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SCIENCES  NATURELLES 


DE BÉZIERS 


MÉ M OIRES 
COMPTE RENDU DES SÉANCES 
(EXTRAIT DES PROCÈS- VERBAUX )| 


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MÉMOIRES 
COMPTE RENDU DES SÉANCES 
( EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX } 


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XVIIMme VOLUME. — ( ANNÉE 1805 ) 


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normale ; le Mur repose sur l’Arenig supérieur et sup- 
porte le devonien. Quand j'allai, lan passé, voir la géo- 
logie de Cabrières à Boutourv, j'y retrouvai la même 
série, cette fois complètement renversée. Dès le premier 
instant je reconnus notre mur quartzeux, sous des di- 
mensions plus modestes ; 1c1,1l repose sur le devonien et 
supporte PArenig, mais 1l garde toujours sa position | 
constante entre ces deux terrains. TE 

Si des sommets de Boutoury, on incline la coupe vers 
le Sud, sur les coteaux de Bissounel, on trouve un élé- 
ment nouveau, qui donne plus de précision à l’âge du 
mur.(1) Les schistes prennent, sur les bords du ruisseau 
de Cluseran, un aspect particulier ; 1ls renferment les 
orands Asaphes, qui caractérisent à Cabrières l’horizon 
de Llandeilo, et le mur est rajeuni jusque-là. 

Je viens d'établir l’âge du mur par l'étude des fossiles 
des terrains qui le resserrent. Quand les fossiles nous 
feront défaut, le mur nous fournira à son tour le moyen 
de reconnaître ses voisins. Il conservera, en dépit des 
altérations locales, des caractères toujours nettement 
reconnaissables ; il nous permettra de reconstituer les 
plis qui affectent la stratigraphie de nos montagnes, de 
contrôler les termes de notre échelle géologique, d’éta- 
blir les limites de nos terrains ; il nous livrera le secret 
des terrains métamorphiques. 

Le mur quartzeux existe sur un grand nombre de 
points du département de l'Hérault ; il se poursuit dans 
les départements voisins, dans l'Aude et dans le Tarn ; 
il est probable qu’on le reconnaîtra dans les Cévennes, 
peut-être dans le Rouergue et le Plateau Central. Je suis 
convaincu qu'il fournira partout, pour l’étude du fameux 


(1) Coupe de Boutoury au Côteau de Bissounel. 


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X géologique, un puissant moyen de contrôle, un crite- 
rium précieux. 


TERRAINS PRIMAIRES ET TERRAINS PRIMITIFS 


« Le nom de terrain primitif, dit M. de Lapparent, 
convient à l’ensemble des roches que le refroidissement 
a dû faire naître à la surface du globe, lorsque la terre, 
passant de la phase stellaire à la phase planétaire, s’est 
recouverte d’une écorce solide. » (1). 


Ces roches de première consolidation constituent la 
base sur laquelle repose l’ensemble des formations sédi- 
mentaires ; elles servent de couvercle au feu central ; 
elles forment, sous nos pieds, les premiers voussoirs de 
la croûte terrestre. Il v a, dans les grandes chaînes de 
montagnes, de vastes espaces, où les efforts orogéniques 
ont mis à Jour des masses présentant un aspect très 
caractéristique, à la fois «€ cristallin et stratiforme », se 
distinguant en même temps « des masses éruptives et 
des formations d’origine externe ». Ce seraient là les 
couches profondes du globe, lArchéen de Dana, le T'er- 
rain primitif. 

En Amérique ces terrains occupent d'immenses sur- 
faces au-dessus des Grands Lacs ; en Europe,ils affleu- 
rent en Bavière, dans les Alpes, en Saxe, en Silésie, en 
Bohême, en Espagne, dans la Grande Bretagne, dans la 
Scandinavie.En France, ils ont été signalés en Bretagne, 
dans le Cottentin, dans les Alpes, dans les Maures, dans 
les Pyrénées, dans le Plateau Central, dans le Rouergue 
et la Montagne Noire. 


Dans larrondissement de Saint-Pons, on leur a attri- 
? 


(1) De Lapparent. Traité de géologie p. 710. 


— 10 — 


bué de vastes espaces dans le Saumail et Espinouse. A 
mon avis il n’y a absolument pas ici de Terrain primi- 
tif. La Montagne Noire présente en grand nombre des 
pointements et des fi'ons de roches éruptives, qui ont 
profondément altéré les terrains encaissants et dont lPau- 
réole métamorphique s’est étendue au loin ; mais Île 
Primitif est resté enfoui dans le sol et n’a pas vu le jour. 

Transportons-nous à l’exfrêmité occidentale de l’'Hé- 
rault, dans la commune de Félines, au-dessus d’Argen- 
tières,en dessous du col de Pissetreyes ; une crête rigide 
coupe la montagne en séparant les massifs ardoisiers de 
la Montagne Noire, des plateaux calcaires de la Matte et 
de Caunes. Cest notre mur quartzeux. 


Il serait facile de le poursuivre vers le sud-ouest, dans 
P’Aude, où nous le voyons se profiler dans la vallée de 
l’'Argeutdouble, à travers les bois de Citou. Posons la 
main sur lui et remontons au contraire vers le nord-est. 
Nous longeonsles Garrigues du Linze et les versants de 
Tournepique sur le plateau de la Ventouse ; nous tra- 
versons le Suc de Masnaguinesur le hameau de ce nom, 
nous suivons les crètes de l’Assaladou sur Mancès, et 
des Singlès sur la Pode, nons passons la Cesse, nous 
remontons à Roc Suzadou et à Combaillères sur Peyrou- 
baïle, nous coupons la route de Salles, et arrivons, à 
travers les pentes du Soumal, à 400 mètres du col de 
Serrière, sur la ligne de partage des eaux. 

Après le col, le Mur entre dans le bassin du Thoré, 
longe la route de Ferrals à Saint-Pons, traverse les pen- 
tes de la Ribaude sur Avynard et des Biaunes sur Gali- 
nier, passe sur le château de Moussans et au-dessus des 
Verreries. Là.il va changer de direction ; il se casse, 1l 
saute vers le nord par un infléchissement rapide et de 
brusques rejets ; il passe entre les Albières et Borio Cre- 


— DT — 


made, descend sur le Col de la Fenille et remonte sur les 
limites du Tarn et de l'Hérault vers le Crouzet, Bapech 
et Nartaud, pour atteindre, au milieu des gneiss et des 
micaschistes, la crète du Saumail. Il s’infléchit à nou- 
veau, et se tourne vers le levant, il forme les carrières 
d'immenses pavés de Dieumandonis, de Roucan et de 
la Vergne, traverse la route d’Anglès près de Rieumajou, 
monte sur le col des Bouteilles, coupe la route de Saint- 
Pons à La Salvetat et ronge le massif du Signal vers 
Vacarials, Bordevieille et les Coumayres. 


Devant le Bureau la montagne change d’aspect ; les 
roches se dressent verticales et plongent à pic, de 350 
mètres, des sommets de l’Éspinouse sur le vallon de Lan- 
glade et de Falgous. Gave pyrénéen, le Bureau fait un 
premier bond de 200 mètres, retombe en bouillonnant 
sur un chaos d'immenses blocs éboulés et Ia cascade se 
renouvelle, de gouffre en gouffre, en de nouveaux res- 
sauts, au milieu d’un paysage de sauvage grandeur. Le 
mur se poursuit toujours, mais il s’atténue, se fait tout 
petit, et forme, sous les immenses gradins du gneiss,une 
modeste chaussée de 2 mètres dans les prairies de la 
Sicardarlo. 


Dans lEspinouse le Mur reste nettement indépendant 
de la crête, toujours constituée, comme les hautes 
pentes, par des masses gneissiques. Il forme la crête 
de Margals, où des pointes hérissées et des lames paral- 
lèles paraissent constituer tour à tour des menhirs et de 
gigantesques dolmens ; il passe sur Rouvials, aux Ro- 
quefargues, sur la maison forestière; où il supporte un 
pluviomètre dela Société scientifique de France; il forme 
une ligne éboulée, qui se dirige sur le Caroux vers Ca- 
lagni, Gaillo, Violgue, le Cros et St-Vincent. 

D’Argentières au Caroux, le métamorphisme a trans- 


— 12? — . 


formé Paspect et l'essence même de notre mur. Ici il 
constitue un quartz cristallin, [à un quartzite micacé. 
ailleurs un véritable gneiss ; mais c’est toujours notre 
mur quartzeux, recouvert d’une profusion de lichen géo- 
graphicus, qui mériterait de s'appeler ici le lichen géo- 
logique ; partout, sous ces altérations, c’est le terrain 
stratifié que nous avons reconnu en lui, c’estle Silurien. 

Les terrains voisins n’ont pas plus varié que lui ; il 
nous sera toujours et partout facile de les reconnaitre 
sous leur nouvelle livrée. Faisons un à travers-bances, et 
choisissons une route facile, celle de Saint-Pons à la 
Salvetat, si vous le voulez bien. 


Saint-Pons est bâti sur des marbres à encrines ; aux 
portes de la ville, nous entrons sur des schistes ; ce sont 
les schistes si connus du Caragnas. Nous y retrouvons 
partout le schiste troué et surtout ces blocs xyloïdes aux 
écailles raboteuses, ces & morceaux de bois » si carac- 
téristiques. Il ne peut y avoir aucun doute, nous sommes 
dans le Devonien. 

À mesure que nous gravissons la montagne, le sol 
change insensiblement d'aspect ; 1l se constelle d’étin- 
celles resplendissantes : il devient à la fois plus foncé et 
plus brillant. Quand nous arrivons à Chappertis, nous 
nous trouvons en plein schiste micacé ou sériciteux, et 
pourtant, comme le faisait si justement remarquer pour 
la première fois M. de Rouville en 1889, nous n'avons 
trouvé aucun point de transition, « aucune démarcation 
possible. » (1). Nous avons devant nous une roche plom- 
bée, mais regardons cette roche,et nous v retrouverons, 
sous son aspect bruni et miroitant, « les morceaux de 
bois », que nous avons vus tout à l'heure. C’est ici du 


(1) M. de Rouville B. S. G. F. ext. p.9, 


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Devonieñ métamorphique, mais c’est toujours du Devo- 
nien. 

Parcourons encore un lacet de la route, et nous nous 
arrêtons tout à coup devant un mur qui semble nous 
barrer le chemin ; c’est le mur du Foulon, c’est le Silu- 
rien. 

Encore quelques pas,et nous nous trouvons au col de 
Terre bleue, sur une terrasse que nous voyons, de tout 
côté se profiler devant le Mur. Le sol de la terrasse est 
ici comme partout formé d’un schiste décomposé, d’une 
terre bleue ou rougeâtre, généralement cultivée, qui 
forme, au printemps, un liseré vert, à travers les flancs 
dénudés de la montagne, ou les couleurs sombres des 
bois. Ces schistes terreux représentent l'horizon de Bou- 
toury, lArenig supérieur. 

De nouveaux gradins de roche dure s'élèvent devant 
nous, masses puissantes, découpées par les siècles, qui 
bordent, sous les crêtes du Saumail et de J’Espinouse la 
vallée du Jaur de dentelles de pierre. Un bon coup de 
marteau sur une arête vive, et les éclats nous montrent 
un quartzite micacé à grains fins, qui se constelle par 
places, vers le levant surtout, de fragments auguleux de 
quartz blanc, de plages étendues de mica et de cristaux 
de tournaline. Cest le grès armoricain, mon Arenig 
moyen. 

Mais à ces gradins succèdent des gradins plus durs et 
plus compacts encore, c’est un véritable gneiss, un 
gneiss particulier, où des nodules sont disséminés çà et 
là dans la pâte de la roche, le gneiss glanduleux des au- 
teurs, qui « constitue dans la Montagne Noire, les som- 
mets les plus élevés de la chaîne gneissique : le pic de 
Nore, le Saumail, l’Espinouse, le Caroux, etc. » (1). Le 


— 


(4) M. J. Bergeron. Géologie du Rouergue et de la Montagne Noire p.17. 


Us — 


gneiss glanduleux représente pour moi avec une grande 
évidence, les schistes à nodules. Il occupe, sur notre 
route, aux abords de Cabaretou, comme au Saut de Vé- 
soles, comme aux gorges d’Héric, comme dans toute la 
montagne, la place précise qui revient à ces derniers 
dans l'échelle géollogique ; si Pon pouvait rapprocher du 
Saumail les couches à nodules de la Cabosse ou des bois 
de Donnadieu, on verrait que les deux formations 
gardent, en dépit de la couleur, un caractère de res- 
semblance parfait, qu'ils constituent un seul et même 
horizon, l’Arenig inférieur. 

Nous arrivons enfin sur le plateau et devant nous s’é- 
tendent les prairies marécageuses, les champs ingrats, 
les landes à sous-sol imperméable du Moulinet, de la 
Roussille, de Bernicot, de Combres, du Soulier. Avant de 
faire de la géologie, je n’avais jamais parcouru ces 
vallons sans penser à nos landes Pardeilhannaises du 
Peyrou, de Montcamp ou de Sarrazo. La question d’al- 
titude et de fraicheur mise à part, c’est absolument le 
même paysage monotone, les mêmes cultures ingrates, 
la même végétation rabougrie. C'est sous le gazon qui la 
cache, la même alternance de roche dure et d’assises 
friables, c’est le Barroubien. 


Mais je ne veux pas abuser des instants, que la Société 
veut bien me consacrer ; nous allons descendre rapide- 
ment sur la vallée de l’'Agoût. Je ne vous montrera que, 
en passant, les éboulis si caractéristiques, « les canals » 
du Cambrien supérieur ; je me contenterai de vous 
signalér les bandes rougeûtres et violacées, qui zèbrent 
les talus et représentent ici les schistes à Paradoxides, 
le Cambrien moyen. 


Déjà la Salvetat étale devant nous ses immenses prai- 
ries, ses bosquets de grands arbres, ses paysages suisses, 


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qu'il faut encore oublier un instant, pour observer les 
pointements de granite, les bandes de calcaire et les 
oneiss. Je ne dirai rien du granite ; c’estune roche érup- 
tive, ce n’est qu’un accident. Les calcaires sont connus 
depuis longternps. M. de Rouville les signala le premier; 
M. Bergeron les rangea dans le Cambrien ; M. Cannat, 
qui les a longuement étudiés cette année, a pu préciser 
leurs affleurements, déterminer leurs caractères litho- 
logiques, reconnaître en eux ces traces fossilifères, dont 
vous avez des échantillons entre les mains et qui se 
rapportent sans doute à PArchæocyathus. Les gneiss 
constituent pour moi les grès de Marcorv. 

La vallée de lAgoût n’est pas un synclinal, comme on 
pourrait le croire tout d’abord. Cest une combe anticli- 
nale, c’est, avec le Cambrien inférieur, l’axe même du 
système, la base de notre géologie. L’Espinouse toute 
entière constitue un vaste anticlinal primaire ; c’est Mar- 
cory métamorphisé. 


CONTRIBUTION A LA CARTE GÉOLOGIQUE 
DE LA MONTAGNE NOIRE 


Grâce au mur quartzeux, il sera possible, je crois, de 
faire la carte géologique de l’Espinouse, de tracer les 
contours des étages métamorphiques, qui constituent les 
terrains dits jusqu'ici primitifs. Mais, en dessous de la 
grande ligne de démarcation, qu'il trace de lArgent- 
double au Caroux, le mur permettra encore de préciser 
la carte, en des points, où la géologie paraissait devoir 
rester, sans lui, absolument inextricable. 

Je ne peux pas entrer ici dans de longs développe- 
ments, et je me bornerai à donner, comme exemple, la 
géologie de deux points, que je crois très confus : 


db = 


le vallon des Verreries et les plateaux de la Ventouse. 


Au nord des Verreries, le mur quartzeux nous a déjà 
marqué une limite absolument précise, séparant l’Arenig 
de la montagne ardoisière, du vallon devonien. Ce devo- 
nien est lui-même très complexe et, sous la séricitisa- 
tion, change d'aspect à chaque pas; la rivière est partout 
bordée de cultures etles pentes sont couvertes de grands 
bois, qui ont caché le sol sous une épaisse couche d’hu- 
mus. Heureusement le Mur va reparaître pour nous 
prêter à nouveau son concours. 

Une seconde bande quartzeuse, formant la branche 
méridionale du synclinal devonien, vient du sud-ouest, 
sort sous Roquecave au côteau des Seillols, coupe sous 
Pevrefiche la route de Saint-Pons à Ferrals, montesur le 
côté sud du col de Serrière, à travers les éboulis de Coste 
Raste, se montre à Serre Guiraud, forme la crête sur les 
bois de Moussans, se dresse aux Roques de Campaurel, 
sur les Verreries, s’infléchit sur la Resse, au-dessus de 
Bardou, traverse le Thoré et contourne le sommet de la 
montagne de Mountignergues entre le Lina et le PI6 de 
Maillac.Cette fois la série a été renversée sous la poussée 
de Marcorvy ; le Mur quitte exceptionnellement sa posi- 
tion verticale, pour se coucher par places très franche- 
ment sur le Devonien. Il est presque horizontal sur 
Mountignergues, et 1l va, après la coupure du Lina, for- 
mer un lambeau de recouvrement,qui couronne, comme 
un chapeau, le signal de St-Bauzile ; nous avons ainsi 
au sud, comme au nord une limite très précise, qui en- 
toure, sur la carte, le vallon d’un liseré silurien. Sur le 
mur, l’Arenig a disparu par étirement dans la violence 
du pli ; mais nous trouvons une très belle série cam- 
brienne, qui nous présente, sur la route des Verreries à 
Ste-Colombe,en face de Balagou,de vastes affleurements 


NT, AE 


paradoxidiens, avec schistes jaunes et calschistes vio- 
lacés, dominés par place par des lambeaux de calcaire 
cambrien. 

La Ventouse forme un plateau, au nord de la com- 
mune de Cassagnoles, sous les montagnes des Sucs, 
au-dessus des hameaux d’Argentières, Abeuradou et 
St-André, vaste champ de tir,ou terrain de manœuvres, 
que son éloignement des centres militaires a sans doute 
empêché seul d’être utilisé jusqu'ici. 

La Ventouse est foumée de schistes et de calcaires, 
entrecoupés de crêtes de quartz, qui se suivent parai- 
lèlement, dans toute la longueur du plateau, le tout 
profondément altéré par le métamorphisme, lardé de 
pointements de roches vertes et de filons de quartz 
éruptif, qui ont entrainé des minerais de fer à Masna- 
guine, le manganèse à St-André, de plomb argentifère 
au col des Fontanelles. Les schistes sont sériciteux, 
bleus, rouges, jaunes ou bronzés, les calcaires sont les 
marbres blancs ou rosés de P'Abeuradou, les calcaires à 
encrines de St-André et des Fontanelles, les marbres de 
Masnaguine surtout, qui seraient les marbres les plus 
précieux de France, s'ils avaient un peu plus de compa- 
cité: blanc de Carrare, rouge vif, rose cervelat, vert 
campan, ou faux onvx. Les crêtes de quartz sont ici 
encore le Mur silurien du Foulon,et celui-ci vient éclairer 
cette géologie déjà si complexe, et tourmentée encore 
par la poussée verticale de Marcorv, qui à enfoncé, 
comme un coin, dans les flancs du plateau les calcaires 
cambriens de la Balme (1). 


Nous avons vu la première bande limiter, au nord, 


(1) De.Rouville, Delage et Miquel. Carte géologique des Terrains Pri- 
maires de l'arrondissement de St-Pons, Fr 


= 


le système devonien.de la Ventouse ; la seconde, que 
nous avons trouvée, au sud du col de Serrière, passe 
devant Peyroubaile, coupe la Cesse devant la Pode, for- 
me l’escarpement de la Gameillade devant Mancès, 
subit un rejet devant les calcaires de la Balme, et 
réapparait sur le versant nord du Roquedaut, où ellle 
constitue ces « quartzites blancs », qui ont été plu- 
sieurs fois signalés ; elle passe devant les maisons de 
Masnaguine, aux Razes, au signal du Plo haut et court 
sur le bord septentrional du plateau. Une troisième 
apparaît sur le versant sud de Roquedaut, entre le 
signal et les Combes, traverse le ruisseau de Masna- 
guine, coupe le col du Pas grand et forme une crête 
aigüe sur les pentes d’'Abeuradou. D’autres descendent 
encore du Roquedaut et viennent disparaitre devant 
St-André. 

La Ventouse est donc un plateau plissé : dans chaque 
pli, le mur quartzeux forme les crêtes anticlinales et 
supporte un synclinal devonien ; dans le dernier pli, le 
mur disparait par étirement et le calcaire arrive en 
contact sur l’Arenig de PAbeuradou et des Rivières. Sur 
l'anticlinal Cambrien du hameau de La Caune, près Cas- 
sagnoles, la carte donnera donc une surface devonienne, 
zébrée de fines lignes de Silurien. 


L'ÉCHELLE GÉOLOGIQUE DES TERRAINS PRIMAIRES 
de l’Arrondissement de St-Pons 


CAMBRIEN ET ARENIG 


rl Le Le Cr ê sé à z Ê Le K | 

En donnant l’an passé la série de nos terrains anciens, 
Cambrien et Arenig, j'ai proposé quelques modifications 
pour notreéchelle géologique (1). Jen’ai, depuis lors, varié 


(1) J. Miquel. Note sur la géologie des Terrains primaires du départe- 
ment de l'Hérault. Gambrien et Arenig. 


en aucun point, pour la stratigraphie, que J'ai essayé de 
faire prévaloir. Toutes les recherches, que J'ai pu faire 
cette année, n'ont fait que confirmer mes premières 
convictions ; les caractères pétrographiques, que J'ai 
étudiés avec plus de soin, les indications fournies par 
le Mur quartzeux et par l'étude de la stratigraphie gé- 
nérale, tout à corroboré les données paléontologiques 
que j'ai exposées. Mon tableau ne pourrait être qu’une 
redite. 

La géologie ancienne de l'arrondissement de St-Pons 
constitue toujours, pour moi, un système absolument 
complet, où les étages et les sous-étages se soudent les 
uns aux autres d’une façon continue, sans qu’on puisse 
trouver nulle part une ligne de démarcation. 


Dans l’Arenig, le sous-étage supérieur est toujours 
constitué, à mon avis, par les schistes à Calymènes et 
à didymograptus de Boutourv ; lArenig moyen com- 
prend les Grès Armoricains, accompagnés, en haut et 
en bas, d’un double horizon de schistes Gréseux à 
Bilobites, qui se lient aux étages voisins ; l'Arenig infé- 
rieur comprend les Schistes à nodules et les Grès mica- 
cés à ostracodes de Barroubio. 

Je ne peux rien dire de plus que l'an passé sur les 
couches de jonction, qui unissent le Cambrien à lAre- 
n1g, sur la fameuse zone indécise, sur mon étage***, sur 
le Barroubien de mes maîtres de Montpellier. Cest une 
formation qui comprend encore plusieurs centaines de 
mètres de puissance, où pourra s'exercer la sagacité 
des géologues. 

Le Cambrien de l'Hérault semble définitivement établi 
dans ses grandes lignes. L’horizon, où j'ai eu l’heureuse 
fortune de découvrir, dans les grès troués de Bonnefont, 
les brachiopodes du Cambrien espagnol, sera, je crois, 


= = 


définitivement accepté comme cambrien supérieur, avec 
les horizons qui l’accompagnent. 

Le Cambrien moyen est classique depuis de longues 
années, et, si je le ‘cite ici, c’est pour adresser, à cette 
occasion, mes meilleurs remerciements à M. Cannat,qui 
m'a fait honneur de me désigner pour diriger cet été 
lexcursion de la Société à travers nos schistes à para- 
doxides de Coulouma. 

Le Cambrien inférieur est plus discuté. Dans l'Etude 
sur les Terrains primaires de l'arrondissement de St- 
Pons, MM. de Rouville et Delage avaient reconnu en lui 
deux grands horizons : les calcaires cambriens et les 
Grès de Marcory (1). Dans une note publiée dans le der- 
nier bulletin de la Société géologique de France, M. 
Bergeron a repris l'étude de ces formations. M. Bergeron 
a découvert dans les bandes qui avaient été attribuées 
au Cambrien «€ dans les calcaires gris-clair de la bande 
de Cartouvre et de Marso, des débris d’'Archæocyathus », 
qui confirment cette attribution ; mais 1l à cru devoir 
faire rentrer encore dans la faune première les calcaires 
à encrines que nous avions présentés comme devo- 
niens (2). 

Je considère qu'il est impossible de séparer nos cal- 
caires à encrines de la vallée du Jaur des calcaires à 
phacops de Teussines qui les continuent. Sila paléonto- 
logie pouvait laisser un doute dans mon esprit, l’étude 
de la stratigraphic générale suffirait à le lever et la coupe 
du col de Bardou, à laquelle M. Bergeron a fait allusion, 
achèverait de me convaincre, 

Pour les grès de Marcorvy, M. Bergeron voit en eux un 
synclinalde Postdamien (3). Je suis d'autant plus à mon 


(1) De Rouville, Delage et Miquel. loc. cit. p. p. 21 eb suiv. 


_(2) M. Bergeron. Couches paléozoïques dans le voisinage des plis Ter- 
tiaires de St-Chinian. B. S. G. F. 3" série. T. XXII p. 578. 
3) Id. 588. 


Hay = 


aise pour dire un mot à ce sujet, que J'ai partagé mol- 
même, au début de mes recherches, Pavis du savant 
maitre de Paris ; M. de Rouville a peut-être encore les 
premières coupes qui j'ai osé tracer, des coupes de dé- 
butant, bien enfantines sans doute, où, tout en constatant 
Panticlinal, la voûte de Marcory, je plaçais un chapeau 
Barroubien, de Postcambrien, comme je disais alors, sur 
le sommet de la montagne. Nous allâmes à Caupujol, et 
je dus reconnaitre mon erreur ; dans les champs de 
Caupujol, comme dans ceux de Pardailhan, léboulis 
gréseux recouvre le calcaire ; mais il y a là une appa- 
rence trompeuse. Qu'on pénètre dans les ravines qui 
coupent la montagne à travers les genetières et les chà- 
taigneraies, et l’on verra que le grès supporte partout la 

masse calcaire. Nous avons pu à l’ouest dans la région 
des Verreries et de Ferrals, prolonger, un peu au-delà de 
ses véritables limites, l’affleurement des Grès de Mar- 
cor y, 1ls n’en restent pas moins, à mon avis, le terme le 
plus bas de notre système primaire, la base de notre 
géologie. 


SIMPLES REMARQUES 


pour servir à l'étude de l'Orogénie de la Montagne Noire 


L’orogénie de la Montagne Noire avait été établie 
sur des bases que j'ai essayé de modifier ; elle doit 
être modifiée comme ces bases elles-mêmes. Je nai 
certes pas Pintention de donner ici le système orogé- 
nique de nos montagnes, je me contenterai de proposer 
quelques modifications qui me semblent s'imposer 
comme une conséquence de ma stratigraphie. 


Il ny a plus de primitif, ai-je dit, dans la Montagne 


Rte 


Noire ; notre géologie ancienne comprend deux anti- 
clinaux primaires, parallèles et séparés par un syncli- 
nal. Le premier anticlinal est constitué par le Saumail 
et PEspinouse, le second par Marcorv; le synclinal, 
c’est la vallée du Jaur. 


Nous avons étudié les éléments du pli dans la coupe 
du Saumail, où la branche septentrionale du synclinal 
nous à donné : le Cambrien, le Barroubien, l’Arenig, le 
Silurien et le Devonien inférieur. Considérons la bran- 
che méridionale du deuxième anticlinal, en prolongeant 
la coupe du Foulon, d’un côté jusqu’à la crête de Mar- 
corvy, de l'autre jusqu’à Fontramy.Nous trouvons encore 
le Cambrien, le Barroubien, l’Arenig, le Silurien et le 
Devonien inférieur, mais 1c1 le Devonien va se complé- 
ter. Sur le plateau de Siala, la dolomie à encrines fait 
place à des calcaires jaunâtres, calschisteux, d’où se 
détachent Atrvpa reticularis et Phacops latifrons, et où 
s’'intercalent de minces assises de calcaire à polypiers 
siliceux ; c’est l’'Eifélien. Un peu plus loin des lignes de 
calcaire blanc, grenu, qui débordent à travers le cal- 
schiste, renfermant Rhynchonella Bissounensis et repré- 
sentent le Givétien ; au-delà nous avons toute la série 
du Devonien supérieur. 

La composition de ces deux coupes me semble corro- 
borer pleinement lPexistence du double effort reconnu 
par MM. de Rouville et Delage dans la Dynamique de 
la Montagne Noire; elle montre, dans lorogénie de notre 
massif ancien, deux phénomènes bien distincts. 

Les auteurs avaient assigné des rives différentes à nos 
mers cambriennes, siluriennes et devoniennes. Je ne 
reconnais dans nos pays aucune trace de soulèvement 
antérieur au dépôt du Devonien inférieur, des calcaires 
à phacops de Teussines. Jusque là règne partout la mer 


ERP incl 


profonde, où les divers étages soudent les uns aux au- 
tres leurs dépôts concordants et ininterrompus, où les 
faunes se transforment insensiblement dans la suite des 
âges. À la fin du Devonien inférieur, un premier ride- 
ment se produit ; le continent hercynien de la Montagne 
Noire dessine ses contours, île ou plitôt presqu’ile 
adossée au Rouergue et au Plateau Central. Cest une 
masse peu importante, dans larrondissement de Saint- 
Pons, puisque de tout côté la mer du Devonien moyen 
va semer ses dépôts sur ses rives, de Caunes au Foulon; 
mais c'est une masce définitivement émergée, qui 
enverra, dans la mer devonienne, comme le dit M. Ber- 
seron, les plantes si heureusement découvertes à côté 
du pleurodyctium, par MM. de Rouville et Delage, et 
dont les falaises formeront des conglomérats, qui vont, 
pour la première fois apparaître dans la sédimentation. 

Mais ce premier ridement n’a pas pu provoquer la 
formation de plis, qui affectent, comme nous venons de 
le voir, des terrains, dont le dépôt est postérieur à la 
date où 1l s’est produit. C’est un nouveau phénomène 
orogénique qui à provoqué le plissement de notre mas- 
sif primaire ; quand et comment a-t-il dû se produire ? 

L’arrondissement de Saint-Pons représente la partie 
la plus montagneuse du département de PHérault et de 
tout le bas Langucdoc. Quand on jette les veux sur la 
carte de l’Etat-Major, on a peine à se reconnaître à tra- 
vers cette infinité de hachures qui le couvrent tout en- 
tier. Les basses plaines de Narbonne se plissent aux 
approches de nos frontières, les ondulations de terrain 
s’accentuent, les coteaux grandissent, les collines se suc- 
cèdent dans un enchevêtrement inextricable de croupes 
et de vallées, les montagnes se dressent escarpées et for- 
ment, après la coupure du Jaur, les plus hautes cimes 
du département. 


bg. Ve 


Pourtant que l’on suive avec soin sur la carte les 
séries de points culminants,et l’on pourra bientôt recon- 
naitre de grandes lignes à travers ces enchevêtrements ; 
que lPon monte au milieu du système, sur un sommet 
élevé, et l’on verra mieux encore ces lignes s’accuser, se 
profiler régulièrement et former des crêtes successives, 
s’échelonnant parallèlement les unes aux autres, comme 
les gradins d’un immense amphithéâtre. 

Au nord c’est la grande chaine, qui forme la ligne de 
partage des eaux, avec lEspinouse et le Saumail, dont 
les cimes varient de 850 à 1.200 mètres. La seconde 
chaîne, qui semblait avoir échappé aux géographes, 
porte, dans le pays, le nom déjà bien connu en géologie 
de Marcory, et s'étend de Ferrals au signal de Naudé, 
avec des altitudes allant de 700 à 800 mètres. La troi- 
sième forme un chaîinon, qui court pendant 70 kilomè- 
tres, sur les confins de l'Aude et de l'Hérault, élevé, en 
dehors des défilés, qui le coupent profondément, de 200 
à 300 mètres. Ce chainon ne porte pas de nom, et pour- 
tant il a une grande importance ; c’est lui qui fait com- 
muniquer les Cévennes avec les Corbières, les Alpes 
avec les Pyrénées (1). Enfin à travers la plaine, au-des- 
sous de l’arrondissement, se succèdent des ondulations 
dont la principale porte le plateau d’'Ensérune et se relie 
à La Clape, à travers les coteaux de Nissan. 

De bonne heure les géologues ont remarqué le paral- 
lélisme, la symétrie, les analogies de toute sorte, que 
présentent ces chaines de montagnes. Dans un admi- 
rable petit livre, que j'ai lu et relu cent fois, M. de Mar- 
serie a déterminé ces corrélations pour le Chaïnon et 


(1) Magnan. Note sur un chaiîinon qui réunitles Corbières à la Montagne 
Neire. B. 5. G: F2 Série. FR RNe D. 722: 


era C Sonns 


pour les collines de Narbonne (1). Dans une communi- 
cation, publiée dans le compte-rendu des séances de [a 
Société géologique de France, M. Depéret a signalé 
l'existence de plis tertiaires, couchés contre le massif 
ancien de la Montagne Noire, dans la région de Saint- 
Chinian ; et M. Bergeron, dans sa dernière note, signale 
l’'analogie, qui existe entre les plis tertiaires, décrits par 
M. Depéret et les plis paléozoïques, compris dans la ré- 
gion qui leur correspond, « entre Camprafaud vers lest 
et Saint-Martial vers l’ouest. » (2). 

J’ai depuis longtemps été frappé des analogies, qui ont 
été signalées ici, et, sans prétendre absolument à au- 
cune priorité à ce sujet, Je crois qu’on pourrait les géné- 
raliser et tirer les conclusions qu’elles comportent. 

La science orogénique a été, en ces dernières années, 
complètement transformée ; la formation des montagnes 
a été expliquée partout par un plissement de Pécorce 
terrestre, produit sous l’action de puissantes compres- 
sions latérales. Dans la Montagne Noire, plus que par- 
tout ailleurs peut-être, ces théories nouvelles ont leur 
application, et il est facile de leur rapporter lPaction 
orogénique, qui a donné à notre sol son relief actuel.Cest 
une compression latérale qui a produit cette série de 
rides, qui viennent butter contre le massif hercynien et 
qui le transforment lui-même. La Montagne Noire, qui 
est une des régions les plus favorisées pour la variété 
des faunes paléontologiques et pour la richesse des gi- 
sements fossilifères, est encore une de celles, qui pré- 
sentent, pour les phénomènes orogéniques, les exemples 
les plus frappants et les plus divers. 


(1) M. de Margerie. Note sur la structure des Corbières p. p. 18 et suiv. 


(2) M. Bergeron. Note sur l'allure des couches paleozoïques dans le voi- 
sinage des plis tertiaires de Saint-Chinian. B. S.G. F. 8 S. T. XVII p.576. 


Re 


Il y a bien peu de failles et elles ne sont le plus sou- 
vent que des exagérations de plis; comme exception, 
je pourrais citer pourtant deux exemples de failles in- 
téressantes, qui se trouvent aux portes mêmes de 
Barroubio. La première affecte les calcaires cambriens 
de Coulouma, en détache un îlot et ramène au jour le 
Grès de Marcory ; la seconde, affecte, de St-Pierre d’As- 
signan au ruisseau de St-Jean, sur 8 kilom. de longueur, 
le calcaire à planorbis pseudoammonius du Bartonien 
et longe la retombée du pli couché du Chaïnon, jh a 
provoqué sa fracture. 

Les plis se retrouvent partout, et avec toutes sortes 
de variétés. Ils sont réguliers ou dyssymétriques, nor- 
maux ou couchés, très souvent disposés en éventail. 
L’axe du système forme tantôt une crête vive, comme 
la dorsale de Marcory, et tantôt une vallée anticlinale, 
comme la Combe keupérienne de Gragnos oula Combe 
cambrienne de La Salvetat. Mais, dans leur diversité, 
ces plis conservent, pour chacune des rides produites, 
dans chacune de nos chaînes, des caractères qui se 
reproduisent d’une façon constante. Les plis sont tous : 
franchement déjetés vers le nord. Dans chaque anticli- 
nal, le flanc méridional est largement étalé, et si les 
assises sont renversées près de laxe du pli, les couches 
se redressent bientôt et reprennent leur normalité. Le 
flanc septentrional au contraire est toujours abrupt, 
raccourci, complètement renversé ; la plupart du temps 
un ou plusieurs termes ont disparu par étirementet l’on 
a ces séries incomplètes, qui rendent si difficiles lin- 
terprétation des coupes (1). 


Après le parallélisme si curieux de nos chaînes de 


1) Coupe du vallon de Courniou par le pic de St-Bauzile 


dur US 2 


montagnes, la constance de nos phénomènes orogéni- 
ques, qui se renouvellent pour chacune d'elles, me 
semble constituer une preuve nouvelle de l'unité de 
mouvement qui les a produites. 

Sans doute la Montague Noire à subi, après le rende- 
ment hercvnien, de nombreuses oscillations, pendant 
le Carbonifère et aux âges secondaires ; mais je suis 
convaincu qu'elle doit, avant tout, pour lPEspinouse et 
_ Marcory, comme pour le Chaïînon et la Clape, son relief 
actuel aux efforts orogéniques, qui ont si complètement 
bouleversé la géologie du Midi de la France, des Alpes 
aux Pyrénées, durant les âges Tertiaires. 

Sans préciser l’âge des actions dynamiques, qui ont 
formé le Chaiînon de St-Chinian, M. Déperet a pu éta- 
blir qu’elles ont eu lieu « postérieurement au dépôt du 
Bartonien », et M. Bergeron accepte cette date pour le 
remaniement des plis paléozoïques de la région corres- 
pondante, de St-Martial à Campafaud. 

En généralisant à toute la Montagne Noire, de l’Aude 
à l'Aveyron, des plaines de Narbonne à l’Espinouse 
l'action des mouvements orogéniques tertiaires, je vou- 
drais étendre et rajeunir les limites assignées à leur âge. 

J'ai fait, en ces derniers temps, sous la direction de 
M. Cannat, avec le concours bienveillant de notre ami, 
M. Firmin, létude de Ia géologie de Nissan. Comme 
avait indiqué M. de Margerie, nous avons cru recon- 
naître une dépendance à la Clape, dans ce coteau « qui 
s’'aligne de VE. à PO. parallèlement à Paile N. E. du pli 
de la Clape, auquel il fait face de l’autre côté de PAu- 
de. » (1). 


Mais le coteau de Nissan n’est plus, comme on l’a dit, 


1) M. de Margerie, Note sur la structure des Corbières. p. 21 


A 


« un lambeau éocène. » Les grès et les conglomérats y 
montrent, au Pech Rouge, des alvéolines nummuliti- 
ques, de même qu'ils renferment encore, près des ruines 
de St-Christol, des orbitolines, des fragments d’exogyres 
et autres fossiles crétacés. Mais, comme MM. Cannat et 
Firmin l'ont formellement reconnu, ce ne sont là que 
des fossiles remaniés des terrains antérieurs. La géolo- 
gie de Nissan est caractérisée par une faune abondante, 
qui précise, de la façon la plus absolue, l’âge oligocène, 
aquitanien du système. 

Au risque d'ajouter, aux conclusions que j'ai présen- 
tées dans cette note, et que j'ai données comme certaines, 
une conclusion nouvelle, qui pourra paraitre hypothé- 
tique, Je propose de reculer, ou plutôt d'étendre l’âge 
des remaniements tertiaires de la Montagne Noire jus- 
qu'après le dépôt des couches à Helix Ramondi, de PA- 
quitanien. 


Barroubio, le 3 Avril 1895. 


JEAN MIQUEL. 


LA BOTANIQUE A BÉZIERS 


PAR" M° P. CARLES 


L'étude des sciences dans le Midi de la France ne commence 
guère qu'au Moyen-Age. À ce moment un besoin intense de savoir 
se fait sentir ; 11 se manifeste par la création d’Ecoles et à côté des 
Universités de Bologne, Paris, Verceil, Oxford, Cambridge, Sala- 
manque, etc., se .dresse en 1289, le Séudium generale de Mont- 
pelhers | 

À Montpellier on enseigne la grammaire, la rhétorique, la dia- 
lectique, l’arithmétuque, la géométrie, l'astronomie, le droit romain, 
la théologie et la médecine qui amène avec elle l'étude de l’histoire 
naturelle et particulièrement des plantes à l’époque où la médecine 
pouvait se définir l’art de guérir par l’usage des végétaux. 

Ce n’est cependant qu’à la période de la Renaissance que les 
Sciences naturelles prennent un réel essort. En 1550, l’Arréé des 
_ Grands Jours de Béziers prescrit, à la Faculté de Médecine de 
Montpellier, l'obligation de faire quatre anatomies par an et crée 
un cours de botanique, avec herborisations, qui sera fait de Pâques 
à la Saint-Luc. (1). L'étude de la flore languedocienne commença. 

En 1556 on inaugure, à Montpellier, un Théâtre ou Amphi- 
théâtre anatomique ; le célèbre zoologiste Rondelet, le spirituel 
Rondibilis du Pantagsuel, v professait. Il est d’ailleurs certain 
qu’une part de son temps était donnée à l’enseignement de la bota- 
nique, car c’est vers cette science que se portèrent de préférence 
ses disciples les plus éminents : Fuchs, Dalechamp, De l'Ecluse 
(Clusius), Lobel, Jean Bauhin. 

Cependant l’on remarquait que les étudiants commençaient à 
rechercher les Universités d'Italie où des jardins des plantes avaient 
été créés à Padoue, à Pise, à Bologne. Le roi Henri IV sur la pro- 
position de Henri: de Montmorency, gouverneur du Languedoc 
rendit à Vernon, en Décembre 1593 un édit qui créait une chaire 
d'anatomie et de botanique et un Jardin des plantes à Montpellier. 


(1) F. Castets : in L'Université de Montpellier n° 30. — 16 Mai 1891. 


De ce moment, Montpellier devint un grand centre scientifique, 
un des foyers dela phytologie et son nom est à jamais inséparable 
de celui des grands botanistes qui furent : Richer de Belleval (1596), 
Magnol (1667-1715), Boissier de Sauvages (1757), Gouan (1765- 
1821), Amoreux (1813), Aug. Broussonnet, Pyrame de Candolle, 
Dunal, Delile, Moquin-Tandon, Godron, Touchy, J. de Seynes, 
Planchon, Ch. Martins et tant d’autres. 

Mais les botanistes montpelliérains ont surtout dirigé leurs inves- 
tigations autour de leur ville et dans une partie du département 
du Gard ; la région située à l’ouest de Montpellier et constituant 
aujourd’hui les arrondissements de Béziers et de Saint-Pons fut par 
eux négligée et regardée comme ne faisant pas partie de « la flore 
de Montpellier ». 

Les botanistes narbonnais, Pourret, le Dr Pech son ami, Delortde 
Mialhe étudièrent à leur tour la flore de Narbonne et des Corbières 
que Gauthier, Théveneau et Timbal-Lagrave devaient plus tard 
rendre classique ; seul le Biterrois fut délaissé par les naturalistes. 
Cependant cette région méritait d’être parcourue ; ce terroir fertile 
possède de rares espèces dignes en tous points d'attirer l'attention 
du botaniste. La situation géographique et orographique lui donne 
dans sa partie sud une flore à la fois narbonnaise et monépeilié- 
raine, bien qu'il possède des espèces particulières et des stations, 
comme Roquehaute et Nissan, uniques en France ; quantà la partie 
nord (région de Bédarieux et de Saint-Pons) elle pouvait faire 
espérer une ample récolte de plantes nouvelles, rares ou peu con- 
nues. 

Au XIII siècle, un Biterrois, frère cordelier ou mineur, le trou- 
badour Matfre Ermengaud écrit son Breoitari d’Amor (1). Son 
ouvrage contient des notions d’histoire naturelle tirées des livres 
d’Aristote et de Galien ; dans un chapitre intitulé : De la natura 
de las vertutz d’erbas d’albres el des plantas, il donne une simple 
nomenclature d’un certain nombre de plantes officinales. 

En 1685 et 1686, le célèbre botaniste Tournefort alors suppléant 
de Fagon, professeur de botanique au Jardin du Roi, exécuta dans 
le Midi de la France et dans les Pyrénées deux voyages sous le 
patronage de Louvois, surintendant des bâtiments du roi et du 


(1) Le Breviari d'Amor a paru dans les Bull. de la Soc. Arch. de Béz, et 
un savant érudit M. Gabriel Azaïs en a écrit la préface. 


RUE —< 


jardin royal pour fournir de plantes vivantes les cultures de ce 
jardin. 

C’est en 1686 que Tournefort passe à Béziers, comme il le dit 
dans une de ses lettres datée de Montpellier 12 avril. Il est en ce 
moment de retour de son voyage dans les Pyrénées où il a visité : 
Bagnères, le Pic du Midi, Barèges, Luz, etc. « Venant de Rous- 
« sillon, dit-1l, je remis à la poste à Béziers une boitte pleine 
« d’Abrotanum femina Narbonense Clus. » (1). 

Jacques Vanière, le Virgile français, publie en 1730 la dernière 
édition du Prædium rusticum ( poème qui après avoir excité plus 
« d’un siècle l'admiration de tous les amateurs de poësie latine fut 
« appelé par Mery le merveilleux enfant des Georgiques. » (2) Le 
poète, né dans une petite commune des environs de Béziers, Caus- 
ses-et-Veyran, avait passé son enfance au milieu des champs et 
des jardins, aussi est-ce avec amour qu’il chante les cultures et la 
luxuriante végétation du terroir biterrois. Les connaissances de 
Vanière en physiologie végétale sont considérables et son poème 
contient de précieux renseignements sur les espèces cultivées. Il 
nous signale, à cette époque la culture du citronnier et de l’oranger 
à Roquebrun (3) ; ses idées sur la sélection des semences sont très 
netles ; 1l nous décrit également les dégâts du fameux hiver de 
1709 (4) ; mais son travail intéresse plutôt lagriculteur que le 
botaniste. 

En 1774, le futur auteur du CAloris narbonensis, Pierre-André 
Pourret, alors âgé de 20 ans herborise dans les environs d'Agde 
comme il l’apprend (5) au baron de Lapeyrouse un de ses corres- 
pondants les plus assidus. 

A peu près à la même époque, l’abbé Rozier (6), auteur d’un 
cours complet d'agriculture sous forme de dictionnaire, grâce à la 
protection de Turgot, crée dans les environs de Béziers, à Beau- 
séjour, une ferme école et étudie notre culture ; certainement l’abbé 


(1) Santolina viridis Willd. 

(2) Auguste Fabregat. — La vie des Hommes illustres de Béziers, 
(3) Prædium rusticum. — Liv. V. 
(4) Prœdium rusticum Liv. VIII. 
6) | 
(6) 


In litt. 30 Mai 1777. 


Le premier volume du Dictionnaire d'agriculture de l'abbé Rozier pa- 
rut en 1731. L'auteur ne resta pas longtemps à Béziers. Les luttes qu'il 
eut à soutenir contre le dernier évêque de cette ville l'obligèrent à regagner 
Lyon sa ville natale où il fut chargé d’un cours public d'agriculture. 


« 


Rozier ne fut pas indifférent à notre flore spontanée, élève de 
Girard, le fameux auteur de la Flora qgallo provincialis, il avait 
écrit € qu'il est peu d'étude aussi satisfaisante, aussi intéressante, 
« aussi digne de l’homme que la botanique. » Mais il n’a laissé 
sur nos plantes aucune note. 

En 1840 Delort de Mialhe et le Docteur Bubanti herborisèrent 
ensemble au Pas du Loup près Nissan et y trouvent l’Æedysarum 
spinosissimum DC (n. L.) qu’ils considèrent comme une espèce 
différente de l’Æedysarum capitatum Desf. auquel on l’a réuni sous 
le nom de var. pallens Moris. 

En 1844, notre illustre compatriote Pierre Duchartre présentait à 
l’Académie des Sciences un Mémoire sur la géographie botanique 
des environs de Béziers (1). Ce fut le premier travail publié sur 
notre flore. Né à Portiragnes à 12 kilométres de Béziers vers 1810, 
Duchartre était à proximité de la riche station de Roquehaute ; il 
avait observé la flore particulière de cette région favorisée ; les 
jolies fleurs qui croissent aux bords du canal du Midi et sur la 
plage ensoleillée de Vias. L'amour profond qu’il avait pour la nature 
sa jeunesse passée au milieu d’espèces peu communes firent de 
Duchartre un botaniste passionné et dans un de ses premiers tra- 
vaux 1l s’occupa de la flore de son pays natal. Plus tard Duchartre 
publia un magnifique Cours de botanique qui est entre les mains 
de tous ceux qui s'occupent de phytologie. A l’époque où l’oidium 
envahit le vignoble, Duchartre fut un des premiers à rechercher 
le remède contre la terrible cryptogame et le 25 juin 1850 il fit 
exécuter dans les serres du potager de Versailles äes expériences 
sur l’emploi du soufre (2). Ces expériences furent décisives et ser- 
virent de bases aux applications ultérieures. I! serait trop long d’é- 
numérer tous les travaux que Duchartre a publiés soit sur lhorti- 
culturesoit sur la botanique pure ; les comptes rendus de l’Académie 
des Sciences, les bulletins de la Société botanique de France et la 
plupart des giandes revues horticoles ou botaniques possèdent de 
lui de nombreuses études. Il était Officier de la Légion d'Honneur, 
Secrétaire de la Société Nationale d’Agriculture, Ancien Président 
de la Société botanique de France, professeur honoraire à la Fa- 
culté des Sciences de Paris, Membre de l’Institut, lorsqu'une mort 
subite est venue le ravir à la science, le 5 Novembre 1894. 


(1) Compt. Rend. Ac. des Sc. Fév. 1844, €. X VIII p. 254 et suiv. 
{2 Moniteur Universel 9 Sept. 1850. 


Es dr 


Le travail de Duchartre fut le signal d’un mouvement scienti- 
fique dans notre ville. Le D' Théveneau et le capitame Braun furent 
à la tête de ce mouvement. 

Ils furent suivis dans leurs courses par les frères Lioberus et 
Ingues de la Doctrine chrétienne. 

Le capitaine de cavalerie Braun était né en Bretagne, en 1797. 
Il fit ses études à Rennes et fut un combattant de Waterloo. Il était 
chevalier de la Légion d'honneur lorsqu'il prit sa retraite en 1846 
et vint se fixer à Béziers où il avait déjà passé quelques temps en 
garnison ; il était surtout en relation avec le naturaliste Mathon. 
Son herbier qui contient plus de 10.000 espèces appartient aujour- 
d’hui au collège de Béziers. 

Théveneau habitait Béziers et possédait une propriété à Agde. 
C’est aux environs de cette dernière ville qu’il fit ses plus belles 
découvertes (1) et c’est là qu’il se lia d'amitié avec le fameux col- 
laborateur de Dunal, le jardinier Esprit Fabre dont le nom a été 
donné à un Marsilea qui croît dans les mares de Rigaud. C’est 
dans ces mêmes mares que Théveneau en 1857, trouva le Dama- 
sonium poly spermum de Cosson, qui n’a pas d’autre station fran- 
çaise connue. 

En 1852, Esprit Fabre publiait ses remarques sur les Ægylops 
du Midi de la France et agitait la grande question de lÆgylops 
triticoides qu’il prenait pour l’ancêtre du bléet qui n’est en réalité 
qu'un hybride d’'Ægylops ovata et de Triticum sativum, comme 
il fut démontré d’ailleurs peu de temps après. 

Théveneau, Braun, Lioberus et Ingues, dirigèrent aussi leurs 
excursions vers l’ilot volcanique de Roquehaute, une des plus riches 
localités de la flore française. Les frères Lioberus et Ingues y trou- 
vèrent l’/ris æiphium, plante d'Espagne jusqu’alors inconnue en 
France et Théveneau le Sysimbrium nanum DC, qui croît aujour- 
d’hui sur tous nos sables maritimes depuis Agde jusqu’à l’embou- 
churede l’Aude. Balansa qui étudia plus tard Roquehaute y signala 
le premier le Pilularia minuta et un ÆRiella qui n’est autre que le 
Riella gallica, plante que Planchon, Durieu de Maisonneuve et 
Motelay y ont recueillie sur les indications du D' Thèvenon. 


La flore de nos environs immédiats n’attira pas seule l’attention 


(1) Le D' Théveneau a publié en collaboration avec Lespinasse un travail 
. sur la flore exotique d'Agde et de Bessan. 


ue 


du D' Théveneau ; et tandis que Touchy visitait l’Espinouse il fut 
le premier à visiter le mont Caroux où il récolta une variété de 
l’Alsine verna que Reuter appela Aisine Thevenæi. Il parcourut 


aussi les Corbières (1) avec Timbal-Lagrave. Avec Gauthier de . 
Narbonne, il fut certainement celui qui répandit le plus dans le 
monde scientifique le nom fameux de Sainte-Lucie, la patrie des 
statices. C’est à lui enfin que revient l'honneur d’avoir réuni dans 
nos murs les premiers botanistes de notre pays dans un congrès 
ds la Société botanique de France. 

Ce fut le 2 Juin 1862 que la session extraordinaire de la Société 
botanique de France s’ouvrit à Béziers. Chatin, Clos, Cosson, 
Durieu de Maisonneuve, Lespinasse, Maugeret, J.-E. Planchon, 
Timbal-Lagrave, Schnæfeld, de Seynes y assistaient. La première 
séance eut lieu dans la salle de la mairie où Auguste Fabrégat, 
alors maire de la ville, remercia la Société d’avoir honoré notre 
cité de sa visite. M. Carou président de la Société archéologique, 
scientifique et littéraire de Béziers souhaita la bienvenue à la So- 
ciété botanique. Le lendemain 3 juin, une excursion eut lieu à 
Roquehaute, excursion pendant laquelle Durieu de Maisonneuve 
trouva l’/Zsoeles qui porte son nom. Le 4 Juin sous la présidence 
de M. E. Doumet, une séance était tenue à l’Hôtel-de-Ville. Le 
D’ Jamain fit le rapport de l’excursion de la veille. Planchon iut 
un rapport sur une excursion faite au Caroux ; Timbal-Lagrave 
donna communication d’une notice sur un orchis hybride (Orchis 
coriophoro palustris) trouvé à Roquehaute. M. Clos rend compte 
d’une petite herborisation dirigée par Braun et Théveneau faite 
aux Côtes de Beyssan, le matin même. ( Nous avons, dit-il, tra- 
versé l’Orb sur le Pont Canal et nous avons récolté d’abord les 
Lonicera etrusca et caprifolium, Catanance cœrulea, Centhrantus 
calcitrapa, Rhamnus inféctoria, Urospermum Dalechampui, Celtis 
australis, Arum italicum, Coriaria myrtifolia, Linum narbonense, 
et quelques autres espèces intéressantes notamment un Thalictrum 
voisin du T'halictrum minus s’il en diffère ; puis onse dirigea vers 
trois plantes qui étaient comme le point de mire de l’herborisation 
savoir : Opoponaxz Chironium, Ononis brevifiora, Alkanna tinc- 


(1) Théveneau et Timbal-Lagrave ont trouvé de nombreuses espèces nou- 
velles dans les Corbières : Carduus corbariensis (Timb. et Thév.), Centaurea 
Pourretiana (Timb. et Thév.), Centaurea aspero-paniculata (Thév.), Ana- 
campseros Thecencæi (Timb.) 


ET — 


toria. » Le soir même une excursion fut faite à Agde. Le 5 Juin : 
excursion au Pas du Loup près Nissan. Du 6 au 10 Juin, la Société 
tint ses séances à Narbonne et étudia les environs de cette dernière 
ville. Le 11 Juin, elle clôturait sous la présidence du D' Théve- 
neau sa session extraordinaire. À la suite de cette session, M. 
Napoléon Doumet, de Cette, publiait ses « Zerborisations aux envi- 
rons de Béziers-Narbonne » et la botanique eut de nombreux adhé- 
rents à Béziers. À côté du D' Théveneau, du capitaine Braun, des 
frères Lioberus et Ingues se rangèrent le regretté Pierre Séguy et 
le jardinier Fournier. 


En 1866, Loret, qui devait quelques années après écrire avec M. 
Bairandon « {a Flore de Montpellier »,donne un compte rendu de 
ses ( Promenades botaniques dans l'arrondissement de Saint- 
Pons. » 


Dès 1856, un homme d’un rare mérite et d’une grande modestie 
commençait seul l’étude les plantes de la région de Pézenas, encore 
non parcourue ; je veux parler de M. B. Biche. Sans le secours 
de personne il acquiert rapidement des connaissances profondes en 
botanique systématique ; en 1860, il herborise aux environs de 
Béziers ; il fait connaissance du frère Lioberus et du jardinier 
Fournier et avec ce dernier il récolte en 1865 au Pas du Loup le 
Kochia prostrata sur les bords d’un chemin en se dirigeant du 
côté de l’'Etang de Poilhes. 


M. Biche court alors la région : il trouve l'Anagyris fœtida près 
Pezènes, le Falcaria rivint près Conas, la Tulipa præcox à Mont- 
blanc, la Potentilla recta dans les bois de Nizas ainsi que le 
Rhamnus piscenensis D. J. ; il herborise à la butte de Saint-Si- 
méon où dans une seule saison on peut récolter 400 espèces, dans 
les bois de, Lézignan - la - Cèbe, dans les garigues de Montagnac 
et de Castelnau, dans la vallée de l'Hérault, dans la vallée de la 
Peyne. En 1875, M. Biche herborise à Roquehaute avec le Dr 
Théveneau, Paul Chalon et M. Paul Cannat avec lesquels il se lie 
d’amitié. Mais c’est surtout avec Chalon que M. Biche a herbo- 
risé ; à Lodève, au Cayol, à l’Abeil, au Pic de Liausson, au Bous- 
quet-d’'Orb, à l'Abbaye de Villemagne, à Sainte-Lucie, à Roque- 
haute, au Cap Brescou et dans les environs de Pézenas, au Parce 
où Chalon aimait à faire des recherches cryptogamiques. 


M. Biche a créé un jardin botanique au Collège de Pézenas où 


0 — 


il est professeur et c’est avec le plus grand soin qu'il entretient les 
rares espèces de notre flore dans ces plates-bandes où il vient de 
découvrir tout dernièrement un nouvel hybride de mereuriale 
(Mercurialis tomentosa X annua Biche), que Magnier publie dans 
le Scrinia floræ selecta sous le nom de Mercurialis Bichei. 

Les travaux publiés par M. Biche sont très nombreux. Citons : 
le Catalogue des espèces croissant dans le jardin botanique de Pé- 
zenas, la flore des environs de Roquehaute (1), Note sur la flore 
du canton de Roujan (2), etc. 

Eu 1871, M. Gabriel Azaïs, secrétaire de la Société archéologique 
de Béziers, publie un Catalogue botanique avec synonymie langue- 
docienne, provençale, gasconne, quercinoise. La préface entière de 
cet ouvrage serait à citer car elle démontre nettement l’utilité de 
ces sortes de glossaires. Le travail contient les noms français, 
scientifiques et vulgaires de chaque plante. 

Une liste des champignons les plus connus termine l’ouvrage et 
donne de précieux renseignements dans lesquels je détache la note 
suivante qui quoique très simple démontre avec quel soin et quelle 
observation l’auteur s’est occupé de ce travail. « À Béziers, on 
« donne au bolet comestible (Boletus edulis, B. bovinus, B. escu- 
« lentus) ainsi qu'aux champignons du même genre le nom de 
« Coucoumel, coucoumelo, Cougoumel cougoumelo, qui dans les 
« autres pays désigne les champignons du genre agaric, et ces 
« derniers y sont appelés Boulets pourvu qu’ils aient le pedicelle 
« placé au centre du chapeau. Lorsque ce pedicelle est latéral, 
« comme l’est celui de l’agaric du panicaut, ils prennent dans le 
« dialecte biterrois le nom de brigoulo. » 

En 1873, M. Melchior Barthez publia aussi un glossaire sur les 
espèces de Saint-Pons (3). 

En avril 1873, M. H.-A. Weddel, membre de la Société bota- 
nique de France séjourna à Agde et publia en 1874 une Florule 
lichenique des laves d'Agde (4). « Parmi les localités que j'ai par- 


(1) In bull. Soc. d’Et. des Sc. Nat. de Béziers. 1880. Page 119 et suiv. 

(2) Albert Fabre. Histoire des communes du département de l'Hérault. 
XX VI: vol. 

(3) Glossaire botanique languedocien français-latin de l'arrondissement 
de St-Pons. Montpellier. - Imp. Centrale du Midi. — Ricateau, Hamelin et 
Cie, 1873. 

(4) Bull. Soc. Bot. de France. T. XXI, 1874. P. 330. — Un Extrait de cet 
article a paru dans les Comptes rendus de l’Académie des Sciences. — 
Séance du 23 Novembre 1874. 


de 37. = 


« courues dans la région méditerranéenne de la France, en vue de 
« la recherche des lichens, il en est peu, dit-il, qui m’aient offert 
« autant d'intérêt que les environs d'Agde. Ce ne sont pas cepen- 
« dant, on le devine sans peine, les lichens corticoles qui y atti- 
« rent l’attention du botaniste ; dans ce pays de vignes et d’oliviers, 
« ils ne se montrent en quelque sorte que pour mémoire. Les saxi- 
« coles au contraire y pullulent, et la nature des roches qui ser- 
« vent de support à ces petits végétaux est ponr beaucoup sans 
« doute dans la variété et le développement qu’ils y présentent. » 
Dans la florule lichenique de M. Weddel relevoans comme espèces 
nouvelles : Acarospora collema, A. sordida, Lecidea cladonema, 
Verrucaria Xanthoriæ. 

En 1875, MM. Paul Cannat et Albert Fabre essayérent de former 
à Béziers un noyau scientifique ; M. Théveneau était tout désigné 
pour présider l’Association ; aussi cédant aux instances de MM. P. 
Cannat et A. Fabre, accepta-t-il la présidence de la Société d’étude 
des Sciences naturelles de Béziers ; mais il resta peu de temps au 
milieu de cette Compagnie, car il mourut en août 1876 ne laissant 
dans le Bulletin qu’un seul rapport sur l’herborisation de Nissan (1), 
Dans cette note il signale particulièrement la variêté humifusa 
(Thév.) du Globularia alypum et les rares espèces qui ont rendu 
l’excursion de Nissan célèbre : Ranunculus lingua, Polystichum 
Thelipteris, Anagyris jætida, Astragalus glaux, Atractylis hu- 
milis, Astragalus narbonensis, Astragalus pentaglottis, Passerina 
thymelea, Kochia prostrata, Polygala exilis, etc. 

M. Sabatier-Désarnauds qui fut le successeur du D' Théveneau 
à la présidence de la Société d’Etude de Béziers, ne doit pas être 
oublié dans l’énumération des personnes qui se sont occupées de la 
flore de notre arrondissement. C’est lui qui signala, en effet, dans 
les environs de Montblane, l'habitat de la Tulipa occulus solt au- 
jourd’hui disparu. Longtemps après il publia (2) un compte ren- 
du d’une excursion au Pic de la Coquillade et au bois des Arenas- 
ses (commune de Bédarieux). Voici la liste des espèces qu’il re- 
cuellit dans sa course : Ophrys apifera, Ophrys aranifera, Globu- 
laria alypum, Cephalenthera lancifolia, Orchis picta, Cytisus 
sessiliflorus, C. trifiorus, Lamium longifolium, Vincetoæicum 


(1) In. Bull. Soc. d’'Et. Sc. Nat. de Béziers. — 1876, l'° année, p. 44. 
(2) In-Bull. Soc. d’ét. Sc. Nat. de Béziers. — 1880. 


Meg TT 


officinale, Ranunculus gramineus, Hieracium Jaubertianum, Pæo- 
nia peregrina, Cephalenthera ensifolia, Spartium junceum, Daph- 
ne laureola, Sarothamnus scoparius, Polygala vulgaris, Lotus 
corniculatus, Armeria bupleuroïides, Tulipa celsiana, Silene 
ualica, Linaria Pelliceriana, Viola hirta, Phalangium liliago, 
Senecio gallicus, Orchis pyramidalis, Limodorum abortioum, 
Epipactis latifola. 


Dès 1875, un jeune avocat de notre ville, Paul Chalon, avait 
commencé sous la direction du D' Théveneau, a étudier notre flore 
locale. La mort de son puissant guide ne l’empêcha pas de conti- 
nuer ses études botaniques, et la Société d’études des Sciences 
naturelles de Béziers possède de lui un très grand nombre de notes 
et de rapports dont la plupart ont été insérés dans le Bulletin 
(1876—1877—1878—1879). On a ainsi de lui des comptes rendus 
d’excursions au Malpas, aux Cotes de Beyssan (1), à Magalas, à 
Roquehaute, à Lamalou et au Caroux, au Pech de Lagnel près 
Narbonne, à Fontfroide, à Bassan, à Pézenas, au Mont Liausson, 
au Cap d’Agde, à Armissan et la Clape, à Sainte-Lucie. 

Mais ces rapports ne sont écrits qu’au point de vue phanéroga- 
mique. Chalon étudia pourtant la cryptogamie. En 1878, 1l publia 
une liste de mousses, hepatiques et champignons récoltés dans les 
environs de Béziers. 

M. P. Goulard avait aussi examiné notre flore cryptogamiaue. 
Husnot dans son Æepaticologia gallica disait : « Le D' Goulard a 
trouvé dans les mares de Roquehaute un Ærella qui est peut être 
le Aiella clausonis ». Ce Rrella était celui qu'avait trouvé Balansa 
en 1866 : le Rtella gallica. De plus en décembre 1871, le D' Gou- 
lard avait récolté quelques espèces à Graissessac (2) et les avait 
distribuées : Pellia epiphylla Nees., Madotheca platiphylla Nees., 
Cladonia cladomorpha Ach., Usnea florida Ach., Cetraria acu- 
leata Fries., Sticta pulmonacea Ach., Parmelia caperata Ach., 
Parmelia perlata Ach., Physcia ciliaris Ach., Physcia pulveru- 
lenta, o. venusta Nyl., Umbicalaria pustulata. 


Paul Chalon n’étudia guère que la florule cryptogamique de nos 


« 


environs immédiats ; le temps qu’il put consacrer à cette étude 


(1) « Le coteau de Beyssan, dit-il, est l’herborisation classique du bota- 
« niste biterrois ». 

