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Full text of "Bulletin biologique de la France et de la Belgique"

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BULLETIN 


Seieittifiqiie .  et  Littéraire 


du  Département  du  Nord 


ET  DES  PAYS  VOISINS 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2018  with  funding  from 
University  of  Illinois  Urbana-Champaign 


https://archive.org/details/bulletinbiologiq1218univ 


BULLETIN 

SCIENTIFIQUE  ,  HISTORIQUE 

ET  LITTÉRAIRE 

DU  DÉPARTEMENT  DU  NORD 

et  des  pays  voisins 

(Pas-de-Calais,  Somme,  Aisne,  Ardennes,  Belgique) 

PUBLIÉ  sous  LA  DIRECTIOX  DE  MM. 

GOSSELET ,  Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille  et 
DESPLANQUE,  Archiviste  du  Département  du  Nord. 


Tome  I.  —  1869. 


LILLE 


Imprimerie  de  Blocquel-Gastiaux  ,  grande  place,  13 

1869 


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N.“  1.  —  Janvier  1869 


BULLETIN 

SCIENTIFIQUE,  HISTORIQUE  et  LITTÉRAIRE 


DU  DÉPARTEiSlENT  DU  NORD 
ET  DES  l'AYS  VOISINS 

(  Pas-de-Calais,  Somme,  Aisne,  Ardennes  ,  Belgique). 


L’idée  de  fonder  ce  Bulleiin  nous  a  été  principalement 
inspirée  par  l’isolement  où  vivent  les  savants  de  province. 
Il  y  a  bien,  dans  toutes  les  villes  importantes,  des  Académies 
ou  des  Sociétés  réunissant  les  personnes  de  la  localité  qui 
s’occupent  de  Sciences  ou  de  Littérature  ;  mais  les  Asso¬ 
ciations  d’un  même  département  n’ont  aucun  rapport 
entre  elles.  Souvent  même,  bien  qu’elles  échangent  leurs 
publications ,  elles  ne  connaissent  pas  leurs  travaux  réci¬ 
proques.  On  ne  sait  pas  à  Lille  ce  que  l’on  fait  à  Cambrai , 
cà  Cambrai  ce  qui  se  passe  à  Dunkerque.  Faute  de  ces 
encouragements  qui  naissent  de  l’approbation  des  hommes 
compétents,  faute  de  l’émulation  produite  par  la  vue  du 
travail  d’autrui ,  on  s’endort,  on  cesse  d’étudier  ,  d’acqué¬ 
rir  et  surtout  de  produire.  Notre  Bulletin,  en  rendant  un 
compte  sommaire  des  travaux  de  toutes  les  Sociétés  du 
Département  et  des  Sociétés  voisines,  fera  connaître  les 
uns  aux  autres  les  hommes  du  même  pays  qui  s’occupent 
des  travaux  intellectuels;  il  créera  entr’eux  des  rapports 
de  sympathie  en  attendant  qu’il  puisse  s’en  établir  de  plus 
complets  et  de  plus  intimes. 


—  2 


Nous  espérons  aussi  que  noire  Bulletin  sortira  du  cercle 
des  Sociétés  savantes  ,  qu’il  pénétrera  chez  toutes  les  per¬ 
sonnes  qui  s’intéressent  d’une  manière  ou  de  l’autre  aux 
travaux  de  l’intelligence  ,  qu’il  fera  connaître  les  services 
rendus  par  les  Associations  scientifiques,  et  qu’il  attirera 
sur  leurs  membres  une  juste  considération.  Le  public  ne 
lit  pas  les  Mémoires  souvent  très-longs  et  quelquefois  un 
peu  arides  ;  nous  cbercberons ,  en  donnant  de  ces  écrits 
un  résumé  court  et  élémentaire,  à  en  faire  ressortir  le  mérite 
et  l’intérêt. 

Nous  avons  encore  d’autres  buts.  Nous  désirons  propager 
l’amour  des  travaux  intellectuels  et  pour  cela  entretenir 
nos  lecteurs  de  la  science  locale  qui  plus  que  toute  autre 
peut  inspirer  le  goût  de  l’étude.  Nous  ferons  connaître  les 
richesses  de  nos  Musées  et  leurs  accroissements  successifs, 
celles  des  Collections  particulières  qui  souvent  peuvent 
rivaliser  avec  les  Musées  par  les  objets  précieux  qu’elles 
renferment.  Nous  indiquerons  les  diverses  couches  du  sol 
du  pays  ,  les  Amgétaux  qui  y  croissent ,  les  animaux  qui  y 
vivent ,  les  monuments  qu’on  y  a  élevés ,  les  antiquités 
qu’on  y  trouve  ,  l’histoire  des  civilisations  qui  s’y  sont  suc¬ 
cédé  ,  les  œuvres  de  génie  qu’elles  ont  enfantées  ,  etc. 

N’oubliant  pas  que  notre  Département  lient  le  premier 
rang  sous  le  rapport  de  l’Agriculture  et  de  l’Industrie,  nous 
mentionnerons  les  progrès  scientifiques  effectués  chez  nous 
dans  ces  deux  directions. 

Nous  signalerons  toutes  les  découvertes  qui  se  feront 
dans  notre  pays  ,  et  nous  offrons  ainsi  aux  auteurs  de  ces 
découvertes  un  moyen  de  publication  prompt  et  facile. 

Nous  accepterons  avec  reconnaissance  toutes  les  commu¬ 
nications  que  l’on  voudra  bien  nous  envoyer ,  mais  nous 
tenons  à  prévenir  que  nous  ne  voulons  pas  faire  concur¬ 
rence  aux  publications  des  Sociétés  savantes  ;  nous  ne  don- 


nerons  que  de  simples  notes  très- courtes  et  jamais  de  Mé¬ 
moires  in  extenso. 

Nous  commençons  notre  Bulletin  humblement  (environ 
300  pages  par  an  )  ,  parce  que  nous  avons  tenu  à  le  mettre 
à  un  prix  accessible  à  tout  le  monde.  Si  notre  idée  a  l’ap¬ 
probation  de  nos  concitoyens  ,  si  notre  Bulletin  leur  plaît , 
nous  chercherons  à  y  apporter  toutes  les  améliorations  que 
l’expérience  et  les  conseils  d’autrui  nous  suggéreront. 

GOSSELET  ET  DESPLAXQUE. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES,  DE  l’aGRICL'LTURE  ET  DES  ARTS  DE  LILLE(') 

Avant  1789 ,  il  existait  à  Lille  une  Société  savante  connue 
sous  le  nom  de  Collège  des  Philalêthes;  la  tourmente  révo¬ 
lutionnaire  la  dispersa.  En  1802,  les  débris  de  cette  Société 
échappés  à  l’orage  se  réunirent  et  formèrent  une  nouvelle 
Association  sous  le  nom  de  Société  des  Amateurs  des  Scien¬ 
ces  ^  de  l'Agriculture  et  des  Arts.  Elle  changea  ce  litre  en 
1829  conti’c  celui  qu’elle  porte  encore.  Le  13  décembre 
1862,  un  décret  impérial  la  reconnaissait  comme  établisse¬ 
ment  d’utilité  publique.  Le  nombre  des  membres  titulaires 
est  limité,  il  était  primitivement  de  trente  ;  en  1852,  il  fut 
porté  à  cinquante. 


d)  En  commençant  le  compte-rendu  des  Iravanx  des  Sociétés  sa¬ 
vantes,  nous  avons  pensé  qu'il  serait  agréal)le  à  nés  Rctei.rsde 
connaître  les  membres  qni  font  partie  de  ces  Associations  scientifi¬ 
ques.  Ces  listes,  données  une  fois  pour  tontes ,  ne  seront  pli:s  renou¬ 
velées;  mais  nous  aurons  soin  de  tenir  notre  llnlletiu  an  courant  d('s 
changements  de  personnel  qni  viendront  à  se  prednire. 

A’o/c  de  la  ItédacUon. 


—  4  — 


Actuellement  [15  janvier  1869]  la  Société  comprend  : 

Six  membres  honoraires:  les  autorités  départementales  et 
municipales ,  et 

MM.  Moulas  (i)  [1831]  (2) ,  homme  de  lettres. 

Verly  [1823],  archéologue. 

Deux  membres  de  droit  :  le  Recteur  de  l’académie  et 
l’Inspecteur  d’académie,  en  résidence  à  Lille. 

Quarante- cinq  membres  titulaires  et  cent  quarante  cor¬ 
respondants. 

Les  membres  titulaires  sont  : 

MM.  Choîn  ^  [1842],  professeur  d’Histoire  à  la  Faculté  et 
au  Lycée  ;  Président. 

Meisciie  de  Loisxe^  [1864] ,  ingénieur  des  Ponts-et- 
Cdiaussées  ;  Vice-Président. 

Gosselet  [1865] ,  professeur  de  Géologie  à  la  Faculté  ; 
Secrétaire-Général. 

Van  Rende  [1860],  numismate;  Secrétaire  de  Cor¬ 
respondance. 

Bach  Y  [1844] ,  agronome  ;  Trésorier. 

De  Norguet  [1862] ,  naturaliste  ;  Archwiste. 
Kuiil.mann  g  ^  [1824]  ,  correspondant  de  l’Institut  ; 
chimisle. 

Danel^  [1828] ,  auteur  d’une  théorie  musicale. 
Benvignat  [1836] ,  architecte. 

Testelin  [1840],  docteur  en  médecine. 

Cazeneuve  0^  [1841],  directeur  de  l’Ecole  de  Médecine 
Delerue^  [1643],  juge-de-paix,  homme  de  lettres. 


(1)  Les  membres  titulaires ,  dont  la  nomination  remonte  à  plus 
de  30  ans,  deviennent  de  droit,  sur  leur  demande,  membres  hono¬ 
raires. 

(2)  Le  chiffre  entre  parenthèse  indique  l'année  de  l’admission. 


MM.  CiiRESTiEN  [1847],  docteur  en  médecine. 

Lavaine  ^  [1848] ,  professeur  de  musique  au  Conser¬ 
vatoire. 

CoRENwiA'DER  ^  [1848] ,  agronome  et  chimiste. 

Parise  ^  [1848],  docteur  en  médecine. 

Dupuis  [1848],  avocat,  homme  de  lettres. 

Deligne  [1849] ,  professeur  de  littérature. 

Blaaquart-Evrard^^[1852],  peintre  et  photographe. 

Colas  [1852] ,  peintre. 

Violette  ,  Henri,  O  ^  [1852] ,  chimiste ,  commissaire 
des  poudres  et  salpêtres. 

Garreau  ^  [1852] ,  pharmacien ,  botaniste. 

Meurein  [1852],  pharmacien,  chimiste. 

Cox  [1854]  ,  industriel. 

Caxxissié  [1854],  linguiste. 

Paeile  [1856] ,  bibliothécaire  et  archiviste  de  la  ville . 

VioLLETTE ,  Charles  [1858]  ,  professeur  de  Chimie  à 
la  Faculté. 

Guiraudet  7^  [1858] ,  professeur  de  Mathématiques  , 
Doyen  de  la  Faculté. 

3Iathias  ^  [1858] ,  ingénieur  du  chemin  de  fer  du 
Nord. 

De  Goussemaker  ^  [1859],  correspondant  de  l’Ins¬ 
titut,  Président  de  la  Commission  historique. 

Comte  de  Melux  [1859],  Vice  -  Président  de  la 
Commission  historique. 

HouzÉ  de  l’Aulxoit,  Alfred  [1860],  docteur  en  mé¬ 
decine. 

Dareste  delaChavaxne  [1860],  professeur  de  Zoologie 
à  la  Faculté. 

HouzÉ  de  l’Aulxoit,  Aimé  [1861] ,  avocat. 

Lethierry  [1862],  entomologiste. 

Vandexberg  [1863],  architecte. 


—  6 


Leuriüa>  [1863],  bibliothécairc-arcliivisle  de  la  ville 
de  Roubaix. 

Kuiilmaxx  ,  Jules  [1863] ,  chimiste. 

Desplaxque  [1863] ,  archiviste  du  Département. 
Reixaut,  0:^[1864],  conservateur  des  3Iusées  de  Lille. 
Roussel-Defoxtaixe  ^  ^1865] ,  industriel ,  maire  de 
Tourcoing. 

Telliez  [1866] ,  juge  au  tribunal  civil,  économiste. 
Boire  [1868],  ingénieur  civil. 

Duthilleul  [1868] ,  homme  de  letti'es. 
Haxriot^[1868],  professeur  de  Pbysiiiue  cà  la  Faculté. 

Dans  le  cours  de  rannée  1868  ,  la  Société  a  perdu  : 

31.  Lyon  [1865] ,  inspecteur  des  forêts. 

Elle  a  vu  s’éloigner  : 

3131.  Gripon  [1865] ,  professeur  à  la  Faculté. 

Girardin,  O  ^  [1858],  correspondant  de  rinstitut< 
Doyen  et  professeur  de  Chimie  à  la  Faculté. 
Lemaître  ^  [1863] ,  ingénieur  en  chef  des  Ponts- 
et-Chaussées. 

3IOSSOT,  professeur  de  rhétorique  au  Lycée, 
qui  sont  devenus  scs  correspondants. 

J.  G. 

mémoires  de  la  société  des  sciences  ,  DE  l’agriculture 

ET  DES  ARTS  DE  LILLE. 

Aniicc  18G7  ,  IV.'  volume  ,  3.'  série.  —  rublics  en  1868. 

Les  publications  de  la  Société  pendant  l’année  1867  ont 
été  nombreuses.  Elles  prouvent  que  les  membres  de  cette 
Association  veulent  donner  l’exemple  du  travail  qu’ils  sti¬ 
mulent  en  dehors  d’eux,  par  l’appui  qu’ils  prêtent  à  tous 
les  hommes  d’étude,  et  par  les  Concours  qu’ils  ouvrent 


7  — 


chaque  année  dans  toutes  les  branches  du  savoir.  En  1868  , 
la  Société  a  publié  deux  volumes:  l’un,  consacré  aux  mé¬ 
moires  de  ses  membres  ;  l’autre  ,  aux  mémoires  qu’elle  a 
couronnés  ou  qu’elle  a  jugé  dignes  d’être  imprimés  sous  ses 
auspices. 

Nous  ne  nous  occupons  aujourd’bui  que  du  premier  de 
ces  deux  volumes  (4.®  volume  de  la  3.®  série). 

Citons  d’abord  les  travaux  de  littérature  qu’il  contient 
et  commençons  par  les  poésies. 

Nous  trouvons  une  fable  :  V Apparence  trompeuse ,  et  un 
conte:  V  Aigle  et  la  Flèche,  de  M.  Delerue.  —  Deux  pièces 
de  vers:  la  Patience  (imitation  de  Y A\\em£iiu]),  la  Délivrance, 
parM.  Eschenauer,  pasteur  protestant  à  Strasbourg,  mem¬ 
bre  correspondant  de  la  Société  ;  et  un  poème  intitulé 
LydéîHc  de  M.  Deletombe,  homme  de  lettres  à  Orchies , 
également  correspondant  de  la  Société. 

Lydéric,  c’est  l’bistoire  de  notre  premier  forestier  de 
Flandre  qui  est  devenu,  de  par  Clotaire,  le  souverain  du 
pays  de  la  Lys,  après  avoir  vaincu  et  tué  Phinart,  brigand 
légendaire  de  nos  contrées'. 

Les  vers  de  M.  Eschenauer  ont  un  cachet  essentiellement 
religieux  : 

Il  est  un  ange  sur  la  terre 

Qui  vers  nous  descendu  des  cieux  , 

Répand  un  baume  salutaire 

Sur  tous  les  maux  des  malheureux  • 

Son  regard  apporte  la  joie , 

La  paix  ,  la  vie  et  le  bonheur. 

Ail  !  vers  cet  ange  qu'il  envoie 
Que  rEternel  tourne  mon  cœur. 

Quel  est  cet  ange? 

Cet  ange  ,  c'est  la  Patience , 

Compagne  de  la  Charité  , 


8  — 


Sœur  de  la  douce  Confiance 
Et  fille  de  la  Vérité. 

Elle  supporte  sans  murmure, 
Sans  amerlume  et  sans  cfibrt , 
L’épreuve  môme  la  plus  dure 
Et  nous  sourit  jusqu'à  la  mort. 


Le  but  delà  fable,  comme  ou  lésait,  est  d’inslriiire  : 
M.  Delerue  v  a  réussi. 


En  visitaul  un  cabinet  d’antiquailles ,  il  aperçoit  parmi 
beaucoup  d’objets  : 

. une  superbe  épée  ; 

Son  fourreau  resplendissait  d'or 
Et  sa  poig’née  était  plus  belle  encor. . . 


Mais,  tirant  cette  épée  du  fourreau,  il  n’a  entre  les 
mains  qu’une  lame  de  bois. . . 


«  Sous  les  plus  beaux;  dehors  ,  rbomme  et  môme  la  femme  . 
«  A  nos  regards  apparaissent  parfois. 

«  Mais  cbcrcbez-leur  un  cumr,  une  âme, 

«  C'est  souvent  mon  épée  à  la  lame  de  ])ois.  » 


La  critique  littéraire  est  représentée  par  une  étude  de 
M.  Bïossot ,  sur  Pascal  et  La  Rocbefoucauld. 

L’auteur  examine  ces  deux  hommes  célèbres  du  xvii®  siècle 
dans  leurs  livres  paraissant  presque  la  môme  année:  les 
Pensées ,  de  Pascal ,  et  les  Maximes ,  de  La  Rocbefoucauld. 

Ainsi  rapprochés  dans  le  temps,  ces  deux  livres  le  sont-ils 
par  l’esprit,  par  l’inspiration  ? 

Il  en  est  peu  d’aussi  différents.  L’un  (Larochefoucauld) , 
a  écrit  avec  son  esprit  ;  Pascal ,  avec  son  âme ,  dit  M.  Blossot 
en  terminant. 


L'Histoire  des  Etats  de  Lille,  de  M.  le  comte  de  Melun  , 
est  continuée  dans  ce  volume.  L’écrivain  nous  montre  ces 


—  9  — . 


Etats  sous  la  domination  française  et  pendant  l’occupation 
de  Lille  par  les  Hollandais. 

L’bisloire  locale  est  l’objet  d’un  autre  mémoire  très-inté¬ 
ressant  dû  à  M.  Leuridan  ,  et  intitulé  Précis  de  l'histoire  de 
Lannoy.  Nous  en  donnerons  prochainement  un  compte- 
rendu  spécial. 

Nous  voyons  encore  une  note  sur  les  œuvres  posthumes 
d’Emile  Cachet,  savant  paléographe ,  par  31.  Albert  Dupuis  ; 
et  deux  notices  biographiques  :  l’une  ,  sur  la  vie  et  les  tra¬ 
vaux  de  31.  Victor  Derode,  par  3Ï.  Alex.  Desplanque, 
notice  dont  nous  nous  servirons  pour  faire  connaître 
31.  Victor  Derode  quand  nous  parlerons  prochainement  de 
ses  quelques  documents  pour  servir  à  l’Histoire  de  l'In¬ 
dustrie  de  Lille;  l’autre  ,  sur  31.  le  baron  3ieunier ,  décédé 
maire  de  Lille. 


31.  3Ieunier  était  tils  du  général  de  division,  baron 
3Ieunicr,  et  de  la  fille  de  David,  le  célèbre  peintre  du 
temps  de  la  République  et  de  l’Empire. 

Titulaire  d’une  étude  de  notaire  à  Lille,  il  v  arriva  avec 
la  volonté  de  devenir,  dit  31.  Ferdinand  3Iatbias,  auteur  de 


sa  biographie ,  un  citoyen  utile  etactifdesa  ville  d’adoption  ; 
il  a  largement  tenu  parole.  Depuis  1852  ,  il  faisait  partie  du 
Conseil  municipal. 

Lors  de  l’agrandissement  de  Lille,  31.  3Ieunierse  montra 
partisan  de  la  nouvelle  enceinte  fortifiée ,  et  s’occupa  acti¬ 
vement  de  la  question.  La  croix  de  la  Légion  d’honneur  fut 
la  récompense  de  ses  travaux. 

31.  31eunier  était  membre  de  la  Société  depuis  1861 ,  il 
s  y  occupait  d’Economie  sociale. 

Cette  branche  de  la  Science  est  encore  dignement  repré¬ 
sentée  à  la  Société.  Au  moment  où  la  question  des  och'ois 
était  à  l’ordre  du  jour ,  31.  Roussel-Defontaine  a  pensé  qu’il 


¥■ 


10  — 


était  opportun  de  faire  connaître  Thistoire  de  l’abolition  des 
octrois  communaux  en  Belgique.  M.  Roussel-Defontaine  n’a 
pas  eu  l’intention  d’examiner  dans  son  travail  la  question 
des  octrois  en  France.  Il  pense  qu’il  faudrait  pour  notre  pays 
une  autre  solution  du  problème. 

L’élément  scientifique  domine  dans  la  Société. 

Le  présent  volume  contient  wnMémoire  su?'  le  dosage  du 
sucreau  moyen  de  liqueurs  é/érees,  par  M.  Charles  Viollette. 

Des  études  sur  les  fonctions  des  racines  des  végétaux^  par 
M.  Corenwinder. 

Un  Mémoire  sur  le  traitement  des  futaies  ^  de  M.  Lyon. 

Sous  ce  titre  ;  Poutres  équarries  à  extraire  d’un  tronc 
d'arbre;  une  méthode ,  du  même  auteur,  qui  permet  de 
déterminer  sûrement,  d’après  le  diamètre  d’un  arbre,  la 
dimension  des  poutres  qu’on  peut  en  extraire. 

Une  Question  de  Physiologie  végétale  ,  par  M.  Bachy. 

Un  supplément  ajouté  par  M  de  Norguet  ,  au  Cata¬ 
logue  détaillé  des  Coléoptères  du  département  du  Nord , 
présenté  par  lui,  en  1863 ,  à  la  Société  des  Sciences  ,  com¬ 
plète  les  travaux  scientifiques  contenus  dans  ce  volume, 
travaux  dont  la  plupart  feront  l’objet  d’analyses  qui  paraî¬ 
tront  dans  ce  Bulletin. 

Nous  disons  la  plupart,  parce  que,  en  effet,  il  n’est  pas 
possible  ,  pour  ne  citer  qu’un  exemple ,  de  résumer  l’énu¬ 
mération  que  fait  M.  de  Norguet  des  insectes  de  notre  Dé¬ 
partement. 

On  sait  que  les  coléoptères  forment  un  des  douze  ordres 
dont  se  compose  la  classe  des  insectes  ;  le  scarabée  des  jar¬ 
dins  ,  vulgairement  appelé  le  jardinier,  et  le  hanneton  en 
sont  le  type. 

C’est  la  partie  Est  du  Département  qui  a  fait  l’objet  de 
nouvelles  recherches  ;  la  forêt  de  Mormal,  les  bois  de  ïrélon 


11 


et  de  Raisinés ,  dit  M.  de  Norguet ,  ont  été  visités  à  plusieurs 
reprises  par  M.  Lethierry  qui  a  eu  le  mérite  d’y  faire  des 
découvertes  intéressantes. 

Ce  supplément  sera  ,  nous  l’espérons ,  suivi  de  plusieurs 
autres. 

Qui  peut  en  effetse  flatter,  observe  M.de  Norguet,  d’avoir 
examiné  tous  les  êtres  qui  vivent  ou  naissent  sur  un  pays , 
ou  sur  une  portion  de  pays,  même  restreinte ,  puisque  mille 
circonstances  peuvent  les  faire  paraître  et  disparaître,  les 
rendre  plus  ou  moins  rares,  plus  ou  moins  faciles  à  décou¬ 
vrir  ? 

A  fortiori ,  en  est-il  ainsi  des  insectes  chez  lesquels  un 
changement  dans  l’atmosphère ,  une  moditlcation  dans  la 
végétation,  une  inondation,  un  dessèchement,  un  coup  de 
vent  même  peut  amener  l’apparition  ou  l'extinction  de  plu¬ 
sieurs  espèces.  Lecocq. 


DOSAGE  DU  SUCRE  AU  MOYEX  DES  LIQUEURS  TITRÉES 
avec  Instruction  pratique,  par  M.  Cii.  Viollette  {*) 

Parmi  les  différentes  méthodes  proposées  pour  le  dosage 
du  sucre,  deux  principalement  sont  utilisées. 

La  première,  toute  physique,  a  été  imaginée  parBiot, 
elle  repose  sur  la  déviation  qu’une  liqueur  sucrée  fait  éprou¬ 
ver  au  plan  de  polarisation  de  la  lumière.  Elle  donne  des 
résultats  précis  lorsque  la  dissolution  sucrée  n’est  que  fai¬ 
blement  colorée,  mais  elle  exige  l’emploi  du  saccharimèlre, 
instrument  coûteux  et  dont  tout  le  monde  n’est  pas  apte  à 
se  bien  servir. 


(*)  Brochure  in-8® ,  140  pages  ,  une  planche,  Lille  ,  Quarré 


—  1-2  — 


La  deuxième  méthode,  due  à  M.  Barreswill,  est  une 
méthode  volumétrique  fondée  sur  ces  deux  faits  purement 
chimiques  : 

l.°Que  le  sucre  se  transforme  par  l’ébullition  avec  un 
acide  en  sucre  interverti ,  2.°  Que  un  équivalent  de  ce  der¬ 
nier  peut  précipiter,  à  l’état  d’oxide  cuivreux  rouge  (Cu'^O), 
tout  le  cuivre  de  dix  équivalents  de  sulfate  cuivrique  dis¬ 
sous  dans  la  solution  alcaline  d’un  tartrate  neutre  alcalin. 
Ce  procédé  est  moins  exact  que  le  premier  et  il  ne  donne 
qu’une  approximation  de  2  à  3%  ;  il  est  du  reste  entouré 
d’assez  peu  de  renseignements,  même  dans  les  livres  spé¬ 
ciaux,  pour  que  ces  conditions  réunies  l’aient  empcclié  de 
se  généraliser  en  passant  dans  une  pratique  journalière. 


Charles  Yiollelte  a  repris  le  procédé  dit  de  Barres^vill 
et  il  est  parvenu  à  lui  donner  toute  la  précision  désirable  au 
point  même  d’en  obtenir  des  résultats  identiques  à  ceux  du 
saccharimétre,  tout  en  conservant  à  l’opération  sa  simplicité 
pl•imiti^e;  même  dans  le  cas  où  la  coloration  des  dissolu¬ 
tions  sucrées  rend  incei’tain  le  dosage  du  saccharimétre, 
la  méthode  do  31.  Violletle  conserve  toute  sa  précision. 

Il  emploie  une  li(iueur  cuivrique,  dite  liiiucur  normale, 
qui  diffère  de  celle  de  Fehling  en  ce  que  la  précipitation  de 
10  cc.  de  cette  liqueur  correspond  à  3  centigrammes  de 
sucre  ,  tandis  que  la  même  ((uantité  de  liqueur  normale  du 
chimiste  allemand  correspond  ào  centigrammes  de  glucose 
(5  cenligr.  263  de  sucre). 


Dans  un  premier  chapitre  l’auteur  décrit  avec  un  soin 
extrême  et  en  insistant  sur  les  plus  petits  détails,  les  moyens 
de  préparer  ces  réactifs;  dans  les  cinq  chapitres  suivants 
il  donne  sa  méthode  perfectionnée  d’analyse  pour  les  diffé¬ 
rents  genres  de  produits  qui  peuvent  se  présenter  dans  la 
pratique  ; 


—  13  — 

1. ''  Sucres  raffinés,  sucres  candis,  sucres  bruis  riches  el 
sucres  de  fécule  riches  ; 

2. ”  Sucres  bruts  pauvres  ,  mélasses  et  sirops  ; 

3. ^^  Betteraves  ; 

4  .®  Jus  de  betteraves  ; 

O."  Liquides  sucrés  quelconques. 

Dans  ces  différents  cas,  la  méthode  générale  devait  né 
cessairement  subir  quelques  modifications  selon  que  les 
produits  sont  peu  colorés  ou  qu’ils  le  sont  beaucoup  ,  selon 
qu’ils  contiennent  ou  non  soit  du  glucose ,  soit  du  sucre  in¬ 
terverti,  et  enfin  selon  qu’ils  sont  plus  ou  moins  troubles  et 
difficiles  à  filtrer. 

Une  des  plus  importantes  innovations  de  31.  Viollelle  , 
celle  qui  rendra  au  plus  haut  degré  son  livre  précieux  pour 
la  pratique ,  ce  sont  les  tableaux  qu’il  y  a  joints. 

Les  uns,  résumant  avec  une  grande  netteté  les  phases  de 
l’opération  dans  ses  caractères  fondamentaux  et  dans  ses 
caractères  secondaires ,  permettent  de  saisir  l’instant  précis 
où  la  réduction  est  complète. 

Les  autres  ont  pour  but  d’éviter  aux  praticiens  les  calculs 
de  l’analvse. 

Dans  une  première  colonne  on  lit  le  résultat  de  l’expé- 
l’ience  ,  c’est-à-dire  le  nombre  de  centimètres  cubes  du 
sii’op  qu’il  a  fallu  employer  pour  i-éduire  iO  cc.  de  la 
litiueur  cuivrique  noimale,  c’est  ce  que  l’on  appelle  le  litre 
du  sirop.  Dans  une  seconde  colonne  on  trouve  la  quantité 
de  sucre  contenu  dans  le  sirop  ,  et  dans  une  troisième  ,  la 
([uantité  de  glucose  (lui  y  correspond  ;  le  fabricant  de  sucre 
et  le  rafllneur  se  serviront  de  la  seconde  ,  le  distillateur  de 
la  troisième. 


OUTLIEB. 


14  — 


BIBLIOGRAPHIE. 

UN  INTENDANT  DU  HAINAUT  SOUS  LOUIS  XVI. 

Dans  sa  séance  publique  du  27  décembre  1868,  dont 
il  sera  incessamment  rendu  compte  ici ,  la  Société  Impé¬ 
riale  des  Sciences  de  Lille  a  décerné,  à  titre  de  distinction 
exceptionnelle  ,  une  médaille  d'or  à  M.  Louis  Legrand  , 
avocat  à  Valenciennes  ,  auteur  de  l’ouvrage  intitulé  :  Sé?iac 
de  Meil/tan  et  r Intendance  du  Hainaut  et  du  Camhrésis 
sous  Louis  XVI.  (>) 

Antérieurement  ,  ce  livre  avait  été  présenté  comme 
thèse  française  de  doctorat ,  (2)  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Paris  où  il  a  trouvé  le  plus  flatteur  accueil.  (^) 

La  presse  de  la  capitale  et  celle  de  la  province  s’en  sont 
toui*  à  tour  occupées  pour  en  dire  du  bien.  (^)  Nous  même  , 
nous  nous  sommes  associé  à  ce  concert  d’éloges  dans  un 
article  publié  il  y  a  déjà  plusieurs  mois,  à  Paris ,  (")  et  dont 
nous  demandons  la  permission  de  placer  aujourd’hui  un 
résumé  sous  les  veux  des  lecteurs  du  Bulletin. 

Sénac  de  àleilhan  appartient  à  la  fois  à  Phistoire  litté¬ 
raire  et  à  l’histoire  administrative.  Il  s’en  est  fallu  de  peu 


(Ù  Valenciennes,  Giard;  Paris,  Tliorin;  18G8.  In-8"  ,  486  p, 

(2  Le  litre  de  la  llièsc  latine  de  M.  Legrand  est:  LeibnUii  de  nova 
melhodo  disccndœ  doccndœque  jiirisprudtnliœ  ;  in-8"  ,  71  p. 

(3)  Voir,  en  particulier ,  le  jugement  qu'en  ont  porté  MM.  II. 
Wallon,  de  l'Académie  des  inscriptions;  et  Patin,  de  l'Académie  fran¬ 
çaise. 

p)  Le  meilleur  compte-rendu  analytique  qui  en  ait  été  fait,  est 
celui  de  M.  Didiez  ,  collègue  de  M.  Legrand  au  barreau  de  Valencien¬ 
nes.  Valenciennes,  Prignet ,  in-8"  ,  21  p. 
p)  Dans  la  Revue  des  questions  historiques ,  numéro  d'octobre  1868. 


que  le  nom  de  cet  homme,  à  peine  connu  aujourd’hui  de 
quelques  curieux  ,  n’ait  pris  place,  dans  l’estime  des  con¬ 
temporains  et  le  souvenir  de  la  postérité  ,  entre  ceux  de 
Montesquieu  et  de  Necker.  Son  tour  d’esprit  invitait  Sénac 
à  s’inscrire  dans  la  phalange  des  encyclopédistes  et  des 
physiocrales.  Son  mérite  ,  sa  connaissance  approfondie 
des  hommes  et  des  affaires ,  le  désignaient  pour  siéger 
dans  les  conseils  de  la  couronne. 

La  Révolution  ,  qu’il  regretta  toujours  de  n’avoir  pu  dé¬ 
tourner  de  son  cours  funeste ,  plongea  dans  l’exil  l’inten¬ 
dant  du  Hainaut,  et,  en  fermant  violemment  les  portes  de 
l’Académie  française ,  elle  lui  ôta  l’espoir  d’y  occuper  un 
fauteuil.  Toutes  les  perspectives  ambitieuses  de  Sénac  s’é¬ 
vanouirent  ainsi  à  la  fois.  Après  avoir  cherché  un  refuge 
momentané  à  la  cour  de  Catherine  II ,  il  se  retira  à  Vienne , 
où  il  mourut,  trop  tôt  pour  bénéficier  du  revirement  d’opi¬ 
nions  et  d’idées  qui  s'opéra  en  181o.  L’auteur  d’écrits  de 
politique  et  de  salon  empreints  de  la  plus  rare  finesse  , 
de  la  plus  exquise  urbanité  ,  le  contemporain  et  le  rival 
de  Necker,  n’eut  point,  au  terme  de  sa  carrière  si  brus¬ 
quement  interrompue  par  les  événements ,  ce  retour  de 
renommée  qui  console  et  illumine  une  vieillesse. 

C’est  assez  insister  sur  la  biogi'aphie  de  Sénac  ,  que 
M.  Legrand  a  fouillée  avec  autant  de  hardiesse  que  de 
bonheur  ,  mais  qui  ,  selon  nous  ,  ne  constitue  point  la 
partie  la  plus  originale,  ni  la  plus  considérable  de  son  livre. 

Dans  l’étude  de  Sénac  comme  homme  de  cour  et  comme 
homme  de  lettres ,  M.  Legrand  avait  deux  guides  naturels , 
MM.  Sainte-Beuve  (')  et  de  Lescure  (^).  Au  contraire,  quand 

0  Causeries  du  Lundi,  t.  X  et  XI,  aiiick'S  sur  Sénac  de  Meillian  et 
sur  la  marquise  de  Créqui. 

^2)  Œuvres  choisies  de  Xe/tac,  avec  une  introduction  par  M.  de  TiOScure; 
Paris,  1862. 


—  16 

il  en  \ient  à  traiter  des  actes  administratifs  du  commis¬ 
saire  royal  en  Hainaut ,  notre  auteur  pose  le  pied  sur 
une  terre  absolument  neu\e.  Pour  s’y  diriger,  il  a  recours 
aux  archives  de  l’Empire ,  du  département  et  des  villes. 
La  correspondance  de  Sénac  avec  les  ministres ,  les  re¬ 
gistres  aux  délibérations  des  corps  constitués,  lui  livrent 
l’administrateur  tout  entier. 

L’intendance  ,  ou  généralité  de  Valenciennes,  à  laquelle 
était  préposé  Sénac ,  comprenait ,  outre  la  région  gallo- 
liégeoise  communément  appelée  pays  d’outre-Meuse  ,  le 
Cambrésis  et  la  poilioii  du  Hainaut  réunie  à  la  France  par 
Louis  XIV.  —  Le  Cambrésis  ,  dont  les  destinées  furent 
longtemps  distinctes  de  celles  delà  Flandre  et  du  Hainaut, 
avait  retenu  ,  de  son  ancien  mode  d’existence  ,  une  cons¬ 
titution  en  pays  d’Etats  que  Sénac  respecta  assez  fidèlement. 
Dans  le  reste  de  son  intendance  ,  son  autorité  fut  d’abord 
sans  limites.  Mais  bientôt ,  un  souflle  de  libéralisme  com¬ 
mençant  à  se  répandre  sur  la  France  ,  il  fut  question  de 
rendre  aux  provinces  leur  autonomie  administrative.  Sénac 
se  méprit  sur  le  sens  et  la  portée  de  cette  grande  mesure, 
élernel  honneur  du  règne  de  Louis  XVl.  Il  crut  entrer 
dans  la  pensée  du  ministre  dirigeant  et  faire  sa  cour  au 
souverain  en  contrecarrant  le  projet  de  rétablissement 
des  Etals  de  Hainaut.  H  n’y  gagna  que  de  se  brouiller 
avec  les  populations  qui ,  à  l’approche  de  la  tourmente 
révolulionnaiie  ,  le  virent  s’éloigner  avec  joie,  de  même 
qu’il  se  sépara  d’elles  sans  regret. 

Rien  de  plus  curieux  que  de  suivre,  dans  l’ouvrage  de 
M.  Legrand  ,  le  spectacle  des  luttes  intestines  auxquelles 
donna  lieu  celte  question  du  rétablissement  des  Etals  de 
Hainaut.  L’affaire  fut  vigoureusement  prise  en  mains  par 
le  personnage  principal  de  la  province  ,  le  duc  Anne- 
Emmanuel  de  Croy  ,  qui  se  considérait  comme  le  pré- 


17  — 


sident-né  de  la  future  assemblée  et  qui  ,  imbu  des  idées 
de  l’aristocratie  anglaise  ,  voulait  se  faire  pardonner  sa 
haute  position  de  naissance  et  de  fortune  par  son  dévoue¬ 
ment  aux  intérêts  communs.  Pour  faire  face  aux  tendances 
de  ce  redoutable  administré ,  Sénac  ne  rougit  pas  de  sus¬ 
citer  et  d’entretenir  dans  les  villes ,  grandes  et  petites  de 
son  ressort ,  une  aveugle  opposition  au  projet.  La  ville  de 
Valenciennes  donna ,  la  première  ,  l’exemple  d’un  étroit 
esprit  de  particularisme.  Dans  le  but  d’échapper  à  la  nou¬ 
velle  organisation  provinciale ,  elle  alla  jusqu’à  répudier 
son  litre  de  capitale  du  Hainaut  français.  Il  n’y  eut  point 
de  si  mince  bourgade  ,  de  territoire  si  exigu  ,  qui  ,  en 
alléguant  des  précédents  historiques ,  ne  se  défendît  de 
faire  partie  des  Etats  reconstitués.  Les  peuples,  sous  le 
i-ègne  précédent ,  avaient  tant  de  fois  vu  tourner  à  leur 
détriment  de  prétendus  essais  de  réforme,  qu’ils  n’accueil¬ 
laient  qu’avec  une  déliance  presqu’invincible  les  amélio¬ 
rations  loyalement  tentées  par  Louis  XVI.  La  fermeté  du 
duc  de  Croy  finit  par  avoir  raison  des  préventions  et  des 
résistances  locales  que  favorisait  secrètement  Sénac. 

Le  récit  de  M.  Legrand  nous  montre  à  quel  degré  l’iiu- 
meur  contentieuse  était  alors  développée  entre  les  diffé¬ 
rents  corps  administratifs  et  jusque  chez  les  membres  d’un 
même  corps.  On  croirait  que  dans  les  Etats  du  Cambrésis  , 
(jui  fonctionnaient  depuis  des  siècles  ,  les  questions  de 
préséance  et  de  prérogatives  avaient  eu  le  temps  d’être 
réglées  par  l’usage  ou  tranchées  par  des  concessions  mu¬ 
tuelles.  Nullement.  Car  ,  sans  parler  d’interminables  dis¬ 
sensions  entre  les  trois  ordres ,  nous  voyons  le  clergé  du 
Cambrésis  se  scinder  en  clergé  séculier  et  régulier,  les 
chapitres  tendant  à  donner  l’exclusion  aux  abbayes  et 
l'éciproquement.  Partout  ce  ne  sont  que  contlits  de  juri¬ 
diction,  empiétement  sur  les  attrilmtions  d’autrui.  A  me- 


18 


sure  que  la  vie  se  relire  de  ces  institu lions  qu’animait 
autrefois  un  puissant  souftle  de  liberté,  les  querelles  de 
pure  forme  et  d’étiquette  se  multiplient  dans  leur  sein. 
D’aussi  mesquins  démêlés  n’empêchent  pas  seulement  l’hen- 
reux  résultat  qu’on  pourrait  se  promettre  du  concours  de 
tous  les  bons  vouloirs;  ils  entretiennent ,  dans  les  diverses 
classes  de  la  société,  une  sourde  irritation  qui  ne  Irouvera 
son  dégagement  que  dans  les  agitations  révolutionnaires. 

Comme  l’a  fort  bien  dit  le  rapporteur  de  la  Société  des 
Sciences  de  Lille,  quiconque  désormais  voudra  se  faire  une 
idée  de  l’état  moral  et  matériel  de  la  portion  hainuyère  du 
dépar(ement  du  Nord  sous  Louis  XVI ,  des  besoins  que 
ressentaient  et  des  vœux  qu’émettaient  les  habitants  de 
celte  région  ,  des  réformes  qui  furent  tentées  en  vue  de 
les  satisfaire  ,  des  travaux  publics  entrepris  dans  leur  in¬ 
térêt,  devra  recourir  au  livre  de  M.  Legrand. 

L’ouvrage  en  son  entier  s’inspire  des  idées  de  M.  de 
Tocqueville  et  il  forme  un  précieux  appendice  aux  travaux 
de  M.  Léonce  de  La  Vergne  sur  les  assemblées  provinciales, 
à  ceux  de  MM.  de  Poncins_  et  Chassin  sur  l’esprit  gé¬ 
néral  des  Cahiers  des  Trois-Ordres. 

A.  Desplanqüe. 


CHRONIQUE. 


Géologie.  Découverte  de  la  Meule  aux  environs  de 
Valenciennes.  —  Les  mineurs  appellent  ToiuHia  une  roche 
calcareo  sableuse  colorée  en  vert  par  la  Glauconie  (  silicate 
de  fer  )  que  l’on  trouve  immédiatement  au-dessus  du  ter¬ 
rain  bouillerdans  les  environs  de  Valenciennes  et  de  Douai. 
Le  fossile  le  plus  caractéristique  de  cette  couche  est  le 


19 


Pecten  asper.  Aux  environs  de  Mons  on  trouve  entre  le 
Tourtia  et  le  terrain  houiller  une  épaisse  couche  de  grès 
vert  dont  le  ciment  est  de  la  silice  soluble  en  gelée  dans 
les  acides.  On  la  désigne  sous  le  nom  de  Meule. 

M.  Cornet,  ingénieur-directeur  des  charbonnages  de  la 
bouvière ,  vient  de  nous  annoncer  la  découverte  de  cette 
couche  en  France.  Il  Fa  vue  lors  du  creusement  du  puits 
Thiers,  entre  Coudé  et  Valenciennes  ,  et  plus  récemment, 
à  l’Est  de  Condé  dans  la  fosse  Saint-Pierre,  de  la  concession 
française  de  ïhivencelles. 

O 

Là  \eTourtia  à  Pecten  asper  repose  en  le  ravinant  profon¬ 
dément  sur  une  puissante  assise  de  grès  vert  qui  a  35  mè¬ 
tres  au  puits  Thiers.  M.  Cornet  avait  déjà  rencontré  la  même 
couche  à  Bernissart  et  à  Harchies  ,  sur  le  territoire  belge  , 
près  de  la  frontière.  A  Harchies  elle  a  une  épaisseur  de 
183  mètres.  De  Bernissart  à  Bracquegnies ,  à  l’Est  de 
Mons ,  les  puits  et  les  sondages  permettent  de  suivre  la 
meule  de  manière  à  ce  qu’il  n’y  ait  pas  de  doute  sur  sa  con¬ 
tinuité,  mais  le  caractère  minéralogique  change.  Le  calcaire, 
abondant  à  Thivencelles  et  à  Bernissart,  disparaît  peu  à  peu, 
et  vers  Bracquegnies  il  est  remplacé  par  de  la  silice  soluble. 

MM.  Cornet  et  Briart  ont  rencontré  à  ïhivencelles  et  à 
Bernissart  de  nombreux  fossiles  caractéristiques  de  la  meule 
des  environs  de  Mons  :  Cardkni  Hillanum  ,  Trigouia 
clœdalea  ,  Area  æquilateralis  ,  Venus  plana  ,  Turritella 
granulata^  Rostellaria  Parldnsoni ,  etc. 

Sépulture  Gallo-Romaine  de  Ronchin. — 
Oji  connaît  la  direction  des  voies  romaines  qui  traversent 
l’arrondissement  de  Lille  :  la  Commission  historique  en  a 
publié  la  carte;  mais  sur  ces  voies,  toutes  de  pi-emière 
classe,  la  station  de  Vikoviacüm  (  Wervick  )  est  la  seule 
qui  soit  indiquée.  M.  Van  Hende  a  signalé  récemment  celle 


20  — 


de  Roncliin ,  à  la  suite  de  fouilles  entreprises  par  lui  et 
M.  Rigaux  fils,  au  hameau  dit  le  Cerf,  près  de  l’arbre 
du  Diable. 

En  creusant,  en  1867,  les  fondations  des  façades  de  la 
maison  d’école  du  village ,  on  a  trouvé  des  fragments  de 
poteries  gallo-romaines,  des  perles  et  un  vase  retiré  intact. 
Des  recbercbes  pratiquées  au  mois  de  seplembre  dernier  , 
à  l’extérieur  de  la  maison  ,  ont  fait  découvrir  des  fragments 
de  toute  espèce  :  des  cendres ,  des  clous  et  un  groupe  de 
quatre  vases  formant  une  tombe  gallo-romaine;  l’iirne 
cinéraire ,  en  poterie  fine  ,  avec  des  ossements  et  une  mon¬ 
naie  de  Néron  ,  en  moyen  bronze  ;  le  vase  aux  offrandes  ; 
le  plat  aux  aliments  et  le  vase  à  la  boisson.  Ces  objets,  don¬ 
nés  au  Musée  de  Lille,  sont  tous  de  prîtes  diverses,  et  la 
foiTiie  en  est  généralement  gracieuse.  Ils  offrent  de  légères 
différences  avec  les  vases  de  Lisieux  achetés  l’an  dernier 
pour  le  musée  archéologique,  et  permettront  de  préparer 
entre  les  produits  céramiques  de  la  Relgique  seconde  et 
ceux  de  la  deuxième  Lyonnaise,  une  comparaison  qui 
paraît  devoir  tourner  à  l’avantage  des  premiers. 

11  y  a  lieu  d’espé]*er  que  des  recherches  ultérieures  feront 
rtdrouver  l’emplacement  primitif  du  village.  La  voie  ro¬ 
maine ,  dite  route  de  l’Evêque,  se  reliait  jadis  au  chemin 
(]ue  suivait  le  prélat  de  Tournai  pour  se  rendre  à  son  domaine 
de  Véazemmes;  l’ancien  Roxcixium  était  probablement  en 
communication  directe  avec  cet  embranchement. 

Découverte  «le  lloiinaies.  —  On  lit  dans  VEcho 
du  parlement  belge  : 

En  faisant  des  fouilles  sur  l’emplacement  d’un  vieux 
cimetière  à  Couvin,  on  a  trouvé  trente  à  quarante  pièces 
d’argent  des  xiii.%  xiv.®  et  xv.®  siècles.  Quelques-unes  d’elles 
sont  d’un  diamètre  égal  à  celui  des  pièces  belges  actuelles 


21 


(le  un  et  de  deux  francs.  Un  grand  nombre  sont  plus  larges 
que  les  pièces  de  cinq  francs  de  ce  temps-ci.  On  a  aussi 
découvert,  dans  le  même  endroit,  plusieurs  monnaies 
romaines. 

llétéorolog^ie.  Mois  de  décembre  1868.  —  Le  mois  de 
décembre  1868  a  été  d’une  chaleur  relative  exceptionnelle; 
sa  température  moyenne,  déduite  des  minima  et  maxima 
quotidiens,  a  été  de  8’  21o,  la  température  moyenne  de 
décembre  déduite  de  lo  années  étant  de  3"  o43 ,  c’est  donc 
une  différence  de  4°  672  en  plus  pour  décembre  1868. 

La  moyenne  du  maxima  a  été  de  11°  27  ,  celle  du  mi¬ 
nima  de  5°  16. 

Sous  l’influence  d’une  température  aussi  élevée,  la  tension 
moyenne  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique  a  dû  être 
grande  ;  en  effet ,  nous  la  trouvons  de  6mill.  73.  La  tension 
moyenne  déduite  des  observations  de  lo  années  n’est 
pour  le  mois  de  décembre  que  de  3  mill.  39  ;  différence 
1  mil.  34. 

L’humidité  relative  moyenne  qui  est  de  87,  2  7o  été 
(jue  de  86,  0  %  pour  décembre  1868.  Aussi  dans  de  sembla¬ 
bles  conditions  de  température  et  d’humidité,  l’épaisseur 
de  la  couche  d’eau  évaporée  en  moyenne  pendant  le  mois 
de  décembre  qui  est  de  lo  mill.  79,  a  été  cette  année  de 
22  mill.  o3  ;  différence  6  mill.  74  en  plus  pour  décembre 
1868. 

La  hauteur  moyenne  delà  colonne  barométrique  ramenée 
à  la  température  de  0'’  a  été  de  7o2  mill.  o62.  La  moyenne 
de  lo  années  étant  de  760  mill.8o3,  c’est  donc  une  diffé¬ 
rence  de  8  mill.  291  en  moins  pour  décembre  1868.  Celle 
dépression  barométrique  est  un  indice  de  la  présence  d’une 
grande  quantité  de  vapeur  d’eau  dans  les  régions  élevées  de 
l’atmosphère,  ce  qu’indiquent  :  l.°  l’état  de  nébulosité  du 


—  22 


ciel  ;  2.®  la  quanlilé  d’eau  de  pluie  tombée  en  25  jours  et 
donnant  une  couche  de  89  inill.  63  d’épaisseur,  la  moyenne 
de  15  années  étant  de  52  mill.  695;  3.“  les  tempêtes  fré¬ 
quentes  survenues  pendant  le  mois,  indice  de  vides  énormes 
produits  dans  l’atmospliére  par  la  condensation  rapide  de 
grandes  quantités  de  vapeurs  aqueuses. 

Les  5,  6,  7,  27  et  28  on  observa  des  tempêtes  S.  0.  —  Les 

4,  5,  11,  14,  15,  16,  24,  26,  28  coups  de  vent  S.  0.  et 

5.  S.  0. 

Le  21,  il  y  eut  de  la  gelée  blanche  en  ville ,  à  la  campagne 
il  gela  à  glaces. 

Le  nombre  des  rosées  observées  pendant  le  mois  fut  de 
15  ;  celui  des  brouillards,  30. 

Le  21,  on  remarqua  un  superbe  halo  lunaire. 

L’atmosphère  fut  pendant  tout  le  mois  très-chargé  d’élec¬ 
tricité,  dans  quelques  localités  du  Département,  à  Dourlers, 
arrondissement  d’Avesnes ,  entre  autres  ,  le  coup  de  vent 
du  24  fut  accompagné,  à  une  heure  15  minutes  du  matin, 
de  tonnerre ,  d’éclairs  ,  de  pluie  et  de  grêle.  Le  baromètre 
était  descendu  à  735  mill. 

Voici  quels  ont  été  les  vents  régnants  pendant  le  mois  : 
S.  0.  (9  jours)  ;  S.  S.  0.  (6  jours)  ;  S.  (6  jours)  ;  0.  S.  0. 
(2  jours)  ;  S.  S.  E.  (2  jours)  ;  S.  E.  (2  joui’s);  E.  (2  joui‘s)  ; 
E.  N.  E.  (1  jour)  ;  N.  (1  jour). 

Orage  du  24  décembre.  —  L’orage  signalé  à  Dourlers,  le 
24  décembre  1868  ,  s’est  fait  sentir  aussi  àLandrecies,  de 
douze  heures  et  demie  à  deux  heures ,  il  élait  accompagné 
de  grêle  ,  de  tonnerre  et  de  coups  de  vent  si  forts  que  des 
arbres  furent  déracinés. 

M.  Brochet,  contrôleur  de  la  navigation  à  Land recies , 
qui  depuis  de  nombreuses  années  fait  des  observations  mé¬ 
téorologiques  suivies  ,  nous  communique  quelques  résultats 


25  -- 


de  scs  observations  sur  la  baisse  barométrique  qui  a  précédé 
l’orage  : 

PRESSIO>’  BAROMÉTRIQUE  : 

Le  2i  décembre.  7  h.  du  matin  —  0  m.  743 

id.  2  b.  du  soir  —  0  m.  739 

23  décembre.  7  h.  du  malin  —  0  m.  731 

id.  2  h.  du  soir  —  0  m.  730 

24  décembre.  7  b.  du  matin  —  0  m.  727 

id.  2  h.  du  soir  — 0  m.  723 

Nous  devons  au  même  observateur  des  renseignements 
intéressants  sur  la  quantité  d‘eau  tombée  à  Landrecies, 
pendant  les  derniers  jours  de  ce  mois ,  nous  les  rapprochons 
des  observations  analogues  faites  à  Lille  par  M.  Meurein  : 

LA>'ÜRECIES  LILLE 


Le  21 

décembre. . . 

16 

mill. 

—  7 

mill. 

C)ô) 

id . 

00 

mill . 

-  11 

mill. 

23 

id . 

9 

mill . 

—  3 

mill. 

24 

id . 

12 

mill . 

—  4 

mill. 

23 

id . 

2 

mill. 

—  7 

mill. 

26 

id . 

13 

mill. 

_  Q 

mill. 

27 

id . 

16 

mill. 

—  8 

mill. 

Histoire 

des  Arts  — 

M. 

J.  Girardin  , 

Doyen 

Faculté  des  Sciences  de  Lille,  nommé  Recteur  de  l’Académie 
de  Clermont-Ferrand,  a  laissé  un  souvenir  au  Musée  archéo¬ 
logique  de  Lille.  Il  a  remis  à  la  Société  des  Sciences  ,  pour 
être  offert  en  son  nom,  au  Musée  de  la  ville  ,  un  mortier  de 
pharmacie,  en  bronze,  décoré  de  deux  médaillons  repré¬ 
sentant  Louis  XIII  et  le  cardinal  de  Richelieu,  sur  un  semé 
de  fleurs  de  lis. 

lliitatioiiis  dans  le  personnel  des  l^ociétés 
et  du  corps  enseignant.  —  M.  Mossol,  professeur  de 


24  — 


Rhétorique  au  Lycée  de  Lille  et  Secrétaire-Général  de  la 
Société  des  Sciences,  Agriculture  et  Arts  de  cette  ville, 
vient  d’être  ‘nommé  professeur  de  seconde  au  Lycée  Louis 
le  Grand.  Le  Lycée  de  Lille  perd  en  lui  un  de  ses  plus 
éminents  professeurs  et  la  Société  des  Sciences  un  Secré¬ 
taire  expert  en  l’art  de  bien  dire.  M.  Mossot  était ,  au  sein 
de  cette  Société ,  le  représentant  autorisé  et  toujours  écouté 
des  saines  doctrines  littéraires.  Sous  ce  rapport,  et  comme 
Secrétaire-Général ,  son  départ  laisse  un  vide  qui  ne  sera 
peut-être  pas  comblé  de  sitôt. 

M.  Mossot  est  remplacé  au  Lycée  par  M.  Cbéron. 

Nous  regrettons  d’autant  plus  le  départ  de  M.  Mossot, 
que  sa  collaboration  nous  était  promise  ,  nous  avons  la 
conviction  qu’elle  nous  sera  continuée  malgré  son  éloi¬ 
gnement. 


1%'écrologie. —  L’biver  de  1868-69,  qui  a  fait  tant 
d’illustres  victimes,  n’a  point  épargné  plusieurs  des 
notabilités  de  la  région  du  Nord.  Il  a  enlevé  Lun  après 
l’autre,  M.  Vincent,  membre  de  l’Académie  des  inscrip¬ 
tions  ,  originaire  d’Hesdin  ;  M.  Hédouin  ,  critique  d’art 
des  plus  dislingués ,  originaire  de  Boulogne-sur-Mer, 
longtemps  altacbé  comme  commissaire  de  surveillance  à 
la  gare  de  Valenciennes  ;  M.gr  Blanquart  de  Bailleul  , 
natif  de  Calais ,  successivement  Evêque  de  Versailles  et 
Archevêque  de  Rouen,  oncle  du  Sous -Préfet  actuel  de 
Dunkerque.  Nous  consacrerons ,  dans  un  de  nos  plus  pro- 
cliains  numéros ,  quelques  mots  à  la  mémoire  de  chacun 
de  ces  liommes  i-ecommandables.  J.  G. 

Le  Gérant  :  E.  Castiaux 


Lille  ,  imp.  Blocquel- Castiaux  ,  grande  place ,  13 


iS.“  2.  —  Février  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  u’ARROr^DISSEMENT  DE 
BOULOGNE-SUR-MER. 

Mémoires  ,  t.  II ,  2.*  Partie,  1866-67,  publié  en  1868. 

La  Société  académique  de  l’arrondissement  de  Boulogne 
vient  de  publier  la  première  partie  du  second  volume  de 
ses  Mémoires.  Cette  Société  de  date  toute  récente ,  puis¬ 
qu’elle  a  été  fondée  en  1864,  s’est  déjà  fait  connaître  par 
des  travaux  importants,  et  le  volume  actuel  montre  que  le 
zèle  des  savants  boulonnais  ne  se  ralentit  pas. 

Liste  des  Membres (*)  : 

MM.  Martel,  principal  et  ancien  professeur  d’Histoire  au 
collège;  Président. 

De  Rosny,  Hector ,  président  de  la  Société  des  x\rts; 
Vice-Président. 

L’Abbé  Haigneré,  archiviste  de  la  ville;  Secrétaire 
perpétuel. 

Deseille  ,  chef  de  bureau  à  la  mairie  ;  Secrétaire 
annuel. 

Trudin-Roussel  ,  ancien  président  du  Tribunal  de 
commerce  ;  Trésorier. 

Gérard,  avocat,  bibliothécaire  de  la  ville  ;  Bibliothé¬ 
caire-Archiviste. 

Membres  titulaires  : 

MM.  Adam,  Auguste  (Sciences industrielles). 

Aigre,  imprimeur. 

Rénard,  L. ,  secrétaire  de  la  mairie  (Histoire). 


C)  Ainsi  que  nous  l'annoncions  dans  notre  N.°  1,  nous  donnons, 
en  parlant,  pour  la  première  fois,  de  chaque  Société,  la  liste  des 
membres  qui  la  composent,  pourvu  toutefois  que  leur  nombre 
n’excède  pas  cinquante.  Note  de  la  Rédaction. 


BoiDiN,  numismate. 

Bouchard-Lemaire^,  directeur  des  mines  de  Pren¬ 
nes  et  d’Hardinglien. 

Brunet  ,  ancien  professeur. 

Carpentier  ,  inspecteur  de  l’enseignement  primaire. 
Cazin  ,  docteur  en  médecine. 

Debayser,  architecte  de  la  ville 

Dufour,  vice-président  de  la  Société  d’Agriculture. 

Duhamel  ,  docteur  en  médecine. 

Dusautiez,  professeur  au  collège. 

Filliette,  docteur  en  médecine. 

Fournier,  organiste. 

Guilmant  ,  organiste. 

Hamy,  ïli.,  pharmacien. 

Hénin  ,  avocat. 

Huret-Lagache  ,  industriel. 

Lefebvre  ,  Alph. ,  conducteur  des  Ponts-et-Chaussées. 
Leprince,  professeur  au  collège. 

Madaré  ,  avocat. 

Marmin,  Ch.  ,  archéologue  et  numismate. 

OvioN  ,  docteur  en  médecine. 

Plâtrier  ,  professeur  de  Philosophie  au  collège. 
PoiLLY  ,  E.  (de),  artiste  photographe. 

Rosny,  Eug.  (de),  ancien  officier  d’artillerie. 

Rigaux  ,  géologue  et  conchyliologue. 

Sauvage-Trudin  (sciences  musicales). 

Vernicourt,  a.  (de) ,  secrétaire  de  la  Société  d’Agric. 
JoNCQUEL  (1  ahbé) ,  littérature. 

Titulaires  non  résidants  : 

MM..  Dévot  ,  avocat  à  Calais. 

Lefebvre  (l’ahbé  F.),  curé  d’Halinghen,  archéologue. 
Lemoine  ,  à  Calais. 

De  Rheims  ,  bibliothécaire  à  Calais. 

La  2.®  partie  du  tome  II  commence  par  le  compte-rendu 
de  la  séance  publique  du  17  mars  1867. Cette  séance  présidée 
par  le  Maire  de  la  ville,  M.  le  docteur  Livois,  a  été  remplie 
par  un  discours  d’ouverture  du  Président,  par  un  compte¬ 
rendu  du  Secrétaire-Général ,  l’abbé  Haigneré  ,  rappelant 
les  travaux  de  la  Société,  et  par  deux  rapports  :  l’un  ,  fait  au 


_  27  — 

nom  (le  la  Commission  des  Sciences ,  par  le  docleiir  Cazin , 
conclut  à  accorder  un  prix  de  300  fr.  àM.  Emile  Sauvage, 
étudiant  en  médecine  à  Paris ,  pour  son  Catalogue  des  pois¬ 
sons  fossiles  des  formations  secondaires  du  Boulonnais  ;  l’au¬ 
tre  ,  dû  à  l’abbé  Haigneré,  rapporteur  de  la  Commission 
pour  le  concours  d’histoire ,  propose  une  semblable  récom¬ 
pense  pour  M.  Edmond  Magnier  ,  auteur  d’un  Essai  sur 
rUistoirede  la  ville  de  Boulogne  jjendant  la  première  moitié 
du  XVIIP  siècle.  Le  reste  du  volume  est  consacré  au  travail 
de  M.  Sauvage  que  nous  allons  analyser. 

Catalogue  des  Poissons  fossiles  des  formations  secondaires 
du  Boulonnais  ,  par  M.  Emile  Sauvage  (*).  —  L’auteur  cite 
64  espèces  de  poissons  dont  on  a  trouvé  les  restes  dans  les 
terrains  secondaires  du  Boulonnais  ;  47  ont  été  rencontrées 
dans  le  terrain  jurassique,  le  reste  dans  la  craie.  Tous  ces 
poissons  appartiennent  aux  deux  grands  ordres  des  Ganoï- 
des  et  des  Placoïdes. 

Les  premiers  se  distinguent  par  leurs  écailles  osseuses 
revêtues  d’une  couche  d’émail  et  juxtaposées  comme  les 
pavés  d’une  rue  ,  tandis  que  chez  presque  tous  les  poissons 
actuels,  les  écailles  se  recouvrent  comme  les  ardoises  d’un 
toit.  Les  Ganoïdessont  les  poissons  les  plus  anciens.  Très- 
abondants  dans  Page  primaire  ,  ils  diminuent  peu  à  peu  et 
ils  ne  sont  plus  actuellement  représentés  que  par  l’Esturgeon 
et  le  Lepidostée.  Dans  la  deuxième  moitié  de  la  période 
Jurassique ,  alors  que  le  Bas-Boulonnais  était  sous  les 
eaux  d’une  mer  peu  profonde ,  ils  formaient  encore  une 
partie  nombreuse  de  la  population  marine  de  nos  côtes. 
M.  Sauvage  en  cite  17  espèces  appartenant  aux  trois  genres, 
Lepidotus  (5  espèces),  Pyenodus  (10  espèces),  Gyrodus 
(2  espèces). 


(♦)  In-8.°  ,  4  planches. 


—  28  — 

Les  Placoïdes  présentent  une  foule  de  caractères  parti¬ 
culiers  :  leur  peau  est  parsemée  de  plaques  osseuses ,  isolées 
les  unes  des  autres.  Les  Requins,  les  Raies ,  les  Chimères , 
le  Gestracion  appartiennent  à  ce  groupe.  Dans  le  terrain 
jurassique  du  Roulonnais,  M.  Hamy  signale  7  espèces  de 
Chimères  appartenant  au  genre  Ischijodus  et  une  autre 
espèce  du  même  genre  dans  le  terrain  crétacé.  Parmi  les 
Requins  ou  Squales ,  une  espèce  de  Sphenodus  a  été  ren¬ 
contrée  à  la  fois  dans  le  terrain  jurassique  et  dans  le  terrain 
crétacé  ;  ce  dernier  a  offert  en  outre  1  Notidanus  ,  3  Otodus, 
O  Lamna,  3  Oxyrrhina  ^  2  Corax^  1  Sphyrna.  On  connaît, 
sous  le  nom  de  Gestracion,  un  requin  qui  vit  actuellement 
sur  les  côtes  de  l’Australie  et  qui  présente  cette  particu¬ 
larité  qu’il  est  herbivore.  Les  mers  de  l’âge  secondaire  ont 
nourri  un  grand  nombre  de  poissons  herbivores  apparte¬ 
nant  à  la  famille  des  Cestraciontes.  Le  terrain  jurassique  a 
fourni  les  restes  de  22  espèces  :  ^  Strophodus  ^  2  Curtodus  , 
1  Acrodus  ^  S  Hybodus ^  ^  Asteracantlius.  h'miionr  ne  cite 
qü’une  espèce  du  terrain  crétacé  :  le  Ptychodus  latissimus. 

Toutes  ces  espèces,  dont  13 sont  nouvelles,  ont  une  des¬ 
cription  spéciale  et  4  planches ,  comprenant  71  ligures 
accompagnent  le  texte. 

C’est  le  musée  de  Roulogne  qui  a  fourni  à  M.  Sauvage 
la  plupart  des  matériaux  de  son  travail  :  ils  y  ont  été  dépo¬ 
sés  par  MM.  Rouchard-Clianlereaux  et  Dutertre-Delporte. 
Ces  éminents  géologues,  dont  la  science  et  le  pays  regrettent 
toujours  la  perte ,  ont  laissé  d’habiles  et  zélés  successeurs 
qui  promettent  à  la  Société  académique  un  avenir  prospère. 
Leurs  recherches  ont  déjà  produit  des  fruits  etM.  Sauvage 
a  pu  augmenter  son  catalogue  de  plusieurs  espèces  décou¬ 
vertes  par  MM.  Rigaux  ,  Beaugrand ,  Béthencourt,  Hamy, 
Quandalle. 

Que  M.  Sauvage  me  permette  de  terminer,  non  pas  par 


^  une  critique,  mais  par  une  simple  remarque  que  je  désire  lui 
soumettre.  Croit-il  que  l’estime  et  l’amitié  l’aient  bien  ins¬ 
piré  quand  il  a  dédié  ses  poissons  à  M31.  Dutertre ,  Rigaux , 
,  Hamy,  etc.?  Si  un  Français,  un  homme  habitué  à  une  langue 
qui  dérive  du  latin,  se  laisse  entraîner  à  créer  des  noms  tels 
i  que  Strophodus  Hamyi ,  Auluxacanthus  Dutertrei ,  Cur- 
,  todus  Rigauxi ,  Isclujodus  Beaugrandi ,  comment  s’étonner 
que  l’Angleterre  nous  envoie  VAmmonites  Goodhallii,  le 
r  Pccten  Stiitdiburiensis  ;  l’Allemagne  le  Tin'bo  Heninghaii- 
j  sianus ,  ïAnunonites  Mandelslohii  ;  la  Russie  le  Productus 
,  Keijserlingianus  ;  la  Chine  la  Terebratida  Yuemiuî7iensis. 
Oh  !  latin  de  Cicéron  que  tu  as  gagné  à  devenir  la  langue 
officielle  des  géologues. 

!  Pour  moi,  je  crois  qu’un  barbarisme  ,  même  en  science, 
est  toujours  un  barbarisme,  et  je  souhaite  que  ,  lors  de  son 
■  prochain  travail ,  M.  Sauvage  soit  de  mon  avis. 

Gosselet. 


CF.nCLE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MOXS. 

Annales  t.  A’I.  —  Buiiulhi  t.  II. 

Le  28  septembre  18b6 ,  il  se  fondait  à  Mons ,  à  côté  de  la 
Société  des  Sciences ,  des  Arts  et  des  Lettres  du  Hainaut  qui 
compte  de  longues  années  d’honorable  existence ,  un  Cercle 
exclusivement  archéologique,  ayant  pour  but  de  travailler 
à  l’Histoire  politique ,  littéraire ,  artistique  ,  scientifique  et 
religieuse  de  la  Ville  et  de  la  Province. 

Les  Membres  du  Cercle  se  donnaient  pour  mission  de 
!f  recueillir,  soit  en  originaux ,  soit  en  copies ,  les  documents 

[  pouvant  éclairer  les  Annales  de  la  contrée;  de  réunir  en 

collection  les  antiquités  et  objets  d’art  provenant  du  pays; 
d’en  provoquer  la  découverte  au  moyen  de  fouilles  ;  d’em¬ 
pêcher  la  détérioration  des  monuments  encore  existant  à  la 


50  — 


surface  du  sol  ou ,  tout  au  moins ,  de  les  sauver  de  l’oubli  en 
en  publiant  des  dessins  et  des  descriptions  exactes. 

Toutes  les  promesses  de  son  programme,  le  Cercle  de 
Mons  les  a  fidèlement  tenues.  Le  7  octobre  1866,  il  a  pu 
célébrer  avec  un  légitime  orgueil  le  dixième  anniversaire  de 
sa  fondation.  Six  volumes  d’ Annales  et  un  volume  de  Bulle¬ 
tins  attestaient,  dès-lors,  la  fécondité  de  l’institution  et 
donnaient  rang  à  celle-ci  parmi  les  Sociétés  archéologiques 
les  plus  considérées.  Dès-lors  aussi  se  trouvait  formé,  sous 
les  auspices  du  Cercle,  le  noyau  d’antiquités  provinciales 
qui,  chaque  année,  se  grossit  par  suite  de  dons,  d’achats  ou 
de  découvertes. 

Depuis  la  fin  de  1866 ,  le  Cercle  a  augmenté  ses  publica¬ 
tions  périodiques  d’un  volume  d' Annales  et  d’un  volume 
de  Bulletins.  Nous  allons  rendre  compte  simultanément  de 
ces  deux  volumes  qui  nous  tiendront  au  courant  des  travaux 
de  la  Compagnie  jusqu’en  1868. 

Auparavant,  et  ne  pouvant  reproduire  ici  la  très-longue 
liste  des  Membres  effectifs  du  Cercle  archéologique  de  Mons ^ 
nous  ferons  connaitre  la  composition  actuelle  de  son  bureau, 
tel  qu’il  a  été  constitué  le  1."  juillet  de  l’année  dernière  : 

MM.  Dolez,  bourgmestre  de  la  ville  de  Mons;  Président 
d’Honneur. 

Devillers,  conservateur-adjoint  des  archives  de  l’Etat 
à  Mons,  l’un  des  fondateurs  du  Cercle  ;  Président. 

Rouvez  ,  hibliolhécaire  de  la  Société  des  Sciences ,  des 
Arts  et  des  Lettres  du  Hainaut ,  à  Mons  ;  Secrétaire. 

De  Bettigîsies,  avocat^  membre  de  la  Société  des 
Bibliophiles  belges,  à  Mons;  Trésorier. 

Toixt  ,  commis  au  Gouvernement  provincial  à  Mons, 
l’un  des  fondateurs  du  Cercle  ;  Bibliothécaire. 

Le  C.'^-'  d’Auxv  de  Lauxois  et  de  Marteau  ;  Questeurs. 

A  côté  du  bureau,  ou  Comité  administratif ,  fonctionnent 
une  Commission  de  publications  et  un  Comité  permanent 
des  fouilles. 


—  31 


Le  Cercle  archéologique  compte,  en  outre  : 

96  membres  effectifs  —  17  membres  honoraires  — 
o3  membres  correspondants. 

Le  t.  VII  des  Annales  du  Cercle  s’ouvre  nar  une  Notice 

J. 

biographique  sur  feu  Albert  Toilliez ,  décédé  président  de  la 
Compagnie ,  le  4  septembre  1863.  Ses  belles  collections 
dont  le  catalogue  a  été  publié,  deux  mois  après  sa  mort, 
renfermaient,  nous  dit  son  biographe,  31.  Gustave  Arnould, 
plus  de  1,100  objets  antiques,  1,300  échantillons  de  roches 
et  de  minéraux,  sans  parler  d’un  nombre  considérable  de 
fossiles  caractéristiques  des  divers  terrains  du  Hainaut. 

En  tête  du  t.  ii  des  Annales,  figurait,  dès  1860,  la  no¬ 
menclature  des  objets  faisant  partie  des  collections  du  Cercle. 
Cette  nomenclature  a  été  soigneusement  tenue  à  jour  ,  au 
fur  et  à  mesure  des  accroissements  que  recevaient  les  col¬ 
lections  précitées.  En  ouvrant  les  t.  iii  et  iv  du  même 
recueil ,  on  peut  se  faire  une  idée  des  enrichissements 
qu’a  éprouvés,  d’année  en  année,  le  Musée  de  la  Com¬ 
pagnie.  Le  t.  VII  des  Annales  donne  un  nouveau  supplément 
au  Catalogue  des  collections  du  Cercle,  li  és -curieux  surtout 
au  point  de  vue  de  la  numismatique  et  de  l’ethnographie. 

Le  Bulletin  ,  que  le  Cercle  publie  parallèlement  à  ses 
Annales  ,  n’est  pas  un  simple  compte-rendu  des  séances. 
Il  contient,  au  contraire,  côte  à  côte  avec  les  procès-ver¬ 
baux  ,  des  travaux  d’une  importance  capitale.  Aussi ,  dans 
l’énumération  méthodique  à  laquelle  nous  allons  nous  livrer, 
ne  distinguerons-nous  pas  celui  des  deux  recueils  auquel 
appartiennent  les  nombreux  mémoires  que  nous  avons  à 
citer. 

31.  Léopold  Devillers,  président  actuel  du  Cercle  et  qui  en 
a  plus  que  personne  enrichi  les  publications,  donne  suite, 
dans  les  présents  volumes  ,  à  sa  Description  des  Cartulaires 


—  52  — 


et  Chartriers  du  Hainaut ,  par  une  analyse  accompagnée 
d’extraits  du  Cartulaire  de  V Abbaye  d'Haumont,  par  une 
édition  du  Recueil  des  privilèges  de  Véglise  collégiale  de 
Sainte-Waudru  à  Morts  ^  et  par  des  Analectes  ^  ou  choix 
d'actes  inédits  concernant  des  localités  du  Hainaut. 

M.  l’abbé  Petit,  curé  de  Baudour,  inaugure,  de  son  côté, 
une  série  de  Notices  sur  des  localités  de  la  même  province. 

M.  Bernier,  membre  effectif  à  Angre  ,  fournit  des  Notes 
sur  quelques  communes  du  canton  de  Dour. 

M.  Charles  Vincent ,  architecte  provincial  à  Mous ,  repre¬ 
nant  ses  Promenades  archéologiques  dans  le  Hainaut.,  nous 
conduit  aujourd’hui  au  Château  de  BriffæiC  près  Péruwelz. 

Une  Notice  historique  sur  le  château  de  Belœil  ^  par 
M.  l’abbé  Petit ,  une  Notice  historique  et  archéologique  sur 
la  ville  de  Chièvres  ,  par  M.  Devillers,  une  autre  Notice  sur 
Véglise  des  Deux-Acren  ,  par  M.  Guignies ,  forment,  avec  la 
Forteresse  de  Braine-le-Comte  ,  par  M.  Clément  Monnier,  la 
Tour  et  le  Carillon  de  Saint-Julien  à  Ath ,  par  M.  Fourdin, 
un  choix  de  monographies  des  monuments  du  Hainaut. 

Les  membres  du  Cercle  n’hésitent  pasà  se  transporter 
en  corps  sur  les  points  du  territoire  qui  se  recommandent 
plus  particulièrement  à  leur  attention.  C’est  ainsi  qu’ils  ont 
fait  une  excursion  archéologique  à  Saint-Ghislain ,  dont 
M.  de  Bettignies  s’est  chargé  de  rendre  compte  avec  une  pré¬ 
cision  de  détails  qu’on  aimerait  à  rencontrer  toujours  dans 
ces  sortes  de  relations. 

Le  même  membre,  à  propos  de  l’érection  à  Mons ,  en 
1868,  d’une  statue  équestre  de  Bauduin  de  Constantinople  , 
a  résumé  la  biographie  de  cet  empereur.  M.  Devillers  a , 
de  son  côté  et  à  la  même  occasion ,  donné ,  pour  la  première 
fois,  le  texte  littéral  des  chartes  du  Hainaut  en  l’an  1200, 
monuments  primitifs  de  la  législation  coutumière  de  cette 
province. 


— .  33  — 


M.  Aimé  Tricot  a  relevé  et  publié  le  texte  des  Epitaphes 
de  Blandine  Rubens  et  de  Siméon  du  Parc^  son  éponœ  ,  tel 
qu'on  le  voit  dans  l’église  paroissiale  d’Ecaussines-Lalaing. 

M.  Adolphe  Jacques  a  communiqué  au  Cercle  ,  avec  des 
commentaires  topographiques ,  un  Ancien  plan  du  Château 
de  Mons.  M.  Charles  Rousselle  a  retracé  une  Fête  de  la 
Toison~d’or  à  Mons  (en  mai  1451).  M.  Devillers  a  éclairé 
de  ses  recherches  l’histoire  des  Foires  de  Mons.  Cet  infati¬ 
gable  auteur  a  rédigé  en  outre  :  une  Notice  sur  un  recueil 
manuscrit  de  V abbaye  de  Lobbes ,  recueil  déjà  utilisé  par 
M.  l’Abbé  Vos  dans  sa  remarquable  histoire  de  ce  monas¬ 
tère;  une  Analyse  de  pièces  relatives  à  la  collation,  dans 
le  Hainaut ,  des  curés  de  V Ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem 
ou  de  Malte;  une  Description  de  deux  vitraux  peints  de 
Véglise  de  Sainte-W audru  à  Mons,  etc. 

Signalons  encore ,  au  point  de  vue  de  l’histoire  et  de 
l’archéologie  religieuses  :  une  Notice  sur  une  Croix-Reli¬ 
quaire  du  commencement  du  xiii®  siècle  appartenant  à 
Véglise  d’Hacquegnies ,  parM.  Dartevelle;  une  autre  Notice 
sur  la  mort,  les  funérailles  et  le  tombeau  de  François 
Van  der  Burch ,  Archevêque  de  Cambrai,  par  notre  compa¬ 
triote  M.  Michaux,  d’Avesnes  ;  un  article  sur  le  Cidte  de 
Sainte- Aye  à  Mons ,  à  Bruxelles  ,  à  Anvers  et  à  Gand,  par 
M.  Hachez;  la  Vierge  Miraculeuse  de  Cambron,  par  M. 
Théophile  Lejeune  ;  V Ancienne  Abbaye  de  la  Thure,  par  le 
même. 

M.  Lejeune  a  aussi  publié  des  notes  sur  de  nouvelles  dé¬ 
couvertes  d* antiquités  à  Esiinnes-au-V al  ;  M.  Cornet  sur 
des  antiquités  découvertes  à  Strépy  etàPeissant;  M.  Cloquet 
sur  les  poteries  celtiques  et  les  silex  taillés ,  trouvés  au  bois 
de  la  Garenne,  commune  d’Arquennes. 

Sous  le  titre  de  Variétés  historiques  inédites ,  M.  Augustin 
Lacroix  a  fait  connaître  le  Sceau  primitif  de  la  ville  de  Mons, 

♦ 


—  34  — 


V Hôtel  de  la  Paix  à  Mons,  la  Confrérie  noble  de  Saint- 
Georges  en  la  môme  ville. 

Nous  trouvons  encore,  sous  la  rubrique  Variétés  :  le  texte 
des  Statuts  de  Vancienne  Académie  de  musique  de  Mons 
(1678);  une  description  du  Sceau  des  Minimes  de  Mons; 
une  note  sur  le  Traitement  de  la  rage  à  Mons ,  etc. 

Des  vignettes  et  des  gravures  se  rencontrent  presque  à 
chaque  page  du  volume  des  Annales^  dont  elles  forment 
Futile  et  luxueux  complément. 

Par  la  simple  indication  des  titres  de  Mémoires  dont  chacun 
mériterait  une  analyse  détaillée ,  nous  croyons  avoir  suffi¬ 
samment  démontré  à  nos  lecteurs  que  peu  de  Sociétés  ap¬ 
portent,  dans  l’ordonnance  de  leurs  travaux  et  de  leurs 
publications,  un  plan  aussi  méthodique ,  aussi  bien  suivi 
que  celui  auquel  se  tient  le  Cerc/e  arc/ieo^o^f(/ae  de  Mons  ^ 
fidèle  en  cela  à  l’esprit,  comme  à  la  lettre  de  son  pro¬ 
gramme. 

A.  Desplanque. 


CONFERENCES  ET  COURS  PUBLICS. 

Discours  sur  l’université  ,  prononcé  à  Vouverture  des 
conférences  de  Douai,  par  M.  Fleurg,  recteur  de  l’académie. 
— Le  samedi  soir ,  30  janvier  ,  s’est  ouverte  à  Douai  la 
sixième  série  des  Conférences  de  FHôtel-de-Ville. 

Sans  viser  à  donner ,  de  ces  sortes  de  séances  ,  une  re¬ 
production  in  -  extenso  ,  incompatible  avec  l’exiguité  de 
notre  format ,  nous  tenons  néanmoins  à  en  faire  connaître 
l’objet  et  les  principaux  développements  à  nos  lecteurs. 
Nous  abstenir  de  ce  soin,  serait  manquer  à  notre  pro¬ 
gramme  qui  nous  oblige  à  suivre,  sous  toutes  leurs  formes, 
les  manifestations  du  mouvement  intellectuel  dans  notre 
pays.  Seulement ,  et  pour  des  motifs  dont  la  haute  con- 


—  35  — 


venance  n’échappera  à  personne ,  nos  résumés  des  con¬ 
férences  et  cours  publics  excluront ,  de  notre  part ,  toute 
appréciation  critique.  S’ils  n’ont  pas  l’étendue,  ils  s’effor 
ceront  de  conserver  l’inflexible  équité  des  comptes-rendus 
sténographiés. 

Nous  ne  croyons  pouvoir  mieux  honorer  que  par  celte 
réserve  empreinte  de  dignité  ,  les  hommes  éminents  qui , 
dans  le  ressort  académique ,  professent  des  Cours  libres 
ou  officiels. 

Cette  réserve  nous  est  particulièrement  commandée  au¬ 
jourd’hui  par  le  rang  de  l’orateur  qui  a  inauguré  les  Con¬ 
férences  de  Douai.  Aussi  bien  ,  louer  en  M.  Fleury  les 
qualités  de  l’historien  serait  faire  une  chose  au  moins 
superflue.  Tout  le  monde  sait  qu’elles  n’ont  d’égale  que  la 
bienveillance  avec  laquelle  il  provoque  et  favorise  autour 
de  lui  l’essor  des  productions  scientifiques  et  littéraires. 

L’objet  de  la  Conférence  de  M.  Fleury  est  de  démontrer 
que  Napoléon  1.®%  en  chargeant  l’Etat  du  droit  et  du  devoir 
d’enseigner ,  a  moins  innové  qu’on  ne  le  suppose  généra¬ 
lement.  Les  Grecs  et  les  Romains  avaient ,  à  la  suite  de 
Platon  ,  reconnu  la  nécessité,  pour  tout  gouvernement,  de 
s’occuper  de  l’éducation  des  enfants.  En  Gaule,  celle  fonc¬ 
tion  ,  éminemment  sociale ,  était  confiée  aux  Druides ,  sous 
la  surveillance  de  l’Etat.  Charlemagne  n’eut  garde  d’abdi¬ 
quer  son  droit  de  contrôle  sur  les  écoles  monastiques. 
Contenir  dans  de  justes  limites  les  prérogatives  de  l’Uni¬ 
versité  de  Paris  fut ,  depuis  Philippe  le  Bel  ,  l’im  des 
objets  constants  de  la  sollicitude  de  nos  Rois. 

Dès  le  XV®  siècle ,  ceux-ci  s’efforcèrent  de  prendre  la 
direction  intellectuelle  du  pays.  Louis  XIV  put  se  flatter 
de  l’avoir  conquise.  En  1764  ,  un  publiciste  émettait  le 
vœu  que  tous  les  collèges  de  France  fussent  affiliés  à 
l’Université  de  Paris  ,  afin  d’imprimer  aux  études  une 


—  56  — 

marche  uniforme.  A  la  même  époque  ,  surgissait  le  projet 
d’une  véritable  Ecole  normale  supérieure,  tant  pour  hommes 
que  pour  femmes.  Enfin ,  dans  l’ensemble  de  ses  vues  de 
réforme  ,  Turgot  faisait  entrer  un  nouveau  plan  d’instruc¬ 
tion  publique ,  dont  il  réservait  la  direction  à  TEtat.  Na¬ 
poléon  ,  en  créant  la  moderne  Université  de  France  , 
n’a  donc  fait,  selon  M.  Fleury,  que  reprendre  et  continuer 
une  tradition  plus  vieille  que  l’ancienne  monarchie. 

«  Notre  conviction  profonde,  intime,  a  dit  en  terminant 
l’orateur ,  c’est  que  l’Etat  doit  enseigner.  Une  nation  vit 
par  la  loi  religieuse  ,  par  la  loi  politique,  par  la  loi  civile 
ou  sociale.  Est-il  une  tâche  plus  importante  ,  plus  digne, 
plus  élevée  que  celle  de  veiller  au  maintien  de  cette  triple 
loi  ?  Et  quand  nous  parlons  de  maintien  ,  croyez  bien  que 
nos  regards  ne  se  reportent  point  vers  la  vieille  Égypte  ; 
il  ne  s’agit  pas  pour  nous  de  maintien  absolu  ,•  immobile  ; 
il  ne  s’agit  pas  de  la  torpeur  orientale  ,  du  long  sommeil 
si  voisin  de  la  mort  qui ,  par  exemple ,  depuis  trois  mille 
ans  ,  tient  l’Hindoustan  enchaîné  sous  la  loi  de  Brahma. 
Non  ,  il  s’agit  d’un  maintien  intelligent ,  d’une  conserva¬ 
tion  intelligente.  Malheur  aux  institutions  dont  les  par¬ 
tisans  ignorent  que  le  repos  absolu  est  le  plus  grand 
ennemi  de  la  vie,  dont  il  tarit  toutes  les  sources.  Il  faut 
que  l’eau  marche  pour  conserver  sa  pureté.  Ne  la  laissez 
pas  .s’arrêter  ,  croupir  en  marais  infect  ;  ne  la  transformez 
pas  non  plus  en  torrents  dévastateurs  ,  sachez  en  faire  un 
noble  et  puissant  lleuve  portant  partout  le  progrès  ,  la 
fécondité  et  la  vie.  »  (*) 

Cours  de  littérature  inéerlandaise  ,  fait  à  Paris  clans  la 
salle  Gerson ,  annexe  de  la  Sorbonne, par  M.L.de  Baecker. 
—  Réalisant  une  idée  qu’il  avait  conçue  dès  le  temps  du 

{*)  Moniteur  de  l’Enseignement ,  Bulletin  officiel  de  l’Académie  de 
Douai ,  N.°  du  15  février  1869. 


—  57  — 


ministre  Fortoul,  notre  compatriote  ,  M.  Louis  de  Baecker, 
l’auteur  des  Flamands  de  France  ,  a  ,  au  commencement  de 
cet  hiver ,  fait  à  Paris  une  série  de  conférences  sur  la 
littérature  néerlandaise.  Chacun  sait  que  sous  ce  terme 
générique  ,  on  désigne  communément  aujourd’hui  les  dia¬ 
lectes  flamands,  brabançons,  hollandais,  que  des  diffé¬ 
rences  de  prononciation  et  d’ortographe  ,  tendant  journel¬ 
lement  à  disparaître,  ont  seules  jusqu’ici  distingués. 

La  leçon  d’ouverture  de  M.  de  Baecker,  que  nous  avons 
sous  les  yeux  (^)  ,  traite  des  plus  anciens  monuments  de 
la  langue  néerlandaise  ,  depuis  la  formule  d’abjuration  ré¬ 
digée  au  Concile  de  Leptines  en  742  ,  jusqu’au  Chant 
d'Hildebi'and  et  au  Beowulf,  deux  poèmes  qu’avec  VHé- 
liand ,  l’auteur  du  Cours  revendique  pour  la  littérature 
dont  il  décrit  les  origines.  A.  Desplâxque. 


MUSÉES  ET  COLLECTIONS. 

MUSÉE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  DOUAI  (^) 

Le  Musée  de  Douai  a  été  établi  dans  l’ancien  collège  des 
jésuites.  Après  l’expulsion  de  ces  religieux,  la  salle  où  se 
trouvent  maintenant  les  collections  archéologiques  fut 
affectée  à  l’IIniversité  :  c’est  à  cette  occasion,  vers  1767, 
qu’on  la  décora  des  boiseries  en  chêne  qui  s’y  voient  encore 
aujourd’hui.  Les  armoires  vitrées  qui  l’entourent  ont  été 

O  Elle  a  paru  dans  la  Revue  de  Paris  du  1."  décembre  18G8. 

(2)  Les  éléments  de  cette  courte  notice  ont  été  puises  dans  les 
archives  delà  ville  et  surtout  dans  l'élude  du  musée  archéologique. 
Xous  avons  aussi  mis  particulièrement  à  profit  un  excellent  travail  de 
M.  A.  Cahier  ,  qui  a  pour  titre  :  Coup- d'œil  sur  quelques  parties  du  Musée 
de  Douai  (Mémoires  de  la  Société  d’Agriculture,  Sciences  et  Arts  de 
Douai;  1852-1853  ,  p.  195). 


—  38  — 


placées  ou  du  moins  restaurées  et  augmentées  en  1836, 
pour  l’installation  des  antiquités  gallo-romaines  provenant 
de  Bavai.  Celle  salle  est  trop  étroite  eu  égard  au  nombre 
et  à  l’importance  des  objets  qu  elle  renferme  ;  le  regard  du 
visiteur  s’étonne  de  contempler  une  pierre  tumulaire  du 
moyen-âge  non  loin  d’un  trépied  gallo-romain  et  d’un  autel 
égyptien.  Tous  les  amis  des  arts  appellent  de  leurs  vœux  le 
jour  où  chacune  des  collections  de  ce  musée  archéologique 
pourra  être  étudiée  dans  une  salle  particulière. 

Parmi  les  livres  et  les  tableaux  jetés  pêle-mêle  à  l’époque 
de  la  Révolution  dans  les  salles  et  les  greniers  de  l’ancien 
collège  des  jésuites,  se  trouvaient  des  antiquités  romaines 
et  des  objets  d’art  du  moyen-âge;  sous  l’active  et  intelli¬ 
gente  impulsion  de  M.  de  Forest  de  Quartdeville ,  nommé 
maire  en  1804,  une  Commission  s’occupa  d’inventorier 
toutes  les  sections  du  musée.  Le  classement  provisoire  de 
la  salle  d’archéologie  fut  achevé  en  1806  par  les  soins  de 
MM.  Deroo ,  Duquesne  et  Potiez  de  Froom.  Depuis  cette 
époque  les  amateurs  éclairés  qui  ont  fait  successivement 
partie  de  la  Commission  ont  recherché  toutes  les  occasions 
d’enrichir  la  collection  archéologique  ;  quand  ils  appre¬ 
naient  que  des  découvertes  d’objets  gallo-romains  avaient 
lieu  à  Equerchin ,  à  îzel,  à  Cantin,  à  Lewarde,  à  Flines  et 
dans  les  autres  localités  voisines  de  Douai,  ils  s’empressaient 
d’acquérir  tout  ce  qui  pouvait  offrir  quelque  intérêt  pour 
l’hisloire  et  pour  les  arts  ;  ils  envoyèrent  même  des  délé¬ 
gués  à  Valenciennes  et  â  Famars,  lorsque  des  fouilles  ou  des 
ventes  y  furent  opérées.  En  1833, une  députation,  conduite 
par  M.  de  Guerne,  maire  de  Douai ,  se  rendit  à  Bavai  pour 
visiter  et,  au  besoin,  acheter  les  collections  de  M.  Garlier, 
ancien  curé  de  cette  ville.  De  1775  à  1818,  ce  savant  ecclé¬ 
siastique  avait  réuni  un  nombre  considérable  d’objets  gallo- 
romains  recueillis  dans  les  ruines  de  l’ancienne  capitale  des 


—  39 


Nerviens.  Déjà  depuis  sa  mort ,  ses  héritiers  avaient  vendu 
des  médailles  et  d’autres  antiquités  ;  et  il  paraît  que  l’Angle¬ 
terre  se  disposait  à  dépouiller  notre  pays  de  tout  ce  qui  res¬ 
tait,  lorsque  arriva  la  députation  douaisienne.  Elle  comprit 
l’importance  de  ce  trésor  archéologique,  et,  à  son  retour , 
comme  le  Conseil  municipal  hésitait  à  ajouter  cette  dépense 
au  budget  de  l’année,  Monsieur  le  Maire  eut  la  géuérosité 
d’avancer  la  somme  nécessaire,  laissant  la  ville  libre  de 
choisir  l'époque  du  remboursement.  Douai  fut  dès-lors  en 
possession  de  la  plus  riche  collection  d’antiquités  gallo- 
romaines  de  tout  le  nord  de  la  France  et  de  la  Belgique. 
En  1844 ,  la  ville  acheta  encore  plusieurs  pierres  tumulaires 
très-remarquables,  provenant  de  l’église  de  Fretin. 

Des  dons  particuliers  vinrent  successivement  ajouter  à  la 
somme  de  ces  richesses.  Le  prince  d’Aremberg,  MM.  Paulée, 
Tailliar,  de  Campeau  et  plusieurs  autres  donateurs  se  sont 
spécialement  fait  connaître  par  leur  générosité.  En  1857, 
M.  Escalier  a  légué  à  la  ville  sa  collection  de  tableaux  et  un 
grand  nombre  d’objets  d’art  et  d’ameublement  en  or,  en 
ivoire  et  en  bois,  qui  ont  enrichi  la  section  des  antiquités  du 
moyen-âge. 

Enfin,  nous  mentionnerons  deux  autres  donations  dùes  à 
l’initiative  de  31.  Asselin ,  maire  ,  qui  feront,  plus  tard ,  du 
musée  de  Douai  l’un  des  plus  curieux  musées  archéologi¬ 
ques  de  province.  Le  18  février  1864 ,  31.  Henry  Bertboud , 
auteur  delivres  non  moins  intéressants  qu’instructifs,  s’est 
engagé  devant  le  Conseil  municipal,  à  léguer  à  la  ville, 
après  sa  mort,  sa  collection  ethnographique  curieuse  à 
divers  points  de  vue,  spécialement  par  un  nombre  considé¬ 
rable  d’objets  provenant  de  Vâge  de  jnerre.  Deux  ans  plus 
tard,  le  23  octobre  1866,  31.  Boselli  et 31.“^  Boselli ,  née 
Jomard ,  ont  aussi  fait  don  à  la  même  ville  d’une  grande 
partie  des  objets  recueillis  par  le  savant  égyptologue,  M.  Jo- 


—  40  — 

mard  ;  parmi  ces  objets ,  outre  les  antiquités  égyptiennes, 
on  remarque  beaucoup  de  bijoux  et  d’ustensiles  en  or,  en 
jade  et  en  terre  cuite,  provenant  des  ruines  mexicaines  de 
Palenqué  et  delà  Nouvelle-Grenade. 

Après  avoir  jeté  ce  rapide  coup-d’œil  sur  le  musée  archéo¬ 
logique  de  Douai  et  sur  ses  origines,  nous  allons  en  faire 
connaître  quelques  objets.  Notre  but  n’est  point  de  dresser 
l’inventaire  de  la  collection ,  mais  d’indiquer  aux  amateurs 
les  curiosités  les  plus  dignes  d’attention  que  présente  chacune 
des  sections. 

Abbé  Ch.  Dehaisxes. 

(  Sera  continué  ). 


BIBLIOGRAPHIE. 

MÉMOIRE  SUR  LES  RIVIÈRES  ET  CANAUX  DE  LA  VILLE  DE  LILLE 
par  M.  Ch.  Pacïle  ,  bibliothécaire-archiviste  de  Lille  (*) 

Les  archivistes  municipaux  d’avant  la  Révolution  ,  hom¬ 
mes  de  loi  et  de  conseil,  étaient  les  défenseurs  nés  ,  les  avo¬ 
cats  à  titre  d’office  ,  des  droits  ,  privilèges  et  possessions  des 
villes.  M.  Paeïle  a  tenu  à  recueillir  cette  portion  de  l’héritage 
de  ses  devanciers.  L’étude  qu’il  offre  aujourd’hui  au  public 
n’a  rien  de  spéculatif.  Son  but,  tout  pratique  ,  est  de  dé¬ 
montrer  ,  malgré  les  prétentions  en  sens  contraire  de  l’ad¬ 
ministration  des  hospices ,  que  tous  les  cours  d’eaux ,  grands 
et  petits,  qui  traversent  la  ville  de  Lille  ,  appartiennent  au 
domaine  communal. 

Ces  cours  d’eaux  se  rattachant  soit  à  la  Deûle,  soit  au 
Becquerel  de  Fives ,  M.  Paeïle  commence  par  décrire  les 
ramifications  de  l’une  et  de  l’aulre  dans  l’ancienne  et  la  nou¬ 
velle  enceinte  de  Lille.  Puis  il  démontre  que  la  rivière  du 


f)  Lille,  Lefebvre- Ducrocq ,  1868,  in-8.",  152  pages. 


—  41  — 


Fourchon  ,  à  partir  de  l’endroit  où  elle  se  sépare  du  bras 
canalisé  de  la  Deùle  jusqu’aux  murailles  de  l’ancienne  ville , 
est  une  propriété  communale.  Elle  l’est  depuis  1271,  époque 
où  Jean,  châtelain  de  Lille,  la  vendit  au  Magistrat,  avec 
le  reste  de  la  Haute-Deùle,  pour  le  prix  de  1500  livres 
d’Artois.  Les  titres  que  l’administration  des  hospices  allègue 
pour  revendiquer  la  partie  du  Fourchon  comprise  entre  le 
moulin  de  \Yazemmes  et  le  moulin  del  Sauch  ,  l’archiviste 
municipal  les  discute  avec  une  vigueur  de  raisonnement  où 
le  savoir  du  diplomatiste  vient  en  aide  à  l’habileté  du 
légiste. 

M.  Paeïle  a,  en  second  lieu,  à  prouver  que  le  Becquerel 
appartient  à  la  ville.  Si,  en  1269,  Gérard  de  Marbais  y 
donna  le  droit  de  pêche  aux  religieux  de  Fives,  son  fils  n’en 
vendit  pas  moins  ce  canal  au  Magistrat  en  1285.  La  même 
année,  Guy  de  Dampierre  en  confirma  la  vente. Deux  ordon¬ 
nances  ultérieures,  l’une  de  Philippe  le  Bon,  en  1462, 
l’autre ,  de  Charles-Quint ,  en  1516  ,  parlent  de  cette  même 
acquisition.  Achevé  en  1519  ,  le  Becquerel  fut  complètement 
remanié  en  1617.  Le  Magistrat  ne  cessa  jamais  de  posséder 
ce  canal.  C’est  lui  qui ,  le  18  juin  1738 ,  défend  aux  tanneurs 
d’y  déposer  leurs  cuirs  ;  c’est  lui  qui ,  le  20  septembre  1766, 
prescrit  aux  riverains  d’en  enlever  tout  ce  qui  peut  occa¬ 
sionner  le  barrage  des  eaux  ;  c’est  à  lui  enfin  que ,  le  22  juin 
1782,  l’ingénieur  Poisson  propose  dans  un  mémoire  l’exécu¬ 
tion  de  différents  ouvrages  qui  rendraient  plus  facile  le 
cours  de  cette  rivière. 

Des  canaux  et  rivières  de  la  nouvelle  enceinte,  M.  Paeïle 
passe  à  ceux  de  la  vieille  ville.  11  en  trace  l’historique  avec 
une  abondance  de  détails  dans  lesquels  nous  regrettons  de 
ne  pouvoir  le  suivre,  et  il  finit  par  établir,  à  l’aide  de  79 
extraits  des  comptes  municipaux  et  des  registres  aux  visites 
de  maisons  ,  que  la  ville  a  pendant  500  ans ,  sans  aucune 


—  42  — 


interruption,  usé  de  toutes  les  rivières  et  cours  d’eaux  y 
circulant,  comme  de  sa  propriété  réelle,  effective,  incon¬ 
testée  et  incontestable. 

Un  chapitre  sur  le  canal  des  Stations ,  creusé  aux  frais  du 
Magistrat  de  lS6o  à  1567  ,  élargi  et  approfondi  aux  mêmes 
frais  en  1637,  termine  cette  forte  étude,  dont  il  ne  nous 
appartient  ici  que  de  7ouer  l’érudition ,  l’heureux  enchaîne¬ 
ment  des  preuves,  etc.,  en  laissant  aux  hautes  juridictions 
compétentes  le  soin  de  statuer  sur  les  points  de  droit  et  de 
fait  que  le  débat  engagé  soulève. 

A.  Desplanque. 

NOTICE  BIOGRAPHIQUE  ET  SCIENTIFIQUE  SUR  LE 
PROFESSEUR  SCIIOENBEIN  , 
par  M.  H.  Scoutettcn. 

Nous  avons  pensé  que  nos  lecteurs  s’intéresseraient  tou¬ 
jours  aux  travaux  de  leurs  compatriotes ,  même  lorsque 
ceux-ci  sont  ,  par  leurs  fonctions,  retenus  éloignés  du 
pays.  C’est  à  ce  titre  que  nous  leur  rendons  compte  d’une 
nouvelle  brochure  dûe  à  la  plume  de  M.  le  docteur  Scou- 
tetten  de  Lille,  professeur  à  Técole  de  médecine  de  Metz. 

M.  Scoutetten  a  été  l’ami  de  Schœnhein,  l’illustre  chi¬ 
miste  de  Bâle,  que  la  science  a  perdu  en  août  dernier.  Il 
raconte  sa  vie  modeste  et  laborieuse  ;  il  rappelle  ses  princi¬ 
paux  titres  à  la  reconnaissance  de  la  postérité.  C’est  à 
Schœnhein  que  l’on  doit  la  découverte  de  l’ozone  ou  oxygène 
électrisé,  du  fulmicoton,  du  collodion  ;  aussi,  ses  amis 
avaient -ils  pris  l’habitude  de  lui  demander  non  pas: 
a  Qu’avez-vous  fait  de  nouveau  ?  »  mais  «  Qu’avez-vous 
»  d’étonnant  à  nous  dire?  (*)  » 

J.  Gosselet. 


{’")  Dumas,  comptes-rendus;  Académie  des  Sciences,  t.  67,  p.  619. 


—  45  — 


ANNUAIRE  DE  l’AcADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE  POUR  1869.  (*) 

Ce  volume  qui  vient  de  paraître  contient,  à  la  suite  de 
renseignements  relatifs  à  l’organisation  du  premier  corps 
savant  de  la  Belgique ,  des  notices ,  fort  complètes,  sur  trois 
des  membres  effectifs  (F.-J.  Cantraine,  J.-B.  Brasseur, 
baron  Jules  de  Saint-Génois) ,  et  sur  un  des  membres 
correspondants  (le  peintre  Michel  Verswyvel) ,  décédés  en 
1867-1868. 

Disciple  du  célèbre  ornithologiste  Temminck  ,  F.-J.  Can¬ 
traine  s’était  acquis,  grâce  à  de  nombreux  voyages  scien¬ 
tifiques,  une  grande  réputation  comme  naturaliste. 

La  géométrie  avait  été  le  domaine  propre  de  J. -B.  Bras¬ 
seur.  L’histoire  et  les  lettres  se  sont ,  au  contraire ,  par¬ 
tagé  la  vie,  si  bien  remplie,  du  baron  Jules  de  Saint-Gé¬ 
nois.  Les  avantages  de  naissance  et  de  fortune  ne  furent, 
pour  celui-ci ,  qu’une  excitation  à  conquérir  sa  place  dans 
les  sphères  de  l’intelligence.  L’élève  chéri  de  Warnkœnig, 
qui,  à  vingt  et  un  ans,  débutait  par  le  Mémoire  sur  les 
Avoiieries ,  qui,  plus  tard,  donnait  au  monde  savant  le 
sobre  et  substantiel  Inventaire  des  Chartes  de  Rupelnionde, 
qui  fondait  et  alimentait  en  Belgique  les  Revues  historiques 
les  plus  accréditées,  M.  de  Saint-Génois  trouvait  encore  du 
temps  pour  des  travaux  d’imagination  ,  dans  l’une  et  l’autre 
langue  ,  au  moyen  desquels  il  prenait  rang  parmi  les  nota¬ 
bilités  littéraires  de  son  pays.  Ses  labeurs  d’écrivain ,  joints 
aux  devoirs  de  sa  charge,  ne  l’enlevaient  point  au  commerce 
de  ses  amis  qui  ont  voué  à  sa  mémoire  un  de  ces  cultes  non 
moins  honorables  pour  les  survivants  que  pour  le  défunt. 
Déjà,  il  y  a  plus  d’un  an,  M.  Kervyn  de  Volkaersbeke , 
par  une  touchante  notice  insérée  dans  le  Messager  des 


f)  Bruxelles,  Ilayez,  1869. 


—  44  — 


Sciences  historiques  de  Gand ,  nous  avait  initiés  aux  pensées 
les  plus  confidentielles  ,  aux  sentiments  les  plus  intimes  de 
l’homme  dont  il  nous  faisait  en  même  temps  connaître  la 
vie  extérieure  et  les  œuvres  multiples.  C’est  avec  la  même 
abondance  de  renseignements  et  la  même  précision  de 
détails ,  avec  un  accent  non  moins  ému  et  non  moins  sym¬ 
pathique  ,  que  M.  de  Decker  vient  de  retracer  la  biographie 
du  baron  de  Saint-Génois  dans  V Annuaire  de  V Académie  de 
Belgique.  A.  Desplanqüe. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

Numismatique.  De  la  Monnaie  dans  le  département  du 
Nord.  —  Il  arrive  souvent  que  des  propriétaires ,  des  ma¬ 
çons  et  des  terrassiers  trouvent  dans  les  champs  ,  ou  dans 
des  constructions  anciennes,  des  monnaies  que  le  hasard  fait 
découvrir  après  un  long  séjourdans  leur  retraite  inexplorée. 
La  plupart  du  temps  on  ignore  si  ces  trouvailles  ont  de  la 
valeur  ;  on  les  garde  sans  savoir  ce  que  l’on  possède ,  ou 
bien  on  les  porte  à  l’orfèvre  et  le  creuset  en  fait  sommaire¬ 
ment  justice.  Le  désir  d’être  utile  aux  personnes  qui  font 
ces  découvertes  nous  engage  à  publier  quelques  renseigne¬ 
ments  sur  les  monnaies  qui  se  rencontrent  le  plus  souvent 
dans  le  département  du  Nord. 

Les  Gauloises  v  sont  assez  rares;  on  en  trouve  cà  et  là 
quelques-unes  en  or.  Ces  monnaies,  très-épaisses,  sont  géné¬ 
ralement  gravées  d’un  seul  côté  et  représentent ,  pour  la 
plupart ,  un  cheval  plus  ou  moins  disloqué.  Celles  qu’on 
trouve  dans  le  pays  proviennent  ordinairement  des  Atré- 
bates  et  des  Morins  et  prendraient  une  place  honorable 
dans  bien  des  médaillers.  Les  plus  petites  sont  rares  et 
représentent  des  attributs  druidiques. 


—  45  - 


Les  Romaines  sont  rarement  en  bon  état.  La  plus  grande 
partie  reproduisent  l’effigie  des  empereurs  Néron  ,  Claude  , 
Adrien  ,  Antonin  et  Marc-Aurèle  en  grand  et  surtout  en 
moyen  bi'onze.  Les  autres  sont  des  petits  bronzes  de  Gallien, 
deVictorin,  de  Tétricus ,  et  de  Claude-le-Gothique ,  mé¬ 
dailles  très  -  communes  qui  se  rappoident  à  la  série  des 
trente  tyrans.  On  rencontre  aussi  des  Postume ,  mais 
celles-ci  sont  fréquemment  saucées  ,  c’est-à-dire  en  cuivre 
recouvert  d’une  feuille  d’étain.  Ce  qu’il  y  a  ordinairement 
de  plus  précieux  dans  les  dépôts  de  ce  genre ,  c  est  l’indica¬ 
tion  du  lieu  où  ils  ont  été  trouvés,  indication  qui  peut  être 
utile  au  point  de  vue  historique. 

Les  Mérovingiennes,  petites  monnaies  d’or,  connues  sous 
le  nom  de  Triens  ,  sont  les  plus  rares  de  toutes.  On  appelle 
monétaires  celles  qui ,  ne  portant  pas  l’effigie  du  roi ,  sont 
frappées  au  nom  des  monnayers  et  du  lieu  où  ces  derniers 
résidaient  momentanément  avec  le  fonctionnaire  chargé  de 
la  levée  des  impôts.  Ces  pièces  ,  extrêmement  variées , 
sont  généralement  de  fabrique  grossière  et  très-intéressantes 
à  recueillir ,  parce  qu’il  y  en  a  encore  beaucoup  d’inédites. 

Les  monnaies  carlovingiennes  ne  sont  pas  communes. 
Certains  dépôts  ont  mis  au  jour  des  deniers  de  Charles-le- 
Chauve ,  frappés  à  Arras  et  à  Bruges.  Ils  sont  en  argent , 
d’un  diamètre  approchant  celui  de  la  pièce  d’un  franc , 
minces  et  pesant  environ  huit  décigrammes,  c’est-à-dire 
moins  que  la  pièce  de  cinquante  centimes.  Le  type  en  est 
très-simple  :  de  chaque  côté  une  légende  circulaire  gros¬ 
sièrement  gravée  ;  au  centre ,  en  monogramme  ,  le  nom 
du  roi  et  au  revers  ,  une  croix  à  branches  égales. 

Puis  viennent  les  petites  monnaies  d’argent,  connues  sous 
le  nom  de  mailles  ,  qui  sont  en  vérité  des  deniers  frappés 
sous  les  comtes  de  Flandre ,  au  nom  des  villes.  Ces  petites 
pièces  dont  le  poids  n’atteint  pas  un  demi-gramme ,  sont 


—  46  — 


de  style  artésien.  La  fabrication  en 
a  duré  environ  un  siècle  ,  jusqu’à 
l’adoption  de  la  grosse  monnaie , 
par  Marguerite  de  Constantinople, 
vers  1261.  On  en  trouve  un  grand 
nombre  de  variétés  des  villes  de 
Lille ,  Gand ,  Ypres  et  Bruges.  Les 
autres  villes  sont  Aire,  Arras,  Ber- 
gues  ,  Béthune  ,  Bourbourg,  Cassel, 
Courtrai ,  Saint-Omer  et  Saint-Ve¬ 
nant.  On  frappait  à  Douai  des  doiiis- 
siens  ,  dont  le  métal  était  moins  pur, 
et  à  Valenciennes  des  deniers  plus 
grands  que  les  Artésiens  et  des 
mailles  ou  demi  -  deniers. 

Nous  donnons  ici  la  représentation  de  trois  types  assez 
communs  du  denier  artésien  frappés  à  Lille  ,  à  Gand  et  à 
Yp  res.  Un  prochain  article  sera  affecté  à  la  description  des 
monnaies  plus  modernes.  Va:<  Rende. 

HISTOIRE  NATURELLE.  Des  arvwages  de  gibier  des  pays  du 
Nord  à  Lille.  —  La  rapidité  des  communications  obtenue 
par  les  voies  ferrées  et  les  bateaux  à  vapeur  a  amené  dans 
l’échange  des  produits  comestibles  une  véritable  révolulion. 
Tout  le  monde  sait  avec  quelle  abondance  se  répandent 
aujourd’hui ,  jusque  dans  le  Nord  de  la  France ,  les  pri¬ 
meurs  de  fruits  et  de  légumes  fournis  par  l’Algérie  et  la 
Provence.  On  peut  dire  que  pour  les  gourmets  il  n’y  a  plus 
de  morte  saison. 

Depuis  quelque  temps ,  le  Nord  s’est  mis  à  rivaliser  avec 
le  Midi  et  nous  envoie  à  son  tour  ses  produits.  Ce  ne  sont 
plus  les  fruits  savoureux  mûris  par  le  soleil  d’Afrique  ou 
d’Espagne  ;  mais  ils  n’en  ont  pas  moins  leur  mérite,  non 


—  47 


pas  tant  peut-être  par  l’agrément  de  leur  goût  que  par  la 
diversité  qu’ils  apportent  dans  la  monotonie  dont  ne  peu¬ 
vent  se  défendre  les  tables  les  plus  somptueuses. 

Il  s’agit  du  gibier  qui  nous  arrive  de  Russie  et  qui ,  de 
Paris  où  se  fait  le  déballage ,  se  répand  dans  toutes  les  gran¬ 
des  villes  de  France.  Depuis  longtemps  déjà  la  Hongrie  et 
l’Angleterre  nous  envoyaient  leurs  Faisans,  l’Allemagne  ses 
Lièvres,  l’Ecosse  ses  Perdrix  et  ses  Grouses;  mais,  à  part 
cette  dernière  espèce  ,  aucun  de  ces  animaux  n’était  étran¬ 
ger  à  la  France  ;  c’était  un  appoint  qui  nous  arrivait,  ce  n’é¬ 
tait  pas  une  nouveauté. 

Aujourd’hui  nos  marchands  peuvent  s’approvisionner  pen¬ 
dant  la  saison  froide  de  deux  espèces  de  Coqs  de  bruyère,  de 
trois  espèces  de  Lagopèdes,  de  Gélinottes,  de  Tétras  huppe- 
cols  d’Amérique,  sans  compter  les  Ours  dont  plusieurs  sont 
venus  en  chair  à  Paris  et  ont  été  dépécés  par  des  bouchers. 

Les  boutiques  de  gibier  de  Lille  ont  été  cet  hiver  assez 
bien  fournies  de  la  plupart  de  ces  animaux.  Ils  excitaient 
vivement  la  curiosité  des  passants  qui  paraissaient  ignorer 
complètement  leurs  nom ,  adresse  et  qualités. 

Il  n’est  pas  sans  intérêt  d’en  donner  un  court  résumé  : 
car  on  aime  à  se  rendre  compte  des  objets  qui  frappent  la 
vue ,  à  plus  forte  raison  de  ceux  que  l’on  mange . 

Le  grand  Coq  de  bruyère  ,  ou  grand  Tétras ,  ou  Tétras 
auerhan ,  ou  Tétras  urogalle  ;  dans  la  nomenclature  latine  : 
Tetrao  urogallus,  Linné;  Urogallus  major,  Brisson. 

C’est  un  oiseau  de  la  taille  d’une  Dinde,  d’un  noir  bleu⬠
tre  au-dessus ,  marqué  de  très-fins  zig-zags  cendrés  ;  la  poi¬ 
trine  est  verte  à  reflets  violets  ;  le  ventre  et  les  plumes  du 
dessous  de  la  queue  sont  marqués  de  blanc.  Au-dessus  des 
yeux,  une  membrane  rouge  tranche  vivement  sur  les  plumes 
de  la  tête,  mais  elle  est  beaucoup  plus  apparente  au  prin¬ 
temps  qu’en  hiver. 


—  48  — 


Celte  description  est  celle  du  mâle  adulte.  La  femelle  en 
diffère  totalement.  Elle  est  plus  petite  ,  a  les  parties  supé¬ 
rieures  rayées  de  roux,  de  noir  et  de  blanc;  la  poitrine 
d’un  roux  pur  et  le  ventre  roux ,  barré  de  brun  et  de  blan¬ 
châtre. 

Les  jeunes  ressemblent  beaucoup  aux  femelles  ;  mais  ils 
ont  le  roux  de  la  poitrine  barré  comme  les  autres  parties 
du  corps. 

Le  grand  Tétras  est  surtout  commun  dans  les  forêts  de 
pins  de  la  Suède,  de  la  Laponie,  de  la  Russie  et  de  la  Sibérie 
tempérée.  On  le  trouve  dans  les  montagnes  de  la  Suisse  , 
dans  les  Pyrénées  et  dans  les  Vosges,  depuis  Bitclie  Jusqu’à 
Giromagni.  Il  existait  autrefois  en  Auvergne,  mais  il  paraît 
en  avoir  disparu  aujourd’hui. 

Plusieurs  tentatives  de  domestication  ont  été  fai  tes,  notam¬ 
ment  au  jardin  du  Bois  de  Boulogne  ,  à  Paris  ;  mais  jusqu’à 
présent  elles  n’ont  donné  aucun  résultat  pratique.  On  peut 
présumer  que  la  sauvagerie  naturelle  de  cet  oiseau  sera 
longtemps  un  obstacle  à  sa  multiplication  en  captivité;  ce 
qui  est  d’autant  plus  fâcheux  que  l’attrait  qu’offre  sa  chasse 
excitant  beaucoup  les  amateurs ,  il  est  très-probable  que 
l’oiseau  disparaîtra  de  l’Europe  centrale  dans  un  temps  qui 
n’est  peut-êire  pas  très-éloigné. 

Sa  chair  contracte  en  hiver  un  goût  résineux  qu’elle  doit 
aux  bourgeons  de  sapins  et  aux  baies  de  genévrier  dont  il 
se  nourrit. 

Le  petit  Coq  de  bruyère,  ou  Tétras  à  queue  fourchue, 
ou  Tétras  lyre  ,  ou  Tétras  Birkan  ;  en  latin  :  Tetrao  tetrix , 
Linné;  Urogallus  mino7\  Brisson. 

Il  a  quelque  ressemblance  avec  le  précédent  pour  les 
nuances  et  les  formes ,  mais  il  est  presque  moitié  plus  petit 
et  ne  dépasse  pas  la  taille  d’une  Poule  de  moyenne  dimen¬ 
sion.  Ses  reflets  sont  plus  bleus  ;  il  a  sur  les  aîles  une  tache 


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blanche  ;  mais  ce  qui  le  distingue  surtout ,  c’est  la  forme  de 
sa  queue,  très-fourchue,  et  dont  les  plumes  latérales,  plus 
longues  que  les  autres ,  sont  contournées  en  dehors. 

La  femelle  est  aussi  différente  du  mâle  que  dans  la  pre¬ 
mière  espèce;  elle  est  barrée  de  roux,  de  roussâtre  et  de 
brun ,  mais  dans  une  nuance  générale  beaucoup  plus  foncée 
que  celle  du  grand  Coq  de  bruyère. 

Cette  espèce  habite  les  régions  boisées  et  montueuses  de 
la  Suède,  de  la  Russie,  de  la  Suisse,  de  l’Ecosse.  On  le 
trouve  aussi  dans  les  plaines  incultes  et  dans  les  steppes. 
En  France,  il  paraît  un  peu  plus  commun  que  le  précédent , 
surtout  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées. 

Les  envois  de  Russie  en  contiennent  peu,  ce  qui  provient, 
sans  doute ,  de  ce  que  les  points  où  on  le  chasse  sont  moins 
à  portée  des  communications.  Ce  serait  surtout  la  Suède 
qui  pourrait  nous  en  approvisionner,  si  les  moyens  de  trans¬ 
ports  y  étaient  plus  prompts. 

La  Gelinotte  ,  ou  Tétras  gélinotte,  ou  Gélinotte  des  bois, 
ou  Poule  des  coudriers  ;  en  latin  :  Tetrao  honasia,  Linné; 
Bonasia  sylvestris,  Gray. 

Elle  est  de  la  taille  d’une  Perdrix  rouge;  les  parties  supé¬ 
rieures  sont  variées  de  roux,  de  gris  et  de  noirâtre  ;  une 
tache  noire ,  encadrée  de  blanc ,  occupe  la  gorge  ;  le  dessous 
du  corps  est  blanchâtre.  La  femelle  diffère  peu  du  mâle. 

C’est  un  oiseau  qui  aime  les  montagnes  boisées  ;  il  est 
commun  dans  toutes  celles  de  l’Europe  septentrionale.  En 
Russie,  les  meilleures  sont  celles  du  gouvernement  de  Vo- 
logda.  Elles  y  coûtent ,  en  moyenne  ,  3  fr.  20  c.  la  paire. 
En  hiver  elles  se  vendent  gelées  dans  toute  la  Russie  (*). 

{*)  Le  meilleur  moyen  de  transporter  le  gibier  de  Russie  à  Paris  est 
de  le  faire  geler  et  de  le  mettre  dans  des  boîtes  remplies  de  son; 
mais  il  faut  avoir  soin ,  à  l’arrivée,  de  le  faire  dégeler  dans  Peau 
froide.  La  congélation  ne  nuit  pas  à  la  qualité  de  la  viande ,  au  con¬ 
traire  elle  l’attendrit.  (Bourakoff,  Btdleiin  de  la  Société  d’ Acclimatation). 


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On  la  trouve  aussi  en  France,  sur  les  Vosges,  le  Jura, 
les  Alpes  et  les  Pyrénées,  quelquefois,  mais  très-rarement, 
dans  les  Ardennes  et  même  dans  la  partie  du  département 
du  Nord  qui  y  confine. 

Sa  chair,  quoique  ayant  un  léger  goût  résineux,  est  très- 
agréable. 

Le  Lagopède,  ou  Tétras  ptarmigan ,  Perdrix  de  neige. 
Perdrix  blanche;  en  latin:  Lagopus  alpimis ,  Nilsson; 
Lagopus  miitiis ,  Bonaparte. 

En  hiver,  tout  blanc.  En  été,  varié  de  roussâtre,  de  brun, 
de  blanc,  de  cendré.  Il  est  de  la  grosseur  d’une  perdrix. 

Commun  dans  les  montagnes  du  Nord  et  du  centre  de 
l’Europe,  mais  nulle  part  autant  qu’en  Suède.  L’Ecosse  en 
fournit  aussi  beaucoup  ,  mais  les  grandes  quantités  qui  se 
voient  sur  le  marché  de  Londres  viennent,  en  majeure 
partie  ,  de  Norwège  et  de  Laponie.  Ils  y  sont  tellement  ré¬ 
pandus  qu’un  seul  marchand  Norvégien  en  vend  régulière¬ 
ment  cinquante  mille  par  année,  et  que  sur  une  seule  pa¬ 
roisse  de  la  Laponie  ,  on  en  a  tué  soixante  mille.  En  1840, 
un  marchand  de  Londres  en  reçut  quinze  mille  en  consigna¬ 
tion. 

Aujourd’hui  il  arrive  en  France  de  plusieurs  côtés  à  la 
fois,  mais  l’usage  ne  paraît  pas  s’en  répandre  beaucoup  ; 
sans  doute  parce  que  les  marchands  le  maintiennent  encore 
à  un  prix  relativement  élevé  II  faut  dire  aussi  que  sa  chair  a 
un  goût  sauvage  qui  la  rend  bien  inférieure  à  celle  de  plu¬ 
sieurs  de  nos  gibiers  du  pays. 

Le  Lagopède  subalpix,  ou  Tétras  des  saules;  en  latin: 
Lagopus  albus  ^  Tetrao  saliceti. 

Pareil  au  précédent  en  hiver,  n’en  diffère  que  par  la 
taille,  de  quelques  centimètres  plus  forte.  En  été,  ses  nuances 
sont  différentes;  le  roux  domine  beaucoup  plus  dans  les 
maculatures  de  son  plumage. 


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Il  habite  comme  le  précédent  les  montagnes  du  Nord  de 
l’Europe  ;  il  ne  descend  pas  comme  lui  dans  le  centre.  Il  est 
partout  moins  commun,  néanmoins,  le  12  avril  1866, 
onze  barils  contenant  chacun  quinze  cents  de  ces  oiseaux 
arrivèrent  à  la  Halle  de  Paris.  Ils  étaient  presque  tous  en 
état  de  putré^ction. 

Le  Lagopède  rouge,  ou  la  Grouse  d’Ecosse;  en  latin  : 
Tetrao  scoticiis,  Lagopus  scoticus. 

Un  peu  plus  gros  que  la  Gélinotte;  il  porte  en  toute 
saison  un  plumage  marron  foncé  plus  noir  au-dessus  qu’en 
dessous. 

C’est  un  oiseau  qui  n’habite  que  l’Ecosse  où  il  n’est  pas 
rare.  De  tous  temps  les  Anglais  en  ont  importé  en  France , 
mais  jamais  en  très-grand  nombre,  car  la  chasse  en  est 
limitée  à  un  temps  très-court,  dans  un  but  de  conservation. 
Comme  toutes  les  espèces  localisées  il  finirait  par  disparaî¬ 
tre  ,  si  les  contrées  qu’il  habite  n’étaient  la  propriété  de 
quelques  grands  seigneurs  intéressés  à  maintenir  sa  propa¬ 
gation. 

Il  a  le  goût  résineux  des  autres  Lagopèdes  et  pour  la 
bonté  tient  le  milieu  entre  la  Gélinotte  et  le  Ptarmigan. 

Le  Tétras  huppecol,  ou  Tétras  cupidon,  ou  Poule  des 
prairies  ;  en  latin  :  Tetrao  cupiclo. 

Il  lient  beaucoup ,  pour  le  plumage  ,  de  la  femelle  du  Té¬ 
tras  à  queue  fourchue,  avec  des  nuances  moins  rembrunies, 
mais  ce  qui  le  distingue  surtout  c’est  un  double  bouquet  de 
plumes  raides  et  pointues  qui  sort  de  chaque  côté  de  la  gorge 
et  se  dirige  en  arrière.  La  femelle  ne  diffère  que  très-peu 
du  mâle ,  ses  huppes  latérales  sont  plus  courtes. 

Ce  Tétras  habite  l’Amérique  du  Nord  où  il  est  surtout 
commun  dans  les  plaines  de  Galéna,  au  bord  du  Mississipi. 
Grâce  à  la  rapidité  de  la  traversée  d’Amérique  en  Angle¬ 
terre,  il  peut  arriver  pendant  l’hiver  assez  à  temps  pour  ne 


52  — 


pas  être  trop  faisandé.  C’est  un  gibier  exquis  qui  mériterait 
de  sérieux  essais  d’acclimatation. 

Ces  essais  ont  déjà  été  tentés  en  France  et  en  Angleterre. 
Le  jardin  du  Bois  de  Boulogne  en  a  possédé  à  plusieurs  re¬ 
prises  qui  ont  pondu  et  dont  les  œufs,  couvés  par  des  Poules, 
ont  donné  des  petits,  qui  n’ont  pas  vécu.  Il  en  a  été  de 
même  au  Zoological  garden.  Il  ne  faut  pas  désespérer  tou¬ 
tefois  ;  l’exemple  du  Dindon,  son  compatriote,  annonce 
que  toute  chance  de  réussite  n’est  pas  perdue. 

Il  est  d’autant  plus  urgent  de  se  presser,  que  l’espèce 
diminue  en  Amérique  et  tend  à  se  reléguer  dans  les  can¬ 
tons  déserts  pour  éviter  une  poursuite  outrée. 

Ces  sept  oiseaux  sont  les  seuls  qui  soient  jusqu’à  présent 
venus  jusqu’à  Lille,  en  dehors  du  gibier  ordinaire.  Ils  n’y 
ont  pas  eu  grand  débit,  ce  qui  tient  sans  doute  à  leur  prix 
et  à  l’hésitation  qu’inspirent  souvent  les  nouveautés.  Il  n’est 
pas  impossible  que  ,  les  arrivages  se  multipliant,  les  prix 
baissent  et  qu’ils  n’entrent  dans  la  consommation  deluxe 
au  même  litre  que  les  Faisans  devenus  aujourd’hui  presque 
indispensables.  A.  de  Norguet. 


CFIRONIQUE. 

Arciftcoloi^ie.  Découverte  de  Tombes  Gallo-Romaines  à 
Boulogne.  —  On  lit  dans  le  Propagateur  du  Nord  et  du 
Pas-de-Calais ,  des  20  et  2o  janvier  1869  : 

Les  travaux  de  construction  du  nouvel  égoût  ont  amené 
la  découverte  de  plusieurs  sépultures  de  l’époque  romaine , 
près  de  l’abattoir.  Entre  autres,  un  cercueil  en  plomb  ,  de 
1  mètre  2o  centimètres  de  longueur  sur  33 •centimètres  de 
largeur  et  24  centimètres  de  hauteur ,  composé  de  feuilles 
qui  n’ont  pas  moins  de  6  à  8  millimètres  d’épaisseur.  Il 


renfermait  des  ossements  ayant  appartenu,  suivant  toute 
apparence,  à  un  jeune  homme  de  12  à  15  ans. 

Deux  vases  en  verre,  dont  un  d’une  grande  beauté  et 
d’une  dimension  remarquable ,  ont  été  trouvés  auprès , 
ainsi  qu’un  plat  en  terre  rouge  d’une  bonne  fabrique  ,  mal¬ 
heureusement  un  peu  ébréché.  A  quelque  distance  delà,  on 
a  rencontré  quatre  autres  petits  vases  en  verre  qui  n’ont  pu 
être  extraits  qu’en  morceaux  ainsi  qu’une  potiche  samienne, 
d’une  pâte  très-fine ,  ornée  de  fleurages  en  relief.  Plus  loin, 
un  autre  vase  en  terre  rouge,  genre  Lagena  ,  était  accom¬ 
pagné  d’un  petit  gobelet  en  verre  et  d’un  autre  en  terre 
noire.  Les  vases  en  verre  ont  gardé  ,  sur  leurs  parois  inté¬ 
rieures  ,  des  sédiments  rougeâtres ,  qui  paraissent  provenir 
de  la  dessiccation  du  vin  qu’ils  ont  dû  contenir.  On  croit  que 
les  anciens  déposaient  ces  vases  dans  les  sépultures,  pour 
fournir  des  provisions  de  voyage  aux  défunts. 

Les  tombeaux  qu’on  a  rencontrés  en  cet  endroit  sont,  à 
n’en  pas  douter  ,  de  l’époque  constantinienne ,  durant  la¬ 
quelle  on  a  cessé  de  brûler  les  corps.  C’est,  du  reste,  le 
temps  où  l’antique  cité  de  Bononia  paraît  avoir  joui  de  sa 
plus  grande  prospérité.  On  nous  assure  que  l’administration 
du  Musée  se  dispose  à  faire  des  fouilles  régulières  en  cet 
endroit  avant  que  la  construction  du  boulevard  de  l’Impéra¬ 
trice  ne  vienne  remblayer  le  terrain  d’une  manière  défini¬ 
tive.  A.  D. 

Jfïétëoroîogf e.  Mois  de  janvier  1869.  —  Le  mois  de 
janvier  1869  a  été,  malgré  les  treize  jours  de  gelée  qui  sont 
survenus,  d’une  température  douce  et  plus  élevée  que  la 
moyenne  résultant  de  15  années  d’observation.  Cette  moyen¬ 
ne,  en  effet ,  est  de  2"  947 ,  la  moyenne  de  janvier  1869  a  été 
de  3°  666.  La  moyenne  des  minima  a  été  de  0®  897 ,  celle 
des  maxima  6°  435.  Les  températures  extrêmes  ont  été  de 


—  7o4  lei2o,  el  — 15  9  le  31.  Les  jours  de  gelée  qui  ont  été 
îiu  nombi’e  de  13  se  sont  répartis  en  deux  périodes  :  la  pre¬ 
mière  du  11  au  14,  froid  peu  intense,  minimum  —  2"  6, 
dégel  le  14  à  minuit;  la  deuxième,  du  19  au  27,  plus  pro¬ 
longée  avec  plus  grand  abaissement  de  température,  le 
dégel  est  survenu  le  27  dans  la  soirée. 

Entre  ces  périodes  de  gelée  la  température  fut  relative¬ 
ment  élevée  et  on  éprouvait  une  sensation  de  chaleur  inac¬ 
coutumée  pour  la  saison  ;  les  maxima  du  thermomètre 
furent  de  10%  en  moyenne ,  et  le  31 ,  il  s’éleva  à  lo*"  9. 

Si  l’air  eut  été  très-humide,  sous  l’influence  dune  pa¬ 
reille  température  la  tension  moyenne  de  la  vapeur  eut  été 
grande  ;  mais  comme  l’humidité  relative  qui ,  en  moyenne 
pour  janvier  est  de  8ô,707o,  n  a  été  que  de  84,0  7o,  il  en 
est  résulté  que  la  tension  moyenne  n’a  été  que  de  4  mill.  71, 
au  lieu  de  5  mill.  02  moyenne  générale  de  janvier. 

Sous  l’influence  de  cette  moindre  humidité  atmosphérique 
et  de  l’élévation  de  la  température  ,  la  quantité  d’eau  éva¬ 
porée  fut  au-dessus  de  la  moyenne  générale  qui  est  pour 
janvier  de  14  mill.  98,  en  janvier  1869  elle  fut  de  16  mill. 
33. 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  de  pluie  tombée  en  jan¬ 
vier  année  moyenne  est  de  56  mill.  159;  en  janvier  1869 , 
elle  fut  de  45  mill.  28  en  15  jours.  La  pluie  la  plus  forte  en 
24  heures  fut  celle  du  7,8  mill.  20.  Presque  toute  l’eau  plu¬ 
viale  fut  fournie  par  des  nuages  venant  du  S.  0.  et  de  l’O. 
S.  O.  Un  jour  seulement,  le  30 ,  à  3  heures  15  minutes  du 
matin ,  il  est  tombé  de  la  grêle. 

La  quantité  de  pluie  restée  ,  pour  le  mois  de  janvier,  au- 
dessous  de  la  moyenne  générale  était  la  conséquence  de  la 
faible  quantité  de  vapeur  d’eau  maintenue  en  dissolution 
dans  les  régions  élevées  de  l’atmosphère,  aussi  voyons-nous 
la  colonne  atmosphérique  être  plus  dense,  ce  qui  est  indiqué 


oo  - 


par  Je  baromètre  dont  la  hauteur  moyenne  à  0"  a  été  de 
763  mill.  567,  la  hauteur  moyenne  barométrique  de  janvier 
pour  une  période  de  15  années  étant  de  759  mill.  398. 

La  colonne  mercurielle  a  oscillé  entre  les  extrêmes  775 
mill.  73,  maximum  observé  le  9;  742  mill.  50,  minimum 
observé  le  29. 

Pendant  le  mois  de  janvier  il  y  eut  27  jours  de  brouillard; 
16,  de  rosée  ;  6 ,  de  gelée  blanche  ;  2 ,  de  givre. 

4  jours  le  ciel  fut  serein  pendant  24  heures  consécutives, 
13  jours  il  fut  demi  couvert  de  nuages  et  14  jours  complète¬ 
ment  couvert. 

Le  vent  souffla  4  jours  de  PE. ,  10  jours  du  S.  E. ,  8  jours 
du  S. ,  8  jours  du  S.  0. ,  un  jour  de  PO.  Son  intensité  fut 
généralement  au-dessus  de  la  moyenne.  Pendant  les  pério¬ 
des  de  gelée  la  direction  moyenne  des  vents  régnants  fut 
le  S.  E. 

La  quantité  d’électricité  atmosphérique  fut  au-dessus  de 
la  moyenne;  ce  qui  explique,  au  point  de  vue  physiologique, 
l’exacerbation  des  douleurs  rhumatismales  et  nerveuses  com¬ 
pliquant  un  grand  nombre  d’affections  morbides,  les  irrita¬ 
tions  de  l’appareil  respiratoire  ,  etc.  Y.  Meures. 

Silvîculture.  Exposition  de  Namur.  —  La  Société 
agricole  et  forestière  de  la  province  de  Namur  se  propose 
d’ouvrir  en  cette  ville ,  au  mois  de  septembre  1869  ,  sa  troi¬ 
sième  exposition  quinquennale.  Parmi  les  objets  auxquels 
on  offre  des  primes,  nous  citerons  des  collections  de  bois, 
de  fruits  et  de  graines ,  des  herbiers  forestiers  ,  des  collec¬ 
tions  représentant  les  maladies  et  les  défauts  du  bois ,  les 
ravages  causés  par  les  insectes ,  les  divers  usages  du  bois 
et  les  produits  qu’on  en  retire,  tels  que  cendres,  salins, 
papier,  laine  végétale,  etc.  J.  G. 


—  56  — 


Botanlcjue.  Myosotis  Duinortieri.  —  M.  Thielens , 
docteur  en  sciences  à  Tirlemont,  a  signalé  à  la  Société  de 
Botanique  do  Belgique  ,  dans  sa  séance  du  3  mai  1868  , 
rexistence  d’une  nonvelle  espèce  de  Myosotis  et  qui  est  inter¬ 
médiaire  enti  e  M.  cœspilosa  et  M .  palustris.EWe  diffère  du 
premier  par  sa  tige  cylindrique,  non  anguleuse  ,  sa  corolle 
petite,  les  divisions  de  son  calice  profondes  ;  du  second  par 
sa  souche  vivace,  sa  forte  taille  et  ses  fleurs  en  grappes  assez 
courtes.  M.  Thielens  nomme  cette  nouvelle  espèce  Myo¬ 
sotis  Dumortieri ,  en  l’honneur  du  Président  de  la  Société 
royale  de  Botanique  de  Belgique  ;  il  l’a  trouvée  dans  une 
prairie  marécageuse  de  l’ancien  lac  de  Beau  à  trois  lieues 
de  Tirlemont. 

Cysiissus  decumhctns.  —  Le  même  savant  a  indiqué  aussi 
l’existence  dans  le  Luxembourg-Belge  du  Cystissus  decum- 
bans  ,  (  Genistü  prostrata  ,  De.  ) ,  connu  depuis  longtemps 
en  Bourgogne,  dans  les  montagnes  du  Jura,  etc.  J.  G. 


Lmermédiaire  des  chercheurs  et  des  curieux.  —  Notre 
compatriote  M.  le  comte  Eugène  de  Resbecq  ,  sous-chef  du 
cabinet  de  Son  Excellence  M.  le  Ministre  de  l’Instruction 
publique  ,  prépare  en  ce  moment ,  une  histoire  de  la  noble 
famille  de  Lille  ,  institution  qui ,  comme  celle  de  Saint- 
Gyr,  était  destinée  sous  l’ancien  régime  à  l’éducation  de 
jeunes  filles  de  la  noblesse. 

Les  personnes  qui  auraient  des  renseignements  a  fournir 
sur  des  membres  de  leurs  familles  ayant  appartenu  à  cet 
établissement,  sont  priées  de  nous  les  faire  parvenir  pour 
que  nous  les  transmettions  à  M.  de  Resbecq  ,  à  moins 
qu’elles  ne  préfèrent  les  lui  adresser  directement. 

A.  D. 


Le  Gérant  :  E.  Cash  aux 


Lille ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place ,  13 


N.»  3.  —-MARS  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

ACADÉMIE  DES  SCIENCES,  BELLES-LETTRES,  ARTS,  AGRICULTURE 
ET  COMMERCE  DU  DÉP-\RTEMENT  DE  LA  SOMME. 
Mémoires,  2.*  série,  t.  vi,  Amiens,  1868,  423  p. 

Celte  Compagnie  fondée  en  1746  comme  Société  littéraire, 
fut  instituée  comme  Académie  par  lettres-patentes  de  juin 
17o0.  Emportée  à  la  Révolution  ,  elle  fut  reconstituée  le  29 
ventôse  an  xi. 

Elle  compte  trente-six  membres  titulaires  et  vingt-cinq 
correspondants ,  de  plus  six  membres  honoraires  de  droit 
(  les  autorités  départementales  et  municipales  )  et  quatorze 
membres  honoraires  élus ,  presque  tous  anciens  titulaires. 

Au  commencement  de  l’année ,  les  membres  titulaires 
étaient  : 

MM.Bohx  [1866] ,  professeur  de  Philosophie  au  Lycée  ; 
Directeur. 

Herbet  [1863]  ,  docteur  en  médecine  ;  Chancelier- 
Trésorier. 

Axselix  ^  [1819]  ,  avocat  ;  Secrétaire-Perpétuel. 

Yvert  [1852] ,  homme  de  lettres  ;  Secrétaire-Adjoint. 

Garnier  ^  [1837] ,  conservateur  de  la  bibliothèque 
communale  ;  Archiviste-Pernianent. 

Obry  [1830] ,  juge  honoraire  au  tribunal-civil. 

Tavernier,  O  ^  [1838] ,  directeur  de  l’école  de  mé¬ 
decine. 

Roussel  [1838] ,  ancien  directeur  des  prisons. 

Dauphin  ^  [1842] ,  conseiller  à  la  cour. 

Mathieu  [1842] ,  ancien  négociant. 

DE  Forceville  [1847] ,  statuaire. 

Alexandre,  O  ^  [1848] ,  docteur  en  médecine. 

Daussy  [1831],  avocat. 

Deneux  [1854],  prés. de  la  Société  philarmonique. 


—  58  — 

Gand  [1856],  professeur  à  la  Société  industrielle. 

Mancel  ^  [1856] ,  ancien  adjoint. 

Thivier  [1858] ,  professeur  de  rhétorique  au  Lycée. 

CoüRTiLLiER  ^  [1859] ,  docteur  en  médecine. 

L’Abbé  Corblet^['1859],  historiographe  du  diocèse. 

ViON  [1859]  ,  chef  d’institution. 

Fuixè^  [1860]  ,  ancien  ingénieur  en  chef  du  dép.* 

Mollet  ^  [1862]  ,  président  de  la  chambre  de  com-  ^ 
merce. 

Hênriot  ^  [1863] ,  adm.  du  bureau  de  bienfaisance. 

Lenoel  ^  [1863] ,  docteur  en  médecine. 

PoNCiiE  [1864]  ,  filateur  ;  Président  de  la  Société 
industrielle. 

Poiré  [1864] ,  professeur  de  physique  au  Lycée. 

Dauphin  fils  [1864],  avocat;  maire  de  la  ville. 

Wateau  ^  [1865] ,  premier  avocat-général. 

Dubois  Charles  [1866],  avocat. 

