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normale ; le Mur repose sur l’Arenig supérieur et sup-
porte le devonien. Quand j'allai, lan passé, voir la géo-
logie de Cabrières à Boutourv, j'y retrouvai la même
série, cette fois complètement renversée. Dès le premier
instant je reconnus notre mur quartzeux, sous des di-
mensions plus modestes ; 1c1,1l repose sur le devonien et
supporte PArenig, mais 1l garde toujours sa position |
constante entre ces deux terrains. TE
Si des sommets de Boutoury, on incline la coupe vers
le Sud, sur les coteaux de Bissounel, on trouve un élé-
ment nouveau, qui donne plus de précision à l’âge du
mur.(1) Les schistes prennent, sur les bords du ruisseau
de Cluseran, un aspect particulier ; 1ls renferment les
orands Asaphes, qui caractérisent à Cabrières l’horizon
de Llandeilo, et le mur est rajeuni jusque-là.
Je viens d'établir l’âge du mur par l'étude des fossiles
des terrains qui le resserrent. Quand les fossiles nous
feront défaut, le mur nous fournira à son tour le moyen
de reconnaître ses voisins. Il conservera, en dépit des
altérations locales, des caractères toujours nettement
reconnaissables ; il nous permettra de reconstituer les
plis qui affectent la stratigraphie de nos montagnes, de
contrôler les termes de notre échelle géologique, d’éta-
blir les limites de nos terrains ; il nous livrera le secret
des terrains métamorphiques.
Le mur quartzeux existe sur un grand nombre de
points du département de l'Hérault ; il se poursuit dans
les départements voisins, dans l'Aude et dans le Tarn ;
il est probable qu’on le reconnaîtra dans les Cévennes,
peut-être dans le Rouergue et le Plateau Central. Je suis
convaincu qu'il fournira partout, pour l’étude du fameux
(1) Coupe de Boutoury au Côteau de Bissounel.
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X géologique, un puissant moyen de contrôle, un crite-
rium précieux.
TERRAINS PRIMAIRES ET TERRAINS PRIMITIFS
« Le nom de terrain primitif, dit M. de Lapparent,
convient à l’ensemble des roches que le refroidissement
a dû faire naître à la surface du globe, lorsque la terre,
passant de la phase stellaire à la phase planétaire, s’est
recouverte d’une écorce solide. » (1).
Ces roches de première consolidation constituent la
base sur laquelle repose l’ensemble des formations sédi-
mentaires ; elles servent de couvercle au feu central ;
elles forment, sous nos pieds, les premiers voussoirs de
la croûte terrestre. Il v a, dans les grandes chaînes de
montagnes, de vastes espaces, où les efforts orogéniques
ont mis à Jour des masses présentant un aspect très
caractéristique, à la fois «€ cristallin et stratiforme », se
distinguant en même temps « des masses éruptives et
des formations d’origine externe ». Ce seraient là les
couches profondes du globe, lArchéen de Dana, le T'er-
rain primitif.
En Amérique ces terrains occupent d'immenses sur-
faces au-dessus des Grands Lacs ; en Europe,ils affleu-
rent en Bavière, dans les Alpes, en Saxe, en Silésie, en
Bohême, en Espagne, dans la Grande Bretagne, dans la
Scandinavie.En France, ils ont été signalés en Bretagne,
dans le Cottentin, dans les Alpes, dans les Maures, dans
les Pyrénées, dans le Plateau Central, dans le Rouergue
et la Montagne Noire.
Dans larrondissement de Saint-Pons, on leur a attri-
?
(1) De Lapparent. Traité de géologie p. 710.
— 10 —
bué de vastes espaces dans le Saumail et Espinouse. A
mon avis il n’y a absolument pas ici de Terrain primi-
tif. La Montagne Noire présente en grand nombre des
pointements et des fi'ons de roches éruptives, qui ont
profondément altéré les terrains encaissants et dont lPau-
réole métamorphique s’est étendue au loin ; mais Île
Primitif est resté enfoui dans le sol et n’a pas vu le jour.
Transportons-nous à l’exfrêmité occidentale de l’'Hé-
rault, dans la commune de Félines, au-dessus d’Argen-
tières,en dessous du col de Pissetreyes ; une crête rigide
coupe la montagne en séparant les massifs ardoisiers de
la Montagne Noire, des plateaux calcaires de la Matte et
de Caunes. Cest notre mur quartzeux.
Il serait facile de le poursuivre vers le sud-ouest, dans
P’Aude, où nous le voyons se profiler dans la vallée de
l’'Argeutdouble, à travers les bois de Citou. Posons la
main sur lui et remontons au contraire vers le nord-est.
Nous longeonsles Garrigues du Linze et les versants de
Tournepique sur le plateau de la Ventouse ; nous tra-
versons le Suc de Masnaguinesur le hameau de ce nom,
nous suivons les crètes de l’Assaladou sur Mancès, et
des Singlès sur la Pode, nons passons la Cesse, nous
remontons à Roc Suzadou et à Combaillères sur Peyrou-
baïle, nous coupons la route de Salles, et arrivons, à
travers les pentes du Soumal, à 400 mètres du col de
Serrière, sur la ligne de partage des eaux.
Après le col, le Mur entre dans le bassin du Thoré,
longe la route de Ferrals à Saint-Pons, traverse les pen-
tes de la Ribaude sur Avynard et des Biaunes sur Gali-
nier, passe sur le château de Moussans et au-dessus des
Verreries. Là.il va changer de direction ; il se casse, 1l
saute vers le nord par un infléchissement rapide et de
brusques rejets ; il passe entre les Albières et Borio Cre-
— DT —
made, descend sur le Col de la Fenille et remonte sur les
limites du Tarn et de l'Hérault vers le Crouzet, Bapech
et Nartaud, pour atteindre, au milieu des gneiss et des
micaschistes, la crète du Saumail. Il s’infléchit à nou-
veau, et se tourne vers le levant, il forme les carrières
d'immenses pavés de Dieumandonis, de Roucan et de
la Vergne, traverse la route d’Anglès près de Rieumajou,
monte sur le col des Bouteilles, coupe la route de Saint-
Pons à La Salvetat et ronge le massif du Signal vers
Vacarials, Bordevieille et les Coumayres.
Devant le Bureau la montagne change d’aspect ; les
roches se dressent verticales et plongent à pic, de 350
mètres, des sommets de l’Éspinouse sur le vallon de Lan-
glade et de Falgous. Gave pyrénéen, le Bureau fait un
premier bond de 200 mètres, retombe en bouillonnant
sur un chaos d'immenses blocs éboulés et Ia cascade se
renouvelle, de gouffre en gouffre, en de nouveaux res-
sauts, au milieu d’un paysage de sauvage grandeur. Le
mur se poursuit toujours, mais il s’atténue, se fait tout
petit, et forme, sous les immenses gradins du gneiss,une
modeste chaussée de 2 mètres dans les prairies de la
Sicardarlo.
Dans lEspinouse le Mur reste nettement indépendant
de la crête, toujours constituée, comme les hautes
pentes, par des masses gneissiques. Il forme la crête
de Margals, où des pointes hérissées et des lames paral-
lèles paraissent constituer tour à tour des menhirs et de
gigantesques dolmens ; il passe sur Rouvials, aux Ro-
quefargues, sur la maison forestière; où il supporte un
pluviomètre dela Société scientifique de France; il forme
une ligne éboulée, qui se dirige sur le Caroux vers Ca-
lagni, Gaillo, Violgue, le Cros et St-Vincent.
D’Argentières au Caroux, le métamorphisme a trans-
— 12? — .
formé Paspect et l'essence même de notre mur. Ici il
constitue un quartz cristallin, [à un quartzite micacé.
ailleurs un véritable gneiss ; mais c’est toujours notre
mur quartzeux, recouvert d’une profusion de lichen géo-
graphicus, qui mériterait de s'appeler ici le lichen géo-
logique ; partout, sous ces altérations, c’est le terrain
stratifié que nous avons reconnu en lui, c’estle Silurien.
Les terrains voisins n’ont pas plus varié que lui ; il
nous sera toujours et partout facile de les reconnaitre
sous leur nouvelle livrée. Faisons un à travers-bances, et
choisissons une route facile, celle de Saint-Pons à la
Salvetat, si vous le voulez bien.
Saint-Pons est bâti sur des marbres à encrines ; aux
portes de la ville, nous entrons sur des schistes ; ce sont
les schistes si connus du Caragnas. Nous y retrouvons
partout le schiste troué et surtout ces blocs xyloïdes aux
écailles raboteuses, ces & morceaux de bois » si carac-
téristiques. Il ne peut y avoir aucun doute, nous sommes
dans le Devonien.
À mesure que nous gravissons la montagne, le sol
change insensiblement d'aspect ; 1l se constelle d’étin-
celles resplendissantes : il devient à la fois plus foncé et
plus brillant. Quand nous arrivons à Chappertis, nous
nous trouvons en plein schiste micacé ou sériciteux, et
pourtant, comme le faisait si justement remarquer pour
la première fois M. de Rouville en 1889, nous n'avons
trouvé aucun point de transition, « aucune démarcation
possible. » (1). Nous avons devant nous une roche plom-
bée, mais regardons cette roche,et nous v retrouverons,
sous son aspect bruni et miroitant, « les morceaux de
bois », que nous avons vus tout à l'heure. C’est ici du
(1) M. de Rouville B. S. G. F. ext. p.9,
HN ee
Devonieñ métamorphique, mais c’est toujours du Devo-
nien.
Parcourons encore un lacet de la route, et nous nous
arrêtons tout à coup devant un mur qui semble nous
barrer le chemin ; c’est le mur du Foulon, c’est le Silu-
rien.
Encore quelques pas,et nous nous trouvons au col de
Terre bleue, sur une terrasse que nous voyons, de tout
côté se profiler devant le Mur. Le sol de la terrasse est
ici comme partout formé d’un schiste décomposé, d’une
terre bleue ou rougeâtre, généralement cultivée, qui
forme, au printemps, un liseré vert, à travers les flancs
dénudés de la montagne, ou les couleurs sombres des
bois. Ces schistes terreux représentent l'horizon de Bou-
toury, lArenig supérieur.
De nouveaux gradins de roche dure s'élèvent devant
nous, masses puissantes, découpées par les siècles, qui
bordent, sous les crêtes du Saumail et de J’Espinouse la
vallée du Jaur de dentelles de pierre. Un bon coup de
marteau sur une arête vive, et les éclats nous montrent
un quartzite micacé à grains fins, qui se constelle par
places, vers le levant surtout, de fragments auguleux de
quartz blanc, de plages étendues de mica et de cristaux
de tournaline. Cest le grès armoricain, mon Arenig
moyen.
Mais à ces gradins succèdent des gradins plus durs et
plus compacts encore, c’est un véritable gneiss, un
gneiss particulier, où des nodules sont disséminés çà et
là dans la pâte de la roche, le gneiss glanduleux des au-
teurs, qui « constitue dans la Montagne Noire, les som-
mets les plus élevés de la chaîne gneissique : le pic de
Nore, le Saumail, l’Espinouse, le Caroux, etc. » (1). Le
—
(4) M. J. Bergeron. Géologie du Rouergue et de la Montagne Noire p.17.
Us —
gneiss glanduleux représente pour moi avec une grande
évidence, les schistes à nodules. Il occupe, sur notre
route, aux abords de Cabaretou, comme au Saut de Vé-
soles, comme aux gorges d’Héric, comme dans toute la
montagne, la place précise qui revient à ces derniers
dans l'échelle géollogique ; si Pon pouvait rapprocher du
Saumail les couches à nodules de la Cabosse ou des bois
de Donnadieu, on verrait que les deux formations
gardent, en dépit de la couleur, un caractère de res-
semblance parfait, qu'ils constituent un seul et même
horizon, l’Arenig inférieur.
Nous arrivons enfin sur le plateau et devant nous s’é-
tendent les prairies marécageuses, les champs ingrats,
les landes à sous-sol imperméable du Moulinet, de la
Roussille, de Bernicot, de Combres, du Soulier. Avant de
faire de la géologie, je n’avais jamais parcouru ces
vallons sans penser à nos landes Pardeilhannaises du
Peyrou, de Montcamp ou de Sarrazo. La question d’al-
titude et de fraicheur mise à part, c’est absolument le
même paysage monotone, les mêmes cultures ingrates,
la même végétation rabougrie. C'est sous le gazon qui la
cache, la même alternance de roche dure et d’assises
friables, c’est le Barroubien.
Mais je ne veux pas abuser des instants, que la Société
veut bien me consacrer ; nous allons descendre rapide-
ment sur la vallée de l’'Agoût. Je ne vous montrera que,
en passant, les éboulis si caractéristiques, « les canals »
du Cambrien supérieur ; je me contenterai de vous
signalér les bandes rougeûtres et violacées, qui zèbrent
les talus et représentent ici les schistes à Paradoxides,
le Cambrien moyen.
Déjà la Salvetat étale devant nous ses immenses prai-
ries, ses bosquets de grands arbres, ses paysages suisses,
PE Men
qu'il faut encore oublier un instant, pour observer les
pointements de granite, les bandes de calcaire et les
oneiss. Je ne dirai rien du granite ; c’estune roche érup-
tive, ce n’est qu’un accident. Les calcaires sont connus
depuis longternps. M. de Rouville les signala le premier;
M. Bergeron les rangea dans le Cambrien ; M. Cannat,
qui les a longuement étudiés cette année, a pu préciser
leurs affleurements, déterminer leurs caractères litho-
logiques, reconnaître en eux ces traces fossilifères, dont
vous avez des échantillons entre les mains et qui se
rapportent sans doute à PArchæocyathus. Les gneiss
constituent pour moi les grès de Marcorv.
La vallée de lAgoût n’est pas un synclinal, comme on
pourrait le croire tout d’abord. Cest une combe anticli-
nale, c’est, avec le Cambrien inférieur, l’axe même du
système, la base de notre géologie. L’Espinouse toute
entière constitue un vaste anticlinal primaire ; c’est Mar-
cory métamorphisé.
CONTRIBUTION A LA CARTE GÉOLOGIQUE
DE LA MONTAGNE NOIRE
Grâce au mur quartzeux, il sera possible, je crois, de
faire la carte géologique de l’Espinouse, de tracer les
contours des étages métamorphiques, qui constituent les
terrains dits jusqu'ici primitifs. Mais, en dessous de la
grande ligne de démarcation, qu'il trace de lArgent-
double au Caroux, le mur permettra encore de préciser
la carte, en des points, où la géologie paraissait devoir
rester, sans lui, absolument inextricable.
Je ne peux pas entrer ici dans de longs développe-
ments, et je me bornerai à donner, comme exemple, la
géologie de deux points, que je crois très confus :
db =
le vallon des Verreries et les plateaux de la Ventouse.
Au nord des Verreries, le mur quartzeux nous a déjà
marqué une limite absolument précise, séparant l’Arenig
de la montagne ardoisière, du vallon devonien. Ce devo-
nien est lui-même très complexe et, sous la séricitisa-
tion, change d'aspect à chaque pas; la rivière est partout
bordée de cultures etles pentes sont couvertes de grands
bois, qui ont caché le sol sous une épaisse couche d’hu-
mus. Heureusement le Mur va reparaître pour nous
prêter à nouveau son concours.
Une seconde bande quartzeuse, formant la branche
méridionale du synclinal devonien, vient du sud-ouest,
sort sous Roquecave au côteau des Seillols, coupe sous
Pevrefiche la route de Saint-Pons à Ferrals, montesur le
côté sud du col de Serrière, à travers les éboulis de Coste
Raste, se montre à Serre Guiraud, forme la crête sur les
bois de Moussans, se dresse aux Roques de Campaurel,
sur les Verreries, s’infléchit sur la Resse, au-dessus de
Bardou, traverse le Thoré et contourne le sommet de la
montagne de Mountignergues entre le Lina et le PI6 de
Maillac.Cette fois la série a été renversée sous la poussée
de Marcorvy ; le Mur quitte exceptionnellement sa posi-
tion verticale, pour se coucher par places très franche-
ment sur le Devonien. Il est presque horizontal sur
Mountignergues, et 1l va, après la coupure du Lina, for-
mer un lambeau de recouvrement,qui couronne, comme
un chapeau, le signal de St-Bauzile ; nous avons ainsi
au sud, comme au nord une limite très précise, qui en-
toure, sur la carte, le vallon d’un liseré silurien. Sur le
mur, l’Arenig a disparu par étirement dans la violence
du pli ; mais nous trouvons une très belle série cam-
brienne, qui nous présente, sur la route des Verreries à
Ste-Colombe,en face de Balagou,de vastes affleurements
NT, AE
paradoxidiens, avec schistes jaunes et calschistes vio-
lacés, dominés par place par des lambeaux de calcaire
cambrien.
La Ventouse forme un plateau, au nord de la com-
mune de Cassagnoles, sous les montagnes des Sucs,
au-dessus des hameaux d’Argentières, Abeuradou et
St-André, vaste champ de tir,ou terrain de manœuvres,
que son éloignement des centres militaires a sans doute
empêché seul d’être utilisé jusqu'ici.
La Ventouse est foumée de schistes et de calcaires,
entrecoupés de crêtes de quartz, qui se suivent parai-
lèlement, dans toute la longueur du plateau, le tout
profondément altéré par le métamorphisme, lardé de
pointements de roches vertes et de filons de quartz
éruptif, qui ont entrainé des minerais de fer à Masna-
guine, le manganèse à St-André, de plomb argentifère
au col des Fontanelles. Les schistes sont sériciteux,
bleus, rouges, jaunes ou bronzés, les calcaires sont les
marbres blancs ou rosés de P'Abeuradou, les calcaires à
encrines de St-André et des Fontanelles, les marbres de
Masnaguine surtout, qui seraient les marbres les plus
précieux de France, s'ils avaient un peu plus de compa-
cité: blanc de Carrare, rouge vif, rose cervelat, vert
campan, ou faux onvx. Les crêtes de quartz sont ici
encore le Mur silurien du Foulon,et celui-ci vient éclairer
cette géologie déjà si complexe, et tourmentée encore
par la poussée verticale de Marcorv, qui à enfoncé,
comme un coin, dans les flancs du plateau les calcaires
cambriens de la Balme (1).
Nous avons vu la première bande limiter, au nord,
(1) De.Rouville, Delage et Miquel. Carte géologique des Terrains Pri-
maires de l'arrondissement de St-Pons, Fr
=
le système devonien.de la Ventouse ; la seconde, que
nous avons trouvée, au sud du col de Serrière, passe
devant Peyroubaile, coupe la Cesse devant la Pode, for-
me l’escarpement de la Gameillade devant Mancès,
subit un rejet devant les calcaires de la Balme, et
réapparait sur le versant nord du Roquedaut, où ellle
constitue ces « quartzites blancs », qui ont été plu-
sieurs fois signalés ; elle passe devant les maisons de
Masnaguine, aux Razes, au signal du Plo haut et court
sur le bord septentrional du plateau. Une troisième
apparaît sur le versant sud de Roquedaut, entre le
signal et les Combes, traverse le ruisseau de Masna-
guine, coupe le col du Pas grand et forme une crête
aigüe sur les pentes d’'Abeuradou. D’autres descendent
encore du Roquedaut et viennent disparaitre devant
St-André.
La Ventouse est donc un plateau plissé : dans chaque
pli, le mur quartzeux forme les crêtes anticlinales et
supporte un synclinal devonien ; dans le dernier pli, le
mur disparait par étirement et le calcaire arrive en
contact sur l’Arenig de PAbeuradou et des Rivières. Sur
l'anticlinal Cambrien du hameau de La Caune, près Cas-
sagnoles, la carte donnera donc une surface devonienne,
zébrée de fines lignes de Silurien.
L'ÉCHELLE GÉOLOGIQUE DES TERRAINS PRIMAIRES
de l’Arrondissement de St-Pons
CAMBRIEN ET ARENIG
rl Le Le Cr ê sé à z Ê Le K |
En donnant l’an passé la série de nos terrains anciens,
Cambrien et Arenig, j'ai proposé quelques modifications
pour notreéchelle géologique (1). Jen’ai, depuis lors, varié
(1) J. Miquel. Note sur la géologie des Terrains primaires du départe-
ment de l'Hérault. Gambrien et Arenig.
en aucun point, pour la stratigraphie, que J'ai essayé de
faire prévaloir. Toutes les recherches, que J'ai pu faire
cette année, n'ont fait que confirmer mes premières
convictions ; les caractères pétrographiques, que J'ai
étudiés avec plus de soin, les indications fournies par
le Mur quartzeux et par l'étude de la stratigraphie gé-
nérale, tout à corroboré les données paléontologiques
que j'ai exposées. Mon tableau ne pourrait être qu’une
redite.
La géologie ancienne de l'arrondissement de St-Pons
constitue toujours, pour moi, un système absolument
complet, où les étages et les sous-étages se soudent les
uns aux autres d’une façon continue, sans qu’on puisse
trouver nulle part une ligne de démarcation.
Dans l’Arenig, le sous-étage supérieur est toujours
constitué, à mon avis, par les schistes à Calymènes et
à didymograptus de Boutourv ; lArenig moyen com-
prend les Grès Armoricains, accompagnés, en haut et
en bas, d’un double horizon de schistes Gréseux à
Bilobites, qui se lient aux étages voisins ; l'Arenig infé-
rieur comprend les Schistes à nodules et les Grès mica-
cés à ostracodes de Barroubio.
Je ne peux rien dire de plus que l'an passé sur les
couches de jonction, qui unissent le Cambrien à lAre-
n1g, sur la fameuse zone indécise, sur mon étage***, sur
le Barroubien de mes maîtres de Montpellier. Cest une
formation qui comprend encore plusieurs centaines de
mètres de puissance, où pourra s'exercer la sagacité
des géologues.
Le Cambrien de l'Hérault semble définitivement établi
dans ses grandes lignes. L’horizon, où j'ai eu l’heureuse
fortune de découvrir, dans les grès troués de Bonnefont,
les brachiopodes du Cambrien espagnol, sera, je crois,
= =
définitivement accepté comme cambrien supérieur, avec
les horizons qui l’accompagnent.
Le Cambrien moyen est classique depuis de longues
années, et, si je le ‘cite ici, c’est pour adresser, à cette
occasion, mes meilleurs remerciements à M. Cannat,qui
m'a fait honneur de me désigner pour diriger cet été
lexcursion de la Société à travers nos schistes à para-
doxides de Coulouma.
Le Cambrien inférieur est plus discuté. Dans l'Etude
sur les Terrains primaires de l'arrondissement de St-
Pons, MM. de Rouville et Delage avaient reconnu en lui
deux grands horizons : les calcaires cambriens et les
Grès de Marcory (1). Dans une note publiée dans le der-
nier bulletin de la Société géologique de France, M.
Bergeron a repris l'étude de ces formations. M. Bergeron
a découvert dans les bandes qui avaient été attribuées
au Cambrien «€ dans les calcaires gris-clair de la bande
de Cartouvre et de Marso, des débris d’'Archæocyathus »,
qui confirment cette attribution ; mais 1l à cru devoir
faire rentrer encore dans la faune première les calcaires
à encrines que nous avions présentés comme devo-
niens (2).
Je considère qu'il est impossible de séparer nos cal-
caires à encrines de la vallée du Jaur des calcaires à
phacops de Teussines qui les continuent. Sila paléonto-
logie pouvait laisser un doute dans mon esprit, l’étude
de la stratigraphic générale suffirait à le lever et la coupe
du col de Bardou, à laquelle M. Bergeron a fait allusion,
achèverait de me convaincre,
Pour les grès de Marcorvy, M. Bergeron voit en eux un
synclinalde Postdamien (3). Je suis d'autant plus à mon
(1) De Rouville, Delage et Miquel. loc. cit. p. p. 21 eb suiv.
_(2) M. Bergeron. Couches paléozoïques dans le voisinage des plis Ter-
tiaires de St-Chinian. B. S. G. F. 3" série. T. XXII p. 578.
3) Id. 588.
Hay =
aise pour dire un mot à ce sujet, que J'ai partagé mol-
même, au début de mes recherches, Pavis du savant
maitre de Paris ; M. de Rouville a peut-être encore les
premières coupes qui j'ai osé tracer, des coupes de dé-
butant, bien enfantines sans doute, où, tout en constatant
Panticlinal, la voûte de Marcory, je plaçais un chapeau
Barroubien, de Postcambrien, comme je disais alors, sur
le sommet de la montagne. Nous allâmes à Caupujol, et
je dus reconnaitre mon erreur ; dans les champs de
Caupujol, comme dans ceux de Pardailhan, léboulis
gréseux recouvre le calcaire ; mais il y a là une appa-
rence trompeuse. Qu'on pénètre dans les ravines qui
coupent la montagne à travers les genetières et les chà-
taigneraies, et l’on verra que le grès supporte partout la
masse calcaire. Nous avons pu à l’ouest dans la région
des Verreries et de Ferrals, prolonger, un peu au-delà de
ses véritables limites, l’affleurement des Grès de Mar-
cor y, 1ls n’en restent pas moins, à mon avis, le terme le
plus bas de notre système primaire, la base de notre
géologie.
SIMPLES REMARQUES
pour servir à l'étude de l'Orogénie de la Montagne Noire
L’orogénie de la Montagne Noire avait été établie
sur des bases que j'ai essayé de modifier ; elle doit
être modifiée comme ces bases elles-mêmes. Je nai
certes pas Pintention de donner ici le système orogé-
nique de nos montagnes, je me contenterai de proposer
quelques modifications qui me semblent s'imposer
comme une conséquence de ma stratigraphie.
Il ny a plus de primitif, ai-je dit, dans la Montagne
Rte
Noire ; notre géologie ancienne comprend deux anti-
clinaux primaires, parallèles et séparés par un syncli-
nal. Le premier anticlinal est constitué par le Saumail
et PEspinouse, le second par Marcorv; le synclinal,
c’est la vallée du Jaur.
Nous avons étudié les éléments du pli dans la coupe
du Saumail, où la branche septentrionale du synclinal
nous à donné : le Cambrien, le Barroubien, l’Arenig, le
Silurien et le Devonien inférieur. Considérons la bran-
che méridionale du deuxième anticlinal, en prolongeant
la coupe du Foulon, d’un côté jusqu’à la crête de Mar-
corvy, de l'autre jusqu’à Fontramy.Nous trouvons encore
le Cambrien, le Barroubien, l’Arenig, le Silurien et le
Devonien inférieur, mais 1c1 le Devonien va se complé-
ter. Sur le plateau de Siala, la dolomie à encrines fait
place à des calcaires jaunâtres, calschisteux, d’où se
détachent Atrvpa reticularis et Phacops latifrons, et où
s’'intercalent de minces assises de calcaire à polypiers
siliceux ; c’est l’'Eifélien. Un peu plus loin des lignes de
calcaire blanc, grenu, qui débordent à travers le cal-
schiste, renfermant Rhynchonella Bissounensis et repré-
sentent le Givétien ; au-delà nous avons toute la série
du Devonien supérieur.
La composition de ces deux coupes me semble corro-
borer pleinement lPexistence du double effort reconnu
par MM. de Rouville et Delage dans la Dynamique de
la Montagne Noire; elle montre, dans lorogénie de notre
massif ancien, deux phénomènes bien distincts.
Les auteurs avaient assigné des rives différentes à nos
mers cambriennes, siluriennes et devoniennes. Je ne
reconnais dans nos pays aucune trace de soulèvement
antérieur au dépôt du Devonien inférieur, des calcaires
à phacops de Teussines. Jusque là règne partout la mer
ERP incl
profonde, où les divers étages soudent les uns aux au-
tres leurs dépôts concordants et ininterrompus, où les
faunes se transforment insensiblement dans la suite des
âges. À la fin du Devonien inférieur, un premier ride-
ment se produit ; le continent hercynien de la Montagne
Noire dessine ses contours, île ou plitôt presqu’ile
adossée au Rouergue et au Plateau Central. Cest une
masse peu importante, dans larrondissement de Saint-
Pons, puisque de tout côté la mer du Devonien moyen
va semer ses dépôts sur ses rives, de Caunes au Foulon;
mais c'est une masce définitivement émergée, qui
enverra, dans la mer devonienne, comme le dit M. Ber-
seron, les plantes si heureusement découvertes à côté
du pleurodyctium, par MM. de Rouville et Delage, et
dont les falaises formeront des conglomérats, qui vont,
pour la première fois apparaître dans la sédimentation.
Mais ce premier ridement n’a pas pu provoquer la
formation de plis, qui affectent, comme nous venons de
le voir, des terrains, dont le dépôt est postérieur à la
date où 1l s’est produit. C’est un nouveau phénomène
orogénique qui à provoqué le plissement de notre mas-
sif primaire ; quand et comment a-t-il dû se produire ?
L’arrondissement de Saint-Pons représente la partie
la plus montagneuse du département de PHérault et de
tout le bas Langucdoc. Quand on jette les veux sur la
carte de l’Etat-Major, on a peine à se reconnaître à tra-
vers cette infinité de hachures qui le couvrent tout en-
tier. Les basses plaines de Narbonne se plissent aux
approches de nos frontières, les ondulations de terrain
s’accentuent, les coteaux grandissent, les collines se suc-
cèdent dans un enchevêtrement inextricable de croupes
et de vallées, les montagnes se dressent escarpées et for-
ment, après la coupure du Jaur, les plus hautes cimes
du département.
bg. Ve
Pourtant que l’on suive avec soin sur la carte les
séries de points culminants,et l’on pourra bientôt recon-
naitre de grandes lignes à travers ces enchevêtrements ;
que lPon monte au milieu du système, sur un sommet
élevé, et l’on verra mieux encore ces lignes s’accuser, se
profiler régulièrement et former des crêtes successives,
s’échelonnant parallèlement les unes aux autres, comme
les gradins d’un immense amphithéâtre.
Au nord c’est la grande chaine, qui forme la ligne de
partage des eaux, avec lEspinouse et le Saumail, dont
les cimes varient de 850 à 1.200 mètres. La seconde
chaîne, qui semblait avoir échappé aux géographes,
porte, dans le pays, le nom déjà bien connu en géologie
de Marcory, et s'étend de Ferrals au signal de Naudé,
avec des altitudes allant de 700 à 800 mètres. La troi-
sième forme un chaîinon, qui court pendant 70 kilomè-
tres, sur les confins de l'Aude et de l'Hérault, élevé, en
dehors des défilés, qui le coupent profondément, de 200
à 300 mètres. Ce chainon ne porte pas de nom, et pour-
tant il a une grande importance ; c’est lui qui fait com-
muniquer les Cévennes avec les Corbières, les Alpes
avec les Pyrénées (1). Enfin à travers la plaine, au-des-
sous de l’arrondissement, se succèdent des ondulations
dont la principale porte le plateau d’'Ensérune et se relie
à La Clape, à travers les coteaux de Nissan.
De bonne heure les géologues ont remarqué le paral-
lélisme, la symétrie, les analogies de toute sorte, que
présentent ces chaines de montagnes. Dans un admi-
rable petit livre, que j'ai lu et relu cent fois, M. de Mar-
serie a déterminé ces corrélations pour le Chaïnon et
(1) Magnan. Note sur un chaiîinon qui réunitles Corbières à la Montagne
Neire. B. 5. G: F2 Série. FR RNe D. 722:
era C Sonns
pour les collines de Narbonne (1). Dans une communi-
cation, publiée dans le compte-rendu des séances de [a
Société géologique de France, M. Depéret a signalé
l'existence de plis tertiaires, couchés contre le massif
ancien de la Montagne Noire, dans la région de Saint-
Chinian ; et M. Bergeron, dans sa dernière note, signale
l’'analogie, qui existe entre les plis tertiaires, décrits par
M. Depéret et les plis paléozoïques, compris dans la ré-
gion qui leur correspond, « entre Camprafaud vers lest
et Saint-Martial vers l’ouest. » (2).
J’ai depuis longtemps été frappé des analogies, qui ont
été signalées ici, et, sans prétendre absolument à au-
cune priorité à ce sujet, Je crois qu’on pourrait les géné-
raliser et tirer les conclusions qu’elles comportent.
La science orogénique a été, en ces dernières années,
complètement transformée ; la formation des montagnes
a été expliquée partout par un plissement de Pécorce
terrestre, produit sous l’action de puissantes compres-
sions latérales. Dans la Montagne Noire, plus que par-
tout ailleurs peut-être, ces théories nouvelles ont leur
application, et il est facile de leur rapporter lPaction
orogénique, qui a donné à notre sol son relief actuel.Cest
une compression latérale qui a produit cette série de
rides, qui viennent butter contre le massif hercynien et
qui le transforment lui-même. La Montagne Noire, qui
est une des régions les plus favorisées pour la variété
des faunes paléontologiques et pour la richesse des gi-
sements fossilifères, est encore une de celles, qui pré-
sentent, pour les phénomènes orogéniques, les exemples
les plus frappants et les plus divers.
(1) M. de Margerie. Note sur la structure des Corbières p. p. 18 et suiv.
(2) M. Bergeron. Note sur l'allure des couches paleozoïques dans le voi-
sinage des plis tertiaires de Saint-Chinian. B. S.G. F. 8 S. T. XVII p.576.
Re
Il y a bien peu de failles et elles ne sont le plus sou-
vent que des exagérations de plis; comme exception,
je pourrais citer pourtant deux exemples de failles in-
téressantes, qui se trouvent aux portes mêmes de
Barroubio. La première affecte les calcaires cambriens
de Coulouma, en détache un îlot et ramène au jour le
Grès de Marcory ; la seconde, affecte, de St-Pierre d’As-
signan au ruisseau de St-Jean, sur 8 kilom. de longueur,
le calcaire à planorbis pseudoammonius du Bartonien
et longe la retombée du pli couché du Chaïnon, jh a
provoqué sa fracture.
Les plis se retrouvent partout, et avec toutes sortes
de variétés. Ils sont réguliers ou dyssymétriques, nor-
maux ou couchés, très souvent disposés en éventail.
L’axe du système forme tantôt une crête vive, comme
la dorsale de Marcory, et tantôt une vallée anticlinale,
comme la Combe keupérienne de Gragnos oula Combe
cambrienne de La Salvetat. Mais, dans leur diversité,
ces plis conservent, pour chacune des rides produites,
dans chacune de nos chaînes, des caractères qui se
reproduisent d’une façon constante. Les plis sont tous :
franchement déjetés vers le nord. Dans chaque anticli-
nal, le flanc méridional est largement étalé, et si les
assises sont renversées près de laxe du pli, les couches
se redressent bientôt et reprennent leur normalité. Le
flanc septentrional au contraire est toujours abrupt,
raccourci, complètement renversé ; la plupart du temps
un ou plusieurs termes ont disparu par étirementet l’on
a ces séries incomplètes, qui rendent si difficiles lin-
terprétation des coupes (1).
Après le parallélisme si curieux de nos chaînes de
1) Coupe du vallon de Courniou par le pic de St-Bauzile
dur US 2
montagnes, la constance de nos phénomènes orogéni-
ques, qui se renouvellent pour chacune d'elles, me
semble constituer une preuve nouvelle de l'unité de
mouvement qui les a produites.
Sans doute la Montague Noire à subi, après le rende-
ment hercvnien, de nombreuses oscillations, pendant
le Carbonifère et aux âges secondaires ; mais je suis
convaincu qu'elle doit, avant tout, pour lPEspinouse et
_ Marcory, comme pour le Chaïînon et la Clape, son relief
actuel aux efforts orogéniques, qui ont si complètement
bouleversé la géologie du Midi de la France, des Alpes
aux Pyrénées, durant les âges Tertiaires.
Sans préciser l’âge des actions dynamiques, qui ont
formé le Chaiînon de St-Chinian, M. Déperet a pu éta-
blir qu’elles ont eu lieu « postérieurement au dépôt du
Bartonien », et M. Bergeron accepte cette date pour le
remaniement des plis paléozoïques de la région corres-
pondante, de St-Martial à Campafaud.
En généralisant à toute la Montagne Noire, de l’Aude
à l'Aveyron, des plaines de Narbonne à l’Espinouse
l'action des mouvements orogéniques tertiaires, je vou-
drais étendre et rajeunir les limites assignées à leur âge.
J'ai fait, en ces derniers temps, sous la direction de
M. Cannat, avec le concours bienveillant de notre ami,
M. Firmin, létude de Ia géologie de Nissan. Comme
avait indiqué M. de Margerie, nous avons cru recon-
naître une dépendance à la Clape, dans ce coteau « qui
s’'aligne de VE. à PO. parallèlement à Paile N. E. du pli
de la Clape, auquel il fait face de l’autre côté de PAu-
de. » (1).
Mais le coteau de Nissan n’est plus, comme on l’a dit,
1) M. de Margerie, Note sur la structure des Corbières. p. 21
A
« un lambeau éocène. » Les grès et les conglomérats y
montrent, au Pech Rouge, des alvéolines nummuliti-
ques, de même qu'ils renferment encore, près des ruines
de St-Christol, des orbitolines, des fragments d’exogyres
et autres fossiles crétacés. Mais, comme MM. Cannat et
Firmin l'ont formellement reconnu, ce ne sont là que
des fossiles remaniés des terrains antérieurs. La géolo-
gie de Nissan est caractérisée par une faune abondante,
qui précise, de la façon la plus absolue, l’âge oligocène,
aquitanien du système.
Au risque d'ajouter, aux conclusions que j'ai présen-
tées dans cette note, et que j'ai données comme certaines,
une conclusion nouvelle, qui pourra paraitre hypothé-
tique, Je propose de reculer, ou plutôt d'étendre l’âge
des remaniements tertiaires de la Montagne Noire jus-
qu'après le dépôt des couches à Helix Ramondi, de PA-
quitanien.
Barroubio, le 3 Avril 1895.
JEAN MIQUEL.
LA BOTANIQUE A BÉZIERS
PAR" M° P. CARLES
L'étude des sciences dans le Midi de la France ne commence
guère qu'au Moyen-Age. À ce moment un besoin intense de savoir
se fait sentir ; 11 se manifeste par la création d’Ecoles et à côté des
Universités de Bologne, Paris, Verceil, Oxford, Cambridge, Sala-
manque, etc., se .dresse en 1289, le Séudium generale de Mont-
pelhers |
À Montpellier on enseigne la grammaire, la rhétorique, la dia-
lectique, l’arithmétuque, la géométrie, l'astronomie, le droit romain,
la théologie et la médecine qui amène avec elle l'étude de l’histoire
naturelle et particulièrement des plantes à l’époque où la médecine
pouvait se définir l’art de guérir par l’usage des végétaux.
Ce n’est cependant qu’à la période de la Renaissance que les
Sciences naturelles prennent un réel essort. En 1550, l’Arréé des
_ Grands Jours de Béziers prescrit, à la Faculté de Médecine de
Montpellier, l'obligation de faire quatre anatomies par an et crée
un cours de botanique, avec herborisations, qui sera fait de Pâques
à la Saint-Luc. (1). L'étude de la flore languedocienne commença.
En 1556 on inaugure, à Montpellier, un Théâtre ou Amphi-
théâtre anatomique ; le célèbre zoologiste Rondelet, le spirituel
Rondibilis du Pantagsuel, v professait. Il est d’ailleurs certain
qu’une part de son temps était donnée à l’enseignement de la bota-
nique, car c’est vers cette science que se portèrent de préférence
ses disciples les plus éminents : Fuchs, Dalechamp, De l'Ecluse
(Clusius), Lobel, Jean Bauhin.
Cependant l’on remarquait que les étudiants commençaient à
rechercher les Universités d'Italie où des jardins des plantes avaient
été créés à Padoue, à Pise, à Bologne. Le roi Henri IV sur la pro-
position de Henri: de Montmorency, gouverneur du Languedoc
rendit à Vernon, en Décembre 1593 un édit qui créait une chaire
d'anatomie et de botanique et un Jardin des plantes à Montpellier.
(1) F. Castets : in L'Université de Montpellier n° 30. — 16 Mai 1891.
De ce moment, Montpellier devint un grand centre scientifique,
un des foyers dela phytologie et son nom est à jamais inséparable
de celui des grands botanistes qui furent : Richer de Belleval (1596),
Magnol (1667-1715), Boissier de Sauvages (1757), Gouan (1765-
1821), Amoreux (1813), Aug. Broussonnet, Pyrame de Candolle,
Dunal, Delile, Moquin-Tandon, Godron, Touchy, J. de Seynes,
Planchon, Ch. Martins et tant d’autres.
Mais les botanistes montpelliérains ont surtout dirigé leurs inves-
tigations autour de leur ville et dans une partie du département
du Gard ; la région située à l’ouest de Montpellier et constituant
aujourd’hui les arrondissements de Béziers et de Saint-Pons fut par
eux négligée et regardée comme ne faisant pas partie de « la flore
de Montpellier ».
Les botanistes narbonnais, Pourret, le Dr Pech son ami, Delortde
Mialhe étudièrent à leur tour la flore de Narbonne et des Corbières
que Gauthier, Théveneau et Timbal-Lagrave devaient plus tard
rendre classique ; seul le Biterrois fut délaissé par les naturalistes.
Cependant cette région méritait d’être parcourue ; ce terroir fertile
possède de rares espèces dignes en tous points d'attirer l'attention
du botaniste. La situation géographique et orographique lui donne
dans sa partie sud une flore à la fois narbonnaise et monépeilié-
raine, bien qu'il possède des espèces particulières et des stations,
comme Roquehaute et Nissan, uniques en France ; quantà la partie
nord (région de Bédarieux et de Saint-Pons) elle pouvait faire
espérer une ample récolte de plantes nouvelles, rares ou peu con-
nues.
Au XIII siècle, un Biterrois, frère cordelier ou mineur, le trou-
badour Matfre Ermengaud écrit son Breoitari d’Amor (1). Son
ouvrage contient des notions d’histoire naturelle tirées des livres
d’Aristote et de Galien ; dans un chapitre intitulé : De la natura
de las vertutz d’erbas d’albres el des plantas, il donne une simple
nomenclature d’un certain nombre de plantes officinales.
En 1685 et 1686, le célèbre botaniste Tournefort alors suppléant
de Fagon, professeur de botanique au Jardin du Roi, exécuta dans
le Midi de la France et dans les Pyrénées deux voyages sous le
patronage de Louvois, surintendant des bâtiments du roi et du
(1) Le Breviari d'Amor a paru dans les Bull. de la Soc. Arch. de Béz, et
un savant érudit M. Gabriel Azaïs en a écrit la préface.
RUE —<
jardin royal pour fournir de plantes vivantes les cultures de ce
jardin.
C’est en 1686 que Tournefort passe à Béziers, comme il le dit
dans une de ses lettres datée de Montpellier 12 avril. Il est en ce
moment de retour de son voyage dans les Pyrénées où il a visité :
Bagnères, le Pic du Midi, Barèges, Luz, etc. « Venant de Rous-
« sillon, dit-1l, je remis à la poste à Béziers une boitte pleine
« d’Abrotanum femina Narbonense Clus. » (1).
Jacques Vanière, le Virgile français, publie en 1730 la dernière
édition du Prædium rusticum ( poème qui après avoir excité plus
« d’un siècle l'admiration de tous les amateurs de poësie latine fut
« appelé par Mery le merveilleux enfant des Georgiques. » (2) Le
poète, né dans une petite commune des environs de Béziers, Caus-
ses-et-Veyran, avait passé son enfance au milieu des champs et
des jardins, aussi est-ce avec amour qu’il chante les cultures et la
luxuriante végétation du terroir biterrois. Les connaissances de
Vanière en physiologie végétale sont considérables et son poème
contient de précieux renseignements sur les espèces cultivées. Il
nous signale, à cette époque la culture du citronnier et de l’oranger
à Roquebrun (3) ; ses idées sur la sélection des semences sont très
netles ; 1l nous décrit également les dégâts du fameux hiver de
1709 (4) ; mais son travail intéresse plutôt lagriculteur que le
botaniste.
En 1774, le futur auteur du CAloris narbonensis, Pierre-André
Pourret, alors âgé de 20 ans herborise dans les environs d'Agde
comme il l’apprend (5) au baron de Lapeyrouse un de ses corres-
pondants les plus assidus.
A peu près à la même époque, l’abbé Rozier (6), auteur d’un
cours complet d'agriculture sous forme de dictionnaire, grâce à la
protection de Turgot, crée dans les environs de Béziers, à Beau-
séjour, une ferme école et étudie notre culture ; certainement l’abbé
(1) Santolina viridis Willd.
(2) Auguste Fabregat. — La vie des Hommes illustres de Béziers,
(3) Prædium rusticum. — Liv. V.
(4) Prœdium rusticum Liv. VIII.
6) |
(6)
In litt. 30 Mai 1777.
Le premier volume du Dictionnaire d'agriculture de l'abbé Rozier pa-
rut en 1731. L'auteur ne resta pas longtemps à Béziers. Les luttes qu'il
eut à soutenir contre le dernier évêque de cette ville l'obligèrent à regagner
Lyon sa ville natale où il fut chargé d’un cours public d'agriculture.
«
Rozier ne fut pas indifférent à notre flore spontanée, élève de
Girard, le fameux auteur de la Flora qgallo provincialis, il avait
écrit € qu'il est peu d'étude aussi satisfaisante, aussi intéressante,
« aussi digne de l’homme que la botanique. » Mais il n’a laissé
sur nos plantes aucune note.
En 1840 Delort de Mialhe et le Docteur Bubanti herborisèrent
ensemble au Pas du Loup près Nissan et y trouvent l’Æedysarum
spinosissimum DC (n. L.) qu’ils considèrent comme une espèce
différente de l’Æedysarum capitatum Desf. auquel on l’a réuni sous
le nom de var. pallens Moris.
En 1844, notre illustre compatriote Pierre Duchartre présentait à
l’Académie des Sciences un Mémoire sur la géographie botanique
des environs de Béziers (1). Ce fut le premier travail publié sur
notre flore. Né à Portiragnes à 12 kilométres de Béziers vers 1810,
Duchartre était à proximité de la riche station de Roquehaute ; il
avait observé la flore particulière de cette région favorisée ; les
jolies fleurs qui croissent aux bords du canal du Midi et sur la
plage ensoleillée de Vias. L'amour profond qu’il avait pour la nature
sa jeunesse passée au milieu d’espèces peu communes firent de
Duchartre un botaniste passionné et dans un de ses premiers tra-
vaux 1l s’occupa de la flore de son pays natal. Plus tard Duchartre
publia un magnifique Cours de botanique qui est entre les mains
de tous ceux qui s'occupent de phytologie. A l’époque où l’oidium
envahit le vignoble, Duchartre fut un des premiers à rechercher
le remède contre la terrible cryptogame et le 25 juin 1850 il fit
exécuter dans les serres du potager de Versailles äes expériences
sur l’emploi du soufre (2). Ces expériences furent décisives et ser-
virent de bases aux applications ultérieures. I! serait trop long d’é-
numérer tous les travaux que Duchartre a publiés soit sur lhorti-
culturesoit sur la botanique pure ; les comptes rendus de l’Académie
des Sciences, les bulletins de la Société botanique de France et la
plupart des giandes revues horticoles ou botaniques possèdent de
lui de nombreuses études. Il était Officier de la Légion d'Honneur,
Secrétaire de la Société Nationale d’Agriculture, Ancien Président
de la Société botanique de France, professeur honoraire à la Fa-
culté des Sciences de Paris, Membre de l’Institut, lorsqu'une mort
subite est venue le ravir à la science, le 5 Novembre 1894.
(1) Compt. Rend. Ac. des Sc. Fév. 1844, €. X VIII p. 254 et suiv.
{2 Moniteur Universel 9 Sept. 1850.
Es dr
Le travail de Duchartre fut le signal d’un mouvement scienti-
fique dans notre ville. Le D' Théveneau et le capitame Braun furent
à la tête de ce mouvement.
Ils furent suivis dans leurs courses par les frères Lioberus et
Ingues de la Doctrine chrétienne.
Le capitaine de cavalerie Braun était né en Bretagne, en 1797.
Il fit ses études à Rennes et fut un combattant de Waterloo. Il était
chevalier de la Légion d'honneur lorsqu'il prit sa retraite en 1846
et vint se fixer à Béziers où il avait déjà passé quelques temps en
garnison ; il était surtout en relation avec le naturaliste Mathon.
Son herbier qui contient plus de 10.000 espèces appartient aujour-
d’hui au collège de Béziers.
Théveneau habitait Béziers et possédait une propriété à Agde.
C’est aux environs de cette dernière ville qu’il fit ses plus belles
découvertes (1) et c’est là qu’il se lia d'amitié avec le fameux col-
laborateur de Dunal, le jardinier Esprit Fabre dont le nom a été
donné à un Marsilea qui croît dans les mares de Rigaud. C’est
dans ces mêmes mares que Théveneau en 1857, trouva le Dama-
sonium poly spermum de Cosson, qui n’a pas d’autre station fran-
çaise connue.
En 1852, Esprit Fabre publiait ses remarques sur les Ægylops
du Midi de la France et agitait la grande question de lÆgylops
triticoides qu’il prenait pour l’ancêtre du bléet qui n’est en réalité
qu'un hybride d’'Ægylops ovata et de Triticum sativum, comme
il fut démontré d’ailleurs peu de temps après.
Théveneau, Braun, Lioberus et Ingues, dirigèrent aussi leurs
excursions vers l’ilot volcanique de Roquehaute, une des plus riches
localités de la flore française. Les frères Lioberus et Ingues y trou-
vèrent l’/ris æiphium, plante d'Espagne jusqu’alors inconnue en
France et Théveneau le Sysimbrium nanum DC, qui croît aujour-
d’hui sur tous nos sables maritimes depuis Agde jusqu’à l’embou-
churede l’Aude. Balansa qui étudia plus tard Roquehaute y signala
le premier le Pilularia minuta et un ÆRiella qui n’est autre que le
Riella gallica, plante que Planchon, Durieu de Maisonneuve et
Motelay y ont recueillie sur les indications du D' Thèvenon.
La flore de nos environs immédiats n’attira pas seule l’attention
(1) Le D' Théveneau a publié en collaboration avec Lespinasse un travail
. sur la flore exotique d'Agde et de Bessan.
ue
du D' Théveneau ; et tandis que Touchy visitait l’Espinouse il fut
le premier à visiter le mont Caroux où il récolta une variété de
l’Alsine verna que Reuter appela Aisine Thevenæi. Il parcourut
aussi les Corbières (1) avec Timbal-Lagrave. Avec Gauthier de .
Narbonne, il fut certainement celui qui répandit le plus dans le
monde scientifique le nom fameux de Sainte-Lucie, la patrie des
statices. C’est à lui enfin que revient l'honneur d’avoir réuni dans
nos murs les premiers botanistes de notre pays dans un congrès
ds la Société botanique de France.
Ce fut le 2 Juin 1862 que la session extraordinaire de la Société
botanique de France s’ouvrit à Béziers. Chatin, Clos, Cosson,
Durieu de Maisonneuve, Lespinasse, Maugeret, J.-E. Planchon,
Timbal-Lagrave, Schnæfeld, de Seynes y assistaient. La première
séance eut lieu dans la salle de la mairie où Auguste Fabrégat,
alors maire de la ville, remercia la Société d’avoir honoré notre
cité de sa visite. M. Carou président de la Société archéologique,
scientifique et littéraire de Béziers souhaita la bienvenue à la So-
ciété botanique. Le lendemain 3 juin, une excursion eut lieu à
Roquehaute, excursion pendant laquelle Durieu de Maisonneuve
trouva l’/Zsoeles qui porte son nom. Le 4 Juin sous la présidence
de M. E. Doumet, une séance était tenue à l’Hôtel-de-Ville. Le
D’ Jamain fit le rapport de l’excursion de la veille. Planchon iut
un rapport sur une excursion faite au Caroux ; Timbal-Lagrave
donna communication d’une notice sur un orchis hybride (Orchis
coriophoro palustris) trouvé à Roquehaute. M. Clos rend compte
d’une petite herborisation dirigée par Braun et Théveneau faite
aux Côtes de Beyssan, le matin même. ( Nous avons, dit-il, tra-
versé l’Orb sur le Pont Canal et nous avons récolté d’abord les
Lonicera etrusca et caprifolium, Catanance cœrulea, Centhrantus
calcitrapa, Rhamnus inféctoria, Urospermum Dalechampui, Celtis
australis, Arum italicum, Coriaria myrtifolia, Linum narbonense,
et quelques autres espèces intéressantes notamment un Thalictrum
voisin du T'halictrum minus s’il en diffère ; puis onse dirigea vers
trois plantes qui étaient comme le point de mire de l’herborisation
savoir : Opoponaxz Chironium, Ononis brevifiora, Alkanna tinc-
(1) Théveneau et Timbal-Lagrave ont trouvé de nombreuses espèces nou-
velles dans les Corbières : Carduus corbariensis (Timb. et Thév.), Centaurea
Pourretiana (Timb. et Thév.), Centaurea aspero-paniculata (Thév.), Ana-
campseros Thecencæi (Timb.)
ET —
toria. » Le soir même une excursion fut faite à Agde. Le 5 Juin :
excursion au Pas du Loup près Nissan. Du 6 au 10 Juin, la Société
tint ses séances à Narbonne et étudia les environs de cette dernière
ville. Le 11 Juin, elle clôturait sous la présidence du D' Théve-
neau sa session extraordinaire. À la suite de cette session, M.
Napoléon Doumet, de Cette, publiait ses « Zerborisations aux envi-
rons de Béziers-Narbonne » et la botanique eut de nombreux adhé-
rents à Béziers. À côté du D' Théveneau, du capitaine Braun, des
frères Lioberus et Ingues se rangèrent le regretté Pierre Séguy et
le jardinier Fournier.
En 1866, Loret, qui devait quelques années après écrire avec M.
Bairandon « {a Flore de Montpellier »,donne un compte rendu de
ses ( Promenades botaniques dans l'arrondissement de Saint-
Pons. »
Dès 1856, un homme d’un rare mérite et d’une grande modestie
commençait seul l’étude les plantes de la région de Pézenas, encore
non parcourue ; je veux parler de M. B. Biche. Sans le secours
de personne il acquiert rapidement des connaissances profondes en
botanique systématique ; en 1860, il herborise aux environs de
Béziers ; il fait connaissance du frère Lioberus et du jardinier
Fournier et avec ce dernier il récolte en 1865 au Pas du Loup le
Kochia prostrata sur les bords d’un chemin en se dirigeant du
côté de l’'Etang de Poilhes.
M. Biche court alors la région : il trouve l'Anagyris fœtida près
Pezènes, le Falcaria rivint près Conas, la Tulipa præcox à Mont-
blanc, la Potentilla recta dans les bois de Nizas ainsi que le
Rhamnus piscenensis D. J. ; il herborise à la butte de Saint-Si-
méon où dans une seule saison on peut récolter 400 espèces, dans
les bois de, Lézignan - la - Cèbe, dans les garigues de Montagnac
et de Castelnau, dans la vallée de l'Hérault, dans la vallée de la
Peyne. En 1875, M. Biche herborise à Roquehaute avec le Dr
Théveneau, Paul Chalon et M. Paul Cannat avec lesquels il se lie
d’amitié. Mais c’est surtout avec Chalon que M. Biche a herbo-
risé ; à Lodève, au Cayol, à l’Abeil, au Pic de Liausson, au Bous-
quet-d’'Orb, à l'Abbaye de Villemagne, à Sainte-Lucie, à Roque-
haute, au Cap Brescou et dans les environs de Pézenas, au Parce
où Chalon aimait à faire des recherches cryptogamiques.
M. Biche a créé un jardin botanique au Collège de Pézenas où
0 —
il est professeur et c’est avec le plus grand soin qu'il entretient les
rares espèces de notre flore dans ces plates-bandes où il vient de
découvrir tout dernièrement un nouvel hybride de mereuriale
(Mercurialis tomentosa X annua Biche), que Magnier publie dans
le Scrinia floræ selecta sous le nom de Mercurialis Bichei.
Les travaux publiés par M. Biche sont très nombreux. Citons :
le Catalogue des espèces croissant dans le jardin botanique de Pé-
zenas, la flore des environs de Roquehaute (1), Note sur la flore
du canton de Roujan (2), etc.
Eu 1871, M. Gabriel Azaïs, secrétaire de la Société archéologique
de Béziers, publie un Catalogue botanique avec synonymie langue-
docienne, provençale, gasconne, quercinoise. La préface entière de
cet ouvrage serait à citer car elle démontre nettement l’utilité de
ces sortes de glossaires. Le travail contient les noms français,
scientifiques et vulgaires de chaque plante.
Une liste des champignons les plus connus termine l’ouvrage et
donne de précieux renseignements dans lesquels je détache la note
suivante qui quoique très simple démontre avec quel soin et quelle
observation l’auteur s’est occupé de ce travail. « À Béziers, on
« donne au bolet comestible (Boletus edulis, B. bovinus, B. escu-
« lentus) ainsi qu'aux champignons du même genre le nom de
« Coucoumel, coucoumelo, Cougoumel cougoumelo, qui dans les
« autres pays désigne les champignons du genre agaric, et ces
« derniers y sont appelés Boulets pourvu qu’ils aient le pedicelle
« placé au centre du chapeau. Lorsque ce pedicelle est latéral,
« comme l’est celui de l’agaric du panicaut, ils prennent dans le
« dialecte biterrois le nom de brigoulo. »
En 1873, M. Melchior Barthez publia aussi un glossaire sur les
espèces de Saint-Pons (3).
En avril 1873, M. H.-A. Weddel, membre de la Société bota-
nique de France séjourna à Agde et publia en 1874 une Florule
lichenique des laves d'Agde (4). « Parmi les localités que j'ai par-
(1) In bull. Soc. d’Et. des Sc. Nat. de Béziers. 1880. Page 119 et suiv.
(2) Albert Fabre. Histoire des communes du département de l'Hérault.
XX VI: vol.
(3) Glossaire botanique languedocien français-latin de l'arrondissement
de St-Pons. Montpellier. - Imp. Centrale du Midi. — Ricateau, Hamelin et
Cie, 1873.
(4) Bull. Soc. Bot. de France. T. XXI, 1874. P. 330. — Un Extrait de cet
article a paru dans les Comptes rendus de l’Académie des Sciences. —
Séance du 23 Novembre 1874.
de 37. =
« courues dans la région méditerranéenne de la France, en vue de
« la recherche des lichens, il en est peu, dit-il, qui m’aient offert
« autant d'intérêt que les environs d'Agde. Ce ne sont pas cepen-
« dant, on le devine sans peine, les lichens corticoles qui y atti-
« rent l’attention du botaniste ; dans ce pays de vignes et d’oliviers,
« ils ne se montrent en quelque sorte que pour mémoire. Les saxi-
« coles au contraire y pullulent, et la nature des roches qui ser-
« vent de support à ces petits végétaux est ponr beaucoup sans
« doute dans la variété et le développement qu’ils y présentent. »
Dans la florule lichenique de M. Weddel relevoans comme espèces
nouvelles : Acarospora collema, A. sordida, Lecidea cladonema,
Verrucaria Xanthoriæ.
En 1875, MM. Paul Cannat et Albert Fabre essayérent de former
à Béziers un noyau scientifique ; M. Théveneau était tout désigné
pour présider l’Association ; aussi cédant aux instances de MM. P.
Cannat et A. Fabre, accepta-t-il la présidence de la Société d’étude
des Sciences naturelles de Béziers ; mais il resta peu de temps au
milieu de cette Compagnie, car il mourut en août 1876 ne laissant
dans le Bulletin qu’un seul rapport sur l’herborisation de Nissan (1),
Dans cette note il signale particulièrement la variêté humifusa
(Thév.) du Globularia alypum et les rares espèces qui ont rendu
l’excursion de Nissan célèbre : Ranunculus lingua, Polystichum
Thelipteris, Anagyris jætida, Astragalus glaux, Atractylis hu-
milis, Astragalus narbonensis, Astragalus pentaglottis, Passerina
thymelea, Kochia prostrata, Polygala exilis, etc.
M. Sabatier-Désarnauds qui fut le successeur du D' Théveneau
à la présidence de la Société d’Etude de Béziers, ne doit pas être
oublié dans l’énumération des personnes qui se sont occupées de la
flore de notre arrondissement. C’est lui qui signala, en effet, dans
les environs de Montblane, l'habitat de la Tulipa occulus solt au-
jourd’hui disparu. Longtemps après il publia (2) un compte ren-
du d’une excursion au Pic de la Coquillade et au bois des Arenas-
ses (commune de Bédarieux). Voici la liste des espèces qu’il re-
cuellit dans sa course : Ophrys apifera, Ophrys aranifera, Globu-
laria alypum, Cephalenthera lancifolia, Orchis picta, Cytisus
sessiliflorus, C. trifiorus, Lamium longifolium, Vincetoæicum
(1) In. Bull. Soc. d’'Et. Sc. Nat. de Béziers. — 1876, l'° année, p. 44.
(2) In-Bull. Soc. d’ét. Sc. Nat. de Béziers. — 1880.
Meg TT
officinale, Ranunculus gramineus, Hieracium Jaubertianum, Pæo-
nia peregrina, Cephalenthera ensifolia, Spartium junceum, Daph-
ne laureola, Sarothamnus scoparius, Polygala vulgaris, Lotus
corniculatus, Armeria bupleuroïides, Tulipa celsiana, Silene
ualica, Linaria Pelliceriana, Viola hirta, Phalangium liliago,
Senecio gallicus, Orchis pyramidalis, Limodorum abortioum,
Epipactis latifola.
Dès 1875, un jeune avocat de notre ville, Paul Chalon, avait
commencé sous la direction du D' Théveneau, a étudier notre flore
locale. La mort de son puissant guide ne l’empêcha pas de conti-
nuer ses études botaniques, et la Société d’études des Sciences
naturelles de Béziers possède de lui un très grand nombre de notes
et de rapports dont la plupart ont été insérés dans le Bulletin
(1876—1877—1878—1879). On a ainsi de lui des comptes rendus
d’excursions au Malpas, aux Cotes de Beyssan (1), à Magalas, à
Roquehaute, à Lamalou et au Caroux, au Pech de Lagnel près
Narbonne, à Fontfroide, à Bassan, à Pézenas, au Mont Liausson,
au Cap d’Agde, à Armissan et la Clape, à Sainte-Lucie.
Mais ces rapports ne sont écrits qu’au point de vue phanéroga-
mique. Chalon étudia pourtant la cryptogamie. En 1878, 1l publia
une liste de mousses, hepatiques et champignons récoltés dans les
environs de Béziers.
M. P. Goulard avait aussi examiné notre flore cryptogamiaue.
Husnot dans son Æepaticologia gallica disait : « Le D' Goulard a
trouvé dans les mares de Roquehaute un Ærella qui est peut être
le Aiella clausonis ». Ce Rrella était celui qu'avait trouvé Balansa
en 1866 : le Rtella gallica. De plus en décembre 1871, le D' Gou-
lard avait récolté quelques espèces à Graissessac (2) et les avait
distribuées : Pellia epiphylla Nees., Madotheca platiphylla Nees.,
Cladonia cladomorpha Ach., Usnea florida Ach., Cetraria acu-
leata Fries., Sticta pulmonacea Ach., Parmelia caperata Ach.,
Parmelia perlata Ach., Physcia ciliaris Ach., Physcia pulveru-
lenta, o. venusta Nyl., Umbicalaria pustulata.
Paul Chalon n’étudia guère que la florule cryptogamique de nos
«
environs immédiats ; le temps qu’il put consacrer à cette étude
(1) « Le coteau de Beyssan, dit-il, est l’herborisation classique du bota-
« niste biterrois ».
(2) La liste publiée a été faite sur les exsiccata que la Société de Béziers
tient de M. P. Goulard.
