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COMPTE-RENDU DES SÉANCES
(EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX)
2e ANNÉE. — 18777.
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COMPTE-RENDU DES SÉANCES
(EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX)
De ANNÉE.— 187".
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IMPRIMERIE DU COMMERCE DE P. RIVIÈRE.
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SOCIÉTÉ D'ÉTUDE
DES
SCIENCES NATURELLES DE BEZIERS
LISTE DES SOCIÉTAIRES PENDANT L'ANNÉE 1877.
Membres honoraires.
MESSIEURS :
CHARLES, recteur de l'Académie de Montpellier.
LE SOUS-PRÉFET de l'arrondissement de Béziers.
LE MAIRE de la ville de Béziers.
DUCHARTRE, membre de l'Institut.
DE ROUVILLE, professeur à la Faculté des
sciences de Montpellier. Fondateurs
SABATIER, id.
PLANCHON, id.
DuvaL-JouvE, inspecteur honoraire d’Académie à Montpellier.
MARTINS, directeur du jardin botanique, à Montpellier.
LICHSTENSTEIN, entomologiste, à Montpellier.
DOUMET-ADANSON, président de la Société d’horticulture et
d'histoire naturelle de l'Hérault, à Cette.
CAIROL, docteur ès-sciences naturelles à Lyon.
MARQUET, entomologiste, à Toulouse.
NouLET, directeur du musée d'histoire naturelle, à Toulouse.
COURSIERE, inspecteur d’Académie, à Toulouse.
Le Comte DE SAPORTA, naturaliste, à Aix.
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CAZALIS de Fondouce, naturaliste, à Montpellier.
CARTAILHAC, naturaliste, à Toulouse.
TRUTAT id.
VENDRYES, botaniste, à Paris.
DE TROMMELIN, géologue, au château de Roselin, près Quimper.
Membres actifs Fondateurs
MESSIEURS :
ARGENCE Louis, propriétaire, rue de la Mairie, 6.
BALUFFE Auguste, négociant, rue des Récollets, 18.
BASTIDE Etienne, pharmacien, rue de la Citadelle, 4.
BENOIT Charles, propriétaire, rue de la Juiverie, 10.
Boxer Louis, propriétaire, rue de la Promenade, 4.
BOURGUET Paul, docteur en médecine, rue de Lespignan, 13.
BUHLER J.-C., négociant, avenue de Bessan, 49.
CANNAT Paul, professeur, rue St-Dominique, 8.
CauvyY François, docteur en médecine, rue Mairan, 12.
CHALON Paul, avocat, rue de Lignan, 5.
CHUCHET Joseph, ingénieur, avenue de Pézenas, 33.
CROZALS Henri, négociant, rue de Bonsi, 2.
Douai Joseph, doct. en méd. rue d'Envedel, 2.
Durrour Edmond, prop., rue Française, 20.
FRAYS&INET François, prop., rue Paul Riquet, 4.
GAUJAL-LAGARRIGUE, prop., rue de la Promenade, 22.
GuiLzer Louis, pharmacien, avenue de Pézenas, 50.
GRANAUD Elie, négociant, pl. du Théâtre, 2.
JALABERT Léon, agent-voyer en retraite, r. Pélisson, 1.
KI1PFFEL Auguste, négociant, avenue de Bessan.
LAGARDE Jules, receveur municipal, rue du Coq, 14.
MANDEVILLE Alfred, prop., place du Capus, 12
Mayet Benjamin, décédé le 22 Mars 1877.
MIQUEL Pierre, architecte, rue des Jardins, 4.
D ce
NoGuiER Louis, prop., r. de la Promenade, 11.
PAGET Paul, pharmacien, rue Française, 7.
DE REY PAILHADE Constantin, pl. St-Aphrodise, 44.
SABATIER-DÉSARNAUDS Victor, prop., rue des Balances, 7.
SOUCAILLE Antonin, professeur, r. de la Tour. 23.
Théveneau Antonin, décéde le 2 Août 1876.
THÉVENEAU Louis, prop., r. de l’ancienne Poissonnerie.
THÉVENEAU Urbain, prop.. pl. d'Orléans.
TURRIÈRE Frédéric, professeur, rue de la Mairie, 17.
TRAssy Louis, agent-voyer de l'arrondissement, rue de la
République.
VIENNET Albert, rue Montmorency, 6.
Membres admis depuis la fondation
MESSIEURS :
BonNEL Marius, propriétaire. rue de la Mairie, 32. — 1877.
BONNET-GARRAS, pharmacien, rue de la République, 2, —
1876.
CARLES Alfred fils, route de Narbonne, 82. — 1877.
CHALON Eugène, propriétaire, rue de Lignan, 5. — 1877.
CROUZAT Gabriel, propriétaire, rue de la République, 29. —
1876.
DONNADIEU Frédéric, prop., rue de l’Argenterie, 2, — 1876.
FABRE Aimé, prop., rue St-Dominique, 6. — 1876.
FABRE Martin, aspirant au notariat. r. d'Envedel, 2. — 1876.
FABREGAT Auguste, avocat, r. de Lespignan, 1. — 1876.
GAUDION Henri, prop., avenue St-Pierre, 38. — 1877.
GRoc Casimir, principal du collége. — 1877.
GUIRAUD Jules, étudiant en droit, r. Guilhaumon, 39.—1877
HÉRAIL Joseph, étud. en pharm., r. des Récollets, 6.—1877.
JAUSSAN Louis, prop., r. des Récollets, 1. — 1877.
JUMEAU Gaston, architecte, r. de la Rotisserie, 23. — 1877.
Le à
LEMUET Albert, caissier principal à la gare du Midi.— 1876.
MAYET Valéry, place du Capus, 7. — 1876.
Mouuins-CAMBON, négociant, route de Narbonne, 8. — 1876.
PALLOT Louis, nég., avenue du Fer-à-Cheval. — 1876.
POUJADE, doct, en méd., avenue St-Pierre, 2. — 1876.
REBIÈRE Sylvain, libraire, pl. de la Mairie. — 1877.
TAILHADE, expert-géomètre, avenue de Pézenas. 40.— 1877.
VipAL, Courtier, avenue de la gare. — 1876.
Sociétés correspondantes
Société d'étude des Sciences naturelles de Nimes.
Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers.
Socièté d’horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault.
Société d'étude des sciences naturelles de Marseille.
Société des sciences naturelles de Nice.
Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot
Société d’études scientifiques de Lyon.
Association lyonnaise des Amis des sciences naturelles.
Comice agricole de l'arrondissement de Béziers.
Académie du Gard.
Société linnéenne de la Charente-Inferieure.
Société linnéenne de Bordeaux.
Société Florimontane d'Annecy.
Société linnéenne du nord de la France.
Société d'agriculture, sciences et arts de Douai.
Société des sciences naturelles et historiques, des lettres et
des beaux-arts de Cannes et de l'arrondissement de Grasse.
Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées-Orien-
tales.
Société des sciences historiques et naturelles de Semur.
Académie des sciences, arts et belles-lettres de Macon.
Société d'agriculture, histoire naturelle et arts utiles de Lyon.
Société d'émulation du Doubs.
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Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon.
Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres de
Caen.
Société d'histoire naturelle de Toulouse.
Société centrale d’apiculture et d'insectologie (Paris ).
Société académique de Boulogne-sur-Mer.
Société linnéenne de Lyon.
Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron.
Société d'émulation du Doubs.
Société des sciences naturelles de Neuchatel (Suisse ).
Société linnéenne de Normandie.
Société géologique de Normandie.
Société d'émulation de Montbéliard.
Société Dunkerquoise pour l'encouragement des sciences, des
lettres et des arts.
Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.
Société des Amis des sciences naturelles de Rouen.
Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix.
Socièté des sciences physiques et naturelles de Toulouse.
Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux.
Société des sciences physiques, naturelles et climatologiques
d'Alger.
ÆAË =
Membres Correspondants
MESSIEURS,
ANDRIEUX, propriétaire, à Bessan
BAQUIÉ Georges, propriétaire à Nissan.
BERNARD, id.
COSTE. propriélaire, à Nissan.
Cros fils, propriétaire, à Nissan.
CHAULAN Auguste, id.
DEVÈZE fils, propriétaire, à Armissan.
DELOUPY, propriétaire, à Nissan.
FABRE Albert, architecte, à Montpellier.
FIRMIN, vétérinaire, à Nissan.
GRASSET, propriétaire, à Pézenas
LAFORGUE, propriétaire, à Quarante.
MIQUEL, propriélaire, à Nissan.
PASTRE, propriétaire, à Nissan.
Rey Théophile, ornithologiste, à Nissan.
ROUZEAU, maître répétiteur au lycée de Montpollier.
SAHUC, propriétaire, à Nissan,
SICARD, pharmacien, à Nissan.
AUBOUY, botaniste, à Montpellier.
BALGUERIE, ingénieur en chef de la Compagnie du Midi, à
Bordeaux.
CARLIER, architecte, à Montpellier.
CosTE Clément, propriétaire, à Espondeilhan.
FABRÉGAT Adalbert, propriétaire, à Colombiers.
FABRE Paul, propriétaire, à Roujan. |
GRANIER, étudiant en droit, à Toulouse.
JEAN, receveur de lenregistrement à St-Martin-de-Londres.
LAURÈS Antonin, étudiant, à Paris.
MAISTRE Jules, propriétaire, à Villeneuvette.
PLAINCHANT, instituteur, à Margon.
EPA
Composition du Bureau pour l'année 1878
MM. SABATIER-DÉSARNAUDS , président ;
Durrour et FABREGAT, vice-présidents ;
BoNNET et JALABERT, GSsesseurs ;
CANNAT , secrétaire-général ;
Benoit, Eug. CHALON, GRANAUD, secrétaires ;
JUMEAU, conservateur des collections ;
SOUCAILLE , bibliothécaire ;
HÉRAIL, bibliothécaire adjoint ;
J. LAGARDE, trésorier.
RAPPORT
sur la marche de la Société pendant l'année 182%
PRÉSENTÉ
Par M. CANNAT, secrélarre-général
Messieurs,
En vous remettant notre premier bulletin, l’année der-
nière à pareille époque, j’eus l’honneur de définir en
quelques mots le but de la Société, ses tendances, ses pro-
jets d'avenir. Je ne pourrai cette fois vous entretenir
d’une manière aussi succincte; l’exposé de ce qui a êté fait
pour continuer l'installation ou entreprendre des travaux
scientifiques, exigera de ma part un certain développe-
ment.
Le Bulletin que nous vous présentons aujourd’hui ren-
ferme en une seule livraison le compte-rendu resumé des
séances de l’année; vous avez décidé en effet que les vo-
lumes du bulletin seraient annuels, vous réservant de les
faire paraître à l’avenir en deux ou plusieurs fascicules à
mesure que les productions scientifiques inédites, lues dans
nos séances par les sociétaires, prendront une importance
plus grande à cause de la variété des articles, de leur
nombre, de leur étendue, de leur caractère.
Cette année par exemple le nombredes conférences, notes
ou rapports scientifiques publiés s’élèvera de 12 à 18 et à
côté de la Botanique et de la Géologie qui y sont dans les
mêmes proportions que dans le 1‘ volume, vous trouve-
rez plusieurs notices zoologiques parmi lesquelles deux
conférences et deux rapports entomologiques dus à la
collaboration de M. Valéry Mayet.
Les sociétaires sont répartis en membres honoraires,
actifs et correspondants.
Nous avons, dans le courant de cette année, porté de 6
à 19 le nombre des savants qui ont bien voulu accepter
de la Société le titre de membre honoraire.
Aux trente-cinq membres actifs fondateurs nous avons
ajouté douze nouvelles admissions pour l’année 1876 et
quatorze pour l’année 1877, ce qui ferait un total de 61 si
trois de nos membres actifs n'étaient devenus correspon-
dants en quittant Béziers; pour diverses causes,cinq autres
ne font plus partie de la Société.
Nous avons eu aussi cette année à déplorer la mort
d’un de nos collègues les plus dévouêés : M. Benjamin
Mayet, premier secrétaire. Je n’entreprendrai point de
faire 1c1 son apologie après MM. Doumet-Adanson, Saba-
tier-Désarnauds et Duffour, qui lui adressèrent nos adieux
dans des termes si élogieux et si vrais, Je constate seule-
ment au point de vue des services qu’il nous rendait, com-
bien son concours nous était précieux.
Naturaliste passionné, il a voulu inaugurer avec nous
ms =
la série de nos excursions pendant lesquelles vous avez
tous apprécié son esprit d'observation si pénétrant, sa con-
versation si agréable, son caractère d’une gaité toujours
si expansive et si entraînante.
Nos correspondants dont le nombre primitif était de 23
sont actuellement 31. Vous avez jugé à propos de modifier
le règlement en faveur de cette catégorie de sociétaires
qui ne peuvent pas assister réguliérement à nos séances à
cause de leur éloignement, et vous avez fixé à 5 francs au
lieu de 10 le taux de leur cotisation annuelle.
L’envoi de notre premier bulletin nous a permis d’en-
trer en relation avec bien des sociétés savantes qui nous
ont, en échange, adressé leurs mémoires. Ces ouvrages,
Joints à ceux que vous avez acquis par achat ou par do-
nation, portent à deux cent cinquante les volumes de la
bibliothèque.
Par abonnement nous recevons 16 journaux ou revues
dont 6 hebdomadaires; ces publications sont journelle-
ment à la disposition de ceux d’entre nous qui veulent les
consulter dans notre local ou même qui veulent les pren-
dre chez eux en s'inscrivant sur un registre déposé à cet
effet.
Après vous avoir parlé de l’augmentation du personnel
de la Société et des moyens que nous employons pour pro-
pager, par la lecture, le goût des sciences naturelles, 1l
me reste à vous exposer la partie qui n’est pas la moins
importante de nos travaux : l'organisation des collec-
tions.
M. le docteur Théveneau avait déjà donné à la Société
un commencement d’herbier classé d’après la flore de Gre-
nier et Godron et s’arrêtant aux crucifères. M. Chalon
l’a augmenté par les recherches à la campagne, par
l’achat d’un groupe de cryptogames et par des échanges
avec différents botanistes.
J’ai eu l'honneur d’offrir à la Société deux cents roches ou
2:10 TRES
minéraux qui, quoique irrégulièrement taillés, pourront
être de quelque utilité à celui d’entre nous qui voudra
bien s’occuper spécialement de créer une collection de m1-
néralogie.
J’ai offert aussi, pour former une collection paléontolo-
gique, tous les échantillons que j’ai pu recueillir dans
mes excursions ; il y en a une très grande quantité et
beaucoup de doubles, cela nous permettra d’adresser à
nos correspondants des séries de fossiles de notre région
(silurien, carbonifère,permien, houiller, triasique, eocène,
miocène.) J’ai obtenu ainsi, par échange, un lot de fos-
siles des terrains voisins du Hâvre, et M. Jumeau a bien
voulu y joindre quelques échantillons du miocène de Bor-
deaux.
M. Benoit a tiré un excellent parti d’un lot de co-
quilles marines terrestres et fluviatiles que j'avais rêu-
nies ; il les a classées et s’est mis en relation d’échanges
avec des conchyliologistes qui nous ont déjà adressé plu-
sieurs bons envois. :
Un genera des coléoptères de nos pays tiré des cartons
de M. Valéry Mayet et quelques sujets isolés donnés par
les sociétaires forment actuellement la base de notre col-
lection entomologique.
L’Erpetologie est confiée au zèle de M. Jumeau; c’est
dire que dans peu de temps nos bocaux renfermeront au-
tant de batraciens et de reptiles que peut nous procurer
la faune peu étendue de nos régions.
C’est avec les ressources fournies par les cotisations
des membres actifs et des correspondants que nous avons
pu aménager ces collections, faire quelques achats de
livres élémentaires, nous procurer un outillage scientifi-
que bien insuffisant encore, publier notre bulletin, faire
face à tous les frais généraux.
La municipalité nous est venue en aide et par la conces-
LORS
Le
sion de ce local qu’elle a mis à notre disposition et par
une subvention de trois cents francs. Le Conseil général
nous à fait parvenir les cartes géologiques de l'Hérault
dressées par le savant professeur, M. Paul de Rouville.
Le Ministère de l’instruction publique nous a donné une
preuve de ses bonnes dispositions en nous accordant deux
ouvrages : La Revue des Sociétés savantes et les Archives
du Mexique. Nous avons le ferme espoir que notre Société,
qui à été accueillie dès son début avec tant de sympathie
et de bon vouloir, se développera d’une manière continue
et que nous pourrons à la fin de chaque année, en présence
des résultats obtenus, nous féliciter des progrès accom-
plis et du développement de notre association.
NS ‘Æ
Extrait du Réglement de la Société
ART. 5. — Les Membres actifs paient une cotisation
annuelle de 20 francs. — Les Membres reçus en Novembre
ou Décembre ne sont tenus de payer leur cotisation qu’à
partir du 1° Janvier suivant.
La présentation des Membres actifs, signée par deux
Membres titulaires, est remise en séance au président.
ART. 6 (modifié). — Les Membres correspondants paient
une cotisation annuelle de 5 francs ou, à leur choix, une
somme unique de 50 francs.
Leur présentation a lieu de la même manière que pour
les Membres actifs.
COMPTE-RENDU DES SÉANCES
(EXTRAIT DES PROCÉÈS-VERBAUX).
Séance du 3 janvier 1877.
PRÉSIDENCE DE M. DUFFOUR, vice-président.
Le procès-verbal de la séance du 27 décembre 1876 est lu
et adopté. — La Société vote l'abonnement à différents jour-
naux. M. Valéry-Mayet fait une conférence sur les nymphes
ou chrysalides des insectes.
Séance du 8 janvier 1877.
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Lecture et adoption du procès-verbal. — M. Duffour fait
don à la Société d'une brochure qu’il publie sur les cépages
américains. — L'ordre du jour appelle la discussion du règle-
ment. — Le projet présenté par la Commission est adopté. —
M. Bastide présente à la Société le nouvel appareil dont ilest
l'inventeur pour l'emploi du sulfure de carbone contre le phyl-
loxera.
Séance du 17 janvier 1877.
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. — M. le Président donne com-
— 18 —
munication des lettres de MM. Martins et Doûmet acceptant
le titre de membres honoraires.
Conférence sur les Araignées
Par M. VALERY MAYET
MESSIEURS,
Je vous ai dit dans notre dernière séance que je vous parlerais
aujourd’hui des araignées et que je me proposais de les réhabiliter
dans l'opinion d’un grand nombre d’entre vous.
Peu d'animaux ont été en effet plus calomniés et bien peu cepen-
dant sont aussi dignes d’admiration.
Léon Dufour de l’Institut, le grand anatomiste que la France a
perdu il y a quelques années, disait que dans le monde des ani-
maux articulés, les araignées représentaient l’Institut. Je me suis
souvent souvenu du mot du grand naturaliste en admirant les
mœurs de ces petits animaux.
Les araignées font partie de l’embranchement des articulés et de
la classe des arachnides. Ces derniers se divisent en deux groupes
principaux : ceux qui respirent par des trachées ou vaisseaux
aériens qui vont trouver le sang et ceux qui respirent par des pou-
mons. Les araignées proprement dites font partie de ce dernier
groupe. Au premier appartiennent les acarus et les faucheurs.
L'un et l’autre de ces groupes possèdent des caractères communs.
Ils sont carnassiers et ne subissent pas comme les insectes de méta-
morphoses proprement dites. Ils ont toujours huit pattes quand ils
sont adultes. Le corps est composé de deux tronçons seulement le
cephalothorax formé de la réunion de la tête, et du thorax et l’ab-
domen. Les yeux sont toujours simples et arrondis, c’est-à-dire
non réunis en facettes hexagonales et juxtaposées comme dans les
yeux composés des insectes.
Parlons d’abord des arachnides à trachées, ce sont les moins inté-
ressants et je nem'’étendrai pas longuement sur leur compte. Parmi
les acariens nous trouvons la mite du fromage, animalcule qui
parfois se multiplie en si grand nombre sur les fromages qui ont
séjourné dans les caves, que leur masse grisâtre ressemble à une
— 19 —
poussière vivante. Le sarcopte de la gale est encore un acarien.
Cet arachnide microscopique, en s’introduisant dans la peau, occa-
sionne la maladie éruptive connue sous le nom de gale. Je vous fais
passer, Messieurs, une photographie faite au microscope solaire,
photographie aux cinq cents diamètres de cet incommode animal;
elle a été faite par M. Guinard de Montpellier,le micrographe dis-
tingué dont vous avez peut-être lu les savants articles dans la Revue
des sciences naturelles.
Les faucheurs sont ces araignées à longues pattes qui ne font
pas de toile et que l’on rencontre en si grand nombre plaquées
contre le tronc des arbres. Entre les arachnides à trachées dont je
viens de parler et les arachnides à poumons, il y en a qui respirent
par des espèces de branchies extérieures, ce sont les scorpions. Ces
branchies sont en forme de lames ou de peignes placés sous le
ventre et peuvent, à la rigueur, être regardées comme des poumons
extérieurs, car dans les poches pulmonaires des araignées nous
retrouvons ces lamelles faisant l'office de branchies. Les scorpions
font donc, dans la classification, partie des arachnides pulmonai-
res. Ces animaux sont bien connus par l’arme redoutable dont la
nature a pourvu l'extrémité de leur queue pour donner rapide-
ment la mort à leur proie. Cette arme leur sert également de dé-
fense et dans les pays tropicaux les accidents causés par la piqûre
des scorpions sont fréquents. En France nous n’avons que deux es-
pèces, le petit scorpion noir répandu dans toutle Midi et le grand
scorpion blanc (scorpio occitanus) qui abonde sous les pierres de tou.
tes les ! falaises de la Méditerranée. Cette dernière espèce s’écarte
peu de la mer. Elle se trouve à Port-Vendres, à Cette, à Toulon, à
Nice d’autant plus abondante que la localité est plus près de la mer.
Je l’ai pourtant prise dans les garrigues de Frontignan et près de
St-Martin de Londres sur une garrigue qui fait partie du massif du
pic St-Loup. La piqûre du petit scorpion peut se comparer à celle
d’une abeille ou d’une guêpe, celle du scorpion blanc est plus grave,
peut donner une enflûre considérable et même de la fièvre pendant
plusieurs jours. Je n’ai pas oui dire qu’en France elle ait occa-
sionné la mort de personne.
En m’entendant parler de l’acarus de la gale et des scorpions
vous vous demandez sans doute si ce sont là des animaux capables
de réhabiliter les arachnides que je vous ai dit avoir été bien sou-
nr 00
vent calomniés. J'avoue qu'à part certains acarus qui vivent dans
le fumier et les déjections des animaux domestiques et qui ont
l'instinct remarquable de monter sur les bousiers pour changer de
résidence quand le fumier ou les déjections commencent à ne plus
être à leur convenance, les mœurs des animaux dont je viens de
vous parler n’offrent rien de bien curieux. J’ai hâte d'arriver aux
araignées proprement dites, aux espèces qui, par leurs merveil-
leux instincts, provoquent l’admiration des hommes les plus in-
différents.
Commencons par une espèce bien commune dans nos maisons,
l’araignée domestique. Avec quel art elle sait proportionner l’épais-
seur et la résistance de son triangle de toile suivant qu’elle le cons-
truit dans un appartement fermé ou dans une cour exposée. à
toutes les intempéries. Une araignée bien commune dans nos jar-
dins, c’est l’épeire diadème. Vous la connaissez tous; mais vous
n’avez peut-être jamais admiré l’habileté dont elle fait preuve pour
établir son filet vertical soutenu par des fils nombreux qui vont
d’un arbre à un autre. Quand le temps est calme le nombre des fils
est beaucoup moins considérable et ceux qui viennent à se casser ne
sont pas réparés; mais si le vent souffle, si seulement la tempête
menace, observez avec quelle activité fébrile elle place de tous les
côtés des amarres de sûreté. Cette espèce est un excellent baromètre.
Quand sa toile x été brisée par le vent et la pluie, et que blottie
sous une feuille elle s’est mise à l’abri de la tourmente si elle ne
se remet pas à l’œuvre malgré le calme de l’air et la pureté du
ciel, c’est que le beau temps n’est pas assuré. Si au contraire vous
la voyez, le matin, tendre ses fils et se mettre à tisser, vous pouvez
compter sur une belle journée. Vous êtes-vous demandé comment
une épeire s’y prend pour placer le premier fil qui soutient tout
son édifice. Pour qui juge superficiellement, l’araignée est descen-
due sur le sol, a été accrocher son fil et est revenue à son point de
départ sur cette passerelle improvisée. Il n’en est rien cependant.
Supposez un ruisseau coulant entre les deux points d’attache de la
passerelle, l’obstacle n’a pas arrêté l’araignée, elle s’est tournée,
a dirigé ses filières droit au but et a lancé vivement un fil qui, bien
dirigé, a été se fixer au mur ou à l’arbre d’en face, c’est ce que
l'expérience a démontré à tous les observateurs. Certaines arai-
gnées usent de ce moyen pour échapper à un danger. Léon Duffour
Dr =
cite une épeire qu’il avait mise sur son doigt et qui lui échappa
au moyen d’un fil lancé contre un toit de maison placé à dix mè-
tres de distance. Il ne distinguait pas le fil; mais la funambule
voltigeait rapidement sur cette corde inaperçue.
Puisque je suis à vous parler des araignées qui lancent des fils
en l'air, c’est le cas de vous dire quelques mots des fils de la
Vierge. Tout le monde sait ce que je veux dire par ce nom poéti-
que de fils de la Vierge. Qui n’a pas été témoin, en automne sur-
tout, de la chute de ces toiles d'araignées venant des régions éle-
vées de l’atmosphère. D'où proviennent-elles, qui les a lancées dans
l'air et pourquoi tombent-elles? On a été longtemps à se le deman-
_ der.Un ancien secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences,
Walckenaer, en 1802, est la première autorité scientifique qui en
ait parlé. Son opinion était que ces fils ne sont que les débris
d'anciennes toiles d'araignées arrachées par les vents et transportées
dans les airs. Cette opinion que je n’hésite pas à taxer d’erronnée,
a prévalu longtemps. Ce n’est qu’en 1845 que Darwin qui n’était
pas encore célèbre, mais qui n’en était pas moins un observateur
consciencieux, raconta dans son journal de voyage à bord du vais-
seau le Beagle (page 159) que, se trouvant le 1er novembre à soixante
mille au large du Rio de la Plata, il vit tomber sur le pont du na-
vire un grand nombre de fils de la Vierge sur lesquels se trouvaient
une quantité prodigieuse de petites araignées. — Les choses en
étaient là quand en 1867, un religieux de Villefranche-sur-Saône,
le R. P. Babaz, de l’ordre des jésuites, présenta à l’Académie des
sciences (séance du 18 mars), un mémoire intitulé : le Vol des arai-
gnées et les fils de la Vierge. Ce mémoire de 14 pages que j'ai lu atten-
tivement, témoigne d’une grande sagacité d’observation de la part
de son auteur. Il contient des faits nombreux et très-extraordinai-
res qui confirment pleinement l'affirmation de Darwin. Ils jettent
un jour nouveau sur la question en ce qu’ils prouvent que les
araignées lancent des fils en l'air et que ices fils ont si peu de
densité qu’ils sont enlevés, avec les araignées qui les ont produits
par le moindre courant d’air ascendant. Le Père Babaz va même
trop loin et fait preuve en cela d’une imagination qui demanderait
à être réglée. Il va jusqu’à supposer que les araignées s'élèvent
parfois sans lancer de fils et il se demande si elles ne seraient pas
soutenues en l'air par la distension d’une vésicule intérieure ant-
700
logue à celle des poissons. J’aime mieux croire que si le Père
Babaz n’a pas vu le fil qui supportait l’araignée c’est qu’il était
d’une ténuité extrême. Reste à savoir combien de temps les arai-
gnées peuvent séjourner en l'air. Aucune observation sérieuse ne
me paraît avoir été faite à cet égard. Le Père Babaz en est réduit
aux conjectures. Il affirme seulement que les ascensions se font
surtont au printemps, les jours calmes et sereins, et les descentes
surtout à l'automne, après des brouillards épais qui se condensent
sur les fils et les alourdissent. Il s’en suit, d’après lui, que certai-
nes araignées passent tout l'été dans les régions élevées de l’atmos-
phère, se nourrissant de petits insectes qui viennent se poser sur
leurs flocons soyeux et dont on trouve les débris sur les fils de la
Vierge tombant en automne. Tout ceci est possible, mais mérite
confirmation.
Les observations du Père Babaz ont été faites sur plusieurs es-
pèces, entre autres sur les Thomises bufo.
Au risque de vous raconter ce que vous savez déjà, je ne puis.
vous parler araignée sans vous dire en passant quelques mots
de la merveilleuse cloche à plongeur de l’argyronète aquatique.
Cette espèce vit dans les eaux stagnantes: mais pas plus que ses
congénères elle ne peut respirer au fond de l’eau. Il faut donc
qu’elle tourne la difficulté. Elle se file dans l’eau une cloche en forme
de dé à coudre et d’un tissu assez serré pour qu'il puisse contenir
de l’air. Elle l’assujettit aux corps immergés au moyens de fils et
ya place de manière à ce que l'ouverture se trouve à la partie infé-
rieure. Après l'avoir ainsi fixée, elle s'élève à la surface de l’eau
au moyen d’un fil réservé à cet effet, prend sous son ventre une
provision d’air et la porte dans la cloche dont elle chasse ainsi une
certaine quantité d’eau. Au moyen de voyages répétés, la cloche
est bientot remplie d’air, c’est alors que l’araignée s’y met en em-
buscade prête à saisir les insectes aquatiques passant à sa portée.
Léon Duffour a observé souvent l’argyronète et l’a parfois trouvée
dans sa loge entourée de ses petits.
Les araignées qui construisent leurs retraites dans la terre sont
nombreuses, les unes ne font qu'utiliser des cavités existantes déjà
et les tapissent de soies, les autres se creusent de véritables puits.
Parmi ces dernières je me contenterai de vous citer le genre
2 29
Mygale qui appartient aux deux continents. Une grosse espèce de
ce genre habite les parties équatoriales de l’Amérique et attaque,
dit-on, jusqu'aux oiseaux-mouches, ce qui lui a fait donner le nom
de Mygale aviculaire. En France nous avons une Mygale qui a des
mœurs merveilleuses, la Mygale pionnière. Je l’ai observée souvent
aux environs de Montpellier où elle abonde. Elle creuse un puits
qu’elle tapisse de soie et le ferme à son orifice par une porte, une
vraie porte qui se meut sur des gonds faits de toile solide. J’ai
recueilli en Corse, aux environs d’Ajaccio, une espèce spéciale à
cette île et qui est voisine de la précédente. Elle est seulement beau-
coup plus grosse. Je suis heureux de faire passer sous vos yeux les
quatre terriers que j'ai en ma possession. Je les ai extraits avec
soin, rapportés en France avec la motte de terre qui les renferme
et placés, comme vous le voyez, dans un pot à fleurs. Vous pouvez
admirer avec quel art la porte est construite. L’extérieur de cette
poterne a un aspect rugueux qui la dissimule très-bien aux yeux
du passant, l’intérieur est au contraire garni d’unitissu de soie très-
fine. Plusieurs trous sont ménagés dans ce tissu pour que l’arai-
gnée puisse, en cas de danger, se cramponner à sa porte unguibus
et rostro et la retenir vigoureusement. Quand l'araignée part pour
la chasse, elle soulève sa trappe, regarde si aucun ennemi ne me-
nace, sort et laisse retomber l’opercule. Au retour elle le soulève
avec ses griffes, se glisse dans l’ouverture et disparaît dans son
réduit. Je vous ai montré la maison, voici l’architecte. J’ai eu soin
en effet de mettre dans un tube à esprit de vin les quatre habi-
tants que j'ai trouvés au fond de ces merveilleux terriers. Ce sont,
comme vous le voyez, de grosses araignées d’un brun clair recou-
vertes d’un duvet velouté et qui n’ont rien dans leur tournure qui
révèle les mœurs admirables que je viens de vous signaler.
Voilà, Messieurs, à peu près tout ce que je m'étais proposé de
vous dire ce soir. J’aurais pu vous raconter encore l’histoire de bon
nombre d’industrieuses araignées ; mais je craindrais de fatiguer
votre attention. Je me propose de vous entretenir dans une de nos
prochaines séances d’un sujet intéressant: Les sens chez les insectes.
PERL] Vire
Séance du 24 janvier 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. — M. le Président donne com-
munication des lettres de MM. Marquet et Lichtenstein ac-
ceptant le titre de membres honoraires. — M. Valéry-Mayet
présente à la Société les brochures suivantes :
Catalogue des Coléoptères de l'Hérault Are partie.
id. ge parlie.
id. &me parte.
Tableau des espèces Européennes du genre Clythra. — Par
M. Marquet.
M. Chalon fait une conférence sur le rôle des insectes dans
la fécondation des plantes.
Séance du 31 janvier 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. — M. le Président donne com-
munication des lettres de MM. Duval-Jouve et Cairol accep-
tant le titre de membres honoraires. — M. Sabaiier-Désar-
nauds donne lecture d’une notice sur les terrains jurassiques
des environs de Béziers.
