moncorvo. Jusqu’à Bornéo , on compte
sept lieues, et de là à Torre de Moncorvo,
six. Le pays ne présente rien d’intéressant ; il
est parsemé de collines et de montagnes.
Derrière Bornéo, on aperçoit la Serra de
Bornéo , chaîne de rochers ornée de divers
arbustes. La principale vallée de ces mon-
tagnes forme le campo de Villariça, dont nous
avons parlé plus haut. Au mois d’aout , la vé-
gétation n’était plus en vigueur autour de
Torre de Moncorvo, et les rochers ne pré-
sentaient qu’une herbe courte et sèche. A peu
de distance de Torre de Moncorvo , on passe
le Douro dans un bac commode pour entrer
dans le Beira.
La province de Traz os Montés forme une
•terrasse de la haute chaîne de montagnes qui
s’étend, par la Gallice, le long des frontières
du Portugal , de l’ouest à l’est. Je nomme
terrasses les plateaux élevés qui se trouvent
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( 4 $ )
au pied des grandes chaînes de montagnes,
et sur lesquelles celles-ci paraissent, pour ainsi
dire , appuyées. Ces sortes de terrasses sont
sur - tout particulières à la péninsule. La
Sierra de Senabria forme une branche de
cette chaîne ; la Serra de Montezihho et
la Serra de Gerez appartiennent aux bran-
ches parallèles. Cette terrasse s’abaisse au
sud ; toutes les rivières prennent leur source
dans les montagnes qui forment la frontière
de la Gallice, et se dirigent au midi pour
tomber dans le Douro. Ce grand fleuve
suit d’abord la même direction , jusqu’à ce
que les montagnes de l’Estrella l’obligent de
prendre son cours à l’ouest. La partie sep-
tentrionale de la province est composée de
granit; ensuite on aperçoit du schiste mi-
cacé et du schiste sablonneux qui s’étend
jusqu’au bord du Douro. Dans le schiste
micacé on doit trouver des filons de mi-
néral , don# le gouvernement empêche l’ex-
ploitation , comme nous l’avons observé plus
haut.
Vers le nord , où le plateau est le plus
élevé, le climat est très-froid , tandis qu’au
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C 46 )
midi , où les montagnes s’abaissent , il est
plus doux ; la chaleur est même très-forte
dans les vallées; par exemple , celle de Mi-
randella et le Campo de Villariça. Ce pla-
teau n’est pas dominé par de très - hautes
montagnes , quoiqu’elles soient cependant
à une grande élévation au-dessus du niveau
de la mer ; il n’y a que quelques sommités
qui paraissent dispersées sans ordre sur cette
terrasse. D’après le coup-d’œil que présente
ces montagnes depuis la Serra de Marao ,
elles semblent se diriger vers le sud-ouest, et
tenir le milieu entre la chaîne qui forme la
frontière de la Gallice et l’Estrella. Leur plu3
grande élévation est au midi , car c’est là que
les vallées sont le plus profondes et se diri-
gent du nord au sud; c’est sans doute un effet
des torrens qui se précipitent des mon-
tagnes , dont la plus haute chaîne est la Serra
de Monteziriho.
Cette province présente un fspect par-
ticulier par les amas de rochers dans les
plaines, ou sur les sommités des collines et
des montagnes. Comme elle est en général
aride, elle n’offre rien d’agréable. Il n’y a
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C 47 )
que la partie septentrionale qui ressemble
un peu à la province du Minho, caron y ren-
contre des forêts de chênes et de bouleaux ;
„ elle a quelque ressemblance avec les climats
tempérés, par ses vastes prairies. Les rivières
sont très-encaissées ; le Douro roule ses eaux
sur un lit de rochers ; la Tua et le Tamega
coulent dans de profondes vallées , et sur les
rives du Sabor on trouve les forêts agréables
dont on a parlé plus haut, le Monte do Azin-
hal, et la Serra de Naoalheira. La flore se
rapproche de celle d’Espagne ; le paysage a le
caractère de celui de la Castille , par de
vastes champs dépourvus d’arbres.
On nomme cette provinee Traz os Montés ,
probablement parce qu’elle est au-delà des
monts , à partir d’O - porto , et sur - tout
du Marao. Les géographes lui appliquent
mal-à-propos le nom espagnol de Tra los
Montés. On lui donne une étendue trop con-
sidérable ; on prétend qu’elle a trente lieues
de long sur vingt de large, quoiqu’on ne
compte que vingt-huit lieues dans une direc-
tion oblique, depuis Vendas-Novas par Bra-
gance, jusqu’à Miranda. De Montezinho à
\
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( 48 )
Torrede Moncorvo, il n’y a que quinze lieues;
Cette province est en général assez bien
cultivée. Dans plusieurs districts , et particu-
lièrement dans celui de Torre de Moncorvo»
on donne beaucoup de soins à l’agriculture ;
on y récolte sur-tout du seigle et du froment ,
et les terres labourées s’étendent jusques vers le
sommet des montagnes. Le plateau de Chaves ,
la vallée de Mirandella , et le Campo de
Yillariça , sont très-fertiles. Aussi la province
n’est-elle pas plus aride qu’une grande partie
du Beira, de l’Estramadure et des autres pro-
vinces, excepté celle de Minho. Depuis que
l’éducation des vers à soie est tombée , on ne
trouve , outre l’agriculture , aucune trace
d’industrie. Aussi cette province renferme-
t-elle un petit nombre de villes peu remar-
quables ; et si j’en excepte la Comarça de Vil-
lareal , qui est dans le voisinage des vignes
du Douro supérieur et la province de Minho ,
- cette proportion si faible des villes aux cam-
pagnes surprend beaucoup. Chaves et Bra-
gance sont les seuls endroits où il y a plus de
quatre cents feux. Il est hors de doute que
le défaut de villes et d’industrie a une grande
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C 49 )
influence sur la prospérité du pays. On ne
trouve point de débouchés pour le bled que
l’on recueille en quantité; dans les bonnes
années le prix en est trop bas ; on n’y fait nulle
attention , ce qui occasionne la disette dans
les mauvaises années. En donnant des soins à
l’éducation des vers à soie , cette province
atteindrait un certain degré de prospérité;
et , par de bonnes routes jusqu’au Minho,
elle serait en état de vendre son bled superflu
et de nourrir le grand nombre de personnes
qui émigrent chaque année de cette province
peu étendue , mais très-peuplée. Les habitans
paraissent laborieux ; il faudrait que le gou-
? vernement leur donnât quelques secours , ou
plutôt ne leur mît point d’entraves; que les
propriétaires, qui possèdent la plus grande
partie du pays , apprissent à connaître leurs
vrais intérêts, cultivassent eux-mêmes leurs
champs , et n’entretinssent pas dans la misère
les fermiers et les paysans , en leur fai-
sant payer des redevances exorbitantes. Une
grande partie de cette province appartient à
la famille royale de Bragance , et ce n’est pas
celle qui est la mieux cultivée.
4
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( 5o )
Les Espagnols s’emparèrent de cette pro- 3
vince en 1672. Le général O-Reilly pénétra
par Miranda ; son armée se répandit dans
le pays , et se rendit maîtresse de Chaves.
O - Reilly voulut aller par le Minho , jus-
qu’à O-Porto : dans les gorges étroites du
Minho il rencontra une troupe de paysans
mal armés et indisciplinés , mais braves
comme tous les habitans de ces vallées , et
excités par l’amour de la patrie et leur haine
contre les Espagnols. O-Reilly fut obligé de
se retirer. Le Traz os Montés ayant beaucoup
souffert , les Espagnols n’y trouvèrent plus de
quoi subsister , et repassèrent le Douro pour
se porter sur Almeida.
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( Si )
CHAPITRE II.
LA PROVINCE ENTRE M.I N H O E DOURO.
i.° Additions à la relation du premier
voyage par cette province.
D Ans notre premier voyage que nous
avons décrit tome I, p. 414, nous suivîmes
la route d’O-Porto au Gerez , et de fà nous
retournâmes à Pezo da Regoa. J’ai déjà parlé
d’O-Porto; c’est le séjour le plus agréable
qu’un étranger puisse choisir en Portugal :
il n’y manque que la campagne délicieuse
des environs de Lisbonne. Tous les agrémens
de Porto se réunissent dans la belle vallée
que l’on embrasse d’un coup - d’œil , et que
sans doute on voit trop souvent. Le chemin,
en côtoyant le rivière jusqu’au fort de St.-Joao
da Foz ( et non Fez, comme il est écrit im-
proprement dans le tome I ) , épuise toute la
richesse du paysage. Mais on est voisin des
délicieuses valle'esde la province, qui, peut-
4 *
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( 52 )
être sous un climat plus froid, présenteraient
une contrée agreste et sauvage , mais qui dans
ce pays , réunissant leurs ombres rafraîchis-
chissantes à l’ardeur du soleil et à la pureté
du ciel, répandent un charme inexprimable
qui ne s'effacera jamais de ma mémoire. Un
peuple laborieux et doux habite ces vallées ;
ce furent ces montagnards qui repoussèrent
les Espagnols en 1762. Malgré les avan-
tages qu’offre cette province , il est étonnant
que de tous les étrangers qui séjournent à
O-Porto , la plus grande partie ne voye que la
ville ou tout au plus le Douro supérieur. J’ai
parlé à plusieurs Anglais et à d’autres étran-
gers qui avaient été à Porto, mais la curiosité
n’engage qu’un très- petit nombre à visiter
Braga ou le Gerez.
O-Porto est entouré de quelques anciennes
murailles qui tombent en ruines ; une vieille
tour qui ressemble à un château fort, existe
encore au bord de la rivière , du côté du
levant; mais au reste cette ville n’est point
gardée. Les maisons s’étendent au-delà des
murs de la ville , et forment quatre faux-
bourgs. Les deux plus belles rues de la ville
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C 53 )
basse se nomment rua dos Flores , et rua
noua des Inglezes . On prétend que la rivière
a 800 pieds de large. La ville ne renferme que
huit couvens. Villa-Nova d’O-Porto , comme
on doit le présumer d’une ville aussi voisine,
est devenue importante aux dépens d’O-Porto.
Anciennement O-Porto appartenait aux Evê-
ques , qui étaient continuellement en dispute
avec les rois de Portugal. Le roiD. AffonsoIII
ordonna que tous les vaisseaux devaient
mouiller devant Villa-Nova , y décharger
leur cargaison et payer les droits, ce qui eut
lieu au grand préjudice d’O-Porto. Ces diffé-
rends furent terminés , et O-Porto échut à la
couronne ; mais Villa-Nova resta une ville
considérable, parce que la rive du Douro y
est plus basse , et offre un meilleur emplace-
ment pour les magasins que la rive opposée
qui est escarpée.
Braga est une ville sans fortifications et
une des plus anciennes du royaume. On y a
trouvé des médailles romaines et les vestiges
d’un amphithéâtre et d’un aqueduc. Selon
quelques auteurs , la cathédrale doit avoir
servi anciennement de temple aux Romains;
4..
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( 54 )
je n’y ai remarqué que le style qu’on nomme
ordinairement gothique . Mais je ne garantis
point ce que j’ai dit tome II, p. 5, de l’admi-
nistration judiciaire : la ville a un Corregedor
et deux Juizes de Fora. Autant que je puis
m’en rappeler , aucun d’eux ne nous inquiéta.
J’ai parlé en détail, tome II, page i3,
des bains de Caldas , des montagnes d’a-
lentour et de la Serra de Gerez , nommée
par les anciens Juressus. Aucun auteur
n’a fait mention de cet endroit ; on dit seu-
lement qu’il y a des bains chauds dans ces
montagnes. Il est hors de doute qu’on n’a
commencé à les visiter que dans les temps
postérieurs. Cet établissement est dans un
fort mauvais état. Il est vrai qu’il y a des
auberges, mais on ne peut y loger que des
chevaux ; et celui qui n’a pas eu soin de faire
retenir d’avance , par un de ses amis , des
logemens à Villar de Veiga, est exposé à n’en
point avoir , d’autant plus que l’affluence des
étrangers est très-grande. Toutes les maisons
appartiennent aux liabitans de Villar de Veiga,
et ne sont point occupées pendant l’hiver. Une
famille qui arriva trop tard, fut obligée de
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( 55 )
se construire des barraques. Nous n’aurions
également pu être logés sans la complaisance
d’un négociant anglais d’O-Porto, M. Wil-
liam-Nassau , qui ne connaissait point le
comte de H..... C’est à ses soins obligeans que
nous fûmes redevables d’un logement com-
mode. Je me fais un vrai plaisir de nommer
ici cet homme aimable, car il m’est échappé ,
T . II. p% 3 1 , une expression que l’on pourrait
appliquer à toute la nation anglaise. Quelques
voyageurs, principalement des Anglais (j’en
excepte cependant Murphy ) , se sont permis
des remarques outrageantes pour les Portu-
gais , et c’est ceux-là que j’avais en vue.
Les denrées que l’on vend ici consistent en
bœuf, poules , jambon, lard , du vin aigrelet
du pays £ vinho perde), rarement du bon
vin du Douro ( vinho maduro ) ; en choux ,
salade , oignons , huile, vinaigre , sel, oranges ,
sucre; il est difficile d’avoir des cerises et des
poires. Celui qui se contente de ces objets
peut vivre ici assez commodément ; mais
quant aux autres provisions, on est obligé
de les faire venir de Villar de Veiga , à une
lieue de distance. Les alimens sont à bon
4 • • •
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i
(56 )
marché; il n’y a que 1’entretien des chevaux
qui soit dispendieux ; il coûte trois fois plus qu’à
4
Lisbonne. Il y a du foin ; mais il est si sec ,
qu’il a perdu tout son suc : l’orge est très-rare.
Un cultivateur de Villar de Veiga , nommé
José Pereira , est le meilleur guide dans ces
montagnes. Non-seulement il a une connais-
sance parfaite de tous les chemins , mais il
sait aussi indiquer tout ce qu’il y a de remar-
quable dans ces montagnes , comme le pont
et les pierres milliaires des Romains , les
endroits où l’on trouve des cristaux , des
schorls et des chèvres sauvages; il connaît
même les dififérens arbustes qui croissent sur
les rochers.
Je ne puis passer sous silence le nom d’une
aimable famille qui nous reçut de la manière
la plus obligeante dans le village de Villa-
rinha do Furno. Le chef de cette famille se
nomme Manoel de Outeiro , et sa femme ,
Donna Custodia. L’or des voyageurs a de-
puis long-temps banni la franche hospitalité
des vallons solitaires de la Suisse ; une guerre
dévastatrice nous a mieux fait connaître les
moeurs des montagnards suisses que les poésies
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C* 7 )
de Haller. Ces vertus se seraient-elles peut-
être réfugiées dans les vallées paisibles et
oubliées du Gerez?.... Les bords du Homen
sont habités par un autre peuple pasteur ;
une nouvelle Arcadie est entourée de rochers
inaccessibles; c’est -là que le voyageur est
accueilli avec une confiance sans bornes , une
gaîté inaltérable , qui lui fait passer les
plus doux instans. Il est à, souhaiter qu’il
n’y ait que les amateurs de la botanique
qui franchissent les rochers de la Serra
jimarella ; et puisse tout voyageur curieux
rester éloigné de cette peuplade, pour qu’elle
ne soit pas corrompue par l’or et le luxe!
Cependant on n’a pas lieu de le redouter ,
car les chemins, dans la partie supérieure du
Minho , sont fort mauvais , et rendent les
voyages aux bains chauds très- difficiles. Il
est impossible d’y parvenir avec des voitures;
les habitans ne se servent que de petites
charettes légères. Les hommes font usage de
mulets pour voyager ; car non - seulement il
est difficile de se procurer des chevaux , mais
ils ne valent même rien dans ces montagnes.
Les femmes sont obligées de se servir de leurs
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C 58 )
chaises à porteur , suspendues sur le dôs de
deux chevaux ou de deux mules , manière de
voyager très- incommode, car ces chaises sont
petites et fermées; aussi ne peut-on en faire
usage dans les grandes chaleurs. Au reste ,
les chevaux et les mulets , lorsqu’ils sont
dressés , ont le pas très-sûr, et l’on n’est exposé
à aucun danger dans ces mauvais chemins.
Le grand nombre de gorges et de passages
étroits oblige d’attacher des clochettes aux
animaux. Il paraît que cette manière de
voyager a été autrefois usjtée dans tout le
royaume. De nos jours elle paraît être abolie
dans les provinces méridionales et dans les
pays de plaines. 1
Dans ces montagnes , on est accoutumé à
conserver les épis de maïs sous de petits
angars qui reposent sur des piles de pierres ,
et qui ressemblent à des poulaillers. Le pain
ordinaire est fait ici , comme dans tout le
Minho, d’un mélange de farine de maïs et
de seigle, et se nomme broa. On bat le bled
comme dans tout le nord du Portugal , ce qui
a lieu aussitôt après la moisson. Les batteurs
se rangent sur deux files , les uns vis-à-vis des
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(*9 )
autres, et laissent tomber le fléau tous à la
fois , en observant une certaine mesure. Nous
avons déjà observé cette méthode singulière
dans le Minho.
La production naturelle la plus remar-
quable des montagnes du Gerez , est la chèvre
sauvage , dont j’ai donné une description
abrégée , tom. II, pag. 24, J’èspère que nous
pourrons offrir aux naturalistes une des-
cription complète de cet animal, accompagnée
d’une figure exacte que le Comte de H...
a dessinée. J'ai dit que cet animal se nomme
Capra Ægagrus ; cette assertion mérite
quelques développemens. Le célèbre zoolo-
giste Pallas fut le premier qui nous fit
connaître cet animal comme une variété
primitive de la chèvre domestique ; il nous
en a donné une description accompagnée
d’une figure représentant le crâne et les
cornes de l’animal , que Gmelin lui avait
envoyés des montagnes de la Perse, au bord
de la mer Caspienne. La forme du crâne ,
ainsi que celle des cornes , prouve! que la
chèvre du Portugal ressemble beaucoup à cet
animal. La description qu’en donne Gmelin ,
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C6o)
le poil qui est mêlé de gris et de roux, la raie
noire qu’il a sur le dos , et d’autres particu-
larités , s’accordent parfaitement avec le qua-
drupède que nous avons observé. La descrip-
tion que Kae mpfer àonne de la chèvre bezoard,
s’y rapporte aussi. Cet animal, dit-il, ala forme,
la couleur et la stature du cerf, la barbe et
la taille d’une chèvre, un poil court, mêlé
de gris et de roux. Pallas prétend que cet
animal existe ailleurs qu’aux environs de la
mer Caspienne et du nord de l’Inde; il ditqu’il
y en a même en Europe. A cette occasion,
il cite un passage de l’histoire des animaux
de Gessner , où il est fait mention d’un
animal pareil , transporté du nord de l’Afrique
en Angleterre. On prétend cependant qu’il y
a encore de nos jours des chèvres sauvages
dans l’île de Tavolara, près de la Sardaigne,
comme le rapporte Cetti dans son histoire
naturelle de la Sardaigne ; mais il n’en donne
pas une description exacte. Selon Pausanias ,
il y avait des chèvres sauvages en Sardaigne ,
et Varron affirme qu’on en rencontrait dans
l’île de Caprasia et sur la terre-ferme d’Italie.
Le climat de toutes ces contrées , la Perse sep-
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(6i )
tentrionale, le nord de l’Inde, le Portugal et
l’Italie s’accordent parfaitement ; car, quoique
la Perse soit plus au midi, les montagnes y
sont plus hautes qu’en Italie et en Portugal.
En un mot, je ne doute point que nous n’ayons
retrouvé la variété primitive de la chèvre
domestique aux frontières les plus reculées
de l’Europe, et il me paraît que ce fait est
très-important pour l’histoire naturelle.
A notre retour du Gerez , nous passâmes
par Villar de Veiga , et un peu plus bas nous
traversâmes un pont de bois, là où le Rio das
Caldas , qui coule dans la vallée des Bains ,
tombe dans le Rio Caldo , qui vient de Mon-
tealègre.La campagne est fort belle. Nous pas-
sâmes ensuite devant l’église de Carniçada ,
près de laquelle se trouve la pharmacie la plus
prochaine pour les bains. C’est ici qu’on aper-
çoit pour la dernière fois la Serra de Gerez.
Plus loin , nous traversâmes Pardieiros,Nossa
Serihora do Porto, la rivière Ave , l’abbaye
Villa. Cova , Fafé , Lixé , et nous arrivâmes
à Amarante. Dans la seconde partie de ce
voyage, on a commis quelques fautes dans
l’orthographe de plusieurs de ces noms, comme
l
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• (60
i
Fofé , au lieu de Fafé ; Padrieiros , au lieu
de Pardieiros. Amarante est une des villes
les plus agréables du Minho ; le beau pont
sur le Tamega ou Tamaga , n’avait été
construit que depuis deux ans , et était garni
de bancs. C’est le lieu où se réunissent les
habitans en été. Le faubourg au-delà de la
rivière se nomme Covelo , et appartient à
une autre Comarca , comme formant un
endroit particulier. Le pont , la rivière et
l’aspect des coteaux boisés présentent un coup*
d’œil enchanteur; le long de la rivière il y
a des berceaux pour ceux qui veulent se
baigner. v
La Serra de Marao forme la limite entre
les provinces de Minho e Douro , et Traz os
Montes ; le village Campeao ou Campeani ,
fait partie de cette dernière. J’observe ici que
le schiste dont sont formés les sommets de
ces montagnes, n’est pas du vrai schiste
argilleux , mais du schiste micacé qui se
mêle au premier. Le fossile inconnu dont
j’ai parlé dans le second volume , est une
variété remarquable du chiastolite déterminé
par K arstens y il y a peu de temps qu’on
i t
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( 63 )
a trouvé un fossile pareil dans le pays de
Bareuth.
2 °. Voyage en hiver par la Serra de
Marao , Guimaraens et la Serra de
Gerez.
Les frimats couvrent maintenant les mon- |
tagnes du Minho. Dans le premier voyage
par le Traz os Montes , au commencement
de l’année 1800, le Comte de H..... visita
ces montagnes , pour y recueillir les plantes
cryptogamiques qui croissent dans cette
saison. Il avait déjà visité l’Êstrella , et
le 25 février il arriva à Peza da Regoa.
L’aspect de cette contrée était bien différent
de celui qu’elle nous offrit il y a deux ans ,
au mois de juillet. La riviere qui , en été,
est assez basse pour pouvoir la passer au
gué, était ccfnsidérablement accrue, et avait
inondé les promenades qui ornent ses bords.
Un temps froid et brumeux , accompagné de
pluies et d’un vent du sud-ouest , retardait
les progrès de la végétation , et rendait ce
séjour peu agréable. La vallée du Douro
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I .
( 64 )
supérieur portait le caractère des contrées de
la Castille; la chaleur y est excessive en été,
mais elle est froide et désagréable en hiver.
La compagnie du Douro supérieur augmen-
tait encore les difficultés qu’éprouvent les
voyageurs , en faisant débiter un breuvage
détestable, composé de différentes substances
corrompues, et qu’elle qualifiait du nom de
vio. Celui d’une qualité supérieure avait été
accaparé et envoyé à l’étranger ; mais , comme
elle possède le commerce exclusif du vin daus
ces contrées et la ville de Porto , elle peut
forcer les habitans de boire le mauvais, vin.
Certes, il n’est pas étonnant que l’on s'opposa
d’abord à cette compagnie , et qu’elle ne put
être établie que par la violence.
Le 2 mars il fit un orage affreux , accom-
pagné de pluie , sur la Slrra de Marao. Les
sommets étaient couverts de neige, mais le
bord de la route de Campeao était orné de
violettes , fleurs assez rares en Portugal , et
que nous n’avions aperçues jusqu’alors que
sur la Serra de Monchique. Il tomba un peu
de neige dans la nuit du 3 mars.
La route de Campeao à Guimaraens , à
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C 65 )
six lieues de distance , traverse une partie des
fertiles vallées du Minho et des montagnes
d’un accès difficile. Guimaraens, ville et chef-
lieu d’une Comàrça, est une des plus consi-
dérables du royaume ; elle est située dans une
plaine fertile, entourée de collines et de mon-
tagnes peu élevées. Les champs sont divisés
en portions égales , par des haies vives de
coignassiers et d’autres arbustes , parsemés de
chênes , autour desquels s’élèvent des ceps de
vignes. La ville est grande , les maisons bien
construites, les rues larges; elle est même
plus propre que la plupart des autres villes du
Portugal. On y remarque beaucoup d’activité,
une quantité d’ateliers et des boutiques rem-
plies de marchandises. Toutes les maisons sont
enduites de plâtre et pourvues de fenêtres,*'
chose assez rare dans les petites villes du
Portugal et de l’Espagne; il n’en existe point
dans les villages. Cette ville renferme quel-
ques places régulières; plusieurs sont ornées
d’arbres; on la divise en ville vieille et ville
neuve. La première est bâtie en amphi-
théâtre; on y remarque un ancien château
flanqué de tours carrées , et entouré de
5
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( CG )
murailles ; cependant une partie des maisons
est construite hors des murs. Il y a ici une
riche abbaye royale , avec une belle église
qui fut rebâtie par Don Jean I , fondateur
de Batalha. Une image miraculeuse de la
Vierge a non seulement donné lieu à la
fondation de cette abbaye , mais aussi à celle
de toute la ville. On trouve une description
détaillée de cette église et des autres curiosités
de Guimaraens, dans les Délices d'Espagne
et de Portugal , par Colmenar.
Guimaraens fût la première résidence des
rois de Portugal ; c’est là qu’habitèrent le
comte Henrique et son fils D. Alfonso-
Henriquez. Celui-ci fit la guerre à sa mère,
qui voulut lui disputer la couronne ; après
•l’avoir vainque, il la fit charger de chaînes*
Mais elle fut vengée par le roi de Castille , qui
entra en Portugal , défit Alfonso , et le
renferma dans Guimaraens. L action héroïque
à'Egaz Moniz sauva la vie à Alfonso. Ce
Portugais se rend dans le camp des Espa-
gnols, assure au roi de Castille qu 'Alfonso se
soumettra; qu’il se charge de les réconcilier ,
et persuade le monarque espagnol de lever
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( e 7 )
le siège. Celui-ci , se fiant à sa promesse , lui
accorde sa demande. Egaz Moniz re-
tourne à Guimaraens ; les assiégés repren-
nent courage, et slljonso rejette avec mépris
les propositions du roi de Castille. Mais
Egaz Moniz ne resta point à Guimaraens;
il retourne avec sa femme et ses enfans
dans le camp des Espagnols, pour offrir sa vie
et celle de sa famille au roi de Castille outragé.
Celui-ci, plus généreux que les Carthaginois,
pardonna à ce second Régulus. Le Camoens ,
qui n’a oublié aucune circonstance remar-
quable de l’histoire de son pays dans son -
poème , raconte cette action héroïque d’ Egaz
Moniz ; mais je ne trouve point que les vers
où il en parle soient d’une beauté particulière.
Dans les environs de Guimaraens on trouve
des bains chauds : l’un à Saint-Miguel das
Caldas , que l’on nomme aussi Caldellas et
Lameiro , jouit d’une grande réputation. On
suit d’abord, pendaqj une heure, la belle
route d’O-Porto; ensuite on détourne à gauche,
en traversant, pendant trois quarts de lieue ,
un pays bien cultivé. Ces bains sont entourés
de plusieurs petites maisons isolées , mais fort
5 .
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( 68 )
agréables , qui ont été construites depuis peu
par des personnes aisées. Une d’elles appartient
au Jui'z de Fora , et une autre au prieur
de Barcellos ; les propriétaires les louent avec
bénéfice pendant le temps des bains. Les
sources même se trouvent dans une petite
plaine. Une maison en bois recouvre l’un des
bains ; mais , comme tous les établissemens
pareils du royaume, elle est mal distribuée.
A quelque distance on voit plusieurs autres
maisons isolées. Nous ne pûmes juger du degré
de chaleur des sources , à cause de la rigueur
de la saison. La grande source était tiède à
environ zo° du thermomètre de Réaumur , et
avait un goût soufré ; une autre était chaude
à peu près 40° de Réaumur, et avait le même
goût , quoique moins fort. U y a près des bains
une promenade plantée de peupliers. Depuis
quelque tems on a découvert ici des vestiges
de bains romains , dont le parquet est en
mosaïque. L’autre bain , S. Antonio de Taipa
Vizella , est à une lieue de Guimaraens , sur
la route de Braga. Toutes ces sources sortent
d’un lit de granit.
Depuis Guimaraens jusqu’à Pardieiros il y
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C 69 ) *
a quatre lieues , par un pays couvert de col-
lines. Nous avons parlé plus haut de la route
de Pardierios jusqu’aux bains du Gerez.
Comme ce lieu n’est ni habité ni fréquenté en
hiver , nous devions nous attendre à le trou-
ver vuide et solitaire ; mais , à notre grand
étonnement , nous y rencontrâmes une grande
activité : nombre de maçons et d’ouvriers
7 a
étaient occupés , soit à construire de nou-
velles maisons, soit à réparer les anciennes.
Depuis notre dernier séjour on avait bâti
plusieurs nouvelles habitations ; l’établisse-
ment paraissait prospérer de plus en plus.
Des bains aussi voisins que le sont ceux
du Gerez et de Guimaraens , dont les effets
sont également salutaires , et qui sont très-
fréquentés, prouvent qu’il y a beaucoup de
personnes aisées dans cette province ; le bon
ton de la société règne dans ces lieux, et il
paraît qu’il est de mode dans ce pays de visiter
les bains. On pourrait demander pourquoi je
n’en tire pas la conclusion bien plus naturelle
de l’effet salutaire de ses eaux; majs parmi
le grand nombre de personnes qui se trou-
vaient dans le Gerez , il y en avait tout au plus
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( 70 )
quatre ou cinq qui paraissaient réellement
malades ; le reste n’y était venu que pour
s’amuser.
Quoique à cette époque, au i 3 mars, les
chênes ne fussent pas encore verts , les diffé-
rentes espèces de bruyères, le fraisier-arbre
( arbustus unedo ), l’azereiro ou prunier du
Portugaise tinusf uiburnum tinus), ornaient
déjà de leur belle verdure le penchant des mon-
tagnes; le long des ruisseaux fleurissaient les
narcisses et l’anémone -des bois. Malgré la ri-
gueur de l’hiver de 1799 à ï8oo, on n’aperce-
vait point de neige dans les vallées; il n’y avait
que la cime des montagnes , et sur-tout celle
du Murrodo Butrageiro , qui en fût couverte.
Nous trouvâmes beaucoup de mousses et d’al-
gues , qui augmentent la liste des plantes du
Portugal. Tout ceci prouve que la cime la
plus élevée du Gerez n’est qu’à trois mille
pieds au-dessus du niveau de la mer, comme
je l’ai déjà observé T. II, p, 27. La province
entre Minho e Douro, comparée à celle de
Traz os Montés , est bien moins élevée ; les
vallées fournissent la plupart des productions
du midi du Portugal ; les montagnes ne sont
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(7* )
que peu élevées au-dessus des profondes val-
lées, et ne sont pas d’une hauteur considérable.
Toute la contrée paraît partagée en vallées
profondes , par le grand nombre de rivières
qui descendent des frontières élevées du Traz
os Montés. La province s’aplanit au couchant
ou plutôt à l’O. S. O. , comme on peut s’en
convaincre par le cours des rivières , en jetant
un coup-d’œil sur la carte.
i
3.° Troisième voyage par la province du
Minho. Tailla do Conde. Barcellps. La
Lima . Vianna.
La partie septentrionale de la province entre
Minho eDouro n’avait point encore été visitée
par nous; nous n’étions pas parvenus jusqu’aux
bords du Minho. Les rives du Tage , du
Douro et d’autres fleuves nous avaient fourni
beaucoup de plantes rares ; nous espérions
faire une récolte aussi abondante sur celles
du Minho. Après avoir parcouru le Traz os
Montés , l’Estrella et une partie du Beira , le
Comte de If.... se dirigea vers O-Porto, où il \
S « • •
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(7 2 )
arriva le 3 juillet 1800. On connaît déjà cette
ville par nos précédens voyages. D’ici à Villa
do Conde il y a quatre lieues. On sort par la
ville supérieure , et on suit un chemin qui
traverse des champs cultivés et des buissons.
Villa do Conde est une ville assez considé-
rable, sur les bords de la rivière Ave , qui,
par le voisinage de la mer dont elle n’est
éloignée qu’à une demi - lieue , acquiert
auprès de la ville une largeur de deux cents
pas, et forme une petite baie. Le commerce
maritime est cependant peu important ; on
ne fait que le cabotage avec des poissons et
d’autres denrées. De l’autre côté de la rivière
on passe par Azurar. On avait remplacé le
mauvais pont de bois par un beau pont de
pierre, et on levait un droit à cet efîèt. Le
pays est uni et sablonneux , et par conséquent
peu agréable. Ce n’est qu’à la distance d’une
à deux lieues , au nord et au couchant , qu’on
aperçoit quelques collines. Un aqueduc qui a
une lieue de long, et qui repose sur -des
arcades simples et peu élevées , règne d’une
des collines les plus prochaines au nord , jus-
qu’à cet endroit.
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( 73 ) '
Jusqu’à Barcellos , à trois lieues de dis-
tance , le pays est élevé , et présente l’aspect
de tous ceux de la province; des vallées et
des coteaux sont variés par des champs de
maïs entourés de chênes nains , dans les-
quels s’entrelace la vigne; les chemins sont
bordés d’arbres élevés et de buissons , et des
ruisseaux limpides contribuent à rafraîchir
l’atmosphère dans les chaleurs de l’été. Les
montagnes sont pelées et couvertes de bruyè-
res. Le pays produit du maïs et une espèce de
haricots ( fejao freidinho , dolichos cat-
jang ) , un peu de lin et quelques fruits. La
beauté de la campagne surpasse la fertilité
du æoI ; et on nomme cette contrée le jardin
du Portugal , parce que dans les plus grandes
chaleurs on peut y voyager à l’ombre et au
bord des ruisseaux. La ville de Barcellos est
le chef-lieu d’une Comarça appartenant à la
maison deBragance; elle est grande, propre
et pourvue de maisons bien construites et de
rues alignées. La petite rivière Cavado baigne
ses murs; elle est traversée par un beau pont
de pierre. C’était le temps de la foire ; une
grande réunion de personnes déposait en fa-
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( 74 )
veur de la population de la province. Depuis
Barcellos jusqu’au village S. Juliao , il y a
deux lieues, et de Ià 4 à Ponte de Lima deux
lieues et demie. Le chemin conduit par un
pays analogue à la province; les plaines sont
cependant mieux cultive'es.
Ponte de Lima est une ville de moyenne
grandeur , mais assez bien bâtie. L’aubei’ge
est bonne ; elle est située hors de la ville ,
dans un grand emplacement , à quelque dis-
tance de la rivière Lima , et du beau pont
de pierre dont ce lieu tire son nom. Devant
la maison se trouve une fontaine qui fournit
une eau excellente. La Lima est tellement
célèbre à cause de la beauté de ses boçds ,
qu’on la compare au Lethe , qui charma
tant les armées romaines , qu’elles ne vou-
lurent plus le quitter. C’est un torrent
qui descend des montagnes ; mais ici, ses
eaux sont limpides, et coulent sur un fond
de sable et de gravier ; elles sont échauffées
par les rayons du soleil , et estimées pour
le bain. Cette rivière est souvent cachée par
des touffes de chênes et des buissons qui
ornent ses bords ; mais ordinairement elle
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C ?5 )
coule dans un lit large , et les allées restent
à quelque distance du rivage. La contrée
est en général plate ou parsemée de collines ;
les montagnes s’aperçoivent dans l’éloigne-
ment. Les bords de la Lima ne se dis-
tinguent pas d’uoe manière particulière , par
leur beauté , des autres contrées de la pro-
vince ; ils sont même inférieurs à beaucoup
d’entr’elles, par rapport aux sites pittoresques,
et ne doivent sans doute leur réputation qu’à
la campagne unie qui les environne , ce qui
rend les promenades moins fatigantes que
par-tout ailleurs. Il faut aussi considérer la
sensation agréable .que produit sur un Portu-
gais l’aspect d’une plaine ; et certes c’est une
chose si rare dans ce pays , qu’elle nous fît
même plaisir , à nous qui préférions les mon-
tagnes. Le mot planiça fait seul l’éloge d’une
contrée, 'et le Portugais le prononce toujours
avec une certaine satisfaction.
La Lima est devenue pour les Portugais
ce qu’était le Lignon pour les Français , dans
leurs romans modernes. Un de leurs meilleurs
poètes dans le genre des Idylles , Diogo
Bernardes , naquit sur ses bords , à Ponte
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( 7 6 )
de Lima; il vécut quelque temps après le
Camoens , et écrivit une collection de poésies ,
sur-tout des Idylles , qu’il intitula Lima.
Déjà le Camoens et d’autres poètes portu-
gais donnèrent à leurs bergers le nom des
rivières où ils conduisaient leurs troupeaux ;
il fait chanter souvent un Duriano dans
ses poésies. Les autres rivières du Portugal
ne portaient pas un nom aussi facile à changer,
et le Camoens fut obligé d’apeler le berger
du Tage , Anzino. Le nom de Limiano
était bien plus agréable à l’oreille, et, selon
Manoel de Faria e Sousa , le Camoens s’en
servit. On dit que Diogo Bernardes commit
un plagiat, en s’appropriant les Idylles, du
Camoens. Les raisons de Manoel ne sont pas
suffisantes pour me convaincre ; le Camoens
n’a jamais été dans ces contrées , et Manoel
est si partial à son égard , qu’il voudrait
lui attribuer chaque beau poème. Quoi qu’il
en soit , dans les Idylles des Portugais , Li -
miano chante à côté de Duriano et à' An-
zino ; ils disent que la rivière roule ses eaux
avec moins de bruit pour écouter les plaintes
de l’amour.
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( 77 ) '
A l'embouchure delà Lima, à trois lieues
de Ponte de Lima , on trouve Vianna , ville
et chef-lieu d’une Comarca , qui renferme
environ 7000 habitant. Cet endroit est for-
tifié , mais c’est sur-tout le château de Sant- ■
Yago , qui défend l’entrée du port qui au-
trefois était considérable, mais qui est comblé
aujourd’hui et ne peut servir que pour les
petits bâtimens. Ce n’est pas tant comme
forteresse que cette ville est remarquable
sous le rapport militaire, mais parce qu’elle
est le séjour du gouverneur de la province
( Governador das armas ) et de son état-
major. On ajoute une grande importance à
ce poste ; on le donne souvent à des étran-
gers, et aujourd’hui il est occupé par le lieu-
tenant - général David Calder. La province
fournit beaucoup de bonnes troupes ; par
cette circonstance , Vianna est devenue un
endroit où il y a autant d’étrangers qu’à
O-Porto : le. bon ton de la société n’y est
pas inconnu. De Vianna jusqu’à Caminha
il y a trois lieues : la route passe dans les
champs et le long des dunes qui sont.au
bord de la mer. Le pays n’est rien moins
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C 78 )
que beau ; les montagnes sont arides et cou-
vertes de rochers.
4. 0 Les bords du fleuve Minho. Retour à la
Serra de Gerez .
On aperçoit dans Pe'loignement un fort
situé sur une île , à l’embouchure du Minho.
Ensuite on traverse une forêt de pins mari-
times , qui borde pendant quelque temps le
rivage orné d’arbres à liège. Cette forêt et
ses dépendances sont une propriété de la
Caméra à Caminha , nommée Caza do In-
fatado . Au sortir de la forêt on se trouve
près de Caminha et sur les bords du Minho ,
qui se rétrécit à son embouchure, après avoir
formé une nappe d’eau de quelques milliers
de pas de circonférence. Le rivage est élevé,
tant sur le territoire portugais que sur celui
d’Espagne , et bordé de montagnes pelées et
peu él evées.Caminha est une ville de moyenne '
grandeur ; ses fortifications sont irrégulières ;
l'embouchure du Minho y forme un port,
qui ne peut cependant recevoir que de petits
vaisseaux. A cent pas de l’endroit, la petite
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( 79 )
rivière de Courra tombe dans le Minho.
Elle coule le long des montagnes , et prend
sa source dans un marais salan. Depuis Ca-
minlia jusqu’aux bords delà mer, on compte
une petite demi-lieue.
Nous remontâmes le Minho jusqu’aux
frontières de la Gallice. Non loin de Ca-
minha et de l’embouchure du Minho, on
passe la Courra dans un bac. La route tra-
verse, à peu de distance du Minho, la plaine
au pied des montagnes, dont les derniers
degrés sont couverts de maïs , de chênes et
de vignobles , et dont la cime est pelée et
rocailleuse. Villanova de Cerveira , à deux
lieues de Gaminha, est également une ville
fortifiée, mais elle n’est ni aussi grande ni
aussi pourvue de troupes. Du côté de Caminha
se trouve un petit fort nommé Castelinho ,
et à l’opposé , vers Valença , le fort de Aze-
vedo. Aux environs et sur-tout vers la rivière,
on voit beaucoup de jardins potagers, où l’on
cultive des oignons de l’espèse nommée chez
nous oignons d’Espagne. Le Minho coule ici
avec lenteur ; ses bords sont marécageux et
couverts d’arbres et de quelques buissons.
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( 8o )
mais peu intéressans par rapport à la bota-
nique.
Le chemin de Valença s’éloigne un peu
plus de la rivière, et, après avoir traversé
quelques collines , il s’en rapproche. Valença ,
à deux lieues de Villanova, ville et chef-lieu
d’une JComarça , est située sur une éminence
et entourée d’une plaine assez étendue. C’est
un lieu où règne quelque activité; il est forti-
fié, plu» considérable que Villanova, mais
plus petit que Caminha. Lorsque le gouver-
neur est absent, un sargento-major ou major
commande ici. Après avoir lu nos passeports ,
il nous adressa la parole en allemand , et nous
apprit qu’il se nommait François Ferar ;
qu’il avait été élevé à Vienne, resté en gar-
nison à Teineswar en Hongrie , servi dans la
guerre de sept ans , et fait toutes les cam-
pagnes en Saxe. Plusieurs Allemands , qui
accompagnèrent comme soldats le Comte de
la Lippe. en Portugal, habitent ce pajs et se
sont décidés à J^finir leurs jours , déterminés
soit par la beauté du climat ou par quelque
intrigue amoureuse : je ne crois pas que le
service les y retiendrait long-temps.
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.(«O
Bans cette contrée , les bords du Minho
Sont plats et garnis de saules ou de champs
de maïs très- étendus : la culture du maïs,
qui s’est introduite depuis peu , a été plus
nuisible qu’avantageuse au pays , à ce que
prétendent des Portugais éclairés. Autrefois ,
les habitans semaient du bled sur les coteaux ,
et réservaient les plaines pour les pâturages.