REC
fut malheureusement trop court (1877—1882). Dans une préface
précédent une liste de lichens, Chalon nous donue son appréciation
sur la richesse lichenologique de la partie sud de notre arrondisse-
ment. « Les contrées qui avoisinent Béziers me paraissent, du
« reste, peu propres à servir d'habitat à de nombreuses espèces de
« lichens. L’absence de vieux arbres et de forêts, le peu de roches
« émergées à la surface du sol, si l’on excepte les environs d’Agde
« que je n’ai pu encore étudier à ce point de vue, me paraissant
« motiver la pénurie que je signale ». Malgré cette pauvreté cryp-
togamique que nous fait prévoir Chalon, il arrive grâce à ses
recherches à nous citer :
63 espèces de lichens ; 48 espèces de mousses dont 20 des monta-
ones du nord de l’arrondissement et principalement du Caroux ; 9
hépatiques ; 100 hymenomycètes et gasteromycètes.
Dans la partie fungologique, Pézenas est surtout cité, ainsi que
Ribaute, très riche localité réservant probablement beaucoup de .
sujets d’études aux cryptogamisies à venir.
En 1878, Chalon quitta Béziers. Il fit d’abord un voyage à Paris
dont il parcourut les environs : Meudon, Fontenay aux Roses,
Fontainebleau où il fit le 19 septembre une course avec M. Max.
Cornu, de l’Institut. Le récit de cette excursion paru dans le Bul_
letin de la Société d'étude des Sciences naturelles est délicieux. A
la lecture de ces huit pages on ne peut que répéter ce que disait
M. P. Paget dans l’Æérault au sujet d’une nouvelle (1) de Paul
Chalon parue dans la Reoue bleue du 17 juin 1880, « on croit
« admirer une fraiche toile de Chintreuil ».
_ Revenant à Béziers, Chalon passa par l'Alsace et y herborisa
du 5 au 8 octobre, puis 1l reprit la route du midi, laissant avec
reoret cette terre si fermement française (€ ou 1l a voulu que sa
« dépouille mortelle reposât, muette, protestation d’attachement à
« la patrie entière jusqu’à l'heure où le drapeau tricolore y flottera
« joyeusement (2) ». En 1882, Chalon revint en Alsace, et c’est
là que la mort l’enleva le 18 août à la fleur de l’âge « au moment
« où son esprit müri allait enfin conquérir l’avenir entrevu (3) ».
Un des fondateurs de la Société des Sciences naturelles de Béziers,
M. P. Cannat, aujourd’hui président, doit évidemment être cité
(1) Les Violettes.
(2) P. Paget, in Hérault.
(3) Ibid.
A: D
parmi ceux qui ont contribué à l’étude de notre flore locale.M. Can-
nat a publié, en 1876, un rapport sur la flore de Nissan ; c’est à lui
que furent confiés par Mme Chalon mère, les notes et l’herbier du
regretté botaniste, herbier aujourd’hui fondu à celui de la Société.
Tout dernièrement la botanique locale vient de constater encore une
fois le zèle de M. Cannat. En considération de l’estime profonde
qu'avait pour lui le D' Théveneau, la famille de ce dernier a fait
don à la Société d'Etude d'un herbier d’une grande richesse et qui
pourra rendre les plus grands services à nos botanistes langue-
dociens.
M. J. Hérail, dont le nom est aujourd’hui fort répandu dans le
monde scientifique, fut un de nas botanistes locaux à qui l’on doit
le plus. Il était alors élève en pharmacie. Le résultat de ses études
sur notre flore a été publié en deux listes de phanerogames et
cryplogames vasculaires croissant dans les environs de Béziers (1).
- I signale 532 espèces recueillies soit au ruisseau de Bagnols, soit
à la Pioule,aux Brégines, aux bords de l’Orb, sur les francs bords
du canal du Midi, au ruisssau de Valras, aux côtes de Beyssan.
M. Hérail donna en outre au Bulletin de la Société des sciences
un compte rendu d’'eæcursion botanique au ruisseau de Bagnols ;
il étudia la flore d’Agde et découvrit dans l’ilot de Brescou la
Lavatera maritima qui n'avait encore été signalé qu’au Trou de
Miège près Mireval probablement parce que personne n'avait
jusqu'alors étudié le récif de Brescou au point de vue botanique.
En 1881, M. Hérail quitta Béziers pour aller étudier la pharmacie
à l'Ecole de Montpellier. Aujourd’hui, il professe à l’Ecole supé-
rieure de pharmacie d’Alger la science qui a fait le charme de
toute sa vie. |
MM. Félix Mouret et l'abbé Coste depuis quelques années étu-
dient avec soin la flore de Béziers. M. Félix Mouret a surtout exa-
miné les environs de Vendres et de Lespignan où il a signalé plu-
sieurs variétés nouvelles telles que l’Æelichrysum biterrense (2)
et la variété minus (3) du Lythrum bibracteatum Salzm. MM.
Coste et Mouret ont aussi trouvé deux espèces nouvelles pour la
flore de l'Hérault. Ce sont la S'atice confusa Gren. et Godr. et le
Statice lychnidifolia Gir., qui croissent sur la plage de Sérignan
(1) In Bull. Soc. Sc. Nat. de Béz. (1878—1879).
(2) Coste et Mouret, Soc. Bot. de Fr., t. XL, 1893.
(3) Coste et Mouret, Cf. Scrinia, fasc. XIII, 1894.
rl —
et de Portiragnes. Tout récemment, MM. l’abbé Coste et le frère
Sennen, viennent d'établir la flore exotique des environs de Béda-
rieux et d’Hérépian, flore analogue à celle de Port Juvénal, d'Agde
et de Lodève, et qui laissera peu d’espèces naturalisées.
M. Constantin de Rey Pailhade a publié dernièrement (1) un
‘magnifique ouvrage descriptif sur les Fougères de France et il
nous donne dans ce travail où plusieurs variétés nouvelles sont
signalées, la liste des fougères de Béziers.
Notre région possède encore d’autres naturalistes. M. Castel
continue ses recherches sur la flore de Capestang ; M. le pharma
cien Barthez a fort contribué à la connaissance de la flore de Saint-
Pons ; M. Vidal, de Fraïssé, étudie celle de l’Espinouse ;
MM. Firmin, de Nissan, Lucius Séguy, André Crozals, Albert
Arnaud, Farrand, sont encore à citer parmi ceux qui s'occupent de
nos plantes.
Dans une ville comme Béziers, qui est loin d’être scientifique,
de vaillantes initiatives ont voulu combler cette lacune. Il était bon
de les rappeler et de reconstituer l’histoire botanique de notre
arrondissement. J’ai essayé de le faire ici, heureux d’avoir fait
tous mes eflorts pour renouer la tradition de l’histoire naturelle dans
le pays qui a vu naître le botaniste Ducharte et le physiologiste
Flourens.
(1) In Bull. Soc. Sc. Nat. de Béz. (1893—1894).
EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX
DES SÉANCES
one Dan a A A
Séance du 9 Janvier 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. C. de Rey-Pailhade fait don d’un pecten
du Mont Ventoux.
CORRESPONDANCE. — M. le Ministre adresse une cir-
culaire donnant des détails sur le Congrès des Sociétés
savantes du 16 Avril à Paris. M. Sahuc, notaire à Saint-
Pons doit représenter la Société et présenter un mémoire
archéologique. M. Jean Miquel sera aussi notre repré-
sentant au Congrès.
— M. le Président communique à la Société la perte
qu’elle vient de faire en la personne de M. Jules Biscaye,
propriétaire.
À cette occasion la Société adresse à la famille en
deuil ses plus vifs regrets. .
COMMUNICATIONS. — M. Constantin de Rey-Pailhade
donne communication d’une intéressante lettre de M.
le marquis Gaston de Saporta, au sujet de son ouvrage
_ les Fougères de France. M. de Rey-Païilhade commente
la lettre et ira prochainement faire une visite à M. de
Saporta.
— Il est donné communication des réponses qui nous
eme 2
sont parvenues des Sociétés savantes de Russie au sujet
de l’adresse que nous leur avons fait parvenir.
21 Novembre 1894. — No 2718
Société Imsériale des Naturalistes
De Moscou
A la Société d'Etude des Sciences naturelles
de Béziers.
La Société Impériale des Naturalistes de Moscou vous remercie
chaleureusement pour la part que vous prenez dans la grande dou-
leur qui vient de frapper la Sociêté et tout notre pays.
Le Président, Tu. Scoupskt ; Les Secrétaires, À. PAvLOow,
W. SOKALOW.
Société entomologique 16 Novembre 1894 — N° 168
de
Saint-Pétersbourq
À Monsieur le Président
de la Société d'Etude des Sciences naturelles de Béziers
et à Messieurs les Membres.
Messieurs,
La Société entomologique de Russie, réunie en Séance le 11
Novembre 1894, a recu avec émotion le témoignage de sympathie
et d'amitié que la Société de Béziers a bien voulu nous donner dans
les douleureuses circonstances actuelles.
La Société apprécie profondément les sentiment cordiaux de ses
amis en France et leur adresse l’expression sincère de sa reconnais-
sance et de sa sympathie,
PIERRE DE SEMENOW, Président ; J. PoRTCHINSKY,
Secrétaire ; T. TsCHITSCHÉVINE, Secrétaire-
adjoint ; N. SokaALow, Conservateur.
Er ÉN =
Séance du 23 Janvier 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — M. Hérisson Saint-Sernin, négociant,
présenté par MM. Cannat et Paul Bülher, est admis
comme membre actif.
CORRESPONDANCE. — La Society of natural history de
Boston, demande que nous lui complétions la série de
nos bulletins.
— M. le Dr Pevronnet a été nommé président pour
l’année, de la Société d’études scientifiques de l'Aude.
— La Société est invitée aux obsèques de M. Griiïe,
sénateur.
— M. Sahuc, de Saint-Pons, adresse les communica-
tions qu’il doit faire au Congrès des Sociétés savantes.
COMMUNICATION. — La Société élait représentée aux
obsèques de M. Griffe, sénateur, par MM. Cannat, pré-
sident ; Boilève et F.-A, Fabre, secrétaires, Rulland, tré-
sorier.
— MM. le Président et Ch. Benoît ont été chargés par
M. le Maire de faire un rapport sur le magnifique her-
bier dont la famille de M. le Dr Théveneau a fait don à
la Société. A la suite de ce rapport, M. le Maire donnera
un local pour loger cette superbe et vaste collection
botanique. |
— M. C. de Rey-Pailhade est actuellement auprès de
M. le Marquis de Saporta. Il a bien voulu se charger, sur
la demande de M. le Président, de demander au célèbre
naturaliste un travail pour notre bulletin.
CONFÉRENCE. — M. Victor Boiïlève fait une conférence
sur la Société philomathique de Bordeaux qui organise
sa XITTe exposition.
En (Yu
Séance du 30 Janvier 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs :
MM. Migron, présenté par MM. Carayon et Rulland.
Clavel, présenté par MM. Boilève et Cannat.
J. Lafoi, ingénieur agronome, Hp À par MM.
Boilève et Cannat.
Isabeth, par MM. Cannat et Boilève.
Trichereau, ingénieur agronome, professeur spé-
cial, présenté par MM. Cannat et P. Carles.
CORRESPONDANCE. — M. Viguier, docteur ès-sciences,
membre correspondant de la Société, remercie de l’en-
voi du bulletin de 1895. IL félicite MM. Granger, Miquel
et de Revy-Pailhade de leurs travaux.
— La Société philomathique de Bordeaux invite M.
le Président à faire partie du Comité régional de propa-
gande pour le XIIIe Exposition. M. Boilève, secrétaireet
plusieurs de nos sociétaires font partie de ce comité.
— L'Association française annonce l’envoi du compte
rendu du congrès de Caen.
— M. J. Miquel, de Barroubio, a découvert des Stro-
phostoma du côté de Félines ; le mauvais temps la eni-
pêché de continuer <es recherches pour les molaires de
lophiodon.
— M.le Docteur Viguier signale la visite de la So-
ciété géologique de France aux Baux en 1891.
— M. Escot, de Cabrières, propose de procurer à la
Société de nombreuses empreintes de fougères du
houiller.
COMMUNICATION. — M. le Président a adressé à M.
Ferrer, président de la Société de Perpignan, une lettre
pour annoncer lexcursion du 24 avril.
— 47 —
— M. le Président a adressé au ministère les deux
mémoires de M. Sahuc.
— M. Ch. Benoît, membre fondateur délégué, a fait
un rapport à la municipalité sur lherbier Théveneau.
Le Conseil municipal en séance a décidé de faire le né-
cessaire pour lPinstallation de cet herbier.
— M. Rulland annonce que M. Lenthéric, vétéri-
naire au 13e chasseurs, est chargé de diriger le service
à l'expédition de Madagascar. Les relations que M. Len-
théric a eues avec la Société permettent d'espérer qu’il
voudra bien faire part de ses remarques sur la faune et
la flore de l'Ile à notre Société.
— M. le Président communique la mort de M. de
Saporta, membre honoraire de notre Société depuis
1876. M. de Saporta, correspondant de l’Institut était
une illustration de la paleontologie botanique.
— M. Rulland, trésorier donne lecture de l'exercice
de l’année 1894 et établit le budget pour 1895. Les con-
clusions du rapport de M. Rulland sont adoptées.
— M. le Président donne la parole à M. Constantin
de Rey-Pailhade qui prononce lallocution suivante au
sujet de la mort de M. de Saporta.
Allocution prononcée par M. C. De REY-PAILHADE, à l'occasion
du décès de M. Gaston De SAPORTA, Membre honoraire
de la Société.
MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES,
C’est le cœur serré et l’esprit plein de trouble et d'émotion que
je viens vous annoncer la mort subite de M. Gaston de Saporta,
membre honoraire de notre Société, depuis 1877.
Esprit d'élite, brillant littéraire, archéologue érudit, géologue
autorisé, M. le marquis de Saporta, décédé à Aix sa ville natale,
AS
le 26 janvier dernier, s’était fait promptement un nom dans les
sciences naturelles ; mais ce sont ses travaux de paléontologie qui
lui assurent un nom immortel dans les annales de la science. —
Ses travaux sur la flore fossile d’Armissan et ceux de la flore
secondaire du Portugal, l'ont mis au premier rang.
Trois jours encore avant sa fin, trop prématurée pour la science,
nous étions encore dans le cabinet de travail et à côté du regretté
membre de l’Institut, occupé à admirer ses merveilleux dessins
d'empreintes végétales et à recueillir ses précieux renseignements ;
ses reproductions de fossiles sont parfaites et ravissantes, elles sont
uniques dans ce genre.
Travailleur infatignable, M. de Saporta laisse à la science, un
nombre considérable d'œuvres de valeur.
Il a fait revivre à nos yeux étonnés une partie de la végétation
éteinte des siècles passés, 1l a démontré, en remontant de siècle
en siècle et de période en période, que rien de ce qui vit sur
notre terre n’est stable mais évolue et se transforme incessamment.
Disciple de Darwin, M. de Saporta a employé toute son énergie
et toutes ses brillantes qualités à la démonstration de l’évolution
du règne végétal; mais si ces travaux en paléontologie sont connus
du monde entier, ses études botaniques, pour être moins retentis-
santes n’en sont pas moins remarquables. Président de l’Académie
d'Aix, depuis de longues années, l’illustre paléontologue avait été
appelé dans le rang des plus savantes Sociêtés ; 1l fut président de
l'Académie de Marseille, membre de la Société royale de Belgi-
que, de la Société royale de Loudres, de l’Académie des Sciences
de Madrid et de la Société de géologie du Portugal.
Elève de Brongniart, ami intime du grand Schimper, M. de
Saporta était correspondant de l’Institut depuis 1876.
Messieurs, laissez-moi vous dire que c’est à notre travail intitulé
les « Fougères de France » que nous devons le grand honneur
d’être entré en relation avec cet illustre confrère, qui voulut bien
nous adresser des félicitations pour notre monographie. Il nous
donna de sages avis, nous fit don de précieuses variétés de fou-
gères et, enfin nous appela quelques jours avant sa mort auprès de
lui (comme s’il eut pressenti sa fin prochaine) pour nous fournir
de vive voix d’utiles renseignements, nous montrer des horizons
nouveaux et nous encourager à poursuivre notre tâche.
Si l’homme vient de disparaître, laissant un grand nom dans
= O8 =
la science, son œuvre importante nous reste; regrettons cet homme
de bien, ce savant botaniste, cet éminent paléontologue.
Imitons-le ; suivons l’exemple de M. de Saporta, qui malgré
son nom, sa fortune et sa haute position sociale, dédaignant les
plaisir faciles de la vie, n’a cessé de sacrifier son temps et sa peine.
à la recherche de la vérité. |
Puissent l’estime et le regret de tous ceux qui l’ont connu et
approché, de tous ceux qui ont lu et apprécié ses travaux, adoucir
l’affliction de sa famille désolée.
Séance du 6 Février 1895 — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — Est admis comme membre actif, M. L.
Azema, capitaine au 122me régiment d'infanterie à Lo-
dève, présenté par MM. P. Cannat et Escot.
CORRESPONDANCE. — La Société d’horticulture du
Gard demande l'échange des Bulletins. — Adopté.
M. le Président de la Société agricole, scientifique et
littéraire de Perpignan annonce que cette Société sera
heureuse de nous recevoir et de nous faire les honneurs
de sa ville.
M. Viguier, Docteur ès-sciences, remercie &e la bro-
chure géologique de M. Miquel, reçue ces jours derniers.
M. le Ministre de lInstruction publique demande à
la Société de lui signaler si oui ou non elle a subie des
modifications de titre depuis sa fondation. Une réponse
a été adressée.
CONFÉRENCE. — M. Pierre Carles fait une intéressante
conférence sur l'histoire de la botanique à Béziers,
(Voir les mémoires).
2200
Séance du 13 Février 1895. — Présidence de M. Cannat
_ CORRESPONDANCE. — L’Academia degli Agiati in Ro-
vereto, accuse réception de notre Bulletin.
— L'Université royale d’Upsala, demande l'échange
de nos Bulletins. (Adopté).
Dons. — M. Adrien Jeanjean, de Saint-Hippolyte-du-
Fort, offre à la Société un opuscule sur les Excursions
géologiques aux environs d’Anduze.
COMMUNICATION. — M. le Président fait un court ex-
posé des excursions faites pendant la semaine écoulée,
dans le tertiaire des environs immédiats de Béziers,
en compagnie de MM. Miquel, de Barroubio et Pierre
Carles.
— M. Jean Crozals communique le programme et les
conditions de la grande excursion faite dans la Médi-
terranée et en Orient par le paquebot La Touraine.
CONFÉRENCE. — M. Constantin de Rey-Pailhade fait
une excellente conférence sur la multiplication des fou-
sères et s'étend beaucoup sur leur culture.
Séance du 20 Février 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — M. Pierre Slizewicz, chimiste à Cette,
présenté par MM. J. Crozals et Cannat, est admis comme
membre honoraire.
Dons. — M. Jean Crozals, offre de la part de la fa-
mille Duchartre 24 études de notre savant compatriote.
Sn né à nt … -Énlt te
RARE
COMMUNICATION. — M. le Président annonce la mort
de M. Argence, ancien membre actif de la Société.
CONFÉRENCE. — M. Jean Crozals fait une très intéres-
sante conférence sur lillustre botaniste P. Duchartre.
Né à Portiragnes en 1811, Duchartre commença ses
études à Béziers et les acheva à Toulouse où sa famille
s'était transportée. En 1827, 1l se consacre à l’étude des
plantes et publie de magnifiques travaux qui lui ont
valu la considération du monde savant. Parmi ces tra-
vaux M. J. Crozals signale spécialement le Mémoire sur
la Géographie botanique des environs de Béziers ; les
Etudes sur les Aristoloches, que Duchartre à connus le
mieux de tous les botanistes, les Observations sur le genre
lys, etc. M. Jean Crozals termine en communiquant à la
Société une correspondance inédite de Duchartre qui
a toujours eu des relations empreintes de la plus cor-
diale amitié avec la famille Crozals.
Séance du 6 Mars 1895
Présidence de M. Elie Granaud, vice-président
CONFÉRENCE. — M. Lacaze-Duthiers fait une confé-
rence des plus intéressantes, sur un voyage qu'il a fait
dans l’Aragon. Parti de Gavarni, 1l a traversé la chaîne
par la Brèche de Rolland, a visité quelques villages espa-
gnols perdus dans les montagnes et est rentré en France
à Bagnères-de-Luchon.
Séance du 13 Mars 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSIONS. — Sont admis conime membres actifs :
MM. A. Hubert, Dr ès-sciences et Gustave Nivière,
expert-chimiste, directeurs du Laboratoire
œnologique et agricole de Béziers, présentés
par MM. Rousset et Granaud.
MM. Camman, préposé en chef des octrois, présenté
par MM. P. Cannat et Empereur.
Fernand Couderc, propriétaire, présenté par
MM. C. de Rey-Pailhade et Azaïs.
EXCURSIONS. — On organise les premières excursions
de l'année : 10 Armissan ; 20 Saint-Remy, les Baux et
Marseille.
CONFÉRENCE. — M.Jean Lafoi fait une conférence sur
l'Altise de la Vigne. |
Séance du 20 Mars 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. le Président fait don à la Société d’un
lot de fossiles du terrain de Nissan.
CORRESPONDANCE. — M. Chartier-Gulhot écrit de
Niort que M. Chartier père, habitant Marseille, est à la
disposition de la Société pour l’organisation de notre
excursion dans cette ville.
— L'Université de Californie accuse réception de notre
Bulletin.
CONFÉRENCE. — M. Jude Seguy, ancien élève diplômé
de l'Ecole Nationale d'Agriculture de Montpellier, fait
une conférence sur un nouvel insecte ampelophage
l’'Anoxia villosa qu’il a découvert, s’attaquant aux jeu-
nes plantiers de la plaine de Beauséjour. Quoique jus-
qu'à aujourd’hui cet insecte ne se soit guère étendu, il
n’est pas indifférent de le surveiller, car ce melolonthide
AAC RE
pourrait devenir redoutable comme son congénère le
Melolontha fullo avec lequel 1l ne faut pas le confondre
et qui à Murviel-les-Béziers a occasionné certaines an-
nées des dégâts. Comme moyens de lutte, M. J. Seguy
préconise les injections au sulfure de carbone.
Séance du 27 Mars 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. Biche fait don à la Société d’un lot de
fossiles du département de l'Hérault.
BIBLIOTHÈQUE. — Mne Argence, veuve de M. Argence,
ancien membre, fait don à la Société des ouvrages sui-
vants :
Dictionnaire de botanique, de Baillon.
Les Orchidées, de Puydt.
Les Palmiers, de Kerchowe.
Les Fougères (2 vol.), de Rotschild.
Les Palmiers et leurs alliés, de Grisard.
Physiologie végétale, Sachs.
Histoire des Plantes, L. Fiquier.
Les Plantes à feuillage coloré (2 vol.), Naudin.
Fécondation croisée, Darwin.
De la Fécondation, Lecogq.
Botanique, Desplats.
Evolution du Règne végétal, Saporta et Marion.
Insectes et fleurs, J. Lubbock.
Plantes aquatiques, Helyes.
Etude des fleurs (3° vol.), Cariot.
Les Cypripediées, Lebeuf.
L'Illustration agricole, 17e vol., (N° 17 à 23).
CORRESPONDANCE. — M. F. Calmès, remercie de son
admission comme membre correspondant.
CONFÉRENCE. — M. Pierre Carles fait une conférence
Te rs
sur PHybridation des plantes et particulièrement de la
vigne. Il parle notamment des résultats obtenus contre
la chlorose dans les Charentes avec les Hybrides de
Folle Blanche et de Berlandieri. Il termine en mention-
nant les derniers résultats acquis par MM. de Grasset,
Millardet, Ganzin, etc.
EXCURSION
a
Le 31 Mars une excursion a été faite à Armissan et la Clape.
(42 excursionnistes y assistaient).
Séance du 3 Avril 1895. — Présidence de M. Cannat
ES
Dons. — M. Devèze, d’Armissan, offre plusieurs dalles
avec empreintes végétales.
CORRESPONDANCE. — M. Frédéric Mistral, le poète
provençal qui espérait assister à notre excursion de Mar-
seille, écrit à M. Moulin qu'il regrette de ne pouvoir y
assister étant obligé le même jour de présider une céré-
monie.
— La Société de botanique des Deux-Sèvres remercie
de l’envoi de nos Bulletins.
EXCURSIONS. — A la suite de l’excursion de Saint-
Remy, les Baux, Marseille, quelques d’excursionnistes
feront un voyage en Algérie et Tunisie. M. Jean Crozals
organise cette excursion.
CONFÉRENCE. — M. le sous-préfet Belleudy, membre
d'honneur de la Société fait une charmante causerie sur
Marseille et les coutumes locales si bien décrites par M.
Horace Bertin. | |
CT RE
Séance du 10 Avril 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISsION. — M. Joseph Nury, employé de commerce,
présenté comme membre actif par MM. Boilève et Nury
Louis, est admis comme membre actif.
Dons. — M. Constantin de Rey-Païlhade fait don à
la Société d’un lot d'empreintes végétales.
CORRESPONDANCE. — La Société Regia lynceorum aca-
demia de Rome, accuse réception de notre Bulletin.
Excursion. — M. C. de Rey-Païlhade fait le compte-
rendu sommaire d’une excursion qu’il a faite à Lodève,
avec M. B. Biche, de Pézenas.
— Les dernières dispositions pour l’excursion aux
Baux, Marseille et l'Afrique sont prises.
CONFÉRENCE. — M. Jean Miquel, de Barroubio, fait
une conférence sur la Géologie du département de l’'Hé-
rault. (Voir aux mémoires).
EXCURSION
Les 12, 13, 14, 15, 16 Avril, la Société a fait une excursion
à Saint-Remy de Provence, les Baux, Arles et Marseille. (34
excursionnistes y assistaient).
A la suite de cette course, 6 excursionnistes ont visité
l'Algérie et la Tunisie.
Séance du 24 Avril 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. le Président fait don d’un lot de poteries
romaines provenant de Saint-Remy.
= ÿé —
COMMUNICATIONS. — M. Perréal a été nommé prési-
dent du Conseil général. Des félicitations lui ont été
adressées.
— M. Sahuc, notaire à St-Pons, a fait au Congrès des
Sociétés savantes deux communications au nom de notre
Société.
— M. Paul Bülher fait le compte rendu de lexcursion
à Armissan.
ARMISSAN & LA CLAPE
Compte Rendu de l’Excursion du 31 Mars 1895
Par M. Pauz BULHER |
MESSIEURS,
Vous trouverez peut-être assez peu logique que le compte-rendu
d’une excursion à Armissan et à La Clape, c’est-à-dire dans une
région où les richesses scientifiques abondent, soit absolument dé-
pourvu d’études savantes et de ces beaux mots en « um et us »
qui font la joie de tout vrai naturaliste. Mais je respecte trop, ceux
qui daignent me prêter un moment d’attention, pour leur exposer
ici des choses qui ne sont pas de ma compétence et que j'aurais
puisées, soit dans les nombreux comptes-rendus qui ont déjà paru
sur Armissan dans les Bulletins de la Société, soit dans les livres
savants qui traitent de cette partie si intéressante de notre région.
D’autre part je crois, et j'espère surtout, que, si notre cher Pré-
sident a bien voulu désigner comme rapporteur, parmi 42 exCcur-
sionnistes, celui qui est peut-être le moins apte à vous causer
géologie ou botanique, c’est qu’il désire que ce modeste récit
donne simplement une idée de l’entrain, de la gaîté et de la satis-
faction de chacun, qui ont caractérisé cette charmante promenade ;
‘qu’il serve en quelque sorte de complément au travail de notre
D IE
7
y en
LME
cher collègue M. P. Carles, qu’a publié en date du 3 avril dernier
le journal L'ÆHérault. Je recommande cet excellent article à tous
ceux d’entre vous, qui désirent avoir une idée exacte de la partie
scientifique de cette excursion.
Ceci dit je vais essayer de vous faire un tableau aussi vrai que
possible de ce dimanche passé si agréablement en si nombreuse et
bonne compagnie.
Je vous ai dit déjà que nous étions 42, chiffre fort respectable
pour la première excursion de l’année ; j’ajouterai que plusieurs
de ces Messieurs avaient eu l’excellente idée d’amener leurs dames
et leurs enfants, ce qui ne manque pas d'ajouter du charme et de
l’entrain à nos excursions.
C’est le train de 6 h. 45 du matin qui avait été désigné pour
nous transporter à Narbonne, où deux beaux omnibus à trois
chevaux, comme nous n’avons pas le bonheur d’en posséder à
Béziers, nous attendaient devant la gare. Chacun s’installe selon
son goût, dans l’omnibus fermé ou dans le tramway ouvert; les
plus intrépides même, grimpent sur l’impériale, malgré l’air vif du
matin et l’aspect menaçant du ciel.
Nous voilà en route pour Armissan et, quoique la végétation
soit très en retard le paysage ne manque pas d’attraits. L’horizon
est borné derrière nous par les derniers contreforts des Cévennes,
qui ne nous apparaissent que comme une masse sombre et grise,
servant de fond à la ville de Narbonne, à sa majestueuse cathé-
drale surtout, autour de laquelle toute la ville est étroitement
groupée comme un troupeau fidèle et craintif autour de son berger
protecteur. Mais-le soleil manquant à lappel, tout cela est bien
gris et nous préférons regarder de droite et de gauche, où le pay-
sage est plus en harmonie avec notre exubérante gaîté. La route
est bordée, en effet, de larges fossés, remplis d’eau bien claire,
dans laquelle de jeunes plantes à peine sorties de terre semblent se
mirer, toutes surprises de se voir si fraîches et belles ! De nom-
breux petits ponts pittoresques et coquets, conduisent de la route
dans des vignes ou dans des prés dont quelques-uns ont déjà pris
cette teinte vert tendre qui fait tant de bien à la vue au sortir de
l'hiver. Les fleurs sont encore peu nombreuses, mais les quelques
narcisses, rouquettes, etc., qui se montrent çà et là, n’en sont
que plus fêtées par nous, de même que les arbres fruitiers qui en-
tourent de bouquets blanes et roses de gentilles petites maisons de
ER =
plaisance, qu’on appellerait châlets dans les pays de montagnes,
grangettes à Béziers, barraquettes à Cette, mais dont j'ignore le
nou à Narbonne! Tout est bien tenu, tout respire la propreté et
l’aisance et nous apparaît dans une tranquillité, un recueillement
qui nous rappellent que c’est dimanche !
Cependant voici, sur le bord de la route, fier et menaçant, un
mur très haut, la façade d’un ancien château féodal sans doute,
dernier vestige d’une puissance disparue ; amas de pierre qui ne
parait se maintenir que par le dévouement d’une partie d’entre
elles qui, au premier danger, abandonnent leur position élevée
pour venir en aide à leurs malheureuses compagnes d’en bas et
les aider à sauver de la ruine cet édifice lourd et déséquilibré.
Puissant sujet de méditations pour le penseur qui est préoccupé
de l’avenir d’une organisation sociale et qui sait voir dans les
êtres inanimés les précieux enseignements et les exemples qu’ils
nous offrent souvent |
Mais nos pensées sont aussi loin de l’économie sociale que de
l’histoire ou de la philosophie, car nous voici aux pieds des der-
niers massifs des Basses Corbières ; nous voyons disparaître sur
notre gauche le village de Vinassan et nous nous engageons sur la
route qui nous conduira à Armissan et à La Clape. Elle a de la
peine à se frayer un passage entre des rochers arides et des tas de
pierres emmenées du haut de ces plateaux où tout n’est que cail-
loux amenés par les torrents qui en descendent par les temps de
pluie.
Bientôt nous voyons apparaître au fond d’un vallon étroit, le
village d’Armissan, village bien propre, aux maisons soigneuse-
ment entretenues, aux petits jardins coquets, aux habitants aima-
bles et hospitaliers! On s’y sent à l’aise malgré sa situation défa-
vorable, éloignée de tout grand centre, des chemins de fer, des
cours d’eau ; il serait certes bien digne de se trouver sur un côteau
verdoyant, à l’ombre d’une belle forêt ou au bord d’une rivière au
gracieux murmure. Mais ses habitants n’envient pas ces douces
choses si opposées à tout ce qu’ils voient chez eux ; ils se conten-
tent de l’air embaumé de plantes aromatiques qui leur vient de
toutes parts, de leur travail, de leur industrie, de leur vie tran-
quille et paisible.
En entrant dans le village nous ne tardons pas à rencontrer
M. Devèze qui nous reçoit avec cette amabilité franche et cordiale
“en 9 2
qu’il a toujours si largement su: prodiguer aux membres de notre
Société. Dans notre Bulletin de 1876 nous lisons qu’il fait déjà un
accueil chaleureux à nos excursionnistes ; c’est donc, vous le voyez,
un ami de longue date!
Armissan ! Tout le monde descend de voiture! Ceux qui sont
perchés sur l’impériale n’en sont pas fâchés, car il n’y fait pas
chaud et à Narbonne les banquettes sont mal rembourrées sur les
impériales! [ls ont pourtant eu quelque compensation à leur infor-
tune, car à l’entrée dans le village, leur position élevée leur a
permis de faire par les fenêtres ouvertes, des études d’intérieur qui
ont nécessairement échappé aux autres excursionnistes.
Sans perdre de temps notre petite caravane se dirige vers l’ate-
lier de M. Devèze où se préparent les dalles d’Armissan, qui,
comme vous le savez, sont spécialement employées pour les mar-
ches d'escalier. Je dirai même mieux, la nature semble les avoir
destinées elle-même à cet usage, car elles sont composées de cou-
ches étroites, très droites et parallèles et facilement séparables par
quelques coups de ciseau habilement donnés.
Et quelle surprise pour le naturaliste quand :il est favorisé du
hasard et qu’il tombe sur une dalle riche en empreintes végétales
ou animales. Les premières surtout sont excessivement nombreu-
ses et l’on croirait voir dans certaines de ces plaques fraîchement
ouvertes, une page d’herbier sur laquelle un botaniste aurait réuni
tous les végétaux d’une région. Les empreintes sont généralement
d’une vivacité et d’une netteté remarquables, on croit même quel-
quefois y voir un reflet verdâtre,; les fougères, le saule, le pin,
l’érable, en un mot toutes les plantes qu’on trouve encore aujour-
d’hui dans les régions tempérées, y sont facilement reconnaissa-
bles, et de temps à autre une tête ou quelques écailles de poisson,
une squelette de tortue ou un groupe de coquillages, viennent
attester clairement aux yeux même du moins expert, que le sol que
nous foulons était occupé autrefois par un lac pittoresque entouré
d’une végétation abondante! Le croirait-on quand on ne voit au-
tour de soi qu’aridité désolante et que le plus chétif arbuste ne
trouve plus une nourriture suffisante sur ces montagnes absolu-
ment lavées. &« Triste retour des choses d’ici-bas! »
Après avoir consacré à la recherche de ces fossiles toute l’atten-
tion que méritait cette intéressante partie de son programme et
tout le temps (bien insuffisant il est vrai) que nous accordait ce
EN
dernier, nous nous dirigeons vers la galerie d’où l’on extrait ces
dalles calcaires, disposées en deux couches parallèles et dont
l’épaisseur totale et uniforme ne dépasse pas 30 cent. D’une lar-
geur de ? mètres environ et d’une longueur de près de 300 mètres;
cette galerie n’est pas précisément aménagée pour servir de lieu
de promenade! Ce n’est que doublés en deux et des bougies à la
main que nous nous y engageons.
Arrivés au fond nous nous asseyons dans l’argile humide dont
toute la galerie est tapissée. Ce n’est pas dans l’intention d’y lais-
ser nos empreintes, mais pour écouter les explications d’un ouvrier
qui nous montre la façon d’extraire les dalles, ainsi que pour
permettre à nos épines dorsales respectives de reprendre un peu
de leur souplesse première.
À la sortie nous attendent, un petit sourire significatif aux
lèvres, ceux de nos compagnons qui ont cru devoir se dispenser
de cette visite souterraine, intéressante malgré tout! Mais les
braves se reconnaissent toujours et c’est avec une certaine fierté
que nous conserverons jusqu’au soir, sur nos dos, les marques ar-
gileuses de notre vaillance!
Il ne nous reste plus qu’à remercier bien chaleureusement
M. Devèze et à prendre le chemin de Ramade, non sans emporter
dans nos sacs, à côté de nos vivres, de nombreux et précieux caiïl-
loux destinés à enrichir nos collections particulières ou celle de
la Société. |
Nous voilà gravissant des collines pour en redescendre ensuite
du côté opposé, suivant un instant un ravin pour reprendre d’as-
saut, aussitôt après, une seconde colline ! Je ne vous dirai rien du
paysage, car il est toujours aussi sauvage, triste et désolé et chacun
de nous se félicite intérieurement de ne pas avoir attendu au mois
de juillet pour visiter ces parages où le soleil doit être bien cruel!
Hélas ! pauvre soleil! où es-tu au moment où nous pensons à .
toi ? Tes rayons ne nous parviennent que faiblement à travers un
épais tamis de nuages qui envahissent le ciel de plus en plus!
Mais nous causons, rions, chantons même (nous n’avions certes
pas besoin de cela pour faire pleuvoir) et le temps passe sans
qu’on s’en doute.
Tout à coup nous voyons apparaître au-dessous de nous, bien
abrité entre plusieurs collines, un petit coin de terre ou l’industrie
humaine est parvenue à faire venir de l’herbe, des fleurs, de nom-
ei =
breux arbres même qu’une végétation précoce commence déjà à
colorer d’un vert tendre : en un mot, une oasis dans le désert !
« C’est Ramade! » Nous écrions-nous avec enthousiasme en por-
tant la main dans nos sacs pour nous assurer que nos caïlloux,.…
je veux dire nos vivres, y sont bien encore! Pauvres ignorants
qui ne savez pas ce que l’on désigne sous le nom pompeux de
Ramade! Voyez-vous là-haut, sur la pente rapide qui descend du
plateau de la Clape, se détachant difficilement des pierres grises
de la montagne, cette façade où vous apercevez une fenêtre ?....!
ça, c’est Ramade! Encore un bon coup de collier et nous y
sommes !
Oh! mais c’est mieux que nous ne l’aurions pensé : il y a une
source, il y a même un arbre, un grand arbre qui lève tristement
vers les cieux ses bras absolument secs ! Maigre abri contre la
pluie qui nous envoie déjà ses avant-gardes sous forme de grosses
gouttes |
Quelques excursionnistes, des jeunes surtout, avaient formé le
projet d'aller déjeuner aux pieds même des hauts rochers qui en-
tourent comme d’une imposante fortification, le sommet de la
montagne ! Ils l’exécuteront malgré les humides et bienveillants
avertissements du temps, quitte à se refugier dans quelque creux
de rochers si la pluie devient par trop incommode.
Nous, gens prudents, nous nous installons à proximité de la
maison et commençons à déballer nos sacs, vraies boîtes à surprise
d’où sortent des bonnes choses sans nombre!
Mais dans notre court passage sur la terre c’est toujours au mo-
ment des plus douces illusions et des plus beaux rêves que le
destin nous arrête cruellement! Hélas, même Ramade se trouve
sur la terre, est soumise à ses lois et une pluie abondante vient
soudain nous rappeler à la réalité, nous forçant à emballer avec
précipitation ce que nous avions mis tant de soin à disposer com-
modément autour de nous!
Nous finissons enfin par nous installer sous un hangard, refuge
peu poétique il est vrai, mais bien utile, car nous y bravons les
outrages du temps et y mangeons avec un appétit qui n’a de pré-
cédents que dans des excursions du genre de ia nôtre. Cet exer-
cice gastronomique west plus interrompu jusqu’à la fin que par
les ‘bons mots échappés de temps en temps de l’un des coins de
l'assemblée et qui nous obligent à rire de bon cœur.
2 00
Dans l'intervalle la pluie a cessé et notre intrépide Président
sroupe autour de lui les géologues pour aller à la recherche de
fossiles dont ils font une jolie récolte. Les botanistes sont moins
heureux et malgré la peine qu’ils se donnent, ils ne Tone pas.
grand chose d’intéressant.
Pendant ce temps-là nous escaladons la montagne et allons
jouir du splendide point de vue qui s'offre à nos yeux da haut de
La Clape. Devant nous s'installent en un vaste panorama : Nar-
bonne, Vinassan, Fleury, Coursan, etc, plus loin notre bonne
ville de Béziers nous apparaît vaguement à travers la brume; on
la devine plutôt qu’on ne la voit et nous regrettons vivement que
l'air ne soit pas plus pur et transparent, car le point de vue serait |
d’une étendue remarquable.
Nous parcourons le haut plateau dans tous les sens, non sans
peine, il est vrai, car 1l est pavé à l’instar de quelques rues de
nos villes du Midi c’est-à-dire que toutes les pierres dont il est
couvert sembjient se faire un mâlin plaisir de nous montrer leur
face la plus aiguë, faisant subir à nos malheureux pieds des con-
torsions inaccoutumées. Arrivés à l’extrémité Sud-Est du Plateau
qui finit en un promontoire très élevé, tombant presque à pic sur
la mer, nous sommes largement récompensés de nos peines, car
voici la mer venant se briser à nos pieds, à droite l’étang de Gruis-
san, à gauche, au loin, à l’extrémité du vaste arc de cercle que
forme la côte, les montagnes d'Agde et de Cette. C’est un coup
d'œil dont on ne se lasserait jamais et 1l est bien regrettable que
nous m’ayons pas le temps de nous asseoir sur un roc pour nous
laisser aller dans le calme de cette majestueuse nature, à de poëti-
que rêveries !…
Cependant il faut songer au retour. Nous redescendons vive-
ment sur Ramade où notre petite troupe se rassemble pour re- |
gagner d’un pas alerte le village d’Armissan. |
En attendant l’heure du départ, l’instituteur de la localité nous
offre gracieusement de nous montrer ses collections, ce que nous
acceptons avec plaisir.
Nous faisons ensuite le tour du village qui offre en ce moment
l'aspect riant et pittoresque des dimanches soir. Les jeunes filles
dans leurs plus étincelantes toilettes, enchantées surtout d’avoir
une occasion de les montrer, se promènent bras - dessus, bras-
dessous par groupes de quatre à cinq. Penchées en avant, l’air
10 =
mystérieux, elles parlent à voix basse et paraissent se dire de
grands secrets ou des choses du plus haut intérêt, ce qui ne les
empêche pas de devenir plus souriantes et de lancer des regards
obliques quand elles croisent un groupe de jeunes gens! Ceux-c1
ont des allures toutes différentes, ils parlent haut, avec de grands
gestes et se donnent des airs importants |!
‘Ces études de mœurs villageoises nous intéressent beaucoup et
à force de promenades et de plaisanteries, nous faisons attendre, à
notre tour, les tramways que nous attendions tout à l’heure avec
tant d’impatience. |
Mais nous voilà au complet. Nous serrons la main à M. Devèze
et aux quelques Messieurs qui ont bien voulu nous tenir compa-
gnie jusqu’au dernier moment et nous partons au grand trot de
nos chevaux, accompagnés des adieux muets de toute la jeunesse
d’Armissan qui forme la haie tout le long de la route jusqu’à la
sortie du village, poussé par la curiosité et étonnée de l’animation
que nous avons apportée dans leur paisible retraite.
Arrivés à Narbonne notre troupe se disloque, car c’est en somme
dans cette ville que se termine notre programme. Les uns vont
visiter rapidement la cathédrale et les principales curiosités de la
ville, mais la majorité va se rafraîchir dans un café et goûter d’un
repos bienfaisant en même temps que mérité, tout en causant de
cette journée si bien remplie et si agréablement passée!
Messieurs, si vous m’en croyez, c’est dans ces excellentes dispo-
sitions que nous allons laisser nos excursionnistes sans entamer la
description de Narbonne ce qui nous emmènerait trop loin et qui
sortirait de notre sujet! Je crains du reste d’avoir déjà abusé de
votre complaisance, je dirai même de votre patience et je me bor-
nerai en terminant de vous engager à prendre part aussi souvent
que vous le pourrez à ces charmantes promenades de uotre
Société, promenades récréatives et hygiéniques autant qu’instruc-
tives, si toutefois la monotonie bien involontaire de mon récit
ne vous en a pas dégouté pour longtemps |!
EE
EXCURSION
Le 28 Avril, la Société a fait une excursion à Perpignan.
(43 personnes y assistaient).
Séance du 1 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs :
MM. Tremont, place des 3/6, présenté par MM. Can-
nat et Lecavellé.
Joseph Durand, rue de la République, 7, par
MM. Cannat et Migron.
Becq, ingénieur, allées Paul Riquet, par MM.
Empereur et Cannat.
BIBLIOTHÈQUE. — À la suite de l’excursion à Perpi-
gnan, M. le Dr Donnezan a fait don à la Société des ou-
vrages suivants dont il est l’auteur :
Une Excursion du Club alpin.
Découverte d’une tortue gigantesque à Perpignan.
CORRESPONDANCE. — M. le Dr Perréal est touché des
félicitations de la Société, au sujet de son élévation à la
présidence du Conseil général.
— M. Paul de Rouville écrit à MM. Cannat, Miquel
et Firmin, au sujet des terrains de Nissan et du Malpas.
— M. de Magdelain, membre du Club Alpin de Tou-
louse, qui a assisté à l’excursion de Marseille avec plu-
sieurs membres de ce Club, remercie la Société.
— M. Aubouy, secrétaire général de la Société d’hor-
ticulture de l'Hérault, demande des renseignements
pour l’organisation d’une excursion que cette Société se
propose de faire à Saint-Remy et les Baux,
EXCURSION. — L’excursion de Perpignan s’est effec-
tuée dans d'excellentes conditions. Le matin après avoir
traversé la place Arago, la Société a été reçue par la
Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-
Orientales représentée par son Président, M. Ferrer, et
M. le Dr Donnezan, président de la section des sciences.
Après la visite du Musée, du Muséum, où là Société a
fort admiré la Testudo Perpiniana ,le déjeuner a eu lieu
à l'Hôtel du Helder. Puis on a visité le Cercle de la
Loge, lHôtel-de-Ville, la Cathédrale, la Citadelle, la belle
Promenade des Platanes et celle de la Pépinière. La
Société a repris ensuite le train de 5 heures, enchantée
de sa promenade et de laffabilité avec laquelle elle a
été reçue par MM. Ferrer et Donnezan.
CONFÉRENCE. — M. Pierre Carles fait une conférence
sur la Répartition des végétaux à la surface du globe. Il
dit qu'on n’a pas besoin: de remonter au-delà à la pé-
‘riode quaternaire pour examiner les flores ; puis il traite
de la question de lPacclimatation et de la naturalisation
des espèces, s’arrêtant spécialement sur les plantes de
notre région. Les modes de transport par Patmosphère,
les eaux, les animaux, l’homme, etc, sont successive-
ment examinées. M. P. Carles parle encore des études
faites à Port Juvénal, à Agde, à Bessan, à Lodève, à Bé-
darieux, à Hérépian, etc., et termine en signalant les
points qui restent encore obscurs dans cette très inté-
ressante question de la naturalisation des végétaux.
Séance du 8 Mai 1895 —- Présidence de M. 4. Lamouroux.
)
Doxs. — MM. Migron et Laurent offrent un lot de
fossiles des environs de Béziers.
66
— MM. Donnadieu et Linières, de St-Chinian et de
Babeau, offrent un lot de fossiles du Silurien.
CORRESPONDANCE. — [l’Académie Royale des Scien-
ces de Lisbonne nous fait part de la perte douloureuse
qu’elle vient d’éprouver en la personne de son Secré-
taire-général Manuel Pinheiro Ghagas. La Société envoie
ses compliments de condoléance.
CONFÉRENCE. — M. André Hubert, docteur ès-scien-
ces, fait une intéressante conférence sur l’Argon ; après
avoir fait l'historique de la découverte de ce corps, 1l
parle de son état de combinaison dans la Clevite avec
l’Helium, métal que l’on n’a guère trouvé que dans le
soleil ; il termine en parlant du nouvel élément et des
problèmes qu’il paraît présenter aux investigations des
chimistes.
EXCURSION
Le 12 Mai, une excursion a eu lieu à Réals et Murviel. (60
personnes y assistaient).
Séance du 15 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. le Président offre à la Société des débris
de crustacés recueillis aux Brégines par MM. Cannat,
Miquel et Carles, le 14 mai.
— MM. Caïlet et Crémézy, offrent une libellula de-
presse.
— M. Amans, appariteur de la Société, un lot de co-
quilles de Sérignan-la-Plage.
CORRESPONDANCE. — M. le professeur de Rouville,
écrit à M. le Président, pour lui demander une étude
approfondie du lacustre des Fours à chaux de Béziers
et de Nissan.
A 0 >
— M. Gouzin, géologue de l'Orne, offre un lot de fos-
siles et demande des échanges. |
COMMUNICATION. — M. de Rey-Pailhade présente relié
son bel ouvrage, Les Fougères de France.
— M. Antonin Moulin fait son rapport sur l’excur-
sion de Saint-Remi et les Baux. |
LES BAUX & SAINT-REMI
Compte Rendu de l’Excursion des 13 et 14 Avril 14895
Par M. ANTONIN MOULIN
MESSIEURS,
Je dois encore à l’affectueuse insistance de notre cher et dévoué
président l'honneur et le plaisir de vous faire le compte rendu de
cette si agréable excursion que J'ai, plus que tout autre, contribué
à faire admettre au programme de cette année et que j'avais à
cœur de voir réussir.
Qu'il me soit permis, dès le début, d'adresser les plus chaleu-
reux remerciements de la Société à tous ceux qui ont bien voulu,
dans ce coin de terre riche en grands souvenirs et où l’hospitalité
n’est pas un vain mot, s'intéresser à nous et faciliter notre « es-
courregudo » à l'étrange cité des Baux et aux Antiques de Saint-
Remi. M. Isidore Gilles, d'Eyragues, archéologue hardi et con-
vaincu, dont le nom reviendra plusieurs fois dans ce rapport, nous
a offert sa remarquable étude sur la Campugne de Marius dans
la Gaule, qui est indispensable au visiteur des Trémaïé et des
Gaïé. M. Marius Girard, syndic du Félibrige, auteur de deux
beaux recueils poétiques consacrés aux légendes du terroir natal
et où l’on trouve beaucoup à glaner, Lis Aupulho et la Crau, a
été notre guide autorisé et empressé dans la vieille ville baussen-
que, en compagnie de Mie Marie Girard, sa fille, reine acclamée
du Félibrige, dont vous avez tous apprècié la grâce et la distinc-
tion. Enfin, M. Barbier, maire de Saint-Remi, revenu expressé-
ment de Marseille pour nous recevoir, nous a montré, par le
ON —
cordial accueil que je vous avais fait prévoir et qui a dépassé mes
prévisions, que, si la Provence est partout largement hospitalière,
elle ne l’est peut-être nulle part plus qu’à Saint-Remi, dans cette
charmante petite ville de bonne société et d’urbanité réputée que
l’on ne quitte pas sans regret.
Après avoir acquitté nos dettes, j'arrive tout d’un trait à Beau-
caire, la bien nommée (bèu caire, beau coin, bel endroit}, dont le
château, ruiné mais toujours fièrement campé sur la colline où
_S’éleva la romaine Ugernum, offre une magnifique vue sur la
vallée du Rhône qui, en des temps très anciens, finissait là son
cours dans un golfe du « Sinus gallicus ». La montagne beau-
cairoise et la montagnette de Tarascon ont été les falaises anciennes
du rivage de ce golfe que le diluvium du fleuve et de la Durance
a fini par combler en répandant une immense couche de cailloux
sur tout ce triangle littoral qui a son sommet à Beaucaire et dont
la base s’étend de la plage de Cette au golfe de Fos, et qui enferme
une double Crau, la Crau d’Arles ou de Provence et la Crau de
Languedoc (1).
Le château de Beaucaire, par sa position même au point de bi-
furcation des deux grandes voies historiques de la France méri-
dionale, entre le Languedoc royal et la Provence comtale et ange-
vine, a eu de tout temps une importance considérable. En 1174,
Raimond V de Toulouse y donna des fêtes brillantes auxquelles
assistèrent plus de 10,000 chevaliers à qui le comte fit distribuer
cent mille sols, en même temps qu’il faisait semer dans les champs
voisins jusqu’à trente mille autres sols, bonne aubaine pour les
numismates à venir.
Le double siège de 1216 est l'événement le plus mémorable dont
le château ait été le témoin et le théâtre. Le pays d’Oc, qui avait
déjà souffert cruellement de la croisade albigeoise, venait de se
réveiller et de se soulever tout entier à la voix du jeune Raimond
de Toulouse (fils du comte dépossédé Raimond VI), dont la mar-
che, de Marseille à Avignon, n’avait été qu’un long triomphe.
Appelé par les Beaucairois, ce capitaine de 19 ans assiège dans le
château la garnison installée par les Croisés et se trouve lui-même
assiégé dans la ville par le terrible Simon de Montiort accouru
(1) Voir : Elisée Reclus (Nouvelle Géographie Universelle, tome II, La
France) et Charles Lenthéric. (Les villes mortes du golfe de Lyon).
= 40 —
au secours des Français. Pendant un an, les Provençaux luttent à
la fois contre les assiégés et les assiégeants, et Raimond de Tou-
louse finit par avoir raison des uns et des autres. Certes, la lutte
reprendra ensuite où le Midi deva't définitivement sombrer avec
sa merveilleuse littérature ( brusquement interrompue en plein
succès » (1); mais ce siège, cette victoire de Beaucaire fut une
éclaircie au milieu de l’orage, une page joyeuse entre les pages de
ruine et de sang qui avaient précédé et qui allaient suivre.
On a prétendu que la foire de Beaucaire aurait été instituée
l’année suivante (1217) par Raimond VI, en reconnaissance des
services et du dévouement des habitants : un acte prouve qu’elle
existait déjà en 1168. Au reste, cette question de date importe
peu. Ce qui est certain, c’est que l’endroit était admirablement
choisi pour la création «€ d’un grand marché international destiné
à mettre les trafiquants de la Langue d'Oc et de la Langue d’Oïl
en rapport avec ceux de l'Espagne, de l’Tialie et de l'Orient. » (2).
Plus de 300,000 étrangers se rencontraient, chaque année, du
22 juillet au 1 août, dans ce champ de foire, encore établi à
quelques mètres de la rive droite du Rhône, « rendez-vous des
négociants de Barcelone, de Gênes, de Venise, de Constantinople,
d'Alep, d'Alexandrie, de Tunis et du Maroc, qui venaient y
échanger les produits de l’industrie italienne et les marchandises
du Levant contre les vins, les toiles, les draps et les laines, non-
seulement du Languedoc, mais d'Angleterre par Bordeaux ou La
Rochelle » (3). Les bouracans de Béziers et les draps écarlates
de Montpellier teints au kermès et plus tard à la garance y arri-
vaient et s’y vendaient en quantité ; mais le trafic le plus impor-
tant avait et a encore lieu sur les cuirs.
L'industrie moderne a presque partout tuë les foires par la
création des chemins de fer qui facilitent les transports et les
échanges à toute distance. Celle de Beaucaire se survit pénible-
ment, mais combien différente! On faisait encore en 1836 trente
_ müllions d’affaires ; on en a fait deux millions seulement en 1874,
et on en fait moins encore aujourd’hui. La célèbre foire de Beau-
(1) Léon Clédat, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon. (La Poésie
lyrique et satirique en France au Moyen-Age, Paris, Lecène et Oudin 1893).
(2) Elisée Reclus (La France).
(3) H. Pigeonneau (Histoire du commerce de la France, tome I, Paris,
Léopold Ceri).
— 10 —
caire, autrefois exposition industrielle et commerciale du monde
entier, n’est plus guère de nos jours que le rendez-vous des musi-
ciens et des orphéonistes, des bateleurs, des marchands de dattes
et des chevaux de bois, eh mon Dieu, quelque chose d’à peu près
pareil à ce que nous subissons, deux fois par an, sur notre place
de la Citadelle, pour la plus grande joie des badauds et des
enfants,
De Beaucaire à Tarascon
Il n’y a qu’un pont, mais il est long,
dit le proverbe. Oh oui, il est long (520 mètres), et pas toujours
commode. Et ce n’est pas sans raison que Gonzague Bompard se
mettait à quatre pattes pour le traverser et s’accrochait désespé-
rément au parapet par les jours de grand vent, qui n’y sont pas
rares. J’en parle par expérience, moi, qui, revenant de Nimes en
voiture, ai dû abandonner mon chapeau au mistral qui l’a jeté
dans le Rhône. On vous a parlé souvent de ces coups de vent fu-
rieux qui renversent les trains sur la ligne de Narbonne à Perpi-
gnan. Eh bien, mes amis, le vent de Tarascon est proche parent
de celui de la Nouvelle. En 1845, 1l enleva deux travées du pont
suspendu qui venait de remplacer l’ancien pont de bateaux et qui
vient d’être remplacé à son tour par un pont à suspension rigide,
du même système et de même fabrication que ceux d'Avignon,
Bon-pas, Cavaillon et Mallemort. :
Le proverbe n’est plus juste, car il y a deux ponts de Beau-
caire à Tarascon : le pont suspendu pour les piétons et les voitu-
res et le viaduc du chemin de fer, à double voie et à refuges, « un
des plus beaux de l’Europe (1) ».
Entre les deux cités voisines il y a, comme bien vous pensez,
quelque peu de rivalité. Beaucaire assure, ce qui est vrai, que
Tarascon est sa tributaire pour la batellerie du Rhône et du canal ;
mais Tarascon triomphe sur terre, et les Beaucairois sont forcés
de passer le pont et d’aller au diable — il] est si long, le pont! —
prendre les trains à grande vitesse.
(1) Emilien Frossard, pasteur : Tableau pittoresque, scientifique et moral
de Nimes et de ses environs à vingt lieues à la ronde (3"° édition, Tou-
louse, Chauvin et Feillès, 1854).
qi
Nous voici en Provence, à Tarascon, dans cette gare affairée
et bizarrement construite en équerre sur les trois grandes voies
qui mènent à Cette, à Marseille et à Paris, et « où le mouvement
incessant des hommes et des marchandises atteint les plus grandes
proportions (1) ». De la grande gare du P.-L.- M. à la petite gare
des chemins de fer des Bouches-du-Rhône, il n’y a pas loin, il est
vrai; mais le temps presse, et vous ne pouvez rien voir de la
ville, où il n’y a, d’ailleurs, guère à voir, à l’exception de l’église
de Sainte-Marthe et du château des comtes d'Anjou « le plus
grand et le plus magnifique monument dont le XVe siècle ait en-
richi le Midi (2) », devenu, hélas ! une prison, au grand désap-
pointement de M. Paul Mariéton : « Aujourd’hui, dit-il, le châ-
teau du roi René sert de prison; on a fait du Palais des Papes
une caserne, de la ville des Baux une carrière : quand donc lais-
sera-t-on enfin libres et honorés dans leur vieillesse ces glorieux
témoins de l’histoire? (3) »
Léglise paroissiale évoque le souvenir de l’une des Saintes
femmes que la légende nous montre fuyant la Judée après la mort
de Jésus et se confiant à une frêle barque qui vint les déposer aux
embouchures du Rhône, là où s’éleva plus tard la bourgade des
Saintes-Maries-de-la-Mer. Trois d’entre elles, Marie-Jacobé (sœur
de la Vierge Marie), Marie-Salomé (mère des apôtres Jacques et
Jean) et leur servante Sarah (patronne des Bohémiens) s’établirent
dans cette solitude attristée, y moururent et y furent ensevelies
dans cette chapelle aérienne de Saint-Michel d’où, une fois par
an, au mois de mai fleuri, leurs reliques, exhumées en 1448 par
ordre et en présence du roi René, descendent devant une foule de
malheureux et de malades venus là de fort loin avec la certitude
d’une guérison prochaine :
O Santo, grandi Santo, agués pieta de nous! (4)
Marie de Magdala, l’illustre pécheresse repentante, se retira à
Aix et à la Samte-Baume,; et Marthe, avec sa servante Marcelle,
vint évangéliser Tarascon, où elle enchaîna docilement avec sa
(1) Elisée Reclus : La France.
(2) Comte de Villeneuve : Statistique des Bouches-du-Rhône, tome II
(Marseille, Antoine Ricard, 1824).
(3) Paul Mariéton : La Terre Provençale (Paris, Lemerre, 1890).
(4) Mistral : Mirèio (chant I).
050
il est bien dégagé, l'impression que l’on ressent à sa vue, du pont
suspendu ou du viaduc, ou mieux encore des tours délabrées de
Beaucaire, est presque aussi grandiose que celle que fait éprouver
le Palais des Papes à l’arrivée par bâteau ou par la rive droite du
Rhône. Les comtes de Provence l’habitaient pendant leurs fré-
quents séjours à Tarascon, surtout René qui l’affectionnait et
dont la postérité lui a laissé le nom. En 1449, il y donna un bril-
lant tournoi en présence de toute sa cour (1). En 1469, il y était
encore quand il institua les jeux de la Tarasque.
Oh ! ces jeux, mon Dieu, ils ne sont pas de la première décence
ni sans dangér pour les spectateurs. La duchesse d'Angoulême,
en l'honneur de laquelle on les célébra au commencement de
notre siècle, s’en montra épouvantée. Il faut voir avec quelle
indignation en parle le doux pasteur Frossard : c’est une véritable
saturnale, gémit-il, où toutes les extravagances sont permises et
qui expose les spectateurs imprudents à de graves désagréments.
Eh, mon Dieu, mon cher pasteur, il n’y a qu’à ne pas être im-
prudent et qu’à se garer :
Lagadigadèu ! la Tarasco !
Leissas-la passa, la vièio masco!
Pauvre mère-grand ! Elle est partie, 1l y a quelque quatorze ans,
pour la lointaine colonie de Port-Tarascon, «en Polygamille » ; et,
au retour, arrachée du pont par la tempête, errant tristement en
pleine mer et prise pour une baleine, elle a reçu sa première et
unique blessure. Et de qui ? Du héros tarasconnais, de ce Tartarin
(1) Les 1°, 3,5 et 8 juin. Louis de Beauvau, sénéchal d'Anjou et plus
tard grand sénéchal de Provence, nous a laissé une relation poétique (Le
Pas d'armes de la beraïère) de ce « tournoy » auquel il prit lui-même une
part brillante avec Philibert de l'Aigue, Philippe de Lenoncourt, Jehan de
Cossa, Guy de Laval, Ferry de Vaudemont, Tanneguy-Duchâtel, Antoine
de Pontevez {sire de Cabannes, fils de Jehan, grand sénéchal) et même
Honorade de Glandevez, femme de ce dernier seigneur :
Une gente damoiselle nommée
La dame de Cabannes vrayement.
La « bergière » ou « pastourelle », choisie pour. payer les vainqueurs
« d’ung baisier. et d'ung annel », était, comme l’année précédente à Saumur,
la belle ef toute jéune Jehanne de Laval (fille du comte Guy, seigneur de
Loué), qui devait devenir, six ans plus tard, la deuxième femme du roi
René avec lequel elle fit dans ce pays dé Provence, qu’elle aimait comme
lui, de fréquents et agréables séjours que la légende a poétisés et-popu-
larisés.
ceinture le monstre affamé de chair humaine qui a donné son
nom à la ville, sorti du Rhône aux environs de la citadelle de
Jupiter (Arx Jovis) élevée sur le rocher — alors insulaire — où
fut bâti plus tard le château.