Note sur les Terrains secondaires des environs
de Béziers
Par M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Les deux localités dans nos environs qui se prêtent le mieux à
l’étude des terrains secondaires sont la petite commune de Fouzil-
lon, située au Nord-Est de Magalas, dont la riche faune est deve-
nue classique, et la partie Nord du territoire de Cazouls, dont les
masses calcaires, bien qu'offrant des difficultés par leurs failles et
EX AE
leurs plis, permettent cependant au géologue d'établir l’indépen-
dance des horizons.
Si nous arrivons à Fouzillon par le Nord-Ouest, après avoir
traversé les argiles et les grès permiens (1), qui forment en ce
point la constitution de son sol avec les grès du trias, et reconnu
l'existence d’un muschelkak rudimentaire, nous apercevons le village
bâti sur un mamelon qui domine le paysage et dont la rampe
du côté Sud offre au regard du stratigraphe les couches multico-
lores des marnes irisées. Après avoir constaté la présence de l’infrà
lias avec calcaires blanchâtres siliceux et cargneules que nous laissons
sur la droite, nous renoncons à la recherce de l'horizon à avicula
contorta représenté par des calcaires jaunâtres à grains de quartz ou
par des grès blancs avec lumachelles à Magalas et à Autignac.
Nous nous trouvons alors au milieu d’un petit bassin dont la terre
végétale cache l'horizon géologique et il faut encore vingt minutes
pour atteindre de vastes étendues de garrigues ravinées par les
eaux.
C’est au milieu de ce sol aride et désert que l’amateur de fossiles
trouve une riche moisson. Dans les marnes jaunes et noires qui
constituent ici l'étage toarcien, dans les dépressions et surtout
dans les ravins, nous avons recueilli avec les belemnites acuarius et
digitalis, une arca, la leda rostralis, turbo subduplicatus, ammonites
bifrons, radians et variabilis. Cette dernière espèce se présente ordi-
nairement en nombreuses variétés, lesquelles mises en ligne, à côté,
et disposées d’après leurs traits de ressemblance, peuvent se relier
graduellement les unes aux autres.
Dans ces ravines, on voit aussi empatées dans les marnes noires
des géodes à couches concentriques et d’un noir bleuâtre, qui con-
tiennent les plus beaux échantillons d'’ammonites et donnent au choc
du marteau une odeur fétide; et à ce sujet je dois faire mention
de coprolites et de vertèbres trouvés près de là, et appartenant
sans doute à une espèce de ces grands 'sauriens, tels qu'Ichthyosau-
res et Plésiosaures , qui à cette époque parcouraient la'surface des
mers à la poursuite de leur proie (2). Revenant aux ammonites,
(4) Des empreintes de petits reptiles dont les pieds ont le plus grand rapport avec ceux d’oi-
seaux, ont été trouvés dans ces grès à Laurens.
(2) C’est pendant la période jurassique que les marsupiaux ont fait leur apparition. La flore a
aussi changé de caractère et les cycadés ont pris un grand développement.
96 —
nous devons reconnaître que ces espèces de céphalopodes sont très-
nombreuses et jouent un très-grand rôle dans les étages jurassiques
et crétacés. Elles ont en géologie la même importance que les dy-
nasties dans l’histoire des anciens peuples, chacune caractérisant
en quelque sorte un horizon distinct.
Après une demi-heure de marche, nous nous trouvons en face
d'un bourrelet calcaire et des blocs éboulés nous donnent le pecten
æquivalvis et la gryphée cymbium. Ce calcaire marneux et bleuâtre,
quoique se présentant en saillie, se rattache à la partie supérieure du
lias moyen et nese trouve en contact avec les marnes que par le fait
d’une dénivellation faisant présumer l'existence d'une faille. En
continuant vers le Sud, nous rencontrons un autre calcaire. Celui-là
gris et marneux avec taches ferrugineuses et cancellophicus scopa-
rius, fucoïdes qui vivaient dans les mers de cette époque et carac-
térisent l'étage bajocien ou oolithe inférieure. Telle est la coupe des
terrains jurassiques dans la commuue de Fouzillon où ils dispa-
raissent sous les marnes rutilantes du garumien ou sous les grès
tertiaires.
Les étages jurassiques se montrent avec plus de régularité au
Nord de Cazouls, aux environs de l'établissement thermal de Mont-
majou où nous allons les étudier.
En arrivant au pied des collines qui s’étagent au Nord, nous
apercevons les gypsières qui fournissent du plâtre au pays; de
même que celles de Fouzillon, elles forment une énorme lentille au
milieu des marnes irisées ; une recherche attentive nous fera met-
tre la main sur quelques beaux échantillons de quartz pyrami-
dés , dont les cristaux témoignent en faveur d'une origine geysé-
rlenne.
Non loin de là coule le ruisseau de Jappe-loup, que nous remon-
tons jusqu'à l'établissement thermal, qui est construit au fond
d'une vallée retrécie, et nous découvrons une rangée de collines qui
s'alignent dans la direction du Nord-Est au Sud-Ouest. Ce sont
autant de plissements occasionnés par la pression latérale, alors
que les étages anciens sous-jacents s'effondraient par le fait de la
contraction, que nous devons considérer comme la force initiale des
accidents qui affectent l'écorce iterrestre. Des failles ou fractures
se sont alors produites suivant les lignes synclinales dans la direc-
tion Nord-Est Sud-Ouest, qui me paraît correspondre à l'axe de
RC
LR —
cette partie des Cévennes ainsi que dans une direction perpendicu-
laire à cet axe.
La dislocation de ces étages, qui sont surmontés de dolomie,
rend la stratigraphie difficile, particulièrement là ou les parties
dolomitiques sont en contact de faille. Cette constatation de dolo-
mies superposées à divers étages doit nous prémunir contre le dan-
ger que court le géologue en voulant préciser de semblables horizons
sans des données de la plus grande exactitude.
Le moyen le plus sûr pour nous de faire la clarté dans nos
étages, c'est de remonter le cours de deux petits ruisseaux situés à
l'Est et parallèles tous deux à celui de la Jappe. Ayant déjà re-
connu l'inclinaison des strates qui est généralement le Nord-Ouest,
nous pourrons ici suivre la succession normale des terrains et re-
connaître leur pétrographie.
L’infrà lias se compose d’un calcaire d’un blanc sale siliceux au-
quel succède un calcaire grisâtre passant dans le haut à la dolo-
mie. On remarque à cet horizon les cargneules dont la texture
vacuolaire dénote de grands dégagements de gaz. Le lias moyen
apparaît aussi représenté par un calcaire bleu marneux avec les
marnes liasiques qui supportent l’oolithe inférieure. Enfin un beau
développement de cette oolithe se montre surtout à droite et à gau-
che dela ligne que nous avons suivie. Cet étage est formé d’un cal-
caire gris marneux très-spathique, passant dans la partie supérieure
à un système de plaquettes avec nodosités siliceuses, et le tout re-
couvert de dolomie. Mes excursions à Montmajou n’ont pas été
productives en fossiles ; je n’ai pu rapporter qu’un moule de car-
dinie de l’infrà lias blanc et quelques rhynchonelles de l’oolithe in-
férieure. Ce dernier gisement est très-rapproché de la source purgative
de Montmajou, qui a les plus grands rapports avec celle d’Epsom, en
Angleterre, et contient aussi beaucoup de magnésie. Il est curieux
de faire le rapprochement de cette paisible source avec les geysers
bouillonnants des temps secondaires, qui ont imprégné de magnésie
nos roches jurassiques ; enfin avant de quitter ce vallon, signalons
les émissions ferrugineuses (hydrate de fer, bauxite) qui se déta-
chent sur les tons clairs des calcaires et sont contemporaines des
poudingues polygéniques et argiles rouges (1) garumniennes auxquel-
(1) Ce fer sydérolithique est arrivé à la surface par les fractures qui sillonnent le terrain juras-
Sique pendant la période troublée qui a suivi le dépôt du calcaire de Rognac.
To —
les elles ont communiqué leurs vives couleurs.. On s’expliquera fort
bien leur présence par le voisinage des calcaires gris et roses, (équi-
valent de Rognac) à Foncaude, et aussi aux moulins de Rials où ils
forment un chaos à travers lequel coule l’Orb.
Il reste encore un détail des plus intéressants, et que nous avons
cru ne devoir point négliger. Le fait auquel je fais ainsi allusion
n’est rien moins qu'un amas de blocs, dernier vestige du rivage
de la mer tertiaire, surles bords d’un des ruisseaux mentionnés.
En dehors des deux localités où nous venons d’étudier nos ter-
rains secondaires, il convient de citer deux pointements à travers
la formation tertiaire, d’abord celui de Pech-Mai ran, près du village
de Maureilhan ; on y voit des schistes noirs reposant sur le trias et
surmontés d’un calcaire à entroques avec débris coquilliers, horizon
probable des avicules. L'autre gisement est celui dela Galiberte au
Sud-Ouest de Béziers; c’est un îlot d’un calcaire bleuâtre très
spathique, n’ayant fourni encore aucun fossile, si ce n’est quelques
débris d’ostracées provenant de plaquettes marneuses situées à la
base. Nous étions disposé à reporter à un terme supérieur de la
série, à l’'Oxfordien peut-être ce calcaire si différent de notre o0-
lithe, lorsque notre ami, M. Lamouroux, dont nous déplorons la
fin prématurée, nous fit observer qu'il était en tout identique avec
celui du même horizon dans le Gard, horizon dans lequel nous
avons cru devoir le conserver. Ce calcaire, contre lequel s'appuie
au Sud une formation lacustre quaternaire, est des plus intéressants
par ses hélix (1) aux brillantes couleurs, et supporte quelques faibles
lambeaux de poudingue fleuri dans sa partie Nord; c’est lui qui
fournit les matériaux employés pour l’entretien de nos rôutes.
L'énumération que nous venons de faire des étages secondaires
ne sert qu’à nous faire mieux apprécier les nombreuses lacunes qui
vont de l'Oxfordien au calcaire de Rognac, représentant incontesté
de la craie danienne (2). Les conditions n’ont, sans doute, pas été
favorables pour certains de ces dépôts, qui sont très-développés
dans les arrondissements de Lodève et de Montpellier : toutefois
nous croyons utile de rappeler la présence de l’Urgo aptien qui
forme le bombement de la Clape dans le département de l'Aude,
à une petite distance de notre sol. Cette petite montagne est re-
(4) Au nombre de ces hélix se trouve l’hélix nemoralis.
(2) Le calcaire garumnien, développé à Fonfroide, plonge vers le Sud.
. Due
En —
couverte des grès du Gault sur le versant Nord-Est, et bien qu'il
ne reste pas plus de vestiges de cet étage que des autres dans le
territoire de Béziers, il n’y a rien de contraire à la raison d’ad-
mettre que de semblables dépôts côtiers aient pu s'étendre jusque
sur notre sol et aient disparu plus tard par le fait de l’érosion.
Quoiqu'il en soit, le calcaire d’eau douce de Rognac si développé
au Nord, depuis Causses et Veyran jusqu’à Puisserguier, fait sup-
poser le voisinage de grandes terres émergées, et une période tran-
quille pendant laquelle se sont effectués ces dépôts; de grands
changements se sont produits après, et la période d’agitation qui
lui succède est marquée par des poudingues polygéniques et des
argiles ferrugineuses avec pisolithes, période qui dut voir un grand
accroissement de relief dans nos Cévennes et nos Corbières et qui
donne la date approximative du commencement de formation des
Pyrénées (1) et des escarpements de la vallée du Rhône, puisque
ces montagnes sont à peu près du même âge et que le poudingue
fleuri ou brèche du Tholonet, aux environs de Toulon, est un té-
moin de ces mêmes dépôts tumultueux.
Le travail dynamique des Pyrénées et des chaînes du même âge
a dû se continuer dans les périodes suivantes, à l’époque éocène,
quand les fonds de la mer nummulitique étaient redressés, et pen-
dant que notre bassin était comblé par les dépôts lacustres de
Causses et Veyran, horizon du lophiodon d’Yssel et de Castelnau-
dary , ainsi que par l’oligocène (horizon de Béziers et de Nissan),
jusqu’au miocène dont les strates sont horizontales aux pieds des
Pyrénées.
Les Pyrénées, comme aussi les Corbières et les plissements ju-
rassiques et lacustres qui servent de contreforts à nos Cévennes,
ne sont que des cuntre-coups d’un grand phénomène, je veux parler
de l’affaissement qui s’est produit dans notre bassin littoral ainsi
que dans celui qui constitue la grande plaine située entre les Py-
rénées et la Montagne-Noire.
Ce 15 janvier 1877
(1) La présence, dans les Pyrénées, de terrains paléozoïques très disloqués nous fait considérer
ces terrains comme formant un axe de soulèvement dès la fin des temps primaires,
= D —
Séance du 7 février 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. — Sur la proposition du bu-
reau la Société décide que le titre de membre honoraire sera
offert à MM. Noulet et Coursière.
Sont offerts à la Société :
4° Pecten térébratuliformis. — Don de M. Lagarde.
20 Dents de Squales de l’époque Miocène, id.
3° Ammonités racuinianus de l'Aveyron. — Don de M.
Jumeau.
Pour la Bibliothèque :
Le L'Hérault-Historique, publication ms de M. Albert
Fabre. — Don de lauteur.
20 Étude sur le Vesperus-Xataru, par M. Valéry-Mayet.
— Don de l'auteur.
M. Valéry-Mayet fait une conférence au point de vue ento-
mologique sur le Phylloxera,
Séance du 21 février 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. — Sur la proposition du bu-
reau, la Société décide que le titre de membre honoraire sera
offert à M. de Saporta.
Sont offerts à la Société :
lo Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, 16m
année.
20 Notes pour servir à l’histoire des insectes du genre Phyl-
loxera, par M. Lichtenstein, Bruxelles 1877. — Don de l’au-
teur.
M. Cannat fait une conférence sur les théories géologiques
et paléontologiques.
— 31 —
Séance du 28 février 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. — M. le Président donne com-
munication de la lettre de M. Noulet acceptant le titre de
membre honoraire.
Sont offerts à la Société :
1° L’âge de la pierre polie au Cambodge, par le docteur
Noulet, Toulouse 1877. — Don de l'auteur.
20 Études sur la Moule commune ( Mytilus edulis), par le
docteur Armand Sabatier, professeur à la Faculté des Sciences,
Montpellier 1877. — Don de l’auteur.
Conférence sur Ia VARIOLE
Par M. LE D' POUJADE,
MESSIEURS,
A l’occasion d’une épidémie de variole constatée dans notre ville,
vous avez désiré être mis au courant de la question des revaccina-
tions, dernier terme, à notre époque, de la prophylaxie de cette
cruelle maladie. |
Je remercie notre sympathique Président d’avoir bien voulu,
dans la circonstance, me confier la tâche de vous dire quelques
mots à ce sujet, et, comme je ne dois l’honneur qu’il m'a fait qu’à
la profession que j’exerce, je vous prie de m’accorder l’indulgence
que vous ne refuserez jamais, J'en suis sûr, à tous ceux qui vou-
dront apporter leur petit tribut à l’œuvre que vous vous êtes
proposés d’édifier en créant cette Société dont je m’honore de faire
partie. Je n’aurais dû, aux termes du programme que vous m’avez
tracé, qu’essayer de vous démontrer la nécessité des revaccinations;
mais pour en donner de bonnes preuves, je suis obligé de prendre
la question de plus loin, de vous entretenir, en premier lieu, de la
D
maladie qui a nécessité la vaccine et du virus qui la produit, la
variole et le virus varioleux.
En second lieu, de vous parler du virus vaccin, de la vaccine et
de toutes les questions qui s’y rattachent.
D’entrer, enfin, dans la question de la valeur, de l'oppOrsESe
et de la nécessité des revaccinations.
Avant de commencer mon exposé, je crois nécessaire de vous
avertir que vous n’y trouverez pas des nouveautés, que j'ai puisé
largement dans tout ce qui a été écrit sur le sujet, et si j'oublie,
dans ie cours de ma causerie, de citer nos auteurs , je tiens à ré-
pondre d’avance à tous ceux qui pourraient m'’accuser de plagiat
que je n’ai nullement la prétention d'innover, heureux si je puis
bien vous rendre compte de ce que j'ai lu dans les œuvres de Gri-
solle — Trousseau — Robin — Littré — CI. Bernard — du doc-
teur Armand — de Michel Lévy — de Chauveau — Papillon —
Lacassagne — Collin — Anglade et autres qu’il serait trop long de
vous énumérer. J’ai puisé aussi largement dans les monographies
des docteurs Lalagade (d'Albi) et Bédoin, médecin-major de l’armée.
Messieurs,
Je viens de prononcer tout à l’heure les termes de virus vario-
leux et de virus vaccin.
Y a-t-il donc des virus, et qu'est-ce qu’un virus ?
À la première de ces questions je répondrai simplement que
toutes les maladies contagieuses sont actuellement considérées
comme produites par l’inoculation médiate ou immédiate d’un pré-
tendu virus, ce qui n'implique en rien l’existence réelle du virus
puisque la plupart des hommes qui se sont occupés de cette ques-
tion ardue ont nié cette existence et ont tourné la difficulté en disant
qu’il n'existe que des matières virulentes.
Ceci ressemble à un paradoxe, mais il y a pour l’admettre les
raisons que je vais essayer de vous donner. |
Il est évident, et nous sommes obligés d'admettre comme con-
clusion des travaux de tous les biologistes modernes, parmi lesquels
je citerai en première ligne MM. Robin et Chauveau, il est évident,
dis-je, qu’on ne peut rechercher les virus que dans les excrétions
morbides des malades atteints d’affections contagieuses ou viru-
lentes.
ARS —
Ces excrétions sont, pour les cas qui nous occupent, la cérosité
des pustules varioliques, les croûtes de la période de desquamation
et le détritus de ces croûtes qui se trouvent dans l’atmosphère des
malades; ceci nous expliquera pour cette maladie et le trans-
fert de la contagion à distance et la contagion médiate par la co-
habitation.
Or, malgré tous les soins qu'ont mis les chimistes et les physiolo-
gistes les plus consciencieux à faire l’analyse de ces divers pro-
duits morbides, ils n’ont jamais pu y trouver autre chose que ce
que l’on trouve dans la matière normale albuminoïde. Les proto-
organismes, mycrosimas, mycrosoaires, etc., qu’on y a rencontrés,
se trouvent dans toutes les matières organiques mises au contact
de l’air soit directement soit par endosmose et, une preuve évidente
est que plus la pustule variolique même vaccinale est récente,
moins l’analyse ou le microscope découvrent de ces proto-organismes.
Chacun sait que les matières albuminoïdes normales sont entiè-
rement amorphes, et il résulte des nombreuses expériences de MM.
Robin ef Chauveau que les matières virulentes ne sont que ces
mêmes matières modifiées isométriquement ou moléculairement et
que ce changement n’a pas encore pu être décelé soit par l’analyse
soit par le microscope. Il y a, entr’elles, d’après Papillon, la
même différence qu'entre le phosphore rouge amorphe et le phos-
phore ordinaire : elles sont identiques quant à leur composition, mais
jouissent de propriétés différentes.
Nous admettrons quand même, Messieurs, le terme de virus con-
sacré par l'habitude et qui se trouve inscrit dans nos livres scien-
tifiques et nous nous occuperons surtout des virus qui nous inté-
ressent : le virus varioleux et le virus vaccin.
Avant d’entrer dans l’étude des états morbides qu’ils déterminent
dans l’organisme, permettez-moi d'attirer votre attention sur la
différence de leur mode d’action.
Tandis que le contage du vaccin ne se communique que par
l’inoculation, c’est-à-dire par son introduction dans une plaie faite
aux téguments, le virus varioleux se propage de plusieurs façons :
1° par inoculation ; 2° par contact immédiat ; 3° par absorption des
molécules impalpables provenant des croûtes des boutons desséchés
et qui peuveut être transportées au loin par les vents et même
peut-être par des insectes, ainsi qu’il arrive des graines des végé-
— 34 —
taux auxquelles on a comparé quelquefois, et avec raison, les virus
contagieux.
D’après ce que je viens de vous dire, vous voyez, Messieurs, que
l'on ne sait pas grand chose des virus et par conséquent de la
contagion; mais nous savons que la contagion existe et que la ma-
ladie qui nous occupe, la variole, tient un des premiers rangs parmi
les maladies contagieuses.
Malgré l'opinion de quelques auteurs qui prétendent en avoir
trouvé la description dans les livres sacrés de l’Inde, tout le monde
médical admet aujourd’hui que la variole n’a pas existé de tout
temps. En effet, ni Hippocrate, ni Galien, ni Aétius n’en parlent ;
on n’en trouve de description exacte dans les auteurs que vers la fin
du IXme siècle. Elle fut importée en Europe par les Sarrazins lors de
leurs invasions en Espagne. Les Espagnols la transportèrent dans le
Nouveau-Monde.
Quoi qu’il en soit de ces discussions de date et d’origine, le fait
qui doit nous intéresser c’est qu’elle règne actuellement dans le
monde entier, ne se montrant parfois que par cas isolés, "mais pre-
nant aussi assez souvent la forme épidémique.
Je ne vous ferai pas la description de cette maladie que vous
connaissez tous et qui, déjà si terrible par la mortalité qu’elle oc-
casionne, a, en outre, le triste privilége de défigurer horriblement
quelquefois, d’enlaidir toujours les personnes dont elle épargne la
vie après les avoir fait cruellement souffrir. Je me contenterai de
vous donner une idée des ravages qu’elle produisait avant qu'on
eut trouvé un moyen d’enrayer un peu sa marche.
Condamine, membre de l’Académie des sciences, a dressé une
statistique dans laquelle il établit qu’à la fin du XVIII siècle le
nombre des gens atteints de la variole en France était de 1/7m°.
En temps d’épidémie il peut s’augmenter indéfiniment si on ne
l’entrave pas par les vaccinations et les revaccinations.
Quant à la mortalité, d’après Michel Lévy, on comptait en Eu-
rope, avant la vaccine, un décès sur 10 malades. On n’en compte
plus aujourd’hui que 1 sur 2,378.
Maintenant, Messieurs, que je vous ai donné une idée succincte
de la gravité de cette maladie, permettez-moi de vous parler des
moyens qui ont été mis successivement à la disposition de la mé=
decine pour la combattre.
C4
—— fj:) cp
Ces moyens sont de deux sortes : prophylactiques et curatifs.
Quant à ces derniers ils sont bien peu efficaces, et dans tous les
cas le médecin doit se guider d’après les symptômes particuliers.
Il est toutefois un genre de remèdes dont je dois vous parler, ce
sont ceux qu’on a dirigé contre les cicatrices que la maladie laisse
sur le visage.
Cette médication dite ectrotite, d’un mot grec qui veut dire
faire avorter, a été imaginée et principalement pratiquéeen France.
Serres, Bretonneau (de Tours), Velpeau en ont été les premiers
promoteurs. Ils cautérisaient les vésicules, à mesure qu’elles appa-
raissaient, avec un crayon de nitrate d'argent. C’est un procédé un
peu long et ennuyeux, mais qui a donné entre leurs mains d'assez
bons résultats.
Sir Joseph Oliffe, médecin anglais exerçant à Paris, appliquait
sur la face un masque fait avec l’emplètre de Vigo. Briquet et
plusieurs autres médecins des hôpitaux de Paris appliquaient une
pâte formée d’onguent mercuriel épaissi avec de l’amidon. Tous
ces procédés ont donné quelques bons résultats, mais ils sont loin
d’être infaillibles. On a proposé, il y a quelques années , le badi-
geonnage avec le collodion élastique, déjà employé dans les érysi-
pèles de la face ; c’est un moyen très-douloureux, mais qui m'a
donné généralement de bons résultats.
Il est temps, Messieurs, d'aborder l’étude des moyens prophylac-
tiques qui sont au nombre de deux.
10 L’inoculation ; 2° la vaccine et les revaccinations.
Inoeulation, — Je n'ai pas grand chose à dire de l’inocula-
tion qui doit subir le sort de toutes les inventions perfectionnées.
Connue de tout temps en Chine, où on la pratique encore en fai-
sant priser les débris de la desquamation des pustules varioliques,
pratiquée depuis de longues années dans l'Inde, en Géorgie, en
Circassie, elle fut apportée de Constantinople en Europe par lady
Montagu, en 1721, mais elle ne fût accueillie en France qu’en
1756, grâce au courage (pour cette époque) du duc d'Orléans qui
A
la fit donner à ses enfants.
Il serait inutile d’en faire une panacée puisque nous avons mieux
que cela, la vaccine, mais elle a rendu de grands services avant
l’immortelle découverte attribuée à Jenner et notons, en passant,
?
que le grand maître Trousseau, n’hésitait pas à l’employer à l’hô-
— 36 —
pital Necker, alors que le vaccin manquait au début d'une épidémie
de variole. Ce serait, dans ce cas, un exemple à suivre bien qu’il
?
puisse produire des cas de variole graves et même mortels.
J’ai parlé tout à l’heure d’une panacée, et cette panacée nous
l’avons : c’est la vaccine.
Honnie par quelques-uns , accusée de produire une maladie et
d’en propager une autre (la fièvre typhoïde et la vérole), elle est
à juste titre reconnue par tous les médecins sérieux le seul préser-
vatif de la variole.
Dans une publication couronnée par l’académie de Médecine de
Belgique, mon camarade, M. le docteur Bédoin, médecin-major au
8" chasseur, à fait justice de la dernière accusation.
Tous les médecins qui ont un peu pratiqué la médecine et suivi
le mouvement scientifique des dernières années, me dispenseront de
réfuter l’autre.
\
J’ai donc à vous parler maintenant de cette vaccine tant décriée,
au grand détriment de nos populations quelquefois rebelles à ses
bienfaits et, par suite, de la seule réponse que tout homme qui a
étudié consciencieusement la question puisse faire à ses détracteurs :
les revaccinations.
Je vous ai déjà dit, Messieurs, que nous ne savions pas grand
chose sur les virus, mais qu'il était convenu d'admettre des maladies
virulentes ou contagieuses et j’ai oublié de vous dire qu’un des ca-
ractères de ces maladies est de mettre ordinairement l'individu
qu’elles atteignent une fois à l’abri d’une nouvelle attaque. Ceci,
Messieurs, a eu une grande importance dans la découverte de la
vaccine.
La vaccine, en effet, fut découverte dans les circonstances sui-
vantes. En 1774, Benjamin Jesty, fermier dans le comté de Glou-
cester, s'était apercu que les employés de sa vacherie étaient in-
demnes de la variole, ce qu’il attribua avec raison à la maladie lo-
cale qui affectait leurs mains sous forme de pustules identiques à
celles qu’il avait observées sur les trayons des vaches et il ne crai-
gnit pas d’en inoculer le pus à sa nombreuse famille qu’il préserva
ainsi de la maladie régnante. Il convient done de lui attribuer la
découverte de la vaccine.
Ceci n’enlève rien à la valeur de Jenner qui, guidé, comme le dit
DIT —
le docteur Lorain, par la tradition populaire, inocula, le 14 mai
1796, à un jeune garcon du pus pris sur les mains d’une vachère
chargée de traire une bête atteinte du cow-pox. Il eut le mérite
de faire la contre-épreuve du virus préservatif employé et, l’heu-
reuse chance de voir son sujet, James Phipps, réfractaire deux mois
plus tard à l’inoculation variolique.
Jenner avait sinon découvert, du moins démontré. l'efficacité de la
vaccine et il employa sa laborieuse vie à la propager.
Ici se présente une grave question : Qu'est-ce que le virus vaccin?
Qu'’elles relations a-t-il avec le virus de la variole? Je ne puis mieux
répondre qu’en citant textuellement mon maître, Michel Lévy,
dans son Traité d'hygiène (5"° édition. Tome II, page 391). « Le
virus vaccin et le virus variolique sont-ils identiques ? Question
déjà soulevée du temps de Jenner et qui a été résolue de nos jours
par Chauveau comme il suit : 1° la variole humaine inoculée à la
vache et au bœufproduit sur eux les mêmes effets que sur l’homme:
elle préserve la vache du cow-pox,comme celui-ci inoculé à l’homme
le préserve de la variole ; 2° Ces deux virus ont la propriété de se
remplacer sans qu'ils soient identiques, car la variole importée et
cultivée sur la vache, même à travers plusieurs générations, con-
serve sa nature et ne se convertit pas en vaccin ; replantée sur
l’homme, elle le soumet aux phénumènes généraux et aux dangers
de l’éruption variolique. Mais qu’elle est l’origine du cow-pox lui-
même? Procède-t-il de la vache ou celle-ci n’en est-elle que dépo-
sitaire ? C’est encore H. Chauveau qui a résolu la question dans le
sens de Jenner lui-même. L’affection nommée Horse-pox sore-heel,
scratchy-heel, or the grean, en français eaux aux jambes, reconnue
comme la variole du cheval, inoculable à la vache et à l’homme,
susceptible de préserver l’homme dela variole: telle est l’origine du
vaccin. » C’est du reste l’opinion de CI. Bernard.
Après la découverte de Benjamin Jesty, si admirablement appli-
quée et fécondée par Jenner, il s’écoula quelque temps avant que
la vaccine fut introduite en France et en Europe, mais elle eut
_une influence considérable sur la mortalité produite par la variole
soit dans ses cas isolés soit dans ses fréquentes épidémies.
Suivant le relevé de dix contrées de l’Europe, on comptait avant
la vaccine L décès par variole sur 10 morts, depuis on n’en compte
que 1 sur 2,378 ( M. Lévy). Avant la vaccine, sur 100 aveugles
D. ee
35 avaient perdu la vue à la suite de la variole; depuis, cette
proportion est tombée à 8 pour 100, et encore les 8 aveugles d’ori-
gine variolique examinés aux Quinze-Vingts n'avaient pas été vac-
cinés d’une manière efficace ( Dr G. Dumont cité par M. Lévy ).
Je crois avoir pu vous convaincre, Messieurs, que la vaccine a
été utile pour diminuer les cas de mort par la variole, et je ne
m'arrêterai pas à vous démontrer l’insanité des opinions qui, pour
la faire rejeter, ont avoué qu’elle augmentait, en revanche des bien-
faits dont vous lui êtes déjà reconnaissants, la mortalité générale
en exagérant les cas de fièvre typhoïde, scarlatine, rougeole,
coqueluche, croup, etc., et surtout en propageant la syphilis. Je
vous renverrai, du reste, pour ce dernier cas, à l’ouvrage déjà cité
de M. le Dr Bédoin, mais je conclurai avec lui que lorsque la vac-
cination est bien faite et que le vaccinateur a soin de n’inoculer
avec sa lancette que le virus vaccin sans aucune trace de sang,
la contagion est impossible, le sujet qui fournit le vaccin serait-il
syphilitique.
Voilà pour les qualités du vaccin, et vous voyez qu’elles sont de
bon aloi. En dirai-je autant de sa durée ?
De 1816 à 1820, après une diminution notable dans les victimes
qu’elle faisait si fréquemment avant la vaccine, la variole reparut
en Europe et vint donner comme un démenti à ce préservatif qui
commençait à être accepté par tout le monde. La vaccine n’était
done pas un moyen certain d’enrayer l’affreuse maladie contre la-
quelle on venait de l’employer avec tant de succès depuis quelques
années? Si, Messieurs, mais à la condition de la renouveler et
c'est ce que comprit le Dr Brown, c’est ce que prêchent depuis cette
époque tous les médecins désireux de propager ce moyen si éner-
gique et si sûr quand il est bien manié. De là la nécessité des re-
vaccinations qui pourront, seules, quand elles seront généralisées
et déclarées d'ordre public, enrayer le fléau.
Outre les grands maîtres de la science, quelques personnes se
sont vouées à cette propagande utile qui commence à donner des
résultats et à leur tête se place le Dr Lalagade, d'Albi, qui a beau-
coup fait pour en démontrer la nécessité.
En outre, il existe dans chaque département un médecin vacci-
nateur qui a pour mission de conserver le vaccin et d’en distribuer
à toutes les personnes qui veulent l'employer. C’est une g°fantie
— 39 —
pour qu'il soit de bonne provenance. Dans chaque ville, dans
chaque village, des médecins, des sage-femmes vaccinent gratuite-
ment un grand nombre d’enfants et revaccinent les personnes qui
veulent bien comprendre l'importance de cette pratique. Le ministre
de la guerre prescrit aux médecins de l’armée de revacciner les
hommes dont la santé leur est confiée. Nous n’en sommes pas
encore en France à avoir, comme en Suède et en Norvége, une
loi prescrivant les revaccinations et c’est peut-être à cela qu’il
faut attribuer les épidémies relativement nombreuses qui frappent
nos populations.
Ici se présente la question de l’âge auquel il faut vacciner les
enfants. Je n’y ferai qu’une réponse : Vaccinez, à l'exemple de Gri-
solle, vos enfants dès le premier âge, de crainte que la variole ne
vous les enlève avant le prétendu moment opportun. Quant à l’épo-
que à laquelle on doit pratiquer les revaccinations, je m'en expli-
querai tout-à-l'heure en vous présentant quelques tableaux sta-
tistiques.
Je dois, en terminant ce modeste apercu, vous dire quelques
mots de l'hygiène à suivre dans les cas où, malgré tout, on a à
déplorer pour soi ou pour les siens une atteinte de la variole.
Il est bien entendu qué la première chose à faire c’est d'appeler
un médecin. Mais, en outre, il faut faire tout le contraire de ce
que l’on fait d'ordinaire, c'est-à-dire :
10 Aérer largement la chambre du malade qui est mis à l’abri
du froid.
