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BULLETIN
Seieittifiqiie . et Littéraire
du Département du Nord
ET DES PAYS VOISINS
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in 2018 with funding from
University of Illinois Urbana-Champaign
https://archive.org/details/bulletinbiologiq1218univ
BULLETIN
SCIENTIFIQUE , HISTORIQUE
ET LITTÉRAIRE
DU DÉPARTEMENT DU NORD
et des pays voisins
(Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes, Belgique)
PUBLIÉ sous LA DIRECTIOX DE MM.
GOSSELET , Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et
DESPLANQUE, Archiviste du Département du Nord.
Tome I. — 1869.
LILLE
Imprimerie de Blocquel-Gastiaux , grande place, 13
1869
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N.“ 1. — Janvier 1869
BULLETIN
SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE et LITTÉRAIRE
DU DÉPARTEiSlENT DU NORD
ET DES l'AYS VOISINS
( Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes , Belgique).
L’idée de fonder ce Bulleiin nous a été principalement
inspirée par l’isolement où vivent les savants de province.
Il y a bien, dans toutes les villes importantes, des Académies
ou des Sociétés réunissant les personnes de la localité qui
s’occupent de Sciences ou de Littérature ; mais les Asso¬
ciations d’un même département n’ont aucun rapport
entre elles. Souvent même, bien qu’elles échangent leurs
publications , elles ne connaissent pas leurs travaux réci¬
proques. On ne sait pas à Lille ce que l’on fait à Cambrai ,
cà Cambrai ce qui se passe à Dunkerque. Faute de ces
encouragements qui naissent de l’approbation des hommes
compétents, faute de l’émulation produite par la vue du
travail d’autrui , on s’endort, on cesse d’étudier , d’acqué¬
rir et surtout de produire. Notre Bulletin, en rendant un
compte sommaire des travaux de toutes les Sociétés du
Département et des Sociétés voisines, fera connaître les
uns aux autres les hommes du même pays qui s’occupent
des travaux intellectuels; il créera entr’eux des rapports
de sympathie en attendant qu’il puisse s’en établir de plus
complets et de plus intimes.
— 2
Nous espérons aussi que noire Bulletin sortira du cercle
des Sociétés savantes , qu’il pénétrera chez toutes les per¬
sonnes qui s’intéressent d’une manière ou de l’autre aux
travaux de l’intelligence , qu’il fera connaître les services
rendus par les Associations scientifiques, et qu’il attirera
sur leurs membres une juste considération. Le public ne
lit pas les Mémoires souvent très-longs et quelquefois un
peu arides ; nous cbercberons , en donnant de ces écrits
un résumé court et élémentaire, à en faire ressortir le mérite
et l’intérêt.
Nous avons encore d’autres buts. Nous désirons propager
l’amour des travaux intellectuels et pour cela entretenir
nos lecteurs de la science locale qui plus que toute autre
peut inspirer le goût de l’étude. Nous ferons connaître les
richesses de nos Musées et leurs accroissements successifs,
celles des Collections particulières qui souvent peuvent
rivaliser avec les Musées par les objets précieux qu’elles
renferment. Nous indiquerons les diverses couches du sol
du pays , les Amgétaux qui y croissent , les animaux qui y
vivent , les monuments qu’on y a élevés , les antiquités
qu’on y trouve , l’histoire des civilisations qui s’y sont suc¬
cédé , les œuvres de génie qu’elles ont enfantées , etc.
N’oubliant pas que notre Département lient le premier
rang sous le rapport de l’Agriculture et de l’Industrie, nous
mentionnerons les progrès scientifiques effectués chez nous
dans ces deux directions.
Nous signalerons toutes les découvertes qui se feront
dans notre pays , et nous offrons ainsi aux auteurs de ces
découvertes un moyen de publication prompt et facile.
Nous accepterons avec reconnaissance toutes les commu¬
nications que l’on voudra bien nous envoyer , mais nous
tenons à prévenir que nous ne voulons pas faire concur¬
rence aux publications des Sociétés savantes ; nous ne don-
nerons que de simples notes très- courtes et jamais de Mé¬
moires in extenso.
Nous commençons notre Bulletin humblement (environ
300 pages par an ) , parce que nous avons tenu à le mettre
à un prix accessible à tout le monde. Si notre idée a l’ap¬
probation de nos concitoyens , si notre Bulletin leur plaît ,
nous chercherons à y apporter toutes les améliorations que
l’expérience et les conseils d’autrui nous suggéreront.
GOSSELET ET DESPLAXQUE.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE l’aGRICL'LTURE ET DES ARTS DE LILLE(')
Avant 1789 , il existait à Lille une Société savante connue
sous le nom de Collège des Philalêthes; la tourmente révo¬
lutionnaire la dispersa. En 1802, les débris de cette Société
échappés à l’orage se réunirent et formèrent une nouvelle
Association sous le nom de Société des Amateurs des Scien¬
ces ^ de l'Agriculture et des Arts. Elle changea ce litre en
1829 conti’c celui qu’elle porte encore. Le 13 décembre
1862, un décret impérial la reconnaissait comme établisse¬
ment d’utilité publique. Le nombre des membres titulaires
est limité, il était primitivement de trente ; en 1852, il fut
porté à cinquante.
d) En commençant le compte-rendu des Iravanx des Sociétés sa¬
vantes, nous avons pensé qu'il serait agréal)le à nés Rctei.rsde
connaître les membres qni font partie de ces Associations scientifi¬
ques. Ces listes, données une fois pour tontes , ne seront pli:s renou¬
velées; mais nous aurons soin de tenir notre llnlletiu an courant d('s
changements de personnel qni viendront à se prednire.
A’o/c de la ItédacUon.
— 4 —
Actuellement [15 janvier 1869] la Société comprend :
Six membres honoraires: les autorités départementales et
municipales , et
MM. Moulas (i) [1831] (2) , homme de lettres.
Verly [1823], archéologue.
Deux membres de droit : le Recteur de l’académie et
l’Inspecteur d’académie, en résidence à Lille.
Quarante- cinq membres titulaires et cent quarante cor¬
respondants.
Les membres titulaires sont :
MM. Choîn ^ [1842], professeur d’Histoire à la Faculté et
au Lycée ; Président.
Meisciie de Loisxe^ [1864] , ingénieur des Ponts-et-
Cdiaussées ; Vice-Président.
Gosselet [1865] , professeur de Géologie à la Faculté ;
Secrétaire-Général.
Van Rende [1860], numismate; Secrétaire de Cor¬
respondance.
Bach Y [1844] , agronome ; Trésorier.
De Norguet [1862] , naturaliste ; Archwiste.
Kuiil.mann g ^ [1824] , correspondant de l’Institut ;
chimisle.
Danel^ [1828] , auteur d’une théorie musicale.
Benvignat [1836] , architecte.
Testelin [1840], docteur en médecine.
Cazeneuve 0^ [1841], directeur de l’Ecole de Médecine
Delerue^ [1643], juge-de-paix, homme de lettres.
(1) Les membres titulaires , dont la nomination remonte à plus
de 30 ans, deviennent de droit, sur leur demande, membres hono¬
raires.
(2) Le chiffre entre parenthèse indique l'année de l’admission.
MM. CiiRESTiEN [1847], docteur en médecine.
Lavaine ^ [1848] , professeur de musique au Conser¬
vatoire.
CoRENwiA'DER ^ [1848] , agronome et chimiste.
Parise ^ [1848], docteur en médecine.
Dupuis [1848], avocat, homme de lettres.
Deligne [1849] , professeur de littérature.
Blaaquart-Evrard^^[1852], peintre et photographe.
Colas [1852] , peintre.
Violette , Henri, O ^ [1852] , chimiste , commissaire
des poudres et salpêtres.
Garreau ^ [1852] , pharmacien , botaniste.
Meurein [1852], pharmacien, chimiste.
Cox [1854] , industriel.
Caxxissié [1854], linguiste.
Paeile [1856] , bibliothécaire et archiviste de la ville .
VioLLETTE , Charles [1858] , professeur de Chimie à
la Faculté.
Guiraudet 7^ [1858] , professeur de Mathématiques ,
Doyen de la Faculté.
3Iathias ^ [1858] , ingénieur du chemin de fer du
Nord.
De Goussemaker ^ [1859], correspondant de l’Ins¬
titut, Président de la Commission historique.
Comte de Melux [1859], Vice - Président de la
Commission historique.
HouzÉ de l’Aulxoit, Alfred [1860], docteur en mé¬
decine.
Dareste delaChavaxne [1860], professeur de Zoologie
à la Faculté.
HouzÉ de l’Aulxoit, Aimé [1861] , avocat.
Lethierry [1862], entomologiste.
Vandexberg [1863], architecte.
— 6
Leuriüa> [1863], bibliothécairc-arcliivisle de la ville
de Roubaix.
Kuiilmaxx , Jules [1863] , chimiste.
Desplaxque [1863] , archiviste du Département.
Reixaut, 0:^[1864], conservateur des 3Iusées de Lille.
Roussel-Defoxtaixe ^ ^1865] , industriel , maire de
Tourcoing.
Telliez [1866] , juge au tribunal civil, économiste.
Boire [1868], ingénieur civil.
Duthilleul [1868] , homme de letti'es.
Haxriot^[1868], professeur de Pbysiiiue cà la Faculté.
Dans le cours de rannée 1868 , la Société a perdu :
31. Lyon [1865] , inspecteur des forêts.
Elle a vu s’éloigner :
3131. Gripon [1865] , professeur à la Faculté.
Girardin, O ^ [1858], correspondant de rinstitut<
Doyen et professeur de Chimie à la Faculté.
Lemaître ^ [1863] , ingénieur en chef des Ponts-
et-Chaussées.
3IOSSOT, professeur de rhétorique au Lycée,
qui sont devenus scs correspondants.
J. G.
mémoires de la société des sciences , DE l’agriculture
ET DES ARTS DE LILLE.
Aniicc 18G7 , IV.' volume , 3.' série. — rublics en 1868.
Les publications de la Société pendant l’année 1867 ont
été nombreuses. Elles prouvent que les membres de cette
Association veulent donner l’exemple du travail qu’ils sti¬
mulent en dehors d’eux, par l’appui qu’ils prêtent à tous
les hommes d’étude, et par les Concours qu’ils ouvrent
7 —
chaque année dans toutes les branches du savoir. En 1868 ,
la Société a publié deux volumes: l’un, consacré aux mé¬
moires de ses membres ; l’autre , aux mémoires qu’elle a
couronnés ou qu’elle a jugé dignes d’être imprimés sous ses
auspices.
Nous ne nous occupons aujourd’bui que du premier de
ces deux volumes (4.® volume de la 3.® série).
Citons d’abord les travaux de littérature qu’il contient
et commençons par les poésies.
Nous trouvons une fable : V Apparence trompeuse , et un
conte: V Aigle et la Flèche, de M. Delerue. — Deux pièces
de vers: la Patience (imitation de Y A\\em£iiu]), la Délivrance,
parM. Eschenauer, pasteur protestant à Strasbourg, mem¬
bre correspondant de la Société ; et un poème intitulé
LydéîHc de M. Deletombe, homme de lettres à Orchies ,
également correspondant de la Société.
Lydéric, c’est l’bistoire de notre premier forestier de
Flandre qui est devenu, de par Clotaire, le souverain du
pays de la Lys, après avoir vaincu et tué Phinart, brigand
légendaire de nos contrées'.
Les vers de M. Eschenauer ont un cachet essentiellement
religieux :
Il est un ange sur la terre
Qui vers nous descendu des cieux ,
Répand un baume salutaire
Sur tous les maux des malheureux •
Son regard apporte la joie ,
La paix , la vie et le bonheur.
Ail ! vers cet ange qu'il envoie
Que rEternel tourne mon cœur.
Quel est cet ange?
Cet ange , c'est la Patience ,
Compagne de la Charité ,
8 —
Sœur de la douce Confiance
Et fille de la Vérité.
Elle supporte sans murmure,
Sans amerlume et sans cfibrt ,
L’épreuve môme la plus dure
Et nous sourit jusqu'à la mort.
Le but delà fable, comme ou lésait, est d’inslriiire :
M. Delerue v a réussi.
En visitaul un cabinet d’antiquailles , il aperçoit parmi
beaucoup d’objets :
. une superbe épée ;
Son fourreau resplendissait d'or
Et sa poig’née était plus belle encor. . .
Mais, tirant cette épée du fourreau, il n’a entre les
mains qu’une lame de bois. . .
« Sous les plus beaux; dehors , rbomme et môme la femme .
« A nos regards apparaissent parfois.
« Mais cbcrcbez-leur un cumr, une âme,
« C'est souvent mon épée à la lame de ])ois. »
La critique littéraire est représentée par une étude de
M. Bïossot , sur Pascal et La Rocbefoucauld.
L’auteur examine ces deux hommes célèbres du xvii® siècle
dans leurs livres paraissant presque la môme année: les
Pensées , de Pascal , et les Maximes , de La Rocbefoucauld.
Ainsi rapprochés dans le temps, ces deux livres le sont-ils
par l’esprit, par l’inspiration ?
Il en est peu d’aussi différents. L’un (Larochefoucauld) ,
a écrit avec son esprit ; Pascal , avec son âme , dit M. Blossot
en terminant.
L'Histoire des Etats de Lille, de M. le comte de Melun ,
est continuée dans ce volume. L’écrivain nous montre ces
— 9 — .
Etats sous la domination française et pendant l’occupation
de Lille par les Hollandais.
L’bisloire locale est l’objet d’un autre mémoire très-inté¬
ressant dû à M. Leuridan , et intitulé Précis de l'histoire de
Lannoy. Nous en donnerons prochainement un compte-
rendu spécial.
Nous voyons encore une note sur les œuvres posthumes
d’Emile Cachet, savant paléographe , par 31. Albert Dupuis ;
et deux notices biographiques : l’une , sur la vie et les tra¬
vaux de 31. Victor Derode, par 3Ï. Alex. Desplanque,
notice dont nous nous servirons pour faire connaître
31. Victor Derode quand nous parlerons prochainement de
ses quelques documents pour servir à l’Histoire de l'In¬
dustrie de Lille; l’autre , sur 31. le baron 3ieunier , décédé
maire de Lille.
31. 3Ieunier était tils du général de division, baron
3Ieunicr, et de la fille de David, le célèbre peintre du
temps de la République et de l’Empire.
Titulaire d’une étude de notaire à Lille, il v arriva avec
la volonté de devenir, dit 31. Ferdinand 3Iatbias, auteur de
sa biographie , un citoyen utile etactifdesa ville d’adoption ;
il a largement tenu parole. Depuis 1852 , il faisait partie du
Conseil municipal.
Lors de l’agrandissement de Lille, 31. 3Ieunierse montra
partisan de la nouvelle enceinte fortifiée , et s’occupa acti¬
vement de la question. La croix de la Légion d’honneur fut
la récompense de ses travaux.
31. 31eunier était membre de la Société depuis 1861 , il
s y occupait d’Economie sociale.
Cette branche de la Science est encore dignement repré¬
sentée à la Société. Au moment où la question des och'ois
était à l’ordre du jour , 31. Roussel-Defontaine a pensé qu’il
¥■
10 —
était opportun de faire connaître Thistoire de l’abolition des
octrois communaux en Belgique. M. Roussel-Defontaine n’a
pas eu l’intention d’examiner dans son travail la question
des octrois en France. Il pense qu’il faudrait pour notre pays
une autre solution du problème.
L’élément scientifique domine dans la Société.
Le présent volume contient wnMémoire su?' le dosage du
sucreau moyen de liqueurs é/érees, par M. Charles Viollette.
Des études sur les fonctions des racines des végétaux^ par
M. Corenwinder.
Un Mémoire sur le traitement des futaies ^ de M. Lyon.
Sous ce titre ; Poutres équarries à extraire d’un tronc
d'arbre; une méthode , du même auteur, qui permet de
déterminer sûrement, d’après le diamètre d’un arbre, la
dimension des poutres qu’on peut en extraire.
Une Question de Physiologie végétale , par M. Bachy.
Un supplément ajouté par M de Norguet , au Cata¬
logue détaillé des Coléoptères du département du Nord ,
présenté par lui, en 1863 , à la Société des Sciences , com¬
plète les travaux scientifiques contenus dans ce volume,
travaux dont la plupart feront l’objet d’analyses qui paraî¬
tront dans ce Bulletin.
Nous disons la plupart, parce que, en effet, il n’est pas
possible , pour ne citer qu’un exemple , de résumer l’énu¬
mération que fait M. de Norguet des insectes de notre Dé¬
partement.
On sait que les coléoptères forment un des douze ordres
dont se compose la classe des insectes ; le scarabée des jar¬
dins , vulgairement appelé le jardinier, et le hanneton en
sont le type.
C’est la partie Est du Département qui a fait l’objet de
nouvelles recherches ; la forêt de Mormal, les bois de ïrélon
11
et de Raisinés , dit M. de Norguet , ont été visités à plusieurs
reprises par M. Lethierry qui a eu le mérite d’y faire des
découvertes intéressantes.
Ce supplément sera , nous l’espérons , suivi de plusieurs
autres.
Qui peut en effetse flatter, observe M.de Norguet, d’avoir
examiné tous les êtres qui vivent ou naissent sur un pays ,
ou sur une portion de pays, même restreinte , puisque mille
circonstances peuvent les faire paraître et disparaître, les
rendre plus ou moins rares, plus ou moins faciles à décou¬
vrir ?
A fortiori , en est-il ainsi des insectes chez lesquels un
changement dans l’atmosphère , une moditlcation dans la
végétation, une inondation, un dessèchement, un coup de
vent même peut amener l’apparition ou l'extinction de plu¬
sieurs espèces. Lecocq.
DOSAGE DU SUCRE AU MOYEX DES LIQUEURS TITRÉES
avec Instruction pratique, par M. Cii. Viollette {*)
Parmi les différentes méthodes proposées pour le dosage
du sucre, deux principalement sont utilisées.
La première, toute physique, a été imaginée parBiot,
elle repose sur la déviation qu’une liqueur sucrée fait éprou¬
ver au plan de polarisation de la lumière. Elle donne des
résultats précis lorsque la dissolution sucrée n’est que fai¬
blement colorée, mais elle exige l’emploi du saccharimèlre,
instrument coûteux et dont tout le monde n’est pas apte à
se bien servir.
(*) Brochure in-8® , 140 pages , une planche, Lille , Quarré
— 1-2 —
La deuxième méthode, due à M. Barreswill, est une
méthode volumétrique fondée sur ces deux faits purement
chimiques :
l.°Que le sucre se transforme par l’ébullition avec un
acide en sucre interverti , 2.° Que un équivalent de ce der¬
nier peut précipiter, à l’état d’oxide cuivreux rouge (Cu'^O),
tout le cuivre de dix équivalents de sulfate cuivrique dis¬
sous dans la solution alcaline d’un tartrate neutre alcalin.
Ce procédé est moins exact que le premier et il ne donne
qu’une approximation de 2 à 3% ; il est du reste entouré
d’assez peu de renseignements, même dans les livres spé¬
ciaux, pour que ces conditions réunies l’aient empcclié de
se généraliser en passant dans une pratique journalière.
Charles Yiollelte a repris le procédé dit de Barres^vill
et il est parvenu à lui donner toute la précision désirable au
point même d’en obtenir des résultats identiques à ceux du
saccharimétre, tout en conservant à l’opération sa simplicité
pl•imiti^e; même dans le cas où la coloration des dissolu¬
tions sucrées rend incei’tain le dosage du saccharimétre,
la méthode do 31. Violletle conserve toute sa précision.
Il emploie une li(iueur cuivrique, dite liiiucur normale,
qui diffère de celle de Fehling en ce que la précipitation de
10 cc. de cette liqueur correspond à 3 centigrammes de
sucre , tandis que la même ((uantité de liqueur normale du
chimiste allemand correspond ào centigrammes de glucose
(5 cenligr. 263 de sucre).
Dans un premier chapitre l’auteur décrit avec un soin
extrême et en insistant sur les plus petits détails, les moyens
de préparer ces réactifs; dans les cinq chapitres suivants
il donne sa méthode perfectionnée d’analyse pour les diffé¬
rents genres de produits qui peuvent se présenter dans la
pratique ;
— 13 —
1. '' Sucres raffinés, sucres candis, sucres bruis riches el
sucres de fécule riches ;
2. ” Sucres bruts pauvres , mélasses et sirops ;
3. ^^ Betteraves ;
4 .® Jus de betteraves ;
O." Liquides sucrés quelconques.
Dans ces différents cas, la méthode générale devait né
cessairement subir quelques modifications selon que les
produits sont peu colorés ou qu’ils le sont beaucoup , selon
qu’ils contiennent ou non soit du glucose , soit du sucre in¬
terverti, et enfin selon qu’ils sont plus ou moins troubles et
difficiles à filtrer.
Une des plus importantes innovations de 31. Viollelle ,
celle qui rendra au plus haut degré son livre précieux pour
la pratique , ce sont les tableaux qu’il y a joints.
Les uns, résumant avec une grande netteté les phases de
l’opération dans ses caractères fondamentaux et dans ses
caractères secondaires , permettent de saisir l’instant précis
où la réduction est complète.
Les autres ont pour but d’éviter aux praticiens les calculs
de l’analvse.
Dans une première colonne on lit le résultat de l’expé-
l’ience , c’est-à-dire le nombre de centimètres cubes du
sii’op qu’il a fallu employer pour i-éduire iO cc. de la
litiueur cuivrique noimale, c’est ce que l’on appelle le litre
du sirop. Dans une seconde colonne on trouve la quantité
de sucre contenu dans le sirop , et dans une troisième , la
([uantité de glucose (lui y correspond ; le fabricant de sucre
et le rafllneur se serviront de la seconde , le distillateur de
la troisième.
OUTLIEB.
14 —
BIBLIOGRAPHIE.
UN INTENDANT DU HAINAUT SOUS LOUIS XVI.
Dans sa séance publique du 27 décembre 1868, dont
il sera incessamment rendu compte ici , la Société Impé¬
riale des Sciences de Lille a décerné, à titre de distinction
exceptionnelle , une médaille d'or à M. Louis Legrand ,
avocat à Valenciennes , auteur de l’ouvrage intitulé : Sé?iac
de Meil/tan et r Intendance du Hainaut et du Camhrésis
sous Louis XVI. (>)
Antérieurement , ce livre avait été présenté comme
thèse française de doctorat , (2) à la Faculté des Lettres
de Paris où il a trouvé le plus flatteur accueil. (^)
La presse de la capitale et celle de la province s’en sont
toui* à tour occupées pour en dire du bien. (^) Nous même ,
nous nous sommes associé à ce concert d’éloges dans un
article publié il y a déjà plusieurs mois, à Paris , (") et dont
nous demandons la permission de placer aujourd’hui un
résumé sous les veux des lecteurs du Bulletin.
Sénac de àleilhan appartient à la fois à Phistoire litté¬
raire et à l’histoire administrative. Il s’en est fallu de peu
(Ù Valenciennes, Giard; Paris, Tliorin; 18G8. In-8" , 486 p,
(2 Le litre de la llièsc latine de M. Legrand est: LeibnUii de nova
melhodo disccndœ doccndœque jiirisprudtnliœ ; in-8" , 71 p.
(3) Voir, en particulier , le jugement qu'en ont porté MM. II.
Wallon, de l'Académie des inscriptions; et Patin, de l'Académie fran¬
çaise.
p) Le meilleur compte-rendu analytique qui en ait été fait, est
celui de M. Didiez , collègue de M. Legrand au barreau de Valencien¬
nes. Valenciennes, Prignet , in-8" , 21 p.
p) Dans la Revue des questions historiques , numéro d'octobre 1868.
que le nom de cet homme, à peine connu aujourd’hui de
quelques curieux , n’ait pris place, dans l’estime des con¬
temporains et le souvenir de la postérité , entre ceux de
Montesquieu et de Necker. Son tour d’esprit invitait Sénac
à s’inscrire dans la phalange des encyclopédistes et des
physiocrales. Son mérite , sa connaissance approfondie
des hommes et des affaires , le désignaient pour siéger
dans les conseils de la couronne.
La Révolution , qu’il regretta toujours de n’avoir pu dé¬
tourner de son cours funeste , plongea dans l’exil l’inten¬
dant du Hainaut, et, en fermant violemment les portes de
l’Académie française , elle lui ôta l’espoir d’y occuper un
fauteuil. Toutes les perspectives ambitieuses de Sénac s’é¬
vanouirent ainsi à la fois. Après avoir cherché un refuge
momentané à la cour de Catherine II , il se retira à Vienne ,
où il mourut, trop tôt pour bénéficier du revirement d’opi¬
nions et d’idées qui s'opéra en 181o. L’auteur d’écrits de
politique et de salon empreints de la plus rare finesse ,
de la plus exquise urbanité , le contemporain et le rival
de Necker, n’eut point, au terme de sa carrière si brus¬
quement interrompue par les événements , ce retour de
renommée qui console et illumine une vieillesse.
C’est assez insister sur la biogi'aphie de Sénac , que
M. Legrand a fouillée avec autant de hardiesse que de
bonheur , mais qui , selon nous , ne constitue point la
partie la plus originale, ni la plus considérable de son livre.
Dans l’étude de Sénac comme homme de cour et comme
homme de lettres , M. Legrand avait deux guides naturels ,
MM. Sainte-Beuve (') et de Lescure (^). Au contraire, quand
0 Causeries du Lundi, t. X et XI, aiiick'S sur Sénac de Meillian et
sur la marquise de Créqui.
^2) Œuvres choisies de Xe/tac, avec une introduction par M. de TiOScure;
Paris, 1862.
— 16
il en \ient à traiter des actes administratifs du commis¬
saire royal en Hainaut , notre auteur pose le pied sur
une terre absolument neu\e. Pour s’y diriger, il a recours
aux archives de l’Empire , du département et des villes.
La correspondance de Sénac avec les ministres , les re¬
gistres aux délibérations des corps constitués, lui livrent
l’administrateur tout entier.
L’intendance , ou généralité de Valenciennes, à laquelle
était préposé Sénac , comprenait , outre la région gallo-
liégeoise communément appelée pays d’outre-Meuse , le
Cambrésis et la poilioii du Hainaut réunie à la France par
Louis XIV. — Le Cambrésis , dont les destinées furent
longtemps distinctes de celles delà Flandre et du Hainaut,
avait retenu , de son ancien mode d’existence , une cons¬
titution en pays d’Etats que Sénac respecta assez fidèlement.
Dans le reste de son intendance , son autorité fut d’abord
sans limites. Mais bientôt , un souflle de libéralisme com¬
mençant à se répandre sur la France , il fut question de
rendre aux provinces leur autonomie administrative. Sénac
se méprit sur le sens et la portée de cette grande mesure,
élernel honneur du règne de Louis XVl. Il crut entrer
dans la pensée du ministre dirigeant et faire sa cour au
souverain en contrecarrant le projet de rétablissement
des Etals de Hainaut. H n’y gagna que de se brouiller
avec les populations qui , à l’approche de la tourmente
révolulionnaiie , le virent s’éloigner avec joie, de même
qu’il se sépara d’elles sans regret.
Rien de plus curieux que de suivre, dans l’ouvrage de
M. Legrand , le spectacle des luttes intestines auxquelles
donna lieu celte question du rétablissement des Etals de
Hainaut. L’affaire fut vigoureusement prise en mains par
le personnage principal de la province , le duc Anne-
Emmanuel de Croy , qui se considérait comme le pré-
17 —
sident-né de la future assemblée et qui , imbu des idées
de l’aristocratie anglaise , voulait se faire pardonner sa
haute position de naissance et de fortune par son dévoue¬
ment aux intérêts communs. Pour faire face aux tendances
de ce redoutable administré , Sénac ne rougit pas de sus¬
citer et d’entretenir dans les villes , grandes et petites de
son ressort , une aveugle opposition au projet. La ville de
Valenciennes donna , la première , l’exemple d’un étroit
esprit de particularisme. Dans le but d’échapper à la nou¬
velle organisation provinciale , elle alla jusqu’à répudier
son litre de capitale du Hainaut français. Il n’y eut point
de si mince bourgade , de territoire si exigu , qui , en
alléguant des précédents historiques , ne se défendît de
faire partie des Etats reconstitués. Les peuples, sous le
i-ègne précédent , avaient tant de fois vu tourner à leur
détriment de prétendus essais de réforme, qu’ils n’accueil¬
laient qu’avec une déliance presqu’invincible les amélio¬
rations loyalement tentées par Louis XVI. La fermeté du
duc de Croy finit par avoir raison des préventions et des
résistances locales que favorisait secrètement Sénac.
Le récit de M. Legrand nous montre à quel degré l’iiu-
meur contentieuse était alors développée entre les diffé¬
rents corps administratifs et jusque chez les membres d’un
même corps. On croirait que dans les Etats du Cambrésis ,
(jui fonctionnaient depuis des siècles , les questions de
préséance et de prérogatives avaient eu le temps d’être
réglées par l’usage ou tranchées par des concessions mu¬
tuelles. Nullement. Car , sans parler d’interminables dis¬
sensions entre les trois ordres , nous voyons le clergé du
Cambrésis se scinder en clergé séculier et régulier, les
chapitres tendant à donner l’exclusion aux abbayes et
l'éciproquement. Partout ce ne sont que contlits de juri¬
diction, empiétement sur les attrilmtions d’autrui. A me-
18
sure que la vie se relire de ces institu lions qu’animait
autrefois un puissant souftle de liberté, les querelles de
pure forme et d’étiquette se multiplient dans leur sein.
D’aussi mesquins démêlés n’empêchent pas seulement l’hen-
reux résultat qu’on pourrait se promettre du concours de
tous les bons vouloirs; ils entretiennent , dans les diverses
classes de la société, une sourde irritation qui ne Irouvera
son dégagement que dans les agitations révolutionnaires.
Comme l’a fort bien dit le rapporteur de la Société des
Sciences de Lille, quiconque désormais voudra se faire une
idée de l’état moral et matériel de la portion hainuyère du
dépar(ement du Nord sous Louis XVI , des besoins que
ressentaient et des vœux qu’émettaient les habitants de
celte région , des réformes qui furent tentées en vue de
les satisfaire , des travaux publics entrepris dans leur in¬
térêt, devra recourir au livre de M. Legrand.
L’ouvrage en son entier s’inspire des idées de M. de
Tocqueville et il forme un précieux appendice aux travaux
de M. Léonce de La Vergne sur les assemblées provinciales,
à ceux de MM. de Poncins_ et Chassin sur l’esprit gé¬
néral des Cahiers des Trois-Ordres.
A. Desplanqüe.
CHRONIQUE.
Géologie. Découverte de la Meule aux environs de
Valenciennes. — Les mineurs appellent ToiuHia une roche
calcareo sableuse colorée en vert par la Glauconie ( silicate
de fer ) que l’on trouve immédiatement au-dessus du ter¬
rain bouillerdans les environs de Valenciennes et de Douai.
Le fossile le plus caractéristique de cette couche est le
19
Pecten asper. Aux environs de Mons on trouve entre le
Tourtia et le terrain houiller une épaisse couche de grès
vert dont le ciment est de la silice soluble en gelée dans
les acides. On la désigne sous le nom de Meule.
M. Cornet, ingénieur-directeur des charbonnages de la
bouvière , vient de nous annoncer la découverte de cette
couche en France. Il Fa vue lors du creusement du puits
Thiers, entre Coudé et Valenciennes , et plus récemment,
à l’Est de Condé dans la fosse Saint-Pierre, de la concession
française de ïhivencelles.
O
Là \eTourtia à Pecten asper repose en le ravinant profon¬
dément sur une puissante assise de grès vert qui a 35 mè¬
tres au puits Thiers. M. Cornet avait déjà rencontré la même
couche à Bernissart et à Harchies , sur le territoire belge ,
près de la frontière. A Harchies elle a une épaisseur de
183 mètres. De Bernissart à Bracquegnies , à l’Est de
Mons , les puits et les sondages permettent de suivre la
meule de manière à ce qu’il n’y ait pas de doute sur sa con¬
tinuité, mais le caractère minéralogique change. Le calcaire,
abondant à Thivencelles et à Bernissart, disparaît peu à peu,
et vers Bracquegnies il est remplacé par de la silice soluble.
MM. Cornet et Briart ont rencontré à ïhivencelles et à
Bernissart de nombreux fossiles caractéristiques de la meule
des environs de Mons : Cardkni Hillanum , Trigouia
clœdalea , Area æquilateralis , Venus plana , Turritella
granulata^ Rostellaria Parldnsoni , etc.
Sépulture Gallo-Romaine de Ronchin. —
Oji connaît la direction des voies romaines qui traversent
l’arrondissement de Lille : la Commission historique en a
publié la carte; mais sur ces voies, toutes de pi-emière
classe, la station de Vikoviacüm ( Wervick ) est la seule
qui soit indiquée. M. Van Hende a signalé récemment celle
20 —
de Roncliin , à la suite de fouilles entreprises par lui et
M. Rigaux fils, au hameau dit le Cerf, près de l’arbre
du Diable.
En creusant, en 1867, les fondations des façades de la
maison d’école du village , on a trouvé des fragments de
poteries gallo-romaines, des perles et un vase retiré intact.
Des recbercbes pratiquées au mois de seplembre dernier ,
à l’extérieur de la maison , ont fait découvrir des fragments
de toute espèce : des cendres , des clous et un groupe de
quatre vases formant une tombe gallo-romaine; l’iirne
cinéraire , en poterie fine , avec des ossements et une mon¬
naie de Néron , en moyen bronze ; le vase aux offrandes ;
le plat aux aliments et le vase à la boisson. Ces objets, don¬
nés au Musée de Lille, sont tous de prîtes diverses, et la
foiTiie en est généralement gracieuse. Ils offrent de légères
différences avec les vases de Lisieux achetés l’an dernier
pour le musée archéologique, et permettront de préparer
entre les produits céramiques de la Relgique seconde et
ceux de la deuxième Lyonnaise, une comparaison qui
paraît devoir tourner à l’avantage des premiers.
11 y a lieu d’espé]*er que des recherches ultérieures feront
rtdrouver l’emplacement primitif du village. La voie ro¬
maine , dite route de l’Evêque, se reliait jadis au chemin
(]ue suivait le prélat de Tournai pour se rendre à son domaine
de Véazemmes; l’ancien Roxcixium était probablement en
communication directe avec cet embranchement.
Découverte «le lloiinaies. — On lit dans VEcho
du parlement belge :
En faisant des fouilles sur l’emplacement d’un vieux
cimetière à Couvin, on a trouvé trente à quarante pièces
d’argent des xiii.% xiv.® et xv.® siècles. Quelques-unes d’elles
sont d’un diamètre égal à celui des pièces belges actuelles
21
(le un et de deux francs. Un grand nombre sont plus larges
que les pièces de cinq francs de ce temps-ci. On a aussi
découvert, dans le même endroit, plusieurs monnaies
romaines.
llétéorolog^ie. Mois de décembre 1868. — Le mois de
décembre 1868 a été d’une chaleur relative exceptionnelle;
sa température moyenne, déduite des minima et maxima
quotidiens, a été de 8’ 21o, la température moyenne de
décembre déduite de lo années étant de 3" o43 , c’est donc
une différence de 4° 672 en plus pour décembre 1868.
La moyenne du maxima a été de 11° 27 , celle du mi¬
nima de 5° 16.
Sous l’influence d’une température aussi élevée, la tension
moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique a dû être
grande ; en effet , nous la trouvons de 6mill. 73. La tension
moyenne déduite des observations de lo années n’est
pour le mois de décembre que de 3 mill. 39 ; différence
1 mil. 34.
L’humidité relative moyenne qui est de 87, 2 7o été
(jue de 86, 0 % pour décembre 1868. Aussi dans de sembla¬
bles conditions de température et d’humidité, l’épaisseur
de la couche d’eau évaporée en moyenne pendant le mois
de décembre qui est de lo mill. 79, a été cette année de
22 mill. o3 ; différence 6 mill. 74 en plus pour décembre
1868.
La hauteur moyenne delà colonne barométrique ramenée
à la température de 0'’ a été de 7o2 mill. o62. La moyenne
de lo années étant de 760 mill.8o3, c’est donc une diffé¬
rence de 8 mill. 291 en moins pour décembre 1868. Celle
dépression barométrique est un indice de la présence d’une
grande quantité de vapeur d’eau dans les régions élevées de
l’atmosphère, ce qu’indiquent : l.° l’état de nébulosité du
— 22
ciel ; 2.® la quanlilé d’eau de pluie tombée en 25 jours et
donnant une couche de 89 inill. 63 d’épaisseur, la moyenne
de 15 années étant de 52 mill. 695; 3.“ les tempêtes fré¬
quentes survenues pendant le mois, indice de vides énormes
produits dans l’atmospliére par la condensation rapide de
grandes quantités de vapeurs aqueuses.
Les 5, 6, 7, 27 et 28 on observa des tempêtes S. 0. — Les
4, 5, 11, 14, 15, 16, 24, 26, 28 coups de vent S. 0. et
5. S. 0.
Le 21, il y eut de la gelée blanche en ville , à la campagne
il gela à glaces.
Le nombre des rosées observées pendant le mois fut de
15 ; celui des brouillards, 30.
Le 21, on remarqua un superbe halo lunaire.
L’atmosphère fut pendant tout le mois très-chargé d’élec¬
tricité, dans quelques localités du Département, à Dourlers,
arrondissement d’Avesnes , entre autres , le coup de vent
du 24 fut accompagné, à une heure 15 minutes du matin,
de tonnerre , d’éclairs , de pluie et de grêle. Le baromètre
était descendu à 735 mill.
Voici quels ont été les vents régnants pendant le mois :
S. 0. (9 jours) ; S. S. 0. (6 jours) ; S. (6 jours) ; 0. S. 0.
(2 jours) ; S. S. E. (2 jours) ; S. E. (2 joui’s); E. (2 joui‘s) ;
E. N. E. (1 jour) ; N. (1 jour).
Orage du 24 décembre. — L’orage signalé à Dourlers, le
24 décembre 1868 , s’est fait sentir aussi àLandrecies, de
douze heures et demie à deux heures , il élait accompagné
de grêle , de tonnerre et de coups de vent si forts que des
arbres furent déracinés.
M. Brochet, contrôleur de la navigation à Land recies ,
qui depuis de nombreuses années fait des observations mé¬
téorologiques suivies , nous communique quelques résultats
25 --
de scs observations sur la baisse barométrique qui a précédé
l’orage :
PRESSIO>’ BAROMÉTRIQUE :
Le 2i décembre. 7 h. du matin — 0 m. 743
id. 2 b. du soir — 0 m. 739
23 décembre. 7 h. du malin — 0 m. 731
id. 2 h. du soir — 0 m. 730
24 décembre. 7 b. du matin — 0 m. 727
id. 2 h. du soir — 0 m. 723
Nous devons au même observateur des renseignements
intéressants sur la quantité d‘eau tombée à Landrecies,
pendant les derniers jours de ce mois , nous les rapprochons
des observations analogues faites à Lille par M. Meurein :
LA>'ÜRECIES LILLE
Le 21
décembre. . .
16
mill.
— 7
mill.
C)ô)
id .
00
mill .
- 11
mill.
23
id .
9
mill .
— 3
mill.
24
id .
12
mill .
— 4
mill.
23
id .
2
mill.
— 7
mill.
26
id .
13
mill.
_ Q
mill.
27
id .
16
mill.
— 8
mill.
Histoire
des Arts —
M.
J. Girardin ,
Doyen
Faculté des Sciences de Lille, nommé Recteur de l’Académie
de Clermont-Ferrand, a laissé un souvenir au Musée archéo¬
logique de Lille. Il a remis à la Société des Sciences , pour
être offert en son nom, au Musée de la ville , un mortier de
pharmacie, en bronze, décoré de deux médaillons repré¬
sentant Louis XIII et le cardinal de Richelieu, sur un semé
de fleurs de lis.
lliitatioiiis dans le personnel des l^ociétés
et du corps enseignant. — M. Mossol, professeur de
24 —
Rhétorique au Lycée de Lille et Secrétaire-Général de la
Société des Sciences, Agriculture et Arts de cette ville,
vient d’être ‘nommé professeur de seconde au Lycée Louis
le Grand. Le Lycée de Lille perd en lui un de ses plus
éminents professeurs et la Société des Sciences un Secré¬
taire expert en l’art de bien dire. M. Mossot était , au sein
de cette Société , le représentant autorisé et toujours écouté
des saines doctrines littéraires. Sous ce rapport, et comme
Secrétaire-Général , son départ laisse un vide qui ne sera
peut-être pas comblé de sitôt.
M. Mossot est remplacé au Lycée par M. Cbéron.
Nous regrettons d’autant plus le départ de M. Mossot,
que sa collaboration nous était promise , nous avons la
conviction qu’elle nous sera continuée malgré son éloi¬
gnement.
1%'écrologie. — L’biver de 1868-69, qui a fait tant
d’illustres victimes, n’a point épargné plusieurs des
notabilités de la région du Nord. Il a enlevé Lun après
l’autre, M. Vincent, membre de l’Académie des inscrip¬
tions , originaire d’Hesdin ; M. Hédouin , critique d’art
des plus dislingués , originaire de Boulogne-sur-Mer,
longtemps altacbé comme commissaire de surveillance à
la gare de Valenciennes ; M.gr Blanquart de Bailleul ,
natif de Calais , successivement Evêque de Versailles et
Archevêque de Rouen, oncle du Sous -Préfet actuel de
Dunkerque. Nous consacrerons , dans un de nos plus pro-
cliains numéros , quelques mots à la mémoire de chacun
de ces liommes i-ecommandables. J. G.
Le Gérant : E. Castiaux
Lille , imp. Blocquel- Castiaux , grande place , 13
iS.“ 2. — Février 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE u’ARROr^DISSEMENT DE
BOULOGNE-SUR-MER.
Mémoires , t. II , 2.* Partie, 1866-67, publié en 1868.
La Société académique de l’arrondissement de Boulogne
vient de publier la première partie du second volume de
ses Mémoires. Cette Société de date toute récente , puis¬
qu’elle a été fondée en 1864, s’est déjà fait connaître par
des travaux importants, et le volume actuel montre que le
zèle des savants boulonnais ne se ralentit pas.
Liste des Membres (*) :
MM. Martel, principal et ancien professeur d’Histoire au
collège; Président.
De Rosny, Hector , président de la Société des x\rts;
Vice-Président.
L’Abbé Haigneré, archiviste de la ville; Secrétaire
perpétuel.
Deseille , chef de bureau à la mairie ; Secrétaire
annuel.
Trudin-Roussel , ancien président du Tribunal de
commerce ; Trésorier.
Gérard, avocat, bibliothécaire de la ville ; Bibliothé¬
caire-Archiviste.
Membres titulaires :
MM. Adam, Auguste (Sciences industrielles).
Aigre, imprimeur.
Rénard, L. , secrétaire de la mairie (Histoire).
C) Ainsi que nous l'annoncions dans notre N.° 1, nous donnons,
en parlant, pour la première fois, de chaque Société, la liste des
membres qui la composent, pourvu toutefois que leur nombre
n’excède pas cinquante. Note de la Rédaction.
BoiDiN, numismate.
Bouchard-Lemaire^, directeur des mines de Pren¬
nes et d’Hardinglien.
Brunet , ancien professeur.
Carpentier , inspecteur de l’enseignement primaire.
Cazin , docteur en médecine.
Debayser, architecte de la ville
Dufour, vice-président de la Société d’Agriculture.
Duhamel , docteur en médecine.
Dusautiez, professeur au collège.
Filliette, docteur en médecine.
Fournier, organiste.
Guilmant , organiste.
Hamy, ïli., pharmacien.
Hénin , avocat.
Huret-Lagache , industriel.
Lefebvre , Alph. , conducteur des Ponts-et-Chaussées.
Leprince, professeur au collège.
Madaré , avocat.
Marmin, Ch. , archéologue et numismate.
OvioN , docteur en médecine.
Plâtrier , professeur de Philosophie au collège.
PoiLLY , E. (de), artiste photographe.
Rosny, Eug. (de), ancien officier d’artillerie.
Rigaux , géologue et conchyliologue.
Sauvage-Trudin (sciences musicales).
Vernicourt, a. (de) , secrétaire de la Société d’Agric.
JoNCQUEL (1 ahbé) , littérature.
Titulaires non résidants :
MM.. Dévot , avocat à Calais.
Lefebvre (l’ahbé F.), curé d’Halinghen, archéologue.
Lemoine , à Calais.
De Rheims , bibliothécaire à Calais.
La 2.® partie du tome II commence par le compte-rendu
de la séance publique du 17 mars 1867. Cette séance présidée
par le Maire de la ville, M. le docteur Livois, a été remplie
par un discours d’ouverture du Président, par un compte¬
rendu du Secrétaire-Général , l’abbé Haigneré , rappelant
les travaux de la Société, et par deux rapports : l’un , fait au
_ 27 —
nom (le la Commission des Sciences , par le docleiir Cazin ,
conclut à accorder un prix de 300 fr. àM. Emile Sauvage,
étudiant en médecine à Paris , pour son Catalogue des pois¬
sons fossiles des formations secondaires du Boulonnais ; l’au¬
tre , dû à l’abbé Haigneré, rapporteur de la Commission
pour le concours d’histoire , propose une semblable récom¬
pense pour M. Edmond Magnier , auteur d’un Essai sur
rUistoirede la ville de Boulogne jjendant la première moitié
du XVIIP siècle. Le reste du volume est consacré au travail
de M. Sauvage que nous allons analyser.
Catalogue des Poissons fossiles des formations secondaires
du Boulonnais , par M. Emile Sauvage (*). — L’auteur cite
64 espèces de poissons dont on a trouvé les restes dans les
terrains secondaires du Boulonnais ; 47 ont été rencontrées
dans le terrain jurassique, le reste dans la craie. Tous ces
poissons appartiennent aux deux grands ordres des Ganoï-
des et des Placoïdes.
Les premiers se distinguent par leurs écailles osseuses
revêtues d’une couche d’émail et juxtaposées comme les
pavés d’une rue , tandis que chez presque tous les poissons
actuels, les écailles se recouvrent comme les ardoises d’un
toit. Les Ganoïdessont les poissons les plus anciens. Très-
abondants dans Page primaire , ils diminuent peu à peu et
ils ne sont plus actuellement représentés que par l’Esturgeon
et le Lepidostée. Dans la deuxième moitié de la période
Jurassique , alors que le Bas-Boulonnais était sous les
eaux d’une mer peu profonde , ils formaient encore une
partie nombreuse de la population marine de nos côtes.
M. Sauvage en cite 17 espèces appartenant aux trois genres,
Lepidotus (5 espèces), Pyenodus (10 espèces), Gyrodus
(2 espèces).
(♦) In-8.° , 4 planches.
— 28 —
Les Placoïdes présentent une foule de caractères parti¬
culiers : leur peau est parsemée de plaques osseuses , isolées
les unes des autres. Les Requins, les Raies , les Chimères ,
le Gestracion appartiennent à ce groupe. Dans le terrain
jurassique du Roulonnais, M. Hamy signale 7 espèces de
Chimères appartenant au genre Ischijodus et une autre
espèce du même genre dans le terrain crétacé. Parmi les
Requins ou Squales , une espèce de Sphenodus a été ren¬
contrée à la fois dans le terrain jurassique et dans le terrain
crétacé ; ce dernier a offert en outre 1 Notidanus , 3 Otodus,
O Lamna, 3 Oxyrrhina ^ 2 Corax^ 1 Sphyrna. On connaît,
sous le nom de Gestracion, un requin qui vit actuellement
sur les côtes de l’Australie et qui présente cette particu¬
larité qu’il est herbivore. Les mers de l’âge secondaire ont
nourri un grand nombre de poissons herbivores apparte¬
nant à la famille des Cestraciontes. Le terrain jurassique a
fourni les restes de 22 espèces : ^ Strophodus ^ 2 Curtodus ,
1 Acrodus ^ S Hybodus ^ ^ Asteracantlius. h'miionr ne cite
qü’une espèce du terrain crétacé : le Ptychodus latissimus.
Toutes ces espèces, dont 13 sont nouvelles, ont une des¬
cription spéciale et 4 planches , comprenant 71 ligures
accompagnent le texte.
C’est le musée de Roulogne qui a fourni à M. Sauvage
la plupart des matériaux de son travail : ils y ont été dépo¬
sés par MM. Rouchard-Clianlereaux et Dutertre-Delporte.
Ces éminents géologues, dont la science et le pays regrettent
toujours la perte , ont laissé d’habiles et zélés successeurs
qui promettent à la Société académique un avenir prospère.
Leurs recherches ont déjà produit des fruits etM. Sauvage
a pu augmenter son catalogue de plusieurs espèces décou¬
vertes par MM. Rigaux , Beaugrand , Béthencourt, Hamy,
Quandalle.
Que M. Sauvage me permette de terminer, non pas par
^ une critique, mais par une simple remarque que je désire lui
soumettre. Croit-il que l’estime et l’amitié l’aient bien ins¬
piré quand il a dédié ses poissons à M31. Dutertre , Rigaux ,
, Hamy, etc.? Si un Français, un homme habitué à une langue
qui dérive du latin, se laisse entraîner à créer des noms tels
i que Strophodus Hamyi , Auluxacanthus Dutertrei , Cur-
, todus Rigauxi , Isclujodus Beaugrandi , comment s’étonner
que l’Angleterre nous envoie VAmmonites Goodhallii, le
r Pccten Stiitdiburiensis ; l’Allemagne le Tin'bo Heninghaii-
j sianus , ïAnunonites Mandelslohii ; la Russie le Productus
, Keijserlingianus ; la Chine la Terebratida Yuemiuî7iensis.
Oh ! latin de Cicéron que tu as gagné à devenir la langue
officielle des géologues.
! Pour moi, je crois qu’un barbarisme , même en science,
est toujours un barbarisme, et je souhaite que , lors de son
■ prochain travail , M. Sauvage soit de mon avis.
Gosselet.
CF.nCLE ARCHÉOLOGIQUE DE MOXS.
Annales t. A’I. — Buiiulhi t. II.
Le 28 septembre 18b6 , il se fondait à Mons , à côté de la
Société des Sciences , des Arts et des Lettres du Hainaut qui
compte de longues années d’honorable existence , un Cercle
exclusivement archéologique, ayant pour but de travailler
à l’Histoire politique , littéraire , artistique , scientifique et
religieuse de la Ville et de la Province.
Les Membres du Cercle se donnaient pour mission de
!f recueillir, soit en originaux , soit en copies , les documents
[ pouvant éclairer les Annales de la contrée; de réunir en
collection les antiquités et objets d’art provenant du pays;
d’en provoquer la découverte au moyen de fouilles ; d’em¬
pêcher la détérioration des monuments encore existant à la
50 —
surface du sol ou , tout au moins , de les sauver de l’oubli en
en publiant des dessins et des descriptions exactes.
Toutes les promesses de son programme, le Cercle de
Mons les a fidèlement tenues. Le 7 octobre 1866, il a pu
célébrer avec un légitime orgueil le dixième anniversaire de
sa fondation. Six volumes d’ Annales et un volume de Bulle¬
tins attestaient, dès-lors, la fécondité de l’institution et
donnaient rang à celle-ci parmi les Sociétés archéologiques
les plus considérées. Dès-lors aussi se trouvait formé, sous
les auspices du Cercle, le noyau d’antiquités provinciales
qui, chaque année, se grossit par suite de dons, d’achats ou
de découvertes.
Depuis la fin de 1866 , le Cercle a augmenté ses publica¬
tions périodiques d’un volume d' Annales et d’un volume
de Bulletins. Nous allons rendre compte simultanément de
ces deux volumes qui nous tiendront au courant des travaux
de la Compagnie jusqu’en 1868.
Auparavant, et ne pouvant reproduire ici la très-longue
liste des Membres effectifs du Cercle archéologique de Mons ^
nous ferons connaitre la composition actuelle de son bureau,
tel qu’il a été constitué le 1." juillet de l’année dernière :
MM. Dolez, bourgmestre de la ville de Mons; Président
d’Honneur.
Devillers, conservateur-adjoint des archives de l’Etat
à Mons, l’un des fondateurs du Cercle ; Président.
Rouvez , hibliolhécaire de la Société des Sciences , des
Arts et des Lettres du Hainaut , à Mons ; Secrétaire.
De Bettigîsies, avocat^ membre de la Société des
Bibliophiles belges, à Mons; Trésorier.
Toixt , commis au Gouvernement provincial à Mons,
l’un des fondateurs du Cercle ; Bibliothécaire.
Le C.'^-' d’Auxv de Lauxois et de Marteau ; Questeurs.
A côté du bureau, ou Comité administratif , fonctionnent
une Commission de publications et un Comité permanent
des fouilles.
— 31
Le Cercle archéologique compte, en outre :
96 membres effectifs — 17 membres honoraires —
o3 membres correspondants.
Le t. VII des Annales du Cercle s’ouvre nar une Notice
J.
biographique sur feu Albert Toilliez , décédé président de la
Compagnie , le 4 septembre 1863. Ses belles collections
dont le catalogue a été publié, deux mois après sa mort,
renfermaient, nous dit son biographe, 31. Gustave Arnould,
plus de 1,100 objets antiques, 1,300 échantillons de roches
et de minéraux, sans parler d’un nombre considérable de
fossiles caractéristiques des divers terrains du Hainaut.
En tête du t. ii des Annales, figurait, dès 1860, la no¬
menclature des objets faisant partie des collections du Cercle.
Cette nomenclature a été soigneusement tenue à jour , au
fur et à mesure des accroissements que recevaient les col¬
lections précitées. En ouvrant les t. iii et iv du même
recueil , on peut se faire une idée des enrichissements
qu’a éprouvés, d’année en année, le Musée de la Com¬
pagnie. Le t. VII des Annales donne un nouveau supplément
au Catalogue des collections du Cercle, li és -curieux surtout
au point de vue de la numismatique et de l’ethnographie.
Le Bulletin , que le Cercle publie parallèlement à ses
Annales , n’est pas un simple compte-rendu des séances.
Il contient, au contraire, côte à côte avec les procès-ver¬
baux , des travaux d’une importance capitale. Aussi , dans
l’énumération méthodique à laquelle nous allons nous livrer,
ne distinguerons-nous pas celui des deux recueils auquel
appartiennent les nombreux mémoires que nous avons à
citer.
31. Léopold Devillers, président actuel du Cercle et qui en
a plus que personne enrichi les publications, donne suite,
dans les présents volumes , à sa Description des Cartulaires
— 52 —
et Chartriers du Hainaut , par une analyse accompagnée
d’extraits du Cartulaire de V Abbaye d'Haumont, par une
édition du Recueil des privilèges de Véglise collégiale de
Sainte-Waudru à Morts ^ et par des Analectes ^ ou choix
d'actes inédits concernant des localités du Hainaut.
M. l’abbé Petit, curé de Baudour, inaugure, de son côté,
une série de Notices sur des localités de la même province.
M. Bernier, membre effectif à Angre , fournit des Notes
sur quelques communes du canton de Dour.
M. Charles Vincent , architecte provincial à Mous , repre¬
nant ses Promenades archéologiques dans le Hainaut., nous
conduit aujourd’hui au Château de BriffæiC près Péruwelz.
Une Notice historique sur le château de Belœil ^ par
M. l’abbé Petit , une Notice historique et archéologique sur
la ville de Chièvres , par M. Devillers, une autre Notice sur
Véglise des Deux-Acren , par M. Guignies , forment, avec la
Forteresse de Braine-le-Comte , par M. Clément Monnier, la
Tour et le Carillon de Saint-Julien à Ath , par M. Fourdin,
un choix de monographies des monuments du Hainaut.
Les membres du Cercle n’hésitent pasà se transporter
en corps sur les points du territoire qui se recommandent
plus particulièrement à leur attention. C’est ainsi qu’ils ont
fait une excursion archéologique à Saint-Ghislain , dont
M. de Bettignies s’est chargé de rendre compte avec une pré¬
cision de détails qu’on aimerait à rencontrer toujours dans
ces sortes de relations.
Le même membre, à propos de l’érection à Mons , en
1868, d’une statue équestre de Bauduin de Constantinople ,
a résumé la biographie de cet empereur. M. Devillers a ,
de son côté et à la même occasion , donné , pour la première
fois, le texte littéral des chartes du Hainaut en l’an 1200,
monuments primitifs de la législation coutumière de cette
province.
— . 33 —
M. Aimé Tricot a relevé et publié le texte des Epitaphes
de Blandine Rubens et de Siméon du Parc^ son éponœ , tel
qu'on le voit dans l’église paroissiale d’Ecaussines-Lalaing.
M. Adolphe Jacques a communiqué au Cercle , avec des
commentaires topographiques , un Ancien plan du Château
de Mons. M. Charles Rousselle a retracé une Fête de la
Toison~d’or à Mons (en mai 1451). M. Devillers a éclairé
de ses recherches l’histoire des Foires de Mons. Cet infati¬
gable auteur a rédigé en outre : une Notice sur un recueil
manuscrit de V abbaye de Lobbes , recueil déjà utilisé par
M. l’Abbé Vos dans sa remarquable histoire de ce monas¬
tère; une Analyse de pièces relatives à la collation, dans
le Hainaut , des curés de V Ordre de Saint-Jean de Jérusalem
ou de Malte; une Description de deux vitraux peints de
Véglise de Sainte-W audru à Mons, etc.
Signalons encore , au point de vue de l’histoire et de
l’archéologie religieuses : une Notice sur une Croix-Reli¬
quaire du commencement du xiii® siècle appartenant à
Véglise d’Hacquegnies , parM. Dartevelle; une autre Notice
sur la mort, les funérailles et le tombeau de François
Van der Burch , Archevêque de Cambrai, par notre compa¬
triote M. Michaux, d’Avesnes ; un article sur le Cidte de
Sainte- Aye à Mons , à Bruxelles , à Anvers et à Gand, par
M. Hachez; la Vierge Miraculeuse de Cambron, par M.
Théophile Lejeune ; V Ancienne Abbaye de la Thure, par le
même.
M. Lejeune a aussi publié des notes sur de nouvelles dé¬
couvertes d* antiquités à Esiinnes-au-V al ; M. Cornet sur
des antiquités découvertes à Strépy etàPeissant; M. Cloquet
sur les poteries celtiques et les silex taillés , trouvés au bois
de la Garenne, commune d’Arquennes.
Sous le titre de Variétés historiques inédites , M. Augustin
Lacroix a fait connaître le Sceau primitif de la ville de Mons,
♦
— 34 —
V Hôtel de la Paix à Mons, la Confrérie noble de Saint-
Georges en la môme ville.
Nous trouvons encore, sous la rubrique Variétés : le texte
des Statuts de Vancienne Académie de musique de Mons
(1678); une description du Sceau des Minimes de Mons;
une note sur le Traitement de la rage à Mons , etc.
Des vignettes et des gravures se rencontrent presque à
chaque page du volume des Annales^ dont elles forment
Futile et luxueux complément.
Par la simple indication des titres de Mémoires dont chacun
mériterait une analyse détaillée , nous croyons avoir suffi¬
samment démontré à nos lecteurs que peu de Sociétés ap¬
portent, dans l’ordonnance de leurs travaux et de leurs
publications, un plan aussi méthodique , aussi bien suivi
que celui auquel se tient le Cerc/e arc/ieo^o^f(/ae de Mons ^
fidèle en cela à l’esprit, comme à la lettre de son pro¬
gramme.
A. Desplanque.
CONFERENCES ET COURS PUBLICS.
Discours sur l’université , prononcé à Vouverture des
conférences de Douai, par M. Fleurg, recteur de l’académie.
— Le samedi soir , 30 janvier , s’est ouverte à Douai la
sixième série des Conférences de FHôtel-de-Ville.
Sans viser à donner , de ces sortes de séances , une re¬
production in - extenso , incompatible avec l’exiguité de
notre format , nous tenons néanmoins à en faire connaître
l’objet et les principaux développements à nos lecteurs.
Nous abstenir de ce soin, serait manquer à notre pro¬
gramme qui nous oblige à suivre, sous toutes leurs formes,
les manifestations du mouvement intellectuel dans notre
pays. Seulement , et pour des motifs dont la haute con-
— 35 —
venance n’échappera à personne , nos résumés des con¬
férences et cours publics excluront , de notre part , toute
appréciation critique. S’ils n’ont pas l’étendue, ils s’effor
ceront de conserver l’inflexible équité des comptes-rendus
sténographiés.
Nous ne croyons pouvoir mieux honorer que par celte
réserve empreinte de dignité , les hommes éminents qui ,
dans le ressort académique , professent des Cours libres
ou officiels.
Cette réserve nous est particulièrement commandée au¬
jourd’hui par le rang de l’orateur qui a inauguré les Con¬
férences de Douai. Aussi bien , louer en M. Fleury les
qualités de l’historien serait faire une chose au moins
superflue. Tout le monde sait qu’elles n’ont d’égale que la
bienveillance avec laquelle il provoque et favorise autour
de lui l’essor des productions scientifiques et littéraires.
L’objet de la Conférence de M. Fleury est de démontrer
que Napoléon 1.®% en chargeant l’Etat du droit et du devoir
d’enseigner , a moins innové qu’on ne le suppose généra¬
lement. Les Grecs et les Romains avaient , à la suite de
Platon , reconnu la nécessité, pour tout gouvernement, de
s’occuper de l’éducation des enfants. En Gaule, celle fonc¬
tion , éminemment sociale , était confiée aux Druides , sous
la surveillance de l’Etat. Charlemagne n’eut garde d’abdi¬
quer son droit de contrôle sur les écoles monastiques.
Contenir dans de justes limites les prérogatives de l’Uni¬
versité de Paris fut , depuis Philippe le Bel , l’im des
objets constants de la sollicitude de nos Rois.
Dès le XV® siècle , ceux-ci s’efforcèrent de prendre la
direction intellectuelle du pays. Louis XIV put se flatter
de l’avoir conquise. En 1764 , un publiciste émettait le
vœu que tous les collèges de France fussent affiliés à
l’Université de Paris , afin d’imprimer aux études une
— 56 —
marche uniforme. A la même époque , surgissait le projet
d’une véritable Ecole normale supérieure, tant pour hommes
que pour femmes. Enfin , dans l’ensemble de ses vues de
réforme , Turgot faisait entrer un nouveau plan d’instruc¬
tion publique , dont il réservait la direction à TEtat. Na¬
poléon , en créant la moderne Université de France ,
n’a donc fait, selon M. Fleury, que reprendre et continuer
une tradition plus vieille que l’ancienne monarchie.
« Notre conviction profonde, intime, a dit en terminant
l’orateur , c’est que l’Etat doit enseigner. Une nation vit
par la loi religieuse , par la loi politique, par la loi civile
ou sociale. Est-il une tâche plus importante , plus digne,
plus élevée que celle de veiller au maintien de cette triple
loi ? Et quand nous parlons de maintien , croyez bien que
nos regards ne se reportent point vers la vieille Égypte ;
il ne s’agit pas pour nous de maintien absolu ,• immobile ;
il ne s’agit pas de la torpeur orientale , du long sommeil
si voisin de la mort qui , par exemple , depuis trois mille
ans , tient l’Hindoustan enchaîné sous la loi de Brahma.
Non , il s’agit d’un maintien intelligent , d’une conserva¬
tion intelligente. Malheur aux institutions dont les par¬
tisans ignorent que le repos absolu est le plus grand
ennemi de la vie, dont il tarit toutes les sources. Il faut
que l’eau marche pour conserver sa pureté. Ne la laissez
pas .s’arrêter , croupir en marais infect ; ne la transformez
pas non plus en torrents dévastateurs , sachez en faire un
noble et puissant lleuve portant partout le progrès , la
fécondité et la vie. » (*)
Cours de littérature inéerlandaise , fait à Paris clans la
salle Gerson , annexe de la Sorbonne, par M.L.de Baecker.
— Réalisant une idée qu’il avait conçue dès le temps du
{*) Moniteur de l’Enseignement , Bulletin officiel de l’Académie de
Douai , N.° du 15 février 1869.
— 57 —
ministre Fortoul, notre compatriote , M. Louis de Baecker,
l’auteur des Flamands de France , a , au commencement de
cet hiver , fait à Paris une série de conférences sur la
littérature néerlandaise. Chacun sait que sous ce terme
générique , on désigne communément aujourd’hui les dia¬
lectes flamands, brabançons, hollandais, que des diffé¬
rences de prononciation et d’ortographe , tendant journel¬
lement à disparaître, ont seules jusqu’ici distingués.
La leçon d’ouverture de M. de Baecker, que nous avons
sous les yeux (^) , traite des plus anciens monuments de
la langue néerlandaise , depuis la formule d’abjuration ré¬
digée au Concile de Leptines en 742 , jusqu’au Chant
d'Hildebi'and et au Beowulf, deux poèmes qu’avec VHé-
liand , l’auteur du Cours revendique pour la littérature
dont il décrit les origines. A. Desplâxque.
MUSÉES ET COLLECTIONS.
MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE DOUAI (^)
Le Musée de Douai a été établi dans l’ancien collège des
jésuites. Après l’expulsion de ces religieux, la salle où se
trouvent maintenant les collections archéologiques fut
affectée à l’IIniversité : c’est à cette occasion, vers 1767,
qu’on la décora des boiseries en chêne qui s’y voient encore
aujourd’hui. Les armoires vitrées qui l’entourent ont été
O Elle a paru dans la Revue de Paris du 1." décembre 18G8.
(2) Les éléments de cette courte notice ont été puises dans les
archives delà ville et surtout dans l'élude du musée archéologique.
Xous avons aussi mis particulièrement à profit un excellent travail de
M. A. Cahier , qui a pour titre : Coup- d'œil sur quelques parties du Musée
de Douai (Mémoires de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de
Douai; 1852-1853 , p. 195).
— 38 —
placées ou du moins restaurées et augmentées en 1836,
pour l’installation des antiquités gallo-romaines provenant
de Bavai. Celle salle est trop étroite eu égard au nombre
et à l’importance des objets qu elle renferme ; le regard du
visiteur s’étonne de contempler une pierre tumulaire du
moyen-âge non loin d’un trépied gallo-romain et d’un autel
égyptien. Tous les amis des arts appellent de leurs vœux le
jour où chacune des collections de ce musée archéologique
pourra être étudiée dans une salle particulière.
Parmi les livres et les tableaux jetés pêle-mêle à l’époque
de la Révolution dans les salles et les greniers de l’ancien
collège des jésuites, se trouvaient des antiquités romaines
et des objets d’art du moyen-âge; sous l’active et intelli¬
gente impulsion de M. de Forest de Quartdeville , nommé
maire en 1804, une Commission s’occupa d’inventorier
toutes les sections du musée. Le classement provisoire de
la salle d’archéologie fut achevé en 1806 par les soins de
MM. Deroo , Duquesne et Potiez de Froom. Depuis cette
époque les amateurs éclairés qui ont fait successivement
partie de la Commission ont recherché toutes les occasions
d’enrichir la collection archéologique ; quand ils appre¬
naient que des découvertes d’objets gallo-romains avaient
lieu à Equerchin , à îzel, à Cantin, à Lewarde, à Flines et
dans les autres localités voisines de Douai, ils s’empressaient
d’acquérir tout ce qui pouvait offrir quelque intérêt pour
l’hisloire et pour les arts ; ils envoyèrent même des délé¬
gués à Valenciennes et â Famars, lorsque des fouilles ou des
ventes y furent opérées. En 1833, une députation, conduite
par M. de Guerne, maire de Douai , se rendit à Bavai pour
visiter et, au besoin, acheter les collections de M. Garlier,
ancien curé de cette ville. De 1775 à 1818, ce savant ecclé¬
siastique avait réuni un nombre considérable d’objets gallo-
romains recueillis dans les ruines de l’ancienne capitale des
— 39
Nerviens. Déjà depuis sa mort , ses héritiers avaient vendu
des médailles et d’autres antiquités ; et il paraît que l’Angle¬
terre se disposait à dépouiller notre pays de tout ce qui res¬
tait, lorsque arriva la députation douaisienne. Elle comprit
l’importance de ce trésor archéologique, et, à son retour ,
comme le Conseil municipal hésitait à ajouter cette dépense
au budget de l’année, Monsieur le Maire eut la géuérosité
d’avancer la somme nécessaire, laissant la ville libre de
choisir l'époque du remboursement. Douai fut dès-lors en
possession de la plus riche collection d’antiquités gallo-
romaines de tout le nord de la France et de la Belgique.
En 1844 , la ville acheta encore plusieurs pierres tumulaires
très-remarquables, provenant de l’église de Fretin.
Des dons particuliers vinrent successivement ajouter à la
somme de ces richesses. Le prince d’Aremberg, MM. Paulée,
Tailliar, de Campeau et plusieurs autres donateurs se sont
spécialement fait connaître par leur générosité. En 1857,
M. Escalier a légué à la ville sa collection de tableaux et un
grand nombre d’objets d’art et d’ameublement en or, en
ivoire et en bois, qui ont enrichi la section des antiquités du
moyen-âge.
Enfin, nous mentionnerons deux autres donations dùes à
l’initiative de 31. Asselin , maire , qui feront, plus tard , du
musée de Douai l’un des plus curieux musées archéologi¬
ques de province. Le 18 février 1864 , 31. Henry Bertboud ,
auteur delivres non moins intéressants qu’instructifs, s’est
engagé devant le Conseil municipal, à léguer à la ville,
après sa mort, sa collection ethnographique curieuse à
divers points de vue, spécialement par un nombre considé¬
rable d’objets provenant de Vâge de jnerre. Deux ans plus
tard, le 23 octobre 1866, 31. Boselli et 31.“^ Boselli , née
Jomard , ont aussi fait don à la même ville d’une grande
partie des objets recueillis par le savant égyptologue, M. Jo-
— 40 —
mard ; parmi ces objets , outre les antiquités égyptiennes,
on remarque beaucoup de bijoux et d’ustensiles en or, en
jade et en terre cuite, provenant des ruines mexicaines de
Palenqué et delà Nouvelle-Grenade.
Après avoir jeté ce rapide coup-d’œil sur le musée archéo¬
logique de Douai et sur ses origines, nous allons en faire
connaître quelques objets. Notre but n’est point de dresser
l’inventaire de la collection , mais d’indiquer aux amateurs
les curiosités les plus dignes d’attention que présente chacune
des sections.
Abbé Ch. Dehaisxes.
( Sera continué ).
BIBLIOGRAPHIE.
MÉMOIRE SUR LES RIVIÈRES ET CANAUX DE LA VILLE DE LILLE
par M. Ch. Pacïle , bibliothécaire-archiviste de Lille (*)
Les archivistes municipaux d’avant la Révolution , hom¬
mes de loi et de conseil, étaient les défenseurs nés , les avo¬
cats à titre d’office , des droits , privilèges et possessions des
villes. M. Paeïle a tenu à recueillir cette portion de l’héritage
de ses devanciers. L’étude qu’il offre aujourd’hui au public
n’a rien de spéculatif. Son but, tout pratique , est de dé¬
montrer , malgré les prétentions en sens contraire de l’ad¬
ministration des hospices , que tous les cours d’eaux , grands
et petits, qui traversent la ville de Lille , appartiennent au
domaine communal.
Ces cours d’eaux se rattachant soit à la Deûle, soit au
Becquerel de Fives , M. Paeïle commence par décrire les
ramifications de l’une et de l’aulre dans l’ancienne et la nou¬
velle enceinte de Lille. Puis il démontre que la rivière du
f) Lille, Lefebvre- Ducrocq , 1868, in-8.", 152 pages.
— 41 —
Fourchon , à partir de l’endroit où elle se sépare du bras
canalisé de la Deùle jusqu’aux murailles de l’ancienne ville ,
est une propriété communale. Elle l’est depuis 1271, époque
où Jean, châtelain de Lille, la vendit au Magistrat, avec
le reste de la Haute-Deùle, pour le prix de 1500 livres
d’Artois. Les titres que l’administration des hospices allègue
pour revendiquer la partie du Fourchon comprise entre le
moulin de \Yazemmes et le moulin del Sauch , l’archiviste
municipal les discute avec une vigueur de raisonnement où
le savoir du diplomatiste vient en aide à l’habileté du
légiste.
M. Paeïle a, en second lieu, à prouver que le Becquerel
appartient à la ville. Si, en 1269, Gérard de Marbais y
donna le droit de pêche aux religieux de Fives, son fils n’en
vendit pas moins ce canal au Magistrat en 1285. La même
année, Guy de Dampierre en confirma la vente. Deux ordon¬
nances ultérieures, l’une de Philippe le Bon, en 1462,
l’autre , de Charles-Quint , en 1516 , parlent de cette même
acquisition. Achevé en 1519 , le Becquerel fut complètement
remanié en 1617. Le Magistrat ne cessa jamais de posséder
ce canal. C’est lui qui , le 18 juin 1738 , défend aux tanneurs
d’y déposer leurs cuirs ; c’est lui qui , le 20 septembre 1766,
prescrit aux riverains d’en enlever tout ce qui peut occa¬
sionner le barrage des eaux ; c’est à lui enfin que , le 22 juin
1782, l’ingénieur Poisson propose dans un mémoire l’exécu¬
tion de différents ouvrages qui rendraient plus facile le
cours de cette rivière.
Des canaux et rivières de la nouvelle enceinte, M. Paeïle
passe à ceux de la vieille ville. 11 en trace l’historique avec
une abondance de détails dans lesquels nous regrettons de
ne pouvoir le suivre, et il finit par établir, à l’aide de 79
extraits des comptes municipaux et des registres aux visites
de maisons , que la ville a pendant 500 ans , sans aucune
— 42 —
interruption, usé de toutes les rivières et cours d’eaux y
circulant, comme de sa propriété réelle, effective, incon¬
testée et incontestable.
Un chapitre sur le canal des Stations , creusé aux frais du
Magistrat de lS6o à 1567 , élargi et approfondi aux mêmes
frais en 1637, termine cette forte étude, dont il ne nous
appartient ici que de 7ouer l’érudition , l’heureux enchaîne¬
ment des preuves, etc., en laissant aux hautes juridictions
compétentes le soin de statuer sur les points de droit et de
fait que le débat engagé soulève.
A. Desplanque.
NOTICE BIOGRAPHIQUE ET SCIENTIFIQUE SUR LE
PROFESSEUR SCIIOENBEIN ,
par M. H. Scoutettcn.
Nous avons pensé que nos lecteurs s’intéresseraient tou¬
jours aux travaux de leurs compatriotes , même lorsque
ceux-ci sont , par leurs fonctions, retenus éloignés du
pays. C’est à ce titre que nous leur rendons compte d’une
nouvelle brochure dûe à la plume de M. le docteur Scou-
tetten de Lille, professeur à Técole de médecine de Metz.
M. Scoutetten a été l’ami de Schœnhein, l’illustre chi¬
miste de Bâle, que la science a perdu en août dernier. Il
raconte sa vie modeste et laborieuse ; il rappelle ses princi¬
paux titres à la reconnaissance de la postérité. C’est à
Schœnhein que l’on doit la découverte de l’ozone ou oxygène
électrisé, du fulmicoton, du collodion ; aussi, ses amis
avaient -ils pris l’habitude de lui demander non pas:
a Qu’avez-vous fait de nouveau ? » mais « Qu’avez-vous
» d’étonnant à nous dire? (*) »
J. Gosselet.
{’") Dumas, comptes-rendus; Académie des Sciences, t. 67, p. 619.
— 45 —
ANNUAIRE DE l’AcADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE POUR 1869. (*)
Ce volume qui vient de paraître contient, à la suite de
renseignements relatifs à l’organisation du premier corps
savant de la Belgique , des notices , fort complètes, sur trois
des membres effectifs (F.-J. Cantraine, J.-B. Brasseur,
baron Jules de Saint-Génois) , et sur un des membres
correspondants (le peintre Michel Verswyvel) , décédés en
1867-1868.
Disciple du célèbre ornithologiste Temminck , F.-J. Can¬
traine s’était acquis, grâce à de nombreux voyages scien¬
tifiques, une grande réputation comme naturaliste.
La géométrie avait été le domaine propre de J. -B. Bras¬
seur. L’histoire et les lettres se sont , au contraire , par¬
tagé la vie, si bien remplie, du baron Jules de Saint-Gé¬
nois. Les avantages de naissance et de fortune ne furent,
pour celui-ci , qu’une excitation à conquérir sa place dans
les sphères de l’intelligence. L’élève chéri de Warnkœnig,
qui, à vingt et un ans, débutait par le Mémoire sur les
Avoiieries , qui, plus tard, donnait au monde savant le
sobre et substantiel Inventaire des Chartes de Rupelnionde,
qui fondait et alimentait en Belgique les Revues historiques
les plus accréditées, M. de Saint-Génois trouvait encore du
temps pour des travaux d’imagination , dans l’une et l’autre
langue , au moyen desquels il prenait rang parmi les nota¬
bilités littéraires de son pays. Ses labeurs d’écrivain , joints
aux devoirs de sa charge, ne l’enlevaient point au commerce
de ses amis qui ont voué à sa mémoire un de ces cultes non
moins honorables pour les survivants que pour le défunt.
Déjà, il y a plus d’un an, M. Kervyn de Volkaersbeke ,
par une touchante notice insérée dans le Messager des
f) Bruxelles, Ilayez, 1869.
— 44 —
Sciences historiques de Gand , nous avait initiés aux pensées
les plus confidentielles , aux sentiments les plus intimes de
l’homme dont il nous faisait en même temps connaître la
vie extérieure et les œuvres multiples. C’est avec la même
abondance de renseignements et la même précision de
détails , avec un accent non moins ému et non moins sym¬
pathique , que M. de Decker vient de retracer la biographie
du baron de Saint-Génois dans V Annuaire de V Académie de
Belgique. A. Desplanqüe.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
Numismatique. De la Monnaie dans le département du
Nord. — Il arrive souvent que des propriétaires , des ma¬
çons et des terrassiers trouvent dans les champs , ou dans
des constructions anciennes, des monnaies que le hasard fait
découvrir après un long séjourdans leur retraite inexplorée.
La plupart du temps on ignore si ces trouvailles ont de la
valeur ; on les garde sans savoir ce que l’on possède , ou
bien on les porte à l’orfèvre et le creuset en fait sommaire¬
ment justice. Le désir d’être utile aux personnes qui font
ces découvertes nous engage à publier quelques renseigne¬
ments sur les monnaies qui se rencontrent le plus souvent
dans le département du Nord.
Les Gauloises v sont assez rares; on en trouve cà et là
quelques-unes en or. Ces monnaies, très-épaisses, sont géné¬
ralement gravées d’un seul côté et représentent , pour la
plupart , un cheval plus ou moins disloqué. Celles qu’on
trouve dans le pays proviennent ordinairement des Atré-
bates et des Morins et prendraient une place honorable
dans bien des médaillers. Les plus petites sont rares et
représentent des attributs druidiques.
— 45 -
Les Romaines sont rarement en bon état. La plus grande
partie reproduisent l’effigie des empereurs Néron , Claude ,
Adrien , Antonin et Marc-Aurèle en grand et surtout en
moyen bi'onze. Les autres sont des petits bronzes de Gallien,
deVictorin, de Tétricus , et de Claude-le-Gothique , mé¬
dailles très - communes qui se rappoident à la série des
trente tyrans. On rencontre aussi des Postume , mais
celles-ci sont fréquemment saucées , c’est-à-dire en cuivre
recouvert d’une feuille d’étain. Ce qu’il y a ordinairement
de plus précieux dans les dépôts de ce genre , c est l’indica¬
tion du lieu où ils ont été trouvés, indication qui peut être
utile au point de vue historique.
Les Mérovingiennes, petites monnaies d’or, connues sous
le nom de Triens , sont les plus rares de toutes. On appelle
monétaires celles qui , ne portant pas l’effigie du roi , sont
frappées au nom des monnayers et du lieu où ces derniers
résidaient momentanément avec le fonctionnaire chargé de
la levée des impôts. Ces pièces , extrêmement variées ,
sont généralement de fabrique grossière et très-intéressantes
à recueillir , parce qu’il y en a encore beaucoup d’inédites.
Les monnaies carlovingiennes ne sont pas communes.
Certains dépôts ont mis au jour des deniers de Charles-le-
Chauve , frappés à Arras et à Bruges. Ils sont en argent ,
d’un diamètre approchant celui de la pièce d’un franc ,
minces et pesant environ huit décigrammes, c’est-à-dire
moins que la pièce de cinquante centimes. Le type en est
très-simple : de chaque côté une légende circulaire gros¬
sièrement gravée ; au centre , en monogramme , le nom
du roi et au revers , une croix à branches égales.
Puis viennent les petites monnaies d’argent, connues sous
le nom de mailles , qui sont en vérité des deniers frappés
sous les comtes de Flandre , au nom des villes. Ces petites
pièces dont le poids n’atteint pas un demi-gramme , sont
— 46 —
de style artésien. La fabrication en
a duré environ un siècle , jusqu’à
l’adoption de la grosse monnaie ,
par Marguerite de Constantinople,
vers 1261. On en trouve un grand
nombre de variétés des villes de
Lille , Gand , Ypres et Bruges. Les
autres villes sont Aire, Arras, Ber-
gues , Béthune , Bourbourg, Cassel,
Courtrai , Saint-Omer et Saint-Ve¬
nant. On frappait à Douai des doiiis-
siens , dont le métal était moins pur,
et à Valenciennes des deniers plus
grands que les Artésiens et des
mailles ou demi - deniers.
Nous donnons ici la représentation de trois types assez
communs du denier artésien frappés à Lille , à Gand et à
Yp res. Un prochain article sera affecté à la description des
monnaies plus modernes. Va:< Rende.
HISTOIRE NATURELLE. Des arvwages de gibier des pays du
Nord à Lille. — La rapidité des communications obtenue
par les voies ferrées et les bateaux à vapeur a amené dans
l’échange des produits comestibles une véritable révolulion.
Tout le monde sait avec quelle abondance se répandent
aujourd’hui , jusque dans le Nord de la France , les pri¬
meurs de fruits et de légumes fournis par l’Algérie et la
Provence. On peut dire que pour les gourmets il n’y a plus
de morte saison.
Depuis quelque temps , le Nord s’est mis à rivaliser avec
le Midi et nous envoie à son tour ses produits. Ce ne sont
plus les fruits savoureux mûris par le soleil d’Afrique ou
d’Espagne ; mais ils n’en ont pas moins leur mérite, non
— 47
pas tant peut-être par l’agrément de leur goût que par la
diversité qu’ils apportent dans la monotonie dont ne peu¬
vent se défendre les tables les plus somptueuses.
Il s’agit du gibier qui nous arrive de Russie et qui , de
Paris où se fait le déballage , se répand dans toutes les gran¬
des villes de France. Depuis longtemps déjà la Hongrie et
l’Angleterre nous envoyaient leurs Faisans, l’Allemagne ses
Lièvres, l’Ecosse ses Perdrix et ses Grouses; mais, à part
cette dernière espèce , aucun de ces animaux n’était étran¬
ger à la France ; c’était un appoint qui nous arrivait, ce n’é¬
tait pas une nouveauté.
Aujourd’hui nos marchands peuvent s’approvisionner pen¬
dant la saison froide de deux espèces de Coqs de bruyère, de
trois espèces de Lagopèdes, de Gélinottes, de Tétras huppe-
cols d’Amérique, sans compter les Ours dont plusieurs sont
venus en chair à Paris et ont été dépécés par des bouchers.
Les boutiques de gibier de Lille ont été cet hiver assez
bien fournies de la plupart de ces animaux. Ils excitaient
vivement la curiosité des passants qui paraissaient ignorer
complètement leurs nom , adresse et qualités.
Il n’est pas sans intérêt d’en donner un court résumé :
car on aime à se rendre compte des objets qui frappent la
vue , à plus forte raison de ceux que l’on mange .
Le grand Coq de bruyère , ou grand Tétras , ou Tétras
auerhan , ou Tétras urogalle ; dans la nomenclature latine :
Tetrao urogallus, Linné; Urogallus major, Brisson.
C’est un oiseau de la taille d’une Dinde, d’un noir bleuâ¬
tre au-dessus , marqué de très-fins zig-zags cendrés ; la poi¬
trine est verte à reflets violets ; le ventre et les plumes du
dessous de la queue sont marqués de blanc. Au-dessus des
yeux, une membrane rouge tranche vivement sur les plumes
de la tête, mais elle est beaucoup plus apparente au prin¬
temps qu’en hiver.
— 48 —
Celte description est celle du mâle adulte. La femelle en
diffère totalement. Elle est plus petite , a les parties supé¬
rieures rayées de roux, de noir et de blanc; la poitrine
d’un roux pur et le ventre roux , barré de brun et de blan¬
châtre.
Les jeunes ressemblent beaucoup aux femelles ; mais ils
ont le roux de la poitrine barré comme les autres parties
du corps.
Le grand Tétras est surtout commun dans les forêts de
pins de la Suède, de la Laponie, de la Russie et de la Sibérie
tempérée. On le trouve dans les montagnes de la Suisse ,
dans les Pyrénées et dans les Vosges, depuis Bitclie Jusqu’à
Giromagni. Il existait autrefois en Auvergne, mais il paraît
en avoir disparu aujourd’hui.
Plusieurs tentatives de domestication ont été fai tes, notam¬
ment au jardin du Bois de Boulogne , à Paris ; mais jusqu’à
présent elles n’ont donné aucun résultat pratique. On peut
présumer que la sauvagerie naturelle de cet oiseau sera
longtemps un obstacle à sa multiplication en captivité; ce
qui est d’autant plus fâcheux que l’attrait qu’offre sa chasse
excitant beaucoup les amateurs , il est très-probable que
l’oiseau disparaîtra de l’Europe centrale dans un temps qui
n’est peut-êire pas très-éloigné.
Sa chair contracte en hiver un goût résineux qu’elle doit
aux bourgeons de sapins et aux baies de genévrier dont il
se nourrit.
Le petit Coq de bruyère, ou Tétras à queue fourchue,
ou Tétras lyre , ou Tétras Birkan ; en latin : Tetrao tetrix ,
Linné; Urogallus mino7\ Brisson.
Il a quelque ressemblance avec le précédent pour les
nuances et les formes , mais il est presque moitié plus petit
et ne dépasse pas la taille d’une Poule de moyenne dimen¬
sion. Ses reflets sont plus bleus ; il a sur les aîles une tache
— 49 —
blanche ; mais ce qui le distingue surtout , c’est la forme de
sa queue, très-fourchue, et dont les plumes latérales, plus
longues que les autres , sont contournées en dehors.
La femelle est aussi différente du mâle que dans la pre¬
mière espèce; elle est barrée de roux, de roussâtre et de
brun , mais dans une nuance générale beaucoup plus foncée
que celle du grand Coq de bruyère.
Cette espèce habite les régions boisées et montueuses de
la Suède, de la Russie, de la Suisse, de l’Ecosse. On le
trouve aussi dans les plaines incultes et dans les steppes.
En France, il paraît un peu plus commun que le précédent ,
surtout dans les Alpes et les Pyrénées.
Les envois de Russie en contiennent peu, ce qui provient,
sans doute , de ce que les points où on le chasse sont moins
à portée des communications. Ce serait surtout la Suède
qui pourrait nous en approvisionner, si les moyens de trans¬
ports y étaient plus prompts.
La Gelinotte , ou Tétras gélinotte, ou Gélinotte des bois,
ou Poule des coudriers ; en latin : Tetrao honasia, Linné;
Bonasia sylvestris, Gray.
Elle est de la taille d’une Perdrix rouge; les parties supé¬
rieures sont variées de roux, de gris et de noirâtre ; une
tache noire , encadrée de blanc , occupe la gorge ; le dessous
du corps est blanchâtre. La femelle diffère peu du mâle.
C’est un oiseau qui aime les montagnes boisées ; il est
commun dans toutes celles de l’Europe septentrionale. En
Russie, les meilleures sont celles du gouvernement de Vo-
logda. Elles y coûtent , en moyenne , 3 fr. 20 c. la paire.
En hiver elles se vendent gelées dans toute la Russie (*).
{*) Le meilleur moyen de transporter le gibier de Russie à Paris est
de le faire geler et de le mettre dans des boîtes remplies de son;
mais il faut avoir soin , à l’arrivée, de le faire dégeler dans Peau
froide. La congélation ne nuit pas à la qualité de la viande , au con¬
traire elle l’attendrit. (Bourakoff, Btdleiin de la Société d’ Acclimatation).
— 50 —
On la trouve aussi en France, sur les Vosges, le Jura,
les Alpes et les Pyrénées, quelquefois, mais très-rarement,
dans les Ardennes et même dans la partie du département
du Nord qui y confine.
Sa chair, quoique ayant un léger goût résineux, est très-
agréable.
Le Lagopède, ou Tétras ptarmigan , Perdrix de neige.
Perdrix blanche; en latin: Lagopus alpimis , Nilsson;
Lagopus miitiis , Bonaparte.
En hiver, tout blanc. En été, varié de roussâtre, de brun,
de blanc, de cendré. Il est de la grosseur d’une perdrix.
Commun dans les montagnes du Nord et du centre de
l’Europe, mais nulle part autant qu’en Suède. L’Ecosse en
fournit aussi beaucoup , mais les grandes quantités qui se
voient sur le marché de Londres viennent, en majeure
partie , de Norwège et de Laponie. Ils y sont tellement ré¬
pandus qu’un seul marchand Norvégien en vend régulière¬
ment cinquante mille par année, et que sur une seule pa¬
roisse de la Laponie , on en a tué soixante mille. En 1840,
un marchand de Londres en reçut quinze mille en consigna¬
tion.
Aujourd’hui il arrive en France de plusieurs côtés à la
fois, mais l’usage ne paraît pas s’en répandre beaucoup ;
sans doute parce que les marchands le maintiennent encore
à un prix relativement élevé II faut dire aussi que sa chair a
un goût sauvage qui la rend bien inférieure à celle de plu¬
sieurs de nos gibiers du pays.
Le Lagopède subalpix, ou Tétras des saules; en latin:
Lagopus albus ^ Tetrao saliceti.
Pareil au précédent en hiver, n’en diffère que par la
taille, de quelques centimètres plus forte. En été, ses nuances
sont différentes; le roux domine beaucoup plus dans les
maculatures de son plumage.
— 51 —
Il habite comme le précédent les montagnes du Nord de
l’Europe ; il ne descend pas comme lui dans le centre. Il est
partout moins commun, néanmoins, le 12 avril 1866,
onze barils contenant chacun quinze cents de ces oiseaux
arrivèrent à la Halle de Paris. Ils étaient presque tous en
état de putré^ction.
Le Lagopède rouge, ou la Grouse d’Ecosse; en latin :
Tetrao scoticiis, Lagopus scoticus.
Un peu plus gros que la Gélinotte; il porte en toute
saison un plumage marron foncé plus noir au-dessus qu’en
dessous.
C’est un oiseau qui n’habite que l’Ecosse où il n’est pas
rare. De tous temps les Anglais en ont importé en France ,
mais jamais en très-grand nombre, car la chasse en est
limitée à un temps très-court, dans un but de conservation.
Comme toutes les espèces localisées il finirait par disparaî¬
tre , si les contrées qu’il habite n’étaient la propriété de
quelques grands seigneurs intéressés à maintenir sa propa¬
gation.
Il a le goût résineux des autres Lagopèdes et pour la
bonté tient le milieu entre la Gélinotte et le Ptarmigan.
Le Tétras huppecol, ou Tétras cupidon, ou Poule des
prairies ; en latin : Tetrao cupiclo.
Il lient beaucoup , pour le plumage , de la femelle du Té¬
tras à queue fourchue, avec des nuances moins rembrunies,
mais ce qui le distingue surtout c’est un double bouquet de
plumes raides et pointues qui sort de chaque côté de la gorge
et se dirige en arrière. La femelle ne diffère que très-peu
du mâle , ses huppes latérales sont plus courtes.
Ce Tétras habite l’Amérique du Nord où il est surtout
commun dans les plaines de Galéna, au bord du Mississipi.
Grâce à la rapidité de la traversée d’Amérique en Angle¬
terre, il peut arriver pendant l’hiver assez à temps pour ne
52 —
pas être trop faisandé. C’est un gibier exquis qui mériterait
de sérieux essais d’acclimatation.
Ces essais ont déjà été tentés en France et en Angleterre.
Le jardin du Bois de Boulogne en a possédé à plusieurs re¬
prises qui ont pondu et dont les œufs, couvés par des Poules,
ont donné des petits, qui n’ont pas vécu. Il en a été de
même au Zoological garden. Il ne faut pas désespérer tou¬
tefois ; l’exemple du Dindon, son compatriote, annonce
que toute chance de réussite n’est pas perdue.
Il est d’autant plus urgent de se presser, que l’espèce
diminue en Amérique et tend à se reléguer dans les can¬
tons déserts pour éviter une poursuite outrée.
Ces sept oiseaux sont les seuls qui soient jusqu’à présent
venus jusqu’à Lille, en dehors du gibier ordinaire. Ils n’y
ont pas eu grand débit, ce qui tient sans doute à leur prix
et à l’hésitation qu’inspirent souvent les nouveautés. Il n’est
pas impossible que , les arrivages se multipliant, les prix
baissent et qu’ils n’entrent dans la consommation deluxe
au même litre que les Faisans devenus aujourd’hui presque
indispensables. A. de Norguet.
CFIRONIQUE.
Arciftcoloi^ie. Découverte de Tombes Gallo-Romaines à
Boulogne. — On lit dans le Propagateur du Nord et du
Pas-de-Calais , des 20 et 2o janvier 1869 :
Les travaux de construction du nouvel égoût ont amené
la découverte de plusieurs sépultures de l’époque romaine ,
près de l’abattoir. Entre autres, un cercueil en plomb , de
1 mètre 2o centimètres de longueur sur 33 •centimètres de
largeur et 24 centimètres de hauteur , composé de feuilles
qui n’ont pas moins de 6 à 8 millimètres d’épaisseur. Il
renfermait des ossements ayant appartenu, suivant toute
apparence, à un jeune homme de 12 à 15 ans.
Deux vases en verre, dont un d’une grande beauté et
d’une dimension remarquable , ont été trouvés auprès ,
ainsi qu’un plat en terre rouge d’une bonne fabrique , mal¬
heureusement un peu ébréché. A quelque distance delà, on
a rencontré quatre autres petits vases en verre qui n’ont pu
être extraits qu’en morceaux ainsi qu’une potiche samienne,
d’une pâte très-fine , ornée de fleurages en relief. Plus loin,
un autre vase en terre rouge, genre Lagena , était accom¬
pagné d’un petit gobelet en verre et d’un autre en terre
noire. Les vases en verre ont gardé , sur leurs parois inté¬
rieures , des sédiments rougeâtres , qui paraissent provenir
de la dessiccation du vin qu’ils ont dû contenir. On croit que
les anciens déposaient ces vases dans les sépultures, pour
fournir des provisions de voyage aux défunts.
Les tombeaux qu’on a rencontrés en cet endroit sont, à
n’en pas douter , de l’époque constantinienne , durant la¬
quelle on a cessé de brûler les corps. C’est, du reste, le
temps où l’antique cité de Bononia paraît avoir joui de sa
plus grande prospérité. On nous assure que l’administration
du Musée se dispose à faire des fouilles régulières en cet
endroit avant que la construction du boulevard de l’Impéra¬
trice ne vienne remblayer le terrain d’une manière défini¬
tive. A. D.
Jfïétëoroîogf e. Mois de janvier 1869. — Le mois de
janvier 1869 a été, malgré les treize jours de gelée qui sont
survenus, d’une température douce et plus élevée que la
moyenne résultant de 15 années d’observation. Cette moyen¬
ne, en effet , est de 2" 947 , la moyenne de janvier 1869 a été
de 3° 666. La moyenne des minima a été de 0® 897 , celle
des maxima 6° 435. Les températures extrêmes ont été de
— 7o4 lei2o, el — 15 9 le 31. Les jours de gelée qui ont été
îiu nombi’e de 13 se sont répartis en deux périodes : la pre¬
mière du 11 au 14, froid peu intense, minimum — 2" 6,
dégel le 14 à minuit; la deuxième, du 19 au 27, plus pro¬
longée avec plus grand abaissement de température, le
dégel est survenu le 27 dans la soirée.
Entre ces périodes de gelée la température fut relative¬
ment élevée et on éprouvait une sensation de chaleur inac¬
coutumée pour la saison ; les maxima du thermomètre
furent de 10% en moyenne , et le 31 , il s’éleva à lo*" 9.
Si l’air eut été très-humide, sous l’influence dune pa¬
reille température la tension moyenne de la vapeur eut été
grande ; mais comme l’humidité relative qui , en moyenne
pour janvier est de 8ô,707o, n a été que de 84,0 7o, il en
est résulté que la tension moyenne n’a été que de 4 mill. 71,
au lieu de 5 mill. 02 moyenne générale de janvier.
Sous l’influence de cette moindre humidité atmosphérique
et de l’élévation de la température , la quantité d’eau éva¬
porée fut au-dessus de la moyenne générale qui est pour
janvier de 14 mill. 98, en janvier 1869 elle fut de 16 mill.
33.
L’épaisseur de la couche d’eau de pluie tombée en jan¬
vier année moyenne est de 56 mill. 159; en janvier 1869 ,
elle fut de 45 mill. 28 en 15 jours. La pluie la plus forte en
24 heures fut celle du 7,8 mill. 20. Presque toute l’eau plu¬
viale fut fournie par des nuages venant du S. 0. et de l’O.
S. O. Un jour seulement, le 30 , à 3 heures 15 minutes du
matin , il est tombé de la grêle.
La quantité de pluie restée , pour le mois de janvier, au-
dessous de la moyenne générale était la conséquence de la
faible quantité de vapeur d’eau maintenue en dissolution
dans les régions élevées de l’atmosphère, aussi voyons-nous
la colonne atmosphérique être plus dense, ce qui est indiqué
oo -
par Je baromètre dont la hauteur moyenne à 0" a été de
763 mill. 567, la hauteur moyenne barométrique de janvier
pour une période de 15 années étant de 759 mill. 398.
La colonne mercurielle a oscillé entre les extrêmes 775
mill. 73, maximum observé le 9; 742 mill. 50, minimum
observé le 29.
Pendant le mois de janvier il y eut 27 jours de brouillard;
16, de rosée ; 6 , de gelée blanche ; 2 , de givre.
4 jours le ciel fut serein pendant 24 heures consécutives,
13 jours il fut demi couvert de nuages et 14 jours complète¬
ment couvert.
Le vent souffla 4 jours de PE. , 10 jours du S. E. , 8 jours
du S. , 8 jours du S. 0. , un jour de PO. Son intensité fut
généralement au-dessus de la moyenne. Pendant les pério¬
des de gelée la direction moyenne des vents régnants fut
le S. E.
La quantité d’électricité atmosphérique fut au-dessus de
la moyenne; ce qui explique, au point de vue physiologique,
l’exacerbation des douleurs rhumatismales et nerveuses com¬
pliquant un grand nombre d’affections morbides, les irrita¬
tions de l’appareil respiratoire , etc. Y. Meures.
Silvîculture. Exposition de Namur. — La Société
agricole et forestière de la province de Namur se propose
d’ouvrir en cette ville , au mois de septembre 1869 , sa troi¬
sième exposition quinquennale. Parmi les objets auxquels
on offre des primes, nous citerons des collections de bois,
de fruits et de graines , des herbiers forestiers , des collec¬
tions représentant les maladies et les défauts du bois , les
ravages causés par les insectes , les divers usages du bois
et les produits qu’on en retire, tels que cendres, salins,
papier, laine végétale, etc. J. G.
— 56 —
Botanlcjue. Myosotis Duinortieri. — M. Thielens ,
docteur en sciences à Tirlemont, a signalé à la Société de
Botanique do Belgique , dans sa séance du 3 mai 1868 ,
rexistence d’une nonvelle espèce de Myosotis et qui est inter¬
médiaire enti e M. cœspilosa et M . palustris.EWe diffère du
premier par sa tige cylindrique, non anguleuse , sa corolle
petite, les divisions de son calice profondes ; du second par
sa souche vivace, sa forte taille et ses fleurs en grappes assez
courtes. M. Thielens nomme cette nouvelle espèce Myo¬
sotis Dumortieri , en l’honneur du Président de la Société
royale de Botanique de Belgique ; il l’a trouvée dans une
prairie marécageuse de l’ancien lac de Beau à trois lieues
de Tirlemont.
Cysiissus decumhctns. — Le même savant a indiqué aussi
l’existence dans le Luxembourg-Belge du Cystissus decum-
bans , ( Genistü prostrata , De. ) , connu depuis longtemps
en Bourgogne, dans les montagnes du Jura, etc. J. G.
Lmermédiaire des chercheurs et des curieux. — Notre
compatriote M. le comte Eugène de Resbecq , sous-chef du
cabinet de Son Excellence M. le Ministre de l’Instruction
publique , prépare en ce moment , une histoire de la noble
famille de Lille , institution qui , comme celle de Saint-
Gyr, était destinée sous l’ancien régime à l’éducation de
jeunes filles de la noblesse.
Les personnes qui auraient des renseignements a fournir
sur des membres de leurs familles ayant appartenu à cet
établissement, sont priées de nous les faire parvenir pour
que nous les transmettions à M. de Resbecq , à moins
qu’elles ne préfèrent les lui adresser directement.
A. D.
Le Gérant : E. Cash aux
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13
N.» 3. —-MARS 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES, ARTS, AGRICULTURE
ET COMMERCE DU DÉP-\RTEMENT DE LA SOMME.
Mémoires, 2.* série, t. vi, Amiens, 1868, 423 p.
Celte Compagnie fondée en 1746 comme Société littéraire,
fut instituée comme Académie par lettres-patentes de juin
17o0. Emportée à la Révolution , elle fut reconstituée le 29
ventôse an xi.
Elle compte trente-six membres titulaires et vingt-cinq
correspondants , de plus six membres honoraires de droit
( les autorités départementales et municipales ) et quatorze
membres honoraires élus , presque tous anciens titulaires.
Au commencement de l’année , les membres titulaires
étaient :
MM.Bohx [1866] , professeur de Philosophie au Lycée ;
Directeur.
Herbet [1863] , docteur en médecine ; Chancelier-
Trésorier.
Axselix ^ [1819] , avocat ; Secrétaire-Perpétuel.
Yvert [1852] , homme de lettres ; Secrétaire-Adjoint.
Garnier ^ [1837] , conservateur de la bibliothèque
communale ; Archiviste-Pernianent.
Obry [1830] , juge honoraire au tribunal-civil.
Tavernier, O ^ [1838] , directeur de l’école de mé¬
decine.
Roussel [1838] , ancien directeur des prisons.
Dauphin ^ [1842] , conseiller à la cour.
Mathieu [1842] , ancien négociant.
DE Forceville [1847] , statuaire.
Alexandre, O ^ [1848] , docteur en médecine.
Daussy [1831], avocat.
Deneux [1854], prés. de la Société philarmonique.
— 58 —
Gand [1856], professeur à la Société industrielle.
Mancel ^ [1856] , ancien adjoint.
Thivier [1858] , professeur de rhétorique au Lycée.
CoüRTiLLiER ^ [1859] , docteur en médecine.
L’Abbé Corblet^['1859], historiographe du diocèse.
ViON [1859] , chef d’institution.
Fuixè^ [1860] , ancien ingénieur en chef du dép.*
Mollet ^ [1862] , président de la chambre de com- ^
merce.
Hênriot ^ [1863] , adm. du bureau de bienfaisance.
Lenoel ^ [1863] , docteur en médecine.
PoNCiiE [1864] , filateur ; Président de la Société
industrielle.
Poiré [1864] , professeur de physique au Lycée.
Dauphin fils [1864], avocat; maire de la ville.
Wateau ^ [1865] , premier avocat-général.
Dubois Charles [1866], avocat.
Moullart [1866] , avocat.
Guillon ^ [1866] , ing. de la compagnie du Nord.
Davost ^ [1867] , conseiller à la cour impériale.
Ce volume comprend :
1. ® Le compte-rendu delà séance publique du 4 août 1867.
M. Wateau, premier avocat général, directeur de l’Aca¬
démie , ouvre la séance par un discours dans lequel il dé¬
plore les tendances de la littérature contemporaine ; il lui
reproche son peu de moralité ainsi que l’emploi d’un argot
de mauvais aloi. M. Hcnriot fait un rapport sur les prix de
poésie et d’éloquence , et M. Anselin , secrétaire général,
rend compte des travaux de l’Académie.
2. " Les discours de réception de MM. Ch. Dubois, avocat,
Guérin , conseiller à la cour , et Moullart , avocat.
3. " Des mémoires ou communications divers dont nous
allons rendre compte :
Une visite à Paris et à VExposition universelle^ par
M. Yvert. — Boutade en vers contre les mésaventures qu’un '
provincial rencontrait dans la capitale lors de l’Exposition
universelle.
— 59 —
Observations sur une nouvelle traduction d’Horace de.
M. Jules Janin , par M. Thivier. — M. Tliivier expose que
l’art du traducteur est éminemment difficile: il faudrait
pour y réussir faire abnégation complète de sa personnalité
et s’assimiler les sentiments de l’auteur ; encore ne parvien¬
dra-t-on pas à faire revivre celui-ci : a Tout ce que pourra
» faire l’art le plus consommé sera d’arriver à de trompeu-
» ses contrefaçons , à de vulgaires trompe-l’œil qui seront
» à l’œuvre traduite ce qu’est à la fleur brillante de rosée et
») de sève , la gaze et le papier qui la simulent juste assez
» pour produire un instant d’illusion. » Les traducteurs se
trouvent entre deux systèmes qui ont tous deux des incon¬
vénients. Ou ils se bornent à calquer le texte en donnant
terme pour terme, ou ils le rendent d’un peu haut et d’un
peu loin ; la traduction perd alors en exactitude ce qu’elle
acquiert de saveur et de facilité. Ce second système pouvait
seul convenir au prince des critiques. Nous ne suivrons pas
M. Thivier dans l’examen des imperfections de la traduc¬
tion de M. Janin ; nous préférons l’accompagner sur un
autre terrain.
Etude sur l’origine de la Rime et sur Hrosvitha , poète
dramatique du A'.® siècle, par M. Thivier. — Le vers
antique repose sur la quantité qui fait que chaque syllabe a
sa valeur, chaque mot sa physionomie, son harmonie
propre, et c’est l’ensemble de toutes ces harmonies qui
concourt à l’effet général. Le vers moderne se contente
d’énumérer les syllabes, il les compte sans les peser. Chez
tous deux il faut assigner une limite au vers; chez le pre¬
mier c’est la durée des sons , chez le second la consonnance,
la rime. Comment et à quelle époque ce changement s’est-
il accompli? voilà la question que ]\L Thivier essaie de
résoudre. Il attribue cette transformation à Hrosvitha, reli¬
gieuse, qui vivait en Saxe au x.® siècle : elle composa des
— 60 —
drames destinés à instruire et à distraire les habitants des
monastères. Elle choisit ses sujets dans l’histoire des mar¬
tyrs et s’appliqua surtout à glorifier la virginité. Elle con¬
naissait les lettres latines et prisait beaucoup Térence;
elle chercha à l’imiter , mais en substituant à ses vers une
prose rimée , c’est-à-dire en coupant les phrases en sections
régulières et en terminant les différents membres de cette
période par des rimes plates ou croisées. (^) Une mère en¬
courage sa fille au martyre dans les vers suivants :
Nunc, nunc , filia gratulandum
Nunc in Cliristo est gaudendum,
Nec est quæ (me) mordeat cura
Quia secura sum de tua Yictoria.
Cette idée a été féconde puisqu’elle est l’origine des
chants d’église rimés , nommés proses , désignation bien
singulière et inexplicable sans les observations précédentes.
Ces proses présentent souvent un enthousiasme lyrique et ,
sous une forme rude et tronquée , un grand caractère de
poésie. Tels sont le Lauda Sion , de saint Thomas-d’Aquin,
le Verni sancte spiritus ^ le Stabat^ le Dies irœ et d’autres
encore qui ont inspiré nos poètes et nos musiciens.
Cinq auteurs illustres pour un même sujet et quelques
mots sur la poésie^ par M. Henriot. — L’auteur compare
la manière dont a été traitée la fable de la Mort et du Bû¬
cheron, par Esope, Corrozet, poète du xvi.® siècle, J. -B.
Rousseau, Boileau et La Fontaine. Il donne la palme à
notre inimitable fabuliste , jugement qui n’étonnera per¬
sonne. M. Henriot se plaint, en terminant, de notre siècle
et du peu de cas qu’il fait de la poésie. Ce nouveau juge-
(1) En attribuant à la religieuse de Gandersheim cette importante
innovation , M. Thivier ne semble avoir tenu aucun compte de beau¬
coup de faits acquis à la science et habilement résumés par M. Léon
Gautier , dans son Histoire abrégée des Proses ( OEuvres poétiques d’Adam
de S. t Victor, introduction, p. cxxv ). Voir aussi , sur les origines de
la versification moderne, le 1. 1 des Epopées françaises du même auteur.
À. û.
— 61 —
ment nous semble sévère , pour ne pas dire plus ; nos con¬
temporains ont, comme leurs aïeux, un cœur qui bat à toute
pensée noble et noblement exprimée , ils ne refusent ni les
honneurs ni même la fortune aux Ponsard et aux Victor
Hugo ; mais est-ce leur faute si les muses sont avares de
leurs dons ? Pas plus avares toutefois qu’au temps jadis ;
sous le Grand Roi , pour un Racine , combien y avait-il de
Chapelain ?
Notice sur Léonor Jourdain , par M. Garnier. — Léonor
Jourdain , membre de l’Académie , naquit à Amiens, le 11
janvier 1779 , et y mourut le 18 juillet 1866. Il se fit con¬
naître par ses traductions d’ouvrages anciens ou modernes :
la deuxième idylle de Théocrite, une ode d’Anacréon, plu¬
sieurs odes d’Horace , VAniphitnjon de Plaute, le pro Mar¬
cello de Cicéron ,Je Roi Jean de Shakespeare , le Poème
sur VEsjiérance de Campbel , la Solitude de lord Ryron ,
la préface mise par Cervantes en tête de son Don Quichotte.
De Vâme humaine^ par M. Mathieu. — L’auteur combat
le matérialisme et le scepticisme. Il définit l’âme par ses
fins: se mettre en relation avec le corps, avec Dieu, avec
elle-même.
Jéhovah et Agni; études bihlico-védiques, par M. Obry. —
On sait que les philologues sont arrivés à reconnaître les
liaisons qui unissent les langues européennes à la langue
des anciens peuples de l’Inde ; ils ont montré que les races
européennes et hindoues descendent d’une ancienne peu¬
plade qu’ils ont nommée les Aryas et dont on est parvenu à
reconstruire les mœurs, les habitudes, la civilisation. En
comparant les antiquités aryennes aux antiquités sémiti¬
ques , on trouve entre ces deux grands rameaux de l’hu¬
manité des analogies qui indiquent un point de départ
commun.
Les Etudes biblico-védiques tendent à démontrer que le
Jéhovah du Peiitateuque et V A gni (Dieu du feu, comp.
Ignis en latin) du Rig-Véda désignaient un seul et même
Dieu ayant même nature , mêmes attributs , même culte ,
même rôle dans le gouvernement de la Société, l’un chez les
fils de Sem , l’autre chez ceux de Japhet. Nous ne pourrions
suivre l’auteur dans la démonstration de cette proposition
sans entrer dans des développements incompatibles avec
l’étendue de notre Bulletin. Bornons-nous à citer la compa¬
raison philologique.
Le nom de Jéhovah s’écrit en hébreu YHVH ou IHUH: de
là la désignation de tétragramme (4 lettres) qui lui est sou¬
vent attribuée. M. Ohry voit la reproduction de ce mot hé¬
breu Ihuh, Yluih , dans le nominatif aryen Yaliuli et le
vocatif védique Yahô qui figurent six fois dans le Big-Véda
avec application exclusive à Agni.
Appréciations médicales sur le traité de la vieillesse de
Cicéron, par M. le docteur Alexandre. — Dans retraité
Cicéron donne d’excellents conseils d’hygiène pour les
vieillards. Il les a puisés dans son bon sens hors ligne et
dans ses lectures qui embrassaient tout ordre de savoir.
Notice sur les probabilités de succès qu offi'irait le forage
d'un puits artésien à Amiens , par M. Anselin. — Question
toute locale.
I)e la végétation spontanée des plantes naturelles fores¬
tières , par M. Béraud , conservateur des forets. — Sous la
voûte d’une futaie serrée les graines qui tombent à l’automne
germent au printemps suivant , mais les jeunes tiges s’étio¬
lent et meurent faute de lumière. Lorsqu’on veut remplacer
une ancienne futaie de chênes et de hêtres par une plus
jeune, on abat tous les arbres en en réservant un petit
nombre qui prennent le nom de porte-graines ; alors appa¬
raît une végétation nouvelle, ce sont des herbes,- des ron¬
ces ou des bruyères. Plus tard , lorsque les nouveaux cliê-
— 65 —
nés et les nouveaux hêtres commencent à pousser ils sont
accompagnés d’une foule d’autres essences ; trembles, char¬
mes , bouleaux , arbres fruitiers , etc.
D’où viennent tant d’espèces et pourquoi germent-elles
alors seulement que la futaie a été coupée ?
Quelques graines munies d’une aile , telle que celle du
bouleau, du frêne, de l’orme, peuvent être transportées
par le vent; d’autres plus lourdes ont été apportées par les
oiseaux. Ainsi les landes de Gascogne avaient été semées
uniquement de pins , cependant dans une foule d’endroits
on a vu apparaître des chênes et des chênes-lièges ; les
oiseaux avaient été chercher des glands dans les bois des
environs et les avaient laissé tomber un peu partout. Mais
il est une foule de graines qui ne volent pas au vent et
qui ne peuvent avoir été transportées en grande quantité
parles oiseaux. Tl faut admettre que ces graines provien¬
nent de plantes qui vivaient avant la futaie ; celle-ci se
développant les avait étouffées , mais leurs graines revê¬
tues d’un tégument dur et résistant s’étaient conservées
sous le terreau formé par les détritus annuels comme dans
un silo; elles n’ont germé que lorsque l’éclaircissement de la
futaie leur eut donné l’air et la lumière qui leur manquaient.
Ce n’est pas seulement par les semences que se repro¬
duisent les forêts ; les racines de certaines plantes jouissent
de la faculté de conserver quelque vitalité alors même que
la tige dont elles proviennent est morte. En certaines
années de glandée et de fainée, le sol des futaies de chêne et
de hêtre se couvre de semences qui germent au printemps
suivant; mais, comme il a été dit, la jeune tige privée d’air
est étouffée, s’étiole et meurt; la racine persiste, elle
donne au second printemps une nouvelle pousse qui se
développe moins encore que la précédente ; le troisième
printemps produit une troisième pousse encore plus faible
— 64 —
et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne s’en forme plus aucune;
mais la racine continue à vivre, n’attendant que de la
lumière pour produire des tiges plus vigoureuses.
C’est donc bien à tort, conclut M. Béraud, que quelques
forestiers supposent que la nature a pu sans germes préexis¬
tants donner naissance à cette végétation nouvelle qui prend
la place d’une futaie récemment abattue.
Programme d'un nouveau mode d'enseignement de la
Géométrie élémentaire , par M. Fuix. — L’auteur expose un
groupe de faits géométriques généraux qui sont la source
de toutes les propriétés de l’étendue, et un mode analytique
d’enseignement qui devrait être substitué à l’enseignement
synthétique. Remonter de la proposition du carré de l’hypo-
thénus^e à la loi qui régit les relations réciproques de trois
points situés d’une manière quelconque dans un plan , et
de celle-ci à la loi plus générale encore à laquelle sont sou¬
mises les relations de quatre points disposés d’une manière
quelconque dans l’espace, c’est la synthèse; descendre de
ces lois générales aux théorèmes particuliers qui en déri¬
vent, c’est l’analyse. La première voie est celle qui est
tracée dans tous les traités élémentaires de géométrie ; la
seconde, c’est celle que Fauteur propose de suivre.
Il s’attache à définir les quantités géométriques de tous
les ordres : ligne, surface, solide; ainsi il définit la ligne
droite : un fil inextensible , d’une tenuité extrême tendu par
deux forces contraires appliquées à ses extrémités.
Dans l’étude des surfaces, M. Fuix regrette qu’au lieu
d’adopter le carré comme unité de superficie on n’ait pas
pris la figure plane la plus simple, le triangle équilatéral.
L’auteur termine par l’exposé de deux théorèmes qui lui
permettent de démontrer la théorie des parallèles sans avoir
recours à la considération de l’infini. j. gosselet.
— 65 —
ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
Bulletin , 2.“'® série , t. xxvii , jV.”* 1 et 2.
L’Académie royale de Belgique correspond à l’Institut
de France : c’est le premier corps savant du royaume , il se
recrute parmi toutes les célébrités du pays , quelle que soit
leur résidence ; c’est donc un corps hors ligne qui n’est pas
à comparer à nos Sociétés départementales ou provinciales.
Nous nous abstiendrions même de le faire rentrer dans
notre cadre , si les travaux qui lui sont présentés ne con¬
cernaient en général notre région et n’intéressaient par
cela même nos lecteurs.
L’Académie date son origine d’une Société littéraire qui
se fonda à Bruxelles en 1769, sous les auspices du comte
de Cobenzl , ministre de l’impératrice Marie-Thérèse. En
1773 , cette Société devint une Académie impériale et royale
privilégiée. Lors de la Révolution , elle eut le sort commun
à toutes les Académies de la République : elle fut dissoute.
Ce n’est qu’en 1816 quelle se reconstitua sous le titre
dé Académie royale des sciences et belles-lettres à laquelle
s’adjoignit, en 1832, une classe des Beaux-Arts.
L’Académie de Belgique est divisée en trois classes :
l.“ Classe des Sciences , 2.° Classe des Lettres , 3." Classe
des Beaux-Arts. Toutes trois sont unies par un secrétaire
perpétuel qui leur est commun, mais chacune d’elles a son
directeur particulier :
MM. Nyst, directeur de la classe des Sciences pour 1869.
Borgnet , » » Lettres »
De Keyser, » Beaux-Arts »
Quetelet, Secrétaire perpétuel.
Chaque classe possède 30 membres, 10 correspondants
régnicoles et 50 associés.
— 66
Classe des Sciences.
Notice sur les dépôts qui recouvrent le calcaire carbonifère
à Soignies ^ par MM. Cornet et Briart, membres corres¬
pondants. — Sous ce titre , MM. Cornet et Briart qui sont
déjà connus des lecteurs de ce Bulletin ( page 18 ) donnent
une monographie très-détaillée des carrières de Soignies.
Ils y ont reconnu quatre terrains.
I. Calcaire carbonifère ( pierre bleue). Il est en bancs
inclinés vers le sud de trois à huit degrés, on y distingue
quatre niveaux différents. Les couches des deux niveaux
inférieurs sont constituées par un calcaire pétri d’encrines,
bleuâtre dans le bas , plus foncé dans le haut. Ce sont ces
deux niveaux que l’on exploite principalement dans les
carrières de Soignies ; ils fournissent sous le nom de petit
grainte ou pierres de Soignies , des matériaux de construc¬
tion , qui d’après 31. d’Omalius d’Halloy, rapporteur du
présent mémoire , ne le cèdent pour la solidité et la beauté
à aucune des pierres étrangères que la mode fait employer
maintenant en Belgique. Le troisième niveau est noir ,
presque compacte, en bancs minces peu utilisables , il est
riche en fossiles ; on y rencontre principalement :
Phillipsia gemmulifera ; Spirigera Roxyssyi;
Euomphalus pexitangulatus; Productus Martini;
Spirifer mosquensis ; Cyathophyllum mitratum ;
Spirifer cuspidatus ; Michelinia favosa.
Le quatrième niveau est formé par un calcaire très-noir,
un peu argileux , qui ne peut servir de pierre de taille.
• La masse du calcaire carbonifère présente un grand
nombre de fentes irrégulières, qui ont été remplies par
les dépôts supérieurs. Les bancs ne se correspondent pas
toujours , ce qui indique que ces fentes sont des failles
dues à des mouvements du sol postérieurs à la consolida¬
tion du calcaire.
— 67 —
II. Dépôts aachéniens. Ils sont composés d’argile teinlée
en noir par une matière charbonneuse , d’argile noire sa¬
bleuse et pyriteuse avec fragments de lignites , de sable
gris teint en noir par du lignite, de cailloux roulés, dont
les dimensions varient entre celle d une noix et celle d’une
tête d’homme, de limonite géodique (mine de fer jaune),
identique avec celle que l’on exploite à Tournai. Certains
fragments de lignite ont conservé la texture des conifères ,
ils sont accompagnés de graines et de cônes de Pin (Pinus
Anclrai), Ces diverses substances remplissent sans observer
aucun ordre de superposition les fentes dont nous avdns
parlé. Selon les auteurs , les dépôts aachéniens se seraient
formés pendant toute la période comprise entre la forma¬
tion du terrain bouiller et celle de la Meule de Mons ,
(Voir page 18) , c’est-à-dire qu’ils seraient contemporains
du terrain jurassique et de la base du terrain crétacé (^).
III. Dépôts tertiaires. Sable verdâtre reposant sur un lit
de galets, on y a trouvé quelques dents de poissons. Ce
sable forme de petits amas isolés à la surface des dépôts
aachéniens et pénètre quelquefois dans les poches. On doit
le rapporter au système Landénien ou au système Yprésien.
IV. Dépôts quaternaires. Ils recouvrent tous les dépôts
précédents avec une épaisseur de 2 mètres 50 à 8 mètres.
On y distingue de bas en haut : 1.'’ Limon sableux bleuâ¬
tre avec blocaux ou fragments anguleux de silex phtanite
et de calcaire carbonifère ; on y a rencontré des ossements,
des molaires et des défenses de Mammouth [Elephas pri-
migenius) , des dents de rhinocéros , de cheval et de bœuf ;
2.° Limon jaune stratifié avec quelques minces couches
discontinues de sable jaune; il représente l’Ergeron du
P) Je ne partage pas cet opinion et je les rapporte uniquement au
terrain crétacé, étage du Gault. J. G.
— 68 —
bassin de la Haine ; 3.« Limon brunâtre propre à la fabrica¬
tion des briques.
Rapport de M. Gilbert, membre de l’Académie, sur le
Mémoire sur une transformation géométrique et sur la
surface des oiides, par M. Catalan. — Le rapporteur fait
riiistorique de la question et indique ensuite les progrès
que M. Catalan lui a fait faire : étude plus complète d’une
certaine transformation géométrique et applications nom¬
breuses de cette transformation , piincipalement à la surface
des ondes. Le travail de M. Catalan sera inséré dans le re¬
cueil des mémoires. Le Bulletin contient en outre deux
autres petites notes de M. Catalan, l’une swr les roulettes et
les podaires, l’autre sur les fonctions elliptiques de première
espèce.
Recherches sur les sulfocyanures des radicaux alcooli¬
ques , par M. L. Henry , correspondant de l’Académie. —
M. Henry obtient ces sulfocyanures par l’action du sulfo-
cyanure de potassium sur les iodures et chlorures alcooli¬
ques. « L’auteur fait donc connaître, dit M. Sta^, rap-
» porteur , des corps nouveaux qui complètent la série très-
» importante des composés cyaniques. » j. gosselet.
Classe des Lettres.
Etudes sur Don Juan d'Autriche (^) , parM. Gachard ,
archiviste général du royaume de Belgique. — Nous avons
décrit ailleurs (-) l’aspect imposant et la magnifique ordon¬
nance des publications de M. Gachard relatives à l’histoire
politique des Pays - Bas au xvi.* siècle. Dans l’article déjà
ancien , où nous nous efforcions de retracer l’ensemble des
travaux du savant archiviste , nous disions qu’il se trouvait
en ce moment même au-delà des Alpes , pour y poursuivre
(1) Bulletins de V Académie royale de Belgique , 2.® série , t. xxvi , p. 321-
350 ; 389-410 ; t. xxvii,p. 21-114.
(2) Dans la Revue des questions historiques, N.® du l.*’’ janvier 1868.
— 69 —
le cours des recherches, jadis si heureusement inaugurées
par lui en Espagne.
Les résultats de la mission de M. Gachard en Italie ,
dans l’hiver de 1867-68, ont dépassé la légitime attente
du inonde érudit. L’infatigable explorateur de tant de dé¬
pôts jusqu’ici peu visités est loin d’avoir dit son dernier mot
sur toutes les surprises que lui réservaient les Archives et
les Bibliothèques de Turin , de Gênes, de Venise, de Flo¬
rence, de Rome et de Naples (^). Il donne simplement au¬
jourd’hui au public un avant-goût de quelques-unes de
ses plus curieuses découvertes.
C’est ainsi que les papiers de la famille Farnèse lui ont
livré le secret, qu’on croyait à jamais perdu , des relations
de Marguerite de Parme avec Don Juan d’xVutriche. Ces
deux enfants d’un illustre père , nés à vingt-cinq ans d’in¬
tervalle , furent longtemps avant de se connaître. Don
Juan entrait dans sa dix-huitième année , lorsque sa sœur,
personne d’un âge déjà mûr et dont la position était assise,
fit le premier pas vers lui , par l’entremise d’un chargé
d’affaires. Le jeune prince se montra sensible à cette dé¬
marche et voua , dès lors à 3Iargueritc , une inaltérable
affection , une confiance sans bornes. Il eut , du reste ,
bientôt l’occasion de s’acquitter envers elle en attachant
à sa suite le propre fils de la princesse , destiné lui-même
à fournir une si brillante carrière militaire. Alexandre
Farnèse fit ses premières armes sous le commandement de
son oncle et mérita d’être félicité par lui , pour sa belle
conduite lors de la bataille de Lépante.
A cette date mémorable qui marque le point culminant
(i) Comme premier aperçu des résultats généraux de ce voyage ,
voir un rapport verbal que M. Ga(;hard a fait à la Commission royale
d'Histoire , le 6 juillet 1868 ; t. x (3.* série) des Bulletins de la Commis¬
sion, p. 94-96.
-ro¬
de la carrière de Don Juan , les deux enfants illégitimes
de Gharles-Quint n’avaient encore eu de rapports que par
lettres ou par messagers. Ils se virent pour la première fois
à Aquila, en février 1573, etnese séparèrent qu’avec larmes.
Don Juan , nous l’avons dit, n’avait point de secrets pour
Marguerite. Aussi lui recommandait-il de brûler toutes ses
lettres. Combien nous devons nous féliciter qu’elle ne l’ait
point fait! Et quelle reconnaissance les amis de l’histoire
ne doivent-ils pas au ministre intelligent, aujourd’hui dans
la retraite, qui a confié à M. Gachard le voyage d’exploration
dont celui-ci nous offre les premiers fruits !
Les lettres conservées de Don Juan à Marguerite sont
au nombre de deux cents. Nous pouvons , encore moins
que M. Ciacbard , songer à les analyser toutes. Bornons-
nous à dire qu’on y suit la trace des déceptions consécu¬
tives qui empoisonnèrent les dernières années de la vie du
vainqueur de Lépante.
A tout moment, le brillant héros éprouve le besoin de se
justifier auprès de son frère , le soupçonneux monarque. —
Il a aussi le regret de voir en partie perdu le fruit de ses
victoires sur les infidèles. Ses chagrins redoublent lors¬
qu’on lui confie dans les Pays-Bas un commandement
encore plus ingrat que celui qu’il avait momentanément
exercé à Naples.
Son séjour en Italie lui avait, du moins , procuré le
plaisir de revoir une seconde fois Marguerite. Son envoi
à Bruxelles lui fut une occasion de faire du bien aux
protégés que sa sœur y avait , et de s’inspirer des conseils
de celte princesse à qui il rendait fréquemment compte de
la situation difficile où il se trouvait engagé. Marguerite ,
qui n’avait pas toujours eu à se louer personnellement de
Philippe II, ne négligea rien pour maintenir dans la meil¬
leure ligne de conduite son frère Don Juan.
71 —
On ne sait que trop que les qualités de Thomme d’Etat
faisaient presque entièrement défaut à ce grand homme de
guerre. Don Juan finit par succomber sous le fardeau d’une
position au-dessus de ses forces. La nouvelle inattendue de
sa mort causa à Marguerite une inexprimable douleur.
Philippe II ( M. Gachard le prouve ) s’en consola plus
aisément. A. Desplanque.
( La suite au procliain N.” )
CONFERENCES ET COURS PUBLICS.
Les conférences de l’Hôtel de Ville de Douai, ouvertes le
30 janvier par M. le Recteur de l’Académie, ont continué
en février, avec un succès dont témoigne l’affluence , tou¬
jours croissante, des auditeurs.
I. Conférences sur la renaissance , par M. Ahel Des¬
jardins. — Les 13 et 13 de ce dernier mois, M. Abel Des¬
jardins, le savant doyen de la Faculté des lettres, a traité
de la Renaissance. Il a retrouvé les origines de ce mouve¬
ment littéraire et artistique dans les souvenirs de la civili¬
sation antique, encore vivaces en Italie à la fin du moyen-
âge, et dans l’action de l’Eglise alors si puissante au-delà
des Alpes. Il en a suivi l’essor dans le poème de Dante,
dans les œuvres de Pétrarque et de l’Arioste , et nous a fait
assister à son épanouissement avec le Concile de Florence
en 1439 , avec la découverte de l’Imprimerie et aussi avec
la prise de Constantinople par les Turcs. Au xvi.® siècle ,
les érudits répandent dans toute la Péninsule la langue et
même les idées des Grecs et des Romains.
Dans sa seconde conférence , après avoir esquissé à
grands traits l’histoire de l’art dans l’Antiquité et au
moyen-âge, M. Desjardins a montré le génie de la
Renaissance se révélant dès le xiii.® et le xiv.® siècle.
— 72 —
Il a conduit ses auditeurs dans le cloître du Campo-
Santo ; il leur a décrit les fresques de Giotto, d’Orgagna
et de Simone Memmi ; dans l’église de Santa Maria
Novella , il a salué Cimabuë et sa madone ; dans les
cellules du couvent San-Marco, il s’est arrêté pieusement
devant les célestes créations du B. Fra Angelico. Il a rendu
justice à l’Ecole Ombrienne et au Pérugin, le maître de
Raphaël. Autour de celui que la postérité a surnommé le
divin il a groupé Léonard de Vinci , le Titien , le Corrège ;
il a assigné une place spéciale au puissant Michel-Ange.
Le savant éditeur de la Correspondance des Grands Ducs de
Toscane , l’explorateur de leurs archives, ne pouvait oublier
la part que les Médicis ont prise à ce grand mouvement
artistique ; mais au-dessus de leur influence , il a fait voir
l’inspiration partant du Saint-Siège, et donnant à la Renais¬
sance son développement complet au xvi.® siècle. C’est avec
raison , a dit M. Desjardins , que cette importante période
porte le nom de siècle de Léon X.
II. Conférences sur m."’® desbordes-valmore , par M.
Corne père. — Les 6 et 8 février, M. Corne père, que sa
retraite de la vie politique a rendu tout entier au culte des
lettres , aux souvenirs de sa cité natale , a retracé la vie et
les œuvres de M."'® Desbordes-Valmore, la Muse douai-
sienne. Il a décrit à son auditoire la modeste habitation où
naquit Marceline üesbordes ; il l’a dépeinte jeune enfant
encore, folâtrant avec ses compagnes sur l'herbe du cime¬
tière voisin, rêvant au pied de la croix et des autels de
Notre-Dame profanés par la Révolution , consolant le captif
dans la vieille prison ou cueillant des roses avec les amies
de son âge. Il l’a suivie ensuite à la Guadeloupe où elle perd
sa mère et se voit forcée de reprendre seule , à l’âge de treize
ans, le chemin de la France. Quatre aus plus tard , elle
— 73 —
quitte l’atelier pour le théâtre ; mais bientôt elle s’arrache
à cette vie où , comme elle le dit elle-même ,
Où l’orgueil insultant nous puuit et nous venge
D’un éclair de célébrité.
Déjà elle avait chanté les sentiments éclos dans son cœur :
épouse de M. Valmore et mère de plusieurs enfants , elle
emprunta encore à la poésie sa langue harmonieuse pour
redire son bonheur , pour parler à ceux qu’elle appelle les
Anges de la Famille. Mais le malheur , la maladie et la
mort frappèrent autour d’elle : ceux qui ont lu Pleurs et
Pauvres Fleurs savent combien les yeux et le cœur de ma¬
dame Desbordes-Valmore ont versé de larmes. M. Corne
a apprécié la muse douaisienne avec la délicatesse et le goût
nécessaires pour comprendre sa poésie intime , essentielle¬
ment personnelle. Il a touché toutes les mères , en lisant
quelques vers empruntés aux naïves Enfantines ; il a, ÏSiit
tressaillir le cœur de tous les Douaisiens , en rappelant que
le pays natal avait inspiré à madame Valmore ses chants les
plus harmonieux , en leur répétant les vers de l’élégie sur
la Vallée de la Scarpe :
Mon beau pays , mon frais berceau ,
, Air pur de ma verte contrée ,
Lieux où mon enfance ignorée
Coulait comme un humble ruisseau ,
S’il me reste des jours, m’en irai-je , attendrie,
Errer sur vos chemins qui jettent tant de fleurs ,
Replonger tous mes ans dans une rêverie
Où l’âme n’entend plus que ce seul mot « Patrie ! »
Et ne répond que par des pleurs !
III. Conférences sur les gracques, par M. Louis Le¬
grand, avocat à Valenciennes. — Les 22 et 24 février ,
M. Legrand , rhistorien de Sénac de Meilhan (^), a fait deux
conférences sur les Gracques.
(h Voir notre compte-rendu de ce remarquable ouvrage dans le
N." 1 du Bulletin , p. 14-18.
— 74 ~
On ne peut guère parler des deux illustres tribuns sans
parler de leur mère Cornélie. L’orateur nous a montré celte
femme admirable , d’abord toute entière à son ambition
maternelle et cherchant à inspirer à ses fils l’amour de la
gloire, plus tard s’efforçant de détourner Caïus d’un sort
semblable à celui de son frère , et enfin après le meurtre des
deux tribuns , leur survivant avec sérénité comme la fière
gardienne de leur mémoire.
M. Legrand a représenté Tiberius comme un homme
doux et modéré, doué de grandes vertus et de grandes
qualités. Signalé à la faveur populaire par sa précoce répu¬
tation , Tiberius arrive au tribunal , il conçoit l’utile projet
des lois agraires; malheureusement il se laisse emporter,
fait déposer son collègue Octavius pour se débarrasser d’un
veto qui paralyse son action et ne tarde pas à succomber ,
victime de ses généreuses intentions et de la haine de l’a¬
ristocratie.
Caïus a toutes les qualités de son frère , mais avec bien
plus de véhémence et d’étendue. A la fois homme de parole,
homme d’action , homme d’Etat, il est forcé de céder aux
vœux du peuple qui le réclament. Devenu Irihun, il est un
moment le maître de Rome par la seule autorité de sa paro¬
le ; il entreprend une réforme démocratique de la constitu¬
tion. Mais peu à peu le Sénat sait ramener à lui par d’habi¬
les concessions un peuple toujours mobile, il se délivre des
Gracques et de leurs partisans par un nouveau massacre.
L’orateur, après avoir dans son premier entretien raconté
en détail les incidents pathétiques de cette lutte , a , dans
une seconde conférence, apprécié ou plutôt défendu l’en¬
treprise des Gracques. Il s’est plaint qu’on ait, trop long¬
temps et de nos jours encore, adopté les jugements des
historiens romains , presque tous patriciens et en celte
qualité diffamateurs des deux tribuns.
— 75 —
Il a montré que la loi agraire n’avait été tant attaquée
que parce qu’elle n’avait pas été comprise : on y a vu le par¬
tage de toutes les propriétés privées, le communisme , lors¬
qu’elle n’était que la répartition, entre les citoyens pauvres,
de terres du domaine public usurpées par l’aristocratie. Cette
mesure, si elle eût été appliquée, aurait restauré l’agricul¬
ture italienne, aurait prévenu la ruine de la population
libre , partout remplacée au grand détriment de la chose
publique par des affranchis et des esclaves.
M. Legrand a disculpé les Gracques du vif reproche que
leur adresse Thistorien allemand , Mommsen , d’avoir
abaissé le Sénat. L’orateur ne nie pas le fait ; mais il pré¬
tend que ce fait ne doit pas donner lieu à un reproche , que
les patriciens et le Sénat exploitaient la chose romaine au
profit de leur égoïsme et de leur avidité et qu’il était patrio¬
tique et sage de restituer au peuple sa liberté.
L’auteur de la conférence félicite également les Gracques
d’avoir compris que le temps de la justice était venu, d’a¬
voir voulu concéder le droit de cité aux Italiens et adoucir
la condition des provinces. Il dit que la République romaine
a péri précisément par les maladies auxquelles les Gracques
voulaient remédier : ruine de l’agriculture et de la popu¬
lation libre , domination oppressive et avidité de la no¬
blesse, mécontentement de l’Italie et des provinces.
Voilà, suivant M. Legrand , le but des Gracques , et ce
but leur fait honneur. Sans doute ils ont pu , sous le coup
des circonstances et dans le choix des moyens , commettre
des fautes. L’orateur ne l’a pas contesté et, tout en faisant
valoir bien des excuses atténuantes, en faveur de ses héros,
il a reconnu que la déposition d’Octavius était regrettable,
il a blâmé les distributions de blé , il n’a pas combattu les
critiques de Montesquieu contre l’alliance fâcheuse des
Gracques avec les chevaliers.
— 76 —
Mais il est une accusation dont M. Legrand a très-vive-
ment défendu les Gracqiies : c’est celle d avoir aspiré à la
royauté. Les Gracques, suivant lui, ont été les serviteurs
désintéressés du peuple. (^) A. Desplaivque.
BIBLIOGRAPFIIE.
manufactures de faïence et de porcelaine
DE l’arrondissement DE VALENCIENNES.
Par M. le docteur Lejeal , médecin à Valenciennes (2).
Si pendant de longues années les curieux et les collec¬
tionneurs ont manqué de guides et de renseignements, il
n’en est plus de même depuis que le goût des études ar¬
chéologiques a provoqué des travaux sans nombre. Au¬
jourd’hui , les monographies abondent sur les différentes
branches de l’art et de l’industrie , et tout amateur peut
se créer une bibliothèque spéciale d’ouvrages relatifs aux
objets qui flattent son goût, nous allions dire sa manie.
Ce n’est pas que le livre dont nous avons inscrit le titre
en tête de cet article , ne s’adresse qu’aux collectionneurs
de faïences et de porcelaines. Il intéresse tous ceux qui se
préoccupent de l’histoire industrielle et artistique de notre
pays : car il abonde en renseignements précieux sur deux
manufactures importantes, qui, pour la décoration de leurs
produits, durent faire appel aux peintres et aux sculpteurs.
Parmi les faïences anciennes recherchées des amateurs,
il en est un assez grand nombre portant une marque , hié¬
roglyphe indéchiffré, que l’on attribuait le plus souvent
à l’une des nombreuses fabriques , qui , au siècle dernier ,
(1) Nous rendrons compte, dans notre prochain N.” , des conféren¬
ces de la fin de février et du mois de mars. A. U.
(2) Valenciennes , Lemaire , 1868 , in-8'’ , 142 p.
— 77 —
existèrent dans l’Est de la France. Il y a quelques années,
lorsque nous avons publié notre travail sur les Manufac¬
tures Lilloises de porcelaine et de faïence[^)^ nous avions re¬
vendiqué ces produits pour les fabriques du Nord , et nous
étions même assez enclin à en faire honneur à l’un des
anciens faïenciers de notre ville. Le livre de M. Lejeal nous
a démontré que nous nous étions trompé , du moins dans
l’une de nos suppositions : les faïences qui portent le sigle
contesté (et qui a été inspiré bien évidemment par les deux
L entre-croisées qui sont la marque de Sèvres au dix-
huitième siècle) , appartiennent sans conteste à l’usine de
Jean-Baptiste Fauquet, faïencier de Saint- Amand , origi¬
naire de Tournai.
Les faïences timbrées du signe en question y sont assez
remarquables , pour que M. Lejeal soit fier avec raison de
les avoir restituées à l’usine dont il a écrit l’histoire. Nous
avouerons humblement notre erreur dans l’édition nouvelle
que nous préparons , à la suite de recherches fructueuses
faites dans les Archives de la ville de Lille ; et nous nous
consolerons en disant que nous avions du moins raison sur
un point, à savoir : que ces faïences avaient été fabriquées
dans le Nord de la France.
Quant aux faïenceries de Valenciennes qui n’eurent ja¬
mais, croyons-nous, une grande importance, 31. Lejeal n’a
guère ajouté de renseignements à ceux que nous avons
publiés; mais il nous donne, et de la façon la plus complète,
l’historique de la manufacture de porcelaine queLamoninary
établit à Valenciennes avec Vannier, l’ancien employé de
Leperre-Durot , porcelainier Lillois , qui le premier réalisa
la substitution pratique de la houille au bois pour la cuis¬
son de la porcelaine. Les produits de la manufacture de
d) Lille, Danel 1863 , in- 8°, 90 pages.
^ 78 —
Valenciennes sont dignes de figurer dans les collections
à côte des porcelaines dures , provenant des fabriques jus¬
tement célèbres du dernier siècle , et M. Lejeal les a décrits
avec soin et avec exactitude.
Aux renseignements abondants , aux documents inédits
qui suffiraient pour assurer le succès de son ouvrage ,
M. Lejeal a ajouté d’autres attraits : il a fait de ce livre
une merveille pour les bibliophiles. C’est un grand in-8.®
tiré sur magnifique papier et qui sort des presses renom¬
mées de L. Perrin , de Lyon.
M. Robaut , lithographe à Douai, a reproduit avec son
talent ordinaire , les décors des faïences de Saint-Amand ;
la photographie a donné la représentation du biscuit célè¬
bre : La descente de Croix , et M. Jules Jacquemart, le
graveur si connu de la Gazette des Beaux-Arts , a retracé
avec toutes les délicatesses de son burin , les décors des
belles porcelaines de Valenciennes. Enfin , M. Albert Jac¬
quemart , l’écrivain le plus compétent en fait de cérami¬
que , a écrit l’introduction du livre. Un tel patronage nous
dispense d’insister davantage sur le mérite de l’œuvre dont
nous venons de rendre compte. J. Houdoy.
PHYSIQUE SOCIALE , OU ESS.U SUR LE DÉVELOPPEMENT DES
FACULTÉS DE l’HOMME.
Par Ad. Quelelet, directeur de TObservatoire royal de Bruxelles, 1. 1. (*)
C’est la deuxième édition d’un livre qui a paru pour la
première fois en i83o, mais cette édition considérablement
augmentée en fait un ouvrage nouveau. La physique sociale
est un résumé de tout ce que la statistique peut apprendre
sur l’homme. Le présent volume traite des naissances , des
(*) ln-8.® 503 pages; Bruxelles , 1869.
— 79 rr-
décès, des mariages et de leur fécondité , de l’accroissement
de la population. Nous ne pouvons suivre l’auteur dans tous
ces détails qu’il serait bien difficile de résumer. Bornons-
nous à signaler l’esprit qui a présidé à l’ensemble du travail.
Il semble au premier abord qu’il soit bien difficile de trou¬
ver des lois mathématiques qui régissent les actions morales
de l’homme. Les phénomènes qui dépendent de la volonté
doivent à première vue être livrés au caprice et ne pré¬
senter aucune règle. Il n’en est rien cependant. « Il est
» un tribut que l’homme acquitte avec plus de régularité
» que celui qu’il doit à la nature ou au trésor de l’Etat ,
» c’est celui qu’il paie au crime ! Triste condition de l’es-
» pèce humaine ! Nous pouvons énumérer d’avance com-
» bien d’individus souilleront leurs mains du sang de leurs
» semblables, combien seront faussaires, combien seront
» empoisonneurs à peu près comme on peut énumérer d’a-
» vance les naissances et les décès qui doivent se succé-
» der. » A Londres , deux cent quarante personnes en mo¬
yenne mettent annuellement fin à leurs jours. Le nombre
annuel des suicides ne varie que de deux cent soixante-six
maximum à deux cent treize minimum.
Cette régularité n’a rien d’étonnant. Les actions morales
ont généralement pour cause l’état de la Société : tant que
cet état restera le même , les mêmes causes agiront et pro¬
duiront les mêmes effets.
Mais si la Société se modifie , les résultats peuvent chan¬
ger. Est-ce à une cause de cette nature qu’il faut attribuer
l’augmentation des mariages en France? De 1821 à 1825,
il y avait un mariage pour cent vingt-neuf habitants ; de
1861 à 1864 , il y a eu un mariage pour cent vingt-trois ha¬
bitants. En Belgique , en 1866 , on n’a compté qu’un ma¬
riage sur cent trente-deux habitants ; mais lorsqu’il s’agit
des naissances , on trouve des résultats en sens invers. En
— 80 —
France ; il y a annuellement une naissance pour trente-neuf
habitants et, en Belgique , une naissance pour trente-trois
habitants. Des Etats européens , c’est en France que la
fécondité a été la moins forte et en Russie qu’a eu lieu
l’excès contraire. Toutes choses égales , il naît deux fois
autant d’enfants en Russie qu’en France. Le rapport des
naissances illégitimes aux naissances légitimes montre des
faits intéressants : en France , il y a un enfant illégitime
pour douze enfants légitimes. En Belgique , le rapport est
de un à onze ; en Hollande, de un à vingt-deux; en Bavière,
de un à trois et demi ; c’est-à-dire qu’en Bavière , presque
le tiers des enfants sont illégitimes. Cette situation tient
en grande partie aux conditions de fortune que les lois
bavaroises exigent des époux avant leur mariage. Cepen¬
dant , d’autres états de l’Allemagne offrent aussi un nom¬
bre considérable de naissances illégitimes. j. gosselet.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
HISTOIRE NATURELLE. Le Loup. — Dans le Catalogue des
Mammijères du département du Nord inséré au volume des
Mémoires de la Société des Sciences de Lille de 1866 , j’ai
constaté que le petit nombre d’espèces de Mammifères
(quarante-sept) , qui se rencontrent dans les limites du dé¬
partement , tend encore à diminuer et que le Loup et
le Sanglier entr autres ne peuvent plus compter parmi nos
hôtes que par des apparitions très-rares et qui s'espacent
de plus en plus.
Depuis , ayant recueilli quelques notes sur la présence
de ces animaux dans nos contrées et dans celles qui nous
avoisinent , j’ai pensé que les lecteurs du Bulletin pour¬
raient y trouver de l’intérêt.
— 81 —
Il est hors de doute que très-anciennement, à l’époque
où nos campagnes étaient encore boisées et peu cultivées ,
les Loups s’y trouvaient en grand nombre ; la tradition
populaire est d’accord en ce point avec les renseignements
historiques et ce qu’on sait des moeurs de cet animal , qui
aime les bois en plaine des pays froids ou tempérés.
Beaucoup de localités autour de nous ont des noms qui
paraissent dérivés de celui du Loup : La Louvière , Lou-
vignies , Louvil , Louvroil , Louvencourt. A Quesnoy-sur-
Deùle, il y a le Hameau du Loup ; au centre même
de Bruxelles , la rue Fossé-aux-Loups tire son nom ,
d’après M. Deby, d’une source où les Loups venaient
s’abreuver.
Le Loup a laissé partout , dans les idées populaires , une
trace très-fortement empreinte. Il jouait un rôle dans les
sorcelleries du moyen-âge où il représentait la méchan¬
ceté ; il est encore l’épouvantail des petits enfants, Fembléme
de la gloutonnerie , de la férocité , de la cruauté , c’est en
un mot la personnification du mal. Cette tradition est
trop fortement enracinée pour ne pas laisser supposer que
non-seulement les Loups étaient communs dans notre pays,
mais que les ravages qu’ils causaient étaient très-considé¬
rables.
Cette sorte d’aversion qu’inspirait le Loup a été pour
beaucoup dans la guerre d’extermination qu’on lui a faite ;
mais sa disparition de nos contrées est due surtout aux dé¬
frichements, à l’accroissement de la population, aux soins
apportés à la surveillance des troupeaux , au bon aména¬
gement des bois encore existants. Ce que l’Angleterre a
obtenu depuis longtemps par une chasse à outrance , nous
l’avons obtenu lentement , mais sûrement , par les progrès
de la civilisation.
Dans l’ouest et le centre du Département, il faut remonter
— 82 —
très-haut pour retrouver trace de la présence des Loups ;
une seule apparition bien authentique eut lieu dans le
rigoureux hiver de 1829-30 , aux environs de Lille ; toutes
les autres signalées depuis un demi siècle ne paraissent pas
suffisamment certaines.
A Test , c’est dans la forêt de Mormal que l’espèce s’est
perpétuée le plus longtemps : en 1812 et 1813 , trois ont
été tués au Carrefour de l’Hermilage. En 1840 , le garde
Devost , de Locquignol , en tua un au lieu dit : Ventes à
Perches. En 1843 , le curé de Locquignol en ahattit un
autre dans le triage de Fontaine.
En 1849 ou 18o0 , quatre Louveteaux ont été trouvés
dans le triage de Preux et montrés dans les communes voi¬
sines. En 1851 , dans une battue faite au triage d’Hachette,
un Loup fut blessé et trouvé mort quelques jours après.
Cette meme année , un douanier de Locquignol trouva
deux Louveteaux au canton de Neuvivier.
Enfin , en 1852 , dans une battue , le brigadier forestier
Fromentin tua un dernier Loup dans la série de la Car¬
rière; depuis , aucun n’a été tué dans la forêt.
Le département des Ardennes , beaucoup plus boisé que
le Nord , nourrit encore un nombre de Loups relativement
assez considérable. On peut estimer à une trentaine le
chiffre moyen de ceux qu’on y détruit dans un an. En
1868 , trente-trois y ont été abattus.
Les départements formés de l’ancienne Lorraine en
contiennent encore beaucoup , mais M. Godron ( Zoologie
de la Lorraine ) constate dans leur nombre une décrois¬
sance marquée.
Au sud , les départements du Pas-de-Calais et de la
Somme ne voient plus de Loups que dans les hivers très-
rigoureux et à des intervalles de plus en plus éloignés.
M. Marcotte (Animaux vertébrés de V arrondissement d'Ah-
83 --
beville ) le considère comme à peu près disparu de cet
arrondissement.
Quant à la Belgique , elle peut être zoologiquement par¬
lant , divisée en deux parts : la rive droite et la rive gauche
de Sambre-Meuse. La partie gauche doit être assimilée
sous le rapport des Loups à nos départements du Nord ,
du Pas-de-Calais et de la Somme. Ils étaient autrefois com¬
muns dans la Forêt de Soignes ; mais aujourd’hui leurs
apparitions dans le Brabant et la Campine n’ont plus lieu
que dans les hivers exceptionnels. Cependant , un journal
belge a raconté que dernièrement un Loup a été tué près
de Beaune (Hainaut) : il était couché dans des buissons sur
le talus de la voie ferrée ; effrayé par le bruit d’un train ,
il s’élança et fut atteint par la locomotive , puis achevé par
un ouvrier.
Sur la rive droite de Sambre-Meuse , les Loups ne sont
pas rares. Ils sont sédentaires dans les Ardennes belges et
dans la forêt de Herzogen-Wald , entre Verviers et la fron¬
tière Prussienne , d’où ils s’avancent quelquefois jusqu’aux
environs de Liège.
A. DE Norguet.
( Sera continué ).
GÉOLOGIE. Note sur le gîte fossilifère de Folz-les-Caves.
— De même que la célèbre montagne Saint-Pierre de Maës-
tricht, Folz-les-Caves ^ petit village situé à vingt minutes
de Jauche en Brabant , possède à l’extrémité occidentale
du massif crétacé un dépôt de tuffeau renfermant de nom¬
breux fossiles.
Ce dépôt se divise en trois parties :
A Partie supérieure — Masse friable, ordinairement jaunâ¬
tre avec rognons assez durs de même matière.
B Partie moyenne — Tuffeau homogène gris-jaunâtre.
C Partie inférieure — Passant à l’état arenacé, et contenant
— 84 —
des bancs quartzeux , de couleur plus ou moins foncée ,
intermédiaire entre le grès et le silex corné.
Depuis quatre à cinq ans , nous visitons mensuellement
et nous faisons minutieusement explorer le gîte de Folz-les-
Caves. La liste que nous donnons ci-après indique les
espèces que nous y avons rencontrées jusqu a ce jour ; nous
les possédons toutes dans notre collection.
REPTILES
Mosasaurus Camperi (dents); Meyer. (*)R.
Grands ossements indéterminés... T. R.
POISSONS (dents)
Corax pristodontus . Ag . A.C.
» heterodon . Ag . R.
Otodus appendiculatus.Ag . . .A.C.
Oxyrbina Manlelli . Ag . A. R.
Lamna acummiata . Ag . R.
Enchodus Faujasi . Ag . A. R.
Vertèbres indéterminées de diverses
espèces . A.C.
CRUSTACÉS
Oncopareia Faujasi... .Desm.sp . R.
Cythereis alata . Bosq . T. R.
» minuta - ...Bosq . T. R.
Scalpellum gracile . Bosq . T. R.
» pulchellum. .Bosq . A.C.
» maximum. . .Bosq . A.C.
» pygmœum.. .Bosq . R.
» sp ?
CÉPHALOPODES
Belemniiella mucronata..SchI.sp..T.C.
» nova sp? . A R.
Naulilus Dekayi . Morton.. T. R.
Baculites Faujasi . Link ....A. R.
Scaphites constrictus . d’Orb.. . .T.R.
Aptycbus rugosus . Sharpe. .A .R.
Fragments d’une ammonite de dimension
cuiossale.
GASTÉROPODES
Vermetus clalhratus. . . .Bink . R.
Solarium cordalum... .Bink . T.R.
Dentalium Mosoe . .Bron . T R.
BRACHIOPODES
Tcrebratula Sowerbyi. . .Hag . R.
» pisum .
• Sow .
.A. R.
Terebratulina striatella.
.d’Orb _
.T.R.
Magas Davidsoni .
.Kon .
...R.
» pumilus .
.Sow .
.A C.
Thecidium papillatum.. .
.Sebl.sp, .
.A.C.
Crania Ignabergensis...
.Retz .
.T.C.
» Hagenovi .
..R.
LAMELLIBRANCHES
Ostrea falcata . Morton . A.C.
« hippopodium .Nilss . . ..T.C.
» vesicularis _ Lmk . T.C.
» curvirostris.. .Nils . A.C.
» lateralis . Nils . A.C.
* auricularis . Goldf.sp _ A. R,
» semiplana . Sow . A. R.
» sulcata . Blum . T.C.
» carinata . Goldf.sp _ A. R.
» Bronnii . Mu 11 . R.
» sp ?
Janira quadricostata...Sow.sp.. ....C.
Pecten membranaceus.. Nilss . A . R .
» lœvis . Nilss . T.R.
» tricostatus . Mull . R.
Lima granulata . Nilss. sp . R.
Crassalella Bosquetiana.d’Oi b . A .R .
Inoceramus (fragm.). . .Sp? . R.
Avicula cœrulescens... .Nilss . A.C.
BRYOZOAIRES
Eschara sligmalopliora. . .Goldf . A.C.
» Lamarcki . Hag . A.C.
» Audouini . d’Orb . R.
» sexangularis . Goldf ...A. R.
(*) Abréviations : T.C. (très-commun) — A.C (assez commun) — C (commun) — T.R
(très-rare) — A. R (assez rare) — R (rare).
Eschara sp ?
Lunulites Goldtussi . Hag . A.C.
» Hagenovi . Boq . A. R.
Cellepora suLinflata _ Hag . T. R.
Inversaria niilleporacea. . .Goldf.sp,. .R.
Idmonea cancellata . Goldf.sp.T.R.
» dorsata . Hag . T. R.
Ceriopora nucilormis . Hag . A.C.
Heteropora lenera . Hag . R.
» Si» ?
VERS
Serpula gordialis . Schl . A.C.
» erecia . GoJdf. . A. R.
» sexcarinaia . . Goldf . A.C.
» lophioda . Goldf . C.
» sp ?
Dilrupa (Serpula) cyplyana.Ryck. . .A.C.
ECHINODERMES
Cassidulus lepis cancri. . .Lesk. .sp..\ .R.
Cidaris Hardouini . Desor . R.
» Faujasi . Desor.. . .A.C.
Cidaris regalis . ...Goldf _ T. R.
Peritagonaster punctatus..Hag . R.
» quinquelobus. Goldf _ A.C.
Bourgeticrinus ellipticus. .Mill . A.C,
Eugeniacrinus Hagenovi.. .Goldf . C.
ANTHOZOAIRES
Gorgcnia bacillaris . . .
.A. H.
Mollkca Isis .
A C.
Microbacia coronula...
...Goldf. .
Ditaxia anomalopore. ..
...Hag...
..A C.
Aplosasirœa sp ?
SPONGIAIRES
Manon pulvinarium — Goldf . T. R.
Talpina ramea . Br . T . R .
PRATOZOAIRES
Orbitolites raacropora ..Lmk . T. R.
FLibelIum sp ?
THIELENS
CHRONIQUE.
Géologie. Analyses d' Ardoises. — L’un des derniers
numéros de la F^eime hebdomadaire de Chimie., de IVL
Mène, contient plusieurs analyses des Ardoises de Haybes ,
près de Fumay. Les Ardoises violettes renferment 60 7o tie
silice et 30 “/o d’alumine , elles sont donc plus riches en
silice que les Ardoises d’Angers. Les parties vert clair qui
sont mélangées à ces ardoises violettes contiennent 65 7o de
silice , c’est presque la proportion que l’on trouve dans les
Ardoises vertes de Deville. Quant aux ardoises noires de
Sainte-Barbe qui sont géologiquement supérieures aux Ar¬
doises de Fumay, elles ne contiennent que 57 7® de silice.
J. G.
Apparition d^oiseaux étrangers. — A la suite
de l’ouragan du 12 février dernier, plusieurs oiseaux de
^se¬
mer ont été pris vivants dans les environs de Lille , no¬
tamment à La Madeleine. Ils appartenaient tous à l’espèce
appelée Mouette iriddiCl'^Xe ( Larus tridactylus de Linné).
C’est une de celles qui sont confondues par les habitants des
côtes , sous le nom de Mauves, Pigeons de mer ou Coulons
de mer ; leurs mœurs sont complètement maritimes et s’ils
s’éloignent des bords de la mer , c’est pour se montrer quel¬
quefois au printemps dans les marais qui les avoisinent.
Sans doute , ceux qui ont été trouvés à Lille faisaient
partie d’une petite bande surprise par la bourrasque et
emportée dans notre direction.
Déjà en décembre dernier , on avait signalé dans les
environs de Paris , après des ouragans , des Petrels de
Leach ( Talassidroma Leachii ) , autre espèce bien plus
marine encore et plus rare sur nos côtes , puisque sa
véritable patrie est l’Amérique du Nord et les Orcades.
Un autre petit fait ornithologique qui mérite d’être si¬
gnalé , c’est l’apparition à Fives , le IS décembre dernier ,
d’un PoLiillot fitis ( Phyllojmeuste trochilus) , petit Bec fin
qui ordinairement nous arrive en mars et nous quitte en
septembre, comme toutes les Fauvettes. C’est une excellente
preuve de la douceur exceptionnelle de la température de
l’automne et du commencement de l’hiver. a. de n.
Mctéorolog^ie. Mois de février 1869. — La tempéra¬
ture moyenne du mois de février étant de 3° 05, la moyenne
de février 1869 a été de 7" 74. La moyenne des maxima a
été 10“ 51 , celle des minima 4“ 97. Le minimum absolu a
été de 0“ 4 les 20 et 28 , le maximum absolu de 14“ 9 le 6.
La tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique
a été 6 mill. 58 (moy. (i) 4 mill. 88 ). L’humidité relative
moyenne de 84 % ( moy. 83.93 “/o ).
(9 moy. indique la moyenne de 15 années d’observations.
87 — -
L’épaisseur de la couche d’eau évaporée dans ces con¬
ditions météoriques a été de 31 mill. 12 (moy. 20 mill.82).
L’épaisseur de la couche d’eau résultant de la pluie
tombée en 19 jours, a été de 57 mill. 27 (moy. 43 mill. 07).
La pluie maxima, en vingt-quatre heures, a donné 10
mill. 22 d’eau le 10. — La hauteur moyenne de la colonne
barométrique , ramenée à la température de 0“ , a été de
757 mill. 04 (moy. 760 mill. 379 ) oscillant entre les extrê¬
mes 772 mill. 70 le 15 et 744 mill. 70 lel.-.
Les vents régnants ont été ceux du S. , du S. O. et de
rO.S.O. ; leur intensité a été au-dessus de la moyenne.
Le 12 , pendant la soirée et une partie de la nuit du 13 ,
tempête S. O. ; à dix heures du soir , le baromètre était des¬
cendu à 755 mill. 32.
Pendant ce mois , le ciel fut très-nébuleux , il y eut
vingt-cinq jours débrouillard, seize jours de rosée, un jour
lie grêle , un jour de neige , pas de gelée. v. meurein.
IVoiivc^lles de la liîtfératwre et des Arts. —
L’événement du mois est le décès de M. de Lamartine. On
sait par quels liens de famille l’illustre poète se rattachait à
la ville d’Hondschoote et l’on se souvient que ce fut l’arron¬
dissement de Dunkerque qui , en 1832 , l’envoya siéger à la
Chambre des députés. M. de Lamartine faisait, dans ce
moment-là même, son voyage en Orient, où l’accompa¬
gnait, à titre de médecin et d’ami, notre compatriote feu
M. de La Roïère.
M. Vincent, de l’Institut, dont nous avons annoncé la mort
dans notre numéro de janvier, a été, depuis lors, l’objet de
deux remarquables notices : l’une , rédigée au nom de l’As¬
sociation des anciens Elèves de l’Ecole normale , par M.
Ernest Havet, professeur au collège de France ; l’autre,
insérée dans le Correspondant du 10 février, parM. H.
Wallon , de Valenciennes , membre de l’Académie des in-
— 88 —
scriptions et belles-leltrcs. M. le comte Eugène de Resbecq,
en s’aidant des révélations de ces deux hommes qui ont
connu de fort près M. Vincent, a, dans un mémoire récem¬
ment communiqué à la Société des Sciences de Lille,
achevé de nous peindre les traits et la physionomie morale
du savant hesdinois , en même temps qu’il nous fournissait
la liste complète de ses innombrables écrits.
Dans le Mémorial cV Amiens^ du 21 février, M. l’abbé
Corblet , directeur de la Kevue de VArt chrétien , a , en ter^
mes fortement sentis , déploré la perte d’un artiste amié-
nois, M. Aimé Duthoit, que ses travaux à la cathédrale
d’Amiens, à Abbeville, à Montdidier, à Saint-Riquier, ont
classé parmi les maîtres de l’architecture religieuse au xix.®
siècle. « Assurément, a dit de lui M. l’abbé Corblet, il
aurait pu conquérir une plus vaste réputation , s’il avait
voulu se créer un atelier à Paris, seul théâtre où l’artiste de
nos jours ait chance de trouver à la fois la fortune et la
renommée. Il préféra rester dans son pays natal , et si la
gloire vint l’y trouver , ce fut sans sollicitation de sa part. »
Citons encore , en attendant de pouvoir consacrer une
plus ample notice à sa mémoire, un article sur M. P. Bé¬
douin qui a paru dans Vlmpartial de Boulogne-sur-Mer ,
le 26 décembre dernier.
Les expositions de peinture sont plus que jamais en hon¬
neur dans nos provinces. Celle d’Arras est à peine close
que Cambrai songe à avoir la sienne. A Roubaix il s'en
ouvre une, le 24 Mars, où les Ecoles française, flamande
et hollandaise , vont être brillamment représentées.
Le 29 du même mois, aura lieu à Valenciennes une
Marche histoiique, organisée par les soins delà Société
dite des /wcas. A. Desplanque.
Le Gérant : E. Castiaux
Lille > imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13
N.“ 4.
Avril 1869.
TRAVAUX DES SOCIETES.
SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI.
Mémoires, t. xxx (I partie) 1868.
L’institution de la Société d’Emulation de Cambrai re¬
monte au 24 vendémiaire an xiii (16 novembre 1804). Cette
Association compte, à l’heure qu’il est, cinq membres hono¬
raires (les autorités diocésaine, académique, départemen¬
tales et municipales) , et vingt-cinq membres résidants.
Liste des membres résidants :
MM. Alc.WiLBERT [1830] , secrétaire des Hospices; Président
L. Renard[1857], avocat, juge suppléant; Vice-Prés.
A. Durieux [1857] , prof, de Dessin, Sec.-Général.
A. Bruyelle [1843],recev. des Eosplces; Archiviste
Ch. Roth ^ [1858], banquier ; Trésorier.
Berger , Abel [1851], directeur de l’Ecole de dessin.
Berger , Joseph [1834] , peintre d’Histoire.
Blin [1868], conservateur-adjoint de la Bibliothèque.
Boulanger, Edouard [1845], propriétaire.
Carion , Louis [1858] , homme de lettres.
Crepin, Louis ^ [1639] , conseiller général.
Devred, Alexandre [1866], organiste.
Dumont, Alexandre [1853], chimiste.
Dutemple , Delphin [1843], avocat.
Evrard, Cléomède^ [1831], ingénieur.
Fegueux ^ [1868], pharmacien-majorà l’Hôp.mil.
Germe, Armand [1867] , avocat.
Hardy , Henri [1828] , docteur en médecine.
Hattu, Anatole [1864], avocat.
Lefebvre, Aimé [1847], bibliothécaire et archiviste
de Cambrai.
Leleu , Prosper ^ [1839] conseiller général.
Lestoquoy, Camille [1858] , juge de paix.
Richard, Auguste [1868] , géomètre expert.
Tingry, Célestin [1867].
De Vendegies (comte) Charles [1858] , propriétaire.
— CO —
La première partie du t. xxx des Mémoires de la Société
d’ Emulation de Cambrai renferme deux travaux considé- .
râbles : les Corps de métiers et le Commerce de Cambrai
du xt / UM XIX. ^ siècle par M. Wilbert et la deuxième série
i]es. Chants et Chansons populaires du Cambrésis par M. Du*
lieux.
Notre collaborateur, M. Mossot, s’est engagé à rendre
compte de la totalité de ce dernier recueil , et l’analogie des
matières nous invite à réserver l’analvse du Mémoire de
t/
M. Véilbert sur les Corporations de Cambrai pour le jour
où nous examinerons les Documents sur VUistoire de l’In~
dustrie de Lille publiés par feu M. Derode.
Nous espérons que ces deux comptes-rendus trouveront
place dans un de nos plus prochains numéros.
Nous nous attacherons présentement aux articles de
moindre importance renfermés dans le plus récent volume
de la Société d’Emulation.
Les travaux exécutés , en 1867 , dans les fortifications de
Cambrai ont été, pour M. Durieux, une occasion d’étudier
de près et de reproduire, avec la fidélité habituelle de son
dessin, les Tours de Vancien Boulevard des Amoureux ^
tours dont il n’hésite pas à rapporter la construction , ou
du moins la reconstruction, aux environs de l’an 1340,
(( alors que les bourgeois fortifiaient leurs murailles avec
les débris des châteaux d’Escaudeuvres et de Relengbes. »
Le même membre a donné la description et le dessin
d’une serrure, en date de lo41 , qu’on voit au musée de
Cambrai. Il a , en outre , de concert avec 31. Bruyelle , relevé
le texte des Inscriptions tumulaires antérieures à 1793
encore existantes dans V arrondissement de Cambrai.
31. Bruyelle a, de son côté, fourni la monographie des
châteaux de Tliun-l’Evêque et d’Elincourt, des fermes du
Flos et de Rambourlieux. Il a aussi, suivant en cela une
— 91 —
habitude à laquelle nous comptons qu’il restera fidèle ,
dressé un Bulletin archéologique où se trouvent résumées
les découvertes faites dans la ville et l’arrondissement de
Cambrai en 1867-68. Parmi ces découvertes, signalons
celles d’objets gallo-romains trouvés à la citadelle et de
sculptures romanes exhumées des fondations de l’église
d’Honnecourt.
M. C. A. Lefebvre , l’infatigable fouilleur des archives
municipales de Cambrai , a , dans un article intitulé : Procès
auxiliaires de VHistoiî'e, démontré une fois de plus quel
parti les historiens du moyen-âge peuvent espérer tirer du
dépouillement des dossiers judiciaires, en apparence les
plus insignifiants, de la fin de l’ancien Régime.
M. C. Roth a fait connaître une série de plans des do¬
maines du clergé de Cambrai et Cambrésis avant 1789,
plans alors reposant au bureau de l’Enregistrement de
Cambrai et aujourd’hui versés , avec autorisation régulière ,
aux archives départementales.
Nous ne parlerons de la première partie de la Biogra¬
phie du baron de Worden, par M. le comte de Vendegies,
que pour dire avec quelle impatience nous attendons la
suite de cet important travail, dont les éléments sont puisés
dans les œuvres mêmes du prolixe et remuant personnage.
Agent utile, quoique secondaire, deLouvois, chantre inta¬
rissable des. victoires et conquêtes de Louis XIV, le baron
Michel-Ange de Worden, méritait de revivre tout entier,
sinon aux yeux du grand public, du moins sous les regards
de la province dont il est , à tout prendre, l’une des gloires.
Sa suprême bonne fortune sera d’avoir rencontré, pour his¬
torien de sa vie et pour coordonnateur de ses innombrables
œuvres, un homme de la valeur de M. de Vendegies, esprit
judicieux et sagace, écrivain plein de distinction et de ré¬
serve, qui, à tout instant, corrige l’exubérance de langage
el le mauvais goût de l’auteur qu’il analyse, rendant ainsi
plus agréables ces mémoires inédits dont le côté intéressant,
instructif, disparaissait sous l’ennui que , dans leur forme
originale , ils inspirent aux lecteurs les plus résolus.
Gomme on le voit, les travaux historiques sont surtout
en honneur au sein de la Société d’Emulalion de Cambrai.
Cela est de justice dans la patrie de M. Le Glay. Cependant
le rapport de M. Hattu sur le dernier Concours de Poésie
prouve que le sentiment des choses littéraires est aussi fort
vivace dans cette Compagnie. Enfin , les Observations mé¬
téorologiques recueillies à Cambrai en 1867 , par M. le doc¬
teur Ladureau, témoignent que l’élément scientifique y est
également bien représenté.
Travaux courants.
Depuis le commencement de l’année 1869, la Société
d’Emulation de Cambrai a entendu la lecture des morceaux
suivants :
Le 13 janvier, M. Fégueux a lu un article intitulé: les
Ruines de la Quemada., souvenir épisodique de son séjour
au Mexique. Il a décrit minutieusement ces ruines qui sem¬
blent appartenir à un ouvrage de défense stratégique, élevé
sinon en totalité, du moins dans ses parties les plus an¬
ciennes, par les Indiens aztèques: ce qui en reporterait
l’origine au xiii.® siècle. M. Fégueux a fait suivre cette
description d’une curieuse étude de mœurs sur les rapports
entre maîtres et ouvriers dans les Haciendas., établissements
industriels ou agricoles du 3Iexique.
Le 20 janvier, M. Blin a communiqué une notice, dont il
est l’auteur , sur Elincourt en Cambrésis. Il a donné la liste
chronologique des seigneurs de ce village, dressée en partie
d’après 400 titres inédits de l’ancien ferme. Il a relevé , à
ce sujet, plusieurs inexactitudes échappées à Le Carpen¬
tier. 11 a groupé ensuite certains faits historiques intéres-
— 95 —
sant la localité et ayant trait aux droits féodaux et seigneu¬
riaux , à la banalité du moulin, aux coutumes légales et
autres. Il a retracé en dernier lieu la lutte courageusement
soutenue par les habitants contre des troupes autrichiennes
en 1793, lutte qui fut fatale aux premiers et leur xalut,
peu après, un secours de 20,000 livres que leur accorda
rassemblée nationale, sur une pétition de Maximilien Tarez.
Le 3 février, M. Durieux a donné lecture d’un récit his¬
torique intitulé : la Disette à Cambrai en 1789. Rédigé sur
des documents inédits , cet article prendra place , avec les
travaux précédents , dans la deuxième partie du tome xxx
des Mémoires actuellement sous presse.
Le 16 du même mois, M. Wilbert a communiqué à la
Société une vaste étude sur la Domination espagnole à
Cambrai dont nous rendrons compte a'u chapitre des lec¬
tures récemment faites en Sorbonne.
Le 3 mars , M. Blin a lu un rapport méthodique sur le
livre de M. l’abbé Denys intitulé : Des éléments du progrès
de V Agriculture en France.
En combattant plusieurs des opinions émises par l’auteur
de ce mémoire , M. Blin s’est appuyé sur le résumé de
VEnquête agricole dans notre région. Il fait remarquer que
ramener les capitaux vers la terre, comme le, demande
M. Denys , c’est augmenter à coup sûr le taux des fermages
déjà si élevé. D autre part, si pour l’agriculture les bras
manquent, ce qui revient à dire : coûtent plus cher qu’au-
trefois , par compensation , les produits de la ferme ont été
toujours en augmentant de valeur. Du reste , l’emploi des
machines reconnues les meilleures, et acquises en société
afin d’en diviser le prix, peut parer d’une manière efficace
à l’inconvénient signalé.
Le rapporteur n’oublie pas, comme moyen d’augmenter
les produits de certains sols, de recommander l’emploi du
— 94 —
(Iraiuage, sur rorigiiic inconteslablenient française duquel
M. Blin fournit de curieux détails. Il termine celle élude
en souhaitant que des expériences soient entreprises sur
une grande échelle pour s’assurer des ressources que peut
offrir comme fourrage, le Galega officinalis, que la plupart
des instituteurs de rarrondissement de Cambrai ont cullixé
en petit avec succès.
Jleconstitution de la Société des Amis des Arts.
Par arrêté du 17 décembre 18G8 , M. le Préfet du Nord
a autorisé la reconstitution, sur de nouvelles bases, de la
Société des Amis des Arts à Cambrai. Fondée en 1825,
dans le but d’organiser en cette ville des expositions artis¬
tiques, elle n’avait eu, jusqu’à présent, qu’une existence
inlei'jnittente. Désoianais, elle sera l’une des annexes de la
»
Société (l’Emulation et aciiuerra ainsi un caractère perma-
.nent qui rendra ses efforts i)!us fructueux. Comme l’an¬
cienne inslitulion , la nouvelle aura pour but d’encourager
l’élude des arts, de former le goût si nécessaire à toutes les
professions et de venir en aide aux artistes en les secondant
dans le placement de leurs œuvres.
La Société reconstituée des xVmis des Arts prépare, avec
le concours de l’autorité municipale, une exposilion pour
1870, analogue à celles qui ont déjà eu lieu à Cambrai en
1826, 1828, 1830, 1834, 1836, 1838 et 1842.
A. Desplanque.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE l’aGRICULTURE ET DES ARTS DE LlI.l.E
Travaux courants.
Depuis le commencement de l’année 1869, la Société des
Sciences, de l’Agriculture et des Aids de Lille, a entendu les
lectures suivantes : Poésies, par M. Delerue; Un mot sur
VEsprit chez les Anciens d'après une satire d’Horace , par
M. Deligne ; Etude sur un poème inédit de Milon, moine de
— O.J —
Saint-Atnand an IX/ siècle, par M. Desplaiiqiie (*); Consi¬
dérations sur les Douanes et sur rimpôl , par M. Tellicz ;
Courbure en un point multiple d'une courbe ou d'une sur¬
face, par M. Painvin , M. C. ; Robinet à air de sûreté, par
M. Cox. Enfin , M. Colas a placé sous les yeux de la Société
un tableau représentant la Vocation de Saint-Jacques.
Nous parlerons des travaux littéraires après leur publi¬
cation.
Le sujet des lectures de M. Telliez est pour notre Bulletin
du fruit défendu; nous craindrions en fabordanlque l’au¬
teur lui-même ne soit forcé de nous appliquer les rigueurs
de la loi. Le mémoire matliématique de M. Painvin n’est
pas susceptible d’analyse.
Quant à la communication de M. Cox, elle présente un
tel caractère d’ulilité que nous la donnerons plus loin avec
détails.
Vocation de Saint-Jacques , par 3L Colas , membre-
titulaire. — Ce tableau est destiné à l’église Saint-Jacques
de Douai pour laquelle M. Colas en a déjà fait un autre
retraçant le martyre du saint apôtre. La Vocation de Saint-
Jacques représente un épisode bien connu de l’Evangile.
Or, un jour qu’il marchait le long de la mer de Galilée, il vit
Simon et André, son frère, qui jetaient leurs filets dans la nier, car
ils étaient pêcheurs ; et Jésus leur dit : « Suivez-moi, et je voiis ferai
pêcheurs d'hommes. » En même temps ils quiltèrenPleiirs tilels et
le suivirent. De là s’étant un peu avancé, il vit Jacques fils de
Zébédée et Jean, son frère, qui étaient aussi dans une barque où ils
raccommodaient leurs filets. Ils les appela à l'heure même et ils le
suivirent ayant laissé dans la hanpic Zébédée, leur père, avec ceux
(jui travaillaient. ^saint marc, ch. i, v. 16 à 20).
La toile deM. Colas est une reproduction fidèle de cet épi¬
sode. Le Christ appelle les deux fils de Zébédée ; Jacques s’é-
(P Voir le résumé de ce travail au chapitre des lectures récemment
faites en Sorbonne.
— 96 —
lance le premier avec cette impétuosité qui lui fit donner par
son divin maître l’épithète de fils du Tonnerre. Jean inter¬
roge Jésus pour savoirs! lui aussi doit partir. Quant au vieux
Zébédée, assis dans sa barque, l’étonnement et l’émotion
(jue lui a fait éprouver la parole divine l’empêchent de
protester contre le départ de ses fils. Au second plan du
tableau se trouvent Jean et Pierre déjà attachés aux pas de
leur maître.
Le talent de M. Colas est assez connu pour que nous
n’ayons pas à insister sur les mérites artistiques de son
œuvre.
Soupape à air de sûreté, par M. Cox , membre titulaire.
— Parmi les accidents qui arrivent aux machines à vapeur
l'un des plus fi’équents est ce que les hommes du métier
.appellent le coup d’eau, ün sait que dans les machines à
condensation aujourd’hui en usage, le cylindre où se meut
le piston , communique avec le condenseur par l’intermé¬
diaire d’une colonne dans laquelle se fait le vide. Lorsque
l’on arrête l’arrivée de la vapeur, il faut fermer herméti¬
quement le robinet qui fait communiquer cette colonne avec
le condenseur, sans quoi l’eau monte dans la colonne, pé¬
nètre dans le cylindre ; puis, lorsque le piston se remet en
marche, l’eau étant incompressible, tout se brise: bielle,
manivelle, balancier et quelquefois même le cylindre ; c’est
une réparation coûteuse et un temps d’arrêt assez long qui
pèse à la fois sur le chef de l’établissement et les ouvriers.
On a obvié en partie à ces inconvénients en ajoutant à la
colonne un robinet dit à air que l’on ouvre lorsqu’on arrête
la vapeur et que l’on ferme lorsque le piston a donné quel¬
ques coups ; de cette manière l’air atmosphérique pénétrant
dans la colonne empêche l’eau de s’y élever. Mais , dans ce
4
SOUPAPE A AIR DE SURETE
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— 97 —
cas encore, tout dépend d’un homme. Que le chauffeur ou¬
blie de fermer le robinet d’air , l’accident se produira d’au¬
tant plus facilement que , confiant dans ce robinet , on atta¬
che moins d’importance à la fermeture hermétique de celui
du condenseur.
Le but que M. Cox a cherché et réussi à atteindre, c’est
de mettre l’introduction de l’air à l’abri des distractions du
chauffeur. Pour cela , il place sur la colonne un petit tuyau
A que peut fermer exactement une plaque de caoutchouc G.
Celle-ci est soutenue par un bras de levier coudé CD natu¬
rellement appliqué contre l’ouverture par le poids D ; l’autre
bras du levier CE est mis en mouvement par une tige F ;
celle-ci peut être tirée par le levier J dont les mouvements
dépendent du grand levier K qui commande aussi le robinet
de vapeur. La figure permet de saisir le mécanisme. Lorsqu’on
ferme le robinet de vapeur en soulevant la tige K , le bras
de levier J glisse le long de la tige F jusqu’à ce qu’il vienne
buter contre la bague H ; il est alors arrêté, ou plutôt com¬
munique son mouvement à la tige F, et celle-ci, tirant le bras
de levier CE, force la lame de caoutchouc à s’écarter de l’ou¬
verture; l’air pénètre dans la colonne. Dès que l’on donne
un peu de vapeur en abaissant le levier K , la tige J cesse de
presser sur la bague H et sous l’influence du poids D le le¬
vier E C D reprend la position qu’il a dans la figure, et la
lame de caoutchouc vient boucher l’ouverture du tube.
Ce tube A doit être fixé sur la colonne du côté opposé au
mouvement de l’excentrique pour que le crachement qui se
fait quelquefois parle trou ne rouille pas les ferrailles; c’est
ce qui oblige à faire passer la tige^F derrière la colonne.
Cette soupape figurée pour une machine à balancier ,
peut aussi s’appliquer à tout autre système de machine à
condensation.
J. Gosselet.
— 98 —
ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
Le lome xxxviii des Mémoires de l’Académie royale de
Belgique est un gros volume presqu’enlièrement consacré
aux sciences, et principalement aux sciences mathémati¬
ques et à leurs applications ; nous nous bornons à citer le
titre des premiers : Sur les nombres de Bernoulli et d’Eulej\
et sur quelques intégrales définies, par M. E. Catalan,
associé de l’Académie ; Mémoire sur la théorie générale des
lignes tracées sur une surface quelconque, par M. Gilbert,
également associé de l’Académie. MM. Catalan et Gilbert
sont deux Français établis en Belgique et professeurs, l’un
à rUniversité de Liège, l’autre à celle de Louvain; leur
nationalité qu’ils ont voulu conserver les empêche de rece¬
voir le titre de membres de l’Académie. Mais cette Société a
tenu à leur montrer le cas qu’elle fait de leur savoir et de
leurs travaux en se les associant et en les inscrivant sur
une liste où figurent sir John Herscbell, MM. Dumas,
Chasles, Bunsen, Kircbboff, etc.
Recherches expérimentales et théoriques sur les fgures
d’équilibre d’une 7nasse liquide sans pesanteur, séries 8
à il , par M. Plateau , professeur à l’Université de Gand.
Dans ce mémoire 31. Plateau termine une série de publica¬
tions qui remontent à 1852.
Le point de départ des travaux de 31. Plateau est bien
connu : il neutralise l’action de la pesanteur sur une masse
liquide relativement considérable , tout en laissant cette
masse libre d’obéir aux autres forces qui la sollicitent. Pour
cela il immerge une masse d’huile d’olive dans un mélange
d’eau et d’alcool de même densité qu’elle. Lorsque cette
masse suspendue dans le liquide alcoolique n’est adhérente
à aucun solide , elle prend , quel que soit son volume , la
forme d’une sphère parfaite. Quand on imprime à la sphère
— 99 —
d’huile un mouvement lent de rotation sur elle-même, on la
voit s’aplatir à ses pôles et se renfler à son équateur. Pour
une vitesse plus grande la masse après s’être fortement
aplatie se creuse à ses pôles puis se transforme en un an¬
neau régulier, comparable à l’anneau de Saturne. Dans
certains cas l’anneau se désunit et se résout en plusieurs
sphères isolées qui continuent pendant quelque temps à
tourner autour du centre de l’anneau originaire et souvent
prennent un mouvement de rotation sur elles-mêmes dans
le même sens que celui de l’anneau. L’auteur explique ainsi
l’origine des satellites qui tournent autour des planètes.
M. Plateau passe de là à l’étude des phénomènes capil¬
laires et des veines liquides lancées par des orifices circu¬
laires , puis à celle des lames liquides soustraites à l’action
de la pesanteur telle qu’une lame d’huile tenue entre deux
anneaux dans le liquide [catenoïde) . Il constate ensuite que
de grosses bulles d’huiles gonflées avec du liquide alcooli¬
que et immergées dans ce liquide prennent la même forme
sphérique qu’une masse d’huile pleine.
Le mémoire qui vient d’être publié est essentiellement
consacré à l’étude des Bulles de^avon , sujet qui avait déjà
occupé bien des savants. Newton se servit des bulles et de
la mousse de savon pour ses recherches sur la coloration
des lames minces. Leidenfrost publia en 1 756 , sur les bulles
(le savon, un mémoire rempli d’expériences ingénieuses,
mais aussi d’opinions bizarres ; il prétend que les animaux
et les plantes sont formés de petites bulles de savon et de
petits tubes de la même matière.
M. Plateau trouva que le liquide qui se prête le mieux à
la formation de bulles dans Pair est un mélange d’une solu¬
tion de savon de Marseille ou mieux d’oléate de soude avec
de la glycérine.
On sait que par suite du phénomène des interférences,
— 100 —
les bulles de savon sont colorées des nuances de l'arc-en-
ciel , la couleur dépend de l’épaisseur de la lame et peut
•
servir à la calculer. La chaleur en diminuant l’épaisseur
modilie la couleur; il suffit d’approcher le doigt d’une bulle
de savon pour voir la partie voisine qui était jaune, par
exemple, passer au vert.
D’après ces caractères, M. Plateau divise les liquides en
trois catégories :
i .** Liquides ne pouvant se gontler en bulles , ne donnant
que peu ou point de mousse ; les calottes sphériques qui
constituent la mousse quand elle existe ne se colorent pas
par suite de leur grande épaisseur. Exemple: eau, glycé¬
rine, acide sulfurique, ammoniaque.
2. ® Liquides ne pouvant se gonfler en bulles mais don¬
nant plus facilement de la mousse dont les calottes sphé¬
riques se colorent rapidement de toutes les teintes. Huiles
grasses, essence de térébenthine , alcool, éther.
3. ° Liquides donnant une mousse abondante et durable
se gonflant facilement en bulles; leurs lames prennent suc¬
cessivement toutes les teintes et peuvent rester longtemps
incolores, ce qui indique qu’elles acquiérent une grande
minceur (1 cent millième d^ millimètre). Exemple: solution
savonneuse , solutions desaponine, d’albumine, d’acétate
de proloxide de fer.
Dans les pages suivantes les particularités que présentent
ces diverses solutions sont examinées en détail.
Quant aux trois dernières séries du mémoire , elles sont
consacrées à démontrer que les conclusions des géomètres
s’accordent avec les observations de l’auteur.
Nous surprendrons certainement nos lecteurs en leur ap¬
prenant que le savant qui étudie avec tant de soin la forme
et la couleur des bulles de savon, est depuis six ans privé
de l’usage de la vue; il a dû de pouvoir continuer ses travaux
— loi —
au dévouement de sou lits et de ses nombreux amis. Parmi
ceux-ci citons un de nos compatriotes, M. Lamarle , pro¬
fesseur à rUniversité de Gand et membre associé de l’Aca¬
démie ; un grand nombre de considérations géométriques
mentionnées dans le mémoire de 31. Plateau sont dues à
ce savant.
Observations sur les phénomènes périodiques pendant les
années 1865 et 1866. Ce recueil d’observations réunies par
31. Quetelet, secrétaire-perpétuel de l’Académie, directeur
de l’Observatoire de Bruxelles , comprend : C les résumés
des observations météorologiques faites à Bruxelles , Gand,
Liège, Ostende, par 3131. Quetelet , Duprez, Leclercq, Ca¬
valier et 31ichel ; 2.® des observations sur l’époque de la
feuillaison , de la tloraison , de la défoliation des végétaux ,
du passage, de l’arrivée , du départ, des amours des oiseaux
et autres animaux , dues à plusieurs naturalistes belges.
Mémoire sur la température de Vair à Bruxelles , par
31. Ern. Quetelet, membre de l’Académie. C’est le résumé
des observations météorologiques faites à l’Observatoire de
Bruxelles, 1833 à 1862. Détachons-en quelques résultats.
L’amplitude diurne de la température, c’est-à-dire la diffé¬
rence entre la température la plus haute et la plus basse du
jour(i), est plus grande en été qu’en hiver: 10.° au mois de
juin, 4.® 1/2 au mois de décembre. L'heure de la tempéra¬
ture maximum de la journée est 1 heure 1/2 après midi en
hiver , et 3 heures 8 m. en été. Le moment de la tempéra¬
ture minimum a lieu à 6 heures 1/2 du matin en hiver, et à
4 heures du matin en été. Les températures de 9 heures du
matin et de 8 heures du soir indiquent à peu près la tempé¬
rature moyenne de la journée.
Des 30 années considérées, la plus chaude a été 1834
(}) Par jour en météorologie on entend une durée de 24 heures.
— 102 —
(température moyenne 11° 73) , et la plus froide 1845 (tem¬
pérature moyenne 8° 44). La température moyenne de ces
30 années est 9° 85. La plus grande chaleur observée à
Bruxelles a élé de 34° 7, le 15 juin 1858, et le plus grand
froid de — 18° 8, le 16 janvier 1838.
Une année froide a été suivie dix fois d’une année chaude
et quatre fois seulement d’une année froide. Il y a par con¬
séquent chance pour voir arriver une année chaude après
une année froide. Les années les plus chaudes 1834, 1846,
1857 , 1858 , suivent d’assez près celles où les taches solaires
ont été moins développées. L’effet d’un hiver froid est de
refroidir l’été ({iii suit, et celui d’un hiver chaud est d’é¬
chauffer l’été suivant (^). Les quatre étés qui ont eu la tem¬
pérature moyenne la plus élevée, ont amené des automnes
plus chauds que la moyenne.
Le mois de janvier est le plus froid de l’année, juillet est
le plus chaud; cependant le mois de décembre est le seul
où pendant ces 30 années il ait toujours gelé. Une gelée qui
commence avant le 26 novembre ne dure que un jour; une
gelée (pii vient après le 20 avril ne dure également que un
jour. Pendant ces 30 ans la première gelée s’est présentée
le 19 octobre et la dernière le 25 avril. La plus longue pé¬
riode de jours de gelée successifs a été de 45 jours en
1845 , puis de 33 jours en 1838. La plus longue période do
chaleurs a été de 19 jours en 1852, puis de 16 jours en 1852.
Le plus grand nombre de jours froids se sont présentés
après la nouvelle lune
Enlin M. Quetelet i*emarquc que dans cette période de
30 ans , le mois de janvier s est un peu échauffé tandis que
février s’est refroidi.
(1) Ce résultat est contraire à Popmion populaire, mais acceptons-
le avec plaisir et attendons-nous à ce que cet été le soleil nous verse
à Jlols sa bienfaisante clialeur.
— 103 —
Recherches sur les Sqiialodons , par M. Van Beneden,
membre de l’Académie, professeur à l’Université de Lou¬
vain. Lors des travaux des fortifications d’Anvers on a
trouvé dans les sables des restes d’un grand nombre de
Cétacés, entr’ autres d’un genre aujourd’hui perdu : le Squa-
lodon. Ces animaux qui s’éloignent beaucoup des autres
Cétacés ont comme les Dauphins les mâchoires armées de
dents coniques. La nouvelle pièce décrite et figurée par
M. Van Beneden est la partie antérieure de la mâchoire
inférieure. Elle provient du même gisement.
Sur un nouveau genre de Ziphioide fossile (Placoziphius)
trouvé à Edeghem, près Anvers^ par le même auteur. Il
s agit encore d’un Cétacé qui se rapproche des Cachalots
iZiphius) parce qu’il n a de dents qu’à la mâchoire infé¬
rieure , mais la largeur de cette mâchoire , bien supérieure
à celle du Cachalot, nécessite, selon M. Van Beneden , réta¬
blissement d’un genre distinct. Les débris du Placoziphius
Duboisii^ nom donné par le savant professeur au Cétacé en
question , ont été trouvés à Edeghem , dans une briqueterie
située près d’un fort détaché, dépendant du système défensif
d’Anvers , dans l’argile rupelienne de Dumont. 31. Van Be¬
neden pense que ces ossements pourraient provenir des
sables noirs d’Anvers et s’être enfoncés par leur poids dans
l’argile rupelienne sous-jacente.
'J. Gosselet.
La classe des lettres se trouve représentée dans ce vo¬
lume par un travail de M. Benier Chalon. Le président de
la Société de Numismatique belge, en dehors des produc¬
tions et de la chronique publiées par lui dans la Bevue
qu’il dirige depuis 28 ans, continue la série des travaux
dont il a, le premier, tracé le plan dans ses recherches sur
les monnaies des comtes de Hainaut.
— 105 —
Aujoiirtriiui c’est le lourdes seigueiirs de Florennes avec
la description de leurs sceaux cl de leurs monnaies. Ce
travail fait suite aux recherches sur les monnaies des
comtes de Naniur , du même auteur. Il ne peut avoir l’im¬
portance des précédents : la mine était moins riche ; mais
on y retrouve le faire, la profondeur des connaissances et
la perspicacité du maître.
Tout en reproduisant la généalogie des seigneurs qui ont
possédé successivement Florennes et Yves, c’est-à-dire les
familles de Rumigny , de Lorraine , de Chalillon et de Vau-
demont, M. R. Chalon commente, complète ou redresse
les généalogies établies par M3I. de Reiffenberg et Goë-
thals. Il décrit les monnaies frappées à Florennes aux types
du gros tournois, des doubles-tiers, du gros d’Alost, des
('slerlins et des demi-boldrager ou lions d’argent de Flan¬
dre , liièccs de grande l ai-cté pi’ovcnant presque toutes des
deux cabinets de BI. le comte de Robiano et de la Société
Archéologique de Namur.
A la suite de ces monnaies , M. R. Chalon donne les em¬
preintes de quelques sceaux les plus anciens des seigneurs
de la même terre, remontant au xiii.® et au xiv.® siècle , cl
termine par celui de la haute cour de justice de Florennes ,
en 1579. _ E. Va> Heade.
Dox Juan ü’autuiche, d'après les plus récents travaux
de M. Gachard. (‘)
L’historique des relations de Marguerite de Parme avec
son jeune frère forme l’objet de la troisième étude tle
M. Gachard sur Don Juan d’Autriche.
Les deux pi cmières, qui ne sont pas les moins pi(iuantes,
traitent de la mère et de l’enfance du prince.
BI. Gachard dépouille la mère de Don Juaii de la noble
(h Voir le commencement de cet article p.68 du Bulletin. 11 a paru
( Il entier (iüiis la Revue des Question hisloriques , X." du l ." avril IbGO.
— 105 —
origine que les historiens courtisans lui ont attribuée.» Char-
les-Quint, que sa nature, si nous en croyons les ambassadeurs
vénitiens , portait aux plaisirs des sens n’availpas l’habitude
de s’adresser , pour les satisfaire , à des femmes de qualité.
Bien différent en cela de François son rival , on ne lui
connut jamais de maîtresse parmi les dames de la cour. »
On pourrait donc, rien que par conjecture, affirmer presque
que Barbara Blombergb était de condition médiocre.
Devenue mère de Don Juan, elle épousa Jérome Regel,
« pauvre hère allemand » comme elle , et qui vraisembla¬
blement se maria avec elle « dans le but de parvenir à
quelque chose. » M. Gacbard , livres de comptes en main ,
donne le détail des avantages, assez modestes d’ailleurs,
(lue l’Empereur fit à cet officieux. Au mois de juin 1569 ,
Barbara perdit son mari. Il ne manqua pas d’hommes qui
auraient voulu l’épouser en secondes noces , et cependant
elle restait pauvre avec beaucoup de dettes. Philippe II ,
dès qu’il eut été informé de sa triste situation , prescrivit
au duc d’Albe de fournir à cette femme des moyens con¬
venables d’existence. Mais il tenait à ce qu’elle ne restât pas
dans Bruxelles. Madame de Blombergb (c’est ainsi qu’elle
se qualifie désormxais) consentit à aller vivre , non pas à
Mons où le duc d’Albe l’engageait à se fixer , mais à Gand ,
en pa)s de langue flamande. Le roi n’aurait pas été fâché
de la voir entrer dans un couvent. Aussi essayait-il de l’at¬
tirer en Espagne , invitation à laquelle la mère de Don
Juan n'eut garde de se rendre.
C’était une étrange femme que Madame de Blombergb.
Entêtée, dépensière, de mœurs au moins suspectes , elle
ne laissait pas de donnei* de l’embarras à ce terrible duc
d’Âlbe , cbai-gé de veiller sur sa conduite et de pourvoir
à ses besoins.
Quand Don Juan d’Autriche , qui n’avait jamais cessé de
— 106 —
s’intéresser à elle , eut pris en main le gouvernement des
Pays-Bas , il comprit l’absolue nécessité où il était de l’é¬
loigner de ces parages. Sous prétexte de l’envoyer à Aquila,
auprès de Margueiâte de Parme , il la dirigea par mer sur
l’Espagne , où on la mit chez les religieuses de Santa
Maria la Real , à sept lieues de Valladolid. Elle obtint d en
sortir après la mort de Don Juan et de se retirer , pour y
finir ses jours , à Colindres , dans la maison du secrétaire
Escobedo.
Barbara Blombergli survécut à un fils qu’elle avait eu de
Jérome Regel et pour qui Don Juan s’était montré bon
frère. Elle même mourut en lo98.
Comme on le voit, la mère du héros de Lépante n’avait
eu elle rien d’héroïque. Don Juan tenait de son père ses
grandes qualités. A quel système d’éducation fut-il soumis
durant son enfance et sa première jeunesse ? — Tel est le
point que M. Gacbard examine dans sa deuxième étude.
Après avoir fixé indubitablement la naissance de Don
Juan en 1547 et conjecturé qu’il vit le jour à Ratisbonne,
le docte écrivain émet l’opinion que l’enfant royal fut d’a¬
bord élevé en Belgique. Adrien Dubois, aide de chambre
de l’Empereur , et à qui ce prince avait confié le soin de
faire nourrir en secret le fruit de ses dernières amours ,
Adrien Dubois était belge. « C’était aux Pays-Bas qu’il
avait le plus de relations et de connaissances. Qu’y aurait-
il d’extraordinaire à ce qu’il y eût fait transporter l’enfant
commis à sa garde , dans les jours qui suivirent sa nais¬
sance, ou peu de temps après? » Ce qui est incontestable ,
c’est que Don Juan se trouvait dans ces provinces en 1550.
Le 13 juin de cet année-là, François Massy , joueur de
viole de Sa Majesté et Ana de Médina , sa femme , recon¬
naissent avoir reçu, d’Adrien Dubois , un enfant qu’ils s’en-
— 107 —
gagent à élever comme leur fils propre , sans révéler à
personne le nom de son père.
Massy était belge comme Adrien Dubois. Mais, sa femme
ne se plaisant point dans les Pays-Bas dont le climat était
nuisible à sa santé , il demanda et obtint de l’Empereur
la permission de se retirer à Leganes , où Ana de Médina
possédait quelque bien. I/enfant , baptisé sous le nom de
Geronimo , grandit dans ce coin de l’Espagne , n’ayant
pour compagnons que de simples paysans.
Charles- Quint finit par se reprocher l’état d’abandon où
il laissait son fils ; il pria l’un de ses maîtres d’hôtel , Luis
Mendez Quijada , de donner au jeune prince une éducation
en rapport avec son origine. Quijada y consentit et trans¬
porta l’enfant à Cuacos, dans l’un de ses châteaux. Sa
femme Doua Magdalena de Ulloa , qui n’était point dans
le secret de la naissance du petit Geronimo , l’essentit à son
arrivée un mouvement de jalousie conjugale et ne fit d’a¬
bord au nouveau venu qu’un assez froid accueil. Mais, ses
premières inquiétudes dissipées , elle le traita comme son
propre fils.
Il y a plaisir à constater avec M. Gachard que Don Juan,
quand il eut pris rang de prince à la cour de Philippe II ,
se montra profondément reconnaissant envers les véné¬
rables époux aux soins desquels il devait de se trouver
immédiatement à la hauteur de sa nouvelle position.
Nous ne suivrons pas plus loin dans ses attachants récits
l’éminent archiviste de Belgique. Nous en avons assez dit
pour prouver que ses Etudes encore inachevées sur Don
Juan ne le céderont point en intérêt à celles sur Don
Carlos (ju’il a, depuis longtemps, réunies en volume.
A. Desplanque.
— 108 —
CONFERENCES ET COURS PUBLICS.
Coiîtcrenccs de Douai ( suite ).
LES FAMINES ET LES DISETTES, par M. Comc rils(’). —
M. Anatole Corne qui se souvient de l’adage : « naissance
oblige » a , dans deux conférences d’un style élégant ,
exposé de saines notions d’économie publique. Le 1.®"
Mars, il a traité de l’iiistoire, des causes et des effets des
famines. Le 8 , il a indiqué des remèdes pour prévenir le
retour de semblables lléaiix.
Dans les sociétés primitives, la famine est pour ainsi dire
l’état normal. N’y a-t-il pas encore, dans les îles où la
civilisation n’a point pénétré , des antbropopbages ? Sur les
continents , où le gibier est plus abondant, le cannibalisme
est plus rare. Néanmoins la chasse et la poche n’y suffisent
pas toujours aux besoins des habitants. C’est ainsi que nous
voyons les sauvages de la Floride recourir , pour apaiser
leur faim, aux araignées, aux œufs de fourmis, aux vers
et meme à une terre grasse remplie d’animalcules.
Les peuples pasteurs n’échappent pas aux horreurs de la
famine. Nous frémissons encore au souvenir des scènes
navrantes dont notre colonie de l’Algérie a été, l’an
dernier , le théâtre.
Les législateurs grecs considéraient la disette comme une
conséquence tellement inévitable de l’exubérance de la
population que, pour la conjurer, ils légitimaient les pra¬
tiques réputées aujourd’hui les plus criminelles.
Quoique nourri par ses immenses provinces, le peuple
romain craignait sans cesse de mourir de faim.
Au moyen-âge , les famines prennent un caractère pério-
(D Cette conférence est résumée d’après deux journaux douaisiens:
V Indépendant et le Courrier.
— 109 —
dique. On n’en compte pas moins de vingl-six en France
durant le xi.® siècle. Raoul Glaber écrivait en 1030 : « C’est
désormais un usage consacré que de manger de la chair
humaine. » On en vendait alors sur les marchés publics.