A cette époque , le Portugal exportait du
bled , les villages étaient pçuplés et les bes-
tiaux nombreux ; les plaines sont aujour-
d’hui couvertes de maïs , dont le grand pro-
duit a séduit le cultivateur • : les coteaux ,
* i
au contraire , restent en friche , et la disette
de fourrages a causé une diminution sensible
dans les bestiaux. Je ne sais si cette asser-
tion est fondée ; mais ce qui est certain ,
c’est que la culture du maïs a éloigné celle
de toute autre espèce de bled. Les diffé-
rentes sortes de millet sont devenués très-
rares ; le froment a fait place au maïs , et
on ne cultive du seigle que dans les lieux où
la terre ne produit point de bled de Turquie.
On doit être surpris que la nation portu-
gaise soit tellement' portée à favoriser la culture
6
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C 82 )
des plantes exotiques. Outre les différentes
espèces de bled , on cultive fréquemment du
millet et du fenouil ; le premier provient
de la Guinée t et s’est répandu en Portu-
gal et dans d’autres contrées de l’Europe.
La culture du maïs s’est accrue rapidement ;
la faséole ( dolichos catjang , fejao frai-
diriho ) n’est cultivée qu’en Portugal. Il est
très-probable que ce furent les Portugais
qui , les premiers r apportèrent les oranges
et les radis de la Chine , et que les diffé-
rentes sortes de raves sont passés des bords
du Tage , dans nos jardins potagers. De
même , l’aloès d’Amérique, le figuier d’Inde ,
et le ricin / ricinus communis ) , crûrent
d’abord sans culture en Portugal. Ces faits
prouvent que la nation portugaise n’a pas
Un esprit aussi indolent que plusieurs peuples
du nord , qui se départissent difficilement
de leurs anciens usages , et auxquels on ne
put faire adopter que très -tard la culture
de la pomme de terre , cet excellent moyen
contre la famine. La culture du maïs n’a
pu séduire que par son grand produit; elle
est plus pénible que celle du bled ordi-
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( 83 )
naire, auquel il ne faut pas tant de soins.
La ville de Monçao est éloignée de Valença
de deux lieues ; le paysage est à-peu-près
le même , excèpté que l’aspect des mon-
tagnes est plus sauvage. Cette ville, située
sur une colline , au bord du Minho , est
fortifiée , mais n’a qu’une faible garnison.
Ce lieu est assez considérable-; il était autre-
fois très-florissant par l’exportation du vin,
qui jouissait d’une grande réputation en Angle-
terre : on l’embarquait à Lapalla , à quel-
que distance en descendant le fleuve. A
cette époque, plusieurs familles nobles habi-
taient cette ville ; mais lorsque le commerce
du vin se porta vers le Douro 1 ces familles
s’établirent ailleurs; la garnison fut diminuée,
et c’est ainsi que Monçao tomba en déca-
dence. Les hahitans des campagnes négli-
gèrent la culture de la vigne , pour se livrer
à celle du maïs ; on exporte d’ici du maïs
dans d’autres parties de la province. Le Minho
n’a ici qu’une largeur de deux à trois cents
pas ; ses rives n’offrent rien d’intéressant pour
la botanique.
A une lieue de Monçao , les bords du
a 1
6 .
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/
( 8 4 )
fleuve sont formés par des rochers ; la route
s’en éloigne sensiblement. On cultive la vigne
avec assez de soin ; la contrée s’élève et
se rapproche des hautes montagnes de la
frontière. Melgaço , à deux lieues et demie
de Moniçao , est un endroit peu considérable ;
il est pourvu d’un ancien château et d’une
faible garnison. Ce lieu est dans une situa-
tion élevée à* une demi - lieue des bords du
Minho ; les rives de ce fleuve deviennent
plus escarpées vers les frontières d’Espagne,
et sont à la fin tellement couvertes de brous-
sailles , qu’on ne peut plus les cotoyer. Quel-
ques plantes que l’on ne trouve pas ordi-
nairement eu Portugal , et qui ne sont d’ail-
leurs pas très -rares , l’épervière en ombelle
(hieYaaium umbellatum) , et la potentille des
roches ( potentilla rupestris ) , furent tout ce
que nous recueillîmes le long de ce fleuve ,
suivi sans relâche depuis son embouchure
jusqu’aux frontières d’Espagne.
Nous retournâmes dans les montagnes du
Gerez , et de-là à Bragance. Près de Mel-
gaço , on monte pendant une heure , an bout
de laquelle on arrive entre des rochers élevés
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( 85 )
et pelés, sur le revers septentrional d’une haute
chaîne de montagnes. Dans les environs $ Al-
cobaça , le paysage ressemble à celui du nord
de l’Allemagne ; on aperçoit des champs de
seigle , des bouleaux , des myrtilles et de
belles prairies parsemées de fleurs. On est en-
touré de rochers, dont les aiguilles, découpées
en forme variée , se dessinent dans les nues;
et le Gerez se distinguent dans le lointain.
Le bourg Castro Laboreiro n’est qu’un mi-
sérable village sans auberge, où il faut passer
la nuit en rase campagne, à moins que quel-
que paysan honnête ne vous offre un gîte.
La route la plus prochaine par Lindoso
au Gerez , est impraticable pour les mulets.
Il ne nous resta d’autre moyen que de tour-
ner vers Soazo , à cinq lieues de Castro
Laboreiro. Au bout d’une demi-heure, on ar-
rive au village Alcobaça , et à deux lieues
plus loin , à Nossa Senhora do Venedo , lieu
de pèlerinage , situé dans une vallée agréable,
couverte de forêts de chênes et entourée de
rochers. Depuis cet endroit , la route conduit
à deux lieues et demie plus loin, par la Serra
de Soazo , chaîne de montagnes affreuses et
6 ..
I
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\
( 86 )
pelles , jusqu’au misérable bourg de Soazo ,
où l’on ne trouve pas la moindre commodité
et à peine de quoi manger. Les branches
du Gerez à l’ouest , deviennent plus arides ,
plus pelées et plus rocailleuses.
Il nous restait encore six lieues à faire
pour arriver à Villar de Veiga , dont nous
avons déjà parlé. A quelque' distance de
Soazo , on passe la Lima ; les villages que
l’on traverse , sont Vertellos San-Miguel ,
Sant-Y a go de Villachao, Bragance , CarvaL
hera , Covide et Rio-Caldo. On monte sur
des rochers escarpés , ensuite on descend dans
des vallées où les villages sont entourés de
champs de maïs et de, bouquets de chênes.
Des ruisseaux limpides offrent par-tout leur
onde rafraîchissante. De Villar de Veiga
nous continuâmes la route jusqu’à Montea-
legre , et nous visitâmes le Traz os Montés
pour la seconde fois.
La province entre Minho e Douro y ap-
pelée vulgairement en ‘Portugal le Minho,
a été décrite T. 11 , p.z ,* elle mérite l’atten-
tion particulière des voyageurs. L’Europe
méridionale ne renferme aucun pays où, sous
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( 8 7 ) ,
un climat tempéré et même chaud , on ren-
contre autant de vallées ombragées par de
beaux arbres et arrosées par des ruisseaux
limpides , et où la culture de la terre et
l’activité d’une nombreuse population s’unis-
sent aux beautés de la nature ; j’ose ajouter ,
où un peuple aimable accueille avec confiance
et bienveillance tout étranger qui passe dans
ce pays.
Le Minho , comparé aux autres provinces,
renferme un grand nombre de villes consi-
dérables et de bourgs ; une partie de la po- >
pulation est cependant dispersée dans les
maisons isolées. Il y a des Concelhos de 2000
et même de 5 ooo feux ; il ne faut pas croire
que l’endroit même les renferme , car on y
comprend les maisons isolées et dispersées à
une certaine distance : c’est ce qui fait un
des principaux agrémens de cette province.
Lorsqu’on a atteint une de ces belles vallées ,
on voyage toujours parmi des hommes ; les
habitations se succèdent , une ombre conti-
nuelle garantit des ardeurs du soleil, et des
ruisseaux limpides répandent cette agréable
fraîcheur que l’on ressent sous ces degrés
6 « « «
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(88 )
de latitude, avec un plaisir inconnu aux
habitans des contrées septentrionales. Les
belles campagnes du midi de l’Europe ,
comme , par exemple, les plaines de l’Italie,
empruntent leur charme de l’art. L’Apennin ,
à quelques vallées près, présente un aspect
triste et uniforme; et la partie supérieure de
l’Italie , ainsi que le midi de la France ,
sont déjà trop reculés vers le nord. D’après
la description que nous ont donnée des au-
teurs anciens et modernes , de la belle vallée
de Tempé , elle doit] ressembler à une de ces
délicieuses vallées du Minho.
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( 8 9 )
✓
CHAPITRE III.
XA PROVINCE DE BEIRA.
I. ° Additions au premier voyage par
le Beira.
IN otre premier voyage par cette province
fut entrepris depuis Coimbre jusqu’à O-Porto,.
cependant par une route qui n’est pas ordi-
naire , et nous revînmes de Lamego par l'Es-
trella , jusques dans les environs de Coimbre.
( Voyez tome I , pages 378 , 4*4 î et tome
II , pages 68 , 72 ).
La première ville que l^on rencontre sur
cette route est Cundeixa ; je me suis trompé
dans l’étymologie de ce nom , et on m’en a
fait des reproches en Portugal. J’ai dit que
le nom de Condeixa dérivait de corbeille
de Jleurs ; mais ce lieu s’appelle Condeça ,
et jamais on ne confond Yx avec le c, quoi-
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( 9 ° )
qu’il soit précédé d’un- i. Je suis fâché que
l’étymologie de ce nom soit fausse, car elle
s’applique parfaitement à ce charmant séjour.
A quelque distance de l’auberge , on voit ,
dans le jardin d’un meunier, une grotte en
tuf, de 20 pieds de long sur autant de large,
du fond de laquelle sort un ruisseau qui
fait mouvoir aussitôt les roues du moulin.
Cette grotte se nomme Lapinha ; dans son
intérieur brillent des stalactites. On dit que
l’on trouve dans les environs , du minérai de
fer et du soufre.
La route de Coimbre est pavée, mais très-
dégradée. La campagne , aux environs de
Coimbre, est une des plus belles du royau-
me; des ruisseaux descendant des collines ,
forment dès vallées et tombent dans le
Mondego ; leurs bords sont ornés de jardins
potagers , et entourés de collines couvertes
de bois agréables. C’est plus qu’une simple
tradition populaire qu ’ltiez de Castro a été
assassinée dans la quinta des larmes , car
d’anciens auteurs rapportent que la maison
se nomme encore le séjour des larmes , et
le Camoens parle de la source des larmes.
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( 9 1 )
D. liiez est reconnue par les historiens por-
tugais , comme l’épouse du roi D. Pèdre ,
surnommé le cruel ou le justicier. Il a eu
beaucoup d’en fans avec elle, qui lui donnèrent
une nombreuse postérité par 4e mariage de
ses deux fils, D. Diniz et D. Juan , avec
les filles de Henri II , roi de Castille. Une
de ses filles , Donna Béatrice , épousa D.
Sanche , seigneur d’Albuquerque , fils à! Al-
phonse XI , roi de Castille. Antonio de
Oliveira , auteur d’une géographie du Por-
tugal , dit que c’est d’elle que descendent
tous, les rois de la chrétienté ; apparem-
ment qu’il n’y comprend pas les rois pro-
testans.
Les vallées près de Coimbre, qui se di-
rigent en partie vers la vallée principale, sont
arrosées par le Mondego , et portent des noms
particuliers; par exemple, Val deJSozelhas ,
J Val de Coselhas , etc. La végétation y est
très-riche , et le Mondego embellit la belle
flore de cepayfc, par beauooup de plantes
qui proviennent des montagnes élevées. Les
rivières du Portugal répandent de cette ma-
nière plus de plantes que je n’en ai jamais
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(90
remarqué près d’aucun fleuve. Elles aug-
mentent en hiver à l’époque de la sève; au
lieu que chez nous, elles ne s’accroissent qu’au
printemps , ou l’hiver a déjà détruit la sève.
Nos rivières , et sur-tout les torrens qui des-
cendent des montagnes , dispersent aussi les
graines des plantes.
On ne trouve point de schiste argilleux
aux environs de Coimbre ; les montagnes
sont formées par du schiste micacé et des
pierres calcaires. Au midi du Mondego , on
trouve beaucoup plus de pierres calcaires
qu’au nord ; les montagnes , dans cetle di-
rection, accompagnent le Lousao ; celles-ci ,
les branches de l’Estrella. Dans le voisinage
d’Ovar, on ne voit que du schiste argilleux
et des couches de granit.
J’apprends que la Ferrugem ( et non Fer'
ragem ) ou la rouille des oliviers , qui régna
pendant quelque temps aux environs de Coim-
bre , a tout-à-fait cessé. Ce n’est pas seu-
lement l’olivier , mais aussi le figuier qui
est attaqué, en Portugal, par les vers.
Selon Lasterin ( et non C asterie ) , les
poteries que l’on fabrique • en Portugal , et
/
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( 93 )
sur -tout à Estremoz , reçoivent leur peu
dedensité du sel marin que l’on y mêle en
Espagne. J’en ai douté T . I. p. 41 3 ; au-
jourd’hui j’apprends que ce mélange est to-
talement inconnu en Portugal.
J’ajouterai plus bas quelques notions sur
l’académie de Coimbre.
La route depuis O- Porto jusqu’à Aveiro
traverse Vendas - Novas et Palhaza , deux
petits villages. Le chemin que nous suivîmes
est cependant le moins ordinaire; aussi ne le
choisîmes-nous que pour observer les plantes
des marais qui entourent Aveiro. On nous
avertit de ne point prendre ce chemin,
#■
parce que les étrangers sont souvent attaqués,
dans ces contrées marécageuses, de fièvres
putrides, de dyssenteries et d’autres maladies.
Nous en courûmes les risques et nous fûmes
exempts de toute maladie, tant ici que pen-
dant le cours de nos voyages. Les rives du
Vouga sont -plates et marécageuses jusqu’à
Angeja ; on aperçoit cependant, dans quel-
ques endroits, de bons pâturages. Derrière
Angeja s'élèvent des collines bien cultivées:
/
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( 94 )
la navigation sur le Vouga , dans de petites
barques, est très-active. Nous allâmes d’A-
veiro à O-Porto , par le canal d’Ovar , mais
qui ne mérite ce nom que là où il est garni
de digues en pierres ; ensuite il devient un
lac. La navigation n’est pas dangereuse ,
dans quelques endroits on voyait le fond}
mais en hiver , où les eaux sont grossies
par les rivières qui se débordent , la naviga-
tion , par un vent fort , est très-difficile et
souvent périlleuse.
A notre retour des provinces septentrion
nales, nous traversâmes la province de Beira,
après avoir passé le Douro à Pezo da Regoa.
Notre voyage s’étendit principalement sut
l’Estrella, dont nous parlerons plus bas*. Entre
Lamego et l’Estrella se trouve la ville de
Viseu , où l’on tient une foire célèbre au
commencement de septembre; on y vend
pour plusieurs millions de crusades de bijoux,
d’ouvrages d’or et d’argent , de drâps et de
bestiaux. Notis recommandons à d’autres
voyageurs de visiter les bains chauds dè
St.-Pedro do Sul , sur la droite du chemin de
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/
( 95 )
Viseu; car nous nous hâtâmes d’arriver à
FEstrella, et à notre retour le Comte de
n’eut pas le temps de s’y arrêter.
route depuis l’Estrella jusqu’aux fron-
tières de l’Estremadure, passe par S.-Romao %
Caragoça, Gallizes , Moite , VendadoValle ,
Sovereira - Formosa , Ponte de Murcclla ,
Poyares , Foz de Aronce , et Corvo . On
pourra , d’après ces noms, rectifier les erreurs
qui se sont glissées dans le Tome 1 , dam
l’orthographe de ces mots.
2. 0 Voyage à Bussaco et VEstreüa:
Le dessein du Comte de/L... était de visiter
pendant l’hiver l’Estrella , le GerezetleMarao,
pour y recueillir des plantes cryptogamiques.
Il arriva le 16 janvier 1800, à Coimbre.
A cette époque même les environs de Coimbre
présentaient un coup - d’œil aussi agréable
que varié, et on a raison de dire que ce
paysage est un des plus beaux du royaume.
Pour bien s’en convaincre , il faut avoir
parcouru les promenades charmantes qui
en font le principal ornement. L’aspect
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C 96 )
des coteaux boisés, et des sites pittoresques
des hautes montagnes, est enchanteur; nulle
part l’œil n’est blessé par des objets désa-
gréables. Le séjour de la ville supérieure est
sur-tout attrayant par la belle perspective
dont on y jouit. 1
On nous avait souvent parlé avec éloge du
couvent de Bussaco, situé sur une haute mon-
tagne, à trois lieues de Coimbre, à cause des
belles quintas qu’il renferme; il était digne
de toute notre attention à cause des plantes
cryptogamiques que nous espérions y trouver.
Les moines qui l’habitent sont des carmes de
l’ordre des Marianos . Outre la règle générale
de l’ordre, ils sont soumis à des règlemens
particuliers très- sévères. Aucun étranger ne
peut entrer dans le couvent sans une per-
mission du général de l’ordre. Quoiqu’il soit
souvent en voyage , on le trouve ordinairement
dans le couvent dos Remedios , à Lisbonne.
Le chemin jusqu’au village Pampilhosa , à
deux lieues de Coimbre , est passablement
uni ; bientôt il s’élève , et une vallée profonde
et entourée de rochers annonce de hautes
montagnes ; elles sont pelées, et on n’aperçoit
)
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C 97 )
des forêts de chênes que dans quelques en-
droits. Plusieurs croix annoncent le voisinage
du couvent, et bientôt après on arrive à la
porte du mur d’enceinte : elle est ornée des
images de la mort ; des crânes et des ossemens
figurés par des pierres noires et blanches
incrustées , l'entourent. Après avoir sonné,
on est introduit par un frère lai.
L’étranger, préparé par cet esprit sinistre,
est agréablement surpris de se trouver à
.l’ombre de chênes antiques. Une épaisse
forêt environne le couvent ; de beaux arbres
ombragent les chemins qui serpentent dans
. toutes les directions , et qui aboutissent tantôt
à une chapelle, tantôt à un crucifix, tantôt à
un autel caché par des buissons ; une mousse
épaisse et verdoyante couvre le sol et le tronc
des arbres ; des ruisseaux sortant des rochers
disparaissent sous le touffu des broussailles; des
cyprès majestueux , dont les troncs existent
depuis deux siècles, groupés pittoresquement ;
des pins maritimes élevés et d’antiques chênes
couronnés de lierre, forment cette forêt sacrée.
Un brouillard épais qui régnait dans cette triste
journée d’hiver , nous déroba la vue de la cime
7
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. ( 98 ')
des arbres; ce séjour solitaire, ce couvent
consacré a u silence , l’habillement bizarre des
moines, remplissent l’ame d’une terreur invo-
lontaire. Oubliant le monde , oubliés par lui ,
les habita ns de ces lieux se promènent à
l’ombre des cyprès , en gardant un silence
religieux. On dirait que la religion a établi ici
son trône majestueux et formidable.
Le couvent est situé sur le revers septen-
trional d’une montagne qui a environ la hau-
teur de celle de Cintra; la mer reste à la
distance de cinq lieues en ligne directe. Un
espace d’une lieue de circonférence est entour-
ré de murs et consiste en une forêt épaissse,
à l’exception du jardin potager et de quelques
champs cultivés. Le bois taillis est formé par
le tinus (viburnum tinus ) , le houx ( llex
aquifolium ) , le fraisier- arbre ou arbousier
(arbutus unedo ) et quelques autres epèces ;
le bois de haute futaie se compose de chênes ,
de pins maritimes et de pins de Goa. Ce bel
arbre , dont j’ai fait mention T. I , p. 401 , a
été apporté ici de Goa, il y a plus de deux
cents ans. On voit encore les premiers arbres
qu’on a plantés , et de cette quinta sont sortis
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C 99 )
originairement tous ceux qu’on voit dans le
royaume, et peut-être en Europe. La cime la
plus élevée de la montagne est à une demi-
lieue du couvent. On y jouit d’une vue très-
étendue jusqu’à la mer , et dans les environs
on ne voit pas de montagne plus élevée ,
excepté au nord la Serra de Caramulo , et
au nord-ouest la Serra de Estrella.
Le froid est bien plus vif ici qu’à Coimbre.
Depuis quelques semaines il avait gelé conti-
nuellement ; il était tombé de la neige à la fin
de janvier , mais elle ne restait pas long-temps
sur la terre ; cependant la cime de la Serra de
Caramulo en était couverte.
Le genre de vie des moines est très-rigou-
reux. Plusieurs heures du jour et de la nuit
sont consacrées à la prière et à chanter au
chœur fils ne mangent jamais de viande, et
il ne leur est permis de parler que tous les
quinze jours , le soir en se promenant. Il n’y
a que le prieur ou padre hospideiro , qui est
obligé de recevoir les étrangers et de s’entre-
tenir avec eux , qui soit excepté de cette règle.
Il se dédommagea amplement du silence qu’il
avait été contraint de garder , parce que depuis
7 *
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( *00 )
long-temps il ne voyait plus d’étrangers; il
parla continuellement , et il e'tait bien excu-
sable. Les terreurs de la religion disparaissent
bientôt dans ces couvens austères, par la con-
versation animée des moines. Au reste nous fû-
mes bien accueillis , et traités parle prieur avec
politesse et beaucoup d’égards. On nous servit
à dîner des légumes , des œufs et de la morue :
toutes ces choses étaient fort bien accommo-
dées : le vin était bon. En sortant on laisse une
petite offrande qui n’est jamais refusée, car
on prétexte qu’elle servira à dire des messes.
De Coimbre nous continuâmes notre voyage
à l’Estrella. A une lieue de la ville , près de
Torres , on passe le Mondego ; et après avoir
traversé des montagnes élevées , on arrive à
Ponte de Murcella , à trois lieues de Torres.
La route depuis cet endroit jusqu’à Cea a été
décrite dans le tome II. Dont Louis Bernardo ,
dont le vrai nom est Dont Louis Bernardo.
t
Pinto Homen e Mendoza, fit encore l’accueil
le plus flatteur au Comte, à Cea. Le 9 février
nous gravîmes l’Estrella. Dans le petit village
de Poooa , sur les premiers degrés de l’Es-
trella, nous trouvâmes de la neige ; mais il n’y
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C I°» )
en avait point dans la vallée qui entoure Sabu-
geiro. Le rio de Al va était très -large. A
l’opposé de Sabugeiro et du rio de Alva on
aperçoit une petite forêt de bouleaux , dont
la situation ne paraît guères plus élevée que
celle du village. Mais , avant d’y parvenir ,
tout était couvert de neige ; elle était si épaissè
en montant, qu’il nous fut impossible d’avan-
cer. Dans les vallées moins fertiles nous aper-
çûmes à travers la neige une jolie variété de
la narcisse; dans les lieux exposés au soleil
elle était en fleurs.
4
Nous continuâmes notre route par Con-
tenças jusqu’à Mangualde ; il en a été fait
mention T. Il , p. 76 , où il faut rectifier
l’erreur relative à ces deux noms. Mais de
Mangualde nous nous dirigeâmes sur Alca-
videque , petit bourg à trois lieues de cet
endroit , par une contrée montagneuse , mais
fertile et bien peuplée , comme c’est l’ordi-
naire sur les premiers degrés de l’Estrella.
Un ci-devant jésuite , qui habitait le bourg
voisin de Ferreira , et qui avait été pendant
18 ans à Vienne , vint nous visiter pour
nous conduire à Ferreira de Ares, couvent
l
7..
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\
C 102 )
de religieuses , où il avait une sœur et quatre
cousines. On les appela au parloir , où se
rendit aussi l’abbesse. La conversation fut
très-gaie ; ces femmes parlèrent beaucoup, et
éclataient de rire à chaque occasion. On nous
servit du thé et des pâtisseries. Ces sœurs
sont bénédictines.
La route depuis Alcavideque à Mondein ,
traverse un plateau élevé. Le temps était
affreux ; un ouragan accompagné de pluie et
de grêle * et d’un froid très-vif , continua
pendant toute la journée ; les torrens étaient
grossis , et augmentèrent la difficulté du
Voyage. Mondein est à quatre grandes lieues
d’ Alcavideque. Avant d’arriver à ce bourg , on
descend une montagne considérable, garnie,
comme les environs , de châtaigniers. On
aperçoit quelques champs et des pâturages ,
au bord de la rivière Varosa. De l’autre
côté, on voit des montagnes dont la cime
est couverte de* neige, et dans l’éloignement
nous aperçûmes la Serra de Mctrao au-delà
du Douro , qui était entièrement couverte de
neige. En été , cette contrée doit être fort
agréable. Il y a beaucoup d’industrie dans
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/
C 103 )
le bourg de Mondein; les habitans s'adonnent
à l’éducation des vers à soie , et fabriquent
des bas et d’autres objets de cette matière ;
on y fait aussi des bas de laine. Mondein
n’est qu’à deux, lieues de Lamego qu’on
connaît par nos précédens voyages ; il est
situé sur la chaîne de montagnes élevées
qui bordent le Douro. La route, depuis La-*
mego à Peza da Regoa , ou aux rives du
Douro, à laquelle on travaillait du temps da
notre premier voyage , n’était pas achevée.
3 °. Troisième voyage à VEstrella , par
' Almeida et Guàrdai
I
Après avoir visité le Traz os Montés , le
Comte de H*... se dirigea de nouveau vers
l’Estrella et une partie de la province de
Beira. Ainsi qu’il a été dit plus haut , il
* passa, le 22 mars 1806 , le Douro à Bûrcà
de Alvû, près de Ereixo de Espada cinta y
et quitta le Traz os Montés , pour se rendre
* dans le Beira. Les montagnes de ce côté-ci ,
sont arides , mais la pente est douce. Le
sommet en est applati et parsemé d’amas dé
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( io4 )
rochers. Scathao est un mauvais village à
trois lieues de Freixo , où nous ne trou-
vâmes d’autre gîte que celui que nous offrit
le juge de l’endroit , dans la maison commune.
La forteresse Almeida est à trois lieues
plus Join ; le pays est toujours le même,
excepté que près d’Almeida il est plus désert
et plus aride. A une demi-lieue de la ville,
le torrent Coa se précipite des montagnes
ses bords présentaient un aspect si triste,
que nous ne fûmes pas tentés d’y faire une
excursion botanique. Almeida est située sur
une colline ; cette ville n’est point désagréable,
l’auberge y est bonne, mais d’une cherté
excessive. On prétend que c’est une des meil-
leures forteresses du royaume ; sa position
avantageuse la rend importante, car elle do-
mine sur toute la plaine. Elle est pourvue
d’une citadelle ; cependant ses fortifications
ne sont point régulières. En 1762, Almeida
fut prise par les Espagnols , après un siège
de peu de jours , ce qui couvrit de honte les
Portugais et les Espagnols. Le commandant
se comporta en homme lâche, et parlait déjà
de capitulation, lorsque l’ennemi n’était pas
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/
( io5 )
encore au pied des murs; le général espagnol
commit faute sur faute. Le commandant de
la place fut enfermé et mourut en prison.
Après la prise d’Almeida, l’armée espagnole
se répandit dans une partie de la province,
jusqu’à ce qu’elle rencontrât le corps com-
mandé par le Comte de la Lippe. Les deux
armées se dirigèrent presque en ligne paral-
lèle, vers les bords du Tage.
La route de Guarda passe par une contrée
qui est d’abord couverte de collines , et
ensuite parsemée de rochers et de monta-
gnes; elle traverse les villages Aldea nova ,
Freixo et Pincio. Les environs de Pincio sont
couverts de genêt du Portugal ( genista lusi-
tanica ) , arbuste singulier , sans feuilles et
pourvu d’épines et de jolies fleurs jaunes. Des
champs entiers en étaient couverts; il forme
des buissons de cinq à six pieds. On aperçoit
de loin Guarda , situé sur une hauteur au
pied de laquelle croissent des châtaigniers ,
mais dont le sommet est triste et pelé. On
compte six lieues d’Almeida à Guarda.
Quoique Guarda porte le nom pompeux de
jpidade, on ne peut cependant pas faire l’éloge
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C 106 )
de cette ville qui est triste et déserte. À unê
lieue de distance on aperçoit te Mondego qui
serpente dans une vallée profonde. A mesure
que l’on descend vers ses bords , le pays est
plus chaud et mieux cultivé, et l’on voit se
succéder des champs, des plantations d’oli-
viers , des vignes et des vergers. Lés eaux du
Mondego sont très-iimpides ; on s’y promène
avec plaisir en bateau. Plusieurs habitans de
Guarda ont ici de belles propriétés, accom-
pagnées de jardins agréables et ombragés. Il
y a beaucoup de poissons dans cette rivière ,
sur-tout des truites. Un village voisin et un
pont de pierre donnent à la contrée le nom
de Ponte de Faya. La belle plantation de
mûriers du colonel Oliveira d’O-Porto mérité
une attention particulière.
Depuis Guarda à Covilhao , à six lieues, le
.chemin n’est pas fort agréable. A quelque
distance de Guarda on traverse une belle
vallée qui ne continue cependant pas pendant
long-temps. On passe le Zezeré , et on aperçoit
Belmonte sur une montagne aride. Avant
d’arriver à Covilhao , on monte considérable-
ment, car ce lieu est situé sur la branche
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C io 7 )
orientale de l’Êstrella. Il est renommé par
ses manufactures de draps qui furent établies
au commencement du 1 8.® siècle , par le
Comte Ericeira , et qui sont encore en bon
état. On y fabrique de gros draps pour les
troupes et les classes inférieures du peuple ;
ils ne sont pas chers. Ce bourg jouit par- là
d’une nombreuse population et d’une certaine
aisance, quoiqu’il ne soit ni aussi joli, ni aussi
considérable qu’on a lieu de l’attendre. Des
châtaigniers et des oliviers rendent le pays
supportable , mais ne peuvent détruire l’im-
pression désagréable que laissé l’âspect d’un
sol aride et pierreux. Au reste cette situation
est bien choisie pour des manufactures de
draps. La Serra de Est relia sert , dans toute
Son étendue, de pâturage aux moutons; elle
nourrit presque tous les moutons du royaume;
ces montagnes sont très -peuplées, mais les
moyens de' subsistance sont nuis à cause de
l’aridité du sol et de la rigueur du climat. J’ai
déjà observé dans le tome II, que l’EstrelIa
donne naissance à bien moins de ruisseaux
que le Gerez ; et si ces ruisseaux deviennent
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( *°8 )
de grandes rivières , cela ne tourne pas à son
profit.
Un chemin pierreux qui traverse une con-
trée triste et déserte , conduit à Manteigas
( et non Monfeigas, comme il est dit T. II,
p. 83 ) , situé à trois lieues de Covilhao , sur
la rive gauche du Zezeré. Ce bourg consi-
dérable ou régnent la gaîté et l’industrie , se
trouve dans une vallée ornée de vergers ,
de châtaigniers , de jardins et de champs ,
et qui ressemble un peu à celle de Cea,
Nous vîmes d’ici les sommets couverts de neige
de l’Estrella. Le village Sabugeiro n’est qu’à
la distance de deux lieues. On monte d’abord
à l’ouest , ensuite on traverse une forêt de
chênes , et on parvient à Sabugeiro par un pays
agreste et couvert de rochers. Quoique nous
fussions au printems dans ces montagnes ,
les environs du village n’étaient guère plus
beaux qu’à notre premier voyage au mois de
juillet. Nous fûmes accueillis avec une égale
politesse par les habitans ; mais la misère
règne dans ce village. Les fèmmes et les
enfans étaient couverts de haillons et de-
I
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( , io 9 )
mandaient l’aumône. Un hiver long et ri-
goureux était sans doute la cause de cette
pauvreté. Us n’ont pour tout moyen de subsis-
tance que leurs troupeaux de moutons; mais ils
sont obligés d’envoyer ceux-ci pendant cinq
mois de l’année dans l’Alemtejo * et la cherté
des pâturages , ainsi que les frais du voyage,
absorbent presque la valeur de la laine. Il
ne leur reste comme profit que le fromage
et la viande , deux articles bien modiques
en comparaison de tant de denrées qu’ils sont
obligés d’acheter argent comptant. Ils gra-
vissent, au danger de la vie, des rochers inac-
cessibles , pour recueillir de la racine de
gentiane, qu’ils vendent dans les pharmacies.
Le 3 1 mai , il y avait encore de la neige
à quelque distance de Sabugeiro ; elle n’em-
pêchait cependant pas de parvenir aux deux
lacs Lagoa Redonda et Longa. Dans quel-
ques endroits nous fûmes obligés de passer
sur la neige , qui était couverte d’une croûte
de glace assez épaisse pour nous porter ; il
y a cependant du danger lorsque la neige
est amoncelée, et qu’il se forme une croûte
pareille ; il arrive souvent que cette neige
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C "O )
fond , et que la glace forme une voûte sur
laquelle on ne peut pas marcher avec sé-
curité. Les deux lacs dont les eaux tran-
quilles réfléchissaient les rochers couverts de
neige , offraient un aspect qui doit étonner
en Portugal. La neige qui se confond quel-
quefois à la verdure des prés , nous rappela
les Alpes. La température qui est chaude à
Sabugeiro, était ici d’une fraîcheur agréable.
Nous vîmes fleurir trois sortes de narcisses
dans les prés ; elles se faisaient souvent jour
à travers la neige. L’épaisseur de la neige
nous empêcha d’aller du Lagoa Longa au
Lagoa Escura. Cependant la neige ne sé-
journe jamais aussi long-temps dans ces mon-
tagnes ; la grande quantité qui en était
tombée est un phénomène si extraordinaire #
que les habitans les plus âgés ne se rappellent
pas d’en avoir vu un pareil. Les hivers ri-
goureux de 1798 , 1799 , et de 1799 ® 1800,
étaient la cause de ce phénomène. En hiver
et au printems , le Lagoa Escura décharge
ses eaux dans le Lagoa Longa 3 et ces deux
se jettent , par le moyen de plusieurs tor-
rens, dans le rio de Alva. Ces trois lacs
\
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(MI )
sont formés par des sources et la fonte des
neiges ; ils se débordent aussitôt que l’eau
n’est plus au niveau des bords. Ils ne pos-
sèdent aucune des propriétés miraculeuses
que leur attribuent plusieurs voyageurs.
Le Comte de AT.,., désirant passer quelques
jours sur ces montagnes , avait fait venir
pour cet effet une tente de Coimbre à Co~
vilhao. Il choisit , pour l’établir , un pré qui
se trouve au pied des grands amas de ro-
chers dont j’ai parlé T. II , pag. 85. Il
y a deux masses de rochers , dont l’une se
nomme Cimadouro dos Caes , et l’autre
Cantaro Delgado ; elles sont séparées par
un étroit vallon. Le pré porte le nom d Al~
bergaria. Pour y parvenir , nous fûmes
obligés de retourner à Mantaigas. On suit
le cours du Zezeré dans une vallée entourée
de montagnes arides et pelées , au pied des-
quelles les habitans récoltent un peu de bled
à force de travail et de soins. A une lieue
de Manteigas , on voit se précipiter du haut
des rochers le rio da Candieira , torrent
impétueux qui forme une cascade d’une hau-
( 112 )
teur et d’un volume considérables. Après
avoir gravi quelques rochers, nous parvînmes
au petit pré Albergaria , au pied et à l’est
de ces masses de rochers. Le Zezeré sort
de dessous la neige , et serpente comme
un petit ruisseau dans le pré. Il est cepen-
dant séparé de cet amas de rochers par un
autre pré nommé Argentaria , et par des
précipices efFrayans. Un de ces rochers , Cï-
madouro dos Cass, est épais et forme plusieurs
aiguilles; l’autre, Cantaro Belgado , paraît
un cône pointu , dont le sommet , selon le
témoignage unanime des habitans , n’a ja-
mais été gravi ; on le regarde même comme
inaccessible. Derrière la première masse des
rochers, se trouve la vallon Cavar das Va-
cas , |qui se termine par une montagne escar-
pée. Le rio de Unhals en sort et forme plu-
sieurs cascades ; il se dirige au midi pour
aller joindre le bourg Unhals , où k il y a des
bains chauds.
Le Comte de II... faillit perdre la vie dans
les précipices et dans les neiges de l’Estrella ,
le 4 juin 1800. Je citerai le passage de son ~-
i
I
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( n3 )
Journal , où il fait mention d’un événement
auquel on n’avait pas lieu de s’attendre dans
un pays comme le Portugal.
« Je me proposai de visiter ce matin le
» vallon au pied du Cantaro Delgado. Après
» avoir monté pendant quelque temps , en
» poursuivant le cours de Zezere , j’arrivai
» dans une jolie prairie nommée Covao de
» Metade , et qui ressemble un peu à l 'Al-
» bergaria. Bientôt après j’eus le plaisir de
» rencontrer, pour la première fois en Por-
» tugal , la narcisse jaune , peu estimée dans
j) nos jardins , mais qui est fort belle dans
» ce pays. Elle croît sur le penchant d’une
j) colline couverte d’une riche verdure , et
» nommée par les habitans Malhcida do
3 ) Covao Cimeiro . Le Covao Cimeiro est
» un petit pré dans une situation plus élevée,
» et auquel je ne parvins .qu’après avoir
3> gravi avec peine un rocher escarpé. J’avais
33 le ruisseau à gauche ; à l’opposé s’élevait
» le Cimadouro dos Caes , et à droite , à
» peu de distance , le Cantaro Delgado. Le
» pré était encore couvert de neige dans
» plusieurs endroits , mais elle commençait
8
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( 1 *4 )
» à fondre : deux espèces de narcisses se fai-
V saient jour à- travers la neige. Le vallon
» était entouré de toutes parts de précipices
» et de rochers à pic ; à droite et au
» nord , les rochers s’élevaient perpendicu-
» lairement, et formaient différons degrés
» jusqu'au Cantaro Gordo , masse de roches
» qui ressemble au Cantaro Delgada , mais
» qui est plus considérable et éloignée de
» celui-ci , en ligne directe , d’un quart de
» lieue. Les précipices étaient remplis de
» neige que le vent avait amoncelée , et qui,
» fondant à sa base , formait plusieurs sources.
» Souvent les précipices se rapprpchaient de
» manière à produire de petits vallons cou-
» vertsde neige; celle-ci était si dure , qu’a-
» près avoir hésité un moment , je résolus
» de la franchir. Mon dessein était de me
» rendre sur le plateau le plus élevé des
» montagnes , que je connaissais déjà par
» mes précédens voyages ; j’étais curieux de
» voir quel effet la neige y produisait, et si
» sa masse était considérable ; ce que je pou-
» vais à peine concevoir, en le comparant à
» l’état où jele visalors , quoique le bord supé-
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C )
» rieur fût couvert d’une neige très-épaisse.
» Après avoir gravi , avec les plus grandes
» difficultés .et pendant plusieurs heures , les
» rochers à pic , j’atteignis le bord supé-
* rieur; mais il était si élevé , et sur -tout
» si escarpé , que ce ne fut qu’avec le plus
» grand danger que je hasardai de le gravir.
» Je redescendis un peu , et je traversai un
» vallon de neige large de cinquante pas.
» Ensuite je parvins à la lisière des rochers
» arides , et enfin au plateau le plus élevé ,
» dont les aiguilles ont à-peu-près la hau-
» teur des Cantaros. Le temps était sec et
» doux-; mais le vent d’est , qui amène tou-
j» joura le beau temps dans ces contrées,’
» avait tourné au sud-ouest, et le ciel se
v couvrit de nuages , et d’un brouillard épais
, 3) qui se répandait déjà sur X Argenteir al
» J’avais entendu dire qu’un brouillard subit
» couvre ces montagnes et devenait dan-
» gereux pour le voyageur ; cependant je ne
j> m’attendais pas à trouver cette vérité cpn-
33 firmée aussi promptement. Après avoir
» franchi quelques amas de neige , je vis
» que le plateau supérieur en était entiè-
8 .
!
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C "6 )
» rement couvert ; et jusqu’au sommet le
» plus élevé , nommé Malhao da Serra , je
» traversai une étendue de plus de deux:
» mille pas sur la neige , qui avait trois à neuf
» pieds d’épaisseur. Le Malhao était peut-
» être entouré , pendant une demi - lieue
» et plus , d’un pareil amas , car je ne vis
» que le ciel et la neige. Lorsque j’eus
» franchi ce sommet , où ma curiosité
» fut amplement satisfaite par cette triste
j) monotonie d’hiver , et que le brouillard
v couvrait déjà une partie de l'horizon , je
» crus prudent de me retirer. J’avais eu le
» dessein de tourner le Cantaro Delgado et
» le Cimadouro dos Caes au midi , et de
» pénétrer par le Covao dus Vacas et 1 ' Ar-
» genteira , jusqu’à Albergaria. J’aban-
» donnai ce projet , et j’essayai ( ce que je
» crus possible ) de gagner le revers de ces
» masses de roches qui nie paraissaient s’unir
» à celles qui séparaient notre camp de YAr-
» ■ genteira . Depuis le bord du plateau je ne
» vis en effet qu’un médiocre vallon de
» neige à traverser pour y parvenir ; ainsi
» je crus devoir le franchir. Dès le premier
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V
( »«7 )
» instant j’eus quelques craintes ; je descendis
» passablement bien depuis le bord du plateau;
» ensuite je fus arrêté par un amas de neige,
» dont le bord , qui était dégelé, se détachait
» des rochers et présentait peu de solidité.
» Je fis un faux pas et glissai pendant quel-
» ques minutes. Bientôt après j’eus l’inapru-
- » dence de sauter, quoique sans danger, sur
v un rocher avancé ; ce qui mettait un se-
» cond obstacle à ma marche , si je ne pou-
j> vais pas aller plus loin par le chemin que
» j’avais d’abord choisi : et cet obstacle se
» présenta aussitôt , à mon grand déplaisir ;
» car l’endroit où je me trouvai ne présen-
» tait aucune issue. De tous côtés je n’a-
» perçus que des précipices affreux et aiv
» cune possibilité de poser le pied avec as-
» surance. Il ne me restait qu’une seule
» issue : un énorme amas de neige régnait
» jusqu’à une certaine profondeur le long
» des rochers ; mais le bord en avait été
y dégelé , et offrait une crevasse dont je
» n’osai mesurer la profondeur. J’essayai
» cependant d’y poser le pied ; mais paiv
» tout la neige se détachait , et j’étais bien
8 ..