Moullart  [1866] ,  avocat. 

Guillon  ^  [1866]  ,  ing.  de  la  compagnie  du  Nord. 

Davost  ^  [1867]  ,  conseiller  à  la  cour  impériale. 

Ce  volume  comprend  : 

1. ®  Le  compte-rendu  delà  séance  publique  du  4  août  1867. 
M.  Wateau,  premier  avocat  général,  directeur  de  l’Aca¬ 
démie  ,  ouvre  la  séance  par  un  discours  dans  lequel  il  dé¬ 
plore  les  tendances  de  la  littérature  contemporaine  ;  il  lui 
reproche  son  peu  de  moralité  ainsi  que  l’emploi  d’un  argot 
de  mauvais  aloi.  M.  Hcnriot  fait  un  rapport  sur  les  prix  de 
poésie  et  d’éloquence  ,  et  M.  Anselin  ,  secrétaire  général, 
rend  compte  des  travaux  de  l’Académie. 

2. "  Les  discours  de  réception  de  MM.  Ch.  Dubois,  avocat, 
Guérin  ,  conseiller  à  la  cour  ,  et  Moullart ,  avocat. 

3. "  Des  mémoires  ou  communications  divers  dont  nous 
allons  rendre  compte  : 

Une  visite  à  Paris  et  à  VExposition  universelle^  par 
M.  Yvert.  —  Boutade  en  vers  contre  les  mésaventures  qu’un  ' 
provincial  rencontrait  dans  la  capitale  lors  de  l’Exposition 
universelle. 


—  59  — 

Observations  sur  une  nouvelle  traduction  d’Horace  de. 
M.  Jules  Janin  ,  par  M.  Thivier.  —  M.  Tliivier  expose  que 
l’art  du  traducteur  est  éminemment  difficile:  il  faudrait 
pour  y  réussir  faire  abnégation  complète  de  sa  personnalité 
et  s’assimiler  les  sentiments  de  l’auteur  ;  encore  ne  parvien¬ 
dra-t-on  pas  à  faire  revivre  celui-ci  :  a  Tout  ce  que  pourra 
»  faire  l’art  le  plus  consommé  sera  d’arriver  à  de  trompeu- 
»  ses  contrefaçons ,  à  de  vulgaires  trompe-l’œil  qui  seront 
»  à  l’œuvre  traduite  ce  qu’est  à  la  fleur  brillante  de  rosée  et 
»)  de  sève ,  la  gaze  et  le  papier  qui  la  simulent  juste  assez 
»  pour  produire  un  instant  d’illusion.  »  Les  traducteurs  se 
trouvent  entre  deux  systèmes  qui  ont  tous  deux  des  incon¬ 
vénients.  Ou  ils  se  bornent  à  calquer  le  texte  en  donnant 
terme  pour  terme,  ou  ils  le  rendent  d’un  peu  haut  et  d’un 
peu  loin  ;  la  traduction  perd  alors  en  exactitude  ce  qu’elle 
acquiert  de  saveur  et  de  facilité.  Ce  second  système  pouvait 
seul  convenir  au  prince  des  critiques.  Nous  ne  suivrons  pas 
M.  Thivier  dans  l’examen  des  imperfections  de  la  traduc¬ 
tion  de  M.  Janin  ;  nous  préférons  l’accompagner  sur  un 
autre  terrain. 

Etude  sur  l’origine  de  la  Rime  et  sur  Hrosvitha ,  poète 
dramatique  du  A'.®  siècle,  par  M.  Thivier.  —  Le  vers 
antique  repose  sur  la  quantité  qui  fait  que  chaque  syllabe  a 
sa  valeur,  chaque  mot  sa  physionomie,  son  harmonie 
propre,  et  c’est  l’ensemble  de  toutes  ces  harmonies  qui 
concourt  à  l’effet  général.  Le  vers  moderne  se  contente 
d’énumérer  les  syllabes,  il  les  compte  sans  les  peser.  Chez 
tous  deux  il  faut  assigner  une  limite  au  vers;  chez  le  pre¬ 
mier  c’est  la  durée  des  sons ,  chez  le  second  la  consonnance, 
la  rime.  Comment  et  à  quelle  époque  ce  changement  s’est- 
il  accompli?  voilà  la  question  que  ]\L  Thivier  essaie  de 
résoudre.  Il  attribue  cette  transformation  à  Hrosvitha,  reli¬ 
gieuse,  qui  vivait  en  Saxe  au  x.®  siècle  :  elle  composa  des 


—  60  — 

drames  destinés  à  instruire  et  à  distraire  les  habitants  des 
monastères.  Elle  choisit  ses  sujets  dans  l’histoire  des  mar¬ 
tyrs  et  s’appliqua  surtout  à  glorifier  la  virginité.  Elle  con¬ 
naissait  les  lettres  latines  et  prisait  beaucoup  Térence; 
elle  chercha  à  l’imiter  ,  mais  en  substituant  à  ses  vers  une 
prose  rimée ,  c’est-à-dire  en  coupant  les  phrases  en  sections 
régulières  et  en  terminant  les  différents  membres  de  cette 
période  par  des  rimes  plates  ou  croisées.  (^)  Une  mère  en¬ 
courage  sa  fille  au  martyre  dans  les  vers  suivants  : 

Nunc,  nunc  ,  filia  gratulandum 
Nunc  in  Cliristo  est  gaudendum, 

Nec  est  quæ  (me)  mordeat  cura 
Quia  secura  sum  de  tua  Yictoria. 

Cette  idée  a  été  féconde  puisqu’elle  est  l’origine  des 
chants  d’église  rimés ,  nommés  proses ,  désignation  bien 
singulière  et  inexplicable  sans  les  observations  précédentes. 
Ces  proses  présentent  souvent  un  enthousiasme  lyrique  et , 
sous  une  forme  rude  et  tronquée ,  un  grand  caractère  de 
poésie.  Tels  sont  le  Lauda  Sion  ,  de  saint  Thomas-d’Aquin, 
le  Verni  sancte  spiritus  ^  le  Stabat^  le  Dies  irœ  et  d’autres 
encore  qui  ont  inspiré  nos  poètes  et  nos  musiciens. 

Cinq  auteurs  illustres  pour  un  même  sujet  et  quelques 
mots  sur  la  poésie^  par  M.  Henriot.  —  L’auteur  compare 
la  manière  dont  a  été  traitée  la  fable  de  la  Mort  et  du  Bû¬ 
cheron,  par  Esope,  Corrozet,  poète  du  xvi.®  siècle,  J. -B. 
Rousseau,  Boileau  et  La  Fontaine.  Il  donne  la  palme  à 
notre  inimitable  fabuliste ,  jugement  qui  n’étonnera  per¬ 
sonne.  M.  Henriot  se  plaint,  en  terminant,  de  notre  siècle 
et  du  peu  de  cas  qu’il  fait  de  la  poésie.  Ce  nouveau  juge- 

(1)  En  attribuant  à  la  religieuse  de  Gandersheim  cette  importante 
innovation  ,  M.  Thivier  ne  semble  avoir  tenu  aucun  compte  de  beau¬ 
coup  de  faits  acquis  à  la  science  et  habilement  résumés  par  M.  Léon 
Gautier  ,  dans  son  Histoire  abrégée  des  Proses  (  OEuvres  poétiques  d’Adam 
de  S. t  Victor,  introduction,  p.  cxxv  ).  Voir  aussi ,  sur  les  origines  de 
la  versification  moderne,  le  1. 1  des  Epopées  françaises  du  même  auteur. 

À.  û. 


—  61  — 

ment  nous  semble  sévère  ,  pour  ne  pas  dire  plus  ;  nos  con¬ 
temporains  ont,  comme  leurs  aïeux,  un  cœur  qui  bat  à  toute 
pensée  noble  et  noblement  exprimée ,  ils  ne  refusent  ni  les 
honneurs  ni  même  la  fortune  aux  Ponsard  et  aux  Victor 
Hugo  ;  mais  est-ce  leur  faute  si  les  muses  sont  avares  de 
leurs  dons  ?  Pas  plus  avares  toutefois  qu’au  temps  jadis  ; 
sous  le  Grand  Roi ,  pour  un  Racine  ,  combien  y  avait-il  de 
Chapelain  ? 

Notice  sur  Léonor  Jourdain  ,  par  M.  Garnier.  —  Léonor 
Jourdain  ,  membre  de  l’Académie  ,  naquit  à  Amiens,  le  11 
janvier  1779  ,  et  y  mourut  le  18  juillet  1866.  Il  se  fit  con¬ 
naître  par  ses  traductions  d’ouvrages  anciens  ou  modernes  : 
la  deuxième  idylle  de  Théocrite,  une  ode  d’Anacréon,  plu¬ 
sieurs  odes  d’Horace  ,  VAniphitnjon  de  Plaute,  le  pro  Mar¬ 
cello  de  Cicéron  ,Je  Roi  Jean  de  Shakespeare  ,  le  Poème 
sur  VEsjiérance  de  Campbel ,  la  Solitude  de  lord  Ryron , 
la  préface  mise  par  Cervantes  en  tête  de  son  Don  Quichotte. 

De  Vâme  humaine^  par  M.  Mathieu.  —  L’auteur  combat 
le  matérialisme  et  le  scepticisme.  Il  définit  l’âme  par  ses 
fins:  se  mettre  en  relation  avec  le  corps,  avec  Dieu,  avec 
elle-même. 

Jéhovah  et  Agni;  études  bihlico-védiques,  par  M.  Obry.  — 
On  sait  que  les  philologues  sont  arrivés  à  reconnaître  les 
liaisons  qui  unissent  les  langues  européennes  à  la  langue 
des  anciens  peuples  de  l’Inde  ;  ils  ont  montré  que  les  races 
européennes  et  hindoues  descendent  d’une  ancienne  peu¬ 
plade  qu’ils  ont  nommée  les  Aryas  et  dont  on  est  parvenu  à 
reconstruire  les  mœurs,  les  habitudes,  la  civilisation.  En 
comparant  les  antiquités  aryennes  aux  antiquités  sémiti¬ 
ques  ,  on  trouve  entre  ces  deux  grands  rameaux  de  l’hu¬ 
manité  des  analogies  qui  indiquent  un  point  de  départ 
commun. 

Les  Etudes  biblico-védiques  tendent  à  démontrer  que  le 


Jéhovah  du  Peiitateuque  et  V A gni  (Dieu  du  feu,  comp. 
Ignis  en  latin)  du  Rig-Véda  désignaient  un  seul  et  même 
Dieu  ayant  même  nature ,  mêmes  attributs ,  même  culte  , 
même  rôle  dans  le  gouvernement  de  la  Société,  l’un  chez  les 
fils  de  Sem ,  l’autre  chez  ceux  de  Japhet.  Nous  ne  pourrions 
suivre  l’auteur  dans  la  démonstration  de  cette  proposition 
sans  entrer  dans  des  développements  incompatibles  avec 
l’étendue  de  notre  Bulletin.  Bornons-nous  à  citer  la  compa¬ 
raison  philologique. 

Le  nom  de  Jéhovah  s’écrit  en  hébreu  YHVH  ou  IHUH:  de 
là  la  désignation  de  tétragramme  (4  lettres)  qui  lui  est  sou¬ 
vent  attribuée.  M.  Ohry  voit  la  reproduction  de  ce  mot  hé¬ 
breu  Ihuh,  Yluih ,  dans  le  nominatif  aryen  Yaliuli  et  le 
vocatif  védique  Yahô  qui  figurent  six  fois  dans  le  Big-Véda 
avec  application  exclusive  à  Agni. 

Appréciations  médicales  sur  le  traité  de  la  vieillesse  de 
Cicéron,  par  M.  le  docteur  Alexandre.  — Dans  retraité 
Cicéron  donne  d’excellents  conseils  d’hygiène  pour  les 
vieillards.  Il  les  a  puisés  dans  son  bon  sens  hors  ligne  et 
dans  ses  lectures  qui  embrassaient  tout  ordre  de  savoir. 

Notice  sur  les  probabilités  de  succès  qu  offi'irait  le  forage 
d'un  puits  artésien  à  Amiens  ,  par  M.  Anselin.  —  Question 
toute  locale. 

I)e  la  végétation  spontanée  des  plantes  naturelles  fores¬ 
tières  ,  par  M.  Béraud  ,  conservateur  des  forets.  —  Sous  la 
voûte  d’une  futaie  serrée  les  graines  qui  tombent  à  l’automne 
germent  au  printemps  suivant ,  mais  les  jeunes  tiges  s’étio¬ 
lent  et  meurent  faute  de  lumière.  Lorsqu’on  veut  remplacer 
une  ancienne  futaie  de  chênes  et  de  hêtres  par  une  plus 
jeune,  on  abat  tous  les  arbres  en  en  réservant  un  petit 
nombre  qui  prennent  le  nom  de  porte-graines  ;  alors  appa¬ 
raît  une  végétation  nouvelle,  ce  sont  des  herbes,-  des  ron¬ 
ces  ou  des  bruyères.  Plus  tard  ,  lorsque  les  nouveaux  cliê- 


—  65  — 

nés  et  les  nouveaux  hêtres  commencent  à  pousser  ils  sont 
accompagnés  d’une  foule  d’autres  essences  ;  trembles,  char¬ 
mes  ,  bouleaux ,  arbres  fruitiers  ,  etc. 

D’où  viennent  tant  d’espèces  et  pourquoi  germent-elles 
alors  seulement  que  la  futaie  a  été  coupée  ? 

Quelques  graines  munies  d’une  aile ,  telle  que  celle  du 
bouleau,  du  frêne,  de  l’orme,  peuvent  être  transportées 
par  le  vent;  d’autres  plus  lourdes  ont  été  apportées  par  les 
oiseaux.  Ainsi  les  landes  de  Gascogne  avaient  été  semées 
uniquement  de  pins ,  cependant  dans  une  foule  d’endroits 
on  a  vu  apparaître  des  chênes  et  des  chênes-lièges  ;  les 
oiseaux  avaient  été  chercher  des  glands  dans  les  bois  des 
environs  et  les  avaient  laissé  tomber  un  peu  partout.  Mais 
il  est  une  foule  de  graines  qui  ne  volent  pas  au  vent  et 
qui  ne  peuvent  avoir  été  transportées  en  grande  quantité 
parles  oiseaux.  Tl  faut  admettre  que  ces  graines  provien¬ 
nent  de  plantes  qui  vivaient  avant  la  futaie  ;  celle-ci  se 
développant  les  avait  étouffées ,  mais  leurs  graines  revê¬ 
tues  d’un  tégument  dur  et  résistant  s’étaient  conservées 
sous  le  terreau  formé  par  les  détritus  annuels  comme  dans 
un  silo;  elles  n’ont  germé  que  lorsque  l’éclaircissement  de  la 
futaie  leur  eut  donné  l’air  et  la  lumière  qui  leur  manquaient. 

Ce  n’est  pas  seulement  par  les  semences  que  se  repro¬ 
duisent  les  forêts  ;  les  racines  de  certaines  plantes  jouissent 
de  la  faculté  de  conserver  quelque  vitalité  alors  même  que 
la  tige  dont  elles  proviennent  est  morte.  En  certaines 
années  de  glandée  et  de  fainée,  le  sol  des  futaies  de  chêne  et 
de  hêtre  se  couvre  de  semences  qui  germent  au  printemps 
suivant;  mais,  comme  il  a  été  dit,  la  jeune  tige  privée  d’air 
est  étouffée,  s’étiole  et  meurt;  la  racine  persiste,  elle 
donne  au  second  printemps  une  nouvelle  pousse  qui  se 
développe  moins  encore  que  la  précédente  ;  le  troisième 
printemps  produit  une  troisième  pousse  encore  plus  faible 


—  64  — 

et  ainsi  de  suite  jusqu’à  ce  qu’il  ne  s’en  forme  plus  aucune; 
mais  la  racine  continue  à  vivre,  n’attendant  que  de  la 
lumière  pour  produire  des  tiges  plus  vigoureuses. 

C’est  donc  bien  à  tort,  conclut  M.  Béraud,  que  quelques 
forestiers  supposent  que  la  nature  a  pu  sans  germes  préexis¬ 
tants  donner  naissance  à  cette  végétation  nouvelle  qui  prend 
la  place  d’une  futaie  récemment  abattue. 

Programme  d'un  nouveau  mode  d'enseignement  de  la 
Géométrie  élémentaire ,  par  M.  Fuix.  — L’auteur  expose  un 
groupe  de  faits  géométriques  généraux  qui  sont  la  source 
de  toutes  les  propriétés  de  l’étendue,  et  un  mode  analytique 
d’enseignement  qui  devrait  être  substitué  à  l’enseignement 
synthétique.  Remonter  de  la  proposition  du  carré  de  l’hypo- 
thénus^e  à  la  loi  qui  régit  les  relations  réciproques  de  trois 
points  situés  d’une  manière  quelconque  dans  un  plan ,  et 
de  celle-ci  à  la  loi  plus  générale  encore  à  laquelle  sont  sou¬ 
mises  les  relations  de  quatre  points  disposés  d’une  manière 
quelconque  dans  l’espace,  c’est  la  synthèse;  descendre  de 
ces  lois  générales  aux  théorèmes  particuliers  qui  en  déri¬ 
vent,  c’est  l’analyse.  La  première  voie  est  celle  qui  est 
tracée  dans  tous  les  traités  élémentaires  de  géométrie  ;  la 
seconde,  c’est  celle  que  Fauteur  propose  de  suivre. 

Il  s’attache  à  définir  les  quantités  géométriques  de  tous 
les  ordres  :  ligne,  surface,  solide;  ainsi  il  définit  la  ligne 
droite  :  un  fil  inextensible ,  d’une  tenuité  extrême  tendu  par 
deux  forces  contraires  appliquées  à  ses  extrémités. 

Dans  l’étude  des  surfaces,  M.  Fuix  regrette  qu’au  lieu 
d’adopter  le  carré  comme  unité  de  superficie  on  n’ait  pas 
pris  la  figure  plane  la  plus  simple,  le  triangle  équilatéral. 

L’auteur  termine  par  l’exposé  de  deux  théorèmes  qui  lui 
permettent  de  démontrer  la  théorie  des  parallèles  sans  avoir 
recours  à  la  considération  de  l’infini.  j.  gosselet. 


—  65  — 


ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE. 

Bulletin ,  2.“'®  série ,  t.  xxvii ,  jV.”*  1  et  2. 

L’Académie  royale  de  Belgique  correspond  à  l’Institut 
de  France  :  c’est  le  premier  corps  savant  du  royaume ,  il  se 
recrute  parmi  toutes  les  célébrités  du  pays ,  quelle  que  soit 
leur  résidence  ;  c’est  donc  un  corps  hors  ligne  qui  n’est  pas 
à  comparer  à  nos  Sociétés  départementales  ou  provinciales. 
Nous  nous  abstiendrions  même  de  le  faire  rentrer  dans 
notre  cadre ,  si  les  travaux  qui  lui  sont  présentés  ne  con¬ 
cernaient  en  général  notre  région  et  n’intéressaient  par 
cela  même  nos  lecteurs. 

L’Académie  date  son  origine  d’une  Société  littéraire  qui 
se  fonda  à  Bruxelles  en  1769,  sous  les  auspices  du  comte 
de  Cobenzl ,  ministre  de  l’impératrice  Marie-Thérèse.  En 
1773  ,  cette  Société  devint  une  Académie  impériale  et  royale 
privilégiée.  Lors  de  la  Révolution  ,  elle  eut  le  sort  commun 
à  toutes  les  Académies  de  la  République  :  elle  fut  dissoute. 
Ce  n’est  qu’en  1816  quelle  se  reconstitua  sous  le  titre 
dé  Académie  royale  des  sciences  et  belles-lettres  à  laquelle 
s’adjoignit,  en  1832,  une  classe  des  Beaux-Arts. 

L’Académie  de  Belgique  est  divisée  en  trois  classes  : 
l.“  Classe  des  Sciences ,  2.°  Classe  des  Lettres  ,  3."  Classe 
des  Beaux-Arts.  Toutes  trois  sont  unies  par  un  secrétaire 
perpétuel  qui  leur  est  commun,  mais  chacune  d’elles  a  son 
directeur  particulier  : 

MM.  Nyst,  directeur  de  la  classe  des  Sciences  pour  1869. 
Borgnet ,  »  »  Lettres  » 

De  Keyser,  »  Beaux-Arts  » 

Quetelet,  Secrétaire  perpétuel. 

Chaque  classe  possède  30  membres,  10  correspondants 
régnicoles  et  50  associés. 


—  66 

Classe  des  Sciences. 

Notice  sur  les  dépôts  qui  recouvrent  le  calcaire  carbonifère 
à  Soignies  ^  par  MM.  Cornet  et  Briart,  membres  corres¬ 
pondants.  —  Sous  ce  titre  ,  MM.  Cornet  et  Briart  qui  sont 
déjà  connus  des  lecteurs  de  ce  Bulletin  (  page  18  )  donnent 
une  monographie  très-détaillée  des  carrières  de  Soignies. 
Ils  y  ont  reconnu  quatre  terrains. 

I.  Calcaire  carbonifère  (  pierre  bleue).  Il  est  en  bancs 
inclinés  vers  le  sud  de  trois  à  huit  degrés,  on  y  distingue 
quatre  niveaux  différents.  Les  couches  des  deux  niveaux 
inférieurs  sont  constituées  par  un  calcaire  pétri  d’encrines, 
bleuâtre  dans  le  bas  ,  plus  foncé  dans  le  haut.  Ce  sont  ces 
deux  niveaux  que  l’on  exploite  principalement  dans  les 
carrières  de  Soignies  ;  ils  fournissent  sous  le  nom  de  petit 
grainte  ou  pierres  de  Soignies  ,  des  matériaux  de  construc¬ 
tion  ,  qui  d’après  31.  d’Omalius  d’Halloy,  rapporteur  du 
présent  mémoire  ,  ne  le  cèdent  pour  la  solidité  et  la  beauté 
à  aucune  des  pierres  étrangères  que  la  mode  fait  employer 
maintenant  en  Belgique.  Le  troisième  niveau  est  noir  , 
presque  compacte,  en  bancs  minces  peu  utilisables  ,  il  est 
riche  en  fossiles  ;  on  y  rencontre  principalement  : 

Phillipsia  gemmulifera  ;  Spirigera  Roxyssyi; 

Euomphalus  pexitangulatus;  Productus  Martini; 

Spirifer  mosquensis  ;  Cyathophyllum  mitratum  ; 

Spirifer  cuspidatus  ;  Michelinia  favosa. 

Le  quatrième  niveau  est  formé  par  un  calcaire  très-noir, 
un  peu  argileux  ,  qui  ne  peut  servir  de  pierre  de  taille. 

•  La  masse  du  calcaire  carbonifère  présente  un  grand 
nombre  de  fentes  irrégulières,  qui  ont  été  remplies  par 
les  dépôts  supérieurs.  Les  bancs  ne  se  correspondent  pas 
toujours  ,  ce  qui  indique  que  ces  fentes  sont  des  failles 
dues  à  des  mouvements  du  sol  postérieurs  à  la  consolida¬ 
tion  du  calcaire. 


—  67  — 

II.  Dépôts  aachéniens.  Ils  sont  composés  d’argile  teinlée 
en  noir  par  une  matière  charbonneuse ,  d’argile  noire  sa¬ 
bleuse  et  pyriteuse  avec  fragments  de  lignites ,  de  sable 
gris  teint  en  noir  par  du  lignite,  de  cailloux  roulés,  dont 
les  dimensions  varient  entre  celle  d  une  noix  et  celle  d’une 
tête  d’homme,  de  limonite  géodique  (mine  de  fer  jaune), 
identique  avec  celle  que  l’on  exploite  à  Tournai.  Certains 
fragments  de  lignite  ont  conservé  la  texture  des  conifères  , 
ils  sont  accompagnés  de  graines  et  de  cônes  de  Pin  (Pinus 
Anclrai),  Ces  diverses  substances  remplissent  sans  observer 
aucun  ordre  de  superposition  les  fentes  dont  nous  avdns 
parlé.  Selon  les  auteurs  ,  les  dépôts  aachéniens  se  seraient 
formés  pendant  toute  la  période  comprise  entre  la  forma¬ 
tion  du  terrain  bouiller  et  celle  de  la  Meule  de  Mons , 
(Voir  page  18) ,  c’est-à-dire  qu’ils  seraient  contemporains 
du  terrain  jurassique  et  de  la  base  du  terrain  crétacé  (^). 

III.  Dépôts  tertiaires.  Sable  verdâtre  reposant  sur  un  lit 
de  galets,  on  y  a  trouvé  quelques  dents  de  poissons.  Ce 
sable  forme  de  petits  amas  isolés  à  la  surface  des  dépôts 
aachéniens  et  pénètre  quelquefois  dans  les  poches.  On  doit 
le  rapporter  au  système  Landénien  ou  au  système  Yprésien. 

IV.  Dépôts  quaternaires.  Ils  recouvrent  tous  les  dépôts 
précédents  avec  une  épaisseur  de  2  mètres  50  à  8  mètres. 
On  y  distingue  de  bas  en  haut  :  1.'’  Limon  sableux  bleu⬠
tre  avec  blocaux  ou  fragments  anguleux  de  silex  phtanite 
et  de  calcaire  carbonifère  ;  on  y  a  rencontré  des  ossements, 
des  molaires  et  des  défenses  de  Mammouth  [Elephas  pri- 
migenius) ,  des  dents  de  rhinocéros  ,  de  cheval  et  de  bœuf  ; 
2.°  Limon  jaune  stratifié  avec  quelques  minces  couches 
discontinues  de  sable  jaune;  il  représente  l’Ergeron  du 


P)  Je  ne  partage  pas  cet  opinion  et  je  les  rapporte  uniquement  au 
terrain  crétacé,  étage  du  Gault.  J.  G. 


—  68  — 

bassin  de  la  Haine  ;  3.«  Limon  brunâtre  propre  à  la  fabrica¬ 
tion  des  briques. 

Rapport  de  M.  Gilbert,  membre  de  l’Académie,  sur  le 
Mémoire  sur  une  transformation  géométrique  et  sur  la 
surface  des  oiides,  par  M.  Catalan.  —  Le  rapporteur  fait 
riiistorique  de  la  question  et  indique  ensuite  les  progrès 
que  M.  Catalan  lui  a  fait  faire  :  étude  plus  complète  d’une 
certaine  transformation  géométrique  et  applications  nom¬ 
breuses  de  cette  transformation ,  piincipalement  à  la  surface 
des  ondes.  Le  travail  de  M.  Catalan  sera  inséré  dans  le  re¬ 
cueil  des  mémoires.  Le  Bulletin  contient  en  outre  deux 
autres  petites  notes  de  M.  Catalan,  l’une swr  les  roulettes  et 
les  podaires,  l’autre  sur  les  fonctions  elliptiques  de  première 
espèce. 

Recherches  sur  les  sulfocyanures  des  radicaux  alcooli¬ 
ques  ,  par  M.  L.  Henry  ,  correspondant  de  l’Académie.  — 
M.  Henry  obtient  ces  sulfocyanures  par  l’action  du  sulfo- 
cyanure  de  potassium  sur  les  iodures  et  chlorures  alcooli¬ 
ques.  «  L’auteur  fait  donc  connaître,  dit  M.  Sta^,  rap- 
»  porteur ,  des  corps  nouveaux  qui  complètent  la  série  très- 
»  importante  des  composés  cyaniques.  »  j.  gosselet. 

Classe  des  Lettres. 

Etudes  sur  Don  Juan  d'Autriche  (^) ,  parM.  Gachard  , 
archiviste  général  du  royaume  de  Belgique.  —  Nous  avons 
décrit  ailleurs  (-)  l’aspect  imposant  et  la  magnifique  ordon¬ 
nance  des  publications  de  M.  Gachard  relatives  à  l’histoire 
politique  des  Pays  -  Bas  au  xvi.*  siècle.  Dans  l’article  déjà 
ancien ,  où  nous  nous  efforcions  de  retracer  l’ensemble  des 
travaux  du  savant  archiviste ,  nous  disions  qu’il  se  trouvait 
en  ce  moment  même  au-delà  des  Alpes ,  pour  y  poursuivre 

(1)  Bulletins  de  V Académie  royale  de  Belgique ,  2.®  série ,  t.  xxvi ,  p.  321- 
350 ;  389-410  ;  t.  xxvii,p.  21-114. 

(2)  Dans  la  Revue  des  questions  historiques,  N.®  du  l.*’’  janvier  1868. 


—  69  — 

le  cours  des  recherches,  jadis  si  heureusement  inaugurées 
par  lui  en  Espagne. 

Les  résultats  de  la  mission  de  M.  Gachard  en  Italie  , 
dans  l’hiver  de  1867-68,  ont  dépassé  la  légitime  attente 
du  inonde  érudit.  L’infatigable  explorateur  de  tant  de  dé¬ 
pôts  jusqu’ici  peu  visités  est  loin  d’avoir  dit  son  dernier  mot 
sur  toutes  les  surprises  que  lui  réservaient  les  Archives  et 
les  Bibliothèques  de  Turin  ,  de  Gênes,  de  Venise,  de  Flo¬ 
rence,  de  Rome  et  de  Naples  (^).  Il  donne  simplement  au¬ 
jourd’hui  au  public  un  avant-goût  de  quelques-unes  de 
ses  plus  curieuses  découvertes. 

C’est  ainsi  que  les  papiers  de  la  famille  Farnèse  lui  ont 
livré  le  secret,  qu’on  croyait  à  jamais  perdu  ,  des  relations 
de  Marguerite  de  Parme  avec  Don  Juan  d’xVutriche.  Ces 
deux  enfants  d’un  illustre  père  ,  nés  à  vingt-cinq  ans  d’in¬ 
tervalle  ,  furent  longtemps  avant  de  se  connaître.  Don 
Juan  entrait  dans  sa  dix-huitième  année  ,  lorsque  sa  sœur, 
personne  d’un  âge  déjà  mûr  et  dont  la  position  était  assise, 
fit  le  premier  pas  vers  lui ,  par  l’entremise  d’un  chargé 
d’affaires.  Le  jeune  prince  se  montra  sensible  à  cette  dé¬ 
marche  et  voua  ,  dès  lors  à  3Iargueritc  ,  une  inaltérable 
affection  ,  une  confiance  sans  bornes.  Il  eut ,  du  reste  , 
bientôt  l’occasion  de  s’acquitter  envers  elle  en  attachant 
à  sa  suite  le  propre  fils  de  la  princesse  ,  destiné  lui-même 
à  fournir  une  si  brillante  carrière  militaire.  Alexandre 
Farnèse  fit  ses  premières  armes  sous  le  commandement  de 
son  oncle  et  mérita  d’être  félicité  par  lui ,  pour  sa  belle 
conduite  lors  de  la  bataille  de  Lépante. 

A  cette  date  mémorable  qui  marque  le  point  culminant 

(i)  Comme  premier  aperçu  des  résultats  généraux  de  ce  voyage , 
voir  un  rapport  verbal  que  M.  Ga(;hard  a  fait  à  la  Commission  royale 
d'Histoire  ,  le  6  juillet  1868  ;  t.  x  (3.*  série)  des  Bulletins  de  la  Commis¬ 
sion,  p.  94-96. 


-ro¬ 
de  la  carrière  de  Don  Juan  ,  les  deux  enfants  illégitimes 
de  Gharles-Quint  n’avaient  encore  eu  de  rapports  que  par 
lettres  ou  par  messagers.  Ils  se  virent  pour  la  première  fois 
à  Aquila,  en  février  1573,  etnese  séparèrent  qu’avec  larmes. 

Don  Juan ,  nous  l’avons  dit,  n’avait  point  de  secrets  pour 
Marguerite.  Aussi  lui  recommandait-il  de  brûler  toutes  ses 
lettres.  Combien  nous  devons  nous  féliciter  qu’elle  ne  l’ait 
point  fait!  Et  quelle  reconnaissance  les  amis  de  l’histoire 
ne  doivent-ils  pas  au  ministre  intelligent,  aujourd’hui  dans 
la  retraite,  qui  a  confié  à  M.  Gachard  le  voyage  d’exploration 
dont  celui-ci  nous  offre  les  premiers  fruits  ! 

Les  lettres  conservées  de  Don  Juan  à  Marguerite  sont 
au  nombre  de  deux  cents.  Nous  pouvons  ,  encore  moins 
que  M.  Ciacbard  ,  songer  à  les  analyser  toutes.  Bornons- 
nous  à  dire  qu’on  y  suit  la  trace  des  déceptions  consécu¬ 
tives  qui  empoisonnèrent  les  dernières  années  de  la  vie  du 
vainqueur  de  Lépante. 

A  tout  moment,  le  brillant  héros  éprouve  le  besoin  de  se 
justifier  auprès  de  son  frère  ,  le  soupçonneux  monarque. — 
Il  a  aussi  le  regret  de  voir  en  partie  perdu  le  fruit  de  ses 
victoires  sur  les  infidèles.  Ses  chagrins  redoublent  lors¬ 
qu’on  lui  confie  dans  les  Pays-Bas  un  commandement 
encore  plus  ingrat  que  celui  qu’il  avait  momentanément 
exercé  à  Naples. 

Son  séjour  en  Italie  lui  avait,  du  moins  ,  procuré  le 
plaisir  de  revoir  une  seconde  fois  Marguerite.  Son  envoi 
à  Bruxelles  lui  fut  une  occasion  de  faire  du  bien  aux 
protégés  que  sa  sœur  y  avait ,  et  de  s’inspirer  des  conseils 
de  celte  princesse  à  qui  il  rendait  fréquemment  compte  de 
la  situation  difficile  où  il  se  trouvait  engagé.  Marguerite  , 
qui  n’avait  pas  toujours  eu  à  se  louer  personnellement  de 
Philippe  II,  ne  négligea  rien  pour  maintenir  dans  la  meil¬ 
leure  ligne  de  conduite  son  frère  Don  Juan. 


71  — 

On  ne  sait  que  trop  que  les  qualités  de  Thomme  d’Etat 
faisaient  presque  entièrement  défaut  à  ce  grand  homme  de 
guerre.  Don  Juan  finit  par  succomber  sous  le  fardeau  d’une 
position  au-dessus  de  ses  forces.  La  nouvelle  inattendue  de 
sa  mort  causa  à  Marguerite  une  inexprimable  douleur. 
Philippe  II  (  M.  Gachard  le  prouve  )  s’en  consola  plus 
aisément.  A.  Desplanque. 

(  La  suite  au  procliain  N.”  ) 


CONFERENCES  ET  COURS  PUBLICS. 

Les  conférences  de  l’Hôtel  de  Ville  de  Douai,  ouvertes  le 
30  janvier  par  M.  le  Recteur  de  l’Académie,  ont  continué 
en  février,  avec  un  succès  dont  témoigne  l’affluence  ,  tou¬ 
jours  croissante,  des  auditeurs. 

I.  Conférences  sur  la  renaissance  ,  par  M.  Ahel  Des¬ 
jardins.  —  Les  13  et  13  de  ce  dernier  mois,  M.  Abel  Des¬ 
jardins,  le  savant  doyen  de  la  Faculté  des  lettres,  a  traité 
de  la  Renaissance.  Il  a  retrouvé  les  origines  de  ce  mouve¬ 
ment  littéraire  et  artistique  dans  les  souvenirs  de  la  civili¬ 
sation  antique,  encore  vivaces  en  Italie  à  la  fin  du  moyen- 
âge,  et  dans  l’action  de  l’Eglise  alors  si  puissante  au-delà 
des  Alpes.  Il  en  a  suivi  l’essor  dans  le  poème  de  Dante, 
dans  les  œuvres  de  Pétrarque  et  de  l’Arioste ,  et  nous  a  fait 
assister  à  son  épanouissement  avec  le  Concile  de  Florence 
en  1439  ,  avec  la  découverte  de  l’Imprimerie  et  aussi  avec 
la  prise  de  Constantinople  par  les  Turcs.  Au  xvi.®  siècle  , 
les  érudits  répandent  dans  toute  la  Péninsule  la  langue  et 
même  les  idées  des  Grecs  et  des  Romains. 

Dans  sa  seconde  conférence  ,  après  avoir  esquissé  à 
grands  traits  l’histoire  de  l’art  dans  l’Antiquité  et  au 
moyen-âge,  M.  Desjardins  a  montré  le  génie  de  la 
Renaissance  se  révélant  dès  le  xiii.®  et  le  xiv.®  siècle. 


—  72  — 

Il  a  conduit  ses  auditeurs  dans  le  cloître  du  Campo- 
Santo  ;  il  leur  a  décrit  les  fresques  de  Giotto,  d’Orgagna 
et  de  Simone  Memmi  ;  dans  l’église  de  Santa  Maria 
Novella ,  il  a  salué  Cimabuë  et  sa  madone  ;  dans  les 
cellules  du  couvent  San-Marco,  il  s’est  arrêté  pieusement 
devant  les  célestes  créations  du  B.  Fra  Angelico.  Il  a  rendu 
justice  à  l’Ecole  Ombrienne  et  au  Pérugin,  le  maître  de 
Raphaël.  Autour  de  celui  que  la  postérité  a  surnommé  le 
divin  il  a  groupé  Léonard  de  Vinci ,  le  Titien  ,  le  Corrège  ; 
il  a  assigné  une  place  spéciale  au  puissant  Michel-Ange. 
Le  savant  éditeur  de  la  Correspondance  des  Grands  Ducs  de 
Toscane ,  l’explorateur  de  leurs  archives,  ne  pouvait  oublier 
la  part  que  les  Médicis  ont  prise  à  ce  grand  mouvement 
artistique  ;  mais  au-dessus  de  leur  influence  ,  il  a  fait  voir 
l’inspiration  partant  du  Saint-Siège,  et  donnant  à  la  Renais¬ 
sance  son  développement  complet  au  xvi.®  siècle.  C’est  avec 
raison  ,  a  dit  M.  Desjardins  ,  que  cette  importante  période 
porte  le  nom  de  siècle  de  Léon  X. 

II.  Conférences  sur  m."’®  desbordes-valmore  ,  par  M. 
Corne  père.  —  Les  6  et  8  février,  M.  Corne  père,  que  sa 
retraite  de  la  vie  politique  a  rendu  tout  entier  au  culte  des 
lettres  ,  aux  souvenirs  de  sa  cité  natale  ,  a  retracé  la  vie  et 
les  œuvres  de  M."'®  Desbordes-Valmore,  la  Muse  douai- 
sienne.  Il  a  décrit  à  son  auditoire  la  modeste  habitation  où 
naquit  Marceline  üesbordes  ;  il  l’a  dépeinte  jeune  enfant 
encore,  folâtrant  avec  ses  compagnes  sur  l'herbe  du  cime¬ 
tière  voisin,  rêvant  au  pied  de  la  croix  et  des  autels  de 
Notre-Dame  profanés  par  la  Révolution  ,  consolant  le  captif 
dans  la  vieille  prison  ou  cueillant  des  roses  avec  les  amies 
de  son  âge.  Il  l’a  suivie  ensuite  à  la  Guadeloupe  où  elle  perd 
sa  mère  et  se  voit  forcée  de  reprendre  seule ,  à  l’âge  de  treize 
ans,  le  chemin  de  la  France.  Quatre  aus  plus  tard  ,  elle 


—  73  — 

quitte  l’atelier  pour  le  théâtre  ;  mais  bientôt  elle  s’arrache 
à  cette  vie  où ,  comme  elle  le  dit  elle-même , 

Où  l’orgueil  insultant  nous  puuit  et  nous  venge 
D’un  éclair  de  célébrité. 

Déjà  elle  avait  chanté  les  sentiments  éclos  dans  son  cœur  : 
épouse  de  M.  Valmore  et  mère  de  plusieurs  enfants  ,  elle 
emprunta  encore  à  la  poésie  sa  langue  harmonieuse  pour 
redire  son  bonheur ,  pour  parler  à  ceux  qu’elle  appelle  les 
Anges  de  la  Famille.  Mais  le  malheur ,  la  maladie  et  la 
mort  frappèrent  autour  d’elle  :  ceux  qui  ont  lu  Pleurs  et 
Pauvres  Fleurs  savent  combien  les  yeux  et  le  cœur  de  ma¬ 
dame  Desbordes-Valmore  ont  versé  de  larmes.  M.  Corne 
a  apprécié  la  muse  douaisienne  avec  la  délicatesse  et  le  goût 
nécessaires  pour  comprendre  sa  poésie  intime  ,  essentielle¬ 
ment  personnelle.  Il  a  touché  toutes  les  mères ,  en  lisant 
quelques  vers  empruntés  aux  naïves  Enfantines  ;  il  a,  ÏSiit 
tressaillir  le  cœur  de  tous  les  Douaisiens ,  en  rappelant  que 
le  pays  natal  avait  inspiré  à  madame  Valmore  ses  chants  les 
plus  harmonieux ,  en  leur  répétant  les  vers  de  l’élégie  sur 
la  Vallée  de  la  Scarpe  : 

Mon  beau  pays ,  mon  frais  berceau , 

,  Air  pur  de  ma  verte  contrée , 

Lieux  où  mon  enfance  ignorée 
Coulait  comme  un  humble  ruisseau  , 

S’il  me  reste  des  jours,  m’en  irai-je  ,  attendrie, 

Errer  sur  vos  chemins  qui  jettent  tant  de  fleurs  , 

Replonger  tous  mes  ans  dans  une  rêverie 
Où  l’âme  n’entend  plus  que  ce  seul  mot  «  Patrie  !  » 

Et  ne  répond  que  par  des  pleurs  ! 

III.  Conférences  sur  les  gracques,  par  M.  Louis  Le¬ 
grand,  avocat  à  Valenciennes.  —  Les  22  et  24  février  , 
M.  Legrand ,  rhistorien  de  Sénac  de  Meilhan  (^),  a  fait  deux 
conférences  sur  les  Gracques. 


(h  Voir  notre  compte-rendu  de  ce  remarquable  ouvrage  dans  le 
N."  1  du  Bulletin  ,  p.  14-18. 


—  74  ~ 

On  ne  peut  guère  parler  des  deux  illustres  tribuns  sans 
parler  de  leur  mère  Cornélie.  L’orateur  nous  a  montré  celte 
femme  admirable ,  d’abord  toute  entière  à  son  ambition 
maternelle  et  cherchant  à  inspirer  à  ses  fils  l’amour  de  la 
gloire,  plus  tard  s’efforçant  de  détourner  Caïus  d’un  sort 
semblable  à  celui  de  son  frère ,  et  enfin  après  le  meurtre  des 
deux  tribuns ,  leur  survivant  avec  sérénité  comme  la  fière 
gardienne  de  leur  mémoire. 

M.  Legrand  a  représenté  Tiberius  comme  un  homme 
doux  et  modéré,  doué  de  grandes  vertus  et  de  grandes 
qualités.  Signalé  à  la  faveur  populaire  par  sa  précoce  répu¬ 
tation  ,  Tiberius  arrive  au  tribunal ,  il  conçoit  l’utile  projet 
des  lois  agraires;  malheureusement  il  se  laisse  emporter, 
fait  déposer  son  collègue  Octavius  pour  se  débarrasser  d’un 
veto  qui  paralyse  son  action  et  ne  tarde  pas  à  succomber , 
victime  de  ses  généreuses  intentions  et  de  la  haine  de  l’a¬ 
ristocratie. 

Caïus  a  toutes  les  qualités  de  son  frère ,  mais  avec  bien 
plus  de  véhémence  et  d’étendue.  A  la  fois  homme  de  parole, 
homme  d’action  ,  homme  d’Etat,  il  est  forcé  de  céder  aux 
vœux  du  peuple  qui  le  réclament.  Devenu  Irihun,  il  est  un 
moment  le  maître  de  Rome  par  la  seule  autorité  de  sa  paro¬ 
le  ;  il  entreprend  une  réforme  démocratique  de  la  constitu¬ 
tion.  Mais  peu  à  peu  le  Sénat  sait  ramener  à  lui  par  d’habi¬ 
les  concessions  un  peuple  toujours  mobile,  il  se  délivre  des 
Gracques  et  de  leurs  partisans  par  un  nouveau  massacre. 

L’orateur,  après  avoir  dans  son  premier  entretien  raconté 
en  détail  les  incidents  pathétiques  de  cette  lutte  ,  a  ,  dans 
une  seconde  conférence,  apprécié  ou  plutôt  défendu  l’en¬ 
treprise  des  Gracques.  Il  s’est  plaint  qu’on  ait,  trop  long¬ 
temps  et  de  nos  jours  encore,  adopté  les  jugements  des 
historiens  romains ,  presque  tous  patriciens  et  en  celte 
qualité  diffamateurs  des  deux  tribuns. 


—  75  — 

Il  a  montré  que  la  loi  agraire  n’avait  été  tant  attaquée 
que  parce  qu’elle  n’avait  pas  été  comprise  :  on  y  a  vu  le  par¬ 
tage  de  toutes  les  propriétés  privées,  le  communisme ,  lors¬ 
qu’elle  n’était  que  la  répartition,  entre  les  citoyens  pauvres, 
de  terres  du  domaine  public  usurpées  par  l’aristocratie.  Cette 
mesure,  si  elle  eût  été  appliquée,  aurait  restauré  l’agricul¬ 
ture  italienne,  aurait  prévenu  la  ruine  de  la  population 
libre ,  partout  remplacée  au  grand  détriment  de  la  chose 
publique  par  des  affranchis  et  des  esclaves. 

M.  Legrand  a  disculpé  les  Gracques  du  vif  reproche  que 
leur  adresse  Thistorien  allemand ,  Mommsen ,  d’avoir 
abaissé  le  Sénat.  L’orateur  ne  nie  pas  le  fait  ;  mais  il  pré¬ 
tend  que  ce  fait  ne  doit  pas  donner  lieu  à  un  reproche ,  que 
les  patriciens  et  le  Sénat  exploitaient  la  chose  romaine  au 
profit  de  leur  égoïsme  et  de  leur  avidité  et  qu’il  était  patrio¬ 
tique  et  sage  de  restituer  au  peuple  sa  liberté. 

L’auteur  de  la  conférence  félicite  également  les  Gracques 
d’avoir  compris  que  le  temps  de  la  justice  était  venu,  d’a¬ 
voir  voulu  concéder  le  droit  de  cité  aux  Italiens  et  adoucir 
la  condition  des  provinces.  Il  dit  que  la  République  romaine 
a  péri  précisément  par  les  maladies  auxquelles  les  Gracques 
voulaient  remédier  :  ruine  de  l’agriculture  et  de  la  popu¬ 
lation  libre ,  domination  oppressive  et  avidité  de  la  no¬ 
blesse,  mécontentement  de  l’Italie  et  des  provinces. 

Voilà,  suivant  M.  Legrand  ,  le  but  des  Gracques  ,  et  ce 
but  leur  fait  honneur.  Sans  doute  ils  ont  pu ,  sous  le  coup 
des  circonstances  et  dans  le  choix  des  moyens ,  commettre 
des  fautes.  L’orateur  ne  l’a  pas  contesté  et,  tout  en  faisant 
valoir  bien  des  excuses  atténuantes,  en  faveur  de  ses  héros, 
il  a  reconnu  que  la  déposition  d’Octavius  était  regrettable, 
il  a  blâmé  les  distributions  de  blé  ,  il  n’a  pas  combattu  les 
critiques  de  Montesquieu  contre  l’alliance  fâcheuse  des 
Gracques  avec  les  chevaliers. 


—  76  — 

Mais  il  est  une  accusation  dont  M.  Legrand  a  très-vive- 
ment  défendu  les  Gracqiies  :  c’est  celle  d  avoir  aspiré  à  la 
royauté.  Les  Gracques,  suivant  lui,  ont  été  les  serviteurs 
désintéressés  du  peuple.  (^)  A.  Desplaivque. 


BIBLIOGRAPFIIE. 

manufactures  de  faïence  et  de  porcelaine 
DE  l’arrondissement  DE  VALENCIENNES. 

Par  M.  le  docteur  Lejeal  ,  médecin  à  Valenciennes  (2). 

Si  pendant  de  longues  années  les  curieux  et  les  collec¬ 
tionneurs  ont  manqué  de  guides  et  de  renseignements,  il 
n’en  est  plus  de  même  depuis  que  le  goût  des  études  ar¬ 
chéologiques  a  provoqué  des  travaux  sans  nombre.  Au¬ 
jourd’hui  ,  les  monographies  abondent  sur  les  différentes 
branches  de  l’art  et  de  l’industrie ,  et  tout  amateur  peut 
se  créer  une  bibliothèque  spéciale  d’ouvrages  relatifs  aux 
objets  qui  flattent  son  goût,  nous  allions  dire  sa  manie. 

Ce  n’est  pas  que  le  livre  dont  nous  avons  inscrit  le  titre 
en  tête  de  cet  article  ,  ne  s’adresse  qu’aux  collectionneurs 
de  faïences  et  de  porcelaines.  Il  intéresse  tous  ceux  qui  se 
préoccupent  de  l’histoire  industrielle  et  artistique  de  notre 
pays  :  car  il  abonde  en  renseignements  précieux  sur  deux 
manufactures  importantes,  qui,  pour  la  décoration  de  leurs 
produits,  durent  faire  appel  aux  peintres  et  aux  sculpteurs. 

Parmi  les  faïences  anciennes  recherchées  des  amateurs, 
il  en  est  un  assez  grand  nombre  portant  une  marque ,  hié¬ 
roglyphe  indéchiffré,  que  l’on  attribuait  le  plus  souvent 
à  l’une  des  nombreuses  fabriques ,  qui ,  au  siècle  dernier  , 

(1)  Nous  rendrons  compte,  dans  notre  prochain  N.” ,  des  conféren¬ 
ces  de  la  fin  de  février  et  du  mois  de  mars.  A.  U. 

(2)  Valenciennes  ,  Lemaire  ,  1868  ,  in-8'’ ,  142  p. 


—  77  — 

existèrent  dans  l’Est  de  la  France.  Il  y  a  quelques  années, 
lorsque  nous  avons  publié  notre  travail  sur  les  Manufac¬ 
tures  Lilloises  de  porcelaine  et  de  faïence[^)^  nous  avions  re¬ 
vendiqué  ces  produits  pour  les  fabriques  du  Nord  ,  et  nous 
étions  même  assez  enclin  à  en  faire  honneur  à  l’un  des 
anciens  faïenciers  de  notre  ville.  Le  livre  de  M.  Lejeal  nous 
a  démontré  que  nous  nous  étions  trompé  ,  du  moins  dans 
l’une  de  nos  suppositions  :  les  faïences  qui  portent  le  sigle 
contesté  (et  qui  a  été  inspiré  bien  évidemment  par  les  deux 
L  entre-croisées  qui  sont  la  marque  de  Sèvres  au  dix- 
huitième  siècle) ,  appartiennent  sans  conteste  à  l’usine  de 
Jean-Baptiste  Fauquet,  faïencier  de  Saint- Amand  ,  origi¬ 
naire  de  Tournai. 

Les  faïences  timbrées  du  signe  en  question  y  sont  assez 
remarquables ,  pour  que  M.  Lejeal  soit  fier  avec  raison  de 
les  avoir  restituées  à  l’usine  dont  il  a  écrit  l’histoire.  Nous 
avouerons  humblement  notre  erreur  dans  l’édition  nouvelle 
que  nous  préparons ,  à  la  suite  de  recherches  fructueuses 
faites  dans  les  Archives  de  la  ville  de  Lille  ;  et  nous  nous 
consolerons  en  disant  que  nous  avions  du  moins  raison  sur 
un  point,  à  savoir  :  que  ces  faïences  avaient  été  fabriquées 
dans  le  Nord  de  la  France. 

Quant  aux  faïenceries  de  Valenciennes  qui  n’eurent  ja¬ 
mais,  croyons-nous,  une  grande  importance,  31.  Lejeal  n’a 
guère  ajouté  de  renseignements  à  ceux  que  nous  avons 
publiés;  mais  il  nous  donne,  et  de  la  façon  la  plus  complète, 
l’historique  de  la  manufacture  de  porcelaine  queLamoninary 
établit  à  Valenciennes  avec  Vannier,  l’ancien  employé  de 
Leperre-Durot ,  porcelainier  Lillois ,  qui  le  premier  réalisa 
la  substitution  pratique  de  la  houille  au  bois  pour  la  cuis¬ 
son  de  la  porcelaine.  Les  produits  de  la  manufacture  de 


d)  Lille,  Danel  1863  ,  in- 8°,  90  pages. 


^  78  — 

Valenciennes  sont  dignes  de  figurer  dans  les  collections 
à  côte  des  porcelaines  dures  ,  provenant  des  fabriques  jus¬ 
tement  célèbres  du  dernier  siècle  ,  et  M.  Lejeal  les  a  décrits 
avec  soin  et  avec  exactitude. 

Aux  renseignements  abondants  ,  aux  documents  inédits 
qui  suffiraient  pour  assurer  le  succès  de  son  ouvrage , 
M.  Lejeal  a  ajouté  d’autres  attraits  :  il  a  fait  de  ce  livre 
une  merveille  pour  les  bibliophiles.  C’est  un  grand  in-8.® 
tiré  sur  magnifique  papier  et  qui  sort  des  presses  renom¬ 
mées  de  L.  Perrin  ,  de  Lyon. 

M.  Robaut ,  lithographe  à  Douai,  a  reproduit  avec  son 
talent  ordinaire  ,  les  décors  des  faïences  de  Saint-Amand  ; 
la  photographie  a  donné  la  représentation  du  biscuit  célè¬ 
bre  :  La  descente  de  Croix ,  et  M.  Jules  Jacquemart,  le 
graveur  si  connu  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts  ,  a  retracé 
avec  toutes  les  délicatesses  de  son  burin ,  les  décors  des 
belles  porcelaines  de  Valenciennes.  Enfin  ,  M.  Albert  Jac¬ 
quemart  ,  l’écrivain  le  plus  compétent  en  fait  de  cérami¬ 
que  ,  a  écrit  l’introduction  du  livre.  Un  tel  patronage  nous 
dispense  d’insister  davantage  sur  le  mérite  de  l’œuvre  dont 
nous  venons  de  rendre  compte.  J.  Houdoy. 


PHYSIQUE  SOCIALE  ,  OU  ESS.U  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT  DES 

FACULTÉS  DE  l’HOMME. 

Par  Ad.  Quelelet,  directeur  de  TObservatoire  royal  de  Bruxelles,  1. 1.  (*) 

C’est  la  deuxième  édition  d’un  livre  qui  a  paru  pour  la 
première  fois  en  i83o,  mais  cette  édition  considérablement 
augmentée  en  fait  un  ouvrage  nouveau.  La  physique  sociale 
est  un  résumé  de  tout  ce  que  la  statistique  peut  apprendre 
sur  l’homme.  Le  présent  volume  traite  des  naissances  ,  des 


(*)  ln-8.®  503  pages;  Bruxelles ,  1869. 


—  79  rr- 

décès,  des  mariages  et  de  leur  fécondité ,  de  l’accroissement 
de  la  population.  Nous  ne  pouvons  suivre  l’auteur  dans  tous 
ces  détails  qu’il  serait  bien  difficile  de  résumer.  Bornons- 
nous  à  signaler  l’esprit  qui  a  présidé  à  l’ensemble  du  travail. 
Il  semble  au  premier  abord  qu’il  soit  bien  difficile  de  trou¬ 
ver  des  lois  mathématiques  qui  régissent  les  actions  morales 
de  l’homme.  Les  phénomènes  qui  dépendent  de  la  volonté 
doivent  à  première  vue  être  livrés  au  caprice  et  ne  pré¬ 
senter  aucune  règle.  Il  n’en  est  rien  cependant.  «  Il  est 
»  un  tribut  que  l’homme  acquitte  avec  plus  de  régularité 
»  que  celui  qu’il  doit  à  la  nature  ou  au  trésor  de  l’Etat , 
»  c’est  celui  qu’il  paie  au  crime  !  Triste  condition  de  l’es- 
»  pèce  humaine  !  Nous  pouvons  énumérer  d’avance  com- 
»  bien  d’individus  souilleront  leurs  mains  du  sang  de  leurs 
»  semblables,  combien  seront  faussaires,  combien  seront 
»  empoisonneurs  à  peu  près  comme  on  peut  énumérer  d’a- 
»  vance  les  naissances  et  les  décès  qui  doivent  se  succé- 
»  der.  »  A  Londres  ,  deux  cent  quarante  personnes  en  mo¬ 
yenne  mettent  annuellement  fin  à  leurs  jours.  Le  nombre 
annuel  des  suicides  ne  varie  que  de  deux  cent  soixante-six 
maximum  à  deux  cent  treize  minimum. 

Cette  régularité  n’a  rien  d’étonnant.  Les  actions  morales 
ont  généralement  pour  cause  l’état  de  la  Société  :  tant  que 
cet  état  restera  le  même  ,  les  mêmes  causes  agiront  et  pro¬ 
duiront  les  mêmes  effets. 

Mais  si  la  Société  se  modifie ,  les  résultats  peuvent  chan¬ 
ger.  Est-ce  à  une  cause  de  cette  nature  qu’il  faut  attribuer 
l’augmentation  des  mariages  en  France?  De  1821  à  1825, 
il  y  avait  un  mariage  pour  cent  vingt-neuf  habitants  ;  de 
1861  à  1864 ,  il  y  a  eu  un  mariage  pour  cent  vingt-trois  ha¬ 
bitants.  En  Belgique  ,  en  1866  ,  on  n’a  compté  qu’un  ma¬ 
riage  sur  cent  trente-deux  habitants  ;  mais  lorsqu’il  s’agit 
des  naissances ,  on  trouve  des  résultats  en  sens  invers.  En 


—  80  — 

France  ;  il  y  a  annuellement  une  naissance  pour  trente-neuf 
habitants  et,  en  Belgique  ,  une  naissance  pour  trente-trois 
habitants.  Des  Etats  européens ,  c’est  en  France  que  la 
fécondité  a  été  la  moins  forte  et  en  Russie  qu’a  eu  lieu 
l’excès  contraire.  Toutes  choses  égales  ,  il  naît  deux  fois 
autant  d’enfants  en  Russie  qu’en  France.  Le  rapport  des 
naissances  illégitimes  aux  naissances  légitimes  montre  des 
faits  intéressants  :  en  France ,  il  y  a  un  enfant  illégitime 
pour  douze  enfants  légitimes.  En  Belgique  ,  le  rapport  est 
de  un  à  onze  ;  en  Hollande,  de  un  à  vingt-deux;  en  Bavière, 
de  un  à  trois  et  demi  ;  c’est-à-dire  qu’en  Bavière ,  presque 
le  tiers  des  enfants  sont  illégitimes.  Cette  situation  tient 
en  grande  partie  aux  conditions  de  fortune  que  les  lois 
bavaroises  exigent  des  époux  avant  leur  mariage.  Cepen¬ 
dant  ,  d’autres  états  de  l’Allemagne  offrent  aussi  un  nom¬ 
bre  considérable  de  naissances  illégitimes.  j.  gosselet. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

HISTOIRE  NATURELLE.  Le  Loup.  —  Dans  le  Catalogue  des 
Mammijères  du  département  du  Nord  inséré  au  volume  des 
Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  de  Lille  de  1866  ,  j’ai 
constaté  que  le  petit  nombre  d’espèces  de  Mammifères 
(quarante-sept) ,  qui  se  rencontrent  dans  les  limites  du  dé¬ 
partement  ,  tend  encore  à  diminuer  et  que  le  Loup  et 
le  Sanglier  entr  autres  ne  peuvent  plus  compter  parmi  nos 
hôtes  que  par  des  apparitions  très-rares  et  qui  s'espacent 
de  plus  en  plus. 

Depuis ,  ayant  recueilli  quelques  notes  sur  la  présence 
de  ces  animaux  dans  nos  contrées  et  dans  celles  qui  nous 
avoisinent ,  j’ai  pensé  que  les  lecteurs  du  Bulletin  pour¬ 
raient  y  trouver  de  l’intérêt. 


—  81  — 

Il  est  hors  de  doute  que  très-anciennement,  à  l’époque 
où  nos  campagnes  étaient  encore  boisées  et  peu  cultivées , 
les  Loups  s’y  trouvaient  en  grand  nombre  ;  la  tradition 
populaire  est  d’accord  en  ce  point  avec  les  renseignements 
historiques  et  ce  qu’on  sait  des  moeurs  de  cet  animal ,  qui 
aime  les  bois  en  plaine  des  pays  froids  ou  tempérés. 

Beaucoup  de  localités  autour  de  nous  ont  des  noms  qui 
paraissent  dérivés  de  celui  du  Loup  :  La  Louvière  ,  Lou- 
vignies ,  Louvil ,  Louvroil ,  Louvencourt.  A  Quesnoy-sur- 
Deùle,  il  y  a  le  Hameau  du  Loup  ;  au  centre  même 
de  Bruxelles  ,  la  rue  Fossé-aux-Loups  tire  son  nom , 
d’après  M.  Deby,  d’une  source  où  les  Loups  venaient 
s’abreuver. 

Le  Loup  a  laissé  partout ,  dans  les  idées  populaires  ,  une 
trace  très-fortement  empreinte.  Il  jouait  un  rôle  dans  les 
sorcelleries  du  moyen-âge  où  il  représentait  la  méchan¬ 
ceté  ;  il  est  encore  l’épouvantail  des  petits  enfants,  Fembléme 
de  la  gloutonnerie  ,  de  la  férocité  ,  de  la  cruauté  ,  c’est  en 
un  mot  la  personnification  du  mal.  Cette  tradition  est 
trop  fortement  enracinée  pour  ne  pas  laisser  supposer  que 
non-seulement  les  Loups  étaient  communs  dans  notre  pays, 
mais  que  les  ravages  qu’ils  causaient  étaient  très-considé¬ 
rables. 

Cette  sorte  d’aversion  qu’inspirait  le  Loup  a  été  pour 
beaucoup  dans  la  guerre  d’extermination  qu’on  lui  a  faite  ; 
mais  sa  disparition  de  nos  contrées  est  due  surtout  aux  dé¬ 
frichements,  à  l’accroissement  de  la  population,  aux  soins 
apportés  à  la  surveillance  des  troupeaux  ,  au  bon  aména¬ 
gement  des  bois  encore  existants.  Ce  que  l’Angleterre  a 
obtenu  depuis  longtemps  par  une  chasse  à  outrance  ,  nous 
l’avons  obtenu  lentement ,  mais  sûrement ,  par  les  progrès 
de  la  civilisation. 

Dans  l’ouest  et  le  centre  du  Département,  il  faut  remonter 


—  82  — 

très-haut  pour  retrouver  trace  de  la  présence  des  Loups  ; 
une  seule  apparition  bien  authentique  eut  lieu  dans  le 
rigoureux  hiver  de  1829-30 ,  aux  environs  de  Lille  ;  toutes 
les  autres  signalées  depuis  un  demi  siècle  ne  paraissent  pas 
suffisamment  certaines. 

A  Test ,  c’est  dans  la  forêt  de  Mormal  que  l’espèce  s’est 
perpétuée  le  plus  longtemps  :  en  1812  et  1813  ,  trois  ont 
été  tués  au  Carrefour  de  l’Hermilage.  En  1840  ,  le  garde 
Devost ,  de  Locquignol ,  en  tua  un  au  lieu  dit  :  Ventes  à 
Perches.  En  1843 ,  le  curé  de  Locquignol  en  ahattit  un 
autre  dans  le  triage  de  Fontaine. 

En  1849  ou  18o0 ,  quatre  Louveteaux  ont  été  trouvés 
dans  le  triage  de  Preux  et  montrés  dans  les  communes  voi¬ 
sines.  En  1851 ,  dans  une  battue  faite  au  triage  d’Hachette, 
un  Loup  fut  blessé  et  trouvé  mort  quelques  jours  après. 
Cette  meme  année  ,  un  douanier  de  Locquignol  trouva 
deux  Louveteaux  au  canton  de  Neuvivier. 

Enfin  ,  en  1852  ,  dans  une  battue  ,  le  brigadier  forestier 
Fromentin  tua  un  dernier  Loup  dans  la  série  de  la  Car¬ 
rière;  depuis ,  aucun  n’a  été  tué  dans  la  forêt. 

Le  département  des  Ardennes  ,  beaucoup  plus  boisé  que 
le  Nord  ,  nourrit  encore  un  nombre  de  Loups  relativement 
assez  considérable.  On  peut  estimer  à  une  trentaine  le 
chiffre  moyen  de  ceux  qu’on  y  détruit  dans  un  an.  En 
1868  ,  trente-trois  y  ont  été  abattus. 

Les  départements  formés  de  l’ancienne  Lorraine  en 
contiennent  encore  beaucoup  ,  mais  M.  Godron  (  Zoologie 
de  la  Lorraine  )  constate  dans  leur  nombre  une  décrois¬ 
sance  marquée. 

Au  sud  ,  les  départements  du  Pas-de-Calais  et  de  la 
Somme  ne  voient  plus  de  Loups  que  dans  les  hivers  très- 
rigoureux  et  à  des  intervalles  de  plus  en  plus  éloignés. 
M.  Marcotte  (Animaux  vertébrés  de  V arrondissement  d'Ah- 


83  -- 

beville  )  le  considère  comme  à  peu  près  disparu  de  cet 
arrondissement. 

Quant  à  la  Belgique  ,  elle  peut  être  zoologiquement  par¬ 
lant  ,  divisée  en  deux  parts  :  la  rive  droite  et  la  rive  gauche 
de  Sambre-Meuse.  La  partie  gauche  doit  être  assimilée 
sous  le  rapport  des  Loups  à  nos  départements  du  Nord  , 
du  Pas-de-Calais  et  de  la  Somme.  Ils  étaient  autrefois  com¬ 
muns  dans  la  Forêt  de  Soignes  ;  mais  aujourd’hui  leurs 
apparitions  dans  le  Brabant  et  la  Campine  n’ont  plus  lieu 
que  dans  les  hivers  exceptionnels.  Cependant ,  un  journal 
belge  a  raconté  que  dernièrement  un  Loup  a  été  tué  près 
de  Beaune  (Hainaut)  :  il  était  couché  dans  des  buissons  sur 
le  talus  de  la  voie  ferrée  ;  effrayé  par  le  bruit  d’un  train , 
il  s’élança  et  fut  atteint  par  la  locomotive ,  puis  achevé  par 
un  ouvrier. 

Sur  la  rive  droite  de  Sambre-Meuse  ,  les  Loups  ne  sont 
pas  rares.  Ils  sont  sédentaires  dans  les  Ardennes  belges  et 
dans  la  forêt  de  Herzogen-Wald  ,  entre  Verviers  et  la  fron¬ 
tière  Prussienne  ,  d’où  ils  s’avancent  quelquefois  jusqu’aux 
environs  de  Liège. 

A.  DE  Norguet. 

(  Sera  continué  ). 

GÉOLOGIE.  Note  sur  le  gîte  fossilifère  de  Folz-les-Caves. 
—  De  même  que  la  célèbre  montagne  Saint-Pierre  de  Maës- 
tricht,  Folz-les-Caves  ^  petit  village  situé  à  vingt  minutes 
de  Jauche  en  Brabant ,  possède  à  l’extrémité  occidentale 
du  massif  crétacé  un  dépôt  de  tuffeau  renfermant  de  nom¬ 
breux  fossiles. 

Ce  dépôt  se  divise  en  trois  parties  : 

A  Partie  supérieure  —  Masse  friable,  ordinairement  jaun⬠
tre  avec  rognons  assez  durs  de  même  matière. 

B  Partie  moyenne  —  Tuffeau  homogène  gris-jaunâtre. 

C  Partie  inférieure  —  Passant  à  l’état  arenacé,  et  contenant 


—  84  — 

des  bancs  quartzeux ,  de  couleur  plus  ou  moins  foncée , 
intermédiaire  entre  le  grès  et  le  silex  corné. 

Depuis  quatre  à  cinq  ans  ,  nous  visitons  mensuellement 
et  nous  faisons  minutieusement  explorer  le  gîte  de  Folz-les- 
Caves.  La  liste  que  nous  donnons  ci-après  indique  les 
espèces  que  nous  y  avons  rencontrées  jusqu  a  ce  jour  ;  nous 
les  possédons  toutes  dans  notre  collection. 


REPTILES 

Mosasaurus  Camperi  (dents);  Meyer. (*)R. 
Grands  ossements  indéterminés... T. R. 

POISSONS  (dents) 

Corax  pristodontus . Ag . A.C. 

»  heterodon . Ag . R. 

Otodus  appendiculatus.Ag . . .A.C. 

Oxyrbina  Manlelli . Ag . A. R. 

Lamna  acummiata . Ag . R. 

Enchodus  Faujasi . Ag . A. R. 

Vertèbres  indéterminées  de  diverses 

espèces . A.C. 

CRUSTACÉS 

Oncopareia  Faujasi... .Desm.sp . R. 

Cythereis  alata . Bosq . T. R. 

»  minuta - ...Bosq . T. R. 

Scalpellum  gracile . Bosq . T. R. 


»  pulchellum.  .Bosq . A.C. 

»  maximum. .  .Bosq . A.C. 

»  pygmœum..  .Bosq . R. 

»  sp  ? 

CÉPHALOPODES 


Belemniiella  mucronata..SchI.sp..T.C. 


»  nova  sp? . A  R. 

Naulilus  Dekayi . Morton.. T. R. 

Baculites  Faujasi . Link  ....A. R. 

Scaphites  constrictus . d’Orb.. . .T.R. 

Aptycbus  rugosus . Sharpe.  .A  .R. 


Fragments  d’une  ammonite  de  dimension 
cuiossale. 

GASTÉROPODES 

Vermetus  clalhratus. . .  .Bink . R. 

Solarium  cordalum...  .Bink . T.R. 

Dentalium  Mosoe .  .Bron . T  R. 


BRACHIOPODES 


Tcrebratula  Sowerbyi. . .Hag . R. 


»  pisum . 

•  Sow . 

.A. R. 

Terebratulina  striatella. 

.d’Orb _ 

.T.R. 

Magas  Davidsoni . 

.Kon . 

...R. 

»  pumilus . 

.Sow . 

.A  C. 

Thecidium  papillatum.. . 

.Sebl.sp, . 

.A.C. 

Crania  Ignabergensis... 

.Retz . 

.T.C. 

»  Hagenovi . 

..R. 

LAMELLIBRANCHES 

Ostrea  falcata . Morton . A.C. 

«  hippopodium  .Nilss . .  ..T.C. 

»  vesicularis _ Lmk . T.C. 

»  curvirostris..  .Nils . A.C. 

»  lateralis . Nils . A.C. 

*  auricularis . Goldf.sp _ A.  R, 

»  semiplana . Sow . A. R. 

»  sulcata .  Blum . T.C. 

»  carinata . Goldf.sp _ A.  R. 

»  Bronnii . Mu  11 . R. 

»  sp  ? 

Janira  quadricostata...Sow.sp..  ....C. 

Pecten  membranaceus.. Nilss . A . R . 

»  lœvis . Nilss . T.R. 

»  tricostatus . Mull . R. 

Lima  granulata . Nilss. sp . R. 

Crassalella  Bosquetiana.d’Oi  b . A  .R . 

Inoceramus  (fragm.). . .Sp? .  R. 

Avicula  cœrulescens... .Nilss . A.C. 

BRYOZOAIRES 

Eschara  sligmalopliora. . .Goldf . A.C. 

»  Lamarcki . Hag . A.C. 

»  Audouini .  d’Orb . R. 

»  sexangularis . Goldf  ...A. R. 


(*)  Abréviations  :  T.C.  (très-commun)  —  A.C  (assez  commun)  —  C  (commun)  —  T.R 
(très-rare)  —  A. R  (assez  rare)  —  R  (rare). 


Eschara  sp  ? 

Lunulites  Goldtussi  . Hag . A.C. 

»  Hagenovi . Boq . A. R. 

Cellepora  suLinflata _ Hag . T. R. 

Inversaria  niilleporacea. .  .Goldf.sp,.  .R. 

Idmonea  cancellata . Goldf.sp.T.R. 

»  dorsata . Hag . T. R. 

Ceriopora  nucilormis . Hag . A.C. 

Heteropora  lenera . Hag . R. 

»  Si»  ? 

VERS 

Serpula  gordialis . Schl  . A.C. 

»  erecia . GoJdf. . A. R. 

»  sexcarinaia  . .  Goldf . A.C. 

»  lophioda . Goldf . C. 

»  sp  ? 

Dilrupa  (Serpula) cyplyana.Ryck. . .A.C. 
ECHINODERMES 

Cassidulus  lepis  cancri. .  .Lesk.  .sp..\  .R. 

Cidaris  Hardouini . Desor . R. 

»  Faujasi . Desor.. . .A.C. 


Cidaris  regalis . ...Goldf _ T. R. 

Peritagonaster  punctatus..Hag . R. 

»  quinquelobus.  Goldf _ A.C. 

Bourgeticrinus  ellipticus.  .Mill . A.C, 

Eugeniacrinus  Hagenovi..  .Goldf . C. 


ANTHOZOAIRES 


Gorgcnia  bacillaris  . . . 

.A. H. 

Mollkca  Isis . 

A  C. 

Microbacia  coronula... 

...Goldf.  . 

Ditaxia  anomalopore. .. 

...Hag... 

..A  C. 

Aplosasirœa  sp  ? 

SPONGIAIRES 

Manon  pulvinarium — Goldf . T. R. 

Talpina  ramea . Br . T .  R . 

PRATOZOAIRES 

Orbitolites  raacropora  ..Lmk . T. R. 

FLibelIum  sp  ? 

THIELENS 


CHRONIQUE. 

Géologie.  Analyses  d' Ardoises.  —  L’un  des  derniers 
numéros  de  la  F^eime  hebdomadaire  de  Chimie.,  de  IVL 
Mène,  contient  plusieurs  analyses  des  Ardoises  de  Haybes , 
près  de  Fumay.  Les  Ardoises  violettes  renferment  60  7o  tie 
silice  et  30  “/o  d’alumine ,  elles  sont  donc  plus  riches  en 
silice  que  les  Ardoises  d’Angers.  Les  parties  vert  clair  qui 
sont  mélangées  à  ces  ardoises  violettes  contiennent  65  7o  de 
silice ,  c’est  presque  la  proportion  que  l’on  trouve  dans  les 
Ardoises  vertes  de  Deville.  Quant  aux  ardoises  noires  de 
Sainte-Barbe  qui  sont  géologiquement  supérieures  aux  Ar¬ 
doises  de  Fumay,  elles  ne  contiennent  que  57  7®  de  silice. 

J.  G. 

Apparition  d^oiseaux  étrangers.  —  A  la  suite 
de  l’ouragan  du  12  février  dernier,  plusieurs  oiseaux  de 


^se¬ 
mer  ont  été  pris  vivants  dans  les  environs  de  Lille ,  no¬ 
tamment  à  La  Madeleine.  Ils  appartenaient  tous  à  l’espèce 
appelée  Mouette  iriddiCl'^Xe  (  Larus  tridactylus  de  Linné). 
C’est  une  de  celles  qui  sont  confondues  par  les  habitants  des 
côtes  ,  sous  le  nom  de  Mauves,  Pigeons  de  mer  ou  Coulons 
de  mer  ;  leurs  mœurs  sont  complètement  maritimes  et  s’ils 
s’éloignent  des  bords  de  la  mer ,  c’est  pour  se  montrer  quel¬ 
quefois  au  printemps  dans  les  marais  qui  les  avoisinent. 

Sans  doute  ,  ceux  qui  ont  été  trouvés  à  Lille  faisaient 
partie  d’une  petite  bande  surprise  par  la  bourrasque  et 
emportée  dans  notre  direction. 

Déjà  en  décembre  dernier ,  on  avait  signalé  dans  les 
environs  de  Paris ,  après  des  ouragans ,  des  Petrels  de 
Leach  (  Talassidroma  Leachii  )  ,  autre  espèce  bien  plus 
marine  encore  et  plus  rare  sur  nos  côtes  ,  puisque  sa 
véritable  patrie  est  l’Amérique  du  Nord  et  les  Orcades. 

Un  autre  petit  fait  ornithologique  qui  mérite  d’être  si¬ 
gnalé  ,  c’est  l’apparition  à  Fives  ,  le  IS  décembre  dernier , 
d’un  PoLiillot  fitis  (  Phyllojmeuste  trochilus) ,  petit  Bec  fin 
qui  ordinairement  nous  arrive  en  mars  et  nous  quitte  en 
septembre,  comme  toutes  les  Fauvettes.  C’est  une  excellente 
preuve  de  la  douceur  exceptionnelle  de  la  température  de 
l’automne  et  du  commencement  de  l’hiver.  a.  de  n. 

Mctéorolog^ie.  Mois  de  février  1869.  —  La  tempéra¬ 
ture  moyenne  du  mois  de  février  étant  de  3°  05,  la  moyenne 
de  février  1869  a  été  de  7"  74.  La  moyenne  des  maxima  a 
été  10“  51  ,  celle  des  minima  4“  97.  Le  minimum  absolu  a 
été  de  0“  4  les  20  et  28  ,  le  maximum  absolu  de  14“  9  le  6. 

La  tension  moyenne  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique 
a  été  6  mill.  58  (moy.  (i)  4  mill.  88  ).  L’humidité  relative 
moyenne  de  84  %  (  moy.  83.93  “/o  ). 


(9  moy.  indique  la  moyenne  de  15  années  d’observations. 


87  — - 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  dans  ces  con¬ 
ditions  météoriques  a  été  de  31  mill.  12  (moy.  20  mill.82). 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  résultant  de  la  pluie 
tombée  en  19  jours,  a  été  de  57  mill.  27  (moy.  43  mill.  07). 

La  pluie  maxima,  en  vingt-quatre  heures,  a  donné  10 
mill.  22  d’eau  le  10.  —  La  hauteur  moyenne  de  la  colonne 
barométrique ,  ramenée  à  la  température  de  0“ ,  a  été  de 
757  mill.  04 (moy.  760  mill.  379  )  oscillant  entre  les  extrê¬ 
mes  772  mill.  70  le  15  et  744  mill.  70  lel.-. 

Les  vents  régnants  ont  été  ceux  du  S. ,  du  S. O.  et  de 
rO.S.O.  ;  leur  intensité  a  été  au-dessus  de  la  moyenne. 

Le  12  ,  pendant  la  soirée  et  une  partie  de  la  nuit  du  13  , 
tempête  S. O.  ;  à  dix  heures  du  soir  ,  le  baromètre  était  des¬ 
cendu  à  755  mill.  32. 

Pendant  ce  mois  ,  le  ciel  fut  très-nébuleux  ,  il  y  eut 
vingt-cinq  jours  débrouillard,  seize  jours  de  rosée,  un  jour 
lie  grêle  ,  un  jour  de  neige ,  pas  de  gelée.  v.  meurein. 

IVoiivc^lles  de  la  liîtfératwre  et  des  Arts.  — 

L’événement  du  mois  est  le  décès  de  M.  de  Lamartine.  On 
sait  par  quels  liens  de  famille  l’illustre  poète  se  rattachait  à 
la  ville  d’Hondschoote  et  l’on  se  souvient  que  ce  fut  l’arron¬ 
dissement  de  Dunkerque  qui ,  en  1832 ,  l’envoya  siéger  à  la 
Chambre  des  députés.  M.  de  Lamartine  faisait,  dans  ce 
moment-là  même,  son  voyage  en  Orient,  où  l’accompa¬ 
gnait,  à  titre  de  médecin  et  d’ami,  notre  compatriote  feu 
M.  de  La  Roïère. 

M.  Vincent,  de  l’Institut,  dont  nous  avons  annoncé  la  mort 
dans  notre  numéro  de  janvier,  a  été,  depuis  lors,  l’objet  de 
deux  remarquables  notices  :  l’une ,  rédigée  au  nom  de  l’As¬ 
sociation  des  anciens  Elèves  de  l’Ecole  normale  ,  par  M. 
Ernest  Havet,  professeur  au  collège  de  France  ;  l’autre, 
insérée  dans  le  Correspondant  du  10  février,  parM.  H. 
Wallon ,  de  Valenciennes  ,  membre  de  l’Académie  des  in- 


—  88  — 

scriptions  et  belles-leltrcs.  M.  le  comte  Eugène  de  Resbecq, 
en  s’aidant  des  révélations  de  ces  deux  hommes  qui  ont 
connu  de  fort  près  M.  Vincent,  a,  dans  un  mémoire  récem¬ 
ment  communiqué  à  la  Société  des  Sciences  de  Lille, 
achevé  de  nous  peindre  les  traits  et  la  physionomie  morale 
du  savant  hesdinois ,  en  même  temps  qu’il  nous  fournissait 
la  liste  complète  de  ses  innombrables  écrits. 

Dans  le  Mémorial  cV Amiens^  du  21  février,  M.  l’abbé 
Corblet ,  directeur  de  la  Kevue  de  VArt  chrétien ,  a ,  en  ter^ 
mes  fortement  sentis ,  déploré  la  perte  d’un  artiste  amié- 
nois,  M.  Aimé  Duthoit,  que  ses  travaux  à  la  cathédrale 
d’Amiens,  à  Abbeville,  à  Montdidier,  à  Saint-Riquier,  ont 
classé  parmi  les  maîtres  de  l’architecture  religieuse  au  xix.® 
siècle.  «  Assurément,  a  dit  de  lui  M.  l’abbé  Corblet,  il 
aurait  pu  conquérir  une  plus  vaste  réputation ,  s’il  avait 
voulu  se  créer  un  atelier  à  Paris,  seul  théâtre  où  l’artiste  de 
nos  jours  ait  chance  de  trouver  à  la  fois  la  fortune  et  la 
renommée.  Il  préféra  rester  dans  son  pays  natal ,  et  si  la 
gloire  vint  l’y  trouver ,  ce  fut  sans  sollicitation  de  sa  part.  » 

Citons  encore ,  en  attendant  de  pouvoir  consacrer  une 
plus  ample  notice  à  sa  mémoire,  un  article  sur  M.  P.  Bé¬ 
douin  qui  a  paru  dans  Vlmpartial  de  Boulogne-sur-Mer  , 
le  26  décembre  dernier. 

Les  expositions  de  peinture  sont  plus  que  jamais  en  hon¬ 
neur  dans  nos  provinces.  Celle  d’Arras  est  à  peine  close 
que  Cambrai  songe  à  avoir  la  sienne.  A  Roubaix  il  s'en 
ouvre  une,  le  24  Mars,  où  les  Ecoles  française,  flamande 
et  hollandaise ,  vont  être  brillamment  représentées. 

Le  29  du  même  mois,  aura  lieu  à  Valenciennes  une 
Marche  histoiique,  organisée  par  les  soins  delà  Société 
dite  des /wcas.  A.  Desplanque. 

Le  Gérant  :  E.  Castiaux 


Lille  >  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place ,  13 


N.“  4. 


Avril  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIETES. 

SOCIÉTÉ  d’émulation  DE  CAMBRAI. 

Mémoires,  t.  xxx  (I  partie)  1868. 

L’institution  de  la  Société  d’Emulation  de  Cambrai  re¬ 
monte  au  24  vendémiaire  an  xiii  (16  novembre  1804).  Cette 
Association  compte,  à  l’heure  qu’il  est,  cinq  membres  hono¬ 
raires  (les  autorités  diocésaine,  académique,  départemen¬ 
tales  et  municipales) ,  et  vingt-cinq  membres  résidants. 

Liste  des  membres  résidants  : 

MM.  Alc.WiLBERT  [1830] , secrétaire  des  Hospices;  Président 
L.  Renard[1857],  avocat,  juge  suppléant;  Vice-Prés. 
A.  Durieux  [1857] ,  prof,  de  Dessin,  Sec.-Général. 
A.  Bruyelle  [1843],recev.  des  Eosplces;  Archiviste 
Ch.  Roth  ^  [1858],  banquier  ;  Trésorier. 

Berger  ,  Abel  [1851],  directeur  de  l’Ecole  de  dessin. 
Berger  ,  Joseph  [1834] ,  peintre  d’Histoire. 

Blin  [1868], conservateur-adjoint  de  la  Bibliothèque. 
Boulanger,  Edouard  [1845],  propriétaire. 

Carion  ,  Louis  [1858] ,  homme  de  lettres. 

Crepin,  Louis  ^  [1639] ,  conseiller  général. 
Devred,  Alexandre  [1866],  organiste. 

Dumont,  Alexandre  [1853],  chimiste. 

Dutemple  ,  Delphin  [1843],  avocat. 

Evrard,  Cléomède^  [1831],  ingénieur. 

Fegueux  ^  [1868],  pharmacien-majorà  l’Hôp.mil. 
Germe,  Armand  [1867] ,  avocat. 

Hardy  ,  Henri  [1828] ,  docteur  en  médecine. 
Hattu,  Anatole  [1864],  avocat. 

Lefebvre,  Aimé  [1847],  bibliothécaire  et  archiviste 
de  Cambrai. 

Leleu  ,  Prosper  ^  [1839]  conseiller  général. 
Lestoquoy,  Camille  [1858] ,  juge  de  paix. 

Richard,  Auguste  [1868] ,  géomètre  expert. 
Tingry,  Célestin  [1867]. 

De  Vendegies  (comte)  Charles  [1858] ,  propriétaire. 


—  CO  — 

La  première  partie  du  t.  xxx  des  Mémoires  de  la  Société 
d’ Emulation  de  Cambrai  renferme  deux  travaux  considé-  . 
râbles  :  les  Corps  de  métiers  et  le  Commerce  de  Cambrai 
du  xt  /  UM  XIX. ^  siècle  par  M.  Wilbert  et  la  deuxième  série 
i]es.  Chants  et  Chansons  populaires  du  Cambrésis  par  M.  Du* 
lieux. 

Notre  collaborateur,  M.  Mossot,  s’est  engagé  à  rendre 
compte  de  la  totalité  de  ce  dernier  recueil ,  et  l’analogie  des 
matières  nous  invite  à  réserver  l’analvse  du  Mémoire  de 

t/ 

M.  Véilbert  sur  les  Corporations  de  Cambrai  pour  le  jour 
où  nous  examinerons  les  Documents  sur  VUistoire  de  l’In~ 
dustrie  de  Lille  publiés  par  feu  M.  Derode. 

Nous  espérons  que  ces  deux  comptes-rendus  trouveront 
place  dans  un  de  nos  plus  prochains  numéros. 

Nous  nous  attacherons  présentement  aux  articles  de 
moindre  importance  renfermés  dans  le  plus  récent  volume 
de  la  Société  d’Emulation. 

Les  travaux  exécutés ,  en  1867 ,  dans  les  fortifications  de 
Cambrai  ont  été,  pour  M.  Durieux,  une  occasion  d’étudier 
de  près  et  de  reproduire,  avec  la  fidélité  habituelle  de  son 
dessin,  les  Tours  de  Vancien  Boulevard  des  Amoureux  ^ 
tours  dont  il  n’hésite  pas  à  rapporter  la  construction ,  ou 
du  moins  la  reconstruction,  aux  environs  de  l’an  1340, 

((  alors  que  les  bourgeois  fortifiaient  leurs  murailles  avec 
les  débris  des  châteaux  d’Escaudeuvres  et  de  Relengbes.  » 

Le  même  membre  a  donné  la  description  et  le  dessin 
d’une  serrure,  en  date  de  lo41 ,  qu’on  voit  au  musée  de 
Cambrai.  Il  a ,  en  outre ,  de  concert  avec  31.  Bruyelle ,  relevé 
le  texte  des  Inscriptions  tumulaires  antérieures  à  1793 
encore  existantes  dans  V arrondissement  de  Cambrai. 

31.  Bruyelle  a,  de  son  côté,  fourni  la  monographie  des 
châteaux  de  Tliun-l’Evêque  et  d’Elincourt,  des  fermes  du 
Flos  et  de  Rambourlieux.  Il  a  aussi,  suivant  en  cela  une 


—  91  — 

habitude  à  laquelle  nous  comptons  qu’il  restera  fidèle , 
dressé  un  Bulletin  archéologique  où  se  trouvent  résumées 
les  découvertes  faites  dans  la  ville  et  l’arrondissement  de 
Cambrai  en  1867-68.  Parmi  ces  découvertes,  signalons 
celles  d’objets  gallo-romains  trouvés  à  la  citadelle  et  de 
sculptures  romanes  exhumées  des  fondations  de  l’église 
d’Honnecourt. 

M.  C.  A.  Lefebvre ,  l’infatigable  fouilleur  des  archives 
municipales  de  Cambrai ,  a ,  dans  un  article  intitulé  :  Procès 
auxiliaires  de  VHistoiî'e,  démontré  une  fois  de  plus  quel 
parti  les  historiens  du  moyen-âge  peuvent  espérer  tirer  du 
dépouillement  des  dossiers  judiciaires,  en  apparence  les 
plus  insignifiants,  de  la  fin  de  l’ancien  Régime. 

M.  C.  Roth  a  fait  connaître  une  série  de  plans  des  do¬ 
maines  du  clergé  de  Cambrai  et  Cambrésis  avant  1789, 
plans  alors  reposant  au  bureau  de  l’Enregistrement  de 
Cambrai  et  aujourd’hui  versés ,  avec  autorisation  régulière , 
aux  archives  départementales. 

Nous  ne  parlerons  de  la  première  partie  de  la  Biogra¬ 
phie  du  baron  de  Worden,  par  M.  le  comte  de  Vendegies, 
que  pour  dire  avec  quelle  impatience  nous  attendons  la 
suite  de  cet  important  travail,  dont  les  éléments  sont  puisés 
dans  les  œuvres  mêmes  du  prolixe  et  remuant  personnage. 
Agent  utile,  quoique  secondaire,  deLouvois,  chantre  inta¬ 
rissable  des. victoires  et  conquêtes  de  Louis  XIV,  le  baron 
Michel-Ange  de  Worden,  méritait  de  revivre  tout  entier, 
sinon  aux  yeux  du  grand  public,  du  moins  sous  les  regards 
de  la  province  dont  il  est ,  à  tout  prendre,  l’une  des  gloires. 
Sa  suprême  bonne  fortune  sera  d’avoir  rencontré,  pour  his¬ 
torien  de  sa  vie  et  pour  coordonnateur  de  ses  innombrables 
œuvres,  un  homme  de  la  valeur  de  M.  de  Vendegies,  esprit 
judicieux  et  sagace,  écrivain  plein  de  distinction  et  de  ré¬ 
serve,  qui,  à  tout  instant,  corrige  l’exubérance  de  langage 


el  le  mauvais  goût  de  l’auteur  qu’il  analyse,  rendant  ainsi 
plus  agréables  ces  mémoires  inédits  dont  le  côté  intéressant, 
instructif,  disparaissait  sous  l’ennui  que ,  dans  leur  forme 
originale ,  ils  inspirent  aux  lecteurs  les  plus  résolus. 

Gomme  on  le  voit,  les  travaux  historiques  sont  surtout 
en  honneur  au  sein  de  la  Société  d’Emulalion  de  Cambrai. 
Cela  est  de  justice  dans  la  patrie  de  M.  Le  Glay.  Cependant 
le  rapport  de  M.  Hattu  sur  le  dernier  Concours  de  Poésie 
prouve  que  le  sentiment  des  choses  littéraires  est  aussi  fort 
vivace  dans  cette  Compagnie.  Enfin ,  les  Observations  mé¬ 
téorologiques  recueillies  à  Cambrai  en  1867  ,  par  M.  le  doc¬ 
teur  Ladureau,  témoignent  que  l’élément  scientifique  y  est 
également  bien  représenté. 

Travaux  courants. 

Depuis  le  commencement  de  l’année  1869,  la  Société 
d’Emulation  de  Cambrai  a  entendu  la  lecture  des  morceaux 
suivants  : 

Le  13  janvier,  M.  Fégueux  a  lu  un  article  intitulé:  les 
Ruines  de  la  Quemada.,  souvenir  épisodique  de  son  séjour 
au  Mexique.  Il  a  décrit  minutieusement  ces  ruines  qui  sem¬ 
blent  appartenir  à  un  ouvrage  de  défense  stratégique,  élevé 
sinon  en  totalité,  du  moins  dans  ses  parties  les  plus  an¬ 
ciennes,  par  les  Indiens  aztèques:  ce  qui  en  reporterait 
l’origine  au  xiii.®  siècle.  M.  Fégueux  a  fait  suivre  cette 
description  d’une  curieuse  étude  de  mœurs  sur  les  rapports 
entre  maîtres  et  ouvriers  dans  les  Haciendas.,  établissements 
industriels  ou  agricoles  du  3Iexique. 

Le  20  janvier,  M.  Blin  a  communiqué  une  notice,  dont  il 
est  l’auteur  ,  sur  Elincourt  en  Cambrésis.  Il  a  donné  la  liste 
chronologique  des  seigneurs  de  ce  village,  dressée  en  partie 
d’après  400  titres  inédits  de  l’ancien  ferme.  Il  a  relevé  ,  à 
ce  sujet,  plusieurs  inexactitudes  échappées  à  Le  Carpen¬ 
tier.  11  a  groupé  ensuite  certains  faits  historiques  intéres- 


—  95  — 

sant  la  localité  et  ayant  trait  aux  droits  féodaux  et  seigneu¬ 
riaux  ,  à  la  banalité  du  moulin,  aux  coutumes  légales  et 
autres.  Il  a  retracé  en  dernier  lieu  la  lutte  courageusement 
soutenue  par  les  habitants  contre  des  troupes  autrichiennes 
en  1793,  lutte  qui  fut  fatale  aux  premiers  et  leur  xalut, 
peu  après,  un  secours  de  20,000  livres  que  leur  accorda 
rassemblée  nationale,  sur  une  pétition  de  Maximilien  Tarez. 

Le  3  février,  M.  Durieux  a  donné  lecture  d’un  récit  his¬ 
torique  intitulé  :  la  Disette  à  Cambrai  en  1789.  Rédigé  sur 
des  documents  inédits ,  cet  article  prendra  place  ,  avec  les 
travaux  précédents  ,  dans  la  deuxième  partie  du  tome  xxx 
des  Mémoires  actuellement  sous  presse. 

Le  16  du  même  mois,  M.  Wilbert  a  communiqué  à  la 
Société  une  vaste  étude  sur  la  Domination  espagnole  à 
Cambrai  dont  nous  rendrons  compte  a'u  chapitre  des  lec¬ 
tures  récemment  faites  en  Sorbonne. 

Le  3  mars  ,  M.  Blin  a  lu  un  rapport  méthodique  sur  le 
livre  de  M.  l’abbé  Denys  intitulé  :  Des  éléments  du  progrès 
de  V Agriculture  en  France. 

En  combattant  plusieurs  des  opinions  émises  par  l’auteur 
de  ce  mémoire ,  M.  Blin  s’est  appuyé  sur  le  résumé  de 
VEnquête  agricole  dans  notre  région.  Il  fait  remarquer  que 
ramener  les  capitaux  vers  la  terre,  comme  le,  demande 
M.  Denys  ,  c’est  augmenter  à  coup  sûr  le  taux  des  fermages 
déjà  si  élevé.  D  autre  part,  si  pour  l’agriculture  les  bras 
manquent,  ce  qui  revient  à  dire  :  coûtent  plus  cher  qu’au- 
trefois  ,  par  compensation ,  les  produits  de  la  ferme  ont  été 
toujours  en  augmentant  de  valeur.  Du  reste ,  l’emploi  des 
machines  reconnues  les  meilleures,  et  acquises  en  société 
afin  d’en  diviser  le  prix,  peut  parer  d’une  manière  efficace 
à  l’inconvénient  signalé. 

Le  rapporteur  n’oublie  pas,  comme  moyen  d’augmenter 
les  produits  de  certains  sols,  de  recommander  l’emploi  du 


—  94  — 

(Iraiuage,  sur  rorigiiic  inconteslablenient  française  duquel 
M.  Blin  fournit  de  curieux  détails.  Il  termine  celle  élude 
en  souhaitant  que  des  expériences  soient  entreprises  sur 
une  grande  échelle  pour  s’assurer  des  ressources  que  peut 
offrir  comme  fourrage,  le  Galega  officinalis,  que  la  plupart 
des  instituteurs  de  rarrondissement  de  Cambrai  ont  cullixé 
en  petit  avec  succès. 

Jleconstitution  de  la  Société  des  Amis  des  Arts. 


Par  arrêté  du  17  décembre  18G8 ,  M.  le  Préfet  du  Nord 
a  autorisé  la  reconstitution,  sur  de  nouvelles  bases,  de  la 
Société  des  Amis  des  Arts  à  Cambrai.  Fondée  en  1825, 
dans  le  but  d’organiser  en  cette  ville  des  expositions  artis¬ 
tiques,  elle  n’avait  eu,  jusqu’à  présent,  qu’une  existence 

inlei'jnittente.  Désoianais,  elle  sera  l’une  des  annexes  de  la 

» 

Société  (l’Emulation  et  aciiuerra  ainsi  un  caractère  perma- 
.nent  qui  rendra  ses  efforts  i)!us  fructueux.  Comme  l’an¬ 
cienne  inslitulion  ,  la  nouvelle  aura  pour  but  d’encourager 
l’élude  des  arts,  de  former  le  goût  si  nécessaire  à  toutes  les 
professions  et  de  venir  en  aide  aux  artistes  en  les  secondant 
dans  le  placement  de  leurs  œuvres. 

La  Société  reconstituée  des  xVmis  des  Arts  prépare,  avec 
le  concours  de  l’autorité  municipale,  une  exposilion  pour 
1870,  analogue  à  celles  qui  ont  déjà  eu  lieu  à  Cambrai  en 
1826,  1828,  1830,  1834,  1836,  1838  et  1842. 

A.  Desplanque. 


SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES,  DE  l’aGRICULTURE  ET  DES  ARTS  DE  LlI.l.E 

Travaux  courants. 

Depuis  le  commencement  de  l’année  1869,  la  Société  des 
Sciences,  de  l’Agriculture  et  des  Aids  de  Lille,  a  entendu  les 
lectures  suivantes  :  Poésies,  par  M.  Delerue;  Un  mot  sur 
VEsprit  chez  les  Anciens  d'après  une  satire  d’Horace ,  par 
M.  Deligne  ;  Etude  sur  un  poème  inédit  de  Milon,  moine  de 


—  O.J  — 

Saint-Atnand  an  IX/  siècle,  par  M.  Desplaiiqiie  (*);  Consi¬ 
dérations  sur  les  Douanes  et  sur  rimpôl ,  par  M.  Tellicz  ; 
Courbure  en  un  point  multiple  d'une  courbe  ou  d'une  sur¬ 
face,  par  M.  Painvin  ,  M.  C.  ;  Robinet  à  air  de  sûreté,  par 
M.  Cox.  Enfin ,  M.  Colas  a  placé  sous  les  yeux  de  la  Société 
un  tableau  représentant  la  Vocation  de  Saint-Jacques. 

Nous  parlerons  des  travaux  littéraires  après  leur  publi¬ 
cation. 

Le  sujet  des  lectures  de  M.  Telliez  est  pour  notre  Bulletin 
du  fruit  défendu;  nous  craindrions  en  fabordanlque  l’au¬ 
teur  lui-même  ne  soit  forcé  de  nous  appliquer  les  rigueurs 
de  la  loi.  Le  mémoire  matliématique  de  M.  Painvin  n’est 
pas  susceptible  d’analyse. 

Quant  à  la  communication  de  M.  Cox,  elle  présente  un 
tel  caractère  d’ulilité  que  nous  la  donnerons  plus  loin  avec 
détails. 

Vocation  de  Saint-Jacques  ,  par  3L  Colas  ,  membre- 
titulaire.  —  Ce  tableau  est  destiné  à  l’église  Saint-Jacques 
de  Douai  pour  laquelle  M.  Colas  en  a  déjà  fait  un  autre 
retraçant  le  martyre  du  saint  apôtre.  La  Vocation  de  Saint- 
Jacques  représente  un  épisode  bien  connu  de  l’Evangile. 


Or,  un  jour  qu’il  marchait  le  long  de  la  mer  de  Galilée,  il  vit 
Simon  et  André,  son  frère,  qui  jetaient  leurs  filets  dans  la  nier,  car 
ils  étaient  pêcheurs  ;  et  Jésus  leur  dit  :  «  Suivez-moi,  et  je  voiis  ferai 
pêcheurs  d'hommes.  »  En  même  temps  ils  quiltèrenPleiirs  tilels  et 
le  suivirent.  De  là  s’étant  un  peu  avancé,  il  vit  Jacques  fils  de 
Zébédée  et  Jean,  son  frère,  qui  étaient  aussi  dans  une  barque  où  ils 
raccommodaient  leurs  filets.  Ils  les  appela  à  l'heure  même  et  ils  le 
suivirent  ayant  laissé  dans  la  hanpic  Zébédée,  leur  père,  avec  ceux 
(jui  travaillaient.  ^saint  marc,  ch.  i,  v.  16 à  20). 


La  toile  deM.  Colas  est  une  reproduction  fidèle  de  cet  épi¬ 
sode. Le  Christ  appelle  les  deux  fils  de  Zébédée  ;  Jacques  s’é- 


(P  Voir  le  résumé  de  ce  travail  au  chapitre  des  lectures  récemment 
faites  en  Sorbonne. 


—  96  — 

lance  le  premier  avec  cette  impétuosité  qui  lui  fit  donner  par 
son  divin  maître  l’épithète  de  fils  du  Tonnerre.  Jean  inter¬ 
roge  Jésus  pour  savoirs!  lui  aussi  doit  partir. Quant  au  vieux 
Zébédée,  assis  dans  sa  barque,  l’étonnement  et  l’émotion 
(jue  lui  a  fait  éprouver  la  parole  divine  l’empêchent  de 
protester  contre  le  départ  de  ses  fils.  Au  second  plan  du 
tableau  se  trouvent  Jean  et  Pierre  déjà  attachés  aux  pas  de 
leur  maître. 

Le  talent  de  M.  Colas  est  assez  connu  pour  que  nous 
n’ayons  pas  à  insister  sur  les  mérites  artistiques  de  son 
œuvre. 


Soupape  à  air  de  sûreté,  par  M.  Cox ,  membre  titulaire. 
—  Parmi  les  accidents  qui  arrivent  aux  machines  à  vapeur 
l'un  des  plus  fi’équents  est  ce  que  les  hommes  du  métier 
.appellent  le  coup  d’eau,  ün  sait  que  dans  les  machines  à 
condensation  aujourd’hui  en  usage,  le  cylindre  où  se  meut 
le  piston ,  communique  avec  le  condenseur  par  l’intermé¬ 
diaire  d’une  colonne  dans  laquelle  se  fait  le  vide.  Lorsque 
l’on  arrête  l’arrivée  de  la  vapeur,  il  faut  fermer  herméti¬ 
quement  le  robinet  qui  fait  communiquer  cette  colonne  avec 
le  condenseur,  sans  quoi  l’eau  monte  dans  la  colonne,  pé¬ 
nètre  dans  le  cylindre  ;  puis,  lorsque  le  piston  se  remet  en 
marche,  l’eau  étant  incompressible,  tout  se  brise:  bielle, 
manivelle,  balancier  et  quelquefois  même  le  cylindre  ;  c’est 
une  réparation  coûteuse  et  un  temps  d’arrêt  assez  long  qui 
pèse  à  la  fois  sur  le  chef  de  l’établissement  et  les  ouvriers. 

On  a  obvié  en  partie  à  ces  inconvénients  en  ajoutant  à  la 
colonne  un  robinet  dit  à  air  que  l’on  ouvre  lorsqu’on  arrête 
la  vapeur  et  que  l’on  ferme  lorsque  le  piston  a  donné  quel¬ 
ques  coups  ;  de  cette  manière  l’air  atmosphérique  pénétrant 
dans  la  colonne  empêche  l’eau  de  s’y  élever.  Mais ,  dans  ce 


4 


SOUPAPE  A  AIR  DE  SURETE 
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(i  Caoi{L(:l!ijuc,.'h!.tvtU'pat  nia:,  [jfc- j^Gaiicttrc^ 

H  t^5cU|tuv  pouvant  ^(2,  ^Mouvvlr.>u^'  F eV  vé^ùc  yar  ivne. 

J  tliihu  fuv'u'c^' fiaL' Ju/T.- feo,  J'ùniiffc'  K 

C' 

K  ciiaïuL  ComnAcinl^aAu^Çc  ZûRinot^  do  idoipcu^C 

E  iVI  L’a^ta'  CO. 

0  V  VM  1 1!  ^  tdlyc 


itt  posilioTL  SC' prése/il^y  rohi/u’l  lie  vupeuf' 
ouvert  et  la  P  élite  soupape  ti  air  Jerniee  . 


Echelle  ie  un  millimèlre  jdodi  d’eux 


Ku\vi ’&ü\t\«Au C 


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—  97  — 

cas  encore,  tout  dépend  d’un  homme.  Que  le  chauffeur  ou¬ 
blie  de  fermer  le  robinet  d’air ,  l’accident  se  produira  d’au¬ 
tant  plus  facilement  que  ,  confiant  dans  ce  robinet ,  on  atta¬ 
che  moins  d’importance  à  la  fermeture  hermétique  de  celui 
du  condenseur. 

Le  but  que  M.  Cox  a  cherché  et  réussi  à  atteindre,  c’est 
de  mettre  l’introduction  de  l’air  à  l’abri  des  distractions  du 
chauffeur.  Pour  cela ,  il  place  sur  la  colonne  un  petit  tuyau 
A  que  peut  fermer  exactement  une  plaque  de  caoutchouc  G. 
Celle-ci  est  soutenue  par  un  bras  de  levier  coudé  CD  natu¬ 
rellement  appliqué  contre  l’ouverture  par  le  poids  D  ;  l’autre 
bras  du  levier  CE  est  mis  en  mouvement  par  une  tige  F  ; 
celle-ci  peut  être  tirée  par  le  levier  J  dont  les  mouvements 
dépendent  du  grand  levier  K  qui  commande  aussi  le  robinet 
de  vapeur. La  figure  permet  de  saisir  le  mécanisme.  Lorsqu’on 
ferme  le  robinet  de  vapeur  en  soulevant  la  tige  K  ,  le  bras 
de  levier  J  glisse  le  long  de  la  tige  F  jusqu’à  ce  qu’il  vienne 
buter  contre  la  bague  H  ;  il  est  alors  arrêté,  ou  plutôt  com¬ 
munique  son  mouvement  à  la  tige  F,  et  celle-ci,  tirant  le  bras 
de  levier  CE,  force  la  lame  de  caoutchouc  à  s’écarter  de  l’ou¬ 
verture;  l’air  pénètre  dans  la  colonne.  Dès  que  l’on  donne 
un  peu  de  vapeur  en  abaissant  le  levier  K ,  la  tige  J  cesse  de 
presser  sur  la  bague  H  et  sous  l’influence  du  poids  D  le  le¬ 
vier  E  C  D  reprend  la  position  qu’il  a  dans  la  figure,  et  la 
lame  de  caoutchouc  vient  boucher  l’ouverture  du  tube. 

Ce  tube  A  doit  être  fixé  sur  la  colonne  du  côté  opposé  au 
mouvement  de  l’excentrique  pour  que  le  crachement  qui  se 
fait  quelquefois  parle  trou  ne  rouille  pas  les  ferrailles;  c’est 
ce  qui  oblige  à  faire  passer  la  tige^F  derrière  la  colonne. 

Cette  soupape  figurée  pour  une  machine  à  balancier , 
peut  aussi  s’appliquer  à  tout  autre  système  de  machine  à 
condensation. 


J.  Gosselet. 


—  98  — 


ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE. 

Le  lome  xxxviii  des  Mémoires  de  l’Académie  royale  de 
Belgique  est  un  gros  volume  presqu’enlièrement  consacré 
aux  sciences,  et  principalement  aux  sciences  mathémati¬ 
ques  et  à  leurs  applications  ;  nous  nous  bornons  à  citer  le 
titre  des  premiers  :  Sur  les  nombres  de  Bernoulli  et  d’Eulej\ 
et  sur  quelques  intégrales  définies,  par  M.  E.  Catalan, 
associé  de  l’Académie  ;  Mémoire  sur  la  théorie  générale  des 
lignes  tracées  sur  une  surface  quelconque,  par  M.  Gilbert, 
également  associé  de  l’Académie.  MM.  Catalan  et  Gilbert 
sont  deux  Français  établis  en  Belgique  et  professeurs,  l’un 
à  rUniversité  de  Liège,  l’autre  à  celle  de  Louvain;  leur 
nationalité  qu’ils  ont  voulu  conserver  les  empêche  de  rece¬ 
voir  le  titre  de  membres  de  l’Académie.  Mais  cette  Société  a 
tenu  à  leur  montrer  le  cas  qu’elle  fait  de  leur  savoir  et  de 
leurs  travaux  en  se  les  associant  et  en  les  inscrivant  sur 
une  liste  où  figurent  sir  John  Herscbell,  MM.  Dumas, 
Chasles,  Bunsen,  Kircbboff,  etc. 

Recherches  expérimentales  et  théoriques  sur  les  fgures 
d’équilibre  d’une  7nasse  liquide  sans  pesanteur,  séries  8 
à  il ,  par  M.  Plateau ,  professeur  à  l’Université  de  Gand. 
Dans  ce  mémoire  31.  Plateau  termine  une  série  de  publica¬ 
tions  qui  remontent  à  1852. 

Le  point  de  départ  des  travaux  de  31.  Plateau  est  bien 
connu  :  il  neutralise  l’action  de  la  pesanteur  sur  une  masse 
liquide  relativement  considérable ,  tout  en  laissant  cette 
masse  libre  d’obéir  aux  autres  forces  qui  la  sollicitent.  Pour 
cela  il  immerge  une  masse  d’huile  d’olive  dans  un  mélange 
d’eau  et  d’alcool  de  même  densité  qu’elle.  Lorsque  cette 
masse  suspendue  dans  le  liquide  alcoolique  n’est  adhérente 
à  aucun  solide  ,  elle  prend ,  quel  que  soit  son  volume ,  la 
forme  d’une  sphère  parfaite.  Quand  on  imprime  à  la  sphère 


—  99  — 

d’huile  un  mouvement  lent  de  rotation  sur  elle-même,  on  la 
voit  s’aplatir  à  ses  pôles  et  se  renfler  à  son  équateur.  Pour 
une  vitesse  plus  grande  la  masse  après  s’être  fortement 
aplatie  se  creuse  à  ses  pôles  puis  se  transforme  en  un  an¬ 
neau  régulier,  comparable  à  l’anneau  de  Saturne.  Dans 
certains  cas  l’anneau  se  désunit  et  se  résout  en  plusieurs 
sphères  isolées  qui  continuent  pendant  quelque  temps  à 
tourner  autour  du  centre  de  l’anneau  originaire  et  souvent 
prennent  un  mouvement  de  rotation  sur  elles-mêmes  dans 
le  même  sens  que  celui  de  l’anneau.  L’auteur  explique  ainsi 
l’origine  des  satellites  qui  tournent  autour  des  planètes. 

M.  Plateau  passe  de  là  à  l’étude  des  phénomènes  capil¬ 
laires  et  des  veines  liquides  lancées  par  des  orifices  circu¬ 
laires  ,  puis  à  celle  des  lames  liquides  soustraites  à  l’action 
de  la  pesanteur  telle  qu’une  lame  d’huile  tenue  entre  deux 
anneaux  dans  le  liquide  [catenoïde) .  Il  constate  ensuite  que 
de  grosses  bulles  d’huiles  gonflées  avec  du  liquide  alcooli¬ 
que  et  immergées  dans  ce  liquide  prennent  la  même  forme 
sphérique  qu’une  masse  d’huile  pleine. 

Le  mémoire  qui  vient  d’être  publié  est  essentiellement 
consacré  à  l’étude  des  Bulles  de^avon ,  sujet  qui  avait  déjà 
occupé  bien  des  savants.  Newton  se  servit  des  bulles  et  de 
la  mousse  de  savon  pour  ses  recherches  sur  la  coloration 
des  lames  minces.  Leidenfrost  publia  en  1 756 ,  sur  les  bulles 
(le  savon,  un  mémoire  rempli  d’expériences  ingénieuses, 
mais  aussi  d’opinions  bizarres  ;  il  prétend  que  les  animaux 
et  les  plantes  sont  formés  de  petites  bulles  de  savon  et  de 
petits  tubes  de  la  même  matière. 

M.  Plateau  trouva  que  le  liquide  qui  se  prête  le  mieux  à 
la  formation  de  bulles  dans  Pair  est  un  mélange  d’une  solu¬ 
tion  de  savon  de  Marseille  ou  mieux  d’oléate  de  soude  avec 
de  la  glycérine. 

On  sait  que  par  suite  du  phénomène  des  interférences, 


—  100  — 

les  bulles  de  savon  sont  colorées  des  nuances  de  l'arc-en- 

ciel  ,  la  couleur  dépend  de  l’épaisseur  de  la  lame  et  peut 

• 

servir  à  la  calculer.  La  chaleur  en  diminuant  l’épaisseur 
modilie  la  couleur;  il  suffit  d’approcher  le  doigt  d’une  bulle 
de  savon  pour  voir  la  partie  voisine  qui  était  jaune,  par 
exemple,  passer  au  vert. 

D’après  ces  caractères,  M.  Plateau  divise  les  liquides  en 
trois  catégories  : 

i  .**  Liquides  ne  pouvant  se  gontler  en  bulles  ,  ne  donnant 
que  peu  ou  point  de  mousse  ;  les  calottes  sphériques  qui 
constituent  la  mousse  quand  elle  existe  ne  se  colorent  pas 
par  suite  de  leur  grande  épaisseur.  Exemple:  eau,  glycé¬ 
rine,  acide  sulfurique,  ammoniaque. 

2. ®  Liquides  ne  pouvant  se  gonfler  en  bulles  mais  don¬ 
nant  plus  facilement  de  la  mousse  dont  les  calottes  sphé¬ 
riques  se  colorent  rapidement  de  toutes  les  teintes.  Huiles 
grasses,  essence  de  térébenthine  ,  alcool,  éther. 

3. °  Liquides  donnant  une  mousse  abondante  et  durable 
se  gonflant  facilement  en  bulles;  leurs  lames  prennent  suc¬ 
cessivement  toutes  les  teintes  et  peuvent  rester  longtemps 
incolores,  ce  qui  indique  qu’elles  acquiérent  une  grande 
minceur  (1  cent  millième  d^ millimètre).  Exemple:  solution 
savonneuse  ,  solutions  desaponine,  d’albumine,  d’acétate 
de  proloxide  de  fer. 

Dans  les  pages  suivantes  les  particularités  que  présentent 
ces  diverses  solutions  sont  examinées  en  détail. 

Quant  aux  trois  dernières  séries  du  mémoire ,  elles  sont 
consacrées  à  démontrer  que  les  conclusions  des  géomètres 
s’accordent  avec  les  observations  de  l’auteur. 

Nous  surprendrons  certainement  nos  lecteurs  en  leur  ap¬ 
prenant  que  le  savant  qui  étudie  avec  tant  de  soin  la  forme 
et  la  couleur  des  bulles  de  savon,  est  depuis  six  ans  privé 
de  l’usage  de  la  vue;  il  a  dû  de  pouvoir  continuer  ses  travaux 


—  loi  — 

au  dévouement  de  sou  lits  et  de  ses  nombreux  amis.  Parmi 
ceux-ci  citons  un  de  nos  compatriotes,  M.  Lamarle ,  pro¬ 
fesseur  à  rUniversité  de  Gand  et  membre  associé  de  l’Aca¬ 
démie  ;  un  grand  nombre  de  considérations  géométriques 
mentionnées  dans  le  mémoire  de  31.  Plateau  sont  dues  à 
ce  savant. 

Observations  sur  les  phénomènes  périodiques  pendant  les 
années  1865  et  1866.  Ce  recueil  d’observations  réunies  par 
31.  Quetelet,  secrétaire-perpétuel  de  l’Académie,  directeur 
de  l’Observatoire  de  Bruxelles ,  comprend  :  C  les  résumés 
des  observations  météorologiques  faites  à  Bruxelles ,  Gand, 
Liège,  Ostende,  par  3131.  Quetelet ,  Duprez,  Leclercq,  Ca¬ 
valier  et  31ichel  ;  2.®  des  observations  sur  l’époque  de  la 
feuillaison ,  de  la  tloraison ,  de  la  défoliation  des  végétaux  , 
du  passage,  de  l’arrivée  ,  du  départ,  des  amours  des  oiseaux 
et  autres  animaux ,  dues  à  plusieurs  naturalistes  belges. 

Mémoire  sur  la  température  de  Vair  à  Bruxelles  ,  par 
31.  Ern.  Quetelet,  membre  de  l’Académie.  C’est  le  résumé 
des  observations  météorologiques  faites  à  l’Observatoire  de 
Bruxelles,  1833  à  1862.  Détachons-en  quelques  résultats. 

L’amplitude  diurne  de  la  température,  c’est-à-dire  la  diffé¬ 
rence  entre  la  température  la  plus  haute  et  la  plus  basse  du 
jour(i),  est  plus  grande  en  été  qu’en  hiver:  10.°  au  mois  de 
juin,  4.®  1/2  au  mois  de  décembre.  L'heure  de  la  tempéra¬ 
ture  maximum  de  la  journée  est  1  heure  1/2  après  midi  en 
hiver ,  et  3  heures  8  m.  en  été.  Le  moment  de  la  tempéra¬ 
ture  minimum  a  lieu  à  6  heures  1/2  du  matin  en  hiver,  et  à 
4  heures  du  matin  en  été.  Les  températures  de  9  heures  du 
matin  et  de  8  heures  du  soir  indiquent  à  peu  près  la  tempé¬ 
rature  moyenne  de  la  journée. 

Des  30  années  considérées,  la  plus  chaude  a  été  1834 


(})  Par  jour  en  météorologie  on  entend  une  durée  de  24  heures. 


—  102  — 

(température  moyenne  11°  73) ,  et  la  plus  froide  1845  (tem¬ 
pérature  moyenne  8°  44).  La  température  moyenne  de  ces 
30  années  est  9°  85.  La  plus  grande  chaleur  observée  à 
Bruxelles  a  élé  de  34°  7,  le  15  juin  1858,  et  le  plus  grand 
froid  de  —  18°  8,  le  16  janvier  1838. 

Une  année  froide  a  été  suivie  dix  fois  d’une  année  chaude 
et  quatre  fois  seulement  d’une  année  froide.  Il  y  a  par  con¬ 
séquent  chance  pour  voir  arriver  une  année  chaude  après 
une  année  froide.  Les  années  les  plus  chaudes  1834,  1846, 
1857 , 1858 ,  suivent  d’assez  près  celles  où  les  taches  solaires 
ont  été  moins  développées.  L’effet  d’un  hiver  froid  est  de 
refroidir  l’été  ({iii  suit,  et  celui  d’un  hiver  chaud  est  d’é¬ 
chauffer  l’été  suivant  (^).  Les  quatre  étés  qui  ont  eu  la  tem¬ 
pérature  moyenne  la  plus  élevée,  ont  amené  des  automnes 
plus  chauds  que  la  moyenne. 

Le  mois  de  janvier  est  le  plus  froid  de  l’année,  juillet  est 
le  plus  chaud;  cependant  le  mois  de  décembre  est  le  seul 
où  pendant  ces  30  années  il  ait  toujours  gelé.  Une  gelée  qui 
commence  avant  le  26  novembre  ne  dure  que  un  jour;  une 
gelée  (pii  vient  après  le  20  avril  ne  dure  également  que  un 
jour.  Pendant  ces  30  ans  la  première  gelée  s’est  présentée 
le  19  octobre  et  la  dernière  le  25  avril.  La  plus  longue  pé¬ 
riode  de  jours  de  gelée  successifs  a  été  de  45  jours  en 
1845 ,  puis  de  33  jours  en  1838.  La  plus  longue  période  do 
chaleurs  a  été  de  19  jours  en  1852,  puis  de  16  jours  en  1852. 

Le  plus  grand  nombre  de  jours  froids  se  sont  présentés 
après  la  nouvelle  lune 

Enlin  M.  Quetelet  i*emarquc  que  dans  cette  période  de 
30  ans  ,  le  mois  de  janvier  s  est  un  peu  échauffé  tandis  que 
février  s’est  refroidi. 


(1)  Ce  résultat  est  contraire  à  Popmion  populaire,  mais  acceptons- 
le  avec  plaisir  et  attendons-nous  à  ce  que  cet  été  le  soleil  nous  verse 
à  Jlols  sa  bienfaisante  clialeur. 


—  103  — 

Recherches  sur  les  Sqiialodons ,  par  M.  Van  Beneden, 
membre  de  l’Académie,  professeur  à  l’Université  de  Lou¬ 
vain.  Lors  des  travaux  des  fortifications  d’Anvers  on  a 
trouvé  dans  les  sables  des  restes  d’un  grand  nombre  de 
Cétacés,  entr’ autres  d’un  genre  aujourd’hui  perdu  :  le  Squa- 
lodon.  Ces  animaux  qui  s’éloignent  beaucoup  des  autres 
Cétacés  ont  comme  les  Dauphins  les  mâchoires  armées  de 
dents  coniques.  La  nouvelle  pièce  décrite  et  figurée  par 
M.  Van  Beneden  est  la  partie  antérieure  de  la  mâchoire 
inférieure.  Elle  provient  du  même  gisement. 

Sur  un  nouveau  genre  de  Ziphioide  fossile  (Placoziphius) 
trouvé  à  Edeghem,  près  Anvers^  par  le  même  auteur.  Il 
s  agit  encore  d’un  Cétacé  qui  se  rapproche  des  Cachalots 
iZiphius)  parce  qu’il  n  a  de  dents  qu’à  la  mâchoire  infé¬ 
rieure  ,  mais  la  largeur  de  cette  mâchoire  ,  bien  supérieure 
à  celle  du  Cachalot,  nécessite,  selon  M.  Van  Beneden ,  réta¬ 
blissement  d’un  genre  distinct.  Les  débris  du  Placoziphius 
Duboisii^  nom  donné  par  le  savant  professeur  au  Cétacé  en 
question ,  ont  été  trouvés  à  Edeghem ,  dans  une  briqueterie 
située  près  d’un  fort  détaché,  dépendant  du  système  défensif 
d’Anvers ,  dans  l’argile  rupelienne  de  Dumont.  31.  Van  Be¬ 
neden  pense  que  ces  ossements  pourraient  provenir  des 
sables  noirs  d’Anvers  et  s’être  enfoncés  par  leur  poids  dans 
l’argile  rupelienne  sous-jacente. 

'J.  Gosselet. 

La  classe  des  lettres  se  trouve  représentée  dans  ce  vo¬ 
lume  par  un  travail  de  M.  Benier  Chalon.  Le  président  de 
la  Société  de  Numismatique  belge,  en  dehors  des  produc¬ 
tions  et  de  la  chronique  publiées  par  lui  dans  la  Bevue 
qu’il  dirige  depuis  28  ans,  continue  la  série  des  travaux 
dont  il  a,  le  premier,  tracé  le  plan  dans  ses  recherches  sur 
les  monnaies  des  comtes  de  Hainaut. 


—  105  — 

Aujoiirtriiui  c’est  le  lourdes  seigueiirs  de  Florennes  avec 
la  description  de  leurs  sceaux  cl  de  leurs  monnaies.  Ce 
travail  fait  suite  aux  recherches  sur  les  monnaies  des 
comtes  de  Naniur  ,  du  même  auteur.  Il  ne  peut  avoir  l’im¬ 
portance  des  précédents  :  la  mine  était  moins  riche  ;  mais 
on  y  retrouve  le  faire,  la  profondeur  des  connaissances  et 
la  perspicacité  du  maître. 

Tout  en  reproduisant  la  généalogie  des  seigneurs  qui  ont 
possédé  successivement  Florennes  et  Yves,  c’est-à-dire  les 
familles  de  Rumigny ,  de  Lorraine ,  de  Chalillon  et  de  Vau- 
demont,  M.  R.  Chalon  commente,  complète  ou  redresse 
les  généalogies  établies  par  M3I.  de  Reiffenberg  et  Goë- 
thals.  Il  décrit  les  monnaies  frappées  à  Florennes  aux  types 
du  gros  tournois,  des  doubles-tiers,  du  gros  d’Alost,  des 
('slerlins  et  des  demi-boldrager  ou  lions  d’argent  de  Flan¬ 
dre  ,  liièccs  de  grande  l  ai-cté  pi’ovcnant  presque  toutes  des 
deux  cabinets  de  BI.  le  comte  de  Robiano  et  de  la  Société 
Archéologique  de  Namur. 

A  la  suite  de  ces  monnaies  ,  M.  R.  Chalon  donne  les  em¬ 
preintes  de  quelques  sceaux  les  plus  anciens  des  seigneurs 
de  la  même  terre,  remontant  au  xiii.®  et  au  xiv.®  siècle  ,  cl 
termine  par  celui  de  la  haute  cour  de  justice  de  Florennes , 
en  1579.  _  E.  Va>  Heade. 

Dox  Juan  ü’autuiche,  d'après  les  plus  récents  travaux 

de  M.  Gachard.  (‘) 

L’historique  des  relations  de  Marguerite  de  Parme  avec 
son  jeune  frère  forme  l’objet  de  la  troisième  étude  tle 
M.  Gachard  sur  Don  Juan  d’Autriche. 

Les  deux  pi  cmières,  qui  ne  sont  pas  les  moins  pi(iuantes, 
traitent  de  la  mère  et  de  l’enfance  du  prince. 

BI.  Gachard  dépouille  la  mère  de  Don  Juaii  de  la  noble 


(h  Voir  le  commencement  de  cet  article  p.68  du  Bulletin.  11  a  paru 
(  Il  entier  (iüiis  la  Revue  des  Question  hisloriques  ,  X."  du  l  ."  avril  IbGO. 


—  105  — 

origine  que  les  historiens  courtisans  lui  ont  attribuée.»  Char- 
les-Quint,  que  sa  nature,  si  nous  en  croyons  les  ambassadeurs 
vénitiens ,  portait  aux  plaisirs  des  sens  n’availpas  l’habitude 
de  s’adresser  ,  pour  les  satisfaire  ,  à  des  femmes  de  qualité. 
Bien  différent  en  cela  de  François  son  rival ,  on  ne  lui 
connut  jamais  de  maîtresse  parmi  les  dames  de  la  cour.  » 
On  pourrait  donc,  rien  que  par  conjecture,  affirmer  presque 
que  Barbara  Blombergb  était  de  condition  médiocre. 

Devenue  mère  de  Don  Juan,  elle  épousa  Jérome  Regel, 
«  pauvre  hère  allemand  »  comme  elle ,  et  qui  vraisembla¬ 
blement  se  maria  avec  elle  «  dans  le  but  de  parvenir  à 
quelque  chose.  »  M.  Gacbard  ,  livres  de  comptes  en  main  , 
donne  le  détail  des  avantages,  assez  modestes  d’ailleurs, 
(lue  l’Empereur  fit  à  cet  officieux.  Au  mois  de  juin  1569  , 
Barbara  perdit  son  mari.  Il  ne  manqua  pas  d’hommes  qui 
auraient  voulu  l’épouser  en  secondes  noces  ,  et  cependant 
elle  restait  pauvre  avec  beaucoup  de  dettes.  Philippe  II , 
dès  qu’il  eut  été  informé  de  sa  triste  situation  ,  prescrivit 
au  duc  d’Albe  de  fournir  à  cette  femme  des  moyens  con¬ 
venables  d’existence.  Mais  il  tenait  à  ce  qu’elle  ne  restât  pas 
dans  Bruxelles.  Madame  de  Blombergb  (c’est  ainsi  qu’elle 
se  qualifie  désormxais)  consentit  à  aller  vivre ,  non  pas  à 
Mons  où  le  duc  d’Albe  l’engageait  à  se  fixer ,  mais  à  Gand  , 
en  pa)s  de  langue  flamande.  Le  roi  n’aurait  pas  été  fâché 
de  la  voir  entrer  dans  un  couvent.  Aussi  essayait-il  de  l’at¬ 
tirer  en  Espagne  ,  invitation  à  laquelle  la  mère  de  Don 
Juan  n'eut  garde  de  se  rendre. 

C’était  une  étrange  femme  que  Madame  de  Blombergb. 
Entêtée,  dépensière,  de  mœurs  au  moins  suspectes  ,  elle 
ne  laissait  pas  de  donnei*  de  l’embarras  à  ce  terrible  duc 
d’Âlbe  ,  cbai-gé  de  veiller  sur  sa  conduite  et  de  pourvoir 
à  ses  besoins. 

Quand  Don  Juan  d’Autriche  ,  qui  n’avait  jamais  cessé  de 


—  106  — 

s’intéresser  à  elle  ,  eut  pris  en  main  le  gouvernement  des 
Pays-Bas  ,  il  comprit  l’absolue  nécessité  où  il  était  de  l’é¬ 
loigner  de  ces  parages.  Sous  prétexte  de  l’envoyer  à  Aquila, 
auprès  de  Margueiâte  de  Parme  ,  il  la  dirigea  par  mer  sur 
l’Espagne ,  où  on  la  mit  chez  les  religieuses  de  Santa 
Maria  la  Real ,  à  sept  lieues  de  Valladolid.  Elle  obtint  d  en 
sortir  après  la  mort  de  Don  Juan  et  de  se  retirer  ,  pour  y 
finir  ses  jours ,  à  Colindres ,  dans  la  maison  du  secrétaire 
Escobedo. 

Barbara  Blombergli  survécut  à  un  fils  qu’elle  avait  eu  de 
Jérome  Regel  et  pour  qui  Don  Juan  s’était  montré  bon 
frère.  Elle  même  mourut  en  lo98. 

Comme  on  le  voit,  la  mère  du  héros  de  Lépante  n’avait 
eu  elle  rien  d’héroïque.  Don  Juan  tenait  de  son  père  ses 
grandes  qualités.  A  quel  système  d’éducation  fut-il  soumis 
durant  son  enfance  et  sa  première  jeunesse  ?  —  Tel  est  le 
point  que  M.  Gacbard  examine  dans  sa  deuxième  étude. 

Après  avoir  fixé  indubitablement  la  naissance  de  Don 
Juan  en  1547  et  conjecturé  qu’il  vit  le  jour  à  Ratisbonne, 
le  docte  écrivain  émet  l’opinion  que  l’enfant  royal  fut  d’a¬ 
bord  élevé  en  Belgique.  Adrien  Dubois,  aide  de  chambre 
de  l’Empereur ,  et  à  qui  ce  prince  avait  confié  le  soin  de 
faire  nourrir  en  secret  le  fruit  de  ses  dernières  amours , 
Adrien  Dubois  était  belge.  «  C’était  aux  Pays-Bas  qu’il 
avait  le  plus  de  relations  et  de  connaissances.  Qu’y  aurait- 
il  d’extraordinaire  à  ce  qu’il  y  eût  fait  transporter  l’enfant 
commis  à  sa  garde  ,  dans  les  jours  qui  suivirent  sa  nais¬ 
sance,  ou  peu  de  temps  après?  »  Ce  qui  est  incontestable  , 
c’est  que  Don  Juan  se  trouvait  dans  ces  provinces  en  1550. 

Le  13  juin  de  cet  année-là,  François  Massy  ,  joueur  de 
viole  de  Sa  Majesté  et  Ana  de  Médina  ,  sa  femme  ,  recon¬ 
naissent  avoir  reçu,  d’Adrien  Dubois ,  un  enfant  qu’ils  s’en- 


—  107  — 

gagent  à  élever  comme  leur  fils  propre  ,  sans  révéler  à 
personne  le  nom  de  son  père. 

Massy  était  belge  comme  Adrien  Dubois.  Mais,  sa  femme 
ne  se  plaisant  point  dans  les  Pays-Bas  dont  le  climat  était 
nuisible  à  sa  santé ,  il  demanda  et  obtint  de  l’Empereur 
la  permission  de  se  retirer  à  Leganes ,  où  Ana  de  Médina 
possédait  quelque  bien.  I/enfant ,  baptisé  sous  le  nom  de 
Geronimo  ,  grandit  dans  ce  coin  de  l’Espagne  ,  n’ayant 
pour  compagnons  que  de  simples  paysans. 

Charles- Quint  finit  par  se  reprocher  l’état  d’abandon  où 
il  laissait  son  fils  ;  il  pria  l’un  de  ses  maîtres  d’hôtel ,  Luis 
Mendez  Quijada  ,  de  donner  au  jeune  prince  une  éducation 
en  rapport  avec  son  origine.  Quijada  y  consentit  et  trans¬ 
porta  l’enfant  à  Cuacos,  dans  l’un  de  ses  châteaux.  Sa 
femme  Doua  Magdalena  de  Ulloa  ,  qui  n’était  point  dans 
le  secret  de  la  naissance  du  petit  Geronimo  ,  l’essentit  à  son 
arrivée  un  mouvement  de  jalousie  conjugale  et  ne  fit  d’a¬ 
bord  au  nouveau  venu  qu’un  assez  froid  accueil.  Mais,  ses 
premières  inquiétudes  dissipées  ,  elle  le  traita  comme  son 
propre  fils. 

Il  y  a  plaisir  à  constater  avec  M.  Gachard  que  Don  Juan, 
quand  il  eut  pris  rang  de  prince  à  la  cour  de  Philippe  II , 
se  montra  profondément  reconnaissant  envers  les  véné¬ 
rables  époux  aux  soins  desquels  il  devait  de  se  trouver 
immédiatement  à  la  hauteur  de  sa  nouvelle  position. 

Nous  ne  suivrons  pas  plus  loin  dans  ses  attachants  récits 
l’éminent  archiviste  de  Belgique.  Nous  en  avons  assez  dit 
pour  prouver  que  ses  Etudes  encore  inachevées  sur  Don 
Juan  ne  le  céderont  point  en  intérêt  à  celles  sur  Don 
Carlos  (ju’il  a,  depuis  longtemps,  réunies  en  volume. 

A.  Desplanque. 


—  108  — 


CONFERENCES  ET  COURS  PUBLICS. 

Coiîtcrenccs  de  Douai  (  suite  ). 

LES  FAMINES  ET  LES  DISETTES,  par  M.  Comc  rils(’).  — 

M.  Anatole  Corne  qui  se  souvient  de  l’adage  :  «  naissance 
oblige  »  a  ,  dans  deux  conférences  d’un  style  élégant , 
exposé  de  saines  notions  d’économie  publique.  Le  1.®" 
Mars,  il  a  traité  de  l’iiistoire,  des  causes  et  des  effets  des 
famines.  Le  8  ,  il  a  indiqué  des  remèdes  pour  prévenir  le 
retour  de  semblables  lléaiix. 

Dans  les  sociétés  primitives,  la  famine  est  pour  ainsi  dire 
l’état  normal.  N’y  a-t-il  pas  encore,  dans  les  îles  où  la 
civilisation  n’a  point  pénétré ,  des  antbropopbages  ?  Sur  les 
continents ,  où  le  gibier  est  plus  abondant,  le  cannibalisme 
est  plus  rare.  Néanmoins  la  chasse  et  la  poche  n’y  suffisent 
pas  toujours  aux  besoins  des  habitants.  C’est  ainsi  que  nous 
voyons  les  sauvages  de  la  Floride  recourir ,  pour  apaiser 
leur  faim,  aux  araignées,  aux  œufs  de  fourmis,  aux  vers 
et  meme  à  une  terre  grasse  remplie  d’animalcules. 

Les  peuples  pasteurs  n’échappent  pas  aux  horreurs  de  la 
famine.  Nous  frémissons  encore  au  souvenir  des  scènes 
navrantes  dont  notre  colonie  de  l’Algérie  a  été,  l’an 
dernier ,  le  théâtre. 

Les  législateurs  grecs  considéraient  la  disette  comme  une 
conséquence  tellement  inévitable  de  l’exubérance  de  la 
population  que,  pour  la  conjurer,  ils  légitimaient  les  pra¬ 
tiques  réputées  aujourd’hui  les  plus  criminelles. 

Quoique  nourri  par  ses  immenses  provinces,  le  peuple 
romain  craignait  sans  cesse  de  mourir  de  faim. 

Au  moyen-âge ,  les  famines  prennent  un  caractère  pério- 

(D  Cette  conférence  est  résumée  d’après  deux  journaux  douaisiens: 
V Indépendant  et  le  Courrier. 


—  109  — 

dique.  On  n’en  compte  pas  moins  de  vingl-six  en  France 
durant  le  xi.®  siècle.  Raoul  Glaber  écrivait  en  1030  :  «  C’est 
désormais  un  usage  consacré  que  de  manger  de  la  chair 
humaine.  »  On  en  vendait  alors  sur  les  marchés  publics. 

Pendant  le  xiv.®  siècle  et  la  première  moitié  du  xv.®,  les 
famines  furent  incessantes.  Notre  belle  et  opulente  Flandre 
devait  à  son  commerce  et  à  ses  nombreuses  transactions 
d’être  plus  préservée  que  les  autres  provinces  de  ces 
cruelles  épreuves.  Douai  n’en  a  pas  moins  subi,  en  1347, 
une  famine  dont  M.  Anatole  Corne  a  tracé  un  saisissant 
tableau. 

A  partir  du  milieu  du  xv.®  siècle  jusqu’au  xviii.®,  on  ne 
compte  guère  plus  qu’une  année  de  disette  sur  dix.  Depuis 
1800 ,  il  y  a  eu  cinq  disettes  :  en  1812 , 1817 ,  1821 ,  1847 
et  1856. 

Trois  causes,  a  dit  l’orateur,  engendrent  les  disettes  et 
les  famines  :  la  concentration  en  un  même  lieu  d’une  popu¬ 
lation  trop  nombreuse,  l’aridité  du  sol ,  les  entraves  appor¬ 
tées  à  la  libre  circulation  des  grains. 

Examinant  ensuite  les  divers  remèdes  proposés  ou  essayés 
contre  le  mal  dont  il  vient  de  décrire  les  ravages  et  d’indi-- 
quer  les  sources ,  M.  Corne  condamne  les  distributions  de 
blé  à  prix  réduit  telles  qu’elles  se  pratiquaient  à  Rome 
sous  l’Empire  et  que  nous  les  retrouvons  en  France  sous 
l’ancienne  monarchie.  Il  réprouve  aussi  les  lois  de  maxi¬ 
mum  mises  en  vigueur  par  la  Révolution.  Enfin,  et  en 
disciple  intelligent  d’Adam  Smith,  il  flétrit,  comme  elle 
mérite  de  l’être ,  la  doctrine  de  3Ialthus. 

Deux  mille  ans  avant  ce  publiciste,  Platon  et  Aristote 
avaient  suggéré  divers  moyens  d’empêcher  le  développe¬ 
ment  trop  rapide  de  la  population.  De  nos  jours,  quelques 
états  d’Allemagne  possèdent  encore  des  lois  créées  dans  ce 
but. Plusieurs  sectes  en  Russie  sont  instituées  au  même  effet. 


—  no¬ 
ce  remède,  suivant  M.  Corne,  est  pire  que  le  mal:  il 
encourage  l’avortement  et  l’infanticide  ;  il  pousse  au  con- 
cubinat  et  favorise  même  le  libertinage.  Mieux  vaut  cent 
fois  travailler  à  augmenter  la  production  des  denrées  alimen¬ 
taires  en  encourageant  les  progrès  de  la  science  agricole  et 
en  donnant  à  ses  produits  toute  facilité  pour  s’écouler. 

A.  Desplanqüe. 


REUNION  GENERALE 
LES  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

La  Réunion  générale  des  Sociétés  savantes  s’est  ouverte 
à  la  Sorbonne  le  mardi  30  mars.  Elle  a  été  close  par  la  dis¬ 
tribution  des  récompenses  le  samedi  3  avril.  Nous  allons 
rendre  compte  sommairement  des  lectures  qui  ont  été  faites 
dans  cette  Réunion  par  des  personnes  appartenant  au  ressort 
de  l’Académie  de  Douai  ou  sur  des  sujets  intéressant  notre 
région. 

SECTION  d’histoire  ET  DE  PHILOLOGIE. 

Président:  M.  Amédée  Thierry,  sénateur,  membre  de 
l’Institut. 

Séance  du  30  mars.  —  M.  l’abbé  Dehaisnes  a  décrit  un 
manuscrit  de  la  Ribliotbèque  de  Douai  composé,  de  911  à 
954,  par  un  moine  anonyme  de  Saint-Vaast  d’xVrras.  Pour 
la  période  mérovingienne  ,  ce  manuscrit  résume ,  en  y  ajou¬ 
tant  certains  faits  inédits,  l’Histoire  de  Grégoire  de  Tours  , 
les  Gesta  Francorum,  la  chronique  de  Frédegaire  et  de  ses 
deux  continuateurs.  Pour  la  période  carlovingienne  anté¬ 
rieure  à  Louis-le-Débonnaire,  il  suit,  en  les  complétant 
parfois,  les  Annales  de  Lorsch  et  de  Metz  ainsi  que  celles 
d’Eginhard.  De  830  à  844  ,  il  reproduit  les  Annales ,  dites 
de  Saint-Rertin  et ,  de  844  à  899 ,  il  présente  la  rédaction  la 
plus  complète  et  la  plus. ancienne  des  Annales  Vedastini. 


—  iii  — 

En  comparant  les  textes  publiés  de  ces  deux  dernières  chro¬ 
niques  avec  le  manuscrit  de  Douai,  M.  l’abbé  Dehaisnes  a 
relevé  plusieurs  centaines  de  variantes. 

«  M.  le  président  remercie  M.  Dehaisnes  de  cette  com¬ 
munication  qu’il  regarde  comme  très-importante  au  point 
de  vue  des  origines  de  l’histoire  de  France,  (i)  » 

M.  WiLBERT ,  président  de  la  Société  d’Emulation  de 
Cambrai,  a  traité  de  la  domination  espagnole  en  cette 
ville,  de  lo9o  à  1677.  Il  est  remonté  à  l’origine  du  pouvoir 
temporel  des  évêques,  pouvoir  que  ceux-ci  abdiquèrent 
entre  les  mains  de  l’Espagne,  lorsqu’ils  furent  devenus 
incapables  de  le  défendre. 