Pendant le xiv.® siècle et la première moitié du xv.®, les
famines furent incessantes. Notre belle et opulente Flandre
devait à son commerce et à ses nombreuses transactions
d’être plus préservée que les autres provinces de ces
cruelles épreuves. Douai n’en a pas moins subi, en 1347,
une famine dont M. Anatole Corne a tracé un saisissant
tableau.
A partir du milieu du xv.® siècle jusqu’au xviii.®, on ne
compte guère plus qu’une année de disette sur dix. Depuis
1800 , il y a eu cinq disettes : en 1812 , 1817 , 1821 , 1847
et 1856.
Trois causes, a dit l’orateur, engendrent les disettes et
les famines : la concentration en un même lieu d’une popu¬
lation trop nombreuse, l’aridité du sol , les entraves appor¬
tées à la libre circulation des grains.
Examinant ensuite les divers remèdes proposés ou essayés
contre le mal dont il vient de décrire les ravages et d’indi--
quer les sources , M. Corne condamne les distributions de
blé à prix réduit telles qu’elles se pratiquaient à Rome
sous l’Empire et que nous les retrouvons en France sous
l’ancienne monarchie. Il réprouve aussi les lois de maxi¬
mum mises en vigueur par la Révolution. Enfin, et en
disciple intelligent d’Adam Smith, il flétrit, comme elle
mérite de l’être , la doctrine de 3Ialthus.
Deux mille ans avant ce publiciste, Platon et Aristote
avaient suggéré divers moyens d’empêcher le développe¬
ment trop rapide de la population. De nos jours, quelques
états d’Allemagne possèdent encore des lois créées dans ce
but. Plusieurs sectes en Russie sont instituées au même effet.
— no¬
ce remède, suivant M. Corne, est pire que le mal: il
encourage l’avortement et l’infanticide ; il pousse au con-
cubinat et favorise même le libertinage. Mieux vaut cent
fois travailler à augmenter la production des denrées alimen¬
taires en encourageant les progrès de la science agricole et
en donnant à ses produits toute facilité pour s’écouler.
A. Desplanqüe.
REUNION GENERALE
LES SOCIÉTÉS SAVANTES.
La Réunion générale des Sociétés savantes s’est ouverte
à la Sorbonne le mardi 30 mars. Elle a été close par la dis¬
tribution des récompenses le samedi 3 avril. Nous allons
rendre compte sommairement des lectures qui ont été faites
dans cette Réunion par des personnes appartenant au ressort
de l’Académie de Douai ou sur des sujets intéressant notre
région.
SECTION d’histoire ET DE PHILOLOGIE.
Président: M. Amédée Thierry, sénateur, membre de
l’Institut.
Séance du 30 mars. — M. l’abbé Dehaisnes a décrit un
manuscrit de la Ribliotbèque de Douai composé, de 911 à
954, par un moine anonyme de Saint-Vaast d’xVrras. Pour
la période mérovingienne , ce manuscrit résume , en y ajou¬
tant certains faits inédits, l’Histoire de Grégoire de Tours ,
les Gesta Francorum, la chronique de Frédegaire et de ses
deux continuateurs. Pour la période carlovingienne anté¬
rieure à Louis-le-Débonnaire, il suit, en les complétant
parfois, les Annales de Lorsch et de Metz ainsi que celles
d’Eginhard. De 830 à 844 , il reproduit les Annales , dites
de Saint-Rertin et , de 844 à 899 , il présente la rédaction la
plus complète et la plus. ancienne des Annales Vedastini.
— iii —
En comparant les textes publiés de ces deux dernières chro¬
niques avec le manuscrit de Douai, M. l’abbé Dehaisnes a
relevé plusieurs centaines de variantes.
« M. le président remercie M. Dehaisnes de cette com¬
munication qu’il regarde comme très-importante au point
de vue des origines de l’histoire de France, (i) »
M. WiLBERT , président de la Société d’Emulation de
Cambrai, a traité de la domination espagnole en cette
ville, de lo9o à 1677. Il est remonté à l’origine du pouvoir
temporel des évêques, pouvoir que ceux-ci abdiquèrent
entre les mains de l’Espagne, lorsqu’ils furent devenus
incapables de le défendre.
La domination espagnole, dit M. Wilbert, ne fit que
perpétuer les souffrances auxquelles elle avait pour mission
de remédier. La ville de Cambrai possédait, avant cette
époque, tous les éléments de civilisation qui ont fait sa
gloire et sa richesse ; elle ne doit rien à ses conquérants , ni
sa coutume, ni ses Etats, ni ses fondations d’instruction ,
ni ses établissements hospitaliers et charitables, ni ses
usages, ni son idiome vulgaire , ni son architecture ; elle
n’a conservé d’eux que le souvenir de ses misères.
M. l’abbé Corblet , membre de la Société des Antiquaires
de Picardie , communique le résumé de ses recherches sur
l’origine liturgique du patronage des boulangers. Il trouve
cette origine là où personne avant lui n’avait eu l’heureuse
idée de l’aller chercher : dans le texte même de la légende
de Saint-Honoré. Il explique, d’après un trait de la vie de ce
glorieux évêque , sa caractéristique ( trois pains sur une
pelle de four) qui a donné naissance au culte dont la Corpo¬
ration des boulangers l’a longtemps environné.
Séance du 31 mars. — M. Desplanque, délégué de la
{*) Journal officiel du 31 Mars 18G9.
— 112 —
Société des Sciences de Lille , lit une étude sur un poème
latin inédit de Milon, religieux de Saint-Ainand-d’Elnon
au IX.® siècle. « Après avoir replacé le moine-poète dans le
milieu intellectuel où il a vécu, enseigné, chanté, M. Des¬
planque passe rapidement en revue celles des œuvres de
Milon qui sont, depuis longtemps, entre les mains du
public. Abordant ensuite l’examen du long poème de la
Sobriété, dont on ne connaissait jusqu’ici que la Dédicace
à Charles-le-Chaiive , le futur éditeur de ce poème en pré¬
sente une complète analyse , en caractérise le genre , en
signale les beautés et les défauts. Il insiste sur les emprunts
que le poète carlovingien a faits à la littérature classique. Il
étudie ensuite , dans Milon , le théologien et le moraliste ,
l’interprète des livres saints et le maitre ès-arts libéraux.
Arrière-disciple d’Alcuin, Milon se continue dans Hucbald,
son neveu et son disciple. Il relie ainsi le viii.® siècle au x.®.
Grâce à lui , la tradition littéraire dans.l’extrême-nord de
la France ne fut pas un seul instant interrompue. (^) »
Séance du avril. — M. Jules Périn, jurisconsulte et
paléographe , délégué de l’Académie d’Arras , traite de la
condition du Détenu pour dettes au moyen-âge. Il fait con¬
naître le pouvoir dominical accordé au créancier sur la
personne de son débiteur , particulièrement dans les cités
llamandes de Lille, d’Ypres, etc. Il rappelle l’existence,
dans celte même région , d’une pratique singulière consis¬
tant à enchaîner le prisonnier pour dettes avec un gardien
gagé à ses frais , en chartre privée , c’est-à-dire dans le
domicile de son créancier. On voit le chemin que nous avons
fait , depuis le xiv.® siècle , pour arriver à l’abolition de la
contrainte par corps , tant en France qu’en Belgique.
Séance du 2 avril. — M. l’abbé Carlet , membre du
(1) JouRXAL OFFICIEL du 1.*’’ Avril.
— i 15 —
Comité archéologique de Noyon , communique un mémoire
sur saint Angilbert, l’iin des personnages les plus consi¬
dérés de la cour de Charlemagne et l’un des abbés les plus
vénérés du monastère de Saint-Riquier. Si l’on s’en rapporte
aux traditions de ce monastère, Angilbert , revêtu déjà du
sacerdoce , aurait épousé la princesse Berthe , fille de Char¬
lemagne , et la plupart des historiens reproduisent avec
complaisance ce thème étrange. M. l’abbé Carlet discute les
documents sur lesquels cette opinion s’est fondée ; il prouve,
par l’étude des dates , qu’Angilbert , après deux années
d’un mariage légitime , quitta la vie séculière , avec le con¬
sentement de son épouse , et devint abbé de Saint-Riquier.
Tout en se trouvant d’accord avec son savant confrère
M. l’abbé Corblet sur l’objet principal du débat : à savoir
qu’Angilbert n’a pas séduit Berthe, M. Carlet se sépare,
sur certains faits accessoires, sur certains points chronolo¬
giques, de l’opinion de l’auteur de Y Hagiographie du Diocèse
d'Amiens. C’est là une question dont nous aurons peut-être
un jour l’occasion de reprendre l’examen.
M. Aristide Déy, membre de la Société académique de
Laon , traite de la condition du peuple dans le Comté de
Bourgogne au moyen-âge. En s’autorisant des ouvrages les
plus estimés sur la matière , il passe successivement en
revue : l.“ la condition des personnes ; 2.® celle des biens ;
3.® celle des communes. Après avoir jeté un coup-d’œil sur
les temps antérieurs au moyen-âge , l’auteur s’occupe de la
condition du i)euple sous les Bourguignons et les Francs ;
puis il parle des seigneurs , des bourgeois ou hommes
libres, des serfs ou esclaves, enfin des justices seigneuriales
et do la législalion.
M. BRUl\-LÂVAJ^■^E , membre de la Commission histoiâque
du département du Nord , lit une étude sur l’origine du
droit coutumier. Il s’efforce d’établir, qu’en général , les
— 114 —
coutumes locales des villes de France s’étaient formées de
temps immémorial , non par concession des souverains ,
mais par le libre consentement des premiers habitants , et
qu’elles se transmettaient par tradition, de siècle en siècle,
comme un héritage des ancêtres. Presque toutes les chartes
de communes ne font que confirmer des libertés et des fran¬
chises dont les bourgeois étaient déjà en possession. L’au¬
teur entre à ce sujet dans des détails particuliers à la ville
de Lille et à quelques autres villes du nord de la France.
M. Barbey , membre de la Société historique de Cluitcau-
Tliieri y, en l’absence de 31. de Venus, membre de la même
société , lit un mémoire dans lequel ce dernier prétend que
les princes de la maison de Coudé tirent leur nom de la teri’e
de Condé-en-Brie ( Aisne ) et non pas, comme on l’a cru
jusqu’ici et coinine on Fa toujours affirmé, de la terre de
Coudé en Hainaut: « Cette opinion, qui ne paraît pas
encore entièrement prouvée par 31. de Vertus, soulève des
objections de la part de quelques membres. L’assemblée
trouve néanmoins la question digne d’être examinée et
regrette que le temps lui manque pour la discuter convena¬
blement, surtout en l’absence de l’auteur, qui aurait pu jeter
quelques lumières sur ce point d’bistoire. (') »
SECTION d’archéologie.
Président : 31. le marquis de La Grange, sénateur, mem¬
bre de l’Institut.
Séance du acril, — Par la comparaison des monu¬
ments de la bijouterie méi’ovingienne avec les nombreux
chapiteaux de l’Eglise de Chivy (Aisne), 31. Fleury, secré¬
taire-général de la Société académique de Laon , a essayé
de rapporter à cette époque reculée les chapiteaux en ques¬
tion, qu’un jeune artiste de talent , 31. 3Iidoux , a récemment
P) Journal officiel du 4 avril.
— 115 —
dégagés de répaisse coLiche de badigeon qui les recoin rail.
Suivant M. Fleury, « Fart est un à chaque époque , et du
style dos bijoux on peut conclure à celui de la sculpture. »
M. l’abbé Cochet , présent à la séance , remarque que,
sur le nombre des chapiteaux de Cliivy , dont M. Fleury
place le dessin sous les yeux de l’assistance, il peut y en
avoir de postérieurs à la période mérovingienne. Le savant
ecclésiasli(iue n’est pas, du reste, éloigné d’admettre l’en¬
semble des conclusions du mémoire, conclusions qui, si elles
étaient délinitivement adoptées par les archéologues, rece¬
vraient de nombreuses et utiles applications.
Séance du 2 avril. — 31. 3Iattox , archiviste de l’Aisne,
délégué de la vSociété académique de Laon, donne lecture
d’un travail intitulé : Les Enseignes de Saint-Firmin. C’é¬
tait un commerce lucratif au moyen-âge, que les enseignes
de plomb, qui ont précédé les médailles de dévotion encore
populaires aujourd’hui. 31. 3Iatton a trouvé, dans ses archives
(ju’il connaît si bien , de curieux détails sur ces petits monu¬
ments qui méritent de fixer l’attention des archéologues.
31. Cousi.N , président de la Société Dunkerquoise , lit un
travail intitulé ; Derniers éclaircissements sur remplace¬
ment de Quentovic. Les questions de géographie comparée
sont au nombre de celles qui ne trouvent pas facilement de
solution définitive. Sera-t-on jamais d’accord sur le véri¬
table emplacement de Quentovic? Si une profonde convic¬
tion et une argumentation seri*ée suffisaient pour ralliei'
tous les esprits, il faudrait proclame)* que Quentovic était
où est aujourd’hui la ville d’Etaples.
31. J. Quicherat présente quelques objections sur l’inter-
prétation donnée par 31. Cousin à certaines dénominations ,
notamment sur le terme villa [domaine rural) qui, suivant
le savant professeur, ne signifia iu7/e , dans le sens mo¬
derne de ce mot, qu’à une époque plus récente que celle à
— 1 16 —
laquelle le président de la Société dunkerquoise le prend
dans ce dernier sens. D’ailleurs , 31. Quiclierat est loin de
vouloir infirmer , au fond , l’opinion de 31. Cousin.
SECTIOV DES SCIENCES.
Président: 31. Le Verrier, sénateur, membre de l’instilul.
La deuxième Commission (Physique et Chimie) a élu pour
son secrétaire 31. Corenwinder, membre de la Société des
Sciences de Lille. Notre savant compatriote a , dans la
séance du 1." avril, fait connaître le résultat de ses expé¬
riences sur la respiration des feuilles. S. E. 31. le ministre de
rinstruclion publique, étant entré dans la salle et ayant pris
place au fauteuil pendant cette lecture , a daigné témoigner
à 31. Corenwinder l’intérêt que lui a causé sa communication.
SÉ.WCE SOLENNELLE DU 3 AVRIL.
Dans cette séance , que présidait S. E. 31. le 31inistre de
l’Instruction publique , une médaille d’argent a été décer¬
née à 31. Viollette , professeur à la Faculté des Sciences de
Lille , pour ses travaux de chimie.
Ont été proclamés officiers d’Académie :
31. Lefebvre, dit Faber, bibliothécaire- archiviste de
Cambrai , correspondant du Comité.
31. Descbamps de Pas, jngénieur à Saint-Omer , membre
de la Société des antiquaires de la 3Iorinie.
31. Vincent, secrétaire de la Commission historique du
Nord. A. Desplanque.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
Histoire naturelle. Le Loup. — Depuis la publication ,
dans le dernier numéro du Bulletin, de notre article sur le
Loup , nous avons lu dans le Journal de Vervins, le fait
suivant qui mérite de trouver place ici :
3Iardi dernier , deux honorables chasseurs deVervins,
locataires de la chasse du Val-Saint-Pierre, informés que
— 117 —
plusieui's loups venaient de se rembnclier à la forêt , s’y
transportèrent aussitôt afin de leur donner la chasse.
A peine les traqueurs avaient-ils commencé leur battue ,
qu’un loup magnifique débucha tranquillement et passa en
travers , à vingt pas de M. Duflot, l’un des chasseurs, qui
lui envoya une chevrotine en pleine poitrine. Le projectile
traversa le cœur, très-probablement, et la bête tomba
comme foudroyée.
Le Sanglier. — Le Sanglier fut, comme le Loup, très-
commun autrefois dans les forets humides qui couvraient
notre sol ; mais il était loin d’inspirer le même sentiment
d’effroi. Son naturel farouche, craintif et pas du tout car¬
nassier, ne le mettait guère en contact avec l’homme. On
sait qu’il ne l’attaque que forcé dans ses derniers retranche¬
ments. Tout au plus doit-il à son caractère d’être regardé
comme l’emblème de la brusquerie misanthropique.
En 1817 et 1818, les Sangliers étaient encore sédentaires
et communs dans la forêt de Mormal : ils en ont disparu
en 1821 , chassés ou détruits par l’équipage de chasse de
M. le comte Descleps. Quelques-uns reparurent encore,
mais sans s’y propager ; celui qui figure empaillé dans les
galeries du Muséum de Lille provient de cette forêt et porte
la date de 1823.
Ils sont encore communs dans la forêt des Ardennes et
en sortent fréquemment pour dévaster les champs de pom¬
mes de terre, sur les lisières du bois. Les cultivateurs leur
font une guerre acharnée, et sont souvent obligés d’allumer
des feux la nuit pour les tenir éloignés.
Dans les bois du Nouvion , entre Rethel et Mézières , leur,
présence causait aussi des dégâts importants. L’année der¬
nière, des chasses réitérées en ont détruit vingt-six; les sur¬
vivants sont partis, mais au Nord du département des Ar¬
dennes , vers la frontière belge : on en signale encore en ce
— 1 18 —
moment une cinquantaine qui causent aux cultivateurs des
pertes notables.
La rive gauche de la Sambre-Meuse paraît en être à peu
près exempte, ils ne traversent guère ces rivières que dans
les hivers rigoureux ; quelques individus s’égaient alors
jusque dans la Campine et les plaines de la Hesbaye.
Malgré sa lourdeur plus apparente que réelle , le San¬
glier est loin d’étre sédentaire. Lorsqu’on trouble son repos,
il quitte volontiers ses retraites et va chercher ailleurs des
bois plus tranquilles. M. ^larcotte cite à ce sujet un fait (jue
j’ai entendu conürmcr par de vieux chasseurs du Ponthieu.
Les Sangliers étaient autrefois communs dans la forêt de
Crécy, arrondissement d’Abbeville; fatigués par les chasses,
par le percement des routes, par le nettoiement des fossés
et des chemins d’exploitation , ils émigrèrent presque tous
en 1833. On raconte même qu’ils pai tirent tous ensemble
dans la même nuit, ce qui n’a pas été prouvé ; mais ce qui est
certain c’est qu’une borde très-nombreuse quitta une nuit
la forêt et descendit dans la vallée de la Somme pour gagner
la forêt d’Eu ; ils furent surpris dans la baie par la marée
montante et périrent presque tous.
Depuis , leurs appariions dans les bois de la Somme et
du Pas-de-Calais ont été irrégulières, et leurs captures y
sont citées comme des faits de chasse dignes de passer à la
postérité. A. de Norguet.
CHRONIQUE.
i?létéorolog:ie. Mois de mars 1869. — La température
atmosphérique moyenne du mois de mars 1868 a été de
2° 08 bien au-dessous de la moyenne générale de mars
(o®4o4;et plus basse aussi que celle des mois de mars
depuis 18 ans. La moyenne des minima a été de 0® 64 , celle
— J 19 —
des maxima 3“ o2 ; les températures extrêmes — Î2 ’ 6 , le 4 ,
et 1:2° O , le 31. Le nombre des jours de gelée a été de 12 ;
les vents dominants N. etN.E. forts.
La tension de la vapeur d’eau qui ordinairement est de
3 mill. 3o n’a été que de 4 mill. 72 ; l’humidité relative
moyenne qui est de 77.71 °/o a été de 81.0 “/g. Ce mois a
donc été beaucoup plus humide que les mois correspondants
des années antérieures.
La quantité de pluie tombée en 22 jours a fourni une
couche d’eau d’une épaisseur de 57 mill. 70 composée de;
eau de pluie 25 mill. 32 , eau de neige 26 mill. 60, e‘au de
grêle 5 mill. 70. — La quantité moyenne de pluie qui tombe
ordinairement en mars est de 45 mill. 85, il y eut dans ce
mois 12 jours de neige et plusieurs fois la terre en fut cou¬
verte.
L’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut de 44 m. 74
inférieure à celle d’une année moyenne (46 mill. 32).
Si les couches d’air en contact avec le sol furent très-
humides, les couches supérieures ne le furent pas moins ce
que démontrent la quantité d’eau tombée, le nombre des
jours de pluie, la nébulosité du ciel et la dépression de la
colonne barométrique dont la hauteur moyenne à 0° ne fut
que de 753 mill. 877 oscillant entre les extrêmes 767 m. 50
et 738 mill. 75. La hauteur moyenne du baromètre en mars
est de 758 mill. 566.
On observe dans ce mois 25 jours de brouillard, 10 de
rosée, 3 de gelée blanche, 6 de grêle, 3 de givres , 1 de
tempête. Meureix.
Histoire naturelle. Cygnes^ Porc-Epic. — M. Del-
planque, conservateur du musée de Douai, nous commu¬
nique les faits suivants :
Dans le courant de janvier on a abattu dans le marais de
Roost-AYarendin , près de Douai, deux Cygnes, mâle et
— 1:20 —
femelle , de l’espèce nommée Cygnus immutabilis qui dif¬
fère du Cygne ordinaire par la couleur du bec et des pattes.
Il y a quelques mois on a pris à Dury , Pas-de-Calais, un
Porc-Epic. Inutile de dire que cet animal originaire de
l’Afrique et du Midi de l’Europe doit s’être échappé de
quelque ménagerie ambulante. J. G.
Découverte cVune défeiise cVéléphant.— On a découvert, il
y a quelques jours , dans les graviers du diluvium des envi¬
rons de Saint-Omer une défense d’Eléphant qui a 1 m.45 c.
de longueur; l’extrémité antérieure manque, mais tout fait
espérer qu’on pourra l’extraire de la i*oche où elle est encore
encaissée. Le diluvium des environs de Saint-Omer a déjà
fourni plusieurs débris d’Elépbant. M. Dupuis, de cette ville,
en possède dans sa riche collection , trois molaires et deux
défenses qui ne le cèdent pas pour la taille à celle qu’on
vient de trouver. J G.
iiiisécs et Colleciioiis. — Le Musée de dessin de Lille
vient de s’enrichir de quatre pièces de première valeur, pro¬
venant de la collection d’un artiste lillois, le peintre Boilly.-
Ce sont : 1 le portrait de Diane de Poitiers, d’après nature,
par Clouet, dit Janet , peintre de Henri II. — ^2." La pre¬
mière idée du fameux tableau de la Méduse , esquisse à la
plume parGéricault. — 3.* Un paysage à la plume et au lavis,
de Claude Lorrain, que l’on peut considérer comme la pen¬
sée première de son tableau dit le Grand-Pont. — 4.“ Une
composition de rinceaux d'acanthe, avec figures et animaux,
faite par Jean d’Udine pour Raphaël. J. G.
Rectification. — M. Fuix nous communique quelques observations
au sujet (le Tanalyse de son mémoire inséré dans le dernier numéro
de notre Bulletin.
La comparaison de la ligne droite à un fil inextensible d’une ténuité
extrême tendu par deux forces contraires n’est pas , comme on pour¬
rait peut-être le croire d’après notre analyse, une définition scienofique
mais une image dont s’est servi l'auteur pour rendre sensible l’idée de
l’élément linéaire. J. G.
Le Gérant ; E. Castiaux.
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
N.“ 5. — Mai 1869.
TRAVAUX DES SOCIETES.
SOCIÉTÉ DUNKERQUOISE POUR l’eîSCOURAGEMEM
DES SCIE^■CES , DES LETTRES ET DES ARTS
Mémoires, t. xiii , 1868
La Société Dunkerqiioise pour rencouragement des
Sciences, des Lettres et des Arts fut fondée en 18ol. Elle a
donné la preuve de son activité en publiant en 1868 , après
dix-sept années seulement d’existence , le 13. volume de
ses mémoires. Elle comprend 30 membres titulaires rési¬
dants et 8 non-résidants, 43 membres honoraires, 140 cor¬
respondants, 13 associés libres.
Membres titulaires résidants :
MM. Cousin , ancien magistrat ; Président.
Epin.w, prof, de Rliét. au collège ; Vice-Président.
Guthlin , prof, au Collège ; Secrétaire perpétuel.
Bonvârlet-Uurin , consul de Danemarck; A rc/iiu.
Alard, consul des Pays-Bas; Trésorier.
Delelis , maire de la ville ; Président honoraire.
Bernaert, ancien professeur, négociant.
Carlier négociant , memb. du Conseil. -Gén.
Charlîer, professeur de Physique au Collège.
Conseil^, ancien capitaine du port.
de Clebsattel^, membre du Conseil-Général.
DE Læter^, doyen-curé de Saint-Eloi.
Delègue , professeur de Philosophie au Collège.
De Maindreville^/^, président du Tribunal civil.
Desmit , professeur de Peinture.
Develle , architecte de la ville.
Everhaert , avocat.
Gambiez, professeur de Mathématiques au Collège.
Hab\r , gérant du journal V Autorité.
Hovelt , notaire.
Mollet, 0.^, ancien maire de Dunkerque.
Mordacq, inspecteur primaire.
Nys, propriétaire.
— 12-2 —
Plücq^, ingénieur en chef des ports du Nord.
Ribeiue, principal du Collège.
Robimet, receveur de la poste.
ÏERQUEM^, professeur d’Hydrographie.
ZA^’DYCK , docteur en médecine.
Membres litulaii-es non-résidants :
Rebgerot, maire d’Esquelbecq.
DA>iTü-l)A>iBRicoLRT^, fabricant de sucre à Steene.
Di ria’-Rayart , fabricant de sucre à Steene.
Herwyn , à Rergues.
Lebeaü , à Woi inhoiit.
Lernolt, docteur en médecine à Wormliondl.
Cutters, architecte à Rergues.
Le treizième volume des .Mémoires de la Société Dunker-
(luoise s’ouvre par un discours prononcé par son président
M. Terquem lors de la séance publique du 16 décembre
1867. L’oraleur fait appel à l’initiative individuelle et
donne , comme exemple , sous ce rapport , son regretté
collègue Victor Derode.
C’est encore ce nom , cher aux Sociétés de Dunkerque et
de Lille , qui clôt le volume. M. Güthlin , secrétaire perpé¬
tuel de la Société , y trace , en termes judicieux et forte¬
ment sentis , la biographie du regretté défunt.
Les Sciences sont représentées dans ce volume par les
(Observations météorologiques faites à Dunkerque pendant
l'année 1865-66, par M. Zandyck, membre titulaire ; les
Arts par des notices étendues sur VHistowe de l'Art et sur-
la Philosophie de l’Art, par M. l’Hote , alors membre titu¬
laire et récemment devenu correspondant par suite de son
départ de Dunkerque. Ces notices font partie d’une série
de mémoires dont la publication n’est pas encore terminée :
nous attendrons , pour en rendre compte, que l’auteur ait
résumé , dans une vue d’ensemble , ses savantes considéra¬
tions. M. l’Hote n’est pas seulement artiste et littérateur , il
est aussi poète; le présent volume lui doit deux pièces:
la Fille de l’Hôtesse et le Dernier jour de Pompéi,
— 123 —
Le Dernier jour de Pompéi est un sujet bien souvent
traite. Comme ses devanciers , l’auteur fait intervenir un
fleuve de feu qui lèche en sifflant les Portiques; il fond, il
brûle, aujoute-t-il. Cependant, il n’y a, à Pompéi , aucune
trace de fusion ou de calcination; si le feu ou la lave était
intervenu dans la destruction de la ville romaine , on n’y
retrouverait pas ces colonnes de marbre, ces statues, ces
mosaïques et surtout ces admirables fresques qui font du
Musée pompéien l’une des plus grandes curiosités de l’uni¬
vers. Pompéi a été ensevelie sous une pluie de cendres et
de pierres-ponces qui a couvert le sol de la ville d’une
couche de 1 mètre 30 à 3 mètres d’épaisseur. Les habitants
ont eu le temps de fuir et d’emporter en grande partie
leurs trésors. On pardonnera d’autant plus facilement à
M. l’Hote d’avoir substitué le courant de lave à la pluie de
cendres, qu’il n a fait qu’adopter l’opinion vulgaire et qu’un
poète n’est pas tenu de savoir la géologie.
Un autre poète, M. Mordacq, membre titulaire de la
Société , a enrichi le même volume de quelques vers adres¬
sés à Dunkerque ; il chante la ville , il chante son histoire et
montre qu’il est vraiment :
<> Amoureux de Dunkerque et Dunkerquois de cœur! »
Un Episode judiciaire du xiv.® siècle , par M. Güthlin.
— M. Güihlin , qui est aussi poète, renonce pour un jour
au langage des vers et fait une heureuse excursion sur le
domaine de l’histoire locale. Il raconte, d’après des docu¬
ments publiés par M. Diegerick, les poursuites auxquelles
donna lieu la perpétration d’un assassinat et d’un arsin ,
commis en 1326, dans la ville de Comines, par des bour¬
geois d’Ypres. Il entremêle, de piquantes réflexions, le récit
de cet incident qui eut pour résultat de mettre en mouve¬
ment les puissantes communes de Flandre et le roi de
France lui-même. Quant à l’acte sauvage qui fut la source
— 124 —
de ce long démêlé judiciaire , il semble avoir été occasionné
par la rivalité existant, de temps immémorial, entre les
drapiers d’Ypres et de Comines.
Etude sur la dernière Conversion de Pascal , par M. De¬
lègue , membre titulaire. — Tout le monde connaît le récit
de l’accident qui amena la conversion de Pascal.
Pivs (lu Pont-(le-Xeiiilly , ses chevaux s’emportent , rentraîiient
vers la Seine , se précipitent dans les Ilots ; au même instant les traits
cassent et le carrosse du grand gcomètre reste sur le l)ord du préci¬
pice. Depuis lors Pascal voyait toujours, ouvert sous scs pas, un
ahiine prêt à 1 engloutir. 11 résolut , sous Peinpire de cette terreur, de
SC consacrer uniciuement au salut de son âme, eu s'enfermant dans le
monastère de Port-lloval.
Voilà la tradition: M. Delègue la croit fausse. Ni Jacque¬
line Pascal qui fut la confidente et la directrice de son
frère, ni M."'® Perrier, son autre sœur, n’ont parlé de
l’accident de Neuilly. Celte anecdote du Pont-de-Neuilly se
trouve , il est vrai , dans une note d’un manuscrit attribué à
Marguerite Perrier qui écrivit aussi la vie de son oncle ;
mais, dans le récit de la conversion de Pascal, elle ne fait pas
mention de l’accident; elle affirme même tout le contraire.
Du reste, M. Delègue donne des raisons de douter que la
note ainsi que le manuscrit soient de la main de Marguerile
Perrier ; il attribue ce manuscrit à un copiste qui pourrait
bien être lui-même l’auteur de la note. Selon M. Delègue ,
Pascal avait , depuis quelque temps déjà , l’intention ’de se
retirer du monde. Un sermon sur la Conception de la Sainte-
Vierge et les exhortations de sa sœur finirent par l’y dé¬
cider.
De l’Industrie cotonnière^ par M. J. deRidder, docteur
en médecine à Harlebeke (Belgique). — Ce mémoire de
96 pages, bien écrit et bien pensé , est une réponse à la
question suivante proposée par la Société de Dunkerque :
« Faire succinctement l’histoire de l’Industrie cotonnière dans le
— 125 —
*N'ord de la France , depuis l'origine de cette industrie jusqu’à nos
jours , sous le double rapport : l.° du travail du Coton, et 5.” de
l'Hygiène. »
L’espace nous manque , à notre grand regret , pour ana¬
lyser ce remarquable travail ; mais il renferme tant de faits
instructifs , tant d’appréciations intéressantes que nous en
recommandons vivement la lecture à ceux qui s’occupent
d’économie sociale et industrielle.
Nous allons cependant résumer, en quelques mots, le côté
hygiénique de la question ; la compétence toute spéciale de
l’auteur en cette matière lui donne un intérêt particulier.
Certains inconvénients de l’industrie cotonnière pour la
santé des ouvriers lui sont spéciaux ; elle en présente en
outre qui lui sont communs avec toutes les autres grandes
industries.
Le coton arrive dans la fabrique fortement comprimé
dans des balles et rempli de poussière et d’impureté ; on
doit , avant de le travailler , commencer par l’étirer et le
nettoyer. L’afelier où se fait cette opération est toujours
rempli de poussière et de duvet cotonneux qui s’introdui¬
sent , par la bouche et par le nez , dans les voies respiratoi¬
res; si la salle n’est pas bien ventilée, l’action irritante de la
poussière produit des bronchites chroniques qui dégénèrent
en phthisies pulmonaires, lorsque la constitution lympha¬
tique des ouvrières (car ce sont généralement des femmes
qui sont chargées de l’épluchage) est favorable au déve¬
loppement de cette maladie. L’opération du débourrage des
cardes qui ont peigné le coton brut , produit également une
grande quantité de poussière.
Divers moyens ont été proposés pour mettre les ouvriers
à l’abri de cette cause d’insalubrité. Celui que préfère
M. de Ridder est l’emploi d’un masque de papier huilé
couvrant toute la face et fixé, derrière la tête, au moyen de
— 126 —
rubans : la partie du masque correspondant aux narines et
à la bouche serait percée de 5 à 6 trous faits avec des
épingles ordinaires. Il recommande aussi aux ouvriers de
parler le moins possible et de boire de temps en temps quel¬
ques boissons adoucissantes , telles que de l’eau d’orge ou
de l'eau de guimauve. Nous craignons bien qu’aucune de
ces recommandations ne soit suivie , et l’auteur ne se fait
pas illusion à ce sujet : car il constate que l’ouvrier est ,
sous le rapport de la santé , d’une insouciance sans égale.
Une température de 37 à 40 degrés règne dans les salles
où se fait l’encollage à la gélatine des fils destinés à former
la chaîne de la toile; les ouvriers qui y travaillent sont
constamment couverts d’une transpiration abondante : ils
doivent donc se couvrir convenablement à leur sortie de la
fabrique.
A ces exceptions prés, les ateliers bien construits , bien
ventilés, n’offrent, par eux-mêmes, aucune condition d’insa¬
lubrité ; ils sont même bien plus salubres que les chambres
basses et humides des tisserands de la campagne. Aussi on
a remarqué que, dans le canton de Clary(arrondissement de
Cambrai ), où il n’existe pas de grandes fabriques, et où le
tissage domestique est très-répandu , le nombre des réfor¬
més a atteint , pour les années 1836, 37 et 38, le chiffre de
loO individus, tandis qu’il n’était que de 116 dans le canton
de Roubaix , 99 dans celui de Tourcoing et 94 dans celui du
Cateau , là où existent les grands ateliers (').
Parmi les diverses branches d’industrie cotonnière, il en
est une (jui se fait toujours à la maison : c’est celle de la
dentelleà la main. Cette fabrication qui, en retenant la jeune
ouvrière dans sa famille, près de sa mère , offre des avan-
(1) Ces observations sont extraites d'un mémoire rédigé par la
Chambre de Commerce de Lille en 1840 et déjà publiées par M. Tlum-
venin , médecin à Lille, eu 1846.
— 127 —
tages moraux incontestables , présente , sous le rapport
hygiénique , de graves inconvénients par suite du travail
sédentaire qu’elle exige ; de plus, l’habitude que les ouvriè¬
res ont de chanter dans une position courbée, contribue
beaucoup au développement de la phthisie.
M. de Ritter reconnaît, du reste, que les principales
causes des maladies qui affligent l’ouvrier , proviennent de
l’insalubrité de ses demeures , de la mauvaise nourriture,
de l’inconduite et surtout de sa déplorable propension à
l’ivrognerie. J. Gosselet.
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE LAOX.
Bulletin, t. xvn.
La Société académique de Laon, fondée en 1850, donne
tous les ans, depuis cette époque, un volume de mémoires.
Elle comprenait, au i.*'" janvier 1869, 11 membres hono¬
raires (les autorités départementales et quelques illustra¬
tions du pays) , 19 membres titulaires et 40 correspondants.
Liste des membres titulaires :
MM. CoMBiER, président du Tribunal; Président.
De ViLESTivAUD^, dir. des Domaines; Vice-Président.
Ed. Fleury, ancien journaliste ; Secrétaire-Général.
PiLLOY , agent-voyer ; Secj'étaire des séances.
Filliette ; Trésorier.
Batox, curé de Saint-Martin.
Bruyant , agent-voyer en chef du Département.
De Beauvillé ancien maire de Laon.
De Coquet , rédacteur du Jouîmal de V Aisne.
Vicomte De Courval, membre du Conseil-Général.
Delasalle , inspecteur des Domaines.
Delegorgue, substitut à Laon.
Déy , conservateur des Hypothèques.
D’Ersu fils , à Laon.
Gomart^, à Saint-Quentin.
Grand Motté , pi’ofesseur d’Histoire au collège.
Hidé , à Laon.
Matton , archiviste de la Préfecture.
— 128 —
Midoux , peintre et dessinateur à Laon.
PiETTE, à Soissons.
Saixtive, homme de lettres à Laon.
TniLLOis, bibliothécaire de la ville.
VixcHON^, maire de la ville.
Tableaux des Filigranes des papiers employés dans le
^ord de la France au xv.® siècle^ par MM. A. Midoux et
Matton. — Ceci est la deuxième partie de l’œuvre cou¬
ronnée au concoui's des Sociétés savantes en 1868. La pre¬
mière partie traitait des Filigranes au xiv.® siècle. La troi¬
sième partie s’occupera des Filigranes au xvi.®.
L’étude des Filigranes ( figures tracées dans la pâte du
papier ) , est , comme l’a fort bien dit le regrettable
M. Vallet de Viriville, un moyen de contrôle pour scruter
l’âge, le pays, l’origine et enfin l’authenticité d’une multi¬
tude de monuments graphiques.
Tout récemment, M. Ed. Meaume a trouvé dans les Fili¬
granes un moven infaillible de reconnaître et de classer les
premiers tirages de Callot. L'examen des Filigranes a aussi
fourni des données très-précieuses pour l’histoire des incu¬
nables xylograpbiques et typographiques. Enfin, il atteste
la supériorité traditionnelle des produits de la papeterie
française, « puisque les noms des papiers qui, depuis le
XIV. * siècle, servent encore aujourd’hui à indiquer leurs
formats et leurs qualités, sont les marques ou les enseignes
des premiers fabricants français, devenues cosmopolites et
adoptées par tous les fabricants étrangers ; telles que Pot,
Ecu y Couronne, Coquille, Aigle, Grand-Aigle, Raisin,
Grand -Raisin , Jésus, Grand-Monde [^) , etc. »
Le Recueil soumis au jugement du Comité des travaux
historiques (section d’archéologie), par MM. Midoux et
Matton , se compose de plus de 2,500 types ou variétés de
(^) Revue des Sodèlès Savantes, i.' série, t. vu, p. 34”/.
— 129 —
Filigranes, provenant tous de la région du Nord ; le xiv.*
et le XV.* siècle en ont fourni environ 600; le reste, qui
s’élève à près de 2,000, appartient au xvi.® siècle.
La date et la provenance de tous ces types et de toutes
ces variétés, relevées avec soin sur le papier qui les porte,
ont été inscrites sur le dessin qui les reproduit. « On est
vraiment étonné, dit M. le marquis de La Grange, rappor¬
teur du Concours , de la patience et du travail qu’il a fallu
pour arriver à ce résultat. » Antérieurement, M. Déy, se¬
crétaire-général de la Société académique de Laon , avait
appelé le travail de MM. Matton et Midoux « une œuvre
sans précédent et d’initiative at3solue. »
Note sur la découverte d’objets Gallo-Romains à Cha-
landry, par M. Matton. — Sur le territoire de Ghalandry ,
village du département de l’Aisne, s’élève la montagne
isolée de Saint-Aubin ; on y a trouvé des monnaies et des
poteries attestant qu’au ni.* siècle de notre ère c était encore
un endroit habité, et peut-être fortifié. A lo mètres au-
dessous d’une fontaine , on a découvert récemment les
débris d’un petit autel en grès non maçonné, des cuillères
à parfum argentées, des patères en bronze , des vases de
terre cuite , une garniture de seau en fer, des hacbeltes et
couteaux de sacrificateurs , près de 200 pièces de monnaies ,
du blé brûlé, des ossements de moutons offerts en sacrifice,
etc. La pièce la plus précieuse de cette trouvaille est une
petite statuette en bronze représentant une femme ac¬
croupie : elle porte des yeux en argent sur lesquels étaient
fixées des perles ou des pierres précieuses que l’on n’a pu
retrouver. L’autel était probablement consacré à Latone.
Les mères gallo-romaines venaient baigner dans la fontaine
leurs enfants nouveaux-nés et offrir un sacrilice à la déesse
des accouchements. De nos jours encore, de nombreux pèle¬
rins accourent à l’eau merveilleuse, surtout dans la pre-
— 130 — ■
uiière iieuvaine de mars. On plonge Tentant dans la fon¬
taine, et Ton y jette, en même temps, des petites branches :
si celles-ci surnagent, l’enfant vivra; si elles vont au fond,
c’est signe que le pauvre petit être est voué à la mort.
Rapport sur les fouilles du Cimetière mérovingien à la
Ferme d'Aumont (Coucy-la-Ville) , par M. Marchand, ins¬
tituteur à Septvaux. — Plusieurs cercueils en pierre ont été
découverts dans un champ, près la ferme d’Aumont: ils
contenaient des fragments d’os ou même des squelettes en¬
tiers, quelques vases , des couteaux et boucles en fer rouil-
lés. Dans un de ces cercueils, on a trouvé le squelette d’un
guerrier avec son épée et son poignard ; dans un autre ,
une jolie fibule en cuivre argenté, ornée de cinq petites
verroteries. C’est le seul ornement qiTon ait rencontré;
du reste beaucoup de ces sépultures paraissent avoir été
violées. Le rapport de M. Marchand est accompagné d’une
planche qui représente des couteaux et des boucles de cein¬
turons; nous regrettons de n’y pas voir figurer les vases
dont quelques-uns portaient des dessins assez riches. Nous
ne saurions trop recommander l’étude des poteries aux
personnes qui se livrent aux fouilles archéologiques. Chaque
époque a sa céramique qui suffit souvent pour déterminer
1 âge des objets qu’on découvre.
Le Protestantisme à Remigny de 1698 à 1699, par
M. Matton. — Histoire d un pauvre berger, Nicolas Frenoy,
qui voulut se mêler d’en remontrer à son curé et qui , à ce
propos, faillit se faire un mauvais parti avec la justice du
roi.
Quelques détails sur les Fêtes célébrées à Laon en 1741 ,
en 1761 et 1762, en l'honneur de Monseigneur de Roche-
chouart, évêque-duc de Laon, par M. l’abbé Bâton. —
Nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs à ces curieux
procès-verbaux.
— 131 —
Notice sur les Institutions de charité qui précédèrent à
Laon la fondation de V Hôpital-Général (1642-1663), par
M. Fillielte. — Chapitre à ajouter à la navrante histoire de
la Misère au temps de Saint-Vincent-de-Paul. Tous les
maux qu’entraînent la guerre civile, l’invasion étrangère
et une désastreuse épidémie, avaient successivement sévi
depuis près d’un siècle dans le Laonnais. Laon était devenu
le refuge des malheureux ruinés par ces divers fléaux,
lorsqu'en 1642, il s’y forma, pour le soulagement de tant
d’infortunes, une Association de N.-D. « sous le titre et
invocation de là reine de Paix. » Autorisée par l’évêché
et comblée de faveurs spirituelles, cette Association où en¬
trait quiconque voulait s’y faire inscrire , était administrée
par dix-huit de ses membres. Ses ressources consistaient
uniquement dans les aumônes et les charités. C’est par des
moyens aussi précaires , mais qui laissaient une large place
à l’initiative individuelle , qu’on pourvoyait alors au défaut
ou à l’insuffisance de l’assistance publique.
Le Siège de Soissons en 1617 , par M. Gomart. — M. Go-
mart a entouré de tous les éclaircissements désirables
l’histoire de ce siège entrepris par ordre de Marie de
Médicis, et subitement interrompu par l’assassinat du ma¬
réchal d’Ancre. 11 s’est ainsi proposé de faire mieux com¬
prendre le but que poursuivaient les chefs de la troisième
ligue et l’importance qu’avait pour eux la possession de
Soissons.
Indépendamment des travaux de rédaction dont nous
venons de présenter une trop sommaire analyse , la Société
académique de Laon a inséré, dans le présent volume de
ses mémoires , sous le litre de Documents inédits : 1.® les
Chartes d’affranchissement de Selens, Saint -Aubin et
Juvigny , publiées avec notes par M. Marville ; 2.® le rapport
aux représentants Lejeune et Leroux , sur les moyens de
— 132 —
délense employés contre Tennemi dans le département de
l’Aisne , et sur la formation du camp , près de la ville de
Réiinion-sur-Oise (Guise), le 5 octobre 1793 , communica¬
tion dûe à mon infatigable et excellent collègue M. Matton.
A. Desplanque.
CONFÉRENCES ET COURS PUBLICS
ConférOTices de Douai; d) Février-l^Iars {suite et fm).
I. Conférence sur l’enfant, par M. Joly, professeur au
Lycée. — M. Joly a parlé du développement de l'instinct et
de Vintelligence dans Venfaîit avec l’esprit d’analyse qu’on
est en droit d’attendre d’un professeur de philosophie. Etu¬
diant le mouvement naturel qui porte l’enfant à chercher
la nourilture au sein de sa mère , il a montré combien
grande est la distance qui , dès cette première phase de son
existence, sépare l’homme de l’animal. Dès lors se mani¬
festent en lui des symptômes d’une sensibilité tout inté¬
rieure où l’on peut déjà étudier les indices du caractère.
Le sourire révèle d’abord un esprit d’imitation intelligente.
Bientôt apparaît le langage , le langage que l’enfant se fait
en partie à lui-méme par des sons et par des signes et
que comprennent tous ses semblables. L’instinct ne se
montre si imparfait chez l’enfant que parce que cette faculté
ne doit pas être , pour lui comme pour l’animal, l’unique
règle de la vie.
II. Conférence sur l’astronomie, par M. Rousselin,
professeur de Mathématiques au Lycée. — Avec la baguette
enchanteresse d’un Fontenelle, M. Rousselin a transporté
son élégant auditoire dans les régions sidérales.
Après avoir déterminé la distance de la terre au soleil , il
a expliqué la nature des étoiles et des nébuleuses. Il a aussi
parlé des planètes et en particulier de Vénus , dont le pro-
(b Résumées d’après V Indépendant et le Courrier de Douai.
— loo —
Chain passage sur le disque du soleil préoccupe déjà les
astronomes. Cette observation extrêmement importante,
qui ne peut avoir lieu que deux fois par siècle, à huit ans
de distance, a été faite en 1T61 et 1769. On prépare déjà
les expéditions qui doivent aller la renouveler sur les diffé¬
rents points du globe, en 1874 et en 1882.
III. Conférence sur l’utilité de l’eau, parle docteur
Maugin. — Le docteur Maugin a traité de l’utilité de l’eau
pour les êtres organisés et pour l’homme en particulier.
Nous devons à beau les 2/3 de notre poids. Certains ani¬
maux et certains végétaux en renferment une bien plus
grande quantité.
« L’eau est la boisson par excellence; les 8/10 de l’es-
» pèce humaine s’en contentent. Dans les conditions régu-
» lières d’organisation, de régime, d’habitation, d’activité
» physique et morale, il n’est point de breuvage qui con-
» vienne mieux à l’homme ; elle ne stimule et ne ralentit
» aucune fonction, elle facilite l’accomplissement de toutes ;
» sous son influence, les révolutions d’àge s’opèrent en
» leur temps opportun sans secousse ni maladie. Les bu-
» veurs d’eau (qui ne sont pas plus méchants que d’autres
- quoiqu’en dise le proverbe) , ont meilleur appétit , ils
> conservent mieux le goût , l’odorat , la vue et surtout la
» mémoire; ils vivent plus longtemps, et, ce qui est pré-
* férable, ils souffrent moins d’infii-mités dans leur vieil-
0 lesse. »
La bonne eau potable doit être limpide et claire , sa
saveur franche, son odeur nulle ; elle doit être fraîche et
non glacée en été, tiède et non chaude en hiver; de 10 à
18.° toute l’année; pour être d’une digestion facile, elle doit
être aérée. L’aii* qu’elle renferme est plus riche en oxygène
et en acide carbonique que l’air atmosphérique. Elle con¬
tient en outre en dissolution quelques ’sels, du chlorure
— 154 —
de sodium , des carbonates et des sulfates de chaux et de
magnésie. Le savant docteur a montré à ses auditeurs com¬
ment, à l’aide de l’hydrotimèlre , on peut reconnaître la
quantité de calcaire tenue dans l’eau. Avec cet instrument
011 constate la quantité de savon que l’eau peut dissoudre ;
plus cette quantité est faible, plus l'eau est chargée de
calcaire, plus alors elle est lourde , impropre à la cuisson,
au blanchissage et h une foule d’autres usages domestiques
et industriels.
IV. CONFÉIIE.NCE SUR ARISTOPHANE, pU)' M. MoiJ , profeS-
seur de Rhétorique au Lycée. — Reportant ses auditeurs à
2200 ans en arrière, M. 3Iov les a fait assister h une fête
des Dionysiaques , célébrée dans Athènes au théâtre de
Racchus. Trente mille spectateurs environ occupent l’hémi¬
cycle de pierre devant lequel, sur la thymèle, fument
encore les entrailles du bouc sacrifié au dieu; des libations
de vin nouveau ont été faites en son honneur , et la foule en
délire s’apprête à écouter et applaudir une audacieuse satire
en action que va faire jouer Aristophane.
« Sous la verve railleuse et folle d’Aristophane se cache
un fond sérieux et même une sorte de tristesse. Sous le mas¬
que du bouffon, se trouve le visage du philosophe moraliste
qui va livrer au ridicule le pédantisme des savants , l’igno¬
rance et l’avidité des devins et des sacrificateurs, les préten¬
tions des poètes, la cupidité des magistrats et les turpitudes
des délateurs. Les dieux mêmes ne seront pas épargnés. »
La poésie du grand comique n’en est pas moins , quand il
le veut , quand il le faut , gracieuse et chaste. * Saint
Chrvsostôme avait continuellement les œuvres d’Aristo-
V
phane sous son chevet , et Platon , qui lui a donné une si
belle phrce dans le Banquet , fit à sa mort un distique dont
voici la traduction : Les Grâces, cherchant un sanctuaire
indestructible, trouvèrent l’âme d'Aristophane. »
— 155 —
En terminant sa leçon , M. Moy a signalé la Parabase
comme un des traits caractéristiques de la comédie ancienne.
« C’était une sorte d’intermède rempli par le chœur et qui
permettait au poète , en s’adressant directement au public,
de monter comme à une tribune pour faire des propositions
sérieuses ou badines dans l’intérêt général. »
La liberté athénienne vaincue à Ægos Potamos , entraîna
dans sa ruine la comédie ancienne.
V. Conférence SUR JEANiNE-LA-FOLLE , parM. Hillebrand ,
professeur de Littérature étrangère ci la Faculté des Lettres.
— Le point d’histoire traité , dans cette conférence , par le
savant professeur, a eu dans ces derniers temps un reten¬
tissement tel que nous croyons devoir le réserver pour un
examen spécial où nous rapprocherons les conclusions de
M. Hillebrand de celles que vient de formuler M. Ga-
chard (') J. G. et A. D.
Cours d'Histoire naturelle de la Faculté des Sciences de Lille,
par M. C. Dareste.
CLASSIFICATION ET THÉORIE DE LA PRÉEXISTENCE DES GERMES.
— Le professeur traite , cette année , les différentes ques¬
tions qui se rattachent à la Classification des animaux et des
plantes , réunissant ainsi dans une idée commune l’étude de
la physiologie animale et celle de la physiologie végétale :
deux sciences qui tendent toujours de plus en plus à se fon¬
dre et à n’en plus former qu’une: la physiologie générale.
La classification est un procédé logique, général , dont
l’homme s’est toujours servi instinctivement chaque fois
qu’il s’est trouvé en présence d’un certain nombre d’objets ;
«
mais , bien qu’étant d’un usage très-général , c’est princi¬
palement en Histoire naturelle que la classification est em¬
ployée, parce que , de toutes les branches de nos connais-
h) N.'* 3 du Bulletin de PAcadémie royale de Belgique pour 1869.
— 136 —
sances , c’est celle dont l’étude embrasse les objets les plus
variés et les plus nombreux.
C’est instinctivement, et bien longtemps avant l’appari¬
tion de toute espèce de notion scientifique , que l’homme a
réuni, en un même groupe, et désigné, sous une appellation
commune, tous les individus qui avaient entre eux une res¬
semblance évidente ; le groupe résultant de cette première
classification c’est Vespèce. — Ce que l’intelligence buraaine
a fait pour les espèces, elle l’a fait encore pour des ordres
plus élevés. Dans tous les pays , dans toutes les langues ,
nous trouvons des mots pour désigner certaines catégories
d’êtres qui offrent tous quelques caractères communs ; c’est
ce que nous voyons pour les papillons , les scarabées , les
oiseaux , les quadrupèdes. — Cette distribution des êtres
par catégories de plus en plus élevées est ce qu’on appelle
classifwalion .
Quand on cherche à s’expliquer la manière dont on a pro¬
cédé pour établir ces catégories, on voit qu’on a opéré de
deux manières différentes qui toutes deux sont instinctives.
Dans certains cas , comme pour les papillons , les scarabées, '
les oiseaux, on n’a fait que prendre des groupes qui exis¬
taient pour ainsi dire tout formés dans la nature: ainsi,
pour les oiseaux, par exemple, le fait qui a frappé tout
d’abord, c’est l’existence des plumes et des ailes, et, comme
ce fait se trouve nécessairement lié avec tous les autres
détails de l’organisation, on a eu un groupe très-homogène.
Pour les quadrupèdes, au contraire, on a été frappé d’un
fait, l’existence de quatre membres, qui existaient chez tous
ces 'animaux , mais ce fait n’était pas nécessairement lié
avec d’autres détails de l’organisation, de sorte que l’on a
eu, ainsi réunis dans un même groupe, des êtres aussi diffé-
)ents que le chien , le cheval, le lézard, la grenouille. De
là cette distinction des classifications , en classifications
— 137 —
naturelles et en classifications artificielles , qui toutes deux
nous présentent des avantages et des inconvénients. Avec
la classification artificielle , nous arrivons très-facilement à
trouver le nom d’une espèce , parce que nous n’avons à
tenir compte que d’un ou deux caractères , mais aussi nous
n’apprenons rien de plus que le nom de l’espèce. La classi¬
fication naturelle nous présente plus de difficultés au point
de vue de la détermination , parce qu’ici nous devons tenir
compte de tout l’ensemble de l’organisation, mais cet in¬
convénient est amplement compensé par l’avantage immense
que nous offre la classification naturelle, puisqu’il nous suffit
de savoir à quelle famille appartient tel être pour connaître
immédiatement l’ensemble de sou organisation et ses pro¬
priétés. Aussi la classification naturelle est-elle venue rem¬
placer partout les classifications artificielles que les natura¬
listes n’ont jamais établies que comme moyens provisoires ;
et Cuvier, en 1816, quand il publia son « Règne animal , »
disait que la classification naturelle était l’idéal, le but que
les naturalistes devaient chercher à atteindr^e. A cette époque,
en effet, il restait encore un grand nombre de lacunes ; au¬
jourd’hui on peut dire que cet idéal est à peu près complè¬
tement atteint. Mais si l’œuvre est achevée dans son en¬
semble , elle ne l’est pas dans ses détails ; et , si nous avons
un tableau aussi exact que possible des affinités des êtres,
derrière ce tableau se soulève une question nouvelle qui
pourrait bien changer toutes les conditions de la classifica¬
tion. En effet, la classification actuelle est fondée sur la
notion de l’espèce qui a été considérée pendant longtemps
comme résolue , notion instinctive qui consiste à considérer
Vespèce comme un ensemble d'individus qui se ressemblent
dans l'ensemble de leur organisation , ne présentent que de
très-légères différences , et qui doivent leur origine à d'au¬
tres individus semblables à eux. Or, cette notion admet que
— 158 —
l’espèce ne peut pas varier, qu’elle est fixe ; elle est la défi¬
nition même de la fixité absolue des espèces. Aujourd’hui
on a été conduit, par les découvertes paléontologiques, à se
demander si c’était bien là l’expression de la vérité , si , les
conditions extérieures changeant, l’espèce ne pourrait pas
varier, si les espèces actuelles ne proviendraient pas d’es¬
pèces appartenant aux âges géologiques précédents. Il est
bien évident que , si cette manière de voir était exacte, il
faudiait changer toutes les conditions de la classification ,
et le mot affinité n’aurait plus seulement un sens métapho¬
rique, puisqu’il exprimerait une parenté réelle entre des
espèces différentes. La question de la fixité, ou de la varia¬
bilité de l'espèce , est donc aujourd’hui le problème capital ,
ou, pour mieux dire, le seul problème de l’Histoire natu¬
relle. Malheureusement, celte question est encore toute
récente, elle ne date que de quelques années, et on ne
peut encore que la poser, en laissant à l’avenir le soin de
la résoudre.
Avant de passer à l’examen de la notion instinctive de
l’espèce , et de dire ce que l’on doit entendre dans l’état
actuel de la science par ce mot espèce, le professeur croit
devoir tout d’abord réfuter une vieille doctrine qui enve¬
loppait d’une sorte d’impossibilité l’idée de la variabilité :
c’est la doctrine de la préexistence des germes, doctrine qui
a régné presque jusque dans ces dernières années , puisque
Cuvier l’admettait encore complètement.
Gomment cette idée delà préexistence s’est-elle introduite
dans la science ? en quoi consiste-t-elle ? quelles sont les
considérations qui ne permettent plus de l’admettre aujour¬
d’hui?
Une des questions les plus difficiles à expliquer, c’est
sans contredit la question de l’origine des êtres. Vers le
commencement du xvii.f siècle, les physiologistes considé-
— 139 —
rèrent cette question comme insoluble : ils la tirent sortir
du domaine scientifique, et admirent que c’était le résultat
d’un miracle, un fait surnaturel, et que tous les germes
avaient été créés au début. 11 est curieux de voir com¬
ment cette doctrine est entrée dans la science comme fait
d’observation. Harvey venait de poser son célèbre apho¬
risme : omne vicum ex ovo; le microscope venait de naître,
et démontrait déjà que l’on peut retrouver, dans les ani¬
maux , des germes bien avant qu’ils soient visibles à l’œil
nu ; on vit également que , dans bien des circonstan¬
ces , on eut retrouvé , dans le règne végétal , la jeune
plante en miniature avant que l’œil nu puisse la distinguer;
on fut donc conduit à admettre que tous les êtres vivants
provenaient de germes, et que ces germes n’étaient autres
que ces êtres eux-mêmes en raccourci. Cette idée fut géné¬
ralisée outre mesure, et on admit que ces germes, contenant
toutes les parties du jeune être , contenaient aussi un certain
nombre d’œufs , de telle sorte qu’en remontant les géné¬
rations, on arriva à penser que le premier individu de
chaque espèce contenait toutes les générations. Telle est la
doctrine de la préexistence des germes qui entrava si long¬
temps les progrès de la science.
Les faits qui sont en contradiction avec cette doctrine
sont de trois natures; ce sont les trois phénomènes si re¬
marquables de la régénération des parties coupées , des
anomalies , et de l’hybridité. — L’Hydre, si célèbre depuis
les travaux de Trembley , peut être coupée en un très-grand
nombre de tronçons , et chacun de ces tronçons se complète
et produit une hydre nouvelle. Les Astéries, les Crusta¬
cés , les Insectes, les Colimaçons, les Annélides, les Sala¬
mandres nous présentent aussi des phénomènes de régéné¬
ration très-remarquables. Les Vertébrés à sang chaud, el
l’homme lui-même nous présentent également des faits ana-
140 —
logues. On sait aussi qu’une même partie peut se régéné¬
rer plusieurs fois de suite ; ainsi on a amputé jusqu’à 7 ou 8
fois le même membre à une salamandre, et chaque fois le
membre s’est reconstitué complètement.
Eh bien , comment expliquer ces faits dans la doctrine de
la préexistence des germes , puisque, d’après cette doctrine,
il ne peut pas y avoir formation de parties nouvelles ? Il
faudrait donc admettre que là où il y a une partie coupée ,
se trouvait justement un germe de cette même partie, germe
qui se développerait immédiatement après l’amputation, et,
si cette amputation se répète 7 ou 8 fois, il aurait dû
préexister autant de germes semblables. Ces phénomènes
de régénération sont donc en contradiction avec la doc¬
trine de la préexistence , ou au moins ils la compliquent
singulièrement.
Les Monstruosités ne sont pas moins difficiles à expliquer.
Il n’y avait qu’un moyen de les faire concorder avec la doc¬
trine de la préexistence : c’était d’admettre quïl y avait eu
des germes primitivement monstrueux. On ne comprend
guère comment le Créateur aurait fait des êtres monstrueux ;
d’ailleurs, on sait très-bien aujourd’hui que les monstres
doubles tiennent à la soudure de deux embrvons , et les tra-
vaux de Geoffroy Saint-Hilaire et de M. Dareste ont fait con¬
naître l’origine d’un grand nombre de monstres simples;
31. Dareste est même arrivé à faire, à coup sûr, quelques-uns
de ces êtres monstrueux.
Un troisième fait qui vient donner le dernier coup à la
doctrine de la préexistence , c’est l’hybridité. Deux espèces
voisines se réunissent, et donnent naissance à un mulet
qui est mixte entre ses deux parents. Comment expliquer
ce fait ? Comment croire qu’il y ait eu des germes de mulets?
Ici la préexistence est complètement en défaut.
Du reste, l’observation directe montre que la doctrine de
— 141 — .
la préexistence des germes n’est pas l’expression de la
vérité. En effet, si cette doctrine était vraie , le germe con¬
tenant déjà tons les organes de l’âge adulte, on verrait ces
organes grandir peu à peu ; or, les études embryogéniques
montrent que les choses se passent d’une façon toute diffé¬
rente, puisque ce n’est que successivement que l’on voit
apparaître les différents organes et les différents tissus.
P. Hallez.
BIBLIOGRAPEIIE.
PRÉCIS DE l’histoire DE LAXNOY ,
par M. Tlî. Leuridan , arcliiviste-bibliothécaire
de la ville de Roubaix (*'
L’histoire des princes de la maison de Lannoy est mieux
connue et plus intéressante que celle de la ville qui leur a
servi de berceau et dont 31. Leuridan nous retrace aujour¬
d’hui les humbles annales. Il y a néanmoins plaisir à voir se
développer, sous l’égide de ses seigneurs, et grandir avec
eux, une localité qui, grâce aux franchises qu’ils lui oc¬
troyèrent, acquit de bonne heure un certain développement
commercial et industriel. De cette localité, 31. Leuridan
nous décrit la topographie, les mœurs, les institutions et
les vicissitudes , avec la précision de détails et la sobriété de
style à laquelle nous a habitués son Histoire de Roubaix.
Sans s’attacher à suivre dans leurs fécondes ramifications
toutes les branches de l’arbre généalogique des de Lannoy,
31. Leuridan nous donne l’historique de ceux des membres
de cette illustre famille, qui ont possédé effectivement
Lannoy. Il remonte à leur origine quasi-légendaire, nous
montre Jean II de Lannoy périssant à Azincourt, — Jean III,
aidant à la soumission des Gantois , prenant part au repas
du faisan et prêtant , en cette circonstance mémorable , le
(h Lille , Danel , 18G8 , in-8^ de 187 pages.
— 142 —
serment de suivre Philippe le Bon à la croisade , s’immis¬
çant ensuite dans les intrigues des Croy, encourant pour ce
fait l’inimitié de Charles le Téméraire , cherchant un refuge
auprès de Louis XI , el obtenant de l’astucieux monarque la
confirmation des privilèges et franchises de sa bonne ville
de Lannoy qu’il a eu le soin préalable d’environner de
solides murailles. Ces murailles ne furent point toutefois à
l’épreuve d’un siège que vint diriger, au nom du duc de
Bourgogne, Pierre, seigneur de Roubaix. De ce siège, date
une sourde inimitié , qui persista longtemps entre les habi¬
tants des deux villes voisines.
Réconcilié de gré ou de force avec Charles le Téméraire,
Jean III devint par la suite l’un des agents diplomatiques
de Maximilien d’Autriche. Il conclutune trêve avec Louis XI,
accorda un acte de neutralité aux habitants de Tournai,
négocia le traité d’Arras, revêtit Philippe le Beau et son
père du collier de la Toison d’Or et présida le chapitre de
cet ordre en 1491.
Philippe de Lannoy fut, après son beau-père Jean III , le
plus ardent bienfaiteur de la ville dont il lirait son nom. Il
en agrandit le territoire , y institua la corporation des
hautelisseurs et tripiers, et y fit bâtir une église à laquelle
il laissa des marques de sa libéralité, ainsi qu’à la chapelle
castrale.
Par suite de son décès , la seigneurie de Lannoy échut
à un membre de la famille d’Egmont, d’où elle passa suc¬
cessivement dans les maisons d’Orange -Nassau, de De
Mérode et de Gand-à-Vilain.
L’histoire de la seigneurie ne fait point négliger à M. Leu-
ridan l’histoire de la ville. En Iol3, Henri VIII d’Angle¬
terre et l’empereur Maximilien ‘eurent une entrevue à
Lannoy. Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, y
séjourna en 1540. Là comme ailleurs, les commotions
— 143 —
religieuses du xvi® siècle produisirent de 1 ébranlement. Il
y eut aux portes de Lannoy , le 30 novembre 1566 , un en¬
gagement assez vif entre le seigneur de Noircarmes , com¬
mandant un détachement de l’armée royale , et plus de
3,000 gueux qu’avaient soulevés les prédications du ferron¬
nier Cornille.
Vers le même temps , florissait à Leyde un savant impri¬
meur, François Raulenghien, plus connu sous le nom de
Rapheleng, auquel la ville de Lannoy se glorifie d’avoir
donné naissance et dont M. Leuridan nous place le portrait
sous les yeux.
Longtemps disputé entre la France et l’Espagne, Lannoy
lit partie des conquêtes définitives de Louis XIV. Les puis¬
sances alliées ne reprirent que momentanément possession
de cette place en 1708 , en 1744 et en 1792.
L’étude des institutions tient une grande place dans le
livre de M. Leuridan et marche de pair avec les annales.
Droits seigneuriaux; échevinage, municipalité, scel et
armoiries de la ville : impôts , revenus et charges ; table
des pauvres , bureau de bienfaisance ; industrie locale ;
compagnies du serment, archers, arbalétriers et canon¬
niers ; établissements religieux et hospitaliers, l’historien
de Lannoy passe tout en revue et remonte avec une féconde
érudition à l’origine de tout. Son ouvrage est mieux qu’un
simple Précis, comme il l’intitule modestement, et il peut
servir de modèle à quiconque veut écrire la monographie
d’une commune rurale ou urbaine. A. Desplanqüe.
XOTICE HISTORIQUE SUR DUNKERQUE.
Par M. E. Lebleu , ancien commandant du Génie. (9
Après les remarquables travaux de Faulconnier et de
feu Victor Derode , il restait quelque chose à faire pour
(9 In-8.° de viii- 118 pages avec plans; Lille, Lefort, 1869. En
vente chez Gastiau.v , libraire. Prix : 3 fr.
_ 144 ^
riiistoire de Dunkerque. Extraire de ces volumineux ou¬
vrages ce qu’ils conlienneni de faits saillants , grouper dans
un ordre méthodique les événements les plus dignes de
mémoire dont la patrie de Jacobsen et de Jean-Bart a été
le théâtre , répandre sur ce récit les grâces d’un style
simple , le reflet d’un vif sentiment patriotique , composer
ainsi une Histoire de Dunkerque où les érudits resaisissent
le fil de leurs souvenirs , où les hommes du monde trouvent
à s’instruire et qui soit , en même temps , le livre des
écoles , le livre du peuple , — c’était là , convenons-en ,
une lâche propre à attirer un esprit distingué , amoureux
du progrès moral et intellectuel des populations qui l’en¬
tourent.
Si , en outre , railleur de celle entreprise se trouve
être , par la spécialité de ses études antérieures , par la
direction d’une carrière honorablement remplie , mieux
préparé que personne à esquisser l’histoire d’une place
forte , d’une ville maritime , on se félicitera doublement
qu’il se soit chargé d’écrire le manuel en question. Manuel
est vraiment le mot , car nous ne douions pas que, d’ici
à quelques mois, le livre dont nous saluons aujourd’hui
l’apparition n’ait sa place dans toutes les bibliothèques
scolaires , communales et paroissiales du pays de Flandre.
Les quatorze plans qui l’accompagnent et qui représentent
la ville et le port de Dunkerque , depuis les temps les plus
reculés jusqu’après l’achèvement des grands travaux actueh
lement en cours d’exécution, ajoutent encore , s’il se peut,
à la lucidité de l’exposition , à l’intérêt du sujet.
Voici, j’ose le dire , le premier ouvrage d’histoire locale
vraiment accommodé au goût de toutes les classes, mis à
la portée de tous les âges. L’érudition n’y est certes pas
sacrifiée et les matières techniques y sont traitées avec*
un degré de compétence éminemment enviable. Malgré
— 143 —
cela , le livre se lit d’un seul trait , les citations n’y inter¬
viennent que pour donner plus de piquant au récit et
rhomme spécial ne se révèle à de certaines pages , qu’afin
de satisfaire , sans Tépuiser , la curiosité du lecteur.
A. I).
ESSAI SUR L ATELIER MO^ETAIRE DE VALEACIEAAËS ET SUR LF,
MONOGRAMME DE LA MONNAIE DES COMTES DE HAINAUT.
l’ar L. Cellier (•).
Depuis la publication des Recherches sur les Monnaies
des comtes de Hainaut, par M. R. Cbalon , et des supplé¬
ments parus à la suite , il reste peu à glaner dans le cbaïun
de la numismatique de cette province.
Il appartenait à un enfant de Valenciennes de venir
ajouter sa gerbe à la moisson du maître. Partant de ce
point que l’atelier de Valenciennes émettait des monnaies
valenciennoises ainsi que le disent les titres et les espèces
monnayées, M. Cellier n’a pu admettre que le monogramme
inscrit sur les monnaies sorties de l’atelier de Valenciennes
fût un H , c’est-à-dire l’initiale du nom de la province.
Les étalons de mesures anciennes conservés au musée de
la ville, témoignent d’ailleurs contre cette interprétation.
Les chroniqueurs ont fourni leur conlingent de preuves
et M. Cellier démontre aujourd’hui que le prétendu mono¬
gramme , accepté par les uns , rejeté par les autres , est
en définitive une étaple ou échelle , et que c’est réellement
une marque distinctive de la ville.
A la suite de cette démonstration qui tranche la question
en litige , M. Cellier cite quelques actes sur l’administration
des monnayeurs et fhôtel de la Monnaie. On y trouve , à
diverses reprises, l’expression de monnaie valenciennoise ,
(b In-S.” de 32 pag'cs avec planclie ; Valenciennes , Prignet , 1869.
Extrait des publications de la Société des Sciences de Valenciennes).
— 146 —
une des cinq mères monnaies (’) et des éclaircissements
sur les vicissitudes de Tliôtel au XV.*"® siècle. La brochure
se termine par des pièces justificatives, notamment la charte
des monnayeurs , rectifiée d’après un manuscrit de la fin
du XIII.'"® siècle , et une série de noms de monnayeurs ,
empruntée aux notes publiées par le baron de la Fons de
.Mélicocq. E.VanHexde.
ESSAI SLH LA M'.MISMATIQUE DE l’aBBAYE DE SAIMT-VAAST.
Par L. Dancoisne (2)
Pour compléter leur histoire de l’abbaye de Saint-Vaast,
31M. de Cardevacque et Terninck ont prié M. Dancoisne
d’y ajouter l’album descriptif des monnaies et méreaux de
relte antique abbaye.
M. Dancoisne a gracieusement déféré au vœu de ses amis,
et tiré de ses riches cartons des documents précieux que
d’heureuses trouvailles longuement amassées lui ont permis
de rassembler.
La publication commence par les monnaies, A ce sujet il
s’élevait une question délicate. De savantes dissertations
sur les deniers au nom de Robert , n’ont pu mettre d’accord
les érudits qui , en France et en Belgique , sê sont partagés
en deux camps. — Chacun de ces systèmes paraissait cepen¬
dant en contradiction avec le genre de fabrication des es¬
pèces. Poey d’Avant appela de ses vœux une solution qui
renversât le système assez péniblement établi de l’histoire
des rares denieis au nom de Robert.
M. Dancoisne propose une attribution qui peut tout conci¬
lier: il voit, dans le Robert deSt-Vaast, un monétaire comme
les Simon , les Gérolf , etc. La supposition est ingénieuse et
plausible; il suffit d’une trouvailleheureuse pour la justifier.
i') Les cinq mères monnaies étaient , d'après Jelian Coquiau .
relies de France , d'Angleterre , de Venise , de Valenciennes et de
Metz -en -Lorraine.
(■2) In-Y.'* de 4ü pages avec planches ; Arras , Alp. Brissy , 1HG9.
— 147 —
Quant aux méreaux , ils forment deux planches d’une
importance capitale en leur genre. Favori de la piste ,
vétéran des numismates de la contrée , M. Dancoisne a pu
en réunir environ 350 variétés , trouvées cà et là dans la
seule ville d’Arras. Son choix sobre et perspicace s’est
arrêté sur 24 méreaux d’un grand intérêt et qui font désirer
de nouvelles publications du savant numismate.— Il reste à
citer, pour mémoire, des médailles de pèlerinage et un jeton
(le Jean Sarrasin, abbé de Saiiit-Vaast. E.Van Heisde.
UECHEUCHES HISTORIQUES SUR LA PUISAYE , SAINT-FARGEAU ,
TOUCY EN AUXERROIS , ET LEURS SEIGNEURS DE LA MAISON
DE BAR AUX XIII. % XIV.® et XV.® SIÈCLES.
Par le docteur de Smytlèrc , vde. Cassel). (*)
Entre son pays d’adoption et sa province natale qui lui
est demeurée si chère , M. de Smvttère découvre des liens
non moins réels qu’imprévus.
L’une des dames de Cassel , pour qui le vénéré docteur
s’est le plus passionné et dont il nous promet une histoire
bien vivement attendue , Yolende de Bar , possédait , entre
autres tiefs , le pays boisé et montagneux de la Puisaye ,
( ancien diocèse d’Auxerre ). Comment ce domaine lui
était échu, par quelles mains il avait passé avant d’arri¬
ver dans les siennes , dans lesquelles tomba-t-il au sortir?
C’est ce que M. de Smyttère nous explique longuemenl.
Puis, en se servant des archives départementales du Nord,
(lesquelles, soit dit en passant, intéressent beaucoup d’autres
départements que le Nord}, il énumère les diverses mesures
qu’A'olende prit en faveur de ses sujets de FAuxerrois.
Cette brochure destinée , comme on le voit , à un douldc
public , sera, nous en avons la certitude , également goûtée
de l’un et de l’autre. A. I).
P) de 80 pages , avec planches de sceaux et d ann()iri(‘s ;
Auxerre , Perriquet , 1869.
148
CHRONIQUE.
^Iétéorolog:ie. Mois d'avril 1869. — Le mois d’avril
1869 , a été plus chaud qu’on ne l’observe habituellement;
la température moyenne ordinaire de ce mois est 9*^ 19,
celte année elle a été de 11® 8. La moyenne desminima a
été de 7® 03 , celle des maxima 16'’ o8 ; les extrêmes ont
été 1® 1 le 2 , (le matin il y avait une gelée blanche ; le
O gelée à la campagne) , et 25“ 6 le 14.
Sous l’intluencede celte température élevée , la quantité
d’eau évaporée s’est accrue , elle a été de 94 mill. 95 ,
tandis que l’épaisseur moyenne de la couche d’eau évaporée
en avril , n’est que de 90 mill. 69.
La tension moyenne de la vapeur atmosphérique qui est
ordinairement en avril de 6 mill. 35 , a été de 7 mill. 73;
et riiumidité relative moyenne qui en année ordinaire est
de 69 74 , a été pour le mois d’avril de cette année de
73 “/o. Cette plus grande humidité de l’air a empêché que
l’évaporation ne correspondit à la température atmosphé¬
rique , elle a été la conséquence des brouillards qu’on a
observés au nombre de 29 et de la pluie assez fréquente 17
jours sur 30.
La quantité d’eau de pluie a été de 66 mill. 33, la moyenne
ordinaire est de 37 mill. 70.
La hauteur moyenne du baromètre à 0“ qui est de 760 m.
333 en avril, année moyenne a été en 1869 de 760 mill. 468 ;
les extrêmes ont été 743 mill. 26 le 17 et 770 mill. 55 le 13.
Les 5 , 10 , 23 , on observa des halos solaires ; les 19, 22,
halos lunaires , tous cinq suivis de pluie dans les 24 heures.
Le 15 , de 8 heures à 11 heures 30 du soir , magnifique
aurore boréale.
Les 27, 29 et 30 brouillards secs pendant la nuit; la lune,
rouge aurore à son lever, était plus tard de couleur jaune.
— 149 —
L’éleclromètre de Peltier, indiquait une grande tension
électrique. Le 30 à minuit le thermomètre sec du psychro-
mètre marquait 9" o et le thermomètre mouillé 3” 8 , ce qui
indique une tension de vapeur de 4 mill. 47 et une humidité
relative de 31 7°-
Les vents régnants pendant ce mois souftlèrent avec assez
de force du N. E. et du S. O.
La nébulosité du ciel fut moyenne , il y eut 22 jours de
»
rosées souvent abondantes. Deux fois on observa de la
grêle mélangée à la pluie. V. Meurein.
.^"^iiinisiiiatique. Découverte d'un Méreau de Robert de
Croy , évêque de Cambrai, au xvi.^ siècle. — De grandes
améliorations furent faites l’année dernière aux moulins de
Selles par les soins de M. Cornaille-Leroy , propriétai¬
re actuel de cette ancienne usine épiscopale. Les travaux
auxquels elles ont donné lieu et qu’il m’a été permis de
suivre ont mis à jour des médailles et autres objets anti¬
ques : ce qui tendrait à justifier de l’origine romaine que
Le Carpentier attribue au château de Selles, près duquel
s’élèvent lesdits moulins.
Les ouvriers ont, en outre, découvert, au même endroit,
plusieurs monnaies de Cambrai , entr 'autres une obole ,
que M. Robert attribue à la première moitié du xiv.^
siècle (^) , et divers méreaux des chapitres de Notre-Dame
et de Saint-Géry de Cambrai , du xvi.% dont quelques-uns
ont pu prendre rang dans les nombreuses variétés de mes
séries capitulaires. Ces petites pièces, retrouvées dans la
terre mouillée par les eaux de l’Escaut, étaient brillantes
comme de l’or; leur présence en ces lieux s’explique par le
commerce incessant qui se faisait aux moulins de Selles.
Ce que les fouilles ont amené de plus important, c’est
(h Ce spécimen est une varii té de la pièce publiée par M. C. Roberl
dans sa Numismaiique de Cambrai , p. 99.
loO —
un magnifique mércau ou jeton en étain, aux armes, au
chiffre et à la devise de Robert de Croy , évéqiie de Cambrai
de lol9 à looGi'O.
V /
Je ne ferai pas la description de cette jolie pièce que
l’intendant général , M. Robert, se propose de publier dans
le supplément qu’il prépare de sa Numismatique de Cam¬
brai. Je dirai seulement qu’on peut la considérer comme
un méreau ayant servi à la solde des ouvriers occupés par
le prélat à ériger, vers le milieu du xvi.*’ siècle, sur le cbû-
leau de Selles, la tour qui portait le nom de Croy. Tout
m’engage, du reste, à m’affermir dans cette opinion, non
seulement à cause de la proximité du lieu où ce type fut
découvert, mais encore on considération de l’usage ordi¬
naire du méreau de ce genre.
La bibliothèque publique de Cambrai possède un fort beau
volume sous le N." 1:2 du catalogue des manuscrils. Sa riche
reliure est garnie de cuivres sur lesquels j’ai reconnu, avec
la plus vive satisfaction , les mêmes armoiries et les mômes
chiffres que ceux que l’on distingue sur le jeton épiscopal ex-
.bumé dans l’îlot des Moulins de Selles. Victor Delattre.
Areliéoloj^te. Découverte de Tombeaux anciens à
Etouvelles (canton de Laon). — Des travaux exécutés ré¬
cemment dans l’église d’Etouvelles ont amené la découverte
de plusieurs cercueils de pierre, remontant vraisemblable¬
ment au xiii." ou XIV.® siècle , ainsi que le font suppose!*
les parties circulaires ménagées à l’intérieur pour recevoir
la tête des morts.
Dans l’un de ces cercueils, on a trouvé, avec des ossements
humains , un vase rond en terre , muni de deux appendices
tréflés et recouvert d’un vernis verdâtre , puis , les débris
d’une coupe en verre d’une grande délicatesse et une lige
en fer terminée par une tête d’animal.
(q Cette pièce mesure .33 millimètres de diamètre.
15( —
Ces intéressants objets ont été soigneuscjneni conservés
par M. le Maire d’Etouvelles qui vient de les adi esser à la
Société académique de Laon. Ils sont actuellement déposés
au musée de cette ville. Pilloy.
Habitation romaine à Bouvines. — On vient de constater
l’existence, à Bouvines, d’une Villa ou Métairie de l’épo¬
que romaine.
Des quantités de luiles à rebord et de tuiles faîtières; de
nombreux débris de poteries variées, depuis les plus com¬
munes en terre brûlée jusqu’aux plus fines en terre sa-
inienne avec personnages; une hache, des clous, une
meule à broyer; enfin plus de 900 monnaies en cuivre
saucé et en billon d’Elagabale à Posthume; voilà jusqu’au¬
jourd’hui le résultat des fouilles.
Bouvines, on le sait, se trouvait sur l’une des voies du
septemvium de Bavai , la même qui passait à Bonchin où
des recherches récentes ont fait découvrir plusieurs sépul¬
tures gallo-romaines. Ces deux découvertes aideront proba¬
blement à retrouver, dans un avenir prochain , l’emplace¬
ment exact de l’ancienne chaussée. Rigaux fils.
IVouvelIcs de îa ÏjUtératuec et des Ai*ts. Cour¬
rier belge. — La Société de l’Histoire de Belgique vient de
publier un ouvrage inconnu des écrivains qui se sont occu¬
pés jusqû’ici de la guerre de trente ans, c’est rHistoire
générale des guerres de Savoie^ de Bohême^ du Palatinat et
des Pays-Bas , par le seigneur du Cornet , gentilhomme
belgeois. Ce livre présente un intérêt réel : peinture de
mœurs et de caractères, récits d’actions héroïques, parti¬
cularités piquantes ou saisissantes sur les hommes et les
événements, tout se suit, tout s’enchaîne dans cette nar¬
ration qui amuse en instruisant : car ces récits recueillis
par un contemporain de la bouche de témoins oculaires ,
compagnons des Buquoy et des Tilly et acteurs eux-mêmes
— 152 —
(Je ces événements , sont d’une parfaite exactitude, com¬
plètement constatée d’ailleurs par les nombreux documents
authentiques dont 31. Robauly de Soumoy, commentateur
de cette histoire, l'a enrichie. En outre, il y donne une
dissertation , pleine d’érudition , sur l’organisation des ar¬
mées belges au xvii.® siècle : il a reconstitué, d’après les do¬
cuments conservés aux archives du royaume , tous les corps
belges , cavalerie et infanterie, figurant dans cette lutte ter¬
rible qui durant trente ans mit toute l’Europe en feu.
Vllistolre du comté de Looz , par le Père 3Iantélius , n’a¬
vait pas été ti-aduite jusqu’ici , et la seule édition qui en
existe est remplie de fautes qui en rendent la lecture très-
fatigante, i)aifuis inintelligible. C’était une tâche ingrate
de corriger ces fautes, de rétablir les textes et de mettre
en français un pareil livre. Cette tache n’a pas effrayé un
jeune et modeste savant de l’üniversité de Liège, 31. Amia¬
ble, qui recueille en ce moment d’unanimes félicitations
pour l’avoir entreprise et menée à bonne fin.
31. de l^otter continue avec un succès mérité son grand
ouvrage intitulé : Geschiedenis der gemeente van Vlaenderen
ou Histoire des communes de Flandre. Deux nouveaux
volumes sont mis en vente. Ils comprennent chacun Ehis-
toire de cinq à six communes.
Signalons enfin , dans Vllistolre de Saint-J osse-ten-Noode
et de Schærbck que vient de faire paraître 31. Eugène Van
Remmcl un remarquable chapitre sur le poète . llamand
Houwaërt qui « fiorissait » à Saint-Josse vers le milieu du
XVI.® siècle. pour extrait: A. DESPLA^QUE.
Le Gérant : E. Castiaux.
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
N.° 6. — Juin 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ IMPÉRI4LE DES SCIENCES, DE L’aGRICULTURE
ET DES ARTS DE LILLE
Mémoires 3.* série, VI.® volume — 1869.
La Société des Sciences de Lille vient de faire paraître
un nouveau volume de ses mémoires.
Il contient le compte-rendu de la séance publique du
27 décembre 1868 et 23 mémoires ou communications di¬
verses. Citons d’abord deux notices nécrologiques : l’une,
sur M. Vincent , par M. Fontaine de Resbecq ; l’autre , sur
M. Lyon. Il n’est pas d’habitudes plus honorables pour une
Société que celle de rappeler les travaux des membres dont
elle déplore la perte , mais la place dont nous pouvons dis¬
poser dans ce Bulletin est si réduite que nous ne revien¬
drons pas sur ces deuils de la science déjà un peu anciens.
Passons donc aux travaux scientifiques :
Etudes d' Ornithologie européenne : Des races locales^ par
M. de Norguet (^). — M. de Norguet continue avec talent les
traditions interrompues en 1856 par la mort de Degland ,
l’illustre auteur de l’Ornithologie européenne. Mais, dans
les présentes études, il ne s’agit pas de signaler des espèces
nouvelles ou de donner des descriptions plus exactes d’oi¬
seaux déjà connus. A propos des oiseaux d’Europe, M. de
Norguet examine une des questions les plus élevées et les
plus controversées de la science, celle des races locales.
Lorsque les naturalistes aperçoivent de petites différences
P) Loc. cit. p. 161 à 292.
— lü'l —
entre deux animaux de pays voisins, ils sont enclins à sup¬
poser que ces êtres appartiennent à une même espèce et
doivent leurs différences simplement à l’habitat. Ils les con¬
sidèrent comme des races locales. Ainsi , il existe dans le
Midi de la France et en Italie un moineau qui a le sommet
de la tête et la nuque marron , tandis que notre moineau
commun a ces parties colorées en cendré pur ; scs joues sont
blanches, celles de notre moineau sont blanc-grisâtre ; la
tache noire de sa poitrine est plus étendue. Beaucoup d’or¬
nithologistes font de ce moineau une race; d’autres l’érigent
au rang d’espèce. M. deNorguet adopte cette deuxième opi¬
nion. Il n’admet pas d’intermédiaires entre Fespèce collec¬
tive considérée comme actuellement stable et la variation
individuelle. Il repousse également les conclusions que
certains naturalistes ont voulu tirer des animaux domesti¬
ques pour établir l’existence des races sauvages. Si l’homme
parvient à créer des races, c’est en modifiant les habitudes
des animaux et des végétaux , en choisissant avec soin les
individus chargés de propager la race, en les empêchant
de se mêler avec les autres êtres de même espèce, sans
quoi les particularités qu’ils présentent et qui les font
rechercher auraient bientôt disparu. A l’état sauvage, de
semblables conditions ne peuvent pas se présenter ; il ne
peut donc pas s’établir de races.
Mais, si l’espèce est actuellement fixe, les individus qui la
composent ne sont pas rigoureusement semblables. Il existe
de nombreuses variations individuelles dont les causes sont
inconnues. Ainsi , le bec et les tarses un peu plus courts, ou
un peu plus longs, le plumage plus ou moins fortement
teinté, la taille générale augmentée ou diminuée, toutes
nàodifications que l’individu peut bien léguer à ses enfants ,
mais qui disparaissent plus tard noyées dans un flot de
sang étranger. 31. deNorguet ne pense pas que la nourriture
— 155 —
ni les milieux climatériques puissent être causes de ces
variations individuelles.
Les races locales des auteurs lui semblent donc devoir se
partager en deux groupes : les unes, nettement caractéri¬
sées , sont des espèces différentes ; les autres , connues seu¬
lement par quelques aniiuaux isolés , sont des variétés indi¬
viduelles. Sur 27 races examinées par l’auteur, 10 sont des
variations individuelles, 10 sont des espèces vraies et 7
demandent un surcroît d’investigations.
Catalogue des Hémiptères du département du Nord ^ par
M. Lethierry (i). — Il est des classes d’animaux qui seraient
en droit de se plaindre de l’abandon où les laissent les
naturalistes : telles sont les Hémiptères. Les insectes de cet
ordre vulgairement désignés sous le nom de Punaises , ne
possèdent ni les brillantes couleurs des papillons , ni l’éclat
métallique des scarabées, mais ils n’en sont pas moins inté¬
ressants ; la plupart exhalent une odeur assez forte : quel¬
ques-uns sentent l’éther, d’autres la pomme, d’autres le
cassis. C’est à cet ordre qu’appartiennent la Cochenille, qui
fournit de si belles couleurs à l’industrie , et les Pucerons ,
ces fléaux de l’agriculture et ces types de la fécondité. On a
calculé que , si tous les jeunes d’une famille de puceron, se
développaient également bien , un seul de ces insectes, né
au printemps , pouvait produire pendant l’été 4 millions
de milliards de petits-enfantsjusqu a la septième génération.
M. Lethierry, qui travaille depuis 6 ans à faire le cata¬
logue des Hémiptères du Département, s’est souvent trouvé
dans l’embarras par suite du petit nombre de travaux des¬
criptifs qui ont été faits sur ces animaux. Il constate la pau¬
vreté de notre département ; plusieurs espèces très-com¬
munes aux environs de Paris nous manquent; notre climat
(1) Loc. cit. p. 305 à 374.
— lüG —
froid en été , humide en tous temps, qui rend impossible la
culture de la vigne, doit aussi influer sur la Faune et sur¬
tout sur la Faune entomologique. L’existence de certains
insectes est intimement liée à celle de végétaux particuliers;
là où ceux-ci font défaut, l’insecte doit aussi manquer.
M. Lethierry signale dans son catalogue 373 espèces
d’Hémiptères propres au Département, mais le nombre doit
en être plus grand , car. il y en a beaucoup qu’il n’a pu dé¬
nommer.
Quelques erreurs ou préjugés en Physiologie végétale^
par M. Bacby (i). — M. Bacby combat, à l’aide de l’expé¬
rience , plusieurs préjugés qui régnent chez les arboricul¬
teurs et les borticulteurs. Il établit que chaque brandie d’un
arbre n’est pas en relation directe et exclusive avec une
division particulière de la racine. Ayant coupé une grosse
racine , il ne vit aucune branche en souffrir individuelle¬
ment. On ne peut dire en physiologie végétale que les raci¬
nes absorbent seulement par leurs spongioles et leur chevelu;
car , en replantant un arbre , on a l’habitude d’en couper
toutes les radicelles ; l’absorption se fait néanmoins par une
sorte de capillarité, et de nouvelles spongioles ne tardent
pas à se montrer.
Selon M. Bachy, il n’y a aucun inconvénient à tailler la
vigne en pleine sève ; elle ne pleure jamais bien longtemps,
et la quantité de liquide qu’elle répand ainsi n’équivaut pas
à celle qu’aurait exigée l’élongation des branches. Il n’y a
non plus aucun inconvénient à arroser les plantes au mo¬
ment où elles reçoivent les rayons directs du soleil. Les
prétendues taches de brûlure que l’on attribue souvent à un
arrosement inconsidéré sont dues simplement à des in¬
sectes. C’est par suite d’expériences, guidées par une exacte
d) Loc. cit. p. 387 à 396 et Mémoires de la Société des Sciences de
Lille , 4.* série , IV , p. 245 à 262.
157 —
observation des phénomènes naturels , que M. Bachy est
arrivé à ces résultats.
De V empoisonnement par les graines de Ricin ^ par le
docteur Houzé de l’Aulnoit. — L’Huile de Ricin s’extrait de
la graine de Ricin , plante de la famille des Euphorbes.
Comme beaucoup de végétaux de cette famille, le Ricin con¬
tient un principe oléo-résineux doué de propriétés véné¬
neuses assez actives. La graine renferme une assez grande
quantité de ce principe oléo-résineux. Mais l’huile qu’on
en retire par expression est simplement purgative , la ma¬
tière vénéneuse restant presque toute entière dans le marc.
On ne peut donc en médecine remplacer l’huile par les grai¬
nes du Ricin. Par suite d’un accident arrivé à Lille l’année
passée, M. Houzé de l’Aulnoit a eu occasion d’étudier expé¬
rimentalement l’action vénéneuse des graines de Ricin. Il
a constaté après Orfila qu’une dose de 3 gr. 30 de semences
de Ricin dépouillées de leurs enveloppes suffit pour empoi¬
sonner un chien en 30 heures. Le poison agit sur l’intestin
en y déterminant une vive inflammation et aussi sur le
système nerveux , car 12 heures après l’ingestion , le chien
était dans l’impossibilité de se soutenir sur ses pattes.
Etudes paléontologiques sur le Département du Nord ,
parM. Gosselet. — L’auteur consacre cette notice à discuter
les noms donnés aux fossiles du Département dans le Cata¬
logue du Musée de Douai, par MM. Potiez et Michaud.
Observations sur les couches de la craie traversées par
le Puits Saint-Réné à Guesnain, près Douai, par le même.
— Cette courte notice contient l’indication des couches tra¬
versées par le forage et des fossiles qu’on a rencontrés dans
chacune d’elles.
Observations géologiques faites en Italie, parle même.
— L’auteur y traite du Vésuve , des Champs phlégréens,
de l'Etna et des volcans des environs de Rome. Il s’attache
— 158 —
à montrer que d’une même bouche volcanique peuvent
sortir des laves de nature différente.
Note sur Vextraction et l’industrie du soufre dans les
solfatares de la Sicile, par M. Kuhlmann fils. — Le soufre
de Sicile n’a aucun rapport ni avec l’Etna, ni avec aucun
autre volcan ancien; il est au milieu du terrain tertiaire en
couches alternant avec des marnes gypseuses. Quelques
couches de soufre ont jusqu’à 8 mètres d’épaisseur. On voit
souvent les cristaux de soufre associés à de beaux cristaux
de Célestine (sulfate de strontiane) et de Gypse (sulfate de
chaux). Les mines de soufre appartiennent aux proprié¬
taires du sol, qui les exploitent eux-mémes ou les donnent
en gabelle à des sociétés. L’exploitation se fait par galeries
à une profondeur de 30 à 80 mètres ; on abat le minerai au
pic et on le remonte dans des paniers à dos d’hommes par
de mauvais escaliers en pierre ci*eusés dans la roche.
La purification du soufre ne se fait pas à l’aide de four¬
neaux de galères comme nous l’enseignent beaucoup de
traités élémentaires de chimie. Le soufre sert lui-même de
combustible. Sur un plan incliné en maçonnerie, on dispose
sous forme de cône nommé calcarone 2o0 à 600 mètres
cubes de minerai; un mur de 1 mètre oO cent, de hauteur
entoure le cône et le maintient. On allume le minerai ; une
partie du soufre brûle , l’autre fond et s’écoule par un con¬
duit dans une petite maisonnette où on le reçoit dans des
moules en bois.
Souvent le minerai de soufre présente des géodes con¬
tenant du soufre pulvérulent assez pur qui est presque
entièrement perdu. M. Kuhlmann pense qu’il y aurait
avantage à le faire venir en France pour l’employer à la
fal)rication de l’acide sulfurique. L’auteur ne croit pas que
l’extraction du soufre à l’aide du sulfure de carbone puisse
facilement s’établir en Sicile.
— 159 —
Etude sur les Calcaires du Pas-de-Calais , Y)RY Pa-
gnoul ; Mémoire sur les Houilles du Noi'd de la France ,
par 31. 3Iène. — Ces deux mémoires couronnés et imprimés
par la Société des Sciences de Lille sont des travaux du
même ordre consacrés l’un à l’analyse des calcaires, l’autre
à celle des houilles. Ils contiennent une foule de documents
qui seraient très-utiles au géologue et à l’industriel si l’ori¬
gine des échantillons analysés était mieux précisée. Dans
une même localité , dans une même carrière , on exploite
généralement plusieurs bancs dont la composition peut
être différente, l’un pourra renfermer du phosphate de
chaux que l’autre n’en contiendra pas un atôme. C’est à
plus forte raison vrai des couches de houille ; leur compo¬
sition chimique et par suite leurs propriétés calorifiques
varient avec la profondeur, le voisinage des failles et d’autres
causes encore inconnues. Ce n’est du moins qu’à des mo¬
difications de ce genre que l’on peut attribuer les différences
observées dans des analyses d’une même veine par diffé¬
rents chimistes. Ainsi la veine Espérance d’Auchy-les-Bois
a donné à 31. 3Iène 31 °/o de matières volatiles et Go'^/o de
coke, tandis que 31. Coince, ingénieur des mines à Arras,
en a obtenu 21 7., matières volatiles et 76 7o tl6 coke.
Expériences sur la conservation des œufs^ par 31. H.
Violette. — 31. Violette, à la suite de nombreuses expérien¬
ces sur la conservation des œufs, a reconnu qu’on obtenait
d’excellents résultats en recouvrant les œufs frais d’une
petite couche d’huile de lin. Il suffit pour cela de les frotter
avec le doigt enduit d’huile. La matière grasse bouche les
pores de la coquille et empêche la pénétration de l’air, et
par suite l’altération de la matière organique.
Description d'un thermopluj lacté , appareil conservateur
de la chaleur, par 31. Lebreton , m. c. — Qui n’a déjà ren¬
contré quelque soldat portant, empilées les unes sur les
— 160 —
autres, les gamelles où sont les dîners de ses camarades de
service. Si le corps-de-garde est loin de la caserne, la soupe
doit arriver bien froide. M. Lebreton , qui est intendant mi¬
litaire dans la Garde, propose d’entourer ces piles de ga¬
melles d’un manchon de fer blanc un peu large de sorte
qu’entre les gamelles et le manchon se trouve une couche
d air non conductrice de la chaleur ; c’est l’idée qui dans les
pays froids fait construire de doubles fenêtres. Cet appareil
a été mis en usage dans la Garde. De la soupe sortie de la
caserne à 62.® arrivait au corps-de-garde après une heure
de voyage à 34.°; avec l’appareil elle avait conservé une
température de 54.® : celle à laquelle elle est servie sur nos
tables. C’est surtout en hiver, quand il gèle, que le ther-
mophylacte peut être utile. De la soupe sortant à 65.® de la
caserne est parvenue à destination à 22.® sans appareil et à
49.® avec l’appareil. J. Gosselet.
ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, LETTRES ÈT ARTS, d’aRRAS.
Mémoires, 11.' série, tome II, année 1868.
Cette Académie fut fondée en 1737 comme Société litté¬
raire; elle prit le titre d’Académie en 1773, et disparut,
comme toutes les autres compagnies de ce genre , à la Ré¬
volution. En 1817 , elle fut reconstituée sous la dénomina¬
tion de Société d’encouragement pour les Sciences, les
Lettres et les Arts. Puis reconnue, en 1829, sous le titre
officiel et ancien d’Académie ; en vertu d’un décret du 13
août 1866, elle a été autorisée à prendre le titre d’Académie
impériale.
L’Académie d’Arras comprenait au 1.®" mars 1869: 30
membres résidants , 22 membres honoraires et 65 membres
correspondants.
Les membres titulaires étaient MM.
— 161 —
Jæcesne^ [1853] , adjoint au maire; Président.
L’abbé Proyart [1851], vicaire général; Chancelier.
Caron [1848], bibliothécaire de la ville; Vice-Chancelier.
L’abbé Van Drival^ [1860] , chanoine ; Secrétaire-Général.
Raffeneau de Lile [1864] ; Secrétaire-adjoint.
Godin [1844] , archiviste du Département ; Archiviste.
Paris [1866] , avocat; Bibliothécaire.
Bregeaut [1830] , pharmacien , prof, à l’école de médecine.
Colin, Maurice, O. ^[1831], ancien maire.
Wartelle de Retz^ [1832], membre du Conseil-Général.
Colin, Henri [1849] , juge suppléant au tribunal.
Ledieu^ [1841], directeur de l’Ecole de médecine.
Plichon , O. ^ [1848] , maire d’Arras.
Lestoquoy [1851] , professeur à l’Ecole de médecine.
De Mallortie [1852] , principal du collège.
De Linast^ [1853] , propriétaire.
L’abbé Robitaille [1855] , chanoine.
Laroche [1856] , maire de Daisans.
Watelet, L. [1857], ancien magistrat.
De Séde [1859] , journaliste.
Sens^^ [1860], député.
Legentil^^ [1863] , juge au tribunal.
Pagnoul [1864] , professeur de Physique au collège.
Boulangé^ [1866] , ingénieur en chef des Ponts-et-Chaus.
Grandgeillaume , 0.^ [1868].
Lenglet [1868], bâtonnier de l’Ordre des Avocats.
Coince [1868] , ingénieur des mines.
Cardin^ [1868] , président du tribunal.
Caminade ^ [1868] ; directeur des contributions-indirectes.
L’abbé Planque [1868] , chanoine.
Le volume que nous avons sous les yeux renferme le
compte-rendu de la séance générale du 22 août 1867, les
discours prononcés sur les tombes de MM. Broy , Thellier
et Parenty , membres de la Société, et trois notices biogra¬
phiques.
»
Notice sur M. Billiet avocat., par M. Legentil. — L’au¬
teur rappelle les services que M. Billiet rendit à la ville
d’Arras et à l’Académie.
— 1()2 —
Biographie de Dominique Doncre, peintre, par le même
auteur. — D. Doncre, naquit en Flandre en 1743, fut reçu
bourgeois d’Arras en 177^, et décéda en 1820. C'était « une
belle nature d’artiste qui n’a pas eu tout son développe¬
ment (’). »
Le propi’e du caractère de Doncre était l’honnêteté , la
droiture et la modestie, il était « très-liabile, et son habi¬
leté était de plus au service d’une souplesse peu commune
(jui lui permit d’aborder presqu’indifféremment tous les
genres, tels que la décoration et la miniature, et de se
signaler dans la plupart de ces genres par des œuvres su¬
périeures que ne désavoueraient pas les plus adroits spécia¬
listes. »
Mais si grande et si naturelle (iii’elle ail été, celte habi¬
leté fût devenue bien plus étonnante sans cette double cir¬
constance : qu’obligé perpétuellement de gagner le pain du
jour, Doncre dut utiliser son talent plutôt que le cultiver,
et (|ue pai* suite de sa pauvreté, il n’avait à sa disposition
que six à sept couleurs des plus primitives , qu’il achetait
chez le droguiste.
Notice sur M. Crespel-Delisle , par .M. Parenty. — Sous
le premier empire , les denrées coloniales faisaient défaut ,
Napoléon promit une somme très-considérable à celui qui
le premier établirait une fabrique de sucre indigène. Or, il
arriva que M. Crespel-Delisle fit avec la bellerave le sucre
demandé, et voici comment : « Dans le couj*ant de 1809,
un employé des bureaux de la préfecture , passionné pour
les expériences chimiques , parvint à extraire , du jus de la
betterave, ({uelques onces d’un sucre brut, de couleur
jaune, d’un goût de réglisse très-prononcé. M. Crespel
reçoit à Béthune cette nouvelle de Parsy , l’un de ses pa-
(9 Tournel, cité par M. Legentil.
— 163 —
renls et son ami crenfance. De son côté , il se met à faire
des expériences qui ne le laissent pas sans espoir. Dans le
mois d’octobre 1810 , il les reprend de concert avec Parsy
qui restait toujours à Lille. Pour la fin de novembre , ils
tentent en commun un essai plus grand ; pour cela ils ont
recours à un raffineur de Lille qui leur permet de disposer
de ses étuves. » Le succès couronna leur entreprise.
« Deux chaudières, une presse et des râpes furent mon¬
tées dans la maison de Parsy, rue de l’Arc, et les deux
associés travaillèrent ainsi jusqu’au mois de mars 1811. »
Le procédé employé par MM. Grespel et Parsy , si nouveau
pour eux, était déjà connu en Allemagne, puisqu’en 1787,
Achard de Berlin , associé du baron Koppi , poursuivant des
expériences faites 40 ans auparavant par Margraaf, avait
reçu du roi de Prusse le domaine de Kunern en Silesie, pour
y exploiter en grand l’industrie sucrière.
En 1747, Margraaf avait constaté l’existence du sucre
dans le tissu cellulaire de la betterave et l’en avait retiré en
traitant la racine desséchée par l’alcool. Achard employa un
procédé tout différent. Il fit cuire la betterave et l’exposa
ainsi à la pression. Il tit ensuite bouillir le jus obtenu jusqu’à
ce qu’il acquit la consistance du sirop, puis le versa dans
des vases plats qu’il mettait dans une étuve de 30 à 31
degrés. Il renfermait le tout dans un sac de forte toile dans
lequel on le pressait , et la cassonnade restait seule. Achard
continua ses expériences jusqu’en 1808, grâce à une sub¬
vention de ^00,000 francs que lui faisait le gouvernement
prussien.
M. Crespel-Delisle avait-it eu connaissance des travaux
d’Achard? Non, l'èpond 31. Parenty, car l’ouvrage d’A-
chard, traduit de rAliemand, ne parut que vers la tin de
1801 ; aussi quel ne dut pas être l’étonnement de 31. Grespel
’ « quand il apprit que lui, simple praticien , avait deviné
— 164 —
ce que le chimiste allemand avait découvert avec le flam¬
beau de la science. . . » Mais cet ouvrage n’en servit pas
moins M. Crespel , qui put activer ses travaux et livrer au
commerce, en 1812, une quantité assez considérable de
sucre.
Cependant ni M. Crespel ni M. Parsy ne furent récom¬
pensés; pourquoi? M. Parenty croit que leurs travaux
n’ont pas été connus de l’Empereur , et ce qui le prouve ,
dit-il, c’est qu’en 1812, M. Charles Derosne, envoyé par
Cbaptal à Lille pour y fonder une fabrique impériale de
sucre , n’apprit que sur les lieux mômes que déjà la fabrique
de M. Crespel marchait depuis deux ans.
M. Benjamin üelessert, raffineur à Passy , se livrait aussi
aux études les plus assidues pour obtenir en grand le sucre
de betterave bien cristallisé. Après quatre ans de tâtonne¬
ments il y réussit, et le 2 janvier 1812, il annonça son
succès au ministre Cbaptal. L’Empereur alla aussitôt visiter
rétablissement de M. Delessert et le décora de sa propre
croix.
Tout en constatant le succès de M. B. Delessert , il nous
est impossible , ajoute l’auteur , de ne pas faire ici la ré¬
flexion suivante : Comment se fait-il que M. Crespel-Delisle
n’ait pas sinon obtenu à son exclusion au moins partagé
avec lui la récompense qui lui fut décernée? En effet nous
avons remarqué qu’à la lin de 1810, M. Crespel et son parent
Parsy avaient obtenu du sucre et que dès ce moment ils
avaient fondé une fabrique. Pendant la première campagne
ils avaient obtenu 4 à oOO kil. de sucre brut, et en 1812 ils
livraient à la consommation 10,000 kil. Ils avaient donc
précédé M. Delessert.
Nous ne suivrons pas avec l’auteur M. Crespel-Delisle
dans toute sa vie industrielle , c’est à dire pendant SO ans
qu’il employa en efforts continuels pour améliorer et con-
— 165 —
duire à bonne fm une industrie qu’il avait prise à sa source.
Disons seulement de lui qu’au commencement il eut à sup¬
porter le dédain avec lequel on accepta le résultat de ses
expériences et qu’au déclin de sa vie il fut obligé de liquider,
écrasé surtout par les droits dus au Trésor.
En 1815 , il avait transporté le siège de son industrie de
Lille à Arras. Il y reçut d’augustes visiteurs. Le duc d’An-
goulême , Charles X, puis le duc d’Orléans se firent un
devoir d’aller visiter son établissement. Après sa liquida¬
tion le Corps législatif lui vota une pension viagère de 6,000
fr. à titre de récompense nationale. Il se retira à Neuilly où
il mourut du choléra, le 21 novembre 1865. Lecocq.
COURS PUBLICS.
Cours d'Histoire naturelle de la Faculté des Sciences de Lille ,
par M. G. Dareste.
DIFFÉRENCES D’ORGANISATION DANS UNE MÊME ESPÈCE. —
Après avoir rejeté la doctrine de la préexistence des germes
qui entrava si longtemps la marche de la science, le pro¬
fesseur passe à l’examen de la notion instinctive de l’espèce,
et commence par le premier terme de cette notion : l’espèce
est-elle réellement une collection d’individus semblables ?
— Si l’on cherche à se rendre compte de la valeur scienti¬
fique de ce premier terme, on se trouve en présence de faits
indiquant de grandes variations dans la forme et dans l’or¬
ganisation des individus d’une espèce. Le premier de ces
faits qui nous frappe d’abord , c’est le phénomène si curieux
et si général des métamorphoses. Tout le monde connaît la
série de formes par lesquelles passent les grenouilles et les
papillons avant d’arriver à l’état parfait ; je ne m’y arrê¬
terai pas, préférant donner un peu plus de détails sur les
autres classes que l’on connaît moins. Chez les Crustacés ,
— IGG —
nous voyons le Pliyllosome qui n’est qu’une larve de Lan¬
gouste , décrit comme un animal tout à fait différent et
rangé longtemps dans la méthode bien loin de l’adulte.
Il en a été de même dos Zoos que l’on sait maintenant être
des larves de Crabes et de Homards. Les Cirrhopodes qui
vivent fixés au sol, ont des larves qui ressemblent à nos
petits crustacés d’eau douce et nagent librement dans la
mer. Les Lernées adultes se liennent en parasites sur les
branchies des poissons, et ne ressemblent en rien à leurs
jeunes qui sont agiles comme les Gyclopes de nos ruisseaux
avec lesquels on pourrait les confondre. Chez les Annélides,
comme la Térébelle qui vit solitaire dans le tube qu’elle
s’est construit, la larve est vagabonde et ressemble à un
infusoire. L’Actéon adulte n’a plus de coquille et il rampe
sur les rochers; jeune, il était protégé d’une cuirasse et
courait la mer. L’Huître qui vient d’éclore est un infusoire.
Dans la classe des Vers intestinaux, le phénomène des mé¬
tamorphoses dépasse tout ce que l’imagination aurait pu
prévoir : le ver solitaire , par exemple, vit d’abord dans
les muscles du porc, sous forme de vésicule contractile
(cysticerque) , et pour se transformer en ver proprement
dit, il a besoin de passer dans l’intestin d’un autre animal.
Dans la classe des Polypes, nous trouvons le Corail dont la
larve n’est qu’un petit ver blanc nageant librement dans le
sein de la mer. Enfin , les Vertébrés eux-mêmes n’échap¬
pent pas à la loi des métamorphoses : l’Ammocète ou Lam-
prillon n’est que la jeune Lamproie et le Zeus faber ou pois¬
son Saint-Pierre était rangé dans des genres différents sui¬
vant son âge. Chez les oiseaux, les mammifères et l’homme,
les métamorphoses semblent manquer au premier abord ,
cependant l’éruption des dents chez l’homme vers la 7.® an¬
née, les différences considérables qui existent entre le
crâne du Gorille jeune et celui de l’adulte sont encore des
— 1G7 —
phénomènes du même ordre ; mais ici comme chez tous les
autres animaux où les formes successives ne sont pas appa¬
rentes, les métamorphoses se passent dans la vie embryon¬
naire. Si Ton suit, en effet, les phénomènes embryogéni-
ques , on assiste constamment à la disparition et à l’appari¬
tion de formes et d’organes nouveaux et successifs. Les mé¬
tamorphoses constituent donc une loi tout à fait générale
qui nous montre que l’animal, quelqu’il soit, n’est pas iden¬
tique à lui-même à toutes les phases de son existence.
Non seulement l’individu considéré isolément est variable
dans sa forme, mais les individus dune même espèce con¬
sidérés les uns par rapport aux autres nous offrent encore
des types très-différents qui tiennent à la sexualité. Dans
les espèces hermaphrodites, les fonctions étant les mêmes
chez tous les individus , ils subissent tous les mêmes mé¬
tamorphoses de la même manière ; mais c’est là le très-
petit nombre, et dans la plupart des cas , les sexes sont
séparés. Les différences sexuelles, abstraction faite évidem¬
ment de celles qui tiennent à l’organe même de la repro¬
duction , sont extrêmement variées, mais ne peuvent pas se
rattacher à une loi commune. Le professeur est donc obligé
de se borner ici à donner des exemples.
L’homme est généralement plus grand que la femme ,
ses muscles sont plus accentués , plus anguleux et son’ la¬
rynx présente des modifications particulières en rapport
avec la voix. Dans la classe des mammifères, les différences
sexuelles tiennent à la taille , à la coloration du système pi¬
leux et à l’existence d’appendices divers qui n’existent que
dans l’un des deux sexes , comme la crinière du lion , les
défenses du sanglier et les bois du cerf. Les oiseaux mâ¬
les sont plus grands que leurs femelles, excepté dans les
rapaces où le fait est inverse, leur coloration est plus bril¬
lante , surtout à l’époque des amours , et ils présentent
— iGS —
souvent une exubérance de plumage que l’on ne rencontre
pas dans l’autre sexe; qu’il me suffise de citer la collerette
du faisan doré, les élégantes touffes soyeuses des paradi¬
siers, le paon et l’argus pavonin.
Les différences sexuelles ne portent pas seulement sur
les caractères extérieurs , elles affectent aussi l’organisation
interne : ainsi la trachée - artère de certaines espèces de
Canards et d’Oies présente chez le mâle au point où elle
se bifurque en deux branches un tambour qui renforce sin¬
gulièrement la voix. Dans la classe des insectes, les femelles
sont souvent plus grandes que les mâles; c’est une règle
assez générale , mais qui n’est pas absolue ; la coloration ,
la forme des antennes varient aussi ; les mâles du Cerf-
volant et du Scarabée hercule présentent un développement
considérable des mandibules ou des cornes sur le corselet ;
enfin on rencontre des espèces où les mâles sont ailés ,
tandis que les femelles ne le sont pas. Chez les Crustacés ,
les Lernées présentent des différences bien remarquables;
tandis que les mâles conservent toute leur vie leur forme
de crustacé , les femelles se déforment et ressemblent aux
vers intestinaux avec lesquels on les avait d’abord con¬
fondues. Dans la classe des Céphalopodes dont le Poulpe ou
Pieuvre est un exemple connu de tous , les différences sont
également bien marquées ; je ne citerai qu’un seul exemple,
celui du célèbre Argonaute. L’animal contenu dans cette
superbe coquille est la femelle, le mâle est nu et beaucoup
plus petit. Dans tout le règne animal, il y a donc deux types
différents en rapport avec les sexes, mais ces deux types
ont au fond la même organisation, seulement l’un ou l’autre
reste stationnaire dans le cours de ses métamorphoses;
ainsi les femelles des mammifères et des oiseaux rappellent
à bien des égards les caractères des jeunes mâles, et dans
les insectes , elles sont plus ou moins semblables aux lar-
— 169 —
V
ves ; ce qui prouve bien que ces différences sexuelles tien¬
nent à des arrêts de développement, c’est que les vieilles
femelles qui ont passé l’âge de la reproduction peuvent
suivre le cours de leurs métamorphoses et revêtir les carac¬
tères des mâles adultes : on a vu en effet de vieilles che¬
vrettes se couvrir de bois , et de vieilles faisanes prendre la
coloration et le plumage des faisans. Des faits inverses peu¬
vent se présenter ; ainsi les Lernées mâles conservent toute
leur vie leurs caractères de crustacé que les femelles perdent
assez rapidement.
Ces types différents dépendant du sexe ne sont pas les
seuls que l’on ait observés; M. Wallace, par exemple, a
constaté , sur plusieurs espèces de Papillons venant de
Java, que le sexe femelle présente plusieurs types , tandis
que les mâles n’offrent pas de différences entr’eux. Il est
probable, dit le professeur, que les découvertes futures
généraliseront beaucoup ces faits. Dans nos insectes indi¬
gènes on remarque des phénomènes analogues. Les Guêpes
et les Abeilles nous présentent trois formes différentes : le
mâle , la femelle et l’ouvrier. Ce dernier , chez les Abeil¬
les , se distingue aisément des deux autres par des modifi¬
cations anatomiques et physiologiques très-remarquables ;
ainsi le premier article du tarse de sa 3.® paire de pattes
présente en dedans une brosse et en dehors une corbeille ;
quand il a butiné sur toutes les fleurs , il brosse les poils
qui couvrent son corps pour réunir le pollen en petites pelo¬
tes qu’il introduit dans sa corbeille. Un autre caractère im¬
portant de l’abeille ouvrière, c’est la production de la cire
qu’elle seule a la propriété de sécréter ; de plus , Fr. Huber
a remarqué que , parmi les ouvrières , les unes étaient plus
spécialement destinées à la production de la cire , tandis
que les autres étaient chargées de l’éducation des larves et
de toutes les autres fonctions de la communauté , il les a
2
— 1/0 —
donc distinguées en Abeilles civières et en nourrices. Parmi
les Fourmis , quelques espèces présententTîn seul type d’in¬
dividus neutres, tandis que d’autres en ont deux : les ou¬
vriers et les soldats. C’est un phénomène des plus curieux
que de voir ces soldats, exclusivement employés à la défense
de la communauté , partant par groupes compactes , pour la
conquête d’autres fourmilières dont ils réduisent les ouvriers
en captivité. C’est ainsi que la Fourmi roussàtre et la Four¬
mi sanguine passent leur vie dans Foisiveté, en se faisant
servir par les ouvriers d’autres espèces de Fourmis. Les
Termites, de l’ordre des Névroptères, présentent aussi
quatre sortes d’individus: les mâles, les femelles, les ou¬
vriers et les soldats. Tous ces individus neutres ne sont que
des individus sexués chez lesquels les organes de la repro¬
duction ne se sont pas développés et qui ont éprouvé des
modifications correspondantes au rôle qu’ils ont à remplir
dans la communauté. P. Hallez.
BIBLIOGRAPHIE
Mémoires lus à la Sorbonne dans les séances extraordinaires du
Comité impérial des travaux historiques et des Sociétés savantes ,
tenues les 14, 15 , 16 et 17 avril 1868.
Au moment où nous rendions compte des lectures faites
en Sorbonne à la dernière Réunion générale des Sociétés
savantes , nous arrivait le texte imprimé des mémoires lus
dans les séances de l’année précédente. Extrayons-en tout
ce qui intéresse notre ressort.
HISTOIRE, PHILOLOGIE ET SCIEXCES MORALES
Le Centime et le Nord de la Gaule au siècle d’Auguste et
sous les Antonins^ par M. Tailliar, président honoraire à
la cour de Douai. — Depuis longtemps, M. Tailliar nous
— 171 —
avait initiés à l’histoire des institutions du Nord de la
Gaule sous la domination romaine. Aujourd’hui , il élend
ses recherches à la région centrale de notre patrie. Il traite ,
à la fois, des deux anciennes provinces de Sens et de
Reims. Sa nouvelle publication participe ainsi de l’histoire
générale et de l’histoire locale. Attentif à ne point séparer
l’étude des institutions de l’examen des lieux où elles ont
fleuri, M. Tailliar commença par distinguer le bassin de
la Seine et le bassin du littoral Nord-Ouest. Il trace les sub¬
divisions naturelles de l’un et de l’autre. Puis il parle des
peuples qui habitaient ces deux bassins. A ce sujet il éta¬
blit une distinction, dont l’idée lui appartient en propre,
entre les peuples j^rimitifs ou principaux , et les peuples
secondaires ^ de formation plus récente. Les premiers sem¬
blent avoir eu pour traits , ou institutions caractéristiques :
1 .“ un nom patronymique , qu’ils ont apporté avec eux dans
la Gaule ; 2.® des hrenns ou commandants en chefs ; 3.° des
sanctuaires ou centres religieux. Ces caractères essentiels
manquent aux cités de formation secondaire , peuplades
détachées , à une époque relativement récente , de nations
plus anciennement constituées. Ces peuplades secondaires ,
au lieu d’un nom patronymique , portent une désignation
empruntée à la configuration des lieux ou à la topographie.
Par exemple , M. Tailliar remarque que les VéronianduenSy
issus des Suessiones , sont les hommes de la Grande Mon¬
tagne (Ver Mand) ; les Ambiens^ sortis des Bellovaques,
sont les hommes du pourtour ou de la zone sinueuse ; les
Morins , détachés des Atrébates , sont les hommes de la
mer ou des lagunes. <r Ni les uns , ni les autres ne sont in¬
diqués comme ayant obéi à des hrenns ou possédé des sanc¬
tuaires. »
De l’étude des nations, M. Tailliar passe à celle des pagi ,
dénomination qui s’applique tantôt à des subdivisions ad-
— 172 —
ministratives de la a7e, tantôt à des régions naturelles.
Dans ce dernier cas, le nom du pagus rappelle générale¬
ment ou la physionomie des lieux, ou le genre de produc¬
tions qu’on en tire.
L’auteur retrace ensuite les circonstances dans lesquelles
s’est effectuée la conquête de la Gaule , les causes de la
perte de son indépendance , les résistances plusieurs fois
renouvelées des vaincus et les moyens employés par les
vainqueurs pour asseoir et consolider leur domination.
Comme exemples de la diffusion de Télément romain
dans les Gaules , il décrit successivement : une colonie
militaire (Bavai) : une ville alliée (Reims) ; une ville sujette
(Sens) ; une ville de commerce (Paris) ; une ville militaire
sur le littoral (Lillebonne) ; un port de mer (Boulogne) ; un
établissement militaire à l’intérieur (Chamlieu).
Essai sur le Magistrat de Douai, par M. l’abbé Dehais-
nes, archiviste de la même ville. — Chacune des lectures
de M. l’abbé Dehaisnes est une bonne fortune pour les
auditeurs de la Sorbonne , et nous sommes certains de ne
pas encourir de démenti si nous disons qu’il en est peu
dont le retour soit salué , chaque année , par un accueil
plus sympathique. Précédemment, et dans un mémoire
fort goûté, notre collaborateur avait entretenu l’assistance
des Relations commerciales de Douai avec l’Angleterre au
moyen-âge. En 1867 , lorsqu’on s’apprêtait à célébrer le
deux-centième anniversaire de la Réunion , par Louis XIV,
à la France , des territoires compris dans la circonscription
actuelle du département du Nord , il a lu , sur la Domina¬
tion française à Douai et dans la Flandre wallonne, une
étude qui lui a valu les félicitations de S. Exc. M. Duruy ,
présent à la séance. En 1868, c’est un Essai sur le Magis¬
trat de Douai que M. Dehaisnes a présenté aux délégués des
Sociétés savantes. Ce mot essai contient un commencement
— 175 —
de promesse que voudra tenir, nous en sommes certains, l’ac¬
tif et intelligent archiviste de Douai, si bien posé pour écrire
une histoire des institutions municipales de cette ville. En
attendant, il nous fait connaître la composition du Magis¬
trat, ses attributions collectives et les diverses fonctions de
ses membres. Il énumère les atteintes que l’autorité royale
a successivement portées à l’autonomie administrative de
cette commune, l’une des plus puissantes de Flandre. « Les
institutions de Douai , dit-il en terminant , avaient fait
vivre une longue suite de générations de cette vie civile et
politique qui élève les âmes et trempe vigoureusement les
caractères. Aujourd’hui encore , celui qui étudie sérieuse¬
ment l’antique organisation de nos cités y rencontre , non
seulement la vérité qui instruit et l’intérêt qui charme ,
mais aussi des leçons de liberté et d’indépendance. »
L'Ambassadeur du Grand-Duc de Toscane et les Proscrits
florentins, épisode inédit du règne de Hemd III , par M.
Abel Desjardins , doyen de la Faculté des Lettres de Douai.
— C’est par des tableaux d’un autre genre que M. Desjar¬
dins évoque en nous les mâles sentiments qui sont le plus
noble apanage de l’humanité. Quel spectacle révoltant que
celui du grand-duc François I.", s’appliquant à poursuivre,
jusque sur la terre hospitalière de France, ceux de ses
sujets qui ont voulu se soustraire par l’exil à l’asservisse¬
ment de leur patrie. Ils sont cinq contre lesquels il dirige
insidieusement le poignard. « Suivre pas à pas chacune des
victimes signalées , trouver des meurtriers experts et
aguerris , les encourager , les diriger , leur fournir l’occa¬
sion de frapper ; le coup fait , leur procurer les moyens de
fuir et leur payer le prix du sang : voilà la grande occupa¬
tion de l’ambassadeur du grand-duc et l’unique souci de
son secrétaire! » Le savant hisiovieu des Relations de la
France et de la Toscane nous a ainsi fait pénétrer dans un
— 174 —
des recoins les plus obscurs du triste règne de Henri III.
Etude sur la dernière conversion de Pascal , par M.
Delègue. — C’est le même morceau dont il a été déjà rendu
compte ici à propos du t. xiii des Mémoires de la Société
Dunkerquoise. A. Desplanque.
ARCHÉOLOGIE.
Recherches archéologiciues sur le château^ la maison d'é¬
chevinage et l'église de Domart , par M. Dusevel. — Domart
est un bourg de l’arrondissement de Doullens qui possédait
au moyen-âge un donjon construit, en 1174, par Bernard,
seigneur de Saint-Valéry. Des sièges et des combats, puis
comme fin la ruine et l’oubli , telle est l’histoire du château
de Domart et celle de tous ses pareils. Près du château s’éle¬
vait l’église qui sert encore de paroisse à la commune ; elle
a subi tant de changements , tant d’incendies et de répara¬
tions qu’on ne peut guère y retrouver de restes certains de
ses constructions primitives. Il n’en est pas de même de la
maison d’échevinage : elle nous montre un exemple de ce
qu’était au xii.® siècle une maison de ville. Outre la des¬
cription et l’histoire de ces monuments, M. Dusevel fait con¬
naître quelques usages du temps. Ainsi , par suite d’une
fondation , le prieur de Domart était tenu de faire prêcher
dans l’église , « le jour de Pâques fleuries , un sermon pour
lequel il payait ordinairement 8 sols et à dîner , ou 10 sols
sans le dîner. » J. G.
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES SUR l’iNDUSTRIE DANS LE DÉPARTEMENT
DES ARDENNES
par Ed. Xivoit , ingénieur des mines (q
Ce petit volume de 343 pages sera lu avec intérêt par tout
(i)Charleville, Eugène-Jolly; 1869.— In-12de 343 p. avec planches
Prix 2 fr. 50.
— 175 —
le monde. Avec beaucoup de clarté et d’une manière à la
fois savante et élémentaire , M. Nivoit explique les indus¬
tries vulgaires, celles dont nous sommes chaque jour té¬
moins et qui satisfont aux besoins matériels les plus pres¬
sants de la Société.
Un premier chapitre est consacré à l’industrie minérale.
L’auteur y indique la position géologique et l’exploitation
de l’ardoise, de la pierre à bâtir, des marbres, de la chaux,
de la marne, de l’argile à briques ou à poteries , du phos¬
phate de chaux, du minerai de fer. Un second chapitre
traite de l’industrie agricole , c’est-à-dire des procédés de
culture ; de la fabrication de la farine , du pain , du sucre ,
de la chicorée, du vin, du cidre, de la bière, de l’eau-de-
vie, du rouissage du lin et du chanvre, des ateliers d’é¬
quarrissage. Un troisième chapitre est consacré à l’indus¬
trie forestière, si importante dans le département des Ar¬
dennes. Un quatrième à l’industrie métallurgique du cuivre
et du fer, les seuls métaux travaillés dans ce département.
Le cinquième chapitre est consacré à l’industrie des tissus
et essentiellement au travail de la laine à Sedan et à Re-
thel. Enfin, sous le titre d’industries diverses , le sixième
chapitre contient quelques détails sur l’imprimerie , la
fabrication du papier, des crayons, du gaz d’éclairage,
du cuir, de la colle-forte (colle de Givet) , du verre, de la
poudre, des brosses.
On voit combien de notions utiles on peut trouver dans
le livre de M. Nivoit; bien qu’écrit spécialement pour le
département des Ardennes, il convient à toute notre région.
Nous nous bornons pour le moment à en donner en quelque
sorte la table des matières, nous proposant d’y faire de
larges emprunts lorsque nous pourrons consacrer quelques
^ articles aux produits naturels de notre pays et aux indus¬
tries locales. . J. G.
— 176 —
LES CORPS DE MÉTIERS ET LE COMMERCE DE CAMBRAI
DU XII.* AU XIX.* SIÈCLE
par M. Alcibiade Wilbert (i)
QUELQUES DOCUMENTS POUR SERVIR A l’HISTOIRE
DE l’industrie A LILLE
par M. Victor Derode v^)
Le travail de M. Aie. Wilbert, président de la Société
d’Emulation de Cambrai, est, ainsi qu’il le dit lui-même,
l’extrait d’un ouvrage inédit qui peut être considéré comme
un commentaire des diverses histoires du Nord de la France
et particulièrement de Cambrai.
Le titre de ce travail laisse entrevoir toutes les questions
qui y sont traitées, et que l’étendue de ce bulletin ne nous
permet même pas d’eftleurer. A défaut, nous nous spéciali¬
serons et nous nous contenterons de prendre chez l’auteur
tout ce qui est relatif aux corps de métiers.
Nous agirons de même avec le mémoire de M. Victor De¬
rode.
Quelle est l’origine de ces Associations d’hommes d’une
même profession , connues au moyen-âge sous le nom de
Corporations et de qui sont nées les maîtrises et jurandes?
Nous ne le savons pas, mais il est probable qu’elle remonte
au berceau des Sociétés.
« Dans tous les temps , dit Dalloz (^), les hommes condam¬
nés par l’état social à une existence précaire ont senti le
besoin de s’unir pour se protéger mutuellement et se prêter
secours dans les épreuves de la vie. »
P) Mémoires de la Société d'Emulation de Cambrai, t. xxx, 1 partie,
p. 311 à 374.
(2) Mémoires de la Société des Sciences , de l’Agriculture et des Arts
de Lille, 3.^ série, t. iv, p. 381 à 465.
P) Association — Introduction.
— i77 —
« Chez les Grecs et les Romains , ajoute le même au¬
teur (^) , nous trouvons le travail et l’industrie organisés et
réglementés dans des corps collèges o\i communautés, comme
nous les retrouverons plus tard dans le moyen-âge. ®
Et plus loin : « Nous nous sommes un peu étendus sur
l’origine et l’organisation des corps d’arts et métiers chez
les Romains, parce que d’eux sont nés évidemment les
Corporations qui, au moyen-âge, couvrirent toute l’Eu¬
rope. Il ne faut pas croire en effet que le régime des mai-
trises et jurandes soit sorti à un moment donné des règle¬
ments et des ordonnances de Louis IX et de ses successeurs.
Les Corporations existaient dans la Gaule longtemps avant
cette époque ; liées au régime municipal dont elles faisaient
partie , elles passèrent et se conservèrent avec lui dans la
plupart des villes. »
Nous voyons donc que Louis IX n’organisa pas les pro¬
fessions ; il constata seulement les règlements qu’elles s’é¬
taient donnés comme le fit plus tard Charles VII pour toutes
les coutumes du royaume (2) , afin de mettre un terme aux
difficultés qui naissaient des lois établies par l’usage mais
non écrites et par suite diversement interprétées (3).
Les quelques renseignements qui précèdent nous ont
paru nécessaires pour établir la filiation , jusqu’au moyen-
âge , des Corporations d’arts et métiers ; ils nous font voir
d’ailleurs que notre civilisation actuelle a pour points de
(1) Industrie — Introduction.
(2) A propos de ces coutumes, voici ce que nous apprend Mouston ;
« Le dessein en fut formé sous Charles VII , qui ordonna que toutes
les coutumes seraient écrites et accordées parles praticiens de chaque
pays, puis examinées par le Grand Conseil et le Parlement. » Cette
rédaction fut lente et difficile ; elle ne fut achevée que plus de 100 ans
après la mort de Charles VII.
(3) M. Aie. \\’ilhert, loc. cit. p. 318.
2-^
— 178 —
dépari les premières Sociétés humaines qui se sont formées.
Les Corporations jouissaient à l’origine d’une certaine
indépendance , mais les chartes qui avaient été d’ahord
pour les industriels des garanties de liberté , changèrent
de nature et devinrent pour eux des liens véritables, liens
déguisés sous toutes sortes déformés. Les droits des Corpo¬
rations, leurs privilèges disparurent graduellement et furent
remplacés par des clauses contraires. L’accessoire prit la
place du principal et les titres ne relatèrent plus que les
conditions d’admission des candidats, l’obligation du chef-
d’œuvre, les formalités de fêles religieuses, les festins de
corps, etc. (*)
Il avait été de l’intérêt privé des maîtres de demander des
chartes pour écarter la concurrence étrangère. Les rois
ont cru qu’il était de leur intérêt — de l’intérêt général ,
veux-je dire , — d’avoir sous la main les Corporations.
(( Chaque communauté n’avait eu en vue, dit M.Depping(2),
que l’avantage personnel des maîtres de métiers ; de là les
longs apprentissages qui, pour quelques métiers, étaient de
8 à 10 ans. »
A Cambrai et à Lille , la durée de l’apprentissage était
beaucoup moins longue.
A Cambrai, les serruriers, maréchaux, orfèvres, caudril-
liers (chaudronniers) , éperonniers , arquebusiers , taillan¬
diers et couteliers ne pouvaient passer maîtres qu’après un
an d’apprentissage (3).
A Lille, le candidat devait fournir, au siège du stil devant
lequel il se présentait, une attestation d’apprentissage de 2,
3 , 4 années.
On appelait stil ou métier, une profession industrielle
(q Derode, loc. cit. page 389.
(2) Cité par M. Aie. Wilbert, loc. cit. p. 319.
(3) Règlement du 25 octobre 1599, cité par M. Aie. Wilbert, p. 320.
— 179 — •
quelconque. Les artisans du même stil se réunissaient pour
élire un chef ou syndic. Aidé de quelques Conseillers dési¬
gnés par l’élection , le syndic formait le siège du stil , sorte
de tribunal qui fixait la part de chaque maître dans les im¬
pôts exigés de l’industrie , examinait les candidats au titre
de franchise ou de maîtrise. Pour avoir force de loi les sen¬
tences du siège devaient être sanctionnées par le Magis¬
trat (^).
Outre l’apprentissage dont nous venons de parler, les
règlements de chaque corps de métiers exigeaient de l’ap¬
prenti un travail du métier qu’il voulait exercer : ce qui
s’appelait le chef-d'œuvre.
C’était à Cambrai : pour les tonneliers et cuveliers , une
baignoire ou un saloir ; pour les chapeliers , deux chapeaux
de telle étoffe , forme et façon qu’il était ordonné par les
mayeurs (^) .
A Lille , les chapeliers devaient confectionner quatre
chapeaux : un en carton , un en laine de cigone [sic), un
en laine d’Espagne et un en laine d’Avelaine p).
L’apprentissage terminé, le chef-d’œuvre accepté, le
travailleur pouvait passer maître , s’il avait le moyen de
payer aux maîtres du corps et aux valets une certaine ré¬
tribution, et en outre, une entrée , un diplôme , une coti¬
sation annuelle.
Ceci se passait à Lille. A Cambrai, dit M. Aie. Wilbert (4],
l’apprenti admis en qualité de maître devait payer pour sa
réception une somme déterminée qui appartenait , pour la
plus forte partie, à celui qui sous le nom de roi devait avoir
constamment en vue les intérêts de ses confrères et se trou-
(1) M. Dorode, loc. cit. p. 392.
(2) M. Aie. Wilbert, p. 321.
(3) M. Derodo , p. 400.
[^) Page 320.
_ 180 —
«
\ ait particulièrement chargé de les défendre, et, pour le
surplus, diiix jurés et aux maîtres chargés , ceux-ci, de l’ob¬
servation du règlement ou de la police du métier , ceux-là ,
des jugements à porter sur toutes les difficultés qui se pré-
sentaientou des appréciations à en faire et des avis à donner
sur le mérite des apprentis qui aspiraient à passer maître
ou, comme on le disait : lever leur métier.
Les maîtres en étaient arrivés à considérer leurs métiers
comme un bien héréditaire. Aussi, difticultés sur difficultés
pour les aspirants; au contraire, peu ou point d’obstacles
pour les enfants des maîtres. Les droits des maîtres (^),
c’est-à-dire ceux qu’on avait à payer pour passer maître ,
étaient généralement moindres pour les fils de maître que
pour les autres apprentis. Les fils de maîtres qui travail¬
laient sous la direction de ces derniers étaient seuls dispen¬
sés de justifier de leur apprentissage.
On sait que la division des professions existait officielle¬
ment et qu’il s’y attacha la réglementation des modes ou
0
procédés de fabrication. Chacun devait faire son métier et
rien que son métier , et les empiétements d’une profession
dans l’autre étaient sévèrement punis. Aussi , quels procès !
C’était le bon temps de la chicane , mais par contre une
triste époque pour l’industrie.
Voyons , à titre d’exemple , ce qui se passait à Lille dans
trois corporations : les teinturiers en gourdaine, les teintu¬
riers grand teint et les teinturiers petit teint. Ces Corpora¬
tions étaient en hostilités continuelles. A chaque invention
nouvelle c’était de nouvelles difficultés. Mais quand vint le
teint Saxe, ce fut bien pis encore : il fallait des substances
appartenant à trois Corporations diverses. Lorsqu’en 1766
arrivale rouge d’Aiidi inople inventé par Dachon, ce fut une
(J) Aie. V’iibert , loc. cit. page 323.
— 181 — .
telle complication de procès et de procédés que tous les tein¬
turiers finirent par mourir à la peine. Un seul avait résisté
et exerçait en 1780.
O
C’est l’histoire des Corporations à cette époque ; elles
étaient mortes ou se mourraient. Aussi la Révolution qui
vint abolir les privilèges des maîtres en meme temps qu’elle
fit table rase de toutes nos vieilles institutions, n’a pas de¬
vancé de beaucoup, croyons-nous, le moment où le com¬
merce en général aurait demandé lui-même la liberté du
travail et de l’industrie, liberté proclamée la première fois
par Turgot , dans le préambule de l’édit de 1776.
C’est la loi du 2 mars 1791 qui supprima tous les offices
et lettres de maîtrises. Cette suppression fut-elle un bien ?
Oui. Car en affranchissant l’industrie, elle affranchit aussi
les travailleurs et ce n’est pas peu de chose.
Cependant il faut reconnaître avecM. Villermé (* *) que le
régime des Corporations eut une grande part à l’affaiblis¬
sement du pouvoir féodal, à l’affranchissement des com¬
munes, et que, par conséquent , la critique à laquelle a pu
donner lieu l’organisation des corps et métiers, s’applique
non aux statuts du moyen-àge, mais à ceux qui leur ont
succédé et dont on a eu à constater le caractère en 1789.
Lecocq.
LE CHATEAU DES DIADLES
OU LES SOUTERRAINS DU CAILLOU-QUI-BIQUE
Essai romantique par Victorien Tassin
Toutes les objections que l'on peut faire contre la légiti¬
mité du roman historique ont été produites depuis long¬
temps et nous sommes loin de méconnailre la valeur de la
plupart d’entr’elles. Nous n’en devons pas moins compter
(1) Cité par M. Aie. Wilbert, loc. ciU page 342.
(*) Valenciennes , Giard, 1868; in-8."de272 p.
— 182 -
avec un genre de littérature où (pour ne citer que des
hommes de notre pays) se sont distingués tour à tour
MM. Edouard Le Glay et Henri Bruneel , Eugène Bouly de
Lesdain et Samuel-Henri Berlhoud , Victor Derode et Jules
de Saint-Génois. C’est dans ce groupe d’écrits où les riches
couleurs de l’imaginalion s’associent aux sévères réalités
de l’histoire , que l’essai romantique de M. Victorien ïassin
demande à trouver place.
Hâtons-nous de dire que, de l’aveu même de l’auteur,
la fantaisie domine dans son œuvre, l’audacieuse fantaisie
d’Outre-Rhin. Lecteurs de Consuelo, qui vous souvenez des
merveilles souterraines du château de Rudolsladt , atten¬
dez-vous à les voir ici dépassées. Les sombres visions des
Paroles d’un Croyant vont aussi défiler sous vos yeux!
M. T assin s’est proposé pour but d’interpréter historique¬
ment les traditions populaires qui se rapportent aux caver¬
nes imaginaires du Gaillou-qui-Bique. Là, des fantômes
rôdent le jour et la nuit, détenant de nobles vierges, de
respectables matrones et de preux chevaliers , touchantes
victimes qui ne reparaissent, par intervalle, à la lumière,
que pour donner des preuves trop visibles d’altération
mentale. C’est que les plus formidables scènes de la Sainte-
Vehme se reproduisent dans ces forteresses enfouies sous
le roc. C’est que des jeux bizarres de la natui c contribuent
à accroître, pour le spectateur involontaire de pareils
tableaux, l’épouvante qui s’y attache d’elle-méme.
Si , par le style et le procédé littéraire, M. Tassin se rap-
pi*oche de l’école du LaMennais des derniers jours, il en
diffère par l’inspiration politique et religieuse. Ajoutons
que dans son livre, où manque trop souvent la clarté,
il circule , à de certains^ endroits , un air pur et ras¬
sérénant , il règne un atmosphère pacifié qui repose le
lecteur de ses émotions trop fortes et qui trahit chez Tau-
— 185 —
leur un sincère admirateur de tout ce qui est beau, grand
et généreux.
Malbeureusement , et en ne prenant que M. Tassin pour
guide , on court risque de sortir du Château des Diables
sans savoir au juste ce qu’est, sous le rapport scientifique,
cet endroit si remarquable. La note explicative que le
romancier aurait dû placer à la lin ou au commencement de
son livre, M. Gosselet s’est chargé de l’écrire. On la trou¬
vera insérée ci-dessous. A. Despla^que.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
Géologie. Caillou-qui-Bique. — Le rocher qui porte ce
nom est situé sur le territoire belge , dans le bois d’Angre,
propriété de M. de Louvencourt, à 10 kilomètres environ
de Valenciennes et du Quesnoy. C’est un poudingue formé
de galets de quarz et de quarzite réunis par une pâte rouge
et très-dure de nature argilo-siliceuse. Il appartient au
terrain dévonien où il constitue la partie supérieure d’un
ensemble de grès et de schistes rouges qui a été désigné
depuis longtemps par M. D’Omalius d’Halloy sous le nom
d’étage du poudingue de Burnot.
Ce poudingue se retrouve dans beaucoup d’autres lieux
de la Belgique, formant presque partout des rochers pit¬
toresques dont l’aspect étrange a vivement frappé l’imagi¬
nation des habitants. Cet aggrégat de cailloux roulés, dont
quelques-uns atteignent la grosseur d’une tête d’homme,
ne paraissait pouvoir être que l’ouvrage d’une puissance
ténébreuse ; plusieurs ont conservé leurs noms légendaires.
Tel est le Mur-du-Diable que coupe le chemin de fer entre
Pepinster et Spa. Le Caillou-qui-bique a été rapporté au
même architecte ; on prétend, dans le pays, que le diahle y
avait établi son château et y avait enfoui ses richesses
— 184 —
dans d’immenses cavernes , on ajoute aussi que le rocher
croît tous les ans de quelques pieds, etc.
S’il est inutile de s’occuper scientifiquement de ces lé¬
gendes, il importe néanmoins de prévenir nos lecteurs que
les cavernes qui y sont signalées sont puremenl imaginaires.
Les cavernes n’existent en général que dans les terrains
calcaires et rien n’en décèle la présence au Gaillou-qui-
bique.
En face du Gaillou-qui-bique , sur le liane gauche de la
vallée, on voit d’autres rochers de poudingue qui formaient
primitivement avec lui une masse continue, mais des dislo¬
cations géologiques en brisant le terrain y déterminèrent la
fente que suit maintenant l’Honeau (Eau-de-Hon) , dit aussi
par corruption l’Hogneau, petite rivière qui va se jeter
dans l’Escaut à Gondé. Gomme tous les cours' d’eau qui
coulent dans des vallées de fracture , l’Honeaii a un lit très-
inégal ; il s’y trouve des barrages naturels et des cavités
profondes au-dessus desquelles l’eau passe en tournoyant.
Au pied du Gaillou-qui-bique , existe un de ces petits gouf¬
fres qui fut le théâtre d’un terrible accident. J. G.
Numismatique. De la Monnaie dans le département du
Nord (suite). — Les petits deniers de style artésien furent
remplacés , sous Marguerite de Gonstantinople (xiii.® siècle),
par des doubles tiers de gros, plus en rapport avec la mon¬
naie royale. Ils représentent un double aigle aux ailes
éployées , ou la comtesse à cheval ; au revers est une croix
cantonnée de quatre lettres. Diamètre : environ celui de la
pièce d’un franc (^).
Le xiv.® siècle vit circuler en Flandre , concurremment
avec les gros tournois français et leurs divisions, des dou-
(1) A finégalité ordinaire des flans, s'ajoutent souvent les mutila¬
tions des rongeurs et des recopeurs que la rigueur des lois ne parvenait
point à empêcher.
— 185 —
blés tiers de gros au double aigle , des cavaliers et des
esterlins dont le type fut emprunté à la monnaie anglaise.
Ceux-ci montrent une tête de face aux cheveux bouclés, et
au revers , une croix cantonnée à chaque angle de trois
besans ou gros points. Diamètre de la pièce de oO centimes.
Le lion de Flandre occupe tout le champ de la monnaie
sous Louis-de-Crécy qui a laissé beaucoup de monnaies
noires , c’est-à-dire de bas aloi.
Louis-de-Mâle fit frapper de magnifiques monnaies d’or ;
elles sont dignes du rapide développement de la richesse
publique au xiv.® siècle.
Le flan de ces monnaies est très-large et parmi les six
variétés de types quelles présentent, on peut signaler,
comme assez répandus , les vieux écus où le comte est figuré
assis sur un trône gothique, ainsi que le mouton et le franc
à cheval , dont le nom indique suffisamment l’empreinte
principale.
Les monnaies d’argent , encore plus communes que les
pièces d’or, sont le lion heaumé, c’est-à-dire coiffé d’un
casque empanaché (diamètre excédant celui de la pièce de
dix centimes), et les gros au lion , plus petits et représen¬
tant un lion debout. Au revers , rinscriplion qui entoure la
croix est dans un cercle de trèfles placés eux-mêmes dans
de petits cercles. E. V.\x Hexde.
M USEE S.
MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE DOUAI (suitO)
I. Antiquités égyptiennes. — Lorsque la ville de Douai
sera en jouissance de la collection Jomard, elle possédera
un véritable musée égyptien. Dès maintenant les archéolo¬
gues peuvent y étudier quelques objets qui donnent une
idée de l’art et de la vie privée sur les bords du Nil aux
— 186 —
époques les plus florissantes des Pharaons. Nous signale¬
rons une Table de libations trouvée à Thèbes et rapportée
en France par M. de Chabrol, dont l’inscription offre le
cartouche du roi Psammétichus (:26.® dynastie de Manéthon).
Ce monument, qui appartient à une période dont il reste
peu de vestiges , n’a pas d’analogue au musée du Louvre. La
collection des Antiquités égyptiennes de Douai contient
encore une tête sculptée en bois provenant aussi de Thèbes
(n.°392) ; un Bas-relief en marbre représentant un Cavalier
(n.®361) ; un Stèle en pierre calcaire d’un beau style offrant
une Femme accroupie (n.“ 277) , et une Main en granit noir
qui tient la Croix ansée, symbole de l’Eternité chez les
Egyptiens (n.® 27o). Nous appelons encore l’attention des
visiteurs sur les Débris conservés dans les armoires n.®* 1
et 2 ; ils y trouveront, avec les Cheveux et la Poussière des
momies, des Toiles très-fines, des Tissus de diverses cou¬
leurs et des fragments d’Etoffes peintes. Ces restes prove¬
nant de tombeaux creusés sous la dynastie Thébaine (du
XII.® au xvii.® siècle), prouvent que les Egyptiens étaient
très-avancés dans Part de tisser , de teindre et de colorier
les étoffes.
II. Antiquités celtiques. — En attendant que la ville de
Douai entre en possession de la riche collection ethnogra¬
phique de M. H. Berthoud, surtout remarquable , ainsi que
nous l’avons dit, par une multitude d’objets de Vâge de
pierre^ le musée archéologique contient un assez grand
nombre de débris de cette époque primitive..
Sous le n.® 703 figure une Hache en pierre (amphibole
et talc) longue de vingt-quatre centimètres et large de dix,
trouvée avant 1804 à Izel-lez-Equerchin , près Douai ; elle
est surtout remarquable , parce qu’elle montre , sur l’une
de ses faces, la représentation grossière d’une ligure hu¬
maine. Une sculpture analogue se voit sur le n.® 704, autre
— 187 —
Hache en amphibole et mica, achetée à un marchand de
curiosités qui n’a pu en indiquer la provenance (i). Au nom¬
bre des autres Haches en pierre (n."® 692 à 702) , nous si¬
gnalerons le n.° 699 dont la partie supérieure présente deux
entailles qui devaient servir à l’emmanchement, et les n.°®
701 et 702 ajustés dans des gaines en corne de cerf percées,
à leur partie centrale, d’un trou évidemment destiné à re¬
cevoir un manche. L’un de ces objets a été trouvé à Lens
en 1841.
Nous signalerons encore trois pointes de flèche ou de
javelot en silex agathisé et vingt-trois grains de différentes
matières , verroteries qui ont dû servir à un collier ; ces
derniers objets proviennent de la collection de M. Carlier ,
curé de Bavai. Les statuettes en plâtre od en terre blanche
grossièrement sculptées, désignées sous les n.*^* compris
entre 705 et 709 , représentent , non pas comme le dit Mont-
faucon, des Pleureuses, mais plus probablement la Vénus
celtique (2). L’on se demande si trois de ces statuettes ne
soat pas des imitations dues à une main moderne. L’étude
des armes et des objets appartenant à l’âge de pierre n’est
pas sans importance et sans intérêt : elle nous fait com¬
prendre ce qu’étaient nos pères il y a quelques milliers
d’années ; elle nous les montre dans l’état sauvage où se
trouvent encore les habitants de certaines îles de l’Océanie.
L abbé Ch. Dehaisnes.
P) Il est question de ces deux liaclics dans de Bast, Antiquités celti¬
ques (t. I , p. 225); dans le Bulletin monumental de France, note du docteur
anglais Bi{o.mett( t. n , 12.® de la collection, p. 502) et dans le Mémoire
déjà cité de M. A. Cahier (Mémoires de la Société d'Agricullure de
Douai , 1852-53 , t. ii , p. 230 ).
(2) Montfaucon , V Antiquité exfliquèe , t. v, ii.® partie, p. 190.
188 —
MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE DE LILLE { Mlisée MoUlet).
En 1831 , M. Jomard , membre de l’Institut, afin de dé¬
montrer la convenance de la création d’un Musée ethno¬
graphique en France , s’exprimait ainsi :
« Les peuples récemment découverts et encore reculés
» dans l’échelle de la civilisation, marchent maintenant
» avec une rapidité énorme , à l’aide de la culture que vien-'
» lient leur apporter les nations commerçantes de l’Europe ;
» mais à mesure qu’ils s’en éclairent, qu’ils adoptent les
» mœurs ou les besoins des nations européennes, leurs
»• usages propres s’effacent, leur manière d’être se modifie
» ou change tout à fait pour faire place à d’autres. De nou-
» velles idées sociales et industrielles leur font abandonner
D celles de leurs aïeux. Peut-être un jour, quand on vou-
» dra tracer le tableau historique des progrès des peuplades
» sauvages, on sera réduit à de vagues renseignements, à
» d’obscures traditions. Il importerait donc àriiistoire de
» l’espèce humaine et à celle de la civilisation qu’on eût
» constaté le point où ces peuples étaient parvenus avant
» de recevoir le bienfait des lumières et d’un état social
» perfectionné. »
Ainsi , selon la pensée de M. Jomard , le degré de civili¬
sation d’un peuple ne saurait être bien apprécié que par
l’examen des objets dont il fait usage. En demandant la
création d’un Musée ethnographique , Musée fondé depuis
un certain temps à Paris et installé au Louvre , il voulait
que ces objets fussent exposés aux yeux du public et pour
son instruction, tels qu’ils sont rapportés des pays lointains;
de ces pays surtout où la lumière européenne n’a pas encore
entièrement pénétré.
Mais pour former fructueusement ces collections, il est
indispensable qu’un choix judicieux en soit fait; il faut
— 189 —
qu’elles caractériseul bien les peuples. Or, on comprend
alors que dans ce choix doivent principalement figurer, par
exemple , les symboles du culte et des superstitions ; les
instruments qui servent à exprimer et à transmettre le sen¬
timent musical , mode d’expression inné chez tous les hom¬
mes ; les armes de guerre et de chasse ; les outils employés
dans lesurts; les ustensiles variés de l’économie domesti-
que et de la culture des terres ; les tissus de tout genre ; les
ornements du corps, voire même des modèles de navires et
de pirogues.
C’est dans cet ordre d’idées et dans cet esprit que le fon¬
dateur du Musée ethnographique de Idlle, M. Alphonse
Moillet , a formé les diverses collections qui le composent.
En parcourant ses galeries, en suivant ses divisions géo¬
graphiques depuis la région de la terre qui, la première ,
s’est trouvée la plus élevée dans l’échelle de la civilisation ,
c’est-à-dire l’Asie, jusqu’à l’Océanie, cette autre partie de
notre globe encore au bas de celte échelle, on remarquera,
au premier aspect, que M. Moillet s’était pénétré de la néces¬
sité d’un pareil choix.
Nous ne faisons, aujourd’hui, qu’attirer l’attention de
nos lecteurs sur ce qu’offre d’important ce genre de Musée,
nous réservant de décrire , par la suite , les objets du Musée
de Lille qui , au point de vue de la filiation des peuples ,
offrent le plus grand intérêt. C. Bachy.
CHRONIQUE.
Géologie. Tranchées du Chemin de fer aux environs
d’Anor et d’Origny. — Le chemin de fer d’Aulnoye à Hirson
a donné lieu , aux environs de Fourmies , à plusieurs tran¬
chées intéressantes. Ainsi la gare de Fourmies est entaillée
dans des schistes grossiers passant à la grauwacke où j’ai
— 190 —
trouvé les fossiles suivants: Phacops, Spirifer cultrijugatus,
Sp. carinatus^ Rhynchonella Daleidensis ?, Orthisstriatula,
Leptœna Phillipsii, Chonetes sarcinulata ^ Chonetes plebeia
Pleurodyctium prohlem aticiim ^ Tentaculites.
Ces couches ainsi que les calcaires des Tries deVillers sont
enfermées dans un repli formé par les grès et les schistes
rouges, dont la bande septentrionale passant au^^Nord du
Fourneau est connue depuis longtemps. La bande méridio¬
nale vient d’être rendue visible par une tranchée à l’entrée
de la Haye de Fourmies; on y a établi des carrières. La
voie ferrée longe ensuite l’étang des Moines et elle pénètre
dans une tranchée qui s’étend jusqu’à x\nor. A l’entrée on
voit aflleurer quelques bancs de grés gris très-siliceux re¬
présentant les grès noirs de Vireux (système ahrien de
Dumont) ; tout le reste de la tranchée est dans l’argile; la
voie repose sur un sable argileux vert appartenant à la craie
giauconieuse ; au-dessus il y a trois mètres d’argile verte
ou grisâtre très-plastique, qui correspond aux Dièves des
mineurs; on l'enlève au pic. Sa surface est ondulée, irrégu¬
lière , recouverte d’une petite couche de 0 m. 25 à 1 mètre
d’argile verdâtre ou rougeâtre remplie de silex de la craie
et présentant de place en place des nids de sable et des
petites veines de argile ligniteuse. Les 3 mètres supérieurs
de la tranchée sont formés par du limon argilo-sableux
jaune , panaché de blanc, se délayant dans l’eau. Sous l’in¬
fluence de la pluie , cette couche argilo-sableuse délayable
glisse sur la glaise sous jacente et coule dans la tranchée.
On est obligé de la maintenir par des mâçonneries.
Les mêmes terrains ont été entaillés par la section du
chemin de fer d’Hirson à Vervins. Entre Origny et le Chau¬
dron , où la voie ferrée suit à mi-côte la vallée du Thon ,
de nombreuses tranchées ont été faites à travers l’argile
grise surmontée du limon argilo-sableux jaune. La traversée
— 191 —
d’un petit ravin a nécessité des remblais considérables.
Sous la pression de ces terres rapportées , la faible couche
de limon qui sur le penchant de la colline recouvre l’argile
grise s’est mise à descendre, entraînant prairies, arbres,
haies , habitations , se tordant et se roulant comme une
coulée de lave. Le remblai fait également en limon delaya-
ble a suivi le sol et a coulé dans la vallée , recouvrant toutes
les propriétés voisines. J. G.
liétéorolog-ie. Mois de mai 1869. — Le mois de mai de
cette année a été remarquable par son excessive humidité ;
la quantité d’eau recueillie en 22 jours a formé une couche
d’une épaisseur de 160 mill. 08 qui depuis 17 ans n’a été
surpassée que par celle dumois d’octobre 1854(166milL88).
La moyenne de pluie pour le mois de mai est de 60 mill. 77,
par conséquent celte quantité a été plus que doublée pen¬
dant le mois qui vient de s’écouler ; aussi le débit des cours
d’eau à très-considérablement augmenté et dans beaucoup
d’endroits les terres arables sont submergées.
L’évaporation qui pour le mois de mai est , en moyenne,
de 116 mill. 18, n’a été cette année que de 90 mill. 78 ,
différence en moins 25 mill. 40. Les causes qui ont atténué
ce météore sont l’état de nébulosité du ciel, souvent couvert,
et l’abaissement de la température atmosphérique dont la
moyenne n’a été que de 12.® 2. La moyenne des minima a
été de 7.® 90, celle des maxima 16.® 51. Le minimum absolu
a été de 3.® 3 observé le 2 , et le maximum de 20.® 9 , le 25.
La température moyenne ordinaire du mois de mai est de
12.” 45.
La grande quantité d’eau de pluie a été la conséquence
d’un état hygrométrique voisin de la saturation , dans les
régions élevées de l’atmosphère ; cette cause a aussi aug¬
menté la dépression de la colonne barométrique, dont la
hauteur moyenne à 0.® n’a été que de 755 mill. 87 oscillant
— 192 —
entre les extrêmes 742 mill. le 7 et 765 mill. 10 le 13. La
hauteur moyenne, pour le mois de mai, est ordinairement
de 758 mill. 98.
L’air a été très-humide pendant le mois de mai ; la tension
moyenne, qui généralement est de 7 mill. 94, a été de 8
mill. 47 , et l’humidité relative de 74 *'/„ au lieu de 68 4 7o-
Par suite de cette excessive humidité les brouillards ont
été nombreux (29) , ainsi que les rosées (19).
L’état électrique de l’atmosphère a été très-prononcé.
8 orages sont survenus les 6 , 7 , 8 , 17 , 18 , 19 , 22 , 27.
Le 13 à 10 heures du soir on observa une aurore boréale
qui n’offrit aucune des particularités de la dernière.
Les vents régnants ont été ceux du S., du N., du S. O. et
du N. E. soufllant généralement avec force. V. Meurein,
Pliy^iiciiie applôciiiée. Avertisseur d’incendie. — Le
Chimiste, journal do Cdiimie appliquée aux arts, à l’indus¬
trie et à l’agriculture, publié à Bruxelles par M. Bergé,
contient, dans son N.o 3, 4.® année, la description d’un
avertisseur d’incendie inventé par M. Loppens, horloger à
Gosselies. La pièce principale de l’appareil est un thermo¬
mètre bimétallique composé de deux lames juxtaposées,
l’une d’acier , l’autre de zinc. Le zinc étant beaucoup plus
dilatable que l’acier, sous l’influence d’une augmentation
de température, la lame double se courbe du côté de l’a¬
cier , elle vient alors toucher un bouton métallique et met
ainsi en communication une pile électrique avec la détente
d’une sonnerie à poids. Le thermomètre métallique est
très-sensible, la réverbération d’un foyer suffit pour déter¬
miner sa courbure. Une vis permet de rendre cette sensi¬
bilité plus ou moins grande en rapprochant ou éloignant le
bouton métallique de l’extrémité de la lame thermométrique.
La pile dont se sert M. Loppens est une pile au sulfate de
mercure qui n’exige aucun soin pendant une année entière.
J. G.
Le Gérant : E. Gastiaux.
> •
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
rs'.° 7. — Juillet 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DE L’.\GRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE
Travaux courants.
Recherches sur le chlorure de chaux et sur le blanchi¬
ment des tissus, par M. J. Kolb, m. corr. — Les princi¬
paux perfectionnements qui ont été apportés dans l’art du
blanchisseur sont essentiellement de l’ordre pratique, tandis
que l’explication des phénomènes chimiques laissait beau¬
coup à désirer. M. Kolb vient de combler cette lacune en
présentant à la Société des sciences la deuxième partie de
ses recherches sur le blanchiment des tissus; la première
partie insérée dans le YI.® volume des mémoires de cette
Société a été précédée, comme introduction , d’un travail sur
le chlorure de chaux. Nous allons rendre compte du tout.
Plusieurs chimistes, avec M. 3Iartens, ont considéré les
chlorures décolorants comme des composés analogues à de
l’hydrate de chlore. M. Millon rapproche ces chlorures des
bioxydes, dont ils ne différeraient que par la substitution
d’un équivalent de chlore à un équivalent d’oxygène. Quel¬
ques chimistes considèrent le chlorure de chaux comme
renfermant de l’eau oxygénée. Il en est d’autres qui admet¬
tent qu’il est le résultat d’une combinaison d’ozône et de
chlorure de calcium. Enfin, l’opinion la plus accréditée est
celle qui a été formulée par Balard et Gay-Lussac : les chlo¬
rures alcalins sont un mélange d’un équivalent d’hypochlo-
rite et d’un équivalent de chlorure alcalin.
M. Kolb démontre que l’eau fait partie constituante du chlo-
— 194 —
rure de chaux auquel il attribue la formule 2 (CaO.HO.Cl)
+ CaO.HO. Partant de cette base, l’auteur en déduit la
composition du chlorure liquide. Le chlorure de chaux sec,
traité par Peau , se dédouble nettement en hydrate de chaux
qui se précipite, et en chlorure de chaux liquide qui doit
être considéré comme renfermant un équivalent de chlorure
de calcium et un équivalent d’hypochlorite de chaux.
Ce mémoire se termine par l’action des divers acides
sur le chlorure de chaux , d’où il résulte que l’acide sulfuri¬
que concentré, l’acide chlorhydrique, ainsi que les acides
oxydables (ac. sulfureux, ac. hypoazotique, etc.) donnent
du chlore; tandis que les acides faibles, l’acide sulfurique
étendu, l’acide carbonique, etc., dégagent de l’acide hypo¬
chloreux. Le chlorure de chaux employé comme désinfec¬
tant dégage donc de l’acide hypochloreux et non pas du
chlore. Beaucoup de sels oxydables s’oxydent aux dépens
du chlorure de chaux et le transforment en chlorure de
calcium.
Abordons maintenant les observations de M. Kolb sur
l’opération du blanchimentproprementdit, dont l’ensemble
du travail comporte quatre phases distinctes : 1.® Décreu¬
sage , c’est un simple débouillissage à la soude ; 2.® Chlorage
ou blanchiment proprement dit; 3.® Passage à l’eau acidu¬
lée ; 4.® Rinçage à l’eau pure.
Le traitement du fil de lin par les alcalis est destiné à
enlever une substance de nature inconnue que Berthollet
appelait la matière colorante jaune, que Kirwan prit pour
une résine et Rouget de Liste pour une gomme résine.
M. Kolb prouve que cette matière est simplement de l’acide
pectique qui prend naissance pendant le rouissage par suite
d’une fermentation particulière qui transforme la pectose en
pectine et en acide pectique. Cette dernière substance reste
attachée aux libres du lin, d’où on l’enlève en faisant
— 195 —
bouillir le fil dans un bain alcalin. Ce lessivage affaiblit
plus ou moins le lin en lui enlevant 22 0/0 de son poids.
L’affaiblissement est indépendant de la proportion d’alcali,
de même qu’il n’est pas proportionnel à la perte de poids
du fil. Selon l’auteur, le carbonate de soude agirait aussi
favorablement que la soude caustique ; mais l’emploi de la
chaux , même à froid , cause au fil une perle de résistance
considérable. Ces résultats sont exposés dans divers tableaux
auxquels nous renvoyons le lecteur.
Dans son deuxième mémoire, l’auteur étudie l’action du
chlore et des chlorures décolorants sur le fil de lin. Il
prouve que le lin brut renferme deux matières colorantes
distinctes, l’une abondante, de nature pectique, soluble
dans le traitement alcalin; l’autre, en petite proportion, de
couleur grisâtre, insoluble dans la plupart des réactifs,
qu’on ne peut donc enlever à la fibre , mais qu’on masque
en la décolorant par les agents oxydants. Le chlorure de
chaux agit donc comme l’eau oxygénée, les permanganates,
les bichromates , etc. Mais la question de savoir si les agents
chlorurants fonctionnent en enlevant de l’hydrogène ou bien
en fixant de l’oxygène , n’a jamais été élucidée. L’auteur
résout la question en observant l’action des gaz chlore et
acide hypochloreux. Le fil sec mis en présence de chlore
sec ne donne lieu à aucun phénomène de décoloration ,
même au soleil , ce n’est donc pas en enlevant de l’hydro¬
gène que le chlore blanchit. L’acide hypochloreux sec au
contraire blanchit instantanément ; il est décomposé par le
fil en chlore qui se dégage et en oxygène qui est fixé.
L’ozône agit de même. Il est donc établi que c’est par la
fixation de l’oxygène sur la matière colorante du lin que
celle-ci est blanchie.
La suite de ce travail met en évidence les faits suivants :
l’eau de chlore employée à très-faible dose blanchit le fil,
— (96 —
sans lui oler de son poids ni de sa force, par simple modi-
flcalion de la matière colorante; mais employée à plus forte
dose, l’eau de chlore attaque la fibre avec production d’acide
carbonique et d’acide cblorbydrique. Le chlorure de soude
neutre agit comme le chlorure de chaux. Un excès d’alcali
ne donne lieu à aucune modification. Les bains de chlore en
présence d’acide carbonique dégagent de l’acide hypochlo¬
reux qui agit à la fois par son oxygène et par son chlore.
Dans ces conditions, il y a à la fois blanchiment et désa¬
grégation. Employé dans les mêmes circonstances, l’acide
chlorhydrique est funeste.
L’auteur condamne l’usage que font les blanchisseurs de
l’aréomètre pour préparer un bain de chlore , car selon lui ,
de i00.° à 200.® chloromélriques , l’aréométre n’indique
qu’une différence de 0,8 souvent inappréciable sur certains
instruments.
Le fil est ensuite passé dans de l’eau acidulée qui a pour
but de dissoudre les sels calcaires fixés sur la fibre. Ce bain
devra être très-faible , car il n’est pas sans action sur la
solidité de la fibre.
Enfin, les fils conservent souvent encore une légère odeur
de chlore que M. Rolh propose de neutraliser par un pas¬
sage en bain faiblement ammoniacal qui détermine la for¬
mation d’azote et de sel ammoniac inoffensif.
L’auteur termine son mémoire par les considérations
suivantes : « Je vois dans le chlorure de chaux une source
multiple dont on peut à volonté tirer du chlore, de l’acide
hypochloreux ou de l’ozône : chacun de ces corps agit diffé¬
remment dans le blanchiment. » J. Ortlieb.
Vibrations d'une masse d'air renfermée dans une enve¬
loppe biconique^ par M. Gripon. Les tuyaux employés
dans les jeux d’orgues sont cylindriques et ce sont les
tuyaux de cette nature qui ont servi dès l’abord aux expé-
— 197 —
riences des physiciens. M. Gripoii dans un travail précédent
avait recherché les lois qui président aux vibrations sonores
dans les tuyaux coniques. Le présent mémoire est consacré
à des tuyaux formés de deux cônes apposés base à base.
Dans ces tuvaux, le nombre des vibrations c’est-à-dire
l’acuité ou la gravité du son dépend de la longueur du tuyau,
de l’angle du cône, du rayon de l’embouchure et de celui de
la base du cône.
Nouvelles observations sur Vexistence du Gault dans le
département du Nord, par M. Gosselet. — Il y a quelques
années un sondage a été fait chez M. Pesier, près de la
Place-Verte à Valenciennes. A 38 mètres de profondeur on
a rencontré, sous le tourtia, une argile grise à reflets rou¬
geâtres que l’on a cru appartenir à l’étage du grès rouge
(terrain dévonien). Comme une bande de grès rouge borne
au sud le terrain houiller de Valenciennes, on a supposé
que la limite de ce bassin passait au nord delà Place-Verte.
M. Gosselet croit cette conclusion hasardée. L’argile ren¬
contrée chez M. Pesier lui paraît appartenir au terrain cré¬
tacé, étage du Gault , et il se pourrait que dessous on ren¬
contrât le terrain houiller. M. Gosselet rapporte aussi au
Gault quelques fossiles déposés au Musée de Douai par
M. Clerc, ingénieur des mines, et provenant d’Anzin ;
d’autres fossiles qui existent dans les collections de la
Faculté des Sciences de Paris et qui viennent de Cantin ,
près Douai , ainsi que l’argile pyriteuse rencontrée par un
forage à 168 mètres de profondeur à Férin , à 4 kilomètres
de Cantin. J. G.
ACADÉMIE D ARCHÉOLOGIE DE BELGIQUE
Annales , t. xxiv (2.* série , l. iv)
L’Académie d’Archéologie, fondée à Anvers , le 4 octobre
1842 , occupe un rang distingué parmi les Sociétés savantes
— 108 —
de la Belgique. Par la publication de ses mémoires , qui for¬
ment aujourd’hui 24 volumes , elle a donné en ce pays une
sérieuse impulsion aux études historiques et archéologiques.
Elle refondit ses statuts en 1864 et limita le nombre de ses
membres titulaires à 40 et celui des membres correspon¬
dants à 50. Elle comprend, en outre, un nombre illimité
de membres correspondants étrangers et de membres hono¬
raires. L’Académie nomme annuellement un Conseil com¬
posé de dix-huit membres titulaires. Les élections, qui ont
eu lieu au mois de mars , ont conféré à M. A. Wagener la
présidence pour l’année courante. M. Legrand remplit
depuis 1863 les fonctions de secrétaire perpétuel.
Ces préliminaires posés, disons quelques mots des tra¬
vaux de cette Société pendant l’année 1868.
Le Péage de l’Escaut , tel est le titre du mémoire qui
ligure en tête du présent volume des Annales. Ce travail
est dû à M. Grandgaignage , professeur à l’Athénée d’An¬
vers. Après avoir parlé des tonlieux en général, l’auteur
examine ce qu’a été le péage de l’Escaut jusqu’au traité de
AVestphalie qui détruisit complètement le commerce de la
ville d’Anvers. La paix d’Utrecht (1713) suivie du Traité de
la Barrière (1715) ayant cédé la Belgique à l’Autriche,
celle-ci dut subir les conditions humiliantes que Philippe II,
roi d’Espagne, avait acceptées à Munster. A la fin du dix-
huitième siècle, l’Empereur Joseph II fit quelques tentatives
pour rouvrir l’Escaut; mais elles restèrent infructueuses.
Ce ne fut que le 27 lloréal an iii (17 mars 1795) que la
liberté de la navigation de l’Escaut fut solennellement con-
liimée par le Traité conclu à la Haye. M. Grandgaignage
étudie avec soin les négociations qui eurent lieu entre la
Belgique et la Hollande de 1831 à 1839 et nous fait assister
enfin à l’affranchissement complet de l’Escaut proclamé
par le Traité du 12 mai 1863.
— 199 —
M. Proost, déjà connu par d'excellents travaux sur le
Droit d'asile^ étend aujourd'hui ses recherches à la Légis¬
lation des Jugements de Dieu. Docteur-ès-sciences politi¬
ques et administratives, attaché aux archives du royaume
à Bruxelles, il est, comme on le voit , dans les meilleures
conditions pour aborder un pareil sujet. Dans son mémoire,
où l’habile disposition des matières n’en fait que mieux
ressortir l’heureuse abondance , il traite successivement de
l’origine et des caractères du duel judiciaire , de la légis¬
lation qui y présidait, des circonstances qui en amenèrent
l’abolition. Puis il s’occupe des ordalies (épreuves du feu
ardent, de l’eau bouillante et de l’eau froide). Un dernier
chapitre est consacré aux épreuves de la croix et du corsned,
à celles du cercueil et du bâton.
Dans le cours de cette forte et consciencieuse étude,
M. Proost emprunte particulièrement ses exemples à l’his¬
toire de la Belgique et des Pays-Bas. Mais il les corrobore
souvent de faits tirés des annales des nations voisines.
Le mémoire de M. Proost est suivi , dans le volume que
nous analysons , d’un commentaire sur un poème intitulé :
Li roman des Etes , par Raoul de Houdene. M. Scheler , en
le publiant , a rendu un service réel à ceux qui s’occupent
de la linguistique romane.
Le docteur Zertermann a traité ensuite, avec une grande
érudition , du Supplice de la Croix chez les Anciens. Il en
fixe l’origine, en détermine l’antiquité relativement aux
autres genres de supplices ; puis il indique les catégories
de personnes et les cas auxquels la croix était appliquée ;
enfin il expose les différents modes de crucification usités
chez les anciens.
L’Histoire de la Flandre occupe une place importante
dans le xxiv.® volume des Annales. M. Emile Varenberg a
présenté d’une manière fort judicieuse la question des liens
— 200 —
de race entre les premiers peuples de l’Angleterre et de la
Flandre. Dans une autre notice intitulée : Episodes des
Relations extérieures de la Flandre au Motjen-Age , le même
auteur révèle plusieurs particularités du plus haut intérêt
sur le règne si agité de Gui de Dampierre ; enfin une com¬
munication , qui a pour titre Warminia , domaine de V Ab¬
baye de Saint-Bavon-les-Gand , par M. de Vlaminck, fait
justice d’une erreur historique, d’après laquelle Wai'minia
correspondrait au nom de Wetteren , gros bourg de Flandre.
Les historiens de l’art flamand pourront consulter avec
fruit les deux notices de 31. Galesloot : une Vente à Londres
de Tableaux de David Deniers; un Procès pour une Vente
de Tableaux attribués à Van Dyck (1660-62).
Outre les travaux, que nous venons de résumer, ce
volume des annales renferme encore plusieurs notices et
communications qu’il importe de signaler : Campagnes de
Charles-Quint et de Philippe II (15o4-15o7) , relations con¬
temporaines traduites d’après le texte original flamand et
accompagnées de notes historiques et littéraires par 31. L.
Torfs ; sur une Feuille d'ivoire sculptée trouvée à Tongres,
par 31. Thys ; Puits romains découverts à Vechten (Pays-
Bas), par le comte 31. Nahuys; la Fontaine de Quentin
Massys , par 31. H. Schuermans ; Traces d'éléments germa¬
niques de la population du Nouveau-Monde^ par 31. G.
Valider Elst. Cette dernière notice soulève tout un ordre
d’études dont on s’est moins occupé en Belgique que dans
les pays voisins. _ A. Desplaxque.
COURS PUBLICS.
Cours (l'Histoire naturelle de la Faculté des Sciences de Lille,
par M. C. Dareste.
DIFFÉRENCES d’ORGANISATIOIS DANS UNE MÊME ESPÈCE. —
Outre les différents types qui tiennent aux métamorphoses
— 20! —
et à la sexualité , 'rcspèce offre encore cl autres formes dues
à un autre ordre de phénomènes.
On connaissait depuis longtemps , dans la Méditerranée,
des animaux bizarres que l’on trouvait tantôt isolés et tan¬
tôt en longues files transparentes de plusieurs centaines et
quelquefois de plusieurs milliers de mètres : ce sont les
Salpes ou Biphores, de la classe des Tuniciers. Or, dans
le courant du siècle dernier, un homme de lettres, Gha-
misso , annonça que les Salpes enchaînées produisaient des
Salpes solitaires et que celles-ci, à leur tour, donnaient
naissance à des Salpes enchaînées, de telle sorte qu’il y
avait là une alternance bien marquée dans les générations.
Mais Chamisso était romancier, et ses observations furent
considérées comme un nouveau rêve de son imagination.
Dans ces dernières années seulement l’on reconnut la véra¬
cité de son récit, et l’on vit que, de plus, les individus en
chaines étaient hermaphrodites et que les individus soli¬
taires, privés de sexes, se reproduisaient par bourgeons. On
a donné à ce phénomène le nom de génération alternante.
Entre tous les exemples qu’a cités le professeur, voici
l’un des plus remarquables, o Vous connaissez sans doute
ce petit animal d’un millimètre au plus de longueur et que
l’on trouve souvent sous nos lentilles d’eau, il a la forme
d’un sac terminé à sa partie béante par des bras ; c’est
V Hydre ou Polype d’eau douce , plus étonnant encore que
l’Hydre de la fable. Vous avez déjà vu aussi, au moins en
dessin , ces animaux fragiles et vagabonds , en forme de
cloches demi-transparentes, qui flottent gracieusement
dans la mer, et qui, lorsqu’ils viennent à échouer sur la
plage, disparaissent comme par enchantement en se résol¬
vant en eau : ce senties Méduses. Aucune espèce d’analogie
ne semble d’abord exister*entre ces êtres. Eh bien , quand
on suit le développement de la Méduse, on voit qu’elle se
— 202 —
présente au début comme une petite larve vermiforme qui,
au bout d’un certain temps, se transforme en un Polype
tout-à-fait comparable à l’Hydre. » Ce Polype produit par
bourgeonnement d’autres êtres semblables à lui qui s’em¬
pilent les uns sur les autres comme une pile d’assiettes ;
leur organisation se complique, ils se séparent, et consti¬
tuent alors autant de Méduses se reproduisant suivant les
lois ordinaires; ainsi donc, deux générations qui alternent:
des Polypes non sexués et des Méduses sexuées. » Le Poly¬
pier fit la Méduse ; la Méduse fait le Polypier, » a dit Mi¬
chelet.
On a cru pendant longtemps qu’il n’y avait dans ce fait
des générations alternantes qu’une exception. Quand on y
réfléchit un peu, on reconnaît bientôt qu’ici , comme par¬
tout ailleurs , la nature n’agit que d’après des lois généi’a-
les. En effet, chez les animaux supérieurs, et chez l’homme
lui-méme, où la génération alternante semble au premier
abord faire défaut, on voit qu’il se produit sur l’œuf un
corps particulier [blastoderme) , non sexué et qui a sa vie
propre; cet être transitoire donne naissance par bour¬
geonnement à l’embryon ou être définitif, sexué, destiné
à se reproduire par les procédés ordinaires.
Après avoir parlé de toutes les formes régulières ou nor¬
males que l’on rencontre dans une seule et même espèce ,
le professeur aborde l’étude des anomalies ou monstruosi¬
tés. Ces formes irrégulières ne sont pas indéfinies , il n’y
en a qu’un certain nombre possible pour chaque embran¬
chement, et toutes se constituent d’après des lois générales.
Le cadre limité qui m’est accordé ici ne me permet mal¬
heureusement pas d’entrer dans des détails à ce sujet, parce
que je serais obligé d’aborder des considérations embryogé-
niques qui m’entraîneraient beaucoup trop loin. La seule
conséquence à tirer de ces anomalies pour la question qui
— 205 —
nous occupe, c’esl que, s’il existe des formes normales de
l’espèce, ces organisations ne sont pas tellement nécessaires
qu’elles ne puissent donner naissance à des formes irrégu¬
lières.
Jusqu’à présent nous n’avons considéré que le règne
animal , nous allons voir maintenant que les végétaux nous
offrent des faits analogues , et par conséquent , que la ques¬
tion de l’espèce est la même pour les deux règnes. Toute¬
fois il y a, entre les animaux et les plantes, une différence
qu’il importe de signaler tout d’abord : les plantes ne présen¬
tent pas de métamorphoses, c’est-à-dire de ces formes suc¬
cessives caractérisées par des modifications profondes dans
l’organisation ; le mot métamorphoses , en botanique , s’ap¬
plique à un fait de toute autre nature , celui découvert par
l’illustre Gœthe, et qui consiste en ce que les différentes
parties de la fleur ne sont que des feuilles modifiées. Cette
différence étant établie entre l’organisation des végétaux et
celle des animaux , nous voyons que tous les autres faits
que nous avons passés en revue chez ces derniers ont leurs
analogues chez les plantes. — D’abord la génération alter¬
nante est ici bien évidente ; la plante qui résulte de la ger¬
mination de la graine produit des bourgeons qui, le plus
ordinairement, restent attachés à la tige , et constituent des
associations d’individus comme les Polypiers, cependant,
dans certaines plantes comme le Lys bulbifère , ces bour¬
geons peuvent se détacher spontanément et continuer à
vivre , comme nous avons vu toiit-à-riieure le Polype se
détacher et former la Méduse.
Les fleurs présentent quelquefois d’assez grandes diffé¬
rences de forme et de structure qui se rapportent aux fonc¬
tions de la reproduction ; ainsi il existe dans les régions
intertropicales un végétal bien remarquable qui a à la fois
des Heurs mâles, des fleurs femelles et d’autres hermaphro-
204
dites. Pendant longtemps ces fleurs n’ont été connues en
Europe que par des échantillons isolés, et comme elles ne se
ressemblent nullement, on les avait rangées dans des gen¬
res différents (Catasetum , Myanthus ci Moîiacanthus); ce
n’est que lorsqu’on a eu des branches sur lesquelles les
trois types se trouvaient réunis qu’on a pu constater qu’il
n’y avait là que trois formes différentes d’une seule et même
espèce. Ce fait, tout-à-fait imprévu , est certainement un des
plus curieux que puisse nous présenter le polymorphisme.
Enfin les plantes ont aussi leurs anomalies. Qui n’a vu ,
par exemple , une fleur où , à la place d’un pétale , s’étalait
une feuille ordinaire ?
Nous n’avons plus, pour terminer l’étude du premier
terme de la notion de l’espèce , qu’à jeter un coup-d’œil sur
les végétaux à noces cachées , comme les appelait Linné ,
ou végétaux sans fleurs, comme les Fougères , les Mousses,
les Champignons.
D’abord, la génération alternante se retrouve encore ici
et d’une façon manifeste. Chez les Fougères, par exemple,
il existe à la partie inférieure des feuilles des petits bour¬
geons très-apparents que l’on peut comparer aux bulbiles
ou bourgeons caducs du Lys. A un certain moment , ils se
détachent de la plante mère, et donnent naissance à une
petite lame foliacée qui ne ressemble en rien à la Fougère.
C’est sur cette petite lame, qui n’a pas plus de un ou deux
millimètres de long, que se développent les organes de la
reproduction. Ceux-ci engendrent des graines [spores) qui ,
par la germination, reproduisent la Fougère primitive. Il y
a là une génération alternante bien remarquable.
Les cas de Polymorphisme sont également nombreux
dans cette seconde moitié du règne végétal , particulière¬
ment chez les Champignons , où ils sont en même temps des
plus frappants.
— 205 ~
Ainsi donc, pour résumer ce qui précède, nous voyons
que tous les individus d’une même espèce ne sont pas iden¬
tiques à eux-mêmes à tous les moments de leur existence, et
que, comparés entre eux quand ils sont arrivés à l’âge
adulte, ils présentent des types très-différents en rapport
avec les fonctions physiologiques qu’ils doivent remplir.
Nous voyons encore que l’espèce présente une alternance
d’individus sexués et d’individus agames dérivant les uns
des autres, et qu’enfin, à côté de toutes ces formes qu’on
peut appeler régulières, il en existe d’autres qui s’écartent
plus ou moins de ces dernières et que l’on désigne sous le
nom d’anomalies. Il résulte de tout ceci que l’espèce nous
offre une diversité et une complexité qu’on est loin de pré¬
voir quand on n’étudie pas la question scientifiquement, et
qu’il n’est plus possible , dans l’état actuel de la science,
de la définir par une collection d'individus semblables.
P. Hallez.
MUSÉES ET COLLECTIONS
Muséum d’histoire naturelle de douai. Hybride de
Canard et de Sarcelle. — Parmi les objets les plus inté¬
ressants de la partie ornithologique du Muséum d’Histoirc
naturelle de Douai , on peut citer un Canard qui a été long¬
temps un sujet de doutes et d’erreurs , mais dont le nom est
aujourd’hui authentiquement reconnu.
Il s’agit d’un hybride provenant d’un Canard sauvage
[Anas boschas) et d’une Sarcelle d’hiver ou Sarcelline
(Querquedula crecca) , qui a été tué dans l’hiver de 1841
aux environs de Douai et apporté en chair sur le marché de
cette ville.
Quoiqu’on ne puisse affirmer d’une manière absolue que
ce soit le produit d’un croisement opéré à l’état sauvage, il
— 20G —
y a toute probabilité qu’il en est ainsi. Aujourd’hui que les
jardins zoologiques et les collections d’amateurs, où les
oiseaux vivent pêle-mêle en demi-liberté, se sont multi¬
pliés, les sujets échappés de ces établissements se font tuer
au dehors ; mais il y a trente ans les faits de ce genre
étaient très-rares ; et d’ailleurs, quand on obtient dans les
jardins d’acclimatation des hybrides entr’espèces différen¬
tes, ol)jets toujours recherchés et précieux, on y veille
d’assez près pour empêcher leur fuite.
Ce fait presque certain d un métissage à l’état de nature
est déjà très-intéressant par lui-même, car, s’il est vrai que
riiyhridilé n’est pas rare dans la famille des Anatidès , il
est certain aussi que la plupart des exemples qu’on en cite
ont eu lieu à l’état domestique, dans un milieu où l’instinct
de reproduction dévie facilement.
M. de Selys a étudié cette hyhridité des Anatidès dans
deux Mémoires publiés en '184o et en 1856, dans les Bulle¬
tins de V Académie de Bruxelles. Il en mentionne 43 exem¬
ples; or , sur ce nombre, deux seulement peuvent être
regardés comme provenant de parents vivant en liberté
complète. Plusieurs autres ornithologistes ont fait des ob¬
servations du même genre, entr autres , MM. Bouillaud,
Van Wickewort, Rufz de Lavison ; en les réunissant à celles
de M. de Selys, je ne trouve que six de ces hybrides sauva¬
ges. Ce sont les produits :
du Canard sauvage (A. boschas) et du Canard pilet {Dafila acuta) ;
du Canard sauvage (A. boschas) et du Canard siffleur {Mareca penelope);
du Canard souchet {Rhyncaspis clypeala) et de la Sarcelle d’été {Querque-
dula circia);
du Canard milouin {Fuligula ferina) et du Canard nyroca {Fuligula
nyroca);
de l’Oie cravant [Bernicla brenta ) et de l’Oie bernaclie {Bernicla leucopsis) ;
du Canard garot [Clanguta glaucion) et du Harle piette {Mergus albellus) ;
Ce sont là les seuls faits de métissage qui paraissent.
— 207 —
d’une manière suffisamment certaine, s’èlre passés hors de
l’élal domestique, c’est donc une bonne foidune que d’avoir
à en signaler un nouveau.
Mais le Canard du Muséum de Douai est intéressant à un
autre titre : ce fut un sujet analogue qui a été l’origine d’une
confusion de nom et d’espèce qui a pendant longtemps divisé
les plus savants naturalistes.
Le célèbre ornithologiste anglais Gould, dans son ouvrage
The hirds of Europa (1837) , le décrivit et le figura sous le
nom de Bimaculated teal, Sarcelle bimaculée, croyant re¬
trouver dans cet oiseau le Canard bimàculé ou gloussant,
Anas glocitans, de Pallas.
Degland propagea cette erreur dans son Catalogue des
oiseaux observés en Europe (1843), et dans son Ornithologie
européenne (1849). Temminck et le prince Bonaparte en¬
trevirent la confusion , mais elle ne fut péremptoirement
réfutée que par M. Vian , dans la Revue de Zoologie (1866).
M. Gerbe , dans la seconde édition de l’Ornithologie de
Degland , rétablit la synonymie de VAnas glocitans de
Pallas et le décrit très-exactement, mais il se contente de
poser la vérité à la place de l’erreur, sans expliquer com¬
ment son devancier y était tombé , et sans parler du Canard
de Douai. C’était cependant cet exemplaire qui avait servi
*
à Degland pour sa description. Il l’avait trouvé à peu près
identique âii Bimaculated teal des Anglais, et n’avait pas
hésité à croire, comme eux, qu’il avait sous les yeux le
glocitans de Sibérie.
Il est inutile de refaire après lui sa description ; il nous
suffira de signaler les points principaux où se retrouvent les
caractères de la double parenté.
La taille est intermédiaire entre celle du Canard sauvage
et celle de la Sarcelline. La tête rappelle le Canard par la
teinte verte des joues et du bas du cou, elle rappelle la Sar-
— 208 —
celline par la bande brune du sommet de la lêle et les traits
blancs des joues. La poitrine a le fond d’une teinte qui
participe de la couleur marron du Canard et de la nuance
vineuse de la Sarcelline , les mouchetures de celle-ci y sont
marquées. Le dos et les flancs sont du premier , le manteau
est de cette dernière. Le miroir a la bande marron de la
crecca , la bande noire bordée de blanc du boschas. Les
parties caudales, le bec et les pieds sont intermédiaires pour
la forme, la couleur et les dimensions.
Quant au Canard gloussant de Pallas appelé aujourd’hui ,
par privilège de priorité de baptême , Anas formosa ,
Georgi , il en diffère totalement, et pour l’avoir confondu
avec notre hybride , il fallait ne l’avoir comparé que sur des
descriptions diagnostiques insuflisanles , comme celle de
Gmélin, par exemple, qui donne de VA. glocitans la phrase
caractéristique suivante: Capite albo nigroque fasciato;
area utrinque falcala viridi sericea., nuchaque violacea.^
Pallas. Tête rayée de blanc et de noir, de chaque côté une
tache d’un vert soyeux , nuque violette.
Je défie de retrouver dans cette diagnose la moindre
trace du vrai Canard gloussant ou formose , il est même
probable qu’il faut retrancher le glocitans de Gmélin de sa
synonymie , et peut-être y voir encore un métis qui d’après
le prince Bonaparte pourrait bien être celui du Canard
sauvage et du Siffleur.
Ces incertitudes des auteurs s’expliquent par la rareté de
1’^. formosa., oiseau de la Sibérie orientale très-peu ré¬
pandu dans les collections, il y a vingt ans, et qui même
aujourd’hui y est regardé comme un joyau.
En 1836, cinq individus furent tués sur la Saône, mais ils
n’avaient pas été reconnus sans contestation , parce qu’ils
ne portaient pas leurs livrées d’adulte ; on cite une autre
capture près de Saint-Pétersbourg, deux autres en Nor-
— 209 —
mandie, c’est à cela que se bornent les apparitions de cet
oiseau en Europe (*).
Ce sera, sans doute, avec un certain regret que le Muséum
de Douai l’effacera de son catalogue , mais il se consolera
en pensant qu’il possède dans son hybride de boschas et de
crecca un sujet plus difficile encore à se procurer, puisqu’il
est le résultat d’une aberration de la nature , toujours rare
et toujours digne de l’attention des collectionneurs.
A. de Norguet.
MUSÉES d’archéologie ET DE CÉRAMIQUE DE LILLE
La ville de Lille vient d’ouvrir au public, le 6 juin dernier,
ses Musées d’archéologie et de céramique. 11 eut été difficile
de leur trouver un emplacement plus favorable que la salle
du Conclave, encore toute remplie des souvenirs d’âges
qui ne sont plus , et d’ailleurs si remarquable par ses belles
peintures d’Arnould de Vuez. Des vitrines d’une disposition
convenable, *et qui n’attendent plus qu’un vernis, laissent
apercevoir à gauche la céramique antique, à droite la
céramique moderne. Ce sont ici les poteries étrusques pro¬
venant du dédoublement du Musée Campana, là les vases
gallo-romains exhumés à Lisieux du cimetière dit du grand-
jardin, parmi lesquels figurent plusieurs magnifiques ver¬
res ; puis dans les vitrines du bas, des armes , des fibules ,
des agrafes, des stylets, etc. En continuant nous trouvons
des produits plus récents ; les porcelaines, faïences, grès,
des fabriques françaises et étrangères; notre atelier lillois
y est représenté par les curieuses assiettes au jeu de cartes.
d) Dans mon Catalogue des Oiseaux du Nord de la France , j’avais , sur
la foi du docteur Degland, indiqué VAnas glocilans comme tué dans le
département du Nord; il doit être retranché de cette liste; mais , par
suite d’une erreur typographique , une autre espèce a été omise, le
canard Chipeau (C/iaw/e/osmws s/repera) ; le chiffre de 328 reste donc le
môme.
— 210 —
Des tapisseries de haute-lice et divers morceaux de sculpture
sont exposés dans les annexes.
Pour des Musées en formation l’on ne pouvait espérer
mieux; il y a même plus d'un objet qui pourrait, à son
avantage , soutenir la comparaison avec tel autre des gale¬
ries les plus riches.
Nous devons en remercier les Commissions de ces deux
Musées dont le zèle persévérant a su mener à bonne fin
cette entreprise; remercîments aussi à MM. Girardin,
Houdoy, de la Phalecque, Gentil-Descamps, Sauvaige,
Bachy, Van der Straeten , Biocreux, Bernard, Marcotte,
Gaudelet , etc. ; dont les dons ont contribué à enrichir les
différentes vitrines. Espérons que leurs louables exemples
trouveront des imitateurs.
Un visiteur des nouveaux Musées.
BIBLIOGRAPHIE.
LES CHANTS DU SOIR
Poésies par Charles Manso(*)
Le recueil publié tout récemment par M. Ch. Manso se
compose d’une cinquantaine de petites pièces , de rhythmes
très-variés, d’une facture aisée et élégante, et dont la lec¬
ture est vraiment agréable. L’auteur les a divisées en trois
groupes : travers Champs, où la description domine;
les Sentiers du Cœur , pour la note sentimentale , gaie ou
triste; et les Chants du Soir, où percent les sentiments
philosophiques, voire même politiques du poète; je ne
serais pas surpris que M. Ch. Manso eût rimé avec le plus
de soin et préférât cette dernière partie, puisque c’est elle
qui donne son nom à tout le volume. Elle contient en effet
plusieurs pièces touchantes : La Veillée de la Veuve, VOr-
d) Lille , imprimerie Daiiel ; 156 p., 2 fr.
— 211 —
l)helin et l'Ange de la Nuit (couronnée par la Société im¬
périale (l’Agriculture , Sciences et Arts de Valenciennes , en
1868), et des strophes humoristiques : Muse, faisons-nous
Epiciers, d’une allure dégagée et dun entrain presque .
irrésistible. Mais pour nous, nous aimons mieux les petits
poèmes descriptifs, le Paysage dédié à M. G. B. ;
. Tu peux, quand l’aurore t’éveille
A ta fenêtre t’accouder ,
Et, rêveur, au loin regarder
Trembler l’or des épis dans la plaine vermeille. . .
Tu découvres , à l’horizon ,
Lille qui se réveille et dont chaque toit fume. . .
Peut-être ce paysage , où respire le goût de la campagne,
n'est-il pas assez flamand , assez lillois : les environs de
notre grande cité industrielle ont aussi leur caractère pro¬
pre et leur poésie, si peu pittoresques ciu’ils soient. Nous
aimons plus encore la pièce intitulée : Aube et Crépuscule ,
dédiée à M. Desrousseaux :
La grand’mère et l’enfant, en se donnant la main,
Suivent à petits pas un verdoyant chemin ;
L’enfant gazouille et rit, l’aïeule pense et rêve;
L’un commence ici-bas l'œuvre que l’autre achè^œ.
Emu, j’ai bien souvent suivi d’un œil pensif
Cette aïeule courbée et cet enfant naïf. . .
. . . Je regarde passer ces deux points de la vie.
L’un me rend soucieux , l’autre me fait envie ;
Pour entendre leurs voix , je chemine près d’eux ;
Ils marchent à pas lents et chancellent tous deux ,
L’un au pied du berceau , l'autre au seuil de la tombe ,
L’enfant, aube qui nait, l’aïeule, jour qui tombe.
C’est bien délicatement dit! Et l'on voit que M. Cli.
Manso, lorsqu’il décrit, ne s’attarde pas à représenter lon¬
guement les objets du monde physique ; mais s’applique
plutôt à trouver, par un contraste touchant, par une anti¬
thèse attendrissante , le chemin de notre cœur.
_ 212 _
Nous lui reprocherons d’avoir cédé , cà et là, aux tenta¬
tions du réalisme , le Pendu dans la Forêt, Don Pedro. Sa
muse ne nous paraît pas faite pour peindre ou raconter des
horreurs. Lui-méme ne dit-il pas d’elle :
Ma muse ne liait pas les fêtes
Ni les refrains du cabaret ,
Mais elle aime mieux des fauvettes
Le chant , au fond de la forêt 1
Qu’au milieu <r des brocs et des pipes, elle mêle sa voix
aux chansons > passe encore ; cela est d’une bonne fla¬
mande; mais qu’elle ne hante point les bouges des vieilles
sibylles ; qu’elle ne contemple pas les cadavres déchiquetés
par les corbeaux !
M. Ch. Manso termine son volume par une sorte de
remerciement au lecteur. Remerciement? Est-ce bien le
mot?
Et nous, en niais que nous sommes ,
Nous rêvassons le nez en Eair ,
Et nous rimons. . . c'est du délire
Car notre seul espoir, ma foi ,
Est de rencontrer pour nous lire
Un autre niais. . . comme toi.
M. Manso nous semblerait injuste pour lui-rnôme et peu
gracieux pour nous si nous ne savions que les poètes ont
des façons de parler à eux particulières , et s’il n’était admis
de tout temps que faire des vers ou les lire est une folie à
laquelle ne croient ni le lecteur , ni surtout l’auteur.
_ X.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
LISTE DES MAMMIFÈRES TERRESTRES DU DÉPARTEMENT DU NORD.
Il y a trois ansM. de Norguet a publié dans les mémoires
de la Société impériale des Sciences , de l’Agriculture et des
Arts de Lille un catalogue raisonné des Mammifères du
— 215 —
Département. C’est de cette publication que nous extrayons
la liste suivante. Pour la comparaison avec les pays voisins
nous avons recours à la Faune de M. de Lelys-Lon-
champselaux Animaux vertèbres de V arrondissement d'Ah-
heville deM. Marcotte. Il est regrettable que l’on ne possède
pas de liste des animaux vivants dans les départements du
Pas-de-Calais, des Ardennes et de l’Aisne. Pour remplacer
ce catalogue en ce qui concerne l’Ardenne nous consa¬
crons une colonne au Grand-Ducbé de Luxembourg d’après
la liste dressée par M. Alphonse de la Fontaine.
ORDIŒ DES CHEIROPTEUES
Gr.-D.
Nord
Somme
Belgique
de
i‘'amille
des VESPERTILLIOXS {Chauve Soui;ts)
Luxem.
Vesperlilio. . niurinus .
1 c.C)
1 t.c.
1 c...
1 C...
»
mystacinus. .
2 p.c.
2r...
2 c...
2?...
Daubantonii..
5 r.. .
5 r.. .
5 r...
»
pipistrellus. .
4 t.c.
4 t.c.
4 t.c.
5t.c.
»
emarginatus.
ô r .,
5 r...
5 p.c.
4 t.r.
9
Malererii. . . .
6 t.r.
G r.. .
6r...
5 r...
9
serolinus. . . .
7 r...
7r ..
7 p.c.
6 r.. .
9
noctula .
8c...
8 c...
8 c...
7 c.. .
9
•lasvcnemus .
9 P, ,
9
Reclistenii. , .
9 r...
10?...
8?...
Plecolus.... barbaslellu>.
10 r.. .
H t.r.
9r...
•
aurilus .
Oreillard .
9c...
11 c...
12 ....
10 t.c.
llbinolopbus unihaslalus.
Gr. fer à cheval
10c...
12 p.c.
15 p.c.
11 t.c.
>
bippo crépis.
Pelilfer à cheval
• s • • • •
15 r.. .
14 r...
12r...
ORDRE DES CARNASSIERS
Sous-ordre des Carnivores
Famille des CHATS
Felis . .
Chat sauvage....
11 r...
14 r...
15 r...
13 r...
Famille des CHIEXS
Canis. .
Loup .
12 r.. .
15 r...
16 c.. .
14 c,..
Vulpes.
llcnard .
15 p.c.
16 c ..
17 c.. .
15 c.. .
(■) Le
chiffre placé dans ces
colonnes indique la
présence d
e l’animal et l’ordre que nous
lui attribuons dans ces listes locales; c. commun , p.c. peu commun , t.c. très-commun ,
r. rare, t.r, très-rare.
— 214 —
Famille des BELETTES
Kord
Somme
Belgii|ue Luxemh
Fulorius.
... vulgaris.
Uelette .
14 c...
17 c.. .
18 c...
16 c...
>
fœlidus. .
. . ri/lois (Fussiaus)
15 c.. .
18 c.. .
19 c...
17 t.c.
1
herininea
Hermine .
Kl p.c.
19 c.. .
20 p.c.
18 ....
Mussela..
Fouine .
17 c...
‘20 c...
21 t.c.
19 t.c.
»
martes . .
}Jarte .
« . • • ■ •
21 r...
22 p.c.
‘20c...
Famille des
LOUTRES
Lutra.. . .
. . Loutre .
18 p.c.
22 p.c.
23 c. . .
21 p.c.
Famille des BLAIREAUX
Meles.. . .
. . lUaireau .
19 r...
25 p.c.
24 p.c.
‘22 ....
Sous-orJre des liiseciivoies
Famille des HÉRISSONS
Erinaceus..
. europœus..
Hérisson .
20 c. . .
24 c...
25 c.. .
25 p.c.
Famille des TAUPES
Talpa .
. europœa...
Taupe .
21 t.c.
25 t.c.
26 t.c.
‘24 t.c.
F
amille des MUSARAIGNES
Sorex .
. araneus....