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' P
( ïi8 )
» content de pouvoir me retirer sans ac-
» cident. Je vis bientôt qu’il ne me restait
» d’autre moyen que de gravir de nouveau
» jusqu’au plateau supérieur , et de là soit de
» reprendre ma première route , soit de me
» tourner du côté opposé , vers Sabugeiro ,
j) où je n’avais point de risque à courir,
» car les montagnes sont accessibles dans
33 cette direction , et il y avait peu de
3 > neige. Il fallut gravir d’abord le rocher
3 ) escarpé ‘ au pied duquel je me trouvai ;
j> mais ce fut en vain que j’en fis la ten-
» tative : il était perpendiculaire, trop élevé
3» et trop glissant , car je ne pus poser le
» pied nulle part ; j’essayai à différentes re-
» prises , mais toujours inutilement , et la
» crainte s’empara bientôt de moi. Je me
3 > disais : si je ne réussis pas à gravir le
» rocher , et que la nuit et le brouillard
» qui peut me devenir très -funeste , me
33 surprennent dans ce lieu ? Quel était
» celui de mes compagnons qui pouvait me
» chercher ou m’entendre dans cette soli-
» tüde ? Ainsi j’étais résolu de faire les essais
» les plus désespérés pour sortir de ma cruelle
/
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( ”9 )
» position. Après quelques instans de réflexions
» et de tentatives réitérées , je mis en usage
» toutes les forces qui me restaient , et ce fut
» aveeun plaisir inexprimable que je vis mes
» efforts couronnés d’un heureux succès , eu
» parvenant au sommet de ce fatal rocher.
» Cependant tous les obstacles n’étaient pas
»» surmontés; il me restait encore l’amas de
» neige à gravir : comme on sait , je ne l’avais
» pas descendu, mais je m’étais laissé glisser.
» J’essayai de grimper sur le rocher qui en
» est voisin, mais il était trop escarpé; et
» quoique l’amas de neige le fût également,
» je pouvois y faire des trous , et y monter
» comme sur une échelle. C’est ce qui eut
» lieu en effet ; ce ne fut qu’à l’aide des
» pieds , des mains et de ma canne , que
» je parvins à monter au haut de cette
» échelle de neige. Me voilà donc parvenu
» au plateau supérieur , et en état de con-
» tinuer ma route ; ce ne fut plus par plaisir
» ou par curiosité , mais parce que c’était le
» moyen le plus court et le moins difficile, '
» que je résolus d’exécuter mon premier
» projet et de tourner le Cantaro . L’épais-
8 . ».
J
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I
. ( 120 )
5) seur du brouillard qui m’empêchait de
v distinguer les objets , me fut très-con-
y traire ; pendant long temps je marchai sur
3) de la neige gelée. De crainte de retomber
» dans le précipice à gauche, je me tins du
3 > côté du plateau méridional , et il n’était
» pas étonnant que j’eusse été trop loin.
» Lorsque je me crus assez éloigné du rocher
3) escarpé de Covao das Vacas , il me parut
» qu’il était temps de quitter la neige. Je
» descendis de la montagne à tout hasard ,
3> et, comme je l’appris par la suite, j’avais
3> tenu la bonne, direction : je me trompais
3 > cependant d’un seul vallon; car* au lieu
v de descendre dans celui qui conduit de
3> l’ Argenteira à Unhaes , j’en pris un autre
» plus étroit et moins accessible , à l’ouest
» du premier. Je vis bien que j’y étais à
» l’abri de la neige et des précipices , mais
» de hautes montagnes sans aucune trace
» de chemin , m’entouraient. Je remarquai
» que j’avais pris trop à droite ; ce ne fut
s> qu’après avoir escaladé une montagne à
» gauche , que j’aperçus dans le lointain un
3) village que je reconnus pour être Unhaes
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( 121 )
» et je remarquai que je me trouvais dans un
» vallon inconnu. Il était trop tard , mais
» la nécessité et la» certitude d’ètre échappé
» à un danger évident , ranimèrent mon cou-
» rage ; je résolus de descendre dans la vallée
. » jusqu'au village , malgré son éloignement,
» et de marcher jusqu’à ce que j’eusse ren~
» co’ntré des hommes. La montagne était
» haute et escarpée ; des buissons et des
» pierres énormes la rendaient fort difficile.
» Je parvins cependant à la descendre-, et
» à quelques pas du village , je rencontrai
» un paysan , qui m'informa que je n’avais
» qu’à passer le ruisseau üUnhaff sur un
» pont voisin , et de monter la val* à
» droite , pour parvenir à Y Argenteira ,
» dont la distance n’était que d’une lieue.
» Le soleil était près de se coucher , et je
» me hâtai de gagner la vallée ; mais je ne
* » pus. avaucer très-vîte , car depuis 7 heures
» du matin j’avais «continuellement marché
» ou plutôt grimpé, sans prendre la moindre
» nourriture. J’avais encore un rocher à es-
» calader pour parvenir à Y Argenteira ,
» lorsque le brouillard s’épaissit subitement ,
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( ' 2 * )
» et me déroba la clarté du jour. Je coo-
» tinuai ma route aussi bien que je le pus;
9 j’a perçu$ un pré et je me crus déjà rendu
» dans ma tente ; je le traversai , mais il
j» me parut moins considérable , et j’entendis
» le bruit d’une cascade , trop voisine pour
» être V Argenteira. Lorsque je fus au bout
9 de ce pré , je m’aperçus que je m’étais
* trompé. Je vis reparaître de hautes mon-
» tagnes, et briller la neige dans le crépus-
» cale ; je fus bientôt convaincu d’avoir
9 atteint l’extrémité du Covao das Vacas. Il
9 ne me resta d’autre moyen que de re-
» tourne^ sur mes pas et de chercher la
9 b&ine route. Pendant ce temps , la nuit
» était arrivée ; et si la lune n’eût répandu
» quelque clarté , malgré l’épaisseur du brouil-
» lard qui tombait en pluie très-fine , j’aurais
» été obligé de rester dans le lieu où je me
9 trouvais; mais j’espérais toujours atteindre
9 notre camp , et je Redescendis la mon-
9 tagne. Bientôt j’aperçus un pré que je
» crus être X Argenteira , mais c’était le
9 même que j’avais vu d’abord. Il ne me
* fut plus possible de m’orienter. Enfin ,
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( 123 )
» je perdis toute espérance de retrouver ma
» route, et je résolus de joindre un pâtre,
» que j’avais aperçu conduisant un trou-
» peau de bœufs , lorsque je montai la
» montagne. Au même instant le brouil-
» lard se dissipa un peu , et me fit aperce-
» voir une montagne pelée que j’avais déjà
» vue depuis l’ uirgenteira , et dans le loin-
» tain je vis le rocher qui sépare ce pré
» du nôtre. Je pus donc m’orienter , et je
» montai aussitôt vers l’Argenteira , que j’at-
» teignis bientôt après. Je le reconnus au
» silence qui y régnait , à sa grande Ion-
» gueur , à son peu de largeur , et à plu-
» sieurs petits ruisseaux dont il était arrosé.
» Il me restait encore le dernier rocher à
» escalader : il faisait très-sombre ; il était
» entre neuf et dix heures du soir ; il y
» avait près de quinze heures que je mar-
» chais , et j’étais tellement épuisé , que je
» fus obligé de me reposer à chaque ins-
» tant , et de faire des efforts pour m’em-
» pêcher de dormir. Le désir d’abréger mon
» chemin par la ligne la plus directe , fut
» cause que je manquai le sentier très-peu
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( 124 )
p battu , qu’on a de la peine à reconnaître J
p même en plein jour. Je m’étais trop rap-
p proché des montagnes élevées, et j’arrivai
» parmi un amas de rochers et des buissons
p épais. J’entendis appeler dans l’éloigne-
p ment, et je répondis aussitôt de toute la
« force de ma voix. La proximité d’un être
» vivant me donna de nouvelles forces ;
» j’avançai le pins promptement possible ,
» et j’entendis toujours la même voix ; elle
» approcha , et je reconnus , à ses lamenta-
» tions , un vieux pâtre qui m’avait servi
» de guide ; il fut bientôt près de .moi. On
» avait été fort inquiet sur mon absence ;
v et lorsqu’il entendit où j’étais allé , il caî-
p cula si bien la route que j’avais dû tenir ,
» qu’il vint à ma rencontre. La certitude
p d’être bientôt au terme de* ma pénible
3» excursion ranima mon courage. Nous nous
» traînâmes lentement parmi les brouis-
» «ailles , car il était impossible de marcher.
» Le vieux pâtre ne put pas reconnaître le
» sentier , et nous arrivâmes dans notre
» camp , dont nous aperçûmes les feux de
» loin, par une route toute opposqe. Mon
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( 125 )
» plaisir fut inexprimable , de me retrouver
*> au milieu de mes compagnons , et le lait
» que je bus me rétablit entièrement. Je
» crus pouvoir bien dormir , mais j'avais
» fait des efforts trop violons ; j’eus un
» sommeil inquiet et agité par des rêve*
» effrayans. Pendant quelques jours je res-
» sentis une douleur très-vive dans tous les
» membres ».
Ce récit suffira pour donner au lecteur une
idée de la Serra de Estrella , que nous au-
rons occasion de visiter une seconde fois , et
que l’on peut nommer avec raison les Alpes
du Portugal.
i
4,° Voyage depuis la Serra de Estrella ,
jusqu à la Serra de Louzaa.
Après notre excursion dans les mon-
tagnes, nous retournâmes à Manteigas. A
une demi-lieue de cet endroit , en remontant
le Zezeré , on rencontre sur les bords une
source d’eau douce , qui est visitée par les
malades des environs. Elle sort entre des
blocs de granit , et n’a ni goût ni odeur.
On a eu moins égard ici que dans toute
Digitized by Google
C la® )
autre province du royaume où se trouvent
des bains chauds , à la commodité de ceux
qui visitent ces sources ; on était cependant
occupé à construire quelques nouvelles ha-
bitations. Ici , comme partout ailleurs en
Portugal , les sources chaudes sortent du
granit , et prouvent qu’il existe un feu sou-
terrain qui menace le pays de ses éruptions
et de ses bouleversemens, . 1
La route de Covilhao était aussi désa-
gréable qu’ auparavant. Pour atteindre Fun-
dao.i on descend dans la plaine; là on tra-
versé le Zezeré sur un pont , et ensuite op
parvient dans un pays inégal , où on aper-
çoit , tantôt des bouquets de chênes , et tan-
tôt des champs fertiles , parsemés de fleurs et
de plantes rares. Le joli bourg de Fundao •
à trois lieues de Covilhao , est renommé
par la beauté de son site. Il y fait bien
plus chaud qu’à Covilhao : le bled était plus
près de sa maturitéque dans cet endroit, et
des vignobles considérables entourent le bourg.
Il est adossé à une colline ornée de vergers
et de vignobles , dont le sommet est cou-
ronné par une sombre forêt de châtaigniers.
Digitized by Google
C *27 )
traversée de promenades agréables. A Top-
posé de la colline , on remarque un beau
vallon arrosé par un ruisseau ; dans le
fond la Serra de Alpedrinha présente sa
cime pelée, d’où Ton jouit d’une vue très-
étendue. L’Estrella se montre du côté le
plus avantageux ; on voit distinctement son
sommet le plus élevée ,le Malhao da Serra ,
et d’autres parties do la montagne , entre
les Cantaros , ainsi que le rocher qui sépare
l ’ Argenteira de Y Albergaria. Ensuite , la
vue se promène sur la vaste plaine , à l’est
de TEstrella , qui s’étend jusqu’à Almeida,
et les frontières d’Espagne au pied de la
Sierra de Gata . On remarque que l’Est relia
n’a aucune communication avec la Sierra
de Gata , quoiqu’on prétende qu’elle en
forme une branche. Au pied de la monta-
gne, vers le nord-est, se trouve le bourg
Alpedririha. De l’autre côté, au sud et au
sud-est , on distingue les plaines vers Idunha ,
Castel Franco et le Tage ; ce n’est qu’au
sud-ouest que la perspeçtive est bornée par
une partie de* l’Estrella. Cette vue magni-
fique , la charmante vallée , la belle forêt
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C »8 )
de châtaigniers , et la plaine fertile, rendent
le séjour de Fundao un des plus agréables
du royaume.
On suit pendant quelqiie temps les environs
fertiles et bien peuplés de Fundao ; ensuite
on découvre des montagnes arides , vers
Sobral , petit bourg situé dans une gorge à
cinq lieues de Fundao ; nous essuyâmes ici
un orage dans la nuit du io juin. Le climat ,
près des hautes montagnes, ressemble à celui
des contrées septentrionales , parce que les
orages y sont plus fréquens en été qu’aux
environs de Lisbonne.
A peu de distance de Sobral, vers Ar-
ganil , on monte sur la Serra de Cerveira ,
chaîne de montagnes assez haute , mais
aride et désagréable ; les deux tiers de la
route la traversent , et ensuite on descend
dans la belle et fertile plaine d 'Arganil ,
qui est ornée de forêts de pins maritimes
et de châtaigniers. L’évêque de Coimbre est
comte d 'Arganil , titre qui réunit des pos-
sessions considérables. Dans nos précédens
voyages on nous apprit qtfil y avait des
mines d’argent autour d? Arganil; mais tout
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( I2 9 )
ce que nous pûmes apprendre à ce sujet ,
c’est qu’on les avait decouvertes à une lieue
d 'Arganil , dans le district de Goes. Arganil
est à six lieues de Sobral.
La contrée , jusqu’à Louzaa , est égale-
ment bien cultivée et ornée de pins mari-
times, de châtaigniers et de quelques chênes.
Le petit bourg de Louzaa , à quatre lieues
d’ Arganil , est situé au pied de la Serra,
de Louzaa , haute chaîne de montagnes cal-
caires qui forme l’extrémité de celle qui
s’étend depuis Lisbonne jusque vers Coimbre.
On recueille , en hiver , de la neige dans ces
montagnes pour la conduire à Lisbonne , lors-
que le magasia de Montejunto a été épuisé
en été. La Caza de Neve , ou magasin à
neige , est à une lieue du bourg de Louzaa.
Pour y parvenir , on est obligé de gravir
des montagnes arides , couvertes de bruyères.
Ce lieu est aussi élevé au-dessus de Louzaa ,
que Sabugeiro dans l’Estrella l'est au-dessus
de Cea. Le magasin à neige e§t situé près
d’une chapelle nommée Saut - Antonio du
Npve > qui a sans doute*été construite par
le fermier , d’une partie de ses bénéfices.
, 9
Digitized by Google
1
( i3o )
C’était la fête du saint ; on y disait la messe*
à laquelle assistait le peuple des environs.
Le gouvernement portugais a tâché de ré-
duire tout en monopole ; il n’est donc pas
étonnant que le commerce de la neige soit
affermé à Lisbonne , et que la neige et la
glace soient vendues très -cher dans ces cir-
constances. La méthode de ramasser la neige
est différente de celle observée à Montejunto:
là , on s’attache plutôt à la glace ; ici , à la
neige : là , on a des puits profonds ; ici , des '
magasins souterrains , où la neige , amasssée
par les habitans voisins , est entassée : il y a
plusieurs de ces magasins. Ils ne sont pas
situés sur le sommet le plus élevé de la
Serra de Louzaa , mais sur le revers sep- •
tentrional de la montagne. Peur transporter
la neige , on la jette dans des paniers et
on la sort du magasin ; ensuite on la foule
dans des moules allongés qui consistent en
deux pièce#* de façon à pouvoir les diviser.
Après que la neige a été foulée , on la sort
du moule et on l’emballe dans de la paille
et de la toile ; ensmte elle est chargée sur les
voitures. On ne marche que la nuit ; et ,
*
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C» f 3r )
quoique l’eau découle continuellement de ces
voitures , une grande quantité de neige est
rendue à sa destination sans être fondue. Les
mauvais conduits de calorique dont la neige
est entourée , empêchent l’effet de la chaleur
extérieure ; peut-être que T-évaporation de la
paille imbibée d’eau occasionne un certain
degré de froid. Journellement il part d’ici
des cargaisons de neige qui prennent la rou'ce
d' Espinhal et de Vallada , et descendent
ensuite le Tage jusqu’à Lisbonne. On trans-
porte aussi de la neige à Coifhbre.
Du haut des montagnes , la plaine de Lou-
zaa , qui a une lieue d’étendue , présente un
coup-d’œil agréable , parce qu’elle est par-
tagée en champs réguliers entoures d’arbres.
Ces montagnes sont fort peu intéressantes
pour la botanique; Il n’y a point d’auberge
à Louzaa : un paysan eut la complaisance
de nous offrir sa maison.
i De Louzaa à Goimbre il y a quatre lieues.
On prend la route de la plaine où est situé
le village ; ensuite on parvient , en passant
sur des montagnes , à Nossa Senhora da
Serra, d’où l’on aperçoit la belle campagne
9 -
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( <30
autour de Coimbre. Avant d’y arriver , il
faut passer le Rio de Eça et le Mondego
dans un bac.
5°. Les environs de l'embouchure du
Mondego.
Le Mondego se partage au-dessous de
Coimbre , et jusqu’à son embouchure , eu
plusieurs bras , et inonde en hiver une grande
étendue de pays qui est rendu par -là très-
fertile , mais mal-sain à cause des eaux crou-
pissantes. Nous n’avions trouvé encore que
peu de plantes des marais dans le royaume ;
Brotero en cite plusieurs qui croissent dans
ces contrées : il nous conseilla de suivre la
rive méridionale du fleuve , et de passer
par Pereira. On traverse d’abord le beau
pont du Mondego , et on arrive par un pays
tantôt plat et tantôt raboteux , mais bien
cultivé , au bourg de Peireira , à deux lieues
de Coimbre, où il y a une bonne auberge.
Ce bourg est situé dans une grande plaine ,
large de plusieurs lieues et bornée par des
collines ; elle est inondée en hiver lorsque
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( ,33 )
la rivière sort de son lit , et fournit d’abon-
dantes récoltes de maïs , de fruits et de
melons.
De Pereira à Montemor o Vclho , on
compte deux lieues , mais il y a à peine
une lieue et demie. Au-delà de Pereira on
passe le bras principal du Mondego dans
un bac ; on traverse ensuite des champs jus-
qu’à ce que la route s’approche des collines
sur la droite. Sur une de ces collines , et au
nord de la rivière , est située l’ancienne et
grande ville de Montemor o Velho , entourée
de mprs élevés et ornés de tours et d’un
antique château. D. Alfonso IV y logea ,
lorsqu’il se rendit à Coimbre pour faire
assassiner Inez de Castro. Cette ville lui avait
été donnée par son père D. Diniz, après que
les ditférends avec lui furent terminés ; elle
tomba en partage à son fils D. Pèdre, qui
l’habita pendant quelque temps. Ensuite elle
échut à la riche et puissante maison de
Aveiro , et fut réunie à la couronne après
l’extinction de cette famille.
Au-delà de Montemor , le Mondego se di-
rige au sud-est , et forme un arc vers Fi-
9 . .
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C i3 4 )
gueira , et la route suit la corde de cet arc.
La contrée est parsemée de collines et bien
cultivée. On ne trouve des plantes des marais
qu’à une lieue de Montemor, au bord de la
rivière, près le village May or ga. Fi gueira
est une ville à trois lieues de Montemor ,
située au nord et à l’embouchure du Mon-
dego , qui a ici une lieue de large , et se
partage en deux bras. Vis-à-vis Figueira est
l’île Murraceira. L’entrée du port est dé-
fendue parle fort de Santa-Catharina\ elle
est très-étroite ; la barre considérable est dif-
ficile à franchir ; les vaisseaux mouillent en
sûreté derrière une langue d,e terre qui part
de la rive opposée. Des maisons neuves et
bien bâties , à Figueira , prouvent que le
commerce de cette ville est florissant. On
exporte d’ici du sel, du vin et des fruits
des environs de Coimbi*e. Le vin est trans-
porté dans les colonies , depuis que la reine
actuelle a déclaré le commerce libre ; le sel
et les fruits vont en Angleterre. Le port
s’encombre journellement ; c’est pourquoi les
habitans ont résolu de construire un quai.
Le Cabo de Buarcos forme la pointe
Digitized by Google
. ( i35 )
septentrionale de l’embouchure du Mondego;
il est remarquable par une mine de charbon
de terre. Pour la visiter , nous eûmes besoin
non seulement d’une permission du gouver-
neur de Figueira , qui ne commande ce-
pendant qu’une compagnie d’invalides , mais
de celle du Juiz de fora et du Juiz de ^4.1-
fandega (directeur des douanes). La route
cotoie la rivière jusqu’au village de Buarcos ,
à trois quarts de lieue de Figueira ; de-là il
n’y a qu’une demi-lieue jusqu’à la houillère.
Elle est située au bord de la mer , et ado-
sée à quelques montagnes qui s’étendent le
long du rivage. Elles sont formées par une
pierre calcaire compacte et grisâtre, entre-
mêlée de coquillages pétrifiés , dans lesquels
on a découvert trois couches de charbon de
terre , de 4 à 6 pieds d’épaisseur chacune.
Elles se dirigent de l’ouest à l’est , et ont
une inclinaison de 40 degrés. On a établi
dans ces couches trois galeries qui en suivent
la pente. Un escalier commode est taillé au
milieu ; aux deux côtés se trouvent des sil-
lons , pour le transport du charbon et pour
puiser l’eau. L’entrée est voûtée ; dans l’in-
. 9 . . .
Digitized by Google
( I3G ) .
térieur , les murs sont de pierres et de chaux
et soutenus par un échafaudage. Les baquets
destinés à recevoir le charbon , sont mis en
mouvement par des bœufs , dont il y a six
paires pour cet usage. Les courans d’air sont
bien établis; les galeries ne sont pas fort éloi-
gnées et sont réunies par des allées latérales.
On est parvenu aujourd’hui à une profondeur
de soixante-quinze brasses , dont soixante-
cinq au-dessous du niveau de la mer. Les
"charbons de la couche inférieure sont les
meilleurs; en général , la qualité du charbon
varie peu. Dans la profondeur , on a trouvé
des empreintes de végétaux , sur-tout de
fougère, et, depuis peu, de l’ambre fossile.
L’établissement est dans un si mauvais état ,
qu’on ne peut pas se rendre maître de l’eau,
et en effet deux puits sont déjà submergée.
On a tâché de les vuider, et en conséquence
on a proposé l’établissement d’une pompe à
feu. Dans la troisième galerie , des maçons
travaillent aux réparations indispensables ,
de façon qu’on n’exploite plus de charbon ;
le directeur espérait cependant en extraire
de nouveau sous un mois. Cette mine ne
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C I3y )
rapporte rien aujourd’hui , et a beaucoup de
peine à se soutenir. Les charbons sont trans-
portés par terre jusqu’à Figueira , et de-là
par mer jusqu’à Lisbonne, mais unique-
ment pour le compte du gouvernement. On
prétend qu’ils contiennent trop de soufre
pour en faire un usage domestique ; (nais la
petite quantité qu’on en exploite , est sans
doute le principal obstacle de son usage gé-
néral. On tire des pierres calcaires de la chaux ,
qu’on exporte également.
L’île Murraceira , près Figueira , a une
lieue de long , mais à peine une demi-lieue
de large; elle est presqu’en décernent divisée
par des marais salans ( marinhas ) , qui four-
.nissent beaucoup de sel; un grand nombre
de petites maisons servent à le conserver. Une
multitude de fossés creusés en tout sens ,
former^ un vrai labyrinthe, dans lequel on
risque de s’égarer sans conducteur. Sous le
rapport botanique , cette île est remarquable
par une plante rare en Europe , le mesem-
bryanthcfrium noiiflorum , et qui y croît en
abondance. En parlant de Sétuval , T. I,
Digitized by Google
C 138 )
p. 336 , j’ai fait mention de la préparation du
sel marin.
La route de Figueira à Mira passe d’abord
par un pays raboteux , qui se change bientôt
en une plaine unie et sablonneuse , dont
quelques parties sont inondées. Dans ces ma-
rais nous aperçûmes plusieurs plantes re-
marquables , et surtout une scorzonère d’une
forme singulière et qui n’a pas encore été
décrite. On suit les bords de la mer , et on
passe par quelques villages et devant une
église qui attire beaucoup de pèlerinages.
Mira , bourg peu considérable , est à cinq
lieues d’Aveiro. Non loin d’ici , il y a une
baie où se rassemblent , en hiver , une quan-
tité prodigieuse d’oiseaux de mer : on ne l’a
pas désignée sur les cartes. Il y a deux lieues
jusqu’au bourg de Vagos , par des plaines
‘de sable ; ensuite on s’embarque sur^un lac
d’une étendue considérable, et qui commu-
nique avec celui d’Ovar ; de sorte que l’on
peut aller par eau d’ici à Ovar : ce lac n’est
point marqué sur les cartes. Depuis Vagos
à Aveiro , à trois lieues., on passe par un
n
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#
• ( '3g )
pays couvert de collines , où il y a tant de
sentiers différens , qu’il est difficile de tenir
la bonne route. Nous continuâmes notre route
depuis Aveiro, non par eau comme précé-
demment, mais par terre. Jusqu’à l’endroit
où l’on passe le Vouga , il n’y a qu’une lieue.
Une pluie d’orage avait tellement grossi la
rivière, qu’il nous fut difficile de la passer.
Le reste de la route traversait un pays ra-
boteux. Le bord de la mer est assez bien
cultivé, sur-tout avec du maïs; il y a aussi
des forêts de pins maritipies.
6°. Quatrième voyage à l’Estrella.
À son retour des prbvinces septentrionales,
du fleuve Minho par la province de Traz os
Montés , dans l’été 1 800 , dont nous avons
déjà parlé , le comte de H... visita encore une
fois l’Estrella , et retourna de-là à Lisbonne
par Coimbre. Il termina par là ses excursions
botaniques en Portugal. Le 7 août il passa
le Douro , près de Torre de Moncorvo , et
coucha à Poucinho , village qui fait partie
du Beira. Toute la province, dans ses parties
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m
( Ho )
\
orientale et septentrionale, jusqu’à l’Estrella,
est aride et désagréable. Pendant deux lieues
on traverse un pays nu et raboteux , jusqu’à
la mauvaise auberge Marvao ; ensuite on
monte , par une vallée , à un plateau élevé où
est situé le bourg Marialva , qui donne son
nom à un marquisat , dont la famille des
Menezés porte le titre. Près de Marvao ,
dans une vallée vers Marialva , la pefite ri-
vière Prisco prend sa source , et se dirige
dans les environs de Longxoiva . Au bord
de cette rivière , un muet du bourg Touça
trouva en 1740 , lorsqu’il alla faucher son
pré , un morceau de minerai qu’il apporta
à son père. Celui-ci se rendit dans cet endroit
avec ses fils , fouilla la terre et découvrit une
veine de plomb. La chose s’étant répandue
dans le pays , les habitans du voisinage dé-
gagèrent cette veine , et en tirèrent une quan-
tité considérable de minerai. Des négocians
d’Espagne, qui passèrent près de l’endroit,
en furent informés , et achetèrent l’arrobe de
minérai , 3 ooo reis ( environ 24 francs ) ;
ils l’emportèrent dans leur pays , et cet évé-
nement donna lieu à une franche de com-
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C H 1 )
merce assez considérable. Enfin le Corregedar
de la C omarça I, en ayant été instruit , dé-
fendit les fouilles, et fit fermer les puits qui
avaient été creusés. Les choses en restèrent là
jusqu’en 1762. Dans cette année , un certain
Juan Manoel du Traz os Montes prétendit
faire partie de la compagnie qui avait été
chargée par le roi d’exploiter cette mine.
Il fit aussitôt venir des ouvriers , creusa un
puits, et en tira ii 5 arrobes de minérai; il
établit des fourneaux , mais administra si
mal son établissement , qu’il fit des dettes ,
et disparut au bout de deux ans. Le minérai ,
les instrumens, enfin tout ce qu’il laissa fut
enlevé par ordre de la justice , et se trouve
encore sous le séquestre. Le minérai consistait
dans du plomb qui donnait pour un quintal
92 livres de plomb, et 2 onces 2 grains d’ar-
gent , et méritait d’étre fondu , si on avait
eu du bois ou des charbons. On avait re-
marqué que la couche était très-épaisse. Juan
Botelho de Lucena Almeida Beltrao fait
mention de ce minérai , dans le i* r . volume
des Mémoires économiques de l’Académie de
Lisbonne.
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( * 4 * )
Près de Longroiva , il y deux source*
minérales : l’une est .chaude et a une forte
odeur de soufre; l’autre contient de l’acide
carbonique. i
Un pays aride règne jusqu’à Sant-Mar-
tiriho , à cinq lieues de Marvao. Ce n’est
qu’au de-là de ce bourg que le paysage est
varié par des chênes et des châtaigniers.
Le bourg de Celorico , à trois lieues de St.-
Maitinho , est situé sur une colline au pied de
l’Estrella ; jusque-là , on a des plaines parse-
mées de collines ; à quelque distance de Celo-
rico , on passe le Mondego sur un pont de
pierre. Les plaines , arrosées par le fleuve ,
sont agréables et bien cultivées; le reste de la
contrée est varié par des champs , des vi- -
gnobles , des chênes et des pins maritimes ;
mais en général elle est aride et couverte
de rochers.
Au de-là de Celorico , on vit paraître les
promontoires del’Estrella, que l’on traverse
sur la route de Manteigas , à cinq lieues de
Celorico . On a déjà parlé du bourg de Man-
teigas, situé sur le revers de l’Estrella.
Nous gravîmes ces montagnes le i3 août
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( 143 )
1800 , en partant de Manteigas , et nous
suivîmes Je chemin qui traverse Carvalheira ,
grande forêt de chênes , jusqu’au Val da
Barca. C’est un vallon à une lieue et demie
de Manteigas , vers la partie nord de la
montagne : il est plus éloigné du sommet
et des grands amas de rochers que 1 ' j 4 .l~
bergaria dont il a été parlé plus haut ,
mais on parvient bien plus facilement par
ce chemin au revers de la montagne. En
avançant vers la Cantaros , on arrive à un
quatrième lac nommé Lagoa de Pachao ,
à gauche du chemin. Il ressemble aux trois
autres , et a la même étendue que le Lagoa
Escura; mais il est entouré , d’un côté, d’un
pré arrosé par un ruisseau. Il est moins
élevé que les autres , et se trouve sur la
pente orientale de la montagne ; c’est pour-
quoi uous ne l’aperçûmes pas dans notre
premier voyage. Il donne naissance au Rio
de Candieira , ruisseau qui descend de la
montagne , et se répand aussitôt dans la
vallée de Candieira , pour former ensuite la
belle cascade dont nous avons parlé plus
haut. Le mot pachao signifie passion , et
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( *44 )
on prétend que ce fut dans ce lac qu’une
sainte , dont j’ignore le nom , fut noyée.
L’herbe était déjà déséchée à cette époque,
et les moutons ne trouvaient que peu de pâ-
ture. Nous aperçûmes , tant sur les sommets
les plus élevés que daus les fentes des ro-
chers et dans les vallons , des amas de neige
considérables qui avaient roo à 200 pas
de long sur 10 à 12 pieds d’épaisseur, et
qui ne purent fondre cette année , parce que
la chaleur ne se fait ressentir dans ces contrées
que pendant quelques heures du jour ; les
matinées et les soirées sont fraîches , et les
nuits très - froides. Cette neige ne se trouve
pas sur lés plateaux les plus élevés , mais
dans les précipices. Les pâtres nous appri-
rent que la neige séjournait souvent pendant
toute l’année dans les vallons , mais qu’il
n’est pas rare de la voir fondre entièrement
( comme nous nous en sommes convaincus
dans nos premiers voyages ) ; cependant on
ne se rappelait pas d’en avoir vu une quantité
aussi considérable , 'rester aussi long- temps
sur les montagnes que cette année.
Maintenant, je suis en état de rectifier
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C ’45 )
mes notions sur l’élévation des montagnes
du Portugal. Le sommet le plus élevé de
la Serra de Gerez ( que j’ai estimé de trois
à quatre mille pieds au-dessus du niveau
de la mer, a été évalué à une trop grande
hauteur. Il a à peine trois mille pieds d’élé-
vation , comme le prouve son état dans uu
hiver rigoureux. Ces montagnes paraissent
hautes , parce que le pays d’alentour est très-
plat , et qu’elles forment des aiguilles qui
présentent un aspect sauvage. Le sommet
de la Serra de Marao est plus élevé au-
dessus du niveau de la mer ; mais il l’est
moins au-dessus de la plaine qui entoure sa
base, comme je l’ai présumé T. 27 ,/?. 38 .
L’Estrella est plus élevée que je ne l’ai es-
timé T. Il , p. 88. Le froid qui y règne
suppose , sous ces degrés de latitude , une
élévation qui ne doit pas être moindre de 7000
à 8000 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Cette montagne offre un autre aspect que le
Gerez ; elle est posée sur un plateau élevé, qui
forme lui-même des montagnes vers le rivage
de la mer.
Nous vîmes fleurir, sur le bord de la neige,
iO
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( H 6 ) .
des fleurs printannières , comme la petite
narcisse, qu’on trouve à Sabugeira dès le
mois de février , et nous aperçûmes , dans
d’autres parties de la montagne , des plantes
desse'chées ; par exemple , une nouvelle espèce
de Cardaminé . La superbe gentiane jaune,
qui était encore enterrée sous la neige* au
mois de juin , avait déjà cessé de fleurir.
Comme les pâtres , les moutons et les chèvres
recherchent beaucoup cette plante , les pre-
miers pour en vendre la racine dans les
pharmacies , les autres pour brouter ses
feuilles , elle ne se conserve que dans les
crevasses des rochers inacessibles. Pour en
avoir quelques échantillons , on fut obligé
de descendre des paysans par le moyen de
cordes. Cette plante est une des plus rares
du Portugal , sur-tout comme on ne la trouve
nulle part ailleurs qu’ici. Les Portugais la
nomment uirgenciana , et même dans les
anciennes géographies du Portugal , on en
parle en faisant mention de ces montagnes.
Une autre plante remarquable , une nouvelle
espèce de Çenecio , nommée par les habitans
hervaloira (l’herbe blonde) , fleurissait dans
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/
C H7 )
les précipices , derrière l’amas de rochers
Cimadouro dos Caes , et vers la vallée Covao
das Vacas.
Au reste , ces montagnes sont déjà assez
connues par nos précédées voyages. Le Comte
retourna à Manteigas , et de - là par Sant-
Romao , G alizés , Ponte de Murcella , par
la route ordinaire , à Goimbre , d’où il se
rendit à Lisbonne.
♦
7°. Castello Branco. Coup -d'œil général
sut" la province de Beira.
Une petite partie de la province de Beira
s’étend derrière l’Estremadure jusqu’au Tage.
Elle fut visitée par le comte de H...,, dès
l’<^é de 1799 , lorsqu’il retourna de son
voyage à Portalègre. Cette contrée est formée
par un désert affreux, qui est aussi aride,
aussi triste et aussi solitaire que les landes
de l’Alemtejo , et qui n’a rien d’intéressant
pour un étranger. Le Comte passa le fleuve
entre Montalvao et Monforte , à’ quatre
lieues de ce dernier endroit. Castello Branco
est à trois beues plus loin. On n’aperçoit
10.
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\
C 148 )
que les tristes collines de grez qui régnent
le long du fleuve jusqu’à Rosminhal , et
qui s’étendent au nord de Castello Branco ;
elles sont arides , monotones et couvertes
de cistes. On voit dans l’éloignement la Serra
de Est relia. Ce n’est qu’au tour de Castello
%
Branco que des champs cultivés et quel-
ques bouquets de chênes rendent la contrée
supportable. Cette •ville est le chef- lieu de
la Comarca qui forme cet angle de la pro-
vince de Beira ; elle est considérable ( elle
contient environ 1100 feux), fort ancienne
et pourvue d'un château qui appartenait au-
trefois aux templiers , et aujourd’hui à l’ordre
du Christ. Celte ville , ainsi que beaucoup
d’autres dans les contrées arides , était plus
florissante jadis qu’elle ne l’est à présent.
Le bourg Sarzedas est éloigné de trois lieues
au couchant , et renferme cinq cents feux :
on prétend que c’est le Oppidum Sarze-
dense des anciens. Le Juiz de Fora nous
raconta qu’au mois de mars 1798 , on
avait trouvé dans un champ une pierre
sur laquelle était gravé le nom ancien de
ce bourg. On conserve encore cette inscrip-
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( *49 )
tion ; mais lorsque le Comte voulut la voir,"
elle ne s’y trouvait pas. Il existe à la vérité,
dans les archives , un procès-verbal du dé-
pôt qui en a été fait ; mais plusieurs cir-
constances font présumer que cette inscrip-
tion est apocryphe. On a cependant trouvé
beaucoup d’antiquités en cultivant la terre;
le Juiz de Fora , et sur-tout son père, qui
est Capitao mor à l’armée , s’occupent spé-
cialement de l’étude des antiquités. Les ha-
bitans des bords du ruisseau- Liça , près Sar-
zedas , en tirent une petite quantité d’or ;
c’est pourquoi on le nom me Bandieiros ( de
bandeiar , remuer ). On raconte à cette
occasion , que les habitans de Lisbonne ont
enlevé, il y a peu de temps, beaucoup d’or
et d’argent de cette contrée. Les anciens
disent que le Tage roulait de l’or ; il paraît
que cela était en effet , parce que le Liça
tombe dans le Tage. Je n’ai cependant point
entendu dire qu’on tire encore de l’or du
sable du Tage , et je ne connais d’autre en-
droit en Portugal où ceci a lieu , que près
de Sarzedas.
Depuis Sarzedas, par Sovereira , Corti-
10..
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C i5o )
çada ; ( Proença Nova J , Certao , Sarnacke
jusqu’au Zezeré , il y a neuf lieues par
une contrée triste et déserte $ on n’aperçoit
que des collines et des montagnes couvertes
de cistes , et quelque peu de culture au-
tour des villages; enfin, tout étranger doit
fuir ce triste pays.
On divise la province de Beira en su-
périeure et inférieure (Beira Alla et BaixaJ,
Il est assez étonnant que l’on comprenne
dans la dernière les côtes de la mer et la
partie septentrionale , et dans la première les
environs de Penamacor et Castello Brancû.
Il est difficile dé donner des observations
générales sur cette province , car elle est
très -étendue et diversifiée. Vers les bords
de la mer elle est plate , sablonneuse et
marécageuse
malais qu’aucune autre pçovince du royàumé.
C’est ainsi que la lisière qui règne depuis
l’embouchure du Mondego jusqu’à celle de
Dourô , est fertile et bien cultivée là où
il n’y a point de sable , mais mal-saine à
cause des marais. Une chaîne de montagnes
calcaires, la Serra de Louzaa t qui fait partie
; elle renferme même plus de
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( i5i )
de celle de l’Estremadure, s’étend ati sud de
la province , règne le long des bords du
Mondego , et s’applanit dans les environs de
Coimbre. Tout se réunit près de cette ville
remarquable ; un pays plat s’étend à l’ouest
du fleuve , et les montagnes calcaires sont
remplacées par des montagnes d'ardoise. Par-
tout où il y des montagnes calcaires, le sol
est assez fertile et la végétation riche j ce
qui n’a pas lieu autour des montagnes de
grez. Vers la frontière orientale de la pro-
vince , s’élève une chaîne de montagnes de
granit , la Serra de Estrella , d’où des-
cendent des ruisseaux et des rivières qui
fertilisent la contrée. Mais autour de ces
hautes montagnes , s’étendent les sommets
pelés de pierre sablonneuse et de schiste
micacé, qui remplissent la partie de la pro-
vince, à l’est del’Estrella jusqu’aux frontières
d’Espagne, et au nord et au midi jusqu’au
Douro et au Tage. Ces montagnes s’é-
tendent non-seulement sur une vaste étendue
de pays, mais accompagnent le Douro jus-
qu’à son embouchure ; d’autres se dirigent
io. ..
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1
C i5* )
à l’ouest de l’Estrella , depuis le Douro jus-
qu’au Mondego , et dans les environs de
Coimbre. En général , la majeure partie de
la province est montagneuse , aride et stérile.
Les montagnes d’ardoises et de pierre sa-
blonneuse contiennent souvent du minéral.
J’ai déjà dit qu’on en rencontre près de La-
mego. Il a été également fait mention plus
haut d’une riche mine près de Rio Pisco.
Ajoutez à cela l’or qui se trouve près de
Sarzedas , et on peut présumer avec raison
qu’il y a beaucoup de mines dans ce pajs.
La culture du maïs s’est répandue à un
tel point dans les plaines , qu’elle a éloigné
celle de toute autre espèce de bled. Aux
environs de Coimbre et d’ Aveiro , on cul-
tive beaucoup de légumes ; on recueille du
vin autour de Coimbre , et principalement à
Lamego , qui est située près des vignobles du
Douro supérieur. Les revers de l’Estrella sont
renommés par les fruits qu’on y récolte , et
les montagnes par leurs excellens pâturages.
On cultive du seigle dans les contrées élevées
et froides des chaînes de montagnes, au bord
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C 153 )
du Douro et autour de l’Estrella ; mais une
grande partie de la province , surtout celle
qui est à l’est et au nord , est mal cultivée
et bien inférieure , sous ce rapport , au Minho
et peut-être au Traz os Montés.
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( lS 4 )
CHAPITRE IV.
LA PROVINCE D’ESTREMADURE.
i.° Lisbonne.
U n proverbe portugais dit que celui qui n’a
pas vu Lisbonne , n’a rien vu de beau , et
en effet cela est vrai. Il ny a que Gênes et
Naples qui puissent rivaliser avec Lisbonne ;
aucune autre ville ne se présente mieux de
loin , aucune ne réunit les agrémens d’un
beau fleuve couvert de vaisseaux , et d’une
situation en amphithéâtre, sur des coteaux
fertiles et bien cultivés. Il manque à Gênes
et à Naples un grand fleuve , et des rivages
qui soutiennent l’ensemble du tableau ; on ne
voit là que l’éternelle monotonie d’une mer
immense.
J’ai donné une description de la ville de
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( *55 )
Lisbonne, T. I,p. 21 3 . J’ajouterai quelques
additions ,et rectifierai plusieurs erreurs que
l’on m’a fait remarquer à Lisbonne , en li-
sant mon voyage. Les notions qui m’ont été
transmises proviennent d’hommes qui con-
naissent le Portugal , et sur-tout Lisbonne ,
depuis long-temps et très-particulièrement.
Lisbonne se nomme en portugais Lisboa.
Ceux qui se piquent de bien parler prononcent
IV si fort, qu’il approche un peu de sch ,
et Y a à la fin du mot , si doucement , qu’on
n’entend qu’un e. Le nom de Lisbonne pa^
fait dériver de l’ancien Olisipo , au lieu qu’où
doit attribuer l’étymologie de Lisboa à la
corruption du nom arabe Ischbuna. La pro-
nonciation des Portugais répond parfaitement
à cette dénomination , en éloignant l 'n entre
deux voyelles , ce qui ne s’accorde pas dans
la langue portugaise. Les contes sur l’origine
de cette ville, sont très-ridicules : tantôt on
prétend quelle fut bâtie peu de temps après le
déluge par un nommé Eliza , et tantôt on
raconte quelle fut rétablie par Ulysse , etc.