(2) La liste publiée a été faite sur les exsiccata que la Société de Béziers 
tient de M. P. Goulard. 


REC 


fut malheureusement trop court (1877—1882). Dans une préface 
précédent une liste de lichens, Chalon nous donue son appréciation 
sur la richesse lichenologique de la partie sud de notre arrondisse- 
ment. « Les contrées qui avoisinent Béziers me paraissent, du 
« reste, peu propres à servir d'habitat à de nombreuses espèces de 
« lichens. L’absence de vieux arbres et de forêts, le peu de roches 
« émergées à la surface du sol, si l’on excepte les environs d’Agde 
« que je n’ai pu encore étudier à ce point de vue, me paraissant 
« motiver la pénurie que je signale ». Malgré cette pauvreté cryp- 
togamique que nous fait prévoir Chalon, il arrive grâce à ses 
recherches à nous citer : 

63 espèces de lichens ; 48 espèces de mousses dont 20 des monta- 
ones du nord de l’arrondissement et principalement du Caroux ; 9 
hépatiques ; 100 hymenomycètes et gasteromycètes. 

Dans la partie fungologique, Pézenas est surtout cité, ainsi que 
Ribaute, très riche localité réservant probablement beaucoup de . 
sujets d’études aux cryptogamisies à venir. 

En 1878, Chalon quitta Béziers. Il fit d’abord un voyage à Paris 
dont il parcourut les environs : Meudon, Fontenay aux Roses, 
Fontainebleau où il fit le 19 septembre une course avec M. Max. 
Cornu, de l’Institut. Le récit de cette excursion paru dans le Bul_ 
letin de la Société d'étude des Sciences naturelles est délicieux. A 
la lecture de ces huit pages on ne peut que répéter ce que disait 
M. P. Paget dans l’Æérault au sujet d’une nouvelle (1) de Paul 
Chalon parue dans la Reoue bleue du 17 juin 1880, « on croit 
« admirer une fraiche toile de Chintreuil ». 

_ Revenant à Béziers, Chalon passa par l'Alsace et y herborisa 
du 5 au 8 octobre, puis 1l reprit la route du midi, laissant avec 
reoret cette terre si fermement française (€ ou 1l a voulu que sa 
« dépouille mortelle reposât, muette, protestation d’attachement à 
« la patrie entière jusqu’à l'heure où le drapeau tricolore y flottera 
« joyeusement (2) ». En 1882, Chalon revint en Alsace, et c’est 
là que la mort l’enleva le 18 août à la fleur de l’âge « au moment 
« où son esprit müri allait enfin conquérir l’avenir entrevu (3) ». 

Un des fondateurs de la Société des Sciences naturelles de Béziers, 

M. P. Cannat, aujourd’hui président, doit évidemment être cité 


(1) Les Violettes. 
(2) P. Paget, in Hérault. 
(3) Ibid. 


A: D 


parmi ceux qui ont contribué à l’étude de notre flore locale.M. Can- 
nat a publié, en 1876, un rapport sur la flore de Nissan ; c’est à lui 
que furent confiés par Mme Chalon mère, les notes et l’herbier du 
regretté botaniste, herbier aujourd’hui fondu à celui de la Société. 
Tout dernièrement la botanique locale vient de constater encore une 
fois le zèle de M. Cannat. En considération de l’estime profonde 
qu'avait pour lui le D' Théveneau, la famille de ce dernier a fait 
don à la Société d'Etude d'un herbier d’une grande richesse et qui 
pourra rendre les plus grands services à nos botanistes langue- 
dociens. 

M. J. Hérail, dont le nom est aujourd’hui fort répandu dans le 
monde scientifique, fut un de nas botanistes locaux à qui l’on doit 
le plus. Il était alors élève en pharmacie. Le résultat de ses études 
sur notre flore a été publié en deux listes de phanerogames et 
cryplogames vasculaires croissant dans les environs de Béziers (1). 
- I signale 532 espèces recueillies soit au ruisseau de Bagnols, soit 
à la Pioule,aux Brégines, aux bords de l’Orb, sur les francs bords 
du canal du Midi, au ruisssau de Valras, aux côtes de Beyssan. 
M. Hérail donna en outre au Bulletin de la Société des sciences 
un compte rendu d’'eæcursion botanique au ruisseau de Bagnols ; 
il étudia la flore d’Agde et découvrit dans l’ilot de Brescou la 
Lavatera maritima qui n'avait encore été signalé qu’au Trou de 
Miège près Mireval probablement parce que personne n'avait 
jusqu'alors étudié le récif de Brescou au point de vue botanique. 
En 1881, M. Hérail quitta Béziers pour aller étudier la pharmacie 
à l'Ecole de Montpellier. Aujourd’hui, il professe à l’Ecole supé- 
rieure de pharmacie d’Alger la science qui a fait le charme de 
toute sa vie. | 

MM. Félix Mouret et l'abbé Coste depuis quelques années étu- 
dient avec soin la flore de Béziers. M. Félix Mouret a surtout exa- 
miné les environs de Vendres et de Lespignan où il a signalé plu- 
sieurs variétés nouvelles telles que l’Æelichrysum biterrense (2) 
et la variété minus (3) du Lythrum bibracteatum Salzm. MM. 
Coste et Mouret ont aussi trouvé deux espèces nouvelles pour la 
flore de l'Hérault. Ce sont la S'atice confusa Gren. et Godr. et le 
Statice lychnidifolia Gir., qui croissent sur la plage de Sérignan 


(1) In Bull. Soc. Sc. Nat. de Béz. (1878—1879). 
(2) Coste et Mouret, Soc. Bot. de Fr., t. XL, 1893. 
(3) Coste et Mouret, Cf. Scrinia, fasc. XIII, 1894. 


rl — 


et de Portiragnes. Tout récemment, MM. l’abbé Coste et le frère 
Sennen, viennent d'établir la flore exotique des environs de Béda- 
rieux et d’Hérépian, flore analogue à celle de Port Juvénal, d'Agde 
et de Lodève, et qui laissera peu d’espèces naturalisées. 

M. Constantin de Rey Pailhade a publié dernièrement (1) un 
‘magnifique ouvrage descriptif sur les Fougères de France et il 
nous donne dans ce travail où plusieurs variétés nouvelles sont 
signalées, la liste des fougères de Béziers. 

Notre région possède encore d’autres naturalistes. M. Castel 
continue ses recherches sur la flore de Capestang ; M. le pharma 
cien Barthez a fort contribué à la connaissance de la flore de Saint- 
Pons ; M. Vidal, de Fraïssé, étudie celle de l’Espinouse ; 
MM. Firmin, de Nissan, Lucius Séguy, André Crozals, Albert 
Arnaud, Farrand, sont encore à citer parmi ceux qui s'occupent de 
nos plantes. 

Dans une ville comme Béziers, qui est loin d’être scientifique, 
de vaillantes initiatives ont voulu combler cette lacune. Il était bon 
de les rappeler et de reconstituer l’histoire botanique de notre 
arrondissement. J’ai essayé de le faire ici, heureux d’avoir fait 
tous mes eflorts pour renouer la tradition de l’histoire naturelle dans 
le pays qui a vu naître le botaniste Ducharte et le physiologiste 
Flourens. 


(1) In Bull. Soc. Sc. Nat. de Béz. (1893—1894). 


EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX 


DES SÉANCES 


one Dan a A A 


Séance du 9 Janvier 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. C. de Rey-Pailhade fait don d’un pecten 
du Mont Ventoux. 


CORRESPONDANCE. — M. le Ministre adresse une cir- 
culaire donnant des détails sur le Congrès des Sociétés 
savantes du 16 Avril à Paris. M. Sahuc, notaire à Saint- 
Pons doit représenter la Société et présenter un mémoire 
archéologique. M. Jean Miquel sera aussi notre repré- 
sentant au Congrès. 


— M. le Président communique à la Société la perte 
qu’elle vient de faire en la personne de M. Jules Biscaye, 
propriétaire. 

À cette occasion la Société adresse à la famille en 
deuil ses plus vifs regrets. . 


COMMUNICATIONS. — M. Constantin de Rey-Pailhade 
donne communication d’une intéressante lettre de M. 
le marquis Gaston de Saporta, au sujet de son ouvrage 
_ les Fougères de France. M. de Rey-Païilhade commente 
la lettre et ira prochainement faire une visite à M. de 
Saporta. 


— Il est donné communication des réponses qui nous 


eme 2 


sont parvenues des Sociétés savantes de Russie au sujet 
de l’adresse que nous leur avons fait parvenir. 


21 Novembre 1894. — No 2718 


Société Imsériale des Naturalistes 
De Moscou 


A la Société d'Etude des Sciences naturelles 
de Béziers. 


La Société Impériale des Naturalistes de Moscou vous remercie 
chaleureusement pour la part que vous prenez dans la grande dou- 
leur qui vient de frapper la Sociêté et tout notre pays. 


Le Président, Tu. Scoupskt ; Les Secrétaires, À. PAvLOow, 
W. SOKALOW. 


Société entomologique 16 Novembre 1894 — N° 168 
de 
Saint-Pétersbourq 


À Monsieur le Président 
de la Société d'Etude des Sciences naturelles de Béziers 
et à Messieurs les Membres. 


Messieurs, 


La Société entomologique de Russie, réunie en Séance le 11 
Novembre 1894, a recu avec émotion le témoignage de sympathie 
et d'amitié que la Société de Béziers a bien voulu nous donner dans 


les douleureuses circonstances actuelles. 
La Société apprécie profondément les sentiment cordiaux de ses 


amis en France et leur adresse l’expression sincère de sa reconnais- 
sance et de sa sympathie, 


PIERRE DE SEMENOW, Président ; J. PoRTCHINSKY, 
Secrétaire ; T. TsCHITSCHÉVINE, Secrétaire- 
adjoint ; N. SokaALow, Conservateur. 


Er ÉN = 


Séance du 23 Janvier 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — M. Hérisson Saint-Sernin, négociant, 
présenté par MM. Cannat et Paul Bülher, est admis 
comme membre actif. 

CORRESPONDANCE. — La Society of natural history de 
Boston, demande que nous lui complétions la série de 
nos bulletins. 

— M. le Dr Pevronnet a été nommé président pour 
l’année, de la Société d’études scientifiques de l'Aude. 

— La Société est invitée aux obsèques de M. Griiïe, 
sénateur. 

— M. Sahuc, de Saint-Pons, adresse les communica- 
tions qu’il doit faire au Congrès des Sociétés savantes. 

COMMUNICATION. — La Société élait représentée aux 
obsèques de M. Griffe, sénateur, par MM. Cannat, pré- 
sident ; Boilève et F.-A, Fabre, secrétaires, Rulland, tré- 
sorier. 

— MM. le Président et Ch. Benoît ont été chargés par 
M. le Maire de faire un rapport sur le magnifique her- 
bier dont la famille de M. le Dr Théveneau a fait don à 
la Société. A la suite de ce rapport, M. le Maire donnera 
un local pour loger cette superbe et vaste collection 
botanique. | 

— M. C. de Rey-Pailhade est actuellement auprès de 
M. le Marquis de Saporta. Il a bien voulu se charger, sur 
la demande de M. le Président, de demander au célèbre 
naturaliste un travail pour notre bulletin. 

CONFÉRENCE. — M. Victor Boiïlève fait une conférence 
sur la Société philomathique de Bordeaux qui organise 
sa XITTe exposition. 


En (Yu 


Séance du 30 Janvier 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs : 


MM. Migron, présenté par MM. Carayon et Rulland. 
Clavel, présenté par MM. Boilève et Cannat. 
J. Lafoi, ingénieur agronome, Hp À par MM. 
Boilève et Cannat. 
Isabeth, par MM. Cannat et Boilève. 
Trichereau, ingénieur agronome, professeur spé- 
cial, présenté par MM. Cannat et P. Carles. 

CORRESPONDANCE. — M. Viguier, docteur ès-sciences, 
membre correspondant de la Société, remercie de l’en- 
voi du bulletin de 1895. IL félicite MM. Granger, Miquel 
et de Revy-Pailhade de leurs travaux. 

— La Société philomathique de Bordeaux invite M. 
le Président à faire partie du Comité régional de propa- 
gande pour le XIIIe Exposition. M. Boilève, secrétaireet 
plusieurs de nos sociétaires font partie de ce comité. 


— L'Association française annonce l’envoi du compte 
rendu du congrès de Caen. 

— M. J. Miquel, de Barroubio, a découvert des Stro- 
phostoma du côté de Félines ; le mauvais temps la eni- 
pêché de continuer <es recherches pour les molaires de 
lophiodon. 

— M.le Docteur Viguier signale la visite de la So- 
ciété géologique de France aux Baux en 1891. 

— M. Escot, de Cabrières, propose de procurer à la 
Société de nombreuses empreintes de fougères du 
houiller. 


COMMUNICATION. — M. le Président a adressé à M. 
Ferrer, président de la Société de Perpignan, une lettre 
pour annoncer lexcursion du 24 avril. 


— 47 — 


— M. le Président a adressé au ministère les deux 
mémoires de M. Sahuc. 


— M. Ch. Benoît, membre fondateur délégué, a fait 
un rapport à la municipalité sur lherbier Théveneau. 
Le Conseil municipal en séance a décidé de faire le né- 
cessaire pour lPinstallation de cet herbier. 


— M. Rulland annonce que M. Lenthéric, vétéri- 
naire au 13e chasseurs, est chargé de diriger le service 
à l'expédition de Madagascar. Les relations que M. Len- 
théric a eues avec la Société permettent d'espérer qu’il 
voudra bien faire part de ses remarques sur la faune et 
la flore de l'Ile à notre Société. 


— M. le Président communique la mort de M. de 
Saporta, membre honoraire de notre Société depuis 
1876. M. de Saporta, correspondant de l’Institut était 
une illustration de la paleontologie botanique. 

— M. Rulland, trésorier donne lecture de l'exercice 
de l’année 1894 et établit le budget pour 1895. Les con- 
clusions du rapport de M. Rulland sont adoptées. 

— M. le Président donne la parole à M. Constantin 
de Rey-Pailhade qui prononce lallocution suivante au 
sujet de la mort de M. de Saporta. 


Allocution prononcée par M. C. De REY-PAILHADE, à l'occasion 
du décès de M. Gaston De SAPORTA, Membre honoraire 
de la Société. 


MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES, 


C’est le cœur serré et l’esprit plein de trouble et d'émotion que 
je viens vous annoncer la mort subite de M. Gaston de Saporta, 
membre honoraire de notre Société, depuis 1877. 

Esprit d'élite, brillant littéraire, archéologue érudit, géologue 
autorisé, M. le marquis de Saporta, décédé à Aix sa ville natale, 


AS 
le 26 janvier dernier, s’était fait promptement un nom dans les 
sciences naturelles ; mais ce sont ses travaux de paléontologie qui 
lui assurent un nom immortel dans les annales de la science. — 
Ses travaux sur la flore fossile d’Armissan et ceux de la flore 
secondaire du Portugal, l'ont mis au premier rang. 

Trois jours encore avant sa fin, trop prématurée pour la science, 
nous étions encore dans le cabinet de travail et à côté du regretté 
membre de l’Institut, occupé à admirer ses merveilleux dessins 
d'empreintes végétales et à recueillir ses précieux renseignements ; 
ses reproductions de fossiles sont parfaites et ravissantes, elles sont 
uniques dans ce genre. 

Travailleur infatignable, M. de Saporta laisse à la science, un 
nombre considérable d'œuvres de valeur. 

Il a fait revivre à nos yeux étonnés une partie de la végétation 
éteinte des siècles passés, 1l a démontré, en remontant de siècle 
en siècle et de période en période, que rien de ce qui vit sur 
notre terre n’est stable mais évolue et se transforme incessamment. 

Disciple de Darwin, M. de Saporta a employé toute son énergie 
et toutes ses brillantes qualités à la démonstration de l’évolution 
du règne végétal; mais si ces travaux en paléontologie sont connus 
du monde entier, ses études botaniques, pour être moins retentis- 
santes n’en sont pas moins remarquables. Président de l’Académie 
d'Aix, depuis de longues années, l’illustre paléontologue avait été 
appelé dans le rang des plus savantes Sociêtés ; 1l fut président de 
l'Académie de Marseille, membre de la Société royale de Belgi- 
que, de la Société royale de Loudres, de l’Académie des Sciences 
de Madrid et de la Société de géologie du Portugal. 

Elève de Brongniart, ami intime du grand Schimper, M. de 
Saporta était correspondant de l’Institut depuis 1876. 

Messieurs, laissez-moi vous dire que c’est à notre travail intitulé 
les « Fougères de France » que nous devons le grand honneur 
d’être entré en relation avec cet illustre confrère, qui voulut bien 
nous adresser des félicitations pour notre monographie. Il nous 
donna de sages avis, nous fit don de précieuses variétés de fou- 
gères et, enfin nous appela quelques jours avant sa mort auprès de 
lui (comme s’il eut pressenti sa fin prochaine) pour nous fournir 
de vive voix d’utiles renseignements, nous montrer des horizons 
nouveaux et nous encourager à poursuivre notre tâche. 

Si l’homme vient de disparaître, laissant un grand nom dans 


= O8 = 


la science, son œuvre importante nous reste; regrettons cet homme 
de bien, ce savant botaniste, cet éminent paléontologue. 

Imitons-le ; suivons l’exemple de M. de Saporta, qui malgré 
son nom, sa fortune et sa haute position sociale, dédaignant les 
plaisir faciles de la vie, n’a cessé de sacrifier son temps et sa peine. 
à la recherche de la vérité. | 

Puissent l’estime et le regret de tous ceux qui l’ont connu et 
approché, de tous ceux qui ont lu et apprécié ses travaux, adoucir 
l’affliction de sa famille désolée. 


Séance du 6 Février 1895 — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — Est admis comme membre actif, M. L. 
Azema, capitaine au 122me régiment d'infanterie à Lo- 
dève, présenté par MM. P. Cannat et Escot. 


CORRESPONDANCE. — La Société d’horticulture du 
Gard demande l'échange des Bulletins. — Adopté. 

M. le Président de la Société agricole, scientifique et 
littéraire de Perpignan annonce que cette Société sera 
heureuse de nous recevoir et de nous faire les honneurs 
de sa ville. 

M. Viguier, Docteur ès-sciences, remercie &e la bro- 
chure géologique de M. Miquel, reçue ces jours derniers. 

M. le Ministre de lInstruction publique demande à 
la Société de lui signaler si oui ou non elle a subie des 
modifications de titre depuis sa fondation. Une réponse 
a été adressée. 


CONFÉRENCE. — M. Pierre Carles fait une intéressante 
conférence sur l'histoire de la botanique à Béziers, 
(Voir les mémoires). 


2200 


Séance du 13 Février 1895. — Présidence de M. Cannat 


_ CORRESPONDANCE. — L’Academia degli Agiati in Ro- 
vereto, accuse réception de notre Bulletin. 

— L'Université royale d’Upsala, demande l'échange 
de nos Bulletins. (Adopté). 


Dons. — M. Adrien Jeanjean, de Saint-Hippolyte-du- 
Fort, offre à la Société un opuscule sur les Excursions 
géologiques aux environs d’Anduze. 


COMMUNICATION. — M. le Président fait un court ex- 
posé des excursions faites pendant la semaine écoulée, 
dans le tertiaire des environs immédiats de Béziers, 
en compagnie de MM. Miquel, de Barroubio et Pierre 
Carles. 

— M. Jean Crozals communique le programme et les 
conditions de la grande excursion faite dans la Médi- 
terranée et en Orient par le paquebot La Touraine. 


CONFÉRENCE. — M. Constantin de Rey-Pailhade fait 
une excellente conférence sur la multiplication des fou- 
sères et s'étend beaucoup sur leur culture. 


Séance du 20 Février 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — M. Pierre Slizewicz, chimiste à Cette, 
présenté par MM. J. Crozals et Cannat, est admis comme 
membre honoraire. 


Dons. — M. Jean Crozals, offre de la part de la fa- 
mille Duchartre 24 études de notre savant compatriote. 


Sn né à nt … -Énlt  te 


RARE 


COMMUNICATION. — M. le Président annonce la mort 
de M. Argence, ancien membre actif de la Société. 


CONFÉRENCE. — M. Jean Crozals fait une très intéres- 
sante conférence sur lillustre botaniste P. Duchartre. 
Né à Portiragnes en 1811, Duchartre commença ses 
études à Béziers et les acheva à Toulouse où sa famille 
s'était transportée. En 1827, 1l se consacre à l’étude des 
plantes et publie de magnifiques travaux qui lui ont 
valu la considération du monde savant. Parmi ces tra- 
vaux M. J. Crozals signale spécialement le Mémoire sur 
la Géographie botanique des environs de Béziers ; les 
Etudes sur les Aristoloches, que Duchartre à connus le 
mieux de tous les botanistes, les Observations sur le genre 
lys, etc. M. Jean Crozals termine en communiquant à la 
Société une correspondance inédite de Duchartre qui 
a toujours eu des relations empreintes de la plus cor- 
diale amitié avec la famille Crozals. 


Séance du 6 Mars 1895 
Présidence de M. Elie Granaud, vice-président 


CONFÉRENCE. — M. Lacaze-Duthiers fait une confé- 
rence des plus intéressantes, sur un voyage qu'il a fait 
dans l’Aragon. Parti de Gavarni, 1l a traversé la chaîne 
par la Brèche de Rolland, a visité quelques villages espa- 
gnols perdus dans les montagnes et est rentré en France 
à Bagnères-de-Luchon. 


Séance du 13 Mars 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSIONS. — Sont admis conime membres actifs : 


MM. A. Hubert, Dr ès-sciences et Gustave Nivière, 


expert-chimiste, directeurs du Laboratoire 
œnologique et agricole de Béziers, présentés 
par MM. Rousset et Granaud. 

MM. Camman, préposé en chef des octrois, présenté 
par MM. P. Cannat et Empereur. 


Fernand Couderc, propriétaire, présenté par 
MM. C. de Rey-Pailhade et Azaïs. 


EXCURSIONS. — On organise les premières excursions 
de l'année : 10 Armissan ; 20 Saint-Remy, les Baux et 
Marseille. 


CONFÉRENCE. — M.Jean Lafoi fait une conférence sur 
l'Altise de la Vigne. | 


Séance du 20 Mars 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. le Président fait don à la Société d’un 
lot de fossiles du terrain de Nissan. 


CORRESPONDANCE. — M. Chartier-Gulhot écrit de 
Niort que M. Chartier père, habitant Marseille, est à la 
disposition de la Société pour l’organisation de notre 
excursion dans cette ville. 

— L'Université de Californie accuse réception de notre 
Bulletin. 


CONFÉRENCE. — M. Jude Seguy, ancien élève diplômé 
de l'Ecole Nationale d'Agriculture de Montpellier, fait 
une conférence sur un nouvel insecte ampelophage 
l’'Anoxia villosa qu’il a découvert, s’attaquant aux jeu- 
nes plantiers de la plaine de Beauséjour. Quoique jus- 
qu'à aujourd’hui cet insecte ne se soit guère étendu, il 
n’est pas indifférent de le surveiller, car ce melolonthide 


AAC RE 


pourrait devenir redoutable comme son congénère le 
Melolontha fullo avec lequel 1l ne faut pas le confondre 
et qui à Murviel-les-Béziers a occasionné certaines an- 
nées des dégâts. Comme moyens de lutte, M. J. Seguy 
préconise les injections au sulfure de carbone. 


Séance du 27 Mars 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. Biche fait don à la Société d’un lot de 
fossiles du département de l'Hérault. 


BIBLIOTHÈQUE. — Mne Argence, veuve de M. Argence, 
ancien membre, fait don à la Société des ouvrages sui- 
vants : 


Dictionnaire de botanique, de Baillon. 

Les Orchidées, de Puydt. 

Les Palmiers, de Kerchowe. 

Les Fougères (2 vol.), de Rotschild. 

Les Palmiers et leurs alliés, de Grisard. 
Physiologie végétale, Sachs. 

Histoire des Plantes, L. Fiquier. 

Les Plantes à feuillage coloré (2 vol.), Naudin. 
Fécondation croisée, Darwin. 

De la Fécondation, Lecogq. 

Botanique, Desplats. 

Evolution du Règne végétal, Saporta et Marion. 
Insectes et fleurs, J. Lubbock. 

Plantes aquatiques, Helyes. 

Etude des fleurs (3° vol.), Cariot. 

Les Cypripediées, Lebeuf. 

L'Illustration agricole, 17e vol., (N° 17 à 23). 


CORRESPONDANCE. — M. F. Calmès, remercie de son 
admission comme membre correspondant. 


CONFÉRENCE. — M. Pierre Carles fait une conférence 


Te rs 


sur PHybridation des plantes et particulièrement de la 
vigne. Il parle notamment des résultats obtenus contre 
la chlorose dans les Charentes avec les Hybrides de 
Folle Blanche et de Berlandieri. Il termine en mention- 


nant les derniers résultats acquis par MM. de Grasset, 


Millardet, Ganzin, etc. 


EXCURSION 


a 


Le 31 Mars une excursion a été faite à Armissan et la Clape. 
(42 excursionnistes y assistaient). 


Séance du 3 Avril 1895. — Présidence de M. Cannat 


ES 


Dons. — M. Devèze, d’Armissan, offre plusieurs dalles 
avec empreintes végétales. 

CORRESPONDANCE. — M. Frédéric Mistral, le poète 
provençal qui espérait assister à notre excursion de Mar- 
seille, écrit à M. Moulin qu'il regrette de ne pouvoir y 
assister étant obligé le même jour de présider une céré- 
monie. 

— La Société de botanique des Deux-Sèvres remercie 
de l’envoi de nos Bulletins. 


EXCURSIONS. — A la suite de l’excursion de Saint- 
Remy, les Baux, Marseille, quelques d’excursionnistes 
feront un voyage en Algérie et Tunisie. M. Jean Crozals 
organise cette excursion. 


CONFÉRENCE. — M. le sous-préfet Belleudy, membre 
d'honneur de la Société fait une charmante causerie sur 
Marseille et les coutumes locales si bien décrites par M. 
Horace Bertin. | | 


CT RE 


Séance du 10 Avril 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISsION. — M. Joseph Nury, employé de commerce, 
présenté comme membre actif par MM. Boilève et Nury 
Louis, est admis comme membre actif. 


Dons. — M. Constantin de Rey-Païlhade fait don à 
la Société d’un lot d'empreintes végétales. 

CORRESPONDANCE. — La Société Regia lynceorum aca- 
demia de Rome, accuse réception de notre Bulletin. 


Excursion. — M. C. de Rey-Païlhade fait le compte- 
rendu sommaire d’une excursion qu’il a faite à Lodève, 
avec M. B. Biche, de Pézenas. 

— Les dernières dispositions pour l’excursion aux 
Baux, Marseille et l'Afrique sont prises. 


CONFÉRENCE. — M. Jean Miquel, de Barroubio, fait 
une conférence sur la Géologie du département de l’'Hé- 
rault. (Voir aux mémoires). 


EXCURSION 


Les 12, 13, 14, 15, 16 Avril, la Société a fait une excursion 
à Saint-Remy de Provence, les Baux, Arles et Marseille. (34 
excursionnistes y assistaient). 


A la suite de cette course, 6 excursionnistes ont visité 
l'Algérie et la Tunisie. 


Séance du 24 Avril 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. le Président fait don d’un lot de poteries 
romaines provenant de Saint-Remy. 


= ÿé — 


COMMUNICATIONS. — M. Perréal a été nommé prési- 
dent du Conseil général. Des félicitations lui ont été 
adressées. 

— M. Sahuc, notaire à St-Pons, a fait au Congrès des 
Sociétés savantes deux communications au nom de notre 
Société. 

— M. Paul Bülher fait le compte rendu de lexcursion 
à Armissan. 


ARMISSAN & LA CLAPE 


Compte Rendu de l’Excursion du 31 Mars 1895 
Par M. Pauz BULHER | 


MESSIEURS, 


Vous trouverez peut-être assez peu logique que le compte-rendu 
d’une excursion à Armissan et à La Clape, c’est-à-dire dans une 
région où les richesses scientifiques abondent, soit absolument dé- 
pourvu d’études savantes et de ces beaux mots en « um et us » 
qui font la joie de tout vrai naturaliste. Mais je respecte trop, ceux 
qui daignent me prêter un moment d’attention, pour leur exposer 
ici des choses qui ne sont pas de ma compétence et que j'aurais 
puisées, soit dans les nombreux comptes-rendus qui ont déjà paru 
sur Armissan dans les Bulletins de la Société, soit dans les livres 
savants qui traitent de cette partie si intéressante de notre région. 

D’autre part je crois, et j'espère surtout, que, si notre cher Pré- 
sident a bien voulu désigner comme rapporteur, parmi 42 exCcur- 
sionnistes, celui qui est peut-être le moins apte à vous causer 
géologie ou botanique, c’est qu’il désire que ce modeste récit 
donne simplement une idée de l’entrain, de la gaîté et de la satis- 
faction de chacun, qui ont caractérisé cette charmante promenade ; 

‘qu’il serve en quelque sorte de complément au travail de notre 


D IE 


7 


y en 


LME 


cher collègue M. P. Carles, qu’a publié en date du 3 avril dernier 
le journal L'ÆHérault. Je recommande cet excellent article à tous 
ceux d’entre vous, qui désirent avoir une idée exacte de la partie 
scientifique de cette excursion. 

Ceci dit je vais essayer de vous faire un tableau aussi vrai que 
possible de ce dimanche passé si agréablement en si nombreuse et 
bonne compagnie. 

Je vous ai dit déjà que nous étions 42, chiffre fort respectable 
pour la première excursion de l’année ; j’ajouterai que plusieurs 
de ces Messieurs avaient eu l’excellente idée d’amener leurs dames 
et leurs enfants, ce qui ne manque pas d'ajouter du charme et de 
l’entrain à nos excursions. 


C’est le train de 6 h. 45 du matin qui avait été désigné pour 
nous transporter à Narbonne, où deux beaux omnibus à trois 
chevaux, comme nous n’avons pas le bonheur d’en posséder à 
Béziers, nous attendaient devant la gare. Chacun s’installe selon 
son goût, dans l’omnibus fermé ou dans le tramway ouvert; les 
plus intrépides même, grimpent sur l’impériale, malgré l’air vif du 
matin et l’aspect menaçant du ciel. 


Nous voilà en route pour Armissan et, quoique la végétation 
soit très en retard le paysage ne manque pas d’attraits. L’horizon 
est borné derrière nous par les derniers contreforts des Cévennes, 
qui ne nous apparaissent que comme une masse sombre et grise, 
servant de fond à la ville de Narbonne, à sa majestueuse cathé- 
drale surtout, autour de laquelle toute la ville est étroitement 
groupée comme un troupeau fidèle et craintif autour de son berger 
protecteur. Mais-le soleil manquant à lappel, tout cela est bien 
gris et nous préférons regarder de droite et de gauche, où le pay- 
sage est plus en harmonie avec notre exubérante gaîté. La route 
est bordée, en effet, de larges fossés, remplis d’eau bien claire, 
dans laquelle de jeunes plantes à peine sorties de terre semblent se 
mirer, toutes surprises de se voir si fraîches et belles ! De nom- 
breux petits ponts pittoresques et coquets, conduisent de la route 
dans des vignes ou dans des prés dont quelques-uns ont déjà pris 
cette teinte vert tendre qui fait tant de bien à la vue au sortir de 
l'hiver. Les fleurs sont encore peu nombreuses, mais les quelques 
narcisses, rouquettes, etc., qui se montrent çà et là, n’en sont 
que plus fêtées par nous, de même que les arbres fruitiers qui en- 
tourent de bouquets blanes et roses de gentilles petites maisons de 


ER = 


plaisance, qu’on appellerait châlets dans les pays de montagnes, 
grangettes à Béziers, barraquettes à Cette, mais dont j'ignore le 
nou à Narbonne! Tout est bien tenu, tout respire la propreté et 
l’aisance et nous apparaît dans une tranquillité, un recueillement 
qui nous rappellent que c’est dimanche ! 


Cependant voici, sur le bord de la route, fier et menaçant, un 
mur très haut, la façade d’un ancien château féodal sans doute, 
dernier vestige d’une puissance disparue ; amas de pierre qui ne 
parait se maintenir que par le dévouement d’une partie d’entre 
elles qui, au premier danger, abandonnent leur position élevée 
pour venir en aide à leurs malheureuses compagnes d’en bas et 
les aider à sauver de la ruine cet édifice lourd et déséquilibré. 


Puissant sujet de méditations pour le penseur qui est préoccupé 
de l’avenir d’une organisation sociale et qui sait voir dans les 
êtres inanimés les précieux enseignements et les exemples qu’ils 
nous offrent souvent | 

Mais nos pensées sont aussi loin de l’économie sociale que de 
l’histoire ou de la philosophie, car nous voici aux pieds des der- 
niers massifs des Basses Corbières ; nous voyons disparaître sur 
notre gauche le village de Vinassan et nous nous engageons sur la 
route qui nous conduira à Armissan et à La Clape. Elle a de la 
peine à se frayer un passage entre des rochers arides et des tas de 
pierres emmenées du haut de ces plateaux où tout n’est que cail- 
loux amenés par les torrents qui en descendent par les temps de 
pluie. 

Bientôt nous voyons apparaître au fond d’un vallon étroit, le 
village d’Armissan, village bien propre, aux maisons soigneuse- 
ment entretenues, aux petits jardins coquets, aux habitants aima- 
bles et hospitaliers! On s’y sent à l’aise malgré sa situation défa- 
vorable, éloignée de tout grand centre, des chemins de fer, des 
cours d’eau ; il serait certes bien digne de se trouver sur un côteau 
verdoyant, à l’ombre d’une belle forêt ou au bord d’une rivière au 
gracieux murmure. Mais ses habitants n’envient pas ces douces 
choses si opposées à tout ce qu’ils voient chez eux ; ils se conten- 
tent de l’air embaumé de plantes aromatiques qui leur vient de 
toutes parts, de leur travail, de leur industrie, de leur vie tran- 
quille et paisible. 


En entrant dans le village nous ne tardons pas à rencontrer 
M. Devèze qui nous reçoit avec cette amabilité franche et cordiale 


“en 9 2 


qu’il a toujours si largement su: prodiguer aux membres de notre 
Société. Dans notre Bulletin de 1876 nous lisons qu’il fait déjà un 
accueil chaleureux à nos excursionnistes ; c’est donc, vous le voyez, 
un ami de longue date! 

Armissan ! Tout le monde descend de voiture! Ceux qui sont 
perchés sur l’impériale n’en sont pas fâchés, car il n’y fait pas 
chaud et à Narbonne les banquettes sont mal rembourrées sur les 
impériales! [ls ont pourtant eu quelque compensation à leur infor- 
tune, car à l’entrée dans le village, leur position élevée leur a 
permis de faire par les fenêtres ouvertes, des études d’intérieur qui 
ont nécessairement échappé aux autres excursionnistes. 


Sans perdre de temps notre petite caravane se dirige vers l’ate- 
lier de M. Devèze où se préparent les dalles d’Armissan, qui, 
comme vous le savez, sont spécialement employées pour les mar- 
ches d'escalier. Je dirai même mieux, la nature semble les avoir 
destinées elle-même à cet usage, car elles sont composées de cou- 
ches étroites, très droites et parallèles et facilement séparables par 
quelques coups de ciseau habilement donnés. 

Et quelle surprise pour le naturaliste quand :il est favorisé du 
hasard et qu’il tombe sur une dalle riche en empreintes végétales 
ou animales. Les premières surtout sont excessivement nombreu- 
ses et l’on croirait voir dans certaines de ces plaques fraîchement 
ouvertes, une page d’herbier sur laquelle un botaniste aurait réuni 
tous les végétaux d’une région. Les empreintes sont généralement 
d’une vivacité et d’une netteté remarquables, on croit même quel- 
quefois y voir un reflet verdâtre,; les fougères, le saule, le pin, 
l’érable, en un mot toutes les plantes qu’on trouve encore aujour- 
d’hui dans les régions tempérées, y sont facilement reconnaissa- 
bles, et de temps à autre une tête ou quelques écailles de poisson, 
une squelette de tortue ou un groupe de coquillages, viennent 
attester clairement aux yeux même du moins expert, que le sol que 
nous foulons était occupé autrefois par un lac pittoresque entouré 
d’une végétation abondante! Le croirait-on quand on ne voit au- 
tour de soi qu’aridité désolante et que le plus chétif arbuste ne 
trouve plus une nourriture suffisante sur ces montagnes absolu- 
ment lavées. &« Triste retour des choses d’ici-bas! » 


Après avoir consacré à la recherche de ces fossiles toute l’atten- 
tion que méritait cette intéressante partie de son programme et 
tout le temps (bien insuffisant il est vrai) que nous accordait ce 


EN 


dernier, nous nous dirigeons vers la galerie d’où l’on extrait ces 
dalles calcaires, disposées en deux couches parallèles et dont 
l’épaisseur totale et uniforme ne dépasse pas 30 cent. D’une lar- 
geur de ? mètres environ et d’une longueur de près de 300 mètres; 
cette galerie n’est pas précisément aménagée pour servir de lieu 
de promenade! Ce n’est que doublés en deux et des bougies à la 
main que nous nous y engageons. 

Arrivés au fond nous nous asseyons dans l’argile humide dont 
toute la galerie est tapissée. Ce n’est pas dans l’intention d’y lais- 
ser nos empreintes, mais pour écouter les explications d’un ouvrier 
qui nous montre la façon d’extraire les dalles, ainsi que pour 
permettre à nos épines dorsales respectives de reprendre un peu 
de leur souplesse première. 


À la sortie nous attendent, un petit sourire significatif aux 
lèvres, ceux de nos compagnons qui ont cru devoir se dispenser 
de cette visite souterraine, intéressante malgré tout! Mais les 
braves se reconnaissent toujours et c’est avec une certaine fierté 
que nous conserverons jusqu’au soir, sur nos dos, les marques ar- 
gileuses de notre vaillance! 

Il ne nous reste plus qu’à remercier bien chaleureusement 
M. Devèze et à prendre le chemin de Ramade, non sans emporter 
dans nos sacs, à côté de nos vivres, de nombreux et précieux caiïl- 
loux destinés à enrichir nos collections particulières ou celle de 
la Société. | 

Nous voilà gravissant des collines pour en redescendre ensuite 
du côté opposé, suivant un instant un ravin pour reprendre d’as- 
saut, aussitôt après, une seconde colline ! Je ne vous dirai rien du 
paysage, car il est toujours aussi sauvage, triste et désolé et chacun 
de nous se félicite intérieurement de ne pas avoir attendu au mois 
de juillet pour visiter ces parages où le soleil doit être bien cruel! 

Hélas ! pauvre soleil! où es-tu au moment où nous pensons à . 
toi ? Tes rayons ne nous parviennent que faiblement à travers un 
épais tamis de nuages qui envahissent le ciel de plus en plus! 

Mais nous causons, rions, chantons même (nous n’avions certes 
pas besoin de cela pour faire pleuvoir) et le temps passe sans 
qu’on s’en doute. 

Tout à coup nous voyons apparaître au-dessous de nous, bien 
abrité entre plusieurs collines, un petit coin de terre ou l’industrie 
humaine est parvenue à faire venir de l’herbe, des fleurs, de nom- 


ei = 


breux arbres même qu’une végétation précoce commence déjà à 
colorer d’un vert tendre : en un mot, une oasis dans le désert ! 
« C’est Ramade! » Nous écrions-nous avec enthousiasme en por- 
tant la main dans nos sacs pour nous assurer que nos caïlloux,.… 
je veux dire nos vivres, y sont bien encore! Pauvres ignorants 
qui ne savez pas ce que l’on désigne sous le nom pompeux de 
Ramade! Voyez-vous là-haut, sur la pente rapide qui descend du 
plateau de la Clape, se détachant difficilement des pierres grises 
de la montagne, cette façade où vous apercevez une fenêtre ?....! 
ça, c’est Ramade! Encore un bon coup de collier et nous y 
sommes ! 

Oh! mais c’est mieux que nous ne l’aurions pensé : il y a une 
source, il y a même un arbre, un grand arbre qui lève tristement 
vers les cieux ses bras absolument secs ! Maigre abri contre la 
pluie qui nous envoie déjà ses avant-gardes sous forme de grosses 
gouttes | 

Quelques excursionnistes, des jeunes surtout, avaient formé le 
projet d'aller déjeuner aux pieds même des hauts rochers qui en- 
tourent comme d’une imposante fortification, le sommet de la 
montagne ! Ils l’exécuteront malgré les humides et bienveillants 
avertissements du temps, quitte à se refugier dans quelque creux 
de rochers si la pluie devient par trop incommode. 


Nous, gens prudents, nous nous installons à proximité de la 
maison et commençons à déballer nos sacs, vraies boîtes à surprise 
d’où sortent des bonnes choses sans nombre! 


Mais dans notre court passage sur la terre c’est toujours au mo- 
ment des plus douces illusions et des plus beaux rêves que le 
destin nous arrête cruellement! Hélas, même Ramade se trouve 
sur la terre, est soumise à ses lois et une pluie abondante vient 
soudain nous rappeler à la réalité, nous forçant à emballer avec 
précipitation ce que nous avions mis tant de soin à disposer com- 
modément autour de nous! 

Nous finissons enfin par nous installer sous un hangard, refuge 
peu poétique il est vrai, mais bien utile, car nous y bravons les 
outrages du temps et y mangeons avec un appétit qui n’a de pré- 
cédents que dans des excursions du genre de ia nôtre. Cet exer- 
cice gastronomique west plus interrompu jusqu’à la fin que par 
les ‘bons mots échappés de temps en temps de l’un des coins de 
l'assemblée et qui nous obligent à rire de bon cœur. 


2 00 


Dans l'intervalle la pluie a cessé et notre intrépide Président 
sroupe autour de lui les géologues pour aller à la recherche de 
fossiles dont ils font une jolie récolte. Les botanistes sont moins 
heureux et malgré la peine qu’ils se donnent, ils ne Tone pas. 
grand chose d’intéressant. 


Pendant ce temps-là nous escaladons la montagne et allons 
jouir du splendide point de vue qui s'offre à nos yeux da haut de 
La Clape. Devant nous s'installent en un vaste panorama : Nar- 
bonne, Vinassan, Fleury, Coursan, etc, plus loin notre bonne 
ville de Béziers nous apparaît vaguement à travers la brume; on 
la devine plutôt qu’on ne la voit et nous regrettons vivement que 
l'air ne soit pas plus pur et transparent, car le point de vue serait | 
d’une étendue remarquable. 


Nous parcourons le haut plateau dans tous les sens, non sans 
peine, il est vrai, car 1l est pavé à l’instar de quelques rues de 
nos villes du Midi c’est-à-dire que toutes les pierres dont il est 
couvert sembjient se faire un mâlin plaisir de nous montrer leur 
face la plus aiguë, faisant subir à nos malheureux pieds des con- 
torsions inaccoutumées. Arrivés à l’extrémité Sud-Est du Plateau 
qui finit en un promontoire très élevé, tombant presque à pic sur 
la mer, nous sommes largement récompensés de nos peines, car 
voici la mer venant se briser à nos pieds, à droite l’étang de Gruis- 
san, à gauche, au loin, à l’extrémité du vaste arc de cercle que 
forme la côte, les montagnes d'Agde et de Cette. C’est un coup 
d'œil dont on ne se lasserait jamais et 1l est bien regrettable que 
nous m’ayons pas le temps de nous asseoir sur un roc pour nous 
laisser aller dans le calme de cette majestueuse nature, à de poëti- 
que rêveries !… 

Cependant il faut songer au retour. Nous redescendons vive- 
ment sur Ramade où notre petite troupe se rassemble pour re- | 
gagner d’un pas alerte le village d’Armissan. | 

En attendant l’heure du départ, l’instituteur de la localité nous 
offre gracieusement de nous montrer ses collections, ce que nous 
acceptons avec plaisir. 

Nous faisons ensuite le tour du village qui offre en ce moment 
l'aspect riant et pittoresque des dimanches soir. Les jeunes filles 
dans leurs plus étincelantes toilettes, enchantées surtout d’avoir 
une occasion de les montrer, se promènent bras - dessus, bras- 
dessous par groupes de quatre à cinq. Penchées en avant, l’air 


10 = 


mystérieux, elles parlent à voix basse et paraissent se dire de 
grands secrets ou des choses du plus haut intérêt, ce qui ne les 
empêche pas de devenir plus souriantes et de lancer des regards 
obliques quand elles croisent un groupe de jeunes gens! Ceux-c1 
ont des allures toutes différentes, ils parlent haut, avec de grands 
gestes et se donnent des airs importants |! 

‘Ces études de mœurs villageoises nous intéressent beaucoup et 
à force de promenades et de plaisanteries, nous faisons attendre, à 
notre tour, les tramways que nous attendions tout à l’heure avec 
tant d’impatience. | 

Mais nous voilà au complet. Nous serrons la main à M. Devèze 

et aux quelques Messieurs qui ont bien voulu nous tenir compa- 
gnie jusqu’au dernier moment et nous partons au grand trot de 
nos chevaux, accompagnés des adieux muets de toute la jeunesse 
d’Armissan qui forme la haie tout le long de la route jusqu’à la 
sortie du village, poussé par la curiosité et étonnée de l’animation 
que nous avons apportée dans leur paisible retraite. 
Arrivés à Narbonne notre troupe se disloque, car c’est en somme 
dans cette ville que se termine notre programme. Les uns vont 
visiter rapidement la cathédrale et les principales curiosités de la 
ville, mais la majorité va se rafraîchir dans un café et goûter d’un 
repos bienfaisant en même temps que mérité, tout en causant de 
cette journée si bien remplie et si agréablement passée! 

Messieurs, si vous m’en croyez, c’est dans ces excellentes dispo- 
sitions que nous allons laisser nos excursionnistes sans entamer la 
description de Narbonne ce qui nous emmènerait trop loin et qui 
sortirait de notre sujet! Je crains du reste d’avoir déjà abusé de 
votre complaisance, je dirai même de votre patience et je me bor- 
nerai en terminant de vous engager à prendre part aussi souvent 
que vous le pourrez à ces charmantes promenades de uotre 
Société, promenades récréatives et hygiéniques autant qu’instruc- 
tives, si toutefois la monotonie bien involontaire de mon récit 
ne vous en a pas dégouté pour longtemps |! 


EE 


EXCURSION 


Le 28 Avril, la Société a fait une excursion à Perpignan. 
(43 personnes y assistaient). 


Séance du 1 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs : 


MM. Tremont, place des 3/6, présenté par MM. Can- 
nat et Lecavellé. 
Joseph Durand, rue de la République, 7, par 
MM. Cannat et Migron. 
Becq, ingénieur, allées Paul Riquet, par MM. 
Empereur et Cannat. 


BIBLIOTHÈQUE. — À la suite de l’excursion à Perpi- 
gnan, M. le Dr Donnezan a fait don à la Société des ou- 
vrages suivants dont il est l’auteur : 


Une Excursion du Club alpin. 
Découverte d’une tortue gigantesque à Perpignan. 


CORRESPONDANCE. — M. le Dr Perréal est touché des 
félicitations de la Société, au sujet de son élévation à la 
présidence du Conseil général. 

— M. Paul de Rouville écrit à MM. Cannat, Miquel 
et Firmin, au sujet des terrains de Nissan et du Malpas. 

— M. de Magdelain, membre du Club Alpin de Tou- 
louse, qui a assisté à l’excursion de Marseille avec plu- 
sieurs membres de ce Club, remercie la Société. 

— M. Aubouy, secrétaire général de la Société d’hor- 
ticulture de l'Hérault, demande des renseignements 
pour l’organisation d’une excursion que cette Société se 
propose de faire à Saint-Remy et les Baux, 


EXCURSION. — L’excursion de Perpignan s’est effec- 
tuée dans d'excellentes conditions. Le matin après avoir 
traversé la place Arago, la Société a été reçue par la 
Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- 
Orientales représentée par son Président, M. Ferrer, et 
M. le Dr Donnezan, président de la section des sciences. 
Après la visite du Musée, du Muséum, où là Société a 
fort admiré la Testudo Perpiniana ,le déjeuner a eu lieu 
à l'Hôtel du Helder. Puis on a visité le Cercle de la 
Loge, lHôtel-de-Ville, la Cathédrale, la Citadelle, la belle 
Promenade des Platanes et celle de la Pépinière. La 
Société a repris ensuite le train de 5 heures, enchantée 
de sa promenade et de laffabilité avec laquelle elle a 
été reçue par MM. Ferrer et Donnezan. 


CONFÉRENCE. — M. Pierre Carles fait une conférence 
sur la Répartition des végétaux à la surface du globe. Il 
dit qu'on n’a pas besoin: de remonter au-delà à la pé- 
‘riode quaternaire pour examiner les flores ; puis il traite 
de la question de lPacclimatation et de la naturalisation 
des espèces, s’arrêtant spécialement sur les plantes de 
notre région. Les modes de transport par Patmosphère, 
les eaux, les animaux, l’homme, etc, sont successive- 
ment examinées. M. P. Carles parle encore des études 
faites à Port Juvénal, à Agde, à Bessan, à Lodève, à Bé- 
darieux, à Hérépian, etc., et termine en signalant les 
points qui restent encore obscurs dans cette très inté- 
ressante question de la naturalisation des végétaux. 


Séance du 8 Mai 1895 —- Présidence de M. 4. Lamouroux. 


) 


Doxs. — MM. Migron et Laurent offrent un lot de 
fossiles des environs de Béziers. 


66 


— MM. Donnadieu et Linières, de St-Chinian et de 
Babeau, offrent un lot de fossiles du Silurien. 

CORRESPONDANCE. — [l’Académie Royale des Scien- 
ces de Lisbonne nous fait part de la perte douloureuse 
qu’elle vient d’éprouver en la personne de son Secré- 
taire-général Manuel Pinheiro Ghagas. La Société envoie 
ses compliments de condoléance. 

CONFÉRENCE. — M. André Hubert, docteur ès-scien- 
ces, fait une intéressante conférence sur l’Argon ; après 
avoir fait l'historique de la découverte de ce corps, 1l 
parle de son état de combinaison dans la Clevite avec 
l’Helium, métal que l’on n’a guère trouvé que dans le 
soleil ; il termine en parlant du nouvel élément et des 
problèmes qu’il paraît présenter aux investigations des 
chimistes. 


EXCURSION 


Le 12 Mai, une excursion a eu lieu à Réals et Murviel. (60 
personnes y assistaient). 


Séance du 15 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. le Président offre à la Société des débris 
de crustacés recueillis aux Brégines par MM. Cannat, 
Miquel et Carles, le 14 mai. 

— MM. Caïlet et Crémézy, offrent une libellula de- 


presse. 
— M. Amans, appariteur de la Société, un lot de co- 


quilles de Sérignan-la-Plage. 

CORRESPONDANCE. — M. le professeur de Rouville, 
écrit à M. le Président, pour lui demander une étude 
approfondie du lacustre des Fours à chaux de Béziers 
et de Nissan. 


A 0 > 


— M. Gouzin, géologue de l'Orne, offre un lot de fos- 
siles et demande des échanges. | 
COMMUNICATION. — M. de Rey-Pailhade présente relié 
son bel ouvrage, Les Fougères de France. 
— M. Antonin Moulin fait son rapport sur l’excur- 
sion de Saint-Remi et les Baux. | 


LES BAUX & SAINT-REMI 


Compte Rendu de l’Excursion des 13 et 14 Avril 14895 
Par M. ANTONIN MOULIN 


MESSIEURS, 


Je dois encore à l’affectueuse insistance de notre cher et dévoué 
président l'honneur et le plaisir de vous faire le compte rendu de 
cette si agréable excursion que J'ai, plus que tout autre, contribué 
à faire admettre au programme de cette année et que j'avais à 
cœur de voir réussir. 

Qu'il me soit permis, dès le début, d'adresser les plus chaleu- 
reux remerciements de la Société à tous ceux qui ont bien voulu, 
dans ce coin de terre riche en grands souvenirs et où l’hospitalité 
n’est pas un vain mot, s'intéresser à nous et faciliter notre « es- 
courregudo » à l'étrange cité des Baux et aux Antiques de Saint- 
Remi. M. Isidore Gilles, d'Eyragues, archéologue hardi et con- 
vaincu, dont le nom reviendra plusieurs fois dans ce rapport, nous 
a offert sa remarquable étude sur la Campugne de Marius dans 
la Gaule, qui est indispensable au visiteur des Trémaïé et des 
Gaïé. M. Marius Girard, syndic du Félibrige, auteur de deux 
beaux recueils poétiques consacrés aux légendes du terroir natal 
et où l’on trouve beaucoup à glaner, Lis Aupulho et la Crau, a 
été notre guide autorisé et empressé dans la vieille ville baussen- 
que, en compagnie de Mie Marie Girard, sa fille, reine acclamée 
du Félibrige, dont vous avez tous apprècié la grâce et la distinc- 
tion. Enfin, M. Barbier, maire de Saint-Remi, revenu expressé- 
ment de Marseille pour nous recevoir, nous a montré, par le 


ON — 


cordial accueil que je vous avais fait prévoir et qui a dépassé mes 
prévisions, que, si la Provence est partout largement hospitalière, 
elle ne l’est peut-être nulle part plus qu’à Saint-Remi, dans cette 
charmante petite ville de bonne société et d’urbanité réputée que 
l’on ne quitte pas sans regret. 

Après avoir acquitté nos dettes, j'arrive tout d’un trait à Beau- 
caire, la bien nommée (bèu caire, beau coin, bel endroit}, dont le 
château, ruiné mais toujours fièrement campé sur la colline où 
_S’éleva la romaine Ugernum, offre une magnifique vue sur la 
vallée du Rhône qui, en des temps très anciens, finissait là son 
cours dans un golfe du « Sinus gallicus ». La montagne beau- 
cairoise et la montagnette de Tarascon ont été les falaises anciennes 
du rivage de ce golfe que le diluvium du fleuve et de la Durance 
a fini par combler en répandant une immense couche de cailloux 
sur tout ce triangle littoral qui a son sommet à Beaucaire et dont 
la base s’étend de la plage de Cette au golfe de Fos, et qui enferme 
une double Crau, la Crau d’Arles ou de Provence et la Crau de 
Languedoc (1). 

Le château de Beaucaire, par sa position même au point de bi- 
furcation des deux grandes voies historiques de la France méri- 
dionale, entre le Languedoc royal et la Provence comtale et ange- 
vine, a eu de tout temps une importance considérable. En 1174, 
Raimond V de Toulouse y donna des fêtes brillantes auxquelles 
assistèrent plus de 10,000 chevaliers à qui le comte fit distribuer 
cent mille sols, en même temps qu’il faisait semer dans les champs 
voisins jusqu’à trente mille autres sols, bonne aubaine pour les 
numismates à venir. 

Le double siège de 1216 est l'événement le plus mémorable dont 
le château ait été le témoin et le théâtre. Le pays d’Oc, qui avait 
déjà souffert cruellement de la croisade albigeoise, venait de se 
réveiller et de se soulever tout entier à la voix du jeune Raimond 
de Toulouse (fils du comte dépossédé Raimond VI), dont la mar- 
che, de Marseille à Avignon, n’avait été qu’un long triomphe. 
Appelé par les Beaucairois, ce capitaine de 19 ans assiège dans le 
château la garnison installée par les Croisés et se trouve lui-même 
assiégé dans la ville par le terrible Simon de Montiort accouru 


(1) Voir : Elisée Reclus (Nouvelle Géographie Universelle, tome II, La 
France) et Charles Lenthéric. (Les villes mortes du golfe de Lyon). 


= 40 — 


au secours des Français. Pendant un an, les Provençaux luttent à 
la fois contre les assiégés et les assiégeants, et Raimond de Tou- 
louse finit par avoir raison des uns et des autres. Certes, la lutte 
reprendra ensuite où le Midi deva't définitivement sombrer avec 
sa merveilleuse littérature ( brusquement interrompue en plein 
succès » (1); mais ce siège, cette victoire de Beaucaire fut une 
éclaircie au milieu de l’orage, une page joyeuse entre les pages de 
ruine et de sang qui avaient précédé et qui allaient suivre. 

On a prétendu que la foire de Beaucaire aurait été instituée 
l’année suivante (1217) par Raimond VI, en reconnaissance des 
services et du dévouement des habitants : un acte prouve qu’elle 
existait déjà en 1168. Au reste, cette question de date importe 
peu. Ce qui est certain, c’est que l’endroit était admirablement 
choisi pour la création «€ d’un grand marché international destiné 
à mettre les trafiquants de la Langue d'Oc et de la Langue d’Oïl 
en rapport avec ceux de l'Espagne, de l’Tialie et de l'Orient. » (2). 
Plus de 300,000 étrangers se rencontraient, chaque année, du 
22 juillet au 1 août, dans ce champ de foire, encore établi à 
quelques mètres de la rive droite du Rhône, « rendez-vous des 
négociants de Barcelone, de Gênes, de Venise, de Constantinople, 
d'Alep, d'Alexandrie, de Tunis et du Maroc, qui venaient y 
échanger les produits de l’industrie italienne et les marchandises 
du Levant contre les vins, les toiles, les draps et les laines, non- 
seulement du Languedoc, mais d'Angleterre par Bordeaux ou La 
Rochelle » (3). Les bouracans de Béziers et les draps écarlates 
de Montpellier teints au kermès et plus tard à la garance y arri- 
vaient et s’y vendaient en quantité ; mais le trafic le plus impor- 
tant avait et a encore lieu sur les cuirs. 

L'industrie moderne a presque partout tuë les foires par la 
création des chemins de fer qui facilitent les transports et les 
échanges à toute distance. Celle de Beaucaire se survit pénible- 
ment, mais combien différente! On faisait encore en 1836 trente 
_ müllions d’affaires ; on en a fait deux millions seulement en 1874, 
et on en fait moins encore aujourd’hui. La célèbre foire de Beau- 


(1) Léon Clédat, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon. (La Poésie 
lyrique et satirique en France au Moyen-Age, Paris, Lecène et Oudin 1893). 


(2) Elisée Reclus (La France). 


(3) H. Pigeonneau (Histoire du commerce de la France, tome I, Paris, 
Léopold Ceri). 


— 10 — 


caire, autrefois exposition industrielle et commerciale du monde 
entier, n’est plus guère de nos jours que le rendez-vous des musi- 
ciens et des orphéonistes, des bateleurs, des marchands de dattes 
et des chevaux de bois, eh mon Dieu, quelque chose d’à peu près 
pareil à ce que nous subissons, deux fois par an, sur notre place 
de la Citadelle, pour la plus grande joie des badauds et des 
enfants, 


De Beaucaire à Tarascon 
Il n’y a qu’un pont, mais il est long, 


dit le proverbe. Oh oui, il est long (520 mètres), et pas toujours 
commode. Et ce n’est pas sans raison que Gonzague Bompard se 
mettait à quatre pattes pour le traverser et s’accrochait désespé- 
rément au parapet par les jours de grand vent, qui n’y sont pas 
rares. J’en parle par expérience, moi, qui, revenant de Nimes en 
voiture, ai dû abandonner mon chapeau au mistral qui l’a jeté 
dans le Rhône. On vous a parlé souvent de ces coups de vent fu- 
rieux qui renversent les trains sur la ligne de Narbonne à Perpi- 
gnan. Eh bien, mes amis, le vent de Tarascon est proche parent 
de celui de la Nouvelle. En 1845, 1l enleva deux travées du pont 
suspendu qui venait de remplacer l’ancien pont de bateaux et qui 
vient d’être remplacé à son tour par un pont à suspension rigide, 
du même système et de même fabrication que ceux d'Avignon, 
Bon-pas, Cavaillon et Mallemort. : 

Le proverbe n’est plus juste, car il y a deux ponts de Beau- 
caire à Tarascon : le pont suspendu pour les piétons et les voitu- 
res et le viaduc du chemin de fer, à double voie et à refuges, « un 
des plus beaux de l’Europe (1) ». 

Entre les deux cités voisines il y a, comme bien vous pensez, 
quelque peu de rivalité. Beaucaire assure, ce qui est vrai, que 
Tarascon est sa tributaire pour la batellerie du Rhône et du canal ; 
mais Tarascon triomphe sur terre, et les Beaucairois sont forcés 
de passer le pont et d’aller au diable — il] est si long, le pont! — 
prendre les trains à grande vitesse. 


(1) Emilien Frossard, pasteur : Tableau pittoresque, scientifique et moral 
de Nimes et de ses environs à vingt lieues à la ronde (3"° édition, Tou- 
louse, Chauvin et Feillès, 1854). 


qi 


Nous voici en Provence, à Tarascon, dans cette gare affairée 
et bizarrement construite en équerre sur les trois grandes voies 
qui mènent à Cette, à Marseille et à Paris, et « où le mouvement 
incessant des hommes et des marchandises atteint les plus grandes 
proportions (1) ». De la grande gare du P.-L.- M. à la petite gare 
des chemins de fer des Bouches-du-Rhône, il n’y a pas loin, il est 
vrai; mais le temps presse, et vous ne pouvez rien voir de la 
ville, où il n’y a, d’ailleurs, guère à voir, à l’exception de l’église 
de Sainte-Marthe et du château des comtes d'Anjou « le plus 
grand et le plus magnifique monument dont le XVe siècle ait en- 
richi le Midi (2) », devenu, hélas ! une prison, au grand désap- 
pointement de M. Paul Mariéton : « Aujourd’hui, dit-il, le châ- 
teau du roi René sert de prison; on a fait du Palais des Papes 
une caserne, de la ville des Baux une carrière : quand donc lais- 
sera-t-on enfin libres et honorés dans leur vieillesse ces glorieux 
témoins de l’histoire? (3) » 

Léglise paroissiale évoque le souvenir de l’une des Saintes 
femmes que la légende nous montre fuyant la Judée après la mort 
de Jésus et se confiant à une frêle barque qui vint les déposer aux 
embouchures du Rhône, là où s’éleva plus tard la bourgade des 
Saintes-Maries-de-la-Mer. Trois d’entre elles, Marie-Jacobé (sœur 
de la Vierge Marie), Marie-Salomé (mère des apôtres Jacques et 
Jean) et leur servante Sarah (patronne des Bohémiens) s’établirent 
dans cette solitude attristée, y moururent et y furent ensevelies 
dans cette chapelle aérienne de Saint-Michel d’où, une fois par 
an, au mois de mai fleuri, leurs reliques, exhumées en 1448 par 
ordre et en présence du roi René, descendent devant une foule de 
malheureux et de malades venus là de fort loin avec la certitude 
d’une guérison prochaine : 


O Santo, grandi Santo, agués pieta de nous! (4) 


Marie de Magdala, l’illustre pécheresse repentante, se retira à 
Aix et à la Samte-Baume,; et Marthe, avec sa servante Marcelle, 
vint évangéliser Tarascon, où elle enchaîna docilement avec sa 


(1) Elisée Reclus : La France. 


(2) Comte de Villeneuve : Statistique des Bouches-du-Rhône, tome II 
(Marseille, Antoine Ricard, 1824). 


(3) Paul Mariéton : La Terre Provençale (Paris, Lemerre, 1890). 
(4) Mistral : Mirèio (chant I). 


050 


il est bien dégagé, l'impression que l’on ressent à sa vue, du pont 
suspendu ou du viaduc, ou mieux encore des tours délabrées de 
Beaucaire, est presque aussi grandiose que celle que fait éprouver 
le Palais des Papes à l’arrivée par bâteau ou par la rive droite du 
Rhône. Les comtes de Provence l’habitaient pendant leurs fré- 
quents séjours à Tarascon, surtout René qui l’affectionnait et 
dont la postérité lui a laissé le nom. En 1449, il y donna un bril- 
lant tournoi en présence de toute sa cour (1). En 1469, il y était 
encore quand il institua les jeux de la Tarasque. 

Oh ! ces jeux, mon Dieu, ils ne sont pas de la première décence 
ni sans dangér pour les spectateurs. La duchesse d'Angoulême, 
en l'honneur de laquelle on les célébra au commencement de 
notre siècle, s’en montra épouvantée. Il faut voir avec quelle 
indignation en parle le doux pasteur Frossard : c’est une véritable 
saturnale, gémit-il, où toutes les extravagances sont permises et 
qui expose les spectateurs imprudents à de graves désagréments. 
Eh, mon Dieu, mon cher pasteur, il n’y a qu’à ne pas être im- 
prudent et qu’à se garer : 


Lagadigadèu ! la Tarasco ! 


Leissas-la passa, la vièio masco! 


Pauvre mère-grand ! Elle est partie, 1l y a quelque quatorze ans, 
pour la lointaine colonie de Port-Tarascon, «en Polygamille » ; et, 
au retour, arrachée du pont par la tempête, errant tristement en 
pleine mer et prise pour une baleine, elle a reçu sa première et 
unique blessure. Et de qui ? Du héros tarasconnais, de ce Tartarin 


(1) Les 1°, 3,5 et 8 juin. Louis de Beauvau, sénéchal d'Anjou et plus 
tard grand sénéchal de Provence, nous a laissé une relation poétique (Le 
Pas d'armes de la beraïère) de ce « tournoy » auquel il prit lui-même une 
part brillante avec Philibert de l'Aigue, Philippe de Lenoncourt, Jehan de 
Cossa, Guy de Laval, Ferry de Vaudemont, Tanneguy-Duchâtel, Antoine 
de Pontevez {sire de Cabannes, fils de Jehan, grand sénéchal) et même 
Honorade de Glandevez, femme de ce dernier seigneur : 


Une gente damoiselle nommée 
La dame de Cabannes vrayement. 


La « bergière » ou « pastourelle », choisie pour. payer les vainqueurs 
« d’ung baisier. et d'ung annel », était, comme l’année précédente à Saumur, 
la belle ef toute jéune Jehanne de Laval (fille du comte Guy, seigneur de 
Loué), qui devait devenir, six ans plus tard, la deuxième femme du roi 
René avec lequel elle fit dans ce pays dé Provence, qu’elle aimait comme 
lui, de fréquents et agréables séjours que la légende a poétisés et-popu- 
larisés. 


ceinture le monstre affamé de chair humaine qui a donné son 
nom à la ville, sorti du Rhône aux environs de la citadelle de 
Jupiter (Arx Jovis) élevée sur le rocher — alors insulaire — où 
fut bâti plus tard le château. 