La  domination  espagnole,  dit  M.  Wilbert,  ne  fit  que 
perpétuer  les  souffrances  auxquelles  elle  avait  pour  mission 
de  remédier.  La  ville  de  Cambrai  possédait,  avant  cette 
époque,  tous  les  éléments  de  civilisation  qui  ont  fait  sa 
gloire  et  sa  richesse  ;  elle  ne  doit  rien  à  ses  conquérants ,  ni 
sa  coutume,  ni  ses  Etats,  ni  ses  fondations  d’instruction  , 
ni  ses  établissements  hospitaliers  et  charitables,  ni  ses 
usages,  ni  son  idiome  vulgaire ,  ni  son  architecture  ;  elle 
n’a  conservé  d’eux  que  le  souvenir  de  ses  misères. 

M.  l’abbé  Corblet  ,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  Picardie ,  communique  le  résumé  de  ses  recherches  sur 
l’origine  liturgique  du  patronage  des  boulangers.  Il  trouve 
cette  origine  là  où  personne  avant  lui  n’avait  eu  l’heureuse 
idée  de  l’aller  chercher  :  dans  le  texte  même  de  la  légende 
de  Saint-Honoré.  Il  explique,  d’après  un  trait  de  la  vie  de  ce 
glorieux  évêque ,  sa  caractéristique  (  trois  pains  sur  une 
pelle  de  four)  qui  a  donné  naissance  au  culte  dont  la  Corpo¬ 
ration  des  boulangers  l’a  longtemps  environné. 

Séance  du  31  mars.  —  M.  Desplanque,  délégué  de  la 


{*)  Journal  officiel  du  31  Mars  18G9. 


—  112  — 

Société  des  Sciences  de  Lille ,  lit  une  étude  sur  un  poème 
latin  inédit  de  Milon,  religieux  de  Saint-Ainand-d’Elnon 
au  IX.®  siècle.  «  Après  avoir  replacé  le  moine-poète  dans  le 
milieu  intellectuel  où  il  a  vécu,  enseigné,  chanté,  M.  Des¬ 
planque  passe  rapidement  en  revue  celles  des  œuvres  de 
Milon  qui  sont,  depuis  longtemps,  entre  les  mains  du 
public.  Abordant  ensuite  l’examen  du  long  poème  de  la 
Sobriété,  dont  on  ne  connaissait  jusqu’ici  que  la  Dédicace 
à  Charles-le-Chaiive  ,  le  futur  éditeur  de  ce  poème  en  pré¬ 
sente  une  complète  analyse ,  en  caractérise  le  genre ,  en 
signale  les  beautés  et  les  défauts.  Il  insiste  sur  les  emprunts 
que  le  poète  carlovingien  a  faits  à  la  littérature  classique.  Il 
étudie  ensuite ,  dans  Milon  ,  le  théologien  et  le  moraliste  , 
l’interprète  des  livres  saints  et  le  maitre  ès-arts  libéraux. 
Arrière-disciple  d’Alcuin,  Milon  se  continue  dans  Hucbald, 
son  neveu  et  son  disciple.  Il  relie  ainsi  le  viii.®  siècle  au  x.®. 
Grâce  à  lui ,  la  tradition  littéraire  dans.l’extrême-nord  de 
la  France  ne  fut  pas  un  seul  instant  interrompue. (^)  » 

Séance  du  avril.  —  M.  Jules  Périn,  jurisconsulte  et 
paléographe ,  délégué  de  l’Académie  d’Arras  ,  traite  de  la 
condition  du  Détenu  pour  dettes  au  moyen-âge.  Il  fait  con¬ 
naître  le  pouvoir  dominical  accordé  au  créancier  sur  la 
personne  de  son  débiteur ,  particulièrement  dans  les  cités 
llamandes  de  Lille,  d’Ypres,  etc.  Il  rappelle  l’existence, 
dans  celte  même  région  ,  d’une  pratique  singulière  consis¬ 
tant  à  enchaîner  le  prisonnier  pour  dettes  avec  un  gardien 
gagé  à  ses  frais ,  en  chartre  privée  ,  c’est-à-dire  dans  le 
domicile  de  son  créancier.  On  voit  le  chemin  que  nous  avons 
fait ,  depuis  le  xiv.®  siècle ,  pour  arriver  à  l’abolition  de  la 
contrainte  par  corps  ,  tant  en  France  qu’en  Belgique. 

Séance  du  2  avril.  —  M.  l’abbé  Carlet  ,  membre  du 


(1)  JouRXAL  OFFICIEL  du  1.*’’  Avril. 


—  i  15  — 

Comité  archéologique  de  Noyon  ,  communique  un  mémoire 
sur  saint  Angilbert,  l’iin  des  personnages  les  plus  consi¬ 
dérés  de  la  cour  de  Charlemagne  et  l’un  des  abbés  les  plus 
vénérés  du  monastère  de  Saint-Riquier.  Si  l’on  s’en  rapporte 
aux  traditions  de  ce  monastère,  Angilbert ,  revêtu  déjà  du 
sacerdoce ,  aurait  épousé  la  princesse  Berthe ,  fille  de  Char¬ 
lemagne  ,  et  la  plupart  des  historiens  reproduisent  avec 
complaisance  ce  thème  étrange.  M.  l’abbé  Carlet  discute  les 
documents  sur  lesquels  cette  opinion  s’est  fondée  ;  il  prouve, 
par  l’étude  des  dates ,  qu’Angilbert ,  après  deux  années 
d’un  mariage  légitime ,  quitta  la  vie  séculière  ,  avec  le  con¬ 
sentement  de  son  épouse  ,  et  devint  abbé  de  Saint-Riquier. 

Tout  en  se  trouvant  d’accord  avec  son  savant  confrère 
M.  l’abbé  Corblet  sur  l’objet  principal  du  débat  :  à  savoir 
qu’Angilbert  n’a  pas  séduit  Berthe,  M.  Carlet  se  sépare, 
sur  certains  faits  accessoires,  sur  certains  points  chronolo¬ 
giques,  de  l’opinion  de  l’auteur  de  Y  Hagiographie  du  Diocèse 
d'Amiens.  C’est  là  une  question  dont  nous  aurons  peut-être 
un  jour  l’occasion  de  reprendre  l’examen. 

M.  Aristide  Déy,  membre  de  la  Société  académique  de 
Laon  ,  traite  de  la  condition  du  peuple  dans  le  Comté  de 
Bourgogne  au  moyen-âge.  En  s’autorisant  des  ouvrages  les 
plus  estimés  sur  la  matière ,  il  passe  successivement  en 
revue  :  l.“  la  condition  des  personnes  ;  2.®  celle  des  biens  ; 
3.®  celle  des  communes.  Après  avoir  jeté  un  coup-d’œil  sur 
les  temps  antérieurs  au  moyen-âge ,  l’auteur  s’occupe  de  la 
condition  du  i)euple  sous  les  Bourguignons  et  les  Francs  ; 
puis  il  parle  des  seigneurs ,  des  bourgeois  ou  hommes 
libres,  des  serfs  ou  esclaves,  enfin  des  justices  seigneuriales 
et  do  la  législalion. 

M.  BRUl\-LÂVAJ^■^E  ,  membre  de  la  Commission  histoiâque 
du  département  du  Nord  ,  lit  une  étude  sur  l’origine  du 
droit  coutumier.  Il  s’efforce  d’établir,  qu’en  général ,  les 


—  114  — 

coutumes  locales  des  villes  de  France  s’étaient  formées  de 
temps  immémorial ,  non  par  concession  des  souverains , 
mais  par  le  libre  consentement  des  premiers  habitants  ,  et 
qu’elles  se  transmettaient  par  tradition,  de  siècle  en  siècle, 
comme  un  héritage  des  ancêtres.  Presque  toutes  les  chartes 
de  communes  ne  font  que  confirmer  des  libertés  et  des  fran¬ 
chises  dont  les  bourgeois  étaient  déjà  en  possession.  L’au¬ 
teur  entre  à  ce  sujet  dans  des  détails  particuliers  à  la  ville 
de  Lille  et  à  quelques  autres  villes  du  nord  de  la  France. 

M.  Barbey  ,  membre  de  la  Société  historique  de  Cluitcau- 
Tliieri  y,  en  l’absence  de  31.  de  Venus,  membre  de  la  même 
société  ,  lit  un  mémoire  dans  lequel  ce  dernier  prétend  que 
les  princes  de  la  maison  de  Coudé  tirent  leur  nom  de  la  teri’e 
de  Condé-en-Brie  (  Aisne  )  et  non  pas,  comme  on  l’a  cru 
jusqu’ici  et  coinine  on  Fa  toujours  affirmé,  de  la  terre  de 
Coudé  en  Hainaut:  «  Cette  opinion,  qui  ne  paraît  pas 
encore  entièrement  prouvée  par  31.  de  Vertus,  soulève  des 
objections  de  la  part  de  quelques  membres.  L’assemblée 
trouve  néanmoins  la  question  digne  d’être  examinée  et 
regrette  que  le  temps  lui  manque  pour  la  discuter  convena¬ 
blement,  surtout  en  l’absence  de  l’auteur,  qui  aurait  pu  jeter 
quelques  lumières  sur  ce  point  d’bistoire.  (')  » 

SECTION  d’archéologie. 

Président  :  31.  le  marquis  de  La  Grange,  sénateur,  mem¬ 
bre  de  l’Institut. 

Séance  du  acril,  —  Par  la  comparaison  des  monu¬ 
ments  de  la  bijouterie  méi’ovingienne  avec  les  nombreux 
chapiteaux  de  l’Eglise  de  Chivy  (Aisne),  31.  Fleury,  secré¬ 
taire-général  de  la  Société  académique  de  Laon  ,  a  essayé 
de  rapporter  à  cette  époque  reculée  les  chapiteaux  en  ques¬ 
tion,  qu’un  jeune  artiste  de  talent ,  31.  3Iidoux ,  a  récemment 


P)  Journal  officiel  du  4  avril. 


—  115  — 

dégagés  de  répaisse  coLiche  de  badigeon  qui  les  recoin  rail. 
Suivant  M.  Fleury,  «  Fart  est  un  à  chaque  époque ,  et  du 
style  dos  bijoux  on  peut  conclure  à  celui  de  la  sculpture.  » 

M.  l’abbé  Cochet ,  présent  à  la  séance  ,  remarque  que, 
sur  le  nombre  des  chapiteaux  de  Cliivy ,  dont  M.  Fleury 
place  le  dessin  sous  les  yeux  de  l’assistance,  il  peut  y  en 
avoir  de  postérieurs  à  la  période  mérovingienne.  Le  savant 
ecclésiasli(iue  n’est  pas,  du  reste,  éloigné  d’admettre  l’en¬ 
semble  des  conclusions  du  mémoire,  conclusions  qui,  si  elles 
étaient  délinitivement  adoptées  par  les  archéologues,  rece¬ 
vraient  de  nombreuses  et  utiles  applications. 

Séance  du  2  avril.  —  31.  3Iattox  ,  archiviste  de  l’Aisne, 
délégué  de  la  vSociété  académique  de  Laon,  donne  lecture 
d’un  travail  intitulé  :  Les  Enseignes  de  Saint-Firmin.  C’é¬ 
tait  un  commerce  lucratif  au  moyen-âge,  que  les  enseignes 
de  plomb,  qui  ont  précédé  les  médailles  de  dévotion  encore 
populaires  aujourd’hui.  31. 3Iatton  a  trouvé,  dans  ses  archives 
(ju’il  connaît  si  bien ,  de  curieux  détails  sur  ces  petits  monu¬ 
ments  qui  méritent  de  fixer  l’attention  des  archéologues. 

31.  Cousi.N ,  président  de  la  Société  Dunkerquoise  ,  lit  un 
travail  intitulé  ;  Derniers  éclaircissements  sur  remplace¬ 
ment  de  Quentovic.  Les  questions  de  géographie  comparée 
sont  au  nombre  de  celles  qui  ne  trouvent  pas  facilement  de 
solution  définitive.  Sera-t-on  jamais  d’accord  sur  le  véri¬ 
table  emplacement  de  Quentovic?  Si  une  profonde  convic¬ 
tion  et  une  argumentation  seri*ée  suffisaient  pour  ralliei' 
tous  les  esprits,  il  faudrait  proclame)*  que  Quentovic  était 
où  est  aujourd’hui  la  ville  d’Etaples. 

31.  J.  Quicherat  présente  quelques  objections  sur  l’inter- 
prétation  donnée  par  31.  Cousin  à  certaines  dénominations  , 
notamment  sur  le  terme  villa  [domaine  rural)  qui,  suivant 
le  savant  professeur,  ne  signifia  iu7/e ,  dans  le  sens  mo¬ 
derne  de  ce  mot,  qu’à  une  époque  plus  récente  que  celle  à 


—  1 16  — 

laquelle  le  président  de  la  Société  dunkerquoise  le  prend 
dans  ce  dernier  sens.  D’ailleurs ,  31.  Quiclierat  est  loin  de 
vouloir  infirmer ,  au  fond ,  l’opinion  de  31.  Cousin. 

SECTIOV  DES  SCIENCES. 

Président:  31.  Le  Verrier,  sénateur,  membre  de  l’instilul. 

La  deuxième  Commission  (Physique  et  Chimie)  a  élu  pour 
son  secrétaire  31.  Corenwinder,  membre  de  la  Société  des 
Sciences  de  Lille.  Notre  savant  compatriote  a ,  dans  la 
séance  du  1."  avril,  fait  connaître  le  résultat  de  ses  expé¬ 
riences  sur  la  respiration  des  feuilles.  S.  E.  31.  le  ministre  de 
rinstruclion  publique,  étant  entré  dans  la  salle  et  ayant  pris 
place  au  fauteuil  pendant  cette  lecture  ,  a  daigné  témoigner 
à  31.  Corenwinder  l’intérêt  que  lui  a  causé  sa  communication. 

SÉ.WCE  SOLENNELLE  DU  3  AVRIL. 

Dans  cette  séance ,  que  présidait  S.  E.  31.  le  31inistre  de 
l’Instruction  publique  ,  une  médaille  d’argent  a  été  décer¬ 
née  à  31.  Viollette  ,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de 
Lille  ,  pour  ses  travaux  de  chimie. 

Ont  été  proclamés  officiers  d’Académie  : 

31.  Lefebvre,  dit  Faber,  bibliothécaire- archiviste  de 
Cambrai ,  correspondant  du  Comité. 

31.  Descbamps  de  Pas,  jngénieur  à  Saint-Omer ,  membre 
de  la  Société  des  antiquaires  de  la  3Iorinie. 

31.  Vincent,  secrétaire  de  la  Commission  historique  du 
Nord.  A.  Desplanque. 

HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

Histoire  naturelle.  Le  Loup.  —  Depuis  la  publication  , 
dans  le  dernier  numéro  du  Bulletin,  de  notre  article  sur  le 
Loup  ,  nous  avons  lu  dans  le  Journal  de  Vervins,  le  fait 
suivant  qui  mérite  de  trouver  place  ici  : 

3Iardi  dernier ,  deux  honorables  chasseurs  deVervins, 
locataires  de  la  chasse  du  Val-Saint-Pierre,  informés  que 


—  117  — 

plusieui's  loups  venaient  de  se  rembnclier  à  la  forêt ,  s’y 
transportèrent  aussitôt  afin  de  leur  donner  la  chasse. 

A  peine  les  traqueurs  avaient-ils  commencé  leur  battue  , 
qu’un  loup  magnifique  débucha  tranquillement  et  passa  en 
travers  ,  à  vingt  pas  de  M.  Duflot,  l’un  des  chasseurs,  qui 
lui  envoya  une  chevrotine  en  pleine  poitrine.  Le  projectile 
traversa  le  cœur,  très-probablement,  et  la  bête  tomba 
comme  foudroyée. 

Le  Sanglier.  —  Le  Sanglier  fut,  comme  le  Loup,  très- 
commun  autrefois  dans  les  forets  humides  qui  couvraient 
notre  sol  ;  mais  il  était  loin  d’inspirer  le  même  sentiment 
d’effroi.  Son  naturel  farouche,  craintif  et  pas  du  tout  car¬ 
nassier,  ne  le  mettait  guère  en  contact  avec  l’homme.  On 
sait  qu’il  ne  l’attaque  que  forcé  dans  ses  derniers  retranche¬ 
ments.  Tout  au  plus  doit-il  à  son  caractère  d’être  regardé 
comme  l’emblème  de  la  brusquerie  misanthropique. 

En  1817  et  1818,  les  Sangliers  étaient  encore  sédentaires 
et  communs  dans  la  forêt  de  Mormal  :  ils  en  ont  disparu 
en  1821 ,  chassés  ou  détruits  par  l’équipage  de  chasse  de 
M.  le  comte  Descleps.  Quelques-uns  reparurent  encore, 
mais  sans  s’y  propager  ;  celui  qui  figure  empaillé  dans  les 
galeries  du  Muséum  de  Lille  provient  de  cette  forêt  et  porte 
la  date  de  1823. 

Ils  sont  encore  communs  dans  la  forêt  des  Ardennes  et 
en  sortent  fréquemment  pour  dévaster  les  champs  de  pom¬ 
mes  de  terre,  sur  les  lisières  du  bois.  Les  cultivateurs  leur 
font  une  guerre  acharnée,  et  sont  souvent  obligés  d’allumer 
des  feux  la  nuit  pour  les  tenir  éloignés. 

Dans  les  bois  du  Nouvion ,  entre  Rethel  et  Mézières ,  leur, 
présence  causait  aussi  des  dégâts  importants.  L’année  der¬ 
nière,  des  chasses  réitérées  en  ont  détruit  vingt-six;  les  sur¬ 
vivants  sont  partis,  mais  au  Nord  du  département  des  Ar¬ 
dennes  ,  vers  la  frontière  belge  :  on  en  signale  encore  en  ce 


—  1 18  — 

moment  une  cinquantaine  qui  causent  aux  cultivateurs  des 
pertes  notables. 

La  rive  gauche  de  la  Sambre-Meuse  paraît  en  être  à  peu 
près  exempte,  ils  ne  traversent  guère  ces  rivières  que  dans 
les  hivers  rigoureux  ;  quelques  individus  s’égaient  alors 
jusque  dans  la  Campine  et  les  plaines  de  la  Hesbaye. 

Malgré  sa  lourdeur  plus  apparente  que  réelle  ,  le  San¬ 
glier  est  loin  d’étre  sédentaire.  Lorsqu’on  trouble  son  repos, 
il  quitte  volontiers  ses  retraites  et  va  chercher  ailleurs  des 
bois  plus  tranquilles.  M.  ^larcotte  cite  à  ce  sujet  un  fait  (jue 
j’ai  entendu  conürmcr  par  de  vieux  chasseurs  du  Ponthieu. 
Les  Sangliers  étaient  autrefois  communs  dans  la  forêt  de 
Crécy,  arrondissement  d’Abbeville;  fatigués  par  les  chasses, 
par  le  percement  des  routes,  par  le  nettoiement  des  fossés 
et  des  chemins  d’exploitation ,  ils  émigrèrent  presque  tous 
en  1833.  On  raconte  même  qu’ils  pai  tirent  tous  ensemble 
dans  la  même  nuit,  ce  qui  n’a  pas  été  prouvé  ;  mais  ce  qui  est 
certain  c’est  qu’une  borde  très-nombreuse  quitta  une  nuit 
la  forêt  et  descendit  dans  la  vallée  de  la  Somme  pour  gagner 
la  forêt  d’Eu  ;  ils  furent  surpris  dans  la  baie  par  la  marée 
montante  et  périrent  presque  tous. 

Depuis ,  leurs  appariions  dans  les  bois  de  la  Somme  et 
du  Pas-de-Calais  ont  été  irrégulières,  et  leurs  captures  y 
sont  citées  comme  des  faits  de  chasse  dignes  de  passer  à  la 
postérité.  A.  de  Norguet. 


CHRONIQUE. 

i?létéorolog:ie.  Mois  de  mars  1869.  —  La  température 
atmosphérique  moyenne  du  mois  de  mars  1868  a  été  de 
2°  08  bien  au-dessous  de  la  moyenne  générale  de  mars 
(o®4o4;et  plus  basse  aussi  que  celle  des  mois  de  mars 
depuis  18  ans.  La  moyenne  des  minima  a  été  de  0®  64 ,  celle 


—  J  19  — 

des  maxima  3“  o2  ;  les  températures  extrêmes  —  Î2  ’  6 ,  le  4 , 
et  1:2°  O ,  le  31.  Le  nombre  des  jours  de  gelée  a  été  de  12  ; 
les  vents  dominants  N.  etN.E.  forts. 

La  tension  de  la  vapeur  d’eau  qui  ordinairement  est  de 
3  mill.  3o  n’a  été  que  de  4  mill.  72  ;  l’humidité  relative 
moyenne  qui  est  de  77.71  °/o  a  été  de  81.0  “/g.  Ce  mois  a 
donc  été  beaucoup  plus  humide  que  les  mois  correspondants 
des  années  antérieures. 

La  quantité  de  pluie  tombée  en  22  jours  a  fourni  une 
couche  d’eau  d’une  épaisseur  de  57  mill.  70  composée  de; 
eau  de  pluie  25  mill.  32 ,  eau  de  neige  26  mill.  60,  e‘au  de 
grêle  5  mill.  70.  —  La  quantité  moyenne  de  pluie  qui  tombe 
ordinairement  en  mars  est  de  45  mill.  85,  il  y  eut  dans  ce 
mois  12  jours  de  neige  et  plusieurs  fois  la  terre  en  fut  cou¬ 
verte. 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  fut  de  44  m.  74 
inférieure  à  celle  d’une  année  moyenne  (46  mill.  32). 

Si  les  couches  d’air  en  contact  avec  le  sol  furent  très- 
humides,  les  couches  supérieures  ne  le  furent  pas  moins  ce 
que  démontrent  la  quantité  d’eau  tombée,  le  nombre  des 
jours  de  pluie,  la  nébulosité  du  ciel  et  la  dépression  de  la 
colonne  barométrique  dont  la  hauteur  moyenne  à  0°  ne  fut 
que  de  753  mill.  877  oscillant  entre  les  extrêmes  767  m.  50 
et  738  mill.  75.  La  hauteur  moyenne  du  baromètre  en  mars 
est  de  758  mill.  566. 

On  observe  dans  ce  mois  25  jours  de  brouillard,  10  de 
rosée,  3  de  gelée  blanche,  6  de  grêle,  3  de  givres  ,  1  de 
tempête.  Meureix. 

Histoire  naturelle.  Cygnes^  Porc-Epic.  —  M.  Del- 
planque,  conservateur  du  musée  de  Douai,  nous  commu¬ 
nique  les  faits  suivants  : 

Dans  le  courant  de  janvier  on  a  abattu  dans  le  marais  de 
Roost-AYarendin ,  près  de  Douai,  deux  Cygnes,  mâle  et 


—  1:20  — 

femelle ,  de  l’espèce  nommée  Cygnus  immutabilis  qui  dif¬ 
fère  du  Cygne  ordinaire  par  la  couleur  du  bec  et  des  pattes. 

Il  y  a  quelques  mois  on  a  pris  à  Dury  ,  Pas-de-Calais,  un 
Porc-Epic.  Inutile  de  dire  que  cet  animal  originaire  de 
l’Afrique  et  du  Midi  de  l’Europe  doit  s’être  échappé  de 
quelque  ménagerie  ambulante.  J.  G. 

Découverte  cVune  défeiise  cVéléphant.—  On  a  découvert,  il 
y  a  quelques  jours ,  dans  les  graviers  du  diluvium  des  envi¬ 
rons  de  Saint-Omer  une  défense  d’Eléphant  qui  a  1  m.45  c. 
de  longueur;  l’extrémité  antérieure  manque,  mais  tout  fait 
espérer  qu’on  pourra  l’extraire  de  la  i*oche  où  elle  est  encore 
encaissée.  Le  diluvium  des  environs  de  Saint-Omer  a  déjà 
fourni  plusieurs  débris  d’Elépbant.  M.  Dupuis,  de  cette  ville, 
en  possède  dans  sa  riche  collection ,  trois  molaires  et  deux 
défenses  qui  ne  le  cèdent  pas  pour  la  taille  à  celle  qu’on 
vient  de  trouver.  J  G. 

iiiisécs  et  Colleciioiis. —  Le  Musée  de  dessin  de  Lille 
vient  de  s’enrichir  de  quatre  pièces  de  première  valeur,  pro¬ 
venant  de  la  collection  d’un  artiste  lillois,  le  peintre  Boilly.- 
Ce  sont  :  1 le  portrait  de  Diane  de  Poitiers,  d’après  nature, 
par  Clouet,  dit  Janet ,  peintre  de  Henri  II.  —  ^2."  La  pre¬ 
mière  idée  du  fameux  tableau  de  la  Méduse  ,  esquisse  à  la 
plume  parGéricault. —  3.*  Un  paysage  à  la  plume  et  au  lavis, 
de  Claude  Lorrain,  que  l’on  peut  considérer  comme  la  pen¬ 
sée  première  de  son  tableau  dit  le  Grand-Pont.  —  4.“  Une 
composition  de  rinceaux  d'acanthe,  avec  figures  et  animaux, 
faite  par  Jean  d’Udine  pour  Raphaël.  J.  G. 

Rectification.  —  M.  Fuix  nous  communique  quelques  observations 
au  sujet  (le  Tanalyse  de  son  mémoire  inséré  dans  le  dernier  numéro 
de  notre  Bulletin. 

La  comparaison  de  la  ligne  droite  à  un  fil  inextensible  d’une  ténuité 
extrême  tendu  par  deux  forces  contraires  n’est  pas ,  comme  on  pour¬ 
rait  peut-être  le  croire  d’après  notre  analyse,  une  définition  scienofique 
mais  une  image  dont  s’est  servi  l'auteur  pour  rendre  sensible  l’idée  de 
l’élément  linéaire.  J.  G. 

Le  Gérant  ;  E.  Castiaux. 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place  ,  13. 


N.“  5.  —  Mai  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIETES. 

SOCIÉTÉ  DUNKERQUOISE  POUR  l’eîSCOURAGEMEM 
DES  SCIE^■CES  ,  DES  LETTRES  ET  DES  ARTS 
Mémoires,  t.  xiii ,  1868 

La  Société  Dunkerqiioise  pour  rencouragement  des 
Sciences,  des  Lettres  et  des  Arts  fut  fondée  en  18ol.  Elle  a 
donné  la  preuve  de  son  activité  en  publiant  en  1868 ,  après 
dix-sept  années  seulement  d’existence  ,  le  13. volume  de 
ses  mémoires.  Elle  comprend  30  membres  titulaires  rési¬ 
dants  et  8  non-résidants,  43  membres  honoraires,  140  cor¬ 
respondants,  13  associés  libres. 

Membres  titulaires  résidants  : 

MM.  Cousin  ,  ancien  magistrat  ;  Président. 

Epin.w,  prof,  de  Rliét.  au  collège  ;  Vice-Président. 
Guthlin  ,  prof,  au  Collège  ;  Secrétaire  perpétuel. 
Bonvârlet-Uurin  ,  consul  de  Danemarck;  A rc/iiu. 
Alard,  consul  des  Pays-Bas;  Trésorier. 

Delelis  ,  maire  de  la  ville  ;  Président  honoraire. 

Bernaert,  ancien  professeur,  négociant. 

Carlier  négociant ,  memb.  du  Conseil. -Gén. 
Charlîer,  professeur  de  Physique  au  Collège. 
Conseil^,  ancien  capitaine  du  port. 
de  Clebsattel^,  membre  du  Conseil-Général. 

DE  Læter^,  doyen-curé  de  Saint-Eloi. 

Delègue  ,  professeur  de  Philosophie  au  Collège. 

De  Maindreville^/^,  président  du  Tribunal  civil. 
Desmit  ,  professeur  de  Peinture. 

Develle  ,  architecte  de  la  ville. 

Everhaert  ,  avocat. 

Gambiez,  professeur  de  Mathématiques  au  Collège. 
Hab\r  ,  gérant  du  journal  V Autorité. 

Hovelt  ,  notaire. 

Mollet,  0.^,  ancien  maire  de  Dunkerque. 
Mordacq,  inspecteur  primaire. 

Nys,  propriétaire. 


—  12-2  — 

Plücq^,  ingénieur  en  chef  des  ports  du  Nord. 

Ribeiue,  principal  du  Collège. 

Robimet,  receveur  de  la  poste. 

ÏERQUEM^,  professeur  d’Hydrographie. 

ZA^’DYCK  ,  docteur  en  médecine. 

Membres  litulaii-es  non-résidants  : 

Rebgerot,  maire  d’Esquelbecq. 

DA>iTü-l)A>iBRicoLRT^,  fabricant  de  sucre  à  Steene. 

Di  ria’-Rayart  ,  fabricant  de  sucre  à  Steene. 

Herwyn  ,  à  Rergues. 

Lebeaü  ,  à  Woi  inhoiit. 

Lernolt,  docteur  en  médecine  à  Wormliondl. 

Cutters,  architecte  à  Rergues. 

Le  treizième  volume  des  .Mémoires  de  la  Société  Dunker- 
(luoise  s’ouvre  par  un  discours  prononcé  par  son  président 
M.  Terquem  lors  de  la  séance  publique  du  16  décembre 
1867.  L’oraleur  fait  appel  à  l’initiative  individuelle  et 
donne  ,  comme  exemple  ,  sous  ce  rapport ,  son  regretté 
collègue  Victor  Derode. 

C’est  encore  ce  nom  ,  cher  aux  Sociétés  de  Dunkerque  et 
de  Lille  ,  qui  clôt  le  volume.  M.  Güthlin  ,  secrétaire  perpé¬ 
tuel  de  la  Société ,  y  trace  ,  en  termes  judicieux  et  forte¬ 
ment  sentis  ,  la  biographie  du  regretté  défunt. 

Les  Sciences  sont  représentées  dans  ce  volume  par  les 
(Observations  météorologiques  faites  à  Dunkerque  pendant 
l'année  1865-66,  par  M.  Zandyck,  membre  titulaire  ;  les 
Arts  par  des  notices  étendues  sur  VHistowe  de  l'Art  et  sur- 
la  Philosophie  de  l’Art,  par  M.  l’Hote  ,  alors  membre  titu¬ 
laire  et  récemment  devenu  correspondant  par  suite  de  son 
départ  de  Dunkerque.  Ces  notices  font  partie  d’une  série 
de  mémoires  dont  la  publication  n’est  pas  encore  terminée  : 
nous  attendrons ,  pour  en  rendre  compte,  que  l’auteur  ait 
résumé  ,  dans  une  vue  d’ensemble  ,  ses  savantes  considéra¬ 
tions.  M.  l’Hote  n’est  pas  seulement  artiste  et  littérateur  ,  il 
est  aussi  poète;  le  présent  volume  lui  doit  deux  pièces: 
la  Fille  de  l’Hôtesse  et  le  Dernier  jour  de  Pompéi, 


—  123  — 

Le  Dernier  jour  de  Pompéi  est  un  sujet  bien  souvent 
traite.  Comme  ses  devanciers  ,  l’auteur  fait  intervenir  un 
fleuve  de  feu  qui  lèche  en  sifflant  les  Portiques;  il  fond,  il 
brûle,  aujoute-t-il.  Cependant,  il  n’y  a,  à  Pompéi ,  aucune 
trace  de  fusion  ou  de  calcination;  si  le  feu  ou  la  lave  était 
intervenu  dans  la  destruction  de  la  ville  romaine ,  on  n’y 
retrouverait  pas  ces  colonnes  de  marbre,  ces  statues,  ces 
mosaïques  et  surtout  ces  admirables  fresques  qui  font  du 
Musée  pompéien  l’une  des  plus  grandes  curiosités  de  l’uni¬ 
vers.  Pompéi  a  été  ensevelie  sous  une  pluie  de  cendres  et 
de  pierres-ponces  qui  a  couvert  le  sol  de  la  ville  d’une 
couche  de  1  mètre  30  à  3  mètres  d’épaisseur.  Les  habitants 
ont  eu  le  temps  de  fuir  et  d’emporter  en  grande  partie 
leurs  trésors.  On  pardonnera  d’autant  plus  facilement  à 
M.  l’Hote  d’avoir  substitué  le  courant  de  lave  à  la  pluie  de 
cendres,  qu’il  n  a  fait  qu’adopter  l’opinion  vulgaire  et  qu’un 
poète  n’est  pas  tenu  de  savoir  la  géologie. 

Un  autre  poète,  M.  Mordacq,  membre  titulaire  de  la 
Société  ,  a  enrichi  le  même  volume  de  quelques  vers  adres¬ 
sés  à  Dunkerque  ;  il  chante  la  ville ,  il  chante  son  histoire  et 
montre  qu’il  est  vraiment  : 

<>  Amoureux  de  Dunkerque  et  Dunkerquois  de  cœur!  » 


Un  Episode  judiciaire  du  xiv.®  siècle ,  par  M.  Güthlin. 
—  M.  Güihlin  ,  qui  est  aussi  poète,  renonce  pour  un  jour 
au  langage  des  vers  et  fait  une  heureuse  excursion  sur  le 
domaine  de  l’histoire  locale.  Il  raconte,  d’après  des  docu¬ 
ments  publiés  par  M.  Diegerick,  les  poursuites  auxquelles 
donna  lieu  la  perpétration  d’un  assassinat  et  d’un  arsin , 
commis  en  1326,  dans  la  ville  de  Comines,  par  des  bour¬ 
geois  d’Ypres.  Il  entremêle,  de  piquantes  réflexions,  le  récit 
de  cet  incident  qui  eut  pour  résultat  de  mettre  en  mouve¬ 
ment  les  puissantes  communes  de  Flandre  et  le  roi  de 
France  lui-même.  Quant  à  l’acte  sauvage  qui  fut  la  source 


—  124  — 

de  ce  long  démêlé  judiciaire ,  il  semble  avoir  été  occasionné 
par  la  rivalité  existant,  de  temps  immémorial,  entre  les 
drapiers  d’Ypres  et  de  Comines. 

Etude  sur  la  dernière  Conversion  de  Pascal ,  par  M.  De¬ 
lègue  ,  membre  titulaire.  —  Tout  le  monde  connaît  le  récit 
de  l’accident  qui  amena  la  conversion  de  Pascal. 

Pivs  (lu  Pont-(le-Xeiiilly  ,  ses  chevaux  s’emportent  ,  rentraîiient 
vers  la  Seine  ,  se  précipitent  dans  les  Ilots  ;  au  même  instant  les  traits 
cassent  et  le  carrosse  du  grand  gcomètre  reste  sur  le  l)ord  du  préci¬ 
pice.  Depuis  lors  Pascal  voyait  toujours,  ouvert  sous  scs  pas,  un 
ahiine  prêt  à  1  engloutir.  11  résolut ,  sous  Peinpire  de  cette  terreur,  de 
SC  consacrer  uniciuement  au  salut  de  son  âme,  eu  s'enfermant  dans  le 
monastère  de  Port-lloval. 

Voilà  la  tradition:  M.  Delègue  la  croit  fausse.  Ni  Jacque¬ 
line  Pascal  qui  fut  la  confidente  et  la  directrice  de  son 
frère,  ni  M."'®  Perrier,  son  autre  sœur,  n’ont  parlé  de 
l’accident  de  Neuilly.  Celte  anecdote  du  Pont-de-Neuilly  se 
trouve ,  il  est  vrai ,  dans  une  note  d’un  manuscrit  attribué  à 
Marguerite  Perrier  qui  écrivit  aussi  la  vie  de  son  oncle  ; 
mais,  dans  le  récit  de  la  conversion  de  Pascal,  elle  ne  fait  pas 
mention  de  l’accident;  elle  affirme  même  tout  le  contraire. 
Du  reste,  M.  Delègue  donne  des  raisons  de  douter  que  la 
note  ainsi  que  le  manuscrit  soient  de  la  main  de  Marguerile 
Perrier  ;  il  attribue  ce  manuscrit  à  un  copiste  qui  pourrait 
bien  être  lui-même  l’auteur  de  la  note.  Selon  M.  Delègue , 
Pascal  avait ,  depuis  quelque  temps  déjà  ,  l’intention  ’de  se 
retirer  du  monde.  Un  sermon  sur  la  Conception  de  la  Sainte- 
Vierge  et  les  exhortations  de  sa  sœur  finirent  par  l’y  dé¬ 
cider. 

De  l’Industrie  cotonnière^  par  M.  J.  deRidder,  docteur 
en  médecine  à  Harlebeke  (Belgique).  —  Ce  mémoire  de 
96  pages,  bien  écrit  et  bien  pensé  ,  est  une  réponse  à  la 
question  suivante  proposée  par  la  Société  de  Dunkerque  : 

«  Faire  succinctement  l’histoire  de  l’Industrie  cotonnière  dans  le 


—  125  — 

*N'ord  de  la  France ,  depuis  l'origine  de  cette  industrie  jusqu’à  nos 
jours  ,  sous  le  double  rapport  :  l.°  du  travail  du  Coton,  et  5.”  de 
l'Hygiène.  » 

L’espace  nous  manque ,  à  notre  grand  regret ,  pour  ana¬ 
lyser  ce  remarquable  travail  ;  mais  il  renferme  tant  de  faits 
instructifs ,  tant  d’appréciations  intéressantes  que  nous  en 
recommandons  vivement  la  lecture  à  ceux  qui  s’occupent 
d’économie  sociale  et  industrielle. 

Nous  allons  cependant  résumer,  en  quelques  mots,  le  côté 
hygiénique  de  la  question  ;  la  compétence  toute  spéciale  de 
l’auteur  en  cette  matière  lui  donne  un  intérêt  particulier. 

Certains  inconvénients  de  l’industrie  cotonnière  pour  la 
santé  des  ouvriers  lui  sont  spéciaux  ;  elle  en  présente  en 
outre  qui  lui  sont  communs  avec  toutes  les  autres  grandes 
industries. 

Le  coton  arrive  dans  la  fabrique  fortement  comprimé 
dans  des  balles  et  rempli  de  poussière  et  d’impureté  ;  on 
doit ,  avant  de  le  travailler ,  commencer  par  l’étirer  et  le 
nettoyer.  L’afelier  où  se  fait  cette  opération  est  toujours 
rempli  de  poussière  et  de  duvet  cotonneux  qui  s’introdui¬ 
sent  ,  par  la  bouche  et  par  le  nez  ,  dans  les  voies  respiratoi¬ 
res;  si  la  salle  n’est  pas  bien  ventilée,  l’action  irritante  de  la 
poussière  produit  des  bronchites  chroniques  qui  dégénèrent 
en  phthisies  pulmonaires,  lorsque  la  constitution  lympha¬ 
tique  des  ouvrières  (car  ce  sont  généralement  des  femmes 
qui  sont  chargées  de  l’épluchage)  est  favorable  au  déve¬ 
loppement  de  cette  maladie.  L’opération  du  débourrage  des 
cardes  qui  ont  peigné  le  coton  brut ,  produit  également  une 
grande  quantité  de  poussière. 

Divers  moyens  ont  été  proposés  pour  mettre  les  ouvriers 
à  l’abri  de  cette  cause  d’insalubrité.  Celui  que  préfère 
M.  de  Ridder  est  l’emploi  d’un  masque  de  papier  huilé 
couvrant  toute  la  face  et  fixé,  derrière  la  tête,  au  moyen  de 


—  126  — 

rubans  :  la  partie  du  masque  correspondant  aux  narines  et 
à  la  bouche  serait  percée  de  5  à  6  trous  faits  avec  des 
épingles  ordinaires.  Il  recommande  aussi  aux  ouvriers  de 
parler  le  moins  possible  et  de  boire  de  temps  en  temps  quel¬ 
ques  boissons  adoucissantes ,  telles  que  de  l’eau  d’orge  ou 
de  l'eau  de  guimauve.  Nous  craignons  bien  qu’aucune  de 
ces  recommandations  ne  soit  suivie ,  et  l’auteur  ne  se  fait 
pas  illusion  à  ce  sujet  :  car  il  constate  que  l’ouvrier  est , 
sous  le  rapport  de  la  santé  ,  d’une  insouciance  sans  égale. 

Une  température  de  37  à  40  degrés  règne  dans  les  salles 
où  se  fait  l’encollage  à  la  gélatine  des  fils  destinés  à  former 
la  chaîne  de  la  toile;  les  ouvriers  qui  y  travaillent  sont 
constamment  couverts  d’une  transpiration  abondante  :  ils 
doivent  donc  se  couvrir  convenablement  à  leur  sortie  de  la 
fabrique. 

A  ces  exceptions  prés,  les  ateliers  bien  construits  ,  bien 
ventilés,  n’offrent,  par  eux-mêmes,  aucune  condition  d’insa¬ 
lubrité  ;  ils  sont  même  bien  plus  salubres  que  les  chambres 
basses  et  humides  des  tisserands  de  la  campagne.  Aussi  on 
a  remarqué  que,  dans  le  canton  de  Clary(arrondissement  de 
Cambrai  ),  où  il  n’existe  pas  de  grandes  fabriques,  et  où  le 
tissage  domestique  est  très-répandu  ,  le  nombre  des  réfor¬ 
més  a  atteint ,  pour  les  années  1836,  37  et  38,  le  chiffre  de 
loO  individus,  tandis  qu’il  n’était  que  de  116  dans  le  canton 
de  Roubaix  ,  99  dans  celui  de  Tourcoing  et  94  dans  celui  du 
Cateau  ,  là  où  existent  les  grands  ateliers  ('). 

Parmi  les  diverses  branches  d’industrie  cotonnière,  il  en 
est  une  (jui  se  fait  toujours  à  la  maison  :  c’est  celle  de  la 
dentelleà  la  main. Cette  fabrication  qui,  en  retenant  la  jeune 
ouvrière  dans  sa  famille,  près  de  sa  mère  ,  offre  des  avan- 


(1)  Ces  observations  sont  extraites  d'un  mémoire  rédigé  par  la 
Chambre  de  Commerce  de  Lille  en  1840  et  déjà  publiées  par  M.  Tlum- 
venin  ,  médecin  à  Lille,  eu  1846. 


—  127  — 

tages  moraux  incontestables ,  présente  ,  sous  le  rapport 
hygiénique  ,  de  graves  inconvénients  par  suite  du  travail 
sédentaire  qu’elle  exige  ;  de  plus,  l’habitude  que  les  ouvriè¬ 
res  ont  de  chanter  dans  une  position  courbée,  contribue 
beaucoup  au  développement  de  la  phthisie. 

M.  de  Ritter  reconnaît,  du  reste,  que  les  principales 
causes  des  maladies  qui  affligent  l’ouvrier  ,  proviennent  de 
l’insalubrité  de  ses  demeures  ,  de  la  mauvaise  nourriture, 
de  l’inconduite  et  surtout  de  sa  déplorable  propension  à 
l’ivrognerie.  J.  Gosselet. 

SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  LAOX. 

Bulletin,  t.  xvn. 

La  Société  académique  de  Laon,  fondée  en  1850,  donne 
tous  les  ans,  depuis  cette  époque,  un  volume  de  mémoires. 

Elle  comprenait,  au  i.*'"  janvier  1869,  11  membres  hono¬ 
raires  (les  autorités  départementales  et  quelques  illustra¬ 
tions  du  pays) ,  19  membres  titulaires  et  40  correspondants. 

Liste  des  membres  titulaires  : 

MM.  CoMBiER,  président  du  Tribunal;  Président. 

De  ViLESTivAUD^,  dir.  des  Domaines;  Vice-Président. 

Ed.  Fleury,  ancien  journaliste  ;  Secrétaire-Général. 

PiLLOY ,  agent-voyer  ;  Secj'étaire  des  séances. 

Filliette  ;  Trésorier. 

Batox,  curé  de  Saint-Martin. 

Bruyant  ,  agent-voyer  en  chef  du  Département. 

De  Beauvillé  ancien  maire  de  Laon. 

De  Coquet  ,  rédacteur  du  Jouîmal  de  V Aisne. 

Vicomte  De  Courval,  membre  du  Conseil-Général. 

Delasalle  ,  inspecteur  des  Domaines. 

Delegorgue,  substitut  à  Laon. 

Déy  ,  conservateur  des  Hypothèques. 

D’Ersu  fils ,  à  Laon. 

Gomart^,  à  Saint-Quentin. 

Grand  Motté  ,  pi’ofesseur  d’Histoire  au  collège. 

Hidé  ,  à  Laon. 

Matton  ,  archiviste  de  la  Préfecture. 


—  128  — 

Midoux  ,  peintre  et  dessinateur  à  Laon. 

PiETTE,  à  Soissons. 

Saixtive,  homme  de  lettres  à  Laon. 

TniLLOis,  bibliothécaire  de  la  ville. 

VixcHON^,  maire  de  la  ville. 

Tableaux  des  Filigranes  des  papiers  employés  dans  le 
^ord  de  la  France  au  xv.®  siècle^  par  MM.  A.  Midoux  et 
Matton.  —  Ceci  est  la  deuxième  partie  de  l’œuvre  cou¬ 
ronnée  au  concoui's  des  Sociétés  savantes  en  1868.  La  pre¬ 
mière  partie  traitait  des  Filigranes  au  xiv.®  siècle.  La  troi¬ 
sième  partie  s’occupera  des  Filigranes  au  xvi.®. 

L’étude  des  Filigranes  (  figures  tracées  dans  la  pâte  du 
papier  )  ,  est ,  comme  l’a  fort  bien  dit  le  regrettable 
M.  Vallet  de  Viriville,  un  moyen  de  contrôle  pour  scruter 
l’âge,  le  pays,  l’origine  et  enfin  l’authenticité  d’une  multi¬ 
tude  de  monuments  graphiques. 

Tout  récemment,  M.  Ed.  Meaume  a  trouvé  dans  les  Fili¬ 
granes  un  moven  infaillible  de  reconnaître  et  de  classer  les 
premiers  tirages  de  Callot.  L'examen  des  Filigranes  a  aussi 
fourni  des  données  très-précieuses  pour  l’histoire  des  incu¬ 
nables  xylograpbiques  et  typographiques.  Enfin,  il  atteste 
la  supériorité  traditionnelle  des  produits  de  la  papeterie 
française,  «  puisque  les  noms  des  papiers  qui,  depuis  le 
XIV. *  siècle,  servent  encore  aujourd’hui  à  indiquer  leurs 
formats  et  leurs  qualités,  sont  les  marques  ou  les  enseignes 
des  premiers  fabricants  français,  devenues  cosmopolites  et 
adoptées  par  tous  les  fabricants  étrangers  ;  telles  que  Pot, 
Ecu  y  Couronne,  Coquille,  Aigle,  Grand-Aigle,  Raisin, 
Grand -Raisin  ,  Jésus,  Grand-Monde  [^) ,  etc.  » 

Le  Recueil  soumis  au  jugement  du  Comité  des  travaux 
historiques  (section  d’archéologie),  par  MM.  Midoux  et 
Matton ,  se  compose  de  plus  de  2,500  types  ou  variétés  de 


(^)  Revue  des  Sodèlès  Savantes,  i.'  série,  t.  vu,  p.  34”/. 


—  129  — 

Filigranes,  provenant  tous  de  la  région  du  Nord  ;  le  xiv.* 
et  le  XV.*  siècle  en  ont  fourni  environ  600;  le  reste,  qui 
s’élève  à  près  de  2,000,  appartient  au  xvi.®  siècle. 

La  date  et  la  provenance  de  tous  ces  types  et  de  toutes 
ces  variétés,  relevées  avec  soin  sur  le  papier  qui  les  porte, 
ont  été  inscrites  sur  le  dessin  qui  les  reproduit.  «  On  est 
vraiment  étonné,  dit  M.  le  marquis  de  La  Grange,  rappor¬ 
teur  du  Concours ,  de  la  patience  et  du  travail  qu’il  a  fallu 
pour  arriver  à  ce  résultat.  »  Antérieurement,  M.  Déy,  se¬ 
crétaire-général  de  la  Société  académique  de  Laon ,  avait 
appelé  le  travail  de  MM.  Matton  et  Midoux  «  une  œuvre 
sans  précédent  et  d’initiative  at3solue.  » 

Note  sur  la  découverte  d’objets  Gallo-Romains  à  Cha- 
landry,  par  M.  Matton.  —  Sur  le  territoire  de  Ghalandry , 
village  du  département  de  l’Aisne,  s’élève  la  montagne 
isolée  de  Saint-Aubin  ;  on  y  a  trouvé  des  monnaies  et  des 
poteries  attestant  qu’au  ni.*  siècle  de  notre  ère  c  était  encore 
un  endroit  habité,  et  peut-être  fortifié.  A  lo  mètres  au- 
dessous  d’une  fontaine ,  on  a  découvert  récemment  les 
débris  d’un  petit  autel  en  grès  non  maçonné,  des  cuillères 
à  parfum  argentées,  des  patères  en  bronze  ,  des  vases  de 
terre  cuite ,  une  garniture  de  seau  en  fer,  des  hacbeltes  et 
couteaux  de  sacrificateurs ,  près  de  200  pièces  de  monnaies , 
du  blé  brûlé,  des  ossements  de  moutons  offerts  en  sacrifice, 
etc.  La  pièce  la  plus  précieuse  de  cette  trouvaille  est  une 
petite  statuette  en  bronze  représentant  une  femme  ac¬ 
croupie  :  elle  porte  des  yeux  en  argent  sur  lesquels  étaient 
fixées  des  perles  ou  des  pierres  précieuses  que  l’on  n’a  pu 
retrouver.  L’autel  était  probablement  consacré  à  Latone. 
Les  mères  gallo-romaines  venaient  baigner  dans  la  fontaine 
leurs  enfants  nouveaux-nés  et  offrir  un  sacrilice  à  la  déesse 
des  accouchements. De  nos  jours  encore,  de  nombreux  pèle¬ 
rins  accourent  à  l’eau  merveilleuse,  surtout  dans  la  pre- 


—  130  — ■ 

uiière  iieuvaine  de  mars.  On  plonge  Tentant  dans  la  fon¬ 
taine,  et  Ton  y  jette,  en  même  temps,  des  petites  branches  : 
si  celles-ci  surnagent,  l’enfant  vivra;  si  elles  vont  au  fond, 
c’est  signe  que  le  pauvre  petit  être  est  voué  à  la  mort. 

Rapport  sur  les  fouilles  du  Cimetière  mérovingien  à  la 
Ferme  d'Aumont  (Coucy-la-Ville) ,  par  M.  Marchand,  ins¬ 
tituteur  à  Septvaux.  —  Plusieurs  cercueils  en  pierre  ont  été 
découverts  dans  un  champ,  près  la  ferme  d’Aumont:  ils 
contenaient  des  fragments  d’os  ou  même  des  squelettes  en¬ 
tiers,  quelques  vases  ,  des  couteaux  et  boucles  en  fer  rouil- 
lés.  Dans  un  de  ces  cercueils,  on  a  trouvé  le  squelette  d’un 
guerrier  avec  son  épée  et  son  poignard  ;  dans  un  autre , 
une  jolie  fibule  en  cuivre  argenté,  ornée  de  cinq  petites 
verroteries.  C’est  le  seul  ornement  qiTon  ait  rencontré; 
du  reste  beaucoup  de  ces  sépultures  paraissent  avoir  été 
violées.  Le  rapport  de  M.  Marchand  est  accompagné  d’une 
planche  qui  représente  des  couteaux  et  des  boucles  de  cein¬ 
turons;  nous  regrettons  de  n’y  pas  voir  figurer  les  vases 
dont  quelques-uns  portaient  des  dessins  assez  riches.  Nous 
ne  saurions  trop  recommander  l’étude  des  poteries  aux 
personnes  qui  se  livrent  aux  fouilles  archéologiques.  Chaque 
époque  a  sa  céramique  qui  suffit  souvent  pour  déterminer 
1  âge  des  objets  qu’on  découvre. 

Le  Protestantisme  à  Remigny  de  1698  à  1699,  par 
M.  Matton.  —  Histoire  d  un  pauvre  berger,  Nicolas Frenoy, 
qui  voulut  se  mêler  d’en  remontrer  à  son  curé  et  qui ,  à  ce 
propos,  faillit  se  faire  un  mauvais  parti  avec  la  justice  du 
roi. 

Quelques  détails  sur  les  Fêtes  célébrées  à  Laon  en  1741 , 
en  1761  et  1762,  en  l'honneur  de  Monseigneur  de  Roche- 
chouart,  évêque-duc  de  Laon,  par  M.  l’abbé  Bâton.  — 
Nous  ne  pouvons  que  renvoyer  nos  lecteurs  à  ces  curieux 
procès-verbaux. 


—  131  — 

Notice  sur  les  Institutions  de  charité  qui  précédèrent  à 
Laon  la  fondation  de  V Hôpital-Général  (1642-1663),  par 
M.  Fillielte.  —  Chapitre  à  ajouter  à  la  navrante  histoire  de 
la  Misère  au  temps  de  Saint-Vincent-de-Paul.  Tous  les 
maux  qu’entraînent  la  guerre  civile,  l’invasion  étrangère 
et  une  désastreuse  épidémie,  avaient  successivement  sévi 
depuis  près  d’un  siècle  dans  le  Laonnais.  Laon  était  devenu 
le  refuge  des  malheureux  ruinés  par  ces  divers  fléaux, 
lorsqu'en  1642,  il  s’y  forma,  pour  le  soulagement  de  tant 
d’infortunes,  une  Association  de  N.-D.  «  sous  le  titre  et 
invocation  de  là  reine  de  Paix.  »  Autorisée  par  l’évêché 
et  comblée  de  faveurs  spirituelles,  cette  Association  où  en¬ 
trait  quiconque  voulait  s’y  faire  inscrire  ,  était  administrée 
par  dix-huit  de  ses  membres.  Ses  ressources  consistaient 
uniquement  dans  les  aumônes  et  les  charités.  C’est  par  des 
moyens  aussi  précaires ,  mais  qui  laissaient  une  large  place 
à  l’initiative  individuelle ,  qu’on  pourvoyait  alors  au  défaut 
ou  à  l’insuffisance  de  l’assistance  publique. 

Le  Siège  de  Soissons  en  1617 ,  par  M.  Gomart.  —  M.  Go- 
mart  a  entouré  de  tous  les  éclaircissements  désirables 
l’histoire  de  ce  siège  entrepris  par  ordre  de  Marie  de 
Médicis,  et  subitement  interrompu  par  l’assassinat  du  ma¬ 
réchal  d’Ancre.  11  s’est  ainsi  proposé  de  faire  mieux  com¬ 
prendre  le  but  que  poursuivaient  les  chefs  de  la  troisième 
ligue  et  l’importance  qu’avait  pour  eux  la  possession  de 
Soissons. 

Indépendamment  des  travaux  de  rédaction  dont  nous 
venons  de  présenter  une  trop  sommaire  analyse  ,  la  Société 
académique  de  Laon  a  inséré,  dans  le  présent  volume  de 
ses  mémoires ,  sous  le  litre  de  Documents  inédits  :  1.®  les 
Chartes  d’affranchissement  de  Selens,  Saint -Aubin  et 
Juvigny ,  publiées  avec  notes  par  M.  Marville  ;  2.®  le  rapport 
aux  représentants  Lejeune  et  Leroux ,  sur  les  moyens  de 


—  132  — 

délense  employés  contre  Tennemi  dans  le  département  de 
l’Aisne ,  et  sur  la  formation  du  camp ,  près  de  la  ville  de 
Réiinion-sur-Oise  (Guise),  le  5  octobre  1793  ,  communica¬ 
tion  dûe  à  mon  infatigable  et  excellent  collègue  M.  Matton. 

A.  Desplanque. 

CONFÉRENCES  ET  COURS  PUBLICS 

ConférOTices  de  Douai;  d)  Février-l^Iars  {suite  et  fm). 

I.  Conférence  sur  l’enfant,  par  M.  Joly,  professeur  au 
Lycée.  —  M.  Joly  a  parlé  du  développement  de  l'instinct  et 
de  Vintelligence  dans  Venfaîit  avec  l’esprit  d’analyse  qu’on 
est  en  droit  d’attendre  d’un  professeur  de  philosophie.  Etu¬ 
diant  le  mouvement  naturel  qui  porte  l’enfant  à  chercher 
la  nourilture  au  sein  de  sa  mère ,  il  a  montré  combien 
grande  est  la  distance  qui ,  dès  cette  première  phase  de  son 
existence,  sépare  l’homme  de  l’animal.  Dès  lors  se  mani¬ 
festent  en  lui  des  symptômes  d’une  sensibilité  tout  inté¬ 
rieure  où  l’on  peut  déjà  étudier  les  indices  du  caractère. 
Le  sourire  révèle  d’abord  un  esprit  d’imitation  intelligente. 
Bientôt  apparaît  le  langage ,  le  langage  que  l’enfant  se  fait 
en  partie  à  lui-méme  par  des  sons  et  par  des  signes  et 
que  comprennent  tous  ses  semblables.  L’instinct  ne  se 
montre  si  imparfait  chez  l’enfant  que  parce  que  cette  faculté 
ne  doit  pas  être ,  pour  lui  comme  pour  l’animal,  l’unique 
règle  de  la  vie. 

II.  Conférence  sur  l’astronomie,  par  M.  Rousselin, 
professeur  de  Mathématiques  au  Lycée.  —  Avec  la  baguette 
enchanteresse  d’un  Fontenelle,  M.  Rousselin  a  transporté 
son  élégant  auditoire  dans  les  régions  sidérales. 

Après  avoir  déterminé  la  distance  de  la  terre  au  soleil ,  il 
a  expliqué  la  nature  des  étoiles  et  des  nébuleuses.  Il  a  aussi 
parlé  des  planètes  et  en  particulier  de  Vénus ,  dont  le  pro- 


(b  Résumées  d’après  V Indépendant  et  le  Courrier  de  Douai. 


—  loo  — 

Chain  passage  sur  le  disque  du  soleil  préoccupe  déjà  les 
astronomes.  Cette  observation  extrêmement  importante, 
qui  ne  peut  avoir  lieu  que  deux  fois  par  siècle,  à  huit  ans 
de  distance,  a  été  faite  en  1T61  et  1769.  On  prépare  déjà 
les  expéditions  qui  doivent  aller  la  renouveler  sur  les  diffé¬ 
rents  points  du  globe,  en  1874  et  en  1882. 

III.  Conférence  sur  l’utilité  de  l’eau,  parle  docteur 
Maugin.  —  Le  docteur  Maugin  a  traité  de  l’utilité  de  l’eau 
pour  les  êtres  organisés  et  pour  l’homme  en  particulier. 
Nous  devons  à  beau  les  2/3  de  notre  poids.  Certains  ani¬ 
maux  et  certains  végétaux  en  renferment  une  bien  plus 
grande  quantité. 

«  L’eau  est  la  boisson  par  excellence;  les  8/10  de  l’es- 
»  pèce  humaine  s’en  contentent.  Dans  les  conditions  régu- 
»  lières  d’organisation,  de  régime,  d’habitation,  d’activité 
»  physique  et  morale,  il  n’est  point  de  breuvage  qui  con- 
»  vienne  mieux  à  l’homme  ;  elle  ne  stimule  et  ne  ralentit 
»  aucune  fonction,  elle  facilite  l’accomplissement  de  toutes  ; 
»  sous  son  influence,  les  révolutions  d’àge  s’opèrent  en 
»  leur  temps  opportun  sans  secousse  ni  maladie.  Les  bu- 
»  veurs  d’eau  (qui  ne  sont  pas  plus  méchants  que  d’autres 
-  quoiqu’en  dise  le  proverbe) ,  ont  meilleur  appétit ,  ils 
>  conservent  mieux  le  goût ,  l’odorat ,  la  vue  et  surtout  la 
»  mémoire;  ils  vivent  plus  longtemps,  et,  ce  qui  est  pré- 
*  férable,  ils  souffrent  moins  d’infii-mités  dans  leur  vieil- 
0  lesse.  » 

La  bonne  eau  potable  doit  être  limpide  et  claire  ,  sa 
saveur  franche,  son  odeur  nulle  ;  elle  doit  être  fraîche  et 
non  glacée  en  été,  tiède  et  non  chaude  en  hiver;  de  10  à 
18.°  toute  l’année;  pour  être  d’une  digestion  facile,  elle  doit 
être  aérée.  L’aii*  qu’elle  renferme  est  plus  riche  en  oxygène 
et  en  acide  carbonique  que  l’air  atmosphérique.  Elle  con¬ 
tient  en  outre  en  dissolution  quelques  ’sels,  du  chlorure 


—  154  — 

de  sodium  ,  des  carbonates  et  des  sulfates  de  chaux  et  de 
magnésie.  Le  savant  docteur  a  montré  à  ses  auditeurs  com¬ 
ment,  à  l’aide  de  l’hydrotimèlre ,  on  peut  reconnaître  la 
quantité  de  calcaire  tenue  dans  l’eau.  Avec  cet  instrument 
011  constate  la  quantité  de  savon  que  l’eau  peut  dissoudre  ; 
plus  cette  quantité  est  faible,  plus  l'eau  est  chargée  de 
calcaire,  plus  alors  elle  est  lourde  ,  impropre  à  la  cuisson, 
au  blanchissage  et  h  une  foule  d’autres  usages  domestiques 
et  industriels. 

IV.  CONFÉIIE.NCE  SUR  ARISTOPHANE,  pU)'  M.  MoiJ ,  profeS- 

seur  de  Rhétorique  au  Lycée.  —  Reportant  ses  auditeurs  à 
2200  ans  en  arrière,  M.  3Iov  les  a  fait  assister  h  une  fête 
des  Dionysiaques ,  célébrée  dans  Athènes  au  théâtre  de 
Racchus.  Trente  mille  spectateurs  environ  occupent  l’hémi¬ 
cycle  de  pierre  devant  lequel,  sur  la  thymèle,  fument 
encore  les  entrailles  du  bouc  sacrifié  au  dieu;  des  libations 
de  vin  nouveau  ont  été  faites  en  son  honneur ,  et  la  foule  en 
délire  s’apprête  à  écouter  et  applaudir  une  audacieuse  satire 
en  action  que  va  faire  jouer  Aristophane. 

«  Sous  la  verve  railleuse  et  folle  d’Aristophane  se  cache 
un  fond  sérieux  et  même  une  sorte  de  tristesse.  Sous  le  mas¬ 
que  du  bouffon,  se  trouve  le  visage  du  philosophe  moraliste 
qui  va  livrer  au  ridicule  le  pédantisme  des  savants ,  l’igno¬ 
rance  et  l’avidité  des  devins  et  des  sacrificateurs,  les  préten¬ 
tions  des  poètes,  la  cupidité  des  magistrats  et  les  turpitudes 
des  délateurs.  Les  dieux  mêmes  ne  seront  pas  épargnés.  » 

La  poésie  du  grand  comique  n’en  est  pas  moins ,  quand  il 
le  veut  ,  quand  il  le  faut ,  gracieuse  et  chaste.  *  Saint 
Chrvsostôme  avait  continuellement  les  œuvres  d’Aristo- 

V 

phane  sous  son  chevet ,  et  Platon  ,  qui  lui  a  donné  une  si 
belle  phrce  dans  le  Banquet ,  fit  à  sa  mort  un  distique  dont 
voici  la  traduction  :  Les  Grâces,  cherchant  un  sanctuaire 
indestructible,  trouvèrent  l’âme  d'Aristophane.  » 


—  155  — 

En  terminant  sa  leçon ,  M.  Moy  a  signalé  la  Parabase 
comme  un  des  traits  caractéristiques  de  la  comédie  ancienne. 
«  C’était  une  sorte  d’intermède  rempli  par  le  chœur  et  qui 
permettait  au  poète  ,  en  s’adressant  directement  au  public, 
de  monter  comme  à  une  tribune  pour  faire  des  propositions 
sérieuses  ou  badines  dans  l’intérêt  général.  » 

La  liberté  athénienne  vaincue  à  Ægos  Potamos ,  entraîna 
dans  sa  ruine  la  comédie  ancienne. 

V.  Conférence  SUR  JEANiNE-LA-FOLLE ,  parM.  Hillebrand , 
professeur  de  Littérature  étrangère  ci  la  Faculté  des  Lettres. 

—  Le  point  d’histoire  traité ,  dans  cette  conférence ,  par  le 

savant  professeur,  a  eu  dans  ces  derniers  temps  un  reten¬ 
tissement  tel  que  nous  croyons  devoir  le  réserver  pour  un 
examen  spécial  où  nous  rapprocherons  les  conclusions  de 
M.  Hillebrand  de  celles  que  vient  de  formuler  M.  Ga- 
chard  (')  J.  G.  et  A.  D. 

Cours  d'Histoire  naturelle  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille, 

par  M.  C.  Dareste. 

CLASSIFICATION  ET  THÉORIE  DE  LA  PRÉEXISTENCE  DES  GERMES. 

—  Le  professeur  traite  ,  cette  année  ,  les  différentes  ques¬ 
tions  qui  se  rattachent  à  la  Classification  des  animaux  et  des 
plantes ,  réunissant  ainsi  dans  une  idée  commune  l’étude  de 
la  physiologie  animale  et  celle  de  la  physiologie  végétale  : 
deux  sciences  qui  tendent  toujours  de  plus  en  plus  à  se  fon¬ 
dre  et  à  n’en  plus  former  qu’une:  la  physiologie  générale. 

La  classification  est  un  procédé  logique,  général ,  dont 
l’homme  s’est  toujours  servi  instinctivement  chaque  fois 

qu’il  s’est  trouvé  en  présence  d’un  certain  nombre  d’objets  ; 

« 

mais  ,  bien  qu’étant  d’un  usage  très-général ,  c’est  princi¬ 
palement  en  Histoire  naturelle  que  la  classification  est  em¬ 
ployée,  parce  que  ,  de  toutes  les  branches  de  nos  connais- 


h)  N.'*  3  du  Bulletin  de  PAcadémie  royale  de  Belgique  pour  1869. 


—  136  — 

sances  ,  c’est  celle  dont  l’étude  embrasse  les  objets  les  plus 
variés  et  les  plus  nombreux. 

C’est  instinctivement,  et  bien  longtemps  avant  l’appari¬ 
tion  de  toute  espèce  de  notion  scientifique ,  que  l’homme  a 
réuni,  en  un  même  groupe,  et  désigné,  sous  une  appellation 
commune,  tous  les  individus  qui  avaient  entre  eux  une  res¬ 
semblance  évidente  ;  le  groupe  résultant  de  cette  première 
classification  c’est  Vespèce.  —  Ce  que  l’intelligence  buraaine 
a  fait  pour  les  espèces,  elle  l’a  fait  encore  pour  des  ordres 
plus  élevés.  Dans  tous  les  pays ,  dans  toutes  les  langues , 
nous  trouvons  des  mots  pour  désigner  certaines  catégories 
d’êtres  qui  offrent  tous  quelques  caractères  communs  ;  c’est 
ce  que  nous  voyons  pour  les  papillons ,  les  scarabées ,  les 
oiseaux  ,  les  quadrupèdes.  —  Cette  distribution  des  êtres 
par  catégories  de  plus  en  plus  élevées  est  ce  qu’on  appelle 
classifwalion . 

Quand  on  cherche  à  s’expliquer  la  manière  dont  on  a  pro¬ 
cédé  pour  établir  ces  catégories,  on  voit  qu’on  a  opéré  de 
deux  manières  différentes  qui  toutes  deux  sont  instinctives. 
Dans  certains  cas ,  comme  pour  les  papillons ,  les  scarabées,  ' 
les  oiseaux,  on  n’a  fait  que  prendre  des  groupes  qui  exis¬ 
taient  pour  ainsi  dire  tout  formés  dans  la  nature:  ainsi, 
pour  les  oiseaux,  par  exemple,  le  fait  qui  a  frappé  tout 
d’abord,  c’est  l’existence  des  plumes  et  des  ailes,  et,  comme 
ce  fait  se  trouve  nécessairement  lié  avec  tous  les  autres 
détails  de  l’organisation,  on  a  eu  un  groupe  très-homogène. 
Pour  les  quadrupèdes,  au  contraire,  on  a  été  frappé  d’un 
fait,  l’existence  de  quatre  membres,  qui  existaient  chez  tous 
ces 'animaux ,  mais  ce  fait  n’était  pas  nécessairement  lié 
avec  d’autres  détails  de  l’organisation,  de  sorte  que  l’on  a 
eu,  ainsi  réunis  dans  un  même  groupe,  des  êtres  aussi  diffé- 
)ents  que  le  chien  ,  le  cheval,  le  lézard,  la  grenouille.  De 
là  cette  distinction  des  classifications ,  en  classifications 


—  137  — 

naturelles  et  en  classifications  artificielles ,  qui  toutes  deux 
nous  présentent  des  avantages  et  des  inconvénients.  Avec 
la  classification  artificielle  ,  nous  arrivons  très-facilement  à 
trouver  le  nom  d’une  espèce ,  parce  que  nous  n’avons  à 
tenir  compte  que  d’un  ou  deux  caractères ,  mais  aussi  nous 
n’apprenons  rien  de  plus  que  le  nom  de  l’espèce.  La  classi¬ 
fication  naturelle  nous  présente  plus  de  difficultés  au  point 
de  vue  de  la  détermination ,  parce  qu’ici  nous  devons  tenir 
compte  de  tout  l’ensemble  de  l’organisation,  mais  cet  in¬ 
convénient  est  amplement  compensé  par  l’avantage  immense 
que  nous  offre  la  classification  naturelle,  puisqu’il  nous  suffit 
de  savoir  à  quelle  famille  appartient  tel  être  pour  connaître 
immédiatement  l’ensemble  de  sou  organisation  et  ses  pro¬ 
priétés.  Aussi  la  classification  naturelle  est-elle  venue  rem¬ 
placer  partout  les  classifications  artificielles  que  les  natura¬ 
listes  n’ont  jamais  établies  que  comme  moyens  provisoires  ; 
et  Cuvier,  en  1816,  quand  il  publia  son  «  Règne  animal ,  » 
disait  que  la  classification  naturelle  était  l’idéal,  le  but  que 
les  naturalistes  devaient  chercher  à  atteindr^e.  A  cette  époque, 
en  effet,  il  restait  encore  un  grand  nombre  de  lacunes  ;  au¬ 
jourd’hui  on  peut  dire  que  cet  idéal  est  à  peu  près  complè¬ 
tement  atteint.  Mais  si  l’œuvre  est  achevée  dans  son  en¬ 
semble  ,  elle  ne  l’est  pas  dans  ses  détails  ;  et ,  si  nous  avons 
un  tableau  aussi  exact  que  possible  des  affinités  des  êtres, 
derrière  ce  tableau  se  soulève  une  question  nouvelle  qui 
pourrait  bien  changer  toutes  les  conditions  de  la  classifica¬ 
tion.  En  effet,  la  classification  actuelle  est  fondée  sur  la 
notion  de  l’espèce  qui  a  été  considérée  pendant  longtemps 
comme  résolue ,  notion  instinctive  qui  consiste  à  considérer 
Vespèce  comme  un  ensemble  d'individus  qui  se  ressemblent 
dans  l'ensemble  de  leur  organisation  ,  ne  présentent  que  de 
très-légères  différences ,  et  qui  doivent  leur  origine  à  d'au¬ 
tres  individus  semblables  à  eux.  Or,  cette  notion  admet  que 


—  158  — 

l’espèce  ne  peut  pas  varier,  qu’elle  est  fixe  ;  elle  est  la  défi¬ 
nition  même  de  la  fixité  absolue  des  espèces.  Aujourd’hui 
on  a  été  conduit,  par  les  découvertes  paléontologiques,  à  se 
demander  si  c’était  bien  là  l’expression  de  la  vérité ,  si ,  les 
conditions  extérieures  changeant,  l’espèce  ne  pourrait  pas 
varier,  si  les  espèces  actuelles  ne  proviendraient  pas  d’es¬ 
pèces  appartenant  aux  âges  géologiques  précédents.  Il  est 
bien  évident  que  ,  si  cette  manière  de  voir  était  exacte,  il 
faudiait  changer  toutes  les  conditions  de  la  classification  , 
et  le  mot  affinité  n’aurait  plus  seulement  un  sens  métapho¬ 
rique,  puisqu’il  exprimerait  une  parenté  réelle  entre  des 
espèces  différentes. La  question  de  la  fixité,  ou  de  la  varia¬ 
bilité  de  l'espèce  ,  est  donc  aujourd’hui  le  problème  capital , 
ou,  pour  mieux  dire,  le  seul  problème  de  l’Histoire  natu¬ 
relle.  Malheureusement,  celte  question  est  encore  toute 
récente,  elle  ne  date  que  de  quelques  années,  et  on  ne 
peut  encore  que  la  poser,  en  laissant  à  l’avenir  le  soin  de 
la  résoudre. 

Avant  de  passer  à  l’examen  de  la  notion  instinctive  de 
l’espèce ,  et  de  dire  ce  que  l’on  doit  entendre  dans  l’état 
actuel  de  la  science  par  ce  mot  espèce,  le  professeur  croit 
devoir  tout  d’abord  réfuter  une  vieille  doctrine  qui  enve¬ 
loppait  d’une  sorte  d’impossibilité  l’idée  de  la  variabilité  : 
c’est  la  doctrine  de  la  préexistence  des  germes,  doctrine  qui 
a  régné  presque  jusque  dans  ces  dernières  années  ,  puisque 
Cuvier  l’admettait  encore  complètement. 

Gomment  cette  idée  delà  préexistence  s’est-elle  introduite 
dans  la  science  ?  en  quoi  consiste-t-elle  ?  quelles  sont  les 
considérations  qui  ne  permettent  plus  de  l’admettre  aujour¬ 
d’hui? 

Une  des  questions  les  plus  difficiles  à  expliquer,  c’est 
sans  contredit  la  question  de  l’origine  des  êtres.  Vers  le 
commencement  du  xvii.f  siècle,  les  physiologistes  considé- 


—  139  — 

rèrent  cette  question  comme  insoluble  :  ils  la  tirent  sortir 
du  domaine  scientifique,  et  admirent  que  c’était  le  résultat 
d’un  miracle,  un  fait  surnaturel,  et  que  tous  les  germes 
avaient  été  créés  au  début.  11  est  curieux  de  voir  com¬ 
ment  cette  doctrine  est  entrée  dans  la  science  comme  fait 
d’observation.  Harvey  venait  de  poser  son  célèbre  apho¬ 
risme  :  omne  vicum  ex  ovo;  le  microscope  venait  de  naître, 
et  démontrait  déjà  que  l’on  peut  retrouver,  dans  les  ani¬ 
maux  ,  des  germes  bien  avant  qu’ils  soient  visibles  à  l’œil 
nu  ;  on  vit  également  que  ,  dans  bien  des  circonstan¬ 
ces  ,  on  eut  retrouvé  ,  dans  le  règne  végétal ,  la  jeune 
plante  en  miniature  avant  que  l’œil  nu  puisse  la  distinguer; 
on  fut  donc  conduit  à  admettre  que  tous  les  êtres  vivants 
provenaient  de  germes,  et  que  ces  germes  n’étaient  autres 
que  ces  êtres  eux-mêmes  en  raccourci.  Cette  idée  fut  géné¬ 
ralisée  outre  mesure,  et  on  admit  que  ces  germes,  contenant 
toutes  les  parties  du  jeune  être ,  contenaient  aussi  un  certain 
nombre  d’œufs ,  de  telle  sorte  qu’en  remontant  les  géné¬ 
rations,  on  arriva  à  penser  que  le  premier  individu  de 
chaque  espèce  contenait  toutes  les  générations.  Telle  est  la 
doctrine  de  la  préexistence  des  germes  qui  entrava  si  long¬ 
temps  les  progrès  de  la  science. 

Les  faits  qui  sont  en  contradiction  avec  cette  doctrine 
sont  de  trois  natures;  ce  sont  les  trois  phénomènes  si  re¬ 
marquables  de  la  régénération  des  parties  coupées ,  des 
anomalies ,  et  de  l’hybridité.  —  L’Hydre,  si  célèbre  depuis 
les  travaux  de  Trembley ,  peut  être  coupée  en  un  très-grand 
nombre  de  tronçons  ,  et  chacun  de  ces  tronçons  se  complète 
et  produit  une  hydre  nouvelle.  Les  Astéries,  les  Crusta¬ 
cés  ,  les  Insectes,  les  Colimaçons,  les  Annélides,  les  Sala¬ 
mandres  nous  présentent  aussi  des  phénomènes  de  régéné¬ 
ration  très-remarquables.  Les  Vertébrés  à  sang  chaud,  el 
l’homme  lui-même  nous  présentent  également  des  faits  ana- 


140  — 

logues.  On  sait  aussi  qu’une  même  partie  peut  se  régéné¬ 
rer  plusieurs  fois  de  suite  ;  ainsi  on  a  amputé  jusqu’à  7  ou  8 
fois  le  même  membre  à  une  salamandre,  et  chaque  fois  le 
membre  s’est  reconstitué  complètement. 

Eh  bien  ,  comment  expliquer  ces  faits  dans  la  doctrine  de 
la  préexistence  des  germes  ,  puisque,  d’après  cette  doctrine, 
il  ne  peut  pas  y  avoir  formation  de  parties  nouvelles  ?  Il 
faudrait  donc  admettre  que  là  où  il  y  a  une  partie  coupée , 
se  trouvait  justement  un  germe  de  cette  même  partie,  germe 
qui  se  développerait  immédiatement  après  l’amputation,  et, 
si  cette  amputation  se  répète  7  ou  8  fois,  il  aurait  dû 
préexister  autant  de  germes  semblables.  Ces  phénomènes 
de  régénération  sont  donc  en  contradiction  avec  la  doc¬ 
trine  de  la  préexistence ,  ou  au  moins  ils  la  compliquent 
singulièrement. 

Les  Monstruosités  ne  sont  pas  moins  difficiles  à  expliquer. 
Il  n’y  avait  qu’un  moyen  de  les  faire  concorder  avec  la  doc¬ 
trine  de  la  préexistence  :  c’était  d’admettre  quïl  y  avait  eu 
des  germes  primitivement  monstrueux.  On  ne  comprend 
guère  comment  le  Créateur  aurait  fait  des  êtres  monstrueux  ; 
d’ailleurs,  on  sait  très-bien  aujourd’hui  que  les  monstres 
doubles  tiennent  à  la  soudure  de  deux  embrvons ,  et  les  tra- 
vaux  de  Geoffroy  Saint-Hilaire  et  de  M.  Dareste  ont  fait  con¬ 
naître  l’origine  d’un  grand  nombre  de  monstres  simples; 
31.  Dareste  est  même  arrivé  à  faire,  à  coup  sûr,  quelques-uns 
de  ces  êtres  monstrueux. 

Un  troisième  fait  qui  vient  donner  le  dernier  coup  à  la 
doctrine  de  la  préexistence  ,  c’est  l’hybridité.  Deux  espèces 
voisines  se  réunissent,  et  donnent  naissance  à  un  mulet 
qui  est  mixte  entre  ses  deux  parents.  Comment  expliquer 
ce  fait  ?  Comment  croire  qu’il  y  ait  eu  des  germes  de  mulets? 
Ici  la  préexistence  est  complètement  en  défaut. 

Du  reste,  l’observation  directe  montre  que  la  doctrine  de 


—  141  — . 

la  préexistence  des  germes  n’est  pas  l’expression  de  la 
vérité.  En  effet,  si  cette  doctrine  était  vraie ,  le  germe  con¬ 
tenant  déjà  tons  les  organes  de  l’âge  adulte,  on  verrait  ces 
organes  grandir  peu  à  peu  ;  or,  les  études  embryogéniques 
montrent  que  les  choses  se  passent  d’une  façon  toute  diffé¬ 
rente,  puisque  ce  n’est  que  successivement  que  l’on  voit 
apparaître  les  différents  organes  et  les  différents  tissus. 

P.  Hallez. 

BIBLIOGRAPEIIE. 

PRÉCIS  DE  l’histoire  DE  LAXNOY  , 
par  M.  Tlî.  Leuridan  ,  arcliiviste-bibliothécaire 
de  la  ville  de  Roubaix  (*' 

L’histoire  des  princes  de  la  maison  de  Lannoy  est  mieux 
connue  et  plus  intéressante  que  celle  de  la  ville  qui  leur  a 
servi  de  berceau  et  dont  31.  Leuridan  nous  retrace  aujour¬ 
d’hui  les  humbles  annales.  Il  y  a  néanmoins  plaisir  à  voir  se 
développer,  sous  l’égide  de  ses  seigneurs,  et  grandir  avec 
eux,  une  localité  qui,  grâce  aux  franchises  qu’ils  lui  oc¬ 
troyèrent,  acquit  de  bonne  heure  un  certain  développement 
commercial  et  industriel.  De  cette  localité,  31.  Leuridan 
nous  décrit  la  topographie,  les  mœurs,  les  institutions  et 
les  vicissitudes ,  avec  la  précision  de  détails  et  la  sobriété  de 
style  à  laquelle  nous  a  habitués  son  Histoire  de  Roubaix. 

Sans  s’attacher  à  suivre  dans  leurs  fécondes  ramifications 
toutes  les  branches  de  l’arbre  généalogique  des  de  Lannoy, 
31.  Leuridan  nous  donne  l’historique  de  ceux  des  membres 
de  cette  illustre  famille,  qui  ont  possédé  effectivement 
Lannoy.  Il  remonte  à  leur  origine  quasi-légendaire,  nous 
montre  Jean  II  de  Lannoy  périssant  à  Azincourt,  — Jean  III, 
aidant  à  la  soumission  des  Gantois ,  prenant  part  au  repas 
du  faisan  et  prêtant ,  en  cette  circonstance  mémorable ,  le 


(h  Lille  ,  Danel ,  18G8  ,  in-8^  de  187  pages. 


—  142  — 

serment  de  suivre  Philippe  le  Bon  à  la  croisade ,  s’immis¬ 
çant  ensuite  dans  les  intrigues  des  Croy,  encourant  pour  ce 
fait  l’inimitié  de  Charles  le  Téméraire  ,  cherchant  un  refuge 
auprès  de  Louis  XI ,  el  obtenant  de  l’astucieux  monarque  la 
confirmation  des  privilèges  et  franchises  de  sa  bonne  ville 
de  Lannoy  qu’il  a  eu  le  soin  préalable  d’environner  de 
solides  murailles.  Ces  murailles  ne  furent  point  toutefois  à 
l’épreuve  d’un  siège  que  vint  diriger,  au  nom  du  duc  de 
Bourgogne,  Pierre,  seigneur  de  Roubaix.  De  ce  siège,  date 
une  sourde  inimitié ,  qui  persista  longtemps  entre  les  habi¬ 
tants  des  deux  villes  voisines. 

Réconcilié  de  gré  ou  de  force  avec  Charles  le  Téméraire, 
Jean  III  devint  par  la  suite  l’un  des  agents  diplomatiques 
de  Maximilien  d’Autriche.  Il  conclutune  trêve  avec  Louis  XI, 
accorda  un  acte  de  neutralité  aux  habitants  de  Tournai, 
négocia  le  traité  d’Arras,  revêtit  Philippe  le  Beau  et  son 
père  du  collier  de  la  Toison  d’Or  et  présida  le  chapitre  de 
cet  ordre  en  1491. 

Philippe  de  Lannoy  fut,  après  son  beau-père  Jean  III ,  le 
plus  ardent  bienfaiteur  de  la  ville  dont  il  lirait  son  nom.  Il 
en  agrandit  le  territoire ,  y  institua  la  corporation  des 
hautelisseurs  et  tripiers,  et  y  fit  bâtir  une  église  à  laquelle 
il  laissa  des  marques  de  sa  libéralité,  ainsi  qu’à  la  chapelle 
castrale. 

Par  suite  de  son  décès ,  la  seigneurie  de  Lannoy  échut 
à  un  membre  de  la  famille  d’Egmont,  d’où  elle  passa  suc¬ 
cessivement  dans  les  maisons  d’Orange -Nassau,  de  De 
Mérode  et  de  Gand-à-Vilain. 

L’histoire  de  la  seigneurie  ne  fait  point  négliger  à  M.  Leu- 
ridan  l’histoire  de  la  ville.  En  Iol3,  Henri  VIII  d’Angle¬ 
terre  et  l’empereur  Maximilien ‘eurent  une  entrevue  à 
Lannoy.  Marie  de  Hongrie,  gouvernante  des  Pays-Bas,  y 
séjourna  en  1540.  Là  comme  ailleurs,  les  commotions 


—  143  — 

religieuses  du  xvi®  siècle  produisirent  de  1  ébranlement.  Il 
y  eut  aux  portes  de  Lannoy ,  le  30  novembre  1566 ,  un  en¬ 
gagement  assez  vif  entre  le  seigneur  de  Noircarmes ,  com¬ 
mandant  un  détachement  de  l’armée  royale ,  et  plus  de 
3,000  gueux  qu’avaient  soulevés  les  prédications  du  ferron¬ 
nier  Cornille. 

Vers  le  même  temps ,  florissait  à  Leyde  un  savant  impri¬ 
meur,  François  Raulenghien,  plus  connu  sous  le  nom  de 
Rapheleng,  auquel  la  ville  de  Lannoy  se  glorifie  d’avoir 
donné  naissance  et  dont  M.  Leuridan  nous  place  le  portrait 
sous  les  yeux. 

Longtemps  disputé  entre  la  France  et  l’Espagne,  Lannoy 
lit  partie  des  conquêtes  définitives  de  Louis  XIV.  Les  puis¬ 
sances  alliées  ne  reprirent  que  momentanément  possession 
de  cette  place  en  1708  ,  en  1744  et  en  1792. 

L’étude  des  institutions  tient  une  grande  place  dans  le 
livre  de  M.  Leuridan  et  marche  de  pair  avec  les  annales. 
Droits  seigneuriaux;  échevinage,  municipalité,  scel  et 
armoiries  de  la  ville  :  impôts ,  revenus  et  charges  ;  table 
des  pauvres ,  bureau  de  bienfaisance  ;  industrie  locale  ; 
compagnies  du  serment,  archers,  arbalétriers  et  canon¬ 
niers  ;  établissements  religieux  et  hospitaliers,  l’historien 
de  Lannoy  passe  tout  en  revue  et  remonte  avec  une  féconde 
érudition  à  l’origine  de  tout.  Son  ouvrage  est  mieux  qu’un 
simple  Précis,  comme  il  l’intitule  modestement,  et  il  peut 
servir  de  modèle  à  quiconque  veut  écrire  la  monographie 
d’une  commune  rurale  ou  urbaine.  A.  Desplanqüe. 

XOTICE  HISTORIQUE  SUR  DUNKERQUE. 

Par  M.  E.  Lebleu  ,  ancien  commandant  du  Génie.  (9 

Après  les  remarquables  travaux  de  Faulconnier  et  de 
feu  Victor  Derode ,  il  restait  quelque  chose  à  faire  pour 

(9  In-8.°  de  viii- 118  pages  avec  plans;  Lille,  Lefort,  1869.  En 
vente  chez  Gastiau.v  ,  libraire.  Prix  :  3  fr. 


_  144  ^ 

riiistoire  de  Dunkerque.  Extraire  de  ces  volumineux  ou¬ 
vrages  ce  qu’ils  conlienneni  de  faits  saillants  ,  grouper  dans 
un  ordre  méthodique  les  événements  les  plus  dignes  de 
mémoire  dont  la  patrie  de  Jacobsen  et  de  Jean-Bart  a  été 
le  théâtre  ,  répandre  sur  ce  récit  les  grâces  d’un  style 
simple  ,  le  reflet  d’un  vif  sentiment  patriotique  ,  composer 
ainsi  une  Histoire  de  Dunkerque  où  les  érudits  resaisissent 
le  fil  de  leurs  souvenirs ,  où  les  hommes  du  monde  trouvent 
à  s’instruire  et  qui  soit ,  en  même  temps  ,  le  livre  des 
écoles  ,  le  livre  du  peuple  ,  —  c’était  là ,  convenons-en  , 
une  lâche  propre  à  attirer  un  esprit  distingué  ,  amoureux 
du  progrès  moral  et  intellectuel  des  populations  qui  l’en¬ 
tourent. 

Si  ,  en  outre  ,  railleur  de  celle  entreprise  se  trouve 
être  ,  par  la  spécialité  de  ses  études  antérieures  ,  par  la 
direction  d’une  carrière  honorablement  remplie  ,  mieux 
préparé  que  personne  à  esquisser  l’histoire  d’une  place 
forte  ,  d’une  ville  maritime  ,  on  se  félicitera  doublement 
qu’il  se  soit  chargé  d’écrire  le  manuel  en  question.  Manuel 
est  vraiment  le  mot ,  car  nous  ne  douions  pas  que,  d’ici 
à  quelques  mois,  le  livre  dont  nous  saluons  aujourd’hui 
l’apparition  n’ait  sa  place  dans  toutes  les  bibliothèques 
scolaires  ,  communales  et  paroissiales  du  pays  de  Flandre. 
Les  quatorze  plans  qui  l’accompagnent  et  qui  représentent 
la  ville  et  le  port  de  Dunkerque  ,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu’après  l’achèvement  des  grands  travaux  actueh 
lement  en  cours  d’exécution,  ajoutent  encore  ,  s’il  se  peut, 
à  la  lucidité  de  l’exposition  ,  à  l’intérêt  du  sujet. 

Voici,  j’ose  le  dire  ,  le  premier  ouvrage  d’histoire  locale 
vraiment  accommodé  au  goût  de  toutes  les  classes,  mis  à 
la  portée  de  tous  les  âges.  L’érudition  n’y  est  certes  pas 
sacrifiée  et  les  matières  techniques  y  sont  traitées  avec* 
un  degré  de  compétence  éminemment  enviable.  Malgré 


—  143  — 

cela  ,  le  livre  se  lit  d’un  seul  trait ,  les  citations  n’y  inter¬ 
viennent  que  pour  donner  plus  de  piquant  au  récit  et 
rhomme  spécial  ne  se  révèle  à  de  certaines  pages ,  qu’afin 
de  satisfaire ,  sans  Tépuiser ,  la  curiosité  du  lecteur. 

A.  I). 


ESSAI  SUR  L  ATELIER  MO^ETAIRE  DE  VALEACIEAAËS  ET  SUR  LF, 
MONOGRAMME  DE  LA  MONNAIE  DES  COMTES  DE  HAINAUT. 


l’ar  L.  Cellier  (•). 

Depuis  la  publication  des  Recherches  sur  les  Monnaies 
des  comtes  de  Hainaut,  par  M.  R.  Cbalon  ,  et  des  supplé¬ 
ments  parus  à  la  suite  ,  il  reste  peu  à  glaner  dans  le  cbaïun 
de  la  numismatique  de  cette  province. 

Il  appartenait  à  un  enfant  de  Valenciennes  de  venir 
ajouter  sa  gerbe  à  la  moisson  du  maître.  Partant  de  ce 
point  que  l’atelier  de  Valenciennes  émettait  des  monnaies 
valenciennoises  ainsi  que  le  disent  les  titres  et  les  espèces 
monnayées,  M.  Cellier  n’a  pu  admettre  que  le  monogramme 
inscrit  sur  les  monnaies  sorties  de  l’atelier  de  Valenciennes 
fût  un  H  ,  c’est-à-dire  l’initiale  du  nom  de  la  province. 
Les  étalons  de  mesures  anciennes  conservés  au  musée  de 
la  ville,  témoignent  d’ailleurs  contre  cette  interprétation. 
Les  chroniqueurs  ont  fourni  leur  conlingent  de  preuves 
et  M.  Cellier  démontre  aujourd’hui  que  le  prétendu  mono¬ 
gramme  ,  accepté  par  les  uns ,  rejeté  par  les  autres ,  est 
en  définitive  une  étaple  ou  échelle  ,  et  que  c’est  réellement 
une  marque  distinctive  de  la  ville. 

A  la  suite  de  cette  démonstration  qui  tranche  la  question 
en  litige ,  M.  Cellier  cite  quelques  actes  sur  l’administration 
des  monnayeurs  et  fhôtel  de  la  Monnaie.  On  y  trouve  ,  à 
diverses  reprises,  l’expression  de  monnaie  valenciennoise , 


(b  In-S.”  de  32  pag'cs  avec  planclie  ;  Valenciennes  ,  Prignet ,  1869. 
Extrait  des  publications  de  la  Société  des  Sciences  de  Valenciennes). 


—  146  — 

une  des  cinq  mères  monnaies  (’)  et  des  éclaircissements 
sur  les  vicissitudes  de  Tliôtel  au  XV.*"®  siècle.  La  brochure 
se  termine  par  des  pièces  justificatives,  notamment  la  charte 
des  monnayeurs  ,  rectifiée  d’après  un  manuscrit  de  la  fin 
du  XIII.'"®  siècle ,  et  une  série  de  noms  de  monnayeurs , 
empruntée  aux  notes  publiées  par  le  baron  de  la  Fons  de 
.Mélicocq.  E.VanHexde. 

ESSAI  SLH  LA  M'.MISMATIQUE  DE  l’aBBAYE  DE  SAIMT-VAAST. 

Par  L.  Dancoisne  (2) 

Pour  compléter  leur  histoire  de  l’abbaye  de  Saint-Vaast, 
31M.  de  Cardevacque  et  Terninck  ont  prié  M.  Dancoisne 
d’y  ajouter  l’album  descriptif  des  monnaies  et  méreaux  de 
relte  antique  abbaye. 

M.  Dancoisne  a  gracieusement  déféré  au  vœu  de  ses  amis, 
et  tiré  de  ses  riches  cartons  des  documents  précieux  que 
d’heureuses  trouvailles  longuement  amassées  lui  ont  permis 
de  rassembler. 

La  publication  commence  par  les  monnaies,  A  ce  sujet  il 
s’élevait  une  question  délicate.  De  savantes  dissertations 
sur  les  deniers  au  nom  de  Robert ,  n’ont  pu  mettre  d’accord 
les  érudits  qui ,  en  France  et  en  Belgique ,  sê  sont  partagés 
en  deux  camps. —  Chacun  de  ces  systèmes  paraissait  cepen¬ 
dant  en  contradiction  avec  le  genre  de  fabrication  des  es¬ 
pèces.  Poey  d’Avant  appela  de  ses  vœux  une  solution  qui 
renversât  le  système  assez  péniblement  établi  de  l’histoire 
des  rares  denieis  au  nom  de  Robert. 

M.  Dancoisne  propose  une  attribution  qui  peut  tout  conci¬ 
lier:  il  voit,  dans  le  Robert  deSt-Vaast,  un  monétaire  comme 
les  Simon  ,  les  Gérolf ,  etc.  La  supposition  est  ingénieuse  et 
plausible;  il  suffit  d’une  trouvailleheureuse  pour  la  justifier. 

i')  Les  cinq  mères  monnaies  étaient  ,  d'après  Jelian  Coquiau  . 
relies  de  France  ,  d'Angleterre ,  de  Venise ,  de  Valenciennes  et  de 
Metz -en -Lorraine. 

(■2)  In-Y.'*  de  4ü  pages  avec  planches  ;  Arras  ,  Alp.  Brissy  ,  1HG9. 


—  147  — 

Quant  aux  méreaux ,  ils  forment  deux  planches  d’une 
importance  capitale  en  leur  genre.  Favori  de  la  piste , 
vétéran  des  numismates  de  la  contrée  ,  M.  Dancoisne  a  pu 
en  réunir  environ  350  variétés ,  trouvées  cà  et  là  dans  la 
seule  ville  d’Arras.  Son  choix  sobre  et  perspicace  s’est 
arrêté  sur  24  méreaux  d’un  grand  intérêt  et  qui  font  désirer 
de  nouvelles  publications  du  savant  numismate.—  Il  reste  à 
citer,  pour  mémoire,  des  médailles  de  pèlerinage  et  un  jeton 
(le  Jean  Sarrasin,  abbé  de  Saiiit-Vaast.  E.Van  Heisde. 


UECHEUCHES  HISTORIQUES  SUR  LA  PUISAYE  ,  SAINT-FARGEAU  , 
TOUCY  EN  AUXERROIS  ,  ET  LEURS  SEIGNEURS  DE  LA  MAISON 
DE  BAR  AUX  XIII. %  XIV.®  et  XV.®  SIÈCLES. 

Par  le  docteur  de  Smytlèrc  ,  vde.  Cassel).  (*) 

Entre  son  pays  d’adoption  et  sa  province  natale  qui  lui 
est  demeurée  si  chère ,  M.  de  Smvttère  découvre  des  liens 
non  moins  réels  qu’imprévus. 

L’une  des  dames  de  Cassel  ,  pour  qui  le  vénéré  docteur 
s’est  le  plus  passionné  et  dont  il  nous  promet  une  histoire 
bien  vivement  attendue  ,  Yolende  de  Bar  ,  possédait ,  entre 
autres  tiefs  ,  le  pays  boisé  et  montagneux  de  la  Puisaye , 
(  ancien  diocèse  d’Auxerre  ).  Comment  ce  domaine  lui 
était  échu,  par  quelles  mains  il  avait  passé  avant  d’arri¬ 
ver  dans  les  siennes  ,  dans  lesquelles  tomba-t-il  au  sortir? 
C’est  ce  que  M.  de  Smyttère  nous  explique  longuemenl. 
Puis,  en  se  servant  des  archives  départementales  du  Nord, 
(lesquelles,  soit  dit  en  passant,  intéressent  beaucoup  d’autres 
départements  que  le  Nord},  il  énumère  les  diverses  mesures 
qu’A'olende  prit  en  faveur  de  ses  sujets  de  FAuxerrois. 

Cette  brochure  destinée  ,  comme  on  le  voit ,  à  un  douldc 
public  ,  sera,  nous  en  avons  la  certitude  ,  également  goûtée 
de  l’un  et  de  l’autre.  A.  I). 


P)  de  80  pages  ,  avec  planches  de  sceaux  et  d  ann()iri(‘s  ; 

Auxerre  ,  Perriquet ,  1869. 


148 


CHRONIQUE. 

^Iétéorolog:ie.  Mois  d'avril  1869.  —  Le  mois  d’avril 
1869  ,  a  été  plus  chaud  qu’on  ne  l’observe  habituellement; 
la  température  moyenne  ordinaire  de  ce  mois  est  9*^  19, 
celte  année  elle  a  été  de  11®  8.  La  moyenne  desminima  a 
été  de  7®  03  ,  celle  des  maxima  16'’  o8  ;  les  extrêmes  ont 
été  1®  1  le  2  ,  (le  matin  il  y  avait  une  gelée  blanche  ;  le 
O  gelée  à  la  campagne) ,  et  25“  6  le  14. 

Sous  l’intluencede  celte  température  élevée  ,  la  quantité 
d’eau  évaporée  s’est  accrue  ,  elle  a  été  de  94  mill.  95  , 
tandis  que  l’épaisseur  moyenne  de  la  couche  d’eau  évaporée 
en  avril ,  n’est  que  de  90  mill.  69. 

La  tension  moyenne  de  la  vapeur  atmosphérique  qui  est 
ordinairement  en  avril  de  6  mill.  35  ,  a  été  de  7  mill.  73; 
et  riiumidité  relative  moyenne  qui  en  année  ordinaire  est 
de  69  74  ,  a  été  pour  le  mois  d’avril  de  cette  année  de 

73  “/o.  Cette  plus  grande  humidité  de  l’air  a  empêché  que 
l’évaporation  ne  correspondit  à  la  température  atmosphé¬ 
rique  ,  elle  a  été  la  conséquence  des  brouillards  qu’on  a 
observés  au  nombre  de  29  et  de  la  pluie  assez  fréquente  17 
jours  sur  30. 

La  quantité  d’eau  de  pluie  a  été  de  66  mill.  33,  la  moyenne 
ordinaire  est  de  37  mill.  70. 

La  hauteur  moyenne  du  baromètre  à  0“  qui  est  de  760  m. 
333  en  avril,  année  moyenne  a  été  en  1869  de  760  mill. 468  ; 
les  extrêmes  ont  été  743  mill.  26  le  17  et  770  mill.  55  le  13. 

Les  5 , 10 , 23  ,  on  observa  des  halos  solaires  ;  les  19,  22, 
halos  lunaires ,  tous  cinq  suivis  de  pluie  dans  les  24  heures. 

Le  15  ,  de  8  heures  à  11  heures  30  du  soir  ,  magnifique 
aurore  boréale. 

Les  27,  29  et 30  brouillards  secs  pendant  la  nuit;  la  lune, 
rouge  aurore  à  son  lever,  était  plus  tard  de  couleur  jaune. 


—  149  — 

L’éleclromètre  de  Peltier,  indiquait  une  grande  tension 
électrique.  Le  30  à  minuit  le  thermomètre  sec  du  psychro- 
mètre  marquait  9"  o  et  le  thermomètre  mouillé  3”  8 ,  ce  qui 
indique  une  tension  de  vapeur  de  4  mill.  47  et  une  humidité 
relative  de  31  7°- 

Les  vents  régnants  pendant  ce  mois  souftlèrent  avec  assez 
de  force  du  N.  E.  et  du  S.  O. 

La  nébulosité  du  ciel  fut  moyenne  ,  il  y  eut  22  jours  de 

» 

rosées  souvent  abondantes.  Deux  fois  on  observa  de  la 
grêle  mélangée  à  la  pluie.  V.  Meurein. 

.^"^iiinisiiiatique.  Découverte  d'un  Méreau  de  Robert  de 
Croy ,  évêque  de  Cambrai,  au  xvi.^  siècle.  —  De  grandes 
améliorations  furent  faites  l’année  dernière  aux  moulins  de 
Selles  par  les  soins  de  M.  Cornaille-Leroy  ,  propriétai¬ 
re  actuel  de  cette  ancienne  usine  épiscopale.  Les  travaux 
auxquels  elles  ont  donné  lieu  et  qu’il  m’a  été  permis  de 
suivre  ont  mis  à  jour  des  médailles  et  autres  objets  anti¬ 
ques  :  ce  qui  tendrait  à  justifier  de  l’origine  romaine  que 
Le  Carpentier  attribue  au  château  de  Selles,  près  duquel 
s’élèvent  lesdits  moulins. 

Les  ouvriers  ont,  en  outre,  découvert,  au  même  endroit, 
plusieurs  monnaies  de  Cambrai ,  entr 'autres  une  obole  , 
que  M.  Robert  attribue  à  la  première  moitié  du  xiv.^ 
siècle  (^) ,  et  divers  méreaux  des  chapitres  de  Notre-Dame 
et  de  Saint-Géry  de  Cambrai ,  du  xvi.%  dont  quelques-uns 
ont  pu  prendre  rang  dans  les  nombreuses  variétés  de  mes 
séries  capitulaires.  Ces  petites  pièces,  retrouvées  dans  la 
terre  mouillée  par  les  eaux  de  l’Escaut,  étaient  brillantes 
comme  de  l’or;  leur  présence  en  ces  lieux  s’explique  par  le 
commerce  incessant  qui  se  faisait  aux  moulins  de  Selles. 

Ce  que  les  fouilles  ont  amené  de  plus  important,  c’est 


(h  Ce  spécimen  est  une  varii  té  de  la  pièce  publiée  par  M.  C.  Roberl 
dans  sa  Numismaiique  de  Cambrai ,  p.  99. 


loO  — 

un  magnifique  mércau  ou  jeton  en  étain,  aux  armes,  au 
chiffre  et  à  la  devise  de  Robert  de  Croy ,  évéqiie  de  Cambrai 
de  lol9  à  looGi'O. 

V  / 

Je  ne  ferai  pas  la  description  de  cette  jolie  pièce  que 
l’intendant  général ,  M.  Robert,  se  propose  de  publier  dans 
le  supplément  qu’il  prépare  de  sa  Numismatique  de  Cam¬ 
brai.  Je  dirai  seulement  qu’on  peut  la  considérer  comme 
un  méreau  ayant  servi  à  la  solde  des  ouvriers  occupés  par 
le  prélat  à  ériger,  vers  le  milieu  du  xvi.*’  siècle,  sur  le  cbû- 
leau  de  Selles,  la  tour  qui  portait  le  nom  de  Croy.  Tout 
m’engage,  du  reste,  à  m’affermir  dans  cette  opinion,  non 
seulement  à  cause  de  la  proximité  du  lieu  où  ce  type  fut 
découvert,  mais  encore  on  considération  de  l’usage  ordi¬ 
naire  du  méreau  de  ce  genre. 

La  bibliothèque  publique  de  Cambrai  possède  un  fort  beau 
volume  sous  le  N."  1:2  du  catalogue  des  manuscrils.  Sa  riche 
reliure  est  garnie  de  cuivres  sur  lesquels  j’ai  reconnu,  avec 
la  plus  vive  satisfaction  ,  les  mêmes  armoiries  et  les  mômes 
chiffres  que  ceux  que  l’on  distingue  sur  le  jeton  épiscopal  ex- 
.bumé  dans  l’îlot  des  Moulins  de  Selles.  Victor  Delattre. 

Areliéoloj^te.  Découverte  de  Tombeaux  anciens  à 
Etouvelles  (canton  de  Laon).  —  Des  travaux  exécutés  ré¬ 
cemment  dans  l’église  d’Etouvelles  ont  amené  la  découverte 
de  plusieurs  cercueils  de  pierre,  remontant  vraisemblable¬ 
ment  au  xiii."  ou  XIV.®  siècle  ,  ainsi  que  le  font  suppose!* 
les  parties  circulaires  ménagées  à  l’intérieur  pour  recevoir 
la  tête  des  morts. 

Dans  l’un  de  ces  cercueils,  on  a  trouvé,  avec  des  ossements 
humains ,  un  vase  rond  en  terre ,  muni  de  deux  appendices 
tréflés  et  recouvert  d’un  vernis  verdâtre  ,  puis ,  les  débris 
d’une  coupe  en  verre  d’une  grande  délicatesse  et  une  lige 
en  fer  terminée  par  une  tête  d’animal. 


(q  Cette  pièce  mesure  .33  millimètres  de  diamètre. 


15(  — 

Ces  intéressants  objets  ont  été  soigneuscjneni  conservés 
par  M.  le  Maire  d’Etouvelles  qui  vient  de  les  adi  esser  à  la 
Société  académique  de  Laon.  Ils  sont  actuellement  déposés 
au  musée  de  cette  ville.  Pilloy. 

Habitation  romaine  à  Bouvines.  —  On  vient  de  constater 
l’existence,  à  Bouvines,  d’une  Villa  ou  Métairie  de  l’épo¬ 
que  romaine. 

Des  quantités  de  luiles  à  rebord  et  de  tuiles  faîtières;  de 
nombreux  débris  de  poteries  variées,  depuis  les  plus  com¬ 
munes  en  terre  brûlée  jusqu’aux  plus  fines  en  terre  sa- 
inienne  avec  personnages;  une  hache,  des  clous,  une 
meule  à  broyer;  enfin  plus  de  900  monnaies  en  cuivre 
saucé  et  en  billon  d’Elagabale  à  Posthume;  voilà  jusqu’au¬ 
jourd’hui  le  résultat  des  fouilles. 

Bouvines,  on  le  sait,  se  trouvait  sur  l’une  des  voies  du 
septemvium  de  Bavai ,  la  même  qui  passait  à  Bonchin  où 
des  recherches  récentes  ont  fait  découvrir  plusieurs  sépul¬ 
tures  gallo-romaines.  Ces  deux  découvertes  aideront  proba¬ 
blement  à  retrouver,  dans  un  avenir  prochain  ,  l’emplace¬ 
ment  exact  de  l’ancienne  chaussée.  Rigaux  fils. 

IVouvelIcs  de  îa  ÏjUtératuec  et  des  Ai*ts.  Cour¬ 


rier  belge.  —  La  Société  de  l’Histoire  de  Belgique  vient  de 
publier  un  ouvrage  inconnu  des  écrivains  qui  se  sont  occu¬ 
pés  jusqû’ici  de  la  guerre  de  trente  ans,  c’est  rHistoire 
générale  des  guerres  de  Savoie^  de  Bohême^  du  Palatinat  et 
des  Pays-Bas  ,  par  le  seigneur  du  Cornet ,  gentilhomme 
belgeois.  Ce  livre  présente  un  intérêt  réel  :  peinture  de 
mœurs  et  de  caractères,  récits  d’actions  héroïques,  parti¬ 
cularités  piquantes  ou  saisissantes  sur  les  hommes  et  les 
événements,  tout  se  suit,  tout  s’enchaîne  dans  cette  nar¬ 
ration  qui  amuse  en  instruisant  :  car  ces  récits  recueillis 
par  un  contemporain  de  la  bouche  de  témoins  oculaires , 
compagnons  des  Buquoy  et  des  Tilly  et  acteurs  eux-mêmes 


—  152  — 

(Je  ces  événements ,  sont  d’une  parfaite  exactitude,  com¬ 
plètement  constatée  d’ailleurs  par  les  nombreux  documents 
authentiques  dont  31.  Robauly  de  Soumoy,  commentateur 
de  cette  histoire,  l'a  enrichie.  En  outre,  il  y  donne  une 
dissertation  ,  pleine  d’érudition ,  sur  l’organisation  des  ar¬ 
mées  belges  au  xvii.®  siècle  :  il  a  reconstitué,  d’après  les  do¬ 
cuments  conservés  aux  archives  du  royaume ,  tous  les  corps 
belges  ,  cavalerie  et  infanterie,  figurant  dans  cette  lutte  ter¬ 
rible  qui  durant  trente  ans  mit  toute  l’Europe  en  feu. 

Vllistolre  du  comté  de  Looz ,  par  le  Père  3Iantélius ,  n’a¬ 
vait  pas  été  ti-aduite  jusqu’ici ,  et  la  seule  édition  qui  en 
existe  est  remplie  de  fautes  qui  en  rendent  la  lecture  très- 
fatigante,  i)aifuis  inintelligible.  C’était  une  tâche  ingrate 
de  corriger  ces  fautes,  de  rétablir  les  textes  et  de  mettre 
en  français  un  pareil  livre.  Cette  tache  n’a  pas  effrayé  un 
jeune  et  modeste  savant  de  l’üniversité  de  Liège,  31.  Amia¬ 
ble,  qui  recueille  en  ce  moment  d’unanimes  félicitations 
pour  l’avoir  entreprise  et  menée  à  bonne  fin. 

31.  de  l^otter  continue  avec  un  succès  mérité  son  grand 
ouvrage  intitulé  :  Geschiedenis  der  gemeente  van  Vlaenderen 
ou  Histoire  des  communes  de  Flandre.  Deux  nouveaux 
volumes  sont  mis  en  vente.  Ils  comprennent  chacun  Ehis- 
toire  de  cinq  à  six  communes. 

Signalons  enfin  ,  dans  Vllistolre  de  Saint-J osse-ten-Noode 
et  de  Schærbck  que  vient  de  faire  paraître  31.  Eugène  Van 
Remmcl  un  remarquable  chapitre  sur  le  poète .  llamand 
Houwaërt  qui  «  fiorissait  »  à  Saint-Josse  vers  le  milieu  du 
XVI.®  siècle.  pour  extrait:  A.  DESPLA^QUE. 


Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place  ,  13. 


N.°  6.  —  Juin  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  IMPÉRI4LE  DES  SCIENCES,  DE  L’aGRICULTURE 
ET  DES  ARTS  DE  LILLE 
Mémoires  3.*  série,  VI.®  volume  —  1869. 

La  Société  des  Sciences  de  Lille  vient  de  faire  paraître 
un  nouveau  volume  de  ses  mémoires. 

Il  contient  le  compte-rendu  de  la  séance  publique  du 
27  décembre  1868  et  23  mémoires  ou  communications  di¬ 
verses.  Citons  d’abord  deux  notices  nécrologiques  :  l’une, 
sur  M.  Vincent ,  par  M.  Fontaine  de  Resbecq  ;  l’autre  ,  sur 
M.  Lyon.  Il  n’est  pas  d’habitudes  plus  honorables  pour  une 
Société  que  celle  de  rappeler  les  travaux  des  membres  dont 
elle  déplore  la  perte ,  mais  la  place  dont  nous  pouvons  dis¬ 
poser  dans  ce  Bulletin  est  si  réduite  que  nous  ne  revien¬ 
drons  pas  sur  ces  deuils  de  la  science  déjà  un  peu  anciens. 
Passons  donc  aux  travaux  scientifiques  : 

Etudes  d' Ornithologie  européenne  :  Des  races  locales^  par 
M.  de  Norguet  (^).  —  M.  de  Norguet  continue  avec  talent  les 
traditions  interrompues  en  1856  par  la  mort  de  Degland  , 
l’illustre  auteur  de  l’Ornithologie  européenne.  Mais,  dans 
les  présentes  études,  il  ne  s’agit  pas  de  signaler  des  espèces 
nouvelles  ou  de  donner  des  descriptions  plus  exactes  d’oi¬ 
seaux  déjà  connus.  A  propos  des  oiseaux  d’Europe,  M.  de 
Norguet  examine  une  des  questions  les  plus  élevées  et  les 
plus  controversées  de  la  science,  celle  des  races  locales. 
Lorsque  les  naturalistes  aperçoivent  de  petites  différences 


P)  Loc.  cit.  p.  161  à  292. 


—  lü'l  — 

entre  deux  animaux  de  pays  voisins,  ils  sont  enclins  à  sup¬ 
poser  que  ces  êtres  appartiennent  à  une  même  espèce  et 
doivent  leurs  différences  simplement  à  l’habitat.  Ils  les  con¬ 
sidèrent  comme  des  races  locales.  Ainsi ,  il  existe  dans  le 
Midi  de  la  France  et  en  Italie  un  moineau  qui  a  le  sommet 
de  la  tête  et  la  nuque  marron ,  tandis  que  notre  moineau 
commun  a  ces  parties  colorées  en  cendré  pur  ;  scs  joues  sont 
blanches,  celles  de  notre  moineau  sont  blanc-grisâtre  ;  la 
tache  noire  de  sa  poitrine  est  plus  étendue.  Beaucoup  d’or¬ 
nithologistes  font  de  ce  moineau  une  race;  d’autres  l’érigent 
au  rang  d’espèce.  M.  deNorguet  adopte  cette  deuxième  opi¬ 
nion.  Il  n’admet  pas  d’intermédiaires  entre  Fespèce  collec¬ 
tive  considérée  comme  actuellement  stable  et  la  variation 
individuelle.  Il  repousse  également  les  conclusions  que 
certains  naturalistes  ont  voulu  tirer  des  animaux  domesti¬ 
ques  pour  établir  l’existence  des  races  sauvages.  Si  l’homme 
parvient  à  créer  des  races,  c’est  en  modifiant  les  habitudes 
des  animaux  et  des  végétaux ,  en  choisissant  avec  soin  les 
individus  chargés  de  propager  la  race,  en  les  empêchant 
de  se  mêler  avec  les  autres  êtres  de  même  espèce,  sans 
quoi  les  particularités  qu’ils  présentent  et  qui  les  font 
rechercher  auraient  bientôt  disparu.  A  l’état  sauvage,  de 
semblables  conditions  ne  peuvent  pas  se  présenter  ;  il  ne 
peut  donc  pas  s’établir  de  races. 

Mais,  si  l’espèce  est  actuellement  fixe,  les  individus  qui  la 
composent  ne  sont  pas  rigoureusement  semblables.  Il  existe 
de  nombreuses  variations  individuelles  dont  les  causes  sont 
inconnues.  Ainsi ,  le  bec  et  les  tarses  un  peu  plus  courts,  ou 
un  peu  plus  longs,  le  plumage  plus  ou  moins  fortement 
teinté,  la  taille  générale  augmentée  ou  diminuée,  toutes 
nàodifications  que  l’individu  peut  bien  léguer  à  ses  enfants  , 
mais  qui  disparaissent  plus  tard  noyées  dans  un  flot  de 
sang  étranger.  31.  deNorguet  ne  pense  pas  que  la  nourriture 


—  155  — 

ni  les  milieux  climatériques  puissent  être  causes  de  ces 
variations  individuelles. 

Les  races  locales  des  auteurs  lui  semblent  donc  devoir  se 
partager  en  deux  groupes  :  les  unes,  nettement  caractéri¬ 
sées  ,  sont  des  espèces  différentes  ;  les  autres ,  connues  seu¬ 
lement  par  quelques  aniiuaux  isolés ,  sont  des  variétés  indi¬ 
viduelles.  Sur  27  races  examinées  par  l’auteur,  10  sont  des 
variations  individuelles,  10  sont  des  espèces  vraies  et  7 
demandent  un  surcroît  d’investigations. 

Catalogue  des  Hémiptères  du  département  du  Nord  ^  par 
M.  Lethierry  (i). —  Il  est  des  classes  d’animaux  qui  seraient 
en  droit  de  se  plaindre  de  l’abandon  où  les  laissent  les 
naturalistes  :  telles  sont  les  Hémiptères.  Les  insectes  de  cet 
ordre  vulgairement  désignés  sous  le  nom  de  Punaises  ,  ne 
possèdent  ni  les  brillantes  couleurs  des  papillons ,  ni  l’éclat 
métallique  des  scarabées,  mais  ils  n’en  sont  pas  moins  inté¬ 
ressants  ;  la  plupart  exhalent  une  odeur  assez  forte  :  quel¬ 
ques-uns  sentent  l’éther,  d’autres  la  pomme,  d’autres  le 
cassis.  C’est  à  cet  ordre  qu’appartiennent  la  Cochenille,  qui 
fournit  de  si  belles  couleurs  à  l’industrie ,  et  les  Pucerons , 
ces  fléaux  de  l’agriculture  et  ces  types  de  la  fécondité.  On  a 
calculé  que  ,  si  tous  les  jeunes  d’une  famille  de  puceron,  se 
développaient  également  bien  ,  un  seul  de  ces  insectes,  né 
au  printemps ,  pouvait  produire  pendant  l’été  4  millions 
de  milliards  de  petits-enfantsjusqu  a  la  septième  génération. 

M.  Lethierry,  qui  travaille  depuis  6  ans  à  faire  le  cata¬ 
logue  des  Hémiptères  du  Département,  s’est  souvent  trouvé 
dans  l’embarras  par  suite  du  petit  nombre  de  travaux  des¬ 
criptifs  qui  ont  été  faits  sur  ces  animaux.  Il  constate  la  pau¬ 
vreté  de  notre  département  ;  plusieurs  espèces  très-com¬ 
munes  aux  environs  de  Paris  nous  manquent;  notre  climat 


(1)  Loc.  cit.  p.  305  à  374. 


—  lüG  — 

froid  en  été ,  humide  en  tous  temps,  qui  rend  impossible  la 
culture  de  la  vigne,  doit  aussi  influer  sur  la  Faune  et  sur¬ 
tout  sur  la  Faune  entomologique.  L’existence  de  certains 
insectes  est  intimement  liée  à  celle  de  végétaux  particuliers; 
là  où  ceux-ci  font  défaut,  l’insecte  doit  aussi  manquer. 

M.  Lethierry  signale  dans  son  catalogue  373  espèces 
d’Hémiptères  propres  au  Département,  mais  le  nombre  doit 
en  être  plus  grand ,  car.  il  y  en  a  beaucoup  qu’il  n’a  pu  dé¬ 
nommer. 

Quelques  erreurs  ou  préjugés  en  Physiologie  végétale^ 
par  M.  Bacby  (i).  —  M.  Bacby  combat,  à  l’aide  de  l’expé¬ 
rience  ,  plusieurs  préjugés  qui  régnent  chez  les  arboricul¬ 
teurs  et  les  borticulteurs.  Il  établit  que  chaque  brandie  d’un 
arbre  n’est  pas  en  relation  directe  et  exclusive  avec  une 
division  particulière  de  la  racine.  Ayant  coupé  une  grosse 
racine ,  il  ne  vit  aucune  branche  en  souffrir  individuelle¬ 
ment.  On  ne  peut  dire  en  physiologie  végétale  que  les  raci¬ 
nes  absorbent  seulement  par  leurs  spongioles  et  leur  chevelu; 
car ,  en  replantant  un  arbre  ,  on  a  l’habitude  d’en  couper 
toutes  les  radicelles  ;  l’absorption  se  fait  néanmoins  par  une 
sorte  de  capillarité,  et  de  nouvelles  spongioles  ne  tardent 
pas  à  se  montrer. 

Selon  M.  Bachy,  il  n’y  a  aucun  inconvénient  à  tailler  la 
vigne  en  pleine  sève  ;  elle  ne  pleure  jamais  bien  longtemps, 
et  la  quantité  de  liquide  qu’elle  répand  ainsi  n’équivaut  pas 
à  celle  qu’aurait  exigée  l’élongation  des  branches.  Il  n’y  a 
non  plus  aucun  inconvénient  à  arroser  les  plantes  au  mo¬ 
ment  où  elles  reçoivent  les  rayons  directs  du  soleil.  Les 
prétendues  taches  de  brûlure  que  l’on  attribue  souvent  à  un 
arrosement  inconsidéré  sont  dues  simplement  à  des  in¬ 
sectes. C’est  par  suite  d’expériences,  guidées  par  une  exacte 

d)  Loc.  cit.  p.  387  à  396  et  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  de 
Lille ,  4.*  série ,  IV ,  p.  245  à  262. 


157  — 

observation  des  phénomènes  naturels ,  que  M.  Bachy  est 
arrivé  à  ces  résultats. 

De  V empoisonnement  par  les  graines  de  Ricin  ^  par  le 
docteur  Houzé  de  l’Aulnoit.  —  L’Huile  de  Ricin  s’extrait  de 
la  graine  de  Ricin ,  plante  de  la  famille  des  Euphorbes. 
Comme  beaucoup  de  végétaux  de  cette  famille,  le  Ricin  con¬ 
tient  un  principe  oléo-résineux  doué  de  propriétés  véné¬ 
neuses  assez  actives.  La  graine  renferme  une  assez  grande 
quantité  de  ce  principe  oléo-résineux.  Mais  l’huile  qu’on 
en  retire  par  expression  est  simplement  purgative ,  la  ma¬ 
tière  vénéneuse  restant  presque  toute  entière  dans  le  marc. 
On  ne  peut  donc  en  médecine  remplacer  l’huile  par  les  grai¬ 
nes  du  Ricin.  Par  suite  d’un  accident  arrivé  à  Lille  l’année 
passée,  M.  Houzé  de  l’Aulnoit  a  eu  occasion  d’étudier  expé¬ 
rimentalement  l’action  vénéneuse  des  graines  de  Ricin.  Il 
a  constaté  après  Orfila  qu’une  dose  de  3  gr.  30  de  semences 
de  Ricin  dépouillées  de  leurs  enveloppes  suffit  pour  empoi¬ 
sonner  un  chien  en  30  heures.  Le  poison  agit  sur  l’intestin 
en  y  déterminant  une  vive  inflammation  et  aussi  sur  le 
système  nerveux ,  car  12  heures  après  l’ingestion ,  le  chien 
était  dans  l’impossibilité  de  se  soutenir  sur  ses  pattes. 

Etudes  paléontologiques  sur  le  Département  du  Nord , 
parM.  Gosselet.  — L’auteur  consacre  cette  notice  à  discuter 
les  noms  donnés  aux  fossiles  du  Département  dans  le  Cata¬ 
logue  du  Musée  de  Douai,  par  MM.  Potiez  et  Michaud. 

Observations  sur  les  couches  de  la  craie  traversées  par 
le  Puits  Saint-Réné  à  Guesnain,  près  Douai,  par  le  même. 

—  Cette  courte  notice  contient  l’indication  des  couches  tra¬ 
versées  par  le  forage  et  des  fossiles  qu’on  a  rencontrés  dans 
chacune  d’elles. 

Observations  géologiques  faites  en  Italie,  parle  même. 

—  L’auteur  y  traite  du  Vésuve  ,  des  Champs  phlégréens, 
de  l'Etna  et  des  volcans  des  environs  de  Rome.  Il  s’attache 


—  158  — 

à  montrer  que  d’une  même  bouche  volcanique  peuvent 
sortir  des  laves  de  nature  différente. 

Note  sur  Vextraction  et  l’industrie  du  soufre  dans  les 
solfatares  de  la  Sicile,  par  M.  Kuhlmann  fils.  —  Le  soufre 
de  Sicile  n’a  aucun  rapport  ni  avec  l’Etna,  ni  avec  aucun 
autre  volcan  ancien;  il  est  au  milieu  du  terrain  tertiaire  en 
couches  alternant  avec  des  marnes  gypseuses.  Quelques 
couches  de  soufre  ont  jusqu’à  8  mètres  d’épaisseur.  On  voit 
souvent  les  cristaux  de  soufre  associés  à  de  beaux  cristaux 
de  Célestine  (sulfate  de  strontiane)  et  de  Gypse  (sulfate  de 
chaux).  Les  mines  de  soufre  appartiennent  aux  proprié¬ 
taires  du  sol,  qui  les  exploitent  eux-mémes  ou  les  donnent 
en  gabelle  à  des  sociétés.  L’exploitation  se  fait  par  galeries 
à  une  profondeur  de  30  à  80  mètres  ;  on  abat  le  minerai  au 
pic  et  on  le  remonte  dans  des  paniers  à  dos  d’hommes  par 
de  mauvais  escaliers  en  pierre  ci*eusés  dans  la  roche. 

La  purification  du  soufre  ne  se  fait  pas  à  l’aide  de  four¬ 
neaux  de  galères  comme  nous  l’enseignent  beaucoup  de 
traités  élémentaires  de  chimie.  Le  soufre  sert  lui-même  de 
combustible.  Sur  un  plan  incliné  en  maçonnerie,  on  dispose 
sous  forme  de  cône  nommé  calcarone  2o0  à  600  mètres 
cubes  de  minerai;  un  mur  de  1  mètre  oO  cent,  de  hauteur 
entoure  le  cône  et  le  maintient.  On  allume  le  minerai  ;  une 
partie  du  soufre  brûle ,  l’autre  fond  et  s’écoule  par  un  con¬ 
duit  dans  une  petite  maisonnette  où  on  le  reçoit  dans  des 
moules  en  bois. 

Souvent  le  minerai  de  soufre  présente  des  géodes  con¬ 
tenant  du  soufre  pulvérulent  assez  pur  qui  est  presque 
entièrement  perdu.  M.  Kuhlmann  pense  qu’il  y  aurait 
avantage  à  le  faire  venir  en  France  pour  l’employer  à  la 
fal)rication  de  l’acide  sulfurique.  L’auteur  ne  croit  pas  que 
l’extraction  du  soufre  à  l’aide  du  sulfure  de  carbone  puisse 
facilement  s’établir  en  Sicile. 


—  159  — 

Etude  sur  les  Calcaires  du  Pas-de-Calais ,  Y)RY  Pa- 
gnoul  ;  Mémoire  sur  les  Houilles  du  Noi'd  de  la  France , 
par  31.  3Iène. —  Ces  deux  mémoires  couronnés  et  imprimés 
par  la  Société  des  Sciences  de  Lille  sont  des  travaux  du 
même  ordre  consacrés  l’un  à  l’analyse  des  calcaires,  l’autre 
à  celle  des  houilles.  Ils  contiennent  une  foule  de  documents 
qui  seraient  très-utiles  au  géologue  et  à  l’industriel  si  l’ori¬ 
gine  des  échantillons  analysés  était  mieux  précisée.  Dans 
une  même  localité ,  dans  une  même  carrière  ,  on  exploite 
généralement  plusieurs  bancs  dont  la  composition  peut 
être  différente,  l’un  pourra  renfermer  du  phosphate  de 
chaux  que  l’autre  n’en  contiendra  pas  un  atôme.  C’est  à 
plus  forte  raison  vrai  des  couches  de  houille  ;  leur  compo¬ 
sition  chimique  et  par  suite  leurs  propriétés  calorifiques 
varient  avec  la  profondeur,  le  voisinage  des  failles  et  d’autres 
causes  encore  inconnues.  Ce  n’est  du  moins  qu’à  des  mo¬ 
difications  de  ce  genre  que  l’on  peut  attribuer  les  différences 
observées  dans  des  analyses  d’une  même  veine  par  diffé¬ 
rents  chimistes.  Ainsi  la  veine  Espérance  d’Auchy-les-Bois 
a  donné  à  31.  3Iène  31  °/o  de  matières  volatiles  et  Go'^/o  de 
coke,  tandis  que  31.  Coince,  ingénieur  des  mines  à  Arras, 
en  a  obtenu  21  7.,  matières  volatiles  et  76  7o  tl6  coke. 

Expériences  sur  la  conservation  des  œufs^  par  31.  H. 
Violette. —  31.  Violette,  à  la  suite  de  nombreuses  expérien¬ 
ces  sur  la  conservation  des  œufs,  a  reconnu  qu’on  obtenait 
d’excellents  résultats  en  recouvrant  les  œufs  frais  d’une 
petite  couche  d’huile  de  lin.  Il  suffit  pour  cela  de  les  frotter 
avec  le  doigt  enduit  d’huile.  La  matière  grasse  bouche  les 
pores  de  la  coquille  et  empêche  la  pénétration  de  l’air,  et 
par  suite  l’altération  de  la  matière  organique. 

Description  d'un  thermopluj lacté ,  appareil  conservateur 
de  la  chaleur,  par  31.  Lebreton ,  m.  c.  —  Qui  n’a  déjà  ren¬ 
contré  quelque  soldat  portant,  empilées  les  unes  sur  les 


—  160  — 

autres,  les  gamelles  où  sont  les  dîners  de  ses  camarades  de 
service.  Si  le  corps-de-garde  est  loin  de  la  caserne,  la  soupe 
doit  arriver  bien  froide.  M.  Lebreton ,  qui  est  intendant  mi¬ 
litaire  dans  la  Garde,  propose  d’entourer  ces  piles  de  ga¬ 
melles  d’un  manchon  de  fer  blanc  un  peu  large  de  sorte 
qu’entre  les  gamelles  et  le  manchon  se  trouve  une  couche 
d  air  non  conductrice  de  la  chaleur  ;  c’est  l’idée  qui  dans  les 
pays  froids  fait  construire  de  doubles  fenêtres.  Cet  appareil 
a  été  mis  en  usage  dans  la  Garde.  De  la  soupe  sortie  de  la 
caserne  à  62.®  arrivait  au  corps-de-garde  après  une  heure 
de  voyage  à  34.°;  avec  l’appareil  elle  avait  conservé  une 
température  de  54.®  :  celle  à  laquelle  elle  est  servie  sur  nos 
tables.  C’est  surtout  en  hiver,  quand  il  gèle,  que  le  ther- 
mophylacte  peut  être  utile.  De  la  soupe  sortant  à  65.®  de  la 
caserne  est  parvenue  à  destination  à  22.®  sans  appareil  et  à 
49.®  avec  l’appareil.  J.  Gosselet. 


ACADÉMIE  IMPÉRIALE  DES  SCIENCES,  LETTRES  ÈT  ARTS,  d’aRRAS. 

Mémoires,  11.' série,  tome  II,  année  1868. 

Cette  Académie  fut  fondée  en  1737  comme  Société  litté¬ 
raire;  elle  prit  le  titre  d’Académie  en  1773,  et  disparut, 
comme  toutes  les  autres  compagnies  de  ce  genre ,  à  la  Ré¬ 
volution.  En  1817  ,  elle  fut  reconstituée  sous  la  dénomina¬ 
tion  de  Société  d’encouragement  pour  les  Sciences,  les 
Lettres  et  les  Arts.  Puis  reconnue,  en  1829,  sous  le  titre 
officiel  et  ancien  d’Académie  ;  en  vertu  d’un  décret  du  13 
août  1866,  elle  a  été  autorisée  à  prendre  le  titre  d’Académie 
impériale. 

L’Académie  d’Arras  comprenait  au  1.®"  mars  1869:  30 
membres  résidants ,  22  membres  honoraires  et  65  membres 
correspondants. 

Les  membres  titulaires  étaient  MM. 


—  161  — 

Jæcesne^  [1853] ,  adjoint  au  maire;  Président. 

L’abbé  Proyart  [1851],  vicaire  général;  Chancelier. 

Caron  [1848],  bibliothécaire  de  la  ville;  Vice-Chancelier. 
L’abbé  Van  Drival^  [1860] ,  chanoine  ;  Secrétaire-Général. 
Raffeneau  de  Lile  [1864]  ;  Secrétaire-adjoint. 

Godin  [1844] ,  archiviste  du  Département  ;  Archiviste. 

Paris  [1866] ,  avocat;  Bibliothécaire. 

Bregeaut  [1830] ,  pharmacien ,  prof,  à  l’école  de  médecine. 
Colin,  Maurice,  O. ^[1831],  ancien  maire. 

Wartelle  de  Retz^  [1832],  membre  du  Conseil-Général. 
Colin,  Henri  [1849] ,  juge  suppléant  au  tribunal. 

Ledieu^  [1841],  directeur  de  l’Ecole  de  médecine. 

Plichon  ,  O.  ^  [1848] ,  maire  d’Arras. 

Lestoquoy  [1851] ,  professeur  à  l’Ecole  de  médecine. 

De  Mallortie  [1852] ,  principal  du  collège. 

De  Linast^  [1853]  ,  propriétaire. 

L’abbé  Robitaille  [1855] ,  chanoine. 

Laroche  [1856] ,  maire  de  Daisans. 

Watelet,  L.  [1857],  ancien  magistrat. 

De  Séde  [1859] ,  journaliste. 

Sens^^  [1860],  député. 

Legentil^^  [1863] ,  juge  au  tribunal. 

Pagnoul  [1864] ,  professeur  de  Physique  au  collège. 
Boulangé^  [1866] ,  ingénieur  en  chef  des  Ponts-et-Chaus. 
Grandgeillaume  ,  0.^  [1868]. 

Lenglet  [1868],  bâtonnier  de  l’Ordre  des  Avocats. 

Coince  [1868] ,  ingénieur  des  mines. 

Cardin^  [1868] ,  président  du  tribunal. 

Caminade  ^  [1868]  ;  directeur  des  contributions-indirectes. 
L’abbé  Planque  [1868] ,  chanoine. 

Le  volume  que  nous  avons  sous  les  yeux  renferme  le 
compte-rendu  de  la  séance  générale  du  22  août  1867,  les 
discours  prononcés  sur  les  tombes  de  MM.  Broy  ,  Thellier 
et  Parenty  ,  membres  de  la  Société,  et  trois  notices  biogra¬ 
phiques. 

» 

Notice  sur  M.  Billiet avocat.,  par  M.  Legentil.  —  L’au¬ 
teur  rappelle  les  services  que  M.  Billiet  rendit  à  la  ville 
d’Arras  et  à  l’Académie. 


—  1()2  — 

Biographie  de  Dominique  Doncre,  peintre,  par  le  même 
auteur.  —  D.  Doncre,  naquit  en  Flandre  en  1743,  fut  reçu 
bourgeois  d’Arras  en  177^,  et  décéda  en  1820.  C'était  «  une 
belle  nature  d’artiste  qui  n’a  pas  eu  tout  son  développe¬ 
ment  (’).  » 

Le  propi’e  du  caractère  de  Doncre  était  l’honnêteté ,  la 
droiture  et  la  modestie,  il  était  «  très-liabile,  et  son  habi¬ 
leté  était  de  plus  au  service  d’une  souplesse  peu  commune 
(jui  lui  permit  d’aborder  presqu’indifféremment  tous  les 
genres,  tels  que  la  décoration  et  la  miniature,  et  de  se 
signaler  dans  la  plupart  de  ces  genres  par  des  œuvres  su¬ 
périeures  que  ne  désavoueraient  pas  les  plus  adroits  spécia¬ 
listes.  » 

Mais  si  grande  et  si  naturelle  (iii’elle  ail  été,  celte  habi¬ 
leté  fût  devenue  bien  plus  étonnante  sans  cette  double  cir¬ 
constance  :  qu’obligé  perpétuellement  de  gagner  le  pain  du 
jour,  Doncre  dut  utiliser  son  talent  plutôt  que  le  cultiver, 
et  (|ue  pai*  suite  de  sa  pauvreté,  il  n’avait  à  sa  disposition 
que  six  à  sept  couleurs  des  plus  primitives  ,  qu’il  achetait 
chez  le  droguiste. 

Notice  sur  M.  Crespel-Delisle ,  par  .M.  Parenty.  —  Sous 
le  premier  empire  ,  les  denrées  coloniales  faisaient  défaut , 
Napoléon  promit  une  somme  très-considérable  à  celui  qui 
le  premier  établirait  une  fabrique  de  sucre  indigène.  Or,  il 
arriva  que  M.  Crespel-Delisle  fit  avec  la  bellerave  le  sucre 
demandé,  et  voici  comment  :  «  Dans  le  couj*ant  de  1809, 
un  employé  des  bureaux  de  la  préfecture  ,  passionné  pour 
les  expériences  chimiques  ,  parvint  à  extraire ,  du  jus  de  la 
betterave,  ({uelques  onces  d’un  sucre  brut,  de  couleur 
jaune,  d’un  goût  de  réglisse  très-prononcé.  M.  Crespel 
reçoit  à  Béthune  cette  nouvelle  de  Parsy ,  l’un  de  ses  pa- 


(9  Tournel,  cité  par  M.  Legentil. 


—  163  — 

renls  et  son  ami  crenfance.  De  son  côté ,  il  se  met  à  faire 
des  expériences  qui  ne  le  laissent  pas  sans  espoir.  Dans  le 
mois  d’octobre  1810  ,  il  les  reprend  de  concert  avec  Parsy 
qui  restait  toujours  à  Lille.  Pour  la  fin  de  novembre ,  ils 
tentent  en  commun  un  essai  plus  grand  ;  pour  cela  ils  ont 
recours  à  un  raffineur  de  Lille  qui  leur  permet  de  disposer 
de  ses  étuves.  »  Le  succès  couronna  leur  entreprise. 

«  Deux  chaudières,  une  presse  et  des  râpes  furent  mon¬ 
tées  dans  la  maison  de  Parsy,  rue  de  l’Arc,  et  les  deux 
associés  travaillèrent  ainsi  jusqu’au  mois  de  mars  1811.  » 

Le  procédé  employé  par  MM.  Grespel  et  Parsy ,  si  nouveau 
pour  eux,  était  déjà  connu  en  Allemagne,  puisqu’en  1787, 
Achard  de  Berlin ,  associé  du  baron  Koppi ,  poursuivant  des 
expériences  faites  40  ans  auparavant  par  Margraaf,  avait 
reçu  du  roi  de  Prusse  le  domaine  de  Kunern  en  Silesie,  pour 
y  exploiter  en  grand  l’industrie  sucrière. 

En  1747,  Margraaf  avait  constaté  l’existence  du  sucre 
dans  le  tissu  cellulaire  de  la  betterave  et  l’en  avait  retiré  en 
traitant  la  racine  desséchée  par  l’alcool.  Achard  employa  un 
procédé  tout  différent.  Il  fit  cuire  la  betterave  et  l’exposa 
ainsi  à  la  pression.  Il  tit  ensuite  bouillir  le  jus  obtenu  jusqu’à 
ce  qu’il  acquit  la  consistance  du  sirop,  puis  le  versa  dans 
des  vases  plats  qu’il  mettait  dans  une  étuve  de  30  à  31 
degrés.  Il  renfermait  le  tout  dans  un  sac  de  forte  toile  dans 
lequel  on  le  pressait ,  et  la  cassonnade  restait  seule.  Achard 
continua  ses  expériences  jusqu’en  1808,  grâce  à  une  sub¬ 
vention  de  ^00,000  francs  que  lui  faisait  le  gouvernement 
prussien. 

M.  Crespel-Delisle  avait-it  eu  connaissance  des  travaux 
d’Achard?  Non,  l'èpond  31.  Parenty,  car  l’ouvrage  d’A- 
chard,  traduit  de  rAliemand,  ne  parut  que  vers  la  tin  de 
1801  ;  aussi  quel  ne  dut  pas  être  l’étonnement  de  31.  Grespel 
’  «  quand  il  apprit  que  lui,  simple  praticien ,  avait  deviné 


—  164  — 

ce  que  le  chimiste  allemand  avait  découvert  avec  le  flam¬ 
beau  de  la  science. . .  »  Mais  cet  ouvrage  n’en  servit  pas 
moins  M.  Crespel ,  qui  put  activer  ses  travaux  et  livrer  au 
commerce,  en  1812,  une  quantité  assez  considérable  de 
sucre. 

Cependant  ni  M.  Crespel  ni  M.  Parsy  ne  furent  récom¬ 
pensés;  pourquoi?  M.  Parenty  croit  que  leurs  travaux 
n’ont  pas  été  connus  de  l’Empereur ,  et  ce  qui  le  prouve , 
dit-il,  c’est  qu’en  1812,  M.  Charles  Derosne,  envoyé  par 
Cbaptal  à  Lille  pour  y  fonder  une  fabrique  impériale  de 
sucre ,  n’apprit  que  sur  les  lieux  mômes  que  déjà  la  fabrique 
de  M.  Crespel  marchait  depuis  deux  ans. 

M.  Benjamin  üelessert,  raffineur  à  Passy  ,  se  livrait  aussi 
aux  études  les  plus  assidues  pour  obtenir  en  grand  le  sucre 
de  betterave  bien  cristallisé.  Après  quatre  ans  de  tâtonne¬ 
ments  il  y  réussit,  et  le  2  janvier  1812,  il  annonça  son 
succès  au  ministre  Cbaptal. L’Empereur  alla  aussitôt  visiter 
rétablissement  de  M.  Delessert  et  le  décora  de  sa  propre 
croix. 

Tout  en  constatant  le  succès  de  M.  B.  Delessert ,  il  nous 
est  impossible  ,  ajoute  l’auteur  ,  de  ne  pas  faire  ici  la  ré¬ 
flexion  suivante  :  Comment  se  fait-il  que  M.  Crespel-Delisle 
n’ait  pas  sinon  obtenu  à  son  exclusion  au  moins  partagé 
avec  lui  la  récompense  qui  lui  fut  décernée?  En  effet  nous 
avons  remarqué  qu’à  la  lin  de  1810,  M.  Crespel  et  son  parent 
Parsy  avaient  obtenu  du  sucre  et  que  dès  ce  moment  ils 
avaient  fondé  une  fabrique.  Pendant  la  première  campagne 
ils  avaient  obtenu  4  à  oOO  kil.  de  sucre  brut,  et  en  1812  ils 
livraient  à  la  consommation  10,000  kil.  Ils  avaient  donc 
précédé  M.  Delessert. 

Nous  ne  suivrons  pas  avec  l’auteur  M.  Crespel-Delisle 
dans  toute  sa  vie  industrielle  ,  c’est  à  dire  pendant  SO  ans 
qu’il  employa  en  efforts  continuels  pour  améliorer  et  con- 


—  165  — 

duire  à  bonne  fm  une  industrie  qu’il  avait  prise  à  sa  source. 
Disons  seulement  de  lui  qu’au  commencement  il  eut  à  sup¬ 
porter  le  dédain  avec  lequel  on  accepta  le  résultat  de  ses 
expériences  et  qu’au  déclin  de  sa  vie  il  fut  obligé  de  liquider, 
écrasé  surtout  par  les  droits  dus  au  Trésor. 