20 Le changer de linge et, entretenir une grande propreté dans
son lit.
30 L’alimenter de bonne heure et, pour fixer le moment pour les
personnes étrangères à la médecine, dès que les boutons commen-
cent à sécher.
. Il va sans dire que l’on doit employer dans l’appartement qu’ha-
bite le malade et dans les pièces voisines, les moyens de désinfection
connus et parmi lesquels je mets en première ligne les solutions
d'acide phénique.
Voici maintenant, Messieurs, quelques données statistiques rela-
tives à la variole et aux vaccinations.
Tandis qu’à Paris, d'après la statistique municipale des années
1865, 1866, 1867, 1868 et 1869, il y a eu 3,019 décès, soit 12,9
as" 80
pour mille et 3,30 décès pour 10,000 habitants pendant la guerre
de sécession aux Etats-Unis où les revaccinations étaient pratiquées
par mesure de prophylaxie générale dans l’armée du Nord, iln'ya
eu que 1,544 décès sur 4,132 cas de variole, soit 2,6 pour mille. En .
tenant compte des différences de conditions, il n’est pas possible de
refuser à la vaccine une grande action dans cette énorme diminu-
tion de la mortalité.
Maintenant, voici un tableau emprunté au docteur Armand qui
vous démontrera l'urgence de la vaccination dans les premières années
de l’existence, et en même temps la nécessité de la revaccination à
partir de la 20€ année. Il est tiré de la même statistique municipale
de Paris pour les années 1868-1869.
Dans les 5 premières années 1/3 des décès.
De ?0 à 25 ans 0,43 décès pour 1000 habitants.
25 30 0,41 id,
30 35 0,36 id.
35 40 0,31 LS.
40 45 0,30 id,
L5 20 0,27 id.
45 55 0,13 id,
5 10 0,10 id.
55 60 id. id,
60 65 id. id.
70 75 0,08 id.
10 15 0,07 id.
60 65 0,05 id.
Le tableau suivant vous donnera des renseignements curieux
sur les relations qui existent entre les succès obtenus par la re-
vaccination et le nombre des cicatrices laissées par une pre nière
inoculation du virus vacein. Il est dû au d' Lalagade, d’Albi.
22: D sé
Revaccination avec les cicatrices d’une 1'° vaccine
ic dE pit succès | Hfflorescentes | RÉSULTATS | SUR Proportion
_ DE CICATRICES RER UN TOTAL | DES SUCCÈS
ANTÉRIEURES. | COMPLETS | Vactinales. | vaccines. ee D COMPLETS
Î 13 15 18 106 0,12
2 21 14 85 | 120 0,17
3 30 17 138 185 0,16.
4 86 94 |", 204 324 0,26
gi 5 | 94 ES FU 219 344 0,22
6 142 1 M] 163 342 0,41
7 | Sel dal LD 1600 0,50
8 For | 8 | 20 | 0,0
Fotal' des /revaiceimes.. 21.1 1451
Il ressort de ce tableau que le nombre des succès croit en raison
du nombre de cicatrices, moins une légère oscillation en moins pour :
les sujets à 3 cicatrices.
Voici encore une statistique de M. le D' Lalagade qui vous mon-
trera les mêmes conclusions que celles tirées du premier tableau.
Revaccination avec l’âge des revaccinés.
ee SUGGÈS — re TOTAL | Proportion
| DES Rx ne 0 | DES DES SUCCÈS
| REVAGGINÉS. |COMPLETS. | Vaccinales | £acenes. | Revaccinés. |coMPLETS.
| | AA TEU
|De 5à10 ans) 19 93. 175 217 0,08
AO LAS 150 42 132 324 0,46
15°:220 160 | 2 158 399 0,42
20! :25 238 PP 203 473 0,50
25 30 104 | 15 89 208 0,50
5 LAN SSP AS ARE 69 | 164 | 0,49
| 140 | 26 | 5) | 631} 2614926
10 45 SAT ef er pattes QT SRE CS TS
45 50 RULES CHASSE ET CR El
50.55 5 3 A1 49 | 0,10 |
He O0 6 p 58 66 0,09
60 65 2 Î 39 2 0,06
65 70 4 del 625 39 | 0,60
| |
| | | |
Résuliat gén. 820 TO | Ré: lS LAINE]
|
plus de 1/3 de succès.
»#
Après nous avoir donné le résultat des revaccinations sur les
sujets porteurs de cicatrices vaccinales, le même auteur, qui n’a rien
négligé de cet intéressant sujet, nous donne un résumé de ses revac-
cinations sur les sujets portant des traces de variole. Le voici :
Total)desrreyacoines TERRE Tnt 84
Sageés: eomplets:..,14.4t Mn enter ee 18
Eflorescences vaccinales................. 9
Résultats négatifs ou fausses vaccines..... sy
Enfin, Messieurs, on a essayé de remplacer le vaccin de Jenner
par le vaccin régénéré, c'est-à-dire repris sur la génisse à qui on
a inoculé d'avance le vaccin primitif.
Avec le vaccin animal cultivé (cow-pox spontané inoculé à la gé-
nisse), dans l'état actuel de la science, il n’est pas possible de juger
définitivement cette pratique encore trop récente. Voici les résultats
obtenus en Belgique, pendant une épidémie qui a sévi dans le pays,
d'octobre 1870 à avril 1871,
Sur 5,425 revaccinations, 3,419 succès, soit 63,2 0/0.
Sur 324 vaccinations, 303 succès, soit 95,5 0/0.
( Bulletin de l’ Académie royale de médecine de Belgique 18714.
T. V. ms 7, 9, 10. )
Séance du 7 mars 1877
PRÉSIDENCE DE M. DUFFOUR, vice-président
Adoption du procès-verbal. — M. le Président donne com-
munication de la lettre de M. de Saporta acceptant le titre de
membre honoraire. — M. Chalon fait une conférence sur la
Flore des environs de Béziers.
Séance du 15 mars 1877
PRÉSIDENCE DE M DUFFOUR vice-président
Adoption du procès-verbal. — Conférence de M. Valery:
Mavet sur les sens des insectes,
Conférence sur les Sens des Insectes
Pàr M. VALÉRY MAYET.
La sensibilité animale existe dans un grand nombre de parties
du corps des animaux ; mais elle a plus particulièrement son siége
dans ce qu’on appelle les organes des sens.
Qu'est-ce qu’un sens ? Poser cette question c'est presque y ré-
pondre, car il n’est aucun d’entre vous qui ne sache ce que l’on
entend par ce mot. Je me contenterai donc de vous faire une com-
paraison et de vous dire que les organes des sens sont comme
autant de cribles dont la nature se sert pour faire parvenir aux
centres nerveux les impressions du dehors. La comparaison est
exacte. Prenons, par exemple, le sens de la vue. Il est bien cer-
tain que si l’œil est admirablement fait pour percevoir les rayons
lumineux, il est absolument insensible à la percussion des ondes
sonores. L'œil, entre les deux impressions de la lumière et du son,
choisit donc la première et laisse la seconde. Cet exemple nous
suffira amplement pour bien vous faire saisir ma comparaison.
Tous les animaux jouissent de la sensibilité et chez tous elle a
son origine dans le système nerveux. Les sens sont au nombre de
cinq : le toucher, l’ouie, le goût, l’odorat et la vue. Il est fort
probable que chez les animaux tout-à-fait inférieurs, ces cinq sens
se réduisent à celui du toucher; toutefois chez les zoophytes du
genre actinie ou anémone de mer deux naturalistes Allemands,
MM. Cheider et Rotteken ont cru voir une rétine visuelle dans
certaines petites bourses d’un bleu vif faisant saillie entre les
tentacules de l’aaimal. Chez les Méduses également, on aperçoit au
bord du manteau, des petits points noirs qui, au dire du profes-
seur Jourdain, sont autant de nerfs optiques qui viennent s’épa-
nouir sous forme de rétine à la surface de la peau. Si ces organes
sont ceux de la vision, ils sont en tout cas bien primitifs et ils
doivent percevoir très-confusément les rayons lumineux.
Chez les insectes, nous trouvons les cinq sens. La plupart les
possèdent au complet; mais chez certaines espèces, privées d’yeux
et de bouche, la vue et le ‘goût font évidemment défaut. Je vous
STAR
parlerai de chacun en particulier. Je commencerai par le toucher
qui est le plus important de tous, et celui auquel peuvent à la
rigueur se rapporter tous les autres.
Les insectes ne possèdent aucun organe du tact comparable à la
main humaine, ou à la lèvre du cheval, ou à l’aile de la chauve-
souris; ceux pourtant qui ontl'épiderme délicat comme la plupart des
chenilles ou larves ont une grande sensibilité. Le toucher est par
contre à peu près nul chez ceux qui ont l’épiderme coriace, pres-
que corné. Il a fallu chez ceux-là chercher ailleurs le siége de ce
sens. Les tarses ou extrémité des pattes sont très-sensibles, ainsi
que les antennes; mais les palpes le sont bien davantage. Les
palpes sont ces petits appendices articulés placés à l'entrée de la
bouche des insectes.
L'existence du sens de l’ouie est incontestable chez les animaux
qui nous occupent; mais l'organe de l’audition est encore inconnu.
Un grand nombre d'espèces produisent des sons destinés évidem-
ment à s’appeler et à se reconnaître. Le bruit des cigales, celui des
grillons, des sauterelles, des capricornes, sont connus de tout le
monde. Je dis bruit et non chant car on ne peut donner ce dernier
nom qu’au son produit par l’expiration de l'air, sortant des voies
respiratoires; or, aucun insecte ne produit de son par l'orifice de ses
stigmates respiratoires. Le bruit des grillons et des sauterelles est
produit par le frottement des ailes, les unes contre les autres. Chez
les cigales il y a un organe particulier, c’est une cavité creusée
sous le ventre et recouverte de deux plaques parcheminées ; dans
cette cavité on en trouve deux autres placées de chaque côté.
C'est dans ces deux cavités que le son se produit. En ouvrant l’une
d'elles, on trouve une membrane de forme arrondie et convexe à
laquelle sont attachés deux muscles puissants. Ces muscles, par
leurs contractions qui rendent la membrane alternativement convexe
ou concave, produisent le bruit, absolument comme dans l’agacant
jouet d’enfant qui, sous le nom de cricri, exerçait notre patience
l’année dernière. Chez les capricornes, le bruit est produit par le
frottement du corselet sur le mesothorax. Les vrillettes, insectes qui
mangent le bois de nos meubles et qui y font ces petits ‘ous ronds
que vous connaissez, produisent un bruit particulier, qui ressemble
fort au tic-tac d’une pendule qui aurait un mouvement très-lent ;
ce bruit, dont on ne connaît pas hien l'origine et qui. se produisant
ee
surtout la nuit, a frappé l’imagination de bien des gens, a fait, dans
le Nord de la France, donner à ses insectes le nom d’horloge de la
mort. Le beau papillon, connu sous le nom de sphynx atropos et dont
Je vous fais passer un exemplaire sous les yeux, a un organe par-
ticulier qui produit un cri assez semblable à celui de la souris. Ce
cri a été l’objet de nombreuses recherches longtemps infructueuses;
on est d’accord aujourd’hui qu’il est produit par une cavité spéciale,
placée au-dessous de la bouche. Cette cavité se dilate plus ou moins,
suivant la quantité d’air que l’insecte y introduit et l'entrée
est garnie d’un faisceau de poils qui, frappés par l’air, produisent
le son.
Les divers bruits ou cris que je viens de vous énumérer et de
vous décrire, vous prouvent amplement que le sens de l’ouie est
développé chez les insectes.
J'ai bien peu de chose à vous dire sur le sens du goût. Indis-
pensable pour le choix des aliments, il est incontestable chez les
insectes. [1 a certainement son siége dans la partie antérieure du
tube digestif; mais il sera probablement toujours impossible de le
prouver par des expériences concluantes. |
L’odorat est encore plus facile à constater que le goût; mais
c'est le sens sur lequel les anatomistes ont certainement le plus
discuté. Par analogie avec les animaux supérieurs, les uns le pla-
çaient dans les stigmates respiratoires, d’autres dans des cellules
particulières, certains dans la bouche, d’autres enfin dans les an-
tennes. On était donc loin d’être d'accord, quand en 1847 un ento-
mologiste allemand, Erichson, publia un mémoine intitulé : De usu
antennaruim in insectis.
Dans ce mémoire, Erichson prouve d’une façon à peu près irréfu-
table que le siége de l’odorat réside bien dans les antennes. Il a
fait des expériences nombreuses. Il à coupé ces appendices à des
insectes mâles qui, ainsi mutilés, passaient avec indifférence auprès
de femelles non fécondées, et il est arrivé à modifier progressive-
ment l’odorat, suivant le nombre d'articles qu'il laissait à l’an-
tenne. À ceux qui pouvaient objecter qu’un insecte mutilé ne de-
vait pas se comporter d’une façon normale, il a répondu en
enduisant l’antenne avec du vernis ou de la cire fondue. En exa-
minant les antennes au microscope, il a constaté que les articles qui
les composent sont criblés, surtout à l'extrémité, de pores dont le
€
Le «7
fond est fermé par une membrane mince et délicate. Ces pores sont
visibles, surtout chez les mâles, qui jouent un rôle beaucoup plus
actif que les femelles. Les antennes, chez les premiers, sont toujours
plus développées que chez les secondes et je vous fais passer une
boîte où j'ai réuni les types les plus remarquables sous ce rapport.
Vous y avez les espèces suivantes : Cerambyx heros, astynomus ædilis,
Morünus lugubris, Corymbiles pectinicornis, Melolontha Fullo, Dribus flaves-
cens, Evaniocera Dufourii.
Je ne vous présente que des insectes coléoptères, mais les expé-
riences d'Erichson ont été faites surtout sur des lépidoptères noc-
turnes ou papillons de nuit, qui offrent tous, chez les mâles, un
développement considérable des articles des antennes. Chez les trois
premières espèces que je vous soumets et qui appartiennent à la
famille des longicornes, le développement des articles s’est produit
en longueur, tellement que les antennes vont jusqu’à avoir trois à
quatre fois la longueur du corps comme chez l’astynomus ædilis.
Chez les quatre autres espèces, la surface d’olfaction n’est pas en
longueur, mais en largeur, autrement dit les antennes sont pec-
tinées ou en forme de peignes dont les dents sont représentées par
les articles.
Les papillons noctures, dont j'ai parlé tout-à-l’heure, ont les
antennes pectinées. Ne pouvant pas se voir de loin, ils devaient
pouvoir se sentir pour se rencontrer ; chez les diurnes au contraire
qui volent en pleine lumière, on ne remarque aucune dilatation des
articles. Nous trouvons les antennes pectinées chez les mâles des
cousins qui sont crépusculaires, et ce rapport entre les antennes
dilatées et les mœurs nocturnes, est à peu près constant à condi-
tion toutefois que les espèces soient aïilées. Si elles sont privées
d'ailes, comme par exemple tous les coléoptères de la famîlle des
melasomes, elles ne peuvent pas s’écarter beaucoup des lieux qui
les ont vu naître ; les sexes se rencontrent facilement et nous
voyons les antennes réduites à leur plus simple expression. Les es-
pèces qui vivent d'animaux morts, de fumier, de ‘éjections,
appartiennent presque toutes aux deux familles des lamellicornes et
des clavicornes dont les antennes chez les deux sexes sont termi-
nées en massue pectinée. Les clavicornes en particulier sont telle-
ment guidés par l’odorat seul pour la recherche de leur nourriture,
que plusieurs espèces qui se nourrissent d'animaux morts se ren-
LE tie
contrent souvent dans les fleurs de l’arum dracunculus qui exhalent
une forte odeur cadavéreuse. La nature leur a tendu là un piége
qui peut leur coûter la vie; mais elle a son but qui est la fécon-
dation de la fleur. Les pistils mûrissant avant les étamines, la
fécondation ne pourrait s’opérer sans le secours de l’insecte. Le
spathe de la fleur est étranglé. Au-dessus du spathe se trouve une
sphère dans l’intérieur de laquelle se dresse le support des étamines
et des pistils. L’étranglement du spathe est garni intérieurement
de poils rigides dirigés vers le bas. Ces poils ne gênent en rien
l’entrée de l’insecte; mais la sortie lui est interdite. Aux mouve-
ments que fait le prisonnier pour sortir de sa prison, les étamines
s'ouvrent, le pollen tombe et l’insecte en est saupoudré. Une fois
les étamines flétries, les poils du spathe se flétrissent eux-mêmes et
rendent la liberté à l’insecte qui se laissant prendre à un nouveau
piége va féconder le pistil d’une autre fleur.
Je m'aperçois qu’à propos de l’odorat chez les insectes je suis ar-
rivé peu à peu sur le terrain de la physiologie végétale.
Je rentrerai dans mon sujet en vous entretenant du sens de la
vue, qui pourvu d'organes visibles et bien développés est certaine
ment le mieux étudié.
Les insectes ont trois facons différentes de percevoir les rayons
lumineux. Ils ont deux espèces d’yeux, les yeux simples et les yeux
composés et de plus certaines espèces ont la faculté de distinguer
la lumière par l’épiderme de leur corps. Ce phénomène n'est
pas expliqué ; mais il est incontestable. Tous les entomologistes qui
ont chassé les insectes aveugles dans les grottes, savent qu'ils fuient
avec rapidité devant la lumière d'une bougie et rebroussent im-
médiatement chemin quand cette bougie est placée devant eux ;
mais l'expérience la plus concluante est celle qui a été faite sur
la larve de la mouche, le classique asticot des pêcheurs à la ligne.
M. Pouchet, professeur à la faculté des sciences de Rouen, l’adver-
saire bien connu des idées de Pasteur dans la théorie des fermen-
tations, a mis des larves de mouches sur une plaque de verre qu’il
avait préalablement mouillée pour faciliter la marche de ces in-
sectes. Chaque fois que la plaque de verre était approchée de la
fenêtre, les asticots,qui sont privés d’yeux,se retournaient vivement
et rampaient du côté sombre de l’appartement. Vous pouvez faire
vous-même cette expérience, elle est simple, comme vous voyez.
45 —
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, les insectes ont deux sortes
d'yeux : les yeux simples et les yeux composés. Les yeux simples
sont appelés ocelles par la plupart des entomologistes. Ils sont ar-
rondis et généralement isolés les uns des autres. Les yeux compo-
sés sont formés au contraire d’une agglomération considérable de
petites lentilles, formant facette sur la masse générale, et ayant
comme les cellules d’abeilles, la forme hexagonale.
Les ocelles ont la cornée très-convexe et servent par conséquent
à voir les objets rapprochés, les yeux à facettes l’ont très-plane et
servent à voir les objets éloignés. Les indications fournies par la phy.
sique sur le trajet des rayons lumineux qui vont frapper la rétine,
sont confirmées par l'expérience. Les araignées par exemple qui n’ont
que des ocelles, voient fort mal de loin et ont de près une excel-
lente vue. Les larves, celles du moins qui sont oculées, ont toujours
des ocelles et jamais d’yeux composés ; n'ayant pas à s’accoupler et
naissant presque toujours dans le milieu qui doit les abriter et les
nourrir, une vue étendue ne leur serait d'aucune utilité. Les in-
sectes parfaits qui ne peuvent se passer de voir de loin, ont tous
des yeux composés et un certain nombre ont en même temps des
ocelles. Ceux-ci sont généralement placés sur les côtés de la tête ;
mais quaud l’insecte est pourvu également d’yeux composés, les
ocelles sont placés au sommet du front et les yeux composés sont par
côté. Les abeilles sont dans ce cas. Réaumur a fait sur ces insectes
des expériencee curieuses ; en couvrant de cire fondue tantôt les
ocelles, tantôt les yeux à facettes, il les a rendus à volonté myopes
ou presbytes.
Je terminerai en vous disant quelques mots de la conformation
intérieure des yeux.
Les ocelles toujours très-convexes sont composés d’une cornée
transparente, d'un cristallin ayant la forme d'une lentille et d’un
corps vitré à la surface inférieure duquel le nerf optique s’épanouit
sous forme de rétine. Le tout est noyé dans du pigment qui joue
le rôle de la choroide. |
Prises séparément, les facettes des yeux composés diffèrent des
ocelles. Outre qu’elles sont très-aplaties, le cristallin chez elles est |
remplacé par un cône au sommet duquel vient s'épanouir le nerf |
optique, Ce cône, formé d’une matière gelatineuse transparente, d
tient lieu de cristallin et de corps vitré. Les nerfs de chacun de
OS
ces petits yeux se réunissent tous pour former un gros nerf opti-
que qui centralise ainsi les impressions multiples de la lumière. Le
nombre des facettes varie beaucoup suivant les espèces. Swammer-
dam, le grand anatomiste, Leuvenhæch, l'inventeur du microscope,
Réaumur, Lyonnet, etc., en ont compté ou estimé approximative-
ment la quantité. Ils en ont trouvé cinquante chez la fourmi, treize
cents chez le Sphinx convolvuli, quatre mille chez la mouche do-
mestique, six mille deux cents chez le papillon du ver à soie,
douze mille cinq cents chez les Libellules ou demoiselles, dix-sept
mille cinq cents chez le Papillon Machaon, enfin vingt-cinq mille
chez un petit insecte coléoptère que nous appelons Mordelle et qui
est peu connu.
Telest, Messieurs, le résumé de ce que la science connaît sur
les sens des insectes. Comme vous le voyez, beaucoup de points
restent à étudier; mais les expériences de physiologie entomologi-
que sont difficiles et ce ne sera que lentement que l’on arrivera à
combler les lacunes que je vous ai signalées.
Séance du 21 mars 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
M. le Président communique à la Société la mort de M.
Benjamin Mayet, l’un des secrétaires; tous les sociétaires
seront convoqués pour assister à ses obsèques.
Communication à la Société d’une première circulaire de
M. Doûmet- Adanson, président de la Société d’horticul-
ture et d'histoire naturelle de lHérault au sujet des assises
scientifiques qai se tiendront à Montpellier au mois de mai.
M. le Président fait part à la Société des observations scien-
tiliques qu'il a faites pendant son voyage à Nice et annonce
la création d’une Société d'histoire naturelle qu’il propose
d'admettre parmi les Sociétés correspondantes. Cette propo-
sition est adoptée.
4
— 50 —
Séance du 28 mars 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
M. le Président communique à la Société une lettre de M.
Coursière qui accepte le titre de membre honoraire.
M. Sabatier-Désarnauds veut bien se charger du rapport
bibliocraphique du mois d'avril.
M. Chalon fait une conférence sur les animalcules micros-
copiques.
Séance du 11 avril 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Admission comme membre correspondant de M. Maisire,
présenté par M. Duflour et Sabatier-Désarnauds.
La Commission du phylloxera est composée de MM. Sa-
batier, Duffour, Valéry-Mayet, Cannat, Baluffe et Pallot.
M. le Président fait une conférence sur les dépôts quater-
paires et les phénomènes qui ont amené des changements de
configuration dans la vallée de l'Orb; il parle de l'ancien lit de
cette rivière que l'on peut dessiner et dont on trouve les
traces auprès de Portiragnes.
Séance du 18 avril 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
M. le Président communique une 9»e circulaire de la So-
a S
cièté d’horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault, priant
la Société d'envoyer un délégué pour faire partie du jury de
l'exposition.
M. Sabatier-Désarnauds est délégué.
La Société adopte la liste des excursions générales.
ANNÉE 1S2%5%.
22 avril excursion à Ribaute.
29 avril — à Roujan-Cassan.
6 mai — au cap d'Agde.
13 mai — à Roque-Haute.
21 mai — à Narbonne et Armissan.
27 mai — à Fontfroide (Aude ).
17 juin — au Bousquet d’Orb.
26 juin — à Fontcaude.
1e’ juillet —— à Ste-Lucie.
M. V. Mayet fait une conférence sur les insectes nuisibles
à la vigne.
Séance du 95 avril 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Sont offerts à la Société :
4° Cote d'Alitherium Cuvieri (lamantin de l'époque miocène)
— Don de M. Jumeau.
2° Collection de coquilles marines (miocène), — Don du
même.
M. le Président fait le compte-rendu géologique de l’ex-
cursion du dimanche 22 août à Lieuran-Ribaute.
M. Valery Mayet fait le compte-rendu entomologique de
la même excursion.
— 02 —
Rapport sur la Grotte de Caramaou
Par M. SABATIER-DÉSARNAUDS
MESSIEURS.
Nous sommes heureux de vous annoncer que le projet d'explorer
la grotte de Caramaou, mis en avant par notre collègue M. Fabre,
vient de recevoir son exécution et a eu un heureux résultat.
Cette grotte de Caramaou ou des fées est située dans la commune
de Montesquieu sur les bords d’un des ruisseaux qui donnent nais-
sance plus loin à la rivière de Lène : elle est élevée de 12 mètres
environ au-dessus du lit que le torrent s’est creusé à travers le
rocher. Cette grotte a deux ouvertures, envisageant l’une le midi,
l’autre le couchant, et aboutissant l’une et l’autre par deux couloirs
à une salle de huit à dix mêtres de superficie; une galerie étroite
faisant suite à la grotte, se poursuit sur une vingtaine de mètres,
et une fissure existant dans le haut, livre passage aux eaux qui ont
comblé de terre les poches qui se trouvent sur les côtés, ayant pu
ainsi jeter de la perturbation dans les dépôts. Aussi ne serions-nous
nullement étonné que dans le cas actuel, la nature eût mis en dé-
faut les soins de M. Fabre et le serions-nous encore moins de trou-
ver ici pêle-mêle des objets d'âge divers.
Les premières fouilles ont été pratiquées ou fond de la salle, au-
près d’une petite anfractuosité, et chose digne de remarque, c’est
contre la roche qui forme saillie qu'ont été trouvés la plupart des
précieux débris que nous avons rapportés.
Nous devons mentionner en première ligne un foyer composé de
quatre dalles noircies par le bois carbonisé dont on voit de nombreux
vestiges. Ce foyer a été trouvé à 40 centim. de profondeur au-dessous
d'une couche de terre rouge, et ce n’est qu’au-dessus de ce foyer
et surtout du côté de l’anfractuosité de gauche qu'ont été reueillis
de nombreux ossements appartenant à des animaux de diverses es-
pèces et de diverse taille, ainsi que de/nombreuses dents, parmi les-
quelles j'ai cru reconnaître des dents de renne, par la comparaison
que j'en ai faite avec celles de Bise ; c’est un fossile précieux qui ca-
63.
ractérise bien la période connue en géologie sous lenom de période
glaciaire ; parmi les autres dents j'ai distingué des dents de cheval,
de bœuf, de cerf. De petits cârnassiers y ont aussi laissé leurs os ou
leurs dents, etau milieu de ces antiques débris, plusieurs os, des
dents et même une moitié de mâchoire peuvent être attribués à
l’homme.
L’occupation de l’homme est attestée non-seulement par le foyer
et les os fendus longitudinalement pour en extraire la moelle, mais
encore par une pointe de flèche, par des couteaux et des racloirs
en silex, ainsi que par un bois de renne travaillé de sa main et sur
lequel on remarque des stries ; elle est attestée aussi par deux au-
tres bois de cervidé qu'il avait portés lui-même dans la grotte.
Ce ne sont point là les seuls objets qui témoignent de l’industrie
de nos troglodytes ; nous avons vu aussi des perles de collier en
stalagmite, et une pièce très-curieuse qui n’est autre qu’une pen-
deloque en os; perforée dans le haut, évasée et arrondie dans le
bas, elle présente gravés en creux trois cercles parallèles, indice
d'un art primitif.
Des débris de poterie grossière ont été exhumés ainsi que des
fragments de coquilles, au nombre desquelles une valve de moule.
Nous nous ferons toutefois un devoir d'ajouter que des poteries avec
dessins et même un fond de vase en verre se rattachant à la période
romaine témoignent en faveur d’une civilisation plus avancée, mais
sans insister sur un mélange que le remaniement des couches expli-
querait suffisamment , je me bornerai à demander à la Société le
vote de quelques journées de terrassiers pour continuer les fouilles.
Aux trouvailles déjà faites s’en ajouteront certainement d’autres
et-nous pourrons jeter ainsi les fondements de notre musée préhis-
torique.
En raison des conditions particulières dont j'ai parlé, nous re-
commandons à nos collègues de vouloir bien diriger les fouilles du
côté des anfractuosités. Si nos efforts sont couronnés de succès,
notre Société‘aura elle aussi sa page à offrir à l’histoire de l’homme
préhistorique dans notre arrondissement.
SAC LE
Séance du 2 mai 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Admission de MM. les membres actifs suivants :
Hérail présenté par MM. Cannat et Martin-Fabre ;
Georges Roux présenté par MM. Cannat et Martin-Fabre ;
Jumeau présenté par MM. Sabatier-Désarnauds et Cannat.
Lecture est faite d’une lettre de M. de Saporta, membre ho-
noraire, au sujet de végétaux tertiaires d'Armissan dessinés
par M. G. Roux.
M. le président donne lecture du compte-rendu bibliogra-
phique du mois d'avril.
M. Cannat est chargé du compte-rendu du mois de mai.
Excursion à la Grotte de Caramaou, par Margon,
Roujan et Cassan
Par M. AuGustTE BALUFFE
Dimanche dernier, le programme des excursions hebdomadaires
de la Société mettait à l’ordre du jour une exploration nouvelle de
la Grotte de Caramaou, déjà visitée par plusieurs de nos collègues
et qui a fait l’objet d’un remarquable rapport de M. le Président.
Pour ne point passer à l'aller et au retour, à côté de deux monu-
ments historiques de notre pays, sans y faire au moins une station
au point de vue de l’histoire locale, vous aviez désigné comme
étapes de l'itinéraire à suivre les châteaux de Margon et de Cassan.
En vous consacrant spécialement aux sciences naturelles, vous ne
voulez pas donner un démenti au dicton qui prétend que tous les
goûts sont dans la nature, et vous conciliez l'amour de la botanique
et de la géologie avec celui des curiosités archéologiques, quand
l’occasion le veut. Au besoin même un simple touriste, un modeste
amateur de sites et de paysages ne se déplairait pas en votre com-
pagnie. Vos excursions scientifiques mêlant l’utile à l’agréable,
ressemblent souvent àides parties de plaisir; et telle a été le ca-
ractère de celle de dimanche, dont je vais vous présenter la relation.
A six heures du matin, un omnibus emporte neuf excursionnistes
sur la route de Bédarieux à destination de Margon d’abord, puis de
Roujan. La bonne humeur est du voyage, et le trajet paraît court.
À peine a-t-on le loisir de noter quelques particularités au passage.
La campagne est belle, car au renouveau tout est beau ; ;mais si
.on l’admire, on ne la décrit pas. On voit défiler les villages comme
autant de relais pour la vue: Boujan, avec ses maisons blanches
qui lui donnent l’aspect d’un faubourg de Béziers retiré à la cam-
pagne ; Ribaute avec son parc et ses taillis giboyeux; Lieuran qui
prend le soleil comme si le Libron lui avait donné des rhuma-
tismes ; Bessan caché derrière une éminence; Puimisson, patrie
du fameux théologien Durand, évêque de Mende, surnommé le Spe-
culator ; Espondeilhan avec sa vieille église romane, une des plus
anciennes de la contrée; Puissalicon, patrie de saint Guiraud et
du maréchal de Montpésat, avec son fier château féodal, dont la su-
perbe silhouette grandit à l'horizon ; Abeilhan avec son clocher ba-
digeonné de blanc; Coulubres adossé à une colline qui roule sa bosse
au-dessus de la petite rivière de Lène ; Pouzolles avec son château
blanchi à la chaux et flanqué de deux tourelles en éteignoir ; enfin
Margon, sur la hauteur et dominant une vaste étendue de terri-
toire. On y arrive après avoir vu de droite et de gauche paraître
et disparaître toutes les localités diverses que je viens d'énumérer
comme dans un vaste décor. On n’herborise pas dans un omnibus,
aussi n’a-t-on pas fait attention à la flore. Chemin faisant on a
reconnu quélques aubépines en robe blanche — et l'on s’est contenté
de penser qu’elles avaient l’air de faire leur première communion ;
on a remarqué quelques coquelicots, ces communards des champs,
et on s’est dit qu’ils ne mettaient pas leur cocarde rouge à la poche ;
mais on ne s’est pas arrêté là. À quelques pas de Margon, le long
d’un sentier, un beau genêt tout galonné d’or est encore comparé
à un officier d'ordonnance du Printemps; mais il ne s’agit pas de
faire de la poésie pour le moment. Le magnifique château de Mar-
gon se dresse de toute sa taille, et il n’est que temps de le con-
templer d’abord, d'y pénétrer ensuite.
EE Le
Avec ses trois belles tours à machicoulis, ses tourelles en nid
d’aronde qui portent fièrement dans l’espace le poids de plusieurs
siècles, le manoir féodal de Margon est un des édifices des plus
pittoresques de notre région. Le temps l’a revêtu de cette chaude
teinte dorée que Chateaubriand trouvait pareille à la couleur des
pains dorés au four. Il n’a pas fallu moins de quatre cents ans au
soleil pour donner cet aspect inimitable à la pierre. — En entrant
dans la cour du château, la bienveillante courtoisie de ses hôtes
nous fait le plus sympathique accueil. M. le vicomte Auguste de
Margon, membre de la Société archéologique, et la vénérable com-
tesse de Margon, malgré l’état douloureux où se trouve en ce mo-
ment M. le comte Lemoine de Margon, atteint d’une maladie
cruelle, nous font gracieusement les honneurs de leur sombre et
belle demeure (1). Leur obligeance nous ouvre toutes les portes, nous
montre toutes les salles, nous initie à toutes les curiosités archéo-
logiques ou historiques. Vous savez à quelle époque on fait remon-
ter la fondation du château de Margon ; vous savez qu'après avoir
été longtemps possédé par les d’Autignac, puis par les Plantavit,
il devint la propriété de la famille des Lemoine au commencement du
XVIIIe siècle; vous savez enfin qu'il fut en partie mutilé en 1793.