Il est admis que l’église, dédiée à Sainte-Marthe, a été édifiée
sur les ruines d’un ancien temple romain. On y voit des tableaux,
dont quelques-uns remarquables, retraçant les principaux actes de
la vie de Sainte-Marthe : six de Vien, deux de Vanloo, et d'au-
tres de Mignard, Parrocel, etc... Le tombeau de la Sainte, en
marbre blanc, est au fond de la crypte, avec dés reliques qui ont
été visitées par le pape Urbain I au retour du Concile de Cler-
mont, par Clovis, par Louis-XT, et sans doute aussi par. Louis IX
qui s'arrêta à Béaucaire et très probablement à Tarascon en 1254,
à son retour d'Egypte et de Terre Sainte. A droite de l'escalier
qui conduit à la crypte est le tombeau, surmonté d’une statue cou-
chée, de Jehan de Cossa, devenu grand sénéchal de Provence à
Ja mort de Louis de Beauvau (1462), et qui fut avec lui le plus
brave et le plus fidèle serviteur du bon René (1).
Le chäteau se dresse solidement sur des rochers qui surplom-
bent le Rhône, devenu plus sage et plus lent depuis Avignon.
D'abord citadelle romaine, il fut rebâti vers 1291 par le vertueux
Charles IT, dit le Boiteux, neveu de Saint-Louis, puis rebâti de
nouveau vers 1400 par Louis IT d'Anjou et embelli ensuite par le
roi René (2). Il présente du côté de la ville deux belles tours
rondes et du côté du fleuve deux tours carrées irrégulières. Monu-
ment historique, il était à votre passage et 1l est encore en répa-
ration, et vous n'avez pu le voir qu'incomplètement ; mais, quand
(1) M. de Villeneuve fait mourir Jehan de Cossa en 1476. Cette date ne
peut être exacte, puisque son nom est cité parmi ceux des nobles person-
nes qui ont assisté à l'ouverture du testament de René à Aix (22 juillet
1480).
(2) René d'Anjou, dit « le bon roi René », né à Angers Le 10 janvier 1408,
d’abord duc de Bar, puis duc d'Anjou, comte de Provence, roi des Deux-
Siciles (de nom, sinon de fait) à la mort de son frère Louis IIT (24 octobre
1434), marié très jeune [le 14 octobre 1420) à Ysabeau de Lorraine plus
jeune encore, veuf le 28 février 1452, remarié (le 10 septembre 1455) à Jehanne
de Laval désignée à son choix par les barons d'Anjou et de Provence, mort
à Aix le 10 juillet 4480. Fut d'abord enseveli dans la cathédrale de cette
ville, puis transféré — non sans protestations — dans l’église Saint-Mau-
rice d'Angers, où il repose auprès de sa première et vaillante épouse, sui-
vant ses dernières volontés. La ville d'Aix lui a élevé une statue en mar-
bre (1839) et celle d'Angers une statue en bronze (1853), toutes les deux
dues au ciseau du grand David.
=
dont le tir impeccable faisait dans les Alpes l’émerveillement de
la mihiliste Sonia. Elle est revenue depuis à Tarascon, malgré
l’assertion narquoise du juge Robert du Nord ; et, touie bril-
lante en sa carapace repeinte, elle est allée amuser ces badauds de
Parisiens. Mais elle porte toujours, hélas ! au milieu du front, la
marque indélébile du coup de feu de Tartarin. |
Tartarin! Est-il possible de parler de Tarascon sans songer à
cet étonnant Don Quichotte, mâtiné de Sancho Panza, dont ce
charmeur de Daudet a raconté — et avec quelle verve! — la
grandeur et la décadence. Car, après avoir connu les joies de la
popularité, il a fini ses jours, vous le savez, en mars 1883, dans
les tours de Beaucaire, en Languedoc, en terre étrangère et pres-
que ennemie, chez les Volsques quoi, abandonné de tous sauf de
Pascalon et de Bompard, après avoir tressé des chaussons de
lisière au château du roi René, lui, le grand Tartarin, l’orateur
jadis acclamé du cercle et le champion des chasseurs de casquettes!
Péchère!..….
Il n’y a pas à dire, grâce à ce « gueusard » de Daudet, le nom
seul de la ville de Tarascon, qui n’est n1 plus ni moins ridicule —
et plutôt moins que plus — que la plupart des petites villes de
province, provoque irrésistiblement le rire, comme celui de l’in-
dustrieuse et studieuse cité de Carpentras, non moins raillée et
plus injustement encore.
Il fallait au malicieux écrivain, méridional lui-même et quelque
peu {artarinisant — au bon sens du mot —, une ville du Midi et
du Midi rhodanien pour synthétiser, en un caractère poussé à l’e-
xagération, cette vantardise et cette loquacité que l’on affirme être
naturelles aux Provençaux, mais qui fleurissent aussi, paraît-il,
— du moins, on me l’a assuré — sur les bords de la Garonne et
même sur le boulevard des Italiens. Et il a pris, entre beaucoup
d’autres, à cause de sa seule sonorité, ce nom de Tarascon, qui
sonne haut et clair comme un appel de fifre et de tambourin.
En réalité, Tarascon, vieille ville laborieuse et non bruyante,
siège d’une très ancienne et importante viguerie avant la Révolu-
tion et dotée d’un rêgime municipal des plus parfaits qu’elle avait
conservé depuis l’époque romaine, chef-lieu de l’arrondissement
d'Arles jusqu’en 1816 et aujourd’hui encore chef-lieu judiciaire
avec un Tribunal civil, un Tribunal de commerce et la Conserva-
tion des hypothèques, ville importante par sa gare, par sa très
— 15 —
vaste caserne de cavalerie qui loge fort aisément un régiment en-
tier de dragons, par les grands vignobles de son riche terroir, ne
mérite pas sa réputation de verbosité ni le ridicule attaché à son
nom. Mais quoi, les légendes ont la vie dure, et celle-ci vivra
longtemps. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est encore d’en prendre
son parti et d’en rire tout les premiers : C’est ce qu'ont le bon
esprit de faire, quoi qu’on en dise, les habitants de Tarascon.
Vous pouvez m'en croire, car j'en suis un peu, comme vous,
comme tout le monde, d’ailleurs. C’est encore Daudet qui l’a dit,
et il lui sera beaucoup pardonné pour ce mot : « En France, tout
le monde est un peu de Tarascon. »
x
X +
Et maintenant, messieurs, en route pour Saint-Remi, au rez-
de-chaussée ou au premier étage, par la ligne de Tarascon à Orgon.
Voici la gare de Saint-Etienne-du-Grès, les haltes de la Rode,
Bagatelle et la Massane (cette dernière non loin de la route des
Baux), et Saint-Remi enfin où vous trouvez à la gare, voisine de
l’importante minoterie de M. Mistral-Bernard — un pauvre diable
qui n’a qu’une vingtaine de millions pour tout avoir —, prévenu
de votre arrivée par un flot de paroles et de joyeuses exclamations
qui s’envolent par les portières ouvertes, un de vos bons amis,
celui-là même à qui vous prêtez en ce moment une si indulgente
attention.
St-Remi, où nous pénétrons par la route de Maillane, « Maiano-
en-Prouvènço », patrie d’un très grand poète qui n’a pu, bien à
regret, répondre à l'invitation de la Société, et par un large cours
fort ombragé ei bordé de belles maisons avec serres et jardins qui
annoncent le bien-être, est, sans nulle flatterie, la plus attrayante
petite ville de Provence que je connaisse, accueillante et gaie, et
active, et industrieuseé, tirant de son territoire éminemment fertile
et propre aux récoltes les plus variées tout ce qu’une culture réflé-
chie, secondée par l’arrosage, permet d’en tirer.
La Durance a coulé autrefois dans le bassin de Saint-Remi,
d’abord de l’est à l’ouest par Orgon, ensuite du nord au midi par
Château-Renard, à l’époque géologique où les Alpilles faisaient
suite au Léberon et la montagne de Noves à celle de Caumont sans
interruption ; puis elle fit une première trouée au défilé d’Orgon
et plus tard une deuxième aux environs de Château-Renard, et prit
= ÿ6 =
à peu près son cours actuel. Deux bras néanmoins continuèrent à
se détacher de la capricieuse rivière à ces deux points de trouée :
le premier et le plus ancien, au Trou-Turquet près d’Orgon (le
Louérion de Strabon) ; le deuxième, qui n'a entièrement tari qu’au
XIVre siècle, entre Château-Renard et Rognonas (la Duransole
ou petite Durance). Ces deux bras, que les Romains avaient rendu
navigables et qui étaient en communication avec la Durance, le
Rhône et la mer par les étangs et marais d'Arles et les Fosses
mariennes, enfermaient, d’Orgon à Ernaginum ou St-Gabriel où
se faisait leur jonction, le bassin de Saint-Remi dans une île
d’alluvions, marécageuse aux parties basses ou paluns aujourd’hui
desséchées et défrichées en très garde partie (1), pierreuse et jon-
chée de galets druentins aux parties plus élevées que l’on désigne
sous le nom de Craus (2).
Grâce au canal des Alpilles creusé en partie dans le lit de l’an-
cien Louérion et au ÆRéal alimenté par l’Auriol de Romanin et
des « gaudres et laurons » et qui, joint au Æéal de Château-Re-
nard et d’Eyragues alimenté par les « roubines palunenques »,
va former le Vigueirat où canal de la viguerie de Tarascon (cor-
respondant approximativement à l’ancienne Duransole et versant
ses eaux à la mer par l’étang de Galéjon), la campagne de Saint-
Remi est comparable, pour les bienfaits de l'irrigation, à tout ce
qu'il y a de plus abondamment arrosé en France et en Europe :
la vallée de la Têt aux environs de Perpignan, les huertas de
l'Espagne et les plaines de la Lombardie.
Aussi tout y vient-il à souhait. Le foin et la luzerne poussent
dans toutes les parties arrosables ; la vigne, dans la direction de
Saint-Etienne-du-Grès ; le blé, peu rémunérateur, sur les coteaux
de la petite Crau ; l'olivier, sur le plateau des Antiques, par-des-
sus ces carrières de l’ancienne Glanum, dont l’exploitation —
presque récente — des carrières de Fontvieille et des Baux a bien
réduit l’importance, mais qui ont été jusqu’au XVIIIe siècle, et
surtout à l'époque romaine impériale, sans rivales et en pleine
prospérité. Les cultures dominantes sont celle du chardon et la
culture potagère et florale, dont les produits sont acquis, façonnés
(1) Paluns de Saint-Remi, Eygalières, Mollégès, Saint-Andiol, Verquiè-
res, Noves, Evragues, Rognonas, Graveson, Maillane.
(2) Craus de Saint-Remi, Evragues, Château-Renard, Noves, Saint-An-
diol, Mollégès, Orgon.
RTE.
etexpédiés dans le monde entier par de vieilles et honorables mai-
sons commerciales. En été, quand les plantes, et principalement
la marjolaine, épanouissent leurs: fleurs multicolores, la Jolie terre
Saint-rémoise est. comme un immense parterre qui fait le régal
des yeux.
La ville de Saint-Remi a une population de 5,636 habitants, à
peu près stationnaire et plutôt décroissante depuis deux siècles,
mais qui à été en moyenne de 9,800 du IV° siècle de notre ère
au XIIe, avec un maximun de 14,000 au IX£e, Ce chiffre si élevé
du IX® siècle a amené dernièrement M. Deloche à conclure que
Saint-Remi avait, dès cette époque;« une origine déjà ancienne »,
et, comme conséquence, à contester l'identification de cette ville
avec la station gréco-romaine de Glanum ou Glanicum ou avec le
bourg de Fretum (Freta ou Fretus) élevé sur les ruines de Glanum
après la destruction de cette cité par les Wisigoths (1).
On peut accorder volontiers au savant académicien que la ville
de Saint-Remi avait, en eflet, au [Xe siècle, « une origine déjà
ancienne » et qu’elle a existé « dès les temps mérovingiens »,
puisqu'elle aurait été fondée, au nord de Glanum et sur les bords
du ZLouérion, dès la fin du Ve siècle, et qu'il y avait déjà, en
501, à l'emplacement du bourg actuel, un hameau dit de Saint-
Pierre qui fut visité par Clovis se rendant au siège d'Avignon et
par l’évêque Saint-Remi, auquel il en fut fait donation et dont il
prit le nom (Fanum Sancti Remigü). Au IXe siècle, la ville de
Saint-Remi avait donc déjà une existence de quatre siècles ; et,
comme les habitants de Fretum étaient venus l’accroître, lorsque
ce bourg eut été rasé par les Sarrasins, on s’explique que les deux
agglomérations réunies aient eu une population importante.
Mais iout cela ne démontre aucunement que la ville de Saint-
Remi ne corresponde pas, à quelque 1,500 mètres près, au comptoir
massaliote et à la station aurélienne de Glanum. Il est prouvé,
par le calcul exact des milles romains, que Glanum se trouvait
sur la terrasse des Antiques, à la jonction des voies d'Arles à
Milan par Apt et d'Arles à Rome par Aix, Marseille, Gênes et
Pise. Si la ville importante, dont les monuments attestent irré-
cusablement l’existence, n’est pas Glanum, quelle est-elle ? Il
serait bien difficile de le dire, car il n’en est aucune autre qui
(1) Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et belles-lettres (septembre
1890).
—ND——
réponde, de façon aussi approximative, aux indications relative-
ment précises des Z{inéraires anciens.
Vous pouvez donc être pleinement rassurés. C’est bien le sol
sacré de Glanum que nous foulerons demain, dans notre pieuse
visite aux Antiques. Mais en voilà assez sur ce sujet. Nous som-
mes arrivés, tout en bavardant, à l’hôtel du Cheval-Blanc, caché
dans la verdure et dont la tonnelle, malencontreusement supprimée
pour l'installation d’une banale salle vitrée, a été le théâtre de
mainte agape félibréenne. Il ne saurait plus être question ici de
Glanum ni de Fretum, ni même — que l’Institut me pardonne ! —
de M. Deloche : il est midi, messieurs, et la seule chose qui vous
intéresse pour l'instant, c’est le diner de M. Alphon.
+
x x
Après le repas et le café, deux omnibus, bondés, cacaluchés
comme on dit en Provence, où les toilettes claires et les ombrelles
des dames se détachent agréablement en plein soleil, nous emmè-
nent aux Baux par une route qui traverse la Crau Massane et le
Réal et laisse voir, au levant, sur le coteau de Canillac, les ves-
tiges de la « Tour du Cardinal » (1), puis se met à monter et à
zigzaguer et ne présente plus, à gauche et à droite, que des landes
pierreuses, où ne vivent que l’amandier et l’olivier, bordées elles-
mêmes de roches nues, d’aspect calciné, pareilles, dit Elisée Reclus,
à celles de Sicile et de Grèce.
Et, de fait, cette évocation de la Gièce dans une région qui a été
ionienne par les Phocéens massaliotes, vient tout naturellement à
Pesprit du touriste nourri de lectures classiques. Vraiment, ce site
est grec, s’écrie M. Mariéton sur la terrasse des Antiques ; et le
chemin des Baux, avec les champs riverains brülés par l’ardent
soleil, l’incite encore aux ressouvenirs helléniques : « Là, derrière
nous, le ravin âpre, attristé, qui fuit dans ces collines, c’est la
Grèce, l’'Hellade des pâtres, où les abeilles distillaient leur miel
immortel. » (2).
(1) La « Tour du Cardinal » rappelle le souvenir du brillant pape Clément
VI, qui s’y était fait construire un pavillon avec cette originale inscription,
bien faite pour éloigner les importuns : Rure tibi vivas, aliis dum viæeris
urbe. Le millésime de 1428, qui y est gravé, doit se rapporter à quelque
Pots et non à la construction première qui n’a pu avoir lieu que de
44 4 1994.
(2) La Terre Provençale.
ie
Et la route monte toujours, encaissée entre la montagne à droite
et toute une longue théorie de « pierres plantées » qui la protègent
à gauche contre le précipice béant au fond duquel est l’ancienne voie.
L’attelage, comme celui de la fable, sue, souffle, est rendu :il faut
descendre. C’est, d’ailleurs, un délice de marcher un peu, par cette
douce et sereine après-midi d'avril, devisant par petits groupes,
aspirant les toniques senteurs d’aspic et de thym, « d’espi e de
ferigoulo » que les Alpilles parfumées exhalent à profusion.
Enfin, après une dernière côte et une brèche étroite taillée dans
la roche tendre, le cirque des Baux apparaît, immense et effrayant,
ou plutôt les cirques apparaissent, car il en est plusieurs, étagés
concentriquement ou simplement juxtaposés, depuis le fond de
l’abime tapissé de verdure et rafraichi par l’onde pure d’une
fontaine, jusqu’à l’esplanade ouesplanure qui ferme à l’est le der-
nier amphithéâtre et où s’élèvent et s’effritent chaque jour de plus
en plus les imposantes ruines du château des princes des Baux.
Notre visite commence par le Val d’Enfer, entaillé et resserré
naturellement entre ( des roches étrangement tourmentées, qui se
dressent, se creusent, se prolongent sur le vide en gigantesques
entablements, jardins aériens qui soutiennent des végétations éche-
velées (1). » Cette gorge d’Enfer et les cirques environnants, si
semblables « à la vallée douloureuse sur la montagne » et aux neuf
cercles infernaux de la Divine Comédie, le nom même de baus (en
italien balzo) que le poète donne aux escarpements du séjour des
damnés, tout cela a fait penser, non sans raison (2), que le grand
proscrit gibelin, qui a certainement habité Arles où il à connu et
admiré la poésie de nos troubadours dont quelques-uns ont trouvé
place en son Paradis, a très probablement aussi, pendant son long
et dur exil (1302-1321), vu la cité des Baux, voisine d’Arles et à
peine au commencement de son déclin. (
Au fond de la gorgeest la grotte des Fées, « lou Trau di Fado »,
que le peu de temps dont nous disposons ne nous permet pas d’ex-
plorer et qui, d’ailleurs, — je peux vous l’assurer, pour y avoir
laissé autrefois un lambeau de ma blouse d’écolier — n'offre d’autre
curiosité que le vol effaré et tournoyant d’une multitude de chau-
ves-souris. C’est là que le poète de Mirèio a placé le séjour de
(1) Jules Canonge : Notice historique sur la ville des Baux, 1844.
(2) C’est l'opinion de Mistral (Mirèio : Note 4 du VI° chant).
Tavèa, la sorcière au terrible pouvoir, « la masco pouderouso » :
c’est là que le pauvre Vincent, humble vannier de Vallabrègue,
« umble banastiè valabregan », amoureux et aimé de la belle et
riche fille de « mèste Ramoun », est apporté sanglant, la poitrine
ouverte par la ( fichouiro » du traître € gardian » Ourrias, son
rival ; et c’est de là que, mystérieusement guéri par la sorcière
compatissante, 1l sort avec sa douce amie, enfin consolée; par la
orotte de la colline de Corde, dite aussi Z7ou des Fées, que la
légende fait communiquer souterrainement avec celle des. Baux.
Rejoignant la route, au sortir du Val d’'Enfer, nous passons près
des blocs énormes qui recouvrent l’ancien moulin à huïle des Baus-
sencs, auquel se rattache une tragique légende que M. Marius
Girard, notre aimable guide, a fait revivre dans « Lis Aupilho »,
et nous escaladons la rampe qui mène au Plan du Château,
Amount sus li roco pelade,
Sus.l1i grand tourre esbarboulado
Ounte trèvon, la niue, li vièi prince di Baus (1).
Ah ! mes amis, si la montée est rude, de quel magnifique coup
d'œil n’est-on pas récompensé là-haut, tout là-haut, sur cette
« esplanure », d’où le regard embrasse : aux environs toute la val-
lée des Baux, des castellas d’Aureille et de Mouriès à lantique
abbaye romane de Mont-Majour ; et, au loin, les clochers de la
ville d'Arles ; la Crau, dont l'immense nappe, stérile et nue comme
les terres sahariennes, présente des bandes riantes transformées
par le canal de Craponne en vertes oasis ; la Camargue, aux vastes
et riches vignobles, aux marécages salins où viennent s’abreuver
avidement les « manades » de noirs taureaux : et, plus loin encore,
la ligne argentée du Rhône et les « écharpes d'or » des étangs
méditerranéens.
C’est à une trentaine de mètres, en contre-bas et au sud-est de
la terrasse, sur un quartier de roc éboulé après le démantèlement
(1) Mirèto (Chant Il).
+ 81 —
de la place et au-dessus du vallon d’Entre-conques d’où jaillissent
les sources qui alimentaient en partie Paqueduc romain de Bar-
begal, que se trouvent, à 200, mètres environ l’une de l’autre, les
deux stèles des Trémaié et des Gaïé, la première découverte par
M. le marquis de Lagoy, dont le nom demeure justement attaché
aux fouilles des Baux .et de Glanum (1).
M. Jules Canonge, dans son attachante Notice, les décrit ainsi
sommairement : « L’une, droite, se termine en aiguille vers son
extrèmité supérieure ; large et arrondie à la base,haute d’une ving-
taine de pieds, elle présente au passant étonné les restes d’une
inscription latine (2) et trois grandes figures largement drapées à
la romaine. L'autre, à moitié renversée sur le côté, porte, sculptés
à mi-corps, une femme et un vieillard et une inscription qu’il m’a
êté impossible de déchiffrer. »
Une croyance locale, rapportée par M. Canonge, identifie les
Trémaié avec les trois Maries qui auraient débarqué à cet endroit
et s’y seraient reposées à une époque où la mer venait battre le pied
du plateau des Baux et qui, repoussées par une population inhos-
pitalière, se seraient rembarquées pour aller enfin s'arrêter et se
fixer au lieu dit depuis les Saintes-Maries ou Notre-Dame de Ja
mer :
Colo baussenco, Aupilho bluio,
Vôsti calan, vôstis aguhio,
De nosto predicanço à toustèems gardaran
La gravaduro peirounenco (3).
M. Isidore Gilles s’élève avec véhémence contré cette croyance,
aussi bien, d’ailleurs, que contre celle qui a trait à l’église des
Saintes-Maries de la mer, croyances qui paraissent ne dater, d’a-
près lui, que du Xe ou du XIe siècle, et dont l’origine ne peut
(1) « Louis-Roger-Xavier de Meyran, marquis de Lagoy, né ax château
de Lagoy en juillet 1789, mort à Aix le 16 avril 1860, membre correspon-
dant de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, le numismate le plus :
érudit du midi de la France. Ses recherches archéologiques sont bien con:
nues, et son travail sur les monnaies de la Provence, et surtout celles se
rapportant à Marseille, a été fort précieux pour la science. » — (Norbert
Bonaïous : Almanach de Provence, 1861).
5 ee F. CALDVS
4 x POSE PS.
(3) Mirèto (Chant XI).
es, ‘| es
se justifier « ni par l’histoire, ni par la tradition, ni par les monu-
ments. (1) ». Pour lui, Marthe, Marie-Madeleine, Lazare et les
autres saintes femmes et apôtres de la miraculeuse barque ne sont
jamais venus en Provence, ont vécu et sont morts à Béthanie en
Judée où leurs reliques reposent encore dans le caveau de leurs
pères, et il conclut que la croyance aux « Saintes » n’est pas un :
dogme, mais « une légende entée sur la stèle des Baux. »
Ces bas-reliefs, d’après le hardi archéologue d'Eyragues, seraient
en réalité consacrés, comme le mausolée de Glanum, à la gloire
de Marius, dont le nom est resté très populaire en Provence, et
pour lequel M. Gilles, malgré son grand âge, s’est pris d’une
juvénile passion. Les Trémaïé (tres Marii imagines), sculptées en
l'honneur du grand général par les soins de Caldus, l’un de ses
lieutenants, représenteraient Marius, sa femme Julie et Marthe,
la prophétesse syrienne que Plutarque nous montre suivant en
litière, avec de grands honneurs, l’armée des Romains et modérant
par ses prédictions l’impatience des Celtoligyens, leurs alliés. La
stèle des Gaïé ou Caïé (Can imagines), qui aurait été un autel des-
tiné aux sacrifices humains encore en usage, ne comporte que deux
personnages qui seraient encore Marius et Marthe: « Le premier
buste, à la droite du spectateur, surmonté d’une tiare, est celui de
Marthe la syrienne ; l’autre, à qui manque la moitié de la figure,
he peut être que Marius. On voit distinctement, au-dessous des
deux personnages, une inscription très frusteen trois lignes où
hous croyons lire Marius et Mariannæ (2) ».
On peut ne pas partager le sentiment de M. Gilles, que semble
confirmer la Carte comparée des bouches du Rhône anciennes et
modernes de M. Ernest Desjardins (3), en ce qui concerne la tra-
dition des « Saintes » de Notre-Dame de la mer; qui n’est pas
inconciliable avec les données scientifiques (4). Mais son interpré-
jetù Isidore Gilles : Campagne de Marius dans la Gaule. (Paris, Thorin,
10).
(2) id. id.
(3) Ernest Desjardins : Aperçu historique sur les embouchures du Rhône.
(Paris, 1866).
(4) « L'état Dydrogrentone du rivage et des oscillations de la côte per-
met d’affirmer l'existence de la plage des Saïintes-Maries au 1°" siècle de
notre ère, et le débarquement de nos premiers apôtres est un fait géologi-
quement possible. » (Les Villes mortes du golfe de Lyon).
PAUSE on
tation des sièles des Baux est admise par M. le pasteur Destandaü
(1) et paraît acceptable à M. Charles Lenthéric qui repousse, aussi
énergiquement que M. Gilles lui-même, la version du débarque-
ment des « Saintes » au pied du rocher baussene comme « con-
traire à l’évidence des faits, à la topographie locale et à la tradition
constante. »
Ce qui donne plus de poids encore à cette interprétation, c’est
qu’il est à peu près 1rréfutablement démontré que Marius, dans sa
célèbre campagne contre les Ambro-Teutons revenus d’Espagne et
voulant pénétrer en Italie (104—102 av. Jés.-Ch.) eut là en partie
son dernier campement, établi d’Ernaginum à Glanum et aux
Baux, celui des Barbares occupant les hauteurs de Lagoy et d'Ey-
ragues d’où (par la voie aurélienne et le défilé d’Orgon laissés
libres à dessein) ils allèrent, suivis par l’armée romaine, se faire
exterminer dans la vallée de l'Arc (2). |
*
« +
La ville des Baux, si l’on veut bien tenir pour fabuleuse la tra-
dition du mage Balthazar, paraît être d’origine massaliote ou tout
au moins romaine, comme l’attestent les inscriptions des bas-re-
liefs, de nombreuses médailles et des débris de poteries recueillis
un peu partout et jusque dans la grotte des Fées où Marthe la
syrienne aurait rendu ses oracles. Les Marseillais traversaient le
territoire des Baux pour se rendre à l’emporium ou marché de
Glanum, et 1l est possible qu’ils y aient créé une station. Il est
(1) Promenade dans la ville des Baux (Marseille, Imprimerie commerciale
Sauvion, 1890).
(2\ Selon M. Gilles, Ernaginum, station très importaste d'Utriculaires
au confluent de deux bras de Durance et peut-être, aussi d’un bras du
Rhône, était à la fois le quartier général de Marius et son port sur les
Fosses martennes dans lesquelles il voit l’ancienne Duransole débouchant
à la mer par l'étang de ie contrairement à l'opinion commune qui
lace le canal de Marius de l'étang de l’£stouma (ancien golfe de Stoma-
imné) au Rhône, à l'endroit où se détachait la grande bouche marseillaise
qui n'est plus aujourd’hui que la roubine de Bras-Mort. Cette manière de
voir de M. Gilles est partagée par M. Charles Lenthéric, dont l’autorité
est si grande en cette matière : « Les fameuses Fosses mariennes n'ont été
et ne pouvaient être qne le régularisation d'un chenal navigable au milieu
de tous les étangs parallèles au Rhône; de manière à permettre aux navires
de charge de remonter de la mer. jusqu’à Arles et à Ernaginum, et de venir
ravitailler l’armée de Marius campée sur le plateau des Alpilles. » (Les
Villes mortes, etc...)
EC
certain, en tout cas, que, si la cité des Baux n'existait pas encoré
au moment de la campagne de Marius, elle dut être fondée à cette
époque, c’est-à-dire au plus tard dans les dernières années du IIme
siècle avant notre ère. |
On ne sait rien de précis sur son histoire jusque vers le milieu
du IXe siècle, où l’on voit apparaître un certain Poncius ou Pons,
bisaïeul de Pons le jeune dont le nom est mentionné dans un acte
authentique du 14 mai 971 relatif à une donation faite à l’abbaye
de Mont-Majour. À partir de ce moment, le pouvoir et la renom-
mée de la maison des Baux ne font que grandir de jour en jour.
Guerriers puissants et redoutés, alliés à des maisons illustres et
même royales, maitres de 79 places dites baussenques (au nombre
desquelles étaient les bourgs importants de Trinquetaille, Marti-
gues, Aubagne, la Ciotat, Pertuis, et les communes voisines de
Saint-Remi, Maussane, Paradou et Mouriès), sénéchaux du Comtat,
podestats d’Arles et d'Avignon, vicomtes de Marseille, princes d’O-
range, ducs et grands dignitaires du royaume de Naples où leur
nom (del Balzo) s’est perpétué jusqu’à nos jours (1), battant mon-
naie à leur effigie par privilège de la reine Jeanne et sur le point
de devenir les maitres de la Provence entière avec Raïmond 1er et
Etiennette à la mort de la comtesse Gerberge, les seigneurs des
Baux sont mêlés activement à toute l’histoire du Moyen âge.
Leur grandeur est à son apogée au XIII° siècle où la ville, quatre
fois plus étendue que de nos jours, compta jusqu’à 3.600 habitants.
Le déclin commence avec Barral 1%, neveu par alliance du comte
de Toulouse Raimond VIT et père de Cécile dite Passe-Rose pour
sa remarquable beauté, lequel, par suite d’accords secrètement con-
clus (1249—1£251) avec la régente Blanche de Castille et le grand
ministre provençal Romée de Villeneuve, livra la République
d’Arles et fit hommage de toutes les terres qu’il possédait, et spé-
cialement du château des Baux, à Charles 1er d'Anjou, alors captif
en Egypte avec son frère Saint-Louiset devenu comte de Provence
par son mariage avec l’héritière de la maison de Barcelone (2).
(1) « En 1847, un Pyrrhus des Baux est étranglé dans sa prison par ordre
du roi de Naples, contre lequel il s'était révolté. » (Xavier de Ricard, Petit
Méridional du 18 juin 1887).
(2) Béatrix, quatrième fille du dernier et brillant comte catalan Raimond-
Birenger IV et de Béatrix de Savoie. Elle fut, comme sa mère, la protec-
trice des troubadours, dont la poésie fleurit surtout aux XII et XIII
siècles, sous les comtes de la maison de Barcelone (1112-1245) et sous Charles
1: d'Anjou (1245-1285).
DTRENS.
Moins de deux siècles plus tard, Alix, comtesse d’Avellin et
dame de toutes les Terres baussenques, étant morte sans postérité
(1426), les Baux et tous les autres biens de sa succession, malgré
les clauses formelles d’un testament, furent saisis par droit d’au-
baine et réunis au domaine comtal sous le règne de Louis III
d'Anjou, frère et prédécesseur du roi René, pour être annexés au
royaume de France, avec la Provence entière, grâce à l’habile poli-
tique de Palamède de Forbin, en 1481, à la mort de Charles du
Maine, neveu et successeur de René et dernier comte angevin. La
baronnie des Baux, terre adjacente, fut ensuite administrée pendant
plus d’un siècle (1513-1631), par des barons gouverneurs, puis
reprise par Louis XIII et érigée par lui en marquisat (1643) en
faveur de la famille princière de Monaco, qui la restitua en 1791
contre une forte indemnité, et dont le descendant porte encore les
titres, purement honorifiques, de marquis des Baux et seigneur de
Saint-Remi.
La Révolution consomma la rume de la cité baussenque. Les
habitants d'Arles, vengeant tardivement l’injure du traître Barral,
la saccagèrent et lui volèrent ses archives ; les villages voisins de
Maussane, Mouriès et Paradou, qui avaient jusque-là fait partie
de la baronnie et du marquisat des Baux, devenus plus importants
que la ville, amoindrie et déchue, dont ils relevaient, secouèrent
le joug et obtinrent (en l’an IV) d’être érigés en communes dis-
tinctes. Les Baussencs désertèrent de plus en plus le rocher aride
et désolé où ne les retenait plus le danger des guerres féodales ou
des invasions sarrasines ; et la population se réduisit dans de telles
proportions qu’elle est à peine aujourd’hui le dixième de ce qu’elle
fut au XIIe siècle.
Cette petite population, au reste, est vaillante et très éloignée de
l’effroyable détresse qu'ont dépeinte certains écrivains du Midi,
avec une pitié quelque peu méprisante. Ce bien-être relatif pro-
vient surtout de l’exploitation des carrières. Et ici, messieurs, nous
touchons à la question des Baux — car il y a nne question des
Baux, et Dieu saït si elle a fait assez de tapage depuis un an ! —
et je me permettrai d’en parler en toute sincérité.
Les félibres, à l’égard desquels je ne puis être suspect d’antipa-
Enr;
thie et pour l’un desquels au moins — vous savez qui je veux dire
— je professe la plus profonde admiration, ont entrepris une vive
campagne contre « les actes de vandalisme qui se produisent aux
Baux et en faveur d’un morceau de Provence que les Barbares ont
entamé (1). » Vous vous rappelez le cri d’alarme de M. Mariéton :
« On a fait des Baux une carrière. » L’ÆEclair de Montpellier parle
de destruction et de sacrilège : « Un véritable sacrilège contre
l’art, l’histoire, la poésie et la nature est sur le point d’être con-
sommé : des extractions de pierres sont en train de détruire les
magnifiques ruines des Baux. » Un correspondant anonyme de
l'Arôli, d’une indignation très érudite, précise les points minés et
excavés (darbouna, drainés par les taupes), l’entrée du Val d'Enfer,
le cimetière gallo-romain, l’église Saint-Claude, tout le promon-
toire des Baux enfin, et protesté contre la délibération communale
du 11 novembre dernier où l’on a fait semblant, dit-il, « de s’oc-
cuper de la question en votant quelques phrases sur l’impuissance
du conseil à empêcher le mal (2). » Cette délibération, si critiquée,
que vous avez pu lire dans les journaux régionaux, s’élève, comme
bien vous pensez, contre les reproches injustifiés — c’est le conseil
qui parle — adressés à l’administration municipale des Baux, qui
prétend avoir fait tout son devoir, n’avoir pas laissé toucher à une
seule pierre des « édifices communaux classés historiques », et
affirme sa sollicitude pour « les ruines grandioses dont elle est si
fière et qui attirent journellement tant de nobles visiteurs. »
Telle est la question. Qui a raison ? Qui à tort ? Les deux par-
ties apparemment ont à la fois raison et tort. J’admets volontiers
que la municipalité se soit décerné trop complaisamment un brevet
de sollicitude ; mais 1l m’a paru, et il vous a paru à tous, après la
visite des lieux, que la campagne de presse organisée contre elle
avait vraiment dépassé la mesure. IL y a contradiction, en tout cas,
à demander pour les Baux la tutelle de l'Etat et à se réclamer en
même temps d’un groupe littéraire qui livre bataille, et avec raison,
pour la décentralisation et les franchises communales (3).
Qu'étaient les Baussencs, il y à 50 et même 40 ans seulement ?
M. Canonge va nous le dire : « Comme je suivais le versant de la
dernière colline, j’aperçus dans la plaine deux femmes conduisant
(1) Adrien Frissant (Aïôli du 17 octobre 1894),
(2) Acôli du 27 Novembre 1894.
(3) id. id.
— D —
des ânes : je ne crois pas que la misère se soit jamais présentée
sous de plus tristes haillons et des traits plus douloureux. » Ces
femmes avouent que le village des Baux est pauvre, que son terri-
toire ne produit que des lierres et des herbes sauvages qu’on va
vendre aux villes voisines, er Arles surtout, et que les deux char-
ges que, d’ailleurs, elles n’ont pas pu vendre, valent tout au plus
trente sous. Et M. Canonge de conclure : « Aïnsi ces malheureuses
avaient travaillé plusieurs jours, fait huit lieues, elles et leurs ânes,
peur gagner trente sous, et revenaient sans avoir pu y parvenir !
Et de ce misérable trafic dépendait l'existence de deux familles,
de toute une population (1). » Même impression d’indigence chez
M. Frossard : « Lorsque nous visitâmes la ville des Baux, le plus
morne silence régnait parmi ses hôtels délabrés ; plus loin nous
aperçümes quelques enfants en guenilles et quelques femmes hâves
et mal vêtues. A notre aspect, elles firent entendre ce cri de mi-
sère qu’on croirait ne devoir retentir qu'aux approches des grandes
villes. Elles nous conduisirent à l’esplanure où se trouvait réunie
la population, triste et chétive. Ce spectacle faisait pitié (2) ». Et
le charitable pasteur Frossard, comme le poète Canonge, ajoute
qu’il a distribué à ces besogneux toute la monnaie qu’il pouvait
avoir.
J'imagine que personne ne veut voir les Baux rétrograder à cette
lamentable misère que l’éxploitation des carrières a changée, je l’ai
dit déjà, en un bien-être relatif, dont les habitants se contentent ;
et vous savez combien ceux que nous avons entretenus ont insisté
sur ce point.
Et alors il y a deux choses également indiscutables, et au fond
conciliables : il faut que les carriers, dont les concessions ont été
obtenues, peut-être à bas prix, mais dans les formes légales, ne
soient point inquiétés dans leur exploitation ; et il faut aussi que
les ruines grandioses de l’antique cité monolithe soient préservées
d’une destruction plus ou moins imminente.
Et le moyen ? Il n’y en a qu’un, et je le trouve très sagement
exposé par M. Joseph Hilaire, conseiller général du canton de
Saint-Remi, qui a montré, dans toute cette affaire, beaucoup de
sang-froid, de jugement et de goût : &« Faire acheter par l'Etat les
terrains couverts par ces belles ruines, et en même temps obtenir
(1) Notice historique, etc.
(2) Tableau pittoresque, etc.
MOER—
de la Commission des monuments historiques de s'imposer tous les
sacrifices possibles pour la conservation des parties classées et qui
ne sont nullement soignées ni entretenues (1). » Là, et là seule-
ment, est la solution équitable qui sauvegardera à la fois l'intérêt
privé, l'intérêt communal et l’intérêt supérieur de Part.
Le château des Baux fut probablement construit vers le Vme ou
le VIme siècle. En partie détruit en 1355 par Robert de Duras, en
1482 ‘ou 1483 par ordre de Louis XI, il fut définitivement ruiné, à
la prière des Communautés voisines ét sur adjudication, en mars
1632, vingtans après celui de Noves acquis de l'archevêque d’A-
vignon par des Etats de Provence quien avaient arrêté la destruc-
tion, et à la même époque que ceux de Beaucaire et d’Orgon jetés
bas suriles instructions de Richelieu, l’inflexible démolisseur des
répairés féodaux (2).
Que reste-t-il du château ? Une partie de la belle voûte ogivale
de l’église Sainte-Catherine ; une petite porte, surmontée d’une
feuille d’acanthe qui forme, avec les deux sculptures du donjon, les
seuls ornements encore visibles de l’ancien édifice ; des fossés
rétouverts de débris ; desrestes de remparts ; et, du côté du Levant,
deux tours de grandes proportions, plongeant dans l’abime, autre-
fois reliées par une galerie et maintenant sans aucune communi-
cation : « le tout, constituant un ensemble de ruines imposantes,
étranges, difficiles à décrire, tant est grand leur bouleversement et
Téur état de chaos (3), » Ce n’est plus, dit Séverine, « que ruines
béantes, mi-creusées dans le vif du roc, mi-construites par la main
des hommes : partout des rinceaux, desogives, des trèfles effeuil-
és, des rosaces brisées... (4) ». Toutes ces choses mortes, les
(H Lettre à M. Adrien Frissant (Aïôk du 17 octobre 1894). Ajoutons que
M. Hilaire a reçu un commencement de satisfaction par une lettre de l'é-
minént architecte Révoil l’informant qu'il était chargé « d'adresser à M. le
Ministre des Beaux-Arts un rapport sur l’état des ruines et monuments
historiques dés Baux et de lui proposer les mesures à prendre pour la con-
servation des parties les plus intéressantes de ces ruines. » (Petit Marseil-
lais, 1% décembre 1894).
(2) Celui de Tarascon, qui ne rappelait aucune exaction, devait aussi être
détruit et avait déjà trouvé un adjudicataire : les lenteurs calculées du
Parlement réussirent à le sauver.
(3) Abel Destandau : Promenade dans la ville des ‘Baux.
(4) Eclair de Paris (3 avril 1895).
= 188 —
unes à Jamais enfouies, les autres pitoyablement délabrées, pleurent
leur grandeur passée, car les choses aussi ont des larmes : Sunt
lacrymeæ rerum !
O beaux jours des XTI° ct XITI siècles, jours de plaisirs et de
combats, de joie et de deuil, de chants et de sang, où êtes-vous ?
Où les « troubadou » s’accompagnant de la vielle et faisant reten-
tir Ja strophe indignée du siroentès ou dialoguant subtilement dans
l’'amoureuse {ençon ? Où les seigneurs guerroyeurs et turbulents,
les princes lettrés, protecteurs des « irouveurs » et « trouveurs »
eux-mêmes, se délassant de la galanterie par la bataille et de la
bataille par l’amour ? Où les gentes châtelaines jugeant les chan-
sons « courtoises » et présidant aux tournois poétiques ?
Durant cinq siècles au moins, les preux chevaliers qui reposent
là, sous les ruines amoncelées, &« barons indomptables, âpres fils de
la Provence abrupte (1) », braves jusqu’à la témérité, mais incons-
tants et chercheurs d’aventures,
Cerco-malur, ome de chaple (2),
ont promené, en Terre Sainte et sur tous lés champs de bataille de
l'Europe méridionale, la comète à seize rayons d’argent de la mai-
son des Baux,
Et in... 1: la proumiero —-
Pèr soun antique noum e pèr sa resplendour —
Di grand familho prouvençalo :
Raço d’eigloun, jamai vassalo,
Qu’eme la pouncho de sis alo
Aflourè lou cresten de touti lis autour (3).
Et, durant des siècles encore, de la grande Etiennette et d’Alasie
de Porcellet qui fut baisée déloyalement au front par ce fou de
Pierre Vidal à Baussette chantée par Pierre Roger et à Jehanne
qui fut la compagne de Fanette de Gantelme et peut-être de Laure
de Noves au Tribunal de « Gay-Saber » de Romanin, les dames
et « damoïselles » qui dorment là leur dernier sommeil, embellirent
et éclairèrent de leurs charmes et de leur grâce cette « esplanure »
(1) Mistral : Calendau (chant I).
(2) id. id. id.
LE) ME 1 2 id. id.
D —-
ensoleillée et alors si animée, d’où se dégage à cette heure une
impression d’immense tristesse :
O princesso di Baus ! Ugueto,
Sibilo, Blanco-Flour, Bausseto,
Que trounavias amount sus li roucas aurin,
Cors subre-bèu, amo galoio,
Dounant l’amour, largant la Joio
E la lumiero, li mount-jo1o
De Mount-Pavoun, de Crau li trescamp azurin
Encaro vuei dins soun mirage
Se represèntoun vôste oumbrage…
Li ferigoulo meme an counserva l’oudour
De vôsti piado ; e m’es vejaire
Que vese encaro, — galejaire,
Gentiéu, courridu e guerrejaire, —
Que vese à vôsti pèd canta li troubadour (1).
Vous me pardonnerez cette délicate citation de Calendau, un
chef-d'œuvre et peut-être le chef-d'œuvre « mistralenc », qu’il n’est
pas plus permis d’ignorer, quand on parle des Baux, qu’il n’est
permis d'ignorer Verto en parlant du Palais des Papes ou Mirèio
en parlant de la Camargue ou de la Crau.
*
FE
Le lendemain, jour de Pâques, notre deuxième journée d’excur-
sion s’ouvre, à Saint-Remi, par un ciel toujours serein, au son des
cloches qui annoncent l’arrivée de Mgr l’archevêque d'Aix, dont
le nom vous est assez connu par des polémiques récentes et qui est
venu donner la communion aux hommes.
De bonne heure, je dois le dire à votre éloge, vous êtes tous sur
pied et prêts à partir pour les Antiques, où nous arrivons par la
route de Maussane, après une petite marche salutaire, sous la con-
duite de M. Barbier, maire, qui à tenu à nous faire lui-même les
honneurs des deux précieux monuments devant lesquels, en rap-
(1) Calendau (chant I).
ER" EN
porteur fidèle et Provençal fervent, j'ai pris soin de noter l’admira-
tion émue et presque religieuse dont aucun de vous n’a cherché à
se défendre.
Les deux monuments sont distants l’un de l’autre d'une douzaine
de mètres : celui du nord est un Are de Triomphe, celui du midi
un Mausolée.
L’Arc a malheureusement bien souffert des injures du temps ou
des hommes ; il a perdu son attique et les chapiteaux de ses huit
colonnes cannelées, et on a dù le protéger par une toiture en dalles.
Les bas-reliefs placés entre les colonnes des deux faces principales,
les quatre personnages des tympans, les caissons hexagonaux de la
voûte, les rosaces, la guirlande de fruits de l’archivolie, toutes les
sculptures enfin que l’édifice dégradé permet encore de voir sont,
d’après les connaisseurs, absolument remarquables.
Le Mausolée, dont j’emprunte encore la description à la Statis-
tique des Bouches-du-Rhône, est construit à trois étages sur un
double socle. Le premier étage, carré et massif en apparence (1),
est orné de bas-reliefs représentant des combats. Le deuxième est
carré aussi, mais percé à Jour, avec une arcade à chaque face entre
deux colonnes corinthiennes ; c’est ce deuxième étage qui porte,
sur l’architrave de la face nord, l'inscription si connue et si dis-
cutée :
SEX. 0. M. EVLIEI. C. F. PARENTIBVS. SVEIS.
Le troisième étage s’élève sur un fort entablement qui porte un
soubassement circulaire, d’où se dégage un péristyle de dix colonnes
corinthiennes ou espèce de temple à jour dans lequel sont placées
deux statues de deux mètres de hauteur :
Dous generau de pèiro eilamount dins lis èr (1).
L'état de conservation du Mausolée est presque parfait : « C’est
l'édifice romain le mieux conservé qu’il y ait dans le monde (2). »
Quelques travaux urgents de réparation et de consolidation y furent
exécutés, comme à l’Arc, au XVIIIe siècle, puis encore en 1817,
(1) M. le comte de Villeneuve dit qu’il est massif ; mais M. Marius Gi-
rard, architecte en même temps que félibre, dans des fouilles entreprises en
1866 sous les auspices de la Société archéologique de Saint-Remi et avec
l’assentiment de M. Révoil, s’est assuré qu’il ne l'était pas.
(2) Mirèio (Chant IV).
(3) Elisée Reclus (La France),
= =
1818, 1819, sous la direction de M. Penchaud, architecte départe-
mental, à qui l’on doit, à la mème époque, les plans de récons-
truction de l'Eglise et les plans du nouvel Hôtel-de-Ville (3). Ces
réparations, au reste, furent faites de façon habile et non apparente,
et M. le pasteur Frossard, qui n’aime pas que l'on touche aux
ruine, même pour les conserver, veut bien convenir que les Anti-
ques « n’ont pas reçu trop d’atteintes de la part des conservateurs. »
Il paraît qu’ils en ont recu dela part d’autres personnes. Le même
pasteur Frossard nous apprend que les deux statues de la coupole
du Mausolée, « les deux généraux de pierre », furent nuitamment
dépouillées de leurs têtes. Et par qui? Messieurs, vous l’avez tous
deviné : par des Anglais : C’est leur facon à eux d'admirer nos
chefs-d’œuvre.
Je n’étonnerai personne, je crois, en disant que les archéologues
ne sont point d’accord au sujet de ces monuments. Pour M. de
Villeneuve et M. Marius Girard, deux choses paraissent évidentes :
« l’Are est antérieur au Mausolée, la sculpture du Mausolée est
inférieure à celle de l'Arc. » Maïs voici M. Frossard qui estime,
au contraire (avec M. Isidore Gilles et un savant de Berlin dont
le manuscrit est conservé à Saint-Remi), que le Mausolée et l'Arc
sont contemporains et qui ajoute que les deux monuments « le
cèdent à plusieurs autres sur notre terre classique sous le rapport
(1) L'ancien était la maison (avec l'inscription Soli Deo), aujourd'hui dé-
molie, du célèbre Nostradamus (Michel de Nostre-Dame), astrologue, mé-
decin ordinaire du roi Charles IX, auteur des Centuries, né à Saint-Remi,
mort à Salon où son tombeau se voit encore (1503-1565) ; petit-fils de Pierre,
qui fut premier médecin du roi René, frère de Jean, (procureur au Parle-
ment, poète provençal et auteur de l’Atstoire des Troubadours), et père de
César, Charles et André, (César auteur d’une Histoire de Provence et ami
de Malherbe, Charles et André, poètes provençaux). Sairnit-Remi est aussi
la patrie du troubadour Peyre qui v mourut vers 1264; du savant abbé
Expilly (1719-93), auteur du précieux Dictionnaire des Gaules et de la France,
malheureusement inachevé ; du docteur Marie-Denis Pellissier (1765-1829),
membre de la Convention et des Cinq-Cents, mort à Nyon (canton de Vaud,
Suisse), sur les bords du Léman, à quelques lieues de la France, après 13
ans d’exil noblement subis au nom de la liberté, fils d'André qui fut de la
Constituante, père d'André-Marie Toussaint et de Jules, et grand-père d’Al-
bert. docteur distingué de la capitale, qui continue brillamment la tradition
médicale et libérale d’une famille justement populaire ; et enfin de Joseph
Roumanille (1818-1891), le Cascarelet de l'Armana prouvençau, né dans un
mas du quartier des jardins :
Dins un mas que s’escound au mitan di poumié,
Un bëu matin, au tèms dis iero,
Siéu na d’un jardinié mé d’uno jardiniero,
Dins li jardin de Sant-Roûümié.
ne.
ANT
du goût qui a présidé à leur construction ». Allons done, réplique
Mistral sur ce dernier point, (les Antiques n’ont pas leurs pareils,
pour l'élégance et la beauté,ni en France ni en Italie (1).» Et Elisée
Reclus ne cache pas sa préférence pour le Mausolée que Jean
Goujon aurait vu, dit-1l, et dont 1l se serait certainement inspiré :
« Telle est la grâce de ce monument et d’autres édifices romains
de la Provence qu’on a pu les attribuer à des architectes de Mar-
seille ayant conservé, quoique sous la domination romaine, les
traditions de l’art hellénique (2) ». Oui, ce tombeau est grec, et
grec aussi est le plateau par ses arbres, par ses plantes, par ses
senteurs, par les Alpilles dentelées et grillées qui sont presque à
portée de la main et que domine le pic altier de Gaussié, dit le
lion d’Arles :
Lou leioun dis Aupilho,
Lou leioun roucassié
De Gaussié (3).
L’Arc, que l’on a généralement cru le plus ancien des deux édi-
fices, paraît se rapporter au temps de Jules César pour M. Isidore
Gilles, de Titus pour M. Frossard, de Trajan pour MM. de Ville-
neuve et Marius Girard, de Marc-Aurèle pour Mérimée (4). L
Mausolée serait du temps de Jules César encore selon MM. Gilles
et Elisée Reclus, du 1e siècle après Jés.-Ch. selon M. Frossard,
du Bas-Empire selon MM. de Villeneuve et Marius Girard. Le
nom de Jules,que porte l’inseription, n’aurait, d’après ces derniers
archéologues, rien de commun avec celui de Jules César, et le su-
_perbe tombeau, que toutes les générations ont admiré, serait tout
simplement la sépulture d’une obscure famille de Jules établie à
Glanum et qui avait par pur hasard un illustre nom.
Sans avoir aucune prétention — Je l’ai dit déjà au sujet du Palais
des Papes, et je le répète — à fa science archéologique, il me
semble inexplicable que M. le comte de Villeneuve, qui a rattaché
étymologiquement le souvenir de Marius à une foule de noms de
lieux,n’ait pas songé à lui en présence des monuments de Glanum.
(4) Aïôli du 17 mars 1891.
(2) La France.
(3) Merius Girard : La Crau (Avignon, Mme Vve Roumanille, 1894).
(4) Celui d'Orange a été attribué de même à Marius, à Auguste, à Tibère,
à Marc-Aurèle et à Septime Sévère,
Où —
Il convient lui-même qu'aucun Romain, si ce n’est Jules César,dont
le nom se retrouve aussi dans la dénomination de plusieurs loca-
lités importantes, n’est resté si populaire et n’a laissé tant de traces
de son séjour en Provence. Comment l’idée ne lui est-elle pas
venue que ces monuments pouvaient se rapporter soit à l’un, soit
à l’autre de ces deux grands hommes de guerre, peut-être même
aux deux à la fois ?
Mon Dieu, l’idée lui en est bien venue, au moins pour Jules
César, quel’inscription du Mausolée ne pouvait pas ne pas lui rap-
peler ; mais il a dû s’empresser de la rejeter, ayant l’opinion bien
arrêtée que les deux monuments, et le Mausolée surtout, dataient
au plus tard du ITe siècle de notre ère.
M. Isidore Gilles, avec sa hardiesse habituelle, n’y va pas par
quatre chemins. Pour lui, et sa manière de voir est partagée plei-
nement par Frédéric Mistrai et en partie par Elisée Reclus, les
deux monuments sont contemporains et élevés tous deux par ordre
de Jules César : le Mausolée, à la mémoire de Caïus Marius, son
oncle ; l’Arc de Triomphe,en l'honneur de ses propres victoires sur
les Gaulois et les Bretons, (ce qui concorde bien, dit Mistral, avec
la tradition locale ».
En somme, aucune preuve convaincante n’a été donnée de l’an-
tériorité de l’Arc, et il serait puéril de vouloir la déduire du fait
seul de sa plus grande dégradation. La thèse de M. Gilles me parait
conforme au texte de l’inscription, à l’histoire, à la tradition, au
bon sens, et je m’y tiens, vous laissant libres de faire votre choix
entre des opinions si divergences. |
On sait que Massalia ou Marseille, d’origine phénicienne, fut
occupée, 600 ans environ avant notre ère, par les émigrants de
lionienne Phocée qui donnèrent une importance considérable à son
port et à son commerce par la création de colonies littorales semées
d'Espagne en Italie (1) et de comptoirs à l’intérieur des terres ja
(1) Emporiæ (Ampurias), Agatha (Agde), Cessero (Saint-Thibéry), Rhoda-
nusia (Saint-Montant, près de Beaucaire), Heraclea (Saint-Gilles), Citha-
rista (la Ciotat), Tauroentum (ruines dans le golfe de la Ciotat, département
du Var), Olbia (Eoube, rade d'Hyères), Athenopolis (anse d’'Agay, entre
Fréjus et la Napoule), Antipolis (Antibes), Nicæa (Nice), Monæcus (Monaco),
etc...
ET
lonnant la route, dite chemin des Grecs, qui menait au Rhône et
à la Durance. Glanum, (Glanicum, Glanum Livii) paraît avoir été
l’un des plus anciens de ces comptoirs massaliotes ; sa fondation
remonterait au Vme siècle av. J.-Ch. et serait antérieure à celle de
Tarasco, Avenio, Cabellio, Caudellium et Portus.
Toutefois, si Glanum, ville principale de la tribu celto-ligyenne
des Salvii établis entre le Louérion et les Alpilles, et proche voi-
sine des pays des Désuviates qui tenaient la haute Crau et des
Cavari qui occupaient toute la plaine comprise entre le Louérion
et les deux rives de la Durance, fut de tout temps un emporium ou
marché de vêtements fréquenté, comme le furent Salo pour le sel
et Trittis pour le blé, il est admis qu’elle ne devint véritablement
importante que sous les empereurs romains, quand Arles fut une
des premières cités du monde latin et la Rome des Gaules, Gallula
Roma, et qu’elle fit venir des carrières de Glanum, par les bate-
liers utriculaires Au Louérion, les pierres de ses grands monu-
menis.
Le Louérion coulait au nord-ouest, à la distance d’un mille seu-
lement, vers Ernaginum (Saint-Gabriel) où il se joignait à la
Duransole et aux Fosses Mariennes qui pourraient bien n’avoir
été qu’un seul et même bras d'irrigation et de navigation mettant
Glanum en communication avec la ville d’Arles, avec la mer, avec
le Rhône, avec la Durance (navigable alors jusqu’à Portus ou Per-
tuis) par Urgo, Cabellio et Caudellium (Orgon, Cavaillon et Ca-
denet). La voie aurélienne d'Aix à Arles, par Pisavis et Teritiæ,
ancien chemin des Grecs et peut-être des Phéniciens, venait dé-
boucher,du midi au nord, même sur les bords du canal qui recevait
par elle les blocs des carrières en pleine exploitation ; une autre
branche de la voie aurélienne, allant de Milan à Apt (Apta Julia)
par les Alpes Cottiennes, d’Apt à Cavaillon et de Cavaillon à Gla-
num par une double direction orientée de l’est à l’ouest (1), passait
sous l'Arc de Triomphe et arrivait à Arles par Ernaginum, dont la
situation stratégique était si importante qu’elle n’a pu échapper à
Marius. Les Romains étaient de solides constructeurs de routes
aussi bien que de monuments : « Leurs voies étaient faites avec un
U
soin infini, à l’aide de grosses pierres parfaitement ajustées et
ns
(1) Orgon, Valdition et Romanin ; ou bien Crau d’Orgon, Chapelle et
Crau de Mollégès.
SE
disposées sur un lit de béton, si bien qu’elles devenaient presque
indestructibles (1) ». Et, de fait, maigré tous les bouleversements
dont la Basse-Provence a été le théâtre, quelques parties de ces
deux voies ont résisté jusqu’à nous et sont connues dans le pays
sous le nom de camin arlatan.
En bordure sur chacune des deux voies étaient disséminées de
riches villæ où les colons romains se traitaient comme de petits
Lucullus, à en juger parles amas de coquilles d’huîtres que l’on
a retrouvés sous les ruines de quelques-unes de ces maisons de
plaisance, et notamment aux environs de Sénas et d’Orgon. Au
reste, pour son alimentation, pour l’hygiène et pour les plaisirs,
cette population, comme celle d'Arles desservie par deux aqueducs,
celle de Marseille par trois et celle d’Aix par quatre, était au moins
aussi abondamment pourvue d’eau que de nos jours. Les Romains,
c’est une justice à leur rendre, se préoccupaient par-dessus tout de
la question de l’eau ; et, partout où ils se sont établis, ils ont laissé
des œuvres, quelques-unes grandioses comme le Pont du Gard,
qui témoignent de cette primordiale préoccupation.
Pour ce qui est de Glanum, des barrages contenaient les eaux
des gaudres ou torrents, et ces eaux captées formaient une série de
petits lacs étagés d’où, par des aqueducs, elles allaient alimenter
les fontaines publiques. M. le comte de Villeneuve souhaitait, il y
a 70 ans, que de pareils travaux fussent exécutés dans notre siècle.
Eh bien, consolez-vous, ombre de M. le Préfet de la Restauration,
voilà qui est fait : la ville de Saint-Remi — vous avez pu vous en
rendre compte, messieurs, par l’ascension quelque peu périlleuse
que nous fimes à la suite de M. Barbier, maire — est revenue au
système romain, et il faut l’en féliciter.
Quelle irrésistible tentation, devant cet Arc à demi-détruit, de-
vant cet autre monument qui fait songer à la mort, d’évoquer le
souvenir de cette antique Glanum, si vivante et agissante à l’épo-
que romaine impériale ! Sur ce plateau, d’une sécheresse, d’une
nudité si désolée, s’éleva une fière cité qui compta jusqu’à 10.000
me Ammann et Coutant : Précis d'Histoire romaine (Paris, Fernand Na-
an).
Éc' ED
habitants au IVe siècle et qui fut dotée de tout le bien-être, de tout
leluxe même pour les grandes familles, et de tous les avantages agri-
coles, industriels et commerciaux qu’il était alors possible d’avoir.
Les bras druentins portaient au loin les dalles, les briques, les
terres cuites, les étoffes. Dans la partie desséchée de l’île maréca-
geuse enfermée entre la Duransole et le Louérion vivait, sur des
terres fécondes et de cultures très diverses, la population agricole.
Au levant du plateau, des centaines de carriers, ouvriers souter-
rains, taillaient dans le roc ces immenses excavations et ces voûtes
sombres auxquelles se rattachent d’'émouvantes histoires d'enfants
perdus. Et là, même devant nous, sur cette plate-forme des Anti-
ques, qui fut peut-être l’agora massaliote et le forum latin, allait
et venait une foule d’affairés et de désœuvrés, graves matrones
chrétiennes passant en litière, vêtues sévèrement de la stole et de
la palla, et se rendant aux thermes où à l'office divin autorisé enfin
par Constantin, après deux siècles et demi de sanglantes persécu-
tons ; patriciens sénatoriaux et curiales parlant des affaires de
l'Etat ou du dernier empereur égorgé ; hommes du peuple atten-
dant les distributions de vivres, artisans organisés en corporations
et allant à leurs boutiques ou à leurs chantiers, colons apportant
au marché les produits de la ferme ; affranchis, esclaves, légion-
naires barbares et dissolus à la solde de l'Empire dégénéré ; enfants
aux prætextes déchirées sortant des écoles publiques et emplissant
la ville de leurs joyeuses clameurs ; grammairiens, rhéteurs, so-
phistes, comédiens, mimes, musiciens, utriculaires en bordée pour-
suivant jusqu’à quelque ruelle galante les mérétrices mi-vêtues de
la tunique légère et de l’indiscret palliolum !
Puis c'était quelque cortège d’empereur (Gallus, Constantin,
Honorius, Majorien) aux rouges laticlaves brodées d’or et d’argent,
trainant à sa suite à l’amphithéâtre d'Arles toute la plèbe avide de
spectacles : jeux du cirque, combats de gladiateurs, courses de
taureaux, qui ne sont pas, comme on l’a.cru, d'importation cata-
lane, que les Romains ont connues et pratiquées, et pour lesquelles
| les descendants des citoyens de Glanum ont conservé un goût si vif
et si notoire que saint Luc, patron des bouviers de Camargue, n’a
qu’à conseiller aux anges de crier : biou, li biou ! pour faire
sortir du Paradis, où il est indüment entré, le malin Jarjaio, incor-
rigible aficionado de Saint-Remi (1).
(1) La Jarjaiado, poème comique de Louis Roumieux (Montpellier, 1879),
Et tout cela n’est plus ; et, de’cette cité gréco-romainé qui eüt
plusieurs siècles de splendeur, il ne reste que ces deux chefs-d’œu-
vre d’art antique, toujours debout, qui, depuis quinze siècles,
voient défiler à leur base les générations émerveillées.
Est-ce bien là vraiment tout ce qui reste ? Faut-il croire que les
Wisigoths, destructeurs de Glanum, et les Sarrasins, destructeurs
de Fretum, n'aient fait grâce, dans leur rage aveugle, qu’à cet Are
et à ce Mausolée, dentla beauté les aurait frappés eux-mêmes d’ad-
miration et de respect? « Ce qui me paraît le plus surprenant, dit
M. Emilien Frossard, c’est la double circonstance de leur parfaite
conservation et de l’enlèvement ou de l’anéantissement complet de
tout ce qui avait êté élevé à l’entour, soit en maisons, soit en toute
autre construction, dont on ne retrouverait pas aujourd’hui la
moindre parcelle. »
La moindre parcelle ! Evidemment, les Antiques sont tout ce
qui est resté visible de la cité morte. Mais là, sous nos pieds, sous
les « ermas » et les oliviers poudreux de cette terrasse dévastée,
n’y a-t-il vraiment que de la terre et des cailloux ? Tenez, écoutez
Mistral, cher pasteur, si vous êtes encore de ce monde, ce que je
vous souhaite bien volontiers : |
« Tout autour de ces Antiques, qui décèlent aux yeux de tous
l'existence d’une ville ornée par l'art dans sa plus belle époque,
tout ce qui s’est trouvé de médailles, de morceaux de marbre, de
statuettes de bronze, de tuiles antiques, de tessons de poteries, 1l
n’est pas possible de le dire (1)... Avec moins de 30.000 fr., on met-
trait à jour, outre les quatre temples signalés par M. Gilles, tout
cet amas d'objets précieux de toute espèce, cachés dans la terre au
temps des Sarrasins et que le paysan, à Saint-Remi comme ail-
leurs, désigne, de père en fils, sous le nom dela Chèvre d’or (2). »
(1) C’est à M. le marquis de Lagoy que l'on doit principalement ces dé-
couvertes : médailles, monnaies (grecques, romaines, mérovingiennes et
carolingiennes), inscriptions, casques, instruments, etc.