En  1815  ,  il  avait  transporté  le  siège  de  son  industrie  de 
Lille  à  Arras.  Il  y  reçut  d’augustes  visiteurs.  Le  duc  d’An- 
goulême ,  Charles  X,  puis  le  duc  d’Orléans  se  firent  un 
devoir  d’aller  visiter  son  établissement.  Après  sa  liquida¬ 
tion  le  Corps  législatif  lui  vota  une  pension  viagère  de  6,000 
fr.  à  titre  de  récompense  nationale.  Il  se  retira  à  Neuilly  où 
il  mourut  du  choléra,  le  21  novembre  1865.  Lecocq. 


COURS  PUBLICS. 

Cours  d'Histoire  naturelle  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille , 

par  M.  G.  Dareste. 

DIFFÉRENCES  D’ORGANISATION  DANS  UNE  MÊME  ESPÈCE.  — 

Après  avoir  rejeté  la  doctrine  de  la  préexistence  des  germes 
qui  entrava  si  longtemps  la  marche  de  la  science,  le  pro¬ 
fesseur  passe  à  l’examen  de  la  notion  instinctive  de  l’espèce, 
et  commence  par  le  premier  terme  de  cette  notion  :  l’espèce 
est-elle  réellement  une  collection  d’individus  semblables  ? 
—  Si  l’on  cherche  à  se  rendre  compte  de  la  valeur  scienti¬ 
fique  de  ce  premier  terme,  on  se  trouve  en  présence  de  faits 
indiquant  de  grandes  variations  dans  la  forme  et  dans  l’or¬ 
ganisation  des  individus  d’une  espèce.  Le  premier  de  ces 
faits  qui  nous  frappe  d’abord ,  c’est  le  phénomène  si  curieux 
et  si  général  des  métamorphoses.  Tout  le  monde  connaît  la 
série  de  formes  par  lesquelles  passent  les  grenouilles  et  les 
papillons  avant  d’arriver  à  l’état  parfait  ;  je  ne  m’y  arrê¬ 
terai  pas,  préférant  donner  un  peu  plus  de  détails  sur  les 
autres  classes  que  l’on  connaît  moins.  Chez  les  Crustacés , 


—  IGG  — 

nous  voyons  le  Pliyllosome  qui  n’est  qu’une  larve  de  Lan¬ 
gouste  ,  décrit  comme  un  animal  tout  à  fait  différent  et 
rangé  longtemps  dans  la  méthode  bien  loin  de  l’adulte. 
Il  en  a  été  de  même  dos  Zoos  que  l’on  sait  maintenant  être 
des  larves  de  Crabes  et  de  Homards.  Les  Cirrhopodes  qui 
vivent  fixés  au  sol,  ont  des  larves  qui  ressemblent  à  nos 
petits  crustacés  d’eau  douce  et  nagent  librement  dans  la 
mer.  Les  Lernées  adultes  se  liennent  en  parasites  sur  les 
branchies  des  poissons,  et  ne  ressemblent  en  rien  à  leurs 
jeunes  qui  sont  agiles  comme  les  Gyclopes  de  nos  ruisseaux 
avec  lesquels  on  pourrait  les  confondre.  Chez  les  Annélides, 
comme  la  Térébelle  qui  vit  solitaire  dans  le  tube  qu’elle 
s’est  construit,  la  larve  est  vagabonde  et  ressemble  à  un 
infusoire.  L’Actéon  adulte  n’a  plus  de  coquille  et  il  rampe 
sur  les  rochers;  jeune,  il  était  protégé  d’une  cuirasse  et 
courait  la  mer.  L’Huître  qui  vient  d’éclore  est  un  infusoire. 
Dans  la  classe  des  Vers  intestinaux,  le  phénomène  des  mé¬ 
tamorphoses  dépasse  tout  ce  que  l’imagination  aurait  pu 
prévoir  :  le  ver  solitaire ,  par  exemple,  vit  d’abord  dans 
les  muscles  du  porc,  sous  forme  de  vésicule  contractile 
(cysticerque) ,  et  pour  se  transformer  en  ver  proprement 
dit,  il  a  besoin  de  passer  dans  l’intestin  d’un  autre  animal. 
Dans  la  classe  des  Polypes,  nous  trouvons  le  Corail  dont  la 
larve  n’est  qu’un  petit  ver  blanc  nageant  librement  dans  le 
sein  de  la  mer.  Enfin ,  les  Vertébrés  eux-mêmes  n’échap¬ 
pent  pas  à  la  loi  des  métamorphoses  :  l’Ammocète  ou  Lam- 
prillon  n’est  que  la  jeune  Lamproie  et  le  Zeus  faber  ou  pois¬ 
son  Saint-Pierre  était  rangé  dans  des  genres  différents  sui¬ 
vant  son  âge.  Chez  les  oiseaux,  les  mammifères  et  l’homme, 
les  métamorphoses  semblent  manquer  au  premier  abord , 
cependant  l’éruption  des  dents  chez  l’homme  vers  la  7.®  an¬ 
née,  les  différences  considérables  qui  existent  entre  le 
crâne  du  Gorille  jeune  et  celui  de  l’adulte  sont  encore  des 


—  1G7  — 

phénomènes  du  même  ordre  ;  mais  ici  comme  chez  tous  les 
autres  animaux  où  les  formes  successives  ne  sont  pas  appa¬ 
rentes,  les  métamorphoses  se  passent  dans  la  vie  embryon¬ 
naire.  Si  Ton  suit,  en  effet,  les  phénomènes  embryogéni- 
ques ,  on  assiste  constamment  à  la  disparition  et  à  l’appari¬ 
tion  de  formes  et  d’organes  nouveaux  et  successifs.  Les  mé¬ 
tamorphoses  constituent  donc  une  loi  tout  à  fait  générale 
qui  nous  montre  que  l’animal,  quelqu’il  soit,  n’est  pas  iden¬ 
tique  à  lui-même  à  toutes  les  phases  de  son  existence. 

Non  seulement  l’individu  considéré  isolément  est  variable 
dans  sa  forme,  mais  les  individus  dune  même  espèce  con¬ 
sidérés  les  uns  par  rapport  aux  autres  nous  offrent  encore 
des  types  très-différents  qui  tiennent  à  la  sexualité.  Dans 
les  espèces  hermaphrodites,  les  fonctions  étant  les  mêmes 
chez  tous  les  individus  ,  ils  subissent  tous  les  mêmes  mé¬ 
tamorphoses  de  la  même  manière  ;  mais  c’est  là  le  très- 
petit  nombre,  et  dans  la  plupart  des  cas ,  les  sexes  sont 
séparés.  Les  différences  sexuelles,  abstraction  faite  évidem¬ 
ment  de  celles  qui  tiennent  à  l’organe  même  de  la  repro¬ 
duction  ,  sont  extrêmement  variées,  mais  ne  peuvent  pas  se 
rattacher  à  une  loi  commune.  Le  professeur  est  donc  obligé 
de  se  borner  ici  à  donner  des  exemples. 

L’homme  est  généralement  plus  grand  que  la  femme  , 
ses  muscles  sont  plus  accentués  ,  plus  anguleux  et  son’  la¬ 
rynx  présente  des  modifications  particulières  en  rapport 
avec  la  voix.  Dans  la  classe  des  mammifères,  les  différences 
sexuelles  tiennent  à  la  taille  ,  à  la  coloration  du  système  pi¬ 
leux  et  à  l’existence  d’appendices  divers  qui  n’existent  que 
dans  l’un  des  deux  sexes  ,  comme  la  crinière  du  lion  ,  les 
défenses  du  sanglier  et  les  bois  du  cerf.  Les  oiseaux  m⬠
les  sont  plus  grands  que  leurs  femelles,  excepté  dans  les 
rapaces  où  le  fait  est  inverse,  leur  coloration  est  plus  bril¬ 
lante  ,  surtout  à  l’époque  des  amours ,  et  ils  présentent 


—  iGS  — 

souvent  une  exubérance  de  plumage  que  l’on  ne  rencontre 
pas  dans  l’autre  sexe;  qu’il  me  suffise  de  citer  la  collerette 
du  faisan  doré,  les  élégantes  touffes  soyeuses  des  paradi¬ 
siers,  le  paon  et  l’argus  pavonin. 

Les  différences  sexuelles  ne  portent  pas  seulement  sur 
les  caractères  extérieurs ,  elles  affectent  aussi  l’organisation 
interne  :  ainsi  la  trachée  -  artère  de  certaines  espèces  de 
Canards  et  d’Oies  présente  chez  le  mâle  au  point  où  elle 
se  bifurque  en  deux  branches  un  tambour  qui  renforce  sin¬ 
gulièrement  la  voix.  Dans  la  classe  des  insectes,  les  femelles 
sont  souvent  plus  grandes  que  les  mâles;  c’est  une  règle 
assez  générale  ,  mais  qui  n’est  pas  absolue  ;  la  coloration  , 
la  forme  des  antennes  varient  aussi  ;  les  mâles  du  Cerf- 
volant  et  du  Scarabée  hercule  présentent  un  développement 
considérable  des  mandibules  ou  des  cornes  sur  le  corselet  ; 
enfin  on  rencontre  des  espèces  où  les  mâles  sont  ailés , 
tandis  que  les  femelles  ne  le  sont  pas.  Chez  les  Crustacés , 
les  Lernées  présentent  des  différences  bien  remarquables; 
tandis  que  les  mâles  conservent  toute  leur  vie  leur  forme 
de  crustacé ,  les  femelles  se  déforment  et  ressemblent  aux 
vers  intestinaux  avec  lesquels  on  les  avait  d’abord  con¬ 
fondues.  Dans  la  classe  des  Céphalopodes  dont  le  Poulpe  ou 
Pieuvre  est  un  exemple  connu  de  tous  ,  les  différences  sont 
également  bien  marquées  ;  je  ne  citerai  qu’un  seul  exemple, 
celui  du  célèbre  Argonaute.  L’animal  contenu  dans  cette 
superbe  coquille  est  la  femelle,  le  mâle  est  nu  et  beaucoup 
plus  petit.  Dans  tout  le  règne  animal,  il  y  a  donc  deux  types 
différents  en  rapport  avec  les  sexes,  mais  ces  deux  types 
ont  au  fond  la  même  organisation,  seulement  l’un  ou  l’autre 
reste  stationnaire  dans  le  cours  de  ses  métamorphoses; 
ainsi  les  femelles  des  mammifères  et  des  oiseaux  rappellent 
à  bien  des  égards  les  caractères  des  jeunes  mâles,  et  dans 
les  insectes ,  elles  sont  plus  ou  moins  semblables  aux  lar- 


—  169  — 

V 

ves  ;  ce  qui  prouve  bien  que  ces  différences  sexuelles  tien¬ 
nent  à  des  arrêts  de  développement,  c’est  que  les  vieilles 
femelles  qui  ont  passé  l’âge  de  la  reproduction  peuvent 
suivre  le  cours  de  leurs  métamorphoses  et  revêtir  les  carac¬ 
tères  des  mâles  adultes  :  on  a  vu  en  effet  de  vieilles  che¬ 
vrettes  se  couvrir  de  bois ,  et  de  vieilles  faisanes  prendre  la 
coloration  et  le  plumage  des  faisans.  Des  faits  inverses  peu¬ 
vent  se  présenter  ;  ainsi  les  Lernées  mâles  conservent  toute 
leur  vie  leurs  caractères  de  crustacé  que  les  femelles  perdent 
assez  rapidement. 

Ces  types  différents  dépendant  du  sexe  ne  sont  pas  les 
seuls  que  l’on  ait  observés;  M.  Wallace,  par  exemple,  a 
constaté ,  sur  plusieurs  espèces  de  Papillons  venant  de 
Java,  que  le  sexe  femelle  présente  plusieurs  types  ,  tandis 
que  les  mâles  n’offrent  pas  de  différences  entr’eux.  Il  est 
probable,  dit  le  professeur,  que  les  découvertes  futures 
généraliseront  beaucoup  ces  faits.  Dans  nos  insectes  indi¬ 
gènes  on  remarque  des  phénomènes  analogues.  Les  Guêpes 
et  les  Abeilles  nous  présentent  trois  formes  différentes  :  le 
mâle  ,  la  femelle  et  l’ouvrier.  Ce  dernier  ,  chez  les  Abeil¬ 
les  ,  se  distingue  aisément  des  deux  autres  par  des  modifi¬ 
cations  anatomiques  et  physiologiques  très-remarquables  ; 
ainsi  le  premier  article  du  tarse  de  sa  3.®  paire  de  pattes 
présente  en  dedans  une  brosse  et  en  dehors  une  corbeille  ; 
quand  il  a  butiné  sur  toutes  les  fleurs ,  il  brosse  les  poils 
qui  couvrent  son  corps  pour  réunir  le  pollen  en  petites  pelo¬ 
tes  qu’il  introduit  dans  sa  corbeille.  Un  autre  caractère  im¬ 
portant  de  l’abeille  ouvrière,  c’est  la  production  de  la  cire 
qu’elle  seule  a  la  propriété  de  sécréter  ;  de  plus ,  Fr.  Huber 
a  remarqué  que ,  parmi  les  ouvrières ,  les  unes  étaient  plus 
spécialement  destinées  à  la  production  de  la  cire ,  tandis 
que  les  autres  étaient  chargées  de  l’éducation  des  larves  et 
de  toutes  les  autres  fonctions  de  la  communauté ,  il  les  a 

2 


—  1/0  — 

donc  distinguées  en  Abeilles  civières  et  en  nourrices.  Parmi 
les  Fourmis ,  quelques  espèces  présententTîn  seul  type  d’in¬ 
dividus  neutres,  tandis  que  d’autres  en  ont  deux  :  les  ou¬ 
vriers  et  les  soldats.  C’est  un  phénomène  des  plus  curieux 
que  de  voir  ces  soldats,  exclusivement  employés  à  la  défense 
de  la  communauté ,  partant  par  groupes  compactes ,  pour  la 
conquête  d’autres  fourmilières  dont  ils  réduisent  les  ouvriers 
en  captivité.  C’est  ainsi  que  la  Fourmi  roussàtre  et  la  Four¬ 
mi  sanguine  passent  leur  vie  dans  Foisiveté,  en  se  faisant 
servir  par  les  ouvriers  d’autres  espèces  de  Fourmis.  Les 
Termites,  de  l’ordre  des  Névroptères,  présentent  aussi 
quatre  sortes  d’individus:  les  mâles,  les  femelles,  les  ou¬ 
vriers  et  les  soldats.  Tous  ces  individus  neutres  ne  sont  que 
des  individus  sexués  chez  lesquels  les  organes  de  la  repro¬ 
duction  ne  se  sont  pas  développés  et  qui  ont  éprouvé  des 
modifications  correspondantes  au  rôle  qu’ils  ont  à  remplir 
dans  la  communauté.  P.  Hallez. 


BIBLIOGRAPHIE 

Mémoires  lus  à  la  Sorbonne  dans  les  séances  extraordinaires  du 
Comité  impérial  des  travaux  historiques  et  des  Sociétés  savantes  , 
tenues  les  14,  15  ,  16  et  17  avril  1868. 

Au  moment  où  nous  rendions  compte  des  lectures  faites 
en  Sorbonne  à  la  dernière  Réunion  générale  des  Sociétés 
savantes ,  nous  arrivait  le  texte  imprimé  des  mémoires  lus 
dans  les  séances  de  l’année  précédente.  Extrayons-en  tout 
ce  qui  intéresse  notre  ressort. 

HISTOIRE,  PHILOLOGIE  ET  SCIEXCES  MORALES 

Le  Centime  et  le  Nord  de  la  Gaule  au  siècle  d’Auguste  et 
sous  les  Antonins^  par  M.  Tailliar,  président  honoraire  à 
la  cour  de  Douai.  —  Depuis  longtemps,  M.  Tailliar  nous 


—  171  — 

avait  initiés  à  l’histoire  des  institutions  du  Nord  de  la 
Gaule  sous  la  domination  romaine.  Aujourd’hui ,  il  élend 
ses  recherches  à  la  région  centrale  de  notre  patrie.  Il  traite , 
à  la  fois,  des  deux  anciennes  provinces  de  Sens  et  de 
Reims.  Sa  nouvelle  publication  participe  ainsi  de  l’histoire 
générale  et  de  l’histoire  locale.  Attentif  à  ne  point  séparer 
l’étude  des  institutions  de  l’examen  des  lieux  où  elles  ont 
fleuri,  M.  Tailliar  commença  par  distinguer  le  bassin  de 
la  Seine  et  le  bassin  du  littoral  Nord-Ouest.  Il  trace  les  sub¬ 
divisions  naturelles  de  l’un  et  de  l’autre.  Puis  il  parle  des 
peuples  qui  habitaient  ces  deux  bassins.  A  ce  sujet  il  éta¬ 
blit  une  distinction,  dont  l’idée  lui  appartient  en  propre, 
entre  les  peuples  j^rimitifs  ou  principaux  ,  et  les  peuples 
secondaires  ^  de  formation  plus  récente.  Les  premiers  sem¬ 
blent  avoir  eu  pour  traits ,  ou  institutions  caractéristiques  : 
1 .“  un  nom  patronymique ,  qu’ils  ont  apporté  avec  eux  dans 
la  Gaule  ;  2.®  des  hrenns  ou  commandants  en  chefs  ;  3.°  des 
sanctuaires  ou  centres  religieux.  Ces  caractères  essentiels 
manquent  aux  cités  de  formation  secondaire ,  peuplades 
détachées ,  à  une  époque  relativement  récente ,  de  nations 
plus  anciennement  constituées.  Ces  peuplades  secondaires , 
au  lieu  d’un  nom  patronymique  ,  portent  une  désignation 
empruntée  à  la  configuration  des  lieux  ou  à  la  topographie. 
Par  exemple ,  M.  Tailliar  remarque  que  les  VéronianduenSy 
issus  des  Suessiones ,  sont  les  hommes  de  la  Grande  Mon¬ 
tagne  (Ver  Mand)  ;  les  Ambiens^  sortis  des  Bellovaques, 
sont  les  hommes  du  pourtour  ou  de  la  zone  sinueuse  ;  les 
Morins ,  détachés  des  Atrébates ,  sont  les  hommes  de  la 
mer  ou  des  lagunes.  <r  Ni  les  uns  ,  ni  les  autres  ne  sont  in¬ 
diqués  comme  ayant  obéi  à  des  hrenns  ou  possédé  des  sanc¬ 
tuaires.  » 

De  l’étude  des  nations,  M.  Tailliar  passe  à  celle  des  pagi , 
dénomination  qui  s’applique  tantôt  à  des  subdivisions  ad- 


—  172  — 

ministratives  de  la  a7e,  tantôt  à  des  régions  naturelles. 
Dans  ce  dernier  cas,  le  nom  du  pagus  rappelle  générale¬ 
ment  ou  la  physionomie  des  lieux,  ou  le  genre  de  produc¬ 
tions  qu’on  en  tire. 

L’auteur  retrace  ensuite  les  circonstances  dans  lesquelles 
s’est  effectuée  la  conquête  de  la  Gaule ,  les  causes  de  la 
perte  de  son  indépendance ,  les  résistances  plusieurs  fois 
renouvelées  des  vaincus  et  les  moyens  employés  par  les 
vainqueurs  pour  asseoir  et  consolider  leur  domination. 

Comme  exemples  de  la  diffusion  de  Télément  romain 
dans  les  Gaules ,  il  décrit  successivement  :  une  colonie 
militaire  (Bavai)  :  une  ville  alliée  (Reims)  ;  une  ville  sujette 
(Sens)  ;  une  ville  de  commerce  (Paris)  ;  une  ville  militaire 
sur  le  littoral  (Lillebonne)  ;  un  port  de  mer  (Boulogne)  ;  un 
établissement  militaire  à  l’intérieur  (Chamlieu). 

Essai  sur  le  Magistrat  de  Douai,  par  M.  l’abbé  Dehais- 
nes,  archiviste  de  la  même  ville.  —  Chacune  des  lectures 
de  M.  l’abbé  Dehaisnes  est  une  bonne  fortune  pour  les 
auditeurs  de  la  Sorbonne ,  et  nous  sommes  certains  de  ne 
pas  encourir  de  démenti  si  nous  disons  qu’il  en  est  peu 
dont  le  retour  soit  salué  ,  chaque  année  ,  par  un  accueil 
plus  sympathique.  Précédemment,  et  dans  un  mémoire 
fort  goûté,  notre  collaborateur  avait  entretenu  l’assistance 
des  Relations  commerciales  de  Douai  avec  l’Angleterre  au 
moyen-âge.  En  1867 ,  lorsqu’on  s’apprêtait  à  célébrer  le 
deux-centième  anniversaire  de  la  Réunion ,  par  Louis  XIV, 
à  la  France ,  des  territoires  compris  dans  la  circonscription 
actuelle  du  département  du  Nord  ,  il  a  lu ,  sur  la  Domina¬ 
tion  française  à  Douai  et  dans  la  Flandre  wallonne,  une 
étude  qui  lui  a  valu  les  félicitations  de  S.  Exc.  M.  Duruy , 
présent  à  la  séance.  En  1868,  c’est  un  Essai  sur  le  Magis¬ 
trat  de  Douai  que  M.  Dehaisnes  a  présenté  aux  délégués  des 
Sociétés  savantes.  Ce  mot  essai  contient  un  commencement 


—  175  — 

de  promesse  que  voudra  tenir,  nous  en  sommes  certains,  l’ac¬ 
tif  et  intelligent  archiviste  de  Douai,  si  bien  posé  pour  écrire 
une  histoire  des  institutions  municipales  de  cette  ville.  En 
attendant,  il  nous  fait  connaître  la  composition  du  Magis¬ 
trat,  ses  attributions  collectives  et  les  diverses  fonctions  de 
ses  membres.  Il  énumère  les  atteintes  que  l’autorité  royale 
a  successivement  portées  à  l’autonomie  administrative  de 
cette  commune,  l’une  des  plus  puissantes  de  Flandre.  «  Les 
institutions  de  Douai ,  dit-il  en  terminant ,  avaient  fait 
vivre  une  longue  suite  de  générations  de  cette  vie  civile  et 
politique  qui  élève  les  âmes  et  trempe  vigoureusement  les 
caractères.  Aujourd’hui  encore  ,  celui  qui  étudie  sérieuse¬ 
ment  l’antique  organisation  de  nos  cités  y  rencontre ,  non 
seulement  la  vérité  qui  instruit  et  l’intérêt  qui  charme , 
mais  aussi  des  leçons  de  liberté  et  d’indépendance.  » 
L'Ambassadeur  du  Grand-Duc  de  Toscane  et  les  Proscrits 
florentins,  épisode  inédit  du  règne  de  Hemd  III ,  par  M. 
Abel  Desjardins ,  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Douai. 
—  C’est  par  des  tableaux  d’un  autre  genre  que  M.  Desjar¬ 
dins  évoque  en  nous  les  mâles  sentiments  qui  sont  le  plus 
noble  apanage  de  l’humanité.  Quel  spectacle  révoltant  que 
celui  du  grand-duc  François  I.",  s’appliquant  à  poursuivre, 
jusque  sur  la  terre  hospitalière  de  France,  ceux  de  ses 
sujets  qui  ont  voulu  se  soustraire  par  l’exil  à  l’asservisse¬ 
ment  de  leur  patrie.  Ils  sont  cinq  contre  lesquels  il  dirige 
insidieusement  le  poignard.  «  Suivre  pas  à  pas  chacune  des 
victimes  signalées ,  trouver  des  meurtriers  experts  et 
aguerris ,  les  encourager ,  les  diriger ,  leur  fournir  l’occa¬ 
sion  de  frapper  ;  le  coup  fait ,  leur  procurer  les  moyens  de 
fuir  et  leur  payer  le  prix  du  sang  :  voilà  la  grande  occupa¬ 
tion  de  l’ambassadeur  du  grand-duc  et  l’unique  souci  de 
son  secrétaire!  »  Le  savant  hisiovieu  des  Relations  de  la 
France  et  de  la  Toscane  nous  a  ainsi  fait  pénétrer  dans  un 


—  174  — 

des  recoins  les  plus  obscurs  du  triste  règne  de  Henri  III. 

Etude  sur  la  dernière  conversion  de  Pascal ,  par  M. 
Delègue.  —  C’est  le  même  morceau  dont  il  a  été  déjà  rendu 
compte  ici  à  propos  du  t.  xiii  des  Mémoires  de  la  Société 
Dunkerquoise.  A.  Desplanque. 

ARCHÉOLOGIE. 

Recherches  archéologiciues  sur  le  château^  la  maison  d'é¬ 
chevinage  et  l'église  de  Domart ,  par  M.  Dusevel.  —  Domart 
est  un  bourg  de  l’arrondissement  de  Doullens  qui  possédait 
au  moyen-âge  un  donjon  construit,  en  1174,  par  Bernard, 
seigneur  de  Saint-Valéry.  Des  sièges  et  des  combats,  puis 
comme  fin  la  ruine  et  l’oubli ,  telle  est  l’histoire  du  château 
de  Domart  et  celle  de  tous  ses  pareils.  Près  du  château  s’éle¬ 
vait  l’église  qui  sert  encore  de  paroisse  à  la  commune  ;  elle 
a  subi  tant  de  changements ,  tant  d’incendies  et  de  répara¬ 
tions  qu’on  ne  peut  guère  y  retrouver  de  restes  certains  de 
ses  constructions  primitives.  Il  n’en  est  pas  de  même  de  la 
maison  d’échevinage  :  elle  nous  montre  un  exemple  de  ce 
qu’était  au  xii.®  siècle  une  maison  de  ville.  Outre  la  des¬ 
cription  et  l’histoire  de  ces  monuments,  M.  Dusevel  fait  con¬ 
naître  quelques  usages  du  temps.  Ainsi ,  par  suite  d’une 
fondation ,  le  prieur  de  Domart  était  tenu  de  faire  prêcher 
dans  l’église ,  «  le  jour  de  Pâques  fleuries ,  un  sermon  pour 
lequel  il  payait  ordinairement  8  sols  et  à  dîner ,  ou  10  sols 
sans  le  dîner.  »  J. G. 

NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  SUR  l’iNDUSTRIE  DANS  LE  DÉPARTEMENT 

DES  ARDENNES 

par  Ed.  Xivoit ,  ingénieur  des  mines  (q 

Ce  petit  volume  de  343  pages  sera  lu  avec  intérêt  par  tout 

(i)Charleville,  Eugène-Jolly;  1869.—  In-12de  343  p.  avec  planches 
Prix  2  fr.  50. 


—  175  — 

le  monde.  Avec  beaucoup  de  clarté  et  d’une  manière  à  la 
fois  savante  et  élémentaire  ,  M.  Nivoit  explique  les  indus¬ 
tries  vulgaires,  celles  dont  nous  sommes  chaque  jour  té¬ 
moins  et  qui  satisfont  aux  besoins  matériels  les  plus  pres¬ 
sants  de  la  Société. 

Un  premier  chapitre  est  consacré  à  l’industrie  minérale. 
L’auteur  y  indique  la  position  géologique  et  l’exploitation 
de  l’ardoise,  de  la  pierre  à  bâtir,  des  marbres,  de  la  chaux, 
de  la  marne,  de  l’argile  à  briques  ou  à  poteries ,  du  phos¬ 
phate  de  chaux,  du  minerai  de  fer.  Un  second  chapitre 
traite  de  l’industrie  agricole  ,  c’est-à-dire  des  procédés  de 
culture  ;  de  la  fabrication  de  la  farine  ,  du  pain ,  du  sucre , 
de  la  chicorée,  du  vin,  du  cidre,  de  la  bière,  de  l’eau-de- 
vie,  du  rouissage  du  lin  et  du  chanvre,  des  ateliers  dՎ 
quarrissage.  Un  troisième  chapitre  est  consacré  à  l’indus¬ 
trie  forestière,  si  importante  dans  le  département  des  Ar¬ 
dennes.  Un  quatrième  à  l’industrie  métallurgique  du  cuivre 
et  du  fer,  les  seuls  métaux  travaillés  dans  ce  département. 
Le  cinquième  chapitre  est  consacré  à  l’industrie  des  tissus 
et  essentiellement  au  travail  de  la  laine  à  Sedan  et  à  Re- 
thel.  Enfin,  sous  le  titre  d’industries  diverses  ,  le  sixième 
chapitre  contient  quelques  détails  sur  l’imprimerie ,  la 
fabrication  du  papier,  des  crayons,  du  gaz  d’éclairage, 
du  cuir,  de  la  colle-forte  (colle  de  Givet) ,  du  verre,  de  la 
poudre,  des  brosses. 

On  voit  combien  de  notions  utiles  on  peut  trouver  dans 
le  livre  de  M.  Nivoit;  bien  qu’écrit  spécialement  pour  le 
département  des  Ardennes,  il  convient  à  toute  notre  région. 
Nous  nous  bornons  pour  le  moment  à  en  donner  en  quelque 
sorte  la  table  des  matières,  nous  proposant  d’y  faire  de 
larges  emprunts  lorsque  nous  pourrons  consacrer  quelques 
^  articles  aux  produits  naturels  de  notre  pays  et  aux  indus¬ 
tries  locales.  .  J.  G. 


—  176  — 


LES  CORPS  DE  MÉTIERS  ET  LE  COMMERCE  DE  CAMBRAI 
DU  XII.*  AU  XIX.*  SIÈCLE 

par  M.  Alcibiade  Wilbert  (i) 

QUELQUES  DOCUMENTS  POUR  SERVIR  A  l’HISTOIRE 
DE  l’industrie  A  LILLE 
par  M.  Victor  Derode  v^) 

Le  travail  de  M.  Aie.  Wilbert,  président  de  la  Société 
d’Emulation  de  Cambrai,  est,  ainsi  qu’il  le  dit  lui-même, 
l’extrait  d’un  ouvrage  inédit  qui  peut  être  considéré  comme 
un  commentaire  des  diverses  histoires  du  Nord  de  la  France 
et  particulièrement  de  Cambrai. 

Le  titre  de  ce  travail  laisse  entrevoir  toutes  les  questions 
qui  y  sont  traitées,  et  que  l’étendue  de  ce  bulletin  ne  nous 
permet  même  pas  d’eftleurer.  A  défaut,  nous  nous  spéciali¬ 
serons  et  nous  nous  contenterons  de  prendre  chez  l’auteur 
tout  ce  qui  est  relatif  aux  corps  de  métiers. 

Nous  agirons  de  même  avec  le  mémoire  de  M. Victor  De¬ 
rode. 

Quelle  est  l’origine  de  ces  Associations  d’hommes  d’une 
même  profession ,  connues  au  moyen-âge  sous  le  nom  de 
Corporations  et  de  qui  sont  nées  les  maîtrises  et  jurandes? 

Nous  ne  le  savons  pas,  mais  il  est  probable  qu’elle  remonte 
au  berceau  des  Sociétés. 

«  Dans  tous  les  temps ,  dit  Dalloz  (^),  les  hommes  condam¬ 
nés  par  l’état  social  à  une  existence  précaire  ont  senti  le 
besoin  de  s’unir  pour  se  protéger  mutuellement  et  se  prêter 
secours  dans  les  épreuves  de  la  vie.  » 

P)  Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  de  Cambrai,  t.  xxx,  1  partie, 
p.  311  à  374. 

(2)  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  ,  de  l’Agriculture  et  des  Arts 
de  Lille,  3.^  série,  t.  iv,  p.  381  à  465. 

P)  Association  —  Introduction. 


—  i77  — 

«  Chez  les  Grecs  et  les  Romains ,  ajoute  le  même  au¬ 
teur  (^) ,  nous  trouvons  le  travail  et  l’industrie  organisés  et 
réglementés  dans  des  corps  collèges  o\i  communautés,  comme 
nous  les  retrouverons  plus  tard  dans  le  moyen-âge.  ® 

Et  plus  loin  :  «  Nous  nous  sommes  un  peu  étendus  sur 
l’origine  et  l’organisation  des  corps  d’arts  et  métiers  chez 
les  Romains,  parce  que  d’eux  sont  nés  évidemment  les 
Corporations  qui,  au  moyen-âge,  couvrirent  toute  l’Eu¬ 
rope.  Il  ne  faut  pas  croire  en  effet  que  le  régime  des  mai- 
trises  et  jurandes  soit  sorti  à  un  moment  donné  des  règle¬ 
ments  et  des  ordonnances  de  Louis  IX  et  de  ses  successeurs. 
Les  Corporations  existaient  dans  la  Gaule  longtemps  avant 
cette  époque  ;  liées  au  régime  municipal  dont  elles  faisaient 
partie ,  elles  passèrent  et  se  conservèrent  avec  lui  dans  la 
plupart  des  villes.  » 

Nous  voyons  donc  que  Louis  IX  n’organisa  pas  les  pro¬ 
fessions  ;  il  constata  seulement  les  règlements  qu’elles  s’é¬ 
taient  donnés  comme  le  fit  plus  tard  Charles  VII  pour  toutes 
les  coutumes  du  royaume  (2) ,  afin  de  mettre  un  terme  aux 
difficultés  qui  naissaient  des  lois  établies  par  l’usage  mais 
non  écrites  et  par  suite  diversement  interprétées  (3). 

Les  quelques  renseignements  qui  précèdent  nous  ont 
paru  nécessaires  pour  établir  la  filiation ,  jusqu’au  moyen- 
âge  ,  des  Corporations  d’arts  et  métiers  ;  ils  nous  font  voir 
d’ailleurs  que  notre  civilisation  actuelle  a  pour  points  de 

(1)  Industrie  —  Introduction. 

(2)  A  propos  de  ces  coutumes,  voici  ce  que  nous  apprend  Mouston  ; 
«  Le  dessein  en  fut  formé  sous  Charles  VII ,  qui  ordonna  que  toutes 
les  coutumes  seraient  écrites  et  accordées  parles  praticiens  de  chaque 
pays,  puis  examinées  par  le  Grand  Conseil  et  le  Parlement.  »  Cette 
rédaction  fut  lente  et  difficile  ;  elle  ne  fut  achevée  que  plus  de  100  ans 
après  la  mort  de  Charles  VII. 

(3)  M.  Aie.  \\’ilhert,  loc.  cit.  p.  318. 

2-^ 


—  178  — 

dépari  les  premières  Sociétés  humaines  qui  se  sont  formées. 

Les  Corporations  jouissaient  à  l’origine  d’une  certaine 
indépendance  ,  mais  les  chartes  qui  avaient  été  d’ahord 
pour  les  industriels  des  garanties  de  liberté ,  changèrent 
de  nature  et  devinrent  pour  eux  des  liens  véritables,  liens 
déguisés  sous  toutes  sortes  déformés.  Les  droits  des  Corpo¬ 
rations,  leurs  privilèges  disparurent  graduellement  et  furent 
remplacés  par  des  clauses  contraires.  L’accessoire  prit  la 
place  du  principal  et  les  titres  ne  relatèrent  plus  que  les 
conditions  d’admission  des  candidats,  l’obligation  du  chef- 
d’œuvre,  les  formalités  de  fêles  religieuses,  les  festins  de 
corps,  etc.  (*) 

Il  avait  été  de  l’intérêt  privé  des  maîtres  de  demander  des 
chartes  pour  écarter  la  concurrence  étrangère.  Les  rois 
ont  cru  qu’il  était  de  leur  intérêt  —  de  l’intérêt  général , 
veux-je  dire  ,  —  d’avoir  sous  la  main  les  Corporations. 

((  Chaque  communauté  n’avait  eu  en  vue,  dit  M.Depping(2), 
que  l’avantage  personnel  des  maîtres  de  métiers  ;  de  là  les 
longs  apprentissages  qui,  pour  quelques  métiers,  étaient  de 
8  à  10  ans.  » 

A  Cambrai  et  à  Lille ,  la  durée  de  l’apprentissage  était 
beaucoup  moins  longue. 

A  Cambrai,  les  serruriers,  maréchaux,  orfèvres,  caudril- 
liers  (chaudronniers) ,  éperonniers ,  arquebusiers ,  taillan¬ 
diers  et  couteliers  ne  pouvaient  passer  maîtres  qu’après  un 
an  d’apprentissage  (3). 

A  Lille,  le  candidat  devait  fournir,  au  siège  du  stil  devant 
lequel  il  se  présentait,  une  attestation  d’apprentissage  de  2, 
3 ,  4  années. 

On  appelait  stil  ou  métier,  une  profession  industrielle 

(q  Derode,  loc.  cit.  page  389. 

(2)  Cité  par  M.  Aie.  Wilbert,  loc.  cit.  p.  319. 

(3)  Règlement  du  25  octobre  1599,  cité  par  M.  Aie.  Wilbert,  p.  320. 


—  179  — • 

quelconque.  Les  artisans  du  même  stil  se  réunissaient  pour 
élire  un  chef  ou  syndic.  Aidé  de  quelques  Conseillers  dési¬ 
gnés  par  l’élection  ,  le  syndic  formait  le  siège  du  stil ,  sorte 
de  tribunal  qui  fixait  la  part  de  chaque  maître  dans  les  im¬ 
pôts  exigés  de  l’industrie  ,  examinait  les  candidats  au  titre 
de  franchise  ou  de  maîtrise.  Pour  avoir  force  de  loi  les  sen¬ 
tences  du  siège  devaient  être  sanctionnées  par  le  Magis¬ 
trat  (^). 

Outre  l’apprentissage  dont  nous  venons  de  parler,  les 
règlements  de  chaque  corps  de  métiers  exigeaient  de  l’ap¬ 
prenti  un  travail  du  métier  qu’il  voulait  exercer  :  ce  qui 
s’appelait  le  chef-d'œuvre. 

C’était  à  Cambrai  :  pour  les  tonneliers  et  cuveliers  ,  une 
baignoire  ou  un  saloir  ;  pour  les  chapeliers ,  deux  chapeaux 
de  telle  étoffe ,  forme  et  façon  qu’il  était  ordonné  par  les 
mayeurs  (^) . 

A  Lille  ,  les  chapeliers  devaient  confectionner  quatre 
chapeaux  :  un  en  carton  ,  un  en  laine  de  cigone  [sic),  un 
en  laine  d’Espagne  et  un  en  laine  d’Avelaine  p). 

L’apprentissage  terminé,  le  chef-d’œuvre  accepté,  le 
travailleur  pouvait  passer  maître ,  s’il  avait  le  moyen  de 
payer  aux  maîtres  du  corps  et  aux  valets  une  certaine  ré¬ 
tribution,  et  en  outre,  une  entrée  ,  un  diplôme  ,  une  coti¬ 
sation  annuelle. 

Ceci  se  passait  à  Lille.  A  Cambrai,  dit  M.  Aie.  Wilbert  (4], 
l’apprenti  admis  en  qualité  de  maître  devait  payer  pour  sa 
réception  une  somme  déterminée  qui  appartenait ,  pour  la 
plus  forte  partie,  à  celui  qui  sous  le  nom  de  roi  devait  avoir 
constamment  en  vue  les  intérêts  de  ses  confrères  et  se  trou- 

(1)  M.  Dorode,  loc.  cit.  p.  392. 

(2)  M.  Aie.  Wilbert,  p.  321. 

(3)  M.  Derodo ,  p.  400. 

[^)  Page  320. 


_  180  — 

« 

\  ait  particulièrement  chargé  de  les  défendre,  et,  pour  le 
surplus,  diiix  jurés  et  aux  maîtres  chargés ,  ceux-ci,  de  l’ob¬ 
servation  du  règlement  ou  de  la  police  du  métier  ,  ceux-là , 
des  jugements  à  porter  sur  toutes  les  difficultés  qui  se  pré- 
sentaientou  des  appréciations  à  en  faire  et  des  avis  à  donner 
sur  le  mérite  des  apprentis  qui  aspiraient  à  passer  maître 
ou,  comme  on  le  disait  :  lever  leur  métier. 

Les  maîtres  en  étaient  arrivés  à  considérer  leurs  métiers 
comme  un  bien  héréditaire.  Aussi,  difticultés  sur  difficultés 
pour  les  aspirants;  au  contraire,  peu  ou  point  d’obstacles 
pour  les  enfants  des  maîtres.  Les  droits  des  maîtres  (^), 
c’est-à-dire  ceux  qu’on  avait  à  payer  pour  passer  maître  , 
étaient  généralement  moindres  pour  les  fils  de  maître  que 
pour  les  autres  apprentis.  Les  fils  de  maîtres  qui  travail¬ 
laient  sous  la  direction  de  ces  derniers  étaient  seuls  dispen¬ 
sés  de  justifier  de  leur  apprentissage. 

On  sait  que  la  division  des  professions  existait  officielle¬ 
ment  et  qu’il  s’y  attacha  la  réglementation  des  modes  ou 

0 

procédés  de  fabrication.  Chacun  devait  faire  son  métier  et 
rien  que  son  métier  ,  et  les  empiétements  d’une  profession 
dans  l’autre  étaient  sévèrement  punis.  Aussi ,  quels  procès  ! 
C’était  le  bon  temps  de  la  chicane ,  mais  par  contre  une 
triste  époque  pour  l’industrie. 

Voyons  ,  à  titre  d’exemple  ,  ce  qui  se  passait  à  Lille  dans 
trois  corporations  :  les  teinturiers  en  gourdaine,  les  teintu¬ 
riers  grand  teint  et  les  teinturiers  petit  teint.  Ces  Corpora¬ 
tions  étaient  en  hostilités  continuelles.  A  chaque  invention 
nouvelle  c’était  de  nouvelles  difficultés.  Mais  quand  vint  le 
teint  Saxe,  ce  fut  bien  pis  encore  :  il  fallait  des  substances 
appartenant  à  trois  Corporations  diverses.  Lorsqu’en  1766 
arrivale  rouge  d’Aiidi  inople  inventé  par  Dachon,  ce  fut  une 


(J)  Aie.  V’iibert ,  loc.  cit.  page  323. 


—  181  —  . 

telle  complication  de  procès  et  de  procédés  que  tous  les  tein¬ 
turiers  finirent  par  mourir  à  la  peine.  Un  seul  avait  résisté 
et  exerçait  en  1780. 

O 

C’est  l’histoire  des  Corporations  à  cette  époque  ;  elles 
étaient  mortes  ou  se  mourraient.  Aussi  la  Révolution  qui 
vint  abolir  les  privilèges  des  maîtres  en  meme  temps  qu’elle 
fit  table  rase  de  toutes  nos  vieilles  institutions,  n’a  pas  de¬ 
vancé  de  beaucoup,  croyons-nous,  le  moment  où  le  com¬ 
merce  en  général  aurait  demandé  lui-même  la  liberté  du 
travail  et  de  l’industrie,  liberté  proclamée  la  première  fois 
par  Turgot ,  dans  le  préambule  de  l’édit  de  1776. 

C’est  la  loi  du  2  mars  1791  qui  supprima  tous  les  offices 
et  lettres  de  maîtrises.  Cette  suppression  fut-elle  un  bien  ? 
Oui.  Car  en  affranchissant  l’industrie,  elle  affranchit  aussi 
les  travailleurs  et  ce  n’est  pas  peu  de  chose. 

Cependant  il  faut  reconnaître  avecM.  Villermé  (* *)  que  le 
régime  des  Corporations  eut  une  grande  part  à  l’affaiblis¬ 
sement  du  pouvoir  féodal,  à  l’affranchissement  des  com¬ 
munes,  et  que,  par  conséquent ,  la  critique  à  laquelle  a  pu 
donner  lieu  l’organisation  des  corps  et  métiers,  s’applique 
non  aux  statuts  du  moyen-àge,  mais  à  ceux  qui  leur  ont 
succédé  et  dont  on  a  eu  à  constater  le  caractère  en  1789. 

Lecocq. 

LE  CHATEAU  DES  DIADLES 
OU  LES  SOUTERRAINS  DU  CAILLOU-QUI-BIQUE 
Essai  romantique  par  Victorien  Tassin 

Toutes  les  objections  que  l'on  peut  faire  contre  la  légiti¬ 
mité  du  roman  historique  ont  été  produites  depuis  long¬ 
temps  et  nous  sommes  loin  de  méconnailre  la  valeur  de  la 
plupart  d’entr’elles.  Nous  n’en  devons  pas  moins  compter 

(1)  Cité  par  M.  Aie.  Wilbert,  loc.  ciU  page  342. 

(*)  Valenciennes ,  Giard,  1868;  in-8."de272  p. 


—  182  - 

avec  un  genre  de  littérature  où  (pour  ne  citer  que  des 
hommes  de  notre  pays)  se  sont  distingués  tour  à  tour 
MM.  Edouard  Le  Glay  et  Henri  Bruneel ,  Eugène  Bouly  de 
Lesdain  et  Samuel-Henri  Berlhoud  ,  Victor  Derode  et  Jules 
de  Saint-Génois.  C’est  dans  ce  groupe  d’écrits  où  les  riches 
couleurs  de  l’imaginalion  s’associent  aux  sévères  réalités 
de  l’histoire ,  que  l’essai  romantique  de  M.  Victorien  ïassin 
demande  à  trouver  place. 

Hâtons-nous  de  dire  que,  de  l’aveu  même  de  l’auteur, 
la  fantaisie  domine  dans  son  œuvre,  l’audacieuse  fantaisie 
d’Outre-Rhin.  Lecteurs  de  Consuelo,  qui  vous  souvenez  des 
merveilles  souterraines  du  château  de  Rudolsladt ,  atten¬ 
dez-vous  à  les  voir  ici  dépassées.  Les  sombres  visions  des 
Paroles  d’un  Croyant  vont  aussi  défiler  sous  vos  yeux! 
M.  T  assin  s’est  proposé  pour  but  d’interpréter  historique¬ 
ment  les  traditions  populaires  qui  se  rapportent  aux  caver¬ 
nes  imaginaires  du  Gaillou-qui-Bique.  Là,  des  fantômes 
rôdent  le  jour  et  la  nuit,  détenant  de  nobles  vierges,  de 
respectables  matrones  et  de  preux  chevaliers ,  touchantes 
victimes  qui  ne  reparaissent,  par  intervalle,  à  la  lumière, 
que  pour  donner  des  preuves  trop  visibles  d’altération 
mentale.  C’est  que  les  plus  formidables  scènes  de  la  Sainte- 
Vehme  se  reproduisent  dans  ces  forteresses  enfouies  sous 
le  roc.  C’est  que  des  jeux  bizarres  de  la  natui  c  contribuent 
à  accroître,  pour  le  spectateur  involontaire  de  pareils 
tableaux,  l’épouvante  qui  s’y  attache  d’elle-méme. 

Si ,  par  le  style  et  le  procédé  littéraire,  M.  Tassin  se  rap- 
pi*oche  de  l’école  du  LaMennais  des  derniers  jours,  il  en 
diffère  par  l’inspiration  politique  et  religieuse.  Ajoutons 
que  dans  son  livre,  où  manque  trop  souvent  la  clarté, 
il  circule  ,  à  de  certains^  endroits  ,  un  air  pur  et  ras¬ 
sérénant  ,  il  règne  un  atmosphère  pacifié  qui  repose  le 
lecteur  de  ses  émotions  trop  fortes  et  qui  trahit  chez  Tau- 


—  185  — 

leur  un  sincère  admirateur  de  tout  ce  qui  est  beau,  grand 
et  généreux. 

Malbeureusement ,  et  en  ne  prenant  que  M.  Tassin  pour 
guide ,  on  court  risque  de  sortir  du  Château  des  Diables 
sans  savoir  au  juste  ce  qu’est,  sous  le  rapport  scientifique, 
cet  endroit  si  remarquable.  La  note  explicative  que  le 
romancier  aurait  dû  placer  à  la  lin  ou  au  commencement  de 
son  livre,  M.  Gosselet  s’est  chargé  de  l’écrire.  On  la  trou¬ 
vera  insérée  ci-dessous.  A.  Despla^que. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

Géologie.  Caillou-qui-Bique.  —  Le  rocher  qui  porte  ce 
nom  est  situé  sur  le  territoire  belge ,  dans  le  bois  d’Angre, 
propriété  de  M.  de  Louvencourt,  à  10  kilomètres  environ 
de  Valenciennes  et  du  Quesnoy.  C’est  un  poudingue  formé 
de  galets  de  quarz  et  de  quarzite  réunis  par  une  pâte  rouge 
et  très-dure  de  nature  argilo-siliceuse.  Il  appartient  au 
terrain  dévonien  où  il  constitue  la  partie  supérieure  d’un 
ensemble  de  grès  et  de  schistes  rouges  qui  a  été  désigné 
depuis  longtemps  par  M.  D’Omalius  d’Halloy  sous  le  nom 
d’étage  du  poudingue  de  Burnot. 

Ce  poudingue  se  retrouve  dans  beaucoup  d’autres  lieux 
de  la  Belgique,  formant  presque  partout  des  rochers  pit¬ 
toresques  dont  l’aspect  étrange  a  vivement  frappé  l’imagi¬ 
nation  des  habitants.  Cet  aggrégat  de  cailloux  roulés,  dont 
quelques-uns  atteignent  la  grosseur  d’une  tête  d’homme, 
ne  paraissait  pouvoir  être  que  l’ouvrage  d’une  puissance 
ténébreuse  ;  plusieurs  ont  conservé  leurs  noms  légendaires. 
Tel  est  le  Mur-du-Diable  que  coupe  le  chemin  de  fer  entre 
Pepinster  et  Spa.  Le  Caillou-qui-bique  a  été  rapporté  au 
même  architecte  ;  on  prétend,  dans  le  pays,  que  le  diahle  y 
avait  établi  son  château  et  y  avait  enfoui  ses  richesses 


—  184  — 

dans  d’immenses  cavernes ,  on  ajoute  aussi  que  le  rocher 
croît  tous  les  ans  de  quelques  pieds,  etc. 

S’il  est  inutile  de  s’occuper  scientifiquement  de  ces  lé¬ 
gendes,  il  importe  néanmoins  de  prévenir  nos  lecteurs  que 
les  cavernes  qui  y  sont  signalées  sont  puremenl  imaginaires. 
Les  cavernes  n’existent  en  général  que  dans  les  terrains 
calcaires  et  rien  n’en  décèle  la  présence  au  Gaillou-qui- 
bique. 

En  face  du  Gaillou-qui-bique ,  sur  le  liane  gauche  de  la 
vallée,  on  voit  d’autres  rochers  de  poudingue  qui  formaient 
primitivement  avec  lui  une  masse  continue,  mais  des  dislo¬ 
cations  géologiques  en  brisant  le  terrain  y  déterminèrent  la 
fente  que  suit  maintenant  l’Honeau  (Eau-de-Hon) ,  dit  aussi 
par  corruption  l’Hogneau,  petite  rivière  qui  va  se  jeter 
dans  l’Escaut  à  Gondé.  Gomme  tous  les  cours'  d’eau  qui 
coulent  dans  des  vallées  de  fracture ,  l’Honeaii  a  un  lit  très- 
inégal  ;  il  s’y  trouve  des  barrages  naturels  et  des  cavités 
profondes  au-dessus  desquelles  l’eau  passe  en  tournoyant. 
Au  pied  du  Gaillou-qui-bique  ,  existe  un  de  ces  petits  gouf¬ 
fres  qui  fut  le  théâtre  d’un  terrible  accident.  J.  G. 

Numismatique.  De  la  Monnaie  dans  le  département  du 
Nord  (suite).  —  Les  petits  deniers  de  style  artésien  furent 
remplacés ,  sous  Marguerite  de  Gonstantinople  (xiii.®  siècle), 
par  des  doubles  tiers  de  gros,  plus  en  rapport  avec  la  mon¬ 
naie  royale.  Ils  représentent  un  double  aigle  aux  ailes 
éployées ,  ou  la  comtesse  à  cheval  ;  au  revers  est  une  croix 
cantonnée  de  quatre  lettres.  Diamètre  :  environ  celui  de  la 
pièce  d’un  franc  (^). 

Le  xiv.®  siècle  vit  circuler  en  Flandre ,  concurremment 
avec  les  gros  tournois  français  et  leurs  divisions,  des  dou- 

(1)  A  finégalité  ordinaire  des  flans,  s'ajoutent  souvent  les  mutila¬ 
tions  des  rongeurs  et  des  recopeurs  que  la  rigueur  des  lois  ne  parvenait 
point  à  empêcher. 


—  185  — 

blés  tiers  de  gros  au  double  aigle ,  des  cavaliers  et  des 
esterlins  dont  le  type  fut  emprunté  à  la  monnaie  anglaise. 
Ceux-ci  montrent  une  tête  de  face  aux  cheveux  bouclés,  et 
au  revers ,  une  croix  cantonnée  à  chaque  angle  de  trois 
besans  ou  gros  points.  Diamètre  de  la  pièce  de  oO  centimes. 

Le  lion  de  Flandre  occupe  tout  le  champ  de  la  monnaie 
sous  Louis-de-Crécy  qui  a  laissé  beaucoup  de  monnaies 
noires ,  c’est-à-dire  de  bas  aloi. 

Louis-de-Mâle  fit  frapper  de  magnifiques  monnaies  d’or  ; 
elles  sont  dignes  du  rapide  développement  de  la  richesse 
publique  au  xiv.®  siècle. 

Le  flan  de  ces  monnaies  est  très-large  et  parmi  les  six 
variétés  de  types  quelles  présentent,  on  peut  signaler, 
comme  assez  répandus ,  les  vieux  écus  où  le  comte  est  figuré 
assis  sur  un  trône  gothique,  ainsi  que  le  mouton  et  le  franc 
à  cheval ,  dont  le  nom  indique  suffisamment  l’empreinte 
principale. 

Les  monnaies  d’argent ,  encore  plus  communes  que  les 
pièces  d’or,  sont  le  lion  heaumé,  c’est-à-dire  coiffé  d’un 
casque  empanaché  (diamètre  excédant  celui  de  la  pièce  de 
dix  centimes),  et  les  gros  au  lion  ,  plus  petits  et  représen¬ 
tant  un  lion  debout.  Au  revers  ,  rinscriplion  qui  entoure  la 
croix  est  dans  un  cercle  de  trèfles  placés  eux-mêmes  dans 
de  petits  cercles.  E.  V.\x  Hexde. 


M  USEE  S. 

MUSÉE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  DOUAI  (suitO) 

I.  Antiquités  égyptiennes.  —  Lorsque  la  ville  de  Douai 
sera  en  jouissance  de  la  collection  Jomard,  elle  possédera 
un  véritable  musée  égyptien.  Dès  maintenant  les  archéolo¬ 
gues  peuvent  y  étudier  quelques  objets  qui  donnent  une 
idée  de  l’art  et  de  la  vie  privée  sur  les  bords  du  Nil  aux 


—  186  — 

époques  les  plus  florissantes  des  Pharaons.  Nous  signale¬ 
rons  une  Table  de  libations  trouvée  à  Thèbes  et  rapportée 
en  France  par  M.  de  Chabrol,  dont  l’inscription  offre  le 
cartouche  du  roi  Psammétichus  (:26.®  dynastie  de  Manéthon). 
Ce  monument,  qui  appartient  à  une  période  dont  il  reste 
peu  de  vestiges ,  n’a  pas  d’analogue  au  musée  du  Louvre.  La 
collection  des  Antiquités  égyptiennes  de  Douai  contient 
encore  une  tête  sculptée  en  bois  provenant  aussi  de  Thèbes 
(n.°392)  ;  un  Bas-relief  en  marbre  représentant  un  Cavalier 
(n.®361)  ;  un  Stèle  en  pierre  calcaire  d’un  beau  style  offrant 
une  Femme  accroupie  (n.“  277) ,  et  une  Main  en  granit  noir 
qui  tient  la  Croix  ansée,  symbole  de  l’Eternité  chez  les 
Egyptiens  (n.®  27o).  Nous  appelons  encore  l’attention  des 
visiteurs  sur  les  Débris  conservés  dans  les  armoires  n.®*  1 
et  2  ;  ils  y  trouveront,  avec  les  Cheveux  et  la  Poussière  des 
momies,  des  Toiles  très-fines,  des  Tissus  de  diverses  cou¬ 
leurs  et  des  fragments  d’Etoffes  peintes.  Ces  restes  prove¬ 
nant  de  tombeaux  creusés  sous  la  dynastie  Thébaine  (du 
XII.®  au  xvii.®  siècle),  prouvent  que  les  Egyptiens  étaient 
très-avancés  dans  Part  de  tisser  ,  de  teindre  et  de  colorier 
les  étoffes. 

II.  Antiquités  celtiques.  —  En  attendant  que  la  ville  de 
Douai  entre  en  possession  de  la  riche  collection  ethnogra¬ 
phique  de  M.  H.  Berthoud,  surtout  remarquable ,  ainsi  que 
nous  l’avons  dit,  par  une  multitude  d’objets  de  Vâge  de 
pierre^  le  musée  archéologique  contient  un  assez  grand 
nombre  de  débris  de  cette  époque  primitive.. 

Sous  le  n.®  703  figure  une  Hache  en  pierre  (amphibole 
et  talc)  longue  de  vingt-quatre  centimètres  et  large  de  dix, 
trouvée  avant  1804  à  Izel-lez-Equerchin  ,  près  Douai  ;  elle 
est  surtout  remarquable ,  parce  qu’elle  montre  ,  sur  l’une 
de  ses  faces,  la  représentation  grossière  d’une  ligure  hu¬ 
maine.  Une  sculpture  analogue  se  voit  sur  le  n.®  704,  autre 


—  187  — 

Hache  en  amphibole  et  mica,  achetée  à  un  marchand  de 
curiosités  qui  n’a  pu  en  indiquer  la  provenance  (i).  Au  nom¬ 
bre  des  autres  Haches  en  pierre  (n."®  692  à  702) ,  nous  si¬ 
gnalerons  le  n.°  699  dont  la  partie  supérieure  présente  deux 
entailles  qui  devaient  servir  à  l’emmanchement,  et  les  n.°® 
701  et  702  ajustés  dans  des  gaines  en  corne  de  cerf  percées, 
à  leur  partie  centrale,  d’un  trou  évidemment  destiné  à  re¬ 
cevoir  un  manche.  L’un  de  ces  objets  a  été  trouvé  à  Lens 
en  1841. 

Nous  signalerons  encore  trois  pointes  de  flèche  ou  de 
javelot  en  silex  agathisé  et  vingt-trois  grains  de  différentes 
matières ,  verroteries  qui  ont  dû  servir  à  un  collier  ;  ces 
derniers  objets  proviennent  de  la  collection  de  M.  Carlier  , 
curé  de  Bavai.  Les  statuettes  en  plâtre  od  en  terre  blanche 
grossièrement  sculptées,  désignées  sous  les  n.*^*  compris 
entre  705  et  709 ,  représentent ,  non  pas  comme  le  dit  Mont- 
faucon,  des  Pleureuses,  mais  plus  probablement  la  Vénus 
celtique  (2).  L’on  se  demande  si  trois  de  ces  statuettes  ne 
soat  pas  des  imitations  dues  à  une  main  moderne.  L’étude 
des  armes  et  des  objets  appartenant  à  l’âge  de  pierre  n’est 
pas  sans  importance  et  sans  intérêt  :  elle  nous  fait  com¬ 
prendre  ce  qu’étaient  nos  pères  il  y  a  quelques  milliers 
d’années  ;  elle  nous  les  montre  dans  l’état  sauvage  où  se 
trouvent  encore  les  habitants  de  certaines  îles  de  l’Océanie. 

L  abbé  Ch.  Dehaisnes. 


P)  Il  est  question  de  ces  deux  liaclics  dans  de  Bast,  Antiquités  celti¬ 
ques  (t.  I ,  p.  225);  dans  le  Bulletin  monumental  de  France,  note  du  docteur 
anglais  Bi{o.mett(  t.  n  ,  12.®  de  la  collection,  p.  502)  et  dans  le  Mémoire 
déjà  cité  de  M.  A.  Cahier  (Mémoires  de  la  Société  d'Agricullure  de 
Douai ,  1852-53 ,  t.  ii ,  p.  230  ). 

(2)  Montfaucon  ,  V Antiquité  exfliquèe ,  t.  v,  ii.®  partie,  p.  190. 


188  — 


MUSÉE  ETHNOGRAPHIQUE  DE  LILLE  {  Mlisée  MoUlet). 


En  1831 ,  M.  Jomard  ,  membre  de  l’Institut,  afin  de  dé¬ 
montrer  la  convenance  de  la  création  d’un  Musée  ethno¬ 
graphique  en  France  ,  s’exprimait  ainsi  : 

«  Les  peuples  récemment  découverts  et  encore  reculés 
»  dans  l’échelle  de  la  civilisation,  marchent  maintenant 
»  avec  une  rapidité  énorme  ,  à  l’aide  de  la  culture  que  vien-' 
»  lient  leur  apporter  les  nations  commerçantes  de  l’Europe  ; 
»  mais  à  mesure  qu’ils  s’en  éclairent,  qu’ils  adoptent  les 
»  mœurs  ou  les  besoins  des  nations  européennes,  leurs 
»•  usages  propres  s’effacent,  leur  manière  d’être  se  modifie 
»  ou  change  tout  à  fait  pour  faire  place  à  d’autres.  De  nou- 
»  velles  idées  sociales  et  industrielles  leur  font  abandonner 
D  celles  de  leurs  aïeux.  Peut-être  un  jour,  quand  on  vou- 
»  dra  tracer  le  tableau  historique  des  progrès  des  peuplades 
»  sauvages,  on  sera  réduit  à  de  vagues  renseignements,  à 
»  d’obscures  traditions.  Il  importerait  donc  àriiistoire  de 
»  l’espèce  humaine  et  à  celle  de  la  civilisation  qu’on  eût 
»  constaté  le  point  où  ces  peuples  étaient  parvenus  avant 
»  de  recevoir  le  bienfait  des  lumières  et  d’un  état  social 
»  perfectionné.  » 

Ainsi ,  selon  la  pensée  de  M.  Jomard  ,  le  degré  de  civili¬ 
sation  d’un  peuple  ne  saurait  être  bien  apprécié  que  par 
l’examen  des  objets  dont  il  fait  usage.  En  demandant  la 
création  d’un  Musée  ethnographique  ,  Musée  fondé  depuis 
un  certain  temps  à  Paris  et  installé  au  Louvre  ,  il  voulait 
que  ces  objets  fussent  exposés  aux  yeux  du  public  et  pour 
son  instruction,  tels  qu’ils  sont  rapportés  des  pays  lointains; 
de  ces  pays  surtout  où  la  lumière  européenne  n’a  pas  encore 
entièrement  pénétré. 

Mais  pour  former  fructueusement  ces  collections,  il  est 
indispensable  qu’un  choix  judicieux  en  soit  fait;  il  faut 


—  189  — 

qu’elles  caractériseul  bien  les  peuples.  Or,  on  comprend 
alors  que  dans  ce  choix  doivent  principalement  figurer,  par 
exemple  ,  les  symboles  du  culte  et  des  superstitions  ;  les 
instruments  qui  servent  à  exprimer  et  à  transmettre  le  sen¬ 
timent  musical ,  mode  d’expression  inné  chez  tous  les  hom¬ 
mes  ;  les  armes  de  guerre  et  de  chasse  ;  les  outils  employés 
dans  lesurts;  les  ustensiles  variés  de  l’économie  domesti- 
que  et  de  la  culture  des  terres  ;  les  tissus  de  tout  genre  ;  les 
ornements  du  corps,  voire  même  des  modèles  de  navires  et 
de  pirogues. 

C’est  dans  cet  ordre  d’idées  et  dans  cet  esprit  que  le  fon¬ 
dateur  du  Musée  ethnographique  de  Idlle,  M.  Alphonse 
Moillet ,  a  formé  les  diverses  collections  qui  le  composent. 
En  parcourant  ses  galeries,  en  suivant  ses  divisions  géo¬ 
graphiques  depuis  la  région  de  la  terre  qui,  la  première  , 
s’est  trouvée  la  plus  élevée  dans  l’échelle  de  la  civilisation  , 
c’est-à-dire  l’Asie,  jusqu’à  l’Océanie,  cette  autre  partie  de 
notre  globe  encore  au  bas  de  celte  échelle,  on  remarquera, 
au  premier  aspect,  que  M.  Moillet  s’était  pénétré  de  la  néces¬ 
sité  d’un  pareil  choix. 

Nous  ne  faisons,  aujourd’hui,  qu’attirer  l’attention  de 
nos  lecteurs  sur  ce  qu’offre  d’important  ce  genre  de  Musée, 
nous  réservant  de  décrire  ,  par  la  suite ,  les  objets  du  Musée 
de  Lille  qui ,  au  point  de  vue  de  la  filiation  des  peuples , 
offrent  le  plus  grand  intérêt.  C.  Bachy. 


CHRONIQUE. 

Géologie.  Tranchées  du  Chemin  de  fer  aux  environs 
d’Anor  et  d’Origny.  —  Le  chemin  de  fer  d’Aulnoye  à  Hirson 
a  donné  lieu  ,  aux  environs  de  Fourmies ,  à  plusieurs  tran¬ 
chées  intéressantes.  Ainsi  la  gare  de  Fourmies  est  entaillée 
dans  des  schistes  grossiers  passant  à  la  grauwacke  où  j’ai 


—  190  — 

trouvé  les  fossiles  suivants:  Phacops,  Spirifer  cultrijugatus, 
Sp.  carinatus^  Rhynchonella  Daleidensis  ?,  Orthisstriatula, 
Leptœna  Phillipsii,  Chonetes  sarcinulata  ^  Chonetes plebeia 
Pleurodyctium  prohlem  aticiim  ^  Tentaculites. 

Ces  couches  ainsi  que  les  calcaires  des  Tries  deVillers  sont 
enfermées  dans  un  repli  formé  par  les  grès  et  les  schistes 
rouges,  dont  la  bande  septentrionale  passant  au^^Nord  du 
Fourneau  est  connue  depuis  longtemps.  La  bande  méridio¬ 
nale  vient  d’être  rendue  visible  par  une  tranchée  à  l’entrée 
de  la  Haye  de  Fourmies;  on  y  a  établi  des  carrières.  La 
voie  ferrée  longe  ensuite  l’étang  des  Moines  et  elle  pénètre 
dans  une  tranchée  qui  s’étend  jusqu’à  x\nor.  A  l’entrée  on 
voit  aflleurer  quelques  bancs  de  grés  gris  très-siliceux  re¬ 
présentant  les  grès  noirs  de  Vireux  (système  ahrien  de 
Dumont)  ;  tout  le  reste  de  la  tranchée  est  dans  l’argile;  la 
voie  repose  sur  un  sable  argileux  vert  appartenant  à  la  craie 
giauconieuse  ;  au-dessus  il  y  a  trois  mètres  d’argile  verte 
ou  grisâtre  très-plastique,  qui  correspond  aux  Dièves  des 
mineurs;  on  l'enlève  au  pic.  Sa  surface  est  ondulée,  irrégu¬ 
lière  ,  recouverte  d’une  petite  couche  de  0  m.  25  à  1  mètre 
d’argile  verdâtre  ou  rougeâtre  remplie  de  silex  de  la  craie 
et  présentant  de  place  en  place  des  nids  de  sable  et  des 
petites  veines  de  argile  ligniteuse.  Les  3  mètres  supérieurs 
de  la  tranchée  sont  formés  par  du  limon  argilo-sableux 
jaune ,  panaché  de  blanc,  se  délayant  dans  l’eau.  Sous  l’in¬ 
fluence  de  la  pluie  ,  cette  couche  argilo-sableuse  délayable 
glisse  sur  la  glaise  sous  jacente  et  coule  dans  la  tranchée. 
On  est  obligé  de  la  maintenir  par  des  mâçonneries. 

Les  mêmes  terrains  ont  été  entaillés  par  la  section  du 
chemin  de  fer  d’Hirson  à  Vervins.  Entre  Origny  et  le  Chau¬ 
dron  ,  où  la  voie  ferrée  suit  à  mi-côte  la  vallée  du  Thon  , 
de  nombreuses  tranchées  ont  été  faites  à  travers  l’argile 
grise  surmontée  du  limon  argilo-sableux  jaune.  La  traversée 


—  191  — 

d’un  petit  ravin  a  nécessité  des  remblais  considérables. 
Sous  la  pression  de  ces  terres  rapportées  ,  la  faible  couche 
de  limon  qui  sur  le  penchant  de  la  colline  recouvre  l’argile 
grise  s’est  mise  à  descendre,  entraînant  prairies,  arbres, 
haies ,  habitations ,  se  tordant  et  se  roulant  comme  une 
coulée  de  lave.  Le  remblai  fait  également  en  limon  delaya- 
ble  a  suivi  le  sol  et  a  coulé  dans  la  vallée ,  recouvrant  toutes 
les  propriétés  voisines.  J.  G. 

liétéorolog-ie.  Mois  de  mai  1869. —  Le  mois  de  mai  de 
cette  année  a  été  remarquable  par  son  excessive  humidité  ; 
la  quantité  d’eau  recueillie  en  22  jours  a  formé  une  couche 
d’une  épaisseur  de  160  mill.  08  qui  depuis  17  ans  n’a  été 
surpassée  que  par  celle  dumois  d’octobre  1854(166milL88). 
La  moyenne  de  pluie  pour  le  mois  de  mai  est  de  60  mill.  77, 
par  conséquent  celte  quantité  a  été  plus  que  doublée  pen¬ 
dant  le  mois  qui  vient  de  s’écouler  ;  aussi  le  débit  des  cours 
d’eau  à  très-considérablement  augmenté  et  dans  beaucoup 
d’endroits  les  terres  arables  sont  submergées. 

L’évaporation  qui  pour  le  mois  de  mai  est ,  en  moyenne, 
de  116  mill.  18,  n’a  été  cette  année  que  de  90  mill.  78  , 
différence  en  moins  25  mill.  40.  Les  causes  qui  ont  atténué 
ce  météore  sont  l’état  de  nébulosité  du  ciel,  souvent  couvert, 
et  l’abaissement  de  la  température  atmosphérique  dont  la 
moyenne  n’a  été  que  de  12.®  2.  La  moyenne  des  minima  a 
été  de  7.®  90,  celle  des  maxima  16.®  51.  Le  minimum  absolu 
a  été  de  3.®  3  observé  le  2 ,  et  le  maximum  de  20.®  9  ,  le  25. 
La  température  moyenne  ordinaire  du  mois  de  mai  est  de 
12.”  45. 

La  grande  quantité  d’eau  de  pluie  a  été  la  conséquence 
d’un  état  hygrométrique  voisin  de  la  saturation ,  dans  les 
régions  élevées  de  l’atmosphère  ;  cette  cause  a  aussi  aug¬ 
menté  la  dépression  de  la  colonne  barométrique,  dont  la 
hauteur  moyenne  à  0.®  n’a  été  que  de  755  mill.  87  oscillant 


—  192  — 

entre  les  extrêmes  742  mill.  le  7  et  765  mill.  10  le  13.  La 
hauteur  moyenne,  pour  le  mois  de  mai,  est  ordinairement 
de  758  mill.  98. 

L’air  a  été  très-humide  pendant  le  mois  de  mai  ;  la  tension 
moyenne,  qui  généralement  est  de  7  mill.  94,  a  été  de  8 
mill.  47  ,  et  l’humidité  relative  de  74  *'/„  au  lieu  de  68  4  7o- 

Par  suite  de  cette  excessive  humidité  les  brouillards  ont 
été  nombreux  (29)  ,  ainsi  que  les  rosées  (19). 

L’état  électrique  de  l’atmosphère  a  été  très-prononcé. 
8  orages  sont  survenus  les  6  ,  7  ,  8  ,  17  ,  18  ,  19  ,  22  ,  27. 

Le  13  à  10  heures  du  soir  on  observa  une  aurore  boréale 
qui  n’offrit  aucune  des  particularités  de  la  dernière. 

Les  vents  régnants  ont  été  ceux  du  S.,  du  N.,  du  S.  O.  et 
du  N.  E.  soufllant  généralement  avec  force.  V.  Meurein, 

Pliy^iiciiie  applôciiiée.  Avertisseur  d’incendie.  —  Le 
Chimiste,  journal  do  Cdiimie  appliquée  aux  arts,  à  l’indus¬ 
trie  et  à  l’agriculture,  publié  à  Bruxelles  par  M.  Bergé, 
contient,  dans  son  N.o  3,  4.®  année,  la  description  d’un 
avertisseur  d’incendie  inventé  par  M.  Loppens,  horloger  à 
Gosselies.  La  pièce  principale  de  l’appareil  est  un  thermo¬ 
mètre  bimétallique  composé  de  deux  lames  juxtaposées, 
l’une  d’acier ,  l’autre  de  zinc.  Le  zinc  étant  beaucoup  plus 
dilatable  que  l’acier,  sous  l’influence  d’une  augmentation 
de  température,  la  lame  double  se  courbe  du  côté  de  l’a¬ 
cier  ,  elle  vient  alors  toucher  un  bouton  métallique  et  met 
ainsi  en  communication  une  pile  électrique  avec  la  détente 
d’une  sonnerie  à  poids.  Le  thermomètre  métallique  est 
très-sensible,  la  réverbération  d’un  foyer  suffit  pour  déter¬ 
miner  sa  courbure.  Une  vis  permet  de  rendre  cette  sensi¬ 
bilité  plus  ou  moins  grande  en  rapprochant  ou  éloignant  le 
bouton  métallique  de  l’extrémité  de  la  lame  thermométrique. 
La  pile  dont  se  sert  M.  Loppens  est  une  pile  au  sulfate  de 
mercure  qui  n’exige  aucun  soin  pendant  une  année  entière. 

J.  G. 

Le  Gérant  :  E.  Gastiaux. 


>  • 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place ,  13. 


rs'.°  7.  —  Juillet  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES,  DE  L’.\GRICULTURE  ET  DES  ARTS  DE  LILLE 

Travaux  courants. 

Recherches  sur  le  chlorure  de  chaux  et  sur  le  blanchi¬ 
ment  des  tissus,  par  M.  J.  Kolb,  m.  corr.  —  Les  princi¬ 
paux  perfectionnements  qui  ont  été  apportés  dans  l’art  du 
blanchisseur  sont  essentiellement  de  l’ordre  pratique,  tandis 
que  l’explication  des  phénomènes  chimiques  laissait  beau¬ 
coup  à  désirer.  M.  Kolb  vient  de  combler  cette  lacune  en 
présentant  à  la  Société  des  sciences  la  deuxième  partie  de 
ses  recherches  sur  le  blanchiment  des  tissus;  la  première 
partie  insérée  dans  le  YI.®  volume  des  mémoires  de  cette 
Société  a  été  précédée,  comme  introduction ,  d’un  travail  sur 
le  chlorure  de  chaux.  Nous  allons  rendre  compte  du  tout. 

Plusieurs  chimistes,  avec  M.  3Iartens,  ont  considéré  les 
chlorures  décolorants  comme  des  composés  analogues  à  de 
l’hydrate  de  chlore.  M.  Millon  rapproche  ces  chlorures  des 
bioxydes,  dont  ils  ne  différeraient  que  par  la  substitution 
d’un  équivalent  de  chlore  à  un  équivalent  d’oxygène.  Quel¬ 
ques  chimistes  considèrent  le  chlorure  de  chaux  comme 
renfermant  de  l’eau  oxygénée.  Il  en  est  d’autres  qui  admet¬ 
tent  qu’il  est  le  résultat  d’une  combinaison  d’ozône  et  de 
chlorure  de  calcium.  Enfin,  l’opinion  la  plus  accréditée  est 
celle  qui  a  été  formulée  par  Balard  et  Gay-Lussac  :  les  chlo¬ 
rures  alcalins  sont  un  mélange  d’un  équivalent  d’hypochlo- 
rite  et  d’un  équivalent  de  chlorure  alcalin. 

M.  Kolb  démontre  que  l’eau  fait  partie  constituante  du  chlo- 


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rure  de  chaux  auquel  il  attribue  la  formule  2  (CaO.HO.Cl) 
+  CaO.HO.  Partant  de  cette  base,  l’auteur  en  déduit  la 
composition  du  chlorure  liquide.  Le  chlorure  de  chaux  sec, 
traité  par  Peau ,  se  dédouble  nettement  en  hydrate  de  chaux 
qui  se  précipite,  et  en  chlorure  de  chaux  liquide  qui  doit 
être  considéré  comme  renfermant  un  équivalent  de  chlorure 
de  calcium  et  un  équivalent  d’hypochlorite  de  chaux. 

Ce  mémoire  se  termine  par  l’action  des  divers  acides 
sur  le  chlorure  de  chaux ,  d’où  il  résulte  que  l’acide  sulfuri¬ 
que  concentré,  l’acide  chlorhydrique,  ainsi  que  les  acides 
oxydables  (ac.  sulfureux,  ac.  hypoazotique,  etc.)  donnent 
du  chlore;  tandis  que  les  acides  faibles,  l’acide  sulfurique 
étendu,  l’acide  carbonique,  etc.,  dégagent  de  l’acide  hypo¬ 
chloreux.  Le  chlorure  de  chaux  employé  comme  désinfec¬ 
tant  dégage  donc  de  l’acide  hypochloreux  et  non  pas  du 
chlore.  Beaucoup  de  sels  oxydables  s’oxydent  aux  dépens 
du  chlorure  de  chaux  et  le  transforment  en  chlorure  de 
calcium. 

Abordons  maintenant  les  observations  de  M.  Kolb  sur 
l’opération  du  blanchimentproprementdit,  dont  l’ensemble 
du  travail  comporte  quatre  phases  distinctes  :  1.®  Décreu¬ 
sage  ,  c’est  un  simple  débouillissage  à  la  soude  ;  2.®  Chlorage 
ou  blanchiment  proprement  dit;  3.®  Passage  à  l’eau  acidu¬ 
lée  ;  4.®  Rinçage  à  l’eau  pure. 

Le  traitement  du  fil  de  lin  par  les  alcalis  est  destiné  à 
enlever  une  substance  de  nature  inconnue  que  Berthollet 
appelait  la  matière  colorante  jaune,  que  Kirwan  prit  pour 
une  résine  et  Rouget  de  Liste  pour  une  gomme  résine. 
M.  Kolb  prouve  que  cette  matière  est  simplement  de  l’acide 
pectique  qui  prend  naissance  pendant  le  rouissage  par  suite 
d’une  fermentation  particulière  qui  transforme  la  pectose  en 
pectine  et  en  acide  pectique.  Cette  dernière  substance  reste 
attachée  aux  libres  du  lin,  d’où  on  l’enlève  en  faisant 


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bouillir  le  fil  dans  un  bain  alcalin.  Ce  lessivage  affaiblit 
plus  ou  moins  le  lin  en  lui  enlevant  22  0/0  de  son  poids. 
L’affaiblissement  est  indépendant  de  la  proportion  d’alcali, 
de  même  qu’il  n’est  pas  proportionnel  à  la  perte  de  poids 
du  fil.  Selon  l’auteur,  le  carbonate  de  soude  agirait  aussi 
favorablement  que  la  soude  caustique  ;  mais  l’emploi  de  la 
chaux  ,  même  à  froid  ,  cause  au  fil  une  perle  de  résistance 
considérable.  Ces  résultats  sont  exposés  dans  divers  tableaux 
auxquels  nous  renvoyons  le  lecteur. 

Dans  son  deuxième  mémoire,  l’auteur  étudie  l’action  du 
chlore  et  des  chlorures  décolorants  sur  le  fil  de  lin.  Il 
prouve  que  le  lin  brut  renferme  deux  matières  colorantes 
distinctes,  l’une  abondante,  de  nature  pectique,  soluble 
dans  le  traitement  alcalin;  l’autre,  en  petite  proportion,  de 
couleur  grisâtre,  insoluble  dans  la  plupart  des  réactifs, 
qu’on  ne  peut  donc  enlever  à  la  fibre ,  mais  qu’on  masque 
en  la  décolorant  par  les  agents  oxydants.  Le  chlorure  de 
chaux  agit  donc  comme  l’eau  oxygénée,  les  permanganates, 
les  bichromates ,  etc.  Mais  la  question  de  savoir  si  les  agents 
chlorurants  fonctionnent  en  enlevant  de  l’hydrogène  ou  bien 
en  fixant  de  l’oxygène ,  n’a  jamais  été  élucidée.  L’auteur 
résout  la  question  en  observant  l’action  des  gaz  chlore  et 
acide  hypochloreux.  Le  fil  sec  mis  en  présence  de  chlore 
sec  ne  donne  lieu  à  aucun  phénomène  de  décoloration , 
même  au  soleil ,  ce  n’est  donc  pas  en  enlevant  de  l’hydro¬ 
gène  que  le  chlore  blanchit.  L’acide  hypochloreux  sec  au 
contraire  blanchit  instantanément  ;  il  est  décomposé  par  le 
fil  en  chlore  qui  se  dégage  et  en  oxygène  qui  est  fixé. 
L’ozône  agit  de  même.  Il  est  donc  établi  que  c’est  par  la 
fixation  de  l’oxygène  sur  la  matière  colorante  du  lin  que 
celle-ci  est  blanchie. 

La  suite  de  ce  travail  met  en  évidence  les  faits  suivants  : 
l’eau  de  chlore  employée  à  très-faible  dose  blanchit  le  fil, 


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sans  lui  oler  de  son  poids  ni  de  sa  force,  par  simple modi- 
flcalion  de  la  matière  colorante;  mais  employée  à  plus  forte 
dose,  l’eau  de  chlore  attaque  la  fibre  avec  production  d’acide 
carbonique  et  d’acide  cblorbydrique.  Le  chlorure  de  soude 
neutre  agit  comme  le  chlorure  de  chaux.  Un  excès  d’alcali 
ne  donne  lieu  à  aucune  modification.  Les  bains  de  chlore  en 
présence  d’acide  carbonique  dégagent  de  l’acide  hypochlo¬ 
reux  qui  agit  à  la  fois  par  son  oxygène  et  par  son  chlore. 
Dans  ces  conditions,  il  y  a  à  la  fois  blanchiment  et  désa¬ 
grégation.  Employé  dans  les  mêmes  circonstances,  l’acide 
chlorhydrique  est  funeste. 

L’auteur  condamne  l’usage  que  font  les  blanchisseurs  de 
l’aréomètre  pour  préparer  un  bain  de  chlore ,  car  selon  lui , 
de  i00.°  à  200.®  chloromélriques ,  l’aréométre  n’indique 
qu’une  différence  de  0,8  souvent  inappréciable  sur  certains 
instruments. 

Le  fil  est  ensuite  passé  dans  de  l’eau  acidulée  qui  a  pour 
but  de  dissoudre  les  sels  calcaires  fixés  sur  la  fibre.  Ce  bain 
devra  être  très-faible ,  car  il  n’est  pas  sans  action  sur  la 
solidité  de  la  fibre. 

Enfin,  les  fils  conservent  souvent  encore  une  légère  odeur 
de  chlore  que  M.  Rolh  propose  de  neutraliser  par  un  pas¬ 
sage  en  bain  faiblement  ammoniacal  qui  détermine  la  for¬ 
mation  d’azote  et  de  sel  ammoniac  inoffensif. 

L’auteur  termine  son  mémoire  par  les  considérations 
suivantes  :  «  Je  vois  dans  le  chlorure  de  chaux  une  source 
multiple  dont  on  peut  à  volonté  tirer  du  chlore,  de  l’acide 
hypochloreux  ou  de  l’ozône  :  chacun  de  ces  corps  agit  diffé¬ 
remment  dans  le  blanchiment.  »  J.  Ortlieb. 

Vibrations  d'une  masse  d'air  renfermée  dans  une  enve¬ 
loppe  biconique^  par  M.  Gripon.  Les  tuyaux  employés 
dans  les  jeux  d’orgues  sont  cylindriques  et  ce  sont  les 
tuyaux  de  cette  nature  qui  ont  servi  dès  l’abord  aux  expé- 


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riences  des  physiciens.  M.  Gripoii  dans  un  travail  précédent 
avait  recherché  les  lois  qui  président  aux  vibrations  sonores 
dans  les  tuyaux  coniques.  Le  présent  mémoire  est  consacré 
à  des  tuyaux  formés  de  deux  cônes  apposés  base  à  base. 
Dans  ces  tuvaux,  le  nombre  des  vibrations  c’est-à-dire 
l’acuité  ou  la  gravité  du  son  dépend  de  la  longueur  du  tuyau, 
de  l’angle  du  cône,  du  rayon  de  l’embouchure  et  de  celui  de 
la  base  du  cône. 

Nouvelles  observations  sur  Vexistence  du  Gault  dans  le 
département  du  Nord,  par  M.  Gosselet.  —  Il  y  a  quelques 
années  un  sondage  a  été  fait  chez  M.  Pesier,  près  de  la 
Place-Verte  à  Valenciennes.  A  38  mètres  de  profondeur  on 
a  rencontré,  sous  le  tourtia,  une  argile  grise  à  reflets  rou¬ 
geâtres  que  l’on  a  cru  appartenir  à  l’étage  du  grès  rouge 
(terrain  dévonien).  Comme  une  bande  de  grès  rouge  borne 
au  sud  le  terrain  houiller  de  Valenciennes,  on  a  supposé 
que  la  limite  de  ce  bassin  passait  au  nord  delà  Place-Verte. 
M.  Gosselet  croit  cette  conclusion  hasardée.  L’argile  ren¬ 
contrée  chez  M.  Pesier  lui  paraît  appartenir  au  terrain  cré¬ 
tacé,  étage  du  Gault ,  et  il  se  pourrait  que  dessous  on  ren¬ 
contrât  le  terrain  houiller.  M.  Gosselet  rapporte  aussi  au 
Gault  quelques  fossiles  déposés  au  Musée  de  Douai  par 
M.  Clerc,  ingénieur  des  mines,  et  provenant  d’Anzin  ; 
d’autres  fossiles  qui  existent  dans  les  collections  de  la 
Faculté  des  Sciences  de  Paris  et  qui  viennent  de  Cantin  , 
près  Douai ,  ainsi  que  l’argile  pyriteuse  rencontrée  par  un 
forage  à  168  mètres  de  profondeur  à  Férin ,  à  4  kilomètres 
de  Cantin.  J.  G. 


ACADÉMIE  D  ARCHÉOLOGIE  DE  BELGIQUE 
Annales ,  t.  xxiv  (2.*  série ,  l.  iv) 

L’Académie  d’Archéologie,  fondée  à  Anvers ,  le  4  octobre 
1842 ,  occupe  un  rang  distingué  parmi  les  Sociétés  savantes 


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de  la  Belgique.  Par  la  publication  de  ses  mémoires  ,  qui  for¬ 
ment  aujourd’hui  24  volumes ,  elle  a  donné  en  ce  pays  une 
sérieuse  impulsion  aux  études  historiques  et  archéologiques. 
Elle  refondit  ses  statuts  en  1864  et  limita  le  nombre  de  ses 
membres  titulaires  à  40  et  celui  des  membres  correspon¬ 
dants  à  50.  Elle  comprend,  en  outre,  un  nombre  illimité 
de  membres  correspondants  étrangers  et  de  membres  hono¬ 
raires.  L’Académie  nomme  annuellement  un  Conseil  com¬ 
posé  de  dix-huit  membres  titulaires.  Les  élections,  qui  ont 
eu  lieu  au  mois  de  mars  ,  ont  conféré  à  M.  A.  Wagener  la 
présidence  pour  l’année  courante.  M.  Legrand  remplit 
depuis  1863  les  fonctions  de  secrétaire  perpétuel. 

Ces  préliminaires  posés,  disons  quelques  mots  des  tra¬ 
vaux  de  cette  Société  pendant  l’année  1868. 

Le  Péage  de  l’Escaut ,  tel  est  le  titre  du  mémoire  qui 
ligure  en  tête  du  présent  volume  des  Annales.  Ce  travail 
est  dû  à  M.  Grandgaignage ,  professeur  à  l’Athénée  d’An¬ 
vers.  Après  avoir  parlé  des  tonlieux  en  général,  l’auteur 
examine  ce  qu’a  été  le  péage  de  l’Escaut  jusqu’au  traité  de 
AVestphalie  qui  détruisit  complètement  le  commerce  de  la 
ville  d’Anvers.  La  paix  d’Utrecht  (1713)  suivie  du  Traité  de 
la  Barrière  (1715)  ayant  cédé  la  Belgique  à  l’Autriche, 
celle-ci  dut  subir  les  conditions  humiliantes  que  Philippe  II, 
roi  d’Espagne,  avait  acceptées  à  Munster.  A  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle,  l’Empereur  Joseph  II  fit  quelques  tentatives 
pour  rouvrir  l’Escaut;  mais  elles  restèrent  infructueuses. 
Ce  ne  fut  que  le  27  lloréal  an  iii  (17  mars  1795)  que  la 
liberté  de  la  navigation  de  l’Escaut  fut  solennellement  con- 
liimée  par  le  Traité  conclu  à  la  Haye.  M.  Grandgaignage 
étudie  avec  soin  les  négociations  qui  eurent  lieu  entre  la 
Belgique  et  la  Hollande  de  1831  à  1839  et  nous  fait  assister 
enfin  à  l’affranchissement  complet  de  l’Escaut  proclamé 
par  le  Traité  du  12  mai  1863. 


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M.  Proost,  déjà  connu  par  d'excellents  travaux  sur  le 
Droit  d'asile^  étend  aujourd'hui  ses  recherches  à  la  Légis¬ 
lation  des  Jugements  de  Dieu.  Docteur-ès-sciences  politi¬ 
ques  et  administratives,  attaché  aux  archives  du  royaume 
à  Bruxelles,  il  est,  comme  on  le  voit ,  dans  les  meilleures 
conditions  pour  aborder  un  pareil  sujet.  Dans  son  mémoire, 
où  l’habile  disposition  des  matières  n’en  fait  que  mieux 
ressortir  l’heureuse  abondance ,  il  traite  successivement  de 
l’origine  et  des  caractères  du  duel  judiciaire ,  de  la  légis¬ 
lation  qui  y  présidait,  des  circonstances  qui  en  amenèrent 
l’abolition.  Puis  il  s’occupe  des  ordalies  (épreuves  du  feu 
ardent,  de  l’eau  bouillante  et  de  l’eau  froide).  Un  dernier 
chapitre  est  consacré  aux  épreuves  de  la  croix  et  du  corsned, 
à  celles  du  cercueil  et  du  bâton. 

Dans  le  cours  de  cette  forte  et  consciencieuse  étude, 
M.  Proost  emprunte  particulièrement  ses  exemples  à  l’his¬ 
toire  de  la  Belgique  et  des  Pays-Bas.  Mais  il  les  corrobore 
souvent  de  faits  tirés  des  annales  des  nations  voisines. 

Le  mémoire  de  M.  Proost  est  suivi ,  dans  le  volume  que 
nous  analysons ,  d’un  commentaire  sur  un  poème  intitulé  : 
Li  roman  des  Etes ,  par  Raoul  de  Houdene.  M.  Scheler ,  en 
le  publiant ,  a  rendu  un  service  réel  à  ceux  qui  s’occupent 
de  la  linguistique  romane. 

Le  docteur  Zertermann  a  traité  ensuite,  avec  une  grande 
érudition ,  du  Supplice  de  la  Croix  chez  les  Anciens.  Il  en 
fixe  l’origine,  en  détermine  l’antiquité  relativement  aux 
autres  genres  de  supplices  ;  puis  il  indique  les  catégories 
de  personnes  et  les  cas  auxquels  la  croix  était  appliquée  ; 
enfin  il  expose  les  différents  modes  de  crucification  usités 
chez  les  anciens. 

L’Histoire  de  la  Flandre  occupe  une  place  importante 
dans  le  xxiv.®  volume  des  Annales.  M.  Emile  Varenberg  a 
présenté  d’une  manière  fort  judicieuse  la  question  des  liens 


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de  race  entre  les  premiers  peuples  de  l’Angleterre  et  de  la 
Flandre.  Dans  une  autre  notice  intitulée  :  Episodes  des 
Relations  extérieures  de  la  Flandre  au  Motjen-Age ,  le  même 
auteur  révèle  plusieurs  particularités  du  plus  haut  intérêt 
sur  le  règne  si  agité  de  Gui  de  Dampierre  ;  enfin  une  com¬ 
munication  ,  qui  a  pour  titre  Warminia  ,  domaine  de  V Ab¬ 
baye  de  Saint-Bavon-les-Gand ,  par  M.  de  Vlaminck,  fait 
justice  d’une  erreur  historique,  d’après  laquelle  Wai'minia 
correspondrait  au  nom  de  Wetteren ,  gros  bourg  de  Flandre. 

Les  historiens  de  l’art  flamand  pourront  consulter  avec 
fruit  les  deux  notices  de  31.  Galesloot  :  une  Vente  à  Londres 
de  Tableaux  de  David  Deniers;  un  Procès  pour  une  Vente 
de  Tableaux  attribués  à  Van  Dyck  (1660-62). 

Outre  les  travaux,  que  nous  venons  de  résumer,  ce 
volume  des  annales  renferme  encore  plusieurs  notices  et 
communications  qu’il  importe  de  signaler  :  Campagnes  de 
Charles-Quint  et  de  Philippe  II  (15o4-15o7) ,  relations  con¬ 
temporaines  traduites  d’après  le  texte  original  flamand  et 
accompagnées  de  notes  historiques  et  littéraires  par  31.  L. 
Torfs  ;  sur  une  Feuille  d'ivoire  sculptée  trouvée  à  Tongres, 
par  31.  Thys  ;  Puits  romains  découverts  à  Vechten  (Pays- 
Bas),  par  le  comte  31.  Nahuys;  la  Fontaine  de  Quentin 
Massys  ,  par  31.  H.  Schuermans  ;  Traces  d'éléments  germa¬ 
niques  de  la  population  du  Nouveau-Monde^  par  31.  G. 
Valider  Elst.  Cette  dernière  notice  soulève  tout  un  ordre 
d’études  dont  on  s’est  moins  occupé  en  Belgique  que  dans 
les  pays  voisins.  _  A.  Desplaxque. 

COURS  PUBLICS. 

Cours  (l'Histoire  naturelle  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille, 

par  M.  C.  Dareste. 

DIFFÉRENCES  d’ORGANISATIOIS  DANS  UNE  MÊME  ESPÈCE.  — 

Outre  les  différents  types  qui  tiennent  aux  métamorphoses 


—  20!  — 

et  à  la  sexualité , 'rcspèce  offre  encore  cl  autres  formes  dues 
à  un  autre  ordre  de  phénomènes. 

On  connaissait  depuis  longtemps ,  dans  la  Méditerranée, 
des  animaux  bizarres  que  l’on  trouvait  tantôt  isolés  et  tan¬ 
tôt  en  longues  files  transparentes  de  plusieurs  centaines  et 
quelquefois  de  plusieurs  milliers  de  mètres  :  ce  sont  les 
Salpes  ou  Biphores,  de  la  classe  des  Tuniciers.  Or,  dans 
le  courant  du  siècle  dernier,  un  homme  de  lettres,  Gha- 
misso  ,  annonça  que  les  Salpes  enchaînées  produisaient  des 
Salpes  solitaires  et  que  celles-ci,  à  leur  tour,  donnaient 
naissance  à  des  Salpes  enchaînées,  de  telle  sorte  qu’il  y 
avait  là  une  alternance  bien  marquée  dans  les  générations. 
Mais  Chamisso  était  romancier,  et  ses  observations  furent 
considérées  comme  un  nouveau  rêve  de  son  imagination. 
Dans  ces  dernières  années  seulement  l’on  reconnut  la  véra¬ 
cité  de  son  récit,  et  l’on  vit  que,  de  plus,  les  individus  en 
chaines  étaient  hermaphrodites  et  que  les  individus  soli¬ 
taires,  privés  de  sexes,  se  reproduisaient  par  bourgeons.  On 
a  donné  à  ce  phénomène  le  nom  de  génération  alternante. 

Entre  tous  les  exemples  qu’a  cités  le  professeur,  voici 
l’un  des  plus  remarquables,  o  Vous  connaissez  sans  doute 
ce  petit  animal  d’un  millimètre  au  plus  de  longueur  et  que 
l’on  trouve  souvent  sous  nos  lentilles  d’eau,  il  a  la  forme 
d’un  sac  terminé  à  sa  partie  béante  par  des  bras  ;  c’est 
V Hydre  ou  Polype  d’eau  douce ,  plus  étonnant  encore  que 
l’Hydre  de  la  fable.  Vous  avez  déjà  vu  aussi,  au  moins  en 
dessin ,  ces  animaux  fragiles  et  vagabonds ,  en  forme  de 
cloches  demi-transparentes,  qui  flottent  gracieusement 
dans  la  mer,  et  qui,  lorsqu’ils  viennent  à  échouer  sur  la 
plage,  disparaissent  comme  par  enchantement  en  se  résol¬ 
vant  en  eau  :  ce  senties  Méduses.  Aucune  espèce  d’analogie 
ne  semble  d’abord  exister*entre  ces  êtres.  Eh  bien ,  quand 
on  suit  le  développement  de  la  Méduse,  on  voit  qu’elle  se 


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présente  au  début  comme  une  petite  larve  vermiforme  qui, 
au  bout  d’un  certain  temps,  se  transforme  en  un  Polype 
tout-à-fait  comparable  à  l’Hydre.  »  Ce  Polype  produit  par 
bourgeonnement  d’autres  êtres  semblables  à  lui  qui  s’em¬ 
pilent  les  uns  sur  les  autres  comme  une  pile  d’assiettes  ; 
leur  organisation  se  complique,  ils  se  séparent,  et  consti¬ 
tuent  alors  autant  de  Méduses  se  reproduisant  suivant  les 
lois  ordinaires;  ainsi  donc,  deux  générations  qui  alternent: 
des  Polypes  non  sexués  et  des  Méduses  sexuées.  »  Le  Poly¬ 
pier  fit  la  Méduse  ;  la  Méduse  fait  le  Polypier,  »  a  dit  Mi¬ 
chelet. 

On  a  cru  pendant  longtemps  qu’il  n’y  avait  dans  ce  fait 
des  générations  alternantes  qu’une  exception.  Quand  on  y 
réfléchit  un  peu,  on  reconnaît  bientôt qu’ici ,  comme  par¬ 
tout  ailleurs ,  la  nature  n’agit  que  d’après  des  lois  généi’a- 
les.  En  effet,  chez  les  animaux  supérieurs,  et  chez  l’homme 
lui-méme,  où  la  génération  alternante  semble  au  premier 
abord  faire  défaut,  on  voit  qu’il  se  produit  sur  l’œuf  un 
corps  particulier  [blastoderme) ,  non  sexué  et  qui  a  sa  vie 
propre;  cet  être  transitoire  donne  naissance  par  bour¬ 
geonnement  à  l’embryon  ou  être  définitif,  sexué,  destiné 
à  se  reproduire  par  les  procédés  ordinaires. 

Après  avoir  parlé  de  toutes  les  formes  régulières  ou  nor¬ 
males  que  l’on  rencontre  dans  une  seule  et  même  espèce  , 
le  professeur  aborde  l’étude  des  anomalies  ou  monstruosi¬ 
tés.  Ces  formes  irrégulières  ne  sont  pas  indéfinies ,  il  n’y 
en  a  qu’un  certain  nombre  possible  pour  chaque  embran¬ 
chement,  et  toutes  se  constituent  d’après  des  lois  générales. 
Le  cadre  limité  qui  m’est  accordé  ici  ne  me  permet  mal¬ 
heureusement  pas  d’entrer  dans  des  détails  à  ce  sujet,  parce 
que  je  serais  obligé  d’aborder  des  considérations  embryogé- 
niques  qui  m’entraîneraient  beaucoup  trop  loin.  La  seule 
conséquence  à  tirer  de  ces  anomalies  pour  la  question  qui 


—  205  — 

nous  occupe,  c’esl  que,  s’il  existe  des  formes  normales  de 
l’espèce,  ces  organisations  ne  sont  pas  tellement  nécessaires 
qu’elles  ne  puissent  donner  naissance  à  des  formes  irrégu¬ 
lières. 

Jusqu’à  présent  nous  n’avons  considéré  que  le  règne 
animal ,  nous  allons  voir  maintenant  que  les  végétaux  nous 
offrent  des  faits  analogues ,  et  par  conséquent ,  que  la  ques¬ 
tion  de  l’espèce  est  la  même  pour  les  deux  règnes.  Toute¬ 
fois  il  y  a,  entre  les  animaux  et  les  plantes,  une  différence 
qu’il  importe  de  signaler  tout  d’abord  :  les  plantes  ne  présen¬ 
tent  pas  de  métamorphoses,  c’est-à-dire  de  ces  formes  suc¬ 
cessives  caractérisées  par  des  modifications  profondes  dans 
l’organisation  ;  le  mot  métamorphoses ,  en  botanique ,  s’ap¬ 
plique  à  un  fait  de  toute  autre  nature  ,  celui  découvert  par 
l’illustre  Gœthe,  et  qui  consiste  en  ce  que  les  différentes 
parties  de  la  fleur  ne  sont  que  des  feuilles  modifiées.  Cette 
différence  étant  établie  entre  l’organisation  des  végétaux  et 
celle  des  animaux ,  nous  voyons  que  tous  les  autres  faits 
que  nous  avons  passés  en  revue  chez  ces  derniers  ont  leurs 
analogues  chez  les  plantes.  —  D’abord  la  génération  alter¬ 
nante  est  ici  bien  évidente  ;  la  plante  qui  résulte  de  la  ger¬ 
mination  de  la  graine  produit  des  bourgeons  qui,  le  plus 
ordinairement,  restent  attachés  à  la  tige ,  et  constituent  des 
associations  d’individus  comme  les  Polypiers,  cependant, 
dans  certaines  plantes  comme  le  Lys  bulbifère ,  ces  bour¬ 
geons  peuvent  se  détacher  spontanément  et  continuer  à 
vivre ,  comme  nous  avons  vu  toiit-à-riieure  le  Polype  se 
détacher  et  former  la  Méduse. 

Les  fleurs  présentent  quelquefois  d’assez  grandes  diffé¬ 
rences  de  forme  et  de  structure  qui  se  rapportent  aux  fonc¬ 
tions  de  la  reproduction  ;  ainsi  il  existe  dans  les  régions 
intertropicales  un  végétal  bien  remarquable  qui  a  à  la  fois 
des  Heurs  mâles,  des  fleurs  femelles  et  d’autres  hermaphro- 


204 


dites.  Pendant  longtemps  ces  fleurs  n’ont  été  connues  en 
Europe  que  par  des  échantillons  isolés,  et  comme  elles  ne  se 
ressemblent  nullement,  on  les  avait  rangées  dans  des  gen¬ 
res  différents  (Catasetum  ,  Myanthus  ci  Moîiacanthus);  ce 
n’est  que  lorsqu’on  a  eu  des  branches  sur  lesquelles  les 
trois  types  se  trouvaient  réunis  qu’on  a  pu  constater  qu’il 
n’y  avait  là  que  trois  formes  différentes  d’une  seule  et  même 
espèce.  Ce  fait,  tout-à-fait  imprévu ,  est  certainement  un  des 
plus  curieux  que  puisse  nous  présenter  le  polymorphisme. 

Enfin  les  plantes  ont  aussi  leurs  anomalies.  Qui  n’a  vu , 
par  exemple ,  une  fleur  où  ,  à  la  place  d’un  pétale  ,  s’étalait 
une  feuille  ordinaire  ? 

Nous  n’avons  plus,  pour  terminer  l’étude  du  premier 
terme  de  la  notion  de  l’espèce ,  qu’à  jeter  un  coup-d’œil  sur 
les  végétaux  à  noces  cachées  ,  comme  les  appelait  Linné , 
ou  végétaux  sans  fleurs,  comme  les  Fougères  ,  les  Mousses, 
les  Champignons. 

D’abord,  la  génération  alternante  se  retrouve  encore  ici 
et  d’une  façon  manifeste.  Chez  les  Fougères,  par  exemple, 
il  existe  à  la  partie  inférieure  des  feuilles  des  petits  bour¬ 
geons  très-apparents  que  l’on  peut  comparer  aux  bulbiles 
ou  bourgeons  caducs  du  Lys.  A  un  certain  moment ,  ils  se 
détachent  de  la  plante  mère,  et  donnent  naissance  à  une 
petite  lame  foliacée  qui  ne  ressemble  en  rien  à  la  Fougère. 
C’est  sur  cette  petite  lame,  qui  n’a  pas  plus  de  un  ou  deux 
millimètres  de  long,  que  se  développent  les  organes  de  la 
reproduction.  Ceux-ci  engendrent  des  graines  [spores)  qui , 
par  la  germination,  reproduisent  la  Fougère  primitive.  Il  y 
a  là  une  génération  alternante  bien  remarquable. 

Les  cas  de  Polymorphisme  sont  également  nombreux 
dans  cette  seconde  moitié  du  règne  végétal ,  particulière¬ 
ment  chez  les  Champignons ,  où  ils  sont  en  même  temps  des 
plus  frappants. 


—  205  ~ 

Ainsi  donc,  pour  résumer  ce  qui  précède,  nous  voyons 
que  tous  les  individus  d’une  même  espèce  ne  sont  pas  iden¬ 
tiques  à  eux-mêmes  à  tous  les  moments  de  leur  existence,  et 
que,  comparés  entre  eux  quand  ils  sont  arrivés  à  l’âge 
adulte,  ils  présentent  des  types  très-différents  en  rapport 
avec  les  fonctions  physiologiques  qu’ils  doivent  remplir. 
Nous  voyons  encore  que  l’espèce  présente  une  alternance 
d’individus  sexués  et  d’individus  agames  dérivant  les  uns 
des  autres,  et  qu’enfin,  à  côté  de  toutes  ces  formes  qu’on 
peut  appeler  régulières,  il  en  existe  d’autres  qui  s’écartent 
plus  ou  moins  de  ces  dernières  et  que  l’on  désigne  sous  le 
nom  d’anomalies.  Il  résulte  de  tout  ceci  que  l’espèce  nous 
offre  une  diversité  et  une  complexité  qu’on  est  loin  de  pré¬ 
voir  quand  on  n’étudie  pas  la  question  scientifiquement,  et 
qu’il  n’est  plus  possible  ,  dans  l’état  actuel  de  la  science, 
de  la  définir  par  une  collection  d'individus  semblables. 

P.  Hallez. 


MUSÉES  ET  COLLECTIONS 

Muséum  d’histoire  naturelle  de  douai.  Hybride  de 
Canard  et  de  Sarcelle.  —  Parmi  les  objets  les  plus  inté¬ 
ressants  de  la  partie  ornithologique  du  Muséum  d’Histoirc 
naturelle  de  Douai ,  on  peut  citer  un  Canard  qui  a  été  long¬ 
temps  un  sujet  de  doutes  et  d’erreurs ,  mais  dont  le  nom  est 
aujourd’hui  authentiquement  reconnu. 

Il  s’agit  d’un  hybride  provenant  d’un  Canard  sauvage 
[Anas  boschas)  et  d’une  Sarcelle  d’hiver  ou  Sarcelline 
(Querquedula  crecca)  ,  qui  a  été  tué  dans  l’hiver  de  1841 
aux  environs  de  Douai  et  apporté  en  chair  sur  le  marché  de 
cette  ville. 

Quoiqu’on  ne  puisse  affirmer  d’une  manière  absolue  que 
ce  soit  le  produit  d’un  croisement  opéré  à  l’état  sauvage,  il 


—  20G  — 

y  a  toute  probabilité  qu’il  en  est  ainsi.  Aujourd’hui  que  les 
jardins  zoologiques  et  les  collections  d’amateurs,  où  les 
oiseaux  vivent  pêle-mêle  en  demi-liberté,  se  sont  multi¬ 
pliés,  les  sujets  échappés  de  ces  établissements  se  font  tuer 
au  dehors  ;  mais  il  y  a  trente  ans  les  faits  de  ce  genre 
étaient  très-rares  ;  et  d’ailleurs,  quand  on  obtient  dans  les 
jardins  d’acclimatation  des  hybrides  entr’espèces  différen¬ 
tes,  ol)jets  toujours  recherchés  et  précieux,  on  y  veille 
d’assez  près  pour  empêcher  leur  fuite. 

Ce  fait  presque  certain  d  un  métissage  à  l’état  de  nature 
est  déjà  très-intéressant  par  lui-même,  car,  s’il  est  vrai  que 
riiyhridilé  n’est  pas  rare  dans  la  famille  des  Anatidès  ,  il 
est  certain  aussi  que  la  plupart  des  exemples  qu’on  en  cite 
ont  eu  lieu  à  l’état  domestique,  dans  un  milieu  où  l’instinct 
de  reproduction  dévie  facilement. 

M.  de  Selys  a  étudié  cette  hyhridité  des  Anatidès  dans 
deux  Mémoires  publiés  en  '184o  et  en  1856,  dans  les  Bulle¬ 
tins  de  V Académie  de  Bruxelles.  Il  en  mentionne  43  exem¬ 
ples;  or ,  sur  ce  nombre,  deux  seulement  peuvent  être 
regardés  comme  provenant  de  parents  vivant  en  liberté 
complète.  Plusieurs  autres  ornithologistes  ont  fait  des  ob¬ 
servations  du  même  genre,  entr  autres  ,  MM.  Bouillaud, 
Van  Wickewort,  Rufz  de  Lavison  ;  en  les  réunissant  à  celles 
de  M.  de  Selys,  je  ne  trouve  que  six  de  ces  hybrides  sauva¬ 
ges.  Ce  sont  les  produits  : 

du  Canard  sauvage  (A.  boschas)  et  du  Canard  pilet  {Dafila  acuta)  ; 

du  Canard  sauvage  (A.  boschas)  et  du  Canard  siffleur  {Mareca  penelope); 

du  Canard  souchet  {Rhyncaspis  clypeala)  et  de  la  Sarcelle  d’été  {Querque- 
dula  circia); 

du  Canard  milouin  {Fuligula  ferina)  et  du  Canard  nyroca  {Fuligula 
nyroca); 

de  l’Oie  cravant  [Bernicla  brenta  )  et  de  l’Oie  bernaclie  {Bernicla  leucopsis)  ; 
du  Canard  garot  [Clanguta  glaucion)  et  du  Harle  piette  {Mergus  albellus)  ; 

Ce  sont  là  les  seuls  faits  de  métissage  qui  paraissent. 


—  207  — 

d’une  manière  suffisamment  certaine,  s’èlre  passés  hors  de 
l’élal  domestique,  c’est  donc  une  bonne  foidune  que  d’avoir 
à  en  signaler  un  nouveau. 

Mais  le  Canard  du  Muséum  de  Douai  est  intéressant  à  un 
autre  titre  :  ce  fut  un  sujet  analogue  qui  a  été  l’origine  d’une 
confusion  de  nom  et  d’espèce  qui  a  pendant  longtemps  divisé 
les  plus  savants  naturalistes. 

Le  célèbre  ornithologiste  anglais  Gould,  dans  son  ouvrage 
The  hirds  of  Europa  (1837) ,  le  décrivit  et  le  figura  sous  le 
nom  de  Bimaculated  teal,  Sarcelle  bimaculée,  croyant  re¬ 
trouver  dans  cet  oiseau  le  Canard  bimàculé  ou  gloussant, 
Anas  glocitans,  de  Pallas. 

Degland  propagea  cette  erreur  dans  son  Catalogue  des 
oiseaux  observés  en  Europe  (1843),  et  dans  son  Ornithologie 
européenne  (1849).  Temminck  et  le  prince  Bonaparte  en¬ 
trevirent  la  confusion  ,  mais  elle  ne  fut  péremptoirement 
réfutée  que  par  M.  Vian  ,  dans  la  Revue  de  Zoologie  (1866). 

M.  Gerbe  ,  dans  la  seconde  édition  de  l’Ornithologie  de 
Degland ,  rétablit  la  synonymie  de  VAnas  glocitans  de 
Pallas  et  le  décrit  très-exactement,  mais  il  se  contente  de 
poser  la  vérité  à  la  place  de  l’erreur,  sans  expliquer  com¬ 
ment  son  devancier  y  était  tombé ,  et  sans  parler  du  Canard 

de  Douai.  C’était  cependant  cet  exemplaire  qui  avait  servi 

* 

à  Degland  pour  sa  description.  Il  l’avait  trouvé  à  peu  près 
identique  âii  Bimaculated  teal  des  Anglais,  et  n’avait  pas 
hésité  à  croire,  comme  eux,  qu’il  avait  sous  les  yeux  le 
glocitans  de  Sibérie. 

Il  est  inutile  de  refaire  après  lui  sa  description  ;  il  nous 
suffira  de  signaler  les  points  principaux  où  se  retrouvent  les 
caractères  de  la  double  parenté. 

La  taille  est  intermédiaire  entre  celle  du  Canard  sauvage 
et  celle  de  la  Sarcelline.  La  tête  rappelle  le  Canard  par  la 
teinte  verte  des  joues  et  du  bas  du  cou,  elle  rappelle  la  Sar- 


—  208  — 

celline  par  la  bande  brune  du  sommet  de  la  lêle  et  les  traits 
blancs  des  joues.  La  poitrine  a  le  fond  d’une  teinte  qui 
participe  de  la  couleur  marron  du  Canard  et  de  la  nuance 
vineuse  de  la  Sarcelline  ,  les  mouchetures  de  celle-ci  y  sont 
marquées.  Le  dos  et  les  flancs  sont  du  premier  ,  le  manteau 
est  de  cette  dernière.  Le  miroir  a  la  bande  marron  de  la 
crecca ,  la  bande  noire  bordée  de  blanc  du  boschas.  Les 
parties  caudales,  le  bec  et  les  pieds  sont  intermédiaires  pour 
la  forme,  la  couleur  et  les  dimensions. 

Quant  au  Canard  gloussant  de  Pallas  appelé  aujourd’hui , 
par  privilège  de  priorité  de  baptême ,  Anas  formosa , 
Georgi ,  il  en  diffère  totalement,  et  pour  l’avoir  confondu 
avec  notre  hybride ,  il  fallait  ne  l’avoir  comparé  que  sur  des 
descriptions  diagnostiques  insuflisanles ,  comme  celle  de 
Gmélin,  par  exemple,  qui  donne  de  VA.  glocitans  la  phrase 
caractéristique  suivante:  Capite  albo  nigroque  fasciato; 
area  utrinque  falcala  viridi  sericea.,  nuchaque  violacea.^ 
Pallas.  Tête  rayée  de  blanc  et  de  noir,  de  chaque  côté  une 
tache  d’un  vert  soyeux  ,  nuque  violette. 

Je  défie  de  retrouver  dans  cette  diagnose  la  moindre 
trace  du  vrai  Canard  gloussant  ou  formose ,  il  est  même 
probable  qu’il  faut  retrancher  le  glocitans  de  Gmélin  de  sa 
synonymie  ,  et  peut-être  y  voir  encore  un  métis  qui  d’après 
le  prince  Bonaparte  pourrait  bien  être  celui  du  Canard 
sauvage  et  du  Siffleur. 

Ces  incertitudes  des  auteurs  s’expliquent  par  la  rareté  de 
1’^.  formosa.,  oiseau  de  la  Sibérie  orientale  très-peu  ré¬ 
pandu  dans  les  collections,  il  y  a  vingt  ans,  et  qui  même 
aujourd’hui  y  est  regardé  comme  un  joyau. 

En  1836,  cinq  individus  furent  tués  sur  la  Saône,  mais  ils 
n’avaient  pas  été  reconnus  sans  contestation  ,  parce  qu’ils 
ne  portaient  pas  leurs  livrées  d’adulte  ;  on  cite  une  autre 
capture  près  de  Saint-Pétersbourg,  deux  autres  en  Nor- 


—  209  — 

mandie,  c’est  à  cela  que  se  bornent  les  apparitions  de  cet 
oiseau  en  Europe  (*). 

Ce  sera,  sans  doute,  avec  un  certain  regret  que  le  Muséum 
de  Douai  l’effacera  de  son  catalogue  ,  mais  il  se  consolera 
en  pensant  qu’il  possède  dans  son  hybride  de  boschas  et  de 
crecca  un  sujet  plus  difficile  encore  à  se  procurer,  puisqu’il 
est  le  résultat  d’une  aberration  de  la  nature  ,  toujours  rare 

et  toujours  digne  de  l’attention  des  collectionneurs. 

A.  de  Norguet. 

MUSÉES  d’archéologie  ET  DE  CÉRAMIQUE  DE  LILLE 

La  ville  de  Lille  vient  d’ouvrir  au  public,  le  6  juin  dernier, 
ses  Musées  d’archéologie  et  de  céramique.  11  eut  été  difficile 
de  leur  trouver  un  emplacement  plus  favorable  que  la  salle 
du  Conclave,  encore  toute  remplie  des  souvenirs  d’âges 
qui  ne  sont  plus ,  et  d’ailleurs  si  remarquable  par  ses  belles 
peintures  d’Arnould  de  Vuez.  Des  vitrines  d’une  disposition 
convenable, *et  qui  n’attendent  plus  qu’un  vernis,  laissent 
apercevoir  à  gauche  la  céramique  antique,  à  droite  la 
céramique  moderne.  Ce  sont  ici  les  poteries  étrusques  pro¬ 
venant  du  dédoublement  du  Musée  Campana,  là  les  vases 
gallo-romains  exhumés  à  Lisieux  du  cimetière  dit  du  grand- 
jardin,  parmi  lesquels  figurent  plusieurs  magnifiques  ver¬ 
res  ;  puis  dans  les  vitrines  du  bas,  des  armes ,  des  fibules , 
des  agrafes,  des  stylets,  etc.  En  continuant  nous  trouvons 
des  produits  plus  récents  ;  les  porcelaines,  faïences,  grès, 
des  fabriques  françaises  et  étrangères;  notre  atelier  lillois 
y  est  représenté  par  les  curieuses  assiettes  au  jeu  de  cartes. 

d)  Dans  mon  Catalogue  des  Oiseaux  du  Nord  de  la  France  ,  j’avais  ,  sur 
la  foi  du  docteur  Degland,  indiqué  VAnas  glocilans  comme  tué  dans  le 
département  du  Nord;  il  doit  être  retranché  de  cette  liste;  mais  ,  par 
suite  d’une  erreur  typographique  ,  une  autre  espèce  a  été  omise,  le 
canard  Chipeau  (C/iaw/e/osmws  s/repera)  ;  le  chiffre  de  328  reste  donc  le 
môme. 


—  210  — 

Des  tapisseries  de  haute-lice  et  divers  morceaux  de  sculpture 
sont  exposés  dans  les  annexes. 

Pour  des  Musées  en  formation  l’on  ne  pouvait  espérer 
mieux;  il  y  a  même  plus  d'un  objet  qui  pourrait,  à  son 
avantage ,  soutenir  la  comparaison  avec  tel  autre  des  gale¬ 
ries  les  plus  riches. 

Nous  devons  en  remercier  les  Commissions  de  ces  deux 
Musées  dont  le  zèle  persévérant  a  su  mener  à  bonne  fin 
cette  entreprise;  remercîments  aussi  à  MM.  Girardin, 
Houdoy,  de  la  Phalecque,  Gentil-Descamps,  Sauvaige, 
Bachy,  Van  der  Straeten  ,  Biocreux,  Bernard,  Marcotte, 
Gaudelet ,  etc.  ;  dont  les  dons  ont  contribué  à  enrichir  les 
différentes  vitrines.  Espérons  que  leurs  louables  exemples 
trouveront  des  imitateurs. 

Un  visiteur  des  nouveaux  Musées. 


BIBLIOGRAPHIE. 

LES  CHANTS  DU  SOIR 
Poésies  par  Charles  Manso(*) 

Le  recueil  publié  tout  récemment  par  M.  Ch.  Manso  se 
compose  d’une  cinquantaine  de  petites  pièces ,  de  rhythmes 
très-variés,  d’une  facture  aisée  et  élégante,  et  dont  la  lec¬ 
ture  est  vraiment  agréable.  L’auteur  les  a  divisées  en  trois 
groupes  : travers  Champs,  où  la  description  domine; 
les  Sentiers  du  Cœur ,  pour  la  note  sentimentale ,  gaie  ou 
triste;  et  les  Chants  du  Soir,  où  percent  les  sentiments 
philosophiques,  voire  même  politiques  du  poète;  je  ne 
serais  pas  surpris  que  M.  Ch.  Manso  eût  rimé  avec  le  plus 
de  soin  et  préférât  cette  dernière  partie,  puisque  c’est  elle 
qui  donne  son  nom  à  tout  le  volume.  Elle  contient  en  effet 
plusieurs  pièces  touchantes  :  La  Veillée  de  la  Veuve,  VOr- 


d)  Lille  ,  imprimerie  Daiiel  ;  156  p.,  2  fr. 


—  211  — 

l)helin  et  l'Ange  de  la  Nuit  (couronnée  par  la  Société  im¬ 
périale  (l’Agriculture ,  Sciences  et  Arts  de  Valenciennes ,  en 
1868),  et  des  strophes  humoristiques  :  Muse,  faisons-nous 

Epiciers,  d’une  allure  dégagée  et  dun  entrain  presque . 

irrésistible.  Mais  pour  nous,  nous  aimons  mieux  les  petits 
poèmes  descriptifs,  le  Paysage  dédié  à  M.  G.  B.  ; 

. Tu  peux,  quand  l’aurore  t’éveille 

A  ta  fenêtre  t’accouder , 

Et,  rêveur,  au  loin  regarder 
Trembler  l’or  des  épis  dans  la  plaine  vermeille. . . 

Tu  découvres  ,  à  l’horizon , 

Lille  qui  se  réveille  et  dont  chaque  toit  fume. . . 

Peut-être  ce  paysage ,  où  respire  le  goût  de  la  campagne, 
n'est-il  pas  assez  flamand ,  assez  lillois  :  les  environs  de 
notre  grande  cité  industrielle  ont  aussi  leur  caractère  pro¬ 
pre  et  leur  poésie,  si  peu  pittoresques  ciu’ils  soient.  Nous 
aimons  plus  encore  la  pièce  intitulée  :  Aube  et  Crépuscule , 
dédiée  à  M.  Desrousseaux  : 

La  grand’mère  et  l’enfant,  en  se  donnant  la  main, 

Suivent  à  petits  pas  un  verdoyant  chemin  ; 

L’enfant  gazouille  et  rit,  l’aïeule  pense  et  rêve; 

L’un  commence  ici-bas  l'œuvre  que  l’autre  achè^œ. 

Emu,  j’ai  bien  souvent  suivi  d’un  œil  pensif 
Cette  aïeule  courbée  et  cet  enfant  naïf. . . 

. . .  Je  regarde  passer  ces  deux  points  de  la  vie. 

L’un  me  rend  soucieux  ,  l’autre  me  fait  envie  ; 

Pour  entendre  leurs  voix ,  je  chemine  près  d’eux  ; 

Ils  marchent  à  pas  lents  et  chancellent  tous  deux , 

L’un  au  pied  du  berceau ,  l'autre  au  seuil  de  la  tombe , 
L’enfant,  aube  qui  nait,  l’aïeule,  jour  qui  tombe. 

C’est  bien  délicatement  dit!  Et  l'on  voit  que  M.  Cli. 
Manso,  lorsqu’il  décrit,  ne  s’attarde  pas  à  représenter  lon¬ 
guement  les  objets  du  monde  physique  ;  mais  s’applique 
plutôt  à  trouver,  par  un  contraste  touchant,  par  une  anti¬ 
thèse  attendrissante ,  le  chemin  de  notre  cœur. 


_  212  _ 

Nous  lui  reprocherons  d’avoir  cédé  ,  cà  et  là,  aux  tenta¬ 
tions  du  réalisme ,  le  Pendu  dans  la  Forêt,  Don  Pedro.  Sa 
muse  ne  nous  paraît  pas  faite  pour  peindre  ou  raconter  des 
horreurs.  Lui-méme  ne  dit-il  pas  d’elle  : 

Ma  muse  ne  liait  pas  les  fêtes 
Ni  les  refrains  du  cabaret  , 

Mais  elle  aime  mieux  des  fauvettes 
Le  chant ,  au  fond  de  la  forêt  1 

Qu’au  milieu  <r  des  brocs  et  des  pipes,  elle  mêle  sa  voix 
aux  chansons  >  passe  encore  ;  cela  est  d’une  bonne  fla¬ 
mande;  mais  qu’elle  ne  hante  point  les  bouges  des  vieilles 
sibylles  ;  qu’elle  ne  contemple  pas  les  cadavres  déchiquetés 
par  les  corbeaux  ! 

M.  Ch.  Manso  termine  son  volume  par  une  sorte  de 
remerciement  au  lecteur.  Remerciement?  Est-ce  bien  le 
mot? 

Et  nous,  en  niais  que  nous  sommes  , 

Nous  rêvassons  le  nez  en  Eair , 

Et  nous  rimons. . .  c'est  du  délire 
Car  notre  seul  espoir,  ma  foi , 

Est  de  rencontrer  pour  nous  lire 
Un  autre  niais. . .  comme  toi. 

M.  Manso  nous  semblerait  injuste  pour  lui-rnôme  et  peu 
gracieux  pour  nous  si  nous  ne  savions  que  les  poètes  ont 
des  façons  de  parler  à  eux  particulières  ,  et  s’il  n’était  admis 
de  tout  temps  que  faire  des  vers  ou  les  lire  est  une  folie  à 

laquelle  ne  croient  ni  le  lecteur  ,  ni  surtout  l’auteur. 

_  X. 

HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

LISTE  DES  MAMMIFÈRES  TERRESTRES  DU  DÉPARTEMENT  DU  NORD. 

Il  y  a  trois  ansM.  de  Norguet  a  publié  dans  les  mémoires 
de  la  Société  impériale  des  Sciences ,  de  l’Agriculture  et  des 
Arts  de  Lille  un  catalogue  raisonné  des  Mammifères  du 


—  215  — 

Département.  C’est  de  cette  publication  que  nous  extrayons 
la  liste  suivante.  Pour  la  comparaison  avec  les  pays  voisins 
nous  avons  recours  à  la  Faune  de  M.  de  Lelys-Lon- 
champselaux  Animaux  vertèbres  de  V arrondissement  d'Ah- 
heville  deM.  Marcotte.  Il  est  regrettable  que  l’on  ne  possède 
pas  de  liste  des  animaux  vivants  dans  les  départements  du 
Pas-de-Calais,  des  Ardennes  et  de  l’Aisne.  Pour  remplacer 
ce  catalogue  en  ce  qui  concerne  l’Ardenne  nous  consa¬ 
crons  une  colonne  au  Grand-Ducbé  de  Luxembourg  d’après 
la  liste  dressée  par  M.  Alphonse  de  la  Fontaine. 


ORDIΠ DES  CHEIROPTEUES 

Gr.-D. 

Nord 

Somme 

Belgique 

de 

i‘'amille 

des  VESPERTILLIOXS  {Chauve  Soui;ts) 

Luxem. 

Vesperlilio. .  niurinus . 

1  c.C) 

1  t.c. 

1  c... 

1  C... 

» 

mystacinus. . 

2  p.c. 

2r... 

2  c... 

2?... 

Daubantonii.. 

5  r.. . 

5  r.. . 

5  r... 

» 

pipistrellus. . 

4  t.c. 

4  t.c. 

4  t.c. 

5t.c. 

» 

emarginatus. 

ô  r  ., 

5  r... 

5  p.c. 

4  t.r. 

9 

Malererii. . . . 

6  t.r. 

G  r.. . 

6r... 

5  r... 

9 

serolinus. . . . 

7  r... 

7r  .. 

7  p.c. 

6  r.. . 

9 

noctula . 

8c... 

8  c... 

8  c... 

7  c.. . 

9 

•lasvcnemus  . 

9  P, , 

9 

Reclistenii. , . 

9  r... 

10?... 

8?... 

Plecolus....  barbaslellu>. 

10  r.. . 

H  t.r. 

9r... 

• 

aurilus . 

Oreillard . 

9c... 

11  c... 

12  .... 

10  t.c. 

llbinolopbus  unihaslalus. 

Gr.  fer  à  cheval 

10c... 

12  p.c. 

15  p.c. 

11  t.c. 

> 

bippo  crépis. 

Pelilfer  à  cheval 

•  s  •  •  •  • 

15  r.. . 

14  r... 

12r... 

ORDRE  DES  CARNASSIERS 

Sous-ordre  des  Carnivores 

Famille  des  CHATS 

Felis . . 

Chat  sauvage.... 

11  r... 

14  r... 

15  r... 

13  r... 

Famille  des  CHIEXS 

Canis. . 

Loup . 

12  r.. . 

15  r... 

16  c.. . 

14  c,.. 

Vulpes. 

llcnard . 

15  p.c. 

16  c  .. 

17  c.. . 

15  c.. . 

(■)  Le 

chiffre  placé  dans  ces 

colonnes  indique  la 

présence  d 

e  l’animal  et  l’ordre  que  nous 

lui  attribuons  dans  ces  listes  locales;  c.  commun  ,  p.c.  peu  commun  ,  t.c.  très-commun  , 
r.  rare,  t.r,  très-rare. 


—  214  — 


Famille  des  BELETTES 

Kord 

Somme 

Belgii|ue  Luxemh 

Fulorius. 

...  vulgaris. 

Uelette . 

14  c... 

17  c.. . 

18  c... 

16  c... 

> 

fœlidus. . 

. .  ri/lois  (Fussiaus) 

15  c.. . 

18  c.. . 

19  c... 

17  t.c. 

1 

herininea 

Hermine . 

Kl  p.c. 

19  c.. . 

20  p.c. 

18  .... 

Mussela.. 

Fouine . 

17  c... 

‘20  c... 

21  t.c. 

19  t.c. 

» 

martes  . . 

}Jarte . 

«  .  •  •  ■  • 

21  r... 

22  p.c. 

‘20c... 

Famille  des 

LOUTRES 

Lutra.. . . 

. .  Loutre . 

18  p.c. 

22  p.c. 

23  c. . . 

21  p.c. 

Famille  des  BLAIREAUX 

Meles.. . . 

. .  lUaireau . 

19  r... 

25  p.c. 

24  p.c. 

‘22  .... 

Sous-orJre  des  liiseciivoies 
Famille  des  HÉRISSONS 


Erinaceus.. 

.  europœus.. 

Hérisson . 

20  c. . . 

24  c... 

25  c.. . 

25  p.c. 

Famille  des  TAUPES 

Talpa . 

.  europœa... 

Taupe . 

21  t.c. 

25  t.c. 

26  t.c. 

‘24  t.c. 

F 

amille  des  MUSARAIGNES 

Sorex . 

.  araneus.... 

Musaraigne . 

22  t.c. 

‘26  t .  c . 

‘27  t.c. 

25  t.c. 

» 

leticodon. . . 

25  r. . . 

27  r... 

28t.r. 

‘26  t.r. 

» 

tetragomirus 

24  c... 

28  0.. . 

29  c... 

‘27  t.c. 

- 

fodiens . 

Musaraigne  (T  fan 

25  p.c. 

29  p.c. 

50  p.c. 

28  p.c. 

• 

ciliatiis . 

Mus. porte-rame 

26  p.c. 

50  p.c. 

51  p.c. 

29  p.c. 

> 

pjgmœus.. . 

52  t.r. 

50?... 

ORDRE  DES  RO.NGEL’RS 
Famille  des  n.4TS 


.Mus . 

Surmulot . 

‘27  t.c. 

51  t.c. 

55  t.c. 

51  t.c 

» 

rattus . 

Hat  noir . 

28  c... 

52  c.. . 

54  c.. . 

52  r.. 

» 

musculus. . . 

Souris . 

29  t.c. 

55  t . c . 

OO  t  a  c  • 

55  t.c 

9 

sylvaticus.. 

Mulot . 

50  t.c. 

54  t.c. 

56  t.c. 

54  ... 

9 

minutus.. . . 

Rat  nain . 

51  c  . . 

55  c.. . 

57  c.. . 

55  p.c 

» 

tectorum.. . 

56  t.r. 

Arvicola  . 

. ..  arvalis . 

Rat  des  champs. 

52  c.. . 

57  c... 

Ca  •  • 

56  t.c 

t 

agrestis .... 

58  p.c. 

59  p.c. 

57?.. 

» 

subterraneus 

55  c.. . 

59  p.c. 

40  c... 

58  c.. 

• 

terrestris .. . 

59  . .. 

» 

rubidus .... 

54  c.. . 

40  c.. . 

41  c.. . 

40  r.. 

9 

ampliibius. . 

Rat  (T eau . 

oo  c .  •  • 

41  c.. . 

42  c... 

41  c.. 

Circetus . 

fnimp.ntnriiw 

Jliimxti-r . 

43  r.. . 

Famille  des  LOIRS 

Mvoxus  . . 

Lerot  . 

56  c. . . 

4-2  c... 

44  c.  . 

42  ... 

• 

avellanarius 

Muscardin . 

57  r... 

45  p.c. 

45  p.c. 

45  ... 

ffli^ _ 

l.niv. . 

44  r.. 

Famille  des  ECUREUILS 

Sciurus... 

..  vulgaris _ 

Ecureuil . 

58  c.  . 

44  p.c. 

46  p.c. 

45  ... 

Famille  des  LAPINS 

Lepas  . . . . 

Lievre . 

59  c. . . 

45  t.c. 

47  t.c. 

46  .. 

» 

cuniculus.. . 

Lapin . 

40  t.c. 

46  t.c. 

48  t.c. 

47  ... 

ORDRE  DES  ONGULÉS 

Sous -ordre  des  Arctjodactjles 


Famille  des  COC1IOX0 

Nord 

Somme 

r.elgique 

Luxemb 

Sus . 

.  Sanglier . . 

47  r... 

49  p.c. 

48  .... 

Cervus.. . 

Famille  des 
capreoJus.. 

CERFS 

.  Chuvreuil.  ... 

..  4‘it.r. 

48  r.  . 

60  p.c. 

49  c... 

> 

elaphus  . . . 

Cerf . 

..  43t. r. 

49  r. . . 

51  r... 

50  r.. . 

J.  G. 


CHRONIQUE. 

Nos  lecteurs  apprendront  certainement  avec  plaisir  que 
M.  Desplanque,  mon  collaborateur,  vient  d’être  nommé 
membre  de  la  Société  des  Monumenta  Germaniœ  medii 
ævi.  Cette  association  scientifique ,  l’ime  des  plus  considé¬ 
rables  de  l’Allemagne  du  nord ,  a  à  sa  tête  l’illustre  Perlz , 
archiviste  général  du  royaume  de  Prusse.  Elle  se  com¬ 
pose  de  trente  sociétaires ,  dont  quatre  appartiennent  ac¬ 
tuellement  à  la  France.  J.  G. 

llétéorologie.  Mois  de  Juin  1869.  —  Juin  a  été  froid 
et  sec;  le  vent  dominant  a  été  celui  du  N  soufflant  avec 
force.  La  température  moyenne  de  ce  mois ,  déduite  d’une 
série  de  18  années  d’observations,  étant  de  15.°  95,  la 
moyenne  de  juin  1869  n’a  été  que  de  13.°  46,  différence 
en  moins  2.°  9.  La  moyenne  des  températures  minima  a  été 
de  9.°  09 ,  celle  des  maxima  17.°  83  ;  les  extrêmes  ont  été  de 
5.° 5  tel."  et  30.° 3  le  7. 

La  tension  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique  qui  en 
moyenne  générale  est  de  10  mill.  26  n’a  été  pour  juin  1869 
que  de  8  mill.  27  et  l’humidité  relative  qui  est  ordinaire¬ 
ment  de  69,  85  7o  n’a  été  que  de  66  7o- 

Cette  sécheresse  de  l’air  aurait  dû  déterminer  une  grande 
évaporation  de  l’eau ,  mais  la  chaleur  étant  une  des  princi¬ 
pales  causes  de  cet  effet  météorique,  l’épaisseur  de  la 
couche  d’eau  évaporée  qui  en  moyenne  est  de  128  mill.  52 
a  été  réduite ,  pour  ce  mois,  à  111  mill.  17. 


—  216  — 

L’épaisseur  de  la  coucbe  d’eau  pluviale  recueillie  en 
moyenne  pendant  le  mois  de  juin  est  de  63  mill.  06,  cette 
année  elle  n’a  été  que  de  3o  mill.  71. 

Une  aussi  faible  humidité  de  l’air  occupant  les  régions 
des  nuages  devait  naturellement  augmenter  sa  densité  et 
exercer  sur  la  colonne  barométrique  une  plus  grande  pres¬ 
sion;  c’est  en  effet  ce  qui  fut  observé,  car  la  hauteur 
moyenne  du  baromètre  à  0.'’  et  à  22  m.  o  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer  étant  de  759  mill.  75  ,  elle  a  été  en  juin 
1869  de  762  mill.  33  oscillant  entre  les  extrêmes  748  mill. 
le  14  et  770  mill.  22  le  7. 

La  faible  quantité  d’eau  pluviale  et  la  sécheresse  des 
couches  d’air  en  contact  avec  le  sol  n’ont  pas  été  préjudi¬ 
ciables  à  la  végétation  parce  qu’il  y  a  eu  de  fréquentes  rosées 
(24)  suivies  de  brouillards  nombreux  (30)  qui  se  prolon¬ 
geaient  souvent  une  partie  de  la  journée. 

Il  y  eut  8  jours  où  le  ciel  fut  complètement  couvert  de  nua¬ 
ges  pendant  24  heures,  une  nébulosité  moyenne  fut  obser¬ 
vée  21  j.,un  seul  jour  la  sérénité  fut  complète.  V.Meurein. 

Qcologie.  Tranchée  du  chemin  de  fer  de  Tournai  à 
Blaton.  —  Pour  l’établissement  de  cette  nouvelle  voie  on  a 
ouvert  aux  portes  de  Tournai  une  tranchée  dans  les  marnes 
crayeuses  analogues  à  celles  qui  sont  exploitées  à  Cysoing. 
On  V  trouve  en  abondance  et  avec  une  taille  relativement 
assez  grande,  la  Terebratulina  gracilis  fossile  caractéristi¬ 
que  de  ce  niveau.  C’est  une  rectification  à  faire  à  la  carte 
géologique  de  la  Belgique.  Elle  présente  en  ce  point  une 
ligne  jaune  indicatrice  de  la  craie  blanche  o\i  système  séno- 
nfen.Orles  marnes  à  Terebratulina  gracilis  appartiennent  à 
ce  que  l’illustre  auteur  de  la  carte  a  appelé  système  nervien. 

Le  Gérant  :  E.  Cash  aux. 


Lille  ,  imp,  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place  ,  13. 


N.°  8.  —  Août  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  A>'T1QU.41RES  DE  PICARDIE 
Mémoires,  3.®  série,  t.  ii 

La  Société  des  Antiquaires  de  Picardie  compte  33  ans 
d’existence.  Elle  fut  fondée  en  1836  comme  Société  Archéo¬ 
logique  du  département  de  la  Somme.  En  1839  elle  fut 
autorisée  et  prit  le  nom  qu’elle  porte  actuellement. 

Elle  a  déjà  publié  29  volumes  de  mémoires,  22  dans  le 
format  in-8.°  et  7  dans  le  format  in-4.° ,  ceux-ci  sont  réser¬ 
vés  à  des  ouvrages  spéciaux  de  grande  étendue.  Elle  fait 
paraître  en  outre ,  par  fascicules ,  un  Bulletin  qui  forme  un 
volume  tous  les  trois  ans.  9  volumes  en  ont  paru. 

Au  1."  janvier  1869  la  Société  comprenait  24  membres 
titulaires  résidants  : 

MM.Bazot  [1837],  notaire  ;  Président  et  Trésorier. 

Hesse  [1865],  memb.  du  Conseil  gén.;  Vice-Président. 

Garxier  ^  [1838],  conservateur  de  la  bibliothèque 
communale  ;  Secrétaire  j)erpétuel. 

Rembault  ,  ancien  négociant ,  Secrétaire  annuel. 

Dufour  ^  [1837] ,  membre  du  Conseil  général. 

L’abbé  Duval  [1843] ,  vicaire  général. 

L’abbé  Jourdain  [1843] ,  chanoine. 

De  Forceville  [1845] ,  statuaire  amateur. 

Antoine  ^  [1849] ,  architecte. 

Hecquet  de  Roqüemont  ^  [1849] ,  conseiller  à  la  cour. 

Le  Tellier  [1852],  professeur  à  l’école  de  dessin. 

De  Poucques  d’Herbinghem  ^  [1853] ,  cons.  à  la  cour. 

VioN  [1853],  chef  d’institution. 

L’abbé  Corblet  ^  [1854] ,  historiographe  du  diocèse. 

Dutilueux  [1855],  chef  de  division  à  la  préfecture. 

Dusevel[1855],  inspecteur  des  monuments  historiques. 

Darsy  [1856] ,  directeur  des  prisons. 


-  218  — 

Crauk  [1857] ,  professeur  de  dessin  au  Lycée. 

Sâlmoin  [1857],  agriculteur. 

Herbault  [1860] ,  architecte. 

Duvette  [1863] ,  banquier. 

Pou  Y  [1865] ,  commissaire  priseur. 

Leleu  [1865] ,  professeur  d’Histoire  au  lycée. 

L’abbé  Henocque  [1865] ,  doyen  du  Chapitre. 

La  Société  des  Antiquaires  de  Picardie  remplit  avec 
zèle  la  mission  qu’elle  s’esl  donnée  :  faire  connaître  tous 
les  faits  qui  peuvent  intéresser  l’histoire  de  la  province.  Les 
travaux  qu’elle  publie  dans  son  xxii.®  volume  s’étendent  des 
temps  anti-historiques  jusqu’aux  temps  modernes.  Nous 
commencerons  par  les  plus  anciens  en  suivant  l’ordre  chro¬ 
nologique. 

Notice  sur  une  découverte  d'objets  celtiques  faite  à  Caix , 
canton  de  Rosière  (Somme),  en  1865,  par  M.  Garnier.  — 
Ces  objets  sont  en  bronze  :  il  y  a  une  épingle,  des  soies 
d’épées,  une  pioche ,  des  haches.  Celles-ci  appartiennent  au 
type  des  haches  à  ailerons.  Elles  étaient  fixées  dans  une 
direction  parallèle  au  manche  et  non  point  perpendiculai¬ 
rement  comme  les  haches  modernes  ;  de  plus  le  manche 
était  fourchu ,  disposé  de  manière  à  recevoir  la  hache 
entre  les  deux  branches  de  la  fourche.  Des  oreilles  recour¬ 
bées  de  chaque  côté  formaient  une  sorte  de  double  douille 
incomplète  autour  de  chaque  branche.  Un  petit  anneau 
fixé  sur  la  hache  permettait  de  la  pendre  à  la  ceinture. 
Cette  forme  de  hache  est  très-commune  ,  on  la  trouve 
abondamment  dans  les  cités  lacustres  de  la  Suisse. 