Pendant fort long-temps les écrivains portu-
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C «56 )
gais ont osé accréditer ces absurdités. La
dernière version a donné lieu à un poème
héroïque, par de Souza M ace do , nommé
Olyssipo, où l’on rencontre de beaux pas-
sages à côté d’une infinité d'asbsurdités. Il est
hors de doute que, du temps des Romains,
il existait ici une ville considérable , car on
a trouvé des inscriptions romaines dans la
ville, en 1798. Plusieurs inscriptions, dont
une a été consignée dans les délices d’Es-
pagne et de Portugal , par Colmenar , TV III,
p. 264 , nous apprennent que cet endroit
se nommait Olisipo et non Olyssipo. Man -
nert , dans sa géographie des Grecs et des
Romains , préteud à la vérité , selon les as-
sertions des anciens, qu 'Olisipo était situé
sur la rive méridionale du fleuve , mais
aucun de ces auteurs ne l’affirme. Les cir-
constances, qu’on n’a trouvé qu’au nord de
la rivière, des inscriptions , que le Cabo de
Rocca est nommé Promontorium Olisipo*
num par les anciens ; enfin , que la rive
septentrionale du fleuve est formée par des
coteaux fertiles , tandis que la rive méridionale
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( i5 7 )
consiste en collines sablonneuses , paraissent
déposer en faveur de sa situation au nord
du fleuve.
Dans le premier volume des Mémoires de
l’académie des sciences de Lisbonne , on
trouve une dissertation sur la position géo-
graphique de cette ville , par Custodio
Gomes de Villasboas. Il conclut de dif-
férentes observations qu’il a faites , que la
latitude du collège des nobles ( collegio dos
nobres ) , est de 38 degrés 42 minutes 58
secondes 5 dixièmes; celle du couyent das
Necessidades est déterminée d’après les
calculs de Le Monnier , qui se fondent
probablement sur les observations du père
Chevalier , à 38 degrés 42 minutes 20 se-
condes ; ce qui coïncide avec son éloigne-
ment du collège des nobles. En supposant
que le couvent das Necessidades se trouve
sous la même parallèle que la place du
commerce , ce qui est en effet , on peut
déterminer la situation de celte place comme
point central de Lisbonne, à 38 degrés 42
minutes 20 secondes, latitude nord. Villas
Boas détermine , par les mêmes observa-
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C <38 )
lions , la longitude de celle ville ; il les a
faites dans le collegium de Sant-Antao ;
il suppose que ce collège est sous le même
méridien que la place du commerce, et en
conclut que la longitude de cette ville est de
1 1 degrés 29 minutes i 5 secondes , à l’ouest
du méridien de Paris ; ou 9 degrés 46 se-
condes , à l’est du premier méridien. Voilà
ce qui peut servir à rectifier les notions
contenues dans le premier volume de ces
voyages.
Je ne puis rien dire de positif sur la po-
pulation du Portugal en général , et de Lis-
bonne en particulier, parce qu’on n’a pas
ftit un dénombrement exact. On ne connaît
que le nombre des feux , mais il est très-
difficile de préciser celui des habitans pour
chaque maison. Le nombre de trois cent
mille âmes qu’on compte à Lisbonne et à
Belern , est trop fort. On ne peut pas s’en
rapporter aux certificats de communion ,
parce que les enfans au-dessous de sept ans
et les étrangers en sont exclus, quoique ce
soit la manière ordinaire des géographes
portugais de calculer la population.
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( IS 9 )
Lisbonne est une ville ouverte , dépourvue
de portes et de murs. Il est surprenant que ,
dans la dernière édition de la géographie
de Busching , on trouve une description des
tours et des murs ; probablement parce
que de Lima , que Busching a souvent tra-
duit littéralement , en fait mention. Mais ,
il ajoute que Lisbonne s’est étendue au-delà
des murs qui ne servaient aujourd’hui que
de démarcation pour les deux diocèses. Ce-
pendant , depuis le dernier tremblement de
terre , ceci n’a plus lieu, et on ne voit que
dans quelques endroits des vestiges de ces
murs. Le roi Z). Fernando fit entourer la
ville de bonnes murailles , pourvues de 67
tours et de 36 portes, 16 du côté de terre
et 20 du côté de la rivière. II n’existe plus
rien de la muraille du côté du fleuve.
La frontière orientale de Lisbonne est
formée par la Cruz da Pedra ; l’occidentale,
par le port de Belem , et non par le pont
d’Alcantara , car les deux faubourgs Jun-
queira et Alcantara sont présentement réunis
à la ville ; ils portent encore un nom parti-
culier dans la vie commune. Tous ceux qui
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( ï6 ° )
connaissent cette ville conviennent que la
divisioh des auteurs portugais en sept col-
lines est- très-inexacte ; on pourrait la par-
tager plus naturellement en trois collines. Les
deux premières n’en forment , à vrai dire,
qu’une seule ; car , depuis le couvent das
Necessidades jusqu’à la Patriarcal Quei-
mada , c’est la même élévation qui est
partagée en deux branches , par la rua de
San - Bento. Il faut y ajouter une autre
colline , le Campo de Santa- Anna , qui
s’applanit près d ' Anjos y et remonte par le
Calçada de Saint-André , jusqu’au château.
Cette division , qui est conforme à la si-
tuation naturelle de la ville , mérite d’être
appréciée.
J’ai cru que la dernière colline à l’ouest ,
était la plus élevée ; mais celle où est bâti
le château , est plus haute , quoique la flèche
du nouveau couvent , sur la colline occi-
dentale , soit plus élevée que le château.
Tout le côté sud-ouest de cette colline , et
non une seule rue , porte le nom espagnol
de Buenos- Ay res, à cause de la salubrité de
l’air ; on devrait plutôt lui donner le nom
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( i6i )
portugais de Bonos-Ayrcs. Cette partie est
couverte de maisons ou partagée en rues par
des enclôs ; c’est pourquoi on n’y rencontre
plus de champs ou de grands emplacemens.
Les étrangers ou ceux qui vivent de leurs
revenus , préfèrent ce quartier ; les négocians
au contraire recherchent le centre de la ville,
pour être plus près de la bourse.
Sur cette colline occidentale , à peu de
distance du nouveau couvent , se trouve le
cimetière des protestans , où est enterré Fiel-
ding. J’ai dit, T. J, p, 21g : « Non loin de
» ce couvent et de l’autre côté d’une place ,
» on trouve le cimetière des protestans avec
» différens monumens, parmi lesquels on re-
» marque le tombeau de Fielding , mort en
» cette ville ». Cette phrase est obscure; car
on pourrait croire qu’on y rencontre le mo-
nument de Fielding ; mais parmi le grand
nombre , le tombeau de cet auteur célèbre
se trouve sans inscription. Fielding fit le
voyage de Lisbonne pour rétablir sa santé ;
c’est la coutume de la plupart des Anglais;
il publia la relation de son voyage dans un
petit recueil où on ne rencontre que rarement
u
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C 162 )
l’esprit de l’auteur de Tom-Jones. Il mou-
rut à Lisbonne , et fut enterré ici. On se
disputa à qui lui érigerait un monument ;
ce qui est cause qu’il n’en a point encore à
La seconde division de la colline occi-
dentale commence par la rua de S.-Bento ,
et s’étend jusqu’à la vallée large et unie du
centre de la ville. A l’extrémité orientale,
ou la colline est escarpée , on jouit de la
vue magnifique dont j’ai parlé T. I , p. 221.
On voit à ses pieds la place de Rocio , la
promenade et de belles rues alignées ; en face,
le château situé sur une colline élevée ; à
gauche , la campagne couverte d’oliviers et
ornée de maisons de campagne , de couvens
etd’églises; adroite, le Tage, où mouillent un
grand nombre de vaisseaux. Vers la partie
orientale , sur le penchant de la colline , est
construite la salle de l’opéra , et des maisons
qui appartiennent à un riche négociant por-
tugais, nommé Quintella. Il est très-douteux
qu’on puisse l’appeler le plus riche, comme je
l’ai fait ; aussi n’est-il point fermier du com-
merce des diamans , car ce commerce n’est
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( iG3 )
point affermé. Il n’est que commissionnaire
. de la couronne pour l’expédition de cer-
taines parties , depuis que les Hollandais ont
résilié leur contrat avec la couronne, en 1791.
Les diamans sont cherchés au Brésil , aux
frais du gouvernement , amenés en Europe
comme sa propriété , et déposés dans le
trésor ro^al. Lorsque la couronne en veut
expédier une certaine quantité , elle en charge
Quintella , depuis que le contrat avec les
Hollandais n’existe plus. Au reste on ne
fait aucune difficulté de véndre des diamans
à celui qui fait des offres avantageuses ; maÎ 9
lorsque ceux-ci ont une certaine grosseur ,
on ne les vend pas. Ceux que l’on apporte
depuis quelques années du Brésil , sont plus
petits qu’à l’ordinaire.
Au pied de cette colline s’étend une large
vallée qui renferme toute la noüVelle ville ,
les grandes places , les principaux édifices
publics et les promenades. Le ti'emblement
de terre de l’année iy 55 détruisit totalement
cette vallée ; l’feffet en fut si singulier , que
les rues , sur le penchant de la colline oc-
cidentale, restèrent intactes; on remarquait
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C *64 )
parmi celles-ci la rua Suja ( littéralement
rue de boue ) , ou la rue des filles publiques.
L’anecdote que fai rapportée, T.I,p. 222,
doit être rétablie de la manière suivante : Le
roi parla à la cour d’une maison sifuéeq>rès
l’église de Santa-Madalena , qui appartenait
au marqûis de Pombal , et qui était restée
intacte , comme une preuve que son mi-
nistre était un homme protégé par la divi-
nité. Un des premiers gentilhomraes , le
comte d’ Obidos , observa que la rua Suja
était également restée intacte ; il paya son
imprudence par une prison de plusieurs an-
nées. Ce fut ainsi que gouvernait Pombal.
Cette belle partie de la ville commence
au bord de la rivière , par une grande place
qu’on nommait autrefois , lorsque le château
s’y trouvait encore , Terreiro du Paço , et
aujourd’hui^fVtffa do Commercio , place du
Commerce. Terreiro est le synonime du mot
terrasse , mais il désigne aussi chaque em-
placement dépourvu de maisons, et enfin un
marché : paço , au lieu de palaço , signifie pa-
lais. Les quais et les escaliers au bas des-
quels abordent les chaloupes , sont inagni-
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( *65 )
fiques , et je ne connais aucun endroit qui
renferme un aussi beau mouillage pour les
vaisseaux. Au milieu de cette place et pres-
que au centre de Lisbonne ( suivant la la-
titude ) , se trouve la statue équestre du roi
Joseph f el|c’est avec raison que Villasboas
réunit sur cette statue ses observations de
latitude et de longitude de Lisbonne. Le
piédestal était orné du portrait en relief du
marquis de Pombal; mais avant le couron-
nement de la reine actuelle , on Ta enlevé
et remplacé pa* les armes de la ville de
Lisbonne, figurées par une barque avec trois
voiles et deux corbeaux. La statue n’a d’autre
mérite que celui d’avoir été coulée par deux
Portugais, de Castro et da Costa , qui n’a-
vaient reçu aucune instruction préliminaire
sur cet art.
Deux rues nouvellement percées et une
rue de traverse conduisent à celte place ; la
troisième rue principale n’y parvient pas di-
rectement. La rua Augusta , qui est celle
du milieu , n’est pas habitée par les orfèvres
et les bijoutiers, comme je l’ai rapporté, T. J»
p. 224, mais par des marchands de draps
11..
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1 ,
( i66 )
et de soieries. Quelques ateliers de chau-
dronniers , de ferblantiers , etc. , qui incom-
modent beaucoup leurs voisins par le bruit
qu’ils font , s’y sont glissés par abus. Les
deux autres nies principales vont parallè-
lement, dans toute leur longueur è*jt esj, et a
l’ouest de la première. Dans celle qui est
au couchant , se trouvent les bijoutiers , dans
l’autre les orfèvres ; c’est pourquoi la pre-
mière est appelée rua dos Ourives de Ouro ,
ou vulgairement rua udurea ; et l’autre rua
dos Ourives de Prata , ou plutôt rua de
Prata. C’est dans cette partie de la ville que
se trouve la limite de l’ancienne division de
Lisbonne en orientale et occidentale , dont
j’ai parlé, T. I. Au coin de la rua de Prata ,
était écrit en grandes lettres , Lisboa oriental ;
mais au reste la différence a cessé totalement
depuis q,ue l’évêché de Lisbonne a été réuni
au patriarchat. Les trois rues principales
aboutissent à la place de Rocio , où se trou-
vent les bâtimens de l’inquisition; plusieurs
petites ruelles conduisent de cette place à une
autre moins vaste, qui renferme le jardin ser-
vant de promenade.
*
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( i6 7 )
Près de cette place et dans une rue étroite f
se trouve la grande salle de spectacle por-
tugaise , dont l'entrée principale donne dans
une des plus longues rues de Lisbonne ,
qui la traverse dans toute son étendue ; selon
les divers quartiers, elle porte des nomsdif-
férens , et là elle s’appelle rua dos Condes.
Plus loin. Vers le nord, dans une rue qui
est la continuation de celle qui avoisine la
promenade , et là où elle commence à porter
le nom de o Salitre , est située une salle de
spectacle plus petite, et immédiatement après
la place qui sert aux combats des taureaux.
Avant d’arriver à la place du Commerce ,
et à l’occident , au bord de la rivière , on
voit le Caes ou quai de Soudre , où l’on em-
barque beaucoup de marchandises ; c’est
pourquoi les négocians ‘ et les navigateurs
, qui veulent veiller à cet embarcation , le
, visitent très-souvent dans l’après-midi. On
pourrait le nommer la bourse où ils se réu-
nissent dans l’après-dinée. Un canal le sépare
d’un autre quai appelé Ribeira Nova , qui
sert de marché au poisson. C’est par erreur
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( *68 )
qu’on a donné ce nom, T. 1 , p. 225, au
premier de ces quais.
Maintenant retournons au Rocio , par la
place du Commerce et les trois rues prin-
cipales. A l’est de cette place se trouve la
Praça da Flgueira ou le grand marché ; il
n’en est séparé que par une rangée de mai-
sons. Ce marché est très-vaste , ' entouré do
maisons bien construites et de boutiques ré-
gulières. On pourrait le comparer à la Plaça
May or , à Madrid , quoique cette dernière
soit plus belle. Au reste aucune place à Ma-
drid ne peut rivaliser avec la place du Com-
merce de Lisbonne , quoique la calle de
Alcala, le Prado et les jardins de Buen
Retiro surpassent tout ce qu’on peut voir en
ce genre à Lisbonne.
La seconde colline de Lisbonne, dont je
n’ai point parlé dans ma première descrip- ,
tion , parce qu’elle me paraissait trop petite
et trop basse , et que je la regardais comme
une continuation de la suivante, commence
derrière la rua dos Coudes , et s’élève jus-
qu’au Campo de Santa- Anna , qui est une
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C r6 9 )
place vaste , mais irrégulière , ornée de palais
de trois côtés, qu’on est maintenant occupé
à embellir. La fontaine dont elle sera ornée
n’est point encore terminée. Cette colline
descend près du couvent des Bernardins ,
nommé Dasterco , où est actuellement l’hô-
pital de Sainte-Marie , jusqu’à la longue rue
dos Anjos. Derrière la rua Augusta , près
de la rivière , s’élève avec le Calcada de
Saint- André , la plus haute colline de Lis-
bonne, par une vallée tortueuse qui s’étend
depuis le Rocio jusqu’à la rua dos Anjos;
elle est visiblement détachée de la colline
précédente. Son sommet est coqpnné par
le château nommé Castello de Saint-George ,
et vulgairement Castello dos Moiros ou plu-
tôt o Castello y qui domine Lisbonne.
La partie orientale de la ville est. formée
par des rues étroites , tortueuses et mal
pavées , parce que c’est la plus ancienne ,
et qu’elle a le moins souffert par le trem-
blement de terre et par l’incendie qui s’en
est suivi. D’anciennes maisons , qui mena-
çaient ruines , ont cependant été remplacées
par de nouvelles j et dans les rues , au bas
I
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C «7° )
de la colline , se trouvent plusieurs beaux
palais. Une de ces rues , nommée rua dos
Cavalleiros , a été élargie d’un côté. Un
étranger s’aperçoit bientôt , en entrant der-
rière le Rocio , dans cette partie de la ville ,
qu’elle est bien plus ancienne que les autres
quartiers de Lisbonne.
Le bourg de Belem est situé à l’occident
et réuni à la ville; un pont sur un ruisseau
le sépare , mais la rangée des maisons con-
tinue sans interruption.. C’est dans cet en-
droit que le célèbre infant D. Henri le
navigateur , cet homme précieux auquel
les Bortugais sont redevables de leur gran-
deur dans ces temps , possédait une petite
maison de campagne. Lorsque Vasco de
Gama fut de retour de son voyage aux
Iudes, le roi D. Manoel y fit bâtir une
église nommée de N. Senhora de Bethleem ,
et un couvent de Hiéronymites. Les Portu-
gais ont transformé , par une abréviation
Bethleem en Belem. Les maisons , dans cet
endroit, se sont tellement multipliées, sur-tout
dans les temps modernes , que Belem forme
aujourd’hui un bourg considérable , habité
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( *7* )
par un grand nombre de gentilshommes et
d’employés, parce qu’ici , comme dan.- tous
les quartiers éloignés du centre de la ville , les
loyers sont moins chers , et qu’on s’y pro-
cure facilement des écuries et des remises.
Ainsi ,ce couvent et l’église furent construits
en commémoration des événemens les plus
remarquables de l’histoire du Porlugal, et
ce temple gothique est un monument digne
de la grandeur du sujet.
La ville s’étend le long des rives du Tage,
et celui-ci ne baigne pas seulement les
maisons, mais les magasins, les forts, les
quais et d’autres édifices publies. Les maisons
se trouvent cependant par-tout à une petite
distance du rivage. Lorsque nous fumes à
Lisbonne, la quantité de vaisseaux dqnt le
fleuve paraissait couvert, et parmi ceux-ci
souvent des flottes anglaises , présentaient un
coup-d’œil magnifique.
2°. Environs de Lisbonne . Climat de cette
, ville .
• L A campagne , autour de Lisbonne , est
agréablement variée par une multitude de
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jardins. J’ai dit , T. I , p. 2Z2 , que la langue
portugaise a une foule de mots pour dési-
gner les difierens jardins. J’ai dit plus haut
ce que c’est qu’une quinta ; mais j’avoue
que j’ignore totalement l’étymologie de ce
mot , quoique je l’aie cherchée. Quinta est ,
à proprement parler , le jardin potager der-
rière la maison ; jardin signifie jardin de
plaisance , et horta jardin potager sans en-
clos. C’est par erreur que j’ai dit qu’il n’y
avait pas de jardins potagers au nord de
la rivière; il y en a au contraire beaucoup;
au midi, on voit plus de vignes ou plutôt
des vignobles. Au nord , on trouve aussi
plus de quintas qu’au sud. Il n’y a , à
proprement parler , point de quintas dans
l’intérieur de la ville ; ce qui le paraît être
et ce que les étrangers nomment ainsi, sont
les grands jardins des couvens , entourés de
hautes murailles et appelés cercas. Ainsi
lisez , T. I y p» 262 , cercas au lieu de
quintas.
Les environs de Lisbonne sont très-fertiles.
La plus grande partie au nord est formée
par des collines calcaires ; des montagnes
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( * 7 3 ) •
calcaires , lorsqu’elles ne sont ni trop hautes
ni trop rocailleuses , surpassent en fertilité
les montagnes sablonneuses. Les collines de
basalte sont ornées d’une riche végétation»
J’ai fait mention , T. 1 , p. 234 , de la col-
line d’Alcantara , où nous trouvâmes quinze
espèces de trèfle commun , des prés , et sept
espèces de trèjle en cosse ( medicago ), ainsi
qu’un grand nombre de plantes rares et ma-
gnifiques. Cette colline, dont on peut faire
le tour dans quelques minutes , devrait êtr;
nommée le jardin de Dieu ( liortus Dei ) ,
comme on a coutume d’appeler un endroit
près de Montpellier , qui est connu , depuis
plus de 200 ans , de tous les botanistes. La
fertilité des collines , autour de Lisbonne ,
provient sans doute de la quantité de sources
et de ruisseaux dont elles sont arrosées; ces
eaux sont fournies en partie par les montagnes
de Cincha et. par' la Cabeça de Montachique .
Sans elles la disette d’eau serait fort grande
sous ce climat brûlant, parce que l’eau salée
du fleuve ne peut servir à l’atrosement des
végétaux.
Lorsque j’arrivai à Lisbonne , j’étais curieux
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• ( m)
d’observer le sol d’une ville qui éprouva de*
secousses aussi violentes que si elle eût été
située dans le voisinage de volcans consi-
dérables. Différentes relations , ainsi que l’as-
sertion verbale du célèbre Dolumieu , nous
apprirent que le basalte est très- fréquent aux
environs de Lisbonne ; et , quoique je ne croje
pas à l’origine volcanique de cette pierre, j’étais
cependant assez raisonnable pour faire coinci-
cer les tremblemens de terre avec le basalte et
les volcans. Mais je ne trouvai qu’une ^étrbi te
Isière basaltique qui , commençant à une
demi-lieue derrière Belem , se perd en partie
vers Quelus , continue sans interruption der-
rière Belem et la vallée d’Alcantara , vers les
hautes arcades de l’aqueduc , tourne de-là vers
Bemfica et Bel/as , et revient ainsi vers la
première branche. Le basalte ne paraît com-
munément former que des sommets élevés;
ici il se présente sous la forme de collines domi-
nées de toutes parts par des montagnes cal-
caires plus élevées. Il me parut donc que la
pierre calcaire recou vx'ait le basalte (chose fort
rare) , et je fus confirmé dans mon opinion ,
en examinant un endroit au bord du fleuve;
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( r 7 5 )
mais il est possible que cette pierre calcaire
soit tombée des collines plus élevées , et que
le basalte soit adossé aux côtés des montagnes
calcaires. La petite lisière de basalte quernous
remarquâmes au Cap Saint- Vincent , se
présentait de même. D’ailleurs nous n’avons
observé aucune trace de basalte et de véri-
tables volcans , et l’endroit de la ville où le
tremblemeut de terre a fait les plus grands
ravages , repose sur un fonds de pierres cal-
caires , comme je m’en suis convaincu par des
observations répétées. La cause du tremble-
ment de terre , quelle quelle soit , existe au
dessous de ces couches de pierres ; le Portugal
en offre la preuve. Ce pays renferme une
quantité de sources thermales , qui , selon
Vasconcellos , sont au nombre de deux
cents ; et , quoique cette évaluation soit trop
forte , on en rencontre plus ici que dans au-
cun autre pays de l’Europe de la même éten-
due. Ce qui est digne de remarque , c’est que
la plupart de ces sources et les plus chaudes
sortent du granit, qu’on doit regarder comme
composant les montagnes primitives. Nous
(
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( 176 )
savons que le granit forme généralement la
base de toute autre espèce de pierres ; elles le
recouvrent toutes, et on n’en a pas jusqu’à
présent rencontré au-dessous. Le foyer qui
échauffe ces sources réside donc dans le gra-
nit ou au-dessous de lui; de là sortent les
sources les plus chaudes , qui sont refroidies
plus elles passent par une autre espèce de
pierres. De là provient la chaleur modérée
des sources qui sortent des montagnes cal-
caires ou sablonneuses. Ce n’est pas une
observation rassurante pour les habitans de la
terre, que le foyér des sources thermales, des
volcans et des tremblemens de terre , soit si
profond ; car les explosions doivent produire
un effet violent et dévastateur.
On pourrait dire que le basalte est enlevé
par un feu volcanique , et que le Portugal
éprouverait moins de secousses , s’il avait des
montagnes de basalte plus étendues , qui
pussent donner *un libre cours au feu des
volcans. Il est vrai que l’Espagne a moins à
craindre les tremblemens de terre ; aussi n’y
trouve-t-on point de basalte. Cette hypothèse
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C *77 )
serait assez vraisemblable , si l’on pouvait
prouver que le basalte a pénétré d’autres
couches de pierre.
•Les environs de Lisbonne sont intéressans
pour l’art , par les arcades hardies qui sup-
portent le superbe aqueduc dans la vallée d’AI-
cantara : on les nomme os arcos das agoas
livres, ou vulgairement agoas livres. En dé-
terminant la hauteur et la largeur de la plus
grande arcade , j’ai suivi Vandelli dans les
Mem. da ^Lcad. real da Lis boa. Selon
M. Tilesius, la hauteur en est encore plus .
considérable; il l’estime de 263 pieds. Comme
je ne l’ai pas mesurée moi-même , je ne suis
pas en état d’en juger. La longueur de cet
aqueduc, là où il repose sur cette arcade pour
traverser la vallée, est environ de 2400 pieds. *
En sortant de cet aqueduc , l’eau tombe dans
un réservoir nommé 0 Rata , situé dans la
ville , près d’un^ couvent de religieuses. Le
marquis de Pombal établit ici une fabriqua
de soieries et de velours , et fit planter de
mûriers la place qui se trouve entre le bâti-
ment principal et les habitations des ouvriers;
c’est pourquoi on la nomme encore praça das
12
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J
C >78 )
Amoreiras ou as Amoreiras . Cette fabrique
n’existe plus .
L’eau est excellente à Lisbonne , quoiqu’elle
soit imprégnée d’un peu* d’acide carbonique.
Dans les grandes chaleurs elle conserve toute
sa fraîcheur dans des vases de terre, nommés
puçaros et non buçaros. Ces vases sent péné-
trés par l’eau qui s’évapore aux parois exté-
rieurs, et par -là rafraîchit toute la masse
d’eau. Il paraît que ce procédé est très-ancien ;
car dans beaucoup de pays chauds , comme
dans l’Orient et en Egypte , on se sert du
même moyen pour rafraîchir l’eau.
Pu haut de l’aqueduc on aperçoit une
petite plantation d’orangers , qui embaume
la vallée par ses douces exhalaisons. Cette
circonstance m’a fourni l’occasion de parler ,
T. I,p. 240 , du plus bel arbre que la nature
produis dans ces lieux. On ne voit pas
croître l’oranger , à Lisbonne , en plein champ
comme l’olivier ; les plantations d’orangers
ont une légère enceinte. J’ajouterai encore
qu’on ne greffe pas toujours les orangers ;
les meilleures oranges proviennent des arbres
qui ont été semés , et qui n’ont subi aucune
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( *79 )
opération pendant leur croissance. Mais, pour,
avoir plutôt des fruits , on plante des sauva-
geons , et on les greffe ensuite sur quelque
bonne espèce. Ces arbres greffés ne donnent
pas des fruits aussi bons que ceux qui n’ont
point subi cette opération, et ne durent pas
aussi long - temps. Dans les environs de
Coimbre , il y de nombreuses pépinières
d’orangers qui ont été semés. On expédie les
oranges non seulement au mois de février#
mais aussi en décembre , et on peut penser
combien ces oranges sont différentes de celles
que l’on cueille au mois de mai.
Il est reconnu que le climat de Lisbonne
est si agréable et si salutaire , que les Anglais
envoient en Portugal des personnes étiques,
pour rétablir leur santé. L’auteur des Lettres
de Costigan s’étonne que la peste ait pu faire
des ravages à Lisbonne, quoique l’air soit
aussi salubre; il croit que les immondices
entassées dans les rues en ont été la cause.
Mais il se trompe; selon le témoignage de
tous les médecins , la peste peut se propager
par la contagion, dans les lieux où l’air est le
plus pur. L’opinion d’un auteur moderne,
( *8o )
' Hippolito da Costa ( voyez Medical Repo-
sitory , New- York , vol. III , p. i ) , est bien
plus singulière : Quoique Lisbonne soit une
ville mal-propre, dit-il, elle est cependant
salubre, parce que ses édifices sont construits
en marbre et en pierre calcaire ; de l’autre
côté du fleuve , où les maisons sont bâties avec
du grès , les endroits les plus propres sont
mal-sains. Quelle assertion ! La cause de
l’insalubrité des lieux au-delà du fleuve et de
la salubrité de Lisbonne est cependant évi-
dente. Là , un pays plat , des marais et de
grandes plages au bord du fleuve , qui ,
lorsque les eaux se retirent, répandent une
odeur méphitique. L’expérience et des essais
ont prouvé que les marais exhalent un air
très - nuisible à la santé , et qu’un petit '
marécage dans un pays chaud suffit pour
rendre insalubre une grandeétendue de terres.
Je crois avoir observé que les maisons au-
delà du fleuve sont construites en pierre cal-
caire, car les bruyères ne fournissent point de
grès ; les montagnes qui renferment celte
pierre sont très -éloignées, et les montagnes
calcaires sont voisines. Je n’aurais pas fait
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( i8i )
mention d’une assertion aussi erronée, si Da
Costa n’était pas un auteur moderne , et de
plus un Portugais , qui doit bien connaître
son pays. » . . -
L’été de 1797 était d’une chaleur excessive,
A Lisbonne on m’a assuré que le thermomètre
de Réaumur a été , pendant quelques jours,
à 28 degrés. Gomme dans cette année nous net
fûmes de retour des provinces septentrionales
que vers l’automne , nous ne pûmes faire au-
cune observation sur la plus grande chaleur
à Lisbonne. Il arriva souvent qu’au commenr
cernent de septembre la chaleur était % danp
l’après-midi, à 25 degrés, de Réaumur. AÙ
reste on peut rapporter au Portugal tout ce
que l’on dit des pays chauds ; la chaleur
moyenne est de 20 à 23 degrés , rarement de
25 ; il est même extraordinaire de la voir
i
surpasser ce degré. Dans nos pays septentrio-
naux la chaleur est souvent aussi forte et
même plus grande (dans l’été 1802, elle
monta à Rostock à 27 degrés ) ; mais elle ne
reste à ce point que pendant quelques jours »
parce que quelque orage la fait bientôt dimi-
nuer et redescendre le thermomètre le lende-
ia.s
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( i8a )
main à 12 , 10 et même 8 degrés. ïl n’ën est
pas ainsi du Portugal : le ciel est toujours pur;
aucun orage ne fait varier la chaleur de 1 at-
mosphère, et pendant six semaines à deux
mois il régnera continuellement une chaleur
qui surpassera vingt degres. Il ne faut cepen-
dant pas s’imaginer qu’elle soit aussi insup-
portable que chez nous ; la pureté du ciel la
rend agréable , et dans nos contrées septen-
trionales la chaleur devient incommode à
l’approche d’un orage. Je ne me suis jamais
mieux porté que dans les chaleurs excessives
des mois d’août et de septembre 1797, en
Portugal. Les vents de mer tempèrent au
teste la chaleur en Portugal , sur-tout à Lis-
bonne, à O-Porto et sur les côtes; j’avouerai
Jnême qu’ils me furent d’abord fort incom-
modes. Ils rafraîchissent trop; car , en donnant
sür un corps couvert de sueur, ils contri-
buent à l’évaporation de cette humidité , et
augmentent la fraîcheur. C’est par cette raison
que le Portugais se sert de son manteau eu
été. Dans l’intérieur du pays, où les vents de
mer ne peuvent atteindre , la chaleur est beau-
coup plus forte que sur les côtes. Le Portugais
*
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( *83 )
dit, il fait calme (faz calma), lorsque nous
dirions, il fait très-chaud.
. On se garantit aisément de la chaleur ; il
faut pour cet effet fermer les maisons , pour
que les rayons du soleil ne puissent pénétrer
dans l’intérieur desappartemens. Les Romains,
les Grecs , les Maures, les Italiens , les Espagnols
etlesPortugais,enun mot tous les peuples qui
habitent la zone torride, bâtirent des villes
garnies de rues étroites, où le soleil ne pou-
vait pénétrer; les habitans des pays septen-
trionaux les imitèrent , sans cependant avoir
les mêmes raisons. Dans le nord on a élargi
de nos joürs lês rues , et les habitans des
contrées méridionales imitent maintenant les
septentrionaux , peut-être aussi mal-à-propos
qu’autrefois ceux-ci. C’est donc à tort que l’on
blâme les maisons élevées et les rues étroites
des villes du midi; il serait également injustb
de blâmer le défaut d’ombre autour des mai-
sons , sur - tout autour des maisons de cam-
pagne , et d’attribuer à la paresse des habitans
leur peu de soin de planter des arbres. Une
trop grande quantité d’arbres , et priûéipâlé-
ment des forêts , interceptent Jè courant d’air
13 ,.»
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( > 8 4 )
et rendent la chaleur insupportable. Dans les
charmantes vallées du Minho , il fait souvent
line chaleur étouffante ; on ne pourrait même
pas y résister, si l’on ne trouvait par-tout des
sources qui humectent le sol et qui répandent
de la fraîcheur. Pour s’en convaincre , on n’a
qu’à visiter une épaisse forêt pendant les
grandes chaleurs.
Le midi du Portugal a , à proprement par-
ler, deux printemps. La campagne brûlée est
recouverte de fleurs après les premières pluies.
Alors on voit paraître les belles plantes dont
j’ai parlé dans le premier volume > et qui sont
connues de tous les botanistes. L’une a été
décrite par Ramond , qui en a formé un nou-
veau genre nommé merenâera bulboco di vi-
de s ÿ l’autre n’a point encore été décrite; nous
l’avons appelée colchicum fritillatum. Le
Safran d’automne n’est point le crocus sati-
ru^dont nous avons parlé T. I,p. 245 , mais
le crocus nodiflorus déterminé par Smith .
Ensuite arrivent les pluies de novembre et de
décembre, qui produisent de nouvelles fleurs,
par exemple, la renoncule, la jolie cochlea-
riu acaulis (Desfont.) et autres. Le mois
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. ( i85 )
de janvier est plus serein et plus froid , mais
on dit que février l’est encore plus. Ce fut le 14
février 1781 ou 1782 qu’il tomba de la neige
à Lisbonne, événement qui jeta l’épouvante
parmi les habitans. Je ne trouvai pas le com-
mencement de mars 1797 aussi chaud que
je l’avais présumé ; il fit pendant quelques
jours un froid très -vif. Le brâsier, brasero
des Espagnols, brazeiro des Portugais, est le
moyen ordinaire de se chauffer dans les bonnes
maisons. C’est cependant au mois de février
que les belles fleurs printanières ornent les
coteaux de Lisbonne , et où les formes bisarres
des diverses espèces d 'ophrys qui paraissent
indigènes en Portugal, excitent un étonnement
que les anciens botanistes ont déjà exprimé.
C’est ainsi que passe le mois de mars , jusqu’à
ce qu’en avril la belle et riche végétation paraît
dans toute sa splendeur. Dès le mois de mai
disparaissent les belles fleurs printanières ;
d’autres fleurissent en juin. Il n’y- a que les
plantes épineuses qui montrent encore des
fleurs en juillet et août , pendant que le pays
paraît brûl^ et que leurs feuilles sont des-
féçhées. . , • , ’
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( i86 )
Des observations exactes sur le passage des
oiseaux dans ces contrées seraient intéressantes
pour l’histoire naturelle ; je désirerais que des
amatçurs de l’ornithologie s’y livrassent en
Portugal. Nos voyages dans ce pays nou9
empêchèrent d’étudier cet objet dans les lieux
où nous aurions dû le faire. Je ne citerai ici
que quelques observations. Les rossignols ne
paraissent pa6 plutôt ici qu'en Allemagne ; je
me rappelle de ne les avoir vus que dans les
premiers jours d’avril. On voyait les cicognes
au contraire , non seulement plutôt qu’ed
Allemagne , mais même dans les environs de
Lisbonne, au mois de novembre. Ne pourrait-
on pas conclure de là que les premiers se
dirigent vers le sud-est, et ceux-ci vers le
sud -ouest ?.
Un printemps pluvieux annonce en Portu-
gal une abondante récolte; un printemps sec
est très-nuisible. Le bled ordinaire , au nord
du fleuve ,• est le froment , au midi le maïs ;
on ne se sert , dans le midi du Portugal , du
seigle que pour la nourriture des bestiaux. On
cultive peu d’orge et point d’avoine , parce
qu’on prétend qu’elle est nuisible aux ohevaux
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( i8 7.)
de ces contrées. Dans le raidi du Portugal le
bled est en général foulé par des bœufs ou des
chevaux; l’on se sert, pour cet effet, d’aires
( eiras ) bien battues ou bien pavées. On fait
usage de la houe dans les terres légères, et
d’une charrue très - pesante dans les terres
fortes. Les charrettes dont j’ai fait mention
T. 1 ,p. a5i , sont les mêmes que celles dont
on se sert en Afrique et dans l’Orient. Les
roues ne sont pas faites d’un seul morceau ,
mais de différentes pièces grossièrement rap- '
portées ; ce qui est fort extraordinaire , c’est
qu’elles tournent avec l’essieu. Plusieurs Por-
tugais m'ont dit que le bruit qu’occasionnent
ces roues non graissées , sert à exciter les
bœufs ; d’autres , qu’il éloigne les animaux
féroces , et qu’on l’entend de loin dans les .
gorges des montagnes. Cette dernière raison
est la plus probable. Au reste je ne crois pas
qu’on Jeur fasse faire ce bruit exprès; c’est
plutôt l’effet de leur construction, de la pa-
resse , du défaut de matières grasses , etc. Le
conducteur précède les bœufs , parce qu’il y
est obligé par une loi positive à Lisbonne, et
le bâtpn dont il se sert a une longueur déter-
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C 188)
minée par la même loi, qui l’empêche d’at-
teindre facilement les boeufs attelés à la
charrette. Il faut donc qu’il la conduise de
près, pour pouvçit prévenir plus facilement
tout accident.
Pour ce qui concerne les alimens, j’obser-
verai que l’on commence à cultiver la pomme
de terre, et qu’on la vend au bas-peuplesur les
marchés. Les confitures ( doce ) sont faites non
aveal’espèce longue des citrouilles, mais avec .
celléqui est ronde ; on s’ea sert dans les soupes.
Dans le pays on trouve cependant du lait, et
dans les montagnes du lait de vaches. Parmi
les poissons les Portugais mangent le plus
souvent la sardine. La sole commune,
ronectes linguatula , n’est pas aussi bonne
que le pleuronectes solen ; l’alose ( clupea
alosa ) serait fort délicate , si elle n’était pas
pourvue d’une quantité d’arêtes très-fines ; la
petite espada ( peixa espada ) n’est pas le
meilleur poisson. A la fin de l’alinéa de la
page 258 , T, I , où l’on parle de frigidieiras ,
on pourrait confondre ces femmes avec celles
qui cueillent les châtaignes; mais elles sont
très-difîërente$. •• * . ; t :,•>'*
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3 .* Police de Lisbonne. Divertis sèmens des
habitons de cette ville. Etablissemens
m
publics.
Quoique le peuple paye annuellement 80,000
crusades pour le balayage des rues et pour être
éclairé, Lisbonne était cependant, sous l’inspec-
teur Diogo- Ignacio de Pina Monique , une
des villes les plus mal- propres de l’Europe.
Elle n’était point éclairée; des brigands et des
assassins la rendaient peu sûre pendant la
nuit. Les temps les plus dangereux sont les
journées d’hiver, l’époque du paiement des
loyers , de la presse des matelots, les jours de
fêtes et les dimanches. J’ai dit, T. I ,p. 263,
qu'un homme fut assassiné en plein jour, dans
une procession; un motif de jalousie fit com-
mettre cet assassinat. On ne sévit pas avec
assez de rigueur contre les criminels et sur-
tout les bandits ; le peuple est même porté
à excuser un meurtre causé par vengeance ou
par jalousie; il le regarde comme un moyen
d’avoir satisfaction ; et, lorsque l’assassin est
poursuivi, il le plaint et même le prend sous
«
( *9° )
sa protection. Il est vrai que la peine de mort
n’est point abolie , mais elle est cependant
peu commune. La grande modération de la
reine a sans doute beaucoup contribué à cor-
rompre cette nation , qui ordinairement est
douée d’un bon caractère. C’est un malheur ,
dans beaucoup d’états , que le successeur à la
couronne veuille réparer les sottises de son
prédécesseur par d’autres fautes. La sévérité
de Pombal a révolté une grande partie de la
nation , sur-tout la noblesse ; la reine ne put
considérer qu’avec peine sa manière de se
conduire. Elle tomba dans le défaut opposé ;
elle accorda la grâce sans distinction aux
coupables comme aux innocens. On pouvait
s’attendre qu’un grand nombre de personnes
mal intentionnées profiteraient de cette modé-
ration pour obtenir, pour eux et leurs amis,
le pardon de leurs crimes; les Lettres de
Costigan sont remplis d’exemples pareils,
et on ne peut malheureusement disconvenir
que la plupart de ses histoires ne soient vraies.
Les choses ont bien changé depuis ce temps;
le prince de Brésil s’est fait déclarer régent du
royaume; il a renvoyé le ministre de l'inté-
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( I 9 I )
rieur, José de Ceabra da Silva , qui a été
remplacé provisoirement par le sieur Monique.
D. Rodrigo de Sousa Continho , ci - devant
ministre de la marine et maintenant ministre
des finances, homme très-aetif , fut nommé
ministre de l’intérieur. Il a fait éclairer la
ville comme elle était autrefois ; il a eu soin
de faire nettoyer les rues et de veiller à leur
sûreté pendant la nuit; en un mot , Lis-
bonne n’est plus reconnaissable. Puisse ce
digne homme, dont le zèle pour le bien de
son pays est connu de tous les Portugais im-
partiaux , rester long-temps dans son emploi !
^Ce que j’ai dit T. I. , p. 264, des nègres à
Lisbonne , n’est pas constaté. Un homme qui
connaît bien le pays, a nié qu’une grande
partie des nègres fussent des brigands. Les
nègres sont libres, non après sept ans de ser-
vice, mais à leur arrivée dans le port , en
vertu d’une loi du 19 septembre 1761. On
s’est vu obligé , pour engager les proprié-
taires d’un trop grand nombre de nègres au
Brésil, de les faire servir comme matelots sur
les vaisseaux, de leur assurer, par une loi de
1800, leur droit de propriété dans ce cas.
C )
avec la condition que le maître s'entende
avec son esclave, pour le partage de la solde.
J’ajouterai encore qu’il y a au Brésil des ré-
gimens complets, de nègres libres qui se sont
rachetés, ou qui ont été affranchis. Ancien-
nement on avait déjà donné la liberté à plu-
sieurs familles nègres qui avaient contribué à
chasser les Hollandais de ce pays. Selon. le
témoignage de tous ceux qui connaissent bien
les colonies des Européens dans les autres
parties du monde , les nègres sont en général
bien traités dans les colonies portugaises : les
Espagnols et les Portugais méritent la préfé-
rence à cet égard sur les nations qui
croient plus policées , les Français, les Anglais
et les Hollandais.
Tous les auteurs qui ont décrit Lisbonne,
parlent des mendians qu’on y rencontre en
foule dans les rues. Ce tableau n’a rien d’exa-
géré; leur aspect, leurs cris, et les exclama-
tions qu’ils répètent continuellement, sont in-
supportables pour un étranger; peu-à-peu on
s’y habitue. Leurs cris "sont souvent très-
plaisans ; j’ai parlé, T. I. . p. 266 , d’un
mendiant, dans la Caîcada d'Estrella , qui
C 193 )
demandait du tabac en poudre pour les âmes.