(2) Atôli du 17 Mars 1891. Cette légende de la Chèvre d'or, se rapportant
aux invasions des Sarrasins, se retrouve, en effet, partout en Provence :
« Dans tous les coins de Provence, j'avais rencontré la Chècre d’or. Aux
Baux, errant les nuits de lune à travers les plaines abandonnées et courant
le long des abîmes ; non loin d'Arles, à Cordes, autour du mystérieux sou-
terrain taillé dans le roc en, forme d’épée ; près de Vallauris, du Val d’or,
sur ce plateau semé d’étranges ruines qu’on appelle aussi Cordes ou Cor-
doue, et d’où la vue s’étend si belle, par delà les bois d’orangers qui font
ceinture au golfe Juan, jusqu'aux îles de Lérins..….. Partout la légende se
rattachait aux souvenirs de l'occupation sarrasine, et partout il s'agissait
d'une chèvre à la toison d’or habitant une grotte pleine d’incalculables ri-
chesses et menant à la mort l’homme assez audacieux pour essayer de la
suivre ou de s'emparer d'elle. » (Paul Arène : La Chècre d’or).
=
PA
— =
Vous entendez bien, messieurs, moins de 30.000 francs ! Mais
encore faut-il les avoir, ces 30.000 francs, et le Parlement ne parait
guère songer à les voter. Ah ! si les ruines de Glanum étaient à
l'étranger, en Grèce, par exemple, ce n’est pas une trentaine, mais
des centaines de mille francs qu’on accorderait pour les fouilles,
comme pour celles de Delphes dont on ne pourra rien emporter
que des moulages, car les Grecs ne veulent plus que leurs plus purs
chefs-d'œuvre aillent embellir le Louvre ou le British Musæum,
et ils en ont défendu l’exportation par une loi des plus sévères.
Et combien 1ls ont raison ! Si une loi pareille avait existé pour
la Provence, elle n’aurait pas eu la douleur de voir, depuis deux
ou trois siècles, ses plus belles statues antiques, la Vénus d’Arles,
le Jupiter d'Aix, l'Auguste de Vaison, prendre la route de Paris ou
de Londres.
Aussi, tout en souhaitant qu’on veuille bien consacrer aux
fouilles de notre Midi, qui seraient fructueuses et précieuses à coup
sûr, quelques-uns de ces millions qu'on octroie si libéralement
pour les fouilles de Delphes ou pour arroser les « radis » de quelque
gouverneur soudanien, peut-être vaut-il mieux, tant que nous ne
serons pas assurés par une loi de garder chez nous, dans nos mu-
sées d'Arles ou de Nîmes, les objets découverts chez nous, peut-
être vaut-il mieux, comme dit Mistral, laisser Glanum enseveli.
« Au moins, conclut-il, quand nous allons promener vers les Anti-
ques, 1l nous reste le plaisir de songer que nous marchons sur des
frontons de temples, sur des colonnades ioniques ou doriques, sur
des Vénus blanches prosternées dans la terre, et que sous nos pieds
git la Chèvre d’or »,
Vous me pardonnerez, messieurs, de vous avoir si longuement
entretenus de Glanum. C’est que Glanum, par ses Antiques, par
son Mausolée surtout que la gravure et la photographie ont repro-
duit dans tous nos grands ouvrages d'archéologie et de géographie,
a été pour la plupart d’entre vous la cause déterminante de notre
(« escourregudo ».
Il faut cependant s’arracher à la contemplation de ces superbes
monuments. Le déjeuner est à 10 heures 1/2, le départ pour Ta-
_rascon à 10 heures 50, et plusieurs excursionnistes, pour ne pas
dire tous, ne veulent pas quitter Saint-Remi sans avoir vu quelque
chose dont on parle beaucoup autour de moi, un spectacle ou un
coup d’œil qui promet d’être un vrai régal de délicats
In =
+
x +
Que devint la population de Glanum après l’œuvre de ruine ac-
complie par les Wisigoths en 480 ? Elle fonda deux bourgs : l’un,
Fretum, sur l'emplacement de la ville détruite, avec Saint-André
ou Saint-Paul de Mausoles comme église ; l’autre, avec une église
dédiée à Saint-Pierre, plus bas vers le nord, sur les bords du
Louérion, qui prit peu après le nom de Saint-Remi, évêque de
Reims, et qui fut le berceau de la ville actuelle. Le bourg de Fretum
ayant été détruit à son tour par les Sarrasins (737), toute la popu-
lation s’aggloméra à Saint-Remi, qui était alors carolingienne,
après avoir été successivement wisigothe, ostrogothe et mérovin-
gienne. L'histoire de cette ville se confond dès lors avec celle du
royaume d’Arles, avec celle de là maison des Baux, avec celle du
comté de Provence, etenfin, après l'extinction de la deuxième
maison d'Anjou, avec celle de la France elle-même.
Distraite passagèrement du domaine comtal, une première fois
par la reine Jeanne en faveur de Guillaume Roger, comte de
Beaufort, frère du pape Clément VI, une deuxième fois par René
en faveur de Jehanne de Laval, ( pour en joyr sa vie durant seu-
lement », après quoi elle devait échoir à Jehan, fils naturel du bon
roi, la terre de Saint-Remi fut jointe par Louis XIII à celle des
Baux érigée en marquisat en faveur du prince de Monaco, en com-
pensation des sacrifices qu'il avait faits pour la France. Cette sou-
veraineté monégasque fut, d’ailleurs, plus nominale que réelle, et
la ville, moyennant certaines charges et concessions, ne cessa pas
de faire partie du royaume.
Sous les comtes de Provence, ekle eut un Hôtel des Monnaies,
qui fut plus tard réuni à celui de Tarascon, et une maison royale
ou Maison de la cour, qui semble avoir été l’un des séjours favoris
de plusieurs de ces princes et princesses : la régente Marie de
Blois, son fils Louis II et son petit-fils René, Marie de Blois, qui
avait réuni de nouveau Saint-Remi à la couronne angevine, y
institua les foires de Saint-Marc et de Saint-Simon qui existent
encore. Louis II lui accorda, en 1393, le droit de s’administrer par
trois syndics nommés à l’élection.
René est certainement de tous les souverains celui qui s’y plai-
sait le plus et dont le nom y est resté le plus justement honoré.
Il y venait fréquemment pendant les séjours qu’il fit, presque
chaque année, en Provence, et dont quelques-uns, surtout les deux
— 101 —
derniers (1455-1461 et 1474-1480), après son deuxième mariage,
durèrent plusieurs années. C’est à Saint-Remi qu'il fit son premier
testament, en présence de trois notables habitants, dont l’un, Pierre
de Nostre-Dame, son 1% médecin, fut l’aieul du célèbre Nostra-
damus. Arrière-petit-fils du roi de France Jean IT {le Bon) dont il
rappela ‘à tous dans sa captivité la chevaleresque loyauté, fils du
comte et roi Louis IT et de Yolande d’Aragon, frère et successeur
de Louis III, beau-frère de Charles VIT et oncle de Louis XI par
sa sœur Marie, beau-père du roi d'Angleterre Henri VI par sa fille
(l’héroïque et infortunée Marguerite d'Anjou) et du duc de Lor-
raine Ferry de Vaudemont par son autre fille (Yolande), René, si
royalement apparenté, prenait lui-même les titres, dont quelques-
uns purement nominatifs, de roi de Jérusalem, des Deux-Siciles,
d'Aragon, Valence, Majorque, Sardaigne et Corse ; duc d'Anjou et
de Bar ; comte de Barcelone, Provence, Forcàlquier, Piémont,
etc... A ces titres glorieux il pouvait joindre ceux de savant et de
poète, de peintre et de musicien, de législateur et d’humaniste,
parlant et écrivant à la fois le latin, le français, le provençal, le
catalan et l'italien, se procurant à grands frais la copie des manus-
crits grecs et romains, conservant religieusement le texte le plus
complet des Mémoires de Joinville, recueillant et propageant les
œuvres des troubadours des XIIme et XITIme siècles et donnant une
nouvelle vie — factice et éphémère, il est vrai — à la littérature
-provençale et aux cours d’amour. Mais ce n’est n1 sa glorieuse pa-
renté ni sa science qui l’ont rendu si populaire en Provence : c'est
sa bonté. René n’est point le grand roi, mais le bon rot, celui que
la légende représente courant les champs, de Fréjus à Tarascon
et d'Aix à Apt, avec Jehanne de Laval, sa jeune épouse (en bergier
et en bergeronne), rendant la justice sous les arbres comme Saint-
Louis, dotant les jeunes filles et s’asseyant au foyer du pauvre ;
c'est celui qui peut aller partout, béni de tous, sans autre garde
que l’affection de ses sujets reconnaissants, comme Idoménée à
Salente après les sages réformes de Mentor.
Après l’annexion du comté de Provence et à partir de 1639 (date
de la dernière réunion des Etats), Saint-Remi fut une des 16 villes
qui, sans être chefs-lieux de vigueries, avaient le droit de se faire
représenter aux assemblées générales des Communautés ; elle eut
de même un des 58 subdélégués créés par l’édit de 1704. L’Assem=
blée générale s’y réunit en août 1661 ; le bureau de la province,
LMP
fuyant la peste qui sévissait à Aix et dans la plupart des autres
villes, s’y transporta en 1722. Au point de vue administratif, Saint-
Remi dépendait de la viguerie de Tarascon ; au point de vue judi-
claire, de la sénéchaussée d’Arles ; au point de vue religieux, du
diocèse d'Avignon, après avoir dépendu de l’abbaye de Saint-Remi
de Reims jusqu’au XIVme siècle. Trois consuls, remplaçant les
anciens syndics et élus annuellement (le 1° dimanche de Décem-
bre) parmi les plus hauts « allivrés » ou imposés, administraient
la communauté avec l’aide d’un « conseil de ville » et présen-
taient au mois de mai l'exposé de la situation financière. Ce régime
municipal n'avait rieau à envier à celui de nos jours ; il laissait à
l'assemblée communale plus d'initiative et de liberté et ne se butait
pas, à tout propos et hors de propos, à la résistance paperassière
de l'Etat centralisateur et tuteur. *
x
*X +
Nous voici de retour sur la place d’Armes ou de la République,
devant l'Eglise où le troisième et dernier coup de cloche appelle
les fidèles à la grand'messe. Ah ! comme je comprends maintenant
les chuchotements inexpliqués des Antiques ! C’est donc cela qu’on
voulait voir, c’est ce tableau véritablement merveilleux qu’on s’é-
tait tant promis de venir admirer, entre le repas et l’heure du
départ, la sortie de la messe ! Quelques-uns en avaient perdu le
boire et le mauger, et jamais déjeuner ne fut plus lestement expédié.
C’est qu'entre toutes les filles de Provence, les Saint-Rémoises,
au même titre que les Arlésiennes, ont conservé, à travers les siè-
cles et sous le costume enchanteur qui fait si bien valoir leur trou-
blante beauté, ce type si marqué et si remarqué où s'unissent et se
fondent harmonieusement le profil grec, la majesté romaine et la
passion sarrasine : la poétique démarche d’une Nausicaa, la dignité
de maintien d’une Cornélie, les yeux alanguis et voluptueux de
l’'ardente mauresque du Maghreb.
Ce costume, quel chef-d'œuvre de grâce, de patience et d’ingé-
niosité ! Tout est sorti aujourd’hui, jour de Pâques. De la plus
fière à la plus humble, de la plus cossue à la plus déshéritée, tou-
tes ont donné à la garde-robe le coup de pied des grandes fêtes et
mis sur elles tout ce qu’elles ont de plus beau. Quels trésors de
velours et de soie, de dentelle et de gaze, et d’or ! Car aucun cos-
tume ne se prête comme celui-ci aux exhibitions de bijoux : bagues,
bracelets, broches, croix, sautoirs, montres, épingles de la coiffe,
— 103 —
et ces beaux tours de chaînes, et ces belles « brandantes » ou
pendants d'oreilles aux riches pierreries que la mère sur le retour
cède traditionnellement à sa fille et que celle-ci ira faire modifier
et compléter, à la veille de son mariage, le jour « des joyaux »,
avec sa famille et celle de son nout, en Avignon, dans la rue des
Orfevres, la rue des ouvriers de l’or !..….
Lorsque Gounod, dans la gestation de cette idéale partition de
Mireille que Rossini égalait à Faust, écrivit à Mistral pour le
remercier de l’avoir autorisé à tirer « de son adorable livre une
œuvre lyrique », il reçut du grand poète de Maillane la réponse
que voici :
« Cher monsieur, je suis ravi que ma fillette vous ait plu et,
encore, vous ne l’avez vue que dans mes vers ; mais venez à Arles,
à Avignon, à Saint-Remi, venez la voir le dimanche quand elle
sort de vêpres ; et, devant cette beauté, cette lumière, cette grâce,
vous comprendrez combien 1l est facile et charmant de cueillir par
ici des pages poétiques. Cela veut dire, maitre, que la Provence et
moi vous attendons au mois d'avril prochain... »
Le compositeur se rendit à cette pressante et cordiale invitation
et vint s'établir à Saint-Remi, au printemps de 1863, là, derrière
nous, dans une chambre de l'Hôtel de Ville-Verte, courant les en-
virons, de Maillane aux Baux et des Baux aux Saintes-Maries,
mais prenant plaisir surtout à rêver dans le frais vallon de Saint-
Clergue et, le dimanche, à l’église, à accompagner de l’orgue les
chants pieux des jeunes filles, dont quelques-uns — le cantique
populaire de Saint-Gent, par exemple — ont trouvé place en son
œuvre, j'allais presque dire en son chef-d'œuvre.
Après deux mois délicieusement passés ainsi à s’imprégner de
couleur locale, Gounod s’en revint mélancoliquement à Paris, ex-
primant ses regrets, à son retour, dans une lettre à Mistral, dont
je veux au moins vous citer ce passage : ( Que n’y suis-je encore
dans ce Paradis de la Provence qui a été un véritable ciel pour
moi, ciel dont vous, mon bien-aimé grand poète, vous avez été la
plus belle et la plus brillante étoile !.... »
Que n’y suis-je encore ! Ah ! certes, la fillette de Mistral lui avait
plu au-delà de toute expression, et, en regrettant le val ombragé
de Saint-Clergue où il avait rencontré de si heureuses inspirations,
c'était elle aussi et surtout qu'il regrettait, cette Mireille si aimante
et si aimée, si bonne et si belle, qui sort de l’église, saluée par un
frémissement d’admiration, et qui s’en va, vous l’avez tous vue,
— 104 —
escortée de ses gentes compagnes, comme une reine — reine mo-
deste et sans morgue — là-bas, vers les jardins Saint-rémois jon-
chés de fleurs, fleur elle-même et la plus éclatante, la plus gracieu-
sement épanoulie.
J'imagine que les poètes catalans qui vinrent rendre à ceux de
Provence, en septembre 1868, la visite qu’ils en avaient reçue
quatre mois auparavant et qui fraternisèrent avec des écrivains, des
journalistes et des artistes français dans ces fêtes littéraires äe Saint-
Remi, préface déjà bien ancienne des excursions cigalières, ne s’en
revinrent pas non plus « tras los montes » sans emporter l’exquis
souvenir de ces belles filles, sœurs de Mireille et de Magali, qu’ils
trouvaient partout sur leurs pas, au bal, à la farandole, à la pégou-
lado, à l’arrivée et à la course di biôu, aux Antiques applaudissant
les poésies de Mistral et l’éloquence de Balaguer, au jardin de
l'Hôtel du Cheval-Blanc battant des mains au toast de Sarcey ou
écoutant avec une admiration respectueuse le chant sacré des Féli-
bres, la Coupo santo, de création toute récente, ou bien encore
accompagnant de leurs voix fraîches et pures cet Hymne magistral
au soleil que les orphéons faisaient retentir dans la nuit jusqu’au
ciel étoilé : |
Grand soulèu de la Prouvènço,
Gai coumpaire dou mistrau,
Tu qu’escoules la Durènço
Et les Parisiens donc ! Tenez, oyez plutôt ce que l’un d’eux, M.
Feyrnet, correspondant du Temps, envoyait à son grave journal :
« Il fallait voir la route qui conduisait à l’arène de Saint-Remi !
Ce qu’il y avait, à ce moment-là, sur ce petit chemin montant, de
grâce, de distinction, de beauté, j'en suis encore tout ébloui !... »
Tel fut aussi, messieurs, votre unanime jugement après cette
incomparable sortie de messe qu'aucun de vous n'avait voulu man-
quer. Et, quand le train s’ébranla pour Tarascon, laissant, seul
et triste, sur le quai de la gare, celui qui vient de vous infliger
cette trop longue lecture, vous aviez encore dans les yeux et dans
le cœur l’éblouissante vision des filles de Saint-Rémi !
Juillet 1895.
(1) Lou cant dôu soulèu (juin 1861) et lou cant de la coupo (août 1867) sont
l'un et l’autre de Mistral et figurent dans son recueil des Zles d’or (hs 1sclo
d’or).
— 105 —
- Séance du 22 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat
Doxs. — A Ia suite de l’excursion d'Agde, M. Revy-.
naud, membre de la Société d'Etudes scientifiques de
l'Aude, offre en son nom personnel et au nom de la
Société de l’Aude, une magnifique photographie enca-
drée de la Cité historique de Carcassonne. — Des re-
merciements sont votés et seront adressés aux dona-
teurs.
CORRESPONDANCE. — M. À. Bernard, de Montblanc,
est nommé directeur de l'Ecole de Florensac.
— M. Gauthier, de Narbonne, regrette de ne pouvoir
faire les honneurs de ses bois que les excursionnistes
traverseront au cours de l’excursion de Pardailhan.
— M. Donnat fait savoir que la Société de Carcas-
sonne organise l’excursion de St-Ferréol.
— M. J. Miquel recevra les excursionnistes au bois
de Pardailhan.
COMMUNICATION. —- M. Ch. Benoît remet sur le bureau
de la Société un numéro de l'Ingénieur civil dans lequel
se trouve un article relatant un nouveau procédé de
Vinification de Champagne inventé par M. Benoit.
CONFÉRENCE. — M. Migron fait une très intéressante
conférence sur la stérilité des arbres fruitiers et indique
son procédé pour la combattre. Il cite plusieurs exem-
ples d'arbres réputés jusque là stériles et qui traités
par lui ont donné de bons résultats.
EXCURSION
Le 23 Mai, jour de l’Ascension, la Société a fait une excur-
sion à St-Chinian, Pardailhan et Coulouma. (32 excursion-
nistes).
— 106 —
Séance du 29 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. le Président a rapporté de excursion de
Coulouma un grand nombre de fossiles des époques pa-
léozoïques qu’il offre à la Société.
— M.P. Carles offre à la Société des vers à soie vi-
vants de différents âges.
CORRESPONDANCE. — La Société est invitée par le
Président de la sous-section d'archéologie de lAssocia-
tion française à prendre part aux travaux du Congrès
de Bordeaux.
M. le Dr Petit, président de la Société de Carcas-
sonne donne des détails sur l’organisation du voyage à
St-Ferréol.
ExcuRsIONS. — L’excursion de St-Chinian a été faite
par 32 excursionnistes et a admirablement réussi. La
Société vote à ce sujet des félicitations 10 à Madame et
Monsieur Gauthier qui ont donné des ordres pour ac-
cueillir les excursionnistes au milieu de leurs parcs et
de leurs forêts ; 20 à M. Jean Miquel qui à brillamment
accueilli les sociétaires et a guidé les géologues au fa-
meux gisement de Coulouma qu'il a découvert en 1893.
On organise l’excursion à St-Ferréol: F
CONFÉRENCE. — M. Slizewicz, de Cette, fait une très
intéressante conférence sur l’eau et sa stérilisation. Il
parle des microbes qui se trouvent dans l’eau, des fil-
tres anciens et des filtres Chamberland.
EXCURSION
Les 2 et 3 Juin (Pentecôte), la Société a fait une excursion
en commun avec la Société d'Etude scientifique de l'Aude aux
Bassins de Lampy et à Saint-Ferréol. (24 excursionnistes de
l'Aude et 26 excursionnistes de Béziers y assistaient).
— 107 —
Séance du 5 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — M. Mirepoix, avenue de Capestang, pré-
senté dans la dernière séance, par MM. J. Crozals et
Slizewicz, est admis comme membre actif.
CORRESPONDANCE. — M. le Président est informé par
la Société scientifique et littéraire d’Aluis, qu'il a été
nommé membre du Comité de Patronage du monument
de Florian.
— M. de Rouville demande à M. le Président une
notice géologique sur le tertiaire du Malpas.
EXCURSION. — On organise l’excursion de Lamalou
qui doit avoir lieu le 16 Juin.
CONFÉRENCE. — M. Jean Lafoi fait une conférence
sur le Mildew qui, cette année, fait des ravages consi-
dérables et qui a déjà compromis une grande partie de
la récolte. L’invasion du Peronospora s’est portée sur-
tout sur les fruits. M. Lafoi parle des procédés qu’il a
employés dans sa propriété pour combattre cette terri-
ble cryptogame. Après la description des différents
pulvérisateurs usités, il mentionne l’action des liquides
dont l’usage est aujourd’hui vulgarisé : bouillies borde-
laises, dauphinoises, eau céleste, verdets, etc.
Séance du 12 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat
Doxs. — M. Azaïs Henry fait don de deux photogra-
phies du Campo-Santo de Gênes.
CORRESPONDANCE. — M. Sabatier, propriétaire de la
Villa des Fleurs, écrit plusieurs lettres au sujet de lor-
ganisation de l’excursion de Lamalou.
— 108 —
— M. Griffe, de Clairac, donne certains renseigne-
ments sur la géologie de la région qu’il habite.
— La Sociétéouralienne d'Ekaterinenbourg annonce
la fête du cirquantième anniversaire de l’entrée au ser-
vice de la couronne de S. E. Ivan Parlovitech Ivanoff,
ingénieur en chef des mines de lOural. S.E.[L.P. Ivanoff
remplit depuis 24 ans les fonctions de Président de la
Société ouralienne. — La Société adresse une lettre de
félicitations.
EXCURSION
Le 16 Juin, la Société a fait une excursion à Lamalou. (70
personnes ont pris part à cette course).
Séance du 19 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — M. P. Carles offre aux membres de la Société
un certain nombre de cocons de Bombyx mori, prêts à
éclore.
CORRESPONDANCE. — M. le Dr Petit, de Carcassonne,
écrit au sujet des prochaines excursions.
— La Société scientifique d’Alais propose à la Société
de souscrire pour le monument de Florian.
— M. le Ministre de l’Instruction publique annonce
l'ouverture du Congrès des Sociétés savantes pour le 7
Avril 1896 et adresseen deux exemplaires le programme
général du Congrès.
EXCURSION. — M. le Président donne lecture d’une
note parue dans le Petit Méridional, au sujet de l’ex-
cursion à Lamalou.
— M.J. Crozals fait le compte rendu d’une excursion
à St-Pons, aux gorges d'Heric et sur lEspinouse le
— 109 —
16 juin. MM. Sahuc, Fabre, Hubert, Nivière, assistaient
à cette Course.
On organise l’excursion du 30 Juin ou Bousquet d’Orb,
Truscas et Avène ; et celle du 7 Juillet à l'étang de
Thau, Balaruc et Cette.
COMMUNICATION. — Il est donné lecture d’une remar-
quable étude de MM. P. Carles et du Dr A. Hubert sur
le Rôle de la Silice dans les végétaux.
Les auteurs de ce travail repoussent les théories de
Naegeli et cherchent à démontrer que les influences
chimiques ont une importance capitale. Développant les
idées de Moleschott dans la 5me lettre à Liebig (Circu-
lation de la vie), ils disent qu’au premier abord on est
amené à voir dans les rapports des terres avec les espè-
ces végétales, non-seulement une relation générale dont
l'essence se réduit à la différence des matières, mais
encore une affinité élective limitée. Ils reconnaissent
qu'il existe des espèces calcicoles et calcifuges, et dé-
montrent que contrairement à l’opinion de MM. Müntz
et Girard, la silice ne se trouve pas comme produit
accidentel dans toutes les plantes, mais qu’elle est un
élément indispensable non à tous les végétaux, mais à
certains,particulhièrement au châtaignier qui ne vit que
dans les terrains siliceux et qui ne peut vivre, quoi
qu’en ait pensé de Candolle, dans les terrains calcaires.
Séance du 26 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs :
MM. Guibert, 29, descente Canterelles, présenté par
MM. Jean Crozals et Cannat.
Le Docteur Donnadieu Lavit, à Lamalou-les-Bains,
présenté par MM. Cannat et Lamouroux.
= 110 =
Le Commandant Aubesquier à Béziers, présenté par
MM. Cannat et Boilève.
Dons. — M. Donnadieu, de Babeau, et Linière, de
St-Chinian, offrent à la Société un lot de fossiles du Si-
lurien inférieur.
— M. Moulin offre pour la bibliothèque une poésie :
Theodehilde.
CORRESPONDANCE. — Circulaire annonçant un Con-
grès d’hydrologie, climatologie et géologie pour le mois
de septenibre 1896, à Clermont-Ferrand.
— Le Smithsonian Institution accuse réception de
notre bulletin de 1895.
— [L'Association française pour l’Avancement des
Sciences, annonce son 24me Congrès qui se tiendra à
Bordeaux du 4 au 9 Août et soumet une liste des ouvra-
ges destinés à être offerts.
— M. Sahuc, de Saint-Pons, donnera tous les rensei-
gnements utiles pour la publication dans le Bulletin, du
travail qui à fait l’objet de sa communication au Congrès
des Sociétés savantes.
COMMUNICATION. — M. le Président présente le bul-
letin de 1894 qui vient d’être terminé ces jours-ci.
EXCURSIONS. — On prend les dernières dispositions
pour l’excursion à Truscas et Avène et l’on arrête le
programme de Balaruc, l’Etang de Thau et Cette.
CONFÉRENCE. — M. Lamouroux fait une causerie sur
la promenade que la Société a faite à Réals.
EXCURSION
Le 30 Juin, a eu lieu l'excursion de la Société au Bousquet
d'Orb, Truscas et Avène (40 excursionnistes).
— il —
Séance du 3 Juillet 1895. — Présidence de M. Cannat
La séance a lieu dans la grande salle de l’'Hôtel-de-
Ville. Un public nombreux assiste à la séance.
CONFÉRENCE. — M. Antonin Maffre fait dans le lan-
gage néo-roman, le compte rendu de lexcursion à
Lamalou.
| COMPTE RENDU
ÉAMEPERCTASPION, D'UTTIG" JUIN 1695
A LAMALOU
Par M. ANTONIN MAFFRE
Moussu lou Président,
Moussus lous Souciètaris,
L’hounou que me fasès, Moussu lou President,
Ansin que vautres, cars amics de la Naturo,
En me ressaupegant bèi, ieu qu’un res atturo,
A mes dedins moun cor un dous trefouliment.
Perque pas ? pèi qu’aissi vèsi couraloment
Que vous fa gau d’ausi nostro lenguo tant puro,
Lou parla des aujols que ma vouès pauc seguro
Vouldrio fa resclanti de soun brounzinoment ?
Car, saique, s’ès lous souls des homes de sabenso
Qu’ajes dounat un brieu de vostro benvoulenso
A la lenguo mairalo, al fièr lenguodoucian !
Atabe lou felibre à qual aquèlo marco
De tant franco amistat li fa crema soun sang
Crido : Vivo Cannat e las gens de sa barco !!
AT —
D’après aquèste coumensament en vers vous sera pas dificille,
braves moussus, de coumprène que lou proufane que soi ieu, pre-
toucant vostres travalhs de sabentizo, ne mesclara tout cop quau-
ques uns dins lou raport que vosire tant agradieu President m’a
couraloment engajat à vous faire sus l’escourregudo qu’abèm coum-
plido ensem dimenche passat à Lamalou. Eh moun Dieus ! belèu
qu’aco vous desplaira pas de vèire la Muso lenguodouciano se
mesela à vostres saberuts travalhs, la paubreto, que tant de mounde
aboumino. Atabe, bei, que la vèsi al mièch d’amics, la soulo desi-
ranso que siègue al prigound de moun cor es que vous fague plaze.
Aladoune lou dimenche 16 de Jun al mati, un pauc avant la
partenso del trin, me troubèri ambe ma pichoto familho al mièch
d’un eissame de viajaires, demest lous quals beluguèjabo un amanèl
de gentos e mai qu’agradivos damos e doumaisèlos, vengudos, èlos
tabe, se jougne as homes de sabenso per n’enaura lou prestigee
l’aflat. Toutos aquèlos escourriguèiros pourtabou sus lours migno-
tos caros, encaro pas pla reviscoulados pei qu’abio calgut se leva
d’houro, la gaietat la mai franco que se posque trouba enloc. Tout
en las remirant me diguèri à despart : la journado sera bouno per
lous que coumo tus aimou de s’acata joust las aletos moufletounos
d’aquèlo paloumbèlo pouderouso, d’aquèlo divesso eternalo que
lous felibres coumo lous pouètos de l’universal terraire noumant
tout simploment la Femno. E perque pas ? pèi qu’es Elo, que nous
dono l’envanc e la belugo celestialo que nous mancario, n’ajes pas
doutanso, à n’autres homes, se debian nous enaira soulets !
Es per aco que gausi vous dire, à vautres gens letruts e amants
del Bèl, qu’abès milanto fes rasou de faire uno larjo plasso à la
Femno dins vostros subre-poulidos escourridos
Aiïsso fach, laissem-nous empourta per la bèstio de ferré, glissant
ufanouso sus sous dous ribans d’assiè, jusquos à Bedarieus.
Après uno miéjoureto d’aspèro uno vouès cridèt: Les voyageurs
pour la ligne de Castres en voiture. Per lou cop cadun des escour-
riguëires ajèt lèu fach, d’un cambal, de s’engulha sens abèire pôu
de se courquicha, dins lou trin, que talèu prenguët la caminado per
nous pourta, toutes en bouno voio, al pais que debian visita.
— Es prèp de nôu houros quand nous trouban toutes rassem-
blats dins la cour des viajadous ount M. lou Président coumenso
d’abèire lou trigos de la journado qu’anant passa ensem.
La bando se diviso en mai d’uno colo à causo des jouines que
— 113 —
volou pla aproufita la journado e que partissou al pulèu dèu Laver-
nièlro en aspéran que lous mens desgourdits qu’èles etqu’ou gardat
lous efants vengou per lous rejougne Jjoust l’oumbro tebeso
des grands aubres de soun poulit parc, ount las aïguos vivos
e claros de l’Orb que rajolo à sous peds li fa mounta uno brizo
tout-ple fresquièirouzo, que fa d’aquel lioc un rodou celestial per
lous que s’en vou as bans sens estre malauts, car ambe la malautiè
l’amo pot pas prene de plaze quand mèmes la Naturo tout entièiro
vous 1 couvide, mès coumo, gracios à Dieus ! nautres n’abian pas
de lassige, pousquèren nous 1 alezouna uno miëjourado, pendent
laqualo beuguet qual voulguet, à sa sorgo,un got d’aiguo mineralo.
Pèi touio la troupo remountèt à Lamalou per ana visita lous Ther-
mes ancians. Aïssi ai lou regrèt, braves moussus, de pas poude
vous dire l’istorio d’aquèles bans, sounquos de vous prèga de vous
rapourta as saberuts estudis que n’du fach M. M.-G. A, Duprè,
Albert Moitessier et M. Sabatier-Désarnauds. Sopendent passarai
pas sens vous remembra qu’es en 1640 qu’un païsan de l’endrech,
despèr fort loungièms impoutent e crudéloment ablasigat per de
doulous raumatismalos, se Jitèt dins un gourgas dl’aiguo trebou-
lado que se troubabo pas luën del lHioc ount es bèi l’establiment
thermal ; e, quand s’en sièguèt sourtit, lou paubre home n’esproubèt
un tal benèsire que se bouleguèt d’hou ana prouclama pertout ;
so que faguèt qu’aquèles fangasses pudents ressaupeguèrou, lèu-lèu,
prèsque toutes lous malauts de Ia mountagno.
Pamens calguëèt mai d'un sècle, pet qu’arriban en 1720, per vèire |
lou proupriètari d'aquèlos aiguos benfazentos las assani un pauc e
las engabia dins uno gabinélo per pourre s’en serbi à l’abric del
marrit 1èms. Pus tard, en 1754, lou viscomite Pouns-Marto de
Thezan, seignour del Poujol, soun nouvèl proupriètari, eidifi-
quet un bastiment dinne de ressaupre lous malauts de toute coun-
ditieu. Despèi, la rèputatieu d’aquèles Thèrmes se sièguant espandido
dins las prouvensos vesinos, gracios à las curos qui li abiôu fach
lous medecis de Mountpeliè, calguèt agrandie perfétiouna las pis-
cinos e douna mai de large à l’establiment que 1 à toucabo.
Es en faguen aquèlos reparatieus que l'on troubèt de vièlhos
parets, de vases ancians et quauquos mounedos d’ount l’epoco n'es
pas jamai pla estado establido, que tout aco es uno probo que l’en-
genio des homes, vênio pas aissi, dins lous flancs de la mountagno,
s’i douna cami per la prumièiro fes. Pamens se counèis pas d’iu=
= 1MÂ —
dicatieus, pretoucant lous bans de Lamalou, avant lou mitan del
XVII: sècle, malgrat qu’al moument ount M. Dupré ne faguèt
l’historio, es à dire dèu 1842, ajèsso counsinnat quauquos tradicieus
amb uno legendo que se disio dins lou païs e que dounabo à n’a-
quelo sorgo uno eisistenso pla mai anciano que lo qu’el abio cregut
sinnala.
Après que lous viajaires ajérou visitat aquel establiment, toutes
S’acaminèrou dèu lou Jardin zoologic que se trobo al dessus.
Aquel jardinet, retraisant en pichot nosire Platèu des pouètos per
Sa situatieu, es poulidèt dins soun ensem ; l’on 1 vèi quauquos bes-
tios pas trop ferouges ma fe ! entre-mièch de poulalho de touto
meno, qu'ôu l'aire de s’1 pas faire de marrit sang ; es vrai que lou
soulel e la pax 1 règnou en Mèstres, so qu’es uno grand causo per
se laissa pla vieure. Es aqui, braves moussus, que pendent qu’a-
gachabi faire la rodo à n’un manific pabou, ajèri la pus grando
joio di rencountra, per escazenso, certos, Moussu J.-H. Castelnau,
lou felibre tant agradieu de Ceto, que i èro vengut acoumpagnat
de sa gento moulher, faire uno passejado de santat, Aquel rencontre
inasperat, en me faguen lou pus grand plaze, m’empachèt de sègui
la caravano al Casino ; car, proufitant de nous trouba soulets,
amount dins lou bosquet de l’Usclado, e ajen tant de causos feli-
brencos à nous charra nous 1 doublidèren ; e sièguèt que per vèni
prène nosiro plasso à la taulo de l’houstalariè que nous separèren
d’ambe moun brave e car pari en felibrige, nous dounant pamens
rendès-vous per la tantossado à la Villa de las Flous ount debidu
se retrouba toutes lous escourriguèires.
AI dessèrt M. lou President de la Souciètat après quauques mots
pla sentits adrèissats as dejunaires, voulguet pla me douna la pa-
raulo per vous dire quicomet de moun sicap. Eh ! moun Dieus !
las poulidos damos et las croucarèlos doumaisélos que se troubèrou
à la taulejado aproufitèrou d’un pichot coumpliment fach tout
esprès per élos e que vejaissi :
Gentos damos,
Caros doumaisèlos,
Ount 1 a de femnos 1 a de flous ! .…
A dich un felibre dount l’amo
Abio sentit lou rai de flamo
= 115 —
Que fa belugueja l'amour |
Atabe touto sa lauzour
Ero per la bèlo afoulido,
Per lo qu'embaumabo sa vido
De poutous.
Ounti a de femnos 1 a de flous !.…
leu, grands dieus ! coumo lou felibre
Hou vèsi, bèi, tabe soi libre
De trouba que jamai bouquet
D’uèlhs, mai flamejants qu’un luquet,
Ses pas vist enloc e, ma fisto !
Moun cor boulis à vostro visto
Per, jouious,
Dire : las femnos s’ès las flous !!
Après aquèles vers que d’aplaudiments amics m’ou foursat de
trouba de vostre goust, M. Moulin, l’eiselent pouëèto e proufessou
d’elèi de nostre coulèje, que counouissës pla, se lebët e dins uno
improuvisatieu touto couralo faguet coumpliment à toutes lous tau-
lejaires en apugant subretout sus l’aflat mai que pouderous que
metidu las bèlos damos en venguen prène part à las escourregudos
de la Souciètat, à n’aquèlos pichotos fèstos de familho, e beuguet
à las femnos que sou vertadièiroment las flous del genre human.
Uno trounadisso de picaments de mas faguèt coumprène al pouèto,
que soun brinde à la Bèutat abio agut de ressoun dins las amos de
lous que l’ausiguërou. Apèi, ieu, mai encaro, me lebèri voulguen
pas laissa nostre hoste sens un pichot coumpliment per la bouno
cousino que nous abio fricassat e li diguèri quauques vers que lou
matèrou de joio. Ausissès :
Brinde per l'hoste Louis BOULOC
Amics, après un tal repais
Ount abem fach marcha lou cais
Coumo uno rodo que moulino,
Mes avis que debèm pourta
Un brinde per felicita
L’hoste aimable de sa cousino.
= À16 —
Coupen pas res.
Un, dous e tres !
Beuguen doune à la benuranso
De l’home, que plen d’aculhanso,
Nous a tratats milhou qu’enloc,
À l’hoste espèrt Louis Bouloc.
Enfin, lou repais acabat s’anèt prène un gioupet de moka dins
un cafe que lou mèstre abio agut la delicato attentieu de faire
houndra de poulits drapèus et de quauques escussous ount pous-
quèren lègi : /Zonneur à la Science.
Lou moka beugut M. A. Sabatiè que nous abio pas quitat de-
sempei nostro arribado, nous prenguet à sa manifico Villa de las
Flous. Aqui sièguèren pas pauc suspreses de trouba, joust lou fres-
quièirous oumbrage d’un cantou del delicious jardin qu’encencho
la Villa, dos loungos taulos apoustissos, claufidos de liquous de las
milhounos marcos. M. Sabatiè nous a vertadièiroment ressaupeguts
en grand Seignour, atabe me fa gau de proufita d’aquèsto oucasieu
per li traire un boun gramecis al noum de la Souciètai.
En quitant la Villa de las Flous lous escourriguëires anèren
visita Lamalou-lou-Naut, ount après abèire vist las piscinos e las
salos per las aspersieus, fosso damos e mèmes de moussus anèrou
prène uno prèso.. anabi dire de tabat..….. nani, de gaz amouniac
que s’enairo del trauc ount rajo lou canèl que mèno l’aiguo de la
sorgo dins las difèrentos salos des bans. D’aqui se davalèt al Pichot-
Vichy en passant dejoust la vouto souloumbrouso que formou lous
chaines-verds, espèsses à n’aquel endrech e, à n'ounte crèissou à
plaze las ginestos à flous d’or, las faugèiros dentelados e lous
brugs ramelouses, per fatre d’aquèlo alèio lou pus pouetic carrairou
des dousses souspirs qu’on posque raiva. Es al bout d’aquèlo tou-
nèlo vèrdalo que se trobo lou rieu de Lamalou e que lous habitants
nomou la Veyrasso — un laid noum, ma fe ! — e que, talèu
troumpassat, l’on arribo à la sorgo del Pichot-Vichy, plassado dins
un rodou mai que poulit tant l’endrech es pitouresc.
Aiïssi me laissares vous dire que quauques escourriguëires ajen
remountat Jou rieu un pauc al dessus de la sorgo, e se sièguen
troubats, tout à n’un cop, en facio d’ancians pans de muralhos dins
un site tant rizent, creguërou abèire davant èles las rouinos de
quauque establiment per lou mens l’obro des Roumans — pecaire !
— 117 —
vouldrio pas lour faire la mendro peno per la crezenso qu'’ou d’a-
bèire vist de travalhs antics, mès soi pla foursat de lour dire qu’a-
quèlos rouinos sou tout bounoment un essach qu’abio fach 1 à
quauques ans, un certan M. Carrièiro, per i crèa un nouvel esta-
bliment de bans, ajen troubat que lou paisage si prestabo diven-
coment pla ; travalh abandounat tre sa coumensanso.
Quitarèn pas lou Pichot-Vichy sens rapela qu’es aqui, al mitan
d’un eissame de bèlos damos que se repausabou, que M. J.-H.
Castelnau, lou felibre de Ceto, qu’ai deja mensounat al debut d’a-
quèste raport, nous diguèt sa poulido pèsso de vers « Las cabucellos
de ma grand », as aplaudiments calourouses de touto l’assistanso.
Après toutos aquèlos tant manificos causos la caravano s’enre-
tournet à Lamalou-lou-Naut ount un #ramvouè que claufiguèren
coumo un bourgnou, mèmes sens 1 pourre caupre toutes, nous tri-
goussèt al Casino. Es aqui que se decidèt l’escourregudo que quau-
ques uns abès facho à Villomagno. Ajeren lou regrèt, pousquèm
pas mai nous atarda à Lamalou, ieue ma familho de ne pourre pas
estre. Empacho pas que per lous qu’abès agut l’ur d’ana visita
aquel païis, tout roumplit d’antics souvenis, vous n’en charre un
bricou, se m’hou permetès, car lou counèissi un pauc: aco dounara
ne soi segur, l’envejo à lous que l’üu pas vist di ana al pulèu.
Villomagno, bèi vilajot de 450 amos à peno, que quauques istou-
rians fou desriva lou noum de Villa Mayani, noum que li ven de
Sant Mayan patrou de sa gleizo,pious mounge d’Antioco, l’anciano
capitalo flourissento de la Sirio, vengut dins las Cevenos predica
lou crestianisme dèu la fi del VIII sècle, equ’anet pèi mouri prep
de Loumbez dins lou Gers. Tandis que d’autres, e demest èles lou
saberut Julos Renouvier qu’a troubat dins un inventari des titres
de l’abbadio qu’aquesto sièguèt doutado per l’emperaire Carles-
Magne en l’an 807 e desinnado alaro coumo abbadio de Villo Ma-
gno. La counfusieu, en tenguan per certan aquel doucument,
semblo pas pus poussiblo. So que nous probo que lou noum de
Vilomagno, coumo s’apèlo encaro, à toujour desinnat uno vilo
grando, mèmes à l’èpoco la mai reculado de l’istorio de nostre païs.
Aco sera l’étèrnalo glorio de Carles-Magne d’abèire coumpres,
German et à mièch barbare el mèmes, que lou drech dins la justisso
e l’aveni resplendent apartenio à la civilisatieu roumano. Car d’ou-
blides pas qu'es aquèl Grand Emperaire d'Occident que latinisèt
lou Nord ; qu’es el que, en cassant lous Sarrasis del Mièjour, faguet
— 118 —
de la Franso uno Natieu pouderouso, crestiano sens doutanso, mès
roumano e centralo en Uropo.
Es de l’alianso brusco del Lati ambe lous idiomes barbares par-
laits à n'aquelo epoco que nasquèt las dos lengaos sors que s’ape-
lèrou la lenguo d’Oil hou rouman Valoun Gales, e la lenguo d'Oc,
mai latino, hou rouman Prouvensal.
Se tèn per certan que lou prumiè escrich en lenguage d’Oil, es
lou famous serment de Louis lou Germanie, en 842. Quand à la
lenguo prouvensalo nascudo e cultivado la prumièiro demest las
lenguos moudernos, loungtèms rèmo dins touto l’Uropo roumano,
s’acamino ablasigado per ana pèi peri, al tretzen sècle, ambe l’in-
despendenso de nostre ufanous pais mièjournal estoufado, per ansin
dire, dins lou sang vermèial des Albigèses ; per faire plasso, la
paubro, al rouman valoun, al parla d’Oil, lenguo touto bisprouso e
sèco qu’es devengudo despèi lou francimand...….
Pèi que sèm dins las Cevenos quauques mots sus èlos me sem-
blou prou de circounstensio : Sabès qu’es pas dins l’Erau qu'aquèlo
loungo cadèno de mountagnos du lours crestèls lous mai nauts.
Tout escas se quauques uns despassou 1.100 mèstres. Lou cimèl
lou pus auturous del departoment se trobo en plen massif de Les-
pinouzo, al couchant de Sant-Gervais e al mièjour de la sorgo de
l’Agout, à touca lou Tarn e l’Avairou. Aquel pic a 1.126 mèstres
d’aussuro.
La partido de las mountagnos que nous pretocou e que fou la
seguido de la grando ligno delas Cevenos que separou lou versant
de la Mièchtèrrano e de l’Oucèan sou claufidos de rodous pitourescs
e de gorgos sauvajos d’uno bèutat mai qu’estranjo. Musarai pas à
vous n’en parla mai loungoment, car m’escartario trop de moun
pichot cami qu’ai pres en amatou per pas vous faire delembra lous
travalhs, mai que seriouses, d’homes tals que M. Sabatiè-Desar-
nauds qu’abès agut lou bounur d’abèire conmo President de vostro
Souciètat. De M. G.-A. Duprè qu’a escrich l’istorio del pais cevenol
e detant d’autres saberuts escrivans e dount mà memorio a dou-
blidat lou noum. Mès me perdounarias pas, ne soi certan, de laissa
lou Caroux dins l’oumbrino, el que fa toujour facio al Soulel !
sens vous en dire un mot.
Lou roc de Caroux, coumo lou nomou lous habitans del pais,
es uno de las mountagnos las pus nautos de los que fou partido de
las Cevenos : mountagno esfraiouso dins l’esprit de las gens que
— 119 —
vivou à sous peds, subretout quand la vèsou s’emmantèli de nèu
tre que ven lou printèms, so que 1 arribo perfes ; esfrai legitime,
certos, pèi que de tout tèms s'es troubat que, quand Caroux met
la capo blanquinouso à Ia Primo, aco’s lou sinne vertadiè que lou
campèstre n'aura de doumages. E tenès ! à prepaus d’aquèlo moun-
tagno espetaclouso, vous prègarai, s’hou voulès pla, braves mous-
sus, de me laissa vous faire lou raconte d’uno anciano legendo que
tèni de moun paubre grand mairenal, qu’èro sourtit de la viloto
de Sant Gervais e que sabès estre al ped del gigan. I a quauque
tèms qu’aquèlo legendo me sièguant revengudo en memorio la
metèri en vers lenguodoucians. A1 l’espèr que m’en voudrès pas
de vous. la coumunica à vautres lous prumiès, car jamai l’ai pas di
cho à amo que vive. La .vejaissi :
LOU PASTRE DEL ROC DE CAROUX 1
LEGENDO
Vautres, cars anjounèls, magnaguets calignaires,
Vautres que s’ès la joio e l’espèr de las maires,
Ausissès lou raconte, à cap d’autre parèlh
Del malur qu'arribèt, al pèd de la mountagno,
AI pastre Jan Barloc ansin qu’à sa coumpagno,
Amics, avant vostre som bèl.
Demest lous grands castans e las nautos bruguièiros
Qu'’escaladou lou Cièl sus d’amarèls de pèiros
Que fôu del mount Caroux un tarrible gigan ;
Ount sus sous flancs brauzits règno que la calanso,
Sauve dedins las neits que lous loups en cadanso
Agachou la luno idoulant.
(1) Cette légende a obtenu, pendant l'impression du Bulletin, le 2° Prix
aux Grands Jeux Floraux de la Maintenance du Languedoc en 1895.
De sous gourgs founzeluts, de sas gorgos bercados,
De sas baumos d’ourrour, refugi de las fados,
D’ount s’enairou toustèms de laguis e de plours ;
Gimerriges roumplits d'uno amaro tristesso,
Mountant de cado trauc ambe tant d’amaresso
Que lou Roc n’es ple de frayours.
Jamai lous habitans des pus proches vilages
N’abiou gausat franqui lous crestèlas sauvages
Que cenchou lou Caroux e lou rendou captieu.
Mès tre que lou vesiou amb sa capo emblanquido
Toutes, prèses d’esmai e l’amo anequelido,
Aïlas ! sulcop prègabou Dieu.
Car ausissidu de crids s'aubourant de las crotos,
Dins un brounzinament d’alos nègros de chotos,
Vengudos vouleja dessus toumples badants.
Alaro, espaurugats, lous efants et las filhos,
Fugissiou, vitament rejougne lours familhos
Per s’escapa des revenants.
Es quand un ventoulas amount bufo en tempèsto,
Qu'on entend d’aissaval uno grando batèsto
Facho del desespèr d’aquèles malastrats.
E se dins l’auragan passo la trounadisso
Alaro se mesclant as trous, monto, S’airisso,
L’orre jurrament des damnats.
Jamai res pourra pas, amies, vous pla ïetraire,
Lou bruch e las fouliès que fou perse distraire
Las bandos de demouns qu’'habitou lou Caroux.
Perfes gisclou parèlhs à de femnos qu’on tugo,
E pèi, uno fes raucs à n’aber la berlugo,
Cadun davalo dins soun pous.
£s aqui que l’hibèr per fug1 lou jalèbre,
S'agroumoulissou, muts e tremoulant de fèbre,
Aspèrant que lèu-lèu aje foundut la nèu.
Mès qu’un esluc al cièl se mostre, de seguido
Des roucasses l’on vèi sali facio tarnido
Lous fantaumes al blanc mantèu.
— 121 —
Aïlas ! malur, malur al paubre viajaire
Se se trobo passa trop tard aqui pecure !
Car de tout lou Caroux milo enfadats vendrou
Lou persegui pertout, sus truquèls, dins las coumbos,
Coumo un issam de morts escapats de lours toumbos
Per lou faire adali de pou.
(a
Dins aquel tèms vivio tout prep de la mountagno
Lou pastre Jan Barloc. — Rosis e Vilomagno,
Coumbos e lou pais vèsi del mount Caroux,
Fisabou lours troupèls sens ges de mesfizenso
À sa gardo toujour pleno de vigilenso
Contro la dent del loup bisprous.
D’Erèpio, del Poujol, mèmes de Couloumbitiros,
Pendent lou mes de Mai de toutos las caumiëiros
Prèenio lou bestialun jusquos al marïit tèms.
Pèi, aval, dins la coumbo alors sens espavento,
Soulet afaciat al mount l’amo innoucento,
Prèégabo Dieu sens pessoments.
Es aital qu’as bèls jours toutos las troupelados
Joust l’uèlh de Jan venidu paisse, tant perfumados,
Las erbos qu’ou crescut à l’oumbro del grand roc.
Pêei eledabo moutous, agnèls, loung de la r1vo
De l’Orb tout argentat de soun aigueto vivo,
Ajen fisanso dins Sant Roc.
E cinq meses per an perdut dedins Jas dralhos
Des mourrèls delabrats hou de las verdos falhos,
Luen luen de sa moulher, amb Gardal soun boun chi,
Pensabo à soun efant Jacques, dounit la pigresso,
L’abio fach verenous, trè sa primo jouinesso,
So que pot que l’embabouchi.
Pè&i, lou véspre, en dintrant soul dins sa gabinelo,
Avant de s’'endroumi, d’uno vouës que raufèlo,
— 122 —
Prégabo lou Segnour d’amenda soun efant.
Demandant subretout qu’ajèsso per sa maire,
Lou brave Jan Barloc ! un pauc d'amour pecaire !
En fretant un plour amargan.
Or un sèr que vènio se coulca l’amo puro,
Entrevejèt subran se quilha sus l’aussuro
Ount abio cledounat per droumi lous troupèls,
Coumo uno formo humano e, talèu pres de crento,
Sounêt vite soun chi de faissou brounzinento
Per se garda des sorts crudèls.
Ero Jacques, l’efant pigrous, qu’ambe couitanso
S’envenio dèu l’ancian, l’agach ple d’ahiranso,
Dire que de sa maire èro l’orre assassin.
E rabious pèi s’en pren à soun paire qu’aganto
Dedins sous dets croucuts li sarrant la garganto
Coumo abio fach antan Cain.
e e e LL - . e 0 L + . Li L L
Lous pastres aquel jour ajèrou la crèzenso
Que del roc de Caroux un vent de malfazenso
S’ero lebat sulcop bufant de tourragals
Ount s’ausissio, demest un bruch de clamours folos,
Uno vouès counescudo aissi dins las draiolos,
E de pôu sièguërou mourtals.
Creguèrou veire encaro al dessus des gourgasses,
Al mièch des rocs pelats, s’espandi de grands brasses
De demouns amagrits dins de nègres lensols.
Où mèmes afourtit abèire vist en bando
Milanto apparitieus dansa la sarabando
Mai laugiers que de cabirols.
Soul, Jacques lou maudich, porto sus sa peitrino
Uno taco de sang que la neit s’alumino
Traucant de sa luzour lous nivoulasses blancs.
Soun pianh que restountis dins la sourno calamo
Demando as efantous de prèga per soun amo
Aginoulhats prèp de lours grands.
Mès, autalèu lous loups afamats de carn d’home,
Joust la ma del Remords courrissou sul fantome
Per d’un cais devourenc l’esquinsa per boucis.
El, per s’en apara, del vèspre jusqu’à lPaubo,
Roudalejo lou mount aroupat dins sa raubo
Que la luno sempre rougis.
Prèguèm dounc, mous amies, preguèm la Vierjo santo
De voule deslieura lèu l’amo estransinanto
De Jacques que milo ans encadènou al Caroux.
Prègas, efants magnacs, lou vèspre amb vostros maires.
Car tre que Dieu vèira que s’ès fosso prègaires
Lou prendra dins soun Cièl tant blous.
Uno legendo n’es lou mai souven que l’istorio desfaciado per
las tradicieus, hou be un raconte ounte l’esprit des homes que se
la sou dicho à las velhados de l’hibèr, a finit per s’alarga de gene-
ratieu en generatieu per pèi nous arriba claufido de visieus mai ou
mens fantasticos ; es lou cas per lo que vèni de vous lègi.
Empacho pas que tout, par raport al Mount Caroux porto à
crèire que d’ancian tèms, sa situatieu que coumando à toutes lous
punts de la cadeno de soun vèsinat, car soun plo qu’es à 1093 mès-
tres de naut, doumino touto la plano del Bas-Lenguodoc ambe la
mar que la cencho al mièjour ; al couchant l’immenso cadeno de
las Pyrènèios e dount on pot aisidoment retrouba lous pics lous
mai quilhats ; al mièjour encaro se vèi mai que pla las vilos de
Beziès, de Narbouno e Carcassouno. Al levant los de Mountpeliè e
de Nismes ; pèi del coustat del Septentriou se vèi lou mount Ven-
toux prèsque dous cops pus naut que Caroux et qu’es lou coumen-
sament de la cadeno de las Alpos. Qu’aquelo situatieu disi subre
manifico a degut de tout tèms impressiouna l’amo de lous que pou-
didu i veni examina tout so que vous ai mensounat. Alaro es pas
dificille que lous esprits des mountagnols nascuts à l’oumbro de
sas rocos escarinchos plenos de caravencs, de sous carrairous
eschirpouses e de sas gorgos sauvajos, asille de las aiglos, de las
goiros e des falcous, n’ajou de bouno houro cresegut qu’aquèlo
mountagno giganto èro lou refugi, subretout l’hibèr, de las mascos,
AE
des dracs, des fantaumes e de las toumios que lours fèbles cervèls
abiôu deja vist dins lours raives estralunats. Mès bèi, gracios à las
escolos, semenados un pauc pertout, mèmes sus flancs del rocantic,
lous efants, à lour tour, podou dire à lours rèires grands, que las
legendos que courrissidu autrosfes pretoucant lou Mount Caroux
ne sou que de paubros sournetos nascudos dins, l’ignouranso d’un
pople de pastours.
Aquèles mèmes efants, pendent las loungos velhados de l’hiber,
quand al deforo la nèu toumbara per n’emmantèli lou terraire,
pourrûu faire couneisse que las fados e lous farfantèls seridu pas
tant nigauds, s’eisistabou, d'ana trepa dins la nègro nèit à travès
lou mount ount lou jalibre aurio lèu fach de lous matrassa. E aro
me perdounarias-t-1, braves amics, après vous abèire parlat d’a-
quèlo partido de las Cevenos espetaclousos de pas vous presenta un
de sous efants lous mai remarcables, un cevenol d’elèi, que toutes
aissi couneissès pla. Ferdinand Fabre, nascut à Bedarieus e qu’un
sèti à l’Acadèmio francèso aurio mens enaurat sa renoumanso que
l’engènio de sas obros meravihousos ! Qual se souven pas des su-
perbes retraches qu’aquèl escrivan delicat a faches d’aquèlos Ce-
venos qu’encenchou soun pais natal ? oupt i a mes uno toco de
pincel taloment pouderouso que pecaire ! l’on serio mal venguts de
voule ne parla après el ! — Remembras-vous soun abbat Tigrano ;
sous Courbezous ; soun Barnabé dins lou qual raconte parlo de
nostre Beziès coumo hou aur1o pas mihou dich un des pus grands
escrivans bezièirencs. Remembras-vous touto soun obro, enfin, i
coumpres sa divenco Sylviano e soun famous Taïlhovent et jujarets
se lou pais que venèm de traversa tout escas a jamai agut un parelh
cantre. Atabe ai moun cor ple de joio de pourre saluda, aissi, aquèl
miéjournal de rasso, que dijus passat encaro POupèra Coumie de
Paris a distribuat lous rolles de sa Xavièiro per pourre estre prèst
à pareisse davant lou public al mes d’Otobre venen ; tout en rewre-
tant per lou felibrige qu’aquèlos obros, que nous ou tant esmouguts,
n’ajou pas estados escrichos dins Ia lenguo rudo perfes de nostre
bèl Mitjour, mès coussi mai pitouresco, esbriaudanto e subretout
cremanto e, dins laqualo Ferdinand Fabre aurio certanoment
troubat d'images que lou francimand, tant pur que siègue, Ni a pas
pousqut fourni lous parious.
E pèi que parlant de Bedarieus me fa gau de manda coumo fe-
libre un salud de recourdanso à la memorio d’un autre de sous
— 125 —
nobles efants, al pintre d’obros subrebèlos qu’èro Augaste Cot,
l’artisto ispirat mort trop lèu ailas le dount l'Art frances plourara
toujour sä perto : à l’autour requist de Mirèlho, l’anjo del Feli-
brige ; la perlo d’or de la Prouvenso ; de Mirëlho la filho idèialo
e immourtalo de Mistral ! À soun prepaus vous vôu dire un sounet
istouric — es lou raconte de la rencontro que faguet en Arles, lou
pintre regretat, de la chatouno que li serviguët de moudèlo.
Al pais del soulel, sus la terro arlatenco,
Un jour amb ta moulher sieguères emblauzits
Davant uno chatouno as uèlhs ennegresits
E bèlo que noum-sai dins sa gracio divenco.
Aquèlo aparicieu vous ab1o trefoulits,
Tus, subretout à Cot! car, talo uno pervenco
Que s’oubris joust l’aflat de la sasou maïenco,
Ajèros, la vejen, amo e cor d’Art afrits.
Autalèu, calignous e ple de prevenenso,
Preguèëros la manido à pas trouba d’oufenso
A l’agradieu eouvit de li fa soun retrach.…
Venguet : e toun pincèl retipèt la mervelho
D’aquel frount virginal que porto noum Mirelho !
L’Anjo de la Prouvenso al celestial agach.
Aro per acaba, car debès langui que moun repapige proufane
prengue finido, me laissares vous dire, cars amics, qu’en faguen
vosiros escourregudos tant seguidos, en publicant lous racontes de
so qu’abès vist hou troubat, countribuas mai que digus, per vostro
sabenso à faire esvali dins l’onblidanso la maï encafournido las fal-
setats de l’istorio e las legendos des tèms passats, per al countrari
douna l’envauc à l’esprit dèu l’êternalo veritat ! e ajustarai :
L’home que sap aima la divenco Naturo
À pas besoun de mai per anoubli soun cor ;
Car en èlo toujour troubara lou trésor
Que lou rendra jouious ajen soun amo puro.
— 126 —
Es-t’i quicom de mai dous que so que proucufo
La visto d’uno flou joust un blous soulel d’or ?
D'un rieu clar ount l’aussèl pieulejo sens malcor |
Dedins l’alen tebes d’un bosc ple de verduro !
Digas-me se jamiai res pot nous emblauzi
Coumo lou grelh que Dieu fa naïsse e pèi frezi
As camps en aspèrant la bèlo meissoun bloundo !
Ô nani, car pertout, sul serre hou dins lou prat,
Siègue planto, bestiolo, aussèl, flou lour aflat
Vous roumplis de l’amour que sul terraire aboundo.
EXCURSION
Le 7 Juillet a eù lieu une excursion à Mèze, l'Etang de
Thau, Balaruc, l’Issanka et Cette. (105 excursionnistes).
Séance du 10 Juillet 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSIONS. — M. Bertrand, employé à la Com-
pagnie du Midi, présenté par MM. Boilève et Cannat, est
admis comme membre actif.
BIBLIOTHÈQUE. — M. Jean Crozals offre divers travaux
de M. Duchartre.
CORRESPONDANCE. — [Association française pour l’a-
vancement des Sciences donne des renseignements sur
le Congrès de Bordeaux.
EXCURSION. — On organise définitivement l’excursion
du 21 Juillet à la Franqui.
COMPTE-RENDU. — M. Pierre Carles fait le combie
rendu de l’excursion à St-Chinian, Pardailhan et Cou-
louma. | |
æ 191 —
COMPTE RENDU
DE L'EXCURSION DU 23 MAI 1895
A
SAINT-CHINIAN, PARDAILHAN ET COULOUMA
Par M. PIERRE CARLES
L’arrondissement de Saint Pons est sans contredit le plus
curieux du département de l'Hérault et cela puisqu'il est formé de
territoires fort disparâtes. Les deux régions historiques, le pays
de Thomières et le Minervois, qui le constituent, ne présentent
entre elles aucune analogie; de plus, deux climats bien tranchés
y apparaissent et tandis que le versant sud du Saumail et de
l’Espinouse appartient au climat méditerranéen, le canton de la
Salvetat et une partie de celui d’Olargues, c’est-à-dire le bassin
supérieur de l’Agoût, est une région froide et neigeuse en hiver.
Ajoutons à cela, la diversité des terrains géologiques qui forment
le sol de cette vaste région, l’action de trois zones orographiques :
plaines et coteaux, basses montagnes et montagnes cévenoles, et
l’on aura une explication de la variété de la faune et de la flore de
l’arrondissement de Saint-Pons. Cependant, ce n’est que depuis
peu de temps que ce terroir a été étudié par les naturalistes parmi
lesquels nous citerons comme botanistes : MM. le D' Théveneau,
le pharmacien Barthez, Vidal, Loret,l’abbé Ed.Baichère, Gauthier,
et comme géologues : Tournal, qui le premier visita les grottes de
Bize dans le Minervois et à la limite de notre département, MM.