Musaraigne .
22 t.c.
‘26 t . c .
‘27 t.c.
25 t.c.
»
leticodon. . .
25 r. . .
27 r...
28t.r.
‘26 t.r.
»
tetragomirus
24 c...
28 0.. .
29 c...
‘27 t.c.
-
fodiens .
Musaraigne (T fan
25 p.c.
29 p.c.
50 p.c.
28 p.c.
•
ciliatiis .
Mus. porte-rame
26 p.c.
50 p.c.
51 p.c.
29 p.c.
>
pjgmœus.. .
52 t.r.
50?...
ORDRE DES RO.NGEL’RS
Famille des n.4TS
.Mus .
Surmulot .
‘27 t.c.
51 t.c.
55 t.c.
51 t.c
»
rattus .
Hat noir .
28 c...
52 c.. .
54 c.. .
52 r..
»
musculus. . .
Souris .
29 t.c.
55 t . c .
OO t a c •
55 t.c
9
sylvaticus..
Mulot .
50 t.c.
54 t.c.
56 t.c.
54 ...
9
minutus.. . .
Rat nain .
51 c . .
55 c.. .
57 c.. .
55 p.c
»
tectorum.. .
56 t.r.
Arvicola .
. .. arvalis .
Rat des champs.
52 c.. .
57 c...
Ca • •
56 t.c
t
agrestis ....
58 p.c.
59 p.c.
57?..
»
subterraneus
55 c.. .
59 p.c.
40 c...
58 c..
•
terrestris .. .
59 . ..
»
rubidus ....
54 c.. .
40 c.. .
41 c.. .
40 r..
9
ampliibius. .
Rat (T eau .
oo c . • •
41 c.. .
42 c...
41 c..
Circetus .
fnimp.ntnriiw
Jliimxti-r .
43 r.. .
Famille des LOIRS
Mvoxus . .
Lerot .
56 c. . .
4-2 c...
44 c. .
42 ...
•
avellanarius
Muscardin .
57 r...
45 p.c.
45 p.c.
45 ...
ffli^ _
l.niv. .
44 r..
Famille des ECUREUILS
Sciurus...
.. vulgaris _
Ecureuil .
58 c. .
44 p.c.
46 p.c.
45 ...
Famille des LAPINS
Lepas . . . .
Lievre .
59 c. . .
45 t.c.
47 t.c.
46 ..
»
cuniculus.. .
Lapin .
40 t.c.
46 t.c.
48 t.c.
47 ...
ORDRE DES ONGULÉS
Sous -ordre des Arctjodactjles
Famille des COC1IOX0
Nord
Somme
r.elgique
Luxemb
Sus .
. Sanglier . .
47 r...
49 p.c.
48 ....
Cervus.. .
Famille des
capreoJus..
CERFS
. Chuvreuil. ...
.. 4‘it.r.
48 r. .
60 p.c.
49 c...
>
elaphus . . .
Cerf .
.. 43t. r.
49 r. . .
51 r...
50 r.. .
J. G.
CHRONIQUE.
Nos lecteurs apprendront certainement avec plaisir que
M. Desplanque, mon collaborateur, vient d’être nommé
membre de la Société des Monumenta Germaniœ medii
ævi. Cette association scientifique , l’ime des plus considé¬
rables de l’Allemagne du nord , a à sa tête l’illustre Perlz ,
archiviste général du royaume de Prusse. Elle se com¬
pose de trente sociétaires , dont quatre appartiennent ac¬
tuellement à la France. J. G.
llétéorologie. Mois de Juin 1869. — Juin a été froid
et sec; le vent dominant a été celui du N soufflant avec
force. La température moyenne de ce mois , déduite d’une
série de 18 années d’observations, étant de 15.° 95, la
moyenne de juin 1869 n’a été que de 13.° 46, différence
en moins 2.° 9. La moyenne des températures minima a été
de 9.° 09 , celle des maxima 17.° 83 ; les extrêmes ont été de
5.° 5 tel." et 30.° 3 le 7.
La tension de la vapeur d’eau atmosphérique qui en
moyenne générale est de 10 mill. 26 n’a été pour juin 1869
que de 8 mill. 27 et l’humidité relative qui est ordinaire¬
ment de 69, 85 7o n’a été que de 66 7o-
Cette sécheresse de l’air aurait dû déterminer une grande
évaporation de l’eau , mais la chaleur étant une des princi¬
pales causes de cet effet météorique, l’épaisseur de la
couche d’eau évaporée qui en moyenne est de 128 mill. 52
a été réduite , pour ce mois, à 111 mill. 17.
— 216 —
L’épaisseur de la coucbe d’eau pluviale recueillie en
moyenne pendant le mois de juin est de 63 mill. 06, cette
année elle n’a été que de 3o mill. 71.
Une aussi faible humidité de l’air occupant les régions
des nuages devait naturellement augmenter sa densité et
exercer sur la colonne barométrique une plus grande pres¬
sion; c’est en effet ce qui fut observé, car la hauteur
moyenne du baromètre à 0.'’ et à 22 m. o au-dessus du
niveau de la mer étant de 759 mill. 75 , elle a été en juin
1869 de 762 mill. 33 oscillant entre les extrêmes 748 mill.
le 14 et 770 mill. 22 le 7.
La faible quantité d’eau pluviale et la sécheresse des
couches d’air en contact avec le sol n’ont pas été préjudi¬
ciables à la végétation parce qu’il y a eu de fréquentes rosées
(24) suivies de brouillards nombreux (30) qui se prolon¬
geaient souvent une partie de la journée.
Il y eut 8 jours où le ciel fut complètement couvert de nua¬
ges pendant 24 heures, une nébulosité moyenne fut obser¬
vée 21 j.,un seul jour la sérénité fut complète. V.Meurein.
Qcologie. Tranchée du chemin de fer de Tournai à
Blaton. — Pour l’établissement de cette nouvelle voie on a
ouvert aux portes de Tournai une tranchée dans les marnes
crayeuses analogues à celles qui sont exploitées à Cysoing.
On V trouve en abondance et avec une taille relativement
assez grande, la Terebratulina gracilis fossile caractéristi¬
que de ce niveau. C’est une rectification à faire à la carte
géologique de la Belgique. Elle présente en ce point une
ligne jaune indicatrice de la craie blanche o\i système séno-
nfen.Orles marnes à Terebratulina gracilis appartiennent à
ce que l’illustre auteur de la carte a appelé système nervien.
Le Gérant : E. Cash aux.
Lille , imp, Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
N.° 8. — Août 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES A>'T1QU.41RES DE PICARDIE
Mémoires, 3.® série, t. ii
La Société des Antiquaires de Picardie compte 33 ans
d’existence. Elle fut fondée en 1836 comme Société Archéo¬
logique du département de la Somme. En 1839 elle fut
autorisée et prit le nom qu’elle porte actuellement.
Elle a déjà publié 29 volumes de mémoires, 22 dans le
format in-8.° et 7 dans le format in-4.° , ceux-ci sont réser¬
vés à des ouvrages spéciaux de grande étendue. Elle fait
paraître en outre , par fascicules , un Bulletin qui forme un
volume tous les trois ans. 9 volumes en ont paru.
Au 1." janvier 1869 la Société comprenait 24 membres
titulaires résidants :
MM.Bazot [1837], notaire ; Président et Trésorier.
Hesse [1865], memb. du Conseil gén.; Vice-Président.
Garxier ^ [1838], conservateur de la bibliothèque
communale ; Secrétaire j)erpétuel.
Rembault , ancien négociant , Secrétaire annuel.
Dufour ^ [1837] , membre du Conseil général.
L’abbé Duval [1843] , vicaire général.
L’abbé Jourdain [1843] , chanoine.
De Forceville [1845] , statuaire amateur.
Antoine ^ [1849] , architecte.
Hecquet de Roqüemont ^ [1849] , conseiller à la cour.
Le Tellier [1852], professeur à l’école de dessin.
De Poucques d’Herbinghem ^ [1853] , cons. à la cour.
VioN [1853], chef d’institution.
L’abbé Corblet ^ [1854] , historiographe du diocèse.
Dutilueux [1855], chef de division à la préfecture.
Dusevel[1855], inspecteur des monuments historiques.
Darsy [1856] , directeur des prisons.
- 218 —
Crauk [1857] , professeur de dessin au Lycée.
Sâlmoin [1857], agriculteur.
Herbault [1860] , architecte.
Duvette [1863] , banquier.
Pou Y [1865] , commissaire priseur.
Leleu [1865] , professeur d’Histoire au lycée.
L’abbé Henocque [1865] , doyen du Chapitre.
La Société des Antiquaires de Picardie remplit avec
zèle la mission qu’elle s’esl donnée : faire connaître tous
les faits qui peuvent intéresser l’histoire de la province. Les
travaux qu’elle publie dans son xxii.® volume s’étendent des
temps anti-historiques jusqu’aux temps modernes. Nous
commencerons par les plus anciens en suivant l’ordre chro¬
nologique.
Notice sur une découverte d'objets celtiques faite à Caix ,
canton de Rosière (Somme), en 1865, par M. Garnier. —
Ces objets sont en bronze : il y a une épingle, des soies
d’épées, une pioche , des haches. Celles-ci appartiennent au
type des haches à ailerons. Elles étaient fixées dans une
direction parallèle au manche et non point perpendiculai¬
rement comme les haches modernes ; de plus le manche
était fourchu , disposé de manière à recevoir la hache
entre les deux branches de la fourche. Des oreilles recour¬
bées de chaque côté formaient une sorte de double douille
incomplète autour de chaque branche. Un petit anneau
fixé sur la hache permettait de la pendre à la ceinture.
Cette forme de hache est très-commune , on la trouve
abondamment dans les cités lacustres de la Suisse.
Cimetière mérovingien deNoroy^ rapport de M. Bazot (^).
Les découvertes de cimetières mérovingiens se multiplient
dans nos contrées. La Société des Sciences de Lille dans sa
dernière séance publique a couronné les fouilles faites à
Ferrière-la-Grande dans un cimetière de cette époque par
(1) Pages 1 à 15.
— 219 —
M. Dombrel et elle se propose d’en publier les résultats.
En 1864, M. Limelette décrivait le cimetière de Spontin,
près Namur. La même année le soc de la charrue faisait
connaître, près du chemin de Noroy, à Maimheville,
remplacement d’un ancien cimetière que la Société des An¬
tiquaires de Picardie explora à ses frais.
Bien que le nombre de tombes ne soit pas indiqué par le
rapporteur, il a dû être considérable eu égard à la quantité
d’objets trouvés. Parmi eux on remarque trois boucles de
ceinturon assez ouvragées dont l’une montre un griffon ailé
buvant dans un verre à pied. Des anneaux, des colliers,
I
des bagues ornées de verroteries , des armes et autres
objets bien connus à l’usage des nations germaines.
Des planches bien faites et coloriées représentent plu¬
sieurs de ces objets si intéressants pour l’histoire de l’art
et pour celle de l’humanité; il est à regretter qu’on n’en ait
pas fait figurer un plus grand nombre.
Le rapport semble indiquer que la Société a éprouvé
quelque découragement en ne trouvant aucune indication
qui permit de fixer d’une manière précise l’époque de ce
cimetière. On y a bien rencontré quelques monnaies : une
à l’effigie de Posthume, l’un des 30 tyrans; une autre gau¬
loise, et de petites pièces que l’on croit provenir des Francs.
En l’absence de tous documents, la supposition la plus
probable fait remonter les sépultures au iv.® siècle de notre
ère. Elles proviennent probablement des Germains que
Constance Chlore emmena captifs en Gaule après une expé¬
dition au-delà du Rhin contre les tribus qui avaient soutenu
la révolte de Carausius.
Cette circonstance expliquerait l’état peu fortuné des
morts, attesté par le petit nombre de cercueils de pierre et
l’absence d’ornements de luxe. Les morts de Noroy étaient
payens; les croix plus ou moins bien figurées sur deux bagues
— 2i() -
sont des dessins d’ornementation en usage depuis long¬
temps chez les Celtes. Au pied du squelette on a presque
toujours trouvé un vase destiné à contenir l’eau lustrale.
Beaucoup de ces vases portent des impressions singulières
propres k l’époque , dans lesquelles on a cherché pendant
quelque temps des caractères d’une langue inconnue.
La Féodalité en Picardie^ fragment d* un cariulaire de
Philippe-Auguste, par M. Tailliar, membre correspondant.
— Le savant président honoraire de la cour de Douai publie
le texte et la traduction d’une portion de cartulaire com¬
mencé par ordre de Philippe-Auguste et énumérant tous
les fiefs qui à cette époque relevaient du roi. Ce fragment
ne contient que ce qui concerne les anciens comtés du Ver-
mandois et de Valois.
L’auteur fait précéder cette traduction d’une introduction
historique sur le comté de Vermandois et d’un exposé de
droit féodal. '
Le comté de Vermandois fut constitué à l’état de fief en
818 par Louis-le-Débonnaire en faveur de son petit-neveu
Pépin, fils de l’infortuné Bernard, roi d’Italie et arrière
petit-fils de Charlemagne. Le petit-fils de Pépin , Héri¬
bert II , prit une part active aux luttes des ducs de France
confre la royauté , luttes qui devaient finir par substituer
la dynastie capétienne à la dynastie carlovingienne.
En 1077 , lorsque déjà depuis 90 ans Hugues Capet avait
ceint la couronne, le dernier descendant masculin d’Héri¬
bert II et du grand empereur d’Occident était déshérité par
le Conseil des barons comme étant de petit entendement et
sans gouvernement.
Le comté de Vermandois passa à sa sœur Adèle, épouse
de Hugues de France, frère de Philippe I.". Le petit-fils
de Hugues étant mort jeune et sans enfant , le Vermandois
échut à sa sœur aînée , femme de Philippe d’Alsace , comte
— 221 —
de Flandre , puis à sa sœur cadette , Eléonore , qui le céda
au roi de France , Philippe-Auguste.
Ce prince fit du Vermandois un bailliage royal compre¬
nant les seigneuries ou châtellenies de Saint-Quentin ,
Péronne , Crépy en Valois , Ghauny , Ribemont, La Ferté-
Milon, Nesle et Montdidier.
La seconde partie de l’important mémoire de M. Taillar
est consacrée , avons-nous dit , à un exposé du système
féodal fait avec la clarté et la précision qu’on était en droit
d’attendre d’un auteur aussi compétent.
La féodalité s’organisa d’elle-môme pour résister au désor¬
dre social et aux invasions des Normands. Elle prit pour
base la terre. « Les domaines, selon leur importance et leur
destination, sont classés dans des catégories différentes et
forment une hiérarchie qui règle en même temps la condi¬
tion de leur possesseur. »
La propriété foncière à tous ses dégrés constitue le fief.
On reçoit en fief la parcelle de terre, le bois, la vigne , la
maison , le four , le moulin , le cours d’eau , letang, etc.
Bien d’autres choses encore sont assimilées à la propriété
foncière ; ainsi on tient en fief certaines fonctions telles que
celles de châtelain , ou commandant militaire d’une forte¬
resse; d'avoué, défenseur temporel d’un établissement reli¬
gieux ; de mayeur , etc. On considère comme fief la poesté
ou pouvoir exercé dans une localité; la justice avec ses
produits ; le péage ou droit de passage sur un chemin , un
pont, un bac; le vinage ou droit perçu sur les vendanges ;
le forage, droit de vente et de consommation sur les liqui¬
des ; des droits sur le mariage et la mort de certaines per-
*
sonnes et toutes les autres contributions ou redevances
qu’elles soient en argent ou en nature. Les seigneuries dé¬
pendent les unes des autres. L’hommage que chaque vassal
— 222 —
doit à son suzerain constitue pour celui-ci un fief qu’il
reconnaît tenir du roi ou du comte.
Les vassaux sont astreints à divers services parmi les¬
quels figurent au premier rang : Vost et la chevauchée , c’est-
à-dire l’obligation de servir soi-même , soit à pied soit à
cheval , ou de fournir un nombre déterminé d’hommes de
guerre. Ils sont encore tenus à siéger à la cour et au plaid ,
à garder le château du seigneur et quelquefois à y venir rési¬
der pendant un temps déterminé {lige estage).
Comme exemple de ces rapports multiples du vassal à son
suzerain, nous citerons d’après le cartulaire un des fiefs du
bailliage de Vermandois, châtellenie de Saint-Quentin.
« Renaud Prévôt , homme lige, tient sa maison de Saint-
Quentin et c sols dans la vicomté et dans la boucherie
XXVI livres et l’estalage des souliers et les gâteaux de la
quintaine et un four et x sols aux jardins et deux autres
sols, trois pains de chaque boulanger , le mariage de la
femme de Girard de Guise, les forages de deux maisons , les
menus rendages dans les poestés cl les citations et l’avoine ;
et de chaque voiture du marché où le pain est vendu iii
pains ; des chapons avec deniers , les échevinages des
poestés et environ x muiées de terre à Seroucoiirt et les
gâteaux à Vaux , ii sestiers de vin , ii chapons et les hom¬
mages de ceux qui suivent (suit une liste de 21 noms).
Il doit l’ost et la chevauchée et doit garder les prisons et
les otages des duels. »
Deux xxrrières de la cathédrale d'Amiens , par MM. Du\ al
et Jourdain.— Les vili aux de couleur de nos anciennes ca¬
thédrales sont des sources inépuisables de renseignements
sur Part, les costumes, les mœurs et les idées du moyen-âge.
11 en est bien peu où nous ne trouvions quelque idée ingé¬
nieuse qui souvent nous fait sourire par sa naïveté. Aussi
l’une des verrières décrites représente les deux histoires de
— ‘225 —
saint Jean-Baptiste et de saint Georges, se terminant toutes
deux par un groupe d’anges qui encensent les corps des deux
saints martyrs. Mais l’histoire de saint Jean-Baptiste ne finit
pas avec sa mort. La tête du Saint est portée à Salomé qui la
présente à sa mère. On voit Hérodiade assise à la table du
festin à côté d’Hérode recevant avec satisfaction ce sanglant
hommage. Si l’artiste avait représenté les anges encensant
la tête du Précurseur, on aurait pu croire que cet honneur
s’adressait à Hérode et à sa compagne ; il a préféré inter¬
vertir l’ordre historique et terminer par la scène de la dé¬
collation. C’est au-dessus d’elle que les anges balancent
leurs encensoirs.
L’autre verrière représente la vie de la Sainte-Vierge et
l’histoire de saint Edmond et de saint Edouard , rois d’An¬
gleterre. Les auteurs penchent pour attribuer le don de cette
verrière à un prince de la maison de Coucy dont le blason
se trouve dans la rosace qui surmonte les gémeaux de la
fenêtre. Le sujet en aurait été inspiré par cette circonstance
qu’un Coucy, Engerrand III , accompagna en Angleterre
Louis de France , depuis Louis VIII , élu par les barons qui
avaient déposé Jean-sans-Terre.
Les tombeaux de la cathédrale d'Amiens — Monument de
Pierre parM. Garnier (i). — Le savant auteur com¬
mence dans cet article la description , au point de vue de
l’art, des monuments funéraires de la cathédrale d’Amiens.
Il en profite pour faire connaître les personnages à qui ces
tombeaux ont été élevés.
Il débute par le monument de Pierre Burry adossé contre
le pilier à gauche en entrant sous l’horloge. « Ce n’est pas
un chef-d’œuvre, dit-il, mais il a un mérite d'agencement
et d’exécution que l’on ne saurait méconnaître. •> Nous ne
P) Pages 75 à 117.
— 224 —
suivrons pas Fauteur dans sa description , préférant nous
rattacher à Fhomme en Fhonneur de qui le monument fut
érigé et qui tient à notre pays par plusieurs côtés.
Pierre Burry naquit à Bruges en 1430. Son père originaire
deNoyon avait fuit sa patrie désolée parla guerre. Il fut
élevé à Arras par son oncle maternel, chanoine de la cathé¬
drale de cette ville. Il fit ses études à Saint-Omer, puis alla à
Füniversité de Paris où il obtint le titre de maître ès-arts.
Ses études achevées, il revint s’établir à Douai comme pro¬
fesseur. Puis il voyagea en Italie où il resta 7 ans, vivant du
produit des copies qu’il faisait et des leçons qu’il donnait à
de jeunes enfants. En 1482 , il fut pourvu d’un canonicat à
Amiens par l’évêque de celle ville , son ancien élève. Toute
sa vie il cultiva les belles-lettres ; il laissa des épitres , des
discours et des poésies latines. On n’a que ses dernières :
quoique insignifiantes par leur sujet et souvent prétentieu¬
ses , elles sont écrites facilement et avec une certaine verve ;
on y voit toujours « une érudition abondante , un jugement
sûr, une piété solide. »
L'Abbaye du Gard , par M. Fabbé Delgove (*). — Le 21
mars 1098 , vingt religieux du monastère de Molesme
(Côte-d’Or) s’établissaient à Cîteaux.En Tllo, saint Bernard
sortant de Cîteaux avec quelques compagnons allait fonder
la colonie de Clairvaux. C’est de ces deux abbayes illustres
que descendait celle du Gard, qui prit naissance en 1138
sur les bords de la Somme, à 2 kilomètres de Picquigny et à
3 lieues et demie d’Amiens.
La vie monastique est une face trop importante de la
Société du moyen-âge pour que le passé d’une de ces gran¬
des abbayes n’intéresse vivement les hommes qui s’occu¬
pent de Fbistoire du pays. 31. Delgove nous fait connaître
(Ù Page 117 à 317.
— 225 —
en détail les vicissitudes de l’abbaye de Gard. Nous la voyons
s’enrichir des dons qui lui affluent de toutes parts dès son dé¬
but, puis être ruinée au xvi® siècle par les ravages de la guer¬
re; nous assistons au meurtre du dernier abbé titulaire, Jean
Boulet (lol6), à l’installation des abbés commendataires qui
vivaient à la cour (Mazarin fut l’un d’eux) , touchant les re¬
venus et laissant les moines dans la pauvreté. Enfin vient la
Révolution , la vente de l’abbaye et sa démolition partielle.
Plan de la ville de Roye ^ par M. Ch. Gomart, membre
titulaire non-résidant. — Ce plan a été trouvé dans la topo¬
graphie de la France. Il ne montrait que le périmètre des
murailles, M. Gomart y a ajouté l’emplacement de quelques
monuments anciens.
Inventaire des sceaux offerts à la Société des Antiquaires
de Picardie par M . Célestin Ratel ^ dressé par M. A. Dutil-
leux. — Ne peut s’analyser.
Origines Royennes de VInstitut des Filles de la Croix
d'après des documents inédits^ par M. l’abbé Corblet (*). —
« Il existe en Fance un grand nombre de couvents du nom de
Filles de la Croix qui se consacrent avec succès à l’ensei¬
gnement de la jeunesse. Beaucoup d’entre eux doivent leur
origine cà la communauté qui fut fondée à Roye en 162o. »
L’auteur trace un tableau très-intéressant des circonstances
qui ont amené la fondation de cette communauté, des per¬
sécutions qu’elle eut à subir presque dès sa naissance , des
luttes intestines qui la déchirèrent et qui amenèrent la
rupture de la maison de Roye avec celle de Paris. Il réha¬
bilite la mémoire de Pierre Guérin , curé de Saint-Georges-
lès-Roye, fondateur de l’Institut, persécuté par Richelieu
comme chef des illuminés, et qui cependant loin d’être
hérétique fut « l’un des prêtres les plus éminents du xvii.®
siècle par sa doctrine et sa piété. » J. G.
P) Page 317 à 373.
SOCIÉTÉ DUNKERQUOISE
Travaux courants.
Dans sa séance du 6 juin dernier, la Société Dunker-
quoise a entendu lecture d’un travail de M. Louis Cousin,
son président, intitulé : Excursions et fouilles archéologi¬
ques faites en 1868 dans V arrondissement de Boulogne-sur-
Mer.
M. Cousin , l’un des membres distingués de la Société
française d’archéologie, qui lui a conféré le titre d’inspec¬
teur divisionnaire , fait chaque année de nouvelles trou¬
vailles dans l’arrondissement de Boulogne, si digne du reste
d’arrêter l’attention d’un savant investigateur du passé.
Non moins heureux en 1868 que les années précédentes, il
a découvert de nombreux objets qui concernent l’âge de
pierre, les époques gauloise et romaine, ainsi que le moyen-
âge. Dans l’impossibilité où nous sommes d’indiquer tous
les résultats obtenus , nous nous bornerons à citer les sui¬
vants :
Découverte d’une grotte et de plusieurs chambres dans
l’une des grandes carrières de Ferques.
Découverte de nombreuses fosses sur le mont de Coupe ,
commune d’Audembert, fosses qui, selon toute apparence,
ont servi au campement d’un détachement gaulois.
Découverte d’objets de l’époque romaine et deux mottes
à Mark, canton de Calais. A ce sujet, M. Cousin cherche
la solution d’un problème historique, c’est-à-dire l’emplace¬
ment de la station romaine sur laquelle on lit dans la notice
de l’empire : « Equités Dalmatæ, Marcis in littore saxonico, »
et il produit en faveur de Marck de sérieux arguments.
Enfin aux Attaques, sur l’emplacement de l’ancien mo¬
nastère delà Capelle , ruiné par les Anglais en 1346, ont
— 227 —
été trouvés des carreaux émaillés dont l’un figure une com¬
tesse , trois chapiteaux de colonne du xiii.® siècle et des
pierres tombales représentant des abbés avec leur crosse.
Nous aurons occasion de revenir bientôt sur cette dernière
découverte. _ A. D.
ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE
Classe des Sciences
Nous sommes en retard avec l’académie de Belgique.
Parmi les communications faites à la classe des sciences
signalons d’abord avec 31. Quetelet la prochaine session
du congrès international de statistique; il s’ouvrira à La
Haye au commencement de septembre. 31. le major Navez
a présenté un nouveau système de chronométrie électro-ba¬
listique , permettant de mesurer à l’aide de l’électricité la
vitesse des projectiles. 31. Henry dans ses recherches sur
Visomérie dans la série salicique a cherché à compléter cette
série de composés chimiques. Une pensée analogue l’a guidé
dans des Recherches sur les dérivés éthérés des acides et des
alcools polyatomiques. Plusieurs membres ont communiqué
leurs observations météorologiques sur les orages de 1868 et
de 1869. 31. Quetelet a rendu compte des aurores boréales
des lo avril et 13 mai, ainsi que de l’apparition d’un bolide
à Bruxelles, le 31 mai. 31. Dupont a présenté à la classe
deux bâtons de commandants découverts dans la grotte de
Goget (province de Namur). Dans l’espérance de pouvoir
prochainement donner une idée d’ensemble sur les résultats
qu’ont fourni à ce savant l’exploration des cavernes de la
Belgique, nous préférons aujourd’hui résumer les décou¬
vertes de science locale signalées à l’Académie de Belgique
dans les quatre derniers mois.
Les Baleinoptères du nord de V Atlantique par 31. Van
Beneden. — Les Baleinoptères ou Rorquals diffèrent des
— 228 —
véritables baleines par leurs fanons plus courts , par la
présence de plis sous la gorge et sous le ventre; elles ont
peu de lard et beaucoup de souplesse. Aussi évitait-on de la
poursuivre , avant que la Baleine franche aujourd’hui ré¬
fugiée dans les glaces du Pôle ne fut devenue si rare et si
difficile à atteindre.
On comprend combien il est difficile d’étudier et de com¬
parer ces gigantesques habitants des mers. On ne peut
guère juger de leurs caractères anatomiques que par les
rares individus qui de temps à autre échouent sur nos
côtes. Dans ces dernières années, feu Eschricht, professeur
à Copenhague, mettant à profit des relations que sa nation
entretient avec l’Islande et le Groenland fit faire de grands
progrès à la zoologie des cétacés.
M. Van Beneden fut amené à s’occuper de ce groupe
d’animaux par l’étude des nombreux ossements qu’ils ont
laissés dans les sables d’Anvers.
En attendant THistoire naturelle des cétacés vivants et
fossiles qu’il prépare de concert avec M. Gervais, profes¬
seur d’anatomie comparée au Muséum de Paris, il commu¬
nique à l’académie de Belgique les résultats de ses recherches
sur les baleinoptères.
11 en admet quatre espèces vivant dans l’océan atlantique
boréal , deux de grande taille et deux de petite taille.
1. ® Balœnoptera rosir ata (8 à 10 mètres de longueur) ;
2. * Balœnoptera borealis (10 à 12 m.) ;
3. ® Balœnoptera musculus (22 à 26 m.) ;
4. ® Balœnoptera Sibbaldii (22 à 26 m.).
Une carte jointe au travail montre les points où on a
rencontré ces diverses espèces.
Une seule B. musculus a été trouvée dans la Méditerranée.
C’est aussi la seule qui ait échoué dans le détroit du Pas-de-
Calais. La B. rostrata a été prise sur les rivages de la Man-
— 229 —
cheet de^la Mer du Nord. Quant aux deux autres espèces
elles n’ont pas encore été poussées sur nos côtes.
Le tableau suivant indique les époques où ont été captu¬
rées sur nos plages les deux premières :
1812 Emb. Somme — B. musculus — musée de Boulogne.
1817 Ostende id.
1829 Emb. Somme " id.
1838 Ostende — B. rostrata — musée de Gand.
1842 Pas-de-Calais — B. musculus
1857 Boulogne id.
1865 Emb. l'Escaut — B. rostrata
1869 Emb. l’Escaut — B, musculus {^) — musée de Bruxelles.
A la liste précédente il faut ajouter une Balœnoptera
rostrata qui a échoué à Montreuil-sur-Mer en 184. . Son
squelette est conservé au musée de Lille et figure au catalogue
sous le N.® 316 et sous le nom de Joubarte. Au lieu d’avoir
24 mètres de long, comme le porte le catalogue, il n’a que
7 mètres.
Un Palœdaphus nouveau du terrain dévonien^ par M.
Van Beneden. — MM. Van Beneden et de Koninck ont créé
le nom de Palœdaphus pour un poisson trouvé dans le cal¬
caire carbonifère. Il appartient à la famille des Cestraciontes
voisine de celle des Squales ou Requins. Ses mâchoires au
lieu d’être armées de rangées de dents pointues comme dans
le requin, portent 8 collines osseuses , longitudinales , sur
lesquelles se trouvent de petites tubérosités mousses faisant
office de dents. Le nomem Palœdaphus possède 10 collines
et les tubérosités dentaires sont plus régulières. Il vient
d’Hingeon, d’une carrière ouverte dans les bancs inférieurs
(ï) Le jeudi soir 13 mai de celte année, on aperçut à l’entrée de
l’Escaut , non loin de Flessingue , un énorme cétacé que l’on prit
d’abord pour un corps inanimé flottant, mais qui fut bientôt r -connu
pour un animal vivant, au bruit qu’il faisait à la surface. Après avoir
essuyé quelques coups de feu il alla échouer, pendant la nuit, sur
le banc de Caloo. 11 a été vendu aux enchères pour la somme de
500 fr. M. Van Beneden a fait l’acquisition du squelette.
— 250 —
du calcaire de la bande de Rhisnes (terrain dévonien supé¬
rieur). Ce gisement lui vaut le nom de P. devoniensis ^ le
premier avait été nommé P. insignis.
Notice sur les débris de Cheloniens provenant des terrains
tertiaires des environs de Bruxelles^ par M. Preudhomme
de Borre. — Les Tortues du terrain éocènede Bruxelles con¬
nues jusqu’à présent , sont: \°VEmys Caniperi, espèce
ayant vécu dans des eaux marécageuses et dont il y a
actuellement en Belgique 8 exemplaires; \e Trionyx
Bruxellienis , tortue fluviatile dont l’exemplaire typique est
aussi au musée de Bruxelles. M. de Borre y ajoute une
seconde espèce fluviatile et une Cfielonia ou Tortue marine,
de grande taille.
Dans une autre séance le même erptologiste a soumis à
l’Académie la Description d'une nouvelle espèce de Caiman
et d’une jeune Tortue provenant tous deux du Honduras.
• _
Ce sont aussi des animaux étrangers à l’Europe que
M. le baron de Selys Longcliamps fait connaître dans ses
Secondes additions au Synopsis des Caloptérygines , famille
d’insectes de l’ordre des névroptères.
Boches usées avec cannelures de la vallée de la
Grande-Geete , par M. 3Ialaise. — M. Malaise commence
par rappeler qu’il y a un an M. Van Horen signalait aux
environs de Tirlemont des grès tertiaires dont les surfaces
étaient polies et striées , lui-même vient de constater au
sud delà Ramée des blocs de quarzite du Brabant à surface
usée et striée. M. Van Horen croit que ces usures et ces
cannelures étaient le résultat d’anciens glaciers. M. d’Oma-
lius d’Halloy combattit cette manière de voir que ne partage
pas non plusM. Malaise. Il se demande si la roche cannelée
n’est pas un reste d’une barre diluvienne datant d’une
époque ou la Geete avait plus de puissance et de hauteur.
« Les cailloux passant sur cette barre n’ont-ils pu, dit-il,
— 251 —
produire les cannelures? et le poli des roches quarzeuses
n’est-il pas dû au frottement et à l’action corrosine des
eaux ? » Ces conclusions présentées avec la plus grande
réserve sont très-méritoires à une époque où la mode est
de retrouver partout des traces d’anciens glaciers. J. G.
Classe des Lettres.
Le 12 mai dernier la classe des lettres a tenu sa séance
publique. Trois lectures ont été faites à cette occasion par
MM. Borgnet, le directeur annuel, le baron Kervyn de
Lettenhove et Gachard. Nous allons rendre compte des
deux premières , M. Desplanque se réservant de reprendre
plus tard la suite des études de M. Gachard sur Don Juan
d'Autriche. Après la proclamation des résultats des con¬
cours , on a rendu compte des élections par lesquelles la
classe répare annuellement les vides que la mort fait dans
ses rangs. M. Henri Conscience le célèbre romancier fla¬
mand, a été élu titulaire. Au nombre des associés nous
sommes heureux de voir figurer M. Egger , le savant hellé¬
niste de la Sorbonne.
Une page de V histoire d'Angleterre : Les dernières années
d'Edouard III , par M. le baron Kervyn de Lettenhove. —
L’auteur donne de curieux détails sur la fin de ce roi, jadis
tout-puissant , perdant peu à peu le fruit des victoires de
Crécy et de Poitiers. Il nous le montre dans ses derniers
moments en tête à tête avec sa maîtresse Alice Perrers , fille
d’un tisserand , qui lui promettait une seconde jeunesse et
l’entretenait encore de chasses au faucon. Mais la scène va
changer : le roi a une défaillance qui fait pressentir à Alice
la fin prochaine de son amant, elle se précipite alors sur le
moribond et lui enlève sa bague.
On racontait à Londres qu’un moine fort instruit dans la
magie avait remis cette bague à Alice Perrers en lui annon-
— 232 —
çant que celui qui la porterait ne pourrait jamais se dérober
à son amour. Ainsi s’explique la convoitise de cette courti¬
sane, connue sous le nom de dame au Soleil d’or , qui avait
vu s’agenouiller devant elle les plus grands seigneurs de la
cour d’Angleterre,
Sur le Garactère du mouvement communal en Belgique,
par M. Borgnet, président de la Classe des lettres. — « La
formation des Communes et leur administration privée
remontent au berceau des Sociétés. A peine quelques famil¬
les se sont-elles réunies qu’elles ont senti le besoin d’une
administration intérieure et d’une police locale. Ce senties
conséquences forcées de la nature des choses. Sous des
noms différents on les retrouve partout et dans tous les
siècles. Les tribus des peuples antiques de la Judée, les douze
villes primitives de l’Attique n’étaient autre chose que des
communes, en appliquant ce nom à la dernière des divisions
d’un peuple sous le rapport de son administration. » (i)
Sans reprendre la chose d’aussi loin , M. Ad. Borgnet fait
entrevoir néanmoins ce que pouvait être la Commune à
l’aurore des temps historiques.
Commençons par rappeler avec l’auteur qu’à l’époque où
remonte l’établissement des villes modernes destinées à de¬
venir des Communes, le principe aristocratique régnait
dans toute sa force avec la féodalité qui en était la plus
haute expression. « Ce principe, dit-il, a prévalu pour l’en¬
semble, il doit prévaloir pour les détails » et il en déduit
([ue la Commune alors est un véritable fief.
Pour sujet d’étude et comme preuves à l’appui de ses
allégations , M. Borgnet prend les grandes villes des trois
principales provinces de la Belgique : le Brabant , la Flan¬
dre et le.pays de Liège.
(q Dalloz — Communes.
Partout, nous apprend l’auteur, la population se divise
en grands et en petits^ ou suivant quelques vieux historiens
en praticiens et plébéiens , rappelant ainsi ceux qui , à
Rome , possédaient les droits politiques ou étaient de con¬
dition servile.
D’où venaient ces grands ? Des descendants d’anciens
conquérants ou d’anciens hommes libres parvenus à main¬
tenir leur position à travers les épreuves de la conquête ,
répond M. Borgnet.
En effet la race conquérante ne fut pas toujours spolia¬
trice et en certains points, il y eut, entre les vainqueurs et
les vaincus, des accommodements qui permirent à ceux-ci
de conserver les terres qu’ils détenaient de temps immé¬
morial.
C’est probablement ce qui eut lieu pour nos contrées.
Quoiqu'il en soit , nous savons que sous la domination fran¬
que et même jusqu’après Charlemagne les municipalités
étaient indépendantes et qu’elles étaient administrées par
des échevins.
€ Dès le X.* siècle, dit M. Aug. Thierry Q) , ceux aux¬
quels les actes publics ou privés donnent le titre de scabini
sont de vrais échevins dans le sens moderne de ce mot; ils
ne tiennent plus rien de la réforme judiciaire à laquelle
leur nom se rattache ; ils administrent en même temps
qu’ils jugent et leur droit de justice , en concurrence avec la
justice seigneuriale, reste comme une dernière garantie de
la vieille liberté civile, comme une tradition qui de siècle en
siècle remonte jusqu’au sixième. »
Pour nous rendre compte de la situation faite alors aux
Communes, demandons-nous ce qu’elles devinrent sous les
faibles successeurs de Charlemagne.
Les fiefs étant constitués, les comtes, investis de la ma-
(') Considérations sur V Histoire de France, ch. v, p. 296.
— 254 —
gistrature suprême , déléguèrent la juridiction , soit aux
magistrats des municipalités existantes soit à d’autres sei¬
gneurs placés au-dessous d’eux, et de cette manière nous
nous expliquons la direction communale aux mains des
grands , d’échevins , nommés à vie « et descendants peut-
être, de ceux qui avaient été jadis les propriétaires du
sol où la cité est établie. »
Ce point démontré (^) il nous reste à voir les améliorations
qu éprouva successivement la condition des petits.
D’abord c’est le mouvement communal des xi.® et xii.®
siècles.
« Après le récit émouvant d’Augustin Thierry sur la lutte
soutenue par les Communes du Nord de la France, dit l’au¬
teur, on n’a plus voulu voir que l’insurrection comme la
cause de l’établissement des communes. Pour notre part ,
ajoute-t-il , quoique bien des circonstances restassent à
éclairer, on en connaissait assez cependant pour savoir
que cette théorie était en opposition directe avec nos tradi¬
tions nationales et que cet établissement avait été tout
pacifique , la lutte n’ayant éclaté que plus tard pour assurer
le maintien des progrès obtenus. » Les Communes se conso¬
lidèrent , et avec les garanties qui lui ont été assurées par
sa nouvelle position, la classe inférieure put se livrer au
commerce et à l’industrie. Dans beaucoup d’endroits l’orga¬
nisation des corps-et-métiers date de cette époque.
L’institution des jurés, qui vint ensuite, fut un nouvel
avantage pour les petits. Quoique pris dans le patriciat,
du moins au commencement, ils étaient chargés de faire
contrepoids à l’aristocratie , et bientôt sous le nom de con¬
seillers, qu’ils échangèrent contre leur premier titre , ils
tendirent à former le Conseil municipal.
(q La formation des Communes est complexe; nous ne pouvons pas
ici entrer dans des détails que M. Borgnet lui-même ne donne pas.
Nous avons vu les grands seuls possesseurs de l’autorité.
Peu à peu leurs rapports avec les petits se modifièrent ;
une nouvelle catégorie d’hommes va s’établir et servir d’in¬
termédiaires entre les deux classes extrêmes : les « médio¬
cres » formés des grands amoindris comme aussi des petits
enrichis par le travail.
Le premier pas était fait.
Avec les xiii.^ et xiv.® siècles , l’auteur nous montre les
Communes dans leurs transformations successives et nous
I
fait voir le pouvoir communal passant presque exclusive¬
ment aux mains des petits. Du régime aristocratique la
Commune était arrivée au régime démocratique.
Avant de finir il nous reste à jalonner cette longue série
de siècles que nous venons de parcourir.
A l’origine, origine relative bien entendu, nous voyons
les municipes romains conservant comme un dépôt la pra¬
tique de l’administration civile pour la transmettre aux
Communes du moyen-âge , lesquelles à leur tour donnent à
nos rois le modèle qu’ils doivent suivre pour le gouverne¬
ment de leurs Etats.
« Pendant le xv.® siècle , dit en terminant M. Borgnet ,
» siècle de la centralisation dans tous les Etats de l’Europe
» occidentale, chez nous aussi , la démocratie subit les lois
» du pouvoir dont elle avait été l’alliée jadis. Heureuse-
» ment telle était la force de notre organisation communale
» que la Commune , tout en perd ant cette partie de son auto-
» nomie qui en faisait un état indépendant et devenait
» comme tel un obstacle insurmontable à la formation de la
» nationalité , sut au moins conserver le droit de se gouver-
» ner elle-même. Les citoyens continuèrenl à gérer leurs in-
» térêts , et malgré les calamités que nous valurent les dy-
» nasties étrangères, malgré les atteintes qu’elles portèrent
» à nos libertés , la vie politique se maintint... » Lecocq.
— 236 —
BIBLIOGRAPHIE.
TOPOGRAPHIE SOUTERRAINE DU BASSIN ROUILLER
DE VALENCIENNES
par M. Emile Dormoy , ingénieur au Corps impérial des Mines (*)
Cet ouvrage, imprimé à l'imprimerie impériale et publié
par le Ministre des travaux publics , est destiné à combler
une des nombreuses lacunes de la science dans notre patrie.
Le charbon n’est pas disposé d’une manière irrégulière au
sein de la terre ; il forme des couches ou veines intercalées
à diverses hauteurs dans un ensemble de grès et de schistes
que l’on nomme terrain houiller. Le mineur a grand inté¬
rêt à connaître la position exacte de ces veines , leur direc¬
tion , leur inclinaison , leur profondeur, etc. La topogra¬
phie souterraine réunit tous les faits de ce genre connus
par les exploitations et les sondages.
M. Dormoy a commencé son livre par faire l’histoire des
exploitations du charbon du département du Nord , depuis
la découverte de la houille à Fresnes, le 3 février 1820,
par Desandrouin , jusqu’en 1862. Dans cet exposé histori¬
que l’auteur a pris pour guide l’excellente Histoire de la
recherche de la Houille de M. Ed. Grar.
La seconde partie est consacrée à l’exposé des méthodes
d’exploitation et la troisième à la description géologique du
bassin houiller.
Le terrain houiller et les terrains anciens qui l’accom¬
pagnent sont surmontés de couches plus récentes (terrains
crétacé et tertiaire) nommées par les mineurs terrains
morts. Si on les suppose enlevée, le sol de notre pays serait
aussi plat qu’il l’est maintenant. Cependant, à la surface de
ces terrains anciens, on constate deux dépressions corres-
(^) 1 vol iü-4.®, 296 p. et atlas.
— 257 —
poiidaïuà deux anciennes vallées. L’une, prenant naissance
à Valenciennes, se dirige vers l’est en passant au sud de
Condé ; elle atteint près de la frontière une profondeur de
100 mètres par rapport au niveau ordinaire du terrain
houiller. L’autre vallée se trouve à l’ouest de Douai : les
fosses de Dorignies atteignent la surface du terrain houiller
à des profondeurs de 215 et de 234 mètres , tandis qu’à l’Es-
carpelle cette'môme surface est à 157 mètres seulement.
Par contre un petit monticule a 'été reconnu entre Denain
et Aniclie. En négligeant ces irrégularités, on constate que
dans le département du Nord la surface du terrain houiller
présente une pente générale vers l’ouest : elle passe de la
profondeur moyenne de 35 mètres à celle de 155 mètres.
Les couches qui composent le terrain houiller ont été
redressées et plissées postérieurement à leur dépôt. Les
deux bords du lac ou de la lagune où elles s’étalent formées
ont été rapprochés de manière à prendre la forme d’un V,
mais d’un V fortement incliné de gauche à droite , le côté
sud ayant été renversé sur le côté nord. Le fond du bassin
qui est devenu les branches du V est formé par le calcaire
carbonifère (pierre bleue de Tournai , Marbaix, Blaton, etc.)
Le milieu est rempli par le terrain houiller dont les couches
sont parallèles à celles du calcaire. La direction générale des
veines, en ne tenant pas compte des petits accidents, est
de l’est à l’ouest; elles plongent toutes vers le sud par suite
du renversement signalé. Mais tandis que les veines du Nord
inclinent régulièrement sous un angle assez faible, les
veines du sud ont subi de nombreux plissements en zig¬
zag ; elles sont formées de parties très-inclinées [dressants)
séparées par d’autres parties presque horizontales (pla-
teurs). Le renversement des veines du sud est suffisamment
prouvé par la structure du toit et du mur. On nomme toit
la couche schisteuse supérieure à la houille , et mur celle
— 258 —
qui lui est inférieure. On a remarqué que si la veine de
houille occupe sa position normale, le mur est formé de
schistes fragmentaires se divisant irrégulièrement , remplis
de débris de racines ; c’est l’ancien sol végétal sur lequel
s’est développé la forêt tourbeuse qui a donné naissance à
la houille ; le toit au contraire est constitué par du schiste
fin , régulièrement feuilleté, couvert d’impressions de tiges
et de feuilles. Lorsqu’il y a renversement de la couche,
c’est le toit qui est irrégulier et rempli de racines et c’est
le mur qui offre les empreintes de feuilles.
Après avoir d’abord (^) nié d’une manière absolue le ren¬
versement des couches sud, M. Dormoy le reconnaît main¬
tenant dans un petit nombre de points. Cette concession ne
nous semble pas suffisante, et au lieu de regarder ce fait
comme f exception , nous le considérons plutôt comme la
règle.
M. Dormoy s’est laissé guider par les caractères chimiques
pour caractériser les couches de houille , et pour relier entre
elles les veines de deux exploitations différentes. Mais il est
maintenant bien constaté que la qualité de la houille d’une
même couche peut varier. Maigre dans un point, la même
veine peut dans un autre se charger d*une plus grande
quantité de matière volatile. M. Geinitz l’a constaté en
Saxe et nous avons déjà signalé un fait du meme genre dans
ce Bulletin.
Dernièrement encore M. Daubresse , directeur des Mines
de Carvin , nous fait part d’une observation conforme. La
veine St. -Emile de la fosse N.° 1 , qui se trouve coupée par
une faille , est beaucoup plus riche en carbures volatils
dans le voisinage de l’accident que dans les parties plus
éloignées.
1^) Bulletin de la Société géologique de France, 2.' série, xix, p. 348.
— -259 --
Dans les veines du nord de notre bassin , le combustible
est maigre ; il devient d’autant plus gras que Ton marche
vers le sud. Fidèle à son principe , M. Dormoy ne pouvait
voir dans les houilles grasses du sud le prolongement géo¬
logique des houilles maigres du nord ; il a donc été conduit
à admettre que toutes les couches exploitées aux environs
de Valenciennes ne sont que la moitié nord du bassin houil-
1er primitif , et il a dû chercher ce qu’est devenue la moitié
sud. Il suppose que toute cette «partie a été soulevée au-
dessus de son niveau , puis « un torrent, un déluge d’une
!> puissance irrésistible s’est précipité du nord vers le sud,
» a ratissé toute la surface supérieure des terrains , et a
emporté dans la direction du sud la montagne nouvelle-
» ment formée. »
Cette hypothèse fait honneur à l’imagination de son au¬
teur, mais elle est en contradiction avec les faits les mieux
démontrés en géologie. N’est-ce pas aussi purement imagi¬
naire cette masse de roche éruptive que M. Dormoy figure
dans ses coupes et fait intervenir pour expliquer le soulè¬
vement de la moitié sud du terrain houiller?
On doit également régretter que dans les coupes transver¬
sales du bassin houiller l’auteur n’ait pas distingué les faits
constatés de ceux qu’il a déduits plus ou moins hypothéti¬
quement de ses observations. Ainsi dans ces coüpes, M. Dor¬
moy représente à des profondeurs qui varient de 900 à
6,000 mètres et plus , des dispositions de couches très-favo¬
rables à sa théorie , mais les a-t-il vues ? les a-t-il constatées?
ou les a-t-il simplement supposées telles ? Il est permis de se
poser cette question quand on compare la coupe d’Aniche
dans l’ouvrage de M. Dormoy et dans la Notice sur les mines
de houille d’Aniche ^ publiée il y a deux ans^par M. Vuille-
min, ingénieur-gérant de cette compagnie. Ces coupes ne
se ressemblent en aucune manière, et cependant M. Dormoy
— 240 —
a clù avoir connaissance des documents qui ont servi à M.
Vuillemin. Ajoutons que la coupe présentée par M. Vuille-
inin s’accorde beaucoup mieux que celle de M. Dormoy
avec les lois géologiques et avec ce que Ton observe dans
d’autres parties du bassin. Peut-être à l’époque déjà reculée
où M. Dormoy habitait Valenciennes, les travaux étaient-ils
moins avancés et les observations moins complètes.
Sous ce rapport , comme sous beaucoup d’autres , on
regrette que l’administration des travaux publics ait différé
de sept ans la publication de ces documents vivement atten¬
dus des industriels et des savants. Espérons qu’il n’en sera
pas de même des travaux analogues faits sur le bassin du
Pas-de-Calais, par M. Coince, ingénieur des mines à Arras.
Les plans que nous avons vus à l’Exposition universelle sont
conçus dans un esprit d’observation si consciencieux que
nous regarderions comme un malheur pour la science tout
retard apporté à leur publication. J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
Ravages des Chenilles sur les arbres fruitiers et les haies,
— Tout le monde a remarqué l’état déplorable où se trou¬
vent en ce moment (2o juin) la plupart des pommiers et des
poiriers garnissant les vergers des environs de Lille. Ils
sont entièrement dépouillés de leurs feuilles et présentent
l’aspect qu’ils auraient en plein hiver. Rien d’étrange
comme le coup-d’œil de ces vergers vus à quelque distance.
Tout y paraît mort. La verdure luxuriante des ormes ou
des peupliers qui les entourent fait le plus singulier con¬
traste avec cet état de dessèchement qu’on ne peut mieux
comparer qu’à un effet d’incendie, lorsque le feu a consumé
les bâtiments (f une ferme et atteint tous les arbres voisins.
Il va sans dire que la récolte est perdue , surtout pour les
— 241 —
pommiers , car il n’est pas resté plus de fruits que de feuil¬
les. Les poiriers ont été un peu plus épargnés; j’ai même
vu des vergers où les pommiers étaient entièrement dé¬
pouillés, tandis que les poiriers étaient intacts. Cela tient à
ce que deux espèces de chenilles se sont attaquées au pom¬
mier, quand le poirier n’a eu affaire qu’à un seul ennemi.
A l’extrémilé d’un grand nombre de branches, on aper¬
çoit des espèces de paquets formés de fragments de feuilles
sèches liées par des lils de soie , en«tissu serré, qui rappel¬
lent certaines toiles d’araignées. En ouvrant ces paquets on
les trouve remplis de peaux de chenilles desséchées, d’ex¬
créments en forme de petits grains, et souvent on y trouve
un cocon jaune , poudreux qui renferme une chrysalide de
papillon.
Quelquefois les pommiers présentent un aspect un peu
différent : les feuilles ne sont pas tombées toutes , mais
elles sont recoquillées , sèches et jaunes , tout l’arbre a une
teinte rousse qui fait dire aux campagnards qu’il a passé
un venti^ux. Les bourses de soie sont plus petites, arron¬
dies, blanchâtres, elles contiennent (fin juin) des petites
chenilles grisâtres ou des chrysalides rangées les unes contre
les autres dans des petits cocons blancs.
Une autre observation qui a du être faite par tout le
monde, c’est l’état de presque toutes les haies d’épines, à
qui il ne reste pas plus de feuilles qu’aux pommiers des
vergers. On les voit, sur des étendues très-considérables,
enveloppées de réseaux de toile grisâtre au milieu des¬
quels frétillent par paquets ces mêmes petites chenilles
grises des pommiers. Si toutes les haies ne sont pas dé¬
pouillées, il n’en est au moins aucune qui ne soit attaquée
sur quelques points.
Quand il se trouve , parmi les pieds d’épines, quelques
prunelliers, comme il arrive assez fréquemment dans nos
— 242 —
environs , ces derniers partagent le sort de leurs voisines
auxquelles du reste ils sont liés par des liens botaniques
très-étroits.
Ces dévastations si frappantes pour l’œil le moins atten¬
tif sont loin d’être nouvelles , celles des haies notamment
se reproduisent plus ou moins fortement à des époques
assez rapprochées ; la chenille qui les produit est toujours
commune ; mais il se passe parfois bien des années avant
qu’elles se montrent aussi multipliées que dans ce moment,
et qu’elles détruisent complètement jusqu’cà la moindre
apparence de verdure sur un aussi grand nombre de
haies.
Celles des arbres fruitiers sont aussi très-connues; mais
j’ai entendu dire à de vieux campagnards que jamais , de
mémoire d’homme , leurs vergers n’avaient été aussi dé¬
vastés ; pour ma part je n’avais pas observé encore , dans
ce pays-ci , pareille destruction. Je ne puis la comparer qu’cà
celles que j’ai vu opérer par les Hannetons dans certains
bois de la Picardie et par les Bombyx processionnaires dans
des bois de chênes des environs de Paris. *■
Quelques détails sur les insectes qui ont fait ces ravages
pourront peut-être intéresser les lecteurs du Bulletin.
I. — Le premier et le plus grand ravageur de nos arbres
fruitiers est la chenille ùn Bombyx neustria, ou Clisiocampa
neustria , ou Lasiocampa neustria., vulgairement : Bombyx
normand ou livrée (i). Elle provient d’un papillon nocturne
(1) Clisiocamph , de deux mots grecs : tente et chenille , à cause des
mœurs de la chenille qui passe son jeune âge sous une toile qu elle
file.
Lasiocampa, chenille velue.
Neustrfa , normand , parce que le naturaliste anglais Charletoii ,
qui le nomma le premier en 1677 , avait reçu les chenilles de Nor¬
mandie. Linné eut le tort de consacrer cette dénomination qui ne
signifie rien , et c'est sous son nom qu’elle est toujours inscrite.
Livrée , à cause des couleurs de la chenille qui rappellent certaines
livrées bariolées en usage autrefois.
— 243 —
brun ferrugineux, avec les ailes supérieures barrées d’une
bande plus foncée, encadrée de traits blanchâtres.
Il vole en juillet. La femelle dispose ses œufs d’une façfln
fort singulière qui a été cent fois décrite mais jamais plus
fidèlement que par Reaumur que je ne puis mieux faire
que de citer ;
« De tous les nids d’œufs de papillons, celui qui est un
des plus jolis pour l’arrangement des œufs , est un nid
connu des jardiniers, parce qu’ils le trouvent assez souvent
en taillant leurs arbres ; ils l’appellent le bracelet ou la
bague, et ils l’ont très-bien nommé. Ces nids entourent un
jet de poirier, de pommier, de pêcher, de prunier, comme
les bagues ordinaires entourent les doigts, ou comme les
bracelets entourent les bras. Ils ressemblent tout à fait aux
bracelets de grains d’émail ; chaque œuf tient ici lieu d’un
de ces grains. Il entre depuis 200 jusqu’à 3o0 œufs dans le
même bracelet. On ne voit que leur partie supérieure dont
le contour est rond et blanc; le milieu est plus brun, la
sommité est toujours marquée par un point noir.
» Ces grains ou œufs qui se touchent seulement par
quelques endroits de leur contour, et qui sont pressés les
uns contre les autres , laissent nécessairement entre eux
des espaces qui sont remplis par une espèce de gomme
brune, dure et cassante. La lar2:eur du bracelet est formée
de 14 à lo rangs et jusqu’à 17 rangs d’ceufs. Ils ne sont pas
placés précisément sur la circonférence d’un cercle , ils sont
disposés en tours de spirale qui quelquefois s’éloignent peu
de la ligure circulaire (’). »
Ces œufs fortement collés autour de leur branche passent
l’hiver sans avoir à redouter d’autre danger que les coups
de bec des Mésanges. Ils éclosent en avril et la nichée de
P) Mémoires pour servir à l'Histoire des Insectes , t. ii.
— 244 —
petites chenilles se met aussitôt à filer la tente qui va la
protéger. Elles l’attachent aux bourgeons , aux feuilles
naissantes ou aux branches , quelquefois elles en tapissent
le tronc de l’arbre ou l’enfourchure des grosses branches ,
en laissant en dessous l’espace nécessaire pour s’y blottir.
La forme de cet abri n’est pas toujours constante , puis¬
qu’elle dépend des objets qui le soutiennent , mais en géné¬
ral , il ressemble à une poche oblongue ou en poire , entou¬
rant un rameau qui en fait l’axe et prenant ses points d’ap¬
pui du pourtour, sur les ramules ou les feuilles de la branche
centrale.
Les chenilles passent sous cette tente la première moitié
de leur vie ; elles ne la quittent que pour se répandre aux
alentours à la recherche de leur nourriture ; elles y revien¬
nent après la pâture et y opèrent leurs mues ; il est même
probable , que la principale raison de ces toiles est le besoin
d’abriter les moments critiques des changements de peau.
Elles grandissent rapidement et bientôt l’abri ne peut
plus les contenir ; la famille ne s’en sépare pas immédiate¬
ment pour cela. Toute la colonie revient encore à son ber¬
ceau , mais elle se groupe au-dessus au lieu d’y rentrer, et
tout le monde a pu voir, par les beaux jours de la lin de
mai, ces masses de chenilles serrées les unes contre les
autres à l’extérieur de leur tente et formant un véritable
paquet.
Quelquefois on les voit dans cette position se livrer à de
singuliers mouvements. Ce sont des balancements brusques
de la moitié antérieure de leur corps , se portant alternati¬
vement à droite et à gauche , comme s’il était mu par un
ressort. Est-ce un indice décoléré ou d’inquiétude, une
espèce de mise en défense? Est-ce une agitation qui corres¬
pond à une époque de mue prochaine et qui y aiderait ? Il
est difficile de le deviner, mais ce qui est certain , c’est que
— 245 —
ces mouvements cessent après la quatrième mue , lorsque
le moment de la dispersion est arrivé.
Cette dispersion a lieu lorsque les chenilles sont à la
moitié de leur taille à peu près; dès lors la vie de famille
cesse et chacune va manger isolément. Dans les années or¬
dinaires , elles attaquent indifféremment les Ormes , les
Chênes , les Saules , ainsi que tous les arbres et arbusles
appartenant à la grande famille des Rosacées ; mais cette
année , il semble que dans nos environs ce sont ces derniers
qui ont eu toutes les préférences : les Aubépines, Prunelliers,
Pommiers , Poiriers, Pruniers , Cerisiers ont été les plus
endommagés. Les Saules, quelquefois très-châtiés, ont été
épargnés , ainsi que les Ormes des haies. Ainsi il y a eu
double phénomène ; d’abord multiplication générale tout à
fait insolite et préférence marquée pour un genre de nour¬
riture. C’est exactement la même chose qui fut observée il y
a 4 ans à propos de VAgrotis segetum (vers gris) que l’on vit
pulluler tout à coup et choisir en même temps la betterave
préférablement à toutes les autres plantes sur lesquelles il
pâture ordinairement.
Lorsque la chenille de la Livrée est arrivée à sa crois¬
sance , elle est longue de 5 à 6 centimètres , cylindrique ,
molle, garnie de poils en bouquets et rayée, dans le sens de
la longueur, de lignes blanches , noires, oranges , jaunes et
bleuâtres; la tête est bleue , marquée de deux points noirs.
L’intensité des couleurs varie beaucoup, on en voit où
toutes sont très - tranchées , tandis que sur d’autres les
nuances sont affaiblies et comme passées.
Cette différence se retrouve sur le papillon dont les tons
roux sont plus ou moins foncés.
Le moment de la métamorphose étant arrivé, chaque che¬
nille cherche un endroit favorable pour y filer son cocon ;
elles l’enveloppent ordinairement dans des feuilles, quel-
— 246 —
ques-unes vont utiliser leur ancienne toile ; elles aiment
les angles des murs, les fentes des écorces, enfin tous les
endroits où elles trouvent à la fois un support et un abri.
Ce cocon rappelle un peu celui du vers à soie , il a comme
lui une enveloppe de soie d’un tissu lâche, puis une coque
plus résistante, oblongue, saupoudrée d’une poussière jaune
provenant d’un liquide sécrété par la chenille et qui en se
séchant se pulvérise.
La chrysalide qui est brune, presque noire , est aussi
saupoudrée de cette poussière jaunâtre ; ses anneaux sont
garnis de quelques poils courts , et elle est terminée en ar¬
rière par une pointe cornée.
Le papillon devrait être très-commun d’après le nombre
des chenilles ; mais il se cache si bien qu’il est difficile à
découvrir et qu’il est peu connu. D’ailleurs il a couru, avant
de naître , des dangers de différentes sortes qui ont fort
diminué la génération. On peut, je crois, calculer qu’un
dixième seulement des chenilles qui naissent arrivent en
papillons. Leurs principaux ennemis sont les oiseaux , les
hyménoptères et les diptères parasites {^) qui en détruisent
heureusement un très-grand nombre , et comme ils se pro¬
pagent ordinairement dans la même proportion que la che¬
nille qui leur sert de proie , la destruction marche parallè¬
lement à la multiplication, et les apparitions extraordinaires
comme celles de cette année rentrent l’année suivante dans
l’ordre habituel.
Cette destruction opérée par les oiseaux et les insectes
n’est pas une raison pour que nous ne cherchions pas de
notre côté des moyens d’arrêter encore la propagation. Car
(b D'après M. Robineau -Desvoidy , les trois espèces de diptères
suivantes vivent à l’état de larve dans les chrysalides de Bombyx
neustria: Carcelia homhy\ans\ Tachina larvarum, Zenillia aurea. 11 faut y
joindre un très-grand nombre d’autres espèces de la tribu des Diptères
entomobies.
— 247 —
en supposant même que chaque nid de jeunes chenilles qui
en contient deux cents ne fasse arriver à bien que vingt
papillons, soit dix couples ; chacun de ces dix couples pou¬
vant pondre deux cents œufs au minimun, la progression,
même réduite chaque année au dizième, deviendrait rapi¬
dement formidable, A. de Norgüet.
^ Sera continué )
Chauve-Souris barhastelle, — Dans le Tableau des mam¬
mifères terrestres du département du Nord que nous avons
donné dans le dernier numéro du Bulletin , nous n’avons
pas mentionné la Chauve-Souris barbastelle [Plecotus har-
hastellus) dont nous ne connaissions aucune capture cer¬
taine , dans nos limites ; nous apprenons que M. Delplan-
que , directeur du Musée de Douai , vient de prendre toute
une colonie de cette espèce sous le toit de son Musée.
La Barbastelle se distingue du Plecotus auritus, l’Oreil¬
lard commun , par des oreilles moindres , larges , échan-
crées, à oreillons courts et courbés en S. Elle est rare
partout. En Belgique, M. de Sélys ne cite qu’une seule
capture faite à Louvain, par M. Van Beneden. En Lorraine
M . Godron ne l’a jamais trouvée que dans un souterrain du
fort Bellecroix, à Metz. D’après M. Marcotte, on la ren¬
contre quelquefois en Picardie mélangée avec la Pipistrelle,
mais jamais avec d’autres espèces. Le Musée de Lille ne
la possède pas. J. G.
CHRONIQUE.
Météorologie. Mois de Juillet 1869. — La tempéra¬
ture moyenne de juillet déduite de 17 années est de 17“ 721,
cette année elle fut de IS*^ 70 ; la moyenne des maxima a
été de 24“ 24, celle des minima 13° 17. Les températures
extrêmes ont été de 32® 2 le 22 et 9“ 7 le 1 .®^
— 248 —
Sous l’influence d’une pareille chaleur l’épaisseur de la
couche d’eau évaporée a été de lo8 mill. 45 , la moyenne
générale est de 140 mill. 98.
La hauteur moyenne de la colonne barométrique,
ramenée à la température de 0% a été de 763 mill. 037
oscillant entre les extrêmes 759 mill 88 le 26 et 773 mill. 15
le 11. La moyenne générale pour juillet est de 760 mill. 322
L’épaisseur de la couche d’eau pluviale recueillie en 8
Jours n’a été que de 11 mill. 83. La quantité de pluie
tombée en moyenne pendant ce mois est de 60 mill. 716.
La tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique
fut de 10 mill. 86 inférieure à la moyenne générale qui est
de 11 mill. 08. L’humidité relative 65, 0 "/o inférieure aussi
à la moyenne générale de juillet 69 , 72 7o.
Quoique l’air en contact avec le sol ait été sec, il y a eu
néanmoins des brouillards au nombre de 28 et des rosées
au nombre de 21.
Six jours le ciel fut serein pendant 24 heures , vingt jours
il fut à demi couvert et cinq jours seulement complètement
couvert.
Les vents régnants furent ceux du N. et du N. E .
Chose remarquable il n’y eut aucun orage pendant le
mois de juillet ; le 24 et le 28 on observa des éclairs sans
tonnerre. V. Meürein.
Areliéolo)^ie« — En pratiquant des terrassements dans
le parc du château d’Hamel, arrondissement de Douai,
récemment acquis par M. de Sylva, on vient de découvrir
des murailles paraissant appartenir à d’anciennes fortifica¬
tions ou remparts remontant à des époques très-reculées.
Le Gérant ; E. Gastiaux.
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
N.° 9. — Septembre 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES AINTIQÜ.\IRES DE LA MORINIE
Mémoires , t. xiii
Fondée en 1831 , cette Société, qui a son siège à Saint-
Omer, vient de faire paraître le t. xiii de ses Mémoires.
Elle publie, en outre, un Bulletin qui compte dix-sept
années d’existence.
Voici, à l’heure présente, la composition de la Société
des antiquaires de la Morinie :
MM. Quexson O ancien député. Président.
Albert Legrand ; Vice-Président.
Henri de La Pl.\ne, ancien déi^nté ; Secrétaire-Généi^al.
Delmotte, avocat; Trésorier.
Auguste Deschamps de Pas.
Louis Deschamps de Pas
Charles de Givenchy.
Charles Pagart.
Lauwereyns de Rosendaele.
Le docteur Wintrebert.
Edmond Liot de Nortbécoürt.
Alexandre Machart.
Louis Martel , député au Corps législatif.
Ed. Le Sergeant de Monnecove, anc. pair de France.
Félix Le Sergeant de Monnecove, ancien maire.
Alphonse de Cardev\cqüe.
Libersalle, architecte.
Charles Revillion , commissaire-priseur.
L’abbé Toursel , chanoine , dir. au collège St. -Berlin.
L’abbé Robert, aumônier des Frères.
Edmond Lefebvre du Prey, maire de Saint-Omer.
Boistel, juge au Tribunal civil.
Les t. XI et xii des Mémoires des Antiquaires de la Morinie
contenaient une Histoire de V Abbaye de Clairmarais par
— 250 —
M. de La Plane, ouvrage capital dont nous rendrons
compte dans notre Bibliographie.
Le t. XIII desdils Mémoires est un monument que la
Société a voulu élever au souvenir d’un de ses membres les
plus actifs et les plus éclairés, M. J. A. Courtois.
Ce volume s’ouvre par une Notice sur la vie et les ouvra¬
ges du regretté défunt, notice due à son intime ami et in¬
telligent collègue , M. J. Delmotte.
Vient ensuite l’édition posthume , si vivement attendue ,
du Dictionnaire géographique de V arrondissement de Saint-
Omer, œuvre à laquelle M. Courtois a apporté ses derniers,
ses meilleurs soins, et où il a versé tous les trésors de son
érudition.
Aux personnes peu familiarisées avec ce genre de travaux,
il n’est pas aisé de donner une idée de ce qu’ils coûtent de
labeurs et de ce qu’ils rendent de services. Laissons à cet
égard parler M. Delmotte.
« Notre studieux collègue , dit-il, n’a rien négligé pour
que son Dictionnaire topographique fut aussi exact et com¬
plet que possible. En effet, il n’est pas un village, un
hameau, un écart, un château, un lief important, une
chapelle, — pas une rivière, un bois, une colline, un
ancien chemin qu’il ne passe en revue, en signalant tes
noms qui leur ont été donnés dans les temps les plus reculés
jusqu’à nos jours; — noms llamands, latins, romains,
patois, et que sais-je? — Il consulte les vieilles chroniques,
les cartulaires des abbayes, les pouilles des églises, les
archives des communes, les terriers conservés dans les
dépôts publics ou chez les arpenteurs, les manuscrits, titres,
actes de notaire, inventaires, livres de fiefs, aveux et dé¬
nombrements, sentences de justice, registres de catholicité,
traditions et légendes locales; et, après avoir puisé à
pleines mains à tant de sources précieuses longtemps négli¬
gées mais ouvertes à l’iiistoire par ses investigations, il
établit une classilication générale par commune ou ancien
village , — puis il élague rigoureusement toutes les choses
étrangères ou inutiles à son sujet, pour ne conserver que
— 251 —
les faits et renseignements strictement nécessaires. C’est
ainsi que M. Courtois est parvenu à faire un Dictionnaire
concis, instructif et complet de toute la topographie d’un
vaste arrondissement qui s’étend des sources de l’Aa jusqu’à
son embouchure dans la Manche et des vastes étangs de
Clairmarais jusqu’aux montagnes du Boulonnais.
Rédigé sur le plan et d’après les instructions du ministre
de l’Instruction publique , le manuscrit de cet important
travail a obtenu une mention très-honorable et une médaille
d’or, dans la séance solennelle des délégués des Sociétés
savantes , tenue à la Sorbonne, le 11 avril 1863.
Comme appendice au Dictionnaire géographique de Var-
rondissement de Saint-Omer^ la Société de la Morinie a eu
l’heureuse idée de réunir les Mémoires de M. Courtois ayant
trait spécialement à la topographie ou à l’ethnographie du
pays.
On trouve ainsi l’occasion de relire d’un seul trait la dis¬
sertation sur VAncien idiome audomarois et celle sur la
Communauté d'origine et de langage entre les habitants de
l’ancienne MoiHnie Ila7ningante etioallonne. Ces deux thèses
tendent à prouver qu’il est faux que l’Aa ait constamment
servi de limite entre les pays de langue flamande et ceux
de langue wallonne. Elles s’efforcent d’établir que , jusque
bien avant dans le moyen-âge, le théotisque a régné sur
les deux rives de ce fleuve , et que , dans des temps assez
voisins du nôtre, le flamand était encore compris et parlé
sur la rive gauche de l’Aa, à preuve qu’on y passait des
actes publics conçus en cet idiôme.
L’histoire des institutions tient de trop près à celle des
localités , des races et des mœurs , pour que M. Courtois
l’en séparât. Il l’abordait en érudit et en jurisconsulte. C’est
ainsi qu’il enrichit d’un utile aperçu le livre des Usages et
Coutumes du comté de Guisnes . publié par M. Tailliar en
1856. On lui doit aussi un traité sur le Droit d'Arsin et la
— “252 —
Loi du talion dont la réimpression couronne le t. xiii des
Mémoires de la Société de la Morinie.
Pour plus amples détails sur la vie et les travaux de
M. Courtois , nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer
à la Notice de M. Delmotte aussi abondante en renseigne¬
ments précis que riche d’émotions et de souvenirs du cœur.
Là on fait connaissance, non seulement avec le savant,
mais avec riiomme. M. Courtois joignait l’ame d’un poète
au patient esprit d’un investigateur. Il avait puisé le goût
des vers sur les genoux de sa mère , poète elle-même , et ce
goût ne le quitta point dans le cours de sa laborieuse car¬
rière. Avec quel plaisir il se substituait à son compatriote
Simon Ogier, versificateur latin du xvi.^ siècle, pour s’écrier
en le traduisant :
Que j'aime à voir, Aa , tes ondes cristallines,
Avec leurs cygnes blancs,
Avec le chœur joyeux de tes blondes ondines ,
Et tes bords verdoyants !
Ad Aam
Laelor , Aa , tuos cum Video fluclus
Cycnis abundare
El te juxla, Nymplias nescientes Inclus
Choros agilare.
La vallée de l’Aa , qui avait vu naître M. Courtois le vit
aussi s’éteindre au bout d’une existence où tout le temps
qu’il dérobait à ses devoirs professionnels était donné à la
la famille, à la religion , au culte silencieux des muses, à
l’étude , à Tamitié. A. Desplanque.
SOCIÉTÉ IMPÉRIALE d’ÉMULATION D’ABBEVILLE
Mémoires, 2.® série, xii ® volume; 1867-68.
Cette Société a été fondée en 1797 , et reconnue par or¬
donnance royale du 8 décembre 1814. Depuis 1833 elle a
publié douze volumes de mémoires. Au 1.‘'‘' Janvier 1869,
elle comptait 16 membres résidants :
— 253 —
3DI.E. Prarond ; Président.
Eloi de Vicq, bolanisLe; Vice-Président.
Deligmères, avocat; Secrétaire.
Lefebvre , Jules ; Archiciste.
DE Caieü , juge suppléant; Trésorier.
Boullon de 3Iartel.
DE Brutelette.
L'abbé Derg^y, vicaire de Saint-Gilles.
Hecquet, docteur en médecine.
Hecquet-D’Orval^, Auce-président du Comice agricole.
Labitte , de la Commission administrative du 3Iusée.
Louandre homme de lettres.
3IANESSIER 0.^, sous-préfet.
Marcotte , conservateur du 3Iusée.
DE ViLLEPoix, pharmacien.
DE ViLLERS.
Des idées innées, de la mémoire et de Vinstinct, par 31.
Boucher de Perthes ('). — L’éminent auteur dont la science
et la Société d’Emulation d’Abbeville en particulier regret¬
tent la perte récente , donne dans ce travail une nouvelle
preuve de cet esprit universel aussi bien porté à l’observa¬
tion scientifique qu’aux hautes pensées de la philosophie et
aux sublimes accords de la poésie.
L’auteur de la Marquise de Montalle[^), de la Création (»),
des Antiquités celtiques et antédiluviennes (^) et de bien
d’autres ouvrages ; celui qui eut la gloire d’attacher son
nom à l’une des plus importantes découA ertes de la science
moderne termine sa longue existence si bien remplie par
un discours qui est en quelque sorte un cri d’espérance. On
y trouve de nouvelles preuves de cette imagination aA'entu-
reuse qui inspira tous ses écrits et qui pendant si longtemps
rendit suspectes aux hommes de science les preuves de
(h Page l à 74.
(2) Comédie imprimée à Paris, en 1820.
t* *) Cinq volumes imprimés à Abbeville, en 1841
[*) Trois volumes imprimés , de 1847 à 1864.
— 2oî ~
l’existence de l’homme à l’époque diluvienne. Partant de ce
principe que l’âme est immortelle, il suppose qu’à peine
sortie d’un corps destiné à se détruire, elle se forme une
nouvelle enveloppe matérielle qu elle façonne elle-même à
son gré , et que , dans ce nouveau corps , elle conserve l’ex¬
périence pratique et les acquisitions intellectuelles de ses
vies antérieures ; les idées innées, les pressentiments, l’ins¬
tinct, etc. ne sont autre chose qu’une mémoire d’outre¬
tombe. C’est ce qui explique le perfectionnement graduel de
l’humanité, c’est ce qui doit nous faire espérer, selon M.
Boucher de Perlhes, de parcourir une série d’états de plus
en plus parfaits : L’homme n’est que la larve d’un ange
ou son embryon. »
Quelques documents relatifs à la Numismatique du Pon-
thieu, par A. Demarsy. — Courte notice où l’auteur signale
des lettres du roi Edouard d’Angleterre.
Recherches Hydi'ologiques sur V arrondissement d'Abbe¬
ville^ suivies de trois cartes Hydrologiques ^ par M. le doc¬
teur Hecquet. — L’auteur a fait par l’hydrotimètre l’analyse
des eaux de rivières, de sources et de puits de l’arrondis¬
sement d’x\bbeville. Il a de plus dosé le chlore et l’acide
sulfurique.
Le carbonate de chaux domine dans toutes ces eaux , ce
qui n’a rien d'étonnant puisque le sol de la Picardie est
crayeux. Les eaux de rivières sont moins calcaires que
celles des sources et celles-ci en général moins calcaires que
les eaux de puits. De toutes les rivières , la Somme est la
plus pure ; elle ne renferme que 0 gr. 1648 par litre de car¬
bonate de chaux. Les puits qui en renferment le plus sont
ceux de Moyenneville , 0 gr. olOo. Deux puits de Saint-
Valéry ont donné une quantité de carbonate de chaux si
élevée qu’il faut y voir une cause exceptionnelle et inexpli¬
quée.
— 255 —
De la destruction des insectes nuisibles aux récoltes ;
dommages causés en 1866 par les vers blancs et les vers
gris, par M. Hecquet d’Orval. — L’auteur énumère les
dommages causés à chaque espèce de plante ; puis il cherche
les remèdes. Ainsi queM. de Norguet, il ne croit pas à l’in¬
fluence des froids de l’hiver pour la destruction des insec¬
tes. Les taupes, les oiseaux, le hannetonage, le ramassage
derrière la charrue sont des remèdes utiles mais insuffi¬
sants. L’auteur préfère la jachère accompagnée de fréquents
labours qui écrasent les vers et les ramènent au jour en les
exposant aux intempéries de l’air et à la convoitise des
oiseaux.
Chronique française de V Abbaye de Dompmartin de 1672
à 1789, par M. de Caïeu. — L’abbaye de Saint-Josse-au-
Bois, ou de Dompmartin, devait son origine, suivant la tra¬
dition, à Saint-Josse, fils de Judicaël , roi d’Angleterre,
qui, vers le milieu du vu.® siècle, vint en ermite sur les
bords de la mer et établit une petite église au milieu des
bois. Vers 1150 un solitaire, Milon, réunit ses compagnons
et alla fonder avec eux l’abbaye de Dompmartin où il éta¬
blit la règle de Prémontré. En 1772, un religieux de cette
abbaye , le frère Guilleman , eut l’idée de tenir note de tous
les faits dont il était témoin , faits bien peu intéressants que
ceux qui se passent en temps ordinaires dans l’intérieur
d’une abbaye. Mais, comme le dit naïvement le frère Guille¬
man, « s’il n’y a que peu de chose qui puisse servir, il est
vrai qu’il n’y en a aucune qui puisse choquer personne , au
moins il n’y a jamais eu de mauvais dessein. » Après la mort
du frère Guilleman , l’abbé nouvellement élu , Bruno
Bécourt trouva le manuscrit dans sa cellule. Il y prit intérêt
et résolut de le continuer. Après son élection comme général
de l’ordre des Prémontrés, il recommanda ces annales à
son successeur.
— 256 —
Les récits quotidiens de ces trois religieux nous font con¬
naître mieux que toutes les dissertations ce qu’était la vie
intime dans une abbaye riche et savante. « C’est tout un
monde, dit M. de Caïeu , avec ses ambitions, ses vanités ,
ses querelles , ses jalousies ; seulement ce monde est dominé
parla règle qui vient imposer ses lois à tous. »
La Ligue à Abbeville ^ parM. E. Prarond. — La première
partie de ce travail a paru dans le volume précédent. La
troisième et dernière paraîtra dans le suivant. Notre colla¬
borateur, M. Desplanque, se charge d’en faire un compte¬
rendu séparé. J. Gosselet.
SOCIÉTÉ DES sciences DE LILLE
Travaux courants
Expériences sur les métiers à tisser. — M. Guiraudet a
communiqué à la Société des Sciences les i*ésultats d’expé¬
riences qu’il a eu dernièrement l’occasion de faire , sur les
métiers à tissage mécanique employés dans la fabrication
courante de Roubaix , de concert avec deux ingénieurs mé¬
caniciens, MM. Boivin et Poillon. Ces expériences avaient
pour but de déterminer les quantités de travail mécanique
consommées par ces métiers et les différences entre les
quantités de travail consommées par différents genres de
métiers. Nous ne pouvons rapporter ici les résultats numé¬
riques obtenus ; mais le fait le plus important qui en res¬
sort, c'est la fausseté des idées qui ont généralement cours
à ce sujet parmi les industriels et la nécessité de nouveaux
essais plus multipliés et plus généraux. On admettait habi¬
tuellement que la quantité de force prise par un métier
devait nécessairement augmenter avec la complication de
l’étoffe obtenue ; que, par exemple, un métier simple faisant
une popeline devait consommer moins de travail qu’un
métier à armure ou un métier à armure piano faisant une
— 2r.7 —
étoffe façonnée, comme une grisaille; on admettait que
l’addition d’un système Jacquard, permettant à un métier
simple d'exécuter des étoffes à dessins, devait nécessaire¬
ment l’allourdir beaucoup ; et sans que celte opinion repo¬
sât sur aucune donnée certaine on ne peut s'empêcher de
lui reconnaître une sorte de vraisemblance , de sorte qu’elle
est devenue dans un grand nombre de cas la base de con¬
ventions pécuniaires. Or,- il paraît résulter d’une manière
certaine des essais au dynamomètre rapportés par M. Gui-
raudet que rien de tout cela n’est exact ; la quantité de tra¬
vail prise par un métier dépend de son mode de construction
plus ou moins perfectionné , beaucoup plus que de la na¬
ture ou de la largeur de l’étoffe qu’il produit. Ainsi des
métiers à armure ou des métiers pianos faisant grisaille ont
été trouvés consommant deux fois moins de travail que des
métiers simples de même largeur faisant popeline ; et des
métiers de iT3 centimètres de largeur se sont trouvés con¬
sommer seulement 2/3 du travail consommé par des métiers
de 107 centimètres faisant la même étoffe. L’addition d’un
système Jacquard semble augmenter très-peu , de 2 à 3
kilogrammes seulement par seconde , la quantité de force
prise par un métier. Nous le répétons les résultats obtenus
ne peuvent pas être regardés, définitifs , mais ils offrent un
haut intérêt en démontrant une fois de plus à nos indus¬
triels que la pratique ne suffit pas, qu’elle a besoin d’être
éclairée par des expériences , par des essais raisonnés. Au
temps de libre concurrence où nous vivons , il n’est plus de
gaspillage permis , parce qu’il n’est plus d’économies qui ne
soient une nécessité. Il n’est presque pas d’usine en France
où les frais généraux ne fussent susceptibles de réductions
importantes par une meilleure application de la force , par
une utilisation plus complète du combustible dépensé. Ce
sont là des détails , il est vrai , mais des détails essentiels;
— ^58 —
c’est aux industriels à s’en préoccuper, à se communiquer
les résultats de leur expérience journalière, à marcher
d’un commun accord et sans rivalités mesquines dans la
voie du progrès. Les faits que nous avons signalés plus haut
ne sont qu’un exemple entre mille de la nécessité d’étudier
de plus près les instruments de leurs travaux, qui devien¬
dront entre leurs mains habiles les instruments de leur vic¬
toire.
Etude su7^ le journal de Nai'honne^ premier commissaii^e
de police de Versailles sous Louis XIV et Lous X\\ publié
par M. Le Roi, par M. Chon. — L’auteur a détaché de cette
nouvelle publication les faits qui lui paraissent les plus
propres à faire connaître les mœurs du temps. Il compare
le journal de Narbonne aux mémoires de Saint-Simon et
profite de l’occasion pour faire ressortir ce qu’il y a de
vanité, de petitesse, d’orgueil et de haine dans la plume du
célèbre duc et pair. Il rappelle le récit si plein de verve du
lit de justice de 1718 où Saint-Simon « nage dans sa ven¬
geance 0 en présence des humiliations des magistrats, ce vil
petit gris, qui lui ont refusé le salut. Il nous est impossible
de raconter ni même de résumer toutes les anecdoctes et les
réflexions curieuses que M. Chon a extraites du journal de
Narbonne.
Laissons de côté ce qui concerne le roi , la cour et la ville
pour rappeler quelques circonstances qui intéressaient plus
vivement le peuple et que Narbonne par ses fonctions était
plus à même que personne de connaître.
Le journal de Narbonne consacre plusieurs chapitres aux
famines qui ravagèrent la France au commencement du
xviii.® siècle. En 1725, après une magnifique apparence de
récolte, des pluies interminables survinrent, les blés pour¬
rirent dans les champs. La livre de pain valut plus de 2 francs
de notre monnaie actuelle. Des bruits d’accaparement cir-
— 259 —
culèrent , on accusait surtout madame de Prie, maîtresse
du premier ministre, le duc de Bourbon. Narbonne « obligea
tous les boulangers de Versailles à garnir de pain le marché
tous les jours jusqu’à 7 heures du soir et à se conformer
pour le prix du pain à celui de la farine amenée au Poids-
le-Pioi dont il se faisait donner les prix les jours de marché, a
Versailles malgré ses merveilles était loin d’être un séjour
agréable. Le terrain était marécageux, les caves des habi¬
tants remplies d’eaux. Des étangs situés près de la ville ser¬
vaient de réservoirs aux matières fécales des habitations. Il
y avait bien une dizaine de fontaines, mais la moitié ne
donnait pas d’eau et « celles qui allaient n’en donnaient
que comme une saignée, » parce que les officiers des bâti¬
ments du roi et plusieurs seigneurs avaient établi des con¬
duits pour faire venir l’eau dans leurs hôtels. « La modéra¬
tion m’empêche seule de dire bien des choses, ajoute Nar¬
bonne, en cette occasion où l’on oublie si complètement les
premiers principes de l’amour du prochain. » En matière
d’hygiène les difficultés de la police ne datent donc pas de
nos jours ; depuis longtemps elle a à lutter contre l’égoïsme
des puissants et l’indifférence des masses.
Nouvelles recherches sur le développement de Vemhryon
à des températures relativement basses et sur la production
artificielle des monstruosités ^ par M. G. Dareste. — Depuis
plusieurs années déjà M. Dareste s’occupe de déterminer
l’influence de la température sur le développement de jeu¬
nes poulets. Il a installé dans les laboratoires de la Faculté
des Sciences de Lille des couveuses artificielles qui lui ont
déjà permis de reproduire à volonté et en variant les con¬
ditions de l’incubation, telle ou telle monstruosité. Il a
reconnu que la température la plus basse à laquelle l’em¬
bryon du poulet puisse se développer est celle de 40°, qu’à
cette température le développement se fait avec une très-
— 260 —
grande lenteur , s’arrête de bonne heure en condamnant
l’embryon à une mort inévitable et amène toujours des ano¬
malies dans l’organisation. Tantôt c’est la tête qui se déve¬
loppe seule , tantôt il y a deux cœurs , tantôt les membres .
inférieurs se soudent entre eux, etc. Cette variation des ré¬
sultats obtenus dans des conditions qui sont les mêmes pour
tous montre que les germes ne sont identiques ni physiolo¬
giquement ni anatomiquement et que, pour les êtres vivants,
l’expérimentateur doit toujours tenir compte des prédispo¬
sitions individuelles.
Sur un nouveau pyromètre, par M. Lamy, m. c. — On
sait combien est irrégulier le pyromètre à argile de Veg-
wood, et combien est peu sensible pour de hautes tempéra¬
tures le pyromètre à air. Celui que présente M. Lamy
échappe à ces deux inconvénients. On pourrait le nommer
manomètre à acide carbonique. De même que l’eau émet
des vapeurs dont la quantité augmente avec la température,
le carbonate de chaux à partir d’un certain degré se dé¬
compose et dégage de l’acide carbonique en quantité d’au¬
tant plus grande qu’il est soumis à une chaleur plus intense ;
de même qu’un abaissement de température détermine la
condensation de la vapeur d’eau, un phénomène du même
genre produit l’absorption du gaz acide carbonique par la
chaux.
L’appareil fondé sur ces principes se compose d’un tube
de porcelaine fermé à une de ses extrémités et rempli de
marbre. On le chauffe au rouge vif de manière que l’acide
carbonique en se dégageant chasse complètement l’air.
Puis on adapte un manomètre à l’extrémité ouverte. Lors¬
que le tube est revenu à la température ordinaire l’acide
carbonique contenu dans l’appareil est complètement absorbé
et le manomètre accuse le vide.
Un pyromètre de cette nature donne la température à
— 261 —
partir de 800“ par une simple lecture sur le manomètre ;
il peut être placé dans toute espèce de fours, et l’obser¬
vation se fait aussi bien près du foyer dans lequel le
. pyromètre est plongé que dans le cabinet du directeur dési¬
reux de connaître à chaque instant l’allure de ses four¬
neaux. J. Gosselet.
SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI
Travaux courants
« Sous ce titre : Matériaux pour l’histoire des Arts, M. Le¬
febvre a recueilli dans les comptes de la ville et les manus¬
crits de la Bibliothèque communale, principalement dans
les registres aux actes capitulaires , un grand nombre de
mentions intéressantes , du xiii.® au xix.® siècle , ayant pour
objet soit des salaires ou des rémunérations accordées à des
artistes pour des oeuvres le plus souvent désignées, ou l’indi¬
cation de dons d’autres œuvres plus ou moins complètement
décrites , et délaissées à des établissements ou à des parti¬
culiers par différentes personnes. Toutes ces indications ont
-trait à l’orfèvrerie, aux divers genres de peinture, à la
sculpture, à la tapisserie, à la musique, etc., etc. M. Le¬
febvre a été amené , par suite , à signaler aussi l’existence
d’une chambre de rhétorique à Cambrai au xv.® siècle, à
citer des noms d’artistes peintres et musiciens ignorés jus¬
qu’alors. Il a terminé en mentionnant la découverte, sur la
garde manuscrite d’un livre, de ce fait : que Gharles-le-
Téméraire pour qui la musique instrumentale n’était point
un art étranger, s’est également livré à celui de la compo¬
sition musicale et a fait exécuter en sa présence, dans l’église
de Notre-Dame de Cambrai, le 23 octobre 1460 , un motet
dont il est l’auteur. »
Depuis la fin du mois de mars dernier , la Société d’Emu-
lation de Cambrai a entendu lecture de divers autres tra-
— 202 —
vaux dont nous nous disposions à faire un compte-rendu
> anticipé , lorsque nous est arrivée la deuxième partie du
t. XXX de ses Mémoires qui les contient tous et que nous ne
tarderons pas à analyser. Signalons, dès maintenant, dans .
ce nouveau volume , outre les morceaux en cours d’impres¬
sion que nous indiquions dans notre numéro d’avril : la
deuxième et dernière partie du recueil des Inscriptions
tumulaires de V ancien Camhrésis , par M. Durieux ; la suite
de la Biographie du baron de Worden, par M. de Vende-
gies , et de la Constitution géologique du Camhrésis , par
notre collaborateur, M. Gosselet.
M. Bruyelle a, de son côté, continué le précieux bulletin
archéologique qu’il dresse pour chaque volume des Mémoi¬
res. Ce bulletin, où sont consignées toutes les découvertes
et restaurations de monuments quelconques , faites ou
entreprises dans l'arrondissement pendant l’année, em¬
prunte cette fois aux travaux de l’Hôtel-de-Ville un intérêt
particulier.
Le 18 août dernier, la Société a tenu sa séance publique
annuelle. M. Wilbert, dans son discours présidentiel,
après avoir indiqué à grands traits les avantages résultant
pour les ouvriers delà pratique des vertus de famille, a dit
en quelques mots ce qu’était , il y a un demi-siècle , à Cam¬
brai, l’institution des rosières. Il a examiné ensuite le moyen
qu’il y aurait, selon lui , de faire revivre le bien moral de
cette institution en la débarrassant de tout ce qui a contribué
à la faire tomber en désuétude.
Après ces paroles , vivement applaudies par l’auditoire,
M. Durieux, chargé du rapport sur le concours de moralité,
s’est attaché, dans un court préambule , à démontrer la né¬
cessité de la pratique de la charité entre tous les ouvriers.
Il a ensuite énoncé d’une manière succincte les titres des
candidats jugés dignes de récompenses.
— 265
»
ACADÉMIE IMPÉRIALE D’ARRAS
Travaux courants
Le 18 août dernier, rAcadémie d’Arras a tenu aussi sa
séance publique annuelle. M. le chanoine Planque , réci¬
piendaire , y a prononcé un discours sur l’orgue : il a décrit
l’origine , la facture , le caractère et la puissance de ce roi
des instruments. M. Lecesne , président, lui a répondu.
On a ensuite entendu le rapport de M. le chanoine Van
Drivai, sur le concours des Beaux-Arts, et celui de M. de
Mallortie, sur le concours de Poésie.
Le prix de Poésie, médaille d’or de 200 fr., a été décerné
à M. Henri Galleau, lauréat de plusieurs académies ; le prix
d’architecture , médaille d’or de 300 fr. , à M. Albert Carré,
architecte , à Arras ; le prix de sculpture , médaille d’or de
200 fr. , à M. Louis Hubert-Noël, de Ruminghem.
La séance s’est ouverte par le rapport de M. Van Drivai ,
secrétaire-général , sur les travaux de l’Académie dans le
cours de l’année qui vient de s’écouler.
Ces travaux ont été aussi nombreux qu’intéressants. Pour
ne citer que ceux d’intérêt local , on y remarque une Mono¬
graphie de la ville de Saint-Pol, par M. le chanoine Robi-
taille ; une Histoire de la Sainte- Manne d'Arras^ parM.
l’abbé Proyart, vicaire-général ; une Etude sur le Cardinal
de Granvelle, par M. Lecesne. M. Paris a aussi plusieurs
fois entretenu ses collègues de faits relatifs à la jeunesse de
Robespierre. Enfin, M. Van Drivai a pris acte, dans son
rapport, de l’intention où est l’Académie de publier m-
extenso le célèbre cartulaire de Saint-Vaast par Guiman ,
résolution à laquelle le signataire du présent article ne peut
qu’applaudir.
A. Desplanoüe.
— 264 —
BIBLIOGRAPHIE.
l’abbaye de clairmabais d’après ses archives
par Henri de La Plane, ancien député, secrétaire général de
la Société de la ]\Iorinie(^)
L’abbaye de Clairmarais n’a ni l’ancienneté, ni l’illustra¬
tion de Sitliiu, sa voisine. Mais, par son origine, qui re¬
monte à saint Bernard , par l’importance de ses possessions
graduellement conquises sur les eaux, par le luxe et l’éten¬
due de ses constructions, elle tient une assez grande place
dans l’histoire religieuse , sociale et artistique de la contrée
qui l’a vu naître, se développer et périr. Aussi l’infatiga¬
ble secrétaire général de la Société des Antiquaires de la
Morinie n’a-t-il pas hésité à publier, parallèlement à sa mo¬
nographie des abbés de Saint-Bertin , que l’Institut hono¬
rait naguère de ses suffrages, une histoire complète de Clair-
marais.
L’ouvrage , enrichi de dessins et de portraits qui ajoutent
un intérêt de plus à sa valeur intrinsèque, se divise en deux
parties. Dans la première, l’auteur après avoir retracé som¬
mairement la fondation de l’abbaye , nous la dépeint telle
qu’elle était aux diverses époques de son existence et spécia¬
lement à la veille de la Révolution. Avec une puissance
d’intuition fécondée par l’étude des textes et l’examen ap¬
profondi des lieux , il reconstitue en son entier ce vaste
édifice, dont bientôt il ne restera plus pierre sur pierre. Il
nous fait faire le tour de l’église , des cloîtres , du cimetière,
des jardins , des étangs , du vivier , de la ferme et de ses dé¬
pendances , prodiguant à chaque pas les descriptions et les
(^) Saint-Omer, Fleury-Lemaire, 1864-1868; 2 vol. in-8.° deLvi-414p.
et de viii-890 p.
— 265 —
souvenirs, déchiffrant toutes les pierres tumulaires qu’il
rencontre, inventoriant jusqu’aux pièces du mobilier, lors¬
qu’elles offrent quelque chose de caractéristique ou de
curieux. Le patient historien nous initie ensuite aux mœurs,
aux occupations des moines , qui firent longtemps fleurir,
à l’extrémité du pays des Morins , la règle de Glairvaux. Il
couronne son premier volume par un appendice sur les
abbayes cisterciennes de l’ancien diocèse de Saint-Omer,
dépendantes de Clairmarais : Blandecque, Wœstine, Ra-
vensberg et Beaupré. La seconde partie (t. ii) de VHistoire
de Clairmarais donne , avec leurs armoiries , la biographie
détaillée des cinquante abbés qui se sont succédé , dans la
direction de cet établissement, de 1140 à 1792, depuis
Gunfride, que le mcnologe cistercien place au rang des
saints de l’ordre , jusqu’à Orner de Schodt que la Révolution
expulsa de son siège.
Les érudits qui se souviennent des soins consciencieux
que M. de La Plane a apportés à la rédaction des Abbés de
Saint-Berlin , retrouveront, dans son nouvel ouvrage, les
mêmes qualités de savoir et de style , accrues par plus d’am¬
pleur dans le procédé d’exposition. A. D.
ARMURES DES HOMMES DU NORD.
LES CASQUES DE FALAISE ET d’AMFREVILLE SOUS LES MONTS,
par Charles de Linas (i)
L’histoire du travail à l’Exposition universelle dont s’est
beaucoup occupé le savant archéologue, connu de nos lec¬
teurs, a soulevé bien des questions intéressantes pour
notre histoire nationale. Les unes sont en voie de solution,
les autres attendent, pour être élucidées, que des décou-
(B Arras, Rousseau-Leroy , 1 vol iii-S.", 104 p., 1 carie, 7 planches
6 dessins , 15 bois ; tiré à 100 exemplaires.
— 266 —
vertes nouvelles viennent en aide à la sagacité des explo¬
rateurs.
Deux casques en bronze, de forme conique, avec cimier
aigu, trouvés à Falaise, réputés gaulois d’après le catalogue
de l’Exposition, parurent à M. de Linas avoir une origine
normande. Il se rendit à Falaise où il apprit que , en 1832 ,
neuf casques identiques de forme, de métal et de fabrica¬
tion, ont été trouvés dans le môme champ, emboités trois
par trois, l’un dans l’autre, déposés verticalement et cimier
en l’air.
Cette disposition ne peut être dùe au hasard et le désor¬
dre du champ de bataille est certainement étranger à des
combinaisons numériques calculées avec soin. M. de Linas
suppute les peuples de l’antiquité qui se sont établis en
Gaule , et démontre que les casques de Falaise ne peuvent
leur être applicables pas plus qu’aux Gaulois eux-mêmes ,
comme le prouvent les diverses formes de casques d’origine
gauloise trouvés dans la Somme , dans la Meurthe , dans
l’Eure et le Pas-de-Calais.
L’examen des casques portés autrefois dans l’Orient , en
Egypte, en Assyrie, en Macédoine et en Perse, amène
l’archéologue à suivre les casques coniques jusqu’au xiii.®
siècle où il les trouve encore en Russie. La tapisserie de
Bayeux donne le dessin de plusieurs variétés de casques
coniques portés au xi.® siècle par les Normands et les Anglo-
Saxons. L’artiste qui, au xiv.® siècle, a sculpté un Goliath
sur le portail de la cathédrale de Reims, voulant donnera
son personnage l’aspect terrible d’un guerrier barbare , l’a
représenté avec un casque en pain de sucre. — M. de Linas
conclut que c’est aux Normands , forcés de perfectionner
leur système d’armures dans leurs guerres d’invasion, qu’est
dù l’emploi des casques trouvés à Falaise.
M. de Linas commente les combinaisons numériques cal-
— 267 —
culées dans la disposition des casques, où se retrouvent le
nombre 3 et son multiple 9. Il y voit pour motif l’accom¬
plissement d’un acte religieux et appuie sa dissertation sur
le rapport de ces nombres avec l’essence du symbolisme
oriental primitif. Ce serait à une offrande adressée àHeim-
dal , fils de neuf mères et père de trois filles , divinité chère
aux guerriers Scandinaves , qu’il faudrait rapporter l’en¬
fouissement des casques.
Le travail se termine par une étude approfondie de quel¬
ques autres casques du musée du Louvre, L’histoire, la
technique et l’ethnographie fournissent tour à tour à l’auteur
des notions utiles au classement de ces intéressantes ar¬
mures. E. Vax Hexde.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
Géologie. Craie des environs de Saint-Omer. — H y a
aux environs de Saint-Omer de nombreuses carrières de
craie, les unes sont situées au Nord de la ville dans les
communes de Saint-Martin-au-Laërt et de Moulle ; les autres
dans la vallée de l’Aa supérieure à Blandecque , Vizernes
Setques et Lumbres. Ces carrières sont reconnaissables par
les fossiles qu’on y rencontre.
M. Danglure(^) a donné la liste des fossiles qu’on trouve
dans une des carrières de Blandecque , il cite :
Echinocorys {Ananchyles) gibbua,
Micraster cor anguinum ,
Echinoconus [GaUriles) conicus ,
Cidaris sce'plifcra ,
Inoceramus (grande espèce plate)
Terebralula carnea?
Terebralula semiglobosa,
Belemnües (Actinocomax) verus.
Ces mêmes carrières m’ont fourni :
Micraster cor tesludinarium .
(h Bulletin de la Société Géologique de France , t. xxi.
— 268 —
Généralement ce Micraster cor testudinarium ne se ren¬
contre pas avec le Micraster cor angiiinitm , il caractérise
une zône un peu inférieure ; comme la craie est exploitée
sur une épaisseur de 20 mètres il se pourrait que le Micras¬
ter cor anguinum fut spécial à la partie supérieure et le
Micraster cor testudinarium à la partie inférieure.
ASetques,à7 kilomètres de Saint-Omer, on exploite
comme pierre de taille la craie avec grains verts de glan-
conie correspondant au niveau de Lezennes et d’Hordain
dans le département du Nord. Les fossiles qu’on y rencontre
sont :
Peclen Dujardini ,
Inoceramus Lamarkii ,
Lima Hoperi,
Spondylus spinosus ,
Terebratula semigJobosa,
Echinocorys gibbus ,
Micraster breviporus {Leskei) ,
Micraster cor testudinarium.
A 2 kilomètres en amont de Setques, à la Liauvelte
(commune de Lumbres) , on voit effleurer dans les fossés de
la route des marnes avec Terebratulina gracilis et à un
niveau un peu plus élevé on exploite pour marner les terres
de la craie marneuse qui contient :
Micraster breviporus (Leskei) , Spondylus spinosus.
Ainsi aux environs de Saint-Omer on reconnaît dans la
craie les zones que l’on trouve dans la craie du département
du Nord :
1. ° Zône à Micraster cor anguinum ,
2. ® Zône à Micraster cor testudinarium ,
3. ® Zône à Micraster breoiporus {Leskei) ,
4. ® Zône à Terebratulina gracilis. J. G.
Ravages des Chenilles sur les ai'bres fruitiers et les haies.
( Suite )
Ce ne sont pas les recettes qui manquent pour arriver à
préserver les arbres des ravages de la Livrée ; comme dans
— 269 —
beaucoup de cas analogues , ce qui fait défaut ce n’est pas
l’indication des moyens, c’est la réussite de leur application.
On a proposé de promener sous les toiles qui contiennent
les jeunes chenilles des torches de paille enflammées. On
brûle les chenilles, mais on brûle aussi les bourgeons; et
quel moyen d’aller dans la vaste couronne d’un pommier
en plein vent, avec une poignée de paille allumée, chercher
chaque nid , qu’il serait tout aussi simple d’arracher à la
main ?
Un horticulteur a donné dernièrement un perfectionne¬
ment à cette méthode , il se sert d’une lampe à esprit de
vin fixée à une perche, au moyen de laquelle il va brûler
chacune des toiles. Ce moyen est beaucoup meilleur et
mérite d’être expérimenté.
On a aussi conseillé de verser sur les nids divers liquides
corrosifs ; c’est encore compliquer une question très-simple.
Dès l’instant que l’on a la patience d’atteindre chaque nid
pour l’arroser, autant le saisir entre les doigts et le froisser.
Je crois que l’échenillage à la main est le seul remède
réel ; s’il ne peut pas se pratiquer aisément dans les arbres
élevés, il peut du moins se faire sur ceux des jardins frui¬
tiers , qui sont en quenouilles , sur les espaliers , sur les
haies et les buissons. Mais il importe surtout de ne pas
confondre cet échenillage avec celui qui est prescrit chaque
année par arrêté préfectoral. Celui-ci ne regarde qu’une
seule espèce, le Bombyx chrysorrhea ou. cul doré, dont
les bourses ou tentes se font à l’automne et abritent les
petites chenilles pendant l’hiver. Il est ordonné pour le
mois de mars , époque où les chenilles du neustria ne sont
pas encore écloses.
Il faut donc bien se garder de croire que quand on a tant
bien que mal satisfait à l’injonction administrative , on est
préservé de tout danger. Une seule espèce, je le répète,
— =270 —
est écartée , et ce n’est pas celle qui dans ce pays-ci fait les
_ dégâts les plus dangereux. Pour que les arrêtés d’échenil¬
lage soient en rapport avec leur 'objet et conformes aux
observations entomologiques , il faudrait qu’ils prescrivent
l’enlèvement des bourses à des époques concordantes avec
les apparitions de chacune des espèces nuisibles. Ce serait
les faire entrer dans des détails qui les rendraient encore
plus inutiles qu’ils ne le sont réellement.
Si ce n’était m’éloigner de l’objet de cette courte note, je
pourrais aisément démontrer que ces ordonnances ont un
effet à peu près nul , d’abord parce qu’elles sont mal ou pas
du tout exécutées, et ensuite parce qu’elles n’atteignent pas
les chenilles qui éclosent après l’hiver.
On n’en lit pas moins tous les ans dans les journaux des
tirades convaincues sur l’imprudence des cultivateurs qui
laissent ravager leurs arbres ou leurs récoltes , faute d’ob¬
tempérer aux bienveillantes injonctions de l’Administration;
oes journaux ignorent que les arrêtés n’atteignent pas la
centième partie des chenilles.
L’échenillage que je conseille, contre les ravages du
Bombyx neustria^ doit être pratiqué au mois de mai, quand
les chenilles sont réunies dans leur toile ; on peut couper
la branche sur laquelle est attachée cette toile , mais il est
plus court et plus facile de la froisser entre les doigts de
manière à bien écraser toutes les chenilles. Les jardiniers
et les pépiniéristes qui , cette année, ont pris cette précau¬
tion à temps ont été délivrés du fléau. Sans doute bien des
journées d’ouvriers ont du être employées , mais certaine¬
ment ces frais ont été largement compensés.
Quelques fermiers ont essayé de faire monter dans les .
arbres des vergers pour y faire la même opération , ils ont
»
dû y renoncer par suite de la difficulté d’atteindre l’extré¬
mité des branches ; ils y seraient parvenus avec des serpes
— 271 —
emmanchées, de la patience et des frais ; mais les produits
des vergers sont ici trop peu appréciés pour que Ton fasse
beaucoup d’efforts dans le but de les protéger.
IL — J’ai fait observer plus haut que les pommiers avaient
été atteints par deux espèces différentes de chenilles. La
seconde est celle de VHyponomeuta padellay petit papillon
de la famille des Tinéides , qui fut longtemps compris dans
le grand genre Tinea de Linné.
Ce nom générique d'Hyponomeuta est un véritable contre¬
sens ; il vient d’un mot grec qui veut dire mineur ou creu-
seur y or il n’y a rien de moins creuseur que ces chenilles
qui vivent en plein air sous une toile. Latreille, en créant
le genre, y avait fait entrer d’autres espèces de Tinéides qui
vivent dans l’intérieur des tiges d’arbres , mais l’ayant lui-
même restreint depuis, il semble qu’il n’eut pas dû laisser
le nom précisément aux espèces à qui il convenait le moins.
Padella vient de padus^ nom spécifique du Cerasus
padus^ cerisier à grappes, arbre sur lequel les chenilles
ont été observées comme sur plusieurs autres rosacées.
Vers la mi-mai, ces chenilles éclosent d’œufs déposés
l’été précédent par le papillon , dans les fissures des écorces
ou simplement sur le bois des branches. Dès leur éclosion ,
elles se groupent en petites familles , et se mettent à filer
une toile qu’elles attachent comme l’espèce précédente aux
feuilles et aux rameaux, mais d’une façon un peu différente.
Comme cette toile doit les abriter pendant toute leur vie ,
et qu’elles ne la quitteront jamais, elles enveloppent sous
leur fils les feuilles qui doivent leur servir de nourriture ;
elles peuvent ainsi manger sans sortir de chez elles, et si
elles s’éloignent un peu pour pâturer aux environs, elles
restent attachées au toit commun par un fil qu’elles sécrètent
en avançant.
— 272 —
Au lieu d’enlarner la feuille du pommier par le bord ,
comme les chenilles de plus grande taille , celle de notre
Hyponomeute la ronge par la surface supérieure, de manière
à enlever l’épiderme et le parenchyme et à ne plus laisser
que la couche épidermique inférieure, qui se dessèche et
jaunit. Lorsqu’un pommier a été envahi tout entier, il
prend l’aspect, non plus d’un arbre dépouillé par l’hiver,
comme quand il est attaqué par la Livrée, mais d’un arbre
dont les feuilles ont été grillées; les campagnards frappés
de cette apparence roussâti'e, et l’attribuant au vent, disent
qu’il est passé un vent roux qui a brûlé leurs arbres.
Cette idée de vent n’est pas admise par tous les fermiers,
il est trop aisé de reconnaître la vraie cause du mal et de
prendre la chenille sur le fait; mais personne ne s’en dé¬
barrasse entièrement , et ceux même qui savent très-bien
que ce n’est pas un mauvais vent qui a jauni leurs pom¬
miers prétendent que les chenilles n’apparaissent jamais
que par le vent d’est et qu’elles sont amenées par lui. Il va
sans dire que c’est là un préjugé injustifiable. Les chenilles
éclosent sur l’arbre indépendamment de toute direction du
vent. Tout au plus pourrait-on admettre qu’un vent plus
sec, comme l’est ordinairement ici le vent d’est, hâte l’é¬
closion, mais celte année même, il n’a pu en être ainsi
puisque le mois de mai a été remarquable par son humidité,
ce qui n’a pas empêché l’Hyponomeule de se développer
outre mesure.
Du lo au 30 juin, les chenilles sont arrivées à leur taille,
elles ont un centimèti*e et demi de longueur, une teinte
d’un gris verdâtre avec une raie plus foncée sur le dos;
deux lignes de points noirs régnent de chaque côté de la
raie centrale, et sur les stigmates on voit une autre ligne
très-fine.
Chacune se file un cocon sous la tente commune et s’y
— 275 —
transforme en une chrysalide brune aux extrémités et sur
le fourreau des ailes, et jaune au centre. Le papillon en
sort en juillet , il est large de deux centimètres , les ailes
étendues ; les supérieures sont blanches avec le centre et le
bord extérieur grisâtres ; chacune est pointillée de vingt à
vingt-cinq petits points noirs disposés ainsi : une ligne sur
le bord supérieur en contient cinq ou six , une autre sur le
bord inférieur est composée du même nombre , une ligne
centrale moins régulière en a trois ou quatre , le reste est
groupé à l’exlrémité, ceux-ci sont plus petits. Les ailes de
dessous sont plombées et largement frangées. L’envers est
aussi d’un gris plombé.
Lorsque les évolutions de l’insecte se sont faites sans trop
d’encombre et que toutes les circonstances ont été favora¬
bles, ces papillons sont si nombreux qu’ils forment des es¬
pèces de petits nuages blancs quand on secoue les arbres ou
ils sont éclos ; mais il est rare de les voir pulluler ainsi ,
car les chenilles et les chrysalides ont des ennemis terribles
qui leur font une guerre d’extermination. M. Goureau qui,
en 1845 , observa cette espèce en immense quantité aux en¬
virons de Cherbourg , estime que les insectes parasites en
détruisent les quatre-vingt-dix-neuf centièmes.
Comme pour le Bombyx neustria on a proposé d’ar¬
rêter les ravages des Hyponomeutes au moyen de feux
de paille. M. Boisduval qui , en 1833 , avait mis ce
moyen en avant, l’a condamné lui-même depuis, en di¬
sant qu’on peut très-bien brûler les petites branches en
même temps que les nids et nuire à la végétation de l’an¬
née suivante.
La llainme d’une lampe aurait moins d’inconvénient parce
qu elle pourrait être maniée avec plus de précautions , mais
ce serait une œuvre de patience assez pénible que de la pré¬
senter sous tous les nids ; dans tous les cas il faudrait opérer
— 274
au moment où ces nids commencent à se former et ne pas
attendre que les dégâts soient déjà très-visibles.
M. Boisduval propose encore d’enlever les nids avec un
balai de feuilles de houx, moyen fort peu pratique, puisque
les toiles adhèrent aux hranches et aux feuilles et sont en¬
chevêtrées de manière à ne s’en détacher que difficilement.
Je crois que le remède par excellence est l’échenillage à
la main; dans les jardins fruitiers où les pommiers sont à
basse lige, il est tout naturellement indiqué; dans les grands
pommiers des vergers, il peut encore se pratiquer assez
aisément, puisqu’il ne s’agit que d’atteindre chaque toile
avec la main et de la froisser vivement.
III. — En même temps que nos pommiers perdaient toutes
leurs feuilles, les haies d’aubépine disparaissaient sous un
véritable réseau de toiles , et presque partout étaient dé¬
pouillées entièrement de verdure. Au premier abord il était
difficile à l’observateur de se persuader que cette chenille
qui tapissait ainsi les aubépines était la même que celle des
pommiers. Il y a en effet des différences notables dans leur
manière de se comporter.
Sur les épines, au lieu de ronger une des surfaces de la
feuille, elles la mangent par les bords, comme les chenilles
de taille supérieure , de sorte qu’il ne reste plus que les ra¬
meaux , quand , sur les pommiers , une partie desséchée des
feuilles tiennent encore aux branches. Leurs toiles sont
aussi moins blanches, plus étendues ; elles forment sur cer¬
taines haies une véritable enveloppe , tandis que sur les
pommiers elles occupent en général l’extrémité des hi’an-
ches. Ces différences de mœurs sembleraient indiquer qu’il
y a là deux espèces distinctes, et cependant le papillon pro¬
duit par ces chenilles est identiquement le même. Je viens
de mettre en expérience une grande quantité de ces chenil-
— 275 -
les prises sur les pommiers et sur les aubépines. Toutes les
éclosions m’ont fourni le même Hyponomeute , le pacîella ,
que ses teintes plombées et les dispositions de ses points
font aisément reconnaître. Il ne pourrait être confondu
qu’avec rorella (Heydenreich) , mais les points de ce dernier
forment des lignes interrompues et d’ailleurs il n’est pas du
pays.
Au reste la synonymie des espèces du genre Hyponomeuta
est une des plus embrouillées de la famille des Tinéides, et
peu d’auteurs sont d’accord dans leurs nomenclatures. Ainsi
pour nous borner à quelques-uns de ceux qui se sont occu¬
pés des rapports de ce genre avec l’horticulture, M. Bois-
duval rapporte la chenille dévastatrice des pommiers à
//. cognatella (Treitschke) , il ne croit pas qu’il existe de
différences entre cette cognatella et malinella (Zeller) , or,
d’après M. Fologne , qui a beaucoup étudié les 3Iicrolépi-
doptères de Belgique, cognatella est synonyme d’evony-
mella qui vit sur le fusain.
M. Goureau [Insectes nuisibles aux arbres fruitiers) pense
que notre espèce des pommiers est malinella ; il déclare
n’avoir pu saisir aucune différence entre cette malinella et
la padella des haies d’épines , ce serait donc pour lui la
même espèce ; or la malinella est d’Allemagne , elle vit sur
les chênes et les saules d’après Kossler ; M. Fologne ne l’a
jamais rencontrée aux environs de Bruxelles.
Pour M. Macquart [Arbres et arbrisseaux d'Europe et
leurs insectes) Ees[ cognatella qui ravage les haies et padella
qui s’attaque aux pommiers.
Malgré toutes ces incertitudes , et jusqu’à ce qu’on ait
prouvé que deux chenilles pareilles produisant des papil¬
lons pareils doivent être séparées spécifiquement, sur une
diversité de mœurs, je crois qu’il faut voir l’unique padella
dans nosHyponomeutes des haies d’épines et des pommiers.
— 276 —
Quoiqu’il en soit, l’invasion des haies est tout aussi for¬
midable que celle des pommiers, je les ai vues pendant des
lieues entières, le long des chemins de fer, entièrement
dépouillées; les deux tiers, au moins, de celles de notre
arrondissement sont privées de feuilles. Quelquefois le
nombre des chenilles est si considérable que toute la verdure
est mangée bien avant qu’elles ne soient prêtes à se méta¬
morphoser. Dans ce cas il y a un jeûne forcé qui les fait
périr en grand nombre. Il est h remarquer que l’instinct de
conservation ne les pousse pas à aller chercher plus loin
d’autres pâtures. Elles languissent immobiles dans leur
toile et sont alors choisies de préférence par les insectes
parasites.
Ces insectes destinés à modérer leur propagation sont
très-nombreux en espèces et tout aussi communs que la
proie dont ils vivent. M. Goureau a observé une larve de
Tacbinaire, que j’ai vue aussi dans une grande partie des
nids de nos environs, et qui en fait un horrible massacre.
Elle éclôt dans le nid et quoique apode , elle circule au
milieu des chenilles, les déchire et les suce avidement ,
c’est VEunjgaster pomoriorum.
Un grand nombre d’Ichneumons leur font aussi la guerre ;
on les voit voltiger, quand le temps est beau, autour des
toiles et piquer les chenilles à travers les mailles. Citons
Vimpla scanica , Ichneumon brunnicornis , Campoplex
sordidus , Anomalon tenaicorne, Mesochorus splendidus ,
etc. , etc.
Un Cbalcidite, VEucijrtus fuscicollis foisonne autour
d’elles ; il est si petit qu’il sort quelquefois d’une seule
chrysalide au nombre de plus de cent. J’ai aussi observé un
Hémiptère, VAtractotomus mali qui pénètre dans les toiles,
bien certainement avec des intentions hostiles.
Si l’on joint à tous ces ennemis, les oiseaux, les pluies
— 277 —
d’orage et ce que l’homme en détruit, on peut s’étonner
à bon droit que les générations ne disparaissent pas tout
entières.
Les moyens de destruction sont les mêmes pour les haies
que pour les pommiers, le premier et le meilleur est tou¬
jours lechenillage à la main , pratiqué au moment où appa¬
raissent les toiles. Toutefois, s’il fallait le pratiquer sur une
grande étendue , il serait très-onéreux et demanderait un
trop grand nombre d’ouvriers à la fois. L’administration du
chemin de fer du Nord y supplée depuis quelques années
par une aspersion de chaux vive sur les haies de clôture de
la voie. Cette méthode n’est pas à dédaigner, mais elle est
loin de supprimer le mal. Les chenilles atteintes directe¬
ment par la chaux périssent , mais un très-grand nombre
échappent à son action ; pour que le résultat soit décisif, il
faudrait employer des doses très-fortes', et alors les haies se
badigeonnent en blanc et présentent un aspect qui n’est pas
beaucoup plus agréable que celui qu’elles ont quand elles
sont dépouillées.
Il est du reste à remarquer que la disparition des feuilles
en juin ne nuit pas à la végétation; la seconde montée de
la sève se fait dans de bonnes conditions et le mal est pres¬
que réparé en juillet parles nouvelles pousses. Quant à la
destruction qui se fait dans le but d’empêcher la reproduc¬
tion pour l’année suivante, elle est parfaitement louable et
très-digne d’encouragement, mais elle ne peut avoir d’utilité
réelle que si elle est faite simultanément sur tous les points,
car il suffira souvent de quelques haies dans un village tout
entier , pour fournir beaucoup de papillons reproducteurs
qui éparpilleront leurs pontes et prépareront de futurs
dégâts sur les haies mêmes qui auront été le mieux éche-
nillées.
A. DE Norgüet.
— 278 —
CHRONIQUE.
Erection cVun Calvaire sur le champ de bataille d'Azin-
court. — Un calvaire monumental a été érigé , le 26 juillet
1869, sur le champ de bataille d’Azincourt, dans l’enclos
de la Gacogne, ossuaire de la noblesse de France.
On sait qu'après la journée fatale du 22 octobre 1415,
l’abbé de Ruisseauville et le bailli d’Aire firent creuser trois
fosses profondes, où l’on déposa 5,800 cadavres, sans
compter ceux qui avaient reçu ailleurs une sépulture plus
digne, ceux qui étaient allés mourir dans les villages ou
dans les bois d’alentour , et qui furent mis en terre en
divers lieux.
Le cimetière de la Gacogne , bénit par un évêque in
partibus ^ délégué de févéque de Thérouanne, fut entouré
d’une haie d’épines et d’un large fossé. Jusqu’en 1734, dit
M. de Belleval, cet enclos avait été Fobjet des respects et
même de l’effroi des paysans; il était planté d’arbres qui
mouraient sur pied sans qu’on y portât la cognée ; ni hom¬
mes, ni bestiaux n’y pénétraient. En 1734, Madame de
Tramecourt, née de Béthune , y érigea une chapelle. Mais
cette chapelle fut démolie en 1793 ; les pierres que l’on en
retira furent, par une dérision impie, employées au plus
vil usage ; en même temps , le cimetière était livré à la
culture.
Un nouvel affront, une profanation plus hideuse encore
étaient réservés à cet asile des morts. En 1816, un officier
anglais , qui commandait un détachement cantonné dans
les villages de Tramecourt et d’Azincourt, acquit du nou¬
veau propriétaire, moyennant une somme de 500 fr. , le
droit d’y faire pratiquer des fouilles par ses soldats. On vit
donc la pioche et la pelle remuer les débris de nos morts
généreux ; quantité d’ossements furent extraits de la fosse
— 279 —
explorée et furent portés dans le cimetière d’Azincourtavec
les honneurs militaires ; on y trouva en outre beaucoup de
débris d’armes, de pointes de flèches, quelques pièces d’or
et d’argent aux effigies des rois Jean , Charles V et Char¬
les VI et trois magnifiques oliphants en ivoire sculpté,
couverts de légendes latines et garnis en cuivre. Ces objets
furent transportés à Londres , où ils formèrent une petite
section du musée Britannique, que l’orgueil de nos voisins
a nommée le Musée cVAzincourt.
Une seule fosse fut ainsi profanée. Avant que l’on n’eût
ouvert la seconde , les plaintes de la population , appuyées
par le sous-préfet de Saint-Pol , avaient été entendues du
duc de ^Yell^ngton , alors à Cambrai , qui fit arrêter ces
fouilles sacrilèges. Depuis lors , le terrain a été respecté.
Pour rendre impossible à l’avenir le retour de faits sembla¬
bles, M. le marquis de Tramecourt a racheté la Gacogne et
a fait entourer le cimetière d’une haie.
Ces mesures ont été complétées par l’érection récente du
calvaire.
Il appartenait à M. le marquis et à 31. la marquise de
Tramecourt de rendre ce pieux hommage à la mémoire de
leurs ancêtres dont trois ont péri dans la fatale journée,
comme aussi de marquer du double sceau de la religion et
du patriotisme ce lieu si tristement mémorable.
Fromextix.
isétéorolo^ie. Mois c/ août 1869. — La température
atmosphérique du mois d’août a été froide et'les fortes cha¬
leurs des 24 , 2o , 26 , 27 , 28 , 29 , 30 , pendant lesquelles
le thermomètre est monté à 30° 1, n’ont pu élever la moyenne
au-dessus de 16 ■ 22, la movenne déduite de lo années étant
de 17° 38. La température miniina a été de 7'* 9 le 31. La
moyenne des minimaUD 64, celle des maxima 20° 81.
Les vents dominants ont soufflé de la région N.
— 280 —
Le ciel fut peu nébuleux et la quantité de pluie tombée en
18 jours ne donna qu’une couche d’eau d’une épaisseur de
49 mill. 44. Année moyenne il tombe pendant le mois d’août
63 mill. 06 de pluie.
Les orages sont ordinairement fréquents pendant ce mois,
cette année on n’en observa qu’un seul, le 10 , à 6 h. o et
T h. 30 du soir.
La colonne barométrique , dont la hauteur moyenne en
août est de 759 mill. 426 , resta très-élevée. La moyenne à
0®fut de 763 mill. 614 oscillant entre les extrêmes 734 mill.
20 le 9 et 771 mill. 00 le 16.
Le nombre des jours de brouillard fut de 29 et celui des
jours de rosée fut de 20.
La tension moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique
qui est de 11 mill. 16 , n’a été cette année que de 9 mill. 71 ;
et l’humidité relative dont la moyenne générale est de
71, 55 °/o , n’a été que de 68 "/u-
Malgré cette sécheresse de l’air entretenue par les vents
violents du N. etN.E. , la quantité d’eau évaporée n’a été
que de 107 mill. 45 ; en moyenne elle est de 123 mill. 95 ,
cette diminution est la conséquence directe de l’abaissement
de la température. V. Meüreix.
Le Gérant : E. G asti aux.
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
N.“ iO. — Octobre 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ IMPÉRIALE d’aGRICüLTURE , SCIENCES ET ARTS DE
l’arrondissement de VALENCIENNES
Cette Association savante présente le type de ce qu’on
pourrait appeler une Société fédérative ; elle comprend plu¬
sieurs sections reliées par une section centrale : ce sont les
Comices agricoles de Valenciennes , Condé etSaint-Amand ;
les Sections des sciences et manufactures , d’histoire et de
littérature, de beaux-arts et de moralité ; la Commission
vétérinaire et la Commission des distillateurs. Chacune de
ces petites Sociétés a ses séances particulières, son bureau
spécial; mais elles n’ont toutes qu’un même budget et qu’un
même organe : la Revue mensuelle.
Bureau :
MM. Edouard Grar ; Président.
Defontaine , I
Valere Bultot ; i
Adolphe Martin , Secrétaire-Général.
Tardieu ; Secrétaire-Adjoint.
Cellier ; Archiviste.
Lecat , Julien ; Bibliothécaire^ Trésorier par intérim,
Section centrale :
MM. Péchin, sous-préfet de l’arrondissement.
Bracq , maii'e de Valenciennes.
Huart , médecin-vétérinaire.
Abel Stiévenart , fabricant de sucre.
Ernest Bouton , receveur des hospices.
Cromback , principal du collège.
— <282 —
Albert Gourtin.
Gustave Hamoir, agriculteur à Saultain.
Alphée Castiaux, fabricant de sucre à Vieux-Condé.
Mariage , maire de Thiant.
Médard , commissaire de surveillance du chemin de
fer d’Anzin.
Renard , maire de Fresnes.
Martin , vétérinaire à Anzin.
Léon Dumont, homme de lettres.
Deleporte-Bayart , à Roubaix.
De Clercq , ingénieur en chef des mines.
Qüillacq, maire d’Anzin.
Hunet , maire d’Estreux.
Dassonville-Guyot , cultivateur à Préseau.
Revue ( 1868-69 ):
La Société étant essentiellement agricole et industrielle ,
les notices qui dominent dans la Revue sont consacrées à
ces deux branches des sciences appliquées. La plupart ayant
un caractère pratique que nous n’avons pas encore intro¬
duit dans notre Bulletin , nous n’en parlerons pas , bien
que plusieurs soulèvent des questions de science pure du
plus haut intérêt. Nous mentionnerons une courte notice
queM. Ernest Lelièvre vient de publier swxV échenillage \
il y donne quelques indications sur les chenilles les plus
répandues et les plus nuisibles : le Bombyx chrysorrhea, le
Bombyx anriflua , le Boîribyx neusiria et le Bombyx
dispar.
En 1867 et 1868, M. Deleporte-Bayart a publié une
notice très-intéressante, et malheureusement beaucoup trop
courte, sur laBace bovine dans leHainaut belge et français.
Les bœufs de la province du Hainaut peuvent se rapporter,
dit M. Deleporte-Bayart, aux races hollandaise, flamande
et hennuyère ou mon toise , qui sont toutes trois des sous-
races de la grande race hollandaise. Leurs caractères géné-
— 283 —
raux sont de petites cornes qui se projettent en avant en
forme de croissant, le cou allongé, la peau fine et souple;
les vaches hollandaises et hennuyères sont ordinairement
de couleur pie ou même noire , tandis que les vaches fla¬
mandes sont d’un rouge plus ou moins foncé avec ou sans
taches blanches. En réunissant les races flamande et hol¬
landaise, M. Deleporte-Bayart est en contradiction avec le
savant M. Lefour, auteur d’une monographie de la race
flamande qui est un modèle du genre. Remarquons en outre
que l’auteur n’a pas fait rentrer dans son étude le bétail de
l’arrondissement d’Avesnes, sans quoi il eût dû mention¬
ner la race ou au moins la sous-race maroillaise qui pré¬
sente, en les exagérant, les caractères de finesse de la race
flamande.
M. Deleporte-Bayart reconnaît dans chaque race plusieurs
variétés qui dépendent des destinations auxquelles on affecte
le bétail et des différents points de la province qu’elles
habitent. Ces deux causes se relient entre elles : car le sol
influe non-seulement d’une manière directe par les végé¬
taux qu’il fournit à l’alimentation , mais aussi d une ma¬
nière indirecte par la culture qu’il impose et par la nature
des services que le cultivateur exigera de son troupeau.
Valenciennes est essentiellement la ville des arts : il n’est
peut-être pas de cité de même importance qui puisse s’enor¬
gueillir d’avoir produit et de produire encore autant d’ar¬
tistes illustres en tous genres. Elle en est fîère ajuste titre ,
et se plaît souvent à rappeler la gloire de ses enfants. En
1868 , la Société a mis au concours une cantate à AVat-
teau. C’est M. Delière, rédacteur en chef du Glaneur de
Saint-Quentin, qui a obtenu la palme. Citons une strophe
où fauteur rappelle avec beaucoup de linesse les pianiipa-
les qualités du peintre des élégances :
— 284 —
. . .Un siècle disprru renaît dans ton image ,
Siècle fardé ! siècle moqueur 1
Tes coquettes beautés au sentiment volage
Comme leur teint fardaient leur cœur.
Mais toi , plus grand que tes modèles ,
Tu poursuivais un but lointain,
Et le temps dans son vol respecte les dentelles
De tes bergères de satin.
Watteau fit un voyage en Angleterre et n’eut pas à se
louer de la réception de nos voisins d’Outre-manclie. M. Cel¬
lier, auteur d’une Notice sur Watteau et ses contemporains,
publiée dans les tonies précédents de la Revue , lut, en 1868,
une relation de voyage d’un Anglais en France, montrant
qu’en 1789 les tableaux de Watteau étaient encore peu
estimés en Angleterre ; au contraire maintenant on les
trouve dans presque toutes les grandes galeries de l’aristo¬
cratie anglaise. M. Cellier donne la description des œuvres
du peintre Valenciennois que l’on peut voir dans ces riches
collections. Il les extrait du livre intitulé: Trésors d’art de
la Grande-Bretagne , par M. Waagen, directeur du musée
de Berlin.
Sous ce titre : les Débuts de Cicéron , M. Louis Legrand
a publié quelques pages qui montrent ce qu’il faut d’études
et de persévérance pour former un grand orateur.
Citons enfin, dans la section de moralité, l’historique des
Conférences de Saint-Vincent-de-Paul à Valenciennes , par
M. Ed. Grar; unè notice sur la Caisse d’économie ouverte
par la Société de Saint-Vincent-de-Paul, par M. Fiévet;
une autre sur les Fourneaux économiques et soupes des
salles d'asile et Valenciennes , par M. le doyen Defontaine.
Le tome xxviii de la Revue (janvier 1869) s’ouvre par le
Catalogue du Médailler de la Société, par M. L. Cellier. Ce
catalogue est précédé d’une introduction dont il a déjà été
rendu compte dans notre Bulletin (p. 145).
— 285 —
Outre la pùblicité qu’elle accorde aux travaux originaux ,
la Revue a encore pour but de tenir tous les membres de la
Société au courant des nouvelles qui peuvent les intéresser.
Dans la section de l’agriculture et dans celle des sciences et
manufactures, un membre lit, à chaque séance, sous le
nom de chronique , un aperçu des découvertes susceptibles
d’être appliquées dans le pays.
Les sections de littérature et des beaux-arts ont aussi
leur chronique moins fréquente et non moins intéressante.
Ainsi, en 1868, M. Devaule a entretenu ses collègues des
ouvrages publiés à Valenciennes ou par des Valenciennois.
Il leur a parlé de ['Education des femmes , par M. L. Du¬
mont ; des Contes d'un Buveur de bière, de M. Deulin ; du
livre de MM. Edmond Douay et Ferdinand Teinturier, in¬
titulé les Mères et les Enfants ; d’un mémoire critique de
M.ÏI. Wallon; de la notice historique sur les archives de
Valenciennes, par M. Caffiaux. En 1869, M. Theillier a
analysé l’ouvrage de M. Louis Legrand sur Sénac de Meil-
han, et celui de M. Lejeal sur les Manufactures de faïence
de r arrondissement de Valenciennes. Nos lecteurs connais¬
sent déjà ces deux derniers livres. J. Gosselet.
Mémoires Historiques sur l'arrondissement de Valenciennes
t. Il, in-8.° de 278 p.
La Société d’Agriculture, Sciences et Aids de Valencien¬
nes publie, en dehors de sa Revue, une série de Mémoii^es
ayant trait à l’histoire de l’arrondissement. Le premier
volume de cette série a paru en 1865. Il est trop ancien
pour que nous puissions en rendre compte. Le second,
ayant vu le jour en 1868, rentre mieux dans notre cadre.
Nous allons donc analyser chacun des articles qu’il ren¬
ferme.
— 280 —
Famille des seigneurs de Trith, pairs de Valenciennes^
du XII.® au XIV.® siècle, par M. E. Grar, président de la
Société. — Issus, à ce que Ton croit, des comtes de Hai-
naut, les sires de Trith avaient rang parmi les six pairs du
château de Valenciennes et ils étaient les plus puissants
seigneurs du pays. M. Grar dresse leur généalogie durant la
période du plein moyen-âge et il nous trace la biographie
des principaux d’entre eux. C’est d’abord Renier I.®" de
Trith, le réformateur de l’abbaye de Saint-Jean à Valen¬
ciennes; — puis Renier II, son fils, qui fut le compagnon
fidèle de Rauduin de Constantinople en Allemagne, en
France et plus lard en Orient où il s’adjugea, après con¬
quête, le duché de Pbilippopolis. M. Grar dépouille, bien
à regret, ce vaillant chevalier de la réputation de poète
que M. Dinaiix lui avait faite.
Il parle ensuite de Jean de Trith , frère de Renier II ,
lequel Jean, au retour de la quatrième croisade, se fit
franciscain et vint mourir dans le couvent des religieux de
cet ordre récemment établi à Valenciennes. Puis l’auteur se
demande quel était le Jacques dePuvinage mentionné, dans
la légende de la Sainte vraie Croix de Douchy , comme
appartenant à la famille de Trith. Contrairement à l’opinion
de M. Cellier, M. Grar n’est pas éloigné de voir en ce per¬
sonnage un beau-frère de Renier II. Il fait de Gilles de
Trith qui, en 1218, figure avec son frère Adam, comme
seigneur de Trith, et de Maing, un neveu et non pas un frèi'e
du duc de Pbilippopolis.
M. Grar a, dans la suite des temps , relevé la mention de
deux autres de Trith qu’il n’ose avec certitude rattacher à
la famille seigneuriale de ce nom. Hue de Trith , en 1298 ,
est porté sur la liste des douze bourgeois notables que le
comte Jean d’Avesnes exclut de la paix qu’il fait avec la
commune de Valenciennes. Jacques de Trith , en 1324,
- 287 —
fonde en cette dernière ville, rue ïournisienne , de concert
avec sa femme Colle, un hôpital destiné à loger les pèlerins
de Saint-Jacques-en-Galice et autres. En 1345, il donne à
ladite maison tous les immeubles qu’il avait acquis à Thiant.
Biographies V alenciennoises , par le même. — Dans ce
nouvel article dont le titre indique suffisamment le carac¬
tère et la tendance, le savant historien de la recherche et
de la découverte de la houille dans le Nord de la France
commence par nous entretenir de divers personnages du
nom de Jean de Valenciennes. Le premier, homme d’action
et de conseil , fut chargé par saint Louis , en 1251 , d’aller
au Caire retirer des mains du Soudan d’Egypte des prison¬
niers chrétiens qu’on y détenait contre la foi des traités. Il
s’acquitta avec un succès d’abord partiel, puis complet, de
cette délicate et périlleuse mission. Plus tard , sous les murs
d’Arsur, il dégagea Joinville et ses compagnons qui s’é¬
taient témérairement aventurés contre l’ennemi. C’est peut-
être le même Jean de Valenciennes , chevalier , que nous
voyons figurer , en 1304 , sur la liste des prisonniers , du
parti de Gui deDampierre, à qui Philippe-le-Bel rendla
liberté. Un autre Jean de Valenciennes était, en 1322,
chantre de l’église collégiale d’Aire, et il avait fait le voyage
de Jérusalem. Un troisième ou quatrième individu du même
nom, et également digne de quelque mémoire , fut peintre
et tailleur d’images du duc de Bourgogne au xiv.® siècle.
M. Grar esquisse ensuite la biographie de Jean Martin ,
dominicain, natif de Valenciennes et mort dans le couvent
de cette même ville le 1 mai 1495. Jean Martin est auteur
de la Légende de Monseigneur saint Dominique et d’un
autre ouvrage, celui-ci rarissime, commençant par ces
mots : s'ensuit un mystère de rinstitution des frères pre-
cheurs , composition dramatique qui tient une certaine
place dans les origines du Théâtre français.
— 288 —
La Notice consacrée par M. Grar au trouvère Jean
Baillehaut est encore un chapitre d’histoire littéraire va-
lenciennoise. Jean Baillehaut vécut marié à Valenciennes
de 1252 à 1274. Il y concourut au Puy Notre-Dame , vingt
ans environ après l’institution de cette confrérie poétique et
religieuse. On ne connait de lui que cinq pièces, toutes
imprimées, appartenant à la catégorie des servantois et
sottes chansons. M. Dinaux s’est prononcé sévèrement sur
le mérite de ces pièces. M. Van Hasselt, quoique n’étant
pas compatriote du trouvère, l’ajugé avec plus d’indulgence.
Les ouvrages de Philippe Petit qu’énumère ensuite
M. Grar, d’après la Bibliothèque des Frères prêcheurs,
n’auraient guère sauvé de l’oubli le nom de leur auteur si ,
parmi eux , ne se trouvait l’iiistoire , qu’il a publiée en son
temps, de Bouchain , sa ville natale, et qu’a rééditée , dans
ces dernières années , M. Dechristé , imprimeur à Douai.
Douai , qui posséda souvent dans ses murs le P. Petit , lui
est redevable, pour une grande part, de l’érection du
collège de Saint-Thomas-d’Aquin dont il fut le troisième
régent.
Jean Carpentier ou Le Carpentier , célèbre historien du
Cambrésis , a conquis une réputation plus durable que son
contemporain le P. Petit. Il la doit pour le moins autant
aux vicissitudes de sa vie agitée qu’à la valeur intrinsèque
de ses œuvres. M. Grar, qui le revendique pour l’arrondisse¬
ment de Valenciennes comme né à Abscon, essaie, à la suite
de M. le docteur Le Glay , de le laver de quelques-uns des
reproches qu’on lui a faits. Nous avouons éprouver person¬
nellement peu de sympathie pour ce fabricateur de titres
et de généalogies, qui a sciemment empoisonné les sources
de Phistoire d’une de nos plus intéressantes provinces.
Après avoir dit un mot de Philippe de Lamine, premier
abbé mitré de Saint-Jean-de-Valenciennes (1629-1635) ,
— 289 —
M. Grar passe au poète Désiré Tricot (1812-1850). Il em¬
prunte à M. Didiez , qui l’a connu de très-près , un portrait
de cet homme de lettres à qui ce fut moins le talent qui
manqua que la tenue dans la vie et la consistance dans le
caractère. Nul, du reste, n’a mieux que Tricot célébré les
anciens auteurs Valenciennois :
Froissart , leur maîire à tous , qui sus chanter ta dame
Kn lyracieux rondeîs ,
Et colorer d'un s! y le et nVif et plein d’âme
Tes récits immortels !
Chartes communales de Valenciennes^ publiées par M. L.
Cellier. — Sans nous arrêter à examiner si la capitale du
Hainaut français doit à l’empereur Valentinien ses plus
notables privilèges, « entre autres le droit d’asile et celui
en vertu duquel tout serf devenait libre par le seul fait d’un
séjour d’une année en cette ville, » nous sommes disposé
à reconnaître, avec M. Cellier, que la loi dite de la Paix,
en date de TH4, ne crée pas, mais se borne à constater
l’existence d’une commune à Valenciennes. Pour étayer sa
thèse , M. Cellier produit un acte bien antérieur à 1114 , et
que l’on croyait depuis longtemps perdu : je veux parler de
la charte de la Confrérie de la Halle-Basse ou Halle-aux-
Draps, charte qui remonte à l’an 1067.
Ce n’est pas une loi communale, mais le code social
d’une corporation de marchands réunis pour défendre leurs
intérêts et désireux de mettre un terme à toute dissension
intestine. Or, on l’a fait justement remarquer , le caractère
des communes à l’origine était aussi celui d’associations de
défense mutuelle. Ici l’on retrouve en outre, dans quelques
passages, l’indice non équivoque d’une coalition contre la
Hanse, qui sans doute exerçait sur les marchés une pres¬
sion à laquelle nos ancêtres voulaient se soustraire.
M. Cellier analyse , dans toutes ses parties, ce long et
curieux document. Il le rapproche ensuite de la charte de
1114.
— 290 —
On remarque, beaucoup d’analogie entre ces règle¬
ments , édictés à soixante années de distance, soit qu’on les
considère au point de vue de la conception générale , soit
que l’on s’attache à certaines dispositions spéciales. L’un et
l’autre ont pour but la protection du commerce et de l’in-
duslrie, la défense de la propriété; mais le second généralise,
en l’étendant à toute la ville, ce que l’autre avait restreint
à une société de négociants. On y verra aussi la mention du
droit d’abattis de maison et du duel judiciaire; mais ce qui
frappera surtout c’est l’abnégation du comte et de ses che¬
valiers qui consentent à subir la règle commune et se trou¬
vent devant la loi au même niveau que le plus humble des
bourgeois. Les dernières pages de la charte donnent l’ex-
plicalion de la conduite du comte , qui payait par l’octroi de
ces franchises une dette de reconnaissance aux Valencien-
nois ses libérateurs.
On ne possédait, jusqu’ici , que le texte latin de la charte
de 1114. M. Cellier en donne une traduction en langue vul¬
gaire composée, en 1275, parmi chanoine de Saint-Jejan.
Quant à la charte de 1067 , on ne la connait que par une
autre traduction à peu près de même date que la précé-
denle. Ce sont là de précieux spécimens de l’idiôme Valen-
ciennois avant Froissart.
Commencements de la régence cF Aubert de Bavière^ par
M. H. Caffiaux, docteur ès-lettres, archiviste de Valencien¬
nes. — Les extraits de comptes que M. Caffiaux produit à
la suite de cet excellent mémoire sont d’un intérêt philolo¬
gique au moins égal à celui qu’offrent les chartes romanes
publiées par M. Cellier. Ils éclaircissent , en outre , plusieurs
points obscurs des annales du llainaut.
Et d’abord ils précisent la date de la folie de Guillaume-
le-Furieux (octobre 1357). Ensuite ils nous mettent au cou¬
rant des démarches faites pour organiser une régence. Les
conférences préparatoires , qui eurent lieu à cet effet , se
tinrent à Mons avec la seule participation de la bourgeoisie.
291
Le clergé et la noblesse y restèrent étrangers. La ville de
Valenciennes se rallia à la candidature du duc Aubert plutôt
par complaisance pour la comtesse de Hainaut que par sym¬
pathique entraînement pour la personne de ce prince. Mais
elle s’y rallia franchement, sans arrière pensée. Bien loin
de tremper dans les menées du duc Louis , elle les dénonça,
à diverses reprises , aux chefs du gouvernement hainuyer.
Du reste, ?d. Caffiaux constate qu’entre Aubert et la com¬
tesse s’établit d’abord un partage d’attributions qui ne relé¬
guait ni l’un ni l’autre au second plan. Guillaume lui-même
n’était pas exclu absolument de la conduite des affaires : à
plus forte raison , ne le tenait-on enfermé alors ni à La
Haye ni au Quesnoy.
Les bourgeois de Valenciennes s’enquéraient avec d’au¬
tant plus de sollicitude de la santé de leur comte et ils
avaient d’autant plus l’œil sur lui que , comme on pouvait
s’y attendre, des tiraillements ne tardèrent pas à se produire
entre la comtesse et le duc. La comtesse se crut même un
moment obligée de passer en Angleterre (juillet 1361). Cette
détermination, de nature à alarmer le pays, provoqua un
échange de vues entre les deux principales villes du comté,
Mous et Valenciennes. Celles-ci finirent par se rendre à un
parlement que les villes de Hollande avaient pris l’initiative
de convoquer. Entre temps, la comtesse rentre à Valen¬
ciennes et, par l’entremise du Tiers-Etat du Hainaut à qui
appartient le grand rôle en toute cette affaire , elle négocie
avec le duc Aubert la paix de Bréda qui la réintégré dans
les prérogatives inhérentes à son rang. Le 10 février 1362 ,
le duc réconcilié avec elle est reçu à Valenciennes. Il v
revient, quelques mois après, pour s’y faire armer cheva¬
lier. Bientôt la mort de la comtesse le laisse dépositaire
incontesté du pouvoir, seul maître de la situation. Ici
s’arrête la première période de la régence du duc. M.
— 292 —
Caffiaux a retracé ailleurs un curieux épisode de la se¬
conde (’).
Par une heureuse inspiration , l’auteur du Mémoire que
nous venons d’analyser l’a dédié à M. le baron Kervyn de
Lettenhove, biographe et éditeur de Froissart, comme à
l’homme qui a le plus fait « pour étendre la renommée du
grand chroniqueur Valenciennois. »
Lettre de Henri IV aux Valenciennois^ par M. le docteur
A. Lejeal. Trois Autographes historiques, parM.L. Cellier.
— Nous groupons ces pièces à titre de documents, plus ou
moins inédits, concernant le pays. La première, écrite au
lendemain de l’attentat de Chatel dans lequel on n’hésitait
point à voir la main de l’Espagne , est un manifeste du Roi
Très-Chrétien impliquant déclaration de guerre aux sujets
du Roi Catholique. Les trois autres pièces , offertes à la
Société i)ar l’éminent chimiste Dubrunfaut, sont relatives
au siège de Valenciennes en 1793 , et à la reprise de cette
ville par l’armée française en 1794.
Les Vignobles de Valenciennes , par M. E. Bouton. — Il
n’y a pas longtemps qu’un agronome distingué prenait à
tâche de démontrer théoriquement que la vigne, si on la
cultivait sur une grande échelle dans nos régions du Nord ,
serait susceptible d’y donner en vins des rendements avan¬
tageux. M. Boulon prouve qu’il en a été ainsi par le passé.
Pour n’en citer qu’un seul exemple, le clos Saint-Ladre,
près Valenciennes , produisait, en 1403, d’après acte au¬
thentique, 19 muids (43 hectolitres) de la boisson chère à
Bacchus.
Quelle en était la saveur ? C’est ce que je laisse à de plus
compétents le soin d’établir. M. Derode qui a fouimi, pour
(q Le Meurtre du seigneur d'Enghien, fragment de l'étude sur Nicole de
Dury , maître clerc de la ville de Valenciennes (Mém. hist. , 1. 1).
— 293 —
les environs de Lille la même démonstration queM. Bouton
vient de procurer pour ceux de Valenciennes , dit que les
derniers vignobles de notre pays ne furent arrachés que
sous Louis XIV pour céder la place à des genres de culture
mieux appropriés à notre sol et à notre climat. Ajoutons
que , du jour où nous avons été réintégrés dans la grande
famille française, les vins de France nous devenant plus
accessibles, nous avons eu moins de raisons pour nous en
fabriquer à nous-mêmes de médiocres.
Documents pour servir à Vhistoire du collège de Valen¬
ciennes depuis sa fondation jusqu à la Révolution de 1789,
par M. J. Bébin, chef d’institution. — Longtemps attaché
comme professeur au collège communal de Valenciennes ,
M. Bébin a tenu à se rendre compte de ce que fut cet éta¬
blissement dans les siècles passés. Le collège de Valencien¬
nes doit, à proprement parler, son origine aux jésuites.
Mais , avant l’arrivée des RR. PP. en cette ville , il y exis¬
tait des institutions scolaires analogues. Un docteur, Thomas
Warnet, natif de Cambrai , avait fondé en l’hôtel de Beau-
fort , rue Montoise, à Valenciennes , un collège successive¬
ment appelé de Standonck, des Bons-Enfants et de Maître
Thomas. Cette création n’avait point tardé à faire place à
une autre dont l’abbé de Saint-Jean , comme écolâtre de la
ville , s’était d’abord attiré le monopole qu’il dut ensuite
partager avec l’abbé de Vicogne et le magistrat de Valen¬
ciennes. Ce fut l’abbé d’Hasnon , Jacques de Froye, qui
appela les jésuites dans la future capitale du Hainaut fran¬
çais. Ils y vinrent sous la conduite du P. Eleuthère Dupont,
dont le R. P. Possoz nous retraçait, il y a quelques années,
la vie et les travaux. Leur arrivée à Valenciennes date du
10 avril 1382. Partout, à cette époque, on éprouvait le
besoin de réformer les mœurs, de raviver les croyances , et
l’on sentait que, pour mener à bien une entreprise aussi
— 294 —
considérable, il fallait s’emparer de la jeunesse. Les jésuites
de Valenciennes ne faillirent point à leur mission. Leur
œuvre donna de beaux résultats dont on trouve le détail
dans le récil de M. Bébin. Le même auteur énumère ample¬
ment les mesures qui furent prises pour remplacer à Valen¬
ciennes renseignement de ces religieux après la suppression
de leur ordre en 1764.
Essai sur Vintrocluction du ChîHstianisme dans le Hai~
naut ^ par M. G. Lejeal. — Ce Mémoire, si nous suivions
rigoureusement l’ordre chronologique des matières , aurait
dû trouver place en tête de nos comptes-rendus. Mais nous
avons préféré le réserver pour la fin , tant à cause de son
importance que de la gravité des questions qu’il soulève.
Identifiant l’implantation du christianisme dans nos contrées
avec la diffusion des institutions monastiques, M. Lejeal
vise à prouver que les populations du Hainaut ont reçu la
foi des missionnaires d’Irlande, sectateurs de Pélage et
habitués à la vie conventuelle « mixte , » c’est-à-dire qu’en
leur île , un même monastère contenait des personnes des
deux sexes et assujetties à la même règle , « forme emprun¬
tée selon toutes les probabilités au druidisme. »
Ces missionnaires auraient transporté , dans la région de
l’Austrasie qui prit plus tard le nom de pays wallon , leur
opinion fondamentale sur la grâce et leur manière de vivre
dans des « couvents doubles. » De là le prétendu acharne¬
ment que la cour de Rome , dès l’époque carlovingienne,
mit à extirper leurs institutions du Nord de la France.
Comme on le voit, beaucoup des idées de M. G. Lejeal
ne sont pas neuves ou , du moins , elles ne le sont que pour
autant qu’elles s’appliquent au pays hainuyer ou wallon.
Les vraies causes de la dissidence entre l’église romaine ont
été examinées à fond et réduites à leurs proporlions réelles
par un homme d’une incontestable impartialité, feu M. Va-
— 295 —
rin. Depuis 18o8 , date de la publication de son savant et
équitable mémoire, nous croyions la question épuisée ou ,
pour mieux dire , nous l’estimions résolue en faveur de la
cause catholique. Nous ne reprendrons pas en entier l’exa¬
men de ce grave problème d’histoire générale à propos de
la thèse de M. Lejeal et nous n’examinerons de celle-ci que
les points par où elle touche à notre histoire locale.
Commençons par établir que si les missionnaires Scoto-
Irlandais ont beaucoup fait pour la propagation du chris¬
tianisme dans nos contrées , spécialement dans le Hainaut,
ils n’y ont pas non plus trouvé tout à faire. Ils y avaient été
précédés par des ouvriers de la première heure, dont l’œuvre
pouvait avoir besoin d’être étendue et consolidée , mais
n’avait jamais été complètement détruite. Il n’est donc pas
vrai , d’une manière absolue , de dire ou d’insinuer, comme
le fait M. Lejeal , que nos populations wallonnes aient puisé
exclusivement la foi aux sources du christianisme celtique.
Cette réserve posée , nous sommes prêt à reconnaître
quelle grande action les missionnaires des îles ont exercée
sur le développement des idées religieuses et de la vie mo¬
nastique dans nos contrées. Avant nous , M. l’abbé Lamort,
dans un Mémoire que M. Lejeal ne paraît point avoir connu
et qui lui eût évité bien des recherches, s’est appliqué à
démontrer ce fait.
Nous ne chicanerons pas 31. Lejeal sur le caractère d'émi¬
gration en masse qu’il attribue au déplacement de quelques
moines, émigration à laquelle il assigne pour cause « des
querelles religieuses » aftligeant leur pays. La dernière
partie de cette proposition est purement conjecturale. La
première est démentie par le nombre, relativement res¬
treint, des missionnaires Scoto- Irlandais descendus chez
nous. Ceux-ci trouvèrent leur point d’appui , non pas dans
un cortège de moines et de religieuses que rien ne prouve
— 296 —
qu’ils aient jamais amené avec eux, mais dans de puissantes
familles de nos contrées, familles depuis longtemps chré¬
tiennes , telles que celles qui , au commencement du vu.®
siècle, llorissaient à Cousolre et dans le castrum de Douai.
Nous savons bien que M. Lejeal n’est pas éloigné de relé¬
guer au rang des « mythes » les Waudru et les Aldegonde ,
les Adalbaud et les Rictrude. Ces personnages ont pour¬
tant, à notre sens, une consistance historique dont jamais
on ne les dépouillera. Ils ont été de moitié dans l’œuvre
évangélisalrice des missionnaires venus d’outre-mer. Ils
tenaient à notre sol par leur origine et par leurs possessions.
Encore une fois donc, la christianisation détinilivede notre
pays ne s’opéra point sous la seule inOuence celtique , ni par
une sorte d’invasion de moines irlandais de l’un et de l’autre
sexe.
Quant à la prédominance des idées pélagiennes dans les
monastères dont se couvrit alors le Hainaut , M. Lejeal se
borne à raffirmer comme un fait très-probable , — probable
pour lui qui l’admet de l’autre côté du détroit , improbable
pour nous qui ne l’admettons que sous les réserves formulées
par M. Varin.
Restent les monastères doubles , dont on n’a jamais
songé à nier l’existence dans le pays wallon et qui semblent
bien avoir été chez nous une importation bretonne. Que ce
rapprochement de religieux des deux sexes soit devenu de
bonne heure une grave source d’abus, nous ne le conteste¬
rons pas. Mais que l’esprit même de la règle des monastèi’cs
d’Irlande ait été contraire au principe du célibat, nous ne
le croirons qu’après un plus ample informé.
Les abus dont nous convenons suffisent à expliquer les
tentatives de réforme essayées par les Papes, les Conciles
et les Empereurs à l’égard des monastères du pays wallon,
sans qu’il soit besoin de recourir, avec M. Lejeal , à l’iiy-
— 297 —
polhèse d’un antagonisme doctrinal encore accru par une
opposition systématique des règles conventuelles.
• Nous ne pousserons pas plus loin cette discussion que
nous tenons à renfermer autant que possible dans le domaine
des faits, sans nous engager sur celui des doctrines, interdit
naturellement à une publication telle que la nôtre.
L’amitié, déjà ancienne , qui nous unit à M. Lejeal, nous
est un gage qu’il accueillera nos observations avec le même
esprit de cordiale confraternité qui nous porte à les lui faire.
D’un autre côté , les développements inusités que nous don¬
nons à l’analyse de ce précieux recueil de Mémoires prouve
assez à la Société de Valenciennes l’estime particulière que
nous faisons de ses doctes travaux. A. Desplaxque.
ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE
Bulletin 2/ série, t. xxviii, n.°‘ 7 et 8
Classe des Sciences
Les 7.e et 8.® bulletins mensuels de l’Académie de Belgi¬
que comprennent, outre les comptes-rendus des séances de
juillet et d’août, plusieurs notices scientifiques : deux mémoi¬
res de malbématiques , l’un de M. Gilbert, membre associé,
sur quelques propriétés dessurfaces apsidales et conjuguées;
l’autre, de M. Folie, sur quelques théorèmes nouveaux de
géométrie supérieure ;
Une communication de M. Melsens sur les résultats de
ses expériences de Balistique;
L’indication d’un appareil enregistreur de la déclinaison
et de l’inclinaison magnétiques par M. Glœsener;
Deux notes de M. Henry sur les dérivés salicyliques
(3/ paitie) et sur les nitriles partie).
M. Ern. Quetelet présente à la classe des cartes photogra¬
phiques de la lune obtenues par 31. Neyt, amateur zélé d’as-
2
— 298 —
tronomie, qui a installé à Gand un observatoire où il s’oc¬
cupe particulièrement de photographie céleste.
M. Ed. Van Beneden , fils du savant professeur de Lou¬
vain , poursuit ses études sur l’embryogénie des Crustacés
par des observations sur le développement de VAsellus
agnaticus ^ espèce de cloporte très-abondant dans nos eaux
douces , et des Mysis de l’ordre des Stomapodes. L’étude de
ces petits animaux paraît être en faveur en Belgique, car un
rapport de MM. Van Beneden, de Selys-Longchamps et La-
4
cordaire propose à l’Académie d’insérer dans ses mémoires
un long travail sur les Crustacés d’eau douce de Belgique,
par M. Plateau, autre fils d’académicien qui promet de
soutenir avec gloire le fardeau d’un nom illustre. Nous
attendrons la publication de ce mémoire pour en entretenir
nos lecteurs.
M. Preudhomme de Borre à qui a été confié l’inventaire
de la collection erpétologique du musée royal de Bruxelles ,
publie , au fur et à mesure qu’il les rencontre , les espèces
nouvelles ou incomplètement connues. C’est à ce titre qu’il
décrit un nouveau Crocodile (Alligator Lacordairei) et une
Tortue fluviatile (De)'7natemys Matvii) envoyés tous deux
en 1866 par M. Levy , vice-consul de Belgique à Belize
(Honduras).
Sous le titre de secondes additions du Synopsis des
Gomphines, M. de Selys-Longchamps décrit 32 nouvelles
espèces toutes originaires des pays étrangers. Le nombre
des Gomphines aujourd’hui connues est de 170. Linné
n’en connaissait que deux qu’il rangeait dans le genre
Libellule.
M. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie, présente
le XIX. e volume des Annales de Vobservaloire de Bruxelles ,
et le tome second de la Physique sociale , ouvrage que nos
lecteurs connaissent déjà par l’analyse que nous avons faite
— 299 ^
du premier volume ('). M. Quelelet communique ensuite à
l'Académie un travail de M. le professeur Hannover de
Copenhague sur les rapports de la menstruation en Dane¬
mark et V époque, en général, de la première menstruation
chez les différents peuples. De ce mémoire il résulte que
parmi les circonstances qui semblent influer sur la précocité
ou le retard de la menstruation , la plus importante est la
différence des races. On savait depuis longtemps que les
Hindoues et les Négresses sont réglées de bonne heure ; les
Tahïtiennes le sont, dit-on, à l’age de 10 à H ans. On
pourrait croire d’après cela à l’influence du climat, mais les
Groënlandaises sont également très-précoces. Gooke raconte
que chez les Samoyèdes la plupart des filles deviendraient
mères à 11 et 12 ans. 3Iais, selon M. Hannover ce serait
une exagération , et l’époque de la menstruation au Groen¬
land serait en moyenne de 13 à 14 ans, 3 ans plus tôt
qu’en Danemark.
Venons aux communications qui intéressent particulière¬
ment le pays.
M. de Selys-Longchamps rapporte avoir vu de la neige
le 19 juin dernier aux environs de Saint-Hubert et de Spa.
Cette neige était tombée à la suite d’un orage pendant
lequel la foudre frappa le clocher de Stavelot.
M. Renier Malherbe, ingénieur attaché au service spécial
de la carte générale des mines de Belgique, récapitule les
diverses sources salées que l’on a déjà rencontrées dans le
terrain houiller et en signale de nouvelles dans le bassin de
Liège. Il a aussi recherché du chlorure de sodium dans les
roches du terrain houiller ; quelques-unes n’en renferment
pas de traces, d’autres, surtout celles qui étaient en contact
avec les sources, en contiennent en quantité considérable
t^) Bulletin, p. 78.
— 300 —
(jusqu’à 10%)* M. Malherbe en conclut que le terrain
houiller s’est formé dans des eaux marines ou au moins dans
un mélange d’eaux douces et d’eaux salées. M. D’Omalius
D’Halloy , chargé comme rapporteur d’examiner cette no¬
tice , n’admet pas la conclusion comme nécessaire ; je suis
bien de son avis.
A diverses reprises on a signalé des sources salées dans le
bassin houiller de Valenciennes; on a même voulu y voir la
preuve que les eaux de la mer actuelle pénétraient souter-
rainement jusqu’au centre du département du Nord ; c’est
une opinion qui n’est pas à réfuter. Mais des géologues de
grand mérite ont cru que ces sources indiquaientle voisinage
des couches salifères du trias si développées en Lorraine. Si
à la rigueur on pouvait admettre l’existence de ces couches
en quelque endroit encore ignoré sous les plaines crayeuses
du Cambrésis et du Hainaut, il n’en peut être de même pour
les environs de Liège, où elles manquent certainement.
• 11 ne reste donc que deux hypothèses : supposer qu’il y a
dans le terrain carbonifère un banc de sel gemme comme
cela existe en Amérique , ou admettre que le chlorure de
sodium arrive par les émanations internes de nature vol¬
canique. Cette dernière hypothèse est celle qui me paraît la
plus probable. J. Gosselet.
BIBLIOGRAPHIE
ETUDES DE THÉODICÉE
par J. -B. Tissandicr, professeur de Pliilosopliie à la Faculté
des Lettres de Douai (i).
L’auteur du livre dont nous voudrions en quelques mots
mettre en lumière la valeur et le mérite nous dit, dans sa
préface, en empruntant la devise de l’un des maîtres de
th Paris, Ladrange , 18G9; 1 vol. in-8.°.
— 501 —
notre langue à l’époque de sa formation , que « Ceci est un
livre de bonne foi. » Nous pouvons ajouter immédiatement
que cet ouvrage de convictions profondes et sincères est en
même temps le fruit d’une pensée élevée et l’œuvre d’un
esprit qui ne redoute pas les problèmes les plus sérieux
dont la solution s’impose nécessairement à l’intelligence
humaine. C’est le privilège et l’honneur des hommes de
talent appelés à répandre dans le public les saines idées et
les vérités qui sont le patrimoine commun de toutes les
générations et de tous les temps, de ne pas hésiter à se
porter là où l’attaque, je ne veux pas dire le péril, est la
plus menaçante et les coups les plus répétés ; c’est leur hon¬
neur de veiller à la défense des intérêts les plus chers et les
plus précieux que nous devons sauvegarder avec le plus de
soin. La parole publique est sous ce rapport une arme puis¬
sante qui prête d’inestimables ressources à celui qui a reçu
la noble mission de combattre pacifiquement pour ces idées
éternelles sur lesquelles repose toute Société et que toute
philosophie digne de ce nom et méritant de vivre dans le
souvenir des hommes , doit retrouver à la tin comme au
commencement de ses enseignements.
Nous en avons une preuve nouvelle dans les Etudes de
Théodicée que M. Tissandier, professeur à la Faculté des
Lettres de Douai , a eu l’heureuse pensée de réunir en vo¬
lume après les avoir professées dans une série de leçons
remarquables , qu’un auditoire sérieux et choisi n’a cessé de
suivre pendant toute une année avec le plus vif intérêt et,
je crois avoir quelque droit de le dire, avec un profit réel
dont il ne serait pas trop difficile de retrouver les traces.
M. Tissandier a voulu résolument aborder cette maîtresse
question de l’idée de Dieu qui est, il faut bien le reconnaî¬
tre , l’une des idées que les systèmes contemporains ont le
plus défigurées , ici encore je ne dirai pas le plus compro-
— 302 —
mises, car ceux-là meme avec lesquels nous avons le plus
de motifs d’être fort peu d’accord , ne peuvent s’empêcher
de se faire un Dieu qu’ils façonnent et qu’ils créent en quel¬
que sorte au gré des caprices de leur imagination. Comme
l’a dit heureusement M. Franck , « l’homme est diversement
religieux, il l’est incorrigiblement. » M. Tissandier a eu
raison de compter sur celle ohslinalion pour croire que sa
tenlative, malgré les objeclions des uns et l’indifférence des
autres, pouvait avoir en ce moment quelque opportunité,
et qu’il lui reslait assez de chances de se faire écouler en
dépit des résislances et des difficullés que rencontrent iné¬
vitablement auprès d’un certain nombre de gens tous les
systèmes et toutes les doctrines sur Dieu.
Parvenir à la métaphysique par la psychologie, telle est
la méthode suivie par l’auteur de ces Etudes- Cette méthode
contemporaine, pour ainsi dire, du spiritualisme, ne durera
pas moins que la vérité qu’elle nous aide à entrevoir et à
affirmer, car seule elle donne un inébranlable fondement à
nos connaissances, et sans elle l’édifice le plus brillant en
apparence et le mieux ordonné n’est qu’un édifice ruineux
reposant sur du sable, M. Tissandier le démontre avec une
précision et une clarté qu’il serait bien difficile de surpasser:
c’est dans la certitude du sens intime qu’il faut placer le
principe et la source de la connaissance, c’est là seulement
que la notion de cause trouve son invincible évidence et son
principe, là que se révéle à nous « la présence d’un certain
nombre d’idées qui dominent toute la vie intellectuelle et la
favorisent en la gouvernant. »
Il faut lire, dans l’ouvrage du savant professeur, ces cha¬
pitres successifs à travers les démonstrations desquels il
nous amène enfin jusqu’à l’idée de rinfini et jusqu’à Dieu.
Nous voudrions pouvoir retracer ici , dans une analyse qui
serait le meilleur et le plus certain des éloges, la marche
— 305 —
suivie par l’auteur dans cette voie où il s’avance constam¬
ment avec une prudence et une fermeté qui sont souvent,
en philosophie comme ailleurs , les gages presque assurés
du succès ; l’espace nous fait défaut pour faire connaître
comme nous le voudrions ces leçons où la sagacité la plus
exercée s’allie si bien à la recherche patiente et désintéressée
du vrai.
Forcé de nous borner , nous aimons mieux signaler d’une
façon toute particulière à nos lecteurs les considérations si
judicieuses et si applicables en ces temps de critique à ou¬
trance par lesquelles , une fois en possession de l’idée de
Dieu , M. Tissandier la complète en quelque sorte en nous
parlant des attributs de Dieu , de sa providence et de ses
rapports avec l’homme.
On connaît cette répugnance de l’école critique à affirmer
de Dieu quelque chose et les objections qu’elle oppose à la
détermination de ce que l’on appelle avec raison ses attri¬
buts. Un attribut, dit-on, ne peut se concilier avec l’idée
de l’infini ; un attribut est nécessairement une limitation, et
par conséquent vous amoindrissez par cette limitation l’être
auquel vous l’attribuez. La philosophie du sens commun
a-t-elle donc eu tort de penser jusqu’ici que tout attribut,
loin d’être une limitation , un amoindrissement de l’être, en
est au contraire une extension? Ecoutons sur ce point M.
Tissandier :
Je remarque qu’en m’élevant dans l’échelle des êtres ,
chaque division est marquée par une faculté nouvelle, elle
laisse ce qu’il y a d’imparfait dans la division inférieure,
en garde ce qu’il y a de bon et de positif et y ajoute une
faculté nouvelle , faut-il le dire ? une perfection nouvelle...
D’après certains philosophes , il faut raisonner tout au re¬
bours ; plus on est indéterminé, plus on est parfait. Le
polype est plus indéterminé que le ver de terre, que le
poisson , que l’oiseau; il est donc plus parfait que ces divers
embranchements.
— 304 —
Pour nous, nous nous rangeons ii l’avis des naturalistes
et nous dirons : chaque propriété , organe ou fonclion, est
un degré d’être déplus; être d’une classe supérieure, c’est
avoir une ou deux facultés de plus que l’individu de la classe
inférieure, c’est être deux fois plus, ou avoir deux fois plus
d’être. Or, chaque propriélénouvelle est une détermination
nouvelle ; donc, l’être peut s’accroître à mesure que se mul¬
tiplient les délerminalions ; donc les déterminations, ainsi
conçues , ne sont pas des limitalions vérilahles, mais bien
plutôt des extensions ; donc être el être déterminé n’impli¬
quent pas contradiclion , puisque c’est être davantage que
d’êlre ainsi. D’ailleurs, quand il s’agit d’une nalure linie,
par exemple, la limite ou la négation n’est point dans ce
qu’elle a d’activité, d’énei’gie, de puissance; cette vitalité,
cette énergie , c’est , au contraire, hà le positif de son être;
où s’arrête la puissance , là est la limite. Ce qui fait la néga¬
tion, ou la limite, c’est donc ce qui manque, ce qui fait dé¬
faut, ce que l’être n’a pas, et non ce qu’il a, ce qu’il possède
réellement. Or, augmentez indéfiniment la puissance, l’é¬
nergie de l’être en multipliant ses facultés, ses attrihuts ,
en donnant à ces attributs une souveraine perfection, vous
reculez indéfiniment la limite, jusqu’à la suppression de
toute limite , jusqu’à la négation de toute négation , jusqu’à
l’être absolu, à qui l’absolue détermination convient abso¬
lument. A mesure que la détermination nous fonde , pour
ainsi dire, plus solidement dans l’être , elle nous sépare et
nous distingue plus profondément de ce qui n’est pas nous,
et, par conséquent, elle fait de nous un individu et une per¬
sonne. On a dit qu’un Dieu infini ne peut être personnel :
c’est la question même que nous venons de discuter , il n’y
a que les termes de changés.
Nous voudrions pouvoir encore mettre sous les yeux du
lecteur quelques-unes des pages où M. Tissandier, répon¬
dant aux positivistes qui bannissent les causes finales de
l’univers , leur démontre sans peine qu’ils devraient pous¬
ser leur exclusion jusqu’au bout et en proscrire l’idée de
l’entendement humain , ou bien encore celles où , étudiant
la Providence dans le monde moral, il donne de la souf¬
france et de la peine une explication émue dont compren-
— 505 —
dront lav(^rilé tous ceux qui ont souffert avec résignation
et dignité en s’améliorant et en se fortifiant sous les coups
de l’épreuve et qui ont retiré de leurs souffrances, comme
il le dit si bien , « la science de la vie et le secret de la per¬
fection. » Nous nous serions fait encore un plaisir d’indi¬
quer d’une façon spéciale le dernier chapitre de l’ouvrage
où M. Tissandier est naturellement amené , après avoir
parlé de Dieu et de l’homme , à parler de la religion dans
laquelle s’expriment les rapports que l’homme soutient avec
Dieu. Là encore sa conclusion serait la nôtre, car nous
sommes bien disposé à penser avec lui que lorsque M. Va-
cherot , dont il analyse le récent ouvrage sur la Religion ,
voudrait la voir se retirer de toutes les intelligences qu’elle
domine encore , il poursuit une chimère et une utopie dont
les résultats seraient véritablement désastreux, si sa réali¬
sation n’était heureusement impossible. La réforme rêvée
par M. Vacherot, malgré la pureté de ses intentions, n’au¬
rait-elle pas pour effet d’anéantir même la religion natu¬
relle , s’il est vrai que celle-ci ne peut exister sans tendre
nécessairement à s’exprimer sous une forme précise et à se
réaliser dans une religion positive? Ainsi que l’a dit M. Cou¬
sin ,« le culte public n’est pas plus une institution arbitraire
que la société, le gouvernement, le langage et les arts.
Toutes ces choses ont leur racine dans la nature humaine. »
Nous espérons que les quelques citations qui précèdent,
que nous aurions voulu pouvoir étendre davantage, suffi¬
ront pour donner aux amis de la philosophie le désir de
lire l’ouvrage de M. Tissandier, et nous ne terminerons pas
du moins sans féliciter bien vivement l’auteur de contribuer
aussi vaillamment à ramener sur son vériiable terrain la
question capitale de la métaphysique en l’éclairant par une
méthode dont il faut louer sans réserve la précision et la
clarté. P. Montée , docteur ès-lettres,
2*
— 306 —
LE PÈLERINAGE DE CHILDE-HAROLD
traduit en vers français par M. Ph. Alard, trésorier de
la Société Dunkerquoise (*)
M. Alard est un vieillard octogénaire chez qui les glaces
de l’âge n’éteignent point l’ardeur poétique. Initié, depuis
longtemps, à tous les secrets de la langue anglaise, il a tenté
ce qu’avant lui aucun traducteur n’avait osé faire. Il s’est
appliqué à transporter dans notre langue , strophe pour
strophe, et, en quelque sorte, vers pour vers , l’une des
œuvres les plus originales de la littérature de nos voisins.
La strophe « à la Spencer , « si belle parce qu’elle se ter¬
mine par un grand vers formant presque toujours tableau,
mais si difficile à manier à cause de l’agencement irrégulier
des rimes , M. Alard la reproduit fidèlement en français :
Mais Childe-Harold que devient-iï ? J’oublie
Que sur la vague il erre humble et pensif.
A son départ nul regret ne s'allie ;
Nulle beauté ne feint l'accent plaintif.
Aucune main ne vient serrer la sienne ;
Froid étranger , il change ainsi de scène ;
Bien dur le cœur qu'un cœur ne rend captif ;
Harold n’est plus ce qu’il était naguère :
Il quitte heureux le sol du crime et de la guerre.
La même exacte symétrie existe entre les couplets de
fantaisie que Byron a semés çà et là dans son poème et la
version en vers qu’en a donnée M. Alard.
La nouvelle traduction soutient avantageusement la com¬
paraison avec toutes celles qu’on a jusqu’ici essayées. Qu’on
en juge d’après un simple rapprochement. Voici comment ,
dans l’édition Charpentier qui a tant contribué à populari-
^1) Dunkerque , Lorcnzo , 1869 , in-8.° de 357 p., avec le texte anglais
en regard de la traduction.
— 507 -
ser chez nous les poèmes de Byron , M. Benjamin Laroche
traduisait la première stance des Adieux :
Adieu donc , mon pays natal !
Ton rivage à ma vue expire. . .
Le flot mugit , le vent soupire ;
J'entends la mouette au cri fatal.
Ce soleil aux clartés fécondes ,
Nous suivons sa trace de feu ;
Son char disparait sous les ondes.
0 mon pays natal , adieu ! (*)
Et voici comment M. Alard rend le même passage :
Adieu ! je pars , rive natale ,
Tu te perds dans Tazur de l’eau ,
Le vent mugit , le brisant râle ,
J'entends les cris du sombre oiseau .
Soleil qui là-bas fuis dans l’onde ,
Nous allons cesser de te voir :
Adieu , bonsoir , flambeau du monde ;
Terre natale — Adieu , bonsoir !
Ici incontestablement le traducteur Dunkerquois se tient
plus près que le traducteur Parisien de la pensée et de l’ex¬
pression de son auteur.
Comme toutes les traductions essentiellement littérales ,
celle-ci présente quelquefois un peu de sécheresse et d’obs¬
curité. Mais il faut tenir sérieusement compte à M. Alard
du mérite de la difficulté vaincue : « sa traduction, » comme
l’a dit un excellent juge {^) , « n’est pas seulement une
Adieu , adieu ! my native shore
Fader o’er the waters blue;
The night-winds sigh , the breakers roar,
And shrieks the wild sea-mew.
Yon sun that sets upon the sea
We follow in his flight ;
Farewell aAvhile to him and thee,
My native land — Good Night 1
(2) M. Edouard" L’hôte dans le Messager du Nord , N.® du 10 juillet
1869.
Ô08
œuvre consciencieuse, une œuvre de persévérance et de
volonté; c’est un véritable tour de force littéraire , » tour
de force qui ne se sera point effectué en pure perte : « car ,
ainsi que me l’écrit une autre personne très-entendue en ces
matières, le plaisir de comparer strophe à strophe le texte
et la version, comme une belle personne avec son portrait ,
et de critiquer même parfois le reflet par rapport au type ,
ce plaisir est très-particulier dans l’œuvre en question. »
Félicitons donc M. Alard d’avoir, au milieu des préoc¬
cupations d’une longue vie d’affaires, entretenu ce com¬
merce assidu avec l’un des représentants les plus éminents
de la poésie anglaise. Ce commerce n’aura pas été profitable
à lui seul : car sa traduction fera, plus qu’aucune autre,
pénétrer le lecteur français dans l’intimité d’uii génie que
nous sommes trop habitués à n’admirer qu’à distance.
A. Despla>qüe.
THÉORIE ÉLÉMENTAIRE DES VERBES GRECS
par M. Th. Louise (ht
Un savant ouvrage historique a déjà permis à beaucoup
de lecteurs du Bulletin scientifique du Nord de connaître
M. Louise. Ils ont apprécié l’érudition patiente et le talent
d’exposition de l’historien de la Sorcellerie dans Varrondis-
sement de Valenciennes. Ce n’est plus aux savants et aux
amis de l’iiistoire du Hainaut que s’adresse aujourd’hui
M. Louise, c’est aux membres du corps enseignant, ses
collègues, et aux jeunes gens confiés à ses soins. Il s’est
proposé d’aplanir les difficultés que présente l’étude des
verbes grecs pour les élèves des ctasses de cinquième et de
sixième. Après avoir fait connaître au jeune helléniste les
différences des voix, des modes et des temps, l’auteur lui
trace, avec beaucoup de méthode, le tableau des différentes
(b Chateau-Thierry , Despaubourg, 1869, iü-8° de 43 p.
— 509 —
conjugaisons. Il résume ensuite les règles particulières des
verbes contractes , et expose avec beaucoup de clarté les
diverses flexions de ceux dont la terminaison est précédée
d’une muette. La théorie des futurs et aoristes seconds trouve
place à la suite de ces verbes, ainsi que celle des parfaits
seconds. Vient ensuite un exposé aussi net que possible de
la conjugaison des verbes qui ont une liquide avant la
voyelle finale. L’ouvrage est terminé par une notice claire
et complète sur les verbes en p .
Ce petit livre, écrit pour l’utilité de l’enfance, atteindra
son but ; rauteur , qui a vécu avec elle et la connaît bien , a
su lui présenter ces règles importantes sous les formes les
plus propres à captiver son attention et à se fixer dans sa
mémoire. Tous les moyens de hâter les progrès de l’élève y
sont mis en œuvre : attention à rattacher les règles nou¬
velles à des principes déjà connus, rapprochements avec
la langue maternelle , formules adroitement trouvées pour
abréger une énumération. On lira, ce nous semble , avec
plaisir, beaucoup de passages de son opuscule , notamment
la définition de la voix moyenne et l’explication du mot
aoriste. M. Louise a suivi, autant que le sujet le permettait,
te conseil donné par Montaigne dans un fragment souvent
cité: allécher Vappétit et l'affection de l’enfant. A. Descamps.
ESSAI DE BIOGRAPHIE LILLOISE COINTEMPORAIINE (1800-1869)
par M. Hippolyte Yerly (0
Ceci est le « livre d’or » de la cité Lilloise. On y trouve
sur toutes les personnes nées à Lille et dans l’arrondisse¬
ment ou y ayant résidé, et qui s’y sont distinguées dans
quelqu’une des branches de l’ordre intellectuel , des notions
que l’auteur s’est efforcé de rendre aussi complètes et aussi
(*) Lille , Leleu, 1869, in-8.° de iv-250 pages. Prix : 7 francs.
— 510 —
exactes que possible. N’osant point se flatter d'être parvenu,
du premier coup, au degré de précision désirable en pareil
genre, M. Verly intitule modestement « essai » un ouvrage
auquel , selon nous , il ne reste que bien peu de choses à
ajouter pour le rendre définitif. L’auteur nous fait aussi
espérer qu’il se déterminera peut-être un jour à reculer ses
recherches au-delà des limites de temps dans lesquelles il a
tenu, cette fois , à se renfermer. Pour notre compte, nous
désirerions vivement voiries notabilités de l’ancienne ville
et châtellenie de Lille prendre rang, dans le recueil de
M. Verly, à côté de nos illustrations contemporaines.
Ce terme d'illustrations , par lequel nous désignons les
hommes marquants d’une ville où les choses de l’esprit pas¬
sent pour être peu en honneur, ne nous semble point
exagéré lorsqu’il s’applique aux Gosselin, aux Lestibou-
dois , aux Le Glay , aux Ruhlmann , aux Delezenne , aux De
Coussemaker, sans parler d’autres sommités de la science
et des lettres, telles que MM. de Saulcy et l’abbé Gratry
qui ne nous appartiennent que par le fait accidentel de leur
naissance.
Nous citons au premier rang ces noms-là, parce que ce
sont ceux que l’Institut a consacrés en les admettant sur la
liste de ses membres.
Immédiatement à la suite nous sommes en droit d’inscrire
les Degland, les Macquart, les Desmazières, les Dubrunfaut,
les Ducornet, les Derode, les De La Fons-Mélicocq, les
Godefroy de Ménilglaise , les Bruneel , les Brun-Lavainne et
tant d’autres que M. Verly enregistre avec un légitime
orgueil.
Les hommes politiques tiennent relativement peu de place
en son livre et l’on peut s’étonner qu’aucun des préfets du
Nord n’y ait son article. Il s’en faut que tous aient été chez
nous des hommes de passage et il en est, sur le nombre.
— 311 —
qui ont véritablement conquis le droit de cité dans notre
ville. Si Ton n’y prend garde , on n’éprouvera pas moins
de difficultés dans un siècle pour reconstituer la biographie
de nos modernes administrateurs que nous n’en avons nous-
même rencontrées, il y a peu d’années , pour réunir quel¬
ques données bien vagues sur la vie et les actes des inten¬
dants de l’ancien régime en Flandre et en Hainaut.
Sur les journalistes et imprimeurs lillois, M. Verly est
beaucoup plus complet. Il ne laisse presque rien à désirer
en ce qui concerne la biographie de nos artistes, archi¬
tectes , peintres et musiciens, ni celle de nos collection¬
neurs d’objets d’art et d’antiquité.
Toute la pléïade poétique de Lille figure dans le réper¬
toire que nous analysons, depuis le groupe si original des
chansonniers patois jusqu’à ces privilégiés du Parnasse
qui , comme MM. Nadaud , Valéry Vernier et Louis Dépret ,
ont étendu leur renommée bien au-delà du territoire auquel
ils doivent leur naissance.
Quant aux historiens et aux archéologues, ils n’ont qu’à
se louer de la part que M. Verly leur a faite dans son dic¬
tionnaire. Nous nous y retrouvons bien tous , à quelque âge
et à quelque degré de notoriété que nous soyons parvenus.
M. Verly a un souvenir pour ceux de nos concitoyens à
qui un trépas prématuré n’a point laissé le temps de donner
la mesure de leur talent (de ce nombre fut Louis Lefort,
le meilleur ami de notre jeunesse); pour ceux qui, trop
défiants de leurs forces, gardent, enfouis dans leur porte¬
feuille, des manuscrits qu’eux seuls jugent indignes de
la publicité ; pour ceux enfin qui se sont créé hors de Lille
un nom très-honorable et dont leur ville natale ne se sou¬
vient pas assez. Rangeons, dans cette dernière catégorie,
M. Jules Gailhabaud, l’un des hommes qui , au prix d’in¬
comparables sacrifices , ont le plus fait pour le progrès de
— 312 —
rhistoirede l'architeclure au moyen-âge. Citons aussi parmi
les morts dont la valeur littéraire n’a jamais été suffisam¬
ment appréciée sur place, M. Louis Binaut, l’un des écri¬
vains les plus distingués du Correspondant et de la Revue
des Deux- Mon des.
Les femmes auteurs ne sont pas oubliées dans le livre de
M. YerJy. Si l’article sur 31.“® la comtesse de La Grandville
est un peu maigre , celui sur 31. “® Bourdon est de nature à
satisfaire les esprits les plus exigeants. L’auteur y révèle un
sens critique très-délicat, en même temps qu’il y donne la
preuve de celte impartialité qui n’est pas l’un des moindres
mérites de son livre :
Le style de 31. “® Bourdon , dit-il, est facile et correct.
S’il ne se distingue pas par la vigueur du coloris, par la
hardiesse et l’énergie des images et de la forme , il est aisé
de voir que sa régulière tranquillité n’est nullement le fait
de l’impuissance, mais l’effet du caractère et surtout de la
volonté de l’écrivain. Point d’exagération, point de mauvais
goût , point de trivialité ; toujours modérés sans monotonie,
les sentiments de joie ou de douleur ne s’y exaltent jamais
jusqu’au paroxysme . De là on peut conclure que l’on
trouvera dans les œuvres de 31. “® Bourdon un calme souvent
attendri, une gaité un peu mélancolique , des pages adora¬
bles de délicatesse , des détails pleins de charme et de frai- !
cheur : on n’y saurait i-enconlrer les émotions orageuses de
la passion.
La Vie réelle, pour ne parler que de celui de ses livres
qui est regardé comme son chef-d’œuvre, est le jouimal
d’une femme prise dans les conditions ordinaires de l’exis¬
tence bourgeoise, depuis sa sortie de pension jusqu’à sa I
vieillesse. Les péripéties qu’elle traverse ne sont autres que 1
celles qui nous sont réservées à tous : le mariage , les tracas
de famille, la maladie et la mort d’enfants aimés, les poi- j
gnantes inquiétudes que donnent les survivants , des re- |
grets , des angoisses , la dispari lion successive des êtres que |
nous avons le plus chéris, les déchirements profonds, en (in
la vieillesse solitaire. 3Iais tout cela, indiqué ou décrit à
fond , est exprimé de main de maître ; il est des endroits qui ;
mettent des larmes aux yeux du lecteur. Il faut avoir souf-
fert pour écrire ainsi , il faut avoir souffert aussi pour bien
lire ce livre et pour le bien juger.
Puisque nous en sommes au chapitre de la littérature
intime, nous ne cloutons pas que 31. Veiiy ne regrette
d’avoir connu le Journal d'Herminie de la Basse-MoûtwHe
trop tard pour pouvoir inscrire le nom de cette autre
Eugénie de Guérin à côté de celui de son père, Lévêque de
la Basse-3Ioûturie.
Nous ne pousserons pas plus loin cette excursion fantai¬
siste à travers les très-curieux, les très-piquants articles,
que 31. Verly a disposés dans son livre par ordre rigoureu¬
sement alphabétique. Nous sommes heureux de n’avoir que
des encouragements et de minimes conseils à adresser à
l’auteur , en vue de sa seconde édition qui ne peut tarder
beaucoup à paraître , la première , par un succès bien rare
en province , étant déjà presque entièrement épuisée.
3131. Six-Horemans , imprimeur, et Leleu , libraire-édi¬
teur, ont donné leurs meilleurs soins à cette publication.
A. DESPLA^’QUE.
CATALOGUE DES OBJETS d’ART COMPOSAAT LE MUSÉE
DE CAMBRAT
rédigé par M. Berger, père, et Ad. Bruyelle (*)
Cette utile nomenclature est précédée ; 1 .o d’une Notice sur
l’origine et les accroissements du 3Iusée ; 2."" de la liste des
personnes qui l’ont enrichi de leurs dons.
Le catalogue de peinture et de sculpture, dressé par
31. Berger , nous signale l’existence , dans le musée de
Cambrai , de diverses toiles attribuées à Breugbel , au
Guerchin , au Guide, à Van der 31eulen , à Carie Van Loo
et à Otto Venius. — Comme on doit s y attendre, lecole
Cambrésienne est particulièi’ement bien représentée dans
,*) Cambrai , Deligne et Ciivellier , 1869 , in-8° de xxx - 150 p.
— 314 —
cette galerie. Elle commence avec le vieux Melchior Fallon
(xvi.® siècle) , se continue par la longue dynastie des Saint-
Aubert , et aboutit aux contemporains tels que Berger fils ,
Deladeuille, Adolphe Deligne , Desoria, Dowa, etc.
Dans la section de sculpture , à côté de marbres ou de
plâtres de Théophile Bra et de David d’Angers, se trouvent
aussi des œuvres de Charles Cordier et de Gustave Dailliet,
tous deux originaires de Cambrai. Plus : un saint Sébastien
de Barthélemy Marsy et un bas-relief de son fils Gaspard,
représentant la Prise de Cambrai par Louis XIV.
Le catalogue d’archéologie , dressé par M. Bruyelle avec
le même soin que M. Berger a apporté à la confection de
celui des beaux-arts , désigne à notre attention particulière,
outre des objets de céramique provenant des collections
Campana et donnés au musée de Cambrai par le Ministre
d’Etat en avril 1863 : i.® le bassin d’aiguière en bronze,
jadis trouvé aux Pierres- Jumelles ; 2.“ les chaînons en fer ,
en forme de crémaillère , provenant de la station romaine
d'Hermoniacum ; S.'’ les vases en terre noire exhumés des
territoires d’Esnes, de Lesdain et de Marcoing; 4.o un
sigillaire concernant des familles la plupart étrangères au
pays ; o.® une collection de coins de monnaies des évêques
de Cambrai ; 6.° une série de monnaies gauloises, romaines,
espagnoles , etc.
Mentionnons encore , parmi les objets les plus curieux :
la statue de Jean rfe Bove demandant merci à justice (en
bois, XVI.® siècle) ; une tête d'évêque [en pierre blanche,
même époque) ; une tête de châtelaine (aussi en pierre ,
XV.® siècle) ; un fragment d’inscription gallo-romaine ; l’épi¬
taphe sur plomb de l’évêque Nicolas de Fontaine ; le pal¬
lium de l’archevêque Maximilien de Berghes , etc.
La publication du catalogue de MM. Berger et Bruyelle a
heureusement coïncidé avec l’installation délinitive du
musée de Cambrai clans le beau local de Saint- Julien , si
habilement approprié à sa destination nouvelle. Mais tout
le monde sait qu’aux portes même de ce local, s’est formée,
grâce au goût éclairé , au zèle infatigable d’un simple par¬
ticulier, une collection exclusivement camhrèsienne ^ qui
surpasse de beaucoup en richesse la collection de la ville.
Espérons qu’au prix de généreux et intelligents sacrifices ,
l’édilité canibrésienne se mettra tôt ou tard en possession
de ce cabinet incomparable. Alors et alors seulement la
ville de Cambrai pourra se flatter d’avoir un Musée histori¬
que en rapport avec l’importance du rôle qu’elle a joué dans
le passé. A. Desplainque.
CHRONIQUE.
Zoolog'ie. Pélican blanc. — Le R*’ septembre , un Péli¬
can blanc ( Pelecanus onocrotalus ) a été tué par M. Durot ,
d’Houplin , dans le marais de Wingles. C’était un sujet de
toute beauté; il avait la huppe longue, la poche gutturale
très-étendue, et tout le plumage revêtu de cette belle teinte
rosée qui caractérise les adultes et disparaît malheureuse¬
ment après le montage.
On pourrait être tenté , au premier abord , à en juger par
la netteté des plumes et l’état des pieds , de voir dans cet
oiseau un sujet sauvage , et ce serait alors un nouveau nom
à ajouter à la liste des oiseaux qui apparaissent fortuite¬
ment dans le Nord de la France. Mais en examinant les
ailes, on s’aperçoit que plusieurs des grandes pennes de
droite ont été coupées : ce qui est un indice presque certain
de captivité.
H est très-probable que ce Pélican est un fugitif de quel¬
que jardin zoologique , où l’amputation de l’aile aura été
faite incomplètement. Je penche à croire qu’il provient
— 316 —
d’Angleterre car il a dû séjourner sur les côtes maritimes.
Son estomac ne contenait que des crevettes et quelques
petits poissons de mer. L’état encore frais de ces aliments
prouvait que l’oiseau avait mangé depuis peu de temps et
qu'il avait dû faire le trajet des côtes jusqu’à ^Yingles sans
se reposer.
Le Pélican blanc n’habite pas l’Europe occidentale ; ses
principales stations européennes sont les bords de la Mer
Noire , de l’Archipel et le Danube ; mais en 1849 , plusieurs
ont été tués en France ; le docteur Degland , en citant ces
captures dans VOrnühologie européenne , les attribue à
l’effroi qu’avaient dû ressentir les Pélicans de Hongrie au
bruit de la guerre civile qui alors désolait ce pays. Cette
explication pourra paraître assez naïve.
A. DE Norguet.
Marte. — La liste des Mammifères insérée dans le 7.®
numéro ô\i Bulletin scientifique indique la Marte comme
n’existant point dans le département du Nord. Pourtant
ce quadrupède se trouve dans la forêt de Mormal ; il y était
encore assez commun il y a quinze ans. On l’y chassait
avec avantage pendant le temps des neiges, et la fourrure
d’une Marte se vendait au prix moyen de o francs. La chasse
de la Marte était l’amusement des personnes aisées et le petit
commerce des ouvriers , des bûcherons , des sabotiers peu
occupés. Les habitants de la forêt disent un Marte.
L. Box IF ACE , Curé de Marpent.
xMétéorolo§;îe. Mois de septembre 1869. — La tempé¬
rature atmosphérique moyenne du mois de septembre est
de lo.° 271 , celle du mois de septembre 1869 a été de
16.° oo, par conséquent supérieure de l.° 28 à la moyenne
générale. Les températures extrêmes ont été de 27.° 0,
observées les 9 et 29, et de 7.° 3 le 4. La movenne des mi-
nima a été de 12.° o3, celle des maxima 20.° 57.
— 317 —
Sous l’influence de celte température élevée , de la ten¬
sion moyenne de la vapeur d’eau atmosphérique 9 mill. 92
(10 mill. 17 année moyenne), de l’humidité relative
72,0 °/„(77,44 °/o année moyenne), de la nébulosité du ciel
au-dessous de la moyenne, l’épaisseur de la couche d’eau
évaporée pendant le mois a été de 103 mill. 65 ; l’évapora¬
tion moyenne pour le mois de septembre étant de 80 mill.
48 , la différence est donc de 23 mill. 08.
L’épaisseur de la couche d’eau de pluie recueillie pendant
le mois qui nous occupe a été de 41 mill. 48 ; en moyenne
elle est de 70 mill. 59 ; différence 29 mill. 11 en moins pour
septembre 1869. Le nombre des jours de pluie a été de 20.
Une quantité de pluie aussi réduite, indice de la présence
d’une faible quantité de vapeur d’eau dans les régions éle¬
vées de l’atmosphère, devrait coïncider avec une asse2
grande pression barométrique; il n’en fut rien cependant,
car la hauteur moyenne de la colonne mercurielle ramenée
à la température de 0.” , ne fut que de 757 mill. 362 , oscil¬
lant entre les extrêmes 737 mill. 77 le 12 et 770 mill. 02
le l.^L La hauteur moyenne du baromètre observée en
septembre, pendant une période de 15 ans, est de 760 mill.
143.
La véritable cause de cette dépression fut la diminution
d’épaisseur de la couche atmosphérique indiquée par l’ex¬
cessive rapidité des courants allant du S. O. au N.E. , rapi¬
dité qui les 12 et 13 fut celle d’un ouragan, et le 19 celle
d’une tempête.
Pendant la tourmente atmosphérique des 12 et 13 l’air
fut très-chargé d’électricité et il se produisit un phénomène
de nature à induire les météorologistes en erreur. Dans
beaucoup d’observatoires les thermomètres à minima, même
abrités, s’abaissèrent bien au-dessous de la température mi¬
nima vraie ; ainsi le 12 le minimum vrai fut de 12." 0 , des
— 518 —
thermomètres à minima indiquèrent 4.“ 0 ; le 13 le mini¬
mum vrai fut de 13.” 5 et un thermomètre à minima indi¬
qua — i.° 0. Ces thermomètres avaient cependant une
position horizontale et ne pouvaient être agités parle vent,
puisqu’ils sont fixés sur un treillis métallique placé dans
l’axe de trois cylindres de zinc concentriques espacés l’un
de l’autre de 3 centimètres, par conséquent les index n’ont
pu être déplacés autrement que par la contraction de l’alcool
sous l’influence de l’abaissement de température.
Comment donc la température a-t-elle pu s’abaisser à ce
point ? par la projection horizontale de quelques gouttes
d’eau ou de quelques grêlons sur le réservoir des thermo¬
mètres et par le froid causé par l’évaporation activée par
l’intensité du courant d’air. Il importe donc de se mettre
en garde, pendant les tempêtes, contre les causes qui peu¬
vent produire de pareils effets, si on veut éviter des erreurs
regrettables.
L’état électrique de l’atmosphère en septembre 1869
amena les orages des 3, 10, 19, accompagnés de pluies
peu abondantes, sans production de grêle.
Les 9,13, 18, 27 on observa des halos solaires toujours
suivis de pluie dans les 24 heures.
Il y eut 26 jours de brouillard et 16 de rosée.
- Les vents dominants furent ceux du S.O. de l’O.S.O. et
du S. S.O. soufilant avec force. V. Meurein.
Source à Meurchin. — En creusant une fosse à Meurchin
(Pas-de-Calais) on a rencontré , à une profondeur de 140
mètres , une source d’eau sulfureuse qui a jailli à 9 mètres
en contre bas du sol, soit 4 mètres au-dessus du niveau
d’eau des puits. J. G.
Découverte archéologique à Marœuil. — Une décou¬
verte archéologique très -importante a eu lieu dans le
— 319 —
village de Marœuil. Dans les premiers jours de juillet, un
habitant de cette localité rencontra, en creusant les fonda¬
tions d’une maison , un grand nombre de squelettes et d’ob»
jets anciens. Le maire de la commune, M. Topart, prévint
immédiatement le préfet du Pas-de-Calais. Ce magistrat
envoya aussitôt sur les lieux une brigade d’ouvriers capables
et intelligents. Les fouilles, commencées le 12 juillet, ont
duré jusqu’au 16 août. Elles ont eu le succès le plus complet.
Il a été extrait 237 squelettes , 91 vases en terre , 5 vases
en verre , 23 lances , 9 javelots, 8 haches , un bouclier, 10
sabres et couteaux , 4 plaques de ceinturon , 12 boucles de
différentes formes, 6 boucles d’oreilles, 8 bagues et anneaux,
2 colliers en verre émaillé , une boule de cristal , une paire
de ciseaux, deux pinces épilatoires, quatre longues épingles
à cheveux, deux grands vases en cuivre doré, etc.
Dans la séance tenue le 14 août par la Commission des
antiquités départementales du Pas-de-Calais , M. Paul Le-
cesne a fait un rapport sommaire sur les objets trouvés.
Ils sont presque tous d’une conservation parfaite; les
vases en verre paraissent fabriqués d’hier ; deux présentent
pour leur forme, la légèreté et la couleur, une très-grande
analogie avec nos verres à vin du Pihin. Les poteries sont
en grès ou en terre rouge , noire ou brune , d’une grande
variété de formes et agrémentées d’ornements en creux
d’une finesse extrême. Les bijoux et les plaques de ceintu¬
ron sont en argent, d’un travail et d’une ornementation
très-délicats.
Les boucles d’oreilles se composent d’un anneau en
argent tordu, terminé par un cube garni de losanges
de grenats ; les colliers sont formés de boules en verre
émaillé de couleurs très- différentes et très- brillantes ;
le procédé de fabrication de ces verroteries parait perdu.
Les armes, très-nombreuses, constituent la partie la plus
— 320 —
curieuse de la collection ; elles ont servi à déterminer ap¬
proximativement la date du cimetière. Aucun doute n’est
-possible à cet égard, elles sont franques; on y retrouve la
francisque à toutes ses formes, la framée et le scramsax.
On peut même signaler en passant une francisque d’une
forme inconnue jusqu’ici et des scramsax à peu près de la
longueur de nos sabres d’infanterie.
. Le terrain où est situé le cimetière se trouve à peu de dis¬
tance d’un ancien camp romain appelé , dans le pays, camp
de César, mais qui était encore occupé au iv.® siècle; les
corps étaient placés sans cercueil , à une profondeur variant
de 0 m. 60 c. à 1 ni. 60 c. ; on en a trouvés jusqu’à trois su¬
perposés; presque tous avaient un pot entre les jambes.
Les squelettes appartiennent à une race de haute taille ; on
en a mesurés ayant jusqu’à 1 m. 92 c.
Les fouilles n’ont, jusqu’à présent, embrassé que 17
ares de terrain; aussi, en présence des résultats obtenus,
le conseil général du Pas-de-Calais a-t-il décidé , sur la
demande du préfet, que les explorations seraient poussées
avec activité et a-t-il voté un crédit à cet effet. Nous ne
pouvons que féliciter le préfet et le conseil général d’avoir
fait preuve d’un zèle si éclairé pour l’histoire et la science
archéologique. A. D.
Mort de M, Sainte-Beuve. — La ville de Boulogne vient
de perdre une des célébrités auxquelles elle a donné nais¬
sance. M. le Sénateur Sainte-Beuve , de l’Académie fran¬
çaise , a succombé le 13 octobre , à la maladie qui le mi¬
nait depuis longtemps. Il était âgé de 65 ans. A. D.
Le Gérant • E. Castiaux.
Lille , imp. Blocquel-Gastiaux , grande place , 13.
N.° 11. — Novembre 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
PRIX DE MILLE FRAîNCS DÉCERNÉ DANS LE RESSORT
ACADÉMIQUE DE DOUAI.
Le lundi 15 novembre, dans la séance solennelle de la
rentrée des Facultés présidée par M. le Recteur , a été
décerné le prix de 1,000 francs attribué par S. Exc. le
Ministre de l’Instruction publique au meilleur ouvrage
d’histoire politique ou littéraire publié , depuis trois ans ,
dans le ressort académique de Douai.