Il est admis que l’église, dédiée à Sainte-Marthe, a été édifiée 
sur les ruines d’un ancien temple romain. On y voit des tableaux, 
dont quelques-uns remarquables, retraçant les principaux actes de 
la vie de Sainte-Marthe : six de Vien, deux de Vanloo, et d'au- 
tres de Mignard, Parrocel, etc... Le tombeau de la Sainte, en 
marbre blanc, est au fond de la crypte, avec dés reliques qui ont 
été visitées par le pape Urbain I au retour du Concile de Cler- 
mont, par Clovis, par Louis-XT, et sans doute aussi par. Louis IX 
qui s'arrêta à Béaucaire et très probablement à Tarascon en 1254, 
à son retour d'Egypte et de Terre Sainte. A droite de l'escalier 
qui conduit à la crypte est le tombeau, surmonté d’une statue cou- 
chée, de Jehan de Cossa, devenu grand sénéchal de Provence à 
Ja mort de Louis de Beauvau (1462), et qui fut avec lui le plus 
brave et le plus fidèle serviteur du bon René (1). 


Le chäteau se dresse solidement sur des rochers qui surplom- 
bent le Rhône, devenu plus sage et plus lent depuis Avignon. 
D'abord citadelle romaine, il fut rebâti vers 1291 par le vertueux 
Charles IT, dit le Boiteux, neveu de Saint-Louis, puis rebâti de 
nouveau vers 1400 par Louis IT d'Anjou et embelli ensuite par le 
roi René (2). Il présente du côté de la ville deux belles tours 
rondes et du côté du fleuve deux tours carrées irrégulières. Monu- 
ment historique, il était à votre passage et 1l est encore en répa- 
ration, et vous n'avez pu le voir qu'incomplètement ; mais, quand 


(1) M. de Villeneuve fait mourir Jehan de Cossa en 1476. Cette date ne 
peut être exacte, puisque son nom est cité parmi ceux des nobles person- 
nes qui ont assisté à l'ouverture du testament de René à Aix (22 juillet 
1480). 


(2) René d'Anjou, dit « le bon roi René », né à Angers Le 10 janvier 1408, 
d’abord duc de Bar, puis duc d'Anjou, comte de Provence, roi des Deux- 
Siciles (de nom, sinon de fait) à la mort de son frère Louis IIT (24 octobre 
1434), marié très jeune [le 14 octobre 1420) à Ysabeau de Lorraine plus 
jeune encore, veuf le 28 février 1452, remarié (le 10 septembre 1455) à Jehanne 
de Laval désignée à son choix par les barons d'Anjou et de Provence, mort 
à Aix le 10 juillet 4480. Fut d'abord enseveli dans la cathédrale de cette 
ville, puis transféré — non sans protestations — dans l’église Saint-Mau- 
rice d'Angers, où il repose auprès de sa première et vaillante épouse, sui- 
vant ses dernières volontés. La ville d'Aix lui a élevé une statue en mar- 
bre (1839) et celle d'Angers une statue en bronze (1853), toutes les deux 
dues au ciseau du grand David. 


= 


dont le tir impeccable faisait dans les Alpes l’émerveillement de 
la mihiliste Sonia. Elle est revenue depuis à Tarascon, malgré 
l’assertion narquoise du juge Robert du Nord ; et, touie bril- 
lante en sa carapace repeinte, elle est allée amuser ces badauds de 
Parisiens. Mais elle porte toujours, hélas ! au milieu du front, la 
marque indélébile du coup de feu de Tartarin. | 


Tartarin! Est-il possible de parler de Tarascon sans songer à 
cet étonnant Don Quichotte, mâtiné de Sancho Panza, dont ce 
charmeur de Daudet a raconté — et avec quelle verve! — la 
grandeur et la décadence. Car, après avoir connu les joies de la 
popularité, il a fini ses jours, vous le savez, en mars 1883, dans 
les tours de Beaucaire, en Languedoc, en terre étrangère et pres- 
que ennemie, chez les Volsques quoi, abandonné de tous sauf de 
Pascalon et de Bompard, après avoir tressé des chaussons de 
lisière au château du roi René, lui, le grand Tartarin, l’orateur 
jadis acclamé du cercle et le champion des chasseurs de casquettes! 
Péchère!..…. 

Il n’y a pas à dire, grâce à ce « gueusard » de Daudet, le nom 
seul de la ville de Tarascon, qui n’est n1 plus ni moins ridicule — 
et plutôt moins que plus — que la plupart des petites villes de 
province, provoque irrésistiblement le rire, comme celui de l’in- 
dustrieuse et studieuse cité de Carpentras, non moins raillée et 
plus injustement encore. 

Il fallait au malicieux écrivain, méridional lui-même et quelque 
peu {artarinisant — au bon sens du mot —, une ville du Midi et 
du Midi rhodanien pour synthétiser, en un caractère poussé à l’e- 
xagération, cette vantardise et cette loquacité que l’on affirme être 
naturelles aux Provençaux, mais qui fleurissent aussi, paraît-il, 
— du moins, on me l’a assuré — sur les bords de la Garonne et 
même sur le boulevard des Italiens. Et il a pris, entre beaucoup 
d’autres, à cause de sa seule sonorité, ce nom de Tarascon, qui 
sonne haut et clair comme un appel de fifre et de tambourin. 


En réalité, Tarascon, vieille ville laborieuse et non bruyante, 
siège d’une très ancienne et importante viguerie avant la Révolu- 
tion et dotée d’un rêgime municipal des plus parfaits qu’elle avait 
conservé depuis l’époque romaine, chef-lieu de l’arrondissement 
d'Arles jusqu’en 1816 et aujourd’hui encore chef-lieu judiciaire 
avec un Tribunal civil, un Tribunal de commerce et la Conserva- 
tion des hypothèques, ville importante par sa gare, par sa très 


— 15 — 


vaste caserne de cavalerie qui loge fort aisément un régiment en- 
tier de dragons, par les grands vignobles de son riche terroir, ne 
mérite pas sa réputation de verbosité ni le ridicule attaché à son 
nom. Mais quoi, les légendes ont la vie dure, et celle-ci vivra 
longtemps. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est encore d’en prendre 
son parti et d’en rire tout les premiers : C’est ce qu'ont le bon 
esprit de faire, quoi qu’on en dise, les habitants de Tarascon. 
Vous pouvez m'en croire, car j'en suis un peu, comme vous, 
comme tout le monde, d’ailleurs. C’est encore Daudet qui l’a dit, 
et il lui sera beaucoup pardonné pour ce mot : « En France, tout 
le monde est un peu de Tarascon. » 
x 
X + 

Et maintenant, messieurs, en route pour Saint-Remi, au rez- 
de-chaussée ou au premier étage, par la ligne de Tarascon à Orgon. 
Voici la gare de Saint-Etienne-du-Grès, les haltes de la Rode, 
Bagatelle et la Massane (cette dernière non loin de la route des 
Baux), et Saint-Remi enfin où vous trouvez à la gare, voisine de 
l’importante minoterie de M. Mistral-Bernard — un pauvre diable 
qui n’a qu’une vingtaine de millions pour tout avoir —, prévenu 
de votre arrivée par un flot de paroles et de joyeuses exclamations 
qui s’envolent par les portières ouvertes, un de vos bons amis, 
celui-là même à qui vous prêtez en ce moment une si indulgente 
attention. 


St-Remi, où nous pénétrons par la route de Maillane, « Maiano- 
en-Prouvènço », patrie d’un très grand poète qui n’a pu, bien à 
regret, répondre à l'invitation de la Société, et par un large cours 
fort ombragé ei bordé de belles maisons avec serres et jardins qui 
annoncent le bien-être, est, sans nulle flatterie, la plus attrayante 
petite ville de Provence que je connaisse, accueillante et gaie, et 
active, et industrieuseé, tirant de son territoire éminemment fertile 
et propre aux récoltes les plus variées tout ce qu’une culture réflé- 
chie, secondée par l’arrosage, permet d’en tirer. 

La Durance a coulé autrefois dans le bassin de Saint-Remi, 
d’abord de l’est à l’ouest par Orgon, ensuite du nord au midi par 
Château-Renard, à l’époque géologique où les Alpilles faisaient 
suite au Léberon et la montagne de Noves à celle de Caumont sans 
interruption ; puis elle fit une première trouée au défilé d’Orgon 
et plus tard une deuxième aux environs de Château-Renard, et prit 


= ÿ6 = 


à peu près son cours actuel. Deux bras néanmoins continuèrent à 
se détacher de la capricieuse rivière à ces deux points de trouée : 
le premier et le plus ancien, au Trou-Turquet près d’Orgon (le 
Louérion de Strabon) ; le deuxième, qui n'a entièrement tari qu’au 
XIVre siècle, entre Château-Renard et Rognonas (la Duransole 
ou petite Durance). Ces deux bras, que les Romains avaient rendu 
navigables et qui étaient en communication avec la Durance, le 
Rhône et la mer par les étangs et marais d'Arles et les Fosses 
mariennes, enfermaient, d’Orgon à Ernaginum ou St-Gabriel où 
se faisait leur jonction, le bassin de Saint-Remi dans une île 
d’alluvions, marécageuse aux parties basses ou paluns aujourd’hui 
desséchées et défrichées en très garde partie (1), pierreuse et jon- 
chée de galets druentins aux parties plus élevées que l’on désigne 
sous le nom de Craus (2). 

Grâce au canal des Alpilles creusé en partie dans le lit de l’an- 
cien Louérion et au ÆRéal alimenté par l’Auriol de Romanin et 
des « gaudres et laurons » et qui, joint au Æéal de Château-Re- 
nard et d’Eyragues alimenté par les « roubines palunenques », 
va former le Vigueirat où canal de la viguerie de Tarascon (cor- 
respondant approximativement à l’ancienne Duransole et versant 
ses eaux à la mer par l’étang de Galéjon), la campagne de Saint- 
Remi est comparable, pour les bienfaits de l'irrigation, à tout ce 
qu'il y a de plus abondamment arrosé en France et en Europe : 
la vallée de la Têt aux environs de Perpignan, les huertas de 
l'Espagne et les plaines de la Lombardie. 

Aussi tout y vient-il à souhait. Le foin et la luzerne poussent 
dans toutes les parties arrosables ; la vigne, dans la direction de 
Saint-Etienne-du-Grès ; le blé, peu rémunérateur, sur les coteaux 
de la petite Crau ; l'olivier, sur le plateau des Antiques, par-des- 
sus ces carrières de l’ancienne Glanum, dont l’exploitation — 
presque récente — des carrières de Fontvieille et des Baux a bien 
réduit l’importance, mais qui ont été jusqu’au XVIIIe siècle, et 
surtout à l'époque romaine impériale, sans rivales et en pleine 
prospérité. Les cultures dominantes sont celle du chardon et la 
culture potagère et florale, dont les produits sont acquis, façonnés 


(1) Paluns de Saint-Remi, Eygalières, Mollégès, Saint-Andiol, Verquiè- 
res, Noves, Evragues, Rognonas, Graveson, Maillane. 

(2) Craus de Saint-Remi, Evragues, Château-Renard, Noves, Saint-An- 
diol, Mollégès, Orgon. 


RTE. 


etexpédiés dans le monde entier par de vieilles et honorables mai- 
sons commerciales. En été, quand les plantes, et principalement 
la marjolaine, épanouissent leurs: fleurs multicolores, la Jolie terre 
Saint-rémoise est. comme un immense parterre qui fait le régal 
des yeux. 

La ville de Saint-Remi a une population de 5,636 habitants, à 
peu près stationnaire et plutôt décroissante depuis deux siècles, 
mais qui à été en moyenne de 9,800 du IV° siècle de notre ère 
au XIIe, avec un maximun de 14,000 au IX£e, Ce chiffre si élevé 
du IX® siècle a amené dernièrement M. Deloche à conclure que 
Saint-Remi avait, dès cette époque;« une origine déjà ancienne », 
et, comme conséquence, à contester l'identification de cette ville 
avec la station gréco-romaine de Glanum ou Glanicum ou avec le 
bourg de Fretum (Freta ou Fretus) élevé sur les ruines de Glanum 
après la destruction de cette cité par les Wisigoths (1). 

On peut accorder volontiers au savant académicien que la ville 
de Saint-Remi avait, en eflet, au [Xe siècle, « une origine déjà 
ancienne » et qu’elle a existé « dès les temps mérovingiens », 
puisqu'elle aurait été fondée, au nord de Glanum et sur les bords 
du ZLouérion, dès la fin du Ve siècle, et qu'il y avait déjà, en 
501, à l'emplacement du bourg actuel, un hameau dit de Saint- 
Pierre qui fut visité par Clovis se rendant au siège d'Avignon et 
par l’évêque Saint-Remi, auquel il en fut fait donation et dont il 
prit le nom (Fanum Sancti Remigü). Au IXe siècle, la ville de 
Saint-Remi avait donc déjà une existence de quatre siècles ; et, 
comme les habitants de Fretum étaient venus l’accroître, lorsque 
ce bourg eut été rasé par les Sarrasins, on s’explique que les deux 
agglomérations réunies aient eu une population importante. 

Mais iout cela ne démontre aucunement que la ville de Saint- 
Remi ne corresponde pas, à quelque 1,500 mètres près, au comptoir 
massaliote et à la station aurélienne de Glanum. Il est prouvé, 
par le calcul exact des milles romains, que Glanum se trouvait 
sur la terrasse des Antiques, à la jonction des voies d'Arles à 
Milan par Apt et d'Arles à Rome par Aix, Marseille, Gênes et 
Pise. Si la ville importante, dont les monuments attestent irré- 
cusablement l’existence, n’est pas Glanum, quelle est-elle ? Il 
serait bien difficile de le dire, car il n’en est aucune autre qui 


(1) Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et belles-lettres (septembre 
1890). 


—ND—— 


réponde, de façon aussi approximative, aux indications relative- 
ment précises des Z{inéraires anciens. 

Vous pouvez donc être pleinement rassurés. C’est bien le sol 
sacré de Glanum que nous foulerons demain, dans notre pieuse 
visite aux Antiques. Mais en voilà assez sur ce sujet. Nous som- 
mes arrivés, tout en bavardant, à l’hôtel du Cheval-Blanc, caché 
dans la verdure et dont la tonnelle, malencontreusement supprimée 
pour l'installation d’une banale salle vitrée, a été le théâtre de 
mainte agape félibréenne. Il ne saurait plus être question ici de 
Glanum ni de Fretum, ni même — que l’Institut me pardonne ! — 
de M. Deloche : il est midi, messieurs, et la seule chose qui vous 
intéresse pour l'instant, c’est le diner de M. Alphon. 


+ 
x x 


Après le repas et le café, deux omnibus, bondés, cacaluchés 
comme on dit en Provence, où les toilettes claires et les ombrelles 
des dames se détachent agréablement en plein soleil, nous emmè- 
nent aux Baux par une route qui traverse la Crau Massane et le 
Réal et laisse voir, au levant, sur le coteau de Canillac, les ves- 
tiges de la « Tour du Cardinal » (1), puis se met à monter et à 
zigzaguer et ne présente plus, à gauche et à droite, que des landes 
pierreuses, où ne vivent que l’amandier et l’olivier, bordées elles- 
mêmes de roches nues, d’aspect calciné, pareilles, dit Elisée Reclus, 
à celles de Sicile et de Grèce. 

Et, de fait, cette évocation de la Gièce dans une région qui a été 
ionienne par les Phocéens massaliotes, vient tout naturellement à 
Pesprit du touriste nourri de lectures classiques. Vraiment, ce site 
est grec, s’écrie M. Mariéton sur la terrasse des Antiques ; et le 
chemin des Baux, avec les champs riverains brülés par l’ardent 
soleil, l’incite encore aux ressouvenirs helléniques : « Là, derrière 
nous, le ravin âpre, attristé, qui fuit dans ces collines, c’est la 
Grèce, l’'Hellade des pâtres, où les abeilles distillaient leur miel 
immortel. » (2). 


(1) La « Tour du Cardinal » rappelle le souvenir du brillant pape Clément 
VI, qui s’y était fait construire un pavillon avec cette originale inscription, 
bien faite pour éloigner les importuns : Rure tibi vivas, aliis dum viæeris 
urbe. Le millésime de 1428, qui y est gravé, doit se rapporter à quelque 
Pots et non à la construction première qui n’a pu avoir lieu que de 

44 4 1994. 


(2) La Terre Provençale. 


ie 


Et la route monte toujours, encaissée entre la montagne à droite 
et toute une longue théorie de « pierres plantées » qui la protègent 
à gauche contre le précipice béant au fond duquel est l’ancienne voie. 
L’attelage, comme celui de la fable, sue, souffle, est rendu :il faut 
descendre. C’est, d’ailleurs, un délice de marcher un peu, par cette 


douce et sereine après-midi d'avril, devisant par petits groupes, 


aspirant les toniques senteurs d’aspic et de thym, « d’espi e de 
ferigoulo » que les Alpilles parfumées exhalent à profusion. 

Enfin, après une dernière côte et une brèche étroite taillée dans 
la roche tendre, le cirque des Baux apparaît, immense et effrayant, 
ou plutôt les cirques apparaissent, car il en est plusieurs, étagés 
concentriquement ou simplement juxtaposés, depuis le fond de 
l’abime tapissé de verdure et rafraichi par l’onde pure d’une 
fontaine, jusqu’à l’esplanade ouesplanure qui ferme à l’est le der- 
nier amphithéâtre et où s’élèvent et s’effritent chaque jour de plus 
en plus les imposantes ruines du château des princes des Baux. 

Notre visite commence par le Val d’Enfer, entaillé et resserré 
naturellement entre ( des roches étrangement tourmentées, qui se 
dressent, se creusent, se prolongent sur le vide en gigantesques 
entablements, jardins aériens qui soutiennent des végétations éche- 
velées (1). » Cette gorge d’Enfer et les cirques environnants, si 
semblables « à la vallée douloureuse sur la montagne » et aux neuf 
cercles infernaux de la Divine Comédie, le nom même de baus (en 
italien balzo) que le poète donne aux escarpements du séjour des 
damnés, tout cela a fait penser, non sans raison (2), que le grand 
proscrit gibelin, qui a certainement habité Arles où il à connu et 
admiré la poésie de nos troubadours dont quelques-uns ont trouvé 
place en son Paradis, a très probablement aussi, pendant son long 
et dur exil (1302-1321), vu la cité des Baux, voisine d’Arles et à 
peine au commencement de son déclin. ( 

Au fond de la gorgeest la grotte des Fées, « lou Trau di Fado », 
que le peu de temps dont nous disposons ne nous permet pas d’ex- 
plorer et qui, d’ailleurs, — je peux vous l’assurer, pour y avoir 
laissé autrefois un lambeau de ma blouse d’écolier — n'offre d’autre 
curiosité que le vol effaré et tournoyant d’une multitude de chau- 
ves-souris. C’est là que le poète de Mirèio a placé le séjour de 


(1) Jules Canonge : Notice historique sur la ville des Baux, 1844. 
(2) C’est l'opinion de Mistral (Mirèio : Note 4 du VI° chant). 


Tavèa, la sorcière au terrible pouvoir, « la masco pouderouso » : 
c’est là que le pauvre Vincent, humble vannier de Vallabrègue, 
« umble banastiè valabregan », amoureux et aimé de la belle et 
riche fille de « mèste Ramoun », est apporté sanglant, la poitrine 
ouverte par la ( fichouiro » du traître € gardian » Ourrias, son 
rival ; et c’est de là que, mystérieusement guéri par la sorcière 
compatissante, 1l sort avec sa douce amie, enfin consolée; par la 
orotte de la colline de Corde, dite aussi Z7ou des Fées, que la 
légende fait communiquer souterrainement avec celle des. Baux. 

Rejoignant la route, au sortir du Val d’'Enfer, nous passons près 
des blocs énormes qui recouvrent l’ancien moulin à huïle des Baus- 
sencs, auquel se rattache une tragique légende que M. Marius 
Girard, notre aimable guide, a fait revivre dans « Lis Aupilho », 
et nous escaladons la rampe qui mène au Plan du Château, 


Amount sus li roco pelade, 
Sus.l1i grand tourre esbarboulado 
Ounte trèvon, la niue, li vièi prince di Baus (1). 


Ah ! mes amis, si la montée est rude, de quel magnifique coup 
d'œil n’est-on pas récompensé là-haut, tout là-haut, sur cette 
« esplanure », d’où le regard embrasse : aux environs toute la val- 
lée des Baux, des castellas d’Aureille et de Mouriès à lantique 
abbaye romane de Mont-Majour ; et, au loin, les clochers de la 
ville d'Arles ; la Crau, dont l'immense nappe, stérile et nue comme 
les terres sahariennes, présente des bandes riantes transformées 
par le canal de Craponne en vertes oasis ; la Camargue, aux vastes 
et riches vignobles, aux marécages salins où viennent s’abreuver 
avidement les « manades » de noirs taureaux : et, plus loin encore, 
la ligne argentée du Rhône et les « écharpes d'or » des étangs 
méditerranéens. 


C’est à une trentaine de mètres, en contre-bas et au sud-est de 
la terrasse, sur un quartier de roc éboulé après le démantèlement 


(1) Mirèto (Chant Il). 


+ 81 — 


de la place et au-dessus du vallon d’Entre-conques d’où jaillissent 
les sources qui alimentaient en partie Paqueduc romain de Bar- 
begal, que se trouvent, à 200, mètres environ l’une de l’autre, les 
deux stèles des Trémaié et des Gaïé, la première découverte par 
M. le marquis de Lagoy, dont le nom demeure justement attaché 
aux fouilles des Baux .et de Glanum (1). 

M. Jules Canonge, dans son attachante Notice, les décrit ainsi 
sommairement : « L’une, droite, se termine en aiguille vers son 
extrèmité supérieure ; large et arrondie à la base,haute d’une ving- 
taine de pieds, elle présente au passant étonné les restes d’une 
inscription latine (2) et trois grandes figures largement drapées à 
la romaine. L'autre, à moitié renversée sur le côté, porte, sculptés 
à mi-corps, une femme et un vieillard et une inscription qu’il m’a 
êté impossible de déchiffrer. » 

Une croyance locale, rapportée par M. Canonge, identifie les 
Trémaié avec les trois Maries qui auraient débarqué à cet endroit 
et s’y seraient reposées à une époque où la mer venait battre le pied 
du plateau des Baux et qui, repoussées par une population inhos- 
pitalière, se seraient rembarquées pour aller enfin s'arrêter et se 
fixer au lieu dit depuis les Saintes-Maries ou Notre-Dame de Ja 
mer : 


Colo baussenco, Aupilho bluio, 
Vôsti calan, vôstis aguhio, 

De nosto predicanço à toustèems gardaran 
La gravaduro peirounenco (3). 


M. Isidore Gilles s’élève avec véhémence contré cette croyance, 
aussi bien, d’ailleurs, que contre celle qui a trait à l’église des 
Saintes-Maries de la mer, croyances qui paraissent ne dater, d’a- 
près lui, que du Xe ou du XIe siècle, et dont l’origine ne peut 


(1) « Louis-Roger-Xavier de Meyran, marquis de Lagoy, né ax château 
de Lagoy en juillet 1789, mort à Aix le 16 avril 1860, membre correspon- 
dant de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, le numismate le plus : 
érudit du midi de la France. Ses recherches archéologiques sont bien con: 
nues, et son travail sur les monnaies de la Provence, et surtout celles se 
rapportant à Marseille, a été fort précieux pour la science. » — (Norbert 
Bonaïous : Almanach de Provence, 1861). 


5 ee F. CALDVS 
4 x POSE PS. 
(3) Mirèto (Chant XI). 


es, ‘| es 


se justifier « ni par l’histoire, ni par la tradition, ni par les monu- 
ments. (1) ». Pour lui, Marthe, Marie-Madeleine, Lazare et les 
autres saintes femmes et apôtres de la miraculeuse barque ne sont 
jamais venus en Provence, ont vécu et sont morts à Béthanie en 
Judée où leurs reliques reposent encore dans le caveau de leurs 
pères, et il conclut que la croyance aux « Saintes » n’est pas un : 
dogme, mais « une légende entée sur la stèle des Baux. » 

Ces bas-reliefs, d’après le hardi archéologue d'Eyragues, seraient 
en réalité consacrés, comme le mausolée de Glanum, à la gloire 
de Marius, dont le nom est resté très populaire en Provence, et 
pour lequel M. Gilles, malgré son grand âge, s’est pris d’une 
juvénile passion. Les Trémaïé (tres Marii imagines), sculptées en 
l'honneur du grand général par les soins de Caldus, l’un de ses 
lieutenants, représenteraient Marius, sa femme Julie et Marthe, 
la prophétesse syrienne que Plutarque nous montre suivant en 
litière, avec de grands honneurs, l’armée des Romains et modérant 
par ses prédictions l’impatience des Celtoligyens, leurs alliés. La 
stèle des Gaïé ou Caïé (Can imagines), qui aurait été un autel des- 
tiné aux sacrifices humains encore en usage, ne comporte que deux 
personnages qui seraient encore Marius et Marthe: « Le premier 
buste, à la droite du spectateur, surmonté d’une tiare, est celui de 
Marthe la syrienne ; l’autre, à qui manque la moitié de la figure, 
he peut être que Marius. On voit distinctement, au-dessous des 
deux personnages, une inscription très frusteen trois lignes où 
hous croyons lire Marius et Mariannæ (2) ». 


On peut ne pas partager le sentiment de M. Gilles, que semble 
confirmer la Carte comparée des bouches du Rhône anciennes et 
modernes de M. Ernest Desjardins (3), en ce qui concerne la tra- 
dition des « Saintes » de Notre-Dame de la mer; qui n’est pas 
inconciliable avec les données scientifiques (4). Mais son interpré- 


jetù Isidore Gilles : Campagne de Marius dans la Gaule. (Paris, Thorin, 
10). 

(2) id. id. 

(3) Ernest Desjardins : Aperçu historique sur les embouchures du Rhône. 
(Paris, 1866). 


(4) « L'état Dydrogrentone du rivage et des oscillations de la côte per- 
met d’affirmer l'existence de la plage des Saïintes-Maries au 1°" siècle de 
notre ère, et le débarquement de nos premiers apôtres est un fait géologi- 
quement possible. » (Les Villes mortes du golfe de Lyon). 


PAUSE on 


tation des sièles des Baux est admise par M. le pasteur Destandaü 
(1) et paraît acceptable à M. Charles Lenthéric qui repousse, aussi 
énergiquement que M. Gilles lui-même, la version du débarque- 
ment des « Saintes » au pied du rocher baussene comme « con- 
traire à l’évidence des faits, à la topographie locale et à la tradition 
constante. » 

Ce qui donne plus de poids encore à cette interprétation, c’est 
qu’il est à peu près 1rréfutablement démontré que Marius, dans sa 
célèbre campagne contre les Ambro-Teutons revenus d’Espagne et 
voulant pénétrer en Italie (104—102 av. Jés.-Ch.) eut là en partie 
son dernier campement, établi d’Ernaginum à Glanum et aux 
Baux, celui des Barbares occupant les hauteurs de Lagoy et d'Ey- 
ragues d’où (par la voie aurélienne et le défilé d’Orgon laissés 
libres à dessein) ils allèrent, suivis par l’armée romaine, se faire 
exterminer dans la vallée de l'Arc (2). | 


* 
« + 


La ville des Baux, si l’on veut bien tenir pour fabuleuse la tra- 
dition du mage Balthazar, paraît être d’origine massaliote ou tout 
au moins romaine, comme l’attestent les inscriptions des bas-re- 
liefs, de nombreuses médailles et des débris de poteries recueillis 
un peu partout et jusque dans la grotte des Fées où Marthe la 
syrienne aurait rendu ses oracles. Les Marseillais traversaient le 
territoire des Baux pour se rendre à l’emporium ou marché de 
Glanum, et 1l est possible qu’ils y aient créé une station. Il est 


(1) Promenade dans la ville des Baux (Marseille, Imprimerie commerciale 
Sauvion, 1890). 


(2\ Selon M. Gilles, Ernaginum, station très importaste d'Utriculaires 
au confluent de deux bras de Durance et peut-être, aussi d’un bras du 
Rhône, était à la fois le quartier général de Marius et son port sur les 
Fosses martennes dans lesquelles il voit l’ancienne Duransole débouchant 
à la mer par l'étang de ie contrairement à l'opinion commune qui 

lace le canal de Marius de l'étang de l’£stouma (ancien golfe de Stoma- 
imné) au Rhône, à l'endroit où se détachait la grande bouche marseillaise 
qui n'est plus aujourd’hui que la roubine de Bras-Mort. Cette manière de 
voir de M. Gilles est partagée par M. Charles Lenthéric, dont l’autorité 
est si grande en cette matière : « Les fameuses Fosses mariennes n'ont été 
et ne pouvaient être qne le régularisation d'un chenal navigable au milieu 
de tous les étangs parallèles au Rhône; de manière à permettre aux navires 
de charge de remonter de la mer. jusqu’à Arles et à Ernaginum, et de venir 
ravitailler l’armée de Marius campée sur le plateau des Alpilles. » (Les 
Villes mortes, etc...) 


EC 
certain, en tout cas, que, si la cité des Baux n'existait pas encoré 
au moment de la campagne de Marius, elle dut être fondée à cette 
époque, c’est-à-dire au plus tard dans les dernières années du IIme 
siècle avant notre ère. | 

On ne sait rien de précis sur son histoire jusque vers le milieu 
du IXe siècle, où l’on voit apparaître un certain Poncius ou Pons, 
bisaïeul de Pons le jeune dont le nom est mentionné dans un acte 
authentique du 14 mai 971 relatif à une donation faite à l’abbaye 
de Mont-Majour. À partir de ce moment, le pouvoir et la renom- 
mée de la maison des Baux ne font que grandir de jour en jour. 
Guerriers puissants et redoutés, alliés à des maisons illustres et 
même royales, maitres de 79 places dites baussenques (au nombre 
desquelles étaient les bourgs importants de Trinquetaille, Marti- 
gues, Aubagne, la Ciotat, Pertuis, et les communes voisines de 
Saint-Remi, Maussane, Paradou et Mouriès), sénéchaux du Comtat, 
podestats d’Arles et d'Avignon, vicomtes de Marseille, princes d’O- 
range, ducs et grands dignitaires du royaume de Naples où leur 
nom (del Balzo) s’est perpétué jusqu’à nos jours (1), battant mon- 
naie à leur effigie par privilège de la reine Jeanne et sur le point 
de devenir les maitres de la Provence entière avec Raïmond 1er et 
Etiennette à la mort de la comtesse Gerberge, les seigneurs des 
Baux sont mêlés activement à toute l’histoire du Moyen âge. 

Leur grandeur est à son apogée au XIII° siècle où la ville, quatre 
fois plus étendue que de nos jours, compta jusqu’à 3.600 habitants. 
Le déclin commence avec Barral 1%, neveu par alliance du comte 
de Toulouse Raimond VIT et père de Cécile dite Passe-Rose pour 
sa remarquable beauté, lequel, par suite d’accords secrètement con- 
clus (1249—1£251) avec la régente Blanche de Castille et le grand 
ministre provençal Romée de Villeneuve, livra la République 
d’Arles et fit hommage de toutes les terres qu’il possédait, et spé- 
cialement du château des Baux, à Charles 1er d'Anjou, alors captif 
en Egypte avec son frère Saint-Louiset devenu comte de Provence 
par son mariage avec l’héritière de la maison de Barcelone (2). 


(1) « En 1847, un Pyrrhus des Baux est étranglé dans sa prison par ordre 
du roi de Naples, contre lequel il s'était révolté. » (Xavier de Ricard, Petit 
Méridional du 18 juin 1887). 


(2) Béatrix, quatrième fille du dernier et brillant comte catalan Raimond- 
Birenger IV et de Béatrix de Savoie. Elle fut, comme sa mère, la protec- 
trice des troubadours, dont la poésie fleurit surtout aux XII et XIII 
siècles, sous les comtes de la maison de Barcelone (1112-1245) et sous Charles 
1: d'Anjou (1245-1285). 


DTRENS. 


Moins de deux siècles plus tard, Alix, comtesse d’Avellin et 
dame de toutes les Terres baussenques, étant morte sans postérité 
(1426), les Baux et tous les autres biens de sa succession, malgré 
les clauses formelles d’un testament, furent saisis par droit d’au- 
baine et réunis au domaine comtal sous le règne de Louis III 
d'Anjou, frère et prédécesseur du roi René, pour être annexés au 
royaume de France, avec la Provence entière, grâce à l’habile poli- 
tique de Palamède de Forbin, en 1481, à la mort de Charles du 
Maine, neveu et successeur de René et dernier comte angevin. La 
baronnie des Baux, terre adjacente, fut ensuite administrée pendant 
plus d’un siècle (1513-1631), par des barons gouverneurs, puis 
reprise par Louis XIII et érigée par lui en marquisat (1643) en 
faveur de la famille princière de Monaco, qui la restitua en 1791 
contre une forte indemnité, et dont le descendant porte encore les 
titres, purement honorifiques, de marquis des Baux et seigneur de 
Saint-Remi. 

La Révolution consomma la rume de la cité baussenque. Les 
habitants d'Arles, vengeant tardivement l’injure du traître Barral, 
la saccagèrent et lui volèrent ses archives ; les villages voisins de 
Maussane, Mouriès et Paradou, qui avaient jusque-là fait partie 
de la baronnie et du marquisat des Baux, devenus plus importants 
que la ville, amoindrie et déchue, dont ils relevaient, secouèrent 
le joug et obtinrent (en l’an IV) d’être érigés en communes dis- 
tinctes. Les Baussencs désertèrent de plus en plus le rocher aride 
et désolé où ne les retenait plus le danger des guerres féodales ou 
des invasions sarrasines ; et la population se réduisit dans de telles 
proportions qu’elle est à peine aujourd’hui le dixième de ce qu’elle 
fut au XIIe siècle. 


Cette petite population, au reste, est vaillante et très éloignée de 
l’effroyable détresse qu'ont dépeinte certains écrivains du Midi, 
avec une pitié quelque peu méprisante. Ce bien-être relatif pro- 
vient surtout de l’exploitation des carrières. Et ici, messieurs, nous 
touchons à la question des Baux — car il y a nne question des 
Baux, et Dieu saït si elle a fait assez de tapage depuis un an ! — 
et je me permettrai d’en parler en toute sincérité. 

Les félibres, à l’égard desquels je ne puis être suspect d’antipa- 


Enr; 


thie et pour l’un desquels au moins — vous savez qui je veux dire 
— je professe la plus profonde admiration, ont entrepris une vive 
campagne contre « les actes de vandalisme qui se produisent aux 
Baux et en faveur d’un morceau de Provence que les Barbares ont 
entamé (1). » Vous vous rappelez le cri d’alarme de M. Mariéton : 
« On a fait des Baux une carrière. » L’ÆEclair de Montpellier parle 
de destruction et de sacrilège : « Un véritable sacrilège contre 
l’art, l’histoire, la poésie et la nature est sur le point d’être con- 
sommé : des extractions de pierres sont en train de détruire les 
magnifiques ruines des Baux. » Un correspondant anonyme de 
l'Arôli, d’une indignation très érudite, précise les points minés et 
excavés (darbouna, drainés par les taupes), l’entrée du Val d'Enfer, 
le cimetière gallo-romain, l’église Saint-Claude, tout le promon- 
toire des Baux enfin, et protesté contre la délibération communale 
du 11 novembre dernier où l’on a fait semblant, dit-il, « de s’oc- 
cuper de la question en votant quelques phrases sur l’impuissance 
du conseil à empêcher le mal (2). » Cette délibération, si critiquée, 
que vous avez pu lire dans les journaux régionaux, s’élève, comme 
bien vous pensez, contre les reproches injustifiés — c’est le conseil 
qui parle — adressés à l’administration municipale des Baux, qui 
prétend avoir fait tout son devoir, n’avoir pas laissé toucher à une 
seule pierre des « édifices communaux classés historiques », et 
affirme sa sollicitude pour « les ruines grandioses dont elle est si 
fière et qui attirent journellement tant de nobles visiteurs. » 
Telle est la question. Qui a raison ? Qui à tort ? Les deux par- 
ties apparemment ont à la fois raison et tort. J’admets volontiers 
que la municipalité se soit décerné trop complaisamment un brevet 
de sollicitude ; mais 1l m’a paru, et il vous a paru à tous, après la 
visite des lieux, que la campagne de presse organisée contre elle 
avait vraiment dépassé la mesure. IL y a contradiction, en tout cas, 
à demander pour les Baux la tutelle de l'Etat et à se réclamer en 
même temps d’un groupe littéraire qui livre bataille, et avec raison, 
pour la décentralisation et les franchises communales (3). 
Qu'étaient les Baussencs, il y à 50 et même 40 ans seulement ? 
M. Canonge va nous le dire : « Comme je suivais le versant de la 
dernière colline, j’aperçus dans la plaine deux femmes conduisant 


(1) Adrien Frissant (Aïôli du 17 octobre 1894), 
(2) Acôli du 27 Novembre 1894. 
(3) id. id. 


— D — 


des ânes : je ne crois pas que la misère se soit jamais présentée 
sous de plus tristes haillons et des traits plus douloureux. » Ces 
femmes avouent que le village des Baux est pauvre, que son terri- 
toire ne produit que des lierres et des herbes sauvages qu’on va 
vendre aux villes voisines, er Arles surtout, et que les deux char- 
ges que, d’ailleurs, elles n’ont pas pu vendre, valent tout au plus 
trente sous. Et M. Canonge de conclure : « Aïnsi ces malheureuses 
avaient travaillé plusieurs jours, fait huit lieues, elles et leurs ânes, 
peur gagner trente sous, et revenaient sans avoir pu y parvenir ! 
Et de ce misérable trafic dépendait l'existence de deux familles, 
de toute une population (1). » Même impression d’indigence chez 
M. Frossard : « Lorsque nous visitâmes la ville des Baux, le plus 
morne silence régnait parmi ses hôtels délabrés ; plus loin nous 
aperçümes quelques enfants en guenilles et quelques femmes hâves 
et mal vêtues. A notre aspect, elles firent entendre ce cri de mi- 
sère qu’on croirait ne devoir retentir qu'aux approches des grandes 
villes. Elles nous conduisirent à l’esplanure où se trouvait réunie 
la population, triste et chétive. Ce spectacle faisait pitié (2) ». Et 
le charitable pasteur Frossard, comme le poète Canonge, ajoute 
qu’il a distribué à ces besogneux toute la monnaie qu’il pouvait 
avoir. 

J'imagine que personne ne veut voir les Baux rétrograder à cette 
lamentable misère que l’éxploitation des carrières a changée, je l’ai 
dit déjà, en un bien-être relatif, dont les habitants se contentent ; 
et vous savez combien ceux que nous avons entretenus ont insisté 
sur ce point. 

Et alors il y a deux choses également indiscutables, et au fond 
conciliables : il faut que les carriers, dont les concessions ont été 
obtenues, peut-être à bas prix, mais dans les formes légales, ne 
soient point inquiétés dans leur exploitation ; et il faut aussi que 
les ruines grandioses de l’antique cité monolithe soient préservées 
d’une destruction plus ou moins imminente. 

Et le moyen ? Il n’y en a qu’un, et je le trouve très sagement 
exposé par M. Joseph Hilaire, conseiller général du canton de 
Saint-Remi, qui a montré, dans toute cette affaire, beaucoup de 
sang-froid, de jugement et de goût : &« Faire acheter par l'Etat les 
terrains couverts par ces belles ruines, et en même temps obtenir 


(1) Notice historique, etc. 
(2) Tableau pittoresque, etc. 


MOER— 


de la Commission des monuments historiques de s'imposer tous les 
sacrifices possibles pour la conservation des parties classées et qui 
ne sont nullement soignées ni entretenues (1). » Là, et là seule- 
ment, est la solution équitable qui sauvegardera à la fois l'intérêt 
privé, l'intérêt communal et l’intérêt supérieur de Part. 


Le château des Baux fut probablement construit vers le Vme ou 
le VIme siècle. En partie détruit en 1355 par Robert de Duras, en 
1482 ‘ou 1483 par ordre de Louis XI, il fut définitivement ruiné, à 
la prière des Communautés voisines ét sur adjudication, en mars 
1632, vingtans après celui de Noves acquis de l'archevêque d’A- 
vignon par des Etats de Provence quien avaient arrêté la destruc- 
tion, et à la même époque que ceux de Beaucaire et d’Orgon jetés 
bas suriles instructions de Richelieu, l’inflexible démolisseur des 
répairés féodaux (2). 

Que reste-t-il du château ? Une partie de la belle voûte ogivale 
de l’église Sainte-Catherine ; une petite porte, surmontée d’une 
feuille d’acanthe qui forme, avec les deux sculptures du donjon, les 
seuls ornements encore visibles de l’ancien édifice ; des fossés 
rétouverts de débris ; desrestes de remparts ; et, du côté du Levant, 
deux tours de grandes proportions, plongeant dans l’abime, autre- 
fois reliées par une galerie et maintenant sans aucune communi- 
cation : « le tout, constituant un ensemble de ruines imposantes, 
étranges, difficiles à décrire, tant est grand leur bouleversement et 
Téur état de chaos (3), » Ce n’est plus, dit Séverine, « que ruines 
béantes, mi-creusées dans le vif du roc, mi-construites par la main 
des hommes : partout des rinceaux, desogives, des trèfles effeuil- 
és, des rosaces brisées... (4) ». Toutes ces choses mortes, les 


(H Lettre à M. Adrien Frissant (Aïôk du 17 octobre 1894). Ajoutons que 
M. Hilaire a reçu un commencement de satisfaction par une lettre de l'é- 
minént architecte Révoil l’informant qu'il était chargé « d'adresser à M. le 
Ministre des Beaux-Arts un rapport sur l’état des ruines et monuments 
historiques dés Baux et de lui proposer les mesures à prendre pour la con- 
servation des parties les plus intéressantes de ces ruines. » (Petit Marseil- 
lais, 1% décembre 1894). 


(2) Celui de Tarascon, qui ne rappelait aucune exaction, devait aussi être 
détruit et avait déjà trouvé un adjudicataire : les lenteurs calculées du 
Parlement réussirent à le sauver. 


(3) Abel Destandau : Promenade dans la ville des ‘Baux. 
(4) Eclair de Paris (3 avril 1895). 


= 188 — 


unes à Jamais enfouies, les autres pitoyablement délabrées, pleurent 
leur grandeur passée, car les choses aussi ont des larmes : Sunt 
lacrymeæ rerum ! 

O beaux jours des XTI° ct XITI siècles, jours de plaisirs et de 
combats, de joie et de deuil, de chants et de sang, où êtes-vous ? 
Où les « troubadou » s’accompagnant de la vielle et faisant reten- 
tir Ja strophe indignée du siroentès ou dialoguant subtilement dans 
l’'amoureuse {ençon ? Où les seigneurs guerroyeurs et turbulents, 
les princes lettrés, protecteurs des « irouveurs » et « trouveurs » 
eux-mêmes, se délassant de la galanterie par la bataille et de la 
bataille par l’amour ? Où les gentes châtelaines jugeant les chan- 
sons « courtoises » et présidant aux tournois poétiques ? 

Durant cinq siècles au moins, les preux chevaliers qui reposent 
là, sous les ruines amoncelées, &« barons indomptables, âpres fils de 
la Provence abrupte (1) », braves jusqu’à la témérité, mais incons- 
tants et chercheurs d’aventures, 


Cerco-malur, ome de chaple (2), 


ont promené, en Terre Sainte et sur tous lés champs de bataille de 
l'Europe méridionale, la comète à seize rayons d’argent de la mai- 
son des Baux, 


Et in... 1: la proumiero —- 
Pèr soun antique noum e pèr sa resplendour — 
Di grand familho prouvençalo : 
Raço d’eigloun, jamai vassalo, 
Qu’eme la pouncho de sis alo 
Aflourè lou cresten de touti lis autour (3). 


Et, durant des siècles encore, de la grande Etiennette et d’Alasie 
de Porcellet qui fut baisée déloyalement au front par ce fou de 
Pierre Vidal à Baussette chantée par Pierre Roger et à Jehanne 
qui fut la compagne de Fanette de Gantelme et peut-être de Laure 
de Noves au Tribunal de « Gay-Saber » de Romanin, les dames 
et « damoïselles » qui dorment là leur dernier sommeil, embellirent 
et éclairèrent de leurs charmes et de leur grâce cette « esplanure » 


(1) Mistral : Calendau (chant I). 
(2) id. id. id. 


LE) ME 1 2 id. id. 


D —- 


ensoleillée et alors si animée, d’où se dégage à cette heure une 
impression d’immense tristesse : 


O princesso di Baus ! Ugueto, 
Sibilo, Blanco-Flour, Bausseto, 
Que trounavias amount sus li roucas aurin, 
Cors subre-bèu, amo galoio, 
Dounant l’amour, largant la Joio 
E la lumiero, li mount-jo1o 
De Mount-Pavoun, de Crau li trescamp azurin 


Encaro vuei dins soun mirage 
Se represèntoun vôste oumbrage… 
Li ferigoulo meme an counserva l’oudour 
De vôsti piado ; e m’es vejaire 
Que vese encaro, — galejaire, 
Gentiéu, courridu e guerrejaire, — 
Que vese à vôsti pèd canta li troubadour (1). 


Vous me pardonnerez cette délicate citation de Calendau, un 
chef-d'œuvre et peut-être le chef-d'œuvre « mistralenc », qu’il n’est 
pas plus permis d’ignorer, quand on parle des Baux, qu’il n’est 
permis d'ignorer Verto en parlant du Palais des Papes ou Mirèio 
en parlant de la Camargue ou de la Crau. 


* 
FE 


Le lendemain, jour de Pâques, notre deuxième journée d’excur- 
sion s’ouvre, à Saint-Remi, par un ciel toujours serein, au son des 
cloches qui annoncent l’arrivée de Mgr l’archevêque d'Aix, dont 
le nom vous est assez connu par des polémiques récentes et qui est 
venu donner la communion aux hommes. 

De bonne heure, je dois le dire à votre éloge, vous êtes tous sur 
pied et prêts à partir pour les Antiques, où nous arrivons par la 
route de Maussane, après une petite marche salutaire, sous la con- 
duite de M. Barbier, maire, qui à tenu à nous faire lui-même les 
honneurs des deux précieux monuments devant lesquels, en rap- 


(1) Calendau (chant I). 


ER" EN 


porteur fidèle et Provençal fervent, j'ai pris soin de noter l’admira- 
tion émue et presque religieuse dont aucun de vous n’a cherché à 
se défendre. 

Les deux monuments sont distants l’un de l’autre d'une douzaine 
de mètres : celui du nord est un Are de Triomphe, celui du midi 
un Mausolée. 

L’Arc a malheureusement bien souffert des injures du temps ou 
des hommes ; il a perdu son attique et les chapiteaux de ses huit 
colonnes cannelées, et on a dù le protéger par une toiture en dalles. 
Les bas-reliefs placés entre les colonnes des deux faces principales, 
les quatre personnages des tympans, les caissons hexagonaux de la 
voûte, les rosaces, la guirlande de fruits de l’archivolie, toutes les 
sculptures enfin que l’édifice dégradé permet encore de voir sont, 
d’après les connaisseurs, absolument remarquables. 

Le Mausolée, dont j’emprunte encore la description à la Statis- 
tique des Bouches-du-Rhône, est construit à trois étages sur un 
double socle. Le premier étage, carré et massif en apparence (1), 
est orné de bas-reliefs représentant des combats. Le deuxième est 
carré aussi, mais percé à Jour, avec une arcade à chaque face entre 
deux colonnes corinthiennes ; c’est ce deuxième étage qui porte, 
sur l’architrave de la face nord, l'inscription si connue et si dis- 
cutée : 


SEX. 0. M. EVLIEI. C. F. PARENTIBVS. SVEIS. 


Le troisième étage s’élève sur un fort entablement qui porte un 
soubassement circulaire, d’où se dégage un péristyle de dix colonnes 
corinthiennes ou espèce de temple à jour dans lequel sont placées 
deux statues de deux mètres de hauteur : 


Dous generau de pèiro eilamount dins lis èr (1). 


L'état de conservation du Mausolée est presque parfait : « C’est 
l'édifice romain le mieux conservé qu’il y ait dans le monde (2). » 
Quelques travaux urgents de réparation et de consolidation y furent 
exécutés, comme à l’Arc, au XVIIIe siècle, puis encore en 1817, 


(1) M. le comte de Villeneuve dit qu’il est massif ; mais M. Marius Gi- 
rard, architecte en même temps que félibre, dans des fouilles entreprises en 
1866 sous les auspices de la Société archéologique de Saint-Remi et avec 
l’assentiment de M. Révoil, s’est assuré qu’il ne l'était pas. 

(2) Mirèio (Chant IV). 


(3) Elisée Reclus (La France), 


= = 


1818, 1819, sous la direction de M. Penchaud, architecte départe- 
mental, à qui l’on doit, à la mème époque, les plans de récons- 
truction de l'Eglise et les plans du nouvel Hôtel-de-Ville (3). Ces 
réparations, au reste, furent faites de façon habile et non apparente, 
et M. le pasteur Frossard, qui n’aime pas que l'on touche aux 
ruine, même pour les conserver, veut bien convenir que les Anti- 
ques « n’ont pas reçu trop d’atteintes de la part des conservateurs. » 
Il paraît qu’ils en ont recu dela part d’autres personnes. Le même 
pasteur Frossard nous apprend que les deux statues de la coupole 
du Mausolée, « les deux généraux de pierre », furent nuitamment 
dépouillées de leurs têtes. Et par qui? Messieurs, vous l’avez tous 
deviné : par des Anglais : C’est leur facon à eux d'admirer nos 
chefs-d’œuvre. 

Je n’étonnerai personne, je crois, en disant que les archéologues 
ne sont point d’accord au sujet de ces monuments. Pour M. de 
Villeneuve et M. Marius Girard, deux choses paraissent évidentes : 
« l’Are est antérieur au Mausolée, la sculpture du Mausolée est 
inférieure à celle de l'Arc. » Maïs voici M. Frossard qui estime, 
au contraire (avec M. Isidore Gilles et un savant de Berlin dont 
le manuscrit est conservé à Saint-Remi), que le Mausolée et l'Arc 
sont contemporains et qui ajoute que les deux monuments « le 
cèdent à plusieurs autres sur notre terre classique sous le rapport 


(1) L'ancien était la maison (avec l'inscription Soli Deo), aujourd'hui dé- 
molie, du célèbre Nostradamus (Michel de Nostre-Dame), astrologue, mé- 
decin ordinaire du roi Charles IX, auteur des Centuries, né à Saint-Remi, 
mort à Salon où son tombeau se voit encore (1503-1565) ; petit-fils de Pierre, 
qui fut premier médecin du roi René, frère de Jean, (procureur au Parle- 
ment, poète provençal et auteur de l’Atstoire des Troubadours), et père de 
César, Charles et André, (César auteur d’une Histoire de Provence et ami 
de Malherbe, Charles et André, poètes provençaux). Sairnit-Remi est aussi 
la patrie du troubadour Peyre qui v mourut vers 1264; du savant abbé 
Expilly (1719-93), auteur du précieux Dictionnaire des Gaules et de la France, 
malheureusement inachevé ; du docteur Marie-Denis Pellissier (1765-1829), 
membre de la Convention et des Cinq-Cents, mort à Nyon (canton de Vaud, 
Suisse), sur les bords du Léman, à quelques lieues de la France, après 13 
ans d’exil noblement subis au nom de la liberté, fils d'André qui fut de la 
Constituante, père d'André-Marie Toussaint et de Jules, et grand-père d’Al- 
bert. docteur distingué de la capitale, qui continue brillamment la tradition 
médicale et libérale d’une famille justement populaire ; et enfin de Joseph 
Roumanille (1818-1891), le Cascarelet de l'Armana prouvençau, né dans un 
mas du quartier des jardins : 


Dins un mas que s’escound au mitan di poumié, 
Un bëu matin, au tèms dis iero, 

Siéu na d’un jardinié mé d’uno jardiniero, 
Dins li jardin de Sant-Roûümié. 


ne. 


ANT 
du goût qui a présidé à leur construction ». Allons done, réplique 
Mistral sur ce dernier point, (les Antiques n’ont pas leurs pareils, 
pour l'élégance et la beauté,ni en France ni en Italie (1).» Et Elisée 
Reclus ne cache pas sa préférence pour le Mausolée que Jean 
Goujon aurait vu, dit-1l, et dont 1l se serait certainement inspiré : 
« Telle est la grâce de ce monument et d’autres édifices romains 
de la Provence qu’on a pu les attribuer à des architectes de Mar- 
seille ayant conservé, quoique sous la domination romaine, les 
traditions de l’art hellénique (2) ». Oui, ce tombeau est grec, et 
grec aussi est le plateau par ses arbres, par ses plantes, par ses 
senteurs, par les Alpilles dentelées et grillées qui sont presque à 
portée de la main et que domine le pic altier de Gaussié, dit le 
lion d’Arles : 


Lou leioun dis Aupilho, 
Lou leioun roucassié 
De Gaussié (3). 


L’Arc, que l’on a généralement cru le plus ancien des deux édi- 
fices, paraît se rapporter au temps de Jules César pour M. Isidore 
Gilles, de Titus pour M. Frossard, de Trajan pour MM. de Ville- 
neuve et Marius Girard, de Marc-Aurèle pour Mérimée (4). L 
Mausolée serait du temps de Jules César encore selon MM. Gilles 
et Elisée Reclus, du 1e siècle après Jés.-Ch. selon M. Frossard, 
du Bas-Empire selon MM. de Villeneuve et Marius Girard. Le 
nom de Jules,que porte l’inseription, n’aurait, d’après ces derniers 
archéologues, rien de commun avec celui de Jules César, et le su- 


_perbe tombeau, que toutes les générations ont admiré, serait tout 


simplement la sépulture d’une obscure famille de Jules établie à 
Glanum et qui avait par pur hasard un illustre nom. 

Sans avoir aucune prétention — Je l’ai dit déjà au sujet du Palais 
des Papes, et je le répète — à fa science archéologique, il me 
semble inexplicable que M. le comte de Villeneuve, qui a rattaché 
étymologiquement le souvenir de Marius à une foule de noms de 
lieux,n’ait pas songé à lui en présence des monuments de Glanum. 


(4) Aïôli du 17 mars 1891. 
(2) La France. 
(3) Merius Girard : La Crau (Avignon, Mme Vve Roumanille, 1894). 


(4) Celui d'Orange a été attribué de même à Marius, à Auguste, à Tibère, 
à Marc-Aurèle et à Septime Sévère, 


Où — 

Il convient lui-même qu'aucun Romain, si ce n’est Jules César,dont 
le nom se retrouve aussi dans la dénomination de plusieurs loca- 
lités importantes, n’est resté si populaire et n’a laissé tant de traces 
de son séjour en Provence. Comment l’idée ne lui est-elle pas 
venue que ces monuments pouvaient se rapporter soit à l’un, soit 
à l’autre de ces deux grands hommes de guerre, peut-être même 
aux deux à la fois ? 

Mon Dieu, l’idée lui en est bien venue, au moins pour Jules 
César, quel’inscription du Mausolée ne pouvait pas ne pas lui rap- 
peler ; mais il a dû s’empresser de la rejeter, ayant l’opinion bien 
arrêtée que les deux monuments, et le Mausolée surtout, dataient 
au plus tard du ITe siècle de notre ère. 

M. Isidore Gilles, avec sa hardiesse habituelle, n’y va pas par 
quatre chemins. Pour lui, et sa manière de voir est partagée plei- 
nement par Frédéric Mistrai et en partie par Elisée Reclus, les 
deux monuments sont contemporains et élevés tous deux par ordre 
de Jules César : le Mausolée, à la mémoire de Caïus Marius, son 
oncle ; l’Arc de Triomphe,en l'honneur de ses propres victoires sur 
les Gaulois et les Bretons, (ce qui concorde bien, dit Mistral, avec 
la tradition locale ». 

En somme, aucune preuve convaincante n’a été donnée de l’an- 
tériorité de l’Arc, et il serait puéril de vouloir la déduire du fait 
seul de sa plus grande dégradation. La thèse de M. Gilles me parait 
conforme au texte de l’inscription, à l’histoire, à la tradition, au 
bon sens, et je m’y tiens, vous laissant libres de faire votre choix 
entre des opinions si divergences. | 


On sait que Massalia ou Marseille, d’origine phénicienne, fut 
occupée, 600 ans environ avant notre ère, par les émigrants de 
lionienne Phocée qui donnèrent une importance considérable à son 
port et à son commerce par la création de colonies littorales semées 
d'Espagne en Italie (1) et de comptoirs à l’intérieur des terres ja 


(1) Emporiæ (Ampurias), Agatha (Agde), Cessero (Saint-Thibéry), Rhoda- 
nusia (Saint-Montant, près de Beaucaire), Heraclea (Saint-Gilles), Citha- 
rista (la Ciotat), Tauroentum (ruines dans le golfe de la Ciotat, département 
du Var), Olbia (Eoube, rade d'Hyères), Athenopolis (anse d’'Agay, entre 
Fréjus et la Napoule), Antipolis (Antibes), Nicæa (Nice), Monæcus (Monaco), 
etc... 


ET 


lonnant la route, dite chemin des Grecs, qui menait au Rhône et 
à la Durance. Glanum, (Glanicum, Glanum Livii) paraît avoir été 
l’un des plus anciens de ces comptoirs massaliotes ; sa fondation 
remonterait au Vme siècle av. J.-Ch. et serait antérieure à celle de 
Tarasco, Avenio, Cabellio, Caudellium et Portus. 

Toutefois, si Glanum, ville principale de la tribu celto-ligyenne 
des Salvii établis entre le Louérion et les Alpilles, et proche voi- 
sine des pays des Désuviates qui tenaient la haute Crau et des 
Cavari qui occupaient toute la plaine comprise entre le Louérion 
et les deux rives de la Durance, fut de tout temps un emporium ou 
marché de vêtements fréquenté, comme le furent Salo pour le sel 
et Trittis pour le blé, il est admis qu’elle ne devint véritablement 
importante que sous les empereurs romains, quand Arles fut une 
des premières cités du monde latin et la Rome des Gaules, Gallula 
Roma, et qu’elle fit venir des carrières de Glanum, par les bate- 
liers utriculaires Au Louérion, les pierres de ses grands monu- 
menis. 

Le Louérion coulait au nord-ouest, à la distance d’un mille seu- 
lement, vers Ernaginum (Saint-Gabriel) où il se joignait à la 
Duransole et aux Fosses Mariennes qui pourraient bien n’avoir 
été qu’un seul et même bras d'irrigation et de navigation mettant 
Glanum en communication avec la ville d’Arles, avec la mer, avec 
le Rhône, avec la Durance (navigable alors jusqu’à Portus ou Per- 
tuis) par Urgo, Cabellio et Caudellium (Orgon, Cavaillon et Ca- 
denet). La voie aurélienne d'Aix à Arles, par Pisavis et Teritiæ, 
ancien chemin des Grecs et peut-être des Phéniciens, venait dé- 
boucher,du midi au nord, même sur les bords du canal qui recevait 
par elle les blocs des carrières en pleine exploitation ; une autre 
branche de la voie aurélienne, allant de Milan à Apt (Apta Julia) 
par les Alpes Cottiennes, d’Apt à Cavaillon et de Cavaillon à Gla- 
num par une double direction orientée de l’est à l’ouest (1), passait 
sous l'Arc de Triomphe et arrivait à Arles par Ernaginum, dont la 
situation stratégique était si importante qu’elle n’a pu échapper à 
Marius. Les Romains étaient de solides constructeurs de routes 
aussi bien que de monuments : « Leurs voies étaient faites avec un 


U 


soin infini, à l’aide de grosses pierres parfaitement ajustées et 


ns 


(1) Orgon, Valdition et Romanin ; ou bien Crau d’Orgon, Chapelle et 
Crau de Mollégès. 


SE 


disposées sur un lit de béton, si bien qu’elles devenaient presque 
indestructibles (1) ». Et, de fait, maigré tous les bouleversements 
dont la Basse-Provence a été le théâtre, quelques parties de ces 
deux voies ont résisté jusqu’à nous et sont connues dans le pays 
sous le nom de camin arlatan. 

En bordure sur chacune des deux voies étaient disséminées de 
riches villæ où les colons romains se traitaient comme de petits 
Lucullus, à en juger parles amas de coquilles d’huîtres que l’on 
a retrouvés sous les ruines de quelques-unes de ces maisons de 
plaisance, et notamment aux environs de Sénas et d’Orgon. Au 
reste, pour son alimentation, pour l’hygiène et pour les plaisirs, 
cette population, comme celle d'Arles desservie par deux aqueducs, 
celle de Marseille par trois et celle d’Aix par quatre, était au moins 
aussi abondamment pourvue d’eau que de nos jours. Les Romains, 
c’est une justice à leur rendre, se préoccupaient par-dessus tout de 
la question de l’eau ; et, partout où ils se sont établis, ils ont laissé 
des œuvres, quelques-unes grandioses comme le Pont du Gard, 
qui témoignent de cette primordiale préoccupation. 

Pour ce qui est de Glanum, des barrages contenaient les eaux 
des gaudres ou torrents, et ces eaux captées formaient une série de 
petits lacs étagés d’où, par des aqueducs, elles allaient alimenter 
les fontaines publiques. M. le comte de Villeneuve souhaitait, il y 
a 70 ans, que de pareils travaux fussent exécutés dans notre siècle. 
Eh bien, consolez-vous, ombre de M. le Préfet de la Restauration, 
voilà qui est fait : la ville de Saint-Remi — vous avez pu vous en 
rendre compte, messieurs, par l’ascension quelque peu périlleuse 
que nous fimes à la suite de M. Barbier, maire — est revenue au 
système romain, et il faut l’en féliciter. 


Quelle irrésistible tentation, devant cet Arc à demi-détruit, de- 
vant cet autre monument qui fait songer à la mort, d’évoquer le 
souvenir de cette antique Glanum, si vivante et agissante à l’épo- 
que romaine impériale ! Sur ce plateau, d’une sécheresse, d’une 
nudité si désolée, s’éleva une fière cité qui compta jusqu’à 10.000 


me Ammann et Coutant : Précis d'Histoire romaine (Paris, Fernand Na- 
an). 


Éc' ED 
habitants au IVe siècle et qui fut dotée de tout le bien-être, de tout 
leluxe même pour les grandes familles, et de tous les avantages agri- 
coles, industriels et commerciaux qu’il était alors possible d’avoir. 

Les bras druentins portaient au loin les dalles, les briques, les 
terres cuites, les étoffes. Dans la partie desséchée de l’île maréca- 
geuse enfermée entre la Duransole et le Louérion vivait, sur des 
terres fécondes et de cultures très diverses, la population agricole. 
Au levant du plateau, des centaines de carriers, ouvriers souter- 
rains, taillaient dans le roc ces immenses excavations et ces voûtes 
sombres auxquelles se rattachent d’'émouvantes histoires d'enfants 
perdus. Et là, même devant nous, sur cette plate-forme des Anti- 
ques, qui fut peut-être l’agora massaliote et le forum latin, allait 
et venait une foule d’affairés et de désœuvrés, graves matrones 
chrétiennes passant en litière, vêtues sévèrement de la stole et de 
la palla, et se rendant aux thermes où à l'office divin autorisé enfin 
par Constantin, après deux siècles et demi de sanglantes persécu- 
tons ; patriciens sénatoriaux et curiales parlant des affaires de 
l'Etat ou du dernier empereur égorgé ; hommes du peuple atten- 
dant les distributions de vivres, artisans organisés en corporations 
et allant à leurs boutiques ou à leurs chantiers, colons apportant 
au marché les produits de la ferme ; affranchis, esclaves, légion- 
naires barbares et dissolus à la solde de l'Empire dégénéré ; enfants 
aux prætextes déchirées sortant des écoles publiques et emplissant 
la ville de leurs joyeuses clameurs ; grammairiens, rhéteurs, so- 
phistes, comédiens, mimes, musiciens, utriculaires en bordée pour- 
suivant jusqu’à quelque ruelle galante les mérétrices mi-vêtues de 
la tunique légère et de l’indiscret palliolum ! 

Puis c'était quelque cortège d’empereur (Gallus, Constantin, 
Honorius, Majorien) aux rouges laticlaves brodées d’or et d’argent, 
trainant à sa suite à l’amphithéâtre d'Arles toute la plèbe avide de 
spectacles : jeux du cirque, combats de gladiateurs, courses de 
taureaux, qui ne sont pas, comme on l’a.cru, d'importation cata- 

lane, que les Romains ont connues et pratiquées, et pour lesquelles 

| les descendants des citoyens de Glanum ont conservé un goût si vif 
et si notoire que saint Luc, patron des bouviers de Camargue, n’a 
qu’à conseiller aux anges de crier :  biou, li biou ! pour faire 
sortir du Paradis, où il est indüment entré, le malin Jarjaio, incor- 
rigible aficionado de Saint-Remi (1). 


(1) La Jarjaiado, poème comique de Louis Roumieux (Montpellier, 1879), 


Et tout cela n’est plus ; et, de’cette cité gréco-romainé qui eüt 
plusieurs siècles de splendeur, il ne reste que ces deux chefs-d’œu- 
vre d’art antique, toujours debout, qui, depuis quinze siècles, 
voient défiler à leur base les générations émerveillées. 