Je n’y insisterai pas. — Nous quittons le château en exprimant à
madame la comtesse et à M. le vicomte de Margon nos meilleurs
sentiments de reconnaissance pour l’aimable et généreuse hospitalité
que nous venons d'y recevoir — et nous reprenons le chemin de.
KRoujan.
À dix heures nous traversons Roujan, et quelques minutes après
nous arrivons à la petite maison de campagne où la famille Fabre
nous attend. Elle est charmante cette habitation, avec son petit
Jardin, ses petits bosquets et ses petites cascades. C’est l'asile poé-
tique d’un artiste : arbres, fleurs, fontaines, ruisseaux tout en fait
un séjour modeste, mais délicieux. Tout y est en petit, mais tout
y est fait avec soin. Sous ses frais ombrages on fait halte pour se
reposer un instant et pour se rafraîchir. La chaleur du jour inspire
à plus d’un le paresseux désir de rester dans cette oasis ; mais on s’en
arrache avec d'autant plus d'énergie, que madame Albert Fabre,
l’intrépide compagne de notre confrère, nous montre l’exemple du
(4) M. le comte de Margon est mort depuis.
NT Lee
départ. Elle se met à la tête de notre troupe avec une. vaillance
rare.— « On va cueillir des fleurs, dit-elle, et cela m'intéresse...»
— Sans doute, comme une affaire de famille, répond quelqu'un
avec une aimable intention de galanterie délicate.
La caravane s’est accrue. Nous sommes quinze excursionnistes
maintenant. Le sac au dos, le déjeûner dans le sac, on se dirige
vers Montesquieu où est située la grotte de Caramaou. Par des
sentiers étroits, rocailleux, malaisés, on s’avance. On laisse à droite
et à gauche le grand et le petit Glauzy, ces hautes roches gréo-
quartzeuses où se retrouvent les vestiges de la plus ancienne
faune de France; de vastes étendues de terrain inculte étalent
en vain leur infinité de plantes et de fleurs sauvages, on ne
se baisse guère pour en prendre. Ces parages ont certes bien
des richesses pour les herbiers; et la physionomie des terrains
de même que leur constitution invite à l'étude. Les bruyères
blanches, roses et jaunes sont en fleur; la brise apporte des
senteurs de lavande et de thym surtout, car il abonde. C’est en ua
endroit pareil, évidemment, que le Jeannot Lapin, de Lafontaine,
aime à faire à l’aurore sa cour. À mesure qu’on chemine, la végéta-
tion varie, voici une station de Cistes presque aussi riche que celle
de Fontfroide : Ciste blanc, rose, jaune, argenté, etc. L’aphyllante
monspeliensis est là sur le sol aride; plus loin, le cynoglossum
picitum, aux fleurettes bleues ; encore plus loin et près d’un ruis-
seau l’anagalis arvensis ; plus haut parmi les pierres et les débris
de roches, la coronille à petites fleurs ; ici c’est l’asphodelus cera-
siferus, aux larges feuilles vertes et portant sa tige roide et droite
avec la majesté d’un sceptre fleuri; là, c’est l’apiwm graveolens ;
c’est encore la juniperus oxycedrus dont on fait l'huile de cade ;
puis ce sont des graminées, des bromus , des mélica, des milium,
des agrostis; ce sont des fougères, comme le polypodium vulgare,
l’asplenium ruta muraria, l'asplenium adiantum nigrum, la
pteris aquilina, et tant d’autres plantes dont je sais mal le nom.
On en fait des bouquets, on en ferait des gerbes. Mais on est
pressé d'arriver au but de l’excursion et l’on marche plus vite
en suivant mille circuits, par monts et par vaux. À midi on
arrive enfin. La grotte est là, en face, à mi-côte d'une haute colline.
On y montera après avoir repris des forces. — On déjeûne sur
l'herbe, au bord d’une petite rivière du nom de Lène (comme celle
qui passe à Coulobres).
— 58 —
La description de la grotte de Caramaouw vous a été faite et bien
faite ; le compte-rendu des fouilles exécutées sous la direction de M.
Albert Fabre vous a été présenté encore. Que puis-je ajouter aux dé-
tails déjà donnés ? Notre visite n’a amené la découverte d’aucun objet
curieux, et notre musée n’en recevra rien cette fois. Mais vous
m'avez autorisé à mêier un peu de fantaisie à cette relation qui
n’est pas tenue d’être un simple procès-verbal. Je profite de la per-
mission pour vous dire que, durant le déjeûner que nous faisions
sur l’herbe, l’idée m'est venue de me représenter ce que pouvait
être un repas de l’homme des cavernes du temps où la grotte de
Caramaou avait des locataires. Et d'abord les lieux eux-mêmes,
combien n’étaient-ils pas différents d'aujourd'hui! Ni sentier, ni
chemin, ni trace du travail et de l'intelligence de l’homme. Cette
rivière n’est qu'une immense mare d’eau croupissante d'où émer-
gent de grands arbres enchevêtrés de lianes ; de grandes herbes
poussent épaisses et drues partout. À peine si les alentours de la
grotte sont accessibles. On est au mois de mai comme aujourd’hui,
et la nature est comme engourdie ; le feuillage est pâle; le soleï]
est indécis. — Le printemps ressemble au printemps de la Laponie.
L'homme lui-même tient des Esquimaux, par la taille, par la cou-
leur de la peau. De longs cheveux, longs et roides, lui retomhent
sur le visage. Il a les yeux petits, les mâchoires saillantes, le nez
épaté et le crâne pointu. Une peau de renne lui sert de costume.
C’est le moment de son repas : il mange des grillades de rat d’eau
ou des beefsteaks de rennes, ou de glands et des châtaignes. Il chasse
pour vivre. Une pierre lui sert de table. Quelques feuilles et un
peu de mousse lui composent une couche qui n’a rien de commun
avec celle d’un sybarite. Quelques couteaux, des os travaillés
des haches, sont les seuls ustensiles que connaisse son ménage. Vous
avez rapporté, il y a quelques jours, des échantillons de ces objets
pour nos collections. De l’homme lui-même, il n’est pas resté trace
en ces lieux. Il n’a pas laissé ses Mémoires. Il ne se doutait même
pas qu’un jour viendrait où l’on s’informerait du menu de ses dîners
au point de vue de la gastronomie préhistorique, ni qu’on dres-
serait l'inventaire de son mobilier succinct. Son industrie ne
songeait pas alors à figurer à l'Exposition universelle.
De nos jours, les sciences qui traitent de l’origine de l’homme
et de son existence primitive ont été cultivées avec un surcroit
PERTE
de zèle et d'ardeur. On a pu reconstituer son existence, ses mœurs
et jusqu'à sa physionomie; et les notions sur ses aventures roma-
nesques, à l’âge où il avait fait élection de domicile dans les ca-
vernes sont vulgarisées au point qu’on n’est admis à en parler qu’à
condition d'apprendre du nouveau. J'aurais dû n’en rien dire.
Passons.
Après la visite de la Grotte de Caramaou, reste la dernière
partie de l’excursion à accomplir. On se dirige vers Gabian, en
suivant le lit de la rivière de Lène qui, si l’on en croit l’étimo-
logie de son nom doit être douce, mais qui est très-violente à
l'occasion si l’on s’en rapporte à l'aspect bouleversé de ses rives.
Elle fait parler d'elle, cette rivière qui n’a pas l’air d'y, toucher,
et qui dort sagement dans son lit à présent. Son cours sinueux
nous conduit jusqu'à Gabian même : nous sommes presque au
terme de notre exploration, car le château de Cassan n'est qu’à
quelques pas de ce village.
Au bord de la grand’route, au pied de la montagne de Sainte-
Marthe couronnée d’yeuses rabougries et où l’on aperçoit encore par
places les noirs vestiges d’un volcan éteint, le prieuré de Cassan
déroule symétriquement à l’œil du passant ses longues façades
quadrangulaires, aux fenêtres aussi nombreuses que les jours de
l’année. Ce n’est point par là qu’il s'impose le plus à l'estime des
archéologues, s’il s'impose le mieux au regard. Ces grandes et lon-
gues constructions datent du X VIfIme siècle. Ce qui est plus cu-
rieux, c’est, à l’intérieur, l’église du XIme ou XIIe siècle, déna-
turée en partie par les réparations modernes, mais qui offre encore
quelques beaux morceaux d'architecture romane. Elle sert de cave :
des tonneaux y ont remplacé les autels, et les dalles qui recouvraient
les tombes d’une foule de prélats qui avaient tenu à être ensevelis
dans cette nécropole, ont été dispersées. On y foule la cendre des
morts, qui furent illustres, et qui n’ont plus de nom. — Des mo-
nographies spéciales ont retracé les annales du prieuré de Cassan.
Il ne reste plus à y ajouter qu'une anecdote inédite que M. Martel
nous a contée en ayant l’obligeance de nous servir de cicerone à
travers le dédale de sa vaste habitation. Au pied de la tour qui
domine le chœur de l’église, dans l'épaisseur des substructions, est
un cachot souterrain, le vade in pace du couvent. La nuit éter-
nelle y règne; les murs suintent l'humidité ; et, détail lugubre:
M" SD Es
c'est sous le cimetière même qui entourait l’église que la voûte de
cette prison est bâtie, comme pour faire peser sur les victimes
enterrées vivantes l’implacable pensée de la mort. Quand éclata la
Révolution un religieux était entre ces quatre murs depuis de lon-
gues années ; il en fut retiré perclus par le froid, exténué par les
jeûnes forcés — mourant enfin, car il expira peu de temps après sa
mise en liberté. Quel était son crime? Il aimait passionnément la …
chasse. Malgré les formelles remontrances et défenses du prieur, il …
s’adonnait à son plaisir favori. Un jour, l'office était commencé : il
arrive précipitamment avec sa meute et pénètre avec elle jusque
dans l'église. Le prieur indigné le somme de se retirer — et'sou-
dain, pris de vertige, il tourne son fusil contre le prieur et tire
sur lui... Le prieur ne fut pas atteint. Mais depuis lors le vadein
pace expiait l'égarement criminel du moine chasseur...
Sous l’impression de ce récit funèbre et dramatique, nous remer-
cions M. Martel de l’affabilité qu'il a mise à nous recevoir, à nous
faire tout voir et nous remontons en voiture, au moment où M.
Cannat arrive lui-même d'explorer un affleurement de calcaire sur
le bord de la route de Cassan à Roujan. Ce calcaire semblerait de
l’époque oxfordienne ; mais un examen attentif y découvre des fos-
siles qui indiquent le lias moyen. Le redressement excessif des
couches, la circonscription de l’affleurement, le peu d’espace occupé
par les stations de fossiles n’offrent pas des conditions normales pour
l'étude d’un terrain : aussi M. Cannat se propose-t-il d'y revenir.
On se remet en route — et 2 heures après nous rentrions à Béziers.
Séance du 9 mai 1877
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT, Secrétaire-général
Adoption du procès-verbal.
Sur la proposition du burvau la Société décide que le ti-
tre de membre honoraire sera offert à M. Cazalis de Kon-
douce. |
Admission comme membre actif de M. Groc présenté par
MM. Sabatier-Désarnauds et Duffour. |
—$64 —
Est offert à la Socièté : Recherches histotaxiques sur les cla-
| dodes des Ruscus, par M. Duval Jouve. — Don de l’auteur.
Excursion du 6 mai au cap d'Agde
Par M. P. CHALON.
Nous partons d'Agde, la ville noire et boueuse, par un chemin
| très-peu bordé d'arbres, encaissé par les talus des vignes et des
| champs de blé, serré, peu commode et qui paraît tracassé comme
| les bonnes gens chez qui le voisin sans vergogne empiète sans cesse.
| Les ceps et les épis couronnant les talus font bonne garde autour
| de nous. Sur nos têtes le soleilouvre son œil rond ; devant nos pas,
| dans la transparence du ciel, s'étale lourdementle monticule de St-
| Loup, couronné du phare, pliant presque sous la charge, comme un
| mulet sous un sac; et dans l’air quelques nuages blancs, qu’on di-
| rait cà et là tachés d’encre, roulent leur masse peu rassurante.
| Nousaurons la pluie à moins que Flore ne nous protége ; et pour
nous rendre la déesse favorable, nous lui offrons en holocauste
| fleuri : Papaver dubium, P. hybridum, Tyrimnus leucographus,
Alyssum calycinum, Pterotheca nemausensis, Anacyclus tomento-
| sus, Thlaspi bursa-pastoris, Sysimbrium officinale, Diplotaxis
| viminea, Torilis nodosa, Carduus tenuifolius, C. pycnocephalus,
Galactites tomentosa, Eruca sativa, Sherardia arvensis, Veronica
| kederæfolia, V. arvensis, Ornithogalumnarbonense, Urospermum,
Dalechampti, Trifolium agrarium, T. pratense, T. repens, T.
| tomentosum, T. spumosum, T. resupinatum, T. subterraneum,
| Trigonella gladiata, Vicia hybrida, Filago germanica Ê. lutes-
cens, Silene inflata, "Arenaria serpyllifolia Ê. leptoctados. C'est
bien peu sans doute, Ô déesse, mais notre sincère désir de t'être
| agréable remplacera pour ton cœur les superbes couleurs et l'odeur
suave des fleurs absentes.
Cette invocation sera bien accueillie. Nous reprenons le chemin
du Cap. Au loin, devant uous, après la plaine coupée de salines, bi-
zarrement flanquée cà et là de collines banales avec leurs bouquets
de chênes kermès et les petits murs en basalte qui les font ressem-
bler aux flancs mal tondus d’un âne pelé, le terrain se relève en
même temps que l'horizon s’abaisse. Là-bas, là-bas, c’est le cap.
, 60e
Nous avancçcons sans répit cueillant et moissonnant : Zordeum mu-
rinum, H. secalinum, Bromus sterilis Ê. rubens, Calendula par-
viflora, Sonchus oleraceus, Raphanus raphanistrum, Brassica
napus, Hirschfeldia adpressa, Orobanche ramosa Ê. minor, Ge-
ranium robertianum, rotundifolium, molle, Hyoscyamus niger
Cynoglossum pictum, Anchusa italica, Convoloulus cantabrica,
C. arvensis, C. lineatus.
Le terrain est sablonneux et nous enfoncons jusqu’à la cheville.
Çà et là sur la teinte jaunâtre se détachent des bandes blanches
formées de mignonnes coquilles d’héliæ. Le soleil se moque de nous
et se ligue piteusement avec le sable pour nous faire suer. Nous nous
consolons en dépeuplant cette aridité. À nous les fleurs charman-
tes! Plantago lagopus, petit-maître orné d’un feutre à plumes et
d’une colerette de dentelles, Zvax pygmæa, cendrillon modeste du
gazon, Geranium dissectum, Malcolmia littorea, coquette au dia-
dème de rose, à qui ses feuilles font comme une robe de soie
verte, Matthiola sinuata garde du corps avec son casque à cré-
neaux, à qui rien ne manque que l’écusson de burgrave brodé sur la
poitrine, et les étoiles sanguinolentes du Trifolium stellatum ta-
chent la sombre verdure comme si la terre saignaït et pleurait ses
filles si vite ravies. Nous foulons aux pieds Plantago coronopus,
des Lotus, des Medicago, des graminées, gent taillable et corvéable
à merci et c'est à peine si nous donnons un regard au panache de
velours du Lagurus ovatus, aux touffes d’argent brodées d’or du
Medicago marina. Nous voilà au cap d'Agde que nous gravissons :
à l'assaut. Tout à coup, la mer.
Une crique aux parois noircies s'ouvre à nos pieds, devant nous,
les flots grisâtres bouillonnent : à l’horizon, des nuages blancs et
noirs s’étagent en foule, et nous sentons rien qu’à les voir que cette
muraille épaisse s’épaissit de plus en plus. Nous sommes sur le
haut d’une falaise taillée à pic par la mer, haute d’une dizaine de
mètres; au fond, les vagues déferlent sur une plage de sable basal-
tique presque noir et laissent en se retirant de longues trainées
blanches en éventail; quelques brisants pareils à des dogues marins
aboient en levant la tête où l’écume met une couronne de neige.
Droit devant le cap, faisant tête à la haute mer, de gros rochers
inébranlables dressent leur masse d’un bleu noir curieusement
fouillés par les flots, pareils à des hommes d’armes pétrifiés, jamais
1 —
découragés dans leur éternel combat. Et contre eux la vague sans
fin lance sa cavalerie bruyante, qui se brise contre leur rude vi-
gueur. Au loin des crêtes d'écume ondoient comme les panaches
d’une armée. Puis la côte se replie et nous descendons la falaise. La
roche fouillée en tous sens, érodée, creusée de grottes est suspendue
sur nos têtes; nous sommes au milieu de l’œuvre des flots. Des
blocs, que l’onde recouvre, ont été arrachés, froissés, emiettés par
cette force toujours la même. On a recueilli quelques-unes de ces
masses ; on en a fait une jetée, qui, nous dit-on, unissait autrefois
Brescou, l’île et le port à la terre ferme. Triste fort! si mesquin
au milieu de la mer infinie qu’il mérite à peine un regard. Il en
est de ce fort comme de celui de la Garde où jadis,
On ne voyait pour toute garde
Qu'un suisse avec sa hallebarde
Peint sur la porte du château.
Ces rimes du gastronome Chapelle réveillent notre estomac et
nous allons déjeùner frugalement comme ïl sied à des touristes»
mais avec l’appétit qui ne leur fait jamais défaut. Après quoi nous
regagnons la plage. Notre premier regard se porte vers l'horizon. La
pluie est devenue menaçante. De grands nuages d’un bleu de plomb,
| traversés çà et là de larges bandes violettes pèsent sur la mer et
glissent peu à peu à sa surface; le vent souffle d'ouest et le ciel se
gonfle de plus en plus. Bah! — Nous sommes sur la jetée bâtie
sans ciment, à la facon des murs pélasgiques, de gros blocs de lave
jetés pêle-mêle, sans cesse arrondis par les flots. L’onde s’est creusée
dans ces pierres une foule de petits réduits, cavernes en miniature,
vasques rondes et lissées, ruisselets peu profonds, abîmes, où se
perd un filet d’eau. Plus loin la jetée est interrompue :
Pendent opera interrupta
D'un coup d'épaule la vague a jeté bas cette muraille et l’a rem-
placée par un chaos de blocs pittoresquement épars. Là se continue
sans répit la fête des ondes. Un feu d'artifice perpétuel fait jaillir
l’écume en fusées qui s’éparpillent en étoiles neigeuses, en perles
irisées. Quelquefois deux vagues se rencontrent; les colonnes d’é-
cume se heurtent. C’est un ruissellement magique d'argent; on dirait
qu'une main invisible jette à foison des pétales de marguerites ;
puis tout s'écroule, et sans fin la fête recommence.
En route! Le sable fin et moelleux craque sous nos pas, tapis
oh —
jaune moiré de noir, que constellent des touffes de plantes aux re-
flets vifs, d’un vert argenté, jardins microscopiques que nous avons
presque regret à fourrager : Æuphorbia Paralias, Convolvulus
soldanella, Paronychia argentea, Evax pygmæa, Cyperus schæ-
noïdes, Eryngium maritimum (non encore fleuri) et cà et là des
varechs, des corallines, des ulves, des conferves, mêlés de coquilles
variées, Venus, Turbo, Solen, Murex, d'étoiles de mer aux bran-
ches élégantes, de paquets d'œufs de seiche et de tout ce que la mer
veut bien nous offrir de ses trésors. Sous nos pas se rencontre un
pont naturel, bâti par les flots, tout près d’une grotte profonde à
hauteur d'homme creusée dans le basalte ; peut-être a-t-elle servi
de refuge à nos ancêtres aux époques lointaines où l'humanité s’es-
sayait à la vie.
Peu à peu l’aspect du ciel s’est modifié. Les lourds bataillons de
nuages si noirs que la lumière paraît venir plutôt de la mer que d'en
haut, ont envahi tout le ciel ; les teintes plombées ont disparu; au-des-
sus de nos têtes s'étend une immense voile grise nouée aux quatre
coins par-delà l'horizon. Quelques gouttes de pluie nous avertissent
qu'il est temps de hâter le pas, et nous obéissons à leur langage
expressif. Aux pieds du mont St-Loup l’idée nous vient de visiter
le phare ; sans plus de répit nous escaladons la colline par un che-
min caillouteux, plein de débris roulants, bordé de vignes maigres
et de garrigues cà et là défrichées où croissent : Rosmarinus offi-
cinalis, Ervum gracile, Vicia angustifolia, Juniperus oxycedrus,
Lavandula stæchas, Quercus coccifera, Carex setifolia, Picridium
vulgare, Rubia peregrina (en boutons) Sherardia arvensis, Agros-
temma Githago, Silene quinquevulnera et d'autres espèces que
nous n’avons pas le loisir de recueillir.
Après quelques minutes d’efforts nous touchons au phare en même
temps que le ciel crève sur nos têtes. Quelle averse ! Du haut de la
lanterne le paysage ne s’apercoit qu'à travers un brouillard. Une
buée fuligineuse couvre d’un côté la mer, de l’autre l'étang de
Thau ; le vent roule cà et là des lambeaux de brume et les promène
dans la vallée. Tantôt des trous se creusent dans cette ombre, qui
nous apparaît alors comme un manteau de bohémiens mangé aux |
vers,tantôt l'obscurité s’épaissit en certains endroits et l'atmosphère
prend l’aspect d’un dessin au lavis mal colorié. Je ne sais quel polis- |
son a versé son encrier sur le ciel et s’est amusé à y faire avec l’en-\|
cre des figures irrégulières.
ES —
Pensez-vous que cela durera, demandons-nous au gardien, qui
nous montre la lampe avec sa cheminée, les lentilles entourées de
prismes tordus en cercles, les miroirs en haut et en bas destinés à pro-
jeter la lumière au loin sur l'horizon, les petites pompes aspirantes
et foulantes mues par un mouvement d’horlogerie, qui font lente-
ment monter le pétrole dans la mèche, le déversoir ingénieusement
établi pour empêcher l'huile d’arriver trop haut, enfin le pivot qui
supporte la lanterne et les roues de cuivre 'glissant sur l'acier
au moyen desquelles le phare exécute sa conversion. « Cela dépend
du vent, répond cet homme ». Rassurante expectative ! Au-dessous
de la lanterne une petite salle encombrée par le pivot du phare et
quelques appareils ; au coin d’une table, un maigre fauteuil, où
durant sa faction, s’assied le surveillant, le tout propre et luisant
comme une monnaie neuve. Il faut descendre par un escalier étroit,
obscur, vertigineux ; nous parcourons le magasin plein d’armoires
bondées d'objets de rechange, et nous nous arrêterions peut-être
devant la bibliothèque des gardiens, si ce n’était le temps qui
presse. La pluie tombe encore à torrents. N'importe. En un clin
d'œil nous avons quitté le phare, nous dégringolons au pas gymnas-
tique par l’étroit sentier et nous voilà courant sur le chemin dé-
trempé parmi les flaques d’eau bourbeuse, à la queue leu-leu, riant
à notre aise, et narguant l’averse.
Résultat : Nous arrivons à Agde juste à l’heure, nous sautons
dans un wagon et l’express nous ramène à Béziers, lourds comme
des éponges, mouillés , crottés jusqu’à l’échine, mais très-gais’
somme toute, comme il convient. C’est alors que le soleil jugea à
propos de se mettre à la fenêtre, et de nous regarder du même air
railleur que dans la matinée alors qu'il nous brûlait la figure et
nous faisait ruisseler de sueur.
Séance du 15 mai 1877.
PRÉSIDENCE DE M. DUFFOUR, vice-président
Adoption du procès-verbal.
Admission, comme membre correspondant, de M. Paul Fa-
bre présenté par MM. Cannat et Albert Fabre.
5
PO 2
Sont offerts à la Société :
4° Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l’homme,
onzième volume, année 1876, par M. Cartailhac. — Don de
l'auteur.
2o Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme,
année 1877, troisième et quatrième livraison. — Don de l’au-
teur. |
3° Les nouvelles archéologiques, revue mensuelle (ne 2), Mai
1877. — Don du même.
M. Valéry-Mayet fait part à la Société du résultat de ses
recherches dans la grotte de Mialet (Gard) où il a trouvé une
cinquantaine d'individus d’un adelops, qu'il suppose d’une es-
pèce nouvelle, elle tient du lucidus de la grotte des Demoi-
selles et du lindari de la grotte de Saint-Martin-d'Ardèche.
Note conechyliologique sur l’exeursion au cap d'Agde
(6 Mai)
Par M. BENOIT.
À l'endroit même où notre groupe s’est séparé du vôtre pour
aller à la recherche des mollusques , le chemin d'Agde à la mer se
fait une voie à travers les monticules de la côte par une profonde
tranchée qui se recommande au géologue pour l'étude de ce terrain
volcanique essentiellement composé d’un tuffa plus ou moins com-
pacte s'étendant par couches successives jusqu’au rivage, où on le
voit encore cà et là faire saillie au-dessus des sables en longs ru-
bans jaunes et noirs de roches friables et de conglomérats.
C’est en suivant ces couches, sous la conduite de M. Z..., à tra-
vers un pays si tourmenté qu’on se prend à douter de la vérité de
cet axiome : La ligne droite, nous avions mis deux bonnes heures
à franchir une distance de deux kilomètres et nous n’étions pas en-
core en vue de la mer; mais nous avions beaucoup flané avec la
ny .1, et
nature qui, toujours bonne fille, se laissait complaisamment dé-
pouiller de ses trésors :
Helix rotundata. Mull. Helix pisana. Mull.
« vermiculata. Mull. « maritima. Drap.
« _carthusiana. Mull. « exæplanata. Mull.
« variabilis. Drap. « _elegans. Drap.
« Aspersa. Mull. « pyramidata. Drap.
« Pulchella. Drap. Bulimus acutus. Brug.
& Rupestris. Drap. « decollatus. Brug.
Quand, au détour d’une grande roche basaltique, le paysage,
de pittoresque et original qu’il était, devint grandiose. A nos
pieds la mer tranquille et bleue comme aux jours de juillet
semblait, dans le lointain, emprunter au ciel sa couleur transpa-
rente comme pour ajouter encore à son infini en supprimant l'hori-
zon. Au-dessus de nous les hauteurs du cap découpaient leur sombre
silhouette au milieu de l’azur, et dans les bas fonds des champs de
coquillages, amoncelés çà et là au gré des flots, témoignaient des
tempêtes de l'hiver et contrastaient singulièrement avec le calme
momentané de la mer.
À cette vue, le guide se mit à peindre la nature, le géologue à
dessiner une coupe, tandis que l'artiste, fièrement campé sur le
sommet de la falaise, emporté sans doute par son imagination à
l’aspect de ces amas de coquillages et se croyant tout-à-coup trans-
porté sur les rivages de la Morée ou de la Phénicie, s’écriait en
montrant Agde : Voilà Tyr..., voilà les traces de sa fameuse in-
dustrie.... Oh Murex Brandaris...., et pendant qu’il parlait, votre
rapporteur notait sur ses tablettes cette observation conchyliolo-
gique : « Quand un conchyliologue n’aura que peu de temps à
consacrer à ses études particulières, il se tiendra à l'écart des ar-
tistes, des géologues, des dessinateurs architectes où il ne rencontre
pas sur son chemin un point de vue, une pierre, un accident de
terrain qui ne soit le sujet de commentaires si intéressants qu'il
n'oublie pour eux le temps, la fatigue et ses propres occupations. »
Et, laissant ses collégues à leurs doux loisirs, il courait à la re-
cherche des coquilles et récoltait en un instant :
Solen
Cultellus.
Solecurtus
Modiola.
Mactra
Venus
«
«
Cytherea
Mytilus
Arca
Pecten
«
«
Murex
vagina.
ensis.
suliqua.
strigillatus.
verTTUCOSA.
gallina.
bicolor.
chione.
edulis
noœ.
varius.
Jacobeus.
opercularis.
brandaris.
— 08 —
Triton
«
«
Vermetus
Cerithium
Columbella
«
«
Natica
Scalaria
Aporrhais
Trivia
Trochus
Turbo
Haliôtis
Dentalium
Patella
cutaceum.
doliarium.
mediterraneum.
bicarinatus.
vulgatum.
r'ustica.
scripta.
gerviller.
mille punctata.
COMMUNS.
pes-pelecanti.
europæu.
Mmagqus
TUYOSUS.
lamellosa.
elephantinum.
longicosta.
Comme vous voyez la récolte eut été médiocre si mes deux com-
pagnons, qui tenaient à honneur de réparer le temps perdu, ne
s'étaient mis de la partie, et vous devez à M. X.
Murex
Columbella
«
«
Natica
Purpura
Nassa
ns <
«
«
Buccinum
_erinaceus.
minor.
levigata.
corniculata.
Canren«a.
hemasthoma.
gibosula. C.
variabilis.
mutabile.
incrassata.
reticulatum.
Bullea
Mitra
Teredo
Vermetus
«
Cerithium
«
«
Dentalium
Patella
Fissurella
aperta.
ebeneus.
navalis.
glomeratus.
plisciferus.
fuscatum.
lacteum.
minutum.
entalis.
cerulea.
gibba.
À M.Z... une superbe collection des plus belles bivalves de la
Méditerranée qu’il a laissée, par notre conseil, sur les bords de la
mer attendu que tous ces coquillages n’avaient qu’une valve. Au
point de vue esthétique le bon goût qui a présidé à leur choix me
Lot) | Een
paraît au-dessus de tout éloge, vous l’en féliciterez chaleureuse-
ment.
Ainsi récoltant nous étions arrivés à cet endroit qu’on appelle la
Conque où les autres excursionnistes nous attendaient. Je ne vous
dirai rien du déjeûner que nous y fimes, chacun de vous a mangé
à la campagne et sait de quel appétit; mais le retour m’a paru
digne d'être noté pour l’intermittence de pluie et de beau temps
qui n’en a pas fait le charme.
La nature cependant ne pouvait pas mieux faire, elle a donné le
soleil aux plantes et aux botanistes, la pluie aux escargots et aux
ramasseurs de coquilles. Aussi tout en rentrant d'Agde à Bessan
par une pluie torrentielle, en ramassant :
Helix flammulata. Moq. | Clausilia minor. Drap.
« cantiana. Mont. « papillaris. Drap.
« lactescens. Moq. Pupa quadridens. Drap.
Bulimus ventricosus. Drap. « variabilis. Drap.
Achatina pulchella. Moq. Planorbis nitidus. Mull.
Clausilia rugosa. Drap. Limneus auricularius. Drap.
_ je trouvais qu'elle m'avait pris pour un bien grand conchyliologue.
Séance du 23 mai 1877
PRÉSIDENCE DE M. DUFFOUR, vice-président
Adoption du procès-verbal.
Sur la proposition du bureau la Société décide que le titre
de membre honoraire sera offert à M. Cartailhac.
Admission comme membre actif de M. Adalbert Fabregat
présenté par MM. Chalon et Mandeville.
Admission comme membre correspondant de M. Carlier,
présenté par M. Albert Fabre et Lemuet.
Sont offerts à la Société :
Trois échantillons de roches pyriteuses de la tranchée
noire de Gabian. — Don de M. Jumeau.
Notes sur l'excursion du lundi 21 mai à Narbonne,
Armissan et La Clape
Par M. CANNAT
MESSIEURS,
Parmi les excursions que vous avez projetées pour cette année,
telle se recommande au touriste par la gracieuseté du site, le pit-
toresque du paysage, telle autre attirera l’archéologue par la re-
nommée d’un monument historique aux antiques légendes, par
les vestiges d’un camp romain, par des débris de dolmens druidi-
ques. Nous avons alors la bonne fortune de réunir à nous les amis
des arts et des lettres; le voyage se fait en commun , tandis que
chacun se livre selon ses goûts à ses études favorites.
Notre excursion aux carrières d'Armissan ne présentait pas les
mêmes conditions , notre troupe ne fut pas nombreuse. Les bota-
nistes et les géologues seulement se rendirent à l'appel, disposés
à mettre, le plus possible, leur temps à profit, pour l'accroissement
de l’herbier et des collections de la Société. L
Il nous a été donné, en effet, dans une même journée et sur un
parcours relativement petit, d’être en présence d’une très-grande
variété de richesses géologiques.
A Narbonne, notre premier soin fut d'aller visiter le Musée; si
j'avais à vous en faire la description , je devrais vous énumérer
dans chaque salle les tableaux, les bas-reliefs, les porcelaines, les
meubles antiques, les statues, les monnaies; pour nous, notre
attention fut surtout attirée par les vitrines pleines d’objets de l’épo-
que préhistorique : poteries, haches, silex, dents, bois de renne,
bois de cerf travaillé, provenant des grottes bien connues de Bize
ou des nouvelles fouilles à la grotte de Gruissan et pour compléter
la série on voyait au milieu de tous ces objets trouvés dans les en-
virons de belles reproductions en plâtre des échantillons les plus
précieux et les plus rares qui figurent dans les autres Musées. Les
plaques d'Armissan ne sont encore disposées dans aucune vitrine,
té ducs. …— de
SD, Pia
elles sont en attendant dans une salle en préparation où il faut
espérer qu’on leur réserve une bonne place.