Le mendiant n’entend point demander le tabac
pour les âmes, mais de l’argent pour en ache-
ter, ou plutôt la pièce pour le tabac; car
c’est ainsi que les gens du peuple demandent
le pour-boire. Ajoutez à cette mendicité in-
dividuelle celle des couvents , dont j’ai fourni
un exemple , en parlant de la vente du raisin;
elle mérite cependant des détails plus exacts.
Depuis le 2 novembre, c’est-à-dire, depuis
le jour des morts , les confréries qui men-
dient pour le salut des âmes du purgatoire ,
ont la permission de demander l’aumône
dans les rues de chaque paroisse , autour
des églises et des chapelles. Le peuple dévot,
accoutumé à cette momerie , donne ce qui
est en sdn pouvoir. C’est ainsi que les
paysannes , dans le temps qu’elles apportent
du raisin à la ville , et qu’elles n’en ont
point encore vendu , donnent de ce fruit ;
d’autres offrent des oranges , d’autres un
pigeon ou un poulet ; et jusqu’aux mar-
chands de colifichets, qui vont de village en
village , donnent une poupée ou des joujoux.
Vers midi, lorsque le beau monde est aux
i3
( r 94 )
croisées , les procureurs des âmes vendent ces
denre'es aux plus offrants , et la rivalité de
deux voisines donne souvent lieu à ce que ces
bagatelles se vendent bien au-dessus de leur
valeur. C’est alors qu’on entend crier dans les
rues : raisin des âmes , quatre pour un vin-
tems , etc.
Un des traits caractéristiques qui distin-
guent les Portugais des Allemands et des
autres nations , c’est que l’argent pour le
tabac est chez eux ce que pour nous est le
pour-boire. Le tabac en poudre y tient lieu
du tabac à fumer et de l’eau-de-vie des peuples
septentrionaux. L’homme ne se contente pas
uniquement de la nourriture; il exige d’autres
moyens pour émouvoir ses sens, et ceux-ci
diffèrent selon ses divers besoins. Dans les
*
pays du nord , où le froid affaiblit le corps,
il faut que le moyeu irritatif soit plus violent;
il est obligé de remplacer le défaut de chaleur
naturelle par une, chaleur factice. Il choisit
l’eau-de-vie et d’autres liqueurs fortes, dont
l’usage répété' lui en. fait contracter l’habitude.
Dans les pays chauds au contraire , où la
beauté du climat fortifie et ranime le corps,
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•t
C >95 )
on sent moins le besoin de moyens irritatifs
violens; on en choisit donc de plus doux , et le
tabac en poudre est un de ces moyens. L’habi-
tude en a bientôt fait un besoin , et des
personnes qui prennent beaucoup de tabac eu
poudre m’ont assuré qu’il n’est pas extraordi-
naire en Portugal qu’une femme qui depuis
long-temps n’a pris de tabac, dise : Je suis au
désespoir , estou desperada. T. I , p. 267.
On fume rarement du tabac; je ne me
rappelle pas d’avoir vu une pipe , et je crois
qu’il n’y a pas de nom en portugais pour la
désigner; mais les cigarres sont devenues
très-communes , même parmi les personnes
de distinction, et probablement que l’exemple
des Anglais a contribué à mettre cet usage à
la mode.
L’habillement du bas -peuple en Portugal
consiste en un gilet d’une couleur vive ,
rouge, jaune, vert; une veste, et par-dessus
un manteau ( capote ) ; les manches pendantes
à ce manteau sont une imitation de costumes
étrangers ; mais ce qui leur est particulier ,
c’est le grand capuchon attaché au collet ,
et qu’on nomme salé . De là dérive le mot
v ' i3.
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( r 9 6 )
Salvio , dénomination que l’on applique aux
paysans qui habitent le voisinage des grandes
villes, quoique le costume soit le même
dans tout le royaume; on prétend qu’il pro-
vient des Maures de Salé, . Les femmes por-
tent un bonnet pointu , mais ce sont ordinai-
rement les Salvias. Le filet espagnol ( rede-
cilla) qui couvre les cheveux, se nomme en
portugais coejfa ; le voile espagnol est main-
tenant assez commun. Le costume des femmes
portugaises ressemble beaucoup à celui de
quelques villes impériales , par les grands
manteaux ( manta ) qu’elles portent ; ce man-
teau consiste en un grand capuchon de taffetas
moir attaché à la ceinture , dont un bout , qui
chez les personnes de distinction est garni de
dentelles , couvre la tête ( ces dentelles cou-
vrent une partie du visage , et tiennent lieu
4e voile ) ; l’autre bout retombe sur les jupons.
J’ai fait mention de cette manta en parlant
de Coimbre; mais comme je n’avais vu que
des femmes du peuple dans ce costume, je
je n’avais pas remarqué les dentelles dont
elle est garnie. On s’en sert aussi dans les
autres villes du royaume, quoique moins
I
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(197 )
fréquemment. Le mouchoir en marmotte;
dont un bout pend par derrière, et sous le-
quel plusieurs femmes portugaises portent la
coeffa , n’est qu’un bout de voile, et elles
savent si bien l’arranger , qu’il en tient lieu ;
il est sur-tout en usage à Lisbonne. Des con-
naisseurs prétendent qu’il y a une espèce de
coquetterie dans la manière de porter ce
mouchoir ; qu’il allonge des figures trop
larges , qu’il couvre les joues creuses , et ne
fait apercevoir que de beaux yeux et un nez
bien fait. ,
Murphy y dont j’ai blâmé les assertions
T. I , p, 269, est un des meilleurs auteurs
du Portugal , quoiqu’il ait le défaut d’étendre ,
des observations particulières sur toute une
nation; mais ce défaut est si ordinaire, parce
que des observations partielles font porter des
jugemens généraux, que l’on doit l’excuser %
Les domestiques en Portugal jouent beau-
coup; mais Murphy s’énonce singulièrement,
en disant que les valets jouent aux cartes dans
l’antichambre de leurs maîtres. En général le
bas-peuple , à Lisbonne et dans les environs,
est adonné au jeu; je ne l’ai pas observé aussi
i3..
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( * 9 8 )
souvent dans d’autres parties du royaume. En
entrant un jour de fête ou un dimanche dans
une auberge de village, je trouvai dès le matin
les paysans assis autour d’une table , occupés
à jouer aux cartes. Murphy dit ensuite que
les perruquiers portent le dimanche l’épée au
côté et le chapeau sous le bras, c’est-à-dire,
que les coiffeurs les portent plus souvent à
Lisbonne , et se conforment plus à la mode
que dans aucune autre grande ville. Autrefois
ils portaient l’épée, et le chapeau sous le bras;
maintenant ils paraissent vêtus de fracs comme
les jftdalgos. On dit mal-à-propos que les Por-
tugais cèdent la droite à un étranger par
politesse ; ils font au contraire marcher les
étrangers là où le chemin est le meilleur et
le plus propre , et s’inquiètent fort peu de la
droite ou de la gauche. Ces observations sur
les voyages de Murphy ne doivent point au
reste diminuer le degré d’estime que mérite
cet auteur.
J’ai parlé, T. I , p. 271 , avec éloge du
bas-peuple en Portugal , parce qu’il ne mêle
à ses discours aucun jurement , aucun terme
indécent : je ne veux pas dire par- là que la
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C '99 )
langue manque de telles expressions ; la basse
classe du peuple en fait en certain cas un
usage aussi fréquent que dans d’autres pays.
Mais si dans d’autres pays on entend ces
expressions dans les rues , il faut du moins en
Portqgal entrer dans les tripots les plus ordu-
riers pour s’instruire de cette partie de la
langue.
J’ai fait mention, T. I ,p. 275 , d’une dame
de distinction , à Galdas dans le Gerez , qui,
assise devant sa porte, avait mis sa tête dans
le giron de sa femme-de-chambre, pour se
faire débarrasser de sa vermine; les Portugais
m’ont objecté que leurs femmes n’avaient
point de vermine , mais trouvaient un certain
plaisir à se faire gratter la tête. Cela est pos-
sible , car je n’ai pas pris des informations
exactes sur cet objet. Il est au reste dans«le
caractère des habitans de ces belles contrées
de se procurer un pareil moyen d’irritation.
Si les femmes, à cause de cette douce sen-
sation , ne savent pas assez ménager les
apparences, je leur en fais ici mes excuses
publiquement.
J’ajouterai encore quelques mots sur les
ii. . »
Digitfzed by Google
;
( 200 )
divertissemens de Lisbonne. Ôn doit compter
parmi les réjouissances publiques , dans les
jours de marchés , ou à l’occasion des fêtes
populaires , la seguedilla ou tiranna , qui ,
considérée comme danse , n’est pas aussi re-
cherchée que le fandango , mais qui pn gé-
néral lui est supérieure ; car , dans la segue-
dilla , le chant et la danse sont réunis à une
pantomime qui amuse beaucoup les étrangers,
quoique les différens mouvemens paraissent
peu gracieux et même gênés. Les danses du
peuple espagnol sont au reste plus volup-
tueuses que celles des Allemands, des Fran-
çais et des Anglais; mais il ne faut pas l’attri-
buer à la chaleur du climat. Le peuple russe
qui habite sous le 6o. e degré de latitude nord ,
danse avec grâce et agrément.
# Le Long Room est un établissement, à
Lisbonne , qui est uniquement soutenu par
le6 étrangers et par souscription. Les direc-
teurs actuels de cet établissement son!; les
’ * souscripteurs qui ont donné les premiers
leur argent sur des actions , et qui ont sti-
pulé entr’eux les règlemens. Ils ont soin de
les faire observer , et chacun des souscripteurs
Diaitize<
✓
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( 201 )
est obligé de promettre de se soumettre en
tout aux statuts de cette association. Les Por-
tugais , même les plus distingués , ne sont
point admis au nombre des souscripteurs ;
chaque directeur a cependant un certain
nombre de billets à distribuer, qu’il donne
à des Portugais. Dans les fêtes particulières,
par exemple , à l’occasion du bal pour le jour
de la naissance du prince, etc., les membres
des principales administrations , ainsi que les
négocians portugais les plus distingués, sont
invités. Chaque étranger qui se fait intro-
duire par un des souscripteurs , peut fré-
quenter la société pendant un mois; à cette
époque , on lui présente le livre des souscrip-
tions ; et lorsqu’il veutcontinuer de fréquenter
la société, il est obligé de souscrire au moins
pour six mois. La souscription , pour toute
l’année, est de 32,ooo reis (environ 260 fr. ).
Les ambassadeurs étrangers ne peuvent pas
être admis au nombre des souscripteurs ,
mais ils sont invités aux bals. L’exclusion
des Portugais a eu lieu par ordre du gou-
vernement.
Il y a quelques bonnes auberges à Lis-
Digitized by Google
( 202 )
bonne. La principale était tenue par un Anglais
nommé Williams. Elle est bien supérieure
à la première auberge de Madrid, la Croix
de Malte , soit par l’élégance , soit par la
propreté et le service. Parmi les auberges
du second rang , on doit compter celle de
M. r Pulnois , située dans la Calçada de
Estrella. M. me Mon tan , qui est allemande,
en tient une plus mauvaise dans le centre
de la ville , où se rendent ordinairement
les capitaines de vaisseaux allemands ; elle a
été distinguée, quoique mal-à-propos , dans
différens voyages. Je dois recommander l’au-
berge de M. Pulnois à chaque étranger qui
aime la tranquillité et la propreté; car on
trouve bien celle-ci , mais non la première
dans les auberges du premier rang. Chaque
étranger qui veut visiter Lisbonne , doit bien
considérer que tout est fort cher en Portugal
et sur-tout à Lisbonne. Le dîner coûte huit
è.
tostoes (neuf fr. ) pour une personne ; et,
quoiqu’il soit bon, il n’est cependant guère
meilleur que chez nous pour la moitié de ce
prix. Il est vrai que le vin y est compris ;
il consiste ordinairement en vin de Colares ,
Qigitized by Google
J
( 2.3 )
qui est fort bon. Il y a des traiteurs portu-
gais dans toutes les rues , mais on ne peut
les recommander qu’à ceux qui savent se
contenter de peu de chose. J’ai déjà dit que
les cafés sont, à quelques exceptions près,
fort mauvais ; il y en a un grand nombre. *
On les reconnaît , parce qu’ils portent le
nom de caza de café , ou loja de café , de
bebeidas (loja signifie boutique ouverte).
On y trouve , outre du café et du chocolat ,
toutes sortes de rafraîchissemens. J’ai trouvé
»
du punch dans les meilleurs cafés; il est bien
fait et peu cher. On se sert ordinairement du
sirop de capillaire comme rafraîchissement.
L’opéra à Lisbonne possédait, en 1798, des
chanteurs tellement célèbres , qu’il pouvait
rivaliser avec celui de toute autre capitale. Il
- était soutenu par la cour et les grands ; les
principaux chanteurs reçoivent de riches
présens , mais la cour ne leur donne pas
d’appointemens fixes. La salle de l’opéra se
nomme teatro de S. Carlos. Il y a en outre
deux théâtres portugais à Lisbonne (et non
un seul , comme je l’ai marqué T. /, page
280 ) , teatro do Salitre et na Hua dos
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( 204 )
Condes. Ce dernier était ferme', lorsque je
me trouvai à Lisbonne; c’est pourquoi je
n’en ai point parlé. J’ai fait mention d’une
comédie intitulée o jinno 1798, qui excita
toute mon attention. Elle a quelque ressem-
blance avec le drame anglais the PVestindian,
quoiqu’au reste elle soit originale. C’est un
tableau fidèle des indécences et des escroque-
ries que l’on commet dans les différentes so-
ciétés portugaises. Elle a fait un tel éclat , que
je doute qu’on la représente dorénavant. Une
pièce intitulée o Duque de Burgogne , qui
a été représentée il y a quelques années , et
qui offrait une peinture des abus de l’autorité
et des injustices des gouverneurs dans les
provinces et les colonies, eut le même sort;
après trois représentations , on la défendit ,
parce que des gentilshommes , qui avaient
occupé des places de gouverneurs au Brésil,
n’eurent pas honte de s’en plaindre et de dire
qu’on les représentait.
Au reste, ce qui contribue maintenant à
l’agrément des spectacles à Lisbonne , c’est
que les femmes ont la permission d’y pa.-
raître. Les rôles de jeunes bergères ne sont
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( 2o5 )
plus remplis par des personnages qui ont de
la barbe, et qui parlent entre les dents pour
adoucir leur voix. Les graziosos , ou arle-
quins de la scène portugaise, sont toujours les
valets et les vieillards. Les petites pièces sont
farces ; les say nettes des Espagnols sont
préférables à ceux des Portugais. On repré-
sente souvent des pièces traduites de Molière,
qui ont beaucoup de succès.
A l’occasion des combats de taureaux ,
j’observerai que la place n’est point quarrée ,
mais octogone, et que ce n’est pas toujours
le corregedor qui en a la surveillance, mais
parfois le saint ou la Vierge Marie , lorsque
le combat a lieu le jour de leur fête. Ceux-ci
sont considérés comme présidant la solemnité,
et sont salués en conséquence.
Celui qui veut se convaincre que les exei*-
cices de religion forment un des principaux
divertissemens des Portugais , et sur-tout des
femmes , doit visiter Lisbonne pendant la
semaine-sainte. A cette époque et surtout le
jeudi-saint , on visite toutes les églises comme
on le fait dans d’autres pays ; mais les femmes
portugaises , qui mènent en général une vie
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( 2o6 )
très-retirée, profitent de cette circonstance.
C’est alors que Ton peut voir combien les ce'ré-
monies de la religion animent ce peuple , et
influent sur la gaîté de son caractère. L’exer-
cice de ses devoirs religieux est un plaisir pour
le Portugais; il suit exactement les préceptes de
sa religion; il est dévot, sans être fanatique.
J’en ai cité plusieurs exemples, T. 1 , p. 287
et 288. La nation a toujours été de même ,
quoique des ministres et des rois aient été
aussi fanatiques que les Espagnols ; quoique
le roi D. Juan V accompagnât au bûcher
les malheureuses victimes de l’inquisition ,
et dinât , le jour d’un auto-Aa-fé , dans un
appartement d’où il pouvait entendre les ju-
gemens de l’inquisition. Ce que Tombal fit
contre le clergé , aucun ministre n’aurait osé
l’entreprendre en Espagne. L’inquisition n’a
jamais été en Portugal ce qu’elle était en
Espagne ; elle n’a jamais été aussi zélée ni
aussi cruelle que cette derniere. Elle n’etait
que le fléau des nouveaux Chrétiens ou
Juifs convertis qu’elle cherchait à retenir dans
le pays , pour avoir un objet sur lequel elle
put exercer sa puissance. Elle était fort tolé-
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( 20 7 )
rante envers les anciens Chrétiens ; on avait
même fait une loi qui portait qu’un nouveau
Chrétien , lorsqu’il tombait entre les mains de
l’inquisition , ne pouvait témoigner contre un
ancien sans encourir une punition. Au reste,
il est certain qu'un grand nombre de ces
nouveaux Chrétiens ou descendans des Juifs,
qui restèrent dans le pays lors de leur expul-
sion , et adoptèrent la religion chrétienne ,
élaientde véritables Juifs. Tout cela n’excuse
pas , il est vrai , les injustices de l’inquisition;
mais il y a cependant une grande différence
lorsque toute une nation tremble devant un
tribunal , ou lorsque ce n’est qu’une classe
du peuple qui le fait. Pombal fit cesser les
différends entre les anciens et les nouveaux
Chrétiens , mais il ne put empêcher que le
peuple ne distinguât toujours le frère nou-
veau ( irmao novo ) de l’ancien Chrétien.
Aujourd’hui l’inquisition n’est plus redou-
table ; les ecclésiastiques et les auteurs y
doivent cependant faire attention, quoiqu’elle
n’ait aucun droit sur ceux-ci , en cette qua-
lité.
Les pères de l’Oratoire ( appelés par déri-
f
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C 208 )
.«ion Manugrecos ) , sont les plus acharnés
à poursuivre les hérétiques. On ne peut ce-
pendant faire ce reproche qu’à quelques an-
ciens membres de l’ordre, qui se sont éloignés
des autres dans le collège das Necessidad.es,
et qui habitent le grand chapitre du royaume,
nommé de Spiritu-Sanio , situé au centre
de la ville , sur le Chiado. Parmi ces pères ,
il y en a plusieurs qui sont très-éclairés , f mais
qui vivent dans la retraite. Le confeseur de
la reine est , à la vérité , de cette congrégation,
mais il ne se nomme pas Francisco Gomes , •
comme nous l’avons dit , T. I , p. 290 (1) ;
( 1 ) C’est ainsi que se nomme l’évêque actuel des Algarves;
un défaut de mémoire m’a fait confondre son nom. Rien de
plus facile pour un voyageur en Espagne et en Portugal ,
que de confondre les noms. En société , on nomme les per-
sonnes par leur titre ou leur prénom , par exemple : Senhor
Antonio , Don José , etc. Il y a souvent une telle quantité
de noms propres, qu’on a de la peine -à les retenir, et qu’il
faut connaître la famille pour trouver le nom principal.
J’ai parlé souvent à des Portugais , dont je n’ai su le nom
que par l’almanach royal. Lorsque nous nous rendîmes à
Leiritt, le comte de H reçut une lettre de recomman-
dation adressée à Donna Maria , sans autre nom. L’hôte
auquel nous demandâmes conseil, choisit trois personnes du
même nom , et nous fûmes assez heureux de rencontrer celle
à qui la lettre était adressée.
v
. < )
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1 ' »
C 209 ) :
mais D. José-Maria de Mcllo; il a été évêque
des Algarves. Maintenant il n’en porte que
le titre ; il est grand inquisiteur. Il est connu
comme un homme très-dévôt , qui , par le
peu de connaissances qu’il a des hommes , a
beaucoup contribué à déranger l’esprit de la
reine. II est redevable de sa place de con-
fesseur à sa famille , qui est une des pre-
mières du royaume ; à son alliance avec la
plus haute noblesse , et sur-tout à la ci-devant
favorite de la reine, l’abbesse des religieuses
carmélites , dans le nouveau couvent.
m
J’observerai encore que la permission de
travailler les jours de fêtes, ne peut s’acheter
d’aucune manière en Portugal ; le Portugais
travaille plutôt les dimanches que les jours
de fêtes. Son raisonnement , d’après les pré-
jugés généraux , c’est qu’un dimanche revient
cinquante-deux fois chaque année , et que
Dieu est plus indulgent que les saints, qui
n’ont qu’un jour de fête chaque année. On
accorde des dispenses pour des jours de fêtes ,
mais on ne les fait point payer.
Comme je parlerai en détail , à une autre
©ccasion , de la littérature des Portugais et
4
Digitized by Google
( 210 )
de l’état des sciences dans ce pa^s , je me
contente d’ajouter ici quelques additions , et
de rectifier des erreurs commises dans le
T. J. Il n’est pas facile d’engager un libraire,
en Portugal , à publier un ouvrage relatif
aux sciences, parce qu’il ne pourrait en dé-
biter tout au plus que deux cents exemplaires.
Le nombre des amateurs est trop petit ,et on
est trop accoutumé à puiser ses connaissances
dans des ouvrages étrangers; de sorte que des
hommes médiocrement instruits ne regardent
même pas les traductions portugaises (qui
d’ailleurs sont souvent fort négligées), lors-
qu’ils peuvent se procurer l’original. Au reste
l’étude des langues étrangères s’accroît tous
les jours , et les Portugais apprennent non
seulement le français, mais même la langue
anglaise. Depuis quelque temps , la cour a
fait imprimer à ses frais, par la médiation
du ministre D. Rodrigo de Sousa CoUténho ,
quelques livres de science , et a donné la
moitié des exemplaires aux auteurs, comme
gratification. Autrefois , cela n’avait lieu que
pour quelques petits écrits dédiés aux princes ,
ou aux princesses; par exemple, un livre
■ ' f*
t
*
' - Digitoed üyGoOfile
( 211 )
d’équitation, dont les gravures ont été faites
à Paris; des élémens de mathématiques et de
fortifications à l’usage des élèves de Pécole
militaire, etc. Les libraires commencent main-
/ ^nant à se charger des commissions pour
l’étranger. Le libraire ne peut vendre les
livres nouveaux qu’au prix indiqué sur le
titre de l’ouvrage; il a quelque bénéfice sur
la reliure. Les livres rares et anciens ne sont
soumis à aucun prix fixe, et sont par consé- '
quent bien plus chers.
J’ai mentionné, T. I. er , page 294, qUe
le célèbre Kaestner est en tête de la liste des
membres correspondans de l’académie des
sciences à Lisbonne. Cet homme a cependant
une grande réputation, me dit à ce sujet un
de mes amis. Ce n’est pas sa réputation qui
lui a donne cette place , mais son prénom.
udbraham ; car, en Portugal, l’ordre alpha-
bétique des personnes se règle toujours d’après
les prénoms. Ce digne homme ne pourrait
s’empêcher de rire, s’il était encore à même
de lire ces lignes. .
Le prince régent (et non la reine, comme il
a été dit T. I.'r, p. 294) a fondé, en 1799,
> 4 -.
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( 212 )
une société, dont les travaux ont pour but
de faire publier de bonnes cartes du royaume
et des cartes marines à l’usage de la marine
portugaise. Les membres de cette société ont
déjà terminé leurs travaux sur plusieurs dis-
tricts du royaume. On travaille toujours à
la carte générale, quoiqu’avec lenteur.
On m’a accusé d’avoir porté un jugement
trop sévère sur les différentes écoles , comme
le collège des nobles , l’académie de la ma-
rine , etc. , dans le tom. I. er , pag. 2g5 , lors-
que j’ai dit qu’elles sont dans un état de fai-
blesse et qu’elles végètent à peine. Il y a , il est
vrai , plusieurs excellens professeurs dans ces
écoles; mais s’ils n’ont pas toute l’influence que
l’on désirerait sur les progrès de l’instruction,
il faut sans doute l’attribuer à quelque cause
qui lui est étrangère. J’avoue cependant qu’un
voyageur qui n’a pas le temps de suivre les
cours, s’en rapporte nécessairement, dans ses
jugemens, aux ouï-dire qu’il recueille.
Quoique j’aie souvent visité la bibliothèque
du couvent de N. Senhora de Jésus , je ne
connais pas assez les institutions pour dire à
quel ordre il appartient. Ge n’est pas un cou-
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r
( 2l3 )
vent de Bëne'dictins , mais de Minorités. J’y
trouvai une quantité d’excellens ouvrages Es-
pagnols. Dans chaque bibliothèque publique,
en Portugal , on voit à côté des slctis Sanc-
torum , l’encyclopédie par ordre des matières.
Je ne connais la bibliothèque du couvent de
S.-Vicentede Fora , que parles relations d’un *
ami qui la visita souvent.
Je ne puis rétracter mon jugement sévère
sur Vandelli, dans le tom . J, p. 3 oo. Je cor-
rigerai quelques fautes d’impression qui s’y
sont glissées. Il ne suivit pas autant Ponte -
dera qui fut son maître, que Linne'e qui le
combla d’éloges. Il n’a pas 800, mais 8oco
crusades d’appointemens.Il n’est pas assesseur
de l 'aula do Commercio , mais de la junta
do Commercio ; car aula est un coljège pour
l’instruction ; et junta , un collège adminis-
tratif. J’ai mal-à propos donné le titre dom ,
au second "conservateur du cabinet.
L’observatoire das Necessidades que j’ai
cité, n’existe plus. J’entendis souvent vanter le
grand hôpital de S. -José. Le docteur Longs -
dorf , médecin du prince de W aldek , a
publié, en portugais , une petite brochure su*
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C 214 )
Cet établissement , qu’il assure ne rien valoir.
J’avoue qu’il n’est pas sans défauts ; mais le
docteur Langsdorf a-t-il pu le comparer avec
les hôpitaux de différentes villes ? Je pense
qu’à tout prendre , cet hôpital est à ranger
parmi ceux de ces établissemens qui sont bien
dirigés. àiinHiifc
Tous les médecins, dans quelque ville qu’ils
aient étudié , lorsqu’ils veulent pratiquer en
Portugal , doivent avoir obtenu du proto -
medicat , la permission d’exercer leur art. On
désigne , à cet effet , plusieurs jours pour les
examiner sur la médecine pratique et théo-
rique. Ils sont obligés de visiter des ma-
lades à l’ hôpital , en présence des députés du
collège , de rendre compte de leur état , et de
déduire les raisons de ce qu’ils leur prescrivent.
Il faut aussi qu’ils soutiennent au collège
une thèse sur des sujets d’anatomie et de
pharmacie, qui leur sont distribués au' sort,
et qu’il réponde aux questions proposées par
les assesseurs. Il est nécessaire qu’ils aient
reçu le grade de docteur dans quelque uni-
versité; s’ils n’en présentent le diplôme, ils
ne sont point admis à l’examen. On n’a de
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C «5 )
l’indulgence sur ce point que pour les chi-
rurgiens praticiens et leurs aides ignorans;
j’ai vu même souvent ces derniers ordonner
des médecines. Je sais par moi-même qu’il y
a de mauvais médecins , parce que je fus
obligé , contre mon gré, d’écrire des ordon-
nances dans les villages aux environs de Lis-
bonne , où je jouai le rôle du médecin malgré
lui. On supposa que celui qui recueille des
plantes, devait être nécessairement un mé-
decin ou plutôt cirurgiao. Les médecins
étrangers peuvent pratiquer , pendant quelque
temps , sans permission ; mais ils ne doivent
traiter que des étrangers : car s’ils entre-
prenaient de traiter un Portugais , et que
celui-ci ne guérît point , ils s’exposeraient à
ce qu’on leur intentât un procès , qui leur
causerait de grands désagrémens.
Les pharmacies portugaises sont sous l’ins-
pection du premier médecin et président du
protomedicat , qui peut les faire visiter lors-
qu’il le juge à propos ; elles sont obligées de
se conformer aux règlemens qu’il leur prescrit.
Ces règlemens portent le titre : Pharmaco-
peia gérai para o reino c dominios de Par-
14. . .
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( «6 )
tugal , publicada por ordem da rainha Jîde -
lissima D. Maria I. er . Lis boa, n a reg. off.
typ., z vol . , 1794. -. . ..
Voici encore quelques observations à ajouter
à la description de l’université de Goimbre ,
tom. l . er , pag. 38 i. Le recteur ( reitor') est
toujours un ecclésiastique; cette place est
réunie aujourd’hui à celle d’évêque; Castro
n’occupe plus cet emploi. Les professeurs ne
se nomment point lertes , mais lentes. Le
grade de docteur , les médecins exceptés ,
n’est pris que par ceux qui se destinent aux
places de professeurs ou à celles de juges dans
les tribunaux suprêmes. Ils ne font point
imprimer de dissertation pour leur réception ,
mais sont obligés de soutenir une thèse pu-
blique sur une question qui est indiquéé par
le sort. Il n’y a plus de maitres-ès-arts en
Portugal; mais il faut que tous ceux qui
désirent avoir un emploi près de l’université,
soient bacheliers. Ceux qui étudient en théo-
logie , et qui se destinent aux fonctions du
ministère, peuvent avoir-fait leurs études
autre part ; par exemple, à Evora. J’ai déjà
dit que les chirurgiens proprement dit*
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( 2r 7 )
( cirurgiaos') doivent avoir fait leurs éludes.
Le nombre des étudians , avant la réforme ,
était en effet très-grand , parce qu’on se faisait
inscrire à cause des privilèges , sans suivre les
cours, et il n’y avait point d’examen comme
maintenant. •
M. de Zacli a prouvé, par des relations du
chevalier Aranja , que j’avais eu tort de dire
que l’observa toite de Coimbre manquait d’ine-
truraens. Je suis cependant obligé d’affirmer
que cet observatoire me parut plutôt être une
chambre de parade, qu’un cabinet de travail;
et par cette raison , j’ai pu ne pas remarquer
tous les instrumens qui s’y trouvaient; il eu
était de même des instrumens de physique.
Nous désirâmes avoir des baromètres pour
faire à Coimbre des observations, qu’on aurait
pu comparer ensuite avec celles que nous
avions dessein de faire sur le Gerez et l’Es-
trella ; sur-tout avec ce dernier , parce que
Coimbre est presque située au pied de l’Es-
trella. Le professeur de physique nous présenta
un baromètre portatif de Hurter; mais il s’j
prit si mal-adroitement , que sans le secours
du comte de Hoffmansegg , qui connaît fort
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C 218 )
bien les inslrumens de physique, le mercure
aurait été répandu. Il paraît que ce fut pour
la première fois que l’on sortit ce baromètre
de son étui. J’ai encore quelques notions à
donner sur des institutions littéraires parti-
culières en Portugal ; je les réfferve pour une
autre occasion.
J’ai donné mal-à-propos le titre dom aux
professeurs de chimie , de jAysique et de
botanique. Brotero ne se nomme point Feliz de
Avellar, comme le dit l’almanach royal, mais
Feliz Avellar-Brotero. Il vient de publier
une Phytographia Lusïtanice selectior fasc .
I. er Olissip. , 1801 , fol. , où ' beaucoup de
plantes rares et nouvelles sont supérieurement
bien décrites. L’auteur s’est plaint que cet
ouvrage fourmillait de fautes typographiques,
et qu’il voulait le faire réimprimer. Je lui
ai répondu qu’un homme qui fait preuve
de tant de connaissances , ne serait pas taxé
d’ignorance à cause de quelques fautes d’im-
pression.
Tous les étudians à Coimbre portent, avec
leur costume bizarre, un petit sac noir, qui
renferme le mouchoir et la tabatière. J’ai
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%
( 2I 9 ) .
commis une erreur en disant qu’ils s’en ser-
vaient à défaut de poches ; il sert de bonnet
( gorra ) , et c’est un abus d’en faire l’usage
d’un bonnet. Ils n’osent cependant pas porter
ce bonnet dans la ville ; au reste ils le mettent
rarement. Du temps de Jean III , d’où date
ce costume , la mode était de porter le bonnet
à la main au lieu de chapeau. En général le
costume des étudians de Coimbre est celui
qui était généralement en usage lorsque cette
université fut fondée ; l’on a cru que des per-
sonnes graves et des savans ne devaient jamai#
varier leur costume.
4. 0 Lieux situés dans le voisinage de
Lisbonne.
• • . I
* ' . * . • • , • * r
Au midi du fleuve, en face de Lisbonne,
se trouvent trois baies et les lieux où l’on
débarque les marchandises. T)' fétide a Gallega
l’on expédie pour l’Espagne , de Moita pour
Setuval ; de Coina pour la route d 'Azeytas,
et de Seixal pour le chemin de Cezimbra.
Vis-à-vis ce dernier endroit et de l’autre côté
de la baie, est remplacement où l’on éprouve
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» <
. ( 220 )
les canons, et où se font les exercices et les
manœuvres de l’artillerie. Ce fut sur cette
place qu’un officier d’artillerie ignorant fit
fane, en i une déchargé de cent vingt
pièces de canon à la fois} ce qui occasiona
une telle secousse a Lisbonne, qu’une église,
qu’on était occupé à réparer, s^écroula et en-
terra sous ses débris plusieurs personnes. Le
peuple, chez qui le souvenir du grand trem-
blement de terre n’était point encore effacé,
fut consterné , et crut qu’il allait encore éprou-
ver un événement pareil. A peu de distance
de cet endroit, vers l’embouchure du fleuve ,
est situé le bourg Casilhasj et là où le rivage
s éleve subitement, le bourg j4.lm.ada , près
duquel se trouve l’hôpital pour les marin»
anglais ; en temps de guerre il n’est pas assez
spacieux , et on loue des maisons dans le
voisinage pour loger les malades. Sur le bord
de la rivière on voit un petit fort et différens
magasins ; la Vieillç-Tour (Torre-Velha ), en
face de la tour de Belem , est pourvue de
plusieurs batteries et d’une bonne garnison.
Au midi , et à l’embouchure du fleuve , est
situé Traffaria , ancien fort avec des bâtimens
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( 221 )
très-vastes , qui servent , selon les circons-
tances , de quarantaine, de prison pou» les
criminels condamnés à la déportation , et de
casernes pour les régi mens destinés à être
embarqués. Le village est à côté et porte le
même nom. Le véritable séjour des pêcheurs '
de Lisbonne sont les cabanes de jonc sur la
côte, à A-Costa ; et ces hardis marins font
usage de barques qui portent le nom de sa-
veiros. Au bout d’un banc de sable est situé
le fort de Santo - Lourenço da Barra , qui
protège l’entrée du fleuve ; mais il ne sert pas
de prison aux criminels qui doivent être dé-
portés , comme je l’ai dit T. 1 , p. 3o8, mais
à ceux qui sont condamnés à terminer leurs
jours dans les fers. Parmi les criminels nous
aperçûmes l’homme qui avait un jour frappé
le roi Joseph avec sa canne, probablement
dans un accès de folie.
Les coches d’eau , qui vont plusieurs fois
par jour dans les lieux au-delà du fleuve , se
nomment carreiras ou harcas de carreira.
La tour de Belem , située au nord de la
rivière, près du bourg de Belem , est un aucieti
ouvrage commencé par le roi D. Manoel , et
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( 2 22 )
terminé par Jean III. La gravure qui la
représente dans les Délices d’Espagne et de
Portugal par Çolmenar , et qui a été copiée
en grand dans le Voyage du duc de Châtelet ,
est assez exacte , excepté que les environs tm
sont plus inhabités ; ils ont été considérable-
ment embellis.
Le fort de S. Juliao défend l’embouchure
du fleuve du côté du nord, et à peu de distance
de là se trouve la petite ville d’ Œyras , dont
les quintas et le canal rappellent le marquis
fle Pambal , qui était comte d’Œyras. Entre
Santo- Juliao et Belem se trouve l’église de
S . Amato , située sur une hauteur d’où l’on
jouit d’une belle vue; elle est fort bien repré-
sentée dans l’ouvrage de Çolmenar.
Quel est l’étanger qui ayant resté peu de
temps à Lisbonne, ne connaisse pas Cintra ?
Dans toutes les relations de voyages on trouve
des descriptions des quintas dont ce lieu est
orné , de l’ancien château et d’autres objets ,
et l’on peut être assuré de la vérité de ces
notions , pourvu qu’on ne prétende pas y
trouver des observations sur l’histoire natu-
relle. Quoique le séjour de Cintra soit un des
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C 2 23 )
plus beaux sous ce climat, quoiqu’il soit peut-
être difficile de trouver un paysage pareil ,
même dans le midi de la France et en Italie,
il est surpassé, à mon avis, par celui de
Monchique. On rencontre ici , comme à
Cintra , de l’ombre et des sources limpides ,
mais on y trouve de plus de belles prairies
émaillées de fleurs et entourées de châtai-
gniers. La Serra de Foja est plus facile à
gravir que le sommet des montagnes de Cin-
tra ; et la vue qui s’étend presque sur tout le
royaume des Algarves, est une des plus ma-
gnifiques dont on puisse jouir.
« Il ne faut pas croire, ai- je dit T. I,p. 3rg,
que l’art contribue en rien à embellir cette
campagne». Cette expression n’est pas pré-
cise ; l’art y a produit ces belles quintas om-
bragées de verdure , qui en rendent le séjour
si agréable ; mais il n’y a rien fait pour les
plaisirs de la société; on n’y rencontre ni
spectacles, ni bals, ni concerts, ni aucun
autre amusement.
Les montagnes de Cintra , nommées par
les anciens , Mons Lunce , se terminent par
le Cabo de Rocca , le Promontorium mag-
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C 22 4 )
num ou Promontorium Cinthiœ des anciens.
J’ai estimé sa pente du côté de la mer , par
apperçu ; je la suppose être de cinquante à
quatre-vingts pieds ; M. le comte de H....,
croit cependant que cette évaluation est trop
modique.
J’ai parlé des eaux minérales de Bollas ,
T. J, p. 3i6; elles méritent , sous tous les
rapports, une analyse chimique. L’on arrive à
Bellas d’abord par la route de Cintra ; ensuite
on tourne à droite jusqu’au village Idenha ;
et après une demi-heure de chemin , on arrive
à un autre petit village nommé Venda Seca ,
près duquel se trouvent les eaux minérales.
Les deux sources sortent d’une petite cavité
où l’on peut descendre ; elles sont fermées
l’une et l’autre. On prétend que l’eau de l’une
de ces sources a la propriété de faire avorter;
et ceux qui sont chargés de la surveillance ,
ont les ordres les plus sévères pour n’en pas
donner une goutte. En effet , ce fut avec
beaucoup de peine que nous pûmes obtenir
un verre pour la goûter. Autant que j’ai pu
m’en convaincre par le goût , ces eaux pa-
raissaient contenir du vitriol ferrugineux ,
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mais point d’oxide de fer. L’eau de l’autre
source est bien moins forte ; elle ne contient
que de l’oxide de fer ; on la vend un tostao
la bouteille. Près de ces sources on voit une
forêt de pins maritimes, qui offre une pro-
menade agréable. Le sol est formé par du
grès , mêlé de fragmens de minérai de fer.
Comme les eaux qui contiennent de l’oxide
de fer sont rares en Portugal, celles-ci mé-
ritent l’attention des médecins.
Dans une petite excursion que nous fîme 9
au mois de mars 1798, nous suivîmes toute
la chaîne des montagnes de Cintra jusqu’au
Cabo de Rocca ; nous visitâmes le couvent'
de Liège, dont Barretti parle dans ses lettres j
nous arrivâmes ensuite, par un pays agréable,
au village Olieras , et enfin au fanal du
Cabo de Rocca , par une contrée stérile.
Trompés par la carte de Lopez , nous nou9
rendîmes d’ici à Cascaes. Au lieu d’une dis-
tance d’une lieue , nous en trouvâmes une de
trois à quatre , par des montagnes arides ,
Stériles et impraticables pour les bêtes de
somme. La distance du bourg de Cascaes a
été estimée trop petite j elle est de cinq lieues.
x5
( zz6 )
Nous ne conseillons à personne de prendre
cette route.
La Serra Aa Arrabida s’étend presqu’en
ligne parallèle avec les montagnes de Cintra ,
au sud du Tage ; et se termine par le Cabo
de Espichel , qui , avec le Cabo de Rocca ,
forme la baie dans laquelle se trouve l’em-
bouchure de la rivière. Celui qui est accou-
tumé à grimper les montagnes , ne doit pas
manquer de visiter celles-ci. Au pied de ce*
montagnes , on trouve une auberge commode
à Aldea dos Mouros ; on y parvient faci-
lement , en louant à Casilhas un âne que
l’ânier fait marcher très-vite , et on s’épargne
de plus un chemin sablonneux. Des collines
agréables couvertes de tinus élevés entourent
le village ; une lande , garnie de la plus belle
espèce de cistes , règne jusqu’au pied des
montagnes, d’où tombe un ruisseau ombragé •
par des myrtes élevés ; l’on monte d’abord
à l’ombre de vieux lauriers , mais ensuite ou
a de la difficulté à gravir la montagne à
cause de son escarpement, et des pierres dé-
tachées dont elle est parsemée; une espèce
de genêt épineux , que l’on trouve en grande
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( *27 )
quantité , contribue également à arrêter la.
marche. Du sommet on aperçoit toute la
chaîne de montagnes jusqu’au fanal du Cabo
Espichel; on voit à ses pieds la baie de
Sétuval et une grande étendue de côtes ;
l’œil se promène sur l’immensité de l’Océan;
Lisbonne paraît très-distinctement , et on
peut suivre le cours de la rivière jusques bien
avant dans le pays ; les montagnes de Cintra
forment le fond du tableau. Au levant on
aperçoit le couvent de Palmella , situé sur ‘
une montagne de forme conique , et séparé
de la Serra par un étroit vallon ; et au-delà
la vaste étendue des landes de l’Alemtejo.
Cette chaîne de montagnes se termine par
le Cabo (T Espichel. Sur la pointe la plus
avancée du promontoire , est située l’église
de Nossa Senhora do C9bo t avec une image
miraculeuse de la Vierge ; on y fait de fré-
quens pèlerinages auxquels la cour prend part*
Le rez-de-chaussée des deux bâtimens qui
forment comme deux aîles d’un corps-de-
logis , consiste en galeries voûtées ; l’étage
supérieur , en petites cellules. Il n’y a point
d’auberge ici , mais l’ecclésiastique nous
l5.
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*
( 229 )
Cabo à Porto Brandao, à cinq lieues de dis-
tance. La grande route est fort commode , elle *
est large et bien entretenue ; la contrée est
fertile et agréable. Le Lagoa de Albufeira ,
nappe d’eau étroite , séparée de la mer par
des dunes , est à deux lieues de Cabo et
s’étend jusqu’à une demi-lieue dans l’intérieur
des terres ; cette eau est saumâtre et abonde
en poissons. Sur ses bords , il y a un bâtiment
pour la cour, lorsqu’elle vient chasser ici, en
allant au pèlerinage de Cabo. Depuis ce lac
jusqu’à Porto Brandao , s’étend une lande
couverte de sapins , comme on en rencontre
communément au midi du Tage.