Cimetière  mérovingien  deNoroy^  rapport  de  M.  Bazot  (^). 
Les  découvertes  de  cimetières  mérovingiens  se  multiplient 
dans  nos  contrées.  La  Société  des  Sciences  de  Lille  dans  sa 
dernière  séance  publique  a  couronné  les  fouilles  faites  à 
Ferrière-la-Grande  dans  un  cimetière  de  cette  époque  par 


(1)  Pages  1  à  15. 


—  219  — 

M.  Dombrel  et  elle  se  propose  d’en  publier  les  résultats. 
En  1864,  M.  Limelette  décrivait  le  cimetière  de  Spontin, 
près  Namur.  La  même  année  le  soc  de  la  charrue  faisait 
connaître,  près  du  chemin  de  Noroy,  à  Maimheville, 
remplacement  d’un  ancien  cimetière  que  la  Société  des  An¬ 
tiquaires  de  Picardie  explora  à  ses  frais. 

Bien  que  le  nombre  de  tombes  ne  soit  pas  indiqué  par  le 
rapporteur,  il  a  dû  être  considérable  eu  égard  à  la  quantité 
d’objets  trouvés.  Parmi  eux  on  remarque  trois  boucles  de 
ceinturon  assez  ouvragées  dont  l’une  montre  un  griffon  ailé 
buvant  dans  un  verre  à  pied.  Des  anneaux,  des  colliers, 

I 

des  bagues  ornées  de  verroteries ,  des  armes  et  autres 
objets  bien  connus  à  l’usage  des  nations  germaines. 

Des  planches  bien  faites  et  coloriées  représentent  plu¬ 
sieurs  de  ces  objets  si  intéressants  pour  l’histoire  de  l’art 
et  pour  celle  de  l’humanité;  il  est  à  regretter  qu’on  n’en  ait 
pas  fait  figurer  un  plus  grand  nombre. 

Le  rapport  semble  indiquer  que  la  Société  a  éprouvé 
quelque  découragement  en  ne  trouvant  aucune  indication 
qui  permit  de  fixer  d’une  manière  précise  l’époque  de  ce 
cimetière.  On  y  a  bien  rencontré  quelques  monnaies  :  une 
à  l’effigie  de  Posthume,  l’un  des  30  tyrans;  une  autre  gau¬ 
loise,  et  de  petites  pièces  que  l’on  croit  provenir  des  Francs. 
En  l’absence  de  tous  documents,  la  supposition  la  plus 
probable  fait  remonter  les  sépultures  au  iv.®  siècle  de  notre 
ère.  Elles  proviennent  probablement  des  Germains  que 
Constance  Chlore  emmena  captifs  en  Gaule  après  une  expé¬ 
dition  au-delà  du  Rhin  contre  les  tribus  qui  avaient  soutenu 
la  révolte  de  Carausius. 

Cette  circonstance  expliquerait  l’état  peu  fortuné  des 
morts,  attesté  par  le  petit  nombre  de  cercueils  de  pierre  et 
l’absence  d’ornements  de  luxe.  Les  morts  de  Noroy  étaient 
payens;  les  croix  plus  ou  moins  bien  figurées  sur  deux  bagues 


—  2i()  - 

sont  des  dessins  d’ornementation  en  usage  depuis  long¬ 
temps  chez  les  Celtes.  Au  pied  du  squelette  on  a  presque 
toujours  trouvé  un  vase  destiné  à  contenir  l’eau  lustrale. 
Beaucoup  de  ces  vases  portent  des  impressions  singulières 
propres  k  l’époque ,  dans  lesquelles  on  a  cherché  pendant 
quelque  temps  des  caractères  d’une  langue  inconnue. 

La  Féodalité  en  Picardie^  fragment  d* un  cariulaire  de 
Philippe-Auguste,  par  M.  Tailliar,  membre  correspondant. 
—  Le  savant  président  honoraire  de  la  cour  de  Douai  publie 
le  texte  et  la  traduction  d’une  portion  de  cartulaire  com¬ 
mencé  par  ordre  de  Philippe-Auguste  et  énumérant  tous 
les  fiefs  qui  à  cette  époque  relevaient  du  roi.  Ce  fragment 
ne  contient  que  ce  qui  concerne  les  anciens  comtés  du  Ver- 
mandois  et  de  Valois. 

L’auteur  fait  précéder  cette  traduction  d’une  introduction 
historique  sur  le  comté  de  Vermandois  et  d’un  exposé  de 
droit  féodal.  ' 

Le  comté  de  Vermandois  fut  constitué  à  l’état  de  fief  en 
818  par  Louis-le-Débonnaire  en  faveur  de  son  petit-neveu 
Pépin,  fils  de  l’infortuné  Bernard,  roi  d’Italie  et  arrière 
petit-fils  de  Charlemagne.  Le  petit-fils  de  Pépin ,  Héri¬ 
bert  II ,  prit  une  part  active  aux  luttes  des  ducs  de  France 
confre  la  royauté ,  luttes  qui  devaient  finir  par  substituer 
la  dynastie  capétienne  à  la  dynastie  carlovingienne. 

En  1077 ,  lorsque  déjà  depuis  90  ans  Hugues  Capet  avait 
ceint  la  couronne,  le  dernier  descendant  masculin  d’Héri¬ 
bert  II  et  du  grand  empereur  d’Occident  était  déshérité  par 
le  Conseil  des  barons  comme  étant  de  petit  entendement  et 
sans  gouvernement. 

Le  comté  de  Vermandois  passa  à  sa  sœur  Adèle,  épouse 
de  Hugues  de  France,  frère  de  Philippe  I.".  Le  petit-fils 
de  Hugues  étant  mort  jeune  et  sans  enfant ,  le  Vermandois 
échut  à  sa  sœur  aînée ,  femme  de  Philippe  d’Alsace ,  comte 


—  221  — 

de  Flandre ,  puis  à  sa  sœur  cadette  ,  Eléonore ,  qui  le  céda 
au  roi  de  France  ,  Philippe-Auguste. 

Ce  prince  fit  du  Vermandois  un  bailliage  royal  compre¬ 
nant  les  seigneuries  ou  châtellenies  de  Saint-Quentin , 
Péronne  ,  Crépy  en  Valois ,  Ghauny ,  Ribemont,  La  Ferté- 
Milon,  Nesle  et  Montdidier. 

La  seconde  partie  de  l’important  mémoire  de  M.  Taillar 
est  consacrée ,  avons-nous  dit ,  à  un  exposé  du  système 
féodal  fait  avec  la  clarté  et  la  précision  qu’on  était  en  droit 
d’attendre  d’un  auteur  aussi  compétent. 

La  féodalité  s’organisa  d’elle-môme  pour  résister  au  désor¬ 
dre  social  et  aux  invasions  des  Normands.  Elle  prit  pour 
base  la  terre.  «  Les  domaines,  selon  leur  importance  et  leur 
destination,  sont  classés  dans  des  catégories  différentes  et 
forment  une  hiérarchie  qui  règle  en  même  temps  la  condi¬ 
tion  de  leur  possesseur.  » 

La  propriété  foncière  à  tous  ses  dégrés  constitue  le  fief. 
On  reçoit  en  fief  la  parcelle  de  terre,  le  bois,  la  vigne  ,  la 
maison ,  le  four  ,  le  moulin  ,  le  cours  d’eau  ,  letang,  etc. 
Bien  d’autres  choses  encore  sont  assimilées  à  la  propriété 
foncière  ;  ainsi  on  tient  en  fief  certaines  fonctions  telles  que 
celles  de  châtelain ,  ou  commandant  militaire  d’une  forte¬ 
resse;  d'avoué,  défenseur  temporel  d’un  établissement  reli¬ 
gieux  ;  de  mayeur ,  etc.  On  considère  comme  fief  la  poesté 
ou  pouvoir  exercé  dans  une  localité;  la  justice  avec  ses 
produits  ;  le  péage  ou  droit  de  passage  sur  un  chemin ,  un 
pont,  un  bac;  le  vinage  ou  droit  perçu  sur  les  vendanges  ; 
le  forage,  droit  de  vente  et  de  consommation  sur  les  liqui¬ 
des  ;  des  droits  sur  le  mariage  et  la  mort  de  certaines  per- 

* 

sonnes  et  toutes  les  autres  contributions  ou  redevances 
qu’elles  soient  en  argent  ou  en  nature.  Les  seigneuries  dé¬ 
pendent  les  unes  des  autres.  L’hommage  que  chaque  vassal 


—  222  — 

doit  à  son  suzerain  constitue  pour  celui-ci  un  fief  qu’il 
reconnaît  tenir  du  roi  ou  du  comte. 

Les  vassaux  sont  astreints  à  divers  services  parmi  les¬ 
quels  figurent  au  premier  rang  :  Vost  et  la  chevauchée ,  c’est- 
à-dire  l’obligation  de  servir  soi-même ,  soit  à  pied  soit  à 
cheval ,  ou  de  fournir  un  nombre  déterminé  d’hommes  de 
guerre.  Ils  sont  encore  tenus  à  siéger  à  la  cour  et  au  plaid  , 
à  garder  le  château  du  seigneur  et  quelquefois  à  y  venir  rési¬ 
der  pendant  un  temps  déterminé  {lige  estage). 

Comme  exemple  de  ces  rapports  multiples  du  vassal  à  son 
suzerain,  nous  citerons  d’après  le  cartulaire  un  des  fiefs  du 
bailliage  de  Vermandois,  châtellenie  de  Saint-Quentin. 

«  Renaud  Prévôt ,  homme  lige,  tient  sa  maison  de  Saint- 
Quentin  et  c  sols  dans  la  vicomté  et  dans  la  boucherie 
XXVI  livres  et  l’estalage  des  souliers  et  les  gâteaux  de  la 
quintaine  et  un  four  et  x  sols  aux  jardins  et  deux  autres 
sols,  trois  pains  de  chaque  boulanger ,  le  mariage  de  la 
femme  de  Girard  de  Guise,  les  forages  de  deux  maisons ,  les 
menus  rendages  dans  les  poestés  cl  les  citations  et  l’avoine  ; 
et  de  chaque  voiture  du  marché  où  le  pain  est  vendu  iii 
pains  ;  des  chapons  avec  deniers ,  les  échevinages  des 
poestés  et  environ  x  muiées  de  terre  à  Seroucoiirt  et  les 
gâteaux  à  Vaux  ,  ii  sestiers  de  vin  ,  ii  chapons  et  les  hom¬ 
mages  de  ceux  qui  suivent  (suit  une  liste  de  21  noms). 

Il  doit  l’ost  et  la  chevauchée  et  doit  garder  les  prisons  et 
les  otages  des  duels.  » 

Deux  xxrrières  de  la  cathédrale  d'Amiens ,  par  MM.  Du\  al 
et  Jourdain.—  Les  vili  aux  de  couleur  de  nos  anciennes  ca¬ 
thédrales  sont  des  sources  inépuisables  de  renseignements 
sur  Part,  les  costumes,  les  mœurs  et  les  idées  du  moyen-âge. 
11  en  est  bien  peu  où  nous  ne  trouvions  quelque  idée  ingé¬ 
nieuse  qui  souvent  nous  fait  sourire  par  sa  naïveté.  Aussi 
l’une  des  verrières  décrites  représente  les  deux  histoires  de 


—  ‘225  — 

saint  Jean-Baptiste  et  de  saint  Georges,  se  terminant  toutes 
deux  par  un  groupe  d’anges  qui  encensent  les  corps  des  deux 
saints  martyrs.  Mais  l’histoire  de  saint  Jean-Baptiste  ne  finit 
pas  avec  sa  mort.  La  tête  du  Saint  est  portée  à  Salomé  qui  la 
présente  à  sa  mère.  On  voit  Hérodiade  assise  à  la  table  du 
festin  à  côté  d’Hérode  recevant  avec  satisfaction  ce  sanglant 
hommage.  Si  l’artiste  avait  représenté  les  anges  encensant 
la  tête  du  Précurseur,  on  aurait  pu  croire  que  cet  honneur 
s’adressait  à  Hérode  et  à  sa  compagne  ;  il  a  préféré  inter¬ 
vertir  l’ordre  historique  et  terminer  par  la  scène  de  la  dé¬ 
collation.  C’est  au-dessus  d’elle  que  les  anges  balancent 
leurs  encensoirs. 

L’autre  verrière  représente  la  vie  de  la  Sainte-Vierge  et 
l’histoire  de  saint  Edmond  et  de  saint  Edouard ,  rois  d’An¬ 
gleterre.  Les  auteurs  penchent  pour  attribuer  le  don  de  cette 
verrière  à  un  prince  de  la  maison  de  Coucy  dont  le  blason 
se  trouve  dans  la  rosace  qui  surmonte  les  gémeaux  de  la 
fenêtre.  Le  sujet  en  aurait  été  inspiré  par  cette  circonstance 
qu’un  Coucy,  Engerrand  III ,  accompagna  en  Angleterre 
Louis  de  France ,  depuis  Louis  VIII ,  élu  par  les  barons  qui 
avaient  déposé  Jean-sans-Terre. 

Les  tombeaux  de  la  cathédrale  d'Amiens  —  Monument  de 
Pierre  parM.  Garnier  (i).  — Le  savant  auteur  com¬ 

mence  dans  cet  article  la  description  ,  au  point  de  vue  de 
l’art,  des  monuments  funéraires  de  la  cathédrale  d’Amiens. 
Il  en  profite  pour  faire  connaître  les  personnages  à  qui  ces 
tombeaux  ont  été  élevés. 

Il  débute  par  le  monument  de  Pierre  Burry  adossé  contre 
le  pilier  à  gauche  en  entrant  sous  l’horloge.  «  Ce  n’est  pas 
un  chef-d’œuvre,  dit-il,  mais  il  a  un  mérite  d'agencement 
et  d’exécution  que  l’on  ne  saurait  méconnaître.  •>  Nous  ne 


P)  Pages  75  à  117. 


—  224  — 

suivrons  pas  Fauteur  dans  sa  description  ,  préférant  nous 
rattacher  à  Fhomme  en  Fhonneur  de  qui  le  monument  fut 
érigé  et  qui  tient  à  notre  pays  par  plusieurs  côtés. 

Pierre  Burry  naquit  à  Bruges  en  1430. Son  père  originaire 
deNoyon  avait  fuit  sa  patrie  désolée  parla  guerre.  Il  fut 
élevé  à  Arras  par  son  oncle  maternel,  chanoine  de  la  cathé¬ 
drale  de  cette  ville.  Il  fit  ses  études  à  Saint-Omer,  puis  alla  à 
Füniversité  de  Paris  où  il  obtint  le  titre  de  maître  ès-arts. 

Ses  études  achevées,  il  revint  s’établir  à  Douai  comme  pro¬ 
fesseur.  Puis  il  voyagea  en  Italie  où  il  resta  7  ans,  vivant  du 
produit  des  copies  qu’il  faisait  et  des  leçons  qu’il  donnait  à 
de  jeunes  enfants.  En  1482  ,  il  fut  pourvu  d’un  canonicat  à 
Amiens  par  l’évêque  de  celle  ville ,  son  ancien  élève.  Toute 
sa  vie  il  cultiva  les  belles-lettres  ;  il  laissa  des  épitres ,  des 
discours  et  des  poésies  latines.  On  n’a  que  ses  dernières  : 
quoique  insignifiantes  par  leur  sujet  et  souvent  prétentieu¬ 
ses  ,  elles  sont  écrites  facilement  et  avec  une  certaine  verve  ; 
on  y  voit  toujours  «  une  érudition  abondante ,  un  jugement 
sûr,  une  piété  solide.  » 

L'Abbaye  du  Gard  ,  par  M.  Fabbé  Delgove  (*).  —  Le  21 
mars  1098  ,  vingt  religieux  du  monastère  de  Molesme 
(Côte-d’Or)  s’établissaient  à  Cîteaux.En  Tllo,  saint  Bernard 
sortant  de  Cîteaux  avec  quelques  compagnons  allait  fonder 
la  colonie  de  Clairvaux.  C’est  de  ces  deux  abbayes  illustres 
que  descendait  celle  du  Gard,  qui  prit  naissance  en  1138 
sur  les  bords  de  la  Somme,  à  2  kilomètres  de  Picquigny  et  à 
3  lieues  et  demie  d’Amiens. 

La  vie  monastique  est  une  face  trop  importante  de  la 
Société  du  moyen-âge  pour  que  le  passé  d’une  de  ces  gran¬ 
des  abbayes  n’intéresse  vivement  les  hommes  qui  s’occu¬ 
pent  de  Fbistoire  du  pays.  31.  Delgove  nous  fait  connaître 


(Ù  Page  117  à  317. 


—  225  — 

en  détail  les  vicissitudes  de  l’abbaye  de  Gard.  Nous  la  voyons 
s’enrichir  des  dons  qui  lui  affluent  de  toutes  parts  dès  son  dé¬ 
but,  puis  être  ruinée  au  xvi®  siècle  par  les  ravages  de  la  guer¬ 
re;  nous  assistons  au  meurtre  du  dernier  abbé  titulaire,  Jean 
Boulet  (lol6),  à  l’installation  des  abbés  commendataires  qui 
vivaient  à  la  cour  (Mazarin  fut  l’un  d’eux)  ,  touchant  les  re¬ 
venus  et  laissant  les  moines  dans  la  pauvreté.  Enfin  vient  la 
Révolution ,  la  vente  de  l’abbaye  et  sa  démolition  partielle. 

Plan  de  la  ville  de  Roye  ^  par  M.  Ch.  Gomart,  membre 
titulaire  non-résidant.  —  Ce  plan  a  été  trouvé  dans  la  topo¬ 
graphie  de  la  France.  Il  ne  montrait  que  le  périmètre  des 
murailles,  M.  Gomart  y  a  ajouté  l’emplacement  de  quelques 
monuments  anciens. 

Inventaire  des  sceaux  offerts  à  la  Société  des  Antiquaires 
de  Picardie  par  M .  Célestin  Ratel  ^  dressé  par  M.  A.  Dutil- 
leux.  —  Ne  peut  s’analyser. 

Origines  Royennes  de  VInstitut  des  Filles  de  la  Croix 
d'après  des  documents  inédits^  par  M.  l’abbé  Corblet  (*).  — 
«  Il  existe  en  Fance  un  grand  nombre  de  couvents  du  nom  de 
Filles  de  la  Croix  qui  se  consacrent  avec  succès  à  l’ensei¬ 
gnement  de  la  jeunesse.  Beaucoup  d’entre  eux  doivent  leur 
origine  cà  la  communauté  qui  fut  fondée  à  Roye  en  162o.  » 
L’auteur  trace  un  tableau  très-intéressant  des  circonstances 
qui  ont  amené  la  fondation  de  cette  communauté,  des  per¬ 
sécutions  qu’elle  eut  à  subir  presque  dès  sa  naissance ,  des 
luttes  intestines  qui  la  déchirèrent  et  qui  amenèrent  la 
rupture  de  la  maison  de  Roye  avec  celle  de  Paris.  Il  réha¬ 
bilite  la  mémoire  de  Pierre  Guérin  ,  curé  de  Saint-Georges- 
lès-Roye,  fondateur  de  l’Institut,  persécuté  par  Richelieu 
comme  chef  des  illuminés,  et  qui  cependant  loin  d’être 
hérétique  fut  «  l’un  des  prêtres  les  plus  éminents  du  xvii.® 
siècle  par  sa  doctrine  et  sa  piété.  »  J.  G. 


P)  Page  317  à  373. 


SOCIÉTÉ  DUNKERQUOISE 


Travaux  courants. 

Dans  sa  séance  du  6  juin  dernier,  la  Société  Dunker- 
quoise  a  entendu  lecture  d’un  travail  de  M.  Louis  Cousin, 
son  président,  intitulé  :  Excursions  et  fouilles  archéologi¬ 
ques  faites  en  1868  dans  V arrondissement  de  Boulogne-sur- 
Mer. 

M.  Cousin  ,  l’un  des  membres  distingués  de  la  Société 
française  d’archéologie,  qui  lui  a  conféré  le  titre  d’inspec¬ 
teur  divisionnaire ,  fait  chaque  année  de  nouvelles  trou¬ 
vailles  dans  l’arrondissement  de  Boulogne,  si  digne  du  reste 
d’arrêter  l’attention  d’un  savant  investigateur  du  passé. 
Non  moins  heureux  en  1868  que  les  années  précédentes,  il 
a  découvert  de  nombreux  objets  qui  concernent  l’âge  de 
pierre,  les  époques  gauloise  et  romaine,  ainsi  que  le  moyen- 
âge.  Dans  l’impossibilité  où  nous  sommes  d’indiquer  tous 
les  résultats  obtenus ,  nous  nous  bornerons  à  citer  les  sui¬ 
vants  : 

Découverte  d’une  grotte  et  de  plusieurs  chambres  dans 
l’une  des  grandes  carrières  de  Ferques. 

Découverte  de  nombreuses  fosses  sur  le  mont  de  Coupe , 
commune  d’Audembert,  fosses  qui,  selon  toute  apparence, 
ont  servi  au  campement  d’un  détachement  gaulois. 

Découverte  d’objets  de  l’époque  romaine  et  deux  mottes 
à  Mark,  canton  de  Calais.  A  ce  sujet,  M.  Cousin  cherche 
la  solution  d’un  problème  historique,  c’est-à-dire  l’emplace¬ 
ment  de  la  station  romaine  sur  laquelle  on  lit  dans  la  notice 
de  l’empire  :  «  Equités  Dalmatæ,  Marcis  in  littore  saxonico,  » 
et  il  produit  en  faveur  de  Marck  de  sérieux  arguments. 

Enfin  aux  Attaques,  sur  l’emplacement  de  l’ancien  mo¬ 
nastère  delà  Capelle ,  ruiné  par  les  Anglais  en  1346,  ont 


—  227  — 

été  trouvés  des  carreaux  émaillés  dont  l’un  figure  une  com¬ 
tesse  ,  trois  chapiteaux  de  colonne  du  xiii.®  siècle  et  des 
pierres  tombales  représentant  des  abbés  avec  leur  crosse. 

Nous  aurons  occasion  de  revenir  bientôt  sur  cette  dernière 
découverte.  _  A.  D. 

ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE 

Classe  des  Sciences 

Nous  sommes  en  retard  avec  l’académie  de  Belgique. 
Parmi  les  communications  faites  à  la  classe  des  sciences 
signalons  d’abord  avec  31.  Quetelet  la  prochaine  session 
du  congrès  international  de  statistique;  il  s’ouvrira  à  La 
Haye  au  commencement  de  septembre.  31.  le  major  Navez 
a  présenté  un  nouveau  système  de  chronométrie  électro-ba¬ 
listique  ,  permettant  de  mesurer  à  l’aide  de  l’électricité  la 
vitesse  des  projectiles.  31.  Henry  dans  ses  recherches  sur 
Visomérie  dans  la  série  salicique  a  cherché  à  compléter  cette 
série  de  composés  chimiques.  Une  pensée  analogue  l’a  guidé 
dans  des  Recherches  sur  les  dérivés  éthérés  des  acides  et  des 
alcools  polyatomiques.  Plusieurs  membres  ont  communiqué 
leurs  observations  météorologiques  sur  les  orages  de  1868  et 
de  1869.  31.  Quetelet  a  rendu  compte  des  aurores  boréales 
des  lo  avril  et  13  mai,  ainsi  que  de  l’apparition  d’un  bolide 
à  Bruxelles,  le  31  mai.  31.  Dupont  a  présenté  à  la  classe 
deux  bâtons  de  commandants  découverts  dans  la  grotte  de 
Goget  (province  de  Namur).  Dans  l’espérance  de  pouvoir 
prochainement  donner  une  idée  d’ensemble  sur  les  résultats 
qu’ont  fourni  à  ce  savant  l’exploration  des  cavernes  de  la 
Belgique,  nous  préférons  aujourd’hui  résumer  les  décou¬ 
vertes  de  science  locale  signalées  à  l’Académie  de  Belgique 
dans  les  quatre  derniers  mois. 

Les  Baleinoptères  du  nord  de  V Atlantique par  31.  Van 
Beneden.  —  Les  Baleinoptères  ou  Rorquals  diffèrent  des 


—  228  — 

véritables  baleines  par  leurs  fanons  plus  courts  ,  par  la 
présence  de  plis  sous  la  gorge  et  sous  le  ventre;  elles  ont 
peu  de  lard  et  beaucoup  de  souplesse.  Aussi  évitait-on  de  la 
poursuivre  ,  avant  que  la  Baleine  franche  aujourd’hui  ré¬ 
fugiée  dans  les  glaces  du  Pôle  ne  fut  devenue  si  rare  et  si 
difficile  à  atteindre. 

On  comprend  combien  il  est  difficile  d’étudier  et  de  com¬ 
parer  ces  gigantesques  habitants  des  mers.  On  ne  peut 
guère  juger  de  leurs  caractères  anatomiques  que  par  les 
rares  individus  qui  de  temps  à  autre  échouent  sur  nos 
côtes.  Dans  ces  dernières  années,  feu  Eschricht,  professeur 
à  Copenhague,  mettant  à  profit  des  relations  que  sa  nation 
entretient  avec  l’Islande  et  le  Groenland  fit  faire  de  grands 
progrès  à  la  zoologie  des  cétacés. 

M.  Van  Beneden  fut  amené  à  s’occuper  de  ce  groupe 
d’animaux  par  l’étude  des  nombreux  ossements  qu’ils  ont 
laissés  dans  les  sables  d’Anvers. 

En  attendant  THistoire  naturelle  des  cétacés  vivants  et 
fossiles  qu’il  prépare  de  concert  avec  M.  Gervais,  profes¬ 
seur  d’anatomie  comparée  au  Muséum  de  Paris,  il  commu¬ 
nique  à  l’académie  de  Belgique  les  résultats  de  ses  recherches 
sur  les  baleinoptères. 

11  en  admet  quatre  espèces  vivant  dans  l’océan  atlantique 
boréal ,  deux  de  grande  taille  et  deux  de  petite  taille. 

1. ®  Balœnoptera  rosir  ata  (8  à  10  mètres  de  longueur)  ; 

2. *  Balœnoptera  borealis  (10  à  12  m.)  ; 

3. ®  Balœnoptera  musculus  (22  à  26  m.)  ; 

4. ®  Balœnoptera  Sibbaldii  (22  à  26  m.). 

Une  carte  jointe  au  travail  montre  les  points  où  on  a 
rencontré  ces  diverses  espèces. 

Une  seule  B.  musculus  a  été  trouvée  dans  la  Méditerranée. 
C’est  aussi  la  seule  qui  ait  échoué  dans  le  détroit  du  Pas-de- 
Calais.  La  B.  rostrata  a  été  prise  sur  les  rivages  de  la  Man- 


—  229  — 

cheet  de^la  Mer  du  Nord.  Quant  aux  deux  autres  espèces 
elles  n’ont  pas  encore  été  poussées  sur  nos  côtes. 

Le  tableau  suivant  indique  les  époques  où  ont  été  captu¬ 
rées  sur  nos  plages  les  deux  premières  : 

1812  Emb.  Somme  —  B.  musculus  —  musée  de  Boulogne. 

1817  Ostende  id. 

1829  Emb.  Somme  "  id. 

1838  Ostende  —  B.  rostrata  —  musée  de  Gand. 

1842  Pas-de-Calais  —  B.  musculus 

1857  Boulogne  id. 

1865  Emb.  l'Escaut  —  B.  rostrata 

1869  Emb.  l’Escaut  —  B,  musculus  {^)  —  musée  de  Bruxelles. 

A  la  liste  précédente  il  faut  ajouter  une  Balœnoptera 
rostrata  qui  a  échoué  à  Montreuil-sur-Mer  en  184. .  Son 
squelette  est  conservé  au  musée  de  Lille  et  figure  au  catalogue 
sous  le  N.®  316  et  sous  le  nom  de  Joubarte.  Au  lieu  d’avoir 
24  mètres  de  long,  comme  le  porte  le  catalogue,  il  n’a  que 
7  mètres. 

Un  Palœdaphus  nouveau  du  terrain  dévonien^  par  M. 
Van  Beneden.  —  MM.  Van  Beneden  et  de  Koninck  ont  créé 
le  nom  de  Palœdaphus  pour  un  poisson  trouvé  dans  le  cal¬ 
caire  carbonifère.  Il  appartient  à  la  famille  des  Cestraciontes 
voisine  de  celle  des  Squales  ou  Requins.  Ses  mâchoires  au 
lieu  d’être  armées  de  rangées  de  dents  pointues  comme  dans 
le  requin,  portent  8  collines  osseuses  ,  longitudinales  ,  sur 
lesquelles  se  trouvent  de  petites  tubérosités  mousses  faisant 
office  de  dents.  Le  nomem  Palœdaphus  possède  10  collines 
et  les  tubérosités  dentaires  sont  plus  régulières.  Il  vient 
d’Hingeon,  d’une  carrière  ouverte  dans  les  bancs  inférieurs 

(ï)  Le  jeudi  soir  13  mai  de  celte  année,  on  aperçut  à  l’entrée  de 
l’Escaut ,  non  loin  de  Flessingue ,  un  énorme  cétacé  que  l’on  prit 
d’abord  pour  un  corps  inanimé  flottant,  mais  qui  fut  bientôt  r  -connu 
pour  un  animal  vivant,  au  bruit  qu’il  faisait  à  la  surface.  Après  avoir 
essuyé  quelques  coups  de  feu  il  alla  échouer,  pendant  la  nuit,  sur 
le  banc  de  Caloo.  11  a  été  vendu  aux  enchères  pour  la  somme  de 
500  fr.  M.  Van  Beneden  a  fait  l’acquisition  du  squelette. 


—  250  — 

du  calcaire  de  la  bande  de  Rhisnes  (terrain  dévonien  supé¬ 
rieur).  Ce  gisement  lui  vaut  le  nom  de  P.  devoniensis  ^  le 
premier  avait  été  nommé  P.  insignis. 

Notice  sur  les  débris  de  Cheloniens  provenant  des  terrains 
tertiaires  des  environs  de  Bruxelles^  par  M.  Preudhomme 
de  Borre. —  Les  Tortues  du  terrain  éocènede  Bruxelles  con¬ 
nues  jusqu’à  présent ,  sont:  \°VEmys  Caniperi,  espèce 
ayant  vécu  dans  des  eaux  marécageuses  et  dont  il  y  a 
actuellement  en  Belgique  8  exemplaires;  \e  Trionyx 
Bruxellienis ,  tortue  fluviatile  dont  l’exemplaire  typique  est 
aussi  au  musée  de  Bruxelles.  M.  de  Borre  y  ajoute  une 
seconde  espèce  fluviatile  et  une  Cfielonia  ou  Tortue  marine, 
de  grande  taille. 

Dans  une  autre  séance  le  même  erptologiste  a  soumis  à 
l’Académie  la  Description  d'une  nouvelle  espèce  de  Caiman 

et  d’une  jeune  Tortue  provenant  tous  deux  du  Honduras. 

•  _ 

Ce  sont  aussi  des  animaux  étrangers  à  l’Europe  que 
M.  le  baron  de  Selys  Longcliamps  fait  connaître  dans  ses 
Secondes  additions  au  Synopsis  des  Caloptérygines ,  famille 
d’insectes  de  l’ordre  des  névroptères. 

Boches  usées  avec  cannelures  de  la  vallée  de  la 
Grande-Geete ,  par  M.  3Ialaise.  —  M.  Malaise  commence 
par  rappeler  qu’il  y  a  un  an  M.  Van  Horen  signalait  aux 
environs  de  Tirlemont  des  grès  tertiaires  dont  les  surfaces 
étaient  polies  et  striées  ,  lui-même  vient  de  constater  au 
sud  delà  Ramée  des  blocs  de  quarzite  du  Brabant  à  surface 
usée  et  striée.  M.  Van  Horen  croit  que  ces  usures  et  ces 
cannelures  étaient  le  résultat  d’anciens  glaciers.  M.  d’Oma- 
lius  d’Halloy  combattit  cette  manière  de  voir  que  ne  partage 
pas  non  plusM.  Malaise.  Il  se  demande  si  la  roche  cannelée 
n’est  pas  un  reste  d’une  barre  diluvienne  datant  d’une 
époque  ou  la  Geete  avait  plus  de  puissance  et  de  hauteur. 
«  Les  cailloux  passant  sur  cette  barre  n’ont-ils  pu,  dit-il, 


—  251  — 

produire  les  cannelures?  et  le  poli  des  roches  quarzeuses 
n’est-il  pas  dû  au  frottement  et  à  l’action  corrosine  des 
eaux  ?  »  Ces  conclusions  présentées  avec  la  plus  grande 
réserve  sont  très-méritoires  à  une  époque  où  la  mode  est 
de  retrouver  partout  des  traces  d’anciens  glaciers.  J.  G. 

Classe  des  Lettres. 

Le  12  mai  dernier  la  classe  des  lettres  a  tenu  sa  séance 
publique.  Trois  lectures  ont  été  faites  à  cette  occasion  par 
MM.  Borgnet,  le  directeur  annuel,  le  baron  Kervyn  de 
Lettenhove  et  Gachard.  Nous  allons  rendre  compte  des 
deux  premières ,  M.  Desplanque  se  réservant  de  reprendre 
plus  tard  la  suite  des  études  de  M.  Gachard  sur  Don  Juan 
d'Autriche.  Après  la  proclamation  des  résultats  des  con¬ 
cours  ,  on  a  rendu  compte  des  élections  par  lesquelles  la 
classe  répare  annuellement  les  vides  que  la  mort  fait  dans 
ses  rangs.  M.  Henri  Conscience  le  célèbre  romancier  fla¬ 
mand,  a  été  élu  titulaire.  Au  nombre  des  associés  nous 
sommes  heureux  de  voir  figurer  M.  Egger ,  le  savant  hellé¬ 
niste  de  la  Sorbonne. 

Une  page  de  V histoire  d'Angleterre  :  Les  dernières  années 
d'Edouard  III ,  par  M.  le  baron  Kervyn  de  Lettenhove.  — 
L’auteur  donne  de  curieux  détails  sur  la  fin  de  ce  roi,  jadis 
tout-puissant ,  perdant  peu  à  peu  le  fruit  des  victoires  de 
Crécy  et  de  Poitiers.  Il  nous  le  montre  dans  ses  derniers 
moments  en  tête  à  tête  avec  sa  maîtresse  Alice  Perrers  ,  fille 
d’un  tisserand ,  qui  lui  promettait  une  seconde  jeunesse  et 
l’entretenait  encore  de  chasses  au  faucon.  Mais  la  scène  va 
changer  :  le  roi  a  une  défaillance  qui  fait  pressentir  à  Alice 
la  fin  prochaine  de  son  amant,  elle  se  précipite  alors  sur  le 
moribond  et  lui  enlève  sa  bague. 

On  racontait  à  Londres  qu’un  moine  fort  instruit  dans  la 
magie  avait  remis  cette  bague  à  Alice  Perrers  en  lui  annon- 


—  232  — 

çant  que  celui  qui  la  porterait  ne  pourrait  jamais  se  dérober 
à  son  amour.  Ainsi  s’explique  la  convoitise  de  cette  courti¬ 
sane,  connue  sous  le  nom  de  dame  au  Soleil  d’or ,  qui  avait 
vu  s’agenouiller  devant  elle  les  plus  grands  seigneurs  de  la 
cour  d’Angleterre, 

Sur  le  Garactère  du  mouvement  communal  en  Belgique, 
par  M.  Borgnet,  président  de  la  Classe  des  lettres. —  «  La 
formation  des  Communes  et  leur  administration  privée 
remontent  au  berceau  des  Sociétés.  A  peine  quelques  famil¬ 
les  se  sont-elles  réunies  qu’elles  ont  senti  le  besoin  d’une 
administration  intérieure  et  d’une  police  locale.  Ce  senties 
conséquences  forcées  de  la  nature  des  choses.  Sous  des 
noms  différents  on  les  retrouve  partout  et  dans  tous  les 
siècles.  Les  tribus  des  peuples  antiques  de  la  Judée,  les  douze 
villes  primitives  de  l’Attique  n’étaient  autre  chose  que  des 
communes,  en  appliquant  ce  nom  à  la  dernière  des  divisions 
d’un  peuple  sous  le  rapport  de  son  administration.  »  (i) 

Sans  reprendre  la  chose  d’aussi  loin  ,  M.  Ad.  Borgnet  fait 
entrevoir  néanmoins  ce  que  pouvait  être  la  Commune  à 
l’aurore  des  temps  historiques. 

Commençons  par  rappeler  avec  l’auteur  qu’à  l’époque  où 
remonte  l’établissement  des  villes  modernes  destinées  à  de¬ 
venir  des  Communes,  le  principe  aristocratique  régnait 
dans  toute  sa  force  avec  la  féodalité  qui  en  était  la  plus 
haute  expression.  «  Ce  principe,  dit-il,  a  prévalu  pour  l’en¬ 
semble,  il  doit  prévaloir  pour  les  détails  »  et  il  en  déduit 
([ue  la  Commune  alors  est  un  véritable  fief. 

Pour  sujet  d’étude  et  comme  preuves  à  l’appui  de  ses 
allégations  ,  M.  Borgnet  prend  les  grandes  villes  des  trois 
principales  provinces  de  la  Belgique  :  le  Brabant ,  la  Flan¬ 
dre  et  le.pays  de  Liège. 


(q  Dalloz  —  Communes. 


Partout,  nous  apprend  l’auteur,  la  population  se  divise 
en  grands  et  en  petits^  ou  suivant  quelques  vieux  historiens 
en  praticiens  et  plébéiens ,  rappelant  ainsi  ceux  qui ,  à 
Rome ,  possédaient  les  droits  politiques  ou  étaient  de  con¬ 
dition  servile. 

D’où  venaient  ces  grands  ?  Des  descendants  d’anciens 
conquérants  ou  d’anciens  hommes  libres  parvenus  à  main¬ 
tenir  leur  position  à  travers  les  épreuves  de  la  conquête , 
répond  M.  Borgnet. 

En  effet  la  race  conquérante  ne  fut  pas  toujours  spolia¬ 
trice  et  en  certains  points,  il  y  eut,  entre  les  vainqueurs  et 
les  vaincus,  des  accommodements  qui  permirent  à  ceux-ci 
de  conserver  les  terres  qu’ils  détenaient  de  temps  immé¬ 
morial. 

C’est  probablement  ce  qui  eut  lieu  pour  nos  contrées. 
Quoiqu'il  en  soit ,  nous  savons  que  sous  la  domination  fran¬ 
que  et  même  jusqu’après  Charlemagne  les  municipalités 
étaient  indépendantes  et  qu’elles  étaient  administrées  par 
des  échevins. 

€  Dès  le  X.*  siècle,  dit  M.  Aug.  Thierry  Q) ,  ceux  aux¬ 
quels  les  actes  publics  ou  privés  donnent  le  titre  de  scabini 
sont  de  vrais  échevins  dans  le  sens  moderne  de  ce  mot;  ils 
ne  tiennent  plus  rien  de  la  réforme  judiciaire  à  laquelle 
leur  nom  se  rattache  ;  ils  administrent  en  même  temps 
qu’ils  jugent  et  leur  droit  de  justice ,  en  concurrence  avec  la 
justice  seigneuriale,  reste  comme  une  dernière  garantie  de 
la  vieille  liberté  civile,  comme  une  tradition  qui  de  siècle  en 
siècle  remonte  jusqu’au  sixième.  » 

Pour  nous  rendre  compte  de  la  situation  faite  alors  aux 
Communes,  demandons-nous  ce  qu’elles  devinrent  sous  les 
faibles  successeurs  de  Charlemagne. 

Les  fiefs  étant  constitués,  les  comtes,  investis  de  la  ma- 


(')  Considérations  sur  V Histoire  de  France,  ch.  v,  p.  296. 


—  254  — 

gistrature  suprême ,  déléguèrent  la  juridiction  ,  soit  aux 
magistrats  des  municipalités  existantes  soit  à  d’autres  sei¬ 
gneurs  placés  au-dessous  d’eux,  et  de  cette  manière  nous 
nous  expliquons  la  direction  communale  aux  mains  des 
grands  ,  d’échevins ,  nommés  à  vie  «  et  descendants  peut- 
être,  de  ceux  qui  avaient  été  jadis  les  propriétaires  du 
sol  où  la  cité  est  établie.  » 

Ce  point  démontré  (^)  il  nous  reste  à  voir  les  améliorations 
qu  éprouva  successivement  la  condition  des  petits. 

D’abord  c’est  le  mouvement  communal  des  xi.®  et  xii.® 
siècles. 

«  Après  le  récit  émouvant  d’Augustin  Thierry  sur  la  lutte 
soutenue  par  les  Communes  du  Nord  de  la  France,  dit  l’au¬ 
teur,  on  n’a  plus  voulu  voir  que  l’insurrection  comme  la 
cause  de  l’établissement  des  communes.  Pour  notre  part , 
ajoute-t-il ,  quoique  bien  des  circonstances  restassent  à 
éclairer,  on  en  connaissait  assez  cependant  pour  savoir 
que  cette  théorie  était  en  opposition  directe  avec  nos  tradi¬ 
tions  nationales  et  que  cet  établissement  avait  été  tout 
pacifique ,  la  lutte  n’ayant  éclaté  que  plus  tard  pour  assurer 
le  maintien  des  progrès  obtenus.  »  Les  Communes  se  conso¬ 
lidèrent  ,  et  avec  les  garanties  qui  lui  ont  été  assurées  par 
sa  nouvelle  position,  la  classe  inférieure  put  se  livrer  au 
commerce  et  à  l’industrie.  Dans  beaucoup  d’endroits  l’orga¬ 
nisation  des  corps-et-métiers  date  de  cette  époque. 

L’institution  des  jurés,  qui  vint  ensuite,  fut  un  nouvel 
avantage  pour  les  petits.  Quoique  pris  dans  le  patriciat, 
du  moins  au  commencement,  ils  étaient  chargés  de  faire 
contrepoids  à  l’aristocratie ,  et  bientôt  sous  le  nom  de  con¬ 
seillers,  qu’ils  échangèrent  contre  leur  premier  titre ,  ils 
tendirent  à  former  le  Conseil  municipal. 

(q  La  formation  des  Communes  est  complexe;  nous  ne  pouvons  pas 
ici  entrer  dans  des  détails  que  M.  Borgnet  lui-même  ne  donne  pas. 


Nous  avons  vu  les  grands  seuls  possesseurs  de  l’autorité. 
Peu  à  peu  leurs  rapports  avec  les  petits  se  modifièrent  ; 
une  nouvelle  catégorie  d’hommes  va  s’établir  et  servir  d’in¬ 
termédiaires  entre  les  deux  classes  extrêmes  :  les  «  médio¬ 
cres  »  formés  des  grands  amoindris  comme  aussi  des  petits 
enrichis  par  le  travail. 

Le  premier  pas  était  fait. 

Avec  les  xiii.^  et  xiv.®  siècles  ,  l’auteur  nous  montre  les 
Communes  dans  leurs  transformations  successives  et  nous 

I 

fait  voir  le  pouvoir  communal  passant  presque  exclusive¬ 
ment  aux  mains  des  petits.  Du  régime  aristocratique  la 
Commune  était  arrivée  au  régime  démocratique. 

Avant  de  finir  il  nous  reste  à  jalonner  cette  longue  série 
de  siècles  que  nous  venons  de  parcourir. 

A  l’origine,  origine  relative  bien  entendu,  nous  voyons 
les  municipes  romains  conservant  comme  un  dépôt  la  pra¬ 
tique  de  l’administration  civile  pour  la  transmettre  aux 
Communes  du  moyen-âge ,  lesquelles  à  leur  tour  donnent  à 
nos  rois  le  modèle  qu’ils  doivent  suivre  pour  le  gouverne¬ 
ment  de  leurs  Etats. 

«  Pendant  le  xv.®  siècle  ,  dit  en  terminant  M.  Borgnet , 
»  siècle  de  la  centralisation  dans  tous  les  Etats  de  l’Europe 
»  occidentale,  chez  nous  aussi ,  la  démocratie  subit  les  lois 
»  du  pouvoir  dont  elle  avait  été  l’alliée  jadis.  Heureuse- 
»  ment  telle  était  la  force  de  notre  organisation  communale 
»  que  la  Commune ,  tout  en  perd ant  cette  partie  de  son  auto- 
»  nomie  qui  en  faisait  un  état  indépendant  et  devenait 
»  comme  tel  un  obstacle  insurmontable  à  la  formation  de  la 
»  nationalité ,  sut  au  moins  conserver  le  droit  de  se  gouver- 
»  ner  elle-même. Les  citoyens  continuèrenl  à  gérer  leurs  in- 
»  térêts ,  et  malgré  les  calamités  que  nous  valurent  les  dy- 
»  nasties étrangères,  malgré  les  atteintes  qu’elles  portèrent 
»  à  nos  libertés ,  la  vie  politique  se  maintint...  »  Lecocq. 


—  236  — 


BIBLIOGRAPHIE. 

TOPOGRAPHIE  SOUTERRAINE  DU  BASSIN  ROUILLER 
DE  VALENCIENNES 

par  M.  Emile  Dormoy  ,  ingénieur  au  Corps  impérial  des  Mines  (*) 

Cet  ouvrage,  imprimé  à  l'imprimerie  impériale  et  publié 
par  le  Ministre  des  travaux  publics ,  est  destiné  à  combler 
une  des  nombreuses  lacunes  de  la  science  dans  notre  patrie. 
Le  charbon  n’est  pas  disposé  d’une  manière  irrégulière  au 
sein  de  la  terre  ;  il  forme  des  couches  ou  veines  intercalées 
à  diverses  hauteurs  dans  un  ensemble  de  grès  et  de  schistes 
que  l’on  nomme  terrain  houiller.  Le  mineur  a  grand  inté¬ 
rêt  à  connaître  la  position  exacte  de  ces  veines ,  leur  direc¬ 
tion  ,  leur  inclinaison  ,  leur  profondeur,  etc.  La  topogra¬ 
phie  souterraine  réunit  tous  les  faits  de  ce  genre  connus 
par  les  exploitations  et  les  sondages. 

M.  Dormoy  a  commencé  son  livre  par  faire  l’histoire  des 
exploitations  du  charbon  du  département  du  Nord  ,  depuis 
la  découverte  de  la  houille  à  Fresnes,  le  3  février  1820, 
par  Desandrouin  ,  jusqu’en  1862.  Dans  cet  exposé  histori¬ 
que  l’auteur  a  pris  pour  guide  l’excellente  Histoire  de  la 
recherche  de  la  Houille  de  M.  Ed.  Grar. 

La  seconde  partie  est  consacrée  à  l’exposé  des  méthodes 
d’exploitation  et  la  troisième  à  la  description  géologique  du 
bassin  houiller. 

Le  terrain  houiller  et  les  terrains  anciens  qui  l’accom¬ 
pagnent  sont  surmontés  de  couches  plus  récentes  (terrains 
crétacé  et  tertiaire)  nommées  par  les  mineurs  terrains 
morts.  Si  on  les  suppose  enlevée,  le  sol  de  notre  pays  serait 
aussi  plat  qu’il  l’est  maintenant.  Cependant,  à  la  surface  de 
ces  terrains  anciens,  on  constate  deux  dépressions  corres- 


(^)  1  vol  iü-4.®,  296  p.  et  atlas. 


—  257  — 

poiidaïuà  deux  anciennes  vallées.  L’une,  prenant  naissance 
à  Valenciennes,  se  dirige  vers  l’est  en  passant  au  sud  de 
Condé  ;  elle  atteint  près  de  la  frontière  une  profondeur  de 
100  mètres  par  rapport  au  niveau  ordinaire  du  terrain 
houiller.  L’autre  vallée  se  trouve  à  l’ouest  de  Douai  :  les 
fosses  de  Dorignies  atteignent  la  surface  du  terrain  houiller 
à  des  profondeurs  de  215  et  de  234  mètres ,  tandis  qu’à  l’Es- 
carpelle  cette'môme  surface  est  à  157  mètres  seulement. 
Par  contre  un  petit  monticule  a  'été  reconnu  entre  Denain 
et  Aniclie.  En  négligeant  ces  irrégularités,  on  constate  que 
dans  le  département  du  Nord  la  surface  du  terrain  houiller 
présente  une  pente  générale  vers  l’ouest  :  elle  passe  de  la 
profondeur  moyenne  de  35  mètres  à  celle  de  155  mètres. 

Les  couches  qui  composent  le  terrain  houiller  ont  été 
redressées  et  plissées  postérieurement  à  leur  dépôt.  Les 
deux  bords  du  lac  ou  de  la  lagune  où  elles  s’étalent  formées 
ont  été  rapprochés  de  manière  à  prendre  la  forme  d’un  V, 
mais  d’un  V  fortement  incliné  de  gauche  à  droite ,  le  côté 
sud  ayant  été  renversé  sur  le  côté  nord.  Le  fond  du  bassin 
qui  est  devenu  les  branches  du  V  est  formé  par  le  calcaire 
carbonifère  (pierre  bleue  de  Tournai ,  Marbaix,  Blaton,  etc.) 
Le  milieu  est  rempli  par  le  terrain  houiller  dont  les  couches 
sont  parallèles  à  celles  du  calcaire.  La  direction  générale  des 
veines,  en  ne  tenant  pas  compte  des  petits  accidents,  est 
de  l’est  à  l’ouest;  elles  plongent  toutes  vers  le  sud  par  suite 
du  renversement  signalé.  Mais  tandis  que  les  veines  du  Nord 
inclinent  régulièrement  sous  un  angle  assez  faible,  les 
veines  du  sud  ont  subi  de  nombreux  plissements  en  zig¬ 
zag  ;  elles  sont  formées  de  parties  très-inclinées  [dressants) 
séparées  par  d’autres  parties  presque  horizontales  (pla- 
teurs).  Le  renversement  des  veines  du  sud  est  suffisamment 
prouvé  par  la  structure  du  toit  et  du  mur.  On  nomme  toit 
la  couche  schisteuse  supérieure  à  la  houille ,  et  mur  celle 


—  258  — 

qui  lui  est  inférieure.  On  a  remarqué  que  si  la  veine  de 
houille  occupe  sa  position  normale,  le  mur  est  formé  de 
schistes  fragmentaires  se  divisant  irrégulièrement ,  remplis 
de  débris  de  racines  ;  c’est  l’ancien  sol  végétal  sur  lequel 
s’est  développé  la  forêt  tourbeuse  qui  a  donné  naissance  à 
la  houille  ;  le  toit  au  contraire  est  constitué  par  du  schiste 
fin  ,  régulièrement  feuilleté,  couvert  d’impressions  de  tiges 
et  de  feuilles.  Lorsqu’il  y  a  renversement  de  la  couche, 
c’est  le  toit  qui  est  irrégulier  et  rempli  de  racines  et  c’est 
le  mur  qui  offre  les  empreintes  de  feuilles. 

Après  avoir  d’abord  (^)  nié  d’une  manière  absolue  le  ren¬ 
versement  des  couches  sud,  M.  Dormoy  le  reconnaît  main¬ 
tenant  dans  un  petit  nombre  de  points.  Cette  concession  ne 
nous  semble  pas  suffisante,  et  au  lieu  de  regarder  ce  fait 
comme  f exception ,  nous  le  considérons  plutôt  comme  la 
règle. 

M.  Dormoy  s’est  laissé  guider  par  les  caractères  chimiques 
pour  caractériser  les  couches  de  houille ,  et  pour  relier  entre 
elles  les  veines  de  deux  exploitations  différentes.  Mais  il  est 
maintenant  bien  constaté  que  la  qualité  de  la  houille  d’une 
même  couche  peut  varier.  Maigre  dans  un  point,  la  même 
veine  peut  dans  un  autre  se  charger  d*une  plus  grande 
quantité  de  matière  volatile.  M.  Geinitz  l’a  constaté  en 
Saxe  et  nous  avons  déjà  signalé  un  fait  du  meme  genre  dans 
ce  Bulletin. 

Dernièrement  encore  M.  Daubresse  ,  directeur  des  Mines 
de  Carvin  ,  nous  fait  part  d’une  observation  conforme.  La 
veine  St. -Emile  de  la  fosse  N.°  1 ,  qui  se  trouve  coupée  par 
une  faille ,  est  beaucoup  plus  riche  en  carbures  volatils 
dans  le  voisinage  de  l’accident  que  dans  les  parties  plus 
éloignées. 


1^)  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  2.'  série,  xix,  p.  348. 


—  -259  -- 

Dans  les  veines  du  nord  de  notre  bassin ,  le  combustible 
est  maigre  ;  il  devient  d’autant  plus  gras  que  Ton  marche 
vers  le  sud.  Fidèle  à  son  principe  ,  M.  Dormoy  ne  pouvait 
voir  dans  les  houilles  grasses  du  sud  le  prolongement  géo¬ 
logique  des  houilles  maigres  du  nord  ;  il  a  donc  été  conduit 
à  admettre  que  toutes  les  couches  exploitées  aux  environs 
de  Valenciennes  ne  sont  que  la  moitié  nord  du  bassin  houil- 
1er  primitif ,  et  il  a  dû  chercher  ce  qu’est  devenue  la  moitié 
sud.  Il  suppose  que  toute  cette  «partie  a  été  soulevée  au- 
dessus  de  son  niveau  ,  puis  «  un  torrent,  un  déluge  d’une 
!>  puissance  irrésistible  s’est  précipité  du  nord  vers  le  sud, 
»  a  ratissé  toute  la  surface  supérieure  des  terrains ,  et  a 

emporté  dans  la  direction  du  sud  la  montagne  nouvelle- 
»  ment  formée.  » 

Cette  hypothèse  fait  honneur  à  l’imagination  de  son  au¬ 
teur,  mais  elle  est  en  contradiction  avec  les  faits  les  mieux 
démontrés  en  géologie.  N’est-ce  pas  aussi  purement  imagi¬ 
naire  cette  masse  de  roche  éruptive  que  M.  Dormoy  figure 
dans  ses  coupes  et  fait  intervenir  pour  expliquer  le  soulè¬ 
vement  de  la  moitié  sud  du  terrain  houiller? 

On  doit  également  régretter  que  dans  les  coupes  transver¬ 
sales  du  bassin  houiller  l’auteur  n’ait  pas  distingué  les  faits 
constatés  de  ceux  qu’il  a  déduits  plus  ou  moins  hypothéti¬ 
quement  de  ses  observations.  Ainsi  dans  ces  coüpes,  M.  Dor¬ 
moy  représente  à  des  profondeurs  qui  varient  de  900  à 
6,000  mètres  et  plus ,  des  dispositions  de  couches  très-favo¬ 
rables  à  sa  théorie ,  mais  les  a-t-il  vues  ?  les  a-t-il  constatées? 
ou  les  a-t-il  simplement  supposées  telles  ?  Il  est  permis  de  se 
poser  cette  question  quand  on  compare  la  coupe  d’Aniche 
dans  l’ouvrage  de  M.  Dormoy  et  dans  la  Notice  sur  les  mines 
de  houille  d’Aniche  ^  publiée  il  y  a  deux  ans^par  M.  Vuille- 
min,  ingénieur-gérant  de  cette  compagnie.  Ces  coupes  ne 
se  ressemblent  en  aucune  manière,  et  cependant  M.  Dormoy 


—  240  — 

a  clù  avoir  connaissance  des  documents  qui  ont  servi  à  M. 
Vuillemin.  Ajoutons  que  la  coupe  présentée  par  M.  Vuille- 
inin  s’accorde  beaucoup  mieux  que  celle  de  M.  Dormoy 
avec  les  lois  géologiques  et  avec  ce  que  Ton  observe  dans 
d’autres  parties  du  bassin.  Peut-être  à  l’époque  déjà  reculée 
où  M.  Dormoy  habitait  Valenciennes,  les  travaux  étaient-ils 
moins  avancés  et  les  observations  moins  complètes. 

Sous  ce  rapport ,  comme  sous  beaucoup  d’autres  ,  on 
regrette  que  l’administration  des  travaux  publics  ait  différé 
de  sept  ans  la  publication  de  ces  documents  vivement  atten¬ 
dus  des  industriels  et  des  savants.  Espérons  qu’il  n’en  sera 
pas  de  même  des  travaux  analogues  faits  sur  le  bassin  du 
Pas-de-Calais,  par  M.  Coince,  ingénieur  des  mines  à  Arras. 
Les  plans  que  nous  avons  vus  à  l’Exposition  universelle  sont 
conçus  dans  un  esprit  d’observation  si  consciencieux  que 
nous  regarderions  comme  un  malheur  pour  la  science  tout 
retard  apporté  à  leur  publication.  J.  G. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

Ravages  des  Chenilles  sur  les  arbres  fruitiers  et  les  haies, 
—  Tout  le  monde  a  remarqué  l’état  déplorable  où  se  trou¬ 
vent  en  ce  moment  (2o  juin)  la  plupart  des  pommiers  et  des 
poiriers  garnissant  les  vergers  des  environs  de  Lille.  Ils 
sont  entièrement  dépouillés  de  leurs  feuilles  et  présentent 
l’aspect  qu’ils  auraient  en  plein  hiver.  Rien  d’étrange 
comme  le  coup-d’œil  de  ces  vergers  vus  à  quelque  distance. 
Tout  y  paraît  mort.  La  verdure  luxuriante  des  ormes  ou 
des  peupliers  qui  les  entourent  fait  le  plus  singulier  con¬ 
traste  avec  cet  état  de  dessèchement  qu’on  ne  peut  mieux 
comparer  qu’à  un  effet  d’incendie,  lorsque  le  feu  a  consumé 
les  bâtiments  (f  une  ferme  et  atteint  tous  les  arbres  voisins. 

Il  va  sans  dire  que  la  récolte  est  perdue ,  surtout  pour  les 


—  241  — 

pommiers ,  car  il  n’est  pas  resté  plus  de  fruits  que  de  feuil¬ 
les.  Les  poiriers  ont  été  un  peu  plus  épargnés;  j’ai  même 
vu  des  vergers  où  les  pommiers  étaient  entièrement  dé¬ 
pouillés,  tandis  que  les  poiriers  étaient  intacts.  Cela  tient  à 
ce  que  deux  espèces  de  chenilles  se  sont  attaquées  au  pom¬ 
mier,  quand  le  poirier  n’a  eu  affaire  qu’à  un  seul  ennemi. 

A  l’extrémilé  d’un  grand  nombre  de  branches,  on  aper¬ 
çoit  des  espèces  de  paquets  formés  de  fragments  de  feuilles 
sèches  liées  par  des  lils  de  soie ,  en«tissu  serré,  qui  rappel¬ 
lent  certaines  toiles  d’araignées.  En  ouvrant  ces  paquets  on 
les  trouve  remplis  de  peaux  de  chenilles  desséchées,  d’ex¬ 
créments  en  forme  de  petits  grains,  et  souvent  on  y  trouve 
un  cocon  jaune  ,  poudreux  qui  renferme  une  chrysalide  de 
papillon. 

Quelquefois  les  pommiers  présentent  un  aspect  un  peu 
différent  :  les  feuilles  ne  sont  pas  tombées  toutes ,  mais 
elles  sont  recoquillées  ,  sèches  et  jaunes  ,  tout  l’arbre  a  une 
teinte  rousse  qui  fait  dire  aux  campagnards  qu’il  a  passé 
un  venti^ux.  Les  bourses  de  soie  sont  plus  petites,  arron¬ 
dies,  blanchâtres,  elles  contiennent  (fin  juin)  des  petites 
chenilles  grisâtres  ou  des  chrysalides  rangées  les  unes  contre 
les  autres  dans  des  petits  cocons  blancs. 

Une  autre  observation  qui  a  du  être  faite  par  tout  le 
monde,  c’est  l’état  de  presque  toutes  les  haies  d’épines,  à 
qui  il  ne  reste  pas  plus  de  feuilles  qu’aux  pommiers  des 
vergers.  On  les  voit,  sur  des  étendues  très-considérables, 
enveloppées  de  réseaux  de  toile  grisâtre  au  milieu  des¬ 
quels  frétillent  par  paquets  ces  mêmes  petites  chenilles 
grises  des  pommiers.  Si  toutes  les  haies  ne  sont  pas  dé¬ 
pouillées,  il  n’en  est  au  moins  aucune  qui  ne  soit  attaquée 
sur  quelques  points. 

Quand  il  se  trouve  ,  parmi  les  pieds  d’épines,  quelques 
prunelliers,  comme  il  arrive  assez  fréquemment  dans  nos 


—  242  — 

environs ,  ces  derniers  partagent  le  sort  de  leurs  voisines 
auxquelles  du  reste  ils  sont  liés  par  des  liens  botaniques 
très-étroits. 

Ces  dévastations  si  frappantes  pour  l’œil  le  moins  atten¬ 
tif  sont  loin  d’être  nouvelles  ,  celles  des  haies  notamment 
se  reproduisent  plus  ou  moins  fortement  à  des  époques 
assez  rapprochées  ;  la  chenille  qui  les  produit  est  toujours 
commune  ;  mais  il  se  passe  parfois  bien  des  années  avant 
qu’elles  se  montrent  aussi  multipliées  que  dans  ce  moment, 
et  qu’elles  détruisent  complètement  jusqu’cà  la  moindre 
apparence  de  verdure  sur  un  aussi  grand  nombre  de 
haies. 

Celles  des  arbres  fruitiers  sont  aussi  très-connues;  mais 
j’ai  entendu  dire  à  de  vieux  campagnards  que  jamais  ,  de 
mémoire  d’homme ,  leurs  vergers  n’avaient  été  aussi  dé¬ 
vastés  ;  pour  ma  part  je  n’avais  pas  observé  encore  ,  dans 
ce  pays-ci ,  pareille  destruction.  Je  ne  puis  la  comparer  qu’cà 
celles  que  j’ai  vu  opérer  par  les  Hannetons  dans  certains 
bois  de  la  Picardie  et  par  les  Bombyx  processionnaires  dans 
des  bois  de  chênes  des  environs  de  Paris.  *■ 

Quelques  détails  sur  les  insectes  qui  ont  fait  ces  ravages 
pourront  peut-être  intéresser  les  lecteurs  du  Bulletin. 

I.  —  Le  premier  et  le  plus  grand  ravageur  de  nos  arbres 
fruitiers  est  la  chenille  ùn  Bombyx  neustria,  ou  Clisiocampa 
neustria  ,  ou  Lasiocampa  neustria.,  vulgairement  :  Bombyx 
normand  ou  livrée  (i).  Elle  provient  d’un  papillon  nocturne 


(1)  Clisiocamph ,  de  deux  mots  grecs  :  tente  et  chenille  ,  à  cause  des 
mœurs  de  la  chenille  qui  passe  son  jeune  âge  sous  une  toile  qu  elle 
file. 

Lasiocampa,  chenille  velue. 

Neustrfa  ,  normand  ,  parce  que  le  naturaliste  anglais  Charletoii , 
qui  le  nomma  le  premier  en  1677 ,  avait  reçu  les  chenilles  de  Nor¬ 
mandie.  Linné  eut  le  tort  de  consacrer  cette  dénomination  qui  ne 
signifie  rien ,  et  c'est  sous  son  nom  qu’elle  est  toujours  inscrite. 

Livrée ,  à  cause  des  couleurs  de  la  chenille  qui  rappellent  certaines 
livrées  bariolées  en  usage  autrefois. 


—  243  — 

brun  ferrugineux,  avec  les  ailes  supérieures  barrées  d’une 
bande  plus  foncée,  encadrée  de  traits  blanchâtres. 

Il  vole  en  juillet.  La  femelle  dispose  ses  œufs  d’une  façfln 
fort  singulière  qui  a  été  cent  fois  décrite  mais  jamais  plus 
fidèlement  que  par  Reaumur  que  je  ne  puis  mieux  faire 
que  de  citer  ; 

«  De  tous  les  nids  d’œufs  de  papillons,  celui  qui  est  un 
des  plus  jolis  pour  l’arrangement  des  œufs ,  est  un  nid 
connu  des  jardiniers,  parce  qu’ils  le  trouvent  assez  souvent 
en  taillant  leurs  arbres  ;  ils  l’appellent  le  bracelet  ou  la 
bague,  et  ils  l’ont  très-bien  nommé.  Ces  nids  entourent  un 
jet  de  poirier,  de  pommier,  de  pêcher,  de  prunier,  comme 
les  bagues  ordinaires  entourent  les  doigts,  ou  comme  les 
bracelets  entourent  les  bras.  Ils  ressemblent  tout  à  fait  aux 
bracelets  de  grains  d’émail  ;  chaque  œuf  tient  ici  lieu  d’un 
de  ces  grains.  Il  entre  depuis  200  jusqu’à  3o0  œufs  dans  le 
même  bracelet.  On  ne  voit  que  leur  partie  supérieure  dont 
le  contour  est  rond  et  blanc;  le  milieu  est  plus  brun,  la 
sommité  est  toujours  marquée  par  un  point  noir. 

»  Ces  grains  ou  œufs  qui  se  touchent  seulement  par 
quelques  endroits  de  leur  contour,  et  qui  sont  pressés  les 
uns  contre  les  autres ,  laissent  nécessairement  entre  eux 
des  espaces  qui  sont  remplis  par  une  espèce  de  gomme 
brune,  dure  et  cassante.  La  lar2:eur  du  bracelet  est  formée 
de  14  à  lo  rangs  et  jusqu’à  17  rangs  d’ceufs.  Ils  ne  sont  pas 
placés  précisément  sur  la  circonférence  d’un  cercle  ,  ils  sont 
disposés  en  tours  de  spirale  qui  quelquefois  s’éloignent  peu 
de  la  ligure  circulaire  (’).  » 

Ces  œufs  fortement  collés  autour  de  leur  branche  passent 
l’hiver  sans  avoir  à  redouter  d’autre  danger  que  les  coups 
de  bec  des  Mésanges.  Ils  éclosent  en  avril  et  la  nichée  de 


P)  Mémoires  pour  servir  à  l'Histoire  des  Insectes  ,  t.  ii. 


—  244  — 

petites  chenilles  se  met  aussitôt  à  filer  la  tente  qui  va  la 
protéger.  Elles  l’attachent  aux  bourgeons ,  aux  feuilles 
naissantes  ou  aux  branches ,  quelquefois  elles  en  tapissent 
le  tronc  de  l’arbre  ou  l’enfourchure  des  grosses  branches , 
en  laissant  en  dessous  l’espace  nécessaire  pour  s’y  blottir. 

La  forme  de  cet  abri  n’est  pas  toujours  constante  ,  puis¬ 
qu’elle  dépend  des  objets  qui  le  soutiennent ,  mais  en  géné¬ 
ral  ,  il  ressemble  à  une  poche  oblongue  ou  en  poire  ,  entou¬ 
rant  un  rameau  qui  en  fait  l’axe  et  prenant  ses  points  d’ap¬ 
pui  du  pourtour,  sur  les  ramules  ou  les  feuilles  de  la  branche 
centrale. 

Les  chenilles  passent  sous  cette  tente  la  première  moitié 
de  leur  vie  ;  elles  ne  la  quittent  que  pour  se  répandre  aux 
alentours  à  la  recherche  de  leur  nourriture  ;  elles  y  revien¬ 
nent  après  la  pâture  et  y  opèrent  leurs  mues  ;  il  est  même 
probable ,  que  la  principale  raison  de  ces  toiles  est  le  besoin 
d’abriter  les  moments  critiques  des  changements  de  peau. 

Elles  grandissent  rapidement  et  bientôt  l’abri  ne  peut 
plus  les  contenir  ;  la  famille  ne  s’en  sépare  pas  immédiate¬ 
ment  pour  cela.  Toute  la  colonie  revient  encore  à  son  ber¬ 
ceau  ,  mais  elle  se  groupe  au-dessus  au  lieu  d’y  rentrer,  et 
tout  le  monde  a  pu  voir,  par  les  beaux  jours  de  la  lin  de 
mai,  ces  masses  de  chenilles  serrées  les  unes  contre  les 
autres  à  l’extérieur  de  leur  tente  et  formant  un  véritable 
paquet. 

Quelquefois  on  les  voit  dans  cette  position  se  livrer  à  de 
singuliers  mouvements.  Ce  sont  des  balancements  brusques 
de  la  moitié  antérieure  de  leur  corps ,  se  portant  alternati¬ 
vement  à  droite  et  à  gauche  ,  comme  s’il  était  mu  par  un 
ressort.  Est-ce  un  indice  décoléré  ou  d’inquiétude,  une 
espèce  de  mise  en  défense?  Est-ce  une  agitation  qui  corres¬ 
pond  à  une  époque  de  mue  prochaine  et  qui  y  aiderait  ?  Il 
est  difficile  de  le  deviner,  mais  ce  qui  est  certain ,  c’est  que 


—  245  — 

ces  mouvements  cessent  après  la  quatrième  mue ,  lorsque 
le  moment  de  la  dispersion  est  arrivé. 

Cette  dispersion  a  lieu  lorsque  les  chenilles  sont  à  la 
moitié  de  leur  taille  à  peu  près;  dès  lors  la  vie  de  famille 
cesse  et  chacune  va  manger  isolément.  Dans  les  années  or¬ 
dinaires  ,  elles  attaquent  indifféremment  les  Ormes ,  les 
Chênes ,  les  Saules ,  ainsi  que  tous  les  arbres  et  arbusles 
appartenant  à  la  grande  famille  des  Rosacées  ;  mais  cette 
année ,  il  semble  que  dans  nos  environs  ce  sont  ces  derniers 
qui  ont  eu  toutes  les  préférences  :  les  Aubépines,  Prunelliers, 
Pommiers ,  Poiriers,  Pruniers  ,  Cerisiers  ont  été  les  plus 
endommagés.  Les  Saules,  quelquefois  très-châtiés,  ont  été 
épargnés ,  ainsi  que  les  Ormes  des  haies.  Ainsi  il  y  a  eu 
double  phénomène  ;  d’abord  multiplication  générale  tout  à 
fait  insolite  et  préférence  marquée  pour  un  genre  de  nour¬ 
riture.  C’est  exactement  la  même  chose  qui  fut  observée  il  y 
a  4  ans  à  propos  de  VAgrotis  segetum  (vers  gris)  que  l’on  vit 
pulluler  tout  à  coup  et  choisir  en  même  temps  la  betterave 
préférablement  à  toutes  les  autres  plantes  sur  lesquelles  il 
pâture  ordinairement. 

Lorsque  la  chenille  de  la  Livrée  est  arrivée  à  sa  crois¬ 
sance  ,  elle  est  longue  de  5  à  6  centimètres ,  cylindrique , 
molle,  garnie  de  poils  en  bouquets  et  rayée,  dans  le  sens  de 
la  longueur,  de  lignes  blanches ,  noires,  oranges ,  jaunes  et 
bleuâtres;  la  tête  est  bleue  ,  marquée  de  deux  points  noirs. 
L’intensité  des  couleurs  varie  beaucoup,  on  en  voit  où 
toutes  sont  très  -  tranchées ,  tandis  que  sur  d’autres  les 
nuances  sont  affaiblies  et  comme  passées. 

Cette  différence  se  retrouve  sur  le  papillon  dont  les  tons 
roux  sont  plus  ou  moins  foncés. 

Le  moment  de  la  métamorphose  étant  arrivé,  chaque  che¬ 
nille  cherche  un  endroit  favorable  pour  y  filer  son  cocon  ; 
elles  l’enveloppent  ordinairement  dans  des  feuilles,  quel- 


—  246  — 

ques-unes  vont  utiliser  leur  ancienne  toile  ;  elles  aiment 
les  angles  des  murs,  les  fentes  des  écorces,  enfin  tous  les 
endroits  où  elles  trouvent  à  la  fois  un  support  et  un  abri. 
Ce  cocon  rappelle  un  peu  celui  du  vers  à  soie ,  il  a  comme 
lui  une  enveloppe  de  soie  d’un  tissu  lâche,  puis  une  coque 
plus  résistante,  oblongue,  saupoudrée  d’une  poussière  jaune 
provenant  d’un  liquide  sécrété  par  la  chenille  et  qui  en  se 
séchant  se  pulvérise. 

La  chrysalide  qui  est  brune,  presque  noire ,  est  aussi 
saupoudrée  de  cette  poussière  jaunâtre  ;  ses  anneaux  sont 
garnis  de  quelques  poils  courts ,  et  elle  est  terminée  en  ar¬ 
rière  par  une  pointe  cornée. 

Le  papillon  devrait  être  très-commun  d’après  le  nombre 
des  chenilles  ;  mais  il  se  cache  si  bien  qu’il  est  difficile  à 
découvrir  et  qu’il  est  peu  connu. D’ailleurs  il  a  couru,  avant 
de  naître ,  des  dangers  de  différentes  sortes  qui  ont  fort 
diminué  la  génération.  On  peut,  je  crois,  calculer  qu’un 
dixième  seulement  des  chenilles  qui  naissent  arrivent  en 
papillons.  Leurs  principaux  ennemis  sont  les  oiseaux  ,  les 
hyménoptères  et  les  diptères  parasites  {^)  qui  en  détruisent 
heureusement  un  très-grand  nombre ,  et  comme  ils  se  pro¬ 
pagent  ordinairement  dans  la  même  proportion  que  la  che¬ 
nille  qui  leur  sert  de  proie  ,  la  destruction  marche  parallè¬ 
lement  à  la  multiplication,  et  les  apparitions  extraordinaires 
comme  celles  de  cette  année  rentrent  l’année  suivante  dans 
l’ordre  habituel. 

Cette  destruction  opérée  par  les  oiseaux  et  les  insectes 
n’est  pas  une  raison  pour  que  nous  ne  cherchions  pas  de 
notre  côté  des  moyens  d’arrêter  encore  la  propagation.  Car 

(b  D'après  M.  Robineau -Desvoidy ,  les  trois  espèces  de  diptères 
suivantes  vivent  à  l’état  de  larve  dans  les  chrysalides  de  Bombyx 
neustria:  Carcelia  homhy\ans\  Tachina  larvarum,  Zenillia  aurea.  11  faut  y 
joindre  un  très-grand  nombre  d’autres  espèces  de  la  tribu  des  Diptères 
entomobies. 


—  247  — 

en  supposant  même  que  chaque  nid  de  jeunes  chenilles  qui 
en  contient  deux  cents  ne  fasse  arriver  à  bien  que  vingt 
papillons,  soit  dix  couples  ;  chacun  de  ces  dix  couples  pou¬ 
vant  pondre  deux  cents  œufs  au  minimun,  la  progression, 
même  réduite  chaque  année  au  dizième,  deviendrait  rapi¬ 
dement  formidable,  A.  de  Norgüet. 

^  Sera  continué  ) 

Chauve-Souris  barhastelle,  —  Dans  le  Tableau  des  mam¬ 
mifères  terrestres  du  département  du  Nord  que  nous  avons 
donné  dans  le  dernier  numéro  du  Bulletin ,  nous  n’avons 
pas  mentionné  la  Chauve-Souris  barbastelle  [Plecotus  har- 
hastellus)  dont  nous  ne  connaissions  aucune  capture  cer¬ 
taine  ,  dans  nos  limites  ;  nous  apprenons  que  M.  Delplan- 
que  ,  directeur  du  Musée  de  Douai ,  vient  de  prendre  toute 
une  colonie  de  cette  espèce  sous  le  toit  de  son  Musée. 

La  Barbastelle  se  distingue  du  Plecotus  auritus,  l’Oreil¬ 
lard  commun ,  par  des  oreilles  moindres ,  larges ,  échan- 
crées,  à  oreillons  courts  et  courbés  en  S.  Elle  est  rare 
partout.  En  Belgique,  M.  de  Sélys  ne  cite  qu’une  seule 
capture  faite  à  Louvain,  par  M.  Van  Beneden.  En  Lorraine 
M .  Godron  ne  l’a  jamais  trouvée  que  dans  un  souterrain  du 
fort  Bellecroix,  à  Metz.  D’après  M.  Marcotte,  on  la  ren¬ 
contre  quelquefois  en  Picardie  mélangée  avec  la  Pipistrelle, 
mais  jamais  avec  d’autres  espèces.  Le  Musée  de  Lille  ne 
la  possède  pas.  J.  G. 


CHRONIQUE. 

Météorologie.  Mois  de  Juillet  1869.  —  La  tempéra¬ 
ture  moyenne  de  juillet  déduite  de  17  années  est  de  17“  721, 
cette  année  elle  fut  de  IS*^  70  ;  la  moyenne  des  maxima  a 
été  de  24“ 24,  celle  des  minima  13°  17.  Les  températures 
extrêmes  ont  été  de  32®  2  le  22  et  9“  7  le  1  .®^ 


—  248  — 

Sous  l’influence  d’une  pareille  chaleur  l’épaisseur  de  la 
couche  d’eau  évaporée  a  été  de  lo8  mill.  45  ,  la  moyenne 
générale  est  de  140  mill.  98. 

La  hauteur  moyenne  de  la  colonne  barométrique, 
ramenée  à  la  température  de  0%  a  été  de  763  mill.  037 
oscillant  entre  les  extrêmes  759  mill  88  le  26  et  773  mill.  15 
le  11.  La  moyenne  générale  pour  juillet  est  de  760  mill.  322 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  pluviale  recueillie  en  8 
Jours  n’a  été  que  de  11  mill.  83.  La  quantité  de  pluie 
tombée  en  moyenne  pendant  ce  mois  est  de  60  mill.  716. 

La  tension  moyenne  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique 
fut  de  10  mill.  86  inférieure  à  la  moyenne  générale  qui  est 
de  11  mill.  08. L’humidité  relative  65,  0  "/o  inférieure  aussi 
à  la  moyenne  générale  de  juillet  69  ,  72  7o. 

Quoique  l’air  en  contact  avec  le  sol  ait  été  sec,  il  y  a  eu 
néanmoins  des  brouillards  au  nombre  de  28  et  des  rosées 
au  nombre  de  21. 

Six  jours  le  ciel  fut  serein  pendant  24  heures ,  vingt  jours 
il  fut  à  demi  couvert  et  cinq  jours  seulement  complètement 
couvert. 

Les  vents  régnants  furent  ceux  du  N.  et  du  N.  E . 

Chose  remarquable  il  n’y  eut  aucun  orage  pendant  le 
mois  de  juillet  ;  le  24  et  le  28  on  observa  des  éclairs  sans 
tonnerre.  V.  Meürein. 

Areliéolo)^ie«  —  En  pratiquant  des  terrassements  dans 
le  parc  du  château  d’Hamel,  arrondissement  de  Douai, 
récemment  acquis  par  M.  de  Sylva,  on  vient  de  découvrir 
des  murailles  paraissant  appartenir  à  d’anciennes  fortifica¬ 
tions  ou  remparts  remontant  à  des  époques  très-reculées. 

Le  Gérant  ;  E.  Gastiaux. 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place ,  13. 


N.°  9.  —  Septembre  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  AINTIQÜ.\IRES  DE  LA  MORINIE 
Mémoires ,  t.  xiii 

Fondée  en  1831 ,  cette  Société,  qui  a  son  siège  à  Saint- 
Omer,  vient  de  faire  paraître  le  t.  xiii  de  ses  Mémoires. 
Elle  publie,  en  outre,  un  Bulletin  qui  compte  dix-sept 
années  d’existence. 

Voici,  à  l’heure  présente,  la  composition  de  la  Société 

des  antiquaires  de  la  Morinie  : 

MM. Quexson  O ancien  député.  Président. 

Albert  Legrand  ;  Vice-Président. 

Henri  de  La  Pl.\ne,  ancien  déi^nté  ;  Secrétaire-Généi^al. 
Delmotte,  avocat;  Trésorier. 

Auguste  Deschamps  de  Pas. 

Louis  Deschamps  de  Pas 
Charles  de  Givenchy. 

Charles  Pagart. 

Lauwereyns  de  Rosendaele. 

Le  docteur  Wintrebert. 

Edmond  Liot  de  Nortbécoürt. 

Alexandre  Machart. 

Louis  Martel  ,  député  au  Corps  législatif. 

Ed.  Le  Sergeant  de  Monnecove,  anc.  pair  de  France. 
Félix  Le  Sergeant  de  Monnecove,  ancien  maire. 
Alphonse  de  Cardev\cqüe. 

Libersalle,  architecte. 

Charles  Revillion  ,  commissaire-priseur. 

L’abbé  Toursel  ,  chanoine ,  dir.  au  collège  St. -Berlin. 
L’abbé  Robert,  aumônier  des  Frères. 

Edmond  Lefebvre  du  Prey,  maire  de  Saint-Omer. 
Boistel,  juge  au  Tribunal  civil. 

Les  t.  XI  et  xii  des  Mémoires  des  Antiquaires  de  la  Morinie 
contenaient  une  Histoire  de  V Abbaye  de  Clairmarais par 


—  250  — 

M.  de  La  Plane,  ouvrage  capital  dont  nous  rendrons 
compte  dans  notre  Bibliographie. 

Le  t.  XIII  desdils  Mémoires  est  un  monument  que  la 
Société  a  voulu  élever  au  souvenir  d’un  de  ses  membres  les 
plus  actifs  et  les  plus  éclairés,  M.  J.  A.  Courtois. 

Ce  volume  s’ouvre  par  une  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvra¬ 
ges  du  regretté  défunt,  notice  due  à  son  intime  ami  et  in¬ 
telligent  collègue  ,  M.  J.  Delmotte. 

Vient  ensuite  l’édition  posthume  ,  si  vivement  attendue  , 
du  Dictionnaire  géographique  de  V arrondissement  de  Saint- 
Omer,  œuvre  à  laquelle  M.  Courtois  a  apporté  ses  derniers, 
ses  meilleurs  soins,  et  où  il  a  versé  tous  les  trésors  de  son 
érudition. 

Aux  personnes  peu  familiarisées  avec  ce  genre  de  travaux, 
il  n’est  pas  aisé  de  donner  une  idée  de  ce  qu’ils  coûtent  de 
labeurs  et  de  ce  qu’ils  rendent  de  services.  Laissons  à  cet 
égard  parler  M.  Delmotte. 

«  Notre  studieux  collègue  ,  dit-il,  n’a  rien  négligé  pour 
que  son  Dictionnaire  topographique  fut  aussi  exact  et  com¬ 
plet  que  possible.  En  effet,  il  n’est  pas  un  village,  un 
hameau,  un  écart,  un  château,  un  lief  important,  une 
chapelle,  —  pas  une  rivière,  un  bois,  une  colline,  un 
ancien  chemin  qu’il  ne  passe  en  revue,  en  signalant  tes 
noms  qui  leur  ont  été  donnés  dans  les  temps  les  plus  reculés 
jusqu’à  nos  jours;  —  noms  llamands,  latins,  romains, 
patois,  et  que  sais-je?  —  Il  consulte  les  vieilles  chroniques, 
les  cartulaires  des  abbayes,  les  pouilles  des  églises,  les 
archives  des  communes,  les  terriers  conservés  dans  les 
dépôts  publics  ou  chez  les  arpenteurs,  les  manuscrits,  titres, 
actes  de  notaire,  inventaires,  livres  de  fiefs,  aveux  et  dé¬ 
nombrements,  sentences  de  justice,  registres  de  catholicité, 
traditions  et  légendes  locales;  et,  après  avoir  puisé  à 
pleines  mains  à  tant  de  sources  précieuses  longtemps  négli¬ 
gées  mais  ouvertes  à  l’iiistoire  par  ses  investigations,  il 
établit  une  classilication  générale  par  commune  ou  ancien 
village  ,  —  puis  il  élague  rigoureusement  toutes  les  choses 
étrangères  ou  inutiles  à  son  sujet,  pour  ne  conserver  que 


—  251  — 

les  faits  et  renseignements  strictement  nécessaires.  C’est 
ainsi  que  M.  Courtois  est  parvenu  à  faire  un  Dictionnaire 
concis,  instructif  et  complet  de  toute  la  topographie  d’un 
vaste  arrondissement  qui  s’étend  des  sources  de  l’Aa  jusqu’à 
son  embouchure  dans  la  Manche  et  des  vastes  étangs  de 
Clairmarais  jusqu’aux  montagnes  du  Boulonnais. 

Rédigé  sur  le  plan  et  d’après  les  instructions  du  ministre 
de  l’Instruction  publique ,  le  manuscrit  de  cet  important 
travail  a  obtenu  une  mention  très-honorable  et  une  médaille 
d’or,  dans  la  séance  solennelle  des  délégués  des  Sociétés 
savantes ,  tenue  à  la  Sorbonne,  le  11  avril  1863. 

Comme  appendice  au  Dictionnaire  géographique  de  Var- 
rondissement  de  Saint-Omer^  la  Société  de  la  Morinie  a  eu 
l’heureuse  idée  de  réunir  les  Mémoires  de  M.  Courtois  ayant 
trait  spécialement  à  la  topographie  ou  à  l’ethnographie  du 
pays. 

On  trouve  ainsi  l’occasion  de  relire  d’un  seul  trait  la  dis¬ 
sertation  sur  VAncien  idiome  audomarois  et  celle  sur  la 
Communauté  d'origine  et  de  langage  entre  les  habitants  de 
l’ancienne  MoiHnie  Ila7ningante  etioallonne.  Ces  deux  thèses 
tendent  à  prouver  qu’il  est  faux  que  l’Aa  ait  constamment 
servi  de  limite  entre  les  pays  de  langue  flamande  et  ceux 
de  langue  wallonne.  Elles  s’efforcent  d’établir  que  ,  jusque 
bien  avant  dans  le  moyen-âge,  le  théotisque  a  régné  sur 
les  deux  rives  de  ce  fleuve ,  et  que  ,  dans  des  temps  assez 
voisins  du  nôtre,  le  flamand  était  encore  compris  et  parlé 
sur  la  rive  gauche  de  l’Aa,  à  preuve  qu’on  y  passait  des 
actes  publics  conçus  en  cet  idiôme. 

L’histoire  des  institutions  tient  de  trop  près  à  celle  des 
localités ,  des  races  et  des  mœurs  ,  pour  que  M.  Courtois 
l’en  séparât.  Il  l’abordait  en  érudit  et  en  jurisconsulte.  C’est 
ainsi  qu’il  enrichit  d’un  utile  aperçu  le  livre  des  Usages  et 
Coutumes  du  comté  de  Guisnes  .  publié  par  M.  Tailliar  en 
1856.  On  lui  doit  aussi  un  traité  sur  le  Droit  d'Arsin  et  la 


—  “252  — 

Loi  du  talion  dont  la  réimpression  couronne  le  t.  xiii  des 
Mémoires  de  la  Société  de  la  Morinie. 

Pour  plus  amples  détails  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  Courtois  ,  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  renvoyer 
à  la  Notice  de  M.  Delmotte  aussi  abondante  en  renseigne¬ 
ments  précis  que  riche  d’émotions  et  de  souvenirs  du  cœur. 

Là  on  fait  connaissance,  non  seulement  avec  le  savant, 
mais  avec  riiomme.  M.  Courtois  joignait  l’ame  d’un  poète 
au  patient  esprit  d’un  investigateur.  Il  avait  puisé  le  goût 
des  vers  sur  les  genoux  de  sa  mère  ,  poète  elle-même ,  et  ce 
goût  ne  le  quitta  point  dans  le  cours  de  sa  laborieuse  car¬ 
rière.  Avec  quel  plaisir  il  se  substituait  à  son  compatriote 
Simon  Ogier,  versificateur  latin  du  xvi.^  siècle,  pour  s’écrier 
en  le  traduisant  : 

Que  j'aime  à  voir,  Aa ,  tes  ondes  cristallines, 

Avec  leurs  cygnes  blancs, 

Avec  le  chœur  joyeux  de  tes  blondes  ondines , 

Et  tes  bords  verdoyants  ! 

Ad  Aam 

Laelor ,  Aa ,  tuos  cum  Video  fluclus 
Cycnis  abundare 

El  te  juxla,  Nymplias  nescientes  Inclus 
Choros  agilare. 

La  vallée  de  l’Aa ,  qui  avait  vu  naître  M.  Courtois  le  vit 
aussi  s’éteindre  au  bout  d’une  existence  où  tout  le  temps 
qu’il  dérobait  à  ses  devoirs  professionnels  était  donné  à  la 
la  famille,  à  la  religion  ,  au  culte  silencieux  des  muses,  à 
l’étude  ,  à  Tamitié.  A.  Desplanque. 

SOCIÉTÉ  IMPÉRIALE  d’ÉMULATION  D’ABBEVILLE 
Mémoires,  2.®  série,  xii  ®  volume;  1867-68. 

Cette  Société  a  été  fondée  en  1797 ,  et  reconnue  par  or¬ 
donnance  royale  du  8  décembre  1814.  Depuis  1833  elle  a 
publié  douze  volumes  de  mémoires.  Au  1.‘'‘' Janvier  1869, 
elle  comptait  16  membres  résidants  : 


—  253  — 

3DI.E.  Prarond  ;  Président. 

Eloi  de  Vicq,  bolanisLe;  Vice-Président. 

Deligmères,  avocat;  Secrétaire. 

Lefebvre  ,  Jules  ;  Archiciste. 

DE  Caieü  ,  juge  suppléant;  Trésorier. 

Boullon  de  3Iartel. 

DE  Brutelette. 

L'abbé  Derg^y,  vicaire  de  Saint-Gilles. 

Hecquet,  docteur  en  médecine. 

Hecquet-D’Orval^,  Auce-président  du  Comice  agricole. 

Labitte  ,  de  la  Commission  administrative  du  3Iusée. 

Louandre  homme  de  lettres. 

3IANESSIER  0.^,  sous-préfet. 

Marcotte  ,  conservateur  du  3Iusée. 

DE  ViLLEPoix,  pharmacien. 

DE  ViLLERS. 

Des  idées  innées,  de  la  mémoire  et  de  Vinstinct,  par  31. 
Boucher  de  Perthes  (').  —  L’éminent  auteur  dont  la  science 
et  la  Société  d’Emulation  d’Abbeville  en  particulier  regret¬ 
tent  la  perte  récente ,  donne  dans  ce  travail  une  nouvelle 
preuve  de  cet  esprit  universel  aussi  bien  porté  à  l’observa¬ 
tion  scientifique  qu’aux  hautes  pensées  de  la  philosophie  et 
aux  sublimes  accords  de  la  poésie. 

L’auteur  de  la  Marquise  de  Montalle[^),  de  la  Création  (»), 
des  Antiquités  celtiques  et  antédiluviennes  (^)  et  de  bien 
d’autres  ouvrages  ;  celui  qui  eut  la  gloire  d’attacher  son 
nom  à  l’une  des  plus  importantes  découA  ertes  de  la  science 
moderne  termine  sa  longue  existence  si  bien  remplie  par 
un  discours  qui  est  en  quelque  sorte  un  cri  d’espérance.  On 
y  trouve  de  nouvelles  preuves  de  cette  imagination  aA'entu- 
reuse  qui  inspira  tous  ses  écrits  et  qui  pendant  si  longtemps 
rendit  suspectes  aux  hommes  de  science  les  preuves  de 


(h  Page  l  à  74. 

(2)  Comédie  imprimée  à  Paris,  en  1820. 

t* *)  Cinq  volumes  imprimés  à  Abbeville,  en  1841 

[*)  Trois  volumes  imprimés  ,  de  1847  à  1864. 


—  2oî  ~ 

l’existence  de  l’homme  à  l’époque  diluvienne.  Partant  de  ce 
principe  que  l’âme  est  immortelle,  il  suppose  qu’à  peine 
sortie  d’un  corps  destiné  à  se  détruire,  elle  se  forme  une 
nouvelle  enveloppe  matérielle  qu  elle  façonne  elle-même  à 
son  gré ,  et  que ,  dans  ce  nouveau  corps ,  elle  conserve  l’ex¬ 
périence  pratique  et  les  acquisitions  intellectuelles  de  ses 
vies  antérieures  ;  les  idées  innées,  les  pressentiments,  l’ins¬ 
tinct,  etc.  ne  sont  autre  chose  qu’une  mémoire  d’outre¬ 
tombe.  C’est  ce  qui  explique  le  perfectionnement  graduel  de 
l’humanité,  c’est  ce  qui  doit  nous  faire  espérer,  selon  M. 
Boucher  de  Perlhes,  de  parcourir  une  série  d’états  de  plus 
en  plus  parfaits  :  L’homme  n’est  que  la  larve  d’un  ange 
ou  son  embryon.  » 

Quelques  documents  relatifs  à  la  Numismatique  du  Pon- 
thieu,  par  A.  Demarsy.  —  Courte  notice  où  l’auteur  signale 
des  lettres  du  roi  Edouard  d’Angleterre. 

Recherches  Hydi'ologiques  sur  V arrondissement  d'Abbe¬ 
ville^  suivies  de  trois  cartes  Hydrologiques  ^  par  M.  le  doc¬ 
teur  Hecquet.  —  L’auteur  a  fait  par  l’hydrotimètre  l’analyse 
des  eaux  de  rivières,  de  sources  et  de  puits  de  l’arrondis¬ 
sement  d’x\bbeville.  Il  a  de  plus  dosé  le  chlore  et  l’acide 
sulfurique. 

Le  carbonate  de  chaux  domine  dans  toutes  ces  eaux ,  ce 
qui  n’a  rien  d'étonnant  puisque  le  sol  de  la  Picardie  est 
crayeux.  Les  eaux  de  rivières  sont  moins  calcaires  que 
celles  des  sources  et  celles-ci  en  général  moins  calcaires  que 
les  eaux  de  puits.  De  toutes  les  rivières ,  la  Somme  est  la 
plus  pure  ;  elle  ne  renferme  que  0  gr.  1648  par  litre  de  car¬ 
bonate  de  chaux.  Les  puits  qui  en  renferment  le  plus  sont 
ceux  de  Moyenneville ,  0  gr.  olOo.  Deux  puits  de  Saint- 
Valéry  ont  donné  une  quantité  de  carbonate  de  chaux  si 
élevée  qu’il  faut  y  voir  une  cause  exceptionnelle  et  inexpli¬ 
quée. 


—  255  — 

De  la  destruction  des  insectes  nuisibles  aux  récoltes  ; 
dommages  causés  en  1866  par  les  vers  blancs  et  les  vers 
gris,  par  M.  Hecquet  d’Orval.  —  L’auteur  énumère  les 
dommages  causés  à  chaque  espèce  de  plante  ;  puis  il  cherche 
les  remèdes.  Ainsi  queM.  de  Norguet,  il  ne  croit  pas  à  l’in¬ 
fluence  des  froids  de  l’hiver  pour  la  destruction  des  insec¬ 
tes.  Les  taupes,  les  oiseaux,  le  hannetonage,  le  ramassage 
derrière  la  charrue  sont  des  remèdes  utiles  mais  insuffi¬ 
sants.  L’auteur  préfère  la  jachère  accompagnée  de  fréquents 
labours  qui  écrasent  les  vers  et  les  ramènent  au  jour  en  les 
exposant  aux  intempéries  de  l’air  et  à  la  convoitise  des 
oiseaux. 

Chronique  française  de  V Abbaye  de  Dompmartin  de  1672 
à  1789,  par  M.  de  Caïeu.  —  L’abbaye  de  Saint-Josse-au- 
Bois,  ou  de  Dompmartin,  devait  son  origine,  suivant  la  tra¬ 
dition,  à  Saint-Josse,  fils  de  Judicaël ,  roi  d’Angleterre, 
qui,  vers  le  milieu  du  vu.®  siècle,  vint  en  ermite  sur  les 
bords  de  la  mer  et  établit  une  petite  église  au  milieu  des 
bois.  Vers  1150  un  solitaire,  Milon,  réunit  ses  compagnons 
et  alla  fonder  avec  eux  l’abbaye  de  Dompmartin  où  il  éta¬ 
blit  la  règle  de  Prémontré.  En  1772,  un  religieux  de  cette 
abbaye ,  le  frère  Guilleman ,  eut  l’idée  de  tenir  note  de  tous 
les  faits  dont  il  était  témoin ,  faits  bien  peu  intéressants  que 
ceux  qui  se  passent  en  temps  ordinaires  dans  l’intérieur 
d’une  abbaye.  Mais,  comme  le  dit  naïvement  le  frère  Guille¬ 
man,  «  s’il  n’y  a  que  peu  de  chose  qui  puisse  servir,  il  est 
vrai  qu’il  n’y  en  a  aucune  qui  puisse  choquer  personne ,  au 
moins  il  n’y  a  jamais  eu  de  mauvais  dessein.  »  Après  la  mort 
du  frère  Guilleman ,  l’abbé  nouvellement  élu ,  Bruno 
Bécourt  trouva  le  manuscrit  dans  sa  cellule.  Il  y  prit  intérêt 
et  résolut  de  le  continuer.  Après  son  élection  comme  général 
de  l’ordre  des  Prémontrés,  il  recommanda  ces  annales  à 


son  successeur. 


—  256  — 

Les  récits  quotidiens  de  ces  trois  religieux  nous  font  con¬ 
naître  mieux  que  toutes  les  dissertations  ce  qu’était  la  vie 
intime  dans  une  abbaye  riche  et  savante.  «  C’est  tout  un 
monde,  dit  M.  de  Caïeu  ,  avec  ses  ambitions,  ses  vanités , 
ses  querelles ,  ses  jalousies  ;  seulement  ce  monde  est  dominé 
parla  règle  qui  vient  imposer  ses  lois  à  tous.  » 

La  Ligue  à  Abbeville  ^  parM.  E.  Prarond.  — La  première 
partie  de  ce  travail  a  paru  dans  le  volume  précédent.  La 
troisième  et  dernière  paraîtra  dans  le  suivant.  Notre  colla¬ 
borateur,  M.  Desplanque,  se  charge  d’en  faire  un  compte¬ 
rendu  séparé.  J.  Gosselet. 

SOCIÉTÉ  DES  sciences  DE  LILLE 
Travaux  courants 

Expériences  sur  les  métiers  à  tisser.  —  M.  Guiraudet  a 
communiqué  à  la  Société  des  Sciences  les  i*ésultats  d’expé¬ 
riences  qu’il  a  eu  dernièrement  l’occasion  de  faire ,  sur  les 
métiers  à  tissage  mécanique  employés  dans  la  fabrication 
courante  de  Roubaix ,  de  concert  avec  deux  ingénieurs  mé¬ 
caniciens,  MM.  Boivin  et  Poillon.  Ces  expériences  avaient 
pour  but  de  déterminer  les  quantités  de  travail  mécanique 
consommées  par  ces  métiers  et  les  différences  entre  les 
quantités  de  travail  consommées  par  différents  genres  de 
métiers.  Nous  ne  pouvons  rapporter  ici  les  résultats  numé¬ 
riques  obtenus  ;  mais  le  fait  le  plus  important  qui  en  res¬ 
sort,  c'est  la  fausseté  des  idées  qui  ont  généralement  cours 
à  ce  sujet  parmi  les  industriels  et  la  nécessité  de  nouveaux 
essais  plus  multipliés  et  plus  généraux.  On  admettait  habi¬ 
tuellement  que  la  quantité  de  force  prise  par  un  métier 
devait  nécessairement  augmenter  avec  la  complication  de 
l’étoffe  obtenue  ;  que,  par  exemple,  un  métier  simple  faisant 
une  popeline  devait  consommer  moins  de  travail  qu’un 
métier  à  armure  ou  un  métier  à  armure  piano  faisant  une 


—  2r.7  — 

étoffe  façonnée,  comme  une  grisaille;  on  admettait  que 
l’addition  d’un  système  Jacquard,  permettant  à  un  métier 
simple  d'exécuter  des  étoffes  à  dessins,  devait  nécessaire¬ 
ment  l’allourdir  beaucoup  ;  et  sans  que  celte  opinion  repo¬ 
sât  sur  aucune  donnée  certaine  on  ne  peut  s'empêcher  de 
lui  reconnaître  une  sorte  de  vraisemblance ,  de  sorte  qu’elle 
est  devenue  dans  un  grand  nombre  de  cas  la  base  de  con¬ 
ventions  pécuniaires.  Or,-  il  paraît  résulter  d’une  manière 
certaine  des  essais  au  dynamomètre  rapportés  par  M.  Gui- 
raudet  que  rien  de  tout  cela  n’est  exact  ;  la  quantité  de  tra¬ 
vail  prise  par  un  métier  dépend  de  son  mode  de  construction 
plus  ou  moins  perfectionné ,  beaucoup  plus  que  de  la  na¬ 
ture  ou  de  la  largeur  de  l’étoffe  qu’il  produit.  Ainsi  des 
métiers  à  armure  ou  des  métiers  pianos  faisant  grisaille  ont 
été  trouvés  consommant  deux  fois  moins  de  travail  que  des 
métiers  simples  de  même  largeur  faisant  popeline  ;  et  des 
métiers  de  iT3  centimètres  de  largeur  se  sont  trouvés  con¬ 
sommer  seulement  2/3  du  travail  consommé  par  des  métiers 
de  107  centimètres  faisant  la  même  étoffe.  L’addition  d’un 
système  Jacquard  semble  augmenter  très-peu ,  de  2  à  3 
kilogrammes  seulement  par  seconde  ,  la  quantité  de  force 
prise  par  un  métier.  Nous  le  répétons  les  résultats  obtenus 
ne  peuvent  pas  être  regardés, définitifs ,  mais  ils  offrent  un 
haut  intérêt  en  démontrant  une  fois  de  plus  à  nos  indus¬ 
triels  que  la  pratique  ne  suffit  pas,  qu’elle  a  besoin  d’être 
éclairée  par  des  expériences  ,  par  des  essais  raisonnés.  Au 
temps  de  libre  concurrence  où  nous  vivons ,  il  n’est  plus  de 
gaspillage  permis ,  parce  qu’il  n’est  plus  d’économies  qui  ne 
soient  une  nécessité.  Il  n’est  presque  pas  d’usine  en  France 
où  les  frais  généraux  ne  fussent  susceptibles  de  réductions 
importantes  par  une  meilleure  application  de  la  force ,  par 
une  utilisation  plus  complète  du  combustible  dépensé.  Ce 
sont  là  des  détails ,  il  est  vrai ,  mais  des  détails  essentiels; 


—  ^58  — 

c’est  aux  industriels  à  s’en  préoccuper,  à  se  communiquer 
les  résultats  de  leur  expérience  journalière,  à  marcher 
d’un  commun  accord  et  sans  rivalités  mesquines  dans  la 
voie  du  progrès.  Les  faits  que  nous  avons  signalés  plus  haut 
ne  sont  qu’un  exemple  entre  mille  de  la  nécessité  d’étudier 
de  plus  près  les  instruments  de  leurs  travaux,  qui  devien¬ 
dront  entre  leurs  mains  habiles  les  instruments  de  leur  vic¬ 
toire. 

Etude  su7^  le  journal  de  Nai'honne^  premier  commissaii^e 
de  police  de  Versailles  sous  Louis  XIV  et  Lous  X\\  publié 
par  M.  Le  Roi,  par  M.  Chon.  — L’auteur  a  détaché  de  cette 
nouvelle  publication  les  faits  qui  lui  paraissent  les  plus 
propres  à  faire  connaître  les  mœurs  du  temps.  Il  compare 
le  journal  de  Narbonne  aux  mémoires  de  Saint-Simon  et 
profite  de  l’occasion  pour  faire  ressortir  ce  qu’il  y  a  de 
vanité,  de  petitesse,  d’orgueil  et  de  haine  dans  la  plume  du 
célèbre  duc  et  pair.  Il  rappelle  le  récit  si  plein  de  verve  du 
lit  de  justice  de  1718  où  Saint-Simon  «  nage  dans  sa  ven¬ 
geance  0  en  présence  des  humiliations  des  magistrats,  ce  vil 
petit  gris,  qui  lui  ont  refusé  le  salut.  Il  nous  est  impossible 
de  raconter  ni  même  de  résumer  toutes  les  anecdoctes  et  les 
réflexions  curieuses  que  M.  Chon  a  extraites  du  journal  de 
Narbonne. 

Laissons  de  côté  ce  qui  concerne  le  roi ,  la  cour  et  la  ville 
pour  rappeler  quelques  circonstances  qui  intéressaient  plus 
vivement  le  peuple  et  que  Narbonne  par  ses  fonctions  était 
plus  à  même  que  personne  de  connaître. 

Le  journal  de  Narbonne  consacre  plusieurs  chapitres  aux 
famines  qui  ravagèrent  la  France  au  commencement  du 
xviii.®  siècle.  En  1725,  après  une  magnifique  apparence  de 
récolte,  des  pluies  interminables  survinrent,  les  blés  pour¬ 
rirent  dans  les  champs.  La  livre  de  pain  valut  plus  de  2  francs 
de  notre  monnaie  actuelle.  Des  bruits  d’accaparement  cir- 


—  259  — 

culèrent ,  on  accusait  surtout  madame  de  Prie,  maîtresse 
du  premier  ministre,  le  duc  de  Bourbon.  Narbonne  «  obligea 
tous  les  boulangers  de  Versailles  à  garnir  de  pain  le  marché 
tous  les  jours  jusqu’à  7  heures  du  soir  et  à  se  conformer 
pour  le  prix  du  pain  à  celui  de  la  farine  amenée  au  Poids- 
le-Pioi  dont  il  se  faisait  donner  les  prix  les  jours  de  marché,  a 

Versailles  malgré  ses  merveilles  était  loin  d’être  un  séjour 
agréable.  Le  terrain  était  marécageux,  les  caves  des  habi¬ 
tants  remplies  d’eaux.  Des  étangs  situés  près  de  la  ville  ser¬ 
vaient  de  réservoirs  aux  matières  fécales  des  habitations.  Il 
y  avait  bien  une  dizaine  de  fontaines,  mais  la  moitié  ne 
donnait  pas  d’eau  et  «  celles  qui  allaient  n’en  donnaient 
que  comme  une  saignée,  »  parce  que  les  officiers  des  bâti¬ 
ments  du  roi  et  plusieurs  seigneurs  avaient  établi  des  con¬ 
duits  pour  faire  venir  l’eau  dans  leurs  hôtels.  «  La  modéra¬ 
tion  m’empêche  seule  de  dire  bien  des  choses,  ajoute  Nar¬ 
bonne,  en  cette  occasion  où  l’on  oublie  si  complètement  les 
premiers  principes  de  l’amour  du  prochain.  »  En  matière 
d’hygiène  les  difficultés  de  la  police  ne  datent  donc  pas  de 
nos  jours  ;  depuis  longtemps  elle  a  à  lutter  contre  l’égoïsme 
des  puissants  et  l’indifférence  des  masses. 

Nouvelles  recherches  sur  le  développement  de  Vemhryon 
à  des  températures  relativement  basses  et  sur  la  production 
artificielle  des  monstruosités ^  par  M.  G.  Dareste.  —  Depuis 
plusieurs  années  déjà  M.  Dareste  s’occupe  de  déterminer 
l’influence  de  la  température  sur  le  développement  de  jeu¬ 
nes  poulets.  Il  a  installé  dans  les  laboratoires  de  la  Faculté 
des  Sciences  de  Lille  des  couveuses  artificielles  qui  lui  ont 
déjà  permis  de  reproduire  à  volonté  et  en  variant  les  con¬ 
ditions  de  l’incubation,  telle  ou  telle  monstruosité.  Il  a 
reconnu  que  la  température  la  plus  basse  à  laquelle  l’em¬ 
bryon  du  poulet  puisse  se  développer  est  celle  de  40°,  qu’à 
cette  température  le  développement  se  fait  avec  une  très- 


—  260  — 

grande  lenteur ,  s’arrête  de  bonne  heure  en  condamnant 
l’embryon  à  une  mort  inévitable  et  amène  toujours  des  ano¬ 
malies  dans  l’organisation.  Tantôt  c’est  la  tête  qui  se  déve¬ 
loppe  seule  ,  tantôt  il  y  a  deux  cœurs ,  tantôt  les  membres  . 
inférieurs  se  soudent  entre  eux,  etc.  Cette  variation  des  ré¬ 
sultats  obtenus  dans  des  conditions  qui  sont  les  mêmes  pour 
tous  montre  que  les  germes  ne  sont  identiques  ni  physiolo¬ 
giquement  ni  anatomiquement  et  que,  pour  les  êtres  vivants, 
l’expérimentateur  doit  toujours  tenir  compte  des  prédispo¬ 
sitions  individuelles. 

Sur  un  nouveau  pyromètre,  par  M.  Lamy,  m.  c.  —  On 
sait  combien  est  irrégulier  le  pyromètre  à  argile  de  Veg- 
wood,  et  combien  est  peu  sensible  pour  de  hautes  tempéra¬ 
tures  le  pyromètre  à  air.  Celui  que  présente  M.  Lamy 
échappe  à  ces  deux  inconvénients.  On  pourrait  le  nommer 
manomètre  à  acide  carbonique.  De  même  que  l’eau  émet 
des  vapeurs  dont  la  quantité  augmente  avec  la  température, 
le  carbonate  de  chaux  à  partir  d’un  certain  degré  se  dé¬ 
compose  et  dégage  de  l’acide  carbonique  en  quantité  d’au¬ 
tant  plus  grande  qu’il  est  soumis  à  une  chaleur  plus  intense  ; 
de  même  qu’un  abaissement  de  température  détermine  la 
condensation  de  la  vapeur  d’eau,  un  phénomène  du  même 
genre  produit  l’absorption  du  gaz  acide  carbonique  par  la 
chaux. 

L’appareil  fondé  sur  ces  principes  se  compose  d’un  tube 
de  porcelaine  fermé  à  une  de  ses  extrémités  et  rempli  de 
marbre.  On  le  chauffe  au  rouge  vif  de  manière  que  l’acide 
carbonique  en  se  dégageant  chasse  complètement  l’air. 
Puis  on  adapte  un  manomètre  à  l’extrémité  ouverte.  Lors¬ 
que  le  tube  est  revenu  à  la  température  ordinaire  l’acide 
carbonique  contenu  dans  l’appareil  est  complètement  absorbé 
et  le  manomètre  accuse  le  vide. 

Un  pyromètre  de  cette  nature  donne  la  température  à 


—  261  — 

partir  de  800“  par  une  simple  lecture  sur  le  manomètre  ; 
il  peut  être  placé  dans  toute  espèce  de  fours,  et  l’obser¬ 
vation  se  fait  aussi  bien  près  du  foyer  dans  lequel  le 
.  pyromètre  est  plongé  que  dans  le  cabinet  du  directeur  dési¬ 
reux  de  connaître  à  chaque  instant  l’allure  de  ses  four¬ 
neaux.  J.  Gosselet. 

SOCIÉTÉ  d’émulation  DE  CAMBRAI 
Travaux  courants 

«  Sous  ce  titre  :  Matériaux  pour  l’histoire  des  Arts,  M.  Le¬ 
febvre  a  recueilli  dans  les  comptes  de  la  ville  et  les  manus¬ 
crits  de  la  Bibliothèque  communale,  principalement  dans 
les  registres  aux  actes  capitulaires ,  un  grand  nombre  de 
mentions  intéressantes  ,  du  xiii.®  au  xix.®  siècle  ,  ayant  pour 
objet  soit  des  salaires  ou  des  rémunérations  accordées  à  des 
artistes  pour  des  oeuvres  le  plus  souvent  désignées,  ou  l’indi¬ 
cation  de  dons  d’autres  œuvres  plus  ou  moins  complètement 
décrites ,  et  délaissées  à  des  établissements  ou  à  des  parti¬ 
culiers  par  différentes  personnes.  Toutes  ces  indications  ont 
-trait  à  l’orfèvrerie,  aux  divers  genres  de  peinture,  à  la 
sculpture,  à  la  tapisserie,  à  la  musique,  etc.,  etc.  M.  Le¬ 
febvre  a  été  amené ,  par  suite ,  à  signaler  aussi  l’existence 
d’une  chambre  de  rhétorique  à  Cambrai  au  xv.®  siècle,  à 
citer  des  noms  d’artistes  peintres  et  musiciens  ignorés  jus¬ 
qu’alors.  Il  a  terminé  en  mentionnant  la  découverte,  sur  la 
garde  manuscrite  d’un  livre,  de  ce  fait  :  que  Gharles-le- 
Téméraire  pour  qui  la  musique  instrumentale  n’était  point 
un  art  étranger,  s’est  également  livré  à  celui  de  la  compo¬ 
sition  musicale  et  a  fait  exécuter  en  sa  présence,  dans  l’église 
de  Notre-Dame  de  Cambrai,  le  23  octobre  1460  ,  un  motet 
dont  il  est  l’auteur.  » 

Depuis  la  fin  du  mois  de  mars  dernier  ,  la  Société  d’Emu- 
lation  de  Cambrai  a  entendu  lecture  de  divers  autres  tra- 


—  202  — 

vaux  dont  nous  nous  disposions  à  faire  un  compte-rendu 
>  anticipé ,  lorsque  nous  est  arrivée  la  deuxième  partie  du 
t.  XXX  de  ses  Mémoires  qui  les  contient  tous  et  que  nous  ne 
tarderons  pas  à  analyser.  Signalons,  dès  maintenant,  dans  . 
ce  nouveau  volume ,  outre  les  morceaux  en  cours  d’impres¬ 
sion  que  nous  indiquions  dans  notre  numéro  d’avril  :  la 
deuxième  et  dernière  partie  du  recueil  des  Inscriptions 
tumulaires  de  V ancien  Camhrésis ,  par  M.  Durieux  ;  la  suite 
de  la  Biographie  du  baron  de  Worden,  par  M.  de  Vende- 
gies ,  et  de  la  Constitution  géologique  du  Camhrésis ,  par 
notre  collaborateur,  M.  Gosselet. 

M.  Bruyelle  a,  de  son  côté,  continué  le  précieux  bulletin 
archéologique  qu’il  dresse  pour  chaque  volume  des  Mémoi¬ 
res.  Ce  bulletin,  où  sont  consignées  toutes  les  découvertes 
et  restaurations  de  monuments  quelconques ,  faites  ou 
entreprises  dans  l'arrondissement  pendant  l’année,  em¬ 
prunte  cette  fois  aux  travaux  de  l’Hôtel-de-Ville  un  intérêt 
particulier. 

Le  18  août  dernier,  la  Société  a  tenu  sa  séance  publique 
annuelle.  M.  Wilbert,  dans  son  discours  présidentiel, 
après  avoir  indiqué  à  grands  traits  les  avantages  résultant 
pour  les  ouvriers  delà  pratique  des  vertus  de  famille,  a  dit 
en  quelques  mots  ce  qu’était ,  il  y  a  un  demi-siècle ,  à  Cam¬ 
brai,  l’institution  des  rosières.  Il  a  examiné  ensuite  le  moyen 
qu’il  y  aurait,  selon  lui ,  de  faire  revivre  le  bien  moral  de 
cette  institution  en  la  débarrassant  de  tout  ce  qui  a  contribué 
à  la  faire  tomber  en  désuétude. 

Après  ces  paroles ,  vivement  applaudies  par  l’auditoire, 
M.  Durieux,  chargé  du  rapport  sur  le  concours  de  moralité, 
s’est  attaché,  dans  un  court  préambule  ,  à  démontrer  la  né¬ 
cessité  de  la  pratique  de  la  charité  entre  tous  les  ouvriers. 
Il  a  ensuite  énoncé  d’une  manière  succincte  les  titres  des 
candidats  jugés  dignes  de  récompenses. 


—  265 


» 


ACADÉMIE  IMPÉRIALE  D’ARRAS 

Travaux  courants 

Le  18  août  dernier,  rAcadémie  d’Arras  a  tenu  aussi  sa 
séance  publique  annuelle.  M.  le  chanoine  Planque  ,  réci¬ 
piendaire  ,  y  a  prononcé  un  discours  sur  l’orgue  :  il  a  décrit 
l’origine  ,  la  facture ,  le  caractère  et  la  puissance  de  ce  roi 
des  instruments.  M.  Lecesne  ,  président,  lui  a  répondu. 

On  a  ensuite  entendu  le  rapport  de  M.  le  chanoine  Van 
Drivai,  sur  le  concours  des  Beaux-Arts,  et  celui  de  M.  de 
Mallortie,  sur  le  concours  de  Poésie. 

Le  prix  de  Poésie,  médaille  d’or  de  200  fr.,  a  été  décerné 
à  M.  Henri  Galleau,  lauréat  de  plusieurs  académies  ;  le  prix 
d’architecture ,  médaille  d’or  de  300  fr. ,  à  M.  Albert  Carré, 
architecte ,  à  Arras  ;  le  prix  de  sculpture ,  médaille  d’or  de 
200  fr. ,  à  M.  Louis  Hubert-Noël,  de  Ruminghem. 

La  séance  s’est  ouverte  par  le  rapport  de  M.  Van  Drivai , 
secrétaire-général ,  sur  les  travaux  de  l’Académie  dans  le 
cours  de  l’année  qui  vient  de  s’écouler. 

Ces  travaux  ont  été  aussi  nombreux  qu’intéressants.  Pour 
ne  citer  que  ceux  d’intérêt  local ,  on  y  remarque  une  Mono¬ 
graphie  de  la  ville  de  Saint-Pol,  par  M.  le  chanoine  Robi- 
taille  ;  une  Histoire  de  la  Sainte- Manne  d'Arras^  parM. 
l’abbé  Proyart,  vicaire-général  ;  une  Etude  sur  le  Cardinal 
de  Granvelle,  par  M.  Lecesne.  M.  Paris  a  aussi  plusieurs 
fois  entretenu  ses  collègues  de  faits  relatifs  à  la  jeunesse  de 
Robespierre.  Enfin,  M.  Van  Drivai  a  pris  acte,  dans  son 
rapport,  de  l’intention  où  est  l’Académie  de  publier  m- 
extenso  le  célèbre  cartulaire  de  Saint-Vaast  par  Guiman , 
résolution  à  laquelle  le  signataire  du  présent  article  ne  peut 
qu’applaudir. 


A.  Desplanoüe. 


—  264  — 


BIBLIOGRAPHIE. 

l’abbaye  de  clairmabais  d’après  ses  archives 

par  Henri  de  La  Plane,  ancien  député,  secrétaire  général  de 

la  Société  de  la  ]\Iorinie(^) 

L’abbaye  de  Clairmarais  n’a  ni  l’ancienneté,  ni  l’illustra¬ 
tion  de  Sitliiu,  sa  voisine.  Mais,  par  son  origine,  qui  re¬ 
monte  à  saint  Bernard  ,  par  l’importance  de  ses  possessions 
graduellement  conquises  sur  les  eaux,  par  le  luxe  et  l’éten¬ 
due  de  ses  constructions,  elle  tient  une  assez  grande  place 
dans  l’histoire  religieuse  ,  sociale  et  artistique  de  la  contrée 
qui  l’a  vu  naître,  se  développer  et  périr.  Aussi  l’infatiga¬ 
ble  secrétaire  général  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la 
Morinie  n’a-t-il  pas  hésité  à  publier,  parallèlement  à  sa  mo¬ 
nographie  des  abbés  de  Saint-Bertin ,  que  l’Institut  hono¬ 
rait  naguère  de  ses  suffrages,  une  histoire  complète  de  Clair- 
marais. 

L’ouvrage ,  enrichi  de  dessins  et  de  portraits  qui  ajoutent 
un  intérêt  de  plus  à  sa  valeur  intrinsèque,  se  divise  en  deux 
parties.  Dans  la  première,  l’auteur  après  avoir  retracé  som¬ 
mairement  la  fondation  de  l’abbaye ,  nous  la  dépeint  telle 
qu’elle  était  aux  diverses  époques  de  son  existence  et  spécia¬ 
lement  à  la  veille  de  la  Révolution.  Avec  une  puissance 
d’intuition  fécondée  par  l’étude  des  textes  et  l’examen  ap¬ 
profondi  des  lieux ,  il  reconstitue  en  son  entier  ce  vaste 
édifice,  dont  bientôt  il  ne  restera  plus  pierre  sur  pierre.  Il 
nous  fait  faire  le  tour  de  l’église ,  des  cloîtres ,  du  cimetière, 
des  jardins ,  des  étangs ,  du  vivier ,  de  la  ferme  et  de  ses  dé¬ 
pendances  ,  prodiguant  à  chaque  pas  les  descriptions  et  les 


(^)  Saint-Omer, Fleury-Lemaire,  1864-1868;  2  vol.  in-8.°  deLvi-414p. 
et  de  viii-890  p. 


—  265  — 

souvenirs,  déchiffrant  toutes  les  pierres  tumulaires  qu’il 
rencontre,  inventoriant  jusqu’aux  pièces  du  mobilier,  lors¬ 
qu’elles  offrent  quelque  chose  de  caractéristique  ou  de 
curieux.  Le  patient  historien  nous  initie  ensuite  aux  mœurs, 
aux  occupations  des  moines  ,  qui  firent  longtemps  fleurir, 
à  l’extrémité  du  pays  des  Morins  ,  la  règle  de  Glairvaux.  Il 
couronne  son  premier  volume  par  un  appendice  sur  les 
abbayes  cisterciennes  de  l’ancien  diocèse  de  Saint-Omer, 
dépendantes  de  Clairmarais  :  Blandecque,  Wœstine,  Ra- 
vensberg  et  Beaupré.  La  seconde  partie  (t.  ii)  de  VHistoire 
de  Clairmarais  donne  ,  avec  leurs  armoiries  ,  la  biographie 
détaillée  des  cinquante  abbés  qui  se  sont  succédé ,  dans  la 
direction  de  cet  établissement,  de  1140  à  1792,  depuis 
Gunfride,  que  le  mcnologe  cistercien  place  au  rang  des 
saints  de  l’ordre  ,  jusqu’à  Orner  de  Schodt  que  la  Révolution 
expulsa  de  son  siège. 

Les  érudits  qui  se  souviennent  des  soins  consciencieux 
que  M.  de  La  Plane  a  apportés  à  la  rédaction  des  Abbés  de 
Saint-Berlin ,  retrouveront,  dans  son  nouvel  ouvrage,  les 
mêmes  qualités  de  savoir  et  de  style ,  accrues  par  plus  d’am¬ 
pleur  dans  le  procédé  d’exposition.  A.  D. 


ARMURES  DES  HOMMES  DU  NORD. 

LES  CASQUES  DE  FALAISE  ET  d’AMFREVILLE  SOUS  LES  MONTS, 

par  Charles  de  Linas  (i) 

L’histoire  du  travail  à  l’Exposition  universelle  dont  s’est 
beaucoup  occupé  le  savant  archéologue,  connu  de  nos  lec¬ 
teurs,  a  soulevé  bien  des  questions  intéressantes  pour 
notre  histoire  nationale.  Les  unes  sont  en  voie  de  solution, 
les  autres  attendent,  pour  être  élucidées,  que  des  décou- 

(B  Arras,  Rousseau-Leroy  ,  1  vol  iii-S.",  104  p.,  1  carie,  7  planches 
6  dessins  ,  15  bois  ;  tiré  à  100  exemplaires. 


—  266  — 

vertes  nouvelles  viennent  en  aide  à  la  sagacité  des  explo¬ 
rateurs. 

Deux  casques  en  bronze,  de  forme  conique,  avec  cimier 
aigu,  trouvés  à  Falaise,  réputés  gaulois  d’après  le  catalogue 
de  l’Exposition,  parurent  à  M.  de  Linas  avoir  une  origine 
normande.  Il  se  rendit  à  Falaise  où  il  apprit  que ,  en  1832  , 
neuf  casques  identiques  de  forme,  de  métal  et  de  fabrica¬ 
tion,  ont  été  trouvés  dans  le  môme  champ,  emboités  trois 
par  trois,  l’un  dans  l’autre,  déposés  verticalement  et  cimier 
en  l’air. 

Cette  disposition  ne  peut  être  dùe  au  hasard  et  le  désor¬ 
dre  du  champ  de  bataille  est  certainement  étranger  à  des 
combinaisons  numériques  calculées  avec  soin.  M.  de  Linas 
suppute  les  peuples  de  l’antiquité  qui  se  sont  établis  en 
Gaule  ,  et  démontre  que  les  casques  de  Falaise  ne  peuvent 
leur  être  applicables  pas  plus  qu’aux  Gaulois  eux-mêmes , 
comme  le  prouvent  les  diverses  formes  de  casques  d’origine 
gauloise  trouvés  dans  la  Somme  ,  dans  la  Meurthe ,  dans 
l’Eure  et  le  Pas-de-Calais. 

L’examen  des  casques  portés  autrefois  dans  l’Orient ,  en 
Egypte,  en  Assyrie,  en  Macédoine  et  en  Perse,  amène 
l’archéologue  à  suivre  les  casques  coniques  jusqu’au  xiii.® 
siècle  où  il  les  trouve  encore  en  Russie.  La  tapisserie  de 
Bayeux  donne  le  dessin  de  plusieurs  variétés  de  casques 
coniques  portés  au  xi.®  siècle  par  les  Normands  et  les  Anglo- 
Saxons.  L’artiste  qui,  au  xiv.®  siècle,  a  sculpté  un  Goliath 
sur  le  portail  de  la  cathédrale  de  Reims,  voulant  donnera 
son  personnage  l’aspect  terrible  d’un  guerrier  barbare ,  l’a 
représenté  avec  un  casque  en  pain  de  sucre.  — M.  de  Linas 
conclut  que  c’est  aux  Normands ,  forcés  de  perfectionner 
leur  système  d’armures  dans  leurs  guerres  d’invasion,  qu’est 
dù  l’emploi  des  casques  trouvés  à  Falaise. 

M.  de  Linas  commente  les  combinaisons  numériques  cal- 


—  267  — 

culées  dans  la  disposition  des  casques,  où  se  retrouvent  le 
nombre  3  et  son  multiple  9.  Il  y  voit  pour  motif  l’accom¬ 
plissement  d’un  acte  religieux  et  appuie  sa  dissertation  sur 
le  rapport  de  ces  nombres  avec  l’essence  du  symbolisme 
oriental  primitif.  Ce  serait  à  une  offrande  adressée  àHeim- 
dal ,  fils  de  neuf  mères  et  père  de  trois  filles ,  divinité  chère 
aux  guerriers  Scandinaves ,  qu’il  faudrait  rapporter  l’en¬ 
fouissement  des  casques. 

Le  travail  se  termine  par  une  étude  approfondie  de  quel¬ 
ques  autres  casques  du  musée  du  Louvre,  L’histoire,  la 
technique  et  l’ethnographie  fournissent  tour  à  tour  à  l’auteur 
des  notions  utiles  au  classement  de  ces  intéressantes  ar¬ 
mures.  E.  Vax  Hexde. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 


Géologie.  Craie  des  environs  de  Saint-Omer.  —  H  y  a 
aux  environs  de  Saint-Omer  de  nombreuses  carrières  de 
craie,  les  unes  sont  situées  au  Nord  de  la  ville  dans  les 
communes  de  Saint-Martin-au-Laërt  et  de  Moulle  ;  les  autres 
dans  la  vallée  de  l’Aa  supérieure  à  Blandecque  ,  Vizernes 
Setques  et  Lumbres.  Ces  carrières  sont  reconnaissables  par 
les  fossiles  qu’on  y  rencontre. 

M.  Danglure(^)  a  donné  la  liste  des  fossiles  qu’on  trouve 
dans  une  des  carrières  de  Blandecque ,  il  cite  : 


Echinocorys  {Ananchyles)  gibbua, 
Micraster  cor  anguinum  , 
Echinoconus  [GaUriles)  conicus , 
Cidaris  sce'plifcra , 


Inoceramus  (grande  espèce  plate) 
Terebralula  carnea? 

Terebralula  semiglobosa, 

Belemnües  (Actinocomax)  verus. 


Ces  mêmes  carrières  m’ont  fourni  : 


Micraster  cor  tesludinarium . 


(h  Bulletin  de  la  Société  Géologique  de  France  ,  t.  xxi. 


—  268  — 

Généralement  ce  Micraster  cor  testudinarium  ne  se  ren¬ 
contre  pas  avec  le  Micraster  cor  angiiinitm ,  il  caractérise 
une  zône  un  peu  inférieure  ;  comme  la  craie  est  exploitée 
sur  une  épaisseur  de  20  mètres  il  se  pourrait  que  le  Micras¬ 
ter  cor  anguinum  fut  spécial  à  la  partie  supérieure  et  le 
Micraster  cor  testudinarium  à  la  partie  inférieure. 

ASetques,à7  kilomètres  de  Saint-Omer,  on  exploite 
comme  pierre  de  taille  la  craie  avec  grains  verts  de  glan- 
conie  correspondant  au  niveau  de  Lezennes  et  d’Hordain 
dans  le  département  du  Nord.  Les  fossiles  qu’on  y  rencontre 
sont  : 


Peclen  Dujardini , 
Inoceramus  Lamarkii , 
Lima  Hoperi, 
Spondylus  spinosus , 


Terebratula  semigJobosa, 
Echinocorys  gibbus  , 

Micraster  breviporus  {Leskei) , 
Micraster  cor  testudinarium. 


A  2  kilomètres  en  amont  de  Setques,  à  la  Liauvelte 
(commune  de  Lumbres) ,  on  voit  effleurer  dans  les  fossés  de 
la  route  des  marnes  avec  Terebratulina  gracilis  et  à  un 
niveau  un  peu  plus  élevé  on  exploite  pour  marner  les  terres 
de  la  craie  marneuse  qui  contient  : 


Micraster  breviporus  (Leskei) ,  Spondylus  spinosus. 

Ainsi  aux  environs  de  Saint-Omer  on  reconnaît  dans  la 
craie  les  zones  que  l’on  trouve  dans  la  craie  du  département 
du  Nord  : 

1. °  Zône  à  Micraster  cor  anguinum  , 

2. ®  Zône  à  Micraster  cor  testudinarium , 

3. ®  Zône  à  Micraster  breoiporus  {Leskei) , 

4. ®  Zône  à  Terebratulina  gracilis.  J.  G. 


Ravages  des  Chenilles  sur  les  ai'bres  fruitiers  et  les  haies. 

(  Suite  ) 

Ce  ne  sont  pas  les  recettes  qui  manquent  pour  arriver  à 
préserver  les  arbres  des  ravages  de  la  Livrée  ;  comme  dans 


—  269  — 

beaucoup  de  cas  analogues  ,  ce  qui  fait  défaut  ce  n’est  pas 
l’indication  des  moyens,  c’est  la  réussite  de  leur  application. 
On  a  proposé  de  promener  sous  les  toiles  qui  contiennent 
les  jeunes  chenilles  des  torches  de  paille  enflammées.  On 
brûle  les  chenilles,  mais  on  brûle  aussi  les  bourgeons;  et 
quel  moyen  d’aller  dans  la  vaste  couronne  d’un  pommier 
en  plein  vent,  avec  une  poignée  de  paille  allumée,  chercher 
chaque  nid  ,  qu’il  serait  tout  aussi  simple  d’arracher  à  la 
main  ? 

Un  horticulteur  a  donné  dernièrement  un  perfectionne¬ 
ment  à  cette  méthode  ,  il  se  sert  d’une  lampe  à  esprit  de 
vin  fixée  à  une  perche,  au  moyen  de  laquelle  il  va  brûler 
chacune  des  toiles.  Ce  moyen  est  beaucoup  meilleur  et 
mérite  d’être  expérimenté. 

On  a  aussi  conseillé  de  verser  sur  les  nids  divers  liquides 
corrosifs  ;  c’est  encore  compliquer  une  question  très-simple. 
Dès  l’instant  que  l’on  a  la  patience  d’atteindre  chaque  nid 
pour  l’arroser,  autant  le  saisir  entre  les  doigts  et  le  froisser. 

Je  crois  que  l’échenillage  à  la  main  est  le  seul  remède 
réel  ;  s’il  ne  peut  pas  se  pratiquer  aisément  dans  les  arbres 
élevés,  il  peut  du  moins  se  faire  sur  ceux  des  jardins  frui¬ 
tiers  ,  qui  sont  en  quenouilles ,  sur  les  espaliers ,  sur  les 
haies  et  les  buissons.  Mais  il  importe  surtout  de  ne  pas 
confondre  cet  échenillage  avec  celui  qui  est  prescrit  chaque 
année  par  arrêté  préfectoral.  Celui-ci  ne  regarde  qu’une 
seule  espèce,  le  Bombyx  chrysorrhea  ou.  cul  doré,  dont 
les  bourses  ou  tentes  se  font  à  l’automne  et  abritent  les 
petites  chenilles  pendant  l’hiver.  Il  est  ordonné  pour  le 
mois  de  mars ,  époque  où  les  chenilles  du  neustria  ne  sont 
pas  encore  écloses. 

Il  faut  donc  bien  se  garder  de  croire  que  quand  on  a  tant 
bien  que  mal  satisfait  à  l’injonction  administrative ,  on  est 
préservé  de  tout  danger.  Une  seule  espèce,  je  le  répète, 


—  =270  — 

est  écartée ,  et  ce  n’est  pas  celle  qui  dans  ce  pays-ci  fait  les 
_  dégâts  les  plus  dangereux.  Pour  que  les  arrêtés  d’échenil¬ 
lage  soient  en  rapport  avec  leur  'objet  et  conformes  aux 
observations  entomologiques ,  il  faudrait  qu’ils  prescrivent 
l’enlèvement  des  bourses  à  des  époques  concordantes  avec 
les  apparitions  de  chacune  des  espèces  nuisibles.  Ce  serait 
les  faire  entrer  dans  des  détails  qui  les  rendraient  encore 
plus  inutiles  qu’ils  ne  le  sont  réellement. 

Si  ce  n’était  m’éloigner  de  l’objet  de  cette  courte  note,  je 
pourrais  aisément  démontrer  que  ces  ordonnances  ont  un 
effet  à  peu  près  nul ,  d’abord  parce  qu’elles  sont  mal  ou  pas 
du  tout  exécutées,  et  ensuite  parce  qu’elles  n’atteignent  pas 
les  chenilles  qui  éclosent  après  l’hiver. 

On  n’en  lit  pas  moins  tous  les  ans  dans  les  journaux  des 
tirades  convaincues  sur  l’imprudence  des  cultivateurs  qui 
laissent  ravager  leurs  arbres  ou  leurs  récoltes  ,  faute  d’ob¬ 
tempérer  aux  bienveillantes  injonctions  de  l’Administration; 
oes  journaux  ignorent  que  les  arrêtés  n’atteignent  pas  la 
centième  partie  des  chenilles. 

L’échenillage  que  je  conseille,  contre  les  ravages  du 
Bombyx  neustria^  doit  être  pratiqué  au  mois  de  mai,  quand 
les  chenilles  sont  réunies  dans  leur  toile  ;  on  peut  couper 
la  branche  sur  laquelle  est  attachée  cette  toile ,  mais  il  est 
plus  court  et  plus  facile  de  la  froisser  entre  les  doigts  de 
manière  à  bien  écraser  toutes  les  chenilles.  Les  jardiniers 
et  les  pépiniéristes  qui ,  cette  année,  ont  pris  cette  précau¬ 
tion  à  temps  ont  été  délivrés  du  fléau.  Sans  doute  bien  des 
journées  d’ouvriers  ont  du  être  employées ,  mais  certaine¬ 
ment  ces  frais  ont  été  largement  compensés. 

Quelques  fermiers  ont  essayé  de  faire  monter  dans  les  . 

arbres  des  vergers  pour  y  faire  la  même  opération  ,  ils  ont 

» 

dû  y  renoncer  par  suite  de  la  difficulté  d’atteindre  l’extré¬ 
mité  des  branches  ;  ils  y  seraient  parvenus  avec  des  serpes 


—  271  — 

emmanchées,  de  la  patience  et  des  frais  ;  mais  les  produits 
des  vergers  sont  ici  trop  peu  appréciés  pour  que  Ton  fasse 
beaucoup  d’efforts  dans  le  but  de  les  protéger. 

IL  —  J’ai  fait  observer  plus  haut  que  les  pommiers  avaient 
été  atteints  par  deux  espèces  différentes  de  chenilles.  La 
seconde  est  celle  de  VHyponomeuta  padellay  petit  papillon 
de  la  famille  des  Tinéides ,  qui  fut  longtemps  compris  dans 
le  grand  genre  Tinea  de  Linné. 

Ce  nom  générique  d'Hyponomeuta  est  un  véritable  contre¬ 
sens  ;  il  vient  d’un  mot  grec  qui  veut  dire  mineur  ou  creu- 
seur  y  or  il  n’y  a  rien  de  moins  creuseur  que  ces  chenilles 
qui  vivent  en  plein  air  sous  une  toile.  Latreille,  en  créant 
le  genre,  y  avait  fait  entrer  d’autres  espèces  de  Tinéides  qui 
vivent  dans  l’intérieur  des  tiges  d’arbres ,  mais  l’ayant  lui- 
même  restreint  depuis,  il  semble  qu’il  n’eut  pas  dû  laisser 
le  nom  précisément  aux  espèces  à  qui  il  convenait  le  moins. 

Padella  vient  de  padus^  nom  spécifique  du  Cerasus 
padus^  cerisier  à  grappes,  arbre  sur  lequel  les  chenilles 
ont  été  observées  comme  sur  plusieurs  autres  rosacées. 

Vers  la  mi-mai,  ces  chenilles  éclosent  d’œufs  déposés 
l’été  précédent  par  le  papillon ,  dans  les  fissures  des  écorces 
ou  simplement  sur  le  bois  des  branches.  Dès  leur  éclosion , 
elles  se  groupent  en  petites  familles ,  et  se  mettent  à  filer 
une  toile  qu’elles  attachent  comme  l’espèce  précédente  aux 
feuilles  et  aux  rameaux,  mais  d’une  façon  un  peu  différente. 
Comme  cette  toile  doit  les  abriter  pendant  toute  leur  vie  , 
et  qu’elles  ne  la  quitteront  jamais,  elles  enveloppent  sous 
leur  fils  les  feuilles  qui  doivent  leur  servir  de  nourriture  ; 
elles  peuvent  ainsi  manger  sans  sortir  de  chez  elles,  et  si 
elles  s’éloignent  un  peu  pour  pâturer  aux  environs,  elles 
restent  attachées  au  toit  commun  par  un  fil  qu’elles  sécrètent 
en  avançant. 


—  272  — 

Au  lieu  d’enlarner  la  feuille  du  pommier  par  le  bord  , 
comme  les  chenilles  de  plus  grande  taille ,  celle  de  notre 
Hyponomeute  la  ronge  par  la  surface  supérieure,  de  manière 
à  enlever  l’épiderme  et  le  parenchyme  et  à  ne  plus  laisser 
que  la  couche  épidermique  inférieure,  qui  se  dessèche  et 
jaunit.  Lorsqu’un  pommier  a  été  envahi  tout  entier,  il 
prend  l’aspect,  non  plus  d’un  arbre  dépouillé  par  l’hiver, 
comme  quand  il  est  attaqué  par  la  Livrée,  mais  d’un  arbre 
dont  les  feuilles  ont  été  grillées;  les  campagnards  frappés 
de  cette  apparence  roussâti'e,  et  l’attribuant  au  vent,  disent 
qu’il  est  passé  un  vent  roux  qui  a  brûlé  leurs  arbres. 

Cette  idée  de  vent  n’est  pas  admise  par  tous  les  fermiers, 
il  est  trop  aisé  de  reconnaître  la  vraie  cause  du  mal  et  de 
prendre  la  chenille  sur  le  fait;  mais  personne  ne  s’en  dé¬ 
barrasse  entièrement  ,  et  ceux  même  qui  savent  très-bien 
que  ce  n’est  pas  un  mauvais  vent  qui  a  jauni  leurs  pom¬ 
miers  prétendent  que  les  chenilles  n’apparaissent  jamais 
que  par  le  vent  d’est  et  qu’elles  sont  amenées  par  lui.  Il  va 
sans  dire  que  c’est  là  un  préjugé  injustifiable.  Les  chenilles 
éclosent  sur  l’arbre  indépendamment  de  toute  direction  du 
vent.  Tout  au  plus  pourrait-on  admettre  qu’un  vent  plus 
sec,  comme  l’est  ordinairement  ici  le  vent  d’est,  hâte  l’é¬ 
closion,  mais  celte  année  même,  il  n’a  pu  en  être  ainsi 
puisque  le  mois  de  mai  a  été  remarquable  par  son  humidité, 
ce  qui  n’a  pas  empêché  l’Hyponomeule  de  se  développer 
outre  mesure. 

Du  lo  au  30  juin,  les  chenilles  sont  arrivées  à  leur  taille, 
elles  ont  un  centimèti*e  et  demi  de  longueur,  une  teinte 
d’un  gris  verdâtre  avec  une  raie  plus  foncée  sur  le  dos; 
deux  lignes  de  points  noirs  régnent  de  chaque  côté  de  la 
raie  centrale,  et  sur  les  stigmates  on  voit  une  autre  ligne 
très-fine. 

Chacune  se  file  un  cocon  sous  la  tente  commune  et  s’y 


—  275  — 

transforme  en  une  chrysalide  brune  aux  extrémités  et  sur 
le  fourreau  des  ailes,  et  jaune  au  centre.  Le  papillon  en 
sort  en  juillet ,  il  est  large  de  deux  centimètres  ,  les  ailes 
étendues  ;  les  supérieures  sont  blanches  avec  le  centre  et  le 
bord  extérieur  grisâtres  ;  chacune  est  pointillée  de  vingt  à 
vingt-cinq  petits  points  noirs  disposés  ainsi  :  une  ligne  sur 
le  bord  supérieur  en  contient  cinq  ou  six ,  une  autre  sur  le 
bord  inférieur  est  composée  du  même  nombre  ,  une  ligne 
centrale  moins  régulière  en  a  trois  ou  quatre  ,  le  reste  est 
groupé  à  l’exlrémité,  ceux-ci  sont  plus  petits.  Les  ailes  de 
dessous  sont  plombées  et  largement  frangées.  L’envers  est 
aussi  d’un  gris  plombé. 