Bergeron, de Rouville, Delage, Paul Cannat et surtout M. Jean
Miquel, de Barroubio.
La Société a plusieurs fois visité le Minervois : c’est ainsi que
nous avons vu Bize et Minerve, Cessenon, le Foulon, Roquebrun,
etc., mais nous n’avions guère parcouru une des parties les plus
intéressantes de ce pays, partie formant pour ainsi dire un terri-
toire particulier : le Pardailhan.
Les jours qui précèdent notre course voient des torrents de pluie
s’abattre sur la région ; ils feraient mal augurer de la réussite de
— 128 — £
excursion, sile 25 n’était cette année Le beau jour de l’ Ascension
de nos aïeux ; nos ancêtres avaient remarqué qu’il ne pleut jamais
ce jour-là, aussi l’avaient-1ls choisi pour fêter Caritach.
C’est donc par une radieuse matinée de mai que trente cinq.ex-
cursionnistes" se trouvent réunis à la gare de l’Intérêt local. Le
départ a lieu à 4 heures 40. Voici défiler les stations fort connues
de Lignan, Maraussan, Maureïilhau, Réals, Cessenon. Avant de
continuer notre route, qu’il me soit permis de vous donner un léger
aperçu sur le terrain que nous traversons depuis Réals. Nous
sommes en présence de l’éocène lacustre à Planorbis pseudoam-
monius. Ce terrain que les nouveaux auteurs ont appelé Bartho-
nien a êté reconnu sûrement à Réals par M. P. Cannat: on le
retrouve un peu partout sous les alluvions de la vallée du Verna-
zobres jusqu'aux portes de St Chinian, c’est Le calcaire à lignite’
de l'Hérault et la lignite se voit sur plusieurs points, le long de la
voie sous forme d’une bande étroite de marnes noires resserées entre
des bancs calcaires. Il y a eu à plusieurs reprises dans les envi-
rons de Cessenon des tentatives d'exploitation qui ne paraissent
pas avoir donné de sérieux résultats.
À Cessenon, la ligne quitte la vallée de l'Orb pour suivre celle
du Vernazobres. Cette petite rivière (son cours n’a que 21 kilomè-
tres) prend sa source dans la grotte de Copujol, passe près de Pez,
à Pardailhan, à Babeau. Peu après ce village, le Vernazobres
reçoit le ruisseau d’Iloubre, nom qu'on lui donne dans le pays et
que les géographes écrivent et dénaturent en l'appelant ruisseau
d’Houvre ou de Nouvre. Ainsi grossi le Vernazobres traverse
Saint-Chinian, reçoit un grand nombre de petits ruisseaux, parti-
culièrement les torrents des bois de Cessenon et du Bousquet et se
jette dans lPOrb par 60 mètres d'altitude en amont de Cessenon.
Son bassin a une superficie de 12.400 hectares. La formation du
vallon de Vernazobres semble comporter plusieurs explications ;.
MM. Jean Miquel et le D' Villebrun Font étudiée d’une façon abso-
lument particulière. Et M. Miquel dit que le tertiaire se mentrant
ici renversé sur les schistes paléozoiques, il semble très naturel de
penser que les dislocations et les fractures aient grandement favo-
risé les érosions ; mais il va sans dire que comme dans toutes les
vallées, les érosions ont dù jouer le plus grand rôle.
La station que nous trouvons après Cessenon est la halte de
Commeyras qui dessert le village de Prades, puis la ligne cotoie
— 129 —
le pittoresque bois du Bousquet, laisse sur la rive gauche du couts
d’eau Combejean (138 mètres d'altitude). Un arrêt à la halte de
Pierrerue, petit village de 466 habitants et nous voilà à Saint-
Chinian. Là, des omnibus nous attendent ; nous déposons nos sacs
dans leur intérieur, puis nous visitons la ville.
Saint Chinian est bâtie sur un point de contact de terrains di-
vers. On y trouve les grès de Saint Chinian, de M. de Rouville(1).
Ces grès que le savant professeur de Montpellier comprenait, sans
préciser leur étage, dans la formation lacustre sous nummulilique,
sont aujourd’hui rattachés à l’horizon des marnes de Vitrolles qui
font partie du Rognacien. À côté des grès apparaissent des lam-
beaux nummulitiques, d’éocène lacustre à planorbis pseudoammo-
nius et même des schistes paleozoïques. Tout cela se retrouve
dans le sous-sol de la ville et se complique des alluvions anciennes
et modernes du Vernazobres.
Saint Chinian est un chef-lieu de canton, possédant onze com-
munes d’une superficie de 21,850 hectares. Sa population est de
3,949 habitants et son altitude 154 mètres. Le Vernazobres qui le
traverse sous un très beau pont l’a dévasté le 12 septembre 1875 à
la suite d’une pluie diluvienne. Cent dix maisons furent détruites
et quatre-vingt seize personnes noyées. Pendant les guerres de
religion, St-Chinian eut ses religieux massacrés et mis en fuite
par les protestants.
Nous visitons la promenade plantée de platanes, le square de la
mairie fort bien entretenu, l’ancien cloître qui est attenant à la
maison commune, l’église, puis parcourant les rues nous remar-
quons un certain nombre de maisons anciennes qui intéressent au
plus haut point les archéologues de notre caravane.
Les environs de Saint Chinian possèdent un certain nombre de
grottes que M. Miquel a étudiées (2) et où il a fait de très intéres-
santes découvertes. Au point de vue botanique, nous ne trouvons
guère dans la ville et sur les murailles que le Parietaria difiusa,
quelques Sedum non encore fleuris. Puis de l’omnibus qui nous
emporte vers Pardailhan l'Æyosciamus albus qui se balance sur le
mur qui borde la rivière.
Nous voilà ensuite sur la route de Saint Pons qui cotoie le
(1) P. de Rouville. — Voir Introduction à la description géolog. du dép:
de l'Hérault, p. 198.
?) J. Miquel. — Saint Pons préhistorique et gallo-romain.
= 180 —
Vernazobres. Des deux côtés paraissent des champs remplis de ge-
nets d'Espagne, Spartium junceum. Cette espèce et son proche
parentle Sarothamnus scoparius sont des végétaux dont on a retiré
par le rouissage une très bonne filasse. On a pu cultiver avanta-
geusement le Sparlium junceum dans les sols pauvres ou le lin et
le chanvre ne pouvaient réussir; c’est ce qui s’est pratiqué aux
environs de Lodève. Du temps de Pline, la filasse servait à faire
des liens que l’on appelait sparton. Près de la Dournie et Sencels
se montrent les cistes de Saint Chinian Cistus ladaniferus, C.
laurifolius, C. monspeliensis et les curieux et rares hybrides C.
ladanifero X monspeliensis, C. monspeliensi X laurifolius, etc.).
Ils ont été l’objet d’une communication de M. Loret à la Socièté
botanique de France en 1866 (1), mais nous voulons cependant
donner ici quelques renseignements sur le ciste le plus intéressant
de Saint Chinian: le Cistus ladaniferus. Ce ciste ne se retrouve
guère qu’en Provence, aux environs de Fréjus; il a été appelé
ladanifère parce qu’il fournit une matière plus ou moins résineuse,
analogue au ladanum où labdanum qui exsude spontanément des
feuilles et des rameaux du Cistus creticus, arbrisseau qui croît
dans l’ile de Candie, L’odeur du /adanum rappelle celle de l’ambre
gris ; il est noir, solide, se ramollissant entre les doigts. Il renferme
pour cent d’après Guibourgt: résine et huile volatile 86; cire 7 ;
extrait aqueux 1, matières terreuses 6. Jonhston y a trouvé 73,24
de carbone et 10 d'hydrogène. Dioscoride rapporte qu’on retirait
du ladanum de la barbe des chèvres qui allaient brouter au milieu
des cistes ; aujourd’hui, on le récolte en promenant sur les cistes
des lanières de cuir que l’on racle ensuite pour en retirer la matière
résineuse qui y est attachée. En Espagne, on plonge la plante
dans de grands récipients d’eau chaude ; la résine monte à la sur-
face, on l’enlève au moven d’une cuillère, mais le produit est moins
parfumé. Autrefois très usité en médecine, le ladanum est aujour-
d’hui complétement abandonné et n’est employé que dans la parfu-
merie.
A mesure que nous avançons, la montée est plus ardue. En face
Sencels et depuis Saint-Chinian nous sommes dans le paleozoïque,
en plein Arenig. Ce sont des schistes gros zébrés de noir si bien
caractérisés à Sencels etau Roc Nègre par les couches ampeliteuses
(1) Voir Bull. Soc. bot. de France. Séance du 23 Nov. 1866, p. 440 et suiv.
— 31 —
à Asaphelina Miqueli. Ces schistes portent des châtaigneraies
comme d’ailleurs dans toutes nos basses montagnes et nous les
voyons des deux côtés de la route. Le châtaignier (Castanea vul-
garis Lamarck) est l'arbre qui suffit à lui seul à caractériser les
basses montagnes siliceuses dans le bassin méditerranéen fran-
çais (1). S’il n’est pas exclu de la plaine et des collines inférieures,
il y est peu abondant et y produit rarement des fruits, ce n’est qu’à
390 à 400 mètres qu’il vient spontanément et acquiert son com-
plet développement. Là où commence le hêtre il devient essence
secondaire. La limite supérieure dans l'Hérault varie de 650 à 800 m.
suivant l’exposition et au-dessus de 1000 mètres 1l n’est plus qu’un
objet de curiosité et n’y muürit pas toujours ses fruits ; 1l ne paraît
guère qu’à l’état clairsemé sur l’Espinouse et le Caroux. On ne
peut ici s'étendre sur l'influence du châtaignier, sur la densité de
la population et la richesse dés pays où il croît, pas plus que sur
sa culture, son exploitation forestière, l’utilisation de son bois, etc.
De très beaux travaux ont été publiés récemment sur ces sujets et
parmi eux ceux de M. Adrien Jeanjean (2) tiennent certainement
une large place, On ne peut dire après tant d’autres que cet arbré
ne vient que dans les sols siliceux, qu’il est calcifuge et qu’il est là
pour montrer aux physiologistes et aux agronomes qui ont cru la
silice iautile dans l’existence de tous les végétaux, que sans ce
corps il ne peut vivre, n’y même végéter (3). Et pour finir avec
le châtaignier que nous trouverons très abondant à Pardailhan et
qui défraie toutes les conversations pendant que les chevaux sui-
vent patiemment la route, disons que l'Hérault produit 70.000
quintaux de châtaignes par an et que la valeur moyenne des chà-
taignes récoltées en France est de 46.072.476 francs ; le prix moyen
est de 8 fr. 27 Les 100 kilos.
En vue de Babeau, la route quitte les bords du Vernazobres, pour
cotoyer le lit du ruisseau d’Iloubre. Ce ruisseau prend sa source à
Rodomouls et est suivi par la route nationale 112 sur tout son
cours.
A la côte 181, nous trouvons le chemin de Bouldoux, là un cer-
tain nombre d’excursionnistes de Babeau vient nous rejoindre. Nous
(1) In Bull. Soc. lang. de Géogr. — Géogr. du Départ. de l'Hérault. La
Flore page 145 et suiv rantes.
(2) Ad. Jeanjean. — Le châtaignier et ses maladies.
(3) P. Carles et D' A. Hubert. Rôle de la silice dans les végétaux. — Imp.
Azaïs, 1895, Béziers.
— ME =
sommes en présence à cet endroit des schistes à nodules, dont la
faune est classique; Bellerophon Œhlerti, Munier - Chalmas et
Bergeron ; Orthis Carausti, Salter ; Orthoceras bohemicum, Bar-
rande ; Calymene Filacovi, Mun.-Chalm. et Berg. ; Asaphelina
Barroisit Mun.-Chalm. et Berg. ; Asaphes, Niobe, Ampyx, etc.
La Société dans de précédentes excursions a pu recueillir des no-
dules fossilifères dans les fossés même de la route, en face Boul-
doux, sous le chemin de Sourteillo.
Nous continuons notre voyage, l’altitude augmente d’une façon
rapide et le paysage ne varie guère. Aux schistes succède la fameuse
alternance de quartzites et de phyllades du Barroubien.
Enfin nous arrivons au Pont de Poussarou et nous descendons
de voiture pour nous dégourdir les jambes et herboriser.
Nous passons devant une grotte creusée dars les calcaires et qui
domine la route. Elle possède une belle salle, mais le sol de l’en-
trée, qui a plus d’un mètre de hauteur peut être considéré comme
formé en entier par le détritus des foyers préhistoriques. On y a
trouvé des dents de cerf, de renard, des cornes de gazelle, de cha-
mois, présentant à la base une encoche d’emmanchement tandis que
les pointes sont émoussées et polies par un frottement : ( Elles pa-
raissent, dit M. Miquel, avoir servi de pics ou de pointes de râteau
et peuvent être rangées parmi les premiers instruments agricoles
connus. Ces débris sont de la période de la pierre polie, tandis que
ceux de Coulouma sont du premier âge du fer. »
Nous nous trouvons ensuite en présence du marbre de Poussarou.
Ce calcaire a été pendant longtemps considéré comme devonien,
mais depuis les études de M. Miquel (1) {ous les auteurs sont
absolument d'accord pour reconnaitre en lui le calcaire cambrien.
Depuis l'apparition des marbres, le châtaignier a disparu. Nous
ne voyons guère que de maigres taillis de chêne. Le chêne blanc à
feuilles pubescentes Quercus sessiliflora var. pubescens qui à Par-
dailhan cèdera la place à la variété à feuilles glabres domine sur
le chêne vert Quercus tlex ; mais ces bouquets d’arbres sont peu
importants et bien tristes et bien pelées nous paraissent les mon-
tagnes au milieu desquelles nous nous trouvons ; le pâturage a
tout détruit ; le déboisement est complet. Sur les hauts sommets
(1) J. Miquel. — Note sur la géologie des terrains primaires du départe-
ment de l'Hérault. — Béziers, Imprimerie Azaïs, 1894.
— 133 —
du Minervois la désolation est plus complète encore ; le ravine-
ment, le manque d'arbres ont appauvri et desséché complètement
ce pays ; et il faudra de longs et multiples efforts pour retirer de
ce sol ingrat et dévasté quelques ressources pouvant améliorer
d’une façon sensible le sort de la population.
En avancant sur la route, au milieu des montagnes, voici la
liste des espèces que nous avons pu récolter : Asplenium tricho-
manes forma typica L., Pterotheca nemausensis, Trifolium re-
pens, Euphorbia characias, Geranium lucidum L., Helleborus
niger, Coronilla emerus, Vinea acutifiora Bert, Aphyllantes mons-
peliensis, Thymus vulgaris, Helichriÿsum stæchas, Lavendula la-
ufolia, Buxus semperoirens, Euphorbia amygdaloides, Cratæqus
monogyna, Astragalus monspeliensis , Linum sujffruticosum ,
Genista scorpius, Juniperus oxycedrus. Le Ceterach officinarum
Willd., garnit de ses touffes de feuilles de couleur vert bleuâtre
les fissures des rochers ; plus robuste et bien mieux organisé pour
la lutte pour la vie que l’Asplenium trichomanes à côté duquel 1l
se trouve très souvent, le Ceterach escalade toutes les murailles,
descend au fond des puits, croît dans tous les interstices, et abar-
donnant même les lieux frais et ombreux, il envahit les rochers
exposés aux ardeurs du soleil ; si la sécheresse devient trop intense,
il se replie sur lui-même, recroqueville sa fronde dorée semblable
à une crosse d’évêque et bien longtemps après à la saison des pluies,
il reprend sa forme première et sa fraîcheur d’autrefois. À côté du
Ceterach vient aussi le Polystichum fiix mas dans une grotte
puis l’Asplenium ruta muraria, rue des murailles, qui est assez
rare dans cette région. Cette petite plante, ne vis que sur le terrain
calcaire, c’est un bon réactif quiindique la composition du terrain
et les géologues peuvent mettre à profit la précieuse indication de
cette fougère. Le Polypodium vulqare vient à son tour réjouir nos
regards de ses frondes d’un vert clair qui s’élèvent gracieusement
au-dessus d’un rhizome écailleux, épigé, tandis que les racines
pénètrent seules dans le sol. Assez abondant, 1l se trouve d’ailleurs
partout, dans tous les terrains et à toutes les hauteurs et quoique
vivant quelquefois en pleine terre, il préfère pourtant les rochers,
les murs, les toits, les mousses, les troncs d’arbre. Cette robuste
espèce a produit de nombreuses variétés dont quelques-unes ontélu
domicile dans des lieux appropriés à leur évolution ; le rhizome
gros, charnu, aqueux fournit un suc laxatif qui de nos Jours n’est
plus employé en médecine. Dans les environs de Lodève, cette
— 134 —
plante est désignée dans le dialecte languedecien sous le nom d’A-
lencidos à cause sans doute de la forme allongée de sa fronde. Nous
récoltons encore : Poterium muricatum, Medicago lupulina, Ga-
lium maritimum, Bromus erectus, Leontodon proteiforme, Cly-
peola Jonthlaspi en fruits, Ranunculus bulbosus, Glaucium luteum,
Rœmeria hybrida, Saponaria ocymoïdes, Alyssum calycinum,
Cynoglossum pictum, Ononis minutissima, Convoloulus lineatus,
Saloia verbenaca, Centhranthus calcitrapa, Silene inflata, Picno-
mon acarna, Helianthemum pilosum, Arabis turrita, Silene nu-
tans, Centaurea nigra, Helichrysum angustufolium.
A la Borio Cauquil nous reprenons nos voitures ; la route monte
toujours. Le paysage se transforme. A notre gauche paraît le pit-
toresque village de Cathalo au milieu des prairies et de la verdure.
Quelques hêtres se dressent sur les bords des champs. L’orge, le
sainfoin, la luzerne, le trèfle incarnat surtout montrent que l’on est
dans une région bien différente de celle que nous venons de tra-
verser. Le trèfle incarnat (Trifolium incarnatum) quoique origi-
naire du Midi de l'Europe est absolument inconnu dans la partie
basse du département de l'Hérault. C’est une plante annuelle dont
la culture est restée pendant longtemps très limitéeet ce n’est qu’au
commencement de ce siècle qu’elle a pris un assez grand déve-
loppement. Elle ne donne qu’une coupe, mais c’est un foin très
précoce, très peu exigeant ei qu’on peut cultiver comme récolte
intercalaire. Il existe irois variétés de trèfle incarnat, dont une est
le trèfle incarnat à fleurs blanches ; les deux autres sont le trèfle
incarnat hâtif et le trèfle incarnat tardif ; comme une variété vient
quinze jours avant l’autre, il n’est pas indifférent dans une exploi-
tation de posséder les deux variétés. La culture du trèfle incarnat
convient bien au Midi, car il se développe avant que la sécheresse
ait arrêté la végétation ; il vient dans les terres légères ; après sa
culture on peut mettre des pommes de terre, du mais, de la bette-
rave. Pour le semer on doit ameublir le sol par un léger labour, la
semence est recouverte à la herse ; quand on est pressé on peut
semer et recouvrir au scarificateur. La graine est jaunâtre luisante ;
on peut la falsifier par l’huile ou le soufrage. Les semailles se font
le plus tôt possible en automne. On emploie 18 à 25 kilogr. de
semence pure à l’hectare. Les soins d’entretien sont nuls ; on peut
cependant au printemps répandre un peu de plâtre à la surface de
la culture. La récolte est utilisée en vert et lorsque ce fourrage est
trop sec on le mélange avec du trèfle hybride. .
— 135 —
Depuis quelque temps nous avons quitté le calcaire cam-
brien. A l’auberge basse de Rodomouls nous venons d’entrer dans
les schistes paradoæidiens, qui sont en particulier fossilifères dans
les maisons de Rodomouls.
La route est bordée par de beaux ormes et des platanes sur
lesquels un rossignol chante,souhaitant la bienvenue aux touristes
biterrois. Et nous allons, charmés de la splendeur du paysage.
Bientôt sur le chemin de Pardailhan que nous allons prendre, appa-
raissent MM. Miquel et Sahuc qui viennent rejoindre la Société.
En quittant la grande route nous traversons un beau pointement
de porphyrite et nous rentrons dans les calcaires cambriens pour
pénétrer enfin à mi-côte dans les Grès de Marcory. L'âge de ces
grès est fort en discussion ; M. Bergeron voit en eux du Postda-
mien ou Cambrien supérieur, MM. Miquel, de Rouville et Delage
sont convaincus au contraire que l’on est en présence du Cambrien
inférieur. C'est dans ces grès que sont compris la source de la
Cabosse et le bois de M. Gautier ; le bois de Pardailhan dans lequel
nous entrons a été très étudié au point de vue botanique par le
propriétaire lui-même dont les travaux sont fort appréciés dans le
monde scientifique. Ce bois dominé par le signal de Marcory (800
mètres d'altitude), se trouve dans la zône des montagnes par con-
séquent dans celle du hêtre qui commence à 200 mètres environ
du col de Rodomouls, lui-même situé dans la zône du châtaignier
à 528 mètres d’altitude. Les essences forestières qui s’y trouvent
sont très nombreuses : chêne blanc (Quercus sessiliflora), le hêtre
(Fagus siloatica), le noisetier (Coryla avellana), les Sorbus aria
et torminalis, les Acer monspessulanus et campestre, le Houx
(Ilex aquifolium), le Rhamnus cathartica, l'Arbutus unedo, le
Cerasus avium, le Quercus ilex,le Malus acerba, le Pyrus amy-
daliformis, le Castanea vulquris, le Quercus pedunculata, le
Daphne laureola, ete. On peut aussi voir les clairières garnies
par quelques arbres verts parmi lesquels les Cedrus Uibani, C.
deodora, C. atlantica, le Pinsapo, l’Epicea, le pin d'Autriche, le pin
des Pyrénées, etc., etc., qui y réussissent admirablement. Retenu
depuis quelque temps et pour la même époque par des botanistes
qui se proposent d'étudier la flore des Pyrénées-Orientales, M.
Gautier n’a pu venir nous faire les honneurs de sa propriété et nous
le regrettons vivement, d'autant plus queses connaissances auraient
— 136 —
été d’un grand prix pour nous tous. Quoiqu'il en soit dès notre
entrée dans le bois nous constatons le retard de la végétation par
la floraison de la Ficaria ranunculoides qui a fleuri depuis très
longtemps dans les environs de Béziers. Nous voyons également
l’'Aquilegia vulgaris, puis: Viola permixta, Cephalenthera enst-
folia, Lilium martagon, Sysimbrium alliaria, Trifolium ochro-
leucum, Festuca heterophylla, Matricaria inodora, Chæœrophyllum
tæmulum, Orobanche Rapum, Brunella grandiflora, Carex depau-
perata, Veronica officinalis, Campanula Trachelium, Teucrium
chamædrys, Atropa Belladona, Solanum dulcamara, Sambucus
nigra, S, ebulus, Sarothamnus purgans, Saponaria officinalis,
Fragaria vesca, Rubus Idæœus, ete. Nous cueillons ensuite le P£e-
ridium aquilinum dont la fronde unique s’élève majestueusement
au-dessus du tapis de verdure ; ses frondes n’ont pas encore acquis
tout leur développement et il nous est impossible d’en prendre des
échantillons en état de fructification ; il ne vit que dans les ter-
rains siliceux et sa racine traçante envahit peu à peu d'immenses
espaces dont il est fort difficile de le déloger. Nous nous arrêtons
à la source de la Gouttière pour déjeuner. L’eau court fraiche de
la pente de la montagne et rit heureuse de refléter les fougères dont
elle abreuve les racines ; parmi ces fougères nous cueillons lAspi-
dium angulare qui atteint dans ce site pittoresque des proportions
inusitées ; nous en avons emporté quelques frondes qui mesurent
plus d’un mètre de hauteur ; à côté sur le mur même croit le Cys-
topteris fragilis dont le zone orométrique s'étend de 800 à 2.400
mètres et qui n’a jamais été signalé à Pardaïlhan où M. de Rey-
Pailhade vient de le trouver. -
Nous nous installons ensuite pour le repas qui fut gai et agréable
comme le sont d’ailleurs tous les déjeuners faits par des excursion-
nistes sur qui mai verse la joie à pleines urnes. Puis nous. nous
répandons dans le bois pour herboriser et dès le commencement de
notre course nous trouvons l’Asplenium septentrionale. Cette espèce
saxatile, si petite, si gracieuse, ne vit que dans les fissures des
roches siliceuses. Un peu plus loin paraît : l”’Asplenium adian-
thum nigrum, puis : Anthyllis montana, Lupinus angustifolius,
Medicago Pourretii,Cephalenthera rubra.Galium cruciata,Cirsium
odontolepis, Trigonella hybrida, Nardurus Lachenali, Saro-
thamnus scoparius, Peplis portula, Geranium nodosum, Poly-
gala vulgaris, Allium ursinum, Erythronium dens canis et
l'Evonymus europeus ou fusain ; cetteespèce croit dans les con-
ns AAA
trées tempérées de l’Europe où la forme bizarre de ses fruits lui a
fait donner quelquefois le nom vulgaire de bonnet de prêtre. Toutes
ses parties répandent une odeur un peu nauséabonde ; le bois est
blanc, jaunâtre, très dur, d’un grain fin et serré ; on ne l’emploie
guère qu'aux ouvrages de tour et de marqueterie. Son charbon
sert à la fabrication de la poudre à canon ; avec ses jeunes rameaux
brülés dans un tube de fer, on fabrique les crayons dont on se sert
pour le dessin. Les fruits sont âcres, émétiques et fortement pur-
gatifs ; on retire de ses graines une huile assez bonne à brüler.
Nous escaladons la montagne. La mer de feuillage gravit les
pentes et couronne les hauteurs pendant que la rêverie semble
sortir des feuilles en même temps que le parfum des fleurs et nous
ajoutons à notre récolte : Scilla bifolia, Ornithogalum pyrenaïcum,
Gagea bohemica, Limodorum abortioum, Digitalis purpurea, D.
lutea et leur hybride purpurascens, Armeria bupleuroides, Ribes
alpina, Galium commutatum, Senecio lividus, Hieracium auricula
mais nos recherches ont été vaines pour la Stlene oiridifiora nou-
velle pour la France et que M. Gautier y a signalée ; la connais-
sance des lieux nous faisait un peu défaut et nous allions un peu
à l’aventure.
En continuant notre course dans le bois et en nous dirigeant vers
Coulouma nous constatons la présence de : Ornithopus perpu-
sillus, Sedum aureum, Linaria supina, Loliumitalicum, Juniperus
communis, Arenaria tetraquetra, Saxtifraga hypnoides, Lepidium
heterophyllum Beult. (L. Bithii, Hook), Trifolium lœvigatum Desf.,
Peonia peregrina var. leiocarpa, Agrostis canina, Lathyrus an-
gulatus, Vicia satioa, Moœhringia trinervoia, Polystichum filix
mas forma typica et var. deorso lobata. (De Rey-Pailhade).
Nous quittons enfin la forêt. Nous traversons un champ de blé où
croit le Ranunculus chærophyllos et le bluet (Centaurea cyanus),
qui comme le Papaver rhœas paraît être originaire de l’Orient.
Cette jolie espèce a été assez commune aux environs de Béziers à
l’époque où le phylloxera avait obligé l’agriculteur à substituer la
culture des céréales à celle de la vigne. Depuis, le bleuet a dis-
paru des environs immédiats de Béziers.
Après Pont Guiraud ou Pardailhan nous traversons le Verna-
zobres. Le pays devient sec ; son aspect est désolé ; la végétation
est rabougrie, très ligneuse : le Plantago carinata abonde, nous
récoltons le long du chemin jusqu’à Coulouma : Æhamnus fran-
— 138 —
gula, Carum Bulbocastanum, Cirsium eriophorum, Carlina cy-
nara, Arbutus uoa ursi appelé vulgairement bousserolle, le Vacci-
rnium myrtillus, airelle myrtlle, qui vient au bas des rochers. Ce
charmant petit arbrisseau est commun dans les bois de montagne;
ses baies sont comestibles et servent à faire des confitures ou des
boissons fermentées ; on les emploie aussi dans la teinture. Nous
arrivons bientôt à la fontaine de Coulouma et de là au village,
nous pouvons encore recucillir Scabiosa succisa, Montia minor,
Lysimachia nemorum.
Enfin nous voilà à Coulouma, petit village misérable, très cu-
rieux, construit au milieu d’un sol stérile et dont les ruelles, oh
combien différentes de celles de Béziers, sont pavées de belles dalles
de marbre scintillant au soleil. Coulouma est la terre promise du
géologue ; c’est l’excursion signalée et recommandée tout spécia-
lement à la Socièté par M. Miquel qui enrichit tous les jours sa
faune de nouvelles trouvailles,
Je ne pourrai mieux faire que de citer textuellement un grand
nombre d’extraits de ses études géologiques sur le Cambrien de
l'Hérault (1), mais je ne dois pas oublier que mon travail n’est
qu’un compte rendu, déjà peut-être trop long. Aussi ne donnerai-je
qu’un rapide résumé de la géologie de Coulouma vous priant de
vous rapporter à la collection de nos annales. Coulouma est bâti
au centre de la grande bande calcaire qui traverse la communede
Pardailhan à travers la chaîne de Marcory. Ce calcaire appartient
au Précambrien de M. de Lapparent appelé actuellement Archéen ;
c'est lui, comme le dit M. Miquel, qui constitue la base de notre
géologie. On trouve tour à tour sur ce calcaire, les Calschistes
amygdalins, les calschistes bleus, verts ou lie de vin et surtout
les schistes jaune sale qui commencent à 200 mètres du villageet
qui reposent directement sur le Cipolin. C’est dans ces schistes
que M. Miquel a retrouvé une faune spéciale et découvert de nom-
breux fossiles nouveaux ; cette faune primordiale est certainement
une des plus belles qui soient connues : on y trouve Conocoryphe
Rouayrouxi M. Ch. et Berg. qui est avant tout le fossile caracté-
ristique de Coulouma, Conocoryphe Leoyi M. Ch. et Berg., Co-
nocoryphe coronata Barrande, Paradozides rugulosus Corda,
(1) Notamment : « Note sur la Géologie des terrains primaires du dépar-
tement de l'Hérault de St-Chinian à Coulouma. » Bull. Soc. Sc. Nat. de
Béziers. 1893. p. 100 et suiv.
-— 139 —
Agnostus Sallesi, M. Ch «et Berg., Trochocystites Barrandei M.
Ch. et Berg., des discines et un bon nombre de pièces encore indé-
terminées parmi lesquelles cette magnifique Cystidée que M. Miquel
a proposé de dédier à M. Cannat sous le nom de Trochocystites
Cannati. « Tout autour des schistes à paradoæides se dressent au
« couchant et au midi, au-dessus de la formation et en stratifica-
« tion concordante avec elle, des bancs de grès quartziteux, qui
« couronnent les crêtes des montagnes voisines et délimitent le
« Cambrien avec une netteté parfaite. C’est la base du Posicam-
(« brien, au sud la délimitation est moins apparente ; le terrain est
« plus tourmenté ; mais si le point de passage, recouvert dans les
« vallées par les éboulis, est plus difficile à déterminer, on re-
« trouve sur les collines le même toit quartziteux. (1). »
Les environs de Coulouma possèdent aussi plusieurs grottes. La
grande grotte de Coulouma est située sur la source du ruisseau de
Barroubio. C’est une salle ovale de 15 mètres de long sur 10 de
arge. M. Miquel y a recueilli des ossements variés, des poteries
noires et lustrées, toutes constellées de paillettes de mica, une belle
pointe en cuivre, un moule à couler les fibules et des outils en fer.
« Les troglodytes de l’âge du fer vécurent pendant qu’autour d’eux
« l’histoire prenait possession du pays. Il est probable qu'ils zepré-
« sentaient surtout une classe déshéritée, traquée par de nouveaux
« venus, et vivant misérablement dans nos montagnes, pendant
« que les peuplades voisines avaient atteint une civilisation plus
« avancée et habitaient les camps celtiques et les oppida. (2). »
Aux environs de Coulouma existent aussi des abris sous roche
et en face la grande grotte s’en trouve une seconde plus petite ca-
chée dans des rochers et au milieu des broussailles. On y a trouvé
huit ou dix squelettes appartenant tous à des hommes adultes,
orands à peine de 1M50 à 1m60, mais trapus et vigoureux. « L’un
« des squelettes avait à ses côtés une belle épée en fer de 30 centi-
« mètres de long. Près de la tête, un vase renfermait les os d’un
« oiseau de la grosseur du perdreau ou du coq de bruyère. C’est
« certainement la part du mort, ses provisions de route, c’est là
(1) J. Miquel. — Note sur la Géologie des terrains primaires du départe-
ment de l'Hérault : Saint-Chinian à Coulouma in Bull. Soc. d'Et. Sc. Nat.
de Béziers.
(1) Jean Miquel. — Saint Pons préhistorique et Gallo-Romain.
— 140 —
« l’indice d’un sentiment de religiosité, d’une croyance à une nou-
« velle vie. (1). »
Au retour, M de Rey-Pailhade, qui pendant notre course à
Coulouma a bien voulu guider les botanistes restés dans le bois de
M. Gautier, me montre un pied de Ceterach officinarum Willd.
var. crenata (de R.-P.) dont les lobes sont légèrement crenelés
et qui craissait au fond d’un ravin sous d’épais buissons ; un peu
plus loin à l’ombre d’une haie, dans un sentier frais et ombreux
venait le Polypodium oulgare var. aurita (de R.-P.) dont les
lobes inférieurs sont pourvus d’une oreillette.
Nous arrêterons là la liste des découvertes et des remarques de
la journée. Nous avons eu trop peu de temps pour visiter une ré-
gion aussi intéressante ; reprenons les omnibus qui doivent nous
emporter à Saint-Chinian et arrêtons ici notre compte rendu.
Séance du 17 Juillet 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs :
MM. Jaussan Joseph, pépiniériste, présenté par MM.
Cannat et Moulins-Cambon.
Gély, avoué, rue Bonsi, présenté par MM. Cannat
et Paul Louis. |
Daïsse, huissier, présenté par MM. Bourdié et
Cannat.
Galibert, avenue Gambetta, présenté par MM.
Cannat et Duprat.
CORRESPONDANCE. — M. Escot, de Cabrières, parle des
excursions qu’il se propose de faire avec M. le Président
, et promet un envoi de fossiles.
(1) Jean Miquel. — Saint Pons préhistorique et Gallo-Romain,
fr —
Excursions. — M. le Président donne les derniers
renseignements sur l’excursion de la Franqui.
SUSPENSION DES SÉANCES. — La Société selon l’usage
décide de suspendre ses séances jusqu’en Octobre.
EXCURSION
Le 21 Juillet a eu lieu une excursion à Leucate et à la
plage de la Franqui (75 excursionnistes).
HAS
REPRISE DES SÉANCES
Séance du 30 Octobre 1895. — Présidence de M. Cannat
ELECTIONS. — L'ordre du jour appelle l'élection du
bureau pour l’année 1895-1896.
La liste proposée par le bureau sortant est élue à lu-
nanimité des votants (116 voix).
Commissions. — M. le Président donne communica-
tion de la décision du bureau du 3 Octobre sur la nomi-
nation des Commissions. Le bureau propose la nomi-
nation à la séance du vote des deux commissions : 40
des Excursions ; 20 des Conférences. (Adopté).
La commission des excursions est ainsi composée :
10 le bureau ; 20 MM. Daiïsse, Jalabert, Lamouroux, Hu-
bert, Empereur, Moulins-Cambon, Guibert, Nivière,
Comps, Capitaine Griffe, Bouttes, Gélys, P. Bert, Bour-
dié, Fourment, Duprat, Antonin Moulin, Trémont, Bü-
Ther, Migron, Reverdy Joseph, Slizewicz, Durand, Miquel,
Maignal, Lecavellé, Marius Bédry, Roques, Belleudy,
Hérisson.
La commission des conférences est ainsi composée :
1o le bureau ; 20 MM. Aïn, Combes, Clavel, Lafoi, La-
mouroux, Boulouys, A. Moulin, Thomas, Reverdy Eu-
gène, Reverdy Joseph.
Séance du 6 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat
Dons. — Fossiles tertiaires des environs de Béziers,
par MM. Nivière, Carles et Hubert.
459 —
Ammonites et Belemnites de la Gardiole par M. Henri
Michel, étudiant en médecine.
CORRESPONDANCE. — l’Université de l'Etat de New-
York remercie de la réception de notre Bulletin.
La Société royale des sciences de Liège demande des
volumes VI à X du bulletin. Adopté.
M. de Rouville recommande l'étude de lAquitanien
de Nissan.
La I. R. Academia degli agiati de Rovereto n’a pas
recu le bulletin de la Société qui lui avait été cepen-
dant envoyé et annonce de sa part un nouvel envoi. Le
bulletin lui sera à nouveau envoyé.
La Société des sciences naturelles de Nîmes désire
recevoir les tirages à part de zoologie que nous voudrons
bien leur envoyer. Adopté.
La Société des Naturalistes luxembourgeois remercie
de l’envoidu bulletin et offre de compléter la collection.
M. le Ministre de l’Instruction publique accuse récep-
tion des 195 exemplaires de notre bulletin qui seront
transmis aux Sociétés savantes.
La famille Marc, de Nissan, envoie une lettre de faire
part du décès de M. Jules Marc, 24 Août 1895, membre
correspondant fondateur de notre Société et rapporteur
de plusieurs excursions. La Société s’associe à la douleur
de la famille.
M. le secrétaire de la Société des sciences du Puy offre
à la Société un volume du Guide du Puy et donnera tous
les renseignements qui pourraient lui être demandés.
La Société scientifique du Chili à Santiago annonce
l'envoi de la Vme livraison du Tome IV de ses actes.
M. J. Miquel communique à la Société qu’il a fouillé
de nombreuses grottes dans l'Aude, avec M. Sicard de
Rivière. Au retour d’une des excursions, le château et
—. M
particulièrement le Musée de M. Sicard de Rivière ont
été la proie des flammes. On a à déplorer outre la perte
de nombreuses collections de tous les terrains, une
grande galerie de préhistorique dans laquelle étaient des
échantillons uniques, résultat des trouvailles de M. Si-
card, infatigable explorateur des grottes.
L’Academy of natural Sciences of Philadelphie de-
mande les bulletins de 7 à 10. Adopté.
M. le Président donne lecture du discours suivant :
MESSIEURS,
Vingt années se sont écoulées depuis le jour où, pour la première
fois, vous avez bien voulu nous confier la mission d’administrer
notre Association naissante. Et depuis lors, chaque année, vous
nous avez renouvelé le même mandat par un nombre toujours crois-
sant de suffrages. Cette fois, c’est par 116 voix que vous nous avez
fait l'honneur de nous appeler encore à servir de notre zèle et de
notre dévouement les intérêts de notre Association mainteuant
grandie et prospère.
Je suis chargé au nom de votre bureau tout entier de vous dire
combien nous sommes fluttés et reconnaissants d’un si éclatant
témoignage de votre confiance et de votre sympathie.
L'usage veut qu’à cette séance de rentrée, 1l vous soit donné un
relevé des événements accomplis, des résultats obtenus et qu’il
vous soit soumis le programme des efforts toujours nécessaires pour
maintenir à notre Association la bonne réputation qu’elle a su
acquérir et la faveur qu’elle a su mériter.
À peine trente-cinq membres actifs lors de sa fondation, nous
sommes aujourd’hui près de deux cents. Les séances quoique très
souvent répétées, puisqu'elles sont hebdomadaires, sont suivies par
un nombre toujours plus grand de sociétaires et d’auditeurs, et
elles ont eu ce privilège exceptionnel, cette année, que beaucoup
de nos sociétaires ont bien voulu par des conférences, des lectures,
des comptes rendus, remplir nos ordres du jour dont l'intérêt va
grandissant.
— M6 =
Dans cette seule session, vous avez entendu les comptes rendus
d’excursion de M. Lamouroux (Agde et Reals), de M. Mouiin (St-
Remi, les Baux), de M. J. Crozals (Carcassonne et le Caroux), de
M. Buülher (Armissan), de M. Carles (Coulouma), et comme inno-
vation, le rapport de M. Maffre en néo-roman sur l’excursion de
Lamalou. Une sérieuse étude géologique de M. Miquel, Essai de
Statigraphie générale, est une primeur réservée chaque année à
notre Association et fort goûtée des vrais géologues.
La botanique n’a pas été oubliée. M. Carles vous a lu son travail
intitulé la Botanique à Béziers, résultat de longues recherches,
pieux hommage rendu à nos prédécesseurs. M. de Rey-Païilhade
vous a démontré la multiplication des Fougères. M. Crozals a
retracé la vie intime du célèbre botaniste Duchartre. M. Carles
vous a parlé de la naturalisation des plantes. M. Lafoi à réuni la
Botanique et l’Entomologie en parlant une fois du Mildew, une
autre fois de l’Altise. M. Séguy, entomologiste, vous a montré
l’'Anonta sullosa dont il a décrit les mœurs. M. Carles a indiqué
les procédés d’hybridation de la vigne.
La chimie non plus n’a pas été négligée, et les jolies études de
MM. Hubert, sur l’Argon, Llizewiez, sur la Stérilisation de l’eau
et Nivière surla Srlice dans la végétation, vous ont montré l'attrait
des sciences expérimentales quand elles sont si bien présentées.
M. Migron, praticien habile, a traité devant vous deux questions
d’arboriculture fructifère et M. Boïlève vous a intéressés aux efforts
et aux résultats si brillants obtenus par la Société philomatique
dans l'Exposition de Bordeaux.
Cette année, des causeries avec lecture ont eu lieu pour la pre-
mière fois, et leur succès nous engage à les renouveler. M. le sous-
préfet Belleudy, membre honoraire et membre actif à la fois, a bien
voulu avant notre grande excursion, nous faire une lecture sur
Marseille anecdotique. M. Lacaze a lu une relation de son voyage
en Aragon.
Que d’attrait n’y a-t-il pas pour nos séances, en les voyant si
bien remplies, grâce au dévouement de chacun des vôtres. Votre
Bulletin qui en, est le compte rendu et le reflet se ressent de cette
activité ; celui que vous avez reçu cette année, se recommande par
son grand développement et l'importance croissante des travaux.
M. Granger, de Bordeaux, nous a donné une Classification des
oiseaux utiles ét des oiseaux nuisibles à l’agriculture, qui lui a
— 146 —
valu de nombreuses lettres de félicitations. Nul doute que dans les
arrêtés qui sont pris chaque année pour les prohibitions ou les
autorisations de tel ou tel gibier, on ne tienne un grand compte des
travaux personnels du naturaliste qui fait part de ses études et de
ses expériences, de ses savantes et patientes recherches.
Notre trop modeste collègue, M. Miquel, de Barroubio, si sym-
pathique à nous tous, vous donne chaque année une nouvelle ap-
préciation de la succession des couches dans notre système local
et dans la géologie générale.
Une première année, 1l signala un renversement à admettre dans
la classification des couches du Cambrien, et sans conteste, sa ma-
manière de voir fut partagée par tous les géologues. Une deuxième
année, il a publié une nouvelle modification à la classification de
lArenig, qui vient de paraître dans le bulletin. Il vous a lu en ces
derniers temps sous le titre Æssat de stratigraphie générale, une
note qui indique que les développements marqués dans toutes les
cartes géologiques et dans tous les traités du granitique de la Mon-
tagne Noire, doivent être considérés désormais non comme primi-
tifs, mais comme paléozoïiques métamorphisés. Cette opinion adoptée
par nos maîtres en géologie sera désormais la base incontestée de tout
traité et de toute carte de la région. M. Miquel, travailleur infati-
gable, nous réserve de nouvelles notes pour les années suivantes.
Nous remercions notresavant collègue de ce qu’il veut bien réserver
au bulletin de notre Société, la primeur de ses trouvailles dont
vous appréciez tous l’importance.
M. de Rey-Pailhade a publié en deux fois (bulletins de 1893 et
1894), la Fiore des Fougères de France. Ce beau travail enrichi
de remarquables dessins dus au crayon de M. de Rey-Pailhade
lui-même est d’une netteté et d’une vérité telle que la détermi-
hation des espèces en est bien facilitée. Vivement engagé par les
maitres en botanique actuelle et en paléontologie végétale, M. de
Rey-Pailhade se propose de nous donner la suite des cryptogames
vasculaires.
Les comptes rendus si gracieux de nos courses à Roqueredonde
par M. Reverdy ; au Malpas, par M. Lamouroux ; à Cessenon et
au Foulon, par M. P. Carles, sont un souvenir permanent de ces
belles journées.
Enfin les travaux pleins d’érudition, de MM. Moulin et Lamou-
roux, sur nos grands voyages de l’année (Vaucluse — le Pont du
Gard) clôturent dignement le volume qui vient de vous être adressé.
ne 14 A
Les récoltes faites dans nos courses, les dons de nos collègues
s’entassent dans nos tiroirs en attendant que la ville puisse mettre
à exécution le désir qu’elle a depuis longtemps de disposer le tout
en Musée. Faute de place nous n'avions pu jusqu’ici recevoir le
bel herbier de notre président fondateur, M. le Docteur Théveneau,
donné gracieusement à la Société par la famille. M. Benoit, l’un
de nos collègues fondateurs, a généreusement offert un vaste local
qui renfermera l’herbier possédé déjà par la Société et celui de M.
le donateur qu'elle pourra recevoir désormais. Pour remercier M.
Benoit notre collègue, et accepter en même temps sa proposition,
vous avez par votre vote chargé M. Benoit des fonctions de con-
_servateur des herbiers.
Nos herborisations assez fréquentes, mais suivies dès le début
par un petitnombre, nos courses géologiques ont pris depuis un tel
développement, que plusieurs, sont devenues, de véritables voya-
ges. La variété des sites est plus grande, les excursionnistes sont
plus nombreux, cette année vous y avez engagé non-seulement des
invités, mais les familles des sociétaires et celles des invités.
Ici, Messieurs, et bien que le soin de peindre la physionomie dé
nos excursions et d’en déterminer le caractère, appartienne exclu-
sivement à nos savants rapporteurs, permettez-moi de mentionner
les bons résultats produits par l’admission des familles dans ces
courses au dehors. Cette heureuse innovation date de notre visité
au Malpas. Depuis lors, il semble qu’une ardeur nouvelle a présidé
à la formation de nos groupes de chercheurs et de touristes. On à
retrouvé ainsi en pleine campagne, un esprit de famille, de civilité,
empreint de grâce et de réserve à la fois dont le prestige a su attirer
dans nos rangs les personnes qui avaient pu être éloignées autre-
fois par la rigueur et la sévérité de la science abstraite et n’osaient
se joindre à nos promenades scientifiques. Toutle monde sait désor-
mais que c’est sans efforts ni tension d’esprit que nos excursion-
nistes quels qu’ils puissent être, pourront toujours trouver à glaner
quelques faits, quelques connaissances intéressantes et mener de
front à la fois, des plaisirs sains, détente des soucis journaliers et
des remarques et conversations sur des sujets scientifiques, source
bien variée de connaissances.
Aussi dans les dix excursions de cette année, avons-nous pu
compter 521 inscriptions, ce qui fait 52 personnes en moyenne. Les
? grandes excursions de Pâques et de Pentecôte sont surtout très
— 148 —
suivies ; c’est par elles que nous avons pu en outre établir etconso-
lider nos relations avec les sociétés de Carcassonne, de Gênes, de
Barcelone, de Nîmes, de Toulouse, dont plusieurs envoient des dé-
légués pour nous accompagner et fraterniser dans nos grands voya-
ges. Cetteannée, notre visite à Perpignan nous a mis en relations
avec la Société agricole des Pyrénées-Orientales dont le Président,
M. Ferrer, nous a reçus dans le local ordinaire des séances. M. le
Docteur Donnezan, président de la section des sciences, nous a
fait visiter les Musées de la ville et ses collections particulières, si
riches en vertébrés pliocènes très habilement découverts, préparès
et arrangés par lui ; vous avez applaudi à sa récente nomination
comme chevalier de LU Légion d'honneur.
Si l’ardeur de nos excursionnistes se maintient si vive, il ice
reconnaitre que vous le devez à la commission que vous avez créée
depuis deux ans. Vous avez voulu que les membres les plus assidus
aux excursions de l’année formassent, avec le bureau, la grande
commission chargée de dresser la liste des excursions pour l’année
à venir. Ils peuvent par expérience choisir les sites les plus inté-
ressants, les régions les plus agréables à visiter.
En voyant avec quelle impatience les propositions de votre com-
mission sont attendues chez nous et même dans le public, avec quel
empressement les membres convoqués se rendent en totalité aux
séances de la commission, on ne peut quese prendre à espérer un
succès toujours croissant chaque année et pour notre Association
un avenir de prospérité dû au concours de vous tous.
Je puis vous assurer aussi que vous pouvez compter sur le zèle
et le dévouement de ceux que vous avez appuyés de vos votes et
honorés de votre confiance.
Séance du 13 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — Sont admis comme membres actifs :
MM. J. Bassou, présenté par MM. Etienne Roque et
Cannat.
Aureau, directeur du Comptoir d’Escompte, présenté
par MM. Jean et Henri Crozals.
— 119 —
BiBciornèque. — M. de Rouville envoie un travail sur
la Géologie du canton du Caylar dont il est l’auteur.
CORRESPONDANCE. — La Société Nederlansch Bota-
nische demande les bulletins de 7 à 10. Adopté.
M. Viguier, Docteur ès-sciences, offre un travail pour
le bulletin. Adopté.
Boston Society of Natural History, annonce l’envoi de
son bulletin, t. 15.
M. le Président de la Société des Sciences naturelles
de Saône-et-Loire, demande l'échange des publications
avec cette Société récemment réorganisée. Adopté.
Il est donné communication du décès de M. Pierre
Vieu, 13 Septembre 1895.
La Société de Boston, accuse réception des bulletins
7 à 10.
M. Albert Granger engage la Société à envoyer un dé-
légué à Pexposition de Bordeaux. M. le Président Cannat
et M. Boilève, secrétaire, ont été reçus comme nos dé-
légués par la Société philomathique de Bordeaux.
M. G. Mingaud, secrétaire-général de la Société de
Nimes, remercie des brochures que nous lui avons
adressées. |
L'Académie d’Aix adresse une liste de souscription
pour ériger un monument à Peyresc.
L’Académie de Rovereto nous annonce un nouvel en-
voi de bulletins.
M. Granger, de Bordeaux, demande quelques exem-
plaires des Oiseaux utiles et nuisibles et communique
les lettres de félicitation à ce sujet.
COMMISSION DES CONFÉRENCES. — M. Charles Arnaud,
rapporteur, donne lecture du compte rendu de la séance
de la commission des conférences. Les décisions de cette
commission sont approuvées par la Société. Une grande
— 150 —
conférence faite par le Mandarin Ly-Chao-Pée aura lieu
dans la salle du grand théâtre.
BANQUET. — La Société décide que le banquet annuel
aura lieu le 7 décembre et délègue M. Duprat pour l’or-
ganiser.
COMMUNICATIONS. — M. le Président est allé pendant
la durée des vacances à Rodez où il est entré en rela-
tion avec l’Académie des sciences de Rodez. M. Gassaud,
vice-président, a dit combien la société de l'Aveyron
serait heureuse d’entretenir avec celle de Béziers les
relations les plus suivies et faire ensemble des courses
géologiques.
M. le Président a été reçu à Bordeaux par M. lingé-
nieur Avril, secrétaire-général de la Société Philoma-
thique.
CONFÉRENCE. — M. le Président donne lecture du
travail suivant, de M. Viguier, Docteur ès-sciences.
— 151 —
L'ÉCLAIRAGE DANS LES MINES A GRISOU
EE
LES MILIEUX EXPLOSIFS
Par M. VIGUIER, Membre honoraire
J’adresse à la Société un exemplaire d’une brochure sur les lam-
pes de sûreté système Fumat (1), qui m’a êté gracieusement offerte
par l’auteur pendant une visite que j'ai faite sous sa direction,
dans le bassin houiller de La Grand-Combe.
Jette publication étant exclusivement technique, je crois que
quelques développements de vulgarisation pourront intéresser soit
ceux de mes collègues de la Société qui ont eu l’occasion de visiter
des houillères, soit ceux qui auraient à pénétrer, pour une cause
quelconque, dans des locaux où des gaz, vapeurs, ou seulement
même des matières très combustibles, se trouvent en présence de
Pair. En effet, d’après les expériences de Majendie, Dupré et
Reäwood, les conditions nécessaires pour mettre le feu à un mé-
lange explosif d’air et de vapeurs d'huile minérale sont à peu près
les mêmes que pour les mélanges d’air et de gaz d'éclairage, et un
règlement récent va rendre obligatoire l’emploi des lampes de süreté
à bord des navires pétroliers ancrés dans nos ports.
La lampe Fumat a franchi depuis plusieurs années déjà, les
portes des laboratoires d’essai et est entrée avec succès dans une :
sérieuse pratique courante. Employée d’abord dans les mines, un
premier modèle a été aussi mis en service par le colonel Coustou,
pour les sapeurs-pompiers de la ville de Paris, qui ont souvent à
pénétrer dans des lieux où l’on soupçonne l’existence de mélanges
combustibles d’alcoo!l, d’êther, d’essence de pétrole, etc. On trouve
une description de cette lampe, description accompagnée d’une
figure, dans les dernières éditions du manuel de chimie de Troost
où étaient auparavant décrites les lampes plus anciennes de Davy
et de Combes et, comme l’a dit M. Daubrée, dans son rapport à
(1) Note sur les lampes de sûreté système Fumat, par M. Victor Fumat,
ingénieur en chef de l'exploitation des mines de la Grand-Combe. Extrait
du bulletin de la Société de l'Industrie minérale, 3° série. T. VI, 4 livraison.
— St-Etienne 1892.
— 152 —
l’Académie des sciences : « La lampe Fumat constitue un progrès
sérieux dans l'éclairage des mines à grisou ». Je ne pouvais donc
saisir de meilleure occasion pour résumer une question des plus
importantes.
Le grisou, hydrogène protocarboné, hydrure de méthyle, hydrure
de méthylène, méthane, formène, gaz des marais : dont la formule
est C H #, est un gaz incolore, probablement inodore si il est pur,
peu soluble dans l’eau, nullement toxique, ne provoquant l’as-
phyxie qu’à la manière de l’azoie, et dont le poids du litre est de
0 gr., 717. Il forme comme l’on sait avec l’oxygène de l’air atmos-
phérique des mélanges détonants dont l’inflammation est un des
principaux dangers de l’exploitation des houillères. Sans m’arrêter
à son étude spéciale, je rappellerai que l’on admet généralement
aujourd’hui que le grisou s’est formé en même temps que la houille
elle-même et est le résultat normal dela décomposition des matières
végétales. Le gaz des marais qui se forme de nos jours et qui a une
composition identique, est un exemple de cette réaction. Renfermé
dans les pores de la houille, le grisou n'y est maintenu que par les
pressions extérieures et, toutes choses égales d’ailleurs, il se dégage
d’autant plus abondamment que les travaux abordent des couches
plus profondes. |
Dans les mines autres que les mines de houille, le grisou bien
que très rare, peut se rencontrer néanmoins et doit son origine à
des réactions peut-être différentes. D'ailleurs le grisou des houil-
lères n’est pas toujours à l’état de pureté ; on a signalé dans ce
. grisou jusqu’à 20 0/0 d'hydrogène bicarboné, et quelques autres gaz
parmi lesquels l’acide carbonique et l’azote. La nature et l’origine
de ces mélanges sout encore assez mal connus.
En présence de cette possibilité d’inflammation, on imagine faci-
lement que, entre autres causes à éliminer, l’éclairage des travaux
des mines à grisou soit un problème qui n’ait pas cessé depuis de
longues années, d’exciter la sagacité des ingénieurs et des savants.
Ce problème comprend deux parties distinctes : dans la première,
dont je n’ai pas à m'occuper ici, on doit d’abord apprendre à éviter
par un aérage bien combiné, les grandes accumulations de grisou
dans les galeries. On n’a plus alors qu’à prévenir l’inflammation
des dégagements quotidiens, prévus où imprévus, et le danger se
trouve déjà de ce fait considérablement diminué.
nt et de di -
— 153 —
Sans faire l’historique des anciens procédés d’éclairage, absolu -
ment mauvais au point de vue de la sécurité, de l'intensité, de la
facilité, ou enfin du prix de revient ; je dirai que ces procédés
étaient seuls en usage jusqu'aux premières années de ce siècle. A
cette époque, une série d’accidents désastreux survenus dans les
houillères d'Angleterre appela de nouveau l’attention sur la ques-
tion et fit absolument désirer une solution pratique. Le célèbre
chimiste Davy sollicité de divers côtés, aborda le problème, et le
9 Novembre 1815 il exposait à la Société royale le résultat de ses
recherches dans son mémoire : € On the Fire-Damp of Coal Mines,
and on methods of lighting the mines so as to prevent its explo-
sion. » De ce jour date la première voie vraiment fructueuse ouverte
dans cet ordre de recherches. Davy présenta ensuite à la même
Société, le 11 Janvier 1816 une lampe de mine, construite d’après
ses principes, dans laquelle la flamme était enveloppée par une toile
métallique formée de fils de Onm,32 de diamètre et comptant 121
mailles au centimètre carré ; cette enveloppe refroidissait suffisam-
ment les gaz combustibles qui la traversent pour empêcher leur
inflammation. De plus Davy avait remarqué que la combinaison
du grisou et de l’air n'avait lieu qu’à une température élevée (6509,
c’est-à-dire au rouge sombre, d’après les récentes expériences de
MM. Mallard et Le Chatelier) ; dès lors inversément quand un
mélange détonant de grisou et d’air arrive au contact de la flamme
dans la lampe, la petite portion qui a traversé la toile détone seule
tandis que les gaz enflammés ne la traversent pas et leur combi-
naison ne se propage pas au dehors. Par le fait de la détonation
la lampe s'éteint souvent.
Avant d’aller plus loin disons tout de suite pour être exact que
les propriétés des toiles métalliques avaient été déjà constatées de-
puis le XVIIme siècle, par divers savants, mais personne n’avait
songé à en tirer parti et ajoutons aussi que, en même temps que
Davy, George Stephenson, alors encore presque simple ouvrier,
créait une lampe qui, bien que un peu différente était basée sur les
mêmes principes. S1 la lampe de Stephenson fut éclipsée à cette
époque par celle de son célèbre concurrent, elle présente cependant
certains avantages particuliers et, avec plus ou moins de modifi-
cations, est encore en usage dans plusieurs mines d'Angleterre.
La lampe de Davy n'était pas en effet sans inconvénient. Elle
éclaire très peu : 1/10 de bougie environ. Les 2/3 de la lumière étant
— 154 —
retenus par les toiles métalliques dans lesquelles on était arrivé
pour plus de sûreté à abaisser à 0 mm, 25 le diamètre des fils et à
porter à 210 le nombre des mailles au centimètre carré. Les fils de
cette toile, plus ou moins usés ou rongés par la chaleur peuvent
laisser passer la flamme à l’extérieur. Un courant d’air violent,
mélangé de grisou, comme on est exposé à en rencontrer dans les
galeries de mines, peut aussi projeter la flamme sur la toile ou
même au dehors, et déterminer une explosion ou tout au moins
éteindre la lampe.
Des perfectionnements étaient nécessaires ; avant d’en parler,
rappelons les principales qualités que l’on devait chercher à réunir :
la lampe doit donner une lumière bien suffisante pour le travail.
Elle doit rester allumée quoique plus ou moins secouée et placée
dans la position inclinée. La flamme ne doit pas passer au dehors
lorsqu'elle est soumise à un violent courant d’un air devenu déto-
nant par son mélange avec le grisou. De même, lorsque la lampe
s’est remplie peu à peu d’un mélange gazeux détonant et qu'il s’y
produit une explosion intérieure, cette explosion ne doit pas se
propager au dehors. Enfin, placée dans une atmosphère contenant
une certaine proportion de grisou sans être encore explosible, l’élé-
vation de température qui se produit à l’intérieur de la lampe ne
doit pas suffire pour amener au rouge les toiles métalliques pro-
tectrices.
Pour satisfaire à ces desiderata, de nombreuses recherches ont
été faites en Angleterre, en Belgique, en France, en Allemagne, et
à diverses époques ont paru des lampes apportant des perfectionne-
ments plus ou moins utiles aux modèles primitifs de Davy et de
Stephenson. À ces perfectionnements, se rattachent les noms de
Chevremont, Roberts, Dumesnil, Mueseler, Combes, Marsaut,
Ashworth, Clifford, etc., etc. Si plusieurs des modèles ainsi propo-
sés étaient bien supérieurs aux premiers types, quelques-uns même
presque parfaits, soit au point de vue de l’éclairage, soit à celui de
la sûreté, aucun ne satisfaisait d’une manière absolument complète
à tontes les conditions possibles et les accidents, imputables à la
lampe seule étaient encore relativement nombreux. Il résulte des
statistiques publiées par M. Le Chatelier dans son livre sur le
grisou, que, pour la seconde moitié de ce siècle, sur 100 ouvriers
tués dans les mines, 27 le sont par des explosions de grisou, sur
lesquels 6 environ par suite d'accidents quelconques dûüs aux lam-
pes de süreté.
— 155 —
Il était surtout difficile, à lumière égale, de mettre la lampe à
lPabri des courants d’air un peu forts ou de la garder allumée dans
des positions inclinées. En présence de ces exigences, les efforts
des chercheurs se divisèrent et un certain nombre d’entre eux
abandonnant résolument les anciens procédés, étudièrent les appli-
cations de l’électricité à l'éclairage des mines. C’est précisément
dans les galeries grisouteuses de la Grand-Combe que fut fait, en
1862, un des premiers essais d'éclairage par les tubes de Geissler
(lampe photo-électrique de Benoît et Dumas) ; mais aujourd’hui
encore où les lampes à incandescence ont facilité Je problème, il ne
paraît pas qu’une solution réellement pratique soit près d’être four-
nie par la méthode électrique, au moins dans ce qui a trait à
l’exploitation des mines à grisou.
Sans parler du prix de revient de l'éclairage à l'électricité, il faut
noter que la flamme elle même des lampes jouit d’une propriété
précieuse que la lumière électrique ne paraït pas avoir encore permis
de remplacer, c’est de présenter des phénomènes d’altération spé-
claux à mesure que la proportion du grisou augmente dans l’atmos-
phère ambiante. Le minceur peut ainsi sans grisoumètre spécial, tâter
en quelque sorte le pouls au grisou et se conduire en conséquence.
Dans les locaux qui peuvent renfermer des vapeurs explosives, la
lampe de sûreté ordinaire ne présente pas certainement des pro-
priétés aussi bien étudiées, qui peuvent d’ailleurs être masquées en
_ partie parait-il par la présence de l’acide carbonique, mais elle
conserve toujours sur les lampes à incandescence portatives, l’avan-
tage de ne nécessiter guère d'autre entretien que le simple garnis-
sage, et de ne pas être exposée à des ratés imprévus lorsque on la
reprend après l’avoir laissée de côté plus ou moins longtemps.
La lampe Fumatest l’œuvre d’un ingénieur convaincu desavan-
tages du principe de la lampe Davy et j'arrive maintenant à en
parler. Tout le monde a, plus ou moins, vu figurée, au moins dans
les ouvrages de vulgarisation, la lampe Combes qui a été long-
temps employée en France et qui sedistingue de la lampe Davy par
un cylindre de verre remplaçant une partie de la toile métallique
et permettant un meilleur éclairage. 11 me suffira donc, pour le
simple but que je me propose ici, d'indiquer les points essentiels
qui distinguent la nouvelle lampe de La Grand - Combe, sans en
entreprendre une description détaillée que l’on trouvera d’ailleurs
dans la brochure spéciale.