J’ai parlé de Sétuval , T. 1 ,p. 334 etsuîo. de
mon I. er Voyage^ Comme beaucoup d’étran-
gers visitent ce lieu , et qu’il en est parlé dans
toutes les relations de voyages , je n’entrerai
pas dans de plus grands détails sur cette ville.
J’ai également parlé des ruines de Troya ou
Troyes , vis-à-vis de Sétuval ; ils consistent
en une file , souvent interrompue , de petits
édifices , dont il ne reste que les murs du rez-
de-chaussée. Ils sont construits de briques >
de grès et de pierres calcaires sans aucune
1 5 • •
0
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V
(a3o)
i
simétrie. Deux chemins bien battus se di-
rigent au bord de l’eau et paraissent enceindre
une petite place ; car du côté de l’eau on
voit une rangée de maisons qui paraissent
être des boutiques , et qui sont parfaitement
semblables. D’autres vestiges Sont sans doute
cachés sous la colline de sable qui se trouve
dans le voisihage, et sur laquelle est située
une église isolée ( huma ermida ). Le comte
de la Lippe fit fouiller en cet endroit , et
trouva , à ce qu’on prétend, une petite statue.
'Autrefois on a découvert beaucoup de mé-
dailles de cuivre qui datent du temps de
Néron. Elles sont devenues très-rares aujour-
d’hui ; et ce que nous montra l’homme qui
habite dans le voisinage , et qui est batelier ,
consistait en clous et autres pièces de cuivre
informes. Les antiquités qu’on a trouvées,
mais dont nous n’avons vu aucune, datent
sans doute de plus loin que les vestiges
d’édifices qui paraissent ne pas être très-an-
ciens. Peut-être Troya n’était-elle qu’un fau-
bourg de Sétuval. Les villes de Sines ( et
non pas Sinos , comme il est marqué, T. 1 ,
p. 338 ) , Alcazar , Cezimbra , Setuval ,
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C 23l )
entretenaient autrefois une peche considé-
rable ; elles exportaient même du poisson
à l’étranger. Les pêcheurs furent obligés
d’habiter le bord de la mer; il fallut qu’ils
préférassent l’epdroit ou était située Troya , ^
au séjour près du fleuve où se trouve Sétuval.
Lorsque le commerce diminua par la suite ,
ils quittèrent les dunes stériles, et s’établirent
à Sétuval ; ce qui aggrandit ce lieu. Voilà
mon hypothèse sur l’origine de ces ruines ,
que je changerais volontiers contre une
meilleure.
J’ai déjà observé que l’embouchure du
Sado ou Sadao , près de Sétuval , est mal i
désignée dans toutes les cartes. Il est aussi
large , près de Sétuval , que le Tage près
de Casilhas , peut-être plus large encore. Il
conserve cette largeur considérable pendant
trois ou quatre lieues , jusqu’au château royal
Pinheiro. Là , il se rétrécit considérablement ,
•et devient enfin , auprès d’Alcacer, la petite
rivière qui est marquée sur toutes les caries.
Boca de Palma est un bras navigable et
l’embouchure d’une petite nappe d’eau qui ,
sur la rive droite, tombe dans le Sado , et
1 5 .
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( 232 )
|)orte des bateaux jusqu’à une lieue dan*
l’inte'rieur des terres. Un autre bras sur la
rive gauche , vers Omporta , n’est navigable
que pendant le temps du flux. On ne trouve
plus de tourbe dans ce dernier endroit; aussi
paraît-elle être de mauvaise qualité.
5 .® Additions au premier voyage par
V Estrémadure.
La route que nous suivîmes au mois de
, mai 1798, pour aller de Lisbonne à Coimbre,
n’est pas celle qu’on prend ordinairement ,
car celle-ci passe par Villafranca . Nous choi-
sîmes l’autre pour visiter la Serra de Mon-
tachique , et pour cet effet nous nous ren-
dîmes par Campo pequeno , Campo grando
( ce n’est pas un fauxbourg de Lisbonne,
mais un village voisin de cette ville). Lu-
miar , Loures , Montachique , Povoa ( et
non pas Poua') et Enxara , à Torres Vedras ..
Les routes sont pavées, mais en fort mauvais
état ; je suis sûr qu’elles n’ont pas été réparées
depuis un siècle. Les montagnes de Monta-
chique sont d’une hauteur considérable; dan*
i
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*;< .
A ( 233) ^ ;
les environs de Lisbonne , on voyait croître
la vigne et le bled , et celui qu'on n’avait pas
encore coupé offrait de beaux épis ; dans les
villages autour de ces montagnes , au con-
traire , on voyait fleurir les pommiers. Lors-
qu’on les aperçoit quand on est en mer ,
ces montagnes paraissent fort hautes. Même
autour de Torres Vedras, le climat n’est point
tempéré ; on y cultive rarement des oranges ,
mais d’autant plus de pommes et de cerises.
La petite plaine entourée de montagnes cou-
vertes de pins maritimes et de buissons , à
l’entrée de laquelle est située la ville , pré-
sente , à cause de cette diversité , un coup-
d’œil agréable ; elle est variée par des champs
en culture, des vignobles , des oliviers et des
vergers ; les bords du Sizandro sont couverts
de saules. Une grande route bien pavée est
ombragée par des ormes et des peupliei-s; au
milieu de tous ces objets , on voit paraître la
ville dominée par un vieux château, et un
aqueduc soutenu par un double rang d’ar-
cades. Le pays est fertile ; le produit des
terres surpasse ordinairement les besoins des
habitans. L’expérience m’apprit que cette
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( *34 )
contrée était froide , sur-tout pendant la nuit;
Dans une belle nuit du mois de mai, je restai
jusqu’à minuit à considérer les vers luisans
du midi de l’Europe ( lampyris italica ).
Ces jolisinsectes different beaucoupdes nôtres;
leur lueur n’est pas continuelle , mais elle pa-
raît par intervalle et jette un reflet rougeâtre,
de façon que l’air semble être rempli d’étin-
celles qui paraissent et disparaissent. Je payai
cet amusement par un ulcère à l’oreille , qui
esf cependant la seule- incommodité que j’aie
éprouvée pendant le cours de mes voyages.
En passant par Obidos , ville remarquable
par un grand château et par un aqueduc de
quelques centaines d’arcades , nous arrivâmes
aux bains de Caldas, nommés vulgairement
Caldas da Raynha (bains chauds de la reine).
J’ai fait mention de ces bains , T. I. de mon I. er
Voyage, p, 352, Les maisons sont petites et
mal bâties ; pourvues , il est vrai, de fenêtres ,
mais sans carreaux de verre, La maison des
bains est construite au-dessus des sources
chaudes. Après y être entré , on parvient à
plusieurs salles basses où se tiennent les étran-
gers qui boivent les eaux, et où sont exposées
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( 235 )
diverses marchandises ; à gauche se trouve
la pharmacie. Au bout de la .salle du milieu ,
on voit la source qui fournit de l’eau pour
boirq ; cette eau est puisée dans des seaux,
par des personnes chargées de cet emploi ;
une table garnie de verres se trouve au ^
centre de cette salle. A droite et à gauche,
on voit les chambres pour les malades indi-
gens,qui sont soignés gratuitement pendant
le temps des bains. A quelques pas plus loin
on parvient aux bains et aux chambres des- •
tinées à s’habiller. Une pompe ordinaire qu’un
Anglais a fait construire pour son usage par-
ticulier , sert aux douches. Derrière le bâ-
timent se trouve un petit jardin , et plus loin
un plus grand planté d’oliviers et de tinus ,
qui sert de promenade à ceux qui fréquentent
les bains. La maison des bains n’est ouverte
qu’à sept heures du matin. On observe une
méthode bien plus sage à Caldas de Gerez ,
où l’on se baigne dès quatre heures du matiD.
Voilà tout ce que je puis dire de ces bains,
qui manquent de bonnes dispositions. M. Tiz-
veres , auteur d’un écrit suc ces bains, dont il
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( 236 >
est mention T. 1 de mon I. er Voyage , p. 356V
est maintenant premier médecin de la reine.
A une lieue de Caldas se trouve le Lagoa
de Obidos , bras de mer qui s’étend dans
Fîntérieur des terres entre des rochers , et
qui forme différentes sinuosités pendant une
lieue. Depuis les collines de Caldas , cette
nappe d’eau ressemble à un petit lac. Son
embouchure est souvent embarassée par des
bancs de sable ; alors il se déborde , et on est
©bligé de lui ouvrir un passage. Le pays le
plus agréable* autour de Caldas , est sans
doute la quinta da Pielade , située à une
lieue de l’endroit, vers le nord-est. Des col-
lines boisées^ des eaux limpides, des prairies,
des vignobles et des vergers agréablement
variés, forment des promenades ombragées.
Cette quinta est connue de ceux qui fré-
quentent les bains ; on s’y promène souvent.
. De Caldas nous nous rendîmes à Sam-
Martinho , et de-là à Alcobaça , couvent de
Bénédictins , dont tous les voyageurs parlent
comme étant situé entre O-Porto et Lisbonne.
J’ajouterai encore quelques mots sur la fa-
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- ' a C 2 3 7 ) ^
brique de coton et de toile qui s’y trouve.
Comme je l’ai de'jà observé , Pombal eu fut
le fondateur ; un particulier nommé Oliveira ,
la dirigea jusqu’à ce quelle. fût achetée par
M. Jean Guillot. Les machines dont on se
6ert ici pour filer et carder le coton , ont été
apportées d’Angleterre ; on en trouve éga-
lement à Thomar. M. Renard , dont nous
avons fait connaissance à Lisbonne t et qui ,
comme je viens de l’apprendre , a été banni
du pays , a eu beaucoup de part à l’établis-
sement de la manufacture d’Alcobaca. Oa
a
s’est d’abord servi d’ouvriers étrangers; main-r
tenant les Portugais y travaillent. Les mar-
chandises sont débitées en partie , dans le
royaume ; on en expédie une grande quantité
pour le Brésil.
La belle église à Batalha , est suffisamment
connue. Il est étonnant qu’il y ait une mau-
vaise auberge à Alcobaça , et qu’on n’en
trouve point à Batalha; il est aisé d’expliquer
les plaintes des étrangers sur les mauvaises
auberges du Portugal ; car c’est sur plu-
sieurs points où leur concours est considé-
rable, que l’on rencontre les plus mauvaises
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c 238 )
hôtelleries. Nous fûmes reçus avec beaucoup
de politesse par le prieur.
Entre Batalha et Alcobaça , est situé le
bourg Aljubarota où se livra une fameuse
bataille en i386 , entre les Portugais et les
Espagnols ; c’est, après la bataille de Campo
de Ourique , celle qui assura l'indépendance
du royaume. Nuno- Alvarez Pereira , qui s’y
distingua , est le premier père de la maison
des ducs de Cadaval.
i . < ’.
La ville de Leiria était autrefois grande
et florissante. On a trouvé des dénombremens
de l'année 1417 , qui prouvent qu’elle était
beaucoup plus peuplée que maintenant. A la
fin du i5.° siècle, on y voyait encore des
imprimeries considérables. Il est probable que
l’expulsion des J uifs a été très-nuisible à cet
endroit. Le combat de taureaux que nous r
vîmes ici , et dont nous avons parlé T. I ,
p. 370 , est un des principaux du royaume.
Nous arrivâmes trop tard pour voir le brincas,
divertissement avec de jeunes taureaux que
l’on ne met pas à mort , et qui est accom-
pagné de danses. Les frais du .combat de
taureaux sont payés par une société d’ha-
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C 23 9 )
bilans riches ; aucun spectateur ne paye , pas
même lorsqu’il est placé sur les tribunes. La
chair des taureaux est abandonné au peuple.
Dans ce jour , chacun a la permission de se
déguiser , de se masquer et de s’amuser à sa
manière. Des jeunes gens de condition se dé-^
guisent et se promènent masqués. Lès mai-
sons aisées donnent des fêtes et des bals ; eu
un mot , on cherche à se divertir le plus
qu’on peut.
La blancherie de Leiria , établie par ua
nommé Sperling, a non seulement cessé depuis
long-temps , mais celui-ci a même été banni.
De Leiria nous nous rendîmes , par une
belle route bordée de châtaigniers, à Tombal.
C’est ici qu’est enterré M. Pombal , le grand
marquis ( o gran marquez ) ; ainsi le nomme
le peuple ; j’en ai parlé T. 1 , p. 3q3. Dans les
archives statistiques et historiques de Zim-
mermann , Cah. I y p. 47 , ou en porte, sous
le nom d’un politique portugais, un jugement •
bien différent. L’introduction de M. Zimmer-
mann est fôrt bien écrite; la dissertation ne
renferme que des jugemens sur des choses
connues ; elle ne contient point de faits nou-
V* ’ . % . *
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( 2 4 ° )
veaux. On prodiguerait trop d’éloges à Pom-
bal , en ne considérant que les progrès que
le Portugal a faits sous son administration; on
en doit une grande partie à l’esprit du temps.
L’Espagne n’a-t-elle pas fait de pareils pro-
grès sous la domination d’hommes faibles? Ne
sont-ce pas les lumières qui y ont paralysé le
bras de l’inquisition ? On ne peut disconvenir
que Pombal ne fût un homme doué d’un
caractère ferme et de beaucoup d’énergie ;
mais ce fut sa haine contre la noblesse et le
clergé, en un mot contre tout ce qui pouvait
lui être opposé, qui lui inspira les lois qui
ont été sans doute avantageuses au pays, La
grêle , lorsqu’elle est accompagnée de pluie ,
peut de même être utile au pays où elle
tombe. Au reste, il est assez singulier de lire
dans cette dissertation, que les mesures de
Pombal préservèrent le pays d’une invasion
de la part des Espagnols, en 1762. Il est connu
• en quel état le comte de la Lippe trouva
l’armée ; on sait quelles circonstances em-
pêchèrent les entreprises des Espagnols; la
conduite des Espagnols dans cette guerre est
connue ; enfin on n’a qu’à bien peser toutes
( H* )
ïes circonstances , pour se convaincre que le»
mesures de Pombal ne contribuèrent nullement
aux succès des Portugais. Quelle fut la con-
duite de Pombal , lorsqu’une guerre avec les
Espagnols menaça le royaume , vers la fin du
règne de D. Joseph ? L’esprit d’innovation
de Pombal est connu ; malheureusement ses
alentours n’avaient aucun talent ; le ministre
voulut et fut obligé de tout faire par lui-même.
•De là cette quantité innombrable de lettres
non décachetées , qui dut occasionner les plus
grandes injustices , et qui présente un exemple
ci pernicieux pour la postérité, qu’on doit
regarder cette conduite comme une vraie cala-
mité. L’auteur cité lui accorda des vues sages
et des connaissances dans beaucoup de cir-
constances; c’est ce que prouvent aussi ses
institutions. Que l’on considère celles-ci, qu’on
ne porte son attention que sur les faits qui
sont peu dénaturés dans l’histoire de la vis
de Pombal , que Jageman a traduite en
allemand , quoiqu’elle soit écrite dans un
style virulent ; que l’on compare cet écrit à
d autres , et on pourra porter un jugement
sain sur cet homme remarquable. Lorsqu’on
lé
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( 242 )
ff
demande ce que fit Pombal , la réponse ne
peut être en général qu’avantageuse pour lui ;
lorsque l’on demande comment il le fit, la
réponse ne pourra être que défavorable pour
cet homme trop puissant.
A notre retour des provinces septentrionales
nous traversâmes la partie orientale de la pro-
vince d’Estremadure. Nous allâmes d 'Es-
pinhal, par Vendu dos Moinhos , Vendu da
Maria y Cabaças , à Thomar. J’ai fait men-'
tion , T . II, p • 98 , de la filature de coton
à Thomar. Les machines ont été apportées
d’Angleterre par quelques ouvriers fugitifs ;
l’inspecteur de la fabrique était anglais ; il
voulut de nouveau rompre son contrat et
s’enfuir. Ensuite nous retournâmes à Lis-
bonne par la fertile plaine de Golegcin ,
Santarem , Cartaclia , Azambiya , Cas-
tanheira , Vilia-Franca , Aîhandra , Al-
pera , Popos , Sacavcm. Je répète les noms
de ces lieux , parce qu’ils ont été changés dans
le T. JJ, par des fautes typographiques.
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€°. Second voyage , par une partie de V Es-
trémadure , au Monte- Junto et à Rio -
Major jusqu’au Zezere'.
Dans la province d’Estremadure se trouva
une chaîne de montagnes assez considérable ,
le Monte-Junto , que nous n’avions point
encore visité. Nous ne l’avions apperçu que
de loin, sur le chemin de Torres-Vedras à
Obidos . Le Comle de H..., s'y rendit au mois
de juin 1799 > visita en même-temps les sa-'
lines à Rio-Mayor , et alla par Thomar à
Portalegre.
Le chemin depuis Lisbonne jusqu’à ces
montagnes , remonte d’abord la rivière jus-
qu’à Villa- F ranca ; ensuite il se dirige dans
1 intérieur du pays jusqu’à ^ 4 lemquer,k deux
heues de Villa-Franca. Cette route est en
grande partie pavée et bordée de buissons
qui étaient couverts de la rose champêtre*
Le pays est fertile et bien cultivé ; le bord
des champs présente une riche végétation, et
partout il y a de l’eau en abondance. ^ ilem -
quçr , ville et chef-lieu des possessions qui
.( *44 )
appartiennent aux reines de Portugal , est
située sur une colline , et ne paraît pas très-
considérable.
L’endroit le plus près du Monte- Junto,
est le petit village de Bragança. Pour y par-
venir, on laisse à gauche le village Otta , dans
le voisinage d’un grand marais , sur lequel on
peut lire une dissertation par Estevao Cuirai,
dans le T, II des Mémoires de l’académie de
Lisbonne. Ensuite on traverse un pays plat et
inculte, et ce n’est que près des montagnes
que la route s’élève. Le village de Bragança
est situé dans un fond , derrière les premiers
degrés des montagnes. On n’y trouve que
quelques misérables cabarets ( tavernas ) ,
où on ne peut pas coucher. Le curé de 1 en-
droit , le P. Jaao Notre , reçut le Comte de
H.... avec complaisance. Le sommet des mon-
tagnes est à une demi-lieue et au sud de Bra-
gança. Près de la cime , au nord , sur un
plaleau., se trouve la maison de neige ou
Caza de Nere , où l’on entasse de la neige
en hiver , pour la transporter en été , à Lis-
bonne. Le directeur de l’entreprise , qui de-
meure à Lisbonne , fait ramasser la neige par
( 245 )
les habitans du village , aussi-tot qu’elle est
tombée. Ils en font des petites boules qu’ils
augmentent en la roulant , les mettent dans
des paniers pour la transporter dans les deux
puits qui se trouvent dans le magasin à neige.
Outre la neige, on ramasse ici de la glace;
c’est le seul endroit, en Portugal , où l’ou
s’occupe de ce travail. Un peu plus bas se
trouve un grand réservoir d’où l’on conduit
l’eau dans des fossés ; près de là est une
maison , avec un jardin et des champs. Pen-
dant la nuit , lorsqu’il fait assez froid, on
laisse couler l’eau du réservoir dans les pe-
tits fossés ; le matin on enlève la croûte de
glace avec la neige , pour les conserver dans
les puits du magasin à neige. On a remarqué
que de grands volumes d’eau gèlent plus tard
et pas autant que des petites masses ; obser-
vation qui coïncide avec les lois chimiques,
d’après lesquelles l’eau est un mauvais conduc-
teur de calorique ; elle est, à cet égard , bien
inférieure à la terre.
Depuis la maison de neige on monte parmi
des rochers escarpés , jusqu’à une chapelle où
l’on trouve de la bonne eau , et ensuite on
■ ' ' 16. .
3k
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f
t mO
parvient à une église qui n’ést pas achevée
et qui couronne le sommet le plus élevé. Là
vue depuis ce sommet est très-étendue ; elle
ïï’ést bornée qu’au nord-est , par une haute
chaîne de montagnes. Le Monte- Junto est
à une égale distance de Torres Vedras ,
Obidos , Rio-Mayor et Alemquer\ il s’étend,
pendant quatre à cinq lieues du nord-ouest
au sud-est ; sa largeur est d’une à deux lieties.
Il est plus élevé que lés montagnes de Cintra ,
et peu inférieur en hauteur au Lousaa. Il
est formé de pierre calcaire ; à son pied on
trouve de la pierre sablonneuse. On n’y aper-
çoit aucun arbre , seulement quelques ar-
bustes dans les vallées. Le tout présente un
aspect désert et aride. Près du sommet nous
trouvâmes l’anacycle , et sur la cime une
espèce de senecio.
Depuis le Monté-Junto , on se rend par
Corcal , au bourg de Rio-Major. A une demi-
lieue de cet endroit , vers le nord-ouest , se
trouve une source salée , assez considérable.
Elle forme un puits de six à huit pieds de
large sur vingt à trente pieds de profondeur ;
l’eau est fortement salée. Près de ce puits on
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/
( 247 )
a creusé differens fossés dans lesquels on con-
duit , par des rigoles , l’eau salée pour la
faire évaporer au soleil. Le sel qui s’attache
aux parois est conservé dans des baraques ;
on eu fait un commerce très-considérable à
I
Rio-Mayor. Cette source est la seule du ;
royaume qui soit salée; nous fûmes très-surpris
de trouver sur ses bords une plante saline que
nous n’avions remarquée nulle* part ailleurs en
Portugal ; c’est la ruppia maritime. C’est
une chose vraiment étonnante que des lieux
isolés , dans ce pays , produisent des plantes
particulières qu’on ne rencontre dans aucun
autre endroit du royaume. C’est ainsi que
fleurit, autour de cette source salée , le fran *
kenia puh’crulcnta.
Le chemin jusqu’à Santarem est désert et
ensuite montagneux ; on connaît déjà le pays
depuis Santarem jusqu’à Thomar. De Tho-
mar à Tancos il y a trois lieues ; le pays est
désert et couvert de granit. Le bourg de
Tancos est situé au bord du Tage, qui coule
ici entre des montagnes peu élevées. Un peu
plus haut , on aperçoit sur une île , au milieu
du fleuve , un château en ruines. Vis-à-vis
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( 248 )
3e Punhete , on passe le Zezeré dans un
bac ; ce bourg est situé à l’angle que forment
le Tage et le Zezeré. Cette dernière rivière
n’a que cinquante pas de large. A son retour >
. de Castello-Branco , le Comte de H.... passa
une seconde fois cette rivière près de Dômes.
Elle coule parmi des montagnes pelées et
schisteuses ; on y trouve un peu d’alun à un
quart de lieue de Dornes , sur la route de
Thomar , dans une petite vallée arrosée par
un ruisseau. Le bourg de Dornes est agréa-
blement situé au milieu de forêts de châ-
taigniers.
Abrantes est à deux lieues de Punhete .
On parvient d’abord à un pays cultivé et
dans une plaine, qui s’étend jusqu’à la rivière;
ensuite on traverse des montagnes peu élevées
et on arrive au bourg d’Abrantes , situé sur
une de ces montagnes. Cet endroit est assez
considérable ; le revers des montagnes vers le
fleuve est bien cultivé; mais dans l’intérieur
des terres commencent les contrées désertes
qui régnent jusqu’à Castello-Branco . Dans
la dernière guerre entre les Portugais et les
Espagnols , on a souvent nommé le bourg
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C 2 49 )
d’Abrantes, et c’est ce qui l’a fait connaître.'
En 1762 , les opérations du Comte d’Aranda,
dont le quartier général était à Castel lo-Bran-
co , et ensuite à Sarzedas, se bornèrent aux
environs d’Abrantes ; et c’est sans doute la •
cause p^irquoi les gazetiers , dans la dernière
guerre, firent marcher les troupes auxiliaires
françaises à Abrantes, quoiqu’on sache quelle* •
n’ont point passé les frontières.
7. 0 Troisième voyage par V Estrémadure ,
depuis Lisbonne jusqu’à Coimbre.
Lorsque le Comte de H... se rendit, en 1800,
dans les provinces septentrionales , il fut
obligé de traverser celle-ci pour aller de Lis-
bonne à Coimbre. Il profita de cette occasion
pour visiter quelques endroits que nous n’a-
vions pas vus dans nos précédens voyages.
Le 28 décembre 1799 , il partit de- Lis-
bonne pour se rendre , par Sacavem et Cas -
tanheira , à Alcoentre. La plus grande partie
de la route traverse un pays désert ; le che-
min est cependant bon. Alcoentre est situé
dans une plaine bien cultivée et arrosée.
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• c
( a5o )
Ce bourg est agréable par la jolie quinta
d’un gentilhomme; on trouve aussi, autour da
ruisseau que l’on traverse derrière l’endroit ,
sur un pont , des prés et des buissons
agréables. On aperçoit d’ici le Monte- Junto ,
A deux lieues plus loin est Rio-Mjiyor. Le
chemin passe par une contrée déserte et cou-
• verte de collines, qui serait cependant suscep-
tible de culture à cause de l’excellence de sou
sol. On ne’rencontre sur cette route qu’un
$eul villagé. En sortant d’une forêt de pin#
maritimes, on descend dans la plaine agréable
et bien cultivée de Rio - Major , qui est
entourée de collines et de forêts de sapins, fl
a été question plus haut des salines de Rior
Major. Les habitans du village d ' Azenheira %
à une lieue de Rio-Mayor, s’occupent de la
iabrication des pierres à fusil; on les trouve
dispersées par fragmens d’un pied à un pied
«t demi d’épaisseur , dans un sable rougeâtre
qui sert aux habitans à reconnaître les endroits
■où se trouve le silex. Il n’est pas ordinaire
de rencontrer cette pierre de cette manière ; il
«st probable que les pierres à fusil ont été
.détachées des montagnes calcaires voisinas
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( *5i )
par les eaux, et déposées dans ce sable. Ceux
qui façonnent ces pierres ne se servent d’autres
instrumens que d’un fer pourvu d’un manche,
long d’un pied à un pied et demi , large de
deux à trois pouces , quarré par le bout , et
épais de deux à trois lignes. Au moyen de cet
instrument, ils cassent d’abord la pierre en plu-
sieurs grands morceaux; puis ils façonnent les
morceaux les plus convenables , en les tenant
d’une main et en frappant dessus avec le fer.
Tout dépend de la justesse à tenir et à tailler
ces pierx*es. Pour rendre les bords quarrés, il
faut que le coup soif appliqué avec beaucoup
de justesse là où la pierre repose, entre le
pouce et l’index. Les bords sont formés par
des coups très-précis; et lorsqu’ils sont trop
larges ou trop émoussés, ou les rend pointus
des deux côtés ou d’un côté seulement. Il fatot
beaucoup d’exercice pour ce travail , sur- tout
pour ne pas se frapper sur les doigts. On fa-
çonne une pierre dans une minute, et ordi- '
nairement elle forme un quarré assez parfait.
Il se trouve dans cet endroit un inspecteur ,
de la part du gouvernement , qui achette les •
pierres confectionnées pour son compte, et en
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( 252 )
empêche la vente lorsqu’il est nécessaire. Au-
trefois le gouvernement achetait toutes les '
pierres , et les ouvriers n’osaient en vendre
aux étrangers que cent à la fois ; aujourd’hui
ils en vendent autant qu’il leur plaît , si les
besoins du gouvernement ne le défendent.
Celui-ci paye 2000 reis pour 1000 pierres à
fusil; les étrangers payent 3 et 4000 reis. Elles
sont chargées comme des marchandises, sur
des mulets, et envoyées jusqu’en Espagne. On
prétend que toutes les pierres à fusil dont on
se sert en Portugal , proviennent de cet en-
droit. Un homme ne peut façonner que 2001
pierres par jour; ainsi il gagne 400 reis ( envi-
ron 31 iv. 4 s.). Il est naturel qu’il en tombe
beaucoup d’éclats, et ceux-ci sont entassés sans
qu’on en fasse aucun usage ; peut-être pour-
ra$t-on s’en servir pour fabriquer du verre dans
la verrerie voisine , à Marinha grande.
Au-delà de Rio-Mayor il faut monter une
montagne élevée, formée par une pierre
calcaire grisâtre et compacte. On y trouve
des veines d’argile blanche ; elle mérite d’étre
observée avec attention par un minéralogue»
pour qui les environs de RioMayor sont au
*'***« • * • , » w
•v«
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• ( 253 )
„ reste fort intéressans. La route est bonne
nouvellement construite, mais mal entre-
tenue. On n’aperçoit pas ici , comme dans
d’autres parties "du royaume , des amas de
pierres aux côtés de la route, qui serviraient
à réparer le dommage. On ne paye nulle part
pour l’entretien des routes. Aux deux côtés
du chemin on n’aperçoit qu’un désert mon-
tagneux ; de temps en temps la route est bor-
dée d’oliviers et de chênes , mais on n’y vpit
aucune habitation. Après avoir voyagé pen-
dant deux lieues, on arri.ve à des maisons •
isolées , nommées Candieiros , où il y a une
auberge miséi’able, mais propre. On a encore
trois lieues jusqu’à Cavalhos, par un pays
très-monotone, pourvu cependant de beau-
coup d’oliviers qui forment une forêt d’une
lieue de long. Autour de Cavalhos le pays
prend un aspect plus riant; on voit beaucoup
de chênes et d’arbres fruitiers ; les maisons du
village sont dispersées. On trouve ici une
bonne auberge et une maison de poste pour
la diligence de Lisbonne à Coimbre , établie
depuis 1798; on voyage commodément et à
peu de frais dans ces diligences. D’ici à Leiria
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( 2 $ 4 )
il y a également trois lieues. D’abord le pays
présente le même aspect, mais il devient plus
riant près du village de Calvaria ; la campagne
est agréablement variée pardes champs, des
buissons et des ruisseaux limpides. Nous avons
déjà parlé de la ville de Leiria.
La fameuse verrerie de Marinlia grande
n’est qu’à deux lieues de distance. Lorsqu’il
a tombé de grandes pluies, le ruisseau est
si. considérablement grossi, que le chemin
devient difficile; dans ce cas il faut retourner
à Calvaria, et depuis ce village une belle
route conduit à droite jusqu a Marinha ,
distant de quatre lieues. Il n’est donc pas
nécessaire d’aller à Leiria, mais seulement
depuis Cari'alhos à Calvaria , et de- là à
Marinha. Depuis Calvaria on rencontre quel-
ques forêts de sapins , ensuite des champs; on
voyage sur une belle route , établie par les
propriétaires de la verrerie. Marinha s’an-
nonce par plusieurs petites maisons de pay-
sans; ensuite on aperçoit les bâtimens de la
verrerie , le jardin et la belle et grande maison;
Un Anglais, nommé Stephens y a établi cette
verrerie , et en est encore propriétaire. J’ap-
f
{ 255 )
prends qu’à force de travail il est sorti d’un
état très-obscur; mais il a eu beaucoup de
bonheur , et a été favorisé par la reine et plus
qu’aucun autre entrepreneur de fabriques en
Portugal. Autrefois tout le verre venait de
l'étranger; les habitans de la Bohême faisaient
sur-tout un commerce considérable de verre-
ries en Portugal , et on trouve encore mainte-
nant les restes de beaucoup de familles bohé-
miennes dans le royaume , qui s’établirent à
cette occasion dans ce pays. Elles ne s’en
tinrent pas long-temps au commerce du verre,
mais y réunirent d’autres branches de négoce,
et gagnèrent des sommes considérables par la
contre-bande. Pombalïut le premier qui pensa
à l’établissement d’une verrerie; mais il fit
. comme à l’ordinaire, on s’y prit mal pour
commencer la chose; oit établit une verrerie
de l’autre côté du Tage , vis-à-vis de Lisbonne.
Les forêts n’y sont pas assez considérables
'•pour approvisionner une verrerie , et peuvent
être employées à un tout autre usage, à cause
du voisinage d’une aussi grande ville que
Lisbonne , où l’on se sert par-tout de pins ma-
ritimes pour la construction. Cette verrerie
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* JC
c 256 )
cessa bientôt d’exister. Alors arriva M. fste*
phens , et son établissement a eu jusqu’à ce
jour le meilleur succès.
En l’absence du propriétaire qui réside ordi-
nairement à Lisbonne , le Comte fut reçu avec
beaucoup de politesse par le directeur José
de Souza e Oliveira. Des étrangers connus
6ont ordinairement logés chez lui ; on est ce-
pendant dans l’usage d’envoyer les domes-
tiques à l’auberge. — Le sable pour la prépa-
ration du verre se trouve en partie dans le
voisinage; on en fait aussi venir une grande
quantité d’Angleterre, et celui-ci est d’une
beauté, d’une blancheur et d’une finesse par-
ticulières. La soude (barilha) vient d’Ali-
cante; fort peu des environs de Sétuval. Cette
dernière est préparée avec plusieurs plantes,
marines; mais elle est malpropre, noirâtre , et
reconnaissable aux morceaux de charbon dont
elle est mêlée ; celle d’Alicante au contraire ,
où l’on cultive la soude , est d’un gris cendré.-
Ori fait aussi venir delà potasse de l’Amérique
septentrionale. Depuis quelque temps Porto
fournit du tartre. Le propriétaire reçoit gratui-
tement le bois de la grande forêt de sapins»
( aS 7 )
îe Pinhelde Leiria qui est dans le voisinage.
Il est obligé de le faire couper et voiturer à
ses frais. La verrerie ne doit employer que le
bois mort ; mais comme la forêt est mal en-
tretenue, il y en a plus qu’on n’en a besoin.
Certes , lorsqu’un gouvernement donne gra-
tuitement tout le bois à une verrerie , et qu’il
établit des droits très-considérables sur l’en-
trée du verre étranger , une verrerie ne peut
manquer de prospérer, et le propriétaire de
devenir un homme très-riche. Il ne fait ce-
pendant pas ce qu’on aurai! droit d’attendre
de lui; le verre est de mauvaise qualité, et n’a
ni la dureté, ni l’éclat du verre étranger;
il se casse facilement. Il faut que cela tienne
h la manière de le préparer , parce que les
matériaux , le sable d’Angleterre et la soude
d’Alicante sont fort" bons. Ce jugement sur
l’établissement de M. Stephens diffère de
celui que j’ai porté dans le T. II. A cette
époque nous n’avions pas encore .visité Ma -
7inha,
La forêt de sapins de Leiria , connue sous
le nom de Pinhel da Leiria , dans tout 1©
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4
C38 )
royaume , fut plantée par le granc^ roi D.
Diniz , à la fin du i3. e siècle , ainsi dans un
temps où nos ancêtres étaient encore barbares.
Elle est située vers la mer par rapport à
Marinha, est longue de six lieues , large de
deux , et consiste sur tout en pins maritimes.
Depuis qu’elle est plantée , on n’a rien fait
pour sa conservation ; si on ne remplace pas
les vieux arbres par de nouveaux, elle sera
bientôt épuisée. Le bolet vivace {boletus pini-
perda nob . ) cause de grands ravages dans,
cette forêt. Il s’attache là où sortent, les
branches; peu à-peu il acquiert la grandeur
d’un pied et au-delà , et occasionne , lorsque
sa racine pénètre , un écoulement de sève qui
détruit l’arbre. Il est hors de doute qu’en
éclaircissant convenablement cette forêt , on
aurait bientôt remédié au mal.
Outre les deux promontoires , les environs
autour de Cabo de Rocca et Espichel , qui
ont un caractère particulier dont nous avons
parlé plus haut , l’Estremadure est formée
par une chaîne de montagnes calcaires éle-
vées et fertiles ; vers la mer on aperçoit des
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( 25 9 «5
montagnes de grès , peu élevées et moins fer-
tiles. Les dunes sur le bord de la mer sont
très-étroites ; de là provient la^fertilité de
cette province.
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1
CHAPITRE Y.
% LA PROVINCE ALEMTEJO.
■I,° Elvas. Observations sur V administra-
tion judiciaire en Portugal .
Les Frontières naturelles de la province
d’ Alemtejo sont , vers le nord , léTage , et au
midi la haute chaîne de montagnes qui la
sépare des Algarves. Les Frontières politiques
ne sont pas les mêmes. La Comarça de Sé-
tuval et une petite étendue de payé autour de
Chamusca , A.lmerim et Salvaterra , Font
pai'tie de la province d’Estremadure. La pro-
vince d’Alemtejo est en général si uniforme ,
qu’il est aisé d'en donner une description.
Les plaines vers le fleuve sont sablonneuses,
couvertes de forêts de pins maritimes , de
bruyères et de cistes , parmi lesquels ceux qui.
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( 260 '
portent nne fleur jaune , sont les plus fréquens.
J’ai parlé dê ces landes , T. 1 , p. ig5. La
plus grande partie de cette province est formée
par des collines ou des montagnes de grès
feuilleté, couvertes de ladanum ; ce qui la
rend un désert aride et uniforme. Cet arbuste
tient lieu de forêts dans ce pays , car il four-
nit le bois à brûler et le charbon , et peut--,
être qu’un Portugais ne trouverait pas moins
monotones et tristes les grandes forêts de sa-
pins dans le nord. De cette espèce de mer
sortent des îles , des plateaux de montagnes
dispersés de granit et de pierre calcaire ,
comme les environs de Beja et d’Evora, et les
cantons d’Elvas et d’Estretnoz. Partout où il
y a du granit, on trouve de l’eau et une riche
végétation. Les montagnes calcaires sont plus
fertiles que celles de pierre sablonneuse ou de
grès. De beaux champs de froment , des bou-
quets épars de chênes verds , des habitations
dispersées, rendent ces contrées fort agréables.
Ce n’est que dans la partie nord-ouest de la
province que l’on voit des forêts de châ-
taigniers sur les montagnes. Une chaîne de
montagnes calcaires, la Serra de Arrabida ,
» 7 >*
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( 262 )
s’élève des landes près de la mer , et forme
le Cal> o Espichel.
C’est par une de ces belles contrées grani-
tiques qu’on entre dans le royaume en venant
de Bajadoz , après avoir passé la petite rivière
Caya ( et non pas Cayo ). La frontière n’était
point gardée ; du côté du Portugal , on trouve,
à droite du chemin , une petite maison. On
aperçoit la forteresse d’Elvas depuis Bajadoz,
comme un amas de maisons blanches situées
sur une colline couverte d’oliviers. Nous com-
parâmes le Portugal à l’Espagne , et notre
jugement fut en faveur du premier pays,
parce que notre attente fut surpassée. L’Es-
pagnol dit : le Poiÿugal est un pays affreux ,
les chemins y sont impraticables ; les maisons
sont si mauvaises , qu’on aperçoit les étoiles
dans son lit ; la nation est fausse et rampante.
L’Espagnol a raison’, les chemins ne sont
pas faits pour des voitures ; dans beaucoup
d J auberges , le toit est formé par des roseaux
qui laissent pénétrer la lumière , mais point
la pluie. J’admets que ,1a politesse des Por-
tugais coûte souvent de l’argent ; mais la gros-
sièreté des Espagnols le prend aussi , et j’aime
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( 263 )
mieux perdre mon argent par des flatteries
que par des menaces.
On écrivit nos noms à la porte avancée de
la forteresse d’Elvas. Accompagnés d’un garde
et munis de notre laissez-passer , nous fûmes
conduits à la porte intérieure , et de-là au
corps-de-garde. L’officier nous fit mener
d’abord chez le Corregedor , ensuite chez le
Juiz de Fora , mais tous les deux étaient
absens. Alors nous fûmes conduits chez le
Gooernador; mais il ne voulut pas s’occuper
de passeports civils , et nous dit d’aller où il
nous plairait. C’est ainsi que nous entrâmes
dans ce pays sans aucune difficulté. La douane
était fermée, parce que c’était un dimanche ;
mais le soir nous achetâmes pour un cru -
zado novo ( 4 francs), à YEscrivao da
fandega , une guaiac u laissez-passer; et nos
effets ne furent point visités. Du côté du Por-
tugal , on n’est pas très-sévère à l’égard de la
douane ; les villes frontières , ainsi que tout
le royaume, gagnent beaucoup par la con-
trebande avec l’Espagne. Il n’y a que quel-
ques objets manufacturés, par exemple, des
mouchoirs de soie, qui entrent en fraude dans
17...
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( 264 )
le pays , au préjudice du Portugal ; mais ils
sont ordinairement accompagnés de piastres :
l’Espagne reçoit en échange , au préjudice de
ses manufactures , du tabac en poudre , des
çotonades et des marchandises anglaises.
Fischer , dans son Voyage eh Espagne , parle
avec beaucoup de détail de ce commerce de
contrebande. Nous rencontrâmes bientôt deux
contrebandiers , un seigneur bien armé et
son domestique , que nous reconnûmes aussi-
tôt à leur air méfiant. A jlrrayolos , on par-
lait cependant aussi publiquement d’eux
comme contrebandiers , qu’en Espagne , des
brigands.
Elvas , comme la plupart des villes du Por-
tugal , a des maisons en pierre qui sont peintes
en blanc, et présentent un coup-d’ceil,agréable.
Il y a une citadelle dans la ville , mais elle
ne se nomme pas de Santa-Luzia , comme
le dit Busching ; à une portée de fusil de la
ville , est situé le fort de Santa-Luzia , sur
une colline qui domine la ville. Le fort de
Lippe est situé sur une autre colline. La for-
teresse était gardée par cinq régimens. Elvas
est la meilleure forteresse du royaume ; dans
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' ( 265 )
toutes les guerres avec l’Espagne , et même
dans la dernière , elle a toujours été bloquée.
Le superbe aqueduc os arcos de ^4 more ira ,
à l’ouest , repose sur quatre rangs d’arcades.
De Lima et Busclüng n’en citent que trois; «
Colmenar au contraire, cinq; le nombre moyen
est par conséquent le véritable. J’ignore dans
quel temps et par qui cet aqueduc a été
construit. Il s’élève majestueusement dans la
charmante vallée couverte de champs de fro-
ment, et ombragée par des oliviers.
J’ai parlé, T. I , p. 172, de l’administra-
tion judiciaire en Portugal ; j’y ajouterai en-
core quelques observations. Le Corregedor , •
ou juge suprême de chaque district, prononce
en* seconde instance ; on peut appeler de ses
jugemens aux deux tribunaux supérieurs du •
royaume ; on ne peut interjeter appel que
sur des affaires de peu de conséquence. Non-
seulement il peut suspendre de leurs fonctions
les Juizes de Fora, mais il peut les faire
emprisonner. Il est tenu de faire chaque an-
née une tournée dans son Corregimento. Le
roi D. Fernando institua les Corregedores
eu 1372. Ce roi est du nombre des prinoes
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# V
( 266 )
éclaires qui gouvernèrent le Portugal avant
la domination des Espagnols , et cette insti-
tution lui fait honneur. Le titre de Corregedor
n’est usité que dans les districts royaux en
Europe , et dans les îles , c’est-à-dire, à Madère
et ^ux îles Açores ; dans les districts des Dona-
torios , on le nomme Corregedor Ouvidor ,
et dans les colonies simplement Ouvidor. Les
Donatorios sont maintenant réunis à la cou-
ronne, c’est-à-dii’e , la maison de Bragance,
la maison do Infantado , le grand prieuré de
Crato et la maison de la reine. On a cependant
assigné à chacune un département particulier
. qui nomme aux places de juges. Dans les pro-
vinces de la couronne proprement dites , la
Meza do desambargo do Paço en est
. chargée. Le Corregedor est souvent à la fois
Provedor ,* deux Corregimentes sont quelque-
fois sous un seul Provedor , comme c’est le
cas dans les Algarves.