Est-ce bien là vraiment tout ce qui reste ? Faut-il croire que les 
Wisigoths, destructeurs de Glanum, et les Sarrasins, destructeurs 
de Fretum, n'aient fait grâce, dans leur rage aveugle, qu’à cet Are 
et à ce Mausolée, dentla beauté les aurait frappés eux-mêmes d’ad- 
miration et de respect? « Ce qui me paraît le plus surprenant, dit 
M. Emilien Frossard, c’est la double circonstance de leur parfaite 
conservation et de l’enlèvement ou de l’anéantissement complet de 
tout ce qui avait êté élevé à l’entour, soit en maisons, soit en toute 
autre construction, dont on ne retrouverait pas aujourd’hui la 
moindre parcelle. » 

La moindre parcelle ! Evidemment, les Antiques sont tout ce 
qui est resté visible de la cité morte. Mais là, sous nos pieds, sous 
les « ermas » et les oliviers poudreux de cette terrasse dévastée, 
n’y a-t-il vraiment que de la terre et des cailloux ? Tenez, écoutez 
Mistral, cher pasteur, si vous êtes encore de ce monde, ce que je 
vous souhaite bien volontiers : | 

« Tout autour de ces Antiques, qui décèlent aux yeux de tous 
l'existence d’une ville ornée par l'art dans sa plus belle époque, 
tout ce qui s’est trouvé de médailles, de morceaux de marbre, de 
statuettes de bronze, de tuiles antiques, de tessons de poteries, 1l 
n’est pas possible de le dire (1)... Avec moins de 30.000 fr., on met- 
trait à jour, outre les quatre temples signalés par M. Gilles, tout 
cet amas d'objets précieux de toute espèce, cachés dans la terre au 
temps des Sarrasins et que le paysan, à Saint-Remi comme ail- 
leurs, désigne, de père en fils, sous le nom dela Chèvre d’or (2). » 


(1) C’est à M. le marquis de Lagoy que l'on doit principalement ces dé- 
couvertes : médailles, monnaies (grecques, romaines, mérovingiennes et 
carolingiennes), inscriptions, casques, instruments, etc. 


(2) Atôli du 17 Mars 1891. Cette légende de la Chèvre d'or, se rapportant 
aux invasions des Sarrasins, se retrouve, en effet, partout en Provence : 
« Dans tous les coins de Provence, j'avais rencontré la Chècre d’or. Aux 
Baux, errant les nuits de lune à travers les plaines abandonnées et courant 
le long des abîmes ; non loin d'Arles, à Cordes, autour du mystérieux sou- 
terrain taillé dans le roc en, forme d’épée ; près de Vallauris, du Val d’or, 
sur ce plateau semé d’étranges ruines qu’on appelle aussi Cordes ou Cor- 
doue, et d’où la vue s’étend si belle, par delà les bois d’orangers qui font 
ceinture au golfe Juan, jusqu'aux îles de Lérins..….. Partout la légende se 
rattachait aux souvenirs de l'occupation sarrasine, et partout il s'agissait 
d'une chèvre à la toison d’or habitant une grotte pleine d’incalculables ri- 
chesses et menant à la mort l’homme assez audacieux pour essayer de la 
suivre ou de s'emparer d'elle. » (Paul Arène : La Chècre d’or). 


= 
PA 


— = 

Vous entendez bien, messieurs, moins de 30.000 francs ! Mais 
encore faut-il les avoir, ces 30.000 francs, et le Parlement ne parait 
guère songer à les voter. Ah ! si les ruines de Glanum étaient à 
l'étranger, en Grèce, par exemple, ce n’est pas une trentaine, mais 
des centaines de mille francs qu’on accorderait pour les fouilles, 
comme pour celles de Delphes dont on ne pourra rien emporter 
que des moulages, car les Grecs ne veulent plus que leurs plus purs 
chefs-d'œuvre aillent embellir le Louvre ou le British Musæum, 
et ils en ont défendu l’exportation par une loi des plus sévères. 

Et combien 1ls ont raison ! Si une loi pareille avait existé pour 
la Provence, elle n’aurait pas eu la douleur de voir, depuis deux 
ou trois siècles, ses plus belles statues antiques, la Vénus d’Arles, 
le Jupiter d'Aix, l'Auguste de Vaison, prendre la route de Paris ou 
de Londres. 


Aussi, tout en souhaitant qu’on veuille bien consacrer aux 
fouilles de notre Midi, qui seraient fructueuses et précieuses à coup 
sûr, quelques-uns de ces millions qu'on octroie si libéralement 
pour les fouilles de Delphes ou pour arroser les « radis » de quelque 
gouverneur soudanien, peut-être vaut-il mieux, tant que nous ne 
serons pas assurés par une loi de garder chez nous, dans nos mu- 
sées d'Arles ou de Nîmes, les objets découverts chez nous, peut- 
être vaut-il mieux, comme dit Mistral, laisser Glanum enseveli. 
« Au moins, conclut-il, quand nous allons promener vers les Anti- 
ques, 1l nous reste le plaisir de songer que nous marchons sur des 
frontons de temples, sur des colonnades ioniques ou doriques, sur 
des Vénus blanches prosternées dans la terre, et que sous nos pieds 
git la Chèvre d’or », 

Vous me pardonnerez, messieurs, de vous avoir si longuement 
entretenus de Glanum. C’est que Glanum, par ses Antiques, par 
son Mausolée surtout que la gravure et la photographie ont repro- 
duit dans tous nos grands ouvrages d'archéologie et de géographie, 
a été pour la plupart d’entre vous la cause déterminante de notre 
(« escourregudo ». 


Il faut cependant s’arracher à la contemplation de ces superbes 
monuments. Le déjeuner est à 10 heures 1/2, le départ pour Ta- 


_rascon à 10 heures 50, et plusieurs excursionnistes, pour ne pas 


dire tous, ne veulent pas quitter Saint-Remi sans avoir vu quelque 
chose dont on parle beaucoup autour de moi, un spectacle ou un 
coup d’œil qui promet d’être un vrai régal de délicats 


In = 


+ 
x + 


Que devint la population de Glanum après l’œuvre de ruine ac- 
complie par les Wisigoths en 480 ? Elle fonda deux bourgs : l’un, 
Fretum, sur l'emplacement de la ville détruite, avec Saint-André 
ou Saint-Paul de Mausoles comme église ; l’autre, avec une église 
dédiée à Saint-Pierre, plus bas vers le nord, sur les bords du 
Louérion, qui prit peu après le nom de Saint-Remi, évêque de 
Reims, et qui fut le berceau de la ville actuelle. Le bourg de Fretum 
ayant été détruit à son tour par les Sarrasins (737), toute la popu- 
lation s’aggloméra à Saint-Remi, qui était alors carolingienne, 
après avoir été successivement wisigothe, ostrogothe et mérovin- 
gienne. L'histoire de cette ville se confond dès lors avec celle du 
royaume d’Arles, avec celle de là maison des Baux, avec celle du 
comté de Provence, etenfin, après l'extinction de la deuxième 
maison d'Anjou, avec celle de la France elle-même. 

Distraite passagèrement du domaine comtal, une première fois 
par la reine Jeanne en faveur de Guillaume Roger, comte de 
Beaufort, frère du pape Clément VI, une deuxième fois par René 
en faveur de Jehanne de Laval, ( pour en joyr sa vie durant seu- 
lement », après quoi elle devait échoir à Jehan, fils naturel du bon 
roi, la terre de Saint-Remi fut jointe par Louis XIII à celle des 
Baux érigée en marquisat en faveur du prince de Monaco, en com- 
pensation des sacrifices qu'il avait faits pour la France. Cette sou- 
veraineté monégasque fut, d’ailleurs, plus nominale que réelle, et 
la ville, moyennant certaines charges et concessions, ne cessa pas 
de faire partie du royaume. 

Sous les comtes de Provence, ekle eut un Hôtel des Monnaies, 
qui fut plus tard réuni à celui de Tarascon, et une maison royale 
ou Maison de la cour, qui semble avoir été l’un des séjours favoris 
de plusieurs de ces princes et princesses : la régente Marie de 
Blois, son fils Louis II et son petit-fils René, Marie de Blois, qui 
avait réuni de nouveau Saint-Remi à la couronne angevine, y 
institua les foires de Saint-Marc et de Saint-Simon qui existent 
encore. Louis II lui accorda, en 1393, le droit de s’administrer par 
trois syndics nommés à l’élection. 

René est certainement de tous les souverains celui qui s’y plai- 
sait le plus et dont le nom y est resté le plus justement honoré. 
Il y venait fréquemment pendant les séjours qu’il fit, presque 
chaque année, en Provence, et dont quelques-uns, surtout les deux 


— 101 — 


derniers (1455-1461 et 1474-1480), après son deuxième mariage, 
durèrent plusieurs années. C’est à Saint-Remi qu'il fit son premier 
testament, en présence de trois notables habitants, dont l’un, Pierre 
de Nostre-Dame, son 1% médecin, fut l’aieul du célèbre Nostra- 
damus. Arrière-petit-fils du roi de France Jean IT {le Bon) dont il 
rappela ‘à tous dans sa captivité la chevaleresque loyauté, fils du 
comte et roi Louis IT et de Yolande d’Aragon, frère et successeur 
de Louis III, beau-frère de Charles VIT et oncle de Louis XI par 
sa sœur Marie, beau-père du roi d'Angleterre Henri VI par sa fille 
(l’héroïque et infortunée Marguerite d'Anjou) et du duc de Lor- 
raine Ferry de Vaudemont par son autre fille (Yolande), René, si 
royalement apparenté, prenait lui-même les titres, dont quelques- 
uns purement nominatifs, de roi de Jérusalem, des Deux-Siciles, 
d'Aragon, Valence, Majorque, Sardaigne et Corse ; duc d'Anjou et 
de Bar ; comte de Barcelone, Provence, Forcàlquier, Piémont, 
etc... A ces titres glorieux il pouvait joindre ceux de savant et de 
poète, de peintre et de musicien, de législateur et d’humaniste, 
parlant et écrivant à la fois le latin, le français, le provençal, le 
catalan et l'italien, se procurant à grands frais la copie des manus- 
crits grecs et romains, conservant religieusement le texte le plus 
complet des Mémoires de Joinville, recueillant et propageant les 
œuvres des troubadours des XIIme et XITIme siècles et donnant une 
nouvelle vie — factice et éphémère, il est vrai — à la littérature 
-provençale et aux cours d’amour. Mais ce n’est n1 sa glorieuse pa- 
renté ni sa science qui l’ont rendu si populaire en Provence : c'est 
sa bonté. René n’est point le grand roi, mais le bon rot, celui que 
la légende représente courant les champs, de Fréjus à Tarascon 
et d'Aix à Apt, avec Jehanne de Laval, sa jeune épouse (en bergier 
et en bergeronne), rendant la justice sous les arbres comme Saint- 
Louis, dotant les jeunes filles et s’asseyant au foyer du pauvre ; 
c'est celui qui peut aller partout, béni de tous, sans autre garde 
que l’affection de ses sujets reconnaissants, comme Idoménée à 
Salente après les sages réformes de Mentor. 


Après l’annexion du comté de Provence et à partir de 1639 (date 
de la dernière réunion des Etats), Saint-Remi fut une des 16 villes 
qui, sans être chefs-lieux de vigueries, avaient le droit de se faire 
représenter aux assemblées générales des Communautés ; elle eut 
de même un des 58 subdélégués créés par l’édit de 1704. L’Assem= 
blée générale s’y réunit en août 1661 ; le bureau de la province, 


LMP 


fuyant la peste qui sévissait à Aix et dans la plupart des autres 
villes, s’y transporta en 1722. Au point de vue administratif, Saint- 
Remi dépendait de la viguerie de Tarascon ; au point de vue judi- 
claire, de la sénéchaussée d’Arles ; au point de vue religieux, du 
diocèse d'Avignon, après avoir dépendu de l’abbaye de Saint-Remi 
de Reims jusqu’au XIVme siècle. Trois consuls, remplaçant les 
anciens syndics et élus annuellement (le 1° dimanche de Décem- 
bre) parmi les plus hauts « allivrés » ou imposés, administraient 
la communauté avec l’aide d’un « conseil de ville » et présen- 
taient au mois de mai l'exposé de la situation financière. Ce régime 
municipal n'avait rieau à envier à celui de nos jours ; il laissait à 
l'assemblée communale plus d'initiative et de liberté et ne se butait 
pas, à tout propos et hors de propos, à la résistance paperassière 
de l'Etat centralisateur et tuteur. * 


x 
*X + 


Nous voici de retour sur la place d’Armes ou de la République, 
devant l'Eglise où le troisième et dernier coup de cloche appelle 
les fidèles à la grand'messe. Ah ! comme je comprends maintenant 
les chuchotements inexpliqués des Antiques ! C’est donc cela qu’on 
voulait voir, c’est ce tableau véritablement merveilleux qu’on s’é- 
tait tant promis de venir admirer, entre le repas et l’heure du 
départ, la sortie de la messe ! Quelques-uns en avaient perdu le 
boire et le mauger, et jamais déjeuner ne fut plus lestement expédié. 

C’est qu'entre toutes les filles de Provence, les Saint-Rémoises, 
au même titre que les Arlésiennes, ont conservé, à travers les siè- 
cles et sous le costume enchanteur qui fait si bien valoir leur trou- 
blante beauté, ce type si marqué et si remarqué où s'unissent et se 
fondent harmonieusement le profil grec, la majesté romaine et la 
passion sarrasine : la poétique démarche d’une Nausicaa, la dignité 
de maintien d’une Cornélie, les yeux alanguis et voluptueux de 
l’'ardente mauresque du Maghreb. 

Ce costume, quel chef-d'œuvre de grâce, de patience et d’ingé- 
niosité ! Tout est sorti aujourd’hui, jour de Pâques. De la plus 
fière à la plus humble, de la plus cossue à la plus déshéritée, tou- 
tes ont donné à la garde-robe le coup de pied des grandes fêtes et 
mis sur elles tout ce qu’elles ont de plus beau. Quels trésors de 
velours et de soie, de dentelle et de gaze, et d’or ! Car aucun cos- 
tume ne se prête comme celui-ci aux exhibitions de bijoux : bagues, 
bracelets, broches, croix, sautoirs, montres, épingles de la coiffe, 


— 103 — 


et ces beaux tours de chaînes, et ces belles « brandantes » ou 
pendants d'oreilles aux riches pierreries que la mère sur le retour 
cède traditionnellement à sa fille et que celle-ci ira faire modifier 
et compléter, à la veille de son mariage, le jour « des joyaux », 
avec sa famille et celle de son nout, en Avignon, dans la rue des 
Orfevres, la rue des ouvriers de l’or !..…. 

Lorsque Gounod, dans la gestation de cette idéale partition de 
Mireille que Rossini égalait à Faust, écrivit à Mistral pour le 
remercier de l’avoir autorisé à tirer « de son adorable livre une 
œuvre lyrique », il reçut du grand poète de Maillane la réponse 
que voici : 

« Cher monsieur, je suis ravi que ma fillette vous ait plu et, 
encore, vous ne l’avez vue que dans mes vers ; mais venez à Arles, 
à Avignon, à Saint-Remi, venez la voir le dimanche quand elle 
sort de vêpres ; et, devant cette beauté, cette lumière, cette grâce, 
vous comprendrez combien 1l est facile et charmant de cueillir par 
ici des pages poétiques. Cela veut dire, maitre, que la Provence et 


moi vous attendons au mois d'avril prochain... » 


Le compositeur se rendit à cette pressante et cordiale invitation 
et vint s'établir à Saint-Remi, au printemps de 1863, là, derrière 
nous, dans une chambre de l'Hôtel de Ville-Verte, courant les en- 
virons, de Maillane aux Baux et des Baux aux Saintes-Maries, 
mais prenant plaisir surtout à rêver dans le frais vallon de Saint- 
Clergue et, le dimanche, à l’église, à accompagner de l’orgue les 
chants pieux des jeunes filles, dont quelques-uns — le cantique 
populaire de Saint-Gent, par exemple — ont trouvé place en son 
œuvre, j'allais presque dire en son chef-d'œuvre. 

Après deux mois délicieusement passés ainsi à s’imprégner de 
couleur locale, Gounod s’en revint mélancoliquement à Paris, ex- 
primant ses regrets, à son retour, dans une lettre à Mistral, dont 
je veux au moins vous citer ce passage : ( Que n’y suis-je encore 
dans ce Paradis de la Provence qui a été un véritable ciel pour 
moi, ciel dont vous, mon bien-aimé grand poète, vous avez été la 
plus belle et la plus brillante étoile !.... » 

Que n’y suis-je encore ! Ah ! certes, la fillette de Mistral lui avait 
plu au-delà de toute expression, et, en regrettant le val ombragé 
de Saint-Clergue où il avait rencontré de si heureuses inspirations, 
c'était elle aussi et surtout qu'il regrettait, cette Mireille si aimante 
et si aimée, si bonne et si belle, qui sort de l’église, saluée par un 
frémissement d’admiration, et qui s’en va, vous l’avez tous vue, 


— 104 — 


escortée de ses gentes compagnes, comme une reine — reine mo- 
deste et sans morgue — là-bas, vers les jardins Saint-rémois jon- 
chés de fleurs, fleur elle-même et la plus éclatante, la plus gracieu- 
sement épanoulie. 

J'imagine que les poètes catalans qui vinrent rendre à ceux de 
Provence, en septembre 1868, la visite qu’ils en avaient reçue 
quatre mois auparavant et qui fraternisèrent avec des écrivains, des 
journalistes et des artistes français dans ces fêtes littéraires äe Saint- 
Remi, préface déjà bien ancienne des excursions cigalières, ne s’en 
revinrent pas non plus « tras los montes » sans emporter l’exquis 
souvenir de ces belles filles, sœurs de Mireille et de Magali, qu’ils 
trouvaient partout sur leurs pas, au bal, à la farandole, à la pégou- 
lado, à l’arrivée et à la course di biôu, aux Antiques applaudissant 
les poésies de Mistral et l’éloquence de Balaguer, au jardin de 
l'Hôtel du Cheval-Blanc battant des mains au toast de Sarcey ou 
écoutant avec une admiration respectueuse le chant sacré des Féli- 
bres, la Coupo santo, de création toute récente, ou bien encore 
accompagnant de leurs voix fraîches et pures cet Hymne magistral 
au soleil que les orphéons faisaient retentir dans la nuit jusqu’au 
ciel étoilé : | 

Grand soulèu de la Prouvènço, 
Gai coumpaire dou mistrau, 
Tu qu’escoules la Durènço 


Et les Parisiens donc ! Tenez, oyez plutôt ce que l’un d’eux, M. 
Feyrnet, correspondant du Temps, envoyait à son grave journal : 
« Il fallait voir la route qui conduisait à l’arène de Saint-Remi ! 
Ce qu’il y avait, à ce moment-là, sur ce petit chemin montant, de 
grâce, de distinction, de beauté, j'en suis encore tout ébloui !... » 

Tel fut aussi, messieurs, votre unanime jugement après cette 
incomparable sortie de messe qu'aucun de vous n'avait voulu man- 
quer. Et, quand le train s’ébranla pour Tarascon, laissant, seul 
et triste, sur le quai de la gare, celui qui vient de vous infliger 
cette trop longue lecture, vous aviez encore dans les yeux et dans 
le cœur l’éblouissante vision des filles de Saint-Rémi ! 


Juillet 1895. 


(1) Lou cant dôu soulèu (juin 1861) et lou cant de la coupo (août 1867) sont 
l'un et l’autre de Mistral et figurent dans son recueil des Zles d’or (hs 1sclo 
d’or). 


— 105 — 


- Séance du 22 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat 


Doxs. — A Ia suite de l’excursion d'Agde, M. Revy-. 
naud, membre de la Société d'Etudes scientifiques de 
l'Aude, offre en son nom personnel et au nom de la 
Société de l’Aude, une magnifique photographie enca- 
drée de la Cité historique de Carcassonne. — Des re- 
merciements sont votés et seront adressés aux dona- 
teurs. 


CORRESPONDANCE. — M. À. Bernard, de Montblanc, 
est nommé directeur de l'Ecole de Florensac. 

— M. Gauthier, de Narbonne, regrette de ne pouvoir 
faire les honneurs de ses bois que les excursionnistes 
traverseront au cours de l’excursion de Pardailhan. 

— M. Donnat fait savoir que la Société de Carcas- 
sonne organise l’excursion de St-Ferréol. 

— M. J. Miquel recevra les excursionnistes au bois 
de Pardailhan. 


COMMUNICATION. —- M. Ch. Benoît remet sur le bureau 
de la Société un numéro de l'Ingénieur civil dans lequel 
se trouve un article relatant un nouveau procédé de 
Vinification de Champagne inventé par M. Benoit. 


CONFÉRENCE. — M. Migron fait une très intéressante 
conférence sur la stérilité des arbres fruitiers et indique 
son procédé pour la combattre. Il cite plusieurs exem- 
ples d'arbres réputés jusque là stériles et qui traités 
par lui ont donné de bons résultats. 


EXCURSION 


Le 23 Mai, jour de l’Ascension, la Société a fait une excur- 
sion à St-Chinian, Pardailhan et Coulouma. (32 excursion- 
nistes). 


— 106 — 
Séance du 29 Mai 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. le Président a rapporté de excursion de 
Coulouma un grand nombre de fossiles des époques pa- 
léozoïques qu’il offre à la Société. 

— M.P. Carles offre à la Société des vers à soie vi- 
vants de différents âges. 


CORRESPONDANCE. — La Société est invitée par le 
Président de la sous-section d'archéologie de lAssocia- 
tion française à prendre part aux travaux du Congrès 
de Bordeaux. 

M. le Dr Petit, président de la Société de Carcas- 
sonne donne des détails sur l’organisation du voyage à 
St-Ferréol. 


ExcuRsIONS. — L’excursion de St-Chinian a été faite 
par 32 excursionnistes et a admirablement réussi. La 
Société vote à ce sujet des félicitations 10 à Madame et 
Monsieur Gauthier qui ont donné des ordres pour ac- 
cueillir les excursionnistes au milieu de leurs parcs et 
de leurs forêts ; 20 à M. Jean Miquel qui à brillamment 
accueilli les sociétaires et a guidé les géologues au fa- 
meux gisement de Coulouma qu'il a découvert en 1893. 

On organise l’excursion à St-Ferréol: F 


CONFÉRENCE. — M. Slizewicz, de Cette, fait une très 
intéressante conférence sur l’eau et sa stérilisation. Il 
parle des microbes qui se trouvent dans l’eau, des fil- 
tres anciens et des filtres Chamberland. 


EXCURSION 
Les 2 et 3 Juin (Pentecôte), la Société a fait une excursion 
en commun avec la Société d'Etude scientifique de l'Aude aux 
Bassins de Lampy et à Saint-Ferréol. (24 excursionnistes de 
l'Aude et 26 excursionnistes de Béziers y assistaient). 


— 107 — 


Séance du 5 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — M. Mirepoix, avenue de Capestang, pré- 
senté dans la dernière séance, par MM. J. Crozals et 
Slizewicz, est admis comme membre actif. 


CORRESPONDANCE. — M. le Président est informé par 
la Société scientifique et littéraire d’Aluis, qu'il a été 
nommé membre du Comité de Patronage du monument 
de Florian. 

— M. de Rouville demande à M. le Président une 
notice géologique sur le tertiaire du Malpas. 


EXCURSION. — On organise l’excursion de Lamalou 
qui doit avoir lieu le 16 Juin. 


CONFÉRENCE. — M. Jean Lafoi fait une conférence 
sur le Mildew qui, cette année, fait des ravages consi- 
dérables et qui a déjà compromis une grande partie de 
la récolte. L’invasion du Peronospora s’est portée sur- 
tout sur les fruits. M. Lafoi parle des procédés qu’il a 
employés dans sa propriété pour combattre cette terri- 
ble cryptogame. Après la description des différents 
pulvérisateurs usités, il mentionne l’action des liquides 
dont l’usage est aujourd’hui vulgarisé : bouillies borde- 
laises, dauphinoises, eau céleste, verdets, etc. 


Séance du 12 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat 


Doxs. — M. Azaïs Henry fait don de deux photogra- 
phies du Campo-Santo de Gênes. 

CORRESPONDANCE. — M. Sabatier, propriétaire de la 
Villa des Fleurs, écrit plusieurs lettres au sujet de lor- 
ganisation de l’excursion de Lamalou. 


— 108 — 


— M. Griffe, de Clairac, donne certains renseigne- 
ments sur la géologie de la région qu’il habite. 

— La Sociétéouralienne d'Ekaterinenbourg annonce 
la fête du cirquantième anniversaire de l’entrée au ser- 
vice de la couronne de S. E. Ivan Parlovitech Ivanoff, 
ingénieur en chef des mines de lOural. S.E.[L.P. Ivanoff 
remplit depuis 24 ans les fonctions de Président de la 


Société ouralienne. — La Société adresse une lettre de 
félicitations. 
EXCURSION 


Le 16 Juin, la Société a fait une excursion à Lamalou. (70 
personnes ont pris part à cette course). 


Séance du 19 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — M. P. Carles offre aux membres de la Société 
un certain nombre de cocons de Bombyx mori, prêts à 
éclore. 


CORRESPONDANCE. — M. le Dr Petit, de Carcassonne, 
écrit au sujet des prochaines excursions. 

— La Société scientifique d’Alais propose à la Société 
de souscrire pour le monument de Florian. 

— M. le Ministre de l’Instruction publique annonce 
l'ouverture du Congrès des Sociétés savantes pour le 7 
Avril 1896 et adresseen deux exemplaires le programme 
général du Congrès. 


EXCURSION. — M. le Président donne lecture d’une 
note parue dans le Petit Méridional, au sujet de l’ex- 
cursion à Lamalou. 

— M.J. Crozals fait le compte rendu d’une excursion 
à St-Pons, aux gorges d'Heric et sur lEspinouse le 


— 109 — 


16 juin. MM. Sahuc, Fabre, Hubert, Nivière, assistaient 
à cette Course. 

On organise l’excursion du 30 Juin ou Bousquet d’Orb, 
Truscas et Avène ; et celle du 7 Juillet à l'étang de 
Thau, Balaruc et Cette. 


COMMUNICATION. — Il est donné lecture d’une remar- 
quable étude de MM. P. Carles et du Dr A. Hubert sur 
le Rôle de la Silice dans les végétaux. 

Les auteurs de ce travail repoussent les théories de 
Naegeli et cherchent à démontrer que les influences 
chimiques ont une importance capitale. Développant les 
idées de Moleschott dans la 5me lettre à Liebig (Circu- 
lation de la vie), ils disent qu’au premier abord on est 
amené à voir dans les rapports des terres avec les espè- 
ces végétales, non-seulement une relation générale dont 
l'essence se réduit à la différence des matières, mais 
encore une affinité élective limitée. Ils reconnaissent 
qu'il existe des espèces calcicoles et calcifuges, et dé- 
montrent que contrairement à l’opinion de MM. Müntz 
et Girard, la silice ne se trouve pas comme produit 
accidentel dans toutes les plantes, mais qu’elle est un 
élément indispensable non à tous les végétaux, mais à 
certains,particulhièrement au châtaignier qui ne vit que 
dans les terrains siliceux et qui ne peut vivre, quoi 
qu’en ait pensé de Candolle, dans les terrains calcaires. 


Séance du 26 Juin 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs : 


MM. Guibert, 29, descente Canterelles, présenté par 
MM. Jean Crozals et Cannat. 

Le Docteur Donnadieu Lavit, à Lamalou-les-Bains, 
présenté par MM. Cannat et Lamouroux. 


= 110 = 


Le Commandant Aubesquier à Béziers, présenté par 
MM. Cannat et Boilève. 


Dons. — M. Donnadieu, de Babeau, et Linière, de 
St-Chinian, offrent à la Société un lot de fossiles du Si- 
lurien inférieur. 

— M. Moulin offre pour la bibliothèque une poésie : 
Theodehilde. 


CORRESPONDANCE. — Circulaire annonçant un Con- 
grès d’hydrologie, climatologie et géologie pour le mois 
de septenibre 1896, à Clermont-Ferrand. 

— Le Smithsonian Institution accuse réception de 
notre bulletin de 1895. 

— [L'Association française pour l’Avancement des 
Sciences, annonce son 24me Congrès qui se tiendra à 
Bordeaux du 4 au 9 Août et soumet une liste des ouvra- 
ges destinés à être offerts. 

— M. Sahuc, de Saint-Pons, donnera tous les rensei- 
gnements utiles pour la publication dans le Bulletin, du 
travail qui à fait l’objet de sa communication au Congrès 
des Sociétés savantes. 

COMMUNICATION. — M. le Président présente le bul- 
letin de 1894 qui vient d’être terminé ces jours-ci. 

EXCURSIONS. — On prend les dernières dispositions 
pour l’excursion à Truscas et Avène et l’on arrête le 
programme de Balaruc, l’Etang de Thau et Cette. 

CONFÉRENCE. — M. Lamouroux fait une causerie sur 
la promenade que la Société a faite à Réals. 


EXCURSION 


Le 30 Juin, a eu lieu l'excursion de la Société au Bousquet 
d'Orb, Truscas et Avène (40 excursionnistes). 


— il — 
Séance du 3 Juillet 1895. — Présidence de M. Cannat 


La séance a lieu dans la grande salle de l’'Hôtel-de- 
Ville. Un public nombreux assiste à la séance. 


CONFÉRENCE. — M. Antonin Maffre fait dans le lan- 


gage néo-roman, le compte rendu de lexcursion à 
Lamalou. 


| COMPTE RENDU 
ÉAMEPERCTASPION, D'UTTIG" JUIN 1695 
A LAMALOU 
Par M. ANTONIN MAFFRE 


Moussu lou Président, 


Moussus lous Souciètaris, 


L’hounou que me fasès, Moussu lou President, 
Ansin que vautres, cars amics de la Naturo, 

En me ressaupegant bèi, ieu qu’un res atturo, 
A mes dedins moun cor un dous trefouliment. 


Perque pas ? pèi qu’aissi vèsi couraloment 

Que vous fa gau d’ausi nostro lenguo tant puro, 
Lou parla des aujols que ma vouès pauc seguro 
Vouldrio fa resclanti de soun brounzinoment ? 


Car, saique, s’ès lous souls des homes de sabenso 
Qu’ajes dounat un brieu de vostro benvoulenso 
A la lenguo mairalo, al fièr lenguodoucian ! 


Atabe lou felibre à qual aquèlo marco 
De tant franco amistat li fa crema soun sang 
Crido : Vivo Cannat e las gens de sa barco !! 


AT — 


D’après aquèste coumensament en vers vous sera pas dificille, 
braves moussus, de coumprène que lou proufane que soi ieu, pre- 
toucant vostres travalhs de sabentizo, ne mesclara tout cop quau- 
ques uns dins lou raport que vosire tant agradieu President m’a 
couraloment engajat à vous faire sus l’escourregudo qu’abèm coum- 
plido ensem dimenche passat à Lamalou. Eh moun Dieus ! belèu 
qu’aco vous desplaira pas de vèire la Muso lenguodouciano se 
mesela à vostres saberuts travalhs, la paubreto, que tant de mounde 
aboumino. Atabe, bei, que la vèsi al mièch d’amics, la soulo desi- 
ranso que siègue al prigound de moun cor es que vous fague plaze. 


Aladoune lou dimenche 16 de Jun al mati, un pauc avant la 
partenso del trin, me troubèri ambe ma pichoto familho al mièch 
d’un eissame de viajaires, demest lous quals beluguèjabo un amanèl 
de gentos e mai qu’agradivos damos e doumaisèlos, vengudos, èlos 
tabe, se jougne as homes de sabenso per n’enaura lou prestigee 
l’aflat. Toutos aquèlos escourriguèiros pourtabou sus lours migno- 
tos caros, encaro pas pla reviscoulados pei qu’abio calgut se leva 
d’houro, la gaietat la mai franco que se posque trouba enloc. Tout 
en las remirant me diguèri à despart : la journado sera bouno per 
lous que coumo tus aimou de s’acata joust las aletos moufletounos 
d’aquèlo paloumbèlo pouderouso, d’aquèlo divesso eternalo que 
lous felibres coumo lous pouètos de l’universal terraire noumant 
tout simploment la Femno. E perque pas ? pèi qu’es Elo, que nous 
dono l’envanc e la belugo celestialo que nous mancario, n’ajes pas 
doutanso, à n’autres homes, se debian nous enaira soulets ! 

Es per aco que gausi vous dire, à vautres gens letruts e amants 
del Bèl, qu’abès milanto fes rasou de faire uno larjo plasso à la 
Femno dins vostros subre-poulidos escourridos 

Aiïsso fach, laissem-nous empourta per la bèstio de ferré, glissant 
ufanouso sus sous dous ribans d’assiè, jusquos à Bedarieus. 

Après uno miéjoureto d’aspèro uno vouès cridèt: Les voyageurs 
pour la ligne de Castres en voiture. Per lou cop cadun des escour- 
riguëires ajèt lèu fach, d’un cambal, de s’engulha sens abèire pôu 
de se courquicha, dins lou trin, que talèu prenguët la caminado per 
nous pourta, toutes en bouno voio, al pais que debian visita. 


— Es prèp de nôu houros quand nous trouban toutes rassem- 
blats dins la cour des viajadous ount M. lou Président coumenso 
d’abèire lou trigos de la journado qu’anant passa ensem. 

La bando se diviso en mai d’uno colo à causo des jouines que 


— 113 — 


volou pla aproufita la journado e que partissou al pulèu dèu Laver- 
nièlro en aspéran que lous mens desgourdits qu’èles etqu’ou gardat 
lous efants vengou per lous rejougne Jjoust l’oumbro tebeso 
des grands aubres de soun poulit parc, ount las aïguos vivos 
e claros de l’Orb que rajolo à sous peds li fa mounta uno brizo 
tout-ple fresquièirouzo, que fa d’aquel lioc un rodou celestial per 
lous que s’en vou as bans sens estre malauts, car ambe la malautiè 
l’amo pot pas prene de plaze quand mèmes la Naturo tout entièiro 
vous 1 couvide, mès coumo, gracios à Dieus ! nautres n’abian pas 
de lassige, pousquèren nous 1 alezouna uno miëjourado, pendent 
laqualo beuguet qual voulguet, à sa sorgo,un got d’aiguo mineralo. 
Pèi touio la troupo remountèt à Lamalou per ana visita lous Ther- 
mes ancians. Aïssi ai lou regrèt, braves moussus, de pas poude 
vous dire l’istorio d’aquèles bans, sounquos de vous prèga de vous 
rapourta as saberuts estudis que n’du fach M. M.-G. A, Duprè, 
Albert Moitessier et M. Sabatier-Désarnauds. Sopendent passarai 
pas sens vous remembra qu’es en 1640 qu’un païsan de l’endrech, 
despèr fort loungièms impoutent e crudéloment ablasigat per de 
doulous raumatismalos, se Jitèt dins un gourgas dl’aiguo trebou- 
lado que se troubabo pas luën del lHioc ount es bèi l’establiment 
thermal ; e, quand s’en sièguèt sourtit, lou paubre home n’esproubèt 
un tal benèsire que se bouleguèt d’hou ana prouclama pertout ; 
so que faguèt qu’aquèles fangasses pudents ressaupeguèrou, lèu-lèu, 
prèsque toutes lous malauts de Ia mountagno. 


Pamens calguëèt mai d'un sècle, pet qu’arriban en 1720, per vèire | 
lou proupriètari d'aquèlos aiguos benfazentos las assani un pauc e 
las engabia dins uno gabinélo per pourre s’en serbi à l’abric del 
marrit 1èms. Pus tard, en 1754, lou viscomite Pouns-Marto de 
Thezan, seignour del Poujol, soun nouvèl proupriètari, eidifi- 
quet un bastiment dinne de ressaupre lous malauts de toute coun- 
ditieu. Despèi, la rèputatieu d’aquèles Thèrmes se sièguant espandido 
dins las prouvensos vesinos, gracios à las curos qui li abiôu fach 
lous medecis de Mountpeliè, calguèt agrandie perfétiouna las pis- 
cinos e douna mai de large à l’establiment que 1 à toucabo. 


Es en faguen aquèlos reparatieus que l'on troubèt de vièlhos 
parets, de vases ancians et quauquos mounedos d’ount l’epoco n'es 
pas jamai pla estado establido, que tout aco es uno probo que l’en- 
genio des homes, vênio pas aissi, dins lous flancs de la mountagno, 
s’i douna cami per la prumièiro fes. Pamens se counèis pas d’iu= 


= 1MÂ — 


dicatieus, pretoucant lous bans de Lamalou, avant lou mitan del 
XVII: sècle, malgrat qu’al moument ount M. Dupré ne faguèt 
l’historio, es à dire dèu 1842, ajèsso counsinnat quauquos tradicieus 
amb uno legendo que se disio dins lou païs e que dounabo à n’a- 
quelo sorgo uno eisistenso pla mai anciano que lo qu’el abio cregut 
sinnala. 

Après que lous viajaires ajérou visitat aquel establiment, toutes 
S’acaminèrou dèu lou Jardin zoologic que se trobo al dessus. 
Aquel jardinet, retraisant en pichot nosire Platèu des pouètos per 
Sa situatieu, es poulidèt dins soun ensem ; l’on 1 vèi quauquos bes- 
tios pas trop ferouges ma fe ! entre-mièch de poulalho de touto 
meno, qu'ôu l'aire de s’1 pas faire de marrit sang ; es vrai que lou 
soulel e la pax 1 règnou en Mèstres, so qu’es uno grand causo per 
se laissa pla vieure. Es aqui, braves moussus, que pendent qu’a- 
gachabi faire la rodo à n’un manific pabou, ajèri la pus grando 
joio di rencountra, per escazenso, certos, Moussu J.-H. Castelnau, 
lou felibre tant agradieu de Ceto, que i èro vengut acoumpagnat 
de sa gento moulher, faire uno passejado de santat, Aquel rencontre 
inasperat, en me faguen lou pus grand plaze, m’empachèt de sègui 
la caravano al Casino ; car, proufitant de nous trouba soulets, 
amount dins lou bosquet de l’Usclado, e ajen tant de causos feli- 
brencos à nous charra nous 1 doublidèren ; e sièguèt que per vèni 
prène nosiro plasso à la taulo de l’houstalariè que nous separèren 
d’ambe moun brave e car pari en felibrige, nous dounant pamens 
rendès-vous per la tantossado à la Villa de las Flous ount debidu 
se retrouba toutes lous escourriguèires. 

AI dessèrt M. lou President de la Souciètat après quauques mots 
pla sentits adrèissats as dejunaires, voulguet pla me douna la pa- 
raulo per vous dire quicomet de moun sicap. Eh ! moun Dieus ! 
las poulidos damos et las croucarèlos doumaisélos que se troubèrou 
à la taulejado aproufitèrou d’un pichot coumpliment fach tout 
esprès per élos e que vejaissi : 


Gentos damos, 
Caros doumaisèlos, 


Ount 1 a de femnos 1 a de flous ! .… 
A dich un felibre dount l’amo 
Abio sentit lou rai de flamo 


= 115 — 


Que fa belugueja l'amour | 

Atabe touto sa lauzour 

Ero per la bèlo afoulido, 

Per lo qu'embaumabo sa vido 
De poutous. 


Ounti a de femnos 1 a de flous !.… 
leu, grands dieus ! coumo lou felibre 
Hou vèsi, bèi, tabe soi libre 
De trouba que jamai bouquet 
D’uèlhs, mai flamejants qu’un luquet, 
Ses pas vist enloc e, ma fisto ! 
Moun cor boulis à vostro visto 

Per, jouious, 
Dire : las femnos s’ès las flous !! 


Après aquèles vers que d’aplaudiments amics m’ou foursat de 
trouba de vostre goust, M. Moulin, l’eiselent pouëèto e proufessou 
d’elèi de nostre coulèje, que counouissës pla, se lebët e dins uno 
improuvisatieu touto couralo faguet coumpliment à toutes lous tau- 
lejaires en apugant subretout sus l’aflat mai que pouderous que 
metidu las bèlos damos en venguen prène part à las escourregudos 
de la Souciètat, à n’aquèlos pichotos fèstos de familho, e beuguet 
à las femnos que sou vertadièiroment las flous del genre human. 
Uno trounadisso de picaments de mas faguèt coumprène al pouèto, 
que soun brinde à la Bèutat abio agut de ressoun dins las amos de 
lous que l’ausiguërou. Apèi, ieu, mai encaro, me lebèri voulguen 
pas laissa nostre hoste sens un pichot coumpliment per la bouno 
cousino que nous abio fricassat e li diguèri quauques vers que lou 
matèrou de joio. Ausissès : 


Brinde per l'hoste Louis BOULOC 


Amics, après un tal repais 

Ount abem fach marcha lou cais 
Coumo uno rodo que moulino, 
Mes avis que debèm pourta 

Un brinde per felicita 

L’hoste aimable de sa cousino. 


= À16 — 


Coupen pas res. 

Un, dous e tres ! 
Beuguen doune à la benuranso 
De l’home, que plen d’aculhanso, 
Nous a tratats milhou qu’enloc, 
À l’hoste espèrt Louis Bouloc. 


Enfin, lou repais acabat s’anèt prène un gioupet de moka dins 
un cafe que lou mèstre abio agut la delicato attentieu de faire 
houndra de poulits drapèus et de quauques escussous ount pous- 
quèren lègi : /Zonneur à la Science. 


Lou moka beugut M. A. Sabatiè que nous abio pas quitat de- 
sempei nostro arribado, nous prenguet à sa manifico Villa de las 
Flous. Aqui sièguèren pas pauc suspreses de trouba, joust lou fres- 
quièirous oumbrage d’un cantou del delicious jardin qu’encencho 
la Villa, dos loungos taulos apoustissos, claufidos de liquous de las 
milhounos marcos. M. Sabatiè nous a vertadièiroment ressaupeguts 
en grand Seignour, atabe me fa gau de proufita d’aquèsto oucasieu 
per li traire un boun gramecis al noum de la Souciètai. 

En quitant la Villa de las Flous lous escourriguëires anèren 
visita Lamalou-lou-Naut, ount après abèire vist las piscinos e las 
salos per las aspersieus, fosso damos e mèmes de moussus anèrou 
prène uno prèso.. anabi dire de tabat..….. nani, de gaz amouniac 
que s’enairo del trauc ount rajo lou canèl que mèno l’aiguo de la 
sorgo dins las difèrentos salos des bans. D’aqui se davalèt al Pichot- 
Vichy en passant dejoust la vouto souloumbrouso que formou lous 
chaines-verds, espèsses à n’aquel endrech e, à n'ounte crèissou à 
plaze las ginestos à flous d’or, las faugèiros dentelados e lous 
brugs ramelouses, per fatre d’aquèlo alèio lou pus pouetic carrairou 
des dousses souspirs qu’on posque raiva. Es al bout d’aquèlo tou- 
nèlo vèrdalo que se trobo lou rieu de Lamalou e que lous habitants 
nomou la Veyrasso — un laid noum, ma fe ! — e que, talèu 
troumpassat, l’on arribo à la sorgo del Pichot-Vichy, plassado dins 
un rodou mai que poulit tant l’endrech es pitouresc. 

Aiïssi me laissares vous dire que quauques escourriguëires ajen 
remountat Jou rieu un pauc al dessus de la sorgo, e se sièguen 
troubats, tout à n’un cop, en facio d’ancians pans de muralhos dins 
un site tant rizent, creguërou abèire davant èles las rouinos de 
quauque establiment per lou mens l’obro des Roumans — pecaire ! 


— 117 — 


vouldrio pas lour faire la mendro peno per la crezenso qu'’ou d’a- 
bèire vist de travalhs antics, mès soi pla foursat de lour dire qu’a- 
quèlos rouinos sou tout bounoment un essach qu’abio fach 1 à 
quauques ans, un certan M. Carrièiro, per i crèa un nouvel esta- 
bliment de bans, ajen troubat que lou paisage si prestabo diven- 
coment pla ; travalh abandounat tre sa coumensanso. 

Quitarèn pas lou Pichot-Vichy sens rapela qu’es aqui, al mitan 
d’un eissame de bèlos damos que se repausabou, que M. J.-H. 
Castelnau, lou felibre de Ceto, qu’ai deja mensounat al debut d’a- 
quèste raport, nous diguèt sa poulido pèsso de vers « Las cabucellos 
de ma grand », as aplaudiments calourouses de touto l’assistanso. 

Après toutos aquèlos tant manificos causos la caravano s’enre- 
tournet à Lamalou-lou-Naut ount un #ramvouè que claufiguèren 
coumo un bourgnou, mèmes sens 1 pourre caupre toutes, nous tri- 
goussèt al Casino. Es aqui que se decidèt l’escourregudo que quau- 
ques uns abès facho à Villomagno. Ajeren lou regrèt, pousquèm 
pas mai nous atarda à Lamalou, ieue ma familho de ne pourre pas 
estre. Empacho pas que per lous qu’abès agut l’ur d’ana visita 
aquel païis, tout roumplit d’antics souvenis, vous n’en charre un 
bricou, se m’hou permetès, car lou counèissi un pauc: aco dounara 
ne soi segur, l’envejo à lous que l’üu pas vist di ana al pulèu. 

Villomagno, bèi vilajot de 450 amos à peno, que quauques istou- 
rians fou desriva lou noum de Villa Mayani, noum que li ven de 
Sant Mayan patrou de sa gleizo,pious mounge d’Antioco, l’anciano 
capitalo flourissento de la Sirio, vengut dins las Cevenos predica 
lou crestianisme dèu la fi del VIII sècle, equ’anet pèi mouri prep 
de Loumbez dins lou Gers. Tandis que d’autres, e demest èles lou 
saberut Julos Renouvier qu’a troubat dins un inventari des titres 
de l’abbadio qu’aquesto sièguèt doutado per l’emperaire Carles- 
Magne en l’an 807 e desinnado alaro coumo abbadio de Villo Ma- 
gno. La counfusieu, en tenguan per certan aquel doucument, 
semblo pas pus poussiblo. So que nous probo que lou noum de 
Vilomagno, coumo s’apèlo encaro, à toujour desinnat uno vilo 
grando, mèmes à l’èpoco la mai reculado de l’istorio de nostre païs. 


Aco sera l’étèrnalo glorio de Carles-Magne d’abèire coumpres, 
German et à mièch barbare el mèmes, que lou drech dins la justisso 
e l’aveni resplendent apartenio à la civilisatieu roumano. Car d’ou- 
blides pas qu'es aquèl Grand Emperaire d'Occident que latinisèt 
lou Nord ; qu’es el que, en cassant lous Sarrasis del Mièjour, faguet 


— 118 — 


de la Franso uno Natieu pouderouso, crestiano sens doutanso, mès 
roumano e centralo en Uropo. 


Es de l’alianso brusco del Lati ambe lous idiomes barbares par- 
laits à n'aquelo epoco que nasquèt las dos lengaos sors que s’ape- 
lèrou la lenguo d’Oil hou rouman Valoun Gales, e la lenguo d'Oc, 
mai latino, hou rouman Prouvensal. 


Se tèn per certan que lou prumiè escrich en lenguage d’Oil, es 
lou famous serment de Louis lou Germanie, en 842. Quand à la 
lenguo prouvensalo nascudo e cultivado la prumièiro demest las 
lenguos moudernos, loungtèms rèmo dins touto l’Uropo roumano, 
s’acamino ablasigado per ana pèi peri, al tretzen sècle, ambe l’in- 
despendenso de nostre ufanous pais mièjournal estoufado, per ansin 
dire, dins lou sang vermèial des Albigèses ; per faire plasso, la 
paubro, al rouman valoun, al parla d’Oil, lenguo touto bisprouso e 
sèco qu’es devengudo despèi lou francimand...…. 


Pèi que sèm dins las Cevenos quauques mots sus èlos me sem- 
blou prou de circounstensio : Sabès qu’es pas dins l’Erau qu'aquèlo 
loungo cadèno de mountagnos du lours crestèls lous mai nauts. 
Tout escas se quauques uns despassou 1.100 mèstres. Lou cimèl 
lou pus auturous del departoment se trobo en plen massif de Les- 
pinouzo, al couchant de Sant-Gervais e al mièjour de la sorgo de 
l’Agout, à touca lou Tarn e l’Avairou. Aquel pic a 1.126 mèstres 
d’aussuro. 


La partido de las mountagnos que nous pretocou e que fou la 
seguido de la grando ligno delas Cevenos que separou lou versant 
de la Mièchtèrrano e de l’Oucèan sou claufidos de rodous pitourescs 
e de gorgos sauvajos d’uno bèutat mai qu’estranjo. Musarai pas à 
vous n’en parla mai loungoment, car m’escartario trop de moun 
pichot cami qu’ai pres en amatou per pas vous faire delembra lous 
travalhs, mai que seriouses, d’homes tals que M. Sabatiè-Desar- 
nauds qu’abès agut lou bounur d’abèire conmo President de vostro 
Souciètat. De M. G.-A. Duprè qu’a escrich l’istorio del pais cevenol 
e detant d’autres saberuts escrivans e dount mà memorio a dou- 
blidat lou noum. Mès me perdounarias pas, ne soi certan, de laissa 
lou Caroux dins l’oumbrino, el que fa toujour facio al Soulel ! 
sens vous en dire un mot. 

Lou roc de Caroux, coumo lou nomou lous habitans del pais, 
es uno de las mountagnos las pus nautos de los que fou partido de 
las Cevenos : mountagno esfraiouso dins l’esprit de las gens que 


— 119 — 


vivou à sous peds, subretout quand la vèsou s’emmantèli de nèu 
tre que ven lou printèms, so que 1 arribo perfes ; esfrai legitime, 
certos, pèi que de tout tèms s'es troubat que, quand Caroux met 
la capo blanquinouso à Ia Primo, aco’s lou sinne vertadiè que lou 
campèstre n'aura de doumages. E tenès ! à prepaus d’aquèlo moun- 
tagno espetaclouso, vous prègarai, s’hou voulès pla, braves mous- 
sus, de me laissa vous faire lou raconte d’uno anciano legendo que 
tèni de moun paubre grand mairenal, qu’èro sourtit de la viloto 
de Sant Gervais e que sabès estre al ped del gigan. I a quauque 
tèms qu’aquèlo legendo me sièguant revengudo en memorio la 
metèri en vers lenguodoucians. A1 l’espèr que m’en voudrès pas 
de vous. la coumunica à vautres lous prumiès, car jamai l’ai pas di 
cho à amo que vive. La .vejaissi : 


LOU PASTRE DEL ROC DE CAROUX 1 


LEGENDO 


Vautres, cars anjounèls, magnaguets calignaires, 

Vautres que s’ès la joio e l’espèr de las maires, 

Ausissès lou raconte, à cap d’autre parèlh 

Del malur qu'arribèt, al pèd de la mountagno, 

AI pastre Jan Barloc ansin qu’à sa coumpagno, 
Amics, avant vostre som bèl. 


Demest lous grands castans e las nautos bruguièiros 

Qu'’escaladou lou Cièl sus d’amarèls de pèiros 

Que fôu del mount Caroux un tarrible gigan ; 

Ount sus sous flancs brauzits règno que la calanso, 

Sauve dedins las neits que lous loups en cadanso 
Agachou la luno idoulant. 


(1) Cette légende a obtenu, pendant l'impression du Bulletin, le 2° Prix 
aux Grands Jeux Floraux de la Maintenance du Languedoc en 1895. 


De sous gourgs founzeluts, de sas gorgos bercados, 

De sas baumos d’ourrour, refugi de las fados, 

D’ount s’enairou toustèms de laguis e de plours ; 

Gimerriges roumplits d'uno amaro tristesso, 

Mountant de cado trauc ambe tant d’amaresso 
Que lou Roc n’es ple de frayours. 


Jamai lous habitans des pus proches vilages 

N’abiou gausat franqui lous crestèlas sauvages 

Que cenchou lou Caroux e lou rendou captieu. 

Mès tre que lou vesiou amb sa capo emblanquido 

Toutes, prèses d’esmai e l’amo anequelido, 
Aïlas ! sulcop prègabou Dieu. 


Car ausissidu de crids s'aubourant de las crotos, 
Dins un brounzinament d’alos nègros de chotos, 
Vengudos vouleja dessus toumples badants. 
Alaro, espaurugats, lous efants et las filhos, 
Fugissiou, vitament rejougne lours familhos 

Per s’escapa des revenants. 


Es quand un ventoulas amount bufo en tempèsto, 

Qu'on entend d’aissaval uno grando batèsto 

Facho del desespèr d’aquèles malastrats. 

E se dins l’auragan passo la trounadisso 

Alaro se mesclant as trous, monto, S’airisso, 
L’orre jurrament des damnats. 


Jamai res pourra pas, amies, vous pla ïetraire, 

Lou bruch e las fouliès que fou perse distraire 

Las bandos de demouns qu’'habitou lou Caroux. 

Perfes gisclou parèlhs à de femnos qu’on tugo, 

E pèi, uno fes raucs à n’aber la berlugo, 
Cadun davalo dins soun pous. 


£s aqui que l’hibèr per fug1 lou jalèbre, 
S'agroumoulissou, muts e tremoulant de fèbre, 
Aspèrant que lèu-lèu aje foundut la nèu. 
Mès qu’un esluc al cièl se mostre, de seguido 
Des roucasses l’on vèi sali facio tarnido 

Lous fantaumes al blanc mantèu. 


— 121 — 


Aïlas ! malur, malur al paubre viajaire 

Se se trobo passa trop tard aqui pecure ! 

Car de tout lou Caroux milo enfadats vendrou 

Lou persegui pertout, sus truquèls, dins las coumbos, 

Coumo un issam de morts escapats de lours toumbos 
Per lou faire adali de pou. 


(a 


Dins aquel tèms vivio tout prep de la mountagno 
Lou pastre Jan Barloc. — Rosis e Vilomagno, 
Coumbos e lou pais vèsi del mount Caroux, 
Fisabou lours troupèls sens ges de mesfizenso 
À sa gardo toujour pleno de vigilenso 

Contro la dent del loup bisprous. 


D’Erèpio, del Poujol, mèmes de Couloumbitiros, 

Pendent lou mes de Mai de toutos las caumiëiros 

Prèenio lou bestialun jusquos al marïit tèms. 

Pèi, aval, dins la coumbo alors sens espavento, 

Soulet afaciat al mount l’amo innoucento, 
Prèégabo Dieu sens pessoments. 


Es aital qu’as bèls jours toutos las troupelados 
Joust l’uèlh de Jan venidu paisse, tant perfumados, 
Las erbos qu’ou crescut à l’oumbro del grand roc. 
Pêei eledabo moutous, agnèls, loung de la r1vo 
De l’Orb tout argentat de soun aigueto vivo, 

Ajen fisanso dins Sant Roc. 


E cinq meses per an perdut dedins Jas dralhos 
Des mourrèls delabrats hou de las verdos falhos, 
Luen luen de sa moulher, amb Gardal soun boun chi, 
Pensabo à soun efant Jacques, dounit la pigresso, 
L’abio fach verenous, trè sa primo jouinesso, 

So que pot que l’embabouchi. 


Pè&i, lou véspre, en dintrant soul dins sa gabinelo, 
Avant de s’'endroumi, d’uno vouës que raufèlo, 


— 122 — 


Prégabo lou Segnour d’amenda soun efant. 

Demandant subretout qu’ajèsso per sa maire, 

Lou brave Jan Barloc ! un pauc d'amour pecaire ! 
En fretant un plour amargan. 


Or un sèr que vènio se coulca l’amo puro, 
Entrevejèt subran se quilha sus l’aussuro 
Ount abio cledounat per droumi lous troupèls, 
Coumo uno formo humano e, talèu pres de crento, 
Sounêt vite soun chi de faissou brounzinento 

Per se garda des sorts crudèls. 


Ero Jacques, l’efant pigrous, qu’ambe couitanso 

S’envenio dèu l’ancian, l’agach ple d’ahiranso, 

Dire que de sa maire èro l’orre assassin. 

E rabious pèi s’en pren à soun paire qu’aganto 

Dedins sous dets croucuts li sarrant la garganto 
Coumo abio fach antan Cain. 


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Lous pastres aquel jour ajèrou la crèzenso 
Que del roc de Caroux un vent de malfazenso 
S’ero lebat sulcop bufant de tourragals 
Ount s’ausissio, demest un bruch de clamours folos, 
Uno vouès counescudo aissi dins las draiolos, 
E de pôu sièguërou mourtals. 


Creguèrou veire encaro al dessus des gourgasses, 
Al mièch des rocs pelats, s’espandi de grands brasses 
De demouns amagrits dins de nègres lensols. 
Où mèmes afourtit abèire vist en bando 
Milanto apparitieus dansa la sarabando 

Mai laugiers que de cabirols. 


Soul, Jacques lou maudich, porto sus sa peitrino 

Uno taco de sang que la neit s’alumino 

Traucant de sa luzour lous nivoulasses blancs. 

Soun pianh que restountis dins la sourno calamo 

Demando as efantous de prèga per soun amo 
Aginoulhats prèp de lours grands. 


Mès, autalèu lous loups afamats de carn d’home, 
Joust la ma del Remords courrissou sul fantome 
Per d’un cais devourenc l’esquinsa per boucis. 
El, per s’en apara, del vèspre jusqu’à lPaubo, 
Roudalejo lou mount aroupat dins sa raubo 

Que la luno sempre rougis. 


Prèguèm dounc, mous amies, preguèm la Vierjo santo 
De voule deslieura lèu l’amo estransinanto 
De Jacques que milo ans encadènou al Caroux. 
Prègas, efants magnacs, lou vèspre amb vostros maires. 
Car tre que Dieu vèira que s’ès fosso prègaires 

Lou prendra dins soun Cièl tant blous. 


Uno legendo n’es lou mai souven que l’istorio desfaciado per 
las tradicieus, hou be un raconte ounte l’esprit des homes que se 
la sou dicho à las velhados de l’hibèr, a finit per s’alarga de gene- 
ratieu en generatieu per pèi nous arriba claufido de visieus mai ou 
mens fantasticos ; es lou cas per lo que vèni de vous lègi. 

Empacho pas que tout, par raport al Mount Caroux porto à 
crèire que d’ancian tèms, sa situatieu que coumando à toutes lous 
punts de la cadeno de soun vèsinat, car soun plo qu’es à 1093 mès- 
tres de naut, doumino touto la plano del Bas-Lenguodoc ambe la 
mar que la cencho al mièjour ; al couchant l’immenso cadeno de 
las Pyrènèios e dount on pot aisidoment retrouba lous pics lous 
mai quilhats ; al mièjour encaro se vèi mai que pla las vilos de 
Beziès, de Narbouno e Carcassouno. Al levant los de Mountpeliè e 
de Nismes ; pèi del coustat del Septentriou se vèi lou mount Ven- 
toux prèsque dous cops pus naut que Caroux et qu’es lou coumen- 
sament de la cadeno de las Alpos. Qu’aquelo situatieu disi subre 
manifico a degut de tout tèms impressiouna l’amo de lous que pou- 
didu i veni examina tout so que vous ai mensounat. Alaro es pas 
dificille que lous esprits des mountagnols nascuts à l’oumbro de 
sas rocos escarinchos plenos de caravencs, de sous carrairous 
eschirpouses e de sas gorgos sauvajos, asille de las aiglos, de las 
goiros e des falcous, n’ajou de bouno houro cresegut qu’aquèlo 
mountagno giganto èro lou refugi, subretout l’hibèr, de las mascos, 


AE 


des dracs, des fantaumes e de las toumios que lours fèbles cervèls 
abiôu deja vist dins lours raives estralunats. Mès bèi, gracios à las 
escolos, semenados un pauc pertout, mèmes sus flancs del rocantic, 
lous efants, à lour tour, podou dire à lours rèires grands, que las 
legendos que courrissidu autrosfes pretoucant lou Mount Caroux 
ne sou que de paubros sournetos nascudos dins, l’ignouranso d’un 
pople de pastours. 


Aquèles mèmes efants, pendent las loungos velhados de l’hiber, 
quand al deforo la nèu toumbara per n’emmantèli lou terraire, 
pourrûu faire couneisse que las fados e lous farfantèls seridu pas 
tant nigauds, s’eisistabou, d'ana trepa dins la nègro nèit à travès 
lou mount ount lou jalibre aurio lèu fach de lous matrassa. E aro 
me perdounarias-t-1, braves amics, après vous abèire parlat d’a- 
quèlo partido de las Cevenos espetaclousos de pas vous presenta un 
de sous efants lous mai remarcables, un cevenol d’elèi, que toutes 
aissi couneissès pla. Ferdinand Fabre, nascut à Bedarieus e qu’un 
sèti à l’Acadèmio francèso aurio mens enaurat sa renoumanso que 
l’engènio de sas obros meravihousos ! Qual se souven pas des su- 
perbes retraches qu’aquèl escrivan delicat a faches d’aquèlos Ce- 
venos qu’encenchou soun pais natal ? oupt i a mes uno toco de 
pincel taloment pouderouso que pecaire ! l’on serio mal venguts de 
voule ne parla après el ! — Remembras-vous soun abbat Tigrano ; 
sous Courbezous ; soun Barnabé dins lou qual raconte parlo de 
nostre Beziès coumo hou aur1o pas mihou dich un des pus grands 
escrivans bezièirencs. Remembras-vous touto soun obro, enfin, i 
coumpres sa divenco Sylviano e soun famous Taïlhovent et jujarets 
se lou pais que venèm de traversa tout escas a jamai agut un parelh 
cantre. Atabe ai moun cor ple de joio de pourre saluda, aissi, aquèl 
miéjournal de rasso, que dijus passat encaro POupèra Coumie de 
Paris a distribuat lous rolles de sa Xavièiro per pourre estre prèst 
à pareisse davant lou public al mes d’Otobre venen ; tout en rewre- 
tant per lou felibrige qu’aquèlos obros, que nous ou tant esmouguts, 
n’ajou pas estados escrichos dins Ia lenguo rudo perfes de nostre 
bèl Mitjour, mès coussi mai pitouresco, esbriaudanto e subretout 
cremanto e, dins laqualo Ferdinand Fabre aurio certanoment 
troubat d'images que lou francimand, tant pur que siègue, Ni a pas 
pousqut fourni lous parious. 


E pèi que parlant de Bedarieus me fa gau de manda coumo fe- 
libre un salud de recourdanso à la memorio d’un autre de sous 


— 125 — 


nobles efants, al pintre d’obros subrebèlos qu’èro Augaste Cot, 
l’artisto ispirat mort trop lèu ailas le dount l'Art frances plourara 
toujour sä perto : à l’autour requist de Mirèlho, l’anjo del Feli- 
brige ; la perlo d’or de la Prouvenso ; de Mirëlho la filho idèialo 
e immourtalo de Mistral ! À soun prepaus vous vôu dire un sounet 
istouric — es lou raconte de la rencontro que faguet en Arles, lou 
pintre regretat, de la chatouno que li serviguët de moudèlo. 


Al pais del soulel, sus la terro arlatenco, 

Un jour amb ta moulher sieguères emblauzits 
Davant uno chatouno as uèlhs ennegresits 

E bèlo que noum-sai dins sa gracio divenco. 


Aquèlo aparicieu vous ab1o trefoulits, 

Tus, subretout à Cot! car, talo uno pervenco 
Que s’oubris joust l’aflat de la sasou maïenco, 
Ajèros, la vejen, amo e cor d’Art afrits. 


Autalèu, calignous e ple de prevenenso, 
Preguèëros la manido à pas trouba d’oufenso 
A l’agradieu eouvit de li fa soun retrach.… 


Venguet : e toun pincèl retipèt la mervelho 
D’aquel frount virginal que porto noum Mirelho ! 
L’Anjo de la Prouvenso al celestial agach. 


Aro per acaba, car debès langui que moun repapige proufane 
prengue finido, me laissares vous dire, cars amics, qu’en faguen 
vosiros escourregudos tant seguidos, en publicant lous racontes de 
so qu’abès vist hou troubat, countribuas mai que digus, per vostro 
sabenso à faire esvali dins l’onblidanso la maï encafournido las fal- 
setats de l’istorio e las legendos des tèms passats, per al countrari 
douna l’envauc à l’esprit dèu l’êternalo veritat ! e ajustarai : 


L’home que sap aima la divenco Naturo 

À pas besoun de mai per anoubli soun cor ; 
Car en èlo toujour troubara lou trésor 

Que lou rendra jouious ajen soun amo puro. 


— 126 — 


Es-t’i quicom de mai dous que so que proucufo 
La visto d’uno flou joust un blous soulel d’or ? 
D'un rieu clar ount l’aussèl pieulejo sens malcor | 
Dedins l’alen tebes d’un bosc ple de verduro ! 


Digas-me se jamiai res pot nous emblauzi 
Coumo lou grelh que Dieu fa naïsse e pèi frezi 
As camps en aspèrant la bèlo meissoun bloundo ! 


Ô nani, car pertout, sul serre hou dins lou prat, 
Siègue planto, bestiolo, aussèl, flou lour aflat 
Vous roumplis de l’amour que sul terraire aboundo. 


EXCURSION 


Le 7 Juillet a eù lieu une excursion à Mèze, l'Etang de 
Thau, Balaruc, l’Issanka et Cette. (105 excursionnistes). 


Séance du 10 Juillet 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSIONS. — M. Bertrand, employé à la Com- 
pagnie du Midi, présenté par MM. Boilève et Cannat, est 
admis comme membre actif. 

BIBLIOTHÈQUE. — M. Jean Crozals offre divers travaux 
de M. Duchartre. 

CORRESPONDANCE. — [Association française pour l’a- 
vancement des Sciences donne des renseignements sur 
le Congrès de Bordeaux. 

EXCURSION. — On organise définitivement l’excursion 
du 21 Juillet à la Franqui. 

COMPTE-RENDU. — M. Pierre Carles fait le combie 
rendu de l’excursion à St-Chinian, Pardailhan et Cou- 
louma. | | 


æ 191 — 


COMPTE RENDU 
DE L'EXCURSION DU 23 MAI 1895 


A 


SAINT-CHINIAN, PARDAILHAN ET COULOUMA 
Par M. PIERRE CARLES 


L’arrondissement de Saint Pons est sans contredit le plus 
curieux du département de l'Hérault et cela puisqu'il est formé de 
territoires fort disparâtes. Les deux régions historiques, le pays 
de Thomières et le Minervois, qui le constituent, ne présentent 
entre elles aucune analogie; de plus, deux climats bien tranchés 
y apparaissent et tandis que le versant sud du Saumail et de 
l’Espinouse appartient au climat méditerranéen, le canton de la 
Salvetat et une partie de celui d’Olargues, c’est-à-dire le bassin 
supérieur de l’Agoût, est une région froide et neigeuse en hiver. 
Ajoutons à cela, la diversité des terrains géologiques qui forment 
le sol de cette vaste région, l’action de trois zones orographiques : 
plaines et coteaux, basses montagnes et montagnes cévenoles, et 
l’on aura une explication de la variété de la faune et de la flore de 
l’arrondissement de Saint-Pons. Cependant, ce n’est que depuis 
peu de temps que ce terroir a été étudié par les naturalistes parmi 
lesquels nous citerons comme botanistes : MM. le D' Théveneau, 
le pharmacien Barthez, Vidal, Loret,l’abbé Ed.Baichère, Gauthier, 
et comme géologues : Tournal, qui le premier visita les grottes de 
Bize dans le Minervois et à la limite de notre département, MM. 
Bergeron, de Rouville, Delage, Paul Cannat et surtout M. Jean 
Miquel, de Barroubio. 