Après un trop court séjour à Narbonne nous dûmes , d’après le
programme de la journée, reconnaître la flore et la faune de cette
époque tertiaire lacustre dont nous possédons déjà dans nos vitrines
de précieux spécimens, dus à la libéralité de M. Henri Devèze,
membre correspondant de la Société et propriétaire des carrières
que nos allions visiter.
Nous n’arrivâmes à Armissan qu’à l’heure du déjeuner que nous
eûmes hâte de terminer pour aller voir les galeries. Celles-ci d’une
largeur de 2 mètres, d’une hauteur uniforme de 1 mètre 30 cent.
s’enfoncent dans le sol en formant un angle de 23 degrés à la
poursuite de deux couches de calcaire en dalles, qui, utilisées
primitivement pour des cuves de tanneries, sont actuellement
recherchées, dans le Midi, pour les marches d'escalier. L’épaisseur
des deux couches réunies est de 30 cent. Elles sont recouvertes
d’une argile plastique dont on pourrait tirer partie pour la po-
terie; elles reposent sur des marnes avec plaques calcaires très-
fossilifères.
Que l’on se figure au lieu de ces vignes aux rangées de souches
symétriquement placées, au lieu de ce roc blanchâtre et nu, une
immense forêt peuplée de grands arbres, couverte d’une belle végé-
tation, renfermant à la fois des plantes tropicales et des genres
dont les espèces habitent actuellement nos climats tempérés ; on
aura une idée de ce que devait être Armissan à la fin de l’époque
oligocène, pendant laquelle s’est déposé le calcaire avec les em-
preintes végétales déterminées en grande partie par M. le comte
de Saporta.
Cette forêt limitait les rives d’un vaste lac comparable à ces
grandes plaines liquides de l'Amérique du Nord dont les eaux, après
avoir formé la chute fameuse du Niagara, se déversent dans l’At-
lantique par le St-Laurent.
Nous pourrions peut-être encore le comparer avec plus de raison
aux grands lacs de l'Afrique centrale, objets de récentes explora-
tions, dont la masse d’eau très-variable ne connaît point de lit
normal et qui communiquent entr’eux par des canaux marécageux
naturels, dont le courant à peine sensible modifie sa pente d’une
manière capricieuse par suite d’influences encore inexpliquées.
LU T
Dans notre lac tertiaire vivaient de nombreux végétaux aquati-
ques : Nymphea, Potamides, Chara, Cyperus ; des mollusques :
Lymnea, Cyclas; des poissons ganoïides, des crocodiles et des
tortues 7rionyæ.
Sur les collines s’élevaient de grands arbres : Laurus, Sequoia,
Aralia, Andromeda, Acer, Quercus Chamærops, refuges de nom-
breux animaux parmi lesquels le Palæotherium et l'Anthracothe-
rium (1).
M. Devèze nous fit remarquer les beaux échantillons variés qu’il
avait mis de côté à notre intention, mais nous ne les reprîimes qu’au
retour d’une course sur les rochers crétacés de la Clape.
Ce massif montagneux qui sépare Armissan de la mer est formé
de couches d’un dur calcaire alternant avec des marnes jaunes du
crétacé inférieur, albien et aptien.
Dans la localité connue de Ramade, il nous fut facile de faire
ample provision de fossiles de ces étages.
Terebratula Sella (Sow.)
T, prælonga (Sow.)
T: pseudojurensis (Leym.)
sil tamarindus (Sow.)
Plicatula placunea (Lam.)
Diadema malbosii (Agass.)
Ostrea aquila (d'Orb.)
Venus allaudiensis (Math.)
Après quelques recherches nous trouvâmes un banc d'Ammoni-
tes Dufrenoyi (d'Orb) et Cornuelianus (d'Orb) d'une taille fort
belle, enfin, deux très-gros Nautilus neckerianus. ( Pictet).
Nous devions tous rentrer ensemble par la gare de Coursan, mais
qu'il est difficile de se retrouver pour le départ lorsque les inci-
dents inattendus qui surviennent pendant la récolte vous éloignent
les uns des autres, vous font oublier l'heure et vous engagent dans
des sentiers trompeurs.
(1) Une mâchoire de cet animal fut trouvée, il y a quelque temps, dans le calcaire compacte,
horizon de l'Helix Ramondi.
— 79 —
Séance du 30 mai 1877.
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Sur la proposition du bureau la Société décide que le titre
de membre honoraire sera offert à M. Trutat.
Admission de M. Bonnel comme membre actif, présenté par
MM. Cannat et Martin-Fabre.
Sont offerts à la Société :
1° L'homme dans la vallée inférieure du Gardon, par M. Ca-
zalis de Fondouce (Montpellier 1872).
20 Allées couvertes de la Provence, par le même. — Don de
l'auteur.
M. le Président donne communication d’une lettre de M.
Cartailhac acceptant le titre de membre honoraire.
Il communique aussi une lettre de la Société des études
du Lot qui accepte d’être société correspondante.
Rapport sur les Grottes de Caramaou et de
Cabrerolles
Par M. SABATIER-DÉSARNAUDS
MESSIEURS,
Vous savez que d’après les conseils de M. Cartailhac, notre mem-
bre honoraire, j'ai dû apporter à Toulouse les ossements, dents et
silex, provenant de la grotte des Fées, pour soumettre les uns à un
paléontologiste compétent, M. Trutat, et pour comparer les autres
aux précieux objets renfermés dans la salle d'archéologie préhisto-
rique, qui est l’œuvre même de notre collègue.
Nos investigations nous permettent aujourd'hui d’avancer qu’il
existait à Caramàäou une station de l’âge du renne ; quatre dents
"Ms —
ont été attribuées à ce ruminant ; la présence du foyer et de nom-
breux ossements fendus témoignent en faveur d’une occupation de
l’homme quaternaire, qui a dû tout au moins y prendre quelques
repas. À côté des dents du renne ont été trouvées celles du grand
cerf, du bison européen, du cheval, du mouton et de la chèyre ; on
y remarque aussi celles du blaireau et de la fouine. Il est à regret-
ter toutefois que tous nos ossements n’aient point formé un seul
envoi ; cela nous eût permis de donner aujourd’hui la liste complète
des animaux dont nous possédons les restes et qui viendra sans
doute s’accroître de l'ours que notre savant collègue croit repré-
senté dans notre ossuaire par certaines parties du squelette.
En passant en revue avec l’auteur des Matériaux la belle collec-
tion des temps préhistoriques que possède le musée de Toulouse, nous
avons remarqué des silex taillés, terminés en pointe, et des ra-
cloirs épais recueillis à la Madeleine et en tout semblables à ceux
de M. Fabre. La flèche de Caramaou d'une taille particulière, ne
ressemble à rien de connu, mais peut tout aussi bien se rapporter à
l’époque de la Madeleine qu’à celle de la pierre polie. Les trois bois de
cervidé appartiennent l’un au grand cerf cervus elaphus, les deux
autres au renne, et nous devons ajouter que le bois de renne travaillé
a des analogues dans la collection de la Madeleine du même musée.
Les coquilles recueillies sont marines et des genres moule et cythe-
rée. Quant aux ossements et dents d'hommes et d'enfants mêlés à
ceux d'animaux, la pendeloque, un os perforé, des perles en stalag-
mite, ainsi que des poteries à dessin, nous amènent à les rattacher
à une sépulture de l’âge néolithique : on voit à Toulouse des objets
semblables provenant de fouilles faites dans les dolmens. M. Car-
tailhac en visitant dernièrement la grotte a mis la main sur un
fragment de granit qu'il considère comme une meule; ilest en ce
moment en Suisse et m’a promis à son retour de s'arrêter à Béziers
pour nous donner la détermination des ossements que nous venons
de lui adresser ainsi que le plus de détails possible sur les objets
divers qui vont constituer pour nous un commencement de collec-
tion préhistorique.
J'ai profité de l’extrême obligeance de M. Trutat pour lui faire
déterminer aussi quelques ossements que je possédais depuis long-
temps et que j'avais rapportés de fouilles faites par moi à la grotte
de Cabrerolles, près de Laurens. Cette grotte élevée de 25 à 30 m.
1"
au-dessus du torrent, alors que celle des fées n’est qu’à une hau-
teur de 10 à 12 m., est exposée également au midi, mais n'offre
qu'une ouverture extrêmement basse, qui ne peut être franchie
qu’en se baissant ; c’est donc une caverne plutôt qu’une grotte,
éclairée par le haut au moyen d’une lucarne; elle présente aux re-
gards des stalactites colorées en jaune par le fer, dont les draperies
vont se confondre avec la stalagmite qui tapisse le sol de deux pe-
titessalles contiguës. Un couloir à gauche et communiquant avec les
deux salles pénètre assez avant dans la montagne. Les quelques osse-
ments recueillis au fond de la première chambre et au devant même
de l’ouverture de la seconde ont été trouvés à 25 centimètres de
profondeur au milieu d’une terre rougeâtre recouverte d’une sta-
lagmite d’une même épaisseur; c’est d’abord un occipital que M.
Trutat a reconnu pour être celui d’un ours sbrachycéphale, et cons-
tituant vraisemblablement une espèce très-voisine de l'ours des
cavernes, mais différant beaucoup de l'ours actuel. Un fémur du
même animal et une dent de renard sont tout ce que nous ont donné
les fouilles d’une moitié de la grotte, nous étant surtout attaché
à la partie recouverte de stalagmite.
La hauteur de la caverne au-dessus de l’eau, les restes d’une
._ espèce d’ours éteinte, nous font considérer ce dépôt comme plus an-
cien que celui du renne qu’on ne rencontre que dans les grottes situées
à une petite élévation au-dessus du lit des ruisseaux ; ces vestiges
d'animaux éteints ou émigrés donnent de l'importance à nos grottes,
qui peuvent être considérées comme des jalons reliant Bize et la Clape
aux côtes du Rhône; le renne n’a pas dû dépasser la chaîne des
Alpes puisqu'on ne l'a pas encore trouvé en Italie.
Puisque la question préhistorique est à l’ordre du jour, je ne
finirai pas sans vous parler d’une pointe de flèche en quartz, trou-
vée à Laurens auprès de la source de la Rautès ; c’est un vrai bi-
jou de l’âge néolithique; contrairement à l'opinion que je m'en
étais faite et qui me la faisait regarder comme un talisman, j'ai
acquis la conviction que les hommes de cette époque s’en servaient
comme d’une arme pour la chasse. On voit à Toulouse des pointes
analogues fixées à de longs bois au moyen de cordes de boyaux;
comparables à des javelots, elles pouvaient pénétrer dans les chairs,
puisqu'on en trouve encore qui tiennent à des vertèbres.
Les hâches (1) en diorite et en serpentine, si communes dans nos
(4) Communes surtout dans la basse montagne.
— 916 —
champs, sont aussi de l’époque néolithique, et leur nombre nous
prouve qu'il nous reste encore bien des découvertes à faire dans
cette vole.
En terminant, je ne puis que vous engager à visiter la salle des
antiquités préhistoriques de Toulouse, qui renferme des échantil-
lons des divers âges ; cette collection est à la fois une des plus ri-
ches et des plus intéressantes, qui existent en France jusqu’à ce
jour, et peut être étudiée avec profit par tous ceux qui s’occupent
de l’histoire primitive de l'homme,
Séance du 6 juin 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
M. Cartailhac, de Toulouse, membre honoraire, assiste
à la séance.
Adoption du procès -verbal.
Admission de M. Louis Jaussan membre actif, présenté
par MM. Cannat et Bastide.
Sont offerts à la Société :
4° Un don de coquillages marins — Don de M, Lagarde.
2° Minéraux des Pyrénées et nummulites — Don de M. L.
Bonnet.
5° Collection de fossiles du crétacé de la Clape — Don de
M. Cannat.
Pour la bibliothèque.
4° Note sur un cas de tératologie végétale par M. Féminier
— Don de l'auteur.
2 Catalogue des plantes cultivées au Collége de Pézenas,
par M. Biche — Don de l'auteur.
A la demande de M. le Président, M. Cartailhac veut bien
pous dire quelques mots sur l’homme préhistorique et sur les
àges successifs de la pierre taillée, de la pierre polie et des
MT
métaux. Il explique qu’à une époque donnée les différentes
régions n'avaient pas une civilisatisn identique el que ces ex-
pressions d'âge ne s'appliquent point à tout le globe en même
temps , mais au contraire à des étendues géologiques assez
restreintes.
Séance du 13 juin 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARN AUDS
M. de Rouville, membre honoraire fondateur, profes-
seur à la faculté des sçiences de Montpellier, assiste à la
séance.
Adoption du procès-verbal.
Admission de M. de Gineste membre actif, présenté par
MM. Sabatier-Désarnauds et Duffour.
Admission de M. Aubouy membre correspondant , pré-
senté par MM. Sabatier-Désarnauds et Duffour.
M. le professeur P. de Rouville fait une conférence sur
les phénomènes géologiques en général et sur les terrains
paléozoïques, afin de préparer l’excursion du lendemain à
Roujan-Vailhan.
Compte-rendu entomologique de l'excursion
à Fonfroide (Aude).
Par M. VALERY-MAYET.
Plusieurs d’être vous, se rappellent encore avec plaisir l’excur
sion que la Société fit l’année dernière au monastère de Fonfroide,
près Narbonne et dont M. Baluffe a donné le compte-rendu dans
nos annales.
N'ayant pu y assister et désirant beaucoup visiter ces ravins
de la chaîne des Corbières, j'avais été heureux de voir cette course
alt
entrer de nouveau, cette année, dans la liste de nos promenades
hebdomadaires.
Sept membres de la Société s'étaient fait inscrire comme devant
en faire partie. Le départ était fixé pour le train de sept heures
quarante du matin. Trois seulement d’entre nous furent exacts au
rendez-vous. MM. Aimé Fabre et Chalon étaient mes deux com-
pagnons de route.
Nous comptions être plus nombreux ; mais le premier moment
de désappointement passé, nous n’hésitâmes pas à partir, nous di-
sant, qu'après tout on n’a pas besoin d'être bien nombreux pour
faire, à la fin de Mai, par le plus beau temps du monde, une ré-
colte abondante dans un pays d’une richesse bien connue.
À huit heures et demie nous arrivons à Narbonne, où, fidèle au
rendez-vous donné, une voiture découverte nous attendait, et nous
quittions de suite la vieille cité par la route de Carcassonne.
Les premiers kilomètres ne sont pas très intéressants, ils se font
dans la plaine plantée de vignes, sur une route poudreuse; mais
bientôt on quitte la route de Carcassonne pour prendre celle de
Quillan, et l’on ne tarde pas à pénétrer dans les premiers ravins
des Corbières. Nous laissons à gauche les ruines du château de
St-Pierre, à droite Quillanet et la masse imposante du vieux
manoir de St-Martin, et il est dix heures et demie quand nous
entrons dans la cour de l’abbaye.
Aussitôt arrivés, nous consacrons quelques instants à la visite
du monastère. Il est habité par des moines de l’ordre de Saint-
Bernard, les mêmes qui ont fondé et entretiennent la grande ab-
baye d'Haute-Combe sur 1e lac du Bourget, le St-Denis des
princes de la maison de Savoie. Les bâtiments sont considérables
et datent de diverses époques, depuis le onzième siècle jusqu’au
dix-huitième.
Fondé par les Bénédictins qui l’occupaient encore en 1793, il
fut dévasté à cette époque comme tous les autres monastères de
France et devint propriété nationale. Vendu sous la Restauration
comme bâtiment d’exploitation rurale, il fut, en 1835, classé dans
les monuments historiques, et vers 1860 ies Bornardins l’achetè-
rent. Le cloître date du onzième siècle. Il est petit, mais d’une
élégance remarquable ; les arceaux sont romans et les voûtes ogi-
vales. L'église, construite à la fin du douzième, est entièrement
SSH
ogivale; mais malgré sa voûte élevée, ses lourdes proportions ne
rappellent en rien l'élégance du cloître.
J'avais visité Fonfroide il y a quinze ans, j'ai été surpris des
travaux de restauration intelligente qui y ont été opérés. De toutes
parts les ruines se relèvent et d'ici à quelques années le monas-
tère aura repris la physionomie qu'il devait avoir du temps des
Bénédictins.
Nous visitons la salle du chapitre, remarquable par la légèreté
de ses colonnettes romanes, le réfectoire, la cuisine, l’hôtellerie,
les cellules des religieux, et le père économe qui nous sert de
cicerone ne veut pas nous quitter sans nous faire voir les belles
chambrées de vers à soie dont il est chargé spécialement. Les
chenilles ont toutes passé la quatrième mue et commencent à monter
aux bruyères pour filer leurs cocons. Est-ce le choix judicieux de
la graine, sont-ce les soins de tous les instants qui sont apportés
à ces éducations ? Toujours est-il que les deux terribles maladies
de la Pébrine et de la Flacherie n’ont jamais promené leurs rava-
ges dans les chambrées de Fonfroide. Nous félicitons l’économe de
son beau succès et nous nous dirigeons à la hâte vers le déjeûner
qui, pris à l'ombre des grands arbres de la terrasse, est trouvé
excellent, mais est vite expédié, car il nous tarde de nous mettre
en route pour explorer les environs.
Il était près de midi quand nous nous mettions en marche.
Je laisse à M. Chalon le soin de vous parler botanique, je ne
vous entretiendrai donc que de ma spécialité, la partie entomolo-
gique de l’excursion ; mais auparavant, laissez-moi vous dire
quelques mots de notre terrain de chasse.
La chaîne sous-pyrénéenne des Corbières a environ cent kilo-
mètres de longueur. Elle commence à une lieue de Narbonne par
des collines qui ne dépassent pas 120 mètres d’élévation et se ter-
mine près de Montlouis ( Pyrénées-Orientales ) par des hauteurs
qui atteignent 2,500 mètres. À Fonfroide les montagnes ne s’élè-
vent pas à plus de 250 ou 300 mètres ; mais elles ont un aspect
mouvementé et sauvage qu’elles doivent à leurs rochers abrupts, à
leurs ravins remplis de cistes et de grandes bruyères et à leurs
pentes boisées de pins maritimes. Cet arbre est l'unique essence
forestière du pays. D'après la flore de Loret il n’est nulle part
Spontané dans le département de l'Hérault. Ses régions préférées
sont les parties granitiques ou couvertes de sables siliceux du Var,
des Alpes-Maritimes, de la Corse et des Landes. A-t-il été trans-
porté autrefois dans les Corbières où les grès rouges de Fonfroide
et le voisinage de la mer lui offrent ses deux conditions préférées :
la silice et l’air salé ? Toujours est-il qu'il y occupe des espaces
considérables et qu’il y est absolument acclimaté. Mesurées sur la
carte de l'état-major, les deux principales pinèdes m'ont donné
l’une quatre kilomètres de long sur deux de large et l'autre trois
kilomètres sur un. Ces bois sont composés d'arbres très-serrés les
uns contre les autres; mais plus ou moins rabougris. Pour moi,
qui avais vu en Corse le pin maritime lutter d’élévation avec les
grands Laricio, j'avais de la peine à reconnaître la première de
ces espèces dans ces arbres qui ne dépassent pas quatre à cinq mè-
tres de hauteur. L’éternel vent du Narbonnais est pour quelque
chose sans doute dans la propension que les arbres ont à s'étendre
plutôt en largeur qu’en hauteur ; mais je crois que sur ces pentes
brûlées du soleil les incendies sont fréquents et qu'aucun massif
forestier ne doit parvenir à un âge avancé. Deux portions des bois
de Fonfroide ont été brûlées l’an passé et parmi les nombreuses
causes de déboisement qui semblent conjurées contre ce qu'il nous
reste de forêts dans le midi, nous devons compter les fusils des
chasseurs.
Cet apercu sur notre terrain d’excursion est peut être un peu
long ; mais il m'a paru utile.
Nous quittons le couvent par le lit d’un ruisseau à sec aujourd'hui,
mais que j'avais vu torrent lors de ma l'e visite à Fonfroide. A droite
derrière l’abside de l’église de grosses touffes de Mercurialis tomen-
tosa me fournissent plusieurs individus du joli Apion semivittatum.
Bientot les premiers cistes se montrent et à mesure que nous nous
élevons ils deviennent plus grands et plus serrés. Je me mets à les
secouer dans mon parapluie renversé et ils me donnent les espèces
suivantes : Pachybrachys viridissimus, cryptocephalus tristigma,
maculicollis et rugicollis, apion tubiferum, hispa testacea, Dasy-
tes coæalis et griseus, Meligethes fuscus et villosus, anthrenus
delicatus, Œdemera Barbara et Podagrariw, Anaspis monili-
cornis, Mycterus curculionoides, Anthicus plumbeus, Bruchus
variegatus, ater et vellaris.
Aucune de ces espèces n’est étrangère au département de l'Hé-
rault et la plupart se trouvent même près d’ici dans les champs de
Cistes de Roque-Haute.
Nous continuons à monter. Un peu plus haut se montrent les
grandes bruyères (Erica arborea), puis plus haut encore, sur un
petit plateau à droite nous trouvons les premiers pins maritimes.
Les grandes bruyères explorées à la filoche me fournissent du pre-
mier coup deux raretés, deux espèces de charançons que je ne soup-
connais pas en Languedoc, le Sciaphilus cristatus plus particulier
à l'Espagne qu'au midi de la France et le Nanophyes siculus, es-
pèce italienne, comme son nom l'indique et qui ne s'était jusqu’à
aujourd’hui, en France, trouvée que dans le département du Var.
Outre ces deux espèces, la grande bruyère me donne : Sfrophoso-
mus limbatus, Peritelus sereæ, Centorynchus ericæ, Malachius
viridis, Clambus armadillo, Cardiophorus bisignatus et sa belle
variété ornatus, Altica lineata et Rhizobius litura.
Pendant que j'exploitais les bruyères, les botanistes qui ont
l'humeur plus voyageuse que les entomologistes, m’avaient dépassé
et rendez-vous pris pour cinq heures du soir dans la cour du mo-
nastère, ils s'étaient enfoncés dans la pinède. J'avais encore à ex-
plorer les pins et je vous assure que j'ai mis à profit les deux
heures qui me restaient pour cela. Les branches battues dans le pa-
rapluie me donnaient abondamment les espèces suivantes : Brachy-
_deres lusitanicus et Sabaudus Magdalinus Heydeni,. Naplocn-
emus pini, Ptinus irroratus et dubius, Rynchites cœruleocephalus
Passodes piceæ, Melanophila cyanea. Je fis ainsi, dans les bois,
environ trois kilomètres battant de droite et de gauche toutes les
branches qui avaient un peu de bois mort et qui m'offraient ainsi plus
de chance de trouver des insectes. Arrivé à un col élevé qui s’ou-
vrait sur la droite, je trouvais deux pins morts sur pied et sous leur
écorce je recueillis encore Bostrichus rectangulus, Anlonium bi-
color, Pissodes notatus, Chrysobotrix solieri et en larve malheu-
reusement un gros Ziozoum et le beau longicorne ÆZrgates serra-
rius qui ne paraît qu’à fin juillet.
Au bout de ce col qui fut le terme de mon excursion, je décou-
vris tout-à-coup un splendide panorama. À mes pieds s’étendait le
versant nord de la chaîne recouvert du sombre manteau des pinè-
des ; à droite, sur un mamelon, les ruines majestueuses du vieux
manoir de Saint-Martin ; au loin, devant moi, la riche plaine de
l'Aude et ses plantureux vignobles inondés de lumière ; enfin bor-
nant l'horizon et baignés dans la brume bleuâtre, les profils dente-
lés de la Montagne noire. Le soleil qui commençait à descendre sur
6
l'horizon m'avertit de songer au retour etje dus m’arracher à ma
contemplation. Il était plus de quatre heures, je n'avais que juste
le temps de redescendre et cinq heures sonnaïient à l’horloge de
l'abbaye quand j'entrais :dans la cour où nos botanistes venaient
d'arriver.
La voiture fut bientôt attelée et après avoir remercié les bons
religieux de leur gracieuse hospitalité, nous roulions vers la gare
de Narbonne et de là en wagon vers Béziers. Nous y arrivions à
huit heures, regrettant qu’un plus grand nombre d’entre vous ne
nous aient pas accompagnés ; mais heureux d’une journée bien
passée au milieu d’une belle nature.
Séance du 20 juin 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARN AUDS
Adoption du procès-verbal.
Admission de M. S. Rebière, membre actif, présenté par
MM. Cannat et Martin-Fabre.
Admission de M. J. Maistre, membre correspondant, pré-
senté par MM. Sabatier-Désarnauds et Duffour.
Admission de M. Clément Coste, membre correspondant,
présenté par MM. Martin-Fabre et Crouzat.
Communication d’une circulaire de l'Association Française
pour l'avancement des sciences au sujet du congrès qui doit
avoir lieu au Hâvre.
M. le Président annonce à la Société que M. Valéry-Mayet,
vice-président, vient d’être appelé à la chaire d’entomologie
à l'école d'agriculture de Montpellier. Il félicite M. Mayet de
la distinction dont il a été l’objet, tout en exprimant le regret
que partage la Société toute entière de perdre un spécialiste
autorisé dont la collaboration lui était si utile et si agréable.
M. Cannat lit le compte-rendu bibliographique du mois de
Mai.
ral: : SON
MM. Valéry-Mayet et Chalon veulent bien se charger des
| : comptes-rendus pour les mois suivants.
M. Duffour fait une conférence sur le traitement, par le
sulfure de carbone, des vignes phylloxérées.
Séance du 27 juin 1877
PRÉSIDENCE DE M. DUFFOUR, vice-président
Adoption du procès-verbal.
Admission de M. Taïlhade, membre actif, présenté par
MM. Cannat et Albert Fabre.
Admission de M. Balguerie, membre correspondant , pré-
senté par MM. Jumeau et Cannat.
M. le Président communique à la Société une circulaire du
ministère aux Sociétés savantes.
Exeursion à Armissan et La Clape
Par M. P. CHALON.
Dans nos environs immédiats, il est peu de localités, qui offrent
plus qu’Armissan et La Clape, de sérieux attraits aux naturalistes.
Tout s’y trouve réuni à souhait. La flore méridionale admirable-
ment développée, en ces lieux, offre au botaniste, que n’effraie pas
une longue marche, une riche collection d'espèces intéressantes à
divers titres, rares et de très-bonne prise, les carrières de pierre
pratiquées dans un dépôt de terrain lacustre sont d’autant plus
anciennes qu’elles recèlent dans leur sein d'innombrables débris
d'animaux et de végétaux, témoins séculaires à l’aide desquels les
savants parviennent peu à peu à reconstituer la physionomie de
notre pays, bien longtemps avant l’apparition de l’homme. Il serait
à plus d’un titre curieux de dépeindre tels qu’ils se dégagent des
documents, actuellement en nos mains, les originaux paysages
semés d'arbres et d’essences tropicales que nos ancêtres les plus
SABRE
lointains eux-mêmes ne purent contempler, d’énumérer les diverses
espèces de poissons qui peuplaient à l’époque tertiaire le lac d’Ar-
missan, de décrire les reptiles qui en habitaient les bords et les
oiseaux qui volaient dans ces marécageuses solitudes. A d’autres,
moins ignorants que moi, le soin de s'acquitter de cette tâche, que
M. De Saporta a si bien commencée pour ne parler que de la ré-
gion que nous allons parcourir.
Après une courte visite au musée de Narbonne, qui, à elle seule,
exigerait un récit très-détaillé, nous prenons le chemin d Armissan.
Par extraordinaire, dans ce pays du vent, nulle brise ne nous ap-
porte sa fraiche haleine ; la route blanche et poussièreuse se
déroule au loin bordée de vignes et de prairies. Au bord des fossés
la récolte commence : Diplotaxis erucoïides, ÆEcballium elate-
rium, Ranunculus acris, R. bulbosus, Echium vulgare, Centau-
rea aspera, Erodium malacoïdes, Buphthalmum spinosum, Con-
volvulus arvensis, Medicago pentacycla, Linum angustifolium,
Orobanche ramosa, $ minor, Trifolium resupinatum, Plantago
coronopus, Phleum pratense, Cynoglossum pictum, foisonnent, et
nous prenons notre part de cette moisson ordinaire qu’offrent à tout
le monde les chemins de notre Midi. Nous pénétrons ensuite dans
une prairie naturelle mal desséchée, grenier à foin des chevaux et
des bœufs, qui, de loin, nous promettait monts et merveilles, et
qui, en fin de compte, ne nous donne que : Carex divisa, C. vul-
pina, C. acuta, Iris pseudo acorus, Aristolochia pistolochia, À.
clematitis, Althæa officinalis (en boutons), Vicia cracca Ê ar-
gentea, Euphorbia pubescens, Orchis palustris, Tragopogon cro-
cifolium, Convolvulus sepium, Juncus conglomeratus , Juncus
effusus, Cypérus flavescens, scirpus holoschænus et une quantité
de graminées vulgaires Bromus, Glyceria, Arundo, Kæleria, Fes-
tuca, Agrostis, etc.
La prairie est en revanche fort incommode ; on entre eton sort
par le même endroit, un espèce de pont en terre jeté sur un fossé
large de deux mêtres environ, rempli d’une eau bourbeuse, qui
s’obstine à nous fermer la route et nous oblige à revenir sur nos
pas. Je me promets bien désormais d'éviter un pareil piége,et quel-
que engageante que soit la verdure, je m'éloigne sans regret, dès
qu'elle est bordée d’un de ces traîtres fossés. Ma résolution s’affer-
mit de plus en plus à mesure que nous approchons d’Armissan,
l'heure s’avance et à défaut d'autre horloge, mon estomac sonne
NAT
midi. Environ à dix minutes du village, nous rencontrons M. De-
vèze, notre collègue et deux de nos amis, qui nous ont devancés, et
qui flânent en nous attendant sur la route,et tandis qu’une conver-
sation des plus intéressantes s'engage sur les carrières de pierre
d’Armissan, nous nous hâtons vers le déjeûner, non sans récolter,
chemin faisant: Anagallis phœnicea, Alisma plantago, Silene-noc-
turna, Paronychia nivea, P. argentea, Lycopsis arvensis, Bu-
nias erucago, Elimus caput-medusæ, etc.
L'hospitalité que nous offre M. Devèze, nous est d'autant plus
agréable que la juurnée est très-chaude, et qu’en outre d’un confort
inespéré nous trouvons chez lui une délicieuse fraïcheur. Ah! qu'il
nous sera douloureux le souvenir de cet heureux moment quand
nous vaguerons parmi les rochers de la Clape, exposés aux rayons
d’un soleil impitoyable, que notre corps sera comme une chaudière
à feu extérieur sans eau pour s’alimenter et que nous répéterons
amèrement les vers de Dante :
Nessun maggior dolore
Quam ricordarsi del tiempo felice
Nella miseria !
L’imprévoyance est souvent un bonheur ; elle nous permet de
nous livrer sans crainte aux douceurs du far-niente de la diges-
tion. Après que nous avons bu d’un excellent café, M. Devèze nous
fait l'offre, immédiatement acceptée, de visiter ses carrières.
L'exploitation touche le village. Au bout d’un chantier couvert de
débris et de poussière blanche encombré cà et là de rangées de
dalles destinées aux escaliers de nos maisons, un trou de 1 m. 30
de hauteur nous donne entrée dans les carrières. La pente est très-
rapide, et le terrain glissant. Ployés en deux nous descendons gui-
dés par la lueur d’une chandelle et quelques minutes plus tard,
nous nous trouvons dans les entrailles de la terre en compagnie
de cinq ou six joyeux garcons qui nous feraient supporter l'enfer
lui-même. Les bancs de pierre exploités, dont un géologue vous a
expliqué l'origine, plongent vers l’ouest, je crois; les ouvriers tra-
vaillent couchés à l’aide de pics et d’autres instruments. Ce sont
tous des gens experts, car la partie entamée des bancs l’est tout
juste sur la largeur ordinaire des marches d'escalier. Nous restons
là quelque temps ; on n’est pas trop mal dans le royaume des ombres.
Pas d'humidité, une température constante, beaucoup de joie! N'é-
tait la hauteur minime du plafond qui nous force à prendre des
attitudes gênantes de grenouilles, nous nous y attarderions plus
longtemps.
De retour de notre exploration souterraine nous parcourons le
chantier et l'atelier où les pierres sont ouvrées et polies. Un hom-
me technique eut peut-être étudié moins sommairement la disposition
des diverses machines destinées à ces opérations. Nous préférons
dans notre ignorance, assister à l’ouverture de quelques dalles,
spectacle intéressant que nous offre M. Devèze avec son affabilité
ordinaire. Ouvrir des pierres, cela paraît ardu; quelques-uns pour-
raient croire à une mystification. Mais deux ou trois coups de pic
donnés sur la tranche d'épaisseur de ces dalles les font se fendre en
deux régulièrement, et l’œil a le spectacle d’un livre de pierre dont
on séparerait deux feuillets. Livre plein d’originalité, offrant à tous
de faciles découvertes, racontant pour ceux qui savent y lire l’his-
toire des siècles écoulés, livrant aux botanistes des figures souvent
incomplètes, mais si précieuses, des plantes de jadis, aux zoologistes,
des squelettes, des poissons disparus (fganoïdes), des carapaces de
tortues, des ossements d'animaux qui peuplaient autrefois ces so-
litudes.