Lorsque  les  évolutions  de  l’insecte  se  sont  faites  sans  trop 
d’encombre  et  que  toutes  les  circonstances  ont  été  favora¬ 
bles,  ces  papillons  sont  si  nombreux  qu’ils  forment  des  es¬ 
pèces  de  petits  nuages  blancs  quand  on  secoue  les  arbres  ou 
ils  sont  éclos  ;  mais  il  est  rare  de  les  voir  pulluler  ainsi , 
car  les  chenilles  et  les  chrysalides  ont  des  ennemis  terribles 
qui  leur  font  une  guerre  d’extermination.  M.  Goureau  qui, 
en  1845 ,  observa  cette  espèce  en  immense  quantité  aux  en¬ 
virons  de  Cherbourg  ,  estime  que  les  insectes  parasites  en 
détruisent  les  quatre-vingt-dix-neuf  centièmes. 

Comme  pour  le  Bombyx  neustria  on  a  proposé  d’ar¬ 
rêter  les  ravages  des  Hyponomeutes  au  moyen  de  feux 
de  paille.  M.  Boisduval  qui  ,  en  1833 ,  avait  mis  ce 
moyen  en  avant,  l’a  condamné  lui-même  depuis,  en  di¬ 
sant  qu’on  peut  très-bien  brûler  les  petites  branches  en 
même  temps  que  les  nids  et  nuire  à  la  végétation  de  l’an¬ 
née  suivante. 

La  llainme  d’une  lampe  aurait  moins  d’inconvénient  parce 
qu  elle  pourrait  être  maniée  avec  plus  de  précautions ,  mais 
ce  serait  une  œuvre  de  patience  assez  pénible  que  de  la  pré¬ 
senter  sous  tous  les  nids  ;  dans  tous  les  cas  il  faudrait  opérer 


—  274 

au  moment  où  ces  nids  commencent  à  se  former  et  ne  pas 
attendre  que  les  dégâts  soient  déjà  très-visibles. 

M.  Boisduval  propose  encore  d’enlever  les  nids  avec  un 
balai  de  feuilles  de  houx,  moyen  fort  peu  pratique,  puisque 
les  toiles  adhèrent  aux  hranches  et  aux  feuilles  et  sont  en¬ 
chevêtrées  de  manière  à  ne  s’en  détacher  que  difficilement. 

Je  crois  que  le  remède  par  excellence  est  l’échenillage  à 
la  main;  dans  les  jardins  fruitiers  où  les  pommiers  sont  à 
basse  lige,  il  est  tout  naturellement  indiqué;  dans  les  grands 
pommiers  des  vergers,  il  peut  encore  se  pratiquer  assez 
aisément,  puisqu’il  ne  s’agit  que  d’atteindre  chaque  toile 
avec  la  main  et  de  la  froisser  vivement. 

III.  —  En  même  temps  que  nos  pommiers  perdaient  toutes 
leurs  feuilles,  les  haies  d’aubépine  disparaissaient  sous  un 
véritable  réseau  de  toiles  ,  et  presque  partout  étaient  dé¬ 
pouillées  entièrement  de  verdure.  Au  premier  abord  il  était 
difficile  à  l’observateur  de  se  persuader  que  cette  chenille 
qui  tapissait  ainsi  les  aubépines  était  la  même  que  celle  des 
pommiers.  Il  y  a  en  effet  des  différences  notables  dans  leur 
manière  de  se  comporter. 

Sur  les  épines,  au  lieu  de  ronger  une  des  surfaces  de  la 
feuille,  elles  la  mangent  par  les  bords,  comme  les  chenilles 
de  taille  supérieure  ,  de  sorte  qu’il  ne  reste  plus  que  les  ra¬ 
meaux  ,  quand ,  sur  les  pommiers  ,  une  partie  desséchée  des 
feuilles  tiennent  encore  aux  branches.  Leurs  toiles  sont 
aussi  moins  blanches,  plus  étendues  ;  elles  forment  sur  cer¬ 
taines  haies  une  véritable  enveloppe ,  tandis  que  sur  les 
pommiers  elles  occupent  en  général  l’extrémité  des  hi’an- 
ches.  Ces  différences  de  mœurs  sembleraient  indiquer  qu’il 
y  a  là  deux  espèces  distinctes,  et  cependant  le  papillon  pro¬ 
duit  par  ces  chenilles  est  identiquement  le  même.  Je  viens 
de  mettre  en  expérience  une  grande  quantité  de  ces  chenil- 


—  275  - 

les  prises  sur  les  pommiers  et  sur  les  aubépines.  Toutes  les 
éclosions  m’ont  fourni  le  même  Hyponomeute ,  le  pacîella  , 
que  ses  teintes  plombées  et  les  dispositions  de  ses  points 
font  aisément  reconnaître.  Il  ne  pourrait  être  confondu 
qu’avec  rorella  (Heydenreich) ,  mais  les  points  de  ce  dernier 
forment  des  lignes  interrompues  et  d’ailleurs  il  n’est  pas  du 
pays. 

Au  reste  la  synonymie  des  espèces  du  genre  Hyponomeuta 
est  une  des  plus  embrouillées  de  la  famille  des  Tinéides,  et 
peu  d’auteurs  sont  d’accord  dans  leurs  nomenclatures.  Ainsi 
pour  nous  borner  à  quelques-uns  de  ceux  qui  se  sont  occu¬ 
pés  des  rapports  de  ce  genre  avec  l’horticulture,  M.  Bois- 
duval  rapporte  la  chenille  dévastatrice  des  pommiers  à 
//.  cognatella  (Treitschke) ,  il  ne  croit  pas  qu’il  existe  de 
différences  entre  cette  cognatella  et  malinella  (Zeller) ,  or, 
d’après  M.  Fologne  ,  qui  a  beaucoup  étudié  les  3Iicrolépi- 
doptères  de  Belgique,  cognatella  est  synonyme  d’evony- 
mella  qui  vit  sur  le  fusain. 

M.  Goureau  [Insectes  nuisibles  aux  arbres  fruitiers)  pense 
que  notre  espèce  des  pommiers  est  malinella  ;  il  déclare 
n’avoir  pu  saisir  aucune  différence  entre  cette  malinella  et 
la  padella  des  haies  d’épines ,  ce  serait  donc  pour  lui  la 
même  espèce  ;  or  la  malinella  est  d’Allemagne ,  elle  vit  sur 
les  chênes  et  les  saules  d’après  Kossler  ;  M.  Fologne  ne  l’a 
jamais  rencontrée  aux  environs  de  Bruxelles. 

Pour  M.  Macquart  [Arbres  et  arbrisseaux  d'Europe  et 
leurs  insectes)  Ees[  cognatella  qui  ravage  les  haies  et  padella 
qui  s’attaque  aux  pommiers. 

Malgré  toutes  ces  incertitudes ,  et  jusqu’à  ce  qu’on  ait 
prouvé  que  deux  chenilles  pareilles  produisant  des  papil¬ 
lons  pareils  doivent  être  séparées  spécifiquement,  sur  une 
diversité  de  mœurs,  je  crois  qu’il  faut  voir  l’unique  padella 
dans  nosHyponomeutes  des  haies  d’épines  et  des  pommiers. 


—  276  — 

Quoiqu’il  en  soit,  l’invasion  des  haies  est  tout  aussi  for¬ 
midable  que  celle  des  pommiers,  je  les  ai  vues  pendant  des 
lieues  entières,  le  long  des  chemins  de  fer,  entièrement 
dépouillées;  les  deux  tiers,  au  moins,  de  celles  de  notre 
arrondissement  sont  privées  de  feuilles.  Quelquefois  le 
nombre  des  chenilles  est  si  considérable  que  toute  la  verdure 
est  mangée  bien  avant  qu’elles  ne  soient  prêtes  à  se  méta¬ 
morphoser.  Dans  ce  cas  il  y  a  un  jeûne  forcé  qui  les  fait 
périr  en  grand  nombre.  Il  est  h  remarquer  que  l’instinct  de 
conservation  ne  les  pousse  pas  à  aller  chercher  plus  loin 
d’autres  pâtures.  Elles  languissent  immobiles  dans  leur 
toile  et  sont  alors  choisies  de  préférence  par  les  insectes 
parasites. 

Ces  insectes  destinés  à  modérer  leur  propagation  sont 
très-nombreux  en  espèces  et  tout  aussi  communs  que  la 
proie  dont  ils  vivent.  M.  Goureau  a  observé  une  larve  de 
Tacbinaire,  que  j’ai  vue  aussi  dans  une  grande  partie  des 
nids  de  nos  environs,  et  qui  en  fait  un  horrible  massacre. 
Elle  éclôt  dans  le  nid  et  quoique  apode ,  elle  circule  au 
milieu  des  chenilles,  les  déchire  et  les  suce  avidement  , 
c’est  VEunjgaster  pomoriorum. 

Un  grand  nombre  d’Ichneumons  leur  font  aussi  la  guerre  ; 
on  les  voit  voltiger,  quand  le  temps  est  beau,  autour  des 
toiles  et  piquer  les  chenilles  à  travers  les  mailles.  Citons 
Vimpla  scanica  ,  Ichneumon  brunnicornis  ,  Campoplex 
sordidus ,  Anomalon  tenaicorne,  Mesochorus  splendidus  , 
etc.  ,  etc. 

Un  Cbalcidite,  VEucijrtus  fuscicollis  foisonne  autour 
d’elles  ;  il  est  si  petit  qu’il  sort  quelquefois  d’une  seule 
chrysalide  au  nombre  de  plus  de  cent.  J’ai  aussi  observé  un 
Hémiptère,  VAtractotomus  mali  qui  pénètre  dans  les  toiles, 
bien  certainement  avec  des  intentions  hostiles. 

Si  l’on  joint  à  tous  ces  ennemis,  les  oiseaux,  les  pluies 


—  277  — 

d’orage  et  ce  que  l’homme  en  détruit,  on  peut  s’étonner 
à  bon  droit  que  les  générations  ne  disparaissent  pas  tout 
entières. 

Les  moyens  de  destruction  sont  les  mêmes  pour  les  haies 
que  pour  les  pommiers,  le  premier  et  le  meilleur  est  tou¬ 
jours  lechenillage  à  la  main  ,  pratiqué  au  moment  où  appa¬ 
raissent  les  toiles.  Toutefois,  s’il  fallait  le  pratiquer  sur  une 
grande  étendue  ,  il  serait  très-onéreux  et  demanderait  un 
trop  grand  nombre  d’ouvriers  à  la  fois.  L’administration  du 
chemin  de  fer  du  Nord  y  supplée  depuis  quelques  années 
par  une  aspersion  de  chaux  vive  sur  les  haies  de  clôture  de 
la  voie.  Cette  méthode  n’est  pas  à  dédaigner,  mais  elle  est 
loin  de  supprimer  le  mal.  Les  chenilles  atteintes  directe¬ 
ment  par  la  chaux  périssent ,  mais  un  très-grand  nombre 
échappent  à  son  action  ;  pour  que  le  résultat  soit  décisif,  il 
faudrait  employer  des  doses  très-fortes',  et  alors  les  haies  se 
badigeonnent  en  blanc  et  présentent  un  aspect  qui  n’est  pas 
beaucoup  plus  agréable  que  celui  qu’elles  ont  quand  elles 
sont  dépouillées. 

Il  est  du  reste  à  remarquer  que  la  disparition  des  feuilles 
en  juin  ne  nuit  pas  à  la  végétation;  la  seconde  montée  de 
la  sève  se  fait  dans  de  bonnes  conditions  et  le  mal  est  pres¬ 
que  réparé  en  juillet  parles  nouvelles  pousses.  Quant  à  la 
destruction  qui  se  fait  dans  le  but  d’empêcher  la  reproduc¬ 
tion  pour  l’année  suivante,  elle  est  parfaitement  louable  et 
très-digne  d’encouragement,  mais  elle  ne  peut  avoir  d’utilité 
réelle  que  si  elle  est  faite  simultanément  sur  tous  les  points, 
car  il  suffira  souvent  de  quelques  haies  dans  un  village  tout 
entier ,  pour  fournir  beaucoup  de  papillons  reproducteurs 
qui  éparpilleront  leurs  pontes  et  prépareront  de  futurs 
dégâts  sur  les  haies  mêmes  qui  auront  été  le  mieux  éche- 
nillées. 


A.  DE  Norgüet. 


—  278  — 


CHRONIQUE. 

Erection  cVun  Calvaire  sur  le  champ  de  bataille  d'Azin- 
court.  —  Un  calvaire  monumental  a  été  érigé  ,  le  26  juillet 
1869,  sur  le  champ  de  bataille  d’Azincourt,  dans  l’enclos 
de  la  Gacogne,  ossuaire  de  la  noblesse  de  France. 

On  sait  qu'après  la  journée  fatale  du  22  octobre  1415, 
l’abbé  de  Ruisseauville  et  le  bailli  d’Aire  firent  creuser  trois 
fosses  profondes,  où  l’on  déposa  5,800  cadavres,  sans 
compter  ceux  qui  avaient  reçu  ailleurs  une  sépulture  plus 
digne,  ceux  qui  étaient  allés  mourir  dans  les  villages  ou 
dans  les  bois  d’alentour ,  et  qui  furent  mis  en  terre  en 
divers  lieux. 

Le  cimetière  de  la  Gacogne ,  bénit  par  un  évêque  in 
partibus  ^  délégué  de  févéque  de  Thérouanne,  fut  entouré 
d’une  haie  d’épines  et  d’un  large  fossé.  Jusqu’en  1734,  dit 
M.  de  Belleval,  cet  enclos  avait  été  Fobjet  des  respects  et 
même  de  l’effroi  des  paysans;  il  était  planté  d’arbres  qui 
mouraient  sur  pied  sans  qu’on  y  portât  la  cognée  ;  ni  hom¬ 
mes,  ni  bestiaux  n’y  pénétraient.  En  1734,  Madame  de 
Tramecourt,  née  de  Béthune  ,  y  érigea  une  chapelle.  Mais 
cette  chapelle  fut  démolie  en  1793  ;  les  pierres  que  l’on  en 
retira  furent,  par  une  dérision  impie,  employées  au  plus 
vil  usage  ;  en  même  temps ,  le  cimetière  était  livré  à  la 
culture. 

Un  nouvel  affront,  une  profanation  plus  hideuse  encore 
étaient  réservés  à  cet  asile  des  morts.  En  1816,  un  officier 
anglais  ,  qui  commandait  un  détachement  cantonné  dans 
les  villages  de  Tramecourt  et  d’Azincourt,  acquit  du  nou¬ 
veau  propriétaire,  moyennant  une  somme  de  500  fr. ,  le 
droit  d’y  faire  pratiquer  des  fouilles  par  ses  soldats.  On  vit 
donc  la  pioche  et  la  pelle  remuer  les  débris  de  nos  morts 
généreux  ;  quantité  d’ossements  furent  extraits  de  la  fosse 


—  279  — 

explorée  et  furent  portés  dans  le  cimetière  d’Azincourtavec 
les  honneurs  militaires  ;  on  y  trouva  en  outre  beaucoup  de 
débris  d’armes,  de  pointes  de  flèches,  quelques  pièces  d’or 
et  d’argent  aux  effigies  des  rois  Jean  ,  Charles  V  et  Char¬ 
les  VI  et  trois  magnifiques  oliphants  en  ivoire  sculpté, 
couverts  de  légendes  latines  et  garnis  en  cuivre.  Ces  objets 
furent  transportés  à  Londres ,  où  ils  formèrent  une  petite 
section  du  musée  Britannique,  que  l’orgueil  de  nos  voisins 
a  nommée  le  Musée  cVAzincourt. 

Une  seule  fosse  fut  ainsi  profanée.  Avant  que  l’on  n’eût 
ouvert  la  seconde  ,  les  plaintes  de  la  population  ,  appuyées 
par  le  sous-préfet  de  Saint-Pol ,  avaient  été  entendues  du 
duc  de  ^Yell^ngton  ,  alors  à  Cambrai ,  qui  fit  arrêter  ces 
fouilles  sacrilèges.  Depuis  lors ,  le  terrain  a  été  respecté. 
Pour  rendre  impossible  à  l’avenir  le  retour  de  faits  sembla¬ 
bles,  M.  le  marquis  de  Tramecourt  a  racheté  la  Gacogne  et 
a  fait  entourer  le  cimetière  d’une  haie. 

Ces  mesures  ont  été  complétées  par  l’érection  récente  du 
calvaire. 

Il  appartenait  à  M.  le  marquis  et  à  31. la  marquise  de 
Tramecourt  de  rendre  ce  pieux  hommage  à  la  mémoire  de 
leurs  ancêtres  dont  trois  ont  péri  dans  la  fatale  journée, 
comme  aussi  de  marquer  du  double  sceau  de  la  religion  et 
du  patriotisme  ce  lieu  si  tristement  mémorable. 

Fromextix. 

isétéorolo^ie.  Mois  c/ août  1869.  —  La  température 
atmosphérique  du  mois  d’août  a  été  froide  et'les  fortes  cha¬ 
leurs  des  24  ,  2o ,  26 ,  27  ,  28 ,  29  ,  30 ,  pendant  lesquelles 
le  thermomètre  est  monté  à  30°  1,  n’ont  pu  élever  la  moyenne 
au-dessus  de  16  ■  22,  la  movenne  déduite  de  lo  années  étant 
de  17°  38.  La  température  miniina  a  été  de  7'*  9  le  31.  La 
moyenne  des  minimaUD  64,  celle  des  maxima  20°  81. 

Les  vents  dominants  ont  soufflé  de  la  région  N. 


—  280  — 

Le  ciel  fut  peu  nébuleux  et  la  quantité  de  pluie  tombée  en 
18  jours  ne  donna  qu’une  couche  d’eau  d’une  épaisseur  de 
49  mill.  44.  Année  moyenne  il  tombe  pendant  le  mois  d’août 
63  mill.  06  de  pluie. 

Les  orages  sont  ordinairement  fréquents  pendant  ce  mois, 
cette  année  on  n’en  observa  qu’un  seul,  le  10 ,  à  6  h.  o  et 
T  h.  30  du  soir. 

La  colonne  barométrique ,  dont  la  hauteur  moyenne  en 
août  est  de  759  mill.  426 ,  resta  très-élevée.  La  moyenne  à 
0®fut  de  763  mill.  614  oscillant  entre  les  extrêmes 734  mill. 
20  le  9  et  771  mill.  00  le  16. 

Le  nombre  des  jours  de  brouillard  fut  de  29  et  celui  des 
jours  de  rosée  fut  de  20. 

La  tension  moyenne  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique 
qui  est  de  11  mill.  16 ,  n’a  été  cette  année  que  de  9  mill.  71  ; 
et  l’humidité  relative  dont  la  moyenne  générale  est  de 
71,  55  °/o ,  n’a  été  que  de  68  "/u- 

Malgré  cette  sécheresse  de  l’air  entretenue  par  les  vents 
violents  du  N.  etN.E. ,  la  quantité  d’eau  évaporée  n’a  été 
que  de  107  mill.  45  ;  en  moyenne  elle  est  de  123  mill.  95  , 
cette  diminution  est  la  conséquence  directe  de  l’abaissement 
de  la  température.  V.  Meüreix. 


Le  Gérant  :  E.  G  asti  aux. 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place  ,  13. 


N.“  iO.  —  Octobre  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 


SOCIÉTÉ  IMPÉRIALE  d’aGRICüLTURE  ,  SCIENCES  ET  ARTS  DE 
l’arrondissement  de  VALENCIENNES 


Cette  Association  savante  présente  le  type  de  ce  qu’on 
pourrait  appeler  une  Société  fédérative  ;  elle  comprend  plu¬ 
sieurs  sections  reliées  par  une  section  centrale  :  ce  sont  les 
Comices  agricoles  de  Valenciennes ,  Condé  etSaint-Amand  ; 
les  Sections  des  sciences  et  manufactures  ,  d’histoire  et  de 
littérature,  de  beaux-arts  et  de  moralité  ;  la  Commission 
vétérinaire  et  la  Commission  des  distillateurs.  Chacune  de 
ces  petites  Sociétés  a  ses  séances  particulières,  son  bureau 
spécial;  mais  elles  n’ont  toutes  qu’un  même  budget  et  qu’un 
même  organe  :  la  Revue  mensuelle. 


Bureau  : 

MM.  Edouard  Grar ;  Président. 

Defontaine  ,  I 
Valere  Bultot  ;  i 
Adolphe  Martin  ,  Secrétaire-Général. 

Tardieu  ;  Secrétaire-Adjoint. 

Cellier  ;  Archiviste. 

Lecat  ,  Julien  ;  Bibliothécaire^  Trésorier  par  intérim, 


Section  centrale  : 

MM.  Péchin,  sous-préfet  de  l’arrondissement. 
Bracq  ,  maii'e  de  Valenciennes. 

Huart  ,  médecin-vétérinaire. 

Abel  Stiévenart  ,  fabricant  de  sucre. 
Ernest  Bouton  ,  receveur  des  hospices. 
Cromback  ,  principal  du  collège. 


—  <282  — 


Albert  Gourtin. 

Gustave  Hamoir,  agriculteur  à  Saultain. 

Alphée  Castiaux,  fabricant  de  sucre  à  Vieux-Condé. 

Mariage  ,  maire  de  Thiant. 

Médard  ,  commissaire  de  surveillance  du  chemin  de 
fer  d’Anzin. 

Renard  ,  maire  de  Fresnes. 

Martin  ,  vétérinaire  à  Anzin. 

Léon  Dumont,  homme  de  lettres. 

Deleporte-Bayart  ,  à  Roubaix. 

De  Clercq  ,  ingénieur  en  chef  des  mines. 

Qüillacq,  maire  d’Anzin. 

Hunet  ,  maire  d’Estreux. 

Dassonville-Guyot  ,  cultivateur  à  Préseau. 

Revue  (  1868-69  ): 

La  Société  étant  essentiellement  agricole  et  industrielle , 
les  notices  qui  dominent  dans  la  Revue  sont  consacrées  à 
ces  deux  branches  des  sciences  appliquées.  La  plupart  ayant 
un  caractère  pratique  que  nous  n’avons  pas  encore  intro¬ 
duit  dans  notre  Bulletin  ,  nous  n’en  parlerons  pas ,  bien 
que  plusieurs  soulèvent  des  questions  de  science  pure  du 
plus  haut  intérêt.  Nous  mentionnerons  une  courte  notice 
queM.  Ernest  Lelièvre  vient  de  publier  swxV échenillage  \ 
il  y  donne  quelques  indications  sur  les  chenilles  les  plus 
répandues  et  les  plus  nuisibles  :  le  Bombyx  chrysorrhea,  le 
Bombyx  anriflua  ,  le  Boîribyx  neusiria  et  le  Bombyx 
dispar. 

En  1867  et  1868,  M.  Deleporte-Bayart  a  publié  une 
notice  très-intéressante,  et  malheureusement  beaucoup  trop 
courte,  sur  laBace  bovine  dans  leHainaut  belge  et  français. 

Les  bœufs  de  la  province  du  Hainaut  peuvent  se  rapporter, 
dit  M.  Deleporte-Bayart,  aux  races  hollandaise,  flamande 
et  hennuyère  ou  mon  toise  ,  qui  sont  toutes  trois  des  sous- 
races  de  la  grande  race  hollandaise.  Leurs  caractères  géné- 


—  283  — 

raux  sont  de  petites  cornes  qui  se  projettent  en  avant  en 
forme  de  croissant,  le  cou  allongé,  la  peau  fine  et  souple; 
les  vaches  hollandaises  et  hennuyères  sont  ordinairement 
de  couleur  pie  ou  même  noire ,  tandis  que  les  vaches  fla¬ 
mandes  sont  d’un  rouge  plus  ou  moins  foncé  avec  ou  sans 
taches  blanches.  En  réunissant  les  races  flamande  et  hol¬ 
landaise,  M.  Deleporte-Bayart  est  en  contradiction  avec  le 
savant  M.  Lefour,  auteur  d’une  monographie  de  la  race 
flamande  qui  est  un  modèle  du  genre.  Remarquons  en  outre 
que  l’auteur  n’a  pas  fait  rentrer  dans  son  étude  le  bétail  de 
l’arrondissement  d’Avesnes,  sans  quoi  il  eût  dû  mention¬ 
ner  la  race  ou  au  moins  la  sous-race  maroillaise  qui  pré¬ 
sente,  en  les  exagérant,  les  caractères  de  finesse  de  la  race 
flamande. 

M.  Deleporte-Bayart  reconnaît  dans  chaque  race  plusieurs 
variétés  qui  dépendent  des  destinations  auxquelles  on  affecte 
le  bétail  et  des  différents  points  de  la  province  qu’elles 
habitent.  Ces  deux  causes  se  relient  entre  elles  :  car  le  sol 
influe  non-seulement  d’une  manière  directe  par  les  végé¬ 
taux  qu’il  fournit  à  l’alimentation ,  mais  aussi  d  une  ma¬ 
nière  indirecte  par  la  culture  qu’il  impose  et  par  la  nature 
des  services  que  le  cultivateur  exigera  de  son  troupeau. 

Valenciennes  est  essentiellement  la  ville  des  arts  :  il  n’est 
peut-être  pas  de  cité  de  même  importance  qui  puisse  s’enor¬ 
gueillir  d’avoir  produit  et  de  produire  encore  autant  d’ar¬ 
tistes  illustres  en  tous  genres.  Elle  en  est  fîère  ajuste  titre  , 
et  se  plaît  souvent  à  rappeler  la  gloire  de  ses  enfants.  En 
1868  ,  la  Société  a  mis  au  concours  une  cantate  à  AVat- 
teau.  C’est  M.  Delière,  rédacteur  en  chef  du  Glaneur  de 
Saint-Quentin,  qui  a  obtenu  la  palme.  Citons  une  strophe 
où  fauteur  rappelle  avec  beaucoup  de  linesse  les  pianiipa- 
les  qualités  du  peintre  des  élégances  : 


—  284  — 

. .  .Un  siècle  disprru  renaît  dans  ton  image , 

Siècle  fardé  !  siècle  moqueur  1 
Tes  coquettes  beautés  au  sentiment  volage 
Comme  leur  teint  fardaient  leur  cœur. 

Mais  toi ,  plus  grand  que  tes  modèles , 

Tu  poursuivais  un  but  lointain, 

Et  le  temps  dans  son  vol  respecte  les  dentelles 
De  tes  bergères  de  satin. 

Watteau  fit  un  voyage  en  Angleterre  et  n’eut  pas  à  se 
louer  de  la  réception  de  nos  voisins  d’Outre-manclie.  M.  Cel¬ 
lier,  auteur  d’une  Notice  sur  Watteau  et  ses  contemporains, 
publiée  dans  les  tonies  précédents  de  la  Revue ,  lut,  en  1868, 
une  relation  de  voyage  d’un  Anglais  en  France,  montrant 
qu’en  1789  les  tableaux  de  Watteau  étaient  encore  peu 
estimés  en  Angleterre  ;  au  contraire  maintenant  on  les 
trouve  dans  presque  toutes  les  grandes  galeries  de  l’aristo¬ 
cratie  anglaise.  M.  Cellier  donne  la  description  des  œuvres 
du  peintre  Valenciennois  que  l’on  peut  voir  dans  ces  riches 
collections.  Il  les  extrait  du  livre  intitulé:  Trésors  d’art  de 
la  Grande-Bretagne ,  par  M.  Waagen,  directeur  du  musée 
de  Berlin. 

Sous  ce  titre  :  les  Débuts  de  Cicéron  ,  M.  Louis  Legrand 
a  publié  quelques  pages  qui  montrent  ce  qu’il  faut  d’études 
et  de  persévérance  pour  former  un  grand  orateur. 

Citons  enfin,  dans  la  section  de  moralité,  l’historique  des 
Conférences  de  Saint-Vincent-de-Paul  à  Valenciennes ,  par 
M.  Ed.  Grar;  unè  notice  sur  la  Caisse  d’économie  ouverte 
par  la  Société  de  Saint-Vincent-de-Paul,  par  M.  Fiévet; 
une  autre  sur  les  Fourneaux  économiques  et  soupes  des 
salles  d'asile  et  Valenciennes ,  par  M.  le  doyen  Defontaine. 

Le  tome  xxviii  de  la  Revue  (janvier  1869)  s’ouvre  par  le 
Catalogue  du  Médailler  de  la  Société,  par  M.  L.  Cellier.  Ce 
catalogue  est  précédé  d’une  introduction  dont  il  a  déjà  été 
rendu  compte  dans  notre  Bulletin  (p.  145). 


—  285  — 

Outre  la  pùblicité  qu’elle  accorde  aux  travaux  originaux , 
la  Revue  a  encore  pour  but  de  tenir  tous  les  membres  de  la 
Société  au  courant  des  nouvelles  qui  peuvent  les  intéresser. 
Dans  la  section  de  l’agriculture  et  dans  celle  des  sciences  et 
manufactures,  un  membre  lit,  à  chaque  séance,  sous  le 
nom  de  chronique  ,  un  aperçu  des  découvertes  susceptibles 
d’être  appliquées  dans  le  pays. 

Les  sections  de  littérature  et  des  beaux-arts  ont  aussi 
leur  chronique  moins  fréquente  et  non  moins  intéressante. 
Ainsi,  en  1868,  M.  Devaule  a  entretenu  ses  collègues  des 
ouvrages  publiés  à  Valenciennes  ou  par  des  Valenciennois. 
Il  leur  a  parlé  de  ['Education  des  femmes ,  par  M.  L.  Du¬ 
mont  ;  des  Contes  d'un  Buveur  de  bière,  de  M.  Deulin  ;  du 
livre  de  MM.  Edmond  Douay  et  Ferdinand  Teinturier,  in¬ 
titulé  les  Mères  et  les  Enfants  ;  d’un  mémoire  critique  de 
M.ÏI.  Wallon;  de  la  notice  historique  sur  les  archives  de 
Valenciennes,  par  M.  Caffiaux.  En  1869,  M.  Theillier  a 
analysé  l’ouvrage  de  M.  Louis  Legrand  sur  Sénac  de  Meil- 
han,  et  celui  de  M.  Lejeal  sur  les  Manufactures  de  faïence 
de  r arrondissement  de  Valenciennes.  Nos  lecteurs  connais¬ 
sent  déjà  ces  deux  derniers  livres.  J.  Gosselet. 


Mémoires  Historiques  sur  l'arrondissement  de  Valenciennes 

t.  Il,  in-8.°  de  278  p. 

La  Société  d’Agriculture,  Sciences  et  Aids  de  Valencien¬ 
nes  publie,  en  dehors  de  sa  Revue,  une  série  de  Mémoii^es 
ayant  trait  à  l’histoire  de  l’arrondissement.  Le  premier 
volume  de  cette  série  a  paru  en  1865.  Il  est  trop  ancien 
pour  que  nous  puissions  en  rendre  compte.  Le  second, 
ayant  vu  le  jour  en  1868,  rentre  mieux  dans  notre  cadre. 
Nous  allons  donc  analyser  chacun  des  articles  qu’il  ren¬ 
ferme. 


—  280  — 

Famille  des  seigneurs  de  Trith,  pairs  de  Valenciennes^ 
du  XII.®  au  XIV.®  siècle,  par  M.  E.  Grar,  président  de  la 
Société.  —  Issus,  à  ce  que  Ton  croit,  des  comtes  de  Hai- 
naut,  les  sires  de  Trith  avaient  rang  parmi  les  six  pairs  du 
château  de  Valenciennes  et  ils  étaient  les  plus  puissants 
seigneurs  du  pays.  M.  Grar  dresse  leur  généalogie  durant  la 
période  du  plein  moyen-âge  et  il  nous  trace  la  biographie 
des  principaux  d’entre  eux.  C’est  d’abord  Renier  I.®"  de 
Trith,  le  réformateur  de  l’abbaye  de  Saint-Jean  à  Valen¬ 
ciennes;  —  puis  Renier  II,  son  fils,  qui  fut  le  compagnon 
fidèle  de  Rauduin  de  Constantinople  en  Allemagne,  en 
France  et  plus  lard  en  Orient  où  il  s’adjugea,  après  con¬ 
quête,  le  duché  de  Pbilippopolis.  M.  Grar  dépouille,  bien 
à  regret,  ce  vaillant  chevalier  de  la  réputation  de  poète 
que  M.  Dinaiix  lui  avait  faite. 

Il  parle  ensuite  de  Jean  de  Trith  ,  frère  de  Renier  II , 
lequel  Jean,  au  retour  de  la  quatrième  croisade,  se  fit 
franciscain  et  vint  mourir  dans  le  couvent  des  religieux  de 
cet  ordre  récemment  établi  à  Valenciennes.  Puis  l’auteur  se 
demande  quel  était  le  Jacques  dePuvinage  mentionné,  dans 
la  légende  de  la  Sainte  vraie  Croix  de  Douchy ,  comme 
appartenant  à  la  famille  de  Trith.  Contrairement  à  l’opinion 
de  M.  Cellier,  M.  Grar  n’est  pas  éloigné  de  voir  en  ce  per¬ 
sonnage  un  beau-frère  de  Renier  II.  Il  fait  de  Gilles  de 
Trith  qui,  en  1218,  figure  avec  son  frère  Adam,  comme 
seigneur  de  Trith,  et  de  Maing,  un  neveu  et  non  pas  un  frèi'e 
du  duc  de  Pbilippopolis. 

M.  Grar  a,  dans  la  suite  des  temps ,  relevé  la  mention  de 
deux  autres  de  Trith  qu’il  n’ose  avec  certitude  rattacher  à 
la  famille  seigneuriale  de  ce  nom.  Hue  de  Trith ,  en  1298  , 
est  porté  sur  la  liste  des  douze  bourgeois  notables  que  le 
comte  Jean  d’Avesnes  exclut  de  la  paix  qu’il  fait  avec  la 
commune  de  Valenciennes.  Jacques  de  Trith  ,  en  1324, 


-  287  — 

fonde  en  cette  dernière  ville,  rue  ïournisienne ,  de  concert 
avec  sa  femme  Colle,  un  hôpital  destiné  à  loger  les  pèlerins 
de  Saint-Jacques-en-Galice  et  autres.  En  1345,  il  donne  à 
ladite  maison  tous  les  immeubles  qu’il  avait  acquis  à  Thiant. 

Biographies  V alenciennoises ,  par  le  même.  —  Dans  ce 
nouvel  article  dont  le  titre  indique  suffisamment  le  carac¬ 
tère  et  la  tendance,  le  savant  historien  de  la  recherche  et 
de  la  découverte  de  la  houille  dans  le  Nord  de  la  France 
commence  par  nous  entretenir  de  divers  personnages  du 
nom  de  Jean  de  Valenciennes.  Le  premier,  homme  d’action 
et  de  conseil ,  fut  chargé  par  saint  Louis ,  en  1251 ,  d’aller 
au  Caire  retirer  des  mains  du  Soudan  d’Egypte  des  prison¬ 
niers  chrétiens  qu’on  y  détenait  contre  la  foi  des  traités.  Il 
s’acquitta  avec  un  succès  d’abord  partiel,  puis  complet,  de 
cette  délicate  et  périlleuse  mission.  Plus  tard  ,  sous  les  murs 
d’Arsur,  il  dégagea  Joinville  et  ses  compagnons  qui  s’é¬ 
taient  témérairement  aventurés  contre  l’ennemi.  C’est  peut- 
être  le  même  Jean  de  Valenciennes ,  chevalier ,  que  nous 
voyons  figurer  ,  en  1304 ,  sur  la  liste  des  prisonniers ,  du 
parti  de  Gui  deDampierre,  à  qui  Philippe-le-Bel  rendla 
liberté.  Un  autre  Jean  de  Valenciennes  était,  en  1322, 
chantre  de  l’église  collégiale  d’Aire,  et  il  avait  fait  le  voyage 
de  Jérusalem.  Un  troisième  ou  quatrième  individu  du  même 
nom,  et  également  digne  de  quelque  mémoire  ,  fut  peintre 
et  tailleur  d’images  du  duc  de  Bourgogne  au  xiv.®  siècle. 

M.  Grar  esquisse  ensuite  la  biographie  de  Jean  Martin  , 
dominicain,  natif  de  Valenciennes  et  mort  dans  le  couvent 
de  cette  même  ville  le  1  mai  1495.  Jean  Martin  est  auteur 
de  la  Légende  de  Monseigneur  saint  Dominique  et  d’un 
autre  ouvrage,  celui-ci  rarissime,  commençant  par  ces 
mots  :  s'ensuit  un  mystère  de  rinstitution  des  frères  pre- 
cheurs ,  composition  dramatique  qui  tient  une  certaine 
place  dans  les  origines  du  Théâtre  français. 


—  288  — 

La  Notice  consacrée  par  M.  Grar  au  trouvère  Jean 
Baillehaut  est  encore  un  chapitre  d’histoire  littéraire  va- 
lenciennoise.  Jean  Baillehaut  vécut  marié  à  Valenciennes 
de  1252  à  1274.  Il  y  concourut  au  Puy  Notre-Dame  ,  vingt 
ans  environ  après  l’institution  de  cette  confrérie  poétique  et 
religieuse.  On  ne  connait  de  lui  que  cinq  pièces,  toutes 
imprimées,  appartenant  à  la  catégorie  des  servantois  et 
sottes  chansons.  M.  Dinaux  s’est  prononcé  sévèrement  sur 
le  mérite  de  ces  pièces.  M.  Van  Hasselt,  quoique  n’étant 
pas  compatriote  du  trouvère,  l’ajugé  avec  plus  d’indulgence. 

Les  ouvrages  de  Philippe  Petit  qu’énumère  ensuite 
M.  Grar,  d’après  la  Bibliothèque  des  Frères  prêcheurs, 
n’auraient  guère  sauvé  de  l’oubli  le  nom  de  leur  auteur  si , 
parmi  eux  ,  ne  se  trouvait  l’iiistoire  ,  qu’il  a  publiée  en  son 
temps,  de  Bouchain  ,  sa  ville  natale,  et  qu’a  rééditée ,  dans 
ces  dernières  années ,  M.  Dechristé  ,  imprimeur  à  Douai. 
Douai ,  qui  posséda  souvent  dans  ses  murs  le  P.  Petit ,  lui 
est  redevable,  pour  une  grande  part,  de  l’érection  du 
collège  de  Saint-Thomas-d’Aquin  dont  il  fut  le  troisième 
régent. 

Jean  Carpentier  ou  Le  Carpentier  ,  célèbre  historien  du 
Cambrésis ,  a  conquis  une  réputation  plus  durable  que  son 
contemporain  le  P.  Petit.  Il  la  doit  pour  le  moins  autant 
aux  vicissitudes  de  sa  vie  agitée  qu’à  la  valeur  intrinsèque 
de  ses  œuvres.  M.  Grar,  qui  le  revendique  pour  l’arrondisse¬ 
ment  de  Valenciennes  comme  né  à  Abscon,  essaie,  à  la  suite 
de  M.  le  docteur  Le  Glay  ,  de  le  laver  de  quelques-uns  des 
reproches  qu’on  lui  a  faits.  Nous  avouons  éprouver  person¬ 
nellement  peu  de  sympathie  pour  ce  fabricateur  de  titres 
et  de  généalogies,  qui  a  sciemment  empoisonné  les  sources 
de  Phistoire  d’une  de  nos  plus  intéressantes  provinces. 

Après  avoir  dit  un  mot  de  Philippe  de  Lamine,  premier 
abbé  mitré  de  Saint-Jean-de-Valenciennes  (1629-1635) , 


—  289  — 

M.  Grar  passe  au  poète  Désiré  Tricot  (1812-1850).  Il  em¬ 
prunte  à  M.  Didiez  ,  qui  l’a  connu  de  très-près ,  un  portrait 
de  cet  homme  de  lettres  à  qui  ce  fut  moins  le  talent  qui 
manqua  que  la  tenue  dans  la  vie  et  la  consistance  dans  le 
caractère.  Nul,  du  reste,  n’a  mieux  que  Tricot  célébré  les 
anciens  auteurs  Valenciennois  : 

Froissart ,  leur  maîire  à  tous  ,  qui  sus  chanter  ta  dame 
Kn  lyracieux  rondeîs  , 

Et  colorer  d'un  s!  y  le  et  nVif  et  plein  d’âme 
Tes  récits  immortels  ! 

Chartes  communales  de  Valenciennes^  publiées  par  M.  L. 
Cellier.  —  Sans  nous  arrêter  à  examiner  si  la  capitale  du 
Hainaut  français  doit  à  l’empereur  Valentinien  ses  plus 
notables  privilèges,  «  entre  autres  le  droit  d’asile  et  celui 
en  vertu  duquel  tout  serf  devenait  libre  par  le  seul  fait  d’un 
séjour  d’une  année  en  cette  ville,  »  nous  sommes  disposé 
à  reconnaître,  avec  M.  Cellier,  que  la  loi  dite  de  la  Paix, 
en  date  de  TH4,  ne  crée  pas,  mais  se  borne  à  constater 
l’existence  d’une  commune  à  Valenciennes.  Pour  étayer  sa 
thèse ,  M.  Cellier  produit  un  acte  bien  antérieur  à  1114 ,  et 
que  l’on  croyait  depuis  longtemps  perdu  :  je  veux  parler  de 
la  charte  de  la  Confrérie  de  la  Halle-Basse  ou  Halle-aux- 
Draps,  charte  qui  remonte  à  l’an  1067. 

Ce  n’est  pas  une  loi  communale,  mais  le  code  social 
d’une  corporation  de  marchands  réunis  pour  défendre  leurs 
intérêts  et  désireux  de  mettre  un  terme  à  toute  dissension 
intestine.  Or,  on  l’a  fait  justement  remarquer ,  le  caractère 
des  communes  à  l’origine  était  aussi  celui  d’associations  de 
défense  mutuelle.  Ici  l’on  retrouve  en  outre,  dans  quelques 
passages,  l’indice  non  équivoque  d’une  coalition  contre  la 
Hanse,  qui  sans  doute  exerçait  sur  les  marchés  une  pres¬ 
sion  à  laquelle  nos  ancêtres  voulaient  se  soustraire. 

M.  Cellier  analyse ,  dans  toutes  ses  parties,  ce  long  et 
curieux  document.  Il  le  rapproche  ensuite  de  la  charte  de 
1114. 


—  290  — 


On  remarque,  beaucoup  d’analogie  entre  ces  règle¬ 
ments  ,  édictés  à  soixante  années  de  distance,  soit  qu’on  les 
considère  au  point  de  vue  de  la  conception  générale ,  soit 
que  l’on  s’attache  à  certaines  dispositions  spéciales.  L’un  et 
l’autre  ont  pour  but  la  protection  du  commerce  et  de  l’in- 
duslrie,  la  défense  de  la  propriété;  mais  le  second  généralise, 
en  l’étendant  à  toute  la  ville,  ce  que  l’autre  avait  restreint 
à  une  société  de  négociants.  On  y  verra  aussi  la  mention  du 
droit  d’abattis  de  maison  et  du  duel  judiciaire;  mais  ce  qui 
frappera  surtout  c’est  l’abnégation  du  comte  et  de  ses  che¬ 
valiers  qui  consentent  à  subir  la  règle  commune  et  se  trou¬ 
vent  devant  la  loi  au  même  niveau  que  le  plus  humble  des 
bourgeois.  Les  dernières  pages  de  la  charte  donnent  l’ex- 
plicalion  de  la  conduite  du  comte ,  qui  payait  par  l’octroi  de 
ces  franchises  une  dette  de  reconnaissance  aux  Valencien- 
nois  ses  libérateurs. 

On  ne  possédait,  jusqu’ici ,  que  le  texte  latin  de  la  charte 
de  1114.  M.  Cellier  en  donne  une  traduction  en  langue  vul¬ 
gaire  composée,  en  1275,  parmi  chanoine  de  Saint-Jejan. 
Quant  à  la  charte  de  1067  ,  on  ne  la  connait  que  par  une 
autre  traduction  à  peu  près  de  même  date  que  la  précé- 
denle.  Ce  sont  là  de  précieux  spécimens  de  l’idiôme  Valen- 
ciennois  avant  Froissart. 

Commencements  de  la  régence  cF Aubert  de  Bavière^  par 
M.  H.  Caffiaux,  docteur  ès-lettres,  archiviste  de  Valencien¬ 
nes.  —  Les  extraits  de  comptes  que  M.  Caffiaux  produit  à 
la  suite  de  cet  excellent  mémoire  sont  d’un  intérêt  philolo¬ 
gique  au  moins  égal  à  celui  qu’offrent  les  chartes  romanes 
publiées  par  M.  Cellier.  Ils  éclaircissent ,  en  outre ,  plusieurs 
points  obscurs  des  annales  du  llainaut. 

Et  d’abord  ils  précisent  la  date  de  la  folie  de  Guillaume- 
le-Furieux  (octobre  1357).  Ensuite  ils  nous  mettent  au  cou¬ 
rant  des  démarches  faites  pour  organiser  une  régence.  Les 
conférences  préparatoires  ,  qui  eurent  lieu  à  cet  effet ,  se 
tinrent  à  Mons  avec  la  seule  participation  de  la  bourgeoisie. 


291 


Le  clergé  et  la  noblesse  y  restèrent  étrangers.  La  ville  de 
Valenciennes  se  rallia  à  la  candidature  du  duc  Aubert  plutôt 
par  complaisance  pour  la  comtesse  de  Hainaut  que  par  sym¬ 
pathique  entraînement  pour  la  personne  de  ce  prince.  Mais 
elle  s’y  rallia  franchement,  sans  arrière  pensée.  Bien  loin 
de  tremper  dans  les  menées  du  duc  Louis ,  elle  les  dénonça, 
à  diverses  reprises ,  aux  chefs  du  gouvernement  hainuyer. 
Du  reste,  ?d.  Caffiaux  constate  qu’entre  Aubert  et  la  com¬ 
tesse  s’établit  d’abord  un  partage  d’attributions  qui  ne  relé¬ 
guait  ni  l’un  ni  l’autre  au  second  plan.  Guillaume  lui-même 
n’était  pas  exclu  absolument  de  la  conduite  des  affaires  :  à 
plus  forte  raison ,  ne  le  tenait-on  enfermé  alors  ni  à  La 
Haye  ni  au  Quesnoy. 

Les  bourgeois  de  Valenciennes  s’enquéraient  avec  d’au¬ 
tant  plus  de  sollicitude  de  la  santé  de  leur  comte  et  ils 
avaient  d’autant  plus  l’œil  sur  lui  que ,  comme  on  pouvait 
s’y  attendre,  des  tiraillements  ne  tardèrent  pas  à  se  produire 
entre  la  comtesse  et  le  duc.  La  comtesse  se  crut  même  un 
moment  obligée  de  passer  en  Angleterre  (juillet  1361).  Cette 
détermination,  de  nature  à  alarmer  le  pays,  provoqua  un 
échange  de  vues  entre  les  deux  principales  villes  du  comté, 
Mous  et  Valenciennes.  Celles-ci  finirent  par  se  rendre  à  un 
parlement  que  les  villes  de  Hollande  avaient  pris  l’initiative 
de  convoquer.  Entre  temps,  la  comtesse  rentre  à  Valen¬ 
ciennes  et,  par  l’entremise  du  Tiers-Etat  du  Hainaut  à  qui 
appartient  le  grand  rôle  en  toute  cette  affaire  ,  elle  négocie 
avec  le  duc  Aubert  la  paix  de  Bréda  qui  la  réintégré  dans 
les  prérogatives  inhérentes  à  son  rang.  Le  10  février  1362  , 
le  duc  réconcilié  avec  elle  est  reçu  à  Valenciennes.  Il  v 
revient,  quelques  mois  après,  pour  s’y  faire  armer  cheva¬ 
lier.  Bientôt  la  mort  de  la  comtesse  le  laisse  dépositaire 
incontesté  du  pouvoir,  seul  maître  de  la  situation.  Ici 
s’arrête  la  première  période  de  la  régence  du  duc.  M. 


—  292  — 

Caffiaux  a  retracé  ailleurs  un  curieux  épisode  de  la  se¬ 
conde  (’). 

Par  une  heureuse  inspiration ,  l’auteur  du  Mémoire  que 
nous  venons  d’analyser  l’a  dédié  à  M.  le  baron  Kervyn  de 
Lettenhove,  biographe  et  éditeur  de  Froissart,  comme  à 
l’homme  qui  a  le  plus  fait  «  pour  étendre  la  renommée  du 
grand  chroniqueur  Valenciennois.  » 

Lettre  de  Henri  IV  aux  Valenciennois^  par  M.  le  docteur 
A.  Lejeal.  Trois  Autographes  historiques,  parM.L.  Cellier. 
—  Nous  groupons  ces  pièces  à  titre  de  documents,  plus  ou 
moins  inédits,  concernant  le  pays.  La  première,  écrite  au 
lendemain  de  l’attentat  de  Chatel  dans  lequel  on  n’hésitait 
point  à  voir  la  main  de  l’Espagne ,  est  un  manifeste  du  Roi 
Très-Chrétien  impliquant  déclaration  de  guerre  aux  sujets 
du  Roi  Catholique.  Les  trois  autres  pièces ,  offertes  à  la 
Société  i)ar  l’éminent  chimiste  Dubrunfaut,  sont  relatives 
au  siège  de  Valenciennes  en  1793 ,  et  à  la  reprise  de  cette 
ville  par  l’armée  française  en  1794. 

Les  Vignobles  de  Valenciennes ,  par  M.  E.  Bouton.  —  Il 
n’y  a  pas  longtemps  qu’un  agronome  distingué  prenait  à 
tâche  de  démontrer  théoriquement  que  la  vigne,  si  on  la 
cultivait  sur  une  grande  échelle  dans  nos  régions  du  Nord  , 
serait  susceptible  d’y  donner  en  vins  des  rendements  avan¬ 
tageux.  M.  Boulon  prouve  qu’il  en  a  été  ainsi  par  le  passé. 
Pour  n’en  citer  qu’un  seul  exemple,  le  clos  Saint-Ladre, 
près  Valenciennes ,  produisait,  en  1403,  d’après  acte  au¬ 
thentique,  19  muids  (43  hectolitres)  de  la  boisson  chère  à 
Bacchus. 

Quelle  en  était  la  saveur  ?  C’est  ce  que  je  laisse  à  de  plus 
compétents  le  soin  d’établir.  M.  Derode  qui  a  fouimi,  pour 


(q  Le  Meurtre  du  seigneur  d'Enghien,  fragment  de  l'étude  sur  Nicole  de 
Dury  ,  maître  clerc  de  la  ville  de  Valenciennes  (Mém.  hist. ,  1. 1). 


—  293  — 


les  environs  de  Lille  la  même  démonstration  queM.  Bouton 
vient  de  procurer  pour  ceux  de  Valenciennes ,  dit  que  les 
derniers  vignobles  de  notre  pays  ne  furent  arrachés  que 
sous  Louis  XIV  pour  céder  la  place  à  des  genres  de  culture 
mieux  appropriés  à  notre  sol  et  à  notre  climat.  Ajoutons 
que  ,  du  jour  où  nous  avons  été  réintégrés  dans  la  grande 
famille  française,  les  vins  de  France  nous  devenant  plus 
accessibles,  nous  avons  eu  moins  de  raisons  pour  nous  en 
fabriquer  à  nous-mêmes  de  médiocres. 

Documents  pour  servir  à  Vhistoire  du  collège  de  Valen¬ 
ciennes  depuis  sa  fondation  jusqu  à  la  Révolution  de  1789, 
par  M.  J.  Bébin,  chef  d’institution.  —  Longtemps  attaché 
comme  professeur  au  collège  communal  de  Valenciennes , 
M.  Bébin  a  tenu  à  se  rendre  compte  de  ce  que  fut  cet  éta¬ 
blissement  dans  les  siècles  passés.  Le  collège  de  Valencien¬ 
nes  doit,  à  proprement  parler,  son  origine  aux  jésuites. 
Mais ,  avant  l’arrivée  des  RR.  PP.  en  cette  ville  ,  il  y  exis¬ 
tait  des  institutions  scolaires  analogues. Un  docteur,  Thomas 
Warnet,  natif  de  Cambrai  ,  avait  fondé  en  l’hôtel  de  Beau- 
fort  ,  rue  Montoise,  à  Valenciennes ,  un  collège  successive¬ 
ment  appelé  de  Standonck,  des  Bons-Enfants  et  de  Maître 
Thomas.  Cette  création  n’avait  point  tardé  à  faire  place  à 
une  autre  dont  l’abbé  de  Saint-Jean  ,  comme  écolâtre  de  la 
ville  ,  s’était  d’abord  attiré  le  monopole  qu’il  dut  ensuite 
partager  avec  l’abbé  de  Vicogne  et  le  magistrat  de  Valen¬ 
ciennes.  Ce  fut  l’abbé  d’Hasnon ,  Jacques  de  Froye,  qui 
appela  les  jésuites  dans  la  future  capitale  du  Hainaut  fran¬ 
çais.  Ils  y  vinrent  sous  la  conduite  du  P.  Eleuthère  Dupont, 
dont  le  R.  P.  Possoz  nous  retraçait,  il  y  a  quelques  années, 
la  vie  et  les  travaux.  Leur  arrivée  à  Valenciennes  date  du 
10  avril  1382.  Partout,  à  cette  époque,  on  éprouvait  le 
besoin  de  réformer  les  mœurs,  de  raviver  les  croyances ,  et 
l’on  sentait  que,  pour  mener  à  bien  une  entreprise  aussi 


—  294  — 

considérable,  il  fallait  s’emparer  de  la  jeunesse.  Les  jésuites 
de  Valenciennes  ne  faillirent  point  à  leur  mission.  Leur 
œuvre  donna  de  beaux  résultats  dont  on  trouve  le  détail 
dans  le  récil  de  M.  Bébin.  Le  même  auteur  énumère  ample¬ 
ment  les  mesures  qui  furent  prises  pour  remplacer  à  Valen¬ 
ciennes  renseignement  de  ces  religieux  après  la  suppression 
de  leur  ordre  en  1764. 

Essai  sur  Vintrocluction  du  ChîHstianisme  dans  le  Hai~ 
naut  ^  par  M.  G.  Lejeal.  —  Ce  Mémoire,  si  nous  suivions 
rigoureusement  l’ordre  chronologique  des  matières  ,  aurait 
dû  trouver  place  en  tête  de  nos  comptes-rendus.  Mais  nous 
avons  préféré  le  réserver  pour  la  fin ,  tant  à  cause  de  son 
importance  que  de  la  gravité  des  questions  qu’il  soulève. 
Identifiant  l’implantation  du  christianisme  dans  nos  contrées 
avec  la  diffusion  des  institutions  monastiques,  M.  Lejeal 
vise  à  prouver  que  les  populations  du  Hainaut  ont  reçu  la 
foi  des  missionnaires  d’Irlande,  sectateurs  de  Pélage  et 
habitués  à  la  vie  conventuelle  «  mixte  ,  »  c’est-à-dire  qu’en 
leur  île ,  un  même  monastère  contenait  des  personnes  des 
deux  sexes  et  assujetties  à  la  même  règle  ,  «  forme  emprun¬ 
tée  selon  toutes  les  probabilités  au  druidisme.  » 

Ces  missionnaires  auraient  transporté  ,  dans  la  région  de 
l’Austrasie  qui  prit  plus  tard  le  nom  de  pays  wallon  ,  leur 
opinion  fondamentale  sur  la  grâce  et  leur  manière  de  vivre 
dans  des  «  couvents  doubles.  »  De  là  le  prétendu  acharne¬ 
ment  que  la  cour  de  Rome ,  dès  l’époque  carlovingienne, 
mit  à  extirper  leurs  institutions  du  Nord  de  la  France. 

Comme  on  le  voit,  beaucoup  des  idées  de  M.  G.  Lejeal 
ne  sont  pas  neuves  ou  ,  du  moins  ,  elles  ne  le  sont  que  pour 
autant  qu’elles  s’appliquent  au  pays  hainuyer  ou  wallon. 
Les  vraies  causes  de  la  dissidence  entre  l’église  romaine  ont 
été  examinées  à  fond  et  réduites  à  leurs  proporlions  réelles 
par  un  homme  d’une  incontestable  impartialité,  feu  M.  Va- 


—  295  — 

rin.  Depuis  18o8  ,  date  de  la  publication  de  son  savant  et 
équitable  mémoire,  nous  croyions  la  question  épuisée  ou  , 
pour  mieux  dire ,  nous  l’estimions  résolue  en  faveur  de  la 
cause  catholique.  Nous  ne  reprendrons  pas  en  entier  l’exa¬ 
men  de  ce  grave  problème  d’histoire  générale  à  propos  de 
la  thèse  de  M.  Lejeal  et  nous  n’examinerons  de  celle-ci  que 
les  points  par  où  elle  touche  à  notre  histoire  locale. 

Commençons  par  établir  que  si  les  missionnaires  Scoto- 
Irlandais  ont  beaucoup  fait  pour  la  propagation  du  chris¬ 
tianisme  dans  nos  contrées ,  spécialement  dans  le  Hainaut, 
ils  n’y  ont  pas  non  plus  trouvé  tout  à  faire.  Ils  y  avaient  été 
précédés  par  des  ouvriers  de  la  première  heure,  dont  l’œuvre 
pouvait  avoir  besoin  d’être  étendue  et  consolidée ,  mais 
n’avait  jamais  été  complètement  détruite.  Il  n’est  donc  pas 
vrai ,  d’une  manière  absolue  ,  de  dire  ou  d’insinuer,  comme 
le  fait  M.  Lejeal ,  que  nos  populations  wallonnes  aient  puisé 
exclusivement  la  foi  aux  sources  du  christianisme  celtique. 

Cette  réserve  posée ,  nous  sommes  prêt  à  reconnaître 
quelle  grande  action  les  missionnaires  des  îles  ont  exercée 
sur  le  développement  des  idées  religieuses  et  de  la  vie  mo¬ 
nastique  dans  nos  contrées.  Avant  nous ,  M.  l’abbé  Lamort, 
dans  un  Mémoire  que  M.  Lejeal  ne  paraît  point  avoir  connu 
et  qui  lui  eût  évité  bien  des  recherches,  s’est  appliqué  à 
démontrer  ce  fait. 

Nous  ne  chicanerons  pas  31.  Lejeal  sur  le  caractère  d'émi¬ 
gration  en  masse  qu’il  attribue  au  déplacement  de  quelques 
moines,  émigration  à  laquelle  il  assigne  pour  cause  «  des 
querelles  religieuses  »  aftligeant  leur  pays.  La  dernière 
partie  de  cette  proposition  est  purement  conjecturale.  La 
première  est  démentie  par  le  nombre,  relativement  res¬ 
treint,  des  missionnaires  Scoto- Irlandais  descendus  chez 
nous.  Ceux-ci  trouvèrent  leur  point  d’appui ,  non  pas  dans 
un  cortège  de  moines  et  de  religieuses  que  rien  ne  prouve 


—  296  — 

qu’ils  aient  jamais  amené  avec  eux,  mais  dans  de  puissantes 
familles  de  nos  contrées,  familles  depuis  longtemps  chré¬ 
tiennes  ,  telles  que  celles  qui ,  au  commencement  du  vu.® 
siècle,  llorissaient  à  Cousolre  et  dans  le  castrum  de  Douai. 

Nous  savons  bien  que  M.  Lejeal  n’est  pas  éloigné  de  relé¬ 
guer  au  rang  des  «  mythes  »  les  Waudru  et  les  Aldegonde  , 
les  Adalbaud  et  les  Rictrude.  Ces  personnages  ont  pour¬ 
tant,  à  notre  sens,  une  consistance  historique  dont  jamais 
on  ne  les  dépouillera.  Ils  ont  été  de  moitié  dans  l’œuvre 
évangélisalrice  des  missionnaires  venus  d’outre-mer.  Ils 
tenaient  à  notre  sol  par  leur  origine  et  par  leurs  possessions. 
Encore  une  fois  donc,  la  christianisation  détinilivede  notre 
pays  ne  s’opéra  point  sous  la  seule  inOuence  celtique ,  ni  par 
une  sorte  d’invasion  de  moines  irlandais  de  l’un  et  de  l’autre 
sexe. 

Quant  à  la  prédominance  des  idées  pélagiennes  dans  les 
monastères  dont  se  couvrit  alors  le  Hainaut ,  M.  Lejeal  se 
borne  à  raffirmer  comme  un  fait  très-probable  ,  —  probable 
pour  lui  qui  l’admet  de  l’autre  côté  du  détroit ,  improbable 
pour  nous  qui  ne  l’admettons  que  sous  les  réserves  formulées 
par  M.  Varin. 

Restent  les  monastères  doubles  ,  dont  on  n’a  jamais 
songé  à  nier  l’existence  dans  le  pays  wallon  et  qui  semblent 
bien  avoir  été  chez  nous  une  importation  bretonne.  Que  ce 
rapprochement  de  religieux  des  deux  sexes  soit  devenu  de 
bonne  heure  une  grave  source  d’abus,  nous  ne  le  conteste¬ 
rons  pas.  Mais  que  l’esprit  même  de  la  règle  des  monastèi’cs 
d’Irlande  ait  été  contraire  au  principe  du  célibat,  nous  ne 
le  croirons  qu’après  un  plus  ample  informé. 

Les  abus  dont  nous  convenons  suffisent  à  expliquer  les 
tentatives  de  réforme  essayées  par  les  Papes,  les  Conciles 
et  les  Empereurs  à  l’égard  des  monastères  du  pays  wallon, 
sans  qu’il  soit  besoin  de  recourir,  avec  M.  Lejeal  ,  à  l’iiy- 


—  297  — 

polhèse  d’un  antagonisme  doctrinal  encore  accru  par  une 
opposition  systématique  des  règles  conventuelles. 

•  Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  cette  discussion  que 
nous  tenons  à  renfermer  autant  que  possible  dans  le  domaine 
des  faits,  sans  nous  engager  sur  celui  des  doctrines,  interdit 
naturellement  à  une  publication  telle  que  la  nôtre. 

L’amitié,  déjà  ancienne ,  qui  nous  unit  à  M.  Lejeal,  nous 
est  un  gage  qu’il  accueillera  nos  observations  avec  le  même 
esprit  de  cordiale  confraternité  qui  nous  porte  à  les  lui  faire. 
D’un  autre  côté  ,  les  développements  inusités  que  nous  don¬ 
nons  à  l’analyse  de  ce  précieux  recueil  de  Mémoires  prouve 
assez  à  la  Société  de  Valenciennes  l’estime  particulière  que 
nous  faisons  de  ses  doctes  travaux.  A.  Desplaxque. 


ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE 
Bulletin  2/  série,  t.  xxviii,  n.°‘  7  et  8 

Classe  des  Sciences 

Les  7.e  et  8.®  bulletins  mensuels  de  l’Académie  de  Belgi¬ 
que  comprennent,  outre  les  comptes-rendus  des  séances  de 
juillet  et  d’août,  plusieurs  notices  scientifiques  :  deux  mémoi¬ 
res  de  malbématiques ,  l’un  de  M.  Gilbert,  membre  associé, 
sur  quelques  propriétés  dessurfaces  apsidales  et  conjuguées; 
l’autre,  de  M.  Folie,  sur  quelques  théorèmes  nouveaux  de 
géométrie  supérieure  ; 

Une  communication  de  M.  Melsens  sur  les  résultats  de 
ses  expériences  de  Balistique; 

L’indication  d’un  appareil  enregistreur  de  la  déclinaison 
et  de  l’inclinaison  magnétiques  par  M.  Glœsener; 

Deux  notes  de  M.  Henry  sur  les  dérivés  salicyliques 
(3/  paitie)  et  sur  les  nitriles  partie). 

M.  Ern.  Quetelet  présente  à  la  classe  des  cartes  photogra¬ 
phiques  de  la  lune  obtenues  par  31.  Neyt,  amateur  zélé  d’as- 

2 


—  298  — 

tronomie,  qui  a  installé  à  Gand  un  observatoire  où  il  s’oc¬ 
cupe  particulièrement  de  photographie  céleste. 

M.  Ed.  Van  Beneden ,  fils  du  savant  professeur  de  Lou¬ 
vain  ,  poursuit  ses  études  sur  l’embryogénie  des  Crustacés 
par  des  observations  sur  le  développement  de  VAsellus 
agnaticus  ^  espèce  de  cloporte  très-abondant  dans  nos  eaux 
douces ,  et  des  Mysis  de  l’ordre  des  Stomapodes.  L’étude  de 
ces  petits  animaux  paraît  être  en  faveur  en  Belgique,  car  un 
rapport  de  MM.  Van  Beneden,  de  Selys-Longchamps  et  La- 

4 

cordaire  propose  à  l’Académie  d’insérer  dans  ses  mémoires 
un  long  travail  sur  les  Crustacés  d’eau  douce  de  Belgique, 
par  M.  Plateau,  autre  fils  d’académicien  qui  promet  de 
soutenir  avec  gloire  le  fardeau  d’un  nom  illustre.  Nous 
attendrons  la  publication  de  ce  mémoire  pour  en  entretenir 
nos  lecteurs. 

M.  Preudhomme  de  Borre  à  qui  a  été  confié  l’inventaire 
de  la  collection  erpétologique  du  musée  royal  de  Bruxelles , 
publie  ,  au  fur  et  à  mesure  qu’il  les  rencontre  ,  les  espèces 
nouvelles  ou  incomplètement  connues.  C’est  à  ce  titre  qu’il 
décrit  un  nouveau  Crocodile  (Alligator  Lacordairei)  et  une 
Tortue  fluviatile  (De)'7natemys  Matvii)  envoyés  tous  deux 
en  1866  par  M.  Levy ,  vice-consul  de  Belgique  à  Belize 
(Honduras). 

Sous  le  titre  de  secondes  additions  du  Synopsis  des 
Gomphines,  M.  de  Selys-Longchamps  décrit  32  nouvelles 
espèces  toutes  originaires  des  pays  étrangers.  Le  nombre 
des  Gomphines  aujourd’hui  connues  est  de  170.  Linné 
n’en  connaissait  que  deux  qu’il  rangeait  dans  le  genre 
Libellule. 

M.  Quetelet,  secrétaire  perpétuel  de  l’Académie,  présente 
le  XIX. e  volume  des  Annales  de  Vobservaloire  de  Bruxelles  , 
et  le  tome  second  de  la  Physique  sociale ,  ouvrage  que  nos 
lecteurs  connaissent  déjà  par  l’analyse  que  nous  avons  faite 


—  299  ^ 

du  premier  volume  (').  M.  Quelelet  communique  ensuite  à 
l'Académie  un  travail  de  M.  le  professeur  Hannover  de 
Copenhague  sur  les  rapports  de  la  menstruation  en  Dane¬ 
mark  et  V époque,  en  général,  de  la  première  menstruation 
chez  les  différents  peuples.  De  ce  mémoire  il  résulte  que 
parmi  les  circonstances  qui  semblent  influer  sur  la  précocité 
ou  le  retard  de  la  menstruation  ,  la  plus  importante  est  la 
différence  des  races.  On  savait  depuis  longtemps  que  les 
Hindoues  et  les  Négresses  sont  réglées  de  bonne  heure  ;  les 
Tahïtiennes  le  sont,  dit-on,  à  l’age  de  10  à  H  ans.  On 
pourrait  croire  d’après  cela  à  l’influence  du  climat,  mais  les 
Groënlandaises  sont  également  très-précoces.  Gooke  raconte 
que  chez  les  Samoyèdes  la  plupart  des  filles  deviendraient 
mères  à  11  et  12  ans.  3Iais,  selon  M.  Hannover  ce  serait 
une  exagération ,  et  l’époque  de  la  menstruation  au  Groen¬ 
land  serait  en  moyenne  de  13  à  14  ans,  3  ans  plus  tôt 
qu’en  Danemark. 

Venons  aux  communications  qui  intéressent  particulière¬ 
ment  le  pays. 

M.  de  Selys-Longchamps  rapporte  avoir  vu  de  la  neige 
le  19  juin  dernier  aux  environs  de  Saint-Hubert  et  de  Spa. 
Cette  neige  était  tombée  à  la  suite  d’un  orage  pendant 
lequel  la  foudre  frappa  le  clocher  de  Stavelot. 

M.  Renier  Malherbe,  ingénieur  attaché  au  service  spécial 
de  la  carte  générale  des  mines  de  Belgique,  récapitule  les 
diverses  sources  salées  que  l’on  a  déjà  rencontrées  dans  le 
terrain  houiller  et  en  signale  de  nouvelles  dans  le  bassin  de 
Liège.  Il  a  aussi  recherché  du  chlorure  de  sodium  dans  les 
roches  du  terrain  houiller  ;  quelques-unes  n’en  renferment 
pas  de  traces,  d’autres,  surtout  celles  qui  étaient  en  contact 
avec  les  sources,  en  contiennent  en  quantité  considérable 


t^)  Bulletin,  p.  78. 


—  300  — 

(jusqu’à  10%)*  M.  Malherbe  en  conclut  que  le  terrain 
houiller  s’est  formé  dans  des  eaux  marines  ou  au  moins  dans 
un  mélange  d’eaux  douces  et  d’eaux  salées.  M.  D’Omalius 
D’Halloy  ,  chargé  comme  rapporteur  d’examiner  cette  no¬ 
tice  ,  n’admet  pas  la  conclusion  comme  nécessaire  ;  je  suis 
bien  de  son  avis. 

A  diverses  reprises  on  a  signalé  des  sources  salées  dans  le 
bassin  houiller  de  Valenciennes;  on  a  même  voulu  y  voir  la 
preuve  que  les  eaux  de  la  mer  actuelle  pénétraient  souter- 
rainement  jusqu’au  centre  du  département  du  Nord  ;  c’est 
une  opinion  qui  n’est  pas  à  réfuter.  Mais  des  géologues  de 
grand  mérite  ont  cru  que  ces  sources  indiquaientle  voisinage 
des  couches  salifères  du  trias  si  développées  en  Lorraine.  Si 
à  la  rigueur  on  pouvait  admettre  l’existence  de  ces  couches 
en  quelque  endroit  encore  ignoré  sous  les  plaines  crayeuses 
du  Cambrésis  et  du  Hainaut,  il  n’en  peut  être  de  même  pour 
les  environs  de  Liège,  où  elles  manquent  certainement. 

•  11  ne  reste  donc  que  deux  hypothèses  :  supposer  qu’il  y  a 
dans  le  terrain  carbonifère  un  banc  de  sel  gemme  comme 
cela  existe  en  Amérique  ,  ou  admettre  que  le  chlorure  de 
sodium  arrive  par  les  émanations  internes  de  nature  vol¬ 
canique.  Cette  dernière  hypothèse  est  celle  qui  me  paraît  la 
plus  probable.  J.  Gosselet. 


BIBLIOGRAPHIE 

ETUDES  DE  THÉODICÉE 

par  J. -B.  Tissandicr,  professeur  de  Pliilosopliie  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  Douai  (i). 

L’auteur  du  livre  dont  nous  voudrions  en  quelques  mots 
mettre  en  lumière  la  valeur  et  le  mérite  nous  dit,  dans  sa 
préface,  en  empruntant  la  devise  de  l’un  des  maîtres  de 


th  Paris,  Ladrange ,  18G9;  1  vol.  in-8.°. 


—  501  — 

notre  langue  à  l’époque  de  sa  formation  ,  que  «  Ceci  est  un 
livre  de  bonne  foi.  »  Nous  pouvons  ajouter  immédiatement 
que  cet  ouvrage  de  convictions  profondes  et  sincères  est  en 
même  temps  le  fruit  d’une  pensée  élevée  et  l’œuvre  d’un 
esprit  qui  ne  redoute  pas  les  problèmes  les  plus  sérieux 
dont  la  solution  s’impose  nécessairement  à  l’intelligence 
humaine.  C’est  le  privilège  et  l’honneur  des  hommes  de 
talent  appelés  à  répandre  dans  le  public  les  saines  idées  et 
les  vérités  qui  sont  le  patrimoine  commun  de  toutes  les 
générations  et  de  tous  les  temps,  de  ne  pas  hésiter  à  se 
porter  là  où  l’attaque,  je  ne  veux  pas  dire  le  péril,  est  la 
plus  menaçante  et  les  coups  les  plus  répétés  ;  c’est  leur  hon¬ 
neur  de  veiller  à  la  défense  des  intérêts  les  plus  chers  et  les 
plus  précieux  que  nous  devons  sauvegarder  avec  le  plus  de 
soin.  La  parole  publique  est  sous  ce  rapport  une  arme  puis¬ 
sante  qui  prête  d’inestimables  ressources  à  celui  qui  a  reçu 
la  noble  mission  de  combattre  pacifiquement  pour  ces  idées 
éternelles  sur  lesquelles  repose  toute  Société  et  que  toute 
philosophie  digne  de  ce  nom  et  méritant  de  vivre  dans  le 
souvenir  des  hommes ,  doit  retrouver  à  la  tin  comme  au 
commencement  de  ses  enseignements. 

Nous  en  avons  une  preuve  nouvelle  dans  les  Etudes  de 
Théodicée  que  M.  Tissandier,  professeur  à  la  Faculté  des 
Lettres  de  Douai ,  a  eu  l’heureuse  pensée  de  réunir  en  vo¬ 
lume  après  les  avoir  professées  dans  une  série  de  leçons 
remarquables ,  qu’un  auditoire  sérieux  et  choisi  n’a  cessé  de 
suivre  pendant  toute  une  année  avec  le  plus  vif  intérêt  et, 
je  crois  avoir  quelque  droit  de  le  dire,  avec  un  profit  réel 
dont  il  ne  serait  pas  trop  difficile  de  retrouver  les  traces. 
M.  Tissandier  a  voulu  résolument  aborder  cette  maîtresse 
question  de  l’idée  de  Dieu  qui  est,  il  faut  bien  le  reconnaî¬ 
tre  ,  l’une  des  idées  que  les  systèmes  contemporains  ont  le 
plus  défigurées  ,  ici  encore  je  ne  dirai  pas  le  plus  compro- 


—  302  — 

mises,  car  ceux-là  meme  avec  lesquels  nous  avons  le  plus 
de  motifs  d’être  fort  peu  d’accord ,  ne  peuvent  s’empêcher 
de  se  faire  un  Dieu  qu’ils  façonnent  et  qu’ils  créent  en  quel¬ 
que  sorte  au  gré  des  caprices  de  leur  imagination.  Comme 
l’a  dit  heureusement  M.  Franck ,  «  l’homme  est  diversement 
religieux,  il  l’est  incorrigiblement.  »  M.  Tissandier  a  eu 
raison  de  compter  sur  celle  ohslinalion  pour  croire  que  sa 
tenlative,  malgré  les  objeclions  des  uns  et  l’indifférence  des 
autres,  pouvait  avoir  en  ce  moment  quelque  opportunité, 
et  qu’il  lui  reslait  assez  de  chances  de  se  faire  écouler  en 
dépit  des  résislances  et  des  difficullés  que  rencontrent  iné¬ 
vitablement  auprès  d’un  certain  nombre  de  gens  tous  les 
systèmes  et  toutes  les  doctrines  sur  Dieu. 

Parvenir  à  la  métaphysique  par  la  psychologie,  telle  est 
la  méthode  suivie  par  l’auteur  de  ces  Etudes-  Cette  méthode 
contemporaine,  pour  ainsi  dire,  du  spiritualisme,  ne  durera 
pas  moins  que  la  vérité  qu’elle  nous  aide  à  entrevoir  et  à 
affirmer,  car  seule  elle  donne  un  inébranlable  fondement  à 
nos  connaissances,  et  sans  elle  l’édifice  le  plus  brillant  en 
apparence  et  le  mieux  ordonné  n’est  qu’un  édifice  ruineux 
reposant  sur  du  sable,  M.  Tissandier  le  démontre  avec  une 
précision  et  une  clarté  qu’il  serait  bien  difficile  de  surpasser: 
c’est  dans  la  certitude  du  sens  intime  qu’il  faut  placer  le 
principe  et  la  source  de  la  connaissance,  c’est  là  seulement 
que  la  notion  de  cause  trouve  son  invincible  évidence  et  son 
principe,  là  que  se  révéle  à  nous  «  la  présence  d’un  certain 
nombre  d’idées  qui  dominent  toute  la  vie  intellectuelle  et  la 
favorisent  en  la  gouvernant.  » 

Il  faut  lire,  dans  l’ouvrage  du  savant  professeur,  ces  cha¬ 
pitres  successifs  à  travers  les  démonstrations  desquels  il 
nous  amène  enfin  jusqu’à  l’idée  de  rinfini  et  jusqu’à  Dieu. 
Nous  voudrions  pouvoir  retracer  ici ,  dans  une  analyse  qui 
serait  le  meilleur  et  le  plus  certain  des  éloges,  la  marche 


—  305  — 

suivie  par  l’auteur  dans  cette  voie  où  il  s’avance  constam¬ 
ment  avec  une  prudence  et  une  fermeté  qui  sont  souvent, 
en  philosophie  comme  ailleurs  ,  les  gages  presque  assurés 
du  succès  ;  l’espace  nous  fait  défaut  pour  faire  connaître 
comme  nous  le  voudrions  ces  leçons  où  la  sagacité  la  plus 
exercée  s’allie  si  bien  à  la  recherche  patiente  et  désintéressée 
du  vrai. 

Forcé  de  nous  borner ,  nous  aimons  mieux  signaler  d’une 
façon  toute  particulière  à  nos  lecteurs  les  considérations  si 
judicieuses  et  si  applicables  en  ces  temps  de  critique  à  ou¬ 
trance  par  lesquelles ,  une  fois  en  possession  de  l’idée  de 
Dieu  ,  M.  Tissandier  la  complète  en  quelque  sorte  en  nous 
parlant  des  attributs  de  Dieu  ,  de  sa  providence  et  de  ses 
rapports  avec  l’homme. 

On  connaît  cette  répugnance  de  l’école  critique  à  affirmer 
de  Dieu  quelque  chose  et  les  objections  qu’elle  oppose  à  la 
détermination  de  ce  que  l’on  appelle  avec  raison  ses  attri¬ 
buts.  Un  attribut,  dit-on,  ne  peut  se  concilier  avec  l’idée 
de  l’infini  ;  un  attribut  est  nécessairement  une  limitation,  et 
par  conséquent  vous  amoindrissez  par  cette  limitation  l’être 
auquel  vous  l’attribuez.  La  philosophie  du  sens  commun 
a-t-elle  donc  eu  tort  de  penser  jusqu’ici  que  tout  attribut, 
loin  d’être  une  limitation ,  un  amoindrissement  de  l’être,  en 

est  au  contraire  une  extension?  Ecoutons  sur  ce  point  M. 
Tissandier  : 

Je  remarque  qu’en  m’élevant  dans  l’échelle  des  êtres  , 
chaque  division  est  marquée  par  une  faculté  nouvelle,  elle 
laisse  ce  qu’il  y  a  d’imparfait  dans  la  division  inférieure, 
en  garde  ce  qu’il  y  a  de  bon  et  de  positif  et  y  ajoute  une 
faculté  nouvelle  ,  faut-il  le  dire  ?  une  perfection  nouvelle... 
D’après  certains  philosophes ,  il  faut  raisonner  tout  au  re¬ 
bours  ;  plus  on  est  indéterminé,  plus  on  est  parfait.  Le 
polype  est  plus  indéterminé  que  le  ver  de  terre,  que  le 
poisson ,  que  l’oiseau;  il  est  donc  plus  parfait  que  ces  divers 
embranchements. 


—  304  — 

Pour  nous,  nous  nous  rangeons  ii  l’avis  des  naturalistes 
et  nous  dirons  :  chaque  propriété  ,  organe  ou  fonclion,  est 
un  degré  d’être  déplus;  être  d’une  classe  supérieure,  c’est 
avoir  une  ou  deux  facultés  de  plus  que  l’individu  de  la  classe 
inférieure,  c’est  être  deux  fois  plus,  ou  avoir  deux  fois  plus 
d’être.  Or,  chaque propriélénouvelle  est  une  détermination 
nouvelle  ;  donc,  l’être  peut  s’accroître  à  mesure  que  se  mul¬ 
tiplient  les  délerminalions ;  donc  les  déterminations,  ainsi 
conçues  ,  ne  sont  pas  des  limitalions  vérilahles,  mais  bien 
plutôt  des  extensions  ;  donc  être  el  être  déterminé  n’impli¬ 
quent  pas  contradiclion ,  puisque  c’est  être  davantage  que 
d’êlre  ainsi.  D’ailleurs,  quand  il  s’agit  d’une  nalure  linie, 
par  exemple,  la  limite  ou  la  négation  n’est  point  dans  ce 
qu’elle  a  d’activité,  d’énei’gie,  de  puissance;  cette  vitalité, 
cette  énergie ,  c’est ,  au  contraire,  hà  le  positif  de  son  être; 
où  s’arrête  la  puissance ,  là  est  la  limite.  Ce  qui  fait  la  néga¬ 
tion,  ou  la  limite,  c’est  donc  ce  qui  manque,  ce  qui  fait  dé¬ 
faut,  ce  que  l’être  n’a  pas,  et  non  ce  qu’il  a,  ce  qu’il  possède 
réellement.  Or,  augmentez  indéfiniment  la  puissance,  l’é¬ 
nergie  de  l’être  en  multipliant  ses  facultés,  ses  attrihuts , 
en  donnant  à  ces  attributs  une  souveraine  perfection,  vous 
reculez  indéfiniment  la  limite,  jusqu’à  la  suppression  de 
toute  limite ,  jusqu’à  la  négation  de  toute  négation ,  jusqu’à 
l’être  absolu,  à  qui  l’absolue  détermination  convient  abso¬ 
lument.  A  mesure  que  la  détermination  nous  fonde  ,  pour 
ainsi  dire,  plus  solidement  dans  l’être  ,  elle  nous  sépare  et 
nous  distingue  plus  profondément  de  ce  qui  n’est  pas  nous, 
et,  par  conséquent,  elle  fait  de  nous  un  individu  et  une  per¬ 
sonne.  On  a  dit  qu’un  Dieu  infini  ne  peut  être  personnel  : 
c’est  la  question  même  que  nous  venons  de  discuter  ,  il  n’y 
a  que  les  termes  de  changés. 

Nous  voudrions  pouvoir  encore  mettre  sous  les  yeux  du 
lecteur  quelques-unes  des  pages  où  M.  Tissandier,  répon¬ 
dant  aux  positivistes  qui  bannissent  les  causes  finales  de 
l’univers ,  leur  démontre  sans  peine  qu’ils  devraient  pous¬ 
ser  leur  exclusion  jusqu’au  bout  et  en  proscrire  l’idée  de 
l’entendement  humain  ,  ou  bien  encore  celles  où ,  étudiant 
la  Providence  dans  le  monde  moral,  il  donne  de  la  souf¬ 
france  et  de  la  peine  une  explication  émue  dont  compren- 


—  505  — 

dront  lav(^rilé  tous  ceux  qui  ont  souffert  avec  résignation 
et  dignité  en  s’améliorant  et  en  se  fortifiant  sous  les  coups 
de  l’épreuve  et  qui  ont  retiré  de  leurs  souffrances,  comme 
il  le  dit  si  bien ,  «  la  science  de  la  vie  et  le  secret  de  la  per¬ 
fection.  »  Nous  nous  serions  fait  encore  un  plaisir  d’indi¬ 
quer  d’une  façon  spéciale  le  dernier  chapitre  de  l’ouvrage 
où  M.  Tissandier  est  naturellement  amené ,  après  avoir 
parlé  de  Dieu  et  de  l’homme  ,  à  parler  de  la  religion  dans 
laquelle  s’expriment  les  rapports  que  l’homme  soutient  avec 
Dieu.  Là  encore  sa  conclusion  serait  la  nôtre,  car  nous 
sommes  bien  disposé  à  penser  avec  lui  que  lorsque  M.  Va- 
cherot ,  dont  il  analyse  le  récent  ouvrage  sur  la  Religion , 
voudrait  la  voir  se  retirer  de  toutes  les  intelligences  qu’elle 
domine  encore ,  il  poursuit  une  chimère  et  une  utopie  dont 
les  résultats  seraient  véritablement  désastreux,  si  sa  réali¬ 
sation  n’était  heureusement  impossible.  La  réforme  rêvée 
par  M.  Vacherot,  malgré  la  pureté  de  ses  intentions,  n’au¬ 
rait-elle  pas  pour  effet  d’anéantir  même  la  religion  natu¬ 
relle  ,  s’il  est  vrai  que  celle-ci  ne  peut  exister  sans  tendre 
nécessairement  à  s’exprimer  sous  une  forme  précise  et  à  se 
réaliser  dans  une  religion  positive?  Ainsi  que  l’a  dit  M.  Cou¬ 
sin ,«  le  culte  public  n’est  pas  plus  une  institution  arbitraire 
que  la  société,  le  gouvernement,  le  langage  et  les  arts. 
Toutes  ces  choses  ont  leur  racine  dans  la  nature  humaine.  » 
Nous  espérons  que  les  quelques  citations  qui  précèdent, 
que  nous  aurions  voulu  pouvoir  étendre  davantage,  suffi¬ 
ront  pour  donner  aux  amis  de  la  philosophie  le  désir  de 
lire  l’ouvrage  de  M.  Tissandier,  et  nous  ne  terminerons  pas 
du  moins  sans  féliciter  bien  vivement  l’auteur  de  contribuer 
aussi  vaillamment  à  ramener  sur  son  vériiable  terrain  la 
question  capitale  de  la  métaphysique  en  l’éclairant  par  une 
méthode  dont  il  faut  louer  sans  réserve  la  précision  et  la 
clarté.  P.  Montée  ,  docteur  ès-lettres, 

2* 


—  306  — 


LE  PÈLERINAGE  DE  CHILDE-HAROLD 

traduit  en  vers  français  par  M.  Ph.  Alard,  trésorier  de 
la  Société  Dunkerquoise  (*) 

M.  Alard  est  un  vieillard  octogénaire  chez  qui  les  glaces 
de  l’âge  n’éteignent  point  l’ardeur  poétique.  Initié,  depuis 
longtemps,  à  tous  les  secrets  de  la  langue  anglaise,  il  a  tenté 
ce  qu’avant  lui  aucun  traducteur  n’avait  osé  faire.  Il  s’est 
appliqué  à  transporter  dans  notre  langue ,  strophe  pour 
strophe,  et,  en  quelque  sorte,  vers  pour  vers ,  l’une  des 
œuvres  les  plus  originales  de  la  littérature  de  nos  voisins. 
La  strophe  «  à  la  Spencer ,  «  si  belle  parce  qu’elle  se  ter¬ 
mine  par  un  grand  vers  formant  presque  toujours  tableau, 
mais  si  difficile  à  manier  à  cause  de  l’agencement  irrégulier 
des  rimes  ,  M.  Alard  la  reproduit  fidèlement  en  français  : 

Mais  Childe-Harold  que  devient-iï  ?  J’oublie 

Que  sur  la  vague  il  erre  humble  et  pensif. 

A  son  départ  nul  regret  ne  s'allie  ; 

Nulle  beauté  ne  feint  l'accent  plaintif. 

Aucune  main  ne  vient  serrer  la  sienne  ; 

Froid  étranger ,  il  change  ainsi  de  scène  ; 

Bien  dur  le  cœur  qu'un  cœur  ne  rend  captif  ; 

Harold  n’est  plus  ce  qu’il  était  naguère  : 

Il  quitte  heureux  le  sol  du  crime  et  de  la  guerre. 

La  même  exacte  symétrie  existe  entre  les  couplets  de 
fantaisie  que  Byron  a  semés  çà  et  là  dans  son  poème  et  la 
version  en  vers  qu’en  a  donnée  M.  Alard. 

La  nouvelle  traduction  soutient  avantageusement  la  com¬ 
paraison  avec  toutes  celles  qu’on  a  jusqu’ici  essayées.  Qu’on 
en  juge  d’après  un  simple  rapprochement.  Voici  comment , 
dans  l’édition  Charpentier  qui  a  tant  contribué  à  populari- 

^1)  Dunkerque ,  Lorcnzo  ,  1869  ,  in-8.°  de  357  p.,  avec  le  texte  anglais 
en  regard  de  la  traduction. 


—  507 - 

ser  chez  nous  les  poèmes  de  Byron ,  M.  Benjamin  Laroche 
traduisait  la  première  stance  des  Adieux  : 

Adieu  donc ,  mon  pays  natal  ! 

Ton  rivage  à  ma  vue  expire. . . 

Le  flot  mugit ,  le  vent  soupire  ; 

J'entends  la  mouette  au  cri  fatal. 

Ce  soleil  aux  clartés  fécondes  , 

Nous  suivons  sa  trace  de  feu  ; 

Son  char  disparait  sous  les  ondes. 

0  mon  pays  natal ,  adieu  !  (*) 

Et  voici  comment  M.  Alard  rend  le  même  passage  : 

Adieu  !  je  pars  ,  rive  natale , 

Tu  te  perds  dans  Tazur  de  l’eau  , 

Le  vent  mugit ,  le  brisant  râle  , 

J'entends  les  cris  du  sombre  oiseau . 

Soleil  qui  là-bas  fuis  dans  l’onde  , 

Nous  allons  cesser  de  te  voir  : 

Adieu  ,  bonsoir ,  flambeau  du  monde  ; 

Terre  natale  —  Adieu ,  bonsoir  ! 

Ici  incontestablement  le  traducteur  Dunkerquois  se  tient 
plus  près  que  le  traducteur  Parisien  de  la  pensée  et  de  l’ex¬ 
pression  de  son  auteur. 

Comme  toutes  les  traductions  essentiellement  littérales , 
celle-ci  présente  quelquefois  un  peu  de  sécheresse  et  d’obs¬ 
curité.  Mais  il  faut  tenir  sérieusement  compte  à  M.  Alard 
du  mérite  de  la  difficulté  vaincue  :  «  sa  traduction,  »  comme 
l’a  dit  un  excellent  juge  {^) ,  «  n’est  pas  seulement  une 

Adieu  ,  adieu  !  my  native  shore 
Fader  o’er  the  waters  blue; 

The  night-winds  sigh ,  the  breakers  roar, 

And  shrieks  the  wild  sea-mew. 

Yon  sun  that  sets  upon  the  sea 
We  follow  in  his  flight  ; 

Farewell  aAvhile  to  him  and  thee, 

My  native  land  —  Good  Night  1 

(2)  M.  Edouard"  L’hôte  dans  le  Messager  du  Nord ,  N.®  du  10  juillet 
1869. 


Ô08 

œuvre  consciencieuse,  une  œuvre  de  persévérance  et  de 
volonté;  c’est  un  véritable  tour  de  force  littéraire  ,  »  tour 
de  force  qui  ne  se  sera  point  effectué  en  pure  perte  :  «  car , 
ainsi  que  me  l’écrit  une  autre  personne  très-entendue  en  ces 
matières,  le  plaisir  de  comparer  strophe  à  strophe  le  texte 
et  la  version,  comme  une  belle  personne  avec  son  portrait , 
et  de  critiquer  même  parfois  le  reflet  par  rapport  au  type  , 
ce  plaisir  est  très-particulier  dans  l’œuvre  en  question.  » 
Félicitons  donc  M.  Alard  d’avoir,  au  milieu  des  préoc¬ 
cupations  d’une  longue  vie  d’affaires,  entretenu  ce  com¬ 
merce  assidu  avec  l’un  des  représentants  les  plus  éminents 
de  la  poésie  anglaise.  Ce  commerce  n’aura  pas  été  profitable 
à  lui  seul  :  car  sa  traduction  fera,  plus  qu’aucune  autre, 
pénétrer  le  lecteur  français  dans  l’intimité  d’uii  génie  que 
nous  sommes  trop  habitués  à  n’admirer  qu’à  distance. 

A.  Despla>qüe. 

THÉORIE  ÉLÉMENTAIRE  DES  VERBES  GRECS 

par  M.  Th.  Louise  (ht 

Un  savant  ouvrage  historique  a  déjà  permis  à  beaucoup 
de  lecteurs  du  Bulletin  scientifique  du  Nord  de  connaître 
M.  Louise.  Ils  ont  apprécié  l’érudition  patiente  et  le  talent 
d’exposition  de  l’historien  de  la  Sorcellerie  dans  Varrondis- 
sement  de  Valenciennes.  Ce  n’est  plus  aux  savants  et  aux 
amis  de  l’iiistoire  du  Hainaut  que  s’adresse  aujourd’hui 
M.  Louise,  c’est  aux  membres  du  corps  enseignant,  ses 
collègues,  et  aux  jeunes  gens  confiés  à  ses  soins.  Il  s’est 
proposé  d’aplanir  les  difficultés  que  présente  l’étude  des 
verbes  grecs  pour  les  élèves  des  ctasses  de  cinquième  et  de 
sixième.  Après  avoir  fait  connaître  au  jeune  helléniste  les 
différences  des  voix,  des  modes  et  des  temps,  l’auteur  lui 
trace,  avec  beaucoup  de  méthode,  le  tableau  des  différentes 


(b  Chateau-Thierry ,  Despaubourg,  1869,  iü-8°  de  43  p. 


—  509  — 

conjugaisons.  Il  résume  ensuite  les  règles  particulières  des 
verbes  contractes ,  et  expose  avec  beaucoup  de  clarté  les 
diverses  flexions  de  ceux  dont  la  terminaison  est  précédée 
d’une  muette.  La  théorie  des  futurs  et  aoristes  seconds  trouve 
place  à  la  suite  de  ces  verbes,  ainsi  que  celle  des  parfaits 
seconds.  Vient  ensuite  un  exposé  aussi  net  que  possible  de 
la  conjugaison  des  verbes  qui  ont  une  liquide  avant  la 
voyelle  finale.  L’ouvrage  est  terminé  par  une  notice  claire 
et  complète  sur  les  verbes  en  p  . 

Ce  petit  livre,  écrit  pour  l’utilité  de  l’enfance,  atteindra 
son  but  ;  rauteur ,  qui  a  vécu  avec  elle  et  la  connaît  bien ,  a 
su  lui  présenter  ces  règles  importantes  sous  les  formes  les 
plus  propres  à  captiver  son  attention  et  à  se  fixer  dans  sa 
mémoire.  Tous  les  moyens  de  hâter  les  progrès  de  l’élève  y 
sont  mis  en  œuvre  :  attention  à  rattacher  les  règles  nou¬ 
velles  à  des  principes  déjà  connus,  rapprochements  avec 
la  langue  maternelle  ,  formules  adroitement  trouvées  pour 
abréger  une  énumération.  On  lira,  ce  nous  semble  ,  avec 
plaisir,  beaucoup  de  passages  de  son  opuscule ,  notamment 
la  définition  de  la  voix  moyenne  et  l’explication  du  mot 
aoriste.  M.  Louise  a  suivi,  autant  que  le  sujet  le  permettait, 
te  conseil  donné  par  Montaigne  dans  un  fragment  souvent 
cité:  allécher  Vappétit  et  l'affection  de  l’enfant.  A.  Descamps. 

ESSAI  DE  BIOGRAPHIE  LILLOISE  COINTEMPORAIINE  (1800-1869) 

par  M.  Hippolyte  Yerly  (0 

Ceci  est  le  «  livre  d’or  »  de  la  cité  Lilloise.  On  y  trouve 
sur  toutes  les  personnes  nées  à  Lille  et  dans  l’arrondisse¬ 
ment  ou  y  ayant  résidé,  et  qui  s’y  sont  distinguées  dans 
quelqu’une  des  branches  de  l’ordre  intellectuel ,  des  notions 
que  l’auteur  s’est  efforcé  de  rendre  aussi  complètes  et  aussi 


(*)  Lille  ,  Leleu,  1869,  in-8.°  de  iv-250  pages.  Prix  :  7  francs. 


—  510  — 

exactes  que  possible.  N’osant  point  se  flatter  d'être  parvenu, 
du  premier  coup,  au  degré  de  précision  désirable  en  pareil 
genre,  M.  Verly  intitule  modestement  «  essai  »  un  ouvrage 
auquel ,  selon  nous ,  il  ne  reste  que  bien  peu  de  choses  à 
ajouter  pour  le  rendre  définitif.  L’auteur  nous  fait  aussi 
espérer  qu’il  se  déterminera  peut-être  un  jour  à  reculer  ses 
recherches  au-delà  des  limites  de  temps  dans  lesquelles  il  a 
tenu,  cette  fois  ,  à  se  renfermer.  Pour  notre  compte,  nous 
désirerions  vivement  voiries  notabilités  de  l’ancienne  ville 
et  châtellenie  de  Lille  prendre  rang,  dans  le  recueil  de 
M.  Verly,  à  côté  de  nos  illustrations  contemporaines. 

Ce  terme  d'illustrations ,  par  lequel  nous  désignons  les 
hommes  marquants  d’une  ville  où  les  choses  de  l’esprit  pas¬ 
sent  pour  être  peu  en  honneur,  ne  nous  semble  point 
exagéré  lorsqu’il  s’applique  aux  Gosselin,  aux  Lestibou- 
dois ,  aux  Le  Glay ,  aux  Ruhlmann ,  aux  Delezenne  ,  aux  De 
Coussemaker,  sans  parler  d’autres  sommités  de  la  science 
et  des  lettres,  telles  que  MM.  de  Saulcy  et  l’abbé  Gratry 
qui  ne  nous  appartiennent  que  par  le  fait  accidentel  de  leur 
naissance. 

Nous  citons  au  premier  rang  ces  noms-là,  parce  que  ce 
sont  ceux  que  l’Institut  a  consacrés  en  les  admettant  sur  la 
liste  de  ses  membres. 

Immédiatement  à  la  suite  nous  sommes  en  droit  d’inscrire 
les  Degland,  les  Macquart,  les  Desmazières,  les  Dubrunfaut, 
les  Ducornet,  les  Derode,  les  De  La  Fons-Mélicocq,  les 
Godefroy  de  Ménilglaise ,  les  Bruneel ,  les  Brun-Lavainne  et 
tant  d’autres  que  M.  Verly  enregistre  avec  un  légitime 
orgueil. 

Les  hommes  politiques  tiennent  relativement  peu  de  place 
en  son  livre  et  l’on  peut  s’étonner  qu’aucun  des  préfets  du 
Nord  n’y  ait  son  article.  Il  s’en  faut  que  tous  aient  été  chez 
nous  des  hommes  de  passage  et  il  en  est,  sur  le  nombre. 


—  311  — 

qui  ont  véritablement  conquis  le  droit  de  cité  dans  notre 
ville.  Si  Ton  n’y  prend  garde ,  on  n’éprouvera  pas  moins 
de  difficultés  dans  un  siècle  pour  reconstituer  la  biographie 
de  nos  modernes  administrateurs  que  nous  n’en  avons  nous- 
même  rencontrées,  il  y  a  peu  d’années ,  pour  réunir  quel¬ 
ques  données  bien  vagues  sur  la  vie  et  les  actes  des  inten¬ 
dants  de  l’ancien  régime  en  Flandre  et  en  Hainaut. 

Sur  les  journalistes  et  imprimeurs  lillois,  M.  Verly  est 
beaucoup  plus  complet.  Il  ne  laisse  presque  rien  à  désirer 
en  ce  qui  concerne  la  biographie  de  nos  artistes,  archi¬ 
tectes  ,  peintres  et  musiciens,  ni  celle  de  nos  collection¬ 
neurs  d’objets  d’art  et  d’antiquité. 

Toute  la  pléïade  poétique  de  Lille  figure  dans  le  réper¬ 
toire  que  nous  analysons,  depuis  le  groupe  si  original  des 
chansonniers  patois  jusqu’à  ces  privilégiés  du  Parnasse 
qui ,  comme  MM.  Nadaud  ,  Valéry  Vernier  et  Louis  Dépret , 
ont  étendu  leur  renommée  bien  au-delà  du  territoire  auquel 
ils  doivent  leur  naissance. 

Quant  aux  historiens  et  aux  archéologues,  ils  n’ont  qu’à 
se  louer  de  la  part  que  M.  Verly  leur  a  faite  dans  son  dic¬ 
tionnaire.  Nous  nous  y  retrouvons  bien  tous ,  à  quelque  âge 
et  à  quelque  degré  de  notoriété  que  nous  soyons  parvenus. 

M.  Verly  a  un  souvenir  pour  ceux  de  nos  concitoyens  à 
qui  un  trépas  prématuré  n’a  point  laissé  le  temps  de  donner 
la  mesure  de  leur  talent  (de  ce  nombre  fut  Louis  Lefort, 
le  meilleur  ami  de  notre  jeunesse);  pour  ceux  qui,  trop 
défiants  de  leurs  forces,  gardent,  enfouis  dans  leur  porte¬ 
feuille,  des  manuscrits  qu’eux  seuls  jugent  indignes  de 
la  publicité  ;  pour  ceux  enfin  qui  se  sont  créé  hors  de  Lille 
un  nom  très-honorable  et  dont  leur  ville  natale  ne  se  sou¬ 
vient  pas  assez.  Rangeons,  dans  cette  dernière  catégorie, 
M.  Jules  Gailhabaud,  l’un  des  hommes  qui ,  au  prix  d’in¬ 
comparables  sacrifices  ,  ont  le  plus  fait  pour  le  progrès  de 


—  312  — 

rhistoirede  l'architeclure  au  moyen-âge.  Citons  aussi  parmi 
les  morts  dont  la  valeur  littéraire  n’a  jamais  été  suffisam¬ 
ment  appréciée  sur  place,  M.  Louis  Binaut,  l’un  des  écri¬ 
vains  les  plus  distingués  du  Correspondant  et  de  la  Revue 
des  Deux- Mon  des. 

Les  femmes  auteurs  ne  sont  pas  oubliées  dans  le  livre  de 
M.  YerJy.  Si  l’article  sur  31.“®  la  comtesse  de  La  Grandville 
est  un  peu  maigre  ,  celui  sur  31. “®  Bourdon  est  de  nature  à 
satisfaire  les  esprits  les  plus  exigeants.  L’auteur  y  révèle  un 
sens  critique  très-délicat,  en  même  temps  qu’il  y  donne  la 
preuve  de  celte  impartialité  qui  n’est  pas  l’un  des  moindres 
mérites  de  son  livre  : 

Le  style  de  31. “®  Bourdon  ,  dit-il,  est  facile  et  correct. 

S’il  ne  se  distingue  pas  par  la  vigueur  du  coloris,  par  la 
hardiesse  et  l’énergie  des  images  et  de  la  forme  ,  il  est  aisé 
de  voir  que  sa  régulière  tranquillité  n’est  nullement  le  fait 
de  l’impuissance,  mais  l’effet  du  caractère  et  surtout  de  la 
volonté  de  l’écrivain.  Point  d’exagération,  point  de  mauvais 
goût ,  point  de  trivialité  ;  toujours  modérés  sans  monotonie, 
les  sentiments  de  joie  ou  de  douleur  ne  s’y  exaltent  jamais 

jusqu’au  paroxysme . De  là  on  peut  conclure  que  l’on 

trouvera  dans  les  œuvres  de  31. “®  Bourdon  un  calme  souvent 
attendri,  une  gaité  un  peu  mélancolique ,  des  pages  adora¬ 
bles  de  délicatesse ,  des  détails  pleins  de  charme  et  de  frai-  ! 
cheur  :  on  n’y  saurait  i-enconlrer  les  émotions  orageuses  de 
la  passion. 

La  Vie  réelle,  pour  ne  parler  que  de  celui  de  ses  livres 
qui  est  regardé  comme  son  chef-d’œuvre,  est  le  jouimal 
d’une  femme  prise  dans  les  conditions  ordinaires  de  l’exis¬ 
tence  bourgeoise,  depuis  sa  sortie  de  pension  jusqu’à  sa  I 

vieillesse.  Les  péripéties  qu’elle  traverse  ne  sont  autres  que  1 

celles  qui  nous  sont  réservées  à  tous  :  le  mariage ,  les  tracas 
de  famille,  la  maladie  et  la  mort  d’enfants  aimés,  les  poi-  j 

gnantes  inquiétudes  que  donnent  les  survivants ,  des  re-  | 

grets ,  des  angoisses ,  la  dispari  lion  successive  des  êtres  que  | 

nous  avons  le  plus  chéris,  les  déchirements  profonds,  en  (in 
la  vieillesse  solitaire.  3Iais  tout  cela,  indiqué  ou  décrit  à 
fond ,  est  exprimé  de  main  de  maître  ;  il  est  des  endroits  qui  ; 
mettent  des  larmes  aux  yeux  du  lecteur.  Il  faut  avoir  souf- 


fert  pour  écrire  ainsi ,  il  faut  avoir  souffert  aussi  pour  bien 
lire  ce  livre  et  pour  le  bien  juger. 

Puisque  nous  en  sommes  au  chapitre  de  la  littérature 
intime,  nous  ne  cloutons  pas  que  31.  Veiiy  ne  regrette 
d’avoir  connu  le  Journal  d'Herminie  de  la  Basse-MoûtwHe 
trop  tard  pour  pouvoir  inscrire  le  nom  de  cette  autre 
Eugénie  de  Guérin  à  côté  de  celui  de  son  père,  Lévêque  de 
la  Basse-3Ioûturie. 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  cette  excursion  fantai¬ 
siste  à  travers  les  très-curieux,  les  très-piquants  articles, 
que  31.  Verly  a  disposés  dans  son  livre  par  ordre  rigoureu¬ 
sement  alphabétique.  Nous  sommes  heureux  de  n’avoir  que 
des  encouragements  et  de  minimes  conseils  à  adresser  à 
l’auteur ,  en  vue  de  sa  seconde  édition  qui  ne  peut  tarder 
beaucoup  à  paraître ,  la  première ,  par  un  succès  bien  rare 
en  province  ,  étant  déjà  presque  entièrement  épuisée. 

3131.  Six-Horemans ,  imprimeur,  et  Leleu  ,  libraire-édi¬ 
teur,  ont  donné  leurs  meilleurs  soins  à  cette  publication. 

A.  DESPLA^’QUE. 

CATALOGUE  DES  OBJETS  d’ART  COMPOSAAT  LE  MUSÉE 

DE  CAMBRAT 

rédigé  par  M.  Berger,  père,  et  Ad.  Bruyelle  (*) 

Cette  utile  nomenclature  est  précédée  ;  1  .o  d’une  Notice  sur 
l’origine  et  les  accroissements  du  3Iusée  ;  2.""  de  la  liste  des 
personnes  qui  l’ont  enrichi  de  leurs  dons. 

Le  catalogue  de  peinture  et  de  sculpture,  dressé  par 
31.  Berger ,  nous  signale  l’existence ,  dans  le  musée  de 
Cambrai ,  de  diverses  toiles  attribuées  à  Breugbel ,  au 
Guerchin  ,  au  Guide,  à  Van  der  31eulen  ,  à  Carie  Van  Loo 
et  à  Otto  Venius.  —  Comme  on  doit  s  y  attendre,  lecole 
Cambrésienne  est  particulièi’ement  bien  représentée  dans 


,*)  Cambrai ,  Deligne  et  Ciivellier ,  1869  ,  in-8°  de  xxx  -  150  p. 


—  314  — 

cette  galerie.  Elle  commence  avec  le  vieux  Melchior  Fallon 
(xvi.®  siècle) ,  se  continue  par  la  longue  dynastie  des  Saint- 
Aubert  ,  et  aboutit  aux  contemporains  tels  que  Berger  fils , 
Deladeuille,  Adolphe  Deligne  ,  Desoria,  Dowa,  etc. 

Dans  la  section  de  sculpture ,  à  côté  de  marbres  ou  de 
plâtres  de  Théophile  Bra  et  de  David  d’Angers,  se  trouvent 
aussi  des  œuvres  de  Charles  Cordier  et  de  Gustave  Dailliet, 
tous  deux  originaires  de  Cambrai.  Plus  :  un  saint  Sébastien 
de  Barthélemy  Marsy  et  un  bas-relief  de  son  fils  Gaspard, 
représentant  la  Prise  de  Cambrai  par  Louis  XIV. 

Le  catalogue  d’archéologie  ,  dressé  par  M.  Bruyelle  avec 
le  même  soin  que  M.  Berger  a  apporté  à  la  confection  de 
celui  des  beaux-arts ,  désigne  à  notre  attention  particulière, 
outre  des  objets  de  céramique  provenant  des  collections 
Campana  et  donnés  au  musée  de  Cambrai  par  le  Ministre 
d’Etat  en  avril  1863  :  i.®  le  bassin  d’aiguière  en  bronze, 
jadis  trouvé  aux  Pierres- Jumelles  ;  2.“  les  chaînons  en  fer  , 
en  forme  de  crémaillère ,  provenant  de  la  station  romaine 
d'Hermoniacum  ;  S.'’  les  vases  en  terre  noire  exhumés  des 
territoires  d’Esnes,  de  Lesdain  et  de  Marcoing;  4.o  un 
sigillaire  concernant  des  familles  la  plupart  étrangères  au 
pays  ;  o.®  une  collection  de  coins  de  monnaies  des  évêques 
de  Cambrai  ;  6.°  une  série  de  monnaies  gauloises,  romaines, 
espagnoles ,  etc. 

Mentionnons  encore ,  parmi  les  objets  les  plus  curieux  : 
la  statue  de  Jean  rfe  Bove  demandant  merci  à  justice  (en 
bois,  XVI.®  siècle)  ;  une  tête  d'évêque  [en  pierre  blanche, 
même  époque)  ;  une  tête  de  châtelaine  (aussi  en  pierre  , 
XV.®  siècle)  ;  un  fragment  d’inscription  gallo-romaine  ;  l’épi¬ 
taphe  sur  plomb  de  l’évêque  Nicolas  de  Fontaine  ;  le  pal¬ 
lium  de  l’archevêque  Maximilien  de  Berghes  ,  etc. 

La  publication  du  catalogue  de  MM.  Berger  et  Bruyelle  a 
heureusement  coïncidé  avec  l’installation  délinitive  du 


musée  de  Cambrai  clans  le  beau  local  de  Saint- Julien  ,  si 
habilement  approprié  à  sa  destination  nouvelle.  Mais  tout 
le  monde  sait  qu’aux  portes  même  de  ce  local,  s’est  formée, 
grâce  au  goût  éclairé  ,  au  zèle  infatigable  d’un  simple  par¬ 
ticulier,  une  collection  exclusivement  camhrèsienne  ^  qui 
surpasse  de  beaucoup  en  richesse  la  collection  de  la  ville. 
Espérons  qu’au  prix  de  généreux  et  intelligents  sacrifices , 
l’édilité  canibrésienne  se  mettra  tôt  ou  tard  en  possession 
de  ce  cabinet  incomparable.  Alors  et  alors  seulement  la 
ville  de  Cambrai  pourra  se  flatter  d’avoir  un  Musée  histori¬ 
que  en  rapport  avec  l’importance  du  rôle  qu’elle  a  joué  dans 
le  passé.  A.  Desplainque. 


CHRONIQUE. 

Zoolog'ie.  Pélican  blanc.  —  Le  R*’ septembre  ,  un  Péli¬ 
can  blanc  (  Pelecanus  onocrotalus  )  a  été  tué  par  M.  Durot , 
d’Houplin ,  dans  le  marais  de  Wingles.  C’était  un  sujet  de 
toute  beauté;  il  avait  la  huppe  longue,  la  poche  gutturale 
très-étendue,  et  tout  le  plumage  revêtu  de  cette  belle  teinte 
rosée  qui  caractérise  les  adultes  et  disparaît  malheureuse¬ 
ment  après  le  montage. 

On  pourrait  être  tenté  ,  au  premier  abord  ,  à  en  juger  par 
la  netteté  des  plumes  et  l’état  des  pieds ,  de  voir  dans  cet 
oiseau  un  sujet  sauvage ,  et  ce  serait  alors  un  nouveau  nom 
à  ajouter  à  la  liste  des  oiseaux  qui  apparaissent  fortuite¬ 
ment  dans  le  Nord  de  la  France.  Mais  en  examinant  les 
ailes,  on  s’aperçoit  que  plusieurs  des  grandes  pennes  de 
droite  ont  été  coupées  :  ce  qui  est  un  indice  presque  certain 
de  captivité. 

H  est  très-probable  que  ce  Pélican  est  un  fugitif  de  quel¬ 
que  jardin  zoologique ,  où  l’amputation  de  l’aile  aura  été 
faite  incomplètement.  Je  penche  à  croire  qu’il  provient 


—  316  — 

d’Angleterre  car  il  a  dû  séjourner  sur  les  côtes  maritimes. 
Son  estomac  ne  contenait  que  des  crevettes  et  quelques 
petits  poissons  de  mer.  L’état  encore  frais  de  ces  aliments 
prouvait  que  l’oiseau  avait  mangé  depuis  peu  de  temps  et 
qu'il  avait  dû  faire  le  trajet  des  côtes  jusqu’à  ^Yingles  sans 
se  reposer. 

Le  Pélican  blanc  n’habite  pas  l’Europe  occidentale  ;  ses 
principales  stations  européennes  sont  les  bords  de  la  Mer 
Noire ,  de  l’Archipel  et  le  Danube  ;  mais  en  1849  ,  plusieurs 
ont  été  tués  en  France  ;  le  docteur  Degland  ,  en  citant  ces 
captures  dans  VOrnühologie  européenne  ,  les  attribue  à 
l’effroi  qu’avaient  dû  ressentir  les  Pélicans  de  Hongrie  au 
bruit  de  la  guerre  civile  qui  alors  désolait  ce  pays.  Cette 
explication  pourra  paraître  assez  naïve. 

A.  DE  Norguet. 

Marte.  —  La  liste  des  Mammifères  insérée  dans  le  7.® 
numéro  ô\i  Bulletin  scientifique  indique  la  Marte  comme 
n’existant  point  dans  le  département  du  Nord.  Pourtant 
ce  quadrupède  se  trouve  dans  la  forêt  de  Mormal  ;  il  y  était 
encore  assez  commun  il  y  a  quinze  ans.  On  l’y  chassait 
avec  avantage  pendant  le  temps  des  neiges,  et  la  fourrure 
d’une  Marte  se  vendait  au  prix  moyen  de  o  francs.  La  chasse 
de  la  Marte  était  l’amusement  des  personnes  aisées  et  le  petit 
commerce  des  ouvriers ,  des  bûcherons ,  des  sabotiers  peu 
occupés.  Les  habitants  de  la  forêt  disent  un  Marte. 

L.  Box  IF  ACE  ,  Curé  de  Marpent. 

xMétéorolo§;îe.  Mois  de  septembre  1869.  —  La  tempé¬ 
rature  atmosphérique  moyenne  du  mois  de  septembre  est 
de  lo.°  271 ,  celle  du  mois  de  septembre  1869  a  été  de 
16.°  oo,  par  conséquent  supérieure  de  l.°  28  à  la  moyenne 
générale.  Les  températures  extrêmes  ont  été  de  27.°  0, 
observées  les  9  et  29,  et  de  7.°  3  le  4.  La  movenne  des  mi- 
nima  a  été  de  12.°  o3,  celle  des  maxima  20.°  57. 


—  317  — 

Sous  l’influence  de  celte  température  élevée  ,  de  la  ten¬ 
sion  moyenne  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique  9  mill.  92 
(10  mill.  17  année  moyenne),  de  l’humidité  relative 
72,0  °/„(77,44  °/o  année  moyenne),  de  la  nébulosité  du  ciel 
au-dessous  de  la  moyenne,  l’épaisseur  de  la  couche  d’eau 
évaporée  pendant  le  mois  a  été  de  103  mill.  65  ;  l’évapora¬ 
tion  moyenne  pour  le  mois  de  septembre  étant  de  80  mill. 
48 ,  la  différence  est  donc  de  23  mill.  08. 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  de  pluie  recueillie  pendant 
le  mois  qui  nous  occupe  a  été  de  41  mill.  48  ;  en  moyenne 
elle  est  de  70  mill.  59  ;  différence  29  mill.  11  en  moins  pour 
septembre  1869.  Le  nombre  des  jours  de  pluie  a  été  de  20. 

Une  quantité  de  pluie  aussi  réduite,  indice  de  la  présence 
d’une  faible  quantité  de  vapeur  d’eau  dans  les  régions  éle¬ 
vées  de  l’atmosphère,  devrait  coïncider  avec  une  asse2 
grande  pression  barométrique;  il  n’en  fut  rien  cependant, 
car  la  hauteur  moyenne  de  la  colonne  mercurielle  ramenée 
à  la  température  de  0.” ,  ne  fut  que  de  757  mill.  362 ,  oscil¬ 
lant  entre  les  extrêmes  737  mill.  77  le  12  et  770  mill.  02 
le  l.^L  La  hauteur  moyenne  du  baromètre  observée  en 
septembre,  pendant  une  période  de  15  ans,  est  de  760  mill. 
143. 

La  véritable  cause  de  cette  dépression  fut  la  diminution 
d’épaisseur  de  la  couche  atmosphérique  indiquée  par  l’ex¬ 
cessive  rapidité  des  courants  allant  du  S. O.  au  N.E. ,  rapi¬ 
dité  qui  les  12  et  13  fut  celle  d’un  ouragan,  et  le  19  celle 
d’une  tempête. 

Pendant  la  tourmente  atmosphérique  des  12  et  13  l’air 
fut  très-chargé  d’électricité  et  il  se  produisit  un  phénomène 
de  nature  à  induire  les  météorologistes  en  erreur.  Dans 
beaucoup  d’observatoires  les  thermomètres  à  minima,  même 
abrités,  s’abaissèrent  bien  au-dessous  de  la  température  mi¬ 
nima  vraie  ;  ainsi  le  12  le  minimum  vrai  fut  de  12."  0 ,  des 


—  518  — 


thermomètres  à  minima  indiquèrent  4.“  0  ;  le  13  le  mini¬ 
mum  vrai  fut  de  13.”  5  et  un  thermomètre  à  minima  indi¬ 
qua  —  i.°  0.  Ces  thermomètres  avaient  cependant  une 
position  horizontale  et  ne  pouvaient  être  agités  parle  vent, 
puisqu’ils  sont  fixés  sur  un  treillis  métallique  placé  dans 
l’axe  de  trois  cylindres  de  zinc  concentriques  espacés  l’un 
de  l’autre  de  3  centimètres,  par  conséquent  les  index  n’ont 
pu  être  déplacés  autrement  que  par  la  contraction  de  l’alcool 
sous  l’influence  de  l’abaissement  de  température. 

Comment  donc  la  température  a-t-elle  pu  s’abaisser  à  ce 
point  ?  par  la  projection  horizontale  de  quelques  gouttes 
d’eau  ou  de  quelques  grêlons  sur  le  réservoir  des  thermo¬ 
mètres  et  par  le  froid  causé  par  l’évaporation  activée  par 
l’intensité  du  courant  d’air.  Il  importe  donc  de  se  mettre 
en  garde,  pendant  les  tempêtes,  contre  les  causes  qui  peu¬ 
vent  produire  de  pareils  effets,  si  on  veut  éviter  des  erreurs 
regrettables. 

L’état  électrique  de  l’atmosphère  en  septembre  1869 
amena  les  orages  des  3,  10,  19,  accompagnés  de  pluies 
peu  abondantes,  sans  production  de  grêle. 

Les  9,13,  18,  27  on  observa  des  halos  solaires  toujours 
suivis  de  pluie  dans  les  24  heures. 

Il  y  eut  26  jours  de  brouillard  et  16  de  rosée. 

-  Les  vents  dominants  furent  ceux  du  S.O.  de  l’O.S.O.  et 
du  S. S.O.  soufilant  avec  force.  V.  Meurein. 

Source  à  Meurchin.  —  En  creusant  une  fosse  à  Meurchin 
(Pas-de-Calais)  on  a  rencontré  ,  à  une  profondeur  de  140 
mètres  ,  une  source  d’eau  sulfureuse  qui  a  jailli  à  9  mètres 
en  contre  bas  du  sol,  soit  4  mètres  au-dessus  du  niveau 
d’eau  des  puits.  J.  G. 

Découverte  archéologique  à  Marœuil.  —  Une  décou¬ 
verte  archéologique  très -importante  a  eu  lieu  dans  le 


—  319  — 

village  de  Marœuil.  Dans  les  premiers  jours  de  juillet,  un 
habitant  de  cette  localité  rencontra,  en  creusant  les  fonda¬ 
tions  d’une  maison  ,  un  grand  nombre  de  squelettes  et  d’ob» 
jets  anciens.  Le  maire  de  la  commune,  M.  Topart,  prévint 
immédiatement  le  préfet  du  Pas-de-Calais.  Ce  magistrat 
envoya  aussitôt  sur  les  lieux  une  brigade  d’ouvriers  capables 
et  intelligents.  Les  fouilles,  commencées  le  12  juillet,  ont 
duré  jusqu’au  16  août.  Elles  ont  eu  le  succès  le  plus  complet. 
Il  a  été  extrait  237  squelettes  ,  91  vases  en  terre ,  5  vases 
en  verre  ,  23  lances ,  9  javelots,  8  haches  ,  un  bouclier,  10 
sabres  et  couteaux  ,  4  plaques  de  ceinturon ,  12  boucles  de 
différentes  formes,  6  boucles  d’oreilles,  8  bagues  et  anneaux, 
2  colliers  en  verre  émaillé  ,  une  boule  de  cristal ,  une  paire 
de  ciseaux,  deux  pinces  épilatoires,  quatre  longues  épingles 
à  cheveux,  deux  grands  vases  en  cuivre  doré,  etc. 

Dans  la  séance  tenue  le  14  août  par  la  Commission  des 
antiquités  départementales  du  Pas-de-Calais  ,  M.  Paul  Le- 
cesne  a  fait  un  rapport  sommaire  sur  les  objets  trouvés. 

Ils  sont  presque  tous  d’une  conservation  parfaite;  les 
vases  en  verre  paraissent  fabriqués  d’hier  ;  deux  présentent 
pour  leur  forme,  la  légèreté  et  la  couleur,  une  très-grande 
analogie  avec  nos  verres  à  vin  du  Pihin.  Les  poteries  sont 
en  grès  ou  en  terre  rouge  ,  noire  ou  brune  ,  d’une  grande 
variété  de  formes  et  agrémentées  d’ornements  en  creux 
d’une  finesse  extrême.  Les  bijoux  et  les  plaques  de  ceintu¬ 
ron  sont  en  argent,  d’un  travail  et  d’une  ornementation 
très-délicats. 

Les  boucles  d’oreilles  se  composent  d’un  anneau  en 
argent  tordu,  terminé  par  un  cube  garni  de  losanges 
de  grenats  ;  les  colliers  sont  formés  de  boules  en  verre 
émaillé  de  couleurs  très- différentes  et  très- brillantes  ; 
le  procédé  de  fabrication  de  ces  verroteries  parait  perdu. 

Les  armes,  très-nombreuses,  constituent  la  partie  la  plus 


—  320  — 

curieuse  de  la  collection  ;  elles  ont  servi  à  déterminer  ap¬ 
proximativement  la  date  du  cimetière.  Aucun  doute  n’est 
-possible  à  cet  égard,  elles  sont  franques;  on  y  retrouve  la 
francisque  à  toutes  ses  formes,  la  framée  et  le  scramsax. 
On  peut  même  signaler  en  passant  une  francisque  d’une 
forme  inconnue  jusqu’ici  et  des  scramsax  à  peu  près  de  la 
longueur  de  nos  sabres  d’infanterie. 

.  Le  terrain  où  est  situé  le  cimetière  se  trouve  à  peu  de  dis¬ 
tance  d’un  ancien  camp  romain  appelé ,  dans  le  pays,  camp 
de  César,  mais  qui  était  encore  occupé  au  iv.®  siècle;  les 
corps  étaient  placés  sans  cercueil ,  à  une  profondeur  variant 
de  0  m.  60  c.  à  1  ni.  60  c.  ;  on  en  a  trouvés  jusqu’à  trois  su¬ 
perposés;  presque  tous  avaient  un  pot  entre  les  jambes. 
Les  squelettes  appartiennent  à  une  race  de  haute  taille  ;  on 
en  a  mesurés  ayant  jusqu’à  1  m.  92  c. 

Les  fouilles  n’ont,  jusqu’à  présent,  embrassé  que  17 
ares  de  terrain;  aussi,  en  présence  des  résultats  obtenus, 
le  conseil  général  du  Pas-de-Calais  a-t-il  décidé ,  sur  la 
demande  du  préfet,  que  les  explorations  seraient  poussées 
avec  activité  et  a-t-il  voté  un  crédit  à  cet  effet.  Nous  ne 
pouvons  que  féliciter  le  préfet  et  le  conseil  général  d’avoir 
fait  preuve  d’un  zèle  si  éclairé  pour  l’histoire  et  la  science 
archéologique.  A.  D. 

Mort  de  M,  Sainte-Beuve.  —  La  ville  de  Boulogne  vient 
de  perdre  une  des  célébrités  auxquelles  elle  a  donné  nais¬ 
sance.  M.  le  Sénateur  Sainte-Beuve  ,  de  l’Académie  fran¬ 
çaise  ,  a  succombé  le  13  octobre  ,  à  la  maladie  qui  le  mi¬ 
nait  depuis  longtemps.  Il  était  âgé  de  65  ans.  A.  D. 

Le  Gérant  •  E.  Castiaux. 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Gastiaux  ,  grande  place  ,  13. 


N.°  11. —  Novembre  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

PRIX  DE  MILLE  FRAîNCS  DÉCERNÉ  DANS  LE  RESSORT 
ACADÉMIQUE  DE  DOUAI. 

Le  lundi  15  novembre,  dans  la  séance  solennelle  de  la 
rentrée  des  Facultés  présidée  par  M.  le  Recteur ,  a  été 
décerné  le  prix  de  1,000  francs  attribué  par  S.  Exc.  le 
Ministre  de  l’Instruction  publique  au  meilleur  ouvrage 
d’histoire  politique  ou  littéraire  publié ,  depuis  trois  ans  , 
dans  le  ressort  académique  de  Douai. 

Notre  collaborateur  M.  l’abbé  Dehaisnes,  avait  été  chargé 
par  les  délégués  du  Ministre  et  ceux  des  Sociétés  savantes 
formant  ensemble  le  jury  d’examen  (^) ,  de  rédiger  un  rap- 


(0  Ont  assisté  aux  séances  du  jury  ,  en  la  qualité  ci-dessous  énon 
cée  ,  les  personnes  dont  les  noms  suivent  : 

MM.  Deliaisnes ,  professeur  au  collège  Saint-Jean, 
archiviste  municipal  de  Douai  ; 

Duchet ,  proviseur  du  lycée  de  Douai  ; 

Jarry  ,  inspecteur  d’Académie  en  résidence 
à  Lille  ; 

Cellier,  délégué  de  la  Société  des  Sciences  de  Valenciennes. 
Chon ,  délégué  de  la  Société  des  Sciences  de  Lille. 

Cousin  ,  délégué  de  la  Société  Dunkerquoise. 

Desplanque ,  délégué  de  la  Commission  historique  du  Nord. 
Ferrus  ,  délégué  de  la  Société  académique  de  Saint- Quentin. 
Garnier,  délégué  de  l’Académie  d’Amiens. 

Hattu ,  délégué  de  la  Société  d’Emulation  de  Cambrai. 

Leleu ,  délégué  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie. 

Paeile  ,  délégué  du  Comité  flamand  de  France. 

Preux ,  délégué  de  la  Société  des  Sciences  de  Douai. 

Tournier,  délégué  de  la  Société  Archéologique  d’Avesnes. 

Van  Drivai,  délégué  de  l’Académie  d’Arras. 

Le  jury  avait  composé  son  bureau  comme  suit  : 

Président:  M.  Garnier. 

Secrélaire-rapporieur  :  M.  Fahhé  Dehaisnes. 


délégués 
du  Ministre. 


—  522  — 

port  où  se  trouveraient  exposées  les  conclusions  du  jury. 

Voici  le  texle  de  ce  document  tel  qu’il  a  été  lu  en 
séance  publique.  A.  D. 

MM. 

Un  décret  du  30  mars  1869  a  institué,  dans  chaque 
ressort  académique  de  l’Empire,  un  prix  annuel  de  mille 
francs ,  qui  sera  décerné  à  l’ouvrage  jugé  le  meilleur  sur 
quelque  point  d’histoire  politique  ou  littéraire,  d’archéo¬ 
logie  ou  de  science  ,  intéressant  les  départements  compris 
dans  le  ressort.  Il  faudrait  être  complètement  étranger  au 
mouvement  qui  s’est  opéré  depuis  plus  d’un  siècle  dans  les 
travaux  intellectuels,  pour  refuser  de  reconnaître  que  ce 
décret  est  sorti  d’une  inspiration  opportune  et  féconde.  La 
question  de  la  décentralisation  littéraire  est  à  l’ordre  du 
jour  parmi  nous  :  nous  venons  de  voir,  à  Lyon  et  à  Nancy, 
les  savants  de  la  province  se  coaliser  contre  le  monopole 
scientiüque  de  la  capitale  ;  et  il  y  a  deux  mois  à  peine,  dans 
le  congrès  de  Chartres,  l’éminent  archéologue  M.  de  Gau¬ 
mont,  faisait  adopter  un  projet  de  séparation  radicale  entre 
Paris  et  les  départements  au  point  de  vue  de  la  publication 
des  travaux  académiques.  C’est  un  devoir  de  le  proclamer  : 
le  Gouvernement  était  entré  dans  cette  voie  par  le  décret 
du  30  mars  1869.  En  ouvrant  dans  chaque  ressort  académi¬ 
que  un  concours  annuel  pour  les  personnes  résidant  dans 
le  ressort,  il  a  donné  un  puissant  encouragement  aux  tra¬ 
vailleurs  de  la  province,  à  ces  savants,  trop  souvent  mé¬ 
connus  ,  qui ,  dans  l’obscurité  d’une  petite  ville  ,  réunissent 
laborieusement  les  observations  et  les  études  d’intérêt  local, 
sans  lesquelles  les  esprits  généralisateurs  ne  pourront  ja¬ 
mais  tracer  d’une  main  sûre  les  grandes  lignes  de  l’histoire, 
de  l’archéologie  et  des  sciences. Le  décret  du  30  mars  1869  a 
mis  au  jour  une  pensée  utile  et  généreuse  à  l’heure  où  elle 


—  523  — 

devait  se  produire;  et  tous  nous  rendrons  justice  au  chef 
de  TEtat  qui  Ta  porté ,  au  ministre  qui  Ta  proposé. 

Parmi  les  ressorts  académiques  de  la  France,  tous  admis, 
excepté  celui  de  Paris,  à  prendre  part  au  concours  de  1869, 
ouvert  sur  une  question  d’histoire  politique  ou  littéraire, 
aucun  peut-être  ne  pouvait  répondre  à  cet  appel  plus  facile¬ 
ment  que  celui  de  Douai.  Cent  vingt-cinq  établissements 
d’instruction  secondaire,  renfermant  plus  de  16,000  élèves, 
y  répandent  autour  d’eux  le  goût  des  choses  de  l’esprit  ; 
dix-neuf  Sociétés  savantes  y  développent  l’élude  de  l’his¬ 
toire  ,  de  l’archéologie  et  des  sciences  ;  à  chaque  pas  le 
voyageur  y  rencontre  des  ruines  et  des  édifices  ,  souvenirs 
d  un  glorieux  passé ,  de  grandes  cités  et  des  institutions 
florissantes,  orgueil  du  présent,  espoir  de  l’avenir;  l’his¬ 
toire  de  nos  provinces  est  pleine  de  luttes  noblement  sup¬ 
portées  pour  la  patrie  et  les  libertés  ;  et  parmi  nos  grands 
hommes  nous  pouvons  citer  des  chroniqueurs  et  des  érudits 
illustres,  Froissart,  Monstrelet,  Philippe  de  Comines  et 
Ducange. 

Dans  ce  ressort  académique ,  la  pensée  qui  a  inspiré  le 
décret  du  30  mars  devait  donc  être  comprise.  Aussi  quinze 
ouvrages,  intéressants  à  des  points  de  vue  divers,  ont  été 
envoyés  au  concours  ;  ils  ont  été  soumis  à  l’examen  d’un 
jury  formé  de  19  membres  ,  délégués  par  le  Ministre  et  les 
Sociétés  savantes,  sous  la  présidence  d’un  recteur,  dont  le 
nom  est  connu  par  d’importants  travaux  historiques. 

Si  l’ordre  du  jour  de  cette  séance  ne  m’avertissait  que  la 
brièveté  est  essentielle  au  rapport  que  le  jury  m’a  chargé 
de  vous  présenter,  si  je  ne  me  disais  qu’à  défaut  d’autres 
qualités  je  dois  rechercher  le  mérite  de  cette  brièveté  , 
j’analyserais  en  détail  les  ouvrages  envoyés  au  concours  qui 
n’ont  pu  être  couronnés;  et  vous  acquerriez  la  conviction 
qu’il  y  a  dans  les  cinq  départements  du  ressort  académique 


—  324  — 

de  Douai,  des  savants  qui  préparent  avec  soin  les  matériaux 
d’une  histoire  générale  de  France.  Mais  les  minutes  qui  me 
sont  concédées  me  permettent  à  peine  d’énoncer  les  titres 
de  ces  ouvrages. 

Parmi  les  monographies  qui  s’attachent  à  décrire  une 
localité,  un  canton,  un  département,  nous  mentionnerons 
y  Histoire  de  Villers-Cotterets ,  les  Recherches  sur  Givet ,  les 
Essais  historiques  et  biographiques  sur  les  Ardennes ,  et 
enlin  une  Etude  sur  la  ville  et  le  canton  de  Ribémont, 
travail  étendu  qui  a  exigé  beaucoup  de  temps  et  de  recher¬ 
ches.  Nous  devons  placer  en  dehors  de  cette  première  série 
de  mémoires ,  V Essai  sur  VHistoHe  ecctésiastique ,  civile  et 
politique  de  Cambrai;  l’auteur  de  ce  volumineux  et  impor¬ 
tant  manuscrit  s’est  inspiré  d’une  idée  heureuse:  éclairer 
le  passé  d’une  cité  par  l’étude  des  institutions.  C’est  aussi 
aux  institutions  que  nous  rattacherons  le  tableau  finement 
esquissé  d'une  Guerre  échevinale  de  177  ans  à  Saint-Omer  j 
et  un  manuscrit  sur  le  Droit  communal  et  le  Droit  coutumier 
au  moyen-âge ^  sujet  d’une  vaste  étendue  que  l’auteur, 
d’ailleurs  écrivain  de  talent,  n’a  envisagé  que  sous  un  seul 
aspect ,  le  Droit  coutumier  à  Lille.  Gomme  l’histoire  muni¬ 
cipale  ,  l’histoire  de  l’église  offre  matière  à  des  études  in- 
téressahtes.  Plusieurs  savants  font  compris  :  et  nous  avons 
dû  à  leurs  patientes  recherches  deux  curieux  travaux  sur 
des  monastères  dont  il  reste  à  peine  aujourd’hui  quelques 
ruines,  V Abbaye  d’Origny  Sainte-Benoîte,  près  de  Saint- 
Quentin  ,  et  celle  de  Clairmarais ,  près  de  Saint-Omer.  Un 
autre  écrivain  a  retracé,  d’une  main  ferme  et  habile,  la 
uie,  les  œuvres  et  V influence  d' Hincmar ,  ce  grand  arche¬ 
vêque  de  Reims  ,  dont  la  figure  apparaît  calme  ,  grave  et 
sévère  ,  au  milieu  des  luttes  et  des  hontes  du  ix.®  siècle. 

Malgré  le  mérite  incontestable  de  ces  mémoires  ,  le  jury 
n’a  pas  hésité  à  leur  préférer,  à  regarder  comme  plus  dignes 


—  525  — 

de  la  haute  distinction  qu’il  s’agit  de  décerner ,  les  deux 
autres  ouvrages  envoyés  au  concours  :  Sénac  de  Meilhan  et 
r Intendance  du  Hainaut  et  du  Cambrésis  sous  Louis  XVI ^ 
la  Jeunesse  de  Robespierre  et  la  Convocation  des  Etats- 
Généraux  en  Artois.  Je  dois  vous  présenter  une  étude  plus 
complète  sur  ces  deux  œuvres  historiques  et  sur  les  sujets 
qui  y  sont  traités. 

Vers  la  fin  du  siècle  dernier  vivaient,  l’un  à  Arras,  l’autre 
à  Valenciennes ,  deux  personnages  bien  différents  par  la 
naissance,  la  situation  sociale,  le  caractère  et  surtout  par 
leur  destinée  future ,  Robespierre  et  Sénac  de  Meilhan. 
Celui-ci ,  fils  du  premier  médecin  de  Louis  XV,  est  nommé 
jeune  encore  à  une  intendance  qui  lui  rapporte  40,000  livres 
avec  des  appoints  considérables  comme  profits  ;  administra¬ 
teur  brillant  et  habile  ,  il  est  entouré  d’honneurs  et  de  re¬ 
nommée  ,  et  l’opinion  publique  le  désigne  comme  le  futur 
successeur  de  Necker;  celui-là,  fils  d’un  avocat  sans  fortune, 
orphelin  de  bonne  heure  ,  est  élevé  gratuitement  dans  un 
collège,  grâce  à  la  générosité  du  clergé  ;  plus  tard  reçu  licen¬ 
cié  en  droit,  il  court  en  vain  au  devant  des  affaires  retentis¬ 
santes  et  des  mauvaises  causes  ,  il  entasse  en  vain  mémoire 
sur  mémoire,  pamphlet  sur  pamphlet ,  il  ne  parvient  même 
pas  à  une  célébrité  un  peu  sérieuse  dans  l’enceinte  de  sa  ville 
natale.  Tous  deux  ils  aspirent  à  se  faire  un  nom  dans  la  répu¬ 
blique  des  lettres  ;  mais  tandis  que  les  froides  dissertations, 
les  éloges  prolixes  et  les  couplets  anacréontiques  de  Robes¬ 
pierre  n’éveillent  d’autres  échos  que  ceux  de  quelques 
sociétés  académiques  de  province,  les  écrits  de  Sénac  de 
Meilhan,  remplis  d’observations  originales,  incisives  et  judi¬ 
cieuses  ,  sont  recherchés  dans  les  salons  de  la  capitale  , 
posent  sa  candidature  à  l’Académie  française  et  le  font  con¬ 
sidérer  comme  l’émule  de  La  Bruyère  ,  de  La  Rochefou¬ 
cauld  et  de  Vauvenargues.  En  relation  avec  Voltaire , 


—  326  — 

Mirabeau  et  Talleyrand  ,  avec  Mesdames  de  Clermont- 
Tonnerre  ,  de  Tessé  ,  de  Staël  et  de  Créqui ,  spirituel , 
brillant,  de  mœurs  faciles  et  légères ,  l’intendant  de  Valen¬ 
ciennes  est  le  type  des  gentilshommes  de  la  fin  du  xviii.® 
siècle.  Sans  autre  horizon  que  son  cabinet  d’études,  la  salle 
d’audience  et  l’Académie  d’Arras ,  d’une  taille  médiocre  , 
d’un  extérieur  commun  et  disgracieux ,  souriant  à  peine 
quelquefois  et  encore  d’un  sourire  railleur  ,  sobre  et  sévère 
même  au  milieu  des  banquets  de  la  Société  des 
morose  et  bilieux,  l’avocat  du  Conseil  d’Artois  est  aigri 
contre  ses  confrères  du  barreau ,  contre  sa  destinée ,  contre 
l’ordre  social  tout  entier.  Sénac  de  Meilhan  ne  vit  qu’avec 
défiance  les  tendances  de  l’esprit  nouveau  qui  agitait  la 
France  en  1789  ;  il  émigra,  vécut  quelque  temps  à  la  cour 
de  Russie,  et  se  réfugia  à  Vienne  où  il  mourut  obscurément 
en  1803.  Quand  éclatèrent  les  bruits  précurseurs  de  l’orage, 
Robespierre  se  sentit  dans  son  élément  :  par  ses  intrigues 
et  ses  pamphlets,  en  se  déclarant  le  redresseur  de  tous  les 
torts  et  en  flattant  les  passions  les  plus  mauvaises ,  il  se  fit 
élire  député  aux  Etats-Généraux.  Quelques  années  plus 
tard ,  s’attachait  à  son  nom  une  sinistre  célébrité. 

Ces  deux  personnages  ont  trouvé  leur  historien:  M.  Le¬ 
grand  ,  avocat  au  barreau  de  Valenciennes  a  écrit  la  bio¬ 
graphie  de  Sénac  de  Meilhan,  M.  Paris,  avocat  au  barreau 
d’Arras,  celle  de  Robespierre  durant  sa  jeunesse;  l’un  et 
l’autre  ils  ont  placé  cette  biographie,  comme  une  sorte 
d’introduction ,  en  tête  d’un  important  travail  sur  la  con¬ 
vocation  des  Etats-Généraux.  Dans  l’étude  sur  Sénac  de 
Meilhan,  M.  Legrand  a  fait  preuve  d’une  finesse  d’analyse 
et  d’appréciation ,  d’une  habileté  à  saisir  les  nuances,  d’une 
délicatesse  de  style  qui  rappellent  les  pages  les  plus  char¬ 
mantes  de  Sénac  ;  il  s’est  rencontré  sur  le  même  terrain  que 
M.  Sainte-Reuve ,  qui  avait  esquissé  la  physionomie  de 


—  327  — 

l’intendant  de  Valenciennes  dans  ses  Causeries,  et  il  faut 
reconnaître  que  le  jeune  écrivain  s’est  montré  l’égal  du 
maître  consommé  dans  l’art  de  tracer  un  portrait.  Si  nous 
trouvons  un  critique  fin  et  distingué  dans  l’auteur  de  Sénac 
de  Meilhan ,  dans  l’auteur  de  la  Jeunesse  de  üohespierre 
nous  voyons  un  juge  grave  et  sévère.  Après  avoir  re¬ 
cueilli,  compulsé  et  annoté  toutes  les  pièces  du  dossier 
relatif  à  Robespierre ,  il  le  fait  comparaître  devant  lui  ;  il 
interroge  sa  vie  et  ses  écrits,  écoute  tous  les  témoins  ;  et, 
d’une  plume  impartiale ,  sans  pitié  comme  sans  haine,  il 
rédige  un  arrêt  que  l’histoire  enregistrera.  Dans  les  deux 
biographies,  il  y  a  une  vaste  et  sérieuse  érudition;  et  si 
l’une  l’emporte  par  la  méthode,  la  clarté  et  l’ampleur, 
l’autre  est  supérieure  par  une  forme  plus  littéraire  ,  par  la 
finesse  et  l’élégance ,  par  des  réflexions  plus  incisives  et 
plus  originales. 