La Société a plusieurs fois visité le Minervois : c’est ainsi que 
nous avons vu Bize et Minerve, Cessenon, le Foulon, Roquebrun, 
etc., mais nous n’avions guère parcouru une des parties les plus 
intéressantes de ce pays, partie formant pour ainsi dire un terri- 
toire particulier : le Pardailhan. 

Les jours qui précèdent notre course voient des torrents de pluie 
s’abattre sur la région ; ils feraient mal augurer de la réussite de 


— 128 — £ 


excursion, sile 25 n’était cette année Le beau jour de l’ Ascension 
de nos aïeux ; nos ancêtres avaient remarqué qu’il ne pleut jamais 
ce jour-là, aussi l’avaient-1ls choisi pour fêter Caritach. 

C’est donc par une radieuse matinée de mai que trente cinq.ex- 
cursionnistes" se trouvent réunis à la gare de l’Intérêt local. Le 
départ a lieu à 4 heures 40. Voici défiler les stations fort connues 
de Lignan, Maraussan, Maureïilhau, Réals, Cessenon. Avant de 
continuer notre route, qu’il me soit permis de vous donner un léger 
aperçu sur le terrain que nous traversons depuis Réals. Nous 
sommes en présence de l’éocène lacustre à Planorbis pseudoam- 
monius. Ce terrain que les nouveaux auteurs ont appelé Bartho- 
nien a êté reconnu sûrement à Réals par M. P. Cannat: on le 
retrouve un peu partout sous les alluvions de la vallée du Verna- 
zobres jusqu'aux portes de St Chinian, c’est Le calcaire à lignite’ 
de l'Hérault et la lignite se voit sur plusieurs points, le long de la 
voie sous forme d’une bande étroite de marnes noires resserées entre 
des bancs calcaires. Il y a eu à plusieurs reprises dans les envi- 
rons de Cessenon des tentatives d'exploitation qui ne paraissent 
pas avoir donné de sérieux résultats. 

À Cessenon, la ligne quitte la vallée de l'Orb pour suivre celle 
du Vernazobres. Cette petite rivière (son cours n’a que 21 kilomè- 
tres) prend sa source dans la grotte de Copujol, passe près de Pez, 
à Pardailhan, à Babeau. Peu après ce village, le Vernazobres 
reçoit le ruisseau d’Iloubre, nom qu'on lui donne dans le pays et 
que les géographes écrivent et dénaturent en l'appelant ruisseau 
d’Houvre ou de Nouvre. Ainsi grossi le Vernazobres traverse 
Saint-Chinian, reçoit un grand nombre de petits ruisseaux, parti- 
culièrement les torrents des bois de Cessenon et du Bousquet et se 
jette dans lPOrb par 60 mètres d'altitude en amont de Cessenon. 
Son bassin a une superficie de 12.400 hectares. La formation du 
vallon de Vernazobres semble comporter plusieurs explications ;. 
MM. Jean Miquel et le D' Villebrun Font étudiée d’une façon abso- 
lument particulière. Et M. Miquel dit que le tertiaire se mentrant 
ici renversé sur les schistes paléozoiques, il semble très naturel de 
penser que les dislocations et les fractures aient grandement favo- 
risé les érosions ; mais il va sans dire que comme dans toutes les 
vallées, les érosions ont dù jouer le plus grand rôle. 


La station que nous trouvons après Cessenon est la halte de 
Commeyras qui dessert le village de Prades, puis la ligne cotoie 


— 129 — 
le pittoresque bois du Bousquet, laisse sur la rive gauche du couts 
d’eau Combejean (138 mètres d'altitude). Un arrêt à la halte de 
Pierrerue, petit village de 466 habitants et nous voilà à Saint- 
Chinian. Là, des omnibus nous attendent ; nous déposons nos sacs 
dans leur intérieur, puis nous visitons la ville. 

Saint Chinian est bâtie sur un point de contact de terrains di- 
vers. On y trouve les grès de Saint Chinian, de M. de Rouville(1). 
Ces grès que le savant professeur de Montpellier comprenait, sans 
préciser leur étage, dans la formation lacustre sous nummulilique, 
sont aujourd’hui rattachés à l’horizon des marnes de Vitrolles qui 
font partie du Rognacien. À côté des grès apparaissent des lam- 
beaux nummulitiques, d’éocène lacustre à planorbis pseudoammo- 
nius et même des schistes paleozoïques. Tout cela se retrouve 
dans le sous-sol de la ville et se complique des alluvions anciennes 
et modernes du Vernazobres. 

Saint Chinian est un chef-lieu de canton, possédant onze com- 
munes d’une superficie de 21,850 hectares. Sa population est de 
3,949 habitants et son altitude 154 mètres. Le Vernazobres qui le 
traverse sous un très beau pont l’a dévasté le 12 septembre 1875 à 
la suite d’une pluie diluvienne. Cent dix maisons furent détruites 
et quatre-vingt seize personnes noyées. Pendant les guerres de 
religion, St-Chinian eut ses religieux massacrés et mis en fuite 
par les protestants. 

Nous visitons la promenade plantée de platanes, le square de la 
mairie fort bien entretenu, l’ancien cloître qui est attenant à la 
maison commune, l’église, puis parcourant les rues nous remar- 
quons un certain nombre de maisons anciennes qui intéressent au 
plus haut point les archéologues de notre caravane. 

Les environs de Saint Chinian possèdent un certain nombre de 
grottes que M. Miquel a étudiées (2) et où il a fait de très intéres- 
santes découvertes. Au point de vue botanique, nous ne trouvons 
guère dans la ville et sur les murailles que le Parietaria difiusa, 
quelques Sedum non encore fleuris. Puis de l’omnibus qui nous 
emporte vers Pardailhan l'Æyosciamus albus qui se balance sur le 
mur qui borde la rivière. 

Nous voilà ensuite sur la route de Saint Pons qui cotoie le 


(1) P. de Rouville. — Voir Introduction à la description géolog. du dép: 
de l'Hérault, p. 198. 


?) J. Miquel. — Saint Pons préhistorique et gallo-romain. 


= 180 — 


Vernazobres. Des deux côtés paraissent des champs remplis de ge- 
nets d'Espagne, Spartium junceum. Cette espèce et son proche 
parentle Sarothamnus scoparius sont des végétaux dont on a retiré 
par le rouissage une très bonne filasse. On a pu cultiver avanta- 
geusement le Sparlium junceum dans les sols pauvres ou le lin et 
le chanvre ne pouvaient réussir; c’est ce qui s’est pratiqué aux 
environs de Lodève. Du temps de Pline, la filasse servait à faire 
des liens que l’on appelait sparton. Près de la Dournie et Sencels 
se montrent les cistes de Saint Chinian Cistus ladaniferus, C. 
laurifolius, C. monspeliensis et les curieux et rares hybrides C. 
ladanifero X monspeliensis, C. monspeliensi X laurifolius, etc.). 
Ils ont été l’objet d’une communication de M. Loret à la Socièté 
botanique de France en 1866 (1), mais nous voulons cependant 
donner ici quelques renseignements sur le ciste le plus intéressant 
de Saint Chinian: le Cistus ladaniferus. Ce ciste ne se retrouve 
guère qu’en Provence, aux environs de Fréjus; il a été appelé 
ladanifère parce qu’il fournit une matière plus ou moins résineuse, 
analogue au ladanum où labdanum qui exsude spontanément des 
feuilles et des rameaux du Cistus creticus, arbrisseau qui croît 
dans l’ile de Candie, L’odeur du /adanum rappelle celle de l’ambre 
gris ; il est noir, solide, se ramollissant entre les doigts. Il renferme 
pour cent d’après Guibourgt: résine et huile volatile 86; cire 7 ; 
extrait aqueux 1, matières terreuses 6. Jonhston y a trouvé 73,24 
de carbone et 10 d'hydrogène. Dioscoride rapporte qu’on retirait 
du ladanum de la barbe des chèvres qui allaient brouter au milieu 
des cistes ; aujourd’hui, on le récolte en promenant sur les cistes 
des lanières de cuir que l’on racle ensuite pour en retirer la matière 
résineuse qui y est attachée. En Espagne, on plonge la plante 
dans de grands récipients d’eau chaude ; la résine monte à la sur- 
face, on l’enlève au moven d’une cuillère, mais le produit est moins 
parfumé. Autrefois très usité en médecine, le ladanum est aujour- 
d’hui complétement abandonné et n’est employé que dans la parfu- 
merie. 

A mesure que nous avançons, la montée est plus ardue. En face 
Sencels et depuis Saint-Chinian nous sommes dans le paleozoïque, 
en plein Arenig. Ce sont des schistes gros zébrés de noir si bien 
caractérisés à Sencels etau Roc Nègre par les couches ampeliteuses 


(1) Voir Bull. Soc. bot. de France. Séance du 23 Nov. 1866, p. 440 et suiv. 


— 31 — 

à Asaphelina Miqueli. Ces schistes portent des châtaigneraies 
comme d’ailleurs dans toutes nos basses montagnes et nous les 
voyons des deux côtés de la route. Le châtaignier (Castanea vul- 
garis Lamarck) est l'arbre qui suffit à lui seul à caractériser les 
basses montagnes siliceuses dans le bassin méditerranéen fran- 
çais (1). S’il n’est pas exclu de la plaine et des collines inférieures, 
il y est peu abondant et y produit rarement des fruits, ce n’est qu’à 
390 à 400 mètres qu’il vient spontanément et acquiert son com- 
plet développement. Là où commence le hêtre il devient essence 
secondaire. La limite supérieure dans l'Hérault varie de 650 à 800 m. 
suivant l’exposition et au-dessus de 1000 mètres 1l n’est plus qu’un 
objet de curiosité et n’y muürit pas toujours ses fruits ; 1l ne paraît 
guère qu’à l’état clairsemé sur l’Espinouse et le Caroux. On ne 
peut ici s'étendre sur l'influence du châtaignier, sur la densité de 
la population et la richesse dés pays où il croît, pas plus que sur 
sa culture, son exploitation forestière, l’utilisation de son bois, etc. 
De très beaux travaux ont été publiés récemment sur ces sujets et 
parmi eux ceux de M. Adrien Jeanjean (2) tiennent certainement 
une large place, On ne peut dire après tant d’autres que cet arbré 
ne vient que dans les sols siliceux, qu’il est calcifuge et qu’il est là 
pour montrer aux physiologistes et aux agronomes qui ont cru la 
silice iautile dans l’existence de tous les végétaux, que sans ce 
corps il ne peut vivre, n’y même végéter (3). Et pour finir avec 
le châtaignier que nous trouverons très abondant à Pardailhan et 
qui défraie toutes les conversations pendant que les chevaux sui- 
vent patiemment la route, disons que l'Hérault produit 70.000 
quintaux de châtaignes par an et que la valeur moyenne des chà- 
taignes récoltées en France est de 46.072.476 francs ; le prix moyen 
est de 8 fr. 27 Les 100 kilos. 

En vue de Babeau, la route quitte les bords du Vernazobres, pour 
cotoyer le lit du ruisseau d’Iloubre. Ce ruisseau prend sa source à 
Rodomouls et est suivi par la route nationale 112 sur tout son 
cours. 

A la côte 181, nous trouvons le chemin de Bouldoux, là un cer- 
tain nombre d’excursionnistes de Babeau vient nous rejoindre. Nous 


(1) In Bull. Soc. lang. de Géogr. — Géogr. du Départ. de l'Hérault. La 
Flore page 145 et suiv rantes. 


(2) Ad. Jeanjean. — Le châtaignier et ses maladies. 


(3) P. Carles et D' A. Hubert. Rôle de la silice dans les végétaux. — Imp. 
Azaïs, 1895, Béziers. 


— ME = 


sommes en présence à cet endroit des schistes à nodules, dont la 
faune est classique; Bellerophon Œhlerti, Munier - Chalmas et 
Bergeron ; Orthis Carausti, Salter ; Orthoceras bohemicum, Bar- 
rande ; Calymene Filacovi, Mun.-Chalm. et Berg. ; Asaphelina 
Barroisit Mun.-Chalm. et Berg. ; Asaphes, Niobe, Ampyx, etc. 
La Société dans de précédentes excursions a pu recueillir des no- 
dules fossilifères dans les fossés même de la route, en face Boul- 
doux, sous le chemin de Sourteillo. 


Nous continuons notre voyage, l’altitude augmente d’une façon 
rapide et le paysage ne varie guère. Aux schistes succède la fameuse 
alternance de quartzites et de phyllades du Barroubien. 


Enfin nous arrivons au Pont de Poussarou et nous descendons 
de voiture pour nous dégourdir les jambes et herboriser. 


Nous passons devant une grotte creusée dars les calcaires et qui 
domine la route. Elle possède une belle salle, mais le sol de l’en- 
trée, qui a plus d’un mètre de hauteur peut être considéré comme 
formé en entier par le détritus des foyers préhistoriques. On y a 
trouvé des dents de cerf, de renard, des cornes de gazelle, de cha- 
mois, présentant à la base une encoche d’emmanchement tandis que 
les pointes sont émoussées et polies par un frottement : ( Elles pa- 
raissent, dit M. Miquel, avoir servi de pics ou de pointes de râteau 
et peuvent être rangées parmi les premiers instruments agricoles 
connus. Ces débris sont de la période de la pierre polie, tandis que 
ceux de Coulouma sont du premier âge du fer. » 

Nous nous trouvons ensuite en présence du marbre de Poussarou. 
Ce calcaire a été pendant longtemps considéré comme devonien, 
mais depuis les études de M. Miquel (1) {ous les auteurs sont 
absolument d'accord pour reconnaitre en lui le calcaire cambrien. 
Depuis l'apparition des marbres, le châtaignier a disparu. Nous 
ne voyons guère que de maigres taillis de chêne. Le chêne blanc à 
feuilles pubescentes Quercus sessiliflora var. pubescens qui à Par- 
dailhan cèdera la place à la variété à feuilles glabres domine sur 
le chêne vert Quercus tlex ; mais ces bouquets d’arbres sont peu 
importants et bien tristes et bien pelées nous paraissent les mon- 
tagnes au milieu desquelles nous nous trouvons ; le pâturage a 
tout détruit ; le déboisement est complet. Sur les hauts sommets 


(1) J. Miquel. — Note sur la géologie des terrains primaires du départe- 
ment de l'Hérault. — Béziers, Imprimerie Azaïs, 1894. 


— 133 — 


du Minervois la désolation est plus complète encore ; le ravine- 
ment, le manque d'arbres ont appauvri et desséché complètement 
ce pays ; et il faudra de longs et multiples efforts pour retirer de 
ce sol ingrat et dévasté quelques ressources pouvant améliorer 
d’une façon sensible le sort de la population. 

En avancant sur la route, au milieu des montagnes, voici la 
liste des espèces que nous avons pu récolter : Asplenium tricho- 
manes forma typica L., Pterotheca nemausensis, Trifolium re- 
pens, Euphorbia characias, Geranium lucidum L., Helleborus 
niger, Coronilla emerus, Vinea acutifiora Bert, Aphyllantes mons- 
peliensis, Thymus vulgaris, Helichriÿsum stæchas, Lavendula la- 
ufolia, Buxus semperoirens, Euphorbia amygdaloides, Cratæqus 
monogyna, Astragalus monspeliensis , Linum sujffruticosum , 
Genista scorpius, Juniperus oxycedrus. Le Ceterach officinarum 
Willd., garnit de ses touffes de feuilles de couleur vert bleuâtre 
les fissures des rochers ; plus robuste et bien mieux organisé pour 
la lutte pour la vie que l’Asplenium trichomanes à côté duquel 1l 
se trouve très souvent, le Ceterach escalade toutes les murailles, 
descend au fond des puits, croît dans tous les interstices, et abar- 
donnant même les lieux frais et ombreux, il envahit les rochers 
exposés aux ardeurs du soleil ; si la sécheresse devient trop intense, 
il se replie sur lui-même, recroqueville sa fronde dorée semblable 
à une crosse d’évêque et bien longtemps après à la saison des pluies, 
il reprend sa forme première et sa fraîcheur d’autrefois. À côté du 
Ceterach vient aussi le Polystichum fiix mas dans une grotte 
puis l’Asplenium ruta muraria, rue des murailles, qui est assez 
rare dans cette région. Cette petite plante, ne vis que sur le terrain 
calcaire, c’est un bon réactif quiindique la composition du terrain 
et les géologues peuvent mettre à profit la précieuse indication de 
cette fougère. Le Polypodium vulqare vient à son tour réjouir nos 
regards de ses frondes d’un vert clair qui s’élèvent gracieusement 
au-dessus d’un rhizome écailleux, épigé, tandis que les racines 
pénètrent seules dans le sol. Assez abondant, 1l se trouve d’ailleurs 
partout, dans tous les terrains et à toutes les hauteurs et quoique 
vivant quelquefois en pleine terre, il préfère pourtant les rochers, 
les murs, les toits, les mousses, les troncs d’arbre. Cette robuste 
espèce a produit de nombreuses variétés dont quelques-unes ontélu 
domicile dans des lieux appropriés à leur évolution ; le rhizome 
gros, charnu, aqueux fournit un suc laxatif qui de nos Jours n’est 
plus employé en médecine. Dans les environs de Lodève, cette 


— 134 — 


plante est désignée dans le dialecte languedecien sous le nom d’A- 
lencidos à cause sans doute de la forme allongée de sa fronde. Nous 
récoltons encore : Poterium muricatum, Medicago lupulina, Ga- 
lium maritimum, Bromus erectus, Leontodon proteiforme, Cly- 
peola Jonthlaspi en fruits, Ranunculus bulbosus, Glaucium luteum, 
Rœmeria hybrida, Saponaria ocymoïdes, Alyssum calycinum, 
Cynoglossum pictum, Ononis minutissima, Convoloulus lineatus, 
Saloia verbenaca, Centhranthus calcitrapa, Silene inflata, Picno- 
mon acarna, Helianthemum pilosum, Arabis turrita, Silene nu- 
tans, Centaurea nigra, Helichrysum angustufolium. 

A la Borio Cauquil nous reprenons nos voitures ; la route monte 
toujours. Le paysage se transforme. A notre gauche paraît le pit- 
toresque village de Cathalo au milieu des prairies et de la verdure. 
Quelques hêtres se dressent sur les bords des champs. L’orge, le 
sainfoin, la luzerne, le trèfle incarnat surtout montrent que l’on est 
dans une région bien différente de celle que nous venons de tra- 
verser. Le trèfle incarnat (Trifolium incarnatum) quoique origi- 
naire du Midi de l'Europe est absolument inconnu dans la partie 
basse du département de l'Hérault. C’est une plante annuelle dont 
la culture est restée pendant longtemps très limitéeet ce n’est qu’au 
commencement de ce siècle qu’elle a pris un assez grand déve- 
loppement. Elle ne donne qu’une coupe, mais c’est un foin très 
précoce, très peu exigeant ei qu’on peut cultiver comme récolte 
intercalaire. Il existe irois variétés de trèfle incarnat, dont une est 
le trèfle incarnat à fleurs blanches ; les deux autres sont le trèfle 
incarnat hâtif et le trèfle incarnat tardif ; comme une variété vient 
quinze jours avant l’autre, il n’est pas indifférent dans une exploi- 
tation de posséder les deux variétés. La culture du trèfle incarnat 
convient bien au Midi, car il se développe avant que la sécheresse 
ait arrêté la végétation ; il vient dans les terres légères ; après sa 
culture on peut mettre des pommes de terre, du mais, de la bette- 
rave. Pour le semer on doit ameublir le sol par un léger labour, la 
semence est recouverte à la herse ; quand on est pressé on peut 
semer et recouvrir au scarificateur. La graine est jaunâtre luisante ; 
on peut la falsifier par l’huile ou le soufrage. Les semailles se font 
le plus tôt possible en automne. On emploie 18 à 25 kilogr. de 
semence pure à l’hectare. Les soins d’entretien sont nuls ; on peut 
cependant au printemps répandre un peu de plâtre à la surface de 
la culture. La récolte est utilisée en vert et lorsque ce fourrage est 
trop sec on le mélange avec du trèfle hybride. . 


— 135 — 


Depuis quelque temps nous avons quitté le calcaire cam- 
brien. A l’auberge basse de Rodomouls nous venons d’entrer dans 
les schistes paradoæidiens, qui sont en particulier fossilifères dans 
les maisons de Rodomouls. 


La route est bordée par de beaux ormes et des platanes sur 
lesquels un rossignol chante,souhaitant la bienvenue aux touristes 
biterrois. Et nous allons, charmés de la splendeur du paysage. 
Bientôt sur le chemin de Pardailhan que nous allons prendre, appa- 
raissent MM. Miquel et Sahuc qui viennent rejoindre la Société. 


En quittant la grande route nous traversons un beau pointement 
de porphyrite et nous rentrons dans les calcaires cambriens pour 
pénétrer enfin à mi-côte dans les Grès de Marcory. L'âge de ces 
grès est fort en discussion ; M. Bergeron voit en eux du Postda- 
mien ou Cambrien supérieur, MM. Miquel, de Rouville et Delage 
sont convaincus au contraire que l’on est en présence du Cambrien 
inférieur. C'est dans ces grès que sont compris la source de la 
Cabosse et le bois de M. Gautier ; le bois de Pardailhan dans lequel 
nous entrons a été très étudié au point de vue botanique par le 
propriétaire lui-même dont les travaux sont fort appréciés dans le 
monde scientifique. Ce bois dominé par le signal de Marcory (800 
mètres d'altitude), se trouve dans la zône des montagnes par con- 
séquent dans celle du hêtre qui commence à 200 mètres environ 
du col de Rodomouls, lui-même situé dans la zône du châtaignier 
à 528 mètres d’altitude. Les essences forestières qui s’y trouvent 
sont très nombreuses : chêne blanc (Quercus sessiliflora), le hêtre 
(Fagus siloatica), le noisetier (Coryla avellana), les Sorbus aria 
et torminalis, les Acer monspessulanus et campestre, le Houx 
(Ilex aquifolium), le Rhamnus cathartica, l'Arbutus unedo, le 
Cerasus avium, le Quercus ilex,le Malus acerba, le Pyrus amy- 
daliformis, le Castanea vulquris, le Quercus pedunculata, le 
Daphne laureola, ete. On peut aussi voir les clairières garnies 
par quelques arbres verts parmi lesquels les Cedrus Uibani, C. 
deodora, C. atlantica, le Pinsapo, l’Epicea, le pin d'Autriche, le pin 
des Pyrénées, etc., etc., qui y réussissent admirablement. Retenu 
depuis quelque temps et pour la même époque par des botanistes 
qui se proposent d'étudier la flore des Pyrénées-Orientales, M. 
Gautier n’a pu venir nous faire les honneurs de sa propriété et nous 
le regrettons vivement, d'autant plus queses connaissances auraient 


— 136 — 


été d’un grand prix pour nous tous. Quoiqu'il en soit dès notre 
entrée dans le bois nous constatons le retard de la végétation par 
la floraison de la Ficaria ranunculoides qui a fleuri depuis très 
longtemps dans les environs de Béziers. Nous voyons également 
l’'Aquilegia vulgaris, puis: Viola permixta, Cephalenthera enst- 
folia, Lilium martagon, Sysimbrium alliaria, Trifolium ochro- 
leucum, Festuca heterophylla, Matricaria inodora, Chæœrophyllum 
tæmulum, Orobanche Rapum, Brunella grandiflora, Carex depau- 
perata, Veronica officinalis, Campanula Trachelium, Teucrium 
chamædrys, Atropa Belladona, Solanum dulcamara, Sambucus 
nigra, S, ebulus, Sarothamnus purgans, Saponaria officinalis, 
Fragaria vesca, Rubus Idæœus, ete. Nous cueillons ensuite le P£e- 
ridium aquilinum dont la fronde unique s’élève majestueusement 
au-dessus du tapis de verdure ; ses frondes n’ont pas encore acquis 
tout leur développement et il nous est impossible d’en prendre des 
échantillons en état de fructification ; il ne vit que dans les ter- 
rains siliceux et sa racine traçante envahit peu à peu d'immenses 
espaces dont il est fort difficile de le déloger. Nous nous arrêtons 
à la source de la Gouttière pour déjeuner. L’eau court fraiche de 
la pente de la montagne et rit heureuse de refléter les fougères dont 
elle abreuve les racines ; parmi ces fougères nous cueillons lAspi- 
dium angulare qui atteint dans ce site pittoresque des proportions 
inusitées ; nous en avons emporté quelques frondes qui mesurent 
plus d’un mètre de hauteur ; à côté sur le mur même croit le Cys- 
topteris fragilis dont le zone orométrique s'étend de 800 à 2.400 
mètres et qui n’a jamais été signalé à Pardaïlhan où M. de Rey- 
Pailhade vient de le trouver. - 

Nous nous installons ensuite pour le repas qui fut gai et agréable 
comme le sont d’ailleurs tous les déjeuners faits par des excursion- 
nistes sur qui mai verse la joie à pleines urnes. Puis nous. nous 
répandons dans le bois pour herboriser et dès le commencement de 
notre course nous trouvons l’Asplenium septentrionale. Cette espèce 
saxatile, si petite, si gracieuse, ne vit que dans les fissures des 
roches siliceuses. Un peu plus loin paraît : l”’Asplenium adian- 
thum nigrum, puis : Anthyllis montana, Lupinus angustifolius, 
Medicago Pourretii,Cephalenthera rubra.Galium cruciata,Cirsium 
odontolepis, Trigonella hybrida, Nardurus Lachenali, Saro- 
thamnus scoparius, Peplis portula, Geranium nodosum, Poly- 
gala vulgaris, Allium ursinum, Erythronium dens canis et 
l'Evonymus europeus ou fusain ; cetteespèce croit dans les con- 


ns AAA 


trées tempérées de l’Europe où la forme bizarre de ses fruits lui a 
fait donner quelquefois le nom vulgaire de bonnet de prêtre. Toutes 
ses parties répandent une odeur un peu nauséabonde ; le bois est 
blanc, jaunâtre, très dur, d’un grain fin et serré ; on ne l’emploie 
guère qu'aux ouvrages de tour et de marqueterie. Son charbon 
sert à la fabrication de la poudre à canon ; avec ses jeunes rameaux 
brülés dans un tube de fer, on fabrique les crayons dont on se sert 
pour le dessin. Les fruits sont âcres, émétiques et fortement pur- 
gatifs ; on retire de ses graines une huile assez bonne à brüler. 


Nous escaladons la montagne. La mer de feuillage gravit les 
pentes et couronne les hauteurs pendant que la rêverie semble 
sortir des feuilles en même temps que le parfum des fleurs et nous 
ajoutons à notre récolte : Scilla bifolia, Ornithogalum pyrenaïcum, 
Gagea bohemica, Limodorum abortioum, Digitalis purpurea, D. 
lutea et leur hybride purpurascens, Armeria bupleuroides, Ribes 
alpina, Galium commutatum, Senecio lividus, Hieracium auricula 
mais nos recherches ont été vaines pour la Stlene oiridifiora nou- 
velle pour la France et que M. Gautier y a signalée ; la connais- 
sance des lieux nous faisait un peu défaut et nous allions un peu 
à l’aventure. 


En continuant notre course dans le bois et en nous dirigeant vers 
Coulouma nous constatons la présence de : Ornithopus perpu- 
sillus, Sedum aureum, Linaria supina, Loliumitalicum, Juniperus 
communis, Arenaria tetraquetra, Saxtifraga hypnoides, Lepidium 
heterophyllum Beult. (L. Bithii, Hook), Trifolium lœvigatum Desf., 
Peonia peregrina var. leiocarpa, Agrostis canina, Lathyrus an- 
gulatus, Vicia satioa, Moœhringia trinervoia, Polystichum filix 
mas forma typica et var. deorso lobata. (De Rey-Pailhade). 
Nous quittons enfin la forêt. Nous traversons un champ de blé où 
croit le Ranunculus chærophyllos et le bluet (Centaurea cyanus), 
qui comme le Papaver rhœas paraît être originaire de l’Orient. 
Cette jolie espèce a été assez commune aux environs de Béziers à 
l’époque où le phylloxera avait obligé l’agriculteur à substituer la 
culture des céréales à celle de la vigne. Depuis, le bleuet a dis- 
paru des environs immédiats de Béziers. 

Après Pont Guiraud ou Pardailhan nous traversons le Verna- 
zobres. Le pays devient sec ; son aspect est désolé ; la végétation 
est rabougrie, très ligneuse : le Plantago carinata abonde, nous 
récoltons le long du chemin jusqu’à Coulouma : Æhamnus fran- 


— 138 — 


gula, Carum Bulbocastanum, Cirsium eriophorum, Carlina cy- 
nara, Arbutus uoa ursi appelé vulgairement bousserolle, le Vacci- 
rnium myrtillus, airelle myrtlle, qui vient au bas des rochers. Ce 
charmant petit arbrisseau est commun dans les bois de montagne; 
ses baies sont comestibles et servent à faire des confitures ou des 
boissons fermentées ; on les emploie aussi dans la teinture. Nous 
arrivons bientôt à la fontaine de Coulouma et de là au village, 
nous pouvons encore recucillir Scabiosa succisa, Montia minor, 
Lysimachia nemorum. 


Enfin nous voilà à Coulouma, petit village misérable, très cu- 
rieux, construit au milieu d’un sol stérile et dont les ruelles, oh 
combien différentes de celles de Béziers, sont pavées de belles dalles 
de marbre scintillant au soleil. Coulouma est la terre promise du 
géologue ; c’est l’excursion signalée et recommandée tout spécia- 
lement à la Socièté par M. Miquel qui enrichit tous les jours sa 
faune de nouvelles trouvailles, 


Je ne pourrai mieux faire que de citer textuellement un grand 
nombre d’extraits de ses études géologiques sur le Cambrien de 
l'Hérault (1), mais je ne dois pas oublier que mon travail n’est 
qu’un compte rendu, déjà peut-être trop long. Aussi ne donnerai-je 
qu’un rapide résumé de la géologie de Coulouma vous priant de 
vous rapporter à la collection de nos annales. Coulouma est bâti 
au centre de la grande bande calcaire qui traverse la communede 
Pardailhan à travers la chaîne de Marcory. Ce calcaire appartient 
au Précambrien de M. de Lapparent appelé actuellement Archéen ; 
c'est lui, comme le dit M. Miquel, qui constitue la base de notre 
géologie. On trouve tour à tour sur ce calcaire, les Calschistes 
amygdalins, les calschistes bleus, verts ou lie de vin et surtout 
les schistes jaune sale qui commencent à 200 mètres du villageet 
qui reposent directement sur le Cipolin. C’est dans ces schistes 
que M. Miquel a retrouvé une faune spéciale et découvert de nom- 
breux fossiles nouveaux ; cette faune primordiale est certainement 
une des plus belles qui soient connues : on y trouve Conocoryphe 
Rouayrouxi M. Ch. et Berg. qui est avant tout le fossile caracté- 
ristique de Coulouma, Conocoryphe Leoyi M. Ch. et Berg., Co- 
nocoryphe coronata Barrande, Paradozides rugulosus Corda, 


(1) Notamment : « Note sur la Géologie des terrains primaires du dépar- 
tement de l'Hérault de St-Chinian à Coulouma. » Bull. Soc. Sc. Nat. de 
Béziers. 1893. p. 100 et suiv. 


-— 139 — 


Agnostus Sallesi, M. Ch «et Berg., Trochocystites Barrandei M. 
Ch. et Berg., des discines et un bon nombre de pièces encore indé- 
terminées parmi lesquelles cette magnifique Cystidée que M. Miquel 
a proposé de dédier à M. Cannat sous le nom de Trochocystites 
Cannati. « Tout autour des schistes à paradoæides se dressent au 
« couchant et au midi, au-dessus de la formation et en stratifica- 
« tion concordante avec elle, des bancs de grès quartziteux, qui 
« couronnent les crêtes des montagnes voisines et délimitent le 
« Cambrien avec une netteté parfaite. C’est la base du Posicam- 
(« brien, au sud la délimitation est moins apparente ; le terrain est 
« plus tourmenté ; mais si le point de passage, recouvert dans les 
« vallées par les éboulis, est plus difficile à déterminer, on re- 
« trouve sur les collines le même toit quartziteux. (1). » 


Les environs de Coulouma possèdent aussi plusieurs grottes. La 
grande grotte de Coulouma est située sur la source du ruisseau de 
Barroubio. C’est une salle ovale de 15 mètres de long sur 10 de 
arge. M. Miquel y a recueilli des ossements variés, des poteries 
noires et lustrées, toutes constellées de paillettes de mica, une belle 
pointe en cuivre, un moule à couler les fibules et des outils en fer. 
« Les troglodytes de l’âge du fer vécurent pendant qu’autour d’eux 
« l’histoire prenait possession du pays. Il est probable qu'ils zepré- 
« sentaient surtout une classe déshéritée, traquée par de nouveaux 
« venus, et vivant misérablement dans nos montagnes, pendant 
« que les peuplades voisines avaient atteint une civilisation plus 
« avancée et habitaient les camps celtiques et les oppida. (2). » 


Aux environs de Coulouma existent aussi des abris sous roche 
et en face la grande grotte s’en trouve une seconde plus petite ca- 
chée dans des rochers et au milieu des broussailles. On y a trouvé 
huit ou dix squelettes appartenant tous à des hommes adultes, 
orands à peine de 1M50 à 1m60, mais trapus et vigoureux. « L’un 
« des squelettes avait à ses côtés une belle épée en fer de 30 centi- 
« mètres de long. Près de la tête, un vase renfermait les os d’un 
« oiseau de la grosseur du perdreau ou du coq de bruyère. C’est 
« certainement la part du mort, ses provisions de route, c’est là 


(1) J. Miquel. — Note sur la Géologie des terrains primaires du départe- 
ment de l'Hérault : Saint-Chinian à Coulouma in Bull. Soc. d'Et. Sc. Nat. 
de Béziers. 


(1) Jean Miquel. — Saint Pons préhistorique et Gallo-Romain. 


— 140 — 


« l’indice d’un sentiment de religiosité, d’une croyance à une nou- 
« velle vie. (1). » 

Au retour, M de Rey-Pailhade, qui pendant notre course à 
Coulouma a bien voulu guider les botanistes restés dans le bois de 
M. Gautier, me montre un pied de Ceterach officinarum Willd. 
var. crenata (de R.-P.) dont les lobes sont légèrement crenelés 
et qui craissait au fond d’un ravin sous d’épais buissons ; un peu 
plus loin à l’ombre d’une haie, dans un sentier frais et ombreux 
venait le Polypodium oulgare var. aurita (de R.-P.) dont les 
lobes inférieurs sont pourvus d’une oreillette. 

Nous arrêterons là la liste des découvertes et des remarques de 
la journée. Nous avons eu trop peu de temps pour visiter une ré- 
gion aussi intéressante ; reprenons les omnibus qui doivent nous 
emporter à Saint-Chinian et arrêtons ici notre compte rendu. 


Séance du 17 Juillet 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSIONS. — Sont admis comme membres actifs : 


MM. Jaussan Joseph, pépiniériste, présenté par MM. 

Cannat et Moulins-Cambon. 

Gély, avoué, rue Bonsi, présenté par MM. Cannat 
et Paul Louis. | 

Daïsse, huissier, présenté par MM. Bourdié et 
Cannat. 

Galibert, avenue Gambetta, présenté par MM. 
Cannat et Duprat. 


CORRESPONDANCE. — M. Escot, de Cabrières, parle des 
excursions qu’il se propose de faire avec M. le Président 
, et promet un envoi de fossiles. 


(1) Jean Miquel. — Saint Pons préhistorique et Gallo-Romain, 


fr — 
Excursions. — M. le Président donne les derniers 


renseignements sur l’excursion de la Franqui. 


SUSPENSION DES SÉANCES. — La Société selon l’usage 
décide de suspendre ses séances jusqu’en Octobre. 


EXCURSION 


Le 21 Juillet a eu lieu une excursion à Leucate et à la 


plage de la Franqui (75 excursionnistes). 


HAS 
REPRISE DES SÉANCES 


Séance du 30 Octobre 1895. — Présidence de M. Cannat 


ELECTIONS. — L'ordre du jour appelle l'élection du 
bureau pour l’année 1895-1896. 

La liste proposée par le bureau sortant est élue à lu- 
nanimité des votants (116 voix). 


Commissions. — M. le Président donne communica- 
tion de la décision du bureau du 3 Octobre sur la nomi- 
nation des Commissions. Le bureau propose la nomi- 
nation à la séance du vote des deux commissions : 40 
des Excursions ; 20 des Conférences. (Adopté). 

La commission des excursions est ainsi composée : 
10 le bureau ; 20 MM. Daiïsse, Jalabert, Lamouroux, Hu- 
bert, Empereur, Moulins-Cambon, Guibert, Nivière, 
Comps, Capitaine Griffe, Bouttes, Gélys, P. Bert, Bour- 
dié, Fourment, Duprat, Antonin Moulin, Trémont, Bü- 
Ther, Migron, Reverdy Joseph, Slizewicz, Durand, Miquel, 
Maignal, Lecavellé, Marius Bédry, Roques, Belleudy, 
Hérisson. 

La commission des conférences est ainsi composée : 
1o le bureau ; 20 MM. Aïn, Combes, Clavel, Lafoi, La- 
mouroux, Boulouys, A. Moulin, Thomas, Reverdy Eu- 
gène, Reverdy Joseph. 


Séance du 6 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat 


Dons. — Fossiles tertiaires des environs de Béziers, 
par MM. Nivière, Carles et Hubert. 


459 — 


Ammonites et Belemnites de la Gardiole par M. Henri 
Michel, étudiant en médecine. 


CORRESPONDANCE. — l’Université de l'Etat de New- 
York remercie de la réception de notre Bulletin. 

La Société royale des sciences de Liège demande des 
volumes VI à X du bulletin. Adopté. 

M. de Rouville recommande l'étude de lAquitanien 
de Nissan. 

La I. R. Academia degli agiati de Rovereto n’a pas 
recu le bulletin de la Société qui lui avait été cepen- 
dant envoyé et annonce de sa part un nouvel envoi. Le 
bulletin lui sera à nouveau envoyé. 

La Société des sciences naturelles de Nîmes désire 
recevoir les tirages à part de zoologie que nous voudrons 
bien leur envoyer. Adopté. 

La Société des Naturalistes luxembourgeois remercie 
de l’envoidu bulletin et offre de compléter la collection. 

M. le Ministre de l’Instruction publique accuse récep- 
tion des 195 exemplaires de notre bulletin qui seront 
transmis aux Sociétés savantes. 

La famille Marc, de Nissan, envoie une lettre de faire 
part du décès de M. Jules Marc, 24 Août 1895, membre 
correspondant fondateur de notre Société et rapporteur 
de plusieurs excursions. La Société s’associe à la douleur 
de la famille. 

M. le secrétaire de la Société des sciences du Puy offre 
à la Société un volume du Guide du Puy et donnera tous 
les renseignements qui pourraient lui être demandés. 

La Société scientifique du Chili à Santiago annonce 
l'envoi de la Vme livraison du Tome IV de ses actes. 

M. J. Miquel communique à la Société qu’il a fouillé 
de nombreuses grottes dans l'Aude, avec M. Sicard de 
Rivière. Au retour d’une des excursions, le château et 


—. M 


particulièrement le Musée de M. Sicard de Rivière ont 
été la proie des flammes. On a à déplorer outre la perte 
de nombreuses collections de tous les terrains, une 
grande galerie de préhistorique dans laquelle étaient des 
échantillons uniques, résultat des trouvailles de M. Si- 
card, infatigable explorateur des grottes. 

L’Academy of natural Sciences of Philadelphie de- 
mande les bulletins de 7 à 10. Adopté. 


M. le Président donne lecture du discours suivant : 


MESSIEURS, 


Vingt années se sont écoulées depuis le jour où, pour la première 
fois, vous avez bien voulu nous confier la mission d’administrer 
notre Association naissante. Et depuis lors, chaque année, vous 
nous avez renouvelé le même mandat par un nombre toujours crois- 
sant de suffrages. Cette fois, c’est par 116 voix que vous nous avez 
fait l'honneur de nous appeler encore à servir de notre zèle et de 
notre dévouement les intérêts de notre Association mainteuant 
grandie et prospère. 

Je suis chargé au nom de votre bureau tout entier de vous dire 
combien nous sommes fluttés et reconnaissants d’un si éclatant 
témoignage de votre confiance et de votre sympathie. 

L'usage veut qu’à cette séance de rentrée, 1l vous soit donné un 
relevé des événements accomplis, des résultats obtenus et qu’il 
vous soit soumis le programme des efforts toujours nécessaires pour 
maintenir à notre Association la bonne réputation qu’elle a su 
acquérir et la faveur qu’elle a su mériter. 

À peine trente-cinq membres actifs lors de sa fondation, nous 
sommes aujourd’hui près de deux cents. Les séances quoique très 
souvent répétées, puisqu'elles sont hebdomadaires, sont suivies par 
un nombre toujours plus grand de sociétaires et d’auditeurs, et 
elles ont eu ce privilège exceptionnel, cette année, que beaucoup 
de nos sociétaires ont bien voulu par des conférences, des lectures, 
des comptes rendus, remplir nos ordres du jour dont l'intérêt va 
grandissant. 


— M6 = 


Dans cette seule session, vous avez entendu les comptes rendus 
d’excursion de M. Lamouroux (Agde et Reals), de M. Mouiin (St- 
Remi, les Baux), de M. J. Crozals (Carcassonne et le Caroux), de 
M. Buülher (Armissan), de M. Carles (Coulouma), et comme inno- 
vation, le rapport de M. Maffre en néo-roman sur l’excursion de 
Lamalou. Une sérieuse étude géologique de M. Miquel, Essai de 
Statigraphie générale, est une primeur réservée chaque année à 
notre Association et fort goûtée des vrais géologues. 

La botanique n’a pas été oubliée. M. Carles vous a lu son travail 
intitulé la Botanique à Béziers, résultat de longues recherches, 
pieux hommage rendu à nos prédécesseurs. M. de Rey-Païilhade 
vous a démontré la multiplication des Fougères. M. Crozals a 
retracé la vie intime du célèbre botaniste Duchartre. M. Carles 
vous a parlé de la naturalisation des plantes. M. Lafoi à réuni la 
Botanique et l’Entomologie en parlant une fois du Mildew, une 
autre fois de l’Altise. M. Séguy, entomologiste, vous a montré 
l’'Anonta sullosa dont il a décrit les mœurs. M. Carles a indiqué 
les procédés d’hybridation de la vigne. 

La chimie non plus n’a pas été négligée, et les jolies études de 
MM. Hubert, sur l’Argon, Llizewiez, sur la Stérilisation de l’eau 
et Nivière surla Srlice dans la végétation, vous ont montré l'attrait 
des sciences expérimentales quand elles sont si bien présentées. 
M. Migron, praticien habile, a traité devant vous deux questions 
d’arboriculture fructifère et M. Boïlève vous a intéressés aux efforts 
et aux résultats si brillants obtenus par la Société philomatique 
dans l'Exposition de Bordeaux. 


Cette année, des causeries avec lecture ont eu lieu pour la pre- 
mière fois, et leur succès nous engage à les renouveler. M. le sous- 
préfet Belleudy, membre honoraire et membre actif à la fois, a bien 
voulu avant notre grande excursion, nous faire une lecture sur 
Marseille anecdotique. M. Lacaze a lu une relation de son voyage 
en Aragon. 


Que d’attrait n’y a-t-il pas pour nos séances, en les voyant si 
bien remplies, grâce au dévouement de chacun des vôtres. Votre 
Bulletin qui en, est le compte rendu et le reflet se ressent de cette 
activité ; celui que vous avez reçu cette année, se recommande par 
son grand développement et l'importance croissante des travaux. 


M. Granger, de Bordeaux, nous a donné une Classification des 
oiseaux utiles ét des oiseaux nuisibles à l’agriculture, qui lui a 


— 146 — 


valu de nombreuses lettres de félicitations. Nul doute que dans les 
arrêtés qui sont pris chaque année pour les prohibitions ou les 
autorisations de tel ou tel gibier, on ne tienne un grand compte des 
travaux personnels du naturaliste qui fait part de ses études et de 
ses expériences, de ses savantes et patientes recherches. 

Notre trop modeste collègue, M. Miquel, de Barroubio, si sym- 
pathique à nous tous, vous donne chaque année une nouvelle ap- 
préciation de la succession des couches dans notre système local 
et dans la géologie générale. 

Une première année, 1l signala un renversement à admettre dans 
la classification des couches du Cambrien, et sans conteste, sa ma- 
manière de voir fut partagée par tous les géologues. Une deuxième 
année, il a publié une nouvelle modification à la classification de 
lArenig, qui vient de paraître dans le bulletin. Il vous a lu en ces 
derniers temps sous le titre Æssat de stratigraphie générale, une 
note qui indique que les développements marqués dans toutes les 
cartes géologiques et dans tous les traités du granitique de la Mon- 
tagne Noire, doivent être considérés désormais non comme primi- 
tifs, mais comme paléozoïiques métamorphisés. Cette opinion adoptée 
par nos maîtres en géologie sera désormais la base incontestée de tout 
traité et de toute carte de la région. M. Miquel, travailleur infati- 
gable, nous réserve de nouvelles notes pour les années suivantes. 
Nous remercions notresavant collègue de ce qu’il veut bien réserver 
au bulletin de notre Société, la primeur de ses trouvailles dont 
vous appréciez tous l’importance. 

M. de Rey-Pailhade a publié en deux fois (bulletins de 1893 et 
1894), la Fiore des Fougères de France. Ce beau travail enrichi 
de remarquables dessins dus au crayon de M. de Rey-Pailhade 
lui-même est d’une netteté et d’une vérité telle que la détermi- 
hation des espèces en est bien facilitée. Vivement engagé par les 
maitres en botanique actuelle et en paléontologie végétale, M. de 
Rey-Pailhade se propose de nous donner la suite des cryptogames 
vasculaires. 

Les comptes rendus si gracieux de nos courses à Roqueredonde 
par M. Reverdy ; au Malpas, par M. Lamouroux ; à Cessenon et 
au Foulon, par M. P. Carles, sont un souvenir permanent de ces 
belles journées. 

Enfin les travaux pleins d’érudition, de MM. Moulin et Lamou- 
roux, sur nos grands voyages de l’année (Vaucluse — le Pont du 
Gard) clôturent dignement le volume qui vient de vous être adressé. 


ne 14 A 


Les récoltes faites dans nos courses, les dons de nos collègues 
s’entassent dans nos tiroirs en attendant que la ville puisse mettre 
à exécution le désir qu’elle a depuis longtemps de disposer le tout 
en Musée. Faute de place nous n'avions pu jusqu’ici recevoir le 
bel herbier de notre président fondateur, M. le Docteur Théveneau, 
donné gracieusement à la Société par la famille. M. Benoit, l’un 
de nos collègues fondateurs, a généreusement offert un vaste local 
qui renfermera l’herbier possédé déjà par la Société et celui de M. 
le donateur qu'elle pourra recevoir désormais. Pour remercier M. 
Benoit notre collègue, et accepter en même temps sa proposition, 
vous avez par votre vote chargé M. Benoit des fonctions de con- 
_servateur des herbiers. 


Nos herborisations assez fréquentes, mais suivies dès le début 
par un petitnombre, nos courses géologiques ont pris depuis un tel 
développement, que plusieurs, sont devenues, de véritables voya- 
ges. La variété des sites est plus grande, les excursionnistes sont 
plus nombreux, cette année vous y avez engagé non-seulement des 
invités, mais les familles des sociétaires et celles des invités. 


Ici, Messieurs, et bien que le soin de peindre la physionomie dé 
nos excursions et d’en déterminer le caractère, appartienne exclu- 
sivement à nos savants rapporteurs, permettez-moi de mentionner 
les bons résultats produits par l’admission des familles dans ces 
courses au dehors. Cette heureuse innovation date de notre visité 
au Malpas. Depuis lors, il semble qu’une ardeur nouvelle a présidé 
à la formation de nos groupes de chercheurs et de touristes. On à 
retrouvé ainsi en pleine campagne, un esprit de famille, de civilité, 
empreint de grâce et de réserve à la fois dont le prestige a su attirer 
dans nos rangs les personnes qui avaient pu être éloignées autre- 
fois par la rigueur et la sévérité de la science abstraite et n’osaient 
se joindre à nos promenades scientifiques. Toutle monde sait désor- 
mais que c’est sans efforts ni tension d’esprit que nos excursion- 
nistes quels qu’ils puissent être, pourront toujours trouver à glaner 
quelques faits, quelques connaissances intéressantes et mener de 
front à la fois, des plaisirs sains, détente des soucis journaliers et 
des remarques et conversations sur des sujets scientifiques, source 
bien variée de connaissances. 


Aussi dans les dix excursions de cette année, avons-nous pu 
compter 521 inscriptions, ce qui fait 52 personnes en moyenne. Les 
? grandes excursions de Pâques et de Pentecôte sont surtout très 


— 148 — 


suivies ; c’est par elles que nous avons pu en outre établir etconso- 
lider nos relations avec les sociétés de Carcassonne, de Gênes, de 
Barcelone, de Nîmes, de Toulouse, dont plusieurs envoient des dé- 
légués pour nous accompagner et fraterniser dans nos grands voya- 
ges. Cetteannée, notre visite à Perpignan nous a mis en relations 
avec la Société agricole des Pyrénées-Orientales dont le Président, 
M. Ferrer, nous a reçus dans le local ordinaire des séances. M. le 
Docteur Donnezan, président de la section des sciences, nous a 
fait visiter les Musées de la ville et ses collections particulières, si 
riches en vertébrés pliocènes très habilement découverts, préparès 
et arrangés par lui ; vous avez applaudi à sa récente nomination 
comme chevalier de LU Légion d'honneur. 

Si l’ardeur de nos excursionnistes se maintient si vive, il ice 
reconnaitre que vous le devez à la commission que vous avez créée 
depuis deux ans. Vous avez voulu que les membres les plus assidus 
aux excursions de l’année formassent, avec le bureau, la grande 
commission chargée de dresser la liste des excursions pour l’année 
à venir. Ils peuvent par expérience choisir les sites les plus inté- 
ressants, les régions les plus agréables à visiter. 

En voyant avec quelle impatience les propositions de votre com- 
mission sont attendues chez nous et même dans le public, avec quel 
empressement les membres convoqués se rendent en totalité aux 
séances de la commission, on ne peut quese prendre à espérer un 
succès toujours croissant chaque année et pour notre Association 
un avenir de prospérité dû au concours de vous tous. 

Je puis vous assurer aussi que vous pouvez compter sur le zèle 
et le dévouement de ceux que vous avez appuyés de vos votes et 
honorés de votre confiance. 


Séance du 13 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — Sont admis comme membres actifs : 


MM. J. Bassou, présenté par MM. Etienne Roque et 
Cannat. 

Aureau, directeur du Comptoir d’Escompte, présenté 
par MM. Jean et Henri Crozals. 


— 119 — 


BiBciornèque. — M. de Rouville envoie un travail sur 
la Géologie du canton du Caylar dont il est l’auteur. 


CORRESPONDANCE. — La Société Nederlansch Bota- 
nische demande les bulletins de 7 à 10. Adopté. 

M. Viguier, Docteur ès-sciences, offre un travail pour 
le bulletin. Adopté. 

Boston Society of Natural History, annonce l’envoi de 
son bulletin, t. 15. 

M. le Président de la Société des Sciences naturelles 
de Saône-et-Loire, demande l'échange des publications 
avec cette Société récemment réorganisée. Adopté. 

Il est donné communication du décès de M. Pierre 
Vieu, 13 Septembre 1895. 

La Société de Boston, accuse réception des bulletins 
7 à 10. 

M. Albert Granger engage la Société à envoyer un dé- 
légué à Pexposition de Bordeaux. M. le Président Cannat 
et M. Boilève, secrétaire, ont été reçus comme nos dé- 
légués par la Société philomathique de Bordeaux. 

M. G. Mingaud, secrétaire-général de la Société de 
Nimes, remercie des brochures que nous lui avons 
adressées. | 

L'Académie d’Aix adresse une liste de souscription 
pour ériger un monument à Peyresc. 

L’Académie de Rovereto nous annonce un nouvel en- 
voi de bulletins. 

M. Granger, de Bordeaux, demande quelques exem- 
plaires des Oiseaux utiles et nuisibles et communique 
les lettres de félicitation à ce sujet. 


COMMISSION DES CONFÉRENCES. — M. Charles Arnaud, 
rapporteur, donne lecture du compte rendu de la séance 
de la commission des conférences. Les décisions de cette 
commission sont approuvées par la Société. Une grande 


— 150 — 


conférence faite par le Mandarin Ly-Chao-Pée aura lieu 
dans la salle du grand théâtre. 


BANQUET. — La Société décide que le banquet annuel 
aura lieu le 7 décembre et délègue M. Duprat pour l’or- 
ganiser. 


COMMUNICATIONS. — M. le Président est allé pendant 
la durée des vacances à Rodez où il est entré en rela- 
tion avec l’Académie des sciences de Rodez. M. Gassaud, 
vice-président, a dit combien la société de l'Aveyron 
serait heureuse d’entretenir avec celle de Béziers les 
relations les plus suivies et faire ensemble des courses 
géologiques. 

M. le Président a été reçu à Bordeaux par M. lingé- 
nieur Avril, secrétaire-général de la Société Philoma- 
thique. 


CONFÉRENCE. — M. le Président donne lecture du 
travail suivant, de M. Viguier, Docteur ès-sciences. 


— 151 — 


L'ÉCLAIRAGE DANS LES MINES A GRISOU 


EE 


LES MILIEUX EXPLOSIFS 


Par M. VIGUIER, Membre honoraire 


J’adresse à la Société un exemplaire d’une brochure sur les lam- 
pes de sûreté système Fumat (1), qui m’a êté gracieusement offerte 
par l’auteur pendant une visite que j'ai faite sous sa direction, 
dans le bassin houiller de La Grand-Combe. 

Jette publication étant exclusivement technique, je crois que 
quelques développements de vulgarisation pourront intéresser soit 
ceux de mes collègues de la Société qui ont eu l’occasion de visiter 
des houillères, soit ceux qui auraient à pénétrer, pour une cause 
quelconque, dans des locaux où des gaz, vapeurs, ou seulement 
même des matières très combustibles, se trouvent en présence de 
Pair. En effet, d’après les expériences de Majendie, Dupré et 
Reäwood, les conditions nécessaires pour mettre le feu à un mé- 
lange explosif d’air et de vapeurs d'huile minérale sont à peu près 
les mêmes que pour les mélanges d’air et de gaz d'éclairage, et un 
règlement récent va rendre obligatoire l’emploi des lampes de süreté 
à bord des navires pétroliers ancrés dans nos ports. 

La lampe Fumat a franchi depuis plusieurs années déjà, les 
portes des laboratoires d’essai et est entrée avec succès dans une : 
sérieuse pratique courante. Employée d’abord dans les mines, un 
premier modèle a été aussi mis en service par le colonel Coustou, 
pour les sapeurs-pompiers de la ville de Paris, qui ont souvent à 
pénétrer dans des lieux où l’on soupçonne l’existence de mélanges 
combustibles d’alcoo!l, d’êther, d’essence de pétrole, etc. On trouve 
une description de cette lampe, description accompagnée d’une 
figure, dans les dernières éditions du manuel de chimie de Troost 
où étaient auparavant décrites les lampes plus anciennes de Davy 
et de Combes et, comme l’a dit M. Daubrée, dans son rapport à 


(1) Note sur les lampes de sûreté système Fumat, par M. Victor Fumat, 
ingénieur en chef de l'exploitation des mines de la Grand-Combe. Extrait 
du bulletin de la Société de l'Industrie minérale, 3° série. T. VI, 4 livraison. 
— St-Etienne 1892. 


— 152 — 


l’Académie des sciences : « La lampe Fumat constitue un progrès 
sérieux dans l'éclairage des mines à grisou ». Je ne pouvais donc 
saisir de meilleure occasion pour résumer une question des plus 
importantes. 


Le grisou, hydrogène protocarboné, hydrure de méthyle, hydrure 
de méthylène, méthane, formène, gaz des marais : dont la formule 
est C H #, est un gaz incolore, probablement inodore si il est pur, 
peu soluble dans l’eau, nullement toxique, ne provoquant l’as- 
phyxie qu’à la manière de l’azoie, et dont le poids du litre est de 
0 gr., 717. Il forme comme l’on sait avec l’oxygène de l’air atmos- 
phérique des mélanges détonants dont l’inflammation est un des 
principaux dangers de l’exploitation des houillères. Sans m’arrêter 
à son étude spéciale, je rappellerai que l’on admet généralement 
aujourd’hui que le grisou s’est formé en même temps que la houille 
elle-même et est le résultat normal dela décomposition des matières 
végétales. Le gaz des marais qui se forme de nos jours et qui a une 
composition identique, est un exemple de cette réaction. Renfermé 
dans les pores de la houille, le grisou n'y est maintenu que par les 
pressions extérieures et, toutes choses égales d’ailleurs, il se dégage 
d’autant plus abondamment que les travaux abordent des couches 
plus profondes. | 

Dans les mines autres que les mines de houille, le grisou bien 


que très rare, peut se rencontrer néanmoins et doit son origine à 


des réactions peut-être différentes. D'ailleurs le grisou des houil- 
lères n’est pas toujours à l’état de pureté ; on a signalé dans ce 
. grisou jusqu’à 20 0/0 d'hydrogène bicarboné, et quelques autres gaz 
parmi lesquels l’acide carbonique et l’azote. La nature et l’origine 
de ces mélanges sout encore assez mal connus. 

En présence de cette possibilité d’inflammation, on imagine faci- 
lement que, entre autres causes à éliminer, l’éclairage des travaux 
des mines à grisou soit un problème qui n’ait pas cessé depuis de 
longues années, d’exciter la sagacité des ingénieurs et des savants. 
Ce problème comprend deux parties distinctes : dans la première, 
dont je n’ai pas à m'occuper ici, on doit d’abord apprendre à éviter 
par un aérage bien combiné, les grandes accumulations de grisou 
dans les galeries. On n’a plus alors qu’à prévenir l’inflammation 
des dégagements quotidiens, prévus où imprévus, et le danger se 
trouve déjà de ce fait considérablement diminué. 


nt et de di - 


— 153 — 


Sans faire l’historique des anciens procédés d’éclairage, absolu - 
ment mauvais au point de vue de la sécurité, de l'intensité, de la 
facilité, ou enfin du prix de revient ; je dirai que ces procédés 
étaient seuls en usage jusqu'aux premières années de ce siècle. A 
cette époque, une série d’accidents désastreux survenus dans les 
houillères d'Angleterre appela de nouveau l’attention sur la ques- 
tion et fit absolument désirer une solution pratique. Le célèbre 
chimiste Davy sollicité de divers côtés, aborda le problème, et le 
9 Novembre 1815 il exposait à la Société royale le résultat de ses 
recherches dans son mémoire : € On the Fire-Damp of Coal Mines, 
and on methods of lighting the mines so as to prevent its explo- 
sion. » De ce jour date la première voie vraiment fructueuse ouverte 
dans cet ordre de recherches. Davy présenta ensuite à la même 
Société, le 11 Janvier 1816 une lampe de mine, construite d’après 
ses principes, dans laquelle la flamme était enveloppée par une toile 
métallique formée de fils de Onm,32 de diamètre et comptant 121 
mailles au centimètre carré ; cette enveloppe refroidissait suffisam- 
ment les gaz combustibles qui la traversent pour empêcher leur 
inflammation. De plus Davy avait remarqué que la combinaison 
du grisou et de l’air n'avait lieu qu’à une température élevée (6509, 
c’est-à-dire au rouge sombre, d’après les récentes expériences de 
MM. Mallard et Le Chatelier) ; dès lors inversément quand un 
mélange détonant de grisou et d’air arrive au contact de la flamme 
dans la lampe, la petite portion qui a traversé la toile détone seule 
tandis que les gaz enflammés ne la traversent pas et leur combi- 
naison ne se propage pas au dehors. Par le fait de la détonation 
la lampe s'éteint souvent. 


Avant d’aller plus loin disons tout de suite pour être exact que 
les propriétés des toiles métalliques avaient été déjà constatées de- 
puis le XVIIme siècle, par divers savants, mais personne n’avait 
songé à en tirer parti et ajoutons aussi que, en même temps que 
Davy, George Stephenson, alors encore presque simple ouvrier, 
créait une lampe qui, bien que un peu différente était basée sur les 
mêmes principes. S1 la lampe de Stephenson fut éclipsée à cette 
époque par celle de son célèbre concurrent, elle présente cependant 
certains avantages particuliers et, avec plus ou moins de modifi- 
cations, est encore en usage dans plusieurs mines d'Angleterre. 

La lampe de Davy n'était pas en effet sans inconvénient. Elle 
éclaire très peu : 1/10 de bougie environ. Les 2/3 de la lumière étant 


— 154 — 


retenus par les toiles métalliques dans lesquelles on était arrivé 
pour plus de sûreté à abaisser à 0 mm, 25 le diamètre des fils et à 
porter à 210 le nombre des mailles au centimètre carré. Les fils de 
cette toile, plus ou moins usés ou rongés par la chaleur peuvent 
laisser passer la flamme à l’extérieur. Un courant d’air violent, 
mélangé de grisou, comme on est exposé à en rencontrer dans les 
galeries de mines, peut aussi projeter la flamme sur la toile ou 
même au dehors, et déterminer une explosion ou tout au moins 
éteindre la lampe. 

Des perfectionnements étaient nécessaires ; avant d’en parler, 
rappelons les principales qualités que l’on devait chercher à réunir : 
la lampe doit donner une lumière bien suffisante pour le travail. 
Elle doit rester allumée quoique plus ou moins secouée et placée 
dans la position inclinée. La flamme ne doit pas passer au dehors 
lorsqu'elle est soumise à un violent courant d’un air devenu déto- 
nant par son mélange avec le grisou. De même, lorsque la lampe 
s’est remplie peu à peu d’un mélange gazeux détonant et qu'il s’y 
produit une explosion intérieure, cette explosion ne doit pas se 
propager au dehors. Enfin, placée dans une atmosphère contenant 
une certaine proportion de grisou sans être encore explosible, l’élé- 
vation de température qui se produit à l’intérieur de la lampe ne 
doit pas suffire pour amener au rouge les toiles métalliques pro- 
tectrices. 

Pour satisfaire à ces desiderata, de nombreuses recherches ont 
été faites en Angleterre, en Belgique, en France, en Allemagne, et 
à diverses époques ont paru des lampes apportant des perfectionne- 
ments plus ou moins utiles aux modèles primitifs de Davy et de 
Stephenson. À ces perfectionnements, se rattachent les noms de 
Chevremont, Roberts, Dumesnil, Mueseler, Combes, Marsaut, 
Ashworth, Clifford, etc., etc. Si plusieurs des modèles ainsi propo- 
sés étaient bien supérieurs aux premiers types, quelques-uns même 
presque parfaits, soit au point de vue de l’éclairage, soit à celui de 
la sûreté, aucun ne satisfaisait d’une manière absolument complète 
à tontes les conditions possibles et les accidents, imputables à la 
lampe seule étaient encore relativement nombreux. Il résulte des 
statistiques publiées par M. Le Chatelier dans son livre sur le 
grisou, que, pour la seconde moitié de ce siècle, sur 100 ouvriers 
tués dans les mines, 27 le sont par des explosions de grisou, sur 
lesquels 6 environ par suite d'accidents quelconques dûüs aux lam- 
pes de süreté. 


— 155 — 


Il était surtout difficile, à lumière égale, de mettre la lampe à 
lPabri des courants d’air un peu forts ou de la garder allumée dans 
des positions inclinées. En présence de ces exigences, les efforts 
des chercheurs se divisèrent et un certain nombre d’entre eux 
abandonnant résolument les anciens procédés, étudièrent les appli- 
cations de l’électricité à l'éclairage des mines. C’est précisément 
dans les galeries grisouteuses de la Grand-Combe que fut fait, en 
1862, un des premiers essais d'éclairage par les tubes de Geissler 
(lampe photo-électrique de Benoît et Dumas) ; mais aujourd’hui 
encore où les lampes à incandescence ont facilité Je problème, il ne 
paraît pas qu’une solution réellement pratique soit près d’être four- 
nie par la méthode électrique, au moins dans ce qui a trait à 
l’exploitation des mines à grisou. 

Sans parler du prix de revient de l'éclairage à l'électricité, il faut 
noter que la flamme elle même des lampes jouit d’une propriété 
précieuse que la lumière électrique ne paraït pas avoir encore permis 
de remplacer, c’est de présenter des phénomènes d’altération spé- 
claux à mesure que la proportion du grisou augmente dans l’atmos- 
phère ambiante. Le minceur peut ainsi sans grisoumètre spécial, tâter 
en quelque sorte le pouls au grisou et se conduire en conséquence. 
Dans les locaux qui peuvent renfermer des vapeurs explosives, la 
lampe de sûreté ordinaire ne présente pas certainement des pro- 
priétés aussi bien étudiées, qui peuvent d’ailleurs être masquées en 
_ partie parait-il par la présence de l’acide carbonique, mais elle 
conserve toujours sur les lampes à incandescence portatives, l’avan- 
tage de ne nécessiter guère d'autre entretien que le simple garnis- 
sage, et de ne pas être exposée à des ratés imprévus lorsque on la 
reprend après l’avoir laissée de côté plus ou moins longtemps. 


La lampe Fumatest l’œuvre d’un ingénieur convaincu desavan- 
tages du principe de la lampe Davy et j'arrive maintenant à en 
parler. Tout le monde a, plus ou moins, vu figurée, au moins dans 
les ouvrages de vulgarisation, la lampe Combes qui a été long- 
temps employée en France et qui sedistingue de la lampe Davy par 
un cylindre de verre remplaçant une partie de la toile métallique 
et permettant un meilleur éclairage. 11 me suffira donc, pour le 
simple but que je me propose ici, d'indiquer les points essentiels 
qui distinguent la nouvelle lampe de La Grand - Combe, sans en 
entreprendre une description détaillée que l’on trouvera d’ailleurs 
dans la brochure spéciale. 