A près les Corregedores viennent les Juizes
de Fora (juges étrangers) , qui prononcent en
première instance dans toutes les affaires ci-
viles et criminelles. L’histoire des Juizes de
Fora est obscure ; on n’en connaît point exae-
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C 26 7 ) ,
tement l’origine. Ce n’est que depuis le grand
roi D. Manoel qu’on en a établi dans toutes
les villes. Ils n’occupent leurs fonctions dans le
même endroit que pendant trois ans , au bout
desquels on les transfère dans des villes plus
considérables ; on les nomme aussi à la place
de Corregedores t 1 à d’autres charges. Souvent
on les confirme dans leur emploi ; c’est une
■espèce de disgrâce , et on regarde le lieu de
leur résidence comme un exil. Le Juiz de
Fora de Monchique se plaignit à nous de ce
que depuis neuf ans il résidait dans cette ville
éloignée , dont les environs agréables n étaient
qu’un faible dédommagement des plaisirs de
la capitale. La translation des Juizes de Fora
est une institution très-sage ; on a cherché à
empêcher par-là les liaisons avec les habitans
du lieu , l’influence de famille et la partialité.
Dans les grandes villes il j a deux Juizes de
Fora , dont l’un est chargé des affaires civiles
(Juiz do civel ) , et l’autre des affaires crimi-
nelles ( Juiz do crime ). Outre ces juges il se
trouve dans chaque endroit une Camara , qui
est un reste des anciens magistrats des villes »
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( 268 ) \
mais qui est fort bornée; elle a la surveillance
des biens communaux.
En général , nous n’avons pas à nous
plaindre des Corregedores et des Juizes de
Fora; il ya parmi eux des hommes aimables
et instruits. Comme ils doivent avoir étudié
plusieurs années à Coimbre , ils sont assez
éclairés; et s’ils n’ont pas de connaissances,
ils cherchent cependant à prouver leur amour
pour les sciences. Nos occupations de faire des
recherches sur les produits naturels , ne les
surprirent point ; souvent ils nous ont donné
des notions à ce sujet , pour nous prouver
qu’ils n’étaient pas tout-à-fait étrangers aux
sciences. Dans les petites villes le Juiz de
Fora fait partie de la bonne société de l’en-
droit; et le nombre de jeunes gens qui sont
répandus dans le pays par l’occupation de ces
charges , y donnent un ton qu’on ne s’attend
pas à trouver dans des lieux éloignés des
grandes villes.
Nous n’avons rencontré dés juges du pays
( Juizes da terra ) que dans les petites villes
éloignées ou dans les grands villages , nommé-
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( 2 % )
ment à Cabo S. Vicente. Ils sont élus par
les habltans , et confirmés par le gouvernement;
ce sont pour l'ordinaire des habitans du lieu
ou des gens de la campagne. Il paraît que
cette institution est primitive, et il est à pré-
sumer que tous les endroits avaient leurs juges
du pays avant d’en recevoir d’étrangers. Un
étranger éprouve beaucoup plus de difficultés
avec ces gens ignorans et fiers de leur emploi
qu’avec les Juizes de Fora ; souvent ils
doflnent lieu à des scènes très - plaisantes*
Dans le village Bem Safrirn, où un pareil
juge demanda nos passeports, on lui montra
la portaria , dans laquelle il était ordonné de
nous donner tous les secours , avec prière de
nous assigner un gîte. Aussitôt ce juge s’en-
fuit, se cacha et ne reparut plus.
La ville de Lisbonne a, comme de raison,'
plus de juges qu’une autre; elle est divisée en
trois arrondissemens, de A !fama,doMejo et de
Bairra alto , dont chacun a un Corregedor et
un Juiz dos Orfaos : ces derniers sont sous
les ordres du Provedor dos Orfaos. En outre,
il y a pour les affaires criminelles six Corre -
gedores do crime , en y comprenant celui de
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I •
( 27 ° )
Belem ; et $e\)tJuizes do crime , pour lesquels
la ville est divisée en plusieurs sections. On
voit par-là qu’il ne manque pas de gens de
justice.
Le Juiz de Fora a sous ses ordres plusieurs
juges subalternes, sur-tout dans les grandes
villes, les Vereadores , les Meirinhos , et
XAlcaide ( Alcade des Espagnols). Ils sont
tous habitans de l’endroit, et n’ont point fait
leurs éludes. Ils se suivent dans l’ordre *jue
nous venons d’indiquer; et, plus ils sont su-
balternes, plus ils sont ignorans et grossiers.
Comme dans l’absence du Juiz de Fora ils
sont chargés de ses affaires , un voyageur
doit les craindre. J’ai rapporté, T. II, p. 108,
une scène que nous eûmes avec XAlcaide de
Cezimbra . Les Vereadores furent ceux qui
nous traitèrent avec le plus de politesse.
Un. étranger doit sur -tout se garder des
Escrivaes (écrivains). Ce sont des employés
de la justice qui, à la vérité, n’ont point
étudié , mais qui s’instruisent dans les formes
judiciaires comme nos notaires; ce sont eux
qui questionnent les étrangers. On les ren-
contre toujours au nombre de deux dans le
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( 2 7 l )
service : l’un fait les questions ;* l’autre accom^
pagne le premier , et porte une épée nue sous
son manteau ( Escrivao das armas J. Les
magistrats laissent trop de liberté à ces fri-
pons, soit par paresse, soit pour toute autre
cause. On apprendra à les connaître par l’évé-
nement rapporté T. II, p. 102. Ils tombent-
sur les étrangers comme sur une proie qui
leur appartient ; je ne me rappelle aucune
circonstance où ils aient fait leur demande
avec politesee.
Les Corregedores et les Juizes de Fora,
protégés par le gouvernement, ont su réunir
toutes les branches de l’autorité , et sont
devenus par-là d’excellens insfrumens du des-
potisme. Presque toujours étrangers à l’endroit
où ils sont placés , iis n’ont d’autres vues ,
d’autre intérêt que de captiver la faveur de
leurs supérieurs . Leur translation d’un endroit
à un autre est la cause que ces juges passa-
gers ont fait ce que firent les moines, indé-
pendans dans les lieux de leur résidence,'
pour leur chef ecclésiastique. Le gouverne-
ment s’en est aperçu et a augmenté leur pou-
voir; le militaire dans les provinces leur est
f
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( 2 7 2 )
même subordonné dans foules les affaires
civiles ; car il n’y a que trois régimens ù
Lisbonne qui aient leurs juges particuliers :
on a été jusqu’à charger ces juges du recrute-
ment de l’armée. En 1798, lorsqu’on chercha
à augmenter l’armée , les Juizes de Fora re-
çurent des ordres pour enrôler tous les jeunes
gens dans les villages, et les faire conduire
aux différens régimens; le gouvernement ré-
compensa leur zèle par l’ordre du Christ ou
d’autres distinctions.
La sévérité qui , par cette institution , est
exercée sur le pays , est très-grande. Pendant
le cours de nos voyages nous n’avons pas tra-
versé de ville ou de bourg où nous ne fussions
obligés de montrer nos passeports et de nous
faire conduire chez le juge ; ce n’est que dans
les grandes villes que nous fûmes exemptés de
cette formalité. A Evoraet à Coimbre personne
ne s’inquiéta de nous, et à Lisbonne on pou-
vait rester très- long- temps sans que le gouver-
nement y fît attention. Ce ne fut qu’à Saca-
vem , à une lieue’de la capitale, où l’on passe
la rivière, qu’on nous demanda nos passe-
ports : mesure très-inutile, caron peut entrer
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'J
( 2 7 3 )'
dans la ville sans passer par cet endroit. Ainsi
la capitale est l’asile de tous les vagabonds du
royaume; ce qui donne une mauvaise répu-
tation à la nation chez les étrangers , qui
n’ observent que ce qui se trouve le plus près
d’eux.
Mais d’un autre coté il ne faut pas mé-
connaître l’utilité de cette rigueur; le pays
est par-là purgé des brigands , et on y
voyage plus sûrement que dans aucune autre
contrée de l’Europe. On n’entend parler de
brigands qu’à Lisbonne ou vers les frontières
d’Espagne. Les Juizes de Fora , la plupart
jeunes et courageux , ont bientôt donné la
chasse et exterminé les brigands. Dans l’été
de 1798 , la recette du monopole du tabac
à O-porto fut enlevée snr la route de Lis-
bonne , dans les environs de Pombal. Aussi-
tôt on prit les mesures les plus sévères ; au-
cun Portugais ne pouvait voyager sans un
passeport du Corrégedor ; aucun étranger,
sans un passeport de l’intendant de la police
ou du secrétaire d’état. Si on ne trouvait point
de passeport ou s’il n’était pas en règle , le
voyageur était aussitôt mis eu prison. Des
18
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( 274 )
paysans armés parcouraient les grandes routes
et arrêtaient chaque passant. Dans le même
jour tous les endroits furent cernés et visités.
Çes mesures eurent le succès désiré ; on se
saisit bientôt des auteurs du vol. Il était fort
désagréable , sur tout pour un étranger , de
voyager dans le pays ; car partout on était
exposé aux jésuites des Escrivaes . A Viseu ,
je voulus passer le soir d’une auberge à une
autre ; je fus aussitôt saisi par un Es cri va o
qui voulut m’emmener. Ce fut avec peine
que je parvins à le faire entrer dans la mai-
son pour examiner mon passeport qui avait
déjà été visé par le Corrégedor .
La surveillance était heaueaup plus grande,
lorsqu’au commencement de la révolution
française on craignait partout les émissaires
jacobins. Brotero > professeur de botanique à
Coimbre , herborisa à cette , époque à ^Ar-
rondies , dans l’ Alemtejo , à peu de distance >
des frontières .d’Espagne. On le prit pour un
jacobin qui voulait s’introduire dans le pays
à la faveur de son habit de prêtre , et on le
mena chez le Juiz de Fora. Il en appela à
son accent portugais , à sa connaissance du
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( * 7 5 )
pays; ce fut en vain , on l’enferma dans un
noir cachot , où il resta quelques jours jusqu’à
ce qu’on l’eût réclamé de Lisbonne , et qu’on
eût prouvé son innocence. Cet homme un peu
hypochondre , qu’on avait déjà soupçonné
de conspiration dans sa jeunesse , fut vive-
ment pénétré de cet accident; il en parla
souvent, et son imagination se représentait
toujours les images de ce traitement injuste.
On se plaint généralement de ce qu’on fait
languir les prisonniers dans les cachots avant
que leur affaire n’ait été informée. C’est un
défaut dans l’administration judiciaire et une
négligence coupable de la nation. L’oppres-
sion du pauvre , l’indulgence envers le riche
oppresseur, sont un autre défaut capital de la
justice portugaise, qui donne lieu aux plaintes
les plus amères. Les vices secrets ne sont pas
corrigés par des lois ou des ordonnances ; il
faut qu’une nation soit éclairée pour les
abolir.
C’est à dessein que j’ai parlé en détail des
employés subalternes de la justice, parcequ’ils
ont la plus grande influence sur le peuple ,
et qu’il en» est rarement parlé dans les écrit*,*-
i9.
«
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( 276 )
qui ne font mention que des tribunaux su-
prêmes. Le Portugal a , comme on le sait,
deux tribunaux d’appel» Le premier est la
Relaçao do Porto pour les trois provinces
septentrionales ; on peut cependant en appeler
au tribunal suivant , dans les affaires qui ne
passent pas 25o,ooo millereis en immeubles,
et 35o,ooo millereis en biens meubles. Les
juges se nomment Desembargadores dos
^ éggravos , ou simplement Aggravistas.
Le tribunal d’appel , pour les trois provinces
méridionales , et dans les cas susdits pour tout
le royaume , est la Casa de Supplicaçao , à
Lisbonne. Dans les deux tribunaux il y a des
assesseurs particuliers pour les affaires cri-
minelles , pour celles qui concernent la cou-
ronne , etc. Les auditeurs ou conseillers titu-
laires portent le nom singulier ü Extrava-
gantes. Le nombre des avocats est très- grand,
et l’on peut juger par-là que la justice n’est
pas bien administrée. Ils n’ont cependant
pas leurs écharpes dans les rües , comme à
Madrid. Le droit romain a été aboli sous
Pombal , et il y a même une peine pour ceux
qui le citent. On se sert des anciennes lois du
*
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P
( 2 77 )
pays , qui ont été réunies eq,un code par dif-
férens rois , et en dernier lieu par D. Joao
F, en 1747. Une junta ordinaria et une
junta plena ont été établies depuis le com-
mencement du règne actuel , pour la révision
et la censure d’un nouveau code civil ; mais
ils n’ont encore rien publié.
Outre les deux tribunaux suprêmes en Por-
tugal , il y a des tribunaux d’appel ou Re -
lacaos à Rio de Janeiro , Behia de Todos
os Santos , et à Goa. Us sont présidés, outre
le chancelier , par le Goverutdor ; les asses-
seurs se nomment Desembargadores.
Un tribunal très-important est la Meza do
Desembargo do Paço ; traduit littéralement ,
Table des affaires du Palais . 11 nomme , sous
les auspices du régent , aux places de juges
dans tous les anciens districts royaui: et dans
les colonies , et les assesseurs des deux tri-
bunaux suprêmes ; il règle les différends en-
tr’eux , ainsi que ceux de la justice ecclésias-
tique et laïque ; il explique les anciennes lois
et promulgue les nouvelles ;<en un mot il est
chargé des affaires les plus importantes de
l’administration intérieure du royaume. è Cette
18.
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( 278 )
mcza , son assesseur , l’intendant de la po-
lice , et les ministres, sont les vrais souverains
du pays.
Chaque ville , soit qu’elle porte le titre
pompeux de Cidade , ou seulement celui de
Villa , est entourée d’un territoire ( termo ) ,
qui consiste en villages çt en maisons dis-
persées , et qui est soumis aux mêmes juges.
Le nombre des villes est considérable ; il y
en a beaucoup que nous ne nommerons que
des bourgs ; cependant il ne faut pas toujours
traduire Villa ainsi, parce que, comme en
Espagne , il y a de très-grandes Villas. Le
nombre deè maisons dispersées dans le pays
est encore très-grand , sur-toUt dans l’Alem-
tejo et dans le Minho. Le nombre des villages,
et sur-tout des grands villages, èst au contraire
peu considérable. On traverse plutôt dix villas
qu’un seul village , au lieu qu’en Espagne ,
on trouve plus rarement des villes et d’autant
plus de villages ( pueblos ). Les Portugais
n’ont pas même un mot dans leur langue pour
désigner un village , comme je l’ai déjà ob-
servé , T. I, p. 170 ; car l’expression povo
n’est qu’une traduction peu usitée de pueblo ,
Digitized by Google
f
V
( 2 79 )
et une aldea est souvent une villa consi-
de'rable. Dans le nord du Portugal il y a des
communes nommées Concelhos ; de petits
endroits ou des juridictions particulières
portent des noms diflérens. Ils se nomment
Coûtas ( loci cauti , autrefois asyle), lors-
qu’ils appartiennent à des couvens ou à des #
chapitres, et autrement Julgados , Behetrias,
Honras. Il suffit de savoir que les historiens
portugais eux-mêmes sont ignorans sur la
différence des derniers et leur dénomination.
Il est aisé de se convaincre quelle influence
cette foule de petites villes pourvues de leur
propre juridiction, et le petit nombre de vii
lages doivent avoir sur la nation. Il est clair
qu’on bannit par-là ce que nous nommons
rusticité , et par un jeu de mots qui n’altère
cependant en rien la vérité , on peut affirmer
que V urbanité est très-grande en Portugal.
2°. Elvas. Le militaire portugais.
Dans l’histoire des guerres dm Portugal i
aucun -endroit n’ëst aussi souvent cité que
Elvas ; ainsi , il me paraît convenable de
parler, à cette occasion, du militaire portugais.
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( 280 )
Une guerre nouvelle , quoique de courte
durée, entre l’Espagne et le Portugal , a fait
porter l’attention pendant quelque 'temps
sur le Portugal, et a donné lieu , comme c’est
l’ordinaire , à des jugemens vrais et faux. Au
reste , il s’est opéré quelques clïangemens que
je dois mentionner^ on m’excuseré donc si je
reviens encore une fois sur cet objet.
En comptant les régimens dont nous avons
donné la liste T. I , p. 180 , on ne trouvera
.que 26 régimens d’infanterie , i 3 régimens
de cavalerie, 4 régimens d’artillerie, une lé-
gion de hussards et le corps d’ingénieurs , quoi-
qu’on cite dans les statistiques 28 régimens
d’infanterie. La raison en est qu’on y com-
prend les deux régimens de la marine que
j’en avais exclus. Ceux-ci ont éprouvé depuis
peu une nouvelle organisation ; d’abord on les
licencia et on forma une brigade de six mille
hommes , composée d’un tiers d’artillerie ,
d’un tiers de fantassins et d’un tiers de
matelots ; elle porta le nom de brigada real
da Marinha. La plupart des soldats des
deux régimens de la marine furent incorporés
dans cette brigade. Cet arrangement déplut
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( * 8 . )
au duc de laFoes , sur-tout la suppression de
deux régimens qui avaient fait partie de l’ar-
mée , et l’introduction d’une nouvelle espèce
de milice par 1% volonté du ministre de la
guerre, qui était sous les ordres de l’amirauté
et qu’on avait par conséquent soustrait à son
commandement. Il fit tant qu’au bout de deux
ans on forma, des restes des deux régiraens de
la marine, un seul qui , au lieu d’être appelé
de réal Armada , se nomme regimento do
Lisboa. Il faut donc compter maintenant 27
régimens d’iufanterie.
Je ne puis donner au juste le nombre de
troupes ; il y a tout au plus 38 à 3 gooo
hommes. Ces forces sont bien peu considé-
rables pour garder les frontières étendues d’un
pays étroit, contre l’Eèpagne, puissance qui , »
dans la dernière guerre avec la France , a
mis 80,000 hommes sur pied , et qui* a déjà
reçu , dans ses guerres avec le Portugal , deux
fois des troupes auxiliaires de la France.
L’Angleterre même ne pourrait pas garantir
le Portugal aussi-tôt que la France et l’Es-
pagne réunies voudront subjuguer ce petit
royaume. Chaque Portugais en est convaincu ;
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»
( 282 )
conviction qui est propre à abattre le courage
d’uDe armée. Le nombre de, places fortes
sur les frontières affaiblit tellement l’armée
portugaise par les garnisons dont il faut les
pourvoir , que dans tous les cas les Espagnols
sont supérieurs en nombre aux Portugais. Le
Portugal n’a que deux remparts à opposer à
l’Espagne , la grande sécheresse des montagnes
arides sur les frontières, et les inondations des
torrens en hiver* Ces dernières terminèrent la
campagne de 1762. ,
Les troupes portugaises ne sont point en
apparence aussi mauvaises qu’on le croit ordi-
nairement, et je persiste à dire qu’un officier
prussien n’aurait pas désavoué pour cama-
rades ceux de la garnison d’Elvas. Les troupes
à Elvas sont supérieures à celles qui forment
la garnison espagnole à Badajoz. 11 est vrai ,
ce que m’a observé un critique fort judicieux,
<fue les meilleures troupes portugaises se trou-
vent à Elvas , et les plus mauvais soldats
espagnols à Badajoz. Je sais que les officiers
espagnols regardent Badajoz comme un lieu
d’exil ; mais les troupes portugaises , dans
id’autres lieux , à Lisbonne , anx Algarves, etc.
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C 283 )
to’étaient pas mauvaises. On leur fait souvent
passer la revue; il y en eut une en 1798, près
de Castanheira , entre Santarem et Lisbonne.
La cavalerie me parut cependant moins bonne
que l’infanterie. Elle est montée sur des che-
vaux entiers, comme je l’ai observé dans le
premier volume; c’est une chose qui étonnera
les habitans des pays septentrionaux, qui ne
savent point que dans ces pays méridionaux
les chevaux entiers de la belle race originaire
d’Afrique ont de l’ardeur , mais sont plus
faciles à dompter et à conduire que dans nos
contrées froides. On m’a dit , et Bourgoing
prétend la même chose de la cavalerie espa-
gnole , que ces chevaux deviennent plutôt
poussifs que ceux de la cavalerie française,
allemande et anglaise.
Le Portugal a une milice très-considérable
qui est divisée en 43 régimens, dont chacun
a son colonel. Le Minho en fournit 8, la par -
tido d’O - Porto 4, le Traz os Montés 8,
Beira 7 , Estrémadure 8, l’Alemtejo 8, et les
Algarves 3 . Il est vrai que tous le pays est ar-
mé , mais cette milice n’est pas exercée.
• Les colonies du Portugal pourvoient elles*
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C 284)
mêmes à leur défense. Les régimens que fai
cités T. 1 , p. 182, sont formés par les natu-
rels du pays , et doivent être en bon état. Il faut
y ajouter, comme en Portugal, une milice
provinciale qu’on lève lorsque les circonstances
l’exigent. Il y a encore quelques régimens
européens au Brésil , comme je l’ai déjà ob-
servé; mais ils ne furent envoyés que pour
prévenir une révolte au commencement de la
révolution française. Le ci-devant ministre de
la marine , D. Rodrigo de Sousa Coutinho ,
a fait ordonner qu’aucun officier dans les
colonies ne pût obtenir un congé pour venir
en Portugal , et ceux qui se trouvaient dans
ce pays ont été obligés de se rendre à leur
poste. Ainsi , mon observation à l’égard du
régiment de Mosambique , qu’on pourrait
étendre plus loin t est maintenant inutile-. Les
colonies portugaises , comme celles de l’Es-
pagne, ne seraient pas faciles à envahir par
les puissances étrangères ; le Portugal et l’Es-
pagne n’ont rien à craindre d’elles relative-
ment à leurs colonies; mais ce qu’ils ont à
redouter , c’est que ces vastes et riches contrées
qui se peuplent journellement, ne se déclarent
»
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C 285 )
indépendantes. Si les Français fassent arrive**
au commencement de la révolution au Brésil ,
ils auraient soulevé ce paj's; plus tard, ils
étaient connus.
La situation du Portugal dans la dernière
guerre était très-critique. Les succès inattendus
des républicains français, la manière dont ils
traitèrent leurs ennemis , mirent le Portugal,
ainsi que d’autres petits états , près de sa ruine.
S’il se réunissait comme l’Espagne avec la
la France, il était séparé du Brésil par les
flottes anglaises ; et qu’est-ce que le Portugal
sans le Brésil? Il y avait donc du danger de
part et d’autxe; et aussitôt que la France eut
conclu la paix et une alliance avec l’Espagne,
se réveillèrent les deux partis dans le gouver-
nement portugais , le parti anglais et le parti
français, qui ont toujours été opposés. La
guerre de deux partis à la cour est , comme
on le sait, conduite d’une manière toute parti-
culière ; et ainsi que dans une bataille une
haie ou un ruisseau décide souvent du succès,
c’est souvent ici une chose bien moins impor-
tante encore. En un mot , le parti français
l’emporta lorsqu’ en 1797, on fit la paix entre
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I
( 286 )
le Portugal et la France; îé parti anglais ,
lorsqu’elle ne fut point ratifiée. L’or et l’Es-
pagne protégèrent le Portugal jusqu'à ce que
la France eût , en 1799, assez d’embarras avec
ses autres ennemis.
Les circonstances devinrent de nouveau
très-critiques, lorsque la France, sous Bona-
parte, remporta la victoire sur tous ses enne-
mis du continent, et que l’Espagne, qui ne
craignait plus comme auparavant, menaça
sérieusement. On pouvait s’attendre cependant
que l’Espagne ne desirait pas la ruine du
Portugal, pas même que ce royaume fût
affaibli. Le gouvernement français , qui pen-
sait avec plus de modération , ne demanda
que de l’argent , et le Portugal en possède en
quantité, sinon dans le moment, du moins
pour l’avenir, dans ses mines d’or. La France
et l’Angleterre se rapprochèrent ; alors on
vit éclater un simulacre de guerre. Malgré
qu’un jeune prince vînt en Portugal, auquel
son courage de chasser les Français du pays«à
la tête d’un corps qu’il avait levé lui-même
fait honneur. Ce fut cependant le vieux Duc
de laFoes, partisan déclaré des Français,.
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( 28 7 >
qui conduisit les troupes portugaises contre
l’ennemi. Les Espagnols envahirent , comme
à l’ordinaire, la province d’Alemtejo , blo-
quèrent Elvas , et assiégèrent Campo-Mayor %
forteresse autrefois importante, mais qui a
été ruinée par l’explosion d’un magasin à
poudre, en 1762, et qu’on n’a pas recons-
truite. La petite garnison portugaise soutint,
pendant trois jours , le bombardement avec
courage , et capitula ensuite. Ce fut le seul
événement de toute cette guerre. L’armée
portugaise se retira , les Espagnols la pour-
suivirent, et poussèrent leurs avant-postes jus-
qu’à Montemor a novo. A Lisbonne où il était
en général défendu de parler de cette guerre,
on ne craignait rien , et rien n’était encore
désespéré. L’armée espagnole avait à dos l’im-
portante forteresse d’Elvas , et entr’elle et la
capitale un large fleuve qui porte des vais-
seaux de guerre , et l’armée française n’était
point encore entrée en Portugal. Une prompte
paix termina cette mascarade.
L’Espagne a été facile à satisfaire; elle
s’est contentée de la forteresse d 'Olivenzv
et de son petit territoire , qui est situé sur la
\
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I
( 288 )
rive gauche de la Guadiana, et enclavé dan ;
le territoire £spagnol.On a détruit par-Jà un
repaire de contrebandiers, et sous ce rapport
cet endroit est important pour l’Espagne. On
doit être surpris cependant que l’Espagne
n’ait pas demandé le territoire sur la rive-
gauche de la Guadiana , autour de Muurcfo ,
Moura et Serpa , pour avoir des frontières
naturelles de ce côté, et empêcher la contre-
/ bande qu’on y fait.
I). Joao Carlos di Bragance , duc de
la Foes , généralissime de l’armée portugaise
dans la dernière guerre, naquit en 171g. Son
père était D. Miguel , fils légitimé du roi
D. Pàdre II. D. Joao déplut à Pombal ,
parce qu’il était parent du roi D. Joze , et par-
là dangereux au ministie. On dit qu’il a
blâmé la sévérité contre les révoltés d’O-Porto,
lorsqu’on a établi dans cette ville la com-
pagnie pour le commerce du vin , et qu’il en
parla au roi; du moins peu de temps après
il obtint la permission de voyager. Il se rendit
d’abord à Londres , ensuite à Vienne où
il était fort estimé de Marie-Thérèse ; il y
resta jusqu’à ce qu’il fût rappelé par la reine
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(-287 )
actuelle, après la chûtede Pombal. Son crédit
a toujours été très-grand, depuis ce temps;
c’est un homme éclairé qui , sous un gou-
vernement comme celui de la reine , a bien
mérité de sa patrie. S’il n’a pas acquis une
gloire militaire , si peut-être il ne le pouvait
pa^ il faut toujours considérer qu’il ne l’a
jamais voulu.
Celui qui connaît l’histoire du Portugal
doit savoir comment et pourquoi l’esprit mi-
litaire de ses soldats se perdit. La domination
espagnole a sur-tout corrompu la noble.^se ;
elle l’attira en Espagne et la gagna par dif-
férens moyens. Lorsque le duc de Braganca
monta sur le trône , on ne pouvait pas se res
poser sur la noblesse en partie envieuse , et
même pas pendant la guerre suivante avec
l’Espagne. La nation avait encore de l’énergie
à cette époque ; on pensa , pour la première
fois, à nommer un étranger chef de l’armée,
et le fameux Schomberg fut choisi ; ce fut
alors qu’on vit des troupes anglaises auxi-
liaires. La bataille iï Ameixal sauva le Por-
tugal ; les Anglais culbutèrent les Espagnols*
mais la cavalerie Portugaise lut repoussée par
4 **
19
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( 288 )
celle des Espagnols. Schomberg envoya dire
au général des Portugais , le marquis de
ViUaJlor , de faire avancer ses gardes. On
le trouva dans une gorge de montagnes , où
il jurait de ce que la bataille avait été en-
gagée sans son consentement f et il dit qu’il
ne s’en mêlerait point. Mais un colonel jjpr-
tugais s’embarassa fort peu du général ; sur la
demande de Schomberg , il copduisit un ré-
giment contre l’ennemi , et décida la défaite
des Espagnols. La nation fut mêlée contre son
gré dans la guerre de succession de l’Espagne ;
un roi faible , prodigue et dévêt , ne put pas
rendre son énergie première à la nation ; et
c’est de là que date la décadence du militaire.
Jïombal opprima le militaire, parce qu’il redou-
tait la noblesse , qui avait beaucoup de crédit
à l’armée ; le ministre était en sûreté sans
armée , par le parti nombreux qu’il s’était
dabord fait. Il vit. à la fin , que le Portugal
^ans armée serait continuellement en butte
aux tracasseries de l’Espagne , et adopta les
excellentes mesures du comte de la Lippe.
Beaucoup de ces institutions ne se soutinrent
pas , et ne répondirent peut-être pas à l’at-
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C 289 )
tente. Cependant la dernière guerre de la
révolution a porté l’attention du gouverne-
ment sur l’armée; la campagne, contre les
Français , en Roussillon , a sans doute été
très-utile , ainsi que les efforts qu’on a faits
depuis , qui ont porté l’activité dans l’armée.
II manque toujours de bons officiers ; on es-
time trop peu les capitaines et les officiers
d’un rang inférieur , quoique tout dépende
d’eux; aussi leur solde est-elle trop modique.’
On appelle des généraux étrangers dans le
pays, qui ne connaissent pas la nation, qui
sont hais et même tournés en ridicule par
les officiers et les soldats. L’armée portugaise
ne sera bien organisée que lorsque les Por-
tugais prendront du service dans l’étranger, et
qifils retourneront ensuite pour défendre leur
pays. Ceci n’a eu lieu que très-rarement ; ce-
pendant le chef d’un régiment d’infanterie, à
Lisbonne , G ornes freire-de j4.ndra.de o Cas-
tro 3 en offre un exemple. Au reste, l’armée
est commandée par deux feld-maréchaux
( Voy. T. 1 , p. 182 . ), trois généraux de l’in-
fanterie , de la cavalerie et de l’artillerie ,
un quartier-maître général , trois inspecteurs-
*9-.
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\
C 2 9 ° )
généraux de l’infanterie, de la cavalerie ef
de l’artillerie ; neuf lieutenans-généraux ( Te -
nentes Generaes effectives ) et beaucoup
d’autres qui n’en portent que le titre ; douze
maréchaux de camp ( Marechaes de campo) t
vingt-quatre brigadiers ( brigadeiros ). Les
autres grades sont : colonels ( Coroncis ) ,
lieutenans-colonels ( Tenentes- Coroneis ) ,
majors ( Sergentos mores ) , etc. On voit par-
là , que cette petite armée ne manque pas
d’officiers supérieurs ; circonstance qui a
beaucoup de suites fâcheuses, le mépris des
grades inférieurs, et la modicité de la solde
des officiers subalternes.
3 °. Voyages dans V Alemtejo supérieur.
«
Nous parcourûmes la province d’Alem-
tejo dans trois directions différentes. Un
quatrième voyage fut entrepris par le Comte
de H. . . . , d’abord depuis les frontières d’Es-
pagne , près d’Elvas , jusqu’à Lisbonne ,
voyage qui a été dédtit T. I. , p. 166,
21 3 . Les montagnes arides entre Elvas et
Estremoz, consistent en grez feuilleté; elles
sont couvertes de Ladanum ; mais à une
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C 291 )
lieue d’Estremoz , nous arrivâmes sur une
colline où est situé le village Mao Porcao ,
entre des buissons , des champs et des ver-
gers si agréables , qu’on se croit transporté
dans une autre contrée. C’est ici qu’on aper-
çoit la pierre calcaire lamelleuse, noire et
blanche , qui continue jusqu’à Estremoz.
Cette pierre calcaire fournit du marbre
d’une si bonne qualité, qu’on s’en est servi
à la construction de l’Escurial et du couvent
de Belem. J’ai dit que la ville d’Estremoz
n’était rien moins que belle ; cependant ses
petites maisons peintes en blanc lui donnent
un air de propreté ; la place publique est
sur- tout agréable ; on y aperçoit la citadelle
qui a ses fortifications particulières , mais
qui est enclavée dans les murs de la ville.
Comme nous voyageâmes très - vite , nous
n’eûmes pas le temps de visiter le lieu d’où
l’on tire l’argile dont on fait des vases qu’on
envoie d’Estremoz dans les antres parties du
royaume , et sur-tout en Espagne.. Ces vases
sont de l’espèce de ceux décrits T. I . , p.
412; ils sont peu cuits, pour favoriser par
leur molesse l’évaporation et la fraîcheur des
19.
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( 292 )
boissons. Ils contractent un goût argileux
! qu’on trouve très-agréable dans les vases
fabriqués à Estremoz. D’autres vojageurs
donneront des détails plus circonstanciés sur
cette argile et la fabrique de vases. J’ai
aperçu qu’une couche considérable d’argile
se trouvait au-dessous de la pierre calcaire.
D’endroit le plus prochain , Arragolos , est
situé sur une montagne de granit , de façon
qu’on le distingue à quatre lieues de distance.
Le sommet de la montagne est couronné
par un vieux château ; le couvent est situé
dans la vallée : d’ici l’on va à Montemor o
Nouo , où finit la partie supérieure de la
province. Toutes les auberges depuis Elvas
jusqu’à Lisbonne sont médiocres et meil-
leures que celles d’Espagne. La dernière
journée depuis Vendas Nouas jusqu’à Al-
dea Galega , est trop forte, et l’ Estellagem
ou auberge , à os Pegoes , fort mauvaise.
Vis-à-vis d’Aldea Galega, sur une hauteur,
est située l’église de Nossa Senhora de Ata-
laya , (non pas Attaraya , comme il est
dit T. p. 199). ,
Le second voyage se dirigea de Lisbonne
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( 2 9 3 )
par Palma , Porto de Lama , quiata de D,
Rodriguez , Messejena , Panoyas , Garoao ,
et a été décrit ï 7 . iJ, p. ni , 120. Je ne
saurais rien ajouter sur cette triste contrée;
j’ai cependant répété le nom des endroits,
à cause de quelques fautes typographiques.
Nous retournâmes par Mertola , Setpa t
Vidigueira , Eoora , Montemor 0 Noi >0 i
par la partie la plus agréable et la plus
fertile de la province , et par le plus grand
désert sur les montagnes de schiste sablons
neux , entre Mertola et Serpa.
Nous vîmes la ville de Beja à quelque
distance , mais nous n’y entrâmes point. C’est
le chef-lieu de la maison royale des princes
et des princesses ( casa do Infantado ), par
conséquent une Ouvidoria. Le pays est
non seulement fertile , mais on y trouve
beaucoup de plantes en été, sur -tout de*
plantes d’Espagne , peut-être à catlse de sa si-
tuation élevée , la nigella hispanisca , la
scabieuse, etc. Les antiquités qu’on a décou-
vertes à Beja, prouvent que Pax Julia était
située dans les environs : c’est ainsi que Mer-
tola était l’ancienne Myrtillis , autrefoi*
«9.. *
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( 2 94 )
ville grande et riche; elle pourrait le devenir
encore. Le pays est fertile et la Guadiana
est navigable jusques dans cet endroit. Pom-
bal fit commencer une belle route dans les
voisinages de Mertola , pour ouvrir une com-
munication avec sa nouvelle ville , dans le
Algarves; mais cette route n’est pas longue :
le chemin le plus direct à Villareal , dans
les Algarves, passe par Sétuval à Alcacer,
de-là à Mertola, où l’on descend la Guadiana.
Les environs de Vidigueira , entre Beja
et Evora , sont les plus agréables et les plus
fertiles de la province, et dédommagent am-
plement des landes de l’Alemtejo inférieur.
Le vin de villa de Frades, (et non Erades ),
était célèbre il y a 200 ans. Il est assez
singulier qu’on ne fasse point mention, dans
les anciens écrits , du vin de Porto et du
Douro supérieur; il est possible qu’il ne fut
pas d’une aussi bonne qualité. Il est cons-
tant que ce n’est pas le meilleur vin de
Portugal , mais il croît dans un pays d’où
il peut être facilement exporté; et les besoins
de l’Angleterre, à cause de ses guerres fré-
quentes avec la France et l’Espagne , ont
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( *g5 )
rendu cette exportation importante. Sur le
chemin de Vidigueira à Evora , on voit à
gauche la Serra de Vianna , montagne de
granit, où l’on a trouvé autrefois du mine'rai;
nous les recommandons aux minéralogues ,
pour y faire des recherches exactes : nous
recommandons également aux botanistes , la
Serra de Ossa, qu’on voit distinctement de-
puis Evora, parce qu’on dit que la végétation
y est très-riche ; nous n’eûmes pas occasion
de la visiter.
En I 799> I e Comte de IL ... fit un der-
nier voyage à Portalègre et Marvao ; il
passa le Tage près à' vibrantes. On traverse
pendant huit lieues , jusqu’à Gafete , et
pendant quatre lieues de là , à Portalegre ,
un pays désert, tantôt montagneux et tantôt
plat, qui n’est varié que par la belle route
établie sur un fond de granit. Ce n’est qu’à
une lieue de Portalègre qu’on arrive dans
des vallées variées par des buissons et des
arbustes. On voit quelques vignobles et des
' châtaigniers ; ensuite on tourne une colline
qui reste a gauche , et on se trouve tout
près de la ville j elle offre un aspect très-
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C 296 )
singulier : cette colline , située dans une haute
vallée , est couverte de maisons , et la ville
ressemble à un cône. Ce n’est que d’un côté
que part une rangée de maisons qui s’étend
jusqu’à une grande place ; c’est là que se
trouvent les bâtimens de la manufacture de
draps. La colline de la ville est adossée à
une autre montagne , sur laquelle on re-
marque peu de . culture ; et un petit château
en ruines en occupe le sommet. Au reste,
Portalègre est une ville ( cidade ) , une praça
de armas ; a un gouverneur, un corregedor ,
un juiz de Fora > un évêque , etc. C’était
autrefois une forteresse dont on voit encore
maintenant les murs ; elle était plus peuplée
qu’aujourd’hui , enfin, sous tous les rapports *
plus considérable. Cependant la manufacture
de draps est , après celle de Covilhao ,1a plus
importante du royaume.
De loin on aperçoit une haute chaîne de
montagnes dans le voisinage de Portalègre;
c’est la Serra de Mamède, qui en est éloignée
de deux lieues. Le chemin monte derrière la
citadelle , et conduit dans des plantations de
châtaigniers qui régnent pendant une demi-
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( 2 97 )
lieue. Ces arbres sont , soit de baute futaie ,
soit de bois taillis, comme à Monchique, pour
en faire des cercles de tonneaux , etc. Le beau
port de ces arbres , leur vaste feuillage d’un
vert foncé , l’oinbre qu’ils répandent offrent
les promenades tes plus agréables ; on voit
aussi quelques vignobles dispersés. Cette belle
végétation , qui surprend dans ces déserts ,
s’étend d’ici à Cas tel lo do Vide , dans une
longueur de deux lieues , et dans une largeur
d’une demi-lieue , le long des montagnes qui
se dirigent du sud-ouest au nord-est. Après
avoir traversé cette forêt de châtaigniers , on
aperçoit de nouveau la Serra de Marnède qui
contraste singulièrement avec la beauté du
paysage qu’on vient de quitter. Elle consiste
en trois à quatre montagnes pelées , couvertes
de pierres , sur lesquelles on n’aperçoit d’autre
objet qu’un hermitage habité par deux moines, v
situé à une demi-lieue de la cime la plus
élevée. La montée est plus ennuyeuse que
difficile; la pente n’est pas escarpée, mais cou-
verte de pierres détachées. Depuis le sommet
on a une vue très-étendue, mais peu agréable,
parce qu’on n’aperçoit que les déserts jusqu’aux
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( 2 9 S )
frontières d’Espagne , les coteaux d’Elvas et
d’Estremoz, et la triste contrée de CastellQ-
Branco. La montagne est aride ; en deçà de
l’hermitage, on trouve une source d’eau excel-
lente. Les montagnes sont composées de
Schiste sablonneux. - ‘ 1
Le châtaignier ( castanheira ) est cultivé
avec beaucoup de soin dans ces contrées ,
autour de Portalègre , Marvao , Castello do
vide , et Alegrete . Il y a des forêts sau-
vages et cultivées de cet arbre (sou/os bravos
e mansoi ). Dans l’une et dans l’autre on sème
et on plante cet arbre, mais dans les premières
il n’est point greffé. Les arbres qui n’ont point
été greffe's sont plus rapprochés , et on leur
fait prendre une plus grande élévation. Ceux
qui ont été greffés , doivent rester à une dis-
tance conv?nable , pour que leur feuillage
s’étende, et qu’ils donnent plus de fruits. Pour
semer une forêt de châtaigniers, il est néces-
saire de détruire préalablement les arbustes,
comme les cistes , le genêt , etc. ; ce que les
Portugais nomme matto. On se sert , pour
cet usage , à Portalègre , d’un instrument à
deux tranchans , nommé faianca , avec le-.
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( 2 99 >
quel on coupe les racines. Cet opération a
lieu dans l’automne et en hiver ; au printemps
on sème dabord du millet dans ce terrain , et
après qu’il a été récolté , du froment et des
châtaignes à-la-fois. Si le bois des châtai-
gniers doit servir , on n’a qu’à récolter deux
fois du froment , et dans ce cas on ne greffe
point les arbres.; si au contraire on les greffe
pour qu’ils portent des fruits, on le fait jus-
qu’à ce que les arbres ombragent tout , parce
qu’ils ne doivent pas être aussi rapprochés
que les précédens. On plante aussi des châ-
taigniers dans les endroits où on ne peut point
labourer , et on prend pour cet effet les
jeunes boutures des autres forêts. On plante
ces arbres en automne et au printemps. Lors-
que l’arbre sauvage, c’est-à-dire, celui qui
n’est pas destiné à être greffé , a atteint l’âge
de six ans , on le débarasse des branches
superflues ( alimpaçao ) ; et après deux ou,
trois ans , on commence à les élaguer , c’est-
à-dire, à couper les jeunes arbres qui sont
trop rapprochés. Ce travail se nomme des-
baste ; on obtient par-là de jeunes branches
( aguilhados ) , qui servent à conduire les
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( 3oo )
bœafs ; varejoes , des échalas pour les vi-
gnes , etc. ; faeiros , du bois pour la cons-
truction des charettes ; arcos , des cercles de
tonneaux. Après deux ou trois ans, on répète
cette opération qui produit alors de plus
grandes lattes , ripas. Lorsque l’arbre a dix-
sept ans , il peut servir comme bois de cons-
truction. Les arbres destinés a être greffes ,
sont élagués de bonne heure , les jeunes re-
jetons servent à planter -, et on les greffe à
la dixième année. On greffe entre l’écorce
( de garfo ) (i). Des arbres greffes donnent
une plus grande quantité et de meilleurs fruits;
on les distingue, parce que la pelure intérieure
se détaehe aisément du fruit. Les châtaignes
qu’on a cueillies , sont séchées près d’un petit
feu , et l’écorce extérieure en est détachée ,
en marchant dessus. On les envoie dans toute
la province et à Lisbonne.