Il nous faut repartir. Nous entrons immédiatement dans les
abruts de La Clape. Notre pied est sûr, nos yeux sont bons, mais
nos chaussures trop minces, et dans l’assaut que six heures durant,
elles auront à donner à d’affreux cailloux, si la victoire leur reste,
elle sera certes, chèrement achetée.
Une colline se dresse devant nous; il est vrai qu’un chemin per-
met de la tourner, mais nous ignorons les défaites, et nous mépri-
sons les obstacles. Nous gravissons allègrement une pente de 60
degrés au moins. L’odeur des garrigues nous monte à la tète, et
notre courage est doublé. Singulier effet! La chaleur elle-même
nous excite et les torrents de rayons que nous verse le soleil nous
stimulent. La colline est couverte de taillis parfumés, les romarins,
les lavandes, les thyms, les aspics abondent autour de nous, nous
récoltons : Daphe Gnidium, Crepis tectorum, C. taraæacifolia,
Cirsium lanceolatum, Aphyllantes monspelliensis, Galium mura-
le, G. maritimum, Phlomis Lychnitis, Phleum nodosum, et dans
le creux des rochers, Polypodium vulgare. Après la crête étroite
comme le fil d’un sabre, l’escarpement plonge presque perpendicu-
laire. La descente est difficile, mais non impossible, cela nous
PAT
suffit. Quelques instants après nous remontons pour aborder le pla-
teau central de La Clape.
A l'horizon, rien que des grisailles, des rocs tourmentés et dé-
chirés; un immense gâteau de pierre boursoufflé, avec, le ciel doré
sur nos têtes. Une lumière impitoyable, incessamment versée se
réfléchit sur le sol et nous brûle les yeux. Comment font les plan-
tes, pour vivre là, sans humus et sans eau? Les petites corolles
sourient entre les pierres et dans cette désolation, la nature est en
fête. Nous arrachons : Vaullantia muralis, Erodium petrœum, Scor-
piurus subuillosa, Astragalus monspessulanus, A. sesameus,
Scrophularia canina, Carduus vivariensis, C. nigrescens, Helian-
themum Italicum, H, hirtum, Alyssum spinosum, Lactuca peren-
nis, Dianthus brachyanthus, Teucrium polium, Fumana procum-
bens, Picridium vulgare, Anthyllis vulneraria, quelques grami-
nées qui nous sont inconnues et deux fougères, Asplenium ruta-
muraria et Ceterach officinarum, Le plateau s'arrête brusquement.
À cent mètres, au-dessous de la corniche rocheuse, quelques mai-
sons isolées au milieu de carrés de blé et de vigne égaient un peu
le paysage; la mer bleue borde l'horizon, la mer splendide et calme
qui dessine harmonieusement sa courbe de Cette au cap Creux.
D’un autre côté nous distinguons au loin, Narbonne, incendié par
le soleil, Béziers, troupeau de maisons dont le berger est invisible,
tout au fond, l'avant-garde des Cévennes, le pic de Cabrières et les
montagnes groupées autour du mont Caroux, à droite enfin la fu-
meuse Agde et la colline de Cette qui baigne les pieds dans les flots.
Quel magnifique décor, enluminé de main de maître, par le soleil,
ce peintre admirable et naïf. Voilà bien la nature méridionale, dans
sa nudité brillante et triste, mélancolique comme une mourante,
rutilante comme un tableau de Ziem. On ne l’a pas chantée, cette
nature. Théocrite l’a parée de gazon, Dante la négligée, Virgile
semble l’ignorer. On dirait que nul ne l’a vue. Ecoutez pourtant le
chant grave et lent du berger, qu'on distingue là-bas dans ce pli
de terrain entouré de ses brebis maigres et vigoureuses. Dans l'air
calme, il monte vers le ciel, comme une chanson d'enfant naïve et
sérieuse, hymne et prière à la fois, plein de tristesse et d’insou-
ciance. Le musicien inconnu qui fit l’air a vécu en communion
avec cette aridité parfumée, avec ces rocs chauves, brisés, fendil-
lés par l’action incessante du climat, avec cette mer qu’on voit de
loin, et qui continue le ciel dans son azur et sa voix s’est essayée à
— 858 —
traduire son cœur et depuis des siècles, le même air vit sans cesse
répété par la bouche des pâtres et des paysans. |
Mais laissons là toute cette poésie. Pendant deux ou trois heures
nous marchons, brisés, harassés, mourant de soif, égarés dans ces
sites qui se ressemblent, sans fil conducteur pour nous guider. Il
est cinq heures. Les rocs succèdent aux rocs et les ineptes cailloux
nous trouent les pieds. Courageusement Moulins-Cambon me suit;
c'est mon alter ego; les autres ont pris par là-bas, derrière les
collines. Enfin le plateau s’arrête. En bas verdoient les peupliers,
les ormeaux, et sourient les toits d’un village. Mais quel escarpe-
ment! De roc en roc à travers les Calycotome et les oxycèdres,
griffés par les uns, lacérés par les autres, nous descendons en bon-
_dissant par le lit d’un torrent envahi de végétation, exercice gym-
nastique, que je me garderai de vous recommander. Quand nous
sommes en bas, mollement couchés dans une avoine, nous nous
apercevons que nous avons recueilli : Cneorum tricoccum, Smilax
aspera, Calycotome spinosa, Juniperus oxycédrus, Hiéracium pi-
losella, H. murorum, Asplenium trichomanes, Polygala mons-
peliaca, Medicago leiocarpa, Crucianella angustifohia, Dorycnium
suffruticosum, Osyris alba, Lonicera implexæa, L. etrusca, Jasmi-
num fruticans, Rosa sempervirens, Lotus hirsutus, Ornithopus
compressus, Silene conica, Lathyrus ensifolius, Sideritis sCOr=
dioïides, S. romana, Vincetoxicum nigrum, Limodorum abortivum,
Ophrys aranifera, Hippocrepis comosa, etc. |
Après une course de trois heures augmentée de fort peu d’inci-
dents et dont j'abrége à dessein le récit, nous arrivâmes à neuf
heures à Coursan, où, tandis qu’à petits coups nous buvions quel-
ques bocks réparateurs, nos oreilles furent charmées par les agréa-
bles voix de quelques donne de sixième ordre, étoiles du casino de
l’endroit.
Séance du 4 juillet 1877.
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Sont offerts à la Société : |
1. Un lot de fossiles du calcaire carbonifère à productus de
Roujan. — Don de M. Paul Fabre.
DT
2. Un lot de goniatiles de Vailban. — Don de M. Paul
Fabre.
M. le Président fait part à la Société de découvertes faites
à La Caunette de divers ossements mammifères qu’il attribue
au dinotherium.
M. Valéry Mayet présente à la Société un ergates serra-
rius, Coléoptère de la famille des longicornes élevé de larve
dans une branche de pin apporté de Fontfroide,
M. Valéry Mayet présente un pseudonymphe d’insecte
vésicant, coléoptère qui vit en parasite dans les nids d’une
abeille pionnière, le coletes fodiens, elle a donné naissance
à la stenoria apicalis. C’est le quatrième exemple de vésicant
vivant en parasite dans les nids des hymenoptères.
Compte-rendu sur les excursions
faites aux carrières des Brégines, près Béziers
Par M. G. JUMEAU, architecte.
MESSIEURS,
Heureux de me joindre à vous pour la propagation des sciences
naturelles dans le département de l’Hérault, j'ai voulu apporter ma
part de labeur àla Société dont je m’honore d’être membre. C’est
avec regret que je n’ai pu assister aux différentes excursions orga-
nisées par elle: toutefois, ne voulant pas rester inactif etinutile, je
me suis donné pour tâche d’étudier d’une facon toute spéciale les
terrains qui composent le sol de Béziers et de ses environs, non-
seulement au point de vue dela géologie et de la lithologie, mais
principalement au point de vue de la paléontologie. Je me ferai
donc un devoir, à mesure que j'en aurai dressé le compte-rendu,
de vous communiquer les observations faites à ce sujet dans
mes excursions. J’accèderai ainsi à l'espérance que notre hono-
rable président a exprimée à la fin de son étude générale sur
les terrains de Béziers (travail lu à la séance du 19 janvier
1876.) Je contribuerai à défricher ma part au champ d'étude de
cette région afin de réuniren quantité suffisante des matériaux et
— 90 —
des observations d'où seront tirées par la méthode d'investigation
et par un examen approfondi des êtres fossiles trouvés dans le sol,
les déductions et conclusions nécessaires pour établir des faits.
Béziers etses environs présentent un vaste champ d’études aux
diverses sciences qui font l'objet de notre Société, tant par la faune
actuelle que par la faune ancienne. Le sol que nous foulons chaque
jour renferme de nombreux témoins géologiques, et c’est à l’aide de
la science paléontologique qu'il nous sera possible de reconnaître 4
et même de préciser l’époque à laquelle appartiennent les dépôts |
sédimentaires qui le composent.
Cette étude n’a été faite, à ma connaissance, que d’une manière
trop générale, car les preuves palpables n'ont pas été cherchées ;
aussi n'est-ce qu'après avoir dressé un catalogue synonymique et
raisonné des testacés fossiles (gasteropodes et acephales lamellibran-
ches) et les avoir étudiés ainsi que les restes des êtres vertébrés,
poissons et autres contenus dans ces dépôts comme autant de témoins
irrécusables qu’il sera possible de se prononcer sur l’époque de leur
formation en comparant les espèces et les genres trouvés à ceux
des terrains de la même période étudiés dans d’autres contrées.
Durant la fin avril et le mois de mai j'ai fait aux environs de
Béziers plusieurs excursions qui, certes, n’ont pas été sans fruit ;
elles ont en outre été très-agréables et fort intéressantes, grâce à
l'obligeante intervention de chers collaborateurs : MM. V. Mayet,
(entomologiste), Cannat (géologue), Chalon et Benoit, ainsi que quel-
ques amateurs qui ont bien voulu êtr:z mes compagnons de route.
Un zoologue plus expérimenté que moi eut été le bien venu
pour la partie erpétologique, car nos excursions n’ont pas eu pour
seul but l'étude paléontologique, mais aussi celle des faunes ac-
tuelles de la contrée explorée, l’entomologie, la zoologie, la bota-
nique et la conchyliologie terrestre et fluviatile. M. Benoit a bien
voulu se charger de l’étude de cette dernière faune ; quant à la bo-
tanique, M. Chalon a récolté et étudié antérieurement les plantes de
ces régions.
Le terrain des Brégines a été le principal but de nos excursions.
J’ai trouvé, à droite de la route de Toulouse et à une distance d'’en-
viron, trois kilomètres de Béziers, une carrière abandonnée, sorte
de récipient dont l’un des côtés longitudinaux est formé par un mur
naturel à pic, l’autre par un monticule recouvert de plantes cham-
_ pêtres. Cette disposition permet aux eaux pluviales de s’accumuler
LE 1
et de former une mare d’eau stagnante, véritable aquarium, dont
la surface est recouverte de plantes aquatiques, renoncules, confer-
ves et autres qui donnent naissance et asile à des êtres appartenant
à des classes . bien différentes Anowres, Urodèles , Coléoptères
aquatiques, Névroptères subulicornes, crustacés et mollusques
d’eau douce dont on peut suivre les différentes transformations
suivant les saisons propres à leur existence.
L'humidité répandue dans le voisinage favorise le développement
des animaux que l’on rencontre dans les lieux humides et les plan-
tes des alentours ainsi que celles qui bordent la route fournissent
des insectes en assez grand nombre.
Comme on peut le voir, cette région réunit la faune locale de
plusieurs branches de l’histoire naturelle, et dans l’ensemble des
excursions nous avons pu réunir bon nombre d'individus variés
que nous allons passer en revue.
SECTION ENTOMOLOGIQUE
Ordre des coléoptères
HYDROCANTARES
Ces insectes aquatiques et carnassiers se nourrissent de larves
et de gastéropodes d’eau douce ; il en fut recueilli dans les paquets
de conferves plusieurs genres dont voici la classification.
EUNECTES STRICTICUS (rare). — Espèce commune en Algérie; ne
remonte pas en France au-dessus de Nîmes. On le trouve en avril
et en septembre; j'en ai pris un seul échantillon au mois de mai.
C'est en vain que M. Mayet, intéressé par cette prise peu com-
mune, chercha un nouvel individu.
COLYMBETES PULVEROSUS (très-commun). — Se trouve dans toute
l'Europe.
— FUSCUS — —
DyTiscus CIRCUMFLEXUS (commun). — Grosse espèce.
— MARGINALIS (mâle et femelle). — Rare dans les mares
d’eau stagnante. Se trouve fréquemment dans les ruisseaux.
CYBISTER ROESELI.
SONT
PELOBIUS HERMANI (peu commun). — Petite espèce.
AGABUS BINOTATUS ue
—- BIPUNCTATUS. —
Palpicornes
HYDROPHILUS PICEUS. — Insecte herbivore très-commun, pris
dans les conferves ; il est carnassier à l’état de larve.
INSECTES TERRESTRES
Longicornes
AGAPANTHIA CARDUI. — Bel insecte pris sur la plante Onopordon :
illyricum où il est très-commun. |
— SUTURALIS. — —
Charançons
LARINUS CYNARAÉ,
LIixUs ANGUSTATUS POLLINOSUS.
— PUNCTIVENTRIS.
Lamellicornes
RHIZOTROGUS MARGINATUS. — Petite espèce du genre hanneton
trouvé dans l'herbe bordant la route.
Chrysomelines
MALACOSOMA LUSITANICA. — Insecte très-commun, mais dont les
états ne sont pas encore connus. |
CHRYSOMALA MENTHASTRI. — Pris sur la plante mentha rotondi-
fola.
Elaterines
CARDIOPHORUS BISIGNATUS.
Malacodermes
MaALACHIUS, MARGINELLUS.
Mélasomes
BLAPS PRODUCTA. — Cet insecte, plus commun en Espagne qu’en
France, nese trouve plus au-delà de Montpellier. Les blaps habi-
tent généralement les caves, les ruines, les terres incultes et des-
séchées, les murs en pierre sèche; c’est dans l’un de ces derniers
qu’il fut trouvé plusieurs mâles et femelles de l’espèce producta.
Ces coléoptères se nourrissent de matières végétales en décompo-
sition. ù
RE
Les producta sont des animaux nocturnes ; on les trouve rare-
ment en France ; on prend cette espèce le matin de bonne heure et
le soir à la nuit tombante.
Notre récolte d'insectes coléoptères se termine par quelques es-
pèces prises cà et là, chemin faisant.
CETONIA STRICTICA. — Commun sur toutes les fleurs mais prin-
cipalement sur les chardons.
CHŒNIUS HOLOCERICEUS. — Insecte carnassier.
GEOTRUPES TYPHIEUS. — Pris dans les bouses. Il est remarquable
par les trois cornes du corselet qui s’avancent au-dessus de la tête.
SYLPHA LŒVIGATA. — [nsecte qui mange les escargots.
Grâce aux connaïissances entomologiques de M. Mayet qui a bien
voulu me prêter son concours, j’ai pu cataloguer, en y joignant
quelques notes particulières, cette récolte de coléoptères pris dans
la région des Brégines et vous la soumettre ainsi qu'aux entomolo-
gistes qui liront ce compte-rendu.
SECTION DE ZOOLOGIE
Les géologues étant nombreux dans notre société, vous m'avez
fait, Messieurs, l'honneur de m'appeler à présider la section zoolo-
_gique nouvellement créée; sans toutefois abandonner la science
géologique, je m'empresse de répondre à votre désir et vous remercie
de la confiance que vous voulez bien m'accorder. Ce sera pour moi
une occasion d'assister, dans la mesure de mes forces, les zoologues
sur la faune du département qui nous occupe. En cette prévision,
J'ai pensé qu’il serait bon de débuter par la partie erpétologique, afin
de répondre à l’appel de M. Ferdinand Lataste, de la Société linéenne
de Bordeaux, erpétologiste de mérite qui signale l’urgence d’une faune
nouvelle ; la seule liste connue des batraciens et reptiles de notre
contrée, ayant été dressée par M. Marcel de Serre en 1822, époque
où la synonymie de ces différents individus était bien embrouillée :
synonymie qu'il est indispensable de détruire aujourd’hui. Pour arri-
ver à ce résultat je me mettrai en relation avec M. Lataste afin
d'obtenir son concours pour notre société et me concerter avec lui
sur les sujets qui seront trouvés dans nos excursions; je pourrai
ainsi, avec ses conseils, reconstituer une faune qui fait défaut.
Je ne puis done vous parler encore des individus pris dans nos
excursions ni vous en faire la zoographie. J'en donne simplement |
la liste sans description étendue, me réservant plus tard, après -
étude, de dresser une nouvelle classification des batraciens et rep-
tiles de notre contrée et de vous parler spécialement de sa faune à
ce point de vue. |
Les Urodèles ont fourni une seule espèce de triton que je sup-
pose être le punctatus, vu les points noirs qui ornent la surface de
son corps et sa longueur qui ne dépasse pas six à sept centimètres.
La belle Salamandra maculosa, espèce terrestre, qui a été.
trouvée dans les bas-fonds humides ; elle a le corps noir verdâtre
tâché de jaune et une ligne rouge dorsale qui contourne sa queue et
vient s’arrêter sous le ventre à la hauteur des membres postérieurs.
Parmi les reptiles sauriens nous avons pu prendre :
LACERTA MURALIS (très-commun).
— VIRIDIS —
— STIRPIUM. — Lézard des souches.
— OCELLATA. — Pris dans les talus qui bordent la route
de Toulouse.
Le plus grand nombre d’anoures étant encore à l’état de têtards,
Je n’ai pu constater que la prochaine existence de grenouilles ver-
tes ou noires et de crapauds ; il fut pris cependant plusieurs Rana
viridis, et je pêchai un grand nombre de têtards destinés à la dis-
section de sauriens et reptiles, et de vertébrés de petite dimen-
sion.
SECTION DE GÉOLOGIE
Après avoir parlé des différentes faunes de la région des Bré-
gines en ce qui concerne l’entomologie et la zoologie, etc., il me
reste à décrire le terrain que nous avons foulé durant nos excur-
sions, à étudier sa formation par l'examen paléontologique des
couches qui le forme et commencer ainsi la tâche géologique que
je me suis imposée.
Ce terrain, en grande partie composé de carrières exploitées pour
l'extraction de moellons et de pierres à bâtir, est formé de deux
principaux dépôts ; la stratification supérieure en contre-bas de la
terre végétale est un banc de calcaire grossier coquillier, entière-
ment composé de festacés dont le plus grand nombre sont des
At QUE
| acéphales lamellibranches parmi lesquels les pectens et les ostréas
| ont seuls conservé leur test. Les gastéropodes sont peu nombreux.
Voici les échantillons bivalves que j'ai pu recueillir :
1. PECTEN TÉRÉBATULIFORMIS ( Marcel de Serres ). — Ce pecten,
d’une taille plus grande que celle des pectens ordinaires, est très-
caractéristique de cette couche dans laquelle on le trouve fréquem-
| ment; il se distingue par la dépression naturelle du bombement
| de sa valve supérieure, dépression qui se trouve située près la
charnière et que l’on pourrait croire accidentelle.
2. AUTRE PECTEN. — Espèce rare que je n’ai pas encore déter-
| minée et qui est identique à celle alimentaire actuelle, pecten varius
| dont on fait une grande consommation à Bordeaux. Comme lui il
est à côtes garnies de petites épines peu saillantes.
3. PANOPEA AMÉRICANA ( Conrad). — Cette coquille est assez
| commune; j'en ai trouvé un échantillon remarquable par ses di-
mensions peu ordinaires : douze centimètres pour la longueur et
sept centimètres pour la plus grande largeur.
| A. CRASSATELLA GIBBOSA. — On trouve deux espèces de ce genre
de coquille; une grosse assez commune que je suppose être la gi6-
bosa; une autre de forme plus petite et plus allongée.
- 5. VÉNUS Iscancoïpes ( Lamarck ). — Cette espèce est peu nom-
| breuse; elle ne diffère pas de celle du terrain miocène de Bordeaux.
6. OSTRÉA cRaAssissIMA. — Cette huître a été détachée de son
banc et amenée par les eaux dans ce dépôt où elle est disséminée,
Elle forme sur certains points de Béziers, avec la longirostris,
| des bancs considérables ; on peut en voir un dans la tranchée du
| ruisseau de Bagnol dont les huîtres sont en place et ont le test en
bon état de conservation. Ce banc a une hauteur moyenne appa-
| rente de deux mètres sur une longueur d’un kilomètre environ.
7. LucINA oRNATA (Agassiz). — Cette lucine est la même que
| celle du miocène de Bordeaux.
8. Lucinopsis (Forbes). — Coquille semblable à une lucine, mais
se distinguant par un sinus palléal très-profond et ascendant. Ce
| fossile est rare, car ilappartient plutôt au pliocène qu’au miocène.
9. CaRDIUM GrronpicuM (Mayer). — Espèce identique à celle du
| cardium vivant actuellement dans la Méditerranée.
| 10. Cyraéréa PÉDÉMONTANA ( Agassiz ) syn. VÉNUS PÉDÉMONTANA
(d'Orb). — Cette espèce n'est pas commune aux Brégines; elle
est caractéristique du terrain de Montady, petit village situé à six
kilomètres de Béziers sur un monticule d'aspect crayeux.
11. OSTRÉA DIGITALINA (Dubois). — Espèce assez commune que
l'on trouve généralement mélangée à des bancs de débris d’ano-
mias et d’ostréas.
12. ANOMIA CcosTATA (Brocchi). — Espèce commune dans les
mêmes bancs que ci-dessus.
13. ANOMIA STRIATA ( Brocchi ). — Cette espèce se retrouve en
quantité dans le terrain de Montady.
14. Myrizus AquiTANICUS (Mayer). — Cette espèce paraît assez
rare ici; elle ne forme pas de bancs comme dans le terrain de Lar-
riey (environ de Bordeaux), où il s’en trouve un grand nombre
par couches superposées.
15. TELLINA ÉLÉGANS ( Bast). — Ontrouve en petit nombre cette
espèce qui ne diffère pas de celle du terrain miocène de Bordeaux.
16. Une ArcA. — Je constate seulement l'existence de cette co-
quille dont je ne puis donner que le nom de famille, vu le mau-
vais état de conservation de son moule.
Les seize échantillons d’acéphales lamellibranches que j'ai pu
réunir sont pour la plupart à l'état de moules intérieurs, démunis
de crochets, sans test, démunis de leurs impressions palléales et
de celle du manteau ou du sinus; aussi j'ai dû faire, pour déter-
miner ces fossiles, un choix spécial des meilleurs échantillons ra-
massés et reconstituer et tracer au crayon leurs principaux ca-
ractères en m'aidant de la loupe, afin de pouvoir étudier plus
facilement chaque sujet.
Les gastéropodes m'ont donné les espèces suivantes : Proto
cathédralis — Turitella térébralis — Fusus rusticulus, une Natica,
un genre Turbo et enfin une autre petite Turitella que je suppose
être la Démaristina, vu le décrochement de ses spires. J’ai pu les
déterminer grâce au rapprochement et aux comparaisons qu’il m’a
été possible de faire avec les échantillons de ma collection de fossiles |
du terrain miocène de Bordeaux.
Les coquilles ne sont pas les seuls fossiles recueillis; j'ai aussi
trouvé les débris de la Scutella subrotonda. Cet Echinoderme est
assez rare ici; quant à la classe des Æchinides, elle paraît ne pas
Ce
HQE —
avoir de représentant; je ne puis cependant me permettre encore de
confirmer leur non existence, car peut-être n’ai-je pas été assez
heureux pour trouver trace d’oursins; plus tard je donnerai mon
dernier mot à ce sujet. Les balanes m'ont fourni plusieurs échan-
tillons et une des trois pièces de leur mâchoire ou bec, espèce de
mandibule triangulaire.
Les poissons viennent grossir ma liste paléontologique et fournir
la preuve qu'ils ont eux aussi habité cette mer aujourd’hui repré-
sentée par des stratifications dans lesquelles leurs restes sont ense-
velis; vestiges d'une existence qui pour la plupart se réduisent aux
dents, les parties cartilagineuses étant presque disparues. Il n’en
est pas de même pour ceux de la classe des mammifères, les cé-
tacés dont le cartilage est remplacé par une vraie charpente os-
seuse généralement conservée ou silicifiée.
Voici les poissons que j'ai pu déterminer par la conformation
des dents; seuls débris trouvés qui heureusement suffisent pour
classer approximativement ces vertébrés.
CARCHORODON (requin). — Dent de côté de cet individu. Elle est
inclinée et presque crochue et forme un triangle curviligne dont
les bords sont fortement dentelés à la manière d’une scie; la face
intérieure est plate et contournée, la face extérieure est bombée.
Cette dent est rare, l'émail en est bien conservé.
OXYRHÉNA PLICATIS (requin). — La dent de ce poisson est lisse,
d’une forme triangulaire, aiguë, plate sur une face et bombée sur
l’autre. Cette dent de taille moyenne a conservé son émail et sa ra-
cine.
CHryYsoPHRIs. — Dent de face et dent de côté de cet individu. La
première a la forme d’un triangle symétrique plat sur une face,
bombé sur l’autre ; la seconde ne diffère de la première que par
son inclinaison. Ces deux dents ont sur leur bord une dentelure
analogue à celle du Carchorodon, mais moins prononcée. Elles
sont de grande taille, et ont conservé leur racine osseuse et leur
émail qui a pris un ton jaunâtre. ,
LAMNA ÉLÉGANS. — Les dents de ce poisson sont communes;
on trouve cependant des variétés, dont quelques-unes assez rares.
Elles sont contournées, lisses et très-aiguës et en tout semblables
à celles des carrières de Bordeaux. S
J'ai à signaler de nombreux débris de palais de poissons, des dents
2 +. EE
demi-sphériques appartenant au genre poisson Chondroptérygien |
(raie) et d’autres dents de petits poissons du genre Nodidonnes
primigénius; elles sont lisses, pointues et crochues; il y en a d’iu-
clinées et de droites, accouplées avec de plus petites formant une
même pièce tenant à la racine. On trouve généralement ces der-
nières ainsi que celles de raie dans une marne verdâtre de
peu d'épaisseur, joint naturel qui sépare sur certains points des
Brégines le banc supérieur des stratifications inférieures des carriè-
res. J'ai eu le bonheur de mettre la main sur une vertèbre qui, par
sa forme circulaire, sa concavité sur une face et sa convexité sur
l’autre me paraît être celle d’un reptile marin ou tout au moins d’un
poisson s’en rapprochant. Les crustacés decapodes m'ont aussi donné
des restes représentés par des morceaux de pattes de macroures et
de crabes.
Ici s'arrête la liste paléontologique des êtres fossiles trouvés;
il me reste à parler de la couche inférieure des carrières. Cette
dernière est entièrement formée d’une pierre compacte divisée
en plusieurs bancs d’un dépôt de même nature assez blanc, conte-
nant peu de coquilles et employée, par cette raison, comme pierre
d'appareil, dite des Brégines d’une dureté moyenne et d’assez bonne
qualité. La stratification supérieure formée d’un seul banc est donc
seule fossilifère.
Mais ce qui donne un faciès spécial à cette stratification c’est
l’ensemble des espèces qui lui sont propres et dont le pecten téré-
batuliformis tient le premier rang. Ces coquilles, pour la plupart
appartiennent à des familles qui vivent encore dans les mers des
climats chauds, et même sur le continent Méditerranéen. Acephales
et gasteropodes, etc., dont l'habitat dépasse rarement 300 mètres de
profondeur du niveau de la marée basse. Je puis donc en conclure
que la mer qui a formé les dépôts des Brégines ne devait pas être
sur ce point d'une très-grande profondeur, et que la température
de Béziers à cette époque était supérieure à celle d'aujourd'hui.
Les fossiles trouvés forment un noyau satisfaisant pour le nom-
bre restreint d’excursions faites ; si les recherches à venir sur le
même point et sur d’autres régions sont aussi fructueuses, j’arri-
verai vite à réunir un assez grand nombre d'échantillons pour pou-
voir en dresser le catalogue synonymique et raisonné.
Je ne saurais trop recommander à mes chers collègues et aux
= OT —
| amateurs qui voudront bien m'apporter les échantillons qu’ils trou-
veront, de ramasser autant que possible des fossiles complets et
non roulés, conditions nécessaires pour étudier sérieusement les
coquilles paléontologiques, surtout celles à l’état de moulage qui
peuvent induire facilement en erreur.
Ces études préliminaires sur les terrains de l’arrondissement de
Béziers me permettent de constater que les stratifications marines
appartiennent bien à la fomation tertiaire de la période #niocène
par l’ensemble des fossiles qui sont semblables à ceux des environs
de Bordeaux; mes études ultérieures ne feront qu'affirmer ce fait
et me permettront, je l'espère, de déduire de mes observations si
le sol est composé d’un ou plusieurs étages et d'établir son horizon
par rapport à ceux des terrains de même nature.
Ce qui est indiscutable, c’est que Béziers repose sur le sol ter-
tiaire, époque dont l’ensemble des couches a une grande importance
parce qu’elles sont les dernières émergées; parce qu’elles présentent
généralement des surfaces peu accidentées et que leurs compositions
diverses déterminent un grand nombre d’applications industrielles
des roches; ce qui a fait dire que le sol tertiaire a attiré les popu-
lations quise sont établies sur sa surface fertile. Paris, Bordeaux,
Marseille, Londres et Bruxelles occupent le centre de vastes bas-
sins tertiaire; Béziers qui est dans une situation analogue est ap-
|: pelé à devenir un jour une grande cité.
Séance du 11 juillet 1877.
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT , Secrétaire-général
Adoption du procès-verbal.
Sont oflerts à la Société :
Matériaux pour servir à l'histoire de l’homme, années 1874-
1875-1876, par M. Cartailhac. — Don de l’auteur.
M. le Président communique une deuxième circulaire du
Ministre de l’Instruction publique aux Sociétés savantes.
— 100 —
Exeursion du 27 mai à Fontfroide
Par M. P. CHALON.
;
Fontfroide est la patrie des Cistes. Sainte-Lucie produit des sta--
tice, Le Pech de l’Agnèle sème sa croupe rocheuse de fleurs bril …
lantes et d'espèces rares. La Clape est un jardin de pierres aux riches -
bordures de lavande et de romarin, mais Fontfroide est pour le bo-
taniste l'Eldorado du Narbonnais, contrée bénie, où la sévère na-
ture sourit dans la solitude et parfume l’aridité. Le site est d’un -
aspect sauvage et triste; d’étroits ravins remplis du sable des -
torrents se croisent et se mêlent entre des montagnes aux pentes
roides couvertes d’une sombre végétation, presque noires sous le
feu du soleil, se haussant à grand peine les unes au-dessus des au-
tres, comme pour respirer un peu d’air pur. Les croupes osseuses
décharnées se cachent sous un manteau de plantes épineuses, aux
feuilles minces et dures, racornies par l'éternelle chaleur, étendant
leurs bras maigres et tordus vers un ciel impitoyable. Au creux
d’une petite vallée, sur le bord d'un ruisseau tari par le soleil, le …
monastère laisse voir des murs sévères, rouillés par le temps, dé-
truits çà et là par le travail des éléments et la fureur humaine.
Comme dans un manteau de mendiant les morceaux d'’étoffe d’âge
et de couleurs différentes se mêlent dans un pittoresque désordre,
de même dans l'architecture du monument, les styles et les âges .
sont mêlés. Chaque fragment raconte à sa manière son histoire, ja-
mais joyeuse. Ici les guerres ont passé, détruisant un côté du cloî-.
tre romain, là l’inondation a jeté bas des pans de mur, ailleurs la
chapelle terne et froide étale ses blessures profondes, que l’art est
impuissant à guérir. Mais sur toutes ces plaies la nature féconde a
jeté un voile brodé de couleurs chatoyantes et de figures harmo-
nieuses; sur les murs éraillés et déchiquetés le vent a semé les.
graines du mufflier et les germes des mousses, et le gris sombre
s'éclaire des pousses vertes des unes, des grandes fleurs roses de
l’autre.