La  partie  politique  et  administrative  de  ces  ouvrages 
prête  plus  directement  à  la  comparaison.  Après  un  premier 
examen  l’on  serait  porté  à  donner  la  préférence  à  l’auteur 
de  la  Convocation  des  Etats-Généraux  en  Artois.  En  effet , 
M.  Paris  a  traité  cette  question  d’après  un  plan  plus  métho¬ 
dique  ,  en  remontant  à  l’origine  des  institutions ,  en  grou¬ 
pant  avec  une  remarquable  sagacité  tout  ce  qui  se  rapporte 
à  chaque  branche  d’administration  et  en  donnant  l’explica¬ 
tion  des  usages  et  des  termes  peu  connus.  M.  Legrand  ne 
s’est  point  assez  attaché  à  offrir  partout  le  lucidus  ordo  dont 
parle  le  poète,  il  n’a  point  jeté  la  lumière  sur  des  questions 
et  des  mots  qui  avaient  besoin  d’être  éclairés  ;  le  lecteur 
marche  parfois  à  tâtons  dans  son  livre.  Que  l’on  compare 
dans  les  deux  éludes  le  chapitre  consacré  aux  finances  ,  et 
l’on  n’hésitera  pas  à  reconnaître  qu’il  y  a  plus  de  méthode 
et  de  clarté  dans  la  Convocation  des  Etats-Généraux  en 
Artois.  Mais  il  serait  injuste  de  ne  point  faire  remarquer 


—  =)28  — 

que  le  défaut  signalé  dans  Sénac  de  Meilhan  tient  en  partie 
à  la  nature  du  sujet.  L’Artois  offrait  avant  1789  une  ad¬ 
ministration  presque  homogène  ;  tandis  que  l’intendance 
de  Valenciennes ,  formée  successivement  de  la  cité  ,  du 
Hainaut ,  du  Cambrésis  ,  des  districts  du  Tournaisis  et  du 
pays  de  Liège  et  des  cantons  des  Ardennes,  était  soumise  à 
des  coutumes  différentes  et  présentait  le  mécanisme  le  plus 
compliqué.  Rappelons  encore  que  M.  Paris  n’a  ajouté  à  son 
étude  qu’un  travail  sur  l’organisation  judiciaire  en  Artois  et 
que  M.  Legrand  a  fait  précéder  les  chapitres  consacrés  aux 
assemblées  de  1787  et  de  1789  ,  de  recherches  savantes  sur 
l’une  des  questions  les  plus  difficiles  de  Thistoire  adminis¬ 
trative,  une  intendance  au  xviii.,®  siècle.  Ces  considérations 
ont  porté  le  jury  à  décider  que  l’infériorité  relative  de  la  se¬ 
conde  partie  du  livre  de  M.  Legrand  au  point  de  vue  de  la 
méthode,  n’est  pas  aussi  considérable  qu’on  pourrait  le  croi¬ 
re  au  premier  abord  ;  et,  mettant  dans  la  balance  la  supério¬ 
rité  incontestable  de  la  biographie  de  Sénac  de  Meilhan,  il  a 
cru  devoir  placer  sur  le  même  rang  ces  deux  ouvrages,  dans 
lesquels  il  a  trouvé  des  mérites  égaux  quoique  différents. 

En  conséquence,  le  jury  déclare  que  le  prix  de  mille 

francs  institué  par  le  décret  du  30  mars  1869  ,  est  partagé , 

pour  le  ressort  académique  de  Douai,  entre  M.  L.  Legrand, 

docteur  en  droit  et  docteur  ès-lettres,  et  M.  A.  J.  Paris  , 

docteur  en  droit  et  licencié  ès-lettres.  Abbé  Ch.  Dehaisise. 

» 

En  enregistrant  ce  résultat ,  nous  sommes  fiers  de  rap¬ 
peler  que  nous  avons  été  des  premiers  à  prédire  au  livre 
de  M.  L.  Legrand  un  brillant  et  légitime  succès  (voir 
Bulletin  ,  p. 14-18  ).  Quant  au  nouvel  ouvrage  de  M.  Paris, 
nous  nous  empresserons  d’en  rendre  compte  aussitôt  qu’il 
aura  paru .  Le  public  est  en  droit  de  beaucoup  se  promettre 
du  docte  et  consciencieux  historien  de  Joseph  Lebon.  A.  D. 


—  5-29  — 


SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  SAINT-QUENTIN 

La  Société  comprenait ,  au  1 janvier  1869 ,  21  membres 
titulaires,  des  membres  honoraires,  des  associés  et  des 
correspondants ,  les  uns  appartenant  au  département ,  les 
autres  étrangers. 

Les  membres  titulaires  étaient  : 

MM.  Blin  [18o5]  ,  docteur  en  médecine  ;  Président. 

Blain  [1866] ,  avocat;  Secrétaire. 

Damoisy  [1863] ,  notaire  ;  Trésorier. 

H.  Souplet  [1844],  licencié  ès-sciences;  Secrétaire- 
Général  et  Archiviste. 

Bourbier  [1825],  docteur  en  médecine. 

Daudville  [1825],  ancien  négociant. 

Demoulin  [1842] ,  professeur  au  Lycée. 

Lecocq  [1848] ,  pharmacien. 

Garcin  [1849] ,  vétérinaire. 

Bénard  [1855]  ,  architecte. 

Gronnier  [1855],  huissier. 

Gardon  [1860] ,  notaire. 

Desprez  [1860] ,  docteur  en  médecine. 

Ferrus  [1860],  percepteur  des  contributions  directes. 

PIONNIER  [1860] ,  pasteur  de  l’Eglise  réformée. 

Mariolle-Pinguet  [1863],  constructeur-mécanicien. 

Quennesson  [1863] ,  manufacturier. 

Farque  [1864] ,  licencié  en  droit. 

Quérette  [1866] ,  négociant. 

Rouxelle  [1867] ,  professeur  de  Physique  au  Lycée. 

Dusauter  [1868] ,  chimiste  à  Saint-Quentin. 

Travaux  de  la  Société,  ix.*  volume,  3.*  série. 

Ge  volume  débute  par  le  compte-rendu  de  la  séance  pu¬ 
blique  du  5  juillet  1868.  Les  rapports  sur  les  prix  sont  pré¬ 
cédés  d’un  discours  où  le  président,  M.  Bénard,  rend  compte 
des  travaux  de  la  Société. Il  expose  au  public  que  la  Société, 
tout  en  continuant  à  cultiver  la  Poésie  et  l’Histoire,  tourne 
volontiers  ses  efforts  vers  les  Sciences  économiques  et 
sociales.  Ainsi  elle  a  récompensé  plusieurs  Mémoires  répon- 


—  350  — 

dant  aux  concours  qu’elle  avait  ouverts  sur  V Enseignement 
professionnel  des  Femmes  dans  les  villes  manufacturières 
et  sur  les  causes  du  Chômage  volontaire  du  Lundi  et  les 
moyens  d'y  remédier.  Des  extraits  des  Mémoires  couronnés 
se  trouvent  dans  le  volume  dont  nous  rendons  compte , 
mais  leur  spécialité  nous  en  interdit  l’analyse.  Il  en  est  de 
même  d’un  article  sur  les  Chèques,  par  M.  Blain  ,  membre 
de  la  Société. 

Nous  serons  également  brefs  sur  les  pièces  de  poésies 
contenues  dans  ce  volume  ;  les  unes  ont  reçu  des  palmes  au 
concours ,  les  autres  sont  dues  à  des  membres  de  l’Acadé¬ 
mie.  Ainsi  M.  Prévost,  vérificateur  de  l’enregistrement  à 
Saint-Quentin  et  membre  associé  de  la  Société,  exprime 
d’une  manière  poétique  les  sentiments  que  lui  inspire  une 
promenade  dans  le  Cimetière  de... 

M.  Daudville,  a  publié  quelques  poésies  légères.  On  lui 
doit  aussi  une  dissertation  philosophique  sur  VEtre-Cause. 
Signalons  encore,  au  contingent  littéraire  ,  une  traduction 
en  prose  de  la  célèbre  tragédie  de  Macbeth,  par  M.  Ferrus. 

Note  sur  le  Couvent  et  l'Eglise  de  Saint-Michel  en  Thié- 
rache,  par  le  docteur  Rousseau  d’Hirson  ,  membre  corres¬ 
pondant.  —  Une  pauvre  chapelle  en  chaume,  érigée  dans 
le  VII.®  siècle ,  par  saint  Ursmer  ou  par  saint  Algis ,  fut 
l’origine  du  couvent  et  du  village  de  Saint-Michel  en  Thié- 
rache.  En  745  deux  moines  écossais  (^),  Gadrœ  et  Maccalin  , 
vinrent  s’établir  à  Saint-Michel  sous  la  protection  de  Héré- 
sinde ,  femme  d’Eilbert ,  duc  de  Thiérache  et  comte  de  Ver- 
mandois.  Ils  élevèrent  une  église  magnifique  dont  le  clocher 
existe  encore.  L’église  comme  l’abbaye  furent  souvent 
brûlées  et  pillées.  Après  un  dernier  incendie  dû  à  l’impru¬ 
dence  des  moines  (1715) ,  elles  furent  rebâties  par  Galonné 


(1)  Voir  Bulletin,  p.  295. 


—  551  — 

de  Beaupré.  C’est  l’œuvre  de  cet  architecte  que  décrit  avec 
beaucoup  de  soin  M.  Rousseau.  L’auteur  a  puisé  ses  ren¬ 
seignements  sur  l’abbaye  de  Saint-Michel  dans  un  manuscrit 
qui  est  en  la  possession  de  M.  Tayon,  curé  d’Hirson  ;  il  est 
intitulé  :  Histoii^e  de  l’Abbaye  et  du  Bourg  Saint-Michel- 
Rochefort  en  Thiérache  ^  par  Dom  Nicolas  Lelong,  natif 
dudit  lieu,  prieur  de  l’abbaye  d’Hirson,  l’an  1768.  La 
Société  académique  de  Saint-Quentin  n’a  pu,  vu  l’étendue 
de  ce  manuscrit,  l’insérer  in  extenso  ;  mais  elle  en  a  extrait 
quelques  pages  concernant  Jean-Baptiste  de  Mornat,  un 
des  bienfaiteurs  de  Saint-Michel ,  dont  il  fut  nommé  abbé 
en  1598. 

Coup-d'œil  sur  Prèmont  pendant  l'occupation  romaine. — 
31.  Asselin  est  parvenu  à  découvrir  sur  le  territoire  de  Pré- 
mont  ,  canton  de  Bohain  ,  les  vestiges  d’un  camp  romain  et 
d'une  chaussée  de  la  même  époque. 

Aperçu  sur  le  Culte  de  Krichna,  par  31.  Textor  de  Ravisi, 
membre  associé,  percepteur  des  contributions  directes  à 
Bohain. —  31.  de  Ravisi,  ancien  gouverneur  deKarikal, 
doit  à  son  long  séjour  dans  l’Inde  une  connaissance  profonde 
de  la  langue  et  des  habitudes  du  pays.  Il  en  a  rapporté  une 
foule  d’objets  des  plus  importants  pour  l’étude  des  anti¬ 
quités  orientales.  Il  possède  de  nombreuses  peintures  et 
statuettes  des  divinités  hindoues ,  ainsi  que  plusieurs  bas- 
reliefsen  boisprovenantdu  char  de  la  Pagode  de  Negapatam; 
l’un  d’eux  représente  une  femme  venant  de  cueillir  un  fruit 
sur  un  arbre  qui  paraît  être  le  célèbre  arbre  de  l’Eden.  Une 
des  pièces  les  plus  précieuses  de  ce  musée  est  une  statue  en 
marbre,  deoOcentim.  de  hauteur,  que  son  heureux  pos¬ 
sesseur  a  déjà  décrite  et  figurée  (^).  Elle  représente  proba- 


(b  Mémoires  de  la  Société  académique  de  Saint-Quentin ,  3.'  série,  t.  vi  , 
p.  336  et  suiv. 


—  352  — 

blement  la  Vierge  Maya ,  mère  du  Bouddha  actuel  (Gôtama- 
Bouddha). 

C’est  à  l’aide  de  ces  matériaux  importants  que  M.  de 
Ravisi  entreprend  de  discuter  une  des  questions  les  plus 
controversées  de  l’histoire  religieuse  de  l’humanité. 

Selon  certains  Indianistes,  le  Christianisme  a  ses  origines 
dans  le  Brahmanisme,  dans  le  culte  de  Krichna.  M.  de 
Ravisi  pense  au  contraire  que  c’est  le  Brahmanisme  qui  a 
emprunté  au  Christianisme  le  culte  de  Jésus-Christ. 

Cette  incarnation  de  Vichnou,  dit-il  à  propos  de  Krichna, 
est  la  plus  célèbre  et  la  plus  populaire.  Ce  n’est  pas  seule¬ 
ment  une  manifestation ,  c’est  Vichnou  lui-même  :  Krichna 
estl’Homme-Dieu  de  la  tradition  chrétienne.  Extraordinaire 
fait  par  le  Brahmanisme  au  Christianisme!  alors 
que  sapé  jusque  dans  ses  bases  par  le  triomphe  des  doctrines 
bouddhistes,  il  s’était  vu  obligé  de  présenter  à  l’adoration 
des  peuples  un  nouveau  Dieu  répondant  à  ses  aspirations , 
un  Dieu  sauveur. 

M.  de  Ravisi  a  étudié  la  figure  de  Krichna  non  seulement 
dans  les  livres  hindous ,  mais  surtout  dans  ses  conversa¬ 
tions  avec  les  adorateurs  lettrés  de  cette  divinité.  Il  reproche 
à  ses  adversaires  d’accepter  certains  textes ,  mais  d'en  écar¬ 
ter  d’autres  qui  leur  sont  contraires.  Entin  il  promet  de 
nous  montrer  prochainement  : 

Comment  le  personnage  historique  de  Krichna,  chef 
de  partisans,  puis  conducteur  de  hordes  guerrières  ,  a  été 
transformé  successivement  en  héros  et  en  moraliste ,  en 
demi-dieu  et  en  dieu ,  et ,  enfin  au  xvi.®  siècle  de  notre  ère, 
en  Dieu  suprême.  » 

Nous  ne  pouvons  quitter  le  présent  article  sans  signaler  à 
nos  lecteurs  quelques  considérations  sur  les  antiques  reli¬ 
gions  de  l’Inde. 

Selon  l’auteur,  les  Védas  nous  apprendraient  que  la  Tri¬ 
nité  hindoue  actuelle  se  serait  formée  par  la  réunion  de 


ooo 


trois  divinités  appartenant  à  des  races  différentes  :  Brahma, 
dieu  des  prêtres  Aryas,  Vichnou,  dieu  des  Tchattryas  ,  et 
Siva ,  dieu  des  Kouchites.  «  Bien  des  siècles  avant  cette  Tri¬ 
nité,  on  adorait  dans  ITnde  la  triade  védique  d’Agni ,  Vâya 
et  Surga  ,  et  bien  des  siècles  avant  cette  triade ,  il  y  a  eu  la 
période  d’Agni  (i).  » 

M.  de  Ravisi  cherche  du  reste  à  rattacher  ensemble  toutes 
les  Religions  orientales  ;  non  seulement  il  admet  avec  pres¬ 
que  tous  les  autres  orientalistes  que  le  Bouddhisme  n’est  en 
quelque  sorte  qu’une  secte  protestante  du  Brahmanisme  et 
que  celui-ci  est  issu  du  Vedisme  ;  mais  encore  il  pense  que 
le  Vedisme  et  le  Zoroastrisme  ont  eu  un  berceau  commun  (*), 

De  Vuiilisation  des  Vapeurs  perdues  dans  les  Fabriques 
de  sucre  et  les  raffineries^  par  M.  Dusauter.  —  L’auteur 
propose  de  se  servir  de  la  vapeur  à  70.°  qui  sort  des  chau¬ 
dières  à  triple  effet  ou  chaudières  d’évaporation  dans  le  vide 
pour  échauffer  le  jus  avant  la  défécation.  Ce  système  a  pour 
effet,  d’abord  une  économie  de  chauffage,  puis  une  économie 
de  force,  puisqu’elle  rend  inutile  l’emploi  d’eau  de  conden¬ 
sation  dans  le  triple  effet. 

De  VHippophagie ,  par  M.  Garcin. —  L’auteur  recom¬ 
mande  l’usage  de  la  viande  de  cheval  dans  l’intérêt  de  l’ali¬ 
mentation  de  la  classe  laborieuse.  C’est  une  thèse  bien 
souvent  soutenue,  mais  qui  n’est  pas  près  de  triompher. 
Comment,  dans  notre  pays  égalitaire,  faire  accepter  au 
peuple  une  nourriture  que  les  classes  aisées  repoussent  avec 
répugnance? 

Le  volume  se  ferme  par  une  notice  nécrologique  sur 
Ch.  Lemaire,  ancien  maire  de  Saint-Quentin,  ancien  pré¬ 
fet  de  la  3Ieuse,  et  par  des  tableaux  météorologiques  pour 
les  années  1867  et  68  par  M.  Soupplet.  J.  Gosselet. 

(h  Pour  Agni,  voir  Bulletin,  p.  61. 

(h  Mémoires  de  la  Société  académique  de  Saint-Quentin ,  loc.  cit. 
et  t.  Yii,  p.  384. 


—  334  — 


COMMISSION  HISTORIQUE  DU  NORD. 

Travaux  courants. 

Dans  un  rapport,  en  date  du  iO  décembre  1868,  M.  Vin¬ 
cent  ,  secrétaire-archiviste  de  la  Commission  historique  du 
Nord  ,  rappelait  au  milieu  de  quelles  difficultés  cette  institu¬ 
tion  est  née  ,  a  grandi  et  prospéré. 

Créée  le  14  novembre  1839,  dans  le  double  but  de  veiller 
à  la  conservation  des  monuments  historiques  du  départe¬ 
ment  et  de  se  livrer  à  toutes  les  recherches  qui  peuvent 
intéresser  les  diverses  branches  de  l’archéologie  nationale, 
élle  ne  s’est  soutenue,  pendant  une  période  de  20  années, 
qu’au  moyen  d’insuffisantes  et  irrégulières  allocations  du 
Conseil-Général. 

Depuis  1 860,  le  subside  a  été  élevé  à  un  chiffre  plus  fort  et 
il  est  devenu  annuel.  La  Commission  a  pu  ainsi  entreprendre 
des  œuvres  de  longue  haleine,  au  premier  rang  desquelles 
il  faut  placer  la  Statistique  archéologique  du  Département 
volume  in-8.®  de  plus  de  1200  pages,  avec  une  carte  d’en¬ 
semble  et  des  cartes  d’arrondissements  (‘). 

Le  t.  X  du  Bulletin  de  la  Commission  contient,  dans  sa 
deuxième  partie  publiée  en  1868  :  1."  une  Notice  sur  Anne 
Dubois  ,  fondatrice  des  Brigittines  de  Lille,  par  M.  de  Nor- 
guet,  membre  résidant;  2.®  le  texte  des  Mémoires  des  In¬ 
tendants  de  la  Flandre  wallonne  sous  Louis  XIV.  Il  sera 
rendu  compte,  h  \di  Bibliographie ,  de  ces  deux  publica¬ 
tions. 

On  remarque  encore ,  dans  la  deuxième  partie  du  t.  x  , 
outre  les  intéressants  procès-verbaux  des  séances  ;  IMe 


(9  Voir  une  appréciation  de  cet  important  travail  dans  le  discours 
de  M.  le  marquis  de  La  Grange  ,  prononcé  à  la  réunion  générale  des 
Sociétés  savantes  ,  le  27  avril  18G9. 


PW  ^  ^ 

-  OOÜ  - 

texte  ,  avec  fac-similé  photographié  (^) ,  de  la  célèbre  lettre 
du  Dauphin  (Charles  VII)  à  Philippe-le-Bon ,  lettre  que  M. 
Brun-Lavainne  a  jadis  sauvée  de  l’oubli,  de  la  destruction 
peut-être,  et  qu’il  lui  appartenait  de  mettre  en  lumière; 
2.°  une  Note  sur  les  anciennes  coutumes  de  Lille  ^  par  le 
même  auteur.  Cette  note  se  rattache  à  l’important  Mémoire 
de  M.  Brun-Lavainne  sur  le  droit  coutumier  ,  Mémoire  que 
nous  avons  déjà  annoncé  (p.  113  de  notre  Bulletin)  et  dont 
nous  reparlerons  lors  de  sa  publication  intégrale. 

La  Commission  historique  du  Nord  qui  s’honore  d’avoir 
toujours  eu  à  sa  tête  des  hommes  d’un  haut  mérite ,  tels 
que  MM.  de  Contencin,  A.  LeGlay,  Pierre  Legrand,  possède 
actuellement  pour  président  M.  Edmond  de  Coussemaker. 

Depuis  1863  qu’il  a  accepté  cette  fonction  ,  M.  de  Cousse¬ 
maker  a,  de  concert  avec  l’autorité  préfectorale,  organisé 
des  sous-comités  d’arrondissement  et  il  s’est  efforcé  d’im¬ 
primer  un  caractère  collectif  aux  recherches  de  tous  les 
membres.  Il  a  ainsi  inscrit  à  l’ordre  du  jour  des  travaux  de 
la  Commission ,  comme  devant  faire  suite  à  la  Statistique 
archéologique  du  Nord  :  l.°  une  Statistique  féodale  de  ce 
Département;  2.”  un  Recueil  des  inscriptions  funéraires  et 
monumentales  antérieures  à  1789  qu’on  rencontre  dans  le 
même  ressort;  3.°  l’inventaire  des  objets  précieux  qu’on  y 
conserve  dans  les  églises  ,  musées  ,  collections  publiques  et 
particulières. 

Dans  la  première  partie,  non  encore  distribuée,  du  t.  xi 
du  Bulletin  de  la  Commission ,  M.  Leuridan ,  bibliothécaire- 
archiviste  de  Roubaix,  vient  de  fournir  un  spécimen  de  ce 

(1)  Ce  fac-similé  a  été  exécuté  à  la  demande  de  M.  Blanquart-Evrard, 
par  un  de  nos  jeunes  concitoyens  M.  Dujardin  ,  fils ,  à  l’aide  du 
procédé  de  photo -gravure  sur  cuivre  aciéré  de  M.  Garnier,  quia 
obtenu  la  médaille  d'or  à  l’Exposition  universelle  et  dont  ils  sont 
concessionnaires. 


556  — 

que  seïdilsi Statistique  féodale  du  Département.  Spécialement 
chargé  de  l’arrondissement  de  Lille  ,  il  nous  offre  aujour¬ 
d’hui  la  Statistique  féodale  du  Mélantois,  l’un  des  cinq  quar¬ 
tiers  de  l’ancienne  châtellenie.  Les  localités  du  Mélantois 
étaient,  comme  on  le  sait:  Annappes,  Anstaing,  Ascq , 
Avelin  ,  Emmerin ,  Esquermes ,  Fâches ,  Fives ,  Fiers , 
Fretin  ,  Haubourdin,  Hellemmes,  Houplin  ,  Lesquin  ,  Le- 
zennes ,  Lille  ,  Loos ,  La  Madeleine  ,  Moiis-en-Barœul , 
Moulins-Lille,  Noyelles ,  Péronne,  Ronchin  ,  Sainghin  , 
Seclin ,  Templemars,  Tressin,  Vendeville,  Wattignies, 
Wazemmes. 

M.  Leuridan  énumère  les  fiefs  situés  dans  chacune  de  ces 
localités  depuis  les  plus  notables  seigneuries  jusqu’à  ceux 
consistant  en  une  verge  de  pré  et  donnant  lieu  à  une  simple 
redevance  en  chapons.  De  tous  ces  fiefs,  M.  Leuridan  dé¬ 
termine  remplacement  et  l’importance.  Il  fait ,  autant  que 
possible  ,  connaître  leurs  possesseurs  successifs.  Bref,  il  ne 
laisse  dans  l’obscurité  aucun  des  recoins  du  ressort  topogra¬ 
phique  qu’il  embrasse.  Quand  la  statistique  féodale  du  Dé¬ 
partement  sera  tout  entière  exécutée  sur  le  plan  auquel 
s’est  tenu  M.  Leuridan  ,  les  familles  ayant  possédé  des  fiefs 
dans  le  Nord  ne  seront  plus,  comme  il  arrive  souvent  au¬ 
jourd’hui,  embarrassées  pour  savoir  où  les  retrouver. 

Mais  ce  n’est  là  que  le  côté  le  moins  intéressant  de  l’ou¬ 
vrage  entrepris  par  M.  Leuridan  sous  les  auspices  et  d’a¬ 
près  les  vues  de  la  Commission.  Avec  lui ,  nous  pénétrons 
dans  le  dédale ,  jusqu’ici  inexploré  ,  des  anciennes  institu¬ 
tions  locales.  Jugeons,  par  quelques  extraits  bien  choisis , 
de  ce  qu’elles  offraient  de  variété  : 

«  Avant  1560,  Annappes  n’avait  pas  de  seigneurs  particu¬ 
liers  et  faisait  partie  du  domaine  non-inféodé  des  comtes  de 
Flandre.  Ceux-ci,  pour  l’exercice  de  leur  autorité  et  de 
leurs  droits,  y  avaient  établi  un  échevinage  ayant  dans  sa 


—  337  ~ 

juridiction  Annappes ,  Fiers  et  Ascq  ,  et  à  sa  tête  un  offi¬ 
cier  ,  mayeur  ou  maire  ,  qui  tenait,  à  titre  héréditaire  ,  sa 
charge  et  le  domaine  particulier  auquel  elle  se  rattachait. 
Au  maire  d’Annappes  appartenaient,  à  raison  de  sa  charge, 
le  profit  des  werps  et  transports  des  héritages  en  ladite 
mairie ,  à  savoir  quatre  deniers  d’issue  et  quatre  deniers 
d'entrée ,  les  amendes  de  deux  sous  encourues  par  les  hôtes 
manquant  aux  plaids  généraux  qu’il  avait  le  droit  de  tenir 
trois  fois  l’an  ,  et  toutes  amendes  jusqu’à  trois  sous.  Il  de¬ 
vait  semoncer  à  loi  ou  faire  semoncer  en  son  nom  les  éche- 
vins  d’Annappes.  » 

«  La  seigneurie  du  clocher  d’Esquermes  avait  longtemps 
appartenu  au  roi  de  France  qui,  en  mars  1320,  la  céda  à 
l’évêque  de  Tournai,  en  échange  de  la  souveraineté  de  cette 
ville.  Le  Roi  conserva  ses  autres  domaines  dans  le  village 
et  établit,  pour  l’exercice  de  ses  pouvoirs,  une  prévôté  et 
un  échevinage  dont  les  sept  offices  furent  inféodés.  » 

Fâches  avait  son  Royaume  des  Estimaux  dont  M.  Le 
Glay  a  écrit  l’histoire  et  dont ,  après  lui ,  M.  Leuridan  fait 
connaître  les  paisibles  souverains. —  La  seigneurie  de  Fives, 
avant  1694 ,  relevait  des  religieux  de  Saint-Nicaise  de 
Reims  qui  y  avaient  fondé  un  prieuré  en  1104.  Depuis,  elle 
a  appartenu  aux  chanoines  de  la  Sainte-Chapelle  à  Paris. 
—  Les  seigneuries  d’Hauhourdin  et  d’Emmerin  étaient 
terres  d’Empire  ,  tenues  du  comté  du  Hainaut  à  cause  de  la 
cour  de  Mons  en  toute  justice  haute  ,  moyenne  et  basse. 
D’Haubourdin  relevaient,  entre  autres  fiefs,  les  Frémaux  à 
Hauhourdin  et  la  seigneurie  de  Fenain  dans  la  châtellenie 
de  Bouchain.  —  A  Houplin  ,  le  chapitre  de  Saint- Amé  de 
Douai  avait  un  maire  héréditaire  qui  tenait  de  lui ,  en  fief, 
12  rasières  de  terre.  —  La  seigneurie  de  Loos  paraît  avoir 
appartenu  au  chapitre  de  Seclin.  Mais  les  possesseurs  des 
fiefs  d’Effrennes  et  du  Moulin  à  Loos ,  qui  y  avaient  un 

2 


—  538  — 

gros  château  décoré  du  nom  de  château  de  Loos,  se  considé¬ 
raient  comme  les  seigneurs  du  clocher.  —  Seclin  ,  capitale 
du  Mélantois ,  eut  cela  de  commun  avec  Annappes  qu’il  fit 
longtemps  partie  du  domaine  non  inféodé  des  comtes  de 
Flandre.  Ceux-ci  y  avaient  pareillement  créé  un  échevinage 
dont  la  juridiction  s’étendait  sur  les  hameaux  de  Martinsart 
et  de  Wattiessart.  En  cet  échevinage,  comme  en  ceux  de 
même  nature  établis  à  Halluin  ,  Annappes ,  Frelinghien  et 
Prémesque,  le  châtelain  de  Lille  percevait  le  tiers  de  toutes 
les  amendes  prononcées  par  les  échevins.  Le  châtelain  avait 
aussi  à  l’encontre  du  souverain  le  tiers  des  plantations  et 
rejets  qui  étaient  ès-llégards  et  voies  de  Seclin. 

Il  y  avait  dans  le  Mélantois,  ainsi  que  dans  les  quatre  au¬ 
tres  quartiers  ,  une  quantité  de  fiefs  vicomtiers  mouvant  de 
la  salle  de  Lille.  —  Le  fief  de  Gamans ,  situé  au  point  de 
rencontre  des  territoires  de  Lesquin,  Fretin  et  Péronne  , 
était  l’une  des  cinq  pairies  tenues  du  châtelain  de  Lille. 
Le  pair  de  Gamans  était  exempt  de  toulieu  à  Lille  et,  si 
quelque  combat  judiciaire  avait  lieu  en  cette  ville  ,  ledit 
pair  devait  être  l’un  des  gardes  du  champ  clos.  —  Lille 
n’avait  pas  d’autre  seigneur  que  le  souverain.  Cependant, 
dans  ses  débuts,  elle  eut  à  la  tête  de  ses  échevins  un  maire 
héréditaire,  dont  l’office ,  converti  en  fief,  se  transmit ,  un 
siècle  durant,  dans  la  même  famille,  par  voie  de  succession. 
Soit  que  cette  maison  se  fût  éteinte,  soit  que  l’office  fût  ra¬ 
cheté  et  amorti  sous  l’empire  des  aspirations  communales, 
la  mairie  féodale  de  Lille  prit  fin  en  1185.  Mais  la  ville 
renfermait  dans  son  enceinte  un  certain  nombre  de  pairies, 
de  fiefs  et  d’arrière-fiefs ,  dont  les  noms  désignent  encore 
plusieurs  rues  et  places  et  qu’il  convient  d’énumérer. 

Tels  sont,  pour  ne  mentionner  que  les  principaux  ,  la 
Bonne-Broque ,  le  Brœucq,  les  Coquelets,  lesEtaques, 
Babodenghes ,  Régneaux  et  Vert-Bois. 


—  339  — 

Les  listes  de  possesseurs  de  fiefs  ruraux  que  M.  Leuridan 
est  parvenu  à  dresser  ne  remontent  guère  ,  pour  le  Mélan- 
tois,  au-delà  du  xiv.®  siècle.  Le  plus  ancien  des  seigneurs 
qu’il  cite  est  Ursion  de  Fretin  (1197-1233).  Viennent  en¬ 
suite  ,  par  ordre  chronologique  :  Thierry  et  Guillaume  de 
Loos  (1202)  ;  Alard  et  Hugues  de  Loos  (1218)  ;  Gérard 
d’Avelin  (1235);  Watier  du  Pont ,  seigneur  de  la  Madeleine 
(1241)  ;  Hellin  de  Fretin  (1280)  ;  Pierre,  seigneur  de  Sain- 
ghin-en-Mélantois  (1281);  Jean,  sire  d’Avelin  (1295); 
Huon  Raimbaut,  seigneur  des  Vieux-Bus  k  Fiers  (1298). 
A  partir  de  l’an  1300  les  noms  se  pressent  avec  une  plus 
grande  abondance. 

Les  nombreux  emprunts  que  nous  venons  de  faire  au 
premier  des  cinq  fascicules  que  se  propose  de  publier  suc¬ 
cessivement  M.  Leuridan  nous  semblent ,  mieux  qu’aucune 
explication ,  de  nature  à  donner  une  idée  de  la  monumen¬ 
tale  entreprise  dont  la  Commission  historique  pose  en  ce 
moment  les  bases  sous  l’inspiration  de  son  zélé  président. 
Espérons  qu’il  se  rencontrera  des  hommes  prêts  à  faire  , 
pour  chaque  arrondissement,  ce  que  le  laborieux  archiviste 
de  Roubaix  est  en  voie  de  réaliser  pour  l’ancienne  châtel¬ 
lenie  de  Lille. 

Immédiatement  à  la  suite  de  la  Statistique  féodale  du 
Mélantois ,  vient  dans  la  première  partie  du  t.  xi  du  Bulletin 
de  la  Commission^  une  Notice  sur  les  Francs  des  cinq 
offices  des  feux  à  Valenciennes^  par  M.  Caffiaux,  archiviste 
de  cette  ville.  Cette  notice  n’étant  encore  connue  du  public 
que  par  un  tirage  à  part  assez  restreint,  nous  en  donnons, 
avec  le  consentement  de  l’auteur ,  quelques  extraits  dans 
notre  chapitre  et  Sciences  locales.  On  n’analyse  pas 

des  œuvres  aussi  substantielles  et  l’on  ne  peut  mieux  faire 
que  d’en  reproduire  les  parties  les  plus  saillantes.  Bornons- 
nous  à  ajouter  que  les  éléments,  absolument  inédits  de 


—  340  — 

cette  notice,  ont  été  pour  la  plupart  empruntés  aux  anciens 
comptes  municipaux  de  Valenciennes  que  M.  Caffiaux  a 
restaurés  de  sa  main  avec  un  soin  religieux  et  qu’il  explore 
avec  autant  de  patience  que  de  sagacité. 

C’est  à  la  même  source  que  le  savant  archiviste  a  puisé 
antérieurement  les  faits  curieux  formant  la  matière  de  ses 
Mémoires  sur  Nicole  de  Diu'y ,  maitre-clerc  de  Valenciennes 
et  sur  les  Commencements  de  la  7'égence  d'Aubert  de  Bavière. 
Les  extraits  de  comptes  qui  accompagnent  son  nouveau 
travail  ne  le  cèdent  point  aux  précédents  sous  le  rapport  de 
l’intérêt  philologique.  A.  Desplainque. 

BIBLIOGRAPHIE 

MÉMOIRES  DES  INTENDANTS  DE  LA  FLANDRE  ET  DU  HAINAUT 

FRANÇAIS,  SOUS  LOUIS  XIV 

publiés  pour  la  première  fois  par  M.  Alexandre  Desplanque, 

archiviste  du  Nord  (i) 

Dans  le  cours  de  l’année  1868,  la  Commission  historique 
du  Nord  a  voté  l’impression  des  Mémoires  des  Intendants 
de  la  Flandre  et  du  Hainaut  français  sous  Louis  XIV. 

«i 

M.  Desplanque  se  chargea  des  soins  de  cette  publication  ; 
elle  venait  à  l’appui  de  ses  précédentes  études  sur  la  Réunion, 
par  Louis  XIV,  à  la  France  des  provinces  de  l’extrême  nord. 
Nous  demandons  à  nos  lecteurs  la  permission  de  leur  donner 
une  analyse  sommaire  des  Mémoires  sur  l’intendance  de  la 
Flandre  xvallonne,  les  seuls  queM.  Desplanque  ait  jusqu’ici 
mis  en  lumière. 

La  première  de  ces  pièces  joint  au  mérite  d’être  complè¬ 
tement  inédite  celui  d’avoir  un  caractère  confidentiel;  ce 
sont  les  instructions  que  Le  Pelletier  de  Souzy  donna  à 


(1)  Lille,  L.  Dauel,  18G8;  vol.  in -8.“  de  179  p. 


—  541  — 

M.  de  Breteuil  en  lui  remettant  l’intendance  de  Lille,  au 
mois  de  novembre  1683. 

Il  suffit  de  les  parcourir  pour  se  convaincre  que  Le  Pel¬ 
letier  était  un  administrateur  probe ,  actif  et  intelligent.  Tl 
n’oublie  rien  «  de  ce  qu’il  croit  qui  se  peut  faire  pour  le 
bien  du  service  du  roi  et  pour  l’avantage  des  villes  et  du 
plat  pays.  »  Il  expose  l’état  présent  des  affaires  de  chaque 
ville  ,  de  chaque  châtellenie  ;  il  signale  les  abus  à  corriger 
et  indique  les  moyens  à  prendre  ;  il  fait  preuve  de  beaucoup 
de  capacité  et  d’honnêteté,  si  bien  que  l’on  doit  reconnaître 
en  lui  l’un  des  plus  dignes  agents  de  Colbert. 

Ce  Mémoire  nous  permet  non  seulement  d’apprécier  les 
qualités  de  son  auteur,  mais  aussi  de  nous  rendre  compte 
du  rôle  joué  par  les  intendants  à  cette  époque.  L’institution 
des  commissaires  royaux  a  été  souvent  louée  et  souvent 
blâmée.  Ils  eurent  à  leur  création  une  mission  utile  à  rem¬ 
plir  :  rattacher  au  pouvoir  central  les  parties  les  plus  éloi¬ 
gnées  du  royaume ,  fortifier  l’unité  nationale ,  réformer 
bien  des  abus  qui  s’étaient  introduits  dans  la  gestion  des 
intérêts  des  provinces  et  l’administration  des  villes.  Tel  fut 
le  rôle  des  intendants  à  l’origine  ;  ils  ont  rendu  (le  Mémoire 
de  Le  Pelletier  l’atteste)  de  véritables  services  au  pays.  Plus 
tard  ,  il  est  vrai ,  ils  ont  abusé  d’une  autorité  mal  définie  et 
non  limitée,  ils  ont  exagéré  leur  action  centralisatrice  et 
par  là  préparé  les  voies  à  un  véritable  despotisme  adminis¬ 
tratif;  ils  eurent  alors  à  encourir  des  blâmes  sévères  et 
mérités. 

Nous  ne  pourrions  énumérer  toutes  les  réformes  que  Le 
Pelletier  signale  comme  utiles  et  nécessaires  ;  nous  en  cite¬ 
rons  quelques-unes. 

Dans  l’ordre  judiciaire ,  il  a  observé  l’incapacité  trop 
fréquente  et  l’avidité  des  juges,  leur  lenteur  à  expédier  les 
affaires ,  leur  indulgence  à  l’égard  des  criminels  ;  les  sièges 


—  542  ^ 

ne  devraient  être  confiés  qu’à  des  sujets  intelligents ,  désin¬ 
téressés  et  énergiques.  Il  exhorte  M.  D’Humières  ,  gouver¬ 
neur  de  la  province,  à  ne  conférer  qu’à  des  gens  gradués 
les  offices  judiciaires  dont  il  dispose  dans  la  gouvernance 
de  Lille. 

Les  institutions  municipales  réclament  en  plusieurs  villes 
d’importantes  réformes.  Le  Pelletier  critique  l’organisation 
du  Collège  des  Six -Hommes  à  Douai  et  celle  de  la  Cour 
Saint-Denis  à  Valenciennes  qui  engendrent  de  nombreuses 
malversations.  Il  regrette  que  les  statuts  et  privilèges  de  la 
ville  de  Lille  interdisent  l’accès  du  magistrat  aux  célibataires 
et  aux  avocats  :  quantité  d’honnêtes  gens  sont  exclus  de  la 
Magistrature  parce  qu’ils  ne  sont  point  mariés,  et  il  serait 
bon  qu’il  y  ait  des  avocats  au  sein  du  Magistrat  pour  guider 
les  autres  membres  dans  leurs  jugements. 

Les  revenus  et  les  charges  de  chaque  État  et  de  chaque 
ville  sont  connus  de  Le  Pelletier  qui  en  dresse  le  bilan  pour 
l’instruction  de  son  successeur.  Toutefois  il  avoue  qu’il  n’a 
pu  vérifier  les  différents  comptes  aussi  attentivement  qu’il 
l’eût  voulu.  Huit  ans  plus  tard  cette  lacune  qu’il  avait  signa¬ 
lée  était  comblée  :  on  suppléait  à  l’insuffisance  ,  trop  bien 
constatée ,  de  l’intendant  par  la  création  du  Bureau  des 
Finances  de  Lille. 

L’Université  de  Douai  autrefois  florissante  et  quelque 
peu  tombée  attire  l’attention  de  Le  Pelletier.  Il  attache  une 
grande  importance  à  ce  qu’elle  soit  maintenue  :  ce  qui  se 
peut^  dit-il,  en  lui  procurant  des  avantages  et  en  tenant  la 
main  à  ce  que  les  chaires  de’professeur  royal  soient  toujours 
remplies  de  bons  sujets.  Pour  atteindre  ce  but  il  prie  le  Roi 
d’accorder  à  l’Université  une  pension  sur  quelqu’une  des 
plus  grosses  abbayes  du  pays  ;  lui-même  a  fait  ordonner  par 
arrêt  du  Conseil  du  Roi  que  toutes  les  chaires  royales  qui 
viendront  à  vaquer  seront  conférées  par  concours,  ensuite  de 


—  o4.d  — 

publications  et  d’appositions  d’affiches  ;  il  faut,  ajoute-t-il, 
tenir  la  main  à  ce  que  cela  soit  observé  ponctuellement. 

Le  Pelletier  s’efforce  d’alléger  les  charges  militaires  qui 
accablent  le  pays.  Il  engage  les  villes,  à  qui  incombent  les 
logements  des  troupes,  à  construire  promptement  des 
casernes  pour  les  soldats  et  des  pavillons  pour  les  officiers; 
elles  réaliseraient  ainsi  d’importantes  économies.  Il  a  veillé 
lui-même  à  ce  que  la  part  contributive  des  populations  aux 
fortifications  des  villes ,  aux  prestations  en  temps  de  paix  et 
en  temps  de  guerre,  fût  réglée  sur  un  pied  plus  équitable. 

Voilà  quelques-unes  des  réformes  qu’il  a  accomplies  ou 
qu’il  signale  à  son  successeur.  Nous  pensons  en  avoir  dit 
assez  pour  que  l’on  comprenne  l’intérêt  qui  s’attache  à  la 
lecture  de  ce  Mémoire. 

La  seconde  pièce  publiée  par  M.  Desplanque  est  un  Mé¬ 
moire  du  même  genre  rédigé  postérieurement  par  Dugué  de 
Bagnols,  intendant  de  la  Flandre  vallonné  (>).  On  peut,  en 
comparant  ces  deux  documents ,  établir  un  rapprochement 
entre  la  Flandre  en  1683  et  en  1698  ;  il  est  curieux  de  se 
rendre  compte  des  changements  opérés  durant  ces  quelques 
années  et  d’apprécier  les  progrès  déjà  réalisés. 

L’étude  des  documents  administratifs  que  nous  a  légués 
l’ancien  régime  présente  un  haut  intérêt.  Elle  jette  un  jour 
nouveau  non  seulement  sur  notre  histoire  locale ,  mais  sur 
notre  histoire  nationale  :  on  voit  par  là  combien  l’histoire 
administrative  d’un  pays  est  intimement  liée  à  son  histoire 
politique.  Nous  formons  donc  des  vœux  pour  que  M.  Des¬ 
planque  publie  sans  trop  de  délai,  ainsi  qu’il  en  a  manifesté 
l’intention  ,  les  Mémoires  des  intendants  de  la  Flandre 
flamingante  et  du  Hainaut  français.  Ch.  Grimbert. 

(^)  Présenté  à  la  cour  sous  le  nom  de  cet  intendant ,  le  Mémoire  en 
question  est  notoirement  l’œuvre  de  Jean  Godefroy,  seigneur  d’Aii- 
mont,  alors  directeur  des  archives  de  la  Chambre  des  Comptes  et 
Procureur  du  Roi  au  Bureau  des  Finances  de  Lille.  Ch.  G. 


—  344  — 


ANNE  DUBOIS,  FONDATRICE  DES  BRIGITTINES  DE  LILLE 

(1574-1618) 

par  M.  A.  de  Norguet ,  membre  de  la  Commission  historique  du 

département  du  Nord  (i) 

Sœur  Anne  Dubois ,  fille  d’un  greffier  extraordinaire  de 
la  Chambre  des  Comptes  de  Lille  ,  naquit  le  22  décembre 
1574.  Elle  manifesta  de  très-précoces  dispositions  pour  la 
vie  religieuse  et,  après  une  enfance  marquée  par  des  grâces 
exceptionnelles,  elle  entra  chez  les  BrîgittinesdeTermonde. 
A  peine  eut-elle  prononcé  ses  vœux  qu’elle  se  sentit  tour¬ 
mentée  du  désir  d’instituer  une  Maison  de  son  ordre  dans 
la  ville  dont  elle  était  originaire.  Soutenue  par  les  conseils 
du  P.  Gabriel,  jésuite  de  Lille  ,  et  par  le  crédit  de  Nicolas 
de  Montmorency  ,  gouverneur  de  la  Flandre  wallonne ,  elle 
parvint,  non  sans  beaucoup  de  difficultés ,  à  réaliser  son 
pieux  dessein.  Ce  lui  fut  une  occasion  d’introduire,  dans  la 
régie  de  sa  Congrégation  ,  des  perfectionnements  dont  le 
plan  lui  avait  été  providentiellement  révélé.  Mise  en  rap¬ 
ports  fréquents  avec  les  esprits  d’en  haut ,  Anne  Dubois 
composa,  sous  leur  inspiration  ,  un  ouvrage  mystique  inti¬ 
tulé  :  Livre  de  Grâce  et  de  Miséricorde  ou  le  Manifeste  du 
Ciel,  ouvrage  que  l’autorité  diocésaine  jugea  digne  d’être 
traduit  en  latin  et  présenté,  sous  cette  forme,  au  pape 
Urbain  viii.  Le  nom  d’Anne  Dubois  n’est  pas  seulement 
attaché  à  cet  écrit  ;  il  se  trouve  aussi  mêlé  à  l’une  des  plus 
étranges  histoires  de  possession  diabolique  dont  les  annales 
des  Pays-Bas  aient  conservé  le  souvenir.  Un  moment  vint 
où  il  fallut  exorciser  les  Brigittines  de  Lille  et  procéder 
d’office  contre  les  plus  coupables  d’entr’elles,  à  la  grande 
désolation  de  leur  vénérable  supérieure  qui  n’avait  rien 


(^)  Lille,  L.  Danel,  1868,  vol.  iii-8.°  de  105  p. 


—  345  — 

négligé  pour  maintenir  et  ramener  ses  pauvres  filles  dans 
les  sentiers  de  l’honneur,  de  la  foi  et  de  la  piété.  Cette  téné¬ 
breuse  affaire  qui  a  un  lien  assez  étroit  avec  celle  du  Père 
Gaufridi ,  brûlé  vers  le  même  temps  par  arrêt  du  Parlement 
d’Aix ,  est  exposée  ,  dans  le  livre  de  M.  de  Norguet ,  en  des 
termes  dont  tout  le  monde  appréciera  la  parfaite  conve¬ 
nance.  En  passant ,  l’auteur  fait  justice  d’un  véritable 
petit  roman  que  feu  M.  Arthur  Dinaux  a  jadis  accrédité. 
Comme,  dans  les  documents  du  temps,  on  perd  la  trace 
d’une  des  Brigittines  inculpées  de  sorcellerie,  nommée 
Simonne  Dourlet ,  le  regretté  directeur  des  Archives  du 
Nord  de  la  France  et  du  Midi  de  la  Belgique  n’avait  trouvé 
rien  de  mieux,  pour  en  finir  avec  elle,  que  de  la  faire  mourir 
publiquement ,  sur  un  bûcher  de  la  grand’place  de  Tournai, 
dans  des  circonstances  on  ne  peut  plus  émouvantes.  M.  de 
Norguet  relègue ,  avec  toute  apparence  de  raison ,  cette 
anecdote  au  rang  des  fables. 

Arrière-petit-neveu  d’Anne  Dubois  et  disposant,  pour  écri¬ 
re  sa  vie  ,  de  documents  religieusement  conservés  dans  sa 
famille ,  M.  de  Norguet  remet  en  pleine  lumière  et  présente 
sous  un  jour  absolument  nouveau  la  figure  de  cette  femme 
forte  à  qui  les  épreuves  d’aucun  genre  ne  furent  épargnées 
et  qui ,  dans  les  conditions  les  plus  difficiles ,  apparut  à  ses 
contemporains  comme  un  type  de  sainteté.  A.  Desplaxque. 

HISTOIRE  DE  LA  CÉRAMIQUE  LILLOISE  (l) 
par  M.  J,  Houdoy. 

M.  Houdoy  avait  fait  imprimer,  il  y  a  six  ans,  pour  quel¬ 
ques  amateurs  et  quelques  amis,  des  recherches  sur  les  ma¬ 
th  Paris,  Auguste  Aubry,  1869  ;  in-4.°  de  xi ,  167  p.  Voir  les 
comptes-rendus  qu'ont  faits  de  cet  ouvrage  M.  Hippolyte  Verly  , 
dansl’Æ’c/io  du  A'ord  du  19  octobre,  et  M.  Ch.  Paeile  dans  le  Propagateur 
des  l.^et  4  novembre  1869. 


—  346  — 

nufactures  de  porcelaine  et  de  faïence  qui  ont  existé  autre¬ 
fois  à  Lille.  Afin  de  répondre  à  des  demandes  auxquelles  il 
était  devenu  impossible  de  satisfaire,  l’ouvrage  n’ayant  pas 
été  mis  en  vente,  l’auteur  s’est  décidé  à  publier  plus  com¬ 
plètement  le  résultat  de  ses  recherches.  Un  grand  nombre 
de  détails  nouveaux  donnent  le  plus  vif  intérêt  à  cette 
seconde  édition.  Citons  en  première  ligne  une  véritable 
découverte  signalée  dans  la  notice  qui  sert  d’introduction 
au  volume.  Il  est  vrai  que  les  faits  dont  il  s’agit  ne  se  sont 
point  passés  à  Lille;  ils  concernent  les  villes  d’Ypres  et 
Hesdin  ;  mais  ils  sont  si  intéressants,  ils  donnent  une  idée 
si  favorable  des  travaux  exécutés  dans  l’Artois  et  la  Flandre 
par  les  artistes  auxquels  est  consacré  le  livre  de  M.  Houdoy, 
que  le  lecteur  lui  sait  bien  bon  gré  de  les  lui  avoir  fait  con¬ 
naître.  Quand  l’historien  des  faïenciers  lillois  nous  montre 
dans  un  siècle  reculé  et  dans  une  ville  de  second  ordre, 
l’art  industriel  flamand  méritant  lattention  pour  ses  œuvres, 
ne  semble-t-il  pas  nous  dire  d’espérer  beaucoup  de  lui  pour 
le  temps  où  il  s’exercera  dans  la  capitale  d’une  province  fran¬ 
çaise  et  dans  un  siècle  où  brilleront  les  merveilles  de  tous 

O 

les  arts  ? 

M.  Houdoy  fait  plus  que  d’attirer  l’attention  sur  Ypres  et 
sur  Hesdin  :  il  excite  l’étonnement  des  amateurs  de  l’art 
céramique ,  en  leur  apprenant  que  dès  la  fin  du  xiv.®  siècle, 
ces  deux  villes  possédaient  une  fabrication  que  l’on  croyait 
réservée  dans  ce  temps  à  l’Espagne  et  à  l’Italie,  celle  de  la 
faïence  peinte  et  émaillée.  Des  artistes  flamands  et  artésiens 
connaissaient  alors  l’application  de  l’émail  d’étain  sur  la 
poterie;  seulement  ce  n’était  pas  à  la  vaisselle  qu’ils  desti¬ 
naient  leur  émail  blanc,  mais  bien  à  des  carreaux  de  pave¬ 
ment  pour  les  hôtels  du  duc  de  Bourgogne  et  de  sa  famille. 
Il  existe  au  château  d’Ecouen  un  pavement  du  même  genre, 
œuvre  d’artistes  Rouennais  du  xvi.*  siècle. 


—  547  — 

Une  série  de  témoignages ,  habilement  recueillis  dans  le 
fonds  si  riche  des  archives  de  la  Chambre  des  Comptes  de 
Lille ,  prouve  que  le  duc  de  Bourgogne ,  Philippe-le-Hardi, 
avait  pris  sous  sa  protection  deux  fabricants-artistes,  Du 
Moutier  et  Jean  le  Voleur ,  dont  les  œuvres  excitaient  dans 
l’esprit  de  ce  prince  un  goût  et  un  enthousiasme  des  plus 
vifs.  Ces  œuvres  sont  qualifiées  de  carreaux  pains  et  jolis, 
carreaux  de  peinture  à  pleine  couleur  et  à  imaiges ,  autant 
de  noms  qu’il  est  impossible  d’appliquer  aux  carreaux  à 
vernis  de  plomb  connus  dans  nos  contrées  dès  le  xiii.®  siècle 
et  ne  devant  plus  attirer  l’attention  et  les  encouragements 
des  princes.  Le  soin  de  décorer  ce  pavement  appartient 
d’ailleurs  à  un  sculpteur,  non  pas  à  un  peintre.  Son  prix, 
relevé  dans  les  comptes  des  années  postérieures  à  1391 ,  ne 
peut  être  comparé  à  celui  des  carreaux  de  Jean  le  Voleur. 
Ceux-ci  sont  achetés  d’avance  et  à  forfait  par  le  duc  qui  se 
réserve  d’en  disposer  seul  ;  et  l’estimation  en  est  faite  de  la 
même  manière  que  pour  les  vitraux  peints.  Enfin  s’il  restait 
quelque  doute  sur  l’importance  et  la  nouveauté  de  l’entre¬ 
prise  et  sur  la  part  que  les  artistes  peuvent  y  réclamer ,  il 
suffira  d’ajouter  que  le  premier  peintre  du  duché  de  Bour¬ 
gogne  au  XIV.®  siècle ,  Melchior  Broderlin  était  chargé  de  la 
diriger.  Les  sujets  de  Philippe-le-Hardi  auraient-ils  eu  le 
bonheur  ou  l’habileté  de  découvrir  eux-mêmes  la  composi¬ 
tion  de  l’émail  d’étain,  secret  que  les  Espagnols  avaient  dé¬ 
couvert  une  première  fois  depuis  longtemps  ?  M.  Houdoy 
l’espère  et  indique  les  circonstances  qui  ont  pu  les  mettre 
sur  la  voie. 

Après  cette  brillante  introduction  ,  les  manufactures  li- 
loises  passent  successivement  sous  les  yeux  du  lecteur.  Les 
potiers  de  terre  sont  signalés  par  de  curieux  extraits  des 
comptes  du  xv.'  siècle  et  par  quelques-unes  de  leurs  œu¬ 
vres  encore  faciles  à  reconnaître.  Au  sujet  des  faïenciers , 


—  348  — 

l’auteur  a  ouvert  une  véritable  enquête,  dans  laquelle  ont 
été  produits  tous  les  genres  de  documents  que  peuvent 
fournir  les  archives.  Résolutions  des  magistrats  municipaux, 
comptes  de  la  ville,  ordonnances  de  paiement,  recettes  et 
exemptions  d’impôts ,  actes  de  baptême  et  de  sépulture , 
inventaires  et  ventes  notariées ,  livres  d’affaires  et  comptes 
de  syndics  ont  fourni  de  précieux  détails  ,  et  par  leur  en¬ 
semble,  composé  sur  chaque  fabricant  une  notice  qui  nous 
les  rend  familiers. 

Voici  Jacques  Février,  malheureux  d’abord  ,  mais  triom¬ 
phant  de  la  mauvaise  fortune  à  force  de  persévérance.  Il 
devient  propriétaire  de  ses  ateliers  à  l’enseigne  du  Bel  Air 
dans  la  rue  Princesse  ;  et  ses  faïences  figureront  les  premières 
parmi  toutes  celles  de  Lille  au  musée  de  Sèvres. 

Puis  François  Boussemart,  le  riche  faïencier,  possédant 
verrerie  dans  la  rue  Saint-Sébastien  et  maison  de  plaisance 
sur  la  route  d’Ypres ,  près  l’avenue  de  Marquette.  A  côté  de 
son  jardin  subsiste  encore  le  moulin  aux  émaux,  que  nous 
avons  bien  souvent  aperçu  du  chemin  de  Messine  ou  de  la 
route  de  Lambersart  ;  Boussemart  court  en  carosse  au  devant 
du  malheur;  mais  quand  les  embarras  financiers  seront 
venus,  il  luttera  avec  énergie,  et  produira  des  faïences, 
supérieures  à  celles  qu’il  avait  faites  jusqu’alors  ,  les  plus 
belles  sans  doute  qui  aient  été  fabriquées  dans  notre  ville. 

Voici  Jean-Baptiste  Wamps,  frère  d’un  lauréat  de  l’Aca¬ 
démie  de  peinture,  dont  l’atelier,  passé  aux  mains  d’une 
autre  famille,  est  celui  qui  prolongera  le  plus  avant  sa  fabri¬ 
cation  dans  le  xix.'=  siècle. 

Avant  lui  Barthélemy  Dorez,  créant  à  Lille,  dès  1711 , 
une  manufacture  de  porcelaine  tendre  alors  que  Rouen  et 
Saint-Cloud  étaient  les  seules  villes  de  France  qui  en  pos¬ 
sédassent  de  semblables.  Ses  fils  fabriqueront  la  porcelaine 
jusqu’en  1720,  et  leur  maison  du  quai  de  la  Haute-Deùle 


—  549  — 

restera  à  usage  de  faïencerie  jusqu’au  commencement  de  ce 
siècle. 

Voici  enfin  Leperre-Durot  dont  la  manufacture  de  por¬ 
celaine  dure  réalise  le  perfectionnement  de  la  cuisson  par  la 
houille,  produit  pendant  15  ans  des  œuvres  que  les  plus 
habiles  connaisseurs  appellent  remarquables  à  tous  égards, 
et  sert  d’asile  pendant  la  Révolution  à  des  artistes  distin¬ 
gués  et  malheureux. 

Après  avoir  fait  connaître  les  fabricants ,  M.  Houdoy 
décrit  aussi  leurs  œuvres.  Grâce  aux  recherches  nombreuses 
auxquelles  il  s’est  livré,  les  faïenciers  Février ,  Dorez  et 
Boussemart  sont  dès  à  présent  connus  par  un  nombre  d’ou¬ 
vrages  qui  varie  de  ti*ois  à  sept.  Un  chapitre  spécial  est 
consacré  aux  faïences  qui  ont  été  peintes  à  Lille  sans  qu’on 
puisse  indiquer  avec  certitude  l’atelier  d’où  elles  sont 
sorties. 

Quatre  belles  planches  reproduisent  les  peintures  des 
pièces  remarquables  ;  la  fidélité  du  dessin  et  celle  de  la 
couleur  ont  été  portées  jusqu’au  scrupule,  en  sorte  que  les 
amateurs  auront  entre  les  mains  d’excellents  termes  de 
comparaison  pour  de  nouvelles  recherches. 

M.  Danel  a  donné  autant  de  soins  à  l’exécution  typogra¬ 
phique  que  l’auteur  en  avait  donné  à  la  composition  de 
fouvrage.  Ce  livre  est  imprimé  en  beaux  caractères  elzé- 
viriens,  sur  un  papier  dont  la  qualité  et  la  marque  sont 
semblables  à  celui  dont  se  servaient  au  xvii.®  siècle  les 
imprimeurs  lillois.  A.  Descamps. 

HYDROLOGIE  DU  DÉPARTEMENT  DES  ARDENNES 
par  M.  Cailletet,  pharmacien  à  Charlevillc  (h 

L’hydrologie  est  une  science  toute  nouvelle  due  au  progrès 
de  la  chimie  analytique ,  mais  elle  a  acquis  de  suite  une 


(1)  Mézières  ;  in-8.°,  103  pages. 


—  350  — 

importance  proportionnée  au  rôle  que  joue  Teau  dans  notre 
société  moderne.  A  une  époque  où  la  vapeur  est  devenue  le 
moteur  général  de  l’industrie,  où  l’art  de  la  teinture  a  pris 
un  si  grand  développement,  où  les  notions  d’hygiène  en  se 
répandant  ont  fait  connaître  l’importance  d’une  bonne 
irrigation  ,  où  les  villes  s’occupent  à  capter  les  sources  et  à 
les  amener  dans  leurs  murs ,  tout  le  monde  a  intérêt  à  con¬ 
naître  la  nature  des  eaux  qu’on  emploie  ou  qu’on  peut 
employer.  De  nombreuses  analyses  ont  déjà  été  faites,  mais 
beaucoup  sont  restées  inédites  et  celles  qui  ont  été  publiées 
sont  disséminées  dans  une  foule  de  recueils  et  de  mémoires 
où  il  est  difficile  d’aller  les  chercher.  C’est  pour  remédier  à 
cet  inconvénient  que  M.  Robinet,  membre  de  l’Académie 
de  médecine ,  essaye  de  réunir  tous  ces  documents  dans 
son  Dictionnaire  hydrologique  de  Finance.  Il  serait  à  désirer 
que  l’on  fit  pour  chaque  département  une  statistique  hydro¬ 
logique  résumant  les  analyses  déjà  faites,  les  complétant 
par  de  nouvelles  et  discutant  les  variations  produites  par 
l’influence  des  saisons,  des  terrains,  des  industries  ;  c’est 
un  travail  de  ce  genre  que  M.  Cailletet  a  entrepris  pour  le 
département  des  Ardennes. 

Une  première  partie  est  consacrée  par  l’auteur  à  indiquer 
les  méthodes  qu’il  a  suivies.  On  y  trouve  une  description 
complète  des  différentes  opérations  de  l’analyse  hydrotimé- 
trique  et  une  savante  dissertation  sur  l’influence  qu’exercent 
les  uns  sur  les  autres  les  sels  dissouts  et  les  changements 
qui  en  résultent  pour  le  titre  hydrolimétrique  réel.  L’auteur 
croit  aussi  pouvoir  déterminer  l’état  auquel  se  trouvent  les 
différents  sels  dans  la  solution. 

Il  nous  semble  que  tant  qu’il  n’y  aura  pas  de  règle  cer¬ 
taine  et  acceptée  de  tous  pour  le  partage  des  acides  entre 
les  bases,  il  serait  préférable  de  donner  les  résultats  bruts  de 
l’analyse.  Au  lieu  de  calculer  les  quantités  de  carbonate  de 


—  551  — 

chaux,  de  carbonate  de  magnésie ,  de  chlorure  de  magné¬ 
sium,  de  chlorure  de  sodium,  de  chlorure  de  calcium,  de 
sulfate  de  chaux,  de  sulfate  de  magnésie,  de  sulfate  de 
soude  ;  il  suffirait  d’indiquer  les  quantités  de  chaux,  de  ma¬ 
gnésie,  de  soude,  puis  les  quantités  d’acide  carbonique ,  . 
d’acide  sulfurique  et  de  chlore.  Ce  sont  là  les  seules  données 
réelles  de  l’analyse  ;  le  reste  est  théorique ,  et  ce  n’est  qu’en 
convertissant  de  cette  manière  les  analyses  des  divers  au¬ 
teurs  qu’on  arrive  à  pouvoir  les  comparer. 

La  seconde  partie  du  mémoire  contient  une  série  de  ta¬ 
bleaux  représentant  les  résultats  obtenus  par  M.  Cailletet, 
on  y  trouve  l’analyse  des  eaux  de  la  Meuse ,  de  l’Aisne  et  de 
leurs  affluents,  de  l’étang  de  Rimogne,  du  canal  des  Ar¬ 
dennes,  des  sources  minérales  ferrugineuses  de  Laifour  et 
de  Revin  ,  et  de  plusieurs  puits  ou  fontaines  pris  dans 
chacun  des  chefs-lieux  de  canton.  C’est  un  travail  considé¬ 
rable  qui  a  du  exiger  beaucoup  de  temps ,  je  ne  dirai  pas  de 
peine ,  car  la  peine  que  l’on  prend  au  service  de  la  science 
est  amplement  compensée  par  le  plaisir  qu’on  éprouve  à 
découvrir  une  vérité. 

Le  mémoire  est  terminé  par  un  tableau  résumant  les  ré¬ 
sultats  obtenus  pour  les  eaux  de  chaque  terrain.  A  ce  propos 
nous  ferons  observer  à  l’auteur  que  l’indication  de  l’âge 
géologique  du  terrain  ne  suffit  pas,  il  faut  tenir  compte  de 
sa  nature  minéralogique. 

Ainsi  le  terrain  crétacé  présentant  des  couches  de  craie, 
d’argile  et  de  sable,  les  eaux  qui  les  traversent  ne  peuvent 
pas  avoir  la  même  composition  dans  les  divers  niveaux. 
On  voit  leur  degré  hydrotimétrique  varier  de  14."  à  34.° 
pour  les  fontaines ,  et  de  11.°  à  61.''  pour  les  puits. 

C’est  une  lacune  facile  à  combler,  aussi  souhaitons-nous 
vivement  que  M.  Cailletet  trouve  des  imitateurs  parmi  ses 
confrères  des  départements  voisins.  J.  Gosselet. 


—  352  — 


SUR  LA  FABRICATION  DE  LA  SOUDE  AU  FOUR  TOURNANT 

par  M.  Lamy  (i) 

Par  ses  alliances  de  famille  et  l’illustration  qu’il  s’est 
acquise  comme  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille, 
M.  Lamy  appartient  à  notre  pays.  Nous  signalerons  donc 
un  nouveau  travail  qu’il  vient  de  publier  dans  les  mémoires 
de  la  Société  d’Encouragement  pour  l’Industrie  nationale. 
Il  s  agit  de  la  description  d  un  four  à  soude  tournant,  déjà 
employé  en  Angleterre,  et  présentant  une  économie  de  30  7o 
sur  le  charbon  dépensé.  Mais  ce  four  a  l’inconvénient  de 
coûter  assez  cher  de  frais  d’installation  (35,000  fr.)  et  de 
produire  une  quantité  de  soude  supérieure  à  celle  qu  écou¬ 
lent  la  plupart  des  fabriques  de  France.  J.  G. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

LES  FRANCS  DES  CINQ  OFFICES  DES  FEUX  A  VALENCIENNES 

(xiv.®  et  XV.'  siècles) 

Dans  nos  villes  du  moyen-âge,  aux  maisons  de  bois,  aux 
toitures  de  joncs  ou  de  chaume,  l’incendie  était  un  des 
fléaux  les  plus  légitimement  redoutés.  Serrées  les  unes 
contre  les  autres,  séparées  à  peine  par  des  rues  étroites, 
irrégulières  et  de  parcours  difficile,  les  maisons  s’affaissaient 
successivement  dans  la  flamme  avec  une  rapidité  effrayante 
et  le  feu  pouvait ,  en  quelques  heures  ,  promener  d’un  bout 
de  ville  à  l’autre,  la  ruine  des  bâtiments  et  l’anéantisse¬ 
ment  des  fortunes  :  l’incendie  prenait  alors  les  proportions 
d’un  malheur  public  à  l’occasion  duquel  les  villes  s’en¬ 
voyaient  mutuellement  des  compliments  de  condoléance. 

Valenciennes  était,  au  xiv.®  siècle,  une  ville  de  commerce, 

(^)  Communication  faite  à  la  Société  d'Encouragement  pour  l’Indus¬ 
trie  nationale. 


.)00 


d’industrie ,  pleine  par  conséquent  de  métiers  ,  de  matières 
brutes  ou  travaillées.  On  comprend  donc  que,  de  très-bonne 
heure  ,  nos  aïeux  aient  cherché  à  se  prémunir  contre  la 
dévorante  contagion  de  la  flamme;  d’autant  plus  qu’à  leurs 
appréhensions  bien  naturelles,  s’ajoutait  la  conscience  de 
l’insuffisance  de  leurs  moyens  d’action  contre  le  fléau. 

Dès  le  XIV. e  siècle  et  peut-être  dès  le  xiii.* ,  il  existait  à 
Valenciennes  ce  que  nous  appelons  aujourd’hui  des  compa¬ 
gnies  de  pompiers  ;  elles  avaient  alors  le  nom  assez  bizarre 
de  Francs  des  cinq  offices  des  feux. 

D’où  leur  venait  cette  dénomination  et  que  veut-elle  dire? 

Le  mot  franc  qu’on  retrouve  dans  les  locutions  Francs 
archers,  Francs  maçons,  Francs  charpentiers  à  la  même 
époque  ,  indique  qu’ils  formaient  un  corps  organisé  ,  jouis-  - 
sant  de  certains  privilèges  ;  quant  aux  mots  des  cinq  offices 
des  feux,  ils  proviennent  de  ce  que  ces  hommes  étaient 
répartis  en  cinq  corps ,  ayant  chacun  un  rôle  en  face  de 
l’incendie ,  et  exercés  à  se  servir  de  divers  ustensiles  ou 
engins  de  cinq  espèces  différentes.  Il  résulte  en  effet  d’un 
document  que  j’ai  trouvé  à  Mons ,  aux  Archives  de  l’Etat, 
dans  le  MS  de  Goquiau,  que  la  première  de  ces  compagnies 
était  pourvue  de  cuves  et  de  seaux  de  bois ,  la  seconde  de 
lies  ou  plutôt  de  houes,  au  fer  large  et  recourbé ,  la  troisième 
d’échelles,  la  quatrième  d’équipars,  tandis  qu’à  la  cinquième 
et  dernière  appartenait  la  manœuvre  des  seaux  de  cuir. 

Ces  seaux  de  cuir ,  on  le  devine ,  étaient  exposés  à  de 
nombreuses  avaries;  aussi  les  comptes  de  la  ville  entrent- 
ils  à  ce  sujet  dans  de  nombreux  détails,  qui  sont  assurément 
fort  indignes  de  la  majesté  de  l’histoire ,  mais  qu’on  par¬ 
donnera  ,  je  l’espère  ,  à  un  humble  chroniqueur.  Ainsi ,  on 
remettait  aux  vieux  seaux  des  fonds  neufs ,  ou  des  bandes 
de  cuir  pour  les  maintenir  dans  une  forme  circulaire;  on 
les  munissait  aussi  d’anses  de  cuir  pour  les  passer  de  main 

3 


—  354  — 

en  main.  Ces  réparations  valaient  de  2à6  sous  pour  chaque 
pièce  ,  c’est-à-dire  un  fort  bon  prix  si  on  tient  compte  de 
l’époque  ;  le  cuir  se  payait  à  part. 

Pour  entretenir  et  redresser  ces  seaux  quand  ils  étaient 
déformés,  pour  leur  conserver  leur  souplesse  et  leur  cou¬ 
leur  primitives,  on  les  enduisait  de  graisse,  de  suif  et  surtout 
d’huile  de  hareng  qu’on  achetait  au  tanneur  3  à  4  sous  le 
pot.  L’opération  qui  se  répétait  encore  l’été,  au  moment  de 
la  sécheresse  ,  coûtait  à  la  ville  de  3  à  5  deniers  par  seau  ; 
le  gardien  avait  de  plus  ,  outre  quelques  douceu7^s  et  quel¬ 
ques  bénéfices ,  un  traitement  annuel  de  50  sous ,  qu’on  lui 
octroyait ,  en  précisant  bien  que  c’était  pour  qu’il  fût  plus 
soigneux  de  rassembler  ces  seaux  au  lieu  de  l’incendie,  de 
les  en  rapporter  ,  et  de  les  mettre  ensuite  en  place. 

J’ai  parlé  de  privilèges  :  ceux  des  Francs  des  cinq  offices 
les  assimilaient  aux  arbalétriers.  Comme  ce  corps  d’élite , 
ils  avaient  obtenu  ,  en  1378 ,  le  droit  de  porter  le  couteau  , 
sorte  de  poignard  ou  de  courte  épée  pendue  à  la  ceinture  ; 
ils  devaient  même  en  être  armés  chaque  fois  qu’ils  remplis¬ 
saient  un  service  quelconque ,  ils  assistaient  aux  abattis  de 
maison  ,  et  sitôt  que  le  Prévôt-le-Comte  et  celui  de  la  ville 
avaient  donné  le  premier  coup  ,  ils  tiraient  à  bas  avec  leurs 
crocs  le  toit  de  la  demeure  du  coupable  (D’Oultreman , 
page  345).  Quant  aux  revenants-bons ,  ils  semblent  avoir 
été  peu  prodigués  aux  Fî'ancs  des  cinq  offices.  Pourtant  on 
en  trouve  quelque  trace. 

Ces  antiques  pompiers  se  recrutaient  comme  ceux  de  nos 
jours  parmi  les  habitants.  Ils  n’étaient  point  payés  à  l’année, 
mais  seulement  pour  les  services  réels  qu’ils  pouvaient 
rendre.  Chaque  incendie  leur  valait  d’ordinaire  une  gratifi¬ 
cation  de  25  à  30  sous  qu’ils  se  partageaient. 

On  comprend  que  la  ville  de  Valenciennes,  en  organisant 
les  Francs  des  offices  les  ait  particulièrement  chargés  du 


— ^  ooo 


guet  :  des  postes  étaient  établis  en  différents  endroits  et  on 
en  augmentait  le  nombre  selon  que  les  circonstances  le 
réclamaient ,  par  exemple ,  les  jours  d’assemblées  de  ser¬ 
ment  ou  d’autres  corps  constitués,  jours  consacrés  sans 
doute  à  la  dive  bouteille.  On  veillait  particulièrement,  à  la 
halle  des  draps  et  à  la  halle  du  blé ,  centre  de  deux  branches 
de  commerce  qui  donnaient  l’aisance  et  le  bien-être  à 
Valenciennes.  Cinq  hommes  s’y  trouvaient  d’ordinaire 
ensemble ,  on  veillait  même  à  Saint-Pierre  (^)  quand  la  cité 
allait  abattre  quelques  maisons  de  sa  banlieue.  Dans  ces 
circonstances  exceptionnelles  où  toutes  ses  forces  militaires 
se  mettaient  en  campagne,  on  emmenait  bien  les  homicides, 
les  malfaiteurs,  les  gens  suspects  qui  pullulaient  dans  une 
ville ,  dont  les  franchises  accordaient  si  libéralement  asile 
et  protection  ;  mais  il  pouvait  rester  dans  ses  murs,  certains 
mauvais  drôles  désireux  de  donner  satisfaction  à  quelque 
haine  particulière,  ou  bien  encore  de  voler,  en  profitant  de 
la  confusion  inséparable  d’un  incendie  :  de  là  un  poste  à 
Saint-Pierre.  Chaque  nuit  de  guet  on  fournissait  aux  Francs 
des  cinq  offices,  du  bois ,  de  la  chandelle,  qu’un  brouetteur 
chargé  de  ce  service  leur  amenait  régulièrement.  Au  pre¬ 
mier  signal ,  des  torches ,  des  lanternes ,  des  falots  étaient 
allumés,  remis  aux  mains  payées  à  cet  effet,  et  alors  comme 
aujourd’hui,  à  cette  sinistre  lueur,  on  se  rendait  à  travers 
les  sinuosités  des  rues  étroites ,  sur  le  théâtre  de  l’incendie. 
Ces  nuits  de  garde  qui  originairement  n’étaient  pas  payées 
rapportèrent  aux  Francs  des  cinq  offices,  vers  la  fin  du 
XIV.®  siècle  ,  6  deniers  tournois ,  c’est-à-dire  2  liards.  Les 
choses  restèrent  sur  le  même  pied  jusqu’en  1421  ;  à  cette 
époque,  ils  se  plaignirent  de  la  modicité  de  leur  salaire 
pour  un  service  qui  se  faisait  en  hiver  comme  en  été  et  qui. 


(')  Chapelle  qui  tenait  à  l'hôtel-de-ville. 


—  oao  - 

d’irrégulier  clans  le  principe,  avait  fini  par  devenir  continu  : 
ils  obtinrent  12  deniers  au  lieu  de  6  ,  c’est-à-dire  un  sou. 

En  1435,  les  Francs  des  cinq  offices  touchent  six  sous 
chaque  garde  de  nuit. 

En  1484,  ils  reçoivent  encore  la  même  somme  :  rien  n’an- 
nonce  qu’on  songe  à  leur  suppression  ;  mais  en  1522  un 
teri  ible  désastre  qu’ils  ne  purent  conjurer  les  perdit  com¬ 
plètement  dans  l’estime  publique.  On  se  contenta,  en  renon¬ 
çant  à  leurs  services  ,  de  décider  qu’on  enverrait  dans  les 
villes  voisines,  pour  savoir  ce  c[u’e]les  faisaient  en  cas  de 
feu.  Les  échelles  et  les  seaux  furent  mis  aux  carrefours  : 
l’on  s’en  tint  aux  guetteurs  du  Beffroi  et  au  concours  des 
habitants  pour  remplacer  les  Francs  des  offices. 

H.  Caffiaux,  docteur  ès-lettres. 


PASSAGES  ANNUELS  DES  OIES  SAUVAGES.  —  Chaque  année, 
à  l’automne,  nous  lisons  invariablement  dans  les  journaux 
une  phrase  du  genre  de  celle-ci  :  «  La  nuit  dernière  une 
grande  quantité  d’oiseaux  ont  passé  sur  notre  ville  venant 
du  Nord ,  c’est  l’indice  certain  d’un  hiver  précoce  et  rigou¬ 
reux  qui  se  fait  déjà  sentir  dans  les  régions  septentrionales.  » 
Cette  phrase  se  répète  et  se  commente  et  les  naïfs  se  tien¬ 
nent  pour  assurés  qu’ils  vont  avoir  à  souffrir  les  tourments 
de  la  Sibérie.  Je  voudrais  les  rassurer  une  fois  pour  toutes 
en  leur  prouvant  que  les  oiseaux  de  passage  n’annoncent 
qu’une  chose  que  tout  le  monde  connaît ,  c’est  que  la  saison 
de  leurs  voyages  annuels  est  arrivée. 

Quoique  le  nombre  des  espèces  qui  passent  au-dessus  de 
nos  têtes,  dans  le  département  du  Nord,  à  cette  époque,  soit 
considérable  ,  les  observations  du  public  se  rapportent  pres¬ 
que  toujours  aux  Oies  sauvages,  dont  les  bandes  sont  les 
plus  nombreuses  et  qui  ont  l’habitude  de  pousser  en  volant 
des  cris  qui  s’entendent  de  très-loin  dans  le  silence  de  la 


—  357  — 

nuit.  Ce  sera  donc  à  celte  espèce  seule  que  je  m’arrêterai 
aujourd’hui. 

Elles  ne  peuvent  annoncer  un  hiver  rigoureux  par  deux 
raisons  bien  simples  :  d’abord  les  Oies  passent  tous  les  ans, 
sans  exception,  que  l’hiver  doive  être  doux  ou  très-froid. 
Elles  quittent  les  contrées  septen  trionales  non  pas  sans  doute 
chassées  par  le  froid  ,  mais  très-probablement  parce  que  la 
nourriture  végétale  qu’il  leur  faut  ne  s’y  rencontre  plus. 
Annoncer  des  gelées  exceptionnelles  par  suite  du  passage 
des  Oies ,  c’est  comme  si  l’on  disait  :  les  Hirondelles  sont 
parties ,  donc  nous  aurons  l’hiver  prochain  une  température 
très-basse.  Les  Oies  passent  en  plus  ou  moins  grand  nombre 
sur  un  point  donné,  parce  qu’elles  n’ont  pas  dans  leurs  mi¬ 
grations  d’itinéraire  tracé  une  fois  pour  toutes,  mais  le  nom¬ 
bre  des  individus  qui  opèrent  leur  migration  annuelle  est 
toujours  sensiblement  le  même. 

La  seconde  raison  c’est  qu’aucun  oiseau  n’est  doué  du 
privilège  de  prédire  un  avenir  quelque  peu  éloigné.  Très- 
souvent  les  animaux  constatent  par  des  cris ,  des  mouve¬ 
ments  ,  des  déplacements ,  un  état  actuel  de  l’atmosphère  ; 
si  cet  état  correspond  à  une  phase  hygrométrique  ou  élec¬ 
trique  qui  prépare  un  orage  ou  de  la  pluie ,  on  dira  que 
l’animal  annonce  le  mauvais  temps;  rien  n’est  plus  vrai. 
C’est  ainsi  que  les  Hirondelles  rasent  la  terre  à  l’approche 
de  la  pluie  parce  que  les  menus  insectes  dont  elles  se  nour¬ 
rissent  s’abaissent  en  ce  moment  vers  la  terre  ;  c’est  ainsi 
que  les  Canards  s’agitent,  s’épluchent,  plongent  à  l’appro¬ 
che  d’un  orage,  parce  que  la  dose  plus  forte  de  l’électricité 
atmosphérique  les  agite  et  les  surexcite  ;  vingt  exemples 
pareils  pourraient  être  cités;  mais  ces  prédictions  en  quel¬ 
que  sorte  barométriques  ne  peuvent  dépasser  le  mouvement 
météorologique  qui  les  fait  se  produire ,  c’est-à-dire  deux 
ou  trois  jours  au  maximum.  Jamais  en  septembre,  en  août 


—  558  — 

même,  car  les  Oies  commencent  quelquefois  à  passer  à  cette 
époque,  un  oiseau  quelconque  ne  pourra  prévoir  que  les 
froids  de  décembre,  janvier  ou  février  seront  vifs  ou  mo¬ 
dérés. 

Ils  ne  peuvent  non  plus  annoncer  un  hiverprecoce  parce 
qu’il  est  prouvé  par  des  observations  nombreuses  que  les 
époques  de  passages  plus  ou  moins  avancées  ou  reculées  ne 
correspondent  pas  avec  l’apparition  du  froid. 

Nous  trouvons  dans  les  Mémoires  de  V Académie  royale  des 
Sciences,  des  Lettres  et  des  Arts  de  la  Belgique  (édition  in-4.°) 
une  série  d’observations  sur  les  phénomènes  périodiques , 
provoquées  par  M.  Quetelet,  et  enregistrées  sans  interrup¬ 
tion  depuis  1842.  Nous  en  avons  extrait  les  suivantes ,  rela¬ 
tives  aux  Oies  sauvages.  Elles  ont  été  faites  simultanément 
sur  cinq  ou  six  points  de  la  Belgique  ,  d’Ostende  à  Namur  , 
transversalement,  et  par  conséquent  sur  toute  la  ligne  de 
passage  qui  du  Nord  au  Sud  ou  de  l’Est  à  l’Ouest  amène 
vers  notre  département  les  oiseaux  qui  fuient,  comme  les 
Oies ,  les  contrées  arctiques  de  l’Europe  continento-occi- 
dentale. 

Hivers  {’)  de  1843-44  —  3,  8,  13, 14  janvier. 

D  de  1844-45  —  toutdécernbre  ;  7, 8, 9,10,15janv. 

»  de  1845-46  —  25  sept.  ;  21  octobre  ;  16  janvier. 

»  de  1846-47  —  3,16,19  novembre  ;  13,  15,  16, 

19,  24, 27  décembre  ;  14, 22,  25, 
28  janvier. 

®  de  1847-48  —  25,  26  décembre;  6,  7,  8,  9janv. 

»  de  1848-49  —  18,27  oct.  ;  23,24,29,31  déc.; 

6,  26  janvier. 

»  de  1849-50  —  31  octobre;  5,  8  décembre  ;  5,  7,  • 

12 ,  20 ,  21  ,  25  janvier. 

»  de  1850-51  —  5  octobre  ;  6  décembre. 

»  de  1851-52  —  25  novembre  ;  15 , 24  décembre. 

»  de  1852-53  —  13  novembre  ;  8  ,  12  janvier. 

{9  J'entends  par  hivers,  l'époque  des  passages  comprenant  août, 
septembre,  octobre,  novembre,  décembre,  janvier. 


—  559  — 

Hivers  de  18o3-o4  —  24,  26,  29  décem.;  1,  4,  17  janv. 

»  de  18o4-5o  —  26 ,  30  ,  31  janvier. 

»  de  185o-o6  —  28  octobre;  17,  20, 22  novembre. 

»  de  1856-57  —  23  oct.  ;  26  ,  27  nov.  ;  18  janv. 

de  1857-58  —  18  ,  19  novembre. 

»  de  1858-59  —  25  septembre  ;  14, 16, 19,  23,  25, 

26  octobre. 

>  de  1859-60  —  20,  26  septembre;  18  octobre; 

8 , 9 ,  11 ,  17  novembre. 

»  de  1860-61  —  24  août  ;  17  ,  21 , 30  ,  31  octobre  ; 

26  novem.;  3, 19,  23,  26  décem.; 
3 ,  4  ,  8 ,  25  janvier. 

j>  de  1861-62  —  25  septembre;  16, 18,  20  octobre; 

24  nov.;  10  déc.;  12,  22, 23  janv. 
de  1862-63  —  3,  11,  13  nov.;  28  janv.  (remoniant). 
»  de  1863-64  —  8 ,  30  sept.  ;  2,  22  oct.  ;  1,  27,  28 

novem.  ;  2  ,  5  février  (desceiidani). 
•  de  1864-65  —  30 août;  4,  6,31  déc.;  2,  3,  4  janv. 

»  de  1865-66  —  5  oct.;  8nov.;3,  9, 10  déc.;  21  jan. 

»  de  1866-67  —  25  septembre;  15,  21  novembre. 

Il  résulte  de  ces  observations  que  les  Oies  sauvages  opè¬ 
rent  leur  passage  descendant,  ou  Nord-Sud  ,  depuis  la  fin 
d’août  jusqu  a  la  fin  de  janvier;  mais  il  ne  faudrait  pas 
croire  que  tous  ces  passages  sont  de  même  nature.  Les  mi¬ 
grations  normales,  emportant  du  Nord  au  Sud  la  plus 
grande  masse  de  ces  oiseaux  ,  sont  celles  d’automne  :  août, 
septembre,  octobre,  novembre.  Mais  toutes  les  Oies  qui  ont 
vaqué  à  la  reproduction  dans  les  marais  arctiques  ne  pas¬ 
sent  pas  d’abord  par  dessus  notre  latitude  ;  un  certain  nom¬ 
bre  reste  dans  les  marais  intermédiaires;  sont-ce  celles 
qui  viennen  t  de  plus  loin,  ou  les  plus  fatiguées?  Il  est  difficile 
de  le  deviner.  Ces  Oies  séjournent  dans  les  contrées  tem¬ 
pérées  si  l’hiver  est  doux  ;  s’il  devient  rude  ,  si  la  gelée  ou 
la  neige  leur  rend  difficile  la  recherche  de  leur  nourriture, 
elles  gagnent  des  pays  plus  chauds ,  ce  sont  celles-là  qui , 
en  décembre  et  janvier ,  passent  par  nos  contrées  ;  elles  sont 
rarement  en  grandes  bandes ,  c’est  plutôt  un  déplacement 


—  360  — 

qu’un  passage,  et  il  est  d’autant  plus  nombreux  que  le  froid 
est  plus  rigoureux. 

C’est  alors  que  nos  marchés  sont  approvisionnés  de  ce 
gibier  qui  se  tue  d’autant  plus  aisément ,  qu’il  s’arrête  plus 
souvent  et  qu’il  est  plus  préoccupé  de  se  nourrir  que  de  se 
préserver  des  chasseurs.  Leur  excessive  méfiance  naturelle 
les  abandonne  à  mesure  que  la  faim  les  gagne ,  comme  il 
arrive  à  tous  les  animaux  sauvages. 

'Ces  passages  d’hiver  ne  peuvent  annoncer  la  précocité  du 
froid  puisqu’ils  l’accompagnent  toujours.  Restent  ceux  d’au¬ 
tomne  :  pour  que  l’on  puisse  en  tirer  un  pronostic  il  fau¬ 
drait  trouver  une  relation  entre  la  précocité  de  ces  passages 
et  celle  de  la  saison  rigoureuse ,  or  en  comparant  les  tables 
météorologiques  insérées  dans  les  mêmes  mémoires  de 
l’Académie  de  Belgique  ,  avec  ces  époques  de  migrations 
automnales,  on  ne  trouve  aucun  rapport  de  concordance. 

Tel  passage  effectué  en  septembre  c’est-à-dire  à  une 
époque  peu  avancée,  a  été  suivi  d’un  automne  très-doux  et 
d’un  hiver  normal;  d’autres  fois,  aucun  passage  hâtif  n’a 
été  observé  et  cependant  novembre  a  eu  des  gelées  pré¬ 
coces. 

J’ai  entendu  faire  le  raisonnement  suivant  :  les  oiseaux 
de  passage  fuient  l’abaissement  de  température  des  pays 
septentrionaux ,  or  ils  sont  amenés  par  le  vent  du  Nord  qui 
correspond  à  un  déplacement  de  cet  air  froid  descendant 
vers  nous ,  il  doit  donc  exister  un  rapport  actuel  et  très- 
prochain  entre  l’arrivée  des  passages  même  hâtifs  et  celle 
du  froid. 

Cet  argument,  démenti  d’ailleurs  par  l’expérience,  ne 
serait  bon  que  s’il  était  bien  prouvé  que  les  Oies  et  autres 
espèces  émigrantes  fuient  réellement  un  froid  présent  ou 
très-prochain  existant  dans  les  marais  arctiques  où  ils  ont 
passé  l’été  ;  c’est  bien  plus,  je  le  répète  ,  l’absence  de  nour- 


—  361  — 

riture ,  joint  à  un  certain  mouvement  instructif  que  nous  ne 
pouvons  pas  apprécier,  qui  les  fait  se  mettre  en  route. 
Mais  il  est  encore  moins  juste  de  croire  qu’ils  ont  besoin  du 
vent  du  Nord  pour  effectuer  leur  voyage. 

En  général  les  oiseaux  de  haut  vol  ne  cherchent  pas 
dans  ces  circonstances  à  avoir  le  vent  arrière.  Ils  préfèrent 
avant  tout  un  temps  calme,  mais  à  son  défaut  ils  choisissent 
un  vent  légèrement  oblique  ,  le  vent  du  Nord-Est  ou  même 
de  l’Est  semble  leur  être  le  plus  favorable.  Ils  ne  craignent 
même  pas  le  vent  du  Sud  ,  dans  ce  cas  ils  louvoient  comme 
le  vaisseau  à  voile  qui  navigue  vent  debout,  et  ceci  explique 
que  les  observations  signalent,  dans  les  passages  descen¬ 
dant,  tantôt  une  direction  Nord-Ouest,  tantôt  une  direction 
Nord-Est. 

Cette  prétendue  preuve  tirée  du  vent  du  Nord  n’est  donc 
pas  valable ,  l’Oie  sauvage  passant  ordinairement  par  un 
temps  calme  ,  et  souvent  aussi  par  des  vents  soufflant  d’au¬ 
tres  points  que  le  Nord. 

Soyons  bien  persuadés  que  les  émigrations  automnales  ne 
prédisent  rien,  qu’elles  annoncent  seulement  que  des 
oiseaux,  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  ont  éprouvé  plus 
ou  moins  tôt,  dans  les  régions  arctiques  ,  soit  la  pénurie  de 
nourriture  ,  soit  la  sensation  instinctive  du  besoin  d’émi¬ 
gration  ,  circonstances  qui  se  manifestent  d’août  en  novem¬ 
bre  indépendamment  de  toute  prévision  du  froid  hivernal. 

A.  DE  Norguet. 

CHRONIQUE. 

^cîeiic€?s  Bsatiirelles. —  Crustacé  et  tortue  fossiles  de 
Lezennes.  —  M.  Decocq,  qui  explore  avec  beaucoup  de  persé¬ 
vérance  la  craie  de  Lezennes  et  en  possède  une  belle  collec¬ 
tion  ,  vient  d’y  trouver  les  pattes  d  un  Crustacé  voisin  des 
Homards,  appartenant  probablement  au  genre  fossile  Hoplo- 


—  362  — 

paria.  M.  Hallez  ,  préparateur  d’Histoire  naturelle  à  la 
Faculté  des  Sciences  de  Lille ,  s’est  chargé  de  Fétudier  et  de 
le  décrire.  —  La  même  craie  a  fourni  à  MM.  Chelloneix 
et  Ortlieb  la  carapace  d’une  tortue  marine  du  genre  Chelone 
qu’ils  doivent  décrire  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des 
Sciences  de  Lille.  J.  G. 

Cristaux  de  Gypse  dans  V  argile  d' Y  près.  —  En  faisant  un 
puits  dans  la  maison  d’un  garde-barrière  au  point  où  le 
chemin  de  fer  de  Lille  à  Valenciennes  coupe  le  chemin  du 
Chemineau  à  Hucquinville  (Templeuve) ,  on  a  rencontré  à 
2  mètres  de  profondeur  ,  au  milieu  de  l’argile  grise  (argile 
d’Ypres  des  géologues  ) ,  une  couche  de  25  cent,  d’épaisseur 
formée  de  cristaux  de  gypse,  ou  sulfate  de  chaux,  enchevê¬ 
trés  les  uns  dans  les  autres.  Il  y  en  a  qui  ont  jusqu’à  6  cen¬ 
timètres  de  long.  Ils  appartiennent  à  la  variété  trapézienne 
maclée.  J.  G. 

Arel&ëolo^ie.  —  Découverte  d\in  ancien  Cimetière  ci 
Lille.  —  On  a  trouvé  en  creusant  les  fondations  d’une  usine 
à  Lille  près  de  la  porte  de  Béthune ,  les  traces  d’un  ancien 
cimetière  dont  l’origine  se  perd  dans  la  nuit  des  temps  et 
dont  l’époque  n’est  pas  encore  déterminée.  Les  ossements 
humains  qu’on  y  rencontre  ne  sont  pas  ensevelis  dans  un 
cercueil  ;  ils  sont  accompagnés  de  colliers  en  émail  et  en 
ambre  et  d’armes  anciennes.  J.  G. 

Pierres  tombales  de  Willerval.  —  M.  le  comte  Achmet 
d’Héricourt  vient  de  se  créer  de  nouveaux  droits  à  la  recon¬ 
naissance  des  archéologues  par  le  rapport  qu’il  a  récemment 
adressé  à  M.  le  préfet  du  Pas-de-Calais  sur  le  projet  de 
restauration  des  pierres  tombales  de  ^Yillerval  (canton  de 
Vimy).  Ces  pierres  sont  au  nombre  de  cinq.  Celle  dessinée 
dans  les  Mémoires  de  l’Académie  d’Arras  en  1844  et  faus¬ 
sement  attribuée  à  Gérard  de  Sains,  personnage  resté  popu¬ 
laire  dans  le  pays,  est  la  pierre  tumulaire  d’un  chevalier 


—  36o  — 

du  XIII. e  siècle,  en  demi-ronde  bosse,  sans  inscription. 
Longtemps  reléguée  à  la  porte  de  l’église  ,  et  depuis  lors 
admise  dans  le  chœur ,  elle  finirait ,  suivant  les  conclusions 
de  l’honorable  rapporteur ,  par  trouver  place  dans  une  cha¬ 
pelle  ,  où  viendraient  aussi  se  ranger  :  1."  la  véritable 
pierre  de  Gérard  de  Sains ,  que  M.  d’Héricourt  a  été  le  pre¬ 
mier  à  signaler  à  l’attention  de  ses  collègues  de  la  Commis¬ 
sion  des  antiquités  départementales  ;  S.'’  celle  de  Jean  de 
Sains.  Ladite  chapelle,  qui  prendrait  le  nom  de  la  famille 
de  Sains ,  serait  rétablie  par  les  habitants  «  comme  un  sou¬ 
venir  de  la  gloire  de  ces  vaillants  chevaliers  et  de  leur  géné¬ 
reuse  libéralité.  » 

En  face  de  *la  pierre  d’une  certaine  dame  Mehaut,  se 
dresserait  celle  de  Jean  Mullet,  en  son  vivant  lieutenant  du 
comté  de  Willerval ,  et  de  Barbe  Rumault ,  sa  femme.  M. 
d’Héricourt  joint  au  dessin  que  M.  Robaut  a  levé  de  cette 
dernière  pierre,  jusqu’ici  peu  connue,  une  description  dont 
nous  reproduirons  quelques  traits.  <•  Les  têtes  des  deux 
époux  reposent  sur  des  coussins  dont  les  pointes  sont  ter¬ 
minées  par  une  houppe.  Mullet  est  un  beau  vieillard,  sa 
!  chevelure  est  abondante ,  il  porte  toute  sa  barbe  ,  sa  mous- 
I  tache  est  légèrement  frisée. . .  Il  est  vêtu  d’un  large  man¬ 
teau  ,  avec  des  crevés  à  la  hauteur  des  genoux.  Ses  mains 
sont  jointes  sur  sa  poitrine;  des  manchettes  couvrent  ses 
i  bras.  Pour  compléter  riiabillement ,  citons  des  hauts-de- 
I  chausses  ,  des  bas  renfermant  des  jambes  fortes  qui,  écar¬ 
tées  ,  montrent  leurs  nerveuses  saillies  ,  des  souliers  ronds, 
un  peu  courts,  qui  surmontent  des  talons  élevés.  —  Barbe 
I  a  également  les  mains  jointes  sur  la  poitrine  ;  malgré  les 
treize  enfants  qui  lui  doivent  la  vie  ,  elle  paraît  encore 
jeune;  les  cheveux  légèrement  ondulés,  les  sourcils  bien 
prononcés,  les  traits  réguliers,  les  yeux  élevés  au  ciel  ;  sa 
i  bouche  fine  et,  pour  ainsi  dire  ,  souriante  ,  nous  montre 


—  364  — 

une  de  ces  placides  bourgeoises  dont  la  Flandre  a  con¬ 
servé  quelques  types.  C’est  la  matrone  romaine ,  moins 
l’énergie  du  caractère.  »  A.  D. 

MétéoroSoj^ie.  Mois  d’octobre  1869.  —  La  tempéra¬ 
ture  atmosphérique  de  la  première  moitié  du  mois  d’octobre 
fut  assez  élevée  ;  jusqu’au  15  ,  la  moyenne  des  minima  fut 
de  10.”  63  ,  celle  des  maxima  17.°  63.  Le  17  ,  le  froid  se  fait 
sentir  sans  transition ,  le  vent  souffle  avec  force  de  la  région 
N.  ;  le  27,  le  thermomètre  descend  à  0.”  4  et  à  0.°  3,  le  28, 
en  ville.  Sur  les  places  publiques,  les  boulevards  et  à  la 
campagne  l’eau  se  couvrit  d’une  couche  de  glace  épaisse  de 
3  à  4  millimètres.  Du  16  au  31,  la  moyenne  des  minima  fut 
de  3.”  90,  celle  des  maxima  9."  47.  La  température  moyenne 
du  mois  fut  de  10.”  29  ;  la  moyenne  de  ce  mois  déduite  de 
15  années  étant  de  11.'’  44.  Le  maximum  absolu  fut  de 
21. M,  le  8. 

Sous  l’influence  de  cette  température  la  tension  moyenne 
de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique,  qui  en  octobre  est  géné¬ 
ralement  de  8  mill.  49,  tombe  à  7  mill.  35.  L’air  fut  cepen¬ 
dant  moins  humide  qu’ordinairement,  car  il  ne  renferma 
que  les  80/100  de  la  vapeur  qui  l’eût  saturé  à  la  température 
moyenne  que  nous  venons  d’indiquer.  L’humidité  relative 
moyenne  en  octobre  est  de  83,  38  °/o. 

Le  nombre  des  jours  de  brouillard  fut  de  28  ,  celui  des 
jours  de  rosée  de  17.  L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  météo¬ 
rique  fournie  par  23  jours  de  pluie  fut  de  77  mill.  90 ,  com¬ 
posée  de  66  mill.  90  d’eau  de  pluie,  10  mill.  50  d’eau  de 
neige  et  0  mill.  50  d’eau  de  grêle.  Le  nombre  des  jours  de 
pluie  fut  de  23.  La  chute  de  la  neige  eut  lieu  les  27  et  28  , 
elle  fondit  au  fur  et  à  mesure  sur  le  pavé  des  rues,  mais  il 
n’en  fut  pas  ainsi  sur  les  toits  des  maisons  et  à  la  campagne 
où  le  29  elle  existait  encore.  La  quantité  moyenne  d’eau  qui 
tombe  ordinairement  en  octobre  est  de  67  mill.  756. 


—  065  — 

L’état  hygrométrique  des  régions  élevées  de  l’atmosphère 
ne  fut  pas  prononcé,  car  la  hauteur  moyenne  de  la  colonne 
barométrique  qui  en  octobre  est  de  757  mill.  913  ,  fut  cette 
année  de  761  mill.  318  oscillant  entre  les  extrêmes  744 
mill.  80  le  19  et  771  mill.  95  le  22.  Les  18  et  19  le  vent  fut 
tempétueux. 

Quoique  l’abaissement  de  la  température  ait  eu  pour  effet 
de  diminuer  l’évaporation  ,  l’épaisseur  de  la  couche  d’eau 
évaporée  fut  encore  de  40  mill.  29  inférieure  de  1  mill.  7 
seulement  à  la  moyenne  générale  (41  mill.  99).  Ce  résultat 
est  dû  en  partie  à  la  faible  humidité  de  l’air  en  contact  avec 
le  sol  et  à  l’intensité  des  courants  atmosphériques,  venant 
particulièrement  du  S.  et  de  l’O. 

Les  10  et  11 ,  par  un  vent  S.  E.,  le  ciel  fut  serein  pendant 
24  heures  ;  12  jours  il  fut  couvert  et  17  demi-couvert. 

Le  17  à  minuit ,  il  y  avait  un  magnifique  halo  lunaire ,  et 
le  19  à  3  heures  du  soir  un  halo  solaire,  suivis  de  pluie. 

V.  Meüreix. 

Tremblement  de  terre.  —  Le  tremblement  de  terre  du  2 
octobre  que  l’on  a  ressenti  dans  les  provinces  Rhénanes  et 
dans  une  partie  de  l’Allemagne  s’est  manifesté  jusqu’à 
Liège  par  l’oscillation  des  meubles  dans  les  chambres. 

Bolide.  —  Le  l.^*"  octobre  de  celle  année  un  bolide  fut 
aperçu  à  Bruxelles  ,  à  Malines  et  à  Kain ,  près  de  Tournai, 
il  se  dirigeait  de  l’ouest  vers  l’est.  Ce  bolide  a  été  observé  à 
Kain  par  M.  Desrumeaux  ;  il  l’a  vu  se  briser  en  trois  ou 
quatre  fragments  après  avoir  parcouru  un  peu  plus  de  la 
moitié  du  ciel.  Son  volume  apparent  était  peu  considérable, 
beaucoup  plus  grand  que  Jupiter  cependant.  Il  brillait  d’une 
vive  lumière  blanche  et  laissait  sur  tout  son  parcours  une 
superbe  traînée. Les  fragments  qui  se  sont  détachés  par  suite 
de  l’explosion  étaient  d’un  rouge  vif.  Le  bruit  ne  s’est  fait 
entendre  que  30  ou  40  secondes  après  l’apparition  des  éclats. 


—  366  — 

Le  même  bolide  a  été  vu  à  Lille  par  M.  Flament ,  ingé¬ 
nieur  des  ponts  et  chaussées.  Nous  extrayons  les  passages 
suivants  d’une  lettre  qu’il  a  écrite  à  M.  Leverrier  et  qui  a 
été  imprimée  dans  \e  Bulletin  de  V Association  scientifique 
de  France  :  Hier ,  1.®*'  octobre  ,  vers  8  heures  l!2  min.  du 
soir,  j’ai  vu  un  bolide  traverser  le  ciel  au-dessus  de  ma  tête. 
Le  bolide  se  dirigeait  du  N. N. 0.  auS.S.E.  et  sa  trajectoire 
faisait  avec  le  méridien  un  angle  que  j’évalue  approximati¬ 
vement  à  30".  Environ  2  min.  et  demie  après  l’avoir  vu  , 
j’entendis  une  forte  détonation  vers  le  S.S.E.  Ce  bolide  m’a 
paru  avoir  un  diamètre  apparent  d’environ  moitié  de  celui 
de  la  Lune.  Il  n’était  pas  parfaitement  rond,  mais  il  avait  la 
forme  d’une  poire  dont  la  partie  la  plus  grosse  se  trouvait 
en  avant.  Il  laissait  derrière  lui  une  traînée  de  feu  et  d’é- 
tincèlles.Ge  bolide  a  été  aperçu  à  Don  et  àHondschotte. 

On  a  annoncé  l’apparition  d’un  bolide  à  la  même  heure  à 
Bernay  (Eure),  mais  comme  il  se  dirigeait  du  N.O.  au  S.E., 
il  est  peu  probable  que  ce  soit  le  même  météore.  J.  G. 

Vente  Hochart.  —  Catalogue  des  estampes  et  portraits. 
Les  amateurs  se  souviennent  de  la  belle  vente  de  livres 
anciens  et  modernes  ,  provenant  du  cabinet  de  feu  M. 
Hochart ,  qui  a  eu  lieu  à  Lille  au  mois  de  mars  dernier. 
La  vente  des  estampes  et  portraits  de  la  même  collection 
s’effectuera  le  lundi  6  décembre  ,  sous  la  direction  de  M.  L. 
Bégbin ,  Libraire  cà  Lille,  à  qui  l’on  doit  un  catalogue  , 
fort  bien  fait ,  de  ces  deux  séries  de  curiosités. 

M.  Hochart  avait  formé  sa  collection  d’estampes  et  de 
portraits  avec  plus  de  patience  et  plus  d’amour  encore  que 
celle  de  ses  livres.  Le  nombre  de  pièces  inscrites  dans  le 
présent  catalogue(elles  s’élèvent  à  plus  de  12,000  ^  leur  va¬ 
leur  intrinsèque  et  leur  mérite  de  conservation,  témoignent 
des  soins  et  des  connaissances  spéciales  de  leur  possesseur. 

La  plupart  des  estampes  et  portraits  de  feu  M.  Hochart 


—  56/  — 


appartiennent  aux  trois  derniers  siècles  :  on  y  compte  plus 
de  300  portraits  d’Houbraken  ,  135  d’Edelinck  ,  200  de 
Nanteuil ,  40  de  Van  Shuppen  ,  30  de  Masson  ,  27  de  Mo¬ 
rin  ,  etc.  Les  Ecoles  française  ,  anglaise ,  allemande  ,  ainsi 
que  celle  des  Pays-Bas  ,  sont  particulièrement  bien  repré¬ 
sentées  dans  cette  collection  ,  où  l’on  voit  aussi  figurer  nos 
meilleurs  artistes  lillois ,  Delvaux  ,  Longueil ,  Helman  , 

•  Masquelier  ,  les  frères  Vaillant.  A.  D. 

Rentrée  des  Facultés.  —  La  séance  de  rentrée  des  Facul¬ 
tés  a  eu  lieu  le  15  octobre  ,  à  Douai ,  sous  la  présidence  de 
M.  Fleury  ,  recteur  de  l’Académie. 

M.  le  Recteur  a  rappelé  ,  dans  un  discours  d’ouverture  , 
toutes  les  mesures  prises  depuis  quelques  années  en  faveur 
de  l’enseignement  supérieur.  11  a  ensuite  accordé  la  parole 
à  M.  l’abbé  Dehaisnes,  chargé  ,  au  nom  du  Jury  ,  de  faire 
un  rapport  sur  le  concours  d’Histoire. 

La  séance  a  été  terminée  par  les  rapports  annuels  des 
Doyens  des  Facultés.  Ils  ont  rappelé  les  cours  qui  ont  eu 
lieu  l’année  passée  et  annoncé  ceux  qui  se  feront  pendant 
la  nouvelle  année  scolaire.  Ils  ont  exposé  les  résultats  des 
examens  et  en  ont  profité  pour  adresser  à  la  jeunesse  de 
sages  conseils ,  dits  éloquemment ,  écoutés  avec  plaisir  , 
souvent  même  applaudis  ,  mais  bien  rarement  suivis.  Ils 
ont  aussi  indiqué  les  travaux  publiés  par  les  membres  de 
la  Faculté  dans  le  courant  de  l’année  classique.  La  plupart 
de  ces  travaux  ont  déjà  été  l’objet  d’une  notice  particulière 
dans  ce  Bulletin,  mais  il  n’en  a  pas  été  de  même  des  cours. 

Les  cours  de  la  Faculté  de  Droit  et  de  la  Faculté  des 
Sciences  ont  un  programme  fixe  ,  nous  pouvons  donc  nous 
borner  à  annoncer  ceux  qui  doivent  avoir  lieu  pendant 
l’année  scolaire  1869-70.  Pour  la  Faculté  des  Lettres ,  le 
programme  étant  plus  élastique ,  il  nous  semble  utile  de 
donner  dans  notre  prochain  numéro  cette  partie  du  rap¬ 
port  de  son  savant  Doyen  (^).  J.  G. 

Faculté  des  Sciences  de  Lille.  (Cours  publics  du  premier 
semestre  1869-1870  ouverts  le  lundi  22  novembre  1869)  — 
Mathématiques  pures  et  appliquées  :  les  mardis  et  samedis, 
à  9  h.  du  matin  ;  M.  Guiraudet ,  prof.,  traitera  du  calcul 


0)  Ce  Rapport  paraîtra  dans  le  Numéro  prochain. 


—  568  — 

différentiel.  Astronoinie  descriptive  :  les  mevcrecV\s> ,  à  8  h. 
du  soir  ;  M.  Guiraudel ,  prof.  ,  exposera  les  faits  principaux 
de  rastronomie.  Physique  :  les  lundis  et  vendredis,  à  8  li. 
du  soir  ;  M.  Hanriot ,  prof. ,  traitera  de  la  chaleur  et  de  ses 
applications.  Chimie  :  les  mardis  et  jeudis  ,  à  8  h.  du  soir; 
M.  Charles  Viollette,  prof.,  traitera  de  la  Chimie  organique 
et  de  ses  applications.  Histoire  naturelle  (Zoologie)  :  les 
mardis  et  jeudis ,  à  6  h.  et  demie  du  soir  ;  M.  Dareste  de 
La  (diavanne,  prof. ,  traitera  des  diverses  questions  qui  se 
rattachent  à  Tanatomie  et  aux  appareils  constitutifs  des  corps 
chez  les  animaux.  Histoire  naturelle  (Céologie  et  Minéra¬ 
logie)  :  les  mardis,  à  4  h.  et  samedis,  à  8  h.  du  soir  ;  M. 
Cosselet,  prof. ,  traitera  :  1."  les  mardis,  des  aluminates  et 
des  silicates  (Minéralogie)  ;  2.°  les  samedis ,  des  rapports  de 
la  géologie  avec  l’agriculture  et  l’industrie  locale.  11  exami¬ 
nera  l’action  sur  le  sol,  de  l’air,  de  la  pluie,  des  cours  d’eaux, 
de  la  mer,  etc.  Puis  il  passera  à  l’étude  des  diverses  subs¬ 
tances  minérales  qui  se  trouvent  dans  le  Département  ou 
qui  servent  à  son  industrie,  argiles,  marbres,  pierres  à 
bâtir,  grès  et  sables,  houille  ,  tourbe  ,  phosphate  de  chaux, 
minerais.  Il  étudiera  aussi  les  niveaux  aquifères,  les  sources, 
les  puits  ordinaires  et  artésiens.  Quelques  leçons  faites  sur 
le  terrain ,  seront  consacrées  à  l’analyse  minéralogique  du 
sol  et  à  la  construction  de  cartes  agronomiques. 

Cours  complémentaires.  —  Littérature  française  :  les 
mercredis  à  6  h.  et  demie  du  soir;  M.  Colincamp,  professeur 
à  la  Faculté  des  Lettres  de  Douai ,  s’occupera  de  la  poésie 
dans  ses  divers  genres.  Histoire  :  les  samedis  à  6  h.  et  demie 
du  soir;  M.  Chou,  professeur  d’Histoire  au  Lycée  impérial 
de  Lille  ,  étudiera  riiistoire  de  la  France  et  de  FEurope 
pendant  la  deuxième  moitié  du  xviii.®  siècle ,  et  principale¬ 
ment  les  préliminaires  de  la  Révolution.  Dessin  appliqué 
aux  Arts  industriels  :  les  dirnanclies  à  8  h.  et  demie  du 
matin;  M.  Em.  Vandemherg ,  architecte,  traitera  de  l’art 
de  bâtir,  appliqué  aux  divers  genres  d  édifices  publics. 
Législation  Commerciale  :  les  samedis ,  à  8  h.  du  soir  ;  M. 
Houzé  de  l’Aulnoit  (Aimé),  avocat,  traitera  :  1."  des  brevets 
d’invention,  2."  des  marques  de  fabrique,  3.°  des  dessins  de 
fabrique ,  4.°  de  la  concurrence  déloyale. 

Le  Gérant  *  E.  Castiaux. 


Lille  ,  imp.  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place  ,  13. 


N.°  12.  —  Décembre  1869. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  DOUAI. 

Compte-rendu  des  Travaux  de  la  Faculté  (année  1868-69),  lu  par 
le  Doyen,  M.  Abel  Desjardins,  à  la  séance  de  rentrée. 

Monsieur  le  Recteur,  3Iessieurs , 

En  1574,  la  ville  de  Leyde  avait  soutenu  un  siège  mémo¬ 
rable  ,  et  son  héroïque  défense  avait  arraché  à  l’Europe  un 
cri  d’admiration.  Lorsque  le  siège  fut  levé,  la  généreuse  cité, 
invitée  à  fixer  elle-même  le  prix  de  son  sang  versé ,  de  ses 
longues  privations  et  de  ses  cruelles  souffrances,  sollicita 
et  obtint  des  Etats,  comme  récompense  suprême,  la  création 
d’une  Université. 

La  nouvelle  école ,  richement  dotée  ,  devint  un  foyer  de 
lumières  ;  ses  professeurs  comprirent  l’étendue  de  la  dette 
qu’ils  avaient  contractée  et  ils  l’acquittèrent  :  ces  maîtres 
célèbres  s’appellent  Juste-Lipse,  Vossius,  Heinsius,  Hems- 
terhuys,  3Ieursius,  Gronovius,  Boërhave  et  Scaliger  :  l’élite 
des  érudits  et  des  savants  des  xvi.®  et  xvii.®  siècles. 

Notre  vieille  et  chère  cité  flamande  est  digne  d’apprécier 
la  conduite  des  bourgeois  de  Leyde,  et  leur  requête  ne  la 
surprendra  pas.  Je  m’assure  que,  mise  en  demeure  de  ré¬ 
clamer  une  glorieuse  récompense ,  elle  agirait  comme  ils 
ont  agi.  J’en  ai  pour  garants  et  les  manifestations  de  joie 
populaire  qui  ont  accueilli  la  création  successive  de  vos 
deux  facultés ,  et  la  considération  dont  vous  entourez  les 
membres  de  votre  haut  enseignement.  Quelles  obligations 
ces  bienveillantes  dispositions  et  ces  égards  ne  nous  impo¬ 
sent-ils  pas  ?  Aussi  est-ce  avec  un  légitime  sentiment  de 


—  370  — 

défiance ,  que ,  chaque  année ,  au  retour  de  celte  solennité , 
je  me  demande  si  nous  n’avons  pas  trompé  votre  attente, 
et  si  nous  avons  bien  rempli  notre  tâche.  C’est  une  question 
à  laquelle  il  n’appartient  qu’à  vous  de  répondre  ,  après 
avoir  entendu  le  compte-rendu  fidèle  de  nos  actes  et  de  nos 
travaux . 

i.*'®  Partie.  —  Enseignement. 

1."'  Section.  —  Cours  publics. 

§  i.  Philosophie.  —  Le  cours  de  l’an  dernier  a  eu  pour 
objet  la  Théodicée. 

Le  professeur  a  d’abord  envisagé  la  question  par  le  côté 
historique.  Il  a  exposé  les  ïhéodicées  les  plus  célèbres  de 
l’antiquité,  celles  de  Platon,  d’Aristote,  de  l’école  stoï¬ 
cienne  ;  et  reprenant  tous  les  problèmes  qu’il  a  énoncés,  il 
a  essayé  de  les  résoudre  ,  comme  il  les  entendait. 

En  avançant  dans  l’examen  des  diverses  questions  ,  il  a 
mis  à  profit  toutes  les  lumières  de  la  science  spiritualiste 
des  contemporains,  soit  pour  établir  sa  thèse,  soit  pour 
combattre  une  science  inspirée  par  des  principes  tout  diffé¬ 
rents.  Ce  qui  l’a  surtout  préoccupé,  c’est  la  méthode.  Il  a 
montré,  pour  prendre  un  exemple,  que  les  savants  qui 
nient  la  causalité  dans  le  monde  physique  et  par  suite  dans 
l’univers ,  ne  peuvent  répondre  aux  arguments  tirés  de  la 
psychologie.  C’est  donc  à  une  question  psychologique  que 
se  ramènent  toutes  les  questions  générales  sur  Dieu,  sur 
Pâme  et  sur  la  nature.  Ce  qu’on  dit  de  la  cause  ,  on  peut  le 
dire  de  la  finalité  qui  est  un  principe  de  la  raison  inexpli¬ 
cable  ,  s’il  ne  s’applique  à  la  vie  humaine ,  au  monde  phy¬ 
sique  et  à  Dieu.  L’ordre  de  nos  idées  quand  la  logique  y 
préside  représente  l’ordre  des  choses.  Tout  ce  qui  n’est  pas 
pure  abstraction  dans  l’esprit  doit  être  en  réalité  au  dehors. 
C’est  ainsi  que  l’on  va  de  la  notion  d’infini  à  l’Etre  infini , 
absolu,  souverainement  parfait,  indépendant,  personnel. 


—  371  — 

Le  cours  de  celte  année  sera  consacré  à  l’étude  de  la 
Psychologie  en  Angleterre,  aux  xviii.''  et  xix/  siècles. 

On  lit  dans  Stuart  Mill  :  «  Notre  île  a  décidément  re¬ 
conquis  le  sceptre  de  la  psychologie.  » 

Le  premier  psychologue  du  xviii.e  siècle  pour  M.  Mill, 
c’est  Locke  ;  et  l’analyse  d’Alexandre  Bain  représente  à  ses 
yeux  le  point  le  plus  élevé  où  soit  arrivée  de  notre  temps 
l’étude  de  l’esprit  humain.  C’est  donc  Locke  et  Bain  qu’il 
convient  de  prendre  pour  termes  de  comparaison. 

Si  l’on  peut  expliquer  le  succès  de  Locke  par  son  dévoue¬ 
ment  à  la  cause  libérale  à  laquelle  un  philosophe  doit  tou¬ 
jours  rester  attaché,  on  peut  aussi  attribuer  l’admiration 
qu’il  a  inspirée  à  l’exposition  facile  et  élégante  d’une  doctrine 
un  peu  superficielle,  qui  devait  séduire  ,  et  qui  séduisit  en 
effet  les  gens  du  monde. 

M.  Tissandier  montrera  combien  le  psychologue  contem¬ 
porain  est  supérieur  à  Locke  par  la  finesse  et  la  profondeur 
de  ses  analyses  et  surtout  combien  il  a  mieux  compris  les 
rapports  du  physique  et  du  moral.  Il  voit  mieux  les  difficul¬ 
tés  ,  ce  qui  annonce  un  esprit  plus  philosophique  ;  mais  il  a 
conservé  quelque  chose  des  timidités  de  l’Ecole  écossaise , 
ce  qui  pourrait  nuire  à  sa  doctrine. 

§  2.  Histoire.  —  Le  professeur  a  fait,  l’an  passé,  l’his- 
toire  des  règnes  de  Henri  III  et  de  Henri  IV.  Il  a  retracé  le 
triste  tableau  des  fautes,  des  vices  et  des  folies  du  dernier 
des  Valois  ;  l’agitation  stérile  et  coupable  du  duc  d’Alençon  ; 
les  menées  criminelles  des  Guises  ;  les  dangereuses  tenta¬ 
tives  de  la  Ligue  ;  l’impuissance  avérée  de  Catherine  de 
Médicis,  condamnée  à  vieillir  dans  le  mépris  et  à  mourir 
dans  l’abandon. 

Il  a  été  amené  par  la  suite  des  événements  à  introduire 
sur  la  scène  deux  souverains  étrangers,  Elisabeth  et  Phi¬ 
lippe  II.  Il  s’est  attaché  à  bien  faire  connaître  ces  deux  per- 


372  — 


sonnages,  abordant  et  discutant  les  problèmes  qu’ont  soule¬ 
vés  les  principaux  épisodes  de  leur  vie  publique. 

Revenant  à  l’bistoire  nationale,  il  a  dit  les  obstacles  for¬ 
midables  qu’a  rencontrés  Henri  IV ,  et  qu’il  a  affrontés  et 
surmontés  avec  tant  d’énergie,  de  constance  et  de  belle 
humeur.  Il  a  montré  enfin  combien  ,  sous  la  tutelle  d’un 
bon  prince,  il  faut  peu  d’années  à  la  France  pour  panser 
ses  blessures ,  réparer  ses  pertes  ,  et  reprendre  son  rang  à 
la  tête  des  nations. 

Cette  année  sera  consacrée  à  Fétude  de  la  civilisation 
athénienne.  En  nous  faisant  citovens  d’Athènes,  nous 
essayerons,  au  point  de  vue  religieux,  d’apprécier  le  paga¬ 
nisme  dans  son  expression  la  moins  imparfaite  ; 

Au  point  de  vue  politique ,  d’étudier  et  de  juger  la  démo¬ 
cratie  dans  son  développement  le  plus  complet  ; 

Au  point  de  vue  littéraire,  de  contempler  l’art  et  la  poésie 
arrivés  au  plus  haut  degré  de  perfection  qu’il  leur  ait  été 
donné  d’atteindre. 

§  3.  Littérature  ancienne.  —  Le  professeur  se  proposait 
l’année  dernière  d’étudier  les  trois  grands  tragiques  grecs , 
Eschyle,  Sophocle,  Euripide. 

Forcé  de  se  réduire  il  s’est  occupé  presque  exclusivement 
des  deux  premiers ,  en  s’attachant  principalement  à  faire 
ressortir  toute  la  valeur  d’Eschyle,  comme  penseur  et  comme 
poète  dramatique. 

Cette  année  ,  il  étudiera  la  poésie  épique  chez  les  Grecs 
et  chez  les  Romains  :  «  Quelque  rabattu  que  semble  le  sol 
d’Homère,  écrivait  naguère  son  dernier  traducteur,  quelque 
nombreuses  qu’aient  été  les  explorations ,  on  y  découvre 
toujours  des  trésors  à  recueillir.  »  C’est  le  privilège  des 
grands  génies.  Avant  d’explorer  à  son  tour  cette  mine  iné¬ 
puisable,  M.  Courdaveaux  mettra  son  public  au  courant  des 
travaux  les  plus  récents  de  la  critique ,  et  s’arrêtera  longue- 


—  375  — 

ment  sur  les  problèmes  historiques  que  soulèvent  encore, 
après  tant  de  siècles ,  l’Iliade  et  TOdyssée. 

§  4.  Littérature  française.  —  Le  professeur  a  fait ,  Tan 
passé,  l’histoire  de  la  satire  en  France  depuis  ses  origines. 

Il  a  interrogé  la  littérature  populaire  de  nos  aïeux  ;  les 
aventures  de  maître  Isengrin  dans  le  roman  de  Renart , 
l’amusante  et  multiple  comédie  qui  se  déroule  dans  nos 
anciens  Fabliaux ,  sont  les  sources  auxquelles  il  a  demandé 
les  plus  abondants  et  les  plus  piquants  détails.  Est-il  besoin 
d’ajouter  qu’il  a  eu  soin  de  faire  ressortir  la  vive  originalité 
de  cette  langue  expressive  et  pittoresque,  de  ces  vieux  récits 
gaulois  dont  l’allure  et  la  forme  sont  déjà  toutes  françaises. 
M.  Colincamp  se  propose  de  tracer  le  tableau  de  la  Comédie 
française  au  xvii.®  siècle.  Nommer  la  comédie,  c’est  nommer 
Molière;  Molière,  ce  sujet  toujours  inépuisé:  car  dans  ce 
vaste  génie  se  rencontrent  en  foule  et  admirablement  expri¬ 
mées  des  vérités  à  l’usage  de  tous  les  âges  de  la  vie  ,  et  de 
toutes  les  sociétés  civilisées.  Le  grand  contemplateur  n’oc¬ 
cupe  pas  seulement  le  premier  rang  parmi  les  poètes  et  les 
moralistes ,  il  est  aussi  le  plus  français  de  nos  écrivains ,  car 
il  a  toujours  le  style  de  sa  pensée.  Placer  Molière  dans  son 
milieu,  l’envisager  sous  tous  ses  aspects  ,  apprécier  tous  ses 
mérites,  tel  sera  le  principal  objet  des  cours  de  cette  année. 

§  5.  Littérature  étrangère.  —  Le  professeur  a  fait,  l’année 
dernière ,  l’histoire  de  la  poésie  narrative  en  Angleterre. 

Après  un  examen  rapide  des  poètes  antérieurs  au  xiv.*^ 
siècle ,  époque  à  laquelle  la  langue  anglaise  s’est  formée ,  il 
a  étudié  les  nombreux  poètes  narrateurs  qu’a  produits  l’An¬ 
gleterre  ,  depuis  Chaucer  jusqu’à  lord  Byron ,  en  insistant 
particulièrement  sur  Spenser  ,  Milton  ,  Butler ,  Pope  et 
Walter  Scott. 

Il  se  propose  ,  cette  année,  de  faire  l’histoire  de  la  Société 
littéraire  en  Allemagne,  depuis  le  milieu  du  xviii.®  siècle. 


—  374  — 

C’est  une  étude  qu’il  croit  nouvelle  et  digne  d’intérêt.  Il 
voudrait  montrer  l’action  réciproque  de  la  société  sur  la 
littérature  et  de  la  littérature  sur  la  société  :  il  racontera  la 
vie  des  poètes  et  des  penseurs  ;  il  essaiera  de  peindre  les 
divers  centres,  —  villes  libres,  petites  cours,  Universités  — 
où  s’est  produit  le  mouvement  littéraire  ;  il  décrira  la  trans¬ 
formation  des  mœurs  allemandes  sous  l’influence  des  idées 
mises  en  circulation  par  les  auteurs  du  xviii.®  siècle.  De 
cette  façon  s’expliquera  naturellement  le  contraste  singulier 
qui  existe  entre  l’Allemagne  d’auliviois  cl  rAllemagne 
d’aujourd’hui ,  contraste  qui  a  frappé  tant  d’historiens ,  et 
dont  on  n’a  pas  encore  tenté,  croyons-nous,  de  rechercher 
les  causes. 

Ainsi  l’un  de  nous ,  M.  Killehrand  ,  vous  introduira 
au  sein  de  la  Société  littéraire  allemande. 

Un  autre ,  notre  philosophe ,  vous  conduisant  en  Angle¬ 
terre  vous  fera  connaître  les  travaux  les  plus  importants  et 
les  plus  récents  des  psychologues  de  ce  pays. 

Avec  nos  deux  littérateurs  vous  serez  admis,  en  France, 
dans  rintimilé  de  Molière  ;  en  Grèce,  dans  la  société  d’Ho¬ 
mère.  Notre  historien  vous  invitera  à  passer  l’année  dans 
l’Athènes  antique. 

Nous  avons  l’espoir  que  vous  serez  fidèles  à  tous  ces  rendez- 
vous.  Et  vous  étudiants  ?  Je  vous  dirai  l’année  prochaine 
combien  il  s’est  trouvé  de  jeunes  Athéniens  à  Athènes. 

2.®  Section.  —  TRAVAIX  PARTICULIERS  DES  PROFESSEURS 

Un  cours  digne  du  public  éclairé  qui  nous  entoure  ne 
s’impi'ovise  pas:  il  doit  être  précédé  de  patientes  recherches 
et  de  longues  méditations  ;  h  ce  premier  travail  s’ajoute  le 
labeur  des  examens,  l’inspection  des  classes  des  Lycées,  la 
correction  des  compositions  du  concours ,  les  conférences 
destinées  aux  candidats  à  la  licence  et  aux  diverses  agré¬ 
gations  ,  nos  rapports  avec  nos  correspondants.  Tant  d’oc- 


—  375  — 

cupations  semblent  devoir  absorber  tout  notre  temps  et  ré¬ 
clamer  tous  nos  soins. 

Cependant ,  en  nous  imposant  la  loi  de  mentionner  dans 
notre  compte-rendu  annuel  nos  travaux  particuliers ,  le 
règlement  ne  nous  invite-t-il  pas  à  ne  pas  négliger  les 
œuvres  d’érudition  et  de  critique  qui  peuvent  nous  donner 
droit  de  cité  dans  le  monde  savant  ? 

Nous  avons  essayé  de  répondre  à  cette  invitation  tacite  : 

Dans  une  série  d’articles  accueillis  par  la  Presse^  M.  Co- 
lincamp  a  fait  une  étude  approfondie  des  plus  célèbres 
écrivains  de  l’Académie  française. 

M.  Courdaveaux  a  publié  dans  la  Revue  moderne  une  étude 
sur  le  poète  latin  Stace. 

M.  Hillebrand  a  fait  paraître  dans  des  revues  savantes  et 
dans  des  recueils  périodiques  de  nombreux  articles  de  cri¬ 
tique  et  de  philologie. 

M.  Tissandier  a  réuni  en  un  volume  quelques  leçons  de 
Théodicée  qu’il  a  faites  ou  qu’il  devait  faire  à  la  Faculté. 

Deux  mémoires  du  professeur  d’histoire  (^)  ont  été  insérés, 
l’un  dans  le  viii.®  volume  (2.®  partiejdes  Mémoires  de  l’Aca¬ 
démie  des  inscriptions  et  belles-lettres ,  l’autre  dans  le 
dernier  volume  des  Mémoires  lus  à  la  Sorbonne. 

Nous  adoptons  volontiers  pour  devise  le  dernier  mot 
d’ordre  de  l’empereur  romain  :  Travaillons ,  Laboremus. 

Le  travail  est  notre  loi ,  et  celte  loi  nous  parait  douce. 
Nous  aimons  notre  profession,  parce  que  nous  l’avons 
choisie  ;  et  notre  position ,  parce  que  nous  l’avons  conquise  ; 
parce  que  nous  n’en  connaissons  pas  qui  offrent  plus  de 
garantie  d’indépendance  et  de  dignité  ;  parce  qu’elle  nous 
permet  d’habiter  des  régions  sereines  où  les  intérêts  mes¬ 
quins  n’ont  nul  crédit ,  et  les  petites  passions  nul  accès  ;  où , 
selon  le  vœu  du  sage  ,  nous  vieillissons  en  apprenant  tou- 


(1)  M.  Desjardins,  doyen  de  la  Faculté  et  auteur  du  rapport. 


—  376  — 

jours ,  et  où  notre  fortune  littéraire  s’accroît  à  mesure 
qu’elle  se  dépense  ;  où  nous  ne  connaissons  entre  nous  , 
d’autre  supériorité  que  celle  du  savoir,  du  talent  et  du  carac¬ 
tère  :  aussi ,  Messieurs  ,  ne  nous  sentons-nous  pas  le  cou¬ 
rage  de  déserter  notre  culte  et  d’abandonner  notre  foyer  , 
qui  est  le  vôtre. 

SOCIÉTÉ  d’agriculture,  SCIEA'CES  et  arts  de  douai 

Le  lo  germinal  an  vu  (4  avril  1799)  fut  in<itituée  à  Douai 
la  Société  d’agriculture  du  départeucent  du  Nord.  Le 
ventôse  an  IX  (16  mars  1801)  elle  se  fondit  avec  la  Sodété 
libre  des  amateurs  des  sciences  et  des  arts  et  prit ,  dès-lors  , 
le  titre  qu’elle  a  conservé  jusqu’aujourd’hui. 

La  Société  compte ,  parmi  ses  membres  honoraires  de 
droit,  les  autorités  civiles  ,  ecclésiastiques,  militaires,  judi¬ 
ciaires  et  académiques.  Elle  possède  aussi  des  membres 
honoraires  élus  dont  nous  donnons  plus  bas  la  liste. 

Voici  quelle  était  sa  composition  au  1.®"  janvier  1869. 

Bureau  : 

M3I.  Maurice  conseiller  général  ;  président. 

Fleury  recteur  de  l’Académie  ;  1."  vice-président. 

Preux  avocat  général;  ^.^vice-président. 

MaugiXi  docteur  en  médecine  ;  secrétaire-général. 

Corxe  fils ,  1  secrétaire-adjoint. 

Moxtée,  2.®  secrétaire-adjoint. 

De  Guerxe  (comte)  économe. 

Paix  ,  trésorier. 

Brassart,  Félix  ;  archiviste. 

Membres  honoraires  élus  : 

MM.  Daix,  propriétaire. 

Preux  père  ^  ,  l.^’’  président  honoraire  de  la  Cour 
impériale  de  Douai. 

Quexsox  présid.  honor.  du  tribunal  à  Saint-Omer. 

Bagxéris  père ,  docteur  en  médecine. 

Daxel  O  ^  ,  président  honoraire  à  la  Cour  impériale. 

Plazaxet  colonel  du  génie  en  retraite. 


—  377  — 

Tailliar  président  honoraire  à  la  Cour  impériale. 
Lagarde  conseiller  honoraire  à  la  Cour  impériale. 
Lequien  #  ,  docteur  en  médecine. 

Dubois,  Auguste  ancien  sous-intendant  militaire. 
Bigaint  ^  ,  ancien  magistrat. 

CoR?<E  père,  ancien  député. 

Foucques  de  Vagnoinville  ,  propriétaire. 

Bourlet  (l’ahhé). 

Cahier  président  de  chambre  à  la  Cour  impériale. 
Vasse,  chimiste,  adjoint  au  maire  de  Douai. 

Nutly  ,  juge-de-paix. 

Bagnéris  fils  docteur  en  médecine. 

De  Mai^goval,  propriétaire. 

CouRTix  conseiller  honoraire  à  la  Cour  impériale. 
Talon  ,  avocat ,  professeur  à  la  Faculté  de  droit. 

Petit  ^ ,  président  honoraire  à  la  Cour  impériale. 
Thurin,  propriétaire. 

Membres  résidants  : 

MM.  Minart  ,  conseiller  honoraire  à  la  Cour  impériale. 
Fiévet  ,  conseiller  à  la  Cour  impériale. 

Delplanque  ,  médecin-vétérinaire. 

Dupont  ,  Alfred ,  aAmcat. 

Mercklein  professeur  à  Pécole  d’artillerie. 
Meurant  ,  architecte. 

De  Guerne,  Frédéric,  propriétaire. 

Asselin  maire  de  Douai. 

Leroy  ,  Emile  ,  ancien  maire. 

Delannoy,  docteur  en  médecine. 

Butruille,  industriel. 

Offret  ,  professeur  de  physique  au  Lycée  impérial. 
Dehaisnes  (l’ahbé) ,  archmste  de  la  ville. 

Tarlier  ,  propriétaire,  maire  de  Lamhres-lez-Douai. 
Luge  ,  propriétaire ,  maire  de  Courchelettes. 

Maurice  fils,  avocat,  juge  suppléant  au  tribunal  de 
première  instance. 

Bicour  ,  profes.  de  mathématiques  au  Lycée  impérial. 
Moy  ,  professeur  de  rhétorique  au  Lycée. 

Duchet  ,  proviseur  du  Lycée. 

Evrard  ,  ingénieur  civil. 

Gentil,  juge  au  tribunal. 

Francoville,  substitut  du  procureur-impérial. 

Frey,  pharmacien  de  première  classe. 


3/8  — 


Mémoires  de  la  Société  2.®  série  ,  t  ix. 

SCIENCES.  (^) 

Observations  météorologiques  ^  par  M.  Offret.  —  Ce  mé¬ 
moire  résume  les  observations  des  années  1866  et  1867  ; 
Fauteur  le  termine  par  quelques  considérations  générales 
intéressantes.  Il  modifie  la  moyenne  barométrique  de  Paris 
telle  qu’elle  est  donnée  dans  les  ouvrages  de  physique  et 
de  météorologie  et,  se  basant  sur  une  période  de  50  années 
d’observations  ,  il  la  fixe  à  761  mill.  9  (  762  mill.  20  si  on 
tient  compte  de  la  gravité)  ;  celle  de  Douai  est  761  mill.  05 
(761  mill.  57  avec  la  gravité).  La  quantité  moyenne  de 
pluie  tombée  à  Douai  est  d’après  le  résultat  de  3  années 
d’observations  (  1865 ,  1866 , 1867)  de  687  mill.  2.  Celle  de 
Lille  d’après  une  période  de  17  années  serait  676  mill. 
La  moyenne  de  Paris  ,  déduite  de  21  années  d’obser¬ 
vations  est  584  mill.  Notons  que  la  quantité  de  pluie 
n’est  pas  en  rapport  avec  le  nombre  de  jours  pluvieux  ;  il 
tombe  plus  de  pluie  dans  le  midi  de  la  France  que  dans  le 
nord  bien  qu’il  y  pleuve  plus  souvent.  Il  y  a  en  moyenne  à 
Douai  163  jours  de  pluie  par  an.  A  Lille  il  y  en  a  206. 

V Institution  smithsonienne de  W ashington,  par  M.  Offret. 
—  L’Institution  smitlisonienneaété  fondée  par  le  testament 
d’un  M.  Smitbson. 

«  Je  lègue  aux  Etats-Unis  d’Amérique  une  somme  de 
515,169  dollars  (2,653,121  fr.)  pour  fonder  à  Washington, 
sous  le  nom  d’institution  smithsonienne,  un  établissement 
destiné  à  augmenter  et  à  répandre  les  connaissances  scien¬ 
tifiques.  Le  genre  humain  tout  entier  doit  bénéficier  de  ce 
legs.  Le  Gouvernement  des  Etats-Unis  n’est  qu’un  déposi¬ 
taire  chargé  d’accomplir  le  mieux  possible  les  désirs  du 
testateur.  » 

M.  Offret  résume  les  publications  et  les  travaux  que  l’on 
doit  à  cette  institution.  J.  Gosselet. 

(1)  Il  sera  rendu  compte ,  dans  le  prochain  Bulletin ,  des  articles 
HISTOIRE  ET  LETTRES  que  renferme  le  présent  volume  de  Mémoires. 


—  379  — 

Etudes  tératologiques  sur  la  Polydactylie^  par  M.  Del- 
planque.  ~  La  Polydactylie  est  la  multiplication  du  nombre 
normal  des  doigts.  Dans  ce  travail  l’auteur  ne  s’est  pas  con¬ 
tenté  d’étudier  un  très-grand  nombre  de  faits  nouveaux, 
il  les  a  comparés  à  ceux  qui  existaient  déjcà  dans  les  recueils 
scientifiques  et  il  a  cherché  à  examiner  les  diverses  théories 
que  l’on  a  imaginées  pour  rendre  compte  de  cette  augmen¬ 
tation  de  nombre  de  certaines  parties. 

11  est  impossible,  de  rattacher  la  polydactylie  à  une  règle 
générale ,  car  l’augmentation  du  nombre  des  doigts  peut 
tenir  à  des  causes  différentes.  En  effet,  dans  certains  cas  elle 
n’est  qu’apparente  et  résulte  seulement  du  développement 
complet  d’organes  qui  dans  l’état  normal  restent  rudimen¬ 
taires.  C’est  ce  qui  arrive  par  exemple  pour  les  chevaux  à 
trois  doigts.  On  conçoit  que  dans  ces  conditions,  la  poly¬ 
dactylie  n’est  autre  chose  qu’un  retour  au  type  général  de  la 
classe.  Cette  explication  n’est  pas  absolument  nouvelle,  mais 
M.  Delplanque  a  contribué  particulièrement  à  en  démontrer 
l’exactitude. 

Ces  faits  n’embrassent  toutefois  qu’une  très-petite  partie 
de  la  polydactylie.  Dans  beaucoup  de  cas,  l’existence  de 
doigts  surnuméraires  réalise  un  type  nouveau  et  qui  ne  rap¬ 
pelle  en  rien  le  type  général  de  la  classe. 

M.  Delplanque  n’a  pas  plus  que  ses  devanciers  expliqué 
la  formation  et  Texistence  de  doigts  surnuméraires  de  cette 
dernière  catégorie.  Il  y  a  là  une  question  tératologique  qui 
semble  n’avoir  pas  une  très-grande  importance  par  elle- 
même,  puisque  l’augmentation  du  nombre  normal  des 
doigts  est,  au  point  de  vue  physiologique  ,  un  fait  presque 
‘  insignifiant.  Mais  on  l’a  rattachée  aux  problèmes  les  plus 
élevés  de  l’histoire  naturelle  et  de  la  philosophie.  En  effet 
certains  partisans  du  transformisme  et  de  l’origine  com¬ 
mune  de  tous  les  êtres  ont  vu  dans  cette  multiplication  acci- 


—  .580  — 

dentelle  des  doigts  chez  les  mammifères ,  un  retour  au  type 
des  poissons ,  où  les  rayons  des  nageoires  sont  au  nombre 
de  plus  de  cinq  à  chaque  membre.  Quoiqu’on  puisse  penser 
de  cette  théorie  on  peut  dire  que  la  polydactylie  est  restée 
jusqu’à  présent  en  dehors  de  toute  explication  rationnelle. 
Le  mémoire  de  M.  Delplanque  qui  contient  un  grand  nombre 
de  faits  bien  observés  et  bien  décrits  pourra  fournir  dans 
l’avenir  d’importantes  données  pour  la  solution  du  pro¬ 
blème.  Dareste  de  la  Chavanne. 


Notice  sur  remploi  régulier  de  la  contre-vapeur  pour 
modérer  la  vitesse  des  trains,  par  M.  Aug.  Ricour.  —  L’au¬ 
teur  s’est  proposé  de  faire  connaître  dans  cette  notice  une 
invention  de  la  plus  haute  importance  pour  le  chemin  de 
fer  et  qui  est  due,  pour  une  forte  part,  à  son  frère  M.  Théo¬ 
phile  Ricour,  ingénieur  des  ponts-et-chaussées  et  ingénieur 
en  chef  de  la  traction  au  chemin  de  fer  du  Nord  de  l’Es¬ 
pagne. 