.—— 156 —
La lampe Fumat a la forme, habituelle aux lampes de mine, d’un
cylindre de 7 centimètres de diamètre sur 25 centimètres de hau-
teur. Très robuste, elle pèse, garnie, environ 1100 grammes. Le
point original de son fonctionnement est que, comme dans nos lam-
pes d'appartement, l’air nécessaire à la combustion arrive par le
bas au niveau de la mèche, tandis que l’évacuation des produits de
cette combustion se fait par le haut de la cheminée qui la surmonte
comme dans la lampe belge Mueseler. Cette disposition qui per-
met de brüler le grisou au fur et à mesure de son introduction
avait dû être abandonnée dans les lampes imaginées en vue de
résister à un courant d'air un peu vif. La lampe de La Grand-
Combe au contraire, a, dans des expériences qui ont reçu entre-
autres la sanction des spécialistes anglais, résisté à des courants
explosifs dont la vitesse, tout-à-fait inconnue dans la pratique, at-
teignait 27 m. par seconde, ce qui correspond à un véritable vent
de tempête, et cela grâce à une ingénieuse construction que l’on
comprendra j'espère facilement sans figure avec l’explication sui-
vante :
Dans plusieurs modèles de lampes de mine une cuirasse métal -
lique extérieure percée de trous, joue un rôle de protection plus ou
moins uniquement mécanique pour la partie de la lampe placée au
dessus du verre. M. Fumat a eu l’idée de s’en servir pour organiser
la circulation d’air qui constitue sa principale innovation. Le cloi-
sonnement spécial d’une partie de cette cuirasse permet à l'air
extérieur de pénétrer par des orifices tubulés à l'intérieur d’une
premièrechambre circulaire et de s’y diviser en deux parties; l’une,
revenant vers le bas, va, à travers le tamis inférieur, entretenir la
combustion de la mêche ; l’autre ne pénètre pas dans l’enveloppe
centrale de la lampe et recoit au contraire, expulsés de cette enve-
loppe à travers le tamis supérieur, les gaz de la combustion. Ils
s’échappent de là dans l’atmosphère. Cette chambre de repos que
doivent d’abord traverser tous les gaz avant d’arriver à la mèche
ou de sortir de la lampe, permet, par sa Judicieuse combinaison,
d’amortir toute la violence des courants latéraux, descendants ou
ascendants qui peuvent se faire sentir tout-à-coup. On pourrait, à
certains égards, comparer cette disposition à celle d’une lanterne
qui pour plus de süreté serait elle-même renfermée dans une autre,
et c’est, en effet, une expérience de ce genre qui a d’abord conduit
M. Fumat au principe de la disposition qu’il a adoptée.
— 157 —
La puissance d'éclairage de la lampe de La Grand-Combe, me-
surée au photomêtre, au commencement et à la fin de la première
heure, serait restée égale à 0 bougie, 87, valeur qui n’a pu être
dépassée que par des lampes brûlant des essences minérales. Enfin
sa consommation est d'environ 100 grammes d’huile de colza épurée
en 18 heures. |
On sait que, dans des conditions normales, l’air devient facile-
ment inflammable lorsqu'il renferme 6 p. 0/0 de grisou, les explo-
sions les plus violentes ayant lieu lorsque 1 volume de grisou se
trouve en présence de 7 à 8 volumes d’air atmosphérique. Mais
en présence d’une atmosphère chargée de poussières de charbon,
les conditions changeraient et M. Galloway a cherché à démontrer
que 1 0/0 de grisou suffit, dans certains cas, pour rendre explosif
un pareil milieu. Or la flamme des lampes ordinaires de süreté
pe commence à subir un élargissement bien notable que quand cette
proportion est arrivée à 4 ou 5 p. 0/0.
La lampe Mueseler et la lampe Fumat au contraire, examinées
avec certaines précautions, sont d’une sensibilité beaucoup plus
vrande. En diminuant convenablement la flamme de la lampe Mue-
seler.et en étudiant contre un écran noir les caractères de l’auréole
qui entoure celle-ci, MM. Mallard et Lechatelier sont arrivés à
reconnaitre jusqu’à 0,5 0/0 de grisou. Par un procédé analogue,
on arrive avec la lampe Fumat, qui d’ailleurs s'éteint moins faci-
lement que la lampe Mueseler, à constater des modifications de la
flamme en présence de la mème proportion de grisou, et à parür
de ce point des variations graduelles peuvent presque servir à un
dosage approximatif. Enfin la lampe s’éteint avec ou sans détona-
tion interne dans les milieux renfermant 6 1/2 p. 0/0 de gaz.
En résumé, les avantages de ce nouveau modèle de lampe sont
un meilleur éclairage à prix de revient égal et une sûreté com-
plète dans les mélanges explosifs, en particulier dans les cas si
dangereux d’un mouvement d’air violent.
Evidemment il ne serait pas impossible de trouver quelques
inconvénients à la lampe de la Grand-Combe ; quel est l’objet, si
parfait soit-1l, qui ne présente les siens, souvent conséquence même
de ses avantages. Cependant, si sur une question aussi spéciale, il
n’était prudent de laisser le dernier mot aux mineurs eux-mêmes,
je terminerais volontiers cette note en disant, qu’après examen,
aucun de ces inconvénients ne m’a paru bien sérieux, On pourrait
= 158 —
d’abord faire observer que la durée totale de l’allumage et de la
mise en train du tirage de la cheminée pouvant être évaluée à 2
minutes, trois minutes même pour pouvoir résister à une forte
inclinaison, c’est là un temps assez long ; mais ce temps est de peu
d'importance, le plus souvent même dans une grande exploitation
où il peut précisément être en grande partie employé à la prépara-
tion d’autres lampes. Ensuite, en raison de la place occupée par la
cheminée d'appel d’air pour l’entretien de la combustion le secteur
d'horizon éclairé n’a environ que 252° au lieu de 360 comme dans
la plupart des lampes ordinaires; mais ce défaut insignifiant devient
un avantage dans tous les cas où cette cheminée même sert de
réflecteur. La présence d’une double enveloppe vient également
diminuer le secteur d'éclairage vertical. De près de 85° au-dessus
de l’horizon dans la lampe de Davy, il fut déjà abaissé à 65 ou 70°
dans la lampe Combes et n’est plus que de 55° environ dans la
lampe Fumat; c’est là semble-t-il encore un défaut de peu d’im-
portance dans la pratique où 1l empêche le plus souvent au contraire
de recevoir la lumière directe dans les yeux pendant le transport
de la lampe. Cette disposition est du reste commune à la lampe
Fumat et aux lampes relativement excellentes de Mueseler,
Marsaut, etc., qui la présentent peut-être encore plus exagérée.
Enfin on peut reprocher à la lampe de la Grand-Combe son
prix de revient un peu plus élevé que celui de la.plupart des appa-
reils destinés à satisfaire aux mêmes conditions ; mais l’économie
réalisée dans l'éclairage compense parait-1l rapidement ce surcroît
de dépenses. Si l’on remarque d’ailleurs que ce prix plus élevé est
dù plutôt à de plus grands soins et difficultés de construction, qu’à
une plus grande complication pratique d’un appareil en réalité
constamment démontable et vérifiable dans toutes ses parties, tout
le monde sera d’avis que la sécurité d'éclairage de tous points ab-
solue qu’il offre ne saurait être payée trop cher.
|
|
— 159 —
Séance du 20 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — Est admis comme membre actif :
M. Vernette, clerc d’avoué, présenté par MM. Cannat
et J. Crozals.
CORRESPONDANCE. — M. Benoit, membre fondateur,
annonce qu'il met gracieusement à la disposition de la
Société une vaste salle, dans laquelle pourront être amé-
nagés tous les herbiers.
L'Académie de Rovereto reniercie de l’envoi de notre
bulletin.
M. de Rouville demande des renseignements sur le
mastodonte de Coussergues.
M. Miquel, de Barroubio, engage les géologues à faire
ayec lui une excursion entre Bize et Agel, pour visiter
le lacustre à ophiodon.
M. Donnat, membre correspondant de Carcassonne,
annonce son changement de résidence à Mont-de-Marsan.
M. le bibliothécaire de la Société néerlandaise de
botanique remercie de l'envoi des 4 derniers volumes
du bulletin.
Séance du 27 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — Est admis comme membre actif :
M. Crassous, peintre, présenté par MM. Cannat et
Duprat.
CORRESPONDANCE. — Le prieur et les moines de l’ab-
baye de Fontfroide (Aude) font part de la mort du R. P.
dom Marie-Jean, abbé, supérieur général de l’ordre des
Cisterciens de l’Immaculée-Conception. M. le président
— 460 —
est chargé de transmettre les sentiments de condoléan-
ces de la Société qui a toujours reçu le meilleur accueil
dans ses fréquentes excursions botaniques, géologiques
et entomologiques à Fontfroide.
EXCURSIONS. — La commission des excursions pro-
pose la liste qu’elle a préparée pour 1896. M. Bédry,
rapporteur pour les grandes excursions et M. Jalabert,
rapporteur pour les excursions d’un jour donnent suc-
cessivement lecture de leurs travaux. Chaque excursion
est mise aux voix et la liste suivante est adoptée.
22 Mars. .. . . … . . St-Thibéry{(Volcan, Colonnade Pont
Romain).
Du 2 au 9 Avril. .,.,, Nice, Gênes, Biseet Florence,
19 Avril... sus mt Soudi eZ y:
3 Mai . . . . . . . Grotte de Fauzan (Minerve).
14 Mai . . . . . . . Castries(le Parc, Château, Carrières).
24-25 Mai . . . . . . Elne, Le Boulou, Amélie-les-Bains.
4 JuiM,.. .:, 4, + 1. (Graissessac 1laMare/ St°Gemr
21 Jun, +. ....., . .<4LesCabrils Je Masse Monpe
o Juliet! + vie mAvUb eue.
19 Juillet . . . . . . Plage de la Nouvelle.
Séance du 4 Décembre 1895. — Présidence de M. Cannat
ADMISSION. — Est admis comme membre actif :
M. Philippe Etienne, présenté par MM. Migron et
Cannat. |
CORRESPONDANCE. — Le (Géological Survey de Wa-
singhton accuse réception de notre Bulletin et envoie le,
rapport annuel 1892-95.
M. Granger, de Bordeaux, nous prépare un nouveau
travail qui sera inséré au Bulletin.
= 161 à
M. Miquel, de Barroubio, signale de nouveaux gise<
ments du givétien près de St-Nazaire de Ladarez.
M. le baron de Sarret, de Coussergues, donne des ren-
seignements sur la mâchoire dé mastodonte qu’il a en
Sa possession.
M. Miquel invite les sociétaires à faire une seconde
excursion près d’Agel, pour visiter de nouveaux gise-
ments du nummulitique.
L'Association française pour lavancement des scien-
ces, adresse une première note sur lorganisation du
Congrès de Carthage.
M. Gavoy, entomologiste à Carcassonne, président de
la Société de PAude, félicite la Société pour le travail
Les Fougères de France, paru dans le Bulletin.
M. Dougnat, professeur à Alger, se propose de faire
des recherches géologiques aux environs de cette ville
et d'adresser les communications à la Société.
L'Institut géologique de Mexico annonce la mort de
dom Antonio del Castillo, son fondateur et directeur.
M. Gavoy, de Carcassonne, annonce la mort de M.
Dat, de Saint-Foulc, membre fondateur et ancien prési-
dent de la Société de l'Aude. |
M. Paul Bülher, actuellement à Florence, accepte de
concourir à l’organisation de l’excursion de Pâques.
BIBLIOTHÈQUE. — M.J. Crozals, fait don à la biblio-
thèque de son travail sur P. Duchartre, éminent bota-
niste biterrois.
CONFÉRENCE. — M. de Rey-Pailhade donne lecture de
nombreuses correspondances qu’il a reçues des princi-
paux botanistes et des maîtres en paléontologie végétale
contenant de précieuses observations sur son travail :
Les Fougères de France.
BANQUET ANNUEL. — Le banquet annuel du 20me
0 —
anniversaire de la fondation de la Société a eu lieu à
l'hôtel des Postes, le samedi 7 décembre ; 50 sociétaires
y assistaient ; M. le sous-préfet Belleudy a honoré de sa
présence cette fête anniversaire.
CONFÉRENCE. — M. Hubert donne lecture d’un tra-
vail sur la composition chimique des terrains tertiaires
de Béziers, par MM. Hubert et Nivière.
COMPOSITION CHIMIQUE
de quelques roches des environs immédiats de Béziers
Ïl existe toute une région assurément fort intéressante à étudier,
dans le tertiaire des environs immédiats de Béziers ; nous avons
eu maintes fois l’occasion de l’examiner dans les courses que nous
avons faites en compagnie de M. Carles qui à bien voulu nous
guider dans une contrée qu’il connaît à merveille tantau pointde
vue géologique que botanique.
Ces terrains ont été l’objet d’un grand nombre de travaux et ont
captivé l’attention de géologues distingués parmi lesquels parais-
sent en première ligne : Marcel de Serres et d’Archiac ; après eux,
nous devons meutionner : MM, Sabatier-Désarnaud, P. Cannat,
Lamouroux, Jumeau, Firmin,de Rouville, Viguier, Biche, Miquel,
etc. Dans la note que nous présentons ici, nous ne voulons pas
parler de géologie pure, nous laissons cela à d’autres ; la compo-
sition des roches seule nous a préoccupés.
Les terrains dont nous parlons s'étendent aux environs immé-
diats de Béziers, le lacusire se montre sur la rive droite et sur la
rive gauche de l’Orb qui s’est frayé un passage à travers une frac-
ture ancienne ; quant au marin 1l constitue tous les coteaux que
domine la tour de notre cathédrale.
Le lacustre comprend tout d’abord une couche de grès, puis une
seconde couche formée de calcaire lacustre séparée en tranches par
des zones de marnes roses assez minces.
Ce calcaire est exploité et on a établi en maints endroits des
fours à chaux. Nous n’avons jamais eu sous les yeux des échantil-
— 163 —
lons de la chaux obtenue ; mais nous ne pensons pas qu’elle soit
très grasse à cause de la marne rose qui s’y trouve mélangée et qui
la transforme en chaux partiellement hydraulique. L'ensemble de
ces couches forme l’oligocène.
Le miocène inférieur est représenté par de la marne bleue recou-
verte par une couche beaucoup plus mince de marne grise.
«
Le calcaire coquiller à turritelles et le calcaire des Brégines,
forme le miocène moyen. Ces deux calcaires sont séparés par une
faible couche de calcaire à grain fin. Ces calcaires sont exploités
comme pierre de construction.
Au-dessus du calcaire des Brégines se trouve le miocène supé-
rieur formé par des conglomérats de coquilles diverses, puis la zone
de l’ostrea multicostata qui forme une couche effritée dont l’agri-
culture pourrait tirer profit en l’apportant comme amendement dans
les terrains acides des étangs de Capestang et de Montady. Cela
paraît d’autant plus pratique que le miocène supérieur est très dé-
veloppé au Malpas, à proximité des étangs que nous venons de
citer. ÿ
Au-dessus des couches géologiques dont nous venons de parler
se trouve le pliocène avec dragée de quartz, sur le Malpas.
Voici maintenant les analyses de ces différentes roches ; il ne
manque à la série que la marne bleue.
OLIGOCÈNE LACUSTRE
j, — GRÈS
(Echantillons prélevés au four à chaux).
SR D NN Re 019 000 0/0
NON D SR 0 2: 29-900»
Codede er ten Or ess traces ».
Vérhonate deétchaux ou Lo tr ee 64,885 »
1H OUR © ÉRAANPREPRNER TUE 0,500 »
Corpsno. doses GR 1, 1, 0,115 »
D
100,000
— 164 —
II. — MARNES ROSES
(Echantillons prélevés au coteau du Contrôle
ou faille des Cotes de Beyssan)
SACS, L'ART SO CE PIS RSRCATERES 9.000 0/0
AGMUANE Eee - 2, PARA) RUIPEEEES 12.495109
Oxyde de ‘er.(Fes (07) 2 040 2.005 »
Carbônate de ehaux:+. 2. . 1 UNE 11.418379)
ÉTUDES AU SN nee CARS 5.000 »
Corps non osseuse ENT 0.987»
100.000
Ill. — CALCAIRE
(Echantillons prélevés au coteau du Contrôle)
LICE de. ec BE PR PARLES DEN PATENT RNEES 3,050 0/0
Alhitine UN NET ONE 4,250 »
Oxyde de fer (Fe205h 12210 #10 1,045 »
Carbonate de chaux. . . . . . . 9,1060 »
ÉTAIT EE A VOS OM EE SP RS 0,200 »
Corps non doses, NT ST ARE 0,89»
100,000
MIOCÈNE MARIN
Il. — MARNES BLEUES. — {non analysées)
11. — CALCAIRES (zône à turitelles)
(Echantillons prélevés au coteau du Contrôle)
SAAGB.E KT RER PR AE PRE 7,920 0/0
AlüMINE. SONNERIES 8,080 »
Oxyde de fer FRONT 6 0 0,500 »
Carbohdié dé chaux 2 07 UE 82,789 »
RNCS NET TA 0,500 »
Corps non ADS UE 6,215
100,000
— 165 —
II. — CALCAIRE A GRAINS FINS
({ntercalé dans la z0ne à turritelles ).
AR COTTON MRERELET RESUME" EUR ROLE ES, 8,700 0/0
NT CPE TAN CRE 8,200 »
Gorde deter (les Of: 3,000 »
Carbone de CHAUX. … … ." . L: …… 78,200 »
RSR QE Si 1,500 »
DOPHÉ MOOD eu dr 4 Lu 0,400 »
100.000
CALCAIRE DE LA ZONE A OSTREA MULTICOSTATA
(Coteau du Contrôle).
DR CRT ARE 10,200 0/0
un se be M nee 11,300 »
Oxyde de fer (Fez Os). EMA 2: 1,500 »
Lubonale deldhAUxs.l no ln Lo audi 19,947: »
ES OT A Re A à à 1,000 »
CAPES HO OS UN slan-e vo ve 0,053 »
100,000
Séance du 11 Décembre 1895. — Présidence de M. Cannat
CORRESPONDANCE. — Le Museo Nacional de Costa-
Rica remercie de lPenvoi du Bulletin.
La ville de Dôle (Jura) envoie une circulaire et une
liste de souscription pour l'érection d’un monument à
: Pasteur.
M. le Ministre de l’Instruction publique envoie une
circulaire au sujet du Congrès des sociétés savantes en
1896.
M. le Ministre de l’Instruction publique adresse le 4er
volume de la Bibliographie des Sociétés savantes de
France. |
— 166 —
M. Arnaud, rapporteur de la commission des confé-
rences, donne le compte rendu de la dernière séance ;
les décisions prises au sujet de la conférence au Théâtre
sont approuvées.
Séance extraordinaire au Grand Théâtre de Béziers
Le Mercredi 18 Décembre
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT
4.200 personnes assistaient à la séance. MM. les mem-
bres de la Société s'étaient réunis sur la scène.
M. Ly-Tchao-Pée, secrétaire de l'Ambassade chinoise
à Paris, fait une conférence sur les Chinois et leurs cou-
tumes, les repas, les mariages, les funérailles, les livres.
Au nom de la Société, M. le Président adresse ses re-
merciements au conférencier, à l’administration muni-
cipale, à MM. les organisateurs et à l'auditoire choisi.
La séance est levée au milieu des applaudissements.
L'ÉTANG DE THAU
Balaruce, Issanka & Cette
RAPPORT SUR L'EXCURSION DU 7 JUILLET 1895
PAR
AUGUSTE LAMOUROUX, professeur au Collège.
I. — AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La forme littéraire dont nous parons quelquefois l'austérité de nos
études, ne laisse pas que d’inquiéter certains esprits. — « Trop de
fleurs, murmurent-ils ; la Science, objet très grave en soi, n’a pas
besoin de ces atours de rhétorique. » — Qu'est-ce à dire? la Vérité,
substance non moins grave, s’orna bien d’attributs étrangers à sa
nature, quand elle résolut de figurer parmi les hommes. Pourquoi ?
Supposons que ceux-ci l’y forcèrent. Cette méthode, Socrate l’a
connue. Elle consiste à éclairer l'intelligence par le secours des
sens. L'histoire naturelle ne saurait s’y dérober. Tout, en elle, est
poésie. Il existe certainement des façons de connaître qui sont plus
rigoureuses. En savez-vous d’aussi aimable? Point de ces mots
barbares dont l’appareil, sous couleur d’érudition, fatigue nos yeux
ou nos oreilles. Nous ne traitons notre sujet que d’une main légère,
mais si délibérée, qu’à chaque coup un coin du voile se déchire,
découvrant au regard étonné des perspectives d’infini. Et d’ailleurs,
ce formulaire aux racines équivoques, est-ce qu’on l’emporte en
excursion? Là, pourvu que notre âme soit ouverte aux impressions
de nature, que notre esprit sache les recueillir, notre pensée les
féconder, notre imagination les faire vivre aux yeux comme autant
de symboles, ce ressort nous suffit. Quant à l’objet précis pour le-
quel on s'était mis en route, vos rapporteurs pourraient affirmer
qu’il se dégage sans effort de l’idée maîtresse qui les a inspirés.
Car l’Idée enveloppe toute chose d’un éclat merveilleux. Sans cesse
(*) Communiqué en deux séances extraordinaires (15 Janvier et 12 Février
1896), dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville de Béziers.
— 168 —
en éveil, elle voltige en tous pays, bondit en arrière des siècles,
revient sur le présent, contemple l’avenir, s'enrichit de visions
innombrables qu’elle dépose ensuite, frémissante, dans le creuset
de notre jugement. Et lorsque ces notions sortent de là classées,
coordonnées, formant doctrine, de quel nom voulez-vous qu’on les
désigne ? N'est-ce pas une œuvre de science? Gardons-nous des
tendances exclusives. Le culte de l’histoire, le sentiment de l’art»
l’instinct de la poësie, sont des moyens d’action qu’une société d’é-
tude ne doit point négliger. N’auraient-1ls d’autre vertu que de
jeter du mouvement et de la vie autour de faits absolument arides
dans leur essence propre, leur concours n’en a pas moins de prix.
Que de profanes sont venus se grouper à la porte du temple, dès
qu'ils ont vu les sentiers se fleurir !
S’1l est un droit, dont tout homme a le devoir d’être jaloux, c’est
le droit de cultiver son champ comme :il lui plait. Or, la nature
entière n'est-elle pas notre domaine? Seulement, pour l’étudier,
beaucoup la subdivisent, élèvent des cloisons, déterminent les cou-
ranits de recherche, et se parquent eux-mêmes dans des limites
spéciales (*). L’exactitude du détail leur tient lieu de méthode.
Comme ils bornent leur vue à la constitution de chaque objet,
qu’ils en connaissent les éléments distincts, le nom particulier, ou
encore l’évolution locale, ils ont bientôt fait le tour de la zone
qu’ils s'étaient fixée et 1ls se protlament savants. Quelques-uns le
deviennent; mais les autres, combien stérile est leur besogne!
Aucun souffle n’anime le fruit de leurs études. Aûütant vaudrait, en
littérature, expliquer les strophes enflammées de nos poètes en éplu-
chant les mots, les syllabes, les lettres, sans y chercher la pensée
créatrice. Et le monde donc! est-1l autre chose qu’un grand poëme
dont la science véritable s’est, de tout temps, demandé la signifi-
cation (**)? Les Anciens, qui durent être, j'imagine, plus vivement
impressionnés que nous par les spectacles de la Terre, n’abordaient-
ils pas du même coup bien des énigmes? — « Tout est dans
tout » — enseignaient-ils. Et quand la certitude leur manquait,
(*) — « On classe et on subdivise aujourd’hui avec un art qui étonne et
qui séduit. La classification en espèces tranchées, définies et-Jalousement
limitées, parait être nécessaire au bonheur de tout chercheur, de tout scien-
tiste. » — Journal la Dépêche, — article scientifique. — 31 août 1895.)
cette poésie profonde qui jaillit des moindres palpitations de la matière sous
le regard attentif et passionné de l’observateur. — (Mikhaël Suni) —
— 169 —
ils y substituaient une sorte de raison poétique qui, du moins,
leur permettait de comprendre l’univers. Fond généreux et solide
à la fois, qu'enveloppait toute la grâce du style dans les ouvrages
d’un Platon ou d’un Lucrèce (*). Mais il suffit de réfléchir un
instant au caractère de l’esprit humain. Rarement il se contente
des phénomènes isolés et des idées particulières. Dans le problème
de la vie universelle, ce qu’il veut savoir, c’est la loi générale
d'harmonie, et, d’une façon plus concrète, le rapport des éléments
entre eux. Tout se lie, tout s’explique dans la nature envisagée de
haut. On assiste à l’évolution concordante des êtres. Puisqu’il est
admis, d'autre part, que l’homme pétrit à son gré Ja matière, qu’il
crée, en la formant, les types rêvés par son génie, mais qu’à son
tour il succombe parfois sous le choc des forces aveugles qu’il vou-
lait régler, n'est-il pas urgent pour lui de connaître la relation
directe qui unit son existence à celle des éléments ? De ce point vul-
nérable, par où l’humanité révèle malgré tout sa faiblesse, décou-
lent des effets souvent immédiats : le découragement, la maladie,
la mort. Elevée à la hauteur des larges horizons, la science peut
et doit combattre ces effets ; c’est-à-dire, dénoncer les moyens que
la nature présente d'elle-même, çà et là, autour de nous. Or, ce
n’est pas en un langage archaïque, ou d’usage restreint, qu’on vul-
garise les propriétés d’une source thermale, la douceur d’un climat,
le spectacle grandiose des montagnes, les brises réconfortantes de
la mer, l’universalité des sensations naturelles. Il faut de la vie
dans une narration, si la vie est dans les choses qu’on raconte.
Aussi bien ai-je le droit de dire que la méthode vous a plu, Mes-
sieurs, puisque vous êtes là.
(#) — « La matière, dit Platon, estentièrement inactive par elle-même ;
mais elle est mue éternellement par une âme irraisonnable, principe d’un
mouvement conîus. Dieu a fait pénétrer l'intelligence dans cette âme, et il
a produit ainsi la séparation des corpuscules élémentaires, leur rapproche-
ment harmonieux, et le commencement du monde, c'est-à-dire l’ordre dans
l'univers. » — Un passage des Lois (VII) semblerait indiquer que Platon a
été le précurseur de Copernic. Il v explique les anomalies apparentes des
mouvements planétaires, en faisant tourner la Terre et les planètes autour
du soleil immobile.
— « Platon est, avec sa prose admirable, un des plus grands poètes de
la Grèce. Rien n'est comparable à la grâce, à l'élégance, à la sublimité de
son stvle. » (Désobry et Bachelet).
Lucrèce. — Lire les descriptions enthousiastes des forces naturelles, dans
le De natura rerum,
TA —
II. — PLAN GÉNÉRAL DE CE RAPPORT
De toutes les étapes inspirées par cet ordre d’idées, celle de
Balaruc-les-Bains est venue en une heure opportune. Dirai-je, en
effet, les décadences attristantes qui, de nos jours, s’affirment à
l’envi? Dans notre époque de névrose, d’herpétisme et d’anémie
invétérée, nul n’oserait assurément contester la justesse de l’adage
latin mens sana in corpore sano. C’est là un thème à réflexions des
plus sérieux, autant pour le naturaliste que pour le médecin. A
cet égard, une visite aux thermes de Balaruc s’imposait à notre
sollicitude. On ne saurait trop proclamer -que l'actuel affaissement
des caractères tient en partie au désordre physiologique de la race.
S'il en est ainsi, quel intérêt n’avons-nous pas à préconiser le
remède, surtout quand l’occasion nous a êté donnée d’exercer sur
les lieux mêmes ce sens investigateur qui est la raison d’être de
nos courses au-dehors !
Ne vous étonnez donc pas si mon rapport insiste, à telle page
réservée, sur l’importance capitale des bains de Balaruc. Avant
nous, les Romains les avaient célébrés à leur manière, en les uti-
lisant. L'action, pour eux, valait mieux que les discours. Ce peu-
ple, qui regardait comme un facteur essentiel de la victoire la
souplesse du corps unie à la vigueur de l’âme, savait tirer parti des
substances curatives que dégorgeait la terre, partout où la conquête
portait ses pas. Combien d’édifices, de piscines et d’aqueducs de
construction romaine, dont les ruines se voient encore à Balaruc,
à Luchon (*), à Cauterets !{**) Ainsi l’histoire des hommes corro-
bore presque toujours les conclusions que la nature suggère à ceux
qui lPétudient. C’est la persuasive doctrine des témoignages. Pour-
quoi la dédaigner ? Et si les faits observés, quoique rebelles à toute
méthode, vous sont présentés sous une forme à la fois claire et
agréable, quel est celui de vous qui s’en plaindra ?
Certes, l'attrait tout spécial de cette station balméaire eut ample-
ment suffi à remplir notre programme de ce jour. Pourtant il y
(*) LUCHON. — Il y a quinze ou seize cents ans, la jeune patricienne
Pauline. fille de Flavius Rufus, ( guérie de sa maladie », — était-ce la né-
vrose ? — dédia au dieu Lixon la pierre votive encore lisible à l’entrée des
thermes modernes, encadrée au-dessus de la porte.
Voir le Guide de Cauterets, par A. Lequeutre, p. 58.
L
— 171 —
avait encore beaucoup à observer, sinon mieux, aux environs. À
Balaruc, c’est, comment dire ? un temps de repos dans la vie, un
relai pour repartir plus fort à travers la mêlée sociale, une fois la
santé reconquise. Mais à côté de ce lieu de recuetllement provisoire
se déploient de concert et l’activité du commerce et l’incessante
fièvre de l’industrie. Il fallait voir toutes ces choses, et, puisqu’elles
nous ont frappés, vous en parler aussi. De là, pour vous, une plus
large source d'intérêt, et, pour moi, la garantie peut-être que votre
patience ne se lassera pas de m’écouter. Sommes-nous, d’ailleurs,
des valétudinaires uniquement préoccupés de leurs maux, se racon-
tant les uns aux autres quelle fontaine merveilleuse a soulagé leur
goutte, ou guéri leurs rhumatismes ? Foin dela maladie ! Je veux
qu’à mon récit vous sentiez vos muscles s’affermir, votre poitrine
s’enfler d’aise sous le grand souffle qui nous vient de la mer, qui
vivifie l’espace et réjouit nos sens, tandis que nous cinglons à toute
vapeur vers l’orient du lac de Thau.
Car je ne puis me défendre de l'appeler un lac, cette vaste nappe
d’azur sur laquellé la tempête, secouée par des vents contraires,
sévit quelquefois plus terrible qu’en pleine Méditerranée. Les
annales du pays saignent encore au souvenir de la bourrasque de:
1588 dont la violence renversa les vieux remparts de Mèze, des
inondations de 1739 qui manquèrent d'anéantir les sources miné-
rales de Balaruc, et de l'ouragan du 25 août 1775 où sombrèrent
quantité de bateaux. Depuis lors, rien de semblable n’a eu lieu
sur l’étang. Nous pouvions donc nous confier sans crainte à la
caresse de ses flots. Du reste, vous connaissez le fatidique bonheur
de notre Président. N’est-1il pas vrai que partout où il est, sa pré-
sence conjure les orages ? Il semblait, en effet, ce jour-là, que la
vague docile portât César et sa fortune. Et les soldats de César,
comme toujours, s’en rapportaient à lui.
[II. — ARRIVÉE À MÈZE
Sept heures et demie. Mèze, l’antique port, la vieille cité féodale,
l’industrieuse ville d'aujourd'hui, nous accueille dans ses murs.
Accueil un peu froid, dirai-je, pour ne pas trop accentuer mon
jugement. D’où vient ? Nous ne pouvons, hélas ! nous expliquer
cette attitude que par des motifs d’ordre bien secondaire. L’on a
beau être de Mèze, précisément peut-être parce qu’on est de Mèze,
AR
on n'échappe point à la mesquinerie des intérêts. L'amour du lucre
s’engendre du négoce lui-même. Sachez donc qu’on nous en veut
d’avoir nolisé de préférence un vapeur Figaret, de Cette. Les va-
peurs Figaret sont commodes, leurs salons fort gentils, leurs gale-
ries très spacieuses, leurs équipages prévenants. Mais quoi ! N'est-ce
pas la Compagnie rivale ? Ah ! si nous avions choisi les remor-
queurs de la Société de Mèze, aussitôt le vent changeait, les esprits
se retournaient, toute la ville nous suivait en triomphe vers le
port. Car Mèze est du Midi, de ce Midi plein de soleil où, bru-
talement, s’accusent avec la crudité des paysages les locales aspé-
rités du tempérament social. Après tout, que nous importent les
hommes et leurs querelles ? La bonne femme avait raison, qui
bougonnait en puisant de l’eau à la fontaine. Nous sommes des
bourgeois, nous autres, et nous n'avons rien à faire, si ce n’est de
nous arracher par instants à la déprimante obsession des bas calculs
et des viles jalousies. Dédaignons leurs propos. La nature déroule
devant nous ses espaces infinis, au sein desquels tous les êtres
s’harmonisent dans la commune recherche du bien-être universel.
C’est bien là qu’on peut dire qu’il y a place pour tous sous le
regard de Dieu. Qu'elle nous est clémente, la nature, en ce Jour :
Un ciel superbe. Dans la claire limpidité de l'air, cette matinée de
juillet frissonne, comme fouettée par l’aile des zéphirs. L’atmos-
phère, attiédie par les premiers rayons, nous promet néanmoins de
printaniers effluves parmi ces horizons humides de la mer. Près
des bateaux rasant le quai, le Mézois moqueur eût vainement épié
sur nos visages la pâle tristesse qui accompagne d'ordinaire les
émigrants. Tout au plus sa gaité s’aiguise-t- elle d’une pointe d’1-
ronie, à voir des terriens émerveillés de faire leur petit voyage
autour du monde en un tour de soleil. Si notre troupe l’intéresse,
il y a bien peut-être une autre cause. Et je ne serais pas surpris
que les toilettes estivales de nos charmantes excursionnistes aient
éveillé chez lui ce vague sentiment d’esthétique auquel n’avaient
point résisté, l’année précédente, les rudes mariniers agathois. Mais
cela suffit-il pour susciter la sympathie ?
IV. — PROMENADE SUR L’ÉTANG
Déjà le sifflet du vapeur retentit à coups précipités. C’est le der-
nier appel. Avant de partir, je dois, en fidèle interprète de notre
— 173 —
“belle excursion, exprimer un regret qu’auront certainement éprouvé
tous ceux que le goût du pittoresque conduit auprès de nous. Le
projet primitif, de conception très poétique, supposait notre départ
de Mèze en un train de bateaux remorqué, pour notre usage, sur
l'étang. Dès lors, les imaginations d’aller aussi leur train. Pour un
peu, l’on eùt évoqué le souvenir de Cléopâtre descendant avec sa
suite les eaux limoneuses du Nil, au son des flûtes et des cithares,
sous le choc rythmé de la rame que des esclaves d’Ethiopie levaient
et abaissaient de leurs bras vigoureux. Assurément, ni musique n1
esclaves n'auraient animé nos modestes gabares ; mais qui nous
dit que le profil de Cléopâtre ne se füt pas retrouvé, modernisé,
paru le gracieux essaim de jeunes femmes dont je suis loin de
vouloir blesser la modestie ? Quoi qu'il en soit, embarquons-nous
sur notre paquebot. La puissante chaudière du vapeur sonne terri-
blement les progrès de lascience contemporaine. Cela n’empêchera
pas les choses d’alentour de nous pénétrer de leur charme éternel
et sans âge. D'ailleurs, dès les premières ondulations de large, nous
sentons que l’étang nous sera favorable. Il mollit sous la proue. Qui
donc nous parlait de tempêtes, de naufrages, de vaisseaux brisés ?
L'onde scintille, régulière, comme un écrin de diamants ; sur le
revers de chaque flot, des nappes de topaze projettent de fauves
lueurs qui s’éteignent, se rallument, disparaissent encore pour re-
naître une seconde après ; 1ci, ce sont des plaques d’or oscillant
dans un bain de saphirs, là, des trainées de flammes. Tout le
long du buordage, l’écume jaillit des deux côtés en éventail,
moire la surface de l’eau, se perd dans le sillon qu’a tracé le navire,
et dent la courbe, ainsi frangée de festons lumineux, ressemble à
une chevelure astrale égarée sur le lac. Partout, des profondeurs
limpides où l’œil distingue, entre deux eaux, des masses arrondies
pareilles à des champignons animés, que l’on prendrait pour des
méduses en formation ; des crustacés immobiles aux reflets éclatants
de rubis ; des poissons argentés qui passent comme un trait. Toute
la faune s’éclaire des plus vives couleurs, en même temps qu’au-
dehors rayonnent de toutes parts des tableaux de féerie. La côte
élevée, que nous suivons des yeux en naviguant vers Marseillan,
encadre à merveille cette scène magique. Elle est jaune avec des
tons violets, ou verts, ou rouges, selon les caprices de la lumière,
les accidents de la végétation, la nature du sol. Çà et là, des villas
isolées, où la vie doit être douce dans la saison d'été. Leur façade,
égayée par l'ombre mouvante des arbres, se détache en clarté sur
— 174 —
le fond d’ocre argileuse qui compose la rive. On n’est point seuls,
vraiment, au milieu de cet espace décoré des plus jolis effets que
peut produire le soleil. Un long convoi s’interpose entre nous et la
terre. De lourdes barques à fond plat, chargées les unes de pierres
blanches, les autres de futailles grises ; un radeau lesté de bois
énormes ; des nacelles en dérive accrochées à la hâte ; tout cela
s’enchaîne, se suit processionnellement, en droite ligne, avec len-
teur, derrière un coquet petit vapeur qui halète à tirer après lui
ces machines, mouche servant de coche et faisant, pour cette fois,
plus de besogne que de bruit. Bon voyage ! crions-nous, car nous
marchons plus vite. Bientôt, à l’ancre dans le port, les bateaux de
Marseillan profilent devant nous, à travers le ciel bleu, leurs frêles
mâtures que protège un double rang de maisons bâties le long des
quais. Un silence profond y règne, à cette heure matinale. La ville
dort encore. Nous passons rapidement, de peur de l’éveiller. D’un
coup de barre adroitement donné, notre capitaine fait décrire au.
vaisseau la courbe la plus savante qu’on puisse imaginer, et nous
voilà lancés, d’un bout à l’autre de l’étang, sur le grand axe que
nous allons parcourir en entier. C’est le moment prévu par les
esprits observateurs. Les horizons s’éiargissent vers le sud, peuplés
d'objets nouveaux. Au loin, la brise légère enfle languissamment
la voile effilée de quelque barque paresseuse. Est-ce qu’on rêve à
son bord ? Nous croyons entendre la voix du mousse qui chante au
haut du mât. Sous les vagues, là-bas, se dessine la teinte brune
des grands salins de Villeroy, tandis qu’un vol de mouettes frange
l’'azur d’une traînée blanchâtre, du côté de la nver. Tout à coup, un
petit lougre très affairé nous croise à l’improviste, de si près qu’on
se tend presque le main en signe d’amitié. Moins heureux, les canots
à rames que les flots pressés ballottent péniblement à cent mètres
de nous. Rien ne se cache sur l’étang, sous l’éclat d’un beau ciel.
On voit, on sent, on rève, on se livre à la joie de l’esprit. Et volon-
tiers j’oublierais le but scientifique de notre promenade, si vous ne
m'aviez imposé, Messieurs, la délicate mission de vous l’inter-
prêter. Que toutes nos sensations se précisent donc par une cau-
serie. Réunis sur ce lac, en un jour de calme, occupons-nous de
son régime et tâchons de le connaître, cependant que les jeunes
cerveaux de la caravane, que cette étude lasserait, pourront se
griser de lumière et d’air pur, au doux balancement de la nef, dans
le murmure monotone du flot jaseur.
41 —
V2 L'ÉTANG DE THAU
Les auteurs de géographie générale mentionnent l’étang de Thau
dans leurs livres, le peignent en deux traits, et puis c’est tout.
Quoi d'étonnant ? Avant la Terre à parcourir, ils ne s’amusent pas
aux détails. Les monographes nous le décrivent aussi, plus am-
plement, il est vrai, mais leurs observations s'appliquent surtout
à l’objet particulier de leur monographie. Quant à nous, touristes
d’une journée, avides de cueillir sur le vif des impressions fugi-
tives, curieux de pittoresque et séduits par la couleur, notre rôle
est de fixer les multiples aspects de l’heure présente, d’étudier l'étang
pour l’étang et d’en déterminer toutes les lignes, même les plus
subtiles, au risque d’exagérer leur importance, pourvu qu’elles
apparaissent dans le champ de notre regard ou de nos conceptions.
L’étang de Thau, le Tauri stagnum des Romains qui, sans doute,
empruntèrent ce vocable à la langue phénicienne, c’est l’étang des
montagnes. Vous souriez, Messieurs, vous qui savez combien sont
plates et marécageuses les lagunes de notre littoral. Mais il a suffi
de quelques collines vers le nord, du massif jurassique de la Gar-
diole à l’est, et du mont Saint-Clair, dont la croupe s’arrondit
vers le sud, au pointextrème de l’isthme des Onglous, pour donner
au bassin de ce lac un relief que les étangs de l’Aude, ni ceux du
Gard, ne peuvent faire Soupçonner. Primitivement, l’étang de
Thau constituait un golfe dans le golfe du Lion, le plus profond
qu’il y eût sur la côte, puisque la bordure septentrionale des étangs
de Frontignan, d’Ingril, de Vic, de Pérols, de Mauguio, faisait
également partie du rivage méditerranéen. Ce ne fut qu’à la fin du
XVe siècle que les ports de Balaruc, de Bouzigues, de Mèze, de
Marseillan, jusque là directement ouverts aux navires arrivant du
large, devinrent des ports intérieurs. À cette époque, en effet, deux
fleuves, le Rhône et l’Æérault, commencent un travail d’ensable-
ment qui aurait eu pour résultat de combler à la longue notre
petite mer intérieure, si, d’une part, les vents violents du Nord-
Ouest n’avaient repoussé les alluvions de l’Æérault, et si, d'autre
part, la montagne de Cette n'avait servi de barrière aux atterris-
sements du Æ#hône. Néanmoins l’action de la mer contre la résis-
tance des vents du Nord a constitué peu à peu, du cap d’Agde au
cap de Cette, une sorte de bourrelet ou cordon littoral élevé de trois
4
pieds environ au-dessus des vagues. C’est l’isthme des Onglous,
qui se prolonge, au-delà du mont Saint-Clair, par la plage de Cette
de formation rhodanienne. Ainsi fut fermée l’ancienne baie. Or,
pendant que la Gardiole et surtout la montagne de Cette préservent
encore la partie orientale de l'étang, l'Hérault continve, sans obs-
tacle sérieux, son travail d’empiètement à l’ouest. Nul doute qu’on
ne doive à cette action incessante du fleuve le peu de profondeur
qu’on remarque entre le territoire d'Agde et le port de Marseillan.
« Il ne parait pas improbable, dit M. Malavialle, que |’ Hérault ait
contribué à combler la partie occidentale de l'étang de Thau, qui
est la moins profonde, età en modifier les contours. » Ces contours,
rien ne pouvait les modifier vers le nord, à cause des falaises ; ils
ne changeront pas non plus au sud,parce que le lido, qui,au siècle
dernier, se trouvait coupé de nombreux graus par où l’étang com-
muniquait avec la mer, est aujourd’hui consolidé. La plantation de
la vigne, l’établissement des digues, des routes, du chemin de fer,
ont fixé désormais cet amas de sable mouvant que des courants
alternatifs se disputaient autrefois.
Cette récente fermeture de l’étang de Thau expliquerait peut-être
le caractère mixte de sa faune. Celle-ci est à moitié marine. Elle
n’en à que plus de saveur. Le rouget taurinois a la chair plus déli-
cate que le rouget de la Méditerranée. A part l’Acetabularia, type
très curieux et tout à fait local, mais assez peu connu, puisque les
uns le rangent parmi les zoophytes et les autres parmi les vêgé-
taux, on y trouve aussi la dorade, le muge et des anguilles dont .
le poids excède souvent deux kilogrammes. Dans la catégorie des
coquillages, tous fort appréciés des gourmets, citons la ténulle, la
moule, la clovisse, l’oursin. Un véritable vivier, comme l’on voit,
immense et profond, que la nature creusa pour la commodité des
hommes.
L'industrie de la pêche s’y développe sur tous les points du lit-
toral, et l’on peut dire qu’elle a merveilleusement adapté ses engins
aux habitudes particulières de la gent aquatique. En hiver, le muge
et le loup, par exemple, nagent entre deux eaux : les capturer sera
l'affaire du grand bouliech, sorte de filet à deux ailes que les pê-
cheurs ramènent vers le bord, en tirant sur une double corde. Mais,
en été, ce même poisson se cache-t-1l dans les algues du fond, le
filet le plus propre à le saisir sera le petit bouliech, ordinairement
employé pour la pêche côtière. Ces deux opérations composent,
— 177 —
d’une: manière générale, la pêche à la traîne, où érahino, dans a
langue du pays. Beaucoup d’autres poissons échapperaient sans
doute à la convoitise des gourmands, si les ressources de cette
industrie se bornaient à la pêche par traction. Les bateaux qui sil-
lonnent l’étang, de conserve ou isolés, ne manquent pas non plus
d'engins variés : le gangut, la sautade, le sardinal, le vérarier,
l’issaube, destinés à prendre des rougets, des sardines, des maque-
reaux et autres poissons migrateurs que la mer pousse parfois jus-
qu’au rivage intérieur. À la faveur de la nuit s’opère, comme cer-
taines chasses interdites, la pêche à la catolle, qui détruit sur le
rivage même une infinité de petits poissons, espoir de l’avenir tué
dans l’œuf, la catolle ayant des mailles très serrées. Les mollusques
ne sont pas davantage à l’abri des recherches. C’est une pêche
pénible mais fructueuse que celle des clovisses dont nos marchés
regorgent. On les prend au moyen d’un rateau garni d’un filet aux
mailles très fines. Le pêcheur, après avoir jeté Le rateau dans l’é-
tang, le remonte, le secoue avec force, fait tomber dans le filet le
sable et la vase qui l’encombrent, et remplit sa nacelle des coquil-
lages précieux. La moule, la ténille, l’oursin n’exigent pas tant
d'appareil. La main de l’homme suffit à les cueillir ou dans le sable
ou sur la roche, le long des bords. Mais il faut croire qu’à travailler
à de si ingénieuses besognes, le monde des pêcheurs a dû, dans
toutes les époques, réaliser pas mal de bénéfices, puisque le droit
de pêche suscita jadis un grand nombre de procès. Les fermiers
tenaient bon contre les propriétaires de ce droit qui sans cesse aug-
mentaient le fermage, et aussi contre les habitants à qui les con-
suls se croyaient obligés de garantir un tarif modéré vis-à-vis du
vendeur de marée, En 1767, le parlement de Toulouse intervint au
profit des habitants de Balaruc. De son côté le fermier réclamant,
en 1783, l'appui de l’administration, celle-ci lui fit construire une
cabane sur le rivage de l’étang, pour qu’il pût s’y abriter, lui, ses
filets et son poisson, et organiser une garde, tant de Jour que de
nuit. Le droit de pêche sur l’étang appartenait, avant la révolution
de 1789: pour Balaruc, aux évêques de Maguelone ; pour Mèze,
partie aux évêques d'Agde et partie aux moines de l’abbaye de Val-
. magne. Quant aux algues marines, propriété exclusive de chaque
communauté, les consuls les mettaient tous les ans à l’adjudication
par lots séparés, afin que tous les habitants en eussent leur part.
Donc les populations riveraines ont tiré et tirent encore leur bien-
TR ES
être de l'étang: Aussi la chanson de Mèze place-t-elle les pauvres
barques sous l’invocation du Taureau, le bon patron :
Prions la Sainte Vierge
Pour notre bon patron ;
Il faut brüler le cierge
Pour que le Grau soit bon,
Pour que toutes nos barques
Voguent sans accident,
Que tout porte les marques
D’abondance et d'argent.
Je ne dis pas que ce couplet soit plus riche que le sonnet d’O-
ronte, mais il a jailli tout franc de l’âme naïve des pêcheurs. Ne
nous attardons pas cependant au milieu de ces braves gens ; il y a
d’autres traits, dans la région, qui méritent d’attirer notre regard.
Ici, Messieurs, j’anticipe malgré moi. Car une vue d’ensemble
n’est possible qu’à la condition de grouper les curiosités éparses à
la surface de l'étang ou dans son périmètre. Une à une, notre
voyage circulaire les relèvera sans aucun doute. En attendant, je
vous signale par avance deux phénomènes bizarres, deux gouffres
de tempérament dissemblable. Le premier s'aperçoit non loin des
falaises de Balaruc-les-Bains, en droite ligne sur Bouzigues, au
seuil même de cet étang de l’Angle que les dépôts de l’Avène fini-
ront par combler. C’est la fontaine de l’Abysse. Elle jaillit du sein
des eaux salées, « si abondante qu’elle formerait, dit-on, une
rivière, et que le bouillonnement de ses eaux s'élève à 30 centi-
mètres de hauteur sur trois mètres de circonférence. » (1) « La
force ascensionnelle de cette source arrête les vagues et les empêche
de passer outre. Pareille à un geyser, sa température est un peu
plus élevée que celle de l'étang ; ce qui explique qu’en 1829, lors
du terrible froid qui permit aux négociants de Mèze de transporter
leur vin en charretie par-dessus l'étang glacé, un espace circulaire
correspondant au gouffre de l’Abysse soit demeuré liquide et ait
été le point de réunion de tout le gibier d’eau de la contrée. » (2).
On présume, peut-être avec raison, que la fontaine de l’Abysse est
alimentée par les déperditions de l'Hérault. L'autre gouffre porte
(1) Joanne. — Géographie de l'Hérault.
(2) Albert Fabre, — Histoire de Balaruc-les-Bains.
4701 =
le nom d’Enversac, ou encore de fontaine Alésieu. « Cet abime est
situé près du bord, au pied d’un roc, au fond d’une petite anse que
dominent les hauts fourneaux, vis-à-vis l’église Notre-Dame de
Balaruc. Dans la saison des pluies, il en sort une eau douce quise
jette dans l’étang ; mais à la fin d'avril la source tarit ; et l’étang
rend abondamment au gouffre, en eau salée, ce qu’il en a reçu en
eau douce ; ce jeu alternatif des eaux a fait donner au gouffre le
nom d’Enversac. » (1). Quelle est la cause de ce jeu ? L’eau douce
vient-elle aussi de l'Hérault ? Serait-ce l’étang de Frontignan qui
se déverse de la sorte, lorsque son niveau surpasse celui de l’étang
de Thau ? Les avis sont partagés.
Ces phénomènes, Messieurs, ne sont pas ordinaires ; mais ce ne
sont que des curiosités naturelles. Voici qu’à la réalité des choses
s’ajoute le merveilleux. Quel coin de terre n’a pas sa légende ?
Quel lac de la Suisse ne se croirait déshonoré, s’il ne célait dans
ses profondeurs quelque cité lacustre ? Croyez-vous que les gens
de Bouzigues vous laisseraient passer sans vous parler de l’antique,
très antique ville ensevelie sous leur étang ? Allez donc voir si
vous r’entendez pas, la nuit de Noël, le tintement lointain des clo-
ches mystérieuses ! J’emprunte le fait à l’Aistoire de Mèzse, de M.
Albert Fabre : « Certaines personnes ont présumé, dit-il, que sur
le terrain où se trouve l’étang de Thau existait une ville considé-
rable ; un inspecteur du port de Cette, M. Cauvy, avait concu le
projet de faire un port de cet étang en coupant une partie de la
plage, et, voulant s’assurer s’il trouverait la profondeur nécessaire,
il fit faire des sondages en plusieurs endroits ; au cours de cette
opération, on rencontra à la profondeur de 15 pieds, quelque chose
de massif que les plongeurs employés à ces travaux reconnurent
pour être les murs d’un canal ou aqueduc qui aurait existé dans la
direction des Bains de Balaruc à Agde, et ils constatèrent que ces
restes d’antiquité étaient parfaitement conservés. Partant de cette
découverte, on supposa que les eaux de la source d’Issanka étaient
conduites à cette ancienne ville par un aqueduc dont on retrouve
yes vieilles ruines entre cette source et Balaruc. » A dire vrai, l’on
ne saurait adhérer sans réserve à l’opinion dont M. À. Fabre s’est
fait ici l’écho. Cependant il cite ses auteurs et il assemble des
preuves. Un Festus Avienus, historien latin du IV® siècle, désigné
(1) Joanne. — Géographie de l'Hérault.
— 180 —
sous le nom de Polygium une ville dont l'emplacement se trouvait
au milieu de notre lac. Or, M. E. Thomas était convaincu, paraît-
il, que l’étang de Thau n’a pas toujours existé, qu’il a été formé à
la suite de cataclysmes provoqués par les volcans d'Agde, de Saint-
Martin du Grau et de Brescou. M. Munier suppose, dans son
Mémoire sur le préhistorique de la Gardiole, qu'aux environs de
l’île Saint-Sauveur, des recherches sérieuses mettraient à nu une
station lacustre analogue à celles de la Suisse. Le docteur Crouzet,
pendant l’hiver de 1859, un jour que le vent du nord soufflait avec
une grande violence et rejetait l’eau de l'étang vers le canal du.
port de Cette, aurait observé des murailles et des pierres tombales
bien avant engagées sous les eaux. Des pêcheurs sont certains d’a-
voir vu des débris de murs autour du rocher de Roquerol. Bien
plus, M. A. Fabre a établi lui-même l’existence d’un château-fort,
en face de Mèze, à 100 mètres environ de l’église des Pénitents.
Et toutes ces substructions marines ont été recouvertes, ajoute-t-1l,
à une époque relativement peu éloignée. Ainsi documentée, la lé-
gende ne prend-elle pas des allures d’histoire véridique ? Je n’y
opposerai que deux objections. Comment se fait-il que le même
cataclysme, qui détruisit l’antique ville pour y substituer l'étang,
n’ait pas également détruit cet aqueduc que des plongeurs ont re-
connu parfaitement conservé ? Faut-il croire, d’autre part, à l’exis-
tence relativement peu reculée d’une plaine terrestre dans un endroit
où précisément l'expérience des siècles prouve que nos rivages
gagnent sans cesse sur la mer ? Je citerai, à mon tour, une auto-
rité qui confirme ce doute. M. Ch. Lenthéric s'exprime ainsi sur
la ville de Mèze, dans son ouvrage Les villes mortes du golfe de
Lyon : « Mèze est bâtie à l’extrémité d’une pente douce, sur un sol
essentiellement fertile, et séparée des collines voisines par deux
petits vallons qui sont presque de niveau avec l'étang, et qui
devaient être recouverts autrefois par les eaux de l’étang lui-même.»
Donc ce n’est pas l’étang qui s’est avancé sur les terres. On peut
admettre l’envahissement temporaire des eaux par suite de bour-
rasques ou d’inondations. Mais, la tempête passée, tout rentre
nécessairement dans la loi générale. Et je trouve naïve cette déli-
bération des consuls de Balaruc qui attribue le trop-plein de l’é-
tang à la « coupure qu’on a faite à la rive opposée », comme si la
mer, quand elle regorge sur ses bords, n’était pas, elle aussi, con-
trainte à rentrer dans son lit. Au reste, les opinions invoquées par
— 181 —
M. Albert Fabre à l’appui de la séduisante légende sont, pour la
plupart, contradictoires et réservées. Elles diffèrent surtout sur le
point précis de l’étang qu’aurait occupé la ville, sur la date même
de sa disparition, sur le peuple qui l’habitait. Il est vrai que cette
histoire a été construite de toutes pièces par les archéologues. Or,
vous vous rappelez la spirituelle boutade de notre ami Moulin à
propos des Antiques de Saint-Remi : « C’est une bien belle science
que l’archéologie, et fertile en surprises, en subtilités de tout
genre, et qui n’existera plus du jour où deux archéologues pourront
tomber d’accord ! » À
En résumé, qu’il renferme ou non les ruines d’une cité disparue,
le bassin géographique de l’étang présente deux aspects distincts :
au nord et à l’est, une ceinture de collines et de montagnes ponc-
tuée, vers le sud, par le dôme isolé du mont Saint-Clair ; à l’ouest
etau sud, dans le sens diagonal, une vaste plaine largement ouverte
à tous les vents. Voilà pourquoi la navigation y est difficile et
parfois dangereuse. « La violence des vents de mer et la subite
renverse du nord-ouest y causent de véritables tempêtes. » (*) Rien
ne se prête mieux, en effet, à ce mouvement giratoire que la dis-
position du relief oriental.
Eh bien, malgré ses puissantes colères, heureusement très rares,
cet ancien golfe, devenu lac à l'inverse du Zuyderzée, n’en est pas
moins le centre d’une activité considérable. Il se distingue même
des autres étangs du Languedoc par un côté particulier de sa phy-
sionomie. Ses eaux profondes, que leur salure préserve de la cor-
ruption des marais, contiennent sous leur poids les innombrables
débris organiques qui pourrissent dans la vase. Point de danger,
par conséquent, pour la salubrité des bourgades riveraines. Tandis
qu'à Vic, à Mireval, à Capestang, à Vias, la mort moissonne, avant
l’âge de dix ans, une moitié de la population, les habitants de
Balaruc, de Bouzigues, de Mèze, de Marseillan jouissent, au con-
traire, des conditions moyennes de la vie. Aussi, du nord au sud
et de l’est à l’ouest, du port de Mèze au port de Cette, de Mar-
seillan à Balaruc, dans toute l’étendue de ces 8.000 hectares de
surface liquide, où le flot coupe le flot comme une lame, voit-on
courir sans cesse quelque voile latine ou quelque panache de fumée.
C’est que la soif du. bien-être ne supporte pas de retard. Autour
de ce bassin, des rivages limoneux fertilisent la terre déjà riche de
(*) Albert Fabre. — Histoire de Mèze.
Ts _— 182 —
son fonds. Culture, industrie, navigation, tout marche en même
temps, sans s'arrêter, sans se confondre. Les produits, on les ex-
porte ; les bois, on en construit des tonneaux ou de petits navires ;
les minerais, on les épurait jadis en d’énormes creusets ; l'étang
lui-même, on l’exploite par la pêche, on lui réclame çà et là un
large tribut de sel marin. Et cet étang, nourricier de la terre, four-
nisseur inépuisable d’une partie de la richesse, auxiliaire perpétuel
de tout ce peuple qui travaille sur ses bords, se fait encore, par
surcroît, le véhicule bénévole de cette activité. Quand on nous dit
qu’il existe des lois de réciprocité entre la vie des hommes et la vie
des éléments, ceci n’en est-il pas un exemple singulier ?
Nous avons vu ce que l’étang donnait aux hommes, voyons ce
que ceux-ci lui ont rendu.
Qu'un artiste nous peigne un paysage, qu’un romancier nous le
décrive, tous deux s’appliquent d’abord à l’animer.Le tableau et le
livre ne nous captivent qu’à ce prix. Je ne conçois guère une mer
sans navire, un champ sans laboureur, une forêt sans oiseaux, une
ruche sans abeilles. Emile Souvestre compare la mer déserte de la
Grande-Bretagne à l’un de ces immenses lacs du Nouveau-Monde
qu’entoure la solitude. Le lac de Thau ne nous offre point cette
image de la mélancolie. Les hommes se sont chargés d’animer sa
surface du va-et-vient continuel de leurs barques de pêche et de
leurs minuscules paquebots, d’égayer ses rives par le miroitement
lointain de leurs blanches maisons que le soleil éclaire du matin
jusqu’au soir, de remplir enfin les échos de cette mer intérieure du
bruit cadencé de la tonnellerie ou du sourd grondement des hauts
fourneaux. A lui seul, le port de Mèze lance dans toutes les direc-
tions sa flottille de 120 navires jaugeant au moins 3.000 tonnes.
Chaque année, 30 à 40 caboteurs étrangers, venus pour y charger
du vin, en emportent à peu près 15.000 hectolitres. Et, sur divers
points de la côte,-les chemins de fer, avec leurs trains qui roulent
nuit et jour, complètent le mouvement commercial. C’est une agi-
tation de tous les instants, ce sont des couleurs, des traits, des
lignes mouvantes, dont l’ensemble constitue un caractère de vie
d'autant plus intense qu’il se répand et s’accumule en un espace
plus étroit. Supposez maintenant avec les poètes, ces dépositaires
élus de la science intuitive, supposez, dis-je, une âme dans les
choses. Car, pourquoi cette pitié du doux Virgile s’écriant par la
bouche d’Enée : Sunt lacrymæ rerum ? pourquoi cette angoisse
— 183 —
de Bernard Palissy devant les arbres meurtris et mutilés ? pour-
quoi cette philosophique émotion de tous les cœurs d'élite, s’il n’y
a pas dans l’intime secret de la nature une sorte de sensibilité con-
fuse qui la rend capable de souffrir et de jouir ? Eh bien, j'aime à
me figurer la terre, les arbres, les eaux, le ciel même tressaillant
d’une joie quasi consciente, lorsque l’homme comprend, respecte et
embellit la vie universelle. Heureux étang, autour duquel cette vie
coule à pleins bords !
Mais si, grâce à d’humbles ouvriers, matelots, laboureurs, arti-
sans du négoce et de l’usine, ce coin de mer a revêtu l’aspect d’un
paysage fait à souhait pour le plaisir des yeux, des ingénieurs sont
venus qui, gens pratiques et peu contemplatifs, résolurent d’en
utiliser les forces vives. Pour maintenir la prospérité des ports inté-
rieurs, jadis si fréquentés, il était nécessaire que l’étang et la Médi-
terranée communiquassent entre eux par une ouverture plus stable
que les graus. Le port de Cette, alors en formation, n'aurait lui-
même qu’à gagner à un transit plus régulier. Aussi Paul Riquet
créa-t-il, en 1666, le canal de Cette, avec l’appui de Clerville, de
de la Feuille, du Père Mourgues, de Vauban et de Niquet, associés
dans l’œuvre commune des fortifications. « Ce canal est presque
achevé, écrivait M. de Froidour en 1671, et il ne reste plus qu’à
ouvrir et à percer un reste de plage pour luy donner son embou-
chure dans le port. Mais il y a cette différence à observer, que ce
qui passe dans la plage n’est que terre, et que ce qui passe dans
l’Estang est basti ou revestu à pierres sèches. Comme lEstang
estait fort plat sur les bords, il a fallu, durant l’espace de 420 toises,
y creuser le Canal, et le fortifier de ces sortes de murs pour empes-
cher les eaux de l’endommager. » L’exportation, celle du vin sur-
tout, et l’importation, principalement celle des bois, augmentant
dès lors, le canal de Cette devint, pour le commerce de Marseillan
et de Mèze, un débouché des plus heureux. Mais Paul Riquet son-
geait également à faire aboutir la navigation de son caual du Midi.