Il est midi quand nous quittons le couvent, où nous venons de
déjeûüner sur l'herbe. Nous passons le pont qui donne accès au mo-
— 101 —
nastère et nous récoltons immédiatement : Scirpus holoschæœnus,
Helichrysum stæchas, Anacyclus tomentosus, Cneorum tricoccum,
Brassicanapus, Bunias erucago, Anagallis cœrulea, À. phænicea
Schœnus nigricans, etc. Du fond du ravin où nous sommes, à la
merci d’un soleil intolérable qui nous cuit,nous rôtit et nous flambe
sans pitié, nous voyons tout en haut des pentes roides, les bruyères
et les pins se balancer au souffle du vent récréateur. Nous gravis-
sons rapidement la montagne à la recherche de la brise désirée. La
végétation est fort belle. Nous recueillons les longs épis odorants
l’'Orchis bifohia, les fleurs jaunes tâchées de pourpre Zelianthe-
mum guttatum, les rameaux à feuilles serrées de l’Zrica cinerea
la bruyère au panache violet, qui sur les landes bretonnes écoute.
les chansons bizarres des sorcières et les dialogues malins des gnô-
mes, les fleurs jaunes et les feuilles veloutées du Geum silvaticum,
les tiges mignonnes du Lotus conimbricensis, le microscopique
Asterolinum stellatum que Linné nommait ZLysimachia linum
stella, les girandoles violettes de l’Orchis champagneuxii (?) qui
semble porter sur son labelle l'empreinte d’une figure fantastique
et partout les grappes bleues du polygala vulgaris, à l'abri des ti-
ges noueuses d’Ærica arborea, Calycotome spinosa, Juniperus
oæycedrus au milieu des Lavandula stæchas. Dorycnium suffru-
ticosum, Bonjannia hirsuta, tout à côté d’un minuscule bosquet
- de cistes dans lequel nous trouvons réunis à notre grande joie :
Cistus monspeliensis, C. salvifolius. C. populifolius, C. longifolius
C. albidus, C. Crispo-albidus, C. albido-crispus, et peut-être d’au-
tres hybrides moins reconnaissables au premier coup d’œil. Un peu
plus haut nous entrons dans la forêt de Pinus maritima,sur laquelle
mon savant collègue, M. Mayet, vous a donné des renseignements
auxquels je n’ai rien à ajouter. L’odeur des pins forte et saine nous
remplit les narines et nous monte un peu au cerveau; une joie
spontanée que rien ne motive nous envahit et nous chantons à tû-
tête un chant singulier dont les échos ont la bonté de ne pas s’ir-
riter. En atteignant l’étroite crête de la montagne nous cueillons :
Vicia angustifolia, Ornithopus compressus, Filago lutescens,
Linum gallicum, L. narbonense, Galium litigiosum, Medicago
disciformis, M.tribuloides, Rhamnus infectoria, Genista scorpius,
Veronica teucrium, Limodorum abortivum. Devant nous s'étend
dans un pittoresque enchevêtrement la chaîne des Corbières de
l'Aude, aux pentes revêtues de pins, de cistes, de bruyères et de
te 27
genêts, manteau de verdure sombre sur lequel se joue l'éclatante
lumière, et dont l'uniformité est trouée cà et là par des affleure-.
ments de rochers bleuâtres, on ne sait quels ventres de reptiles
monstrueux, faisant miroiter leurs écailles au soleil. Le spectacle
est mélancolique presque lugubre, on se croirait au bord d’une mer …
antehistorisque, aux vagues énormes et menacantes,roulant jusqu'à
l'horizon leur écume verte, et tenue en suspens par quelque puis-
sance surhumaine. On se prend à penser que ces lieux ont été |
frappés d’une malédiction terrible dont l'effet s’affaiblit peu à peu,
que la main qui les a stérilisées pèse de moins en moins sur ces.
croupes fatales, et permet enfin au roc de voiler sa nudité sous une
maigre verdure.
Mais quelle bonne odeur dans la forêt! La résine a filtré à travers
les pores de l'écorce, elle s’est volatisée, et mêlée à l'air qu’elle
aromatise et assainit. C’est l’haleine des arbres que nous respirons,
c’est l’âme des bois qui chante en nous. Nous marchons en faisant
craquer les aiguilles sêches sous nos pas, et nous arrivons ainsi sur
un plateau de forme indécise couvert d’une herbe rase et drue, sans
arbre ni arbuste; défrîiché probablement autrefois, car nous y récol-
tons les plantes amies de l’homme, qui le Suivent partout jusque
dans les solitudes, et parfois traversent les mers avec lui, pour en-
tourer sa demeure par delà l'Océan : Urtica urens, U. pilulifera
Trifolium pratense, Momordica elaterium (non encore fleuri) Me-
dicago orbicularis, Carduus tenuiflorus, C. pycnocephalus, C.
nigrescens, Œgilops ovata, Kœleria phleoïdes, Cynosurus crinitus
Bromus madritensis, Cynodon dactylon, Trifolium cherleri, Silene
gallica, Trifoliumresupinatum, Lychnis vespertina, Sisymbrium
officinale, Diplotaxis viminea. Au bout du plateau se dresse une
série de masures en ruine, ancien corps de ferme sans doute, où
nous visitons la bergerie détruite, d’où les araignées elles-mêmes .
ont fui, le buron où se faisaient les fromages, et l’habitation veuve :
d’ustensiles et d'habitants. Les murs bâillent et s’entr'ouvrent, les
portes vermoulues tiennent à peine, le toit vaincu dans sa lutte
contre la pluie et le soleil laisse pénétrer de larges rayons qui.
égaient toutes ces guenilles.'C’est bien là le château de la misère
étalant ses plaies à la face du soleil serein.
En cet endroit, Aimé Fabre, que la chaleur accable presque,
m'abandonne ; par un sentier rocailleux, il descend la vallée et re-
gagne le couvent.
— 103 —
Je continue à grimper, il n’est que trois heures. Devant moi,
presque à pie, s’élève une muraille de roches grises, couleur decen-
dres, trouée, crevée, piteuse, ayant pourtant le grand air de ces
gentilshommes d'aventure qu’on rencontre en Espagne aux heures
douteuses et qui d’un ton de prince demandent un sou. Je l’esca-
lade hardiment et du sommet je contemple cinquante lieues de pays.
Le paysage toujours âpre est moins uniforme. Les moutonnements
du sol vont en diminuant de hauteur ; les vagues rocheuses s’abais-
sent, plongent dans l'étang de Bages, les hérissent d'îles ressem-
blant à des dos d'animaux submergés et disparaissent dans la mer
qui borde l'horizon de velours bleu. Derrière un pli de terrain une
grisaille confuse attire mes regards. C’est Sigean, sans doute, ce
village sur lequel mes yeux fatigués de solitude se reposent avec
plaisir. De l’autre côté, presque à mes pieds un frère lai du cou-
vent fait paître ses moutons et ses chèvres.
Dumosà de rupe procul pendere capellas.
Je comprends ici mieux que partout ailleurs ce désir infini de
contemplation, qui pousse les âmes naïves vers les cloîtres et les
jette dans la méditation mystique ; je comprends qu'ici, loin du
fracas des villes et des tourbillons humains, il est plus facile, à qui
cherche Dieu de le trouver ; ces lieux sont bien faits pour entendre
les monologues éperdus d’abandon et d’amour, que rappellent les
.- souvenirs de Sainte-Thérèse de Louis de Léon. La cloche du cou-
vent fait s'évanouir ma rêverie. Jecueille autour de moi : Rosma-
rinus officinalis, Erodium petrœum, Alyssum spinosum, Vaillan-
tia muralis, Geranium robertianum, Quercus coccifera, Rhamnus
alaternus, Galium corrudæfolium, GG. maritimum, G. verum,
G. murale, Hieracium amplexicaule, H. murorum, H. bifidum.
Quelques petites fougères font sur le roc des tâches vertes et de
nombreux rossignols chantent dans les chênes du ravin. Par une
pente extrêmement roide, faite de débris, je dégringole dans le lit
d’un torrent, je m’avance à grandes enjambées et j'arrive au cou-
vent mourant de soif, harrassé, ayant récolté en route : Arabis
turrita, Rœmeria hybrido, Scrophularia canina, Tilia platy-
phylla, etc. À cinq heures M. Mayet nous rejoint dans la cour du
couvent où j'ai déjà retrouvé Aimé Fabre et, la voiture attelée,
nous filons au grand trot sur Narbonne.
— 104 —
Séance du 18 juillet 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Communication d’une deuxième circulaire de l'Association
pour l'avancement des sciences au sujet du congrès du Hâvre.
M. Albert Fabre présente à la Société une photographie
de la carte géologique en relief du canton de Roujan. Cette
carte a été dressée par lui sous la direction de M. le pro-
fesseur P. de Rouville.
Seance du 25 juillet 14877
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT, Secrétaire-général
Adoption du procès-verbal.
Sont offerts à la Sociêté :
1. Une collection de coléoptères, famille des carabiques.
— Don de M. Martin Fabre.
2, Une collection de reptiles. — Don de M. Jumeau.
Rapport sur l'excursion faite au ruisseau de
Bagnols, le 2% juillet 18772.
Par J. HÉRAIL
Les plantes fournissent à tous les âges de la vie, soit des dis-
tractions agréables, soit des ‘enseignements utiles. L'enfance aime
les fleurs et se plaît à les rechercher : ce sont elles qui éveillent
nos premières sensations. Ce goût naturel à la tendresse de l’en-
fance ne s’affaiblit point dans la jeunesse. Pour peu que nous
PAS —
ayons porté notre attention sur le beau spectacle de la nature, ces
productions que nous avons considérées sans aucun but, nous offrent
plus tard un intérêt que nous étions loin de soupconner. De cette
simple admiration des plantes au désir de les étudier il n’y a qu'un
pas et il est aisé à franchir. Ces êtres aimés et charmants sont à
nos pieds; nous n'avons qu’à nous baisser pour les recueillir.
Quelques promenades dans la campagne, les plaisirs imprévus de
l’herborisation, la lecture de quelques ouvrages, tels sont les
moyens qui suffisent pour arriver à avoir quelque connaissance des
plantes. Un travail plus assidu, et une étude plus approfondie, nous
conduisent nécessairement à une connaissance bien plus grande de
la botanique.
Les quelques réflexions que je viens de faire m'ont été inspirées
par l’excursion que nous avons faite ensemble au ruisseau de Ba-
gnols, si fertile en découverte pour Messieurs les géologues et con-
chyliologistes qui devaient y rechercher des coquilles fossiles pen-
dant que les botanistes prendraient quelques échantillons de plan-
tes qu’ils possédaient en petite quantité, entr’autres Le Cucubalus
baccifer caryophyllée qui ne vient guère bien que dans nos régions
méridionales. Partis à 6 heures du matin, nous descendîmes le cô-
teau qui se trouve situé derrière le cimetière et il fut convenu que
nous suivrions le ruisseau de Bagnols à partir de l'endroit où il
traverse la route de Béziers à Corneilhan.
Sur le bord d’un talus, nous apercevons quelques pieds de la
magnifique labiée Salwia horminoïdes, que nous trouvons en fleur
malgré l’époque avancée de la floraison de cette plante. Un peu
plus loin nousicueillons : Centaurea aspera, Stachys recta, Echium
italicum, Diplotaæis viminea et Convolvulus arvensis dont les in-
nombrables clochettes d’un blanc rosé émaillaient le tapis de ver-
dure qui recouvrait le sol. Au loin dans le fond du ravin, nous
apercevons au milieu des fourrés d’arbustes, les grandes clochettes
du Convolvulus sepium d’une blancheur éclatante. Un peu plus
loin nous ramassons : Marrubium vulgare, Campanula rapuncu-
lus, Origanum vulgare, Caucalis daucoïdes, Lepidium gramini
folium, Geum urbanum plus connue dans le vulgaire sous le nom
de Benoîte.
Les plantaginées nous offrent trois spécimens de leurs espèces,
Plantago psyllium, Lanceloata et Major, en même temps que
— 106 —
nous apercevons rampant dans une touffe d’arbustes Bryonia dioi-
ca reconnaissable aux vrilles dont elle est munie comme les
autres cucurbitacées : elle se distingue des individus de cette fa-
mille par son fruit tout petit, bacciforme et par sa racine très-
grosse, blanche, charnue, fusiforme et souvent bifurquée.
Enfin avant d'arriver au ruisseau de Bagnols, nous ramassons
encore : Brunella vulgaris, Senecio vulgaris, Anagallis cœrulea,
Linaria spuria, Heliotropum europœum, Solanum dulcamara,
Herniaria hirsuta, Aristolochia clematitis, Hypericum perfora-
tum ainsi nommé parce que ses feuilles interposées entre l'œil et
la lumière laissent apercevoir des milliers de petits points trans-
parents.
Le ruisseau de Bagnols était presque à sec, ce qui nous permit de
le remonter en cheminant dans le lit même du ruisseau. Les U/-
mus campestris et Quercus ilex en grand nombre qui couvraient
les bords du ruisseau nous abritaient contre les rayons du soleil en
même temps que la petite quantité d'eau qui serpentait dans le sa-
ble nous procurait une fraîcheur bienfaisante. Le ruisseau de Ba-
gnols que tout habitant de Béziers connaît assurément offre à cha-
que pas des sites vraiment ravissants et nous nous prenions à en-
vier le sort heureux du paysagiste qui peut en quelques coups de
crayon retracer et fixer sur le papier les beautés innombrables que
lui présente la nature.
Cependant nous étions loin d'oublier le but de notre excursion et
tout en admirant ces sites enchanteurs nous arrachions aux talus :
Cynoglossum pictum, Ballota fœtida,Malva rotundifolia, Buph-
talmum spinosum, Onopordon acanthium, Verbascum thapsus,
ainsi que Cichorium intybus que tout le monde connaît sous le nom
de chicorée. Cette plante dont nous mangeons les jeunes pousses au
printemps, produit à cette époque de l’année une fleur bleue de
toute beauté qui ne le cède en rien pour l'élégance et la richesse
de ses couleurs à la plupart des plantes qui font l’ornement de nos
jardins.
Chemin faisant et pendant que Messieurs les naturalistes s’éver-
tuaient à fouiller les petites mares pour y rechercher des ZLimnées
et des Æydrocanthares, venaient successivement prendre place
dans notre boîte Dipsacus silvestris, Clematis flammula et vitalba
Apium graveolens, Buphtalmum aquaticum, Verbena officinalis,
Galactites tomentosa, Centaurea calcitrapa, Trifolum fragife-
— 107 —
rum, pratense et angustifolium ainsi que Bellis perennis ou pa-
querette dont les fleurs nombreuses émaillaient l'herbe qui couvrait
les bords du ruisseau. Le long d’un talus assez élevé et au-dessus
d’un banc d'Ostrea longirostris assez considérable, nous apercevons
quelques pieds d’une magnifique caryophyllée, Dianthus longicau-
lis, ainsi que des touffes épaisses d’'Æchium vulgare qui se mê-
laient avec Asperula Cynanchica et Mercurialis tomentosa.
Onopordon illyricum, Mentha rotunchfolia, Potentilla reptans
Crepis biennis, Helminthia echioïides, Tolpis barbata, Lycopus
europœus, Trifolium agrarium, Ajuga campestris, Sedum album,
Daucus carota, Chlora perfoliata, Ranunculus bulbosus, Samo-
lus valerandi, Euphorbia cyparissias et Characias, Equisetum
arvense, Agrimonia eupatoria et Epilobium hirsurtum, viennent
successivement prendre place à côté des plantes déjàramassées. Après
un déjeûner frugal, nous nous remimes gaillardement en route frais
et dispos pour faire d’autres victimes qui furent : Sonchus olera-
ceus, Cyperus flavescens, Saponaria officinalis, Galium Parisiense
Lactuca saligna, Osyris alba, A sparagus officinalis, Lonicera
etrusca, Scrophularia nemorum, Polygonum aviculare, Stella-
ria nemorum. Enfin à force de recherches nous finîmes par aper-
cevoir Cucubalus baccifer, qui se cachait dans une touffe d’arbus-
tes, comme s’il voulait se dérober plus longtemps encore à nos
regards. Nous en prenons le plus grand nombre d'échantillons possi-
ble, et comme le soleil était déjà haut sur l'horizon nous songeons à
regagner nos pénates. Nous prenons le chemin de Corneilhan et mal-
gré la chaleur et la poussière, nous fourrageons sur les bords de la
route et nous recueillons Sco/ymus Hispanicus, Reseda phyteuma,
Triticum repens, Rumex bucephalophorus, Galium verum, Dian-
thus prohfer, Lepidium draba, Conyza ambigqua, Anagallis phæ-
nicea et enfin}Taraæacum officinale qui étalait sa magnifique fleur
au milieu d’un tapis de verdure.
Ainsi pour avoir été courte notre excursion n'en a pas été moins
fructueuse et elle nous a procuré le plaisir d'admirer quelques pe-
tites plantes qui passent inapercues et qui cependant ont fait notre
admiration. Aussi je crois pouvoir dire à bon droit que des trois bran-
ches de l’histoire naturelle, la botanique est celle qui prête le plus
à la poésie, grâce à l'élégance de la forme des fleurs et à la variété de
leur coloris.Personne, en effet, ne saurait reste): indifférent à l'aspect
— 108 —
des tableaux vraiment séduisants que la végétation étale à nos yeux.
Une plante, une fleur détachée de sa tige suffisent pour nous rap-
peler le sol natal, les joies évanouies ou les affections perdues. Nous
comprenons aisément le transport de sentiments qui font que le sau-
vage arraché des bords de l’Orenoque embrasse en pleurant l’arbre
de son pays, et les larmes qui coulaient des yeux de J.-J. Rous-
seau à la seule vue d’une pervenche. Par suite de cette sympathie
naturelle, l'homme à toujours demandé aux plantss les symboles di-
vers de ses affections. Des fleurs ont orné notre berceau, de noirs
cyprès ombrageront notre dernier asile.
Séance du 1* Août 1877
PRÉSIDENCE DE M. Varéry MAYET, vice-président
Adoption du procès-verbal.
Sont offerts à la Société :
1. Archives du Mexique. — 2. Revue des Sociétés savantes.
— Dons de M. le Ministre de l'instruction publique.
Exeursion à Lamalou et au mont Caroux
Par M. CHALON
PREMIÈRE PARTIE. — LAMALOU
Depuis longtemps déjà désireux de visiter en botaniste la partie des
montagnes de notre département à laquelle appartient le massif du
mont Caroux, je fus heureux de mettre de moitié dans mon projet
mon savant ami, M. Valéry Mayet, qui joint à ses vastes connais-
sances scientifiques, l’amabilité et la gaîté, ces compagnes précieu-
ses du touriste. Le dimanche, 9 juillet, vers midi, nous arrivions à
Lamalou, dans notre léger équipage de naturalistes, ne demandant
au ciel qu’un peu de soleil pour le lendemain et une chaleur clé-
mente pour l’après-midi. |
— 109 —
L’étroit vallon au fond duquel s’abrite la station balnéaire de
Lamalou, enserré de montagnes relativement hautes, s'étend dans
une direction perpendiculaire à la vallée de l’Orb. Il est parcouru
par un ruisseau qu’alimentent de nombreux torrents, dont le lit se
suspend au flanc des montagnes et par les innombrables sources na-
turelles qui jaillissent de toutes les fissures des rochers. Rien de
plus vert et de plus réjouissant à l’œil que la mer de feuillage qui
oravit les pentes et couronne les hauteurs, abritant sous sa vague
de minuscules bosquets de Pteris aquilina et parmi des fourrés
de bruyères des jardinets fraîchement colorés de plantes silicicoles.
Nous passâmes notre après-midi à visiter de long en large ce val-
lon, rempli de sites pittoresques, joyeusement parés de feuilles et
de corolles.
Au bord du chemin, presque sous nos pieds, dans les bois de
châtaigners semés cà et là de vignes et de champs de pommes de
terre croissaient en abondance : Centaurea pectinata, Calamintha
clinopodium, Dianthus prolifer, Teucrium scorodonia, Anarrhi-
num bellidifolium, Daucus carota, Trifolium agrarium, Erythræa
centaurium, Jasione montana, Andryala sinuata, Malva mos-
chata, $. laciniata, }. gracilis, Linaria striata, Juncus conglo-
meratus, Hypericum tetrapterum, Sedum reflexzum, Cerastium
obscurum, Umbilicus pendulinus, Ranunculus acris, R. philono-
tis, Geum urbanum, Silene muscipula; dans les lieux frais, au
bord des ruisseaux, Apium graveolens, Campanula speciosa, et
dans les cultures, Cicer arietinum et Solanum tuberosum. Nous
suivimes jusqu'aux fontaines de Lamalou-le-Haut, le ruisseau qui
coule au fond du vallon, en récoltant un petit nombre d’espèces
des basses montagnes mêlées à quelques-unes de la plaine : Ana-
gallis tenella, Epilobium parvifiorum, Geranium lucidum, Dian-
thus armeria, Senecio erucifolius, Crepis miceensis, Galium
elatum, Euphorbia characias, ÆE. niceensis, Prunus fruticans,
Vihis vinifera, Cyperus flavescens, C. longus, Scirpus holoschæ-
nus et de nombreuses graminées : Bromus, Melica, Brachypo-
dium, Milium, Piptatherum, etc.
Comme lelit du ruisseau se creusait au milieu d’une muraille de
schistes une eau passablement profonde remplissant le creux,
il nous fut impossible de continuer notre marche et nous dû-
mes gravir l’escarpement pour retrouver un chemin pratica-
ble. En cet endroit, un des nombreux torrents dont nous avons
— 110 —”
parlé plus haut conflue avec le ruisseau et comme dans nos courses
tout est abandonné aux aimables improvisations du hasard, nous
suivimes les bords du torrent. La croupe dela montagne se relevait
brusquement, élevant sur nos têtes presque dans le bleu du ciel,
les verts panaches des châtaigners, où se jouaient magiquement les
rayons du soleil, si bien que cette mer de feuilles avait des reflets
comme les flots. Lelit du torrent ouvert dans les schistes ressem-
blait à un gigantesque escalier dont chaque cascade représentait
un degré. Au bas de chaque marche se creusait une vague d’eau
limpide et verte comme les feuilles, encadrée de Polypodium et
d'Adiantum capillus-veneris, de mousses étoilées dont les feuilles
chatoyaient à la lumière paisible répandue dans ce creux bordé de
Pteis aquilina buissonnants, parmi lesquelles brillaient avec leurs
couleurs harmonieuses et vives Digitalis purpurea, Androsæmum
officinale, CircϾa lutetiana, Epilobium montanum. Au sein de
l’eau se jouaient avec les mouvements gracieux et rapides que je
me plus à admirer, des tritons, des têtards et des hydrocanthares.
Tant bien que mal, tantôt me hissant à force de poignets, tantôt
m'ouvrant un passage à travers les bruyères épaisses et serrées,
faisant en un mot de continuels exercices gymnastiques que ma
boîte de zinc rendait peu agréables, je m’'avançais sur les bords du
torrent parmi les Sarothamnus scoparius sur la terre bénie des
bois, heureux de me sentir mêlé à cette vie active et féconde, où le
bourdonnement des insectes chante la beauté des fleurs et la gran-
deur du ciel. Sur ma route peu ou pas de cultures. Toujours des
châtaigners à l'ombre desquels paissaient des moutons gardés par de
vraies bergères, campagnardes au teint hâlé, ridées prématurément
par les fatigues ou la maternité, telles qu’en peignait Millet dans sa
retraite de Barbizon, et dans ce cadre charmant où certes les Philis
etles Estelle n'eussent pas été à leur place, par intervalles, le bruit
de l’eau montait en se mariant au chuchottement des feuilles. De
temps en temps, sur l’herbe et la mousse se montraient quelques
champignons, soulevant sur le vert éclatant des prairies, leurs
chapeaux blancs ou rouges, Boletus edulis, Agaricus lactifluus et
bien d’autres que je voudrais pouvoir nommer.
Ainsi marchant, j'arrivaijusqu'à un hameau très haut perché, perdu
sous bois,dont la physionomie singulière me frappa. Les maisons sont
bâties de schiste talqueux du fondement jusqu’au faîte, de larges
| — A1 —
dalles arrachées à la montagne. Sur les murs foisonnent les fougè-
res, dans les rues quelques poules picorent ; mais aucun naturel ne
se montre. Les clefs sont sur les portes, les étables à porcs baillent
toutes grandes, et l’on croirait qu’un fléau funeste s’est abattu su-
bitement sur le village, n’était l’admirable nature, la limpidité de
l’air et la paix poétique du lieu. Je passai sans m’arrêter devant
quelques vieux murs au chaperon desquels s’accroche le sempervi-
vum tectorum, et par un véritable sentier de chèvre, j'arrivai au
bord d'un ruisseau près d’une cascade éboulée formée de roches
schisteuses admirablement polies par les eaux. Je trouvai là: Cam-
panula speciosa, Primula officinalis (en fruit) Solanum nigrum,
Fumaria capreolata, Veronica officinalis, Thymus chamædrys,
Epipactis latifolia, Cephalanthera ensifolia, Achillea millefolium,
Chrysanthemum leucanthemum, C. pallens, Chelidonium majus,
elec. à
Malheureusement, il se faisait tard. Depuis quelques temps j’écou-
tais chanter dans la vallée, tout au fond de l’entonnoir dont j'occupais
le sommet. La voix de la chanteuse montait pure et limpide jusqu’à
moi et je prêtais l’oreille, comme faisaient les bergers antiques aux
chansons des nymphes Dryades, ou aux sons de la flûte de Pan. Je
redescendis par un sentier vertigineux, me tenant aux branches
flexibles des châtaigners coupés en têtards. Une vieille pastoure
| m'indiqua la route de Lamalou, que je regagnai rapidement sans
m’arrêter à Villecelle-Mourcairol, village placé au creux du vallon.
comme un nid entre deux branches.
Séance du 8 Août 1877
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT, Secrétaire-général.
Adoption du procès-verbal.
Admission de M. Carles (Alfred), membre actif , présenté
par MM. Martin Fabre et Lagarde.
Sont offerts à la Société :
1. Nid d'hymenoptères. — Don de M. Bastide et M. le
docteur Cabannes.
— 112 —
2. Calcaires quaternaires à hélice, de Vendres. — Don de
M. Cannat.
Excursion a Lamalou et au mont Caroux
Par M. CHALON
DEUXIÈME PARTIE. — CAROUX
Comme trois heures du matin sonnaient nous quittions notre hô-
tellerie de Lamalou. Un ciel d’une limpidité parfaite, faisait au-
dessus de nos têtes resplendir ses myriades d'étoiles; presque au
ras des montagnes la lune montrait la corne de son croissant affilé
comme la pointe d’un cimeterre. À mesure que nous marchions, le
crépuscule matinal devançant et annonçant l’aurore; dissipait les
ombres des hauteurs, et quand par le chemin encombré de cail-
loux, nous arrivâmes à Villecelle, la vallée nous apparut comme un
lac de brume, où les vapeurs s’étageaient avec des reflets blanchâ-
tres fortement accusés sur la teinte noire du fonds. Villecelle dé-
passé, nous primes droit devant nous, guidés par notre instinct, à
sous les châtaigners muets et immobiles qui semblent mourir cha-
que soir pour renaître à chaque aurore. Nous nous égarâmes, l'es-
pace d'une heure environ, parmi ces bois toujours les mêmes, si
frais et si tranquilles, que la rêverie semble sortir des feuilles en
même temps que le parfum des fleurs. Soudain la forêt s’interrompt
pour nous laisser apercevoir à mi-côte un joli petit village noyé »
parmi des blocs de pierre, baigné dans la lumière bleue de l’aurore. …
Tout autour de nous, on entend comme un murmure joyeux ; c’est u
l’eau qui chante sa délivrance au sortir des dures cavernes de -
pierre et qui rit heureuse de refléter les verdures des arbres dont |
elle abreuve les racines. Sur le fléau des montagnes entre lesquelles
se creuse une vallée encore pleine d'ombre, se suspendent, avec
une légèreté merveilleuse, des hameaux où doit fleurir l’idylle, si.
nous en croyons leurs murs blancs et coquets, jetant comme un
sourire au milieu des graves ramures et des songeries de la forêt.
Le soleil levant couvre d’or les rochers du mont Caroux, illumine
les gneiss, et place comme une auréole sur le front sévère des.
escarpements; ses rayons se jouent dans les feuillages, descendent
— 113 —
graduellement du sommet, glissent sur les troncs, rasent le sol et
se répandent dans les vallées comme une nappe fluide. Il sonne cinq
heures, l'altitude à vue d’œil est de quatre cents mètres. D'un côté
un vallon étroit semé de hameaux, coupé d'eaux courantes entouré
de pentes, d’où descendent sans cesse des cascades de verdures nous
sépare de d'Espinouse; de l'autre, des châtaigneraies et des croupes
rocheuses couvertes de fleurs comme un gueux revêtu d'un man-
teau de satin. Nous cueillons : Stachys recta, Teucrium scorodo-
nia, Veronica officinalis, Scleranthus annuus, Sarothamnus sco-
parius, Plantago serpentina, Thymus chamædrys, Epilobium mon-
tanum, Anarrhinum bellidifolium, Nepeta cataria, Potentilla
verna el reptans.
Le chemin taillé au flanc du mont est semé de débris pointus,
concassés, aveuglants grâce aux paillettes de mica contenues dans
les schistes talqueux dont sont formées les croupes. C’est le réser-
voir naturel de tous les cailloux qui gênent le défrichement des
pentes. Des touffes clairsemées de Digitalis purpurea égaient la
route; sur le fond grisâtre des roches l’Achillea millefolium attire
l’œil vers la dentelle de ses feuilles et l'élégante ombelle de ses
fleurs. Plus haut, vers le hameau de Combes, terre foraine du Pou-
jol, apparaissent les Sarothamnus purgans, d'un gris de cendre,
serrés comme des balais. Quelques chênes remplacent les châtai-
gners; de maigres prairies bordées d’aubépine et de ronces descen-
dent par une pente de cinquante degrés au moins vers le fond de la
vallée. Des paysans, coiffés de l’antique bonnet de bure, coupent le
seigle, en chantant les mélancoliques refrains des temps jadis. Ces
prés nous offrent Æeracleum lecoquii, Chrysanthemum pallens,
Conopodium denudatum. Le long du chemin parmi leschamps de
pommes de terre entremêlés de jachères fleurissent : Æpilobium
collinum, Sedum reflexzum, Silene inflata, Hypericum montanum,
Sinapis cheiranthus, Cirsium palustre, etc. Nous hâtons le pas, car
l'heure s'avance et le soleil commence à nous brûler la peau. Près
du ruisseau de Madelle nous nous arrêtons devant un hêtre magni-
fique dont le tronc moiré de blane et de noir supporte vigoureuse-
ment le majestueux feuillage. Les faines entr'ouvertes se suspendent
aux rameaux et laissent voir la graine vernissée qu’elles contien-
nent.
Tout autour de nous la mer de feuilles déroule ses flots admira-
blement enluminés par le soleil. Au bord du ruisseau dont les
è
— 114 —
eaux sagement détournées arrosent des prairies fécondes, nous re-
cueillons : Viola sagoti, V. riviniana, Trifolium pratense, T. »
agrarium, etc. Sur les roches, Pteris aquilina, Asplenium adian- |
tum-nigrum, Polystichum filix-mas, Polypodium phegopteris,
P.vulgare, Asplenium filix-femina. Le ruisseau franchi, les der-
nières pentes du Caroux sont sous nos yeux. Par les genêts et les
bruyères nous avancons rapidement, prenant à peine le temps de
boire quelques gorgées de lait dans une métairie ombragée de hêtres
encore jeunes ; et déjà, sans nous préoccuper des chemins battus,
nous gravissons le mont. À mi-côte parmi des amas de gneiss
éboulés, nous rencontrons Vaccinium myrtillus chargées de petites
baies noires dont nous nous régalons, et pour changer de goût
nous nous parfumons la bouche avec les fruits exquis du Fragaria
vesca sauvage. L'eau fraiche et murmurante sort de partout parmi
les fougères et le gramen, et s'écoule en ruisselets que le roe nous
dérobe à chaque instant. La chaleur esttrès-supportable ; quelques
instants après nous foulons le plateau du Caroux.
L'aspect n'a rien de surprenant; une plaine renflée cà et là en dos
d'âne par un petit monticule s'étend à l'Est comme à l'Ouest et se
continue dans le lointain presque à perte de vue. Entre temps quel-
ques rochers pittoresquement amassés, coupent l’uniformité du
paysage. Ces amas d'une originalité charmante nous rappellent
tantôt les galeries couvertes de la Provence, tantôt les menhirs de
la Bretagne. Peut-être cette contrée, si fertile en monuments his-
toriques où des vestiges incontestables témoignent du passage des
Romains, où les passages difficiles étaient au moyen-âge hérissés
de chateaux féodaux, fut-elle dâns les temps préhistoriques habitée
par iles tribus aborigènes qui groupèrent en vue Eur divers
les rochers dont l’aspect nous arrête.
Le plateau du Caroux est presque absolument dépourvu d’arbres.
À peine deux ou trois buissons de hêtres se détachent au milieu
du vert uniforme des bruyères, tâché cà et là de gris par les af- »
fleurements du gneiss. La végétation assez variée se cache sous des
fourrés de Calluna vulgaris et d'Ærica cinerea étroitement mê-
lées ; on y remarque : Galium silvestre B. lœve,Cerastium triviale,
Sedum brevifolium, Arnoseris minima, Anthemis collina, Biscu-
tella granitica Bor, Gallium verum, Ranunculus silvaticus, Po-
tentilla tormentilla, Sedum maximum, Potentilla argentea, Al-
chemilla alpina, Genista anglica, etc. Quelques pelouses d’un
AT —
gazon ras nous offrent : A/sine thevenæi Reut., Sagina procumn-
bens, Plantago carinata, ete. Au bord d’un ruisselet d’eau lim-
pide sous les pierres duquel se cachent de petites sangsues noires,
nous cueillons avant de déjeûner : Polygala vulgaris à fleurs ro-
ses, Wahlenbergia hederacea, et quand nos estomacs sont satisfaits
nous abordons les tourbières. Là, poussent en foule les polytrics et
les sphaignes, gonflés d’eau, grands, serrés les uns contre les au-
tres, laissant occuper à regret quelques petites places par les Ærio-
phorum angustifolium,Orchis maculata, Carex stellulata Juncus
squarrosus et Drosera rotundifolia, aux feuilles carnivores, bordées
de rouge, hérissées de poils au bout desquels brille une goutte de
viscosité qui servira à retenir, peut-être à dissoudre la proie. Au
sortir de la tourbière, nous rencontrons quelques défrichements.