Notre collaborateur M. l’abbé Dehaisnes, avait été chargé
par les délégués du Ministre et ceux des Sociétés savantes
formant ensemble le jury d’examen (^) , de rédiger un rap-
(0 Ont assisté aux séances du jury , en la qualité ci-dessous énon
cée , les personnes dont les noms suivent :
MM. Deliaisnes , professeur au collège Saint-Jean,
archiviste municipal de Douai ;
Duchet , proviseur du lycée de Douai ;
Jarry , inspecteur d’Académie en résidence
à Lille ;
Cellier, délégué de la Société des Sciences de Valenciennes.
Chon , délégué de la Société des Sciences de Lille.
Cousin , délégué de la Société Dunkerquoise.
Desplanque , délégué de la Commission historique du Nord.
Ferrus , délégué de la Société académique de Saint- Quentin.
Garnier, délégué de l’Académie d’Amiens.
Hattu , délégué de la Société d’Emulation de Cambrai.
Leleu , délégué de la Société des Antiquaires de Picardie.
Paeile , délégué du Comité flamand de France.
Preux , délégué de la Société des Sciences de Douai.
Tournier, délégué de la Société Archéologique d’Avesnes.
Van Drivai, délégué de l’Académie d’Arras.
Le jury avait composé son bureau comme suit :
Président: M. Garnier.
Secrélaire-rapporieur : M. Fahhé Dehaisnes.
délégués
du Ministre.
— 522 —
port où se trouveraient exposées les conclusions du jury.
Voici le texle de ce document tel qu’il a été lu en
séance publique. A. D.
MM.
Un décret du 30 mars 1869 a institué, dans chaque
ressort académique de l’Empire, un prix annuel de mille
francs , qui sera décerné à l’ouvrage jugé le meilleur sur
quelque point d’histoire politique ou littéraire, d’archéo¬
logie ou de science , intéressant les départements compris
dans le ressort. Il faudrait être complètement étranger au
mouvement qui s’est opéré depuis plus d’un siècle dans les
travaux intellectuels, pour refuser de reconnaître que ce
décret est sorti d’une inspiration opportune et féconde. La
question de la décentralisation littéraire est à l’ordre du
jour parmi nous : nous venons de voir, à Lyon et à Nancy,
les savants de la province se coaliser contre le monopole
scientiüque de la capitale ; et il y a deux mois à peine, dans
le congrès de Chartres, l’éminent archéologue M. de Gau¬
mont, faisait adopter un projet de séparation radicale entre
Paris et les départements au point de vue de la publication
des travaux académiques. C’est un devoir de le proclamer :
le Gouvernement était entré dans cette voie par le décret
du 30 mars 1869. En ouvrant dans chaque ressort académi¬
que un concours annuel pour les personnes résidant dans
le ressort, il a donné un puissant encouragement aux tra¬
vailleurs de la province, à ces savants, trop souvent mé¬
connus , qui , dans l’obscurité d’une petite ville , réunissent
laborieusement les observations et les études d’intérêt local,
sans lesquelles les esprits généralisateurs ne pourront ja¬
mais tracer d’une main sûre les grandes lignes de l’histoire,
de l’archéologie et des sciences. Le décret du 30 mars 1869 a
mis au jour une pensée utile et généreuse à l’heure où elle
— 523 —
devait se produire; et tous nous rendrons justice au chef
de TEtat qui Ta porté , au ministre qui Ta proposé.
Parmi les ressorts académiques de la France, tous admis,
excepté celui de Paris, à prendre part au concours de 1869,
ouvert sur une question d’histoire politique ou littéraire,
aucun peut-être ne pouvait répondre à cet appel plus facile¬
ment que celui de Douai. Cent vingt-cinq établissements
d’instruction secondaire, renfermant plus de 16,000 élèves,
y répandent autour d’eux le goût des choses de l’esprit ;
dix-neuf Sociétés savantes y développent l’élude de l’his¬
toire , de l’archéologie et des sciences ; à chaque pas le
voyageur y rencontre des ruines et des édifices , souvenirs
d un glorieux passé , de grandes cités et des institutions
florissantes, orgueil du présent, espoir de l’avenir; l’his¬
toire de nos provinces est pleine de luttes noblement sup¬
portées pour la patrie et les libertés ; et parmi nos grands
hommes nous pouvons citer des chroniqueurs et des érudits
illustres, Froissart, Monstrelet, Philippe de Comines et
Ducange.
Dans ce ressort académique , la pensée qui a inspiré le
décret du 30 mars devait donc être comprise. Aussi quinze
ouvrages, intéressants à des points de vue divers, ont été
envoyés au concours ; ils ont été soumis à l’examen d’un
jury formé de 19 membres , délégués par le Ministre et les
Sociétés savantes, sous la présidence d’un recteur, dont le
nom est connu par d’importants travaux historiques.
Si l’ordre du jour de cette séance ne m’avertissait que la
brièveté est essentielle au rapport que le jury m’a chargé
de vous présenter, si je ne me disais qu’à défaut d’autres
qualités je dois rechercher le mérite de cette brièveté ,
j’analyserais en détail les ouvrages envoyés au concours qui
n’ont pu être couronnés; et vous acquerriez la conviction
qu’il y a dans les cinq départements du ressort académique
— 324 —
de Douai, des savants qui préparent avec soin les matériaux
d’une histoire générale de France. Mais les minutes qui me
sont concédées me permettent à peine d’énoncer les titres
de ces ouvrages.
Parmi les monographies qui s’attachent à décrire une
localité, un canton, un département, nous mentionnerons
y Histoire de Villers-Cotterets , les Recherches sur Givet , les
Essais historiques et biographiques sur les Ardennes , et
enlin une Etude sur la ville et le canton de Ribémont,
travail étendu qui a exigé beaucoup de temps et de recher¬
ches. Nous devons placer en dehors de cette première série
de mémoires , V Essai sur VHistoHe ecctésiastique , civile et
politique de Cambrai; l’auteur de ce volumineux et impor¬
tant manuscrit s’est inspiré d’une idée heureuse: éclairer
le passé d’une cité par l’étude des institutions. C’est aussi
aux institutions que nous rattacherons le tableau finement
esquissé d'une Guerre échevinale de 177 ans à Saint-Omer j
et un manuscrit sur le Droit communal et le Droit coutumier
au moyen-âge ^ sujet d’une vaste étendue que l’auteur,
d’ailleurs écrivain de talent, n’a envisagé que sous un seul
aspect , le Droit coutumier à Lille. Gomme l’histoire muni¬
cipale , l’histoire de l’église offre matière à des études in-
téressahtes. Plusieurs savants font compris : et nous avons
dû à leurs patientes recherches deux curieux travaux sur
des monastères dont il reste à peine aujourd’hui quelques
ruines, V Abbaye d’Origny Sainte-Benoîte, près de Saint-
Quentin , et celle de Clairmarais , près de Saint-Omer. Un
autre écrivain a retracé, d’une main ferme et habile, la
uie, les œuvres et V influence d' Hincmar , ce grand arche¬
vêque de Reims , dont la figure apparaît calme , grave et
sévère , au milieu des luttes et des hontes du ix.® siècle.
Malgré le mérite incontestable de ces mémoires , le jury
n’a pas hésité à leur préférer, à regarder comme plus dignes
— 525 —
de la haute distinction qu’il s’agit de décerner , les deux
autres ouvrages envoyés au concours : Sénac de Meilhan et
r Intendance du Hainaut et du Cambrésis sous Louis XVI ^
la Jeunesse de Robespierre et la Convocation des Etats-
Généraux en Artois. Je dois vous présenter une étude plus
complète sur ces deux œuvres historiques et sur les sujets
qui y sont traités.
Vers la fin du siècle dernier vivaient, l’un à Arras, l’autre
à Valenciennes , deux personnages bien différents par la
naissance, la situation sociale, le caractère et surtout par
leur destinée future , Robespierre et Sénac de Meilhan.
Celui-ci , fils du premier médecin de Louis XV, est nommé
jeune encore à une intendance qui lui rapporte 40,000 livres
avec des appoints considérables comme profits ; administra¬
teur brillant et habile , il est entouré d’honneurs et de re¬
nommée , et l’opinion publique le désigne comme le futur
successeur de Necker; celui-là, fils d’un avocat sans fortune,
orphelin de bonne heure , est élevé gratuitement dans un
collège, grâce à la générosité du clergé ; plus tard reçu licen¬
cié en droit, il court en vain au devant des affaires retentis¬
santes et des mauvaises causes , il entasse en vain mémoire
sur mémoire, pamphlet sur pamphlet , il ne parvient même
pas à une célébrité un peu sérieuse dans l’enceinte de sa ville
natale. Tous deux ils aspirent à se faire un nom dans la répu¬
blique des lettres ; mais tandis que les froides dissertations,
les éloges prolixes et les couplets anacréontiques de Robes¬
pierre n’éveillent d’autres échos que ceux de quelques
sociétés académiques de province, les écrits de Sénac de
Meilhan, remplis d’observations originales, incisives et judi¬
cieuses , sont recherchés dans les salons de la capitale ,
posent sa candidature à l’Académie française et le font con¬
sidérer comme l’émule de La Bruyère , de La Rochefou¬
cauld et de Vauvenargues. En relation avec Voltaire ,
— 326 —
Mirabeau et Talleyrand , avec Mesdames de Clermont-
Tonnerre , de Tessé , de Staël et de Créqui , spirituel ,
brillant, de mœurs faciles et légères , l’intendant de Valen¬
ciennes est le type des gentilshommes de la fin du xviii.®
siècle. Sans autre horizon que son cabinet d’études, la salle
d’audience et l’Académie d’Arras , d’une taille médiocre ,
d’un extérieur commun et disgracieux , souriant à peine
quelquefois et encore d’un sourire railleur , sobre et sévère
même au milieu des banquets de la Société des
morose et bilieux, l’avocat du Conseil d’Artois est aigri
contre ses confrères du barreau , contre sa destinée , contre
l’ordre social tout entier. Sénac de Meilhan ne vit qu’avec
défiance les tendances de l’esprit nouveau qui agitait la
France en 1789 ; il émigra, vécut quelque temps à la cour
de Russie, et se réfugia à Vienne où il mourut obscurément
en 1803. Quand éclatèrent les bruits précurseurs de l’orage,
Robespierre se sentit dans son élément : par ses intrigues
et ses pamphlets, en se déclarant le redresseur de tous les
torts et en flattant les passions les plus mauvaises , il se fit
élire député aux Etats-Généraux. Quelques années plus
tard , s’attachait à son nom une sinistre célébrité.
Ces deux personnages ont trouvé leur historien: M. Le¬
grand , avocat au barreau de Valenciennes a écrit la bio¬
graphie de Sénac de Meilhan, M. Paris, avocat au barreau
d’Arras, celle de Robespierre durant sa jeunesse; l’un et
l’autre ils ont placé cette biographie, comme une sorte
d’introduction , en tête d’un important travail sur la con¬
vocation des Etats-Généraux. Dans l’étude sur Sénac de
Meilhan, M. Legrand a fait preuve d’une finesse d’analyse
et d’appréciation , d’une habileté à saisir les nuances, d’une
délicatesse de style qui rappellent les pages les plus char¬
mantes de Sénac ; il s’est rencontré sur le même terrain que
M. Sainte-Reuve , qui avait esquissé la physionomie de
— 327 —
l’intendant de Valenciennes dans ses Causeries, et il faut
reconnaître que le jeune écrivain s’est montré l’égal du
maître consommé dans l’art de tracer un portrait. Si nous
trouvons un critique fin et distingué dans l’auteur de Sénac
de Meilhan , dans l’auteur de la Jeunesse de üohespierre
nous voyons un juge grave et sévère. Après avoir re¬
cueilli, compulsé et annoté toutes les pièces du dossier
relatif à Robespierre , il le fait comparaître devant lui ; il
interroge sa vie et ses écrits, écoute tous les témoins ; et,
d’une plume impartiale , sans pitié comme sans haine, il
rédige un arrêt que l’histoire enregistrera. Dans les deux
biographies, il y a une vaste et sérieuse érudition; et si
l’une l’emporte par la méthode, la clarté et l’ampleur,
l’autre est supérieure par une forme plus littéraire , par la
finesse et l’élégance , par des réflexions plus incisives et
plus originales.
La partie politique et administrative de ces ouvrages
prête plus directement à la comparaison. Après un premier
examen l’on serait porté à donner la préférence à l’auteur
de la Convocation des Etats-Généraux en Artois. En effet ,
M. Paris a traité cette question d’après un plan plus métho¬
dique , en remontant à l’origine des institutions , en grou¬
pant avec une remarquable sagacité tout ce qui se rapporte
à chaque branche d’administration et en donnant l’explica¬
tion des usages et des termes peu connus. M. Legrand ne
s’est point assez attaché à offrir partout le lucidus ordo dont
parle le poète, il n’a point jeté la lumière sur des questions
et des mots qui avaient besoin d’être éclairés ; le lecteur
marche parfois à tâtons dans son livre. Que l’on compare
dans les deux éludes le chapitre consacré aux finances , et
l’on n’hésitera pas à reconnaître qu’il y a plus de méthode
et de clarté dans la Convocation des Etats-Généraux en
Artois. Mais il serait injuste de ne point faire remarquer
— =)28 —
que le défaut signalé dans Sénac de Meilhan tient en partie
à la nature du sujet. L’Artois offrait avant 1789 une ad¬
ministration presque homogène ; tandis que l’intendance
de Valenciennes , formée successivement de la cité , du
Hainaut , du Cambrésis , des districts du Tournaisis et du
pays de Liège et des cantons des Ardennes, était soumise à
des coutumes différentes et présentait le mécanisme le plus
compliqué. Rappelons encore que M. Paris n’a ajouté à son
étude qu’un travail sur l’organisation judiciaire en Artois et
que M. Legrand a fait précéder les chapitres consacrés aux
assemblées de 1787 et de 1789 , de recherches savantes sur
l’une des questions les plus difficiles de Thistoire adminis¬
trative, une intendance au xviii.,® siècle. Ces considérations
ont porté le jury à décider que l’infériorité relative de la se¬
conde partie du livre de M. Legrand au point de vue de la
méthode, n’est pas aussi considérable qu’on pourrait le croi¬
re au premier abord ; et, mettant dans la balance la supério¬
rité incontestable de la biographie de Sénac de Meilhan, il a
cru devoir placer sur le même rang ces deux ouvrages, dans
lesquels il a trouvé des mérites égaux quoique différents.
En conséquence, le jury déclare que le prix de mille
francs institué par le décret du 30 mars 1869 , est partagé ,
pour le ressort académique de Douai, entre M. L. Legrand,
docteur en droit et docteur ès-lettres, et M. A. J. Paris ,
docteur en droit et licencié ès-lettres. Abbé Ch. Dehaisise.
»
En enregistrant ce résultat , nous sommes fiers de rap¬
peler que nous avons été des premiers à prédire au livre
de M. L. Legrand un brillant et légitime succès (voir
Bulletin , p. 14-18 ). Quant au nouvel ouvrage de M. Paris,
nous nous empresserons d’en rendre compte aussitôt qu’il
aura paru . Le public est en droit de beaucoup se promettre
du docte et consciencieux historien de Joseph Lebon. A. D.
— 5-29 —
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE SAINT-QUENTIN
La Société comprenait , au 1 janvier 1869 , 21 membres
titulaires, des membres honoraires, des associés et des
correspondants , les uns appartenant au département , les
autres étrangers.
Les membres titulaires étaient :
MM. Blin [18o5] , docteur en médecine ; Président.
Blain [1866] , avocat; Secrétaire.
Damoisy [1863] , notaire ; Trésorier.
H. Souplet [1844], licencié ès-sciences; Secrétaire-
Général et Archiviste.
Bourbier [1825], docteur en médecine.
Daudville [1825], ancien négociant.
Demoulin [1842] , professeur au Lycée.
Lecocq [1848] , pharmacien.
Garcin [1849] , vétérinaire.
Bénard [1855] , architecte.
Gronnier [1855], huissier.
Gardon [1860] , notaire.
Desprez [1860] , docteur en médecine.
Ferrus [1860], percepteur des contributions directes.
PIONNIER [1860] , pasteur de l’Eglise réformée.
Mariolle-Pinguet [1863], constructeur-mécanicien.
Quennesson [1863] , manufacturier.
Farque [1864] , licencié en droit.
Quérette [1866] , négociant.
Rouxelle [1867] , professeur de Physique au Lycée.
Dusauter [1868] , chimiste à Saint-Quentin.
Travaux de la Société, ix.* volume, 3.* série.
Ge volume débute par le compte-rendu de la séance pu¬
blique du 5 juillet 1868. Les rapports sur les prix sont pré¬
cédés d’un discours où le président, M. Bénard, rend compte
des travaux de la Société. Il expose au public que la Société,
tout en continuant à cultiver la Poésie et l’Histoire, tourne
volontiers ses efforts vers les Sciences économiques et
sociales. Ainsi elle a récompensé plusieurs Mémoires répon-
— 350 —
dant aux concours qu’elle avait ouverts sur V Enseignement
professionnel des Femmes dans les villes manufacturières
et sur les causes du Chômage volontaire du Lundi et les
moyens d'y remédier. Des extraits des Mémoires couronnés
se trouvent dans le volume dont nous rendons compte ,
mais leur spécialité nous en interdit l’analyse. Il en est de
même d’un article sur les Chèques, par M. Blain , membre
de la Société.
Nous serons également brefs sur les pièces de poésies
contenues dans ce volume ; les unes ont reçu des palmes au
concours , les autres sont dues à des membres de l’Acadé¬
mie. Ainsi M. Prévost, vérificateur de l’enregistrement à
Saint-Quentin et membre associé de la Société, exprime
d’une manière poétique les sentiments que lui inspire une
promenade dans le Cimetière de...
M. Daudville, a publié quelques poésies légères. On lui
doit aussi une dissertation philosophique sur VEtre-Cause.
Signalons encore, au contingent littéraire , une traduction
en prose de la célèbre tragédie de Macbeth, par M. Ferrus.
Note sur le Couvent et l'Eglise de Saint-Michel en Thié-
rache, par le docteur Rousseau d’Hirson , membre corres¬
pondant. — Une pauvre chapelle en chaume, érigée dans
le VII.® siècle , par saint Ursmer ou par saint Algis , fut
l’origine du couvent et du village de Saint-Michel en Thié-
rache. En 745 deux moines écossais (^), Gadrœ et Maccalin ,
vinrent s’établir à Saint-Michel sous la protection de Héré-
sinde , femme d’Eilbert , duc de Thiérache et comte de Ver-
mandois. Ils élevèrent une église magnifique dont le clocher
existe encore. L’église comme l’abbaye furent souvent
brûlées et pillées. Après un dernier incendie dû à l’impru¬
dence des moines (1715) , elles furent rebâties par Galonné
(1) Voir Bulletin, p. 295.
— 551 —
de Beaupré. C’est l’œuvre de cet architecte que décrit avec
beaucoup de soin M. Rousseau. L’auteur a puisé ses ren¬
seignements sur l’abbaye de Saint-Michel dans un manuscrit
qui est en la possession de M. Tayon, curé d’Hirson ; il est
intitulé : Histoii^e de l’Abbaye et du Bourg Saint-Michel-
Rochefort en Thiérache ^ par Dom Nicolas Lelong, natif
dudit lieu, prieur de l’abbaye d’Hirson, l’an 1768. La
Société académique de Saint-Quentin n’a pu, vu l’étendue
de ce manuscrit, l’insérer in extenso ; mais elle en a extrait
quelques pages concernant Jean-Baptiste de Mornat, un
des bienfaiteurs de Saint-Michel , dont il fut nommé abbé
en 1598.
Coup-d'œil sur Prèmont pendant l'occupation romaine. —
31. Asselin est parvenu à découvrir sur le territoire de Pré-
mont , canton de Bohain , les vestiges d’un camp romain et
d'une chaussée de la même époque.
Aperçu sur le Culte de Krichna, par 31. Textor de Ravisi,
membre associé, percepteur des contributions directes à
Bohain. — 31. de Ravisi, ancien gouverneur deKarikal,
doit à son long séjour dans l’Inde une connaissance profonde
de la langue et des habitudes du pays. Il en a rapporté une
foule d’objets des plus importants pour l’étude des anti¬
quités orientales. Il possède de nombreuses peintures et
statuettes des divinités hindoues , ainsi que plusieurs bas-
reliefsen boisprovenantdu char de la Pagode de Negapatam;
l’un d’eux représente une femme venant de cueillir un fruit
sur un arbre qui paraît être le célèbre arbre de l’Eden. Une
des pièces les plus précieuses de ce musée est une statue en
marbre, deoOcentim. de hauteur, que son heureux pos¬
sesseur a déjà décrite et figurée (^). Elle représente proba-
(b Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin , 3.' série, t. vi ,
p. 336 et suiv.
— 352 —
blement la Vierge Maya , mère du Bouddha actuel (Gôtama-
Bouddha).
C’est à l’aide de ces matériaux importants que M. de
Ravisi entreprend de discuter une des questions les plus
controversées de l’histoire religieuse de l’humanité.
Selon certains Indianistes, le Christianisme a ses origines
dans le Brahmanisme, dans le culte de Krichna. M. de
Ravisi pense au contraire que c’est le Brahmanisme qui a
emprunté au Christianisme le culte de Jésus-Christ.
Cette incarnation de Vichnou, dit-il à propos de Krichna,
est la plus célèbre et la plus populaire. Ce n’est pas seule¬
ment une manifestation , c’est Vichnou lui-même : Krichna
estl’Homme-Dieu de la tradition chrétienne. Extraordinaire
fait par le Brahmanisme au Christianisme! alors
que sapé jusque dans ses bases par le triomphe des doctrines
bouddhistes, il s’était vu obligé de présenter à l’adoration
des peuples un nouveau Dieu répondant à ses aspirations ,
un Dieu sauveur.
M. de Ravisi a étudié la figure de Krichna non seulement
dans les livres hindous , mais surtout dans ses conversa¬
tions avec les adorateurs lettrés de cette divinité. Il reproche
à ses adversaires d’accepter certains textes , mais d'en écar¬
ter d’autres qui leur sont contraires. Entin il promet de
nous montrer prochainement :
Comment le personnage historique de Krichna, chef
de partisans, puis conducteur de hordes guerrières , a été
transformé successivement en héros et en moraliste , en
demi-dieu et en dieu , et , enfin au xvi.® siècle de notre ère,
en Dieu suprême. »
Nous ne pouvons quitter le présent article sans signaler à
nos lecteurs quelques considérations sur les antiques reli¬
gions de l’Inde.
Selon l’auteur, les Védas nous apprendraient que la Tri¬
nité hindoue actuelle se serait formée par la réunion de
ooo
trois divinités appartenant à des races différentes : Brahma,
dieu des prêtres Aryas, Vichnou, dieu des Tchattryas , et
Siva , dieu des Kouchites. « Bien des siècles avant cette Tri¬
nité, on adorait dans ITnde la triade védique d’Agni , Vâya
et Surga , et bien des siècles avant cette triade , il y a eu la
période d’Agni (i). »
M. de Ravisi cherche du reste à rattacher ensemble toutes
les Religions orientales ; non seulement il admet avec pres¬
que tous les autres orientalistes que le Bouddhisme n’est en
quelque sorte qu’une secte protestante du Brahmanisme et
que celui-ci est issu du Vedisme ; mais encore il pense que
le Vedisme et le Zoroastrisme ont eu un berceau commun (*),
De Vuiilisation des Vapeurs perdues dans les Fabriques
de sucre et les raffineries^ par M. Dusauter. — L’auteur
propose de se servir de la vapeur à 70.° qui sort des chau¬
dières à triple effet ou chaudières d’évaporation dans le vide
pour échauffer le jus avant la défécation. Ce système a pour
effet, d’abord une économie de chauffage, puis une économie
de force, puisqu’elle rend inutile l’emploi d’eau de conden¬
sation dans le triple effet.
De VHippophagie , par M. Garcin. — L’auteur recom¬
mande l’usage de la viande de cheval dans l’intérêt de l’ali¬
mentation de la classe laborieuse. C’est une thèse bien
souvent soutenue, mais qui n’est pas près de triompher.
Comment, dans notre pays égalitaire, faire accepter au
peuple une nourriture que les classes aisées repoussent avec
répugnance?
Le volume se ferme par une notice nécrologique sur
Ch. Lemaire, ancien maire de Saint-Quentin, ancien pré¬
fet de la 3Ieuse, et par des tableaux météorologiques pour
les années 1867 et 68 par M. Soupplet. J. Gosselet.
(h Pour Agni, voir Bulletin, p. 61.
(h Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin , loc. cit.
et t. Yii, p. 384.
— 334 —
COMMISSION HISTORIQUE DU NORD.
Travaux courants.
Dans un rapport, en date du iO décembre 1868, M. Vin¬
cent , secrétaire-archiviste de la Commission historique du
Nord , rappelait au milieu de quelles difficultés cette institu¬
tion est née , a grandi et prospéré.
Créée le 14 novembre 1839, dans le double but de veiller
à la conservation des monuments historiques du départe¬
ment et de se livrer à toutes les recherches qui peuvent
intéresser les diverses branches de l’archéologie nationale,
élle ne s’est soutenue, pendant une période de 20 années,
qu’au moyen d’insuffisantes et irrégulières allocations du
Conseil-Général.
Depuis 1 860, le subside a été élevé à un chiffre plus fort et
il est devenu annuel. La Commission a pu ainsi entreprendre
des œuvres de longue haleine, au premier rang desquelles
il faut placer la Statistique archéologique du Département
volume in-8.® de plus de 1200 pages, avec une carte d’en¬
semble et des cartes d’arrondissements (‘).
Le t. X du Bulletin de la Commission contient, dans sa
deuxième partie publiée en 1868 : 1." une Notice sur Anne
Dubois , fondatrice des Brigittines de Lille, par M. de Nor-
guet, membre résidant; 2.® le texte des Mémoires des In¬
tendants de la Flandre wallonne sous Louis XIV. Il sera
rendu compte, h \di Bibliographie , de ces deux publica¬
tions.
On remarque encore , dans la deuxième partie du t. x ,
outre les intéressants procès-verbaux des séances ; IMe
(9 Voir une appréciation de cet important travail dans le discours
de M. le marquis de La Grange , prononcé à la réunion générale des
Sociétés savantes , le 27 avril 18G9.
PW ^ ^
- OOÜ -
texte , avec fac-similé photographié (^) , de la célèbre lettre
du Dauphin (Charles VII) à Philippe-le-Bon , lettre que M.
Brun-Lavainne a jadis sauvée de l’oubli, de la destruction
peut-être, et qu’il lui appartenait de mettre en lumière;
2.° une Note sur les anciennes coutumes de Lille ^ par le
même auteur. Cette note se rattache à l’important Mémoire
de M. Brun-Lavainne sur le droit coutumier , Mémoire que
nous avons déjà annoncé (p. 113 de notre Bulletin) et dont
nous reparlerons lors de sa publication intégrale.
La Commission historique du Nord qui s’honore d’avoir
toujours eu à sa tête des hommes d’un haut mérite , tels
que MM. de Contencin, A. LeGlay, Pierre Legrand, possède
actuellement pour président M. Edmond de Coussemaker.
Depuis 1863 qu’il a accepté cette fonction , M. de Cousse¬
maker a, de concert avec l’autorité préfectorale, organisé
des sous-comités d’arrondissement et il s’est efforcé d’im¬
primer un caractère collectif aux recherches de tous les
membres. Il a ainsi inscrit à l’ordre du jour des travaux de
la Commission , comme devant faire suite à la Statistique
archéologique du Nord : l.° une Statistique féodale de ce
Département; 2.” un Recueil des inscriptions funéraires et
monumentales antérieures à 1789 qu’on rencontre dans le
même ressort; 3.° l’inventaire des objets précieux qu’on y
conserve dans les églises , musées , collections publiques et
particulières.
Dans la première partie, non encore distribuée, du t. xi
du Bulletin de la Commission , M. Leuridan , bibliothécaire-
archiviste de Roubaix, vient de fournir un spécimen de ce
(1) Ce fac-similé a été exécuté à la demande de M. Blanquart-Evrard,
par un de nos jeunes concitoyens M. Dujardin , fils , à l’aide du
procédé de photo -gravure sur cuivre aciéré de M. Garnier, quia
obtenu la médaille d'or à l’Exposition universelle et dont ils sont
concessionnaires.
556 —
que seïdilsi Statistique féodale du Département. Spécialement
chargé de l’arrondissement de Lille , il nous offre aujour¬
d’hui la Statistique féodale du Mélantois, l’un des cinq quar¬
tiers de l’ancienne châtellenie. Les localités du Mélantois
étaient, comme on le sait: Annappes, Anstaing, Ascq ,
Avelin , Emmerin , Esquermes , Fâches , Fives , Fiers ,
Fretin , Haubourdin, Hellemmes, Houplin , Lesquin , Le-
zennes , Lille , Loos , La Madeleine , Moiis-en-Barœul ,
Moulins-Lille, Noyelles , Péronne, Ronchin , Sainghin ,
Seclin , Templemars, Tressin, Vendeville, Wattignies,
Wazemmes.
M. Leuridan énumère les fiefs situés dans chacune de ces
localités depuis les plus notables seigneuries jusqu’à ceux
consistant en une verge de pré et donnant lieu à une simple
redevance en chapons. De tous ces fiefs, M. Leuridan dé¬
termine remplacement et l’importance. Il fait , autant que
possible , connaître leurs possesseurs successifs. Bref, il ne
laisse dans l’obscurité aucun des recoins du ressort topogra¬
phique qu’il embrasse. Quand la statistique féodale du Dé¬
partement sera tout entière exécutée sur le plan auquel
s’est tenu M. Leuridan , les familles ayant possédé des fiefs
dans le Nord ne seront plus, comme il arrive souvent au¬
jourd’hui, embarrassées pour savoir où les retrouver.
Mais ce n’est là que le côté le moins intéressant de l’ou¬
vrage entrepris par M. Leuridan sous les auspices et d’a¬
près les vues de la Commission. Avec lui , nous pénétrons
dans le dédale , jusqu’ici inexploré , des anciennes institu¬
tions locales. Jugeons, par quelques extraits bien choisis ,
de ce qu’elles offraient de variété :
« Avant 1560, Annappes n’avait pas de seigneurs particu¬
liers et faisait partie du domaine non-inféodé des comtes de
Flandre. Ceux-ci, pour l’exercice de leur autorité et de
leurs droits, y avaient établi un échevinage ayant dans sa
— 337 ~
juridiction Annappes , Fiers et Ascq , et à sa tête un offi¬
cier , mayeur ou maire , qui tenait, à titre héréditaire , sa
charge et le domaine particulier auquel elle se rattachait.
Au maire d’Annappes appartenaient, à raison de sa charge,
le profit des werps et transports des héritages en ladite
mairie , à savoir quatre deniers d’issue et quatre deniers
d'entrée , les amendes de deux sous encourues par les hôtes
manquant aux plaids généraux qu’il avait le droit de tenir
trois fois l’an , et toutes amendes jusqu’à trois sous. Il de¬
vait semoncer à loi ou faire semoncer en son nom les éche-
vins d’Annappes. »
« La seigneurie du clocher d’Esquermes avait longtemps
appartenu au roi de France qui, en mars 1320, la céda à
l’évêque de Tournai, en échange de la souveraineté de cette
ville. Le Roi conserva ses autres domaines dans le village
et établit, pour l’exercice de ses pouvoirs, une prévôté et
un échevinage dont les sept offices furent inféodés. »
Fâches avait son Royaume des Estimaux dont M. Le
Glay a écrit l’histoire et dont , après lui , M. Leuridan fait
connaître les paisibles souverains. — La seigneurie de Fives,
avant 1694 , relevait des religieux de Saint-Nicaise de
Reims qui y avaient fondé un prieuré en 1104. Depuis, elle
a appartenu aux chanoines de la Sainte-Chapelle à Paris.
— Les seigneuries d’Hauhourdin et d’Emmerin étaient
terres d’Empire , tenues du comté du Hainaut à cause de la
cour de Mons en toute justice haute , moyenne et basse.
D’Haubourdin relevaient, entre autres fiefs, les Frémaux à
Hauhourdin et la seigneurie de Fenain dans la châtellenie
de Bouchain. — A Houplin , le chapitre de Saint- Amé de
Douai avait un maire héréditaire qui tenait de lui , en fief,
12 rasières de terre. — La seigneurie de Loos paraît avoir
appartenu au chapitre de Seclin. Mais les possesseurs des
fiefs d’Effrennes et du Moulin à Loos , qui y avaient un
2
— 538 —
gros château décoré du nom de château de Loos, se considé¬
raient comme les seigneurs du clocher. — Seclin , capitale
du Mélantois , eut cela de commun avec Annappes qu’il fit
longtemps partie du domaine non inféodé des comtes de
Flandre. Ceux-ci y avaient pareillement créé un échevinage
dont la juridiction s’étendait sur les hameaux de Martinsart
et de Wattiessart. En cet échevinage, comme en ceux de
même nature établis à Halluin , Annappes , Frelinghien et
Prémesque, le châtelain de Lille percevait le tiers de toutes
les amendes prononcées par les échevins. Le châtelain avait
aussi à l’encontre du souverain le tiers des plantations et
rejets qui étaient ès-llégards et voies de Seclin.
Il y avait dans le Mélantois, ainsi que dans les quatre au¬
tres quartiers , une quantité de fiefs vicomtiers mouvant de
la salle de Lille. — Le fief de Gamans , situé au point de
rencontre des territoires de Lesquin, Fretin et Péronne ,
était l’une des cinq pairies tenues du châtelain de Lille.
Le pair de Gamans était exempt de toulieu à Lille et, si
quelque combat judiciaire avait lieu en cette ville , ledit
pair devait être l’un des gardes du champ clos. — Lille
n’avait pas d’autre seigneur que le souverain. Cependant,
dans ses débuts, elle eut à la tête de ses échevins un maire
héréditaire, dont l’office , converti en fief, se transmit , un
siècle durant, dans la même famille, par voie de succession.
Soit que cette maison se fût éteinte, soit que l’office fût ra¬
cheté et amorti sous l’empire des aspirations communales,
la mairie féodale de Lille prit fin en 1185. Mais la ville
renfermait dans son enceinte un certain nombre de pairies,
de fiefs et d’arrière-fiefs , dont les noms désignent encore
plusieurs rues et places et qu’il convient d’énumérer.
Tels sont, pour ne mentionner que les principaux , la
Bonne-Broque , le Brœucq, les Coquelets, lesEtaques,
Babodenghes , Régneaux et Vert-Bois.
— 339 —
Les listes de possesseurs de fiefs ruraux que M. Leuridan
est parvenu à dresser ne remontent guère , pour le Mélan-
tois, au-delà du xiv.® siècle. Le plus ancien des seigneurs
qu’il cite est Ursion de Fretin (1197-1233). Viennent en¬
suite , par ordre chronologique : Thierry et Guillaume de
Loos (1202) ; Alard et Hugues de Loos (1218) ; Gérard
d’Avelin (1235); Watier du Pont , seigneur de la Madeleine
(1241) ; Hellin de Fretin (1280) ; Pierre, seigneur de Sain-
ghin-en-Mélantois (1281); Jean, sire d’Avelin (1295);
Huon Raimbaut, seigneur des Vieux-Bus k Fiers (1298).
A partir de l’an 1300 les noms se pressent avec une plus
grande abondance.
Les nombreux emprunts que nous venons de faire au
premier des cinq fascicules que se propose de publier suc¬
cessivement M. Leuridan nous semblent , mieux qu’aucune
explication , de nature à donner une idée de la monumen¬
tale entreprise dont la Commission historique pose en ce
moment les bases sous l’inspiration de son zélé président.
Espérons qu’il se rencontrera des hommes prêts à faire ,
pour chaque arrondissement, ce que le laborieux archiviste
de Roubaix est en voie de réaliser pour l’ancienne châtel¬
lenie de Lille.
Immédiatement à la suite de la Statistique féodale du
Mélantois , vient dans la première partie du t. xi du Bulletin
de la Commission^ une Notice sur les Francs des cinq
offices des feux à Valenciennes^ par M. Caffiaux, archiviste
de cette ville. Cette notice n’étant encore connue du public
que par un tirage à part assez restreint, nous en donnons,
avec le consentement de l’auteur , quelques extraits dans
notre chapitre et Sciences locales. On n’analyse pas
des œuvres aussi substantielles et l’on ne peut mieux faire
que d’en reproduire les parties les plus saillantes. Bornons-
nous à ajouter que les éléments, absolument inédits de
— 340 —
cette notice, ont été pour la plupart empruntés aux anciens
comptes municipaux de Valenciennes que M. Caffiaux a
restaurés de sa main avec un soin religieux et qu’il explore
avec autant de patience que de sagacité.
C’est à la même source que le savant archiviste a puisé
antérieurement les faits curieux formant la matière de ses
Mémoires sur Nicole de Diu'y , maitre-clerc de Valenciennes
et sur les Commencements de la 7'égence d'Aubert de Bavière.
Les extraits de comptes qui accompagnent son nouveau
travail ne le cèdent point aux précédents sous le rapport de
l’intérêt philologique. A. Desplainque.
BIBLIOGRAPHIE
MÉMOIRES DES INTENDANTS DE LA FLANDRE ET DU HAINAUT
FRANÇAIS, SOUS LOUIS XIV
publiés pour la première fois par M. Alexandre Desplanque,
archiviste du Nord (i)
Dans le cours de l’année 1868, la Commission historique
du Nord a voté l’impression des Mémoires des Intendants
de la Flandre et du Hainaut français sous Louis XIV.
«i
M. Desplanque se chargea des soins de cette publication ;
elle venait à l’appui de ses précédentes études sur la Réunion,
par Louis XIV, à la France des provinces de l’extrême nord.
Nous demandons à nos lecteurs la permission de leur donner
une analyse sommaire des Mémoires sur l’intendance de la
Flandre xvallonne, les seuls queM. Desplanque ait jusqu’ici
mis en lumière.
La première de ces pièces joint au mérite d’être complè¬
tement inédite celui d’avoir un caractère confidentiel; ce
sont les instructions que Le Pelletier de Souzy donna à
(1) Lille, L. Dauel, 18G8; vol. in -8.“ de 179 p.
— 541 —
M. de Breteuil en lui remettant l’intendance de Lille, au
mois de novembre 1683.
Il suffit de les parcourir pour se convaincre que Le Pel¬
letier était un administrateur probe , actif et intelligent. Tl
n’oublie rien « de ce qu’il croit qui se peut faire pour le
bien du service du roi et pour l’avantage des villes et du
plat pays. » Il expose l’état présent des affaires de chaque
ville , de chaque châtellenie ; il signale les abus à corriger
et indique les moyens à prendre ; il fait preuve de beaucoup
de capacité et d’honnêteté, si bien que l’on doit reconnaître
en lui l’un des plus dignes agents de Colbert.
Ce Mémoire nous permet non seulement d’apprécier les
qualités de son auteur, mais aussi de nous rendre compte
du rôle joué par les intendants à cette époque. L’institution
des commissaires royaux a été souvent louée et souvent
blâmée. Ils eurent à leur création une mission utile à rem¬
plir : rattacher au pouvoir central les parties les plus éloi¬
gnées du royaume , fortifier l’unité nationale , réformer
bien des abus qui s’étaient introduits dans la gestion des
intérêts des provinces et l’administration des villes. Tel fut
le rôle des intendants à l’origine ; ils ont rendu (le Mémoire
de Le Pelletier l’atteste) de véritables services au pays. Plus
tard , il est vrai , ils ont abusé d’une autorité mal définie et
non limitée, ils ont exagéré leur action centralisatrice et
par là préparé les voies à un véritable despotisme adminis¬
tratif; ils eurent alors à encourir des blâmes sévères et
mérités.
Nous ne pourrions énumérer toutes les réformes que Le
Pelletier signale comme utiles et nécessaires ; nous en cite¬
rons quelques-unes.
Dans l’ordre judiciaire , il a observé l’incapacité trop
fréquente et l’avidité des juges, leur lenteur à expédier les
affaires , leur indulgence à l’égard des criminels ; les sièges
— 542 ^
ne devraient être confiés qu’à des sujets intelligents , désin¬
téressés et énergiques. Il exhorte M. D’Humières , gouver¬
neur de la province, à ne conférer qu’à des gens gradués
les offices judiciaires dont il dispose dans la gouvernance
de Lille.
Les institutions municipales réclament en plusieurs villes
d’importantes réformes. Le Pelletier critique l’organisation
du Collège des Six -Hommes à Douai et celle de la Cour
Saint-Denis à Valenciennes qui engendrent de nombreuses
malversations. Il regrette que les statuts et privilèges de la
ville de Lille interdisent l’accès du magistrat aux célibataires
et aux avocats : quantité d’honnêtes gens sont exclus de la
Magistrature parce qu’ils ne sont point mariés, et il serait
bon qu’il y ait des avocats au sein du Magistrat pour guider
les autres membres dans leurs jugements.
Les revenus et les charges de chaque État et de chaque
ville sont connus de Le Pelletier qui en dresse le bilan pour
l’instruction de son successeur. Toutefois il avoue qu’il n’a
pu vérifier les différents comptes aussi attentivement qu’il
l’eût voulu. Huit ans plus tard cette lacune qu’il avait signa¬
lée était comblée : on suppléait à l’insuffisance , trop bien
constatée , de l’intendant par la création du Bureau des
Finances de Lille.
L’Université de Douai autrefois florissante et quelque
peu tombée attire l’attention de Le Pelletier. Il attache une
grande importance à ce qu’elle soit maintenue : ce qui se
peut^ dit-il, en lui procurant des avantages et en tenant la
main à ce que les chaires de’professeur royal soient toujours
remplies de bons sujets. Pour atteindre ce but il prie le Roi
d’accorder à l’Université une pension sur quelqu’une des
plus grosses abbayes du pays ; lui-même a fait ordonner par
arrêt du Conseil du Roi que toutes les chaires royales qui
viendront à vaquer seront conférées par concours, ensuite de
— o4.d —
publications et d’appositions d’affiches ; il faut, ajoute-t-il,
tenir la main à ce que cela soit observé ponctuellement.
Le Pelletier s’efforce d’alléger les charges militaires qui
accablent le pays. Il engage les villes, à qui incombent les
logements des troupes, à construire promptement des
casernes pour les soldats et des pavillons pour les officiers;
elles réaliseraient ainsi d’importantes économies. Il a veillé
lui-même à ce que la part contributive des populations aux
fortifications des villes , aux prestations en temps de paix et
en temps de guerre, fût réglée sur un pied plus équitable.
Voilà quelques-unes des réformes qu’il a accomplies ou
qu’il signale à son successeur. Nous pensons en avoir dit
assez pour que l’on comprenne l’intérêt qui s’attache à la
lecture de ce Mémoire.
La seconde pièce publiée par M. Desplanque est un Mé¬
moire du même genre rédigé postérieurement par Dugué de
Bagnols, intendant de la Flandre vallonné (>). On peut, en
comparant ces deux documents , établir un rapprochement
entre la Flandre en 1683 et en 1698 ; il est curieux de se
rendre compte des changements opérés durant ces quelques
années et d’apprécier les progrès déjà réalisés.
L’étude des documents administratifs que nous a légués
l’ancien régime présente un haut intérêt. Elle jette un jour
nouveau non seulement sur notre histoire locale , mais sur
notre histoire nationale : on voit par là combien l’histoire
administrative d’un pays est intimement liée à son histoire
politique. Nous formons donc des vœux pour que M. Des¬
planque publie sans trop de délai, ainsi qu’il en a manifesté
l’intention , les Mémoires des intendants de la Flandre
flamingante et du Hainaut français. Ch. Grimbert.
(^) Présenté à la cour sous le nom de cet intendant , le Mémoire en
question est notoirement l’œuvre de Jean Godefroy, seigneur d’Aii-
mont, alors directeur des archives de la Chambre des Comptes et
Procureur du Roi au Bureau des Finances de Lille. Ch. G.
— 344 —
ANNE DUBOIS, FONDATRICE DES BRIGITTINES DE LILLE
(1574-1618)
par M. A. de Norguet , membre de la Commission historique du
département du Nord (i)
Sœur Anne Dubois , fille d’un greffier extraordinaire de
la Chambre des Comptes de Lille , naquit le 22 décembre
1574. Elle manifesta de très-précoces dispositions pour la
vie religieuse et, après une enfance marquée par des grâces
exceptionnelles, elle entra chez les BrîgittinesdeTermonde.
A peine eut-elle prononcé ses vœux qu’elle se sentit tour¬
mentée du désir d’instituer une Maison de son ordre dans
la ville dont elle était originaire. Soutenue par les conseils
du P. Gabriel, jésuite de Lille , et par le crédit de Nicolas
de Montmorency , gouverneur de la Flandre wallonne , elle
parvint, non sans beaucoup de difficultés , à réaliser son
pieux dessein. Ce lui fut une occasion d’introduire, dans la
régie de sa Congrégation , des perfectionnements dont le
plan lui avait été providentiellement révélé. Mise en rap¬
ports fréquents avec les esprits d’en haut , Anne Dubois
composa, sous leur inspiration , un ouvrage mystique inti¬
tulé : Livre de Grâce et de Miséricorde ou le Manifeste du
Ciel, ouvrage que l’autorité diocésaine jugea digne d’être
traduit en latin et présenté, sous cette forme, au pape
Urbain viii. Le nom d’Anne Dubois n’est pas seulement
attaché à cet écrit ; il se trouve aussi mêlé à l’une des plus
étranges histoires de possession diabolique dont les annales
des Pays-Bas aient conservé le souvenir. Un moment vint
où il fallut exorciser les Brigittines de Lille et procéder
d’office contre les plus coupables d’entr’elles, à la grande
désolation de leur vénérable supérieure qui n’avait rien
(^) Lille, L. Danel, 1868, vol. iii-8.° de 105 p.
— 345 —
négligé pour maintenir et ramener ses pauvres filles dans
les sentiers de l’honneur, de la foi et de la piété. Cette téné¬
breuse affaire qui a un lien assez étroit avec celle du Père
Gaufridi , brûlé vers le même temps par arrêt du Parlement
d’Aix , est exposée , dans le livre de M. de Norguet , en des
termes dont tout le monde appréciera la parfaite conve¬
nance. En passant , l’auteur fait justice d’un véritable
petit roman que feu M. Arthur Dinaux a jadis accrédité.
Comme, dans les documents du temps, on perd la trace
d’une des Brigittines inculpées de sorcellerie, nommée
Simonne Dourlet , le regretté directeur des Archives du
Nord de la France et du Midi de la Belgique n’avait trouvé
rien de mieux, pour en finir avec elle, que de la faire mourir
publiquement , sur un bûcher de la grand’place de Tournai,
dans des circonstances on ne peut plus émouvantes. M. de
Norguet relègue , avec toute apparence de raison , cette
anecdote au rang des fables.
Arrière-petit-neveu d’Anne Dubois et disposant, pour écri¬
re sa vie , de documents religieusement conservés dans sa
famille , M. de Norguet remet en pleine lumière et présente
sous un jour absolument nouveau la figure de cette femme
forte à qui les épreuves d’aucun genre ne furent épargnées
et qui , dans les conditions les plus difficiles , apparut à ses
contemporains comme un type de sainteté. A. Desplaxque.
HISTOIRE DE LA CÉRAMIQUE LILLOISE (l)
par M. J, Houdoy.
M. Houdoy avait fait imprimer, il y a six ans, pour quel¬
ques amateurs et quelques amis, des recherches sur les ma¬
th Paris, Auguste Aubry, 1869 ; in-4.° de xi , 167 p. Voir les
comptes-rendus qu'ont faits de cet ouvrage M. Hippolyte Verly ,
dansl’Æ’c/io du A'ord du 19 octobre, et M. Ch. Paeile dans le Propagateur
des l.^et 4 novembre 1869.
— 346 —
nufactures de porcelaine et de faïence qui ont existé autre¬
fois à Lille. Afin de répondre à des demandes auxquelles il
était devenu impossible de satisfaire, l’ouvrage n’ayant pas
été mis en vente, l’auteur s’est décidé à publier plus com¬
plètement le résultat de ses recherches. Un grand nombre
de détails nouveaux donnent le plus vif intérêt à cette
seconde édition. Citons en première ligne une véritable
découverte signalée dans la notice qui sert d’introduction
au volume. Il est vrai que les faits dont il s’agit ne se sont
point passés à Lille; ils concernent les villes d’Ypres et
Hesdin ; mais ils sont si intéressants, ils donnent une idée
si favorable des travaux exécutés dans l’Artois et la Flandre
par les artistes auxquels est consacré le livre de M. Houdoy,
que le lecteur lui sait bien bon gré de les lui avoir fait con¬
naître. Quand l’historien des faïenciers lillois nous montre
dans un siècle reculé et dans une ville de second ordre,
l’art industriel flamand méritant lattention pour ses œuvres,
ne semble-t-il pas nous dire d’espérer beaucoup de lui pour
le temps où il s’exercera dans la capitale d’une province fran¬
çaise et dans un siècle où brilleront les merveilles de tous
O
les arts ?
M. Houdoy fait plus que d’attirer l’attention sur Ypres et
sur Hesdin : il excite l’étonnement des amateurs de l’art
céramique , en leur apprenant que dès la fin du xiv.® siècle,
ces deux villes possédaient une fabrication que l’on croyait
réservée dans ce temps à l’Espagne et à l’Italie, celle de la
faïence peinte et émaillée. Des artistes flamands et artésiens
connaissaient alors l’application de l’émail d’étain sur la
poterie; seulement ce n’était pas à la vaisselle qu’ils desti¬
naient leur émail blanc, mais bien à des carreaux de pave¬
ment pour les hôtels du duc de Bourgogne et de sa famille.
Il existe au château d’Ecouen un pavement du même genre,
œuvre d’artistes Rouennais du xvi.* siècle.
— 547 —
Une série de témoignages , habilement recueillis dans le
fonds si riche des archives de la Chambre des Comptes de
Lille , prouve que le duc de Bourgogne , Philippe-le-Hardi,
avait pris sous sa protection deux fabricants-artistes, Du
Moutier et Jean le Voleur , dont les œuvres excitaient dans
l’esprit de ce prince un goût et un enthousiasme des plus
vifs. Ces œuvres sont qualifiées de carreaux pains et jolis,
carreaux de peinture à pleine couleur et à imaiges , autant
de noms qu’il est impossible d’appliquer aux carreaux à
vernis de plomb connus dans nos contrées dès le xiii.® siècle
et ne devant plus attirer l’attention et les encouragements
des princes. Le soin de décorer ce pavement appartient
d’ailleurs à un sculpteur, non pas à un peintre. Son prix,
relevé dans les comptes des années postérieures à 1391 , ne
peut être comparé à celui des carreaux de Jean le Voleur.
Ceux-ci sont achetés d’avance et à forfait par le duc qui se
réserve d’en disposer seul ; et l’estimation en est faite de la
même manière que pour les vitraux peints. Enfin s’il restait
quelque doute sur l’importance et la nouveauté de l’entre¬
prise et sur la part que les artistes peuvent y réclamer , il
suffira d’ajouter que le premier peintre du duché de Bour¬
gogne au XIV.® siècle , Melchior Broderlin était chargé de la
diriger. Les sujets de Philippe-le-Hardi auraient-ils eu le
bonheur ou l’habileté de découvrir eux-mêmes la composi¬
tion de l’émail d’étain, secret que les Espagnols avaient dé¬
couvert une première fois depuis longtemps ? M. Houdoy
l’espère et indique les circonstances qui ont pu les mettre
sur la voie.
Après cette brillante introduction , les manufactures li-
loises passent successivement sous les yeux du lecteur. Les
potiers de terre sont signalés par de curieux extraits des
comptes du xv.' siècle et par quelques-unes de leurs œu¬
vres encore faciles à reconnaître. Au sujet des faïenciers ,
— 348 —
l’auteur a ouvert une véritable enquête, dans laquelle ont
été produits tous les genres de documents que peuvent
fournir les archives. Résolutions des magistrats municipaux,
comptes de la ville, ordonnances de paiement, recettes et
exemptions d’impôts , actes de baptême et de sépulture ,
inventaires et ventes notariées , livres d’affaires et comptes
de syndics ont fourni de précieux détails , et par leur en¬
semble, composé sur chaque fabricant une notice qui nous
les rend familiers.
Voici Jacques Février, malheureux d’abord , mais triom¬
phant de la mauvaise fortune à force de persévérance. Il
devient propriétaire de ses ateliers à l’enseigne du Bel Air
dans la rue Princesse ; et ses faïences figureront les premières
parmi toutes celles de Lille au musée de Sèvres.
Puis François Boussemart, le riche faïencier, possédant
verrerie dans la rue Saint-Sébastien et maison de plaisance
sur la route d’Ypres , près l’avenue de Marquette. A côté de
son jardin subsiste encore le moulin aux émaux, que nous
avons bien souvent aperçu du chemin de Messine ou de la
route de Lambersart ; Boussemart court en carosse au devant
du malheur; mais quand les embarras financiers seront
venus, il luttera avec énergie, et produira des faïences,
supérieures à celles qu’il avait faites jusqu’alors , les plus
belles sans doute qui aient été fabriquées dans notre ville.
Voici Jean-Baptiste Wamps, frère d’un lauréat de l’Aca¬
démie de peinture, dont l’atelier, passé aux mains d’une
autre famille, est celui qui prolongera le plus avant sa fabri¬
cation dans le xix.'= siècle.
Avant lui Barthélemy Dorez, créant à Lille, dès 1711 ,
une manufacture de porcelaine tendre alors que Rouen et
Saint-Cloud étaient les seules villes de France qui en pos¬
sédassent de semblables. Ses fils fabriqueront la porcelaine
jusqu’en 1720, et leur maison du quai de la Haute-Deùle
— 549 —
restera à usage de faïencerie jusqu’au commencement de ce
siècle.
Voici enfin Leperre-Durot dont la manufacture de por¬
celaine dure réalise le perfectionnement de la cuisson par la
houille, produit pendant 15 ans des œuvres que les plus
habiles connaisseurs appellent remarquables à tous égards,
et sert d’asile pendant la Révolution à des artistes distin¬
gués et malheureux.
Après avoir fait connaître les fabricants , M. Houdoy
décrit aussi leurs œuvres. Grâce aux recherches nombreuses
auxquelles il s’est livré, les faïenciers Février , Dorez et
Boussemart sont dès à présent connus par un nombre d’ou¬
vrages qui varie de ti*ois à sept. Un chapitre spécial est
consacré aux faïences qui ont été peintes à Lille sans qu’on
puisse indiquer avec certitude l’atelier d’où elles sont
sorties.
Quatre belles planches reproduisent les peintures des
pièces remarquables ; la fidélité du dessin et celle de la
couleur ont été portées jusqu’au scrupule, en sorte que les
amateurs auront entre les mains d’excellents termes de
comparaison pour de nouvelles recherches.
M. Danel a donné autant de soins à l’exécution typogra¬
phique que l’auteur en avait donné à la composition de
fouvrage. Ce livre est imprimé en beaux caractères elzé-
viriens, sur un papier dont la qualité et la marque sont
semblables à celui dont se servaient au xvii.® siècle les
imprimeurs lillois. A. Descamps.
HYDROLOGIE DU DÉPARTEMENT DES ARDENNES
par M. Cailletet, pharmacien à Charlevillc (h
L’hydrologie est une science toute nouvelle due au progrès
de la chimie analytique , mais elle a acquis de suite une
(1) Mézières ; in-8.°, 103 pages.
— 350 —
importance proportionnée au rôle que joue Teau dans notre
société moderne. A une époque où la vapeur est devenue le
moteur général de l’industrie, où l’art de la teinture a pris
un si grand développement, où les notions d’hygiène en se
répandant ont fait connaître l’importance d’une bonne
irrigation , où les villes s’occupent à capter les sources et à
les amener dans leurs murs , tout le monde a intérêt à con¬
naître la nature des eaux qu’on emploie ou qu’on peut
employer. De nombreuses analyses ont déjà été faites, mais
beaucoup sont restées inédites et celles qui ont été publiées
sont disséminées dans une foule de recueils et de mémoires
où il est difficile d’aller les chercher. C’est pour remédier à
cet inconvénient que M. Robinet, membre de l’Académie
de médecine , essaye de réunir tous ces documents dans
son Dictionnaire hydrologique de Finance. Il serait à désirer
que l’on fit pour chaque département une statistique hydro¬
logique résumant les analyses déjà faites, les complétant
par de nouvelles et discutant les variations produites par
l’influence des saisons, des terrains, des industries ; c’est
un travail de ce genre que M. Cailletet a entrepris pour le
département des Ardennes.
Une première partie est consacrée par l’auteur à indiquer
les méthodes qu’il a suivies. On y trouve une description
complète des différentes opérations de l’analyse hydrotimé-
trique et une savante dissertation sur l’influence qu’exercent
les uns sur les autres les sels dissouts et les changements
qui en résultent pour le titre hydrolimétrique réel. L’auteur
croit aussi pouvoir déterminer l’état auquel se trouvent les
différents sels dans la solution.
Il nous semble que tant qu’il n’y aura pas de règle cer¬
taine et acceptée de tous pour le partage des acides entre
les bases, il serait préférable de donner les résultats bruts de
l’analyse. Au lieu de calculer les quantités de carbonate de
— 551 —
chaux, de carbonate de magnésie , de chlorure de magné¬
sium, de chlorure de sodium, de chlorure de calcium, de
sulfate de chaux, de sulfate de magnésie, de sulfate de
soude ; il suffirait d’indiquer les quantités de chaux, de ma¬
gnésie, de soude, puis les quantités d’acide carbonique , .
d’acide sulfurique et de chlore. Ce sont là les seules données
réelles de l’analyse ; le reste est théorique , et ce n’est qu’en
convertissant de cette manière les analyses des divers au¬
teurs qu’on arrive à pouvoir les comparer.
La seconde partie du mémoire contient une série de ta¬
bleaux représentant les résultats obtenus par M. Cailletet,
on y trouve l’analyse des eaux de la Meuse , de l’Aisne et de
leurs affluents, de l’étang de Rimogne, du canal des Ar¬
dennes, des sources minérales ferrugineuses de Laifour et
de Revin , et de plusieurs puits ou fontaines pris dans
chacun des chefs-lieux de canton. C’est un travail considé¬
rable qui a du exiger beaucoup de temps , je ne dirai pas de
peine , car la peine que l’on prend au service de la science
est amplement compensée par le plaisir qu’on éprouve à
découvrir une vérité.
Le mémoire est terminé par un tableau résumant les ré¬
sultats obtenus pour les eaux de chaque terrain. A ce propos
nous ferons observer à l’auteur que l’indication de l’âge
géologique du terrain ne suffit pas, il faut tenir compte de
sa nature minéralogique.
Ainsi le terrain crétacé présentant des couches de craie,
d’argile et de sable, les eaux qui les traversent ne peuvent
pas avoir la même composition dans les divers niveaux.
On voit leur degré hydrotimétrique varier de 14." à 34.°
pour les fontaines , et de 11.° à 61.'' pour les puits.
C’est une lacune facile à combler, aussi souhaitons-nous
vivement que M. Cailletet trouve des imitateurs parmi ses
confrères des départements voisins. J. Gosselet.
— 352 —
SUR LA FABRICATION DE LA SOUDE AU FOUR TOURNANT
par M. Lamy (i)
Par ses alliances de famille et l’illustration qu’il s’est
acquise comme professeur à la Faculté des sciences de Lille,
M. Lamy appartient à notre pays. Nous signalerons donc
un nouveau travail qu’il vient de publier dans les mémoires
de la Société d’Encouragement pour l’Industrie nationale.
Il s agit de la description d un four à soude tournant, déjà
employé en Angleterre, et présentant une économie de 30 7o
sur le charbon dépensé. Mais ce four a l’inconvénient de
coûter assez cher de frais d’installation (35,000 fr.) et de
produire une quantité de soude supérieure à celle qu écou¬
lent la plupart des fabriques de France. J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
LES FRANCS DES CINQ OFFICES DES FEUX A VALENCIENNES
(xiv.® et XV.' siècles)
Dans nos villes du moyen-âge, aux maisons de bois, aux
toitures de joncs ou de chaume, l’incendie était un des
fléaux les plus légitimement redoutés. Serrées les unes
contre les autres, séparées à peine par des rues étroites,
irrégulières et de parcours difficile, les maisons s’affaissaient
successivement dans la flamme avec une rapidité effrayante
et le feu pouvait , en quelques heures , promener d’un bout
de ville à l’autre, la ruine des bâtiments et l’anéantisse¬
ment des fortunes : l’incendie prenait alors les proportions
d’un malheur public à l’occasion duquel les villes s’en¬
voyaient mutuellement des compliments de condoléance.
Valenciennes était, au xiv.® siècle, une ville de commerce,
(^) Communication faite à la Société d'Encouragement pour l’Indus¬
trie nationale.
.)00
d’industrie , pleine par conséquent de métiers , de matières
brutes ou travaillées. On comprend donc que, de très-bonne
heure , nos aïeux aient cherché à se prémunir contre la
dévorante contagion de la flamme; d’autant plus qu’à leurs
appréhensions bien naturelles, s’ajoutait la conscience de
l’insuffisance de leurs moyens d’action contre le fléau.
Dès le XIV. e siècle et peut-être dès le xiii.* , il existait à
Valenciennes ce que nous appelons aujourd’hui des compa¬
gnies de pompiers ; elles avaient alors le nom assez bizarre
de Francs des cinq offices des feux.
D’où leur venait cette dénomination et que veut-elle dire?
Le mot franc qu’on retrouve dans les locutions Francs
archers, Francs maçons, Francs charpentiers à la même
époque , indique qu’ils formaient un corps organisé , jouis- -
sant de certains privilèges ; quant aux mots des cinq offices
des feux, ils proviennent de ce que ces hommes étaient
répartis en cinq corps , ayant chacun un rôle en face de
l’incendie , et exercés à se servir de divers ustensiles ou
engins de cinq espèces différentes. Il résulte en effet d’un
document que j’ai trouvé à Mons , aux Archives de l’Etat,
dans le MS de Goquiau, que la première de ces compagnies
était pourvue de cuves et de seaux de bois , la seconde de
lies ou plutôt de houes, au fer large et recourbé , la troisième
d’échelles, la quatrième d’équipars, tandis qu’à la cinquième
et dernière appartenait la manœuvre des seaux de cuir.
Ces seaux de cuir , on le devine , étaient exposés à de
nombreuses avaries; aussi les comptes de la ville entrent-
ils à ce sujet dans de nombreux détails, qui sont assurément
fort indignes de la majesté de l’histoire , mais qu’on par¬
donnera , je l’espère , à un humble chroniqueur. Ainsi , on
remettait aux vieux seaux des fonds neufs , ou des bandes
de cuir pour les maintenir dans une forme circulaire; on
les munissait aussi d’anses de cuir pour les passer de main
3
— 354 —
en main. Ces réparations valaient de 2à6 sous pour chaque
pièce , c’est-à-dire un fort bon prix si on tient compte de
l’époque ; le cuir se payait à part.
Pour entretenir et redresser ces seaux quand ils étaient
déformés, pour leur conserver leur souplesse et leur cou¬
leur primitives, on les enduisait de graisse, de suif et surtout
d’huile de hareng qu’on achetait au tanneur 3 à 4 sous le
pot. L’opération qui se répétait encore l’été, au moment de
la sécheresse , coûtait à la ville de 3 à 5 deniers par seau ;
le gardien avait de plus , outre quelques douceu7^s et quel¬
ques bénéfices , un traitement annuel de 50 sous , qu’on lui
octroyait , en précisant bien que c’était pour qu’il fût plus
soigneux de rassembler ces seaux au lieu de l’incendie, de
les en rapporter , et de les mettre ensuite en place.
J’ai parlé de privilèges : ceux des Francs des cinq offices
les assimilaient aux arbalétriers. Comme ce corps d’élite ,
ils avaient obtenu , en 1378 , le droit de porter le couteau ,
sorte de poignard ou de courte épée pendue à la ceinture ;
ils devaient même en être armés chaque fois qu’ils remplis¬
saient un service quelconque , ils assistaient aux abattis de
maison , et sitôt que le Prévôt-le-Comte et celui de la ville
avaient donné le premier coup , ils tiraient à bas avec leurs
crocs le toit de la demeure du coupable (D’Oultreman ,
page 345). Quant aux revenants-bons , ils semblent avoir
été peu prodigués aux Fî'ancs des cinq offices. Pourtant on
en trouve quelque trace.
Ces antiques pompiers se recrutaient comme ceux de nos
jours parmi les habitants. Ils n’étaient point payés à l’année,
mais seulement pour les services réels qu’ils pouvaient
rendre. Chaque incendie leur valait d’ordinaire une gratifi¬
cation de 25 à 30 sous qu’ils se partageaient.
On comprend que la ville de Valenciennes, en organisant
les Francs des offices les ait particulièrement chargés du
— ^ ooo
guet : des postes étaient établis en différents endroits et on
en augmentait le nombre selon que les circonstances le
réclamaient , par exemple , les jours d’assemblées de ser¬
ment ou d’autres corps constitués, jours consacrés sans
doute à la dive bouteille. On veillait particulièrement, à la
halle des draps et à la halle du blé , centre de deux branches
de commerce qui donnaient l’aisance et le bien-être à
Valenciennes. Cinq hommes s’y trouvaient d’ordinaire
ensemble , on veillait même à Saint-Pierre (^) quand la cité
allait abattre quelques maisons de sa banlieue. Dans ces
circonstances exceptionnelles où toutes ses forces militaires
se mettaient en campagne, on emmenait bien les homicides,
les malfaiteurs, les gens suspects qui pullulaient dans une
ville , dont les franchises accordaient si libéralement asile
et protection ; mais il pouvait rester dans ses murs, certains
mauvais drôles désireux de donner satisfaction à quelque
haine particulière, ou bien encore de voler, en profitant de
la confusion inséparable d’un incendie : de là un poste à
Saint-Pierre. Chaque nuit de guet on fournissait aux Francs
des cinq offices, du bois , de la chandelle, qu’un brouetteur
chargé de ce service leur amenait régulièrement. Au pre¬
mier signal , des torches , des lanternes , des falots étaient
allumés, remis aux mains payées à cet effet, et alors comme
aujourd’hui, à cette sinistre lueur, on se rendait à travers
les sinuosités des rues étroites , sur le théâtre de l’incendie.
Ces nuits de garde qui originairement n’étaient pas payées
rapportèrent aux Francs des cinq offices, vers la fin du
XIV.® siècle , 6 deniers tournois , c’est-à-dire 2 liards. Les
choses restèrent sur le même pied jusqu’en 1421 ; à cette
époque, ils se plaignirent de la modicité de leur salaire
pour un service qui se faisait en hiver comme en été et qui.
(') Chapelle qui tenait à l'hôtel-de-ville.
— oao -
d’irrégulier clans le principe, avait fini par devenir continu :
ils obtinrent 12 deniers au lieu de 6 , c’est-à-dire un sou.
En 1435, les Francs des cinq offices touchent six sous
chaque garde de nuit.
En 1484, ils reçoivent encore la même somme : rien n’an-
nonce qu’on songe à leur suppression ; mais en 1522 un
teri ible désastre qu’ils ne purent conjurer les perdit com¬
plètement dans l’estime publique. On se contenta, en renon¬
çant à leurs services , de décider qu’on enverrait dans les
villes voisines, pour savoir ce c[u’e]les faisaient en cas de
feu. Les échelles et les seaux furent mis aux carrefours :
l’on s’en tint aux guetteurs du Beffroi et au concours des
habitants pour remplacer les Francs des offices.
H. Caffiaux, docteur ès-lettres.
PASSAGES ANNUELS DES OIES SAUVAGES. — Chaque année,
à l’automne, nous lisons invariablement dans les journaux
une phrase du genre de celle-ci : « La nuit dernière une
grande quantité d’oiseaux ont passé sur notre ville venant
du Nord , c’est l’indice certain d’un hiver précoce et rigou¬
reux qui se fait déjà sentir dans les régions septentrionales. »
Cette phrase se répète et se commente et les naïfs se tien¬
nent pour assurés qu’ils vont avoir à souffrir les tourments
de la Sibérie. Je voudrais les rassurer une fois pour toutes
en leur prouvant que les oiseaux de passage n’annoncent
qu’une chose que tout le monde connaît , c’est que la saison
de leurs voyages annuels est arrivée.
Quoique le nombre des espèces qui passent au-dessus de
nos têtes, dans le département du Nord, à cette époque, soit
considérable , les observations du public se rapportent pres¬
que toujours aux Oies sauvages, dont les bandes sont les
plus nombreuses et qui ont l’habitude de pousser en volant
des cris qui s’entendent de très-loin dans le silence de la
— 357 —
nuit. Ce sera donc à celte espèce seule que je m’arrêterai
aujourd’hui.
Elles ne peuvent annoncer un hiver rigoureux par deux
raisons bien simples : d’abord les Oies passent tous les ans,
sans exception, que l’hiver doive être doux ou très-froid.
Elles quittent les contrées septen trionales non pas sans doute
chassées par le froid , mais très-probablement parce que la
nourriture végétale qu’il leur faut ne s’y rencontre plus.
Annoncer des gelées exceptionnelles par suite du passage
des Oies , c’est comme si l’on disait : les Hirondelles sont
parties , donc nous aurons l’hiver prochain une température
très-basse. Les Oies passent en plus ou moins grand nombre
sur un point donné, parce qu’elles n’ont pas dans leurs mi¬
grations d’itinéraire tracé une fois pour toutes, mais le nom¬
bre des individus qui opèrent leur migration annuelle est
toujours sensiblement le même.
La seconde raison c’est qu’aucun oiseau n’est doué du
privilège de prédire un avenir quelque peu éloigné. Très-
souvent les animaux constatent par des cris , des mouve¬
ments , des déplacements , un état actuel de l’atmosphère ;
si cet état correspond à une phase hygrométrique ou élec¬
trique qui prépare un orage ou de la pluie , on dira que
l’animal annonce le mauvais temps; rien n’est plus vrai.
C’est ainsi que les Hirondelles rasent la terre à l’approche
de la pluie parce que les menus insectes dont elles se nour¬
rissent s’abaissent en ce moment vers la terre ; c’est ainsi
que les Canards s’agitent, s’épluchent, plongent à l’appro¬
che d’un orage, parce que la dose plus forte de l’électricité
atmosphérique les agite et les surexcite ; vingt exemples
pareils pourraient être cités; mais ces prédictions en quel¬
que sorte barométriques ne peuvent dépasser le mouvement
météorologique qui les fait se produire , c’est-à-dire deux
ou trois jours au maximum. Jamais en septembre, en août
— 558 —
même, car les Oies commencent quelquefois à passer à cette
époque, un oiseau quelconque ne pourra prévoir que les
froids de décembre, janvier ou février seront vifs ou mo¬
dérés.
Ils ne peuvent non plus annoncer un hiverprecoce parce
qu’il est prouvé par des observations nombreuses que les
époques de passages plus ou moins avancées ou reculées ne
correspondent pas avec l’apparition du froid.
Nous trouvons dans les Mémoires de V Académie royale des
Sciences, des Lettres et des Arts de la Belgique (édition in-4.°)
une série d’observations sur les phénomènes périodiques ,
provoquées par M. Quetelet, et enregistrées sans interrup¬
tion depuis 1842. Nous en avons extrait les suivantes , rela¬
tives aux Oies sauvages. Elles ont été faites simultanément
sur cinq ou six points de la Belgique , d’Ostende à Namur ,
transversalement, et par conséquent sur toute la ligne de
passage qui du Nord au Sud ou de l’Est à l’Ouest amène
vers notre département les oiseaux qui fuient, comme les
Oies , les contrées arctiques de l’Europe continento-occi-
dentale.
Hivers {’) de 1843-44 — 3, 8, 13, 14 janvier.
D de 1844-45 — toutdécernbre ; 7, 8, 9,10,15janv.
» de 1845-46 — 25 sept. ; 21 octobre ; 16 janvier.
» de 1846-47 — 3,16,19 novembre ; 13, 15, 16,
19, 24, 27 décembre ; 14, 22, 25,
28 janvier.
® de 1847-48 — 25, 26 décembre; 6, 7, 8, 9janv.
» de 1848-49 — 18,27 oct. ; 23,24,29,31 déc.;
6, 26 janvier.
» de 1849-50 — 31 octobre; 5, 8 décembre ; 5, 7, •
12 , 20 , 21 , 25 janvier.
» de 1850-51 — 5 octobre ; 6 décembre.
» de 1851-52 — 25 novembre ; 15 , 24 décembre.
» de 1852-53 — 13 novembre ; 8 , 12 janvier.
{9 J'entends par hivers, l'époque des passages comprenant août,
septembre, octobre, novembre, décembre, janvier.
— 559 —
Hivers de 18o3-o4 — 24, 26, 29 décem.; 1, 4, 17 janv.
» de 18o4-5o — 26 , 30 , 31 janvier.
» de 185o-o6 — 28 octobre; 17, 20, 22 novembre.
» de 1856-57 — 23 oct. ; 26 , 27 nov. ; 18 janv.
de 1857-58 — 18 , 19 novembre.
» de 1858-59 — 25 septembre ; 14, 16, 19, 23, 25,
26 octobre.
> de 1859-60 — 20, 26 septembre; 18 octobre;
8 , 9 , 11 , 17 novembre.
» de 1860-61 — 24 août ; 17 , 21 , 30 , 31 octobre ;
26 novem.; 3, 19, 23, 26 décem.;
3 , 4 , 8 , 25 janvier.
j> de 1861-62 — 25 septembre; 16, 18, 20 octobre;
24 nov.; 10 déc.; 12, 22, 23 janv.
de 1862-63 — 3, 11, 13 nov.; 28 janv. (remoniant).
» de 1863-64 — 8 , 30 sept. ; 2, 22 oct. ; 1, 27, 28
novem. ; 2 , 5 février (desceiidani).
• de 1864-65 — 30 août; 4, 6,31 déc.; 2, 3, 4 janv.
» de 1865-66 — 5 oct.; 8nov.;3, 9, 10 déc.; 21 jan.
» de 1866-67 — 25 septembre; 15, 21 novembre.
Il résulte de ces observations que les Oies sauvages opè¬
rent leur passage descendant, ou Nord-Sud , depuis la fin
d’août jusqu a la fin de janvier; mais il ne faudrait pas
croire que tous ces passages sont de même nature. Les mi¬
grations normales, emportant du Nord au Sud la plus
grande masse de ces oiseaux , sont celles d’automne : août,
septembre, octobre, novembre. Mais toutes les Oies qui ont
vaqué à la reproduction dans les marais arctiques ne pas¬
sent pas d’abord par dessus notre latitude ; un certain nom¬
bre reste dans les marais intermédiaires; sont-ce celles
qui viennen t de plus loin, ou les plus fatiguées? Il est difficile
de le deviner. Ces Oies séjournent dans les contrées tem¬
pérées si l’hiver est doux ; s’il devient rude , si la gelée ou
la neige leur rend difficile la recherche de leur nourriture,
elles gagnent des pays plus chauds , ce sont celles-là qui ,
en décembre et janvier , passent par nos contrées ; elles sont
rarement en grandes bandes , c’est plutôt un déplacement
— 360 —
qu’un passage, et il est d’autant plus nombreux que le froid
est plus rigoureux.
C’est alors que nos marchés sont approvisionnés de ce
gibier qui se tue d’autant plus aisément , qu’il s’arrête plus
souvent et qu’il est plus préoccupé de se nourrir que de se
préserver des chasseurs. Leur excessive méfiance naturelle
les abandonne à mesure que la faim les gagne , comme il
arrive à tous les animaux sauvages.
'Ces passages d’hiver ne peuvent annoncer la précocité du
froid puisqu’ils l’accompagnent toujours. Restent ceux d’au¬
tomne : pour que l’on puisse en tirer un pronostic il fau¬
drait trouver une relation entre la précocité de ces passages
et celle de la saison rigoureuse , or en comparant les tables
météorologiques insérées dans les mêmes mémoires de
l’Académie de Belgique , avec ces époques de migrations
automnales, on ne trouve aucun rapport de concordance.
Tel passage effectué en septembre c’est-à-dire à une
époque peu avancée, a été suivi d’un automne très-doux et
d’un hiver normal; d’autres fois, aucun passage hâtif n’a
été observé et cependant novembre a eu des gelées pré¬
coces.
J’ai entendu faire le raisonnement suivant : les oiseaux
de passage fuient l’abaissement de température des pays
septentrionaux , or ils sont amenés par le vent du Nord qui
correspond à un déplacement de cet air froid descendant
vers nous , il doit donc exister un rapport actuel et très-
prochain entre l’arrivée des passages même hâtifs et celle
du froid.
Cet argument, démenti d’ailleurs par l’expérience, ne
serait bon que s’il était bien prouvé que les Oies et autres
espèces émigrantes fuient réellement un froid présent ou
très-prochain existant dans les marais arctiques où ils ont
passé l’été ; c’est bien plus, je le répète , l’absence de nour-
— 361 —
riture , joint à un certain mouvement instructif que nous ne
pouvons pas apprécier, qui les fait se mettre en route.
Mais il est encore moins juste de croire qu’ils ont besoin du
vent du Nord pour effectuer leur voyage.
En général les oiseaux de haut vol ne cherchent pas
dans ces circonstances à avoir le vent arrière. Ils préfèrent
avant tout un temps calme, mais à son défaut ils choisissent
un vent légèrement oblique , le vent du Nord-Est ou même
de l’Est semble leur être le plus favorable. Ils ne craignent
même pas le vent du Sud , dans ce cas ils louvoient comme
le vaisseau à voile qui navigue vent debout, et ceci explique
que les observations signalent, dans les passages descen¬
dant, tantôt une direction Nord-Ouest, tantôt une direction
Nord-Est.
Cette prétendue preuve tirée du vent du Nord n’est donc
pas valable , l’Oie sauvage passant ordinairement par un
temps calme , et souvent aussi par des vents soufflant d’au¬
tres points que le Nord.
Soyons bien persuadés que les émigrations automnales ne
prédisent rien, qu’elles annoncent seulement que des
oiseaux, en plus ou moins grand nombre, ont éprouvé plus
ou moins tôt, dans les régions arctiques , soit la pénurie de
nourriture , soit la sensation instinctive du besoin d’émi¬
gration , circonstances qui se manifestent d’août en novem¬
bre indépendamment de toute prévision du froid hivernal.
A. DE Norguet.
CHRONIQUE.
^cîeiic€?s Bsatiirelles. — Crustacé et tortue fossiles de
Lezennes. — M. Decocq, qui explore avec beaucoup de persé¬
vérance la craie de Lezennes et en possède une belle collec¬
tion , vient d’y trouver les pattes d un Crustacé voisin des
Homards, appartenant probablement au genre fossile Hoplo-
— 362 —
paria. M. Hallez , préparateur d’Histoire naturelle à la
Faculté des Sciences de Lille , s’est chargé de Fétudier et de
le décrire. — La même craie a fourni à MM. Chelloneix
et Ortlieb la carapace d’une tortue marine du genre Chelone
qu’ils doivent décrire dans les Mémoires de la Société des
Sciences de Lille. J. G.
Cristaux de Gypse dans V argile d' Y près. — En faisant un
puits dans la maison d’un garde-barrière au point où le
chemin de fer de Lille à Valenciennes coupe le chemin du
Chemineau à Hucquinville (Templeuve) , on a rencontré à
2 mètres de profondeur , au milieu de l’argile grise (argile
d’Ypres des géologues ) , une couche de 25 cent, d’épaisseur
formée de cristaux de gypse, ou sulfate de chaux, enchevê¬
trés les uns dans les autres. Il y en a qui ont jusqu’à 6 cen¬
timètres de long. Ils appartiennent à la variété trapézienne
maclée. J. G.
Arel&ëolo^ie. — Découverte d\in ancien Cimetière ci
Lille. — On a trouvé en creusant les fondations d’une usine
à Lille près de la porte de Béthune , les traces d’un ancien
cimetière dont l’origine se perd dans la nuit des temps et
dont l’époque n’est pas encore déterminée. Les ossements
humains qu’on y rencontre ne sont pas ensevelis dans un
cercueil ; ils sont accompagnés de colliers en émail et en
ambre et d’armes anciennes. J. G.
Pierres tombales de Willerval. — M. le comte Achmet
d’Héricourt vient de se créer de nouveaux droits à la recon¬
naissance des archéologues par le rapport qu’il a récemment
adressé à M. le préfet du Pas-de-Calais sur le projet de
restauration des pierres tombales de ^Yillerval (canton de
Vimy). Ces pierres sont au nombre de cinq. Celle dessinée
dans les Mémoires de l’Académie d’Arras en 1844 et faus¬
sement attribuée à Gérard de Sains, personnage resté popu¬
laire dans le pays, est la pierre tumulaire d’un chevalier
— 36o —
du XIII. e siècle, en demi-ronde bosse, sans inscription.
Longtemps reléguée à la porte de l’église , et depuis lors
admise dans le chœur , elle finirait , suivant les conclusions
de l’honorable rapporteur , par trouver place dans une cha¬
pelle , où viendraient aussi se ranger : 1." la véritable
pierre de Gérard de Sains , que M. d’Héricourt a été le pre¬
mier à signaler à l’attention de ses collègues de la Commis¬
sion des antiquités départementales ; S.'’ celle de Jean de
Sains. Ladite chapelle, qui prendrait le nom de la famille
de Sains , serait rétablie par les habitants « comme un sou¬
venir de la gloire de ces vaillants chevaliers et de leur géné¬
reuse libéralité. »
En face de *la pierre d’une certaine dame Mehaut, se
dresserait celle de Jean Mullet, en son vivant lieutenant du
comté de Willerval , et de Barbe Rumault , sa femme. M.
d’Héricourt joint au dessin que M. Robaut a levé de cette
dernière pierre, jusqu’ici peu connue, une description dont
nous reproduirons quelques traits. <• Les têtes des deux
époux reposent sur des coussins dont les pointes sont ter¬
minées par une houppe. Mullet est un beau vieillard, sa
! chevelure est abondante , il porte toute sa barbe , sa mous-
I tache est légèrement frisée. . . Il est vêtu d’un large man¬
teau , avec des crevés à la hauteur des genoux. Ses mains
sont jointes sur sa poitrine; des manchettes couvrent ses
i bras. Pour compléter riiabillement , citons des hauts-de-
I chausses , des bas renfermant des jambes fortes qui, écar¬
tées , montrent leurs nerveuses saillies , des souliers ronds,
un peu courts, qui surmontent des talons élevés. — Barbe
I a également les mains jointes sur la poitrine ; malgré les
treize enfants qui lui doivent la vie , elle paraît encore
jeune; les cheveux légèrement ondulés, les sourcils bien
prononcés, les traits réguliers, les yeux élevés au ciel ; sa
i bouche fine et, pour ainsi dire , souriante , nous montre
— 364 —
une de ces placides bourgeoises dont la Flandre a con¬
servé quelques types. C’est la matrone romaine , moins
l’énergie du caractère. » A. D.
MétéoroSoj^ie. Mois d’octobre 1869. — La tempéra¬
ture atmosphérique de la première moitié du mois d’octobre
fut assez élevée ; jusqu’au 15 , la moyenne des minima fut
de 10.” 63 , celle des maxima 17.° 63. Le 17 , le froid se fait
sentir sans transition , le vent souffle avec force de la région
N. ; le 27, le thermomètre descend à 0.” 4 et à 0.° 3, le 28,
en ville. Sur les places publiques, les boulevards et à la
campagne l’eau se couvrit d’une couche de glace épaisse de
3 à 4 millimètres. Du 16 au 31, la moyenne des minima fut
de 3.” 90, celle des maxima 9." 47. La température moyenne
du mois fut de 10.” 29 ; la moyenne de ce mois déduite de
15 années étant de 11.'’ 44. Le maximum absolu fut de
21. M, le 8.
Sous l’influence de cette température la tension moyenne
de la vapeur d’eau atmosphérique, qui en octobre est géné¬
ralement de 8 mill. 49, tombe à 7 mill. 35. L’air fut cepen¬
dant moins humide qu’ordinairement, car il ne renferma
que les 80/100 de la vapeur qui l’eût saturé à la température
moyenne que nous venons d’indiquer. L’humidité relative
moyenne en octobre est de 83, 38 °/o.
Le nombre des jours de brouillard fut de 28 , celui des
jours de rosée de 17. L’épaisseur de la couche d’eau météo¬
rique fournie par 23 jours de pluie fut de 77 mill. 90 , com¬
posée de 66 mill. 90 d’eau de pluie, 10 mill. 50 d’eau de
neige et 0 mill. 50 d’eau de grêle. Le nombre des jours de
pluie fut de 23. La chute de la neige eut lieu les 27 et 28 ,
elle fondit au fur et à mesure sur le pavé des rues, mais il
n’en fut pas ainsi sur les toits des maisons et à la campagne
où le 29 elle existait encore. La quantité moyenne d’eau qui
tombe ordinairement en octobre est de 67 mill. 756.
— 065 —
L’état hygrométrique des régions élevées de l’atmosphère
ne fut pas prononcé, car la hauteur moyenne de la colonne
barométrique qui en octobre est de 757 mill. 913 , fut cette
année de 761 mill. 318 oscillant entre les extrêmes 744
mill. 80 le 19 et 771 mill. 95 le 22. Les 18 et 19 le vent fut
tempétueux.
Quoique l’abaissement de la température ait eu pour effet
de diminuer l’évaporation , l’épaisseur de la couche d’eau
évaporée fut encore de 40 mill. 29 inférieure de 1 mill. 7
seulement à la moyenne générale (41 mill. 99). Ce résultat
est dû en partie à la faible humidité de l’air en contact avec
le sol et à l’intensité des courants atmosphériques, venant
particulièrement du S. et de l’O.
Les 10 et 11 , par un vent S. E., le ciel fut serein pendant
24 heures ; 12 jours il fut couvert et 17 demi-couvert.
Le 17 à minuit , il y avait un magnifique halo lunaire , et
le 19 à 3 heures du soir un halo solaire, suivis de pluie.
V. Meüreix.
Tremblement de terre. — Le tremblement de terre du 2
octobre que l’on a ressenti dans les provinces Rhénanes et
dans une partie de l’Allemagne s’est manifesté jusqu’à
Liège par l’oscillation des meubles dans les chambres.
Bolide. — Le l.^*" octobre de celle année un bolide fut
aperçu à Bruxelles , à Malines et à Kain , près de Tournai,
il se dirigeait de l’ouest vers l’est. Ce bolide a été observé à
Kain par M. Desrumeaux ; il l’a vu se briser en trois ou
quatre fragments après avoir parcouru un peu plus de la
moitié du ciel. Son volume apparent était peu considérable,
beaucoup plus grand que Jupiter cependant. Il brillait d’une
vive lumière blanche et laissait sur tout son parcours une
superbe traînée. Les fragments qui se sont détachés par suite
de l’explosion étaient d’un rouge vif. Le bruit ne s’est fait
entendre que 30 ou 40 secondes après l’apparition des éclats.
— 366 —
Le même bolide a été vu à Lille par M. Flament , ingé¬
nieur des ponts et chaussées. Nous extrayons les passages
suivants d’une lettre qu’il a écrite à M. Leverrier et qui a
été imprimée dans \e Bulletin de V Association scientifique
de France : Hier , 1.®*' octobre , vers 8 heures l!2 min. du
soir, j’ai vu un bolide traverser le ciel au-dessus de ma tête.
Le bolide se dirigeait du N. N. 0. auS.S.E. et sa trajectoire
faisait avec le méridien un angle que j’évalue approximati¬
vement à 30". Environ 2 min. et demie après l’avoir vu ,
j’entendis une forte détonation vers le S.S.E. Ce bolide m’a
paru avoir un diamètre apparent d’environ moitié de celui
de la Lune. Il n’était pas parfaitement rond, mais il avait la
forme d’une poire dont la partie la plus grosse se trouvait
en avant. Il laissait derrière lui une traînée de feu et d’é-
tincèlles.Ge bolide a été aperçu à Don et àHondschotte.
On a annoncé l’apparition d’un bolide à la même heure à
Bernay (Eure), mais comme il se dirigeait du N.O. au S.E.,
il est peu probable que ce soit le même météore. J. G.
Vente Hochart. — Catalogue des estampes et portraits.
Les amateurs se souviennent de la belle vente de livres
anciens et modernes , provenant du cabinet de feu M.
Hochart , qui a eu lieu à Lille au mois de mars dernier.
La vente des estampes et portraits de la même collection
s’effectuera le lundi 6 décembre , sous la direction de M. L.
Bégbin , Libraire cà Lille, à qui l’on doit un catalogue ,
fort bien fait , de ces deux séries de curiosités.
M. Hochart avait formé sa collection d’estampes et de
portraits avec plus de patience et plus d’amour encore que
celle de ses livres. Le nombre de pièces inscrites dans le
présent catalogue(elles s’élèvent à plus de 12,000 ^ leur va¬
leur intrinsèque et leur mérite de conservation, témoignent
des soins et des connaissances spéciales de leur possesseur.
La plupart des estampes et portraits de feu M. Hochart
— 56/ —
appartiennent aux trois derniers siècles : on y compte plus
de 300 portraits d’Houbraken , 135 d’Edelinck , 200 de
Nanteuil , 40 de Van Shuppen , 30 de Masson , 27 de Mo¬
rin , etc. Les Ecoles française , anglaise , allemande , ainsi
que celle des Pays-Bas , sont particulièrement bien repré¬
sentées dans cette collection , où l’on voit aussi figurer nos
meilleurs artistes lillois , Delvaux , Longueil , Helman ,
• Masquelier , les frères Vaillant. A. D.
Rentrée des Facultés. — La séance de rentrée des Facul¬
tés a eu lieu le 15 octobre , à Douai , sous la présidence de
M. Fleury , recteur de l’Académie.
M. le Recteur a rappelé , dans un discours d’ouverture ,
toutes les mesures prises depuis quelques années en faveur
de l’enseignement supérieur. 11 a ensuite accordé la parole
à M. l’abbé Dehaisnes, chargé , au nom du Jury , de faire
un rapport sur le concours d’Histoire.
La séance a été terminée par les rapports annuels des
Doyens des Facultés. Ils ont rappelé les cours qui ont eu
lieu l’année passée et annoncé ceux qui se feront pendant
la nouvelle année scolaire. Ils ont exposé les résultats des
examens et en ont profité pour adresser à la jeunesse de
sages conseils , dits éloquemment , écoutés avec plaisir ,
souvent même applaudis , mais bien rarement suivis. Ils
ont aussi indiqué les travaux publiés par les membres de
la Faculté dans le courant de l’année classique. La plupart
de ces travaux ont déjà été l’objet d’une notice particulière
dans ce Bulletin, mais il n’en a pas été de même des cours.
Les cours de la Faculté de Droit et de la Faculté des
Sciences ont un programme fixe , nous pouvons donc nous
borner à annoncer ceux qui doivent avoir lieu pendant
l’année scolaire 1869-70. Pour la Faculté des Lettres , le
programme étant plus élastique , il nous semble utile de
donner dans notre prochain numéro cette partie du rap¬
port de son savant Doyen (^). J. G.
Faculté des Sciences de Lille. (Cours publics du premier
semestre 1869-1870 ouverts le lundi 22 novembre 1869) —
Mathématiques pures et appliquées : les mardis et samedis,
à 9 h. du matin ; M. Guiraudet , prof., traitera du calcul
0) Ce Rapport paraîtra dans le Numéro prochain.
— 568 —
différentiel. Astronoinie descriptive : les mevcrecV\s> , à 8 h.
du soir ; M. Guiraudel , prof. , exposera les faits principaux
de rastronomie. Physique : les lundis et vendredis, à 8 li.
du soir ; M. Hanriot , prof. , traitera de la chaleur et de ses
applications. Chimie : les mardis et jeudis , à 8 h. du soir;
M. Charles Viollette, prof., traitera de la Chimie organique
et de ses applications. Histoire naturelle (Zoologie) : les
mardis et jeudis , à 6 h. et demie du soir ; M. Dareste de
La (diavanne, prof. , traitera des diverses questions qui se
rattachent à Tanatomie et aux appareils constitutifs des corps
chez les animaux. Histoire naturelle (Céologie et Minéra¬
logie) : les mardis, à 4 h. et samedis, à 8 h. du soir ; M.
Cosselet, prof. , traitera : 1." les mardis, des aluminates et
des silicates (Minéralogie) ; 2.° les samedis , des rapports de
la géologie avec l’agriculture et l’industrie locale. 11 exami¬
nera l’action sur le sol, de l’air, de la pluie, des cours d’eaux,
de la mer, etc. Puis il passera à l’étude des diverses subs¬
tances minérales qui se trouvent dans le Département ou
qui servent à son industrie, argiles, marbres, pierres à
bâtir, grès et sables, houille , tourbe , phosphate de chaux,
minerais. Il étudiera aussi les niveaux aquifères, les sources,
les puits ordinaires et artésiens. Quelques leçons faites sur
le terrain , seront consacrées à l’analyse minéralogique du
sol et à la construction de cartes agronomiques.
Cours complémentaires. — Littérature française : les
mercredis à 6 h. et demie du soir; M. Colincamp, professeur
à la Faculté des Lettres de Douai , s’occupera de la poésie
dans ses divers genres. Histoire : les samedis à 6 h. et demie
du soir; M. Chou, professeur d’Histoire au Lycée impérial
de Lille , étudiera riiistoire de la France et de FEurope
pendant la deuxième moitié du xviii.® siècle , et principale¬
ment les préliminaires de la Révolution. Dessin appliqué
aux Arts industriels : les dirnanclies à 8 h. et demie du
matin; M. Em. Vandemherg , architecte, traitera de l’art
de bâtir, appliqué aux divers genres d édifices publics.
Législation Commerciale : les samedis , à 8 h. du soir ; M.
Houzé de l’Aulnoit (Aimé), avocat, traitera : 1." des brevets
d’invention, 2." des marques de fabrique, 3.° des dessins de
fabrique , 4.° de la concurrence déloyale.
Le Gérant * E. Castiaux.
Lille , imp. Blocquel-Castiaux , grande place , 13.
N.° 12. — Décembre 1869.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
FACULTÉ DES LETTRES DE DOUAI.
Compte-rendu des Travaux de la Faculté (année 1868-69), lu par
le Doyen, M. Abel Desjardins, à la séance de rentrée.
Monsieur le Recteur, 3Iessieurs ,
En 1574, la ville de Leyde avait soutenu un siège mémo¬
rable , et son héroïque défense avait arraché à l’Europe un
cri d’admiration. Lorsque le siège fut levé, la généreuse cité,
invitée à fixer elle-même le prix de son sang versé , de ses
longues privations et de ses cruelles souffrances, sollicita
et obtint des Etats, comme récompense suprême, la création
d’une Université.
La nouvelle école , richement dotée , devint un foyer de
lumières ; ses professeurs comprirent l’étendue de la dette
qu’ils avaient contractée et ils l’acquittèrent : ces maîtres
célèbres s’appellent Juste-Lipse, Vossius, Heinsius, Hems-
terhuys, 3Ieursius, Gronovius, Boërhave et Scaliger : l’élite
des érudits et des savants des xvi.® et xvii.® siècles.
Notre vieille et chère cité flamande est digne d’apprécier
la conduite des bourgeois de Leyde, et leur requête ne la
surprendra pas. Je m’assure que, mise en demeure de ré¬
clamer une glorieuse récompense , elle agirait comme ils
ont agi. J’en ai pour garants et les manifestations de joie
populaire qui ont accueilli la création successive de vos
deux facultés , et la considération dont vous entourez les
membres de votre haut enseignement. Quelles obligations
ces bienveillantes dispositions et ces égards ne nous impo¬
sent-ils pas ? Aussi est-ce avec un légitime sentiment de
— 370 —
défiance , que , chaque année , au retour de celte solennité ,
je me demande si nous n’avons pas trompé votre attente,
et si nous avons bien rempli notre tâche. C’est une question
à laquelle il n’appartient qu’à vous de répondre , après
avoir entendu le compte-rendu fidèle de nos actes et de nos
travaux .
i.*'® Partie. — Enseignement.
1."' Section. — Cours publics.
§ i. Philosophie. — Le cours de l’an dernier a eu pour
objet la Théodicée.
Le professeur a d’abord envisagé la question par le côté
historique. Il a exposé les ïhéodicées les plus célèbres de
l’antiquité, celles de Platon, d’Aristote, de l’école stoï¬
cienne ; et reprenant tous les problèmes qu’il a énoncés, il
a essayé de les résoudre , comme il les entendait.
En avançant dans l’examen des diverses questions , il a
mis à profit toutes les lumières de la science spiritualiste
des contemporains, soit pour établir sa thèse, soit pour
combattre une science inspirée par des principes tout diffé¬
rents. Ce qui l’a surtout préoccupé, c’est la méthode. Il a
montré, pour prendre un exemple, que les savants qui
nient la causalité dans le monde physique et par suite dans
l’univers , ne peuvent répondre aux arguments tirés de la
psychologie. C’est donc à une question psychologique que
se ramènent toutes les questions générales sur Dieu, sur
Pâme et sur la nature. Ce qu’on dit de la cause , on peut le
dire de la finalité qui est un principe de la raison inexpli¬
cable , s’il ne s’applique à la vie humaine , au monde phy¬
sique et à Dieu. L’ordre de nos idées quand la logique y
préside représente l’ordre des choses. Tout ce qui n’est pas
pure abstraction dans l’esprit doit être en réalité au dehors.
C’est ainsi que l’on va de la notion d’infini à l’Etre infini ,
absolu, souverainement parfait, indépendant, personnel.
— 371 —
Le cours de celte année sera consacré à l’étude de la
Psychologie en Angleterre, aux xviii.'' et xix/ siècles.
On lit dans Stuart Mill : « Notre île a décidément re¬
conquis le sceptre de la psychologie. »
Le premier psychologue du xviii.e siècle pour M. Mill,
c’est Locke ; et l’analyse d’Alexandre Bain représente à ses
yeux le point le plus élevé où soit arrivée de notre temps
l’étude de l’esprit humain. C’est donc Locke et Bain qu’il
convient de prendre pour termes de comparaison.
Si l’on peut expliquer le succès de Locke par son dévoue¬
ment à la cause libérale à laquelle un philosophe doit tou¬
jours rester attaché, on peut aussi attribuer l’admiration
qu’il a inspirée à l’exposition facile et élégante d’une doctrine
un peu superficielle, qui devait séduire , et qui séduisit en
effet les gens du monde.
M. Tissandier montrera combien le psychologue contem¬
porain est supérieur à Locke par la finesse et la profondeur
de ses analyses et surtout combien il a mieux compris les
rapports du physique et du moral. Il voit mieux les difficul¬
tés , ce qui annonce un esprit plus philosophique ; mais il a
conservé quelque chose des timidités de l’Ecole écossaise ,
ce qui pourrait nuire à sa doctrine.
§ 2. Histoire. — Le professeur a fait, l’an passé, l’his-
toire des règnes de Henri III et de Henri IV. Il a retracé le
triste tableau des fautes, des vices et des folies du dernier
des Valois ; l’agitation stérile et coupable du duc d’Alençon ;
les menées criminelles des Guises ; les dangereuses tenta¬
tives de la Ligue ; l’impuissance avérée de Catherine de
Médicis, condamnée à vieillir dans le mépris et à mourir
dans l’abandon.
Il a été amené par la suite des événements à introduire
sur la scène deux souverains étrangers, Elisabeth et Phi¬
lippe II. Il s’est attaché à bien faire connaître ces deux per-
372 —
sonnages, abordant et discutant les problèmes qu’ont soule¬
vés les principaux épisodes de leur vie publique.
Revenant à l’bistoire nationale, il a dit les obstacles for¬
midables qu’a rencontrés Henri IV , et qu’il a affrontés et
surmontés avec tant d’énergie, de constance et de belle
humeur. Il a montré enfin combien , sous la tutelle d’un
bon prince, il faut peu d’années à la France pour panser
ses blessures , réparer ses pertes , et reprendre son rang à
la tête des nations.
Cette année sera consacrée à Fétude de la civilisation
athénienne. En nous faisant citovens d’Athènes, nous
essayerons, au point de vue religieux, d’apprécier le paga¬
nisme dans son expression la moins imparfaite ;
Au point de vue politique , d’étudier et de juger la démo¬
cratie dans son développement le plus complet ;
Au point de vue littéraire, de contempler l’art et la poésie
arrivés au plus haut degré de perfection qu’il leur ait été
donné d’atteindre.
§ 3. Littérature ancienne. — Le professeur se proposait
l’année dernière d’étudier les trois grands tragiques grecs ,
Eschyle, Sophocle, Euripide.
Forcé de se réduire il s’est occupé presque exclusivement
des deux premiers , en s’attachant principalement à faire
ressortir toute la valeur d’Eschyle, comme penseur et comme
poète dramatique.
Cette année , il étudiera la poésie épique chez les Grecs
et chez les Romains : « Quelque rabattu que semble le sol
d’Homère, écrivait naguère son dernier traducteur, quelque
nombreuses qu’aient été les explorations , on y découvre
toujours des trésors à recueillir. » C’est le privilège des
grands génies. Avant d’explorer à son tour cette mine iné¬
puisable, M. Courdaveaux mettra son public au courant des
travaux les plus récents de la critique , et s’arrêtera longue-
— 375 —
ment sur les problèmes historiques que soulèvent encore,
après tant de siècles , l’Iliade et TOdyssée.
§ 4. Littérature française. — Le professeur a fait , Tan
passé, l’histoire de la satire en France depuis ses origines.
Il a interrogé la littérature populaire de nos aïeux ; les
aventures de maître Isengrin dans le roman de Renart ,
l’amusante et multiple comédie qui se déroule dans nos
anciens Fabliaux , sont les sources auxquelles il a demandé
les plus abondants et les plus piquants détails. Est-il besoin
d’ajouter qu’il a eu soin de faire ressortir la vive originalité
de cette langue expressive et pittoresque, de ces vieux récits
gaulois dont l’allure et la forme sont déjà toutes françaises.
M. Colincamp se propose de tracer le tableau de la Comédie
française au xvii.® siècle. Nommer la comédie, c’est nommer
Molière; Molière, ce sujet toujours inépuisé: car dans ce
vaste génie se rencontrent en foule et admirablement expri¬
mées des vérités à l’usage de tous les âges de la vie , et de
toutes les sociétés civilisées. Le grand contemplateur n’oc¬
cupe pas seulement le premier rang parmi les poètes et les
moralistes , il est aussi le plus français de nos écrivains , car
il a toujours le style de sa pensée. Placer Molière dans son
milieu, l’envisager sous tous ses aspects , apprécier tous ses
mérites, tel sera le principal objet des cours de cette année.
§ 5. Littérature étrangère. — Le professeur a fait, l’année
dernière , l’histoire de la poésie narrative en Angleterre.
Après un examen rapide des poètes antérieurs au xiv.*^
siècle , époque à laquelle la langue anglaise s’est formée , il
a étudié les nombreux poètes narrateurs qu’a produits l’An¬
gleterre , depuis Chaucer jusqu’à lord Byron , en insistant
particulièrement sur Spenser , Milton , Butler , Pope et
Walter Scott.
Il se propose , cette année, de faire l’histoire de la Société
littéraire en Allemagne, depuis le milieu du xviii.® siècle.
— 374 —
C’est une étude qu’il croit nouvelle et digne d’intérêt. Il
voudrait montrer l’action réciproque de la société sur la
littérature et de la littérature sur la société : il racontera la
vie des poètes et des penseurs ; il essaiera de peindre les
divers centres, — villes libres, petites cours, Universités —
où s’est produit le mouvement littéraire ; il décrira la trans¬
formation des mœurs allemandes sous l’influence des idées
mises en circulation par les auteurs du xviii.® siècle. De
cette façon s’expliquera naturellement le contraste singulier
qui existe entre l’Allemagne d’auliviois cl rAllemagne
d’aujourd’hui , contraste qui a frappé tant d’historiens , et
dont on n’a pas encore tenté, croyons-nous, de rechercher
les causes.
Ainsi l’un de nous , M. Killehrand , vous introduira
au sein de la Société littéraire allemande.
Un autre , notre philosophe , vous conduisant en Angle¬
terre vous fera connaître les travaux les plus importants et
les plus récents des psychologues de ce pays.
Avec nos deux littérateurs vous serez admis, en France,
dans rintimilé de Molière ; en Grèce, dans la société d’Ho¬
mère. Notre historien vous invitera à passer l’année dans
l’Athènes antique.
Nous avons l’espoir que vous serez fidèles à tous ces rendez-
vous. Et vous étudiants ? Je vous dirai l’année prochaine
combien il s’est trouvé de jeunes Athéniens à Athènes.
2.® Section. — TRAVAIX PARTICULIERS DES PROFESSEURS
Un cours digne du public éclairé qui nous entoure ne
s’impi'ovise pas: il doit être précédé de patientes recherches
et de longues méditations ; h ce premier travail s’ajoute le
labeur des examens, l’inspection des classes des Lycées, la
correction des compositions du concours , les conférences
destinées aux candidats à la licence et aux diverses agré¬
gations , nos rapports avec nos correspondants. Tant d’oc-
— 375 —
cupations semblent devoir absorber tout notre temps et ré¬
clamer tous nos soins.
Cependant , en nous imposant la loi de mentionner dans
notre compte-rendu annuel nos travaux particuliers , le
règlement ne nous invite-t-il pas à ne pas négliger les
œuvres d’érudition et de critique qui peuvent nous donner
droit de cité dans le monde savant ?
Nous avons essayé de répondre à cette invitation tacite :
Dans une série d’articles accueillis par la Presse^ M. Co-
lincamp a fait une étude approfondie des plus célèbres
écrivains de l’Académie française.
M. Courdaveaux a publié dans la Revue moderne une étude
sur le poète latin Stace.
M. Hillebrand a fait paraître dans des revues savantes et
dans des recueils périodiques de nombreux articles de cri¬
tique et de philologie.
M. Tissandier a réuni en un volume quelques leçons de
Théodicée qu’il a faites ou qu’il devait faire à la Faculté.
Deux mémoires du professeur d’histoire (^) ont été insérés,
l’un dans le viii.® volume (2.® partiejdes Mémoires de l’Aca¬
démie des inscriptions et belles-lettres , l’autre dans le
dernier volume des Mémoires lus à la Sorbonne.
Nous adoptons volontiers pour devise le dernier mot
d’ordre de l’empereur romain : Travaillons , Laboremus.
Le travail est notre loi , et celte loi nous parait douce.
Nous aimons notre profession, parce que nous l’avons
choisie ; et notre position , parce que nous l’avons conquise ;
parce que nous n’en connaissons pas qui offrent plus de
garantie d’indépendance et de dignité ; parce qu’elle nous
permet d’habiter des régions sereines où les intérêts mes¬
quins n’ont nul crédit , et les petites passions nul accès ; où ,
selon le vœu du sage , nous vieillissons en apprenant tou-
(1) M. Desjardins, doyen de la Faculté et auteur du rapport.
— 376 —
jours , et où notre fortune littéraire s’accroît à mesure
qu’elle se dépense ; où nous ne connaissons entre nous ,
d’autre supériorité que celle du savoir, du talent et du carac¬
tère : aussi , Messieurs , ne nous sentons-nous pas le cou¬
rage de déserter notre culte et d’abandonner notre foyer ,
qui est le vôtre.
SOCIÉTÉ d’agriculture, SCIEA'CES et arts de douai
Le lo germinal an vu (4 avril 1799) fut in<itituée à Douai
la Société d’agriculture du départeucent du Nord. Le
ventôse an IX (16 mars 1801) elle se fondit avec la Sodété
libre des amateurs des sciences et des arts et prit , dès-lors ,
le titre qu’elle a conservé jusqu’aujourd’hui.
La Société compte , parmi ses membres honoraires de
droit, les autorités civiles , ecclésiastiques, militaires, judi¬
ciaires et académiques. Elle possède aussi des membres
honoraires élus dont nous donnons plus bas la liste.
Voici quelle était sa composition au 1.®" janvier 1869.
Bureau :
M3I. Maurice conseiller général ; président.
Fleury recteur de l’Académie ; 1." vice-président.
Preux avocat général; ^.^vice-président.
MaugiXi docteur en médecine ; secrétaire-général.
Corxe fils , 1 secrétaire-adjoint.
Moxtée, 2.® secrétaire-adjoint.
De Guerxe (comte) économe.
Paix , trésorier.
Brassart, Félix ; archiviste.
Membres honoraires élus :
MM. Daix, propriétaire.
Preux père ^ , l.^’’ président honoraire de la Cour
impériale de Douai.
Quexsox présid. honor. du tribunal à Saint-Omer.
Bagxéris père , docteur en médecine.
Daxel O ^ , président honoraire à la Cour impériale.
Plazaxet colonel du génie en retraite.
— 377 —
Tailliar président honoraire à la Cour impériale.
Lagarde conseiller honoraire à la Cour impériale.
Lequien # , docteur en médecine.
Dubois, Auguste ancien sous-intendant militaire.
Bigaint ^ , ancien magistrat.
CoR?<E père, ancien député.
Foucques de Vagnoinville , propriétaire.
Bourlet (l’ahhé).
Cahier président de chambre à la Cour impériale.
Vasse, chimiste, adjoint au maire de Douai.
Nutly , juge-de-paix.
Bagnéris fils docteur en médecine.
De Mai^goval, propriétaire.
CouRTix conseiller honoraire à la Cour impériale.
Talon , avocat , professeur à la Faculté de droit.
Petit ^ , président honoraire à la Cour impériale.
Thurin, propriétaire.
Membres résidants :
MM. Minart , conseiller honoraire à la Cour impériale.
Fiévet , conseiller à la Cour impériale.
Delplanque , médecin-vétérinaire.
Dupont , Alfred , aAmcat.
Mercklein professeur à Pécole d’artillerie.
Meurant , architecte.
De Guerne, Frédéric, propriétaire.
Asselin maire de Douai.
Leroy , Emile , ancien maire.
Delannoy, docteur en médecine.
Butruille, industriel.
Offret , professeur de physique au Lycée impérial.
Dehaisnes (l’ahbé) , archmste de la ville.
Tarlier , propriétaire, maire de Lamhres-lez-Douai.
Luge , propriétaire , maire de Courchelettes.
Maurice fils, avocat, juge suppléant au tribunal de
première instance.
Bicour , profes. de mathématiques au Lycée impérial.
Moy , professeur de rhétorique au Lycée.
Duchet , proviseur du Lycée.
Evrard , ingénieur civil.
Gentil, juge au tribunal.
Francoville, substitut du procureur-impérial.
Frey, pharmacien de première classe.
3/8 —
Mémoires de la Société 2.® série , t ix.
SCIENCES. (^)
Observations météorologiques ^ par M. Offret. — Ce mé¬
moire résume les observations des années 1866 et 1867 ;
Fauteur le termine par quelques considérations générales
intéressantes. Il modifie la moyenne barométrique de Paris
telle qu’elle est donnée dans les ouvrages de physique et
de météorologie et, se basant sur une période de 50 années
d’observations , il la fixe à 761 mill. 9 ( 762 mill. 20 si on
tient compte de la gravité) ; celle de Douai est 761 mill. 05
(761 mill. 57 avec la gravité). La quantité moyenne de
pluie tombée à Douai est d’après le résultat de 3 années
d’observations ( 1865 , 1866 , 1867) de 687 mill. 2. Celle de
Lille d’après une période de 17 années serait 676 mill.
La moyenne de Paris , déduite de 21 années d’obser¬
vations est 584 mill. Notons que la quantité de pluie
n’est pas en rapport avec le nombre de jours pluvieux ; il
tombe plus de pluie dans le midi de la France que dans le
nord bien qu’il y pleuve plus souvent. Il y a en moyenne à
Douai 163 jours de pluie par an. A Lille il y en a 206.
V Institution smithsonienne de W ashington, par M. Offret.
— L’Institution smitlisonienneaété fondée par le testament
d’un M. Smitbson.
« Je lègue aux Etats-Unis d’Amérique une somme de
515,169 dollars (2,653,121 fr.) pour fonder à Washington,
sous le nom d’institution smithsonienne, un établissement
destiné à augmenter et à répandre les connaissances scien¬
tifiques. Le genre humain tout entier doit bénéficier de ce
legs. Le Gouvernement des Etats-Unis n’est qu’un déposi¬
taire chargé d’accomplir le mieux possible les désirs du
testateur. »
M. Offret résume les publications et les travaux que l’on
doit à cette institution. J. Gosselet.
(1) Il sera rendu compte , dans le prochain Bulletin , des articles
HISTOIRE ET LETTRES que renferme le présent volume de Mémoires.
— 379 —
Etudes tératologiques sur la Polydactylie^ par M. Del-
planque. ~ La Polydactylie est la multiplication du nombre
normal des doigts. Dans ce travail l’auteur ne s’est pas con¬
tenté d’étudier un très-grand nombre de faits nouveaux,
il les a comparés à ceux qui existaient déjcà dans les recueils
scientifiques et il a cherché à examiner les diverses théories
que l’on a imaginées pour rendre compte de cette augmen¬
tation de nombre de certaines parties.
11 est impossible, de rattacher la polydactylie à une règle
générale , car l’augmentation du nombre des doigts peut
tenir à des causes différentes. En effet, dans certains cas elle
n’est qu’apparente et résulte seulement du développement
complet d’organes qui dans l’état normal restent rudimen¬
taires. C’est ce qui arrive par exemple pour les chevaux à
trois doigts. On conçoit que dans ces conditions, la poly¬
dactylie n’est autre chose qu’un retour au type général de la
classe. Cette explication n’est pas absolument nouvelle, mais
M. Delplanque a contribué particulièrement à en démontrer
l’exactitude.
Ces faits n’embrassent toutefois qu’une très-petite partie
de la polydactylie. Dans beaucoup de cas, l’existence de
doigts surnuméraires réalise un type nouveau et qui ne rap¬
pelle en rien le type général de la classe.
M. Delplanque n’a pas plus que ses devanciers expliqué
la formation et Texistence de doigts surnuméraires de cette
dernière catégorie. Il y a là une question tératologique qui
semble n’avoir pas une très-grande importance par elle-
même, puisque l’augmentation du nombre normal des
doigts est, au point de vue physiologique , un fait presque
‘ insignifiant. Mais on l’a rattachée aux problèmes les plus
élevés de l’histoire naturelle et de la philosophie. En effet
certains partisans du transformisme et de l’origine com¬
mune de tous les êtres ont vu dans cette multiplication acci-
— .580 —
dentelle des doigts chez les mammifères , un retour au type
des poissons , où les rayons des nageoires sont au nombre
de plus de cinq à chaque membre. Quoiqu’on puisse penser
de cette théorie on peut dire que la polydactylie est restée
jusqu’à présent en dehors de toute explication rationnelle.
Le mémoire de M. Delplanque qui contient un grand nombre
de faits bien observés et bien décrits pourra fournir dans
l’avenir d’importantes données pour la solution du pro¬
blème. Dareste de la Chavanne.
Notice sur remploi régulier de la contre-vapeur pour
modérer la vitesse des trains, par M. Aug. Ricour. — L’au¬
teur s’est proposé de faire connaître dans cette notice une
invention de la plus haute importance pour le chemin de
fer et qui est due, pour une forte part, à son frère M. Théo¬
phile Ricour, ingénieur des ponts-et-chaussées et ingénieur
en chef de la traction au chemin de fer du Nord de l’Es¬
pagne.
Depuis longtemps on emploie la contre-vapeur pour
produire rapidement l’arrêt d’un train ; mais cet emploi
était sujet à de très-graves inconvénients pratiques , et le
mécanicien y avait recours seulement en cas de danger
évident , et à la dernière extrémité. C’est ce qu’il est facile
de comprendre. Renverser la vapeur consiste à changer la
rotation entre le mouvement du tiroir et celui du piston ,
de manière que le piston continuant toujours à se mouvoir
de même , conduit par la roue motrice en raison de la force
vive du train, la vapeur arrive de la chaudière à chaque
instant du côté où aurait lieu l’échappement dans la marche
ordinaire : sa pression s’oppose au mouvement du piston et
produit un travail négatif qui diminue d’autant la force vive
et par suite la vitesse du train. Mais quand la vapeur tra¬
vaille ainsi par devant le piston , elle est comprimée par lui
— 381 —
et cette compression l’échauffe jusqu’au point de brûleries
garnitures et de faire gripper les tiroirs et les articulations.
De plus l’espace situé derrière le piston est en communica¬
tion avec l’extérieur, c’est à dire avec la cheminée dans
une locomotive , et l’air chaud est aspiré dans le cylindre ,
puis , au coup de piston suivant, refoulé dans la chaudière ,
où la pression s’élève de telle manière que les soupapes de
sûreté deviennent insuffisantes et qu’il y a danger d’explo¬
sion.
On voit que la répugnance des mécaniciens à employer
la contre-vapeur comme frein était parfaitement motivée.
Différents ingénieurs avaient essayé de diminuer cet incon¬
vénient, entre autres M. le Chatélier qui avait indiqué une
partie des vues théoriques auxquelles est due la véritable
solution, mais sans arriver à une pratique satisfaisante.
L’honneur de la réalisation complète de cette solution est
due à 31. Th. Ricour.
Si au lieu d’aspirer de l’air et des gaz chauds dans les
cylindres , on les remplace par de la vapeur prise sur la
chaudière, le refoulement de cette vapeur dans la chaudière
ne produira plus l’élévation de pression causée par les gaz
non liquéfiables. On fera donc arriver par un tube spécial
de la vapeur dans la tuyère ordinaire d’échappement. De
plus, afin d’éviter réchauffement des cylindres, on fait
arriver de l’eau prise dans la chaudière dans ce même tube
qui amène la vapeur ; cette eau se trouve alors aspirée en
même temps que la vapeur, pendant la marche en avant
du piston; puis, au coup de piston suivant, lorsque la com¬
pression a lieu du côté où elle a pénétré, la chaleur pro¬
duite est employée à la vaporiser au lieu d’être absorbée
par les cylindres et de les échauffer d’une manière fâcheuse.
C’est celte partie très-importante de l’invention qui appar¬
tient à 31. Th. Ricour.
— 582 —
Par cette disposition la machine locomotive, qui dans la
marche ordinaire utilise la chaleur pour donner au train
qu’elle remorque la force vive qui correspond à la vitesse
de marche et pour vaincre les autres résistances, devient
une sorte de machine inverse, transformant en chaleur la
force vive quand on veut arrêter le train, ou bien le travail
de la pesanteur quand on veut modérer la vitesse dans une
descente.
Ainsi dans une descente on règle la vitesse du train , on
l’arrête même et pendant ce temps loin de brûler du com¬
bustible, la machine entretient sa température et sa pression
par son travail intérieur et écoule même constamment un
excès de vapeur dans la cheminée.
Il nous est impossible de donner sur cette magnifique
application de la théorie mécanique de la chaleur les détails
qu’elle mériterait; et il nous suffit d’en indiquer l’idée
principale.
La disposition pratique imaginée par M. Th. Ricour pour
réaliser son invention est aussi simple qu’efficace ; elle
consiste en un tube de prise de vapeur dans lequel débouche
le petit tube qui sert ordinairement à purger le niveau
d’eau ; les deux tubes sont munis de robinets placés sous la
main du mécanicien, qui n’a qu a les ouvrir dès qu’il veut
renverser la marche de la vapeur. Une expérience de deux
années permet maintenant de considérer cetappareil comme
toul-à-fait complet.
Pour les lignes sur lesquelles se trouvent de nombreuses
pentes d’un long parcours , cette invention est d’une impor¬
tance extrême; pour la seule ligne du Nord de l’Espagne
elle donne lieu à une économie de près de 200,000 francs
par an.
Nous devons ajouter que le désinléressement de l’inven¬
teur a contribué puissamment à faire adopter son système
— 583 —
par les compagnies françaises. M. Th. Ricoiir n’a pas voulu
prendre de brevet en France, satisfait d’avoir résolu un
problème aussi utile dans la pratique que curieux au point
de vue de la théorie de la chaleur. Guiraudet.
SOCIÉTÉS SAVANTES DE DOUAI , CAMBRAI ET DUNKERQUE-
Séances publiques.
La séance publique de la Société des Sciences de Douai a
eu lieu le 7 novembre 1869. Elle a été ouverte par un dis¬
cours du président , M. Maurice père , sur la Suppression
des octrois.
Après la lecture du compte-rendu des travaux de la
Société, fait par le secrétaire-général, la parole a été donnée
à M. Evrard pour lire un rapport sur le concours des sciences
exactes et naturelles. Une médaille de 400 fr. a été accordée
à M. Aimé Parsy, inspecteur principal et chef du service des
eaux de la ville de Lille , auteur d’un mémoire sur une ali¬
mentation d’eau potable pour la ville de Douai.
M. Vasse, au nom de la Commission d’agriculture, lit un
rapport sur un autre sujet de concours, qui était la rédaction
d’un Manuel élémentaire d' agriculture et d'horticulture à
Vusage des écoles rurales de V arrondissement. Deux mémoi¬
res avaient été présentés ; un troisième, envoyé malheureu¬
sement après le délai fatal du 15 juillet, n’a pu être admis à
concourir. Le mémoire n." 2, qui renferme une exhibition
nombreuse mais un peu confuse de faits et de vues agrico¬
les , a paru à la Société sortir du programme tracé par elle.
Le mémoire n.'’ i, rédigé dans les termes et dans l’esprit
de ce programme , recommandable en outre par son style
simple , clair et concis , a été jugé digne de la médaille de
200 fr. Il a pour auteur M. Delsart , ancien élève de l’école
normale de Douai , professeur de la classe primaire au
Lycée impérial de cette ville.
— 584 —
M. le secrétaire-général proclame ensuite les noms des
lauréats du Concours agricole de Radies.
M. le président remet àM. Manier, horticulteur à Cuincy,
lun des lauréats de la Société, la médaille d’or, que, sur un
rapport de la Compagnie, M. le ministre de l’agriculture lui
a décernée pour les services par lui rendus, en vulgarisant,
dans ses conférences publiques et gratuites, les progrès qu’il
avait fait faire à l’arboriculture. J . G.
Nous avons rendu compte (Bulletin^ p. 262) de la séance
publique de la Société cVEmulation de Cambrai qui a eu
lieu le 18 août 1868. Cette Compagnie a tenu, le 21 novem¬
bre dernier , sa séance publique de 1869.
M. Wilbert, président, a ouvert la séance par un dis¬
cours dans lequel il a passé en revue les travaux accomplis
au sein de la Société depuis deux ans. Il a terminé par
quelques mots de regrets pour chacun des membres que la
Compagnie a perdus dans cette même période.
M. Blin , au nom de la Commission d’histoire, a ’ensuite
apprécié la Notice historique sur la ville de Solesmes en
Hainaut, présentée au concours par M. Victor Ruffin, de
Solesmes, commis de première classe à la grande chancellerie
de la Légion d’honneur. Cette œuvre a été jugée digne
d’une médaille d’argent.
M. Hattu , rapporteur de la Commission de poésie, s’est
étendu sur les mérites des 29 pièces envoyées au concours,
parmi lesquelles la Commission a distingué Pégase et le
Cheval de course, satire par M. Julien Baillière, bibliothé¬
caire à la Sorbonne ; la Veuve , par M.""" Mélanie Bourotle,
de Guéret. La première de ces pièces a obtenu une médaille
de vermeil , la seconde une médaille d’argent.
M. Durieux, secrétaire-général, a présenté ensuite le
rapport sur le concours de moralité. Il a énuméré les titres
— 585 —
des trois candidats proposés pour les récompenses que la
Société décerne annuellement aux ouvriers industriels.
La Société Bunkerquoise a tenu , le 6 décembre dernier ,
sa séance publique annuelle.
M. Cousin, président, a prononcé un discours dans lequel
il a rendu un hommage mérité à deux membres que la
Société a eu le regret de voir s’éloigner de Dunkerque:
MM. L’Hote et Delègue. Il a esquissé , en termes que nous
demandons la permission de reproduire , la biographie de
M. Bédouin , l’une des notabilités littéraires de la région
du Nord.
Né à Boulogne en 1789 , M. Bédouin se fit inscrire au
barreau de cette ville, dès qu’il eut été reçu avocat : il y brilla
bientôt par son talent et de spirituelles plaidoiries; devenu
bâtonnier de l’ordre , il était réélu chaque année ; les de¬
voirs de la noble profession qu’il remplissait si bien , ne
l’empêchaient pas de se livrer au culte des lettres et des
arts. Ecrivain correct, poète et artiste plein de goût , il a
publié des œuvres de genres bien différents ; elles concer¬
nent l’histoire, l’archéologie, la poésie, le drame ou la
musique. Sa maison de Boulogne dont il avait fait , pour
ainsi dire, un musée, s’ouvrait à toutes les notabilités
scientifiques , littéraires ou artistiques. Le nombre de ses
relations avec les savants était considérable. M. Bédouin
aimait Dunkerque où , de 1840 à 1850 , il venait de temps
en temps : il y comptait pour amis tous ceux qui avaient été
à même de le voir et d’apprécier le charme de son esprit.
Aussi, avait-il accepté avec reconnaissance le titre de mem¬
bre correspondant qui lui donnait un lien de plus avec
notre belle cité.
M. Güthlin , secrétaire perpétuel , a ensuite retracé les
travaux de la Société pendant l’année qui vient de s’écouler.
M. Mordacq a lu le rapport sur le concours de poésie.
La Société a eu , cette année, la bonne fortune de pouvoir
décerner une médaille en vermeil à un Dunkerquois , M.
Bilaire Comignan, auteur de deux odes intitulées : Dun-
— oSG —
kerque^ son passée son présent et son avenir. Une autre
médaille de vermeil a été attribuée à M. Henri Galleau , de
Paris, lauréat de plusieurs Académies de province.
Le concours de peinture , ouvert , celte année , par la
Société Dunkerquoise, a eu un véritable succès. Des artistes
distingués de France, de Hollande et de Belgique, s’y étaient
donné rendez-vous. Voici les principales récompenses qui
ont été décernées aux exposants :
1. " Une médaille d’or, premier prix, à M. Everliardus
Rester, d’Harlem.
2. " Une médaille de vermeil , deuxième prix , à M. Fran¬
çois Musin , de Bruxelles.
^ *
3. “ Une médaille d’argent , première mention très-hono¬
rable , à 31. Auguste Corkole, de Gand.
4. ° Une médaille d’argent, deuxième mention très-hono¬
rable , à 31. Benjamin Damman , de Dunkerque, à Paris.
O.'" Une médaille d’argent, première mention honorable,
k 31. Victor Verloet , de 3Ialines.
6." Une médaille d’argent, deuxième mention honorable,
à 31. Auguste De Wilde , de Saint-Nicolas (pays de Waes).
A. D.
ACADÉMIE DE BELGIQUE
Travaux courants
Le bulletin des travaux de cette classe est presque entiè¬
rement consacré aux phénomènes météorologiques. Ainsi
31. Quetelet présente les Observations d'orages du juin
au l.®" octobre faites à Ostende, Bruxelles, 3Ialines, Anvers,
Louvain, Gerpinnes. Il constate que leur marche esta peu
près uniforme et qu’ils sévissent en général sur une étendue
assez grande de pays. « Dans les temps antérieurs, ajoute-
t-il , plusieurs des principaux orages qui ont été remarqués
tels que ceux du 14 au lo avril 1718 et du 19 février 1860
qui ont frappé chacun de 20 à 30 clochers, se formaient
dans le nord de la France et au nord de la Loire et se diri-
— 387 —
geaient vers notre pays pour aller mourir sur les frontières
de l’Allemagne et de la France. »
Le savant secrétaire a aussi présenté les Observations
(Vétoiles filantes du mois d'août 1869 faites à Bruxelles et à
Louvain ; ces dernières sont dues à M. Terby. Il a remarqué
que souvent les étoiles marchent par groupe de deux ou
trois ayant des directions parallèles et se suivant à de très-
courts intervalles. Dans les nuits du 10 et du il août il a
observé 73 étoiles filantes qui pour une grande partie
semblaient émaner des constellations de Persée et de Cas¬
siopée. _ _ J. G.
COM311SSIOX DES A?<TIQT:ITÉS DÉPARTEMEINTALES du PAS-DE-CALAIS
Travaux courants.
Dans notre N.° iO [Bulletin,]). 118 ) , nous avons inséré
un compte-rendu sommaire de l’importante découverte ré¬
cemment faite à Marœuil-les-Arras. Nous pouvons aujour¬
d’hui en entretenir plus longuement nos lecteurs d’après le
rapport lu en novembre , à la Commission des antiquités
départementales du Pas-de-Calais, par M. Paul Lecesne.
Dans les premiers jours de juillet dernier , un sieur Loubry
ayant rencontré , en faisant des fouilles pour la fondation
de sa maison, un grand nombre de squelettes et d’objets
anciens, M. Topart, maire de 3Iarœuil, prit, conformément
à la circulaire préfectorale du 4 décembre 1867 , qui a pro¬
duit de si heureux résultats, toutes les mesures nécessaires
pour la conservation de ces antiquités. Il avertit donc M. le
préfet qui, le samedi 10 juillet, délégua M. Paul Lecesne
au nom de la Commission des Antiquités départementales,
pour aller étudier sur l’emplacement même ces curieux
restes. Arrivé dans Paprès-midi à 3Iarœuil , M. Lecesne se
rendit, accompagné de M. Topart dont la complaisance
égale le zèle , dans le champ où avaient eu lieu les décou¬
vertes. Le propriétaire et les ouvriers qui avaient fait la
trouvaille y étaient en ce moment réunis.
Le terrain renfermant tous ces objets est situé à l’angle
de deux chemins , dans une petite vallée peu distante du
— 588 —
camp dit de CésaràEtrun. D’après les dires des habitants,
on aurait, à des époques assez éloignées déjà , extrait dans
cet endroit des squelettes accompagnés d’objets anciens ,
mais ces découvertes n’avaient pas été régulièrement cons¬
tatées.
Sur les interrogations adressées au sieur Loubry et à ses
ouvj'iers , voici les renseignements qui furent recueillis : en
enlevant les lei res nécessaires pour creuser uiïe cave , on
était tombé sur vingt-deux squelettes plus ou moins bien
conservés. Tous avaient été enterrés sans cercueil , et une
quinzaine avaient un pot placé auprès d’eux. Pas d’orien¬
tation, mais deux lignes transversales, ou plutôt deux sillons
qui se coupaient précisément à l’endroit des fouilles. La
plupart des corps étaient placés sur le ventre ; on en avait
trouvé jusqu’à trois superposés. La profondeur des inhuma¬
tions variait de 1 m. 40 à 60, et l’on avait remarqué que
les ossements indiquaient des individus de haute taille.
Cette visite faite, àl. Lecesne se transporta chez le sieur
Loubry, qui lui montra les objets extraits; ils se compo¬
saient de douze pots en terre ou en grès dont les formes
étaient extrêmement variées , une casserole en cuivre , un
fer de lance , deux fers de javelots, une hache en fer, trois
boucles d’oreilles dont une paire composée d’un cube en
argent tordu, d’une boule en cristal grosse comme le pouce
et portant encore un morceau de l’anneau qui servait à la
suspendre, une sorte d’anneau en argent, deux boucles
d’argent très-détériorées , une série de boules de verre
émaillé de différentes formes et couleurs , et accompagnées
d’une amulette ; enfin beaucoup d’autres objets, mais pour
ainsi dire à l’état de débris.
M. Lecesne avait acquis , lors de sa visite , la conviction
que le lieu de la découverte et le champ environnant devaient
contenir un vaste cimetière. Il proposa au propriétaire de
laisser fouiller son champ moyennant une indemnité , et
en abandonnant d’avance toutes les chances de trouvaille.
Le soir même il faisaitpart de ses espérances à M. le préfet,
et ce magistrat , séance tenante, écrivait au maire de Ma-
rœuil pour le remercier de son concours et le prévenir que
dès le lundi 12 juillet les travaux commenceraient.
En effet, ce jour, M. Debuire, piqueur du service vicinal,
suivi d’une brigade d’ouvriers capables et intelligents , se
mettait à l’œuvre. Les fouilles ont amené la découverte des
magnifiques objets qui sont sous les yeux de la Commission.
— 389 —
M, Lecesne rend hommage au soin avec lequel M. Debuire
s’est acquitté de sa tâche , et dépose sur le bureau les docu¬
ments suivants :
1. " Un plan indiquant toutes les tranchées pratiquées ;
2. ° Un travail explicatif;
'3.° Un tableau énumérant jour par jour les trouvailles et
la surface explorée.
Il donne ensuite lecture des pièces envoyées par le service
vicinal. En voici le résumé :
Du 12 juillet au 12 août, cinq tranchées ont été ouvertes ;
on y a découvert :
213 squelettes, 76 pots de terre ou de grès , 3 vases en
verre, 7 haches, 22 lances , 7 javelots, 1 bouclier, o scram-
sax, 4 boucles de ceinturon, 11 boucles de diverses gran¬
deurs, 4 boucles de ceinturon, 11 boucles de diverses gran¬
deurs , 4 boucles d’oreilles , 1 paire de ciseaux en fer forgé,
1 bague chevalière, 1 pince épilatoire,4 épingles à cheveux,
très-belles, 1 vase en cuivre doré, 2 anneaux en cuivre ,
1 pièce de cuivre plaqué, une quantité de verroterie.
M. Lecesne appelle tout particulièrement l’attention de
la Commission sur l’exactitude minutieuse avec laquelle la
position des cadavres et des objets a été relevée , et sur la
clarté du rapport rédigé par les agents-voyers.
Il fait connaître ensuite que 31. le préfet s’est aussi préoc¬
cupé des résultats que pouvait avoir pour la science anthro¬
pologique, les découvertes de 3Iarœuil , et que 31. le docteur
ïrannoy , professeur de l’école de médecine d’Arras , a été
spécialement délégué pour examiner les ossements extraits.
Le savant rapport du docteur ïrannoy embrasse toute la
question anatomique, qui est discutée avec une précision
parfaite. Les conclusions tendent à établir que si l’on a
trouvé quelques squelettes qui ont dû appartenir à des hom¬
mes de 1 m. 93,1 m. 83, 1 m. 73, la moyenne des ossements
n’indique pas cependant une race d’une taille de beaucoup
plus élevée que celle actuellement existante.
31. Lecesne cherche ensuite à déterminer la date approxi¬
mative du cimetière de 3Iarœuil. Plusieurs considérations
peuvent servir à éclairer les points en discussion.
D’abord, les ossements sont en général de trop haute
taille pour appartenir à des soldats romains, ils doivent
donc provenir de Barbares du Nord.
En second lieu, absence de monnaies, contrairement à ce
qui aurait eu lieu dans un cimetière romain.
— 390 —
Troisièmement, la proximité du camp d’Etrun. En effet,
ce camp, soit qu’il remonte ou non à César, présente les
caractères des castra des derniers temps de l’Empire, tout
le prouve, la hauteur du parapet, la situation au confluent
de deux rivières. L’analogie est frappante avec les camps
décrits dans les lois du Code Théodosien. En effet , en se
reportant à ce recueil de législation, l’on voit que sur toutes
les frontières de l’Empire étaient des Barbares qu’on nom¬
mait Lètes , Lœti. Il y en avait de toutes les nations : Francs,
Goths, Saxons, Arabes, Ethiopiens; on leur concédait des
terres, et en échange ils contractaient l’obligation de dé¬
fendre le pays. La plupart le firenl nvec dévouement et
furent écrasés lors des invasions. D’après cette idée le cime¬
tière de Marœuil ne serait que celui des Lètes préposés à la
garde du camp d’Etrun. De quelle race étaient ces Lètes?
Ici aucun doute n’est possible. En rapprochant les armes
trouvées de toutes celles que l’on connaît jusqu’à présent,
on acquiert la conviction que ce sont des armes franques.
Ce qui confirme encore cette opinion, c’est la découverte
encore toute récente d’un umbo de bouclier identique à
ceux qui sont reconnus partout pour avoir appartenu à des
guerriers franks. Du reste, M. Lecesne s’appuie sur le témoi¬
gnage du général Bellecourt, dont le nom fait autorité pour
tout ce qui concerne l’histoire des armes. Ce savant archéo¬
logue n a pas hésité à déclarer que l’on se trouvait en
présence d’armes franques.
Après achèvement de la lecture du rapport de M. Lecesne,
M. Terninck émet l’avis que le cimetière de Marœuil est
mérovingien. Voici les raisons qu’il donne à l’appui de son
opinion :
Ce cimetière est placé dans l’enceinte du camp romain
qui a dû être habité parles légions pendant les trois premiers
siècles de l’occupation, au moins, et avant la construction du
caslrum nobiliacum .
On rencontre à plusieurs endroits de cette enceinte , et
noiamment sous le presbytère d’Etrun , des ossements hu¬
mains et des armes, et si l’on pouvait étudier suffisamment
le sol on trouverait en dehors de l’enceinte et vers le nord
ou l’ouest, probablement dans un terrain en pente, les
sépultures romaines. J’ai quelques vases du ii.*" siècle qui
en proviennent.
— 591 —
Le cimetière que l’on exploite en ce moment est postérieur
aux Romains ; il est prouvé pour moi que les Francs, après
avoir conquis le pays, se sont établis dans le camp romain
pour protéger ou surveiller la cité atrébate, sise alors en
dehors de l’enceinte actuelle et du côté de Wagnonlieu. Il
est certain qu’ils se logèrent dans le castrum nobiliacum^
car Saint-Vaast le trouva en ruine et désert à ce point qu’il
y établit son ermitage. Il est donc évident qu’ils durent
choisir le camp d’Etrun, dont les hauts retranchements et
les fossés leur procuraient tout ce que cherchaient les Francs :
la protection, le grand air, la liberté d’action, et surtout
l’eau qui était si agréable à tous les Germains.
Pendant le séjour des Romains à Etrun , le camp a dû
contenir aussi des auxiliaires germains: car j’ai trouvé à Ma-
rœuil , dans la propriété d(3 31. Fouant de la Tombelle une
tombe germaine par incinération, comme toutes celles des
Germains avant le v.' siècle.
Le lieu dit du terrain, qui contient le cimetière mérovin¬
gien porte le nom de 3Iarc-Empereur , il doit contenir par¬
tout des sépultures. Un chemin creux qui y conduit, en venant
de Duisans, s’appelle cavée Bornobiis. A côté est le canton
dit de Neuville , puis la fontaine de Sainte-Bertille.
Duisans, dans le voisinage, est riche aussi en antiquités :
j’y ai vi.sité,dit 31. Terninck , plusieurs lombes du ii.*" siècle,
et deux mérovingiennes , mais pauvres.
La Gommission, après avoir entendu tout ce qui se rappor¬
te à l’affaire de Marœuil , décide que des remerciements se-
rontadressés à 31. le préfet pour les résultats obtenus en cette
circonstance, comme en tant d’autres, par son initiative.
Il est aussi décidé que le savant rapport de 31. Lecesne ,
les observations de 31. Debuire et les dessins à l’appui,
seront publiés dans la Statistique monumentale.
Les objets provenant des fouilles de 3Iarœuil seront en¬
voyés à titre de dépôt au 3Iusée d’Arras, afin que les archéo¬
logues puissent les étudier à loisir.
Dans la même séance, 31. Normand a donné lecture d’une
notice archéologique sur l’église de Dommartin, ou Saint-
Josse-au-Bois. Après avoir rappelé les origines de celte
abbaye , origines qui ont déjà été résumées ici meme (voir
— 392 —
Bulletin, p. 253), il a présenté une monographie de 1 eglise
abbatiale encore aujourd’hui debout.
M. Lecesne, père , a lu une partie de son travail sur la
ville d’Arras, travail destiné à enivev dans \ii Statistique
générale du département du Pas-de-Calais actuellement en
cours de préparation. A. D.
CONFÉRENCES ET COURS PUBLICS.
Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille ,
par M. Gosselet.
La Géologie comprend la connaissance du sol et l’histoire
de sa formation. Le cours de cette année sera consacré à la
première de ces deux études , considérée au point de vue
agricole, mais il est nécessaire de commencer par exposer
les principes de la géologie générale.
Le sol s est formé lentement et successivement : on en
trouve une preuve dans l’examen des couches que le mineur
traverse pour extraire la houille aux environs de Valencien¬
nes. Sous l’argile du limon il rencontre la marne ou craie
blanche, puis une autre marne remplie de silex appelés
cornus, les dièves et enfin le tourtia. Sous le tourtia, est le
terrain houiller formé de grès, de schistes et de houille en
bancs inclinés vers le sud , tandis que les couches qui le
surmontent sont horizontales. Il est évident que le terrain
houiller s’est aussi déposé en couches horizontales et qu’il
a été redressé avant la formation des couches supérieures.
On remarque de plus que le tourtia est rempli de petits
galets de bouille, de grès et de silex qui proviennent du
terrain houiller, et qui avant d’étre empâtés dans le tourtia
avaient été roulés dans des ruisseaux. Il y avait donc, avant
la formation du tourtia, des rochers, des montagnes , des
ruisseaux et des fieuves qui apportaient dans la mer les
sables et les galets. C’est au fond de la mer que se déposait
— 393 —
le tourtia , car il est rempli de coquilles marines ; il y en a
également dans les cornus et dans la marne, mais les espèces
ne sont pas les mêmes dans chacune de ces couches. Si on
songe que la faune de la mer de la Manche , c’est-à-dire
l’ensemble des animaux qui y vivent, ne s’est pas modifiée
sensiblement depuis les temps historiques , on en conclut
que la mer a couvert pendant très-longtemps les environs
de Valenciennes. Les géologues sont donc en droit de dis¬
tinguer plusieurs époques dans la formation de la terre.
Les caractères qui servent à distinguer les couches les
unes des autres sont au nombre de trois : l.° les caractères
pétrographiques tirés de la nature minéralogique de la
couche : sable, argile, calcaire ; 2.“ les caractères paléontolo-
giques indiqués par les coquilles fossiles qui y sont contenues,
3.® les caractères stratigraphiques empruntés à sa position
et à ses relations avec les couches inférieures et supérieures.
Ainsi la marne à cornus des puits de Valenciennes est carac¬
térisée pétrographiquement par des bancs de craie marneu¬
se et de nombreux silex pyromaques de forme irrégulière ;
paléontologiquementpar un oursin, le micraster hreciporus;
stratigraphiquement par sa position entre la craie sans
silex et les dièves.
Il est une opinion erronée assez généralement répandue
et qu’il importe de détruire dès le début de ce cours: c’est
que les géologues sont obligés , pour connaître les couches
profondes du globe , de creuser , de sonder , de descendre
dans les puits; il n’en est rien. Les diverses couches du sol
ne se recouvrent pas d’une manière complète comme le font
les écailles d’un oignon ; elles se sont déposées dans les
bassins de mers analogues à l’océan actuel et dont les
limites se restreignaient de jour en jour. Il suffit donc de se
diriger du centre de ces anciens bassins vers leurs rivages
pour trouver des terrains de plus en plus anciens.
— 594 —
Ainsi nous avons vu que les puits d’Anzin rencontraient
successivement la marne blanche sans silex , la marne à
cornus , les dièves, le tourtia et le terrain carbonifère. Si
au lieu d’explorer les entrailles du sol on se borne à se
promener sur les routes en se dirigeant de Valenciennes
vers Avesnes , par Le Quesnoy et Landrecies, on voit les
mêmes couches se succéder. A une lieue à Test de Valen¬
ciennes on cesse devoir la marne blanche dont l’altitude est
à Anzin d’environ 40 mètres au-dessus du niveau de la mer,
aux environs du Quesnoy des carrières sont ouvertes dans
la marne à cornus à l’altitude de 80 mètres ; l’église de
Maroilles ( 145 m. ) est construite sur les dièves ; près de
Marbaix on voit apparaître le tourtia (160 m.), et entre
Marbaix et Avesnes le terrain carbonifère, dont la surface
s’élève de plus en plus à mesure qu’on avance vers l’Ar-
denne. Ainsi en se dirigeant vers les montagnes , c’est-à-
dire vers les rivages les plus anciens, on voit a//îewrer suc¬
cessivement les couches dans l’ordre où on les rencontrerait
en creusant au centre du bassin.
Cependant les investigations des géologues ont une limite.
Ils n’ont pu jusqu’ici rencontrer de terrain plus ancien que
le granité : c’est lui qui forme le noyau des montagnes, c’est
à lui qu’on aboutirait toujours en creusant en un point
quelconque du globe. Qu’y a-t-il sous le granité ? Si on
l’ignore, on peut du moins faire quelques hypothèses.
l.° Le sol est fréquemment agité de tremblements de
terre ; des contrées s’élèvent lentement, d’autres s’abaissent.
Le nord de la Scandinavie et la Laponie s’exhaussent au-
dessus du niveau d(‘ la mer de 1 m. à 1 m. 50 par siècle ,
tandis que le sud de la Suède s’enfonce peu à peu sous les
flots de la Baltique. On en conclut que la terre n’est pas une
masse complètement solide , qu’il y a au centre un noyau
liquide ou pâteux sur lequel peut jouer l’enveloppe solide ;
— 595 —
2. ° Ce fluide interne paraît être à l’état de fusion, car
lorsqu’il se produit des fentes à l’écorce terrestre, il en sort
une matière fondue qui est la lave de nos volcans. De plus,
si on creuse un trou dans le sol on remarque qu’à une cer¬
taine distance la chaleur augmente et croît ensuite propor¬
tionnellement à la profondeur : environ de 1." par 30 mè¬
tres. Si cette loi se poursuit régulièrement à des profondeurs
que l’homme n’a pas encore atteintes, la température sera
de plus de 100.” à 3 kilomèt., et à 60 kilomètres de 2,000.",
c’est-à-dire supérieure à ce que produisent les fourneaux
de l’industrie et plus que suffisante pour fondre le granité
et toutes les autres roches ;
3. “ Cette fluidité de la masse intérieure de la terre peut
être considérée comme la conséquence de l’état primitif de
notre planète qui fut d’abord à l’état de fusion complète
comme l’est actuellement le soleil. C’est du moins ce qui
porte à supposer la forme de la terre, ^^otre globe est, on
le sait, un sphéroïde de révolution, applati aux pôles e(
renflé à l’équateur. Les mathématiciens ont démontré que
c’est exactement la forme que prendrait une masse pâteuse
avant la densité de la terre, et animée du même mouvement
«y '
de rotation sur son axe.
En admettant toutes ces hypothèses on peut conclure que
la terre a été primitivement une masse de matière fondue ;
qu’elle s’est refroidie peu à peu en rayonnant dans l’espace
et qu’il s’est formé une croûte solide, comme la glace se pro¬
duit en hiver sur nos nappes d’eau. Quel est ce sol primitif?
est-ce le granité? On ne peut l’affirmer, mais nous l’admet¬
trons pour la facilité de l’étude. Sur le sol primitif s’est dé¬
posé le sol de remblai formé de la vase des mers, des apports
des fleuves, des déjections volcaniques. En même temps de
nouvelles quantités de matières fondues se consolidaient
sous la croûte primitive dont elles augmentaient l’épaisseur.
— 396 —
C’est l’ensemble du sol de remblai , du sol primitif et du
sol sous-primitif qui constitue l’écorce solide de la terre.
On estime son épaisseur environ à 20 kilom., c’est-à-dire
au 1/300 du rayon terrestre. Sur une sphère de 1 mètre de
rayon elle serait représentée par une enveloppe de 3 milli¬
mètres d’épaisseur. La masse interne fluide se nomme la
pxjrosphère.
Société littéraire de TUniversité de Louvain ( Belgiq^ue ) .
L’ancienne Université de Louvain, que l’on appelait
l’Athènes de la Belgique, fut fondée en 1425 par Jean IV,
duc de Brabant. Elle fut supprimée le 4 brumaire an vi
(23 octobre 1797) , en vertu d’un arrêté de l’Administration
centrale du département de la Dyle. Rétablie en 1817 , sous
le Gouvernement Néerlandais, elle cessa d’exister par suite
des événements politiques de septembre 1830. Les évêques
belges ayant érigé à Malines, le 4 novembre 1834, une
Université catholique, elle fut transférée à Louvain le l.^*'
décembre 1835. On ne tarda pas à y annexer une Académie
sous le titre de Société littéraire de l’Université de Louvain.
L’autorité rectorale en approuva les statuts le 8 décembre
1839. La Société comprend des membres actifs, des mem¬
bres assistants et des membres honoraires. Elle est dirigée
par une Commission composée de 7 membres dont 3 pro¬
fesseurs et 4 étudiants. Cette Commission choisit dans son
sein un président, un vice-président et un secrétaire. Les
conférences que la Société a données pendant l’année aca¬
démique 1868 présentent un intérêt réel et méritent que
nous en mettions l’analvse sous les yeux de nos lecteurs,
31. Poullet, professeur d’Histoire, a ouvert la série des
conférences par un travail sur l’invasion du gueldrois Van
Rossum dans les provinces belgiquos. Cet homme qui ré¬
pétait avec affectation cette maxime qui était tout son pro-
— 597 —
gramme « l’incendie est le magnificat de la guerre, » vint
mettre le siège devant Louvain en 1542. La ville allait être
contrainte à se rendre à merci quand FUniversité procura
de précieux auxiliaires aux rares défenseurs de la cité. Sous
la direction de Damien de Goès, gentilhomme portugais ,
le corps des écoliers fondit sur l’ennemi et l’obligea à se
retirer. M. Poullet a su mettre en lumière avec beaucoup
de bonheur la part que les étudiants ont prise à la défense
de la cité académique.
M. de Jaer traita ensuite un épisode de l’histoire de
France et s’efforça de démontrer la légitimité de la sainte
Ligue qui se forma contre Henri de Béarn. D’après l’auteur,
si l’on peut blâmer certaines mesures prises par elle , cette
critique fondée en quelques points n’ôle rien à la pureté
des intentions qui animèrent les défenseurs de la religion
catholique.
M. Wilmaer aborda dans une des séances suivantes un
r
autre ordre d’idées. Il présenta à la Société une étude ap¬
profondie sur le Phédon, qui retrace comme on sait la mort
de Socrate et redit ses suprêmes enseignements. Il s’attacha
à trouver dans la partie philosophique de cet ouvrage la
démonstration de l’immortalité de l’âme. La liberté , la
simplicité de l’âme, la notion de la science, l’énonciation
des maux qui résultent de l’union de l’âme et du corps,
l’application de la loi des contraires , l’idée de connaissances
antérieures à cette vie, l’harmonie qui existe dans l’être
humain, l’attrihution à l’âme du principe de la vie, voilà
les arguments de Socrate. L’antiquité n’avait pas encore
atteint un degré aussi élevé dans la démonstration de l’im¬
mortalité de l’âme, vérité consolante que la Grèce avait
méconnue depuis que la sophistique égarait les intelligences
et que l’influence étrangère corrompait les mœurs.
La philosophie fit encore les frais de la conférence sui-
— 598 —
vante. M. Liagre cherche à démontrer le désaccord de la
saine philosophie et de la doctrine qui répudie l’ordre sur¬
naturel comme une chimère. Sans doute Tordre surnaturel
dont il proclame l’existence est au-dessus des exigences de
la nature , mais loin d’être en contradiction avec elle , il
l’élève au-dessus d’elle-même. L’auteur attaque ensuite
l’opinion qui tend à l’annihilation de notre nature dans
l’union du divin avec l’humain.
M. Matthias , secrétaire de la Société , fit ensuite une dis¬
sertation sur les poursuites du crime de lèse-majesté sous
le gouvernement du duc d’Albe. Il examine quels étaient
les tribunaux compétents pour juger de ce crime en la cause
du prince d’Orange-Nassau , chevalier de la Toison d’or, et
il n’en trouve que deux : un tribunal de droit commun , le
Conseil de Brabant, et un tribunal de droit spécial, le
Chapitre de Tordre. Mais il est certain que si, conformément
à la citation du roi , Guillaume fût rentré dans le pays , il
n’eût comparu devant aucune de ces cours, mais bien
devant le Conseil des troubles que Philippe II venait de
créer. L’auteur se demande si ce monarque avait le droit
d’établir, au-dessus des tribunaux de justice réglés, une cour
extraordinaire avec une juridiction aussi étendue, et il con¬
clut dans le sens de la légalité de cette mesure. A Tappui
de son opinion, que nous livrons sous toutes réserves, il in¬
voque l’application qui s’est faite de cette doctrine en France
sous Henri III , en Angleterre sous Henri VIII et Élisabeth.
Une étude sur le Concordat entre Grégoire XVI et Nicolas,
empereur de Russie, a fourni à M. Austray le sujet d’une
conférence des plus intéressantes. Il a trouvé des accents con¬
vaincus pour dépeindre le sort de la Pologne , qui après
avoir sauvé l’Europe de l’invasion ottomane semble rester, à
la face du xviii.® siècle, le témoignage indélébile de l’ingra¬
titude humaine. J. Proost ,
docteur ès-sciences politiques et administratives.
— 599
MUSÉES ET OOLLECTIOiSS
Don de M. Berthoud à la ville de Douai. — En traitant ,
dans notre N." 2 [Bulletin , p. 39) des origines du Musée de
Douai, M. l’abbé Dehaisnes rappelait à nos lecteurs que le
18 février 1864 , M. Samuel-Henri Berthoud avait légué sa
précieuse collection ethnographique à la ville de Douai qui
en prendrait possession aussitôt après la mort du donateur.
Par une généreuse résolution dont on ne peut trop le
louer, M. Berthoud a voulu faire entrer dès maintenant la
ville en jouissance d’une partie de ses richesses. Il va venir
procéder lui-même à leur installation dans le Musée douai-
sien.
Voici en quels termes YIndèpendant de Douai, dans son
numéro du 23 novembre , signale l’importance de la collec¬
tion Berthoud.
L’une des sections les plus intéressantes du Musée de
Lille, celle qui attire surtout la foule, c' est \e Musée Moillet.
Comme le voyageur lillois , trop tôt ravi à sa cité natale ,
M. Berthoud a réuni un nombre considérable d'objets rela¬
tifs aux mœurs, aux usages des populations les plus sauvages,
des contrées les moins explorées. Mais non content d’étu¬
dier, comme M. Moillet , l’enfance de la civilisation dans
les temps modernes, M. Berthoud l’a suivie en même temps
dans les époques les plus reculées. Ses collections présen¬
tent une importance historique qui n’échappera à personne.
Depuis quelques années , la science a beaucoup étudié
cette période antédiluvienne où l’homme naissant ne con¬
naissait pas encore le fer et qui est connue sous le nom d’âge
de pierre : elle a recherché les traces de cette première civi¬
lisation dans les cavernes à ossements, dans les couches
du sol antérieures au déluge. M. Berthoud s’est occupé de
ces explorations; il a réuni un nombre très- considérable
de haches, de flèches, de couteaux, d’ustensiles de ménage
et d’objets de toilette en silex avec des ossements d’animaux.
Après avoir visité le Musée antédiluvien de Saint-Germain-
en-Laye, formé depuis près de deux ans par l’Etat, les
— 400 —
savants anglais , français et allemands qui s’occupent de ces
questions difficiles ne manquent pas d’aller étudier la col¬
lection Berthoud formée depuis un certain nombre d’années
déjà et disposée avec une méthode et un soin qui facilitent
les recherches. 31. Berthoud a ajouté à sa collection les
moulages authentiques des objets les plus importants pos¬
sédés par les savants en renom et les 31usées. Lorsque nous
posséderons cette collection qui ne cesse de s’enrichir, ceux
qui s’occupent de ces époques mystérieuses , viendront étu¬
dier dans notre Musée.
Par delà l’Océan , dans le 3Iexique et le Guatemala a
fleuri , plusieurs siècles avant l’ère chrétienne , une civili¬
sation dont les monuments se retrouvent encore au milieu
des solitudes , sous des arbres plusieurs fois séculaires.
31. Jomard , l’un des auteurs du grand ouvrage qui a pour
titre [q. Description de VEgijpte, avait consacré les dernières
années de sa vie à faire une collection d’objets appartenant
à ces antiquités mexicaines, au sujet desquels l’on a publié
depuis environ quinze ans d’importants travaux. Sa collec¬
tion a été léguée au 3Iusée de Douai, avec la condition de
lusufruit pour 31. Berthoud. La civilisation mexicaine qui
présente, chose étrange, une ressemblance frappante avec
la civilisation étrusque et parfois avec la civilisation égyp¬
tienne , y est représentée d’une manière presque complète.
Au point de vue de la céramique , l’on y trouve plusieurs
centaines de vases d’une pâte rouge ou noire parfois très-
fine et très-bistrée avec des arabesques, ou des personnages
en couleur avec des animaux s’ébattant sur les anses des
aiguières. Les bijoux en or qui sont en nombre important,
offrent, comme chez les étrusques, un métal granulé à
l’aide d’un procédé qui n’a pas été retrouvé et des person¬
nages figurés à j’aide de fils d’or très-fins enroulés les uns
dans les autres. A ces objets en or , il faut ajouter des bou¬
cles d’oreille en métal , des colliers en ivoire, en cristal de
roche et en agate , des miroirs en obsidienne translucide ,
des figurines , des divinités et des amulettes en bronze, en
jade, en pierres de diverses couleurs , des ustensiles de
ménage, etc. N’oublions pas les Katouns, cartouches pré¬
sentant des inscriptions dont la clef n’est pas encore retrou¬
vée ; mais où un Cbampollion futur saura lire un jour , il
faut l’espérer , l’histoire de ces antiques civilisations. La
collection Berthoud possède un nombre assez considérable
de ces inscriptions, détachées des ruines du Palenquè. Plu-
— 401 —
sieurs de ces inscriptions sont encore près de leurs bas-
reliefs, qui rappellent les monuments assyriens de Kor-
sabad.
En regard de ces civilisations antiques , de ces premiers
travaux de l’homme , la collection Berthoud présente l’eth¬
nographie moderne. En relation avec les principaux voya¬
geurs et géographes , toujours à l’affût des objets curieux
mis en vente à Paris et en pays étranger , M. Berthoud a
réuni une collection très-importante où l’on peut étudier
la vie des peuples sauvages habitant sous toutes les lati¬
tudes. On y retrouve leur existence tout entière, en contem¬
plant leurs ustensiles de ménage , leurs vêtements , armes
en pierre ou en os, les objets de toilette , et surtout leurs
amulettes , leurs flèches et leurs divinités qui forment une
série très-nombreuse et très-importante. L’intérêt de cette
collection est d’autant plus vif que l’on peut la comparer à
la collection de l’âge de pierre ; et acquérir ainsi la preuve
que l’homme encore barbare , qui vivait il y a six mille ans
dans nos contrées , vivait comme le caraïbe de l’Amérique
ou l’insulaire des îlots perdus au milieu des mers de l’O¬
céanie.
Ce rapide coup d’œil suffira pour donner au point de vue
des éludes, une idée de l’importance de la collection de
M. Berthoud, que ses concitoyens vont recevoir avec une si
vive et si profonde gratitude, et qui va devenir pour notre
Musée un nouveau titre considérable à l’attention et à l’in¬
térêt des amateurs et des savants. A . D .
BIBLIOGRAPHIE
CHAISTS ET CHANSONS POPULAIRES DU CAMBRÉSIS
par MM. Diirieux et Bruyelle.
Dans let. xxvni.® des Mémoires de la Société d’Emulation
de Cambrai (!."" partie , p. 183 ; 1864) MM. A. Durieux et
A. Bruyelle ont publié les chants et chansons populaires du
Cambrésis ; ils ont fait précéder cette col lection très-curieuse
d’une introduction écrite avec beaucoup de soin et qui en
fait ressortir l’intérêt :
a Ces chants, nous les avons entendu répéter, disent-ils,
nous les avons répétés nous-mêmes dans notre enfance.
— 402 --
Tous de tradition orale, sans nom d’auteur connu, c’est dire
que nous ne les avons trouvés transcrits nulle part. Fils
plutôt du XVI.® siècle que du moyen-âge , par l’esprit , ils
n’ont gardé de national que le sentiment poétique parfois ,
et le mot rappelant notre langage primitif. Ils procèdent
avant tout aussi de la chanson , dans le sens qu’on a donné
à ce mot depuis la Renaissance.
« Qui peut entendre ces refrains dont on berça sa jeunesse,
sans se rappeler avec une tendre émotion, la mère adorée ,
la nourrice indulgente, sur les genoux de qui il a appris à
prier, à parler, à vivre! Doux chants qui rapprochez le
vieillard de l’enfant, peut-on se souvenir sans un sentiment
tout à la fois de joie et de regret, de ces rondes que l’on
chantait en dansant avec ses jeunes amis, sous l’œil mater¬
nel, pendant les beaux soirs d’été ! Pour qu’il en soit autre¬
ment, il faudrait n’avoir au cœur aucune sensibilité et, dans
le cours d’une vie plus ou moins facile, n’avoir jamais souf¬
fert ; est-ce possible ? ^
Tout cela est fort bien dit; les chansons populaires ne
sont pas , à proprement parler , un monument de litté¬
rature, mais un écho naïf des sentiments du peuple et des
premiers bonheurs de la vie.
Les auteurs du recueil dont il s’agit l’ont ainsi divisé :
1 .° Chants de fête , la Saint-Jean et la Saint-Pierre ; 2.° les
Rondes-Jeux et les Rondes -à-Danses ; 3.'’ les Chansons di¬
verses, satiriques, historiques ou autres, les complaintes.
A la suite du texte des chants populaires se trouvent les airs
notés qui permettent de reconnaître les différents styles de
musique auxquels ils appartiennent.
Le t. XXX. •'des Mémoires de la Société fi.'* partie, p. 177;
1868) renferme un supplément qui est consacré principale¬
ment aux chants populaires du Cambrésis qui se retrouvent
dans d’autres localités, dans d’autres pays, avec certaines
variantes. Ce supplément présente un intérêt particulier : il
compare les refrains du Cambrésis aux chansons du Canada
recueillies par M. Gagnon et imprimées à Québec en 1863.
On a dit qu’on n’emportait pas la patrie à la semelle de ses
— 403 —
souliers ; mais on emporte les chansons du pays et on les
implante aux lieux de l’exil ou de l’émigration. La preuve
en est dans ces nombreux couplets importés de la mère
patrie et qui ont traversé les mers dans le cœur ou sur les
lèvres des émigrants. Peut-être M. Durieux ignore-t-il que
dans le journal de l’intrépide lieutenant Bellot,mort victime
de son dévouement à la recherche de John Franklin, se
trouve , avec peu de changements notables , la chanson
Gambrésienne de Dodinette, Podinou et qu’elle était .sans
cesse fredonnée par le commandant canadien du Prince-
Albert^ Kennedy ? Elle commence par ces mots : Quand
fêtais chez mon père... mais elle continue presque exacte¬
ment comme la chanson de Dodinette qui commence ainsi :
Mon père m'envoie à V herbe... tandis que dans la version
du Mal Marié , les premiers mots de la chanson ont seuls
de l’analogie avec la version canadienne que Bellot avait
apprise du commandant Kennedy.
Peut-être aussi ne sait-il pas que la chanson de Madoulet
existe à peu près identique en patois de Lille et commençant
ainsi :
J’ai vu à Lill’ dernièr’raint
A Saint’-Cath’rine un sergint,
Quand j’y pinse je m’ crinclie...
Ici le Suisse de la cathédrale de Cambrai est changé de
paroisse ; mais il a les mêmes traits, le même costume , la
même majesté comique. Où est l’original, à Lille ou à
Cambrai? Voilà ce que nous ne saurions décider en si grave
affaire. Nous soumettons le cas à MM. Durieux et Bruyelle.
La sagacité dont ils ont donné des marques dans leur char¬
mante étude, nous fait espérer qu’ils peuvent résoudre cette
difficulté historique. F. Ghon.
— 404 —
COURS DE TISSAGE
par M. E. Gand
Depuis plusieurs années déjà ont lieu à Amiens des cours
techniques, fondés et patronnés parla Société industrielle;
et ces cours, très-appréciés, ont eu la bonne fortune d’être
professés par des hommes aussi dévoués que capables.
M. Ed. Gand vient de commencer la publication de son
cours de tissage ; évitant l’aridité ordinaire des ouvrages de
ce genre, il introduit immédiatement ses lecteurs dans les «
opérations mêmes de la composition des tissus, en leur fai¬
sant pour ainsi dire exécuter séance tenante les croisements
servant de base à la fabrication générale. C’est l’application
de la méthode Jacoltot ou Robertson à l’enseignement tech¬
nique, familiarisant l’élève, par une pratique amusante et
raisonnée, avec les principes abstraits et les règles généra¬
les, qu’il est ensuite tout surpris de formuler lui-même.
Nous pensons que le livre de M. Gand est appelé à rendre
les plus grands services à la population manufacturière du
Nord. Güiraudet.
ORNEMENT DE BRONZE
conservé au musée de Saint - Orner
par M. de Lmas(i)
M. Louis Descbamps de Pas a fait, au sujet d’un ornement
de bronze qui a figuré à l’Exposition universelle, une notice
insérée dans les comptes-rendus de l’Académie des inscrip¬
tions et belles-lettres. L’ornement est une protome de
sanglier terminée par un crochet recourbé et fixée sur une
base quadrangulaire ; M. Deschamps le regarde comme un
cimier de casque gaulois.
31. de Linas confirme cette attribution en s’appuyant sur
un passage de Diodore de Sicile; sa conclusion est que cet
■ Il I I ■ 1 1 ■ ■ I ■ — ■ ^
(b Arras, Rousseau -Leroy ; 4 p., 1 pl.
— 405 —
ornement et un autre du même genre trouvé en 1866 , à
Essey-lès-Nancy , ont orné jadis la coiffure militaire d’un
Brenn. E. Van Rende.
CHRONIQUE.
Xunii»»iiiatiqiie. Découverte d'un trésor gaulois. — M.
de Saulcy.a signalé , dans ces derniers temps , à la Revue
archéologique la découverte d’un trésor gaulois composé de
139 statères. Chacun d’eux est orné d’une étoile à quatre
rayons. Ils sont tous semblables, ou du moins ne présentent
que de légères différences provenant de leur mode de fabri¬
cation, c’est-à-dire de la confection fort peu régulière des'
moules à l'aide desquels ces pièces ont été coulées.
Elles sont d’un or assez pur et pèsent uniformément , pri¬
ses une à une , 7 grammes 3o centigr. ; de même , le poids
de dix pièces pesées ensemble est exactement de 73 grain.
oO centigr. ; il n’y a donc pas moyen de ne pas reconnaître
dans la taille de ces monnaies , une répartition rigoureuse
du métal précieux employé.
Le trésor a été découvert à quelques lieues de Reims ,
dans un bois défriché, sur le terroir de Sainte-Preuve
(Aisne). Les statères étaient à même dans le sol, à peu de
profondeur. C’est le soc de la charrue qui les a mis au jour.
Il est possible qu’ils aient été renfermés dans une enveloppe
de cuir ou d’étoffe que le temps aura détruite.
Ces monnaies ont été très-rares jusqu’ici et par conséquent
fort peu répandues dans les collections. La plupart des
exemplaires connus provenaient d’une vigne sise à Monville,
près Melun, où l’on en trouve pour ainsi dire, chaque année.
Tous les autres avaient été recueillis dans le pays des Car-
nutes (Chartres).
L’opinion de M. de Saulcy attribue ces étranges monnaies
aux Senons plus probablement qu’aux Carnutes. Ce savant
— 406 —
numismate pense aussi qu’elles ont eu cours parmi les
Rèmes ; mais il n’admet pas que ces derniers aient été les
auteurs de ce monnayage singulier. A. D.
La Monnaie Valenciennoise. — Le n." o de notre Bul¬
letin ( page 145 ) contient l’analyse d’un essai sur l’atelier
monétaire de Valenciennes et sur le monogramme de la
monnaie des comtes de Hainaut, par M. Cellier. Dans ce
travail , l’auteur réclamait comme type spécial à la ville de
Valenciennes, le signe regardé par M. R. Chalon comme
l’iniliale de Hannonia.
Les limites d’un entre -filet ne permettent pas de revenir
sur cette notice qui a été, dans la Revue de la Numismatique
belge{^.^ série, 1. 1, p. 371), l’objet d’une critique reproduite
avec réponse dans la Revue de Valenciennes, t.xxiii, n.°9.
A l’opinion de Lelewel et de M. Robert, M. Cellier avait
ajouté des documents tirés des archives et du musée de sa
ville natale. Sans réfuter complètement les raisons de son
adversaire , M. Chalon vise à mettre les rieurs de son côté.
Dans sa réponse, M. Cellier, serrant de près l’argumenta¬
tion , relève une à une les allégations que fautorité d’une
plume habile et savante ne suffit pas à maintenir contre des
documents authentiques. Mais peut-on croire que fauteur
des Recherches consente à n’avoir pas le dernier mot ?
E. Vax Rende.
]?Iétéopol«ê’ie. Mois de novembre 1869. — La tempé¬
rature atmosphérique moyenne de novembre déduite d’une
longue série d’observations est de 5." 697 , cette année elle
fut de 6.° 93 par conséquent de l.° 233 supérieure à cette
moyenne générale. La moyenne des minima a été de 4.° 18,
celle des maxima 9." 68 ; les températures extrêmes 0.'’ 4 le
11 et 13.° 4 les 2 et 4.
Sous l’influence de cette température la tension moyenne
de la vapeur d’eau, qui est ordinairement en novembre de
— 407 —
5 mill. 96, fut de 6 raill. 29 et rtuimidité relative de
83, 00 o/'^ au lieu de 85, 66 "/o.
L’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut aussi accrue
dans ces conditions météoriques, elle atteignit 25 mill. 39
au lieu de 20 mill. 28 qui est la moyenne de novembre.
Si, d’après ce que nous venons de voir, les couches atmos¬
phériques en contact avec le sol furent moins chargées
d’humidité que dans les conditions normales, il n’en fut pas
de même de celles occupant les hautes régions. Pendant
18 jours en effet le ciel fut complètement couvert, et demi
couvert pendant 12 jours.
Cette grande quantité de vapeur précipitée à l’état globu¬
laire , en se condensant , fournit en 28 jours, une couche de
pluie d’une épaisseur de 101 mill. 37. L épaisseur de la
couche de pluie recueillie en novembre, année moyenne, est
de 50 mill. 404.
Ces 101 mill. 37 d’eau météorique comprenaient 3 mill.
65 d’eau de neige, 1 mill. 70 d’eau de grêle et 96 mill. 02
d’eau de pluie.
Sous l’influence de cet état hygrométrique des couches
supérieures de l’atmosphère la hauteur moyenne de la
colonne barométrique à 0.° fut de 758 mill. 844 oscillant
entre les extrêmes 744 mill. 20 le 23 et 774 mill. 78 le 18.
En novembre année moyenne la hauteur du baromètre est
de 759 mill. 275.
Les vents régnants pendant la première moitié du mois
furent ceux du N. O. , et pendant la seconde moitié ceux
du S. O.
Les nuages des différentes couches suivirent à peu près
la même direction.
Les 13 et 14 on observa un coup de vent prolongé S. O.
Il y eut pendant ce mois 28 jours de brouillard , 11 de
rosée, 7 de grêle, 5 de neige. V. Meurein.
^ 408 —
Histoire iiioiïu mentale, de la Cham¬
bre échevinale d'Ypres. — Cette Chambre (Schepencamev),
redevenue le principal ornement intérieur du splendide
Hôtel de ville d’Ypres , a servi , depuis le commencement
du XIV.® siècle , de lieu de réunion pour l’Echevinage
Yprois. C’est là aussi que s’assemblaient les Etats de Flan¬
dre quand on les convoquait à Ypres , là que la « commune
d’Ypres » recevait les souverains du pays lors de leur pre¬
mière entrée dans cette ville.
A dater de l’occupation française (17 juin 1714), l’ancienne
organisation municipale ayant cessé d’exister, la salle du
Magistrat fut successivement affectée à divers usages. Bien¬
tôt les ornements et décorations qui rappelaient « l’ancien
régime » disparurent et d’épaisses couches de badigeon
recouvrirent la plupart des vieilles peintures murales.
Vers la lin de 1861 , le Conseil communal décida de faire
rétablir dans son style primitif cette salle où furent prises
tant de sages et glorieuses résolutions. Les travaux, entrepris
dès 1863 , furent poussés avec une grande activité en 1868
et en 1869, et la salle restaurée a pu être inaugurée solen¬
nellement le 8 août dernier.
La grande croisée qui occupe le côté-ouest de la Cliam-
bre échevinale , ainsi que le dispositif architectural de la
partie est, ont seuls été conservés. Encore la verrière de
cette grande croisée a-t-elle dû être refaite. La cheminée
monumentale , les poutres ornées et les lambris sculptés de
la salle , sont entièrement neufs.
La grande verrière se compose de 3o blasons sur lesquels
sont reproduites les armoiries des gbildes armées , des cor ¬
porations industrielles ou ouvrières et des métiers, dont
les délégués formaient quatre des six collèges constituant la
réunion dite Groot Gemeente. Cette verrière, magnifique
don de M. Alphonse Van den Peereboom , ministi*e d’Etat,
— 409 —
ancien bourgmestre d’Ypres , rappelle donc le souvenir de
la grande assemblée populaire qui , durant des siècles ,
délibéra dans cette salle même , à Fombre du beffroi encore
aujourd’hui debout.
L’ancienne peinture murale qui recouvre toute la paroi-
esL de la salle représente, dans sa partie supérieure, des
deux côtés de Voculus restauré , les évangélistes saint Jean
et saint Marc et, sur la frise , les six princes et les six prin¬
cesses qui furent les seigneurs du comté de Flandre de 1322
à 1476.
Les peintures historiques modernes rappellent trois épi¬
sodes glorieux de l’histoire d’Ypres. Des inscriptions , tirées
des archives municipales, indiquent le sujet de ces différents
tableaux. Celle placée au-dessus de la « Joyeuse entrée de
Philippe-le-Hardi » se compose du texte même du serment
prêté par ce prince à la commune d’Ypres , le 24 avril
1384. A. D.
iiiclusiB'ieE. Cours de tissage à S.t-
Quentin. — Un cours de tissage vient d’être établi à S.t-Quen-
tin sous le patronnage de la Société industrielle. C’est M.
Gand, l’éminent professeur d’Amiens qui a bien voulu faire
toutes les semaines le voyage d’Amiens pour organiser cet
enseignement et donner les premières leçons. Un second
professeur, M. Grimonprez, supplée M. Gand et doit le rem¬
placer lorsqu’il sera initié à la pratique de cet enseignement.
Cent élèves se sont fait inscrire au cours ; beaucoup Font
suivi avec persévérance. La démonstration du tissu se fait
d’abord au tableau puis sur un métier spécial. Les élèves
ontaussi à leur disposition des métiers étroits dont la chaîne
ne se compose que d’un petit nombre de très-gros fils , dont
la navette se manoeuvre à la main et sur lesquels ils exécu¬
tent les dessins qui leur ont été enseignés. J. G.
Zoologie. Loup, — M. Etienne Scrépel , de Roubaix ,
— 410 ™
a abattu d’un coup de fusil , au commencement de décem¬
bre, à S.t-Hubert, dans la forêt des Ardennes , une superbe
‘Louve , qui mesure 1 m. 40 du museau à l’extrémité de
la queue. M. Scrépel l’a offerte au Musée de Roubaix afin
d’enrichir cet établissement d’un type de carnassiers qui
n’exisie plus dans nos environs. J. G.
iitéeroSogic. — Le samedi 11 décembre est décédé à
Passy, près Paris , à la suite d’une hémorragie , M. Stanislas
Dubois, avocat , ancien bfitonnierde l’ordre de Valencien¬
nes. M. Dubois avait été l’un des fondateurs du journal
VEcho de la Frontière , à la rédaction duquel il participa
longtemps avec MM. Arthur Dinaux et Aimé Leroy. Il a
aussi collaboré aux Archives historiques et littéraires du
Nord de la France et du Midi de la Belgique. Voici le titre
des principaux articles insérés par lui dans ce dernier re¬
cueil : Recherches sur Bavai (2.® série, t. ii , p. 245) ; Essai
sur VHistoire municipale de Valenciennes , (même série,
t. III , p. 43). M. Dubois était âgé de 72 ans. A.D.
M. Navez , membre de l’Académie de Belgique (section de
■peinture ), est mort le 11 octobre dernier. Il avait vu le jour
à Charleroi , en 1787. Il était l’élève de David et Lun des
plus fidèles gardiens des traditions classiques. Cette mort
n’est pas le seul deuil que la section de peinture ait à
déplorer cette année: le baron Leys est mort à Anvers,
sa patrie, le 26 août. Contrairement à Navez , Leys s’était
rangé sous la bannière de l’école romantique et a largement
contribué à la gloire de la nouvelle école flamande. J. G.
A iio.%» Le et e 198*!^
Notre Bulletin touche au terme de la première année de
son existence. Nous, espérons que les sympathies de nos
abonnés et de nos correspondants, qui ne nous ont point
— 41 1 —
fait défaut jusqu’ici , continueront de nous soutenir dans
l’œuvre , éminemment désintéressée , que nous avons
entreprise.
Renonçant, dès le début , à donner à notre publication
le caractère d’une Revue , nous avons tenu à en faire un
organe , principalement bibliographique , destiné à servir
de lien entre les diverses sociétés savantes du ressort aca¬
démique et à tenir nos lecteurs de France au courant des
faits de l’ordre scientifique et littéraire qui se produisent en
Belgique.
L’exiguilé de notre format , conséquence obligée de la
modicité du prix d’abonnement , ne nous a pas permis de
tenir toutes nos promesses dès la première année. Ainsi, et à
notre grand regret , nous n’avons pu encore entreprendre
l’examen , en ce qui nous concerne , des Revues et écrits
périodiques qui se publient dans notre ressort ou à nos
portes. C’est là une lacune que nous allons nous efforcer
de combler. Beaucoup de questions d’intérêt local qui, dans
ces derniers temps , ont passionné les archéologues ou les
érudits , ont à peine été indiquées par nous. Nous en abor¬
derons incessamment l’étude d’après les meilleurs travaux
sur la matière.
Le temps ( et nous comptons avoir pour nous cet indis¬
pensable élément de succès) le temps assurera l’avenir de
notre œuvre , en nous permettant de réaliser notre pro¬
gramme dans toute son étendue.
L’accueil empressé que la plupart des sociétés ont fait à
notre modeste Bulletin nous a prouvé qu’elles ne se mé¬
prenaient pas sur la pensée qui nous dirige. Tirer les tra¬
vailleurs de l’isolement où quelques-uns se complaisent et
où d’autres gémissent d’étre ; faire qu’en se connaissant
mieux ils s’apprécient davantage et que leurs forces , mises
en commun , soient ainsi décuplées , tel a été notre but. Si
— 412 —
nous n’apprenons rien aux savants d’une ville ou d’un arron¬
dissement sur ce qui se passe chez eux , nous nous flattons,
du moins , d’en instruire fidèlement leurs voisins.
Sans doute, en adoptant fréquemment les formes arides,
mais impartiales , du compte-rendu analytique et du procès-
verbal , le Bulletin se prive de ce genre d’attrait que l’on
nomme le piquant et qui a fait la fortune de bien des créations
différentes de la nôtre. Sans doute aussi , il se condamne à
n’être, la plupart du temps, que le reflet d’œuvres étrangères
et il court le risque de manquer de vie propre. Mais cela
même est inhérent aux condi lions de notre entreprise et
résulte du soin que nous prenons de nous effacer. Réservant
pour les sociétés savantes , auxquelles nous avons riionneur
d’appartenir, nos productions essentiellement personnelles,
nous laissons , dans le Bulletin , la plus grande place pos¬
sible à l’analyse et à l’appréciation des œuvres d’autrui.
Nous continuerons d’accueillir avec empressement toutes
les communications dont on voudra bien nous favoriser,
pourvu qu’elles portent sur des faits actuels , des travaux de
date récente ou en cours d’exécution, des objets non encore
décrits ou qui ne l’ont été qu’imparfaitement, collections,
monuments, couvres d art, etc. ; pourvu enfin qu’elles se
renferment dans des proportions compatibles avec notre
format.
Une Table des matières contenues dans le l.^*’ volume
du Bulletin sera disliâbuée à nos abonnés dans le courant
de janvier , en même temps que le Titre et la Couverture
imprimée du volume.
J . G. et A. D.
Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
1/^ Année — 1869
TABLE GÉNÉRALE
Talïle des Sociétés.
Abbeville. Société d’Emiilation d’ — 252.
Académie de Douai. Prix de mille francs décerné dans le ressort
de T— 321.
Amiens. Académie d’ — 57 ;
— Société des Antiquaires de Picardie — 217.
Arras. Académie d’ — 160, 263.
Belgique. Académie royale de — 43, 65, 98, 227, 297;
— Académie archéologique de — 197 ;
— Société d’histoire de la — 151.
Boulogne-sur-Mer., Société académique de — 25.
Cambrai. Société d’Émulation de — 89, 261 , 384;
— Société des Amis des Arts de — 94.
Douai. Société d’Agriculture , etc., de — 376, 383.
— Conférences de rHôtel-de-Yille de — 71, 108, 132;
— Faculté des Lettres de — 369.
Dunkerque. Société de — 121 , 226 , 385.
Facultés. Séance de rentrée des — 367.
Laon. Société académique de — 127.
Lille. Société des Sciences , etc., de — 3, 94, 153, 193, 256, 367;
— Faculté des Sciences de — 367.
Mons. Cercle archéologique de — 29.
Nord. Commission historique du département du — 334.
Saint-Omer. Société des Antiquaires de la Morinie à — 249.
Saint-Quentin, Société académique de — 329,
Sorbonne. Réunion des Sociétés savantes à la — 110.
Valenciennes. Société d’Agriculture , etc., de — 281.
Tal>le «les l\"oms d'Auteiirs
dont les ouvrages ont été analysés ou cités :
Alard. 306
Alexandre. 62
Amiable. 152
Anselin. 62
Arnould .31 •
Asselin. 331
Austray. 398
Bachy. 10. 156. 188
Baecker ^de). 36
Barbey. 114
Bâton tFabbé). 130
Bazot. 218
Béhin. 293
Bénard. 329
Béraud. 62
Berger. 313
Bernier. 32
Bettignies (de). 32
Blain. 330
Blin. 92.93
Boniface. 316
Borgnet. 232
Bouclier de Perthes 253
Bouton. 292
Briart. 19.66
Brochet. 22
Brun-Lavainne 113.335
Bruvelle. 90.262.313
401
Cafüaux. 290.339.356
Caïeux (de). 255
Cailletet. 349
Carlet (l’ahhé). 112
Catalan. 68.98
Cellier. 145. 284.289.292
Chon. 258.403
Cloquet. 33
Cochet (l’abbé). 115
Colas. 95
Colincamp. 373
Corblet(rahbé).88.111
113.225
Coremvinder. 10.116
Corne (père). 72
Corne (fils). 108
Cornet. 19.33.66
Courdaveaux. 372.375
Courtois. 250
Cousin. 115.226.385
Coussemaker (de). 335
Cox. 96
Dancoisne. 146
Dareste. 135.165.200.
259.380
Dartevelle. 33
Daudville. 330
Dehaisnes (l'abbé) . 40
110.172.187.321
Defontaine (l’abbé). 284
Delattre. 150
Delègue. 124.174
Deleporte-Bayart. 282
Delerue. 7.94
Deletombe. 7
Delgove (l’abbé). 224
Deligne. 94
Delière. 283
Delmotte. 250
Delplanque. 379
Delsart. 383
Demarsy. 254
Derode. 9.176
Descamps. 309
Descbamps de Pas . 1 1 6
404
Desjardins (Abel). 71.
173.369.375
Desplanque. 9.95.111
215.340
Deulin. 285
Devaule. 285
Devillers. 31.32.33.
Dey. 113
Dormoy. 236
Douay. 285
Dumont. 285
Dupuis. 9
Dupont. 227
Durieux. 90.93.262.
401
Dusevel. 174
Dutilleux. 225
Dusauter. 333
Duval. 222
Escbenauer. 7
Fégueux. 92
Ferrus. 3
Fiévet. 284
Filliette. 131
Flament. 366
Fleury (recteur). 34
Fleury. 114
Folie. 297
Fourdin. 32
Fromentin. 279
Fuix. 64.120
Gacbard. 68.104
Galesloot. 200
Gand. 404
Garcin. 333
Garnier. 61.218.223
Gilbert. 68.98 297
Glœsener. 297
Gomart. 131.225
Gosselet. 157.184.197
262.268.392
Grandgaignage. 198
Grar, 284.286
Griml3ert. 343
Gripon. 196
Guignies. 32
Guiraudet 256 . 383 . 404
Güthlin. 122.123
Hachez. 33
Hallez. 141.170.205
Ilannover (le prof.) 299
Hecquet. 254
Hecquet d’Orval. 255
Henriot. 60
Henry. 68.227.297
Héricourt ( le comte
Achmet d’) . 362
Hillebrand. 135.374.
375
Houdoy. 78.345
Houzé de l’Aulnoil (d.')
157
Jacques. 33
Jaer(de). 397
Joly. 132
Jourdain. 222
Kervyn de Lettenhove
(le baron). 231
Kolb. 193
Kulhmann fils. 158
Lacroix. 33
Ladureau. 92
Lamy. 260.352
La Plane (de). 250. 264
Lebleu. 143
Lebreton. 159
Lecesne. 263.387
Lecocq. 165.181.235
Lefebvre. 91.116.261
Legentil. 161.162
Legrand. 14.73.284.
326
Lejeal. 76.292.294
Lejeune. 33
Lelièvre. 282
Letbierry. 155
Leuridan. 9.141.336
L’Hote. 122
Liagre. 398
Linas (de) 265.404
Livois. 26
Loppent. 192
Louise. 308
Lyon. 10
Magnier. 27
Malaise. 230
Manier. 384
Manso. 210
Marchand. 130
Mathieu. 61
Melsens. 297
Matthias. 398
Matton. 115.128.129.
130
Maugin. 133
Maurice. 383
Melun (le comte de). 8
I Mène. 85.159
- O
Meunier (le baron) . 9
Meurein. 21 .55.87. 149
192.216.248.280.318
365.407
Michaux. 33
Midoux. 114.128
Monnier. 32
Montée. 305
Mordacq. 123
Mossot. 8.23
Moy. 134
iVahuys. 200
Kavez. 227
Neyt. 297
Nivoit. 174
Korguet (de) 10.52.83
86.118.153.209.247
277.316.344.361
Obry. 61
Offret. 378
Ortlieb. 196
Paeile. 40
Pagnoul. 159
Painvin. 95
Parenty. 162
Paris. 326
Parsy. 383
Perin. 112
Petit (Pabbé). 32
Pilloy. 151
Planque (l’abbé) . 263
Plateau. 98
Plateau fils. 298
Porter (de). 152
Poullet. 396
Prarond. 256
Preudhomme de Borre
230.298
Prévost. 330
Proost. 199.398
Proyart. 263
Quetelet. 78.101.227.
298.386
Quetelet (Ernest) . 101
Quicherat. 115
RaYisi(de). 331
Renier-Chalon. 103
Renier-Malherbe. 299
Resbecq (le comte Eu¬
gène de). 56.88.153
Ricourt. 380
Ridder (de). 124
Rigaux. 20.151
Robitaille. 263
Roussette. 33
Roussel-Defontaine. 9
Rousselin. 132
Roth. 91
Rousseau. 330
Ruffin. 384
Saulcy (de). 405
Sauvage (Emile). 27
Schuermans. 200
Scheler. 199
Scoutteten. 42
Selys-Longchamps (le
baron de). 230.298
299
Smyttere (de). 147
Soupplet. 333
Taillar. 170.220
Tassin. 181
Teniez. 95
Terquem. 122
Theiller. 285
Thielens. 56.85
Thivipr 5Q
Tissandier 300.371.375
Thys. 200
Torfs. 200
Tricot. 33
Van Benéden. 103.227
229
Van Beneden fils. 146
147.287.298
YanHende. 19.46.185
405.406
YanderElst. 200
Van Drivai. 263
Varenberg. 199
Vendegies(le comte de)
91.262
Yerly. 309
Vertus (de). 114
Vincent. 116
Vincent (Ch.). 32.334
Violette (Henri). 159
Viollette (Charles). 10
11.116
Vlaminck. 200
Wallon. 285
Watteau. 58
Wilbert 90.93.111.176
262.384
Wilmaer. 397
Yvert. 58
Zandyck. 122
Zertermann. 199
Table des» Titres» des» Articles»
insérés , analysés ou cités.
Abbaye de la Thure , 33 ; — de
Dompmartin , 255 ; — de Clair-
marais , 264 ; — de Saint-Michel,
330 ; — Gartulaire de V —
d'Haumont, 32 ; Manuscrit de
r — de Lobbes, 33; Manuscrit
de r — de Saint Waast, 110;
Numismatique de 1’ — de Saint-
Waast, 146 ; du Gare, 224
Abbeville (S). Hydrologie de Par.
d’ — 254 ; la Ligue à — 256
Agriculture. Progrès de P — en
France, 93; Manuel élémentaire
d’ — 383
Amiens (S). Puit artésien à — 62;
Cathédrale d’ — 222.223
Anor (N). Tranchée du chemin de
fer à — 189
— 4
Antiquités. Découverte d’ — à
Estiiines-au-Yal, 33; Fouilles
archéologiques dans le Boulon¬
nais, 226
Ardennes. Hydrologie du dépar¬
tement des — 349
Ardoises, Analyses d’ — 85
Aristophane. 134
Armures dcs liommes du Nord ,
265
Art. Histoire et Philosophie de V
— 122.261
Astronomie , 132
Ath (B). Tour et Carillon de Saint-
Julien à — 32
Auhert de Bavière. Régence d’
— 290
Azincourl (N), 278
Baleinoptères du Nord dc l’At¬
lantique , 227
Barbastelle , 247
Belœil (B), Château dc — 32
Brasseur , 43
Blanchiment. Recherches sur le
— 193
Blanquart de Bailleul (M.gr) ,
24
Bovines. Raccs — du Ilaiuaut ,
282
Boulangers. Lithurgie du patron-
nage des — lit
Boulogne-sur-Mer (P) Histoire
de — 27 ; Fouilles archéologi¬
ques près de — 226
Bouvines , 151
Braine-lc-Comle (B), Forteresse
de — 32
Briffœil (B). Château dc — 32
Billet^ 161
Burry (Pierre) , 223
Caillou- qui- Bique (B), 181.183
Caix (S) , 218
Calcaires du Pas-de-Calais , 159
Camhrai(^). Les Corps de métiers
de — 90.176 ; Domaines du
Clergé dc — 91 ; — Disette à —
93 ; la Domination espagnole
à — 1 11 ; Musée dc — 313.
Cambresis. Etats du — 17 ; Chants
et Chansons du — 90; Inscrip¬
tions tuniulaires du — 90 ; Géo¬
logie du — 262; Chants et Chan¬
sons populaires du — 401
Cantraine , 43
Gartulaires , Chartres et Char-
triers du Haiiiaut, 32 : — de
FAhbaye d'Haumont , 32; — de
l’Eglise deS.te-Vaudru, 32 ; —
de Philippe-Auguste, 220; —
de Valenciennes , 287; Statuts
de l’Académie dc Musique à
Mous, 34
Celtiques. Antiquités— du Musée
de Douai, 186 ; — Découverte
d’objets — à Caix, 218
Céramique. Histoire de la — lil¬
loise , 345 ; Manufactures de
Fayences de Valenciennes, 76
Chalandrxj (A), 129
Chants et Chansons populaires
du Cambrésis, 90. 40 J
Charles-Quint. Campagnes de, 90
Charles VU. Lettre du Dauphin
— à Philippe-lc-Bon , 335
Chateau de Briffœil , 32 ; de
Belœil, 32; deMons, 33; des
Diables , 181 ; de Domart ,174
Chièvres (B). Histoire de — 32
Chimie , 68
Chivy (A) ,114
Christianisme. Introduction du
_ — dans le Hainaut, 294
Cicéron. Traité dc la vieillesse ,
62; les Débiils de — 284
Clairmarais (P) , 264
Classification en Histoire natu¬
relle ,135
Collation dcs Curés de l’Ordre dc
Saint-Jean-de-Jérusalem , 33
Concordat ruSSe , 398
Condé. Origine du titre des prin¬
ces de — 11 4
Confrérie noble dc Saint-Gcorgcs
à Mons, 34
Cotonnière. Industrie — 124
Coucy la Ville (A) , 130
Crespel-Delisle , 162
Crustacés d’eau doucc de Belgi¬
que, 298
Desbordes-Valmore , 72
Derode (Victor) , 9
Détenus pour dettes. Conditions
des — au moyen-âge , 112
Deux-Acren (B). Eglise des — - 30
Disette à Cambrai, 93 ; Famine et
— 108
Domart ( S .) , 174
Doncre (Dominique), 162
Douai (X). Musée archéologique
de — 35.185; Essai sur le Ma¬
gistrat de — 172 ; Musée Ber-
tlioud , 399
Dour (Bh Notes sur le canton de
— 32
Droit coutumier. Origine du —
113
Dubois (Anne) , fondatrice des
Brigittines de Lille , 344
Dubois (Stanislas) , 410
Dugué deBagnols. Mémoires de
— intendant de la Flandre wal¬
lonne, 343
Dunkerque. Notice historique
sur — 144
Duthoit (Aimé) , 88
Eau. Utilité deU — 133
Economie politique et sociale.
Considérations sur les Douanes
et sur rimpôt, 95; Enseigne¬
ment professionnel des femmes,
330; Causes du chômage du
lundi, 330; Les Chèques, 330;
Suppression des Octrois, 10
Edouard îîï , 231
Egl ises des Deux-Acren , 32 ; —
Saint -Julien à Ath, 32; — Sainte-
Waudru , 33 ; — Chivy, 114;
— Amiens, 222.223 ; — Saint-
Michel , 330
Egyptiennes, Antiquités — du
Musée de Douai , 185
Elincourt (N), 92
Empoisonnement par les Grai¬
nes de Piicin , 157
Enfant (E) , 132
Epitaphes ( voir inscriptions tu-
mulaires )
Escaut. Péage de r — 198
Espèce. De r — 165.200
Est innes-au-Val , 33
Etats de Lille , 8 ; — du Hainaut,
16; — du Cambrésis 17; Convo¬
cation des — Généraux en Ar¬
tois , 327
EtouveUes (A) , 150
Exposition de svlviculture de
Namur, 55; Visite à E— univer¬
selle, 58
Fayence (voir Céramique)
Féodalité. La — cn Picardie ,
220 ; Statistique féodale du Mc-
lantois, 336
Fêtes de la Toison-d'Or à Mons ,
33 ; — à Laon en 1741 , etc. ,
130
Feux. Francs des cinq offices
des — à Valenciennes, 339.
352
Filigranes des papiers, 128
Filles de la Croix. Origine de
l'Institut des — 225
Flandre. Relations de la — au
moyen-âge, 200
Florentins. Les Proscrits— sous
Henri III , 173
Foires de Mons , 33
Folz-les-Cavcs (B). Gite fossilifère
de — 83
Gallo-Romaines. Sépultures —
19,52; Antiquités 91.129;
Habitation — à Bouvines, 151 ;
Puits — à Vechten , 200
Gaule. La — au siècle d’Auguste
et sous les Antonins , 170
Gaulois. Découverte d'un Trésor
— 405
Geete (Grande) (B). Roches canne¬
lées de la — 230
Géologie du Cambrésis , 262 ; —
du Caillou-qui-Bique 183 ; —
des environs de Soignies, 66; =
Grotte de Coget, près Namur ,
227; Diluvium de Saint-Omer,
120 ; Cristaux de Gypte dans
Eargile d'Ypres , 362 ; Coupe
d'unpuit à Guesnain,157; Craie
de Saint-Omer, 267; le Gault à
Valenciennes, 197; Bassinhouil-
1er de Valenciennes ,236; Sour¬
ces sulfureuses de Meurchin,
318 ; Observations géologiques
faites en Italie , 157 ; Roches
cannelées de la Grande-Geete,
230 ; Tranchée du chemin de
fer de Tournai, 216; id. d'Anor,
189 ; id. d'Origny, 189 ; Etudes
paléontologiques sur le dépar¬
tement du Nord, 157; Crustacés
et Tortue fossiles de Lezennes,
361 ; Cheloniens fossiles des
environs de Bruxelles , 230 ;
Palædaphus devoniensis , 229 ;
Gîte fossilifère de Folz - les -
Caves , 83 ; Meule , 18 ; Sources
salines du terrain houiller, 299
Cours de — 392
6
Germaniques. Traces d’éléments
— dans le Nouveau - Monde ,
200
Gibier. Arrivages de — du Nord,
46
Gracques (les) , 73
Grec. Théorie élémentaire des
verbes grecs , 308
Gucsnain (N). Coupe d’un puit à
— 157
Hainaut. Etats du — 16; Cartu-
laire du — 32
Hamel (N) , 248
Haumont (N). Cartulaire de l’ab¬
baye d’ — 32
Hédouin , 24 , 88 , 385
Henri IV. Lettre de — aux Ya-
lenciennois, 292
Histoire. Cours d’ — 371
Hippophagie , 333
Houille. Analyse des — du Nord
de la France, 159 ; Bassin houil-
1er de Valenciennes , 236
Horace. Traduction d’ — 59
Hrovistha , 59
Hydrologie de l’arrondissement
d’Abbeville , 254 ; — du dépar¬
tement des Ardennes , 349 ; Ali¬
mentation d’eau potable de la
ville de Douai , 383
Incendie. Avertisseur d’ — 192
Indianisme. Jeliovali et Agni ,
61 ; Culte de Kriclma ,331
Industrie. Notions sur 1’ — dans
le département des Ardennes ,
174; Histoire de F— à Lille,
176
Inscriptions tumulaires de Blan¬
dine Rubens , 33 ; ■ — de l’ar¬
rondissement de Cambrai , 90 .
262
Intendants, Intendance du Hai¬
naut , 14 ; — Mémoires des —
de la Flandre et du Hainaut ,
340
Insectes. Catalogue des Coléop¬
tères du département du Nord,
10; id. des Hémiptères, 155;
Synopsis des Caloptérygines,
230 ; id. des Gomphines , 298 ;
Ravages des Chenilles, 240.268
282 ; Insectes nuisibles , 255
Ivoire. Feuille d’ — trouvée à
Tongres , 200
Jeanne la Folle, 135
Juan d’Autriche (Don) , 68.231
Jourdain (Léonor) , littérateur ,
61
Judiciaire. Episode — du XIV.*
siècle, 123; Jugements de Dieu,
199
Xiamartine, 87
Lannoy (N). Histoire de — 9.141
Laon{k). Fêtes à — en 1741, etc.,
130; Institution de Charité à —
131
lia Rochefoucault, 8
Lemaire de Saint-Quentin , 333
le Pelletier de Souzy intendant
de la Flandre , ses Mémoires ,
341
Lèse-majesté SOUS le DuC d’Al-
be , 398
Leys , 410
Lezennes (N) , 361
Ligue. La — à Abbeville, 397 —
en France , 397
Lille (N). Histoire des Etats de —
8 ; Rivières et canaux de — 40;
Histoire de l’industrie à — 176;
Biographie lilloise contempo¬
raine , 309 ; Anciennes coutu¬
mes de — 335
Littérature. Cours de — néer¬
landaise, 36; — ancienne, 372,
française , 373 , étrangère , 373
Liquide. Figures d’une masse —
sans pesanteur, 98
Looz (B). Histoire du comté de
— 152
Loup , 80 , 116, 409
Louvain (B). Siège de — 397
Mammifères. Liste des — du
département du Nord, 212
Mammouth , 120
Marœuil {?), 387
Mathématiques , 64, 68, 98, 120
Martre ,316
Mécanique. Expériences sur les
métiers à tisser , 256
Menstruation. Epoque de la —
299
Mérovingien. Cimetières — 130.
218.318 ; — Chapiteaux — 1 14
Météorologie, 21. 53. 86. 118.
148.191.215.247.279.316.364.
406; Orages, 22.386 ; Observa¬
tions — 92.101.122.333.378 ;
— 7 —
Aurores boréales, 227 ; Bolide;
227.365; Neige en été, 299,
Tremblement de terre , 365 ;
Etoiles filantes, 387
Métiers. Corps de — à Cambrai,
176 ^
Meunier (Baron) , 9
Meurchin (P) , 318
Milon moine de Saint-Amand ,
112
Monnaies (voir Numismatique)
Mon$ (B). Château de — 33 ; Fête
delà Toison-d’Or à — 33; Foires
de — 33 ; Sceau primitif de —
33; Hôtel de la Paix à — 34 ;
Confrérie noble de S.t-Georges
à — 34 ; Ancien cimetière à
— 362 ^
Monstruosités. Producîtion des
— 259 ; Polydactylie , 379
Musées de Cambrai , 313 ; — ar¬
chéologique de Douai, 37.185 ;
—d'flistoire naturelle de Douai,
205 ; — de Dessin de Lille, 120 ;
— d’Archéologie et de Cérami¬
que de Lille , 209 — Ethnogra¬
phique de Lille, 188— Berthoud
à Douai , 399
Navez , 410
Narbonne. Journal de — Com¬
missaire de police de Versailles,
258
Néerlandaise. Cours de littéra¬
ture — 36
Noble famille , 56
^oroy (S) , 218
Numismatique des comtes de
Hainaiit, 143 ; — de FAbbaye de
Saint- Waast, 146; — du Pon-
thieu , 254 ; — des seigneurs
deFlorennes, 104; Découverte
de Monnaies, 20.149.405; De
la Monnaie dans le département
du Nord. 44.^84; Atelier moné¬
taire de Valenciennes. 145,406 ;
]\Iédailler du Musée de Valen¬
ciennes, 284 ; Enseignes de S.t-
Firmin ,115
Œufs. Conservation des — 159
Oiseaux. Coqs de Bruyère, 47 ;
Gelinotte, 49; Lagopèdes, 50 ;
Tétras , 51 ; Mouette, 86; Petrel,
86 ; Pouillot , 86 ; Cygne ,119;
Canard hybride , 205 ; Pélican
blanc , 315 ; — Oiseaux étran¬
gers, 85; Ornithologie euro¬
péenne , 153 ; Oies sauvages ,
356
Origny (A). Tranchées du chemin
de fer à — 190
Ornement de Bronze , 404
Pascal , 8.124.174
Peinture : Vocation de Saint-
Jacques, 95
Peissant (B), 33
Périodiques. Phénomènes — en
1865 et 1866, 101
Peuple. Condition du — au
moyen-âge, 113
Philippe II. Campagnes de —
200
Philosophie. L’Ame, 61; les Idées
innées, 253, Etudes de Théodi¬
cée, 300 ; Cours de — 370 ; Le
Phédon , 397 ; L’ordre surna¬
turel , 398
Physique ; Vibrations de l'air
dans une enveloppe biconique,
196; Chronomètre electro-ha-
listique, 227 ; Pyromètre, 260
Physique sociale, 78.299
Poésies, Poèmes ; la Patience ,
7;Lydéric, 7; l’Apparence trom¬
peuse, 7; Hrovistha, 59; la Mort
et le Bûcheron , 60 ; la Sobriété
poème du ix.® siècle, 112; le
Dernier jour de Pompéï , 123;
Li roman des Eles , 199 ; les
Chants du soir , 210 ; le Pèleri¬
nage deChild-Harold, 306; Pro¬
menade dans le Cimetière de. . .