.—— 156 — 


La lampe Fumat a la forme, habituelle aux lampes de mine, d’un 
cylindre de 7 centimètres de diamètre sur 25 centimètres de hau- 
teur. Très robuste, elle pèse, garnie, environ 1100 grammes. Le 
point original de son fonctionnement est que, comme dans nos lam- 
pes d'appartement, l’air nécessaire à la combustion arrive par le 
bas au niveau de la mèche, tandis que l’évacuation des produits de 
cette combustion se fait par le haut de la cheminée qui la surmonte 
comme dans la lampe belge Mueseler. Cette disposition qui per- 
met de brüler le grisou au fur et à mesure de son introduction 
avait dû être abandonnée dans les lampes imaginées en vue de 
résister à un courant d'air un peu vif. La lampe de La Grand- 
Combe au contraire, a, dans des expériences qui ont reçu entre- 
autres la sanction des spécialistes anglais, résisté à des courants 
explosifs dont la vitesse, tout-à-fait inconnue dans la pratique, at- 
teignait 27 m. par seconde, ce qui correspond à un véritable vent 
de tempête, et cela grâce à une ingénieuse construction que l’on 
comprendra j'espère facilement sans figure avec l’explication sui- 
vante : 


Dans plusieurs modèles de lampes de mine une cuirasse métal - 
lique extérieure percée de trous, joue un rôle de protection plus ou 
moins uniquement mécanique pour la partie de la lampe placée au 
dessus du verre. M. Fumat a eu l’idée de s’en servir pour organiser 
la circulation d’air qui constitue sa principale innovation. Le cloi- 
sonnement spécial d’une partie de cette cuirasse permet à l'air 
extérieur de pénétrer par des orifices tubulés à l'intérieur d’une 
premièrechambre circulaire et de s’y diviser en deux parties; l’une, 
revenant vers le bas, va, à travers le tamis inférieur, entretenir la 
combustion de la mêche ; l’autre ne pénètre pas dans l’enveloppe 
centrale de la lampe et recoit au contraire, expulsés de cette enve- 
loppe à travers le tamis supérieur, les gaz de la combustion. Ils 
s’échappent de là dans l’atmosphère. Cette chambre de repos que 
doivent d’abord traverser tous les gaz avant d’arriver à la mèche 
ou de sortir de la lampe, permet, par sa Judicieuse combinaison, 
d’amortir toute la violence des courants latéraux, descendants ou 
ascendants qui peuvent se faire sentir tout-à-coup. On pourrait, à 
certains égards, comparer cette disposition à celle d’une lanterne 
qui pour plus de süreté serait elle-même renfermée dans une autre, 
et c’est, en effet, une expérience de ce genre qui a d’abord conduit 
M. Fumat au principe de la disposition qu’il a adoptée. 


— 157 — 


La puissance d'éclairage de la lampe de La Grand-Combe, me- 
surée au photomêtre, au commencement et à la fin de la première 
heure, serait restée égale à 0 bougie, 87, valeur qui n’a pu être 
dépassée que par des lampes brûlant des essences minérales. Enfin 
sa consommation est d'environ 100 grammes d’huile de colza épurée 
en 18 heures. | 

On sait que, dans des conditions normales, l’air devient facile- 
ment inflammable lorsqu'il renferme 6 p. 0/0 de grisou, les explo- 
sions les plus violentes ayant lieu lorsque 1 volume de grisou se 
trouve en présence de 7 à 8 volumes d’air atmosphérique. Mais 
en présence d’une atmosphère chargée de poussières de charbon, 
les conditions changeraient et M. Galloway a cherché à démontrer 
que 1 0/0 de grisou suffit, dans certains cas, pour rendre explosif 
un pareil milieu. Or la flamme des lampes ordinaires de süreté 
pe commence à subir un élargissement bien notable que quand cette 
proportion est arrivée à 4 ou 5 p. 0/0. 


La lampe Mueseler et la lampe Fumat au contraire, examinées 
avec certaines précautions, sont d’une sensibilité beaucoup plus 
vrande. En diminuant convenablement la flamme de la lampe Mue- 
seler.et en étudiant contre un écran noir les caractères de l’auréole 
qui entoure celle-ci, MM. Mallard et Lechatelier sont arrivés à 
reconnaitre jusqu’à 0,5 0/0 de grisou. Par un procédé analogue, 
on arrive avec la lampe Fumat, qui d’ailleurs s'éteint moins faci- 
lement que la lampe Mueseler, à constater des modifications de la 
flamme en présence de la mème proportion de grisou, et à parür 
de ce point des variations graduelles peuvent presque servir à un 
dosage approximatif. Enfin la lampe s’éteint avec ou sans détona- 
tion interne dans les milieux renfermant 6 1/2 p. 0/0 de gaz. 


En résumé, les avantages de ce nouveau modèle de lampe sont 
un meilleur éclairage à prix de revient égal et une sûreté com- 
plète dans les mélanges explosifs, en particulier dans les cas si 
dangereux d’un mouvement d’air violent. 

Evidemment il ne serait pas impossible de trouver quelques 
inconvénients à la lampe de la Grand-Combe ; quel est l’objet, si 
parfait soit-1l, qui ne présente les siens, souvent conséquence même 
de ses avantages. Cependant, si sur une question aussi spéciale, il 
n’était prudent de laisser le dernier mot aux mineurs eux-mêmes, 
je terminerais volontiers cette note en disant, qu’après examen, 
aucun de ces inconvénients ne m’a paru bien sérieux, On pourrait 


= 158 — 
d’abord faire observer que la durée totale de l’allumage et de la 
mise en train du tirage de la cheminée pouvant être évaluée à 2 
minutes, trois minutes même pour pouvoir résister à une forte 
inclinaison, c’est là un temps assez long ; mais ce temps est de peu 
d'importance, le plus souvent même dans une grande exploitation 
où il peut précisément être en grande partie employé à la prépara- 
tion d’autres lampes. Ensuite, en raison de la place occupée par la 
cheminée d'appel d’air pour l’entretien de la combustion le secteur 
d'horizon éclairé n’a environ que 252° au lieu de 360 comme dans 
la plupart des lampes ordinaires; mais ce défaut insignifiant devient 
un avantage dans tous les cas où cette cheminée même sert de 
réflecteur. La présence d’une double enveloppe vient également 
diminuer le secteur d'éclairage vertical. De près de 85° au-dessus 
de l’horizon dans la lampe de Davy, il fut déjà abaissé à 65 ou 70° 
dans la lampe Combes et n’est plus que de 55° environ dans la 
lampe Fumat; c’est là semble-t-il encore un défaut de peu d’im- 
portance dans la pratique où 1l empêche le plus souvent au contraire 
de recevoir la lumière directe dans les yeux pendant le transport 
de la lampe. Cette disposition est du reste commune à la lampe 
Fumat et aux lampes relativement excellentes de Mueseler, 
Marsaut, etc., qui la présentent peut-être encore plus exagérée. 
Enfin on peut reprocher à la lampe de la Grand-Combe son 
prix de revient un peu plus élevé que celui de la.plupart des appa- 
reils destinés à satisfaire aux mêmes conditions ; mais l’économie 
réalisée dans l'éclairage compense parait-1l rapidement ce surcroît 
de dépenses. Si l’on remarque d’ailleurs que ce prix plus élevé est 
dù plutôt à de plus grands soins et difficultés de construction, qu’à 
une plus grande complication pratique d’un appareil en réalité 
constamment démontable et vérifiable dans toutes ses parties, tout 
le monde sera d’avis que la sécurité d'éclairage de tous points ab- 
solue qu’il offre ne saurait être payée trop cher. 
| 
| 


— 159 — 


Séance du 20 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — Est admis comme membre actif : 


M. Vernette, clerc d’avoué, présenté par MM. Cannat 
et J. Crozals. 


CORRESPONDANCE. — M. Benoit, membre fondateur, 
annonce qu'il met gracieusement à la disposition de la 
Société une vaste salle, dans laquelle pourront être amé- 
nagés tous les herbiers. 

L'Académie de Rovereto reniercie de l’envoi de notre 
bulletin. 

M. de Rouville demande des renseignements sur le 
mastodonte de Coussergues. 

M. Miquel, de Barroubio, engage les géologues à faire 
ayec lui une excursion entre Bize et Agel, pour visiter 
le lacustre à ophiodon. 

M. Donnat, membre correspondant de Carcassonne, 
annonce son changement de résidence à Mont-de-Marsan. 

M. le bibliothécaire de la Société néerlandaise de 
botanique remercie de l'envoi des 4 derniers volumes 
du bulletin. 


Séance du 27 Novembre 1895. — Présidence de M. Cannat 


ADMISSION. — Est admis comme membre actif : 


M. Crassous, peintre, présenté par MM. Cannat et 
Duprat. 

CORRESPONDANCE. — Le prieur et les moines de l’ab- 
baye de Fontfroide (Aude) font part de la mort du R. P. 
dom Marie-Jean, abbé, supérieur général de l’ordre des 
Cisterciens de l’Immaculée-Conception. M. le président 


— 460 — 


est chargé de transmettre les sentiments de condoléan- 
ces de la Société qui a toujours reçu le meilleur accueil 
dans ses fréquentes excursions botaniques, géologiques 
et entomologiques à Fontfroide. 


EXCURSIONS. — La commission des excursions pro- 
pose la liste qu’elle a préparée pour 1896. M. Bédry, 
rapporteur pour les grandes excursions et M. Jalabert, 
rapporteur pour les excursions d’un jour donnent suc- 
cessivement lecture de leurs travaux. Chaque excursion 
est mise aux voix et la liste suivante est adoptée. 


22 Mars. .. . . … . . St-Thibéry{(Volcan, Colonnade Pont 
Romain). 

Du 2 au 9 Avril. .,.,, Nice, Gênes, Biseet Florence, 

19 Avril... sus mt Soudi eZ y: 

3 Mai . . . . . . . Grotte de Fauzan (Minerve). 

14 Mai . . . . . . . Castries(le Parc, Château, Carrières). 
24-25 Mai . . . . . . Elne, Le Boulou, Amélie-les-Bains. 
4 JuiM,.. .:, 4, + 1. (Graissessac 1laMare/ St°Gemr 

21 Jun, +. ....., . .<4LesCabrils Je Masse Monpe 
o Juliet! + vie mAvUb eue. 
19 Juillet . . . . . . Plage de la Nouvelle. 
Séance du 4 Décembre 1895. — Présidence de M. Cannat 
ADMISSION. — Est admis comme membre actif : 


M. Philippe Etienne, présenté par MM. Migron et 
Cannat. | 

CORRESPONDANCE. — Le (Géological Survey de Wa- 
singhton accuse réception de notre Bulletin et envoie le, 
rapport annuel 1892-95. 

M. Granger, de Bordeaux, nous prépare un nouveau 
travail qui sera inséré au Bulletin. 


= 161 à 


M. Miquel, de Barroubio, signale de nouveaux gise< 
ments du givétien près de St-Nazaire de Ladarez. 

M. le baron de Sarret, de Coussergues, donne des ren- 
seignements sur la mâchoire dé mastodonte qu’il a en 
Sa possession. 

M. Miquel invite les sociétaires à faire une seconde 
excursion près d’Agel, pour visiter de nouveaux gise- 
ments du nummulitique. 

L'Association française pour lavancement des scien- 
ces, adresse une première note sur lorganisation du 
Congrès de Carthage. 

M. Gavoy, entomologiste à Carcassonne, président de 
la Société de PAude, félicite la Société pour le travail 
Les Fougères de France, paru dans le Bulletin. 

M. Dougnat, professeur à Alger, se propose de faire 
des recherches géologiques aux environs de cette ville 
et d'adresser les communications à la Société. 

L'Institut géologique de Mexico annonce la mort de 
dom Antonio del Castillo, son fondateur et directeur. 

M. Gavoy, de Carcassonne, annonce la mort de M. 
Dat, de Saint-Foulc, membre fondateur et ancien prési- 
dent de la Société de l'Aude. | 

M. Paul Bülher, actuellement à Florence, accepte de 
concourir à l’organisation de l’excursion de Pâques. 


BIBLIOTHÈQUE. — M.J. Crozals, fait don à la biblio- 
thèque de son travail sur P. Duchartre, éminent bota- 
niste biterrois. 


CONFÉRENCE. — M. de Rey-Pailhade donne lecture de 
nombreuses correspondances qu’il a reçues des princi- 
paux botanistes et des maîtres en paléontologie végétale 
contenant de précieuses observations sur son travail : 
Les Fougères de France. 


BANQUET ANNUEL. — Le banquet annuel du 20me 


0 — 


anniversaire de la fondation de la Société a eu lieu à 
l'hôtel des Postes, le samedi 7 décembre ; 50 sociétaires 
y assistaient ; M. le sous-préfet Belleudy a honoré de sa 
présence cette fête anniversaire. 


CONFÉRENCE. — M. Hubert donne lecture d’un tra- 
vail sur la composition chimique des terrains tertiaires 
de Béziers, par MM. Hubert et Nivière. 


COMPOSITION CHIMIQUE 


de quelques roches des environs immédiats de Béziers 


Ïl existe toute une région assurément fort intéressante à étudier, 
dans le tertiaire des environs immédiats de Béziers ; nous avons 
eu maintes fois l’occasion de l’examiner dans les courses que nous 
avons faites en compagnie de M. Carles qui à bien voulu nous 
guider dans une contrée qu’il connaît à merveille tantau pointde 
vue géologique que botanique. 

Ces terrains ont été l’objet d’un grand nombre de travaux et ont 
captivé l’attention de géologues distingués parmi lesquels parais- 
sent en première ligne : Marcel de Serres et d’Archiac ; après eux, 
nous devons meutionner : MM, Sabatier-Désarnaud, P. Cannat, 
Lamouroux, Jumeau, Firmin,de Rouville, Viguier, Biche, Miquel, 
etc. Dans la note que nous présentons ici, nous ne voulons pas 
parler de géologie pure, nous laissons cela à d’autres ; la compo- 
sition des roches seule nous a préoccupés. 

Les terrains dont nous parlons s'étendent aux environs immé- 
diats de Béziers, le lacusire se montre sur la rive droite et sur la 
rive gauche de l’Orb qui s’est frayé un passage à travers une frac- 
ture ancienne ; quant au marin 1l constitue tous les coteaux que 
domine la tour de notre cathédrale. 

Le lacustre comprend tout d’abord une couche de grès, puis une 
seconde couche formée de calcaire lacustre séparée en tranches par 
des zones de marnes roses assez minces. 

Ce calcaire est exploité et on a établi en maints endroits des 
fours à chaux. Nous n’avons jamais eu sous les yeux des échantil- 


— 163 — 


lons de la chaux obtenue ; mais nous ne pensons pas qu’elle soit 
très grasse à cause de la marne rose qui s’y trouve mélangée et qui 
la transforme en chaux partiellement hydraulique. L'ensemble de 
ces couches forme l’oligocène. 


Le miocène inférieur est représenté par de la marne bleue recou- 
verte par une couche beaucoup plus mince de marne grise. 


« 


Le calcaire coquiller à turritelles et le calcaire des Brégines, 
forme le miocène moyen. Ces deux calcaires sont séparés par une 
faible couche de calcaire à grain fin. Ces calcaires sont exploités 
comme pierre de construction. 


Au-dessus du calcaire des Brégines se trouve le miocène supé- 
rieur formé par des conglomérats de coquilles diverses, puis la zone 
de l’ostrea multicostata qui forme une couche effritée dont l’agri- 
culture pourrait tirer profit en l’apportant comme amendement dans 
les terrains acides des étangs de Capestang et de Montady. Cela 
paraît d’autant plus pratique que le miocène supérieur est très dé- 
veloppé au Malpas, à proximité des étangs que nous venons de 
citer. ÿ 


Au-dessus des couches géologiques dont nous venons de parler 
se trouve le pliocène avec dragée de quartz, sur le Malpas. 


Voici maintenant les analyses de ces différentes roches ; il ne 
manque à la série que la marne bleue. 


OLIGOCÈNE LACUSTRE 
j, — GRÈS 


(Echantillons prélevés au four à chaux). 


SR D NN Re 019 000 0/0 
NON D SR 0 2: 29-900» 
Codede er ten Or ess traces  ». 
Vérhonate deétchaux ou Lo tr ee 64,885 » 
1H OUR © ÉRAANPREPRNER TUE 0,500 » 
Corpsno. doses GR 1, 1, 0,115 » 


D 


100,000 


— 164 — 


II. — MARNES ROSES 


(Echantillons prélevés au coteau du Contrôle 
ou faille des Cotes de Beyssan) 


SACS, L'ART SO CE PIS RSRCATERES 9.000 0/0 


AGMUANE Eee - 2, PARA) RUIPEEEES 12.495109 
Oxyde de ‘er.(Fes (07) 2 040 2.005 » 
Carbônate de ehaux:+. 2. . 1 UNE 11.418379) 
ÉTUDES AU SN nee CARS 5.000  » 
Corps non osseuse ENT 0.987» 
100.000 
Ill. — CALCAIRE 


(Echantillons prélevés au coteau du Contrôle) 


LICE de. ec BE PR PARLES DEN PATENT RNEES 3,050 0/0 
Alhitine UN NET ONE 4,250 » 
Oxyde de fer (Fe205h 12210 #10 1,045 » 
Carbonate de chaux. . . . . . .  9,1060 » 
ÉTAIT EE A VOS OM EE SP RS 0,200 » 
Corps non doses, NT ST ARE 0,89» 
100,000 


MIOCÈNE MARIN 


Il. — MARNES BLEUES. — {non analysées) 


11. — CALCAIRES (zône à turitelles) 


(Echantillons prélevés au coteau du Contrôle) 


SAAGB.E KT RER PR AE PRE 7,920 0/0 
AlüMINE. SONNERIES 8,080 » 
Oxyde de fer FRONT 6 0 0,500 » 
Carbohdié dé chaux 2 07 UE 82,789 » 
RNCS NET TA 0,500 » 
Corps non ADS UE 6,215 


100,000 


— 165 — 


II. — CALCAIRE A GRAINS FINS 


({ntercalé dans la z0ne à turritelles ). 


AR COTTON MRERELET RESUME" EUR ROLE ES, 8,700 0/0 
NT CPE TAN CRE 8,200 » 
Gorde deter (les Of: 3,000 » 
Carbone de CHAUX. … … ." . L: …… 78,200  » 
RSR QE Si 1,500 » 
DOPHÉ MOOD eu dr 4 Lu 0,400 » 
100.000 


CALCAIRE DE LA ZONE A OSTREA MULTICOSTATA 


(Coteau du Contrôle). 


DR CRT ARE 10,200 0/0 
un se be M nee 11,300 » 
Oxyde de fer (Fez Os). EMA 2: 1,500 » 
Lubonale deldhAUxs.l no ln Lo audi 19,947: » 
ES OT A Re A à à 1,000 » 
CAPES HO OS UN slan-e vo ve 0,053 » 
100,000 


Séance du 11 Décembre 1895. — Présidence de M. Cannat 


CORRESPONDANCE. — Le Museo Nacional de Costa- 
Rica remercie de lPenvoi du Bulletin. 

La ville de Dôle (Jura) envoie une circulaire et une 
liste de souscription pour l'érection d’un monument à 
: Pasteur. 

M. le Ministre de l’Instruction publique envoie une 
circulaire au sujet du Congrès des sociétés savantes en 
1896. 

M. le Ministre de l’Instruction publique adresse le 4er 
volume de la Bibliographie des Sociétés savantes de 
France. | 


— 166 — 


M. Arnaud, rapporteur de la commission des confé- 
rences, donne le compte rendu de la dernière séance ; 
les décisions prises au sujet de la conférence au Théâtre 
sont approuvées. 


Séance extraordinaire au Grand Théâtre de Béziers 
Le Mercredi 18 Décembre 


PRÉSIDENCE DE M. CANNAT 


4.200 personnes assistaient à la séance. MM. les mem- 
bres de la Société s'étaient réunis sur la scène. 


M. Ly-Tchao-Pée, secrétaire de l'Ambassade chinoise 
à Paris, fait une conférence sur les Chinois et leurs cou- 
tumes, les repas, les mariages, les funérailles, les livres. 


Au nom de la Société, M. le Président adresse ses re- 
merciements au conférencier, à l’administration muni- 
cipale, à MM. les organisateurs et à l'auditoire choisi. 


La séance est levée au milieu des applaudissements. 


L'ÉTANG DE THAU 
Balaruce, Issanka & Cette 


RAPPORT SUR L'EXCURSION DU 7 JUILLET 1895 


PAR 
AUGUSTE LAMOUROUX, professeur au Collège. 


I. — AVANT-PROPOS 


Mesdames, Messieurs, 


La forme littéraire dont nous parons quelquefois l'austérité de nos 
études, ne laisse pas que d’inquiéter certains esprits. — « Trop de 
fleurs, murmurent-ils ; la Science, objet très grave en soi, n’a pas 
besoin de ces atours de rhétorique. » — Qu'est-ce à dire? la Vérité, 
substance non moins grave, s’orna bien d’attributs étrangers à sa 
nature, quand elle résolut de figurer parmi les hommes. Pourquoi ? 
Supposons que ceux-ci l’y forcèrent. Cette méthode, Socrate l’a 
connue. Elle consiste à éclairer l'intelligence par le secours des 
sens. L'histoire naturelle ne saurait s’y dérober. Tout, en elle, est 
poésie. Il existe certainement des façons de connaître qui sont plus 
rigoureuses. En savez-vous d’aussi aimable? Point de ces mots 
barbares dont l’appareil, sous couleur d’érudition, fatigue nos yeux 
ou nos oreilles. Nous ne traitons notre sujet que d’une main légère, 
mais si délibérée, qu’à chaque coup un coin du voile se déchire, 
découvrant au regard étonné des perspectives d’infini. Et d’ailleurs, 
ce formulaire aux racines équivoques, est-ce qu’on l’emporte en 
excursion? Là, pourvu que notre âme soit ouverte aux impressions 
de nature, que notre esprit sache les recueillir, notre pensée les 
féconder, notre imagination les faire vivre aux yeux comme autant 
de symboles, ce ressort nous suffit. Quant à l’objet précis pour le- 
quel on s'était mis en route, vos rapporteurs pourraient affirmer 
qu’il se dégage sans effort de l’idée maîtresse qui les a inspirés. 
Car l’Idée enveloppe toute chose d’un éclat merveilleux. Sans cesse 


(*) Communiqué en deux séances extraordinaires (15 Janvier et 12 Février 
1896), dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville de Béziers. 


— 168 — 


en éveil, elle voltige en tous pays, bondit en arrière des siècles, 
revient sur le présent, contemple l’avenir, s'enrichit de visions 
innombrables qu’elle dépose ensuite, frémissante, dans le creuset 
de notre jugement. Et lorsque ces notions sortent de là classées, 
coordonnées, formant doctrine, de quel nom voulez-vous qu’on les 
désigne ? N'est-ce pas une œuvre de science? Gardons-nous des 
tendances exclusives. Le culte de l’histoire, le sentiment de l’art» 
l’instinct de la poësie, sont des moyens d’action qu’une société d’é- 
tude ne doit point négliger. N’auraient-1ls d’autre vertu que de 
jeter du mouvement et de la vie autour de faits absolument arides 
dans leur essence propre, leur concours n’en a pas moins de prix. 
Que de profanes sont venus se grouper à la porte du temple, dès 
qu'ils ont vu les sentiers se fleurir ! 

S’1l est un droit, dont tout homme a le devoir d’être jaloux, c’est 
le droit de cultiver son champ comme :il lui plait. Or, la nature 
entière n'est-elle pas notre domaine? Seulement, pour l’étudier, 
beaucoup la subdivisent, élèvent des cloisons, déterminent les cou- 
ranits de recherche, et se parquent eux-mêmes dans des limites 
spéciales (*). L’exactitude du détail leur tient lieu de méthode. 
Comme ils bornent leur vue à la constitution de chaque objet, 
qu’ils en connaissent les éléments distincts, le nom particulier, ou 
encore l’évolution locale, ils ont bientôt fait le tour de la zone 
qu’ils s'étaient fixée et 1ls se protlament savants. Quelques-uns le 
deviennent; mais les autres, combien stérile est leur besogne! 
Aucun souffle n’anime le fruit de leurs études. Aûütant vaudrait, en 
littérature, expliquer les strophes enflammées de nos poètes en éplu- 
chant les mots, les syllabes, les lettres, sans y chercher la pensée 
créatrice. Et le monde donc! est-1l autre chose qu’un grand poëme 
dont la science véritable s’est, de tout temps, demandé la signifi- 
cation (**)? Les Anciens, qui durent être, j'imagine, plus vivement 
impressionnés que nous par les spectacles de la Terre, n’abordaient- 
ils pas du même coup bien des énigmes? — « Tout est dans 
tout » — enseignaient-ils. Et quand la certitude leur manquait, 


(*) — « On classe et on subdivise aujourd’hui avec un art qui étonne et 
qui séduit. La classification en espèces tranchées, définies et-Jalousement 
limitées, parait être nécessaire au bonheur de tout chercheur, de tout scien- 
tiste. » — Journal la Dépêche, — article scientifique. — 31 août 1895.) 


cette poésie profonde qui jaillit des moindres palpitations de la matière sous 
le regard attentif et passionné de l’observateur. — (Mikhaël Suni) — 


— 169 — 


ils y substituaient une sorte de raison poétique qui, du moins, 
leur permettait de comprendre l’univers. Fond généreux et solide 
à la fois, qu'enveloppait toute la grâce du style dans les ouvrages 
d’un Platon ou d’un Lucrèce (*). Mais il suffit de réfléchir un 
instant au caractère de l’esprit humain. Rarement il se contente 
des phénomènes isolés et des idées particulières. Dans le problème 
de la vie universelle, ce qu’il veut savoir, c’est la loi générale 
d'harmonie, et, d’une façon plus concrète, le rapport des éléments 
entre eux. Tout se lie, tout s’explique dans la nature envisagée de 
haut. On assiste à l’évolution concordante des êtres. Puisqu’il est 
admis, d'autre part, que l’homme pétrit à son gré Ja matière, qu’il 
crée, en la formant, les types rêvés par son génie, mais qu’à son 
tour il succombe parfois sous le choc des forces aveugles qu’il vou- 
lait régler, n'est-il pas urgent pour lui de connaître la relation 
directe qui unit son existence à celle des éléments ? De ce point vul- 
nérable, par où l’humanité révèle malgré tout sa faiblesse, décou- 
lent des effets souvent immédiats : le découragement, la maladie, 
la mort. Elevée à la hauteur des larges horizons, la science peut 
et doit combattre ces effets ; c’est-à-dire, dénoncer les moyens que 
la nature présente d'elle-même, çà et là, autour de nous. Or, ce 
n’est pas en un langage archaïque, ou d’usage restreint, qu’on vul- 
garise les propriétés d’une source thermale, la douceur d’un climat, 
le spectacle grandiose des montagnes, les brises réconfortantes de 
la mer, l’universalité des sensations naturelles. Il faut de la vie 
dans une narration, si la vie est dans les choses qu’on raconte. 
Aussi bien ai-je le droit de dire que la méthode vous a plu, Mes- 
sieurs, puisque vous êtes là. 


(#) — « La matière, dit Platon, estentièrement inactive par elle-même ; 
mais elle est mue éternellement par une âme irraisonnable, principe d’un 
mouvement conîus. Dieu a fait pénétrer l'intelligence dans cette âme, et il 
a produit ainsi la séparation des corpuscules élémentaires, leur rapproche- 
ment harmonieux, et le commencement du monde, c'est-à-dire l’ordre dans 
l'univers. » — Un passage des Lois (VII) semblerait indiquer que Platon a 
été le précurseur de Copernic. Il v explique les anomalies apparentes des 
mouvements planétaires, en faisant tourner la Terre et les planètes autour 
du soleil immobile. 

— « Platon est, avec sa prose admirable, un des plus grands poètes de 
la Grèce. Rien n'est comparable à la grâce, à l'élégance, à la sublimité de 
son stvle. » (Désobry et Bachelet). 

Lucrèce. — Lire les descriptions enthousiastes des forces naturelles, dans 
le De natura rerum, 


TA — 
II. — PLAN GÉNÉRAL DE CE RAPPORT 


De toutes les étapes inspirées par cet ordre d’idées, celle de 
Balaruc-les-Bains est venue en une heure opportune. Dirai-je, en 
effet, les décadences attristantes qui, de nos jours, s’affirment à 
l’envi? Dans notre époque de névrose, d’herpétisme et d’anémie 
invétérée, nul n’oserait assurément contester la justesse de l’adage 
latin mens sana in corpore sano. C’est là un thème à réflexions des 
plus sérieux, autant pour le naturaliste que pour le médecin. A 
cet égard, une visite aux thermes de Balaruc s’imposait à notre 
sollicitude. On ne saurait trop proclamer -que l'actuel affaissement 
des caractères tient en partie au désordre physiologique de la race. 
S'il en est ainsi, quel intérêt n’avons-nous pas à préconiser le 
remède, surtout quand l’occasion nous a êté donnée d’exercer sur 
les lieux mêmes ce sens investigateur qui est la raison d’être de 
nos courses au-dehors ! 

Ne vous étonnez donc pas si mon rapport insiste, à telle page 
réservée, sur l’importance capitale des bains de Balaruc. Avant 
nous, les Romains les avaient célébrés à leur manière, en les uti- 
lisant. L'action, pour eux, valait mieux que les discours. Ce peu- 
ple, qui regardait comme un facteur essentiel de la victoire la 
souplesse du corps unie à la vigueur de l’âme, savait tirer parti des 
substances curatives que dégorgeait la terre, partout où la conquête 
portait ses pas. Combien d’édifices, de piscines et d’aqueducs de 
construction romaine, dont les ruines se voient encore à Balaruc, 
à Luchon (*), à Cauterets !{**) Ainsi l’histoire des hommes corro- 
bore presque toujours les conclusions que la nature suggère à ceux 
qui lPétudient. C’est la persuasive doctrine des témoignages. Pour- 
quoi la dédaigner ? Et si les faits observés, quoique rebelles à toute 
méthode, vous sont présentés sous une forme à la fois claire et 
agréable, quel est celui de vous qui s’en plaindra ? 

Certes, l'attrait tout spécial de cette station balméaire eut ample- 
ment suffi à remplir notre programme de ce jour. Pourtant il y 


(*) LUCHON. — Il y a quinze ou seize cents ans, la jeune patricienne 
Pauline. fille de Flavius Rufus, ( guérie de sa maladie », — était-ce la né- 
vrose ? — dédia au dieu Lixon la pierre votive encore lisible à l’entrée des 
thermes modernes, encadrée au-dessus de la porte. 


Voir le Guide de Cauterets, par A. Lequeutre, p. 58. 


L 


— 171 — 


avait encore beaucoup à observer, sinon mieux, aux environs. À 
Balaruc, c’est, comment dire ? un temps de repos dans la vie, un 
relai pour repartir plus fort à travers la mêlée sociale, une fois la 
santé reconquise. Mais à côté de ce lieu de recuetllement provisoire 
se déploient de concert et l’activité du commerce et l’incessante 
fièvre de l’industrie. Il fallait voir toutes ces choses, et, puisqu’elles 
nous ont frappés, vous en parler aussi. De là, pour vous, une plus 
large source d'intérêt, et, pour moi, la garantie peut-être que votre 
patience ne se lassera pas de m’écouter. Sommes-nous, d’ailleurs, 
des valétudinaires uniquement préoccupés de leurs maux, se racon- 
tant les uns aux autres quelle fontaine merveilleuse a soulagé leur 
goutte, ou guéri leurs rhumatismes ? Foin dela maladie ! Je veux 
qu’à mon récit vous sentiez vos muscles s’affermir, votre poitrine 
s’enfler d’aise sous le grand souffle qui nous vient de la mer, qui 
vivifie l’espace et réjouit nos sens, tandis que nous cinglons à toute 
vapeur vers l’orient du lac de Thau. 

Car je ne puis me défendre de l'appeler un lac, cette vaste nappe 
d’azur sur laquellé la tempête, secouée par des vents contraires, 
sévit quelquefois plus terrible qu’en pleine Méditerranée. Les 
annales du pays saignent encore au souvenir de la bourrasque de: 
1588 dont la violence renversa les vieux remparts de Mèze, des 
inondations de 1739 qui manquèrent d'anéantir les sources miné- 
rales de Balaruc, et de l'ouragan du 25 août 1775 où sombrèrent 
quantité de bateaux. Depuis lors, rien de semblable n’a eu lieu 
sur l’étang. Nous pouvions donc nous confier sans crainte à la 
caresse de ses flots. Du reste, vous connaissez le fatidique bonheur 
de notre Président. N’est-1il pas vrai que partout où il est, sa pré- 
sence conjure les orages ? Il semblait, en effet, ce jour-là, que la 
vague docile portât César et sa fortune. Et les soldats de César, 
comme toujours, s’en rapportaient à lui. 


[II. — ARRIVÉE À MÈZE 


Sept heures et demie. Mèze, l’antique port, la vieille cité féodale, 
l’industrieuse ville d'aujourd'hui, nous accueille dans ses murs. 
Accueil un peu froid, dirai-je, pour ne pas trop accentuer mon 
jugement. D’où vient ? Nous ne pouvons, hélas ! nous expliquer 
cette attitude que par des motifs d’ordre bien secondaire. L’on a 
beau être de Mèze, précisément peut-être parce qu’on est de Mèze, 


AR 


on n'échappe point à la mesquinerie des intérêts. L'amour du lucre 
s’engendre du négoce lui-même. Sachez donc qu’on nous en veut 
d’avoir nolisé de préférence un vapeur Figaret, de Cette. Les va- 
peurs Figaret sont commodes, leurs salons fort gentils, leurs gale- 
ries très spacieuses, leurs équipages prévenants. Mais quoi ! N'est-ce 
pas la Compagnie rivale ? Ah ! si nous avions choisi les remor- 
queurs de la Société de Mèze, aussitôt le vent changeait, les esprits 
se retournaient, toute la ville nous suivait en triomphe vers le 
port. Car Mèze est du Midi, de ce Midi plein de soleil où, bru- 
talement, s’accusent avec la crudité des paysages les locales aspé- 
rités du tempérament social. Après tout, que nous importent les 
hommes et leurs querelles ? La bonne femme avait raison, qui 
bougonnait en puisant de l’eau à la fontaine. Nous sommes des 
bourgeois, nous autres, et nous n'avons rien à faire, si ce n’est de 
nous arracher par instants à la déprimante obsession des bas calculs 
et des viles jalousies. Dédaignons leurs propos. La nature déroule 
devant nous ses espaces infinis, au sein desquels tous les êtres 
s’harmonisent dans la commune recherche du bien-être universel. 
C’est bien là qu’on peut dire qu’il y a place pour tous sous le 
regard de Dieu. Qu'elle nous est clémente, la nature, en ce Jour : 
Un ciel superbe. Dans la claire limpidité de l'air, cette matinée de 
juillet frissonne, comme fouettée par l’aile des zéphirs. L’atmos- 
phère, attiédie par les premiers rayons, nous promet néanmoins de 
printaniers effluves parmi ces horizons humides de la mer. Près 
des bateaux rasant le quai, le Mézois moqueur eût vainement épié 
sur nos visages la pâle tristesse qui accompagne d'ordinaire les 
émigrants. Tout au plus sa gaité s’aiguise-t- elle d’une pointe d’1- 
ronie, à voir des terriens émerveillés de faire leur petit voyage 
autour du monde en un tour de soleil. Si notre troupe l’intéresse, 
il y a bien peut-être une autre cause. Et je ne serais pas surpris 
que les toilettes estivales de nos charmantes excursionnistes aient 
éveillé chez lui ce vague sentiment d’esthétique auquel n’avaient 
point résisté, l’année précédente, les rudes mariniers agathois. Mais 
cela suffit-il pour susciter la sympathie ? 


IV. — PROMENADE SUR L’ÉTANG 


Déjà le sifflet du vapeur retentit à coups précipités. C’est le der- 
nier appel. Avant de partir, je dois, en fidèle interprète de notre 


— 173 — 


“belle excursion, exprimer un regret qu’auront certainement éprouvé 
tous ceux que le goût du pittoresque conduit auprès de nous. Le 
projet primitif, de conception très poétique, supposait notre départ 
de Mèze en un train de bateaux remorqué, pour notre usage, sur 
l'étang. Dès lors, les imaginations d’aller aussi leur train. Pour un 
peu, l’on eùt évoqué le souvenir de Cléopâtre descendant avec sa 
suite les eaux limoneuses du Nil, au son des flûtes et des cithares, 
sous le choc rythmé de la rame que des esclaves d’Ethiopie levaient 
et abaissaient de leurs bras vigoureux. Assurément, ni musique n1 
esclaves n'auraient animé nos modestes gabares ; mais qui nous 
dit que le profil de Cléopâtre ne se füt pas retrouvé, modernisé, 
paru le gracieux essaim de jeunes femmes dont je suis loin de 
vouloir blesser la modestie ? Quoi qu'il en soit, embarquons-nous 
sur notre paquebot. La puissante chaudière du vapeur sonne terri- 
blement les progrès de lascience contemporaine. Cela n’empêchera 
pas les choses d’alentour de nous pénétrer de leur charme éternel 
et sans âge. D'ailleurs, dès les premières ondulations de large, nous 
sentons que l’étang nous sera favorable. Il mollit sous la proue. Qui 
donc nous parlait de tempêtes, de naufrages, de vaisseaux brisés ? 
L'onde scintille, régulière, comme un écrin de diamants ; sur le 
revers de chaque flot, des nappes de topaze projettent de fauves 
lueurs qui s’éteignent, se rallument, disparaissent encore pour re- 
naître une seconde après ; 1ci, ce sont des plaques d’or oscillant 
dans un bain de saphirs, là, des trainées de flammes. Tout le 
long du buordage, l’écume jaillit des deux côtés en éventail, 
moire la surface de l’eau, se perd dans le sillon qu’a tracé le navire, 
et dent la courbe, ainsi frangée de festons lumineux, ressemble à 
une chevelure astrale égarée sur le lac. Partout, des profondeurs 
limpides où l’œil distingue, entre deux eaux, des masses arrondies 
pareilles à des champignons animés, que l’on prendrait pour des 
méduses en formation ; des crustacés immobiles aux reflets éclatants 
de rubis ; des poissons argentés qui passent comme un trait. Toute 
la faune s’éclaire des plus vives couleurs, en même temps qu’au- 
dehors rayonnent de toutes parts des tableaux de féerie. La côte 
élevée, que nous suivons des yeux en naviguant vers Marseillan, 
encadre à merveille cette scène magique. Elle est jaune avec des 
tons violets, ou verts, ou rouges, selon les caprices de la lumière, 
les accidents de la végétation, la nature du sol. Çà et là, des villas 
isolées, où la vie doit être douce dans la saison d'été. Leur façade, 
égayée par l'ombre mouvante des arbres, se détache en clarté sur 


— 174 — 


le fond d’ocre argileuse qui compose la rive. On n’est point seuls, 
vraiment, au milieu de cet espace décoré des plus jolis effets que 
peut produire le soleil. Un long convoi s’interpose entre nous et la 
terre. De lourdes barques à fond plat, chargées les unes de pierres 
blanches, les autres de futailles grises ; un radeau lesté de bois 
énormes ; des nacelles en dérive accrochées à la hâte ; tout cela 
s’enchaîne, se suit processionnellement, en droite ligne, avec len- 
teur, derrière un coquet petit vapeur qui halète à tirer après lui 
ces machines, mouche servant de coche et faisant, pour cette fois, 
plus de besogne que de bruit. Bon voyage ! crions-nous, car nous 
marchons plus vite. Bientôt, à l’ancre dans le port, les bateaux de 
Marseillan profilent devant nous, à travers le ciel bleu, leurs frêles 
mâtures que protège un double rang de maisons bâties le long des 
quais. Un silence profond y règne, à cette heure matinale. La ville 
dort encore. Nous passons rapidement, de peur de l’éveiller. D’un 
coup de barre adroitement donné, notre capitaine fait décrire au. 
vaisseau la courbe la plus savante qu’on puisse imaginer, et nous 
voilà lancés, d’un bout à l’autre de l’étang, sur le grand axe que 
nous allons parcourir en entier. C’est le moment prévu par les 
esprits observateurs. Les horizons s’éiargissent vers le sud, peuplés 
d'objets nouveaux. Au loin, la brise légère enfle languissamment 
la voile effilée de quelque barque paresseuse. Est-ce qu’on rêve à 
son bord ? Nous croyons entendre la voix du mousse qui chante au 
haut du mât. Sous les vagues, là-bas, se dessine la teinte brune 
des grands salins de Villeroy, tandis qu’un vol de mouettes frange 
l’'azur d’une traînée blanchâtre, du côté de la nver. Tout à coup, un 
petit lougre très affairé nous croise à l’improviste, de si près qu’on 
se tend presque le main en signe d’amitié. Moins heureux, les canots 
à rames que les flots pressés ballottent péniblement à cent mètres 
de nous. Rien ne se cache sur l’étang, sous l’éclat d’un beau ciel. 
On voit, on sent, on rève, on se livre à la joie de l’esprit. Et volon- 
tiers j’oublierais le but scientifique de notre promenade, si vous ne 
m'aviez imposé, Messieurs, la délicate mission de vous l’inter- 
prêter. Que toutes nos sensations se précisent donc par une cau- 
serie. Réunis sur ce lac, en un jour de calme, occupons-nous de 
son régime et tâchons de le connaître, cependant que les jeunes 
cerveaux de la caravane, que cette étude lasserait, pourront se 
griser de lumière et d’air pur, au doux balancement de la nef, dans 
le murmure monotone du flot jaseur. 


41 — 
V2 L'ÉTANG DE THAU 


Les auteurs de géographie générale mentionnent l’étang de Thau 
dans leurs livres, le peignent en deux traits, et puis c’est tout. 
Quoi d'étonnant ? Avant la Terre à parcourir, ils ne s’amusent pas 
aux détails. Les monographes nous le décrivent aussi, plus am- 
plement, il est vrai, mais leurs observations s'appliquent surtout 
à l’objet particulier de leur monographie. Quant à nous, touristes 
d’une journée, avides de cueillir sur le vif des impressions fugi- 
tives, curieux de pittoresque et séduits par la couleur, notre rôle 
est de fixer les multiples aspects de l’heure présente, d’étudier l'étang 
pour l’étang et d’en déterminer toutes les lignes, même les plus 
subtiles, au risque d’exagérer leur importance, pourvu qu’elles 
apparaissent dans le champ de notre regard ou de nos conceptions. 

L’étang de Thau, le Tauri stagnum des Romains qui, sans doute, 
empruntèrent ce vocable à la langue phénicienne, c’est l’étang des 
montagnes. Vous souriez, Messieurs, vous qui savez combien sont 
plates et marécageuses les lagunes de notre littoral. Mais il a suffi 
de quelques collines vers le nord, du massif jurassique de la Gar- 
diole à l’est, et du mont Saint-Clair, dont la croupe s’arrondit 
vers le sud, au pointextrème de l’isthme des Onglous, pour donner 
au bassin de ce lac un relief que les étangs de l’Aude, ni ceux du 
Gard, ne peuvent faire Soupçonner. Primitivement, l’étang de 
Thau constituait un golfe dans le golfe du Lion, le plus profond 
qu’il y eût sur la côte, puisque la bordure septentrionale des étangs 
de Frontignan, d’Ingril, de Vic, de Pérols, de Mauguio, faisait 
également partie du rivage méditerranéen. Ce ne fut qu’à la fin du 
XVe siècle que les ports de Balaruc, de Bouzigues, de Mèze, de 
Marseillan, jusque là directement ouverts aux navires arrivant du 
large, devinrent des ports intérieurs. À cette époque, en effet, deux 
fleuves, le Rhône et l’Æérault, commencent un travail d’ensable- 
ment qui aurait eu pour résultat de combler à la longue notre 
petite mer intérieure, si, d’une part, les vents violents du Nord- 
Ouest n’avaient repoussé les alluvions de l’Æérault, et si, d'autre 
part, la montagne de Cette n'avait servi de barrière aux atterris- 
sements du Æ#hône. Néanmoins l’action de la mer contre la résis- 
tance des vents du Nord a constitué peu à peu, du cap d’Agde au 
cap de Cette, une sorte de bourrelet ou cordon littoral élevé de trois 


4 


pieds environ au-dessus des vagues. C’est l’isthme des Onglous, 
qui se prolonge, au-delà du mont Saint-Clair, par la plage de Cette 
de formation rhodanienne. Ainsi fut fermée l’ancienne baie. Or, 
pendant que la Gardiole et surtout la montagne de Cette préservent 
encore la partie orientale de l'étang, l'Hérault continve, sans obs- 
tacle sérieux, son travail d’empiètement à l’ouest. Nul doute qu’on 
ne doive à cette action incessante du fleuve le peu de profondeur 
qu’on remarque entre le territoire d'Agde et le port de Marseillan. 
« Il ne parait pas improbable, dit M. Malavialle, que |’ Hérault ait 
contribué à combler la partie occidentale de l'étang de Thau, qui 
est la moins profonde, età en modifier les contours. » Ces contours, 
rien ne pouvait les modifier vers le nord, à cause des falaises ; ils 
ne changeront pas non plus au sud,parce que le lido, qui,au siècle 
dernier, se trouvait coupé de nombreux graus par où l’étang com- 
muniquait avec la mer, est aujourd’hui consolidé. La plantation de 
la vigne, l’établissement des digues, des routes, du chemin de fer, 
ont fixé désormais cet amas de sable mouvant que des courants 
alternatifs se disputaient autrefois. 


Cette récente fermeture de l’étang de Thau expliquerait peut-être 
le caractère mixte de sa faune. Celle-ci est à moitié marine. Elle 
n’en à que plus de saveur. Le rouget taurinois a la chair plus déli- 
cate que le rouget de la Méditerranée. A part l’Acetabularia, type 
très curieux et tout à fait local, mais assez peu connu, puisque les 
uns le rangent parmi les zoophytes et les autres parmi les vêgé- 
taux, on y trouve aussi la dorade, le muge et des anguilles dont . 
le poids excède souvent deux kilogrammes. Dans la catégorie des 
coquillages, tous fort appréciés des gourmets, citons la ténulle, la 
moule, la clovisse, l’oursin. Un véritable vivier, comme l’on voit, 
immense et profond, que la nature creusa pour la commodité des 
hommes. 


L'industrie de la pêche s’y développe sur tous les points du lit- 
toral, et l’on peut dire qu’elle a merveilleusement adapté ses engins 
aux habitudes particulières de la gent aquatique. En hiver, le muge 
et le loup, par exemple, nagent entre deux eaux : les capturer sera 
l'affaire du grand bouliech, sorte de filet à deux ailes que les pê- 
cheurs ramènent vers le bord, en tirant sur une double corde. Mais, 
en été, ce même poisson se cache-t-1l dans les algues du fond, le 
filet le plus propre à le saisir sera le petit bouliech, ordinairement 
employé pour la pêche côtière. Ces deux opérations composent, 


— 177 — 


d’une: manière générale, la pêche à la traîne, où érahino, dans a 
langue du pays. Beaucoup d’autres poissons échapperaient sans 
doute à la convoitise des gourmands, si les ressources de cette 
industrie se bornaient à la pêche par traction. Les bateaux qui sil- 
lonnent l’étang, de conserve ou isolés, ne manquent pas non plus 
d'engins variés : le gangut, la sautade, le sardinal, le vérarier, 
l’issaube, destinés à prendre des rougets, des sardines, des maque- 
reaux et autres poissons migrateurs que la mer pousse parfois jus- 
qu’au rivage intérieur. À la faveur de la nuit s’opère, comme cer- 
taines chasses interdites, la pêche à la catolle, qui détruit sur le 
rivage même une infinité de petits poissons, espoir de l’avenir tué 
dans l’œuf, la catolle ayant des mailles très serrées. Les mollusques 
ne sont pas davantage à l’abri des recherches. C’est une pêche 
pénible mais fructueuse que celle des clovisses dont nos marchés 
regorgent. On les prend au moyen d’un rateau garni d’un filet aux 
mailles très fines. Le pêcheur, après avoir jeté Le rateau dans l’é- 
tang, le remonte, le secoue avec force, fait tomber dans le filet le 
sable et la vase qui l’encombrent, et remplit sa nacelle des coquil- 
lages précieux. La moule, la ténille, l’oursin n’exigent pas tant 
d'appareil. La main de l’homme suffit à les cueillir ou dans le sable 
ou sur la roche, le long des bords. Mais il faut croire qu’à travailler 
à de si ingénieuses besognes, le monde des pêcheurs a dû, dans 
toutes les époques, réaliser pas mal de bénéfices, puisque le droit 
de pêche suscita jadis un grand nombre de procès. Les fermiers 
tenaient bon contre les propriétaires de ce droit qui sans cesse aug- 
mentaient le fermage, et aussi contre les habitants à qui les con- 
suls se croyaient obligés de garantir un tarif modéré vis-à-vis du 
vendeur de marée, En 1767, le parlement de Toulouse intervint au 
profit des habitants de Balaruc. De son côté le fermier réclamant, 
en 1783, l'appui de l’administration, celle-ci lui fit construire une 
cabane sur le rivage de l’étang, pour qu’il pût s’y abriter, lui, ses 
filets et son poisson, et organiser une garde, tant de Jour que de 
nuit. Le droit de pêche sur l’étang appartenait, avant la révolution 
de 1789: pour Balaruc, aux évêques de Maguelone ; pour Mèze, 
partie aux évêques d'Agde et partie aux moines de l’abbaye de Val- 
. magne. Quant aux algues marines, propriété exclusive de chaque 
communauté, les consuls les mettaient tous les ans à l’adjudication 
par lots séparés, afin que tous les habitants en eussent leur part. 
Donc les populations riveraines ont tiré et tirent encore leur bien- 


TR ES 


être de l'étang: Aussi la chanson de Mèze place-t-elle les pauvres 
barques sous l’invocation du Taureau, le bon patron : 


Prions la Sainte Vierge 
Pour notre bon patron ; 

Il faut brüler le cierge 
Pour que le Grau soit bon, 
Pour que toutes nos barques 
Voguent sans accident, 

Que tout porte les marques 
D’abondance et d'argent. 


Je ne dis pas que ce couplet soit plus riche que le sonnet d’O- 
ronte, mais il a jailli tout franc de l’âme naïve des pêcheurs. Ne 
nous attardons pas cependant au milieu de ces braves gens ; il y a 
d’autres traits, dans la région, qui méritent d’attirer notre regard. 

Ici, Messieurs, j’anticipe malgré moi. Car une vue d’ensemble 
n’est possible qu’à la condition de grouper les curiosités éparses à 
la surface de l'étang ou dans son périmètre. Une à une, notre 
voyage circulaire les relèvera sans aucun doute. En attendant, je 
vous signale par avance deux phénomènes bizarres, deux gouffres 
de tempérament dissemblable. Le premier s'aperçoit non loin des 
falaises de Balaruc-les-Bains, en droite ligne sur Bouzigues, au 
seuil même de cet étang de l’Angle que les dépôts de l’Avène fini- 
ront par combler. C’est la fontaine de l’Abysse. Elle jaillit du sein 
des eaux salées, « si abondante qu’elle formerait, dit-on, une 
rivière, et que le bouillonnement de ses eaux s'élève à 30 centi- 
mètres de hauteur sur trois mètres de circonférence. » (1) « La 
force ascensionnelle de cette source arrête les vagues et les empêche 
de passer outre. Pareille à un geyser, sa température est un peu 
plus élevée que celle de l'étang ; ce qui explique qu’en 1829, lors 
du terrible froid qui permit aux négociants de Mèze de transporter 
leur vin en charretie par-dessus l'étang glacé, un espace circulaire 
correspondant au gouffre de l’Abysse soit demeuré liquide et ait 
été le point de réunion de tout le gibier d’eau de la contrée. » (2). 
On présume, peut-être avec raison, que la fontaine de l’Abysse est 
alimentée par les déperditions de l'Hérault. L'autre gouffre porte 


(1) Joanne. — Géographie de l'Hérault. 
(2) Albert Fabre, — Histoire de Balaruc-les-Bains. 


4701 = 


le nom d’Enversac, ou encore de fontaine Alésieu. « Cet abime est 
situé près du bord, au pied d’un roc, au fond d’une petite anse que 
dominent les hauts fourneaux, vis-à-vis l’église Notre-Dame de 
Balaruc. Dans la saison des pluies, il en sort une eau douce quise 
jette dans l’étang ; mais à la fin d'avril la source tarit ; et l’étang 
rend abondamment au gouffre, en eau salée, ce qu’il en a reçu en 
eau douce ; ce jeu alternatif des eaux a fait donner au gouffre le 
nom d’Enversac. » (1). Quelle est la cause de ce jeu ? L’eau douce 
vient-elle aussi de l'Hérault ? Serait-ce l’étang de Frontignan qui 
se déverse de la sorte, lorsque son niveau surpasse celui de l’étang 
de Thau ? Les avis sont partagés. 


Ces phénomènes, Messieurs, ne sont pas ordinaires ; mais ce ne 
sont que des curiosités naturelles. Voici qu’à la réalité des choses 
s’ajoute le merveilleux. Quel coin de terre n’a pas sa légende ? 
Quel lac de la Suisse ne se croirait déshonoré, s’il ne célait dans 
ses profondeurs quelque cité lacustre ? Croyez-vous que les gens 
de Bouzigues vous laisseraient passer sans vous parler de l’antique, 
très antique ville ensevelie sous leur étang ? Allez donc voir si 
vous r’entendez pas, la nuit de Noël, le tintement lointain des clo- 
ches mystérieuses ! J’emprunte le fait à l’Aistoire de Mèzse, de M. 
Albert Fabre : « Certaines personnes ont présumé, dit-il, que sur 
le terrain où se trouve l’étang de Thau existait une ville considé- 
rable ; un inspecteur du port de Cette, M. Cauvy, avait concu le 
projet de faire un port de cet étang en coupant une partie de la 
plage, et, voulant s’assurer s’il trouverait la profondeur nécessaire, 
il fit faire des sondages en plusieurs endroits ; au cours de cette 
opération, on rencontra à la profondeur de 15 pieds, quelque chose 
de massif que les plongeurs employés à ces travaux reconnurent 
pour être les murs d’un canal ou aqueduc qui aurait existé dans la 
direction des Bains de Balaruc à Agde, et ils constatèrent que ces 
restes d’antiquité étaient parfaitement conservés. Partant de cette 
découverte, on supposa que les eaux de la source d’Issanka étaient 
conduites à cette ancienne ville par un aqueduc dont on retrouve 
yes vieilles ruines entre cette source et Balaruc. » A dire vrai, l’on 
ne saurait adhérer sans réserve à l’opinion dont M. À. Fabre s’est 
fait ici l’écho. Cependant il cite ses auteurs et il assemble des 
preuves. Un Festus Avienus, historien latin du IV® siècle, désigné 


(1) Joanne. — Géographie de l'Hérault. 


— 180 — 


sous le nom de Polygium une ville dont l'emplacement se trouvait 
au milieu de notre lac. Or, M. E. Thomas était convaincu, paraît- 
il, que l’étang de Thau n’a pas toujours existé, qu’il a été formé à 
la suite de cataclysmes provoqués par les volcans d'Agde, de Saint- 
Martin du Grau et de Brescou. M. Munier suppose, dans son 
Mémoire sur le préhistorique de la Gardiole, qu'aux environs de 
l’île Saint-Sauveur, des recherches sérieuses mettraient à nu une 
station lacustre analogue à celles de la Suisse. Le docteur Crouzet, 
pendant l’hiver de 1859, un jour que le vent du nord soufflait avec 
une grande violence et rejetait l’eau de l'étang vers le canal du. 
port de Cette, aurait observé des murailles et des pierres tombales 
bien avant engagées sous les eaux. Des pêcheurs sont certains d’a- 
voir vu des débris de murs autour du rocher de Roquerol. Bien 
plus, M. A. Fabre a établi lui-même l’existence d’un château-fort, 
en face de Mèze, à 100 mètres environ de l’église des Pénitents. 
Et toutes ces substructions marines ont été recouvertes, ajoute-t-1l, 
à une époque relativement peu éloignée. Ainsi documentée, la lé- 
gende ne prend-elle pas des allures d’histoire véridique ? Je n’y 
opposerai que deux objections. Comment se fait-il que le même 
cataclysme, qui détruisit l’antique ville pour y substituer l'étang, 
n’ait pas également détruit cet aqueduc que des plongeurs ont re- 
connu parfaitement conservé ? Faut-il croire, d’autre part, à l’exis- 
tence relativement peu reculée d’une plaine terrestre dans un endroit 
où précisément l'expérience des siècles prouve que nos rivages 
gagnent sans cesse sur la mer ? Je citerai, à mon tour, une auto- 
rité qui confirme ce doute. M. Ch. Lenthéric s'exprime ainsi sur 
la ville de Mèze, dans son ouvrage Les villes mortes du golfe de 
Lyon : « Mèze est bâtie à l’extrémité d’une pente douce, sur un sol 
essentiellement fertile, et séparée des collines voisines par deux 
petits vallons qui sont presque de niveau avec l'étang, et qui 
devaient être recouverts autrefois par les eaux de l’étang lui-même.» 
Donc ce n’est pas l’étang qui s’est avancé sur les terres. On peut 
admettre l’envahissement temporaire des eaux par suite de bour- 
rasques ou d’inondations. Mais, la tempête passée, tout rentre 
nécessairement dans la loi générale. Et je trouve naïve cette déli- 
bération des consuls de Balaruc qui attribue le trop-plein de l’é- 
tang à la « coupure qu’on a faite à la rive opposée », comme si la 
mer, quand elle regorge sur ses bords, n’était pas, elle aussi, con- 
trainte à rentrer dans son lit. Au reste, les opinions invoquées par 


— 181 — 


M. Albert Fabre à l’appui de la séduisante légende sont, pour la 
plupart, contradictoires et réservées. Elles diffèrent surtout sur le 
point précis de l’étang qu’aurait occupé la ville, sur la date même 
de sa disparition, sur le peuple qui l’habitait. Il est vrai que cette 
histoire a été construite de toutes pièces par les archéologues. Or, 
vous vous rappelez la spirituelle boutade de notre ami Moulin à 
propos des Antiques de Saint-Remi : « C’est une bien belle science 
que l’archéologie, et fertile en surprises, en subtilités de tout 
genre, et qui n’existera plus du jour où deux archéologues pourront 
tomber d’accord ! » À 

En résumé, qu’il renferme ou non les ruines d’une cité disparue, 
le bassin géographique de l’étang présente deux aspects distincts : 
au nord et à l’est, une ceinture de collines et de montagnes ponc- 
tuée, vers le sud, par le dôme isolé du mont Saint-Clair ; à l’ouest 
etau sud, dans le sens diagonal, une vaste plaine largement ouverte 
à tous les vents. Voilà pourquoi la navigation y est difficile et 
parfois dangereuse. « La violence des vents de mer et la subite 
renverse du nord-ouest y causent de véritables tempêtes. » (*) Rien 
ne se prête mieux, en effet, à ce mouvement giratoire que la dis- 
position du relief oriental. 

Eh bien, malgré ses puissantes colères, heureusement très rares, 
cet ancien golfe, devenu lac à l'inverse du Zuyderzée, n’en est pas 
moins le centre d’une activité considérable. Il se distingue même 
des autres étangs du Languedoc par un côté particulier de sa phy- 
sionomie. Ses eaux profondes, que leur salure préserve de la cor- 
ruption des marais, contiennent sous leur poids les innombrables 
débris organiques qui pourrissent dans la vase. Point de danger, 
par conséquent, pour la salubrité des bourgades riveraines. Tandis 
qu'à Vic, à Mireval, à Capestang, à Vias, la mort moissonne, avant 
l’âge de dix ans, une moitié de la population, les habitants de 
Balaruc, de Bouzigues, de Mèze, de Marseillan jouissent, au con- 
traire, des conditions moyennes de la vie. Aussi, du nord au sud 
et de l’est à l’ouest, du port de Mèze au port de Cette, de Mar- 
seillan à Balaruc, dans toute l’étendue de ces 8.000 hectares de 
surface liquide, où le flot coupe le flot comme une lame, voit-on 
courir sans cesse quelque voile latine ou quelque panache de fumée. 
C’est que la soif du. bien-être ne supporte pas de retard. Autour 
de ce bassin, des rivages limoneux fertilisent la terre déjà riche de 


(*) Albert Fabre. — Histoire de Mèze. 


Ts _— 182 — 


son fonds. Culture, industrie, navigation, tout marche en même 
temps, sans s'arrêter, sans se confondre. Les produits, on les ex- 
porte ; les bois, on en construit des tonneaux ou de petits navires ; 
les minerais, on les épurait jadis en d’énormes creusets ; l'étang 
lui-même, on l’exploite par la pêche, on lui réclame çà et là un 
large tribut de sel marin. Et cet étang, nourricier de la terre, four- 
nisseur inépuisable d’une partie de la richesse, auxiliaire perpétuel 
de tout ce peuple qui travaille sur ses bords, se fait encore, par 
surcroît, le véhicule bénévole de cette activité. Quand on nous dit 
qu’il existe des lois de réciprocité entre la vie des hommes et la vie 
des éléments, ceci n’en est-il pas un exemple singulier ? 


Nous avons vu ce que l’étang donnait aux hommes, voyons ce 
que ceux-ci lui ont rendu. 


Qu'un artiste nous peigne un paysage, qu’un romancier nous le 
décrive, tous deux s’appliquent d’abord à l’animer.Le tableau et le 
livre ne nous captivent qu’à ce prix. Je ne conçois guère une mer 
sans navire, un champ sans laboureur, une forêt sans oiseaux, une 
ruche sans abeilles. Emile Souvestre compare la mer déserte de la 
Grande-Bretagne à l’un de ces immenses lacs du Nouveau-Monde 
qu’entoure la solitude. Le lac de Thau ne nous offre point cette 
image de la mélancolie. Les hommes se sont chargés d’animer sa 
surface du va-et-vient continuel de leurs barques de pêche et de 
leurs minuscules paquebots, d’égayer ses rives par le miroitement 
lointain de leurs blanches maisons que le soleil éclaire du matin 
jusqu’au soir, de remplir enfin les échos de cette mer intérieure du 
bruit cadencé de la tonnellerie ou du sourd grondement des hauts 
fourneaux. A lui seul, le port de Mèze lance dans toutes les direc- 
tions sa flottille de 120 navires jaugeant au moins 3.000 tonnes. 
Chaque année, 30 à 40 caboteurs étrangers, venus pour y charger 
du vin, en emportent à peu près 15.000 hectolitres. Et, sur divers 
points de la côte,-les chemins de fer, avec leurs trains qui roulent 
nuit et jour, complètent le mouvement commercial. C’est une agi- 
tation de tous les instants, ce sont des couleurs, des traits, des 
lignes mouvantes, dont l’ensemble constitue un caractère de vie 
d'autant plus intense qu’il se répand et s’accumule en un espace 
plus étroit. Supposez maintenant avec les poètes, ces dépositaires 
élus de la science intuitive, supposez, dis-je, une âme dans les 
choses. Car, pourquoi cette pitié du doux Virgile s’écriant par la 
bouche d’Enée : Sunt lacrymæ rerum ? pourquoi cette angoisse 


— 183 — 


de Bernard Palissy devant les arbres meurtris et mutilés ? pour- 
quoi cette philosophique émotion de tous les cœurs d'élite, s’il n’y 
a pas dans l’intime secret de la nature une sorte de sensibilité con- 
fuse qui la rend capable de souffrir et de jouir ? Eh bien, j'aime à 
me figurer la terre, les arbres, les eaux, le ciel même tressaillant 
d’une joie quasi consciente, lorsque l’homme comprend, respecte et 
embellit la vie universelle. Heureux étang, autour duquel cette vie 
coule à pleins bords ! 


Mais si, grâce à d’humbles ouvriers, matelots, laboureurs, arti- 
sans du négoce et de l’usine, ce coin de mer a revêtu l’aspect d’un 
paysage fait à souhait pour le plaisir des yeux, des ingénieurs sont 
venus qui, gens pratiques et peu contemplatifs, résolurent d’en 
utiliser les forces vives. Pour maintenir la prospérité des ports inté- 
rieurs, jadis si fréquentés, il était nécessaire que l’étang et la Médi- 
terranée communiquassent entre eux par une ouverture plus stable 
que les graus. Le port de Cette, alors en formation, n'aurait lui- 
même qu’à gagner à un transit plus régulier. Aussi Paul Riquet 
créa-t-il, en 1666, le canal de Cette, avec l’appui de Clerville, de 
de la Feuille, du Père Mourgues, de Vauban et de Niquet, associés 
dans l’œuvre commune des fortifications. « Ce canal est presque 
achevé, écrivait M. de Froidour en 1671, et il ne reste plus qu’à 
ouvrir et à percer un reste de plage pour luy donner son embou- 
chure dans le port. Mais il y a cette différence à observer, que ce 
qui passe dans la plage n’est que terre, et que ce qui passe dans 
l’Estang est basti ou revestu à pierres sèches. Comme lEstang 
estait fort plat sur les bords, il a fallu, durant l’espace de 420 toises, 
y creuser le Canal, et le fortifier de ces sortes de murs pour empes- 
cher les eaux de l’endommager. » L’exportation, celle du vin sur- 
tout, et l’importation, principalement celle des bois, augmentant 
dès lors, le canal de Cette devint, pour le commerce de Marseillan 
et de Mèze, un débouché des plus heureux. Mais Paul Riquet son- 
geait également à faire aboutir la navigation de son caual du Midi. 
Les bateaux à fond plat, qui transportaient les marchandises de 
l’ouest, n’eussent jamais affronté les dangers d’une traversée aléa- 
toire sur l'étang. Il y avait bien le port d'Agde, au bout de leur 
parcours. Qui pensait en ce moment à sauver le port d'Agde ? On 
dragua tout simplement un chenal à travers l’étang de Thau et 
tous ceux qui le prolongent jusqu’au delta du Rhône. De la sorte, 
par ce Canal des Elangs, les barques à fond plat purent suivre la 


— 184 — 


ligne intérieure du rivage marin sur un espace de 60 kilomètres : 
et Cette, port nouveau, accapara presque à lui seul les bénéfices 
de ce double commerce provenant du dedans et du dehors. L'avenir 
appartient à Cette, nous dit-on ; les travaux contemporains amé- 
liorent son bassin, fortifient sa colline, en feront à la longue une 
position stratégique formidable. L'avenir enveloppe bien des espé- 
rances. Qui sait ? Peut-être, un jour, verrons-nous la France 
entière accourir autour de notre étang devenu le premier port du 
monde, et là, par inauguration du CANAL DES DEUX MERS, 
prendre solennellement sa revanche de la parade de Kiel ! Rappe- 
lons-nous la tentative de M. Cauvy, tentative fondée, du reste, 
sur une opinion déjà ancienne. Quand un premier effort échoue, 
l’idée inspiratrice demeure. On peut la ressaisir, la remettre à l’é- 
tude, l’étayer sur les progrès les plus récents de la science, la faire 
triompher ! Ce serait alors une consécration définitive du pacte 
éternel de la nature et de l’art. (*) 

Vous me direz que, dans ce contrat providentiel qui associe à la 
libre activité des hommes les forces aveugles de la nature, tout le 
profit est pour nous. Justement, et c’est, à tous égards, un privilège 
incontesté. Là-dessus nos philosophes sont d'accord avec la tradi- 
tion biblique qui assigne à l’homme la royauté sur son domaine. 
Mais si l’on réfléchit à la brièveté de notre existence, et qu’on l’op- 
pose à la durée des choses, 1l y a bien compensation. D'ailleurs, ce 
contrat n’est, au fond, qu’une lutte après laquelle le vainqueur 
s’approprie les dépouilles du vaincu. Quelquefois nous succombons. 
Le plus souvent la victoire est au bout de nos travaux. Trop heu- 
reux quand la lutte pour la vie n’excite pas, plus tard, les uns 
contre les autres ceux qui avaient réuni leurs efforts pour dompter 
les éléments ! 