Il y a aussi , autour de Portalègre, beau-
Vojez Me maria acerea da cultura e utilidade dos Castan -
foiras na comctrça de Partalegre. Par Joaqttim Pedro. Eregosa
de S iqueira. Memor. économie. da.Academ. daLisboa, tome
| 1 , page 295.
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( Soi )
coup de chênes avec des glands que l’on peut
manger. J’ai parle' de cet arbre, T. I, p. i 5 z ’
et igi. Il est étonnant qu’un arbre aussi re-
marquable, qui forme , en Espagne et en Por-
tugal , des forêts entières , dont les fruits sont
mangés dans et autour de Madrid , et q U0
Y Ecluse a décrit il y a plus de deux cents
ans, soit si peu connu des botanistes modernes.
Linné h confondu cette espèce avec le quer-
cus ilet , arbre de la France méridionale ,
dont on ne peut pas manger les glands. Ce
ne fut que Desfontaines qui donna une des-
cription détaillée de cet arbre , dans les Mé-
moires de 1 Académie des sciences de Paris
de 1 année 1790. Il le nomma quercus bal-
Iota ; il le désigna de même dans sa Flora
Atlantica , T. II, p. 35 o. Il l e trouva prés
d Alger, et il supposa que l’arbre espagnol
et portugais était le même. Je pense que nous
sommes- les premiers qui ayons fait des obser-
vations exactes sur cet arbre en Portugal
et en Espagne, et avons déterminé son espèce.
Marvao est à deux lieues, et au nord-est
de Portalègre. On sort par le même chemin
paroà l’on est arrivé ; ensuite on détourne
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(. 3o2 )
à droite sur le revers septentrional , qui est
* couvert de châtaigniers et bien arrosé. On
monte sur une montagne aride qui se termine
en un plateau élevé. Ensuite on voit quelques
collines , au pied desquelles coule le ruisseau
de Marvao, que l’on traverse. Alors on aper-
çoit une grande plaine ass_ez bien cultivée ,
le Prado de Marvao , bornée par des mon-
tagnes arides et rocailleuses ; dans le fond r
on voit paraître , sur les montagnes les plus
élevées et les plus escarpées , les murs et les
fortifications de Marvao. Après avoir passé
le ruisseau , on voit a droite , a cent pas de
la route , du côté du sud-est, unr quint a qui
appartient au marquis de Tancos , et qui est
affermée audoven de Portalègre. Cette quinta
est très-remarquable, parce qu’on y rencontre
des ve.diges d’une ancienne ville romaine,
que les habitans des environs nomment Ara-
merilia , mais qui , selon les au' eurs Por-
tugais , est l’ancienne Meidobriga. On prétend
que le sol est couvert d'anciens balimens jus-
qu’à une profondeur d'une à deux toises. En
effet en remuant la terre, on trouve des murs,
des voûtes , des vases de terre , des médailles ,
( 3o3 )
des inscriptions , et sur le fragment d’une
statue on voit une tête de femme en re-;
lief, qui paraissait bien sculptée. Les murs
et les voûtes qui existaient, ont été en partie
détruits pour rendre le sol propre à la cul-
ture. Dans la cour de la maison on voit
beaucoup d’inscriptions bien conservées. Le
gouverneur de Portalègre reçoit d’autres
petits objets , qu’il envoie au duc de Lafoes.
Il est à regretter qu’on fasse si peu attention
à ces antiquités; on doit s’en étonner d’autant
plus, que l’amour des antiquités n’est pas
encore éteint en Portugal. Il paraît que les
propriétaires de cette quinta ônt peu de goût.
Le bourg fortifié de Marvao est situé suc
une montagne haute et escarpée , qui est
aride et rocailleuse ; mais bientôt la contrée
change , et est couverte d’aussi belles plan-
tations de châtaigniers qu’ autour de Porta-
lègre , excepté qu’elles sont mieux arrosées.
Elles couvrent tout le revers nord-est de la
montagne , depuis le sommet jusques dans la
vallée. Eu été , la terre est couverte d’une
belle verdure ; le cytisus divaricatus orne
les promenades de ses fleurs jaunes. Lç bourg,
ao
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{ 304 7
rjuî est petit , a une faible garnison , et il est (île
peu d’importance, considéré comme forteresse.
Depuis le sommet on jouit d’une triste vue ;
oh voit u»e grande étendue de pays jusques
en .Espagne , couverte de montagnes et de
collines arides , parsemées de fragmens de
ÿocbers."! » r
. Jusqu’à Montalvao , au bord du Tage ,
il y a cinq lieues. Le pays est fort agréable
jusqu’à Castello do Vide , qui est à moitié
chemin; mais ensuite il est désert. Castello
do Vide occupe la moitié du sommet d’une
colline , et reste à droite. Montalvao est un
bourg misérablè et triste. On a encore une
lieue jusqu’au hac du Tàge. La rivière est
ici à une lieue des frontières d’Espagne, d’une
largeur de 100 à i 5 o pas, et coule entre de
hautes montagnes schisteuses qui sont très->
uniformes .et couvertes de broussailles. Elle h
apporté quelques plantes d’Espagne nous
rencontrâmes souvent ici le loeflingia hispa-
nica, comme nous l’avons trouvé plus bas au
bord des fleuves , mais nulle part ailleurs
dans le royaume.
, Outre la Serra de Ossa dont nous ayons
t.*:
i
( 3o5 )
parlé plus haut, les environs de VWa-Vl -
cosa et d’ Arronch.es méritent l’attention par-
ticulière du botaniste ; nous n’eûmês pas le
temps de la visiter, n^n plus que les environs
de Villa-Nova da mil fautes , de l’autre côté
de i’Alemtejo, sur les bords de la mer.
t
«t.
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V
( 3 oG )
CHAPITRE V I.
— «-* —
LE ROYAUME JD E S ALGARVES.
Observations détachées sur cette province.
N ous parcourûmes les Àlgarves dans toute
leur longueur , depuis le Cabo de S. -Vicente
par Lagos , Villa-Nova de Pertimao , La go a,
Pera , Loulé , Faro , T a vira , Villareal ,
jusqu’à Castro-Marino. Comme il était im-
possible au comte de H .... , à cause de ses
voyages dans les provinces septentrionales ,
de retourner aux Algarves , il y envoya , en
1799, un jeune observateur qui nous avait
déjà accompagnés dans nos voyages , dans le
nord du Portugal. Il resta l’été à Tàvira , où
il se rendit par Beja et Martola ,et revint par
Silves et Monchique. Il nous a communiqué
les notions suivantes.
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( 307 )
Le thon arrive en été sur les cotes des
Algarves , et se dirige toujours du nord au
sud. Vers la Saint-Jean il cesse d’avancer plus
loin, et bientôt il retourne par le même che-
min qu’il est venu. S’il trouve l’eau autour
de Cabo de S. -Vicente agitée et mêlée de
vase qui répand souvent une mauvaise odeur, 1
il s’éloigne de la côte et va en Afrique. C’est
ainsi que dans l’été de 1799 , on ne pêcha que
cent thons à Tavira. Dans les temps bru-
meux et lorsque l’eau est agitée , ce poisson
est très-actif et déchire souvent les filets ;
mais dans les temps sereins et lorsque l’eau
est calme , il est si craintif, que les pêcheurs
disent qu’il redoute son ombre. Les Catalans
de Figuerita , sur la rive gauche du Gua-
diana , viennent à Faro , Tavira , etc. , y
pêchent le thon, le préparent et l’emportent
en Espagne. Lorsque ce poisson est pris , on
lui coupe la tête , on le vide , on détache ba-
rète dorsale , et les Catalans lui ôtent encore
une partie noire vers le bas-ventre , qui a
dabord un bon goût , mais qui , en se cor-
rompant, est la cause que ces poissons ne se
conservent pas long-temps. Les Portugais , qui
» 1 , .
ao.s
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( 3 o 8 )
De préparent ce poisson que pour leur usage ,
et ne l’exportent point , lui laissent cette
partie. Ensuite le poisson est coupé en dif-
férens morceaux, encaqué dans des tonneaux;
après huit jours on le lave dans de l’eau
salée , et on le met dans d’autres tonneaux;
le sel donne la couleur ronge à sa chair.
On pêche le thon avec de grands filets
attachés par une amarre, et qu’on nomme
’àhnadrava ; dans un des coins de ce filet se
trouve l’appât. S'il y a assez de poissons, on
descend un autre filet dans celui-ci , et à
un signal donné , on le retire; lorsque les
poissons sont hors de l’eau , on les lue avec
des crochets de fer , ce qui se nomme ca~
pezar. Les pêcheurs sont obligés de donner
la vingtième partie de leur pêche , et ce n’est
qu'à cette condition qu’on les laisse retourner
dans leurs foyers ; une barque de pêcheurs
coûte 6 à 7 moedas de ouro , environ 240 à
280 francs (1).
( 1 ) Celui qui veut connaître exactement le rapport de»
monnaies portugaises aux nôtres, peut le, voir dans beaucoup
de livres. Pour la commodité du lecteur, j’en citerai quelques-
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( 3og )
‘ les sardines se trouvent en hiver sur le*
côtes ; en été le thon les chasse. Elles vont
par troupes comme- les harengs. Lorsque
d’autres poissons s’y sont mêlés , on les met
à part quand on les sale. Après que le*
poissons ont resté huit jours dans la sau-
mure , on les retire. Les femmes les enfilent •
sur des petites baguettes de bois, et le*
hommes les lavent avec de l’eau de la mer.'
Ensuite on les sale de nouveau , et on les en-
caque dans des tonneaux dont le fond est
percé; on presse le poisson, et on recueille
l’huile qui en sort avec la saumure. Elle sert
à calfeutrer et à faire du savon. Ensuite les
sardines sont séchées, fumées, etc.
Aux environs de Tavira il ÿ a beaucoup
de terreins incultes où l’on ne voit croître que
le houx et le caroubier. Les pauvres ramassent
les fruits de ces derniers , en donnent quatre
cinquièmes aux propriétaires , et avec le resta
; A*
» '
unes, too reis ~i tostao — 5 vintems équivalent & i5 sous ;
ainsi 600 reis forment 4 livres 10 sous; un cruzado novo ~
480 reis , 3 livres 4 sous ; un moeda de ouro contient 4800 j
tiae peca y 6400 reis. i <
90, .4
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c 3io )
ils engraissent les cochons. Ils s’occupent tonte
la journée à faire des nattes ( esteras ) et des
corbeilles de feuilles de houx ; des enfans de
cinq ans y travaillent également, en divisant
les feuilles.
La cause pourquoi on ne fait pas d’aussi
bonne huile aux Algarves qu’on devrait s’y
attendre, est , selon l’assertion des cultivateurs
du pays , parce qu’on ne recueille pas les
olives à-la-fois , mais par intervalle; qu’on n’y
mêle point de sel , et qu’on ne fait pas écouler
l’eau qu’elles donnent lorsqu’elles sont entas-
sées. J’ajouterai aussi qu’on ne cueille point
les olives , mais qu’on les abat. Les proprié-'
taires des pressoirs à. l’huile en rendent la
qualité plus mauvaise, parce qu’ils ne nétoient
pas leurs pressoirs lorsque de la mauvaise
huile y a été pressée , ou qu’ils changent les
olives. Ce n’est qu’à Loulé qu’on donne une
attention particulière aux pressoirs ; on les fait
fermer pendant la nuit par ordre de la police,
et on a soin de les faire nétoyer.
Le figuier qui porte les figues dont on se
sert pour la caprification ( Jîgos de toca ), a
des feuilles plus larges que les autres espèces*
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C3ri )
Ses figues mûrissent à la fin de juin et au
commencement de juillet ; elles ont la forme
d’u/ie poire, et contiennent des fleurs mâles
et femelles dont notre ami nous a donné une
description exacte. Dans chaque fleur se
trouve l’insecte qui sort par une ouverture
dans le calice, et qui paraît au jour lorsqu’on
ouvre la figue. Lorsque les premières figues
sont mûres , d’autres paraissent et ont déjà
une certaine grosseur au mois d’août ; de ces
figues pourries sort , au printemps , l’insecte
qui attaque les Jîgos de toca.
A Tavira , on cultive une espèce de figuier
qu’on nomme lampeiras. Il donne deux ré-
coltes ( camadas ) par an ; les premières
figues se nomment lampos , mûrissent, en
même-temps que les Jîgos de toca , et n’ont
pas besoin de celles-ci ; elles ne contiennent '
que des fleurs femelles. La seconde espèce se
nomme vendimos ; ‘elles n’ont également que
des fleurs femelles , et tomberaient si elles n’é-
taient point piquées par les insectes des Jigos
de toca . Celles qui ne sont point piquées
restent petites , dores ; ne sont pas rouges in-
térieurement , et n’ont pas le suc que
r
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ni o
reçoivent celles qui ont été piquées; les pépins
sont plus grands que ceux des figues piquées.
Le Jigo enchario mûrit au mois de sep-
tembre ; il a besoin des Jigos de toca ; l’arbre
ne donne qu’une seule récolte. Sur les bords
de la Guadiana on cultive une espèce de
figuier qui ne donne qu’une récolte, mais ses
fruits n’ont pas besoin de la caprification;
on les nomme Jigos travos.
Ainsi voilà l’explication probable de la ca-
prification- Elle ne sert pas à la fructification
comme on l’a cru; des figues femelles mû-
rissent sans elle ; les graines , dans les figues
non caprifiées , sont plus completfes que dans
celles qui ont été piquées. Mais dans les
figues tardives , la nature développe la se-
mence , et le fruit en est moins succulent.
L’insecte détruit les vaisseaux qui contien-
nent la semence , et c’est ainsi que le suc est
conduit dans le fruit. Ceci s’accorde avec
d’autres observations. Plus le fruit est doux et
succulent, moins la semence est développée ;
et vice versa , dans les fruits les plus suc-
culens la semence est totalement détruite. Ce
que nous nommons amelioration des arbres
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( M )
fruitiers , n’est que leur affaiblissement, et
cféiruit l’action de la fructification , objet
constant delà nature abandonnée à elle-même.
' Il y a aux Algarves deux différentes es-
pèces d’aloès dont on se sert comme buissons;
d’abord l’aloès pitte , nommé piteira ( agarc
americana ) , et ensuite une es-pèce appelée
hat’oseovL babosa. Celte dernière a des feuilles
minces, alongées et jaunâtres; elle fleurit en
hiver. Sa tige est plus petite et plus mince ;
on n’en fait aucun usage , au lieu que celle
de l’aloès commun sert à la construction des
maisons et des cabanes. On la nomme babosa ,
parce qu’elle contient beaucoup de suc , de
baba , salive ; elle a des fils plus longs et plus
blancs que l’aloès ' ordinaire , mais dont la
préparation est plus difficile. On s’en sort pour
faire une espèce de corde ( harasses ) ; et
pour cet effet , on fait pourrir les feuilles que
l’on tord ensuite. •
La route , depuis Monchique jusqu’aux
bains , que j’ai dit être mal entretenue , a
Comparez. Observations d* llibert sur les coius. Vojc*
ticigaz. encjclop l’an III, tome VI, page 145.
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( 3 i 4 )
été réparée par ordre du gouverneur de»
Algarves, par corvées; elle est maintenait!
fort bonne. Sur la Serra de Monchiçue, ou
retire des racines de cistes et d’autres ar-
bustes , des charbons qu’on embarque à
Odemirà , à sept lieues d’ici, et qu’on en-
voie à Cézimbra, etc.
La société pour les progrès de la géogra-
phie , dont j’ai parlé plus haut , termina en
1797 ses travaux sur les Algarves. Je com-
muniquerai les résultats du dénombrement
qu’on a fait à cette occasion ; je désirerais en
faire autant des autres provinces , mais
j’ignore si on y a fait un dénombrement.
Peut-être qu’il présentait de plus grandes
difficultés qu’aux Algarves.
' • Hommes. Femmes. Total. *
Moncbique. . ■ , 2^26 = 2483 = 4809
' Aljesnr. 4 . ^ . . 728 = ' 711=^ 1439
Sagres 98 = 114 = 212
Villa do Bispo. . . 280 = 293 = 873
Lagos . . . . . 4216 = 4264 = 8480
VillanovadePortimao. 1645 = 1818 3463
Silves 5 ia 6 = 52 i 5 = lo 34 i
Alba Feira. . . .• * 2123 r= 23 oo = 4423
Total .- , ,./i 654 »-ss: 17198 = 30740
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( 3.5 )
t * . Hommes. Femme*. Total
Cl-CONTRB . '. 1664a =T 17196 = 33740
1 Lagoa ..... 2271 = 2523 = 479 4
Loulé ..... 6379 =s 6869 = 13248
Faro. . . . . . 9917 = 10093 = 20010
Tavira 6 ia 3 = 6664 = *^787
Villaréal .... 1010 = 1018 = 2028
Castro-Marino^ . . 1716 s= 1731 = 3447
Aiccutiin .... 2967 = 3004 = ^971-
Total . . . 46925 = 49100 = 96025
Les villages et les maisons dispersées sont
compris dans la ville au territoire de laquelle
ils appartiennent; ainsi ils font partie de ce
dénombrement. En général , il y en a fort
peu. La population a donc augmenté depuis
1780 de a 553 âmes. Le grand nombre de
femmes n’étonnera pas , si l’on considère
que les Algarviens sont les meilleurs marins,
et qu’il y en a beaucoup parmi les matelots
de la flotte, des vaisseaux marchands et des
bateliers sur le Tage. A cette occasion j’ajou-
terai quelques mots sur la marine 'du Por-
tugal.
Dans les années 1797 et 1798, le gouver-
nement avait dix vaisseaux de ligne et seize
frégates en état de servir. Il existe bien un
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A
( 3i6 )
plus grand nombre de vaisseaux de guerre;
mais j’ignore s'ils sont en état détenir la mer.
Xes vaisseaux de guerre sont construits au Bré-
sil; on emploie, pour cet usage les excellentes
sortes de bois de ce pa^s. Le c.orps du vais-
seau corniste en bois de Brésil , l’intérieur en
bois de pignons et de pins m^itimes. Des
officiers de marine anglais^que j’ai eu occasion
de consulter à ce sujet, sont convenus que
ces vaisseaux sont bien construits et qu’ils
sont fins voiliers. Ils se rapprochent, sous ce
rapport, des nouveaux vaisseaux de guerre
espagnols, qui, à ce que l’on sait, sont les
meilleurs de leur espèce. Les matelots ne
manquent ni de courage ni de discipline. Ils
sont adroits et obéissans, et pourraient encore
servir à exécuter les choses étonnantes qu’ils
firent lorsqu’ils étaient commandés par les
conquérans de l’Inde. Mais il n’en est pas de
même des officiers. Il y a au reste un almi -
rante graduado (amiral en titre), trois vice-
amiraux en titré; cinq chefs d’escadre effec-
tifs, et huit en titre; onze chefs de divisiôn et
cinq en titre; vingt-neuf capilaens di mar e
guerra , et deux graduados ; vingt-neuf ca-
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Ç3i 7 )
pifaines de frégates. On volt par là qu il no
•manque pas d’officiers. Dans l’histoire mo-
derne, je ne connais aucune action, aucun
combat naval où les Portugais se soient cou-
verts de gloire; aussi l'escadre qui a croisé
dans la dernière guerre avec les Anglais dans
la Méditerranée, n’a rien fait de remar^
quable. On rapporte ( peut-être par plaisan-
terie ) que le vaisseau amiral n’a jamais passé
la barre du Tage sans toucher.
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( 3i8 )
CHAPITRE VU.
' ' ‘ f
Coup-d’ceil général sur tout le Royaume,
Les Pyrénées séparent d’une manière re-
marquable la péninsule d’Espagne du reste
du continent. Toutes les chaînes de mon-
tagnes de la France méridionale se terminent
à ces montagnes ; leurs promontoires , peu
élevés , forment des angles droits avec la
chaîne principale des Pyrénées; une plaine
étendue règne le long de celle-ci. On s’attend
à la voir s’aplanir vers les bords de la mer,
et on voit s’élever les masses gigantesques du
Marboré et de la Maladetta. Les Pyrénées ne
s’annoncent pas, comme les Alpes de la Suisse,
par des chaînes de montagnes telles que le
Jura et les Alpes de la Souabe et de l’Autriche ;
leur promontoire est le pic du midi élevé à
go36 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Semblables à des rayons qui partent des
Pyrénées, les. chairs de montagnes s’éten-
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( 3i9 )
dent dans la péninsule. Deuxjongues chaînes
liées aux Pyre'ne'es déterminent leurs fron-
tières; la septentrionale passe par la Biscaye,
les Asturies , une partie de la Gallice , et se
termine au cap Ortegal; l’autre s’e'tend par
la Catalogne et Valence jusque vers Murcie.
Les autres montagnes de la péninsule sont
aussi peu liées avec les Pyrénées qu’entre
elles ; elles s’élèvent partiellement à une hau-
teur différente , mais toutes observent une
direction plus ou moins divergente vers le
sud-ouest, et paraissent des membres disper-
sés d’une grande, chaîne. Que l’on compare
la direction de Guadarama , de la Sierra
del Pico et de G ata , les montagnes du Tage,’
de la Sierra Morqjia et de la Alpajurra en
Espagne ; ensuite la Serra de Gerez , de
Est relia , de Cintra , da Arrabida , de
Monchiçue en Portugal ; et on trouvera une
grande coïncidence dans les chaînes de mon-
tagnes. Enfin , là où l’Europe paraît pour
ainsi dire coupée, les rayons sont interrom-
pus du nord au sud par les montagnes cal-
caires, depuis Coimbre jusqu’à Lisbonne.
Le Portugal est un pays couvert de mon-
ai
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( 320 )
tagnes. Je ne «onnais que deux plaines de
quelque étendue; la plaine au midi du Tage,
dont celle de Santarem.est une continuation ,
et la plaine à l’embouchure du Vouga. Quel-
ques petits plateaux , par exemple , les en-
virons de Chaves , de Viseu , le campo de
Villariça , influent peu sur l’aspect du pays
en général. Celte multitude de montagnes et
de collines rapprochées , répand beaucoup de
monotonie sur ce pays ; elles bornent sur-tout
la perspective. On ne jouit d’une vue belle
et étendue que sur le sommet de la Serra
da Arrabida et da Foia, dans'les Algarves.
Mais ce pays présente une foule de belles
vallées et - de coteaux rians; la province du
Minho est une suite degvallées délicieuses;
Coimbre, Lisbonne, Monchique, Portalègre,
Fundao , offrent des perspectives enchante-
resses. On a choisi les endroits les plus
agréables pour la culture; les premiers ha-
bitans, comme inspirés par un esprit poéti-
que, cherchèrent les sites les plus pittoresques
pour bâtir leurs villes.
Les montagnes les plus élevées du Portugal
sont constituées d« granit. Cette pierre primi-
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(321 )
tive se trouve dans beaucoup d’endroits ; toute
la province du Minho et la partie septen-
trionale du Traz os Montés en sont formées.
Ensuite il compose la Serra de Êstrella,
montagnes les 'plus élevées du Portugal, et il
reparaît de nouveau près de Cintra. Au midi
du Tage, les montagnes de granit s’étendent
par Portalègre, Elvas, jusqu’à Beja; et le
sommet le plus élevé de ces contrées , la
Serra de Foia , est composée de granit.
D’autres montagnes primitives sont très-rares
dans ce pays; le granit, là où il est mêlé de
schiste, est par couches, et passe dans celui-
ci par un mélange qui ressemble au schiste
micacé. La pierre calcaire compacte se trans-
forme dans le Trar os Montés en vrai schiste
micacé; car, outre cette province, on ne voit
point de montagnes qui consistent en schiste
micacé pur.
Une masse énor’mede grès schisteux couvre
une grande partie du pays. Quoique sa cou-
leur soit differente, il fait cependant partie
des montagnes primitives, et contient du
schiste micacé. Il couvre le granit et les es-
pèces de pierres schisteuses. Les montagnes
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( 322 )
frontières des Algarves , toutes celles d’une
hauteur moyenne dans FAlemtejo, les mon-
tagnes du côté de Beira et Castello-Branco ,
et la chaîne de montagnes qui accompagne
le Douro , en sont formées, La formation de
ces montagnes provient évidemment du midi;
elle amoncela autour de la Serra de Mon -
chique sès masses de montagnes; elle ne laissa
libre que le sommet de la Serra de Foi a , se
répandit sur l’Alemtejo , dans l’angle du
Beira, et entoura la Serra de Estrella de
tous côtés, jusqu’à ce que des montagnes de
granit , dans le nord , lui eussent opposé une
digue. Il paraît qu’à cette espèce de mon-
tagnes est subordonnée l’ardoise du Zézeré et
le schiste argileux sur le sommet du Marao.
Il paraît que le schiste micacé sur les mon-
tagnes de granit de l’Alemtejo a été détaché
par les grandes pluies de ces contrées, qui
en remplirent les plaines de sable vers la mer
et le Tage.
La pierre calcaire primitive forme une
suite de montagnes entre Lisbonne et Coim-
bre, comme la Serra de Lousaa, Porto de
Mqz , et le Monte- Junto, ensuite la Serra
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( 323 )
da Arrabida , et la chaîne de montagnes
qui s’étend jusqu’aux Algarves. La pierre
calcaire feuilletée se rencontre près d’Elvas, -
Estremoz , Cintra et Lisbonne ; mais elle ap-
partient cependant à la pierre calcaire pri-
mitive. C’est dans cette pierre calcaire pri-
mitive qu’on trouve les charbons près de
Buarcos. Elles contiennent peu de pétrifi-
cations. Cette pierre est recouverte par la
pierre sablonneuse , cependant peu fréquem-
ment; au Cabo-Espichel avec des traces de .
charbon minéral ; et sans ceux-ci , sur la
Serra de Açor , près de Caldas de Ra~
guza , et dans quelques autres endroits.
Ce n’est que l’angle près de Lisbonne et
au Cabo de San - Vicente , qu’a atteint la
formation du Trapp ; et l’opinion judicieuse
de Humboldt que ce coin est une continua-
tion des montagnes de basalte sur les îles
Canaries, n’a rien d’invraisemblable. Nulle
part on ne rencontre des traces de volcans
brûlans ou éteints ; mais il y a une quantité
de sources thermales , dont les plus chaudes
sortent du granit.
Voilà un court exposé de la minéralogie
. 21 .
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C )
de ce pays. Commençons par les sommets les
plus élevés des montagnes, pour considérer
le règne végétal. Les sapins qui couvrent
chez nous les régions supérieures, les hêlres
qui ombragent les plaines , ne se trouvent
point dans ce pays. Sur les sommités les plus
élevées on voit, dans les endroits arrosés,
des forêts de bouleaux, et sur les rochers le
cormier. Parmi les plantes du nord on voit
quelques végétaux singuliers de la flore d’Es-
pagne, qui , accoutumés à une grande va-
riation de chaleur et de froid, ne croissent
qu’ici. C’est en vain qu’on cherche beaucoup
de plantes alpines ; il n’y a que celles des
régions inférieures des Alpes qui résistent à
la chaleur de ces montagnes en été. En des-
cendant , on arrive dans le nord du Portugal,
dans des forêts de chênes , où les arbres sont
assez rapprochés pour ombrager les chemins,
et assez éloignés pour laisser la liberté des
promenades. Les vallées de la province du
Minho sont couvertes de forêts de chênes
continuelles. Ensuite paraît la région des fo-
rêts de châtaigniers , les véritables forêts de
ce pays, dont les arbres l’approchés se tou-
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( 325 )
chent par leur feuillage. Le revers de la Serra
de Marao , de la Serra de Estrella vers
Fundao , de la Serra de Portalègre et de
Monchiijue , en sont ornés; le châtaignier ne
croît point dans les plaines plus chaudes. Au
pied des grandes chaînes de montagnes , ou
trouve les vergers, et en général la culture
des fruits est un signe de pajs froid. Plus
bas paraissent l’arbre à liège, le kermès et le
pin maritime, ensuite le citronnier et enfin
l'oranger. On ne cultive de bonnes oranges
que dans les endroits chauds et abrités. Ces
arbres montent cependant depuis les vallées les
plus profondes jusqu’à la région des châtaig-
niers, où ils forment, réunis aux vergers et aux
forêts de châtaigniers , les bosquets délicieux
de Monehique et de Cintra. L’olivier est en-
core plus répandu ; on le trouve près des
bouleaux du Gerez , et à côté des orangers
près de Lisbonne. Enfin, dans les contrées
les plus basses et les plus chaudes, on voit
fleurir l’aloès d’Amérique , et le dattier s’é-
lever au-dessus des moissons.
Dans les endroits chauds , on chercherait
en vain les plantes de la flore du midi de
( 3 26 )
«
la France et de l’Espagne; il fant cependant
en excepter l’Andalousie, qui est encore peu
connue. Les végétaux de la flore d’Italie
sont encore plus rares ; il n’y en a que quel-
ques-uns de la Sicile qui croissent dans le
midi du Portugal ; le Portugal n’a rien de
commun avec l’orient, comme on doit le pré-
sumer. Pour trouver des plantes du nord
de l’Europe , il faut chercher des marais ,
qui, comme l’a déjà observé Linné t pro-
duisent les mêmes plantes dans les climats
les plus différens. Dans d’autres endroits, il
ne faut pas se laisser induire en erreur par
analogie superficielle. On croit voir l’ortie
commune , et c’est Vurtica caudata , Vahl ;
on croit trouver la cynoglosse d’Allemagne ,
et c’est le cynoglossum clandestinum , Des-
TONT. Nous avons observé beaucoup de nou-
velles espèces qu’on a confondues sans doute
avec celles du nord ; nous en eussions dé-
couvert un bien plus grand nombre , si les
botanistes Desfontaines , Vahl , Schousboe
n’avaient déjà observé l’Afrique septentrio-
nale; car la flore des parlies chaudes du
Portugal ressemble parfaitement à celle de
»
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( 32 7 )
l’Afrique septentrionale. Une flore toute par-
ticulière à ce pays, est celle des vallées om-
bragées et arrosées du Minho, et de quelques
parties du Beira. Dans les endroits plus froids
de cette province, on voit paraître des plantes
de l’Angleterre occidentale. ( Si b - thorpia.
europœa , scutellaria minor, etc. )
Les landes basses et sablonneuses de l’A-
lemtejo, et les côtés de Beira et d’Estrema-
dure sont ornés de cistes , de bruyères et
d’autres végétaux. Les collines de basalte et
les collines calcaires offrent la plus riche vé-
gétation. C’est là que croissent le^ différentes
siliques , les orchidées et les plantes bul-
beuses. Sur les montagnes calcaires plus
élevées , on voit les plantes odoriférantes ;
par exemple, les variétés du thim, les om-
bellifères, et les plantes épineuses. Aussitôt
que l’on parvient aux montagnes schisteuses ,
commencent les deserts ; dans les endroits
chauds on voit le laudanum; dans ceux qui
sont plus froids, les cistes : ils font le tour-
ment des botanistes. De beaux arbustes or-
nent les revers des montagnes , sur-tout de
celles granit; par exemple, le tinus % le
( 328 )
myrte, le laurier et les variétés du genêt.
Dans le midi du Portugal , on trouve la faya
de Madès ; les montagnes septentrionales ont
un arbre comme un caractère particulier,
P azeriro ( prunus lusitanica ).
Nous avons trouvé en Portugal i 53 s es-
pèces de plantes ordinaires , 572 espèces de
plantes cryptogamiques. Le Comte de H...
les a recueillies dans son herbier. Celte •
4
grande multitude de plantes , recueillie en
trois ans, prouve la richesse du pays, et,
j’ose ajouter, nos soins.
Ainsi que les plantes, les petits animaux
qui en vivent , les insectes, sont dans la même
proportion. Dans les bruyères on trouve des
insectes du nord de l’Afrique; sur les revers
de l’Estrella , des papillons du midi de la
France; dans les montagnes du Portugal sep-
tentrional , on observe des scarabées du nord.
7 1
Les côtes abondent en poissons et en vers ; ces
animaux y -arrivent des mers du nord; d’au-
tres de la Méditerranée vont jusqu’aux côtes
des Algarves , et même jusqu’à l’embou-
chure du Tage. La variété des amphibies
xampans n’est pas grande; il manq^p d’eaux
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C 3*9 )
stagnantes où la plupart déposent leurs oeufs ;
le petit lézard se trouve en quantité dans les
jardins et les maisons; et dans les champs,
la belle espèce verte. Personne ne craint ces
jolis animaux , mais d’autant plus le Gecko ,
qui se rencontre assez souvent dans les mai-
sons, même à Lisbonne : je ne me rappelle
cependant point que cet animal ait causé
quelque accident. Dans les montagnes, sur-
tout dans le nord du Portugal, il y a des
serpens venimeux et des vipères ; mais le
reste du pays en paraît exempt. On n’y voit
que quelques espèces de beaux serpens qui
qui ne sont point dangereux. 11 n’y a pas
beaucoup d’oiseaux dans le pays ; ces ani-
maux voyageurs ne rencontrent pas dans
leur passage cette langue de terre étroite à
l’extrémité de l’Europe. Les loups ne sont pas
rares dans les montagnes , ainsi que le chat
sauvage dans les contrées désertes; la chèvre
sauvage habite encore le Gerez. Le cerf, dans
la plupart des pays chauds , ne fait point
partie des animaux indigènes, mais bien le
gros gibier, quoiqu’il soit presque détruit,
hors des réserves. Pour les sangliers, il n’y a
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point de forets marécageuses ; les lièvres sont
très-rares; on trouve à la vérité des lapins,
mais pas en aussi grand nombre qu’en Es-
pagne. Le pays est peu riche en insectes.
Les bestiaux sont d’une beauté et d’une gran-
deur extraordinaires ; le porc domestique est
d’une espèce différente ; il a les hanches
courtes , le dos large , dépourvu de soies , et
le poil noir.
Dans beaucoup de parties du Portugal , on
voit des grandes routes nouvellement com-
mencées; mais elles n’ont guère que deux
lieues de long, et ce ne fut que dans un en-
droit près de Lamego que l’on continua d’y
travailler. Autrefois il y avait beaucoup de
routes pavées autour de Lisbonne, dont les
vestiges forment des chemins affreux. La
plupart des routes du pays sont des chemins
de traverse pour les petites charrettes ; les
marchandises sont transportées à dos de mu-
lets; les hommes voyagent sur des mulets,
et les femmes dans des chaises à porteur sus-
pendues sur des chevaux. On ne voit que
rarement, et seulement autour de Lisbonne ,
des voitures de voyage. Il y a une bonne
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( 33i )
diligence de Lisbonne à Coimbre, et des
chariots de poste. Les auberges sont géné-
ralement mauvaises ; mais elles sont préfé-
rables à celles de la Castille, et ressemblent à
celles de la Biscaye ; dans quelques grandes
villes , on les trouve établies à la manière
anglaise; dans beaucoup d’endroits, la gé-
néreuse ^spitalité des personnes de distinc-
tion, qui a lieu d’étonner, empêche l’établis-
sement des bonnes auberges. Le canal* près
d'Oeyras, que Pornbal fit creuser, est le seul
du pays. Les mesures pour rendre les ri-
vières navigables et les ports sûrs , sont peu
efficaces.
La culture n’est point généralement mau-
vaise; et si les bonnes méthodes manquent à
l’agriculteur, on ne peut cependant pas le
taxer de paresse et de négligence. Le Portu-
gal fournit assez de blé pour nourrir ses
habitans; il n’y a que les environs peuplés
de Lisbonne, où les jardins occupent le sol
fertile; où les landes et les montagnes sont
voisines , et où la communication avec l’in-
térieur du pays manque, qui aient besoin
d’être approvisionnés par les pays étrangers.
•
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( 332 )
Les vallées du Minho sont parfaitement bien
cultivées ; Le Traz os Montés est couvert de
champs de blé jusqu’au sommet des mon-
tagnes; la culture du maïs et des légumes est
considérable autour de Coimbre. Dans d’au-
tres contrées, la nature s’oppose à une meil-
leure culture. Là où le paysan est proprié-
taire, il est aisé : dans les grands posses-
sions de la noblesse et des couvens , il afferme
les terres à un très-haut prix; et comme le
commerce intérieur n’est pas très-étendu, ce
n’est qu’avec peine qu’il peut payer ses fer-
mages. Ajoutez à cela les impôts onéreux sur
les premiers besoins de la vie, et la cherté
dans un pays où arrive presque tout l’or qui
se répand en Europe. Dans ces circonstances,
les colonies dépeuplent le pays, et enlèvent
des bras aux contrées qui en ont sur-tout
besoin. Ces causes empêchent aussi l’indus-
trie, sur- tout dans les provinces méridio-
nales.
Le commerce n’est pas tout-à-fait entre
les mains des étrangers. Les maisons les plus
riches sont portugaises. Les étrangers peu-
vent commercer avec les colonies; mais il
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ne leur est point permis d’y aller em-
mêmes , et ceci les empêche d’y prendre une
part active. Si les Portugais ne sont souvent
que les commissionnaires des étrangers, ce ci
provient de leurs rapports avec la première
nation commerçante de l’Europe, les An-
glais, avec lesquels ils ne peuvent pas tra-
fiquer autrement , ainsi que le défaut de
commerce dans l’intérieur du pays. Plusieurs
manufactures se trouvent dans un état très-
florissant ; mais la plupart de celles qui ont
été établies par Pombal sont tombées en dé-
cadence.
Le Portugal ne peut devenir riche par
lui- même. Des colonies n’enrichissent pas
un gouvernement ; leur entretien est trop
dispendieux. Un tel gouvernement ne peut
faire autre chose que de donner des moyens
aux individus de s’enrichir; la fortune de ces
derniers soutient alors le gouvernement,
comme cela a lieu en Angleterre. On n’a rien
fait de semblable en Portugal; Pombal prit
toujours de mauvaises mesures : la reine ac-
tuelle n’a rien fait.
Des soldats pleins de zèle , qui manquent
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C 334)
A
des premiers besoins de la vie; des officiers
indigens, méprisés, auxquels personne n’a
confiance; des officiers étrangers que le Por-
tugais hait comme des aventuriers, et qui
se vengent de cette haine par une haine
plus forte encore : voilà l’esquisse des forces
de terre et de mer.
On voyage par- tout en sûreté dans le
pays; une justice sévère surveille le peuple.
Mais il ne faut pas offenser des hommes qui
ont quelque influence; on aurait à craindre
la prison et le bannissement. En général , un
coup de poignard est ordinairement la suite
d’une offense.
Les hommes se ressemblent par-tout par
leurs caractères principaux; je me méfie d’un
auteur qui dépeint toute une nation avec des
couleurs disparates. Combien de reproches
injustes la nation portugaise n’a-t-elle pas eus
à souffrir? Il est vrai que les Portugais sont,
en général, d’une petite taille; les personnes
de distinction ont souvent de l’embonpoint ;
tous ont une peau moins blanche que les
habitans du Nord, et des yeux noirs. Mais
lorsque les auteurs veulent trouver dans eux
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( 335 )
du sang des nègres, ils marquent de la mal-
veillance et de l’ignorance dans ce qui con-
cerne la conformation des nègres. Celui qui
nomme les femmes laides, mérite de ne ja-
mais recevoir un regard amical d’une jolie
femme portugaise. Il est cependant dommage
que la jalousie des Espagnols se soit soutenue
ici le plus long-temps.
On dit que les Portugais sont indolens :
un peuple paresseux ne pénètre pas dans des
contrées éloignées, comme les Portugais le
font encore aujourd’hui dans l’intérieur de
l’Afrique, des Indes orientales et du Brésil.
Mais qu’on jette un regard sur le peuple ;
qu’on loue un mulet pour un jour, et que
l’on considère le conducteur qui coi^e à côté.
Lorsqu’il n’^ a rien à gagner, la paresse ne
peut pas être un reproche.
Les Anglais disent que les Portugais sont
des hommes perfides; il n’acceptent pas dé
duels, mais ils se vengent comme des assas-
sins. C’est sans doute un grand reproche; '
mais un défaut ne décide de rien. Lorsqu’en
Italie la culture, le commence, les sciences
et les arts fleurissaient plus que dans aucune
aa-
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( 336 )
fcutre partie de l’Europe, il était três-eoifv-
mun de se venger à la manière des brigands.
Si le Comte de la Lippe destitua l’officier qui , ,
à l’approche de l’ennemi, quitta son poste, il
se conduisit avec sagesse ; si , selon la ma-
nière des barbares du Nord, il voulait le forcer
à accepter le duel , il marqua peu de raison.
On dit que les Portugais sont dévots et
fanatiques. Leurs prêtres les conservent dans
l’ignorance, et leur rendent la religion laplus
agréable possible. Jamais la nation n’a été
fanatique , lors même que ses rois l’étaient.
Il est certain que par-tout où règne le démon
de la hiérarchie, rien ne prospère; tout se
détruit dans ses mains. Les prêtres ne sont
pas toujours ignorans; mais par-tout ü y a un
parti qui s’oppose à la saine raisog; et malheur
au pays où le gouvernement le protège!
On doit attribuer quelques traits caracté-
ristiques à la nation portugaise. Ils ont de la
légèreté, de la vivacité, de la loquacité et
de la politesse.
Une suite de rois estimables ont gouverné
le Portugal , depuis Alphonse J. er jusqu’à
Jean III. Leurs guerres continuelles contre
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h hiérarchie , qu’ils conduisirent avec plus
de bonheur , mais aussi avec plus de précau-
* tion que les empereurs allemands , prouvent
leurs intentions. Ce fut ainsi que le Portugal
put paraître dans tout son éclat, sous Jean 11
et Emmanuel . L’intolérance des Espagnols
gagna Jean 111 ; il paralysa le royaume»
et le jeune et fanatique Sébastien le ruina.
Jamais pays n’a été aussi maltraité que le
Portugal sous les Philippes. Un roi faible
monte sur le trône , et l’énergie de la nation
l’y maintient. Des cabales de cqur, sous Al-
phonse VI et Pierre II, accroissent les
prétentions d’une noblesse distinguée, mais
malheureusement peu fortunée; et Jean V,
faible, fanatique, prodigue, achève la ruina
de l’empire. Pombal appesantit un joug de
fer sur la noblesse et le clergé, et introduit,
comme Richelieu , un gouvernement minis-
tériel, pour lequel il possède de l’énergie,
mais point de capacité. Une reine faible n’a
pu détruire le bien qu’il a fait; mais aussi
elle n’a pu réparer ses fautes.
A V ersailles , de l’imprimerie de J acou , place d’ Armes .a. 0 8.
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