Les bateaux à fond plat, qui transportaient les marchandises de
l’ouest, n’eussent jamais affronté les dangers d’une traversée aléa-
toire sur l'étang. Il y avait bien le port d'Agde, au bout de leur
parcours. Qui pensait en ce moment à sauver le port d'Agde ? On
dragua tout simplement un chenal à travers l’étang de Thau et
tous ceux qui le prolongent jusqu’au delta du Rhône. De la sorte,
par ce Canal des Elangs, les barques à fond plat purent suivre la
— 184 —
ligne intérieure du rivage marin sur un espace de 60 kilomètres :
et Cette, port nouveau, accapara presque à lui seul les bénéfices
de ce double commerce provenant du dedans et du dehors. L'avenir
appartient à Cette, nous dit-on ; les travaux contemporains amé-
liorent son bassin, fortifient sa colline, en feront à la longue une
position stratégique formidable. L'avenir enveloppe bien des espé-
rances. Qui sait ? Peut-être, un jour, verrons-nous la France
entière accourir autour de notre étang devenu le premier port du
monde, et là, par inauguration du CANAL DES DEUX MERS,
prendre solennellement sa revanche de la parade de Kiel ! Rappe-
lons-nous la tentative de M. Cauvy, tentative fondée, du reste,
sur une opinion déjà ancienne. Quand un premier effort échoue,
l’idée inspiratrice demeure. On peut la ressaisir, la remettre à l’é-
tude, l’étayer sur les progrès les plus récents de la science, la faire
triompher ! Ce serait alors une consécration définitive du pacte
éternel de la nature et de l’art. (*)
Vous me direz que, dans ce contrat providentiel qui associe à la
libre activité des hommes les forces aveugles de la nature, tout le
profit est pour nous. Justement, et c’est, à tous égards, un privilège
incontesté. Là-dessus nos philosophes sont d'accord avec la tradi-
tion biblique qui assigne à l’homme la royauté sur son domaine.
Mais si l’on réfléchit à la brièveté de notre existence, et qu’on l’op-
pose à la durée des choses, 1l y a bien compensation. D'ailleurs, ce
contrat n’est, au fond, qu’une lutte après laquelle le vainqueur
s’approprie les dépouilles du vaincu. Quelquefois nous succombons.
Le plus souvent la victoire est au bout de nos travaux. Trop heu-
reux quand la lutte pour la vie n’excite pas, plus tard, les uns
contre les autres ceux qui avaient réuni leurs efforts pour dompter
les éléments !
Cependant il arrive un jour où le lutteur fatigué dépose ses ar-
mes dans la plaine. Désireux de contempler de haut le champ de
ses batailles pacifiques, de voir dans quel rapport se sont unis
l’œuvre de la nature et le travail humain, il gravit quelque som-
met du voisinage, d’où son regard puisse embrasser tout l’ensemble
(*) — « Un grand projet s'impose de plus en plus à l'attention publique.
Je veux parler du Canal des Deux-Mers. Cette entreprise aurait une portée
incalculable. Malheureusement, elle a été retardée jusqu'ici par le fait d’une
résistance qui a sa source dans la puissance formidable que constitue le
syndicat des grandes Compagnies de chemins de fer. Il ne faut pas chercher
ailleurs ; là est l'obstacle fondamental. On n'aboutira pas avant de l'avoir
écarté. » — Lemasson (26 nov. 1895).
à.
— 185 —
de létang. Le spectacle dont 1l jouit alors satisfait son orgueil, re-
lève ses espérances et verse dans son âme un torrent de poésie.
Toujours, en effet, sommeille au fond du cœur de l’homme l’étin-
celle toute prête à jaillir au moindre choc des émotions subites.
L'imagination donne des ailes à la pensée qu’alourdissait le labeur
quotidien ; elle grandit aux yeux les proportions ordinaires de la
réalité. Elle suscite même une éloquence passagère chez l'écrivain
le plus amoureux des documents précis. Tel cet élan du lyrisme
qui brille à la première page de l’Æistoire de Balaruc. C’est un
petit chef-d'œuvre de style descriptif. L’auteur me permettra d’en
détacher les plus jolis morceaux. Il les écrivit, je crois, en 1821,
sur une éminence au nord du village, d’où sa vue atteignait les
quatre points de l'horizon : « Dans le lointain, dit-il, disparaissent,
sous les vagues, Marseillan, et, plus au sud, le pic Saint-Loup,
au pied duquel on aperçoit par un beau temps Agde, la ville noire...
Sur les pentes du mont Saint-Clair, à Cette, d’élégantes villas se
cachent dans la verdure. La courbe majestueuse de cette montagne
imprime à ce coin de tableau un caractère qu’on ne peut oublier,
lorsque, par une belle journée, on voit ces paysages à travers la
limpidité de l’air et sous le scintillement des eaux de l'étang.
Le spectacle devient étrange et surnaturel, dès que la brume a jeté
son voile sur les eaux limpides. Vers Le fond, des rayons lumineux
s’'éclipsent par intervalles : c’est le phare d'Agde placé au sommet
d’une montagne volcanique ; quelques lueurs vaporeuses indiquent
les emplacements des lieux habités... Un éclair jaillit, un sourd
grondement se fait entendre : les yeux sont éblouis par la lave in-
candescente qui s'échappe du ventre rebondi des hauts fourneaux.
Par les ouvertures supérieures, des ciartés vibrantes font miroiter
les eaux, et les yeux ne peuvent se détacher de ces points bril-
lants; ils en sont comme fascinés ; le vent, qui s’engouffre avec
bruit dans les flancs de ces cuves de briques cerclées de fer, en-
gage avec le charbon une lutte victorieuse contre le minerai qu’il
réduit bientôt en lave... A ces bruits vient se mêler le roulement
continuel des trains qui parcourent le littoral ; des lueurs rouges
sillonnent sans cesse tout l’horizon, et, lorsque les chauffeurs ali-
mentent les brasiers des machines, la fumée des locomotives s’é-
claire en longues traînées blanchâtres à travers ces espaces déserts.
Si vous levez les veux vers la voûte céleste, les étoiles brillent d’un
vif éclat, et la masse sombre du Saint-Clair apparaît alors comme
un gardien vigilant... »
— 186 —
Voilà, Messieurs, comme on écrit, lorsque, par une nuit sereine,
dans le recueillement de la pensée, l'imagination se fait complice
de l’ombre pour embellir aux regards de l’observateur le cadre
grandiose qui l’émeut. laissons à notre étang le charme rare de
cette vision poétique du soir. Ce sera le dernier terme de l’étude
que je viens d’esquisser.
VI. — BALARUC. — LES THERMES
Depuis tantôt deux heures nous voguons, et peut-être mon récit
s’en irait-1l à la dérive, si M. Figaret, plus habile à diriger son
navire que nous notre imagination, n’accostait la jetée du port de
Balaruc. Là nous attend, avec sa jeune famille, un de ces poètes
à l’intelligence divinatrice, tels que l’antiquité les comprenait, qui
éclairent de leurs vives images le sens caché de la nature, l’expli-
quent par le cœur autant que par l'esprit, et sont de vrais savants
dans la plus haute acception du mot. Tout le monde a reconnu de
loin le sympathique auteur de la Légende du Caroux. Le félibre
se montre tout heureux de nous serrer la main. Arrivé plus tôtque
nous, par voie ferrée, il a prévu la difficulté qu’opposerait, en plein
midi, la route poudrease d’Issanka. Aussi les dames pourront-
elles, grâce à lui, s’y rendre en voiture, bienfait inappréciable en la
saison qui court. Le temps presse, d’ailleurs, et cependant, nous
voudrions bien visiter les Thermes, puisque nous sommes venus à
Balaruc pour les y étudier. Mais ceux qui ont suivi toutes nos
excursions de cette année penseront, comme moi, que les villes
d’eaux ne nous sont plus hospitalières. À Lamalou, nous vimes
beaucoup de choses exceptéles établissements de bains. Ici de même.
On dirait, Dieu me pardonne, que nous inspirons de la méfiance à
ces industriels. Y a-t-il un secret qui intéresse leur fortune? Crai-
onent-ils cette réclame absolument scientifique dont nous récom-
penserions leur amabilité? Mystère. Toujours est-il qu’on nous
supporta cinq minutes dans le pare de Balaruc ; que des piscines
régénératrices nous n’aperçümes que les murs; et qu’on nous re-
garda partir avec soulagement. Eh bien, ce que la Direction de
l'établissement thermal refusa de nous laisser voir, je prétends vous
en parler en dépit d’elle, ne serait-ce que pour rendre hommage à
la vérité, la vertu des eaux étant indépendante de ceux qui les
exploitent.
— 187 —
Sans remonter jusqu’à l’époque durant laquelle, à l’exclusion de
tout propriétaire, les Romains jouissaient en liberté des sources
précieuses de Balaruc, l’histoire attribue à ces dernières une longue
renommée, et les médecins un grand nombre de guérisons. Bien
entendu, les médecins ne soufflent mot des malades que ces mêmes
sources ont tués. Jamais une monographie n’incriminera objet.
dont l’auteur s’est proposé de nous entretenir. Aujourd’hui encore,
de cruelles méprises ont pu faire maudire Balaruc par ceux qui sv
soignaient à l’aventure. Témoin le capitaine Paule, jeune officier
que la paralysie brisait en 1872 au début de sa carrière. Il en re-
vint plus perclus qu’il n’y était allé, ayant complètement perdu
l’'usage de la langue et sentant son mal progresser vers le cœur.
Quelque temps après, si j'en crois le rapport de M. Sabathier, les
eaux de Lamalou-l’Ancien, mieux appropriées à son cas, lui rendi-
rent assez de force pour bégayer contre le chirurgien-major de
terribles imprécations. Je suis certain que les eaux de Balaruc en
eurent largement leur part. Beaucoup de sources minérales, en
raison même de leur énergie, offrent parfois de graves dangers,
pour peu qu’on en use à contre-sens. Qui ne sait qu’à la Raïllière-
Cauterets d'imprudents touristes, sains et forts, contractèrent des
lésions aux bronches, alors que cette source les cicatrise habituel-
lement ? Quand on songe combien la science de l’analyse était igno-
rée des Anciens, on se demande avec effroi quel nombre de victimes
dut leur coûter cette méthode empirique, la seule qui leur fit con-
naître la spéciale efficacité de telle source ou de telle autre. Car
ici, ce n’est point un remède dont on dit: s’il ne fait pas de bien,
il ne fait pas de mal. Nous ne souffrons plus, de nos jours, qu’on
en fasse l’expérience ; le médecin répond de nous. Voilà pourquoi
toute une série d’ouvrages, toute une thérapeutique nouvelle s’oc-
cupent de plus en plus des eaux thermales. C’est un progrès, en
même temps qu’un retour vers le passé, mais un retour opéré dans
la pleine conscience des faits, avec la lumière de la raison expéri-
mentée et sûre d'elle-même. Balaruc tient une grande place parmi
les monographies qu’ont écrites les hommes de l’art. Son anti-
quité, les cures célèbres qui frappèrent l’attention à partir du XVe
siècle, la douceur de son climat, le voisinage de la mer, son hôpi-
tal civil et militaire, enfin les vertus quelquefois héroïques de ses
eaux, tout contribue à lui concilier l'intérêt des savants. Il n’y a
qu’à feuilleter leurs livres pour en extraire les indications essen-
tielles vainement sollicitées sur les lieux par notre Compagnie.
— 188 —
Constatons d’abord, avec le docteur Adrien Planche, que les
Thermes de Balaruc attirent beaucoup moins de baigneurs qu’au-
trefois. Certainement, les causes des maladies qu’on y traite n’ont
pas diminué de fréquence. Loin de là : plus le siècle marche, plus
elles se multiplient. Chez le prolétaire, des logis froids et humides,
une nourriture misérable, un travail excessif, l’atmosphère mal-
saine des usines, l’accablement de la vie, tout favorise et engendre
la scrofule. Dans la bourgeoisie, trop de soins, la bonne chère, les
spéculations fiévreuses suivies de déceptions sans nombre, l’ar-
dente recherche des honneurs que ne récompense pas toujours le
succès, les revers répétés de la fortune, n'est-ce pas autant de
causes qui amènent les congestions ou les apoplexies cérébrales ?
Qu'on ne vienne pas dire, non plus, que les propriétés thérapeu-
tiques des eaux se sont affaiblies, ou encore qu’elles ont été autre-
fois exagérées, peut-être même que d’autres sources ont jailli, dont
les vertus seraient supérieures à celles de Balaruc. Les récentes
analyses de MM. Brongniart, Figuier, Saint-Pierre, Rousset, de
Serres, Chancel, Béchamp et Gautier, prouvent l’intégralité des
éléments reconnus dans ces eaux, en 1579, par Nicolas Dortoman,
alors professeur à l’Université de Montpellier; et si quelques per-
sonnes vantent les eaux de Barèges comme plus actives ou exci-
tantes que les eaux de Balaruc, c’est que, dans certains cas très
rares, étrangers sans doute à la paralysie, Barèges a donné de plus
rapides résultats. Non, ce n’est point un discrédit des eaux de
Balaruc qui en éloigne les baigneurs. Le vrai motif, comment vous
l'indiquer au milieu d’une assemblée sérieuse ? C’est qu’auprès de
cette station balnéaire on n’a rien sacrifié au luxe et au plaisir;
c’est qu'il n’y a ni bals, ni jeux, ni cafés-concerts, ni discrètes
charmilles où s’élaborent les intrigues que dénoueront les fêtes de
l'hiver. N'est-ce pas abominable qu’on se contente d’y guérir les
malades ? Parlez-moi de ce parc ombreux, jalousement surveillé,
que remplit le silence,et dans les branches duquel les oiseaux eux-
mêmes, engourdis par les émanations d’alentour, semblent se con-
former à l’hypocondrie des promeneurs : ce parc-là, depuis quand
existe-t-1l ? depuis 1833 à peine. Voilà donc pourquoi les gens du
monde ne fréquentent pas Balaruc. Serait-ce également pour ce
motif que les médecins du genre complaisant, tels que Gyp les a
dépeints, n’y envoient point leur clientèle? Autrement soucieux
de leur santé furent les illustres malades d’antan : Rabelais, Guil-
Jaume de la Chaume, chevalier de Grignan, Philippe d'Orléans,
— 189 —
Montgolfier, de Sémonville, Paganini. Tous obtinrent de leur
séjour à Balaruc le soulagement de leurs maux. Montgolfier s y
fixa jusqu'à sa mort; le Régent s’y guérit d’une blessure qu’il avait
reçue au siège de Turin ; quant au chevalier de Grignan, gout-
teux et podagre, Madame de Sévigné nous dit que « trois jours
passés à Balaruc ont fait un miracle que le Mont-Dore et Barèges
avaient été impuissants à produire. » Mais de théâtre, de jeux, de:
fêtes, grands seigneurs et artistes s’en passèrent. Seulement, j’ima-
gine qu’en son doux nonchaloir la société d’alors savait, par son
esprit, tromper l’ennui de cette Thébaïde.
Les mémorables guérisons signalées par les auteurs se rappor-
tent à des maladies qui, plus ou moins, peuvent être ramenées à
deux types généraux : la paralysie et la scrofule. A la paralysie
les médecins rattachent les lésions organiques du système nerveux,
les diathèses morbides du sang, l’atrophie musculaire, l’ataxie
locomotrice, le rhumatisme chronique ; ou plutôt, pour être exact,
ces divers états ne sont que les symptômes, les avant-coureurs de
la paralysie. De même pour la scrofule ou le lymphatisme, entre
lesquels on ne saurait établir de barrière bien précise. C’est un
tempérament qui prédispose aux engorgements avec suppuration,
à l’hypertrophie ganglionnaire, aux œdèmes ; aux ophtalmies,
corysas, amygdalites et otites ; aux tumeurs du genou et de la
hanche ; aux abcès et fistules de toute sorte ; quelquefois aussi à
la carie osseuse et à la dégradation profonde des tissus. De là
encore, chez les malades atteints de diathèse scrofuleuse, le carac-
tère grave de cerlaines cachexies, de l’anémie, du scorbut, des
plaies d’armes à feu. Je n’ai pas à exposer iciles détails techniques
dont l’étude est fort intéressante à lire dans les mémoires médicaux
relatifs aux eaux de Balaruc. Car elle est loin d’être complète, la
liste des maux qu’elles sont de nature à soulager. Lesdits mémoires
vantent surtout leur action physiologique. Il est clair, comme le
dit M. Brunetière, que « dans une combinaison naturelle, un corps
possède et développe des propriétés que n'auraient pas ses élé-
ments, s'ils étaient isolés. » (*) Les substances minéralisatrices
que contient l’eau de Balaruc, absorbées à la fois par la peau et
les voies respiratoires, produisent en effet dans tous les organes une
suractivité vitale qui ne laisserait pas de devenir un danger, pour
(*) — Ferdinand Brunetière. — La science et la religion (réponse à quel-
ques objections). 1895.
— 190 —
peu que le traitement du malade n’y fût pas surveillé d'heure en
heure. A cause de leur puissante énergie, l’application thérapeu-
tique de ces eaux nécessite d'autant plus, de la part des médecins,
la connaissance parfaite des éléments dont elles se composent, voire
même une très longue expérience de leur mode d'emploi.
Quels sont donc les principes actifs des eaux de Balaruc ? L’a-
nalyse chimique, souvent répétée, y a découvert du chlorure de
sodium, dans la proportion de sept dixièmes ; et, à doses bien infé-
rieures, des chlorures de magnésium, de lithium, de cuivre ; des
sulfates de chaux, de potasse ; des bicarbonates de chaux, de ma-
gnésie ; des acides carbonique, silicique, borique, phosphorique ;
de l’oxyde de fer ; de l’alumine ; du manganèse ; des traces de
nitrates et de bromure de sodium. Comme aspect, l’eau de Balaruc
est très limpide, onctueuse, irisée au contact de l’air atmosphéri-
que par la formation de carbonates qui, étant plus légers que l’eau,
viennent nager à sa surtace. Sa saveur est légèrement salée, pi-
quante, laissant un arrière-goût amer dü probablement à la pré-
sence des sels de magnésie. Mais ce qui surtout la caractérise, et la
distingue des eaux salées froides adaptées à d’autres médications,
c’est sa température à peu près constante de 47° à 48° centigrades.
Par sa composition et par ses propriétés, cette eau thermale salée
se rapproche beaucoup, dit-on, des eaux de Wiesbaden et de Bour-
bonne-les-Bains. Avec une richesse minérale peu différente, les
trois eaux de cette famille sont également chlorurées sodiques, ma-
gnésiennes et cuivreuses. Est-1l besoin d’ajouter que Balaruc tient
la première place ?
Restent à connaître les moyens dont la science dispose pour uti-
liser des vertus aussi actives. À ce propos, le livre du docteur
Planche renferme de précieux renseignements. Disons, avant toute
chose, que « les eaux de Balaruc sont administrées à l’intérieur et
à l’extérieur : en boisson, en gargarismes en bains généraux et
locaux, en douches internes et externes de toute espèce, et sous
forme de boues. On les ordonne pures ou associées aux eaux mères
des salines environnantes. » Il n’y à point peut-être d'indication
thérapeutique plus délicate à observer que celle qui consiste à admi-
nistrer l’eau thermale en boisson. Néanmoins, grâce à une sage
surveillance des médecins-inspecteurs, les goutteux s’en trouvent
bien, et les paralytiques aussi, quand la paralysie est une suite de
l’apoplexie ; soit que le chlorure de lithium agisse sur les pre
— 191 —
rniers, soit que les seconds doivent leur soulagement à l’action déri-
vative de l’eau sur le tube digestif. Les bains exigent une étude
assez complexe des malades qu’il conviendrait d’y plonger. Leur
appropriation dépend du degré de la température que l’on gradue
à volonté, pourvu qu’elle demeure constante pendant l’immersion,
et surtout de la durée du bain. Ils sont utiles, à haute tempéra-
ture, dans les cas de paralysie ancienne et de rhumatisme chroni-
que ; à température plus faible, dans l’anémie, dans les cachexies,
dans l’appauvrissement du sang, dans la surexcitation du système
nerveux. S'il s’agit de bains locaux, de bains de jambe, par exem-
ple, ayant pour but d’activer la circulation vers les parties infé-
rieures, ce sera un excellent adjuvant dans les cas d’apoplexie
cérébrale. Plus énergiques que le bain, les douches sont, paraît-il,
presque toujours réclamées des malades ; c’est un moyen balnéo-
thérapique en lequel ils ont foi, mais encore faut-il qu’il soit réglé,
tout autant que le régime de la boisson. On l’emploie «( toutes les
fois que l’on veut obtenir une réaction générale, un effet révulsif
sur la peau, la résolution de quelque engorgement viscéral ou
articulaire. » De même qu’aux stations de Dax, d’Uriage, de Bour-
bonne, on fait aussi, à Balaruc, un fréquent usage des boues miné-
rales. Autrefois ce moyen était beaucoup plus recherché qu’au-
jourd’hui. Cependant il continue à donner d’excellents résultats
contre les lésions sur lesquelles on applique la boue en forme de
cataplasme astringent et antiseptique, sauf à prescrire ensuite un
bain ou une douche pour se laver. Notons en outre, et brièvement,
les gargarismes, si les symptômes de paralysie portent sur les
muscles de la langue ; Les lotions sur les yeux, en cas d’ophtalmie
scrofuleuse, ou sur d’autres parties, si l’on veut cicatriser des
ulcères ; les injections enfin, pour ranimer la vitalité des tissus dans
les trajets fistuleux, et même pour combattre la paralysie de la
vessie avec les désagréments sans nombre qu’elle entraine à sa suite.
Et le spectacle de routes ces misères humaines tient en entier dans
un Etablissement thermal, dont il serait trop long d'expliquer les
origines et les modifications successives.
Ce qu’elle est, en ce moment, cette maison fermée aux touristes,
nous ne le savons guère de visu ; mais mon docteur, moins discret,
vous le dira: ( Les Thermes sont bâtis sur la source elle-même.
Ils renferment des cabinets de bains, des salles de douche, des
piscines. La partie balnéaire est en rapport avec les exigences de
la science moderne. On y trouve une buvette qui est à l'abri des
1 — 192 —
intempéries par une grande lanterne placée au-dessus de la cour.
Cette cour est de plain-pied avec la rue principale du village, dont
elle est séparée par une grille en fer. L’eau thermale s'écoule d’un
robinet par Jet continu dans une grande coquille en fonte, et celle
qui n’est pas utilisée en boisson se perd constamment dans le canal
de fuite. Pour arriver à ce résultat, l’eau est puisée dans un bassin
dans lequel elle se rend directement en émergeant du sol, par une
machine ‘à vapeur ; elle est élevée ainsi jusqu’au premier étage,
dans un réservoir qui la laisse constamment s’écouler. Il y a deux
piscines. On ne s’en sert pas. IL y en a une cependant qui est con-
sacrée au service de l’hôpital, avec les salles duquel elle commu-
nique par un corridor très court. Il y a douze cabinets de bains,
quatre salles de douches. Il y a encore une ancienne salle d’étuve,
qui date de 1712, où l’on peut prendre des bains de vapeur, de
bras, de jambe. En résumé, le bassin de captage se trouve sous la
cour ; de toute l’eau que la pompe à vapeur monte dans les réser-
voirs, une portion descend dans le conduit de la buvette; l’autre
portion doit servir aux bains et aux douches pour tempérer la cha-
leur naturelle de l’eau thermale. » Ajoutons qu’à l’heare présente,
la Direction a augmenté le nombre de cabinets de bains.
Tant s’en faut, Messieurs, que j’aie tout dit sur les Thermes de
Balaruc. Il est bon de savoir se horner. Nous jetterons un simple
regard vers l’endroit où fut jadis la piscine romaine de marbre
blanc, retrouvée depuis peu. Cet endroit est en dehors des thermes
actuels, en face du parc, de l’autre côté de la route qui partage en
deux le nouveau Balaruc, presqu’à l’angle du chemin creux par où
nous arrivämes du port à l'établissement. Si j'étais archéologue,
vous me pardonneriez de vous restituer cette piscine à l’aide des
documents variés que l’on a mis au jour. Je n’usurperai n1 ce droit,
ni cette qualité. Laissez-moi cependant vous conduire, en compa-
gnie de notre bon docteur, dans les murs de l'Hôpital civil et
militaire. Son institution date de longtemps. C’est, en quelque
sorte, une succursale des hôpitaux de Montpellier. Le médecin-
inspecteur de la station en dirige le service médical, et ce sont les
Sœurs de Saint Vincent de Paul qui le desservent. On y trouve
des salles réservées aux civils, aux femmes et aux enfants, d’autres
aux soldats qui, généralement, y sont soignés pour le scorbut ou
pour les plaies d’armes à feu, au retour de leurs campagnes. En
tout quatre-vingt-quatre lits. Par un privilège très ancien, et que
es Tribunaux ont confirmé, l’établissement hospitalier reçoit l’eau
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— 193 —
des Thermes pendant certains mois de l’année, du 15 mai au 15
juin, et du 15 août au 15 septembre. Ce n’est pas qu’à Balaruc la
saison balnéaire ne püt durer toute l’année. Mais les malades sont
dans l’habitude de fréquenter ses eaux surtout pendant les mois de
mai, juin, septembre et octobre ; dans lés mois de juillet et d'août,
leur nombre diminue. Y aurait-il là de quoi expliquér là mauvaise
humeur de la propriétaire à notre égard ? + Ji
Et maintenant, si vous me demandez quelle peut être, autour de
Balaruc, la distraction des baigneurs assez valides pour se prome-
ner, mais dont l'esprit ne serait point ouvert aux séductions de la
nature, non plus qu’à celles de l’art, je vous répondrai qu’ils ont
deux lieux à visiter : les hauts fourneaux et la raffinerie du pétrole.
Cette dernière industrie est installée plus près que la première,
laquelle, du reste, ne fonctionne plus. On en découvre les bâtiments
tout neufs au fond de l’anse qui regarde l’entrée du port; mais
aucun bateau à vapeur ne s’en approche. Les pétroles bruts y ar-
rivent de Russie et d'Amérique. Après épuration, ces pétroles de
double origine constituent deux qualités différentes; les pétroles
russes sont d’un aspect violâtre ; les pétroles américains tombent
sur le jaune et sur le vert. Quant à leur pouvoir éclairant, à l'ou-
tillage mis en œuvre, à l’importance de l’usine, impossible de vous
renseigner moi-même ; Je dois rester aussi muet que le directeur,
à qui j'ai vainement demandé des détails par écrit, bien que j'aie
payé la réponse.
Adossés aux contreforts de la Gardiole, non loin du chemin de
fer de Cette à Montbazin, les hauts fourneaux ont éteint leurs feux
depuis plusieurs années. Ils ne se prêtent donc plus à la belle des-
cription nocturne qu’en a faite M. A. Fabre, dans son Histoire de
Balaruc. Mais nous apprenons, dans le même livre, qu’on y trai-
tait les minerais des P yrénées, d’Espagne et d'Afrique. Leur cons-
truction nécessita de grands travaux de terrassement et l’extrac-
tion par la poudre de 100,000 mètres cubes de rocher. Masse énorme
de déblais avec laquelle on édifia la longue jetée du port. Les déux
hauts fourneaux pouvaient produire 30,000 tonnes de fonte par an.
Toutefois, en dépit des perfectionnements de l’industrie métallur-
gique et malgré l'installation toute récente du chemin de fer, cette
usine n’a point réalisé les espérances que l’on avait fondées sur
son avenir, puisque la voilà aujourd’hui muette et dressant dans
le silence ses immenses cuves refroidies,
= 194 —
VII. — ISSANKA
Tandis que je causais tout à l’heure avec vous, Messieurs, de
la misère physique et des moyens de la guérir, les dames, effrayées
de ce tableau, partaient en voiture pour Issanka. Hâtons-nous de
les y rejoindre. Une lieue nous en sépare, et Dieu sait quelle route |
Plus d’un, qui n’ose formuler sa pensée, regrette peut-être les
fraîches rives de l’étang. Qu'ils se rassurent. Comme autrefois la
montagne de Mahomet, une oasis délicieuse s’avance vers nous à
mesure que nous allons à elle. Là, le parc magnifique, dont les
hautes frondaisons percent presque les nues, semble nous dire:
« Entrez ici, vous ne gênez personne ; mes avenues sont libres.
La poussière de ces cascades par où se précipitent les eaux limpides
de la source d’Issanka, et qui féconde mes gazons, c’est pour vous
qu’elle se répand sous mes ombrages. Errez à l’aise de massif à
massif ; que les enfants s'amusent, et crient, et chantent, et pren-
nent leurs ébats en toute liberté. Dressez des tables au pied de mes
troncs séculaires et livrez-vous à la douceur des festins improvi-
sés. Le vent du nord, en secouant mes branches,balayera les débris
impurs que vous aurez laissés ; et moi, j'aurai senti durant quel-
ques heures palpiter la vie autour de ma futaie, j'aurai, moi la
nature, communié avec l’humanité. » Ce langage, Je défie les
hommes de le tenir à d’autres hommes. Il semblait tout nouveau
pour nos âmes. Avec le souvenir de notre promenade maritime du
matin, le moment présent adoucissait bien des rancœurs, redon-
nait à l’excursion son véritable caractère fait de gaîté, de mutuel
épanchement, d’oubli absolu des préoccupations quotidiennes. C’est
que, Jeunes et vieux, faibles et forts, riches et pauvres, nous savons
nous unir en une grande famille spontanée où les niveaux s’effa-
cent et se confondent dans le seul respect de la personne morale
dont chacun de nous est animé. Notre secret vaut bien qu’on
le divulgue; ilest si simple, que beaucoup auraient peine à
le découvrir, en l’état des mœurs contemporaines. Mais revenons
à mon récit. Le paysage d’Issanka s'étend, du côté de la source,
en bosquets parsemés d'éclaircies qui se resserrent de plus en plus
entre la route et le ruisseau. Vers l’ouest, un pont oblique le tra-
verse, œuvre d'art considérable soutenant à la hauteur des cimes
d'arbres la ligne ferrée de Cette à Montbazin. Plus bas, à la lisière
des pelouses, un cafè-restaurant ouvre toute grande, au piéton
1195 —
épuisé de fatigue et de sueur, cette porte classique que couronné
la vigne. Une douzaine d’excursionnistes, mieux informés que
leurs confrères,y avaient commandé leur repas. De diner sur l’herbe
ou de diner sur des bancs, l’épisode est trop connu pour que j'en
parle. Ce qui pourtant sortit de l’ordinaire, et qui s’offre rarement
à nous dans Ja série de nos promenades champêtres, ce fut de
boire du café chaud tonifié d’un excellent cognac, à l’ombre des
grands arbres, et de jouir, au sein de la campagne, des commodités
de la ville. Il n’en fallut pas davantage pour exciter la verve gé-
nérale. Lorsque le gai félibre de Béziers leva son verre et chanta
sa Jolie chansonnetie bachique, de forme et de sentiment si déli-
cats, quel est celui de vous, Messieurs, quelle est celle de vous,
Mesdames, qui ne comprit jusqu’à quel point s’idéalise, entre gens
de bonne compagnie,ce plaisir de la table que les Anciens mettaient
au rang des bienfaits accordés par les dieux? Le début était char-
mant, nous attendimes l’épilogue. Alors, dans les mains du poète
parut le mystérieux carnet d’où s’envolent, de temps à autre, quel-
ques-unes de ces fines abeilles transportées de l’Aîtique sur le sol
biterrois. Conticuêre omnes intentique ora tenebant. Une rumeur
légère accompagnait la chute du morceau, et le poète s’arrêtait au
milieu d’une explosion de rires. On vit même un grand diable de
postillon s’approcher plein d'enthousiasme, et, gauchement, mais
sincèrement, réclamer de M. Maffre copie de ces machines qui
l'avaient amusé... sc tant! Comme vous pensez, la chose avec -
orâce fut promise: il est si bon de faire des heureux ! Puis, le ré-
gal terminé, nous nous dirigeons, sous l'impression la plus agréable,
vers les travaux de captage par lesquels la ville de Cette s’ali-
mente d’eau douce depuis 1862. Du moins le chantier fut-il ouvert,
à cette époque, vers la fin de l’année.
VIII. — LES TRAVAUX HYDRAULIQUES (*)
L'auteur du projet fut M. Duponchel, ingénieur des Ponts et
Chaussées, qui en surveilla l'exécution. M. Valez, conducteur, di=
rigea les travaux.
(*) D'abondantes notes, absolument inédites, m'ont fourni la matière de ce
chapitre. Je les dois à l'extrême obligeance de M. Cuilleret, ingénieur hy-
draulique de la ville de Cette, lequel voulut bien les rédiger sur la demande
de M. Eugène Ortus, professeur au Collège, l’homme le plus serciable qué
je connaisse. Que ces Messieurs recoivent ici l'expression de ma gratitude
et les remerciements de la Société. Ps
— 196 —
D’après le système alors adopté, l’eau était captée et amenée, au
moyen de galeries en maçonnerie, dans un puisard creusé au bord
de la route nationale de Cette à Gigeun, en un point situé à 11
kilomètres de Cette. Là, elle était puisée à l’aide de pompes action-
nées par des machines à vapeur et refoulée dans un réservoir de
3.000 mètres cubes, à 5 kilomètres plus loin et à la côte 40 au-
dessus du niveau de la mer. Ce bassin, dit de Rech, situé à 6
kilomètres de Cette, distribuait l’eau par pente naturelle sur toutes
les parties de la ville.
Ce système d'adduction ne tarda pas à devenir insuffisant. De
1863 à 1865, diverses améliorations y furent apportées. On installa
notamment à la partie supérieure de Cette, à l'endroit depuis nommé
Château-d’Eau, un bassin d’une contenance de 2.700 mètres cubes
qui régularisa l’alimentation et servit de réserve. De plus, à la
Sonrce même, une roue hydraulique, mue par les eaux de la rivière
et actionnant des pompes capables de refouler de 5 à 600 mètres
cubes par 24 heures, vint en aide aux moteurs à vapeur.
En résumé, le système établi consistait en machines et pompes
refoulant l’eau de la Source à un réservoir supérieur, susceptible
de distribuer l’eau par pente naturelle jusqu'aux points les plus
élevés de la ville. Les machines élévatoires, au nombre de deux et
de la force de 20 chevaux chacune, pouvaient élever ensemble
2.400 mètres cubes par jour.
Mais à mesure qu’augmenta la population, ces machines, voire
même la canalisation entre Rech et Cette, demeurèrent au-dessous
des besoins nouveaux. Dès 1872, on s’inquiéta donc des moyens à
employer pour conduire à Cette une eau plus abondante. Un essai
de machine auxiliaire à Issanka n’eut aucun résultat, à cause de
l'insuffisance du canal de refoulement.
Plusieurs projets furent alors successivement accueillis puis reje-
tés par les diverses administrations municipales. Mais ce ne fut.
qu’en 1885 qu’on s'arrêta au mode actuel d’alimentation qui con-
siste à faire venir l’eau d’Issanka à Cette par pente naturelle, avec
un débit quotidien de 18.000 mètres cubes. M. Bézaiïl, ingénieur
des Arts et Manufactures, chef du service des eaux, dressa dans ce
sens un projet qu'’adoptèrent définitivement les administrations
municipale et préfectorale, et la Commission supérieure des Ponts
et Chaussées.
— 197 —
Voici quelle était l’économie de ce projet :
_« L'on utilisait, à Issanka, toutes les sources qui n’avaient pas
« été captées jusqu'alors. On y supprimait les moteurs, puisque
« l’eau arriverait à Cette par pente naturelle jusqu’à l’entrée de la
« ville, dans un réservoir de 90 mètres cubes établi en déversoir.
« Là,des pompes la puisaient pour la refouler dans les deux anciens
« bassins de Rech et du Château d'Eau, en même temps que dans
« un nouveau bassin de 8.000 mètres cubes, à la Caraussanne, à la
« côte 40. Les machines actionnant les pompes étaient au nombre
« de trois, dont chacune pouvait élever 6.000 mètres cubes par 24
( heures. »
L’exécution du projet fut commencée en août 1887 et terminée
en 1890. En plus, une machine et une pompe, installées à la côte
40, prennent l’eau dans le bassin de la Caraussanne et la refoulent
à la côte 165, dans un bassin de 1.000 mètres cubes, sur le sommet
même de la montagne, pour le service des baraquettes.
Les avantages de ce dernier système, constatés par une expé-
rience de » ans, correspondent à deux ordres de faits qui ont leur
importance : économie notable et rendement supérieur. En effet,
la situation en pleine ville des moteurs à vapeur a forcément en-
trainé des économies sur les réparations avec plus de rapidité dans
leur exécution, une surveillance plus efficace et un prix bien moins
élevé de l’unité de charbon. D’autre part, les machines, plus puis-
santes, élèvent 18.000 mètres cubes au lieu de 3.000, maximum
des machines d’Issanka, et encore maximum qui donnait un très
mauvais rendement eu égard à la dépense de combustible. On dé-
peusait à Issanka 45 000 francs de charbon pour envoyer 3.000
mètres cubes d’eau par 24 heures. Aujourd’hui la dépense est à peu
près la même pour 9.000 mètres cubes en moyenne, distribués dans
toutes les parties de la ville et du réseau des baraquettes. Il y a
“mieux. Si pour une raison quelconque, les machines venaient à se
déranger, on aurait toujours de l’eau aux portes de la ville pour
assurer l’alimentation. |
Après avoir apprécié l’ensemble de ces travaux d’adduction, étu-
dions-en maintenant les détails.
Pour aboutir à Cette, la canalisation est tantôt en aqueduc, tantôt
en conduite forcée. Les aqueducs sont en maçonnerie de moëllon
et mortier de ciment ; les tuyaux, de diamètre 92, en béton de
ciment.
— 198 —
Les aqueducs sont constamment sous le sol, soit en tranchée, soit
en tunnel.
Le point de la ville, où l’eau est aujourd’hui reçue par pente
naturelle, se trouve au quai-des Moulins, ancien cimetière de la
Bordigue. Quant aux réservoirs dans lesquels l’eau est refoulée par
les machines élévatoires, on en compte trois pour le réseau de la
ville, savoir :
Château-d’'Eau. 1.027762 700 mc
REGRETS ORNE RE MIS OP En AE
Caraussanne. . . . 8.000 m. c.
plus le bassin Sainte 0éér 1.000 m. c., pour le réseau de la montagne.
Total.;, SES MAT PO ARE.
Ces divers réservoirs ont été creusés dans le sol et voutés.
La canalisation, qui amène l’eau d’Issanka au quaides Moulins,
traverse le chemin de fer de Cette à Montbazin, en face de Bala-
ruc-le-Vieux, et le chemin de fer de P.-L.-M., au passage à niveau
de la Peyrade. Elle passe sous les voies dans une galerie maçonnée
permettant des visites et des réparations faciles. Cette canalisation
traverse aussi le Canal des Etangs en tuyaux de fonte placés en
tranchée, à 250 c. environ au-dessous du fond du canal.
Les canalisations de refoulement et de distribution, en fonte éga-
lement, traversent les divers canaux aux points suivants :
Canal de la Peyrade. . En face l'Usine.
Canal Maritime. . . . Pont Régy.
» » AN) Pont des Moulins.
Canal de la Ville. . . Pont Virla.
» » À , Pont National.
Le système de traversée est le même que pour la conduite d’a-
menée.
Quelques chiffres résumeront l’importance de ces travaux.
La dépense du premier UN en 1862, s’est
CLEVÉE À. 2 SRE 1.500.000 francs.
Réservoir Ge d'Eau et roue roue 300.000 francs.
Canalisations supplémentaires jusqu’en 1887. 300.000 francs.
Projet de ‘1887... 2... . . 02 000
Total: re fer cu de 4.100.000 francs.
Avant 1862, la Ville s’alimentait d’eau douce par des citernes
établies à domicile et recueillant l’eau des toitures ; par divers puits
— 199 —
forés en certains points de la ville ; enfin par les puits du hameau
de la Peyrade qui fournissaient la meilleure eau potable. La dé-
pense en eau potable par habitant, et par jour, ne devait pas
dépasser 5 à 6 litres, étant donnée la possibilité d'utiliser pour beau-
coup d’usages l'eau du Canal. |
Aujourd’hui, la ration par jour et par habitant atteint la moyenne
de 266 litres d’eau douce, chiffre qui classe Cette, au point de vue
des eaux potables, à un bon rang parmi les villes de son impor-
tance. Le service public est assuré par 110 bornes-fontaines ; les
concessions particulières sont au nombre de 1.400 à 1.500 environ.
De plus, malgré les difficultés d'alimentation provenant de la topo-
graphie de la Ville, le service est garanti sur tous les points et à
tous les étages, même dans les périodes d’été et de sécheresse, alors
que l’alimentation exige plus de 12.000 mètres cubes par 24 heures.
IX. — BALARUC-LE-VIEUX.
D’Issanka nous ne pouvons revenir à notre bord, sans traverser
derechef l’ardeur caniculaire du soleil. Mais les dames, dont le
cœur compatit toujours à la souffrance des hommes, tolèrent qu’on
nous juche par-dessus les guimbardes, au risque d’en écraser le
toit. Singulier équipage, tout de même. Le long des fossés, cigales
et grillons ont l’air de se moquer de nous. C’est miracle, en effet,
de nous voir onduler à travers les ornières, saluant de ci de là les
poudreuses bordures de la route, dans le claquement des fouets et
le grincement lamentable des essieux. Du haut de ce mouvant
observatoire, jetons néanmoins un coup d'œil rapide sur Balaruc-
le-Vieux, dans les rues duquel nos voitures font retentir l’écho de
leur ferraille. Tout bon Languedocien donne encore le nom de
Balaruc-le-Truc (1) à cet ancien bourg (actuellement un peu
délaissé, dit M. Germain (2), mais autrefois de majeure 1impor-
tance. À une époque où la vie était si périlleuse en dehors des
villes, il présentait une enceinte des mieux défendues : chose indis-
pensable quand le Cap de Cette n’avait aucune fortification pour
protéger les terres de ce côté du rivage de la Méditerranée. C’était
le vrai castrum féodal ; il avait, outre sa ceinture de murailles, son
château-fort, son église paroissiale et sa communauté qui s’admi-
(1) Truc. — Terme languedocien qui signifie tertre, hauteur, éminence.
(2) M. Germain. — Etude sur les privilèges et franchises de Balaruc.
— ‘np; —
nistrait par elle-même, sous la suzeraineté des évêques de Mague-
one. » Du château-fort il ne reste aujourd’hui que quelques pans
de murs visibles au centre du village. Quant aux remparts, ils
étaient en si mauvais état dès le commencement du XVIIIe siècle,
que les habitants découragés se refusèrent à les rebâtir, malgré les
injonctions de l'intendant du roi, des 14 juin 1765, 2 septembre
1766, et9 avril 1767. Or, à cette dernière date. la barbacane avait
déjà croulé depuis onze ans. Ainsi tombaient de toutes parts, avec
l’ancien régime, non seulement les lois, les institutions et les idées,
mais encore les pierres insensibles qui les avaient abritées. Un
grand silence nous oppresse, tandis que nous traversons ces lieux
où dorment d’antiques générations. Seule, la cloche de l’église
actuelle, tintant les vêpres, rappelle qu'il existe quelqu’un au mi-
lieu de ce désert. Mais en même tempselle nous avertit que l’heure
fuit, et nous avons hâte de regagner l’extrémité de la presqu'île,
séjour bien plus joyeux, n’est-ce pas ? puisqu’ilest plus moderne.
X — EN PARTANCE POUR CETTE — QUELQUES MOTS
SUR LA VILLE ET SUR LE PORT.
Enfin nous arrivons. Le môle, tout à l’heure silencieux, cou-
ronné maintenant d’une bruyante caravane, développe son crochet
dans une eau tranquille et d’un bleu presque noir, sous l’obliquité
du soleil qui projette çà et là quelques ombres lointaines. Pas une
barque dans le port. Un vapeur du service régulier de navigation
débarque, au bout de la jetée, des passagers venant de Cette. Le
nôtre le remplace aussitôt, et nous voilà, pour la seconde fois,
voguant sur ce beau lac aux flots hospitaliers, où chacun retrouve,
j'en suis sûr, et d’un cœur attendri, les meilleurs souvenirs de la
journée. En face de nous, le mont Saint-Clair ; à gauche, l’île de
Saint- Sauveur, célèbre par ses débris d’antiquité romaine ; à droite,
le rocher de Roquerol, un écueil redoutable dans les moments de
tempête, un socle de vieilles ruines, lorsque le calme règne. Mais,
à mesure que nous marchons, grandit à nos yeux le panorama de
la montagne. A sa base, l’on distingue déjà, blanchissant au-dessus
des vagues, le promontoire Saint-Joseph et les deux bras évasés
du Canal à sa jonction avec l'étang. D’en bas jusqu’au sommet
s’'étagent, en un pittoresque fouillis, villas et jardins, bastides et
— 201 —
baraquettes, belvédères incomparables, certes, et d’horizon plus
varié du côté de l'étang que vis-à-vis la grande mer ; excepté tou -
tefois ceux qui, par leur situation, dominent du même coup et le
port de la Méditerranée et la partie orientale du lac de Thau.
Quand on a gravi les bas quartiers de Cette, dont la pente dévale
vers les quais ; qu'on a franchi Esplanade, et traversé le Jardin :
Public en passant sous une voûte en rocaille du plus bel effet, l’on
arrive alcrs par des lacets jusqu'aux terrasses élevées du mont ;et
cette masse de verdure intense, qui semblait, de loim, noyer les
blanches villas, se découpe en parterres délicieux où chante la brise,
mêlée au murmure des cascades invisibles. C’est là que nous furent
gracieusement ouvertes les grilles de la villa Bayle. Le point de
vue était unique. Nous embrassions d’un seul coup d’æil la eité
neuve épandue sur la plaine au-delà du Canal, entre l’embarcadère
du chemin de fer et les nouveaux bassins du port ; d’un côté, le
bleu sombre de la mer, de l’autre, la teinte plus pâle, gris d’acier
de l’étang, à cette heure où la silhouette du Saint-Clair s’allon-
geait de plus en plus vers le nord-est ; de l’étang à la mer, une
barre liquide, de couleur verdâtre mais changeante, selon que le
courant se précipite vers le nord ou vers le sud ; des ponts métal-
liques qui tcurnent sur des pivots ou qui rabattent contre les murs
d’appui les deux parties de leur tablier, pour ouvrir un passage
aux navires de haut bord ; à droite, sur le contour de la montagne,
la présence soupçonnée du fort Saint-Pierre et de la citadelle Riche-
lieu ; et, tout là-bas, les lignes géométriques des môles que pro-
. tège, bien en face, l’arc robuste du brise-lames ; enfin, devant nous,
dans le lointain, les sommets de la Gardiole et le grand bourg de
Frontignan dont les maisons blanchissent encore au coucher du
soleil. Ce spectacle nous ravit un instant à toute autre pensée. Puis
chacun de reprendre son impulsion favorite, les botanistes dénom-
brant les plantes rares, les jeunes esthètes courant aux séductions
du, Kursaal et du Casino, et votre rapporteur se demandant quel
intérêt scientifique il pourra bien donner, pour sa part, au récit de
uotre visite à la ville de Cette.
Toujours de l’histoire, Messieurs, ne vous en déplaise. Heureu-
sement, cette histoire ne remonte pas au déluge. En 1671, M. de
Froidour, conseiller du roi et commissaire député pour « la réfor-
mation gènéralle des Eaux et Forest de la grande Maitrise de
Toulouse », adressait au maître des requêtes, M. Damoncourt, un
mn EE
rapport détaillé sur la situation du port de Cette et sur l’état des
travaux exécutés à cette époque. IL y constate qu'après avoir par-
couru le littoral, visité et exactement considéré toutes ces côtes, il
ne s’est enfin trouvé que le seul endroit du cap de Cette, où il y
eût espérance de faire un port : ( Setteest un promontoire, dit-il ;
c’est. une montagne peu haute, mais qui ne laisse pas de paraître
fort élevée, parce que tout ce qui l’environne est ‘plat. Cette mon-
tagne pousse une pointe dans la mer comme tous les autres pro-
montoires ; la mer, d’un autre côté, avance et fait un ventre dans
la terre, dans lequel on a trouvé assez de fond pour pouvoir y tenir
des vaisseaux de cinq à six cents tonneaux. Quant au Cap, il est
plus enfoncé que les bords de la plage, et il y a tout autour vingt,
vingt et un, et jusqu’à vingt-trois et vingt-quatre pieds d’eau. »
Mais 1l fallait trouver le moyen de rendre le lieu sûr pour l’entrée
et la « demeure » des grands vaisseaux, et de le garantir des « assa-
blements, afin qu’il püt être utile à toujours ». Aussi résolut-on
de faire deux jetées de pierres dans la mer pour y construire deux
môles. « L’une, continue notre rapporteur, est commencée du
costé du Cap, auquel elle est attachée à la distance de 450 toises
de l'endroit où la mer fait un ventre en la terre. Elle est tirée en
ligne droite, formant un angle aigu de 45 degrez ou environ, et
doit avancer en la mer la longueur de 300 toises. Elle sera ensuite
continuée à angle obtus de 135 degrez ou environ, tirant vers la
plage la longueur de 100 toises, pour former le bassin du port.
L'autre jettée doit être faite du costé de la plage, et y estre attachée
à une pareille distance de l’enfoncement de la mer vers la terre.
On a aussi projeité de la tirer à droite ligne répondante au retour
de l’autre jettée et de la faire avancer dans la mer la longueur de
130 toises ou environ, pour achever de former le bassin. » Suivent
une minutieuse description des moyens et des matériaux propres à
l'édification de ces jetées, et une dissertation documentée sur le
point de savoir de quelle utilité sera ce nouveau hâvre dans l’a-
venir, particulièrement en ce qui concerne la communication de
l'Océan avec la Méditerranée (*). L'auteur envisage surtout l’in-
(*) Sous le règne de Saint-Louis, un essai de création d’un port avait été
tenté, à la base sud-ouest du mont Saint-Clair, qui n’était alors qu’une île
boisée. Mais il est probable que l’envahissement progressif des sables en
fit abandonner les travaux. Il y a quelques années à peine, le promeneur,
qui parcourait la plage du côté des salins de Villeroy, pouvait remarquer
encore la trace ensablée de cet ancien port avec les deux bras parfaitement
dessinés.
— 203 —
térêt commercial. Je retiens cependant de ce traité un fait curieux
dont notre patriotisme pourrait tirer profit en s’éclairant sur les
questions de la défense des côtes. C’est que M. de Froidour, ayant
entendu parler de bancs de sable où s’échouaient les navires, voulut
s’en éclaircir avec soin auprès de tous les patrons des vaisseaux :
« Je les entendis tous séparément, et tous, sans être concertés, me
dirent unanimement que, véritablement, le Port ne serait jamais
bon pour les vaisseaux de guerre. » Il est certain qu’on a beaucoup
amélioré ce port depuis 1671, et qu’on travaille sans cesse à le pré-
server des alluvions charriées par le Rhône. Il est même possible
que les ressources dont dispose le génie moderne fassent mentir un
jour, au point de vue militaire, les prévisions pessimistes d’autre-
fois. Toujours est-il que l’étude à laquelle j’ai emprunté tous ces
détails, y compris des notes sur les baraquements destinés aux mille
ouvriers de ce vaste chantier, nous donne une idée assez exacte
des origines du port et de la Ville de Cette. Le grand Cclbert y
imprima le sceau de son énergique volonté, et, depuis lors, s’est
accrue et s’accroit encore, pour des raisons d’ordre à la fois topo-
graphique, économique et stratégique, l’importance de notre cité
maritime. Vouloir suivre cette évolution pas à pas à travers la
période contemporaine, ce serait nous engager en un travail hors
de proportion avec notre sujet. Contentons-nous de dire adieu et
merci aux bons amis de la Société qui se constituèrent nos guides
dans cette promenade au milieu des riches décors de leur pays, et
reprenons la course interrompue.
XI. — RETOUR A MÉZE.
Le soir commençait à tomber. La nature, lassée du radieux éclat
dont elle avait brillé pendant le jour, adoucissait l’arête vive des
collines et le rayonnement des plaines dans le déclin mélancolique
du soleil. Embossé contre le quai de la Bourdigue, notre navire,
sous vapeur, attendait le signal de mettre le cap sur Mèze. Et
c'était, de toutes parts, un rendez-vous hâtif des excursionnistes
qu’alarmait la perspective du retour par le train, si l’heure était
manquée. Puis, lorsque nous débouchâmes du Canal dans l’étang,
le vent devenu plus fort fraîchit par degrés, et les vagues soulevées,
moutonneuses, nous donnèrent enfin l'illusion d’un voyage sur la
mer. Alors jaillirent en nous des émotions nouvelles, d’une infinie
— 204 —
douceur. Les esprits se sentant bercés à l’unisson des corps, l’on
respirait, dans un repos délicieux, ces souffles de l’air que les tentes-
abris, désormais inutiles, n’interceptaient plus. Soit fatigue, soit
besoin de concentrer en un effort de mémoire les mille et une sen-
sations de la journée, les groupes se recueillaient, disséminés sur
le pont. Griserie profonde qui, trop longtemps prolongée, sera peut-
ètre ressentie le lendemain. En attendant, l’on cause. Quel plaisir
de rappeler maint détail oublié de ceux-ci, mainte aventure arrivée
à ceux-là ! Savez-vous rien qui favorise davantage l’exactitude d’un
compte-rendu ? Aussi votre rapporteur écoutait-il beaucoup, con-
trôlant de la sorte la sincérité de ses souvenirs personnels. D'où
il suit que son travail n’est que le résultat d’une collaboration
générale dont il vous remercie de grand cœur. J'aurais voulu,
croyez-le, retenir, pour vous en faire hommage, telle saillie pleine
d’humour, telle parole émue, tel propos de premier jet, telle sur-
prise de l’âme par où chaque tempérament manifeste son originalité.
A défaut de ce dialogue, qu’il eüt fallu buriner sur le vif, jen
aurai du moins dégagé la philosophie de mon récit.
Mais tout passe ici-bas et, plus rapide qu’un torrent, déjà Pheure
charmante s’est enfuie. De flots en flots, le navire nous mène droit
au port, pendant que la ville de Mèze, mollement penchée au bord
du lac, semble grandir à notre vue. Voici donc ce bassin rectan-
gulaire aux vieilles pierres brunies, que sa réputation de sécurité
fit jalouser des anciens ports du littoral. Notre rentrée y attroupe
sur les quais bon nombre d’habitants, mais pius curieux qu’hos-
tiles, cette fois. Jeunes filles et garçons, énervés par le long désœu-
vrement du dimanche, n'ayant plus rien à se dire, font la haie
autour de nous. Dame ! pour eux, cette distraction en vaut une
autre. Et puis, ce n’est pas vous, Messieurs, ni vous, Mesdames,
ni moi non plus, qui regretterons d’avoir jeté, en passant, quelque
animation dans l'antique cité veuve aujourd’hui des arrivages de
Beaucaire. Par une large rue montante, jalonnée de places désertes,
notre nombreuse caravane parvient jusqu’à la gare d’Intérêt local
où elle s’arrête, un peu lasse des routes qu’elle a suivies durant le
jour. Et c’est là que j'arrête, moi aussi, l’histoire de la grande jour-
née. Quoi de plus banal que ce retour à Béziers par les chemins de
fer de l'Hérault ? La Suisse seule pourrait nous envier la lenteur
de leurs trains.
— 205 —
XII. — CONCLUSION.
Au lieu donc de raconter une fin de promenade sans relief, dès
l'instant que ce qui charme les yeux va disparaître dans la nuit,
recueillons, pour conclure, quelques-uns des faits moraux dont
l'étude, au même titre que celle des faits scientifiques, justifie nos
exCUTSIOons.
Malgré les catastrophes historiques, qui surprirent l’humamité,
la Terre continue à donner au travailleur le pain quotidien, à l’ar-
tiste de magnifiques sujets d’inspiration, au poète un thème iné-
puisable de symboles, au philosophe le spectacle de phénomènes
sensibles d’où il s'élève, par l’esprit d’analogie, jusqu'aux plus
hautes spéculations de la pensée. Il serait curieux de suivre l’évo-
lution de l’espèce humaine au milieu de cette éternelle jeunesse des
choses, empruntant et donnant tour à tour, afin de s'y créer une
demeure digne de ses destins. On voudrait plus encore. Prendre
l'Humanité à son berceau ; marquer, avec ses phases inégales, tout
l’eflort qu’elle soutint au rude contact des éléments ; réunir toutes
les preuves d'énergie qui s’accumulent dans l’histoire des siècles ;
décrire cette lutte de l'intelligence contre la matière, sans parler de
la politique, ni des mœurs, ni des guerres, ni des lois ; dresser en
un mot, comme Lucrèce, mais d’une science plus certaine, l’épopée
de la Terre et de l’homme enlacés dans le douloureux corps à
corps : quel livre ! et quel labeur ! Mais n’esi-ce pas une page de
ce livre non écrit que nous lûmes ensemble autour du lac de Thau ?
Les ancêtres au dur profil, qui plantèrent leurs huttes sur un sol
encore chaud des récentes éruptions, furent les premiers colons de
ces rivages, les premiers lutteurs de la montagne et de la mer. Plus
tard, la nature vaincue, ils cédèrent la place à des populations
Ibériennes mieux armées pour la vie, et dont leséjour chez nous a
laissé des monuments que nos archéologues interprètent à plai-
sir. Mèze lear doit son origine. Les anciens auteurs reportent la
naissance de cette ville à une époque antérieure à la fondation de
Rome. Après eux, Ligures et Volces Arécomiques, quelle qu’ait êté
la durée de leur empire, marquèrent notre pays d’une empreinte
bien plus forte. Et dès lors, avec un génie que les difficultés n’ar-
rêtaient plus, les nouveaux habitants déchirèrent le glèbe, subju-
guèrent les flots, établirent des comptoirs que lés peuples d'Orient
0 —
visitèrent à leur tour. De là cette prospérité commerciale, autre
bataille gagnée, et non des moins fécondes, puisque l’ennemi ter-
rassé se transformait en auxiliaire du vainqueur. Que dire des
Romains et de leurs admirables travaux, robustes et gracieux, et
d'utilité singulière, si l’on regarde leurs ponts, leurs aqueducs, leurs
temples, tous ouvrages destinés à exploiter au profit de l’homme le
domaine que l’homme avait conquis, ou à diviniser ces mêmes
forces naturelles dont 1ls restaient les maîtres ? Vint ensuite le
Moyen-Age, tellement troublé par la peur des Barbares et par les
guerres intestines, que l’industrie se fit petite, s’enferma derrière
les murailles, apte tout au plus à ciseler du corail et à façonner
des bijoux, comme on le voit dans les annales de Balaruc. Mais,
quand souffla l’esprit moderne, le vieux ressort se reprit à vibrer,
de nouveau l’activité sociale rayonna au-dehors. C’est le moment
où la science appuie le courage, ici conjurant les révoltes de la
matière, là tirant le meilleur parti deses effets. Des fleuves, secon-
dés par la mer, ferment le golfe, bouchent les issues aux navires,
paralysent le mouvement accoutumé de la région. Qu'importe ? Une
ville s’élève comme par enchantement à l’extrémité d’un promon-
toire, se constitue gardienne d’un canal définitif de communication
entre le nouveau lac et la Méditerranée, réunit dans ses vastes
bassins les marchandises arrivées du continent et des lointaines
colonies, devient la reine de ce com de littoral, et, par là même,
tous les ports intérieurs, naguère délaissés, retournent à la vie.
Bien plus, ce lido capricieux, qu’un coup de vent peut déplacer, on
s'en empare, on le fixe, on le cultive, on y jette des routes, des che-
mins de fer qui doublent les avantages déjà obtenus. Notez encore
que si l’homme, épuisé par le travail desa pensée ou de ses mains,
vient à tomber malade, tout à côté de lui jaillit, aux Thermes de
Balaruc, la source qui régénère, trésor précieux qu’en dépit des
obstacles qu’elle leur oppose la Nature verse toujours aux plus vail-
lants. En sorte que nulle part ne s’applique mieux qu'ici cette
parole de Cuvier : « Une fois assuré qu’il pouvait combattre la
nature par elle-même, le génie de l’homme ne se reposa plus. »
Ces souvenirs, Messieurs, quand ils surgissent en nous à la vue
des témoignages que le passé nous a légués et de ceux que le pré-
sent élabore tous les jours, ces souvenirs, dis-je, élèvent l’esprit et
l’induisent en des réflexions fort rassurantes sur l’avenir de la race
humaine. C’est là un fait moral dont la constatation, sans appareil
— 207 —
scientifique, réclamait au moins autant de place que les quelques
trouvailles glanées dans le champ dela botanique ou de la géologie,
A Dieu ne plaise que je veuille amoindrir le mérite spécial des
géologues et des botanistes. Mais je leur demande si la moisson de
plantes et de fossiles, qu’ils recueillirent ce jour-là, eût suffisam-
ment caractérisé cette excursion du 7 juillet qui restera, dans notre
mémoire de touristes, comme la plus éblouissante, la plus variée
et la plus instructive de nos promenades d'été.
Béziers, Novembre 1895.
— 208 —
LES LIVRES DE RAISON
LE JOURNAL D'AMBLARD
Nous avons eu l’heureuse fortune dedécouvrir et desauver d’une
destruction presque certaine quelques livres de raison des XVI:et
XVIIe siècles.
Aucun d’eux ne rappelle ce mémorial où le chef de famille
notait pieusement au fur et à mesure qu’ils se produisaient, les
baptêmes, les mariages et les décès des siens, où il marquaït avec
une simplicité et une bonhomie empreintes d’un caractère solen-
nel les conseils qu’il laissait à ses enfants et sur lequel son décès
était inscrit par l’aiîné d’entre eux qui le jour de son mariage pre-
nait la charge du livre pour le continuer et le transmettre à son
tour. Notes écrites pour la famille et rien que pour elle.
Ce sont des journaux, des recueils de notes, des livres decomptes
où les auteurs ont enregistré à la hâte les faits et les évènements
qui les ont intéressés, sans ordre et pêle-mêle avec des comptes,
des recettes, des souvenirs de famille, des maximes et même du
plain chant.
Tous furont écrits dans le courant du XVIIe et à la fiu du XVIe
siècle, à St-Pons de Thomières, petite ville épiscopale du Languedoc
où l’industrie et le commerce faisaient vivre une petite bourgeoisie
de marchands et d'hommes de loi.
Les cinq livres que nous avons en mains nous donnent bien la
physionomie de cette petite ville, avec ses faits divers, ses évène-
ments politiques, ses intrigues, ses sentiments religieux et ses su-
perstitions. Nous retrouverons les détails de cette vie dans le jour-
nal des Amblard, famille de notaire et d’avocat, dans le recueil
des notes de Bernard Cabrol et de Bernard Canivene, prêtres, dans
le livre de comptes de Guilhaume Chabbert, receveur des tailles et
du chirurgien Constans.
Nous nous occuperons seulement des notes d’Amblard. Les
Amblard étaient déjà notaire à St-Pons au XVIs siècle; ils con-
servèrent leur étude jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. A cette
SL
— 209 —
époque la famille tomba en quenouille et s’éteignit par une alliance
avec le marquis de Villeneuve. C’est surtout au XVII° siècle qu’ils
eurent nne situation prépondérante et un rôle actif. Ambitieux et
intriguant, Jean Amblard à qui nous devons la plus grande partie
du journal sutaccaparer et conserver un grand nombre de charges
et de sinécures lui donnant accès auprès de tous. Notaire, avocat
en parlement, procureur juridictionnel de l’évêque, greffier de la
communauté, secrétaire du chapitre, Amblard était partout et dans
la première moitié du XVII® siècle on ne trouve que lui. Il en-
combre.
Probablement, à cause de ces diverses fonctions, il réservait en
tête de chaque registre de ses minutes quelques feuillets pour
noter mêlés à des proverbes et à des maximes qu'il ne mettait
certainement pas en pratique les évènements politiques de l’année,
tant ceux de la France entière que ceux de la Province et de la
ville. Ce sont tous ces feuillets réunis que nous désignerons sous
le nom de Journal d’Amblard.