Les bruyères sont arrachées et renversées, les racines en l'air,
destinées à être brülées et à féconder le sol de leurs cendres. Mais
qui donc s’avise de semer sur ce plateau couvert de neige durant la
moitié de l’année, que rase sans cesse le vent froid du nord! Dans
un creux s’abrite une bergerie avec sa toiture de genêts et le champ
de seigle maigre qui la précède. Le pâtre est absent. Tant pis !
Car nous aurions grand besoin de son secours pour trouver le
ravin de Colombières par où nous voulons descendre. C’est en
cherchant ce sentier, que du reste nous ne devions pas trouver,
que nous avons rencontré des vues admirables, des paysages d’une
grandeur et d’une tristesse incomparables.
Du haut d’un rocher qui surplombe presque la vallée de l'Orb, à
travers la brume lointaine que le soleil n’a-pas complètement dissi-
pée, par delà la chaîne des basses montagnes, qui bordent le cours
supérieur de la rivière, nous embrassons d’un coup d'œil la vaste
plaine du département, depuis la montagne de Cette jusqu'à la
courbe harmonieuse des Corbières Orientales. Iei un amas confus,
une grande tâche de couleurs mêlées, tirant sur le jaune sale ; c’est
Béziers, sans doute; là, un pâté noir sur le fond d’or du paysage
nous révèle Narbonne ayant derrière elle comme un grand miroir
terni les étangs de Bages et de Gruissan. Plus près de nous, mais
fort loin encore, un ruban poussiéreux fort long et fort droit coupe
en deux l’uniforme tableau. Plus loin encore, aux extrêmes limites
de l'horizon, le Canigou dresse sa haute taille et surveille la mer,
comme si Dieu l’eût donné pour pilote au grand navire des Py-
rénées. Tournant les yeux nous avons le spectacle du pittoresque
— 116 —
cahos des montagnes septentrionales, des chaînes succédant à des.
chaînes, chauffant au soleil leurs apophyses dénudées, grillées, dé-
boisées, courant l’une après l’autre vers le bord du ciel et s’écra-
sant toutes avant d'arriver au but, le pic de Cabrière qui semble un
pouce tronqué, la Sérane aux aspects tristes, plus loin, dans la
brume bleue les Cevennes et les monts du Vigan. Le soleil drape
ces pauvres montagnes dans un manteau splendide de rayons; les
ombres lointaines nous apparaissent comme un fin brouillard et se
fondent dans la lumière.
Nous cherchons toujours Colombières. Soudain ,; M. Valéry
Mayet qui m'a devancé m'appelle et me montre à ses pieds un ta-
bleau d'une sauvagerie superbe. Un vaste entonnoir dont on n’aper-
coit pas le fond s'ouvre dans le chaos des monts. Ce ne sont partout
que cascades de roches grises, pelées, hérissées, çà et là tâchées de
noir par des bouquets de hêtre. Au milieu de l’entonnoir se dresse
une mince crête et nous croyons assister à la chute épouvantable
d’une montagne. De là-haut, sans cesse les rocs se précipitent,
bondissant et roulant tumultueusement dans un désordre d'une
grandeur lugubre. Pourtant ce terrible torrent est muet; les bruyè-
res croissent dans les anfractuosités des pierres et dans les trous
les mignonnes fleurettes agitent tranquillement leurs celochettes ro-
ses. C’est que dans un effort suprême, arrêtant l’écroulement,
cabré comme un cheval qui résiste, un gigantesque rocher s’est
roidi contre la chute. Il semble vivre. Je sens son effort ; je vois sa
puissante musculature éternellement gonflée, son front ridé, son
pied solidement appuyé, son immense charpente osseuse tendue
comme celle d’Atlas, le géant qui porte un monde; c’est à ne pas en
croire ses yeux. Jamais chose matérielle, inanimée, n’a présenté à
un tel degré l’apparence de la vie. On m'avait beaucoup vanté les
gorges d'Eric, mais ce que j'ai vu dépasse toutes les descriptions,
et mon ami, M. V. Mayet, qui pourtant a vu beaucoup de monta-
gnes, admire comme moi.
Un peu plus loin, les escarpements du Caroux se continuent. La
montagne descend à pic dans la vallée. Au fond, une rivière coule
paisible, enserrant dans ses gracieux méandres des bouquets de ver-
dure. Haletants et suants comme nous sommes, l’eau vue d’en
haut nous attire. La jolie route plane et douce qui en suit tous les
circuits nous fait rêver; nous songeons à l’ombre propice des peu-
pliers et des ormeaux, au bain récréateur qu'on y peut prendre, à
— 117 —
ces mille choses auxquelles on ne pense pas, quand frais et
dispos, on se promène pour se promener. Rêves enchanteurs mais
empoisonnés ! La pente est trop abrupte pour que nous puissions
espérer d'arriver en bas sans encombre. Enfin, grâce à mon com-
pagnon qui s'oriente tant à l'aide de la position du soleil que de
celle des Pyrénées entrevues déjà le matin, nous retrouverons le
plateau. Nos prévisions se réalisent. Là-bas sous les hêtres la pe-
tite ferme où nous avions pris du lait se repose tranquillement
comme un oiseau sous la feuillée et nous n’avons plus pour lat-
teindre qu’à descendre durant deux ou trois cents mètres. Dans
notre course sur le plateau, nous avons recueilli : Siene saxifraga
Ileæ aquifolium, Clypeola gaudini, Antirrhinum asarina, Sazæi-
fraga prostii, Osmunda regalis, ete. Six heures sonnaient comme
nous rentrions à Lamalou, après quinze heures de marche (sauf
arrêt d'une heure pour déjeûner) à travers les gneiss et les schis-
tes, fatigués sans doute, mais nous promettant bien de recommen-
cer à la première occasion.
Séance du 22 aout 1877.
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT , Secrétaire-général
Adoption du procès-verbal.
Sont offerts à la Société :
1° Une collection d’Orthoceras du terrain silurien de Gabian
— Don de M. Cannat.
2° Pyrite de la tranchée noire de Gabian. — Don de M.
Jumeau.
3° Schistes houillers avec empreintes végétales des mines
de Neffñiès. —- Don de M. Cannat.
4e Collection de mousses et de lichens. (Envoi de M. l'abbé
Olivier.) Cet envoi a été obtenu en échange de collections de
plantes phanérogames, adressées par M. Chalon au nom de la
Société.
— 118 —
Liste des insectes coléoptères recueillis à Lamalou 4
et au Caroux dans l’exceursion des 8 et 9 Juillet.
Par M. V. MAYET
M. Chalon vient de vous donner un récit trop complet et trop .
saisissant de notre ascension au mont Caroux pour qu'il soit utile -
que je fasse moi-même une relation détaillée de notre belle excur-
sion, elle ne vous dirait rien de neuf peut-être et serait certaine-
ment bien pâle à côté de celle que vous venez d’entendre.
Avant de vous donner les renseignements entomologiques sur les
deux journées que nous avons passées dans nos montagnes de l’'Hé-
rault, je me contenterai de vous dire, qu’à mon avis, les escarpe-
ments du Caroux sont la plus grande beauté naturelle de notre
département et qu’il faudrait être bien peu sensible aux grandes …
scènes de la nature pour ne pas être remué profondément quand
on arrive pour la première fois en face de ces rochers aux rudes
profils qui se dressent brusquement à cinq ou six cents mètres au-
dessus de la vallée de l'Orb. Ils laissent bien loin derrière eux les
roches si vantées de Saint-Guillem-le-Désert et l'abîme vertigi-
neux, de trois ou quatre cents mêtres à pic, qui forme le versant
Nord du pic Saint-Loup. |
Notre première journée consacrée à l'exploration des hauteurs
couvertes de châtaigners qui avoisinent Lamalou m'a procuré les
espèces d'insectes suivantes :
Pristonychus australis dans le tronc caverneux d’un châtaigner.
Harpalus griseus commun sous les pierres.
Faronus lafertei un seul individu de cette rare espèce dans le u
terreau de châtaigner.
Cetonia cardui un individu sur des fleurs de châtaigner.
Ptinus ornatus en battant dans le parapluie les branches mortes
de châtaigner.
Opillus pallidus sous les écorces d’un sorbier mort (2 individus).
Capnodis tenebricosa posée sur le sol dans les chemins.
Agrilus atbogularis en battant un sorbier mort.
Elater sanguineus bois pourri de châtaigner.
Melanotus tenebrosus —
Helops cœruleus sous une écorce de châtaigner, espèce non en- à
core signalée dans le département,
— 119 —
Bryx ater bois pourri de châtaigner
Anaspis maculata commun
— ruficollis — sur les fleurs de châtaigner.
— subtestacea rare
Brachyderes pubescens en battant les branches de chêne.
— lepidopterus — de lchâtaigner.
Trachyphlœus scabriusculus sous les pierres et au pied des
chardons.
Magdalinus aterrimus branche morte de châtaigner.
Cerambyx velutinus dans un tronc caverneux de châtaigner..
— heros au vol dans une châtaignerie.
Gracilia pymæa branches mortes de châtaigner
Leiopus nebulosus —
Cryptocephalus maculicollis en fauchant sur les cistes.
Aphtona lœngata —
Dibolia fœrsterti — au bord du torrent.
Chrysomela schotti bord du torrent sur une pousse de peuplier
blanc. |
La chasse du lendemain faite tout entière sur le plateau du Ca-
roux m'a offert bon nombre des espèces subalpines recueillies l’an
passé au Somail et à La Salvetat et une espèce des Pyrénées-Orien-
tales le pterostichus platypterus que j'ai été fort étonné de rencon-
trer dans l'Hérault. Parmi les espèces subalpines, je puis citer :
Carabus auratus variétés noires et vert foncé courant sur le
plateau.
— catelunatus sous les pierres
— nemoralis —
—— CONvVERUS —
Harpalus ignavus —
— tardus =
Cymindis axillaris —
Pœcilus lepidus —
Ontophilus striatus dans les bouses de vache.
Diacanthus œneus commun sous les pierres.
Cistella sulphurea sur les châtaigners et les hêtres. Ÿ
Orchestes fagi Sur les hêtres, commun.
Adimonia capreæ en fauchant des buissons de saule Marceau.
La saison était un peu trop avancée. Bien qu’il ait plu la veille
sur le plateau, ce que nous reconnûmes à l’eau qui remplissait
— 120 —
beaucoup de creux de rochers, le sol était desséché et beaucoup
d'insectes étaient trouvés morts. En redescendant sur Lamalou,
J'ai pris courant sur le sol plusieurs Dorcadion lineola-espèce prin- -
tanière dans la plaine et qui, dans les montagnes se montre parait-
il, jusqu’en juillet.
En vrai naturaliste, peu soucieux du qu'en dira-t-on, je ne dois
pas passer sous silence les espèces dont j'ai constaté la présence
dans des fientes de renard desséchées rencontrées à plusieurs re= …
prises sur le plateau. J’ai trouvé ainsi : Carabus auratus, variété …
noire, Carabus catenulatus, Sulpha nigrita et atrata, Ateuchus
Sacer gymnopleurus flagellatus, Asida jurinei, mélange informe
d’espèces de plaine et de montagne où chacune est pourtant facile à …
reconnaître et qui atteste les longuescourses nocturnes du carnassier.
Ce n’était pas la première fois qu’il m’'arrivait d'ajouter ainsi rapi-
dement un certain nombre d’espèces au catalogue d’une localité
visitée pour la première fois, ressource que n’ont pas les botanistes. 1
Partis le matin à trois heures de Lamalou, nous y rentrions le u
soir à six heures. À part deux heures consacrées aux repas, nous
avions marché tout le temps, c’est-à-dire, treize heures. Bien cer-
tainement si le nombre de kilomètres à faire eut été moins consi-
dérable ma moisson eut été plus ample; mais nous avons dit au
revoir au Caroux et, s'il plait à Dieu, l'été prochain ne se passera |
pas sans que nous y fassions une nouvelle excursion.
Séance du 29 Août 1877
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT. Secrélaire-général.
Adoption du procès-verbal.
Sont offerts à la Société : |
4° Moules de scutella bioculata et d'avicula de Béziers. — Don
de M. Cannat.
do Calcaire lacustre avec paludines très-nombreuses. —
Don du même. 4
3° Barytine cristallisée des environs de Lodève ;
— 121 —
4 Lignite du lias du Larzac. — Don de M. Cannat.
5° Collection de plantes des Cévennes. (Envoi de M. An-
thouard du Vigan.) Cet envoi a été oblenu en échange d’une
collection adressée par M. Chalon au nom de la Société.
M. Paul Chalon fait une conférence sur la fécondation des
végétaux cryptogames et compare à la reproduction végétale,
la reproduction de certains asimaux inférieurs.
La société décide de suspendre ses séances jusqu’au 8 no-
vembre.
s NE =
REPRISE DES SÉANCES
Séance du 8 novembre 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Allocution de M. le Président
MESSIEURS.
En reprenant nos séances après les vacances, nos premières pa-.
roles seront pour les membres actifs que nous avons perdus. .
L'année qui vient de s’écouler n’a pas été meilleure que la précé-
dente ; l'an dernier la mort nous enlevait le regretté président à
qui nous devons la fondation de la Société, cette année elle a frap-
pé un de nos secrétaires, M. Benjamin Mayet, un des jeunes hom-
mes qui promettait le plus et qui doué des qualités du cœur et …
de l’esprit s'était déjà fait connaître par des découvertes dans la
science entomologique à laquelle il avait été initié par son frère :
et comme si ce n’était point assez, à cette perte vient s'ajouter celle
de M. Valéry Mayet lui-même, que M. le Ministre vient d'appeler |
à une chaire de l’école d'agriculture de Montpellier, digne récom-
pense de son talent. Pour adoucir nos regrets, le savant entomolo-
giste a bien voulu nous faire espérer qu'il viendrait s’entretenir »
quelquefois avec nous de sa science favorite, et ce sera avec le plus
grand plaisir que nous le verrons tous renouveler, à Béziers, lescon- …
férences si intéressantes et si instructives de l'année dernière.
Hélas ! le vide qui vient de se faire ne pourra de longtemps
être comblé! Toutefois quelques grandes que soient nos pertes, -
nous reprenons courage en jetant les yeux autour de nous. Nous
voyons au premier rang notre secrétaire général dont le zèle et
l'activité ont été mis au service de la société, qui lui est redevable
non-seulement de son existence, mais encore de la régularité de .
ses séances et de la mise à l'ordre du jour de ses travaux, car il
5
| stimule sans cesse ses jeunes collègues, qui peuvent, comme lui,
donner de la vie à notre association. Nous apercevons à côté de
lui un botaniste qui, bien que jeune encore, s’est déjà fait remar-
quer des hommes les plus compétents par des publications insérées
dans notre bulletin ; ayant à cœur aussi la prospérité de notre so-
ciété, il s'est mis en relation avec des collègues étrangers pour
effectuer des échanges, qui doivent former les premiers éléments de
notre herbier. Je serais bien oublieux si jene signalais à votre
attention les jeunes conchyliologistes et entomologistes qui se met-
tent au travail avec ardeur, et je dois ici une mention toute par-
ticulière à l’honorable président du Comice agricole, M. E. Düffour,
ainsi qu'aux hommes spéciaux, qui ont apporté dans cette enceinte
l'étude des moyens pour combattre le phylloxera ou pour régénérer
nos vignes. Ils donnent ainsi à nos séances d'autant plus d’attraits
que les questions traitées sont d’un plus grand intérêt pour la ré-
gion.
Ce n’est pas seulement encourager vos travaux, mais c’est encore
accomplir un acte de justice que de rappeler ici tout ce qui honore
une société naissante, et à ce titre j'aurais bien garde d'oublier le
travail d’un architecte, notre collègue, travail qui est encore en
_voie d'exécution, je veux parler du plan géologique en relief de la
commune de Roujan, par M. Fabre, à qui il fera le plus grand
honneur.
Comme un banquier qui dépose son bilan, nous pouvons nous
montrer satisfaits de cet exposé, et envisager l'avenir avec con-
fiance. Notre compagnie voit le nombre de ses membres augmenter
tous les jours, et tout fait espérer que cette année le verra encore
S'accroître; le champ que nous avons à défrîcher est des plus vas-
tes, puisqu'il ne s’agit de rien moins que d’étudier la région au
triple point de vue zoologique, botanique et géologique. Pour une
aussi grande entreprise, nous avons besoin du concours de tous, et
nous avons le ferme espoir que beaucoup encore voudront se
joindre à nous et viendront apporter leur pierre à l'édifice, que nous
nous proposons d'élever en commun.
M. Duffour présente un groupe d'œufs semblable à une
alvéole du Pentatoma Cœrulea insecte vivant en colonie.
M. Valéry Mayet fait une conférence sur les hymenoptères,
— 124 —
Seance du 15 novenibre 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS “a
Adoption du procès-verbal,
Admission comme membres correspondants de MM. : .
1° Jean Prosper, présenté par MM. Martin Fabre et Carles.
%° Laurés Antoine, présenté par MM. Cannat et Pallot.
3 Granié Augustin, présenté par MM. Cannat et Benoit.
Sur la proposition du bureau, la Société décide d'offrir le
litre de membre honoraire à M. Charles, recteur de lacadé-
mie à Montpellier.
M. Valéry Mayet fait une conférence sur l'histoire de l'En-
tomologie.
Séance du 22 novembre 1877
PRÉSIDENCE DE M. CANNAT, Secrélaire-général
Adoption du procès-verbal. |
Sur la proposition du Bureau la Société décide d'offrir le
titre de membres honoraires à MM. Vendryes et Gaston de.
Trommelin.
Sont offerts à la Société :
1° Un lot de plantes du Pic St-Loup. — Don de M. Castel,
instituteur à St-Martin de Londres. |
2° Ur lot de fossile de Rennes-les-Bains / hippurites, rudis-
les, spatangues). — Don de M. Carles. ;
3° Une collection de fossiles des environs du Hâvre (terrains
corallien et tertiaire) Envoi de M. Drouaux.
M. Cannat fait une conférence sur les terrains paléozoïques
du Midi de la France j
= 125 —
Séance du 29 novembre 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARN AUDS
Adoption du procès-verbal.
Sur la proposition du bureau, la Société décide d'offrir le
titre de société correspondante à la Société géologique de
| Normandie.
| M. Duffour fait une communication sur son voyage d’études
| dans les pays où l’on s'applique à combattre le Phylloxera.
M. Paul Chalon fait une conférence sur le développement
| des cryptogames.
Séance du 6 décembre 1877.
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
_ Adoption du procès-verbal.
Admission de M, Henri Gaudion, présenté par MM. Saba-
| tier-Désarnauds et Cannat.
M. le président communique une lettre de M. Vendryes,
acceptant le titre de membre honoraire.
| Sont offerts à la Société :
1° Un échantillon de schistes avec pyrites. — Don de M.
| Louis Bonnet.
20 Un échantillon d'amiante des Pyrénées. — Don da même.
M. Gaudion fait une causerie sur les expériences faites avec
| le sulfure de carbone pour la destruction du Phylloxera.
—
Séance du 13 décembre 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal. |
Sur la proposition du bureau, la Société adopte la liste
— 126 —
eo
d'abonnements aux journaux et revues pour l’année 1878.
M. Valery Mayet fait une conférence sur les fonctions de
nutrition chez les insectes.
Séance du 20 décembre 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Admission de M. Eugène Chalon, membre actif, présenté
par MM. Paul Chalon et Sabatier-Désarnauds.
Admission de M. Plainchant, membre correspondant, pré-
senté par MM. Cannat et Paul Fabre. |
Est offert à la Société :
Une collection de coquilles terrestres et fluviatiles.— Envoi ;
de M. Charpy, de St-Amour (Jura), présenté par M. Benoit.
Rapport sur les relations établies par la section
de botanique.
Par M. CHALON
L'année dernière, la Société préoccupée surtout des difficultés |
inhérentes à tout commencement ne put songer à établir dans.
l'intérêt de nos collections un système d'échange fructueux et né=.
cessaire. Mais dès que les premiers obstacles ont été aplanis,
dès que nous avons pu nous reconnaître au milieu des embar-.
ras, qui d’abord obstruaient notre marche, nous avons cherché \
à nous créer avec les naturalistes des autres régions de la
France des relations dont le premier effet a été de nous procurer |
par voie d’échange les échantillons des divers objets d’histoire na-
turelle que le climat et la disposition de notre contrée ne met pas.
immédiatement à notre portée. D’autres que moi pourront parler
de ce qui a été fait au point de vue de la zoologie et de la géolo-
gie. Ils loueront, comme ils méritent d'être loués, les envois de pa-
léontologie et de conchyliologie, qui.ont enrichi et pour ainsi dire
formé nos collections naïissantes. Pour moi que vous avez bien
voulu charger du soin d’entrer en relations avec les botanistes, ma
tâche se réduit à vous faire part du peu que j'ai fait. — Le docteur
Théveneau trop promptement ravi à notre amitié avait formé le
projet d'extraire pour nous de son riche herbier un certain nombre
de plantes de France et d'Algérie, et de nous fournir ainsi des
sujets de comparaison pour nos recherches ultérieures. La mort l’a
pris alors qu’il avait eu seulement le temps en nous donnant quel-
ques espèces de nous indiquer de quelle facon un herbier doit être
intelligemment composé. Nous avons de lui outre un fascicule d’Al-
gues Australiennes et Norvégiennes très-habilement préparées, trois
ou quatre paquets de phanérogames comprenant les Renoncula-
cées, Nymphæœacées, Papaveracées, Fumariacées et Crucifères de
la flore de France.
M. Léon Anthouard, du Vigan, nous a fait parvenir contre un
envoi d'espèces de notre région, une collection de plantes cévenoles,
venues aux environs de la ville qu’il habite. Vous pourrez admirer
quelque étranger que vous soyez à la science qu'il cultive, le soin
avec lequel les échantillons sont préparés et l'attention avec laquelle
notre correspondant sait les choisir et les compléter. Les étiquettes
qui accompagnent ces plantes sont très-exactement libellées et por-
tent toutes l'indication précieuse de la nature du terrain où elle
poussent.
M. l'abbé Olivier, de Bazoches en Houlme (Orne), nous a adressé
sur notre demande un lot de mousses et lichens de Normandie.
Chaque échantillon, soigneusement collé sur une feuille de papier
porte tous les organes extérieurs dont la présence est nécessaire
pour déterminer avec précision les espèces de ces Cryptogames
capsules et coiffes pour les mousses, apothécies pour les lichens.
Nous ne saurions trop remercier l’abbé Olivier, nous ne pourrions
assez lui redire qu’il serait difficile de trouver un meilleur maître
que lui en cryptomanie, si le talent du maître consiste à rendre la
science agréable et à fournir à l’élève de sûrs jalons pour sa mar-
che en avant. %
Mais, il est un autre de nos correspondants à qui nous devons
une mention toute particulière. Avec une générosité, qui jamaisne
18 —
se dément, avec une attention qu'accompagne et que dirige la con=.
naissance de nos besoins, M. Vendryes, nous fait sans cesse parvenir.
des ouvrages dont la lecture nous tient au courant des progrès de
la science. Il nous offre à mains pleines le pain de l'esprit dont nous
sommes si avides, et se complaît à augmenter de jour en jour notre”
bibliothèque Vous avez assisté à cet accroissement rapide; vous.
savez que privés de ces donateurs qui, en d’autres lieux, enrichis-.
sent de livres les sociétés d'histoire naturelle naiïissantes, nous avons -
pu grâce à lui, ne pas nous apercevoir de l’absence de cet avantage. …
Livres de fonds, brochures, bulletins de sociétés, nous lui devons
presque les trois quarts de ce que nous avons. Ce n'est pas encore.
assez. Après nous avoir dotés d'ouvrages aussi importants que :
la Paléontologie végétale, de Schimper, la Flora atlantica de Des-
fontaines, les Types de chaque famille de plantes, françaises de
Plée, ouvrages qui unissent à un texte savant des séries de gravu=.
res admirablement exécutées, il nou$ a encore envoyé dernièrement
un fascicule de plantes rares des Pyrénées et des Corbières, récol-
tées et dénommées par M. Timbal-Lagrave, le plus éminent peut-
être, des botanistes descripteurs du Midi. Je ne parle pas, car ce. |
n’est pas ici le lieu, des dons importants qu’il m'a faits à moi-
même. Il sait que toute ma reconnaissance et mon amitié lui sont.
acquises. Vous lui avez vous-même donné le titre de membre ho-.
noraire, et jamais titre honorifique ne fut mieux mérité. Nous ré-
colterons pour les lui envoyer la plupart des espèces méridionales …
qui manquent au nord, et nous le prierons d'accepter, comme témoi- |
gnage de notre amitié pour lui, cette faible marque de notre recon-
naissance.
Tel est, Messieurs, le résumé de tout ce que nous avons fait
cette année. C’est bien peu, sans doute, mais le premier pas est.
déjà dépassé, et grâce à l’affermissement de jour en jour, plus
grand, de notre société, nous pourrons développer nos relations et
agrandir le cercle de ces amicales correspondances.
— 129 —
Séance du 27 décembre 1877
PRÉSIDENCE DE M. SABATIER-DÉSARNAUDS
Adoption du procès-verbal.
Admission de M. Guiraud, membre actif, présenté par MM.
Cannat et Benoît.
M. le président donne lecture d’une lettre de M. de Trom-
melin acceptant le titre de membre honoraire.
M. le bibliothécaire communique à la Société une circulaire
du Ministère demandant des renseignements sur notre biblio-
thèque. Ces renseignements seront fournis dans le plus bref
délai.
M. le secrétaire-général donne lecture du rapport de fin
d'année. (Voir en tête du Bulletin.)
M. Lagarde trésorier lit le rapport suivant sur le Budget,
dont les conclusions sont adoptées.
Rapport sur le hudget de l'exercice 1877 et les
prévisions pour l'exercice 1878.
Par M. LAGARDE, Trésorier.
MESSIEURS,
L'année dernière, à pareille époque, je vons exposais le
résumé succinct de nos ressources pour 1877.
Ces modestes ressources nous ont permis de faire beau-
coup, Si nous comparons aujourd’hui la situation de la
Société au point de vue intellectuel et matériel avec son
commencement.
Comme l’a fort bien rappelé son Président, M. Sabatier-
Désarnauds, dans le banquet anniversaire qui a réuni le
8 décembre, la plus grande partie d’entre nous, l’avenir
de la Société est certain ; son but tout on dre QE d’éle-
— 130 —
ver l'intelligence et de rendre à la Science, soit par des
travaux, soit par des découvertes, des services qui pour-
ront être utiles à l'humanité. |
Des personnes plus autorisées que moi ont développé les
avantages précieux de la Société des Sciences ; cependant
je tiens à rendre hommage à notre collaborateur, M. Fa-
bregat, qui à traduit dans une improvisation chaleureuse,
la pensée de tous, en rappelant que l’homme, quelle que
soit sa position, peut et doit se créer en dehors des exi-
gences de la vie ordinaire, une existence intelligente qui
le repose de ses labeurs.
Les Membres de la Société sont remplis de bonne vo-
lonté, et le lien qui les unit aujourd’hui consacré par une
expérience de près de deux années, a donné la preuve
de la sympathie qui existe entr’eux. Les travaux devien-
dront de jour en jour plus considérables, chacun apportant
sa pierre à l’édifice.
Nous pouvons déjà compter parmi nous des noms qui
ont fait beaucoup : MM. Sabatier, Valéry Mayet, Duffour,
Chalon, Cannat, sont nos pionniers, nous tàächerons de les
suivre et de les imiter.
Abordons maintenant la question financière de 1878
dont le résultat a été donné par M. Cannat, à la réunion
du Bureau :
Les recettes de 1877 se sont élevées à Fr. 1,550
Les dépenses de la même période. . . 1,509 30
Soit un excédant de recette... . 40 70
Il reste à recouvrer diverses cotisa—
tions de Membres correspondants pour
the‘ avime 06,211. AUCUN SN PRIE 110
Soit ensemble. . . . . .. SHOP 150 70
à reporter à notre budget de 1878.
La Société se compose aujourd’hui de
56: mémpres aCLUS, à 20 41. 7.0... 1,120
30 membres correspondants à 5 fr. . . .. 150
pubvention de la TU. MEE No 300
1,720 70
— 131 —
Nous pouvons donc proposer les dépenses pour une
somme équivalente, répartie dans la note remise au Bureau
comme suit :
HMS. LE (TJ Rens 150 fr.
ORNE ATES Te 0. 2 100
SM Ju fi 100 PSS RAS EEE 600
4 Salairedu concierge 150
5° Correspondance. . . 100
HRTQUÉRATE NE US L. . . 300
7° Dépenses diverses. . 170
8° Sommeréservée pour
dépenses à la dispo-
sition du Bureau. . 150 70
1,720 70.
Le peu d'importance de notre budget ne nous permet
pas de faire des dépenses autres que celles qui sont in-
dispensables à la bonne gestion de nos ressources, le
Bureau appelé à donner son assentiment aux propositions
ci-dessus, déterminera l'emploi des fonds, et le montant
définitif des artic'es proposés.
L'ordre du jour porte le vote pour le renouvellement du
Bureau. La liste présentée selon l’usage par le Secrétaire-gé-
néral réunit l'unanimité des votants Une grande partie de
membres absents a adressé son vote par écrit.
M. le président Sabatier-Désarnauds remercie ses collégues,
au nom du bureau, de la confiance qui lui est témoignée
et dont il cherchera à se rendre digne en redoublant de zèle
pour faire grandir et prospérer la Société.
TABLE DES MATIÈRES
(ANNÉE 1877 ).
Liste des Sociétaires.
Rapport du Secrétaire général.
Conférence sur les araignées, par M. Valsy Hs
Note sur les terrains secondaires des environs de Béziers,
par M. Sabatier-Désarnauds .
Conférence sur la variole par le Docteur Poujade .
Conférence sur les sens des insectes, par M. Valéry Mayet.
Rapport sur la grotte de Caramaou, par M. Sabatier-Dé-
sarnauds .
Excursion à la grotte de CR à par SA Roujan,
et Cassan, par M. A. Baluffe.
Excursion du 6 mai au cap d'Agde, par M. Onlan:
Note conchyliologique sur l’excursion au cap d'Agde, par
M. Benoît.
Note sur l’excursion du a 21 mai à Nr Ar-
missan et à la Clape, par M. Cannat.
Rapport sur les grottes de Caramaou et de Eole,
par M. Sabatier-Désarnauds.….
Compte-rendu entomologique de l’excursion de Fontfroide
(Aude), par M. Valéry Mayet.
Excursion à Armissan et la Clape, par M. Chalon...
Compte-rendu sur les excursions faites aux carrières des
Brégines, près Béziers, par M. Jumeau.
Excursion du 27 mai à Fontfroide, par M. Chalon.
Rapport sur l’excursion faite au ruisseau de Ses par
M. Hérail ,
Excursion à Lamalou et au Fes Fi par M. dires
Première partie. — Lamalou.
Deuxième partie. — Caroux..
Liste des insectes coléoptères recueillis à Tanalox “ au
mont Caroux, par M. V. Mayet .
Allocution du Président.
Rapport de M. Chalon sur les en oe étrangers avec DR
correspondants . Li
Rapport de M. Lagarde sur le buriaats
100
104
108
112
118
122
126
129
Les,
TABLE DES MATIÈRES.
(ANNÉE 1876 ).
———
Listes des Sociétaires.
| Rapport du Secrétaire général.
| Première allocution du Président. ‘ EN:
| Note de M. Sabatier-Désarnauds sur le terrain de as.
| Note de M. Sabatier-Désarnauds sur les terrains de Laurens
| Rapport de M. Chalon sur l’exeursion au Malpas
Rapport de M. Chalon sur l’exeursion aux côtes de Beyssan
Allocution du Président à Nissan . DEAD 2
| Rapport de M. Chalon sur l’excursion à Magalas. .
Rapport de M. le Docteur Theveneau sur la flore des envi-
rons de Nissan.
Rapport de M. Chalon sur Fons faite à Nue
Compte-rendu géologique de M. Cannat sur l’excursion au
Pech de l’Agnèle. ; SACS.
Compte-rendu botanique de M. so sur nr au
Pech de l’Agnèle.
Rapport de M. Baluffe sur Poe à l'Abbaye à ne
froide . : NES Le on
Rapport de M. Cannat sur PERTE ie à Nissan.
Allocution de M. le Président.
Rapport de M. Lagarde, trésorier . SR TES PRE
Rapportde M. L. Noguier sur l’excursion à la Beaume-des-
Demoiselles, près Gange.
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Béziers, Imp. Rivière, rue de la Citadelle, 5
BULLETIN
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N° 1. Plan de la grotte. - 2. Vue de l’intérieur de la grotte. - 3.
Silex taillé. - 4. Pointe de flèche. - 6. Bois de renne travaillé.- 7 et
8. Perles de collier en stalagmite. - 9. Pendeloque.
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