Cependant il arrive un jour où le lutteur fatigué dépose ses ar- 
mes dans la plaine. Désireux de contempler de haut le champ de 
ses batailles pacifiques, de voir dans quel rapport se sont unis 
l’œuvre de la nature et le travail humain, il gravit quelque som- 
met du voisinage, d’où son regard puisse embrasser tout l’ensemble 


(*) — « Un grand projet s'impose de plus en plus à l'attention publique. 
Je veux parler du Canal des Deux-Mers. Cette entreprise aurait une portée 
incalculable. Malheureusement, elle a été retardée jusqu'ici par le fait d’une 
résistance qui a sa source dans la puissance formidable que constitue le 
syndicat des grandes Compagnies de chemins de fer. Il ne faut pas chercher 
ailleurs ; là est l'obstacle fondamental. On n'aboutira pas avant de l'avoir 
écarté. » — Lemasson (26 nov. 1895). 


à. 


— 185 — 


de létang. Le spectacle dont 1l jouit alors satisfait son orgueil, re- 
lève ses espérances et verse dans son âme un torrent de poésie. 
Toujours, en effet, sommeille au fond du cœur de l’homme l’étin- 
celle toute prête à jaillir au moindre choc des émotions subites. 
L'imagination donne des ailes à la pensée qu’alourdissait le labeur 
quotidien ; elle grandit aux yeux les proportions ordinaires de la 
réalité. Elle suscite même une éloquence passagère chez l'écrivain 
le plus amoureux des documents précis. Tel cet élan du lyrisme 
qui brille à la première page de l’Æistoire de Balaruc. C’est un 
petit chef-d'œuvre de style descriptif. L’auteur me permettra d’en 
détacher les plus jolis morceaux. Il les écrivit, je crois, en 1821, 
sur une éminence au nord du village, d’où sa vue atteignait les 
quatre points de l'horizon : « Dans le lointain, dit-il, disparaissent, 
sous les vagues, Marseillan, et, plus au sud, le pic Saint-Loup, 
au pied duquel on aperçoit par un beau temps Agde, la ville noire... 
Sur les pentes du mont Saint-Clair, à Cette, d’élégantes villas se 
cachent dans la verdure. La courbe majestueuse de cette montagne 
imprime à ce coin de tableau un caractère qu’on ne peut oublier, 
lorsque, par une belle journée, on voit ces paysages à travers la 
limpidité de l’air et sous le scintillement des eaux de l'étang. 
Le spectacle devient étrange et surnaturel, dès que la brume a jeté 
son voile sur les eaux limpides. Vers Le fond, des rayons lumineux 
s’'éclipsent par intervalles : c’est le phare d'Agde placé au sommet 
d’une montagne volcanique ; quelques lueurs vaporeuses indiquent 
les emplacements des lieux habités... Un éclair jaillit, un sourd 
grondement se fait entendre : les yeux sont éblouis par la lave in- 
candescente qui s'échappe du ventre rebondi des hauts fourneaux. 
Par les ouvertures supérieures, des ciartés vibrantes font miroiter 
les eaux, et les yeux ne peuvent se détacher de ces points bril- 
lants; ils en sont comme fascinés ; le vent, qui s’engouffre avec 
bruit dans les flancs de ces cuves de briques cerclées de fer, en- 
gage avec le charbon une lutte victorieuse contre le minerai qu’il 
réduit bientôt en lave... A ces bruits vient se mêler le roulement 
continuel des trains qui parcourent le littoral ; des lueurs rouges 
sillonnent sans cesse tout l’horizon, et, lorsque les chauffeurs ali- 
mentent les brasiers des machines, la fumée des locomotives s’é- 
claire en longues traînées blanchâtres à travers ces espaces déserts. 
Si vous levez les veux vers la voûte céleste, les étoiles brillent d’un 
vif éclat, et la masse sombre du Saint-Clair apparaît alors comme 
un gardien vigilant... » 


— 186 — 


Voilà, Messieurs, comme on écrit, lorsque, par une nuit sereine, 
dans le recueillement de la pensée, l'imagination se fait complice 
de l’ombre pour embellir aux regards de l’observateur le cadre 
grandiose qui l’émeut. laissons à notre étang le charme rare de 
cette vision poétique du soir. Ce sera le dernier terme de l’étude 
que je viens d’esquisser. 


VI. — BALARUC. — LES THERMES 


Depuis tantôt deux heures nous voguons, et peut-être mon récit 
s’en irait-1l à la dérive, si M. Figaret, plus habile à diriger son 
navire que nous notre imagination, n’accostait la jetée du port de 
Balaruc. Là nous attend, avec sa jeune famille, un de ces poètes 
à l’intelligence divinatrice, tels que l’antiquité les comprenait, qui 
éclairent de leurs vives images le sens caché de la nature, l’expli- 
quent par le cœur autant que par l'esprit, et sont de vrais savants 
dans la plus haute acception du mot. Tout le monde a reconnu de 
loin le sympathique auteur de la Légende du Caroux. Le félibre 
se montre tout heureux de nous serrer la main. Arrivé plus tôtque 
nous, par voie ferrée, il a prévu la difficulté qu’opposerait, en plein 
midi, la route poudrease d’Issanka. Aussi les dames pourront- 
elles, grâce à lui, s’y rendre en voiture, bienfait inappréciable en la 
saison qui court. Le temps presse, d’ailleurs, et cependant, nous 
voudrions bien visiter les Thermes, puisque nous sommes venus à 
Balaruc pour les y étudier. Mais ceux qui ont suivi toutes nos 
excursions de cette année penseront, comme moi, que les villes 
d’eaux ne nous sont plus hospitalières. À Lamalou, nous vimes 
beaucoup de choses exceptéles établissements de bains. Ici de même. 
On dirait, Dieu me pardonne, que nous inspirons de la méfiance à 
ces industriels. Y a-t-il un secret qui intéresse leur fortune? Crai- 
onent-ils cette réclame absolument scientifique dont nous récom- 
penserions leur amabilité? Mystère. Toujours est-il qu’on nous 
supporta cinq minutes dans le pare de Balaruc ; que des piscines 
régénératrices nous n’aperçümes que les murs; et qu’on nous re- 
garda partir avec soulagement. Eh bien, ce que la Direction de 
l'établissement thermal refusa de nous laisser voir, je prétends vous 
en parler en dépit d’elle, ne serait-ce que pour rendre hommage à 
la vérité, la vertu des eaux étant indépendante de ceux qui les 
exploitent. 


— 187 — 


Sans remonter jusqu’à l’époque durant laquelle, à l’exclusion de 
tout propriétaire, les Romains jouissaient en liberté des sources 
précieuses de Balaruc, l’histoire attribue à ces dernières une longue 
renommée, et les médecins un grand nombre de guérisons. Bien 
entendu, les médecins ne soufflent mot des malades que ces mêmes 
sources ont tués. Jamais une monographie n’incriminera objet. 
dont l’auteur s’est proposé de nous entretenir. Aujourd’hui encore, 
de cruelles méprises ont pu faire maudire Balaruc par ceux qui sv 
soignaient à l’aventure. Témoin le capitaine Paule, jeune officier 
que la paralysie brisait en 1872 au début de sa carrière. Il en re- 
vint plus perclus qu’il n’y était allé, ayant complètement perdu 
l’'usage de la langue et sentant son mal progresser vers le cœur. 
Quelque temps après, si j'en crois le rapport de M. Sabathier, les 
eaux de Lamalou-l’Ancien, mieux appropriées à son cas, lui rendi- 
rent assez de force pour bégayer contre le chirurgien-major de 
terribles imprécations. Je suis certain que les eaux de Balaruc en 
eurent largement leur part. Beaucoup de sources minérales, en 
raison même de leur énergie, offrent parfois de graves dangers, 
pour peu qu’on en use à contre-sens. Qui ne sait qu’à la Raïllière- 
Cauterets d'imprudents touristes, sains et forts, contractèrent des 
lésions aux bronches, alors que cette source les cicatrise habituel- 
lement ? Quand on songe combien la science de l’analyse était igno- 
rée des Anciens, on se demande avec effroi quel nombre de victimes 
dut leur coûter cette méthode empirique, la seule qui leur fit con- 
naître la spéciale efficacité de telle source ou de telle autre. Car 
ici, ce n’est point un remède dont on dit: s’il ne fait pas de bien, 
il ne fait pas de mal. Nous ne souffrons plus, de nos jours, qu’on 
en fasse l’expérience ; le médecin répond de nous. Voilà pourquoi 
toute une série d’ouvrages, toute une thérapeutique nouvelle s’oc- 
cupent de plus en plus des eaux thermales. C’est un progrès, en 
même temps qu’un retour vers le passé, mais un retour opéré dans 
la pleine conscience des faits, avec la lumière de la raison expéri- 
mentée et sûre d'elle-même. Balaruc tient une grande place parmi 
les monographies qu’ont écrites les hommes de l’art. Son anti- 
quité, les cures célèbres qui frappèrent l’attention à partir du XVe 
siècle, la douceur de son climat, le voisinage de la mer, son hôpi- 
tal civil et militaire, enfin les vertus quelquefois héroïques de ses 
eaux, tout contribue à lui concilier l'intérêt des savants. Il n’y a 
qu’à feuilleter leurs livres pour en extraire les indications essen- 
tielles vainement sollicitées sur les lieux par notre Compagnie. 


— 188 — 


Constatons d’abord, avec le docteur Adrien Planche, que les 
Thermes de Balaruc attirent beaucoup moins de baigneurs qu’au- 
trefois. Certainement, les causes des maladies qu’on y traite n’ont 
pas diminué de fréquence. Loin de là : plus le siècle marche, plus 
elles se multiplient. Chez le prolétaire, des logis froids et humides, 
une nourriture misérable, un travail excessif, l’atmosphère mal- 
saine des usines, l’accablement de la vie, tout favorise et engendre 
la scrofule. Dans la bourgeoisie, trop de soins, la bonne chère, les 
spéculations fiévreuses suivies de déceptions sans nombre, l’ar- 
dente recherche des honneurs que ne récompense pas toujours le 
succès, les revers répétés de la fortune, n'est-ce pas autant de 
causes qui amènent les congestions ou les apoplexies cérébrales ? 
Qu'on ne vienne pas dire, non plus, que les propriétés thérapeu- 
tiques des eaux se sont affaiblies, ou encore qu’elles ont été autre- 
fois exagérées, peut-être même que d’autres sources ont jailli, dont 
les vertus seraient supérieures à celles de Balaruc. Les récentes 
analyses de MM. Brongniart, Figuier, Saint-Pierre, Rousset, de 
Serres, Chancel, Béchamp et Gautier, prouvent l’intégralité des 
éléments reconnus dans ces eaux, en 1579, par Nicolas Dortoman, 
alors professeur à l’Université de Montpellier; et si quelques per- 
sonnes vantent les eaux de Barèges comme plus actives ou exci- 
tantes que les eaux de Balaruc, c’est que, dans certains cas très 
rares, étrangers sans doute à la paralysie, Barèges a donné de plus 
rapides résultats. Non, ce n’est point un discrédit des eaux de 
Balaruc qui en éloigne les baigneurs. Le vrai motif, comment vous 
l'indiquer au milieu d’une assemblée sérieuse ? C’est qu’auprès de 
cette station balnéaire on n’a rien sacrifié au luxe et au plaisir; 
c’est qu'il n’y a ni bals, ni jeux, ni cafés-concerts, ni discrètes 
charmilles où s’élaborent les intrigues que dénoueront les fêtes de 
l'hiver. N'est-ce pas abominable qu’on se contente d’y guérir les 
malades ? Parlez-moi de ce parc ombreux, jalousement surveillé, 
que remplit le silence,et dans les branches duquel les oiseaux eux- 
mêmes, engourdis par les émanations d’alentour, semblent se con- 
former à l’hypocondrie des promeneurs : ce parc-là, depuis quand 
existe-t-1l ? depuis 1833 à peine. Voilà donc pourquoi les gens du 
monde ne fréquentent pas Balaruc. Serait-ce également pour ce 
motif que les médecins du genre complaisant, tels que Gyp les a 
dépeints, n’y envoient point leur clientèle? Autrement soucieux 
de leur santé furent les illustres malades d’antan : Rabelais, Guil- 
Jaume de la Chaume, chevalier de Grignan, Philippe d'Orléans, 


— 189 — 


Montgolfier, de Sémonville, Paganini. Tous obtinrent de leur 
séjour à Balaruc le soulagement de leurs maux. Montgolfier s y 
fixa jusqu'à sa mort; le Régent s’y guérit d’une blessure qu’il avait 
reçue au siège de Turin ; quant au chevalier de Grignan, gout- 
teux et podagre, Madame de Sévigné nous dit que « trois jours 
passés à Balaruc ont fait un miracle que le Mont-Dore et Barèges 
avaient été impuissants à produire. » Mais de théâtre, de jeux, de: 
fêtes, grands seigneurs et artistes s’en passèrent. Seulement, j’ima- 
gine qu’en son doux nonchaloir la société d’alors savait, par son 
esprit, tromper l’ennui de cette Thébaïde. 

Les mémorables guérisons signalées par les auteurs se rappor- 
tent à des maladies qui, plus ou moins, peuvent être ramenées à 
deux types généraux : la paralysie et la scrofule. A la paralysie 
les médecins rattachent les lésions organiques du système nerveux, 
les diathèses morbides du sang, l’atrophie musculaire, l’ataxie 
locomotrice, le rhumatisme chronique ; ou plutôt, pour être exact, 
ces divers états ne sont que les symptômes, les avant-coureurs de 
la paralysie. De même pour la scrofule ou le lymphatisme, entre 
lesquels on ne saurait établir de barrière bien précise. C’est un 
tempérament qui prédispose aux engorgements avec suppuration, 
à l’hypertrophie ganglionnaire, aux œdèmes ; aux ophtalmies, 
corysas, amygdalites et otites ; aux tumeurs du genou et de la 
hanche ; aux abcès et fistules de toute sorte ; quelquefois aussi à 
la carie osseuse et à la dégradation profonde des tissus. De là 
encore, chez les malades atteints de diathèse scrofuleuse, le carac- 
tère grave de cerlaines cachexies, de l’anémie, du scorbut, des 
plaies d’armes à feu. Je n’ai pas à exposer iciles détails techniques 
dont l’étude est fort intéressante à lire dans les mémoires médicaux 
relatifs aux eaux de Balaruc. Car elle est loin d’être complète, la 
liste des maux qu’elles sont de nature à soulager. Lesdits mémoires 
vantent surtout leur action physiologique. Il est clair, comme le 
dit M. Brunetière, que « dans une combinaison naturelle, un corps 
possède et développe des propriétés que n'auraient pas ses élé- 
ments, s'ils étaient isolés. » (*) Les substances minéralisatrices 
que contient l’eau de Balaruc, absorbées à la fois par la peau et 
les voies respiratoires, produisent en effet dans tous les organes une 
suractivité vitale qui ne laisserait pas de devenir un danger, pour 


(*) — Ferdinand Brunetière. — La science et la religion (réponse à quel- 
ques objections). 1895. 


— 190 — 


peu que le traitement du malade n’y fût pas surveillé d'heure en 
heure. A cause de leur puissante énergie, l’application thérapeu- 
tique de ces eaux nécessite d'autant plus, de la part des médecins, 
la connaissance parfaite des éléments dont elles se composent, voire 
même une très longue expérience de leur mode d'emploi. 


Quels sont donc les principes actifs des eaux de Balaruc ? L’a- 
nalyse chimique, souvent répétée, y a découvert du chlorure de 
sodium, dans la proportion de sept dixièmes ; et, à doses bien infé- 
rieures, des chlorures de magnésium, de lithium, de cuivre ; des 
sulfates de chaux, de potasse ; des bicarbonates de chaux, de ma- 
gnésie ; des acides carbonique, silicique, borique, phosphorique ; 
de l’oxyde de fer ; de l’alumine ; du manganèse ; des traces de 
nitrates et de bromure de sodium. Comme aspect, l’eau de Balaruc 
est très limpide, onctueuse, irisée au contact de l’air atmosphéri- 
que par la formation de carbonates qui, étant plus légers que l’eau, 
viennent nager à sa surtace. Sa saveur est légèrement salée, pi- 
quante, laissant un arrière-goût amer dü probablement à la pré- 
sence des sels de magnésie. Mais ce qui surtout la caractérise, et la 
distingue des eaux salées froides adaptées à d’autres médications, 
c’est sa température à peu près constante de 47° à 48° centigrades. 
Par sa composition et par ses propriétés, cette eau thermale salée 
se rapproche beaucoup, dit-on, des eaux de Wiesbaden et de Bour- 
bonne-les-Bains. Avec une richesse minérale peu différente, les 
trois eaux de cette famille sont également chlorurées sodiques, ma- 
gnésiennes et cuivreuses. Est-1l besoin d’ajouter que Balaruc tient 
la première place ? 


Restent à connaître les moyens dont la science dispose pour uti- 
liser des vertus aussi actives. À ce propos, le livre du docteur 
Planche renferme de précieux renseignements. Disons, avant toute 
chose, que « les eaux de Balaruc sont administrées à l’intérieur et 
à l’extérieur : en boisson, en gargarismes en bains généraux et 
locaux, en douches internes et externes de toute espèce, et sous 
forme de boues. On les ordonne pures ou associées aux eaux mères 
des salines environnantes. » Il n’y à point peut-être d'indication 
thérapeutique plus délicate à observer que celle qui consiste à admi- 
nistrer l’eau thermale en boisson. Néanmoins, grâce à une sage 
surveillance des médecins-inspecteurs, les goutteux s’en trouvent 
bien, et les paralytiques aussi, quand la paralysie est une suite de 
l’apoplexie ; soit que le chlorure de lithium agisse sur les pre 


— 191 — 


rniers, soit que les seconds doivent leur soulagement à l’action déri- 
vative de l’eau sur le tube digestif. Les bains exigent une étude 
assez complexe des malades qu’il conviendrait d’y plonger. Leur 
appropriation dépend du degré de la température que l’on gradue 
à volonté, pourvu qu’elle demeure constante pendant l’immersion, 
et surtout de la durée du bain. Ils sont utiles, à haute tempéra- 
ture, dans les cas de paralysie ancienne et de rhumatisme chroni- 
que ; à température plus faible, dans l’anémie, dans les cachexies, 
dans l’appauvrissement du sang, dans la surexcitation du système 
nerveux. S'il s’agit de bains locaux, de bains de jambe, par exem- 
ple, ayant pour but d’activer la circulation vers les parties infé- 
rieures, ce sera un excellent adjuvant dans les cas d’apoplexie 
cérébrale. Plus énergiques que le bain, les douches sont, paraît-il, 
presque toujours réclamées des malades ; c’est un moyen balnéo- 
thérapique en lequel ils ont foi, mais encore faut-il qu’il soit réglé, 
tout autant que le régime de la boisson. On l’emploie «( toutes les 
fois que l’on veut obtenir une réaction générale, un effet révulsif 
sur la peau, la résolution de quelque engorgement viscéral ou 
articulaire. » De même qu’aux stations de Dax, d’Uriage, de Bour- 
bonne, on fait aussi, à Balaruc, un fréquent usage des boues miné- 
rales. Autrefois ce moyen était beaucoup plus recherché qu’au- 
jourd’hui. Cependant il continue à donner d’excellents résultats 
contre les lésions sur lesquelles on applique la boue en forme de 
cataplasme astringent et antiseptique, sauf à prescrire ensuite un 
bain ou une douche pour se laver. Notons en outre, et brièvement, 
les gargarismes, si les symptômes de paralysie portent sur les 
muscles de la langue ; Les lotions sur les yeux, en cas d’ophtalmie 
scrofuleuse, ou sur d’autres parties, si l’on veut cicatriser des 
ulcères ; les injections enfin, pour ranimer la vitalité des tissus dans 
les trajets fistuleux, et même pour combattre la paralysie de la 
vessie avec les désagréments sans nombre qu’elle entraine à sa suite. 
Et le spectacle de routes ces misères humaines tient en entier dans 
un Etablissement thermal, dont il serait trop long d'expliquer les 
origines et les modifications successives. 

Ce qu’elle est, en ce moment, cette maison fermée aux touristes, 
nous ne le savons guère de visu ; mais mon docteur, moins discret, 
vous le dira: ( Les Thermes sont bâtis sur la source elle-même. 
Ils renferment des cabinets de bains, des salles de douche, des 
piscines. La partie balnéaire est en rapport avec les exigences de 
la science moderne. On y trouve une buvette qui est à l'abri des 


1 — 192 — 


intempéries par une grande lanterne placée au-dessus de la cour. 
Cette cour est de plain-pied avec la rue principale du village, dont 
elle est séparée par une grille en fer. L’eau thermale s'écoule d’un 
robinet par Jet continu dans une grande coquille en fonte, et celle 
qui n’est pas utilisée en boisson se perd constamment dans le canal 
de fuite. Pour arriver à ce résultat, l’eau est puisée dans un bassin 
dans lequel elle se rend directement en émergeant du sol, par une 
machine ‘à vapeur ; elle est élevée ainsi jusqu’au premier étage, 
dans un réservoir qui la laisse constamment s’écouler. Il y a deux 
piscines. On ne s’en sert pas. IL y en a une cependant qui est con- 
sacrée au service de l’hôpital, avec les salles duquel elle commu- 
nique par un corridor très court. Il y a douze cabinets de bains, 
quatre salles de douches. Il y a encore une ancienne salle d’étuve, 
qui date de 1712, où l’on peut prendre des bains de vapeur, de 
bras, de jambe. En résumé, le bassin de captage se trouve sous la 
cour ; de toute l’eau que la pompe à vapeur monte dans les réser- 
voirs, une portion descend dans le conduit de la buvette; l’autre 
portion doit servir aux bains et aux douches pour tempérer la cha- 
leur naturelle de l’eau thermale. » Ajoutons qu’à l’heare présente, 
la Direction a augmenté le nombre de cabinets de bains. 

Tant s’en faut, Messieurs, que j’aie tout dit sur les Thermes de 
Balaruc. Il est bon de savoir se horner. Nous jetterons un simple 
regard vers l’endroit où fut jadis la piscine romaine de marbre 
blanc, retrouvée depuis peu. Cet endroit est en dehors des thermes 
actuels, en face du parc, de l’autre côté de la route qui partage en 
deux le nouveau Balaruc, presqu’à l’angle du chemin creux par où 
nous arrivämes du port à l'établissement. Si j'étais archéologue, 
vous me pardonneriez de vous restituer cette piscine à l’aide des 
documents variés que l’on a mis au jour. Je n’usurperai n1 ce droit, 
ni cette qualité. Laissez-moi cependant vous conduire, en compa- 
gnie de notre bon docteur, dans les murs de l'Hôpital civil et 
militaire. Son institution date de longtemps. C’est, en quelque 
sorte, une succursale des hôpitaux de Montpellier. Le médecin- 
inspecteur de la station en dirige le service médical, et ce sont les 
Sœurs de Saint Vincent de Paul qui le desservent. On y trouve 
des salles réservées aux civils, aux femmes et aux enfants, d’autres 
aux soldats qui, généralement, y sont soignés pour le scorbut ou 
pour les plaies d’armes à feu, au retour de leurs campagnes. En 
tout quatre-vingt-quatre lits. Par un privilège très ancien, et que 


es Tribunaux ont confirmé, l’établissement hospitalier reçoit l’eau 


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— 193 — 


des Thermes pendant certains mois de l’année, du 15 mai au 15 
juin, et du 15 août au 15 septembre. Ce n’est pas qu’à Balaruc la 
saison balnéaire ne püt durer toute l’année. Mais les malades sont 
dans l’habitude de fréquenter ses eaux surtout pendant les mois de 
mai, juin, septembre et octobre ; dans lés mois de juillet et d'août, 
leur nombre diminue. Y aurait-il là de quoi expliquér là mauvaise 
humeur de la propriétaire à notre égard ? + Ji 


Et maintenant, si vous me demandez quelle peut être, autour de 
Balaruc, la distraction des baigneurs assez valides pour se prome- 
ner, mais dont l'esprit ne serait point ouvert aux séductions de la 
nature, non plus qu’à celles de l’art, je vous répondrai qu’ils ont 
deux lieux à visiter : les hauts fourneaux et la raffinerie du pétrole. 
Cette dernière industrie est installée plus près que la première, 
laquelle, du reste, ne fonctionne plus. On en découvre les bâtiments 
tout neufs au fond de l’anse qui regarde l’entrée du port; mais 
aucun bateau à vapeur ne s’en approche. Les pétroles bruts y ar- 
rivent de Russie et d'Amérique. Après épuration, ces pétroles de 
double origine constituent deux qualités différentes; les pétroles 
russes sont d’un aspect violâtre ; les pétroles américains tombent 
sur le jaune et sur le vert. Quant à leur pouvoir éclairant, à l'ou- 
tillage mis en œuvre, à l’importance de l’usine, impossible de vous 
renseigner moi-même ; Je dois rester aussi muet que le directeur, 
à qui j'ai vainement demandé des détails par écrit, bien que j'aie 
payé la réponse. 

Adossés aux contreforts de la Gardiole, non loin du chemin de 
fer de Cette à Montbazin, les hauts fourneaux ont éteint leurs feux 
depuis plusieurs années. Ils ne se prêtent donc plus à la belle des- 
cription nocturne qu’en a faite M. A. Fabre, dans son Histoire de 
Balaruc. Mais nous apprenons, dans le même livre, qu’on y trai- 
tait les minerais des P yrénées, d’Espagne et d'Afrique. Leur cons- 
truction nécessita de grands travaux de terrassement et l’extrac- 
tion par la poudre de 100,000 mètres cubes de rocher. Masse énorme 
de déblais avec laquelle on édifia la longue jetée du port. Les déux 
hauts fourneaux pouvaient produire 30,000 tonnes de fonte par an. 
Toutefois, en dépit des perfectionnements de l’industrie métallur- 
gique et malgré l'installation toute récente du chemin de fer, cette 
usine n’a point réalisé les espérances que l’on avait fondées sur 
son avenir, puisque la voilà aujourd’hui muette et dressant dans 
le silence ses immenses cuves refroidies, 


= 194 — 
VII. — ISSANKA 


Tandis que je causais tout à l’heure avec vous, Messieurs, de 
la misère physique et des moyens de la guérir, les dames, effrayées 
de ce tableau, partaient en voiture pour Issanka. Hâtons-nous de 
les y rejoindre. Une lieue nous en sépare, et Dieu sait quelle route | 
Plus d’un, qui n’ose formuler sa pensée, regrette peut-être les 
fraîches rives de l’étang. Qu'ils se rassurent. Comme autrefois la 
montagne de Mahomet, une oasis délicieuse s’avance vers nous à 
mesure que nous allons à elle. Là, le parc magnifique, dont les 
hautes frondaisons percent presque les nues, semble nous dire: 
« Entrez ici, vous ne gênez personne ; mes avenues sont libres. 
La poussière de ces cascades par où se précipitent les eaux limpides 
de la source d’Issanka, et qui féconde mes gazons, c’est pour vous 
qu’elle se répand sous mes ombrages. Errez à l’aise de massif à 
massif ; que les enfants s'amusent, et crient, et chantent, et pren- 
nent leurs ébats en toute liberté. Dressez des tables au pied de mes 
troncs séculaires et livrez-vous à la douceur des festins improvi- 
sés. Le vent du nord, en secouant mes branches,balayera les débris 
impurs que vous aurez laissés ; et moi, j'aurai senti durant quel- 
ques heures palpiter la vie autour de ma futaie, j'aurai, moi la 
nature, communié avec l’humanité. » Ce langage, Je défie les 
hommes de le tenir à d’autres hommes. Il semblait tout nouveau 
pour nos âmes. Avec le souvenir de notre promenade maritime du 
matin, le moment présent adoucissait bien des rancœurs, redon- 
nait à l’excursion son véritable caractère fait de gaîté, de mutuel 
épanchement, d’oubli absolu des préoccupations quotidiennes. C’est 
que, Jeunes et vieux, faibles et forts, riches et pauvres, nous savons 
nous unir en une grande famille spontanée où les niveaux s’effa- 
cent et se confondent dans le seul respect de la personne morale 
dont chacun de nous est animé. Notre secret vaut bien qu’on 
le divulgue; ilest si simple, que beaucoup auraient peine à 
le découvrir, en l’état des mœurs contemporaines. Mais revenons 
à mon récit. Le paysage d’Issanka s'étend, du côté de la source, 
en bosquets parsemés d'éclaircies qui se resserrent de plus en plus 
entre la route et le ruisseau. Vers l’ouest, un pont oblique le tra- 
verse, œuvre d'art considérable soutenant à la hauteur des cimes 
d'arbres la ligne ferrée de Cette à Montbazin. Plus bas, à la lisière 
des pelouses, un cafè-restaurant ouvre toute grande, au piéton 


1195 — 


épuisé de fatigue et de sueur, cette porte classique que couronné 
la vigne. Une douzaine d’excursionnistes, mieux informés que 
leurs confrères,y avaient commandé leur repas. De diner sur l’herbe 
ou de diner sur des bancs, l’épisode est trop connu pour que j'en 
parle. Ce qui pourtant sortit de l’ordinaire, et qui s’offre rarement 
à nous dans Ja série de nos promenades champêtres, ce fut de 
boire du café chaud tonifié d’un excellent cognac, à l’ombre des 
grands arbres, et de jouir, au sein de la campagne, des commodités 
de la ville. Il n’en fallut pas davantage pour exciter la verve gé- 
nérale. Lorsque le gai félibre de Béziers leva son verre et chanta 
sa Jolie chansonnetie bachique, de forme et de sentiment si déli- 
cats, quel est celui de vous, Messieurs, quelle est celle de vous, 
Mesdames, qui ne comprit jusqu’à quel point s’idéalise, entre gens 
de bonne compagnie,ce plaisir de la table que les Anciens mettaient 
au rang des bienfaits accordés par les dieux? Le début était char- 
mant, nous attendimes l’épilogue. Alors, dans les mains du poète 
parut le mystérieux carnet d’où s’envolent, de temps à autre, quel- 
ques-unes de ces fines abeilles transportées de l’Aîtique sur le sol 
biterrois. Conticuêre omnes intentique ora tenebant. Une rumeur 
légère accompagnait la chute du morceau, et le poète s’arrêtait au 
milieu d’une explosion de rires. On vit même un grand diable de 
postillon s’approcher plein d'enthousiasme, et, gauchement, mais 
sincèrement, réclamer de M. Maffre copie de ces machines qui 
l'avaient amusé... sc tant! Comme vous pensez, la chose avec - 
orâce fut promise: il est si bon de faire des heureux ! Puis, le ré- 
gal terminé, nous nous dirigeons, sous l'impression la plus agréable, 
vers les travaux de captage par lesquels la ville de Cette s’ali- 
mente d’eau douce depuis 1862. Du moins le chantier fut-il ouvert, 
à cette époque, vers la fin de l’année. 


VIII. — LES TRAVAUX HYDRAULIQUES (*) 


L'auteur du projet fut M. Duponchel, ingénieur des Ponts et 
Chaussées, qui en surveilla l'exécution. M. Valez, conducteur, di= 
rigea les travaux. 


(*) D'abondantes notes, absolument inédites, m'ont fourni la matière de ce 
chapitre. Je les dois à l'extrême obligeance de M. Cuilleret, ingénieur hy- 
draulique de la ville de Cette, lequel voulut bien les rédiger sur la demande 
de M. Eugène Ortus, professeur au Collège, l’homme le plus serciable qué 
je connaisse. Que ces Messieurs recoivent ici l'expression de ma gratitude 
et les remerciements de la Société. Ps 


— 196 — 


D’après le système alors adopté, l’eau était captée et amenée, au 
moyen de galeries en maçonnerie, dans un puisard creusé au bord 
de la route nationale de Cette à Gigeun, en un point situé à 11 
kilomètres de Cette. Là, elle était puisée à l’aide de pompes action- 
nées par des machines à vapeur et refoulée dans un réservoir de 
3.000 mètres cubes, à 5 kilomètres plus loin et à la côte 40 au- 
dessus du niveau de la mer. Ce bassin, dit de Rech, situé à 6 
kilomètres de Cette, distribuait l’eau par pente naturelle sur toutes 
les parties de la ville. 

Ce système d'adduction ne tarda pas à devenir insuffisant. De 
1863 à 1865, diverses améliorations y furent apportées. On installa 
notamment à la partie supérieure de Cette, à l'endroit depuis nommé 
Château-d’Eau, un bassin d’une contenance de 2.700 mètres cubes 
qui régularisa l’alimentation et servit de réserve. De plus, à la 
Sonrce même, une roue hydraulique, mue par les eaux de la rivière 
et actionnant des pompes capables de refouler de 5 à 600 mètres 
cubes par 24 heures, vint en aide aux moteurs à vapeur. 


En résumé, le système établi consistait en machines et pompes 
refoulant l’eau de la Source à un réservoir supérieur, susceptible 
de distribuer l’eau par pente naturelle jusqu'aux points les plus 
élevés de la ville. Les machines élévatoires, au nombre de deux et 
de la force de 20 chevaux chacune, pouvaient élever ensemble 
2.400 mètres cubes par jour. 

Mais à mesure qu’augmenta la population, ces machines, voire 
même la canalisation entre Rech et Cette, demeurèrent au-dessous 
des besoins nouveaux. Dès 1872, on s’inquiéta donc des moyens à 
employer pour conduire à Cette une eau plus abondante. Un essai 
de machine auxiliaire à Issanka n’eut aucun résultat, à cause de 
l'insuffisance du canal de refoulement. 

Plusieurs projets furent alors successivement accueillis puis reje- 
tés par les diverses administrations municipales. Mais ce ne fut. 
qu’en 1885 qu’on s'arrêta au mode actuel d’alimentation qui con- 
siste à faire venir l’eau d’Issanka à Cette par pente naturelle, avec 
un débit quotidien de 18.000 mètres cubes. M. Bézaiïl, ingénieur 
des Arts et Manufactures, chef du service des eaux, dressa dans ce 
sens un projet qu'’adoptèrent définitivement les administrations 
municipale et préfectorale, et la Commission supérieure des Ponts 
et Chaussées. 


— 197 — 


Voici quelle était l’économie de ce projet : 


_« L'on utilisait, à Issanka, toutes les sources qui n’avaient pas 
« été captées jusqu'alors. On y supprimait les moteurs, puisque 
« l’eau arriverait à Cette par pente naturelle jusqu’à l’entrée de la 
« ville, dans un réservoir de 90 mètres cubes établi en déversoir. 
« Là,des pompes la puisaient pour la refouler dans les deux anciens 
« bassins de Rech et du Château d'Eau, en même temps que dans 
« un nouveau bassin de 8.000 mètres cubes, à la Caraussanne, à la 
« côte 40. Les machines actionnant les pompes étaient au nombre 
« de trois, dont chacune pouvait élever 6.000 mètres cubes par 24 
( heures. » 


L’exécution du projet fut commencée en août 1887 et terminée 
en 1890. En plus, une machine et une pompe, installées à la côte 
40, prennent l’eau dans le bassin de la Caraussanne et la refoulent 
à la côte 165, dans un bassin de 1.000 mètres cubes, sur le sommet 
même de la montagne, pour le service des baraquettes. 

Les avantages de ce dernier système, constatés par une expé- 
rience de » ans, correspondent à deux ordres de faits qui ont leur 
importance : économie notable et rendement supérieur. En effet, 
la situation en pleine ville des moteurs à vapeur a forcément en- 
trainé des économies sur les réparations avec plus de rapidité dans 
leur exécution, une surveillance plus efficace et un prix bien moins 
élevé de l’unité de charbon. D’autre part, les machines, plus puis- 
santes, élèvent 18.000 mètres cubes au lieu de 3.000, maximum 
des machines d’Issanka, et encore maximum qui donnait un très 
mauvais rendement eu égard à la dépense de combustible. On dé- 
peusait à Issanka 45 000 francs de charbon pour envoyer 3.000 
mètres cubes d’eau par 24 heures. Aujourd’hui la dépense est à peu 
près la même pour 9.000 mètres cubes en moyenne, distribués dans 
toutes les parties de la ville et du réseau des baraquettes. Il y a 
“mieux. Si pour une raison quelconque, les machines venaient à se 
déranger, on aurait toujours de l’eau aux portes de la ville pour 
assurer l’alimentation. | 

Après avoir apprécié l’ensemble de ces travaux d’adduction, étu- 
dions-en maintenant les détails. 

Pour aboutir à Cette, la canalisation est tantôt en aqueduc, tantôt 
en conduite forcée. Les aqueducs sont en maçonnerie de moëllon 
et mortier de ciment ; les tuyaux, de diamètre 92, en béton de 
ciment. 


— 198 — 


Les aqueducs sont constamment sous le sol, soit en tranchée, soit 
en tunnel. 

Le point de la ville, où l’eau est aujourd’hui reçue par pente 
naturelle, se trouve au quai-des Moulins, ancien cimetière de la 
Bordigue. Quant aux réservoirs dans lesquels l’eau est refoulée par 
les machines élévatoires, on en compte trois pour le réseau de la 
ville, savoir : 


Château-d’'Eau. 1.027762 700 mc 


REGRETS ORNE RE MIS OP En AE 

Caraussanne. . . . 8.000 m. c. 

plus le bassin Sainte 0éér 1.000 m. c., pour le réseau de la montagne. 
Total.;, SES MAT PO ARE. 


Ces divers réservoirs ont été creusés dans le sol et voutés. 

La canalisation, qui amène l’eau d’Issanka au quaides Moulins, 
traverse le chemin de fer de Cette à Montbazin, en face de Bala- 
ruc-le-Vieux, et le chemin de fer de P.-L.-M., au passage à niveau 
de la Peyrade. Elle passe sous les voies dans une galerie maçonnée 
permettant des visites et des réparations faciles. Cette canalisation 
traverse aussi le Canal des Etangs en tuyaux de fonte placés en 
tranchée, à 250 c. environ au-dessous du fond du canal. 

Les canalisations de refoulement et de distribution, en fonte éga- 
lement, traversent les divers canaux aux points suivants : 


Canal de la Peyrade. . En face l'Usine. 
Canal Maritime. . . . Pont Régy. 

» » AN) Pont des Moulins. 
Canal de la Ville. . . Pont Virla. 

» » À , Pont National. 


Le système de traversée est le même que pour la conduite d’a- 
menée. 

Quelques chiffres résumeront l’importance de ces travaux. 
La dépense du premier UN en 1862, s’est 


CLEVÉE À. 2 SRE 1.500.000 francs. 
Réservoir Ge d'Eau et roue roue 300.000 francs. 
 Canalisations supplémentaires jusqu’en 1887. 300.000 francs. 
Projet de ‘1887... 2... . . 02 000 
Total: re fer cu de 4.100.000 francs. 


Avant 1862, la Ville s’alimentait d’eau douce par des citernes 
établies à domicile et recueillant l’eau des toitures ; par divers puits 


— 199 — 


forés en certains points de la ville ; enfin par les puits du hameau 
de la Peyrade qui fournissaient la meilleure eau potable. La dé- 
pense en eau potable par habitant, et par jour, ne devait pas 
dépasser 5 à 6 litres, étant donnée la possibilité d'utiliser pour beau- 
coup d’usages l'eau du Canal. | 

Aujourd’hui, la ration par jour et par habitant atteint la moyenne 
de 266 litres d’eau douce, chiffre qui classe Cette, au point de vue 
des eaux potables, à un bon rang parmi les villes de son impor- 
tance. Le service public est assuré par 110 bornes-fontaines ; les 
concessions particulières sont au nombre de 1.400 à 1.500 environ. 
De plus, malgré les difficultés d'alimentation provenant de la topo- 
graphie de la Ville, le service est garanti sur tous les points et à 
tous les étages, même dans les périodes d’été et de sécheresse, alors 
que l’alimentation exige plus de 12.000 mètres cubes par 24 heures. 


IX. — BALARUC-LE-VIEUX. 


D’Issanka nous ne pouvons revenir à notre bord, sans traverser 
derechef l’ardeur caniculaire du soleil. Mais les dames, dont le 
cœur compatit toujours à la souffrance des hommes, tolèrent qu’on 
nous juche par-dessus les guimbardes, au risque d’en écraser le 
toit. Singulier équipage, tout de même. Le long des fossés, cigales 
et grillons ont l’air de se moquer de nous. C’est miracle, en effet, 
de nous voir onduler à travers les ornières, saluant de ci de là les 
poudreuses bordures de la route, dans le claquement des fouets et 

le grincement lamentable des essieux. Du haut de ce mouvant 
observatoire, jetons néanmoins un coup d'œil rapide sur Balaruc- 
le-Vieux, dans les rues duquel nos voitures font retentir l’écho de 
leur ferraille. Tout bon Languedocien donne encore le nom de 
Balaruc-le-Truc (1) à cet ancien bourg (actuellement un peu 
délaissé, dit M. Germain (2), mais autrefois de majeure 1impor- 
tance. À une époque où la vie était si périlleuse en dehors des 
villes, il présentait une enceinte des mieux défendues : chose indis- 
pensable quand le Cap de Cette n’avait aucune fortification pour 
protéger les terres de ce côté du rivage de la Méditerranée. C’était 
le vrai castrum féodal ; il avait, outre sa ceinture de murailles, son 
château-fort, son église paroissiale et sa communauté qui s’admi- 


(1) Truc. — Terme languedocien qui signifie tertre, hauteur, éminence. 
(2) M. Germain. — Etude sur les privilèges et franchises de Balaruc. 


— ‘np; — 


nistrait par elle-même, sous la suzeraineté des évêques de Mague- 
one. » Du château-fort il ne reste aujourd’hui que quelques pans 
de murs visibles au centre du village. Quant aux remparts, ils 
étaient en si mauvais état dès le commencement du XVIIIe siècle, 
que les habitants découragés se refusèrent à les rebâtir, malgré les 
injonctions de l'intendant du roi, des 14 juin 1765, 2 septembre 
1766, et9 avril 1767. Or, à cette dernière date. la barbacane avait 
déjà croulé depuis onze ans. Ainsi tombaient de toutes parts, avec 
l’ancien régime, non seulement les lois, les institutions et les idées, 
mais encore les pierres insensibles qui les avaient abritées. Un 
grand silence nous oppresse, tandis que nous traversons ces lieux 
où dorment d’antiques générations. Seule, la cloche de l’église 
actuelle, tintant les vêpres, rappelle qu'il existe quelqu’un au mi- 
lieu de ce désert. Mais en même tempselle nous avertit que l’heure 
fuit, et nous avons hâte de regagner l’extrémité de la presqu'île, 
séjour bien plus joyeux, n’est-ce pas ? puisqu’ilest plus moderne. 


X — EN PARTANCE POUR CETTE — QUELQUES MOTS 
SUR LA VILLE ET SUR LE PORT. 


Enfin nous arrivons. Le môle, tout à l’heure silencieux, cou- 
ronné maintenant d’une bruyante caravane, développe son crochet 
dans une eau tranquille et d’un bleu presque noir, sous l’obliquité 
du soleil qui projette çà et là quelques ombres lointaines. Pas une 
barque dans le port. Un vapeur du service régulier de navigation 
débarque, au bout de la jetée, des passagers venant de Cette. Le 
nôtre le remplace aussitôt, et nous voilà, pour la seconde fois, 
voguant sur ce beau lac aux flots hospitaliers, où chacun retrouve, 
j'en suis sûr, et d’un cœur attendri, les meilleurs souvenirs de la 
journée. En face de nous, le mont Saint-Clair ; à gauche, l’île de 
Saint- Sauveur, célèbre par ses débris d’antiquité romaine ; à droite, 
le rocher de Roquerol, un écueil redoutable dans les moments de 
tempête, un socle de vieilles ruines, lorsque le calme règne. Mais, 
à mesure que nous marchons, grandit à nos yeux le panorama de 
la montagne. A sa base, l’on distingue déjà, blanchissant au-dessus 
des vagues, le promontoire Saint-Joseph et les deux bras évasés 
du Canal à sa jonction avec l'étang. D’en bas jusqu’au sommet 
s’'étagent, en un pittoresque fouillis, villas et jardins, bastides et 


— 201 — 


baraquettes, belvédères incomparables, certes, et d’horizon plus 
varié du côté de l'étang que vis-à-vis la grande mer ; excepté tou - 
tefois ceux qui, par leur situation, dominent du même coup et le 
port de la Méditerranée et la partie orientale du lac de Thau. 
Quand on a gravi les bas quartiers de Cette, dont la pente dévale 
vers les quais ; qu'on a franchi Esplanade, et traversé le Jardin : 
Public en passant sous une voûte en rocaille du plus bel effet, l’on 
arrive alcrs par des lacets jusqu'aux terrasses élevées du mont ;et 
cette masse de verdure intense, qui semblait, de loim, noyer les 
blanches villas, se découpe en parterres délicieux où chante la brise, 
mêlée au murmure des cascades invisibles. C’est là que nous furent 
gracieusement ouvertes les grilles de la villa Bayle. Le point de 
vue était unique. Nous embrassions d’un seul coup d’æil la eité 
neuve épandue sur la plaine au-delà du Canal, entre l’embarcadère 
du chemin de fer et les nouveaux bassins du port ; d’un côté, le 
bleu sombre de la mer, de l’autre, la teinte plus pâle, gris d’acier 
de l’étang, à cette heure où la silhouette du Saint-Clair s’allon- 
geait de plus en plus vers le nord-est ; de l’étang à la mer, une 
barre liquide, de couleur verdâtre mais changeante, selon que le 
courant se précipite vers le nord ou vers le sud ; des ponts métal- 
liques qui tcurnent sur des pivots ou qui rabattent contre les murs 
d’appui les deux parties de leur tablier, pour ouvrir un passage 
aux navires de haut bord ; à droite, sur le contour de la montagne, 
la présence soupçonnée du fort Saint-Pierre et de la citadelle Riche- 
lieu ; et, tout là-bas, les lignes géométriques des môles que pro- 
. tège, bien en face, l’arc robuste du brise-lames ; enfin, devant nous, 
dans le lointain, les sommets de la Gardiole et le grand bourg de 
Frontignan dont les maisons blanchissent encore au coucher du 
soleil. Ce spectacle nous ravit un instant à toute autre pensée. Puis 
chacun de reprendre son impulsion favorite, les botanistes dénom- 
brant les plantes rares, les jeunes esthètes courant aux séductions 
du, Kursaal et du Casino, et votre rapporteur se demandant quel 
intérêt scientifique il pourra bien donner, pour sa part, au récit de 
uotre visite à la ville de Cette. 


Toujours de l’histoire, Messieurs, ne vous en déplaise. Heureu- 
sement, cette histoire ne remonte pas au déluge. En 1671, M. de 
Froidour, conseiller du roi et commissaire député pour « la réfor- 
mation gènéralle des Eaux et Forest de la grande Maitrise de 
Toulouse », adressait au maître des requêtes, M. Damoncourt, un 


mn EE 


rapport détaillé sur la situation du port de Cette et sur l’état des 
travaux exécutés à cette époque. IL y constate qu'après avoir par- 
couru le littoral, visité et exactement considéré toutes ces côtes, il 
ne s’est enfin trouvé que le seul endroit du cap de Cette, où il y 
eût espérance de faire un port : ( Setteest un promontoire, dit-il ; 
c’est. une montagne peu haute, mais qui ne laisse pas de paraître 
fort élevée, parce que tout ce qui l’environne est ‘plat. Cette mon- 
 tagne pousse une pointe dans la mer comme tous les autres pro- 
montoires ; la mer, d’un autre côté, avance et fait un ventre dans 
la terre, dans lequel on a trouvé assez de fond pour pouvoir y tenir 
des vaisseaux de cinq à six cents tonneaux. Quant au Cap, il est 
plus enfoncé que les bords de la plage, et il y a tout autour vingt, 
vingt et un, et jusqu’à vingt-trois et vingt-quatre pieds d’eau. » 
Mais 1l fallait trouver le moyen de rendre le lieu sûr pour l’entrée 
et la « demeure » des grands vaisseaux, et de le garantir des « assa- 
blements, afin qu’il püt être utile à toujours ». Aussi résolut-on 
de faire deux jetées de pierres dans la mer pour y construire deux 
môles. « L’une, continue notre rapporteur, est commencée du 
costé du Cap, auquel elle est attachée à la distance de 450 toises 
de l'endroit où la mer fait un ventre en la terre. Elle est tirée en 
ligne droite, formant un angle aigu de 45 degrez ou environ, et 
doit avancer en la mer la longueur de 300 toises. Elle sera ensuite 
continuée à angle obtus de 135 degrez ou environ, tirant vers la 
plage la longueur de 100 toises, pour former le bassin du port. 
L'autre jettée doit être faite du costé de la plage, et y estre attachée 
à une pareille distance de l’enfoncement de la mer vers la terre. 
On a aussi projeité de la tirer à droite ligne répondante au retour 
de l’autre jettée et de la faire avancer dans la mer la longueur de 
130 toises ou environ, pour achever de former le bassin. » Suivent 
une minutieuse description des moyens et des matériaux propres à 
l'édification de ces jetées, et une dissertation documentée sur le 
point de savoir de quelle utilité sera ce nouveau hâvre dans l’a- 
venir, particulièrement en ce qui concerne la communication de 
l'Océan avec la Méditerranée (*). L'auteur envisage surtout l’in- 


(*) Sous le règne de Saint-Louis, un essai de création d’un port avait été 
tenté, à la base sud-ouest du mont Saint-Clair, qui n’était alors qu’une île 
boisée. Mais il est probable que l’envahissement progressif des sables en 
fit abandonner les travaux. Il y a quelques années à peine, le promeneur, 
qui parcourait la plage du côté des salins de Villeroy, pouvait remarquer 
encore la trace ensablée de cet ancien port avec les deux bras parfaitement 
dessinés. 


— 203 — 


térêt commercial. Je retiens cependant de ce traité un fait curieux 
dont notre patriotisme pourrait tirer profit en s’éclairant sur les 
questions de la défense des côtes. C’est que M. de Froidour, ayant 
entendu parler de bancs de sable où s’échouaient les navires, voulut 
s’en éclaircir avec soin auprès de tous les patrons des vaisseaux : 
« Je les entendis tous séparément, et tous, sans être concertés, me 
dirent unanimement que, véritablement, le Port ne serait jamais 
bon pour les vaisseaux de guerre. » Il est certain qu’on a beaucoup 
amélioré ce port depuis 1671, et qu’on travaille sans cesse à le pré- 
server des alluvions charriées par le Rhône. Il est même possible 
que les ressources dont dispose le génie moderne fassent mentir un 
jour, au point de vue militaire, les prévisions pessimistes d’autre- 
fois. Toujours est-il que l’étude à laquelle j’ai emprunté tous ces 
détails, y compris des notes sur les baraquements destinés aux mille 
ouvriers de ce vaste chantier, nous donne une idée assez exacte 
des origines du port et de la Ville de Cette. Le grand Cclbert y 
imprima le sceau de son énergique volonté, et, depuis lors, s’est 
accrue et s’accroit encore, pour des raisons d’ordre à la fois topo- 
graphique, économique et stratégique, l’importance de notre cité 
maritime. Vouloir suivre cette évolution pas à pas à travers la 
période contemporaine, ce serait nous engager en un travail hors 
de proportion avec notre sujet. Contentons-nous de dire adieu et 
merci aux bons amis de la Société qui se constituèrent nos guides 
dans cette promenade au milieu des riches décors de leur pays, et 
reprenons la course interrompue. 


XI. — RETOUR A MÉZE. 


Le soir commençait à tomber. La nature, lassée du radieux éclat 
dont elle avait brillé pendant le jour, adoucissait l’arête vive des 
collines et le rayonnement des plaines dans le déclin mélancolique 
du soleil. Embossé contre le quai de la Bourdigue, notre navire, 
sous vapeur, attendait le signal de mettre le cap sur Mèze. Et 
c'était, de toutes parts, un rendez-vous hâtif des excursionnistes 
qu’alarmait la perspective du retour par le train, si l’heure était 
manquée. Puis, lorsque nous débouchâmes du Canal dans l’étang, 
le vent devenu plus fort fraîchit par degrés, et les vagues soulevées, 
moutonneuses, nous donnèrent enfin l'illusion d’un voyage sur la 
mer. Alors jaillirent en nous des émotions nouvelles, d’une infinie 


— 204 — 


douceur. Les esprits se sentant bercés à l’unisson des corps, l’on 
respirait, dans un repos délicieux, ces souffles de l’air que les tentes- 
abris, désormais inutiles, n’interceptaient plus. Soit fatigue, soit 
besoin de concentrer en un effort de mémoire les mille et une sen- 
sations de la journée, les groupes se recueillaient, disséminés sur 
le pont. Griserie profonde qui, trop longtemps prolongée, sera peut- 
ètre ressentie le lendemain. En attendant, l’on cause. Quel plaisir 
de rappeler maint détail oublié de ceux-ci, mainte aventure arrivée 
à ceux-là ! Savez-vous rien qui favorise davantage l’exactitude d’un 
compte-rendu ? Aussi votre rapporteur écoutait-il beaucoup, con- 
trôlant de la sorte la sincérité de ses souvenirs personnels. D'où 
il suit que son travail n’est que le résultat d’une collaboration 
générale dont il vous remercie de grand cœur. J'aurais voulu, 
croyez-le, retenir, pour vous en faire hommage, telle saillie pleine 
d’humour, telle parole émue, tel propos de premier jet, telle sur- 
prise de l’âme par où chaque tempérament manifeste son originalité. 
A défaut de ce dialogue, qu’il eüt fallu buriner sur le vif, jen 
aurai du moins dégagé la philosophie de mon récit. 

Mais tout passe ici-bas et, plus rapide qu’un torrent, déjà Pheure 
charmante s’est enfuie. De flots en flots, le navire nous mène droit 
au port, pendant que la ville de Mèze, mollement penchée au bord 
du lac, semble grandir à notre vue. Voici donc ce bassin rectan- 
gulaire aux vieilles pierres brunies, que sa réputation de sécurité 
fit jalouser des anciens ports du littoral. Notre rentrée y attroupe 
sur les quais bon nombre d’habitants, mais pius curieux qu’hos- 
tiles, cette fois. Jeunes filles et garçons, énervés par le long désœu- 
vrement du dimanche, n'ayant plus rien à se dire, font la haie 
autour de nous. Dame ! pour eux, cette distraction en vaut une 
autre. Et puis, ce n’est pas vous, Messieurs, ni vous, Mesdames, 
ni moi non plus, qui regretterons d’avoir jeté, en passant, quelque 
animation dans l'antique cité veuve aujourd’hui des arrivages de 
Beaucaire. Par une large rue montante, jalonnée de places désertes, 
notre nombreuse caravane parvient jusqu’à la gare d’Intérêt local 
où elle s’arrête, un peu lasse des routes qu’elle a suivies durant le 
jour. Et c’est là que j'arrête, moi aussi, l’histoire de la grande jour- 
née. Quoi de plus banal que ce retour à Béziers par les chemins de 
fer de l'Hérault ? La Suisse seule pourrait nous envier la lenteur 
de leurs trains. 


— 205 — 
XII. — CONCLUSION. 


Au lieu donc de raconter une fin de promenade sans relief, dès 
l'instant que ce qui charme les yeux va disparaître dans la nuit, 
recueillons, pour conclure, quelques-uns des faits moraux dont 
l'étude, au même titre que celle des faits scientifiques, justifie nos 
exCUTSIOons. 

Malgré les catastrophes historiques, qui surprirent l’humamité, 
la Terre continue à donner au travailleur le pain quotidien, à l’ar- 
tiste de magnifiques sujets d’inspiration, au poète un thème iné- 
puisable de symboles, au philosophe le spectacle de phénomènes 
sensibles d’où il s'élève, par l’esprit d’analogie, jusqu'aux plus 
hautes spéculations de la pensée. Il serait curieux de suivre l’évo- 
lution de l’espèce humaine au milieu de cette éternelle jeunesse des 
choses, empruntant et donnant tour à tour, afin de s'y créer une 
demeure digne de ses destins. On voudrait plus encore. Prendre 
l'Humanité à son berceau ; marquer, avec ses phases inégales, tout 
l’eflort qu’elle soutint au rude contact des éléments ; réunir toutes 
les preuves d'énergie qui s’accumulent dans l’histoire des siècles ; 
décrire cette lutte de l'intelligence contre la matière, sans parler de 
la politique, ni des mœurs, ni des guerres, ni des lois ; dresser en 
un mot, comme Lucrèce, mais d’une science plus certaine, l’épopée 
de la Terre et de l’homme enlacés dans le douloureux corps à 
corps : quel livre ! et quel labeur ! Mais n’esi-ce pas une page de 
ce livre non écrit que nous lûmes ensemble autour du lac de Thau ? 
Les ancêtres au dur profil, qui plantèrent leurs huttes sur un sol 
encore chaud des récentes éruptions, furent les premiers colons de 
ces rivages, les premiers lutteurs de la montagne et de la mer. Plus 
tard, la nature vaincue, ils cédèrent la place à des populations 
Ibériennes mieux armées pour la vie, et dont leséjour chez nous a 
laissé des monuments que nos archéologues interprètent à plai- 
sir. Mèze lear doit son origine. Les anciens auteurs reportent la 
naissance de cette ville à une époque antérieure à la fondation de 
Rome. Après eux, Ligures et Volces Arécomiques, quelle qu’ait êté 
la durée de leur empire, marquèrent notre pays d’une empreinte 
bien plus forte. Et dès lors, avec un génie que les difficultés n’ar- 
rêtaient plus, les nouveaux habitants déchirèrent le glèbe, subju- 
guèrent les flots, établirent des comptoirs que lés peuples d'Orient 


0 — 


visitèrent à leur tour. De là cette prospérité commerciale, autre 
bataille gagnée, et non des moins fécondes, puisque l’ennemi ter- 
rassé se transformait en auxiliaire du vainqueur. Que dire des 
Romains et de leurs admirables travaux, robustes et gracieux, et 
d'utilité singulière, si l’on regarde leurs ponts, leurs aqueducs, leurs 
temples, tous ouvrages destinés à exploiter au profit de l’homme le 
domaine que l’homme avait conquis, ou à diviniser ces mêmes 
forces naturelles dont 1ls restaient les maîtres ? Vint ensuite le 
Moyen-Age, tellement troublé par la peur des Barbares et par les 
guerres intestines, que l’industrie se fit petite, s’enferma derrière 
les murailles, apte tout au plus à ciseler du corail et à façonner 
des bijoux, comme on le voit dans les annales de Balaruc. Mais, 
quand souffla l’esprit moderne, le vieux ressort se reprit à vibrer, 
de nouveau l’activité sociale rayonna au-dehors. C’est le moment 
où la science appuie le courage, ici conjurant les révoltes de la 
matière, là tirant le meilleur parti deses effets. Des fleuves, secon- 
dés par la mer, ferment le golfe, bouchent les issues aux navires, 
paralysent le mouvement accoutumé de la région. Qu'importe ? Une 
ville s’élève comme par enchantement à l’extrémité d’un promon- 
toire, se constitue gardienne d’un canal définitif de communication 
entre le nouveau lac et la Méditerranée, réunit dans ses vastes 
bassins les marchandises arrivées du continent et des lointaines 
colonies, devient la reine de ce com de littoral, et, par là même, 
tous les ports intérieurs, naguère délaissés, retournent à la vie. 
Bien plus, ce lido capricieux, qu’un coup de vent peut déplacer, on 
s'en empare, on le fixe, on le cultive, on y jette des routes, des che- 
mins de fer qui doublent les avantages déjà obtenus. Notez encore 
que si l’homme, épuisé par le travail desa pensée ou de ses mains, 
vient à tomber malade, tout à côté de lui jaillit, aux Thermes de 
Balaruc, la source qui régénère, trésor précieux qu’en dépit des 
obstacles qu’elle leur oppose la Nature verse toujours aux plus vail- 
lants. En sorte que nulle part ne s’applique mieux qu'ici cette 
parole de Cuvier : « Une fois assuré qu’il pouvait combattre la 
nature par elle-même, le génie de l’homme ne se reposa plus. » 


Ces souvenirs, Messieurs, quand ils surgissent en nous à la vue 
des témoignages que le passé nous a légués et de ceux que le pré- 
sent élabore tous les jours, ces souvenirs, dis-je, élèvent l’esprit et 
l’induisent en des réflexions fort rassurantes sur l’avenir de la race 
humaine. C’est là un fait moral dont la constatation, sans appareil 


— 207 — 


scientifique, réclamait au moins autant de place que les quelques 
trouvailles glanées dans le champ dela botanique ou de la géologie, 
A Dieu ne plaise que je veuille amoindrir le mérite spécial des 
géologues et des botanistes. Mais je leur demande si la moisson de 
plantes et de fossiles, qu’ils recueillirent ce jour-là, eût suffisam- 
ment caractérisé cette excursion du 7 juillet qui restera, dans notre 
mémoire de touristes, comme la plus éblouissante, la plus variée 
et la plus instructive de nos promenades d'été. 


Béziers, Novembre 1895. 


— 208 — 


LES LIVRES DE RAISON 


LE JOURNAL D'AMBLARD 


Nous avons eu l’heureuse fortune dedécouvrir et desauver d’une 
destruction presque certaine quelques livres de raison des XVI:et 
XVIIe siècles. 

Aucun d’eux ne rappelle ce mémorial où le chef de famille 
notait pieusement au fur et à mesure qu’ils se produisaient, les 
baptêmes, les mariages et les décès des siens, où il marquaït avec 
une simplicité et une bonhomie empreintes d’un caractère solen- 
nel les conseils qu’il laissait à ses enfants et sur lequel son décès 
était inscrit par l’aiîné d’entre eux qui le jour de son mariage pre- 
nait la charge du livre pour le continuer et le transmettre à son 
tour. Notes écrites pour la famille et rien que pour elle. 

Ce sont des journaux, des recueils de notes, des livres decomptes 
où les auteurs ont enregistré à la hâte les faits et les évènements 
qui les ont intéressés, sans ordre et pêle-mêle avec des comptes, 
des recettes, des souvenirs de famille, des maximes et même du 
plain chant. 

Tous furont écrits dans le courant du XVIIe et à la fiu du XVIe 
siècle, à St-Pons de Thomières, petite ville épiscopale du Languedoc 
où l’industrie et le commerce faisaient vivre une petite bourgeoisie 
de marchands et d'hommes de loi. 

Les cinq livres que nous avons en mains nous donnent bien la 
physionomie de cette petite ville, avec ses faits divers, ses évène- 
ments politiques, ses intrigues, ses sentiments religieux et ses su- 
perstitions. Nous retrouverons les détails de cette vie dans le jour- 
nal des Amblard, famille de notaire et d’avocat, dans le recueil 
des notes de Bernard Cabrol et de Bernard Canivene, prêtres, dans 
le livre de comptes de Guilhaume Chabbert, receveur des tailles et 
du chirurgien Constans. 

Nous nous occuperons seulement des notes d’Amblard. Les 
Amblard étaient déjà notaire à St-Pons au XVIs siècle; ils con- 
servèrent leur étude jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. A cette 


SL 


— 209 — 


époque la famille tomba en quenouille et s’éteignit par une alliance 
avec le marquis de Villeneuve. C’est surtout au XVII° siècle qu’ils 
eurent nne situation prépondérante et un rôle actif. Ambitieux et 
intriguant, Jean Amblard à qui nous devons la plus grande partie 
du journal sutaccaparer et conserver un grand nombre de charges 
et de sinécures lui donnant accès auprès de tous. Notaire, avocat 
en parlement, procureur juridictionnel de l’évêque, greffier de la 
communauté, secrétaire du chapitre, Amblard était partout et dans 
la première moitié du XVII® siècle on ne trouve que lui. Il en- 
combre. 

Probablement, à cause de ces diverses fonctions, il réservait en 
tête de chaque registre de ses minutes quelques feuillets pour 
noter mêlés à des proverbes et à des maximes qu'il ne mettait 
certainement pas en pratique les évènements politiques de l’année, 
tant ceux de la France entière que ceux de la Province et de la 
ville. Ce sont tous ces feuillets réunis que nous désignerons sous 
le nom de Journal d’Amblard. 

Les premières notes sont de 1590 ; elles se continuent sans inter- 
ruption jusqu’à la mort de Jean en 1640. François et Pierre-Jean 
Amblard lui succèdent, mais ils n’enregistrent plus soigneusement 
et après bien des lacunes, les notes s’arrêtent en 1663. 