330; Macbeth, 330
Poissons fossiles du Boulonnais,
27
Porc Epie , 120
Préexistence des germes. Théo¬
rie de la — 135
Premont (A) pendant l’occupation
romaine , 135
Procès auxiliaires de l’Histoire ,
91
Protestantisme à Remigny, 130
Puit romain, 200
Puysaye. Recherches historiques
sur la — 147
Quemada. Ruines de — 92
{juentovic. Emplacement de —
— 8 —
Reliquaire de l'abbaye de Hac-
quignies
Remigny (A) , 130
Renaissance (La), 71
Rime. Origine de la — 59
Robespière. La jeunesse de —
325
Ronchin (A) , 19
Roye (S) , 225
Rubens. L'épitapbe de Blandine,
33
Saint- Angilbert , 113
Saint-Michel (A) , 330
Saint-Omer{V). Diotionnaire géo-
graphique de l'arrondissement
de — 250 ; Diluvium de -- - 120 ;
Craie de — 267
Sainte- Aye. Culte de — 33
Sainte-Beuve , 320
Saint-Génois (le Bai'on de) , 43
Sanglier ,117
Sceaux primitif de Mous , 33 ; —
des Minimes à Mous, 34; — des
seigneurs de Florennes , 104 ;
du Musée d'Amiens, 225
Schœnbein , 42
Sénac de Meilhan, 14.325
Sépultures et Cimetières gallo-
romaines , 19.52 ; — mérovin¬
giennes, 130.218.318. 387;— an¬
ciennes , 150.362; Pierres tom¬
bales de AVillerval , 362
Silex taillés , 33
Silviculture .Exposition de — de
iS’amur, 55; Végétation spon¬
tanée des plantes forestières ,
62
Smithsonnienne . Institution —
de Wasington , 378
Soissons (A). Siège de — 131
Soignies (B), 66
ASo/esmes (N). Histoire de — 381
Soude. Fabrication de la — 352
Soufre. Extraction du — en Si¬
cile , 158 ; Source sulfureuse .
de Meurcliin ,318
Squalodons , 103
Strepy (B), 33
Sucre. Dosage du — 11
Sulfocyanures , 68
Templeuve (A) , 362
Théodicée. Etudes de — 300
Thermophylacte , 159
Thivencelles (B) , 19
Tissage. Coui's de — 404.409
Toilliez , 31
Toscane (Grand Duc de) — 173
Tournay (B). Tranchée du che¬
min de fer, 216
Trith (iN) .Seigneurs de— aux xii.®
et XIII.' siècles , 286
Université. Discours suri' — 34
Valenciennes. Manufactures de
fayences de — 76 ; Ateliers mo¬
nétaires de— 145.406; le Gault à
— 197 ; Chartre communale de
— 289; Siège de — 292 ; Vigno -
blés de — 292 ; Flistoire du Col¬
lège de — 293 ; Francs des cinq
offices des feux à — 352 ; Bio¬
graphie valenciennoise , 287
Van der Buch archevêque de
Cambrai, 33
Vapeur (Machines à vapeur),
hobinet à air de sûreté , 96 ;
Utilisation des — perdues dans
les fabriques de sucre , 333 ;
Emploi de la contre-vapeur ,
380
Végétaux Alyosotis Dumortieri,
56; Cytissus décumbans, 56;
Physiologie végétale , 156
Vente de gravures, 366
Vierge miraculeuse de Cambron,
33
Vincent de ITiistitut ,24.87
JV arminia (B) , 200
Watteau. Le peintre — 284
JVelteren, 200
TFillerval (P) , 362
Worden. Biographie du baron do
— 91.262
Ypres (B). Restauration de la
Chambre échevinale d’ — 408
Ziphioide foSSile , 103
Les noms de localilcs sont accompagnés d’initiales dés' gnant les divisions géogra¬
phiques où cl’es sont situées : — (A) Aisne , (Ar) Ardennes , (S) Nord , (P) Pas-de-Calais ,
S) Somme , (Bj Belgique.
LILLE, DIP. BLOCQUEL-CASTLVUX , GRANDE PLACE, 13.
BULLETIN
Scientifique , Historique et Littéraii*e
du Département du Nord
ET DES PAYS VOISINS
BULLETIN
SCIENTIFIQUE , HISTORIQUE
ET LITTÉRAIRE
DU DÉPARTEMENT DU NORD
et des pays Toisius
( Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes, Belgique )
PUBLIÉ sous LA DIRECTION DE MM.
GOSSELET , Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et
DESPLANQUE , Archiviste du Département du Nord.
Tome IL — 1870.
LILLE
Imprimerie de Blocquel-Castiaux , grande place , 13
1870
<
îv
€ -
•V
2/ Année. — N.° 1. — Janvier 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ d’agriculture, scieisces et arts de douai
Mémoires , 2.® série , tome IX.
HISTOIRE ET LETTRES.
Notices nécrologiques : M. H. Honoré^ M. Vahbé Capelle,
— La Société d’agriculture , sciences et arts de Douai est
dans l’habitude de consacrer une Notice à ceux de ses mem¬
bres résidants qu’elle a la douleur de perdre. M. Dupont
s’est, au nom de la compagnie, acquitté de cette dette
envers la mémoire de feu M. Honoré , ancien bâtonnier de
l’ordre des avocats , décédé le o août 1866.
La Société a tenu à ce qu’un de ses correspondants, mort
le 7 octobre 1867, fût pareillement admis aux honneurs
d’une Notice. M. l’abbé Capelle avait des droits particuliers
à cette distinction, comme enfant de Douai et comme ayant
répandu un certain lustre sur sa cité natale. Sans avoir été
un orateur de premier ordre, M. l’abbé Capelle a recueilli,
dans sa longue vie de missionnaire, des succès de parole
dont se souviendront longtemps les populations rurales et
urbaines qui en ont été témoins. On sait qu’avec sa puis¬
sante initiative, son entrain irrésistible, il fut l’organisa¬
teur des jubilés séculaires de Cambrai, de Lille et de Douai,
trois grandes fêtes qui marqueront dans les annales ecclé¬
siastiques du pays. A la suite du jubilé de Douai, M. Maurice,
alors maire de la ville, lui adressa de publiques félicitations
pour l’heureux résultat d’une entreprise qui réclamait,
comme il le dit, <r l’union d’une foi ardente et d’un goût
épuré. » Il lui remit, en même temps , au nom de ses con¬
citoyens et en commémoration de cette fête, une chapelle
en vermeil , ornée de riches métaux.
— 2 —
La Notice nécrologique de M. Capelle ne pouvait être
inieux confiée qu’à la plume exercée de M. l’abbé Debaisnes.
Celui-ci suit pas à pas son regretté confrère : il l’accom¬
pagne du collège au séminaire, du séminaire à ses diffé¬
rents postes jusqu’à celui de Saint-Géry à Valenciennes où
devait s’éteindre , au bout d’une vie de fatigues, cet homme
doué de qualités si brillantes et d’une si rare activité.
M. Debaisnes énumère, en môme temps, les productions
littéraires de son auteur, productions qui, si l’on en excepte
la Vie de Sainte Hiltrude et la Biographie des Prêtres du
diocèse de Cambrai morts depuis 1800, furent presque toutes
des œuvres de circonstance, puisqu’elles se rattachent aux
trois grands jubilés dont elles rappellent le motif et dont
elles perpétueront le souvenir.
L'Académie bocagère du Lulmuse, notice humoristique
par M. le docteur Maugin. — Le Valmuse des bords de la
Sensée et les Rosati d’Arras étaient deux institutions sœurs.
Nous traiterons de l’une et de l’autre dans un article spé¬
cial, lorsque aura paru le chapitre consacré par M. Paris à
la joyeuse Société artésienne dont Robespierre était le peu
joyeux sociétaire, (b Provisoirement nous nous bornerons
à signaler le travail de M. Maugin, en en louant le tour
heureux et les données nouvelles qui forment un utile
complément aux recherches de feu Arthur Dinaux sur la
même matière.
Boutade à V occasion de la Loi Grammont^ par M. Courtin.
De l’immortelle loi que l'on doit à Grammont
Admirez , s’il vous plait , le sens grave , profond...
Tris d’un tendre intérêt pour la gent animale,
Par une faveur sans égale,
11 fait punir d’amende et d’emprisonnement
Le plus futile emportement
Contre le moindre chien , ou bien toute autre hôte.
(b Voir Bulletin , t. i , p. 326.
O -
Parfait , dit l’auteur de la boutade en question (ce n’est,
bien entendu , qu’une boutade) , mais ce meme animal que
le législateur prétend protéger contre le caprice d’un con¬
ducteur , il le livre sans pitié au boucher s’il juge sa chair
propre à l’alimentation de l’homme :
Mais Tassommer, ou l'égorger ,
Le dépecer, et même le manger
Est très-permis _
M. Cour tin , on le voit , n’est pas éloigné de s’écrier avec
le poète Roucher :
Arrête , liomme vorace ; arrête ; ta furie
Des tigres , des lions, passe la barbarie !
Ne nous étonnons pas, après cela, s’il s’emporte contre
les chasseurs que l’on voit :
. Dès que l'ordre du Tréfet
Le permet ,
Sur les êtres vivants que notre terre porte
Fondre avec cruauté.
A combien plus forte raison le défenseur quand même
des animaux réprouve-t-il les courses de chevaux, les com¬
bats de coqs, de pinsons et de taureaux, l’usage où l’on
est de choisir pour cible vivante , les jours de fête ,
Une innocente bête
Qu'on lie et qu'on suspend !
L’usage , non moins barbare , où l’on est en Gascogne de
livrer aux sangsues de vieilles rosses encore vivantes.
Bref l’auteur conclut que , dès qu’il s’agit de l’intérêt ou
même des plaisirs du roi de la création , l’esprit de la loi
Grammont est bien vite laissé de côté par ceux mêmes qui
l’ont faite.
Le monument du Vercingétorix ^ poème par M. Abel
Desjardins. — Ici nous sommes encore sur le terrain de la
poésie. Mais nous confinons aux sévères réalités de l’Iiis-
toire. M. Abel Desjardins a divisé son poème en trois chants :
Alise, Rome, VApothéose.
Alise, c’est le récit du soulèvement général et de la défaite
suprême :
Ainsi , dans un élan sublime ,
La Gaule se lève unanime !
0 combien ils sont beaux à voir
Ces guerriers , ces héros , accourus par cent mille
(juittant , le cœur joyeux , leur foyer et leur ville
Pour accomplir un saint devoir !
Dans Rome , nous retrouvons le captif languissant sans
espoir :
Ce n'est plus le brillant vainqueur de Gergovie ,
A l'œil d’aigle , au front radieux ;
C'est un pâle malade , au déclin de la vie :
Cinq ans de douleurs l'ont fait vieux !
Par un de ces anachronismes volontaires que l’on par¬
donne avec un plaisir particulier aux maîtres de la science
historique , Saint Pierre apparaît au captif dans sa prison.
Il lui prédit le prochain triomphe du christianisme sur les
débris de Rome païenne et lui fait entrevoir les hautes des¬
tinées de la Gaule comme fille aînée de l’Eglise.
Au jour de VApothéose, la Gaule est devenue France. Elle
invite Vercingétorix à prendre rang entre les héros et les
rois dont elle est le plus fière :
Or , parmi les guerriers que le Gaulois admire ,
ün groupe a fixé son regard.
Il cède au charme qui l’attire
Vers Jeanne Darc et vers Bayard ,
Il siégera — plus d'un trait les "rapproche :
Même vertu , même valeur, —
Entre le chevalier sans peur et sans reproche ,
Et la vierge de Vaucoulenr.
Mœurs des Hébreux et des Arabes j^asteurs d'après la
Bible , par M. H. Corne. — M. Corne , comme il nous l’ap¬
prend lui-même , s’est appliqué à relever , avec une reli¬
gieuse curiosité , ce que la Bible contient de renseignements
sur les Sociétés primitives.
« Abraham, dit-il en commençant, est le patriarche qui
forme le trait d’union entre l’histoire profane et l’histoire
sacrée des premiers âges ; Abraham , le nom d’homme sans
contredit le plus vénéré dans le monde. Trois religions
Tinvoquent et l’honorent comme leur fondateur; pour les
Juifs , il est le père du peuple choisi de Dieu ; pour les
Chrétiens, c’est le trône sacré d’où le Christ lui-méme est
sorti. Les Musulmans enfin révèrent en lui l’auteur de la
famille arabe, Tancêtre de Mahomet. »
La Constitution sociale du peuple Hébreu à cette époque
a pour hases le monothéisme le plus pur et la puissance
patriarchale avec un reflet d’autorité divine qui lui est
propre , puissance illimitée à l’égard des enfants , des
esclaves, et qui relègue la femme au degré d’infériorité où
elle se trouve là où le principe de la monogamie n’est point
de rigueur. Les patriarches , véritables chefs de tribus ,
étaient riches et puissants à l’égal des petits rois de la con¬
trée qu’ils habitaient. Ils possédaient de l’or, de l’argent ,
des tentes, des troupeaux. A la tête de nombreux
ils entreprenaient des expéditions guerrières et conquéraient
des territoires : ce qui ne les empêchait pas de conserver
une extrême simplicité de goût et de mœurs. Qu’on ne se
méprenne point toutefois sur le caractère réel de cette sim¬
plicité et qu’on ne la confonde point avec l’innocence chimé¬
rique qu’ont rêvée les poètes profanes lorsqu’ils ont voulu
nous dépeindre les merveilles de l’âge d’or.
« A côté de ces vertus , à côté de cette simplicité de cœur
et de cette foi religieuse si profonde et si vive chez les
patriarches , nous trouvons trop fidèlement reproduites en
eux toutes les passions de l’humanité : la jalousie , la haine,
l’amour de la vengeance, la cupidité , l’astuce, la dissolu¬
tion des mœurs, etc. Quand ils ne savent pas réprimer ces
passions , les crimes qu’elles enfantent sont empreints d’une
brutalité , sauvage comme l’existence même de ces hommes
primitifs. »
Le tableau de la vie des patriarches, si naïvement retracé
— 6 —
par la Bible , aide beaucoup à mettre en lumière certains
usages communs aux peuples d’une antiquilc très-reculée.
Par exemple : l’érection de monuments commémoratifs ,
autels, pierres du témoignage, etc.; la plantation d’un
bois en souvenir d’un pacte solennel ; le creusement de
puits, dont l’un, dans la Genèse, est formellement appelé le
puits du jurement ; lacbat de terrains pour sépultures,
l’embaumement des corps , les cérémonies des funérailles ,
les assemblées du peuple à la porte de la ville, etc.
Passant de la Genèse au livré de Job , M. Corne recueille,
dans ce dernier ouvrage , de piquantes observations sur la
sociabilité des peuples primitifs , sur leur façon d’exercer
l’hospitalité, sur leurs instincts d’humanité et de justice ,
sur la manière dont ils envisageaient la misère et l’iniquité,
sur le sens qu’ils allacbaient à la malédiction , sur leurs
danses et instruments de musique , sur leurs objets de luxe ,
leurs armes et instruments divers , sur leurs tombeaux et
leurs signes de deuil.
JS oie sur quelques inscriptions latines du musée de Douais
par M. Ernest Desjai’dins, membre correspondant. — Dans
un séjour qu’il a fait à Douai , où l’attirent des liens d’é¬
troite parenté, M. E. Desjardins a pris la peine de déchiffrer
les inscriptions du Musée gallo-romain de cette ville. Les
lectures de l’habile épigraphiste pouvant être considérées
comme définitives, nous ne désespérons pas de les repro¬
duire un jour ici avec tout ou partie des savants commen¬
taires dont leur auteur les a accompagnées.
Essai sur les Musées de Douai: leurs origines^ leurs
progrès, leurs hienfaiteurs , par M. Auguste Cahier. — Les
portions de ce travail relatives à Varchéologie et à Vethno-
graphie ont été résumées ici -meme par notre collaboraleui*
M. l’abbé Dehaisnes(Bu//ef«u, 1. 1, p. 3740, 183-187). Quant à
larticle de M. Cahier traitant des tableaux, dessins et gra-
__ 7 —
vures , comme il figure en tête du Catalogue , récemment
imprimé, des ouvrages de peinture^ sculpture, etc., exposés
dans les galeries du Musée de Douai, nous l’analyserons
procliainemenl, en rendant compte de ce volume.
Les origines des xctx savctorüm et les protecteurs des Bol-
landistes dans le Nord de la France , par M. l’abbé Dehais-
nes. — M. l’abbé Dehaisnes commence par établir, d’après
les témoignages de 3DI. Pertz, de Reiffenberg , Chodzko
et Renan , l’importance de ce recueil gigantesque. Puis, au
moyen d’emprunts faits à la biographie du P. Van Roswey,
plus connu dans le monde de l’érudition sous le nom de
Rosweyde , il démontre que les Acta Sanctorum ont été
commencés à Douai et dans deux abbaves voisines : 31ar-
chiennes et Ancliin. Le P. Van Roswey , on ne le sait pas
assez, a précédé Rolland dans la grande entreprise à
laquelle celui-ci devait attacher son nom. A ce compte.
Douai peut, de préférence à Anvers, revendiquer l’honneur
d’avoir été le berceau des Acta Sanctorum. Rolland a trouvé
chez un prélat de nos contrées, dom Antoine de Winghe ,
abbé de Liessies, l’aide pécuniaire, les encouragements et
les conseils qui, dans cette maison là , n’avaient jamais fait
défaut au P. Van Roswey. Dom de Wingbe , mort en 1637,
n’eut la consolation de voir que les premières feuilles d’une
collection dont nous , gens du xix.® siècle , ne verrons cer¬
tainement par les dernières. L’abbaye de Liessies fournit
aussi à Rolland quelques-uns de ses coopérateurs : Chrétien
Le Roy , Thomas Luytens , etc. 31. l’abbé Dehaisnes énu¬
mère ensuite et fait connaître les autres collaborateurs que
les Rollandistes ont eus successivement dans notre pays :
dom Renoit Lempereur , religieux de 3Iaroilles ; dom Rève-
not , religieux de Saint-André du Gâteau , décédé , dans no¬
tre siècle, doyen-curé de 3Iaiibeuge; le P. Urbain de Sticker,
jésuite, né à Dunkerque le 11 septembre 1707. — L’infati-
— 8 —
gable archiviste de Douai a ainsi écrit un bien curieux
chapitre de Thistoire littéraire de la région du Nord.
Mémoire sur les Etablissements religieux du clergé sécu¬
lier et du clergé régulier qui ont existé à Douai avant la
Révolution, par M. l’abbé Dancoisne. — La Société d’agri¬
culture, sciences et arts de Douai , dans sa séance publique
du 12 novembre 1865, a honoré d’une médaille d’or cet
important mémoire dont elle publie aujourd’hui la pre¬
mière partie. L’ouvrage est précédé d’une substantielle in¬
troduction où l’auteur passe en revue tous les établissements
religieux d’hommes qui existaient à Douai avant 1789 et
où il esquisse à grands traits l’histoire ecclésiastique de
cette ville. Ce tableau d’ensemble figure d’autant plus heu¬
reusement en tête du livre que M. l’abbé Dancoisne , déses¬
pérant de pouvoir faire marcher de front l’histoire des diffé¬
rentes maisons, va se borner à nous présenter isolément ,
dans le corps de son ouvrage , la monographie de chacune
d’elles.
Il commence naturellement par les deux établissements
les plus anciens de Douai , à savoir les collégiales de Saint-
Amé et de Saint-Pierre. L’origine du chapitre de Saint-
Amé se confond avec celle même de la ville. M. Dancoisne
la retrace; puis il nous initie à la composition de ce grand
corps capitulaire.; il nous décrit ses droits, ses privilèges ,
scs relations avec les deux pouvoirs. Il cite les hommes
remarquables que la collégiale de Saint-Amé a produits, les
faits les plus saillants qui se sont accomplis dans son sein.
Il nous dépeint les locaux qu’elle a occupés et son église
plusieurs fois rcconstruite.
Même méthode pour le chapitre de Saint-Pierre avec qui
on sait que le chapitre de Saint-Amé ne vécut pas toujours
en parfaite intimité.
L’ordre des temps amène ensuite M. Dancoisne à parler
— 9 —
des Templiers qui eurent deux maisons à Douai et qui ,
après avoir soutenu divers procès contre lechevinage, furent
compris dans la proscription générale que Philippe-le-Bel
organisa contre eux. Les frères de Saint-Jean de Jérusalem
leur succédèrent dans leur maison Notre-Dame, comme
dans la direction de l’hôpital Saint-Samson qui ne fit que
dépérir sous eux.
L’installation à Douai des Trinitaires , ou pères de la
Rédemption, eut lieu en 1200 et compléta, dans celte ville,
le cercle des institutions qui avaient leurs regards tournés
vers l’Orient. Là comme ailleurs , elle rendit de véritables
services que 31. l’abbé Dancoisne enregistre avec orgueil
pour l’Eglise.
Dans les portions subséquentes , et non encore publiées ,
de son livre, l’auteur nous entretiendra des deux grands
ordres du xiii.® siècle , Dominicains et Franciscains. Puis,
franchissant un grand espace de temps , il nous fera assister
à la création de l’Université , à l’établissement dans Douai
des jésuites et des religieux anglais.
Dès maintenant , et par ce que nous connaissons de l’ou¬
vrage , nous pouvons assurer qu’on y trouvera une série de
faits bien choisis, habilement groupés et judicieusement
entremêlés de fines remarques , le tout conçu dans un style
d une irréprochable pureté et d’une simplicité de bon aloi.
Nous retrouvons bien ici, avec toutes ses qualités, l’écrivain
dont notre ville est légilimement fière et à qui la Société
des sciences de Lille , elle aussi , décernait récemment l’une
de ses plus hautes récompenses.
Quelques lettres inédites de Collot d'Herhois, par 31. A.
Preux. — En procédant au dépouillement, qu’il a entrepris
avec 31. Brassart, des archives de l’ancien Parlement de
Flandre , 31. Preux a mis la main sur un paquet de lettres
écrites , d’avril 1772 à juillet 1774 , par un homme destiné
— 10 —
à acquérir une sinistre renommée. En avril 1772 , Collot
d’Herbois encore fort jeune (il était né vers 17ol) se trouve
momentanément à Paris ; il attend un ordre de début pour
la Comédie-Française. Mais jusque-là il s’appartient et il
offre à son correspondant Armand Desroziers , alors direc¬
teur du théâtre d’Amiens, de s’engager pour deux mois dans
sa troupe.
Au mois de juillet suivant , d’Herbois est retourné à Bor¬
deaux ; c’est la troisième année qu’il y passe et il se déclare
bien décidé à n’y point rester une quatrième. Le 28 août
ses espérances du côté du Théâtre-Français sont ajournées,
sinon totalement détruites. « Il a été malade; il a fait des
dettes; il lui faut des avances pour se libérer: or, des
avances on n’en obtient que des directeurs de province ou
de l’Etranger. Adéfaut de Marseille ou de Brest, il se déci¬
derait pour Saint-Pétersbourg ; mais s’il est encore en vie ,
il retournera sûrement à Paris en 1774. »
Dans une de ces cinq lettres (celle du 28 août 1772) Collot
parle d’une pièce, intitulée Lucie, qu’il a composée; il
remercie son ami de s’y intéresser , elle vient d’être repré¬
sentée, non sans succès ; ce qui est vrai : car Fréron, dans
son année littéraire, la mentionne très- honorablement.
Pour épuiser ce qui se rattache à la carrière théâtrale de
Collot d’Herbois, au moins dans nos contrées, M. Preux
rappelle que, le 20 septembre 1779 , Collot fit représenter
simultanément , à Douai et à Lille , une pièce de circons¬
tance ayant pour titre : les Français à la Grenade ou Vlm-
promptu de la Guerre et de V Amour. Cette improvisation se
recommande par un ardent royalisme. Jugeons-èn par quel¬
ques extraits :
Tout Français au nom de Louis
Devient terrible aux ennemis ;
Mais pour les cœurs c’est une fête
D'entendre celui d'Anloinelle! . . .
— n —
Vivent not’ Reine et notre Roi ,
Viv’ les Princes du sang de France , etc.
Chantons Bourbon , fêtons les Lys , etc.
Au moyen d’inductions tirées des papiers de Desroziers ,
M. Preux remet Collot d’Herbois à son vrai rang comme
artiste dramatique. Il n’est pas certain que les excès révo¬
lutionnaires du proconsul de Lyon aient été la vengeance
des sifflets jadis prodigués à l’acteur en cette ville : « Si le
futur membre du Comité de Salut public ne fut pas un comé¬
dien hors ligne , du moins il était supérieur au portrait
qu’une horreur légitime en a tracé. »•
Laissons à M. Preux le soin de résumer l’impression que
l’on retire de la lecture des lettres inédites qu’il a retrouvées
et qu’il vient de mettre en lumière.
Il règne dans l’ensemble de la correspondance un ton
honnête et sérieux. Les bonnes mœurs n’y sont jamais
offensées; pas un de ces détails de coulisses, pas un récit
de ces petits scandales de théâtre , comme on s’attendrait à
en trouver dans les confidences de deux acteurs. Une gravité
précoce , et qui ne se déride jamais qu’à demi, l’amour de
l’étude , la régularité de la conduite , telles sont encore les
qualités que ces lettres semblent attester chez celui que
plus tard cependant le Xoël de la Gironde appelait par déri¬
sion le sobre Collot. Mais quelles ombres à ce tableau
favorable î La vanité et l’amour-propre, un dégoût profond
de saprofession, l’amertume du cœurméléeà une sensiblerie
maladive, la haine des classes aisées, qu’il exhale contre
ces riches bourgeois de Bordeaux qui ne consentent pas à
le traiter comme un égal : combien nous découvrons de
symptômes naissants de ces mauvais sentiments qui, déve¬
loppés par des influences que nous ignorons , feront de l’ac¬
teur ambitieux , de l’écrivain médiocre , d’abord un révo¬
lutionnaire ardent, puis un tyran avide de sang, jusqu’au
jour où la peinture de ses cruautés viendra remplacer sur le
théâtre les drames vertueux de son propre répertoire.
A. Desplaxque.
12 —
SOCIÉTÉ DES SCIENCES , DE l’AGRICULÏURE ET DES ARTS DE LILLE
Personnel.
Les modifications apportées dans la composition du
bureau et de la Société pour 1869 sont les suivantes :
Pj'ésident : M. Menche de Loisne;
Vice-Président : M. Blanquart-Evrard.
Membre titulaire élu en 1869 :
M. Raillard, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées.
Séance solennelle du 26 décembre.
M. Chon , président de la Société , a ouvert la séance par
un discours très-applaudi où il a montré que la Société
devait sa longue et paisible existence à ce qu’elle avait su
écarter de son sein toutes les questions irritantes: « ces cho¬
ses qu’il n’est pas nécessaire de nommer, dit l’orateur, qui
apportent la discorde en suscitant de stériles débats, qui
irritent les âmes sans les convertir , qui ruinent enfin les
édifices les plus solidement cimentés. »
Après le compte-rendu , par le secrétaire-général , des
travaux de la Société, on a procédé à la lecture des rap¬
ports sur la distribution des récompenses.
Prix Wicar (1,000 francs) : \ S Architecture; M. Arnold,
ancien élève des Ecoles académiques de Lille. Projet d’un
palais des beaux-arts et de l’industrie à Lille.
2.° Géologie; MM. Chelloneix et Ortlieb. Etude sur les
collines tertiaires du département du Nord comparées à
celles de la Belgique.
Médaille d’Or : l.« M. J. Leblan : Avertisseur d’incendie;
— 2.° M. Dutert, architecte à Paris : Palais des beaux-arts
et de l’industrie à Lille ; — S.'’ M. Steinküler : Services
rendus à l’art musical à Lille.
Médaille d’Argent ; 1.® M. l’abbé Desilve, curé de Ba-
suel : Elude historique sur le village de Noyelles-sur-Selle ;
— 15 —
— 2.°M. Delhaye, ancien notaire à Bavai : Elude histori¬
que sur la ville de Bavai : — 3.° M. le docteur de Smyttère :
Etude sur la vie de Robert de Flandre , seigneur de Cassel ;
— 4.° M. Nicole : Examen architectural des édifices bâtis en
brique ; M. Albert Darcq : Statue de Jeanne de Cons¬
tantinople; — 6.® M. Tribout : Maquette de médaille; —
7.® M. Clerc, chef d’escadron d’artillerie à Saint-Omer:
Discours du Flanime de Jupiter au Sénat romain (Poésie).
La séance a été terminée par le compte-rendu des exa¬
mens des Elèves des Ecoles de chauffeurs et par la distri¬
bution des prix aux vieux serviteurs.
Cette année la Société avait à donner pour la première
fois la prime Parnot, fondée récemment par M.™® Kind-
Parnot en faveur du chauffeur le plus méritant.
N’ayant pu encore déterminer et faire connaître les con¬
ditions propres à l’obtention de cette prime , elle y a associé
le corps entier des chauffeurs en la personne de leur doyen ,
M. Augustin Desmettre.
La séance a été terminée par la remise , au jeune Auguste
Prouvost , né à Bourghelles , d’une récompense qui lui a
été décernée par M. le conseiller d’État, administrateur du
département , pour un acte de courage. J. G.
Travaux courants.
Analyse de la Châtaigne du Brésil., fruit du Bertholletia
excelsa , par M. Corenwinder. — L’auteur commence par
indiquer les raisons qui ont déterminé ces recherches :
« L’intérêt qui s’attache aux productions tropicales aux-
» quelles, à mon avis, l’industrie européenne doit deman-
» der de plus en plus des éléments de travail, m’a fait
® entreprendre une série de recherches sur les graines
ï oléagineuses de ces contrées où un soleil ardent imprime
» à la végétation une vigueur incomparable. »
— 14 —
Déjà M. Corenwiiuler a fait connaître les résultats de ses
analyses de la graine d’Arachide (’) , aujourd’hui c’est le
tour de la Châtaigne du Brésil.
C’est au célèbre Humholdt que l’on doit l’origine du pré¬
sent travail . M. Coren’svinder étant allé à Berlin rendre visite
à cet illustre naturaliste , celui-ci lui conseilla d’entrepren¬
dre l’étude chimique des productions tropicales et lui cita
entr’aulres le fruit du Bertholletia excelsa.
Ce végétal, découvert par Humholdt lui-même, habite les
forêts de rOrénoque. C’est un grand arbre de 33 mètres de
hauteur appartenant à la famille des Myrtacés. Son fruit
est une noix sphérique de la grosseur d’une tête d’enfant ;
il est divisé en 4 loges qui renferment chacune de 6 à 8
graines triangulaires. Elles sont formées d’un péricarpe
ligneux qui contient une amande huileuse. Des navires
apportent souvent ces fruits en Europe, surtout à Bordeaux.
On les vend dans les rues et dans les foires sous le nom de
Châtaignes du Brésil, noix de Para. Frais ils ont une saveur
très-agréable, mais ils rancissent fort vite; c’est peut-être
la raison qui s’est opposée jusqu’à présent à leur emploi.
M. Corenwinder pense cependant qu’ils pourraient être
utilisés sinon pour l’alimentation au moins pour l’industrie
et l’agriculture, et cela avec d’autant plus d’avantage qu’ils
sont très-riches en matière huileuse.
Voici leur analyse comparée à celle de la graine d’ara-
chide :
Chalaigne du Brésil
Arachide
Eau .
. . 8
6
76
Huile .
. . 65 GO
51
75
Substances azotées .
21
80
Matières organiques non azotées
7 39
17
66
Acide phosphorique ....
1 35
0
64
Chaux, alcalis, silice , etc. .
2 35
1
39
100
100
(1) Archives de V Agriculture du jSord de la France , t. xviii , p.
G04.
— 15 —
Expériences sur un point de Chimie organique : Conser¬
vation des Œufs, par M. Bachy. — L’auteur de ce travail
a expérimenté les divers modes de conservation des œufs.
L’eau de chaux employée par une foule de personnes donne
aux œufs un goût spécial qui ne permet plus de les manger
sous forme d’œufs à la coque. Le vernissage doit être aban¬
donné également à cause du goût et de l’odeur qu’il com¬
munique. L’huile de lin n’empêche pas toujours l’altération.
M. Bachy propose d’immerger pendant 12 heures les œufs
dans l’eau de chaux, puis de les exposer à l’air et de
répéter deux ou trois fois cette manipulation , de manière à
ce qu’il se forme dans les pores de la coquille un ciment qui
intercepte tout passage soit aux gaz de l’intérieur de Bœuf,
soit à l’air ambiant.
Notice sur la Craie de Lezennes, par M. Gosselet. —
L’auteur cite les fossiles rencontrés dans cette craie :
REPTILES
Cbelocia
POISSONS
Famille des Bequins
Corax .
..T. R.
Notidamus .
...T.R.
Lamna .
. H.
Olodus .
...T.ll.
Phvchodus .
CRUSTACÉS
Uoploparia ?
MOLLUSQUES
Beleninües verus. . .
...T.R.
Inoceramus cuvicri .
...Ï.Ab
Inoceraaïus (plat).. . .
...T. Ab
MOLLUSQUES ^SUÜe)
Inoceramu3(voism de invoIatus)....A.C.
Ostrea semi plana? . R.
Ostrea . T. Ab
Lima . T. R.
Spondylus . A.C.
Pecien (2 espèces) . R.
Terebraïula semi globosa . A.C.
Rhynchonclla . R.
EGIILNODERMES
Micraster cor lestudinarium . ^VJj
Micraster gibbus . R.
Echinocorys gibbus . R.
Echinoconus conicus . T. R.
Cidaris sepiifera . T. R.
M. Gosselet donne ensuite des indications sur les bancs
de tun, ou phosphate de chaux que l’on trouve à plusieurs
niveaux dans la craie des environs de Lille.
La Tortue de la craie de Lezennes a été étudiée d’une
manière spéciale par M3I. Chelloneix et Ortlieb ; elle se
— 16 —
rapproche de la Chelonia Benstedi du terrain crétacé (middle
chalk) d’Angleterre.
Le Crustacé [Hoploparia ?) a été l’objet d’un travail par¬
ticulier de M. Hallez. Les pattes de ce crustacé ont seules
été trouvées , elles indiquent des rapports intimes avec les
Homards et surtout avec le genre fossile Hoploparia.
Avertisseur d"' incendie ^ par M. J. Leblan. — Les appa¬
reils de ce genre étaient jusqu’à présent des thermomètres
réglés pour sonner aune température fixe, d’une marche
lente en hiver et trop rapide en été. M. Leblan a construit
un thermomètre différentiel : ce qui détermine la détente
d’une sonnerie électrique. C’est la différence entre les deux
branches de l’appareil dont l’une est très-sensible et l’autre
au contraire s’impressionne beaucoup plus difficilement.
Une vis permet de régler l’appareil de manière à ce qu’il
sonne pour une élévation déterminée de température en un
temps donné. M. Leblan a construit deux sortes d’appareils :
les uns sont des thermomètres à mercure, les autres des
thermomètres métalliques formés de deux barres de zinc
(on a donné la préférence à ce métal à cause de sa grande
dilatabilité) l’une mince , l’autre plus épaisse.
ff Ces thermomètres métalliques, d’un petit volume, d’un
coût peu élevé, facilement transportables, dont la pose
n’exige que l’attache à deux clous dans le haut du local et
l’installation d’une faible pile, ne donnent lieu qu’à une
minime dépense , et sont fondés sur la propriété permanente
de la dilatation d’un métal qui ne s’altère pas à l’air. Ils
ont paru à la Société des Sciences la meilleure solution
connue du problème (^) »
31. Leblan a expérimenté son appareil devant la Société,
malgré les conditions défavorables où se trouvait la salle
des séances par suite de l’ouverture fréquente des portes, le
P) Rapport de M. Mendie de Loisne. M. Leblan a reçu une médaille
d'or à la distribution des prix de la Société (voir p. 12 "de ce volume).
— 17 —
timbre a sonné au bout de 3 minutes 1/2 sous l’action de
l’incendie expérimental produit parla combustion de 700
grammes d’alcool.
Purification du Gaz d'éclairage par les résidus des P\j~
rites, par M. Guermonprez, directeur du gaz de Wazemmes.
— Voici en quels termes 31. 3Ienche de Loisne a rendu
compte du procédé présenté à la Société par l’auteur :
« On sait depuis longtemps que le peroxyde de fer a la
propriété d’absorber l’hydrogène sulfuré. On sait aussi qu’on
peut régénérer plusieurs fois par le contact avec l’air l’oxyde
de fer qui a servi à l’épuration. Cette propriété a été déjà
appliquée, il y a vingt-cinq ans, à Paris et un assez grand
nombre de brevets relatifs à des variations de détail ont été
pris en Angleterre.
»» 31. Guermonprez a eu l’idée de substituer au peroxyde
de fer des pyrites, résidus de la fabrique d’acide sulfurique
de Loos. Ces résidus, d’après les essais faits au laboratoire
de la Faculté, absorbent 130 fois leur volume d’hydrogène
sulfuré ; et la Commission a constaté au papier de plomb
que le gaz préparé à 3Yazemmes est bien épuré.
0 L’action des pyrites de fer s’explique facilement , leurs
résidus étant principalement composés de peroxide de fer.
» Il y a là un procédé applicable avec économie , dans le
voisinage des fabriques d’acide sulfurique, et pour des
usines à gaz dont la fabrication a une importance moyenne.»
Note sur la conservation des objets d'art en pierre cal¬
caire exposés à l'humidité, par 31. Kuhlmann. — L’auteur
entre dans quelques développements concernant la préser¬
vation des statues et des sculptures monumentales contre
les altérations que leur fait éprouver le développement ,
à leur surface , de certains cryptogames et en particulier du
Lepra antiquitatis. Dans ce but il a déjà proposé de dis¬
soudre de l’acide arsénieux dans les silicates qui servent au
4
durcissement des pierres. Son attention a été rappelée sur
celte question par une publication d’Eug. Robert dans le
dernier numéro des Mondes.
31. Robert ayant remarqué que les infiltrations cuivreu-
— 18 —
ses, qui imprègnent le piédestal en pierre calcaire d’un
grand nombre des statues en bronze de nos places publiques,
semblent préserver ces matières de l’altération produite
par les végétaux parasites dont il vient d’être question ,
propose d’incruster des lames ou lingots de cuivre dans la
partie supérieure des objets d’art de cette nature qu’il,
s’agirait de conserver.
M. Kulilmann a analysé la réaction cbimique qui se pro¬
duit dans ces infiltrations cuivrées et il est parvenu à dé¬
poser sur la pierre calcaire une véritable teinture verte. Il
pense qu’au procédé proposé par M. Robert qui donne au
marbre , il faut bien le reconnaître , une teinte inégale et
désagréable à l’œil , il convient de substituer des aspersions
à froid d’acide arsénique, ou de soumettre, lorsque cela est
possible , les objets sculptés à l’ébullition dans une dissolu¬
tion de sulfate de zinc privé de fer ou mieux encore d’acide
arsénieux ou d’arséniate de potasse. Il y a là des résultats
bien autrement efficaces à espérer que ceux que peut pro¬
mettre le procédé de M. le docteur E. Robert
J. Gosselet.
COURS PUBLICS.
Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille ,
par M. Gosselet.
L’histoire de la terre peut être comparée à celle d’une
nation.
L’histoire d’un peuple présente toujours quatre grandes
périodes : l’une contemporaine qui se passe sous nos yeux ;
une autre historique que nous connaissons par les écrits de
témoins oculaires ; une troisième antérieure à la précédente
et pour laquelle les documents sont rares et incomplets ,
c’est la période légendaire; une quatrième enfin, la plus
— 19 —
ancienne de toutes , qui n’est connue que par les inventions
des poètes ou les présomptions des historiens , ce sont les
temps fabuleux.
L’histoire de la terre nous présente de même une période
contemporaine dont l’homme et les êtres qui vivent main¬
tenant avec lui ont été les témoins ; une période plus
ancienne que l’on peut appeler paléonionique et que l’on
connaît par des documents positifs tirés de la géologie ; une
période originaire entièrement hypothétique , ce sont les
iemi^s cosmiques ; enfin une période intermédiaire aux deux
précédentes au sujet de laquelle règne encore beaucoup
d’incertitude ; elle paraît antérieure à la création des êtres
vivants, aussi lui a-t-on donné le nom d’azoïque.
L’histoire de la terre se divise donc en Temps cosmiques^
Tempts a.zoïques , Temps paléontoniques Temp)s contempo¬
rains.
Temps cosmiques. On a fait plusieurs hypothèses pour
expliquer l’origine de la terre. Celle qui est la plus géné¬
ralement adoptée suppose que notre globe passa par l’état
de nébuleuse et de soleil avant de devenir une planète
entourée d’une enveloppe solide non lumineuse.
On admetaussi généralement que cette première envelop¬
pe que nous avons déjà nommée sol primitif est le granité ,
roche grenue grisâtre composée de trois minéraux: leFelds-
path , le Quarz et le Mica ; on en fait des dalles pour les
trottoirs et les belles variétés sont employées dans la déco¬
ration des édifices. Malgré sa dureté le granité s’altère à
l’air. Le feldspath , qui est un silicate de potasse et d’alu¬
mine, commence par éprouver un phénomène de fendille¬
ment qui désagrège toute la roche et la transforme en
arène, puis il subit une décomposition chimique. Le
silicate de potasse se sépare du silicate d’alumine et se dis-
soud dans l’eau de pluie qui l’entraîne au loin ; quant au
— 20 —
silicate d’alumine il reste à l’état terreux et constitue le
kaolin ou terre à porcelaine.
Temps azoiques. Après la formation du sol primitif l’eau
qui le recouvrait était encore à une température très-
élevée, les premiers sédiments qui se formèrent par voie
de sédimentation et dans des conditions analogues à celles
où s’était produit le granité , durent acquérir une compo¬
sition et une structure analogue. C’est le gneiss ou granité
stratifié et le micachiste qui diffèrent du gneiss par l’ab¬
sence de feldspath.
Puis à mesure que notre globe se refroidissait la nature
des dépôts se rapprochait de celle des sédiments actuels ;
mais depuis leur formation ces anciens terrains ont subi
des métamorphoses qui en ont complètement changé la
structure et la composition, et qui laissent, par conséquent,
planer encore beaucoup d’obscurité sur leur origine. De
nombreuses dislocations ont plissé ces couches , les ont con¬
tournées dans tous les sens et leur ont communiqué la struc¬
ture schisteuse; par les fentes sortaient de la matière
interne encore liquide et des vapeurs qui modifiaient la
composition des roches stratifiées et déterminaient la forma¬
tion de nouveaux minéraux.
Les argiles prenaient une structure feuilletée comme l’ar¬
doise et se chargeaient de paillettes de mica brillantes
comme de l’or ; les calcaires se transformaient en marbres
saccharoides et se remplissaient de cristaux de grenat, d’ido-
crase et d’autres. C’est de cette époque que datent presque
toutes les pierres précieuses : le diamant, le rubis, l’éme¬
raude , le topaze, etc.
Le terrain azoïque uni au granité primitif forme le sol
d’une région considérable qui occupe le centre de la France
et qui en forme en quelque sorte le noyau.
Le Plateau central est la portion de notre patrie qui sortit
— 21 —
la première du sein des eaux et autour de laquelle les autres
vinrent peu à peu se grouper. Ses limites passent près de
A vallon, Confolens , Castres , Privas et Lyon. Son élévation
est d’environ 2o0 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il
est surmonté de plusieurs chaînes montagneuses qui s’élè¬
vent comme des îles sur cette mer de granité et de gneiss,
et qui sont formées de roches éruptives de date plus récente,
tels, par exemple, les volcans éteints de l’Auvergne. Ces
sommités sont dépourvues de terre végétale et souvent in¬
cultes. Le plateau recouvert d’arène convient à la culture
du Châtaignier ; mais dans de trop nombreux endroits , où
l’écoulement des eaux ne peut s’opérer, il y a des marécages.
Les vallées offrent un peu de terre végétale : on y cultive le
Seigle et le Sarrazin ; il y a même d’excellentes prairies.
MUSÉES ET COLLECTIONS
Une lettre , signée des initiales d’un de nos amateurs
lillois les plus distingués , et insérée dans le Mémorial de
Lille, du 24 décembre 1869 , donne des renseignements
circonstanciés sur la vente Hochart que nous annoncions
dans notre numéro de novembre. Nous en reproduisons ici
les principaux passages. A. D.
Les suites de vignettes se sont vendues très-cher. Je
citerai entr’autres plusieurs suites destinées à une édition
de Don Quichotte , et plusieurs très-belles suites pour
Lafontaine.
Parmi les grandes estampes , remarquons , en passant ,
quelques ravissantes pièces de De Launay, de R. Slrange, et
une très-curieuse gravure en manière noire, de ^y aller and
Vaillant , un Lillois dont je vous entretiendrai quelque
jour, si vous le permettez. Cette gravure reste à Lille, je
vous en puis donner l’assurance.
Les estampes encadrées étaient en grand nombre.
Beauvarlet , Visscher et TUi//e ont eu les honneurs dè la
— 22 —
séance. J’hésite à vous donner des prix , ma lettre ressem¬
blerait trop à un bordereau de commissaire-priseur. Qu’il
me suffise de vous dire que l’bisloire d’Eslber d’après F. de
Troy (7 pièces en largeur) a été adjugée à 82 fr., que les
deux pendants de Wille, les Musiciens ambulants et les
Offres réciproques, ont atteint le chiffre de 100 fr. les deux,
et que le portrait de Gellius de Biima , par C. Visscher ,
s’est vendu 56 fr.
Les eaux fortes et les photographies étaient en trop petit
nombre , pour nous y arrêter.
Arrivons de suite à la seconde partie , la plus intéres¬
sante assurément.
Les portraits étaient rangés par écoles. Dans l’école alle¬
mande, Schmidt (né à Berlin , en 1712) est le maître dont
les œuvres ont atteint les plus hauts prix. Un magnifique
portrait de Saint-Albin, archevêque de Cambrai , a été
acheté 16 fr. , par un jeune amateur , auquel nous souhai¬
tons la bienvenue ; un portrait du peintre Mignard, chef-
d’œuvre du maître allemand , 23 fr. ; une très-rare épreuve
du portrait de Nicolas Esterhazi, 16 fr. 50.
Des eaux-fortes , pleines de vigueur, du même artiste
ont atteint des prix très-élevés: un portrait de la princesse
d’Orange , d’après Rembrandt, 16 fr. 50 , et un portrait de
Rembrandt, 8 fr. 50.
Quoique manquant d’attraits, les portraits en manière
noire de fécole anglaisé , se sont bien vendus. Smith (né à
Londres, en 1654) est l’artiste dont les œuvres ont été les
plus appréciées.
Je ne m’appesantirai pas sur l’école italienne , j’ai hâte
d’arriver à l’école des Pays-Bas et aux maîtres françaîs.
Ecole des Pays-Bas : Sîgnalons d’abord dix pièces de
Blosiceert , et cinq portraits du même , de beaux portraits
de Galle et de Goltzius , pour arriver bien vite à un des
maîtres que préférait M. Hochart : Houbraken (Jacob , né
à Dordrecht, en 1698.) Plus de trois cents portraits dont
le détail m’entraînerait trop loin , ont été mis en vente et
ont atteint de fort beaux prix. Puis sont venus: Peter de
Jode , le jeune , Pontiiis , Sadeler , Pierre Van Schuppen ,
Pierre Tanjé , les frères Vailkmt , Lucas V orsterman , et
les trois Wierix. Un portrait d’André d’Autriche par Jean
TUimx a été vendu 17 fr. ; un magnitique portrait d’Henri
III, par Jerome Wierix, 45 fr. ; les portraits d’Albert,
archiduc d’Autriche et d’Isabelle-Claire-Eugénie d’Autriche,
par Antoine Wierix , 41 fr. , les deux.
Ecole Française : Je vous demanderai la permission de
passer rapidement sur les portraits gravés par Audran ,
Cars , Cheîxau , Desrochers , Brevet, Duflos , Th. de Leu.,
Marcenay de Ghuy , l’artiste amateur , (une de mes prédi¬
lections pourtant ) Masson , Cl. Mellan, Montcornet , pour
vous parler de trois graveurs dont le burin est consacré aux
illustrations du grand siècle : Morin, Edelinck et Nanteuil.
Les portraits de Morin ont été très-recherchés , et les
belles épreuves vendues entre lo et 20 francs.
Il y avait 135 portraits d'Edelinck : n.°" 1271 , Louis ,
duc de Bourgogne , très-belle épreuve du 2.'’ état , grandes
marges, 15 fr. — 1276, Philippe de Champagne , belle
épreuve du l.‘'‘’élat, 16 fr. — 1280, Charles Albert,
marquis de Croissy, 21 fr. — 1284 , D’Hozier. — 1321, 20 fr ;
Frédéric Léonard, premier imprimeur du roi, 2^ état,
très-belle épreuve , 25 francs.
Les portraits gravés par Nanteuil , au nombre de 200 ,
en très-bel état , ont été chaudement disputés. La moyenne
était de 20 à 30 francs. En voyant passer ces gravures
admirables, on ne pouvait s’empêcher de songer que le
burin de ce maître est à la hauteur des célébrités dont
il retrace les traits et que le siècle de Louis XIV fut bien
l’âge d’or de la taille-douce.
En terminant, nous avons à vous parler deFicquet,
Savart , Saint Aubin et ^yille, ces délicieux graveurs dont
le burin , moins sévère que celui des maîtres précédents ,
gagne en finesse et en grâce ce qu’il perd en vigueur.
Parmi les portraits de Ficquet, je remarque un Montaigne
(19 fr. 50), un Charles Eisen (15 fr.). Les portraits de
Colbert et de Louis XVI , par Savart , ont été poussés trop
loin, l’un 19 francs et l’autre 59. Jamais les portraits de
Saint Aubin n’ont été vendus si cher: trois francs en
moyenne. Le n.o 1961 , quatre pièces : Louis XII , Henri
IV , Louis XV , portraits en un médaillon. Louis XVI ,
Marie-Antoinette et le "Dauphin , portraits réunis en un mé¬
daillon. Marie de Médicis , d’après Pourhus , et Madame ,
fille de Louis XV , adjugé 56 francs. — Le n.'' 1968 , ti ois
portraits in-folio : La baronne de Rebecque à sa dernière
heure ; la baronne de ***(Loiiise-Emélie); la marquise de ***
(Adrienne-Sophie) , pièce de toute rareté , 153 francs.
— 24 —
Un dernier mot à propos des graveurs nés à Lille.
Les frères Vaillant étaient représentés par la rarissime
gravure citée plus haut et par de très-beaux portraits en
manière noire, acquis par la bibliothèque communale.
Les petits portraits gravés par Deèrawic (né à Lille enlToO)
au nombre de 24 , d’une finesse remarquable , ont atteint
le prix très-élevé de 51 francs. Cinq portraits de Masquelier
(né à Cysoing) , ont été adjugés 22 francs, prix inconnu
jusqu’à ce jour.
Le marchand de lunettes, ù'Helman , 15 fr. 50. Deux
petits paysages d’après Lantara , très-finement gravés par
Liénard , 15 fr. Deux jolies suites pour la Henriade , par
Longueil et quelques portraits du même, terminent la série
lilloise.
Voici, trop brièvement. Monsieur le Rédacteur, le
résultat d’une vente qui laissera d’aussi durables souvenirs
que les ventes de l’abbé Favier et Libert de Beaumont.
Le total des adjudications s’élève à 17,500 fr. dépassant
de moitié les prévisions des experts. Ce chiffre n’a rien de
surprenant : les principaux marchands de Paris et de la
Belgique s’étaient donné rendez-vous, et les amateurs lillois
leur ont disputé avec acharnement les plus belles pièces de
la vente. C. V. S.
BIBLIOGRAPHIE
CONCORDAT CAMBRÉSIEN DE 1446.
texte et en- tète calligraphique Je ce curieux document publies avec
une introduction, par L. Dancoisne, Maire d'Hénin-Liétard (i)
L’opuscule que nous annonçons , n’ayant été tiré qu a
20 exemplaires, deviendra, aux mains des bibliophiles, un
joyau rarissime. M. Lefebvre-Ducrocq l'a édité avec un soin
et un luxe qui rappellent les plus beaux produits des Fume
et des Perrin. M. Dancoisne n'y a, de son côté, épargné
ni la peine, ni la dépense. Il a fait précéder le texte du
Concordat Cambrésien d’une Introduction où il rappelle en
(0 Lille, Lefehvre-Ducrocq, 18G9 ; in-4.” de xvi-24 pages sur fort
papier de L'ollande , avec texte encadré et vignette.
— 25 —
quelles circonstances cet acte fut passé et où il s’attache
surtout à décrire le magnifique en-tête qui le décore.
Donner une idée de ce chef-d’œuvre calligraphique aux»
personnes qui ne l’ont point vu aux Archives départemen¬
tales du Nord , ou qui n’ont point sous les yeux la repro¬
duction lithographique qu’en a fait exécuter M. Dancoisne
pour la joindre à sa brochure , est chose au-dessus de nos
forces. Bornons-nous à dire que le mot initial NOUS autour
duquel le génie artistique du xv.® siècle a prodigué ses plus
riches ornements , rinceaux, branches feuillagées , cordons
d’enroulement , se revêt d’emblèmes concourant tous à
exprimer l’idée de paix : idée fort bien à sa place ici ,
puisque le Concordat de 1446 avait pour objet de couper
court à quelques-uns des interminables démêlés entre
l’Evêque , la Ville et le Chapitre.
Frappé de la beauté d’exécution de cet en-tête , 31. Dan¬
coisne n’hésite pas à l’attribuer aux plus grands maîtres :
Au XV.® siècle, l’art de la miniature se trouvait à son
apogée , notamment dans la Flandre où il était noblement
encouragé parles ducs de Bourgogne et , à leur exemple ,
par les grands de la cour. Dans la première moitié de ce
siècle , florissaient à Bruges les frères Hubert et Jean Van
Eyck qui y fondèrent l’école flamande. On sait que ces pein¬
tres célèbres ne dédaignèrent pas d’illustrer de miniatures
splendides les manuscrits destinés à leur protecteurs et à de
puissants personnages. L’évêque de Cambrai, Jean de
Bourgogne , qui aimait et cultivait les arts et les belles-
lettres, connut les frères Van Eyck non-seulement à la cour
de Philippe le Bon , mais encore à Bruges où il exerça la
charge de prévôt avant de recevoir la mitre. Il est donc
permis de supposer que l’un ou l’autre de ces éminents
artistes a pu contribuer à l’illustration du Concordat Cam-
brésien. Ce qui est indubitable, c’est que ce travail est
l’œuvre d’un miniaturiste des plus habiles.
31. Dancoisne a fait suivre le texte, depuis longtemps
connu, du Concordat du 9 juin, de celui, absolument inédit,
— 26 —
d’un concordat antérieur (26 mars) inséré dans une pro¬
testation du 22 avril. Ce document, récemment retrouvé
• dans les Archives municipales de Cambrai par M. Lefebvre,
archiviste de la ville , a été communiqué par lui au savant
antiquaire d’Hénin-Liétard. A. Desplanque.
LES RACES HUMAINES OU ÉLÉMENTS d’eTHNOGRAPHIE
par M. d'Oraalius d’Halloy (h
Le premier mémoire scientifique de M. d’Omalius d’Hal¬
loy date de 1808 , c’est assez dire que son auteur appartient
à cette génération de savants qui ont vu naître et se déve¬
lopper les sciences naturelles. Son esprit éminemment phi¬
losophique s’est trouvé particulièrement attiré vers les
questions qui offrent à l’homme les problèmes les plus
vastes : l’origine du monde et celle de l’humanité. L’annee
dernière il nous donnait sa 8.® édition du Précis élémentaire
de Géologie. Cette année il offre au public sa 6.® édition des
Eléments cV Ethnographie. M. d’Omalius a toujours pris
l’observation comme guide sans se laisser entraîner dans les
théories abstraites qui ne comptent dans la science que par
les erreurs qu’elles y apportent. Néanmoins il ne s’est
jamais astreint à adopter les idées et les opinions toutes
faites, fussent-elles même appuyées d’un grand nom. Il
règne dans tous ses écrits une originalité qui en fait le
charme et qui marque sa place parmi les maîtres de la
science.
M. d’Omalius définit l’ethnographie, la description des
peuples. Il divise le genre humain d’abord d’après les
caractères naturels tels que les formes et la couleur, en¬
suite d’après les caractères sociaux : langage , filiation his¬
torique, mœurs et religion. Il distingue 5 races : la race
(î) 5.' édition; Bruxelles, Mucqiiardt, rue Royale, 2; in-8.°
— 2/ —
blanche, la race jaune, la race brune, la race rouge et la
race noire.
Ne pouvant entrer dans tous les détails des subdivisions,
nous nous contenterons d’indiquer à nos lecteurs quelques-
uns des points les plus marquants de ce livre.
Contrairement à l’opinion généralement admise, l’auteur
sépare les Hindous de la race blanche et les range dans la
race brune avec les Ethiopiens, les Indo-Chinois, les
Malais et les Polynésiens. Il admet que des peuples de la
race blanche originaires du plateau Persan , les Aryas, ont
envahi à une époque reculée la Péninsule indienne, et ont
imposé leur religion et leur langue à des populations d’une
race différente , presque noire , avec lesquelles ils se sont
mêlés. Ainsi s’expliquent les observations de M. de Ravisi
sur les rapports du Védisme, ou antique religion de l’Inde,
avec le Zoroastrisme persan (^).
M. d’Omalius n’admet pas non plus , conformément à
l’opinion régnante, que les peuples européens descendent
des mêmes Aryas. Il pense au contraire que ce sont des
Européens qui ont envahi la Perse, s’y sont civilisés, mais
par contre ont imposé leur langue à la population anté¬
rieure.
Le type de la race blanche c’est la Famille teutonne
(Allemands, Hollandais, Flamands, Suédois, Danois, Nor¬
végiens , Anglais) au teint clair, aux yeux bleus, aux
cheveux blonds , à la taille élevée , aux membres bien pro¬
portionnés ; féconde , énergique, entreprenante, plus apte
que toutes les autres à fonder des conquêtes stables.
Les Celtes qui appartenaient à cette Famille trouvèrent,
lorsqu’ils envahirent la Gaule , une population également
de race blanche , mais à cheveux noirs, et c’est de la fusion
(D Bulletin , 1. 1, p. 333.
— 28 —
des conquérants et des peuples conquis que sortirent les
Gaulois et ensuite la nation française. Au nord de la Loire
domine le sang celtique , tandis que la chevelure noire est
prépondérante au sud. Les Bas-Bretons et les Basques se¬
raient des représentants plus purs de cette famille à cheveux
noirs qui se liait de la manière la plus intime aux Berbères
et aux autres populations africaines.
M. d’Omalius d’Halloy a fait suivre son ethnographie
d’appendices qui ne constituent pas la partie la moins inté¬
ressante de son livre. C’est d’abord une classification des
connaissances humaines, puis un article sur l’espèce où
l’auteur se montre partisan de la transformation des êtres
sous l’influence de changements causés dans les milieux
par les révolutions géologiques ; et enfin , comme conclu¬
sion , quelques considérations sur l’accord entre les sciences
naturelles et les récits bibliques. Sur ces questions délicates,
M. d’Omalius donne de nouvelles preuves de son esprit
sincèrement religieux et libéral. Il montre que les incerti¬
tudes sont trop grandes dans les théories scientifiques et
dans les interprétations bibliques pour que l’on puisse les
opposer les unes aux autres. Qu’il nous soit permis d’ajouter
que M. d’Omalius a joint l’exemple aux préceptes et que
tout en conservant de profondes convictions religieuses (^),
on l’a vu en toutes circonstances marcher à l’avant-garde de
la science. J. Gosselet.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
Lamartine ^ député du Nord. — Parmi tous les grands
morts de l’année 1869 , il n’en est pas dont le nom soit
appelé à vivre plus longtemps que celui de Lamartine. Un
homme qui s’honore de l’avoir connu de près , M. Ch. de
(9 II est un des chefs du parti catholique au Sénat belge.
— 29 —
La Roïère , ancien maire de Bergues , nous a fourni , sur
les relations de l’illustre défunt avec l’arrondissement de
Dunkerque , des renseignements sobres et précis que nous
sommes heureux de pouvoir consigner dans notre Bulletin.
M. De Lamartine , avant d’effectuer le voyage en Orient
qu’il avait projeté après la Révolution de 1830 , est venu
passer quelque temps à Hondschoote, chez Madame de
Coppens-d’Hondschoote , sa sœur ; sa réputation , qui l’y
avait devancé , lui attira un grand nombre de visiteurs ;
des relations s’établirent entre lui et beaucoup de sommités
de l’arrondissement; l’étendue de son génie, l’élévation de
son caractère et cet esprit bienveillant pour tous qu’il a
conservé jusqu’à la fin de sa vie, lui donnèrent non seule¬
ment des admirateurs , mais des amis enthousiastes ; la can¬
didature du 2.“® arrondissement électoral de Dunkerque lui
fut offerte , et , après quelque hésitation , il l’accepta fran¬
chement.
Il fit sa profession de foi le 15 juin 1831. Il y mit toute
son âme à découvert ; il aurait pu la reproduire plus tard
après la Révolution de 1848 , et parvenu alors au pouvoir,
il n’aurait eu rien à en retrancher. Peu d’hommes politiques
pourraient en dire autant.
Celte profession de foi , comme toutes les professions, fut
attaquée ; il donna , le 24 juin , aux objections qui y avaient
été faites, une réponse calme et digne.
On lui suscita pour concurrent M. Paul Lemaire , prési¬
dent de la 4.™® section des Watteringues , membre du Con¬
seil-Général du Nord et grand propriétaire à Dunkerque ;
c’était le seul homme qu’on pouvait lui opposer avec succès.
M.I œmaire avait longtemps refusé de se porter sur les rangs
et n’avait fini par y consentir qu’avec l’intention de se
démettre aussitôt que les circonsteii-ces paraîtraient favora¬
bles à une candidature autre que celle de M. de Lamartine.
La lutte fut vive, ardente. La Némésis., journal de Mar¬
seille, fit paraître une satire, aussi injuste qu’amère, contre
la double candidature de M. de Lamartine dans le Nord et
dans le Var. Une réponse à cette satire, improvisée par
M. de Lamartine, à Bergues, le jour même de l’élection,
fut imprimée depuis ; nous ne citerons de cette réponse
qu’une strophe :
— 50 —
Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires
En secouant leur torche aiguisent leurs poignards,
Jettent les dieux proscrits aux rires populaires
Ou traînent aux égouts les bustes des Césars !...
C’est l'heure de combattre avec l'arme qui reste!. . .•
C'est l’heure de monter au Rostre ensanglanté
Et de défendre au moins de la voix et du geste
Rome , les Dieux , la Liberté !...
Le résultat de la lutte, quoique matériellement désavan¬
tageux pour le poète homme d’Etat, lui fut neanmoins
honorable; sur 380 votants , M. de Lamartine obtint 181
suffrages et M. Paul Lemaire 198.
Le 7 juillet 1831, M. de Lamartine , dans une lettre
rendue publique, exprima aux électeurs sa reconnaissance
pour les témoignages de cou fiance qu’ils lui avaient donnés.
Cette lettre ne fit qu’augmenter les regrets éprouvés par
ses amis de voir la Chambre privée d’un homme de cœur et
de génie. Il reprit ensuite les préparatifs de son voyage en
Orient et s’embarqua à Marseille le 10 juillet 1832 , pour
ne rentrer en France que vers la fin de 1833.
A peine s’était-il installé à Beyrout que M. Paul Lemaire
donna sa démission de député. Une nouvelle élection eut
lieu ; la lutte ne fut pas moins chaude que la fois précé¬
dente : sur 349 votants M. de Lamartine obtint 190 suf¬
frages. Les voix se répartirent comme suit sur ses trois con¬
currents : M. Debaillon, 80 ; M. Colombier , 60 ; M. Gui-
nard, 13. M. de Lamartine reçut la nouvelle de sa nomination
pendant son séjour à Constantinople.
Aux trois renouvellements successifs de la Chambre M. de
Lamartine fut réélu chez nous à l’unanimité ; en 1838 , au
grand regret du 2."’® arrondissement électoral de Dunkerque,
il opta en faveur de son pays natal , Mâcon , où il était élu
pour la deuxième fois.
Son premier discours à la Chambre , comme député de
Bergues , fut prononcé le 4 janvier 1834, sur le projet d’a¬
dresse ; le second , le 8 janvier , pour développer un amen¬
dement au projet d’adresse ; le troisième , du 3 février 1834,
sur la Vendée ; le quatrième , du 13 février 1834, sur les
Frères des Ecoles chrétiennes ; le cinquième , du 13 mars
1834, sur les Associations; le sixième, du 1." avril 1834,
sur la dette américaine; le septième, du 24 avril 1834 , sur
les évêchés; le huitième, du 2 mai 1834, sur Alger ; le
neuvième, du 8 mai 1834 , sur rinstructioii publique; le
dixième, du 13 mai 1834, sur les crédits additionnels ; le
— 51 —
onzième, du 14 mai 1834, contre la peine de mort; les
douzième et treizième, des 30 décembre 1834 et 4 janvier
183o, sur l’amnistie; le quatorzième, du 23 août 1835, sur
la loi de la presse ; les quinzième et seizième , des 5 février
et 22 mars 1836, sur la conversion des rentes; le dix-
septième , du 14 avril 1838 , sur la liberté du commerce ; le
dix-huitième, du 18 avril 1836, prononcé à l’Hôtel-de-Ville
à Paris, sur l’abolition de la peine de mort ; le dix-neuvième,
prononcé à la Chambre le 25 mai 1836 , sur les colonies ; le
vingtième, du 8 mars 1837 , sur la juridiction militaire ; le
vingt-unième, du 24 mars 1837, sur l’enseignement; le
vingt-deuxième, à rHôtel-de-Yille à Paris, le 17 avril
1837, sur labolition de la peine de mort; le vingt-troisième,
à la Chambre des députés, le 26 avril 1837 , sur Alger,
et le vingt-quatrième, du 5 mai 1836, sur les fonds secrets.
La Chambre ne tarda pas à être dissoute, et ce fut après
l’élection suivante que M. de Lamartine opta pour 3Iâcon.
Ses rapports dès lors ne furent plus continués qu’avec quel¬
ques-uns de ses amis de Flandre qui , tout en regrettant
sa détermination , ont voulu conserver jusqu’à la fin des
relations qu’il avait su rendre constamment agréables.
En nous transmettant ces précieux détails , M. Charles de
La Roïère n’a omis qu’une chose qui est de rappeler quels
liens étroits d’estime et d’amitié unissaient feu Jean de La
Roïère, son frère , à l’éminent député de la 2.^" circonscrip¬
tion. Nous tenons à réparer , sans en prévenir notre hono¬
rable correspondant, une omission qu’il ne faut attribuer
qu’au sentiment de modestie commun aux deux frères.
M. Jean de La Roïère accompagna en Orient M. de La¬
martine qui , en tête de son Voyage, trace de lui le portrait
le plus flatteur et à la fois le plus sincère :
L’autre de nos compagnons est un médecin d’Honds-
cboote, M. de la Roïère. Je l’ai connu chez ma sœur à
l’époque où je méditais ce départ. La pureté de son âme ,
la grâce originale et naïve de son esprit, l’élévation de ses
sentiments politiques et religieux, me frappèrent. Je désirai
l’emmener avec moi bien plus comme ressource morale, que
comme providence de santé ; je m’en suis félicité depuis ;
je mets bien plus de prix à son caractère et à son esprit
— 52 —
qu’à ses talents, quoiqu’il en ait de très-constatés. Nous
causons ensemole de politique bien plus que de médecine.
Ses vues et ses idées sur le présent et l’avenir de la France
sont larges et nullement bornées par des affections ou des
répugnances de personnes. Il sait que la Providence ne fait
point acception de parti dans son œuvre, et il voit , comme
moi , dans la politique humaine, des idées et non pas des
noms propres. Sa pensée va au but sans s’inquiéter par qui
ou par où il faut passer; et son esprit n’a aucun préjugé ,
aucune prévention , pas même ceux de sa foi religieuse, qui
est sincère et fervente.
Né à Hondsclioote , le 1.®’’ février 1793 , M. Jean-Vaast
de La Roïère, après avoir terminé ses études médicales,
servit sous les armes la première et la seconde Restauration.
En 1816, il s’engagea dans la médecine militaire et, en
1822, il rentra dans ses foyers pour n’en plus sortir. Les
suffrages de ses compatriotes l’envoyèrent siéger au Conseil
d’arrondissement de 1833 à 1848 et au Conseil Général de
1848 à 18oo. Lui aussi a écrit son Voyage en Orient dont le
ton austère contraste avec les riches couleurs imaginatives
prodiguées par son illustre compagnon de route. On doit au
meme auteur un Exposé de la Philosophie physiologique de
l'Homme (1843) ; un Traité analytique de T Etre en général
et de VHomme en particulier (1863) , et des Etudes sur la
Décentralisation publiées en partie par le Propagateur de
Lille. M. Victor Derode , dans le discours qu’il a prononcé,
comme président de la Société Dunkerquoise, le 20 novem¬
bre 186o , a parfaitement apprécié le caractère et le talent
de M. Jean de La Roïère. A. Desplax’que.
UN MÉDECIN HAINUYER AU XV® SIÈCLE.
La revue : la Flandre , que publient à Rruges quatre
collaborateurs actifs et intelligents, contient, dans son
dernier numéro , une Généalogie de la famille Despars par
M. W. H. James Weale. Nous y remarquons l’article
— 55 —
consacré à Jacques Despars, l’une des célébrités médicales
du commencement du XV® siècle. Nous croyons être
agréable à nos lecteurs en plaçant sous leurs yeux quelques
extraits de cet article , choisis parmi ceux qui intéressent le
plus directement nos contrées. A. D.
Jacques Despars , né à Tournai vers 1380 , maître ès-arts,
un des plus anciens médecins originaires du Hainaut , com¬
mença ses études en médecine à l’université de Montpellier
et alla les terminer à Paris , où il se mit sur les bancs en
1408. Il fut reçu en 1409.... En 1414 , PUniversité de Paris
donna une marque de confiance à Despars en le nommant
membre de l’ambassade qu’elle députa au Concile de Cons¬
tance... La même année, il devint chanoine de Péglise
collégiale de Saint-Donatien à Bruges... Vers cette époque,
il obtint une chapellenie perpétuelle dans l’église de Cuvil-
1ers , diocèse de Cambrai. Il fut aussi chanoine et trésorier
du chapitre de Notre-Dame de Tournai. Il habitait en cette
ville la maison de la rue des Choraux qui porte le numéro
15. En octobre 1423, les magistrats de Tournai envoyèrent
Despars à Lille pour les excuser de ne pas s’être représentés
à la réunion des quatre membres de Flandre tenue à Gand.
Le premier février 1426, Despars échangea sa chapellenie
à Cuvillers contre la prébende canoniale de Jean de
Moncheaux à l’église métropolilaine de Cambrai. Le 6
février , il prêta le serment usuel , et fut admis au baiser
de paix. Le 18 février, par un acte passé pardevant notaire
à Cambrai , il nomma pour son vicaire-trésorier à Tournai,
Guillaume Bernard.
Despars fut aussi chanoine de l’église métropolitaine de
Notre-Dame de Paris. Il devint médecin et conseiller d’Etat
de Charles VII , roi de France , et archiâtre de Philippe
l’Asseuré , duc de Bourgogne. De 1426 à 1436, il paraît
avoir habité la ville de Cambrai. A la fin d’avril 1427 , il
se rendit de là à Zevemberghe , pour visiter le duc qui
était malade et, en 1436 , à Gand , pour visiter le comte de
Charolais. En mars 1436, il résigna sa prébende canoniale
à Cambrai. A dater de ce temps il paraît avoir établi sa
résidence habituelle à Paris.
Nous devons ajouter ici que Jacques Despars fit partie de
l’ambassade qui accompagna Catherine, fille de Charles VII,
roi de France , lorsqu’elle se rendit à Cambrai en juin
— 34 —
1438 , pour épouser le comte de Charolais. En 1440 , il alla
à Gravelines avec le duc de Bourgogne , rarchevêque de
Rheims, etc. à la rencontre de Charles , duc d’Orléans , qui
revenait en France après avoir été longtemps retenu pri¬
sonnier en Angleterre.
Despars fut le premier qui écrivit sur la scarlatine, pour
le traitement de laquelle il adopte la saignée et les vomitifs
et diminue les cordiaux. Il voulut persuader aux magistrats
de fermer , en temps de peste , les bains chauds et les
étuves ; il craignait la chaleur , la raréfaction de l’air ,
l’ouverture des pores de la peau et les assemblées du peuple
par rapport à la contagion. Les étuvisles , animés par la
cupidité , voulurent attenter à sa vie , mais Despars eût le
bonheur d’échapper. Il trépassa à Paris, le 3 janvier 1438,
dans sa maison canoniale et fut enseveli en la chapelle de
Saint Jacques derrière le chœur de Notre-Dame.
Jacques Despars a beaucoup écrit. Son principal ouvrage
est un Commentaire en latin sur les canons d’Avicenne. Ce
fut à Cambrai qu’il le commença en 1432, mais déjà alors
il avait corrigé la traduction latine , faite par Gérard de
Crémone au xiF siècle d’après le texte arabe ; ensuite il
avait fait copier cette traduction revue et rectifiée , sur par¬
chemin en grosses lettres [de littera grossa in pergameno) .
Ses commentaires , très-longs mais assez insignifiants ,
sont un tissu d’extraits pris des ouvrages de Galien, de
Rhasès et de Hali-Abbas. A la fin du commentaire sur le
troisième canon , Despars assure qu’il n’a rien extrait des
traductions latines, mais des textes originaux grecs ou
arabes.
Le manuscrit autographe des commentaires de Despars
sur la troisième fen (section ou division) du premier canon
est conservé (sauf les derniers feuillets) à la bibliothèque
de Lille (n" 343 du Catalogne.) Le manuscrit autographe
des commentaires sur la treizième fen du troisième canon
se trouve dans la meme bibliothèque (n° 344.)
L’ouvrage fut imprimé à Lyon en 1498 ; il forme 4 vol.
in-f.“ W. H. James Weale.
CHRONIQUE.
Géologie. Sondage à Radinghem. — M . Galloo, notaire
et maire de Radinghem , canton d’Haubourdin , nous corn-
— 35 —
munîque le résultat suivant d’un forage effectué chez M.
Lefebvre-Wattelle, clans le bourg même de Radinghem :
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Profondeurs
des couches
1.60
18
26
26.60
28.40
29
42
Epaisseurs
Terre végétale .
Argile à brique Limon .
O O
1 1.60
Sable vert noirâtre avec modules
de pyrite .
16.40
Grès argileux vert (Tuffeau). . . .
0.20
Sable vert aquifère .
0.30 1
Grès argileux vert (Tuffeau) ....
0.20
Sable gris très-dur .
7.45 <
' 11...
Grès argileux vert .
0.45
Sable gris .
1.80
Grès .
0.60
Argile plastique (Glaise) .
^ 13...
Marne .
Ce sondage est intéressant à plus d’un litre ; d’abord il
nous montre à la base de l’assise landénienne une épaisseur
considérable de glaise , fait qui n’a rien de surprenaiU , car
cette argile existe à Lomme et à Marquette, mais qu’il est uti¬
le de constater à Radinghem. A Santés la même couche est
représentée par dessables argileux remplis de silex. On voit
aussi que contrairement aux indications de la carte géolo¬
gique du département l’argile d’Ypres n’existe pas sous le
bourg de Radinghem. Sous le limon, on trouve immédiate¬
ment du sable vert qui représente les sables d’Ostricourt ou
même appartient peut-être au tuffeau.
On peut classer ces couches de la manière suivante :
Terrain diluvien (l et 2).
i Assise sables d'Ostricourt (3)
Assise landénienne inférieure
Terrain crétacé (12).
J Zone tuffeau (4-10)
I Zone argile (11)
Bfistoire littéraire — Un souvenir des Cours de la
Faculté des lettres de Douai. — En rendant compte des Nou¬
velles Etudes morales sur le temps présent par M. Caro, M.
Paul Raymond , critique littéraire du Popagateur du Nord
et du Pas-de-Calais, nous reporte aux premiers temps de la
— 36 —
faculté des lettres de Douai. Nous reproduisons ici , à titre
de renseignement pour l’histoire littéraire de nos contrées,
la vive et fine esquisse qu’il en trace.
Il y a quatorze ou quinze ans, à Douai, notre nouvelle
Faculté des lettres s’enorgueillissait de jeunes talents pleins
de promesses , assez complets déjà dans le présent pour
offrir , aux auditeurs charmés , des fleurs d’éloquence et de
poésie. Nul de ceux qui y prirent part n’a oublié ces jours
où une foule d’avocats , d’officiers distingués , de femmes
élégantes, mêlés à la jeunesse studieuse, se pressaient
autour de la chaire de MM. Caro et Martlia. Parfois, à
cet auditoire habituel , se joignait quelque nom bien connu :
c’était Armand de Pontmartin, c’était Guillaume Guizot ,
presque adolescent ; d’autres encore , attirés par des
relations amicales , ou la seule curiosité littéraire qui s’at¬
tachait à ces leçons d’une Faculté de province.
Le local était alors bien mesquin, bien mal distribué ,
bien défavorable aux lois de l’acoustique ; mais qu’importe?
Il y avait comme un courant de sympathie entre l’orateur
et ce public intelligent. Et , s’il était quelque peu troublé,
le professeur s’enhardissait à ces témoignages ; ou , s’il se
sentait déjà sûr de lui-même , il élevait parfois son élo¬
quence jusqu’à l’enthousiasme.
M. Martba s’est , depuis lors, fait connaitre par ses belles
études sur Moralistes de V Empire romain et sur le poème
de Lucrèce. M. Caro a donné la mesure de son talent par
une séried’ouvrages philosophiques qui sont aux mains de
tout le monde et dont le plus récent forme le digne couron¬
nement. ' A. D.
nécrologie. M. de Pongerville , M. Anselin. — M. de
Pongerville , membre de l’Académie française , est mort
subitement dans la nuit du 22 au 23 janvier 1870.
Né à Abbeville en 1792, il termina ses études de bonne
heure et s’exerça à de nombreux travaux littéraires.
A vingt ans, il se passionna pour la lecture de Lucrèce et
consacra dix années à sa traduction en vers , qu’il publia en
1823 , et qui fit aussitôt sa réputation.
— 57 —
Quelques années après, Charles Panckouke lui confia la
traduction en prose du même auteur pour sa Bibliothèque
latine française^ et , par ce double travail, M. de Ponger-
ville montra, comme poète et comme prosateur, autant
d’exactitude que d’élégance.
Après avoir échoué trois fois, faute d’une voix, aux
élections de l’Académie, il y entra en avril 1820 , en rem¬
placement de Lally-Tollendal.
En 1846, il fut nommé conservateur à la bibliothèque
Sainte-Geneviève et passa , en 1851 , à la bibliothèque im¬
périale. 11 obtint la rosette d’officier de la Légion d’honneur
en avril 1845.
M. de Pongerville laisse , outre sa traduction du poème
de Lucrèce en vers [1822] et en prose [1829] , les Amours
mythologiques, version poétique des Métamorphoses d'O-
vide [1827] ; le Paradis perdu, de Milton, en prose [1838];
VEnèide, de Virgile , en prose [1846] ; puis une série d’épî-
tres et de fragments , entre autres : Epitre aux Belges
[1832] , au Boi de Bavière [1834] , de Y Indépendance de
PHomme de lettres [1838], Epitre au Menuisier-Poète de
Fontainebleau [1839], à Une Femme poète [1840], Sur la
Folie, fragment d’un poème inédit [1846], A Ingres [1849],
Sur rabolilion de la peine de mort [1849] ; les Poètes , dia¬
logue [1856].
M. de Pongerville a publié en outre , dans diverses Bé¬
vues, des articles de critique littéraire justement remarqués.
La mort de M. de Pongerville porte à trois le nombre des
fauteuils vacants à l’Académie française ; on sait en effet
que MM. de Lamartine et Sainte-Beuve sont encore sans
successeurs sous la coupole de l’Institut.
— L’année 1869 a vu s’éteindre , au commencement
d’octobre, M. Anselin , secrétaire-perpétuel de l’Académie
d’Amiens. Le discours que M. Bobn , président de cette
— o8 —
savante compagnie , a prononcé sur la tombe de ce zélé
confrère , nous est parvenu trop tard pour que nous ayons
pu en rendre compte à sa date. Nous tenons à réparer cette
omission au débùt de l’année où nous entrons. « Ce qui
formait le trait dominant de celte nature si diverse par ses
aptitudes, a dit M. Bohn en parlant de M. Anselin , c’était
une énergie invincible au travail. Je ne sais pas s’il se re¬
posait autrement que lord Brougham , qui ne se délassait
qu’en changeant d’occupation; mais, pour mà part, et
quoique je n’aie connu M. Anselin que dans son extrême
vieillesse , je ne l’ai jamais trouvé se reposant d’une autre
manière ... Il me disait un jour : « En dépit de tout , il y a
en moi une puissance de vitalité que je ne comprends pas. »
Je crois qu’il ne se rendait pas justice, et que c’était lui qui,
par cette indomptable volonté d’agir , faisait celte vitalité.
Les lettres , les arts , les sciences , rien ne lui était étranger.
On le trouvait prêt sur toute chose , et je suis sûr qu’il a
souvent étonné les hommes spéciaux par la netteté de ses
informations et la précision de ses jugements dans des ma¬
tières qui ne lui étaient point , à lui , spéciales. »
llétéorologie. Mois de Décembre 1869 :
DÉCEMBRE
1869
Température moyenne .
. 3.« 16
»
B des maxima .
. 4.*^ 71
» des minima .
. 1 61
»
extrême maxima, le 18.
. 13." 80
»
» minima, le 27 ... .
.—6.*^ 20
Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . .
. 755T143
» hauteur extrême inaxima, le 7 . . 767 -‘"‘TS
» j> B minima, le 14. . 747"‘"‘30
Tension moy. de la vapeur almosphér. 4'““78
Humidité relative moyenne . 87 7„
Epaisseur de la couche de pluie . 59“"T6
» de couche d’eau évaporée. . . . 15"‘'"49
DÉCEMBRE
année moy.
3.“ 84
760r 883
8"'" 39
87.207
82"" 69
18”" 79
— 59
Les 59 mill. 16 d’eau météorique sont composés de 47
mill. 65 d’eau de pluie, 11 mill. 51 d’eau de neige , ayant
avant la fonte une épaisseur de 10 cent. 5 et 4 mill. 00
d’eau de grêle.
- Pendant ce mois on observa deux périodes de gelée : la
première du 2 au 9 exclusivement, la seconde du 25 au 31,
jour où commença le dégel dans la matinée.
La terre était couverte d’une couche de neige d’une épais¬
seur de 10 centimètres.
Entre ces deux périodes il y eut 16 jours dont la tempé¬
rature moyenne fut relativement assez élevée.
. L’état électrique de l’atmosphère a été très-prononcé et
s’est surtout manifesté parles tempêtes des 15, 16, 17, 19,
30. Le 15 de 10 h. 35 du matin à 11 h. orage O. -S. -O ac¬
compagné de pluie et de grêle. Le 19 à 11 h. 5 du soir éclairs
sans tonnerre à l’horizon S.-O. Dans la nuit du 11 au 12
nombreuses étoiles filantes. Dans la soirée du 17 magnifique
halo lunaire.
Il y eut 30 jours de brouillard , 19 de rosée, 8 de gelée
blanche, 14 de gelée , 22 de pluie, 9 de neige, 3 de grêle ,
1 d’orage.
14 jours le ciel fut couvert de nuages et pendant 17 jours à
demi-couvert.
Les vents régnants soufflèrent avec force du S.-O. et du
S.-E. Meurein.
Découvertes de Monnaies. — On a dé¬
couvert, dans le courant de l’année 1869, à Moulins-Lille,
un Ecu d’or au Soleil de François 1.^’’ ; à La Madeleine lez-
Lille , une Chaise d’or de Jean de Bavière pour la Hollande.
Cette pièce copie des Chaises d’or frappées par les comtes
de Flandre, devait circuler facilement dans leurs états;
toutefois comme toutes les imitations elle est d’un or moins
pur : ces deux pièces sont entrées dans ma collection.
— . 40 —
Une autre trouvaille , que Ton est venu m’apporter der¬
nièrement , a été faite non plus en terre mais dans le fond
d’une armoire , chez l’une des anciennes familles de notre
ville. Elle se composait de cent soixante Méreaux ohituaires,
tous au même tijpe^ à savoir : au droit saint Etienne age¬
nouillé, au revers le chiffre 3 ou 4 avec la date 1636. Ces
pièces décrites dans Van Hende, numéros 592 et 593, n’ont
malheureusement aucune rareté. Toutefois , trouvées en
aussi grand nombre dans notre ville , elles ont cela d’inté¬
ressant qu’elles viennent confirmer la revendication faite
par notre numismate lillois , pour la paroisse Saint-Etienne
à Lille , de ces pièces aulrefois attribuées à la ville de Metz.
H. Rigaux fils.
— Les journaux annoncent qu’une trouvaille fort inté¬
ressante a été faite ces jours derniers par un cultivateur de
Rumes, près Tournai. C’est une slatère du père d’Alexandre-
le-Grand ; Philippe II, roi de Macédoine. Celle monnaie a
0
donc plus de 2,000 ans ; elle est en or, et pèse 8 grammes,
25 centigrammes. D’un côté , elle porte la tête d’Apollon
couronnée de lauriers , et au revers un personnage dans un
bige ou char traîné par deux chevaux , au-dessous un diosa,
sorte de vase ; on lit en exergue le mot Pilippo , en carac¬
tères grecs. On sait qu’avant l’invasion Romaine les mon¬
naies grecques avaient cours dans les Gaules, où elles furent
imitées. A. D.
Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2/ Année. — N.° 2. — Février 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
COMMISSION HISTORIQUE DU NORD
Travaux courants
Dans un de nos derniers Bulletins (t.i,p. 33o) , nous indi¬
quions , comme figurant au nombre des travaux collectifs
inscrits au programme de la Commission historique du Nord,
un Inventaire des objets d’art et d’archéologie contenus dans
les églises et chapelles du département. Les difficultés que
soulevait cet important travail ont été examinées dans un
rapport lu à la Commission par M. l’abbé Carnel dans la
séance du 13 janvier 1870. La Commission a adopté les
conclusions de ce rapport que nous sommes autorisés à
placer , dès-maintenant , sous les yeux de nos lecteurs.
A. D.
Messieurs ,
L’utilité du travail dont je vais vous entretenir a été re¬
connue depuis longtemps par la Commission historique ;
et, si elle en a retardé jusqu’à présent la mise à exécution,
c’est qu’il fallait au préalable examiner et mûrement dis¬
cuter les principales questions que soulevait une publica¬
tion de cette nature.
Il était nécessaire avant tout de préparer pour des colla¬
borateurs nombreux et disséminés un programme bien
défini , qui pût d’avance garantir l’uniformité du travail
d’ensemble tout en facilitant celui de chacun.
Ce programme qui a été élaboré, lu et arrêté au sein
d’un Sous-Comité désigné à cet effet par la Commission
historique , nous avons aujourd’hui l’honneur , Messieurs,
de le soumettre à votre approbation.
I. — D’après le titre de la publication projetée, il s’agit de
— 42 —
mentionner les objets qui constituent le mobilier d’une
église ou d’une chapelle et qui ont un caractère archéolo¬
gique.
Dans le cas présent, cette dénomination s’applique à tous
les objets anciens auxquels l’art a donné des formes plasti¬
ques , c’est-à-dire où il entre du dessin.
IL — Conformément à cette règle il faudrait exclure :
1. ° Ce qui n'est pas ancien., — prenant ce caractère dans
son acception la plus restreinte, celle qui s’adapte à l’épo¬
que contemporaine.
Il ne faudrait donc relever que les objets antérieurs à la
Révolution ou qui ont été faits par des artistes qui étaient
déjà connus à cette époque.
Nous avons pensé en effet que c’est là une limite natu¬
relle dans l’histoire de l’art appliqué au culte chrétien.
Chacun sait qu’il y eut alors un long point d’arrêt , pendant
lequel il n’était pas question de décorer nos églises fermées
ou détruites; et que plus tard, quand le culte fut rétabli
chez nous , le goût et l’inspiration artistiques avaient depuis
longtemps disparu. D’ailleurs, à partir de notre époque
contemporaine , l’industrie avec ses procédés mécaniques a
pris une grande extension ; l’art a été envahi , souvent rem¬
placé , de sorte que beaucoup de nos produits modernes
participent de cette hyhîHdité qu’il serait parfois difficile de
distinguer de l’art véritable.
2. ° Ce c^ui n'est pas remarquable , — soit au point de vue
de l’art considéré en lui-meme; soit au point de vue de
l’art appliqué à l’histoire; soit enfin au point de vue de
l’histoire de l’art.
Ainsi il faudrait être plussévère pour une copie de tableau
que pour un original ; pour un objet moderne que pour un
objet ancien. Il se peut aussi qu’une peinture ou une sculp¬
ture esthétiquement mauvaise se rapporte à un point d’his-
— 45 —
toire locale ; dans ce cas on devrait bien se garder de la
négliger.
3.® Les inscriptions tombales ou autres , — cette matière
devant faire l’objet d’une publication spéciale. Il va sans
dire toutefois que cette exclusion ne s’adresse qu’aux seules
inscriptions et non aux objets qui les supportent ni aux
sujets qui les accompagnent.
III. — Afin de procéder avec ordre , il faudrait :
l.° Signaler d’abord les objets faisant partie du gros mo¬
bilier : chaires de vérité, fonts baptismaux, confessionnaux,
stalles et boiseries , bancs de communion , autels et reta¬
bles , etc.
En second lieu , les tableaux , statues , bas-reliefs et
autres ornements sculptés , vitraux peints ou incolores ,
etc. , ayant soin de suivre l’ordre selon lequel ces objets
sont placés.
3.° Enfin , les objets servant plus immédiatement au culte
et qui ne sont pas ordinairement fixés en leur place , tels
que: croix, chandeliers, calices, ciboires, ostensoirs,
châsses ou reliquaires , plats et instruments de paix , encen¬
soirs , vêtements sacerdotaux. . . et autres objets contenus
dans les trésors ou dans les sacristies.
IV. — Tout en donnant à cet inventaire une forme con¬
cise, il vaut mieux énumérer trop que trop peu. En archéo¬
logie comme en histoire, bien des éclaircissements sont dus
à des faits ou à des détails qui avaient pu paraître insigni¬
fiants au premier abord. Toutefois il faut que ces faits
soient positifs, que les indications soient exactes, donnant,
aussi bien que possible , la description des objets, la ma¬
tière dont ils sont faits , leur provenance , etc. De cette
manière rien ne sera sec ni superflu : car, bien que ces
détails , dans un grand nombre de cas , puissent ne pré¬
senter aucun intérêt par eux-mêmes ; réunis , coordonnés ,
— 44 —
ils seront peut-être pour l’historien ou l’archéologue de la
plus grande importance ou tout au moins du plus grand
intérêt. _
ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE
Classe des Sciences
rersonnel
Les directeurs des trois classes désignés pour l’année 1870
sont :
Sciences : M. De'v\'alque, profess. à l’IIniversité de Liège;
Lettres : M. Defacqz, de Bruxelles ;
Beaux-Arts : 31. Fraikin , sculpteur à Bruxelles.
Séance publique du 16 décembre 1869
Cette séance, honorée de la présence du roi et du ministre
de l’intérieur, s’est ouverte par un discours de 31. Nyst,
directeur de la classe , qui a exposé les résultats palèonto-
logiques obtenus^ sous lerapport des animaux inférieurs^ à
la suite des travaux considérables exécutés aux fortifica¬
tions d'Anvers. Les sables des environs d’Anvers sont rem¬
plis de coquilles dont quelques-unes vivent encore dans la
mer de la 3Ianche, mais dont d’autres ont disparu, ou ont
émigré dans d’autres régions. Chaque pelletée de terre sou¬
levée pour l’établissement des fortifications a mis à décou¬
vert des débris fossiles que l’on a recueillis dans les collec¬
tions de l’Etat et qui ont donné lieu à de nombreuses
études. Personne ne pouvait s’en faire l’historien avec plus
d’autorité que 31. Nyst, lui , qui dès 183o , commençait la
description des fossiles d’Anvers, et qui depuis lors a
continué à faire connaître les richesses de cette localité.
Lors de la construction des forts détachés, des fouilles faites
dans une briqueterie , à Edeghem , lui ont permis d’en¬
richir d’un grand nombre d’espèces nouvelles la liste des
fossiles belges. Cette faune d’Edeghem présentait en outre
— 45 —
la particularité remarquable d’être intermédiaire entre celle
des sables d’Anvers proprement dits et celle des terrains
tertiaires de la Touraine et des environs de Bordeaux. M.
Nyst a terminé son discours en remerciant le gouvernement
des encouragements sérieux qu’il accorde aux recherches
géologiques et paléontologiques.
M. Van Beneden a fait ensuite une de ces charmantes
lectures dont il a le secret sur les mœurs des animaux infé¬
rieurs. Il a parlé de ce qu’il appelle les commensaux , c’est-
à-dire les êtres qui s’allient les uns aux autres dans un but
d’intérêt ou « par des motifs, dit-il, à eux connus. » Un
petit Crabe, le Pinnothère, de la grosseur d’une jeune
araignée, vit dans les Moules comestibles, et on l’a accusé
bien à tort de causer les empoisonnements que produisent
parfois ces mollusques. Pourquoi se loge-t-il ainsi dans la
coquille de la Moule ? Pour y trouver un gîte commode ,
un repaire d’où il s’élance sur sa proie ; il revient ensuite
la dévorer dans sa retraite, et la Moule profite des reliefs de
son festin.
D’autres crustacés se fixent sur la peau des Baleines et
voyagent en compagnie de ces géants des mers.
« Ainsi parmi les commensaux nous en voyons qui conser-
servent toujours leur indépendance, et ceux-ci, peu importe
leur associé, rompent au premier signe de mécontentement
pour aller chercher fortune ailleurs ; on les reconnaît à
leur attirail de pêche et de voyage dont ils ne se dépouillent
jamais. Ce sont des commensaux libres. Ils se mettent en
croupe tantôt sur le dos d’un voisin tantôt à l’entrée de la
bouche, au passage des vivres, ou bien, par un goût que l’on
pourrait trouver peu délicat, à la sortie des déchets ; tantôt
enfin ils se mettent à l’abri sous le manteau de leur hôte
dont ils reçoivent aide et protection. A côté d’eux nous en
voyons qui ne sont libres que pendant le jeune âge : dés
que l’époque de la puberté approclie, ils font choix d’un
hôte, se dépouillent de tout leur attirail de voyage, y com¬
pris leurs appareils oculaires, changent de costume et de-
^ 46 —
viennent complètement dépendants de celui qui les porte. »
Cette citation suffit pour montrer quel a été l’intérét de
la lecture deM. Van Beneden et combien nous regrettons
de ne pouvoir en offrir un plus long extrait à nos lecteurs.
Elle a été suivie de la proclamation des résultats des con¬
cours et des élections.
CONCOURS
Le prix quinquennal de o,000 francs devait échoir cette
année aux sciences mathématiques: il a été attribué à BI.
Plateau , membre de l’Académie , pour ses Fiecherches sur
les figures d'équilibre d'une masse liquide sans pesanteur.
Nous avons déjà donné l’analyse de ces remarquables mé¬
moires (^). On jugera combien l’Académie de Belgique tient
en haute estime les Becberches de BI. Plateau puisque ce
savant avait comme concurrents Staas , le chimiste , et
Gloesener , le physicien.
L'Académie a décerné une Blédaille d’or à BI. Blalaise ,
professeur à l’Institut agricole de Gembloux , pour un
Mémoire sur le terrain silurien du Brabant. Ce terrain
forme , au Sud de Bruxelles et au Nord du bassin bouiller,
une bande assez large qui s’étend depuis les environs de
Liège jusqu’à ceux de Charleroy ; mais il n’est visible que
dans quelques points. BI. D’Omalius d’Halloy a parfaitement
décrit sa situation dans une phrase que BI. Blalaise a prise
pour épigraphe.
« Les terrains porphyriques et ardoisiers du Brabant ne
paraissent au jour que dans le fond des vallées, ou sur quel¬
ques points isolés qui sont comme les sommités d un ancien
monde enseveli sous des dépôts plus nouveaux. »
On comprend tout ce qu’une semblable disposition doit
offrir de difficultés au géologue. Aussi BI. Blalaise n’a-t-il
Bulletin , t.I , p. 98.
— Al —
pu mettre à l’abri de toute critique les divisions qu’il y a
établies ; néanmoins son mémoire fait faire de grands pro¬
grès à la stratigraphie de ce terrain , et y révèle l’existence
d’une faune de o2 espèces qui sont décrites et figurées dans
le mémoire.
31. 3Ialaise distingue 4 assises :
1. ° les Quarzites blanchâtres et verdâtres de Blaimont ;
2. ° les Quarzites et Phyllades aimantifères de Tubize ;
3. ° les Phyllades bigarrées d’Oisquerque ;
4. ° les Phyllades fossilifères de Gembloux.
Cette dernière assise , la seule qui renferme des fossiles ,
est rapportée par l’auteur ainsi que les trois précédentes ,
au terrain silurien moyen.
31. 3Ialaise a ajouté à la question que l’Académie avait
posée la description de l’étroite bande de terrain silurien
que l’on trouve dans l’Entre Sambre-et-3Ieuse , et celle du
petit lambeau silurien de Dour , près 3Ions.
ÉLECTIONS
31. Dupont, directeur du 3Iusée d’histoire naturelle de
Bruxelles , a été élu membre de l’Académie ( section des
sciences naturelles ) , en remplacement de 31. Van der 3Ia-
len. Le monde savant applaudira à la nomination de ce na¬
turaliste, qui, bien jeune encore, s’est acquis une réputation
universelle par ses recherches sur les grottes de l’âge de
pierre. Il y a quelques mois, les savants de tous les pays ,
réunis à Copenhague en un Congrès universel pour s'oc¬
cuper des âges primitifs de l’humanité, rendaient hommage
au talent de 31. Dupont en l’élisant un des vice-présidents
de la réunion. Rappelons aussi que 31. Dupont a publié, il y
a quelques années, une notice géologique sur le calcaire
carbonifère du département du Nord.
Une autre élection a été faite dans la section des sciences
mathématiques et physiques. Le colonel Brialmont , bien
— 48 —
connu par ses travaux de balistique, remplace feu le général
Nérenburger.
Travaux courants
Les 11.® et 12.® Bulletins de TAcadémie pour 1869 con¬
tiennent des observations sur les orages faites en 1869 , à
Bouillon , par M. Brauch, professeur au collège communal ;
à Gembloux, par M. Malaise ; à Liège , par M. Dewalque et
par M. Leclercq, directeur honoraire de l’Ecole indus¬
trielle. Ce dernier observateur constate qu’en 1869 les
orages ont été moins nombreux, moins durables, plus loca¬
lisés qu’en 1868. Il admet que les orages sont des phéno¬
mènes de même ordre que les ouragans et les tempêtes,
qu’ils se produisent sous des conditions analogues de pres¬
sions barométriques et de successions de vents. Ils ne sont
que des transformations en chaleur et en électricité des
mouvements de l’atmosphère.
M. Adolphe Quetelet a donné quelques détails sur une
aurore boréale observée à Bruxelles et à Louvain le 6
octobre 1869 et sur les étoiles filantes du mois de novembre
1869.
M. de Montigny a présenté une note sur les phénomènes
de coloration des bords du disque solaire près de l'horizon.
Par suite de la dispersion atmosphérique les bords supé¬
rieurs sont colorés en bleu et en violet, et les bords inférieurs
en orange et rouge ; dans l’arc bleu on voit parfois des
teintes rosées jusqu’à présent inexplicables.
De la cire de la paille, par M. Radziszewski, répétiteur
de chimie à PUniversité de Louvain. — Cette substance
cireuse , obtenue dans une fabrique de papier de paille ,
paraît assez analogue à la cire que l’on a extraite de l’herbe
des prairies et à celle qui existe dans la canne à sucre ,
mais elle fond à 42. tandis que la cire de la canne fond à
82.®.
— 49 —
La Chimie théorique est représentée par la continuation
des Recherches sur les dérivés éthérés des acides et alcools
polyatomiques , par M. Henry ; la Physique par une note de
M. Pérard sur une modification de la machine électrique de
N aime.
En Zoologie nous remarquons un article de M. Ed. Van
Beneden sur la Gregarina Gigantea. Les Gregarines sont
des êtres composés d’une cellule unique qui vivent en para¬
sites , soit dans l’intestin , soit dans la cavité préviscérale,
soit dans les organes reproducteurs des animaux inférieurs
des différentes classes. L’espèce nouvelle découverte par
‘ M. Ed. Van Beneden provient de l’intestin grêle du Homard.
Grâce à sa taille relativement considérable , 16 mill. de
long sur 0 mill. 15 de large , il a pu y constater des faits
intéressants sur le développement de ces animaux et pour
la théorie cellulaire.
Contagion de la Panachure^ par M. Ed. Morren. — La
Panachure c’est-à-dire la décoloration partielle du feuillage •
des végétaux est un état maladif que l’on cherche souvent
à produire dans les jardins dans un but d’ornementation.
La mauvaise qualité des graines, l’humidité du sol , l’in¬
suffisance de lumière la produisent. Les variétés panachées
peuvent aussi se multiplier par bouture et par greffe.
M. Morren a remarqué dans ce dernier cas que non seule¬
ment la branche greffée conserve la panachure mais que le
sujet greffé l’acquiert également. Il a même constaté que
dans le cas où le greffon venait à périr au bout de quelques
jours, le sujet pouvait néanmoins être frappé de la pana-
ebure. Il suffit même que l’on insinue un pétiole de feuille
panachée dans l’écorce d’un jeune sujet pour lui communi¬
quer la maladie. M. Morren pense qu’il y a là un cas d’in¬
fection semblable aux infections morbides du règne animal,
lien conclut que la chlorophylle, ou matière colorante verte
^so¬
dés plantes, joue chez les végétaux un rôle comparable à
celui que remplissent chez les animaux les globules rouges
du sang.
M. de Koninck a décrit et figuré quelques Echinodermes
fossiles des terrains primaires , savoir : deux Encrines
d’Angleterre et un Oursin , Palœchinus sphœricus que l’on
trouve dans le calcaire carbonifère en Angleterre et à
Tournai. Il a profité de l’occasion pour rectifier le nom
d’un autre Oursin provenant du même calcaire de Tournai :
le Cidaris Munsterianus devient le Lepidocentrus Munste-
rianus. J. G.
COURS PUBLICS.
Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille,
par M. Gosselet. (b
Temps paléontoîniques. On les divise en trois âges que
l’on distingue par des numéros d’ordre : Age primaire.
Age secondaire , Age tertiaire.
Age primaire — Ère des Trilobites. Les terrains primaires
sont au nombre de trois : silurien , dévonien , car^bonifèi'e.
Par suite des émanations volcaniques venues de l’intérieur
de la terre , et des nombreuses dislocations qui les ont affec¬
tées , les roches des terrains primaires ont subi des modifi¬
cations profondes. Les calcaires se sont transformés en
marbre , les argiles et les grès argileux sont devenus des
schistes et des gramvaches , c’est-à-dire qu’ils ont pris une
structure feuilletée dont l’ardoise nous offre le type le plus
parfait. Souvent ils se sont imprégnés de silice au point de
constituer une roche compacte d’une extrême dùreté, le
quarzite. D’autrefois ils se sont chargés de cristaux d’ai¬
mant , de pyrite , etc. , ou de paillettes de mica. Les grès
argileux et scbistoïdes si abondants dans les environs d’A-
d) Bulletin t.I , p. 392 , t. II, p. 18.
— 51 —
vesnes et dans le Condroz belge portent , lorsqu’ils sont
remplis de petites écailles de mica, le nom de Psammites.
Ajoutons pour compléter la liste des principales roches
sédimentairesdes terrains primaires : la houille elle minerai
de fer soit à l’état de carbonate, sidérose^ comme les nodules
disséminés au milieu des schistes houillers, soit à l’état
d’oxide rouge , oligiste , comme le minerai de Glageon et
d’Isne-les-Dames.
De nombreuses éruptions ont eu lieu pendant l’âge pri¬
maire ; les principales roches qu’elles ont produites sont des
granités , des syénites , variétés de granité dont est formé
l’obélisque de Louqsor , et des porphyres ; ceux -ci contien¬
nent, dans une pâte feldspathique homogène et non cristal¬
lisée, des cristaux de feldspath , de quarz et d’autres subs¬
tances ; c’est leur pâte homogène et compacte qui les
distingue essentiellement des granités dont tous les élé¬
ments sont cristallisés. Il y a plusieurs espèces de feldspath
variables par leur composition chimique ; à chacune d’elles
correspond une ou plusieurs espèces de porphyres. Les
terrains primaires sont en outre fréquemment traversés de
filons de quarz gras d’un blanc laiteux.
Les fossiles qui caractérisent le mieux les terrains pri¬
maires sont les Trilohites , les Spirifer et les Productus.
Les Trilobites sont des crustacés ayant certaine analogie
avecnos cloportes, mais vivant dans l’eau où ils se mouvaient
à l’aide de pattes membraneuses. La division de leur corps
en trois lobes longitudinaux leur a valu leur nom. Ils pullu¬
laient dans les mers de l’époque silurienne , et depuis lors
leur nombre a constamment diminué ; la famille s’est éteinte
avant la fin de l’âge primaire.
Les Spirifer et les Productus sont des mollusques de la
classe des Brachiopodes , enfermés dans une coquille à
deux valves comme l’huître, et munis de longs bras enroulés
— 52 —
en spirale qu’ils pouvaient en quelques circonstances dé¬
rouler et passer entre les valves de leur coquille. Cette
classe, représentée de nos jours par un très-petit nombre
d’espèces, était au contraire très-abondante dans les mers de
l’àge primaire.
Le terrain dévonien renferme une très-grande quantité
de Spirifer tandis que le terrain carbonifère est beaucoup
plus riche en Productus.
Les seuls vertébrés de l’âge primaire étaient des poissons
et des reptiles. Les premiers appartiennent aux ordres des
Sélaciens ( Requins et Raies ) ou des Ganoïdes ; les se¬
conds se rapprochent des Grenouilles et des Salamandres,
mais ils avaient certains détails d’organisation plus déve¬
loppés rappelant ceux du Crocodile.
Les végétaux des terrains primaires appartiennent tous
soit aux Cryptogames , soit aux Dicotyledonés Gymnosper¬
mes. Ceux-ci sont représentés de nos jours par la famille
des Conifères ou arbres verts et résineux eCpar celle des
Cycadées ; à l’âge primaire outre ces deux familles, il y en
avait une autre, celle Sigillaires ^ dont les troncs, plus
gros que ceux de nos pins et de nos sapins, se rencontrent
en abondance dans la houille. Ils y sont accompagnés de
Calamites, grandes prèles de 10 mètres de haut, et de Lepi-
dodendron, dont la taille est la même et qui représentent
nos humbles mais élégants Lycopodes.
Les diverses couches des terrains primaires ne sont plus
dans la position où elles se sont formées ; elles ont été re¬
dressées, plissées, contournées, traversées par des fentes
(failles) et par des veines (filons) de quarz, de carbonate de
chaux cristallisé ou d’autres substances.
Elles constituent plusieurs massifs élevés, isolés les uns
des autres par des terrains plus récents : l’Ardenne, la Bre¬
tagne, les Vosges, etc. ; elles forment également une lisière
— 55 —
sur le pourtour du Plateau central. Dans notre région, on
Yoit les terrains primaires dans rarrondissement d’Avesnes,
près de Marquise (Pas-de-Calais) , dans le Nord du départe¬
ment des Ardennes et dans toute la partie de la Belgique
située au sud-est de laSambre-Meuse. C’est aussi aux terrains
primaires que l’on doit rapporter notre riche bassin liouiller.
MUSÉES ET COLLECTIONS
MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE DOUAI (suito)
Antiquités gallo-romaines. — Sans arrêter nos lecteurs
devant l’armoire n.°I3 , dont les vitrines offrent quelques
vases étrusques provenant pour la plupart du musée Cam-
pana, nous attirerons leur attention sur les antiquités gallo-
romaines. Le musée de Douai offre une importante collec¬
tion d’objets provenant de Bavai pour la plupart et recueillis,
comme nous l’avons déjà dit , par M. Carlier, curé de cette
ville ; les archéologues et les amateurs peuvent y faire de
sérieuses études sur l’art chez les Gallo-Romains, aux points
de vue des monuments publics , du culte et de la vie privée.
Monuments publics. Le monument historique le plus
curieux peut-être du musée de Douai est une pierre dont
l’inscription constate le passage de Tibère à Bavai (n." 728).
Cette pierre , en granit grisâtre , est large de 1 m. 45 et
haute de 70 cent. ; l’inscription rappelle qu’un monument a
été consacré pour l’arrivée de Tibère (*),
(h Voici l’insciiption suivie de la traduction récemment donnée par
un savant membre de l’Institut ^ M. Ernest Desjardins ; Tiberio Cœsari ,
Âugusii fxlio , Dm nepoti , advenlu ejus sacrum. Gnœus Licinius Gaiifilius,
Voltinia tribu, Nœvus. A Tibère César, fils d’Auguste, petit-fils du divin
César. Monument consacré à célébrer son arrivée par Cn. Licinius
Névus, fils de C. Licinius, inscrit dans la tribu Voltinia. •— M. Desjar-
dius prouve que cette inscription date de l'an 10 , 11 ou 12 de notre ère.
— su¬
cette pierre fui trouvée en 1706 à Bavai : elle constate
que cette ville avait déjà quelque importance dix ou douze
ans après Jésus-Christ. L’inscription rappelle sans doute
la marche triomphale de Tibère à travers les Gaules , dont
il est parlé dans Velleius Paterculus (i).
Auprès de celte pierre, qui est placée dans le fond de
la salle d’archéologie , sont superposés dix chapiteaux en
pierre , dont les dimensions prouvent l’existence à Bavai
d’un monument supporté par de hautes colonnes ; l’archi¬
tecture appartient à l’ordre corinthien dégénéré. Les deux
plus importants de ces chapiteaux offrent, au milieu de feuil¬
les d’acanthe , l’un le buste de Jupiter portant un sceptre
(n.® 721), et l’autre le buste de Junon tenant aussi le sceptre
(724) : ces chapiteaux n’ont pas moins de 67 centimètres de
hauteur.
Les visiteurs remarqueront aussi avec intérêt plusieurs
petits pilastres en granit bleu, de forme ovoïde, alignés et
adhérents entre eux sur une base unique : ce sont des bor¬
nes, qui étaient établies dans les cirques pour marquer les
distances ou le terme des courses. On sait que l’on voit
encore aujourd’hui à Bavai, dans les anciennes fortifica¬
tions, les ruines d’un cirque long de 277 mètres et large de
92 mètres 33 centimètres (2).
Dans le vestibule du Musée se trouve une borne milliaire,
datant de 1766 comme l’indique un chronogramme ; mais
sur lequel est indiquée la direction du septemvium qui abou¬
tissait à Bavai.
Ces monuments ont une importance historique pour le
Nord de la France : ils prouvent que les Romains avaient
(M De Bast. Deuxième supplément au Recueil d'antiquités romaines. Gand ,
1815. — Velleius Paterculus , Ed. Panckouke , p. 290. — Voir une Note
de M. Ernest Desjardins : Mémoires de la Société d' Agriculture de Douai ,
1866-G7, p. G47.
(2; Lebeau. Bavai; p. 149.
— 55 —
établi' à Bavai, dès le siècle d’Auguste , une grande cité ,
sans doute afin de dominer sur ces Nerviens qui avaient
résisté à César avec tant d’habileté et d’énergie.
Culte. Sacrifices et autels; honneurs rendus aux morts. —
Fouillé avec un soin minutieux par l’abbé Carlier et par
quelques autres archéologues , le sol antique de Bavai a
offert un nombre considérable d’objets qui se trouvaient
dans les temples et dans les tombeaux de cette capitale des
Nerviens. La pièce la plus importante est un trépied en
bronze, découvert avec plusieurs autres objets en 1790. En
voici la description faite avec le plus grand soin par M. A.
Cahier : « Trois montants ou supports , terminés chacun à
» son extrémité supérieure par un buste de bacchante dont
» la tête est ornée de pampres et de grappes de raisin ,
> reçoivent une cuvette dont le diamètre est de 25 centimè-
a
i> très et la profondeur , à son milieu, de 74 à 76 millimè-
» très. Celte cuvette s’appuie sur trois crochets sortant
» derrière chaque buste de bacchante. Les supports ont
» 81 centimètres de hauteur ; leur extrémité inférieure se
» terminait en patte de panthère. Trois paires de plates-
» bandes en bronze s’étendent d’un support à l’autre et se
» croisent en forme d’X. . . A l’un des supports, à celui que
» nous pouvons appeler le montant principal, vers une
» hauteur de 54 centimètres à partir du pied , la ligne cesse
» d’être perpendiculaire ; elle se courbe avec élégance , et
» cette courbure se rattache à la partie supérieure du .sup-
» port par une tête de panthère d’un très-beau style... Au
P milieu de cette courbure , on voit briller un vase ciselé
» sur une mince lame d’argent ajustée sur le bronze. La
» courbure se termine par un ornement en forme de feuille,
» dont la pointe va quelque peu se relevant. En présence
» des attributs, dont est décoré ce trépied , il est hors de
» doute qu’il était consacré à Bacchus et servait aux sacri-
— oG —
» fices que réclamait le culte de cette divinité. (^) » Une
baguette autour de laquelle s’enroule un ruban de cuivre
qui rappelle le Thyrse, et une pomme de pin naturelle, trou¬
vées avec le trépied, rappellent aussi le culte deBacchus.
Sur la grande pierre dont l’inscription a été tracée pour
l’arrivée de Tibère se trouvent deux petits autels votifs,
l’un consacré à Apollon par Timenlius , comme l’indique
Vinscription , et l’autre ayant servi de support à une statue
dont il ne reste que les plis des vêtements sur la base. Dans
les armoires, l’on trouve un grand nombre d’objets qui
servaient aux sacrifices : la Dolabra ou couteau avec lequel
étaient démembrées les victimes (n.° 374) ; leDiscus, bassin
plat en bronze dans lequel on mettait quelquefois les entrail¬
les des victimes , quelquefois du sang et de la farine , quel¬
quefois de la chair rôtie (n.°" 382, 38o et 386); le simpulum,
instrument dont on se servait pour faire les libations du
vin (n.o 373) ; les Paterœ ou Patellœ , tasses ou coupes dans
lesquelles on recevait le sang des victimes ou le vin offert
aux dieux (n.®" 383, 384 , 401 , 402, 403, 412, etc.) ; les
Ligulœ ou Lingiilœ, sortes de spatules que l’on croit avoir
servi à fouiller dans les entrailles des victimes (n.®® 388 et
389) ; des Cuillers les unes en argent , les autres en bronze,
à l’aide desquelles l’on jetait l’encens dans le feu de l’autel
(n."® 390 à 397) ; l’extrémité supérieure d’un lituus ou bâton
augurai (n.° 377) ; une coupe destinée à brûler les entrailles
des victimes qui était posée sur un trépied et plusieurs autres
fragments de trépied (n.“" 37o , 376 , 378 , 379 , 380 et 381) :
la nomenclature de ces objets suffit pour faire comprendre
l’intérêt que présente, au point de vue des objets ayant servi
aux sacrifices , le musée de Douai (-}.
(1) A. Cahier. Coup d'œil sur quelques par lies du musée di Douai) p. ‘ÎOl.
Nous avons déjà cité cet excellent travail qui nous a été très-utile
pour ces courtes notices.
P) V. Moxtfauco.n. VAnliquiU expliquée; passim.
Au sujet du culte des morts, nous trouvons un nombre
très-considérable d’objets. Nous appellerons d’abord l’atten¬
tion de nos lecteurs sur quelques pierres tumulaires avec
inscriptions dont les unes sont consacrées par Marcus Pom-
péius Victor , gouverneur des Nerviens , à ses parents et à
son épouse Ogratia, et dont une autre, rappelant le souvenir
de Julia Felicuîa , a été trouvée sur une urne en plomb
remplie de cendres et d’ossements calcinés (n.'* 2o8). Les
urnes funéraires abondent; du n." 290 au n.” 340, nous en
rencontrons de toutes les dimensions et de toutes les formes,
en terre noirâtre , en terre grise, en terre rouge, en terre
jaunâtre ; l’on trouve aussi des urnes lacrymatoires non
moins variées dans leur forme , leur couleur et leur dimen¬
sion ; plusieurs sont peintes ou vernissées ; le n.® 349 re¬
présente un lapin accroupi et rongeant une racine qui forme
le foyer de la mèche. Au nombre des curiosités, nous cite¬
rons les fioles ou urnes lacrymatoires en verre , dans les¬
quelles les anciens allumaient des flammes parfumées , le
n.® 346 , petite fiole en verre blanc très-fin, sur les flancs
de laquelle serpentent des ornements en verre bleu et en
verre blanc, et le n.° 347 autre fiole en verre de couleur
amaranthe, qui est aussi une pièce remarquable. Sur quel¬
ques-unes des coupes en terre cuite , se trouvent la marque
et le nom du fabricant (n.®" 348, 364, 365 et 366). Plus de
quatre-vingts pièces différentes , provenant pour la plupart
de Bavai, peuvent servir à l’étude du culte des morts de l’an¬
tiquité , et en même temps à celle de la céramique et de la
fabrication des objets en verre chez les Gallo-Romains.
L’abbé Ch. Dehaisnes.
BIBLIOGRAPHIE '
A>'>»UAIRE DE l’académie DE BELGIQUE POUR 1870.
Nous remarquons dans ce volume une Notice sur l’un des
— 58 —
membres correspondants J. E. Buschman , et sur deux
membres effectifs de l’Académie , Baguet et Moke , décédés
dans ces dernières années.
Poète, romancier et critique d’art, Buschman a obtenu
de brillants succès en ces différents genres. Il ne fut pas
étranger à quelques-uns des perfectionnements de la pho¬
tographie et il a introduit en Belgique le procédé de gra¬
vure connu sous le nom de stylographie. Il fonda à
Anvers une imprimerie , dans le but avoué de faire revivre
en cette ville la gloire des Plantin. Son étude sur Rubens ,
splendidement illustrée, son ode : N otre-Rame-cr Anvers et
sa poésie intitulée : VArt flamand seront les meilleurs titres
de Buschman auprès de la postérité.
Elève de Bekker qui lui-même était disciple du célèbre
Creuzer, F. Baguet puisa, comme on le voit, aux meilleu¬
res sources, la science des deux antiquités grecque et ro¬
maine. Il fut le premier docteur reçu dans l’IIniversité de
Louvain depuis sa réouverture en 1817. Plus tard, il con¬
courut activement à la reconstitution , sur ses bases actuel¬
les , de ce corps enseignant. Feu Mgr. de Ram trouva en
lui un de ses plus utiles auxiliaires. Malheureusement les
soins administratifs, auxquels se voua Baguet avec la plus
complète abnégation , l’enlevèrent aux travaux d’érudition
classique. Les vrais savants n’ont pourtant pas perdu le
souvenir du Mémoire sur Chrysippe et de l’édition du Dis-
cours de Dion Chrysostôme qui ont fondé la réputation et
perpétueront, dans le monde des lettres, la mémoire de
M. Baguet.
C’est M. Roulez, de l’Université de Gand, qui s’est plu à
rendre cet hommage aux travaux de son collègue de Lou¬
vain. M. Baguet ne pouvait être apprécié par un juge à la
fois plus équitable et plus compétent. La Notice sur M.
Moke est d’un écrivain belge , bien connu du public fran-
— 59 —
çais , M. Emile de Laveleye , Tun des rédacteurs habituels
de la Revue des Deux-Mondes.
Né au Havre en 1803 , M. H. -G. Moke , qui eut une Alle¬
mande pour mère , réunissait en sa personne , par un heu¬
reux privilège, les dons, si contrastants, de la race fran¬
çaise et de la race germanique. Il avait de celle-ci le génie
patient et profond , le tour d’imagination rêveur et mélan¬
colique : il retenait, de celle-là, l’esprit net et lucide,
l’amour de la clarté, de la méthode et du style. M. de La¬
veleye lui rend ce témoignage qu’il fut l’un des belges qui
ont écrit le plus purement en français, quoique sa vie se
soit écoulée dans les provinces flamandes. Par suite du
renouvellement perpétuel auquel sont assujetties les études
d’ethnographie transcendante , il est permis de prévoir que
le dernier ouvrage de M. Moke, celui qui a mis le sceau à
sa réputation scientifique , la Belgique ancienne et ses origi¬
nes gauloises , sera rapidement dépassé , comme l’est déjà
son Histoire des Francs. La postérité , de moins en moins
soucieuse du roman historique , négligera les Gueux des
Bois ^ les Gueux des Mers., Philippe-de-Flandre, Hermann.,
etc. Mais elle ne dédaignera aucun des mémoires que M.
Moke a consacrés àl’histoire positive des belges, aux splen¬
deurs de leur art, à la description de leurs usages et de
leurs mœurs. Nous, Français , nous n’oublierons pas com¬
bien son Histovx de la Littérature française a contribué à
répandre, dans les écoles belges, la connaissance et l’amour
de nos grands écrivains. A. D.
GALERIE DÉPARTEMENTALE DU NORD
2.® série , n." i
M. A. Desplanque vient de publier une Etude sur les
travaux d'histoire et d' Archéologie de M. E. de Coussemaker.
— 60 —
C’est la première notice d’une série nouvelle de sa Galerie
départementale. Après le portrait des érudits décédés
récemment : MM. Le Glay , Dinaux , Derode et de la Fons-
Mélicocq , il compte donner ceux des érudits vivants , et
nous le louons d’avoir commencé par celui de M. de Gous-
semaker , qui indépendamment du juste renom que lui ont
valu , dans le pays , des travaux importants sur l’ethno¬
graphie , la philologie , la législation et les heaux-arts de
notre Flandre , s’est acquis une réputation européenne
comme historien de la musique religieuse et profane au
moyen- âge.
Il est difficile d’analyser la notice de M. Desplanque.
Le nombre des travaux qu’elle décrit et sur lesquels elle
porte un jugement raisonné est si considérable et leur
importance est si grande que , malgré l’étendue de cette
notice, on doit reconnaître qu’elle ne contient rien de trop,
ni rien qui puisse être utilement abrégé. Tout ce que nous
pouvons faire c’est, en suivant la marche de son biographe,
d’indiquer aux lecteurs du Bulletin les principaux écrits de
M. de Coussemaker, et de renvoyer pour les détails à la
notice , ou mieux encore , aux ouvrages même de l’auteur.
Ils verront là quel fut son goût précoce pour la musique ,
quelles aptitudes il manifesta pour la composition et
comment il fut amené à quitter la pratique proprement dite
de l’art , pour se livrer entièrement à l’étude de son histoire.
Ils comprendront aussi que , dirigé par le goût et pénétré
de bonne heure de toutes les règles de rharmonie, il ait été
plus loin dans l’intelligence des écrits des vieux musiciens
qu’un érudit ordinaire privé des connaissances techniques
qu’il avait eu soin d’acquérir.
Le Mémoire sur Hucbald , moine de Saint-Amand au IX«
siècle , et sur ses traités de musique ; la Notice sur les
collections musicales du Nord , remplie de consciencieuses
— 61 —
recherches précédèrent, en 1841 et 1843, YHistoire de
rHarmonie au moyen-âge dont l’apparilion fut un événe¬
ment dans la science.
Ce livre, qui parut en 1852, est une œuvre de longue
étendue et toute de rédaction. Elle se compose de trois
traités : le premier sur l’harmonie , le second sur la musique
mesurée et rhythmée, le troisième sur la notation. Elle
valut à son auteur d’abord une médaille de l’Institut,
ensuite son admission au titre de membre correspondant de
cette illustre compagnie. Tous les travaux d’archéologie
musicale auxquels M. de Coussemaker a , depuis 1852 ,
attaché son nom devenu célèbre et tous ceux qu’il poursuit
ou prépare en ce moment , s’y trouvent renfermés comme
dans leur germe. « Qu’est-ce en effet, dit M. Desplanque ,
» que VArt harmonique aux XIl^ et XIII^ siècles , ouvrage
» déjà paru et auquel doit bientôt succéder VArt harmo-
» nique au XIV^ siècle , qu’est-ce sinon la reprise , sur une
» plus vaste échelle et d’après des documents nouveaux, de
» la première partie deVHistoirede Vharmonie? L’idée-
» mère des Drames liturgiques se découvre dans la pre-
» mière et la troisième partie de ce même ouvrage , et la
» deuxième partie (documents) de VHistoùx de Vharmonie
j> n’inaugurait-elle pas en quelque sorte ledition monu-
» mentale des Scriptores de musica medii œci ? »
Les Chants populaires des Flamands de Finance et
l’édition des Œuvres complètes d'Adam de la Haie , dont
l’intérêt littéraire et philologique balance l’importance
musicographique , doivent se joindre aux ouvrages que
nous venons de citer , si l’on veut se former une juste idée
des recherches et des labeurs que s’est imposés M. de Cous¬
semaker pour conquérir le vaste et magnifique domaine
dont il est aujourd’hui, de Taveu de toute l’Europe savante,
le maître incontesté .
— 62 —
Dans le quatrième paragraphe de son Etude , M. Des¬
planque passe en revue les œuvres d’histoire et d’archéo¬
logie locales de M. de Coussemaker , son active partici¬
pation aux travaux de la Commission historique du Nord ,
dont il est Président ; de la Société des Sciences de Lille
qu’il a présidé en 1861 ; de la Société dunkerquoise , dont
il fut un des premiers adhérents , et dont il a eu à deux
reprises la présidence ; et du Comité flamand de France ,
qu’il fonda et qu’il préside depuis sa création en 1853.
Les limites qui nous sont imposées nous empêchent de
donner les titres des innombrables dissertations qu’il a
insérées dans les mèmones de ces différentes sociétés.
« Comme on le voit , on peut , sans flatterie et par une
>» justice anticipée , appliquer à M. de Coussemaker l’éloge
» que lui-même a fait de M. Le Glay , défunt. Lui aussi
« mourra avec la conscience d’avoir bien rempli sa vie.
» Chez lui aussi la postérité admirera « cette infatigable
y) activité qui embrassait à la fois les plus hautes généralités
» et les détails les plus circonstanciés. »
Nous souscrivons de tout cœur à cette conclusion de
M. Desplanque et nous attendons avec impatience les autres
portraits de la série nouvelle de sa Galerie départementale.
Ch. Paeile.
LA PHOTOGRAPHIE
SES ORIGINES , SES PROGRÈS , SES TRANSFORMATIONS
par M. Blanquart -Evrard
Ce magnifique volume comptera certes parmi les publica¬
tions les plus importantes qui aient été imprimées à Lille en
1869. Mais nous n’avons pas ici à faire l’éloge de la typogra¬
phie, nous n’insis terons même pas sur les nombreuses plan-
— 63 —
elles photographiques insérées dans le volume et qui sont
destinées à montrer les divers états de l’art. Nous préférons
entretenir nos lecteurs du côté scientifique de la question.
Nul mieux que M. Blanquart ne pouvait faire l’histoire de
f
la photographie. Dès l’apparition de cet art merveilleux,
il en a compris toute la valeur; il y a successivement
apporté plusieurs perfectionnements et a toujours publié ses
découvertes avec un désintéressement complet : conduite
bien naturelle chez un savant et chez un artiste, mais bien
digne d’éloge assurément si on songe que la photographie
a donné lieu à une foule de brevets d’invention qui furent
et qui sont encore autant d’obstacles à ses progrès.
L’histoire des premières découvertes photographiques est
trop connue pour que nous les rappelions ici , contentons-
nous de dire que, si la photographie sur papier fut inventée
par Talbot, ce fut M. Blanquart-Evrard qui en divulguâtes
procédés après les avoir notablement perfectionnés.
Jusqu’en 1851 la photographie se bornait presque à faire
des portraits. C’est alors que M. Blanquart-Evrard proposa
un procédé par lequel chaque cliché pouvait facilement
fournir en un jour 2 à 300 épreuves dont le prix de revient
était de 5 à 15 centimes , c’est-à-dire que les photographies
étaient produites à un prix assez modéré pour que la li¬
brairie put y avoir recours pour illustrer ses publications,
A l’incrédulité qui accueillit cette proposition, M. Blanquart
répondit par l’eT^écution. Il établit à Loos , près de Lille ,
une imprimerie photographique où se publièrent le Voyage
en Orient de M. Maxime du Camp, ei Jérusalem de M. Aug.
Salzmann.
Son exemple fut suivi par plusieurs savants et amateurs
qui reproduisirent par ce moyen les gravures de Marc
Antoine, d’Albert Durer , de Rembrandt , etc.
Il y avait cependant un progrès plus complet à réaliser.
— 64 —
Il fallait convertir l’épreuve négative , impressionnée direc¬
tement par le soleil , en une planche à graver dont on pour¬
rait tirer des épreuves positives avec l’encre d’imprimerie.
Dès 1824, Nicéphore Niepte, un des inventeurs de la
photographie , avait découvert un procédé de gravure. Il
recouvrait une plaque métallique de bitume de judée et
l’exposait à la chambre noire. Les parties du bitume im¬
pressionnées par la lumière devenaient insolubles; on en¬
levait le reste par un dissolvant , on gravait à l’eau forte les
parties du métal mis à nu et l’on passait au rouleau : l’encre
prenait partout où le bitume devenu insoluble sous l’in¬
fluence de la lumière avait préservé la plaque de l’action
de l’acide.
Ce procédé héliographique longtemps négligé par suite
des brillants résultats de la photographie sur plaque et sur
papier, fut repris, depuis 1852, par plusieurs artistes.
En 1855, M. Poitevin en proposa un autre : il recouvrait
une pierre lithographique d’une solution d’albumine mé¬
langée de bichromate de potasse , puis l’exposait à la
lumière. Sous le contact d’une épreuve négative il ne se
produisait aucune image, mais si on passait dessus la pierre
le rouleau d’imprimerie enduit d’une encre savonneuse,
cette encre ne se fixait que sur les parties qui avaient été
impressionnées par la lumière , et l’image obtenue pouvait
servir comme celle d’une pierre lithographique ordinaire.
M. Poitevin fit une autre découverte non moins impor¬
tante : « Lorsqu’une couche de gélatine mélangée de bichro-
» mate alcalin a été impressionnée par la lumière sous le
î contact d’une épreuve photographique , et qu’on la dé-
» pose dans l’eau froide, les parties solarisées restent im-
» perméables tandis que celles qui ont été soustraites à
B l’impression lumineuse se gonflent plus ou moins selon
P qu’elles ont été plus ou moins préservées. » La plaque de
— 65 —
gélatine présentant des épaisseurs différentes peut , selon
qu’on s’est servi d’une épreuve négative ou positive , don¬
ner des moulages , dont on obtient par la galvanoplastie
des planches en creux ou en relief. ( à suivre). J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
Histoire naturelle. Cerfs , Daims , Chevreuils. — Les
lecteurs du Bulletin n’ont peut-être pas oublié les notes
insérées aux mois de mars et d’avril derniers , sur la pré¬
sence dans nos régions du Nord de la France , des Loups
et des Sangliers. Nous continuons ces observations sur
notre gros gibier par quelques remarques au sujet des
grands ruminants : Cerfs, Daims, Chevreuils.
Cerfs. — Les Cerfs étaient très-communs autrefois dans
le département du Nord, dans les Ardennes , et dans toutes
les forêts de l’Artois et de la Picardie. Ils y furent, pendant
plus de 12 siècles , le Fauve par excellence des chasses sei¬
gneuriales. C’était même le vaste pays boisé s’étendant de
l’Escaut supérieur au Rhin qui était regardé comme la vé¬
ritable patrie de cet animal , ou tout au moins de ce qu’on
croyait être sa plus remarquable variété. Le Cerf des Arden¬
nes avait conquis une grande célébrité parmi les veneurs du
moyen-âge; la fameuse légende de saint Hubert y était
sans doute pour quelque chose.
On le supposait d’une espèce particulière , plus grande ,
plus cendrée sur le dos , plus foncée sous le ventre et ayant
les poils du cou plus allongés. Brisson le distinguait sous le
nom de Cervus germanicus ; c’était probablement le Tra-
gelaphus et VHippelaphus de Gessner , d’Aldrovande et de
quelques autres naturalistes prélinnéens, le Rangier de
beaucoup d’auteurs cynégétiques. Ces dénominations ,
d’ailleurs difüciles à vérifier , doivent disparaître , car il
— 66 —
est bien constaté que le Cerf des Ardennes ne différait pas
spécifiquement du Cerf ordinaire (Cervus elaphus, Linné)
dont le type est encore commun dans le centre de la France.
La disparition du Cerf dans nos régions semble s’être
opérée par voie de refoulement de l’Ouest à l’Est. Déjà
avant la Révolution de 1792 il n’existait plus dans la foret
de Crécy où il avait été célèbre par la vigueur de ses jar- '
rets. Ce fut cette Révolution qui l’éloigna du département
du Nord. (« La liberté illimitée de la chasse, dît V Almanach
statistique de Fan xi, le tumulte des armes à l’époque de
l’invasion , le braconnage des armées autrichiennes , ont
fait disparaître Daims, Cerfs et Chevreuils, on n’en retrouve
plus que dans la forêt Mormal, en petite quantité. »
Les Cerfs abandonnèrent bientôt cette dernière localité ,
et les captures qu’on y a faites depuis sont devenues de plus
en plus rares. Il y a quelques années il en fut tué un à
Avesnes-lez-Aubert , mais peut-être était-il échappé d’un
parc ou égaré de la foret de Compiègne.
En Belgique il n’en restait plus en 1842 que quelques-uns
dans les bois de Saint-Hubert ; mais depuis l’acquisition du
domaine deMirwart par le Baron d’Hooghworst, ils s’y sont
beaucoup multipliés et ne sont pas rares aujourd’hui dans
les bois de Tellin , Solder , Wellin , Herbeumont. Dans le
Grand-Duché de Luxembourg , d’après M. de la Fontaine ,
il s’en est tué quelques individus isolés en 1856 , 1859 ,
1864. Un couple a été vu dans les bois d’Hiffingen en 1866,
d’où il a disparu.
Daims. — Le Daim devait être aussi commun que le
Cerf dans l’Europe tempérée, mais sa chasse offrant moins
d’attraits , il en est beaucoup moins question dans les traités
spéciaux. Plus faible, plus facile à forcer, et, d’un autre
côté , offrant une chair beaucoup plus succulente, il devait
diminuer avant son congénère et disparaître bien plus vite ;
— G7 —
aussi est-il devenu rare dans toute la France, et d’après M.
Toussenel, il ne s’en rencontre pas oOO sur tout le territoire
de l’Empire, à l’état sauvage. En Angleterre il est resté
beaucoup plus commun.
En Belgique ils sont encore assez communs dans les bois
de 31. de Cunchy près Rochefort , et dans ceux de 3Iirwart.
En 1856 , le Prince Henri des Pavs-Bas lâcha un Daim et
trois Daines dans son domaine de Berg (Grand-Duché) mais
ils n’ont pu s’y acclimater grâce aux nombreux chiens cou¬
rants de ces localités.
On en connaît, dit-on , quelques-uns dans les bois de la
marquise de Castellane, à Sains(arrondissement d’Avesnes);
mais y sont-ils réellement indigènes et ne proviendraient-
ils pas d’individus lâchés ?
Le Daim vit et se propage très-aisément dans un état de
demi-captivité, c’esi-à-dire dans les grands enclos où il
trouve une nourriture convenable ; c’est un animal semi-
domestique, doux et timide, très-facile à apprivoiser, préfé¬
rant les bois couverts , entrecoupés de clairières , aux gran¬
des forêts ; aussi est-il étonnant que , par le temps d’accli¬
matation qui court , on ne fasse pas d’efforts plus sérieux
pour le multiplier en le domestiquant ; sa venaison exquise
et l’utilité de sa peau, comme objet de chamoiserie, mérite¬
raient des essais en grand.
Chevreuils. — Le Cerf et le Daim étaient un gibier aris¬
tocratique qui devaient subir le sort du régime dont ils
faisaient partie. La chasse en se démocratisant ne pouvait
plus s’en servir , leur temps était fini. Il n’en est pas tout à
fait de même du Chevreuil ; placé sur la limite de la grande
et de la petite chasse, pouvant être chassé sans équipages,
sans chevaux et au fusil , il a été conservé dans quelques-
uns de nos grands bois et même assez ménagé pour y rester
commun.
— 68 —
Les bois de Raismes et de Trélon en contiennent passa¬
blement. Dans la forêt de Grécy (Somme) sa chasse offre
encore quelque attrait, mais il est surtout nombreux dans
les bois de Regnières-Ecluse qui y confinent.
Quant à la forêt de Mormal , d’après de récents rapports
on n’en connaît plus que deux dans toute son étendue , sans
doute ils n’y resteront pas longtemps.
Ils sont encore assez communs dans l’Ardenne belge ,
dans l’Herzogenwald et le Condroz , mais M. de Selys dans
sa Faune belge (1842) se plaignait déjà du braconnage qui
les décimait. Depuis cette époque leur nombre n a pu que
diminuer.
En somme , le Chevreuil ne se conserve chez nous que
grâce à une garderie sévère et à une chasse modérée ; le
jour où ces deux conditions cesseraient d’exister , il dis¬
paraîtra comme le Cerf et le Daim , faute de pouvoir répa¬
rer ses pertes. A. de Norguet.
Le prétendu Homme fossile de Villers-Plouich. — Le 4 mai
1868 on annonça à la Société géologique de France qu’on
venait de découvrir à Villers-Plouich , près de Cambrai ,
dans un terrain meuble, un sacrum humain associé à des
ossements d’Eléphant. Cette dernière phrase fut reproduite
soulignée dans une Heoue (^) qui s’occupe spécialement des
premiers âges de l’humanité. La nouvelle avait réellement
une importance capitale , car bien que la co existence de
l’homme et des espèces perdues ne puisse plus faire l’objet
d’un doute pour ceux qui cherchent la vérité sans esprit de
système, néanmoins la présence d’un os humain trouvé
dans le diluvium n’est pas un fait ordinaire et suscite pres¬
que toujours de vives discussions. La mâchoire de moulin
Quignon en est la preuve.
(q Matériaux pour THisloire de rHomme, 2.* série , v.' vol. p. 146.
— 69 —
A la première vue du sacrum de Villers-Plouich , son
origine humaine m’a paru très-douteuse, mais peu confiant
dans mes propres lumières, je l’ai remis à MM. Delplanque,
directeur du Musée de Douai , et Dareste de la Chavanne,
professeur à la Faculté de Lille , tous deux ont été d’avis
qu’il n’avait rien d’humain et devait appartenir à un grand
carnassier (i).
Cet ossement provient d’une carrière ouverte dans la
partie supérieure d’une petite vallée torrentielle qui se
rend dans l’Escaut.
Le trou a 4 mètres de profondeur ; il présente dans le
haut du limon sableux jaune-clair contenant de petits no¬
dules de craie roulés qui sont disposés par lignes. Ces
nodules gros d’abord comme des noyaux de cerise augmen¬
tent avec la profondeur ; au bout de 2 mètres ils se mélan¬
gent de fragments de silex cassés qui s’accroissent en nombre
(D Au moment de mettre sous presse nous recevons la lettre sui¬
vante de M. Lartet , professeur de paléontologie au Muséum dliistoire
naturelle , à qui nous avions envoyé l’ossement en question :
« J'ai reçu votre lettre et, peu après , la boîte renfermant le Sacrum
fossile. 11 a d’abord été examiné par M. Gaudry , M. Fischer et moi.
Nous avons été unanimes pour exclure tout rapprochement avec un
sacrum humain. Malgré la température sibérienne qui régne dans
notre galerie d'anatomie , M. Fischer a bien voulu en aller faire la
comparaison directe, quoique assez difficile , avec les sacrums de nos
squelettes montés , et je me suis résigné à l’accompagner dans un
second examen comparatif qu'il a fait de cette pièce, lien est résulté,
à notre avis , que votre sacrum fossile du Diluvium , se rapprocherait
de celui du lion actuel plus que de tout autre type auquel nous ayons
pû le comparer. Peut-être serait-il bien un sacrum de Fétis spalœa
(lion des Casernes) , car les dimensions sont plus fortes que dans nos
plus grands lions. Malheureusement nos collections ne sont pas assez
riches pour que nous ayons pu faire la vérification directe des rap¬
prochements que nous proposons.
— 70 —
et en grosseur, à mesure que l’on descend ; dans le fond les
silex sont si abondants qu’ils valent la peine d’être exploités
pour l’empierrement des chemins. Ce terrain doit être rap¬
porté au Diluvium des géologues.
C’est au fond du trou que l’on a trouvé le sacrum accom¬
pagné d’autres ossements : une molaire de Mammouth
( Elephas primigenius ) , et un humérus de Rhinocéros
{Rhinocéros tichorliinus) m’ont été remis par M. Farez,
vétérinaire en chef de la compagnie d’Anzin.
M. l’Abbé Rogie , curé à Villers-Plouich , m’a montré
quelques débris d’Eléphant , une dent molaire supé¬
rieure de Rhinocéros , des dents de Cheval et de Bœuf et
un os canon de ce dernier animal , provenant du même
endroit.
M. Petit-Courtin , ancien maire de Cambrai, possède
aussi quelques ossements qui lui ont été donnés par M.
Pusch , de Villers-Plouich. J’y ai remarqué des fragments
de squelette de l’Eléphant et du Rhinocéros , et trois dents
molaires inférieures de ce dernier animal.
Enfin, M. Rigaux, jeune amateur de Lille, déjà connu
par le zèle avec lequel il poursuit ses recherches archéolo¬
giques , m’a donné une a-stragale de Bœuf , venant éga¬
lement du diluvium de Villers-Plouich.
A Vendhuile , village près du Catelet , sur la limite des
départements de l’Aisne et du Nord, on exploite, dans la
vallée de l’Escaut, un diluvium semblable à celui de Villers-
Plouich. M. Albert Cornailles , maire de Vendhuile, y a
recueilli des dents d’Eléphant et des os assez nombreux
provenant du squelette d’un Rhinocéros , vertèbres , côtes,
radius ; malheureusement les ouvriers avaient tout brisé.
Ces débris osseux sont au Musée de Lille. J. G.
71 —
CHRONIQUE.
Alécéorologèe. Mois de Janvier 1870 :
JANVIER
1870
Température moyen ne . 3.° 16
» j> (les maxima . 3.'^ 42
» » des minima . 0." 90
i extrême maxima, les 4, 8 10." 60
» » minima, . — 5.° 40
Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . . . 760"‘'“980
» hauteur extrême maxima, le 18. 775"‘”49
J D K minima, le 8... 747^14
Tension moy. de la vapeur atmosphér. 4"‘"’63
Humidité relative moyenne . 82.0 %
Epaisseur de la couche de pluie . 4o"‘“47
D de couche d’eau évaporée. . . . 18”‘“0o
JANVIER
année moy.
2.° 94
7o9r 398
S""" 02
86.7 7„
56™” 13
14r 98
Au point de vue de la température atmosphérique le
mois de janvier 1870 a été partagé en deux périodes; les
16 premiers jours se sont passés sans gelée et la moyenne
de leur température a été de 3." 9 ; les 13 derniers ont été
froids et la moyenne de leur température n’a été que de
0." 23. 12 jours le thermomètre à minima descendit au-
dessous de 0.®. Il y eut 9 gelées blanches.
Quoiqu’il en soit de cette répartition inégale de la tempé¬
rature , la moyenne générale mensuelle a été supérieure à
celle du mois correspondant année moyenne.
Après la température le caractère dominant du mois a été
la sécheresse , non seulement des couches atmosphériques
inférieures , mais encore de celles des hautes régions.
La hauteur moyenne de la colonne barométrique fut supé¬
rieure à celle d’une année moyenne, par suite la quantité
de pluie fut moindre, ainsi que la nébulosité du ciel.
Les 43 mill. 47 d’eau météorique se décomposent ainsi :
41 mill. 23 d’eau de pluie , 2 mill. 30 d’eau de grêle , 1 mill.
74 d’eau de neige.
— 72 —
Dans ces conditions de clialeur relative et de sécheresse
l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut plus grande que
celle d’une année moyenne.
Pendant la première moitié du mois le vent souffla du
S.-O. etduN.-E. pendant la seconde.
On observa 29 jours de brouillard, 11 de rosée, 9 de gelée
blanche, 23 de pluie, 10 de neige, 2 de grêle et 12 de gelée.
13 jours le ciel fut complètement couvert de nuages pen¬
dant 24 heures ; 13 jours demi-couvert ; 3 jours serein
pendant 24 heures. V. Meürein.
Géologie. Mammouth. — On vient de découvrir dans
le gravier du diluvium de Blandecques , près de Saint-
Omer , les restes d'un Mammouth presque entier. Peut-être
est-ce l’individu dont on avait déjà trouvé une défense
l’année passée (^). Il paraît que les ouvriers ont voulu ,
selon leur habitude, rançonner les amateurs ; des pourpar¬
lers se sont engagés, et, comme ils ont duré quelque temps,
ces ossements qui provenaient d’un endroit humide se sont
entièrement détruits. J. G.
Personnel du Corps enseignant. — M. Paiiivin,
professeur de mathématiques spéciales au lycée de Douai ,
quitte notre pays pour aller à Lyon. Tout en applaudissant
à cet avancement mérité , nous regrettons pour notre pays
le départ de M. Painvin. Ses importants travaux de mathé¬
matiques lui ont valu une renommée qui s’étend à l’Etranger
et dont une partie rejaillissait sur l’établissement auquel il
était attaché. Il est remplacé au Lycée de Douai par M.
Gourcelles. J. G.
(h Bulletin , t. i, p. 120
Le Gérant : E. Gâstiaux.
TYP. DE BLOCQÜEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2/ Année. — N.° 3. — Mars 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES SCIE>^CES DE LILLE
Travaux courants.
Note sur une nouvelle espèce de Thermomètre par 3/.
Lamy , membre correspondant. — Nos lecteurs se rappel¬
lent le Pyromètre à marbre proposé par M. Lamy (^), son
Thermomètre repose sur le même principe. Comme l’appa¬
reil est destiné à mesurer des températures ordinaires , la
substance dont la dissociation doit produire les indications
thermométriques est choisie parmi celles qui se décompo¬
sent très-facilement , c’est le chlorure de calcium et d’am¬
moniaque : Ca Cl , 4 Az H Quand ce corps passe d une
température de 0° à celle de 46° , la tension du gaz ammo¬
niaque varie depuis 141 jusqu’à 1561 millimètres, il peut
donc déterminer dans un Manomètre l’ascension d’une
colonne de mercure de 1 m. 410. Ainsi le nouveau thermo¬
mètre fournit des indications très-apparentes ; il a de plus
le grand avantage de pouvoir transmettre ses indications
à une grande distance du point où est placé le réservoir.
Donc le météorologiste et le physicien pourront suivre de
leur cabinet les variations de température de l’air extérieur
soit même celles d’une couche plus ou moins profonde du
sol, de l’océan ou de l’atmosphère.
De Vaction des coups de feu tirés à bout portant et à
distance^ par 31. Houzé de l’Aulnoit, docteur en médecine.
— Selon l’auteur, les premiers ont moins de force de péné¬
tration. Ainsi une femme avant reçu dans la tête un coup de
revolver à bout portant, la balle a été retrouvée dans l’inté-
C) BuUelin , t.I, p. 260.
— 74 —
rieur du crâne, tandis qu’elle l’eut certainement percé de
part en part si elle avait été tirée à quelque distance. La
peau offrait une perforation arrondie beaucoup plus petite
que la balle et entourée d’un petit cercle brunâtre formé
par une eschare. Le trou de sortie au-dessous de la peau
était le double du trou d’entrée. La perforation du crâne
dépassait le diamètre de la balle et le trou de la dure-mère,
plus large encore que celui des parois osseuses, avait une
forme étoilée par déchirement.
Dans un autre cas datant du 12 janvier 1870, une balle
de revolver tirée à bout portant , après avoir sillonné le bras
et traversé onze couches de vêtements, alla s’amortir contre
la chemise en contusionnant les parois abdominales. Elle
les eut certainement traversées si le coup avait été tiré à une
distance de plusieurs mètres.
Si un coup de feu est tiré à bout portant sur une étoffe de
drap pliée en deux il détermine sur la première paroi un
orifice circulaire du diamètre d’une grosse tête d’épingle,
tandis que sur la seconde paroi le trou est plus grand.
Lorsque le coup est tiré à une distance de deux pas , l’étoffe
est percée d’un trou ovalaire de 10 mill. de long sur 5 de
large. De plus , à bout portant , on remarque toujours ,
outre une très-petite perforation pour le passage de la
balle, une auréole noircie par la brûlure et par les grains
de poudre , ce qui n’existe pas dans un coup tiré à distance.
Ces faits n’intéressent pas seulement le médecin légiste ,
ils doivent aussi préoccuper les savants , car ils semblent
contredire un axiome généralement reçu en balistique , que
le projectile a son maximum de vitesse au sortir du canon.
Quant à ce qui est de la largeur croissante des ouvertures
successivement produites par une même balle, on l’attribue
au mouvement de rotation du projectile dont l’amplitude
va en croissant à partir de sa sortie.
— 75 —
Considérations sur les circonvolutions du cerveau. — M.
Dareste de la Chavanne rappelle que , dans un mémoire
publié il y a de longues années, il a posé le principe suivant :
<r Quand on compare les espèces animales d’un même groupe
naturel , on voit que les circonvolutions du cerveau man¬
quent complètement ou du moins sont très-simples dans les
espèces de petite taille, tandis qu’elles augmentent en nom¬
bre et en complication à mesure que la taille augmente. »
Des travaux récents sur l’anatomie des Edentés sont venus
confirmer cette loi.
Voici l’explication que le savantphysiologiste de la Faculté
de Lille donne de ce fait : Le cerveau est composé de deux
substances : la substance blanche qui en forme le noyau et
la substance grise qui enveloppe la précédente. On peut
admettre que dans un meme groupe le rapport de ces deux
substances doit être constant. Si le cerveau grandit avec la
taille de l’animal , la surface de la substance grise doit
s’accroître dans le même rapport que la substance blanche;
mais les volumes des corps croissant proportionnellement
aux cubes de leurs dimensions analogues tandis que les
surfaces ne croissent que proportionnellement aux carrés
de ces mêmes dimensions , pour que la substance grise
reste dans le même rapport de quantité avec la substance
blanche, il faut que la surface du cerveau se plisse à mesure
que son volume augmente. J. G.
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER
Bulletin 1868 ; Mémoires t. iii, l.’’® partie
Nous n’avons à nous occuper ni des procès-verbaux des
séances de l’année 1868, ni des rapports sur les concours
de 1867 , concours qui n’ont eu d’autre résultat que de dé¬
cerner une médaille d’or de 100 francs à M. Achille Millien ,
lauréat de tous les concours de poésie de France.
^ 76 —
Le Bulletin contient, en outre, plusieurs documents
historiques , mis en lumière par M. l’abhé Haigneré , ar¬
chiviste municipal de Boulogne , secrétaire perpétuel de
la société. Ce sont d’abord Quelques lettres inédites de
Henri IV adressées par ce prince à l’un de ses fidèles com¬
pagnons le seigneur de Palcheux. Ce sont ensuite Trois
chartes , également inédites , des Comtes de Boulogne : la
première d’Eustache III (1121) ; la seconde de Renaud de
Dammartin et d’Ide, sa femme (1219); la troisième de
Philippe Hurepel et de la comtesse Mahaut (1230). De ces
trois pièces, la première est sans contredit la plus intéres¬
sante ; elle offrait des difficultés d’interprétation que M.
Haigneré a habilement résolues.
Le fascicule des Mémoires est consacré à un travail pa-
léontologique de3IM. Rigaux et Sauvage.
Desciûption de quelques espèces nouvelles de T étage Ba-
thonien du Bas-Boulonnais , par 3IM. Rigaux et Sauvage.
— En 1867, M. Rigaux a publié une étude géologique du
Bas-Boulonnais qui a fait connaître d’une manière très-
exacte les diverses couches du terrain jurassique de ce pays.
Nos lecteurs connaissent déjà M. Sauvage par son travail
sur les poissons fossiles du Boulonnais (^). Le mémoire
actuel dû à la collaboration de ces deux géologues est con¬
sacré à la description de o3 espèces nouvelles de mollus¬
ques fossiles que les recherches persévérantes des auteurs
sont parvenues à découvrir dans une assise du terrain
jurassique, la Grande Oolite (étage Bathonien), avec 180
autres espèces déjà connues. Ce travail descriptif non sus¬
ceptible d’analyse est précédé d’une étude stratigraphique
sur les couches qui leur ont fourni ces fossiles. Ils y distin¬
guent de bas en haut 4 zônes caractérisées par les espèces
P) Bulletin , t. [ f J). 11.
— 77 —
suivantes : l.° Clypeus Plotii, 2.^ Rhynchonella Hopkinsii^
3.^ Rh. elegantula, ^°Rh. Badensis. J. G.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES LETTRES DU HAINAUT.
Mémoires, 3.' série , t. iii (i)
Celte Société fut fondée en 1833 , elle compte maintenant
65 membres effectifs et un très-grand nombre de correspon¬
dants. Les membres du bureau sont :
MM. De Puydt , Président.
Devillez , direc. de l’Ecole des mines ; Vice-Président.
Glesse , littérateur ; Vice-Président.
Le Hardy de Beaulieu, professeur honoraire à l’Ecole
des Mines; Secrétawe-Général.
Houzeau de Lehaie , bourgmestre à Hyon ; Secrétaire.
Rouvez , Bibliothécaire.
Devillers, conservateur adjoint des Archives de l’Etat;
Archiviste.
Manceaux , libraire éditeur ; Trésorier.
Le 3.® volume des Mémoires s’ouvre avec le discours
prononcé par le vice-président, M. Antoine Clesse, lors de
la séance solennelle du 13 avril 1868. L’orateur traite de
la Chanson. « La chanson est vieille comme le monde , »
dit-il en commençant; et il la suit dans ses diverses trans¬
formations depuis Tyrtée et Anacréon jusqu a Désaugiers et
Béranger. En terminant cette revue, il insiste un peu sur la
chanson populaire qui « cherche, dit-il, à réaliser tout ce
qui physiquement et moralement peut améliorer le sort de
l’ouvrier , » et qu’il ne faut pas confondre avec la chanson
en vogue souvent dépourvue d’esprit et de moralité. M.
Antoine Clesse a fait aussi imprimer dans ce volume une
pièce de vers intitulée le Pauvre artiste.
M. Laroche, littérateur à Mons, est l’auteur d’une autre
poésie , une épître à la Science ; quelques fahles sont dues
à M. Marcel Grenier, commissaire d’arrondissement, et
V) Mous; 1869. 442 p.
— 78 —
M. Dumont a trouvé des accents pleins à la fois de poésie et
de patriotisme pour déplorer la mort de l’héritier du trône
de Belgique.
Depuis plusieurs années déjà, quelques membres de la
Société avaient entrepris de dresser la liste des livres et
brochures imprimés à Mons. M. Devillers, président du
Cercle archéologique, a ajouté, un nouveau supplément à la
Bibliographie montoise.
Des bases d'un système grammatical fondé sur l’idéologie
et le génie de la langue française , ou p)réambule d'un cours
analytique^ pratique et théorique de grammaire appli¬
quée , par M. Valentin Vau der Elst , ingénieur civil à
Cuesmes. — Après avoir fait l’historique des sciences gram¬
maticales l’auteur arrive à exposer une classification des
parties du discours. Il déduit de considérations psychologi¬
ques qu’il n’y a que des idées substantives et des idées mo¬
dificatives , et par conséquent, qu’il n’y a que deux sortes
essentielles de mots : les substantifs et les modificatifs ou
adjectifs. C’est parmi ces derniers qu’il place les verbes
sous le nom d’adjectifs affirmatifs. Vient ensuite une troi¬
sième catégorie de mots pour les invariables qui ne sont
que des substantifs ou des adjectifs altérés dans leur forme.
Cet exposé d’un nouveau système grammatical n’est
qu’une introduction à une Grammaire dont M. Van der
Elst a détaché quelques pages. Ainsi, il montre par une
savante discussion que il , U , lie mouillés doivent se pro¬
noncer /i, comme le gli italien et le II espagnol, et non
pas comme un ï ainsi que le veullent certains grammairiens
de Paris. L’auteur cherche aussi à établir , mais avec moins
de succès suivant nous, que 1 auxiliarité n’existe pas dans
les conjugaisons françaises et que les temps dits composés
sont des fragments de propositions formés d’un verbe ordi¬
naire et d’un adjectif passif.
^ 79 ^
Nous devons nous borner à mentionner le Mémoire de
M. Lehardy de Beaulieu : du Progrès économique et des
obstacles quil rencontre et nous passons aux travaux scien¬
tifiques. Le même auteur donne des détails sur Quelques
amas de coquillages trouvés dans diverses contrées du globe
et pouvant comme le Kjokkenmoddings du Danemarck re¬
monter à une antiquité antéhistorique.
M. Thielens , déjà connu de nos lecteurs (^) , cite comme
ayant été tués en Belgique , deux oiseaux très-rares VIbis
falcinelle et VElanion ou Faucon mélanoptère. Le premier
habite l’Europe , mais il n’a encore été vu que trois fois en
Belgique; le second, très-commun en Afrique, est pris
pour la seconde fois en Belgique.
Si on en juge par le présent volume , la Botanique serait
en faveur au sein de la Société du Hainaut. Nous devons
l’en féliciter, et espérer que l’exemple de nos voisins excitera
chez nous quelque vocation au profit de cette belle science.
Car , s’il existe dans notre département des successeurs aux
Lestiboudois , aux Desmazières , aux Vandamme, etc., ils
poussent l’excès de modestie jusqu’à ne pas faire part à leurs
concitoyens des résultats de leurs découvertes.
De la place des Gijmnospermes dans la série naturelle
des végétaux ^ par M. Jean Ghalon. — Les conifères qui
comprennent les arbres verts et résineux de nos climats
avaient été placés par Jussieu parmi les Dicotylédones.
M. Ad. Brongniart , tout en les laissant dans l’embrancbe-
ment des Dicotylédones, en fit avec quelques autres familles
un sous-embranchement spécial sous le nom de Gymnos¬
permes parce que leurs ovules sont dépourvus des enve¬
loppes qui les entourent chez les autres plantes phanéro¬
games. M. Chalon énumère tous les caractères anatomi-
(t) Bulletin, t. I , p. 56 et 83.
— to¬
ques et organograpliiques qui séparent les Gymnospermes
des Dicotylédones, et propose d’en faire une division spéciale
intermédiaire entre les Phanérogames et les Cryptogames.
Il ne cite aucun fait nouveau , la thèse qu’il soutient n’est
pas neuve, mais il expose très-clairement toutes les raisons
qui lui sont favorables.
Les géologues qui aiment à voir les êtres se perfectionner
dans la série des temps géologiques accueilleront avec plaisir
cette opinion , car les Gymnospermes auxquels on rapporte
maintenant les Sigillaria , datent des premiers âges du
monde ; on les voit apparaître presque en môme temps que
les Cryptogames et bien avant les Monocotylédones et les
vrais Dicotylédones.
Monographie des Peupliers^ par M. Alfred Wesmael. —
M. Wesmael a reçu la mission de rédiger l’article Populns
pour le Prodrome. Il a eu en sa possession tous les maté¬
riaux amassés depuis un demi-siècle par les botanistes du
monde entier qui tiennent à honneur de coopérer à l’œuvre
collective commencée par Auguste-Pyrame Decandolle , et
continuée avec tant de piété filiale par M. Alphonse Decan¬
dolle. Le plan du Proc/rome écartant tous les détails, M.
Wesmael n’a pu y insérer ses nombreuses observations ;
mais il a eu la bonne inspiration de ne pas en priver la
science , et de les réunir sous forme d’une monographie qui
complète son premier article. Une première partie est con¬
sacrée à l’étude comparative des organes dans les diverses
espèces, une seconde comprend la description des espèces.
L’auteur admet 19 espèces de Peupliers dont 4 sont origi¬
naires de nos pays.
Nous reviendrons ultérieurement sur cet important Mé¬
moire, nous préférons pour le moment parler d’un autre
travail du même auteur intitulé : Notice sur la plantation des
jardins publics. M. Wesmael voudrait voir ces parcs et ces
— 81 —
squares , que les villes élèvent maintenant partout et à si
grands frais , servir en même temps à l’enseignement de la
botanique. On s’imagine qu’un jardin botanique doit tou¬
jours offrir un grand nombre de plates-bandes étroites ,
séparées par des chemins plus étroits encore , plantées
d’herbes sans fleurs , et souvent même simplement d’éti¬
quettes. Cependant rien n’est plus facile que de disposer
un jardin botanique comme un jardin d’agrément, rien de
plus facile aussi que de faire servir un jardin d’agrément à
l’utilité de la science. Ce serait déjà un progrès considé¬
rable que d’avoir pour chaque espèce de plante une étiquette
où fussent marqués le nom et la patrie. M. Wesmael croit
qu’on peut faire plus encore : il voudrait que lesplantes
d’un même massif fussent choisies de manière à représenter
soit une famille naturelle , soit la üore d’une région. Après
avoir traversé les forêts américaines de Magnolia et de Tu¬
lipiers entrelacés de Lianes, on irait quelques pas plus loin
se promener dans les bois sans ombre de l’Australie ou
dans un parterre auquel le Japon aurait fourni l’Hortensia,
le Camélia , le Bégonia et tant d’autres ; l’œil n’y perdrait
rien et la science y gagnerait beaucoup.
Comme exemple, M. Wesmaeldonne le plan d’un jardin
botanique de 4 hectares , planté d’une manière scientifique
tout en lui conservant l’aspect pittoresque que l’on aime à
trouver dans les parcs publics. Puissent nos édiles et ceux
qui ont la charge de nos jardins s’inspirer des idées de
M. Wesmael; ce serait le meilleur moyen de relever un peu
les études botaniques dont nous déplorions tout à l’heure le
déclin. A notre époque, la science doit se faire amusante ,
comme aussi le plaisir doit être instructif. J. G.
SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE SA.I1NT-QUENTIN ET DE L’AISNE
Ballelin, N.° 2; Janvier 1870
La Société industrielle de Saint-Quentin a été fondée en
— 82 —
1869, elle se divise en quatre comités : 1.® Physique et
Mécanique, 2.° Chimie et industrie agricoles, 3.o Commerce
et industrie de fils et tissus, 4.° Economie politique et
sociale. Elle ouvre des concours et établit des cours dans
ces diverses spécialités, fait des rapports sur les nouvelles
inventions et organise des expériences agricoles.
Le second Bulletin publié par la Société contient les
programmes des cours et des concours ; ils sont rédigés dans
un sens essentiellement pratique qui témoigne de l’esprit
judicieux qui préside aux décisions de la Société.
Nous n’insisterons pas sur les travaux contenus dans ce
Bulletin : un rapport sur le Régulateur à gaz Giroud et
l’exposé d’expériences faites sur la valeur agricole de dif¬
férents engrais pour la culture de la betterave. Le pre¬
mier a un caractère spécial que nous ne pouvons ni ne
voulons introduire dans notre recueil ; le second pourrait
donner lieu à quelques réflexions scientifiques , mais nous
attendrons pour les présenter la discussion des expériences
que la Société industrielle nous promet dans son prochain
Bulletin. J. G.
BIBLIOGRAPHIE.
LA PHOTOGRAPHIE
SES ORIGINES, SES PROGRÈS , SES TRANSFORMATIONS
par M. Blanquart-Evrard. Suile (i).
Depuis quelques années, un procédé nouveau, découvert
par M. Poitevin , la Photographie au charbon , tend à se
substituer à l’emploi du sel d’argent parce qu’il fournit des
épreuves d’une inaltérabilité absolue. Il repose sur ce fait
(9 Bulletin, t.ii, p. G2.
— 85 —
que les sels de chrome mélangés à de la gélatine la rendent
insoluble sous l’action de la lumière.
On étend sur une feuille de papier une dissolution de
gélatine mélangée de charbon porphyrisé , et après l’avoir
desséchée on l’immerge dans un bain de bichromate d’am¬
moniaque. On obtient ainsi un papier sensible sur lequel on
tire les épreuves positives , puis on enlève les parties non
impressionnées par la lumière en les lavant à l’eau chaude.
Le charbon jouant le rôle d’un corps inerte et colorant,
on peut le remplacer par du graphite , de la sanguine ou
toute autre matière colorante également inerte. C’est par ce
moyen que M. Braun de Dornach a entrepris de publier,
avec leur coloration primitive, les dessins de maîtres con¬
servés dans les principales galeries de l’Europe.
C’est encore la gélatine bichromatée qui a donné nais¬
sance à l’Imprimerie photoglyptique exploitée par la maison
Goupil de Paris. On étend sur une plaque de verre une dis¬
solution de gélatine mélangée de bichromate de potasse ;
quand elle est sèche , on l’expose sous un cliché négatif
pour recevoir une épreuve positive, puis on la plonge dans
un bain d’eau chaude qui mord la feuille de gélatine en
dissolvant plus ou moins profondément, selon la durée de
l’immersion , toutes les parties non impressionnées. Non
seulement la gélatine altérée par la lumière persiste et
dessine un relief, mais encore elle acquiert une dureté
extrême. On la détache de la plaque de verre , on la
place sur une planche de métal d’imprimerie et on com¬
prime avec un bloc d’acier à ^ ou 300,000 kilogrammes.
Le relief de la gélatine s’impressionne dans le métal
d’imprimerie et donne une planche en creux avec laquelle
on imprime par un moyen assez analogue à celui de l’im¬
pression en taille douce.
Ce qu’il y a de plus remarquable peut-être , c’est que la
— 84 —
feuille de gélatine formant relief n’est pas écrasée par
l’énorme pression qu’elle a subie , et qu’elle est capable
defournir 10 à 12 planches métalliques aussi bonnes que la
première.
' Mais il y a quelque chose qui dépasse encore toutes ces
merveilles. Cette image photographique si altérable , si
fugace , on la fixe par le feu , on la transforme en émail ,
•on l’imprime dans le verre. Prodigieux exemples de la
puissance du génie humain qui semble prendre à tâche
d’effacer du Dictionnaire de toutes les langues civilisées le
mot impossible.
Nous ne pouvons suivre l’auteur dans les détails où il
entre sur les manipulations assez complexes de cet art
nouveau ; nous n’indiquerons pas non plus les expériences
récentes qui permettent d’espérer qu’on va arriver à résou¬
dre un problème en apparence aussi insoluble , celui de
fixer les couleurs à l’aide de la photographie.
Nos lecteurs en connaissent assez pour pouvoir main¬
tenant apprécier le service que M. Blanquart-Evrard a
rendu en exposant , avec la clarté , la science et l’autorité
qui lui appartiennent , les progrès que la photographie a
accomplis et les grandes choses que nous devons encore en
attendre. _ J. G.
RECHERCHES SUR l’eMPLOI AGRICOLE DES RÉSIDUS
DE QUELQUES USINES
par M. Kivoit, ingénieur des mines , et Edouard Letrange
ingénieur civil, (q
Il est une foule de débris industriels qui peuvent être
utilisés en agriculture, tels sont les résidus de la fabrication
de la colle , du sucre , de la bière , du cuir , du gaz , etc,
MM. Nivoit et Letrange ont entrepris, au laboratoire dépar-
^ (q In-8° de 71 pag. Extrait des annales des Mines, XVI. 1860.
— 85 —
temenlal de chimie de Mézières, l’analyse de ces divers
engrais que Ton trouve assez facilement à se procurer dans
nos régions; ils rendent compte également de quelques
expériences destinées à faire connaître leur valeur agricole.
Au point de vue de la science pure , nous signalons leurs
analyses des cendres minérales pyriteuses que l’on trouve à
plusieurs niveaux géologiques dans le département des
Ardennes. Les auteurs trouvent qu’elles pourraient être em¬
ployées avec avantage à la fixation des principes fertilisants
contenus dans un grand nombre d’engrais tels que eaux de
lavage des sucreries, eaux de rouissage, eaux de dégrais¬
sage des laines, etc. Déjà à Reims on épure les eaux
d’égouts à l’aide de cendres pyriteuses et on obtient d’une
part un liquide parfaitement clair que l’on peut verser
dans les rivières , d’autre part des boues qui constituent un
excellent engrais , parce que les cendres ont fixé et con¬
densé l’ammoniaque qui était en dissolution dans le liquide.
Nous livrons ces réflexions aux filateurs de laine de Sains
et de Solre-le-Cbâteau qui ont à leur porte des dépôts
assez importants de cendres pyriteuses. J. G.
EXPOSÉ DE LA LÉGISLATION COUTUMIÈRE DE l’ARTOIS.
parE. Lecesne, avocat, membre de l’académie d’Arras, tq.
L’élude de l’ancien droit, dépourvue de l’intérêt pratique
que présente une législation encore en vigueur , se recom¬
mande néanmoins par divers motifs à l’attention de l’his¬
torien et du philosophe. C’est surtout dans les lois d’un
peuple que l’on découvre la physionomie véritable qui lui
appartient, et les caractères distinctifs de chacune des
époques entre lesquelles se partage son existence. Les lois
sont, à vrai dire , l’expression des mœurs. Si l’on examine
d) In -8'* de 618 pages.
— 86 —
les monuments juridiques du passé, non-seulement avec
une légitime curiosité , mais pour les comparer aux ins¬
titutions qui les ont remplacés , que de lumières ces re¬
cherches impartiales ne répandent-elles pas sur la marche
de riiumanilé , en progrès sur un point , en décadence sur
un autre, détruisant très-souvent, hélas! au lieu d’améliorer.
Sous tous .ces rapports, le droit coutumier de l’Artois
méritait une attention particulière. Il est peu de provinces
qui aient passé sous des dominations plus variées et qui ,
cependant, aient conservé un cachet d’originalité aussi
marqué, singulier mélange d’organisation féodale et d’esprit
de liberté.
M. Lecesne a compris quel attrait présentait un pareil
sujet ; sans se laisser rebuter par la difficulté que des esprits
moins familiarisés avec le droit auraient jugées insurmon¬
tables, il a entrepris de sauver de l’oubli la législation de
nos pères. De patientes méditations lui ont permis de s’assi¬
miler les volumineux in-folio des commentateurs de la cou¬
tume, les ordonnances des rois de France et d’Espagne
spéciales à l’Artois , les règlements et arrêts du Conseil pro¬
vincial. Une fois engagé dans une carrière aussi vaste , il
était à craindre que M. Lecesne se laissât entrainer à des
recherches de pure érudition qui auraient détruit l’harmo¬
nie d’un simple résumé. Il a su se borner , et ne s’est pro¬
posé de faire connaître la législation de l’Artois que par¬
venue à son dernier état, c’est-à-dire pendant la période de
deux siècles qui sépare la rédaction de la Coutume et la
Révolution française.
O
Nous n’entreprendrons pas de suivre M. Lecesne dans
les différentes parties de son travail ; ce serait substituer la
sécheresse de l’analyse à un exposé qui séduit l’attention du
lecteur, tant la méthode et la clarté y abondent. Constatons
seulement que non content d’envisager les questions si
— 87 —
variées et si peu connues qui se rattachent à l’état des per¬
sonnes , à la nature et à la transmission des biens , à l’orga¬
nisation judiciaire et à la procédure, l’auteur a jeté un
rapide coup d’œil sur notre législation criminelle, au double
point de vue de l’instruction et des pénalités. Il s’est ainsi
montré, comme il le désirait, « aussi complet que possible,
tout en ne prenant que le sommaire de chaque sujet. »
Est-ce à dire que « l’exposé de la législation coutumière
de l’Artois » soit tellement irréprochable qu’aucune amélio¬
ration ne puisse y être introduite ? On n’arrive point , du
premier jet , à la perfection. Nous manquerions aux devoirs
d’une critique amicale en ne signalant pas à M. Lecesne
certains traits d’esprit qui contrastent ça et là avec la gra¬
vité de son style et parfois même avec l’impartialité de ses
appréciations ; en ne lui disant pas qu’à notre avis les cha¬
pitres si intéressants où il se livre à l’examen des droits
seigneuriaux se rattacheraient mieux au livre des biens
qu’à celui des personnes; que dans ce dernier livre , il
conviendrait de consacrer un chapitre aux ecclésiastiques,
tant réguliers que séculiers , et de ne point omettre les
statuts qui régissaient cet ordre privilégié ; qu’enfm à côté
des dispositions de la Coutume générale de l’Artois , il y
aurait lieu de placer plus fréquemment les exceptions tirées
des coutumes locales.
Ces légères critiques , en les supposant fondées , n’en¬
lèvent rien au mérite du livre de M. Lecesne : il a sa place
marquée dans toutes les bibliothèques où le Droit et l’His¬
toire sont représentées. J. A. Paris,
Licencié ès-lettres , docteur en droit.
— 88 —
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
LE VALMUSE ET LES ROSATI
Les bons habitants du Nord pourront-ils jamais croire
que, dans leurs contrées peu favorisées du soleil, ils ont
eu jadis des bosquets hantés par les Muses et même que ces
filles du ciel de la Grèce ont donné un nom aux impercep¬
tibles vallées traversées par les canaux de la Scarpe et de
l’Escaut? La chaude mythologie qui a son berceau sur les
bords du Pénée ou sur les sommets du Parnasse semble ,
au premier abord, assez dépaysée par ici, et cependant il est
certain qu’elle a eu de fervents adeptes parmi nos popula¬
tions si prosaïques en apparence ; les preuves authentiques
de ce fait ont été fournies dans plusieurs publications qui
doivent intéresser nos lecteurs.
M. le docteur Maugin [Mémoires de la Société impériale
d'agriculture^ des sciences et arts de Douai — année 1866-
1867 ) nous parle de V Académie hocagère du Valmuse de
manière à nous faire supposer qu’il y a eu en effet , vers
1789, de frais vallons, des rivières ombreuses, des prai¬
ries émaillées que fréquentaient des favoris , voire des
favorites d’Apollon , domiciliés dans le futur département
du Nord. Arthur Dinaux nous avait bien déjà dit quelque
chose du Val des Muses (Valmuse) dans ses Archives histo¬
riques , mais il était réservé au docteur Maugin de nous
faire connaître plus intimement cette aimable et hocagère
Académie. Il en place le siège à mi-chemin de Douai et de
Cambrai, dans la commune de Brunémont, au pied d’un
petit coteau que surmonte le clocher du village et parmi les
détours de la Sensée, charmant ruisseau qui court en ser¬
pentant comme une couleuvre sous les saules , les aulnes et
les peupliers. Voilà donc le Parnasse et voilà le Pénée! Il
— 89 —
n’y manque plus que des dieux et des poètes. Ils y sont
venus , paraît-il ; on a raffiné des vers aux lieux où peut-
être, si nous en croyons l’auteur, on raffine autre chose
aujourd’hui...! La poésie indigène y fleurissait tant bien que
mal , mais c’était. . . avant la Révolution !
M. de Wavrechin réunissait dans son château, sous la
présidence de l’abbé Roman , une Compagnie de Valmu-
siens et de Valmusiennes qui, le jour de leur réception ,
abandonnaient leur nom de famille pour prendre celui
d’un arbre ou d’une plante , le Chêne , la Sensitive , VA-
cacia ^ le Chèvrefeuille , etc. On reconnaît là l’influence
de la Rotanique de J. -J. Rousseau. Chacun apportait, soit
aux séances ordinaires sous les bosquets, soit dans la
grotte des divinités protectrices, une pièce de vers qu’on
signait du pseudonyme convenu. Sans doute c’était un jour
de douce émotion lorsque la belle demoiselle de Wavrechin,
le Cerisier , devenue ensuite M.™® de l’Estang, s'avançait
les joues colorées par une marche rapide et luttant de fraî¬
cheur avec les cerises purpurines qui ornaient sa chevelure
noire , et lorsqu’elle était proclamée membre du Valmuse ,
en vertu de sa grâce, je le soupçonne, plus encore qiie
pour son talent poétique. Ne recherchons pas trop si
l’Académie de Brunémont a beaucoup gagné à findiscrétion
qui s’est permis d’ouvrir son portefeuille et de révéler ses
œuvres ; mais admirons cet insouci , ou cette ignorance du
lendemain, qui s’attache à d’innocentes distractions juste à
la veille des plus épouvantables catastrophes. Il s’agit bien
de madrigaux et de chansons! Est-ce qu’ils n’entendent pas
le tocsin qui sonne ?
M. Maugin, non content de nous donner la liste de la
plupart des sociétaires du Valmuse avec les noms des végé¬
taux sous lesquels ils étaient désignés , y joint de courtes
notices biographiques, qui nous disent leur destinée après
— 90 —
la dispersion de la joyeuse Académie. Nous y avons retrouvé
avec plaisir l’excellent docteur André-Etienne-Louis Ta-
ranget^ dont la mémoire est chère à TUniversité et qui, si
nos souvenirs nous servent bien , fut le premier Recteur de
l’Académie de Douai.
Ici, au Valmuse, il n’y a guère que d’obscurs amoureux
des neufs Sœurs qui, pendant la tourmente révolutionnaire,
ont été assez heureux pour passer inaperçus ; à Arras il
n’en est pas de même. Anacréon s’est fait Jacobin ; le
chantre du rire et de la joie à pris place au Comité de Salut
public. Si une critique minutieuse peut reprocher à M. J.-A.
Paris , dans son remarquable ouvrage intitulé la Jeunesse
de Robespierre et la Convocation des Etats - Générauœ (^) ,
d’avoir donné à son vi.^ livre les proportions d’un hors-
d’œuvre, il faut avouer néanmoins que ce chapitre offre des
pages curieuses qui sont le complément de l’article d’Arthur
Dinaux [Archives du Nord ., 1850). Les Rosati d’Arras sont
les contemporains du Valmuse; l’Association artésienne n’a
peut-être pas plus d’importance , mais quelle fortune pour
elle d’avoir eu le terrible Maximilien dans ses rangs ! Cela
suffit pour la tirer du vulgaire.
Un membre des Rosati a raconté la naissance de sa Com¬
pagnie ;
<r En 1778, quelques jeunes fous... projetèrent une
» partie bachique. Ils étaient encore pleins de la lecture de
» Chapelle et de Chaulieu; ils perdaient leur temps, pour
» parler le langage de ceux qui croient bien employer le
» leur auprès d’une table verte, dans l’attente pénible
» d’un hasard heureux,. . . ils faisaient des vers. Il y eut
» donc des couplets entre les rasades et des couplets en
(1) Ouvrage qui a obtenu le prix académique, partagé avec VEütoire
de Sénac de Mtilhan, par M. Legrand, de Valenciennes.
— 01 ~
» l’honneur de Bacchus. Le sextuor bachique s’exécutait à
» quelque distance de la ville sous un berceau, à côté
» d’une source qui baignait des Rosiers fleuris. L’on en
» dépouilla quelques-uns ; . . . l’ernblême. . . de tout ce qui
0 brille au monde nous inspira des impromptus; ils furent
» gais. . . Nous n’abandonncimes le théâtre de nos plaisirs
» qu’après nous être juré d’y revenir chaque année, chanter,
» le verre à la main , des hymnes à Flore. Cette espèce de
» vœu fut religieusement accompli. . . et la Société des Rosati
» fut fondée. »
C’est ainsi que, en 1786 , M. Le Gay , avocat et membre
de l’Académie d’Arras , faisait connaître à M. Pierre Cot la
Société dans laquelle il l’introduisait.
Si nous avions à choisir entre les poètes des Rosati et
ceux du Valmuse, nous décernerions certainement la palme
aux premiers ; ceux-ci ont parfois le souffle et l’inspiration,
les autres sont ordinairement bien fades ! Et puis les Valmu-
siens n’ont pas un seul nom qui puisse lutter avec Robes¬
pierre et Carnot. Voyez-vous d’ici Robespierre, le verre en
main, couronné de fleurs , célébrant la Rose au milieu de
joyeux convives, et récitant ces vers d’un Chaulieu très-
affaibli :
La rose était pâle jadis
Et moins chère à Zéphire ,
Alors des parterres fleuris
iS’obtenait point l'empire.
Mais un jour Bacchus ,
Au sein de Vénus ,
Prend la fille de Flore ;
Dans dos flots de vin
La plongeant soudain
De pourpre il la colore.
Sur le visage de Cypris
Quelques gouttes coulèrent,
Et lors, parmi les tendres lys
Deux roses se placèrent ;
Grâce à ses couleurs,
La rose , des fleurs
Désormais fut la reine.
Cypris, dans les cieux.
Aussitôt des Dieux
Devint la souveraine.
Remarquons en passant que Robespierre avait la répu¬
tation (Tun buveur . (Reau , ce qui n’avait pas empêché
l’abbé Herbet , en lui remettant le diplôme de Rosati , de
dire :
— 9-2 --
Vu qu’il existe un avocat
Brillant de plus d’une manière ,
Que l’on nomme de Robespierre ;
Vu que d’un esprit délicat
. Il a donné preuve très-claire ,
Que très-souvent il sait lâcher
Mot sémillant , point satirique ,
Quelquefois décemment caustique,
Tel qu’on ne saurait s’en fâcher ;
Vu (la chose est facile à croire)
Qu’il sait chanter et rire et boire , etc.
Un autre abbé, le chanoine Dumarquez , dans la descrip¬
tion versifiée d’une fête annuelle desRosati, lui a consacré
une stance qui ne manque pas d’originalité, eu égard au
personnage qui en est l’objet :
Ah 1 redoublez d’attention 1
J’entends la voix de Robespierre :
Ce jeune émule d’Amphion
AUendnrait une Panthère I
Amphion vient ici bien à propos ! Du reste , quoique
Maximilien tournât le vers assez galamment , il était loin
de posséder , à en Juger par ceux que M. J. -A. Paris a cités,
cette franche gaîté , cette verve spirituelle qui convenaient
à l’épicurienne académie , et , involontairement , en lisant
ces petites rimes pas toujours riches, mais parfumées et en-
rubanées , on pense à 93 ; on pense à M. Foacier de Ruzé ,
honorable conseiller d’Artois, reçu le 22 juin 1787 parmi
les Rosati , chanté par la voix détonnante de Robespierre ,
puis , cinq ans après, figurant le premier sur la’ liste des
suspects et mourant dans les prisons d’Arras ; on pense
aussi à sa fille Marie-Thérèse , la jeune déesse à laquelle
Robespierre prodiguait ses compliments affectés , finissant
avec sa sœur Edith , dans le même cachot , une vie dont le
début avait été si riant.
Carnot — officier du Génie à Arras, depuis 1783 — n’est
pas un poète à dédaigner ; il y a de f entrain et de la grâce
dans ses chansons. Chez lui le rire ne semble pas forcé
comme chez son bilieux confrère ; s’il boit le vin des Rosali,
— 95 —
c'est qu’il l’aime véritablement et non pas seulement pour
la forme. Nous recommandons en parliculier ses Couplets à
la fête des Roses de 1787 :
« Buvons outre mesure, » etc.
Merci donc à M. J. A. Paris de son intéressante disrression
O
qu’il serait trop sévère de condamner dans son livre : felix
culpa î — nous n’avions pas cà nous occuper de la partie la
plus sérieuse ; car la Jeunesse de Robespierre a été appréciée
à sa juste valeur par un tribunal compétent et ce n’est pas
nous qui nous inscririons contre son arrêt ; il ne nous
appartenait que de montrer à nos lecteurs, avec l’aide du
docteur Maugin et de M. Paris, deux curieuses manifes¬
tations de l’esprit poétique qui animait nos pères, et que la
Révolution a si brusquement étouffé. F. Chox.
HISTOIRE XATURELLE. — Oiseüux amenés par les froids. —
La période de froid assez rude que nous avons traversée en
février dernier a amené, dans tous nos marais et sur nos
côtes maritimes , une quantité innombrable d’oiseaux,
échassiers et palmipèdes, qui ont été poursuivis avec
acharnement par une nuée non moins épaisse de chasseurs.
Pendant tout ce temps, le marché de Lille et nos mar¬
chands de gibiers en ont été abondamment pourvus ; voici
quelques notes résultant de l’examen des espèces que nous
y avons rencontrées.
Faisons d abord observer que, contrairement à ce qui
arrive souvent en pareilles circonstances, aucun oiseau
réellement rare ne nous est apparu , et nous n’avons pas
entendu dire que, dans nos environs, aucun amateur ait
fait des captures à citer.
Le public peu ornithologiste qui s’en rapporte aux articles
de journaux sera peut-être d’un avis contraire, mais nous
l’engageons à se tenir sur ses gardes au sujet des faits divers
— 94 —
zoologiques des feuilles non scientifiques. Le terme canard
doit provenir de quelque bourde ornilhologique inventée
par Tune d’elles.
Le Journal du Havre vient de se signaler en ce genre par
l’annonce de la capture d’un oiseau très-rare , gros comme
un oie, ayant 1 mètre 80 d’envergure, le premier de cette
espèce qui ait jamais paru sur les côtes de France ! C’était
un Fou de Bassan(Su/rt bassana], si peu rare sur nos rivages
qu’il s’y montre chaque année , quelquefois en grand
nombre, et vient se faire tuer, à la suite d’ouragans,
jusqu’aux environs de Lille. Bâillon en recueillit un jour ,
dans la baie de Somme, plus de deux cents, après un
violent coup de vent. Les côtiers picards riraient bien s’ils
lisaient que leur Margot est un oiseau qui n’a jamais été
vu sur les côtes de France.
Il y a eu aussi dernièrement l'histoire de cet Aigle tué
dans les fortifications de Lille , et qui s’est trouvé être une
Buse. Mais revenons à nos observations.
Parmi les échassiers, j’ai remarqué beaucoup de Hérons
(Ardea cinerea), adultes et semi adultes en nombre égal.
Plusieurs avaient la robe de printemps presque parfaite.
Cette apparition de Hérons n’est pas un passage propre¬
ment dit, c’est plutôt un déplacement. Beaucoup de ces
oiseaux séjournent l’biver dans les marais de nos régions
tempérées. Ils y vivent solitaires , méfiants et peu remuants;
mais vienne une gelée qui les empêche de pécher leur pro¬
vende habituelle , ils se mettent en petites bandes et volent
çà et là à la recherche des eaux non glacées.
La disette de poissons les affame quelquefois au point
de leur ôter la force de fuir. Plusieurs de ceux qui sont venus
à ]jille avaient été assommés à coups de bâton.
Les Courlis cendrés ( Numenius arcualus ) n’étaient pas
rares, la plupart provenaient des côtes. D’après les traités
— 95 —
d’ornilliologie , ces oiseaux seraient des passagers réguliers
passant du Nord au Sud en novembre, et repassant du Sud
au Nord en mars. Celte assertion est trop absolue, une
portion reste dans les pays tempérés ; c’est du reste une
remarque qui doit être faite pour la plupart des oiseaux
migrateurs , échassiers et palmipèdes.
Le bec du Courlis cendré varie beaucoup en longueur.
M.y anv ickevort {Remarques sur la Faune ornithologique
de la Hollande) cite comme extraordinaire le bec d’un
individu mesurant io centimètres 1/2, or je viens d’en
mesurer un de 18 centimètres; le plumage était en tout sem¬
blable à ceux des autres sujets.
J’ai trouvé quelques Barges rousses (Liniosa rufa), tous
mâles en robe parfaite d’hiver. Ceci infirme une obser¬
vation de M. de Meezemacker , mentionnée dans mon Cata¬
logue des oiseaux du Nord de la France^ que jamais cette
espèce ne se voyait pendant les grands froids ;
Quelques Chevaliers bruns {Totanus fiiscus). Noir bouil-
lard des chasseurs picards. Il est à remarquer que cette
espèce a les pieds d’un beau rouge en hiver et qu’ils passent
au brun au printemps ; c’est le contraire de ce qui s’observe
généralement , l’éclat des couleurs augmentant à mesure
qu approche l’époque de la pariade ;
Bon nombre de Bécasseaux maubéches {Tringa canutus)
en robe complète d’hiver. Toujours même observation :
il n’est pas juste de considérer cet oiseau comme rigoureu¬
sement migrateur;
Des Bécasseaux cincles (Pelidna cinclus) , bien distincts
de la prétendue race torquatus par leurs becs longs et
courbés. Quelque soit l’opinion que l’on adopte dans la
controverse soulevée au sujet de ces Pelidna , il reste bien
certain que les captures d’hiver ne nous montrent jamais
la forme à becs courts et droits qui passe au printemps.
> — 9G —
Beaucoup d’Huitriers ou Pies de mer { Hœmatopus
ostralegus ) ont été envoyés à nos marchands , des côtes
•
maritimes. C’est un oiseau sédentaire qui trouve sa nourri¬
ture à portée en toutes saisons, on ne peut expliquer le
massacre plus grand qui s’en fait par les grands froids,
qu’en supposant que l’abaissement de température le
rend moins défiant, ou qu’alors les chasseurs sont plus
nombreux.
Je ne dirai rien , bien entendu, d’une foule d’autres espè¬
ces d’échassiers qui se voient plus ou moins abondamment
tous les hivers et qui alimentent régulièrement les
marchés, tels que Bécassines, Raies d’eau, Poules d’eau,
Foulques, etc.
Parmi les palmipèdes, citons des Cormorans ( Phalocro-
corax carbo ) , quelques Cygnes sauvages [Cygniis férus)
aperçus au-dessus de plusieurs marais, sans direction déter¬
minée, volant à la recherche des eaux libres.
Lors des premières gelées , à la fin de décembre, deux
Cygnes ont été apportés au marché de Lille. A en juger par
la nuance grise des pieds, ils appartiendraient à l’espèce
mimutahilis , caractérisée par la couleur des jeunes qui
naissent blancs et par la teinte pâle des pieds. Je n’ai pu
m’assurer de leur provenance exacte, mais le sable marin
que contenaient leurs jabots prouve qu’ils avaient séjourné
au bord de la mer.
Le genre Oie a fourni deux exemplaires de VAnser bra-
chy7'hynchus^ Oie à bec court, mêlés à des Oies sauvages et
à des Oies cendrées. Cette espèce de l’Oie à bec court, long¬
temps admise sans contestation, vient d’être l’objet d’une
note de M. \d.n\N\cke\ooY[(A7xhives néerlandaises, tome
IV). Cet ornithologiste en fait une simple variété de taille
de VAnser segetum; l’examen de plusieurs centaines de
ces Oies lui aurait démontré que l’on trouve tous les pas-
— 97 —
sages intermediaires entre les plus grands individus à longs
becs et les plus petits à becs courts et épais. Ce raison¬
nement est spécieux; mais il estime autre différence dont M.
Van Wickevoort ne parle pas et qui sautait aux yeux dans
l’examen que je viens de faire, c’est la couleur des pieds.
Ils sont d’un rouge rose dans le hrachyrynchiis , d’un
rouge orangé bien caractérisé dans le segetum ; la question
ne me parait donc pas résolue.
Nous avons encore trouvé des Gravants {Bernicla hrenta);
toujours les froids rigoureux en amènent ; des Bernaches
(Bernicla leucopsis) , bien plus rares que les premiers. Je
ne sais pourquoi VOrnithologie européenne de Degland
donne le leucopsis comme plus commun que le hrenta dans
nos départements du Nord. J’ai toujours observé le con¬
traire; pour dix hrenta il vient à peine un leucopsis.
Les Canards que j’ai trouvés en plus grand nombre sont,
comme toujours, les Siffleurs (Mareca penelope). C’est
invariablement le plus commun des douze ou quinze
espèces qui alimentent les marchés. Il descend en octobre,
et si l’hiver n’a ni gelée ni neige, on ne le voit plus qu’à
la remonte , en Mars ; mais si le froid se déclare un peu
fortement, ou si la neige tient, aussitôt il apparaît en
masse. J’ai observé cette année une proportion égale de
mâles et de femelles ; les très-adultes sont toujours rares.
Degland indique chez le mâle adulte des mouchetures tirant
sur le pourpre à la poitrine ; ce sont plutôt des restes de la
grivelure du jeune , je n’en ai jamais vu aux individus tout
à fait vieux ayant les autres indices d’un âge avancé.
Viennent ensuite , en nombre à peu près égal , le Canard
garot (Clangula glaucion) presque tous jeunes mâles ou
femelles; le Canard sauvage (Anas hoschas) , le Canard
morillon (Fuligula cristata), plus de jeunes que d’adultes ;
le Canard pilet {Dafila acuta) ; le Canard milouin {Fuligula
— 98 —
ferina)^ offrant tous les passages de plumage du jeune au
vieux des deux sexes , mais jamais avec la netteté de nuance
dans le roux de la tête et le noir du cou que Ton voit en
mai aux individus des jardins zoologiques.
'L'Ornithologie européenne dit de cette espèce : elle dispa¬
rait avec les gelées ; le contraire eut été bien plus vrai.
La Sarcelle d’hiver [Querquedula crecca) a fourni un
fort contingent ; la Sarcelle d’été [Querquedula circia) s’est
montrée, comme habituellement, moins nombreuse.
Le Souchet et le Chipeau ( Spatula clypeata et Chau-
lelasmus strepera) étaient presque rares , bien que dans les
passages normaux d’automne et de printemps nous les
voyons souvent communs.
En revanche le Milouinan ( Fuligula marila ) abondait ,
bien qu’il soit quelquefois plusieurs années sans paraître
à Lille , ce qui s’explique par ses mœu?s presque exclusi¬
vement maritimes.
J’ai trouvé un seul Canard de Miquelon ( Harelda gla-
cialis) et deux Tadornes (Tadorna Bellonï).
On a tué beaucoup de Harles bièvres (Mergus mer-
ganser) ; plusieurs mâles avaient la livrée parfaite ; les
femelles étaient plus communes. Même remarque pour le
Harle huppé [Mergus serrator). La comparaison que je
viens de faire de beaucoup de femelles de ces deux espèces
m’a prouvé que la différence tirée du miroir blanc des ailes
est à rejeter , la barre noire ou grise se montre chez l’un et
chez l’autre avec plus ou moins de netteté.
Le Harle piette ( Mergus albellus ) était aussi commun ,
il y avait moins d’adultes que de jeunes.
Enfin citons en terminant deux Grèbes esc]avons(Poc?^cep5
auritus), en livrée d’hiver , trouvés par M. Deschodt au
marché St-Nicolas , c’est une capture intéressante qui ne se
renouvelle que de loin en loin , d’ailleurs sauf le Castagneux
— 99 —
toutes les espèces de Grèbes deviennent déplus en plus rares
dans nos environs , les passages ont sans doute pris une
autre direction. • A. de Norguet.
CHRONIQUE.
Cliansoii de ]fIadoulet. — A propos des considé¬
rations présentées par notre collaborateur M. Chon sur les
Chants et les Chansons du Gambrésis, recueillis par M.
Durieux (^) , cet auteur nous communique les réflexions
suivantes :
« Je ne connais pas le journal de l’infortuné lieutenant
Bellot et le fait que vous me signalez corrobore l’opinion
émise dans rintroduction de ma deuxième série , touchant
l’origine commune — je devrais dire unique — de chants
différents semblables par le fond et dont l’identité de forme
n’est point parfaite.
Si Madoulet en valait la peine, bien que l’on m’en eût
indiqué l’auteur , ou l’un des auteurs , né à Cambrai même,
je n’hésiterais pas , sur votre observation , à reconnaître à
Lille des titres à la paternité de cette sottise, le mot sergent
ayant trop rarement chez nous le sens que lui donne la
chanson. Mais, en y réfléchissant, peut-être Douai viendrait-
il à son tour réclamer une part aussi de cette paternité à
cause de ce vers ;
« In jiirrot ch'riionime dTier ! »
comparaison évidemment empruntée à une enseigne in¬
connue dans la cité de Martin et 3Iartine, et que l’on retrouve
dans l’une des rues de la ville de Gayant.
Pourvu, ce que j’ignore, que Lille n’ait point eu aussi ,
ou n’ait point encore son « homme de fer? » En tous cas
l’idiome de mon Madoulet est bien du Cambrésien pur. »
(b Bulletin , t. I , p. 401 .
— 100 —
Nos lecteurs nous sauront peut-être gré de leur donner la
Chanson de Madoulet dans l’idiome Gambrésien :
J’ai vu à Kimbré demie r’mint,
A Saint- Sépurque un gros sergint,
Quand j’y pins’ je m’ grinche G);
J’barbotos tout bas dins min cœur,
N’est-jou point là un gros signeur,
Ou bin un gros princlie ?
A tous ches gins j’ai demindé :
Gh’ti-là là-bas, qui porte épée,
l’paraît ben riche ?
l’s m’ont répondu si clrôl’mint :
« C’hest Madoulet qu’il encaclie ches quiens
» Hore d’no églisse. »
Il a un biau habit tout bleu ,
Qu’i n’y a pas grimment d’monsieu’s
Pou’ n’avoir un pareile :
Il est tout couvert d'rubins d’sus ,
l’n’y en a tout d’qu’à sin c. . .
In dirot c’biut’nint-colonele (2).
II a des maron’s a sin c. . .
All’s sont tout’s couleure d’ fu ,
l’n’a bin à rire ;
l’peut aller a ch’bos tout seu ,
I n’arot pas peure d’cbes leups :
ries f’rot tous infuire.
Quind i’marcbe in procession ,
l’fait ringer tous ches garcbons ,
Aveuque s’n’all’barte ;
Et si qu’i’ savincb’tent d’trop près ,
Vite i met s’main eu’d’ssus s’n’épée :
Ils s’enfuit’nt au pu rate (3) 1
Quind cli’l’homm’là qu’il est d'gardc à ch'chœur
II est r’wétié eiid’sin pasteur
Et d’ses deux vicaires ;
Alors y fait l’doubel minton,
I s’tient rait’ tout comme un bâton :
In jurrot clEPhomme d’fierôl (?)
Quind y vos marche l’pas frinçais
N’dirot-on point qu’il a été
Longtimps au service ?
Vos s’rot’s pourtint bin attrapé ,
Car y n’a mi jamais été
Soldat de milice.
(1) Frissonne; — (2) Lieutenant-Colonel ; — (3) Vite ; — (^) Regardé.
s
9
D
t
FEVRIER
année moy.
3.° 0o8
— 101 —
llécéorolog^ie. Mois de Février 1870 :
FÉVRIER
1870
Température moyenne . 0.° 443
2) des minima . — 2.° 38
2) des maxima . 3.° 27
extrême minima, le 12. — 13." 00
» maxima, le 28. 14.° 70
Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . . . 7o7™“489
» hauteur extrême minima , le 24. 748”'“73
î D D maxima , le 12. . 766““70
Tension de la vapeur atmosphêr . 3”'”83
Humidité relative moyenne . 79.0 7„
Epaisseur de la couche de pluie . 18““12
2) de couche d’eau évaporée. . . . 28““76
La température atmosphérique fut assez douce pendant
les sept premiers jours de février ; le vent soufflait avec
force du S.-S.-E. ; le 8 après une neige continue mais peu
abondante , nous la voyons tomber, à minuit , à — 3.° 3,
vent d’E. fort. Dès le 9 le vent passe au N.-E. et souffle
avec une grande énergie , il conserve la même direction et
la même force jusqu’au 20. Pendant ces onze jours la gelée
fut très-intense.
760?’” 379
4?“ 388
83. 9X
43?“ 07
20?“ 82
Le 20 le vent passe au N.-N.-O et successivement incline
vers le S. , où il reste jusqu’à la fin du mois. •
Il gèle encore un peu la nuit, mais pendant le jour la
température ne cesse de s’accroître , et le 28 , atteint le
maximum 14." 7 ; différence 27.° 7 entre cette dernière et
le minimum du 12 , — 13.° 0.
Pendant la période de gelée et de vent N.-E. le baro¬
mètre resta généralement au dessus de 760.“*" 00 ; aussi y
eut-il absence de neige ; on n’observa une dépression de la
colonne barométrique que pendant le premier et le dernier
septénaire , alors que les courants supérieurs venaient du
S.-O. , néanmoins les oscillations furent brusques comme on
le remarque ordinairement en février.
— 102 —
Malgré l’abaissement de la température, l’évaporation
fut singulièrement activée par la sécheresse et la force du
vent N.-E. ; aussi la voyons-nous atteindre un chiffre bien
supérieur à celui du mois correspondant , année moyenne ,
avec une température plus élevée.
Dans ces conditions météoriques la tension de la
vapeur d’eau atmosphérique fut au-dessus de la moyenne
ainsi que l’humidité relative. Les brouillards , quoique au
nombre de vingt-cinq , furent très-légers et les rosées rares
et très-faibles ; il n’y eut que cinq gelées blanches.
La quantité de neige tombée en quatre jours a four¬
ni après la fonte une couche d’eau d’une épaisseur de
8.""“ 3. Pendant toute la gelée , la terre resta découverte,
le 21 seulement de dix heures du soir à minuit , elle reçut
une couche de neige d’une épaisseur de deux centimètres
qui se fondit le lendemain 23, jour où le dégel se prononça.
Il ne tomba de la grêle qu’une seule fois , le 8 , dans la
matinée. V. Meurein.