Les premières notes sont de 1590 ; elles se continuent sans inter-
ruption jusqu’à la mort de Jean en 1640. François et Pierre-Jean
Amblard lui succèdent, mais ils n’enregistrent plus soigneusement
et après bien des lacunes, les notes s’arrêtent en 1663.
Les souvenirs de famille y sont les moins nombreux ; ils sont
d’ailleurs inscrits, sans réflexions, sans regrets n1 joie; où n'y
retrouve pas, dans les évènements heureux, la confiance en l’ave-
nir et un mot de reconnaissance si commun au XVIIe siècle; et
dans le malheur, cette résignation pieuse, cette tristesse qui don-
nent tant de caractère aux livres de raison de cette époque. On
sent que les Amblard vivaient au-dehors, de cetie vie publique et
politique toute faite d’intrigue et d'intérêt.
En 1610 Amblard nous parle cependant de son père, mort depuis
quelques années.
« L’an présant 1610 et le dernier jour d’aoust mon frère Jacques
Amblard notaire et moy Jean Amblard aussi notaire de Saint-Pons
avons faict mettre une pierre de sépulcre sur le tombeau de feu
M° Loys Amblardy, quand vivoit, aussi notaire dudit Saint Pons,
notre père, sur laquelle pièrre v a un ovalle dans lequel y a une
main sortant d’une nuée qui tient une plume escripvant, et au
plus haut y sont gravés les vers en françois suyvants :
Au mois d’Aoust et jour vingt neufvième
L’an mil cinq cents huictante six moreust
= 810 —
Me Loys Amblardy vivant notaire feuxt,.
Cy git son corps, et âme au ciel demeure.
Le tout est suivi d’une signature bien calligraphiée, mais pas un
souvenir. Jacques Amblard meurt d’une attaque d’apoplexie quel-
ques jours après, et l’annonce de sa mort est à peine suivie d’un
« Anima ejus requiescät in pace. »
En 1616, son fils est reçu avocat, Amblard va nous l’annoncer
avec la même indifférence. « Le mardy troisième d’apvril a esté …
reçeu advocat Jean Loys Amblard mon fils, suivant acte receu par
M° Guilhaume Chabbert. » |
Qu'il y a loin de cette mention toute sèche aux recommanda-
tions et aux conseils que d'habitude le père de famille donnait à ses
enfants au moment où ils entraient dans la vie. Ce fils meurt quel-
ques années après (24 Septembre 1632): « Dieu a apellé de ce
monde Jean Louys mon fils estant venu de la dévotion de Notre
Dame del Grau d’Agde, à pied, avec la pluie en allant et revenant.
Dieu ayt reçeu son âme en son paradis. »
François succède à son père en 1640 et meurt en 1654; son fils
note son décès au jour de St-Luce, 14 novembre : « Que Dieu
par sa sainte grâce luy veuille faire pardon de ses fautes et pêchés,
s’il luy plait. » ,
Amblard est beaucoup plus prolixe lorsqu'il s’agit de mentionner
ou de raconter les évènements politiques. Les faits historiques
sont, heureusement pour nous, ceux qui l’ont intéressé le plus et
qu’il à notés avec plus de soin.
Il nous annonce en 1590 la bataille d'Ivry, en 1591 « Narbonne
assiègée par Mgr de Montmorency et la robine rompue », en 1592
la mort du maréchal Joyeuse, noyé dans le Tarn, avec une partie
de son armée ; la même année mourut Biron. En 1593, c’est « le
roy Henry quatriesme qui fut instruit en la religion catholique. » -
La même année « le parlement de Toulouse fut transféré à Béziers. » u
En 1601, la paix avec le duc de Savoie etla naissance du Dauphin.
C’est en 1602 que le maréchal de Biron est décapité à Toulouse.
Amblard ne manque pas, à cette occasion, d'inscrire une épitaphe
que nous trouvons dans le journal de Pierre de L’estoile :
Biron servant son roy entre mille gendarmes
Vielhard d’un coup de pierre eut le chef emporté.
Son fils, un segond mars français, tourne ses armes
— 211 —
À la fleur de ses ans se voit décapité,
L’ung est digne d’honneur, l’autre est digne de larmes.
Et du monde tous deux montre la vanité.
Amblard nous signale encore la rentrée des Jésuites en 1603, le:
baptème du Dauphin en 1609 ; en 1610, le départ des « morisques,
grenadins et arrogonoys exilés et chassés d’Espagne, » et l’incen-
die de lacathédralede Toulouse ; puis ce sont l’assassinat d'Henri IV,
l'avènement et le sacre de Louis XIII, la paix de Loudun, publiée
à son de trompe « à la place des villes maige et moindre »; la
prise de la Rochelle et la défaite des Anglais.
Les divers épisodes de guerres des religion occupent une assez
grande place et sont surtout notés avec détails. Nous devons être
reconnaissanis à notre notaire d’avoir raconté avec tant de préci-
sion les petits faits d’armes intéressant l’histoire locale et que
n’ont point rapporté les chroniqueurs Charbonneau, Forins, Gaches,
etc. C’est bien là, la partie la plus sérieuse et la plus intéressante
au point de vue historique du journal d’'Amblard.
Les petits faits du pays n’ont pas êté oubliés. Nous assistons en
1590 à l’entrée de Pierre de Fleyres, évêque de Saint-Pons, en
163%, à sa mort, et à l’installation de son successeur ; en 1610, à la
mort de Jacques de Molinier, viguier de la ville et de Jacques
de la Roques, juge.
Amblard a noté avec beaucoup de soin les années de sécheresse
et de pluie extrêmes, l'augmentation du prix des blés et du vinces
années-là. En 1601 la sécheresse était si grande que l’on décida
des prières générales et des processions à Notre Dame de Trésors,
«et le lundy suivant la pluye tomba en grande abondance partout. ».
En 1610, la récolte de blé a été telle « qu’il est crié par Boudet,
trompette de la ville, à 3 livres 10 sols. « En 1615, même abon-
dance et la récolte du vin est telle que « l’on dut laisser le vin
dans les tines n'ayant treuvé de vaisselle suffisante, tellement
qu’on n’a vu si grande abondance de vin puis l’année mil cinq
cent 67. » En revanche, en 1617, la récolte manque totalement.
Le 21 Juillet 1627, 1l fait si froid « que falut recourir aux habits
de hyver. »
Des phénomènes physiques, et des évènements extraordinaires
sont consignés : |
« En ceste présente année (1605) et le vingt deux octobre, fut
— 212 —
un grand éclipse solère. » En 1630 c’est un tremblement de terre,
« les trois heures après minuit, la terre trembla... Dieu veuilhe
que cela ne nous presage aucung malheur. » En 1609 nous voyons
un évènement bien plus rare: le Juif-errant qui court depuis la
mort de J, C. est passé en Champagne.
Chaque année apporte aussi son contingent de recettes. Amblard
nous apprend comment on doit faire de la bonne encre, comment
on doit faire revenir le vin échauffé, et enfin des remèdes et des
préservatifs contre cette contagion qui à tant effrayé le Lengusdse
au XVIIe siècle.
Pour que le recueil fut complet il ne manquait que sentences et
des proverbes ; nous les trouvons, à côté de jeux d’esprit et de
casse-tête :
Ce que tu peulx aujourdhui ne diffère
Au lendemain comme le paresseux:
Advise que tu ne sois de ceux
Qui par autruy font ce qu’ils debvroient faire.
Cil qui suit sa colère
Va drois à sa misère
Quand superbe chevaulche devant,
Honte et Domaige le suivent de près,
Quand ung cordier cordant veut corder une corde
A trois courdons cordant, 1l accorde sa corde;
- Sy ung courdon cordant de sa corde discorde,
Le courdon discordant faict discorder sa corde.
Oublions les petits travers du caractère d’Amblard qui mont
dû nuire qu’à ses contemporains et remercions-le d’avoir songé à
nous transmettre un peu de la vie de son temps, tout en regrettant
que son exemple n’aie pas été plus suivi.
J. SAHUC.
Note lue au Congrès des Sociétés savantes, le 16 Avril 1895. (Partie rela=
tive au Journal d’ Amblard).
UN —
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
BULLETINS REÇUS PENDANT L'ANNÉE 1895
“Aix. — Mémoire de l'Académie des sciences, agriculture, arts,
belles lettres. — Tome XVI.
AGEN. — Sociélé d'agriculture, sciences et arts. — Tome XII.
— Jurades de la ville.
ALAIS. — Société scientifique et littéraire d’Alais. — Tome
XXIII, 1892 et tome XIV, 1893.
AGUASCALIENTES. — Æ{ Znstructor.
AMIENS. — Société linnéenne du Nord de la France. — Bulle-
tins 1894-1895.
AUTUN. — Société d'histoire naturelle. — Bulletins, volume
7, 1894. (
AUXERRE. — Société des sciences historiques et naturelles de
l’ Yonne. — Bulletins. 48° volume, année 1894 et 49% volume, 1895.
BALE. — Verhandlungen der naturforschenden Gesellschaft in
Basel. — Band X, Heft. 3, Band XI, Heft. 1.
BARCELONE. — Æeal Academia des ciencias y artes. — Boletin
tercero epoca. Volume 1, N° 12. — Octobre de 1894.
— La Casa des Monistrol.
Bar-LE-Duc. — Société des lettres, sciences et arts. — Mé-,
moires. 3° série, tome IV. — 3e série, 1895.
BaTaAviA. — Natuurkundig Tijdschreft voor Nederlands. —
Indie. — Deel. LIV. — Negende serie. — Boekwerken.
Berrorr. — Société belfortaine d'Emulation. — Bulletin. N°
14, 1895.
BERNE. — Mikheilungen der naturforschenden Geselschaft in
Bern. 1895.
— Verandlungen der sanitarischen untersuchungen der recru-
ten des Kantons graubunden. (Schweiz).
BESANÇON. — Société d’'émulation du Doubs. — 6° série, 8& vo-
lume, 1893. |
BÉzIERs. — Comice agricole de l'arrondissement. — Bulletins.
20° année, N° 4 de 1894. — 21° année, N°: 1 et 2, 1895.
— 214 —
— Société archéologique, scientifique et littéraire. — 1895, 3e
série. T. I, 1re livraison.
BERKELEY. — University. — The Geology of Carmelo Bay by.
A. C. Lawson.
— The Sodu: Rhyolte North of Berkeley by. Ch. Palach.
— The eruptive Rocks of Point Bonita by. F. L. Ransome.
— On analcite drabase by. H. W. Fairbanko.
— The geology of Angel Island by. F. L. Ransome.
— The post pliocène deastrophesm by. À. C. Lawson.
Bone. — Académie d’Hippone. — Compte rendu des réunions
et Bulleuns.
BorDEAUX. — Société de AFonrante commerciale de Bordeaux.
— 18 année.
— Société philomatique de Bordeaux. — Bulletin de D Le
ciation des lauréats.
— Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. —
4 série, T. V.
BRUXELLES. — Société belge de microscopie. — 21° année,
1894-1895, N°S 4, 5 et 6.
— Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique. —
Tomes 35 et 34.
BuENoS-AYRES. — Jnstitut géologique argentin — Bulletins.
Tome45. N°55 à 12, et, Tome 16 Ne 2 ent
— Instituto geographico argentino. — Bulletin. Tome 15, f.
5, 0, 1 ete.
CAEN. — Societé linnéenne de Normandie. — Bulletins. 4
série, 1895. & volume, 1894.
CHALON-SUR-SAONE. — Bulletin de la Société des sciences na-
turelles de Saône-et-Loire. —- 1895, N°$ 1, 2, 3 et 4. f
CARCASSONNE. — Mémoire de la Société des sciences et arts de
Carcassonne. — Mémoires. Tome VII, 2e partie, 1895.
— Société d’études scientifiques de l'Aude. — Bulletin. Tome
VI, 1895. ;
CHERBOURG. — Société nationale des sciences naturelles et ma-
thématiques de Cherbourg. T. 29.
Cuur. — Jares - Bericht der Naturforschenden Gesellschaft
Graubundens. Neue Foloe XXXVIII. Band. 1894-95.
— Cassel Abhandlungen u. Benicht XXXXX des Verens fur
Naturkunde.
— 215 —
CuaAmMBÉRy. — Académie des sciences, belles lettres et arts. —
Tome V.
DRAGUIGNAN. — Société d'agriculture, horliculture et d’accli-
matation du Var. — Tome 19, 1892-93.
— Société d'agriculture, de commerce et d'industrie du Var.
— Bulletins, Année 1895.
Douar. — Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires.
3° série. Tome VI. — Bulletin du Comice agricole.
EKATHERINENBOURG, — Société ouralienne des sciences natu-
relles. — Bulletin.
ST-ETIENNE. — Société d'agriculture de je Loire. — Annales,
2e série, Tome 14, 38° volume, 4 livraison. — 3% volume, 1re et
2e livraisons.
GENÈVE. — Société de physique et d'histoire naturelle. — Année
1894. |
GRONINGEN. — Drieennegentigste verslag van Genoostchap te
groningen over het jaar. — 1893.
LE Puy. — Société agricole et scientifique de la Haute-Loire.
—. Tome VII, 1891, 1892, 1893. Volume 29, No 115.
LAUSANNE. — Sooiate vaudoise des sciences raie — Vo-
lume 30, N° 116. Volume 31, N° 117.
LièGe. — Société royale des sciences. — 2 série, Tome 18.
Limoces. — Société de botanique de Limoges. — Revue scien-
tifique du Limousin.
LEtpziG. — Geogenetische beitrage von. — D' Otto Kuntze.
LuxEMBouRG. — Société des Naturalistes luxembourgeois. —
Fauna. Bulletin. Institut grand ducal. Tome XIII, 1894.
Lyon. — Société botanique de Lyon. — Tome XX, 1895, 1°
trimestre. — Tome XIX, 1894, 4° trimestre.
MARSEILLE. — Soctélé botanique et horticole de Provence. —
Revue horticole des Bouches-du-Rhône.
Mexico. — Boletin de la comision geolocia de Mexico. —
Num. 1, 1895.
— FRS cientifica al Popocatepede.
— XI° Congreso des Americanistes. — 1895.
— Memorias y revista de la Societad scientifica Antonio Al-
zate. — 1894-1895. Tome VII, N°11 et 12. — Tome VIII, N°S 1,
2, 3, 4.
— La Naturaleza periodico scientifica de la Societad de His-
toria natural, — Tomo I etiIl,
— 216 —
MONTBELLIARD. — Mémoires de la Société d'émulation.
XXIVe volume. |
MiINNEAPOLIS. — Minnoseta académia of natural sciences. —
Preliminary notes on the Birds and Mannuals of Philippine
Islands. , |
MonNTMÉDY. — Société des Amateurs naturalistes de Nord de
la Meuse. — Mémoires, Tome VI.
MaDrip. — Memorias de la Real Academia de Ciencias de
Madrid. — Tome XVI.
MONTPELLIER. — Société d’horticulture et d'histoire naturelle
de l'Hérault. — 35° année, N°S 1, 2, 3, 4, 5, 6.
— Société languedocienne de Géographie. — Tome XVI,
— Société départementale d'encouragement à l’agriculture de
l'Hérault. — Bulletins.
Moscou. — Société impériale des naturalistes de Moscou: —
1894, N° 1.,.8,:9,4.
Nancy. — Société des sciences de Nancy. — Bulletin, série 2,
Tome XIII, fase. 29. — 27° année, 1894. — Catalogue de la Biblio-
thèque.
Nanres. — Société des sciences naturelles de l'Ouest de la
France. — Bulletin. Tome IV, N° 4, 1894. — Tome V, N° 1,2,
3, 1695
— Société académique de Nantes. — Annales, volume V, 7e
série, 1894. — Volume VI, 7° série, 1895.
NEvERs. — Société nivernaise des lettres, sciences et arts. —
Bulletins, 3° série, Tome VI, XVI° volume, 2° fascicule.
New-York. — Société microscopique de New-York. — Journal
the New-York microscopical Society. — Volume XI, n° I à IX.
— Report of Museum — 1894 — 47.
NimèGue. — Nederlandische Kruidtundig archief. — 6 deel, 4
Stuk.
Nimes. — Bulletin de la Société d’étude des sciences naturelles.
— 22e année, n° 4. — 23e année, n° 1, ? et 3.
NioRT. — Bulletin de la société botanique des Deux-Sèvres. —-
De 1889 à 1894.
ORLÉANS.— Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts.
— Mémoires. Tome XXXIII, n°° 1, 2, 3 et 4. :
Paris. — Société entomologique de France. — Bulletins 1894-
1895.
— 217 —
— L'Alliance française. — Bulletin.
— Revue des travaux scientifiques. — Tome XIV, 9, 10, 11, et
12. — Tome XV, de 1 à 8. |
— Comité des travaux historiques et scientifiques. — Liste des
membres. — Bibliographie des travaux sous, par J. Deni-
ker. Tome I, 1'e livraison.
— Association française pour l’avancement des: sciences. —
Bulletins.
— Société française des amis des arbres. — Bulletins trimes-
triels.
Pau. — Bulletin de la société des sciences, lettres et arts. —
1893 —1894, 2° série. Tomes 23°.
PERPIGNAN. — Société agricole, scientifique et littéraire. —
36e volume, 1895.
PéTErsBourG. — Horaæ societatis entomologicæ Rossicæ. —
Tome XXVIII, 1893-1894.
PHILADELPHIE — Academia of naturals sciencias et Philadel-
phia Proceedings. — 1894, Part III. — Oct. December 1894. Part.
IT, May, September 1894, — Part I, Janaarez March.
Pise. — Societa toscana di scienze naturale. — Atti Della, vol:
9,-1894.
ROCHECHOUART. — Société des amis des sciences et des arts.
— Bulletins. Tome IV, n° 1, 2, 3, 4 — Tome V, n° 1.
Ronez. — Société des sciences et arts de l’Aveyron. — Bulle-
tin XVI, 1894.
ROvVERETO. — Academia degli agiati. — Bulletins 1894 à 1895.
— Vita de Antonio Rosmini. — 1888.
— Della Vita di Antonio Rosmini. — Serbati de F. Paoli, 1r°
partie 1880. — 2° partie 1884.
— Discordo accademico, critico morale de Andrea Srosio.
© SANTIAGO. — Société scientifique du Chili. — Actes. — Tome
III, de 1 à 5. — Tome IV, de 1 à 5.
SCHAFFOUSE. — Verhandlungen der schweizerschen naturfors-
chenden Gesellschaft bei 1hrer versammlung. — 1893-1894.
SION. — Société valaisienne des sciences naturelles. — La Mu-
rithienne, 1892 et 1893. — Fasc. XXII et XXIII.
SEMUR. — Société d’études Las iques et naturelles. — Bulle-
tin, 2e série, 1894.
TouLoN. — Société d'agriculture. Provence agricole et horti-
cole. — De 1 à 23.
— 218 —
Tourouse. — Société de pharmacie du Sud-Ouest. — Bulletins.
— Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres Tou-
louse. — 9% série, Tome VI, 1894.
TRIESTE. — Societa le de scienzi naturali in Triesta. —
Bolletino della. N° XV.
UPsaa. — Bulletin of the geological institution of university.
— 1893-1894. Ce
VEsouL. — Société d'agriculture des sciences et arts de la Hie-
Saône. — 3° série, n° 25. — 1894.
VienNE. — Annalen des KK. Natur-historichen Hofmuseums.
— lahresbericht fur 1894. Wien 1895.
© WASHINGTON. — Smithsoniam Institution. — 1892-1894.
— Departement of Agriculture. — North American fauna.
— Geological Survey. — 1892-1893. — I et II.
ZuricH. — Vierteljahreschrift der Naturforschenden Gesells-
chaft. 1894. Drittes un viertes Heft, 1895. — KErstes Heft Zweites
Heft.
DoNS FAITS A LA BIBLIOTHÈQUE :
Pauzuccr. — Contribuzione alla fauna malacologica italiana.
TARGIONI-TozzerTi. — Estratto di un catalogo sistematico &
critico dei molluschi cefalopodi del Mediterraneo posseduti dal R.
Museo di Firenze, con alcune specie nuove.
— Degli Alimenti freschi et conservati.
— Cocciniglie nuove icritiche o poco note.
— Catalogo di crostacei podottalmi brachiuri et anomour1.
— Catalogo metodico degli animali nelle provincie meridionali,
in Sicilia e in Sardegna negli anni 1868-69.
— Delle F orfecchie, piattole, Grillotalpe, Grill, Locusta et Car
valletti.
— Sulla heliopsyche agglutinans (Tass).
— Sulla sezione pesci salati et in conserva.
ANTONII TARG. TozzETI et JoHANNIS. — Bibliographia botanica
Targioniana.
+
h lui D LS ie Sn 27
— 9 —
AD. TARGIONI-TozzerTi. — Cocciniglie degli agrumi in Italia
e specialmente in Sicilia.
— Mostra di sostanze e di emulsioni insetticide.
G. DEL GuErcio. — Animali ed insetti del Tabacco in erba el
del Tabacco secco del prof. A. Targioni-Tozzetti.
AD. TARGIONI-TozzETTI e G. DEL GUERGIO. — Nuove emul-
sioni insetticide.
G. nez GuErciA. — Nitizie biologiche della Schizoneura lani-
gera Hauun.
— Sulle larve della conchylis ambiguella.
— Intorno al modo di combattere la gryllotalpa vulgaris Latr.
— Gli acceli, itopi, la mosco olearia et la raccolta delle nell’alta
valle del Sele.
— Alcune osservazioni sulla infezione dello Zabro nel modenese
e sui costumi deiïla larva.
— Le Cocciniglie degli Agrumi.
— Intornoal modo di combattere les insett1.
— La Mosco del giaggiolo. |
BerLese. — Le Tignuole della vite e modo di combatterle.
— Statuto della Societa entomologica italiana.
— Catalogo della collezione di insetti italiani del R. Museo di
Firenze. |
— Riassunto ed emendamento dei prospetti del generi et delle
specie degli ortotheri secondo la fauna italiania.
An. TARGIONI-TozzETTI. — Aonida blanchardi specie nuova di
Cocciniglia della palme de Dattero del Sahara.
— Revista di Entomologia agraria.
— Sulla filossera della vite.
ALBERT GASPARD et TARGIONI-TozzerTi — Contribution à l'é-
tude des gômmes laques des Indes et de Madagascar.
G. nez Guercio ed E. Baroni. — Rimedi contro la Infezioni
prodotta sulle rose dalla Sphærotheca pannosa (Wallz).
_. — Sulla infezione prodotta nelle fragole dalla Sphœærella fraga-
riæ (Sacc). |
(Don de la Société de lecture et conversations scientifiques de
Florence).
P. DucaarTre. — Note sur des Cyclamens à fleurs semi-dou-
bles.
— Observations sur la Fressia refracta.
BE
— Réflexions et expériences relatives à l'absorption de l’eau
par les feuilles.
— Note sur des fleurs doubles de grand Muflier.
— Note sur des fleurs hermaphrodites de begonia.
— Note sur des safrans à fleurs monstrueuses.
— Note sur une conc:tion déterminée par des racines.
— Note sur un begonia nouveau.
— Note sur les orangers cultivés en pleine terre à Roquebrun.
— Observations sur les feuilles ensiformes des Iridées.
— Remarques sur les plantes dites carnivores.
— Note sur les ovaires inféres et plus particulièrement sur celui
des pomacées.
— Note sur l’enracinement de l’albumen d’un Cycas.
— Observations sur les vrilles des Cucurbitacées.
— Influence de la sécheresse sur la végétation et la structure
de l’egname de Chine.
— Note sur des Caïeux pédiculés de la Tulipa gesneriana.
— Quelques observations relativement à l'influence de la lumière
sur la maturation des raisins.
— Note sur une poire monstrueuse.
— Note sur des flears monstrueuses de grenadiers.
— Organisation de la fleur des Delphinium.
— Note sur la situation des bulbilles chez le begonia descolora.
— Observation sur les bulbes des lys. — 1°" et 2 Mémoires.
— Observations sur le genre Lys.
— Notions sur l’organisation des fleurs doubles et description de
la fleur du Lilium tigrinum Gawl. Flore pleno.
— Végétation de quelques marronniers hâtifs en 1879 et 1380.
— Une visite de deux heures aux jardins de l’Isola bella sur le
lac Majeur.
— Quelques observations sur la floraison du Tigricha pavonia
Red.
— Observations sur des marronniers hâtifs.
— Note sur l’Œnanthe crocata.
— Quelques observations sur des raisins soufrés et brülés au
soleil — 1859,
— Qu'est-ce qu’un poireau qui oignonne ? Réponse à cette
question.
— Expériences sur la végétation d’une bromeliacéesans racine.
— 221 —
— Quelques remarques sur la théorie de l’extinction par vieil-
lesse des variétés de fruits.
(Dons de M. Duchartre fils par l'intermédiaire de M. J. Cro-
zals).
A.-E. MouLiN. — Theodehilde (de 567 à 572).
D. Cros. — La vie et l’œuvre botanique de P. Duchartre.
JEAN CRoZALS. — Pierre Duchartre (1811-1894). Sa vie, sa cor-
respondance. — Don de l’auteur.
B. BoupourEsQuEs. — Du choisya temata. — Contribution à
l'étude des Lanthoxylées. — Don de l’auteur.
D. Luccainr. — Nos droits et nos devoirs à Madagascar. — Don
de l’auteur.
A. G. bE RouUvILLE. — Sur la technique de l'Hérault. — Don
de l’auteur.
Dr A. DonNEzAN. — Une excursion du Club Alpin au Musée
régional de Perpignan. — Don de l’auteur.
ABBÉ SABARTHÈS. — La Commanderie de Narbonne (1143-1790).
Don de l’auteur.
RaAymonp-PouLze. — Centenaire de Florian. — Don de l'auteur.
Ep, PrerTi — Vestiges de la période de transition dans la grotte
du Mas d’Azil. — Don de l’auteur.
CoLoNEL GRILLIÈRES. — Discours prononcé à l’occasion de l’i-
nauguration du portrait de M. Cros Mayrevieilh. — Don de l’au-
teur.
XAVIER Raspail. — Durée de l’incubation de l’œuf du Coucou
et de l'éducation du jeune dans le nid. — Don de l’auteur.
G. NIVIÈRE ET À. HUBERT. — Les levures sélectionnées et le
phosphate d’ammoniaque. — Don des auteurs.
CHARLES JANET. — Etudes sur les fourmis, les guêpes et les
abeilles. — Neuvième, dixième et onzième notes.
_— Observations sur les frelons,
— Sur les nids de la Vespa cabrio (L). Ordre d'apparition des
: alveoles.
— Sur la Vespa crabro (L), ponte, Conservation de la chaleur
dans le nid. — Don de l’auteur.
Note sur les lampes de sûreté. — Don de M. Viguier,
— 222 —
Sociétés Correspondantes
(FRANCE)
Société d’émulation de l’Allier, à Moulins.
Société des Sciences naturelles de l’Ain, à Bourg.
Société des lettres, arts et sciences des Alpes-Maritimes, à Nice.
Soéiété des sciences à Foix.
Société des sciences naturelles et historiques à Privas.
Société académique d'agriculture, des sciences, arts et belles-
lettres de l’Aube, à Troyes.-
Société des sciences de Carcassonne.
Société d’études scientifiques de l’Aude, à Carcassonne.
Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, à Rodez.
Société He d’'Emulation, à Belfort.
Acadèmie des sciences, agriculture, arts et belles- lettrès.
Société botanique et horticole de Provence, à Marseille.
Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen.
Société linnéenne de la Charente-Inférieure, à St-Jean-d’Angély.
Académie des belles-lettres, sciences et arts de La Rochelle. |
Société botanique Rochelaise, à La Rochelle.
Société pour le développement de Royan.
Société des sciences historiques et naturelles de Semur.
Académie des sciences de Dijon.
Société scientifique, historique et archéologique de Brive.
Société d’'émulation du Doubs, à Besançon.
Société d’émulation à Monthéliard.
Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l'Eure, à |
Evreux.
Société d’étude des sciences naturelles de Nîmes.
Société d’horticulture du Gard, à Nîmes.
Académie du Gard.
Société scientifique et littéraire d’Alais.
Société d’histoire naturelle de Toulouse.
Société des sciences physiques et naturelles de Toulouse.
Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse.
— 223 —
Société de pharmacie du Sud-Ouest (Toulouse).
Société linnéenne de Bordeaux.
Société philomatique de Bordeaux.
Société archéologique de la Gironde.
Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux.
Société de pharmacie de Bordeaux.
Association scientifique de la Gironde, à Bordeaux.
Société de géographie commerciale de Bordeaux.
Société d’horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault, à Mont-
pellier.
Académie des sciences et lettres de Montpellier.
Société languedocienne de géographie, à Montpellier.
Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers.
Comice agricole de l’arrondissement de Béziers.
Société littéraire et artistique de Béziers.
Société des Beaux-Arts de Béziers.
Société des sciences naturelles de Grenoble.
Société de statistique de Grenoble.
Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny.
Société de Borda à Dax.
Société des sciences de St-Etienne.
Société académique de Nantes,
Société des sciences naturelles de l’ouest de la France, à Nantes.
Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts, d'Orléans.
Académie des sciences d'Orléans.
Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot.
Société des sciences et arts d'Agen.
Société d’études scientifiques d'Angers.
Société académique de Maine-et-Loire, à Angers.
Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg.
Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département
de la Marne, à Châlon-sur-Marne.
Société des sciences et arts de Vitry-le-Français.
Société d’étude des sciences naturelles de Reims.
Société des sciences de Nancy.
Société centrale d’horticulture de Nancy.
Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc.
Société des amateurs naturalistes du Nord de la Meuse, Montmédy.
Société polymathique du Morbihan, à Vannes,
— 224 —
Société d’agriculture, des sciences et arts, centrale du département
du Nord, à Lille.
Société Dunkerquoise, pour l’encouragement des sciences, des let-
tres et des arts.
Académie des sciences de Lille.
Société géologique du Nord, à Lille.
Société d'agriculture de Douai.
Société nivernaise des sciences, lettres et arts de Nevers.
Société d’horticulture et de botanique de Beauvais.
Société académique de Boulogne-sur-Mer.
Société des sciences, lettres et arts de Pau.
Société des sciences et arts de Bayonne.
Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orièétales
à Perpignan.
Socièté des études scientifiques de Lyon.
Association Lyonnaise des amis des sciences naturelles.
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon.
Société d'agriculture et d’histoire naturelle de Lyon.
Société linnéenne de Lyon.
Société botanique de Lyon.
Société des sciences industrielles de Lyon.
Société d’horticulture pratique du Rhône (Lyon).
Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, à Vesoul.
Académie de Vesoul.
Société éduenne d’Autun.
Société d'histoire naturelle d’Autun.
Société des sciences naturelles de Châlon-sur-Saône.
Société des amis des arts et des sciences de Tournus.
Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, au Mans.
Académie des sciences, lettres et arts de Savoie, à Chambéry.
Scciété florimontane d'Annecy.
Société entomologique de France, à Paris.
Société zoologique de France à Paris.
Société botanique de France à Paris.
Société géologique de France à Paris.
Société linnéenne de Normandie à Caen (Calvados).
Société des amis des sciences naturelles de Rouen.
Société géologique de Normandie, à Rouen.
Société géologique du Hävre.
— 225 —
Société agricole et horticole du Hâvre.
Société d’étude des sciences naturelles d’Elbeuf.
Société botanique des Deux-Sèvres, à Niort.
Société linnéenne du Nord de la France, à Amiens.
Société d’études scientifiques de Draguignan.
Société d'agriculture, industrie et commerce de Draguignan.
Société d'agriculture de Toulon.
Société d'agriculture et d’horticulture d’Hyères (Var).
Société littéraire, scientifique et artistique d’Apt.
Société d'histoire naturelle de Vaucluse, à Avignon.
Société de botanique de Limoges.
Les Amis des sciences et arts de Rochechouart (Hte-Vienne).
Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers.
Société philomatique vosgienne, à St-Dié.
Société d’émulation du département des Vosges, à Epinal.
Société des sciences historiques et naturelles de l’ Yonne, à Auxerre.
Société des sciences physiques, naturelles et climatologiques
d'Alger.
Académie d'Hippone, à Bône.
Société d'agriculture d’Alger.
(ÉTRANGER)
Académie nationale des sciences de la République argentine à
Cordoba.
Universety of California Berkeley. Alameda County.
Académie Argentine nationale des sciences de Buenos-Ayres,
Société des sciences de Santiago (Chili).
. Société des sciences de la République de Nicaragua (Amérique Cen-
| trale).
Institut géographique Argentin de Buenos-Ayres.
Société de microscopie de New-York.
Société des sciences naturelles de Trenton New-Jersev (Etats-Unis).
Académie des sciences naturelles de Philadelphie,
Ministère de l’agriculture de Washington (Etats-Unis),
Société of natural sciences à Boston,
— 226 —
Smithsoniam Institution à Washington.
Institut canadien français d’Ottava (Canada).
Société Antonio Alzate de Mexico (Mexique).
Societad Mexicana de Historia natural (Mexico).
Archives du Musée du Brésil.
Académie des sciences naturelles à Minneapolis (Minnesota).
Museum national de la République de Costa-Rica.
Revista argentina de historia natural (Buenos-Ayres).
Société royale des sciences de Londres.
Association pour l’étude des sciences naturelles à Cassel.
Institut Linnéen de Berlin.
Académie royale des sciences naturelles et arts à Munster.
Société botanique bavaroise à Munich.
Société Adriatique d’histoire naturelle de Trieste.
Société royale de géographie à Vienne.
Commission du Musée d’histoire naturelle de Vienne.
Société royale de botanique de Belgique à Bruxelles.
Société royale linnéenne de Belgique à Bruxelles.
Société pédagogique de Belgique à Bruxelles.
Société royale géologique de Belgique à Liège.
Société royale des sciences à Liège.
Société belge de microscopie à Bruxelles.
Société royale malacologique de Belgique à Bruxelles.
Academia real de ciencias y artes à Barcelone.
Académie royale des sciences physiques et naturelles à Madrid.
Observatorio de Villafranca de Panadès (Espagne).
Compagnie des sciences naturelles de Groningue (Pays-Bas).
Société hollandaise de botanique à Nimègue.
Société toscane des sciences naturelles de Pise.
Academia di Scienze natural à Firenze.
Academia dei Lincei de Rome.
Rassegna delle scienze geologiche en Italia (Roma).
Real academia degli agiati en Rovereto (Italie). .
Société de lecture et conversation scientifique à Gênes.
Institut royal des sciences naturelles du Grand Duché de Luxem-
bourg.
Société de botanique du Luxembourg.
Fauna, société des naturalistes Luxembourgeois.
Université royale de Norvège à Christiania.
— 227 —
Société des sciences de Lisbonne.
Société des travaux géologiques à Lisbonne.
Société d'instruction de Porto, à Porto.
Société entomologique de Rüssie, à St-Pétersbourg.
Société d'étude de la faune et de la flore de Finlande résidant à
Helsingsfors.
Kongl. Universitet et 1 Upsala, Geologiska Institutionem.
Société impériale des naturalistes à Moscou.
Société ouralienne des amateurs des sciences naturelles résidant à
Ekatherinenbourg.
Société murithienne de botanique de Valais, à Sion.
Société d'histoire naturelle des Grisons à Chur.
Société de physique et d'histoire naturelle de Genève.
Société helvétique des sciences naturelles de Berne.
Société des sciences physiques et naturelles de Neufchätel.
Société des sciences naturelles de Berne.
Sociêté des sciences naturelles de Zurich.
Société fribourgeoise des sciences naturelles à Fribourg.
Société vaudoise des sciences naturelles à Lausanne.
Société des sciences naturelles à Bâle.
4
Société des sciences naturelles à Batavia (Java),
BANC"
nn
LISTE DES SOCIETAIRES
Membres honoraires
M. LE RECTEUR de l’Académie
de Montpellier.
M. LE SOUS-PRÉFET de l’arron- Membres de droit.
dissement de Béziers.
M. LE MAIRE deja ville de Béziers.
M. DE ROUVILLE, doyen honoraire de
la Faculté des sciences de Montpel-
lier.
Fondateurs.
M. SABATIER Armand, doyen et profes-
seur de zoologie à la faculté des
sciences de Montpellier, directeur
de la station zoologique de Cette.
ANNÉE 1877
MM. MARQUET, entomologiste à Toulouse, rue St-Joseph, 15.
COURSIÈRE, inspecteur d’Académie, 66, rue de la Répu-
publique, Lyon.
CAZALIS de Fondouce, naturaliste à Montpellier.
CARTAILHAC Emile, anthropologiste, 5, rue de la Chaine,
à Toulouse.
TRÜUTAT, directeur du musée d’histoire naturelle, à
Toulouse, place du Palais, 10.
VENDRYES, rue de Madame, 36, Paris.
ANNÉE 1878
MM. CHARLES, recteur de l’Académie, 22, Quai de la Charité, «
Lyon.
MAYET Valéry, prof. à l’école d'agriculture de Montpellier,
4, rue du Faubourg Boutonnet.
MM.
MM.
MM.
MM.
MM.
— 229 —
ANNÉE 1879
MARION, professeur à la faculté des sciences de Marseille.
Maxime CORNU, professeur au Muséum de Paris.
LATASTE Fernand, prof. de zoologie à Santiago (Chili).
HECKEL, prof. de botanique à la Faculté de Marseille.
Le docteur COMBESCURE, sénateur, 13, rue de Poissy,
Paris.
ANNÉE 1880
COLLOT, professeur à la Faculté des sciences de Dijon,
rue St-Philibert, 51.
BARRANDON, conservateur du Jardin Botanique de
Montpellier, au Jardin des Plantes.
ANNÉE 1881
FLAHAULT, professeur de botanique de la Faculté des
sciences de Montpellier, directeur de l’Institut botanique.
ANNÉE 1885
PAYSANT, ancien préfet du Lot, receveur général des fi-
nances à Alger.
ANNÉE 1886
HUGOUNENC, géologue, maire de Lodève.
GAUTHIER, botaniste, Place St-Just, Narbonne.
ANNÉE 1887
PERCEVAL DE LORIOL, géologue au Crasnier (Suisse).
BERGERON, géologue, 157, Boulevard Haussman, Paris.
ANNÉE 1889
DE LACAZE-DUTHIERS, de l’Institut, Directeur fonda-
teur du laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer.
DE LAPPARENT, vice-Président de la Société de géologie
de France, professeur de géologie à l’Université catho-
lique de Paris.
— 230 —
MM. DEPÉRET, professeur de géologie à la Faculté des sciences
MM.
MM.
de Lyon.
MUNIER-CHALMAS, professeur de géologie à la Sor-
bonne.
MALAISE, professeur de géologie, à Gembloux (Belgique).
ANNÉE 1890
Juan MONSERRAT Y ARCHS, Président honoraire de
Académie royale des Sciences et Arts de Barcelone
Raphaël PUIG-VALLS, Chevalier de la Légion d'honneur,
aucien membre du Jury intesnational de l'Exposition Uni-
verselle de 1889, Président de l’Académie de Barcelone
Luis MARIANO VIDAL, Ingénieur en chef des Mines des
provinces de Tarragone et de Lérida, géologue et miné-
ralogiste, membre de l’Académie Royale de Barcelone.
Manuel MIR Y NAVARRO, professeur des sciences natu-
relles à l’Institut provincial, D' en médecine et chirurgie,
membre de l’Académie Royale de Barcelone.
CAYETANO CORNET Y MAS, rédacteur du Diario, de .
Barcelone, membre de l’Académie Royale.
Le Chanoine JAIMES Y ALMEIRA, professeur de géolo-
gie, membre de l’Académie Royale.
CUNI Y MARTORELL, entomologisie, membre de l’Aca-
démie Rovale de Barcelone.
ARTURO BOFILL Y PIOCH, secrétaire général de l’Aca-
démie Royale de Barcelone. |
ANNÉE 1891
DELAGE, professeur de géologie à la faculté des sciences
de Montpellier.
VIGUIER Maurice, docteur ès-sciences aux Quinconces,
Carpentras (Vaucluse).
ROUZAUD Henri, député de l’Aude, maitre de conférences
à la faculté des Sciences, Montpellier.
GILIS Paul, professeur à la faculté de Médecine, Mont-
pellier. |
GRYNFELDT, professeur à la faculté de Médecine, Mont- …
pellier.
Le
MM.
MM.
M.
— 231 —
SERRE, professeur à la faculté de Médecine de Montpellier.
GRANEL, professeur à la faculté de Médecine, Montpellier.
COURCHET, professeur à l'Ecole supérieure de Pharmacie,
Montpellier.
ANNÉE 1892
. VASSEUR, professeur de géologie à la faculté des Sciences
de Marseille.
ANNÉE 1893
Thomas HANBURY, botaniste, propriétaire du jardin de
la Mortala près Vintimille (Italie).
A. PONSIGLIONI, recteur de l’Université de Gênes,
Président de la Soctété di lettura el conversaziont
scientifische.
DEBARBIERI, vice-président de la Société di lettura, à
Gênes. |
Le Comte MELZI D’ERIL, secrétaire de la Société de
Gênes.
Le Commander ENGELHARD, ministre plénipotentiaire
à Gênes.
L’Ingénieur G. FERCHER, membre de la Société de Gênes.
ANNÉE 1894
JEANJEAN Adrien, géologue à Saint-Hippolyte-du-Fort,
Président du Comice agricole de l’arrondissement du
Vigan (Gard).
ANNÉE 1895
E. DURAND, inspecteur des forêts, professeur de bota-
nique et de sylviculture à l’École nationale d’agriculture
de Montpellier.
MM.
— 232 —
Membres aetifs (au 1° Janvier 1895)
FONDATEURS
BENOIT Charles, place St-Esprit, 12.
BONNET Louis, propriétaire, rue du Quatre-Septembre, 4.
BUHLER Paul, avenue de Bessan, 17.
CANNAT Paul, A Éÿ, professeur, licencié ès-sciences na-
turelles, rue Boudard, 1.
CHUCHET Joseph, ingénieur, rue Mairan, 11.
CROZALS Henri, négociant, rue de Bonsi.
FABRE Alber:, architecte, rue Baudin, Montpellier.
GAUJAL LAGARRIGUE, propriétaire, rue du Quatre-
Septembre, 22.
GRANAUD Elie, négociant, boulevard de la Gare, 9.
DE GRASSET, propriétaire, à Pézenas.
LAFORGUE Camille, propriétaire, à Quarante.
MANDEVILLE Alfred, propriétaire, rue du Capus, 12.
DE REY-PAILHADE Constantin, botaniste, place St-
Aphrodise, 44.
SABATIER-DÉSARNAUDS Victor, Président Honoraire,
propriétaire, rue des Balances, 9.
THÉVENEAU Louis, propriétaire, allées Paul Riquet.
VIENNET Albert, propriétaire, rue du Quatre-Septembre.
ANNÉE 1876
MM. MOULINS-CAMBON, boulevard de Strasbourg.
MM.
DONNADIEU Frédéric, avocat, rue de l’Argenterie, 2.
ANNÉE 1877
ROUX Georges, peintre, avenue des Charmes, Fontenay-
sous-Bois (Seine). ;
FABREGAT Adalbert, propriétaire à la Gaillague, près
Colombiers.
DE GINESTE, propriétaire, rue de Lespignan, 12.
REBIÈRE Sylvain, libraire, rue Flourens.
AUBOUY Fulcrand, I &ÿ, 12, rue Gendarmerie, Mont-
pellier,
MM.
MM.
MM.
MM.
MM.
— 233 — .
ANNÉE 1878
JEANSON Ernest, receveur municipal, rue Massol.
. BONNET Jules, propriétaire, rue de la Citadelle.
SABATIER Elzéar, docteur en médecine, rue de la Coquille.
BICHE Barthélémy, À &ÿ, professeur au collège de Pézenas.
ANNÉE 1879
GIRET Gustave, propriétaire, rue de Lespignan, 6.
RULLAND Auguste, négociant, rue de la Mairie, 13.
SICARD Sylva, À &ÿ, docteur en médecine, avenue de la
République, 1. | |
MAS Alphonse, ancien avoué, Maire de Béziers, député de
l'Hérault, place de la Citadelle.
BLANC Alexandre, négociant, rue d’'Envedel, 1.
ROBERT, A Éÿ, instituteur en retraite, rue des Deux-Frè-
res, 2.
VÉZIAN Jules, employé de commerce, boulf de la Gare, 8.
GRANGER Albert, naturaliste, rue Galard, 14, Bordeaux.
ANNÉE 1880 ,
PORÇON Emmanuel, rue Montmorency.
ANNÉE 1881
BOYER René, négociant mercier, rue Française.
VIENNET Charles, propriétaire, allées Raul Riquet.
MARTRÉS, sous- ingénieur de la voie, à Béziers.
ANNÉE 1882
GÉLY, propriétaire, 46, rue Paul Riquet
ASTRUC, conducteur de la voie à la Compagnie du Midi.
CHAULAN, ancien négociant, rue de la Mairie, 15.
ANNÉE 1883
GAUSSEN, négociant, avenue de la Gare.
DUPRÉ Léon, correspondant du Petit Méridional, avenue
de la République.
MARTY liquoriste, rue Victor-Hugo, 12.
MALAFOSSE, négociant, rue de la République.
MM.
MM.
. 144
ANNÉE 1885
BERNARD Aimé, dir. de l’Ecole Publique de Florensae.
DERBEZ, insututeur, école Lakanal.
GAY Henri, instituteur, école Supérieure.
CARLES Emile, employé de commerce, Place d'Espagne.
CARLES Pierre, ingénieur agricole, av. de Bédarieux, 67.
IZOARD, secrétaire des Hospices, rue Barbeyrac.
MERCADIER Louis, instituteur, école Gaveau.
GAUTHIER, négociant, rue de la Mairie, 11.
ANNÉE 1886
CANNAT Louis, 18, rue Jacques-Cœur, Montpellier.
LAURES Maurice, avocat, avenue de Pézenas. :
VIAL Louis, pharmacien, allées Paul-Riquet
PUPILLE, notaire, à Alignan-du-Vent.
JALABERT André, négociant en vins, av. Gambetta, 28.
GRANAUD Paul, négociant, avenue de Sauclières.
DECAVATA, correspondantde l’Æclair, allées Paul-Riquet.
YZERN Pierre, correspondant du Figaro, r. de la Coquille.
CROZALS ROCH, négociant, route de Murviel.
CAYLET, négociant en vins, 42, allées Paul-Riquet.
ROYÈRE, directeur du Publicateur, rue Montmorency.
ROUDIER, banquier, allées Paul-Riquet, 40.
CROS, instituteur, Comptoir Parisien, allées Paul-Riquet.
REVERDY, directeur de l’Ecole Louis Blanc.
MONTAIGNAC Elie, négociant, route de Bédarieux, 94.
UTEZA Paul, négociant en vins, route de Bédarieux, 98.
BRINGUIER, journaliste, rue d’Austerlitz, 27.
LOUIS-PAUL, peintre, rue Hospice St-Joseph.
AIN, prof. licencié ès-lettres, A &ÿ, avenue de Bédarieux.
LIGNON, professeur, À &ÿ, place St-Esprit.
LAMOUROUX, professeur, place St-Aphrodise, 44.
BARBIER, prof. licencié ès-lettres, I &ÿ, rue Viennet, 20.
FABRE, agent d'assurances, À &ÿ,avenue de Bédarieux, 8.
MITCHEL, dentiste-chirurgien, place St-Félix.
BOILÈVE, ingénieur, place St-Esprit, 16.
ESCANDE, instituteur à Bassan.
MM.
MM.
MM.
— 935 —
ANNÉE 1887
CHABAUD, ingénieur, conseiller général à St-Gervais.
DE CROZALS Cyprien, négociant, président du Syndicat
des vins, vice-président du Comice Agricole, rue de Les-
pignan.
CASTELBON DE BEAUXHOSTES, vice-consul d’Espa-
gne, place St-Esprit.
GALIBERT Paul, droguiste, rue du 4 Septembre, 5.
CROZALS André, quai de la Gare, Cette.
GAUBERT, directeur de l’École Paul-Riquet, 42.
HICKEL Fritz, profr d’Allemand, avenue Gambetta, 42.
MOULIN, prof de littérature, allées Paul-Riquet, 75.
CROZALS Jean, rue de la Rotonde.
AZAIS Heari, imprimeur, rue de la Citadelle, 5.
HUE-THÉVENEAU Fernand, proprièt. rue Boudard, 3,
MOUSTELON Alphonse, propriétaire à Roquebrun,
ANNÉE 1888
SICARD Henri, pharmacien, avenue de la République, 1.
ESCOT, A &ÿ, géologue à Cabrières (Hérault).
BOUTTES, comptable de la maison Tissié-Sarrus, avenue
de Bédarieux.
ANNÉE 1889
AUGÉ Justin, conseiller général du canton de Capestang,
route de Villeneuve, 11.
MOURET Félix, propriétaire, rue Pélisson, 31.
MARTY-BLANC, ingénieur agricole, rue d'Envedel.
BOURDIÉ A., entrepositaire de matériaux de construction,
avenue de Bédarieux, 12 bis.
FRAISSE Charles, propriétaire, allées Paul-Riquet.
GOUTTES, caissier de la Banque de France, rue Boïeldieu.
MARGE Louis, rep. de commerce, avenue de l’Abattoir.
REVERDY Eugène, instituteur, rampe des Casernes, 15 bis.
COMBES, professeur au Collège, boulevard de la Liberté.
CADELARD Antoine, agent d'assurances, rue Flourens.
MM.
MM.
MM.
— 936 —
ANNÉE 1890
PASQUET, entrep' de travaux publics, à Tournemire.
PASTRE Julien, avocat, à Autignac. |
FOURESTIER lrénée, entrepreneur, 15, rue du Cirque.
VALETTE Félix, café Glacier, allées Paul-Riquet.
LAU Louis, avocat, rue Flourens.
ANNÉE 1891
COMPS Paul, architecte, descente de la Citadelle, 17.
COMBESCURE, avoué, rue de ia Citadelle, 14.
THOMAS, caissier, rue Rôtisserie, 23.
EMPEREUR Maurice, architecte, rue de la Tour, 12.
DUPRAT, sculpteur, boulevard du Nord.
FOUQUET Louis, propriétaire, avenue de l’Abattoir.
FAYTIS Antoine, propriétaire, avenue des Casernes, 10.
GAYRAUD jules, juge au Tribunal de Commerce, faubourg
du Pont.
D' VILLEBRUN, géologue à St-Chinian
MIQUEL Jean, propriétaire et géologue, à Barroubio par
Aigues-Vives (Hérault).
ANNÉE 18992
BAJARD, ingénieur des Mines, rue Boïeldieu.
PUEL Ernest, manufacturier, allées Paul-Riquet.
MAILHAC Denys, négociant, boulevard du Nord.
DONNADIEU Abel, conseiller municipal, av. de Pézénas.
MARTIN Joseph, tapissier, 20, rue Française.
AZAIS Louis, propriétaire, avenue Gambetta, 72.
AZAIS Louis, fabricant d'engrais, avenue Gambetta, 72.
MAISTER Emile, maison Bulher, avenue de Bessan.
GUY Jean, ingénieur agricole, place de la Madeleine, 44.
. CAHUZAC, entrepreneur, 18, avenue de la République.
BARON fils, propriétaire de Poussan-le-Bas, rue de la Ro-
tonde, 26.
. ARNAUD Charles, complable, rue du Touat, 8.
GUERET, avenue de Bédarieux, 15. .
FRAISSE Gabriel, dessinateur, rue Montmorency, 9.
MM.
MM.
MM.
— 231 —
BERTHOMIEU Marcel, avocat, conseiller général, rue
Montmorency.
PUEL ainé, manufacturier, allées Paul-Riquet.
GÉLYS Raymond, huissier, allées Paul-Riquet.
CURAN François, huissier, allées Paul-Riquet.
ANNÉE 1893
SAPTE, imprimeur, 10, avenue de Bédarieux.
AFFRE, avoué, 3, rue Pélisson.
PALAU Louis, propriétaire, allées Paul-Riquet, 86.
Le Capitaine GRIFFE, 3&, 8, rue de la Mairie.
CROS Georges, entrepreneur, 53, avenue de Pézénas.
BERT Georges, propriétaire, à Bassan.
MAIGNAL, À &ÿ, professeur de dessin, rue Argenterie,
DARDÉ, propriétaire, 2, avenue de Villeneuve.
LECAVELLÉ, luthier, rue de la Rôtisserie.
MOLINIER, entrepreneur de menuiserie, rue du Collège.
MÈCLE, négociant, rue du Touat.
NURY, employé de finances, allées Paul-Riquet.
ANNÉE 1894
VERSEPUY, ingénieur, directeur de la Compagnie à l'U-
sine à Gaz.
MURAT, notaire, rue Montmorency.
AUDIÉ, docteur en médecine, rue de la République, 4.
MARILL, pharmacien, allées Paul-Riquet, 4.
ROQUES Etienne, négociant, rue Porte-Olivier.
AZAIS Aïbert, propriétaire, descente de la Citadelle.
PALAZY, avocat, rue de Bonsi.
CHERITE, inspecteur de l'Enseignement primaire.
SCHŒFEER, 3, rue Tivoli.
ROQUES, commis-greffier, 3, rue de la Coquille.
SAHUC, notaire, à St-Pons de Thomières.
AUBERT, A &ÿ, prés.du Tribunal civil, av. de Pézenas, 74
ANNÉE 1895
Gaston HÉRISSON St-SERNIN, négociant, boulevard
de la Gare.
MIGRON Pierre, arboriculteur, 13, rue Diderot,
— 238 —
MM. LAFOI Jean, ingénieur agricole, 11, rue d’Assas.
ISABETH, agent d'assurances, 8, avenue des Casernes.
TRICHEREAU, ingénieur agronome, professeur spécial
d'agriculture, allées Paul-Riquet.
SLIZEWICZ Pierre, pharmacien chimiste, Grand’ Rue, à
Cette.
CAMMAN, préposé chef des Octrois, 3, boul. de Strasbourg.
HUBERT André, Dr ès-sciences, 25, boul. de la Citadelle.
NIVIÈRE Gustave, chimiste-expert, 25, boulevard de la
Citadelle.
COUDERC Fernand, propriétaire, route d'Espagne.
BECQ, ingénieur des Arts et Manufactures, allées Paul
Riquet. |
DURAND, greffier de la justice de paix, 7, rue de la Ré-
__ publique.
TRÉMONT, bandagiste, place des 3/6.
Elie MIREPOIX, route de Capestang.
Dr DONNADIEU-LAVIT, à Lamalou-les-Bains.
GUIBERT, négociant, 29, descente Canterelles.
Commandant AUBESQUIER, 51, avenue de Pézenas.
BERTRAND, dessinateur, à la Compagnie du Midi.
JAUSSAN fils, horticulteur, ancien Elève de l’Ecole de
Versailles, 17, rue Duguesclin. |
GÉLY, avoué, rue de Bonsi.
DAISSE, huissier, rue Viennet. |
FROUMENT, contrôleur des Contributions indirectes.
GALIBERT Jean, 19, avenue Gambetta.
MM.
MM.
MM.
M.
— 239 —
Membres Correspondants
FONDATEURS
BAQUIÉ Georges, propriétaire, à Nissan.
CROS, propriétaire, à Nissan.
DELOUPY, propriétaire, à Nissan.
DEVEÉZE Henri, naturaliste, à Armissan.
FIRMIN, vétérinaire, à Nissan.
PASTRE, propriétaire, à Nissan.
REY Thimothée, ornithologiste, Nissan.
SICARD, pharmacien, à Nissan.
ANNÉE 1877
HÉRAIL J., professeur à l’école de pharmacie d'Alger.
MAISTRE Jules, fabricant, à Villeneuvette près Clermont-
l'Hérault.
PLAINCHANT, instituteur, à Cette.
ANNÉE 1878
TRIADOU Cadet, A &ÿ, géologue à Pézenas.
ANNÉE 1879
ARNAUD, &ÿ, professeur, au collège de Lodève.
BOULIECH, &ÿ, docteur en médecine, conservateur hono-
raire à la Faculté des Sciences de Montpellier.
CASTEL, instituteur à Capestang.
CROS, ingénieur, directeur des Ateliers méridionaux, à
Montpellier.
ESTOR Louis, professeur à la Faculté de. médecine de
Montpellier.
GUIRAUD Jules, notaire, à Quarante.
ANNÉE 1880
DEYCHAMP, naturaliste, à Larnasca (Ile de Chypre}.
COSTE Charles, naturaliste, à la Nouvelle-Calédonie,
ANNÉE 1881
AMANS, doctr-médecin, docteur ès-sciences, à Montpellierg
MM.
MM.
MM.
MM.
— 240 —
ANNÉE 1882
PUECH, A Éÿ, institr et botaniste, Tournemire (Aveyron).
ANNÉE 1883
RICOME, agent-voyer d'arrondissement en retraite, Mont-
pellier.
ROUVEYROLIS, docteur en médecine, Aniane.
MARTY, A &ÿ, naturaliste, boulevard de Strasbourg, 67, à
Toulouse.
CORNAC, chef de gare, Laurens.
ANNÉE 1884
NOYRIT, inspecteur du service commercial à la Compa-
gnie du Midi, Bordeaux.
ANNÉE 1885
PHOCILLON, instituteur à Alzon (Gard).
MERLE, instituteur à Corconne (Gard).
VIDAL, instituteur à Fraissé.
ANNÉE 18806
ROUCAIROL, pharmacien, Mauguio.
SOULAYROL, pharmacien à Cazouls.
ANNÉE 1887
ALBARÉDE, principal au Collège de Lodève.
FARRAND), instituteur en retraite, au Jardin des Plantes,
à Montpellier. |
BERNARD Lucien, propriétaire à Buenos-Ayvres.
CADENAT Louis, propriétaire et maire, à St-Geniès-le-Bas.
DOLQUES Antoine, propriétaire à Cabrières,
RICHARD Paul, libraire à Pézenas.
AURET Hyppolvte, receveur municipal à Pézenas.
BOUSQUET, instituteur à Olonzac.
E. DONNADIEU, propriétaire à Nissan.
DOLQUES Louis, instituteur à Usclas-du-Bose, par Lodève,
D' PICARD, %%, à Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher).
AUGÉ, ingénieur, avenue de Toulouse, 32, à Montpellier.
ANNÉE 1888
MM. ROUMIEUX, professeur des sciences naturelles au collège
de Narbonne.
Le Dr L. PLANCHON, à Montpellier.
SOULIÉ, professr à la Faculté des sciences de Montpellier.
MM. ROUGET P., &, À &ÿ, Chevalier du Mérite agricole, au
château St-Michel, Lagarde près Toulon (Var).
CURE, instituteur à Puimisson.
Dr TARBOURIECH, à Maraussan.
Dr LAVIT, à Cessenon.
ANNÉE 1889
MM. D" L. VIDAL, à Nissan.
ORLIAC François, propriétaire, à Nissan.
DÉJEAN Edouard, propriétaire, à Nissan.
SAHUT Félix, président de la Société d’horticulture et
d'histoire naturelle de l'Hérault.
"BEPMALE, député, entomologiste, avocat à St-Gaudens.
MINSMER, entomologiste, capitaine au 142 de ligne, à
Montpellier.
PIQUEMALE, secrétaire de la Mairie, à Narbonne.
DONNAT, prof. agrégé au Lycée de Mont-de-Marsan.
LOUBET Jean, négociant, à Reuss (Espagne).
L. CARBON, propriétaire, à Nissan.
RICHE, maître de conférences de Géologie à la Faculté
de Lyon.
BOURGERY, prop'e, à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir).
RICHARD Joseph, propriétaire, à Puisserguier.
MAGROU Jean, élève d’Injalbert, 18, rue du Val-de-Grâce.
VILLENEUVE Jacques, élève d’Injalbert, 18, rue du Val-
de-Grâce, Paris.
ANNÉE 1890
: MM. PHILIPP L., garde forestier à Cabrières.
MANTIN Georges, botaniste, 54, quai de Billy {Paris},
MARC Jules fils, propriétaire à Nissan.
DOLQUES fils, géologue, à Usclas-du-Bosc, par Lodève.
POUCHET, #, prof à l’école du Génie, de Montpellier,
JACOLIN, médecin-vétérinaire, à Villeneuve-les-Béziers.
MM.
Mie
MM.
MM.
— 212 —
ANNÉE 1891
DARDET Antonio, directeur de la Compagnie du Gaz
Barcelone (Espagne).
JULLIAN, ingénieur, à Narbonne (Aude).
ROBERT Paul, pharmacien, à Maraussan.
DONNADIEU, instituteur, à Babeau, près St-Chinian.
LIGNIÈRES, instituteur, à St-Chinian.
ANNÉE 1899
SOL Marguerite, directrice de l’Institution Fénelon, à Nar-
bonne (Aude).
TARRAL, professeur à Castelnaudary (Hérault).
ROUSSEAU, instituteur géologue, à la Nerrière de la
Bruffière (Vendée).
HOMO, géologue, à Appeville par Montfort (Eure).
ANNÉE 1893 ;
ROUAYROUX, géologue, à Cassagnoles.
ANNÉE 1894
AZAIS, avocat, à St-Pons.
PLAGNIOL, instituteur, à Courniou (Hérault).
F. CALMEÉS, homme de lettres, à Paris,
BUREAU POUR L'ANNÉE 1896
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Président : M. Paul CANNAT, A es ÿ
Vice- Présidents : MM. L. BONNET, Cyprien DE CROZALS,
E. GRANAUD.
Secrétaires : MM. F.-A. FABRE, V. BOILÈVE, Charles
| ARNAUD, F. HUE-THÉVENEAU, Maurice
LAURÉS.
Conservateur des Collections : M. ASTRUC.
Conservateur de l’Herbier : M. Charles BENOIT.
Organisateur des Excursions : M. A. BLANC.
Organisateur des Conférences : M. C. de REY-PAILHADE,.
Bibliothécaire : M. Jean CROZALS
Archiviste : M. Pierre CARLES.
Trésorier : M. A. RULLAND.
M. Sabatier-Désarnauds. Président honoraire
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TABLE DES MATIÈRES
(ANNÉE 1895)
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MÉMOIRES
Essai de stratigraphie générale par M. J. Miquel .
La Botanique à Béziers, par M. Pierre Carles.
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PAGES
EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Allocution sur M. de Saporta, par M. C. de Rey-Pailhade.
Armissan et la Clape, compte-rendu de l’excursion du
31 Mars 1895, par M. Paul Buhler.
Les Baux et St-Rémy, compte-rendu de l’excursion des
13 et 14 Avril 1895, par M. Antonin Moulin.
Compte-rendu de l’excursion du 16 Juin 1895, à Lamalou-
les-Bains, par M. Antonin Maffre.
Compte-rendu de. l’excursion du 23 Mai 1895, à St-Chi-
nian, Pardailhan et Coulouma, par M. P. Carles.
Allocution de M. le Président P. Cannat,
L’éclairage dans les mines à grisou et les milieux explo-
sifs, par M. Viguier .
Composition chimique de quelques roches des environs
immédiats de Béziers, par MM. Hubert et Nivière.
L’Etang de Thau, Balaruc, Issanka et Cette, par M. Au-
guste Lamouroux .
Les Livres de Raison (Note lue au Congrès des Sociétés.
savantes le 16 Avril 1895) par M. J. Sahuc.
47
96
67
162
167
208
— 246 —
III
Sociétés correspondantes, bulletins reçus pendant
l'année 4896:;,0 TN RENE RTS RS 213
Dons faits à 4a' bibliothèque CT EE RE 218
Liste des Sociétés correspondantes... "ME 282
LISTE DES. SOCIÉTAIRES
Membrés. ‘honoraires. :.. 42" 2 0 SEA EN EN RRNRERE 228
Metnbres AGus 0e CE er an CR RES 232
Membres: cCorresposdants 00 TPE ER 239
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