Les souvenirs de famille y sont les moins nombreux ; ils sont 
d’ailleurs inscrits, sans réflexions, sans regrets n1 joie; où n'y 
retrouve pas, dans les évènements heureux, la confiance en l’ave- 
nir et un mot de reconnaissance si commun au XVIIe siècle; et 
dans le malheur, cette résignation pieuse, cette tristesse qui don- 
nent tant de caractère aux livres de raison de cette époque. On 
sent que les Amblard vivaient au-dehors, de cetie vie publique et 
politique toute faite d’intrigue et d'intérêt. 

En 1610 Amblard nous parle cependant de son père, mort depuis 
quelques années. 

« L’an présant 1610 et le dernier jour d’aoust mon frère Jacques 
Amblard notaire et moy Jean Amblard aussi notaire de Saint-Pons 
avons faict mettre une pierre de sépulcre sur le tombeau de feu 
M° Loys Amblardy, quand vivoit, aussi notaire dudit Saint Pons, 
notre père, sur laquelle pièrre v a un ovalle dans lequel y a une 


main sortant d’une nuée qui tient une plume escripvant, et au 
plus haut y sont gravés les vers en françois suyvants : 


Au mois d’Aoust et jour vingt neufvième 
L’an mil cinq cents huictante six moreust 


= 810 — 


Me Loys Amblardy vivant notaire feuxt,. 
Cy git son corps, et âme au ciel demeure. 


Le tout est suivi d’une signature bien calligraphiée, mais pas un 
souvenir. Jacques Amblard meurt d’une attaque d’apoplexie quel- 
ques jours après, et l’annonce de sa mort est à peine suivie d’un 
« Anima ejus requiescät in pace. » 

En 1616, son fils est reçu avocat, Amblard va nous l’annoncer 
avec la même indifférence. « Le mardy troisième d’apvril a esté … 
reçeu advocat Jean Loys Amblard mon fils, suivant acte receu par 
M° Guilhaume Chabbert. » | 

Qu'il y a loin de cette mention toute sèche aux recommanda- 
tions et aux conseils que d'habitude le père de famille donnait à ses 
enfants au moment où ils entraient dans la vie. Ce fils meurt quel- 
ques années après (24 Septembre 1632): « Dieu a apellé de ce 
monde Jean Louys mon fils estant venu de la dévotion de Notre 
Dame del Grau d’Agde, à pied, avec la pluie en allant et revenant. 
Dieu ayt reçeu son âme en son paradis. » 

François succède à son père en 1640 et meurt en 1654; son fils 
note son décès au jour de St-Luce, 14 novembre : « Que Dieu 
par sa sainte grâce luy veuille faire pardon de ses fautes et pêchés, 
s’il luy plait. » , 

Amblard est beaucoup plus prolixe lorsqu'il s’agit de mentionner 
ou de raconter les évènements politiques. Les faits historiques 
sont, heureusement pour nous, ceux qui l’ont intéressé le plus et 
qu’il à notés avec plus de soin. 

Il nous annonce en 1590 la bataille d'Ivry, en 1591 « Narbonne 
assiègée par Mgr de Montmorency et la robine rompue », en 1592 
la mort du maréchal Joyeuse, noyé dans le Tarn, avec une partie 
de son armée ; la même année mourut Biron. En 1593, c’est « le 
roy Henry quatriesme qui fut instruit en la religion catholique. » - 
La même année « le parlement de Toulouse fut transféré à Béziers. » u 
En 1601, la paix avec le duc de Savoie etla naissance du Dauphin. 

C’est en 1602 que le maréchal de Biron est décapité à Toulouse. 
Amblard ne manque pas, à cette occasion, d'inscrire une épitaphe 
que nous trouvons dans le journal de Pierre de L’estoile : 


Biron servant son roy entre mille gendarmes 
Vielhard d’un coup de pierre eut le chef emporté. 
Son fils, un segond mars français, tourne ses armes 


— 211 — 


À la fleur de ses ans se voit décapité, 
L’ung est digne d’honneur, l’autre est digne de larmes. 
Et du monde tous deux montre la vanité. 


Amblard nous signale encore la rentrée des Jésuites en 1603, le: 
baptème du Dauphin en 1609 ; en 1610, le départ des « morisques, 
grenadins et arrogonoys exilés et chassés d’Espagne, » et l’incen- 
die de lacathédralede Toulouse ; puis ce sont l’assassinat d'Henri IV, 
l'avènement et le sacre de Louis XIII, la paix de Loudun, publiée 
à son de trompe « à la place des villes maige et moindre »; la 
prise de la Rochelle et la défaite des Anglais. 


Les divers épisodes de guerres des religion occupent une assez 
grande place et sont surtout notés avec détails. Nous devons être 
reconnaissanis à notre notaire d’avoir raconté avec tant de préci- 
sion les petits faits d’armes intéressant l’histoire locale et que 
n’ont point rapporté les chroniqueurs Charbonneau, Forins, Gaches, 
etc. C’est bien là, la partie la plus sérieuse et la plus intéressante 
au point de vue historique du journal d’'Amblard. 


Les petits faits du pays n’ont pas êté oubliés. Nous assistons en 
1590 à l’entrée de Pierre de Fleyres, évêque de Saint-Pons, en 
163%, à sa mort, et à l’installation de son successeur ; en 1610, à la 
mort de Jacques de Molinier, viguier de la ville et de Jacques 
de la Roques, juge. 

Amblard a noté avec beaucoup de soin les années de sécheresse 
et de pluie extrêmes, l'augmentation du prix des blés et du vinces 
années-là. En 1601 la sécheresse était si grande que l’on décida 
des prières générales et des processions à Notre Dame de Trésors, 
«et le lundy suivant la pluye tomba en grande abondance partout. ». 
En 1610, la récolte de blé a été telle « qu’il est crié par Boudet, 
trompette de la ville, à 3 livres 10 sols. « En 1615, même abon- 
dance et la récolte du vin est telle que « l’on dut laisser le vin 
dans les tines n'ayant treuvé de vaisselle suffisante, tellement 
qu’on n’a vu si grande abondance de vin puis l’année mil cinq 
cent 67. » En revanche, en 1617, la récolte manque totalement. 


Le 21 Juillet 1627, 1l fait si froid « que falut recourir aux habits 
de hyver. » 


Des phénomènes physiques, et des évènements extraordinaires 
sont consignés : | 


« En ceste présente année (1605) et le vingt deux octobre, fut 


— 212 — 


un grand éclipse solère. » En 1630 c’est un tremblement de terre, 
« les trois heures après minuit, la terre trembla... Dieu veuilhe 
que cela ne nous presage aucung malheur. » En 1609 nous voyons 
un évènement bien plus rare: le Juif-errant qui court depuis la 
mort de J, C. est passé en Champagne. 

Chaque année apporte aussi son contingent de recettes. Amblard 
nous apprend comment on doit faire de la bonne encre, comment 
on doit faire revenir le vin échauffé, et enfin des remèdes et des 
préservatifs contre cette contagion qui à tant effrayé le Lengusdse 
au XVIIe siècle. 

Pour que le recueil fut complet il ne manquait que sentences et 
des proverbes ; nous les trouvons, à côté de jeux d’esprit et de 
casse-tête : 


Ce que tu peulx aujourdhui ne diffère 

Au lendemain comme le paresseux: 

Advise que tu ne sois de ceux 

Qui par autruy font ce qu’ils debvroient faire. 


Cil qui suit sa colère 
Va drois à sa misère 


Quand superbe chevaulche devant, 
Honte et Domaige le suivent de près, 


Quand ung cordier cordant veut corder une corde 
A trois courdons cordant, 1l accorde sa corde; 

- Sy ung courdon cordant de sa corde discorde, 
Le courdon discordant faict discorder sa corde. 


Oublions les petits travers du caractère d’Amblard qui mont 
dû nuire qu’à ses contemporains et remercions-le d’avoir songé à 
nous transmettre un peu de la vie de son temps, tout en regrettant 
que son exemple n’aie pas été plus suivi. 


J. SAHUC. 


Note lue au Congrès des Sociétés savantes, le 16 Avril 1895. (Partie rela= 
tive au Journal d’ Amblard). 


UN — 


SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 


BULLETINS REÇUS PENDANT L'ANNÉE 1895 


“Aix. — Mémoire de l'Académie des sciences, agriculture, arts, 
belles lettres. — Tome XVI. 

AGEN. — Sociélé d'agriculture, sciences et arts. — Tome XII. 
— Jurades de la ville. 

ALAIS. — Société scientifique et littéraire d’Alais. — Tome 
XXIII, 1892 et tome XIV, 1893. 

AGUASCALIENTES. — Æ{ Znstructor. 

AMIENS. — Société linnéenne du Nord de la France. — Bulle- 
tins 1894-1895. 

AUTUN. — Société d'histoire naturelle. — Bulletins, volume 
7, 1894. ( 

AUXERRE. — Société des sciences historiques et naturelles de 
l’ Yonne. — Bulletins. 48° volume, année 1894 et 49% volume, 1895. 

BALE. — Verhandlungen der naturforschenden Gesellschaft in 
Basel. — Band X, Heft. 3, Band XI, Heft. 1. 

BARCELONE. — Æeal Academia des ciencias y artes. — Boletin 


tercero epoca. Volume 1, N° 12. — Octobre de 1894. 

— La Casa des Monistrol. 

Bar-LE-Duc. — Société des lettres, sciences et arts. — Mé-, 
moires. 3° série, tome IV. — 3e série, 1895. 

BaTaAviA. — Natuurkundig Tijdschreft voor Nederlands. — 
Indie. — Deel. LIV. — Negende serie. — Boekwerken. 


Berrorr. — Société belfortaine d'Emulation. — Bulletin. N° 
14, 1895. 

BERNE. — Mikheilungen der naturforschenden Geselschaft in 
Bern. 1895. 


— Verandlungen der sanitarischen untersuchungen der recru- 
ten des Kantons graubunden. (Schweiz). 


BESANÇON. — Société d’'émulation du Doubs. — 6° série, 8& vo- 
lume, 1893. | 
BÉzIERs. — Comice agricole de l'arrondissement. — Bulletins. 


20° année, N° 4 de 1894. — 21° année, N°: 1 et 2, 1895. 


— 214 — 


— Société archéologique, scientifique et littéraire. — 1895, 3e 
série. T. I, 1re livraison. 

BERKELEY. — University. — The Geology of Carmelo Bay by. 
A. C. Lawson. 

— The Sodu: Rhyolte North of Berkeley by. Ch. Palach. 

— The eruptive Rocks of Point Bonita by. F. L. Ransome. 

— On analcite drabase by. H. W. Fairbanko. 

— The geology of Angel Island by. F. L. Ransome. 

— The post pliocène deastrophesm by. À. C. Lawson. 

Bone. — Académie d’Hippone. — Compte rendu des réunions 
et Bulleuns. 

BorDEAUX. — Société de AFonrante commerciale de Bordeaux. 
— 18 année. 

— Société philomatique de Bordeaux. — Bulletin de D Le 
ciation des lauréats. 

— Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. — 
4 série, T. V. 

BRUXELLES. — Société belge de microscopie. — 21° année, 
1894-1895, N°S 4, 5 et 6. 

— Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique. — 
Tomes 35 et 34. 


BuENoS-AYRES. — Jnstitut géologique argentin — Bulletins. 
Tome45. N°55 à 12, et, Tome 16 Ne 2 ent 

— Instituto geographico argentino. — Bulletin. Tome 15, f. 
5, 0, 1 ete. 

CAEN. — Societé linnéenne de Normandie. — Bulletins. 4 
série, 1895. & volume, 1894. 

CHALON-SUR-SAONE. — Bulletin de la Société des sciences na- 
turelles de Saône-et-Loire. —- 1895, N°$ 1, 2, 3 et 4. f 

CARCASSONNE. — Mémoire de la Société des sciences et arts de 
Carcassonne. — Mémoires. Tome VII, 2e partie, 1895. 


— Société d’études scientifiques de l'Aude. — Bulletin. Tome 
VI, 1895. ; 

CHERBOURG. — Société nationale des sciences naturelles et ma- 
thématiques de Cherbourg. T. 29. 

Cuur. — Jares - Bericht der Naturforschenden Gesellschaft 
Graubundens. Neue Foloe XXXVIII. Band. 1894-95. 


— Cassel Abhandlungen u. Benicht XXXXX des Verens fur 
Naturkunde. 


— 215 — 


CuaAmMBÉRy. — Académie des sciences, belles lettres et arts. — 
Tome V. 
DRAGUIGNAN. — Société d'agriculture, horliculture et d’accli- 


matation du Var. — Tome 19, 1892-93. 
— Société d'agriculture, de commerce et d'industrie du Var. 
— Bulletins, Année 1895. 


Douar. — Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires. 
3° série. Tome VI. — Bulletin du Comice agricole. 

EKATHERINENBOURG, — Société ouralienne des sciences natu- 
relles. — Bulletin. 

ST-ETIENNE. — Société d'agriculture de je Loire. — Annales, 


2e série, Tome 14, 38° volume, 4 livraison. — 3% volume, 1re et 
2e livraisons. 

GENÈVE. — Société de physique et d'histoire naturelle. — Année 
1894. | 

GRONINGEN. — Drieennegentigste verslag van Genoostchap te 
groningen over het jaar. — 1893. 

LE Puy. — Société agricole et scientifique de la Haute-Loire. 
—. Tome VII, 1891, 1892, 1893. Volume 29, No 115. 

LAUSANNE. — Sooiate vaudoise des sciences raie — Vo- 
lume 30, N° 116. Volume 31, N° 117. 

LièGe. — Société royale des sciences. — 2 série, Tome 18. 

Limoces. — Société de botanique de Limoges. — Revue scien- 
tifique du Limousin. 

LEtpziG. — Geogenetische beitrage von. — D' Otto Kuntze. 

LuxEMBouRG. — Société des Naturalistes luxembourgeois. — 
Fauna. Bulletin. Institut grand ducal. Tome XIII, 1894. 

Lyon. — Société botanique de Lyon. — Tome XX, 1895, 1° 
trimestre. — Tome XIX, 1894, 4° trimestre. 


MARSEILLE. — Soctélé botanique et horticole de Provence. — 
Revue horticole des Bouches-du-Rhône. 

Mexico. — Boletin de la comision geolocia de Mexico. — 
Num. 1, 1895. 


— FRS cientifica al Popocatepede. 
— XI° Congreso des Americanistes. — 1895. 


— Memorias y revista de la Societad scientifica Antonio Al- 
zate. — 1894-1895. Tome VII, N°11 et 12. — Tome VIII, N°S 1, 
2, 3, 4. 


— La Naturaleza periodico scientifica de la Societad de His- 
toria natural, — Tomo I etiIl, 


— 216 — 


MONTBELLIARD. — Mémoires de la Société d'émulation. 
XXIVe volume. | 
MiINNEAPOLIS. — Minnoseta académia of natural sciences. — 


Preliminary notes on the Birds and Mannuals of Philippine 
Islands. , | 

MonNTMÉDY. — Société des Amateurs naturalistes de Nord de 
la Meuse. — Mémoires, Tome VI. 

MaDrip. — Memorias de la Real Academia de Ciencias de 
Madrid. — Tome XVI. 

MONTPELLIER. — Société d’horticulture et d'histoire naturelle 
de l'Hérault. — 35° année, N°S 1, 2, 3, 4, 5, 6. 

— Société languedocienne de Géographie. — Tome XVI, 

— Société départementale d'encouragement à l’agriculture de 
l'Hérault. — Bulletins. 


Moscou. — Société impériale des naturalistes de Moscou: — 
1894, N° 1.,.8,:9,4. 
Nancy. — Société des sciences de Nancy. — Bulletin, série 2, 


Tome XIII, fase. 29. — 27° année, 1894. — Catalogue de la Biblio- 
thèque. 

Nanres. — Société des sciences naturelles de l'Ouest de la 
France. — Bulletin. Tome IV, N° 4, 1894. — Tome V, N° 1,2, 
3, 1695 

— Société académique de Nantes. — Annales, volume V, 7e 
série, 1894. — Volume VI, 7° série, 1895. 

NEvERs. — Société nivernaise des lettres, sciences et arts. — 
Bulletins, 3° série, Tome VI, XVI° volume, 2° fascicule. 

New-York. — Société microscopique de New-York. — Journal 
the New-York microscopical Society. — Volume XI, n° I à IX. 

— Report of Museum — 1894 — 47. 

NimèGue. — Nederlandische Kruidtundig archief. — 6 deel, 4 
Stuk. 

Nimes. — Bulletin de la Société d’étude des sciences naturelles. 
— 22e année, n° 4. — 23e année, n° 1, ? et 3. 

NioRT. — Bulletin de la société botanique des Deux-Sèvres. —- 
De 1889 à 1894. 

ORLÉANS.— Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts. 
— Mémoires. Tome XXXIII, n°° 1, 2, 3 et 4. : 

Paris. — Société entomologique de France. — Bulletins 1894- 
1895. 


— 217 — 


— L'Alliance française. — Bulletin. 

— Revue des travaux scientifiques. — Tome XIV, 9, 10, 11, et 
12. — Tome XV, de 1 à 8. | 

— Comité des travaux historiques et scientifiques. — Liste des 
membres. — Bibliographie des travaux sous, par J. Deni- 
ker. Tome I, 1'e livraison. 

— Association française pour l’avancement des: sciences. — 
Bulletins. 


— Société française des amis des arbres. — Bulletins trimes- 
triels. 

Pau. — Bulletin de la société des sciences, lettres et arts. — 
1893 —1894, 2° série. Tomes 23°. 

PERPIGNAN. — Société agricole, scientifique et littéraire. — 
36e volume, 1895. 

PéTErsBourG. — Horaæ societatis entomologicæ Rossicæ. — 
Tome XXVIII, 1893-1894. 

PHILADELPHIE — Academia of naturals sciencias et Philadel- 


phia Proceedings. — 1894, Part III. — Oct. December 1894. Part. 
IT, May, September 1894, — Part I, Janaarez March. 

Pise. — Societa toscana di scienze naturale. — Atti Della, vol: 
9,-1894. 

ROCHECHOUART. — Société des amis des sciences et des arts. 
— Bulletins. Tome IV, n° 1, 2, 3, 4 — Tome V, n° 1. 

Ronez. — Société des sciences et arts de l’Aveyron. — Bulle- 
tin XVI, 1894. 

ROvVERETO. — Academia degli agiati. — Bulletins 1894 à 1895. 

— Vita de Antonio Rosmini. — 1888. 

— Della Vita di Antonio Rosmini. — Serbati de F. Paoli, 1r° 
partie 1880. — 2° partie 1884. 

— Discordo accademico, critico morale de Andrea Srosio. 


© SANTIAGO. — Société scientifique du Chili. — Actes. — Tome 

III, de 1 à 5. — Tome IV, de 1 à 5. 

SCHAFFOUSE. — Verhandlungen der schweizerschen naturfors- 
chenden Gesellschaft bei 1hrer versammlung. — 1893-1894. 

SION. — Société valaisienne des sciences naturelles. — La Mu- 
rithienne, 1892 et 1893. — Fasc. XXII et XXIII. 

SEMUR. — Société d’études Las iques et naturelles. — Bulle- 
tin, 2e série, 1894. 

TouLoN. — Société d'agriculture. Provence agricole et horti- 


cole. — De 1 à 23. 


— 218 — 


Tourouse. — Société de pharmacie du Sud-Ouest. — Bulletins. 


— Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres Tou- 


louse. — 9% série, Tome VI, 1894. 
TRIESTE. — Societa le de scienzi naturali in Triesta. — 
Bolletino della. N° XV. 
UPsaa. — Bulletin of the geological institution of university. 
— 1893-1894. Ce 
VEsouL. — Société d'agriculture des sciences et arts de la Hie- 
Saône. — 3° série, n° 25. — 1894. 
VienNE. — Annalen des KK. Natur-historichen Hofmuseums. 
— lahresbericht fur 1894. Wien 1895. 
© WASHINGTON. — Smithsoniam Institution. — 1892-1894. 
— Departement of Agriculture. — North American fauna. 
— Geological Survey. — 1892-1893. — I et II. 
ZuricH. — Vierteljahreschrift der Naturforschenden Gesells- 
chaft. 1894. Drittes un viertes Heft, 1895. — KErstes Heft Zweites 
Heft. 


DoNS FAITS A LA BIBLIOTHÈQUE : 


Pauzuccr. — Contribuzione alla fauna malacologica italiana. 

TARGIONI-TozzerTi. — Estratto di un catalogo sistematico & 
critico dei molluschi cefalopodi del Mediterraneo posseduti dal R. 
Museo di Firenze, con alcune specie nuove. 

— Degli Alimenti freschi et conservati. 

— Cocciniglie nuove icritiche o poco note. 

— Catalogo di crostacei podottalmi brachiuri et anomour1. 

— Catalogo metodico degli animali nelle provincie meridionali, 
in Sicilia e in Sardegna negli anni 1868-69. 

— Delle F orfecchie, piattole, Grillotalpe, Grill, Locusta et Car 
valletti. 

— Sulla heliopsyche agglutinans (Tass). 

— Sulla sezione pesci salati et in conserva. 

ANTONII TARG. TozzETI et JoHANNIS. — Bibliographia botanica 
Targioniana. 


+ 
h lui D LS ie Sn 27 


— 9 — 


AD. TARGIONI-TozzerTi. — Cocciniglie degli agrumi in Italia 
e specialmente in Sicilia. 
— Mostra di sostanze e di emulsioni insetticide. 


G. DEL GuErcio. — Animali ed insetti del Tabacco in erba el 
del Tabacco secco del prof. A. Targioni-Tozzetti. 
AD. TARGIONI-TozzETTI e G. DEL GUERGIO. — Nuove emul- 


sioni insetticide. 

G. nez GuErciA. — Nitizie biologiche della Schizoneura lani- 
gera Hauun. 

— Sulle larve della conchylis ambiguella. 

— Intorno al modo di combattere la gryllotalpa vulgaris Latr. 

— Gli acceli, itopi, la mosco olearia et la raccolta delle nell’alta 
valle del Sele. 

— Alcune osservazioni sulla infezione dello Zabro nel modenese 
e sui costumi deiïla larva. 

— Le Cocciniglie degli Agrumi. 

— Intornoal modo di combattere les insett1. 

— La Mosco del giaggiolo. | 

BerLese. — Le Tignuole della vite e modo di combatterle. 

— Statuto della Societa entomologica italiana. 

— Catalogo della collezione di insetti italiani del R. Museo di 
Firenze. | 

— Riassunto ed emendamento dei prospetti del generi et delle 
specie degli ortotheri secondo la fauna italiania. 

An. TARGIONI-TozzETTI. — Aonida blanchardi specie nuova di 
Cocciniglia della palme de Dattero del Sahara. 

— Revista di Entomologia agraria. 

— Sulla filossera della vite. 

ALBERT GASPARD et TARGIONI-TozzerTi — Contribution à l'é- 
tude des gômmes laques des Indes et de Madagascar. 

G. nez Guercio ed E. Baroni. — Rimedi contro la Infezioni 

prodotta sulle rose dalla Sphærotheca pannosa (Wallz). 
_. — Sulla infezione prodotta nelle fragole dalla Sphœærella fraga- 
riæ (Sacc). | 

(Don de la Société de lecture et conversations scientifiques de 
Florence). 


P. DucaarTre. — Note sur des Cyclamens à fleurs semi-dou- 
bles. 


— Observations sur la Fressia refracta. 


BE 


— Réflexions et expériences relatives à l'absorption de l’eau 
par les feuilles. 

— Note sur des fleurs doubles de grand Muflier. 

— Note sur des fleurs hermaphrodites de begonia. 

— Note sur des safrans à fleurs monstrueuses. 

— Note sur une conc:tion déterminée par des racines. 

— Note sur un begonia nouveau. 

— Note sur les orangers cultivés en pleine terre à Roquebrun. 

— Observations sur les feuilles ensiformes des Iridées. 

— Remarques sur les plantes dites carnivores. 

— Note sur les ovaires inféres et plus particulièrement sur celui 
des pomacées. 

— Note sur l’enracinement de l’albumen d’un Cycas. 

— Observations sur les vrilles des Cucurbitacées. 

— Influence de la sécheresse sur la végétation et la structure 
de l’egname de Chine. 

— Note sur des Caïeux pédiculés de la Tulipa gesneriana. 

— Quelques observations relativement à l'influence de la lumière 
sur la maturation des raisins. 

— Note sur une poire monstrueuse. 

— Note sur des flears monstrueuses de grenadiers. 

— Organisation de la fleur des Delphinium. 

— Note sur la situation des bulbilles chez le begonia descolora. 

— Observation sur les bulbes des lys. — 1°" et 2 Mémoires. 

— Observations sur le genre Lys. 

— Notions sur l’organisation des fleurs doubles et description de 
la fleur du Lilium tigrinum Gawl. Flore pleno. 

— Végétation de quelques marronniers hâtifs en 1879 et 1380. 

— Une visite de deux heures aux jardins de l’Isola bella sur le 
lac Majeur. 

— Quelques observations sur la floraison du Tigricha pavonia 
Red. 


— Observations sur des marronniers hâtifs. 

— Note sur l’Œnanthe crocata. 

— Quelques observations sur des raisins soufrés et brülés au 
soleil — 1859, 

— Qu'est-ce qu’un poireau qui oignonne ? Réponse à cette 
question. 

— Expériences sur la végétation d’une bromeliacéesans racine. 


— 221 — 


— Quelques remarques sur la théorie de l’extinction par vieil- 
lesse des variétés de fruits. 

(Dons de M. Duchartre fils par l'intermédiaire de M. J. Cro- 
zals). 

A.-E. MouLiN. — Theodehilde (de 567 à 572). 

D. Cros. — La vie et l’œuvre botanique de P. Duchartre. 

JEAN CRoZALS. — Pierre Duchartre (1811-1894). Sa vie, sa cor- 


respondance. — Don de l’auteur. 

B. BoupourEsQuEs. — Du choisya temata. — Contribution à 
l'étude des Lanthoxylées. — Don de l’auteur. 

D. Luccainr. — Nos droits et nos devoirs à Madagascar. — Don 
de l’auteur. 

A. G. bE RouUvILLE. — Sur la technique de l'Hérault. — Don 
de l’auteur. 


Dr A. DonNEzAN. — Une excursion du Club Alpin au Musée 
régional de Perpignan. — Don de l’auteur. 

ABBÉ SABARTHÈS. — La Commanderie de Narbonne (1143-1790). 
Don de l’auteur. 

RaAymonp-PouLze. — Centenaire de Florian. — Don de l'auteur. 

Ep, PrerTi — Vestiges de la période de transition dans la grotte 
du Mas d’Azil. — Don de l’auteur. 


CoLoNEL GRILLIÈRES. — Discours prononcé à l’occasion de l’i- 
nauguration du portrait de M. Cros Mayrevieilh. — Don de l’au- 
teur. 

XAVIER Raspail. — Durée de l’incubation de l’œuf du Coucou 
et de l'éducation du jeune dans le nid. — Don de l’auteur. 

G. NIVIÈRE ET À. HUBERT. — Les levures sélectionnées et le 
phosphate d’ammoniaque. — Don des auteurs. 

CHARLES JANET. — Etudes sur les fourmis, les guêpes et les 
abeilles. — Neuvième, dixième et onzième notes. 


_— Observations sur les frelons, 
— Sur les nids de la Vespa cabrio (L). Ordre d'apparition des 
: alveoles. 
— Sur la Vespa crabro (L), ponte, Conservation de la chaleur 
dans le nid. — Don de l’auteur. 
Note sur les lampes de sûreté. — Don de M. Viguier, 


— 222 — 


Sociétés Correspondantes 


(FRANCE) 


Société d’émulation de l’Allier, à Moulins. 

Société des Sciences naturelles de l’Ain, à Bourg. 

Société des lettres, arts et sciences des Alpes-Maritimes, à Nice. 

Soéiété des sciences à Foix. 

Société des sciences naturelles et historiques à Privas. 

Société académique d'agriculture, des sciences, arts et belles- 
lettres de l’Aube, à Troyes.- 

Société des sciences de Carcassonne. 

Société d’études scientifiques de l’Aude, à Carcassonne. 

Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, à Rodez. 

Société He d’'Emulation, à Belfort. 

Acadèmie des sciences, agriculture, arts et belles- lettrès. 

Société botanique et horticole de Provence, à Marseille. 

Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen. 

Société linnéenne de la Charente-Inférieure, à St-Jean-d’Angély. 

Académie des belles-lettres, sciences et arts de La Rochelle. | 

Société botanique Rochelaise, à La Rochelle. 

Société pour le développement de Royan. 

Société des sciences historiques et naturelles de Semur. 

Académie des sciences de Dijon. 

Société scientifique, historique et archéologique de Brive. 

Société d’'émulation du Doubs, à Besançon. 

Société d’émulation à Monthéliard. 

Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l'Eure, à | 
Evreux. 

Société d’étude des sciences naturelles de Nîmes. 

Société d’horticulture du Gard, à Nîmes. 

Académie du Gard. 

Société scientifique et littéraire d’Alais. 

Société d’histoire naturelle de Toulouse. 

Société des sciences physiques et naturelles de Toulouse. 

Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse. 


— 223 — 


Société de pharmacie du Sud-Ouest (Toulouse). 

Société linnéenne de Bordeaux. 

Société philomatique de Bordeaux. 

Société archéologique de la Gironde. 

Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. 

Société de pharmacie de Bordeaux. 

Association scientifique de la Gironde, à Bordeaux. 

Société de géographie commerciale de Bordeaux. 

Société d’horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault, à Mont- 
pellier. 

Académie des sciences et lettres de Montpellier. 

Société languedocienne de géographie, à Montpellier. 

Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers. 

Comice agricole de l’arrondissement de Béziers. 

Société littéraire et artistique de Béziers. 

Société des Beaux-Arts de Béziers. 

Société des sciences naturelles de Grenoble. 

Société de statistique de Grenoble. 

Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny. 

Société de Borda à Dax. 

Société des sciences de St-Etienne. 

Société académique de Nantes, 

Société des sciences naturelles de l’ouest de la France, à Nantes. 

Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts, d'Orléans. 

Académie des sciences d'Orléans. 

Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot. 

Société des sciences et arts d'Agen. 

Société d’études scientifiques d'Angers. 

Société académique de Maine-et-Loire, à Angers. 

Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg. 

Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département 
de la Marne, à Châlon-sur-Marne. 

Société des sciences et arts de Vitry-le-Français. 

Société d’étude des sciences naturelles de Reims. 

Société des sciences de Nancy. 


Société centrale d’horticulture de Nancy. 

Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc. 

Société des amateurs naturalistes du Nord de la Meuse, Montmédy. 
Société polymathique du Morbihan, à Vannes, 


— 224 — 


Société d’agriculture, des sciences et arts, centrale du département 
du Nord, à Lille. 

Société Dunkerquoise, pour l’encouragement des sciences, des let- 
tres et des arts. 

Académie des sciences de Lille. 

Société géologique du Nord, à Lille. 

Société d'agriculture de Douai. 

Société nivernaise des sciences, lettres et arts de Nevers. 

Société d’horticulture et de botanique de Beauvais. 

Société académique de Boulogne-sur-Mer. 

Société des sciences, lettres et arts de Pau. 

Société des sciences et arts de Bayonne. 

Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orièétales 
à Perpignan. 

Socièté des études scientifiques de Lyon. 

Association Lyonnaise des amis des sciences naturelles. 

Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. 

Société d'agriculture et d’histoire naturelle de Lyon. 

Société linnéenne de Lyon. 

Société botanique de Lyon. 

Société des sciences industrielles de Lyon. 

Société d’horticulture pratique du Rhône (Lyon). 

Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, à Vesoul. 

Académie de Vesoul. 

Société éduenne d’Autun. 

Société d'histoire naturelle d’Autun. 

Société des sciences naturelles de Châlon-sur-Saône. 

Société des amis des arts et des sciences de Tournus. 

Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, au Mans. 

Académie des sciences, lettres et arts de Savoie, à Chambéry. 

Scciété florimontane d'Annecy. 

Société entomologique de France, à Paris. 

Société zoologique de France à Paris. 

Société botanique de France à Paris. 

Société géologique de France à Paris. 


Société linnéenne de Normandie à Caen (Calvados). 
Société des amis des sciences naturelles de Rouen. 
Société géologique de Normandie, à Rouen. 

Société géologique du Hävre. 


— 225 — 


Société agricole et horticole du Hâvre. 

Société d’étude des sciences naturelles d’Elbeuf. 

Société botanique des Deux-Sèvres, à Niort. 

Société linnéenne du Nord de la France, à Amiens. 

Société d’études scientifiques de Draguignan. 

Société d'agriculture, industrie et commerce de Draguignan. 

Société d'agriculture de Toulon. 

Société d'agriculture et d’horticulture d’Hyères (Var). 

Société littéraire, scientifique et artistique d’Apt. 

Société d'histoire naturelle de Vaucluse, à Avignon. 

Société de botanique de Limoges. 

Les Amis des sciences et arts de Rochechouart (Hte-Vienne). 

Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers. 

Société philomatique vosgienne, à St-Dié. 

Société d’émulation du département des Vosges, à Epinal. 

Société des sciences historiques et naturelles de l’ Yonne, à Auxerre. 

Société des sciences physiques, naturelles et climatologiques 
d'Alger. 

Académie d'Hippone, à Bône. 

Société d'agriculture d’Alger. 


(ÉTRANGER) 


Académie nationale des sciences de la République argentine à 
Cordoba. 

Universety of California Berkeley. Alameda County. 

Académie Argentine nationale des sciences de Buenos-Ayres, 

Société des sciences de Santiago (Chili). 

. Société des sciences de la République de Nicaragua (Amérique Cen- 
| trale). 

Institut géographique Argentin de Buenos-Ayres. 

Société de microscopie de New-York. 

Société des sciences naturelles de Trenton New-Jersev (Etats-Unis). 

Académie des sciences naturelles de Philadelphie, 

Ministère de l’agriculture de Washington (Etats-Unis), 

Société of natural sciences à Boston, 


— 226 — 


Smithsoniam Institution à Washington. 

Institut canadien français d’Ottava (Canada). 

Société Antonio Alzate de Mexico (Mexique). 

Societad Mexicana de Historia natural (Mexico). 

Archives du Musée du Brésil. 

Académie des sciences naturelles à Minneapolis (Minnesota). 

Museum national de la République de Costa-Rica. 

Revista argentina de historia natural (Buenos-Ayres). 

Société royale des sciences de Londres. 

Association pour l’étude des sciences naturelles à Cassel. 

Institut Linnéen de Berlin. 

Académie royale des sciences naturelles et arts à Munster. 

Société botanique bavaroise à Munich. 

Société Adriatique d’histoire naturelle de Trieste. 

Société royale de géographie à Vienne. 

Commission du Musée d’histoire naturelle de Vienne. 

Société royale de botanique de Belgique à Bruxelles. 

Société royale linnéenne de Belgique à Bruxelles. 

Société pédagogique de Belgique à Bruxelles. 

Société royale géologique de Belgique à Liège. 

Société royale des sciences à Liège. 

Société belge de microscopie à Bruxelles. 

Société royale malacologique de Belgique à Bruxelles. 

Academia real de ciencias y artes à Barcelone. 

Académie royale des sciences physiques et naturelles à Madrid. 

Observatorio de Villafranca de Panadès (Espagne). 

Compagnie des sciences naturelles de Groningue (Pays-Bas). 

Société hollandaise de botanique à Nimègue. 

Société toscane des sciences naturelles de Pise. 

Academia di Scienze natural à Firenze. 

Academia dei Lincei de Rome. 

Rassegna delle scienze geologiche en Italia (Roma). 

Real academia degli agiati en Rovereto (Italie). . 

Société de lecture et conversation scientifique à Gênes. 

Institut royal des sciences naturelles du Grand Duché de Luxem- 
bourg. 

Société de botanique du Luxembourg. 

Fauna, société des naturalistes Luxembourgeois. 


Université royale de Norvège à Christiania. 


— 227 — 


Société des sciences de Lisbonne. 

Société des travaux géologiques à Lisbonne. 

Société d'instruction de Porto, à Porto. 

Société entomologique de Rüssie, à St-Pétersbourg. 

Société d'étude de la faune et de la flore de Finlande résidant à 
Helsingsfors. 

Kongl. Universitet et 1 Upsala, Geologiska Institutionem. 

Société impériale des naturalistes à Moscou. 

Société ouralienne des amateurs des sciences naturelles résidant à 
Ekatherinenbourg. 

Société murithienne de botanique de Valais, à Sion. 

Société d'histoire naturelle des Grisons à Chur. 

Société de physique et d'histoire naturelle de Genève. 

Société helvétique des sciences naturelles de Berne. 

Société des sciences physiques et naturelles de Neufchätel. 

Société des sciences naturelles de Berne. 

Sociêté des sciences naturelles de Zurich. 

Société fribourgeoise des sciences naturelles à Fribourg. 

Société vaudoise des sciences naturelles à Lausanne. 

Société des sciences naturelles à Bâle. 


4 


Société des sciences naturelles à Batavia (Java), 


BANC" 


nn 
LISTE DES SOCIETAIRES 


Membres honoraires 


M. LE RECTEUR de l’Académie 
de Montpellier. 

M. LE SOUS-PRÉFET de l’arron- Membres de droit. 
dissement de Béziers. 

M. LE MAIRE deja ville de Béziers. 


M. DE ROUVILLE, doyen honoraire de 
la Faculté des sciences de Montpel- 
lier. 


Fondateurs. 
M. SABATIER Armand, doyen et profes- 


seur de zoologie à la faculté des 
sciences de Montpellier, directeur 
de la station zoologique de Cette. 


ANNÉE 1877 


MM. MARQUET, entomologiste à Toulouse, rue St-Joseph, 15. 

COURSIÈRE, inspecteur d’Académie, 66, rue de la Répu- 
publique, Lyon. 

CAZALIS de Fondouce, naturaliste à Montpellier. 

CARTAILHAC Emile, anthropologiste, 5, rue de la Chaine, 
à Toulouse. 

TRÜUTAT, directeur du musée d’histoire naturelle, à 
Toulouse, place du Palais, 10. 

VENDRYES, rue de Madame, 36, Paris. 


ANNÉE 1878 


MM. CHARLES, recteur de l’Académie, 22, Quai de la Charité, « 
Lyon. 
MAYET Valéry, prof. à l’école d'agriculture de Montpellier, 
4, rue du Faubourg Boutonnet. 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 229 — 


ANNÉE 1879 


MARION, professeur à la faculté des sciences de Marseille. 

Maxime CORNU, professeur au Muséum de Paris. 

LATASTE Fernand, prof. de zoologie à Santiago (Chili). 

HECKEL, prof. de botanique à la Faculté de Marseille. 

Le docteur COMBESCURE, sénateur, 13, rue de Poissy, 
Paris. 


ANNÉE 1880 


COLLOT, professeur à la Faculté des sciences de Dijon, 
rue St-Philibert, 51. 

BARRANDON, conservateur du Jardin Botanique de 
Montpellier, au Jardin des Plantes. 


ANNÉE 1881 


FLAHAULT, professeur de botanique de la Faculté des 
sciences de Montpellier, directeur de l’Institut botanique. 


ANNÉE 1885 


PAYSANT, ancien préfet du Lot, receveur général des fi- 
nances à Alger. 


ANNÉE 1886 


HUGOUNENC, géologue, maire de Lodève. 
GAUTHIER, botaniste, Place St-Just, Narbonne. 


ANNÉE 1887 


PERCEVAL DE LORIOL, géologue au Crasnier (Suisse). 
BERGERON, géologue, 157, Boulevard Haussman, Paris. 


ANNÉE 1889 


DE LACAZE-DUTHIERS, de l’Institut, Directeur fonda- 
teur du laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer. 

DE LAPPARENT, vice-Président de la Société de géologie 
de France, professeur de géologie à l’Université catho- 
lique de Paris. 


— 230 — 


MM. DEPÉRET, professeur de géologie à la Faculté des sciences 


MM. 


MM. 


de Lyon. 

MUNIER-CHALMAS, professeur de géologie à la Sor- 
bonne. 

MALAISE, professeur de géologie, à Gembloux (Belgique). 


ANNÉE 1890 


Juan MONSERRAT Y ARCHS, Président honoraire de 
Académie royale des Sciences et Arts de Barcelone 

Raphaël PUIG-VALLS, Chevalier de la Légion d'honneur, 
aucien membre du Jury intesnational de l'Exposition Uni- 
verselle de 1889, Président de l’Académie de Barcelone 

Luis MARIANO VIDAL, Ingénieur en chef des Mines des 
provinces de Tarragone et de Lérida, géologue et miné- 
ralogiste, membre de l’Académie Royale de Barcelone. 

Manuel MIR Y NAVARRO, professeur des sciences natu- 
relles à l’Institut provincial, D' en médecine et chirurgie, 
membre de l’Académie Royale de Barcelone. 


CAYETANO CORNET Y MAS, rédacteur du Diario, de . 


Barcelone, membre de l’Académie Royale. 

Le Chanoine JAIMES Y ALMEIRA, professeur de géolo- 
gie, membre de l’Académie Royale. 

CUNI Y MARTORELL, entomologisie, membre de l’Aca- 
démie Rovale de Barcelone. 

ARTURO BOFILL Y PIOCH, secrétaire général de l’Aca- 
démie Royale de Barcelone. | 


ANNÉE 1891 


DELAGE, professeur de géologie à la faculté des sciences 
de Montpellier. 

VIGUIER Maurice, docteur ès-sciences aux Quinconces, 
Carpentras (Vaucluse). 

ROUZAUD Henri, député de l’Aude, maitre de conférences 
à la faculté des Sciences, Montpellier. 

GILIS Paul, professeur à la faculté de Médecine, Mont- 
pellier. | 


GRYNFELDT, professeur à la faculté de Médecine, Mont- … 


pellier. 


Le 


MM. 


MM. 


M. 


— 231 — 


SERRE, professeur à la faculté de Médecine de Montpellier. 

GRANEL, professeur à la faculté de Médecine, Montpellier. 

COURCHET, professeur à l'Ecole supérieure de Pharmacie, 
Montpellier. 


ANNÉE 1892 


. VASSEUR, professeur de géologie à la faculté des Sciences 


de Marseille. 
ANNÉE 1893 


Thomas HANBURY, botaniste, propriétaire du jardin de 
la Mortala près Vintimille (Italie). 

A. PONSIGLIONI, recteur de l’Université de Gênes, 
Président de la Soctété di lettura el conversaziont 
scientifische. 

DEBARBIERI, vice-président de la Société di lettura, à 
Gênes. | 

Le Comte MELZI D’ERIL, secrétaire de la Société de 
Gênes. 

Le Commander ENGELHARD, ministre plénipotentiaire 
à Gênes. 

L’Ingénieur G. FERCHER, membre de la Société de Gênes. 


ANNÉE 1894 


JEANJEAN Adrien, géologue à Saint-Hippolyte-du-Fort, 
Président du Comice agricole de l’arrondissement du 
Vigan (Gard). 


ANNÉE 1895 


E. DURAND, inspecteur des forêts, professeur de bota- 
nique et de sylviculture à l’École nationale d’agriculture 
de Montpellier. 


MM. 


— 232 — 


Membres aetifs (au 1° Janvier 1895) 


FONDATEURS 


BENOIT Charles, place St-Esprit, 12. 

BONNET Louis, propriétaire, rue du Quatre-Septembre, 4. 

BUHLER Paul, avenue de Bessan, 17. 

CANNAT Paul, A Éÿ, professeur, licencié ès-sciences na- 
turelles, rue Boudard, 1. 

CHUCHET Joseph, ingénieur, rue Mairan, 11. 

CROZALS Henri, négociant, rue de Bonsi. 

FABRE Alber:, architecte, rue Baudin, Montpellier. 

GAUJAL LAGARRIGUE, propriétaire, rue du Quatre- 
Septembre, 22. 

GRANAUD Elie, négociant, boulevard de la Gare, 9. 

DE GRASSET, propriétaire, à Pézenas. 

LAFORGUE Camille, propriétaire, à Quarante. 

MANDEVILLE Alfred, propriétaire, rue du Capus, 12. 

DE REY-PAILHADE Constantin, botaniste, place St- 
Aphrodise, 44. 

SABATIER-DÉSARNAUDS Victor, Président Honoraire, 
propriétaire, rue des Balances, 9. 

THÉVENEAU Louis, propriétaire, allées Paul Riquet. 

VIENNET Albert, propriétaire, rue du Quatre-Septembre. 


ANNÉE 1876 


MM. MOULINS-CAMBON, boulevard de Strasbourg. 


MM. 


DONNADIEU Frédéric, avocat, rue de l’Argenterie, 2. 
ANNÉE 1877 


ROUX Georges, peintre, avenue des Charmes, Fontenay- 
sous-Bois (Seine). ; 

FABREGAT Adalbert, propriétaire à la Gaillague, près 
Colombiers. 

DE GINESTE, propriétaire, rue de Lespignan, 12. 

REBIÈRE Sylvain, libraire, rue Flourens. 

AUBOUY Fulcrand, I &ÿ, 12, rue Gendarmerie, Mont- 
pellier, 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 233 — . 
ANNÉE 1878 


JEANSON Ernest, receveur municipal, rue Massol. 


. BONNET Jules, propriétaire, rue de la Citadelle. 


SABATIER Elzéar, docteur en médecine, rue de la Coquille. 
BICHE Barthélémy, À &ÿ, professeur au collège de Pézenas. 


ANNÉE 1879 


GIRET Gustave, propriétaire, rue de Lespignan, 6. 

RULLAND Auguste, négociant, rue de la Mairie, 13. 

SICARD Sylva, À &ÿ, docteur en médecine, avenue de la 
République, 1. | | 

MAS Alphonse, ancien avoué, Maire de Béziers, député de 
l'Hérault, place de la Citadelle. 

BLANC Alexandre, négociant, rue d’'Envedel, 1. 

ROBERT, A Éÿ, instituteur en retraite, rue des Deux-Frè- 
res, 2. 

VÉZIAN Jules, employé de commerce, boulf de la Gare, 8. 

GRANGER Albert, naturaliste, rue Galard, 14, Bordeaux. 


ANNÉE 1880 , 


PORÇON Emmanuel, rue Montmorency. 


ANNÉE 1881 


BOYER René, négociant mercier, rue Française. 
VIENNET Charles, propriétaire, allées Raul Riquet. 
MARTRÉS, sous- ingénieur de la voie, à Béziers. 


ANNÉE 1882 


GÉLY, propriétaire, 46, rue Paul Riquet 
ASTRUC, conducteur de la voie à la Compagnie du Midi. 
CHAULAN, ancien négociant, rue de la Mairie, 15. 


ANNÉE 1883 


GAUSSEN, négociant, avenue de la Gare. 

DUPRÉ Léon, correspondant du Petit Méridional, avenue 
de la République. 

MARTY liquoriste, rue Victor-Hugo, 12. 

MALAFOSSE, négociant, rue de la République. 


MM. 


MM. 


. 144 
ANNÉE 1885 


BERNARD Aimé, dir. de l’Ecole Publique de Florensae. 
DERBEZ, insututeur, école Lakanal. 

GAY Henri, instituteur, école Supérieure. 

CARLES Emile, employé de commerce, Place d'Espagne. 
CARLES Pierre, ingénieur agricole, av. de Bédarieux, 67. 
IZOARD, secrétaire des Hospices, rue Barbeyrac. 
MERCADIER Louis, instituteur, école Gaveau. 
GAUTHIER, négociant, rue de la Mairie, 11. 


ANNÉE 1886 


CANNAT Louis, 18, rue Jacques-Cœur, Montpellier. 
LAURES Maurice, avocat, avenue de Pézenas. : 

VIAL Louis, pharmacien, allées Paul-Riquet 

PUPILLE, notaire, à Alignan-du-Vent. 

JALABERT André, négociant en vins, av. Gambetta, 28. 
GRANAUD Paul, négociant, avenue de Sauclières. 
DECAVATA, correspondantde l’Æclair, allées Paul-Riquet. 
YZERN Pierre, correspondant du Figaro, r. de la Coquille. 
CROZALS ROCH, négociant, route de Murviel. 
CAYLET, négociant en vins, 42, allées Paul-Riquet. 
ROYÈRE, directeur du Publicateur, rue Montmorency. 
ROUDIER, banquier, allées Paul-Riquet, 40. 

CROS, instituteur, Comptoir Parisien, allées Paul-Riquet. 
REVERDY, directeur de l’Ecole Louis Blanc. 
MONTAIGNAC Elie, négociant, route de Bédarieux, 94. 
UTEZA Paul, négociant en vins, route de Bédarieux, 98. 
BRINGUIER, journaliste, rue d’Austerlitz, 27. 
LOUIS-PAUL, peintre, rue Hospice St-Joseph. 

AIN, prof. licencié ès-lettres, A &ÿ, avenue de Bédarieux. 
LIGNON, professeur, À &ÿ, place St-Esprit. 
LAMOUROUX, professeur, place St-Aphrodise, 44. 
BARBIER, prof. licencié ès-lettres, I &ÿ, rue Viennet, 20. 
FABRE, agent d'assurances, À &ÿ,avenue de Bédarieux, 8. 
MITCHEL, dentiste-chirurgien, place St-Félix. 
BOILÈVE, ingénieur, place St-Esprit, 16. 

ESCANDE, instituteur à Bassan. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 935 — 


ANNÉE 1887 


CHABAUD, ingénieur, conseiller général à St-Gervais. 

DE CROZALS Cyprien, négociant, président du Syndicat 
des vins, vice-président du Comice Agricole, rue de Les- 
pignan. 

CASTELBON DE BEAUXHOSTES, vice-consul d’Espa- 
gne, place St-Esprit. 

GALIBERT Paul, droguiste, rue du 4 Septembre, 5. 

CROZALS André, quai de la Gare, Cette. 

GAUBERT, directeur de l’École Paul-Riquet, 42. 

HICKEL Fritz, profr d’Allemand, avenue Gambetta, 42. 

MOULIN, prof de littérature, allées Paul-Riquet, 75. 

CROZALS Jean, rue de la Rotonde. 

AZAIS Heari, imprimeur, rue de la Citadelle, 5. 

HUE-THÉVENEAU Fernand, proprièt. rue Boudard, 3, 

MOUSTELON Alphonse, propriétaire à Roquebrun, 


ANNÉE 1888 


SICARD Henri, pharmacien, avenue de la République, 1. 

ESCOT, A &ÿ, géologue à Cabrières (Hérault). 

BOUTTES, comptable de la maison Tissié-Sarrus, avenue 
de Bédarieux. 


ANNÉE 1889 


AUGÉ Justin, conseiller général du canton de Capestang, 
route de Villeneuve, 11. 
MOURET Félix, propriétaire, rue Pélisson, 31. 
MARTY-BLANC, ingénieur agricole, rue d'Envedel. 
BOURDIÉ A., entrepositaire de matériaux de construction, 
avenue de Bédarieux, 12 bis. 
FRAISSE Charles, propriétaire, allées Paul-Riquet. 
GOUTTES, caissier de la Banque de France, rue Boïeldieu. 
MARGE Louis, rep. de commerce, avenue de l’Abattoir. 
REVERDY Eugène, instituteur, rampe des Casernes, 15 bis. 
COMBES, professeur au Collège, boulevard de la Liberté. 
CADELARD Antoine, agent d'assurances, rue Flourens. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 936 — 
ANNÉE 1890 


PASQUET, entrep' de travaux publics, à Tournemire. 
PASTRE Julien, avocat, à Autignac. | 
FOURESTIER lrénée, entrepreneur, 15, rue du Cirque. 
VALETTE Félix, café Glacier, allées Paul-Riquet. 

LAU Louis, avocat, rue Flourens. 


ANNÉE 1891 


COMPS Paul, architecte, descente de la Citadelle, 17. 

COMBESCURE, avoué, rue de ia Citadelle, 14. 

THOMAS, caissier, rue Rôtisserie, 23. 

EMPEREUR Maurice, architecte, rue de la Tour, 12. 

DUPRAT, sculpteur, boulevard du Nord. 

FOUQUET Louis, propriétaire, avenue de l’Abattoir. 

FAYTIS Antoine, propriétaire, avenue des Casernes, 10. 

GAYRAUD jules, juge au Tribunal de Commerce, faubourg 
du Pont. 

D' VILLEBRUN, géologue à St-Chinian 

MIQUEL Jean, propriétaire et géologue, à Barroubio par 
Aigues-Vives (Hérault). 


ANNÉE 18992 


BAJARD, ingénieur des Mines, rue Boïeldieu. 

PUEL Ernest, manufacturier, allées Paul-Riquet. 
MAILHAC Denys, négociant, boulevard du Nord. 
DONNADIEU Abel, conseiller municipal, av. de Pézénas. 
MARTIN Joseph, tapissier, 20, rue Française. 

AZAIS Louis, propriétaire, avenue Gambetta, 72. 

AZAIS Louis, fabricant d'engrais, avenue Gambetta, 72. 
MAISTER Emile, maison Bulher, avenue de Bessan. 
GUY Jean, ingénieur agricole, place de la Madeleine, 44. 


. CAHUZAC, entrepreneur, 18, avenue de la République. 


BARON fils, propriétaire de Poussan-le-Bas, rue de la Ro- 
tonde, 26. 


. ARNAUD Charles, complable, rue du Touat, 8. 


GUERET, avenue de Bédarieux, 15. . 
FRAISSE Gabriel, dessinateur, rue Montmorency, 9. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 231 — 


BERTHOMIEU Marcel, avocat, conseiller général, rue 
Montmorency. 

PUEL ainé, manufacturier, allées Paul-Riquet. 

GÉLYS Raymond, huissier, allées Paul-Riquet. 

CURAN François, huissier, allées Paul-Riquet. 


ANNÉE 1893 


SAPTE, imprimeur, 10, avenue de Bédarieux. 
AFFRE, avoué, 3, rue Pélisson. 

PALAU Louis, propriétaire, allées Paul-Riquet, 86. 

Le Capitaine GRIFFE, 3&, 8, rue de la Mairie. 

CROS Georges, entrepreneur, 53, avenue de Pézénas. 
BERT Georges, propriétaire, à Bassan. 

MAIGNAL, À &ÿ, professeur de dessin, rue Argenterie, 
DARDÉ, propriétaire, 2, avenue de Villeneuve. 
LECAVELLÉ, luthier, rue de la Rôtisserie. 
MOLINIER, entrepreneur de menuiserie, rue du Collège. 
MÈCLE, négociant, rue du Touat. 

NURY, employé de finances, allées Paul-Riquet. 


ANNÉE 1894 


VERSEPUY, ingénieur, directeur de la Compagnie à l'U- 
sine à Gaz. 

MURAT, notaire, rue Montmorency. 

AUDIÉ, docteur en médecine, rue de la République, 4. 

MARILL, pharmacien, allées Paul-Riquet, 4. 

ROQUES Etienne, négociant, rue Porte-Olivier. 

AZAIS Aïbert, propriétaire, descente de la Citadelle. 

PALAZY, avocat, rue de Bonsi. 

CHERITE, inspecteur de l'Enseignement primaire. 

SCHŒFEER, 3, rue Tivoli. 

ROQUES, commis-greffier, 3, rue de la Coquille. 

SAHUC, notaire, à St-Pons de Thomières. 

AUBERT, A &ÿ, prés.du Tribunal civil, av. de Pézenas, 74 


ANNÉE 1895 


Gaston HÉRISSON St-SERNIN, négociant, boulevard 
de la Gare. 
MIGRON Pierre, arboriculteur, 13, rue Diderot, 


— 238 — 


MM. LAFOI Jean, ingénieur agricole, 11, rue d’Assas. 
ISABETH, agent d'assurances, 8, avenue des Casernes. 
TRICHEREAU, ingénieur agronome, professeur spécial 

d'agriculture, allées Paul-Riquet. 
SLIZEWICZ Pierre, pharmacien chimiste, Grand’ Rue, à 
Cette. 
CAMMAN, préposé chef des Octrois, 3, boul. de Strasbourg. 
HUBERT André, Dr ès-sciences, 25, boul. de la Citadelle. 
NIVIÈRE Gustave, chimiste-expert, 25, boulevard de la 
Citadelle. 

COUDERC Fernand, propriétaire, route d'Espagne. 
BECQ, ingénieur des Arts et Manufactures, allées Paul 
Riquet. | 
DURAND, greffier de la justice de paix, 7, rue de la Ré- 

__ publique. 
TRÉMONT, bandagiste, place des 3/6. 
Elie MIREPOIX, route de Capestang. 
Dr DONNADIEU-LAVIT, à Lamalou-les-Bains. 
GUIBERT, négociant, 29, descente Canterelles. 
Commandant AUBESQUIER, 51, avenue de Pézenas. 
BERTRAND, dessinateur, à la Compagnie du Midi. 
JAUSSAN fils, horticulteur, ancien Elève de l’Ecole de 

Versailles, 17, rue Duguesclin. | 

GÉLY, avoué, rue de Bonsi. 
DAISSE, huissier, rue Viennet. | 
FROUMENT, contrôleur des Contributions indirectes. 
GALIBERT Jean, 19, avenue Gambetta. 


MM. 


MM. 


MM. 


M. 


— 239 — 


Membres Correspondants 


FONDATEURS 


BAQUIÉ Georges, propriétaire, à Nissan. 
CROS, propriétaire, à Nissan. 
DELOUPY, propriétaire, à Nissan. 
DEVEÉZE Henri, naturaliste, à Armissan. 
FIRMIN, vétérinaire, à Nissan. 
PASTRE, propriétaire, à Nissan. 

REY Thimothée, ornithologiste, Nissan. 
SICARD, pharmacien, à Nissan. 


ANNÉE 1877 


HÉRAIL J., professeur à l’école de pharmacie d'Alger. 

MAISTRE Jules, fabricant, à Villeneuvette près Clermont- 
l'Hérault. 

PLAINCHANT, instituteur, à Cette. 


ANNÉE 1878 
TRIADOU Cadet, A &ÿ, géologue à Pézenas. 


ANNÉE 1879 


ARNAUD, &ÿ, professeur, au collège de Lodève. 

BOULIECH, &ÿ, docteur en médecine, conservateur hono- 
raire à la Faculté des Sciences de Montpellier. 

CASTEL, instituteur à Capestang. 

CROS, ingénieur, directeur des Ateliers méridionaux, à 
Montpellier. 

ESTOR Louis, professeur à la Faculté de. médecine de 
Montpellier. 

GUIRAUD Jules, notaire, à Quarante. 


ANNÉE 1880 


DEYCHAMP, naturaliste, à Larnasca (Ile de Chypre}. 
COSTE Charles, naturaliste, à la Nouvelle-Calédonie, 


ANNÉE 1881 


AMANS, doctr-médecin, docteur ès-sciences, à Montpellierg 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 240 — 
ANNÉE 1882 
PUECH, A Éÿ, institr et botaniste, Tournemire (Aveyron). 
ANNÉE 1883 


RICOME, agent-voyer d'arrondissement en retraite, Mont- 
pellier. 

ROUVEYROLIS, docteur en médecine, Aniane. 

MARTY, A &ÿ, naturaliste, boulevard de Strasbourg, 67, à 
Toulouse. 

CORNAC, chef de gare, Laurens. 


ANNÉE 1884 


NOYRIT, inspecteur du service commercial à la Compa- 
gnie du Midi, Bordeaux. 


ANNÉE 1885 


PHOCILLON, instituteur à Alzon (Gard). 
MERLE, instituteur à Corconne (Gard). 
VIDAL, instituteur à Fraissé. 


ANNÉE 18806 


ROUCAIROL, pharmacien, Mauguio. 
SOULAYROL, pharmacien à Cazouls. 


ANNÉE 1887 


ALBARÉDE, principal au Collège de Lodève. 

FARRAND), instituteur en retraite, au Jardin des Plantes, 
à Montpellier. | 

BERNARD Lucien, propriétaire à Buenos-Ayvres. 

CADENAT Louis, propriétaire et maire, à St-Geniès-le-Bas. 

DOLQUES Antoine, propriétaire à Cabrières, 

RICHARD Paul, libraire à Pézenas. 

AURET Hyppolvte, receveur municipal à Pézenas. 

BOUSQUET, instituteur à Olonzac. 

E. DONNADIEU, propriétaire à Nissan. 

DOLQUES Louis, instituteur à Usclas-du-Bose, par Lodève, 

D' PICARD, %%, à Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher). 

AUGÉ, ingénieur, avenue de Toulouse, 32, à Montpellier. 


ANNÉE 1888 
MM. ROUMIEUX, professeur des sciences naturelles au collège 
de Narbonne. 
Le Dr L. PLANCHON, à Montpellier. 
SOULIÉ, professr à la Faculté des sciences de Montpellier. 
MM. ROUGET P., &, À &ÿ, Chevalier du Mérite agricole, au 
château St-Michel, Lagarde près Toulon (Var). 
CURE, instituteur à Puimisson. 
Dr TARBOURIECH, à Maraussan. 
Dr LAVIT, à Cessenon. 


ANNÉE 1889 


MM. D" L. VIDAL, à Nissan. 

ORLIAC François, propriétaire, à Nissan. 

DÉJEAN Edouard, propriétaire, à Nissan. 

SAHUT Félix, président de la Société d’horticulture et 
d'histoire naturelle de l'Hérault. 

"BEPMALE, député, entomologiste, avocat à St-Gaudens. 

MINSMER, entomologiste, capitaine au 142 de ligne, à 
Montpellier. 

PIQUEMALE, secrétaire de la Mairie, à Narbonne. 

DONNAT, prof. agrégé au Lycée de Mont-de-Marsan. 

LOUBET Jean, négociant, à Reuss (Espagne). 

L. CARBON, propriétaire, à Nissan. 

RICHE, maître de conférences de Géologie à la Faculté 
de Lyon. 

BOURGERY, prop'e, à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). 

RICHARD Joseph, propriétaire, à Puisserguier. 

MAGROU Jean, élève d’Injalbert, 18, rue du Val-de-Grâce. 

VILLENEUVE Jacques, élève d’Injalbert, 18, rue du Val- 
de-Grâce, Paris. 


ANNÉE 1890 


: MM. PHILIPP L., garde forestier à Cabrières. 

MANTIN Georges, botaniste, 54, quai de Billy {Paris}, 
MARC Jules fils, propriétaire à Nissan. 

DOLQUES fils, géologue, à Usclas-du-Bosc, par Lodève. 
POUCHET, #, prof à l’école du Génie, de Montpellier, 
JACOLIN, médecin-vétérinaire, à Villeneuve-les-Béziers. 


MM. 


Mie 


MM. 


MM. 


— 212 — 


ANNÉE 1891 


DARDET Antonio, directeur de la Compagnie du Gaz 
Barcelone (Espagne). 

JULLIAN, ingénieur, à Narbonne (Aude). 

ROBERT Paul, pharmacien, à Maraussan. 

DONNADIEU, instituteur, à Babeau, près St-Chinian. 

LIGNIÈRES, instituteur, à St-Chinian. 


ANNÉE 1899 


SOL Marguerite, directrice de l’Institution Fénelon, à Nar- 
bonne (Aude). 

TARRAL, professeur à Castelnaudary (Hérault). 

ROUSSEAU, instituteur géologue, à la Nerrière de la 
Bruffière (Vendée). 

HOMO, géologue, à Appeville par Montfort (Eure). 


ANNÉE 1893 ; 
ROUAYROUX, géologue, à Cassagnoles. 
ANNÉE 1894 


AZAIS, avocat, à St-Pons. 
PLAGNIOL, instituteur, à Courniou (Hérault). 
F. CALMEÉS, homme de lettres, à Paris, 


BUREAU POUR L'ANNÉE 1896 


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Président : M. Paul CANNAT, A es ÿ 

Vice- Présidents : MM. L. BONNET, Cyprien DE CROZALS, 
E. GRANAUD. 

Secrétaires : MM. F.-A. FABRE, V. BOILÈVE, Charles 

| ARNAUD, F. HUE-THÉVENEAU, Maurice 

LAURÉS. 

Conservateur des Collections : M. ASTRUC. 

Conservateur de l’Herbier : M. Charles BENOIT. 

Organisateur des Excursions : M. A. BLANC. 

Organisateur des Conférences : M. C. de REY-PAILHADE,. 

Bibliothécaire : M. Jean CROZALS 

Archiviste : M. Pierre CARLES. 

Trésorier : M. A. RULLAND. 


M. Sabatier-Désarnauds. Président honoraire 


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TABLE DES MATIÈRES 
(ANNÉE 1895) 


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MÉMOIRES 


Essai de stratigraphie générale par M. J. Miquel . 


La Botanique à Béziers, par M. Pierre Carles. 


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EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 


Allocution sur M. de Saporta, par M. C. de Rey-Pailhade. 


Armissan et la Clape, compte-rendu de l’excursion du 
31 Mars 1895, par M. Paul Buhler. 


Les Baux et St-Rémy, compte-rendu de l’excursion des 
13 et 14 Avril 1895, par M. Antonin Moulin. 


Compte-rendu de l’excursion du 16 Juin 1895, à Lamalou- 
les-Bains, par M. Antonin Maffre. 


Compte-rendu de. l’excursion du 23 Mai 1895, à St-Chi- 
nian, Pardailhan et Coulouma, par M. P. Carles. 


Allocution de M. le Président P. Cannat, 


L’éclairage dans les mines à grisou et les milieux explo- 
sifs, par M. Viguier . 


Composition chimique de quelques roches des environs 
immédiats de Béziers, par MM. Hubert et Nivière. 


L’Etang de Thau, Balaruc, Issanka et Cette, par M. Au- 
guste Lamouroux . 


Les Livres de Raison (Note lue au Congrès des Sociétés. 


savantes le 16 Avril 1895) par M. J. Sahuc. 


47 


96 


67 


162 


167 


208 


— 246 — 


III 


Sociétés correspondantes, bulletins reçus pendant 
l'année 4896:;,0 TN RENE RTS RS 213 
Dons faits à 4a' bibliothèque CT EE RE 218 


Liste des Sociétés correspondantes... "ME 282 


LISTE DES. SOCIÉTAIRES 


Membrés. ‘honoraires. :.. 42" 2 0 SEA EN EN RRNRERE 228 
Metnbres AGus 0e CE er an CR RES 232 
Membres: cCorresposdants 00 TPE ER 239 
Bureau de. la :Société.i., MEET SUR RO RR EE 


Henry AZAIS — imprimeur de la Société d’Étude des Sciences Naturelles 
5, rue de la Citadelle, 5 


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