Température observée à Landrecies pendant le mois de
février 1870. — Sur les 28 jours composant le mois de
février, la température observée le matin entre 6 et 7
heures n’est restée supérieure au point de congélation que
pendant 8 jours ; la température 0.° a été observée 4 jours ;
et pendant 16 jours elle s’est maintenue au-dessous de 0.°
Le froid a paru d’autant plus vif que la température ,
assez douce pendant les o premiers jours du mois , s’est
abaissé subitement de — 3.° o à — 12. ’ o ( les 9 et 10) ; le
lendemain 11, on n’a eu que — 10.° o ; mais le 12, la tem¬
pérature atteignait — 14.° C’est le maximum observé. Les
jours suivants le froid a diminué pour se relever de nouveau
le 17 et atteindre — 10.° o. Enfin après quelques variations,
le thermomètre s’est élevé au-dessus de 0.°, et a atteint en 3
jours , du 26 au 28 , une température chaude , +
— 103 —
Si on compare ce mois à celui des années antérieures on
lui trouve de très-grands rapports avec février 18oo. Et
d’abord , je ferai remarquer qu’en 1870 , il y a eu en janvier
une période de 15 jours ( du 17 au 31 ) pendant laquelle le
thermomètre a varié de 0.° à — 9.» 5.
En janvier 1855, le thermomètre a varié de O.^à — 7.° 5
pendant 16 jours et en février de 0." à — 14.% pendant 17
jours. Ce minima — 14.° s’est présenté deux fois en février
1855, les 17 et 19.
Il y a comme on le voit , une très-grande analogie entre la
température du mois de février des années 1870 et 1855.
FÉVRIER
FÉVRIER
FÉVRIER
1870
1855
moyenne de
24 ans
1847-70
Température moyenne
1
O
©
QO
1
0
3.0 10
ï maxima
O
20
O
7.
14.0 50
D minima
-14.0
-14.°
-14.0
Moyenne
annuelle
10.û23
33.0 50
—20. 0
Quoique rigoureux les hivers de 1855 et de 1870 ne sont
pas ceux où la température la plus basse a été observée.
De 1847 à 1869 la température s’est abaissée 3 fois à — 20
degrés et 6 fois au dessous de 12.° , la moyenne des minima
sur les 22 années étant — 11.° 1 .
Le 26 décembre 1853 — 20.
Le 19 id. 1859— 20.
Le 9 janvier 1861 — 20.
Le 22 id. 1867 — 17.
Le 19 id. 1855— 15.
Le 7 janvier 1868 — 14.®
Le 28 id, 1848 - 13.° 5
Le 27 décembre 1864 — 13.®
Le 7 janvier 1858 — 12.o
Le plus grand écart entre les températures d’hiver et d’été
est de 53 degrés centigrades ; on l’a observé en 1859 :
Le 18 juillet le thermomètre marquait +33.°, et le 19
décembre -20." : différence 53. o
L’écart le plus faible a été constaté en 1851 ; il est de 32.°
L’écart moyen des températures d’hiver et d’été sur les
23 années est de 41." 5.
— 104 —
Je termine cette note en disant que les quantités de pluies
annuelles varient de 0."" 399 à 1."™ 141 ; et que la moyenne
des 23 années est 0.™ 778 , l’altitude du lieu d’observation
étant à 139.“ 66 au-dessus du niveau de la mer.
L. Brochet.
La dernière phrase de la note de M. Brochet mérite quel-
qu’attention. La moyenne d’eau pluviale de Landrecies ,
778 mil. , est bien supérieure à celle de Lille , 676 mil. , et
même à celle de Douai. Dans le compte-rendu des obser¬
vations météorologiques de M. Offret (^) , on a vu que la
quantité moyenne de pluie tombée à Douai d’après le
résultat de 3 années (1865-67) est de 687 mil. Mais ces 3
années furent relativement très-pluvieuses , leur moyenne
à Lille est de 753 mil. ; si on applique la même pro¬
portion pour calculer la moyenne générale de Douai , on
trouve 614 mil. , presque la même quantité qu’à Londres.
Le climat de Douai serait donc moins pluvieux que celui de
Lille , c’est ce que démontrent du reste les quantités de
pluies annuelles.
La même explication ne peut pas servir pour Landrecies.
Les observations de M. Brochet, datent de 23 ans , et les
quantités de pluies annuelles sont de beaucoup supérieures
à celles de Lille et de Douai. Si on compare les quantités de
pluies annuelles , on trouve que c’est l’hiver qui est parti¬
culièrement plus humide à Landrecies qu’à Lille , car le
rapport des moyennes annuelles est de 1 , 15 à 1 , tandis
que le rapport des pluies hibernales est pour 1867-68 de
1,4 à 1 et pour 1868-69 de 1 , 7 à 1. C’est-à-dire que pendant
l’hiver dernier il est tombé presque le double plus d’eau à
Landrecies qu’à Lille. Quelle en est la cause ? Serait-ce le
voisinage de la foret de Mormale ? C’est une question qui
nous semble devoir intéresser les météorologistes. J. G.
(9 Bulletin , t. i. , p. 378.
Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQUEL -CASTIAUX ; GRANDE PLACE; 13
2.' Année. — N.” 4.— Avril 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ HISTORIQUE, ARCHÉOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE
DE LA VILLE d’yPRES ET DE l’aNCIENNE WEST - FLANDRE,
Annales, t. iv, l."* et 2.* livraisons.
Fondée, il y a neuf ans à peine, celte Société a déjà pleine¬
ment justifié sa raison d’être que M. Diegerick avait si bien
expliquée lors de la Séance solennelle où elle fut définiti¬
vement constituée (^). <r De toute la Flandre, disait le
savant archiviste d’Ypres, la partie connue sous le nom de
West-Fland re est celle qui a été le moins explorée ; et cepen¬
dant elle est loin d etre la moins importante sous le rapport
de ses institutions et de ses souvenirs historiques. Ses ar¬
chives peuvent compter parmi les plus importantes du pays
entier ; sa position géographique en a fait de tout temps
un boulevard avancé contre la France, et ses luttes héroïques
contre celte puissance , au moyen -âge , ont plus d’une fois
sauvé le reste du pays d’une ruine complète ; prise et re¬
prise tour-à-tour , elle a constamment subi toutes les vicis¬
situdes de la guerre et de la conquête ; et , nous ne crai¬
gnons pas deFavancer, nulle partie de la Flandre n’est
plus riche en épisodes dramatiques, en souvenirs de gloire
et de deuil. Oui, toute cette partie de la Flandre est un
terrain vierge pour l’historien ; le champ des découvertes
est vaste , immense , et nulle part les documents ne sont
plus nombreux. »
Les talents et les volontés n’ont pas fait défaut à cet appel
au travail. Aujourd’hui le personnel administratif de la
Société est composé comme suit :
d) Le 4 avril 1861.
— 106 —
Président: M. Vandenpeereboom , Alphonse, ministre
d’Etat , membre de la Chambre des Représentants;
Vice-Président : M. Bœdt, Pierre, conseiller communal ,
chevalier de l’Ordre de Léopold;
Secrétaire-général: M. Diegérick, Isidore, archiviste de
la ville, chevalier des Ordres de Léopold et de la Couronne
de Chêne des Pays-Bas ;
Membres du Conseil d' Administration :
M. Beke, Joseph, Avocat ;
M. Beke, Pierre, membre de la Chambre des Repré¬
sentants, bourgmestre d’Ypres, chevalier de l’Ordre de
Léopold ;
M. Coppieters , Henri , chevalier de l’Ordre de Léopold ;
M. Van Heule, Louis , échevin de la ville d’Ypres.
Le volume que nous avons sous les yeux contient les
travaux suivants :
Le Noordsche Balk du Musée communal d'Ypres, par
M. Edmond Vanderstraeten , avec une planche. — C’est la
description d’un instrument de musique généralement in¬
connu de nos jours; l’auteur le croit originaire des Pays-
Bas septentrionaux. C’est une sorte de guitare de forme
rectangulaire , longue de 1 m. SO et large de 0 m. 15. Il
possède huit cordes dont quatre donnent à vide , à titre de
pédales basses ; les autres sont tendues au-dessus d un clavier
de vingl-et-une touches et paraissent destinées à exécuter la
mélodie. L’instrument se pinçait exclusivement à l’aide du
pouce ou d’un plectrum. Il y a un siècle , il se trouvait
encore entre les mains des ménétriers flamands , et ses
vibrations d’un caractère âpre et strident s’accommodaient
fort bien d’une fêle tapageuse ou d’une kermesse.
M.® Jehan Yperman , le père de la chirurgie flamande
(1297-1329) , parM. I. Diegerick. — C’est la reproduction
complétée d’un article qui avait déjà paru en 1859 dans les
— 107 —
Annales de la Société de Bruges. M. le docteur Snellaert
s’était aussi occupé de la biographie de ce célèbre médecin,
né à Ypres ou tout au moins fils d’un poorter de cette ville.
Il écrivit un Traité de chirurgie, que M. le docteur Carolus
a réédité il y a quelques années , et dans lequel il nous
apprend lui-même qu’il pratiquait la chirurgie à Ypres et
dans les environs, et qu’il étudia son art , sous Lanfranc,
de Milan , qui professait en 129o avec éclat à Paris. — La
notice de M. Diegerick est suivie d’une ode en vers fla¬
mands sur ce même personnage, écrite par M. Lafaut, pro¬
fesseur au collège communal d’Ypres.
Entrée du Prince de Ligne à Ypres (1749), par M. Ed.
Vandenbogaerde. — A l’issue de nombreuses contestations
politiques, plus ou moins désastreuses pour le pays, les
Pays-Bas échurent, par le traité d’Aix-la-Chapelle, à Marie-
Thérèse d’Autriche et peu après que le duc Charles de Lor¬
raine eût fait sa rentrée à Bruxelles, le Prince de Ligne,
monseigneur Claude Lamoral, vint à Ypres prendre pos¬
session de la ^Yest-Flandre, au nom de l’Impératrice [le 1."
octobre 1749). L’allégresse était générale. L’auteur décrit,
dans ses plus minutieux détails, le cérémonial de la fête
et la prestation du serment qu’il fait suivre de quelques
réflexions fort justes sur la portée de cet acte si différent
alors de ce qu’il était au moyen-âge du temps des com¬
munes et de ce qu’il est devenu depuis.
L'atelier monétaire d’Ypres, par M. Ch. Piot (avec
deux planches). La ville d’Ypres eut-elle son ateliermc-
nétaire dès l’an 1127, époque où elle obtint un marché?
l’auteur penche pour l’affirmative , du moins il croit pouvoir
faire remonter la numismatique de cette cité au delà du
règne de Philippe d’Alsace, comte de Flandre. Il examine
et discute ensuite une monnaie qu’il attribue à ce prince ;
puis il envisage successivement celles de Marguerite d’Al-
108 —
sace et de son époux Baudouin VIII (1191-1194); de Bau¬
douin IX (1194-1206) ; de Jeanne et Fernand de Portugal
(1206-1244) ; de Marguerite de Constantinople (1244-1280) ;
de Gui de Dainpierre (1280-1305) ; de Jean de Namur
(1302-1303) et de Philippe de Thiette (1303-1304) ; ces
deux derniers étaient les fils de Gui et administrèrent le pays
pendant la captivité de leur père.
Le théâtre villageois en Flandre, par M. Edm. Vanders-
Iraeten (avec une planche).— Ce travail est le plus considé¬
rable du volume qui nous occupe , et encore n’y est-il pas
renfermé tout entier. L’auteur, croyons-nous, a raison de lui
donner toute l’étendue qu’il promet ; son champ est vaste ,
et en pareille matière l’intérêt consiste surtout dans les
détails et les faits locaux. M. Vanderstraeten embrasse
dans son étude la portion territoriale qui forme la
Flandre actuelle. Semblable travail concernant la partie
flamande de la France avait été produit il y a une dizaine
d’années par M. l’abbé Carnel (^). Nous posséderons donc
une monographie assez complète de l’Art dramatique popu¬
laire étudié sur les lieux mêmes où, dès le moyen-âge
jusqu’à nos jours, il n’a cessé d’être, plus que partout
ailleurs , une tradition visible des instincts d’une nation, et
un véhicule puissant de l’idée patriotique.
. En Flandre ce furent les Sociétés de Rhétorique qui , dès
le XV.® siècle, s’emparèrent de l’élément théâtral alors qu’il
sortit des églises où longtemps auparavant il avait pris
naissance. Il tomba en bonnes mains, et se sauva ainsi de
la boue des rues et des places publiques dans laquelle, en
France et à Paris même , il continua de se vautrer long¬
temps encore. Les Sociétés ou Chambres de Rhétorique, en
se constituant fortement elles-mêmes, constituèrent le
C) Annales du Comité flamand de France, t. v.
— 109 —
théâtre et en firent non-seulement un moyen d’amusement,
mais d’émulation et de progès national.
Déjà au XVI. « siècle, presque tous les bourgs et les
villages du pays avaient, comme les villes, leurs Sociétés
de Rhétorique et leur théâtre. Il y avait des concours où se
déployait parfois une pompe grandiose. Mais des revers
alternèrent avec ces succès. Le gouvernement espagnol usa
souvent de rigueur contre ces manifestations de l’esprit
national ; ce fut une époque fatale. Enfin, lorsque en 1714,
à la suite de la Convention de Rastadt, le pays fut placé
sous la domination de l’Autriche , les sociétés-mères se
redressèrent, et le mouvement théâtral se communiqua
jusque dans les plus petites localités pendant toute la durée
du XVIII.^^ siècle.
C’est particulièrement cette époque qu’envisage M. Van-
derstraeten ; et la partie la plus originale de son travail est
celle où il trace les portraits de ces artistes dramatiques de
village , à commencer par Vimpresario qu’on appelait
facteur ou factor de la chambre jusqu’au fou de la ghilde ,
sorte de triboulet qui égayait l’assemblée de ses farces. Le
facteur était un vrai personnage, mais des plus pittoresques :
il était à la fois , selon la circonstance , auteur, comédien ,
directeur, régisseur, répétiteur, metteur en scène, cos¬
tumier, machiniste, magasinier, souffleur et chef d’or¬
chestre, car il y avait un semblant d’orchestre à la plupart
des représentations. C’était en somme la cheville ouvrière
de toute l’association et le terme de factotum, substitué à
celui de facteur, lui eût convenu à bien plus juste titre.
Quant aux acteurs ordinaires, s’imagine-t-on des cam¬
pagnards en veste et en sabots , quittant la bêche et la
charrue pour aller étaler sur la scène leur figure brunie
parle soleil et leurs mains gercées parle travail? Et ce
n’était pas seulement pour la farce et la comédie que ces
— KO —
braves gens montaientsur les planches. Chose incroyable!
ils affectionnaient surtout la tragédie ; et , quand lancien
répertoire national faisait défaut, ils interprétaient en vers
flamands les œuvres classiques de la scène française , ou
plutôt ils mélangeaient le tout de sorte que telle comédie de
Molière, par exemple, servait à relever l’édifiant sujet de
la Passion du Christ ou de sa Naissance à Bethléem et les
personnages de Zaïre et de Chimène étaient remplacés sur
le même théâtre par la Foi, l’Espérance et la Charité.
Quant à la mise en scène de ces œuvres dramatiques, elle
était des plus uniformes et des plus primitives. Souvent une
salle d’auberge ou de cabaret constituait la salle de spec¬
tacle : aussi quelques colonnades et deux ou trois fonds de
toile peinte ou même de papier peint faisaient tous les frais
de décoration pour n’importe quelle pièce. Quant aux cos¬
tumes, on n’en connaissait que trois espèces : le costume
romain ou turc pour la tragédie et l’habit moderne pour
les pièces comiques. Les comparses surtout offraient les plus
singuliers anachronismes. On se servait de ce que l’on
avait , voilà la grande raison de ces pauvretés théâtrales ;
les cœurs de ces braves gens étaient plus riches que leur
bourse ; s’amuser par le moyen de l’art était leur but.
Avouons que ce n’est pas là un mince honneur pour la
contrée flamande d’avoir si longtemps conservé le senti¬
ment populaire à l’abri des jouissances grossières et ma¬
térielles.
L’auteur termine par un chapitre contenant une série de
courtes biographies destinées aux auteurs , acteurs et direc¬
teurs dramatiques de la circonscription territoriale qui
l’occupe. André Forestier.
111
SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE.
Bulletin des Sciences, année 1869 , N.“ 3.
Ce fascicule contient les procès-verbaux des séances ,
pendant le troisième trimestre de Tannée. Il s’ouvre par la
déclaration suivante :
M. le Président annonce que la question du Musée Napo¬
léon est terminée et que le Conseil municipal, dans sa séance
du 3 juillet 1869, a de nouveau maintenu et confirmé sa
délibération du 3 octobre 1868 , par laquelle la ville accepte
le Musée Napoléon, comme devant être toujours le Musée
communal d’Amiens.
Nous félicitons vivement la Société des Antiquaires de
Picardie et le Conseil municipal d’Amiens de cette solution.
La Société , débarrassée de ces soucis , peut s’occuper main¬
tenant de ses travaux et la ville d’Amiens possède un musée
qui sera un vrai musée provincial , le point de réunion de
toutes les richesses archéologiques et artistiques de la Pi¬
cardie. Ce sera à la fois plus utile et plus honorable pour le
pays, que de voir ce bel édifice devenir la succursale ou ,
selon l’expression piquante d’un des membres de la Société,
le grenier du Louvre.
Cette histoire d’un palais d’une valeur de près de 2 millions
de fr. , que personne ne veut accepter , offre cependant un
enseignement. C’est que , si les péristyles , les escaliers , les
colonnades font la gloire des architectes , ils sont la frayeur
des budjets chargés de les entretenir, en attendant qu’ils
deviennent le désespoir des directeurs de musée. Ce qu’il
faut à ceux-ci c’est de la place , encore de la place , toujours
de la place. Sous ce rapport le directeur du Musée com¬
munal d’Amiens n’a pas à s’inquiéter ; mais , à un certain
moment, ses successeurs se trouveront à l’étroit, et ce
moment viendra plus tôt qu’on ne le pense, le zèle de la
Société des Antiquaires nous en est un sûr garant.
— 112 —
Elle vient défaire faire à ses frais, des fouilles dans le
Cimetière mérovingien de Framerville.M. l’abbé Poirié, qui
les a dirigées, y a trouvé de nombreux vases en terre noire,
des épées , des fers de lance , des agrafes de ceinturon , des
boucliers, des bijoux, etc. ; il se propose d’explorer un
autre cimetière à Fay , près Framerville. A ce sujet on fit
remarquer dans le sein de la Société que presque toujours
les sépultures mérovingiennes ont été violées à une époque
très-ancienne , probablement dans le siècle où eurent lieu
les inhumations. Ces spoliations constituaient sans doute
une espèce d’industrie, puisqu’il y avait des peines sévères
contre les violateurs de sépulture.
Etudes historiques sur Amiens^ par M. Dubois. — L’au¬
teur commence par rectifier quelques faits de l’histoire
particulière de la ville d’Amiens, puis il donne des
détails sur des usages locaux curieux et peu connus.
Citons-en un : *
Dans le xv.« siècle , les hommes et les femmes qui
se remariaient devaient payer aux princes et compagnons
de la Confrérie de Saint-Firmin , une gracieuse somme
d’argent, laquelle somme était employée à faire les dépenses
nécessaires au port de la châsse de saint Firmin, le jour
. de l’Ascension, et pour boire et manger ensemble et faire
danser les demoiselles après diner, ledit jour, pour l’hon¬
neur du benoist corps du saint martyr, comme de longtemps
est accoutumé. »
Jacques Beauciiant , sergent d’armes , bibliophile à
Saint-Quentin , par M. Ch. Demaze , conseiller à la Cour
impériale de Paris. — Jacques Beauchant, mort en 1396,
fut un des savants que protégea Charles V dit le Sage.
M. Léopold Delisle ( de l’Institut ) révéla récemment son
nom d’après deux traductions qu’il avait trouvées dans les
manuscrits de l’Académie impériale et dont Jacques Beau-
chant était Fauteur. L’une de ces traductions est un livre de
Sénèque et l’autre est intitulée les Voies de Dieu.
— 115 —
A l’aide des prologues composés par l’auteur et des mi¬
niatures qui accompagnent le manuscrit, M. Demaze
cherche à faire connaître Beauchant : « Beauchant était
» humhle de cœur , dit-il ; son langage est plein de recon-
» naissance pour le roi son bienfaiteur, et les pourtraictures
* nous le montrent toujours agenouillé devant son redouté
K seigneur. »
La Maison^ par Ch. Lucas, architecte. — Dans une
publication récente, un célèbre économiste écrivait que la
Maison était une des bases de l’ordre social. Malgré les
habitudes de cosmopolitisme et de vie errante qui tendent
de plus en plus à prévaloir dans nos mœurs, combien de
personnes encore ne peuvent songer sans émotion à la
maison paternelle , cette patrie de la famille. C’est bien là
l’idée que M. Lucas se fait de la maison , et il pense avec
raison nous intéresser en nous montrant ce qu’étaient les
habitations de nos ancêtres.
Après quelques mots consacrés aux premiers abris de
notre race : les cavernes , la tente , la cabane de bran¬
chages, etc. ; il parle de la maison romaine , si exiguë, que
nous nous figurons à peine comment le père de famille
pouvait y loger les siens.
Les maisons Gallo-Romaines consistaient en un simple
rez-de-chaussée surmonté quelquefois d’un tout petit étage,
le tout sans fenêtres sur la rue. Les appariements étaient
groupés autour de deux cours intérieures destinées , l’une
aux étrangers, l’autre à la vie d’intérieur. LesFrancs-Méro-
vingiens exhaussèrent l’étage et fortifièrent la maison, pour
résister aux brigandages si communs à cette époque.
Au moyen âge, les maisons bourgeoises prirent leur
jour sur la rue. La porte d’entrée, s’ouvrant également sur
la rue, donnait accès à la Grande salle où l’on festoyait.
Les chambres à coucher étaient à l’étage. A mesure que la
¥
— 114 —
population augmente, le nombre des étages s’accroît ; on
les construit en bois et on les fait avancer au-dessus de
la rue.
Ce mode de construction , uni aux décorations artis¬
tiques , sculptures, fayences , verres dérouleur, etc.,
donne aux maisons de cette époque un cachet tout par¬
ticulier. J. G.
AC.\DÉM1E ROYALE DE BELGIQUE. — CLASSE DES SCIENCES (^)
Travaux courants
Les communications présentées à l’Académie pendant
les mois de janvier et février 18T0 comprennent quelques
renseignements sur V Aurore boréale observée à Bruxelles
et à Louvain , le 3 janvier 1870 ; des considérations mathé¬
matiques et physiques , sur la Scintillation des étoiles , par
M. Montigny; une nouvelle note sur le développement de
Vœuf et de Vembryon des Sacculines ^ petits crustacés para¬
sites qui vivent fixés sur la queue des Crabes, par M. Ed.
Van Beneden ; la description d\ine nouvelle espèce de
lézard du genre Varan qui existe au Musée de Bruxelles,
par M. -P^eudomme de Borre ; la description d’une dent
d’un nouveau genre de poisson fossile trouvé dans la craie
de Meudon [Ankistrodus splendens)^ par M. de Koninck.
31. le baron de Ryckolt a trouvé à Woncq, village du
Limbourg, sur le Geer, un dépôt d’argile identique sous
tous les rapports avec celui de Boom , près Anvers. Les
fossiles sont encroûtés de pyrite et présentent extérieure¬
ment le même aspect que ceux de Boom.
iVofe sur VOrgane reproducteur du Psilotum triquetrum ,
par 31. Kickx , professeur de botanique à Füniversité de
Gand. — Le Psilotum triquetrum est une plante d’un port
étrange, très-répandue dans toute la zone intertropicale de
(q Bulletin, 2.* série, t. xxix , p. 1 et suiv.
— 115 —
l’hémisphère austral et cultivée depuis quelque temps
par M. Kickx, dans les serres du jardin botanique de
rUniversilé de Gand. Heureuse Université de Gand, qui
n’est peut-être pas la première de Belgique, mais qui pos¬
sède néanmoins un jardin botanique et des serres, où
peuvent travailler professeurs et élèves. Combien de Fa¬
cultés de notre beau pays de France sont dans ce cas ?
Et l’on s’étonne que l’Enseignement supérieur soit plus
florissant à l’étranger que chez nous !
Le Psilotum appartient à la petite famille des Lycopo-
diacées composée de 4 genres dont un seul , celui des
Sélaginelles , était complètement connu sous le rapport de
son mode de reproduction. M. Kickx a entrepris de combler
une lacune de la science , en étudiant celte importante fonc¬
tion chez les Psilotum triquetrum.
Chez les Sélaginelles, on constate deux ordres d’organes
reproducteurs: les microspores, qui paraissent jouer le
rôle d’élément mâle , et les macrospores ou graines , qui
germent en donnant immédiatement naissance à une petite
Selaginelle.
Chez les Fougères , dont la famille des Lycopodiacées est
si voisine , il n’existe qu’une seule espèce de spores: elles
sont neutres et au lieu de produire une jeune Fougère, elles
donnent naissance à une forme végétale embryonnaire que
l’on a appelée protothale et sur laquelle poussent les organes
reproducteurs mâles et femelles. Il y a donc chez les Fou¬
gères un mode de reproduction alternante , analogue à
celui des Ténias dans le règne animal.
Les Psilotum n’ont aussi qu’une seule espèce de spore.
M. Kickx, malgré ses expériences réitérées, n’est pas par¬
venu à les faire germer et par conséquent à résoudre direc¬
tement la question de leur analogie avec les spores de Fou¬
gères , mais il a constaté qu’elles se formaient de la même
— 116 —
manière et il en conclut avec beaucoup de vraisemblance
qu’elles doivent jouer le même rôle.
Les Psilotum seraient donc intermédiaires entre les Sela-
ginelles auxquelles ils ressemblent pour la forme et les
Fougères dont ils ont le mode de reproduction.
M. Tabbé Coemans, membre de l’Académie, dans le
savant rapport qu’il fait sur le travail de M. Kickx, trouve
ce rapprochement d’autant plus heureux que les Psilotum
ont un rhizome qui se distingue de celui des autres Lyco-
podiacées pour se rapprocher du rhizome des Fougères dont
les tiges dichotomes et presque sans feuilles ressemblent à
celles des Psilotum.
M. l’abbé Coemans termine son remarquable rapport en
signalant de nombreux traits d’analogie entre les Fougères
et les Lycopodiacées fossiles des terrains les plus anciens ^
et qui ne se retrouvent plus chez les représentants actuels
de ces familles.
« Il y a là comme un souvenir d’une origine commune,
» qui impliquerait une dichotomation de filiation à une
» époque antérieure , et, par conséquent, la formation de
» groupes intermédiaires. » J. G.
COURS PUBLICS.
Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille ,
par M. Gosselet.
Age secondaire — Ère des Reptiles. Les terrains secon¬
daires sont au nombre de trois : triasique , jurassique et
crétacé.
Ils sont composés de calcaires, de grès et d’argile, qui
dans nos contrées ont été peu modifiés postérieurement à leur
dépôt. Dans le terrain triasique sont situés les sels gemmes
de la Lorraine. Les calcaires jurassiques sont souvent
oolitiques, c’est-à-dire qu’ils sont formés depetits grains
— iir —
arrondis de la grosseur des œufs de poissons. De nos jours,
il se forme encore des calcaires oolitiques , sur les rivages
de la Floride par exemple, là où des eaux marines, chaudes
et riches en calcaire , viennent battre contre des récifs de
polypiers. Le terrain crétacé doit son nom à ce que une
grande partie de ses calcaires est à l’état de craie , c’est-à-
dire tendres, terreux , tachant les doigts. Mais il n’est pas
composé uniquement de craie, il renferme, comme le terrain
triasique et le terrain jurassique, des sables et des argiles.
La limonite ou sesqui-oxide de fer hydraté forme souvent
des bancs dans les terrains secondaires ; c’est le gisement
des minerais de fer du Nord de la France et de presque tous
ceux de la Belgique.
Les éruptions ont été relativement peu nombreuses' pen¬
dant l’âge secondaire. Les serpentines, roches vertes compo¬
sées de silicate de magnésie, datent en partie de cette époque.
Les fossiles les plus caractéristiques des terrains secon¬
daires sont les Ammonites et les Bélemnites, Les premières
sont des mollusques céphalopodes voisins des Nautiles ac¬
tuels. Elles avaient une coquille cloisonnée , enroulée sur
elle-même dans un même plan , et la suture des cloisons avec
l’enveloppe extérieure de la coquille se faisait par une ligne
très-sinueuse, simulant des découpures aussi élégantes que
celles des feuilles du Persil. Il y a des Ammonites de toutes
tailles depuis celle d’une lentille jusqu’à celle d’une grande
roue de charrette. Au Musée de Lille on voit une Ammonite
qui vient des falaises du Blanc-Nez et qui a 65 cent, de
diamètre. Les Bélemnites sont aussi des céphalopodes ;
mais leur coquille était intérieure et cartilagineuse. Elle
ressemblait à l’os de la Seiche ou plutôt à la plume du
Calmar. Il n’en reste que l’extrémité qui seule était calcaire;
sa forme cylindrique terminée en pointe est celle d’un
cigare. Les Belemnites comme les Seiches possédaient une
— 118 —
poche à encre. On a retrouvé une de ces poches dans une
couche de calcaire ; on a pu délayer de nouveau l’encre , et
s’en servir pour dessiner l’animal restauré de la Belemnite.
Les poissons de l’âge secondaire appartiennent en partie
aux mêmes ordres que ceux de l’âge primaire, mais on voit
apparaître beaucoup de formes qui rappellent nos poissons
actuels. Les reptiles se présentent au contraire avec une
organisation bien plus variée et bien supérieure à leur
organisation actuelle. Parmi ces formes aujourd’hui perdues
on peut citer les Ptérodactyles — reptiles volants — qui rap¬
pelaient nos Chauves-Souris par leur structure et par leurs
mœurs ; les Iguanodons , herbivores amphibies comme
l’Hippopotame, d’une taille voisine de celle de l’Eléphant ,
etdont les jambes étaient assez longues pour que leur corps
ne traînât pas sur le sol ; les Mégalosaures qui avaient la
même forme et presque la même taille que les précédents ,
mais dont le régime était uniquement carnivore ; les Ichtyo¬
saures , reptiles-poissons , comparables à nos crétacés ; les
Lahyrintodons , batraciens dont quelques - uns acquéraient
une taille gigantesque.
Les plus anciens mammifères connus remontent aussi à
l’âge primaire. C’était de petits animaux insectivores de la
grandeur de l’Ecureuil et appartenant à la sous-classe des
Marsupiaux que l’on voit reléguée maintenant en Australie.
Pendant les périodes triasique , jurassique et le commen¬
cement de la période crétacée , la Flore fut la continuation
apauvrie de la Flore primaire, les Lepidodendron avaient
disparu , les Calamites avaient fait place à de véritables
Prèles qui d’abord de grande taille ne tardèrent pas à dé¬
croître, les dicotylédonées gymnospermes régnaient sans
rivaux dans les forêts de cette époque. Si les Sigillaires
avaient disparu, les Conifères et les Cycadés s’étaient con¬
sidérablement multipliés.
— 119 —
Dans la seconde partie de l’époque crétacée d’autres dico-
tylédonées appartenant au groupe des Apétales viennent se
substituer aux Gymnospermes. Ce sont surtout des Protéacés
qui de nos jours habitent l’Australie , et que l’on cherche à
acclimater dans nosjardins [Gremllea, Banksia, Hakea).
Au commencement de l’âge secondaire , presque toute la
France était exondée, tandis que la mer couvrait l’Allemagne
et venait battre les rivages des Vosges. Peu à peu elle
s’avança vers l’ouest. Pendant la période triasique, elle
recouvrit le Luxembourg et pénétra peut-être jusque près
de Spa. Pendant la période jurassique, elle avança progres¬
sivement le long du bord méridional de l’Ardenne, recou¬
vrant les lieux où sont situés maintenant Sedan , Mezières,
Hirson. De ce dernier endroit le rivage s’étendait jusqu’à
Boulogne-sur-Mer en passant au nord d’Arras. La période
crétacée vit la mer dépasser ces limites et gagner vers le
nord recouvrant la Picardie, le Cambrésis, le Hainaut et
la Flandre. Elle formait aux environs de Mons un golfe qui
pénétrait assez avant dans l’intérieur du continent, con¬
tournait au nord les terrains anciens du Brabant, et revenait
baigner la Hesbaye et le pays de Liège , pour s’étendre
ensuite en Allemagne et dans le nord de l’Europe.
BIBLIOGRAPHIE
HISTOIRE DES ÉTATS DE LILLE
par M. de Melun (*)
Les institutions modernes ne peuvent être bien comprises,
croyons-nous, que lorsqu’on les suit , depuis leur origine , à
travers les transformations qu’elles ont subies avant d’ar¬
river au point où nous les voyons aujourd’hui.
Extrait des Mémoires de la Société des Sciences, eic. , de Lille, '
1860- 1869.
— 120 —
Ces considérations nous sont suggérées par le travail de
M. de Melun , qui nous montre , dans les Etats de Lille ,
le premier modèle des Conseils généraux actuels^ mais avec
des attributions plus larges quant au maniement des
finances.
Dans un autre ordre d’idées , l’étude qu’en a faite M. de
Melun est une page de notre histoire nationale. En mettant
au jour le mécanisme des assemblées de Flandre, il nous fait
connaître, par cela même, ce qui se passait dans les diverses
parties de la France, connues jadis sous le nom de Pays
d'Etats , pays qui conservaient , pour la répartition et la
levée des impôts, pour les travaux publics de la province,
pour les établissements d’instruction et de charité, une
administration libre, sous la direction d’une assemblée
d’évêques, de seigneurs propriétaires, de représentants
des villes, (i)
A Lille , par exception , les Etats n’étaient composés que
du Magistrat ou corps municipal de la ville, et des députés
de Douai et Orchies.
En publiant le résultat de ses études, M. de Melun a eu
encore une autre pensée : « Plusieurs fois , dit-il (2) , en
lisant les chartes qui ont fondé dans les Flandres les
libertés communales , en nous rendant compte de ses ins¬
titutions politiques et civiles , nous avons été frappé des
franchises dont jouissaient nos pères à une époque reculée,
et nous nous sommes demandé si la liberté, si généralement
réclamée de nos jours, n’existait pas sous sa forme la plus
pratique et avec ses éléments les plus essentiels dans un
temps que l’on se représente trop souvent comme livré à la
confusion et à l’arbitraire. C’est la réponse à cette question
(h M. F. Laferriôre. Cours de droit public et administratif; introd.
p. XXXIV.
(2) Mémoires, 1860, p. 237.
— (21 —
que nous nous proposons de rechercher dans l’étude d’une
province qui, malgré son peu d’élendue, offre un curieux
spécimen de l’administration de toute la Flandre. >
Maintenant que nous connaissons le triple but qu’a voulu
atteindre M. de 3Ielun , nous allons donner un aperçu de
cette période de cinq siècles traversée par les Etats de Lille,
sans rien perdre de leur liberté d’action, sauf peut-être sous
la monarchie absolue.
On sait en effet que Louis XIV voulait détruire partout le
le système administratif des Etats provinciaux , pour établir
définitivement l’autorité de ses intendants , et que s’il ne
mit pas à exécution, dans nos pays , ses projets de centrali¬
sation , c’est uniquement dans son intérêt personnel, <r c’est
qu’il se vit obligé , dans l’intérêt même de sa force contre
l’étranger , de maintenir les Etats dans les provinces fron¬
tières. ï (^)
Qu’étaient-ce que les Etats de Lille ?
Au commencement du XIV. * siècle, les villes de Lille,
Douai et Orchies et les terres qui en dépendaient étaient dé¬
membrées du comté de Flandre pour devenir la toute pro¬
priété du roi de France ; ces villes et terres , désignées sous
le nom de Châtellenie de Lille, formaient seules les Etats.
A l’origine , ceux-ci étaient composés du Magistrat de Lille
et des députés des deux autres villes. Plus tard les grands
seigneurs féodaux , qui prétendaient qu’on ne pouvait
imposer leurs vassaux sans leur permission, « éprouvèrent
le besoin de se concerter avec les magistrats des villes ,
pour se défendre contre le fisc , ennemi commun des con¬
tribuables. » De là leur incorporation dans les Etats qui res¬
tèrent tels jusqu’au moment où la Révolution de 1789 vint
faire table rase des anciennes institutions.
(9 M. F. Laferrière; ibidem. Introduction.
— 1-22 —
Dans Ions nos pays le droit de se gouverner soi-même
existait de temps immémorial. Partout nous voyons des com¬
munautés d’habitants ( derniers vestiges , peut-être , des
anciennes confédérations germaniques appelées Ghildes) ,
nommant leurs magistrats et jouissant par conséquent de
franchises et privilèges dont le maintien était confié aux
magistrats élus.
Mais la brigue , la cabale , la corruption ne se mêlaient-
elles pas aux élections d’alors?
Il s’agissait, comme on le sait, de fonctions qui mettaient
aux mains des administrateurs , aux mains des riches, faciles
les uns à l’égard des autres, comme dit Beaumanoir, toute
la fortune des municipalités.
Quoi qu’il en soit, il est curieux de voir les précautions
pri.«ies à Lille pour le renouvellement de la loi , c’est-à-dire
pour la nomination de nouveaux magistrats.
Comme le Magistrat de Lille tenaille premier rang aux
Etats, nous allons le faire connaître en extrayant, du livre
de M. de Melun, quelques renseignements qui nous permet¬
tront de juger si , en dehors même des élections , des ga¬
ranties d’indépendance et de lumière n’assuraient pas une
bonne administration.
« Cette nomination avait lieu chaque année par l’inter¬
médiaire des commissaires du prince.
» Le gouverneur et le premier président de la Cour des
Comptes furent longtemps les deux premiers commissaires
nommés. Ce dernier fut remplacé par Vîntendanl sous la
domination française.
i Avant de faire connaître leur choix , ils juraient qu’ils
n’éliraient que des gens capables et sans reproche qui , par
eux-mêmes et par leurs parents et amis , n’avaient fait
aucun présent ou promesse. Apres ce serment , les rewart ,
- . 125 —
mayeurs et échevins juraient à leur tour de dire sincè¬
rement leur avis sur les personnes nommées dont la liste
leur était remise. Ils examinaient alors si celte liste ne pré¬
sentait rien de contraire aux règles et aux coutumes en
vigueur et faisaient k ce sujet leurs observations qui devaient
être écoulées.
» Dès que Ton était d’accord , le premier commissaire
proclamait les nouveaux magistrats , qui prêtaient aussi le
serment de n’avoir pas usé de prières , dons ou promesses
par eux-mêmes ou par autrui , pour se faire élire , et s’en¬
gageaient à être échevins , droituriers et loyaux, à garder
les droits de Dieu , de l’Eglise et des orphelins , les fran¬
chises et privilèges de la ville et à ne juger , ni par amour ,
ni par haine , ni pour gain , ni pour perte... »
Au commencement du XIV.® siècle, les membres des Etats
se réunissaient à Lille, en présence du gouverneur, et
votaient les Impôts toujours très-considérables, puisque sans
parler de la guerre, les Etats avaient encore à pourvoir aux
demandes de subsides pour cause de joyeux avènements ,
de mariages , de rançons , etc.
Les princes qui se sont succédé dans le gouvernement de
la Flandre étaient toujours besoigneux d’argent et aug¬
mentaient volontiers , moyennant finances , les franchises
des communes.
Les assemblées délibérantes se ressentaient de cet état
de choses ; « les souverains qui les flattent et les caressent,
a dit Vanderhaer , historien des châtelains de Lille , sont
ceux qui ont le plus besoin de subsides « et il ajoute :
« Les Etals de Lille s’assemblèrent à part, et à la faveur
desdites assemblées sont introduites diverses façons de pro¬
céder inconnues au temps passé, étant d’ordinaire que celui
qui paie a souvent liberté de dire et faire choses extraor-
— 124 —
dinaires , et que les princes souffi'ent les caquets des gèlines
pour en retirer les œufs. »
Celte observation critique a été applicable dans tous les
temps , et l’auteur, qui croit que les libertés ne sauraient
se payer trop cher , nous fait voir Gharles-Quint lui-méme,
demandant à Lille un emprunt en échange de l’extention des
anciennes coutumes. »
Pendant cette première partie de leur existence, c’est-à-
dire depuis 1302 jusqu’à la domination espagnole, les
Etats, depuis que le roi de France avait la souveraineté
absolue sur les trois villes de Lille , Douai et Orcliies ,
n’avaient de compte à régler qu’avec le Prince; mais sous les
ducs de Bourgogne , et plus tard sous les rois d’Espagne ,
ils participèrent aux impôts généraux de la Flandre dont
ils payaient le l/8.e. Cependant les Etats de Lille s’assem¬
blèrent toujours à part et le Prince avait un revenu parti¬
culier. Par suite de cette disposition , les habitants de la
province étaient plus grevés que les autres sujets , mais cette
charge avait bien ses compensations. Vanderbaer remarque
que « grâce à sacrifice, il est libre au paysan et même au plus
pauvre mendiant , de se loger où bon lui semble , d’ap¬
prendre métier et sciences , d’acheter biens et héritages
allodiaux sans autre droit que doit l’acheteur noble , de
disposer librement de ses biens et de tout autre par contrats
et testaments, selon que fait le gentilhomme , comme aussi il
lui est permis de se mêler à la guerre sans congé du seigneur
du village. » ( à suivre ) Lecocq.
?<OTICE SUR NOYELLES-SUR-SELLE ET SES BARONS
par M. 1 abbé Desilve, curé de Basuel. (B
A cinq kilomètres de Bouchain , dans une vallée profonde
(1) Brocb, in-8.” de 39 p. avec plan (extrait du t. vu, 3.' série).
— 125 —
entourée d’un cercle de collines qui s’ouvre au sud et au
nord pour donner passage au cours de la Selle, est situé le
joli village de Noyelles , dont il est ici question. On trouve
des mentions fort anciennes de ce village où le monastère
de Saint-Pierre de Gand et celui de Saint-Amand possé¬
daient des biens dès le temps de Charlemagne et de
Gharles-le-Chauve.
Dans sa courte, mais très-bonne notice, accompagnée
d’un plan qui en augmente encore la valeur , l’auteur énu- •
mère d’abord les différentes formes du nom de Noyelles ,
Niella, Nigella, etc., dont l’étymologie Noda, Noa, en
roman Noue, proposée par M. Mannier et signifiant prairie
basse et humide, ne lui sourit point. Il donne ensuite
quelques détails topographiques et statistiques , dit un mot
des archives, fort pauvres du reste, dont il a disposé et,
son cadre ainsi préparé , il aborde l’histoire du village et
celle des familles de Gondel, de Montigny et de Carondelet
qui ont successivement possédé la seigneurie de Noyelles-
sur-Selle. — L’illustre maison de Carondelet, originaire
de Bourgogne, eut pour berceau, dans la Flandre et le
Hainaut, le château de Potelles, près du Quesnoy , qui est
peut-être le plus beau monument de l’architecture féodale
dans nos contrées , dont il est fait ici une description fort
intéressante et d’une tournure littéraire qui est loin de la
déparer.
Enfin, quelques actes transcrits ou renseignés dans un ap¬
pendice terminent cette excellente monographie qui se re¬
commande autant par les sérieuses recherches qu’elle a coû¬
tées, que par la netteté du style, et dont la Société impériale
des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille, a voté l’im¬
pression dans ses mémoires après l’avoir couronnée d’une
médaille d’argent. — L’histoire de Noyelles-sur-Selle, petite
commune qui n’eut jamais plus de 700 habitants, estun sujet
— 126 —
de trop mince importance pour que cette compagnie ait pu
lui accorder une plus haute récompense ; mais ce n’est ,
croyons-nous, que partie remise. M. l'abbé Desilve, homme
dégoût et d’érudilion , vient de donner la preuve qu’il
pourrait traiter et traiter en maître un sujet beaucoup plus
considérable. ïh. Leuridan,
bibliolhécaire-arcliiviste de Roubaix.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
Histoire naturelle. Les Hirondelles. — Lorsque paraîtra
le présent numéro du Bulletin, les Hirondelles auront fait
leur apparition à Lille et ce petit événement, commenté
comme chaque année, aura été accueilli avec un gai sou¬
rire par toutes les personnes qui voient fuir l’hiver avec
plaisir. C’est que l’arrivée des Hirondelles et celle du prin¬
temps ont une telle connexité que de tout temps on a
regardé le gentil oiseau comme le messager fidèle de la
belle saison.
Cette concordance, pour être fréquente, n’en est pas
moins quelquefois en défaut , et il arrive des années où les
premières Hirondelles du commencement d’avril sont sur¬
prises dans leNord par des retours de frimas qu’elles étaient
certes loin d’avoir prévus. Le vieux proverbe latin : una
hirundo non facit ver, n’a jamais cessé d’être vrai.
En parcourant dernièrement les Tableaux des phéno¬
mènes périodiques publiés par l’Académie royale de Bel¬
gique , j’ai trouvé une série complète d’observations sur
l’arrivée des Hirondelles en Belgique, depuis 1841. Elles ont
été faites à Ostende , Gand , Bruxelles, Liège, et, moins
régulièrement, sur quelques autres points intermédiaires.
La distance entre notre latitude à Lille et celle de cette
ligne d’observations est trop peu importante pour qu’on
— 127 —
doive en tenir compte, quand il s’agit d’oiseaux aussi fins
voiliers que les Hirondelles ; on peut donc admettre que les
dates d’apparition sont sensiblement les mêmes.
Mais avant de parler de l’arrivée , disons un mot du
voyage. D’où viennent les Hirondelles ? Cette question a
donné lieu pendant bien longtemps à des fables et à des
incertitudes qui n’ont été réfutées et résolues qu’au siècle
dernier. Aristote annonça qu’elles gagnaient en automne
les pays chauds , s’ils étaient proches , mais que s’ils étaient
éloignés, elles restaient et se cachaient; ce fut le thème
sur lequel, pendant plus de vingt siècles, brodèrent les dis¬
ciples du grand maître.
Pline rapporte qu’on trouve en hiver les Hirondelles en¬
gourdies , nues et sans plumes dans le creux des rochers.
Albei’t-le-Grand parle de chênes creux du nord de l’Alle¬
magne, pleins d’Hirondelles ; elles s’y pelotonnaient si bien
qu’elles y conservaient par leur contact la température
nécessaire pour ne pas mourir de froid.
L’évêque Olaus Magnus raconte que souvent , dans les
contrées septentrionales, les pêcheurs retiraient du fond
de l’eau en hiver des groupes d’Hirondelles entrelacées, qui
s’y étaient laissé tomber au commencement de l’automne,
pour en ressortir en avril , et regagner leurs anciens nids ;
d’autres auteurs affirment en avoir vu retirer ainsi des puits
et des citernes.
Ces croyances , qui généralisaient quelques faits isolés
et mal interprétés , furent accueillies , jusqu’à un certain
point , par Buffon lui-même qui n’osa pas les révo¬
quer tout à fait en doute ; mais aujourd'hui il est reconnu par
I tout le monde, que nos Hirondelles vont passer l’hiver dans
, les contrées inlertropicales de l’Afrique. C’est du reste la
; seule chose que nous sachions pertinemment sur leurs faits
et gestes pendant les six mois de leur éloignement. Leur
— 128 —
genre de vie est-il le même , se montrent-elles là-bas aussi
familières avec l’homme qu’elles le sont en Europe, à quelle
époque y a lieu leur mue ? Tout cela n’est pas éclairci et ne
pourra l’être que lorsque ces contrées seront suflisamment
explorées.
Il est probable que celles qui séjournent dans la partie la
plus septentrionale de leur zône d’hivernement sont aussi
celles qui à leur retour s’avance le plus haut en Europe,
et qu’au contraire , les plus méridionales , qui auraient à
traverser un bien plus grand espace, restent dans les pays
circa-méditerranéens ; mais ceci non plus n’est pas prouvé.
Il ne paraît pas clair non plus que chaque couple revienne
au nid de l’année précédente ; c’est là une croyance popu¬
laire, appuyée sur des récits qui manquent d’authenticité.
Le fait pourrait avoir lieu quelquefois sans qu’il soit pour
cela habituel ; c’est , je crois , une exception plutôt qu’une
règle.
Voici la moyenne des dates de l’arrivée des Hiron¬
delles en Belgique, prises sur quatre ou cinq points
différents. Elles ne s’appliquent qu'à l’Hirondelle de che¬
minée [Hirundo rusiica ) , qui arrive toujours la première :
1841
15
avril
1854
8
avril
1842
9
avril
1855
9
avril
1843
11
avril
1856
12
avril
1844
7
avril
1857
13
avril
1845
1
avril
1858
9
avril
1846
30
mars
1859
11
avril
1847
6
avril
1860
8
avril
1848
3
avril
1861
4
avril
1849
8
avril
1862
6
avril
1850
5
avril
1863
3
avril
1851
6
avril
1864
4
avril
1852
2
avril
1865
7
avril
1853
10
avril
1866
13
avril
Moyenne générale : 7 avril.
Dates extrêmes : 30 mars (1846).
13 avril (1857).
Je dois faire observer que presqu’invariablement les
— 1-29 -
observations faites à Bruxelles donnent une date d’arrivée
plus précoce que les autres, ce qui provient sans doute de
ce que les notes y sont prises plus exactement , par des
personnes placées ad hoc , sous les yeux de l’organisateur,
M. Quetelet. Elles nous donnent très-probablement la date
d’apparition des premières Hirondelles, arrivant isolé¬
ment, et comme avant-garde, tandis que les autres ne
relatent que l’arrivée plus apparente du corps d’armée.
La moyenne de ces observations de Bruxelles porte le 2
avril, d’où nous pouvons conclure que dans nos contrées,
la moyenne d’arrivée des premières Hirondelles est le 2
avril, la moyenne d’arrivée des bandes plus nombreuses ,
destinées à se fixer pour l’été , le 7 avril.
Les mêmes Tableaux des phénomènes périodiques enre¬
gistrent les époques d’apparition de nos deux autres espèces
d’Hirondelles : l’Hirondelle de fenêtres , {Chelidon urbica)
et THirondelle de rivage, [Cotijle riparia) ; il en résulte que
la première arrive, en moyenne, douze jours plus lard que
l’Hirondelle de cheminée, le 19 avril, et l'autre cinq jours
après , le 24 avril.
Quant au Martinet noir [Cypselus apus) on peut fixer sa
date moyenne d’arrivée au 1.®^ mai. .
Je crois intéressant de terminer cette note, en trans¬
crivant un journal d’observations que je trouve dans le
même ouvrage, sur la nidification d’un couple d’Hiron¬
delles de cheminée qui, en 1854, à Ostende, avait élu
domicile dans le corridor d’une maison :
10 mai. — Deux Hirundo rxislica s’engagent dans le
long corridor d'une maison habitée ; elles visitent les ap¬
partements et se reposent sur les meubles élevés.
18. — Elles reviennent , passent la nuit cramponnées
sur une îïrosse tête de clou, à 8 centimètres environ du
plafond.
19. — Première apparition d’un peu d'argile contre
le clou.
— 150 —
20, 21, 22. — Apport de matériaux, limons de prove¬
nances diverses, argile, brins d’herbe. Elles laissent tomber
sous le nid une panicule de Bromus sterilis. C’est surtout le
malin que se fait la besogne.
23. — Les Hirondelles ne font rien. Il faut que les maté¬
riaux sèchent.
24. — Le gros clou est presqu’entièrement engagé dans
largile ; la base du nid , plus épaisse , forme une portion de
cercle ; quelques brins de graminées pendent hors de la
terre ; l’oiseau se place à l’intérieur pour appliquer le limon.
26. — Le bord supérieur est achevé d’un côté; les deux
oiseaux passent la nuit dans le nid.
27. — Le nid est achevé extérieurement. Une troisième
Hirondelle s’y introduit, elle est chassée à coups de bec.
28. — Le nid se garnit à l’intérieur de brins d’herbe.
29. — Nouvel apport de brins d’herbe, Bromus sterilis,
Poa pratensis ; les deux oiseaux passent la nuit posés au
bord du nid.
juin. — La femelle pond. Elle reste longtemps au
nid , le mâle gazouille près de là , sur une porte.
2,3,4. — Second, troisième et quatrième œuf; ce
nombre n’est pas dépassé ; le mâle chante dès 3 heures et
demie du matin.
5 et Jours suivants. — Couvaison.
23. — Un œuf clair est jeté hors du nid.
26. — On entend les cris de trois jeunes qui reçoivent la
becquée.
6 juillet. — Les plumes ont poussé, le duvet gris perce
encore.
8. — Des abeilles apportées par les parents gisent à terre
sous le nid , à demi mortes.
13. — Un des jeunes s’envole ; il reçoit la becquée sur
une corde.
14. — Les trois oiseaux volent. Toute la famille couche
dehors. Les jours suivants ils font ensemble ou séparément
quelques visites au nid. A. de Norguet.
Archéologie préhistorique. — Dolmen. — Dans un des
faubourgs de Namur , nommé Jambes , sur la rive droite de
la Meuse , entre le fleuve et les rochers qui le bordent ,
s’élevait, il y a 50 ans, une table de pierre calcaire, rec-
— 131 —
tangulaire, de 6 mètres carrés, portée à 2 mètres du sol par
deux supports de même nature : on la nommait la Pierre
du Diable.
Selon une tradition répandue dans le pa^s, la pierre du
diable serait l’autel d’une idole du nom de Nam , renversée
par saint Materne, premier prédicateur du Christianisme
dans le pays de Naniur. Mais il est évident que cette pierre
est un Dolmen.
Quel est l’âge des Dolmens? à quel peuple doit-on les
rapporter? d’où venait ce peuple? et que devint-il? Ce
sont autant de questions que la science n’est pas encore
parvenue à résoudre. Le seul point certain , c’est que les
Dolmens ne sont pas dûs aux Celtes de César et qu’ils ne
jouaient aucun rôle dans la religion des Druides.
Avant 1753 la pierre du diable était complètement isolée.
A cette époque un Italien construisit dans le voisinage une
petite maison , enferma la pierre du diable dans sa cour et
fouilla le sol tout autour pour l’aplanir ; il trouva les
débris d’une enceinte formée de pierres levées semblables
au support de la table ; il y retrouva aussi des briques
romaines et des monnaies de cuivre des siècles de l’ère
chrétienne.
La pierre du diable fut détruite en 1820 ; on doit le
regretter et espérer qu’il n’en serait plus de même de nos
jours : il n’est pas un gouvernement qui n’employât tous
les moyens que la loi lui confère pour conserver un monu¬
ment aussi intéressant pour l’histoire nationale.
Nous avons extrait ces détails d’un long mémoire sur
les Dolmens, publié récemment par M. Schuermans , con¬
seiller à la cour de Liège. L’existence de semblables monu¬
ments dans nos contrées est si rare que le fait nous a paru
intéressant à signaler. J. G.
— 152 —
CHRONIQUE.
il^umisitiaticiue. Médaille égyptienne. — Dans le
compte-rendu analytique de la séance tenue le 4 août par
la Société d’émulation de Cambrai, on lit la description de
trois médailles antiques trouvées en terre, à deux mètres
de profondeur , dans le faubourg du Cateau.
La première médaille porte sur la pile, dit le compte¬
rendu, un Aigle tourné à gauche, entouré de ces mots
tracés par un grènetis : AAESA.N basiaeos. . . Au revers ,
est une Tête d’homme ceinte d’une bandelette et tournée à
droite.
Sans avoir vu la pièce, nous croyons que, sur cette
donnée , il est impossible de l’attribuer à aucun Alexandre
de Macédoine ou de l’Empire romain. Puisque les carac¬
tères sont formés par un grènetis, la médaille doit être
égyptienne. Au lieu d’AAESAN, il faudrait lire : htoAEMAIoY,
et tout s’expliqaerait parfaitement ; ce serait Piolémée Lagus
ou Ptolémée Evergète. La légende est peut-être fruste ;
l’omicron toujours petit, est sans doute peu lisible, et la
place occupée par les lettres ae.a aura trompé le lecteur.
Rien à dire de la pièce grecque à légende incomplète ni
de la médaille d’Aurélien, sinon que celle-ci étant posté¬
rieure à la première de cinq siècles au moins, l’enfouisse¬
ment doit être relativement peu ancien , et qu’on ne peut
tirer de leur réunion aucun indice historique. On ne trouve
guère de médailles grecques gisant avec des médailles
romaines d’époque différente , mais. . . le vrai peut quel¬
quefois n’être pas vraisemblable. E. Van Rende.
IVaniisiBfiiatlque. Découverte de monnaies, — Je vous
parlais, tome ii, p. 40, de 160 méreaux trouvés à Lille
dans le fond d’une armoire ; voici une autre trouvaille du
— 153 —
même genre faite dans des conditions identiques, et que je
dois à la gracieuseté d’une personne de ladite ville. La tota¬
lité de ces méreaux se décompose ainsi :
1. ® Saint Etienne debout; bractéate décrite dans
Van Rende (Numismatique lilloise)^ n.'’ 594 G. 939
2. ® La tête du Sauveur entourée d’une auréole ;
bractéate ; inédite. G. 170
3. ® La lettre R accostée de deux couronnes et en
contremarque une R couronnée ; Revers : la let¬
tre S ; inédite. PL 18
4. “ Tête de mort sur deux humérus entourée de
trois petites fleurs de lis ; Rev. les initiales d’un
nom de famille ; inédite. PI. 1
5. ® Mitre accostée de trois étoiles , le tout frappé en
creux ; Rev. mêmes initiales ; inédite. PL 2
6. ® Le buste de saint Etienne accosté des lettres S. E.
et de deux étoiles, en dessous une fleur de lis ;
Rev. mêmes initiales ; inédite. PL 1
7. ® Grande étoile accostée des lettres S. E. et en¬
tourée de rosaces; R. mêmes initiales; inédite. PL 1
8. ® Sainte Gatherine debout ; uniface. Van Rende,
n.» 602. PI. - 1
9. ® Saint Nimbé tourné à gauche ; Rev. ces mots eu
trois lignes : A Sainte Catherine ; inédite. PL 1
Total. . 1134
Cette découverte m’a fourni un certain nombre de pièces
très-curieuses pour notre série lilloise ; qui sait si les
armoires de notre ville ne nous réservent pas encore d’autres
surprises agréables ? H. Rigaux fils,
Biograpliic. Simon Stevin s est-il fait protestant? —
Philosophe, mathématicien, ingénieur civil et militaire,
Simon Stevin est l’une des illustrations de la Belgique au
— in4 —
XVI.* siècle. Son œuvre scientifique a été décrite , dans
toutes ses parties, par les hommes les plus compétents.
Mais on n’est point fixé sur quelques-uns des points les plus
essentiels de sa biographie , tels que le lieu et la date de sa
naissance et de sa mort , la profession qu’exerçait sa
famille , etc. Enfin et surtout on se demande s’il abjura , ou
non, le catholicisme, lorsqu’il eut quitté la Belgique pour
se soustraire à l’intolérable despotisme du duc d’Albe. Ce
qui porte à croire qu’il a adopté le protestantisme, c’est
l’accueil empressé qu’il reçut de Maurice de Nassau et les
honneurs dont ce prince le combla.
Il y a quelque dix ans, les journaux belges ont fait grand
bruit d’un extrait des comptes de la paroisse de AVestkerke
près Ghistelles. De ce passage, alors produit pour la pre¬
mière fois , il résultait, assurait-on, qu’en 1619, c’est-à-
dire une année avant sa mort , Simon Stevin aurait fait , en
ladite église, une fondation de 84 messes. Cette découverte
semblait mettre hors de doute l’orthodoxie du savant belge.
Dans une brochure toute récente , M. Van den Bussche,
archiviste de la Flandre occidentale , prouve que la fon¬
dation dont il est parlé dans le compte de 1619 remonte à
1434, qu’elle n’a pas eu pour auteur un Simon Stevin ou
Stevens , mais qu’elle a été faite en vue d’expier le meurtre
d’un obscur personnage de ce nom.
La question de l’abjuration du savant belge reste donc
entière et ne recevra de solution que si l’on parvient à dé¬
couvrir des textes plus explicites que ceux jusqu’ici allégués.
A. D.
liang^iac française. — Dans le Mémorial d'Amiens du
4 mars 1870, M. Michel Vion , chef d’institution , appelle
l’attention sur un mouvement de réforme qui se produit,
surtout chez les peuples voisins, pour modifier l’ortho¬
graphe de notre langue. Il en donne comme exemple
— 155 —
l’article suivant extrait d’un journal belge le Progrès :
Un évènement dans la langue française. — On sait avec
quelle prudence agit l’Académie française, dans la réforme
qu’elle introduit tous les demi-siècles dans le remaniement
de son dictionnaire ; elle n’admet que les idées qui ont été
acceptées par l’opinion éclairée de la population depuis
vingt et trente ans. Cela n’empêche pas qu’elle doit sous
peu étonner beaucoup de monde. Nous croyons savoir que
son nouveau dictionnaire , qui doit apparaître sous peu,
contiendra les réformes ci-dessous :
Substitution 1." de c tà ch dur: caos , éco, arcange,
clore, politecnique ; 2.“ de f k pli dans filosofe , fosfore,
fotogratie ; 3.° de j à g doux : gnjiire, rejimber, jesier ;
4.” de c, s à H dans ambicieux, démocracie, facécie ; 5." de
s kx dans : chous, caillons, verrous, etc. ; 6.“ de i simple à
y dans slile, juri, tilburi ; 7.® de ance à ence k la fin des
mots : providance, existance ; 8." de ant à ent pour les ad¬
jectifs et les substantifs verbaux : présidant, courant.
Suppression 1.® de /i muet : orizon, onneur , omme ,
abit ; 2.° de h après r et f : rume , rinocéros , rubarbe ,
absinte , catolique ; 3.” des consonnes doubles qu’une bonne
prononciation ne doit pas faire entendre : patroner, charue,
j’apèle ; 4.® des traits d’union : c’estàdire , bassecour.
M. Vion est plus radical encore; il voudrait voir adopter
un alphabet international et une méthode rationnelle d’écri¬
ture fondée sur la phonographie. J. G.
AfétéorologSe : MARS
1870
Température moyenne . 4.® 167
» » des minima . 1.'’ 638
ï » des maxima . 6." 697
JJ extrême minima, le 14. — 2." 30
» » maxima, le 2.. 17." 60
Baromètre hauteur moyenne à 0.". . . . 760"’"'330
» hauteur extrême minima, le 12. 75l""’‘20
» j> » maxima , le 20. . 772"’"'32
Tension de la vapeur atmosphér . 4"‘'“9o
Humidité relative moyenne °/o . 80.0
Epaisseur de la couche de pluie . 55'.""‘81
» de la couche d’eau évaporée. . 39“"! 7
MARS
aimée moy.
5." 4o4
758r 566
5““ 35
77.71
45r 857
46r 32
— 136 — .
Le mois de mars, premier mois du printemps météoro¬
logique , fut froid et humide : le ciel fut très-nébuleux et la
tension électrique considérable.
Plusieurs halos solaires et lunaires furent observés et
toujours leur apparition fut suivie de pluie ou de neige
dans les 24 heures.
Le 3 vers 3 heures du soir , le vent qui , pendant toute la
journée avait soufflé du S. -O. , saute au N.-E. ; à 9 heures,
il tombe un peu de pluie. De iO h. 43 à 11 h. éclairs sans
tonnerre, 11 h. petite pluie, 11 h. 30, éclairs, tonnerre,
forte pluie fournie par les nuages et la deuxième coucbe
venant lentement du S. ; vent N. -E. fort, l’orage dure peu;
à minuit le ciel est couvert par de grands cumulus de la
couche inférieure, la pluie tombe encore.
Il y eut 10 jours de neige et l’eau provenant de la fonte
forma une couche d’une épaisseur de 26'”'“ 80 , la coucbe de
pluie fut de 28”“ 71 , celle de l’eau de grêle 0”” 30.
Le 23 pendant toute la matinée et une partie de l’après-
midi , il tomba de temps en temps de la neige avec plus ou
moins d’abondance, mais de 4 h. 30 à minuit, elle fut
continue , vent N. Une partie de cette neige se fondit au fur
et à mesure de sa chute , caria température atmosphérique
était au-dessus de 0° ; mais peu-à-peu l’air se refroidit, la
fonte cesse de se produire et à minuit les toits et les places
publiques sont couverts d’une couche de 3 centimètres.
Le 28 la fonte de la neige , sur les toits d’ardoises surtout et
dans les goutières , n’était pas encore achevée.
Le nombre des jours de pluie fut de 23 ce qui contribua à
maintenir les couches d’air en contact avec le sol dans un
état d’humidité défavorable à l’évaporation. Cette humi¬
dité causa encore des brouillards permanents et des rosées
assez fréquentes et abondantes.
Les vents dominants fui ent ceux de N.-E. et N. -O. froids
et forts qui régnèrent pendant 29 jours. V. Meürein.
Le Gérant : Ë. Castiaux.
TYP. DE BLOCQCEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2.® Année. — N.° 5. — Mai 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DUNKERQÜOISE
Mémoires t. xiv ; 1869.
L’année 1869 a privé la Société dunkerquoise de plusieurs
de ses membres les plus actifs. MM. L’Hote, vice-président,
Gütblin , secrétaire perpétuel, et Delègue ont quitté le pays.
M. L’Hote s’occupait des questions artistiques et littéraires
en les envisageant de haut. Ses nombreuses publications, par
leur généralité même , intéressent si peu notre région que
nous nous bornerons à mentionner le titre de celles qu’il a
insérées dans le présent volume :
Philosophie de Part (suite) : Les maîtres naïfs ; Cimahue
et Giotto; Raphaël Sanzio. — Erreurs et préjugés historiques',
La mer a-t-elle baigné les murs d' Aigues-Mortes? — Les
femmes de Vantiquité : Cléopâtre. — Son voyage dans les
Ardennes françaises nous faisait espérer par le titre une
étude locale, mais ce n’est guère qu’une variation sur
quelque guide de voyage.
M. Delègue a pris Pascal pour son héros et on ne pouvait
certes-mieux choisir. Dans une première note qui a déjà
été insérée dans les Nouvelles annales de mathématiques ^
il montre que le Binôme de Newton a été inventé par
Pascal et , dans un second mémoire, il revendique, pour le
même savant, l’honneur d’avoir pris une part considérable
au développement des méthodes infinitésimales. Tous les
mathématiciens sont maintenant d’accord sur ce point et
rendent un hommage complet au prodigieux génie de l’in¬
venteur de la vinaigrette et du baquet.
M. Gütblin a publié une étude très-intéressante sur
— (38 —
Schiller considère comme poète lyrique. Il commence par
caractériser la poésie lyrique qui est l’image intime
des poètes. C’est donc par ses poésies lyriques que nous
pouvons le mieux apprécier le caractère et les sentiments
de Schiller. Nous y trouvons partout « le même respect du
talent et le même culte de l’art , la même sincérité , la même
estime de la force de volonté, le même soin de la dignité
humaine basée sur le libre choix du bien , sous le rayon de
clarté du vrai et sous le rayon de chaleur du beau. »
, Après avoir résumé les circonstances de la vie de Schiller,
M. Güthlin passe en revue ses principales œuvres lyriques
et il termine par une traduction en vers du poème de la
Cloche. Cilons-en une strophe qui montrera que le poète
n’a pas à se plaindre de son traducteur :
L’homme doit combattre,
Assaillir, abattre,
Dompter p r ses coups,
Le Destin jaloux.
Il laboure , il plante ,
Court et se tourmente
Du malin au soir.
Il pense et calcule,
Hasarde et spécule,
Augmente et cumule
Toujouis son avoir.
Aussi la fortune afflue et s'amasse ;
Aux vastes greniers , bien sur bien s’entasse ;
La maison s’accroit , envahit l'espace ;
El dans la maison.
L’épouse fidèle
Travaille avec zèle ;
Et par la raison,
Guide la aniille ,
Instruit la fille ,
Gronde le garçon ;
Et, sans re âche ;
Poursuit sa tache ,
Et, par mille efforts ,
Grossit les trésors ;
De riches atours emplit ses cassettes ,
Recouvre de fil le bruyant fuseau ;
Et , dans son armoire aux cases proprettes ,
Joint la blanche laine au lin le plus beau ;
Unit l’abondance
— 139 —
Et les doux attraits ;
Et sa diligence
Ne faiblit jamais !
M. Güthlin n’était pas le seul poète de la Société dunker-
quoise. M. Mordacq continue à célébrer les gloires du pays.
Cette année, il s’adresse à la Tour de Dunkerque :
Ce roi des clochers d alentour !
M. Everhaert est poète aussi et de plus improvisateur.
Parmi ses impromptus ^ citons le suivant remarquable par
la difficulté des rimes qui ont été imposées à l’auteur. Il fut
néanmoins composé en sept minutes et demie et au milieu
d’un bal :
Que de la liberté , l’odieux renégat
De ses lèvres jamais n’effleure le nougat ,
Que tout lui semble amer, même les confitures-,
Que ses pieds torturés d'horribles engelures
Le livrent sans réserve au féroce bedoum ;
Quïl plonge vainement sous l'eau , comme un marsouin.
Que saisi néanmoius captif d'une mégère,
11 traine un char pesant dans une horrible ornière.
MM. Everhaert et Herbewyn ont apprécié, au point de
vue musical , une opérette composée par un de leurs com¬
patriotes, M. Neerman fils, et représentée sur le théâtre de
Dunkerque , le 14 janvier 1869.
M. Alard , autre poète , traducteur en vers du pèlerinage
de Childe-Harold , a donné cette fois la traduction d’un
travail économique de M. ^Yykettam-Martin : Essai sur la
théorie du prix.
Le volume dont nous rendons compte contient encore
quelques travaux de feu Victor Derode. C’est d’abord une
conférence faite , le 22 février 1866 , sur la lillérature dra¬
matique contemporaine dont il déplore les tendances im¬
morales. Comme modèle il propose Scribe et Molière. Il
compare ces deux auteurs et termine par ces mots : « Scribe
est un homme d’esprit, Molière un écrivain de génie. »
Sous le titre de Bribes historiques nous trouvons aussi
— 140 —
des renseignements du même auteur sur quelques Fonc¬
tionnaires et agents publics à Dunkerque.
Derniers éclaircissements sur remplacement de Quentovic^
par M. Cousin. L’appréciation de ce travail par notre colla¬
borateur M. Desplanque prendra place dans un de nos
plus prochains numéros.
Excursions et fouilles archéologiques faites en 1868 dans
V arrondissement de Boulogne-sur-Mer , par M. Cousin. —
Il y a plusieurs années déjà que l’auteur a entrepris des
fouilles sur les anciennes sépultures des environs de Calais
et de Boulogne. Plusieurs de celles qu’il a exécutées dans le
courant de l’année 1868 ont été couronnées de succès , ce
qui devait être , car elles étaient conduites avec tout le soin
désirable et l’emplacement en était choisi avec la plus
grande sagacité.
Signalons d’abord la découverte de plusieurs haches en
silex, probablement polies — l’auteur ne le dit pas — à
Hervelinghem , Leulinghem et Sangatte.
Sur le Mont-de-Coupe à Audembert, à Bazinghem, à
Escalles, des mottes ou tumulus d’une hauteur moyenne de 1
mètre et de 10 à 15 mètres de diamètre , lui ont fourni des
squelettes couchés sur un lit de gravier ou recouverts de
cailloux. Le plus remarquable, celui du Mont-de-Coupe,
contenait un squelette de guerrier ayant à ses pieds une
hache en silex et près de lui deux poinçons en os, un
squelette de femme, ainsi que ceux de trois enfants et d’un
petit chien. C’est évidemment une sépulture de famille re¬
montant à l’époque de la pierre polie ou au commencement
de l’âge de bronze ; car , dans la motte de Bazinghem , les
ossements étaient accompagnés de morceaux de poteries et
de parcelles de cuivre rouge.
D’autres tumulus , de plus grandes dimensions , situés à
Rety , à Saint-Tnglevertet à Marck paraissent être plus ré-
— 141 —
cents: ils ont fourni des restes d’armures. Le dernier, entre
autres , selon M. Cousin est dû à une station de soldats bar¬
bares au service des Romains. (*)
Le long du chemin de grande communication de Wissant
à Guines, on a trouvé deux petits tombeaux romains con¬
tenant des pots en terre remplis de cendres : ce qui les fait
remonter à l’époque où on pratiquait encore l’incinération.
L’auteur a visité , en outre , plusieurs cimetières méro¬
vingiens qui avaient déjà été exploités avant lui , fouillé
le cimetière de Saint-Martin de Sclive à Sangatte , re¬
connu remplacement de l’ancienne église de ce nom dé¬
truite depuis plusieurs siècles , etc.
Le même village de Sangatte lui a donné occasion de
faire une observation très-importante.
« La plage, bien que couverte par la mer à chaque marée,
contient cependant quantités de murs de fondations, restes
d’anciennes maisons d’où on a retiré des médailles gau¬
loises et romaines. Comment comprendre que ces maisons
aient été construites et habitées dans un pareil endroit ?
Doit-on appliquer ici la théorie de l’exhaussement ou de
l’abaissement des côtes ? »
M. Cousin a parfaitement raison : Les preuves de l’abais.
sement des côtes de notre littoral depuis l’époque romaine
ne sont plus à donner. Le temple de Nehalennia situé à
l’extrémité de nie de Walcheren fut recouvert et enseveli
par les dunes à une époque indéterminée ; puis comme ces
monticules de sable reculent constamment vers l’intérieur
du continent, il fut découvert en 1647, mais celte fois
entre la dune et le rivage. En 1 695 , il était à 900 mètres en
pleine mer. Ainsi , pendant cette période , la mer gagnait
environ 14 mètres non point comme dans bien d’autres cas
par érosion de la côte, mais par simple submersion. Autre
exemple : En 1520, par des marées très-basses, on découvrit
{}) Bulletin 1. 1. , p. 226.
— 142 —
vis-à-vis Katwyk , à l’embouchure du Vieux -Rhin , à un
kilomètre en mer, des murailles de 8 pieds de hauteur,
reste de Brittenboug(arx Britannica) fondée parles Piomains
à l’embouchure du Rhin. En 1752, ces restes de murailles
avaient été détruits par les vagues et les pilotis sur lesquels
elles étaient fondées cessaient d’être visibles.
On pouvait par des considérations géologiques prouver
que l’affaissement de toute la côte s’étendait à l’ouest jus¬
qu’au cap Blanc-Nez. Nous devons à M. Cousin de le dé¬
montrer à l’aide des- monuments historiques. C’est d’autant
plus heureux que M.Belpaire supposait , par suite d’un rai¬
sonnement vicieux, que la mer ne gagnait sur le continent
qu’à l’est de Nieuport, tandis qu’elle se retirait à l’ouest de
cette ville, c’est-à-dire sur le littoral français.
Il y a encore bien des questions à résoudre au sujet de
ce phénomène : Les terrains jurassiques et crétacés du
Boulonnais, participent-ils au mouvement d’affaissement,
ou ne forment-ils pas une sorte de charnière immobile? Des
observations faites par M. Cousin à Wissant permettraient
peut-être de résoudre la question , mais je ne les connais
pas assez pour me former sur ce point une opinion.
L’affaissement se continue-t-il encore de nos jours ?
question capitale pour nos voisins les Hollandais. C’est cer¬
tainement à cet abaissement séculaire et insensible du
continent , qu’est dûe la situation de leur sol au-dessous du
niveau de la mer. Si le mouvement se continue , fatalement,
nécessairement, les digues seront vaincues et la Hollande
presque toute entière passera sous les flots.
Le volume des mémoires de la Société dunkerquoise se
termine par les observations météorologiques du docteur
Zandyck pour 1867. Nous y constatons pour Dunkerque
une quantité de pluie inférieure de près de moitié à celle
qui est tombée à Lille dans la même période. J.Gosselet.
143
Travaux courants
Dans sa séance du 3 février dernier, la Société dunker-
quoise a entendu le rapport de la Commission chargée
d’examiner le manuscrit que M. Derode avait terminé peu
de temps avant sa mort, pour une seconde édition de son
histoire de Dunkerque: il y a eu unanimité, parmi les
membres , pour déclarer qu’il est fort désirable que ce
manuscrit de 1 ancien président de la Société Dunkerquoise
soit imprimé ; car il contient beaucoup de détails intéres¬
sants qui manquent à la première édition laquelle est
d’ailleurs épuisée,
M. Bonvarlet a lu ensuite un travail de M. Carlier, de
Paris. Ce travail concerne l’honorable famille Thugghe de
Dunkerque, famille alliée à celle de Jean-Bart.
Une seconde lecture a été faite par M. Epinay, vice-
président de la Société ; elle a pour sujet ; La féodalité ,
dont l’origine , la cause et les principaux résultats sont
successivement expliqués par l’auteur.
Enfin , M. le président a lu la première partie d’un mé¬
moire intitulé : L'abbaye de Steneland , étude sur le nom
actuel du lieu où elle était située et sur l’emplacement
d’autres communes dans lesquelles elle avait des biens.
Une controverse s’étant élevée dans le monde érudit sur
la situation de ces localités , M. Cousin a cherché à se
former une opinion délinitive à cet égard ; il développe des
considérations qui concourent à placer à Steenkerque près
de Fumes ( Belgique ) , c’est-à-dire à quelques lieues de
Dunkerque , l’abbaye de Saint-Sauveur de Steneland, que
des savants mettaient en France dans l’arrondissement de
Béthune et d’autres dans le voisinage d’Anvers.
Vu l’heure avancée, la lecture de la seconde partie du
mémoire qui concerne la situation de trente-deux autres
144
localités est renvoyée à une prochaine séance mensuelle.
_ A. D.
SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI
Mémoires , t. xxx. (2.* partie) 1869.
Plusieurs des travaux renfermés dans ce volume sont
déjà connus de nos lecteurs par l’analyse anticipée que nous
en avons donnée {Bulletin, t. i , pages 92 , 111 , 262, 384.)
Ainsi nous ne reviendrons ni sur les Souvenirs du Mexique,
de M. Fégueux , ni sur l’étude de M. ^Yilbert ayant pour
titre : Cambrai sous la domination espagnole , ni sur le
rapport de M. Blin, relatif à V Etat actuel de V Agricul¬
ture en France , ni sur YExamen critique d'une page de
Le Carpentier (Notice sur Elincourt) , par le même auteur ,
ni enfin sur les discours prononcés par le Président et le
Secrétaire perpétuel de la Société d’Emulation à la séance
publique du 18 août 1868.
Nous rendrons compte séparément de la Biographie du
baron de Vuorden, par M. de Vendegies, œuvre considé¬
rable , dont nous avons été Pun des premiers à saluer l’ap¬
parition (Bulletin, t. i, p. 91.)
Enfin , notre incompétence en pareille matière, jointe à
un sentiment d’extrême modestie de la part de notre colla¬
borateur M. Gosselet , nous oblige à ne rappeler que pour
mémoire la deuxième partie de son étude sur la Constitution
géologique de l’ancien Camhrèsis. La première partie traitait
du canton de Solesmes : celle-ci a pour objet le canton du
Gâteau.
Au moment où l’attention des esprits est dirigée vers le
Pôle-Nord , M. Ladureau , médecin en chef de l’hôpital
militaire de Cambrai , a eu l’beureuse idée de retracer, sous
une forme bumoristique , un voyage aux abords du Pôle-
Sud qu’il a fait, il y a plus de 30 années, <r presque sans.
— 145 —
autre but que d’émousser , au souffle des tempêtes , l’avi¬
dité dévorante de voir et de connaîlre qui fermente souvent
dans un cœur de vingt ans. » Et plus loin il ajoute : « Si
nous avions été sur VAstrolabe avec l’inforluné Dumont
d’Urville , nous nous fussions approchés davantage du
Pôle-Sud ; mais d’autres intérêts poussaient nos compa¬
gnons sur les rivages du Pacifique ; et quand un ouragan
nous eut jetés brisés sur les côtes du Chili, des nouveautés
plus attrayantes ne nous permirent pas de regretter le cap
Horn. » L’esquisse de M. Ladureau se recommande par des
observations neuves et des récits pleins d’intérêt.
La notice de M. Durieux sur le village de Quéant nous
ramène dans l’ancien Gambrésis. Aidé de sa plume élé¬
gante et de son habile crayon , l’auteur nous dépeint les
fonds baptismaux de cette paroisse (ils sont de la fin du xvi.«
siècle) , ainsi qu’une belle pierre tumulaire , encastrée près
du baptistère et qui porte la date de 1358. 11 fait suivre cette
notice d’une seconde sur un autre village de fancien Gam¬
brésis (celui de Vaux, Pas-de-Galais) , où l’on remarque la
pierre tombale de Jean de Longueval, seigneur de Vaux,
gouverneur d’Arras sous Charles-Quint, et de Jeanne de
Rosimboz, sa femme.
Les travaux exécutés en 1868 au Moulin de Selles, pour
permettre aux barques du commerce remontant l’Escaut
d’aborder au pied même du moulin , ont fait retrouver
dans le lit du fleuve une ancienne arme à feu que M. Cor¬
naille-Leroy , propriétaire de l’usine, a offerte à la Société
d’Emulalion par l’intermediaire de son Président. A la suite
d’un scrupuleux examen , M. Durieux s’est convaincu que
cette arme est une pièce de rempart , qu’elle a dû appartenir
à la défense du château de Selles au pied duquel elle
a été recueillie et où les meurtrières que l’on remarque
dans les murailles en permettaient f emploi.
— 146 ~
Sous le litre : La disette à Cambrai en 1789 , M. Durieux
a raconté les scènes de désordre qui eurent lieu dans sa ville
natale, les 6 et 7 mai de cette année-là. Le lendemain même
de la convocation des Etats-Généraux du Royaume , la
populace de Cambrai se porta chez trois marchands de
grains, réputés accapareurs ; elle commit dans leur domicile
d’odieuses violences, ne respecta pas même la clôture des
Dames hospitalières de Saint-Lazare et se rua sur l’abbaye
de Prémy. Le Parlement de Flandre évoqua à lui sans délai
cette affaire et il prononça de graves peines contre les
hommes et les femmes qui s’y trouvaient impliqués. L’exé¬
cution de la sentence ne coupa point court aux difficultés
auxquelles le Magistrat de Cambrai se trouvait en proie ,
difficultés encore accrues par la nécessité où il était de
référer de chacun de ses actes à l’Intendant et au Gouver¬
neur de la province de Rainant. L’initiative municipale
se trouvait paralysée, en d’aussi critiques conjonctures, par
les lenteurs et l’impéritie de l’autorité supérieure.
Nous n’en n’avons point fini avec l’énumération des
travaux du docte secrétaire de la Société d’Emulation de
Cambrai et il nous reste , avant de prendre congé de lui , à
dire un mot du recueil des Inscriptions tumulaires anté¬
rieures à 1793 encore existantes dans V arrondissement.
Plusieurs de ces inscriptions avaient déjà été publiées
par MM. Le Glay, Wilbert , Bruyelle, Delattre, etc.; il
n’en est pas moins intéressant de les trouver toutes réunies
dans le répertoire formé par M. Durieux en collaboration
avec M Bruyelle. Elles sont accompagnées d’un très-grand
nombre d’épitaphes inédites. Ces deux messieurs ont, les
premiers , relevé celles qui se trouvent dans le caveau funé¬
raire, au-dessous de la sacristie de l’église Saint-Géry. Ils
en ont aussi copié, à l’abbaye de Vaucelles, qui n’avaient
point encore obtenu les honneurs de l’impression.
— 147 —
Dans les églises rurales de l’ancien Cambrésis, la moisson
de MM Durieux et Bruyelle n’a pas été moins abondante.
Sans parler d’une multitude de dalles tumulaires de curés,
de censiers, de baillis ou de mayeurs , les deux auteurs du
Recueil signalent à Abancourl la sépulture de Jean-Baptiste-
Joseph de Francqueville, seigneur d’Abancourt, pair du
Cambrésis, procureur syndic de la province, et de Marie-
Catherine de Francqueville, son épouse; à Briàtre, la
sépulture de Marie-Angélique Bernard de Rasoir, baronne
douairière de Noyelles-sur-Selle , vicomtesse du pays de
Langle , veuve de Jean-Louis de Carondelet, seigneur
dudit Briâtre et d’Hayne-Saint-Pierre ; — à Escaudœuvres ,
sur le seuil de la porte de l’église, l’inscription tumulaire
d’Ambroise et de Dominique-François de Villavicencio ,
seigneurs du lieu ; — à Vertain, au milieu du chœur, la
sépulture de Philippe de Rubempré, gouverneur de la
Flandre wallonne.
MM. Durieux et Bruyelle ne se bornent pas à transcrire
les inscriptions qu’ils rencontrent : ils recueillent, en outre,
avec soin , les renseignements qui se rattachent à chacune
d’elles. Voici, par exemple, ce que la tradition locale leur a
appris touchant la famille de Louis Voisin, de Bévillers,
décédé en cette paroisse, le o juillet 1769, à l’âge de 97
ans , après avoir donné le jour à dix-sept enfants dont deux
furent prêtres.
Les dix-sept enfants des époux Voisin, bien qu’élevés
tous dans les mêmes principes d’une saine morale, n’eurent
pas tous une vie également calme.
Jean , l’un d’eux , esprit aventureux, épris de l’attrait
de l’inconnu, quitta la maison paternelle pour courir le
monde. Après diverses vicissitudes et une fortune constam¬
ment contraire , il entra comme palfrenier au service d'un
général des armées de Louis XV.
Voisin était intelligent : de palfrenier il devint cui¬
sinier habile et , par ses progrès dans la science des Vatel ,
— 148 —
s’attira la bienveillance delà femme de son maître. Celui-ci
ayant été tué dans une bataille, sa veuve , d’abord incon¬
solable , fit une trêve cependant à ses regrets pour retenir
son serviteur qui , las d’appeler à son aide toutes les res¬
sources de l’art culinaire pour essayer de distraire sa maî¬
tresse et n’y pouvant réussir , parlait de la quitter.
Comment s’y prit-elle pour retenir le jeune homme?
c’est ce que la tradition ne dit pas ; mais elle ajoute que peu
de temps après , la veuve du général lit succéder à tous les
droits de son premier mari son maître-queux , en lui don¬
nant son cœur, sa fortune et sa main.
Au sein du bonheur que lui procurait cette union ines¬
pérée, Jean se rappela bientôt sa famille. Il songea non
sans quelques remords à son vieux père, à sa bonne mère
à qui son départ avait coûté tant de larmes. L’un de ses
frères , Joseph, s’était fait prêtre, il desservait la paroisse
natale ; Jean le choisit comme intermédiaire pour renouer
avec les siens des liens rompus depuis quinze ans.
Un certain jour le prêtre réunit dans un repas modeste ,
au presbytère, ses vieux parents et leurs enfants. Au
moment où ils allaient s’asseoir à la table commune , un
riche équipage amena deux convives, un jeune seigneur et
sa femme. Ils prirent place au milieu des bons paysans, les
intriguant par des questions qui provoquaient chez tous le
souvenir d’un enfant prodigue, fils ou frère , qu’on n’espé¬
rait plus revoir. A la tin, le jeune seigneur n’y tenant plus
se jeta en pleurant dans les bras de la mère puis du père
Voisin , placés à ses côtés. Il se fit alors reconnaître pour ce
Jean qu’ils n’avaient pas cessé d’aimer, qu’ils aimaient plus
encore peut-être à cause du tourment qu’il leur avait causé
et qui lui accordèrent facilement le pardon qu’il sollicitait.
Il présenta ensuite sa femme à sa nouvelle famille que
désormais l’un et l’autre ne cessèrent plus de voir.
L*e Bulletin archéologique de Varrondissementde Cambrai
pour les années 1868 et 1869 , dressé par les soins de
M. Bruyelle, porte à la connaissance du public un certain
nombre de faits dont nous citerons les plus intéressants.
En démolissant l’église de la Neuville-Saint-Remi , on a
retrouvé, noyés dans le mortier des murailles, plusieurs
cbapitaux romans, du genre de ceux qu’on appelle cliapi-
— 149 —
laux Godronnés. — A Beauvois , en creiisanl les fondalions
de la nouvelle église, les ouvriers ont recueilli plusieurs
coupes en grés, en forme de patères, et d’origine Gallo-Ro¬
maine. — A Bélhencourt, on a découvert, sous les flancs
delà colline où s’élevait l’ancienne église, deux voies sou¬
terraines prenant naissance aux abords du clocher pour
aboutir, sous les rues adjacentes , à deux puits voisins.
A. Desplaïnque.
RÉÜMOX GÉNÉRALE DES SOCIÉTÉS SAVANTES.
Le 20 avril 1870 , s est ouverte en Sorbonne la neuvième
réunion annuelle des Sociétés savantes des départements.
Les communications faites par des personnes domiciliées
dans le ressort académique de Douai ont été , cette année,
moins nombreuses que de coutume.
SECTION d’histoire ET DE PHILOLOGIE,
Président : M. Amédée Thierry, sénateur, membre de
l’Institut.
Séance du 20 avril. — M. Barbey, bibliothécaire-archi¬
viste de la Société archéologique et historique de Château-
Thierry , a lu une Notice historique sur la maison natale de
Jean de la Fontaine , à Château-Thierry.
Cette ville a la double et rare fortune de n’avoir aucun
doute sur la maison qui a vu naître notre inimitable fabu¬
liste, et de pouvoir encore la montrer à ses admirateurs,
telle à peu près qu’elle existait à l’époque où il a vu le jour.
Elle se trouve au pied du vieux château qui couronne la
ville de Château-Thierry, dans une rue tortueuse à laquelle
a été donné le nom du poète , et qui conserve son ancienne
apparence.
M. Barbey fait connaître toutes les particularités relatives
à cette maison , que s’empressa de vendre le poète , qui se
vantait démanger son fonds avec son revenu. Acquise tout
— 150 —
récemment, grâce au concours du Gouvernement, des ad¬
ministrations locales et des particuliers , la maison de La
Fontaine recevra un musée local et une bibliothèque , qui
témoigneront de l’admiration que ses compatriotes ont
toujours montrée pour l’un des génies les plus originaux qui
aient illustré la France,
SECTION d’archéologie.
Président: M. le marquis de La Grange, sénateur,
de l’Institut.
Séance du avril. — M. l’abbé Poquet , membre de la
Société académique de Laon, lit une Notice archéologique
sur la Ferté-Milon. La description des monuments de la
patrie de Racine, que l’on doit à M. l’abbé Poquet, témoigne
d’un excellent esprit de critique. Le savant ecclésiastique y
propose une nouvelle explication d’un bas-relief qui décore
l’entrée de la Ferté ou du château féodal de cette curieuse
cité. C’est, suivant lui , le couronnement de la Vierge, et
l’examen du dessin, mis sous les yeux de l’assemblée, lui
a fait partager cette opinion. Le savant abbé a décrit et ex¬
pliqué avec autant de bonheur la verrière de l’église Notre-
Dame de la Ferté-Milon , qu’on a souvent comparée à celle
de Notre-Dame de Paris,
M. Textor de Ravisi , membre de la Société académique
de Saint-Quentin , ancien commandant de Karikal, dans
l’Inde fiançaise, donne lecture d’un travail sur l'Architec¬
ture dans Vlndoustan. Cette lecture est interrompue par
l’arrivée de Son Exc. M. le ministre des beaux-arts chargé
par intérim du portefeuille de l’instruction publique , qui
prend place au fauteuil du président.
Avec une entraînante conviction , M. Textor de Ravisi
a fait riiistoire abrégée , presque le panégyrique de l’archi¬
tecture de rindoustan.
Ce travail sera publié avec un atlas dans lequel seront
— I5( --
reproduites de nombreuses photographies recueillies dans
rinde. On pourra enfin connaître plus exactement que
jamais ces temples gigantesques dont les plus remarquables
édifices de l’Occident ne sont que de lointaines copies.
Après avoir entendu les conclusions de M. Textor de
Ravisi, le ministre adresse aux délégués des sociétés sa¬
vantes une cordiale et chaleureuse allocution. Il les félicite
des progrès qu’ils font faire à la science , et les remercie de
leur zèle à poursuivre des études sérieuses et désintéressées,
qui sont une partie importante de la gloire nationale.
Séance du 22 avril. — M. Textor de Ravisi lit une Notice
sur les dolmen dans Vînde. Les premiers monuments de
l’Inde, dit l’ancien commandant de Karikal, furent des
pierres brutes , comme les monuments dits druidiques.
Encore maintenant, on élève de véritables dolmen dans
l’Inde , avec des procédés qui expliqueraient comment nos
ancêtres construisaient ceux qui nous étonnent aujourd’hui.
SECTION DES SCIENCES
Président : M. Leverrier, sénateur, membre de l’Institut.
Séance du 21 avril. - M. H. Joos , lieutenant au 75.® de
ligne, en résidence à Lille, présente une méthode d’expé¬
rimentation pour déterminer les lois générales de la résis¬
tance de l’air dans les cas de grandes vitesses.
SÉANCE SOLENNELLE DU 23 AVRIL
Dans cette séance que présidait Son Exc. M. le ministre
de l’Instruction publique, ont été proclamés :
Chevalier de la Légion d’Honneur : M. François Morand ,
membre non résidant du Comité des Travaux histori-
({ues , à Boulogne-sur-Mer ;
Ofliciers de l’Instruction publique : M. Ch. de Linas, mem¬
bre non résidant du même comité, à Arras, et M. Matton,
archiviste du département de l’Aisne, correspondant du
Ministère pour les travaux historiques , à Laon.
— 152 —
Officier d’Académie : M. Tabbé Pécheur, correspondant
pour les travaux historiques , à Soissoiis ; lauréat de
l’Académie des inscriptions et belles-lettres,
A. D.
COURS PUBLICS.
.t
Cours de Géologie professé à la Faculté des sciences de Lille,
par M. Gosseletl Suite ).
Age tertiaire — Ère des Ongulés. Les terrains tertiaires
sont aussi au nombre de trois : Eocène, Miocène^ Pliocène.
Ils sont formés de calcaire grossier comme la pierre à
bâtir de Paris , de sable , d’argile , de gypse ou pierre à
plâtre , de meulière ou silex propre à faire des meules de
moulin , etc. Les volcans de l’Auvergne , de l’Eifel et des
environs de Rome datent aussi de ces époques.
Les terrains tertiaires ne renferment plus ni Ammonites ,
ni Bélemnites . Les mollusques gastéropodes y présentent une
supériorité d’organisation inconnue dans les âges précé¬
dents, et on y rencontre de grands foraminifères, les Num-
mulites , qui , par leur abondance , ont mérité au terrain
éocène le nom de terrain nummulitique.
Les Numraulites sont des corps discoides, lenticulaires,
ressemblant assez, pour quelques grandes espèces, à des
pièces de monnaies, ce qui leur a valu leur nom. Dans l’in¬
térieur on voit une chambre cloisonnée divisée en spirale.
Quelque complexe que soit cette coquille, l’animal qui y
logeait était d’une simplicité extrême.
Ce qui caractérise surtout les terrains tertiaires c’est
le développement de la faune mammalogique et particu¬
lièrement de l’ordre des Ongulés. Tandis que de nos jours
ces animaux ne sont plus représentés que par quelques
espèces sans liaisons entr’elles , on constate pendant l’âge
— im-^'
tertiaire l’existence d’espèces nombreuses formant entrë-
nos types actuels des passages presque insensibles. Pendant
la période éocène c’est la famille des Tapirs ou Pachyder¬
mes à 3 doigts qui domine; elle diminue ensuite et se
trouve remplacée par la famille des Cochons ou Pachyder¬
mes à pied fourchu. Vers la fin de la période miocène ,
celle-ci est à son tour en décroissance et la famille des
Ruminants devient prépondérante comme elle l’est encore
de nos jours.
A la même époque on voit apparaître un ordre qui lui
aussi est isolé dans la création actuelle, celui des Probosci-
diens. Les Mastodontes et les Dinothérium se montrent
pendant la période miocène tandis que les Eléphants datent
seulement de la période pliocène.
La Flore tertiaire présente une série de modifications qui
font passer de la flore crétacée caractérisée par les apétales
fusqu’à la Flore actuelle. A l’époque miocène notre climat
était encore suh-tropical comme le constate les Palmiers ,
les Camphriers , les Chênes verts que l’on trouve mélangés
aux Erables , aux Platanes , aux Peupliers , dans les forêts
de cette époque.
Au commencement de l’âge tertiaire notre région , à
l’exception de l’x\rdenne, faisait partie du grand golfe
anglo-parisien qui avait son embouchure vers le nord.
Une crête saillante , dirigée suivant l’ancien rivage ju¬
rassique d’Hirson à Boulogne, séparait le fond du golfe
de son entrée , aussi la composition minéralogique des
roches et en partie la nature des fossiles sont différentes
dans les Flandres et en Angleterre de ce qu’elles sont dans
les environs de Paris et dans le sud du département de
l’Aisne.
Vers la fin de la période éocène , le littoral tlamand
fut momentanément abandonné par les eaux de la
154 ^
mer ; elles n’y revinrent que plus tard au commencement
de la période miocène pour s’en éloigner de nouveau
dès le milieu de cette période et y revenir encore déposer
les sables pliocènes de Diest et d’Anvers qui terminent la
série des dépôts géologiques.
Les sables d’Anvers renferment de nombreuses coquilles
fossiles dont la moitié environ se retrouve dans les mers
actuelles. Parmi celles-ci un grand nombre vit dans la mer
de la Manche et la mer du Nord, d’autres sont propres aux
mers chaudes et quelques-unes ne vivent plus que dans les
mers arctiques; sur les côtes du Finmark, du Groenland , du
Spitzberg. Pendant la période pliocène le nombre de ces
espèces boréales augmente de plus en plus. On en a conclu
que le froid gagnait notre hémisphère et qu’à une période
où le climat était sub-tropical allait en succéder une où il
deviendrait semblable à celui des contrées polaires.
Temps contemporains. — On les divise en deux périodes :
la période diluvienne et la période actuelle.
La période diluvienne correspond à cette durée de froid
intense qui sévissait sinon sur toute la terre au moins sur
notre atmosphère. Elle fut marquée par des ravinements
considérables qui ont façonné la surface du sol en plaines,
vallées et collines, parle développement de glaciers sur
toutes les montagnes , par un débit des cours d’eau bien
plus considérable que celui des fleuves actuels.
Dans nos contrées, la période diluvienne a eu pour effet
de remplir les vallées d’un dépôt de cailloux roulés ou galets
désigné sous le nom de diluvium et de déposer sur les pla¬
teaux une couche épaisse de limon.
Dans le diluvium comme dans le limon on trouve des
restes de mammifères que l’on peut diviser en trois catégo¬
ries, les uns existent encore dans le pays : Blaireau, Loup,
Renard, Sanglier, Cheval, Cerf, etc. , tandis que d’autres
— 155 —
sont anéantis : l’Eléphant mammouth , le Rhinocéros à
narines cloisonnées, l’Ours des cavernes, le Lion des ca¬
vernes, la Hyène des cavernes, ou émigrés dans les contrées
froides: le Renne , le Bœuf musqué , l’Antilope saïga, etc.
Les preuves abondent que l’homme a vécu avec des ani¬
maux perdus ou émigrés. Non-seulement on rencontre pêle-
mêle avec leurs débris , des silex taillés, des os travaillés,
des traces de foyers , tous indices certains de l’existence de
l’homme, mais nos ancêtres de l’âge de pierre ont eu soin
de nous laisser des témoignages écrits dont l’authenticité ne
peut être révoquée en doute par les plus incrédules. Ils ont
gravé ou sculpté les animaux qu’ils chassaient avec une pré¬
cision anatomique des plus remarquables; et , pour que l’af¬
firmation eut plus de valeur encore, ils l’ont inscrite sur les
débris osseux de ces animaux. Ainsi M. Lartet a trouvé dans
la Charente, un poignard en bois de Renne sur le manche
duquel était sculpté un Renne , et un dessin de Mammouth
gravé sur une plaque d’ivoire venant du Mammouth lui-
même.
L’homme n’est-il même pas plus ancien? Des découvertes
récentes dues à M. l’abbé Bourgeois , professeur à Pont-
Leroy portent à croire qu’il existait déjà vers le milieu do
l’époque miocène. _
BIBLIOGRAPHIE
LA HALLE ÉCHEMXALE DE LA VILLE DE LILLE (123o-1663)
par M. Cil. Houdoy (ij.
Cambrai, Douai, Valenciennes ont conservé leurs anciens
hôtels de ville. On n’en peut dire autant de Lille où les
derniers vestiges de la Halle échevinale viennent de dispa-
raitre et où ce qui subsiste du palais de Rihoiir suffit à
(q l vol. in 8." de 1 14 pages, avec planches. Paris , Aubry ; Lille ,
Danel , 1870.
— 1S6 —
peine à indiquer remplacement, à rappeler le carac¬
tère de cette somptueuse demeure des ducs de Bourgogne,
devenue plus lard le siège de la municipalité lilloise.
Jusqu’en 1664 , époque où le Gouvernement espagnol, à
bout de ressources pécuniaires, fit à la ville de Lille abandon
du palais de Rihour , le Magistrat tint ses séances dans la
Halle échevinale, dont l’origine première remonte au-delà
de 1235. Notre concitoyen M. Houdoy a tenu à nous
retracer les transformations successives de ce dernier édifice,
si oublié avant même qu’il ne fût totalement détruit , et
néanmoins si mémorable.
L’histoire des monuments d’une ville pourrail , nous
dit-il , être l’histoire de ses institutions. Au moyen-âge
surtout , la Maison-Commune c’est la cité tout entière.
Quand, au xiv." siècle, les hasards de la guerre nous sépai’è-
rent violemment du comté de Flandre pour nous réunir
directement à la couronne de France, c’est dans notre vieille
Halle échevinale que Philippe le Bel et ses successeurs,
soit par eux-mêmes, soit par leurs délégués , jurèrent le
maintien des privilèges de la ville, avant de recevoir le ser¬
ment du Magistral et du peuple. Sous la domination fran¬
çaise , comme plus tard sous celle des maisons de Bour¬
gogne et d’Autriche , c’est là que le Magistrat lutta pendant
des siècles , et souvent avec succès , pour la défense de ces
privilèges, de ces franchises qui , au moyen-âge, étaient
la forme, la substance même de la liberté, et qui firent si
longtemps la fortune et la renommée des grandes communes
flamandes. C’est dans cet antique éditice , forteresse du
droit municipal, que se conservait le trésor des chartes,
reconnaissances officielles des droits de la cité ; et chez
nous, par une coïncidence singulière, la fortune de nos
libertés municipales semble liée au sort du monument ,
dont tant de souvenirs nous ont engagé à écrire l’histoire.
M. Houdoy ne néglige aucun détail se rapportant à son
sujet et il emprunte la plupart de ses indications à la belle
série des Comptes de la ville de Lille dont , à la suite de
sa Notice, il imprime d’abondants extraits.
En 1344, il voit apparaître, pour la première fois, la
^ 157 —
mention d’une dépense d’ornementation : on dore , cette
t
année-là , la lance et la fleur de lys qui surmontaient la
Halle. Vers 1370, Pierre Demileville, horloger lillois,
place au beffroi une horloge avec sonnerie. En 1397 , on
reconstruit entièrement le bâtiment qui renfermait la
grande salle des échevins , et l’on décore cette salle de
peintures si remarquables que le Magistrat de Douai
envoie des délégués à l’effQt de les examiner ; autres
travaux de restauration en 1424. La Halle, à cette époque ,
n’est point seulement le théâtre des fêtes échevinales : les
ducs de Bourgogne l’utilisent aussi pour leurs banquets et
pour leurs danses auxquelles ils invitent les dames et demoi¬
selles de la ville.
En 1442 , pour compléter k Maison-Commune , le Magis¬
trat résolut la construction d un nouveau beffroi ou plutôt
de deux beffrois Vun sur Vautre, comme dit le procès-verbal
d’adjudication. En 1508 , 1509, on s’occupe des sculptures
extérieures , des statues de saints et de princes , qui sont le
principal ornement de la façade. En 1565, achat d’un
carillon. En 1594, reconstruction complète de l’édifice,
sous la direction de l’architecte Jean Fayet. La Halle éche-
vinale prit alors un aspect tout nouveau. Ceux-là peuvent
s’en faire une idée , à la vérité bien incomplète , qui ,
avant le percement tout récent de la rue de la Gare, ont
remarqué la devanture des cafés faisant face au Théâtre.
Pour mieux se rendre compte de la distribution et de la
physionomie de l’édifice en 1594, ils n’ont qu’à jeter les
yeux sur le plan et la magnifique gravure qui accompagnent
le livre de M. Houdoy , livre à la valeur intrinsèque duquel
s’ajoute le mérite d’une exécution typographique élégante
et soignée. A. Despl.\inqüe. ,
— 158 —
LE BAIION DE VUORDEN.
Sa vie , ses écrits
par M. le comte Ch. de Vendegies. *)
Nous possédons enfin dans son entier ce livre attendu
avec une si vive impatience par les érudits de notre pro¬
vince. La meilleure manière de le louer est, suivant nous,
de l’analyser avec soin. Dans le résumé que nous allons en
faire, nous insisterons particulièrement sur les circonstances
de la vie de Vuorden , sur les événements de son époque ,
qui ont eu pour théâtre l’extréme-Nord de la France, c’est-à-
dire les vastes portions de la Flandre et du Hainaut que
Louis NIV a réunies, dans ce temps-là même, à son royaume.
I.
Michel-Ange de Vuorden descendait d’une famille qui,
après avoir occupé les plus hauts emplois dans le comté de
Hollande, au xiii.® siècle, en fut violemment expulsée. Il
naquit à Chièvres au mois de février 1629. Les jésuites de
Courtrai , ses premiers maîtres , firent de lui un latiniste
distingué et il contracta, de bonne heure, l’habitude de
rimer facilement de médiocres vers français. Ces divers
talents ne laissèrent pas d’aider, dès lors et par la suite ,
aux succès de sa carrière. En 1648, il passa de l’Université
de Louvain à celle de Douai. En 1650, nous le trouvons à
Lille , mêlé v au plus beau monde qui se pût voir dans une
ville de province. » La comtesse de Rœux, épouse du Gou¬
verneur, y tenait une sorte de cour où se distinguait, parmi
beaucoup de cavaliers , Henri de Melun , marquis de Riche-
bourg. Celui-ci emmena avec lui à Bruxelles, en 1651,
M. de Vuorden qui se logea chez la duchesse d’Havré, amie
(1) Biographie et fragiiicnls inédils extraits des manuscrits du baron
de Viiordcn , diplomate attaché à l’ambassade d'Espagne auprès de
Louis XIV, plus tard grand-bailli des Etats de Lille, etc. Paris, Aubry;
Cambrai, Simon, 1 vol. iu-8°de2b4 pages. 1870.
— 159 —
de sa mère, et qui ne larda pas à recevoir les confidences du
marquis de Renty, fils aîné de celle princesse. M. de
Renty brûlait d’une vive flamme pour la veuve du comie
d’Hoogstraële, mais sa mère se montrait hostile à ce projet
de mariage. Il résolut de se soustraire à la dépendance de
la duchesse en se rendant à la cour de Madrid. Il s’occupa
donc de réunir les fonds nécessaires pour les frais du
voyage: accompagné du baron de Hérissem et de M. de
Vuorden, il vint en Arlois recouvrer quelques arrérages;
Si grand prince qu’on fût, on ne se transportait pas alors,
des terres d'Espagne sur celles de France, sans courir des
. risques. Entre Eperlecques et Bourbourg, nos voyageurs
furent sérieusement inquiétés pour une question de passe¬
port : on emmena même M. de Vuorden prisonnier à Gra¬
velines. Heureusement fi ncident n’eut pas de suites et bientôt
les trois jeunes gens purent se diriger, de Saint-Omer, sur
Paris qu’ils trouvèrent en proie à toutes les agitations de la
Fronde. La protection de M.""® de Longueville, liée depuis
longtemps avec la duchesse d’Havré, leur permit de traverser
sûrement le pays des Landes et d’arriver à Bayonne sans
accident. A Madrid , M. de Renty reçut du roi d’Espagne,
qui avait beaucoup connu son père, l’accueil flatteur sur
lequel il comptait. Les plaisirs de la cour lui eurent bientôt
fait oublier M.“* d’Hoogstraëte et il s’éprit de passion pour
M.“® de Carvajal , l’une des filles d’honneur de la reine. Ce
ne fut pas trop de l’influence de M. de Vuorden pour le dé¬
tourner de cette union encore plus disproportionnée que la
[ première. Le jeune marquis finit par s’éloigner de Madrid ,
muni d’un brevet de colonel , et avec ordre d’aller lever un
I
■ régiment en Allemagne.
i Les trois compagnons quittèrent l’Espagne dans les pre¬
miers jours de Mars 1653. A Saint-Sébastien, ils furent
fêtés par le célèbre amiral dunkerquois Mathieu Maës aui
~ 160 —
se disposait à venir en aide aux frondeurs assiégés dans
Bordeaux. Eux-méraes, à travers bien des périls, gagnèrent
cette dernière ville où on les reçut comme des envoyés
d’Espagne chargés de promettre de prompts et efficaces
secours. La complaisance avec laquelle ils se prêtèrent à ce
rôle d’emprunt, dans le but de ranimer le courage d’une
population aux abois , faillit leur coûter cher : car , sans
l’intervention d’un officier français que la famille d’Havré
'avait eu autrefois l’occasion d’obliger, ils fussent restés
aux mains des chefs royalistes , à la merci des vengeances
de Mazarin.
Ils vinrent ensuite à Paris d’où, sur l’avis charitable
d’un banquier d’origine valenciennoise , ils gagnèrent
Cambrai en toute hâte. Bien leur en prit : le cardinal qui ,
en souvenir de l’équipée de Bordeaux , leur réservait un
logement dans la Bastille, venait de donner ordre de les
arrêter.
Ici finit la première période des aventures de jeunesse de
M. de Vuorden. En mai 16o3 , il entre , avec M. de Renty ,
au service militaire de l’Espagne, sous le commandement
du comte de Fuensaldagne. Il est témoin des vives discus-
sions qui s’engagent entre cet homme de guerre et le prince
de Condé , discussions qui , en même temps qu’elles para¬
lysent l’action des armées du Roi catholique, favorisent les
mouvements de Turenne. La versatilité du duc Charles de
Lorraine ajoute encore aux embarras du parti espagnol.
M. de Vuorden nous fournit un récit détaillé de l’arrestation
de ce prince. Il parle ensuite de l’investissement d’Arras
*
par les troupes de Philippe IV (3 juillet 1634), et de
l’habile diversion qu’opéra Turenne en marchant, avec
1300 hommes, sur Monchy-le-Preux. Puis il dépeint la levée
du siège , ainsi que la retraite des assiégeants sur Cambrai
et Douai,
— 161
Le régiment dontM. deHérissem était le chef, et où M. de
Vuorden servait en qualité de capitaine, reçut ordre de
prendre ses quartiers d’hiver à Bavai. Cette ville, ruinée
par les guerres , ne contenait plus que 25 maisons habi¬
tables et elle était, en outre, incommodée par le voisinage
d’une forte garnison française établie au Quesnoy. Chargé
d’aller exposer au comte de Fuensaldagne la triste situation
des soldats de ce régiment qui , logés dans des caves et
manquant trop souvent de nourriture, périssaient au
nombre de 25 par jour, Vuorden s’exprima avec une
rude franchise qui blessa d’abord la susceptibilité du gé¬
néral espagnol , mais qui finit par le subjuguer. Dès lors ,
notre jeune capitaine n’eut pas de plus chaud protecteur
que M. de Fuensaldagne.
Quand , en 1656 , ce dernier fut nommé gouverneur
général du Milanais, il attacha à sa maison M. de Vuorden,
pour qui ce fut une occasion de se rendre en Italie par
l’Allemagne. Vuorden nous a laissé, de ce voyage qu’il fit
avec son nouveau maître, une peinture attrayante, animée.
Il nous initie également aux difficultés sans nombre contre
lesquelles Fuensaldagne eut à lutter dès qu’il fut à son
poste. Cet homme d’un esprit supérieur ne se faisait pas
illusion sur l’épuisement de l’Espagne et , quoique souvent
victorieux sur les champs de bataille, il était un ardent
promoteur des idées de paix avec la France. Aussi ne fut-on
pas surpris de le voir envoyer comme ambassadeur extraor¬
dinaire auprès de la cour de Paris , en mars 1660 , à l’occa¬
sion du mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse.
Vuorden le suivit dans, sa solennelle mission. Quelle bonne
fortune pour notre intarissable chroniqueur ! Les rensei¬
gnements qu’il donne sur la première entrevue des royaux
époux, sur la cérémonie nuptiale, sur les manifestations
d’allégresse qui se produisirent en cette circonstance ,
— (6-2 —
complètent, sur plus d’un point, les Mémoires du temps.
II.
Les divertissements de la cour ne faisaient pas perdre de
vue à Fuensaldagne les négociations dont il était chargé ,
relatives , pour la plupart, à l’exécution du traité des Pyré¬
nées. Mais il se reposait volontiers sur Vuorden du soin de
les poursuivre en détail. Vuorden y gagnait de s’insinuer
dans la faveur des ministres de France. MM. de Lionne et
Le Tellier l’écoutaient avec plaisir. Louvois lui tendait déjà
une oreille bienveillante. L’affaire des abbés d’Artois fut
l’une des premières qui s’arrangea , grâce à l’initiative de
Vuorden. Les entreprises d’ofticiers inférieurs venaient
trop souvent altérer les bons rapports entre les deux cou¬
ronnes. Un jour , c’est la garnison française de Saint-Ve¬
nant qui se permet d’effectuer des abattis d’arbres dans la
forêt de Nieppe appartenant à l’Espagne. Le Gouverneur-
général des Pays-Bas , marquis de Caracène , fait saisir les
délinquants et les constitue prisonniers à Aire : sur quoi ,
l’autre partie use de représailles et ainsi se continue une
petite guerre , au mépris de la paix générale récemment
conclue. Une autre fois, par ordre du marquis de Caracène,
le Gouverneur d’Armentières se jette sur le pays de l'Alleu,
l’une des terres contestées entre la France et l’Espagne : il
s’y empare de onze habitants comme otages du paiement
d’une contribution qu’on lui refuse. A celte nouvelle, grande
colère de Louvois : à rien ne tient qu’on ne précipite
sur Armentières la soldatesque française qui désire vive¬
ment s’y livrer au pillage.
M. de Vuorden apaise encore ce conflit. Mais bientôt
éclate une autre affaire pour laquelle ce n’est point trop ,
c’est à peine assez de l’intervention directe et active de son
maître. Une question de préséance entre les ambassadeurs
de France et d’Espagne à Londres menace de rallumer la
— 163 —
guerre entre les deux pays. Louis XIV , sans pitié pour sa
jeune femme alors en état de grossesse avancée et dont les
affections sont attirées en sens contraire, exige une prompte
satisfaction de ce qu’il considère comme une insulte faite à
son représentant. Sur cet orage diplomatique comme sur les
derniers jours et la mort de Mazarin , le Journal de Vuor-'»'.
den abonde en révélations curieuses et en informations
puisées aux meilleures sources.
Malgré le crédit dont il jouit auprès des deux reines,
M. de Fuensaldagne se voit contraint de s’éloigner de la
France. Mais il y laisse, revêtu d’un caractère plus ou moins
officiel, son fidèle agent Vuorden, qui se trouve à Paris
juste à point pour assister à la naissance du grand
dauphin.
Fuensaldagne , durant ce temps , a gagné Cambrai où
toute la noblesse des Pays-Bas accourt pour lui faire hon¬
neur. C’est en vain qu’il a écrit à Fernando Solis ,
gouverneur de la place, pour le prier de « supprimer toute
pompe à son arrivée : /> il ne peut empêcher que « le
peuple et la garnison n’emportent presque son carosse , en
bénissant tout haut sa venue. » Cette éclatante manifes¬
tation , ajoute Vuorden , ne surprendra personne , lorsqu’on
«
saura que « le comte de Fuensaldagne avoit été six ans gou¬
verneur de Cambrai, qu’il avoit su défendre contre le comte
d’Harcourt en 1647, et où ses bienfaits et son mérite lui
avoient valu, de la part des habitants, le 'nom de père de
leur ville. »
L’ex-ambassadeur d’Espagne en France arrivait à Cam¬
brai avec les pleins pouvoirs de Gouverneur-général des
Pays-Bas, pouvoirs qu’il avait en grande partie exercés du
temps de l’archiduc Léopold-Guillaume. Cette fois, il allait
unir le titre aux fonctions. Mais il ne jouit pas longtemps de
ces honneurs tardifs et mérités : la mort le surprit à Cam-
— 164 —
brai , le 21 novembre 1661 , au bout de quelques jours qu’il
y avait passés en faisant le bien autour de lui.
Cet événement , auquel la cour de France affecta de se
monirer très-sensible, dérangea tous les projets d’avenir de
Vuorden. N’attendant que rien ou peu de chose du marquis
de Caracène qui , par le fait du décès de Fuensaldagne,
restait à la tête du gouvernement des Pays-Bas , fatigué de
son séjour à la cour de France où il n’avait acquis, nous dit-
il , « que de la réputation et des dettes , » il résolut de s’en
tenir à sa charge de grand-bailli des Etats du Tournaisis,
charge dont son dernier maître l’avait obligeamment
pourvu durant leur séjour en Italie. En fait, c’était rentrer
dans la vie privée et, de là, à contracter mariage il n’y
avait qu’un pas. Il fut d’abord question pour Vuorden d’une
fille de chancelier de Gueldre, «qui lui plaisoit assez. » Mais
M.™® de Vuorden mère n’aimant pas les femmes de pays
étranger, son fils très-respectueux et soumis, quoique alors
âgé de 33 ans , se tourna vers une de ses cousines, domi¬
ciliée à Saint-Omer, M.®**® Jacqueline-Thérèse Desmaizières
de Sarteau , et il l’épousa, avec dispense de Rome, le
dimanche-gras de l’année 1664.
Le 17 mai suivant, les deux époux achetèrent la sei¬
gneurie de Campagne et Blaringhem. Ils furent en prendre
possession le 22 du même mois. Puis, après quelques visites
de famille , ils se transportèrent dans une maison de cam¬
pagne que Vuorden avait à Ruines, en Tournaisis. Le 6
juin , ils reçurent à Tournai les congratulations de leurs
amis. Le 26, ils partirent pour Chièvres où vivaient retirées
la mère et la sœur de Vuorden qui firent à sa « chère petite
femme , » comme il l’appelle toujours dans ses Mémoires ,
l’accueil auquel elle avait droit. De Chièvres , les voyageurs
revinrent à Tournai par Bruxelles où le comte d’Egmont
tint à les faire assister au somptueux baptême de son fils.
(Sera continué.) A. Desplanque.
LES FOSSES DE NOS FORÊTS
par l’abbé Cochet.
Un des derniers numéros de la Revue de Picardie (^) con¬
tient un article qu’il nous semble utile de signaler aux ar¬
chéologues. Depuis quelquesannées l’abbé Cochet a entrepris
des fouilles dans des fosses profondes qu’il a observées dans
la forêt d’Eu. Elles ont plus de 5 mètres de profondeur et 2
à 3 mètres de large ; elles ont dû être à pic et le sol est par¬
faitement nivelé tout autour. Selon le savant archéologue
normand, ces fosses sont des trappes destinées à la chasse
et à la destruction des bêtes fauves et il semble les faire
remonter à l’homme primitif. Cependant les seuls débris
qu’on y ait rencontrés sont du charbon , des pierres, des
poteries gallo-romaines, rien en un mot qui puisse faire
croire à une haute antiquité. On a trouvé de ces fosses dans
les forêts du Berry et de la Lorraine. Rien ne prouve qu’il
ne s’en rencontre pas dans celles de notre région , mais
l’attention n’a peut-être pas été suffisamment appelée sur
ce sujet. J. G.
CHRONIQUE
IVécrolog^ie. — Le dernier numéro des Annales de la
Société entomologique de France renferme une notice né¬
crologique sur un naturaliste qui par sa naissance se rat¬
tache à notre région.
M. Auguste-Simon Paris était né à Mézières en septembre
1794; il était le frère d’un archéologue bien connu, membre
de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, M. Paulin
Paris.
Sa modestie et la spécialité de ses goûts et de ses études,
l’ont empêché d’acquérir une notoriété étendue, mais il (*)
(*) Tome XV , p. 333-336.
— 166 -«
était très apprécié parmi les adeptes de la Lépidoptérologie,
science qu’il cultiva avec passion; il y joignit plus tard
l’étude des Coléoptères, et se fit dans ces deux branches
des collections très-remarquables. Il publia dans les An¬
nales de la Société quelques notes entomologiques, mais se
rendit surtout utile à ses collègues par une table générale
des publications de la Société , éminent recueil, véritable
œuvre de bénédictin , fait avec un soin infini.
D’un esprit vif et pénétrant, dit en terminant fauteur
de la notice , M. Paris était en même temps d’une aménité
et d’une égalité de caractère constantes ; il n’avait que des
amis qui longtemps déploreront sa perte. A. de N.
llétéorologîe : AVRIL
1870
Température moyenne . 10.® 03
ï » des minima . S.*" 06
» » des maxima . 15.® 01
» extrême minima, le !.. . 0.” 00
> » maxima, le 21 . 26.® 50
Baromètre hauteur moyenne à 0.® - 764”'"681
» hauteur extrême minima , le 9 . . 751 “"'44
D ï maxima, le4... 773"'"‘50
Tension de la vapeur atmosphér . 6'?''"13
Humidité relative moyenne % . 67.0
Epaisseur de la couche de pluie . 8"'"'16
» de la couche d’eau évaporée. . 112r‘71
AVRIL
année moy.
9.® 19
760r 333
6«.n. 3g
69.74
37r 70
90r 69
D’après ce qui précède nous voyons que la température
atmosphérique de ce mois fut de 0.« 84 plus élevée que celle
du mois correspondant d’une année moyenne , mais elle fat
inférieure à celle d’avril -1869 qui avait été de 11.° 79.
L’épaisseur de la couche d’eau évaporée atteignit 112.® 71,
tandis que fannée dernière elle n’avait été que de 94.° 95,
%
la fréquente sérénité du ciel, les vents violents du N. -E.
qui soufflèrent pendant 7 jours, la sécheresse de l’air, la ra¬
reté de la pluie, contribuèrent à laproduction de ce résultat.
— 167 —
Année moyenne il tombe en avril 37"'‘”'70 de pluie, Tannée
dernière il en était tombé , cette année la quantité
ne fut que de 8'”'"1G en 8 jours. Les 27, 28 et 29 la pluie fut
accompagnée de grêle et de neige.
Cette faible quantité de pluie laissa les couches d’air en
contact avec le sol dans un grand état de sécheresse. Année
moyenne Thumidité de Tair en avril est de G9. 74 O/q, en
avril 18G9 , elle avait été de 7o. 2 O/q, cette année elle ne fut
que de G7 O/q.
La ten^sion de la vapeur d’eau atmosphérique qui est or¬
dinairement de G"™"'3o , n’a été cette année que de G"'"’13
elle avait été de 8'”"'0G en avril 18G9.
Une pareille sécheresse compromit beaucoup de récoltes
et empêcha la production des rosées dont le nombre, malgré
la sérénité des nuits, ne fut que de 13.
Les hautes régions de l’atmosphère furent aussi très-
sèches ; ce qu’indiquèrent l’absence des nuages et l’augmen¬
tation de la pression sur la colonne barométrique qui eut
une hauteur moyenne de 7G4““G81 à la température de 0." et
à 22.™ 3 au dessus du niveau de la mer. V. Meurein.
Xniiiisiiiatique, Découverte de monnaies. — Un vient
d’exposer au Musée de Lille 22 pièces de monnaies d’ar¬
gent trouvées, au commencement d’Avril, dans les fouilles
nécessitées par la construction de l’aqueduc de la rue de la
Gare, sur l’emplacement de l’ancien estaminet du Comte
d'Estaing. Ces monnaies, du xiii.^ et du xiv.® siècle, ont
dû être enfouies pendant l’occupation française , c’est-à-
dire sous le règne de Philippe le Bel , dont le monnayage a
fourni la moitié du dépôt en six espèces variées.
Ces pièces sont par ordre d’ancienneté : un denier tour¬
nois de Philippe-Auguste , un autre de saint Louis avec
caractères archaïques et un denier semi-muet de Vendôme.
Les monnaies du xiv.® siècle sont : 2 deniers tournois , 1
— 168 ^
obole tournois, 1 denier bourgeois fort, 2 deniers bour¬
geois nouveau , 3 oboles bourgeois nouveau et 2 exem¬
plaires du double royal, de Philippe-le-Bel , avec 5 ester-
lings de Louvain et d’Anvers frappés pour Jean II de
Brabant. Il y a enfin deux monnaies qui donnent un
certain relief cà la trouvaille ; Un Wallerand de Ligny, gros
au cavalier frappé à Serain, et un autre, frappé à Vieuville,
pour Jean de Namur, le fils ainô de Gui de Dampierre. Les
réserves introduites dans le cahier des charges garantis¬
saient à la ville la possession des objets anciens prouvés
dans le cours des travaux.
Médaille égyptienne. — M. A. Durieux , secrétaire de la
Société d’Emulation de Cambrai, a bien voulu , en réponse
à la note insérée dans le dernier numéro du Bulletin , nous
envoyer un dessin de la médaille portant au revers une
légende grecque dont la lecture nous avait paru incorrecte.
Cette communication nous permet de classer affirmative¬
ment la médaille trouvée au Cateau. Elle porte à l’avers la
tête diadêmée d’Alexandre Bala i.", roi de Syrie (151 à
146 ans avant J.-C.) , et au revers cette légende : aaesan-
APO'F BA2IAE02, autour d’un aigle à gauche. M. C. Rollin à
qui nous avons à notre tour communiqué le dessin a re¬
connu que la pièce a été frappée à Tyr. E. Van Hende.
Arehéolo^ie. Sépultures anciennes. — Le 17 mars der¬
nier on a découvert à Thim l’Evêque, en creusant les fon¬
dations d’une maison , un cercueil en pierre contenant un
squelette assez bien conservé. Huit autres cadavres dépour¬
vus de cercueils reposaient à côté du premier. On a dispersé
les ossements et on a brisé le cercueil pour employer la
pierre aux fondations. J. G.
Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQIJEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2/ Année. — N.° 6. — Juin 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ d’émulation DE ROUBAIX
Travaux courants.
« La formation à Roubaix d’une société qui a pour but
d’y développer les progrès des Sciences , des Lettres et des
Arts, d’y seconder le mouvement intellectuel , est presque
un événement, tant les choses de Tesprit y paraissent peu
compatibles avec celles de l’industrie locale. » C’est en ces
termes que M. Leuridan , alors président de la Société nais¬
sante , ouvrait la séance publique du 17 décembre 1869.
Sans se dissimuler les difficultés de l’entreprise, il en assi¬
gnait le but et en déterminait le caractère. « Ce but est
étendu: les Lettres, l’Histoire, les Sciences, les Arts,
l’Industrie même , que malgré ses exigences ou plutôt à
cause d’elles , nous sommes loin de répudier , l’Hygiène ,
l’Économie sociale , tout enfin peut devenir notre lot. Pour
nous , pas d’autre exclusion que ce qui serait la négation de
l’honnête , de l’utile et du beau. »
De nombreuses adhésions n’ont pas tardé à répondre à
l’appel des fondateurs. Aujourd’hui la Société comprend,
outre une série de membres honoraires, de membres associés
libres et de membres correspondants , 21 membres titu¬
laires dont nous allons donner la liste, après avoir fait
connaître la composition du bureau pour 1870.
Bureau :
MM. Bonnier, juge de paix du canton ; Président.
Leuridan, archiviste- bibliothécaire de la ville;
Vice-Président.
Legrand , industriel ; Secrétaire.
Deleporte, membre du Comice agricole de Lille ;
Bibliothécaire-Archiviste.
— 170 —
Faidherbe ( Alexandre ) , instituteur communal ;
Trésorier.
Membres titulaires :
MM. Motte-Motte (Pierre), Président du Tribunal de
Commerce de Roubaix.
Toulemo>de-Nollet, membre du Conseil municipal
et de la Chambre consultative des Arts et Manu¬
factures.
Dubar-Ferrier , industriel, membre du Conseil
municipal.
Brüx-Lavaixxe , secrétaire de la Mairie, membre de
la Commission historique du Nord.
Liagre (Edouard), docteur en médecine.
Vassart (l’abbé) , professeur de Sciences à l’Insti¬
tution de Notre-Dame-des-Victoires.
Grimoxprez (Eugène), industriel, membre de la
Chambre syndicale.
Faidherbe (Aristide) , instituteur adjoint.
Scrépel-Chrétiex , industriel.
3I0TTE-B0SSUT, ^ industriel. Président de la Chambre
syndicale.
1/
Erxoult-Delattre, industriel, membre de la Chambre
syndicale.
Baucarxe-Leroux ; ^ Maire de Croix , Président du
Comice agricole de Lille.
Eeckmax (Louis) , négociant , membre du Conseil
municipal et de la Chambre consultative.
Bossut (Jean-Baptiste) , négociant.
Bossut (Henri), négociant, Juge au Tribunal de
Commerce , membre de la Chambre syndicale.
Delattre ( Carlos ) , industriel , ancien élève de
l’École polytechnique.
Laumoxier (Emmanuel) , employé de commerce.
Verxier-Blaxquart , directeur delà Caisse commer¬
ciale, Juge au Tribunal de Commerce.
Ferrier, industriel, membre de la Chambre syndicale.
Bulteau-Lexglet , industriel , Juge au Tribunal de
Commerce, membre de la Chambre syndicale.
Les travaux courants de la Société d’Emulation de
Roubaix ont été résumés par 31. L. Legrand, secrétaire, dans
la même séance solennelle du 17 décembre.
— 171 —
Nous avons eu, a-t-il dit, dès cette année, des travaux
de genres bien différents. La Poésie, l’Histoire, les
Sciences, les Arts , la moralisation des classes ouvrières
sont venus tour à tour intéresser nos séances. M. Alex.
Faidherbe, dans une ode intitulée : A mon premier né, nous
a dépeint tous les dangers que l’enfant rencontrera ; mais
il a dit aussi les secours que Dieu lui a ménagés. A son
entrée dans la vie , il trouve une mère
Qui , sous mille baisers , étouffe tous nos pleurs ,
Ecarte de nos mains les épines des fleurs,
La pierre du sentier de nos pieds encor frêles ;
il trouve l’Eglise, mère aussi, qui reçoit l’enfant au berceau,
et le suit par tous les degrés de la vie jusqu’au seuil du
tombeau. Là encore , par des promesses divines et de
sublimes espérances, elle adoucit ses derniers instants.
M. Pierre Motte nous a lu une Oo?e sur la mort du jeune
chrétien qui peint bien le rôle consolateur de l’Eglise au lit
de mort de ses enfants.
J’ai maintenant à vous entretenir , Messieurs , d’une
œuvre poétique de plus longue haleine, où l’histoire, sans
rien perdre de sa vérité, s’est voilée sous une ingénieuse allé¬
gorie. Je veux parler des Quatre âges del'Escautde M. Brun-
Lavainne. L’Escaut, fleuve bien ignoré jadis , et dont les
bords n’étaient habités que par les sauvages Nerviens,
l’Escaut vit se développer sur ses rives un des peuples les
plus riches et les plus industrieux du monde entier. Le
poëme de M. Brun-Lavainne contient, tracée à grands
traits, l’histoire de cette Flandre dont nous pouvons être fiers
d’être les fils. 11 se termine par le tableau de sa prospérité
actuelle , due tout entière à l’Industrie. Quelques aperçus
sur les faits les plus saillants de Thistoire générale com¬
plètent cette œuvre aussi bien pensée que bien écrite et qui
fera honneur à nos mémoires.
Me voici amené tout naturellement sur le domaine de
l’Histoire , mine toujours explorée et toujours inépuisable
et qui fournit un large tribut aux travaux des sociétés litté¬
raires. — VHistoire religieuse de la Flandî'e Wallojine ^
de M. Leuridan, contient le récit des travaux évangéliques
des premiers apôtres de nos contrées. La barbarie de nos
sauvages ancêtres, que le contact de la civilisation romaine
n’avait pu adoucir, fut domptée et vaincue par la religion
chrétienne. Le sang des martyrs féconda la bonne semence
jetée par St. Fiat, St. Chrysole, St. Eleuthère, St. Vaast
— 172 —
et d’autres saints non moins illustres. Les abbayes , qui
s’élevèrent de toutes parts, continuèrent l’œuvre de ces
premiers pasteurs et ont droit aussi à une grande part de
notre reconnaissance. Je ne puis les citer : car la nomen¬
clature de ces écoles de science et de vertu sortirait des
bornes imposées à ce travail. M. Leuridan s’est arrêté cette
année au moment où commence le grand mouvement des
Croisades qui porte les peuples de l’Occident à la conquête
et à la défense du tombeau du Christ. Dans ces nobles
combats , la Flandre ne resta pas en arrière ; elle sut verser
son sang et prodiguer ses trésors.
Dans la même séance, M. Bonnier a émis le projet de
création d’une Galerie rouhaisienne à l’instar de celle
organisée par la Société des sciences de Valenciennes.
Charles-Quint , à la requête de la princesse douairière
d’Espinoy , fixant l’heure matinale des plaids à la Halle ,
pour que les justiciables fussent dans un état de sobriété
dont les séances après diner n’offraient pas toujours le spec¬
tacle ; — Philippe II octroyant « le scel armorié aux causes
ï pour le bien et entretenement de la république dans la
» ville et terre de Roubaix, grande, spacieuse et fort
» peuplée » ; — le comte de Flandre accordant aux habitants
de Roubaix le privilège de « licitement drapper et faire
» draps de toutes laines ; » ■— Jean, duc de Bourgogne, con¬
cédant la charte échevinale de Roubaix ; — de nos jours , la
bénédiction inaugurale des eaux distribuées à Roubaix ; —
la présentation des autorités à L.L. M.M. l’Empereur Napo¬
léon III et à l’Impératrice Eugénie , à l’Hôtel-de-Ville ; —
l’audience aux Tuileries par S. M. l’Empereur des délégués
des Chambres consultatives de Roubaix et Tourcoing; —
tout récemment , l’inauguration du Tribunal de Com¬
merce et maints autres faits de la vie religieuse , civile ,
politique , commerciale et industrielle de Roubaix repré¬
sentés sur la toile, seraient utilement offerts à la curiosité
publique et apprendraient aux hommes des générations
nouvelles comment dans une commune se fonde la pros¬
périté particulière et générale et se conquièrent les titres
d’honneur de la cité.
Les portraits des hommes célèbres ou utiles, des prêtres,
des religieux, des baillis, des échevins, des maires, des
magistrats et de tous les personnages qui trouvent une place
— 175 —
distinguée dans l’iiistoire de Roubaix entreraient aussi
naturellement dans la galerie.
Enfin un médailler et tous les objets qui se rattachent à
riiistoire de la ville et de la fabrique de Roubaix forme¬
raient l’utile complément de la nouvelle institution.
M. l’abbé Vassart a ensuite exposé les progrès des doctrines
et des méthodes chimiques; il a commencé par rendre un
• juste hommage aux découvertes des alchimistes, tout en dé¬
plorant qu’ils aient perdu tant de temps et d’intelligence à
poursuivre de puériles rêveries. Puis il est arrivé à Lavoi¬
sier, le créateur et le législateur de la chimie moderne ; il
a retracé ses longues luttes contre les plus grands chimistes
de l’époque, Cavendish, Rerthollet, Scheele, Priestleye, qui
soutenaient la théorie du phlogistique ; il a dit quelle fut sa
part dans la création de la nomenclature chimique dont
l’idée première revient à Guyton de Morveau. Puis il a
montré la théorie atomistique venant se substituer sous
nos yeux à la théorie dualistique de Lavoisier.
Les méthodes aussi se multiplient et se perfectionnent.
La Balance, entre les mains de Lavoisier, créa l’analyse chi¬
mique; puis vint l’Eudiomètre et enfin le Spectroscope , cet
instrument merveilleux qui nous a relevé la composition du
soleil aussi bien que si un chimiste l’avait tenu dans son
creuset.
Le résultat de ces théories et de ces méthodes, c’est la
chimie industrielle avec toutes les merveilles que l’industrie
étale autour de nous. M. l’abbé Vassart rappelle que chaque
progrès dans l’ordre des sciences est aussi un pas fait vers
une connaissance plus parfaite de l’Auteur de l’univers.
M. Faidherbe a terminé la séance par d’excellents conseils
relatifs au patronage des écoles primaires :
Ah! s’est-il écrié, si vos instituteurs étaient moins ab¬
sorbés par l’enseignement, par la préparation des leçons et
des devoirs, quel bien ne feraient-ils pas en consacrant.
— 174 —
chaque semaine , quelques heures à visiter les parents de
leurs élèves ! En voici une preuve palpable : 20 enfants ,
dont j’ai vu les parents ou auxquels J’ai écrit, n’avaient su,
pendant le mois d’Octobre , que 95 leçons ; ils en ont su 136
dans la première moitié de Novembre. Il n’y en a que trois
qui soient restés stationnaires. Je me suis également trouvé
bien de procéder, en présence des parents, à un examen
détaillé sur telle ou telle partie de l’enseignement. Ils sui¬
vaient, avec un intérêt qui m’a supris bien des fois, les
réponses de leurs enfants. Quelques-uns y perdaient de
dangereuses illusions, et tous s’éloignaient résolus à me
seconder.
Doutez-vous , Messieurs , que cet examen ne fût encore
plus profitable, s’il avait lieu en présence de quelques per¬
sonnes haut placées dans l’industrie , et dont les enfants
croiraient pouvoir attendre au besoin un utile appui ?
Nous ne finirons pas cet article , sans souhaiter la bien¬
venue à la Société d’Emulation de Roubaix qui nous parait
comprendre parfaitement son rôle et qui nous semble ap¬
pelée à occuper un rang très-honorable parmi les autres
compagnies savantes du ressort académique.
J. G. et A. D.
SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI.
Travaux courants.
M. Bruyelle, qui rédige annuellement depuis 1852 le
précieux Bulletin archéologique de V arrondissement de
Cambrai dont nous avons souvent parlé , a eu l’heureuse
idée de l’étendre rétrospectivement jusqu’à 1800. Dans la
séance du 10 novembre dernier, il a communiqué à ses
collègues ce nouveau travail qui ne peut manquer d’être
accueilli du public avec une légitime faveur.
Le 29 novembre , M. Fégueux a lu à la Société un mé¬
moire sur : La position sociale de la femme au Mexique.
Dans ce récit semé d’anecdotes piquantes , l’auteur trace
des habitudes d’une population au milieu de laquelle il a
— 175 —
longtemps vécu, une peinture rarement à l’avantage du
sens moral de ceux dont il s’occupe.
« Travaillant le moins possible et dévorée d’un désir
insatiable de paraître , indienne , mexicaine ou de sang
mêlé , mariée ou libre , la femmeau Mexique se livre trop
facilement en général à des plaisirs défendus, que rechercbe
et provoque une population masculine possédée des mêmes
goûts , à quelque rang qu’appartiennent ceux qui la com¬
posent, et quel que soit leur état social.
Le 2 février, M. Fégueux a donné lecture d’un autre
mémoire où il traite des eaux de Baréges. « En s’appuyant
sur des expériences journalières par lui faites durant trois
mois de l’été de 1869, il a prouvé que ces eaux n'ont pas
une température et une sulfuration constantes ; que les
changements qui s’opèrent en elles ne tiennent pas à des
causes extérieures : pression de l’atmosphère , quantité
d’eau tombée , phénomènes météorologiques dus à l’élec¬
tricité , température ambiante. »
« Il a fait aussi deux analyses quantitatives, et pour Tune
d’elles , celle de la piscine militaire , il a pu établir les
preuves que l’aménagement actuel a des résultats favorables
en ce sens qu’il a diminué , depuis 1862 , la quantité de
composés oxigénés du soufre se formant au détriment du
sulfure de sodium, principe actif des eaux de Baréges. »
Dans la même séance , M. Durieux a lu un chapitre d’his¬
toire locale intitulé : Les Dinars de Monsieur VEvêque du
Nord à Cambrai en 1791.
« En rapportant un fait anecdotique inédit , relatif à
l’évêque Primat , l’auteur a eu pour but de mettre en relief
le prix des denrées alimentaires en 1791 , époque où ce
prix était déjà relativement élevé, bien qu’il ait doublé au¬
jourd’hui. M. Durieux a en conséquence reproduit l’état
officiel des frais payés par la municipalité pour le vivre
— 176 —
du prélat constitutionnel et de sa suite , du 20 au 25 avril
de cette même année. Il a accompagné ce document, trouvé
par lui aux archives de la ville en 1866, de détails peu
connus sur la vie de celui qui devint, en 1802, archevêque
de Toulouse où sa patience et sa charité triomphèrent de
tous les obstacles. »
Le 16 février, M. Durieux a entretenu l’assistance d’un
autre épisode des annales cambrésiennes à l’époque révo¬
lutionnaire.
« En juin 1791 , une religieuse de Sainte-Agnès étant
morte, le bruit courut qu’elle avait été inhumée dans le ca¬
veau de sa communauté, au mépris des lois et arrêtés
municipaux , et que son cercueil , transporte néanmoins au
cimetière commun de la porte Notre-Dame , ne contenait
que des pierres et de la terre. Ces troubles prirent fin après
la satisfaction donnée forcément aux mutins par la muni¬
cipalité , qui fit exhumer le cadavre le soir même de l’enter¬
rement. »
Le 9 Mars, M. Durieux a communiqué à la Société une
étude historique et artistique , accompagnée de dessins à
l’aquarelle, ayant pour sujet « le faubourg Saint-Druon, sa
chapelle, un reliquaire en argent du XVII.® siècle, qu’on
y voit encore, et une décoration ou enseigne d’archers, éga¬
lement encore en la possession et à l’usage de la compagnie
de l’arc de cette partie de la banlieue. »
Le 23 Mars, M. Ch. Aimé Lefebvre a lu un travail sur la
Bourgeoisie cambrésicnne au XVI. ^ siècle.
« Les diverses façons de servir le progrès, entre autres
en concourantà compléter riiistoire locale par la description
de détails destinés , dans certaines parties , à corroborer
l’ensemble des faits, fournissent à M. Lefebvre la matière
d’un préambule développé qu’il fait suivre de la peinture
minutieuse de l’intérieur d’une maison à Cambrai de 1521
— 177 —
à 1526. Les documents qu’il met en œuvre, tirés des ar¬
chives communales, sont puisés dans ce que nous nomme¬
rions aujourd’hui un inventaire après décès. L’auteur passe
en revue, en les décrivant le plus possible, les meubles, les
armes, les bijoux, les vêtements , jusqu’aux ustensiles de
ménage, (caudrelats ou cauderlats) et donne la distribution
du logis habité par un riche bourgeois de notre ville,
M.® Hustin (Hutin) , procureur et accidentellement ambassa¬
deur pour la cité. Cette monographie est accompagnée de
curieuses indications sur les mœurs , les coutumes , les
usages religieux , civils , mortuaires et autres , les façons
d’être envers les domestiques (mesquines ou méquaines)
etc. » On retrouve , dans toute cette nomenclature , des
expressions encore employées aujourd’hui dans le patois
Cambrésien. A. D.
SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES SCIENCES, DE L’aGRICULTüRE
ET DES ARTS DE LILLE
Travaux courants.
Observations sur le tam-tam des Chinois par M. Bachy.
Depuis Darcet on répétait dans tous les cours de chimie,
que le métal avec lequel est fait le lô ou tam-tam des chinois
présente des propriétés exceptionnelles sous le rapport de
la trempe. Tandis que lacier trempé se brise au moindre
choc, l’alliage de cuivre et d’étain qui sert à faire les tam-tam
deviendrait beaucoup plus malléable après avoir été trempé.
En janvier dernier, MM. Riche et Champion annoncèrent
que cette opinion était erronée et que le bronze des tam-tam
se martèle et même se lamine à chaud. M. Champion qui
avait pu suivre les phases de la fabrication des tam-tam à
Sang-haï, avait constaté que le travail ne consiste que
dans un martelage à chaud suivi plus tard de la trempe. Ces
— 178 —
auteurs sont parvenus par ce procédé à fabriquer des cym¬
bales en tout semblables aux tam-tam. Cette observation a
appelé l’attention de M. Bachy sur le passage d’un livre
publié en 1820 et intitulé : De la Chine ou desciHption géné¬
rale de cet empire. C’est une lettre écrite par un mission¬
naire, le P. Amiot, en 1784 et où sont exposés, dans les plus
grands détails, les procédés de fabrication du lô. On y voit
que le martelage se fait alors que la pièce est chaude et
même portée au rouge. D’après ce document l’alliage des
tam-tam est de 10 livres de cuivre , 3 d’étain et 1 de
bismuth.
M. Testelin a offert, pour le musée de la ville de Lille, le
bassin d'une femme rachitique qui a subi deux fois avec
succès l’opération césarienne. C’est un fait assez rare pour
être signalé ; car le savant docteur estime que les chances de
mort par suite de cette opération sont à peu-près de 98 O/q.
Nous ne pouvons suivre l’auteur dans la dissertation médi¬
cale dont il a accompagné cette présentation.
M. Cb. Viollette a reconnu la présence du Sélénium dans
du cuivre provenant de l’usine de Biache-Saint-Waast par
Arras. Le minerai qui a servi à la fabrication est celui du
Chili.
M. Dareste (*) est parvenu à produire à volonté l’in¬
version des viscères dans de jeunes poulets qu’il développe
avec sa couveuse artificielle. On désigne sous le nom d’m-
version du viscère une monstruosité assez rare qui consiste
en ce que le cœur est à droite , le foie à gauche et tous les
autres viscères disposés symétriquement du côté opposé où
ils le sont à l’état normal. Pour obtenir cette anomalie ,
M. Dareste maintient sa couveuse à une température uni¬
forme de 41 à 42.® Malheureusement les embryons de pou-
(1) Bulletin , t. i , p. 259.
— 179 —
lets , en même temps qu’ils sont affectés de l’inversion des
viscères, contractent une altération du sang, une sorte d’hy-
dropisie qui les empêche d’arriver jusqu’à l’éclosion.
J. G.
BIBLIOGRAPHIE.
MÉMOIRE SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LOUIS XI
ET SUR SES RAPPORTS AVEC l’iTALIE,
par M. Abel Desjardms(q.
11 n’est pas un historien quelque peu jaloux de la vérité,
qui n’éprouve un vif sentiment de satisfaction lorsqu’un
antique préjugé vient à disparaître devant la pleine lumière
de l’évidence : c’est le plaisir que nous avons ressenti à lire
le Mémoire sur la Politique extérieure de Louis XI et sur
ses Rapports avec ritalie, présenté à l’Institut par le savant
professeur et doyen de la Faculté des Lettres de Douai ,
M. Abel Desjardins. S’il y a une opinion stéréotypée dans
les livres, enracinée dans les esprits, que nous ayons émise
plus ou moins à l’occasion, c’est celle qui attribue à Louis XI
un désintéressement complet des affaires de l’Italie au
XV.® siècle, une sorte de parti-pris de ne pas s’en occuper,
un système d’abstention bien arrêté ; on s’appuie au besoin
du mot brutal vulgairement prêté au roi de France à l’en¬
contre de la ville de Gênes qui aurait voulu se donner à
lui et qu’il aurait refusée. Il faut résolument rayer cela de
nos papiers et de notre enseignement ; la lecture du Mé¬
moire de M. Abel Desjardins nous en fait une obligation de
conscience: car il est désormais établi que Louis XI, loin de
rester étranger aux affaires italiennes, y a recberché une
part d’influence proportionnée à l’importance même de la
monarchie française en Europe à cette époque. (*)
(*) Paris, imprimerie impériale, 1868.
— 180 —
L’auteur a exploité habilement les Documents extraits des
Archives de la Toscane et qui sont réunis dans le premier
volume de l’ouvrage ayant pour titre : Négociations diplo¬
matiques de la France avec la Toscane. Cet ouvrage est
compris dans la Collection des Documents inédits publiés
par le Ministère de Tlnstruction publique. Des pièces très-
curieuses consultées et citées par M. Abel Desjardins il
ressort que Louis XI , avant même son avènement , puis au
commencement de son règne , a pris un intérêt sérieux aux
affaires de l’Italie. On oppose volontiers l’étourderie de
Charles VIII se lançant dans l’aventure de la conquête de
Naples, à la sagesse de Louis XI qui n’aurait jamais songé
à soutenir les droits de la maison d’Anjou; la vérité est
qu’il y songea de bonne heure et ses lettres en font foi. Il
n’a pas toujours , comme on le croit , dédaigné la possession
de Gênes: car, au contraire, il y a dans ses communications
avec la Seigneurie florentine des traces positives de ses pré¬
tentions sur cette grande cité commerçante et maritime. Il
soutient vigoureusement les Sforce à Milan ; il intervient
entre Florence et le Pape ; il veut la réconciliation des puis¬
sances de la Péninsule pour combattre le Turc. Qui se serait
douté que Louis XI ait projeté une Croisade? On lit cepen¬
dant en toutes lettres , dans sa correspondance diploma¬
tique , qu’il considérait la coalition de toute la chrétienté
contre le Turc comme un objet de premier ordre. Sans
doute la réflexion et les circonstances l’ont conduit à
modifier ses idées ; mais il n’est plus possible , après le
Mémoire de M. Abel Desjardins, de maintenir cette vieille
assertion dont nous parlions plus haut, qui consiste à
présenter Louis XI comme indifférent à la politique ita¬
lienne. Parmi les documents cités il en est qui jettent uu
jour nouveau sur le caractère de ce prince, sur ses goûts,
sur ses sentiments fraternels. Si l’Etude dont nous donnons
— 181 —
ici la substance se rattachait plus directement à nos régions
du Nord, nous nous ferions un devoir d’entrer dans quel¬
ques développements ; retenus parles nécessités du cadre
de notre Bulletin , nous sommes forcés de nous borner
à recommander le travail de M. Abel Desjardins aux ama¬
teurs de la science historique; ils y trouveront, avec le
style élégant , discret , limpide auquel nous a accoutumés
réminent doyen de la Faculté des Lettres , une critique
toujours fine, des aperçus toujours ingénieux, une érudition
toujours exacte , et ce ton de sincérité scientifique qui part
naturellement d’un esprit bien doué sous ce rapport.
F. Chon .
RAPPORT SUR LA SITUATION DE l’iNDUSTRIE MINÉRALE
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS,
par M. Coince , ingénieur des mines.
Ce rapport, tiré des procès-verbaux du Conseil général
du Pas-de-Calais, est essentiellement administratif et indus¬
triel. Nous pouvons cependant en extraire plusieurs rensei¬
gnements scientifiques importants. Sous le rapport de la
statistique , nous trouvons que le département du Pas-de-
Calais renferme 20 concessions houillères , 33 fosses en ac¬
tivité et 3 en creusement. En 1868, il a produit 19,488,367
hectolitres de houille : ce qui fait une augmentation de
1,316,303 hectolitres sur 1867. En 1867 , les houillères
ont occupé 11,376 ouvriers gagnant , en moyenne, 3 fr. 06
par jour.
Au point de vue scientifique , signalons que la fosse n.° 3
de Bruay a atteint le terrain houiller à une profondeur de
124 m. 30 c. , la fosse n.“ 3 de Maries, à la profondeur de
133 m. On a repris des travaux de recherches commencés
jadis sur le territoire de Courcelles-lez-Lens à la limite des
départements du Nord et du Pas-de-Calais. On a traversé ,
— 182 —
sous les terrains morts , à 138 mètres de profondeur, 21
mètres de schistes calcarifères , sans atteindre la houille.
Le minerai de fer du Boulonnais a occupé, en 1867, pour
son extraction et son lavage, 7 à 800 ouvriers. La production
a été de 131,293 tonnes avec une diminution de 16,033
tonnes sur 1866.
La présence du minerai de fer dans le Boulonnais y a
développé l’industrie métallurgique. Les deux hauts-four¬
neaux d’Outreau ont produit, en 1868, 314,726 quintaux de
fonte d’affinage, et les trois hauts-fourneaux de Marquise
172,703 quintaux.
L’usine métallurgique de Biache-Saint-Vaast a produit, en
1868, 4,219 quintaux de cuivre laminé , 1,933 quintaux de
cuivres en tubes sans soudure , 24,321 quintaux de bronze
monétaire, 1,710 de plomb pauvre, 239 kilogr. d’argent et
9 kilogr. d’or.
Le cuivre provient de minerais naturels du Chili et de
cuivres noirs ou cuivres impurs ayant subi un premier
traitement métallurgique. Parmi les nombreux produits
sortant de cette usine , on peut citer des flans de bronze
prêts à être frappés et destinés à la refonte générale des
monnaies de billons espagnols et des ailettes en zinc pour
les projectiles des canons rayés. J. Gosselet.
BAVAI ET LA COXTRÉE QUI l’EISVIROXNE , HISTOIRE POPULAIRE ,
par L. Delliaye. (0
Cette Histoire de Bavai est une œuvre volumineuse où
l’intérêt , il faut le dire, ne se soutient pas également dans
toutes lesparties. Sous le prétexte , louable après tout , d’in¬
struire ses concitoyens sur les vicissitudes de la contrée qui
environne Bavai , l’auteur donne un résumé complet, mais
(9 Douai , Dechristé , in -8." de 500 p.
— 185 —
peu utile ici , des annales du Hainaut durant les diverses
dominations que cette province a traversées. Je passe rapi¬
dement sur les nombreuses pages de ce résumé, fort bien
élaboré d'ailleui's et dont je n’accuse que l’inopportunité,
pour signaler dans l'bistoire locale seize ou dix-buit para¬
graphes groupés sous ces titres: Bavai ancien. Bavai moyen-
âge et moderne, Bavai contemporain , chapitres intéressants,
pleins de patientes recherches , de documents et de détails
curieux , exhumés et réunis avec un zèle filial que rien n’a
rebuté et qu’on ne saurait trop louer.
On trouve dans cette partie , outre des notions déve¬
loppées sur la topographie , sur les coutumes , les mœurs et
les usages , sur la biographie , une foule de renseignements
neufs et puisés aux sources authentiques , une loi de la
Franche-rue de Bavai , des comptes de la Prévôté , des
aperçus sur les institutions civiles et religieuses et enfin des
notices sur les communes du canton de Bavai.
Tout cela est modestement donné par l’auteur à titre
d’essai ; mais cet essai a le mérite de réunir d’excellentes
qualités que la Société impériale des sciences de Lille a
distinguées en décernant à l’auteur une médaille d’argent en
décembre dernier , heureuse de récompenser ainsi les efforts
d’un homme de goût qui honore ses loisirs en les consa¬
crant au culte des choses de l’esprit. Th. Leurid.vn.
LE BARON DE VUORDEN,
Sa vie , ses écrits ,
par M. le comte Ch. de Veudegies. J)
m.
Vuorden semblait presque entièrement ^erdu pour la vie
publique, lorsque les événements se cliargèrent de le
(1) Voir 6u/ie/jn, t. Il , p. 158-164.
— 184 —
remettre en évidence. Le 27 avril 1667, parvint dans les
Pays-Bas la nouvelle certaine d’une rupture entre la France
et l’Espagne. « La cour (de Bruxelles) fut fort troublée ,
quoique le gouverneur (Castel-Rodrigo) témoignât grande
confiance et fit bonne mine à mauvais jeu... Tout le mois
de mai se passa en apprêts très-lents , les fonds manquant
tant pour payer les vieilles troupes que pour en lever de
nouvelles... On résolut quantité de choses , entr’autres de
faire sauter Charleroy , La Bassée et Armentières : ce qui
s’exécuta du 20 au 25 mai. Sur la fin du mois, le roi de
France parut sur la frontière, se dirigeant vers Avesnes avec
40,000 hommes ; il fit prendre possession de Charleroy le 5
juin et s’y rendit le 8. Pendant sa marche, le maréchal
d’Aumont fut chargé d’attaquer Bergues-Saint-Winoc qu’il
prit en deux jours et Fumes peu après. Le 19 , le ma¬
réchal se rapprocha d’Ypres où le comte de Solre et moi
étions pour renouveler la loi ; nous crûmes être pris , mais
il ( le maréchal ) passa à Armentières qu’il fortifia. »
Vuorden n’échappa à cette alerte que pour en éprouver
bientôt une autre plus vive. Le 20 mai , Louis XIV investit
Tournai ; le 24 , il réduisit la ville à capitulation ; il y entra
le lendemain , et y revint le 26 juillet avec la reine Marie-
Thérèse, au nom de qui se faisait cette guerre. « Le soir
même, dit le bon Vuorden, j’eus l’honneur de voir la
Reine dans sa chambre ; elle me reconnut et me promit sa
protection. Le lendemain, je haranguai le Roi et la Reine
au nom des Etats. » Jusque-là tout allait bien pour la for¬
tune de notre ami comme pour le succès des armes de Louis
XIV qui, en août, couronnait ses conquêtes par la prise de
l’importante place de Lille. Mais voilà qu’en septembre ,
arrive à Tournai,. en qualité de lieutenant-général , le comte
de Duras , dont l’un des premiers soins fut de mettre la
main sur M. de Vuorden. Il l’envoya quérir par le major
— 185 —
de Saint-Aubin et , en présence de deux autres officiers , il
lui dit qu'il avait un « compliment fâcheux » à lui faire de
la part du Roi , « qui étoit que je sortisse de la ville où je
devenois suspect pour des raisons qu’il ne savoit pas. »
A quoi donc servait à M. de Vuorden de s'être , ainsi
qu’il le déclare, tenu, autant que possible , depuis la nou¬
velle guerre, à l’écart des seigneurs influents du pays,
bornant ses soins à cultiver sa campagne de Rumes, à
acheter des livres, à attirer d’obscurs amis dans sa maison
de ville dont « sa jolie petite femme » faisait si bien les
'honneurs , — à quoi lui servait-il même de s’être mis en
frais d’éloquence auprès du monarque conquérant et de sa
pacifique compagne , puisqu’on fin de compte, en dépit de
si sages précautions et de démarches si habilement calculées,
il se voyait classé par S. M. T. G. au premier rang des sus¬
pects? Les instructions du Roi à M. de Duras étaient for¬
melles en ce qui concernait Vuorden : « quoique la Reine ^
y lisait-on , vous ait recommandé ce gentilhomme ^ si est-ce
que vous ne laisserez de luy commander qu’il sorte inces¬
samment de Tournay. »
Dans le premier moment , l’inculpé crut qu’on l’avait
noirci auprès du Roi par d’atroces calomnies: il insista
pour qu’on lui fit régulièrement son procès. Les officiers
devant qui il comparaissait n’avaient point de pouvoirs
pour instruire sa cause : ils consentirent néanmoins , sur
ses vives instances , à visiter ses papiers où ils ne trouvè¬
rent rien de compromettant et qu’ils détinrent provisoire¬
ment. Après s’être concerté avec >1. de Duras sur le lieu de
sa retraite , Vuorden s’en alla passer quelques temps à
Rumes. Avant son départ il écrivit force lettres à tout ce
qu’il avait connu dans le monde de la cour, à M. Le Tellier,
à M. le marquis de Louvois, à M. Courtin, à M. de Turenne,
à la senora Molina, à M. le marquis de Dangeau , etc. »
— 186 —
L’intrépide solliciteur était loin de se douter que les prin¬
cipaux de ces gens-là travaillaient, dans ce moment même,
en sa faveur. Turenne, plus tard, enfitTaveu. Ils voulaient,
par un coup d’éclat , détacher irrévocablement de l’Espagne
un agent qui avait rendu à cette puissance des services
dont elle l’avait mal récompensé. Une telle explication était
trop du goût de Vuorden pour qu’il ne l’accueillît avec
autant d’empressement que de satisfaction.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à partir de ce jour nous
voyons les grâces et les faveurs pleuvoir sur lui. Non-seule¬
ment Louvois lui écrit pour l’autoriser à rentrer dans
Tournai ; mais une des deux places de chevalier d’honneur
qu’on vient de créer au parlement de cette ville lui est
attribuée; bientôt et par la volonté du Roi, il entrera,
comme Grand-Bailli , aux Etats de Lille. Remarquons
qu’aucun de ces emplois ne l’enlève à sa province, que tous,
au contraire , concourent à l’v retenir : c’est évidemment
sur ce théâtre-là que Louis XIV et son ministre, qui se con¬
naissent en hommes et qui ont besoin de gens sûrs dans
les pays de conquête , tiennent à utiliser son zèle et ses
aptitudes.
Les Etats du Tournaisis , sachant qu’ils ne peuvent dé¬
puter en cour de sujet plus agréable , l’y envoient avec leur
conseiller pensionnaire , « pour y faire quantité de remon¬
trances. * Les députés de la ville , MM. du Quesnoy et de
La Hamaïde , se joignent à ceux du plat pays. Le Roi les
reçoit à Saint-Germain le 18 août 1668. Il leur promet de
prendre en sérieuse considération leurs doléances et de leur
« faire goûter la différence de la domination de France à
celle d’Espagne , » intention qui entrait effectivement dans
le programme politique de Louis XIV et à laquelle il n’a pas
dépendu de lui qu’il ne restât toujours fidèle.
M. de Louvois, qui avait servi d’introducteur en cour
— 187 —
aux députés de Tournai et de Tournaisis , leur annonça
qu’il serait, le 30, dans leur ville où il leur rendrait leurs
cahiers favorablement apostillés.
Il ne restait plus aux députés qu’cù aller saluer, selon
l’usage , les autres ministres et les princes. Peu avares de
leurs pas , ils vont donc porter leurs hommages au grand
Dauphin , au duc d’Anjou et à la petite Madame : ils visi¬
tent ensuite le duc d’Orléans , Le Tellier , Colbert , Lionne
et le maréchal de Turenne.
C’est dans ce même voyage que Vuorden obtient l’une des
quatre charges de Grand-Bailli des Etats de Lille , celle à la
nomination du prince d’Epinoy et dont Louis XIV dispose
comme s’il lui eût appartenu de la conférer. La senora
3Iolina , camériste de la Reine , fournit à Vuorden l’occasion
de remercier directement le Roi de cette nouvelle faveur ;
elle fait plus : elle l’introduit, contre toutes les règles de
l’étiquette , dans l’appartement de Marie-Thérèse qui rele¬
vait alors de couches. La reine le reçoit étant encore au lit ;
elle le présente au dauphin qui déclare reconnaître l’ora¬
teur par qui il a été autrefois harangué à Tournai. Convenez,
d’après ce récit qui gonfle d’un naïf et touchant orgueil
celui qui en est à la fois l’auteur et le héros , que Marie-
Thérèse faisait dignement les affaires de sa seconde patrie
et qu’elle s’entendait à enchaîner par le cœur au service
de la France ceux que la fortune des armes et l’intérét poli¬
tique détachaient de l’Espagne.
IV.
Le nouveau Grand-Bailli des Etats de Lille ne tarda pas à
prendre une position importants au sein de cette assemblée.
« Le corps des baillis avoit mérité un blâme sévère pour la
manière dont la justice avoit été administrée pendant la
— 188 —
domination d’Espagne, principalement dans le paiement
des rentes où le puissant et le recommandé , sans parler
des corrupteurs, avoienl été payés exactement , tandis que
l’indigent, la veuve et l’orphelin se trouvoient n’avoir
rien reçu depuis six , dix et jusqu’à quatorze ans. J’en lis
des plaintes secrètes , mais fortes , à l’intendant de la pro¬
vince, M. Le Pelletier, homme sage et ferme , qui obtint
un arrêt pour mettre tous tes rentiers sur un pied d’éga¬
lité. Il y eut beaucoup de bénédictions pour le Roi de la
part des misérables qui reçurent ainsi de gros arrérages et
purent se tirer des embarras où ces injustices les avoient
plongés. L’arrêt fut exécuté à la rigueur. »
Afin d’obtenir le redressement de divers autres griefs, le
maréchal d’Humières, gouverneur de la province, et M. Le
Pelletier jugèrent opportun d’envoyer Vuorden une seconde
fois en députation à la cour. Ils l’insinuèrent à Messieurs des
Etats de Lille : « mais ceux qui craignoient que je n’ac¬
quisse plus d’autorité firent ce qu’ils purent pour s’opposer
à ce dessein. » Le projet n’en aboutit pas moins , et Vuorden
ne doute pas que le séjour qu’il fit, en conséquence, à Paris,
du 6 Février au 24 avril 1669, n’ait été « très-utile. »
Nous serons assez de son avis si nous tenons compte des
résultats de sa mission : « J’obtins, nous dit-il, l’expédition
des cahiers généraux et particuliers des Etats de la pro¬
vince et de la châtellenie de Lille ; l’homologation et la
capitulation de la ville et des quatre baillis, celle de la ville
et Etats de Tournai ; la réunion à la châtellenie de Lille des
cinq villages : Avelin, Provin , Bauvin, Ennevelin et Mons-
en-Pévèle qui en avoient été détachés lors du Traité des
Pyrénées. Ceci , ajoute-t-il , fut fait par M. de Louvois à ma
seule considération , pour me donner lieu de faire bien et
plaisir dans le corps où je suis entré avec ce seul but. »
Vuorden profita de sa présentation au Roi pour faire
— 189 —
ressortir les inconvénients du bureau des traites, « source
d’entraves pour le négoce , de vexations pour le bourgeois
et d’incommodité pour les gens de la campagne. » Le Roi
répondit que le bureau des traites de Lille serait aboli ’
dès que les Espagnols supprimeraient les leurs, ne voulant
pas que « ses nouveaux sujets eussent rien à envier à ceux
d’Espagne. »
Le maréchal d’Humières était, à cette époque , très-bien
avec M. de Turenne avec qui il se brouilla en 1672. Vuorden,
à la faveur de laccbrd alors régnant entre les deux hommes
de guerre , s’introduisit plus avant que jamais dans la con¬
fiance du plus illustre d’entre eux. Laissons au député des
Etats de Lille et de Tournai le soin de nous dire comment
Turenne l’accueillait quotidiennement: * Il quittoit tout le
monde dès que j’arrivois, faisoit mettre sa petite table entre
nous deux et me demandoit des détails très-complets sur les
choses les plus importantes, même sur le bureau des traites
et les nouvelles charges subies par les marchandises. MM.
Gautier et Boussemaer , députés du Magistrat de Lille , me
tenoient au courant de tout et je pus ainsi rendre de très-
bons offices à tout notre pays. »
De retour dans la région du Nord, Vuorden fut choisi par
Louvois pour régler, de concert avec un commissaire d’Es-
qiagne , des difficultés au sujet de la redoute de Warneton.
Le 22 mai 167o, Louis XIV, étant de passage à Lille, lui
adresse de publiques félicitations pour la manière dont il
s’acquitte en tout de son service. MM. de Duras et Vauban
l’assurent, au sortir de celte réception, qu’«il n’y avoit pas
de gentilhomme en France que le Roi eût traité plus
favorablement. »
Au mois d’octobre suivant, les vicissitudes de la guerre
ramènent l’ennemi au plein cœur de la châtellenie de Lille.
L’armée d’occupation forme , des quartiers de Weppe et
— 190 —
Ferrain , d’une part , Pévèle-Mélantois et Carembault ,
d’autre part, deux départements auxquels elle prépose des
intendants, les sieurs d’Ophem et Delvaux , qui réclament
du pays une énorme contribution de guerre. Les Grands Bail-
lis , après avoir inutilement essayé d’adoucir d’aussi rudes
exigences, « laissèrent chaque communauté traiter pour son
propre compte, jugeant que les paysans trouveroient plus
facilement 500,000 florins pour les Espagnols qui lesdeman-
doient la torche à la main , que pour eux-mêmes en usant
d’une sévérité qui les rendroit odieux dans le pays. »
(Sera continué) A. Desplanque.
HISTOIRE DES ÉTATS DE LILLE ( Suite )
par M. de Melun (')
Nous sommes arrivé à l’époque de Charles-Quint, époque
justement célèbre comme on le sait et de laquelle date peut-
être le premier mouvement qui devait aboutir à 1789. Les
Etats suivaient toujours les traditions du passé.
Mais avec l’austère Philippe II, l’ennemi acharné des doc¬
trines religieuses qui se développèrent sous son règne, quel¬
ques éléments inconnus jusque-là étaient venus s’ajouter,
pour le vote des subsides extraordinaires, aux députés que
nous connaissons. C’est ainsi que, pour des levées d’argent qui
furent exigées plus d’une fois par le Lieutenant du roi d’Es¬
pagne , on assemblait à la Halle , outre les membres ordi¬
naires, « les prélats, les gens d’églises, les représentants
des nobles de la province et même plusieurs manants de
la ville. »
Il conviendrait de s’arrêter un instant sur le règne mou¬
vementé de Philippe II , pour voir fonctionner les Etats
(1) Voir Bullelin, t. II, p. 119-124.
— 191 —
dont le rôle était devenu beaucoup plus actif, par suite des
agitations du pays , contre-coup du soulèvement de toute
la partie occidentale des Pays-Bas , par suite surtout des
impôts nouvellement établis qu’il fallait percevoir sur des
populations mécontentes des charges qu’elles supportaient
déjà. Malheureusement le temps nous fait défaut et nous ne
pouvons plus que traverser rapidement l’espace qui sépare
la domination espagnole de la disparition des Etats de Lille,
en nous arrêtant toutefois sur quelques points saillants du
gouvernement de Louis XIV et de ses successeurs.
Et d’abord rappelons que les Etats étaient composés
du magistrat de Lille, des quatre seigneurs hauts justiciers,
qui avaient maintenant la préséance, et des députés des
magistrats de Douai et d’Orcbies.
Les membres des Etats se réunissaient chaque année, et le
jour de louverture des séances, l’Intendant adressait une
harangue à l’assemblée.
« Ces discours, dit M. de Melun (*), par leur solennité et
aussi par l’exposé qu’ils présentaient de tous les actes inté¬
rieurs et extérieurs du gouvernement, ressemblaient assez à
ce que nous appelons de nos jours un discours du trône, et
se terminaient toujours par une demande de subsides. Les
éloges et les promesses étaient prodigués suivant les besoins
à ceux qui devaient se montrer généreux envers la cou¬
ronne.
a II était rare que les impôts réclamés par le gouverne¬
ment fussent entièrement accordés. Les Etats faisaient subir
une diminution à des demandes qui probablement étaient
calculées en conséquence. C’était comme une convention
tacite entre les deux partis, attestant d’une part l’exercice
d’un droit et de l’autre le respect de la foi jurée. Les
0) 1868, p. 376.
— 192 —
exigences de la guerre obligèrent quelquefois de déroger
à ces vieilles coutumes; mais pour faire oublier des néces¬
sités qu’il avait bien fallu subir, le représentant du roi a soin
de louer outre mesure la générosité plus ou moins volon¬
taire des Etats. Il déclare dans certaines circonstances que
la province de Lille servira de modèle à tous ses voisins et
ajoute que le roi et les ministres sont très-satisfaits de son
zèle et de son application aux affaires , surtout à celles qui
regardent le service de Sa Majesté.
. Au moment de la conquête de la Flandre , Louis XIV
allait atteindre l’apogée de la puissance ; il pouvait se
montrer conciliant.
Le grand roi avait consenti à jurer l’observance des droits,
stils, usages et anciens privilèges de la ville et de la pro¬
vince, et le parlement avait ratifié le maintien des fran¬
chises assurées par la capitulation qui , entre autres clau¬
ses, garantissait la liberté individuelle.
En 1678 la province, érigée en gouvernement particulier
avec Lille pour capitale , n’avait encore qu’à se féliciter de
son annexion à la France , mais les succès ne devaient pas
larder à disparaître... Les nécessités de la guerre allaient
rendre le vieux roi beaucoup moins scrupuleux que jadis ,
et les exigences de la cour allaient donner naissance aux
conflits qui plus tard enlèveront aux Etats les franchises et
libertés dont ils jouissaient.
Les Etats étaient chargés de faire exécuter les canaux et
autres voies de communication ; la construction et l’en¬
tretien des routes figuraient aussi dans leurs budgets, ainsi
que l’entretien des fortifications pour la construction des¬
quelles la ville et les Etats avaient dû payer un subside de
60,000 florins pendant quatre années. Ils supportaient
encore les charges propres aux pays frontières où les troupes
se rassemblaient avant d’entrer en campagne.
— 1Ü3 —
Ce n’est pas tout. « A l’impôt annuel que l’on appelait
les aides, se joignaient trop souvent les aides extraordi¬
naires dont le chiffre était plus vivement contesté... Il y
avait en outre le don gratuit qui d’abord n’avait été accordé
que dans des circonstances spéciales telles que l’avènement
du souverain , la naissance d’un prince , etc. etc. Plus tard
il devint presqu’annuel et fit partie des revenus sur lesquels
l’Etat pouvait compter. » (^)
Et il fallait faire face à tous les besoins. — Comment?
Par des impôts ? Mais le poids en était accablant et la mul¬
tiplicité des taxes de toutes sortes ne pouvaient que fatiguer
les conliibuables sans grand profit pour le Trésor qui , par
suite d’une perception compliquée, n’en retirait qu’une faible
quotité.
A latin du siècle, les impôts, et les quelques gros bénéfices
qu’avait procurés l’altération des monnaies , ne suffisant
plus, la Cour escomptait la vanité des hommes en décrétant
la vénalité des charges, voir même des charges municipales.
Que dire des Etats sous Louis XV
Ils n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Les orgies
de la Régence avaient pâli devant la dégradation dece roi
flasque et corrompu, et l’exemple se réfléchissait dans
toute l’administration.
Les Etats de Lille n’avaient plus d’influence: « on discutait
à peine la quantité des aides jadis si vivement contestés , et
l’on votait sans opposition les sommes demandées par la
couronne. Les aides extraordinaires deviennent ordinaires,
on ajoute encore à tous les impôts le sol par livre. »
Sous Louis XVI , le clergé et la noblesse de la province,
qui depuis longtemps protestaient contre leur éloignement
des affaires publiques, étaient enfin parvenus à faire partie
des Etats ; seulement leur participation au règlement des
(1) 1868, p. 379.
— 194 —
intérêts légaux du pays fut de courte durée puisque bientôt
ces derniers allaient être absorbés dans les Etats généraux,
suivis presqu’immédiatement de cette autre assemblée
qui devait rendre sa gloire impérissable en nous donnant
1 ere de la liberté.
Ainsi ont fini les Etats de Lille, dont nous aurions
voulu rendre l’entière physionomie dans toutes les phases-
qu’ils ont traversées.
Comme tout ce qui tenait à la vieille société , les pays
d’Etats, frappés de mort par les réformes de Turgot, se dis¬
solvaient et la Révolution n’est venue que hâter le moment
où , d’eux-mêmes, ils auraient réclamé un nouvel état de
choses. L’égalité proclamée en 1789 n’était-elle pas déjà
dans tous les esprits ? Lecocq.
SÉPULTURES ANCIENNES DE FERRIÈRE-LA-GRANDE
par M. Dombret. (b
Cette brochure, ornée de 22 planches coloriées, fait con¬
naître de la manière la plus succincte le résultat des fouilles
opérées à Ferrière-la-Grande par l’auteur, ancien ouvrier
armurier, qui s’instruisant lui-même, par ses observations,
par ses lectures, par ses réflexions, en est arrivé à acquérir
de nombreuses connaissances en archéologie et en géologie.
En publiant ces recherches , M. Van Rende , chargé de
diriger l’impression , a tenu à leur laisser le style naïf qui
en démontre l’authenticité et fait ressortir toute la sagacité
de l’auteur; il les a fait simplement précéder d’une petite
introduction dont nous extrayons les lignes suivantes.
Un habitant du village eut l’idée de suivre des travaux
d’excavations entrepris en 1865 et 1866 auprès d’un em¬
placement où des squelettes avaient déjà été trouvés en
1835 , dans une circonstance analogue.
Ces fouilles opérées pour établir des constructions ou pour
(b Lille, Dancl, br. in-8.°, avec planches coloriées.
— 195 —
extraire des pierres sur un terrain communal récemment
vendu , mirent à jour de nouvelles sépultures, et, dans
l’espace de deux ans , M. Dombret explora environ soixante-
quinze tombes parmi lesquelles il eût le bonheur d’en trou¬
ver une dizaine complètes et garnies d’armes et de bijoux.
Cet heureux chercheur conserva dans des casiers séparés
le produit de chaque tombe et en fit un album remarquable
par la précision des notes et l’exactitude des dessins. Il
était bien inspiré car sa découverte est la plus considérable
en ce genre qui eut été faite dans nos contrées.
La Société des Sciences, appréciant ce bon exemple donné
par ce modeste villageois et l’importance de sa découverte,
lui a décerné une médaille d’or dans sa séance du 27 dé¬
cembre 1868, et a résolu d’insérer le travail du lauréat
dans ses Mémoires.
Nous n’essayerons pas de préciser l’époque de l’enfouis¬
sement des armes et des bijoux remis au jour par M. Dom¬
bret. L’existence de Ferrière-la-Grande et de Ferrière-la-
Petite au temps des Romains est probable et sera peut-
être bientôt prouvée. L’emplacement de son minerai de fer
sur la limite de la contrée couverte de terrain calcaire qui
s’étend de Maubeuge à la mer, a dû aider puissamment à
l’activité de l’industrie des hauts fourneaux désignés par
César sous le nom de ferrières.
Mais les sépultures exhumées paraissent postérieures à
l’époque gauloise et à l’occupation romaine ; elles doivent
être franques, et il n’est pas impossible qu’elles provien¬
nent de la fin de la période Mérovingienne. J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES
Histoire naturelle. Isopodes. — Cloportes. — Le Bulletin
de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-
arts de Belgique, 39.® année , n." 2, contient la liste des
crustacés isopodes terrestres de la Belgique, par M. Félix
Plateau. En l’absence d’un travail du même genre , fait
pour le département du Nord , il n’est pas sans intérêt de
donner un aperçu de cette courte notice à laquelle proba¬
blement il y aurait peu de choses à ajouter pour l’appliquer
à nos contrées .
— 196 —
Les Isopodes sont un ordre de la classe des crustacés que
l’on ne peut mieux caractériser qu’en disant qu’un de ses
types est le cloporte.
Pour les personnes qui ne sont pas naturalistes, ce rap¬
prochement dans une même classe des grands crustacés
comestibles, tels que le homard, et du cloporte, peut
paraître singulier, mais il n’en est pas moins très-naturel
i
pour quiconque étudie les caractères et les dispositions
particulières des organes , et quand on suit la gradation qui
mène de l’un à l’autre par les genres crevette, thalitre et
cymodocée.
Les Isopodes sont très-nombreux; M. Milne Edwards,
(Crustacés des suites à Buffon) n’en compte pas moins de
49 genres et plus de deux cents espèces, vivant dans l’eau
ou sur terre.
En 1861 , M. Van Beneden s’était occupé des Isopodes
marins des côtes de Belgique (Mémoires de V Académie de
Belgique , 1861 ). Il en comptait sept espèces.
Aujourd’hui ce sont les espèces terrestres que passe en
revue M. Plateau ; il en enregistre dix, appartenant toutes à
la famille des cloportides. Sept sont communs et bien
connus :
Armadillidium vulgare^ le cloporte armadille;
Oniscus murarius , le cloporte ordinaire ;
Porcellio scaber ^ le cloporte ordinaire, variété C. de
Geoffroy (Insectes des environs de Paris) ;
Porcellio dilatatus, regardé par plusieurs naturalistes
comme simple variété du précédent ;
Porcellio pictus ;
Lygidium Personnii ;
Philoscia muscorum , le cloporte des mousses.
Les trois autres espèces sont :
Armadillidium triviale ^\Yhs-y ohin du espèce
— 197 —
d’une valeur secondaire , selon l’expression même de
M. Plateau , destinée , sans doute ^ à disparaître parmi les
variétés de l’Armadille commun ;
Armadillidium pictum , un seul exemplaire des bords de
la Meuse ;
Porcellio lœvis , le cloporte ordinaire, variété B. de
Geoffroy , un seul exemplaire des environs de Gand.
Ces deux derniers ne sont pas très >rares en France et se
retrouveraient sans doute ici plus abondamment.
Nous félicitons M. Plateau des scrupules qui Font em¬
pêché d’admettre les espèces hasardées des Allemands ,
créées sur de simples différences de couleur.il eut pu, par ce
moyen , enrichir le genre Porcellion , tout au moins des
espèces adoptées par M. Lereboullet dans sa notice sur les
Cloportides des environs de Strasbourg, trivittatus ^ mon-
ticola^ intermedius , frontatis , etc. , mais ce n’est pas faire
progresser la science que de grossir une Faune locale aux
dépens d’une rigoureuse critique. A. de Norguet.
CHRONIQUE
Areliéoloj^ie. Cimetière franc à Lille. — MM. Van
Rende et Rigaux fils ont découvert à Lille ( section d’Es-
quermes), en décembre 1869 et en mars 1870 , un cimetière
franc mérovingien.
Quelques fragments de poterie donnés au musée par
M. Du Rieux fils, dont on ne peut trop louer la perspicacité,
ont mis sur la voie de cette trouvaille.
Quinze sépultures ont été fouillées par M. Rigaux. Elles
ont fourni plusieurs vases en terre , les uns rappelant le
faire Gallo-Romain, les autres lourds et grossiers ; quelques
vases en verre dont l’un , en forme de cornet sans pied , est
orné de filets de pâte de verre blanc ; un grand nombre de
— 198 —
perles multicolores pour colliers, parmi lesquelles plusieurs
petites comme la tête d’une épingle ; une monnaie romaine
de Julia Mœsa ou Mamœa ; des armes en fer, une hacbe, un
umbo de bouclier, une épée renfermée dans un fourreau de
bois garni à son extrémité d’une mince plaque d’argent; des
couteaux ; un seau en bois avec cercles en cuivre ; plusieurs
boucles de ceinturon ; deux jolies fibules en argent ornées
chacune de cinq verroteries rouges ; enfin un charmant petit
cure-oreille et un cure-dent en argent , d’un travail très-
délicat. Malheureusement la mauvaise qualité du terrain a
détérioré un certain nombre d’objets ; ils n’ont pu être
retirés qu’en morceaux. Cette découverte est néanmoins
très-précieuse au point de vue historique: ces inhuma¬
tions paraissant remonter au vu.® siècle , c’est-à-dire à
cette époque si ignorée de notre histoire locale , et même
regardée trop généralement comme fabuleuse. Le terrain
sur lequel se trouvaient ces sépultures est situé sur le bou¬
levard du maréchal Vaillant, en face de la raffinerie deM. Du
Rieux. Les fouilles sont aujourd’hui suspendues, mais il est
probable que de nouvelles explorations compléteront cette
découverte aussi intéressante qu’inattendue. J. G.
lléféorologple :
MAI
1870
Température moyenne . 12.® 33
* j> des maxima . . . 17.® 32
» D des minima . 7.® 34
» extrême minima, le 4. . . 1." 70
» » maxima, le 21. 27.® 70
Baromètre hauteur moyenne à 0.® _ 762““716
» hauteur extrême minima , le 1 . . 751“™26
» » maxima, le 26.. 771“”90
Tension de la vapeur atmosphér . 88
Humidité relative moyenne ®/o . 69.0
Epaisseur de la couche de pluie . 29'.’*“’37
de la couche d’eau évaporée. . 135™‘“75
MAI
année moy.
12.® 45
758““ 984
7“" 94
68.39
60““77
116^18
— 199 —
Le caractère dominant du mois de mai 1870 a été la
sécheresse ; la tension de la vapeur d’eau et l’humidité
relative des couches d’air en contact avec le sol sont en effet
bien moindres que dans une année moyenne ; la même
sécheresse existe également dans les régions élevées de l’at¬
mosphère, ce que démontrent: l.° la grande pression
exercée sur la colonne barométrique ; 2.® la faible nébulosité
du ciel ; 3.® la rareté et le peu d’abondance de la pluie.
Sous l’influence de cette sécheresse l’évaporation a été
très-active et a de beaucoup dépassé la moyenne. Ce n’est
pas la température atmosphérique qui l’a surtout favorisée,
car elle a été à peu près égale à la moyenne générale , mais
l’action directe des rayons solaires traversant un ciel peu
nébuleux et celle des vents secs et forts des régions E. et N.
qui ont été prédominants.
Cette sécheresse a été préjudiciable à toutes les récoltes et
comme elle a été assez générale en France , nous en subi¬
rons les désastreuses conséquences.
Le 22 la nuit avait été sereine, le vent était au S.-E.,
une faible rosée mouillait les plantes. Le matin le ciel se
couvrit peu à peu de petits cumulus qui constituèrent bientôt
des stratus appartenant à la couche moyenne , au-dessous
quelques grands cumulus de la couche inférieure se déta¬
chaient d’une manière sensible , à 9 h. 22 un coup de ton¬
nerre se fît entendre, le ventS.-S.-O. était faible et la marche
des nuages des différentes couches venant de S.-S.-O. était
lente ; à 9 h. 40, larges gouttes de pluie, suivies d’une pluie
assez forte mais de peu de durée , vent E.-N.-E. ; 9 h. 33 ,
vent S.-E. pluie, tonnerre, éclairs rougeâtres; 10 h.,
forte pluie , tonnerre ; 10 h. 13 , fin de l’orage ; 10 h. 30 ,
fin de la pluie (8“™0) ; à midi il tomba encore une petite
pluie. Après-midi, le ciel s’éclaircit; 10 h. éclairs sans
tonnerre.
— 200 —
■ Le 18" à 11 heures du soir par un ciel serein on observa
aussi à riiorizon S., des éclairs sans tonnerre, le vent
soufflait du N.-N.-O.
Pendant le mois , malgré la sécheresse il y eut 22 jours
de rosée , 29 de brouillard , 6 de gelée blanche ; le 3 il
tomba de la neige et de la grêle. V. Meurei>\
Nouvelles de laljîftératm’e et «Ses Arts. — Ceux
de nos lecteurs , qui n’en sont pas encore informés , ap¬
prendront avec plaisir que l’Académie des Sciences mo¬
rales et politiques a décerné, dans sa séance du 28 mai,
à M. Louis Legrand , avocat à Valenciennes , le prix fondé
par le D." Beunaiche de la Corbière, et dont le sujet était:
Du mariage considéré au point de vue moral et religieux ,
légal et social. A. D.
Arclftcologic i»réliîstoi*î«j«e. Instruments en silex
taillé. — En Belgique , dans les départements du Pas-de-
Calais, de la Somme et de l’Aisne , on trouve des silex tail¬
lés de l’âge du Mammouth ; seul le département du Nord
semble faire exception. Dernièrement 31. Ortlieh a ren¬
contré au sommet du 31ont des Chats , au milieu d’un
dépôt de cailloux roulés rapporté au diluvium des pla¬
teaux , un silex qui parait taillé de main d’homme : il
appartient à la forme que l’on a désignée sous le nom de
grattoirs. J’ai trouvé également , au sommet de la butte de
Fontaine-au-Pire , près de Cambrai , à la base du limon ,
un silex que des savants habitués à ces études considèrent
comme taillé. Ce ne sont pas encore des preuves authen¬
tiques , mais ce sont des présomptions qui portent à penser
que prochainement on arrivera à reconnaître, dans le dépar¬
tement du Nord, des traces de l’humanité antédiluvienne.
J. G.
Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQÜEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2.‘ Année. — N.° 7. — Juillet 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
ACADÉMIE DE BELGIQUE.
Séance solennelle de la classe des Lettres.
La classe des Lettres de l’Académie royale de Belgique a
tenu, le 11 mai dernier, sa séance publique annuelle.
M. E. Defacqz , directeur, a prononcé un remarquable
discours sur la Féodalité.
Dans le sens propre et restreint (a-t-il dit) , la Féodalité
se compose de deux éléments principaux souvent unis,
quelquefois séparés , mais toujours distincts dans leur es¬
sence et dans leur action : ces éléments sont le fief et la
justice. 11 en est un troisième qui est loin de l’importance
des premiers, c’est la censive. Cette trinité se personnifie,
savoir : le fief dans le seigneur féodal et le vassal, la censive
dans le seigneur censier et le censitaire , la justice dans le
seigneur justicier et les sujets. C’est cette dernière surtout,
c’est la justice seigneuriale qui a rendu la féodalité si
odieuse. C’est elle qui ajoutait aux violences de la tyrannie
l’indignité de transformer la sainte mission de juger les
hommes en un droit de famille, en une propriété privée
dont on hérite, qui se vend, qui se troque comme un article
de commerce.
M. Henri Conscience, le romancier national de la Bel¬
gique , a fait ensuite une lecture en flamand où il a habile¬
ment groupé ce qu’on possède de données historiques sur
les Kerles de Flandre , cette classe d’agriculteurs et de
marins, d’origine anglo-saxonne, qui puisait, dans l’énergie
du travail et dans la libre association , la force nécessaire
pour lutter avantageusement contre la caste féodale à qui
elle était souverainement odieuse.
La séance a été terminée par une lecture en vers de
M. Matthieu.
— 202 —
Au nombre des questions inscrites pour le concours de
cette année, figurait un Essai sur la vie et le règne de Sep-
time-Sévère. Des trois mémoires présentés sur ce sujet,
aucun n’ayant été, malgré de sérieux mérites, jugé digne
du prix, la question est maintenue au programme.
Une autre question a reçu une solution définitive. Il
s’agissait de rechercher les causes qui amenèrent , pendant
le XII.® et le xm.® siècle, l’établissement de colonies belges
en Hongrie et en Transylvanie. Le concurrent devait, en
outre , exposer l’organisation de ces colonies et l’influence
qu’elles ont exercée sur les institutions politiques et civiles,
ainsi que sur les mœurs et les usages des pays où elles furent
fondées.
L’auteur du Mémoire couronné divise son travail en six
chapitres , ayant pour titres : De la colonie belge fondée
dans le diocèse d’Erlau; de la colonie belge fondée
dans la Zips ; les Flamands dans le district de Batar ; des
colonies belges fondées en Transylvanie ; des droits et des
privilèges accordés aux Belges en Hongrie et en Tran¬
sylvanie ; de la langue parlée dans les colonies belges en
Hongrie et en Transylvanie.
En 1447 , des pèlerins de Liège qui s’étaient rendus à
Aix-la-Chapelle pour assister à l’exposition des célèbres
reliques conservées dans cette ville , furent très-surpris
d’y rencontrer une troupe de pèlerins de Hongrie qui ,
malgré leur nationalité étrangère, parlaient très-correcte¬
ment le wallon liégeois. Interrogés sur ce fait en apparence
inexplicable, les Hongrois répondirent que, suivant une
tradition conservée dans leurs familles, leurs ancêtres
kaient originaires du pays de Liège , qu’ils avaient quitté
ce pays à cause du manque de vivres et qu’ils s’étaient fixés
en Hongrie.
Cette tradition était, à tous égards, conforme à la vérité
historique. Sous le règne de l’évêque Wazon , plusieurs
centaines de Liégeois, fuyant la famine qui sévissait sur les
bords de la Meuse, avaient traversé l’Allemagne et,
— 203 —
d’étape en étape, étaient arrivés en Hongrie où, en 1046,
le roi André I/" leur avait assigné , à perpétuité , un terri¬
toire fertile situé dans le diocèse d’Erlau. Leur nombre
s’accrut avec une telle rapidité qu’ils occupèrent , quelques
années plus tard , plusieurs villages connus sous le nom de
loca gallica , vici Wallonorum.
Après avoir discuté ces faits et toutes les circonstances qui
s’y rattachent, l’auteur du mémoire croit pouvoir affirmer
que les Liégeois de la vallée d’Erlau vécurent, dès leur
arrivée , sous une administration propre tant au spirituel
qu’au temporel. H prouve au moins, très-clairement, qu’ils
conservèrent , pendant cinq siècles, à travers toutes les
vicissitudes , le souvenir et la langue de leur patrie origi¬
naire. Des documents authentiques et irrécusables attestent
que ces Wallons hongrois formaient, au xv.® siècle, une
province ecclésiastique séparée. Au siècle suivant, le
célèbre Nicolas Olah , secrétaire de la reine Marie de Hon¬
grie, mentionne encore les colonies èhuronnes du diocèse
d’Erlau , « où l’on parle un langage français ; » mais, cin¬
quante ans après, réduits à la misère et décimés par le
cimeterre des Turcs , les colons cessent de vivre en commu¬
nautés séparées et se confondent avec la population indi¬
gène. Aujourd’hui le souvenir même des vaillants défri¬
cheurs liégeois s’est perdu dans la vallée qui fut le théâtre
de leur activité industrieuse.
Les historiens hongrois sont unanimes à attribuer à la
reine régente Hélène et à l’évêque d’Erlau, Lucas Banffi ,
l’établissement de nombreux colons étrangers dans le
Comitat de Zips. Les plus anciens documents donnent à ces
colons le nom de flamands (flandrenses) . Plus tard , on leur
applique le titre, presque identique, de saxons [saxones).
Les flamands du Comitat de Zips ne conservèrent pas,
aussi longtemps que les vallons de la ville d’Erlau, leur
langue nationale , leurs mœurs primitives et leurs usages
particuliers. Ils prospérèrent et se multiplièrent au point
qu’une tradition locale leur attribue une large part dans la
fondation des vingt-quatre villes qui , en 1204 , formèrent
la confédération que les chroniqueurs hongrois désignent
sous le nom de Fraternitas plebanarum xxiv regalium;
mais , dès le xiii.® siècle , à la suite d’une violente invasion
— 204 —
(les Mongols , ils furent rapidement envahis et absorbés par
un courant sans cesse croissant de colons accourus de
diverses parties de l’empire germanique. La libre prévôté
ecclésiastique de la Zips est peut-être la seule trace qu’ils
aient laissée de leur passage.
Au chapitre III, l’auteur du mémoire nous entretient
d’une Colonie flamande établie dans le Gomitat d’Ugocsa.
Il est pr(3bable que cette colonie fut anéantie dans la grande
invasion tartare de 1241. Par leur importance, de même
que par l’influence heureuse qu’elles exercèrent sur les des¬
tinées du pays qui leur fut assigné , les colonies flamandes
de la Transylvanie , auxquelles l’auteur consacre le 4.® cha¬
pitre de son mémoire , méritent une attention particulière.
Attirés par la reine régente Hélène, l’évêque Banffi et le han
Belus , oncle maternel du roi Geiza II, les colons fondèrent
leurs premiers établissements entre 1141 et 1161.
D’après ce que nous venons d’en dire, on n’hésitera pas
à reconnaître , avec le rapporteur de l’Académie , M. Tho-
nissen, que « ce mémoire est une œuvre sérieuse, une mono¬
graphie savante et aussi complète que la matière le comporte
dans l’état actuel de nos connaissances historiques. » L’au¬
teur, M. Emile de Borchgrave, secrétaire de légation de
première classe et déjà lauréat de l’Académie, a reçu, dans
la séance du 11 mai, la médaille d’or de 1,200 francs attri¬
buée à son travail.
Dans la même séance a été proclamé l’arrêté qui décerne
le prix quinquennal de littérature flamande (période de
1866-1869), à M. Henri Conscience, pour son ouvrage
intitulé : Bavo en Lieveken. A. D.
Classe des sciences
Les derniers Bulletins de l’Académie renferment un
mémoire mathématique de M. Catalan , sur V équation
X _ 1 = 0 ; une note sur la Bryonicine , nouvelle subs-
— 205 —
tance azotée extraite de Bryonia dioïca, par MM. Louis de
Koninck et Macquart ; une note de M. Van der Mens-
brugghe continuant les expériences de M. Plateau sur la
différence de viscosité entre la couche superficielle des
liquides et la couche interne ; la suite des recherches sur
VEmbryogénie des crustacés^ par M. Van Beneden fils;
quelques observations nouvelles sur le commensalisme dans
le règne animal et la liste des animaux parasites que l’on a
rencontrés dans le corps des cétacés ou à leur surface , par
M. le professeur Van Beneden.
Les Aurores boréales ont eu l’honneur de deux commu¬
nications. M. Quetelet a donné la liste de celles qui ont eu
lieu pendant les mois de janvier et de février , et M. Ch.
Montigny observe que la scintillation des étoiles s’est
beaucoup accrue pendant la belle aurore du 5 avril 1870.
Quelle peut en être la cause ? La nature des aurores boréales
n’est pas elle-même bien connue. On sait que ce sont des
phénomènes électriques en relation avec le magnétisme ter¬
restre, et qui sont souvent les précurseurs de mouvements
dans les régions supérieures de l’atmosphère. Car on
a remarqué que les aurores boréales les plus brillantes sont
les avant-coureurs de coups de vents et de mauvais temps.
Selon Humboldt, le magnétisme terrestre condense les va¬
peurs qui se trouvent en suspension dans l’atmosphère; il en
résulte la formation de petits cristaux de glace analogues à
ceux qui composent les nuages nommés Cirrhi. Ces petits
cristaux sont nécessaires, d’après M. Davy, à la production
des aurores boréales. Leur présence dans les régions supé¬
rieures de l’air au commencement d’avril , a encore été
manifestée par un halo solaire observé à Louvain par
M. ïerby peu de jours après l’apparition de l’aurore. Car ce
phénomène s’explique aussi par la présence d’aiguilles ou de
lames cristallines flottant dans l’atmosphère.
— 206 —
Sur la pierre météorique tombée à Saint-Benis-Westrem
près de Gand, le 7 juin 1855, par M. Stanislas Meunier.
— L’auteur a reconnu que ladite pierre ressemble
complètement à un groupe météorique qu’il a désigné
sous le nom de Lucéite et qui présente avec une couleur
grise, une structure grenue, âpre au toucher, émi¬
nemment cristalline.
D’autres aéroiites ont une structure brechiforme : ils pré¬
sentent des fragments de Lucéite empalés dans une roche de
couleur sombre. Il en est encore d’autres qui, dans la même
pâte foncée que les précédentes, renferment des fragments
de roche grisâtre, oolitique, toute différente de laprécédente.
Enfin la matière oolitique forme à elle seule des météorites
que M. Meunier appelle Montrejite. Il en conclut que la Lu¬
céite, la Montrejite et les roches brechiformes qui les con¬
tiennent l’une et l’autre étaient en relation stratigraphique
dans un astre qui a été démoli à une époque indéterminée.
La cause de la destruction de l’astre est le résultat du
développement normal des corps sidéraux. Par suite du
refroidissement de la matière cosmique, ils passent succes¬
sivement par les états de nébuleuse, de soleil, de planète et
de lune pour arriver enfin à l’état de météorite.
En se contractant par l’effet du refroidissement, les astres
tendent d’eux-mêmes à se fendre et à se briser. Tant qu’ils
contiennent encore un noyau de matière fondue , celle-ci
pénètre dans les fentes et les resoude ; mais lorsque
le liquide interne s’est complètement solidifié, les fentes
s’élargissent continuellement et finissent par diviser l’astre
en fragments de grosseur et de forme variable.
Dans la Lune, ces phénomènes de rupture commencent à
se manifester par les rainures ou crevasses gigantesques
dont sa surface est sillonnée. Un satellite plus petit que la
Lune serait arrivé plus vite à cette période de son existence
— 207 —
et serait aujourd’hui brisé ; ce sont ses débris qui nous
arrivent sous forme de météorite.
Note sur la nature du Soleil, par M. Bernaerts. — Modi¬
fiant un peu les théories de M. Roye et du P. Secchi ,
l’auteur suppose que le Soleil est formé par un c noyau
gazeux recouvert d’une couche liquide incandescente , de
faible épaisseur, enveloppée à son tour de nuages incan¬
descents et lumineux. »
Découverte d’un gisement de phosphate de chaux au-
dessous de la ville de Louvain, par M. G. Lambert. — On
creuse, place du Peuple à Louvain, un puits artésien qui est
arrivé pour le moment à la profondeur de 120 m. Les
couches traversées sont les suivantes ;
Système hruxellien : sable gris verdâtre très-glauconifère ,
à grains de quarz assez gros , avec plaques de grès cal¬
caire et degrés lustré, 31 m. 80.
Système yprésien : argile sableuse , verdâtre renfermant des
lits minces d’argile plastique, 78 m. 70 (jusqu’à 110 m. 50).
Système landénien : sable à grains assez gros, 9 m. 50
(jusqu’à 120 m.)
De 100 à 105 m. on trouva en grand nombre des pyrites
et de 108 à 110 m. des nodules noirâtres de la grosseur d’un
œuf, qui sont du phosphate de chaux renfermant 28 à
29 0/0 d’acide phosphorique. M. Lambert espère qu’on
trouvera, dans le système yprésien d’autres localités, des
nodules de même nature qui pourraient être utilisés comme
en Angleterre pour amender les terres.
Gm' des environs de Tirlemont , par M. J. Moreau. — On
se rappelle (^) que l’on avait cru voir, dans les surfaces usées
et striées de ces grès des preuves de l’existence d’anciens
glaciers. Ces conclusions, déjà combattues par M. d’Omalius
d’Halloy, puis par M. Malaise, le sont encore parM. Moreau
(D Bulletin I. p. 230.
— 208 —
Les faces luisantes et polies correspondent à des fissures
très-étroites par lesquelles eurent lieu des éjections sili¬
ceuses qui les recouvrirent d’un vernis siliceux souvent
coloré par du fer. Le grès lui-même est dû, selon l’auteur,
à des éjections siliceuses qui ont aggloméré et solidifié le
sable. Il a observé aussi dans le grès de nombreuses ramifi¬
cations ligneuses silicifiées qui paraissent des racines, d’où
il conclut que des arbres avaient poussé leurs racines dans
le sable avant qu’il fût en grès.
Les Puits naturels du terrain houilleï\ par M. Cornet et
Briart. — Cette communication a tant d'importance que nous
nous réservons d’en entretenir plus tard nos lecteurs.
Le Byrsax {Bolitophagus) gibbifei\ par M. Preudhomme
de Borre. — En 1836, M. Wesmael, le vénérable doyen de
l’entomologie belge, décrivit, d’après deux individus ré¬
coltés à Java, cetinsecte tellement rare qu’on n’en a plus revu
depuis, et faisant partie de la collection de M. le vicomte
Du Bus de Gisignies. Lorsque cette collection fut achetée par
le Musée de Bruxelles en 1847, l’insecte fut perdu dans les
nombreux tiroirs de l’établissement. Grâce au zèle du jeune
Directeur, qui est depuis quelques années à la tête du Musée,
ces tiroirs furent enfin ouverts et on y trouva, au milieu
d’insectes non classés , un des individus qui avaient servi
de type à M. Wesmael, mais hélas , il n’était plus que la
moitié de lui-même: il lui manquait son abdomen et ses
pattes postérieures ; néanmoins M. Preudhomme de Borre a
pu établir sa distinction de toutes les espèces voisines.
Du travail fonctionnel chez Vhomme^ par M. Poelmann ,
professeur à l’Université de Gand. — L’auteur, répondant à
une interpellation de M. d’Omalius, expose les principes qui
le guident dans son cours de physiologie : il base cet ensei¬
gnement sur l’observation et l’expérience ; il admet pour
expliquer le travail fonctionnel chez l’homme vivant , l’in-
— 209 —
dispensable nécessité du concours de deux ordres de forces,
les unes physiques, chimiques, mécaniques, inhérentes à la
matière*et une force d’un ordre distinct qui n’agit que sur
les organismes , pour diriger et régulariser le travail fonc¬
tionnel. C’est la force vitale mieux appelée intelligence
fonctionnelle. J. G.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES DE LILLE
Travaux courants
Recherches chimiques sui\ la betterave à sucre , par
M. Gorenwinder. — L’auteur présente les analyses de
betteraves qui ont été cultivées en France et en Italie.
Les betteraves originaires de ce dernier pays étaient
pauvres en sucre et riches en sels. Le rapport constaté
entre ces substances était tel qu’on peut affirmer que leur
jus, soumis aux opérations ordinaires de l’industrie sucrière,
ne donnerait pas de sucre par cristallisation.
Les espèces françaises, au contraire, contenaient une
proportion de sucre plus élevée et beaucoup moins de sels.
Dans les premières, les densités desjus étaient influencées
notablement par la prédominance des matières salines ;
dans les secondes , le rapport existant entre les matières et
le sucre était celui qu’on observe dans les conditions ordi¬
naires.
Ces faits prouvent une fois de plus qu’on ne saurait juger
de la qualité d’un jus de betteraves, au point de vue du
sucre , en se bornant à en prendre la densité.
Des analyses des substances minérales contenues dans ces
diverses betteraves, l’auteur tire plusieurs conséquences
importantes. Nous en résumons les principales :
1.® Les sels minéraux et organiques varient beaucoup
dans les betteraves suivant le milieu dans lequel elles ont
végété.
— 210 —
Ainsi les quantités de chlorures alcalins peuvent osciller
entre les nombres 1 et 10. Ils prédominent surtout dans les
betteraves cultivées dans des terrains humides, marécageux
ou que Ton arrose avec des engrais liquides.
2.” Contrairement à une doctrine fort répandue , on ne
peut admettre que la potasse ait la moindre influence sur la
sécrétion du sucre dans les betteraves. M. Gorenwinder a
déjà affirmé ce fait par des expériences antérieures. Dans le
présent Mémoire , il met en regard dans un tableau les
proportions de sucre et de potasse qu’il a trouvées dans les
betteraves analysées et l’on ne remarque pas le moindre rap¬
port entre ces éléments. x4u contraire les chiffres constatés
présentent cette particularité remarquable que ce sont pré¬
cisément les betteraves les plus pauvres. en sucre qui con¬
tenaient le plus de potasse. Tl ne faudrait pas conclure
toutefois de cette coïncidence que cette règle soit absolue.
S." La soude pénètre dans le tissu de la betterave , par¬
ticulièrement sous forme de chlorure de sodium, mais il ne
serait pas exact d’affirmer que cette base alcaline ne peut
pas être absorbée par cette racine dans un autre état de
combinaison.
4.° Si l’on cultive des betteraves dans un même terrain
divisé en plusieurs parcelles dont l’une ne reçoit pas de fu¬
mure et dont les autres soiit fertilisées soit avec des tour¬
teaux, soit avec des engrais chimiques (nitrate de potasse,
nitrate de soude, plâtre, phosphate de chaux), on remarque
que les betteraves obtenues renferment dans les trois cas
absolument les mêmes proportions d’alcalis (soude et
potasse).
Cette dernière expérience a eu lieu dans l’arrondissement
de Lille. Les résultats qu’elle a donnés , quant aux alcalis ,
ne seraient probablement pas les mêmes dans des localités
dont le sol ne contiendrait pas autant darrîère-/M?m/m que
— 211 —
le nôtre. Ils prouvent que lorsqu’un champ renferme des
alcalis en quantités suffisantes pour les besoins des bette¬
raves , ceux qui leur sont fournis par des engrais nouveaux
ne sont pas utilisés, ou que plutôt ils concourent avec les
alcalis préexistants à la nutrition de ces racines jusqu’à une
limite maxima qui dépend des conditions physiques et chi¬
miques du sol, de son état d’humidité et d’autres circons¬
tances qui échappent a l’observation.
Dans son Mémoire , l’auteur fait connaître aussi les ren¬
dements en poids de betteraves obtenus dans la dernière
expérience. Pour la même dépense les tourteaux d’ara¬
chides ont donné une récolte plus abondante que les engrais
chimiques, J. G.
SOCIÉTÉ d’enseignement MUTUELS DES TRAVAILLEURS
DE ROUBAIX.
La ville de Roubaix, dont le nom est synonyme de travail
et industrie, ne peut cependant pas être accusée de se laisser
absorber complètement par les intérêts matériels. Notre
dernier bulletin signalait la fondation d’une Société acadé¬
mique qui devait servir de point de ralliement à tous les
hommes d’étude ; aujourd’hui nous avons à entretenir nos
lecteurs d’une autre association scientilique : la Société d’en-
seignement mutuel des travailleurs. Son but est différent:
elle établit des conférences et des cours publics destinés à
répandre dans la classe ouvrière les notions des sciences les
plus indispensables : la géographie , l’arithmétique, la mé¬
canique pratique, la géométrie , l’histoire naturelle, l’hy¬
giène. Deux fois par semaine, des conférences sur des sujets
variés élargiront la .sphère de l’enseignement ; et une biblio¬
thèque, formée en grande partie de dons, doit fournir un
utile supplément aux leçons des professeurs et des confé¬
renciers.
— 212 —
Le 28 avril dernier, la Société a tenu une séance publique
où le président, M. Junker, a exposé son but et les moyens
dont elle dispose. M. A. Philippe a remercié au nom des
travailleurs les fondateurs et les organisateurs de la société ;
il a fait ressortir toute la reconnaissance qu’on leur devait
en entretenant le public de VUtilité de Vinstruction.
Il l’envisage sous un double point de vue : il rappelle que
si elle apprend à l’homme à perfectionner ses instruments
de travail, à gagner largement et honorablement sa vie ,
elle lui enseigne aussi ses droits et ses devoirs, et infiltre
dans tout son être les sentiments de fraternité et de tolé¬
rance.
M. Du Breuil, professeur de mécanique, et M. Huguenin,
professeur de géographie, ont exposé en quelques mots la
nature de leur enseignement. La séance a été close par une
conférence sur la géologie, improvisée, sur la demande du
président , par M. J. Ortlieb, chimiste à Lille. L’orateur
commence par montrer comment tout le monde fait de la
géologie sans s’en douter:
En effet nos cultivateurs ont tous distingué que le sol de
leurs champs n’est pas toujours le même d’un canton à
l’autre et qu’il varie quelquefois dans un même canton; de
là, les désignations de terre grasse, terre sableuse,
terre caillouteuse données à ces différents sols. Les maçons,
les briquetiers et les terrassiers ont des notions plus éten¬
dues. Creusant la terre plus profondément, ils sont à
même d’observer ce que l’on peut appeler le sous-sol. Les
foreurs de puits sont encore plus avancés ; ils sont souvent
obligés, pour trouver l’eau, de traverser une quantité de
couches très-diverses par leur nature. Mais parmi toutes
ces corporations , ce sont encore les mineurs qui sont des¬
cendu le plus avant dans l’intérieur du sol. Dans certaines
exploitations de Mons par exemple, la houille est retirée
d’une profondeur variant de 400 à 500 mètres.
M. Ortlieb s’est ensuite élevé à des considérations géné¬
rales sur l’origine du sol et il a terminé en rappelant
— :ül5 —
comment la géologie se relie intimement à d’autres sciences:
la géographie, la zoologie, la botanique, l’astronomie,
l’archéologie et l’histoire.
Nous ne pouvons que souhaiter le succès aux hommes
généreux qui consacrent leur temps et leur savoir à faire
goûter les jouissances intellecluelles aux classes de la
société qui en sont le plus déshéritées. C’est le meilleur
moyen de leur inspirer les sentiments de dignité et de
respect de soi-même qui font si souvent défaut dans nos
populations industrielles du Nord. J. G.
COMMISSION HISTORIQUE DU DÉPARTEMENT DU NORD
SOUS-COMITÉ DE DOUAI
Travaux courants
Vitry et Lambres à propos du roi Sigebert, par M. Tailliar.
— M. Tailliar met sous les yeux du Comité un plan du
village de Vitry sur la Scarpe , montrant l’emplacement de
l’ancien château , entouré de fossés remplis d’eau , avec
pont-levis , sur la rive gauche de la rivière ; l’église est
également sur la rive gauche. Il y a un pont sur la Scarpe.
A Vitry, V ictoriacum ^ dit M. Tailliar, était un ancien
château-fort, près de la Scarpe, construit probablement
vers la fin du iv.® siècle en même temps que d’autres châ¬
teaux du Nord de la France.
En 57o , Sigebert , roi d’Australie , était en guerre
avec son frère Chilpéric, roi de Neustrie : celui-ci se
réfugia à Tournai , et Sigebert convoqua à Vitry les troupes
franques , (notamment les Francs de Térouane et de
Cambrai.)
Il paraît avoir choisi Vitry pour plusieurs raisons :
1.® Parce que c’était un point central où pouvaient se
rendre les troupes franques cantonnées à des distances plus
ou moins rapprochées ;
— 214 —
2. ° Parce qu’au printemps la Scarpe grossie et rendue
navigable permettait de t)*ansporter (sur l’Escaut) jusqu’à
Tournai les approvisionnements et les ustensiles de guerre;
3. ® Parce que cetendroit n’était peut-être pas éloigné d’une
voie romaine aboutissant à Tournai.
Sigebert , au milieu des tribus franques réunies à Vitry ,
est élevé sur le pavoi et salué roi aux acclamations des
assistants. Après la solennité , il est frappé de plusieurs
coups de Scrama-sax (couteaux pointus) par deux émis¬
saires de Frédégonde venus de Tournai et il meurt.
Son corps est transporté à Lambres et de là à St-Médard
de Soissons.
M. Tailliar présente aussi un plan du village de Lambres
dressé pour l’intelligence du récit de Grégoire de Tours.
Des érudits du commencement de ce siècle ont cherché
à Lambres la sépulture du roi Sigebert; ils ont signalé le
lieu dit les Tourbes, déjà cité en 1219 ; mais s’ils avaient lu
plus attentivement notre vieil historien, ils auraient vu que
Sigebert avait été seulement enseveli (sepultus) et non in¬
humé (inhumatus) à Lambres; ils auraient vu aussi , quel¬
ques lignes plus bas, que le corps fut transporté peu après
à Soissons, dans la basilique de Saint-Médard, dernière
demeure de la rovale victime.
t/
Avant la Révolution , il existait à Lambres une grande
cense ou court (curtis) de l’abbaye de St-André du Cateau-
Gambrésis et les restes d’un château féodal.
La cense, appelée communément F Abbaye de Lambres,
est située à gauche de la Scarpe, en face de la rue des¬
cendant de l’ancien Pont de Lambres , près de l’église et
du cimetière. Ce domaine fut donné à Saint-André du
Gateau par un évêque de Cambrai (avant la séparation des
diocèses de Cambrai et d’Arras). C’est probablement là
que descendit en 1076 l’évêque Gérard II, quand il séjourna
— 215 —
quelque teuips à Lambres. (Chronique de Saint-André du
Cateau; commencement du siècle) Ce /?sc avait
été détaché de la couronne en 916 par le roi Charles-le-
Simple, au profit de Févêque.
Quant au château féodal, élevé vers le xi.® siècle parle
sire d’Oisy, qui s’était fait seigneur d’une partie de Lambres,
il était placé de l’autre côté de la Scarpe. Avant la canali¬
sation et l’établissement d’un chemin de hallage , il était
baigné par la rivière , qui fournissait de l’eau à ses fossés
circulaires. Aujourd'hui on y remarque encore les vestiges
de fossés et de la motte castrale.
Les membres du Sous-Comité recherchent quelle pou¬
vait être la voie romaine la plus rapprochée de Vitry :
c’était , semble-t-il , celle d’Arras à Tournai , qui passait à
Hénin-Liétard , où elle a été retrouvée par M. Dancoisne
(voir page 179 de son ouvrage) ; elle y est encore appelée
chemin de Tournai ; elle sert de limite aux terroirs d’Hénin
et de Noyelle-Godaut sur une longueur d’environ 600
mètres : d’après sa construction ce n’était qu’une voie
secondaire.
Selon une opinion émise par Guilmot au commen¬
cement de ce siècle, à la voie directe d’Arras à Tournai
venait se raccorder une autre voie romaine partie de Cam¬
brai , passant par Sauchy-l’Estrée , Sauchy-Cauchie , fran¬
chissant les marais d’Ecourt et de Palœil au moyen du
Long-Pont décrit par Caylus , passant par Hamel ou Estrées,
et se dirigeant de là sur Vitry, où était le pont sur la Scarpe ;
le point de jonction aurait été vers Beaucourt. Dans cette
hypothèse , ce serait là la voie romaine de Cambrai à
Tournai.
Ces conjectures paraissent aux membres du Sous-Comité
avoir encore grand besoin de confirmation.
Notice sur le Couvent des Augustines de Marchiennes et
— 216 —
note sur la ville de Mar chiennes en 1770 , d’après des ren¬
seignements puisés dans les travaux de Dom Queinsert,
conservés dans la collection Moreau à la Bibliothèque im¬
périale, par M. Brassart. — Ce couvent, très-peu connu, fut
fondé en 1649 par trois religieuses de l’abbaye de Beaulieu
de Douai , pour l’instruction des jeunes filles et notamment
des filles pauvres ; il était situé sur le Marché ou Place de
Marchiennes. En 1770 , il y avait environ vingt religieuses,
observant la clôture. Dom Queinsert, dans une note sur la
ville de Marchiennes, donne quelques détails sur la situation
financière et administrative de cette localité , dont le sei¬
gneur était l’abbé et dont le revenu montait à 16 ou 17,000
livres, somme que les magistrats municipaux employaient
très-mal, si nous en croyons notre religieux. Les indigents
y étaient nombreux ; pour leur soulagement , Dom Quein¬
sert propose d’établir , avec les ressources qu’il indique , un
Hôtel-Dieu dans le couvent des Augustines, projet qui n’eut
point de suites. Le Sous-Comité note en passant l’étymo¬
logie bizarre de Marais des chiens donné à Marchiennes. M.
Tailliar reconnait dans le nom de cette localité la racine
Marca, Marche, frontière ; en effet, Marchiennes formait
l’extrême limite du diocèse d’Arras , correspondant à l’an¬
cienne contrée des Atrébates.
BIBLIOGRAPHIE
LE BARON DE VUORDEN,
Sa vie , ses écrits ,
par M. le comte Cli. de Yendegies. d)
V.
Sur ces entrefaites , Vuorden eut la douleur de perdre
sa femme (26 mars 1676). Les funérailles qu’il lui fit, et dont
(h \oïr Bulletin, t.II,p. 158-164.
— 217 —
il nous a conservé le récit circonstancié, témoignèrent
assez de l’affection qui l’unissait à la défunte. Mais sa nature
gaie et mobile , n’était point de celles sur lesquelles le cha¬
grin exerce un empire durable. En partie pour tromper sa
tristesse présente , en partie pour satisfaire un sentiment
nouveau, il épousa, le 5 juin suivant, dans l’église de Saint-
Etienne, à Lille, Marie-Catherine deCroix, sœur de son meil¬
leur ami, le comte de Wasquehal. Le maréchal d’Humières
et rintendant Le Pelletier voulurent être de la noce, à
laquelle assistèrent également le sieur Godefroy, direc¬
teur des archives delà Chambre des Comptes , savant et
homme du monde, les dames de Van der Haër, de la
Riandrie , de Carnoy , parentes ou amies de la mariée.
C’est dans ce cercle de hauts protecteurs, ou de connais¬
sances intimes, que Vuorden achèvera ses jours: ce qui ne
l’empêchera pas de sortir de temps à autre de sa demi-
obscurité. Louvois, qui lui a fait l’honneur de tenir sur les
fonts baptismaux le premier fils né de son second mariage,
emploie le Grand-Bailli des Etats de Lille et de Tournai
comme commissaire aux conférences de Deynze (septembre
1676) ; plus tard, il le désignera pour assister à celles de
Courtrai, tenues en exécution du Traité de Nimègue. Entre
temps, le tout-puissant ministre l’invite à réunir en corps
de volume les Inscriptions latines qu’il a composées pour
célébrer chacune des victoires et évènements mémorables du
grand règne. Ne soyons point surpris si, après cela, le
brevet de baron est décerné à Vuorden.
Pour accompagner le texte de ses Inscriptions et leur servir
de liaison , Vuorden a rédigé une sorte de Journal histo¬
rique dont il brûle de présenter un exemplaire au Roi :
«Sire, » dit-il en le lui offrant lors du voyage à Versailles qu’il
fit en 1685 , <r je n’aurais pas cru remplir le devoir d’un bon
sujet de votre majesté, si travaillant, comme j’ai fait, de
— 218 —
toute ma force pour son service , je n eusse travaillé aussi
pour sa gloire. » k un tel compliment le Roi ne pouvait
manquer de répondre qu’il connaissait Vuordenponr un des
plus savants dans Vhistoire et qui Vécrivoit le plus à son
gré. Vuorden , nous le savons déjà , prenait volontiers au
pied de la lettre les félicitations de ce genre.
De Versailles, il fut à Chantilly où le grand Condé, chargé
d’ans et de lauriers , lui ménagea la réception la plus sym¬
pathique : « il me fit approcher de lui pour m’embrasser et
me pressa avec ses mains affaiblies par la goutte , disant
qu’il avoit bien de la joie de me voir... Je lui présentai
M. de Wasquehal et mon frère, il reconnut très-bien l’un
et l’autre. Je lui remis aussi le 2.® volume du Journal histo¬
rique. Il me dit qu’il avoit lu avec plaisir le 1.®’’ et en avoit
même fait un peu la censure : ce qui ne l’empêcha pas, par
bonté , de me donner des éloges dont je fus confus. Après
avoir pendant une heure parlé de la Flandre, on lui apporta
son lait , des fraises et du biscuit , sa seule nourriture , qu’il
prit avec grand appétit. Je lui remis une copie des mémoires,
en espagnol , du comte de Fuensaldagne, de 1646 à 1656 ,
et ceux des quatre dernières années jusqu’au traité des
Pyrénées. Son Altesse reçut ce présent avec joie , et nous
ayant dit d’aller souper , il ordonna qu’on nous donnât à
chacun un appartement. Lorsque nous rentrâmes du souper.
Son Altesse avoit déjà lu trois de ces mémoires ; il dit que
cela étoit beau, mais trop abrégé, et qu’il ne trouvoit qu’une
erreur, c’est que l’auteur indiquoit le duc de Navailles
comme ayant été chargé parle cardinal Mazarin de conduire
les trois princes au Havre de Grâce , tandis que cette com¬
mission avoit été donnée au comte d’Harcourt. Il continua
ainsi jusqu’à minuit à donner les détails qu’il auroit voulu
trouver dans ces mémoires. Enfin , sur ma demande , MM.
Sanguin et le baron de Rivière lui firent observer que cette
— 219 —
tension d’esprit pourroit le fatiguer et il nous dit qu’il nous
recevroit de nouveau le lendemain, quand nous aurions vu
Chantilly. »
Dans ce même voyage , Louvois retint Vuorden à diner :
autant en fit le Contrôleur-général Le Pelletier , frère de
Pex-intendant de la province de Lille, La faveur du baron
était à son comble , lorsque la mort subite de Louvois (16
juillet 1691) vint lui porter un coup dont elle ne se releva
point. Depuis lors , Vuorden , à défaut d’un protecteur qui
s’appliquât à le faire valoir en cour , vit ses services moins
appréciés. Tout changeait autour de lui, les principes aussi
bien que les hommes : « M.' de Louvois , écrit-il dans
un accès de découragement, « avoit de l’affection pour notre
pays , qu’il vouloit , disoit-il , entretenir et engraisser à la
manière d\ine bonne vache qu'il faut traire et non pas
écorcher. Aujourd’hui , en 1696, on a des maximes bien
différentes et auxquelles ni mon âge , ni la situation des
affaires ne me donnent pas lieu de remédier. Dieu veuille
que les traitants n’abimentpas et mon pays et le royaume ! »
Survivant à la génération de grands hommes dans la con¬
fiance desquels il avait eu l’honneur d’être admis , le baron
de Vuorden n’échappait point aux influences de la vieil¬
lesse. « Dans les derniers jours de juillet 1699, il se sentit
souffrant et sa femme voulut veiller près de lui ; après trois
nuits ainsi passées , elle alla se coucher pour satisfaire son
mari, dont l’état paraissait n’offrir aucun danger immédiat :
quelques heures plus lard cependant, il se sentit atteint
d’apoplexie et demanda lui-méme les remèdes qu’il croyait
propres à son état ; mais voyant l’inutilité des efforts tentés
pour conjurer le mal , il fit appeler sa femme et lui dit :
« Madame , il faut nous séparer ; faisons-le dans un esprit
» de résignation à la volonté de Dieu ; je vous laisse la
» famille, elle ne peut-être en de meilleures mains. » Sa
— 220 —
femme ne répondit que par des larmes. Afin de calmer sa
peine, il prit le prétexte de ses devoirs de conscience pour
la faire retirer. Son curé étant venu, il le pressa de lui dire
ce qu’il pensait de son état et comme ce dernier hésitait :
« Monsieur , lui dit-il , j’ai toujours dit que je bénirai Dieu
» dans la vie et dans la mort , j’espère beaucoup dans sa
» miséricorde. » Après avoir vu son confesseur , il fit venir
ses deux fils, leur donna longuement ses instructions , leur
recommanda de conserver un grand respect pour leur mère,
de vivre unis, de fuir les écueils du monde et surtout les
jeux de hasard , source de tant de ruines. Il leur donna sa
bénédiction et la donna aussi à ses trois filles absentes. Il
reçut les derniers sacrements avec une grande piété et s’en¬
tretint ensuite avec sa femme, l’esprit libre et gai comme si
le danger fut disparu. Après quelques jours passés ainsi , il
s'éteignit doucement le 3 août 1699, dans sa 71.® année ,
ayant vécu en honnête homme et en chrétien plein de foi.
Souvent il rappelait à ses enfants la protection que Dieu lui
avait accordée et qu’il attribuait au sacrifice que ses parents
avaient fait de leurs biens en Hollande plutôt que de
renoncer à leur croyance. « Mes enfants reposez-vous en
Dieu, et notre maison, établie sur cette pierre solide, ne
périra point. » Ainsi finit Michel-Ange de Vuorden qui
ne cessa de prendre le devoir pour guide dans un temps et
un milieu témoins de tant de défaillances. Dans son âge mûr
il sut, nous dit sa fille, se préserver d’une ambition avide
comme il avait su éviter le désordre dans sa jeunesse. Usant
de son influence en faveur du bien général, obligeant, dé¬
sintéressé , affable à l’égard de ses inférieurs, respectueux
sans bassesse envers les grands, il se concilia l’affection et
l’estime de tous. »
Arrêtons-nous sur cette citation qui , en même temps
qu’elle achève de nous faire connaître l’estimable baron de
— 221 —
Vuorden , nous initie aux qualités d’esprit et de style de
son nouvel historien. A. Desplanque.
HOMMAGE A LA MÉMOIRE DE M. DELEZENNE
Examen analytique de ses précieuses expériences
d'acoustique musicale
par M. Cb, Méereiis. P)
Les sciences exactes appliquées à la théorie musicale
demeuraient depuis la plus haute antiquité rebelles aux
investigations des savants, c’est parmi toutes les connais¬
sances humaines celle qui se dérobait constamment à des
données précises et sérieuses tout en nous montrant une
foule de rapprochements illusoires. Egarée ainsi pendant
des siècles dans les régions spéculatives de vaines théories,
cette science a été ramenée dans la voie expérimentale par
le physicien Delezenne.
M. Méerens commente les expériences du savant Lillois
et en fait ressortir toute l’utilité au point de vue de l’art
musical ; ainsi il explique le sentiment de la tonalité, les
attractions des sons, la qualité consonnante ou disson¬
nante d’un même intervalle, les accents mélancoliques du
mode mineur, tous phénomènes autrefois énigmatiques
et qui devaient souvent embarrasser le professeur n’ayant
que la volonté ou le plaisir de l’oreille à invoquer pour en
donner la raison d’être.
« Quelle science attrayante » , dit M. Méerens, « quelles
conquêtes de l’esprit d’investigation et d’observation que
d’apprécier, par des raisonnements fondés sur les chiffres ,
ce que l’instinct a découvert et ce que le génie a fécondé î
Il y a bien là de quoi remuer les espri ts les plus indifférents,
(^) Extrait des Mémoires de la Société des sciences de Lille , 3.*
série, tome vu.
— 222 —
el l’on ne doit pas s’étonner de cette multitude d’essais in¬
fructueux qui en ont été l’objet. »
Aujourd’hui que la théorie musicale est basée sur des
chiffres immuables et sur des faits certains, il serait à
désirer que cette science fasse dorénavant partie de l’édu¬
cation des artistes : ce développement donné à l’instruction
musicale amènerait, nous en sommes sûrs, des résultats
heureux pour le perfectionnement de l’art et de la science.
DE l’origine du LANGAGE d’aPRÈS LA GENÈSE
par M. Louis de Backer(*)
L’homme est-il apparu sur la terre dans toute la force
de la virilité et en possession de toute son intelligence?
C’est la question que l’auteur résoud d’une manière
affirmative dans le livre que nous allons analyser suc¬
cinctement.
Comme ce titre l’indique, M. Louis de Backer s’appuie
sur le récit de Moïse :
« Dieu ayant formé de la terre tous les animaux terres-
» très et les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam
» afin qu’il vit comment il les appellerait et le nom
» qu’Adam donna à chacun des animaux était celui qui lui
» convenait. » (Gen. ch. ii , v. 19).
L’homme a donc fait usage de ses facultés intellectuelles
dès son apparition sur la scène du monde. « 11 a parlé
sans avoir passé par le mutisme et le bégaiement de l’en¬
fance, sa parole est spontanée; elle n’est pas le résultat
d’une délibération, ni d’une convention, ni de l’inven¬
tion. »
Autrement dit l’homme du commencement a reçu ensem¬
ble l’être et la parole ; il a créé spontanément sa langue
C) Paris, Ernest Thorin , éditeur -libraire, 7, rue de Médicis; 1869.
— 225 —
sans effort et sans réflexion, et, grâce à un coup d’œil
devinatoire, il a trouvé sans tâtonnement le rapport exact,
le son et l’idée,
Telle est la tradition conservée par la Genèse sur l’ori¬
gine du langage, tradition qui, selon M. Louis de Backer,
n’est pas en désaccord avec la philosophie moderne.
L'auteur examine ensuite quel a été le procédé employé
pour créer le vocabulaire et cherche à démontrer que les
sons primordiaux n’ont pu être produits par l’imitation des
bruits de la nature, c’est-à-dire par o/iomafopees , ainsi que
le croient MM. Ch. Nodier et Renan ; qu’ils ne proviennent
pas non plus ^^interjections comme le pensent quelques'
philosophes parmi lesquels il faut placer Condillac.
Mais si les éléments constitutifs du langage ne sont ni des
onomatopées ni des interjections , que sont-ils ?
et Ce sont, répond l'auteur avec 31. 3Iax Muller, des
types phonétiques produits par une puissance inhérente à
l’esprit humain; c’est-à-dire des sons élémentaires expri¬
mant des idées générales, et semblables, par cela même, aux
racines de toutes nos langues connues » ; et l’auteur en trouve
la preuve dans l’analyse des noms imposés, suivant la
Genèse, aux êtres primitifs avec lesquels l’homme a été mis
en contact , noms qu’il cite et qu’il prend dans l’hébreu et le
sanscrit où les racines ont été le mieux conservées.
Ce n’est pas tout , 31. Louis de Backer a découvert dans
l’idéographisme une nouvelle preuve du caractère synthéti¬
que du langage primitif.
Qu’est-ce que l’idéographisrae? Des images représentant
l’idée en masse , l’écriture à l’état rudimentaire , en un mot
« le système hiéroglyphique dont l’Egypte nous a conservé
les plus beaux spécimens, d
En résumé, pour l’auteur, l’homme est apparu complet ; il
a fait usage de la parole et de son intelligence en donnant
— . 224 —
un nom à tout ce qui l’entourait, et , quand il sentit le be-
soin de conserver ou de transmettre le souvenir d’un objet
qui l’avait frappé, il inventa l’écriture.
Or , si les linguistes sont unanimes sur ce dernier point ,
il n’en est pas de même du langage qui fait encore l'objet
de grandes discussions. Certains, en effet, admettent, et
nous sommes de leur avis, que le langage comme l’écriture
aurait été formé graduellement, et que, par analogie,
l’homme en aurait trouvé le modèle dans la nature.
Quoiqu’il en soit , le langage primitif a dû donner nais¬
sance à un idiôme et cet idiôme issu de sons ou types pho¬
nétiques, on ne le connaît pas et on ne le connaîtra jamais.
« La langue, a dit M. de Humboldt (’), est quelque chose
d’essentiellement et de constamment passager, car elle
n’est que le travail de l’esprit , travail sans cesse renouvelé
pour approprier le signe ou le son articulé à l’expression de
la pensée; » et M. Max Muller « les changements histo¬
riques du langage peuvent être plus ou moins rapides,
mais ils existent à toutes les époques, dans tous les pays....
On a trouvé que chez les tribus sauvages et illetrées , deux
ou trois générations suffisent pour changer tout l’aspect de
leurs dialectes. Les langues des nations civilisées au con¬
traire deviennent de plus en plus stationnaires et semblent
quelquefois perdre pour ainsi dire la faculté de se modifier.
Néanmoins des changements d’accents et de sons, l’intro¬
duction de nouveaux mots et la disparition graduelle de
mots anciens, voilà ce que nous pouvons encore voir sous
nos yeux. »
Dire maintenant par quelles innombrables transforma¬
tions sont passées les langues en germe pour arriver « à
cette perfection que nous admirons dans l’idiôme de la
(1) Uber die verschiedenheit des menscblichen sprachbaues.
(2) Science du langage, — Revue des Cours litt. , 1."* année p. 568.
— 225 —
Bible, des Védas, du Koran. » C’est impossible et cela nous
explique pourquoi les linguistes ont enfin renoncé à les
retrouver. Nous avons dit les langues en germe parce que
toutes celles qui sont ou ont été parlées sur la surface de la
terre « se divisent en famille absolument irréductibles
l’une à l’autre (^) » et qu’elles témoignent d’ailleurs des in¬
fluences diverses et opposées qui ont présidé à leur élabo¬
ration.
Nous n’avons pas besoin d’ajouter que cette irréductibilité
de certaines familles de langues n’implique pas nécessaire¬
ment la pluralité des espèces du genre humain et qu’elle
laisse entière Topinion de chacun sur la dispersion des
peuples.
Revenons au livre de M. L. de Backer. Nous y avons vu
que le langage primitif se composait de sons élémentaires
exprimant des idées générales , d’où cette conclusion géné¬
ralement admise (car après avoir avoué leur ignorance les
linguistes ont fait des hypothèses) , que la langue première
a été une juxtaposition de ces mêmes sons, c’est-à-dire « le
monosyllabisme diversifié par l’accent et soutenu par le
geste. »
Il s’agissait de se faire comprendre d’une manière quel¬
conque.
« Au surplus, dit l’auteur, le système de faire succéder
ou de juxtaposer les mots sans aucune marque de rapport
n’est pas perdu , et nos langues indo-européennes possèdent
encore des constructions où le sens se détermine d’après la
place que les termes occupent : c’est ce que dans toutes les
langues on nomme mots composés. Du reste dirons nous à
notre tour le monosyllabisme est encore la structure du
Chinois et de la plupart des dialectes de l’Inde orientale ;
d) M. Renan , — de l’origine du Langage ; 3.« édition , pages 302 et
305 — ' cité par l’auteur, page 32 .
— 226 —
mais comme dans ce système de langues il fallait qu’une
indication quelconque marquât les différents sens d’un
mot, on s’est servi de l’accent ; et cet accent joue un tel rôle,
que si l’on donne , par exemple , k ba, bà, hâ , ba (dans le
chinois) les intonations convenables , cette phrase signifie
Trois dames ont donné un soufflet au favori du Prince (i).
Après avoir développé longuement la méthode suivie
pour la formation de nos langues parlées , M. Louis de
Backer termine en les ramenant toutes aux trois procédés
suivants :
« 1 Visolement , c’est-à-dire le procédé par lequel toute
la pensée, objet et forme, est exprimée par des racines
indépendantes ou isolées, qui sont employées comme mots
et conservent une signification propre. »
A cette classe appartiennent les langues monosyllabiques.
2." Vagglutination ^ c’est-à-dire la formation de mots
par la juxtaposition de plusieurs racines dont l’une perd
son indépendance. »
Cette classe comprend le groupe touranieii.
< 3.° La flexion , c’est-à-dire la désignation de la forme
par un changement phonétique interne de la racine , ou la
formation du mot par la réunion de deux ou plusieurs
racines. »
A cette classe appartiennent les langues sémitiques et
indo-européennes. _ _ Lecocq.
HISTOIRE DE l’ANCIENNE CONFRÉRIE D’AMATEURS DE FLEURS
Etablie aux Récollets- Anglais à Douai
sous le vocable de Sainte Dorothée
parle chevalier Amédée de Ternas (2).
« Au XVII.® siècle, Douai possédait, comme presque toutes
(1) M. Max Muller, — Revue des Cours litt. , 3." année , p. 602.
(2) Douai , Decliristé, 1870, br. in-8.° de 54 p. avec planches d’ar¬
moiries.— Se trouve en vente chez M. Quarré, libraire, Grand’Place
à Lille ; prix ; 3 francs.
— 227 —
les villes de Flandre, un grand nombre de confréries dont
les membres avaient pour but d’bonorer Dieu tout en se ré¬
créant. C’est vers la fin de ce siècle, en 1663 , que nous
voyons se former la Confrérie de Sainte Dorothée dont il va
être question. Cette confrérie, érigée en l’église Saint Jac¬
ques, puis transportée aux Récollets-Anglais en 1716 , se
divisa vers celte époque en deux sections. L’une d’elles se
fixa d’abord à Saint-Pierre, fut transférée , en 1720, aux
Récollets-Wallons, et cessa d’exister en 1737. L’autre,
dont nous allons nous occuper, se maintint jusqu’en 1797 et
vécut en bonne intelligence avec la seconde, car nous
voyons que chaque année ces deux sections , qui formaient
deux Confréries distinctes , s’envoient à tour de rôles les
vins qui doivent servir au banquet, fin ordinaire de ces
réunions. »
Les statuts de la Confrérie de Sainte Dorothée de Douai
furent approuvés par le siège épiscopal d’Arras le 13 janvier
1664. Le 2 décembre suivant, le pape Alexandre vu,
voulant témoigner l’intérêt qu’il attachait à la nouvelle asso¬
ciation, accorda des indulgences à tous ceux qui en faisaient
partie.
Le nombre des confrères était fixé à 12. Chaque
année , le 6 février, ils s’assemblaient pour élire un préfet
ou prince. Le jour de la fête de sainte Dorothée , ils assis¬
taient à la messe et aux offices avec un bouquet de fleurs
naturelles à leurs boutonnières.
M. de Ternas publie un Mémoire de ce qui s est fait pour
la Solennité séculaire de la patronne de la Confrérie , le
6 Février 1767. Il donne ensuite la liste des princes de cette
association et celle des principaux membres, avec notices
biographiques et planches d’armoiries-
En 1807 et 1808, les jardiniers de Douai, secondés par les
amateurs de fleurs et encouragés par l’administration muni-
— 228 —
cipale , élevaient encore des buffets à sainte Dorothée dans
l’église actuelle de Saint-Jacques. Jusqu’en 1823 , ils célé¬
braient la fête de leur patronne avec une grande magni¬
ficence.
M. de Ternas termine sa curieuse Notice en exprimant le
vœu de voir la confrérie de sainte Dorothée se relever par
les soins des dames patronessesdela Société d’Horticulture,
fondée à Douai le 10 septembre 18o2. A. D.
CHRONIQUE
Archéologie. Milliaire romain à Etrœungt. — Dans
une lettre écrite à la Commission historique, M. Lebeau,
d’Avesnes, annonce la découverte d’un milliaire ou borne
itinéraire le long de la chaussée romaine de Bavai à
Reims, au hameau de la Pérée à Etrœungt. La colonne et
le socle hauts ensemble de 1 m. 12, sont en pierre blanche
du Laonnais ; malheureusement la partie supérieure de la
colonne qui portait l’inscription a été brisée et n’a pu être
retrouvée. M. Lebeau suppose que c’est la douzième borne à
partir de Bavai ; la quatrième avait été trouvée à Pont-sur-
Sambre en 1777 par Dom Bévy.
Cette nouvelle découverte vient confirmer l’opinion qui
plaçait à Etrœungt , la station romaine désignée sous le
nom de Duronum. Seulement la Commission de la carte des
Gaules plaçait Duronum au hameau de Warpont à 1 kil. au
nord de borne milliaire, tandis que M. Lebeau se fondant
sur ce que les débris romains tels que monnaies, tuiles ,
poteries, sont en général trouvés au hameau de La Pérée,
préfère voir en ce lieu la station romaine.
Sépulture Gallo-Romaine et Hache en silex polie, à Lille.
— M. Rigaux fils a fait à Esquermes , le 23 mai dernier,
une seconde découverte non moins intéressante que
celle dont nous avons parlé dans notre dernier numéro. Elle
— 229 —
est due aux bienveillantes indications fournies par MM. Ben-
vignat et Durieux, raffmeurs. Cette découverte consiste en
divers objets remontant à l’époque gallo-romaine, et qui
composaient une sépulture à incinération. Huit vases ont
été retirés de terre. On remarque dans ce groupe lurne ci¬
néraire, la cruche à la boisson, un bol avec sa soucoupe,
les vases aux libations et aux offrandes. Deux avaient une
couverte rouge très-brillante , et sur l’un se voit l’estampille
du potier, un troisième de forme gracieuse, est orné de des¬
sins en creux, les autres sont en poterie commune. Cette sé¬
pulture renfermait déplus deux fibules de forme variée, une
épingle brisée, une sorte de cure-oreille, le tout en cuivre.
Un fragment de tuile romaine ramassé par M. Rigaux
dans le fond d’une des sépultures franques d’Esquermes
lui avait déjà fait prévoir la rencontre dans un rayon rap¬
proché, d’antiquités gallo-romaines.
La précédente trouvaille faisait remonter l’origine d’Es¬
quermes aux environs du vu.® siècle, celle-ci la reporte à
une époque certainement antérieure au règne de Cons-
r
tantin-le-Grand.
C’est donc un renseignement très-important pour la sta¬
tistique archéologique de notre arrondissement de Lille.
Il nous reste à signaler un autre objet provenant de la
même excavation ; c’est une hache en silex qui a été polie.
La présence de cette hache dans un endroit non remué
depuis l’époque gallo-romaine peut faire espérer que l’on
retrouvera un jour à Esquermes des antiquités qui permet¬
tront de reculer encore son origine. Tous les objets précités
sont déposés au Musée de Lille.
Bourgade gallo-romaine à Elewyt^ près Bruxelles. —
M. Van Dessel , géomètre à Elewyt , a entrepris des fouilles
sur remplacement d’une bourgade gallo-romaine qui a
existé en cette commune. Il a trouvé des substructions
— 230 —
porlanl des traces d’incendie qui attestent une œuvre de
destruction probablement accomplie à main armée. On y a
recueilli des poteries, des morceaux de verre, des anneaux,
des fibules, des monnaies qui s’étendent depuis Fère con¬
sulaire, jusqu’aux derniers empereurs et un anneau en fer
portant une petite pierre bleue sur laquelle est gravé un
centaure attaqué par un lion. D’après M. Wauters, Elewyt
aurait été habitée par les colons et les serfs d’une villa
romaine qu’il place à Perck. [Communication de M. Gales-
loot à V Académie de Belgic/ue).
Bague romaine. — M. Cools, bourgmestre à Becquevoort,
vient de rencontrer prés de son habitation , une magnifique
bague en or ciselé; le chaton porte une pierre fine sur
laquelle est gravé un guerrier qui étend la main droite sur
un brasier ardent. Il est facile d’y reconnaître Mucius
Sœvola. Cet anneau comme celui d’Elewyt, servait de cachet
pour sceller. On les fit d’abord en fer, puis en or; mais
l’usage de ce dernier métal fut restreint à Rome aux séna¬
teurs et aux principaux magistrats, [id.) J. G.
Arcliéolog^ie prclis&itoric|ue. Sépulture de Vâge de
la pierre polie à Bumigny . — Près de Rumigny, dépar¬
tement des Ardennes, au confins du département de l’Aisne,
se voit un mamelon, la côte de l’Hopitât, qui parait avoir été
fréquentée par une tribu de l’époque de la pierre polie. On
y a trouvé un tombeau en pierre brute qui contenait une
quinzaine de squelettes rangés sur deux rangs. Près d’un
des crânes se trouvait d’épais cheveux roux de 20 centi¬
mètres de longueur. On a recueilli aussi dans cette sépulture
7 haches en silex poli , dont une était encore enfoncée dans
sa gaine en corne de cerf et un bouton en os poli ayant
beaucoup d’analogie avec certains boutons actuels. Autour
de ce gisement , on a trouvé à la surface du sol , des haches
en silex taillées et non encore polies. (Ex. d’une note de M.''®
— 231 —
Piette el de Ferry dans les Matériaux pour Vhistoire primi¬
tive et naturelle de l'Homme. 2.® sé. VI, n.‘’4, 1870). J. G.
Météorologie :
JUIN
1870
Température moyen ne . lo.® o8
> J des maxima . 10.'’ o9
t i des mininia . 20.® b6
» extrême miniina, le 9. . . 6." 70
> » maxima, le 14. 30.® 40
Baromètre hauteur moyenne à 0.®. . . . 763“'“386
» hauteur extrême minima , le 9 . . 7o9“"'22
> j> > maxima , le 6. . 773““62
Tension de la vapeur atmosphêr . 9“"’ 19
Humidité relative moyenne % . 64.0
Epaisseur de la couche de pluie . 15“"86
» de la couche d’eau évaporée. . 134T77
JUIN
année moy
15.® 94
759^“ 749
10”'"26
69.85
63^064
128T"52
D’après ce qui précède , nous voyons que la température
atmosphérique du mois de juin ne fut inférieure à celle du
même mois déduite de 15 années, que de 0®, 36; l’épaisseur
de la couche d’eau évaporée ne fut pas non plus très-
différente.
Mais ce qui donne à juin 1870 son caractère dominant,
c’est sa grande sécheresse. Tandis que, année moyenne, il
tombe pendant ce mois 63 millimètres de pluie, il n’en est
tombé cette année que 15”“. 86 en 11 jours. Si de cette
quantité déjà si faible, on retranche les 8””. 0 du 1.", il
ne reste que 7””. 86 pour tout le mois. Aussi les prairies
sont-elles partout desséchées, les récoltes très-compromises,
et les bestiaux sans nourriture.
La tension de la vapeur d’eau fut inférieure de 1““ 07. à
celle d’une année moyenne et l’humidité de l’air ne fut que
de 64 7„ au lieu de 69. 87 ®/o.
La même sécheresse exista dans les régions élevées de
l’atmosphère, car la hauteur de la colonne barométrique fut
de 3“”. 637 supérieure à celle du mois correspondant année
moyenne.
— 252 —
Malgré la sérénité des nuits les rosées ne furent qu’au
nombre de 13.
Les vents dominants soufflèrent du S.»0. et du N.-O.
Le 17 , à 4 h. 45 minutes du matin, il éclata un orage
amené par les nuages de la couche moyenne venant du S,
avec une marche très-lente, le vent soufflant de S.-S.-O; la
pluie fut très-peu abondante et de courte durée (1"™"'. 50); à
5 h. 43 tout était dissipé et le ciel reprenait son calme et sa
sérénité ordinaires. V. Meurein.
:N'écrolo^ie. Le 27 Juin dernier s’est éteint, dans sa
cellule, à Lille, le R. P. Possoz de la Compagnie de Jésus.
Né à Douai en avril 1803 , il fut ordonné prêtre en 1826 et
entra dans l’Institut de Saint Ignace en septembre 1833 ,
après avoir professé successivement la rhétorique et la phi¬
losophie au séminaire de Cambrai. Il a fait paraître un
grand nombre d’ouvrages principalement consacrés à l’his-
toire religieuse de nos contrées : Les Sanctuaires de la Mère
de Dieu dans les diocèses de Cambrai et d'Arras; La vie du
P. Edmond Campian , celle du P. Henri Walpole^ celle du
P. Robert Southivell , tous trois martyrisés en Angleterre
après avoir étudié dans les couvents anglais fondés à Douai ;
la vie de Van der Burch , le pieux évêque de Cambrai qui
créa tant d’œuvres de charité ; la vie de Jean Vendeville,
professeur de Droit à l’Université de Douai et plus tard
évêque de Tournai ; la vie du P. Ignace Chômé ^ jésuite, né
à Douai et mort dans la mission du Paraguay. A. D.
IVouvelles de la Littérature et dest Arts». Par
une distinction bien justifiée , M. Louis Cousin , président
de la Société dunkerquoise , vient d’être fait chevalier de
Saint Grégoire le Grand. A. D.
Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2/ Année. — N.“ 8. — Août 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE DE TOURNAI.
Bulletins, t. xiii, 1868-1869.
La Société historique et littéraire de Tournai , fondée en
1846, se compose de 15 membres effectifs ; elle est admi¬
nistrée par un comité permanent dont les membres sont
aujourd’hui :
MM. Dubus (François) , président émérite du Tribunal
civil de Tournai, ancien membre du Congrès,
commandeur de l’Ordre de Léopold ; Président,
Voisin (Charles-Joseph) , vicaire-général , doyen du
Chapitre , prélat domestique de Sa Sainteté , che¬
valier de l’Ordre de Léopold ; Vice-Président et
Trésorier.
De Nedonchel (le comte Georges), chevalier de
l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand ; Bibliothécaire-
Archiviste.
Wacquez (Jules) , avocat ; Secrétaire.
Dans cette petite phalange d’archéologues , d’historiens
et de littérateurs, les talents et les bonnes volontés
suppléent au nombre ; aussi compte-t-elle autant de vo¬
lumes ( de bulletins et de mémoires ) que d’années
d’existence ; volumes en majeure partie consacrés à l’his¬
toire locale étudiée et traitée dans toutes ses branches et à
tous les points de vue. Le tome xiii des Bulletins que j’ai
sous les yeux renferme des communications nombreuses
et diverses , peu étendues (car sans cela leur place serait
dans les mémoires) , mais toutes pleines d’intérêt et dont je
vais essayer de donner une idée succincte.
Voici d’abord des notes intitulées: de l’Orgue, des
Cloches et du Carillon. En communiquant à la Société des
— 234 —
documents trouvés dans les archives de la cathédrale, et
relatifs à ces trois objets , M. le vicaire-général Voisin y
joint quelques réflexions. Le sort de ces instruments a été
bien différent et leur rôle est bien changé : tandis que
l’orgue a pris une importance qui le rend méconnaissable
et un volume qui a forcé de l’éloigner du sanctuaire,
l’usage de la sonnerie est devenu fort modeste, les cloches
sont en petit nombre et* les carillons sont le partage de
quelques villes privilégiées. Anciennement on faisait grand
bruit à l’extérieur du temple ; on croyait que le son de
l’airain ne pouvait avoir ni trop de force, ni trop de charmes,
pour attirer au lieu saint , où les voix devaient chanter les
louanges du Créateur, avec les seuls accompagnements qui
pouvaient les rendre plus harmonieuses et plus agréables ,
tandis que maintenant le bruit se fait dans l’église et , bien
souvent, il empêche qu’on ne comprenne les paroles de la
liturgie. Est-ce mieux ? « Non seulement nous ne le pen¬
sons pas, ditM. Voisin, mais nous le déplorons. »
Vient ensuite, par le même auteur, la description de
deux verrières à sujets légendaires où sont représentées des
scènes de la vie de saint Médard , dans l’un des bas-côtés
du chœur de la cathédrale. L’un de ces vitraux est un don
de M.“® Olislagers de Meerssenhoven, née comtesse du
Parc. Une notice sur ces deux familles Olislagers et du Parc
précède la description du vitrail. L’autre est un don de
M. le baron Jules de Rasse et de M. le baron Alphonse de
Rasse , son frère , bourgmestre de Tournai. Une notice bio¬
graphique sur Cbarles-Henri-Joseph de Rasse , père des
donateurs , est insérée dans le 3.® volume des Bulletins de
la Société.
Dans une autre communication, M. Voisin détermine, avec
plus de précision qu’on n’avait pu le faire jusqu’à présent,
— 235 —
la date de la naissance du chanoine Cousin d’après un pas¬
sage où l’historien de Tournai (p. 271 du 4.® livre) rappelle
une particularité de sa jeunesse. Jean Cousin serait né vers
1556 et aurait eu à sa mort, arrivée en 1636 , quatre-vingts
ans.
Le savant vicaire-général s'était déjà occupé , dans le
volume précédent, d’une question d’archéologie chrétienne
jusqu’à présent négligée. Selon lui la couronne crénelée
qu’on a donnée au Christ sur la croix aux x.® et xi.® siècles,
aurait une signification mystique particulière. Cette cou¬
ronne, que les Romains décernaient à ceux qui avaient
sauté les premiers sur les murs crénelés d’une ville, rap¬
pellerait, sur la tête du sauveur, la victoire qui a ouvert
le ciel à l’homme. Jésus-Christ, vainqueur de la mort par
sa résurrection, est entré le premier avec la chair de son
humanité dans la Jérusalem céleste où nous pouvons main¬
tenant entrer après lui. M. Voisin corrobore ici son opinion
par cette considération, appuyée d’un exemple, qu’à l’époque
où l’on donnait cette couronne au Christ, on représentait
communément la Jérusalem céleste comme une ville en¬
tourée de murailles crénelées. Il y a évidemment corré¬
lation entre la couronne crénelée du Christ et les créneaux
de la cité céleste.
Sous le titre : Archéologie chrétienne, M. l’abbé Huguet
fait le récit d’une excursion dans l’est de la France, et par¬
ticulièrement en Savoie et en Suisse où il allait chercher
autre chose que des sites , des lacs et des montagnes, et où
il a recueilli des notes intéressantes sur les édifices religieux.
Dans un utile travail tout à la fois bibliographique et
historique , M. le Président Du Bus produit une liste rai¬
sonnée des Ouvrages de Gilbert de Choiseul , évêque de
Tournai. Les écrits du prélat sont nombreux ; cette liste ,
— 236 —
qu’on ne croit pas encore complète, en signale cinquante-
neuf. M. Du Bus donne de chacun d’eux une analyse suffi¬
sante pour en faire apprécier le contenu et l’esprit ; il fait
aussi connaître les divers écrits qui ont été opposés au
prélat dans les luttes qu’il a eu à soutenir ; l’auteur de
cette liste expose et ne juge pas.
Méreaux de Tournai (avec planches). Deux articles , l’un
de M. Renier Ghalon, déjà publié dans la Revue de la
numismatique belge , l’autre , complétant le premier , par
M. le comte de Nédonchel, traitent de ces petits monuments
métalliques si intéressants. Les méreaux de Tournai, assez
nombreux, mais la plupart restés inédits, ne sont pas,
comme dans beaucoup de villes, des plombs plus ou moins
grossièrement coulés : ce sont en général de jolies pièces
en cuivre imitant le style et les types des monnaies véritables.
Ce fait s’explique par la présence à Tournai, jusqu’à la
conquête de cette ville par Louis XIV , d’un atelier consi¬
dérable de monnayage. On avait ainsi sous la main des
graveurs et des ouvriers habiles et l’on s’en servait.
Note sur l'église de Saint-Nicolas à Tournai^ par
M. Voisin. L’auteur précise l’époque et les circonstances
de la construction de cette, curieuse église ; discute plusieurs
questions qui se rattachent à l’origine de la paroisse et aux
limites des deux diocèses de Cambrai et de Tournai ,
séparés par un bras de l’Escaut ; puis il parcourt les diffé¬
rentes parties de ledifice pour en déterminer l’état pri¬
mitif, signaler les changements qu’il a subis et émettre son
opinion sur ce qu’il serait convenable d’y faire pour le
restaurer. Cinq dessins dûs à M. l’arcliitecte Bruyenne et
des pièces justificatives embrassant les xiii.® et xiv.® siècles
accompagnent cette importante étude.
Obligé de me borner, je ne puis plus que mentionner les
237 —
notes sur Jean et Simon Bu Portail, anciens chanoines de la
cathédrale de Tournai , par M. Voisin, — et un rapport
de M. Vos , curé d’Ère , sur une notice intitulée : Quelques
détails sur Véglise paroissiale de Chièvres , par M. le d/
Père. L’auteur a relevé un grand nombre d’inscriptions tu-
mulaires qui décorent l’intérieur de cette église, parmi
lesquelles celle de Martin de Vuorden , père du célèbre
baron Michel-Ange de Vuorden qui naquit à Chièvres en
1629 et mourut à Lille en 1699. A ce rapport sont jointes
des recherches intéressantes sur ce même baron de Vuor¬
den, par M. le Président Du Bus.
Je veux pourtant signaler encore deux jolies pièces de
vers de M. Wacquez : le cheval et son maître, fable, et
Laissons voler les papillons.
Que de fois pauvres enfants d'Eve,
On nous voit courir ici-bas
Après une ombre , après un rêve !
En vain , nous lui tendons les bras ;
11 fuit ! nous ne l’atteignons pas _
Pauvres fous , nous courons encore ;
Epuisés, enfin, nous tombons,
Et le beau rêve s’évapore .
Laissons voler les papillons.
T.*'® Leuridan,
Archiviste -bibliothécaire de Roubaix.
BIBLIOGRAPHIE
LA MAGISTRATURE TOURNAISIENNE (1789-1870) ,
par H. Vandenbroeck. P)
Déjà, au moyen du dépouillement des chirographes et des
documents transcrits dans les anciens cartulaires, on avait
pu établir , d’une manière à peu près complète , la liste des
magistrats de Tournai de 1198 à 1313. — De 1313 à 1792 ,
les noms des magistrats de cette ville sont inscrits dans les
P) Tournai, Malo et Levasseur , 1870, 1 vol. in-8.®
— 238 —
18 registres dits de la Loi^ précieuse collection que possè¬
dent les Archives communales. En 1851, après plusieurs
années de recherches que la mauvaise tenue des registres et
le désordre qui règne dans les papiers de l’époque républi¬
caine rendaient difficiles et ardues , M. Vandenbroeck avait
pu soumettre au Conseil la chronologie des magistrats
communaux depuis 1792 et c’est ce travail complété jus¬
qu’à nos jours que le laborieux archiviste livre à la pu¬
blicité.
Il ne s’agh point ici d’un simple assemblage de noms.
Après un aperçu rapide sur l’organisation communale
pendant les grandes périodes qui ont précédé l’ère républi¬
caine, l’auteur explique sobrement, mais suffisamment, les
changements successifs auxquels les événements politiques
ont soumis cette organisation à partir de la Révolution bra¬
bançonne ; changements fréquents , amenés par les restau¬
rations autrichiennes alternant avec les invasions fran¬
çaises , par la réunion de la Belgique à la France , par la
domination hollandaise et enfin par l’indépendance natio¬
nale. Quelques-uns de ces noms rappellent certaines natures
d’élite qui ont fait preuve de talents administratifs des plus
remarquables ; les notes biographiques ou historiques qui
les accompagnent ont bien aussi leur valeur.
Du reste, en dehors de l’intérêt qui s’attache historique¬
ment à ces listes, il y a parfois le côté pratiquement utile :
dans ce cas se trouve la liste alphabétique des magistrats
de Tournai depuis la réforme opérée par Gharles-Quint, en
1521 , dans la composition du corps communal. Ce précieux
document préparé par M. Vandenbroeck et publié comme
appendice à son beau travail, sera consulté souvent et avec
fruit par ceux de ses concitoyens qui appartiennent aux
familles de l’ancienne magistrature et qui , à ce litre ,
peuvent prétendre à la fondation faite, en 1858, par le
— 259 —
chevalier Adolphe de Ferrare, en faveur des descendants
des magistrats de Tournai avant 1790.
De quelque côté qu’on examine ce livre , on ne peut que
le louer , et je le fais avec d’autant plus de sincérité que je
sais par état combien ces sortes de travaux sont arides et
ingrats. Th." Leuridan.
LES BIBLIOGRAPHES PICARDS
par M. Pour , membre de la Société des Antiquaires de Picardie. (*)
M. Pouy fait figurer en tête de sa liste un chanoine
d’Amiens, Richard de Fournival , qui dressa, au xiii.®
siècle, sous le titre de Biblionomia, un catalogue de sa propre
bibliothèque, aujourd’hui conservé à la Sorbonne. Il
inscrit ensuite le nom du célèbre Vincent de Beauvais dont
la Bibliotheca mundi est une encyclopédie des sciences et
des lettres à la même époque.
La Bibliothèque d’un magistrat picard^ décrite par
Roger , offre un spécimen de la manière confuse et peu
méthodique dont on rédigeait un inventaire de livres
au commencementdu xvii.® siècle. Passant aux bibliographes
vraiment® dignes de ce nom », M. Pouy rappelle que Gabriel
Naudé mourut à Abbeville , le 29 juillet 1 653 , et qu’il y fut
inhumé. Adrien Baillet , à qui ses Jugements des savants
donnent rang parmi les bibliographes , appartient plus
directement à la Picardie, puisqu’il vit le jour à la Neuville-
en-Hez , près Beauvais. C’est à Guise que naquit en 1678
le libraire érudit, Prosper Marchand, qui fonda et rédigea
en Hollande le Journal littéraire, l’un des meilleurs pério¬
diques du temps. Amiens vit naitre, en 1758, un autre
libraire, Louis Gaudefroy, auteur de nombreux catalogues.
P) Paris, Baur et Détaille , 1869, br. in-S.® de 16 pages.
— 240 —
qui devint, en 1810, inspecteur de l’imprimerie et delà
librairie à Paris. Son emploi ayant été supprimé en 1815, il
collabora jusqu’en 1823 à la Revue bibliographique des
Pays-Bas , publiée à Bruxelles , par Dernat.
L’espace nous manque pour citer tous les autres collec¬
tionneurs, descripteurs ou amateurs de livres , qu’énumère
M. Pouy comme se rattachant à la Picardie, soit par leur
origine, soit par leur résidence, soit par la spécialité de
leurs études. A. D.
COLLECTION COMPLÈTE DES INSCRIPTIONS NUMIDIQUES(/^6iqi/es)
par le général Faidherbe , ancien Gouverneur du Sénégal.
Les inscriptions dont il est question sont au nombre de
162, figurées sur les 5 premières planches. Ce sont des épi¬
taphes funéraires gravées sur pierre et trouvées, pour la
plupart, pêle-mêle avec des inscriptions latines. Il y en a
même un certain nombre qui renferment à la fois une
partie latine et une partie numidique, aussi l’auteur les
rapporte à l’époque romaine et à la langue parlée par
les anciens Numides, langue que saint Augustin désigne
sous le nom de punique. Cette écriture qui s’est conservée
en se modifiant chez les Touaregs, n’a probablement jamais
servi qu’à l’épigraphie , comme cela a également lieu de
nos jours chez les mêmes peuples. En tête de la 1."® planche
est une inscription punico-lybique probablement plus an¬
cienne que les autres et due aux Lybiens qui avaient subi
l’influence carthaginoise , car elle contient des lettres phé¬
niciennes. La VI.® planche est consacrée à 34 inscriptions
rupestres originaires du Sahara et à 6 inscriptions touaregs.
A l’aide des inscriptions bilingues latino -numides et en
s’aidant de comparaisons avec le Touareg, M. Faidherbe
essaie de reconstituer l’alphabet numide et de déchiffrer
241 —
quelques inscriptions. Il conclut qu'en somme « Tépigra-
phie numidique n’offre pas un bien grand intérêt; elle
peut exciter la curiosité de ceux qui ont le goût de ce genre
d'études, mais elle n’est pas destinée à nous apprendre
grand chose » Mais si ces inscriptions sont par elles-mêmes
peu importantes, elles ont fourni à l’auteur l’occasion de
publier des considérations très-remarquables sur l’ethno¬
graphie.
Le général Faidherbe a mis à profit son long séjour en
Afrique et ses rapports avec les tribus qui peuplent ces
contrées , pour soulever un coin du voile épais qui couvre
leur origine.
Il y a deux ans, dans le Bulletin de V Académie d'Hippone,
le savant général rendait compte de ses recherches sur les
dolmens de Roknia, localité située dans la province de
Gonstantine, près des sôurces d’eau chaude d’Hammon
Mascoutin , où les Romains avaient établi une station
thermale. Peut-être ces sources chaudes avaient attiré
aussi les anciennes populations de l’Afrique. Car dans les
escarpements de l’Oued Roknia, M. Faidherhe a trouvé 3
à 400 grottes dont le? trois quarts ont, selon lui, servi
d’habitations. Sur le plateau se dressent plus de 3,000 sé¬
pultures formées de pierres brutes. Les plus grandes ne
contiennent que 1 ou 2 squelettes; les plus petites en con¬
tiennent jusqu’à 7 ; c’étaient en quelque sorte les fosses
communes de l’époque. Dans ces tombeaux on trouve des
poteries grossières , des ornements en bronze et quelques
uns en argent doré.
L’année passée, le même savant signalait à Mazela, dans
la même province , environ 2,000 tombeaux semblables à
ceux de Roknia. Ces dolmens ne sont jamais recouverts de
tumulus , mais ils sont parfois entourés d’une enceinte de
pierre levée ou Cromlech.
— 242 —
- Selon toutes probabilités , ces tombeaux sont l’œuvre
d’une race blonde venue d’Europe et dont il reste encore de
nombreux descendants parmi les populations indigènes
de l’Algérie et du Maroc. Au milieu d’une grande majorité
aux cheveux et aux yeux noirs , on y reconnait encore un
certain nombre d’individus aux cheveux blonds et aux yeux
bleus. L'opinion la plus vulgaire fait de ces hommes blonds
les descendants des Vandales qui envahirent le nord de
l’Afrique au v.® siècle de l’ère chrétienne ; mais un auteur
du IV.® siècle avant notre ère , Scylax , dit , en parlant des
Lybiens, qu’ils sont tous beaux et blonds Bien plus, M. Ma¬
riette a déchiffré le document suivant qui remonte à la xix.®
dynastie égyptienne, environ 1,400 ans avant J. -G. « Des
» déserts situés à l’occident du Delta un flot de nomades
D aux yeux bleus et cheveux blonds descend des îles de la
» Méditerranée sur le continent africain , menace les pro-
* vinces du nord de l’Egypte et n’est contenu qu’avec de
» grands efforts par les armées égyptiennes. »
Quoique vaincus, ces nomades blonds aux yeux bleus que
les Egyptiens désignaient sous le nom générique de Ta-
mehou, finirent par s’introduire dans l’armée égyptienne
comme auxiliaires et devinrent bientôt les véritables maîtres
de la Basse Egypte. M. Faidherbe pense que Psammeticus,
qui rétablit l’empire égyptien en chassant les rois éthiopiens
et devint le chef delaxxvi.® dynastie (665 ans avant J. -G.),
appartient à cette race Taraehou.
Les rapports de celle-ci avec les Egyptiens paraissent
remonter plus haut encore, car la reine Taia, mère d’Araen-
holep IV , de la xviii.® dynastie , est représentée avec les
cheveux blonds , les yeux bleus et les chairs roses ; elle
avait été épousée pour sa beauté par le roi Ainenhotep III.
. Ainsi à l'époque où les Phéniciens établissaient leurs
premiers comptoirs sur la côte africaine, une race blonde
^ 245 —
couverte de peaux de bêles, enterrant ses morts dans des
dolmens, envahissait le nord de l’Afrique et pénétrait
jusqu’en Egypte. D’où venait-elle? Le général Faidherbe la
fait arriver d’Europe par les trois péninsules Hibérique ,
Italique et Hellénique. En remarquant qu'on ne trouve pas
de dolmens en Italie et qu’ils sont très-fréquents en Es¬
pagne , il me semble plus probable que la race blonde tra¬
versa le détroit de Gibraltar qui, à cette époque n’était
peut-être qu un étroit fossé.
Ces blonds envahisseurs trouvèrent l’Afrique déjà ha¬
bitée par une race brune probablement identique à celle
que les nouvelles découvertes pale-éthnographiques nous
font voir comme les populations primitives de l'Europe.
Les deux races se mêlèrent l’une à l'autre, mais la race
blonde conserva longtemps la suprématie comme le montre
le témoignage de Scylax. Il est probable selon le savant
général que la royale famille de Masinissa était blonde.
C’est de cette alliance des deux races que sont sortis les
Kabyles de l’Algérie, les Chaouïas de l’Aurès, les Touaregs
du Sahara oriental, les Zenayas du Sahara occidental, etc.
Tous parlaient la même langue dhisée en plusieurs dia¬
lectes. Cette langue est-elle celle des Lybiens indigènes ou
celle des blonds du Nord ? M. Faidherbe admet la première
hypothèse et il déclare en même temps que, dans l’ignorance
où l’on est encore de la langue berbère, on ne peut indiquer
ses véritables affinités.
C’est en cette langue plus ou moins modifiée par un in¬
tervalle de 10 siècles et par l’influence des idiomes, des
blonds Tamehous, des Phéniciens et ensuite des Romains,
que seraienfécrites les inscriptions numidiques qui font le
sujet du livre. J. G.
^ 244 —
LE CRUCIFIX BLASPHÉMATOIRE DU PALATIW
Considérations nouvelles sur cette image
par le d/ F. X. Kraus , traduit de rallemand par M. Charles de Linas ,
avec notes et appendice du traducteur. (* *)
En novembre 1856, le déblaiement de deux murs d’un
appartement situé dans la vigne Nusiner, à l’angle occi¬
dental du mont Palatin, mil à jour des figures et inscrip¬
tions tracées à la pointe. L’un de ces graffiti représentait un
corps humain habillé , dont la partie supérieure finit en
tête de cheval ou d’âne : le monstre est appliqué sur une
croix en forme de T ; ses mains sont visiblement attachées
à de grandes traverses ; ses pieds reposent l’un près de
Tautre sur une traverse inférieure qui lient lieu de suppe-
daneum. A gauche du spectateur , on voit un homme éga¬
lement habillé, dans l’attitude d’un adorateur. Entre les
deux figures et au-dessous, se trouve une inscription
grecque divisée en quatre lignes et ayant pour sens :
Alexamenos adore [son) Dieu.
Le P. Raphaël Garucci (^) qui a, le premier, décrit ce
singulier crucifix, l’a regardé comme une marque de la haine
et des préjugés païens envers la religion chrétienne et son
fondateur. Suivant lui, le graffito romain correspond à une
autre représentation insultante du Christ dont Tertullien
parle dans le ch. xvi de son Apologétique : « Deus Christia-
norum ovoxotT>3o-. (®) » Des témoignages rassemblés par
Garucci et, depuis lors, par Becker, (4) il résulte que,
jusqu’au 111. ®siècle inclusivement, les païens infligèrent, aux
(b Arras , V.* Rousseau-Leroy, ls70 , br. in-8.° de 35 pages
( Extrait de la Revue de l'Art chrélîm , xiv.' année , n.®3 ).
(2) Civilla cailoHca , 1856 , Il crocifisso graffilo , Rome , 1857.
(*) Sur la valeur de ce terme, voir Apulée, Métamorph. liv, x et
JüvÉNAL , Salir, vi.
Das Spollcrucifw des rom. Kaisers païaste, Breslau , 1866.
— 245 —
juifs comme aux chrétiens, le blâme ridicule d’adorer un
Dieu à tête d’âne.
C’est cette interprétation que repousse un érudit autri¬
chien, M. Haupt, (') et que défend M. le docteur Kraus.
M. Haupt ne veut voir aucune allusion au christianisme
dans le crucifix onocéphale. Il pose en thèse que les païens
ont connu un dieu-âne, la Selh ou Smy des Egyptiens,
identifié parles Grecs avec leur Typhon et adoré sous cette
forme. L’image du Palatin serait donc un monument sérieux
du culte de Typhon.
M. Kraus, lui, persiste à y voir une caricature du Dieu
des chrétiens , et il appuie son opinion d’excellentes raisons
que notre compatriote M. de Linas , non content de les
faire passer dans notre langue , développe et fortifie. Etant
admis (et les savantes recherches de M. Lenormant ont mis
depuis longtemps ce point hors de doute) que la portion du
Palatin où fut découvert le crucifix servait, sous les Empe¬
reurs, de Pædagogium pour les jeunes esclaves nés dans la
maison , vernæ , et destinés à devenir pages , pueri pœda-
gogiani , on ne sera pas éloigné de reconnaître , avec M. de
Linas, dans Alexamenos, « un malheureux surveillant, un
pion, passez-moi le mot, soupçonné ou convaincu de chris¬
tianisme, et tourné publiquemement en ridicule, lui et son
Dieu, par l’impitoyable rancune d’un jeune vaurien. »
Une autre hypothèse se présente, que justifie la grossiè¬
reté du dessin objet de cette étude. Le geste du baise-main ,
signe caractéristique de l’adoration et qui fait qu’on a long¬
temps pris Alexamenos pour un sectateur du Christ , ne
ressemble-t-il pas étonnamment à un autre geste beaucoup
moins respectueux « et que l’on nomme vulgairement pïecf de
nezl » Dès lors la caricature changerait de sens, sans cesser * (*)
(î) Rapports et communications de la Société archéologique de Vienne, t. Xlir.
(*) OsUrr. Yierleljahresschrift fur Kath. Théologie , vin .Tahrg. , 2 heft.
— 246 —
d’être injurieuse pour les chrétiens , et en le devenant
même davantage.
Quanta la date du crucifix blasphématoire, M. de Linas,
serrant les conclusions du P. Garucci , n’hésite pas à la
placer sous le règne de Septime-Sévère (192-211). A. D.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
RÉORGANISATION DE L’HÔPITAL DE SAINT-OMER ,
DIT DE SAINT LOUIS OU DU CHEVAL d’OR OU BRULÉ.
Le peu d’espace dont nous disposons dans notre Bulletin
nous a fait jusqu’ici hésiter, malgré les vives instances de
quelques-uns de nos abonnés , à y introduire des documents
inédits. Encore maintenant nous sommes résolus à n’ad¬
mettre, en ce genre, que des pièces courtes et d’un intérêt
réel. Celle que nous communique M. E. Fourdin, archiviste
de la ville d’Ath , et que nous sommes heureux de placer
aujourd’hui sous les yeux de nos lecteurs, nous paraît
réunir cette double qualité.
M. H. de La Plane , secrétaire perpétuel de la Société des
Antiquaires de la Morinie , a publié dans le t. i du Bulletin
de cette société (p. 222-234), un règlement pour les hôpitaux
réunis de N. D. de Vescoterie et de Saint-Louis, dit du Cheval
d'or, en date du 18 Mars 1427 (v. st.) La pièce produite par
M. Fourdin est antérieure à cette réunion. A.D.
« A tous cenlx qui ces lettres verront , Mayeurs et
Eschevins de la ville Saint-Omer , salut. Sçavoir faisons
que nous tous assamblez , tant de l’une année , comme de
l’aultre, avecq nostre Conseil, par grande et meure délibé¬
ration, considérées les ruines qiiy esloient en la maison et
hospital de SaintLouys, que on distdu Cheval d’or ou briislé,
par quoy il estoiten adventure de estre du tout à déselation,
car il n’y avoit revenues quy le peuissent soustenir , et sy
estoit et est chargé de rentes, et peu d’aulmosnes s’y fai-
soient par deffaulte de ceulx quy demqré y avoient.
— 247 --
Nous désirans à ce pouveoir, a certifyez de la bonne
vie et honneste conversation de plusieurs jeusnes femmes ,
quy par pure dévotion se y ont vollut et vœullent applic-
quer, vivans de labeur et gardans les povres malades,
autant que soustenir en peuent, par le faict et moyens des¬
quelles ledit hospital a esté et est réparé et en bon estât,
nous avons déclaré et déclarons, par ces présentes,
ladicte maison et touttes les renies et revenues à icelle
appertenantes ou escheues, et quy en temps advenir y apper-
liendronl et escherront, estre perpétuel hospital et maison
aux povres avecq les dictes revenues, pour la sustentation et
gouvernement d’iceulx et des sœurs quy à présent y sont et
seront en temps advenir, de nostre auctorité, pour ledit
hospital garder et ausdis povres minislrer des choses que
lesdictes sœurs aronl le gouvernement et proffit , pour em¬
ployer esdis usages, tant que à ce voldront, en bonne vie et
honneste conversation, vacquer et entendre, sans à elle estre
baillié , par nous, noz sucesseurs ou aultre, empesche-
ment aucun, ledit hospital tousjours demorant soubz nostre
justice et gouvernement. En lesmoing de ce , nous avons
mis le seel aux causes de la dicte ville à ces présentes faicles
et données le xvij.® jour de septembre. Tan mil et
seize. »
Copie du XVII.® siècle, insérée au registre des Privilèges
de la ville d'Ath , n.° 1 , fol. 83 Em. Fourdin.
l'emplacemext de qüextovic.
Un vif intérêt s'attache au souvenir de Quentovic , ville
autrefois florissante, maintenant enfouie sous les bords
ensablés de la Canche.
Quoiqu’il remonte indubitablement à l’époque gallo-ro¬
maine , Quentovic n’est pas mentionné avant le vu.® siècle.
Bède dit que saint Théodore, le futur archevêque de Can-
torbéry , s’y embarqua , en 668 , pour se rendre en Angle¬
terre. Eddius Stephanus, auteur d’une Vie de saint Wilfrid,
évêque d’York, affirme que le zélé personnage dont il écrit
l’histoire eût été arrêté par ses ennemis à Quentovic en
679, si, comme on s’y attendait , il fût passé par ce port en
— 248 —
allant à Rome. Le biographe de saint Boniface fait sé¬
journer son héros à Quenlovic en 718. Ce port , au\iii.®
siècle , attirait tant de marchands étrangers qu’on se faisait
une règle de ne point le comprendre dans les exemptions
générales de tonlieu qu’on accordait alors par privilège à
certaines églises. Louis le Débonnaire , dans le fameux acte
de partage de ses Etats , nomme Quentovic parmi les pagi
circonvoisins: ce qui était attribuer à cette ville l’importance
d’une province. Un officier royal y présidait à la levée des
droits d’importation et d’exportation. Quentovic possédait,
en outre, un atelier monétaire que Charles le Chauve qua¬
lifie d'anlique en 864 et dont les produits ont justement fixé
l’attention des numismates. Telle était la \ille que les Nor¬
mands livrèrent aux flammes après l’avoir plusieurs fois
pillée , et dont on est réduil à rechercher aujourd’hui l’em¬
placement : Canipos ubi fuit !
Pour la solution du problème topographique qui va nous
occuper, on n’a eu recours pendant longtemps qu’à des
textes mal assemblés , et souvent mal compris , ou à des
inductions purement étymologiques. La question a fait un
grand pas lorsqu’on 1841-1842 des fouilles furent entre¬
prises sur le territoire d’Etaples aux frais de la Société des
Antiquaires de la Morinie , par les soins du Comité de Bou¬
logne. L’archéologie vint ainsi en aide à l’érudition , se¬
condée qu’elle fut elle-même par une heureuse circonstance.
M. le comte de Rocquigny, propriétaire de la garenne
d’Etaples , venait de rendre à la culture une portion de ce
vaste terrain jusque là couverte de dunes. Les labours
successifs nécessités par cette opération mirent les anti¬
quaires sur la trace d’importantes trouvailles. Ils en vinrent
à découvrir dans les lieux dits le Puits à liards ou le Ruis¬
seau d'argent, non loin de la ferme de la Folie, outre des
poteries, médailles, fibules et statuettes, les fondations de
— 249 —
103 maisons, un puits et un cimetière qu’ils n’hésitèrent
pas à rapporter à l’ère gallo-romaine. (’) L’opinion que ce
centre d’habitations, auxquelles on accédait jadis par un
chemin encore aisément reconnaissable, faisait partie de
remplacement de Quentovic, ne pouvait manquer de se
produire.au sein de la Commission des fouilles. Elle fut, dès
lors, émise par l’un des commissaires, M. Louis Cousin. La
Commission, sans s’y rallier absolument, ne s’y montra pas
hostile. Elle laissa seulement, à celui de ses membres qui
l’avait énoncée, le soin de l’étayer de nouvelles preuves, (^j
Que Quentovic fût sur l’un des bords de la Canche et
qu’il ne faille chercher cette ville, comme l’ont fait certains
auteurs, ni à Caen en Normandie, ni à Quen-le-vieil sur’
l’Authie , c’est ce que démontre suffisamment le nom même
du lieu : viens ad Quantiam. Mais sur laquelle des deux rives
s’élevait la ville en question ? Ceux qui tiennent pour la
rive gauche établissent Quentovic soit au hameau du Tré¬
pied (commune de Cucq) ; soit à la Caloterie , entre la
ferme d’ülbise et le hameau de Valencendre; soit enfin à
Saint-Josse, en un lieu plus on moins voisin de l’abbaye.
En 1850, l’un des collègues de M. Cousin à la Société des
Antiquaires de la Morinie, M. l’abbé Robert, se prononça
hautement pour cette dernière opinion, (s) Il posa en fait
que la ville de Quentovic était distincte du port situé à l’em¬
bouchure de la Canche et qu’elle existait où s’éleva, depuis,
l’abbaye de Saint-Josse. Basant cette distinction sur un
extrait de la vie de saint Boniface, il essayait de la confir-
(1) V oir le Rapport de M. Marguet , ingénieur, sur les fouilles faites, en
1841 , à Etaples. ( Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, t. vi ,
p. 191-215.1
(2) Rapport de M. L. Cousin à la Société des Antiquaires de la
Morinie, sur les fouilles archéologiques que son, Comité de Boulogne a fait
executer en 1842 . Saint-Omer , Chauvin . in-8.° de 32 p.
(3) Mémoire sur Quentovic, par M. l’abbé Robert, curé de Merck
Saint-Liévin {Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, t. viiï ,
p. 511-534 ).
— 250 —
mer par un passage des lettres d’Alcuin où il est dit : Mar-
tinus in toico apud S. Judocum infirmus remansit. Ne s’en
tenant pas à cet ordre d’arguments, M. Robert s’inscrivait
contre les conclusions du principal explorateur des garennes
d’Etaples: l’uniforme simplicité des maisons exhumées par
M. Cousin et ses collègues ne rappelait, en rien suivant
M. Robert , la splendeur que devaient avoir les construc¬
tions publiques et particulières dans un centre commercial
aussi considérable que Quentovic. Quant aux bijoux et
autres objets précieux trouvés dans le cimetière, leur pré¬
sence en cet endroit s’expliquait par le voisinage d’Etaples ,
ville à laquelle M. Robert ne conteste pas toute importance
en ces temps reculés puisque, s’il se refuse à y voir Quen¬
tovic, il consent à en faire le port sur la Canche dont il
est parlé dans la Vie de saint Boniface.
L’argumentation de M. l’abbé Robert ne prit pas au dé¬
pourvu M. Cousin qui , en 18o4, y répliqua par de solides
raisons. (*) Entamant d’abord la guerre de textes, il
démontra que le point où saint Boniface et ses compagnons
débarquèrent, suivant le récit de leur historien Willibaud,
ne se distingue pas de Quentovic, « ou ne s’en distingue
que par un bien faible intervalle , » tel à peu près que celui
qui sépare habituellement une ville de l’embouchure de son
propre port. Pour ce qui est du wicus où Alcuin nous
apprend qu’un certain Martin fut malade , rien ne prouve
son identité avec Quentovic. D’ailleurs, dans le latin du
moyen-âge , apud signifie plus souvent auprès que chez.
L’identité de Ty^cusavec Quentovic étant donc admise, il ne
faudrait pas en conclure que Quentovic fût situé à Saint-
Josse : tout au plus pourrait-on dire qu’il était dans le voi¬
sinage de Saint-Josse.
(}) Emplacement de Quentovic, par M. Louis Cousi.n {Mémoires de la Société
des Antiquaires de lûMorinie, t. ix, p. 255-340).
— 251 —
La co-existence de la célèbre abbaye de ce nom avec la
ville de Quentovic, pendant le viii.® siècle entier et la ma¬
jeure partie du ix.®, s’oppose, du reste, à ce qu’on confonde
leur emplacement. Nulle part enfin on ne voit que l’abbaye
ait été fondée sur le territoire de Quentovic. Le livre
des Miracles de saint Wandrille distingue positivement la
ville de l’abbaye. En revanche , aucun auteur ne sépare la
ville de son port ou emporium. Poser celui-ci à Etaples
comme fait M. l’abbé Robert, c’est être bien près d’asseoir
aussi la ville sur la rive droite de la Canche.
Qu’Etaples ait succédé au nom et à l’importance de Quen¬
tovic, cela est si certain que telle propriété de l’abbaye de
Saint-Bertin mentionnée dans les actes du ix.® siècle comme
située w Quintovico se retrouve, en 1026, comme située in
villâ Stapulas. Etaples fait son entrée dans l’histoire le
jour où Quentovic en disparait. Il est, d’ailleurs, à remar¬
quer que le mot Stapula est le strict équivalent du mot
emporium.
La conclusion, peut-être prématurée, que M. Cousin
tirait du résultat des fouilles de 1841 , a été, depuis lors,
inopinément corroborée. En 1847, des travaux occasionnés
par le percement du chemin de fer d’Amiens à Boulogne
mirent à jour les substructions de l’ancien château d’Etaples,
dans lesquelles on remarqua deux systèmes de fondations
superposées. La fondation supérieure était du moyen-âge
tandis que la fondation inférieure remontait à l’époque
gallo-romaine (i) A deux mètres au-dessous du sol actuel
du château existait un cimetière aussi gallo-romain.
P) Histoire et description du château d' Etaples, par M. G. Soüquet ,
membre de la Commission des Antiquités départementales du Pas-de-
Calais et de la Société des Antiquaires de la Morinie. Amiens, Duval et
Herment, 1855, in-8.” de 32 p. — Ces faits et beaucoup d'autres
venant à i’appui du système de M. Cousin ont été reproduits ulté¬
rieurement par M. Souqnct dans son Histoire chronologique de Quentovic et
d'Elaples. Amiens, Lenoël - Hérouart , 1863, in-S.® de 188 p. avec plan.
— 252 —
M. Cousin l’appelle le cimetière du sud par opposition à
celui des dunes, situé au nord. Entre ces deux points ex¬
trêmes , (le château d’Etaples et le hameau de la Folie) ,
s’étendait donc Quentovic qui , comme beaucoup de villes
maritimes , avait son développement surtout en longueur.
Ainsi présentée , la preuve fournie par M. Cousin parut
assez concluante pour que l’Académie des Inscriptions s’y
ralliât. (^) M. Robert n’en persista pas moins dans la
défense de son opinion. En 1862, il publia une nouvelle
brochure (2) dans laquelle il s’appliqua à démontrer que
Quentovic faisait partie du Ponthieu : ce qui était attaquer
par la base le système de son adversaire puisque le Pon¬
thieu avait anciennement la Canche pour limite septentrio¬
nale. Malheureusement le texte dont M. Robert faisait son
point d’appui principal était, de son propre aveu , dénué
d’exactitude. M. Robert avait entre les mains copie d’une
charte de Charles le Chauve, dont l’original existait dans le
Loiret, copie dans laquelle on rapporte que Louis le Débon¬
naire donna à l’abbaye de Ferrières le prieurédeSaint-Josse :
cellam S.Judoci sitam in pago Pontiu, super fluvium Quan-
tiam , in loco qui dicitur Quantovico. L’argument eût été
péremptoire si la lecture sur lequel il reposait se fût trouvée
bonne. Mais l’original ne concorde point avec la copie allé¬
guée par M. Robert et que lui-même suspectait non sans
raison. Au lieu de Quantovico , on lit sur la charte : Scha-
derias ou Schalerias.
p) M. Louis Cousin a mis beaucoup d’attention à constater quel
était remplacement de l’ancienne ville de Quentovic dont les traces
se perdent dès une époque reculée. U démontre d'une manière satisfai¬
sante que la ville d'Elaples , où l’on connaissait depuis longtemps des
ruines romaines, a remplacé Quentovic qui eut une certaine impor¬
tance sous la seconde race de nos rois. (Rapport lu à l’Académie des
Inscriptions , au nom de la Commission des antiquités nationales ,
par M. Berger de Xivrev, dans la séance publique annuelle du 18 août
1854).
(2) Nouveau mémoire sur Quentovic par M. l’abbé Robert. Amiens ,
Lenoël-Hérouart, extrait de la Revue La Picardie.
— 255 —
M. l’abbé Laurent, alors curé de Saint-Josse, qui avait
fourni à M. l’abbé Robert plusieurs indications au profit de
sa thèse, la reprit pour son propre compte en 1864. (*)
Partant de ce principe queQuentovic était situé au hameau
de Val-en-cendre, dont le nom lui semble une révélation his¬
torique , il demande ce qui s’oppose à ce qu’une ville ait
existé en cet endroit pendant qu’il y avait un entrepôt à
Etaples. Etaples, suivant lui, correspond non à Quentovic,
mais à l’antique Gravinum. Si une voie romaine abou¬
tissait à Etaples comme l’a prouvé M. Cousin , une autre
(la 2.® branche du Septemvium) se dirigeait par Attin sur
Valencendre.
M. Laurent, on le voit, ne s’obstine pas à placer Quen¬
tovic au lieu même où existait, en 1786 , l’abbaye de Saint-
Josse. Déjà , avant lui , M. Robert s’était montré accommo¬
dant sous ce rapport et il avait reconnu qu’il fallait plutôt
chercher l’emplacement de la ville détruite au bas de Villers-
Saint-Josse et de La Caloterie. M. Laurent, dans son pre¬
mier écrit bientôt suivi d’un second , {^) ne manque pas
d’insister sur la rareté des objets gallo-francs trouvés à
Etaples. Les objets purement romains y abondent, tandis
qu’on devrait y rencontrer surtout ceux de la période mé¬
rovingienne et carlovingienne , si l’on était vaiment là sur
le sol de Quentovic. Cette objection est la seule, que sui¬
vant nous, M. Cousin ne s’attache pas suffisamment à ré¬
soudre dans ses Nouveaux et ses Derniers éclaircissements
sur remplacement de Quentovic. (3)
(1) Un mot sur l'emplacement de Quentovic par M. l’abbé Laurent.
Amiens, Lenoël-Uérouart , 1864 , extrait de la Revue La Picardie.
{^) Examen des nouveaux éclaircissements de M. L. Cousin sur Remplacement
de Quentovic par M. l’abbé Laurent. Amiens, Lenoël Hérouart, 1865,
extrait de la Revue La Picardie.
(3) Nouveaux éclaircissements sur Remplacement de Quentovic ^ par M. L.
Cousin ( Mémoires de la Société dunkerquoise , t. ix ). — Derniers éclair¬
cissements , etc. {Mémoires de la même Société , t. xiv).
^ 254 —
L’archéologie » s’il faut en croire les contradicteurs de
M. Cousin , n’a pas dit , en tout ceci , son dernier mot.
Peut-être les fouilles que l’on se propose d’opérer sur la rive
gauche de la Candie , (i) donneront-elles un démenti aux
partisans d’Etaples. Personnellement , nous ne le pensons
pas : car, si l’autorité des textes en est une , M. Cousin l’a
incontestablement pour lui. Avec lui et tant d’autres sa¬
vants qui ont déjà adhéré à son système (2), nous conclurons
donc , jusqu’à ce que les antiquaires nous fournissent la
démonstration rigoureuse du contraire ;
1. " Que la ville de Quentovic n’était point distincte de ce
qu’on appelait le port de la Canche ;
2. ® Que Tune et l’autre se trouvaient sur la rive droite de
ce fleuve ;
3. ® Que, ces prémisses admises, et dans l’état actuel de
nos connaissances , Etaples est l’emplacement qui corres- ^
pond le mieux à celui de Quentovic. A. Desplanque.
NIDIFICATION DE l’HIRONDELLE DE FENÊTRES
Dans sa séance du 7 mars dernier, l’Académie des
Sciences a reçu communication d’une note de M. Pouchet,
de Rouen, sur la nidification de l’Hirondelle de fenêtres
(Hirundo urbica). A peine cette note eut-elle paru dans les
(•) Un homme dont le savoir égale l’obligeance et la modestie ,
M. Ch. HENiNEGUiER, de Montreuil, estime que ces fouilles, au projet
desquelles on ne peut, en tout état de cause, manquer d'applaudir,
devraient être exécutées d'abord au-dessus du hameau du Molmel ,
commune de Saint-.losse. « Là pouvait être la ville proprement dite.
L'emporium devait nécessairement se trouver plus bas, vers la Canche,
et avoir une très-grande etendue. Voir, pour plus amples détails , le
Bulletin de la Société de la Morinie, t. iv , p. 308, Juillet-Décembre 1869.
(2) Au nombre des plus précieuses adhésions qu’ait recueillies
M. Cousin, tant en province qu'à Paris, nous nous permettrons de
citer celle de M. Pabbé Haïgxeré, le savant archiviste de Boulogne.
Voirie Rapport swr les Nouveaux éclaircissements qu’il a lu, en 1865,
à l’Académie de cette ville et qui a été reproduit dans le journal :
Vaulorité de Dunkerque, n.° du 6 juillet.
— 255 —
Comptes-rendus hebdomadaires , que les idées qu’elle con¬
tenait ont été discutées ; plusieurs personnes les ont ap¬
puyées , d’autres ont révoqué en doute les observations sur
lesquelles elles étaient basées, et la discussion ne paraît pas
près de finir.
Je vais essayer d’apporter dans le débat ma part de
recherches et chercher sans prévention où est la vérité.
M. Pouchet commence par établir qu’il est faux que
chaque espèce d’oiseaux ait pour son nid une forme inva¬
riable, une architecture qui ne change jamais; il en donne
pour preuve les nids de l’Hirondelle de fenêtres qui n’au¬
raient plus aujourd’hui la même forme qu’autrefois. Le
nouveau mode de construction cependant ne serait pas
encore toul-à-fait adopté, il y aurait des retardataires
qui ne marchent pas avec leur siècle , mais très-probable¬
ment ils ne tarderont pas à se mettre à l’unisson.
D’après les observations du naturaliste normand , ces
nids autrefois globuleux, demi-sphériques , ayant une en¬
trée petite et arrondie , ont pris la forme d’un demi-ovoïde
couché; l’entrée en est linéaire, en fente, et permet aux
jeunes de venir mettre le nez à la fenêtre et respirer le
grand air. Il y a donc progrès, les petits ont plus d’espace,
plus d’air, et en même temps, ils sont mieux protégés
contre la pluie; bref, selon l’expression de 31. Dumas
rendant compte du travail de 31. Pouchet, les Hirondelles
auraient eu connaissance de la loi sur les logements insa¬
lubres et s’y seraient conformées.
On comprend toute l’importance philosophique d’un
pareil fait, s’il était avéré, et les hautes déductions que
l’on pourrait en tirer sur l’intelligence des animaux, le dé¬
veloppement de leur raison, leur transformation morale.
La doctrine Darwinienne de la mutabilité aurait là un
nouvel argument , car comment nier le progrès dans
— 256 —
l’ordre physique s’il était prouvé dans’ l’ordre intellectuel?
Malheureusement ces beaux raisonnements me paraissent
devoir tomber d’eux-mêmes, car l’observation de M. Pou-
chet n’a pour moi aucune valeur.
Et d’abord , avant toute véritication’du fait, n’est-il pas
évident que ce changement de construction n’a aucune
raison d’être? L’air et l’espace ne sont pas des besoins pour
les jeunes oiseaux, au contraire nous voyons beaucoup
d’espèces pondre dans des trous profonds et étroits , ou
fabriquer leur nid de telle sorte que la communication avec
l’extérieur soit la plus petite possible. Sans sortir de la
famille des Hirondelles , l’Hirondelle de rivage ne fait-elle
pas son nid au fond de boyaux profonds et sinueux qui ont
souvent de 40 à oO centimètres de longueur et le Martinet
qui niche dans nos toits , ne prépare-t-il pas le berceau de
ses jeunes sous des poutres quelquefois très- éloignées de
l’ouverture par où l'oiseau pénètre?
Ce n’est pas l’air que recherchent les oiseaux pour leurs
petits, c’est avant tout la chaleur et la sécurité.
Je suis loin de nier qu’ils obéissent dans la fabrication de
leur nid à une espèce de raisonnement individuel. Ils savent
changer, par exemple, de matériaux selon les circonstances;
comme l’observe M. Pouchet, avant que la Cigogne ne
trouvât des cheminées , elle bâtissait son nid ailleurs et
autrement ; avant que le Loriot ne trouvât des bouts de
ficelle et des étoupes , il liait son nid aux branches avec
d’autres liens. Le Pinson tapisse l’extérieur de son nid avec
les mêmes mousses ou lichens qui garnissent l’arbre aux
alentours, pour le dissimuler ainsi aux regards ; le Moi¬
neau ne donne pas au sien la même forme quand il le place
sur un arbre que quand il le pose dans un trou de mur.
Il n’y aurait donc rien que de très-naturel à supposer que
l’Hirondelle diversifie la construction de son habitation
— 257 —
selon les circonstances et les localités ; mais ce qui doit
paraître invraisemblable c’est que l’espèce ait conçu un beau
jour le dessein de faire un changement de parti-pris, pour
apporter une soi-disant amélioration qui supposerait que
jusqu’aujourd’hui son instinct l’a trompée.
Aussitôt que la note de M. Pouchet fut publiée, je me
promis de vérifier par moi-même son assertion en temps
opportun , mais dès lors ma mémoire me montrait les nids
observés depuis mon enfance semblables à ceux décrits dans
la note comme affectant la forme nouvelle. Pour corroborer
mes souvenirs je voulus chercher dans les vieux auteurs ce
qu’ils en disaient. J’ouvris Pline et je trouvai qu’il avait
décrit les nids de l’Hirondelle de fenêtres avec une précision
qui ne laisse aucun doute.
En parlant de VHirundo agresiis ou sylvestris qui est
notre urbica il dit : totos supinos faucibus porrectis in
angustum, utero capaci ; ils sont couchés (étendus dans leur
sens horizontal), ayant leur ouverture allongée et étroite,
leur circonférence spacieuse. N’est-ce pas à peu-près la
phrase de M. Pouchet ? Nous voila donc avertis que sa pré¬
tendue amélioration date d’au moins 1800 ans.
Dès que la saison des nids d’Hirondelles fut arrivée je me
mis à les observer à Lille et aux environs et voici ce que je
vis : à Lille l’Hirondelle de fenêtres choisit de préférence les
maisons, encore assez nombreuses dans les anciens quartiers,
dont la façade est ornée de sculptures et qui ont sous leur
corniche des ornements en console. Elle aime à fixer son
nid dans les angles que forment les enroulements, l’édifice
peut avoir ainsi un point d’appui pour sa base. On com¬
prend dès lors que la forme de ces nids varie beaucoup
puisqu’elle dépend de la manière dont ils sont fixés sur
leur appui ; même quand ils sont isolés, ils offrent dans
leur circonférence toutes les figures depuis la demi-coupe
— 258 —
jusqu’au demi-sphéroïde allongé dans l’axe horizontal ;
leur entrée est presque toujours en fente oblongue , mais
quelquefois elle s’arrondit et tend à affecter la forme ronde
appelée par M. Pouchet l’ancien système.
Faut-il y voir l’œuvre d’un couple retardataire, qui n’a
pas encore compris tout les bienfaits du progrès? ce serait
tout simplement ridicule ; ces entrées plus ou moins arron¬
dies sont généralement placées dans les coins, aux angles
que fait l’extrémité du nid avec le mur ; on comprend qu’en
plaçant en cet endroit l’entrée de son nid l’oiseau ne peut la
prolonger en fente et qu’il doit nécessairement l’arrondir
pour qu’elle soit suffisante.
Dans la campagne où j’ai aussi examiné beaucoup de nids,
l’entrée ronde se montre plus fréquente ; il est très-probable
que les jeunes étant plus exposés aux influences de la tem¬
pérature extérieure , les parents cherchent à les leur faire
éviter en restreignant le plus possible l’ouverture des nids.
En somme, mon examen m’a persuadé qu’il n’y a rien de
tout à fait absolu dans l’architecture de l’Hirondelle de
fenêtres et que comme la plupart des autres espèces d’oi¬
seaux , elle la varie légèrement d’après certaines circons¬
tances que nous ne pouvons pas toujours apprécier ; mais
ce qu’elle fait aujourd’hui elle l’a toujours fait dans les
mêmes limites.
Plusieurs de ceux qui ont critiqué les observations de
M. Pouchet pensent qu’il s’est trompé pour avoir confondu
les nids de l’Hirondelle de fenêtres et ceux de l’Hirondelle de
cheminée. Il est très-possible en effet que les nids à ouver¬
ture ronde déposés depuis 40 ans au Musée de Rouen
appartiennent à cette seconde espèce ; cependant H est bon
de faire observer que l’Hirondelle de cheminée varie ses
constructions bien plus encore que l’autre espèce , et que
chez elle les ouvertures rondes font généralement exception.
— 259 —
Très -souvent elle donne à son nid une forme en bénitier
laissant entre le bord supérieur et le plancher ou la poutre
qui le domine , un intervalle circulaire régnant sur tout le
pourtour; dans les cheminées, il est tout à fait découvert ;
plus le nid est préservé de l’air extérieur moins il est fermé;
j’en ai vu d’ailleurs qu’il eut été bien difficile de distinguer
de ceux de l’Hirondelle de fenêtres, si les habitants n’avaient
pu être observés.
Il y a donc dans les deux espèces d’Hirondelles, la même
diversité dans la forme, et si M. Pouchet avait porté son
attention sur THirondelle de cheminée, il eût certes trouvé
tout autant de motifs d’émettre son système de perfection-
nement.
La prétendue découverte de M. Pouchet ne change donc
rien à la notion généralement admise de l’action instinctive
chez les animaux ; elle ne détruitpas la doctrine de Flourens:
qu’il n’y a point d’instinct général , que par conséquent si
l’individu peut progresser par l’éducation , l’espèce ne fait
point de progrès, et que la génération d’aujourdhui n’est pas
supérieure à celle qui l’a précédée, pas plus que la géné¬
ration qui doit suivre ne surpassera celle d’aujourd’hui.
A. DE Norguet.
NOTICE SUR LA DÉCOUVERTE DES INSTRUMENTS EN SILEX
DANS l’arrondissement DE VALENCIENNES.
Il y a longtemps que des instruments en silex ont été
recueillis dans l’arrondissement de Valenciennes.
La collection Bénézech aujourd’hui au Musée de Valen¬
ciennes renfermait plusieurs échantillons de haches en
silex poli ; mais sans indication des localités où ces vestiges
des anciens travaux de l’humanité avaient été trouvés.
M. Leflan, employé au bureau des Hospices de Valen¬
ciennes, possède aussi depuis nombre d’années quelques
— 260 —
échantillons de haches polies trouvées dans la forêt de
Raisinés, en creusant des fossés.
J’ai recueilli il y a une douzaine d’années , au faubourg
de Paris, un bel échantillon de hache en silex poli; jus¬
que là les découvertes se bornaient à quelques instruments
épars et dont l’origine n’était pas bien constatée.
Il y a deux ans le physicien prestidigitateur, Antoine
Lassubez vint donner à Valenciennes quelques représen¬
tations.
Lassubez s’était livré depuis plusieurs années à la recher¬
che des instruments en pierre taillée ; dans un de ses voya¬
ges , il fit dans la forêt de Nemours une découverte assez
importante d’instruments de toutes espèces ; cette décou¬
verte enflamma son zèle et lui donna la fièvre des re¬
cherches.
A peine arrivé à Valenciennes, il s’enquit des endroits
qui avaient pu être fréquentés par les Romains; on lui
désigna le mont Jovis, situé près de Famars, où Lassubez
découvrit une assez grande quantité de fragments parmi
lesquels je dois citer tout particulièrement un échantillon
de grattoir entièrement semblable à celui qui est figuré
dans les promenades préhistoriques de Mortillet, page 104,
fig. 52.
Lassubez me fit part de sa découverte et quelques jours
après je me rendis au mont Jovis où je ramassais quelques
échantillons insignifiants.
Je fus plus heureux à une seconde excursion , je trou¬
vai à 200 mètres à l’est du sommet du mont , au milieu
d’un tas de cailloux ramassés sur le terrain , un fragment
de marteau hache en très-mauvais état il est vrai, mais
suffisamment conservé encore pour reconnaître la trace du
trou d’emmanchure , la situation du taillant , etc.
Dans diverses explorations , nous avons trouvé en outre
— 261 —
de nombreux fragments dits couteaux , des racloirs et deux
silex arrondis , connus sous le nom de marteaux.
M. Cellier, rédacteur du Courrier du Nord ^ s’est livré
également à des explorations très-fructueuses et-a conservé
un grand nombre de fragments de silex taillés, trouvés à
Famars.
Enfin il y a peu de temps , M. Duriez a trouvé un tran¬
chant détérioré de hache en silex à peu de distance de la
route de Famars.
Les silex trouvés au mont Jovis paraissent susceptibles
d’être divisés en deux catégories : on y trouve du silex noir
couvert d’une patine blanche très-épaisse et du silex gris ,
dépourvu de patine, complètement étranger à notre contrée.
Ce dernier entre surtout dans la confection des instruments
polis, le premier au contraire constitue communément les
grattoirs , couteaux et autres éclats plus ou moins im¬
portants.
Ce qui m’a frappé dans ces recherches, c’est que ces ins¬
truments sont surtout répandus sur les sommets les plus
élevés de la vallée de l’Escaut. Farez ,
professeur d’histoire naturelle au Collège de Valenciennes.
CHRONIQUE
ivéerologîe. — M. Charles Gaudelet, peintre-verrier,
à Lille , est décédé le 3 août dernier. M. Gaudelet était un
artiste habile. La Société impériale des Sciences et des Arts
de Lille lui a décerné, dans sa séance publique de 1860,
une médaille d’or. L’église de Saint-Maurice à Lille doit aux
pinceaux de M. Gaudelet ses meilleurs vitraux. Il a tra¬
vaillé à ceux de la cathédrale de Cologne et il a exécuté à
Paris les six verrières de l’église Saint-Louis. M. Gaudelet
était membre de la Commission du Musée d’archéologie.
— 262 —
Collectionneur éclairé , il laisse un cabinet curieux et fort
apprécié des connaisseurs. A. D.
— L’Entomologie vient de perdre un de ses plus grands
maîtres. M. Théodore Lacordaire, professeur de zoologie et
recteur à l’Université de Liège, est mort le 18 juillet, à
l’âge de 69 ans.
Il était né à Recey-sur-Ource (Côte d’or) et était frère de
l’illustre prédicateur.
Son goût prononcé pour l’histoire naturelle lui fit entre¬
prendre de 1825 à 1832, quatre voyages successifs dans
l’Amérique du Sud ; il en rapporta d’innombrables insec¬
tes , en grande partie nouveaux.
En 1835, il devint professeur à l’Université de Liège,
qu’il n’a plus quittée. Ses travaux enlomologiques sont très-
nombreux ; il publia une foule de Mémoires dans les Revues
spéciales, une Monographie des Erotyliens^ une Mono¬
graphie des Coléoptères subpentaméres de la famille des
Phytophages et un Généra des Coléoptères dont neuf vo¬
lumes ont paru. Ce dernier ouvrage, malheureusement
inachevé , absorba tous ses loisirs pendant plus de quinze
années ; c’est certainement le travail général le plus com¬
plet et le mieux fait sur l’ordre immense des coléoptères. Il
fait partie des Suites à Buffon de l’éditeur Roret. Cette
même collection a publié de lui en 1834, une Introduction
à r Entomologie^ en deux volumes.
Lacordaire a succombé aux fatigues incessantes que lui
imposait son opiniâtreté au travail , et plus encore peut-être
au chagrin que lui causa la perte d’une fille chérie qui
avait succombé le 2 juillet dernier, à l’âge de 24 ans. La
science entomologique pleure en lui un maître , tous les
entomologistes, un ami, et tous ceux qui l’on connu, un
homme de cœur. A. de Norguet.
— 265 —
Météorologie : JUILLET
1870
Température moyen ne . 18.® 98
» » des maxima . 23.“ 96
J» B des minima . 14.® 01
1 extrême minima, le !.. . 9.” 30
» » maxima, le 2o. 31.® 40
Baromètre hauteur moyenne à 0.® _ 760““00
» hauteur extrême minima , le 11 . 734^60
IBB maxima , le 20. 769f"60
Tension de la vapeur atmosphér . 1 1”“28
Humidité relative moyenne % . 66.0
Epaisseur de la couche de pluie . 100^39
B de la couche d’eau évaporée. . 14oT"40
JUILLET
année moy.
17.® 72
760?" 32
11?“08
69.72
60?"71
140?"98
Le mois de juillet met un terme aux longs jours de séche¬
resse observés pendant les mois de mai et de juin. La tem¬
pérature de l’air est au-dessus de la moyenne , mais des
pluies assez fréquentes (1o) viennent rafraichir la terre, les
rosées et les brouillards sont nombreux, néanmoins l’humi¬
dité des couches atmosphériques voisines du sol est encore
inférieure à la moyenne. La pression barométrique indique
une humidité moyenne des couches élevées , la nébulosité
du ciel est tout à fait en harmonie avec les indications
barométriques.
Le H , commence une série d’orages (8) qui se succèdent
à de cours intervalles jusqu’à la fin du mois.
Parmi ces orages qui n’offrirent rien de particulier, je ne
puis m’empêcher de signaler celui du 27 , remarquable par
l’énorme quantité de pluie recueillie à Lille et dans beau¬
coup de localités voisines de la ville.
Pendant la nuit le ciel avait été serein et il y avait eu une
rosée abondante ; le matin le ciel se couvrit de nuages , cet
état dura toute la matinée ; un vent faible soufflait du
N.-N.-O. ; à 1 heure 30 m. il tomba de larges gouttes de
pluie ; 2 h. 35 , premier coup de tonnerre accompagné de
264 —
pluie, les nuages orageux appartenant à la 2.® couche
venaient très-lentement du N.-E. ; vers 3 h. IS, le vent
passe au S. -O, puis au S. , une couche vaporeuse suit la
même direction , l’orage continue , les nuages électriques
viennent du S.-S.-O , la 2.® couche, électrique aussi, venant
toujours du N.-E. ; pluie torrentielle mêlée d’un peu de
grêle. 4 h. 15, fin de l’orage et de la pluie. 5 h., nouvel
orage , vent N.-O faible , nuages , 2.® couche E.-N.-E.
marche très-lente. 6 h. 15 , fin de cet orage. 6 h. 30 petite
pluie. 7 h. 45, ciel couvert de nuages jaunes aurores, E.-
N.-E., 2.® couche. La pluie cesse à 8 h. 10. A 10 h. le ciel
est couvert de grands cumulo-stratus, des éclairs sans ton¬
nerre se succèdent avec rapidité à l’hozizon E. Minuit,
brouillard , vent assez fort N. Pendant cet orage il est
tombé en 1 heure 30 m. 54“™ 45 de pluie.
Depuis 20 ans , la plus grande quantité de pluie recueillie
en 24 heures n’avait été que de 40““. 71, le 18 octobre
1854 , bien moindre on le voit que celle du 27 juillet 1870.
La température atmosphérique moyenne du mois a été
supérieure à celle du mois correspondant d’une année
moyenne, aussi l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut-
elle plus grande que la moyenne.
Les vents dominants soufflèrent du S. -O. et du N. Le
nombre des brouillards fut de 29 ; celui des rosées de 24 ;
celui des jours de pluie de 15 et grâce à la quantité excessive
recueillie le 27 , l’épaisseur totale de la couche d’eau plu¬
viale dépassa de beaucoup la moyenne.
A la période de sécheresse a succédé une période d’humi¬
dité qui pourrait être , pour nos récoltes du Nord , aussi pré¬
judiciable que le fut le manque d’eau pour les prairies et les
jardins. V. Meurein.
Le Gérant : E. Gastiaux.
TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2.' Année. — N.° 9. — Septembre 1870.
' ' TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
ACADÉMIE DE LA SOMME.
Mémoires, t. vu (2.* série).
Ce volume commence par le Compte-rendu de la Séance
publique du 8 novembre 1868.
M. le docteur Lenoël , directeur de l’Académie, après
avoir rappelé comment les découvertes purement scien¬
tifiques amènent des résultats pratiques qu’on ne pouvait
d’abord soupçonner, parle de l’influence que doivent
exercer les Académies sur les études scientifiques. Aux
rapports ordinaires sur les travaux de l’Académie et sur les
concours , est venue s’ajouter la lecture de deux pièces
de poésie. Sous le titre de Mes Voyages, feu M. Berville, an¬
cien membre de l’Académie, a exprimé en vers harmonieux
son affection pour Amiens , sa ville natale. Les Deux direc¬
teurs de M. Yvert sont une critique spirituelle des mœurs
théâtrales. Le directeur d’un petit théâtre de Paris ren¬
contre son confrère de Carpentras et ils se font mutuel¬
lement confidence de leurs ennuis.
Le volume renferme en outre quelques vers du docteur
Courtillier.
C’est encore faire de la poésie que de s’occuper d’Hélène ,
non pas de la Belle Hélène, dont M. Y>ert déplore la substi¬
tution aux chefs-d’œuvre de Corneille, mais de l’Hélène qui
inspira Homère. M. H. Dauphin voit en Hélène, le type du
beau dans l'art grec. Tandis que beaucoup d’auteurs repré¬
sentent la fille de Léda comme une femme sans pudeur, pas-
— 266 —
sant des bras d’illustres et nombreux amants dans ceux de
son mari, les quittant pour s’enfuir avec Paris, se faisant
pardonner sa faute par Ménélas en lui livrant Deiophobe qui
avait succédé à Paris dans sa couche , trouvant enfin une
mort ignominieuse et bien méritée , Homère au contraire ,
nous la peint comme digne de sa beauté ; enlevée de force
par Paris, elle trouve dans son repentir le pardon d’un
moment de faiblesse et retourne à Sparte remplir, auprès de
Ménélas, les devoirs de la plus tendre épouse. A cette étude,
M. Dauphin a joint une traduction de l’éloge d’Hélène
par Isocrate.
M. Durieux, président de la Société philharmonique a
consacré quelques pages à la biographie de deux artistes
qui se sont fait entendre à Amiens : le violoniste Sivori et
la célèbre cantatrice M.*"® Sontag ^ devenue depuis com¬
tesse de Rossi.
L’Académie d’Amiens s’occupe volontiers de philosophie:
elle aborde les problèmes les plus ardus et les plus difficiles,
tels que l’origine des êtres , la nature de la vie , la cause de
la mort naturelle , etc. Nous ne la suivrons pas sur ce
terrain brûlant, où le penseur, quoiqu’il fasse, se laisse tou¬
jours guider par des idées préconçues et où on passe insen¬
siblement, de la discussion académique aux polémiques les
plus ardentes et les plus passionnées.
Les questions générales ont été traitées par M. Guillon ,
ingénieur du chemin de fer du Nord , dans son discours de
réception, parM. Lenoël dans la réponse à ce discours et par
M. Martial-Roussel. La discussion s’est ensuite spécialisée
sur les causes de la mort naturelle , entre MM. Lenoël ,
Martial-Roussel et Daussy.
Sur la cause de la chaleur, — M. Mathieu combat la théorie
qui attribue la chaleur à un mouvement particulier des
atômes ; il préfère l’ancienne théorie du calorique.
— 267 —
Jéhovah et Agni ; Etude biblico-védique , par M. Obry. —
L’auteur recherche quelle est la véritahle prononciation du
tétragramme hébraïque IHUH, (*) ce nom mystérieux de
Dieu, entouré de tant de respect qu’il fut interdit aux juifs
de le prononcer. Nous ne pouvons le suivre dans ses savantes
et fort longues considérations : sa conclusion est qu’il y a
quatre prononciations : Yahuh , Yahô , Yahvah , Yahvô ,
les deux premières sacerdotales et sacrées , les deux autres
populaires et profanes.
Enfin M. Garnier a détaché de son Histoire de V Académie
d’Amiens un chapitre, et ce n’est pas le moins important ,
concernant les finances de la Compagnie. Il montre l’Aca¬
démie jouissant , antérieurement à la Révolution , d’une
situation prospère qu’elle devait à la générosité des grands
seigneurs , ses protecteurs ; elle recevait , en outre , une
somme de 2000 livres sur l’octroi de la province. Après avoir
été supprimée avec toutes les autres académies ou sociétés
littéraires, le 8 août 1793, elle se reconstitua comme
Société d’agriculture, le 16 ventôse, an vu. Mais ses res¬
sources furent alors limitées à une subvention du Conseil
Général , qui de 1000 fr. fut réduite en 1847 à la somme de
500 fr. M. Garnier termine en se demandant c< si les aca¬
démies d’autrefois n’étaient pas dans une meilleure position
que celles d’aujourd’hui ; si elles n’avaient pas sur des
budgets généralement fort restreints, une plus large part. »
L’Académie d’Amiens a acquis , en 1869 , trois nouveaux
membres :
MM. De Beaussire , Conservateurs de Forêts ;
Leleu , Professeur d'histoire au Lycée ;
Kolb , Directeur de l'Usine de Produits chimiques.
J. Gosselet.
(*) Bulletin i , p . 62 .
268
. ‘ . V SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE LAON.
" Bulletin, t. xviii.
La Société académique de Laon , dont nous avons déjà
fait connaître l’origine et la composition (Bulletin^ t. i,
p. 127) compte actuellement vingt années d’existence. Son
Secrétaire-général, M. Ed. Fleury, résume, avec un
légitime orgueil, les travaux de cette compagnie. Depuis
1850, date de sa fondation, elle a. publié 19 volumes,
dont 18 de Bulletins ^ et un' de Mémoires contemporains
de la Ligue. Ce dernier volume , qui ne le cède pas en
intérêt aux mémoires du baron de Vuorden, dont j’ai
récemment achevé l’analyse, sera prochainement ici l’objet
d’un compte-rendu analogue.
Pour aujourd’hui , je ne m’occuperai que du tome xviii
des Bulletins.
Deux des travaux renfermés dans le présent volume sont
déjà connus de nos lecteurs par la succincte analyse que
nous en avons faite.
En rendant compte de la réunion générale des Sociétés
savantes de ndars-avril 1869 (Bulletin, t. i, p. 114) , nous
avx)ns signalé l’opinion de M. Ed. Fleury relativement à la
date des chapiteaux de l’église de Chivy (Aisne).
Partant de ce principe « que l’art , à toute époque histo¬
rique donnée, est un et conduit dans les mêmes voies,
dans les mêmes habitudes de l’œil et de la main , tous ceux
qu’il inspire, qu’ils manient ou le crayon du dessinateur,
ou le pinceau du peintre, ou l’ébauchoir du sculpteur, ou le
burin du ciseleur , » M. Fleury interroge les œuvres des bi¬
joutiers et des potiers exhumées des fouilles qui ont été fai¬
tes, depuis quelques années , dans un grand nombre de sé¬
pultures dites mérovingiennes; il en compare le mode et les
détails d’ornementation avec les sculptures des chapiteaux
— 269 —
de Chivy, y trouve d’assez nombreuses analogies et conclut
que ces chapiteaux remontent aux temps mérovingiens.
Comme toute idée neuve et hardie, celle émise par
M. Fleury ne pouvait manquer de soulever la contradiction.
M. Déy admet volontiers « l’intimité de tous les arts entre
eux , leur union fraternelle et , en quelque sorte , solidaire,
à une époque quelconque ; » mais il nié « qu’aussitôt qu’un
genre d’ornementation, une création de forme, une com¬
binaison de lignes ont été imaginés, même par un ciseleur
ou un potier, ces détails passent immédiatement d’un art à
un autre. »
Les arts d’imitation ( ajoute-t-il ) peuvent certainement
saisir ces formes nouvelles du jour au lendemain et les
reproduire ; mais l’architecture, qui est un art créateur, ne
s’associe point ainsi à tous les caprices du jour : elle va len¬
tement parce que ces œuvres sont chères et durables, et son
but, avant tout, étant de satisfaire à des besoins, elle
n’adopte que ce qui convient à la gravité de son caractère.
Conservatrice de sa nature, elle garde longtemps enfin les
formes qu’elle a une fois admises. Pendant des siècles, le
plein-cintre a protesté contre l’ogive , et , quand il a cédé ,
l’arcature ogivale , par une sorte de transaction , a reçu de
lui la plus grande partie de ses moyens décoratifs.
Si donc on se demande, d’une part, combien de temps
peut mettre un architecte à s’approprier certains ornements
du potier et du ciseleur et , d’autre part , combien de temps
il peut les retenir avant de les abandonner , on ne saurait
considérer comme étant nécessairement contemporains les
similaires des uns et des autres.
La similitude, dans ce cas, prouve seulement que l’imi¬
tation n’est pas antérieure au type: car elle peut toujours
indéfiniment descendre.
En fait , M. Déy conteste que l’ornementation des chapi¬
teaux de Chivy date de l’époque mérovingienne : il affirme
même que cette époque n’a pas eu d’art architectural qui
lui fût propre.
On voit , par ces simples indications , quelle est la portée
— 270 —
du problème archéologique qui se discute au sein de la
Société académique de Laon.
Dans la même session des sociétés savantes où M. Fleury
faisait part aux archéologues de ses vues sur les chapiteaux
de Chivy , M. Matton , archiviste de l’Aisne , lisait sa notice
sur les enseignes et les lavages de Saint-Firmin de la F ère.
Vers la fin du xv.« siècle, les pèlerins affluaient dans la
maladrerie de La Fère : ils y achetaient des enseignes (mé¬
dailles) à l’image du saint, et des fioles contenant de l’eau
dans laquelle ses ossements avaient été plongés. Les en¬
seignes métalliques étaient affectées à deux usages : les
grandes se portaient au bonnet, les petites au cou. L’auteur
indique le prix auquel se vendaient les unes et les autres ,
ainsi que leur mode de fabrication. Elles étaient générale¬
ment de plomb ou d’étain ; mais il y en avait dans la compo¬
sition desquelles entrait de l’argent. Une image de saint
Firmin^ coudée à façon de houlette, valait un sou en 1510.
En 1503, un marchand de La Fère, Percheval Bourgeois ,
livre en deux fois « trois quarterons de bouteilles à mettre
les lavemens du saint. » Pierre Duflos , son compatriote et
concurrent , donne , moyennant trois sous , « une douzaine
de fyoles de voire affectées à pareille destination. i> 63 bou¬
teilles coûtent, en 1515, 7 sous, 6 deniers. La maladrerie en
achetait encore 132 , deux ans après. La réforme et les
guerres de religion portèrent un grand préjudice au culte
de saint Firmin de la Fère.
Nous retrouvons, dans le t. xviii des Bulletins de l’Aca¬
démie de Laon, à côté de la curieuse notice que nous
venons d’analyser , des notes du même auteur sur le lot ,
les présents , les obligations verbales , la chasse et les chiens
dans le Nord de la France. M. Matton excelle à recueillir
les traits de mœurs , les faits piquants , les habitudes de la
vie de nos pères. Voici comment la Revue des Sociétés sa-
-- 271 —
vantes (4.® série, t. vi , p. 79) rendait compte de ce dernier
mémoire lu en Sorbonne à la session d’avril 1867.
Puisé sans commentaires dans différents dépôts d’archives
du Nord de la France, ce travail fait connaître des us et cou¬
tumes échappés aux savantes recherches d’Alexis Monteil et
de Legrand d’Aussy. Il traite de la mesure de capacité que
l’on appelait le lot et de son usage habituel dans toutes les
conventions, usage dont nous retrouvons aujourd’hui la
trace dans le pot-de-vin. De cette habitude du lot, qui
amenait la franchise entre les contractants, M. Matton passe
à l’usage de la conclusion de traités à main ouverte, où l’on
se présentait et se serrait la main fortement en signe de
parfait accord. C’était ainsi que se contractaient les obliga¬
tions verbales, où le gant restait parfois à l’une des parties
en signe d’investiture. Cette main tendue réparait au xv.®
siècle en filigranes sur les papiers qui servaient à recevoir
les actes.
Un autre usage très-curieux , relaté par M. Matton, c’est
celui de la destruction périodique d’une multitude de chiens
errants qui, trouvant leur pâture dans les villes, y rendaient
de grands services pour l’assainissement des voies publiques,
dont la propreté était trop négligée par nos pères. Mais la
multiplication illimitée de ces animaux et les dégâts qu’ils
causaient aux environs forçaient à les détruire et avaient
donné naissance au métier de tueur de chiens. Les tueurs
allaient de ville en ville, traitant partout avec les prévôts
et gouverneurs , moyennant 24 deniers la douzaine de vic¬
times, avec condition de les enfouir.
Le travail de M. Matton est accompagné de citations très-
intéressantes , extraites des comptes de diverses munici¬
palités. On y voit les présents de perdreaux, de bécasses,
de fromages, de pommes, de vin, etc., que les villes
offraient aux magistrats et gouverneurs dont elles pouvaient
espérer une intervention efficace dans leurs affaires.
M. Matton a encore enrichi le t. xviii des Bulletins de
l’Académie de Laon d’un notice sur la prévôté de Ribémont,
dont les archives remontent à la première moitié du xvii.®
siècle. En ces temps calamiteux, l’autorité du prévôt n était
pas très-grande. Des étrangers réfugiés dans son ressort
osaient dire hautement que la justice n’y régnait pas et
— 272 —
« que les officiers de Ribémont avaient les ailes coupées. » —
Le prévôt n’en rendait pas moins de fréquentes ordon¬
nances de police, défendant, tantôt de cueillir des herbes
dans les blés verts ou d’y mener paître les bestiaux , tantôt
de faire cbampier plus d’un bête ovine par arpent de terre ,
tantôt enfin de se déguiser en habit de religion , de contre¬
faire l’ermite, etc. — Des usages assez bizarres étaient tolérés :
la jeunesse de chaque village se réunissait dans un cabaret,
le jour de saint Nicolas , sous la présidence du maire, pour
élire un prince. Le prince acquérait le droit de faire la révé¬
rence au seigneur et d’ouvrir la danse; on l’ornait de
rubans de couleur pour cette cérémonie. D’autres fois, on se
procurait de la poudre et de mauvais pistolets, avec
lesquels on célébrait tapageusement les baptêmes , sauf à
exiger la bienvenue des parrains et marraines. — La prévôté
de Ribémont donnait dans les mêmes erreurs économiques
que la plupart des justices royales du temps : elle inter¬
disait au moissonneur l’usage de la faux et ne lui accordait
que celui de la faucille : elle l’empêchait de disposer libre¬
ment de ses chaumes, ne lui laissant que la stricte provision
nécessaire pour la couverture de ses bâtiments, les besoins
de sa famille et de ses bestiaux. — De fréquents conflits de
juridiction ayant éclaté entre la prévôté et le bailliage de
Ribémont, la réunion des deux sièges fut prononcée en 1742.
M. l’abbé Poquet rend compte, dans le t. xviii des
Bulletins , de l’excursion que la Société académique de
Laon a faite aux ruines de Saint-Lambert et de Saint-Ni-
colas-aux-Bois , le 9 juin 1867.
Le même auteur donne ensuite une monographie com¬
plète de V Abbaye de Longpont en Soissonnais.
Fille de Citeaux , l’abbaye de Longpont doit son origine à
l’action combinée de saint Bernard et de Joscelin, évêque de
Soissons , ainsi qu’aux bienfaits de Gérard de Chérisy et de
— 273 —
Raoul IV, comte de Vermandois. Raoul V, successeur de ce
dernier, le grand ministre Suger, Louis VII et Philippe-
Auguste, Thibaud de Champagne et Raoul de Soissons
contribuèrent à enrichir ce monastère dont les possessions
furent successivement confirmées par les papes Innocent II,
Eugène III, Alexandre III , Célestin III et Grégoire IX.
Saint Louis , à peine âgé de quinze ans , visita l’abbaye de
Longpont et lui fit plus tard de nouveaux dons.
Fondée dans un lieu humide et malsain, suivant les pres¬
criptions de la règle cistercienne, l’abbaye de Longpont
exerça autour d’elle une influence salutaire : elle présida à
la transformation morale et matérielle du vallon sauvage où
elle se trouvait encaissée. Les guerres des xiv.® et xv.®
siècles lui furent funestes , moins toutefois que les agita¬
tions religieuses du xvi.® et les scandaleux abus de la Com-
mende. La Révolution française lui porta le dernier coup.
La basilique de Longpont, bâtie au xii.® siècle sur le
plan des grandes cathédrales avec quelques modifications
dues aux exigences monastiques , comptait parmi les plus
beaux édifices du Royaume. M. l’abbé Poquet la décrit en
archéologue consommé : il nous introduit ensuite dans les
cloîtres et autres bâtiments ; puis il nous mène dans l’église
actuelle , où il nous fait admirer les châsses contenant une
partie des reliques de saint Denis l’Aréopagite que Bau-
duin IX, comte de Flandre , devenu empereur de Constan¬
tinople , envoya à Nivelon de Ghérisy , évêque de Laon.
Non loin de cette châsse, on remarque la cassette reliquaire
du bienheureux Jean de Montmirail , l’une des gloires de
l’ancienne abbaye. On conservait aussi à Longpont les
deux couteaux dont le comte de Soissons se servit pour
dépecer les viandes le jour où saint Louis dina dans le
monastère ; l’un de ces couteaux a été heureusement re¬
trouvé dans ces derniers temps.
^ 274 —
Une partie des bâtiments de l’abbaye est aujourd’hui
transformée en une demeure artistique et princière dont
M. l’abbé Poquet nous fait également les honneurs. Il ter¬
mine son mémoire , qui a les dimensions d’un livre , par un
catalogue des abbés de Longpont ; par une nomenclature
des saints personnages qu’elle a produits (Pierre-le-chantre,
Grégoire de Plaisance, Jean de Montmirail) ; par un cha¬
pitre sur les sépultures et inscriptions funéraires de l’église,
du chapitre et des cloîtres, enfin par une énumération des
possessions de l’abbaye de Longpont, fermes, vignes, bois,
pâturages, dont il détermine la provenance et l’empla¬
cement.
Cet important travail est suivi , dans le volume que nous
analysons, de deux communications dues à M. Arthur
Demarsy, secrétaire de la Société de l’Ecole des chartes :
la l.*"® contenant des extraits (en ce qui concerne le Laon-
nais ) du Cartulaire du Comté de Réthel si soigneusement
décrit par M. Léopold Delisle , de l’Institut ; la 2.® inti¬
tulée : Breve chronicon abbatiœ Buciliensis , chronique
abrégée de l’abbaye de Bucilly, rédigée, vers la fin du xvii.®
siècle, par Casimir Oudin,
Le Cartulaire de Bucilly est aujourd’hui déposé à la
bibliothèque impériale (fonds latin, n.® 10121), et l’a¬
nalyse qu’en a donnée M. Cocheris suffit pour le faire
connaître aux personnes qui s’intéressent à l’histoire du
pays. Quant à la chronique qui termine ce manuscrit, elle
n’avait pas encore été imprimée. M. Demarsy a cru utile
de la publier. Faite avec soin d’après les actes du cartulaire,
elle en forme en quelque sorte une table chronologique.
Pour le xvii.® siècle, le rédacteur, parlant de visu, entre
dans de grands détails sur Fhistoire de l’abbaye pendant
cette période.
M. Charles Gomart dans le même volume des Bulletins,
— 275 —
publié une Notice sur Vahbaye de Saint-Martin de Laon.
Réformée au commencement du xii.® siècle, par l’évêque
Barthélémy de Vir , et soumise par lui à la règle de Pré-
monlré , cette église eut une longue suite d’abbés dont
M. Gomart esquisse la biographie, en s’aidant des travaux
antérieurs de Dom Grenier et des documents conservés aux
archives de l’Aisne. Il accompagne sa publication d’une Vue
à vol d'oiseau du monument dont il écrit l’histoire.
Déjà , dans le t. xvi des Bulletins , M. Gomart avait
reproduit , d’après la gravure de Janssonius , un plan de
la ville de Laon auxvii.® siècle, plan où l’artiste a laissé
glisser quelques erreurs topographiques que M. de
Beauvillé , membre titulaire , rectifie dans le présent
volume.
La note de M. Filliette sur la Translation du cime¬
tière de r hôpital de Laon en 1783 est aussi d’un intérêt
tout local.
Il nous reste à signaler , dans le volume que nous ana¬
lysons :
1. ® VEtude de M. Combler sur une Erreur judiciaire^
affaire Lèlye et Puré , accusés d’assassinat à Laon en 1778.
2. ® Une notice sur le conventionnel Armand-Joseph
Tellier, par M. Am. Piette ;
3. ® Un autre morceau d’histoire, presque contemporaine,
ayant pour litre : La noblesse du département de V Aisne
pendant la Révolution , fragment d’un livre en cours de
préparation, par M. Ed. Fleury. Nous espérons pouvoir
rendre compte bientôt de ce livre qui , si nous en jugeons
d’après l’extrait que nous avons sous les yeux , se recom¬
mandera par un heureux ensemble de qualités : modération
dans les idées , sagesse dans les appréciations , élégante
simplicité dans le style. A. Desplaxque.
— 276
BIBLIOGRAPHIE.
ÉTUDE SUR l'aTRÉBATIE AVANT LE VI.« SIÈCLE
par M. Terninck. (^)
En 1869 , M. Terninck a ajouté quelques pages à cette
importante publication dont la première partie a été livrée
au public, il y a plusieurs années. Nos lecteurs nous sau¬
ront gré de reprendre à leur début ces études si intéres¬
santes pour la région septentrionale de la France.
Avant la conquête romaine, l’iiistoire écrite de nos
contrées ne se compose guère que de quelques phrases
éparses ça et là dans les auteurs anciens; on ne peut espérer
la compléter que par l’étude raisonnée des découvertes ar¬
chéologiques. M. Terninck s’est donc attaché à la recherche
des constructions anciennes, des armes, des bijoux, et grâce
à son zèle, grâce surtout à ce qu’il nous permettra d’appeler
son flair merveilleux d’archéologue, il a pu réunir une foule
de notions intéressantes sur les mœurs des habitants pri¬
mitifs de la Gaule.
Il rapporte les Dolmen et les Tumulus aux diverses races
V
celtiques qui sont venues successivement d’outre Rhin
envahir et occuper nos provinces. La pluralité de ces émi¬
grations explique les différences que l’on observe dans ces
sépultures , soit sous le rapport de la structure, soit sous le
rapport de l’état de civilisation qu’elles annoncent.
Les deux dolmen qui restent dans l’Atrébatie sont ceux
du Hamel à la limite du département du Nord et la Table
des fées de Fresnicourt dans le canton de Houdain. Ce
dernier a été décrit par M. Tailliar, d’après les indica¬
tions de M. Lequien , ancien Sous-Préfet de Béthune.
Il se composait de 6 pierres, dont 5 dressées servent de sup-
(1) Celte étude se compose d’articles successivement publiés dans
la Revue : La Picardie.
— 277 —
port et la sixième forme une table. Auprès de ce dolmen
s’en trouvaient primitivement 3 autres , ainsi qu’un double
tumulus haut de 10 m. 60 , formé de blocs de grés, rejoints
sans ciment ni mortier. Dans le parc de Liévin , près de
Lens, il y avait un tumulus en silex que l’on détruisit, il y a
quelques années , et sous lequel on trouva les restes d’un
squelette avec des objets en cuivre. Un autre tumulus, situé à
Vimy, nivelé en 1835, a été étudié avec soin par M. Ter-
ninck. Il avait une largeur de 110 mètres et une hauteur de
13. Sur son sommet, les seigneurs de Vimy avaient construit
leur château et on y trouva le caveau qui renfermait leurs
dépouilles. Au-dessous, on rencontra trois couches de sque¬
lettes , séparées par 2 mètres de terre. Au centre ils étaient
très-nombreux , disposés en cercle , tandis qu’à la circon¬
férence ils étaient épars irrégulièrement. Les cadavres
avaient été entourés de pierres qui leur formaient à chacun
une sorte de tombe. A une exception près , c’étaient des
hommes dans la force de l’âge et l’un d’eux avait la poitrine
traversée d’un fer de javelot. Dans cette sépulture avaient
été évidemment ensevelies les nombreuses victimes d’un
combat.
Le sol qui portait le tumulus de Vimy est creusé de
galeries souterraines qui servaient de refuge aux popula¬
tions pendant la guerre. Ces souterrains si nombreux dans
l’Artois et dans le Cambrésis remontent, selon l’auteur, jus¬
qu’aux Gaulois et furent utilisés par eux lors de la conquête
romaine. A Betricourt il y a rencontré des haches en silex.
Les instruments rapportés par M. Terninck à l’époque
gauloise , quoique plusieurs d’entr’eux soient certainement
plus anciens , sont très-joliment figurés sur des planches
photographiques qui accompagnent le texte.
On y voit des couteaux et des haches en silex taillé de
l’époque diluvienne trouvés à Vaudricourt, près de Béthune.
— 278 —
La pierre polie y est représentée par deux haches en
pierre noire trouvées à Beuvry et à Labourse , près de
Béthune ; une autre petite hache en silex poli vient de la
même localité. Des instruments de même nature ont encore
été rencontrés en beaucoup d’autres points , particulière¬
ment à Izel-les-Esquerchin , canton de Vimy , où auraient
été trouvées, selon M. Terninck, les deux haches gravées du
Musée de Douai. (^) On a un grand nombre d’autres objets de
la même époque , des pointes de flèches, des marteaux , des
pierres de fronde, des instruments en os, une pointe en corne
de cerf taillée sur le côté en dent de scie (Beuvry), des gaines
également en corne de cerf pour emmancher les haches, etc.
Des haches de bronze ont été trouvées à Billy, Labourse,
Hénin , Vaudricourt : cette dernière localité a fourni égale¬
ment des bouts de lance , une épée et des ornements.
L’auteur rappelle , à ce propos , l’intéressante trouvaille
d’objets de l’âge de bronze , à Lysel , près de Saint-Omer,
trouvaille si bien décrite par M. Louis Deschamps dans les
Mémoires de la Société des Antiquailles de la Morinie. {^)
On y découvrit des coins creux dont l’emmanchure était
parallèle à l’axe de l’instrument et que M. Terninck consi¬
dérerait volontiers comme des bouts de pieux ou de lances,
des bracelets tournés en spirale, des anneaux , des bagues ,
des armilles , une pince à épiler, une agraffe et un couteau.
Tous ces instruments sont en bronze ou en cuivre ; quelques-
uns sont dorés.
Un bracelet en or massif a été trouvé en 1851 dans te bois
de Picquendal , près Fauquembergues (Pas-de-Calais) et
M. Terninck a découvert lui-même près de Béthune, une
sorte de boucle d’oreilles ornée de verres colorés qui doit
être d’un âge plus récent.
(1) Bulletin , t. i , p. 186.
(2) T. VIII, p. 403.
— 279 —
C’est probablerneiil à l’époque de bronze que l’on doit
rapporter les poteries grossières trouvées dans la mer de
Flines : aucune d’elles n’a été façonnée au tour.
L’examen des statuettes et des monnaies, rencontrées dans
l’Atrébatie , entraîne Tauleur à étudier le culte des Gaulois.
La principale statuette est un cheval en bronze trouvé à
Avion, canton de Vimy ; quant aux monnaies, M, Ter-
ninck s’en rapporte à la description donnée par M. Dan-
coisne dans le Bulletin de la Commission des Antiquités
départementales du Pas-de-Calais.
<r On sait qu’avec le produit de ses abondantes mines
d’or , Philippe II de Macédoine avait fait fabriquer une im¬
mense quantité de statères , monnaies aussi remarquables
par rexcellence du titre que par la pureté et la beauté du
dessin. Les conquêtes de son fils Alexandre-le-Grand , et
les relations qui s’ensuivirent, firent pénétrer et circuler
ces monnaies dans les Gaules.
« De là les nombreuses imitations gauloises quelquefois
assez fidèles, mais presque toujours grossières et informes,
de ces belles statères grecques.
« Il y a toute apparence que les Atrébates, dont la cité
commençait à devenir industrieuse et commerçante, frap¬
pèrent, comme beaucoup d’autres peuplades voisines, des
monnaies imitées des Philippe de Macédoine.
« J’attribue à l’Atrébatie certaines imitations d’une
fabrique particulière, que je n’ai jamais découvertes que
dans les arrondissements d’Arras et de Béthune, où elles se
rencontrent assez fréquemment. Ces monnaies d’or, d’un
module assez petit, représentent d’un côté, le bige macé¬
donien défiguré allant à gauche (circonstance digne de
remarque) ; sous le cheval , une espèce de lyre , ce symbole
des Bardes qu’on retrouve surtout sur les imitations de
la trouvaille de l’île de Jersey. Le revers, au lieu d’une
tête laurée ou à longue chevelure , n offre que des lignes
placées en divers sens , et figurant ainsi , par leurs disposi¬
tions bizarres, tantôt la lettre A (initiale des atrébates) ,
tantôt une plante, sans doute une branche du gui sacré.
« La fabrication de ces monnaies dut être du reste ,
d’assez courte durée. Bientôt apparaissait dans nos contrées
— 280 —
comine type national des monnaies belges, le cheval libre
galopant au milieu des divers emblèmes druidiques , et les
monnaies unifaces d’or à ce type se répandaient en abon¬
dance dans' toutes nos contrées où elles eurent un cours
très-suivi jusque dans les premiers siècles de la domination
romaine. La quantité considérable de ces pièces trouvée en
Artois, permettrait peut-être de supposer qu’on en a aussi
frappé dans l’Atrébatie.
« Ce qui paraît plus probable , c’est que les Atrébates
émirent une nouvelle monnaie d’or offrant d’un côté le
même type, et de l’autre une tête grossière couronnée de
feuilles. On leur attribue encore plusieurs autres monnaies
du même métal, ayant de grandes analogies avec la pré¬
cédente, dont elle diffère surtout par l’adjonction d’une
rouelle placée sous le cheval ou au-dessus. Cette dernière
attribution est corroborée par la découverte faite, en 1846,
à Aubigny, près d’Arras, d’un millier de ces pièces.
« Jusqu’ici nous ne trouvons pas de monnaies en argent,
en cuivre, ou électrum ; mais je viens d’enrichir ma série
atrébate d’une pièce unique d’une haute importance. Il
s’agit d’une monnaie en verre uniface , au type du cheval
libre surmonté d’une rouelle, trouvée dernièrement à Fres-
nicourt près de Béthune, ( à suivre ) J. Gosselet.
HAGIOGRAPHIE DU DIOCÈSE d’AMIEiNS
par M. Pabbé J. Corblet, historiograplie du diocèse,
directeur de la Rtmt de Varl chrétien. (*)
Les deux volumes dont nous venons entretenir nos
lecteurs forment la première moitié de l’important ouvrage
auquel M. l’abbé Corblet travaille depuis plusieurs années ,
sans s'en laisser distraire par les soins absorbants de la
«
direction d’une Revue et par diverses autres entreprises.
Son Hagiographie du diocèse d'Amiens est une œuvre de
haute érudition. Supérieure sous ce rapport aux essais du
même genre qui ont été tentés dans d’autres diocèses , elle
ne le cède à aucun d’eux , ni quant au charme, ni quant à
(^) Amiens, Prévost-Allo , 1869-1870, 2 forts vol. in-8.®
— 281 —
la variété du style. M. l’abbé Corblet emploie, tour à tour
et avec un bonheur égal, les tons propres à la dissertation
scientifique, au récit imagé, à l’enseignement moral et
religieux.
Dans son Introduction , il pose les règles de ci*i tique
saine et large qui doivent présider à la rédaction de son
livre. Ces règles, il fait mieux que les énoncer: il les applique,
dans le corps de l’ouvrage , avec une sagacité rarement en
défaut.
Au point de vue de la disposition des matières, beaucoup
d’historiens regretteront comme moi que M. l’abbé Corblet,
au lieu de nous faire parcourir le cercle du Calendrier
liturgique , n’ait point suivi l’ordre chronologique qui , en
permettant de grouper par dates les vies des saints , en fait
mieux saisir renchaînement.
M. l’abbé Corblet, qui ne se dissimule pas l’inconvénient
du système auquel il s’est tenu , nous en dédommage par
l’annonce d’une Histoire du diocèse d'Amiens qu’il lui
appartient d’écrire , et où les faits tirés des vieux légen¬
daires sont naturellement consignés suivant l’ordre dans
lequel ils se sont produits.
Voici, du reste, comment le savant historiographe du
diocèse d’Amiens procède pour chaque saint figurant dans
son recueil. D’abord il donne la biographie du personnage
d’après les contemporains ou, à leur défaut, d’après les
auteurs les plus anciens qui en ont parlé. Puis il consacre à la
mémoire du saint une série de notices intitulées : Reliques,
culte et liturgie, iconographie, bibliographie. De cette
manière, aucun détail n’est laissé dans l'ombre et le lec¬
teur sait toujours où chercher les faits précis dont il a
besoin.
M. l’abbé Corblet se fait une joie bien louable de com¬
prendre, dans son Hagiographie , ceux qu’il appelle spiri-
— 282 —
tuellement les « oubliés de la liturgie , » c’est-à-dire les
saints locaux qui , exclus, il y a deux siècles, du bréviaire
diocésain, par le sombre esprit janséniste, n’ont pas obtenu
gain de cause devant la cour romaine , lors de la révision
récente du propre : il s’attache à eux avec ce sentiment de
sympathie, touchant et légitime, qu’inspirent les mé¬
connus et les déshérités.
Nous allons maintenant , pour achever de donner à notre
public une idée du contenu du livre de M. l’abbé Gorblet,
énumérer, suivant l’ordre que nous eûssions voulu voir
adopter par lui , les principaux saints dont il s’occupe dans
ses deux premiers volumes.
L’église d’Amiens doit, comme on le sait , sa création à
saint Firmin dont les uns placent le martyre sous Dioclétien,
d’autres sous Valérien, d’autres dans un temps beaucoup
plus reculé : sous Trajan ou ses premiers successeurs. Cette
question, qui se rattache à celle des origines chrétiennes
de la Gaule entière, a soulevé, dans ces derniers temps ,
d’ardentes polémiques auxquelles nous avons vu mêlés des
noms d’une grande autorité.
Pour ne parler ici que des historiens amiénois qui sont
entrés en lice, nous rappellerons que naguère M. Dufour,
président de la Société des Antiquaires de la Picardie,
rompait une lance avec M. Ch. Salmon, vice-président de
la même compagnie, au sujet de la date de l’apostolat de
saint Firmin en particulier , et de l’évangélisation de la
Gaule en général.
M. Salmon, qui tient pour l’apostolicité des plus an¬
ciennes églises de France, croit fermement que saint Fir¬
min a prêche et qu’il est mort dans la première moitié du
11.6 siècle. M. l’abbé Gorblet a eu le mérite d’entrer, sans
parti-pris, dans l’étude de cette question qui, autour de lui,
passionnait si vivement les esprits : il s’est environné de
— 283 —
tous les auteurs qui , depuis Launoy jusqu’à l’abbé Paillon,
et depuis l’abbé Paillon jusqu’aux intrépides controver-
sistes actuels , ont pris part à une polémique dont les
éléments ne peuvent être disjoints, tant ils offrent de
connexité. Après avoir consacré huit mois à l’examen
approfondi d’ouvrages qui, réunis, forment une biblio¬
thèque, M. Corblet est arrivé à se faire une opinion abso¬
lument identique à celle de son collègue M. Salmon.
Ce n’est pas incidemment que nous pouvons et voulons
traiter une question aussi ardue , aussi vaste que celle dont
il s’agit ici. A notre sens , elle aurait, depuis longtemps ,
cessé de diviser les meilleurs esprits si elle était susceptible
d’une solution rigoureuse et vraiment scientifique. Bor¬
nons-nous à dire que la Dissertation de 31. l’abbé Corblet
sur les origines de la foi chrétienne dans les Gaules se
recommande par la lucidité de l’exposition , par l’habile
enchaînement des preuves et par un ton d’exquise urbanité
qui a trop souvent fait défaut aux partisans de la même doc¬
trine. Si la thèse savamment plaidée, depuis le décès de
l’abbé Paillon, par 3131. Arbellot, Darras, Bougaud, Sal¬
mon , Richard , etc. , combattue , depuis lors et avec non
moins d’éclat, par 3131. Du 3Iéril et Jules Lair, Huilliard-
Bréholles et d’Ozouville, Dufour et Tailliar, si cette thèse ,
disons-nous, prévalait un jour en histoire, 31. l’abbé
Corblet pourrait se flatter d’avoir puissamment contribué à
en assurer le triomphe.
A côté du nom de saint Pirmin , martyr, se range , dans
son livre, celui de saint Pirmin le confesseur, sur la vie
duquel on manque de renseignements précis. On en peut
dire autant de saint Ache et de saint Acheul dont les actes ne
nous ont pas été conservés.
Dans son étude sur saint Pirmin , martyr , 31. l’abbé
Corblet avait été devancé, comme il se plaît à le reconnaître,
— 284 —
par M. Salmon : il a pris le même auteur pour guide dans
ses recherches sur saint Fuscien et saint Victoric qui com¬
plètent la liste des premiers apôtres de TAmiénois.
Gomme ces derniers martyrs , saint Gratien , sainte Ele-
\are et sainte Sponsare furent mis à mort par les ordres du
proconsul Rictiovare, de sinistre mémoire.
Dans le milieu du iv.® siècle, lorsque la foi chrétienne est
devenue celle de l’Empereur et de l’Empire , nous voyons
installé sur le siège d’Amiens, saint Euloge, à qui M. l’abbé
Corblet consacre également une notice.
Au V.® siècle, saint Germain d’Ecosse trouve la mort en se
dirigeant vers l’Amiénois où de nombreuses conversions
restent à opérer par suite du retour des populations à un
état voisin de la barbarie.
La fin du vi.® siècle vit mourir deux autres missionnaires
venus des îles, saint Gaïdoc et saint Fricor, qui, en débar¬
quant sur les côtes de Picardie , conquirent à Dieu le grand
homme appelé à devenir saint Riquier.
Vers le même temps s’éteignit saint Evrols, abbé de
Saint-Fuscien-au-Rois. Saint Rerebond , successeur de saint
%
Salve sur le siège d’Amiens , saint Blimont , deuxième abbé
de Saint-Valéry-sur-Somme, saint Gondéde, ermite de la
Fontaine-Saint-Valéry, sainte Godeberte, l’une des reli¬
gieuses du monastère de Noyon fondé par saint Eloi ,
remplissent le vu.® siècle qu’on a si justement nommé l’âge
d’or de la vie monastique.
A ce groupe de saints de la Picardie , M. l’abbé Gorblet
rattache deux autres figures qui appartiennent plus parti¬
culièrement à l’Artois. Ge sont celles de sainte Framechilde
et de sainte Austreberthe, sa fille, qui ont embaumé de leur
vertus le canton de Marconne.
Entre toutes ces légendes dont l’uniformité de ton diminue
parfois l’intérêt, se détache celle de saint Fursy, d’un tour
— 285 —
éminemment celtique , où le merveilleux coule à pleins
bords, où l’on esta chaque instant transporté dans les ré¬
gions du monde invisible. M. l’abbé Corblet emprunte les
traits les plus curieux de cette vie à la naïve traduction
qu’en a donnée, en 1468 , Jean Miélot, chanoine de Saint-
Pierre de Lille , aumônier de Philippe-le-Bon.
Avec sainte Aurée , supérieure de religieuses à Amiens ,
nous entrons dans le viii.® siècle ; nous en sortons avec le
B. Alcuin , que M. Corblet revendique pour la Picardie
comme ayant été abbé de Saint-Josse-sur-Mer.
Les noms qui se présentent ensuite dans l’hagiographie
du diocèse d’Amiens sont des plus illustres: comme ils
appartiennent à l’histoire profane presqu’autant qu’à l’his¬
toire ecclésiastique, nous nous bornerons à les citer. Ce
sont : saint Angilbert, gendre de Charlemagne et plus tard
abbé de Centule ; saint Adélard , cousin germain du même
prince et que ses fonctions d’abbé de Corbie n’enlevaient
point à la direction des affaires politiques du temps ; son
frère saint Bernaire et son neveu saint Adélard le Jeune ;
saint Anschaire enfin qui , de Corbie , lieu de rencontre de
ces grands esprits et de ces généreux cœurs , s’élança sur la
Basse-Saxe et le Danemarck pour y porter la foi du Christ.
La sainteté et le savoir semblent ensuite s*e retirer, pour un
moment , du monde. Ce n’est qu’après l’expiration du x.®
siècle que nous rencontrons , dans l’école capitulaire de
Saint-Quentin de Vermand, saint Gilbert, futur évêque de
Meaux, et, — à la tête de l’abbaye de Centule , — le véné¬
rable Enguerrand, « savant en grammaire, en musique,
en dialectique, » charitable à l’égard des pauvres, ferme
envers les puissants de la terre. Saint Gervin lui succède :
comme lui , il défend les intérêts spirituels et temporels de
son couvent au milieu des agitations de la Société féodale.
Au déclin du xi.® siècle, l’abbaye de Saint-Martin de
— 286 —
Pontoise possédait pour chef saint Gautier, qui lui donnait
l’exemple de toutes les vertus religieuses. Alors aussi se
formait à Gorbie saint Gérard , le fondateur de la Grande-
Sauve.
Dans les premières années du xii.® siècle , le comté et le
diocèse d’Amiens étaient, chacun, aux mains d’un saint; le
bienheureux Charles-le-Bon et saint Geoffroi, évêque.
Saint Bernard d’Abbeville, rivalisant avec saint Gérard de
Gorbie, faisait rayonner en Aquitaine l’éclat et la puissance
de la foi picarde. Le bienheureux Adam , deuxième abbé de
Saint-Josse-au-Bois,et le bienheureux Godefroi de Péronne,
cinquième prieurde Glairvaux, appartiennent à celte meme
génération de grands saints du xii.® siècle.
Il ne nous reste plus, pour être complet, qu’à men¬
tionner saint Félix de Valois qui a bien mérité de l’huma¬
nité par la part 'qu’il prit à la fondation de l’ordre des
Trinitaires , destiné au rachat des captifs (xiii.® siècle) ;
sainte Golette, réformatrice des trois ordres franciscains
(xiv.® siècle) ; saint François de Roye , l’un des martyrs de
Gorcum (xvi.® siècle). A. Desplanque.
souv’nirs d’ux homme d’douai
par L. Dechrîsté. (3.^ vol.) (b
L’auteur a fait, en prose, pour Douai, ce que M. Des¬
rousseaux a rimé en couplets pour Lille, et une facile
chanson de l’auteur des Pasquilles lilloises sert d’intro¬
duction aux nouveaux Souvenirs d’un homme d’Douai.
Histoire locale, études de mœurs, fêtes et coutumes, per¬
sonnages remarquables ou originaux , tous ont trouvé
place dans cette sorte de chronique au jour le jour qui lient
du tableau en même temps que du livre , par le pittoresque
des descriptions. Eune fiète des Wios-Saint- Albin (l’une des
(1) Douai, Dechristé, 1870, in-12 de 216 p.
— 287 —
paroisses de Douai ). — Les salles d’asile — Les vieux airs
populaires de la cité (connus aussi dans presque toutes les
villes du Nord) — La fête de Gayant — L’exposition des Amis
des Arts — Le beffroi communal , sa restauration , ses
cloches du xv.® siècle — Les cris des petits métiers de ta
rue — L’historique de la musique municipale, depuis son
organisation par Pierre Lecomte, en 1806, tels sont les
chapitres principaux de ce livre où il est aussi question des
Incas de Valenciennes , etc. Ajoutez-y , pour complément ,
des anecdotes dans l’esprit de la publication.
Ces récits sont en patois douaisien, lequel a de nom¬
breuses affinités avec le langage populaire de Lille et de
Valenciennes surtout, et celui de Cambrai dont il ne diffère
le plus souvent, sauf quelques expressions sui generis , que
par la façon de prononcer ou d’élider deux ou trois lettres.
Tout cela est écrit avec une facilité apparente et une cer¬
taine causticité. Le coup de patte s’y fait sentir à propos et
le patriotisme local y abonde : les gins d' Douai ne s’en
plaindront pas. Je recommande le parallèle entre les salles
d’asile elles écoles d’enfants d’autrefois, et des conseils sur
l’hygiène et la sobriété , d’autant plus justes que l’idiome
dans lequel ils sont formulés, excluant tout pédantisme, les
fait arriver sûrement à leur adresse. Je regrette de man¬
quer d’espace pour les transcrire.
Il y a un point capital , eu égard à l’effet qu’il produit
sur le lecteur, c’est cette saveur toute gauloise , ce gros sel
qui est peut-être ici du piment tant il pique. Mais l’auteur,
lui non plus, n’écrit pas pour l’Académie et, somme toute ,
je crois qu’il est facile en considérant l’ensemble de passer
condamnation sur ce qu’il y a d’un peu cru dans quelques
tons de la peinture. A. Durieux.
288 —
NOTICE SUR LES TERRAINS TERTIAIRES DE LA BELGIQUE
par M. le D/ De Koe\e\, professeur à FUniversité de Marbourg,
traduit de l'anglais par M. A. Thielens.
Cette notice, insérée dans le Geological magazine 7F, est
essentiellement consacrée à la critique de deux mémoires
publiés par des savants anglais, sur les sables des environs
d’Anvers. M."® Nyst et Dumont avaient établi dans les
sables d’Anvers deux grandes divisions subdivisées cbacune
en deux parties.
( sable jaune
( sable gris
^ sable vert
I sable noir
Système scaldisien
Système diestien
M. de Kœnen frappé de l’analogie des fossiles que l’on
rencontre dans les sables noirs avec ceux que l’on trouve
dans les couches supérieures du terrain miocène du bassin
de Vienne, proposa de ranger le système diestien dans le
terrain miocène en ne laissant dans le pliocène que le sys¬
tème scaldisien.
M. Lankester (^) , en se basant sur la ressemblance qui
existe entre la faune du système diestien et celle du système
scaldisien, pense qu’on ne peut pas les séparer ; il les place
tous deux dans le terrain pliocène ; mais il se voit alors
forcé de scinder en deux les couches devienne pour en faire
rentrer la partie supérieure dans le terrain pliocène.
M. de Kœnen ne peut admettre celte classification ; il fait
observer que chaque période tertiaire a une grande quantité,
environ 40 O/o , d’espèces communes avec la période qui la
précède et avec cefie qui la suit, c’est-à-dire que si ces
(1) On tlic tertiaries in tlic neiglibourhood of Antwerp. ^Geological
magazine, 1865).
— 289 —
périodes sont des dépôts de même nature il n’y a pas entre
elles de lignes de division nettement tranchées.
M. Godwin Austen , dans un travail publié en 1867 {^)
admet que les systèmes diestien et scaldisien sont contempo¬
rains : il explique la différence de coquilles qu’ils renfer¬
ment parce que le premier se serait déposé à une profondeur
de 30 à 40 brasses, tandis que le second se serait formé à
de très-petites profondeurs et renfermerait un grand
nombre de coquilles roulées qui n’auraient pas vécu aux
endroits où on les trouve actuellement.
M. de Kœnen combat cette manière de voir en se basant
sur l’épaisseur des couches scaldisiennes, qui est de 5 mètres
pour le sable jaune et de 10 mètres pour le sable gris, ainsi
que sur la parfaite conservation des fossiles qu’on y trouve.
J’adopte pleinement les considérations présentées par
M. de Kœnen en ce qui concerne la distinction d’âge entre
les systèmes diestiens et scaldisiens ; comme lui je pense
qu’il y a des passages insensibles entre les couches tertiaires
successives et que l'on ne peut nulle part tracer de lignes
de séparation bien nettes. En tenant compte de ce fait, il
me semble qu’on peut émettre une opinion intermédiaire
entre celles de M.'’® Lankester et de Kœnen. On confond gé¬
néralement dans les sables noirs les couches d’un vert
foncé que l’on trouve sous la ville d’Anvers et celles qu’a
mis à découvert la construction d’un fort à Edeghem. Elles
présentent cependant des différences sensibles dans leur
faune : tandis que les premières paraissent pliocènes , les
secondes ont un caractère franchement miocène, qu’elles
partagent avec la couche fossilifère du Bolderberg. J’es¬
père du reste que le temps est prochain où l’on cessera
d’établir une division de premier ordre entre les couches
dites actuellement pliocènes et miocènes.
(Ù On the Kainozoic formations of Bel^ium .
— 290 —
En attendant, remercions M. Thielens d’avoir traduit en
notre langue un mémoire aussi intéressant que celui de son
ami le professeur Von Kœnen. J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
LA PEINE DE MORT A LILLE DE 1565 A 1574. (')
Le bourreau de Lille, Robert Cambier, recevait un traite¬
ment fixe de 96 livres parisis ; l’évêque de Mende, intendant
du roi de Navarre, augmenta ses gages de 24 livres ou 12
florins, le 14 mai 1563. Le bourreau avait en outre le loge¬
ment elles bénéfices du métier. Il reçoit 9 livres, 17 sols,
6 deniers « pour ses sallaires et déboursements faictz pour
l’exécution par le feu, de Pol Chevalier , condempné par
les eschevins de Lille et lieutenant de la Gouvernance, le
XII.® jour de décembre 1564, par main commune d’estre
bruslé vif et consumé en cendres. » (^)
Le supplice par le feu n’était guère offert en spectacle
qu’une fois par an ; il était réservé surtout aux hérétiques :
les honoraires du bourreau augmentent alors d’une façon
sensible. Il reçoit en 1574 , 12 livres , 14 sols , pour l’exé¬
cution d’Annette Delerue, veuve de Jehan Dubosquet, bon¬
netier, « laquelle pour avoir dit, proféré et soustenu plu¬
sieurs propos hérétiques et erronneulx contre la saincteFoy
catholique et sainct Sacrement de l’autel et en iceulx per¬
sisté, a esté condempnée d’estre vifve bruslée et consommée
en cendres et ses biens confisquez à Sa Majesté , par senten¬
ce des eschevins du xvii.® jour de juin 1569 ; payé pour
trois quartrons de bourrées, 6 livres ; pour deux cent de
(1) Les extraits qu’on va lire et qui nous ont été communiqués, en
des temps meilleurs , par notre excellent collègue M. Matton , sont
empruntés à des séries de comptes existant aux archives de f Aisne.
A. D.
(2) Voir V Eglise sous la croix 'pendant la domination espagnole , par le pas¬
teur Frossard, p. 63 et suivantes.
— 291 —
fasseaux , 4 livres, 8 sols ; pour estrain , 12 sols ; pour son
sallaire de l’avoir lyé à l’estacque (poteau) et achevé ladite
exécution, 20 sols , et pour ses cordes , 14 sols. >
M.® Robert recevait en 1565, « pour avoir mis sur la tor¬
ture Nicolas Bouvel , 5 sols ; pour luy avoir mis des œufs
chauldz soulz les aisselles des bras, 5 sols ; pour l’avoir
pendu par les poings , 5 sols ; pour l’avoir fustigé de verges
en prison , 5 sols ; pour l’avoir fustigé par les carrefours, 5
sols ; pour l’avoir mené depuis la porte jusques au lieu deu,
5 sols ; pour avoir hurté sa teste contre l’un des pilliers du
gibet, 5 sols ; pour lui avoir mis la hart au col, 5 sols ; pour
l’avoir marqué de la marque de la ville , 5 sols ; pour
toutes les cordes et licol, 28 sols, et qu’il a payé au chartier
l’ayant mené au lieu deu , 40 sols. »
Denis Tournemine , qui avait employé tous ses artifices
avec d’autres individus de sa sorte, armés comme lui, pour
s’emparer des cappes et manteaux des gens circulant dans
les rues, et qui , en outre , s’était rendu coupable d’ho¬
micide, doit mourir à la potence. Le bourreau reçoit « pour
avoir pendu le coupable , 5 sols ; pour l’avoir dépendu ,
autant ; pour l’avoir mené au lieu deu hors la ville, 5 sols ;
pour l’avoir illecq rependu, 5 sols; pour ses cordes, 14
sols ; pour estrain, 5 sols. »
Le supplice de la pendaison n’était pas rare. Le bourreau
de Lille pend 7 personnes, en 1565: cette même année
il n’en décapite que deux. Guillaume Desbailles, qui avait
tiré contre l’armée du Roi campée devant la ville , périt
par le glaive. Le bourreau reçoit « pour l’avoir lyé sur le
bourd , 5 sols ; pour exécution , 5 sols ; pour avoir mis le
corps en une bière, 5 sols ; pour faire racoustrer son espée,
5 sols, et pour ses cordes , 14 sols. »
Le bourreau exécute aussi Nicolas Prévost ; il reçoit
« pour lui trancher la tête devant la halle , 5 sols ; lui
— 292 —
couper le poing , autant ; clouer ce poing au pilori , S
sols; faire rappointer son épée, 4 sols, et pour ses cordes,
14 sols. » — Il reçoit pour avoir tranché la tête de Marc
Coffin , sergent de la prévôté de Lille , o sols.; « pour faire
racoustrer son baston, 4 sols; pour avoir mené son corps au
lieu deu , o sols ; pour couvrir le corps de paille sur le
charriot, 4 sols ; pour l’avoir mis sur une roue , 5 sols ;
pour avoir mis la tête au beffroi de Lille sur un fust de
lance, 5 sols ; pour ses cordes , 14, et 40 sols pour celui qui
a conduit le corps sur un cbarriot. » A. Matton ,
Archiviste de l’Aisne.
FAILLES ET PUITS NATURELS DANS LE TERRAIN HOUILLER
La houille exploitée en Belgique et dans le Nord de k
France est disposée en veines plus ou moins épaisses
intercalées dans un vaste ensemble de schistes et de grès.
Toutes ces couches schiste , grès et houille sont parallèles
les unes aux autres , mais leur ensemble présente souvent
des plissements, des contournements et d’autres irrégularités
dont les plus importantes , au point de vue géologique
comme au point de vue de l'exploitation , sont les failles.
Les failles sont des fentes qui coupent les couches sur
une longueur plus ou moins considérable et qui sont
-presque toujours accompagnées d un rejet; c’est-à-dire que
les couches se retrouvent de l’autre côté de la fente à un
niveau plus élevé ou plus bas. Tantôt les deux parois de la
faille sont contiguës, tantôt elles sont écartées et leur in¬
tervalle est rempli par des débris de roches houillères
mélangés parfois à des roches de terrain crétacé qui dans
nos pays recouvre immédiatement le terrain houiller.
Les failles, très-fréquentes dans le terrain houiller comme
dans tous les terrains primaires, sont dûs à la dislocation du
sol , à des fendillements de l’écorce terrestre tels qu’jl s’en
— 295 —
produit encore de nos jours dans les tremblements de terre.
Elles sont une cause incessante de difficultés pour l’exploi¬
tation des districts houillers qui en sont affectés; car
non-seulement elles obligent à faire des recherches pour
retrouver la veine de houille qui a été rejetée , mais lors¬
qu’elles sont larges, elles permettent l’infiltration des eaux
contenues dans le terrain crétacé : il faut exécuter alors des
travaux considérables pour contenir la source et l’empêcher
de noyer la mine.
Les puits naturels dont l’existence vient d’être révélée
par MM. Cornet et Briart (^) , pourraient au premier
abord se confondre avec les failles dont ils ont en partie les
inconvénients. Ce sont de vastes cavités cylindriques dont
la profondeur est inconnue et qui traversent plus ou moins
obliquement le terrain boiiiller sans modifier en aucune
manière l’allure des couches. Elles sont remplies de débris^
de roches du terrain houiller et du terrain crétacé confusé¬
ment mélangés et laissant entr’eux de nombreux vides
remplis d’eau qui affluent dans la mine dès qu’une galerie
vient à rencontrer un puits naturel. Le danger est d’autant
plus grave , que l’on n’est pas prévenu de l’approche de ces
, accidents , tandis que le voisinage des failles est générale¬
ment annoncée par le plissement des couches et l’altération
; des roches, celle de la houille en particulier.
« Vers la fin de l’année 1864, disent les auteurs, la
Société charbonnière de Bascoup avait poussé ses travaux
d’exploitation dans la veine de l’Olive jusqu’à 1200 m.
: environ de l’Est des puits d’extraction Sainte-Catherine,
i La couche se trouvait en allure très-régulière et rien n’in-
[ diquait le voisinage d’un dérangement quelconque , quand ,
I tout-à-coup , les eaux firent irruption au front de la galerie
! principale avec une telle violence, que les ouvriers eurent
i à peine le temps de se sauver croyant avoir atteint d’anciens
1 ^ravaux d’exploitation abandonnés et inondés. »
(1) Bulletin de l'Académie -de Belgique , t. XXIX, p. 477.
— 294 —
MM. Cornet et Briart sont parvenus à constater la nature
de ces cavités et aies distinguer des failles en les contour-
nant par des galeries. Ils ont reconnu l’existence de huit
puits dans les environs de Mons. Celui de Bascoup coupe
presque perpendiculairement les couches houillères, sa
section est une ellipse irrégulière , dont le grand axe a de
36 à 52 mètres et le petit axe, 19. Un autre puits naturel,
reconnu dans le charbonnage de Sars Lonchamps , a 90 m.
de large dans un sens et 63 dans l’autre. Au Grand Hornu ,
on a découvert deux de ces puits distants de 75 mètres et
larges de 130 et de 50 m. Ils ont été reconnus par deux
galeries, l’un a 399 m., l’autre à 130 m. de profondeur.
Quelle est l’étendue de ces puits en profondeur et jusqu’à
quelle hauteur remontent-ils dans le terrain crétacé? c’est
ce qu’on ne connait pas encore ; leur mode de formation
est également inexpliqué. J. G.
CHRONIQUE
Météorologie : AOUT
1870
Température moyenne . 16.* 33
> K des maxima . 19.° 90
» » desminima . 12.® 76
> extrême minima, 30 et 31 8." 40
» » maxima, le 5.. 25.® 10
Baromètre hauteur moyenne à 0.® _ 758”'“564
» hauteur extrême minima , le 28. 752””62
J » B maxima , le 31. 769““00
Tension de la vapeur atmosphér . 1 0“'“83
Humidité relative moyenne % . 73.0
Epaisseur de la couche de pluie . 90““79
» de la couclie d’eau évaporée. . 96““08
AOUT
année moy.
17.® 782
759““ 426
11“"16
71. 55
63r069
123T"95
Comme nous le voyons ci-dessus le mois d’août fut moins
chaud qu’en année moyenne. Cet abaissement de tempé-
— 295 —
rature est dû à plusieurs causes : d’abord la direction per¬
sistante des courants atmosphériques qui , pendant 20 jours
sont venus du N. et du N.-O. ; la rapidité de leur marche,
l’état de nébulosité du ciel qui s’opposa à l’action directe
des rayons solaires, enfin la fréquence de la pluie, 25 jours.
L’abaissement de la température se fit surtout remarquer
pendant le jour, aussi la moyenne des maxima ne fut-elle
que de 19.° 9, inférieure à la moyenne générale ; celle des
minima au contraire lui fut supérieure de 12.° 76.
La nébulosité du ciel fut un écran qui arrêta la chaleur
solaire , mais qui , en compensation , s’opposa au rayonne¬
ment nocturne.
Cette grande nébulosité indice de la saturation des cou¬
ches élevées de l’atmosphère détermina un grand abaisse¬
ment de la colonne barométrique et des pluies très-fréquentes
qui entretinrent dans les couches d’air en contact avec le
sol une humidité défavorable à l’évaporation , laquelle fut
bien moindre celte année que l’année dernière , quoique la
température , cause la plus active de ce phénomène météo¬
rique, ait été en août 1870 supérieure à celle du mois cor¬
respondant de 1869.
Cette grande humidité atmosphérique donna lieu aux
orages des 5, 9, 19 et 26, qui vinrent de la région N. Celui
du 26 , fut accompagné d’une grêle abondante , mais le
volume des grêlons ne fut pas assez fort pour qu’ils causas¬
sent des dégâts aux végétaux. V. Meurein,
Archéoloi^ie préhistorique. Haches en silex poli,
— Une très-belle hache polie en silex gris vient d’être dé¬
couverte à Vendhuile, près du Catelet, sur le bord du
canal. Elle a été donnée au Musée de Lille par M. Albert
Cornailles. J. G.
Archéologie. Sépulture gauloise. — On lit dans le
Courrier de V Aisne :
Les fouilles faites depuis un mois dans l’antique cimetière
— 296 —
de Chassemy ont été très-fructueuses : les bracelets, les tor¬
ques en bronze, les pendants d’oreilles en os , les fibules en
bronze ou en fer, les javelots , les poignards, les lances ,
les coutelas en fer, les vases aux formes les plus variées, aux
ornements les plus divers , font de la maison du sieur Taté,
propriétaire du cbamp d’où l’on tire toutes ces richesses ar¬
chéologiques, un musée des plus intéressants. Dernièrement
il a trouvé des meules en grès de la forme la plus primitive :
ce sont tout simplement des pierres que l’on frottait l’une
contre l’autre pour écraser le grain.
La découverte la plus belle qu’aient amenée les fouilles
est celle d’un char enterré au-dessus du guerrier auquel il
a appartenu. Le bois a disparu; mais les cercles en fer des
roues , ceux des moyeux , les mors des deux chevaux , les
ferrements des palonniers , les nombreuses plaques en
bronze dont les harnais et la voiture étaient ornés, sont
restés intacts dans le sable.
Les roues, hautes de 1 mètre 4 cent. , n’avaient pas plus
de 2 centimètres de largeur. Les mors , très-puissants , sont
de ceux que les modernes, qui s’en croient sans doute les in¬
venteurs , appellent « mors brisés ou mors anglais. » Les an¬
neaux en bronze sont au nombre de dix-huit. Les plaques de
même métal, larges et richement ornementées, sont au
nombre de vingt. Le char, à en juger par l’écartement des
roues , devait avoir à peu près 1 mètre 20 cent, de largeur.
C’était évidemment un char de guerre ou de luxe ; les
roues étaient trop étroites pour supporter le poids de pesants
fardeaux dans des chemins assurément peu praticables. Il
devait être très-léger.
Au pied du guerrier étaient de beaux vases , à dessins
composés de lignes brisées, des javelots, une lance. A son
côté droit était une courte épée à deux tranchants. Sur son
corps on avait jeté quelques éclats de silex.
D'eux grosses pici’ies blanches, non taillées, étaient
appuyées l’une contre l’autre à sa gauche. A 8 mètres de
celte sépulture gisait un cheval de petite taille, à grosse tête,,
dont le squelette présente un sujet d’étude des plus intéres¬
sants. Le second cheval n’a pas encore été retrouvé. J. G.
' ' " Le Gérant : E. Castiaux.
■nP. DE RLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2.® Année. — N.“ 10. — Octobre 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
ACADÉMIE DE BELGIQUE, CLASSE DES SCIENCES
Travaux courants
La discussion au sujet de l’existence d’une force vitale
spéciale , discussion que nous avons déjà mentionnée
a continué pendant les séances suivantes. La nature de
la question , son importance et la crainte de ne pas saisir
exactement l’opinion des savants académiciens , nous enga¬
gent à renvoyer nos lecteurs aux bulletins de l’Académie.
M. Quetelet présente le plan d’un nouvel ouvrage qu’il va
publier sous le nom (T Anthropométrie. Il traitera des rela¬
tions de forme et de grandeur des diverses parties du corps
humain , de la taille moyenne de l’bomme, de son poids et
de sa force aux différents âges.
M. Melsens a fait , à l’aide de manomètres métalliques ,
quelques expériences pour déterminer la force élastique des
gaz liquéfiables. Les résultats obtenus concordent avec ceux
que fournissent les formules adoptées par M. Régnault ;
dans d’autres expériences, il a maintenu pendant plus d’une
heure à un froid de — 80.° du virus viccin d’origine jéne-
rienne et ce virus conserva toute son efficacité.
M. Van Beneden décrit, sous le rapport zoologique et
anatomique , le Macrostomum viride , ver tubellarié qu’il
a trouvé dans un fossé des environs de Louvain.
M. Van Bambeke a remarqué, à la surface du vitellus des
œufs fécondés des Amphibiens (grenouilles, tritons, axolots
(0 Bulletin de l’Académie royale de Belgique, t. xxix, n.® G —
t. XXX , n.° 7 et 8.
(‘■‘) Page 208.
— 298 —
et autres) , des trous qui sont les ouvertures de conduits
microscopiques pénétrant à une certaine profondeur dans
l’œuf et se terminant par une dilatation en cul de sac. Selon
l’auteur, ces trous et ces conduits sont l’œuvre des sperma¬
tozoïdes. Déjà un savant anglais, New port, avait vu les
spermatozoïdes pénétrer par des mouvements actifs à
travers les diverses couches enveloppant l’œuf des Batra¬
ciens jusqu’à la membrane vitelline, puis traverser cette
membrane et disparaître. Il ne semble cependant pas à
M. Van Bambeke que la pénétration des spermatozoïdes
soit une condition indispensable de la fécondation , car il a
constaté le développement d’œufs de grenouille complè¬
tement privés de ces trous vitellins.
M. Mourlon , aide-naturaliste du Musée de Bruxelles,
donne quelques détails sur la géologie du Maroc d’après
un collection de roches et de fossiles recueillis dans ce pays
par 31. l’ingénieur Desguin et déposée au 3Iusée de Bruxelles.
M. de Koninck change le nom qu’il avait donné à un
poisson de la craie de àleudon (^) : il s’appellera Ancistro-
gnathus ^ au lieu de Ankistrodus ^ nom déjà employé.
Puits naturels dans la craie du Brabant , par 31. Van
Horen, docteur en sciences naturelles àSaint-Trond. — Ces
puits ou orgues géologiques sont des cavités coniques
creusées dans la craie et s’ouvrant à la surface de cette roche
en un entonnoir de 60 centimètres de diamètre au maximum.
Ils descendent en s’atténuant avec une grande régularité et,
lorsque leur extrémité inférieure est accessible , l’on peut
constater qu’ils se terminent en pointe émoussée.
Une mince couche d’argile brune recouvre partout la sur¬
face de la craie et tapisse les parois des puits jusqu’au fond.
L’argile est recouverte de sables brunâtres entremêlés de
P) Bulletin, t. ii, p. 114.
— !299 —
petites bandes d’argile et descendant dans les poches de la
craie. Plus haut , le sable devient jaunâtre et à sa partie su¬
périeure il est rempli de débris de tuffeau qui doivent être
rapportés au tuffeau de Lincent. Ces sables, dont l’épaisseur
est de 1 mètre , sont surmontés par un diluvium de gros
silex brisés et par une couche peu puissante de Limon brun.
L’auteur n’exprime pas son opinion au sujet de la forma¬
tion de ces cavités , mais on trouve , dans les rapports de
M.*"® d’Omalius d’Halloy et Dewalque sur le travail de M. Van
Horen, des considérations intéressantes sur la manière dont
elles se sont remplies.
Selon M. d’Omalius , quelques-unes de ces cavités pour¬
raient bien être des poches creusées et remplies de haut en
bas par des causes extérieures tandis que les autres sont
certainement des puits naturels que le savant académicien
suppose formés par des émanations sorties de l’intérieur de
la terre. 11 en voit une preuve dans la couche d’argile brune
qui se prolonge le long des parois comme les salbandes
des filons ; des éjaculations sableuses auraient suivi les éja¬
culations argileuses et se seraient fait jour au milieu de
l’argile.
Pour M. Dewalque, toutes ces cavités , quelles que soient
leurs formes et leurs dimensions , se sont comblées de haut
en bas. Voici comment il explique la formation de la couche
d’argile :
Cetle argile ne se borne pas à revêtir l’intérieur des
cavités creusées dans la craie, en passant sui* toutes ses
inégalités; elle recouvre même toute la surface supérieure
de cette roche. Sa formation résulte de l’intiltration des eaux
superficielles , qui arrivent à la craie chargées de particules
limoneuses en suspension , lesquelles s’arrêtent à la surface
de la craie, roche infiniment moins perméable que les sables
qui la recouvrent, et y forment lentement la couche argi¬
leuse dont il s’agit, tandis que la craie est dissoute par
l’acide carbonique.
— 300 —
Si je comprends bien l’idée de M. DeAvalque, il admet
que la couche d’argile est postérieure non-seulement aux
cavités qu’elle tapisse, mais encore aux sables a travers
lesquels elle a filtré.
L’âge des sables était à déterminer. M. Van Horen
s’est abstenu de le faire ; il se borne à combattre l’opinion de
Dumont qui les rangeait dans l’étage inférieur du système
landenien. J’avoue que Dumont me paraît être dans le vrai :
l’abondance des fragments de tuffeau à la partie supérieure
des sables me semble indiquer une couche démantelée et
remaniée sur place. Comme ce tuffeau appartient indubita¬
blement au système landenien inférieur, les sables qui leur
sont associés à la partie inférieure ne peuvent être consi¬
dérés comme plus récents.
Observations sur la meule de Bracquegnies (^) , par
M.^ Horion , docteur à Liège , et Gosselet , professeur à la
Faculté des Sciences de Lille.
Depuis les recherches de Cornet et Briart sur la
meule de Bracquegnies, on est d’accord pour admettre que
cet étage représente le grés vert de Blackdow n; mais on n’est
plus unanime sur la place à assigner à l’un ou à l’autre
dépôt dans nos classifications.
On admet généralement que le grés vert de Blackdovn se
rapporte au green sancl ou étage cénomanien ; néanmoins
M. Sharpe a suggéré l’idée qu’il représenterait la forme lit¬
torale des dépôts de la mer du gault, et S. Ch. Lyel
semble pencher vers celte opinion. D’un autre côté,
M."" Horion et Gosselet avaient rapporté la meule au Gault
et la notice qu’ils présentent en commun à l’Académie a
pour but d’établir que la meule deBracquegnies, comme le
grés vert deBlackdowu , doit rentrer dans l’étage du Gault.
J’ajoute qu’ils placent au même niveau, comme M."® Meugy
et de Lapparenl, auxquels j’ajouterai Dumont, la gaize de
Vouziers; en quoi je me range volontiers de leur avis.
[Extrait du Rapport de M. Detvalque à V Académie.)
(1) Bulletin , t. i , p. 18.
301 —
SOCIÉTÉ d’émulation DE CAMBRAI
Mémoires, t. xxxi (1." partie) , 1870.
Nous retrouvons dans ce volume , qui vient de paraître ,
plusieurs des articles que nous annoncions il y a quelques
mois [Bulletin^ t. ii, p. 174). Tels sont les Mémoires
de M. Fégueux sur les eaux de Barèges ; la Notice de
M. Durieux sur les dîners de l’évêque-constitulionnel
Primat ; son chapitre d’histoire locale intitulé : Une alerte
à Cambrai en 1791 ; enfin sa monographie du faubourg et
de la chapelle Saint-Druon.
Nous remarquons dans le même volume : les discours et
rapports lus à la séance publique du 21 novembre 1869
(voir Bulletin , 1. 1, p. 384) ; l'Essai historique sur la ville
de Solesmes en Hainaut , couronné dans ladite séance ; la
3.® partie (canton de Clary) de l’étude de M. Gosselet sur
la Constitution géologique de l’ancien Camhrésis , et divers
autres travaux sur lesquels nous nous proposons de nous
étendre.
Au premier rang citons Vïlistoire de Cambrai à l’époque
féodale , par M. Wilbert , président de la Société. Ce mor¬
ceau fait partie d’un ouvrage considérable dont M. Wilbert
a déjà publié deux chapitres : Histoire de Cambrai sous
la domination espagnole; les coi'ps de métiers et le commerce
de Cambrai du xi.® au xix.® siècle (voir Bulletin , t. i, p.
111, 176.)
Dans le nouveau chapitre qu’il détache de son volumi¬
neux manuscrit, Thistorien des institutions de Cambrai
esquisse brièvement les invasions normandes et hongroises :
il retrace ensuite les luttes continuelles soutenues par les
évêques contre les châtelains; il montre le Camhrésis se
hérissant de forteresses aux xi.® et xii.® siècles ; il décrit les
résidences épiscopales de Thun-l’Evêque , du Câteau et de
s
— 302 —
la Malmaison ; il traite ensuite de l’introduction , dans le
Cambrésis, de la trêve de Dieu et des institutions de paix ;
il expose la part que des chevaliers cambrésiens prirent à
l’expédition de Guillaume-le-Conquérant en Angleterre et
aux croisades ; il s’occupe ensuite des tournois et autres
plaisirs nobiliaires, parmi lesquels il ne manque pas défaire
figurer la gaie science qui compta tant d’adeptes dans la
caste féodale du Cambrésis. Quelques mots sur les cours
d’amours et sur le service des fiefs terminent cet exposé
des institutions de Cambrai et du Cambrésis au moyen-âge.
Plusieurs fois déjà nous avons rendu justice aux qualités
qui distinguent le Bulletin archéologique de l'arrondisse-
ment de Cambrai annuellement rédigé, depuis 1860, par
M. Ad. Bruyelle. Naguère nous étions heureux d’annoncer
que l’auteursongeait à étendre rétrospectivement son travail
jusqu’à l’an 1800. M. Bruyelle a mieux fait que de tenir sa
promesse, il l’a dépassée : car, dans une introduction très-
soignée, il énumère, suivant l’ordre des temps, tous les
faits archéologiques qui se sont produits dans le Cambrésis,
antérieurement aux premières années du xix.® siècle. Nous
assistons donc avec lui à la fondation des églises Notre-
Dame et de Saint-Pierre à Cambrai , à l’érection de l’abbaye
de Saint-Céry-bors-des-murs , à celle de l’abbaye d’Hon-
necourt et de l’église paroissiale de Saint-Martin , à l’agran¬
dissement de l’enceinte de Cambrai par l’évêque Dodilon ,
à l’achèvement du palais épiscopal par l’évêque Herluin , à
la fondation de Saint-André du Câteau et de l’abbaye de
Saint-Sépulcre, au rétablissement des églises de Sainte-
Croix et de Saint-Vaast, à cet épanouissement de forteresses
féodales dont M. Wilbert nous entretenait tout à l’heure :
châteaux de Vincy-Crèvecœur , deRumilly, deBusigny,
d’Oisy et de Bousies, d’Estrun , de Marcoing, de Palluel et
d’Inchy, de Noyelles-sur-l’Escaut et de Clermont.
— 303 —
Pendant que s’élèvent sur leur plan définitif l’église abba¬
tiale de Vaucelles et la cathédrale de Cambrai , les maisons
hospitalières se multiplient, l’hotel-de-ville prend nais¬
sance , le système de fortifications se transforme. Un jour ,
Charles-Quint le complétera par l’érection de lacitadelle,et
Louis XIV lui imprimera sa physionomie actuelle. Puis
l’ouragan révolutionnaire s’abattra sur les monuments reli¬
gieux du passé.
La notice de M. Durieux sur les pierres tumulaires de
Vancienne église Saint-Nicolas à Cambrai forme un pre¬
mier appendice à son recueil des Inscriptions funéraires et
monumentales dont nous rendions compte ici-même [Bul¬
letin ^ t. Il, p. 146-148).
Dès l’année dernière (voir Bulletin^ t. i, p. 261) nous
signalions les précieux matériaux pour Vhistoire des arts
que M. Ch. A. Lefebvre, archiviste et bibliothécaire de
Cambrai, a recueillis dans les manuscrits ou dans les
comptes de la ville. Une de ses découvertes a surtout fixé
l’attention des érudits. Il s’agissait d’une note recueillie sur
un feuillet de garde d’où il résulte que Charles-le-Témé-
raire, qu’on croyait jusqu’ici livré à de tout autres goûts,
ambitionnait, au moins dans sa jeunesse, la gloire de com¬
positeur musical. Cette note, que l’on était justement im¬
patient de connaître et qui est, à n’en point douter, d’une
main contemporaine de l’évènement, M. Lefebvre nous la
livre aujourd’hui en entier. La voici telle qu’il nous la
donne :
Charles , comte de Charolois , fils de Philippe , duc de
Bourgoigne, etc. fist ung mottet et tout le chant, lequel
fust chanté en se présence après messe dicte en le vénérable
église de Cambrai par le maistre et les enfans en l’an 1460,
le 23.® jour d’octobre , qui est le jour de saint Séverin.
Il n’est pas facile d’analyser le reste du travail communi¬
qué par M. Lefebvre à la Société d’Emulation de Cambrai
— 304 —
et inséré dans le t. xxxi des Mémoires. Ses matériaux ,
comme il les appelle , sont si variés , si abondants , si
touffus , qu’on est mal à l’aise pour les embrasser d’un seul
coup d’œil.
Bornons-nous à en extraire quelques indications en les
disposant par ordre chronologique : elles donneront une
idée du reste :
136o-1370. Lot de vin présenté, le dimanche repu
(dimanche gras) aux ménétriers qui tenaient les écoles ; —
peinture des lo enseignes des capiteaux et des montées de la
maison de paix ; — frais de plaquage de la halle aux sou¬
liers, où l’on met les seaux contre l’incendie ; — confection
d’un poinçon pour marquer les arcs de la ville ; — méné¬
triers mandés de Saint-Quentin pour l’entrée du roi
Charles V à Cambrai ; — deux douzaines de hanaps d’ar¬
gent offerts à l’évêque Robert de Genève à sa nouvelle
venue en sa cité épiscopale ; — annonce par cri public ,
dans Cambrai , des fêtes du « noble forestier » de Lille.
i371-1380. Ornementation de la fierte (reliquaire) de
Notre-Dame de Cambrai.
1390-1400. Subventions accordées par la ville à M. de
Saint-Pol pour l’aider dans ses joutes et pour l’éducation de
trois de ses ménestrels. — 1401 : Installation de la librairie
(bibliothèque) du chapitre. — 1445 : gratification à Guil¬
laume Dufay, célèbre compositeur. — 1448 : présent fait à
la fille d’Enguerrand de Monstrelet, prévôt de la ville , le
soir de ses noces; vins d’honneurprésentés à Jean de Condé,
dit petit Jean , et à ses compagnons cambrésiens qui ont
gagné un très-beau prix d’argent au Puy Notre-Dame à
Valenciennes.
1450. Décision du chapitre de la cathédrale sur la place
à donner à l’image de la sainte Vierge , léguée par Fursy
Dubruille , archidiacre de Valenciennes.
En août 1478, on sauve à Valenciennes, par crainte de
la guerre, les objets composant le trésor du chapitre,
entre autres le prétendu original de l’acte de cession du
comté de Gambrésis. — Le 6 août 1482, entrée de l’évêque
Henri de Berghes à Cambrai : description de la coupe dans
laquelle il a bu en cette circonstance et qu’il a remise, selon
l’usage, au bailli du chapitre.
— oOj —
loi 0-1 511. Fonte des Martins de Cambrai; — - négocia¬
tions entre le chapitre cathédral et rilliistre Jean Belle-
gambe , pour travaux d art à exécuter.
1552-1 553. Confection de la statue de Jean de Bove
(voir Bulletin , 1. 1 , p. 314).
1582-1595. Fêtes données à Balagny; honneurs à lui
rendus ainsi qu’au duc d’Alençon ; entrée de Henri tV à
Cambrai, etc.
Forcés de nous borner, nous ne suivrons pas M. Lefebvre
dans les temps plus modernes : ses extraits se continuent,
sur le même plan , jusqu’à la Révolution.
Il nous reste à examiner l’œuvre à laquelle la Société
d’Emulation a décerné une médaille d’argent dans sa der¬
nière séance annuelle. VEssai historique sur la ville et
l'ahhaije de Solesmes en Hainaut par M. V. Rufün , ori¬
ginaire de cette localité , se divise en trois parties : la 1
traitant de l’origine de Solesmes; la 2.® de Solesmes, pro¬
priété des bénédictins de Saint-Denis (705-1605) ; la 3.® de
Solesmes, seigneurie du Cambrésis (1605-1789).
La partie est incontestablement la plus faible de tout
l’ouvrage. L’auteur s’y montre fort au dessous des progrès
de la critique en ce qui touche aux questions d’origines. Il
se relève dans la 2.® partie, la plus intéressante des trois.
Comme il est à portée des riches archives de l’abbaye de
Saint-Denis en France , il y a abondamment puisé : il a
aussi fouillé celles de sa ville natale. Mais il a trop négligé
le dépôt du Nord dont il ne parle une fois que pour com¬
mettre une erreur de fait. Il n’est point vrai que nous
conservions l’original de l’acte par lequel Childebert III
donne à l’abbaye de Saint-Denis la villa de Solesmes. Le
texte que nous en possédons et qu’a publié M. Le Glay est
rapporté sur un rouleau de parchemin de la fin du xiii.® ou
du commencement du xiv.® siècle.
A cela près, l’histoire du prieuré de Solesmes est traitée
— 306 —
par M. Ruffin avec ampleur et fermeté. On sent , à la lire ,
un auteur versé dans la langue et l’étude du droit, qualité
Irès-précieuse pour retracer les conllits séculaires du couvent
et des sires de Bousies , ses avoués , les relations juridiques
des moines avec les habitants , etc.
L’épuisement du trésor de Saint-Denis à la suite des
guerres de religion obligea cette célèbre abbaye à aliéner
son prieuré de Solesmes. Elle le vendit, en 1603, à Tar-
cbevêque de Cambrai, moyennant 33000 livres. « Ce chan¬
gement de maître, » dit M. Ruffin, « fut, pour les habitants
de Solesmes, une véritable révolution : ils rentraient dans le
droit commun, et l’histoire de leur ville, dès cette époque ,
est intimement liée à celle du Cambrésis. » A. Desplanque.
BIBLIOGRAPHIE.
LES FOURBUS
par M. Kervyn de Yolkaersbeke (^)
Une étude sur la famille des Fourbus intéresse l’Europe
artistique tout entière : originaire de la Hollande , cette
famille s’est établie en Belgique , puis en France ; elle a
fait école dans les autres contrées : le château de Hampton-
Court , comme le palais Pitti , possède des toiles signées par
les Fourbus ; l’on en trouve dans le musée de Berlin et la
pinacothèque de Munich comme dans la galerie royale de
Madrid. Le nord de la France en possède plusieurs , entre
autres le Martyre de Saint-Georges, exécuté pour une con¬
frérie de Dunkerque. Les musées de Valenciennes et de
Douai offrent plusieurs portraits attribués avec vraisem¬
blance à divers membres de la famille Fourbus. Le tra¬
vail de M. Kervyn de Yolkaersbeke doit être accueilli avec
(q ln-8.“ de 63 pages, avec planches. (Extrait du Messager des Sciences
historiques de Belgique).
— 507 —
faveur par tous ceux qui s’occupent de l’histoire de lart et
en particulier par ceux qui 1 etudient dans notre contrée.
Les érudits attacheront de l’importance à cette notice,
quand ils sauront que, sans avoir par lui-même consulté
les sources originales , l’auteur a réuni les documents dis¬
persés dans un grand nombre de savants ouvrages , dans
les écrits de l’anglais James Weale, le plus remarquable de
tous les investigateurs qui s’occupent de lart primitif en
Belgique, dans les travaux de M. de La Borde, souvent trop
dédaignés par nos voisins les belges , et dans les livres
sérieux publiés par M. Em. de Busschere et M. P. Génard.
Peut-être l’auteur a-t-il attaché trop d’importance kVHistoire
de la peinture flamande^ par M. Alfred Micbiels , ouvrage
dans lequel des idées fausses sur l’influence du climat et
des systèmes préconçus gâtent une science incontestable
sur tout ce qui touche aux procédés employés par les
artistes. Nos lecteurs pourront juger cette notice par l’ana¬
lyse que nous allons leur présenter.
L’origine hollandaise de la famille des Pourbus fournit à
M. Kervyn de Volkaersbeke l’occasion de signaler, dès le
commencement de son travail , les différences qui existent
entre l’école hollandaise et l’école flamande. Après avoir
indiqué, d’après M. Micbiels, les influences qui proviennent
du climat, il veut bien emprunter, au livre que nous avons
autrefois publié sur ÏArt chrétien en Flandre, des consi¬
dérations qui établissent que le sentiment religieux, la
vraie piété et le culte catholique ont exercé sur les artistes
des influences plus sérieuses que le sol et la température.
Abandonnant les considérations générales, l’auteur
arrive au sujet même de son étude. Le premier peintre de
la famille dont il écrit l’histoire est Pierre ou Jean Pourbus
le vieux, qui naquit à Gouda en Hollande , peut-être vers
1465 : l’on peut mettre en doute l’authenticité des œuvres
— 508 —
qu’on lui attribue. Son ï\\s,PierrePourbus le jeune, né proba¬
blement à Gouda entre 1500 et 1513 , étudia la peinture à
Bruges, dans l’atelier du célèbre peintre Lancelot Blondeel,
et surtout devant les œuvres des Van Eyck et de Memling,
auprès desquelles il passait des heures entières durant les
jours où elles étaient exposées à la vénération des fidèles.
Retenu dans Bruges par son mariage avec la fille de Lan¬
celot Blondeel, il devint bourgeois de la ville et membre de
la confrérie de Saint-Luc dont il fut doyen à plusieurs
reprises; il exécuta, par ordre du Magistrat, la célèbre
carte sur laquelle était représenté le territoire du Franc,
avec ses villages, ses hameaux, ses églises , ses chapelles,
ses rivières, avec les ruisseaux qui l’arrosent et les dunes
qui le protègent contre les flots de la mer. Pour apprécier
l’importance de ce travail, dont Bruges possède encore une
reproduction due au pinceau de Pierre Glaeyssens, il suffit
de savoir que le Magistrat le lui paya 2617 florins, 65 cts.
soit , en monnaie de nos jours , 22,092 fr. 96 centimes.
L’on se tromperait si l’on croyait que l’auteur de cette carte
géographique enluminée n’était point capable de s’occuper
de la grande peinture. Pierre Pourbus le jeune excellait
dans les tableaux d’histoire et le portrait. L’auteur le
prouve en conduisant ses lecteurs dans deux églises de
Bruges , celle de Saint-Sauveur où se trouve un admirable
triptyque représentant la Cène, et celle de Notre-Dame où
il donne des éloges mérités à plusieurs œuvres du maître.
C’est dans cette ville de Bruges, la capitale artistique de
la Flandre, qu’avait vu le jour, en 1540, François Pourbus
le Dieux , fils de Pierre Pourbus le jeune. Après avoir été
élève de son père et avoir travaillé dans l’atelier de Fran¬
çois de Vriend ou Franz Floris, le jeune artiste se préparait
à partir pour l’Italie, quand son mariage avec la nièce de
son maître le retint à Anvers ; il y mourut à l’âge de 35 ans.
— 509 —
d’une fièvre qu’il contracta pour avoir exercé avec trop
d’ardeur les fonctions de porte-drapeau dans la milice
citoyenne. Les principales villes de la Belgique, Bruxelles,
Bruges , Courtrai et Gand possèdent des compositions de
ce maître; dans la dernière de ces villes, l’on vante avec rai¬
son le Jésus enseignant au temple , dont M. Kervyn donne
une description détaillée et une gravure dùe au gracieux
burin de M. Charles Onghena. Courtrai possède aussi un
chef-d’œuvre de François Fourbus le vieux, la Descente du
Saint-Esprit, conservé dans l’église Saint-Martin.
Le dernier artiste de cette famille est François Fourbus
le jeune, fils du précédent, né à Anvers en lo70. Plus illustre
encore que ses ancêtres, il reçut de nombreuses commandes
de toute la Flandre et travailla surtout pour les archiducs
Albert et Isabelle. Cependant, il alla plus tard se fixer à
Paris , d’où sa renommée se répandit bientôt dans toutes les
cours de l’Europe. Peintre de Henri IV et de Marie de
Médicis, il reproduisit leurs traits à diverses reprises, avec
une vérité qui les a gravés dans la mémoire des peuples.
Il était surtout représenté au Louvre et à l’Hôtel de Ville
par un grand nombre de portraits dont plusieurs existent
encore et par des compositions allégoriques dont il avait
orné les plafonds de la galerie royale du Louvre et plusieurs
salles de l’Hôtel de Ville. Il était considéré comme le pre¬
mier portraitiste de l’époque ; presque toutes les illustra¬
tions du commencement du xvii.® siècle ont posé devant lui ;
plusieurs auteurs s’accordent à dire que les têtes de ses
portraits sont aussi belles que celles de Van Dyck. Au
nombre de ses tableaux religieux les plus remarquables ,
l’on cite la Cène et Saint-François recevant les stigmates,
œuvres aujourd’hui conservées dans le musée du Louvre.
François Fourbus le jeune alla en Italie où la protection de
Vincent de Gonzague le mit en honneur ; sa prodigieuse
— 510 —
facilité lui permit d’y laisser des chefs-d’œuvre dans plusieurs
villes. Après être revenu en France, il se prépai’ait à fran¬
chir de nouveau les Alpes pour se rendre à la cour de
Mantoue, quand il mourut à Paris en 1622, à l’âge de 52
ans. Avec François Fourbus le jeune s’éteignit une illustre
lignée artistique.
L’auteur donne ensuite le catalogue d’œuvres de tous les
membres de la famille des Fourbus. Il dit en terminant
qu’il s’estimera heureux et récompensé de ses peines si les
pages qu’il a écrites sont lues avec intérêt par ceux qui ne
restent pas froids devant les splendides produits de l’an¬
cienne école flamande. Son désir £i été exaucé, nous n’en
doutons pas : l’on ne peut lire sans fruit et sans plaisir la
notice dans laquelle M. Kervyn de Volkaersbeke a réuni et
groupé tant de faits et de documents sur l’une des familles
les plus connues de l’iiistoire de l’art.
G. Dehaisnes.
SUR des espèces rsOUVELLES DU DÉVOXIEX DE BELGIQUE
par M. Lehon (i)
M. Lebon , à la suite de recherches persévérantes dans le
terrain dévonien de Belgique, est parvenu à réunir 185
espèces fossiles dont 9 sont nouvelles.
La note que nous citons a pour objet de décrire et de
ligurer ces espèces , remarquables par leur forme, comme
par leur parfaite conservation : la plupart viennent du cal¬
caire à strigocépbale de Nîmes , les autres des couches qui
lui sont supérieures. J. G.
(b Bulletin de la société géologique de France, 2.* série , t.xxvii ,
p. 492, juillet 1870 ; 61 p. 2 pl.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
TROIS CHEVALIERS d’hESDIN AU XI.® SIÈCLE.
L’étude du haut moyen-âge , réputée si aride et qui l’est
effectivement beaucoup, réserve- néanmoins d’agréables
surprises à ceux qui s’y adonnent. Quel plaisir n’y a-t-il
point, par exemple, à saisir, au milieu de la séche¬
resse et de la monotonie des documents de l’époque , quel¬
ques traits, plus ou moins effacés, qui permettent de
reconstituer un caractère ; une physionomie ? Quel charme
de pouvoir, à la lueur d’un rapide éclair perçant les
ténèbres d’un passé si lointain , découvrir le contre-coup
des évènements généraux sur telle ou telle existence
individuelle ?
Sans doute l’histoire anecdotique des rois et des grands feu-
dataires d’alors est faite et bien faite, et il ne reste que rien
ou peu de chose à y ajouter. Mais peut-on en dire autant de
celle des arrière-vassaux , qui touche pourtant de si près à
l’histoire de nos villages et de nos villes, et qui est si propre
à y répandre un peu d’animation? Les aventures mêmes de
certains particuliers qui ne furent, par droit de naissance ,
ni comtes, ni seigneurs dominants, mais qui s’honorèrent
dans la carrière des armes à une époque où cette carrière
menait à tout, ces aventures mêmes ( si sommaire, si
écourté qu’en soit nécessairement le récit) ont chance de
nous intéresser à cause de leur ancienneté, du caractère
fortement héroïque de l’âge où elles se sont produites, à
cause enfin des attaches sociales qui reliaient leurs auteurs
à des lieux connus et aimés de nous. (^)
(1) Pour cette éhauclie , comme pour toutes celles qu'il nous arri¬
vera de publier d'après les documents contenus ou rappelés dans
notre Cartulaire du Nord actuellement en cours d’impression, nous
réclamons l’indulgence des vrais connaisseurs. Chacun des essais de
— 312 —
C’est à ce litre que nous allons, — pour autant que la
bi'iéveté des documents le comporte, — esquisser la biogra¬
phie de trois chevaliers d’Hesdin dont nous ne croyons pas
qu’aucun historien se soit occupe avant nous. Auparavant
disons un mot de l’endroit où le premier naquit certai¬
nement et où les deux autres eurent longtemps leur
résidence.
I.
Sans s’arrêter à la question de savoir si Hesdin est le
Vicus Helena de Sidoine-Apollinaire , on ne peut nier que
celle ville n’eût au xi.® siècle une réelle importance. En
l’an 1000 , Rameric , abbé de Saint-Saulve de Montreuil,
choisit pour avoué de son église Alulf ou Alolf , tige des
comtes d’Hesdin (^). Cet Alulf donnele jour à Gautier I.®*" qui
commence la restauration de l’abbaye d’Auchy en laissant à
son lils et successeur Enguerrand le soin de l’achever (-).
Sous Enguerrand , le castrum d’Hesdin renferme , outre
un certain nombre de brasseries , deux édifices religieux,
la collégiale de Saint-Martin et l’église paroissiale de Saint-
Fuscien : ce qui accuse un noyau de population assez con¬
sidérable P). Aux portes mêmes de la ville, s’élève une troi¬
sième église , celle de Saint-Georges. Robert-le-Frison,
comte de Flandre, au moment où il s’apprête à porter secours
au roi Canut contre les Normands d’Angleterre, confirme
ce genre que nous nous proposons d'insérer ici sera susceptible de
retouches plus ou moins considérables et nous saurons gré aux per¬
sonnes qui voudront bien nous signaler les améliorations qu'il y
aurait lieu d’y introduire. A. D.
(1) Gall. christ, nov. t. x. , instrum. col. 283 ; béte.nxourt , Carlul. de
S^-Silvin d’Auchy, n.° iv.
(2) Voir la charte de restauration de l'abhaye de S.-Silvin d’Auchy
dans BÉTENCOüRT , n.” v; dans ciiESQurÈRE , t. vi , p. 465; dans
iiENNEBERT, t. I, p. 333; dans danvlx , Heur et malheur du Vieil Hesdin,
pr. p. 7; dans fromextin , Hesdin , p. 40.
(3) Voir Pacte de donation du prieuré de S. -Georges à Pahbaye
d’Anchin , dans bétexcourt, n.” vi his ; dans daxvix , pr. p. 8.
à cette dernière église, en 1086, la libre possession de ce
qu’elle a reçu, ou de ce qu’elle pourra recevoir en don , du
comte Enguerrand et de ses vassaux (i).
La ville d’Hesdin ne contenait pas seulement dans son
sein des clercs et des artisans : elle était aussi une pépinière
de vaillants guerriers.
Un personnage nommé Foulques , originaire du castrum
Hisdinii , fit le voyage de Jérusalem avec l’une des bandes
de pèlerins armés qui, dès le milieu du xi.® siècle, mon¬
trèrent aux futurs croisés le chemin de l’Orient. Foulques,
s’il ne l’avait pas au départ, rapporta de cette expédition
périlleuse le baudrier de chevalier qu’à son retour il dé¬
posa devant le principal autel de 1 abbaye de Saint-Josse-
sur-Mer où il voulut finir ses jours (2). Il avait un fils unique
du nom de Bauduin, encore en bas âge : il l’amena avec lui
à Saint-Jûsse, l’offrit à Dieu suivant les formes prescrites et
le confia aux moines pour qu’ils l’instruisissent (3). Puis il
se dépouilla de tous ses biens au profit de l’abbaye. Ces
biens se composaient d’une portion d’aleux à Rumilly et
d’un aleu entier à Montreuil , sur lequel les sergents du
comte de Ponthieu prélevaient violemment des coutumes
indues. Foulques, accompagné de Warin , abbé de son cou¬
vent, alla trouver à Montreuil le comte Gui au nom
(1) BÉTE>xouRT , 11." VI ) Bulkl de la Corn. R. d'hisl. de Belgique,
série, l. iii , p. 285. cf. le Messager des sc. hist. de Gand , année 1842,
p. 248.
(2) Miles quidam Hisdinii castri indigena , Fulco nomine , Deo
sanctoque Judoco sua alodia, adepla mililia , tradere studuit. Carlul.
de S.-Josse-sur-mer , f." 2 r." — On dit ici que Foulques vient d'acquérir
la chevalerie : un peu plus loin , dans la même pièce , on parle de
son voyage à Jérusalem comme d'un fait encore récent. N’est-il pas
naturel , dès lors , de supposer que notre héros gagna en Terre Sainte
ses insignes de chevalier? Nous donnons, du reste , cette conjecture
pour ce qu’elle vaut, sans y insister davantage.
^5) Hahehat siquidem vir prcdictiis filium parvulum , qui et unicus
ei erat , nomine Balduinus , quem ad monasterium secum deducens,
accepte a nohis monacho hahitu , Deo per nostras manus imbuendum
divinis ministeriis obtulit. Carlul. de S.-Josse , loc. cit.
— 314 —
de qui ces exactions s’opéraient et, pour le déterminer à y
renoncer, il lui fit cadeau d’un mulet de grand prix qu’il
avait ramené de la Terre-Sainte, (i)
Le pélérinage de Foulques d’Hesdin à Jérusalem venait
d’avoir lieu en 1067 : il suivit donc de peu d’années l’en¬
treprise analogue que tenta , en 10o4, le saint évêque de
Cambrai et d’Arras, Lietbert, et il est de beaucoup antérieur
à l’expédition de Robert-le-Frison en Orient, qui s’accomplit
en 108o.
Foulques d’Hesdin a frayé la route du tombeau du Christ
à beaucoup de ses compatriotes parmi lesquels nous nous
bornerons à citer aujourd’hui: Lizon , neveu de Rainier;
Lizon , fils d’Udon ; Hugues, fils de Tiecelin ; Walon de
Nœux; Gui d’Ailly. (2),
Mais ceux-ci ne paraissent pas s’être mis en marche
avant 1096 , date de la première croisade.
II.
La vie de Foulques d’Hesdin nous offre un type de ces
existences pures et désintéressées comme il y en eut au
XI.® siècle : on n’en peut dire autant de celle d’un autre
(0 Detiinc , pro sua flUique susceptione , partem alodiorum in villa
Runabiliaca et aliiid alodiura , in Castro Monsterolo , in quo quidam
Rügerus, Audefridi filius, manebat, sancto contulit Judoco, testamen-
tum, ut moris est, exinde faciens. Gum autem istorum alodiorum con-
suetudincs ministri Widouis cornitis exigèrent , et frequenler homines
qui in illis manebant perturbarentur, ego ( Warinus, abbas), nimiiim
graviter ferens , comitem Widonem, assumpto mecum Fulcone , adii
et ut bas consuetudines, pro anima sua et aniecessorum suorum salule,
sancto conferret Judoco obnixe postulavi. Quam postulationem cornes
suscipiens lîeri annuit atque de caritate sancti , una argenti marca
et mulo valde bono accepta, quem Fuleo ab Jerosolimis deduxerat , confirmavit
et ne amplius preslite consuetudines acciperentur prohibuit. Acta sunt
bec in Castro Monsterolo anno dominice incarnationis millesimo lx."
VII, etc. Ibid.
(2) Lizo, Raineri defuncti nepos, tendens Jérusalem. .. Lizo, fllius
Udonis , dum Jherusalem pergeret... Hugo, filius Ticelini , dum
Jherusalem pergeret... Walo de Xuuz, dum iter carperet Jérusalem, . .
Widone sepedicto ( de Asli ) Jherusalem migrante. . . Codex Iradilionum
S.-Georgii Uisdiniensis , f."* 17 v.“, 24 v.” , 18 r.° , 20 v.® , 25 r.°
9
— 515 —
personnage dont nous allons maintenant parler, et qui
s’il ne le céda point en vaillance k son fervent et généreux
concitoyen , ne se fit pas comme lui le chevalier d’une ar¬
dente conviction religieuse. Loin de se vouer avec Foulques,
à une vie d’obscurité et de renoncement, Arnould d’Hesdin,
(i) — c’est le nom que prend notre guerrier dans les actes , —
spéculera sur son épée pour s’enrichir. Quelque position de
naissance et de fortune patrimoniale (^) qu’on lui suppose , il
s’élèvera , par ses faits d’armes , assez au-dessus de sa con¬
dition première pour mériter de figurer parmi les grands
aventuriers de son temps.
Une charte inédite nous apprend qu’il suivit Guillaume-
le-Conquérant de Normandie en Angleterre [^). Fit-il partie
de la première expédition qui eut pour couronnement la
bataille d’Hastings ? ou ne s’attacha-t-il à celui qu’il appelle
son roi qu’à la faveur d’une des réapparitions du vainqueur
des Anglais dans son duché de Normandie ? c’est ce qu’on
ne peut rigoureusement déterminer, quoique la seconde
supposition semble la plus vraisemblable (^). Ce qu’il y a
de certain , c’est que , de 1080 à 1086 , Arnould d’Hesdin
jouissait d’un grand établissement territorial en Angleterre.
he Bomesday Book, rédigé durant ces années-là, nous le
(q Dans le Domesday-Book , où il revient souvent , ce nom s’écrit :
Arnulphus ou Ernulfus de Ilasdang , Ha'iding , Ilersdinc , Hesdinc , Besding.
(2) Sa fortune patrimoniale peut se mesurer à l’importance des
immeubles qu’il aliéna lors de son entrée en campagne(voir ci-dessous
p.sn^ : elle était modeste , comme sans doute aussi sa naissance, sur
laquelle nous sommes absolument dépourvu de renseignements.
(3) Domnus Arnulfus de Hesdin , dum cum rege revertentc de
Normandia pergeret Angliam... Codex tradilionum, f.° 14 v.°. be roi
dont on parle ici est, à n’en point douter , Guillaume-le Conquérant
à qui nous verrons qu’Arnould d’Hesdin dut son établissement ter¬
ritorial en Angleterre.
(■*) L’expression reverlente de Normandia vient à l’appui de cette
présomption : on n’eût apparemment pas employé ce terme , s’il se
fût agi du premier départ du Conquérant pour la Grande Bretagne.
Dans tous les cas, l’établissement d’Arnould d’ilesdin au delà du
détroit est nécessairement antérieur à la rédaction du Domesday-Book.
— 5(6 —
montre à la tête d’immenses possessions situées dans le
Hantescire, dans le Berchscire, dans le Wiltescire, dans le
Dorset et le Somerset, dans le Middlesex et le comté d’Ox-
ford , dans le Huntedscire , dans les comtés de Glocester et
de Bedford (^).
Arnould d’Hesdin , aux termes du dénombrement pré¬
cité, possédait une grande quantité de fermiers ou régis¬
seurs, de serfs et de têtes de bétail. Certains bourgeois lui
devaient des rentes (^'j. 11 avait des prairies d’une lieue de
long et de large , des forêts suffisantes pour nourrir cha¬
cune des milliers de porcs, un vaste parc où, à l’exemple
du roi, il entretenait des bêtes sauvages pour le plaisir
de la chasse (3). — Tous ces biens, l’heureux soldat de
fortune les avait reçus en don de Guillaume : si l’on juge de
l’importance des services qu’il rendit au Conquérant par
l’étendue de la récompense qu’il en obtint, ces services,
convenons-en, furent de l’ordre le plus élevé. —
Arnould semble s’être surtout enrichi de la dépouille du
saxon Edric dont les domaines lui furent, pour une bonne
part, attribués. Edith, femme du vaincu, conserva quelques
débris du patrimoine de son mari, sauf à les tenir en fief
de son spoliateur (^).
(B Domesday-Book , t. i, p. 46 6, 62 b, 69 b, 80 98 a , 129 b, 160 a ,
169 û, 205 b, 212 a.
(2) In Glowecscire , vu biirgenses reddunt ii solidos. Domesday-Book ,
t, I p. 169 a.
(3) ( Apud Chivele ) silva r leugæ longa et ii quaitariorum lata.
Ibid. 69 h. ( Âpud Maperetone ) , pastura leugæ longa et i:ii quar-
tariorum lata Ibid. 80 6. (Apud Nortone ) pasturæ una leiiga longa
et lata. Ibid. 160 a. ( Apud Rislepe) parcus est ferarum silvaticarum.. .
silva raille (juingenta porcorura . In Cliingesberie , silva raille
porcorura. Ibid. i29 6 , 130 a.
(•î) In Esseburne hundied , Erniilfns de Hesding tenet de rege
Curabe. Hedricus teniiit etc, /6«d. 46 6, In Ecesatingetone , sunt n
bidae , terra imius carruçæ. Edricus tennit : uxor ejus tenet rao lo
de Arnnlfo... Eadita , uxor Edrici, tenet de Arnulfo Calestone : vir
ejus tenuit. Ibid. 69 6. et alibi, in eodem volumine , 'passim.
317 —
Bien moins riche au départ qu’il ne le devint après son
arrivée en Angleterre, Arnould, lorsqu’il séjournait en Nor¬
mandie avec le roi, abandonna aux religieux de Saint-
Georges-lez-Hesdin ce qu’il possédait en propre dans leurs
parages, c’est à savoir : un moulin , deux brasseries, deux
pièces de terre en culture et un courtil (jardin). (^). Puis,
avant de mettre à la voile pour le pays où l’attendaient de
séduisantes destinées , il revint dire un dernier adieu à ses
bons amis les moines : il leur confirma l’abandon qu’il leur
avait fait à distance, en y joignant certaines choses qu’il
tenait en fief d’Enguerrand , comte d’Hesdin , en présence
de qui se passait la scène des adieux et qui, comme seigneur
suzerain, s’empressa de ratifier cet accord (^).
Quoique les actes ne le disent point, il est plus que pro¬
bable que la cession consentie, en ces deux rencontres, par
Arnould d’Hesdin n’eut pas lieu à titre gratuit. Ce person¬
nage , dont nous savons que le désintéressement n’était
point la vertu dominante, ne se trouvait d’ailleurs certaine¬
ment pas à même, lors de son embarquement, de faire aux
moines d’aussi grandes largesses en pure aumône. Si donc
il leur livre son avoir aux environs d’Hesdin, c’est pour,
avec la somme qu’il en retirera , jeter les fondements de sa
future fortune : le prix de ses biens l’aidera à couvrir les
frais de son équipement et de son transport au delà du
détroit.
Plus tard , parvenu au faîte de la grandeur et des pros-
(1) Partem liiijus beneficü , scilicet molendinum , duas cambas ,
cuUuras duas apud Punpri et ciirtile i , que omnia suo dominio
libéré possidebal , dum per Normandiam cum rege domino suo demorarelur ,
antea donaverat. Codex tradilionum , f.° 14 v."
(2) Dum cum rege renrtenle de JSormandia pergeret Anglîam , (otum
suum casimeutum , quod a domno Engelranno in feodum apud
Uesdin possidebat , saiicto Georgio monacbisque ibidem Deo ser-
vientibus coram testibus contulit.. , Tandem valedicens fralribus ,
cuncta simili ilia et alia,ut predixi, largilus est: affuit enim domnus
Engelrannus , cujus assensu et consilio hoc totum factum est. Ibid.
— 51.S
pérités, Arnoald d’Hesdin réunit en sa maison de Nortone,
le jour de l’Ascension , les chevaliers de sa suite et là, en
présence de sa femme , de ses fils et de ses filles, qui re¬
vêtent cet acte de leur consentement, il réitéré solennelle¬
ment l’abandon qu’il a jadis fait à deux reprises , au
prieuré de Saint-Georges , de ses immeubles situés dans le
comté d’Hesdin (i). Arnould ne devait pas moins aux reli-
gieuxqui l’avaient aidé de leur argent au débutdesa carrière.
Comblé par le roi , le chevalier d’Hesdin fit preuve de gé¬
nérosité envers ses compagnons de fortune. Qu’on en juge
par le nombre de bénéfices qu’il conféra à son chapelain
Théodard dont l’origine hesdinoise nous semble incontes¬
table : il lui donna les églises de Nortone dans le comté
d’Oxford , de Westone dans le Somerset , et d’Estone dans
le Wiltescire. Théodard reçut, en outre, de son maitre ,
deux chapelles dans la cité de Bath avec une dime et une
courtil à Newbury.
Tranquille sur son sort pour le reste de ses jours, le
chapelain du sire Arnould voulut s’assurer qu’après sa mort
ses bénéfices ecclésiastiques resteraient entre des mains
amies : aussi les transféra-t-il à ses chers compatriotes , les
religieux de Saint-Georges, en s’en réservant la jouissance
viagère. Ce transfert, qui eut lieu d’abord à Cumbes en pré¬
sence d’Osmond , évêque de Salisbury, fut renouvelé par
son auteur dans la même séance solennelle qu’Arnould tint
à Nortone , le jour de l’Ascension (2).
(b Postea quoque donio sua apud Nortonam in Anglia . in die Ascen-
s’onis domini , cuminnUi de familia sna milites convenissent, coram
filiis etfjlia,cum uxoresna, hoc ipsum quod jam fecerat doniim ,
cnnclis assensum prehenlibus, iteravit. Codex iradilionum , 14 y.°
(2) At vero Tiieodardus , capellanus ejus , doniim quod apud
Cumbam, présenté episcopo de Sarebiiia Odmundo et clericis ejus,
dederat, scilicet æcclesias de Nortona et Westona et Estona , et duas
capellas in civilate Batba , et terras ad ipsas pertinentes , cum ædi-
ficiis suis, et decimam omnera , et unum curtile apud iNhveberiam, ibi¬
dem confirmavit coram testibus , eo tenore ut ipse , quamdiu in babitu
— 319 —
Dans celte séance , espèce de cour plénière où le déten¬
teur de tant de domaines ravis aux saxons s’environne de
tout l’appareil de sa puissance , on voit figurer , à côté de
son sénéchal Arnould, Bauduin de Quatre-Vaux et de Oïlard
Fauquembergues, originaires de la même province qu’Ar-
nould d’Hesdin (i).
Le propre frère d’Arnould , Ilbold , obtint de Guillaume-
le-Conquérant une concession territoriale dans le comté
d’Oxford et peut-être dans l’Essex (2).
Orderic Vital raconte la triste fin d’un Arnould d’Hesdin
qu’il appelle « chevalier belliqueux et téméraire. » Si c’est
du nôtre qu’il veut parler et non d’un de ses fils , il faut
conclure que le compagnon de Guillaume-le-Conquérant
parvint à une vieillesse avancée qui , sans éteindre son
ardeur guerrière, diminua la prudence et la sagesse dont
il avait autrefois donné des preuves. L’Arnould mentionné
par Orderic prit étourdiment parti, en 1137, contre Etienne
de Blois, troisième successeur de Guillaume I/L II soutint
contre lui un siège, au bout duquel il dut se rendre prison¬
nier. Etienne , dans un accès de fureur , le condamna à
mort et le fit périr avec quatre-vingt-seize de ses com¬
plices. Arnould , au dernier moment , avait , pour sauver
clcricali viveret, hoc ipso bono uteretur , et æcclesiæ sancti Georgii
pro respectu quoi annis dimidiam unciam auri largiretur, et post
Simm discessuîn monachi ipsius æcclesiæ omnium siioriim domina-
rentur. Ibid. Des biens à Nortone (Oxenefscire), Estone (Wiltescire) , et
Westone (Sumersete) , sont formellement attribués à Arnould d’Hesdin
par le Domesday-Booh.
(1) Ad utrumquevero boc doniim, videlicet domni Arnulfi et Tbeo-
dardi, iixor domni Arniilfi, et fllius ejns Willelnms et fîlia Ava nomine,
assensnm prebuerunt. Atîuerunt bnic rei testes idonei : Arnulfus
dapifer , . . . Robertus Malconent , . . . Oilardus de Falchemberga , . .
Ralduinus de Qiiattiior- Vallibns , etc. Codex tradilionum , f.° 14 v.°
(2) Ilboldus , frater Arnulfi de Hesding , tenet de rege iv hidos in
Bereford. Domesday-Book . t. i, p. IGO a. On ne peut affirmer avec cer¬
titude que Vllbodo à qui de grands biens ont été conférés dans l’Essex,
i^lhid. t. Il , p. 9j ), fût le frère d’Arnould d’Hesdin.
— 320 —
ses jours offert au Roi une riche rançon qui ne fut pas
acceptée (^).
III.
Arnould d’Hesdin eut un neveu, Robert Fretel, élevé
comme lui sur les bords de la Ternoise , et qui , lui aussi ,
servit les princes anglo-normands.
Nous ne connaissons de sa vie que la manière dont elle se
termina. Une charte non datée , mais antérieure à 1101 , (a)
nous le représente comme gisant blessé dans Vahbaye
du Tréporl. (s) Cette blessure, Robert Fretel l’avait reçue,
semble-t-il, en combattant pour ou contre Robert Courte-
beuse, à qui son père d’abord, son frère ensuite, disputèrent
le duché de Normandie. Les présomptions sont qu’au moment
où il tomba sur le champ de bataille, le neveu d’Arnould
d’Hesdin tenait parti pour le roi contre le duc, et que ce
roi était Guillaume-le-Roux qui , en 1087 , avait succédé à
Guillaume- le-Conquérant sur le trône d’Angleterre. La
GUIZOT, Mém. sur VHisl. de France, t. xxviii , p. 514. — N'ayaiit
sous la main, au moment où nous écrivons ces lignes, aucune col¬
lection de chroniques anglo-normandes , nous devons ajourner toute
discussion sérieuse sur l'identité de l'Arnould d’Orderic vital avec le
notre. Cette identité semblera peu probable si l’on songe que le héros
dont nous avons retracé la brillante carrière avait au moins vingt ans en
1080, année où s’ouvrit l'enquête pour la confection du Domesday-Book.
11 aurait donc été presque octogénaire lorsqu’il entra en révolte contre
Etienne de Blois. Il est vrai que l’on fait des sottises à tout âge et que
l’âge même sert d'extuse à celles que Ton commet quand on devient
vieux. Il est vrai aussi que , parmi lés enfants de l’heureux aventurier
qui figurent comme témoins de l’acte solennel passé à Nortone , on
n’en voit pas du nom d' Arnould : celui qu’on cite s’appelle Guillaume,
évidemment en souvenir du prince à qui le seigneur de Nortone et
autres lieux devait sa haute fortune. Mais le même acte parle de plusieurs
fils qu’avait le compagnon du Conquérant : coram filiis el filiâ.
fourquoi l’un d’eux , le cadet si l’on veut , n’aurait-il pas pris le nom
de son père'? Et ne serait-ce pas lui qui , mécontent de sa situation
secondaire , aurait commis la faute de se brouiller avec son souverain ?
(2) On y voit figurer , au rang des témoins , Norbert , abbé de
S.-Silvin d’Âuchy , mort cette année-là.
(3) Robertus Fretellus , nepos supramemorati Arnulfi , dum apiid
cenobium Autresport dolore vulneris aggravatus jaceret _ Codex
Iradionum, f.” 15 v.".
— 32( --
mise hors-combat de Robert Fretel se placerait donc entre
cette dernière date et l’année 1096 où se consomma la ré¬
conciliation entre les deux frères.
De son lit de douleur, Robert Fretel eut un souvenir
pour les religieux de Saint-Georges , comme son oncle et le
chapelain de son oncle en avaient eu un, du sein de leur
opulence : il donna à ces moines une terre qu’il possédait à
Hesdin (i) et , ayant ensuite repris des forces inespérées, il
revint en cette ville ; à peine y fut-il arrivé qu’un mal vio¬
lent, cette fois incurable, se saisit de lui. Sentant sa fin
imminente étayant, comme beaucoup de ses contemporains,
nombre de crimes à se reprocher, il redoubla, pour les
expier, de générosité envers les moines : il leur confirma ,
avec accroissements, le don qu’il leur avait fait étant alité
auTréport(2;. Puis il voulut être transporté au milieu d’eux
pour y recevoir l’habit monastique. Mais sa femme , et
ce qu’il avait de parents autour de lui , mirent peu d’em¬
pressement à obtempérer à son désir. Lorsque les reli¬
gieux de Saint-Georges le reçurent dans leur église vêtu
du costume de leur ordre , Robert Fretel n’était plus qu’un
cadavre. Sa sœur Milesende, qui ignorait sa maladie, arriva
le jour même et ne fut pas médiocrement surprise de le
trouver mort : elle manda sur le champ Hugues , son mari ,
qui se présenta le lendemain matin pour ensevelir le corps.
Dès le soir du décès , Milesende avait , comme héritière du
(D Qiiandam terrain apud Hesdin scilicet pomérium, pratum, terre
jectiim de Wastenois, et quicquid in terris S.-Georgio ante datis terre
jectipossidebat, æcclesiæ sancti Gcorgii coram teslibus donabat. Ihid.
(2) Infirmilate deniqiie üla meîioratus , majori et intolerabili , pro
dolor ! egritiidine, ut pote morte vicina, apud Hesdin pregravatus est.
Qui etiain suorum mole peccatorum compunctus , ad medlcum occul-
tornm recucurrit omnium. Monacbos quippe sancti Georgii man-
davit , ac confltendo lacrimis sordes facinoris , se monaclium fieri
ab eis miserabiliter postiilans , quod etiam apud Autresport conccs-
serat rccognovit, adiciens quoque incrementa , videlicct terrejeclum
omne quod apud Hesdin circumquaquc habuerat. Ihid.
^ 522 —
défunt, ratifié les dons par lui faits à Saint-Georges: son
mari , lorsqu’il fut survenu , donna son assentiment à cette
mesure. Les deux époux , après avoir énuméré les biens
attribués par Robert Fretel au couvent, y renoncèrent de
vive voix sur l’autel (i).
La Milesende , donnée ici comme sœur et héritière du
défunt, est présentée ailleurs comme sa fille. Mais nous
croyons que c’est par erreur (2). Milesende , épouse d’Hu¬
gues, donna le jour à un fils, appelé Robert Fretel en
souvenir de son oncle, dont il perpétua le nom et la
vaillance (3).
IV.
Foulques d’Hesdin , Arnould d’Hesdin et son neveu
Robert Fretel , m’ont paru résiimer assez fidèlement , dans
leur vie et dans leur mort, les principaux traits de la société
(b Qui ad extrema usque producliis , in recipiendo liabitum S.
Benedicti, propter inprobitatem feminæ suæ parentumque suorum
moram patiens , tandem recepit , et ita ad æccîesiam S. Georgii de-
portatus est mortuus. Denique soror ejiis , Milesendis , quæ ei in
iiereditatem jure paterne successit , mortis ejus omniumque supra-
dictorum ignara , ipso die supervenit et bénéficia quæ frater dona-
verat, a matre sua et fratribus et cæteris fidelibus agnoscens , libenter
annuit, moxque manu sua omnium quæ supra memoravi donum, pro
redemplione aniraæ fratris sui, super altare S. Georgii fecit. Domiiius
itaque Hugo, maritus ejus , hoc audiens, primo mane ad sepeliendum
corpus occurrit. Ut autem cognovit donum quod fecerat uxor ejus
vespere pro anima , asseusum prebuit , et enumeratis singillatim
cunctis corara testibus sicut super eniimeravi , xidelicet prato , po-
merio , tcrrejectoque omni , nbicumque infra parrochiam Hesdi-
nensem in agris , vel silvis , Fretellus tenebat , ipse uxorque ejus
iterum viva voce cuncta simul super altare donaverunt. Ibid.
(2) Milesendis , fdia Roberti Fretelis , pro anima Hiigonis , mariti
sui, S. Georgio contulit etc. Codex tradilionum , f.° 18 r.°. — Cet Hugues,
tour-à-tour présenté comme beau-frère et comme gendre du premier
Robert Fretel, s’appelle en un autre endroit Hugues Fretel et il va à la
croisade : Hugo Fretel , dum Jherusalem tenderel , monachos S. Georgii ad se
venire fecit. Ibid, f.” 26 v.“.
(3) Postea veroipsa Mlesenàls et filius ejus Roberlus , in die solemp-
pilatis S. Georgii, ii curtilia apud Bonires, cumappendiciis suis, conces-
serunt. Codex, f.° 18 r.° — Le second Robert Fretel est nommé, au f.'’
26 v.“, comme Faîné des fils d'Hugues Fretel : fdiis suis Roberio , Hugone ,
Rorgone assensum prœbentibus. Nous aurons peut-être l’occasion de re¬
venir sur les faits principaux de la vie de Robert ii Fretel.
— 323 —
féodale auxi.® siècle: c’est pourquoi j’ai essayé de sauver
leur mémoire de l’oubli. A leurs trois noms, j’en eusse pu
ajouter un quatrième , celui de Gautier Tirel , si connu par
la part plus ou moins directe qu’il prit au funeste accident
de chasse dont fut victime, en l’an 1100, le roi Guillaume-
le-Roux. — Gautier Tirel, à qui les chroniqueurs anglo-nor¬
mands attribuent de grandes possessions dans le pays de
Poix et dans le Pontbieu , en avait aussi quelques-unes aux
environs d’Hesdin : il est mentionné , dans le Cartulaire de
Saint-Georges (auquel nous avons emprunté beaucoup des
éléments de notre notice) , comme l’un des bienfaiteurs de
cette maison : il lui donne , en effet , outre un hôte et 10
muids de sel à Verton , des franchises et privilèges à Berle
et à Aubin Saint-Vaast (i). La possession de cet hôte fut
confirmée au prieuré de Saint Georges, par Eustacbe III ,
comte de Boulogne (^). Plus tard , Gautier Tirel ratifia
une donation faite par un de ses vassaux audit prieuré (5).
Gautier Tirel est aussi nommé dans un jugement par lequel
' Enguerrand, évêque d’Amiens (1107-1127), le déboute de
ses prétentions sur l’autel de Verton qu’il adjuge à l’abbaye
de Saint-Josse-sur-mer (^).
Ces détails nous ont paru mériter d’être relevés ; mais ils
sont de trop minime importance pour nous autoriser à
introduire Gautier Tirel dans le cadre de la présente étude.
Son nom, du reste, n’a garde de sortir de la mémoire des
hommes , attaché qu’il est au souvenir du tragique épisode
de la forêt de Winchester. A. Desplanque.
LES PEUPLIERS
Le temps est opportun pour parler du Peuplier , car
cet arbre a souvent été pris comme emblème des insti- (*)
(*) Codex Iraditionum, î° Il Y.° — (2) Ibid. f.° 2t v.° — (3) Ibid,
f o 22 r.° — (4) Cartul. de S. Josse-sur-mer , f.° 12 r.°.
— 524 —
tutions républicaines. Il le doit probablement à son
nom , et ce nom lui vient, selon les uns, de ce que l’on
plantait de peupliers les places de l’ancienne Rome , selon
d’autres, parce que la mobilité de ses feuilles représente le
mouvement incessant de la foule. Quoiqu’il en soit, nous
n’avons à nous en occuper que sous le rapport botanique.
Le genre Peuplier (populus) faisait partie de l’ordre des
Amentacées d’Antoine-Laurent de Jussieu. Lors du démem¬
brement de ce groupe par les botanistes modernes , il a été
réuni avec le Saule en une petite famille, celle desSalicinées,
caractérisée essentiellement par la structure de l’ovaire.
Cet organe n’a qu’une seule loge et renferme un grand
nombre d’ovules fixées sur deux placentas pariétaux. Le
fruit est une capsule s’ouvrant en deux valves ; les graines
sont nombreuses et recouvertes de duvet. Les fleurs n’ont
ni calice, ni corolle ; elles sont simplement entourées à la base
d’une petite cupule; elles sont dioïques c’est-à-dire que les
fleurs mâles et les fleurs femelles sont sur des pieds
différents.
Le bois de peuplier est le type du bois blanc, tendre et
léger ; sa pesanteur est d’environ 0,50 lorsqu’il est sec, celle
du hêtre dans les mômes conditions, étant de 0,80 ; pour
le même volume, il donne en brûlant à peu près la moitié
moins de chaleur. On en fait des planches pour la toiture,
des caisses, des malles et quelques autres boiseries com¬
munes. Le duvet qui entoure les graines a une apparence
cotonneuse qui a donné l’idée de l’employer comme matière
textile , mais il se file mal et les tissus qu’on en fait n’ont
pas de résistance. Il ne sert guère qu’aux petits oiseaux qui
en tapissent leurs nids pour garantir du froid leur tendre
progéniture. Les graines sont facilement entraînées par le
vent, et germent rapidement; mais l’arbre se multiplie
mieux encore par ses racines qui s’étendent au loin en
— 325 —
émettant de nombreux bourgeons. Ces nœuds souterrains
conservent si longtemps leur vitalité, qu’on les voit parfois
surgir plusieurs années après que le tronc a été abattu.
Les peupliers aiment les lieux humides et les sols argi¬
leux. On en trouve dans tout l’hémisphère septentrional
de l’ancien continent. M.Wesrnael de Mons, dans la savante
monographie qui sert de guide à cette notice (i) , énumère
19 espèces dont 4 sont originaires de notre pays , ou y sont
acclimatées depuis longtemps. Ce sont : le peuplier blanc,
le tremble, le grisard et le peuplier noir.
Le peuplier blanc {populus alha] a la face inférieure des
feuilles et les jeunes rameaux couverts d’un duvet coton¬
neux blanc. Il est très-abondant dans les plaines humides
de la Flandre, aux environs d’Ypres, ce qui lui a valu le
surnom d’Ypréau. Rosier raconte que dans ce pays lors¬
qu’une fille vient au monde, son père plante un certain
nombre de peupliers qui auront pris leur croissance et four¬
niront la dot lorsque la fille sera en âge de se marier. Les
feuilles de la variété type (P. alla ^ var. genuina) sont
divisées en trois lobes triangulaires , aigus et dentés, mais
dont les deux latéraux sont peu marqués. Celles d’une
seconde variété (P. alba^ var. nivea) ont les dents plus
aigues et les lobes plus profondément divisés, tandis que
dans une troisième variété (P. alha, var. denudata) les
lobes sont à peine indiqués , les feuilles sont rhomboïdales
et limitées simplement par un bord sinué. Ces trois varié¬
tés sont presque les seules cultivées chez nous ; selon
M.Wesrnael, la variété nivea serait la plus fréquente, bien
qu’elle soit en même temps celle qui a le moins de valeur.
Le tremble (P. tremula) a le pétiole grêle , long et
comprimé latéralement : ce qui fait que les feuilles ne peu-
(1) Bulletin , t. ii, p. 80,
— 32G —
vent se tenir en équilibre et s’agitent au moindre vent. Elles
sont ovales ou arrondies, simplement sinuées sur le bord;
leur face inférieure cotonneuse dans lejeune âge perd ensuite
son duvet. On cultive parfois dans les jardins une variété à
rameaux pendants comme ceux des saules pleureurs. Le
tremble supporte parfaitement l’humidité, il vient même
dans les tourbières.
Le grisard ou grisaille (P. canescens) ne mériterait pas
d’être compté parmi les véritables espèces , car ce n’est
qu’un hybride du tremble et du peuplier blanc. Par tous
ses caractères, il est intermédiaire entre ces deux espèces
se rapprochant plus, tantôt de l’une , tantôt de l’autre.
Le peuplier noir (P. nigra ) diffère beaucoup des précé¬
dents. Ses bourgeons et ses jeunes pousses sont enduits
d’un suc visqueux et résineux, d’une odeur assez agréable.
Les pharmaciens se servent de ces bourgeons résineux pour
faire un onguent employé en médecine vétérinaire. Ses
feuilles sont lisses, dépourvues de duvet, de forme trian¬
gulaire, terminées en pointes aigues et dentelées sur le
pourtour. Le peuplier d’Italie ou peuplier pyramidal n’est
qu’une variété du peuplier noir (P. nigra var. pyrami-
clalis). Il s’en distingue facilement par sa taille plus élevée,
ses rameaux grêles , effilés , dressés contre la tige. Cette
variété qui a été apportée d’Italie en France pendant le
XVIII.® siècle , paraît originaire de l’Asie. Chose curieuse ,
il n’y a en Europe que des individus mâles, M. Wesmael
cite cependant , avec doute , l’existence de pieds fe¬
melles dans l’allée de Durlaclier , près Carlsrbue. Le peu¬
plier d’Italie est dans notre région humide du Nord un des
plus beaux arbres que l’on puisse employer pour faire des
avenues. A l’élégance de son port, il joint l’avanlage de
pousser rapidement et de donner peu d’ombre.
Les seules espèces étrangères fréquemment cultivées
-- 327 ~
dans notre pays sont : le peuplier du Canada et le peuplier
de la Caroline qui tous deux ont, comme le peuplier noir,
les feuilles glabres et les bourgeons couverts d’un enduit
résineux.
Le peuplier du Canada (P. canadensis) est le plus grand
de l’espèce ; il peut atteindre jusqu’à 40 mètres de hauteur.
Ses feuilles ont sensiblement la même forme que celles du
peuplier noir, cependant elles sont écliancrées en cœur ou
tronquées à la base, tandis que les autres s’atténuent ou
s’arrondissent vers l’insertion du pétiole. Une particularité
de l’espèce en question, c’est qu’il y a entre les deux sexes
des différences si considérables que les botanistes en ont
fait des espèces distinctes. Ils ont nommé les mâles peu¬
plier du Canada ( P. canadensis ) et les femelles , peuplier
de Virginie ( P. monilifera ). Celles-ci ont les feuilles
écliancrées en cœur à la base et fortement acuminées à
la pointe ; les premiers les ont plus grandes, tronquées à la
base et terminées par une pointe mousse. Chez tous deux ,
on rencontre des rameaux anguleux associés à des rameaux
arrondis ; toutefois ce fait est plus fréquent chez les femelles
que chez les mâles. Une variété de cette espèce a la forme
pyramidale du peuplier d’Italie.
Le peuplier de la Caroline (P. angulata) possède des
rameaux toujours anguleux et des feuilles plus grandes et
plus arrondies que le précédent , on le rencontre moins
fréquemment. _ _ _ J. G.
CHRONIQUE
Méfcorologîe. — Le mois de Septembre 1870 fut froid
et sec. Les températures maxima diurnes furent presque
constantes et très -peu au-dessus ou au-dessous de la
moyenne 18.° 6 , il y eut plus de différence entre les mini-
ma , qui allèrent de o.® 30 à 13.® 3.
La température moyenne du mois fut de 1.® 28 inférieure
— o2S —
à la moyenRe générale , et de 2.° 86 inférieure à celle du
mois de Septembre 1869.
Cet abaissement de température atténua l’épaisseur de
la couche d’eau évaporée qui ne fut que de SS.™*" 12 , tandis
qu’elle avait été de 103. 56 , en Septembre 1869, toutefois
elle fut encore plus grande que la moyenne générale
80. mm 4g ^ 1^ conséquence de la sécheresse de l’air qui
ne contint à l’état de dissolution que les 0,75 delà quantité
d’eau qui l’eût saturé à sa température moyenne.
Pendant les quinze premiers jours le vent souffla du S.-O.,
la hauteur movenne du baromètre fut de 758."™ 848 et la
pluie fut assez fréquente ; mais pendant les quinze derniers,
les courants atmosphériques vinrent du N.-E. ; le ciel fut
presque serein , la moyenne barométrique fut de 770. '"'"958,
et la pluie fît complètement défaut.
Malgré la sécheresse de l’air durant cette seconde période,
il y eut des rosées toutes les nuits et souvent des brouillards
assez épais.
La quantité de pluie recueillie en 12 jours, fut inférieure
de 31."™ 42 à la moyenne générale de Septembre.
Le 24 de 10 à 11 heures du soir on observa une magni¬
fique aurore boréale dont les franges colorées en rouge
vif et perpendiculaires à l’horizon se déplaçaient lentement
vers rO.
SEPTEMBRE
1870
Température moyenne . 13.® 99
» D des maxima . 18." 60
» » desminima . 9.® 38
» extrême minima, le 17. . 5.” 30
* » maxima, le 28. 21.® 70
Baromètre hauteur moyenne à 0.®. . . . 763““045
» hauteur extrême minima , le 7. . 750-‘"'86
» ^ » maxima, le 16. 774“‘"33
Tension de la ^apeui’atmosphér . 8“”49
Humidité relative moyenne "/o . 75.00
Epaisseur de la couche de pluie . 39"‘"'17
ï de la couche d’eau évaporée. . 88T”12
SEPTEMBRE
année moy.
15.® 271
760r 143
lOT-17
77. 44
70r597
80r48
Le Gérant : E. Castiaux.
V. Meureix.
TYP. DE BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2.' Année. — N.° 11. — Novembre 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES , DES ARTS ET DES LETTRES DU HAINAUT.
Mémoires, 3.* série, t. iv.
Fondée en 1833, la Société des Sciences du Hainaut
soutient sa vieille réputation. Naguères elle couronnait et
publiait dans ses Mémoires les Recherches sur le Hainaut
ancien de M. Duvivier , ouvrage qui fait le plus grand hon¬
neur à l’érudition belge. Aujourd’hui elle nous offre, après
lui avoir décerné une médaille d’or, le Mémoire historique
de M. Théophile Lejeune sur Vancienne ville de Soignies.
Le cadre de cette monographie est complet et i! peut être
présenté comme un modèle.
Quoiqu’il y ait eu à Soignies quelques habitations gallo-
romaines, l’importance de cette localité ne date que du vu.®
siècle , époque où le comte Madelgaire y fonda un cou¬
vent. Ce monastère ayant été ruiné par les Normands fut ,
au X.® siècle , transformé en un chapitre qui prit le nom de
Saint-Vincent, nom adopté par Madelgaire après son entrée
en religion. Constitué sous la triple protection du Souverain
Pontife, de l’empereur d’Allemagne et du duc de Lotha¬
ringie, le chapitre de Saint-Vincent commença à se qua¬
lifier de royal. Par la suite, les évêques de Cambrai, les
comtes de Hainaut , les ducs de Bourgogne et les souverains
de la maison d’Autriche , le comblèrent de privilèges et de
faveurs. M. Lejeune énumère tous les dons faits à cet éta¬
blissement et il entre dans de grands détails sur la compo¬
sition du corps capitulaire.
Des paragraphes spéciaux traitent des revenus du cha¬
pitre, des fondations pieuses, de l’église à la fois parois-
— 550 —
siale et canonicale , du trésor de la collégiale dont le
principal ornement était la châsse de Saint-Vincent.
L'auteur s’occupe ensuite de la paroisse de Soignies et des
communautés religieuses qui s’établirent à côté du chapitre :
sœurs grises, capucins, pères de l’Oratoire. Il en vient ainsi
à parler des fondations charitables. Un chapitre sur
l’avouerie de Soignies le fait passer, par une transition
toute naturelle, de l’histoire religieuse à l’histoire civile.
Celle-ci embrasse: l’organisation judiciaire, le pouvoir
communal, les compagnies et confréries laïques, les corps
de métiers.
Quelques renseignements topographiques et statistiques
servent d’introduction à un chapitre d’annales dans lequel
M. Lejeune retrace les vicissitudes de la ville dont il s’est
jusqu’ici appliqué à décrire les institutions. Ce chapitre est
suivi d’études sur les hommes marquants de Soignies, sur
les établissements d’instruction publique aux différentes
époques, sur les fêtes civiles et religieuses qu’on y a
célébrées ou qu’on y célèbre encore.
L’ouvrage se termine par des jnèces justificatives qui en
doublent l’importance et l’étendue.
A la suite du Mémoire que nous venons d’analyser , nous
remarquons , dans le nouveau volume de la Société du
Hainaut, une Notice sur le corps du génie en Belgique
pendant le xviii.® siècle, par le général Guillaume, au¬
jourd’hui ministre de la Guerre en Belgique.
Lorsque l’empereur Charles VI réorganisa les troupes
nationales dans les Pays-Bas Autrichiens , il reconnut la
nécessité de créer un corps spécial du Génie qui pût
remettre en bon état de défense les fortifications endom¬
magées par les dernières guerres. Le maréchal Daun proposa
de créer trois brigades de sept officiers chacune. Celle or¬
ganisation , devant occasionner une dépense annuelle de
— 531 —
14,532 florins, ne fut adoptée qu’en partie : on se borna à
créer deux brigades du génie, qu’on plaça sous le comman¬
dement immédiat d’un lieutenant-colonel et sous l'autorité
supérieure d’un directeur en chef du rang de général.
M. Guillaume donne la composition de ce corps de génie
tel qu’il fut créé en 1732, et il nous fait connaître les modifi¬
cations qu’il a subies jusqu’en 1770 , époque de son dernier
remaniement ou , pour mieux dire , de son absorption par
le génie autrichien. Il nous retrace aussi la carrière mili¬
taire des officiers belges qui se sont distingués dans cette
arme. A. Desplanque.
CERCLE ARCHÉOLOGIQUE DE MONS.
Annales, t. viii.
L’année dernière (voir Bulletin , t. i , p. 29) , nous fai¬
sions connaître l’origine du Cercle archéologique de Mons
et la direction de ses travaux. Depuis lors, un nouveau
volume d'annales est venu s’ajouter aux précédents.
Ce volume s’ouvre par une Notice historique sur le vil-
lage de Boussoit-sur-Haine. L’auteur , M. Théophile Le¬
jeune, après avoir discuté l’étymologie du nom de cette
commune, indique sa situation topographique, son étendue
territoriale et le chiffre de sa population. Il se livre ensuite
à l’examen d’une question fort controversée : savoir si le
castrum de Bussut ou Buxidis^ dans lequel les fils de
Rainier III se retranchèrent après la défaite de leurs com¬
pétiteurs Garnier et Renaud , est Roussoit ou Roussu-sur-
Haine.
Le chapitre de M. Lejeune sur la seigneurie de Roussoit
est plein de faits intéressants pour l’histoire du château et
des seigneurs. Au xvii.® siècle , cette seigneurie échut à une
famille qui a laissé bien des souvenirs dans le Nord de la
France. Marie Du Chastel de la Hovardrie, « religieuse
pénitente à Armentières, » seconde fille de Robert Du
— o32 —
Chastel et de Jeanne de La Croix, dame de Boussoit, érigea,
en 1637 , dans leglise dudit Boussoit , un monument funé¬
raire dont l’inscription nous a été conservée. Des Du Ghas-
tel , la seigneurie de Boussoit passa dans les maisons de
Rodoanet de Nédonchel.
M. Lejeune traite ensuite des institutions ecclésiastiques
et charitables du village dont il s’occupe , et il donne en
appendice un armorial de Boussoit-sur-Haine. Il le fait
suivre de pièces justificatives principalement empruntées au
cartulaire de Saint-Denis-en-Broqueroie.
La Notice sur le village et la procession de Wasmes , par
M. l’abbé Petit, est très-digne de figurer à côté du mémoire
précité. M. Petit rappelle que l’autel de Wasmes fut donné
en 1095 à l’abbaye de Saint-Ghislain par Gaucher , évêque
de Cambrai , et confirmé à ladite abbaye , avec ses dépen¬
dances Wasmüel et Résignies, par le pape Gélase II , le 12
avril 1118.11 raconte ensuite l’éclatante victoire remportée,
vers 1133 , par le chevaleresque Gilles de Chin , seigneur
de Berlaimont, sur un affreux dragon qui désolait la con¬
trée : l’auteur énumère les dons faits par le vainqueur , en
accomplissement de son vœu, à la vierge de Wasmes qu’il
était venu implorer avant de livrer bataille au monstre. De
là date l’institution de la procession annuelle de Wasmes
dont le tour est de quatre lieues. Lorsque le dragon fut
attaqué dans son repaire par Gilles de Chin , il tenait en
sa gueule , dit la légende, une jeune fille qu’il allait dé¬
vorer. C’est en souvenir de cette enfant miraculeusement
délivrée que, chaque année, le curé de Wasmes choisit,
pour figurer avec grand honneur à la Procession , une
Pucelette^ petite fille âgée de quatre à cinq ans. — Suivant
le costume traditionnel, la pucelette est vêtue d’une robe
de soie bleu de ciel et d’un manteau tout pareil. On lui met
devant la poitrine un grand cœur blanc sur lequel brillent
pm ^
- DÜO -
des bijoux d’or el des diamants ; on ceint sa tête d’une cou¬
ronne surmontée de trois plumes d’autruche recourbées : sa
suivante , qui porte la queue de son manteau , est mise en
blanc.
Le lundi de la Pentecôte , le curé va chercher en cortège
la Pucelette chez ses parents et il l’amène aux vêpres :
après les vêpres il la conduit au presbytère. Le lendemain ,
jour de la grande procession , l’enfant assiste à la messe qui
se célèbre dès trois heures du matin ; puis , elle suit le par¬
cours de la procession , de l’église de Wasmes au Calvaire ,
du Calvaire à l’église de Warquinies, de là à celles d’Hornu
etdeWasmûel. La Pucelette dot la marche, entre deux haies
de jeunes filles en blanc et sous l’escorte des autorités com¬
munales. Durant le trajet, elle donne la main au curé de
Wasmes et à un autre prêtre.
La chapelle primitive de Notre-Dame de Wasmes était
bâtie sur le versant d’une colline. Depuis elle a fait place à
une église ogivale dont il reste quelques souvenirs , deux
pinacles , une cuve baptismale; etc. M. l’abbé Petit décrit
fort soigneusement l’église actuelle. Il dit aussi un mot des
fiefs de Fontenoy et de Fontenich qui existaient jadis à
Wasmes.
Sous le titre d'analectes^ M. Devillers, archiviste de
l’Etat à Mons et président du Cercle, continue de publier
une série de documents relatifs à des localités du Hainaut.
Citons comme intéressant la portion aujourd’hui française
de cette ancienne province :
1,® Une charte de Jeanne de Constantinople , réglant le
droit de vinage à Berlaimont et Pont-sur-Sambre. (Le
Quesnoy , 6 octobre 121 o).
2.0 Des lettres par lesquelles Odon , évêque de Cambrai,
contirme l’abbaye d’Haumont dans la possession de ses
biens (1110).
— 534 —
3.0 D’autres lettres par lesquelles Gautier IV , abbé , et
les religieux de Saint-Amand donnent , en arrentement
héréditaire , à Arnould d’Audenarde leur bois de Saint-
Sauveur (Décembre 1219).
4.0 Procuration du chapitre de Denain pour servir dans
une instance contre le seigneur de Bury (23 février 1723).
L'Esquisse historique sur le collège d'Ath , qui vient à la
suite des travaux ci-dessus énumérés, est un discours pro¬
noncé à la distribution des prix, le 15 août 1867 , par M. E.
Fourdin, professeur en cet établissement , bibliothécaire-
archiviste de la ville. On célébrait , ce jour-là , le 451.6 an¬
niversaire de la fondation du collège d’Ath , créé dix ans
avant l’Université de Louvain , sous le nom d'école latine ,
protégé par Philippe-le-Bon , successivement doté et enri¬
chi par quelques-uns des anciens élèves de cette maison ,
tels que Frédéric d’Ives , le célèbre abbé de Maroilles,
Robert d’Hoslart, abbé de Gambron, Jean-Joseph Mas-
selot , religieux de Vaucelles , etc. Nicolas de Rebbe , ori¬
ginaire d’Ath, chanoine de Saint-Pierre de Lille, obtint du
pape Clément VIII , pour le collège de sa ville , des indul¬
gences et immunités qui y attirèrent longtemps la foule des
fidèles. Dans les premières années du xvii.® siècle , ce col¬
lège avait fourni, aux divers diocèses de Belgique , plus de
3000 théologiens, tous pourvus de riches prébendes.
M. Fourdin énumère les hommes marquants qui en sont
sortis. Il montre , par un curieux exemple , combien les
bourgeois d’Ath honoraient ceux de leurs concitoyens qui
se distinguaient dans les arts , dans les lettres et dans les
les sciences. L’un d’eux avait-il obtenu, soit à Louvain, soit
à Douai , le titre de primus in artibus , les autorités
athoises lui ménageaient une brillante réception officielle:
elles allaient à sa rencontre, corps de métiers en tête, au son
du carillon , au bruit des salves d’artillerie ; elles le me-
— 335 —
naient à cheval ou en carosse, et couronné de lauriers , à un
Te Deiim solennel. La journée se terminait par un banquet
à rHôtel-de-Ville et par la remise au lauréat d’une pièce
d’argenterie, commémorative de son glorieux succès.
La Notice sur le village de Sars-la-Bruyère par
M. Bernier est rédigée sur un plan très-analogue à celui de
la monographie du village de Boussoit par M. Lejeune : éty¬
mologie , situation, sceau de la commune, église, pro¬
priétés de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Sars , ins¬
criptions recueillies dans l’église, chronologie des seigneurs :
on y voit succéder à la famille de Sars celles de Harchies et
de Bournonville. Ce fut dans le bois de Sars que commença
la célèbre bataille de Malplaquet , livrée le 11 septembre
1709.
Le volume que nous venons d’analyser se termine par les
Souvenirs d'une excursion archéologique à Elouges ; par le
résumé de découvertes faites à Lessines , à Rouveroy , à
Spiennes , à Estines-au-Val ; par divers articles de variétés
montoises. Ne pouvant les citer tous, reproduisons celui qui
a pour titre : Le chien en pierre à Naast et pour auteur
M. A. Tricot.
Vers le milieu du xviii.® siècle, la race canine s’était con¬
sidérablement accrue dans certaines localités du pays , au
détriment du gibier. Dans des vues tout à la fois fiscales et
prohibitives , les Etats du Hainaut imposèrent les déten¬
teurs de ces quadrupèdes d’une taxe de dix patars par chaque
tête, au profit du souverain : ce qui n’en fit guère diminuer
le nombre.
Se souciant plus de la conservation de sa chasse que de
jouir d’une légitime popularité parmi ses vassaux, un sire de
Naast s’avisa, à cette époque, d’un expédient pour diminuer
la destruction de son gibier. Il prescrivit que tout chien
parcourant sa seigneurie, dépourvu d’un biu, serait impi¬
toyablement exterminé. Ce biu consistait en un morceau de
bois, peu gros et long d une cinquantaine de centimètres,
assujetti par un bout au collier , au moyen d’une courte
— 356 —
lanière, de telle sorte que l’animal astreint à trainer cet
engin entre les pattes avait la marche entravée et un air
hébété très-piteux.
Cette prescription, intempestive et ridicule, mécontenta
extrêmement une partie de la population contre le malen¬
contreux seigneur.
A la suite d’une brusque altercation soulevée par un fer¬
mier de l’endroit avec le messire en question , relativement
à ses innovations féodales, ce fermier lui annonça qu’il
aurait bientôt un chien qui ne paierait point ta taxe et, sans
être tenu à l’attache, ne porterait jamais l’humiliant biu.
Des paris furent engagés à cette occasion, et avant que
l’année fût révolue, il avait fait placer au-dessus de la porte
d’entrée de sa basse-cour, située près de l’église, un chien
en pierre calcaire, de taille moyenne, aux formes bien
prises , et qui semble avoir lair de narguer les passants
très-sournoîsement. Cette sculpture a encore aujourd’hui le
privilège d’attirer l’attention des étrangers.
A. Desplanque.
BIBLIOGRAPHIE.
OBSERV.ATIONS SUR LE JURASSIQUE SUPERIEUR DU BOULONNAIS
par M. Ed. Pellat (D
Il y a déjà plusieurs années que M. Ed. Pellat consacre ses
loisirs à l’étude du terrain jurassique du Bas-Boulonnais.
Ce terrain qui forme le long de la côte depuis le cap Gris-Nez,
jusqu’au delà du cap d’Alprech , une série de falaises très-
intéressantes , s’étend , en outre , vers l’Est formant un
îlot au milieu des collines crayeuses de la Picardie. Les
premiers mémoires (^) de M. Pellat furent consacrés aux
couches qui affleurent dans les falaises et qui appartiennent
aux étages Portlandien et Kimméridien ; il en fit une des¬
cription détaillée pour la joindre à la monographie paléon-
(h Bulletin de la société' géologique de France , 2.* série, t.xxvi,
p. 684-687 (1870).
(2) Bulletin, t.xxiii, p 193 (1865) et t.xxiv, p. 181 (1867).
— 537 —
tologique des fossiles du même terrain, par M. de Loriol 0).
Depuis (2) il s’est occupé des assises inférieures , qui ne
sont plus visibles dans la falaise , mais qui peuvent être étu¬
diées dans l’intérieur du pays.
Il touchait là à une des questions qui divisent actuelle¬
ment les géologues , celle des limites qui séparent 1 etage
Kimméridiende l’étage Corallien, et celui-ci de l’étage oxfor-
dien. Ses études le conduisirent à conserver l’étage Corallien
que plusieurs savants voulaient supprimer. Il lui donne
pour base des calcaires remplis de polypiers et de baguettes
d’oursin {Cidaris florigemma)^ visibles au mont des Bou-
cards et dans quelques petits ravins, tels que ceux du petit
Hourecq , près de Carly. Cette couche à polypiers et à
Cidaris florigemma ne diffère que peu d’autres calcaires
compactes qui lui sont superposés au mont des Boucards.
Dans la dernière note dont le titre est en tête de cet article,
M. Pellat admet qu’elle n’est qu’un dépôt accidentel rempla¬
çant plus ou moins complètement les calcaires compacts.
« Pendant que sur quelques points des amas de polypiers,
s’élevant sans doute sous forme de pitons comme les récifs
des mers actuelles , formaient l’assise , il se déposait ailleurs
des sédiments fins, plus ou moins crayeux, renfermant une
autre faune , et qui sont devenus les calcaires compacts. »
_ J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
ARNOULD d’hESDIN.
Dans sa curieuse, étude sur Trois chevaliers d'Hesdin au
siècle , M. Desplanque, archiviste du Nord , fait appel
au bon vouloir de ceux qui pourraient fournir quelques
(1) Mémoires de ia société de Physique et d’histoire naturelle de
Génève , t.xix.
(2) Bulletin de la Société géologique de Frauce, 2.* série, t. xxv,
p. I96a867).
— 338 —
renseignements sur ces trois personnages, dont l’histoire
n avait pas même retenu les noms. L’intérêt avec lequel
nous avons lu le travail de M. Desplanque nous a porté à
faire quelques recherches sur le même sujet ; nous nous
sommes dit que l’on devait trouver quelques mentions con¬
cernant Arnould d’Hesdin dans les riches collections de
chroniqueurs anglo-saxons et d’ouvrages consacrés aux
antiquités de l’Angleterre , que possède la Bibliothèque
publique de Douai. Voici le résultat de nos recherches.
I.
Rien dans les chroniques anglo-normandes ni dans les
Scriptores rerum Britannicarum ; la savante édition d’Or-
deric Vital publiée par la Société de rHistoire de France
n’ajoute au nom d’Arnould d’Hesdin qu’une conjecture sans
importance et dénuée de preuves ; nous avons été plus
heureux en compulsant le Monasticon Angîicanum de
William Dugdale , ouvrage si important pour l’étude du
moyen-âge en Angleterre. Le Codex traditionum S. Georgii
Hisdiniensis et le Domesday-book avaient permis àM. Des¬
planque de montrer Arnould d’Hesdin faisant partager à
son chapelain et à ses compatriotes , les religieux de Saint-
Georges d’Hesdin, les richesses qu’il devait sans doute à son
épée et à la bienveillance de Guillaume-le-Conquérant ;
plusieurs passages du Monasticon Angîicanum prouvent
qu’il a usé de la même générosité envers des abbayes de
l’Angleterre et de la Normandie.
En 1081 , le jour de la Purification , se trouvant à Salis-
bury , Arnould d’Hesdin octroya à l’abbaye de Saint-Pierre
de Glocester , le domaine de Lynkeholt. (^) Déjà auparavant
il avait donné au même monastère l’église de Heythrop ,
(0 M. Wauters, daiis la Table chronologique des Charles et diplômes im¬
primés concernant T histoire de Belgique, 1. 1 , p, 682 , cite cette donaition ,
d'après Hart, Eisloria et Carlularium S. Pétri Glouceslriœ , et la place
SOUS le règne de Guillaume-le-Gonquérant (1066- 1087).
— o39 —
celle (le Lynkeholt et un moulin avec les terres du prêtre, et
l’église de Kynemerforde aussi avec les terres du prêtre. Le
prieuré de Tolft avait reçu de lui l’église de Newbury
avec tous les revenus qui pouvaient provenir du moulin , du
tonlieu et de tout ce qui était matière à dîme. Aux religieux
de Shaftesbury, dans le Dorset, il avait donné le monastère
de Kievelia avec la terre et la dîme qui en dépendaient. Ses
libéralités allèrent même demander des prières de l’autre
côté de la Manche , en Normandie : la célèbre abbaye du
Bec reçut de lui le Rullepe , et d’Ameline , sa femme , le
manoir de Cumbe. (^)
L’Arnould d’Hesdin qui fait les donations mentionnées
dans le Monasticon Anglicanum est bien le même que celui
dont il est parlé dans le Bomesday-book et le Codex tradi-
tionum S. Georgii Hisdmiensis. Il y a contemporanéité: le
Monasticon Anglicanum n’offre qu’une seule date (1081) et
les mentions du Domesday-book sont comprises entre 1080
et 1086. L’Arnould d’Hesdin du Domesday-book et celui
du Monasticon possèdent tous deux des biens à Kievèle et à
Rullepe ou Rislepe : l’un de ces ouvrages l’appelle seigneur
de Newbury et dit qu’il y possède des édifices, l’autre dit que
la dîme de cette ville lui appartient ; d’après le Codex tra-
ditionum,\di donation au chapelain se fait à Cumbe, en
présence de toute la famille d’Arnould, et, d’après le Monas-
ticon , Ameline , sa femme , donne à l’abbaye du Bec le
manoir de Cumbe. Ces indications suffisent pour établir
qu’il y a identité entre les deux Arnould d’Hesdin et que le
chevalier dont le Monasticon Anglicanum mentionne les
pieuses libéralités était originaire d’Hesdin en Artois.
A ces détails le Monasticon ajoute sur ce personnage
quelques particularités qui peuvent avoir leur intérêt. Sa
(b Monasticon Anglicanum, per Rogerum DodsAvortli et GuUelmum
Dugdale. London, 1682, t. i, p. 116 , 117, 599 et 983; t. ii, p. 954.
— 340 —
femme portait le nom Amelina , et, comme elle fait une
donation à l’abbaye du Bec, on peut croire qu’elle était
originaire de la Normandie. Lui-même , il était comte du
Perche (i) et seigneur de Newbury.
IL
Nous avions espéré que les indications fournies par le
savant ouvrage de Dugdale nous serviraient de point de
départ pour arriver à retrouver l’origine d’Arnould d’Hesdin
et le nom de la famille à laquelle il s’est allié , et à cons¬
tater s’il y a identité entre le personnage dont nous venons
de parler et l’Arnould d’Hesdin, oncle ou grand-oncle de
Guillaume , vicomte de Shrewsbury, qui fut mis à mort , en
1138 , par le roi Etienne de Blois , contre lequel il s’était
révolté. Nos recherches n’ont pu aboutirqu’à des hypothèses,
à des déductions , manquant de base en plusieurs points ;
nous les faisons cependant connaître, convaincu qu’elles
pourront être utiles à ceux qui seraient assez heureux pour
retrouver et consulter en Angleterre le texte des chartes
mentionnées dans le Monasiicon.
Arnould d’Hesdin était comte du Perche. Pour posséder
ce titre , le chevalier artésien devait nécessairement s’être
uni par un mariage à la famille des comtes d’Alençon et du
Perche : la donation faite par sa femme Ameline et par lui-
même à l’abbaye du Bec portent d’ailleurs à croire , comme
nous l’avons déjà dit, qu’il s’était allié à une famille de Nor¬
mandie. Un voisinage amené par la conquête pouvait avoir
déterminé l’alliance dont nous parlons : Roger de Montgom-
mery , chef de la famille d’Alençon et du Perche , avait reçu
de Guillaume-le-Gonquérant, en 1067, les comtés d’Arun-
dell et de Shrewsbury, qui sont très-rapprochés de ceux où
l’Arnould d’Hesdin du Domesday-hook et du Monasiicon
(1) Nous croyons que c’est bien la signification des mots cornes del
Perch qui se trouvent dans le Monasiicon.
_ 341 ^
possédait ses domaines. En supposant que ce dernier épousa
une fille , une nièce ou une petite fille de Roger de Mont-
gommery , nous avons l’explication des mots Arnould
d'Hesdin- , comte du Perche.
La même hypothèse nous ferait comprendre le récit d’Or-
deric Vital et établirait l'identité entre le personnage qu’il
mentionne et celui dont nous venons de parler. Ce chroni¬
queur nous apprend qu’en 1135, Guillaume, vicomte de
Shrewsbury , qui avait épousé la nièce de Robert de Glocester ,
se révolta, pour favoriser ce dernier, contre le roi Etienne de
Rlois, et qu’Arnould d’Hesdin, l’oncle du jeune Guillaume,
chevalier belliqueux et téméraire , soutint un siège opi¬
niâtre dans le château de Shrewsbury et fut ensuite égorgé
par le roi avec un grand nombre de ses complices. Robert
de Glocester , fils illégitime de Henri I.®’' , roi d’Angleterre ,
ne pouvant avoir de nièce que du côté de sa femme Habille et
celle-ci n’ayant pas eu de frère et n’ayant eu qu’une sœur
mariée , Amicia ou Améria , qui épousa successivement
Garin- le -Chauve et Renaud de Bailleul , vicomtes de
Shrewsbury , il faut conclure que Guillaume , vicomte de
Shrewsbury , avait épousé la fille d’Amicia. Habille et
Amicia étaient elles-mêmes les petites-filles de Roger de
Hontgommery , chef de la famille d’Alençon et du Perche.
Par conséquent, en supposant qu’Arnould d’Hesdin a épousé
une fille ou petite-fille de Roger de Hontgommery,ron s’expli¬
querait très-bien comment il était fonde ou le grand-oncle
(avunculus) de Guillaume. Cette supposition ferait com¬
prendre les mots cornes del Perch et les mots Guilelmi avun¬
culus; elle ferait comprendre pourquoi Arnould d’Hesdin
s’unit à Robert de Glocester contre Etienne de Blois et occupa
le château de Shrewsbury; pourquoi PArnould d’Hesdin du
Monasticon fit une donation au monastère de Shaftesbury où
se trouvait une fille de Robert de Glocester et de Habille ;
— 342 —
pourquoi le même Arnould et sa femme onl fait des donations
à une abbaye de Normandie.
Mais ce mariage d’Arnould d’Hesdin avec une fille , une
petite-fille , une nièce de Roger de Montgommery , qui
arrangerait si bien toutes choses, a-t-il eu lieu ? Nous ne
pouvons l’établir. Roger de Montgommery eut une fille du
nom d’Emma ; mais elle entra dans un monastère en Norman¬
die. Quant au nom des petites-filles et des nièces de ce chef de
la famille d’Alençon et du Perche , nous ne les trouvons pas
dans les auteurs qui ont traité longuement les questions gé¬
néalogiques en Angleterre et en Normandie.
Au sujet de l’identité de l’Arnould d’Hesdin du
Domesday-book et de celui d’Orderic Vital , M. Desplanque
s’est fait une objection tirée de l’âge de ce dernier per¬
sonnage qui aurait été presque octogénaire au moment de sa
révolte contre Etienne de Rlois. Il a d’ailleurs lui-même
répondu à son objection en disant que l’on fait des sottises à
tout âge ; nous ajouterons que nous voyons, dans Orderic
Vital, Robert de Bellesme, comte d’Alençon, l’un des fils de
Roger de Montgommery, faire la guerre, vers la même
époque et peut-être en 1140, contre Etienne de Blois; et ce¬
pendant Robert de Bellesme devait être aussi avancé en âge
qu’ Arnould d’Hesdin.
A cette première conjecture, nous en ajouterons une
seconde qui , nous tenons à le dire , nous paraît réunir
moins de probabilités. Il pourrait y avoir identité entre
Arnould d’Hesdin et Raoul de Bournonville, baron d’Itfort.
Les mots Arnulfus , Arnaldus , Arnoldus ont été plus d’une
fois confondus avec Radulfus : les tables des Historiens des
Gaules et de France en font foi. Raoul de Bournonville
appartenait à une famille de l’Artois ; son père Gérard, mort
en 1084, avait eu pour mère Adélaïde d’Hesdin , fille de
Gérard , seigneur d’Hesdin : cette origine et cette alliance
— 543 —
pourraient expliquer le nom de Hesdingo, qui aurait été por¬
té par Raoul avant qu’il n’eût été créé baron d’Itfort. Raoul
de Rournonville passa en Angleterre à une époque que nous
ne connaissons pas exactement ; mais il pouvait y être en
1080, puisque son père mourut déjà assez âgé en 1084. L’on
sait que plus tard il reçutde Geoffroi Plantagenet la baron¬
nie d’Itfort et qu’il épousa Cécile, tille de Robert, comte de
Glocester, dont parle Orderic Vital ; il était, par conséquent,
beau-frère ou oncle de Guillaume , vicomte de Shrewsbury,
selon que l’on entend par neptem, nièce ou petite-fille ; pour
qu’il y eût identité entre Raoul et les deux Arnould il faudrait
lui supposer un premier mariage avec une femme du nom
d’Ameline. Un autre trait rapproche Raoul de l’Arnould
d’Orderic Vital : c’est qu’il périt aussi en combattant contre
Etienne de Blois; sans doute l’on place sa mort en 1140 et
celle d’Arnould en 1138 ; mais cette différence de deux ans,
que l’on trouve entre un chroniqueur et des auteurs de gé¬
néalogie , ne pourrait être une raison de refuser d’admettre
une identité, si d’ailleurs elle avait été suffisamment établie.
Dans les lignes que nous venons d’écrire , il y a une pre¬
mière partie offrant des mentions historiques certaines, qui
ont pu jeter quelque jour sur l’histoire du chevalier Arnould
d’Hesdin et contribuer à compléter l’intéressant travail de
l’un des directeurs du Bulletin ; il y a aussi une seconde
partie complètement hypothétique , qui pourrait être ren¬
versée par une phrase , un mot , d’une des chartes qui doi¬
vent être conservées en Angleterre. Nous ne l’ignorons pas ,
et nous regretterions que la partie historique eût à souffrir
de sa juxtaposition à des conjectures. Cette crainte ne nous
a cependant pas empêché d’exposer les suppositions qu’a¬
vaient éveillées en nous de longues recherches. L’histoire
n’a pas encore prononcé sur Arnould d’Hesdin :
Hislorici cerlant et adtiuc sub judice lis est.
G. Dehaisnes.
— 344 —
LE BAILLIAGE d’aIRE AU XIV.® SIÈCLE. (’)
( Extraits des comptes de cette juridiction ).
Entre les diverses séries de documents reposant aux Ar- '
chives de la Chambre des Comptes de Lille , il n’en est pas
qui aient été jusqu’ici moins consultées que les comptes des
juridictions secondaires, telles que bailliages , prévôtés,
châtellenies. Si ces énumérations de recettes eide dépenses
offrent moins d’intérêt que celles des comptes de la Recette
Générale des anciennes provinces du ressort de la Chambre,
elles fournissent néanmoins un contingent notable de ren-
,seignements curieux pour l’histoire des mœurs , des lettres,
des arts et des institutions : elles peuvent aussi aider à
mettre en lumière certains faits de guerre et de diplomatie.
Nous avons entrepris de résumer celles de ces séries de
comptes qui se rapportent aux temps les plus reculés , c’est-
à-dire au XIV.® siècle. On ne peut creuser trop profondé¬
ment, ni dans trop de sens différents , l’histoire du temps
et du pays de Froissart.
Nous plaçons aujourd’hui sous les yeux de nos lecteurs un
spécimen de ce travail. S’ils l’accueillent avec plaisir, nous
pourrons leur en présenter d’autres, empruntés alternative¬
ment aux différentes provinces du ressort : Artois, Flandre,
Hainaut , etc.
Notre méthode d’analyse consiste , comme on le verra, à
éviter de fastidieuses redites, sans omettre aucun fait
essentiel ou carastéristique.
Les comptes sur lesquels porte notre étude sont rendus,
tantôt au nom du chef de la juridiction (prévôt, bailli , ou
châtelain) , tantôt et pour lui , par le receveur du ressort.
Nous indiquons, toutes les fois que nous le pouvons, le nom
de l’un et de l’autre officier. A. Desplaxque.
(1) La série des comptes du Lailliage d'Aire , de 1347 à 1400, se
compose de quatre registres in*f. "'côtés A. 115 , 499, 503, 116 dans
l’ancien classement de la Chambre des Comptes.
— 345 —
Hugues de Dourier , bailli.
Compte de V Ascension à la Toussaint 1347.
Recettes : l.° Parties du domaine affermées : Chaussée
de Wittes, forages d’Aire et de Mentque ; pêcheries de
Mentque et de la Lys ; herbes et eaux du manoir de Com-
mines ; moulin de La Laquette à Renty , dit le xMolinel ;
moulins le Comte, dits du Grand Vivier; terre de Roque-
toire ; rentes du bois de Wasselau ; herbes entre le pont
Alard et la porte du Molinel à Aire, entre ledit pont Alard
et la porte Saint-Omer ; eaux des fossés d’Aire ; travers et
châtellenie d’Aire ; tourage du château d’Aire et herbage
des changles (fossés) ; manoir des Crakelins en la rue Saint-
Martin à Aire ; tonlieu et travers de Mentque ; connins
(lapins) de la garenne du bois de Wasselau; prés du sei¬
gneur « que on dist les prés le Conte; » mairie de Bléty ;
draperie de Belette « qui du tamps passé a esté achensé, si
est ad présent le plus grant jmrtie de le ville ivasté et ont
esté les gens escachiet pour les guerres , si on a pau drappé
en le ville , et de chou que drappé y fu, en est rechupt en ce
terme, 9 s. 4. d. pour le Roy; item, au duc 17 s. » —
2.0 forfaitures et échéances de bâtards. — 3.® blés et
avoines. — 4.® exploits du bailliage.
Dépenses ; 1.® enterrement d’un bâtard dont les biens ont
été dévolus au domaine: frais des obsèques, pain donné
aux pauvres , coût de la fosse , de Verche (cercueil) et du
linceul.
2. * Gages et aumônes ; gros des 6 prébendes du chapitre
d’Aire ; tiers des gages du bailli ; gages du forestier de bois ;
robes des quatre sergents héréditaires ; gages du concierge
de la salle , du chapelain qui chante à la salle , du ivaite
(guetteur) et du portier du château , du pendeur; rente à
l’abbé et au couvent de Ham pour l’anniversaire du comte
d’Artois ; don que madame d’Artois (Mahaut) fit aux pauvres
du bailliage d’Aire d’une rente annuelle de 70 livres tournois
« pour accater et donner 18 cottes de drap de couleur à 18
povres gentils femmes de ledicte baillie , et , de le demeure
(du reste) de l’argent, doit-on accater de buriel (drap de
bure) et saulers (souliers) à départir as communs povres de
ledicte baillie. »
3. ® Dépenses diverses: Foin et bûches fournis à M. de
Séchelles , gouverneur d’Artois ; voitures commandées pour
— 346 —
mener 100 rasières de blé d’Aire à Eperlecques et à la Mon-
toire ; les voituriers n’osant se risquer dans cette expédi¬
tion , on leur donne une escorte de gens d’armes.
4. ® Mises du bailliage : plaintes adressées à MM. les gou¬
verneurs à Arras sur les dégâts causés par les gens d’armes
de la garnison d’Aire. — Les châtelains de Béthune, Gosnay,
Chocques et La Buissiére, sont invités à se rendre vers le roi
(Philippe de Valois) à Hesdin, le 8 août 1347, pour avoir
argent. » (b — Lettres du bailli et du sire de Fosseux, au sujet
du trépas de madame d’Artois (Jeanne II, épouse d’Eudes IV,
duc de Bourgogne). — L’official de Térouane revendique,
comme étant de sa juridiction , un clerc laïc qui , au mépris
des trêves , s’était rendu coupable d’homicide sur la per¬
sonne d’un flamand. — Le bailli d’Aire représente au gou¬
verneur d’Artois et au bailli de Saint-Omer les dégâts et
excès commis par les sergents de ce dernier à Belettes et
dans le bailliage d’Aire.
5. ° Réparation et entretien des bâtiments domaniaux. —
Les chevaux du moulin Molant (l’un des moulins du Grand
Vivier) furent retenus en leur gîte le jour où le comte de
Northampton vint devant Aire (en août 1347).
Compte de la Toussaint 1347 à la Chandeleur 1348.
Dépenses: Gages de Raoul de Cremery, châtelain
d’Aire. — Enquête sur les délits commis à Belettes par les
sergents du bailliage de Saint-Omer. — Injures faites au
bailli d’Aire de passage à Rely.
Jacques de Lompré , bailli.
Compte de la Chandeleur à V Ascension 1348.
Dépenses : Emprisonnement d’une femme soupçonnée de
(b En ce temps enhorta tant U rois d’Engleterre les flamens ,. . . que
il issirent hors de Flandres bien cent mille , et s’en vinrent mettre le
siège devant le bonne ville d’Aire. Froissart , édition Kervyn, t. v ,
p. 183. — Quand li flamench furent retrait , li rois de France se dé¬
parti d'Amiens et vint à üèdxn , et là s’aresta pour atendre ses lioos,
et avoit peuple sans nombre. Ibid. p. 185.
(2) Tandis que li roy de France séjournoit au Pont-Saint-Maissence...
et que le roy d'Engleterre estoit encore devant Calais, tîst le conle
Derby qu’on dist deLencastre, et ses gens, une chevauchie et course à
plenté de gens d'armes et d'archiers , et de par le roy d’Engleterre ,
pardevers Saint-Omer et Aire , ardant , gastant et pillant le pays tout
environ, dont il y eult maints hommes prins , mors et nayrés. Chroni¬
queur anonyme de Valenciennes cité dans le Froissart-Kervyn , t. v, p.
505. Le comte de Northampton avait un commandement dans le corps
expédilionnaiic du comte Derby.
— 347 —
sorcellerie. — Vente de bois « wastés par les gens de l’host
(armée) qui furent à Ayre en Testé 1347. » — La femme du
Gouverneur d’Artois s’enquiert si le bailli d’Aire a fait pu¬
blier la trêve conclue entre la France et l’Angleterre.
Engüerrand, Seigneur de Louvencourt, bailli.
Compte de V Ascension à la Toussaint 1348.
Dépenses: Mandement du Gouverneur d’Artois au bailli
de Saint-Omer « contenant que cascuns fust près et appa-
reilliés en armes et en chevaux selonc son estât. »
Compte de la Toussaint 1348 à la Chandeleur 1349.
Recettes: Jean et Robin Cadart condamnés chacun à
60 s. d’amende à la franche vérité de belettes, r pour bataille
de puings, » composent avec le bailliage « pour che qu’il
avoient esté ars de le wère et qu’il ne tenaient riens du
signeur (comte d’Artois) , mais demouroient dessoux Tabbé
de Saint-Jehan ou Mont. » — Composition entre le bailliage
et Pierre Du Croc , drapier de Delettes , qui a contrevenu à
l’article du réglement de la draperie de cette localité , ainsi
conçu : « Quiconques fait ungdrap, s’il ne le porte parde-
vant eswardeurs esleus par le bailliu et par les drapiers, il
est à 9 s. d’amende pour cascun drap, dont li sires en a 3 et li
candelle du mestier 3, etli eswardeur 3. » — Rente con¬
fisquée sur Gilles de Morbecque qui, pendant les dernières
guerres , « fu pardelà en Flandres , avœc les ennemis du
Roy. ï
Compte de V Ascension à la Chandeleur 1349.
Recettes : Amende perçue sur Havot le Saunier pour
che qu’il jua as dés , oultre le deffense et les bans de le ville
d’Ayre. » — Le nommé Blancpain , accusé d’avoir donné
une huffe (souftlet) à un valet de Molinghem, et ne pouvant
être convaincu de ce fait, compose moyennant 30 s. —
Produit de la vente, par autorité de justice, des armes
saisies chez Andrieu Simon , soupçonné de larcin et fugitif.
Dépenses: Le seigneur de Cresecques revendique, comme
son homme « couchant et levant en sa haute justice , »
Colin Waslinel , emprisonné au château d’Aire « pour
murdre et ruberie ; » le Gouverneur d’Artois , consulté à ce
sujet, ordonne qu’on procède à l’exécution , nonobstant la
requête dudit seigneur ; frais de la pendaison du coupable.
— Margot Haveronne, auteur de « plusieurs mallefachons
— 348 —
et larchins, » est condamnée « à estre enfouie toute vive : »
17 hommes assistent à son jugement qui fut prononcé « hors
jour de court ; et pour ce « eurent leurs despens selonc le
coustume de ledicte court, par cascun homme 4 s. »
Compte de V Ascension à la Toussaint 1349.
Dépenses : Procès , au sujet de la justice de Roquetoire ,
entre le hailliage d’Aire et labbé de Saint-Bertin ; le procu¬
reur du bailliage , qui est venu défendre la cause aux plaids
de Montreuil , sollicite un délai 4 pour che qu’il disoit que
madame (d’Artois) venroit tost u pays et qu’elle en orde-
neroit. »
Compte de la Toussaint 1349 à la Chandeleur 1350.
Recettes : Andrieu Agache compose avec le bailliage
pour avoir « drappé en le ville d’Ayre , sans che qu’il fust
bourgois. » - - HavotLeleu , coupable d’avoir maltraité un
valet, compose , moyennant 25 sous , « pour che qu’il estoit
povre et qu’il estoit as saudées ( à solde) u castel d’Aire. »
Guillaume de Wailli , receveur.
Compte de la Chandeleur à l'Ascension 1351.
Recette : Jacques de Bailleulet, écuyer, ayant été constitué
prisonnier jusqu’à paiement d’une amende de 60 livres
4 pour che qu’il avoit laidement batu et navré Jean Le
Brun d’Inghem , » est mis en liberté, messire de Bourbon ,
lieutenant du Roi , lui ayant fait remise de cette amende.
Dépenses: Le Gouverneur d’Artois, alors à Aire,
mande au châtelain d’Hesdin de se tenir sur ses gardes
(contre l’ennemi). — Construction de nouvelles bretèques.
Guillaume de Wailli, rec. — Jean du Ploich , bailli.
Compte de la Chandeleur à la Toussaint 1355.
Dépenses : Le clerc du bailliage d’Aire se rend à Tournai,
afin de conférer des affaires de son bailliage avec les gou¬
verneurs d’Artois qui devaient se trouver pardevers le Roi
en ladite ville.
Compte de la Toussaint 1355 à la Chandeleur 1356.
Recettes : Amendes encourues par Wautier Foulkier ,
« pour avoir karyet warissons (grains sur pied) d’aoust,
après soleil ; y> par Robert Dolique , pour injures dites à
Jacques de Galonné , juré de la halle d’Aire ; par Maroie
Le Brune , pour un horion qu’elle donna.
— 349 —
Dépenses : Messager dirigé sur Arras et Cambrai vers les
gouverneurs d’Artois, par le bailli d’Aire, « en le sepmaine
que li roys Englés (Edouard lïl) fu devant Aire, (b » — Dé¬
penses faites par le procureur du bailliage lorsqu’il « ïnena
8 ouvriers d’Aire à le Bœverière , où il y a 5 lieues , et
pluisseurs gens à keval armez , pour avoir poissance à faire
abatre l’estoc d’un arbre séant en le dicte baillie, liquel li
prieux de le Bœverière avoit fait esbrankier pour le juris-
diction du signeur, et ledit arbre voloit atribuer à luy et,
adfin qu’il ne se peust vanter de saisine, fist ledit procureur
abatre ledit estoc. Item, ledit estoc mis et abatu, lidis prieux
le fist hoster et mener à se maison. » Débats qui s’en sont
suivi.
Compte de la Chandeleur à V Ascension 1356.
Dépenses : Paiement des arrérages dûs aux chanoines
d’Aire et aux officiers du château dont le traitement n’a pas
été payé à la Toussaint 13o5, « pour ce que li Roys avoit pris
respit de ses debtes. » — Le procureur du bailliage d’Aire
va à Hesdin , par devers les gouverneurs d’Artois, « pour
pluiseurs besoinges secrètes touckans l’iretaige de le conté
d’Artois. » — Saisie du temporel du prieuré de La Beuvrière.
Le prieur est ajourné au Parlement.
Compte de V Ascension à la Toussaint 13o6.
Dépenses : Le bailli d’Aire fait annuler des lettres de
rémission qu’avait obtenues du prévôt des maréchaux Pierre
Wallon , « saudoyer du chastel d’Aire, liquelx avoit navré
d’un coutel une femme en ledicte ville. »
Guillaume de Wailli , rec. — Jean de Hallenghes , bailli.
Compte de la Toussaint 1356 à la Chandeleur 1357.
Recettes : Un valet appelé Cornillot compose avec le
bailli d’Aire « pour ce que se femme entra en le maison d’un
bourgois de ledicte ville et prist, en ycelli maison , coses à
li appartenans , si comme elle disoit pour li faire payer de
ce que li bourgois li devoit. »
Compte de l'Ascension à la Toussaint 1358.
Recettes : Composition entre le bailliage d’Aire et
(^) Sur rexpédilion d'Edouard III en Artois en 1354, cff. Jean Le
Bel, édition Polain , t. ii , p. 177-188; Froissart-Kervyn , t. v,
p. 314-323 , et te Chroniqueur anonyme de Valenciennes, même volume ,
p. 518.
— 350 —
Mathieu Daiche , qui a battu un enfant « menre d’ans ; »
entre le même bailliage et Jean Sainte , de Delettes , dont la
femme était soupçonnée « de avoir fait battre Denis le
Barbier, p
Dépenses : Procès entre le bailliage d’Aire et le chapitre
de Térouane, qui a fait planter « une soif (haie) sur le flégart
et sur le quemin du seigneur. »
Compte de l'Ascension à la Toussaint 1361.
Dépenses : Gages de Guillaume de Le Bevrene , dit Tri-
boul, écuyer , nommé châtelain d’Aire le 22 juillet 1361.
Compte de la Chandeleur à l'Ascension 1362.
Dépenses : Gaucher de Chatillon , seigneur de La Ferté ,
et Mathurin Boger, lieutenant de madame d’Artois (Mar¬
guerite de France) , viennent à Saint-Omer « pour prendre
le conté d’Artois en le main de ma dicte dame. » — Dépenses
des deux clercs qui ont « renouvelé les escrips des rentes de
le baillie d’Ayre pour ce que li viez papiers estoit tous
deskirés , et les gens si mort et entracangiet et les héritages
en tant de manières départis que on ne povoit plus recevoir
lesdictes rentes sur le viez papier. j>
Compte de V Ascension à la Toussaint 1362.
Dépenses : Gages de Basse de Lincourt, écuyer , institué
châtelain d’Aire le 2 juillet 1362. — Paiement d’une rente
sur le bois de Wasselau, jadis donnée au couvent de Long-
champ par madame Blanche de France amortie par Phi¬
lippe de Bouvre , et Marguerite de France , comte et com¬
tesse d’Artois. ( Sera continué ).
ORNITHOLOGIE DU NORD DE LA FRANCE.
L’Ornithologie est, de toutes les parties de l’histoire na¬
turelle, la plus populaire et la plus cultivée ; mais, malgré
le grand nombre de personnes qui s’intéressent aux oiseaux
ou qui les collectionnent plus ou moins scientifiquement ,
combien de monde encore ne se rend pas compte des
richesses locales en ce genre, et ne se doute pas des res¬
sources que chaque région offre à l’étude.
Ainsi on ignore généralement chez nous que sur 520 à
530 espèces d’oiseaux européens, 330 peuvent figurer sur
— 351 —
le catalogue ornithologique du Nord de la France. N’esl-ce
pas là une proportion considérable et bien faite pour encou¬
rager les amateurs?
On ne saurait trop répéter que la base de toute collection
d’histoire naturelle publique ou privée devrait être la
réunion des faunes locales. Les plus riches collections, celles
qui ont le plus fait avancer la science, n’ont eu d’autre point
de départ que la recherche de quelques objets qui tombaient
les premiers sous la main d’un jeune amateur ; pour les
oiseaux ce furent les premiers sujets tués à la chasse, et em¬
paillés comme trophées d’adresse.
Prié par MM. les directeurs du Bulletin de donner à
leurs lecteurs un aperçu de l’ornithologie de nos contrées ,
je ne puis mieux faire que de résumer ici le catalogue
inséré en 1865 dans les Mémoires de la Société des sciences
de Lille , avec quelques légères modifications amenées par
cinq nouvelles années d’études. Dans ces sortes de recher¬
ches, chaque jour apporte son contingent, et ce n’est pas
la moindre utilité de ces relevés locaux que de former un
cadre dans lequel viennent s’insérer jour par jour, à leur
place, les découvertes et les observations.
Indépendamment de toute classification scientifique ,
on peut diviser les oiseaux d’une région en quatre caté¬
gories : Ceux qui y habitent toute l’année ; ceux qui y
séjournent au moins une saison ; ceux qui y passent plus ou
moins régulièrement et enfin ceux qui ne s’y capturent
qu’accidentellement ; c’est-à-dire les sédentaires , les sé¬
journants , les passagers et les fortuits.
Dans cet ordre d’idées , nous comptons , dans le départe¬
ment du Nord et sur ses confins , les frontières belges d’une
part , le Pas-de-Calais et la Somme , jusqu’à l’embouchure
de cette rivière , d’autre part, 49 espèces sédentaires , 54
séjournants, 125 passagers et 102 fortuits.
352 —
Bien entendu , il n’y a rien de tout-à-fait absolu dans
celle division. Il arrive quelquefois qu’une espèce regardée
comme passagère niche exceptionnellement dans le pays ;
telle autre qui y a longtemps séjourné , à l’époque des nids,
cesse de s’y reproduire. De même il arrive qu’une espèce peut
être à la fois sédentaire et émigrante , car certains oiseaux,
après s’être reproduits dans une contrée, forment à l’au¬
tomne des volées nombreuses qui émigrent , tandis qu’une
autre portion reste pendant l’hiver. La Chouette Effraie, le
Pinson, l’Etourneau, le Ramier sont dans ce cas ; maismalgré
ces exceptions , la division précédente n’en est pas moins
aussi exacte que peuvent l’être ces sortes de classifications
basées sur les mœurs.
Les espèces sédentaires dans le Nord sont généralement
bien connues. Nous n’ajouterons que peu de choses à la
liste que voici :
Buse [Buteo cinereus , Bp.) — Bondrée (Pernis apivorus,
Guv.) — Cresserelle ( Tinnunculus alaudarius , Br.) —
Epervier {Accipiter nisus, Pallas.) — Busard harpaye
(Circus œruginosus^ Bp.) — Chevêche [Athene noctua, Bp.)
— Hulotte ou Chat-huant (Sî/rmum aluco^ Lin.) — Effraie
[Strix flammea , Lin.) — Pic vert [Picus viridis^ Lin.) —
Martin pêcheur (Alcedo hispida , Lin.) — Troglodyte (Tro-
glodijtes europœus, Cuv.) — Grimpereau (Certhia fami-
Maris , Temm. , bi'achydactijla , Brehm.) — Mésange char¬
bonnière {Parus major ^ Lin.) — Mésange bleue {Cyanistes
cœruleus, Kaup.) — Mésange huppée [Lophophanes cris-
tatus, Kaup.) — Mésange nonette {Pœcila palustris ,
Kaup.) — Mésange à longue queue {Mecistura caudata,
Leach.) — Alouette des champs [Alauda arvensis , Lin.) —
Alouette cochevis [Gelerida cristata , Boié.) — Grive draine
(Turdus viscivorus , Lin.) — Merle noir (Turdus merula ,
Lin.) — Accenteur mouchet [Accentor modularis , Cuv.) —
— 353 —
Rouge-gorge [Erijthacus rubecula , Giiv.) — Pie-grièche
grise (Lanius excubitor ^ Lin.) — Geai [Garrulus glanda-
rius , Br.) — Pie {Pica caudata , Ray.) — Grand corbeau
[Corvus corax, Lin.) — Choucas [Lycos monedula , Boié.)
— Freux [Corvus frugilegus ^ Lin.) — Corneille [Corvus
corone, Lin.) — Etourneau (Sturnus vulgaris^ Lin.) —
Bruuni imne [Emberiza citrinella , Lin.) — Proyer [Cyn-
chramus miliaria ,, Bp.) — Gros bec [Coccothraustes vulga-
ris, Br.) — Pinson [Fringilla cœlebs^ Lin.) — Moineau [Pas¬
ser domesticus , Br.) — Friquet [Passer montanus ^ Br.) —
\ erdiier {Chlorospiza flavigaster. Lin). — Chardonneret
[Carduelis elegans^ Br.) — Bouvreuil [Pyrrhula vulgaris ,
Br.) — Linotte ordinaire [Linota cannabina , Bp.) — Ru-
mier [Columba palumbus ^ Lin.) — Faisan [Phasianus col-
chicus f Lin.) — Perdrix grise [Perdix cinerea^ Br.) —
Raie d’eau [Rallus aquaticus^ Lin.) — Poule d’eau [Gai-
linula chloropus^ Lath.) — Foulque [Fulica atra, Lin.) —
Héron [Ardea cinerea, Lin.) — Grèbe castagneux [Podiceps
minor , Lath.)
On pourrait peut-être ajouter quelques espèces dont les
nids se trouvent de temps en temps, isolément, et qui de¬
viendraient ainsi sédentaires au moins cette année-là : Le
Faucon pèlerin qui, d’après Degland, aurait niché quelque¬
fois dans les falaises du Pas-de-Calais ; le Canard sauvage
qui niche çà et là dans nos grands marais ; les Hirondelles
de mer Caugek , Pierre Garin , minule et épouvantail , et
la Mouette rieuse , dont les œufs se rencontrent parfois sur
les grèves et dans les dunes.
Il y a dans cette liste quelques espèces dont les habitudes
sédentaires ne sont pas régulières. Ainsi la Bondrée, qui se
reproduit dans plusieurs de nos grands bois, ne reste guère
dans le Nord en hiver; elle y est surtout commune en
automne. Cependant plusieurs captures faites en décembre
— 554 —
et janvier, dans les environs de Lille, m’engagent à la
maintenir.
Il en est de même de la Hulotte.
La Mésange huppée est toujours rare ; je ne l’ai guère
observée dans le département du Nord , mais d’après Mar¬
cotte [Animaux vertébrés de V arrondissement d'Abbeville)
elle est sédentaire dans la forêt de Crécy , et d’après Degland,
dans la forêt de Mormal, ce qui aurait peut-être besoin de
confirmation.
Le Bruant proyer est une de ces espèces qui émigrent,
mais qui laissent derrière elles quelques individus. Chaque
hiver, on en trouve dans les paquets d’Alouettes qui arri¬
vent à Lille de Calais et de Dunkerque au moment des
neiges. Il parait au reste nicher moins volontiers dans
nos plaines qu’autrefois.
Le Bouvreuil, quoiqu’il niche encore chaque année dans
quelques-uns de nos bois , entr’autres à Hollebeke (Bel¬
gique) , devient de plus en plus rare en automne et en
hiver. Les oiseleurs ne le prennent plus qu’accidentelle-
ment , mais , même à l’époque où il était plus commun, ses
apparitions d’hiver étaient plutôt de petits passages suc¬
cessifs que des séjours prolongés.
La seconde catégorie de notre ornithologie locale com-
prend les séjournants , 54 espèces. La plupart sont des
oiseaux qui arrivent dans le Nord pour y nicher et y élever
leurs jeunes, et qui vont ensuite passer la mauvaise saison
dans des climats plus méridionaux ; quelques-uns font le
contraire : ils viennent du Nord en automne et passent
l’hiver ici , tels sont la Corneille mantelée et le Pinson
d’Ardennes.
Voici ces cinquante-quatre espèces.
Hobereau (Dendrofalco subbuteo , Bp.) — Emérillon
— 355 —
[Æsalon lithofalco , Kaup.) — Busard Saint^Martin {Stri-
giceps cyaneus , Bp.) — Busard moutagu {Strigiceps cine-
rascens , Bp.) — Moyen-duc [Otus vulgaris , Flém.) —
Engoulevent [Caprimulgus europœus , Lin.) — Martinet
noir (Cypselus apus, III.) — Coucou (Cuculus canorus ,
Lin.) — Pic épeiche {Picus major , Lin.) — Pipit des prés
(Anthus pratensis , Lin.) — Pipit des arbres (Anthiis ar-
boreus, Lin.) — Bergeronnette printanière {Budytes flava^
Bp.) — Bergeronnette grise (Motacilla alba^ Lin.) —
Grive vulgaire (Turdus musiciis , Lin.) — Rousserolle tur-
doïde (Calamoherpe turdoïdes , Bp.) — Effarvatte [Cala-
moherpe arundinacea^ Boié.) — Verderolle [Calamoherpe
palustris , Boié.) — Phragmite des joncs {Calamodyta
phragmitis ^ Bp.) — Phragmite aquatique [Calamodyta
aquatica. Bp.) — Hypolais contrefaisant [Hypolais sali-
caria^ Bp.) — Pouillot fitis (Phyllopneuste trochilus, Beg.)
— Pouillot veloce (Phyllopneuste rufa , Lin.) — Pouillot
siffleur [Phyllop. sibüatrix ^ Bp.) — Fauvette babillarde
[Sylvia curruca^ Lath.) — Fauvette grisette (Sylvia cine-
rea , Br.) — Fauvette des jardins [Curruca hortensis)
Penin.) — Fauvette à tête noire [Curruca atricapilla , Br.)
— Rossignol [Philomela luscinia^ Br.) — Rouge queue des
murailles (Ruticilla phænicura , Bp.) — Rouge queue
tythys (Ruticilla erythaca^ Bp.) — Tarier (Pratincola ru-
betra, Kaup.) — Gobe-mouche gris [Butalis grisola, Boié.)
— Hirondelle de cheminée (Hirundo rustica , Lin.) —
Hirondelle de rivage [Cotyle riparia , Boié.) — Hirondelle
de fenêtres [Chelidon urbica, Boié.) — Pie grièche rousse
[Enneoctonus rufus^ Boié.) — Pie grièche écorcheur [Enn.
collurio, Boié.) — Corneille mantelée [Corvus cornix ,
Lin.) — Loriot [Oriolus galbula , Lin.) — Bruant des ro¬
seaux (Schœnicola arundinacea. Bp.) — Bruant ortolan
[Emb. hortulana ^ Lin.) — 'Bruant zizi [Emb. cirlus, Lin.)
— oo6 —
— Pinson d’Ardennes (F7’m^t7/a montifiingilla^ Lin.) —
Tarin [Chrysomitris spinus, Boié.) — Tourterelle des bois
(Turtur auritus , Ray.) — Caille [Coturnix communis,
Bonn.) — Marouelte vulgaire {Porzana maruetta, Gr.) —
Marouetle de Bâillon (Maruetta pygmœa. Bp.) — Raie de
genêt {Ortygometra crex, Gray.) — QEdicnème criard
(Œdicnemus crepitans ^ Temon.) — Vanneau huppé {Va-
nellus mstatus , Lin.) — Pluvier à collier interrompu
(Charadrius cantiamts , Lath.) — Pluvier à collier [Chara-
drius hiaticula , Lin.) — Blongios {Ardeola minuta Bp.)
Le Hobereau ne niche que rarement ici ; j’en ai observé
une nichée de trois jeunes , il y a quelques années , à Ques-
noy. Je n’en connais pas de capture faite l’hiver ; néanmoins
M. Marcotte l’indique comme sédentaire dans l’arrondisse¬
ment d’Abbeville.
Le Busard Saint-Martin est aussi assez rare au moment de
la reproduction ; il a niché quelquefois aux environs de
Lille , plus souvent dans les marais qui longent les côtes
maritimes du Pas-de-Calais ; ce n’est cependant pas une
espèce exclusivement marécageuse : dans le centre de la
France il niche quelquefois dans des bruyères très-sèches.
Le Moyen-duc, que je range parmi les séjournants, pour¬
rait à la rigueur être placé parmi les sédentaires et aussi
parmi les passagers ; mais ses captures d’hiver sont si rares
que je les regarde comme exceptionnelles , au moins dans
notre département. En revanche son passage d’automne ,
en bandes quelquefois nombreuses , est assez régulier.
Le Pic épeiche qui niche fréquemment ici, nous quitte-t-il
régulièrement l’hiver ? Je le crois , cependant il est signalé
comme sédentaire à Abbeville.
L’Hypolais polyglotte ou lusciniole {Hypolais polyglotta ,
Bp.), longtemps si mal connu, et qui est encore aujourd'hui
une pierre d’achoppement pour bien des naturalistes , doit
— oo7 —
être rayé de la liste des séjournants où je l’avais mis en 1865.
Ses apparitions sont accidentelles. Je crois en posséder les
œufs , trouvés à Quesnoy , mais n’ayant pas vu l’oiseau qui
les avait pondus , je ne puis les rapporter à cette espèce que
d’après la description des auteurs. Cette nidification serait
d’ailleurs un fait isolé.
Le Bruant zizi pourrait être regardé comme sédentaire ,
au même titre que le Proyer , car il se prend quelquefois en
hiver, mais je crois ces captures moins fréquentes. Cet oi¬
seau affectionne certains cantons où il revient nicher exclu¬
sivement à d’autres qui paraissent être dans les mêmes con¬
ditions. Je n’en ai jamais vu autour de Lille au printemps ,
tandis qu’ils sont communs aux environs de Saint-Omer.
Le Raie ou la Marouette poussin se reproduit si peu régu¬
lièrement dans le Nord, qu’il faut, je crois, la retrancher de
la liste des séjournants où je l’avais mise, pour la placer
parmi les passagers. Plusieurs autres espèces d’échassiers
s’éloigneront ainsi progressivement à mesure que le dessè¬
chement des marais s’étendra de plus en plus.
Il faudra sans doute aussi rejeter bientôt parmi les passa¬
gers rCEdicnème criard; il a disparu de la localité qu’il
affectionnait le plus dans nos environs, cette fameuse plaine
de Lens, longtemps si célèbre par l’abondance de son gibier,
aujourd’hui envahie par les houillères et où les oiseaux
sont moins nombreux que les mineurs.
( La suite au prochain numéro.) A. DE Norgüet.
CHRONIQUE
Arelicologic préhistorique. Atelier de l’âge de
la pierre polie. — M. Laloy, d’Haubourdin , vient de
trouver près de la citadelle d’Arras , entre les routes de
Doullens et d’Arras, de nombreux débris de silex taillés.
— 358 —
Quelques-uns ont la forme de lance , caractéristique de
l’époque de la pierre polie ; et, d’ailleurs , un fragment a
été parfaitement poli.
IVlétéorologie. OCTOBRE
1870
Température moyenne . 10.° 36
ï » des maxima . 14.® 12
» » desminima . 6.° 60
* extrême maxima , le 2. . 20.” 70
» » minima , le 12 . 3.° 00
Baromètre hauteur moyenne à 0.° _ 7S5“™090
» hauteur extrême maxima, le 1 . . 773“"‘60
» r> ï minima, le 23. 737“”13
Tension de la vapeur atmosphér . 7“"’47
Humidité relative moyenne ®/o . 81.00
Epaisseur de la couche de pluie . 166"‘'"35
ï de la couche d’eau évaporée. . 43T"’91
OCTOBRE
année moy.
11.0 44
757r 913
8””‘49
83. 38
67^75
4ir99
Le manque de pluie qui se faisait sentir depuis le 18 sep¬
tembre ne cessa que le 8 octobre, mais dès ce moment la
chùte d’eau météorique fut presque continue jusqu’à la fin
du mois.
L’épaisseur de la couche d’eau recueillie en 21 jours fut
de 166.“® 33. Jamais, depuis vingt ans, il n’était tombé
autant de pluie en un mois.
La quantité de vapeur d’eau dissoute dans lair était
énorme , car la hauteur moyenne du baromètre fut de l.““
823 inférieure à la moyenne générale d’octobre et de 4.““
321 à la moyenne annuelle.
Cependant, à la suiface du sol, malgré les nombreux
brouillards (27) et les rosées fréquentes (22), l’air fut moins
humide qu’il ne l’est ordinairement pendant ce mois : aussi
l’épaisseur de la couche d’eau évaporée fut-elle un peu plus
grande qu’en octobre année moyenne.
Cela lient à l’intermittence de la pluie et de la sécheresse
du vent qui produisit les tempêtes des 12 , 13 , 16 et 23.
— 559 —
L’énorme quantité de vapeur d’eau répandue dans l’air
y amena une masse d’électricité qui se manifesta par les
grandes condensations des 20 , 26 et 31 , les tempêtes pré¬
citées, les éclairs sans tonnerre des 23, 26, 27, 28, la
grêle du 28 , les aurores boréales des 24 et 23 , et au point
de vue physiologique par l’exacerbation de toutes les dou¬
leurs nerveuses. V. Meurein.
Qéoloj^ie. Terrain silurien du Boulonnais. — « Un son¬
dage exécuté àCaffiers vers 1834 a rencontré, au lieu du ter¬
rain houiller, des schistes phylladiformes contenantdes em¬
preintes que l’on a rapportées avec doute à des graptolites
(^). Ces schistes ont été classés , par M. Marchison , dans le
terrain silurien et M. Gosselet les a considérés comme le
prolongement de la bande silurienne de Gembloux, tout en
disant que les échantillons recueillis au moment du sondage
n’étaient pas assez bien conservés pour que l’on put les
déterminer même génériquement. Plusieurs géologues ont
au contraire rattaché ces schistes au terrain dévonien supé¬
rieur. M. Triger qui a exploré, en 1867, les terrains paléo¬
zoïques du Boulonnais et qu’une mort si imprévue a enlevé
avant qu’il ait eu le temps de publier ses observations , a
retrouvé, dans les déblais dupuits de Caffiers, des graptolites
et j’ai moi-même recueilli, au même endroit, des exemplaires
très-nets dans lesquels M. de Verneuil a reconnu le grap-
tolytes colonus û\i terrain silurien moyen de Bohême. C’est
donc bien à ce terrain qu’appartiennent les schistes de Caf¬
fiers. y> ( Communication de M. Ed. Pellat à la Société géo¬
logique de France , dans la séance du '^0 juin 1870 ).
J. G.
(b Les graptolites sont des fossiles de nature fort problématique;
on les rapproche des sertulaires ou nicduses coralliformes. Ils sont
caractéristiques du terrain silurien moyeu.
— 360 —
IWoovelles «Ses Seiences et des Lettres. —
L’Académie d’Arras n’ayant pu tenir de séance publique
cette année à cause des événements , et ses divers concours
étant terminés depuis longtemps , elle a procédé le 21 octo¬
bre à l’ouverture des plis cachetés , et les lauréats ont été
proclamés ainsi qu’il suit :
Histoire. — M. Louis Gavrois , auditeur au Conseil
d’Etat, médaille d’or de 100 francs pour son travail sur
Jean de la Vacquerie, sujet proposé par l’Académie.
Mémoire hors concours. — M. Ad. de Cardevacque ,
médaille d’argent à titre de mention et encouragement ,
pour son Histoire des évêques d’Arras.
Poésie. — M. Delphis de la Cour, à Loches, médaille
d’argent, constatant une mention , pour sa pièce de poésie
ntitulée : Souvenirs de Couzières.
Peinture. — M. Dubois , artiste peintre à Arras, prix inté¬
gral de oOO francs , fondation d’un membre de l’Académie.
Faculté «les IScieoceis de Lille. [Cours publics du
2Jremier semestre 1869-70 ouverts le l.®*" Décembre 1870).
— Mécanique rationelle mardi et samedi à neuf heures :
M. Guiraudet , professeur , exposera les principes de la
dynamique ; il traitera principalement du mouvement d’un
point et de la statique. — Astronomie descriptive , les mer¬
credis à huit heures du soir : M. Guiraudet , professeur ,
continuera à exposer les faits principaux de l’astronomie.
— Physique , les lundis et vendredis à huit heures du
soir : M. Hanriot , professeur , traitera de l’acoustique et
de l’optique. — Chimie , les mardis et jeudis à huit heures
du soir: M. Ch. Viollelte , professeur, traitera de la chimie
minérale. — Zoologie , les mardis et jeudis à six heures et
demie du soir: 31. Dareste de la Chavanne, professeur ,
traitera de la reproduction et du développement des ani¬
maux. — Minéralogie , les mercredis à cinq heures : M.
Gosselet , professeur , traitera des métaux et des minerais
métalliques. — Géologie , les samedis à huit heures du soir:
31. Gosselet, professeur, traitera de la constitution géolo¬
gique du département du Nord et des pays voisins. — Litté¬
rature française , les mercredis à six heures et demie : —
Histoire, les samedis , à six heures et demie. — Dessin ap¬
pliqué aux Arts industriels , le dimanche à huit heures et
demie du matin. Gérant : E. Gastiaux.
TYP. DE BLOCQIIEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2/ Année. — N.° 12. — Décembre 1870.
TRAVAUX DES SOCIÉTÉS.
SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE LA MORINIE.
Travaux courants.
Nous avons rendu compte (Bulletin , 1. 1 , p. 249) du xiii.®
volume des Mémoires de la Société des Antiquaires de la
Morinie dans lequel le Dictionnaire topographique de Var-
rondissement de Saint-Omer ^ rédigé par feu M. Courtois,
occupe une grande place. Ce volume était imprimé et livré
au public lorsqu’un heureux hasard fit découvrir, dans les
papiers du défunt, Vîntroduction qu’il se proposait de placer
en tête de son travail. Cette introduction, que la Société de
la Morinie vient de publier et de distribuer à ses corres¬
pondants pour être insérée en son lieu dans le t. xiii des
Mémoires , se compose de trois parties : la l."® traçant le
plan du Dictionnaire topographicjue ; la 2.™® fournissant
l’indication bibliographique des sources ; la 3.*"® contenant
une Notice géographique sur V arrondissement de Saint-
Omer.
Nous extrayons de celle-ci les principaux passages:
L’arrondissement de Saint-Omer correspond à peu près
au centre et au nord du Pagus Taruennensis ou Thérouen-
nais , dont Thérouanne , la cité des Morins, était le chef-
lieu. L abbaye de Saint-Bertin est encore désignée, dans une
charte du roi Lolbaire de 962, comme étant située in pago
Taruenensi. Ce pagus faisait partie de la Regio Taruennica
qui, avec la Flandre et la cité de Boulogne , composait la
Marche ou marquisat, Marka, prématurément désignée par
les historiens postérieurs sous le nom de comté de Flandre.
C’est seulement après la mort d’Arnould le Vieux (964) et
pendant la minorité de son petit-fils Arnould le Jeune , que
la Marche a été démembrée et qu’on voit se former , à ses
— 362 —
dépens, les comtés de Boulogne, de Saint-Pol et de Guînes,
ainsi que le temporel de l’évêché de Thérouanne. Par suite,
la partie de la Marche qui était restée à Arnould le Jeune
commença à être désignée de son côté sous le nom de
marquisat ou comté de Flandre, Par suite encore, les deux
villes de Saint-Omer et d’Aire qui étaient membres de ce
comté devinrent les chefs-lieux de deux châtellenies, c’est-
à-dire de deux grands fiefs dominants dont relevaient les
domaines particuliers compris dans leurs circonscriptions :
Castellania Sancti Audomari memhrum fuit Flandriæ.
Ici se présente une question qui paraît avoir échappé à
tous les historiens. C’est celle de savoir pourquoi et com¬
ment la ville de Thérouanne , le chef-lieu de la Morinie ,
dont le Boulonnais , le Ternois , le Thérouannais et le
Mempiscon (les arrondissements de Dunkerque et d’Ha-
zebrouck et la partie de la lisière de la Belgique où sont les
villes d’Ypres , de Nieuport et de Fumes) n’étaient que les
cantons , n’est pas restée du moins le chef-lieu du Thé¬
rouannais , comme Boulogne et Saint-Pol sont restés ceux
du Boulonnais et du Ternois.
La cause de cette anomalie , de celte exception la voici :
Thérouanne était la ville épiscopale de la Morinie.
Or, d’après le principe de l’hérédité des fiefs ou bénéfices ,
proclamé par la révolution féodale , sanctionné par l’avé-
nement au trône de Hugues Capet et passé , au xi.® siècle ,
à l’état de fait accompli , la ville épiscopale de Thérouanne
fut considérée comme un fief de l'évêché , comme une sei¬
gneurie particulière relevant du comte de Flandre. Il en
fut de même de toutes les possessions qui appartenaient à
l’église et au chapitre.
Les comtes de Flandre , tout en respectant cet état de
choses établi par l’usage, ne laissaient pas que d’exercer
leur droit de suzeraineté sur la ville de Thérouanne , en
intervenant notamment dans les élections d’évêque , qui se
faisaient parle haut clergé du diocèse, joints à eux les ha¬
bitants de Thérouanne eux-mêmes. Afin de se soustraire à
cette sujétion, l’évêque Milon II s’était adressé au roi de
France , Louis VI , et il en avait facilement obtenu , en
1156, des lettres d’amortissement qui consacraient la liberté
de l’église de Thérouanne et mettaient toutes ses possessions
sous la protection royale. De là le titre de Régale de Thé¬
rouanne qui prit , dès lors, la circonscription territoriale
qui formait le temporel de l’église cathédrale des Morins
— 363 —
et de l’évêché. De là aussi le droit de souveraineté directe
qu’exercèrent toujours les rois de France sur Thérouanne
et sur le territoire qui en dépendait.
Ces faits nous expliquent à suffisance pourquoi la ville
de Thérouanne , malgré son titre de cité , s’est trouvée tout
à coup déchue même de celui de chef-lieu de l’ancien Thé-
rouannais.
Puisque nous en sommes aux études topographiques sur
l’ancienne Morinie , disons un mot du Mémoire sur le Pagus
Bononensis et le Pagus Teruanensis que M. A. Longnon
publiait naguère dans le 2.® fascicule de la Bibliothèque de
VEcole des hautes Edudes, pour faire suite à ses précédentes
recherches sur divers pagi de la Gaule. Ce travail nous a
été signalé par une remarquable analyse qu’en a donnée
M. Giry , ancien élève de l’Ecole des Chartes , dans le
Bulletin de la Société des Antiquaires de la Morinie (Juillet-
Décembre 1869). M. Giry est mieux à même que personne
de nous initier à la pensée de l’auteur qu’il résume. Ses
longs séjours à Saint-Omer, ses travaux d’exploration dans
les archives de cette ville, l’ont familiarisé avec la topo¬
graphie du pays : ils lui fournissent le moyen de contrôler,
de rectifier au besoin les assertions de M. Longnon.
M. Longnon commence par dégager l’une de l’autre les
deux cités de Boulogne et de Thérouanne.
Neuf documents antérieurs à l’an mil l’aident à recons¬
tituer le Pagus Bononensis et lui permettent d’attribuer à ce
territoire les localités suivantes :
1. ° 776, Loningaheim, Leulinghen, canton de Marquise.
2. ® 807 , Gisna ^ Guines ; Totingetun super fluvium
Wasconingawalay Todincthun, hameau d’Audinghem, sur
le ruisseau qu’on appelle t ru de Guiptun ; * Ecloum ,
Eclemy, hameau de Sanghen.
3. ® , Curmontium super fluvium Edivinia , Cor-
mont sur la Dordonne.
4. ® 853, Mighem^ Inghem, hameau de Terdinghem ;
Cafitmere , Caffiers.
— 364 —
5. ° 863 , Diortcaldingaiiin , Wadenthun , hameau de
SainMnglevert.
6. ° 867, Quertliaco ^ Clerques; Broma, Brèmes; Min-
thiaco super fluvio Elna ^ Menlque sur l’Hem, affluent de
l’Aa ; Uphem super ^uvium Helicbruna, lieu indéterminé
sur le ruisseau du A\Mmereux ; Wileria , Wierre-Effroy.
7. ° 868, Walhodeghem \ probablement Outreau ; Wacho-
nisvillare, Le Wast ; Turbodinghem, Turbingen, ferme de
la commune d’Outreau ; HeiHngen , lieu inconnu.
8. ® 917 , Atliniacum , Autingues ; ISigella, ISielles-lez-
Ardres.
9. ® 962 , Wachimmllare , encore Le Wast.
Nous laissons à notre savant confrère , M. Haigneré , le
soin de se prononcer en dernier ressort sur la valeur de
ces attributions. (^)
M. Longnon , après avoir épuisé toutes les questions
relatives à la géographie du pagus Bononensis, s’applique à
* déterminer les localités comprises dans le Teruanensis
pagus. Il se trouve d’abord en face de la célèbre donation
d’Adroald en 648. M. Giry fait remarquer qu’on ne s’est
pas assez préoccupé jusqu’ici de faire rentrer les villages
primitivement donnés à Saint-Bertin dans les limites ter-
(1) Toutefois exprimons, dès maintenant, une surprise et un
regret. M. Longnon, qui cite avec des égards mérités le travail de
l’archiviste de Boulogne sur l'existence d’un siège épiscopal en cette
ville avant le vu.* siècle, parait ignorer que le m('me érudit a composé
un Dicïionmire topographique de VarrondUsemenl de Boulogne, qui a obtenu
le second prix en 1861 au Concours de la Sorbonne : il ne semble pas
connaître davantage le travail analogue auc;ucl M. Courtois s'est livré
pour l arrondissement de Saint-Omer et qui a valu à son auteur une
mention honorable au Concours de 1863; ce dernier ouvrage est,
depuis l'année dernière, entre les mains du public. — Nous ne dou¬
tons pas que si M . Longnon se lût m.'.s en rapport , en temps utile, avec
ces deux topographes dont le nom a acquis une légitime autorité , il
n’eût modifié la rigueur du jugement qu'ii porte sur les attributions de
lieux O proposées par les érudits de la contrée, » attributions qu’il
déclare très-inlérieures à celles adoptées parM. Le Prévost dans sa
Table du Carlulaire de Saint-Bertin. Si M. Longnon veut faire ici allusion
aux travaux de feu M. Harbaville et des rares survivants de son
école , nous sommes prêt à lui donner raison ; mais nous pensons
qu'il aurait tort d'envelopper dans la même condamnation les deux
répertoires, de date encore récente , que nous venons de lui signaler.
— 365 —
ritoriales que leur assigne la charte du donateur. Auchy ,
Fontaine-lez-Hermans , Landrethun sont, suivant lui, trop
éloignés de la villa de Sithiu pour avoir jamais pu faire
partie de ses dépendances. M. Longnon traduit Wiciacum
par Wisques , Tatinga villa par Tatinghem, Alciacum
par Zudausques. M. Giry accepte ces attributions et, après
en avoir discuté quelques autres, il conclut comme suit :
Quand on est absolument sûr de quatre des localités de
la charte : Saint-Omer , Wittes , Zudausques , Tatinghem ,
et qu’on a parcouru à pied leur territoire , on peut parfai¬
tement par la pensée reconstituer ce domaine d’Adroald
donné à Saint-Bertin ; on en mesurerait presque la con¬
tenance. C’est une vallée qui s’étend le long du plateau des
Bruyères qui domine Saint-Omer et dont le fond extrême
était un peu plus bas que Longuenesse , l’endroit où s’éta¬
blirent plus tard les Chartreux dits du Val Sainte-Alde-
gonde. C’est dans ce territoire qu’il faut chercher tous les
lieux désignés dans la donation.
M. Giry n’est même pas éloigné de voir dans Zudausques
l’endroit où a été donnée la charte d’Adroald : Actum Ascio
villa dominicâ.
Vingt textes contenant des mentions de localités posté¬
rieures à la fondation de Saint-Bertin , et se renfermant
dans un espace de trois siècles , (de 704 à 1002) , per¬
mettent à M. Longnon et, après lui, à M. Giry, de
reconstituer intégralement le Pagus Teruanensis comme
ils ont fait pour le Bononensis,
Ne pouvant discuter un à un chacun de ces textes, nous
allons indiquer celles des attributions proposées par M. Lon¬
gnon qui s’écartent des interprétations admises par M. Le
Prévost , dans la Table du Cartulaire de Saint-Bertin,
A. O 723. Strato : au lieu d’Estrée, canton d’Etaples ,
M. Longnon propose Austra, hameau d’Esquerdes. — Leo-
dringas mansiones: Lederzeele suivant M. Le Prévost;
Ledringhem d’après M. Longnon, d’accord en cela avec
M. Mannier.
— 566 —
A.° 800. Ascio super fluvio Widolaci : M. Longnon lient
pour Aix-en-Issart plutôt que pour Aix-en-Ergny ; Aix-en-
Issart est situé sur le ruisseau nommé actuellement Bras-de-
Brône. — Sanctum: M. Le Prévost ne savait s’il fallait in¬
terpréter ce nom ancien par Sains-lez-Fressin ou par Sains-
lez-Pernes. M. Longnon se prononce pour Sains-lez-Fressin.
A.® 811. Bagingatun: M. Le Prévost hésitait entre
Bainclhun ou Bayenghem-lez-Eperlecques. M. Longnon se
prononce pour Baincthun.
M. Longnon définit trois autres localités anciennes dont
M. Le Prévost renonçait à retrouver le nom moderne.
A.® 868. Humbaldingahem que M. Mannier traduit par
Eblinghem (Nord) est, suivant M. Longnon, Boisdinghem
(Pas-de-Calais).
A.® 877. Turringahem semble bien être, comme le dit
M. Longnon, la même chose que Turnehem^ aujourd’hui
Tournehem.
Vers 93o , Falcoberg , Fauquembergues.
M. Longnon s’abstient de définir les localités suivantes,
qui , avant lui , à l’exception de la dernière, avaient arrêté
également M. Le Prévost :
A.® 800. Hildwalcurt et Lonastum super fluvio Abbun-
funtana : On a souvent inierprèié Lonastum par Loon,
auquel cas le fluvius Abbunfuntana serait le Mardick.
A.® 867. Heingasele sur l’Tser. — Mekeriæ, locus in
pago Teruanense , infra Mempiscum. Pourquoi ne serait-ce
pas Merckeghem , comme le veulent beaucoup d’auteurs ?
A.® 877. In pago Ternensi, in Menolvingahem... et in
Vertuno. — Vertuno , venant à la suite d’une assez longue
énumération de localités, peut, à la rigueur, être considéré
comme n’appartenant pas au pagus Ternensis : car il arrive
souvent, dans ces sortes de dénombrements, que les pre¬
miers noms cités se trouvent seuls compris dans la circons¬
cription à laquelle on les rapporte. Le rédacteur de l’acte
passe alors, par inadvertence et sans en prévenir son lec¬
teur , d’un pagus dans un autre. Si l’on admet que le cas
s’est produit ici , on ne sera plus empêché d’assimiler Ver-
tunum à Verlon , localité de l’ancien Ponthieu.
En dehors des documents renfermés dans le Cartulaire
de Saint-Bertin , publié par Guérard , M. Longnon cite six
— 367 —
extraits de chartes où sont mentionnées des localités appar¬
tenant au pagus Teruanensis.
A.® 831. Botritium, Bouret-sur-Canche.
A.® 877. Auciacum super finvium Wellula. M. Longnon
adopte, faute de mieux, l’opinion de Malbrancq qui traduit
par Auchy-au-Bois sur le ruisseau de La Laquette.
A. O 974. Botritium et Bollenicurtis : Bouret-sur-Canche
et Rollencourt.
A. O 980. Rumingehem et Keremberg ; Ruminghem et
embergues , hameau de Nordausques.
A. O 982. Businghim , Boëseghem : l’église de ce village a
encore aujourd’hui pour patron saint Léger, comme au temps
de la rédaction de la charte qui nous occupe.
A. 0 1002. Terdenghem^ Terdeghem.
Les légendaires lui fournissent deux autres mentions :
1. ® Amaniacum [ex Miraculis S. Wandregisili.) Mencas,
canton de Fruges , suivant M. Longnon.
2. ® Herlerum [ex Vita S. Walherti.) Les Bollandistes
l’ont traduit par Herly , canton de Hucqueliers. M. Longnon
croit que ce village , ayant été donné par S. Walbert à l’ab¬
baye de Luxeuil , a pris le nom de son donateur et est
devenu Wambercourt.
Depuis que l’article qu’on vient de lire est rédigé , nous
avons reçu de M. l’abbé Haigneré , archiviste de Boulogne,
une série d’observations que nous croyons devoir reproduire
ici , en leur conservant la forme épistolaire adoptée par
l’auteur. Les numéros de paragraphes de la lettre M. Hai¬
gneré correspondent aux divisions du Mémoire de M. Lon¬
gnon sur le pagus Bononensis.
Les études de M. Longnon sont sérieuses; mais elles
devaient être et elles sont nécessairement défectueuses et
incomplètes. Je vais passer en revue celles de ses attributions
qu’il est impossible d’admettre.
Pagus Boînonensis. 2.® Totingetun. Malgré la présence
d’un Todincthun à Audinghem, je pense que l’alliance qui
— 568 —
est faite de ce nom avec Gisna, par la conjonction sive, ne
permet pas de les confondre. Totingetun doit être une loca¬
lité perdue , autrefois située dans le voisinage de Guines ,
sur l’un des cours d’eau qui sortent des marais ou des iva-
tines (ivasconing) des environs. IVasconingaivala ne peut
être le ruisseau de Guiptun (Gibbingatun des chartes d’An-
dres). Ecloum aussi est perdu. Est-ce Eclémy-sur-Sanghen ?
est-ce VEclogne, vulgairement les Clognes , sur Wirwignes ?
je ne saurais le dire.
4.0 Quant à Cafitmere^ c’est Camiers , Casmera , Garnir,
Caput Maris, des chartes de Saint-Josse et de Samer. Il y
a là une mœre , un étang , dont le nom se retrouve dans la
formation de celui du village. Mighem est resté dans Le
Minghem , terroir situé entre Camiers et Etaples, qui se re¬
marque sur les cartes dressées par M. Marguet, ingénieur
de Boulogne, dans son rapport sur les fouilles de Quentovic.
5.0 Diorivaldirgatun est pris pour Verlincthun , par
tous nos historiens boulonnais , à la suite de Malbrancq. Il a
pourtant existé un hameau de Dirlinghetun, sur Hames-
Boucres, et il en est parlé dans la chronique d’Andres. Wa-
dentun n’a rien de commun avec ce lieu.
6.0 Quertliaco velBroma sive Menthiaco super fluvio Elna,
c’est Carly et Menty sur la Liane, Menty, hameau de Ver¬
lincthun. Broma est perdu , à moins qiLon ne le retrouve
dans quelqu’un des Bronne qui terminent le nom de localités
environnantes , telles que Liemhronne, hameau de Tingry.
Ai-je besoin de vous donner la preuve qu’E/na est la Liane?
Beportez-vous à la Vie de saint Orner , où vous trouverez
(Ghesqüiére, Act. SS. Belg. t. ni, p. 626*627), que c’est
le nom du petit fleuve qui à Boulogne se rend à la mer :
Parvum [lumen quod accolœ nominatur ipsis in parlibus
Elna... prædictus rivulus Elna intrat in mare. — ElnafLi-
vius est encore cité dans le diplôme de 1199 pour l’abbaye
de Samer que Migne a publié dans le t. ccxvii de sa Patro-
logie latine, p. 41. Uphem est la ferme d'Upen , fief ainsi
désigné en 1553 dans un état des fiefs du Boulonnais iHupen),
sur la commune de Wierre-Effroy. On l’appelle aujourd’hui
le Paon, par corruption ; mais les paysans continuent de
dire le Pen, quoique dans leur idiôme ils prononcent le nom
de l’oiseau d 'Argus avec le même son qu’on lui donne en
français. Dans leur idée , il n’y a donc entre ces deux mots
aucune synonymie. H elichbruna est un des noms de la Slack,
et Wileria n’est autre que Wierre-Effroy. Des titres de 1569
-- 569 —
que j’ai consultés dans les minutes de M.® Bary , notaire à
Boulogne , mentionnent à Rety , à peu de distance de la
ferme du Peu et près de la Rebertingue , un lieu de Helle-
bronne vers lequel coulait un rieu qui partait du bois de
Gontay.
7.0 Jfalbodeghem d’après les Bollandistes , JValbodin-
gehem , d’après Mabillon {Act. SS. 0. S. B.) est le nom du
hameau central de l’aggrégation de lieux-dits qui porte au¬
jourd’hui la dénomination générale d’Outreau , ( ultra
aquam) , canton de Samer , près Boulogne. Ce nom existait
encore dans les terriers du siècle dernier sous la forme Wa-
binghen. Turbodinghem , aujourd’hui Turbinghen , ferme
du hameau de la Salle , à Outreau , était là tout auprès.
L’église d’Outreau a dû perdre son vocable primitif de
Saint-Quentin , pour prendre celui de Saint-Wandrille qui
est venu éclipser son premier patron. La villa Heringem ne
m’est pas connue : ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas ce que
M. Longnon a cru lire sur la carte de l’Etat-major , dans la
commune de Saint-Etienne, où il n’y a pas Eringhen, mais
Fnn^ùe/i , lieu appelé Froingehem en 1208 , dans la bulle
d’innocent III pour Notre-Dame de Boulogne.
8.° L’/lf?miumdeCharles-le-Simple doit être Attin, elNi-
gella n’est pas indiqué comme étant sûrement en Boulonnais,
où il y a cependant Nelles, près de Neufchâtel. Pourquoi
ne serait-ce pas Noyelles (Tigny-Noyelles) , pas bien loin
d’Attin ?
Pagus Terüanensis. — Je ne m’étendrai pas autant sur
ce second pagus , la matière m’étant moins familière. Tou¬
tefois, et puisque le regrettable M. Courtois n’est plus là
pour protester contre quelques-unes des assertions hasardées
du jeune érudit parisien , je noterai les points suivants :
Pourquoi Auslra plutôt qu’Etrehem? Il vaut mieux inter¬
préter Rumliacum par Remilly-Wirquin que par Rombly.
Je repousse l’assimilation d' Humbaldingahem diYecBoisdm-
ghem. Amaniacum ne peut être Mencas. H eiderum on mieux
Herleium est bien Herly.
Vous me consultez aussi, mon cher ami, sur l’analyse
qu’a donnée M. Giry du Mémoire de M. Longnon, analyse
où se rencontrent, à côté de vues très-souvent ingénieuses,
certaines affirmations dont vous me permettrez de contester
l’exactitude.
M. Giry insiste avec raison sur la persistance des anciennes
— o70 —
divisions civiles , et il voudrait retrouver les limites du
Pagus Bononensis en dehors de la circonscription civile de
l’ancien Boulonnais. Je crois que rien n’autorise , au con¬
traire , à sortir de cette circonscription , si ce n’est pour
Guînes, qui a dû en être détaché par Sifrid-le-Danois ;
mais il n’y a pas lieu d’aller jusqu’à Ardres, et je penche à
regarder la terre de Merck comme n’y ayant été jointe que
plus tard. Aucune localité , citée comme étant du Pagus
Bononensis, ne se trouve en effet, si ce n’est Totingatum
sive Gisna , hors de l’ancien Gouvernement du Boulonnais,
tel qu’il subsistait encore en 1789.
M. Giry commet une erreur qu’il faut lui signaler, lors¬
qu’il place à Remilly-Wirquin , un prieuré de l’ordre de
Cluny , au xiii.® siècle. Ce prieuré, en effet, était à Ru-
milly-le-Gomte, dans le canton d’Hucqiieliers, et il était déjà
soumis à l’ordre de Cluny , lorsque, vers l’an 1125, le comte
de Boulogne , Eustache III , s’y retira pour y mourir quel¬
ques années plus tard sous l’habit religieux.
Quant à Remilly-Wirquin, le patron de la paroisse était
saint Orner, et le chapitre de la collégiale de ce nom y avait
des dîmes dont il jouissait encore au xviii.® siècle, et dont
il est fait mention déjà dans unecbarte de 1139. (V. Cour¬
tois.) Cela suffit pour présumer que , lors d’un partage
entre l’abbaye et le cliapitre. Remil ly ait pu être attribué à
ce dernier. D’ailleurs la forme ancienne du mot est iden¬
tique : Rumeliaco.
J e trouve très-ingénieuse l’idée de rechercher dans la vallée
de Sithiu la trace des localités mentionnées dans la charte
d’Adroald ; mais cependant j’en suis détourné par cette con¬
sidération que les anciens fiefs avaient des dépendances
souvent fort éloignées de leur chef-lieu. Par exemple , la
baronnie de Bellebrune, une des douze de l’ancien comté de
Boulogne , avait des arrière-fiefs situés à de grandes dis¬
tances , puisqu’on en retrouve à trois lieues de là, dans la
vallée de Billioville , prés Boulogne, et que la seigneurie de
Zoteux, à 6 kilomètres d’Hucqueliers , en était une dépen¬
dance.
L’ancienne châtellenie de Fiennes comptait. un grand
nombre d’arrière-fiefs , disséminés sur tous les villages qui
s’étendent depuis celte localité jusqu’à Wimille , près Bou¬
logne. Le fief de la Maréchalerie du Boulonnais étendait sa
juridiction sur diverses terres , depuis Conteville jusqu’à
Neufchâtelo
— 371 —
S’il en était ainsi des possessions des petits hobereaux de
notre ancien comté ; si le fameux Goibert englobait dans
ses propriétés des villages qu’il faut aller chercher depuis
les bords delà Canche jusque sur le territoire belge, pour¬
quoi les appartenances 'de la seigneurie de Sitbiu ne se
seraient-elles pas étendues jusqu’à Frencq , dont on s’est
accordé jusqu’ici à faire le Franciliaco de la charte
d’Adroalcl ? Pourquoi n’y comprendrait-on pas Rumilly-Ie-
Comte , si on le veut , comme il semble assez qu’on doive
le faire, d’après ce qui en est dit dans le cartulaire de
Simon, touchant les démêlés desBertiniens avec les Cluni-
siens ? Allons plus loin : }!asto n’est-il pas pour Wasto , ce
Wachimvillare que nous retrouvons entre les mains des
Bertiniens au x.® siecle, lorsque l’abbé Ragenold y va
purger son elephantiasis ? Pourquoi Laudardiaca même ne
deviendrait-il pas le Laudacj^e d’Hesdin-l’Abbê, Hisdennel^!)
passé plus tard aux mains des abbés de Samer ?
Je vous livre ces réflexions pour ce qu’elles valent; mais,
puisque l’occasion s’en présente , je ne crois pas inutile de
les jeter au vent de la discussion.
Agréez, etc. D. Hâigxeré.
Nous accueillons avec bien du plaisir les remarques de
M. Haigneré , ne désirant rien tant que de voir notre Bulle¬
tin , quand nous serons sortis des graves préoccupations ac¬
tuelles, devenir un lieu de rencontre où les hommes d’étude
échangeraient leurs vues sur les divers points d’érudition
intéressant l’histoire de la contrée. A. Desplanqüe.
BIBLIOGRAPHIE.
JEAN BART,
So7i influence , son époque ,
par le docteur A. Lebleu, de Dunkerque. P)
On est toujours sûr d’être bien accueilli du public , lors¬
qu’on a à lui parler de Jean Bart. Peu de noms sont envi-
(1) Br. in-8.° de 130 p. Dunkerque, Kien, 1870. — Cette étude
est destiné à figurer dans le t. xv des Mémoires de la Société dun-
herquoise.
— 572 —
ronnés d’une popularité aussi étendue , aussi légitime, et
peu d’époques ont été , au même degré que la sienne , mar¬
quées du sceau de la vraie grandeur. Les épreuves du temps
présent nous aident à mieux comprendre combien fut large,
prévoyante et élevée , la politique extérieure de Louis XIV ;
elles donnent ainsi un surprenant caractère d’actualité à
l’étude de M. A. Lebleu sur Jean Bart.
M. A. Lebleu est frère de l’ancien commandant du Génie
dont nous signalions ici même , l’année dernière (voir Bul¬
letin, t. I, p. 143), \di Notice historique sur Dunkerque.
M. A. Lebleu a traité , avec tous les Séveloppements néces¬
saires , le plus important chapitre du sujet si heureusement
esquissé dans son ensemble par M. son frère. L’auteur de la
nouvelle étude sur Jean Bart ne se borne pas à résumer tous
les faits positifs qu’on a recueillis sur la carrière deTillustre
marin. Ils applique à le replacer dans son milieu historique ;
sans se laisser aucunement dominer par la doctrine du fata¬
lisme des races , il étudie physiologiquement et moralement
les origines de son héros. Le père et le grand-père de Jean
Bart furent tous deux corsaires et tous deux moururent de
blessures qu’ils avaient reçues en combattant contre les
Anglais. Sa grand’mère était Agnès Lacobsen , fille du glo¬
rieux capitaine du Saint-Vincent , qui , enveloppé par huit
navires hollandais , fit sauter son vaisseau plutôt que de se
rendre.
N’est-il pas vrai qu’ici le caractère des ancêtres explique
celui du descendant ? Quand on sait de qui Jean Bart était
fils et petit-fils, on n’en est plus à se demander où il avait
puisé ses trésors d’énergique audace , de mâle fermeté.
L’année 16o0, date de la naissance de Jean Bart, est ,
comme l’observe M. Lebleu, un moment solennel dans
l’histoire. Elle vit naître Guillaume d’Orange à la marine
duquel le héros dunkerquois devait porter de si terribles
— 575 —
coups : elle vit Louis XIV s'acheminer vers sa majorité ; elle
ménagea enfin la transition entre la première et la seconde
moitié du siècle, si différentes l’une de l’autre. Dans la pre¬
mière, Richelieu et Mazarin posent laborieusement les fon¬
dements de notre grandeur nationale. Dans la seconde ,
Louis XIV , recueillant le fruit de leurs efforts , impose à
l’Europe, comme un double fait accompli, la prépondérance
de la couronne de France, l’abaissement de la maison
d’Autriche.
Pour le précis de la vie et des exploits de Jean Bart,
M. Lebleu s’en rapporte volontiers à la Notice de M. Van-
derest. Il ne fait qu’un reproche à son estimable devancier :
c’est d’avoir admis, dans son livre, à côté de faits de guerre
avérés , indiscutables , des anecdotes dénuées de preuves,
souvent grotesques , et qui tendent à faire disparaître le
grand homme dont la vie est acquise à l’histoire, sous le
héros de je ne sais quelle épopée burlesque. Ces anecdotes,
mises en circulation par les Mémoires de Forhin où perce
à l’égard de Jean Bart une mesquine jalousie , reprises et
amplifiées 150 ans plus tard, par le fantaisiste Richer,
accréditées auprès de nos contemporains par Eugène Sue ,
paraissent à M. Lebleu éminemment suspectes. Elles ca¬
drent mal avec ce qu’on sait , par ailleurs , du caractère
modeste et réservé de Jean Bart, de ses vertus domestiques
et de ses sentiments religieux. L’historien dunkerquois
Faulconnier et le poète flamand De Swaën , qui tous deux
l’ont connu de près , nous le dépeignent tout autre qu’on ne
l’entrevoit à travers les brumes de la Légende française. (*)
{}) Nous disons la Légende française ; car , dans la Flandre espa¬
gnole , il s’en est formée une autre d’un tour plus sombre et dont le
fond semble emprunté au mythe germanique du Vaisseau-Fantôme.
Ecoutons à cet égard M . L . de Baecker , {Mémoires de la Société dunker-
quoise, années 1854-1855, p. 380.) « A Wenduyne (Belgique) le long
des côtes, entre les dîmes et le Graef-Jansdyck, il se trouve quelques
huttes habitées par des pêcheuses de grenades. Ces bonnes femmes
— 374 —
Non , Jean Bart ne fut pas le grossier capitan qu’on se
figure. Sans doute, ce rude marin , ce flamand flegmatique,
put se trouver dépaysé parmi les courtisans de l’OEil de
bœuf; mais il ne commit, dans rantichambre du Roi,
aucune des inconvenances qu’on lui prête. Louis XIV, qui
se connaissait en hommes et qui haïssait d’instinct les
« magots de Téniers, » n’eût pas eu pour notre compatriote
les délicates attentions qu’il lui témoigna: il l’eût payé en
monnaie plus grossière , s’il eût jugé que ses manières
fissent sérieusement tort à son caractère.
M. Lebleu s’inscrit contre la double qualité de t simple
pêcheur » et de c génie de second ordre » que la plupart
des biographes appliquent à Jean Bart. Nous savons déjà
quelle était sa naissance : elle le plaçait hors de la classe du
peuple , dans les rangs de la bonne bourgeoisie dunker-
quoise. Les deux unions qu’il contracta successivement le
maintinrent dans cette catégorie sociale. Sa seconde femme
appartenait à la famille Tugghe sur laquelle un autre his¬
torien duiikerquois , M. Cartier, prépare une utile notice.
Engagé , comme simple mousse , dès l’âge de douze ans,
dans la marine hollandaise, Jean Bart avait trouvé le temps
de s’y faire distinguer par le célèbre amiral Ruyter, mais
non d’acquérir une instruction régulière.
Il ne manquait pourtant pas de connaissances mathéma¬
tiques. Il parlait le flamand , l’anglais , peut-être aussi le
norwégien , et c’était précisément sa familiarité avec ces
diverses langues qui nuisait à son français. Aux archives de
racontent aux étrangers qui visitent ces parages , qu’il leur est arrivé
plus d’une fois de voir, la nuit , errer sur les flots un navire de feu.
Elles disent que ce vaisseau est celui que montait Jean Bart, l’illustre
marin, lorsqu’il battait ses ennemis , et que cette apparition est son
ombre qui parcourt le théâtre de ses anciens exploits. Elles préten¬
dent que ce fantôme est parfaitement reconnaissable : car l’ombre de
sa forte stature est dessinée par les flammes da navire qui serpentent
et ondoient autour d’elle; Cette tradition ne prouve -t-elle pas l’épou¬
vante qu’a laissée le nom de Jean Bart dans ce pays ? »
— 375 —
la Marine , on ne conserve guère de lui que des signatures,
pas plus mal tracées, du reste, que celles de ses glorieux
contemporains, Duquesne, Saint-Pol et autres, qui, comme
lui , dictaient toutes leurs lettres ou notes de service.
Nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur la vile
extraction et l’ignorance crasse dont les historiens d'une
certaine école font autant de titres de gloire pour Jean
Bart. Nous allons voir que l’homme privé n’avait rien de
vulgaire. Le désintéressement et la modestie formaient les
deux bases essentielles de son caractère. Celui qui donna de
si grands développements à la guerre de course , et qui
aurait pu légitimement s’attribuer une part importante de
tant et de si riches captures, mourut pauvre, ou, du moins,
sans avoir sensiblement accru sa fortune patrimoniale.
Chose non moins remarquable ! Le héros qui jamais ne
trembla devant l’ennemi et qui , suivant la remarque de
M. Lebleu , exerçait sur ses compagnons d’exploits ce solide
ascendant que donne seule l’habitude de se commander à
soi-même, ce foudre de guerre, rendu à ses amis, à sa
famille , devenait d’une timidité, d’une douceur presque
enfantines , à moins que ses devoirs de citoyen ou de père
ne l’obligeassent à se montrer rigide. Quand on le félicitait
des succès de sa carrière , il les attribuait à sa bonne for¬
tune, ou mieux encore à la protection divine. Il offrait à la
Sainte Vierge les pavillons qu’il enlevait à l’ennemi : » Ver¬
tueux, dit De Swaën, causant familièrement avec tous,
secourable aux indigents, il ne laissa jamais sortir quel¬
qu’un sans une satisfaction , sinon entière , au moins par¬
tielle. J»
Quand il était de loisir sur la terre ferme, il allait sou¬
vent passer des semaines entières avec sa femme et ses
enfants chez son parent, le curé de Drincham, homme de
mérite , avec qui il était intimement lié : « Je ne veux
— 576 —
point vous être à charge , disail-il en arrivant, c’est moi
qui ferai ici toute la dépense. > (M
Les sentiments religieux de Jean Bart ne peuvent faire
doute pour quiconque examine la question sans parti-pris.
Le célèbre marin n’eût pas été de son temps , de sa pro¬
vince et de sa ville, s’il n’eût professé pour le catholicisme
un attachement sincère et pratique. Le curé de sa paroisse
et quatre de ses notables concitoyens, consultés sur sa foi et
sur ses mœurs , lorsqu’il s’agit de conférer à Jean Bart
des lettres de noblesse , attestent que sa foi se traduit par
des actes de piété , par la fréquentation des Sacrements.
Ses mœurs, ajoutent-ils , sont en rapport avec la pureté de
ses croyances.
Laissons l’homme privé et revenons à l’homme public ,
ou , pour mieux dire, à l’homme de mer. M. Lebleu trouve
qu’on ne rend pas assez justice_ à Jean Bart lorsqu’on le
considère comme un hardi et heureux aventurier , dans la
tête duquel ne seraient jamais entrés aucun plan général,
aucune conception grandiose. Après avoir justifié, au point
de vue du droit des gens , la guerre de course telle que
l’avait réglementée Louis XIV, après avoir surtout démontré
que Jean Bart demeura constamment étranger aux basses
cupidités et aux ruses perfides d’un forban, M. Lebleu
prouve que le grand marin dunkerquois fit faire des progrès
considérables, quoique peu remarqués, à cette branche im-
(q Un zélé chercheur, au savoir et cà l’obligeance duquel je ne
recours jamais on vain , M. David , du Comité flamand de France, me
communique sur ce curé de Drincham , une note ainsi conçue: « N.
(Xicolas ou Xorberl) Bart fut vicaire de Brouckerke du 1 octobre
1675 au 13 octobre 1676. Le Cameracum chrislianum le dit curé de Drin¬
cham de 1677 à 1704. Il desservit accessoirement la cure d'Eringhem
du 4 février au 5 mars 1690. Il remplit les fonctions de promoteur du
district de chrétienté de '\Vatten, du 25 janvier 1680 au 4 juillet 1694.
Il exerçait, depuis seize ans, celles de supérieur du séminaire de
Cupere* à Bergues, lorsque la mort le surprit en cette ville, le 25
août 1720. »
— 37r —
portante de l’art maritime. Jean Bart, suivant M. Lebleu,
inventa la division de course :
Cette division de course consistait en escadres de 6 à 8
frégates légères , fines voilières , d’une marche supérieure,
à manœuvres faciles , armées d’un équipage nombreux et
aguerri. Jean Bart pressentait fort bien les coups inces¬
sants et irréparables qu’il porterait au commerce ennemi,
lui qui, d’une part, pendant son séjour chez les Hollandais,
avait pénétré les secrets de leur commerce, et qui, de l’autre,
depuis son retour à Dunkerque , avait étudié à fond , —
avec son tact de vieux pilote et sa grande mémoire locale ,
— les faits nautiques ou astronomiques , les courants , les
marées , les bancs , les rochers , les hauts ou bas-fonds de
tous ces parages, et ce labyrinthe de passes que nous avons
signalé en face de Dunkerque. C’est ainsi qu’il échappera
insaisissable par la vitesse de sa marche ; harcelant sans
cesse l’ennemi, tenant en échec des flottes de trente à qua¬
rante vaisseaux de guerre rendues impuissantes, et à travers
lesquelles il s’esquivera audacieusement ; les intimidant
même quelquefois le boute-feu à la main par une adresse
plus grande encore, pour courir les mers , qu’il s’agisse de
détruire les ennemis, ou d’assurer l’approvisionnement de
la France.
Ce fut en 1691 que Jean Bart parvint à faire goûter au
ministre Pontchartrain son système d’excursions maritimes.
Dès lors , ses entreprises acquirent un degré d’importance
et d’efficacité qu’elles n’avaient pas eu jusque-là. Par le
rapprochement imprévu des faits et des dates , M. Lebleu
prouve que la conclusion du traité de Ryswick, si avanta¬
geux pour la France, est due en grande partie à ce que
Jean Bart tenait la mer du Nord. En ruinant dans ces pa¬
rages le commerce anglais et hollandais , il suscita indirec¬
tement les émeutes de Londres et d’Amsterdam. Quand le
peuple de ces deux villes se sentit affamé , il voulut la paix
à tout prix et il l’imposa à ses gouvernants.
N’est-ce pas là un résultat vraiment digne d’admiration ?
Si le chef de corsaires dunkerquois ne mit pas en ligne de
— 378 —
bataille d’immenses flottes comme en faisaient manœuvrer,
pour le compte du Roi, Tourville, Duquesne et d’Estrées ,
ne dépensa-t-il point, dans sa sphère d’action relativement
obscure , nécessairement ingrate , un génie aussi inventif ,
aussi fécond que le leur ? Voilà pourquoi M. Lebleu ne se
console point de voir son glorieux compatriote relégué au
second rang parmi les grands hommes du xvii.® siècle. La
fable et la comédie sont en elles-mêmes, dit-il, des genres
inférieurs à la tragédie : La Fontaine et Molière ne sont-ils
pas admis pourtant à marcher de pair avec Corneille et
Racine?
Jean Rart, qui avait emprunté aux hollandais le secret de
leur grandeur maritime et qui voulait y initier la France, fit
école autour de lui, moins par ses enseignements que par
ses exemples. Saint-Pol, de Tourouvre, Saus, Forbin aussi,
furent ses élèves, comme lui-même l’avait été de Ruyter.
Quant il mourut en 1702 dans sa ville natale , emporté par
une pleurésie qu’il avait contractée au service du Roi, il eut
la consolation de pressentir que son idée capitale lui survi¬
vrait. La guerre de course fut continuée après lui , avec des
succès qui nous dédommagèrent en partie de la ruine de notre
grande marine. Ces succès eurent une notable influence sur
la conclusion du Traité d’Utrecht (^) qui sauva la France et
lui donna ses limites actuelles (moins la Lorraine et les
(1) A propos des négociations qui précédèrent la conclusion du
Traité d’Utrecht , M. Lebleu a écrit un chapitre trop intéressant pour
que nous nous résignions à le qualifier de digression. L’auteur s’est
surtout aidé, pour éclaircir ce point d’histoire* diplomatique, du livre
de M. Marius Topin, intitulé L'Europe el les Bourbons sous Louis XIV.
Dans ce livre, M. Topin , digne neveu de M. Mignet, a mis en pleine
lumière le caractère du cardinal de Polignac, diplomate dont la dignité
ferme et soutenue mérite d’être appréciée. Aux hollandais qui, lors
des conférences de Gertruydenberg se montraient intraitables, il
disait : « Vous parlez comme des gens qui n’êtes pas habitués à
vaincre ! » et , plus tard , rompant toute négociation avec eux k
cause de leur mauvais vouloir, il déclarait se placer, «lui et son
roi , sous la protection du Dieu qui sait humilier , quand il lui plait ,
ceux qu’une prospérité inouïe aveugle ! »
~ 379 — •
annexes récentes.) Les anglais ne mirent à cette paix qu’une
condition sine quâ non : ce fut le démantèlement de Dun¬
kerque, ayant pour corollaire l’ensablement de son port.
Pouvaient-ils convenir plus ouvertement du préjudice que
Jean Bart et ses hardis compatriotes leur avaient occasionné,
de la terreur que le souvenir de l’un et l’audacieuse ini¬
tiative des autres leur causaient encore ? — Ce fut l’honneur
de Dunkerque de servir , par son abaissement momentané,
de rançon à la France ! A. Desplanque.
DIVISION DE LA CRAIE BLANCHE DU HAINAUT EN QUATRE ASSISSES
par MM. Cornet et Briart d)
Malgré la grande épaisseur de la craie blanche du Hai-
naut (326 m. à Nimy) , on n’avait pu jusqu’à présent y
établir de divisions. MM. Cornet et Briart, dont nos lecteurs
connaissent déjà toute la sagacité , sont arrivés à résoudre
ce problème géologique.
Ils ont divisé la craie blanche en quatre assisses qui sont
de bas en haut :
1.® Craie de Saint-Waast qui contient dans le bas de
nombreux rognons de silex , mais qui en est complètement
dépourvue dans le haut. Elle renferme peu de fossiles sauf
des polypiers dans sa partie supérieure. Son épaisseur est
de 51 mètres au maximum.
2.0 La Craie d'Obourg qui contient par place de volumi¬
neux silex noirs. Elle est séparée de l’assisse inférieure par
un conglomérat de fragments de craie roulés, de débris
d’Inocérames et de poissons. Elle est divisée en deux parties
inégales par un conglomérat de même nature ; son épais¬
seur maximum est de 150 mètres. Belemnites quadratus ,
(D Mémoires couronnés de l’Académie des sciences de Belgique,
t. XXXV, 26 p. in-4.°, 2 pl.
— 580 —
Belemnites mucronatus^ Echinocory s gibbus sont ses îossües
les plus abondants.
3. ® Craie de Nouvelles qui est d’un blanc si parfait, qu’elle
fait paraître grises les autres craies. C’est la plus pure de
toutes : on l’emploie pour la fabrication du blanc d’Espagne
et pour la production de l’acide carbonique dans les sucre¬
ries. Elle renferme de gros silex noirs très-volumineux ; son
épaisseur est d’environ 20 mètres ; on y trouve : Belemnites
mucronatus , Echinocorys ovatus , Magas pumilus.
4. ® Craie de Spiennes. Elle se distingue des autres assisses
parce qu’elle est légèrement grisâtre, non traçante, rude au
toucher , disposée en bancs épais et réguliers. Elle exige
pour la cuisson une grande quantité de combustible, aussi ne
s’en sert-on pas à la fabrication de la chaux. On a tenté de
remployer comme pierre de construction. Elle renferme
d’abondants silex bruns qui sont utilisés par la couverte des
faïences et que l’on exploitait déjà à l’époque de l’âge de
pierre polie pour la confection des haches.
Dans un travail précédent , MM. Cornet et Briart ont fait
connaître des puits de cet âge qui ont servi à l’extraction
des silex. Dans les champs voisins on rencontre une grande
quantité d’éclats de silex et de haches plus ou moins im¬
parfaites : il y avait là un vaste atelier de fabrication .
La craie de Spiennes a une épaisseur d’environ 150 m. ;
elle commence par un conglomérat de fragments de craie ,
de nodules de phosphate de chaux , de silex , de débris de
fossiles, etc. qui repose sur la surface profondément durcie,
jaunie et perforée de la craie de Nouvelles. Ses principaux
fossiles sont : Belemnites mucronatus , Baculites Faujasii,
Fissurirostra Palissii , Echinocorys ovatus.
Au-dessus de la craie de Spiennes, vient la craie bru¬
nâtre de Ciply que MM. Cornet et Briart, à l’exemple de
tous les géologues , rapportent à l’étage de la craie supé-
— 581 —
rieure. Elle renferme presque tous les fossiles de la craie
de Spiennes , sauf Echinocorys ovatus ; elle en contient
en outre beaucoup d’autres propres à la craie supérieure.
_ J. G.
HISTOIRE ET SCIENCES LOCALES.
ORNITHOLOGIE DU NORD DE LA FRANCE {suite).
Nos oiseaux passagers , c’est-à-dire ceux qui , dans leurs
migrations périodiques , passent à peu près régulièrement
dans nos contrées , sont au nombre de 125. Je n’en dé¬
taillerai pas la liste qui donnerait à ce simple aperçu une
dimension exagérée ; mais , dans cette catégorie comme
dans les deux premières , il y a des espèces qui forment
quelquefois exception , en se propageant accidentellement
dans le pays , et d’autres qui , passagères pour une
grande partie , se montrent en plein hiver , quand le froid
devient très-vif et que la neige couvre la terre, Je m’arrê¬
terai à quelques-unes de ces espèces.
La Huppe {Upupa epops^ Lin.) a niché plusieurs fois
à ma connaissance dans le département du Nord ; j’en ai eu
des œufs de Verlinghem , près Lille ; elle s’est aussi pro¬
pagée dans la Somme. Elle paraît séjournante en Belgique
dans la vallée de la Meuse ; je ne l’ai vue nulle part
aussi abondante au printemps , que dans les jardins
d’Aranjuez , en Espagne.
Le Torcol [Yunx torquilla , Lin. ) est dans le même cas.
Ses passages d'automne ^ont assez réguliers et quelquefois
nombreux , mais ses nichées ici sont tout à fait excep¬
tionnelles.
La Grive litorne {Turdus pilaris. Lin.) aurait niché aux
environs de Bergues d’après Degland qui tenait sans doute
cette observation de M. de Meezemaker. C’est un oiseau
— 582 —
migrateur en ce sens qu’il arrive au commencement de
l’hiver, en volées quelquefois immenses , dans les parties
marécageuses de nos plaines. Ces bandes disparaissent si
l’hiver est doux, mais si la neige tient , elles reparaissent,
et alors ces oiseaux naturellement méfiants se laissent
prendre au filet en grande quantité ; tous les marchés en
sont pourvus.
Le Merle à plastron {Turdus torquatus , Lin.) nicherait
quelquefois dans l’Ardenne belge d’après M. de Selys ; dans
le département du Nord il est purement passager.
Le Roitelet huppé {Regulus cristatus ^ Ray.) a fait son
nid , il y a deux ans , dans un if , à Niellesdez-Ardres (Pas-
de-Calais).
Le Traquet rubicole (Pratincola rubicola , Kaup.) se voit
assez souvent en automne sous sa livrée de jeune ; il niche
en petite quantité aux environs d’Abbeville ; je l’ai vu en
juin dans les bruyères de Racquinghem (Pas-de-Calais).
D’après Degland (Catalogue des Oiseaux observés en Eu¬
rope, 1840), le Traquet motteux (Saxicola œnanihe , Redit.)
niche dans les terrains arides et élevés de l’arrondissement
de Lille. Ce fait qui n’est pas reproduit dans YOrnithologie
européenne me paraît peu probable. Il faudrait tout
d’abord trouver dans l’arrondissement de Lille des terrains
arides et élevés.
Le Gohe-monche noir (Muscicapa atricapilla , Lin.) se
reproduirait aussi , d’après Degland, dans le Boulonnais ; je
n’en ai jamais eu la preuve. Il est probable que le fait a été
isolé s’il a eu lieu.
Le Pigeon colombin (Columha cenas, Lin.) qui séjourne
dans tous les grands bois des environs de Paris ne peut
compter ici que comme passager ; ses nids y sont très-rares.
J’en ai connu deux années de suite dans un parc.de Wam-
brechies.
— 385 —
La Bécasse {Scolopax rusiicula^ Lin.), oiseau passager
par excellence , laisse de temps en temps quelques couples
dans les bois du Nord de la France. J’en ai vu des œufs de
la forêt de Clairmarais , des bois de Warneton (Belgique) ;
on cite aussi des nids trouvés dans les forêts de Pbalempin
et de Crécy.
La Bécassine {Gallinago scolopacinus , Bp.) pond aussi
de temps en temps dans nos marais, mais les exemples en
deviennent de plus en plus rares.
Le Bécasseau cinclQ (P elidna cinclus^ Cuv.), le Com¬
battant {M achetés pugnax, Cuv.), la Guignette (Actitis
hypoleucos , Boié) , sont dans le même cas.
J’ai déjà cité le Canard sauvage , et quelques Lariens
comme se reproduisant quelquefois dans les marais et les
dunes ; j’y ajouterai le Canard morillon (Fuligula cristata ,
Step.) qui a nicbé une fois, à ma connaissance, dans le
marais de Clairmarais (Pas-de-Calais).
Parmi les espèces qui, tout en exécutant leurs passages
normaux d’automne et de printemps , se montrent encore
pendant les grands froids d’hiver , citons : Le Héron cen¬
dré , les Courlis , le Chevalier brun , le Pluvier doré, le
Pluvier à collier et le Pluvier de Kent, laMaubèche, le
Bécasseau cincle, les Barges , l’Avocette , la Foulque , le
Cygne sauvage , le Cygne de Bewyck , la plupart des Ansé-
riens et des Anatiniens.
Nous en avons déjà fait la remarque dans une note sur le
passage des Oies sauvages [Bulletin , 1869 , page 356) , ces
apparitions d’hiver proviennent d’oiseaux qui se sont éche¬
lonnés sur la route qui conduit des marais arctiques aux
plages de la Méditerranée , ou de ceux qui ont niché dans
les contrées tempérées des bords de la Baltique et de la Hol¬
lande. Tant que le froid n’est pas assez rigoureux pour les
gêner dans la recherche de leur nourriture , ils séjournent
— 384 —
sans trop se déplacer ; mais si la gelée devient forte et que le
vent leur soit favorable , ils gagnent par groupes les côtes
maritimes plus méridionales ou cherchent les eaux libres.
Plus le froid dure , plus nous voyons arriver d'espèces sep¬
tentrionales ; c'est alors que nos grèves et nos rivières se
peuplent de gibier de toute sorte et que se font les captures
précieuses; bon nombre d'espèces accidentelles ne sont
jamais prises que dans ces circonstances.
Quant aux passages habituels d'octobre et d'avril, il y a
dans la manière dont ils s’effectuent une diversité égale au
nombre des espèces.
Les unes passent pour ainsi dire inaperçues , isolément,
à des intervalles irréguliers, les autres en bandes nom¬
breuses, avec des cris retentissants, quelquefois en suivant
un ordre déterminé comme les Grues et certains Canards.
Il en est qui voyagent par étapes , ne s'arrêtant que rare¬
ment quand la faim les presse ; d'autres qui semblent ne pas
avoir de but fixe et qui errent çà et là de station en station.
Certains oiseaux cherchent le calme des belles nuits, d’autres
choisissent le vent oblique, c'est-à-dire de l'est à l’ouest; il
n'est pas de chasseur quelque peu [exercé qui ne prédise à
peu près sûrement le passage des Bécassines d'après la di¬
rection du vent. Sur les côtes maritimes, tout le monde sait,
en observant le vent, quelle chance il y a de rencontrer les
passages d'Echassiers et de Palmipèdes qui sont attendus
chaque printemps.
Très-souvent un marais se trouve peuplé tout-à-coup ,
sans que l’on y ait vu s’abattre un seul oiseau ; c'est que le
passage a eu lieu pendant la nuit , et ce n’est pas une des
moindres singularités de ces voyages instinctifs que devoir
des oiseaux essentiellement diurnes pendant tout le reste de
l’année, prendre sur leur sommeil le temps de leurs mi¬
grations.
— 585 —
Il existe au phare de Calais une collection formée de tous
les oiseaux qui sont venus la nuit se heurter contre le gril¬
lage qui protège la lanterne. La plus grande partie sont des
passagers qui dans leurs voyages de nuit ont été attirés vers
la lumière. On y trouve presque toutes les espèces voya¬
geuses qui affectionnent dans leurs passages les côtes de la
mer, et aussi beaucoup d’oiseaux sylvains comme les Fau¬
vettes et les Grives.
D’ailleurs il suffit de prêter l’oreille pendant certaines
nuits d’automne , pour entendre les cris d’une foule d’oi¬
seaux qui passent, quelquefois en bandes innombrables , et
qui donneraient un curieux spectacle si l’on pouvait les aper¬
cevoir. Les volées de Macreuses qui rasent la mer pendant
des jours entiers, devant les ports de Calais et de Dunkerque,
peuvent en donner une idée.
La quatrième section est celle des oiseaux qui n’appa¬
raissent qu’accidentellement , ou les fortuits. Il sont au
nombre de 102 espèces.
Ici l’intérêt n’est plus le même; il n’y a plus d’étude
locale proprement dite , puisqu’il s’agit de faits exception¬
nels , amenés par des causes très-diverses et très-souvent ne
se renouvelant pas ; mais ces captures d’oiseaux rares ont
un autre mérite , celui de la curiosité et de l’extraordinaire.
Elles font époque dans la carrière d’un collectionneur , et
rien ne lui paraît plus agréable que de montrer une pièce
réputée lout-à-fait étrangère à la localité , et qu’il a eu la
bonne fortune de rencontrer une seule fois.
Il n’est pas possible de donner une explication générale
de ces apparitions fortuites : pour les oiseaux de l’extrême
Nord, elles s’expliquent par un abaissement considérable
de température avec lequel elles correspondent presque
toujours ; pour les espèces orientales et méridionales, la
cause en est souvent dans des coups de vent , qui dépaysent
— 586 —
les oiseaux et les entraînent hors de leur sphère habituelle.
Les Rapaces peuvent être emportés par la poursuite de leur
proie ; les passagers sont quelquefois entraînés au milieu
d’une émigration d’espèce congénère. Il peut arriver qu’un
oiseau se désoriente en suivant le cours d’un fleuve , ou les
grèves de la mer; mais dans beaucoup de cas, il est im¬
possible de trouver une explication et puéril de s y arrêter.
Voici la liste de nos espèces fortuites, avec les localités où
elles ont été prises et la date autant que possible; je l’ai
extraite des observations de Degland, Bâillon, Marcotte,
de Selys , Delhomel , de Vilmaretz , de Meezemaker ,
Deschodt et de mes propres recherches.
Vautour fauve Gray. )Armentières 1818, Abbeville.
Neophronpercnoptère {Neophron percnopterus ^ Sav.) Maroilles
(Nord).
Aigle royal [Aquila chysaetos^ Lin.) Dunkerque 1830, Abbeville,
Winendael (Belgique) 1823.
Aigle criard {Aquila nævia Bris.) Lille octobre 1814, Tem-
pleuve 1834 , Bergues, Montreuil.
Circaète Jean Le Blanc {Circaetos g allions , Gm.) Gœulzin
(Nord) 31 octobre 1853.
Milan royal [Milvus regalis ^ Briss.) Lille 1837, Gouy-en-
Artois janvier 1852.
Milan noir {Mulvus niger , Br.) Bergues.
Elanion blac {Elanus melanopterus ^ Leacb.) Gassel 1830,
Aerschot juin 1869.
Faucon gerfaut {Falco gyrfalco , Schl.) Abbeville.
Autour {Astur palumbarius , Becht.) Lille , Saint-Omer dé¬
cembre 1870.
Busard pâle {Strigiceps Suminsoni^ Bp.) Raimbeaucourt (Nord)
1835 , Abbeville.
Chouette caparacocb (Sîi?’wm ulula ^ Bp.) Tournai 1830.
Chouette harfang (N^c^^æ nævia , Bp.) Abbeville 1802.
Scops petit duc {Scops zorca , Sav.) Belgique , Ardennes.
Grand duc {Bubo atheniensis, Daud.) Pecquencourt (Nord),
Dunkerque.
Pic mar {Ficus médius ^ Lin.) Boulogne (Observation douteuse.)
Pic épeicbette {Ficus minor , Lin.) Phalempin , Saint-Omer ,
Abbeville.
Guêpier (Merops apiaster Montreuil, Pont-Remi (Somme).
RoWier (Cor acias g arrula , Lin.) Lille, Douai, Flandres belges.
Tichodrome échelette (Tichodroma muraria^ 111.) Somme,
Rocroy.
— 587 —
Sittelle {Sitta europœa , Lin.) Forêt de Mormal , Avesnes.
Remiz penduline {Ægithalus pendulinus , Boié.) Amiens 1830.
Alouette calandrelle iAlauda brachydactyla , Leisler.) Etaples.
Alouette hausse-col [Otocoris alpestris. Bp.) Dunkerque, Calais.
Pipit Richard [Corydalla Pdchardi^ Vigors.) Lille , Dunkerque,
Calais, Bergues.
Pipit rousselin [Agrodroma cdmpestre, Sw.) Dunes de Tem-
Douchure de la Somme , environs de Lille, Ardennes.
Bergeronnette flaveole [Budytes Rayi, Bp.) Lille, Saint-Omer,
Abbeville.
Bergeronnette à tête grise [Budytes cinereocephala , Bp.) Lille.
Bergeronnette mélanocêphale [Budytes melanocephala , Savi.)
Lille mai 1839.
Lavandière d’Yarrell [Motacüla Yarrellii^ Gould.) Lille,
Abbeville.
Cincle plongeur [Cinclus aquaticus^ Becht.) Esquerraes-lez-
Lille, 1860.
Merle à gorge noire [Turdus atrigularis^ Tem. ) Abbeville
[Observation douteuse).
Locustelle tachetée [Locustella Rayi^ Gould.) Lille 1829,
Abbeville.
Hypolais polyglotte [Hypolais polyglotta , Bp.) Lille.
Cèttie bouscarle [Cettia sericea, Bp.) St-Gilles, près Abbeville.
Pouillot Bonelli [Phyllopneuste Bonellii ^ Bp.) Abbeville.
Pitchou de Provence [Melizophilus provincialis ^ Leach.) Mon¬
treuil, Abbeville.
Fauvette Orphée [Curruca orphea^ Boié.) Env. de Boulogne.
Accenteur alpin [Accentor alpinus , Bechst.) Bergues , Saint-
Omer.
Gorge bleue [Cyanecula suecica , Boié.) Fortifications de Lille,
Douai avril 1836, Abbeville.
Pétrocincle de roche [Petrocincla saxatilis , Vigors.) Calais ,
Tournai , 1841.
Gobe-mouche à collier [Muscicapa albicollis^ Tem.) Lille mai
1832.
Jaseur [Ampelis garrulus^ Lin.) Lille janvier 1829 , 1834,
décembre 1862.
Casse noix [Nucifraga caryocatactes , Cuv.) Lambersart (Nord)
5 octobre 1850, Douai, Dunkerque, Abbeville, Lille, sep¬
tembre 1844 , septembre 1850.
Crave à bec rouge [Fregilus graculus, Cuv.) Lille 1825, Ab¬
beville.
Martin roselin [Pastor roseus^ Tem.) Bergues, Douai, Abbeville,
Tournai automne 1837.
Bruant montain [Plectrophanes lapponicus , Selby.) Lille 1826,
Calais, Dunkerque, pendant les grands froids.
Bruant fou [Emberiza cia. Lin.) Montreuil.
Bruant à sourcils jaunes [Emè. chrysophrys , Pallas.) Glacis du
fort Saint-Sauveur à Lille, 1828. Oiseau de la Daourie et de
— 588 —
la Sibérie orientale. L’exemplaire pris à Lille est le seul nui
ait jamais été capturé en Europe. Peu de collections possé¬
daient cette espèce jusqu’à ces dernières années où il a été
envoyé de la Chine septentrionale par un missionnaire na¬
turaliste, le Père David.
Soulcie iPetronia rupestris Lille octobre 1839 , Abbeville.
Venturon [Citrinella alpina, Bp.) Lille octobre 1848.
Cini {Serimis flavescens , Gould.) Abbeville.
Bec croisé perroquet {Loxia pityopsittaciis^ Bechst.) Bersée, près
Lille , en mai.
Erythrine cramoisi {Carpodacus erythrinus^ Kaup.) Lille 17
septembre 1849 , Abbeville , Tournai.
Niverolle [Montifringilla nivalis^ Brehm.) Amiens.
Siserin blanchâtre (Acanthis canesçens ^ Brehm.) Lille, Ab¬
beville.
Ganga cata (Pterocles alchata^ Step.) La Bassée (Nord), Dûnes
de la Somme.
Syrrhapte hétéroclite [Syrrhaptes heteroclüus , Vieill.) Douai,
Calais, Dunkerque, Boulogne, Dûnes de la Somme, 1863.
Gelinotte [Bonasia sylvestris\ Br.) Ardennes 1830, Avesnes.
Perdrix rouge [Peràix rubra^Bv.) Saint-Pol (Pas-de-Calais) ,
Tournai.
Outarde barbue [Otis torda. Lin.) Berck fPas-de-Calais) , Tem-
plemars (Nord) 1842, Bouvines 1830, Phalempin, Sainghin,
Cambrai, Béthune.
Outarde cannepetière {Otistetrax^ Lin.) Berck (Pas-de-Calais),
Dûnes de la Somme.
Court-vite isabelle [Cursoritis gallicîis ^ Bp.) Dunkerque, Saint-
Omer, Abbeville.
Glaréoie à collier {Glareola pratincola^ Lin.) Bergues, garennes
de Saint-Quentin (Somme.)
Phalarope hvperboré (Lobipes hyperboreus , Cuv.) Dunkerque
novembre ‘1852.
Echasse {Himantopus candidits , Bonn.) Baie de Somme ,
Tournai.
Bécasseau platyrhynque (Limicolapygmœa^ Koch.) Dunkerque,
embouchure delà Somme.
Bécasseau rousset {Actiturus rufescens^ Bp.) Dunkerque, Ab¬
beville.
Chevalier semipalmé (Catoptrophorus semipalmatus^ Bp.) men¬
tionné par Degland comme pris à Abbeville, cependant
M. Marcotte n’en parle pas.
Chevalier stagnatile [Totanus stagnatilis ^ Bechst.) Dunkerque,
Saint-Omer , Le Crotoy.
Barge terek {Xenus cinereus^ Kaup.) Cayeux, à l’embouchure
de la Somme, en mai.
Courlis à bec grêle (Numenius temiirostris , Vieillot.) Calais ,
Dunkerque, Noyelles-sur-mer, Montreuil , Lille mai 1849.
Ibis falcinelie [Plegadis falcinellus^ Kaup.) Verton , marais
— 389 —
d’Airon, Bergues, Lille décembre 1840, Montreuil octobre
1852 , Tournai , ïirlemont 6 octobre 1869.
Egrette garzeîte {Egretta garzetta , Bp.) Abbeville.
Egrette melanorhynque (Eg. melanorhiincha. Vagi.) Marais
d’Airon (Pas-de-Calais.)
Crabier de Mahon {Bupkus ralloïdes^ Bp.) Calais, Verton,
Tournai.
Flanimant rose [Phœnicopterus roseus^ Pallas.) Dunkerque,
Abbeville.
Cygne tuberculé [Cijgmis olor ^ Lin.) Dunkerque.
Canard siflleur huppé [Branla riifina, Boié.) Lille, Bergues,
embouchure de la Somme hiver 1835.
Canard de Barrow [Clangiila islandica, Bp.) Lille 1829, 1834,
Bergues.
Canard histrion [Harelda histrionica, Keys.) Gravelines.
Canard à tête grise [Somateria spectabüis , Leach.) Boulogne ,
baie de Somme.
Canard disparate [Stelleria dispar , Bp.) Audinghem (Pas-de-
Calais), 25 février 1855.
Canard marchand [Oïdemia perspicillata , Flém.) Calais hiver
1855, Boulogne , baie de Somme.
Canard couronné [Erismatura mersa^ Bp.) Camiers (Pas-de-
Calais) , janvier 1867.
Cormoran largup [Phalacrocorax gracuhis , Dum.) Côtes de
Flandres et de Picardie , Lille novembre 1818.
Hirondelle de mer tschegrava [Hydroprogne caspia^ Kaup.)
Douai 19 février 1827 , Tournai.
Hirondelle de mer moustac [Hydrochelidon hybrida , Br.) Le
Crotoy , avril 1868.
Hirondelle de mer leucoptère [Hydrochelidon leucoptera^ Br.)
Côtes du Nord et de la Somme.
Goéland sénateur [Pagophila ebiirnea^ Boié.) Baie de Somme.
Goéland leucoptère [Leiicus leucopterus , Bp.) Dunkerque 1829.
Mouette de Sabine [Xema S abinii ^ Le^ch.) Dunkerque 1847,
baie de Somme.
Mouette pygmée [Xemaminutum, Boié.) Dunkerque, Abbeville,
Amiens, Tournai.
Petrel fulmar [Fulmariis glacialis, Leach.) Côtes de Flandres
et du Pas-de-Calais.
Talassidrome de Leach [Procellaria Leachii ^Tèm.) Dunkerque
1843 , baie de Somme.
Talassidrome de Wilson [Procellaria oceanica, Sch.) Merlimont
(Pas-de-Calais) , janvier 1862.
PutTm major [Puffinus major ^ Faber.) Baie de Somme.
Puffin cendré [Puftïnus cinereus, Stéph.) Baie de Somme.
Putlin manks [Pufjinus anglorum^ Bay.) Côtes de la Manche.
Puilin obscur (Puffinus obscurus, Stéph.) Baie de Somme.
Guillemot bridé [Uriarhingvia, Brunn.) Dunkerque, Boulogne,
baie de Somme.
— 590 —
Grèbe cornu (Podiceps cornutus, Lin.) Lille mai ^841, décembre
1852, février 1870, Deûlémont 1853, Tournai.
A. DE Norgüet.
CHRONIQUE
Géolog^ie. Coupe dans la craie à Carxnn. — Dans
notred épartement si peu accidenté , les couches profondes
de la craie qui n’affleurent que dans un très-petit nombre de
localités étaient à peine connues sous le rapport géologique.
Cependant peu de pays sont aussi favorisés pour de pareilles
études ; car dans une foule de points les fosses à charbon
sont obligées de traverser toute l’épaisseur du terrain cré¬
tacé. C’est que jusqu’à présent on avait négligé de ramasser
les fossiles ramenés par les avaleresses, ou on n’en avait pris
que les plus gros.
Il y a deux ans j’ai pu recueillir les fossiles trouvés dans
le puits de Guesnain, près de Douai, et je les ai fait connaître
en indiquant tes couches dont ils provenaient.
A la même époque on commençait un puits près de la gare
de Carvin. L’ingénieur , M. Daubresse , a eu l’obligeance de
me conserver un échantillon de toutes les couches, mètre
par mètre : Il a ramassé avec soin tous les petits fossiles
qu’il m’a également envoyés. Aussi la fosse de Carvin, en
confirmant les faits que l’on avait observés à Guesnain et en
y ajoutant des indications précieuses, nous fait faire un
■grand pas dans la connaissance géologique de notre contrée.
Il serait à désirer que quelques-uns des ingénieurs qui diri¬
gent les nombreuses fosses du Pas-de-Calais voulûssent bien
s’inspirer à l’occasion du zèle scientifique de M. Daubresse
et profiter de leurs recherches industrielles pour faire
avancer la science.
[Voir le tableau , page suivante).
J. Gosselet.
Terrains traversés par la Fosse 3, à Carvin
PROFON¬
DEUR
m.
1.95
5.30
7.70
43.80
58.73
62 23
82.70
103
125.70
136.10
138.40
DESIGNATION DE LA COUCHE
Terre végétale. . . .
Limon (terre à briques) .
Limon mélangé de craie.
Sable vert et argile . .
Craie tendre Irés-divisée.
Craie blanche
Craie blanche avec silex
Craie dure , siliceuse et alumi¬
neuse avec grains de glau¬
conie et rognons de p^hosphate
de chaux. (Meule ou Tun.)
Craie marneuse j la quantité d’ar¬
gile augmente dans le bas.
(Faux bleus) .
(Bons bleus) .
(Bleus ordinaires) .
Marne dure plus ou moins argi¬
leuse , verte lorsqu’elle est
humide. (Dièves vertes). .
Argile verte ou jaunâtre deve¬
nant bleue en se desséchant, se
délitant à la pluie, certains
bancs sont plastiques, d’autres
plus durs.
(Diéves vertes) .
(Dièves jaunes) .
(Diéves (trés-jaunes) ....
Marne blanche dure ....
(Dièves blanches).
Argile bleue (Dièves bleues) . .
Marne blanche dure ....
(Dièves blanches.)
Conglomérat glauconifère avec
galets (Tourtia) . . , . ^
Terrain houiller.
EPAIS¬
SEUR
m.
0.30
1.05
0.60
1.35
4.40
36.10
14.93
3.50
5.45
11.58
5.44
20.50
9 40
8.80
2.50
4.60
3.40
4.40
2.30
FOSSILES
Inoceramus n.» 9(à 37 m.)
Bois charbonnisés (37 m. 70)
Corax (à 57 m.)
Pleurolomaria (55 m.)
Lima (55 ra.)
Inoceramus Lamarkii (46 m)
Inoceramus n.» 1 (46 m.)
Inoceramus n.® 5 (46 m.)
Inoceramus n.» 6 {52 m.)
Micraster cortestudinarium.
Pleurolomaria.
Turbo.
Inoceramus Cuvieri.
Inocéramus n.® 10.
Lima.
Terebratula semiglobosa.
Rhyncbonella Cuvieri.
Micraster breviporus.
Micraster cortestudinarium.
Echinoconus vulgaris.
Echinocorys vulgaris.
Cidaris.
Terebratula semiglobosa(64).
Terebratulina gracilis (80 m)
Spondylus spinosus{80 m.)
Bois charbonnisé (64 m.)
Inoceramus annulatus 7 (84).
Nautilus elegans (115 m.)
Spondylus spinosus (120 m.)
Inoceramus labiatus (119,
121, 125 m.)
Terebratulina striata (120 ?)
Rhynchonella plicatilis (120).
Rhyncbonella Cuvieri (120).
Ammontes Mantelli ? (125 m)
Rhynchonella plicatilis (125.)
Ammonites Rothomagcnsis
(156 m.)
Ammonites sussexiensis
{134 m. 50.)
Nautilus elegans ? (156 m.)
Ammonites varians (137 m.)
ACCIDENTS
minéralogiques
Niveau d’eau des
puis à 5 m. 3o.
Cette masse de craie
est traversée de petits
bancs plus durs bien
stratifiés situées à 17
m. 80, 25 m. 90, 28m.
93, 33 m. 33, 36 m. 65,
37 m. 70. A 17 ra. :
28,000hect. d’eau par
jour; à 36 m. : 24,000
hect.
Marcassite (38 m. 80)
Marcassite(48 m.80)
A 49 m : 20,000 hect.
d’eau. De 53 m. à 57
m. on rencontre une
faille inclinée vers le
S. de 53 0 1j2. Dans
cette faille la venue
d’eau est de 50,(X)0h.
par jour. Dans le
bas à partir de 58 m.
50 la craie contient
des nodules de phos¬
phate de chaux rou¬
lés, usés, corrodés
et verdis, provenant
de la couche sous-
jacente.
A 59 m. : 30,000 h.
d’eau. A 62 m. 10,000
h. d’eau.
Marcassite.
Marcassite.
Marcassite.
592 —
Météorologie. NOVEMBRE
1870
Température moyenne . 5.° 77
» » des maxima . 8.° 21
» - 0) desminima . 3." 34
» extrême maxima , le 25. 13.® 70
» minima , le 30 — - l.° 50
Baromètre hauteur moyenne à 0.°. . . . 756“"'052
» hauteur extrême maxima, le 2. . 773"'"‘45
» )) » minima, le 15. 740™“92
Tension de la vapeur atmosphér . 5“'“78
Humidité relative moyenne % . 84.60
Epaisseur de la couche de pluie . 40"‘"‘46
» de la couche d’eau évaporée. . 17"’‘’‘58
NOVEMBRE
année moy.
5.° 69
759r‘ 275
5””’96
85. 66
50““40
20r28
Le mois de novembre 1870 n’offrit rien de particulier ;
sous tous les rapports il se rapprocha beaucoup des condi¬
tions météoriques du même mois année moyenne.
Pendant les 5 premiers et les 5 derniers jours le vent souf¬
fla du N.-E. et du S. -O. pendant la période intermédiaire.
Il n’y eut qu’un seul jour de neige , le 10 ; et quoiqu’il en
soit tombé une quantité équivalente à une couche d’eau
d’une épaisseur de 8.“"’ 20 , elle ne tarde pas à se fondre
parce que la température de l’air restait au-dessus de 0.
Les 40.’"'” 46 d’eau météorique se décomposent ainsi :
Eau de pluie 31.’"’" 06 , de neige 8.’"'" 20 , de grêle l,""" 20
Quoique la température , l’état hygrométrique de l’air et
la pression barométrique aient été favorables à l’évapo¬
ration , ce phénomène météorique fut cependant moins pro¬
noncé qu’en année moyenne : la cause de cette infériorité
doit être attribuée à la fréquence et à l’abondance des rosées
et à la nébulosité du ciel qui indiqua la présence d’une
grande quantité de vapeurs précipitées dans les hautes ré¬
gions atmosphériques , indice d une saturation accusée par
la dépression de la colonne barométrique.
La tension éiectrique fut assez prononcée ; elle se mani¬
festa par rinlensité des courants atmosphériques et par les
éclairs sans tonneiTe du 23 au matin avant le jour. Les
rhumatisants et les névralgiques ressentirent sa fâcheuse
influence. V. Meurein.
'Le Gérant : E. Castiaux.
TYP. DE BLOCQIJEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE, 13
2." ANNÉE — 1870
TABLE GÉNÉRALE
Table des Sociétés
Amiens. Société des Antiquaires de Picardie à — 111.
— Académie d’ — 265.
Arras. Académie d’ — 360.
Belgique. Académie royale de — 44, 57, 114, 201; 297.
Boulogne-sur-Mer. Société académique de — 75.
Cambrai. SOciété d’Emulatiou de — 144, 174, 301.
Douai. Société d’Agriculture , etc. de — 1.
Dunkerque. Société de — 137.
Laon . Société académique de — 268.
Iiille. Société des Sciences de — 12, 73, 177, 209.
— Faculté des Sciences de — 360.
Mons. Cercle archéologique de — 331 ;
— Société des Sciences, etc. du Hainaut — 77 , 329.
Nord. Commission historique du département du — 41 , 213.
Roubaix. Société d’Emulatiou de — 169 ;
— Association d’enseignement mutuel des travailleurs de — 211 .
Saint-Omer. Société des Antiquaires de la Morinie — 361.
Saint-Quentin. Société industrielle de — 81.
Sorbonne. Réunion des Sociétés savantes à la — 149.
Tournai. Société historique et littéraire de — 233.
Ypres. Société historique de la ville d’ — 105.
Table des Xoms d’Aiitenrs
dont les ouvrages ont été analysés ou cités :
Alard. 139
Bachy. 15.117
Backer (de) . 222
Barbey. 149
Beauvillé. 275
Bernaerts. 207
Bernier. 335
Berville. 265
Blanquart-Evrard. 62.
82
Blin. 144
Bonnier. 172
Bonvarlet. 143
Borgrave (de). 204
Brassart. 216
Brialmont. 47
Briart. 208.293.379
Brochet. 104
Brun-Lavainne. 171
Bruyelle. 148.174.302
Cahier. 6
Carnel (l’ahbé) . 41
Catalan. 204
Chalon (Jean). 79
Chalon ^Renier) . 236
Chellonneix. 15
Chon. 12.93.181
plpççp 77
Cochet (l’abbé). 165
Cœmans (Tabbé). 116
2 —
Coince. 181 iGosselet. 15.18.50.116
Combier. 275 144.152.300.301.390
Conscience. 201.204 Guermonprez. 17
Cools. 230 Guillaume (le gén.) 330
Corblet (l’abbé). 280 Guillon. 266
Corenwinder. 13.209. Gùthlin. 137
Corne. 4 Haigneré (l’abbé). 76.
Cornet. 208.293.379 367
Courtin. 2 Hallez. 16
Courtois. 361 Herberwyn. 139
Cousin. 140.143.232. Horion. 300
249 Houdoy. 155
Dancoisne (l’abbé). 8 Houzé de l’Aulnoit. 73
Dancoisne (L.) 24 Huguet (l’abbé). 235.
Dareste delà Chavanne Kerwyn de Yolkærs-
beke. 306
iKickx. 114.298
Kœnen (de). 288
Konninck (de) 50.114.
Konninck (Louis de).
205
iKraus. 244
Kulhmann. 17
Ladureau. 144
Laloy. 357
Lambert. 207
Lamy. 73
Laroche. 77
Lebeau. 228
75.178
Dauphin. 265
Daussy. 266
Dechristé. 286
Defacqz. 201
Dehaisne (l’abbé). 2. 7
57.310.343
Delègue. 137
Delhaye. 182
Demarsy. 274.
Demaze. 112
Derode. 139
Desilve (l’abbé) . 124.
Desjardins. 3.6.179 _
Desplanques. 164.190. Leblan. 16
221.254.323.344. iLebleu. 371
Devillers. 78.333
Dewalque. 299
Dey. 269
Diegerick. 106
Dombret. 194
Durieux 145.175.266.
301.302
Dupont. 1
Dupont (Edouard). 47|Lenoel.265.266
Epinay. 143 Letrange. 84
Everhaert. 139 Leuridan. 126.171.183
Faidherbe (le général) 237.239
240 L’Hote. 137
Faidherbe (Alex.) 171. Linas (de) 151.244
173 Longnon. 363
Farez. 261 Lucas. 113
Fégueux. 144.174 Macquart. 205
Fleury. 268.275 I Malaise. 46
Lecesne. 85
Lecocq. 124.194.226
Lefebvre. 176.303
Legrand. 200
Le Hardy de Beaulieu.
79
Lehon. 310
Lejeune. 329.331
Forestier. 110
Fourdin. 246.334
Garnier. 267
Giry. 363
Gomart. 274
Mathieu. 266
Matton. 151.270.292
Maugin. 2.88
Meerens. 221
Melsens. 297
ilelun (de) 119
deunier. 206
Meurein. 39.72.102.136
167.200.232.264.295
327.359.392
Montigny (de). 48.114
205
Morand. 151
(lordacq. 139
Moreau. 207
Morren. 49
Motte. 171
Mourlon. 298
Nédonchel (de). 236
Nivoit. 84
Norguet (de). 68.99.
126.197.259.262.357
390
Nyst. 44. .
Obry. 267
Omalius d’Halloy. 26.
299
Ortlieb. 15.200.212
Paeile. 62.
Painvin. 72
Paris. 87.92
Pécheur (l’abbé). 152
Père. 237
Pellat. 336.359
Petit (l’abbé). 332
Philippe. 212
Piette, Ed. 230
Piette , Aim. 275
Piot. 107
Plateau. 46
Poiré (l’abbé). 42
Poquet (l’abbé). 150.
272
Pouy. 239
Preudhomme de Borre
114.208
Preux. 9
Quetelet. 48.205.297
Radziszewski. 48
Ravisi(de). 150
Rigaux. 76.
Rigaux (Henri). 133.
197 228
Roussel (Martial). 166
Ruffîn. 305
Ryckolk (de) 114
Sauvage. 76
Schuermans. 131
Taillar. 213
Ternas (de). 226
Terninck. 276
Testelin. 178
Thielens. 79.288
Tricot. 335
Van Bambeke. 297
Van Beneden. 45.205.
297
Van Beneden fils. 48.
114.205
Vandenbogaerde. 107
— . 5 —
Vandenbroeck. 237
VanderElst. 78
Van der Mensbrugghe.
205
Vanderstræten. 106.108
Van Dessel. 229
Van Rende. 132.197.
168
VanHoren. 298
Vassart (l'abbé). 173
Vendegies (de) 158.183
216
Viollette. 178
Vion. 134
Voisin (l'abbé) 234.230
Vos (l’abbé). 237
Wacquez. 237
Wesmael. 80.325
Wilbert. 144.301
Yvert. 265
Zandyck. 142
Table desi Titres» des» Articles»
insérés , analysés ou cités.
Abbaye de Steneland , 143 ; — de
Longpont , 272 ; — de Bucilly ,
274 ; — de Saint-Martin de
Laon, 275; — de Solesmes ,
305 ; — d’Raumont , 333 ; — de
Saint-Amand , 334
Académie d’Amiens. Histoire
de r — 267
Acta sanctorum. — Origine des
— 7
Aire (P). Le baillage d’ — au
XIV.* siècle, 344
Amiens (S) . Musée d’ — 1 1 1 ;
Etudes historiques sur — 112 ;
Hagiographie du diocèse d’ —
280 ^
Anselin. 37
Anthropométrie. 297
Arachide. Aiialysj de la graine
d’ — 13^
Archéologie. Fouilles archéolo¬
giques dans le Boulonnais,
140 ; — chrétienne , 235
Ath (B). Collège d’ — 334
Attrébatie. L’ — avant le VI.®
siècle, 276
Baguet. 5 S
Bart(Jean). 371
Bavai (N) Histoire de — 182
Beauchant (Jacques). 112
Bcauvois ^N). 149
Belges. Colonies des — en Tran¬
sylvanie, 202
Herïaimont (A) . 333
Be'thencourt{^). 149
Betteraves. Recherches chimi¬
ques sur la — 209
Bibliographes picards. 239
Bibliographie. Supplément à la
— montoise , 78
Blandecques (P). 72
Bollandistes. Protecteur des —
dans le Nord de la France, 7
Bonononsis. PagUS — 363.367
Botanique. Organes reproduc¬
teurs du Psilotum triquetrum ,
114; Place des Gymnospermes
dans la série naturelle, 79
Boulonnais. Fossiles de l'étage
bathonien du — 176 ; Fouilles
archéologiques dans le — 140;
Terrain jurassique supérieur
du — 337 ; Terrain silurien du
— 359
Boussoit-sur -Haine (B). Notice
historique sur — 331
Bronze. Objets de— 279
Buccilly (A). Chronique de l'ab¬
baye de — 274
Buschmann. 58
Cambrai (N). Etudes sur le fau¬
bourg de Saint-Druon , 176 ; La
bourgeoisie de — 176 ; Fusil de
rempart trouvé à — 145; La
disette à — 146 ; Une alerte à —
301 ; Histoire de — à l’époque
féodale, 301; Pierres tumu-
laires de l’église Saint-Nicolas à
— 4
— 303 ; Matériaux pour l’His-
toire des Arts à — 303
Cambrésis. Inscriptious tumu-
laires du — 146.301 ; Bulle¬
tin archéologique du — 148.
174.302
Capelle (l’abbé). 1
Cartulaire, Chartres des COIUtes
de Boulogne , 76 ; — du comté
de Béthel , 274 ; — de l'abbaye
d’Haumont, 333
Cateau (N). Géologie du canton
du — 144
Cerf, 65
Cerveau. Circonvolution du —
75
Chaleur. Cause de la — 266
Chanson. Dissertation sur la —
77
Charles-le-Téméraire , compo¬
siteur musical , 303
Châtaigne du Brésil. Analyse
de la — 13
Chateau-Thierry (A). Maison de
La. Fontaine à — 149
Chevaliers. Trois — d'Hesdin au
XI.' si(' de , 314.337
Chevreuil. 67
Chien. — en pierre de Naast ,
335 ; Chasse aux — 271
Chièvres (B). 237
Chimiques. Méthodes — 173
ChivY (A). 268
Ghoiseul. Gilbert de — 235
Christ. Couronne du — 235
Clary (N). Géologie du canton
de — 301
Cloches. 233
Collot d’Herhois . Lettres de — 9
Commensaux. Les — 45
Concordat oamhrésien de 1446
— 24
Confrérie de Sainte Dorothée ,
226
Crucifîx blasphématoire du Pa¬
latin. 244
Coups de feu, De Faction des— 73
Cousin. Jean — 235
Coussemaker (de) , 59
Daim. 66
Denain (N). Chapitre de — 334.
Despars. Jacques — 33
Diners. Les — de Févêque de
Cambrai, 175
Dolmens et Tumulus. 130.140.
151.276
Douai (N). Musées .53 ; Etablis¬
sements religieux , 8 ; Con¬
frérie de Sainte Dorothée, 226 ;
Souv’nirs d’un homme d’Douai,
286
Eaux de Barrèges , 175
Eglises. Saint-Nicolas de Tournai,
236 ; — de Chièvres, 237 ; — de
Chivy. 268
Egyptienne. Médaille, 132.168
Elewyt (B) . 229
Elouges (B) . 335
Erreur judiciaire. 275
Estampes. Collection d’ — Ho-
chard. 21
Etats de Lille. Histoire des —
119.190
Etnographie. Eléments d’ — 26
Etrœungt {N) . 228
Faculté. Souvenirs, de la — des
lettres de Douai. 35
Femme. La — au Mexique. 174
Féodalité. La — 201
Fère (La) (A) Enseignes de saint
Firmin à — 270
Ferrières- la-Grande . (N). 194
Ferté -Millon (La) (A). 150
Fosses. Les — de nos forêts, 165
Gallo-romain. Milliaire — 228 J
Sépultures, 141 .228 ; Bourgade
— 229; Bague — 230; Anti¬
quités — du musée de Douai ;
53
Gaudelet (GhaiTêS). 261
Gaulois. Cimetière — 295
Gar, Purification du — 17
Génie. Gorps du — en Belgique,
330
Géologie . Conférences sur la —
212; Cours de — 18.50.116.
152 ; —du Cambrésis, 144.301 ;
Terrain silurien de Belgique,
46; Id. du Boulonnais, 359;
Nouvelles espèces fossiles du
terrain dévonien de Belgique ,
310; Echinodermes des terrains
primaires , 50 ; Puits naturels
et failles du terrain hoiiiller,
208.292; Fossiles de Fétage
' bathonien du Boulonnais , 76 ;
Terrain jurassique supérieur
du Boulonnais, 336 ; La Meule
— 5
de Bracquegnies , 300 ; Craie de
Lezennes, 15; Division de la
craie blanche du Hainaut en 4
assises , 379 ; Coupe dans la
craie à Carvin , 390 ; Puits natu¬
rels dans la craie du Brabant ,
298 ; Sondage à Radinghem, 34;
Grés de Tirlemont , 207 ; Phos¬
phate de chaux à Louvain, 207;
Argile de Woncq, 114 ; Terrain
pliocène de Belgique, 288 ; Fos¬
siles des sables d’Anvers , 44 ;
Diluvium, 68.72
Grammatical. Système — 78 ;
Réforme — 135
Hagiographie du diOCèse d’A-
miens , 280
Hébreux. Mœurs des — 14
Hélène. Type du beau , 265
Henri IV. Lettres de — 76
Hesdins (P). Trois chevaliers d’
— 311.337
Hirondelles. Les — 126.254
Homme fossile. 68
H onoré , I
Hôpital de Saint-Omer , 246
Incendie. Avertisseur d’ — 16
Indianisme. Dolmens dans
rinde, 151; Architecture in¬
dienne, 150 ; Jéhovah et Agni,
267
Industrie minérale du Pas-de-
Calais, 181
Inscriptions latines du Musée
de Douai, 6; — numidiques,
240
Insectes. Byrsax gibbifer, 208
Instruction. Utilité de 1’ —212
Instrument de musique du
Musée d’Ypres , 106
Inventaire des objets d’art et
d’archéologie contenus dans
les églises et chapelles du
département du Nord , 41
Jambes (Bl. Dolmeus de — 130
Jardins publics. Plantation des
— 80
BLerles. Les — 201
liacordaire. Théodore — 2G2
Z.a Fontaine. Maison de — 149
Ziamartine. 28
La Roïère. 31
Lambres (N). 213
langage. Origine du — 222
Laon (A). Abbaye de Saint-
Martin, 275; Hôpital, 275;
Plan de la ville , 275
Législation coutumière de l’Ar¬
tois, 85
Lezennes (N). 15
Liessies (N) . 7
Lille (N). Découvertes de mon¬
naies à — 39.132 ; Etats de —
119.190; Cimetière mérovin¬
gien, 197; la Halle échevinale,
155 ; Sépulture gallo-romaine,
228 ; Hache en silex poli , 228
Longpont (A), abbaye de — 273
Lot. Le — dans le nord de la
France ,271
Xiouis XI. Politique extérieure
de — 179
Louvain (B) 207
Magistrature tournaisienne, 257
Maison. La — 113
Mammouth. 72
Marrhiennes (N) . 215
Médecin hainuyer au xv.® siècle,
32
Mérovingien. Cimetière — 112.
194.197 ; Chapiteaux — 268
Météorologie 38 71.101.135. 166
198.142.231.263.294.327.358.
392 ; Orages , 48 ; Etoiles fi¬
lantes , 48 ; Aurores boréales ,
48.114.205; Météorites, 206
Miliaire romain, 228
Moke , 9
Monstruosités , 178
Mouvements de la plage de la
mer du Nord , 141
Mort. Causes de la — naturelle ,
266 ; La peine de — à Lille, 290
Musicale. Théorie — 221
Musées de Douai, 6 . 53 ; d \ près,
106 ; d’Amiens ,111
Naast (B). 335
Neuville-Saînt-Remy (N). Notice
sur — 148
Noblesse . La — du département
de l’Aisne pendant la Révolu¬
tion , 275
Noyelles-sur-Selle (N) Notice sur
— 124
Numismatique. Découvertes de
monnaies, 39.40.167.132.133;
Atelier monétaire d’Ypres, 107 ;
Méreaux de Tournai , 236 ; n-
6 —
seignes de Saint-Firmin , de La
Fère , 270 ; Monnaies attré-
bates, 279 ; Médaille égyp¬
tienne. 132.168
Objets d’art. Conservation des
— en pierre calcaire , 17
Œufs, Conservation des — 15
Oiseaux. Ibis falcinelle, 79;
Faucon mélanoptère, 79; —
amenés par le froid , 93 ; Les
Hirondelles. 126 ; Ornithologie
du Nord de la France,- 350.381
Orgue, de r — 233
Paille. La cire de — 48
Panaohure. Contagion de la —
49
Paris. 165
Pascal. 137
Peupliers. 80.323
Pierre. Instruments en — 140.
200.228.259.278.295.357
Phonographie. 134
Photographie. 62.82
Poésies. Loi Grammont, 2 ; Mo¬
nument de Vercingétorix, 3;
Madoulet , 99 ; La cloche , 138 ;
La Tour de Dunkerque , 139;
Impromptus , 139 ; A mon pre¬
mier né, 171 ; Les quatre âges
de l’Escaut, 171 ; Les papillons,
237 ; Mes voyages , 265 ; Les
deux directeurs , 265
Pôle sud. Voyage au — 145
Pongerville (de). 36
P ont -sur -S ambre (N). 333
Portail (Jean et Simon du) , 237
Possoz (le Père) , 232
Pourbus (les) , 306
Quéant (P) , 145
Quentflvic. Emplacement de —
140.247
Radinghem (N). Sondage à — 34
ReligUux. Etablissement — à
Douai , 8 ; Histoire — de la
Flandre wallonne ,171
Résidus. Emploi agricole des —
d’usine , .84
Re'fhel (Ar). Cartulaire du comté
de — 274
Ribemont{k). La prévosté de —
271 ^
Romain. Voir Gallo-Romain
Roubaix (N). Galerie roubai-
sienne , 172
Rosati . Les — 88
Roulez. 58
Roïère (Jean de la) , 31
Rumigny (A) . 230
Sandgatte (P). 141
Saint-Omer (P). Notice géogra¬
phique sur Farrond. de — 361
Sars-la-Bruyère (B). 335
Schiller. Etudes sur — 138
Sélénium. Présence du — dans
le cuivre , 178
Sépultures et Cimetières méro¬
vingiens, 112 . 141 . 194 . 197 ;
Gallo-romains , 141 .228 ; Gau¬
lois , 295; anciens, 168.277;
de l’âge de pierre , 230
Sivori. 266
Soleil. Coloration du disque du
— 48 ; Nature du — 207
Solesmes (N) . Histoire de ~ 305 ;
Soignies (B). Histoire de — 329
Soutag (E). 266
Steneland. Abbaye de — 143
Stévin (Simon) , 133
Tarn tam des Chinois , 177
Tellier (Armand-Joscph) , 275
Teruanensis (Pagus). 363
Théâtre villageois en Flandre. 1 08
Thermomètre. 73
Thun-VEvèque (N)’ Sépulture an¬
cienne, 168
Tirlemont (B) . Grés de — 207
Tournai (B). Eglise de Saint-Ni¬
colas de — 236 ; Magistrature
tournaisienne , 237
Valmuse (Le) 88
Vaux ( P) , 145
Vendhuile (A) , 70.295
Villers-Plouich (N), 68
Vitellus. Trous du — 297
Vitraux. Description de — 234
Vitry (P) , 213
Vuorden (Le baron de) ,158.183
216
Wasmes (B) , 332
Woncq (B) , 114
Ypermann (Jehan) , 106
Ypres (B). Musée, 106; Entrée du
prince de Ligne à — 107; Ate¬
lier monétaire cl’ — 107
Zoologie. Les commensaux , 45 ;
Gregarina gigantea, 49; Les
isopodes ou cloportes , 195
— r —
Les noms de localités sont accompagnés d’initiales désignant les
divisions géographiques où elles sont situées; (A) Aisne, (Ar) Ar¬
dennes , (N) Nord , (P) Pas-de-Calais, (S) Somme , (B) Belgique.
LILLE , IMP. BLOCQUEL-CASTIAUX , GRANDE PLACE , 13.
BULLETIN
SCIENTIFIQUE , HISTORIQUE
ET LITTÉRAIRE
DU DÉPARTEMENT DU NORD
et des pays voisins
( Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Ardennes, Belgique )
PUBLIÉ sous LA DIRECTION DE MM.
GOSSLLET , Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et
DESPLANQUE , Archiviste du Département du Nord.
Tome IL — 1870.
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LILLE
imprimerie de Blocquel-Castiaüx , grande place , 13
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