Depuis  longtemps  on  emploie  la  contre-vapeur  pour 
produire  rapidement  l’arrêt  d’un  train  ;  mais  cet  emploi 
était  sujet  à  de  très-graves  inconvénients  pratiques  ,  et  le 
mécanicien  y  avait  recours  seulement  en  cas  de  danger 
évident ,  et  à  la  dernière  extrémité.  C’est  ce  qu’il  est  facile 
de  comprendre.  Renverser  la  vapeur  consiste  à  changer  la 
rotation  entre  le  mouvement  du  tiroir  et  celui  du  piston , 
de  manière  que  le  piston  continuant  toujours  à  se  mouvoir 
de  même  ,  conduit  par  la  roue  motrice  en  raison  de  la  force 
vive  du  train,  la  vapeur  arrive  de  la  chaudière  à  chaque 
instant  du  côté  où  aurait  lieu  l’échappement  dans  la  marche 
ordinaire  :  sa  pression  s’oppose  au  mouvement  du  piston  et 
produit  un  travail  négatif  qui  diminue  d’autant  la  force  vive 
et  par  suite  la  vitesse  du  train.  Mais  quand  la  vapeur  tra¬ 
vaille  ainsi  par  devant  le  piston ,  elle  est  comprimée  par  lui 


—  381  — 

et  cette  compression  l’échauffe  jusqu’au  point  de  brûleries 
garnitures  et  de  faire  gripper  les  tiroirs  et  les  articulations. 
De  plus  l’espace  situé  derrière  le  piston  est  en  communica¬ 
tion  avec  l’extérieur,  c’est  à  dire  avec  la  cheminée  dans 
une  locomotive ,  et  l’air  chaud  est  aspiré  dans  le  cylindre , 
puis ,  au  coup  de  piston  suivant,  refoulé  dans  la  chaudière  , 
où  la  pression  s’élève  de  telle  manière  que  les  soupapes  de 
sûreté  deviennent  insuffisantes  et  qu’il  y  a  danger  d’explo¬ 
sion. 

On  voit  que  la  répugnance  des  mécaniciens  à  employer 
la  contre-vapeur  comme  frein  était  parfaitement  motivée. 
Différents  ingénieurs  avaient  essayé  de  diminuer  cet  incon¬ 
vénient,  entre  autres  M.  le  Chatélier  qui  avait  indiqué  une 
partie  des  vues  théoriques  auxquelles  est  due  la  véritable 
solution,  mais  sans  arriver  à  une  pratique  satisfaisante. 
L’honneur  de  la  réalisation  complète  de  cette  solution  est 
due  à  31.  Th.  Ricour. 

Si  au  lieu  d’aspirer  de  l’air  et  des  gaz  chauds  dans  les 
cylindres ,  on  les  remplace  par  de  la  vapeur  prise  sur  la 
chaudière,  le  refoulement  de  cette  vapeur  dans  la  chaudière 
ne  produira  plus  l’élévation  de  pression  causée  par  les  gaz 
non  liquéfiables.  On  fera  donc  arriver  par  un  tube  spécial 
de  la  vapeur  dans  la  tuyère  ordinaire  d’échappement.  De 
plus,  afin  d’éviter  réchauffement  des  cylindres,  on  fait 
arriver  de  l’eau  prise  dans  la  chaudière  dans  ce  même  tube 
qui  amène  la  vapeur  ;  cette  eau  se  trouve  alors  aspirée  en 
même  temps  que  la  vapeur,  pendant  la  marche  en  avant 
du  piston;  puis,  au  coup  de  piston  suivant,  lorsque  la  com¬ 
pression  a  lieu  du  côté  où  elle  a  pénétré,  la  chaleur  pro¬ 
duite  est  employée  à  la  vaporiser  au  lieu  d’être  absorbée 
par  les  cylindres  et  de  les  échauffer  d’une  manière  fâcheuse. 
C’est  celte  partie  très-importante  de  l’invention  qui  appar¬ 
tient  à  31.  Th.  Ricour. 


—  582  — 

Par  cette  disposition  la  machine  locomotive,  qui  dans  la 
marche  ordinaire  utilise  la  chaleur  pour  donner  au  train 
qu’elle  remorque  la  force  vive  qui  correspond  à  la  vitesse 
de  marche  et  pour  vaincre  les  autres  résistances,  devient 
une  sorte  de  machine  inverse,  transformant  en  chaleur  la 
force  vive  quand  on  veut  arrêter  le  train,  ou  bien  le  travail 
de  la  pesanteur  quand  on  veut  modérer  la  vitesse  dans  une 
descente. 

Ainsi  dans  une  descente  on  règle  la  vitesse  du  train ,  on 
l’arrête  même  et  pendant  ce  temps  loin  de  brûler  du  com¬ 
bustible,  la  machine  entretient  sa  température  et  sa  pression 
par  son  travail  intérieur  et  écoule  même  constamment  un 
excès  de  vapeur  dans  la  cheminée. 

Il  nous  est  impossible  de  donner  sur  cette  magnifique 
application  de  la  théorie  mécanique  de  la  chaleur  les  détails 
qu’elle  mériterait;  et  il  nous  suffit  d’en  indiquer  l’idée 
principale. 

La  disposition  pratique  imaginée  par  M.  Th.  Ricour  pour 
réaliser  son  invention  est  aussi  simple  qu’efficace  ;  elle 
consiste  en  un  tube  de  prise  de  vapeur  dans  lequel  débouche 
le  petit  tube  qui  sert  ordinairement  à  purger  le  niveau 
d’eau  ;  les  deux  tubes  sont  munis  de  robinets  placés  sous  la 
main  du  mécanicien,  qui  n’a  qu  a  les  ouvrir  dès  qu’il  veut 
renverser  la  marche  de  la  vapeur.  Une  expérience  de  deux 
années  permet  maintenant  de  considérer  cetappareil  comme 
toul-à-fait  complet. 

Pour  les  lignes  sur  lesquelles  se  trouvent  de  nombreuses 
pentes  d’un  long  parcours ,  cette  invention  est  d’une  impor¬ 
tance  extrême;  pour  la  seule  ligne  du  Nord  de  l’Espagne 
elle  donne  lieu  à  une  économie  de  près  de  200,000  francs 
par  an. 

Nous  devons  ajouter  que  le  désinléressement  de  l’inven¬ 
teur  a  contribué  puissamment  à  faire  adopter  son  système 


—  583  — 

par  les  compagnies  françaises.  M.  Th.  Ricoiir  n’a  pas  voulu 
prendre  de  brevet  en  France,  satisfait  d’avoir  résolu  un 
problème  aussi  utile  dans  la  pratique  que  curieux  au  point 
de  vue  de  la  théorie  de  la  chaleur.  Guiraudet. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES  DE  DOUAI  ,  CAMBRAI  ET  DUNKERQUE- 

Séances  publiques. 

La  séance  publique  de  la  Société  des  Sciences  de  Douai  a 
eu  lieu  le  7  novembre  1869.  Elle  a  été  ouverte  par  un  dis¬ 
cours  du  président ,  M.  Maurice  père  ,  sur  la  Suppression 
des  octrois. 

Après  la  lecture  du  compte-rendu  des  travaux  de  la 
Société,  fait  par  le  secrétaire-général,  la  parole  a  été  donnée 
à  M.  Evrard  pour  lire  un  rapport  sur  le  concours  des  sciences 
exactes  et  naturelles. Une  médaille  de  400  fr.  a  été  accordée 
à  M.  Aimé  Parsy,  inspecteur  principal  et  chef  du  service  des 
eaux  de  la  ville  de  Lille  ,  auteur  d’un  mémoire  sur  une  ali¬ 
mentation  d’eau  potable  pour  la  ville  de  Douai. 

M.  Vasse,  au  nom  de  la  Commission  d’agriculture,  lit  un 
rapport  sur  un  autre  sujet  de  concours,  qui  était  la  rédaction 
d’un  Manuel  élémentaire  d' agriculture  et  d'horticulture  à 
Vusage  des  écoles  rurales  de  V arrondissement.  Deux  mémoi¬ 
res  avaient  été  présentés  ;  un  troisième,  envoyé  malheureu¬ 
sement  après  le  délai  fatal  du  15  juillet,  n’a  pu  être  admis  à 
concourir.  Le  mémoire  n."  2,  qui  renferme  une  exhibition 
nombreuse  mais  un  peu  confuse  de  faits  et  de  vues  agrico¬ 
les  ,  a  paru  à  la  Société  sortir  du  programme  tracé  par  elle. 

Le  mémoire  n.'’  i,  rédigé  dans  les  termes  et  dans  l’esprit 
de  ce  programme  ,  recommandable  en  outre  par  son  style 
simple  ,  clair  et  concis  ,  a  été  jugé  digne  de  la  médaille  de 
200  fr.  Il  a  pour  auteur  M.  Delsart ,  ancien  élève  de  l’école 
normale  de  Douai ,  professeur  de  la  classe  primaire  au 
Lycée  impérial  de  cette  ville. 


—  584  — 

M.  le  secrétaire-général  proclame  ensuite  les  noms  des 
lauréats  du  Concours  agricole  de  Radies. 

M.  le  président  remet  àM.  Manier,  horticulteur  à  Cuincy, 
lun  des  lauréats  de  la  Société,  la  médaille  d’or,  que,  sur  un 
rapport  de  la  Compagnie,  M.  le  ministre  de  l’agriculture  lui 
a  décernée  pour  les  services  par  lui  rendus,  en  vulgarisant, 
dans  ses  conférences  publiques  et  gratuites,  les  progrès  qu’il 
avait  fait  faire  à  l’arboriculture.  J .  G. 


Nous  avons  rendu  compte  (Bulletin^  p.  262)  de  la  séance 
publique  de  la  Société  cVEmulation  de  Cambrai  qui  a  eu 
lieu  le  18  août  1868.  Cette  Compagnie  a  tenu,  le  21  novem¬ 
bre  dernier ,  sa  séance  publique  de  1869. 

M.  Wilbert,  président,  a  ouvert  la  séance  par  un  dis¬ 
cours  dans  lequel  il  a  passé  en  revue  les  travaux  accomplis 
au  sein  de  la  Société  depuis  deux  ans.  Il  a  terminé  par 
quelques  mots  de  regrets  pour  chacun  des  membres  que  la 
Compagnie  a  perdus  dans  cette  même  période. 

M.  Blin ,  au  nom  de  la  Commission  d’histoire,  a  ’ensuite 
apprécié  la  Notice  historique  sur  la  ville  de  Solesmes  en 
Hainaut,  présentée  au  concours  par  M.  Victor  Ruffin,  de 
Solesmes,  commis  de  première  classe  à  la  grande  chancellerie 
de  la  Légion  d’honneur.  Cette  œuvre  a  été  jugée  digne 
d’une  médaille  d’argent. 

M.  Hattu  ,  rapporteur  de  la  Commission  de  poésie,  s’est 
étendu  sur  les  mérites  des  29  pièces  envoyées  au  concours, 
parmi  lesquelles  la  Commission  a  distingué  Pégase  et  le 
Cheval  de  course,  satire  par  M.  Julien  Baillière,  bibliothé¬ 
caire  à  la  Sorbonne  ;  la  Veuve ,  par  M."""  Mélanie  Bourotle, 
de  Guéret.  La  première  de  ces  pièces  a  obtenu  une  médaille 
de  vermeil ,  la  seconde  une  médaille  d’argent. 

M.  Durieux,  secrétaire-général,  a  présenté  ensuite  le 
rapport  sur  le  concours  de  moralité.  Il  a  énuméré  les  titres 


—  585  — 

des  trois  candidats  proposés  pour  les  récompenses  que  la 
Société  décerne  annuellement  aux  ouvriers  industriels. 


La  Société  Bunkerquoise  a  tenu  ,  le  6  décembre  dernier , 
sa  séance  publique  annuelle. 

M.  Cousin,  président,  a  prononcé  un  discours  dans  lequel 
il  a  rendu  un  hommage  mérité  à  deux  membres  que  la 
Société  a  eu  le  regret  de  voir  s’éloigner  de  Dunkerque: 
MM.  L’Hote  et  Delègue.  Il  a  esquissé ,  en  termes  que  nous 
demandons  la  permission  de  reproduire  ,  la  biographie  de 
M.  Bédouin  ,  l’une  des  notabilités  littéraires  de  la  région 
du  Nord. 

Né  à  Boulogne  en  1789  ,  M.  Bédouin  se  fit  inscrire  au 
barreau  de  cette  ville,  dès  qu’il  eut  été  reçu  avocat  :  il  y  brilla 
bientôt  par  son  talent  et  de  spirituelles  plaidoiries;  devenu 
bâtonnier  de  l’ordre  ,  il  était  réélu  chaque  année  ;  les  de¬ 
voirs  de  la  noble  profession  qu’il  remplissait  si  bien ,  ne 
l’empêchaient  pas  de  se  livrer  au  culte  des  lettres  et  des 
arts.  Ecrivain  correct,  poète  et  artiste  plein  de  goût ,  il  a 
publié  des  œuvres  de  genres  bien  différents  ;  elles  concer¬ 
nent  l’histoire,  l’archéologie,  la  poésie,  le  drame  ou  la 
musique.  Sa  maison  de  Boulogne  dont  il  avait  fait ,  pour 
ainsi  dire,  un  musée,  s’ouvrait  à  toutes  les  notabilités 
scientifiques ,  littéraires  ou  artistiques.  Le  nombre  de  ses 
relations  avec  les  savants  était  considérable.  M.  Bédouin 
aimait  Dunkerque  où  ,  de  1840  à  1850  ,  il  venait  de  temps 
en  temps  :  il  y  comptait  pour  amis  tous  ceux  qui  avaient  été 
à  même  de  le  voir  et  d’apprécier  le  charme  de  son  esprit. 
Aussi,  avait-il  accepté  avec  reconnaissance  le  titre  de  mem¬ 
bre  correspondant  qui  lui  donnait  un  lien  de  plus  avec 
notre  belle  cité. 

M.  Güthlin  ,  secrétaire  perpétuel ,  a  ensuite  retracé  les 
travaux  de  la  Société  pendant  l’année  qui  vient  de  s’écouler. 

M.  Mordacq  a  lu  le  rapport  sur  le  concours  de  poésie. 
La  Société  a  eu  ,  cette  année,  la  bonne  fortune  de  pouvoir 
décerner  une  médaille  en  vermeil  à  un  Dunkerquois  ,  M. 
Bilaire  Comignan,  auteur  de  deux  odes  intitulées  :  Dun- 


—  oSG  — 

kerque^  son  passée  son  présent  et  son  avenir.  Une  autre 
médaille  de  vermeil  a  été  attribuée  à  M.  Henri  Galleau  ,  de 
Paris,  lauréat  de  plusieurs  Académies  de  province. 

Le  concours  de  peinture  ,  ouvert ,  celte  année  ,  par  la 
Société  Dunkerquoise,  a  eu  un  véritable  succès.  Des  artistes 
distingués  de  France,  de  Hollande  et  de  Belgique,  s’y  étaient 
donné  rendez-vous.  Voici  les  principales  récompenses  qui 
ont  été  décernées  aux  exposants  : 

1. "  Une  médaille  d’or,  premier  prix,  à  M.  Everliardus 
Rester,  d’Harlem. 

2. "  Une  médaille  de  vermeil ,  deuxième  prix  ,  à  M.  Fran¬ 
çois  Musin  ,  de  Bruxelles. 

^  * 

3. “  Une  médaille  d’argent ,  première  mention  très-hono¬ 
rable  ,  à  31.  Auguste  Corkole,  de  Gand. 

4. °  Une  médaille  d’argent,  deuxième  mention  très-hono¬ 
rable  ,  à  31.  Benjamin  Damman  ,  de  Dunkerque,  à  Paris. 

O.'"  Une  médaille  d’argent,  première  mention  honorable, 
k  31.  Victor  Verloet ,  de  3Ialines. 

6."  Une  médaille  d’argent,  deuxième  mention  honorable, 
à  31.  Auguste  De  Wilde  ,  de  Saint-Nicolas  (pays  de  Waes). 

A.  D. 


ACADÉMIE  DE  BELGIQUE 

Travaux  courants 

Le  bulletin  des  travaux  de  cette  classe  est  presque  entiè¬ 
rement  consacré  aux  phénomènes  météorologiques.  Ainsi 
31.  Quetelet  présente  les  Observations  d'orages  du  juin 
au  l.®"  octobre  faites  à  Ostende,  Bruxelles,  3Ialines,  Anvers, 
Louvain,  Gerpinnes.  Il  constate  que  leur  marche  esta  peu 
près  uniforme  et  qu’ils  sévissent  en  général  sur  une  étendue 
assez  grande  de  pays.  «  Dans  les  temps  antérieurs,  ajoute- 
t-il  ,  plusieurs  des  principaux  orages  qui  ont  été  remarqués 
tels  que  ceux  du  14  au  lo  avril  1718  et  du  19  février  1860 
qui  ont  frappé  chacun  de  20  à  30  clochers,  se  formaient 
dans  le  nord  de  la  France  et  au  nord  de  la  Loire  et  se  diri- 


—  387  — 

geaient  vers  notre  pays  pour  aller  mourir  sur  les  frontières 
de  l’Allemagne  et  de  la  France.  » 

Le  savant  secrétaire  a  aussi  présenté  les  Observations 
(Vétoiles  filantes  du  mois  d'août  1869  faites  à  Bruxelles  et  à 
Louvain  ;  ces  dernières  sont  dues  à  M.  Terby.  Il  a  remarqué 
que  souvent  les  étoiles  marchent  par  groupe  de  deux  ou 
trois  ayant  des  directions  parallèles  et  se  suivant  à  de  très- 
courts  intervalles.  Dans  les  nuits  du  10  et  du  il  août  il  a 
observé  73  étoiles  filantes  qui  pour  une  grande  partie 
semblaient  émaner  des  constellations  de  Persée  et  de  Cas¬ 
siopée.  _ _  J.  G. 

COM311SSIOX  DES  A?<TIQT:ITÉS  DÉPARTEMEINTALES  du  PAS-DE-CALAIS 

Travaux  courants. 

Dans  notre  N.°  iO  [Bulletin,]).  118  ) ,  nous  avons  inséré 
un  compte-rendu  sommaire  de  l’importante  découverte  ré¬ 
cemment  faite  à  Marœuil-les-Arras.  Nous  pouvons  aujour¬ 
d’hui  en  entretenir  plus  longuement  nos  lecteurs  d’après  le 
rapport  lu  en  novembre ,  à  la  Commission  des  antiquités 
départementales  du  Pas-de-Calais,  par  M.  Paul  Lecesne. 

Dans  les  premiers  jours  de  juillet  dernier ,  un  sieur  Loubry 
ayant  rencontré  ,  en  faisant  des  fouilles  pour  la  fondation 
de  sa  maison,  un  grand  nombre  de  squelettes  et  d’objets 
anciens,  M.  Topart,  maire  de  3Iarœuil,  prit,  conformément 
à  la  circulaire  préfectorale  du  4  décembre  1867  ,  qui  a  pro¬ 
duit  de  si  heureux  résultats,  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  la  conservation  de  ces  antiquités.  Il  avertit  donc  M.  le 
préfet  qui,  le  samedi  10  juillet,  délégua  M.  Paul  Lecesne 
au  nom  de  la  Commission  des  Antiquités  départementales, 
pour  aller  étudier  sur  l’emplacement  même  ces  curieux 
restes.  Arrivé  dans  Paprès-midi  à  3Iarœuil ,  M.  Lecesne  se 
rendit,  accompagné  de  M.  Topart  dont  la  complaisance 
égale  le  zèle ,  dans  le  champ  où  avaient  eu  lieu  les  décou¬ 
vertes.  Le  propriétaire  et  les  ouvriers  qui  avaient  fait  la 
trouvaille  y  étaient  en  ce  moment  réunis. 

Le  terrain  renfermant  tous  ces  objets  est  situé  à  l’angle 
de  deux  chemins ,  dans  une  petite  vallée  peu  distante  du 


—  588  — 

camp  dit  de  CésaràEtrun.  D’après  les  dires  des  habitants, 
on  aurait,  à  des  époques  assez  éloignées  déjà  ,  extrait  dans 
cet  endroit  des  squelettes  accompagnés  d’objets  anciens , 
mais  ces  découvertes  n’avaient  pas  été  régulièrement  cons¬ 
tatées. 

Sur  les  interrogations  adressées  au  sieur  Loubry  et  à  ses 
ouvj'iers ,  voici  les  renseignements  qui  furent  recueillis  :  en 
enlevant  les  lei  res  nécessaires  pour  creuser  uiïe  cave  ,  on 
était  tombé  sur  vingt-deux  squelettes  plus  ou  moins  bien 
conservés.  Tous  avaient  été  enterrés  sans  cercueil ,  et  une 
quinzaine  avaient  un  pot  placé  auprès  d’eux.  Pas  d’orien¬ 
tation,  mais  deux  lignes  transversales,  ou  plutôt  deux  sillons 
qui  se  coupaient  précisément  à  l’endroit  des  fouilles.  La 
plupart  des  corps  étaient  placés  sur  le  ventre  ;  on  en  avait 
trouvé  jusqu’à  trois  superposés.  La  profondeur  des  inhuma¬ 
tions  variait  de  1  m.  40  à  60,  et  l’on  avait  remarqué  que 
les  ossements  indiquaient  des  individus  de  haute  taille. 

Cette  visite  faite,  àl.  Lecesne  se  transporta  chez  le  sieur 
Loubry,  qui  lui  montra  les  objets  extraits;  ils  se  compo¬ 
saient  de  douze  pots  en  terre  ou  en  grès  dont  les  formes 
étaient  extrêmement  variées ,  une  casserole  en  cuivre ,  un 
fer  de  lance ,  deux  fers  de  javelots,  une  hache  en  fer,  trois 
boucles  d’oreilles  dont  une  paire  composée  d’un  cube  en 
argent  tordu,  d’une  boule  en  cristal  grosse  comme  le  pouce 
et  portant  encore  un  morceau  de  l’anneau  qui  servait  à  la 
suspendre,  une  sorte  d’anneau  en  argent,  deux  boucles 
d’argent  très-détériorées ,  une  série  de  boules  de  verre 
émaillé  de  différentes  formes  et  couleurs ,  et  accompagnées 
d’une  amulette  ;  enfin  beaucoup  d’autres  objets,  mais  pour 
ainsi  dire  à  l’état  de  débris. 

M.  Lecesne  avait  acquis ,  lors  de  sa  visite ,  la  conviction 
que  le  lieu  de  la  découverte  et  le  champ  environnant  devaient 
contenir  un  vaste  cimetière.  Il  proposa  au  propriétaire  de 
laisser  fouiller  son  champ  moyennant  une  indemnité ,  et 
en  abandonnant  d’avance  toutes  les  chances  de  trouvaille. 
Le  soir  même  il  faisaitpart  de  ses  espérances  à  M.  le  préfet, 
et  ce  magistrat ,  séance  tenante,  écrivait  au  maire  de  Ma- 
rœuil  pour  le  remercier  de  son  concours  et  le  prévenir  que 
dès  le  lundi  12  juillet  les  travaux  commenceraient. 

En  effet,  ce  jour,  M.  Debuire,  piqueur  du  service  vicinal, 
suivi  d’une  brigade  d’ouvriers  capables  et  intelligents ,  se 
mettait  à  l’œuvre.  Les  fouilles  ont  amené  la  découverte  des 
magnifiques  objets  qui  sont  sous  les  yeux  de  la  Commission. 


—  389  — 

M,  Lecesne  rend  hommage  au  soin  avec  lequel  M.  Debuire 
s’est  acquitté  de  sa  tâche  ,  et  dépose  sur  le  bureau  les  docu¬ 
ments  suivants  : 

1. "  Un  plan  indiquant  toutes  les  tranchées  pratiquées  ; 

2. °  Un  travail  explicatif; 

'3.°  Un  tableau  énumérant  jour  par  jour  les  trouvailles  et 
la  surface  explorée. 

Il  donne  ensuite  lecture  des  pièces  envoyées  par  le  service 
vicinal.  En  voici  le  résumé  : 

Du  12  juillet  au  12  août,  cinq  tranchées  ont  été  ouvertes  ; 
on  y  a  découvert  : 

213  squelettes,  76  pots  de  terre  ou  de  grès ,  3  vases  en 
verre,  7  haches,  22  lances ,  7  javelots,  1  bouclier,  o  scram- 
sax,  4  boucles  de  ceinturon,  11  boucles  de  diverses  gran¬ 
deurs,  4  boucles  de  ceinturon,  11  boucles  de  diverses  gran¬ 
deurs  ,  4  boucles  d’oreilles ,  1  paire  de  ciseaux  en  fer  forgé, 
1  bague  chevalière,  1  pince  épilatoire,4  épingles  à  cheveux, 
très-belles,  1  vase  en  cuivre  doré,  2  anneaux  en  cuivre  , 
1  pièce  de  cuivre  plaqué,  une  quantité  de  verroterie. 

M.  Lecesne  appelle  tout  particulièrement  l’attention  de 
la  Commission  sur  l’exactitude  minutieuse  avec  laquelle  la 
position  des  cadavres  et  des  objets  a  été  relevée  ,  et  sur  la 
clarté  du  rapport  rédigé  par  les  agents-voyers. 

Il  fait  connaître  ensuite  que  31.  le  préfet  s’est  aussi  préoc¬ 
cupé  des  résultats  que  pouvait  avoir  pour  la  science  anthro¬ 
pologique,  les  découvertes  de  3Iarœuil ,  et  que  31.  le  docteur 
ïrannoy  ,  professeur  de  l’école  de  médecine  d’Arras ,  a  été 
spécialement  délégué  pour  examiner  les  ossements  extraits. 

Le  savant  rapport  du  docteur  ïrannoy  embrasse  toute  la 
question  anatomique,  qui  est  discutée  avec  une  précision 
parfaite.  Les  conclusions  tendent  à  établir  que  si  l’on  a 
trouvé  quelques  squelettes  qui  ont  dû  appartenir  à  des  hom¬ 
mes  de  1  m.  93,1  m.  83,  1  m.  73,  la  moyenne  des  ossements 
n’indique  pas  cependant  une  race  d’une  taille  de  beaucoup 
plus  élevée  que  celle  actuellement  existante. 

31.  Lecesne  cherche  ensuite  à  déterminer  la  date  approxi¬ 
mative  du  cimetière  de  3Iarœuil.  Plusieurs  considérations 
peuvent  servir  à  éclairer  les  points  en  discussion. 

D’abord,  les  ossements  sont  en  général  de  trop  haute 
taille  pour  appartenir  à  des  soldats  romains,  ils  doivent 
donc  provenir  de  Barbares  du  Nord. 

En  second  lieu,  absence  de  monnaies,  contrairement  à  ce 
qui  aurait  eu  lieu  dans  un  cimetière  romain. 


—  390  — 

Troisièmement,  la  proximité  du  camp  d’Etrun.  En  effet, 
ce  camp,  soit  qu’il  remonte  ou  non  à  César,  présente  les 
caractères  des  castra  des  derniers  temps  de  l’Empire,  tout 
le  prouve,  la  hauteur  du  parapet,  la  situation  au  confluent 
de  deux  rivières.  L’analogie  est  frappante  avec  les  camps 
décrits  dans  les  lois  du  Code  Théodosien.  En  effet ,  en  se 
reportant  à  ce  recueil  de  législation,  l’on  voit  que  sur  toutes 
les  frontières  de  l’Empire  étaient  des  Barbares  qu’on  nom¬ 
mait  Lètes ,  Lœti.  Il  y  en  avait  de  toutes  les  nations  :  Francs, 
Goths,  Saxons,  Arabes,  Ethiopiens;  on  leur  concédait  des 
terres,  et  en  échange  ils  contractaient  l’obligation  de  dé¬ 
fendre  le  pays.  La  plupart  le  firenl  nvec  dévouement  et 
furent  écrasés  lors  des  invasions.  D’après  cette  idée  le  cime¬ 
tière  de  Marœuil  ne  serait  que  celui  des  Lètes  préposés  à  la 
garde  du  camp  d’Etrun.  De  quelle  race  étaient  ces  Lètes? 
Ici  aucun  doute  n’est  possible.  En  rapprochant  les  armes 
trouvées  de  toutes  celles  que  l’on  connaît  jusqu’à  présent, 
on  acquiert  la  conviction  que  ce  sont  des  armes  franques. 
Ce  qui  confirme  encore  cette  opinion,  c’est  la  découverte 
encore  toute  récente  d’un  umbo  de  bouclier  identique  à 
ceux  qui  sont  reconnus  partout  pour  avoir  appartenu  à  des 
guerriers  franks.  Du  reste,  M.  Lecesne  s’appuie  sur  le  témoi¬ 
gnage  du  général  Bellecourt,  dont  le  nom  fait  autorité  pour 
tout  ce  qui  concerne  l’histoire  des  armes.  Ce  savant  archéo¬ 
logue  n  a  pas  hésité  à  déclarer  que  l’on  se  trouvait  en 
présence  d’armes  franques. 

Après  achèvement  de  la  lecture  du  rapport  de  M.  Lecesne, 
M.  Terninck  émet  l’avis  que  le  cimetière  de  Marœuil  est 
mérovingien.  Voici  les  raisons  qu’il  donne  à  l’appui  de  son 
opinion  : 

Ce  cimetière  est  placé  dans  l’enceinte  du  camp  romain 
qui  a  dû  être  habité  parles  légions  pendant  les  trois  premiers 
siècles  de  l’occupation,  au  moins,  et  avant  la  construction  du 
caslrum  nobiliacum . 

On  rencontre  à  plusieurs  endroits  de  cette  enceinte ,  et 
noiamment  sous  le  presbytère  d’Etrun  ,  des  ossements  hu¬ 
mains  et  des  armes,  et  si  l’on  pouvait  étudier  suffisamment 
le  sol  on  trouverait  en  dehors  de  l’enceinte  et  vers  le  nord 
ou  l’ouest,  probablement  dans  un  terrain  en  pente,  les 
sépultures  romaines.  J’ai  quelques  vases  du  ii.*"  siècle  qui 
en  proviennent. 


—  591  — 

Le  cimetière  que  l’on  exploite  en  ce  moment  est  postérieur 
aux  Romains  ;  il  est  prouvé  pour  moi  que  les  Francs,  après 
avoir  conquis  le  pays,  se  sont  établis  dans  le  camp  romain 
pour  protéger  ou  surveiller  la  cité  atrébate,  sise  alors  en 
dehors  de  l’enceinte  actuelle  et  du  côté  de  Wagnonlieu.  Il 
est  certain  qu’ils  se  logèrent  dans  le  castrum  nobiliacum^ 
car  Saint-Vaast  le  trouva  en  ruine  et  désert  à  ce  point  qu’il 
y  établit  son  ermitage.  Il  est  donc  évident  qu’ils  durent 
choisir  le  camp  d’Etrun,  dont  les  hauts  retranchements  et 
les  fossés  leur  procuraient  tout  ce  que  cherchaient  les  Francs  : 
la  protection,  le  grand  air,  la  liberté  d’action,  et  surtout 
l’eau  qui  était  si  agréable  à  tous  les  Germains. 

Pendant  le  séjour  des  Romains  à  Etrun  ,  le  camp  a  dû 
contenir  aussi  des  auxiliaires  germains:  car  j’ai  trouvé  à  Ma- 
rœuil ,  dans  la  propriété  d(3  31.  Fouant  de  la  Tombelle  une 
tombe  germaine  par  incinération,  comme  toutes  celles  des 
Germains  avant  le  v.'  siècle. 

Le  lieu  dit  du  terrain,  qui  contient  le  cimetière  mérovin¬ 
gien  porte  le  nom  de  3Iarc-Empereur  ,  il  doit  contenir  par¬ 
tout  des  sépultures.  Un  chemin  creux  qui  y  conduit,  en  venant 
de  Duisans,  s’appelle  cavée  Bornobiis.  A  côté  est  le  canton 
dit  de  Neuville ,  puis  la  fontaine  de  Sainte-Bertille. 

Duisans,  dans  le  voisinage,  est  riche  aussi  en  antiquités  : 
j’y  ai  vi.sité,dit  31.  Terninck ,  plusieurs  lombes  du  ii.*"  siècle, 
et  deux  mérovingiennes ,  mais  pauvres. 

La  Gommission,  après  avoir  entendu  tout  ce  qui  se  rappor¬ 
te  à  l’affaire  de  Marœuil ,  décide  que  des  remerciements  se- 
rontadressés  à  31.  le  préfet  pour  les  résultats  obtenus  en  cette 
circonstance,  comme  en  tant  d’autres,  par  son  initiative. 

Il  est  aussi  décidé  que  le  savant  rapport  de  31.  Lecesne  , 
les  observations  de  31.  Debuire  et  les  dessins  à  l’appui, 
seront  publiés  dans  la  Statistique  monumentale. 

Les  objets  provenant  des  fouilles  de  3Iarœuil  seront  en¬ 
voyés  à  titre  de  dépôt  au  3Iusée  d’Arras,  afin  que  les  archéo¬ 
logues  puissent  les  étudier  à  loisir. 

Dans  la  même  séance,  31.  Normand  a  donné  lecture  d’une 
notice  archéologique  sur  l’église  de  Dommartin,  ou  Saint- 
Josse-au-Bois.  Après  avoir  rappelé  les  origines  de  celte 
abbaye  ,  origines  qui  ont  déjà  été  résumées  ici  meme  (voir 


—  392  — 

Bulletin,  p.  253),  il  a  présenté  une  monographie  de  1  eglise 
abbatiale  encore  aujourd’hui  debout. 

M.  Lecesne,  père  ,  a  lu  une  partie  de  son  travail  sur  la 
ville  d’Arras,  travail  destiné  à  enivev  dans  \ii  Statistique 
générale  du  département  du  Pas-de-Calais  actuellement  en 
cours  de  préparation.  A.  D. 

CONFÉRENCES  ET  COURS  PUBLICS. 

Cours  de  Géologie  professé  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille  , 

par  M.  Gosselet. 

La  Géologie  comprend  la  connaissance  du  sol  et  l’histoire 
de  sa  formation.  Le  cours  de  cette  année  sera  consacré  à  la 
première  de  ces  deux  études ,  considérée  au  point  de  vue 
agricole,  mais  il  est  nécessaire  de  commencer  par  exposer 
les  principes  de  la  géologie  générale. 

Le  sol  s  est  formé  lentement  et  successivement  :  on  en 
trouve  une  preuve  dans  l’examen  des  couches  que  le  mineur 
traverse  pour  extraire  la  houille  aux  environs  de  Valencien¬ 
nes.  Sous  l’argile  du  limon  il  rencontre  la  marne  ou  craie 
blanche,  puis  une  autre  marne  remplie  de  silex  appelés 
cornus,  les  dièves  et  enfin  le  tourtia.  Sous  le  tourtia,  est  le 
terrain  houiller  formé  de  grès,  de  schistes  et  de  houille  en 
bancs  inclinés  vers  le  sud  ,  tandis  que  les  couches  qui  le 
surmontent  sont  horizontales.  Il  est  évident  que  le  terrain 
houiller  s’est  aussi  déposé  en  couches  horizontales  et  qu’il 
a  été  redressé  avant  la  formation  des  couches  supérieures. 
On  remarque  de  plus  que  le  tourtia  est  rempli  de  petits 
galets  de  bouille,  de  grès  et  de  silex  qui  proviennent  du 
terrain  houiller,  et  qui  avant  d’étre  empâtés  dans  le  tourtia 
avaient  été  roulés  dans  des  ruisseaux.  Il  y  avait  donc,  avant 
la  formation  du  tourtia,  des  rochers,  des  montagnes ,  des 
ruisseaux  et  des  fieuves  qui  apportaient  dans  la  mer  les 
sables  et  les  galets.  C’est  au  fond  de  la  mer  que  se  déposait 


—  393  — 

le  tourtia  ,  car  il  est  rempli  de  coquilles  marines  ;  il  y  en  a 
également  dans  les  cornus  et  dans  la  marne,  mais  les  espèces 
ne  sont  pas  les  mêmes  dans  chacune  de  ces  couches.  Si  on 
songe  que  la  faune  de  la  mer  de  la  Manche ,  c’est-à-dire 
l’ensemble  des  animaux  qui  y  vivent,  ne  s’est  pas  modifiée 
sensiblement  depuis  les  temps  historiques ,  on  en  conclut 
que  la  mer  a  couvert  pendant  très-longtemps  les  environs 
de  Valenciennes.  Les  géologues  sont  donc  en  droit  de  dis¬ 
tinguer  plusieurs  époques  dans  la  formation  de  la  terre. 

Les  caractères  qui  servent  à  distinguer  les  couches  les 
unes  des  autres  sont  au  nombre  de  trois  :  l.°  les  caractères 
pétrographiques  tirés  de  la  nature  minéralogique  de  la 
couche  :  sable,  argile,  calcaire  ;  2.“  les  caractères paléontolo- 
giques  indiqués  par  les  coquilles  fossiles  qui  y  sont  contenues, 
3.®  les  caractères  stratigraphiques  empruntés  à  sa  position 
et  à  ses  relations  avec  les  couches  inférieures  et  supérieures. 
Ainsi  la  marne  à  cornus  des  puits  de  Valenciennes  est  carac¬ 
térisée  pétrographiquement  par  des  bancs  de  craie  marneu¬ 
se  et  de  nombreux  silex  pyromaques  de  forme  irrégulière  ; 
paléontologiquementpar  un  oursin,  le  micraster  hreciporus; 
stratigraphiquement  par  sa  position  entre  la  craie  sans 
silex  et  les  dièves. 

Il  est  une  opinion  erronée  assez  généralement  répandue 
et  qu’il  importe  de  détruire  dès  le  début  de  ce  cours:  c’est 
que  les  géologues  sont  obligés ,  pour  connaître  les  couches 
profondes  du  globe ,  de  creuser ,  de  sonder ,  de  descendre 
dans  les  puits;  il  n’en  est  rien.  Les  diverses  couches  du  sol 
ne  se  recouvrent  pas  d’une  manière  complète  comme  le  font 
les  écailles  d’un  oignon  ;  elles  se  sont  déposées  dans  les 
bassins  de  mers  analogues  à  l’océan  actuel  et  dont  les 
limites  se  restreignaient  de  jour  en  jour.  Il  suffit  donc  de  se 
diriger  du  centre  de  ces  anciens  bassins  vers  leurs  rivages 
pour  trouver  des  terrains  de  plus  en  plus  anciens. 


—  594  — 

Ainsi  nous  avons  vu  que  les  puits  d’Anzin  rencontraient 
successivement  la  marne  blanche  sans  silex  ,  la  marne  à 
cornus  ,  les  dièves,  le  tourtia  et  le  terrain  carbonifère.  Si 
au  lieu  d’explorer  les  entrailles  du  sol  on  se  borne  à  se 
promener  sur  les  routes  en  se  dirigeant  de  Valenciennes 
vers  Avesnes ,  par  Le  Quesnoy  et  Landrecies,  on  voit  les 
mêmes  couches  se  succéder.  A  une  lieue  à  Test  de  Valen¬ 
ciennes  on  cesse  devoir  la  marne  blanche  dont  l’altitude  est 
à  Anzin  d’environ  40  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
aux  environs  du  Quesnoy  des  carrières  sont  ouvertes  dans 
la  marne  à  cornus  à  l’altitude  de  80  mètres  ;  l’église  de 
Maroilles  (  145  m.  )  est  construite  sur  les  dièves  ;  près  de 
Marbaix  on  voit  apparaître  le  tourtia  (160  m.),  et  entre 
Marbaix  et  Avesnes  le  terrain  carbonifère,  dont  la  surface 
s’élève  de  plus  en  plus  à  mesure  qu’on  avance  vers  l’Ar- 
denne.  Ainsi  en  se  dirigeant  vers  les  montagnes  ,  c’est-à- 
dire  vers  les  rivages  les  plus  anciens,  on  voit  a//îewrer  suc¬ 
cessivement  les  couches  dans  l’ordre  où  on  les  rencontrerait 
en  creusant  au  centre  du  bassin. 

Cependant  les  investigations  des  géologues  ont  une  limite. 
Ils  n’ont  pu  jusqu’ici  rencontrer  de  terrain  plus  ancien  que 
le  granité  :  c’est  lui  qui  forme  le  noyau  des  montagnes,  c’est 
à  lui  qu’on  aboutirait  toujours  en  creusant  en  un  point 
quelconque  du  globe.  Qu’y  a-t-il  sous  le  granité  ?  Si  on 
l’ignore,  on  peut  du  moins  faire  quelques  hypothèses. 

l.°  Le  sol  est  fréquemment  agité  de  tremblements  de 
terre  ;  des  contrées  s’élèvent  lentement,  d’autres  s’abaissent. 
Le  nord  de  la  Scandinavie  et  la  Laponie  s’exhaussent  au- 
dessus  du  niveau  d(‘  la  mer  de  1  m.  à  1  m.  50  par  siècle  , 
tandis  que  le  sud  de  la  Suède  s’enfonce  peu  à  peu  sous  les 
flots  de  la  Baltique.  On  en  conclut  que  la  terre  n’est  pas  une 
masse  complètement  solide  ,  qu’il  y  a  au  centre  un  noyau 
liquide  ou  pâteux  sur  lequel  peut  jouer  l’enveloppe  solide  ; 


—  595  — 

2. °  Ce  fluide  interne  paraît  être  à  l’état  de  fusion,  car 
lorsqu’il  se  produit  des  fentes  à  l’écorce  terrestre,  il  en  sort 
une  matière  fondue  qui  est  la  lave  de  nos  volcans.  De  plus, 
si  on  creuse  un  trou  dans  le  sol  on  remarque  qu’à  une  cer¬ 
taine  distance  la  chaleur  augmente  et  croît  ensuite  propor¬ 
tionnellement  à  la  profondeur  :  environ  de  1."  par  30  mè¬ 
tres.  Si  cette  loi  se  poursuit  régulièrement  à  des  profondeurs 
que  l’homme  n’a  pas  encore  atteintes,  la  température  sera 
de  plus  de  100.”  à  3  kilomèt.,  et  à  60  kilomètres  de  2,000.", 
c’est-à-dire  supérieure  à  ce  que  produisent  les  fourneaux 
de  l’industrie  et  plus  que  suffisante  pour  fondre  le  granité 
et  toutes  les  autres  roches  ; 

3. “  Cette  fluidité  de  la  masse  intérieure  de  la  terre  peut 
être  considérée  comme  la  conséquence  de  l’état  primitif  de 
notre  planète  qui  fut  d’abord  à  l’état  de  fusion  complète 
comme  l’est  actuellement  le  soleil.  C’est  du  moins  ce  qui 
porte  à  supposer  la  forme  de  la  terre,  ^^otre  globe  est,  on 
le  sait,  un  sphéroïde  de  révolution,  applati  aux  pôles  e( 
renflé  à  l’équateur.  Les  mathématiciens  ont  démontré  que 
c’est  exactement  la  forme  que  prendrait  une  masse  pâteuse 
avant  la  densité  de  la  terre,  et  animée  du  même  mouvement 

«y  ' 

de  rotation  sur  son  axe. 

En  admettant  toutes  ces  hypothèses  on  peut  conclure  que 
la  terre  a  été  primitivement  une  masse  de  matière  fondue  ; 
qu’elle  s’est  refroidie  peu  à  peu  en  rayonnant  dans  l’espace 
et  qu’il  s’est  formé  une  croûte  solide,  comme  la  glace  se  pro¬ 
duit  en  hiver  sur  nos  nappes  d’eau.  Quel  est  ce  sol  primitif? 
est-ce  le  granité?  On  ne  peut  l’affirmer,  mais  nous  l’admet¬ 
trons  pour  la  facilité  de  l’étude.  Sur  le  sol  primitif  s’est  dé¬ 
posé  le  sol  de  remblai  formé  de  la  vase  des  mers,  des  apports 
des  fleuves,  des  déjections  volcaniques.  En  même  temps  de 
nouvelles  quantités  de  matières  fondues  se  consolidaient 
sous  la  croûte  primitive  dont  elles  augmentaient  l’épaisseur. 


—  396  — 

C’est  l’ensemble  du  sol  de  remblai ,  du  sol  primitif  et  du 
sol  sous-primitif  qui  constitue  l’écorce  solide  de  la  terre. 
On  estime  son  épaisseur  environ  à  20  kilom.,  c’est-à-dire 
au  1/300  du  rayon  terrestre.  Sur  une  sphère  de  1  mètre  de 
rayon  elle  serait  représentée  par  une  enveloppe  de  3  milli¬ 
mètres  d’épaisseur.  La  masse  interne  fluide  se  nomme  la 
pxjrosphère. 


Société  littéraire  de  TUniversité  de  Louvain  (  Belgiq^ue  ) . 

L’ancienne  Université  de  Louvain,  que  l’on  appelait 
l’Athènes  de  la  Belgique,  fut  fondée  en  1425  par  Jean  IV, 
duc  de  Brabant.  Elle  fut  supprimée  le  4  brumaire  an  vi 
(23  octobre  1797) ,  en  vertu  d’un  arrêté  de  l’Administration 
centrale  du  département  de  la  Dyle.  Rétablie  en  1817  ,  sous 
le  Gouvernement  Néerlandais,  elle  cessa  d’exister  par  suite 
des  événements  politiques  de  septembre  1830.  Les  évêques 
belges  ayant  érigé  à  Malines,  le  4  novembre  1834,  une 
Université  catholique,  elle  fut  transférée  à  Louvain  le  l.^*' 
décembre  1835.  On  ne  tarda  pas  à  y  annexer  une  Académie 
sous  le  titre  de  Société  littéraire  de  l’Université  de  Louvain. 
L’autorité  rectorale  en  approuva  les  statuts  le  8  décembre 
1839.  La  Société  comprend  des  membres  actifs,  des  mem¬ 
bres  assistants  et  des  membres  honoraires.  Elle  est  dirigée 
par  une  Commission  composée  de  7  membres  dont  3  pro¬ 
fesseurs  et  4  étudiants.  Cette  Commission  choisit  dans  son 
sein  un  président,  un  vice-président  et  un  secrétaire.  Les 
conférences  que  la  Société  a  données  pendant  l’année  aca¬ 
démique  1868  présentent  un  intérêt  réel  et  méritent  que 
nous  en  mettions  l’analvse  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs, 

31.  Poullet,  professeur  d’Histoire,  a  ouvert  la  série  des 
conférences  par  un  travail  sur  l’invasion  du  gueldrois  Van 
Rossum  dans  les  provinces  belgiquos.  Cet  homme  qui  ré¬ 
pétait  avec  affectation  cette  maxime  qui  était  tout  son  pro- 


—  597  — 

gramme  «  l’incendie  est  le  magnificat  de  la  guerre,  »  vint 
mettre  le  siège  devant  Louvain  en  1542.  La  ville  allait  être 
contrainte  à  se  rendre  à  merci  quand  FUniversité  procura 
de  précieux  auxiliaires  aux  rares  défenseurs  de  la  cité.  Sous 
la  direction  de  Damien  de  Goès,  gentilhomme  portugais , 
le  corps  des  écoliers  fondit  sur  l’ennemi  et  l’obligea  à  se 
retirer.  M.  Poullet  a  su  mettre  en  lumière  avec  beaucoup 
de  bonheur  la  part  que  les  étudiants  ont  prise  à  la  défense 
de  la  cité  académique. 

M.  de  Jaer  traita  ensuite  un  épisode  de  l’histoire  de 
France  et  s’efforça  de  démontrer  la  légitimité  de  la  sainte 
Ligue  qui  se  forma  contre  Henri  de  Béarn.  D’après  l’auteur, 
si  l’on  peut  blâmer  certaines  mesures  prises  par  elle  ,  cette 
critique  fondée  en  quelques  points  n’ôle  rien  à  la  pureté 
des  intentions  qui  animèrent  les  défenseurs  de  la  religion 
catholique. 

M.  Wilmaer  aborda  dans  une  des  séances  suivantes  un 

r 

autre  ordre  d’idées.  Il  présenta  à  la  Société  une  étude  ap¬ 
profondie  sur  le  Phédon,  qui  retrace  comme  on  sait  la  mort 
de  Socrate  et  redit  ses  suprêmes  enseignements.  Il  s’attacha 
à  trouver  dans  la  partie  philosophique  de  cet  ouvrage  la 
démonstration  de  l’immortalité  de  l’âme.  La  liberté ,  la 
simplicité  de  l’âme,  la  notion  de  la  science,  l’énonciation 
des  maux  qui  résultent  de  l’union  de  l’âme  et  du  corps, 
l’application  de  la  loi  des  contraires ,  l’idée  de  connaissances 
antérieures  à  cette  vie,  l’harmonie  qui  existe  dans  l’être 
humain,  l’attrihution  à  l’âme  du  principe  de  la  vie,  voilà 
les  arguments  de  Socrate.  L’antiquité  n’avait  pas  encore 
atteint  un  degré  aussi  élevé  dans  la  démonstration  de  l’im¬ 
mortalité  de  l’âme,  vérité  consolante  que  la  Grèce  avait 
méconnue  depuis  que  la  sophistique  égarait  les  intelligences 
et  que  l’influence  étrangère  corrompait  les  mœurs. 

La  philosophie  fit  encore  les  frais  de  la  conférence  sui- 


—  598  — 

vante.  M.  Liagre  cherche  à  démontrer  le  désaccord  de  la 
saine  philosophie  et  de  la  doctrine  qui  répudie  l’ordre  sur¬ 
naturel  comme  une  chimère.  Sans  doute  Tordre  surnaturel 
dont  il  proclame  l’existence  est  au-dessus  des  exigences  de 
la  nature ,  mais  loin  d’être  en  contradiction  avec  elle  ,  il 
l’élève  au-dessus  d’elle-même.  L’auteur  attaque  ensuite 
l’opinion  qui  tend  à  l’annihilation  de  notre  nature  dans 
l’union  du  divin  avec  l’humain. 

M.  Matthias ,  secrétaire  de  la  Société ,  fit  ensuite  une  dis¬ 
sertation  sur  les  poursuites  du  crime  de  lèse-majesté  sous 
le  gouvernement  du  duc  d’Albe.  Il  examine  quels  étaient 
les  tribunaux  compétents  pour  juger  de  ce  crime  en  la  cause 
du  prince  d’Orange-Nassau ,  chevalier  de  la  Toison  d’or,  et 
il  n’en  trouve  que  deux  :  un  tribunal  de  droit  commun ,  le 
Conseil  de  Brabant,  et  un  tribunal  de  droit  spécial,  le 
Chapitre  de  Tordre.  Mais  il  est  certain  que  si,  conformément 
à  la  citation  du  roi ,  Guillaume  fût  rentré  dans  le  pays  ,  il 
n’eût  comparu  devant  aucune  de  ces  cours,  mais  bien 
devant  le  Conseil  des  troubles  que  Philippe  II  venait  de 
créer.  L’auteur  se  demande  si  ce  monarque  avait  le  droit 
d’établir,  au-dessus  des  tribunaux  de  justice  réglés,  une  cour 
extraordinaire  avec  une  juridiction  aussi  étendue,  et  il  con¬ 
clut  dans  le  sens  de  la  légalité  de  cette  mesure.  A  Tappui 
de  son  opinion,  que  nous  livrons  sous  toutes  réserves,  il  in¬ 
voque  l’application  qui  s’est  faite  de  cette  doctrine  en  France 
sous  Henri  III ,  en  Angleterre  sous  Henri  VIII  et  Élisabeth. 

Une  étude  sur  le  Concordat  entre  Grégoire  XVI  et  Nicolas, 
empereur  de  Russie,  a  fourni  à  M.  Austray  le  sujet  d’une 
conférence  des  plus  intéressantes.  Il  a  trouvé  des  accents  con¬ 
vaincus  pour  dépeindre  le  sort  de  la  Pologne ,  qui  après 
avoir  sauvé  l’Europe  de  l’invasion  ottomane  semble  rester,  à 
la  face  du  xviii.®  siècle,  le  témoignage  indélébile  de  l’ingra¬ 
titude  humaine.  J.  Proost  , 

docteur  ès-sciences  politiques  et  administratives. 


—  599 


MUSÉES  ET  OOLLECTIOiSS 

Don  de  M.  Berthoud  à  la  ville  de  Douai.  —  En  traitant , 
dans  notre  N."  2  [Bulletin  ,  p.  39)  des  origines  du  Musée  de 
Douai,  M.  l’abbé  Dehaisnes  rappelait  à  nos  lecteurs  que  le 
18  février  1864 ,  M.  Samuel-Henri  Berthoud  avait  légué  sa 
précieuse  collection  ethnographique  à  la  ville  de  Douai  qui 
en  prendrait  possession  aussitôt  après  la  mort  du  donateur. 

Par  une  généreuse  résolution  dont  on  ne  peut  trop  le 
louer,  M.  Berthoud  a  voulu  faire  entrer  dès  maintenant  la 
ville  en  jouissance  d’une  partie  de  ses  richesses.  Il  va  venir 
procéder  lui-même  à  leur  installation  dans  le  Musée  douai- 
sien. 

Voici  en  quels  termes  YIndèpendant  de  Douai,  dans  son 
numéro  du  23  novembre ,  signale  l’importance  de  la  collec¬ 
tion  Berthoud. 

L’une  des  sections  les  plus  intéressantes  du  Musée  de 
Lille,  celle  qui  attire  surtout  la  foule,  c' est  \e  Musée  Moillet. 
Comme  le  voyageur  lillois ,  trop  tôt  ravi  à  sa  cité  natale  , 
M.  Berthoud  a  réuni  un  nombre  considérable  d'objets  rela¬ 
tifs  aux  mœurs,  aux  usages  des  populations  les  plus  sauvages, 
des  contrées  les  moins  explorées.  Mais  non  content  d’étu¬ 
dier,  comme  M.  Moillet ,  l’enfance  de  la  civilisation  dans 
les  temps  modernes,  M.  Berthoud  l’a  suivie  en  même  temps 
dans  les  époques  les  plus  reculées.  Ses  collections  présen¬ 
tent  une  importance  historique  qui  n’échappera  à  personne. 

Depuis  quelques  années ,  la  science  a  beaucoup  étudié 
cette  période  antédiluvienne  où  l’homme  naissant  ne  con¬ 
naissait  pas  encore  le  fer  et  qui  est  connue  sous  le  nom  d’âge 
de  pierre  :  elle  a  recherché  les  traces  de  cette  première  civi¬ 
lisation  dans  les  cavernes  à  ossements,  dans  les  couches 
du  sol  antérieures  au  déluge.  M.  Berthoud  s’est  occupé  de 
ces  explorations;  il  a  réuni  un  nombre  très- considérable 
de  haches,  de  flèches,  de  couteaux,  d’ustensiles  de  ménage 
et  d’objets  de  toilette  en  silex  avec  des  ossements  d’animaux. 
Après  avoir  visité  le  Musée  antédiluvien  de  Saint-Germain- 
en-Laye,  formé  depuis  près  de  deux  ans  par  l’Etat,  les 


—  400  — 

savants  anglais ,  français  et  allemands  qui  s’occupent  de  ces 
questions  difficiles  ne  manquent  pas  d’aller  étudier  la  col¬ 
lection  Berthoud  formée  depuis  un  certain  nombre  d’années 
déjà  et  disposée  avec  une  méthode  et  un  soin  qui  facilitent 
les  recherches.  31.  Berthoud  a  ajouté  à  sa  collection  les 
moulages  authentiques  des  objets  les  plus  importants  pos¬ 
sédés  par  les  savants  en  renom  et  les  31usées.  Lorsque  nous 
posséderons  cette  collection  qui  ne  cesse  de  s’enrichir,  ceux 
qui  s’occupent  de  ces  époques  mystérieuses ,  viendront  étu¬ 
dier  dans  notre  Musée. 

Par  delà  l’Océan ,  dans  le  3Iexique  et  le  Guatemala  a 
fleuri ,  plusieurs  siècles  avant  l’ère  chrétienne  ,  une  civili¬ 
sation  dont  les  monuments  se  retrouvent  encore  au  milieu 
des  solitudes  ,  sous  des  arbres  plusieurs  fois  séculaires. 
31.  Jomard ,  l’un  des  auteurs  du  grand  ouvrage  qui  a  pour 
titre  [q.  Description  de  VEgijpte,  avait  consacré  les  dernières 
années  de  sa  vie  à  faire  une  collection  d’objets  appartenant 
à  ces  antiquités  mexicaines,  au  sujet  desquels  l’on  a  publié 
depuis  environ  quinze  ans  d’importants  travaux.  Sa  collec¬ 
tion  a  été  léguée  au  3Iusée  de  Douai,  avec  la  condition  de 
lusufruit  pour  31.  Berthoud.  La  civilisation  mexicaine  qui 
présente,  chose  étrange,  une  ressemblance  frappante  avec 
la  civilisation  étrusque  et  parfois  avec  la  civilisation  égyp¬ 
tienne  ,  y  est  représentée  d’une  manière  presque  complète. 
Au  point  de  vue  de  la  céramique ,  l’on  y  trouve  plusieurs 
centaines  de  vases  d’une  pâte  rouge  ou  noire  parfois  très- 
fine  et  très-bistrée  avec  des  arabesques,  ou  des  personnages 
en  couleur  avec  des  animaux  s’ébattant  sur  les  anses  des 
aiguières.  Les  bijoux  en  or  qui  sont  en  nombre  important, 
offrent,  comme  chez  les  étrusques,  un  métal  granulé  à 
l’aide  d’un  procédé  qui  n’a  pas  été  retrouvé  et  des  person¬ 
nages  figurés  à  j’aide  de  fils  d’or  très-fins  enroulés  les  uns 
dans  les  autres.  A  ces  objets  en  or ,  il  faut  ajouter  des  bou¬ 
cles  d’oreille  en  métal ,  des  colliers  en  ivoire,  en  cristal  de 
roche  et  en  agate ,  des  miroirs  en  obsidienne  translucide , 
des  figurines  ,  des  divinités  et  des  amulettes  en  bronze,  en 
jade,  en  pierres  de  diverses  couleurs ,  des  ustensiles  de 
ménage,  etc.  N’oublions  pas  les  Katouns,  cartouches  pré¬ 
sentant  des  inscriptions  dont  la  clef  n’est  pas  encore  retrou¬ 
vée  ;  mais  où  un  Cbampollion  futur  saura  lire  un  jour  ,  il 
faut  l’espérer  ,  l’histoire  de  ces  antiques  civilisations.  La 
collection  Berthoud  possède  un  nombre  assez  considérable 
de  ces  inscriptions,  détachées  des  ruines  du  Palenquè.  Plu- 


—  401  — 

sieurs  de  ces  inscriptions  sont  encore  près  de  leurs  bas- 
reliefs,  qui  rappellent  les  monuments  assyriens  de  Kor- 
sabad. 

En  regard  de  ces  civilisations  antiques ,  de  ces  premiers 
travaux  de  l’homme ,  la  collection  Berthoud  présente  l’eth¬ 
nographie  moderne.  En  relation  avec  les  principaux  voya¬ 
geurs  et  géographes  ,  toujours  à  l’affût  des  objets  curieux 
mis  en  vente  à  Paris  et  en  pays  étranger ,  M.  Berthoud  a 
réuni  une  collection  très-importante  où  l’on  peut  étudier 
la  vie  des  peuples  sauvages  habitant  sous  toutes  les  lati¬ 
tudes.  On  y  retrouve  leur  existence  tout  entière,  en  contem¬ 
plant  leurs  ustensiles  de  ménage ,  leurs  vêtements  ,  armes 
en  pierre  ou  en  os,  les  objets  de  toilette ,  et  surtout  leurs 
amulettes  ,  leurs  flèches  et  leurs  divinités  qui  forment  une 
série  très-nombreuse  et  très-importante.  L’intérêt  de  cette 
collection  est  d’autant  plus  vif  que  l’on  peut  la  comparer  à 
la  collection  de  l’âge  de  pierre  ;  et  acquérir  ainsi  la  preuve 
que  l’homme  encore  barbare ,  qui  vivait  il  y  a  six  mille  ans 
dans  nos  contrées  ,  vivait  comme  le  caraïbe  de  l’Amérique 
ou  l’insulaire  des  îlots  perdus  au  milieu  des  mers  de  l’O¬ 
céanie. 

Ce  rapide  coup  d’œil  suffira  pour  donner  au  point  de  vue 
des  éludes,  une  idée  de  l’importance  de  la  collection  de 
M.  Berthoud,  que  ses  concitoyens  vont  recevoir  avec  une  si 
vive  et  si  profonde  gratitude,  et  qui  va  devenir  pour  notre 
Musée  un  nouveau  titre  considérable  à  l’attention  et  à  l’in¬ 
térêt  des  amateurs  et  des  savants.  A .  D . 


BIBLIOGRAPHIE 

CHAISTS  ET  CHANSONS  POPULAIRES  DU  CAMBRÉSIS 
par  MM.  Diirieux  et  Bruyelle. 

Dans  let.  xxvni.®  des  Mémoires  de  la  Société  d’Emulation 
de  Cambrai  (!.""  partie  ,  p.  183  ;  1864)  MM.  A.  Durieux  et 
A.  Bruyelle  ont  publié  les  chants  et  chansons  populaires  du 
Cambrésis  ;  ils  ont  fait  précéder  cette  col  lection  très-curieuse 
d’une  introduction  écrite  avec  beaucoup  de  soin  et  qui  en 
fait  ressortir  l’intérêt  : 

a  Ces  chants,  nous  les  avons  entendu  répéter,  disent-ils, 
nous  les  avons  répétés  nous-mêmes  dans  notre  enfance. 


—  402  -- 

Tous  de  tradition  orale,  sans  nom  d’auteur  connu,  c’est  dire 
que  nous  ne  les  avons  trouvés  transcrits  nulle  part.  Fils 
plutôt  du  XVI.®  siècle  que  du  moyen-âge  ,  par  l’esprit ,  ils 
n’ont  gardé  de  national  que  le  sentiment  poétique  parfois , 
et  le  mot  rappelant  notre  langage  primitif.  Ils  procèdent 
avant  tout  aussi  de  la  chanson ,  dans  le  sens  qu’on  a  donné 
à  ce  mot  depuis  la  Renaissance. 

«  Qui  peut  entendre  ces  refrains  dont  on  berça  sa  jeunesse, 
sans  se  rappeler  avec  une  tendre  émotion,  la  mère  adorée  , 
la  nourrice  indulgente,  sur  les  genoux  de  qui  il  a  appris  à 
prier,  à  parler,  à  vivre!  Doux  chants  qui  rapprochez  le 
vieillard  de  l’enfant,  peut-on  se  souvenir  sans  un  sentiment 
tout  à  la  fois  de  joie  et  de  regret,  de  ces  rondes  que  l’on 
chantait  en  dansant  avec  ses  jeunes  amis,  sous  l’œil  mater¬ 
nel,  pendant  les  beaux  soirs  d’été  !  Pour  qu’il  en  soit  autre¬ 
ment,  il  faudrait  n’avoir  au  cœur  aucune  sensibilité  et,  dans 
le  cours  d’une  vie  plus  ou  moins  facile,  n’avoir  jamais  souf¬ 
fert  ;  est-ce  possible  ?  ^ 

Tout  cela  est  fort  bien  dit;  les  chansons  populaires  ne 
sont  pas  ,  à  proprement  parler ,  un  monument  de  litté¬ 
rature,  mais  un  écho  naïf  des  sentiments  du  peuple  et  des 
premiers  bonheurs  de  la  vie. 

Les  auteurs  du  recueil  dont  il  s’agit  l’ont  ainsi  divisé  : 
1 .°  Chants  de  fête ,  la  Saint-Jean  et  la  Saint-Pierre  ;  2.°  les 
Rondes-Jeux  et  les  Rondes -à-Danses  ;  3.'’  les  Chansons  di¬ 
verses,  satiriques,  historiques  ou  autres,  les  complaintes. 
A  la  suite  du  texte  des  chants  populaires  se  trouvent  les  airs 
notés  qui  permettent  de  reconnaître  les  différents  styles  de 
musique  auxquels  ils  appartiennent. 

Le t. XXX. •'des  Mémoires  de  la  Société  fi.'*  partie,  p.  177; 
1868)  renferme  un  supplément  qui  est  consacré  principale¬ 
ment  aux  chants  populaires  du  Cambrésis  qui  se  retrouvent 
dans  d’autres  localités,  dans  d’autres  pays,  avec  certaines 
variantes.  Ce  supplément  présente  un  intérêt  particulier  :  il 
compare  les  refrains  du  Cambrésis  aux  chansons  du  Canada 
recueillies  par  M.  Gagnon  et  imprimées  à  Québec  en  1863. 
On  a  dit  qu’on  n’emportait  pas  la  patrie  à  la  semelle  de  ses 


—  403  — 

souliers  ;  mais  on  emporte  les  chansons  du  pays  et  on  les 
implante  aux  lieux  de  l’exil  ou  de  l’émigration.  La  preuve 
en  est  dans  ces  nombreux  couplets  importés  de  la  mère 
patrie  et  qui  ont  traversé  les  mers  dans  le  cœur  ou  sur  les 
lèvres  des  émigrants.  Peut-être  M.  Durieux  ignore-t-il  que 
dans  le  journal  de  l’intrépide  lieutenant  Bellot,mort  victime 
de  son  dévouement  à  la  recherche  de  John  Franklin,  se 
trouve ,  avec  peu  de  changements  notables ,  la  chanson 
Gambrésienne  de  Dodinette,  Podinou  et  qu’elle  était  .sans 
cesse  fredonnée  par  le  commandant  canadien  du  Prince- 
Albert^  Kennedy  ?  Elle  commence  par  ces  mots  :  Quand 
fêtais  chez  mon  père...  mais  elle  continue  presque  exacte¬ 
ment  comme  la  chanson  de  Dodinette  qui  commence  ainsi  : 
Mon  père  m'envoie  à  V herbe...  tandis  que  dans  la  version 
du  Mal  Marié  ,  les  premiers  mots  de  la  chanson  ont  seuls 
de  l’analogie  avec  la  version  canadienne  que  Bellot  avait 
apprise  du  commandant  Kennedy. 

Peut-être  aussi  ne  sait-il  pas  que  la  chanson  de  Madoulet 
existe  à  peu  près  identique  en  patois  de  Lille  et  commençant 
ainsi  : 

J’ai  vu  à  Lill’  dernièr’raint 
A  Saint’-Cath’rine  un  sergint, 

Quand  j’y  pinse  je  m’ crinclie... 

Ici  le  Suisse  de  la  cathédrale  de  Cambrai  est  changé  de 
paroisse  ;  mais  il  a  les  mêmes  traits,  le  même  costume  ,  la 
même  majesté  comique.  Où  est  l’original,  à  Lille  ou  à 
Cambrai?  Voilà  ce  que  nous  ne  saurions  décider  en  si  grave 
affaire.  Nous  soumettons  le  cas  à  MM.  Durieux  et  Bruyelle. 
La  sagacité  dont  ils  ont  donné  des  marques  dans  leur  char¬ 
mante  étude,  nous  fait  espérer  qu’ils  peuvent  résoudre  cette 
difficulté  historique.  F.  Ghon. 


—  404  — 


COURS  DE  TISSAGE 
par  M.  E.  Gand 

Depuis  plusieurs  années  déjà  ont  lieu  à  Amiens  des  cours 
techniques,  fondés  et  patronnés  parla  Société  industrielle; 
et  ces  cours,  très-appréciés,  ont  eu  la  bonne  fortune  d’être 
professés  par  des  hommes  aussi  dévoués  que  capables. 

M.  Ed.  Gand  vient  de  commencer  la  publication  de  son 
cours  de  tissage  ;  évitant  l’aridité  ordinaire  des  ouvrages  de 
ce  genre,  il  introduit  immédiatement  ses  lecteurs  dans  les  « 
opérations  mêmes  de  la  composition  des  tissus,  en  leur  fai¬ 
sant  pour  ainsi  dire  exécuter  séance  tenante  les  croisements 
servant  de  base  à  la  fabrication  générale.  C’est  l’application 
de  la  méthode  Jacoltot  ou  Robertson  à  l’enseignement  tech¬ 
nique,  familiarisant  l’élève,  par  une  pratique  amusante  et 
raisonnée,  avec  les  principes  abstraits  et  les  règles  généra¬ 
les,  qu’il  est  ensuite  tout  surpris  de  formuler  lui-même. 
Nous  pensons  que  le  livre  de  M.  Gand  est  appelé  à  rendre 
les  plus  grands  services  à  la  population  manufacturière  du 
Nord.  Güiraudet. 

ORNEMENT  DE  BRONZE 
conservé  au  musée  de  Saint  -  Orner 
par  M.  de  Lmas(i) 

M.  Louis  Descbamps  de  Pas  a  fait,  au  sujet  d’un  ornement 
de  bronze  qui  a  figuré  à  l’Exposition  universelle,  une  notice 
insérée  dans  les  comptes-rendus  de  l’Académie  des  inscrip¬ 
tions  et  belles-lettres.  L’ornement  est  une  protome  de 
sanglier  terminée  par  un  crochet  recourbé  et  fixée  sur  une 
base  quadrangulaire  ;  M.  Deschamps  le  regarde  comme  un 
cimier  de  casque  gaulois. 

31.  de  Linas  confirme  cette  attribution  en  s’appuyant  sur 
un  passage  de  Diodore  de  Sicile;  sa  conclusion  est  que  cet 

■  Il  I  I  ■  1 1  ■  ■  I  ■  — ■  ^ 

(b  Arras,  Rousseau -Leroy  ;  4  p.,  1  pl. 


—  405  — 

ornement  et  un  autre  du  même  genre  trouvé  en  1866  ,  à 
Essey-lès-Nancy ,  ont  orné  jadis  la  coiffure  militaire  d’un 
Brenn.  E.  Van  Rende. 

CHRONIQUE. 

Xunii»»iiiatiqiie.  Découverte  d'un  trésor  gaulois. —  M. 
de  Saulcy.a  signalé  ,  dans  ces  derniers  temps ,  à  la  Revue 
archéologique  la  découverte  d’un  trésor  gaulois  composé  de 
139  statères.  Chacun  d’eux  est  orné  d’une  étoile  à  quatre 
rayons. Ils  sont  tous  semblables,  ou  du  moins  ne  présentent 
que  de  légères  différences  provenant  de  leur  mode  de  fabri¬ 
cation,  c’est-à-dire  de  la  confection  fort  peu  régulière  des' 
moules  à  l'aide  desquels  ces  pièces  ont  été  coulées. 

Elles  sont  d’un  or  assez  pur  et  pèsent  uniformément ,  pri¬ 
ses  une  à  une  ,  7  grammes  3o  centigr.  ;  de  même  ,  le  poids 
de  dix  pièces  pesées  ensemble  est  exactement  de  73  grain. 
oO  centigr.  ;  il  n’y  a  donc  pas  moyen  de  ne  pas  reconnaître 
dans  la  taille  de  ces  monnaies ,  une  répartition  rigoureuse 
du  métal  précieux  employé. 

Le  trésor  a  été  découvert  à  quelques  lieues  de  Reims , 
dans  un  bois  défriché,  sur  le  terroir  de  Sainte-Preuve 
(Aisne).  Les  statères  étaient  à  même  dans  le  sol,  à  peu  de 
profondeur.  C’est  le  soc  de  la  charrue  qui  les  a  mis  au  jour. 
Il  est  possible  qu’ils  aient  été  renfermés  dans  une  enveloppe 
de  cuir  ou  d’étoffe  que  le  temps  aura  détruite. 

Ces  monnaies  ont  été  très-rares  jusqu’ici  et  par  conséquent 
fort  peu  répandues  dans  les  collections.  La  plupart  des 
exemplaires  connus  provenaient  d’une  vigne  sise  à  Monville, 
près  Melun,  où  l’on  en  trouve  pour  ainsi  dire,  chaque  année. 
Tous  les  autres  avaient  été  recueillis  dans  le  pays  des  Car- 
nutes  (Chartres). 

L’opinion  de  M.  de  Saulcy  attribue  ces  étranges  monnaies 
aux  Senons  plus  probablement  qu’aux  Carnutes.  Ce  savant 


—  406  — 

numismate  pense  aussi  qu’elles  ont  eu  cours  parmi  les 
Rèmes  ;  mais  il  n’admet  pas  que  ces  derniers  aient  été  les 
auteurs  de  ce  monnayage  singulier.  A.  D. 

La  Monnaie  Valenciennoise.  —  Le  n."  o  de  notre  Bul¬ 
letin  (  page  145  )  contient  l’analyse  d’un  essai  sur  l’atelier 
monétaire  de  Valenciennes  et  sur  le  monogramme  de  la 
monnaie  des  comtes  de  Hainaut,  par  M.  Cellier.  Dans  ce 
travail ,  l’auteur  réclamait  comme  type  spécial  à  la  ville  de 
Valenciennes,  le  signe  regardé  par  M.  R.  Chalon  comme 
l’iniliale  de  Hannonia. 

Les  limites  d’un  entre -filet  ne  permettent  pas  de  revenir 
sur  cette  notice  qui  a  été,  dans  la  Revue  de  la  Numismatique 
belge{^.^  série,  1. 1,  p.  371),  l’objet  d’une  critique  reproduite 
avec  réponse  dans  la  Revue  de  Valenciennes,  t.xxiii,  n.°9. 

A  l’opinion  de  Lelewel  et  de  M.  Robert,  M.  Cellier  avait 
ajouté  des  documents  tirés  des  archives  et  du  musée  de  sa 
ville  natale.  Sans  réfuter  complètement  les  raisons  de  son 
adversaire  ,  M.  Chalon  vise  à  mettre  les  rieurs  de  son  côté. 
Dans  sa  réponse,  M.  Cellier,  serrant  de  près  l’argumenta¬ 
tion  ,  relève  une  à  une  les  allégations  que  fautorité  d’une 
plume  habile  et  savante  ne  suffit  pas  à  maintenir  contre  des 
documents  authentiques.  Mais  peut-on  croire  que  fauteur 
des  Recherches  consente  à  n’avoir  pas  le  dernier  mot  ? 

E.  Vax  Rende. 

]?Iétéopol«ê’ie.  Mois  de  novembre  1869.  —  La  tempé¬ 
rature  atmosphérique  moyenne  de  novembre  déduite  d’une 
longue  série  d’observations  est  de  5."  697  ,  cette  année  elle 
fut  de  6.°  93  par  conséquent  de  l.°  233  supérieure  à  cette 
moyenne  générale.  La  moyenne  des  minima  a  été  de  4.°  18, 
celle  des  maxima  9."  68  ;  les  températures  extrêmes  0.'’  4  le 
11  et  13.°  4  les  2  et  4. 

Sous  l’influence  de  cette  température  la  tension  moyenne 
de  la  vapeur  d’eau,  qui  est  ordinairement  en  novembre  de 


—  407  — 

5  mill.  96,  fut  de  6  raill.  29  et  rtuimidité  relative  de 
83,  00  o/'^  au  lieu  de  85,  66  "/o. 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  fut  aussi  accrue 
dans  ces  conditions  météoriques,  elle  atteignit  25  mill.  39 
au  lieu  de  20  mill.  28  qui  est  la  moyenne  de  novembre. 

Si,  d’après  ce  que  nous  venons  de  voir,  les  couches  atmos¬ 
phériques  en  contact  avec  le  sol  furent  moins  chargées 
d’humidité  que  dans  les  conditions  normales,  il  n’en  fut  pas 
de  même  de  celles  occupant  les  hautes  régions.  Pendant 
18  jours  en  effet  le  ciel  fut  complètement  couvert,  et  demi 
couvert  pendant  12  jours. 

Cette  grande  quantité  de  vapeur  précipitée  à  l’état  globu¬ 
laire  ,  en  se  condensant ,  fournit  en  28  jours,  une  couche  de 
pluie  d’une  épaisseur  de  101  mill.  37.  L  épaisseur  de  la 
couche  de  pluie  recueillie  en  novembre,  année  moyenne,  est 
de  50  mill.  404. 

Ces  101  mill.  37  d’eau  météorique  comprenaient  3  mill. 
65  d’eau  de  neige,  1  mill.  70  d’eau  de  grêle  et  96  mill.  02 
d’eau  de  pluie. 

Sous  l’influence  de  cet  état  hygrométrique  des  couches 
supérieures  de  l’atmosphère  la  hauteur  moyenne  de  la 
colonne  barométrique  à  0.°  fut  de  758  mill.  844  oscillant 
entre  les  extrêmes  744  mill.  20  le  23  et  774  mill.  78  le  18. 
En  novembre  année  moyenne  la  hauteur  du  baromètre  est 
de  759  mill.  275. 

Les  vents  régnants  pendant  la  première  moitié  du  mois 
furent  ceux  du  N.  O.  ,  et  pendant  la  seconde  moitié  ceux 
du  S.  O. 

Les  nuages  des  différentes  couches  suivirent  à  peu  près 
la  même  direction. 

Les  13  et  14  on  observa  un  coup  de  vent  prolongé  S.  O. 

Il  y  eut  pendant  ce  mois  28  jours  de  brouillard  ,  11  de 
rosée,  7  de  grêle,  5  de  neige.  V.  Meurein. 


^  408  — 

Histoire  iiioiïu mentale, de  la  Cham¬ 
bre  échevinale  d'Ypres.  —  Cette  Chambre  (Schepencamev), 
redevenue  le  principal  ornement  intérieur  du  splendide 
Hôtel  de  ville  d’Ypres  ,  a  servi ,  depuis  le  commencement 
du  XIV.®  siècle  ,  de  lieu  de  réunion  pour  l’Echevinage 
Yprois.  C’est  là  aussi  que  s’assemblaient  les  Etats  de  Flan¬ 
dre  quand  on  les  convoquait  à  Ypres  ,  là  que  la  «  commune 
d’Ypres  »  recevait  les  souverains  du  pays  lors  de  leur  pre¬ 
mière  entrée  dans  cette  ville. 

A  dater  de  l’occupation  française  (17  juin  1714),  l’ancienne 
organisation  municipale  ayant  cessé  d’exister,  la  salle  du 
Magistrat  fut  successivement  affectée  à  divers  usages.  Bien¬ 
tôt  les  ornements  et  décorations  qui  rappelaient  «  l’ancien 
régime  »  disparurent  et  d’épaisses  couches  de  badigeon 
recouvrirent  la  plupart  des  vieilles  peintures  murales. 

Vers  la  lin  de  1861  ,  le  Conseil  communal  décida  de  faire 
rétablir  dans  son  style  primitif  cette  salle  où  furent  prises 
tant  de  sages  et  glorieuses  résolutions.  Les  travaux,  entrepris 
dès  1863  ,  furent  poussés  avec  une  grande  activité  en  1868 
et  en  1869,  et  la  salle  restaurée  a  pu  être  inaugurée  solen¬ 
nellement  le  8  août  dernier. 

La  grande  croisée  qui  occupe  le  côté-ouest  de  la  Cliam- 
bre  échevinale  ,  ainsi  que  le  dispositif  architectural  de  la 
partie  est,  ont  seuls  été  conservés.  Encore  la  verrière  de 
cette  grande  croisée  a-t-elle  dû  être  refaite.  La  cheminée 
monumentale  ,  les  poutres  ornées  et  les  lambris  sculptés  de 
la  salle  ,  sont  entièrement  neufs. 

La  grande  verrière  se  compose  de  3o  blasons  sur  lesquels 
sont  reproduites  les  armoiries  des  gbildes  armées ,  des  cor  ¬ 
porations  industrielles  ou  ouvrières  et  des  métiers,  dont 
les  délégués  formaient  quatre  des  six  collèges  constituant  la 
réunion  dite  Groot  Gemeente.  Cette  verrière,  magnifique 
don  de  M.  Alphonse  Van  den  Peereboom ,  ministi*e  d’Etat, 


—  409  — 

ancien  bourgmestre  d’Ypres  ,  rappelle  donc  le  souvenir  de 
la  grande  assemblée  populaire  qui ,  durant  des  siècles  , 
délibéra  dans  cette  salle  même  ,  à  Fombre  du  beffroi  encore 
aujourd’hui  debout. 

L’ancienne  peinture  murale  qui  recouvre  toute  la  paroi- 
esL  de  la  salle  représente,  dans  sa  partie  supérieure,  des 
deux  côtés  de  Voculus  restauré  ,  les  évangélistes  saint  Jean 
et  saint  Marc  et,  sur  la  frise  ,  les  six  princes  et  les  six  prin¬ 
cesses  qui  furent  les  seigneurs  du  comté  de  Flandre  de  1322 
à  1476. 

Les  peintures  historiques  modernes  rappellent  trois  épi¬ 
sodes  glorieux  de  l’histoire  d’Ypres.  Des  inscriptions ,  tirées 
des  archives  municipales,  indiquent  le  sujet  de  ces  différents 
tableaux.  Celle  placée  au-dessus  de  la  «  Joyeuse  entrée  de 
Philippe-le-Hardi  »  se  compose  du  texte  même  du  serment 
prêté  par  ce  prince  à  la  commune  d’Ypres  ,  le  24  avril 
1384.  A.  D. 

iiiclusiB'ieE.  Cours  de  tissage  à  S.t- 
Quentin. — Un  cours  de  tissage  vient  d’être  établi  à  S.t-Quen- 
tin  sous  le  patronnage  de  la  Société  industrielle.  C’est  M. 
Gand,  l’éminent  professeur  d’Amiens  qui  a  bien  voulu  faire 
toutes  les  semaines  le  voyage  d’Amiens  pour  organiser  cet 
enseignement  et  donner  les  premières  leçons.  Un  second 
professeur,  M.  Grimonprez,  supplée  M.  Gand  et  doit  le  rem¬ 
placer  lorsqu’il  sera  initié  à  la  pratique  de  cet  enseignement. 
Cent  élèves  se  sont  fait  inscrire  au  cours  ;  beaucoup  Font 
suivi  avec  persévérance.  La  démonstration  du  tissu  se  fait 
d’abord  au  tableau  puis  sur  un  métier  spécial.  Les  élèves 
ontaussi  à  leur  disposition  des  métiers  étroits  dont  la  chaîne 
ne  se  compose  que  d’un  petit  nombre  de  très-gros  fils ,  dont 
la  navette  se  manoeuvre  à  la  main  et  sur  lesquels  ils  exécu¬ 
tent  les  dessins  qui  leur  ont  été  enseignés.  J. G. 

Zoologie.  Loup,  —  M.  Etienne  Scrépel ,  de  Roubaix  , 


—  410  ™ 

a  abattu  d’un  coup  de  fusil ,  au  commencement  de  décem¬ 
bre,  à  S.t-Hubert,  dans  la  forêt  des  Ardennes ,  une  superbe 
‘Louve  ,  qui  mesure  1  m.  40  du  museau  à  l’extrémité  de 
la  queue.  M.  Scrépel  l’a  offerte  au  Musée  de  Roubaix  afin 
d’enrichir  cet  établissement  d’un  type  de  carnassiers  qui 
n’exisie  plus  dans  nos  environs.  J.  G. 

iitéeroSogic.  —  Le  samedi  11  décembre  est  décédé  à 
Passy,  près  Paris  ,  à  la  suite  d’une  hémorragie ,  M.  Stanislas 
Dubois,  avocat ,  ancien  bfitonnierde  l’ordre  de  Valencien¬ 
nes.  M.  Dubois  avait  été  l’un  des  fondateurs  du  journal 
VEcho  de  la  Frontière  ,  à  la  rédaction  duquel  il  participa 
longtemps  avec  MM.  Arthur  Dinaux  et  Aimé  Leroy.  Il  a 
aussi  collaboré  aux  Archives  historiques  et  littéraires  du 
Nord  de  la  France  et  du  Midi  de  la  Belgique.  Voici  le  titre 
des  principaux  articles  insérés  par  lui  dans  ce  dernier  re¬ 
cueil  :  Recherches  sur  Bavai  (2.®  série,  t.  ii ,  p.  245)  ;  Essai 
sur  VHistoire  municipale  de  Valenciennes  ,  (même  série, 
t.  III ,  p.  43).  M.  Dubois  était  âgé  de  72  ans.  A.D. 

M.  Navez ,  membre  de  l’Académie  de  Belgique  (section  de 
■peinture  ),  est  mort  le  11  octobre  dernier.  Il  avait  vu  le  jour 
à  Charleroi  ,  en  1787.  Il  était  l’élève  de  David  et  Lun  des 
plus  fidèles  gardiens  des  traditions  classiques.  Cette  mort 
n’est  pas  le  seul  deuil  que  la  section  de  peinture  ait  à 
déplorer  cette  année:  le  baron  Leys  est  mort  à  Anvers, 
sa  patrie,  le  26  août.  Contrairement  à  Navez  ,  Leys  s’était 
rangé  sous  la  bannière  de  l’école  romantique  et  a  largement 
contribué  à  la  gloire  de  la  nouvelle  école  flamande.  J. G. 

A  iio.%»  Le  et  e  198*!^ 

Notre  Bulletin  touche  au  terme  de  la  première  année  de 
son  existence.  Nous,  espérons  que  les  sympathies  de  nos 
abonnés  et  de  nos  correspondants,  qui  ne  nous  ont  point 


—  41  1  — 

fait  défaut  jusqu’ici ,  continueront  de  nous  soutenir  dans 
l’œuvre ,  éminemment  désintéressée ,  que  nous  avons 
entreprise. 

Renonçant,  dès  le  début ,  à  donner  à  notre  publication 
le  caractère  d’une  Revue ,  nous  avons  tenu  à  en  faire  un 
organe  ,  principalement  bibliographique ,  destiné  à  servir 
de  lien  entre  les  diverses  sociétés  savantes  du  ressort  aca¬ 
démique  et  à  tenir  nos  lecteurs  de  France  au  courant  des 
faits  de  l’ordre  scientifique  et  littéraire  qui  se  produisent  en 
Belgique. 

L’exiguilé  de  notre  format ,  conséquence  obligée  de  la 
modicité  du  prix  d’abonnement ,  ne  nous  a  pas  permis  de 
tenir  toutes  nos  promesses  dès  la  première  année.  Ainsi,  et  à 
notre  grand  regret ,  nous  n’avons  pu  encore  entreprendre 
l’examen  ,  en  ce  qui  nous  concerne ,  des  Revues  et  écrits 
périodiques  qui  se  publient  dans  notre  ressort  ou  à  nos 
portes.  C’est  là  une  lacune  que  nous  allons  nous  efforcer 
de  combler.  Beaucoup  de  questions  d’intérêt  local  qui,  dans 
ces  derniers  temps ,  ont  passionné  les  archéologues  ou  les 
érudits  ,  ont  à  peine  été  indiquées  par  nous.  Nous  en  abor¬ 
derons  incessamment  l’étude  d’après  les  meilleurs  travaux 
sur  la  matière. 

Le  temps  (  et  nous  comptons  avoir  pour  nous  cet  indis¬ 
pensable  élément  de  succès)  le  temps  assurera  l’avenir  de 
notre  œuvre  ,  en  nous  permettant  de  réaliser  notre  pro¬ 
gramme  dans  toute  son  étendue. 

L’accueil  empressé  que  la  plupart  des  sociétés  ont  fait  à 
notre  modeste  Bulletin  nous  a  prouvé  qu’elles  ne  se  mé¬ 
prenaient  pas  sur  la  pensée  qui  nous  dirige.  Tirer  les  tra¬ 
vailleurs  de  l’isolement  où  quelques-uns  se  complaisent  et 
où  d’autres  gémissent  d’étre  ;  faire  qu’en  se  connaissant 
mieux  ils  s’apprécient  davantage  et  que  leurs  forces ,  mises 
en  commun  ,  soient  ainsi  décuplées  ,  tel  a  été  notre  but.  Si 


—  412  — 

nous  n’apprenons  rien  aux  savants  d’une  ville  ou  d’un  arron¬ 
dissement  sur  ce  qui  se  passe  chez  eux  ,  nous  nous  flattons, 
du  moins  ,  d’en  instruire  fidèlement  leurs  voisins. 

Sans  doute,  en  adoptant  fréquemment  les  formes  arides, 
mais  impartiales  ,  du  compte-rendu  analytique  et  du  procès- 
verbal  ,  le  Bulletin  se  prive  de  ce  genre  d’attrait  que  l’on 
nomme  le  piquant  et  qui  a  fait  la  fortune  de  bien  des  créations 
différentes  de  la  nôtre.  Sans  doute  aussi ,  il  se  condamne  à 
n’être,  la  plupart  du  temps,  que  le  reflet  d’œuvres  étrangères 
et  il  court  le  risque  de  manquer  de  vie  propre.  Mais  cela 
même  est  inhérent  aux  condi lions  de  notre  entreprise  et 
résulte  du  soin  que  nous  prenons  de  nous  effacer.  Réservant 
pour  les  sociétés  savantes ,  auxquelles  nous  avons  riionneur 
d’appartenir,  nos  productions  essentiellement  personnelles, 
nous  laissons ,  dans  le  Bulletin  ,  la  plus  grande  place  pos¬ 
sible  à  l’analyse  et  à  l’appréciation  des  œuvres  d’autrui. 

Nous  continuerons  d’accueillir  avec  empressement  toutes 
les  communications  dont  on  voudra  bien  nous  favoriser, 
pourvu  qu’elles  portent  sur  des  faits  actuels ,  des  travaux  de 
date  récente  ou  en  cours  d’exécution,  des  objets  non  encore 
décrits  ou  qui  ne  l’ont  été  qu’imparfaitement,  collections, 
monuments,  couvres  d  art,  etc.  ;  pourvu  enfin  qu’elles  se 
renferment  dans  des  proportions  compatibles  avec  notre 
format. 

Une  Table  des  matières  contenues  dans  le  l.^*’  volume 
du  Bulletin  sera  disliâbuée  à  nos  abonnés  dans  le  courant 
de  janvier ,  en  même  temps  que  le  Titre  et  la  Couverture 
imprimée  du  volume. 

J .  G.  et  A.  D. 

Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQUEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


1/^  Année  —  1869 


TABLE  GÉNÉRALE 


Talïle  des  Sociétés. 


Abbeville.  Société  d’Emiilation  d’  —  252. 

Académie  de  Douai.  Prix  de  mille  francs  décerné  dans  le  ressort 
de  T— 321. 

Amiens.  Académie  d’  —  57  ; 

—  Société  des  Antiquaires  de  Picardie  —  217. 

Arras.  Académie  d’  —  160,  263. 

Belgique.  Académie  royale  de  —  43,  65,  98,  227,  297; 

—  Académie  archéologique  de  —  197  ; 

—  Société  d’histoire  de  la  —  151. 

Boulogne-sur-Mer.,  Société  académique  de  —  25. 

Cambrai.  Société  d’Émulation  de  —  89,  261  ,  384; 

—  Société  des  Amis  des  Arts  de  —  94. 

Douai.  Société  d’Agriculture  ,  etc.,  de  —  376,  383. 

—  Conférences  de  rHôtel-de-Yille  de  — 71,  108,  132; 

—  Faculté  des  Lettres  de  —  369. 

Dunkerque.  Société  de  —  121 , 226  ,  385. 

Facultés.  Séance  de  rentrée  des  —  367. 

Laon.  Société  académique  de  —  127. 

Lille.  Société  des  Sciences ,  etc.,  de  —  3,  94,  153,  193,  256,  367; 

—  Faculté  des  Sciences  de  —  367. 

Mons.  Cercle  archéologique  de  —  29. 

Nord.  Commission  historique  du  département  du  —  334. 
Saint-Omer.  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie  à  —  249. 
Saint-Quentin,  Société  académique  de  —  329, 

Sorbonne.  Réunion  des  Sociétés  savantes  à  la  —  110. 

Valenciennes.  Société  d’Agriculture ,  etc.,  de  —  281. 


Tal>le  «les  l\"oms  d'Auteiirs 

dont  les  ouvrages  ont  été  analysés  ou  cités  : 


Alard.  306 
Alexandre.  62 
Amiable.  152 
Anselin.  62 
Arnould  .31  • 
Asselin.  331 
Austray.  398 


Bachy.  10. 156. 188 
Baecker  ^de).  36 
Barbey.  114 
Bâton  tFabbé).  130 
Bazot.  218 
Béhin.  293 
Bénard.  329 


Béraud.  62 
Berger.  313 
Bernier.  32 
Bettignies  (de).  32 
Blain.  330 
Blin.  92.93 
Boniface.  316 


Borgnet.  232 
Bouclier  de  Perthes  253 
Bouton.  292 
Briart.  19.66 
Brochet.  22 
Brun-Lavainne  113.335 
Bruvelle.  90.262.313 
401 

Cafüaux.  290.339.356 
Caïeux  (de).  255 
Cailletet.  349 
Carlet  (l’ahhé).  112 
Catalan.  68.98 
Cellier.  145. 284.289.292 
Chon.  258.403 
Cloquet.  33 
Cochet  (l’abbé).  115 
Colas.  95 
Colincamp.  373 
Corblet(rahbé).88.111 
113.225 

Coremvinder.  10.116 
Corne  (père).  72 
Corne  (fils).  108 
Cornet.  19.33.66 
Courdaveaux.  372.375 
Courtois.  250 
Cousin.  115.226.385 
Coussemaker  (de).  335 
Cox.  96 
Dancoisne.  146 
Dareste.  135.165.200. 

259.380 
Dartevelle.  33 
Daudville.  330 
Dehaisnes  (l'abbé) .  40 
110.172.187.321 
Defontaine  (l’abbé). 284 
Delattre.  150 
Delègue.  124.174 
Deleporte-Bayart.  282 
Delerue.  7.94 
Deletombe.  7 
Delgove  (l’abbé). 224 
Deligne.  94 
Delière.  283 
Delmotte.  250 
Delplanque.  379 
Delsart.  383 
Demarsy.  254 
Derode.  9.176 
Descamps.  309 
Descbamps  de  Pas .  1 1 6 
404 


Desjardins  (Abel).  71. 

173.369.375 
Desplanque.  9.95.111 

215.340 
Deulin.  285 
Devaule.  285 
Devillers.  31.32.33. 
Dey.  113 
Dormoy.  236 
Douay.  285 
Dumont.  285 
Dupuis.  9 
Dupont.  227 
Durieux.  90.93.262. 

401 

Dusevel.  174 
Dutilleux.  225 
Dusauter.  333 
Duval.  222 
Escbenauer.  7 
Fégueux.  92 
Ferrus.  3 
Fiévet.  284 
Filliette.  131 
Flament.  366 
Fleury  (recteur).  34 
Fleury.  114 
Folie.  297 
Fourdin.  32 
Fromentin.  279 
Fuix.  64.120 
Gacbard.  68.104 
Galesloot.  200 
Gand.  404 
Garcin.  333 
Garnier.  61.218.223 
Gilbert.  68.98  297 
Glœsener.  297 
Gomart.  131.225 
Gosselet.  157.184.197 

262.268.392 
Grandgaignage.  198 
Grar,  284.286 
Griml3ert.  343 
Gripon.  196 
Guignies.  32 
Guiraudet  256 . 383 . 404 
Güthlin.  122.123 
Hachez.  33 
Hallez.  141.170.205 
Ilannover  (le  prof.)  299 
Hecquet.  254 
Hecquet  d’Orval.  255 
Henriot.  60 


Henry.  68.227.297 
Héricourt  (  le  comte 

Achmet  d’) .  362 
Hillebrand.  135.374. 

375 

Houdoy.  78.345 
Houzé  de  l’Aulnoil  (d.') 

157 

Jacques.  33 
Jaer(de).  397 
Joly.  132 
Jourdain.  222 
Kervyn  de  Lettenhove 

(le  baron).  231 
Kolb.  193 
Kulhmann  fils.  158 
Lacroix.  33 
Ladureau.  92 
Lamy.  260.352 
La  Plane  (de). 250. 264 
Lebleu.  143 
Lebreton.  159 
Lecesne.  263.387 
Lecocq.  165.181.235 
Lefebvre.  91.116.261 
Legentil.  161.162 
Legrand.  14.73.284. 

326 

Lejeal.  76.292.294 
Lejeune.  33 
Lelièvre.  282 
Letbierry.  155 
Leuridan.  9.141.336 
L’Hote.  122 
Liagre.  398 
Linas  (de)  265.404 
Livois.  26 
Loppent.  192 
Louise.  308 
Lyon.  10 
Magnier.  27 
Malaise.  230 
Manier.  384 
Manso.  210 
Marchand.  130 
Mathieu.  61 
Melsens.  297 
Matthias.  398 
Matton.  115.128.129. 

130 

Maugin.  133 
Maurice.  383 
Melun  (le comte  de).  8 
I  Mène.  85.159 


-  O 


Meunier  (le  baron) .  9 
Meurein.  21 .55.87. 149 
192.216.248.280.318 
365.407 
Michaux.  33 
Midoux.  114.128 
Monnier.  32 
Montée.  305 
Mordacq.  123 
Mossot.  8.23 
Moy.  134 
iVahuys.  200 
Kavez.  227 
Neyt.  297 
Nivoit.  174 
Korguet  (de)  10.52.83 
86.118.153.209.247 
277.316.344.361 
Obry.  61 
Offret.  378 
Ortlieb.  196 
Paeile.  40 
Pagnoul.  159 
Painvin.  95 
Parenty.  162 
Paris.  326 
Parsy.  383 
Perin.  112 
Petit  (Pabbé).  32 
Pilloy.  151 
Planque  (l’abbé) .  263 
Plateau.  98 
Plateau  fils.  298 
Porter  (de).  152 
Poullet.  396 
Prarond.  256 


Preudhomme  de  Borre 
230.298 
Prévost.  330 
Proost.  199.398 
Proyart.  263 
Quetelet.  78.101.227. 
298.386 

Quetelet  (Ernest) .  101 
Quicherat.  115 
RaYisi(de).  331 
Renier-Chalon.  103 
Renier-Malherbe.  299 
Resbecq  (le  comte  Eu¬ 
gène  de).  56.88.153 
Ricourt.  380 
Ridder  (de).  124 
Rigaux.  20.151 
Robitaille.  263 
Roussette.  33 
Roussel-Defontaine.  9 
Rousselin.  132 
Roth.  91 
Rousseau.  330 
Ruffin.  384 
Saulcy  (de).  405 
Sauvage  (Emile).  27 
Schuermans.  200 
Scheler.  199 
Scoutteten.  42 
Selys-Longchamps  (le 
baron  de).  230.298 
299 

Smyttere  (de).  147 
Soupplet.  333 
Taillar.  170.220 
Tassin.  181 


Teniez.  95 
Terquem.  122 
Theiller.  285 
Thielens.  56.85 
Thivipr  5Q 
Tissandier  300.371.375 
Thys.  200 
Torfs.  200 
Tricot.  33 

Van  Benéden.  103.227 
229 

Van  Beneden  fils.  146 
147.287.298 
YanHende.  19.46.185 
405.406 

YanderElst.  200 
Van  Drivai.  263 
Varenberg.  199 
Vendegies(le  comte  de) 
91.262 
Yerly.  309 
Vertus  (de).  114 
Vincent.  116 
Vincent  (Ch.).  32.334 
Violette  (Henri).  159 
Viollette  (Charles).  10 
11.116 

Vlaminck.  200 
Wallon.  285 
Watteau.  58 
Wilbert  90.93.111.176 
262.384 
Wilmaer.  397 
Yvert.  58 
Zandyck.  122 
Zertermann.  199 


Table  des»  Titres»  des»  Articles» 

insérés  ,  analysés  ou  cités. 


Abbaye  de  la  Thure ,  33  ;  —  de 
Dompmartin ,  255  ;  —  de  Clair- 
marais  ,  264  ;  —  de  Saint-Michel, 
330  ;  —  Gartulaire  de  V  — 
d'Haumont,  32  ;  Manuscrit  de 
r —  de  Lobbes,  33;  Manuscrit 
de  r  —  de  Saint  Waast,  110; 
Numismatique  de  1’  —  de  Saint- 
Waast,  146  ;  du  Gare,  224 


Abbeville  (S).  Hydrologie  de  Par. 

d’  —  254  ;  la  Ligue  à  —  256 
Agriculture.  Progrès  de  P  —  en 
France,  93;  Manuel  élémentaire 
d’  —  383 

Amiens  (S).  Puit  artésien  à —  62; 

Cathédrale  d’  —  222.223 
Anor  (N).  Tranchée  du  chemin  de 
fer  à  —  189 


—  4 

Antiquités.  Découverte  d’  —  à 
Estiiines-au-Yal,  33;  Fouilles 
archéologiques  dans  le  Boulon¬ 
nais,  226 

Ardennes.  Hydrologie  du  dépar¬ 
tement  des  —  349 
Ardoises,  Analyses  d’  —  85 
Aristophane.  134 
Armures  dcs  liommes  du  Nord , 
265 

Art.  Histoire  et  Philosophie  de  V 
—  122.261 
Astronomie  ,  132 
Ath  (B).  Tour  et  Carillon  de  Saint- 
Julien  à  —  32 

Auhert  de  Bavière.  Régence  d’ 

—  290 

Azincourl  (N),  278 
Baleinoptères  du  Nord  dc  l’At¬ 
lantique  ,  227 
Barbastelle  ,  247 
Belœil  (B),  Château  dc  —  32 
Brasseur ,  43 

Blanchiment.  Recherches  sur  le 

—  193 

Blanquart  de  Bailleul  (M.gr)  , 
24 

Bovines.  Raccs  —  du  Ilaiuaut , 
282 

Boulangers.  Lithurgie  du  patron- 
nage  des  —  lit 

Boulogne-sur-Mer  (P)  Histoire 
de  —  27  ;  Fouilles  archéologi¬ 
ques  près  de  —  226 
Bouvines  ,  151 
Braine-lc-Comle  (B),  Forteresse 
de  —  32 

Briffœil  (B).  Château  dc  —  32 
Billet^  161 
Burry  (Pierre) ,  223 
Caillou- qui- Bique  (B),  181.183 
Caix  (S) ,  218 

Calcaires  du  Pas-de-Calais ,  159 
Camhrai(^).  Les  Corps  de  métiers 
de  —  90.176  ;  Domaines  du 
Clergé  dc  —  91  ;  —  Disette  à  — 
93  ;  la  Domination  espagnole 
à  —  1 11  ;  Musée  dc  —  313. 
Cambresis.  Etats  du  — 17  ;  Chants 
et  Chansons  du  —  90;  Inscrip¬ 
tions  tuniulaires  du  —  90  ;  Géo¬ 
logie  du  —  262;  Chants  et  Chan¬ 
sons  populaires  du  —  401 
Cantraine ,  43 


Gartulaires  ,  Chartres  et  Char- 
triers  du  Haiiiaut,  32  :  —  de 
FAhbaye  d'Haumont ,  32;  —  de 
l’Eglise  deS.te-Vaudru,  32  ;  — 
de  Philippe-Auguste,  220;  — 
de  Valenciennes ,  287;  Statuts 
de  l’Académie  dc  Musique  à 
Mous,  34 

Celtiques.  Antiquités—  du  Musée 
de  Douai,  186  ;  —  Découverte 
d’objets  —  à  Caix,  218 
Céramique.  Histoire  de  la  —  lil¬ 
loise  ,  345  ;  Manufactures  de 
Fayences  de  Valenciennes,  76 
Chalandrxj  (A),  129 
Chants  et  Chansons  populaires 
du  Cambrésis,  90. 40 J 
Charles-Quint. Campagnes  de, 90 
Charles  VU.  Lettre  du  Dauphin 

—  à  Philippe-lc-Bon  ,  335 
Chateau  de  Briffœil  ,  32  ;  de 

Belœil,  32;  deMons,  33;  des 
Diables  ,  181  ;  de  Domart  ,174 
Chièvres  (B).  Histoire  de  —  32 
Chimie  ,  68 
Chivy  (A)  ,114 

Christianisme.  Introduction  du 
_ —  dans  le  Hainaut,  294 
Cicéron.  Traité  dc  la  vieillesse  , 
62;  les  Débiils  de  —  284 
Clairmarais  (P) ,  264 
Classification  en  Histoire  natu¬ 
relle  ,135 

Collation  dcs  Curés  de  l’Ordre  dc 
Saint-Jean-de-Jérusalem ,  33 
Concordat  ruSSe  ,  398 
Condé.  Origine  du  titre  des  prin¬ 
ces  de  —  11 4 

Confrérie  noble  dc  Saint-Gcorgcs 
à  Mons, 34 

Cotonnière.  Industrie —  124 
Coucy  la  Ville  (A) ,  130 
Crespel-Delisle ,  162 
Crustacés  d’eau  doucc  de  Belgi¬ 
que,  298 

Desbordes-Valmore  ,  72 

Derode  (Victor)  ,  9 
Détenus  pour  dettes.  Conditions 
des  —  au  moyen-âge  ,  112 
Deux-Acren  (B). Eglise  des  — -  30 
Disette  à  Cambrai,  93  ;  Famine  et 

—  108 

Domart  (  S .)  ,  174 
Doncre  (Dominique),  162 


Douai  (X).  Musée  archéologique 
de —  35.185;  Essai  sur  le  Ma¬ 
gistrat  de  —  172  ;  Musée  Ber- 
tlioud ,  399 

Dour  (Bh  Notes  sur  le  canton  de 

—  32 

Droit  coutumier.  Origine  du  — 
113 

Dubois  (Anne) ,  fondatrice  des 
Brigittines  de  Lille  ,  344 
Dubois  (Stanislas) ,  410 
Dugué  deBagnols.  Mémoires  de 

—  intendant  de  la  Flandre  wal¬ 
lonne,  343 

Dunkerque.  Notice  historique 
sur  —  144 
Duthoit  (Aimé) ,  88 
Eau.  Utilité  deU  —  133 
Economie  politique  et  sociale. 
Considérations  sur  les  Douanes 
et  sur  rimpôt,  95;  Enseigne¬ 
ment  professionnel  des  femmes, 
330;  Causes  du  chômage  du 
lundi,  330;  Les  Chèques,  330; 
Suppression  des  Octrois,  10 
Edouard  îîï  ,  231 
Egl  ises  des  Deux-Acren ,  32  ;  — 
Saint -Julien  à  Ath,  32;  —  Sainte- 
Waudru ,  33  ;  — Chivy,  114; 
—  Amiens,  222.223  ;  —  Saint- 
Michel  ,  330 

Egyptiennes,  Antiquités  —  du 
Musée  de  Douai ,  185 
Elincourt  (N),  92 
Empoisonnement  par  les  Grai¬ 
nes  de  Piicin ,  157 
Enfant  (E)  ,  132 
Epitaphes  (  voir  inscriptions  tu- 
mulaires  ) 

Escaut.  Péage  de  r —  198 
Espèce.  De  r —  165.200 
Est  innes-au-Val ,  33 
Etats  de  Lille  ,  8  ;  —  du  Hainaut, 
16;  —  du  Cambrésis  17;  Convo¬ 
cation  des  —  Généraux  en  Ar¬ 
tois  ,  327 

EtouveUes  (A)  ,  150 
Exposition  de  svlviculture  de 
Namur,  55;  Visite  à  E— univer¬ 
selle,  58 

Fayence  (voir  Céramique) 
Féodalité.  La  —  cn  Picardie , 
220  ;  Statistique  féodale  du  Mc- 
lantois,  336 


Fêtes  de  la  Toison-d'Or  à  Mons  , 
33  ;  —  à  Laon  en  1741 ,  etc. , 
130 

Feux.  Francs  des  cinq  offices 
des  —  à  Valenciennes,  339. 
352 

Filigranes  des  papiers,  128 
Filles  de  la  Croix.  Origine  de 
l'Institut  des  —  225 
Flandre.  Relations  de  la  —  au 
moyen-âge,  200 
Florentins.  Les  Proscrits—  sous 
Henri  III ,  173 
Foires  de  Mons ,  33 
Folz-les-Cavcs  (B).  Gite fossilifère 
de  —  83 

Gallo-Romaines.  Sépultures  — 
19,52;  Antiquités  91.129; 
Habitation  —  à  Bouvines,  151  ; 
Puits  —  à  Vechten  ,  200 
Gaule.  La  —  au  siècle  d’Auguste 
et  sous  les  Antonins  ,  170 
Gaulois.  Découverte  d'un  Trésor 
—  405 

Geete  (Grande)  (B).  Roches  canne¬ 
lées  de  la  —  230 

Géologie  du  Cambrésis  ,  262  ;  — 
du  Caillou-qui-Bique  183  ;  — 
des  environs  de  Soignies,  66;  = 
Grotte  de  Coget,  près  Namur  , 
227;  Diluvium  de  Saint-Omer, 
120  ;  Cristaux  de  Gypte  dans 
Eargile  d'Ypres  ,  362  ;  Coupe 
d'unpuit  à  Guesnain,157;  Craie 
de  Saint-Omer,  267;  le  Gault  à 
Valenciennes,  197;  Bassinhouil- 
1er  de  Valenciennes  ,236;  Sour¬ 
ces  sulfureuses  de  Meurchin, 
318  ;  Observations  géologiques 
faites  en  Italie ,  157  ;  Roches 
cannelées  de  la  Grande-Geete, 
230  ;  Tranchée  du  chemin  de 
fer  de  Tournai,  216;  id.  d'Anor, 
189  ;  id.  d'Origny,  189  ;  Etudes 
paléontologiques  sur  le  dépar¬ 
tement  du  Nord,  157;  Crustacés 
et  Tortue  fossiles  de  Lezennes, 
361  ;  Cheloniens  fossiles  des 
environs  de  Bruxelles  ,  230  ; 
Palædaphus  devoniensis  ,  229  ; 
Gîte  fossilifère  de  Folz  -  les  - 
Caves ,  83  ;  Meule  ,  18  ;  Sources 
salines  du  terrain  houiller,  299 
Cours  de  —  392 


6 


Germaniques.  Traces  d’éléments 

—  dans  le  Nouveau  -  Monde  , 
200 

Gibier.  Arrivages  de  —  du  Nord, 
46 

Gracques  (les) ,  73 
Grec.  Théorie  élémentaire  des 
verbes  grecs ,  308 
Gucsnain  (N).  Coupe  d’un  puit  à 

—  157 

Hainaut.  Etats  du  —  16;  Cartu- 
laire  du  —  32 
Hamel  (N) ,  248 

Haumont  (N).  Cartulaire  de  l’ab¬ 
baye  d’  —  32 
Hédouin  ,  24  ,  88  ,  385 
Henri  IV.  Lettre  de  —  aux  Ya- 
lenciennois,  292 
Histoire.  Cours  d’  —  371 
Hippophagie  ,  333 
Houille.  Analyse  des  —  du  Nord 
de  la  France,  159  ;  Bassin  houil- 
1er  de  Valenciennes  ,  236 
Horace.  Traduction  d’  —  59 
Hrovistha  ,  59 

Hydrologie  de  l’arrondissement 
d’Abbeville ,  254  ;  —  du  dépar¬ 
tement  des  Ardennes ,  349  ;  Ali¬ 
mentation  d’eau  potable  de  la 
ville  de  Douai ,  383 
Incendie.  Avertisseur  d’ —  192 
Indianisme.  Jeliovali  et  Agni , 
61  ;  Culte  de  Kriclma  ,331 
Industrie.  Notions  sur  1’  —  dans 
le  département  des  Ardennes  , 
174;  Histoire  de  F—  à  Lille, 
176 

Inscriptions  tumulaires  de  Blan¬ 
dine  Rubens  ,  33  ;  ■ —  de  l’ar¬ 
rondissement  de  Cambrai ,  90 . 
262 

Intendants,  Intendance  du  Hai¬ 
naut  ,  14  ;  —  Mémoires  des  — 
de  la  Flandre  et  du  Hainaut , 
340 

Insectes.  Catalogue  des  Coléop¬ 
tères  du  département  du  Nord, 
10;  id.  des  Hémiptères,  155; 
Synopsis  des  Caloptérygines, 
230  ;  id.  des  Gomphines ,  298  ; 
Ravages  des  Chenilles,  240.268 
282  ;  Insectes  nuisibles ,  255 
Ivoire.  Feuille  d’  —  trouvée  à 
Tongres ,  200 


Jeanne  la  Folle,  135 
Juan  d’Autriche  (Don) ,  68.231 
Jourdain  (Léonor) ,  littérateur , 
61 

Judiciaire.  Episode  —  du  XIV.* 

siècle,  123;  Jugements  de  Dieu, 
199 

Xiamartine,  87 

Lannoy  (N).  Histoire  de —  9.141 
Laon{k).  Fêtes  à  —  en  1741,  etc., 
130;  Institution  de  Charité  à  — 
131 

lia  Rochefoucault,  8 
Lemaire  de  Saint-Quentin  ,  333 
le  Pelletier  de  Souzy  intendant 
de  la  Flandre  ,  ses  Mémoires  , 
341 

Lèse-majesté  SOUS  le  DuC  d’Al- 
be ,  398 
Leys  ,  410 
Lezennes  (N) ,  361 
Ligue.  La  —  à  Abbeville,  397  — 
en  France ,  397 

Lille  (N).  Histoire  des  Etats  de  — 
8  ;  Rivières  et  canaux  de  —  40; 
Histoire  de  l’industrie  à  —  176; 
Biographie  lilloise  contempo¬ 
raine  ,  309  ;  Anciennes  coutu¬ 
mes  de  —  335 

Littérature.  Cours  de  —  néer¬ 
landaise,  36;  — ancienne,  372, 
française  ,  373  ,  étrangère  ,  373 
Liquide.  Figures  d’une  masse  — 
sans  pesanteur,  98 
Looz  (B).  Histoire  du  comté  de 
—  152 

Loup  ,  80 ,  116,  409 
Louvain  (B).  Siège  de —  397 
Mammifères.  Liste  des  —  du 
département  du  Nord,  212 
Mammouth  ,  120 
Marœuil  {?),  387 
Mathématiques  ,  64,  68,  98,  120 
Martre  ,316 

Mécanique.  Expériences  sur  les 
métiers  à  tisser ,  256 

Menstruation.  Epoque  de  la  — 
299 

Mérovingien.  Cimetières  — 130. 

218.318  ;  —  Chapiteaux  —  1 14 
Météorologie,  21.  53.  86.  118. 
148.191.215.247.279.316.364. 
406;  Orages,  22.386  ;  Observa¬ 
tions  —  92.101.122.333.378  ; 


—  7  — 


Aurores  boréales,  227  ;  Bolide; 
227.365;  Neige  en  été,  299, 
Tremblement  de  terre ,  365  ; 
Etoiles  filantes,  387 
Métiers.  Corps  de  —  à  Cambrai, 
176  ^ 

Meunier  (Baron) ,  9 
Meurchin  (P)  ,  318 
Milon  moine  de  Saint-Amand , 
112 

Monnaies  (voir  Numismatique) 
Mon$  (B).  Château  de  —  33  ;  Fête 
delà Toison-d’Or  à — 33;  Foires 
de  —  33  ;  Sceau  primitif  de  — 
33;  Hôtel  de  la  Paix  à  —  34  ; 
Confrérie  noble  de  S.t-Georges 
à  —  34  ;  Ancien  cimetière  à 

—  362  ^ 

Monstruosités.  Producîtion  des 

—  259  ;  Polydactylie ,  379 
Musées  de  Cambrai ,  313  ;  —  ar¬ 
chéologique  de  Douai,  37.185  ; 
—d'flistoire naturelle  de  Douai, 
205  ;  —  de  Dessin  de  Lille,  120  ; 

—  d’Archéologie  et  de  Cérami¬ 
que  de  Lille  ,  209  —  Ethnogra¬ 
phique  de  Lille,  188— Berthoud 
à  Douai ,  399 

Navez  ,  410 

Narbonne.  Journal  de  —  Com¬ 
missaire  de  police  de  Versailles, 
258 

Néerlandaise.  Cours  de  littéra¬ 
ture  —  36 
Noble  famille ,  56 

^oroy  (S)  ,  218 

Numismatique  des  comtes  de 
Hainaiit,  143  ;  —  de  FAbbaye  de 
Saint- Waast,  146;  —  du  Pon- 
thieu  ,  254  ;  —  des  seigneurs 
deFlorennes,  104;  Découverte 
de  Monnaies,  20.149.405;  De 
la  Monnaie  dans  le  département 
du  Nord.  44.^84;  Atelier  moné¬ 
taire  de  Valenciennes.  145,406  ; 
]\Iédailler  du  Musée  de  Valen¬ 
ciennes,  284  ;  Enseignes  de  S.t- 
Firmin  ,115 

Œufs.  Conservation  des  —  159 
Oiseaux.  Coqs  de  Bruyère,  47  ; 
Gelinotte,  49;  Lagopèdes,  50  ; 
Tétras  ,  51  ;  Mouette,  86;  Petrel, 
86  ;  Pouillot ,  86  ;  Cygne  ,119; 
Canard  hybride ,  205  ;  Pélican 


blanc ,  315  ;  —  Oiseaux  étran¬ 
gers,  85;  Ornithologie  euro¬ 
péenne  ,  153  ;  Oies  sauvages  , 
356 

Origny  (A).  Tranchées  du  chemin 
de  fer  à  —  190 
Ornement  de  Bronze  ,  404 
Pascal ,  8.124.174 
Peinture  :  Vocation  de  Saint- 
Jacques,  95 
Peissant  (B),  33 

Périodiques.  Phénomènes  — en 
1865  et  1866,  101 
Peuple.  Condition  du  —  au 
moyen-âge,  113 

Philippe  II.  Campagnes  de  — 
200 

Philosophie.  L’Ame,  61;  les  Idées 
innées,  253,  Etudes  de  Théodi¬ 
cée,  300  ;  Cours  de  —  370  ;  Le 
Phédon  ,  397  ;  L’ordre  surna¬ 
turel  ,  398 

Physique  ;  Vibrations  de  l'air 
dans  une  enveloppe  biconique, 
196;  Chronomètre  electro-ha- 
listique,  227  ;  Pyromètre,  260 
Physique  sociale,  78.299 
Poésies,  Poèmes  ;  la  Patience  , 
7;Lydéric,  7;  l’Apparence  trom¬ 
peuse,  7;  Hrovistha,  59;  la  Mort 
et  le  Bûcheron ,  60  ;  la  Sobriété 
poème  du  ix.®  siècle,  112;  le 
Dernier  jour  de  Pompéï ,  123; 
Li  roman  des  Eles ,  199  ;  les 
Chants  du  soir  ,  210  ;  le  Pèleri¬ 
nage  deChild-Harold,  306;  Pro¬ 
menade  dans  le  Cimetière  de. . . 
330;  Macbeth,  330 
Poissons  fossiles  du  Boulonnais, 
27 

Porc  Epie ,  120 

Préexistence  des  germes.  Théo¬ 
rie  de  la  —  135 

Premont  (A)  pendant  l’occupation 
romaine ,  135 

Procès  auxiliaires  de  l’Histoire  , 
91 

Protestantisme  à  Remigny,  130 
Puit  romain,  200 
Puysaye.  Recherches  historiques 
sur  la  —  147 

Quemada.  Ruines  de  —  92 
{juentovic.  Emplacement  de  — 


—  8  — 


Reliquaire  de  l'abbaye  de  Hac- 
quignies 

Remigny  (A)  ,  130 
Renaissance  (La),  71 
Rime.  Origine  de  la  —  59 
Robespière.  La  jeunesse  de  — 
325 

Ronchin  (A) ,  19 
Roye  (S) ,  225 

Rubens.  L'épitapbe  de  Blandine, 
33 

Saint- Angilbert ,  113 

Saint-Michel  (A) ,  330 
Saint-Omer{V).  Diotionnaire  géo- 
graphique  de  l'arrondissement 
de  —  250  ;  Diluvium  de  --  -  120  ; 
Craie  de  —  267 
Sainte- Aye.  Culte  de  —  33 
Sainte-Beuve ,  320 
Saint-Génois  (le  Bai'on  de) ,  43 
Sanglier  ,117 

Sceaux  primitif  de  Mous  ,  33  ;  — 
des  Minimes  à  Mous,  34;  —  des 
seigneurs  de  Florennes  ,  104  ; 
du  Musée  d'Amiens,  225 
Schœnbein  ,  42 
Sénac  de  Meilhan,  14.325 
Sépultures  et  Cimetières  gallo- 
romaines  ,  19.52  ;  —  mérovin¬ 
giennes,  130.218.318. 387;— an¬ 
ciennes  ,  150.362;  Pierres  tom¬ 
bales  de  AVillerval ,  362 
Silex  taillés  ,  33 

Silviculture .Exposition  de — de 
iS’amur,  55;  Végétation  spon¬ 
tanée  des  plantes  forestières , 
62 

Smithsonnienne .  Institution  — 
de  Wasington ,  378 
Soissons  (A).  Siège  de  —  131 
Soignies  (B),  66 
ASo/esmes  (N). Histoire  de —  381 
Soude.  Fabrication  de  la  —  352 
Soufre.  Extraction  du  —  en  Si¬ 
cile  ,  158  ;  Source  sulfureuse  . 
de  Meurcliin  ,318 
Squalodons  ,  103 
Strepy  (B),  33 


Sucre.  Dosage  du  —  11 
Sulfocyanures ,  68 
Templeuve  (A) ,  362 
Théodicée.  Etudes  de  —  300 
Thermophylacte  ,  159 
Thivencelles  (B) ,  19 
Tissage.  Coui's  de  —  404.409 
Toilliez  ,  31 

Toscane  (Grand  Duc  de) —  173 
Tournay  (B).  Tranchée  du  che¬ 
min  de  fer,  216 

Trith  (iN) .Seigneurs  de—  aux  xii.® 
et  XIII.'  siècles ,  286 
Université.  Discours  suri' —  34 
Valenciennes.  Manufactures  de 
fayences  de  —  76  ;  Ateliers  mo¬ 
nétaires  de— 145.406;  le  Gault  à 

—  197  ;  Chartre  communale  de 

—  289;  Siège  de  —  292  ;  Vigno  - 
blés  de  —  292  ;  Flistoire  du  Col¬ 
lège  de  —  293  ;  Francs  des  cinq 
offices  des  feux  à  —  352  ;  Bio¬ 
graphie  valenciennoise ,  287 

Van  der  Buch  archevêque  de 
Cambrai,  33 

Vapeur  (Machines  à  vapeur), 
hobinet  à  air  de  sûreté ,  96  ; 
Utilisation  des  —  perdues  dans 
les  fabriques  de  sucre ,  333  ; 
Emploi  de  la  contre-vapeur , 
380 

Végétaux  Alyosotis  Dumortieri, 
56;  Cytissus  décumbans,  56; 
Physiologie  végétale ,  156 
Vente  de  gravures,  366 
Vierge  miraculeuse  de  Cambron, 
33 

Vincent  de  ITiistitut  ,24.87 
JV arminia  (B)  ,  200 
Watteau.  Le  peintre  —  284 
JVelteren,  200 
TFillerval  (P) ,  362 
Worden. Biographie  du  baron  do 

—  91.262 

Ypres  (B).  Restauration  de  la 
Chambre  échevinale  d’ —  408 
Ziphioide  foSSile ,  103 


Les  noms  de  localilcs  sont  accompagnés  d’initiales  dés' gnant  les  divisions  géogra¬ 
phiques  où  cl’es  sont  situées  :  —  (A)  Aisne ,  (Ar)  Ardennes  ,  (S)  Nord  ,  (P)  Pas-de-Calais  , 
S)  Somme  ,  (Bj  Belgique. 


LILLE,  DIP.  BLOCQUEL-CASTLVUX  ,  GRANDE  PLACE,  13. 


BULLETIN 


Scientifique  ,  Historique  et  Littéraii*e 


du  Département  du  Nord 


ET  DES  PAYS  VOISINS 


BULLETIN 

SCIENTIFIQUE  ,  HISTORIQUE 

ET  LITTÉRAIRE 

DU  DÉPARTEMENT  DU  NORD 

et  des  pays  Toisius 

(  Pas-de-Calais,  Somme,  Aisne,  Ardennes,  Belgique  ) 

PUBLIÉ  sous  LA  DIRECTION  DE  MM. 

GOSSELET ,  Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille  et 
DESPLANQUE  ,  Archiviste  du  Département  du  Nord. 

Tome  IL  —  1870. 


LILLE 

Imprimerie  de  Blocquel-Castiaux  ,  grande  place  ,  13 

1870 


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2/ Année.  —  N.°  1.  —  Janvier  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  d’agriculture,  scieisces  et  arts  de  douai 
Mémoires  ,  2.®  série ,  tome  IX. 

HISTOIRE  ET  LETTRES. 

Notices  nécrologiques  :  M.  H.  Honoré^  M.  Vahbé  Capelle, 
—  La  Société  d’agriculture ,  sciences  et  arts  de  Douai  est 
dans  l’habitude  de  consacrer  une  Notice  à  ceux  de  ses  mem¬ 
bres  résidants  qu’elle  a  la  douleur  de  perdre.  M.  Dupont 
s’est,  au  nom  de  la  compagnie,  acquitté  de  cette  dette 
envers  la  mémoire  de  feu  M.  Honoré ,  ancien  bâtonnier  de 
l’ordre  des  avocats ,  décédé  le  o  août  1866. 

La  Société  a  tenu  à  ce  qu’un  de  ses  correspondants,  mort 
le  7  octobre  1867,  fût  pareillement  admis  aux  honneurs 
d’une  Notice.  M.  l’abbé  Capelle  avait  des  droits  particuliers 
à  cette  distinction,  comme  enfant  de  Douai  et  comme  ayant 
répandu  un  certain  lustre  sur  sa  cité  natale.  Sans  avoir  été 
un  orateur  de  premier  ordre,  M.  l’abbé  Capelle  a  recueilli, 
dans  sa  longue  vie  de  missionnaire,  des  succès  de  parole 
dont  se  souviendront  longtemps  les  populations  rurales  et 
urbaines  qui  en  ont  été  témoins.  On  sait  qu’avec  sa  puis¬ 
sante  initiative,  son  entrain  irrésistible,  il  fut  l’organisa¬ 
teur  des  jubilés  séculaires  de  Cambrai,  de  Lille  et  de  Douai, 
trois  grandes  fêtes  qui  marqueront  dans  les  annales  ecclé¬ 
siastiques  du  pays.  A  la  suite  du  jubilé  de  Douai,  M.  Maurice, 
alors  maire  de  la  ville,  lui  adressa  de  publiques  félicitations 
pour  l’heureux  résultat  d’une  entreprise  qui  réclamait, 
comme  il  le  dit,  <r  l’union  d’une  foi  ardente  et  d’un  goût 
épuré.  »  Il  lui  remit,  en  même  temps ,  au  nom  de  ses  con¬ 
citoyens  et  en  commémoration  de  cette  fête,  une  chapelle 
en  vermeil ,  ornée  de  riches  métaux. 


—  2  — 

La  Notice  nécrologique  de  M.  Capelle  ne  pouvait  être 
inieux  confiée  qu’à  la  plume  exercée  de  M.  l’abbé  Debaisnes. 
Celui-ci  suit  pas  à  pas  son  regretté  confrère  :  il  l’accom¬ 
pagne  du  collège  au  séminaire,  du  séminaire  à  ses  diffé¬ 
rents  postes  jusqu’à  celui  de  Saint-Géry  à  Valenciennes  où 
devait  s’éteindre ,  au  bout  d’une  vie  de  fatigues,  cet  homme 
doué  de  qualités  si  brillantes  et  d’une  si  rare  activité. 

M.  Debaisnes  énumère,  en  môme  temps,  les  productions 
littéraires  de  son  auteur,  productions  qui,  si  l’on  en  excepte 
la  Vie  de  Sainte  Hiltrude  et  la  Biographie  des  Prêtres  du 
diocèse  de  Cambrai  morts  depuis  1800,  furent  presque  toutes 
des  œuvres  de  circonstance,  puisqu’elles  se  rattachent  aux 
trois  grands  jubilés  dont  elles  rappellent  le  motif  et  dont 
elles  perpétueront  le  souvenir. 

L'Académie  bocagère  du  Lulmuse,  notice  humoristique 
par  M.  le  docteur  Maugin.  —  Le  Valmuse  des  bords  de  la 
Sensée  et  les  Rosati  d’Arras  étaient  deux  institutions  sœurs. 
Nous  traiterons  de  l’une  et  de  l’autre  dans  un  article  spé¬ 
cial,  lorsque  aura  paru  le  chapitre  consacré  par  M.  Paris  à 
la  joyeuse  Société  artésienne  dont  Robespierre  était  le  peu 
joyeux  sociétaire,  (b  Provisoirement  nous  nous  bornerons 
à  signaler  le  travail  de  M.  Maugin,  en  en  louant  le  tour 
heureux  et  les  données  nouvelles  qui  forment  un  utile 
complément  aux  recherches  de  feu  Arthur  Dinaux  sur  la 
même  matière. 

Boutade  à  V occasion  de  la  Loi  Grammont^  par  M.  Courtin. 

De  l’immortelle  loi  que  l'on  doit  à  Grammont 
Admirez ,  s’il  vous  plait ,  le  sens  grave ,  profond... 

Tris  d’un  tendre  intérêt  pour  la  gent  animale, 

Par  une  faveur  sans  égale, 

11  fait  punir  d’amende  et  d’emprisonnement 
Le  plus  futile  emportement 
Contre  le  moindre  chien ,  ou  bien  toute  autre  hôte. 


(b  Voir  Bulletin ,  t.  i ,  p.  326. 


O - 


Parfait ,  dit  l’auteur  de  la  boutade  en  question  (ce  n’est, 
bien  entendu  ,  qu’une  boutade) ,  mais  ce  meme  animal  que 
le  législateur  prétend  protéger  contre  le  caprice  d’un  con¬ 
ducteur ,  il  le  livre  sans  pitié  au  boucher  s’il  juge  sa  chair 
propre  à  l’alimentation  de  l’homme  : 

Mais  Tassommer,  ou  l'égorger , 

Le  dépecer,  et  même  le  manger 
Est  très-permis _ 

M.  Cour  tin ,  on  le  voit ,  n’est  pas  éloigné  de  s’écrier  avec 
le  poète  Roucher  : 

Arrête  ,  liomme  vorace  ;  arrête  ;  ta  furie 
Des  tigres ,  des  lions,  passe  la  barbarie  ! 

Ne  nous  étonnons  pas,  après  cela,  s’il  s’emporte  contre 
les  chasseurs  que  l’on  voit  : 

. Dès  que  l'ordre  du  Tréfet 

Le  permet , 

Sur  les  êtres  vivants  que  notre  terre  porte 
Fondre  avec  cruauté. 

A  combien  plus  forte  raison  le  défenseur  quand  même 
des  animaux  réprouve-t-il  les  courses  de  chevaux,  les  com¬ 
bats  de  coqs,  de  pinsons  et  de  taureaux,  l’usage  où  l’on 
est  de  choisir  pour  cible  vivante  ,  les  jours  de  fête , 

Une  innocente  bête 
Qu'on  lie  et  qu'on  suspend  ! 

L’usage  ,  non  moins  barbare  ,  où  l’on  est  en  Gascogne  de 
livrer  aux  sangsues  de  vieilles  rosses  encore  vivantes. 

Bref  l’auteur  conclut  que  ,  dès  qu’il  s’agit  de  l’intérêt  ou 
même  des  plaisirs  du  roi  de  la  création ,  l’esprit  de  la  loi 
Grammont  est  bien  vite  laissé  de  côté  par  ceux  mêmes  qui 
l’ont  faite. 

Le  monument  du  Vercingétorix  ^  poème  par  M.  Abel 
Desjardins.  —  Ici  nous  sommes  encore  sur  le  terrain  de  la 
poésie.  Mais  nous  confinons  aux  sévères  réalités  de  l’Iiis- 


toire.  M.  Abel  Desjardins  a  divisé  son  poème  en  trois  chants  : 
Alise,  Rome,  VApothéose. 

Alise,  c’est  le  récit  du  soulèvement  général  et  de  la  défaite 
suprême  : 

Ainsi ,  dans  un  élan  sublime  , 

La  Gaule  se  lève  unanime  ! 

0  combien  ils  sont  beaux  à  voir 
Ces  guerriers  ,  ces  héros ,  accourus  par  cent  mille 
(juittant ,  le  cœur  joyeux ,  leur  foyer  et  leur  ville 
Pour  accomplir  un  saint  devoir  ! 

Dans  Rome ,  nous  retrouvons  le  captif  languissant  sans 
espoir  : 


Ce  n'est  plus  le  brillant  vainqueur  de  Gergovie , 

A  l'œil  d’aigle  ,  au  front  radieux  ; 

C'est  un  pâle  malade  ,  au  déclin  de  la  vie  : 

Cinq  ans  de  douleurs  l'ont  fait  vieux  ! 

Par  un  de  ces  anachronismes  volontaires  que  l’on  par¬ 
donne  avec  un  plaisir  particulier  aux  maîtres  de  la  science 
historique  ,  Saint  Pierre  apparaît  au  captif  dans  sa  prison. 
Il  lui  prédit  le  prochain  triomphe  du  christianisme  sur  les 
débris  de  Rome  païenne  et  lui  fait  entrevoir  les  hautes  des¬ 
tinées  de  la  Gaule  comme  fille  aînée  de  l’Eglise. 

Au  jour  de  VApothéose,  la  Gaule  est  devenue  France.  Elle 
invite  Vercingétorix  à  prendre  rang  entre  les  héros  et  les 
rois  dont  elle  est  le  plus  fière  : 

Or ,  parmi  les  guerriers  que  le  Gaulois  admire  , 
ün  groupe  a  fixé  son  regard. 

Il  cède  au  charme  qui  l’attire 
Vers  Jeanne  Darc  et  vers  Bayard  , 

Il  siégera  —  plus  d'un  trait  les  "rapproche  : 

Même  vertu  ,  même  valeur,  — 

Entre  le  chevalier  sans  peur  et  sans  reproche  , 

Et  la  vierge  de  Vaucoulenr. 

Mœurs  des  Hébreux  et  des  Arabes  j^asteurs  d'après  la 
Bible  ,  par  M.  H.  Corne.  —  M.  Corne  ,  comme  il  nous  l’ap¬ 
prend  lui-même ,  s’est  appliqué  à  relever ,  avec  une  reli¬ 
gieuse  curiosité ,  ce  que  la  Bible  contient  de  renseignements 
sur  les  Sociétés  primitives. 


«  Abraham,  dit-il  en  commençant,  est  le  patriarche  qui 
forme  le  trait  d’union  entre  l’histoire  profane  et  l’histoire 
sacrée  des  premiers  âges  ;  Abraham  ,  le  nom  d’homme  sans 
contredit  le  plus  vénéré  dans  le  monde.  Trois  religions 
Tinvoquent  et  l’honorent  comme  leur  fondateur;  pour  les 
Juifs ,  il  est  le  père  du  peuple  choisi  de  Dieu  ;  pour  les 
Chrétiens,  c’est  le  trône  sacré  d’où  le  Christ  lui-méme  est 
sorti.  Les  Musulmans  enfin  révèrent  en  lui  l’auteur  de  la 
famille  arabe,  Tancêtre  de  Mahomet.  » 

La  Constitution  sociale  du  peuple  Hébreu  à  cette  époque 
a  pour  hases  le  monothéisme  le  plus  pur  et  la  puissance 
patriarchale  avec  un  reflet  d’autorité  divine  qui  lui  est 
propre  ,  puissance  illimitée  à  l’égard  des  enfants ,  des 
esclaves,  et  qui  relègue  la  femme  au  degré  d’infériorité  où 
elle  se  trouve  là  où  le  principe  de  la  monogamie  n’est  point 
de  rigueur.  Les  patriarches ,  véritables  chefs  de  tribus , 
étaient  riches  et  puissants  à  l’égal  des  petits  rois  de  la  con¬ 
trée  qu’ils  habitaient.  Ils  possédaient  de  l’or,  de  l’argent , 
des  tentes,  des  troupeaux.  A  la  tête  de  nombreux 
ils  entreprenaient  des  expéditions  guerrières  et  conquéraient 
des  territoires  :  ce  qui  ne  les  empêchait  pas  de  conserver 
une  extrême  simplicité  de  goût  et  de  mœurs.  Qu’on  ne  se 
méprenne  point  toutefois  sur  le  caractère  réel  de  cette  sim¬ 
plicité  et  qu’on  ne  la  confonde  point  avec  l’innocence  chimé¬ 
rique  qu’ont  rêvée  les  poètes  profanes  lorsqu’ils  ont  voulu 
nous  dépeindre  les  merveilles  de  l’âge  d’or. 

«  A  côté  de  ces  vertus ,  à  côté  de  cette  simplicité  de  cœur 
et  de  cette  foi  religieuse  si  profonde  et  si  vive  chez  les 
patriarches ,  nous  trouvons  trop  fidèlement  reproduites  en 
eux  toutes  les  passions  de  l’humanité  :  la  jalousie ,  la  haine, 
l’amour  de  la  vengeance,  la  cupidité  ,  l’astuce,  la  dissolu¬ 
tion  des  mœurs,  etc.  Quand  ils  ne  savent  pas  réprimer  ces 
passions ,  les  crimes  qu’elles  enfantent  sont  empreints  d’une 
brutalité ,  sauvage  comme  l’existence  même  de  ces  hommes 
primitifs.  » 

Le  tableau  de  la  vie  des  patriarches,  si  naïvement  retracé 


—  6  — 

par  la  Bible  ,  aide  beaucoup  à  mettre  en  lumière  certains 
usages  communs  aux  peuples  d’une  antiquilc  très-reculée. 
Par  exemple  :  l’érection  de  monuments  commémoratifs , 
autels,  pierres  du  témoignage,  etc.;  la  plantation  d’un 
bois  en  souvenir  d’un  pacte  solennel  ;  le  creusement  de 
puits,  dont  l’un,  dans  la  Genèse,  est  formellement  appelé  le 
puits  du  jurement  ;  lacbat  de  terrains  pour  sépultures, 
l’embaumement  des  corps ,  les  cérémonies  des  funérailles  , 
les  assemblées  du  peuple  à  la  porte  de  la  ville,  etc. 

Passant  de  la  Genèse  au  livré  de  Job ,  M.  Corne  recueille, 
dans  ce  dernier  ouvrage  ,  de  piquantes  observations  sur  la 
sociabilité  des  peuples  primitifs ,  sur  leur  façon  d’exercer 
l’hospitalité,  sur  leurs  instincts  d’humanité  et  de  justice  , 
sur  la  manière  dont  ils  envisageaient  la  misère  et  l’iniquité, 
sur  le  sens  qu’ils  allacbaient  à  la  malédiction  ,  sur  leurs 
danses  et  instruments  de  musique ,  sur  leurs  objets  de  luxe , 
leurs  armes  et  instruments  divers ,  sur  leurs  tombeaux  et 
leurs  signes  de  deuil. 

JS  oie  sur  quelques  inscriptions  latines  du  musée  de  Douais 
par  M.  Ernest  Desjai’dins,  membre  correspondant.  —  Dans 
un  séjour  qu’il  a  fait  à  Douai ,  où  l’attirent  des  liens  d’é¬ 
troite  parenté,  M.  E.  Desjardins  a  pris  la  peine  de  déchiffrer 
les  inscriptions  du  Musée  gallo-romain  de  cette  ville.  Les 
lectures  de  l’habile  épigraphiste  pouvant  être  considérées 
comme  définitives,  nous  ne  désespérons  pas  de  les  repro¬ 
duire  un  jour  ici  avec  tout  ou  partie  des  savants  commen¬ 
taires  dont  leur  auteur  les  a  accompagnées. 

Essai  sur  les  Musées  de  Douai:  leurs  origines^  leurs 
progrès,  leurs  hienfaiteurs ,  par  M.  Auguste  Cahier.  —  Les 
portions  de  ce  travail  relatives  à  Varchéologie  et  à  Vethno- 
graphie  ont  été  résumées  ici -meme  par  notre  collaboraleui* 
M.  l’abbé  Dehaisnes(Bu//ef«u,  1. 1,  p.  3740, 183-187). Quant  à 
larticle  de  M.  Cahier  traitant  des  tableaux,  dessins  et  gra- 


__  7  — 

vures ,  comme  il  figure  en  tête  du  Catalogue  ,  récemment 
imprimé,  des  ouvrages  de  peinture^  sculpture,  etc.,  exposés 
dans  les  galeries  du  Musée  de  Douai,  nous  l’analyserons 
procliainemenl,  en  rendant  compte  de  ce  volume. 

Les  origines  des  xctx  savctorüm  et  les  protecteurs  des  Bol- 
landistes  dans  le  Nord  de  la  France ,  par  M.  l’abbé  Dehais- 
nes.  —  M.  l’abbé  Dehaisnes  commence  par  établir,  d’après 
les  témoignages  de  3DI.  Pertz,  de  Reiffenberg ,  Chodzko 
et  Renan  ,  l’importance  de  ce  recueil  gigantesque.  Puis,  au 
moyen  d’emprunts  faits  à  la  biographie  du  P.  Van  Roswey, 
plus  connu  dans  le  monde  de  l’érudition  sous  le  nom  de 
Rosweyde ,  il  démontre  que  les  Acta  Sanctorum  ont  été 
commencés  à  Douai  et  dans  deux  abbaves  voisines  :  31ar- 
chiennes  et  Ancliin.  Le  P.  Van  Roswey  ,  on  ne  le  sait  pas 
assez,  a  précédé  Rolland  dans  la  grande  entreprise  à 
laquelle  celui-ci  devait  attacher  son  nom.  A  ce  compte. 
Douai  peut,  de  préférence  à  Anvers,  revendiquer  l’honneur 
d’avoir  été  le  berceau  des  Acta  Sanctorum.  Rolland  a  trouvé 
chez  un  prélat  de  nos  contrées,  dom  Antoine  de  Winghe  , 
abbé  de  Liessies,  l’aide  pécuniaire,  les  encouragements  et 
les  conseils  qui,  dans  cette  maison  là ,  n’avaient  jamais  fait 
défaut  au  P.  Van  Roswey.  Dom  de  Wingbe  ,  mort  en  1637, 
n’eut  la  consolation  de  voir  que  les  premières  feuilles  d’une 
collection  dont  nous ,  gens  du  xix.®  siècle ,  ne  verrons  cer¬ 
tainement  par  les  dernières.  L’abbaye  de  Liessies  fournit 
aussi  à  Rolland  quelques-uns  de  ses  coopérateurs  :  Chrétien 
Le  Roy  ,  Thomas  Luytens ,  etc.  31.  l’abbé  Dehaisnes  énu¬ 
mère  ensuite  et  fait  connaître  les  autres  collaborateurs  que 
les  Rollandistes  ont  eus  successivement  dans  notre  pays  : 
dom  Renoit  Lempereur  ,  religieux  de  3Iaroilles  ;  dom  Rève- 
not ,  religieux  de  Saint-André  du  Gâteau ,  décédé  ,  dans  no¬ 
tre  siècle,  doyen-curé  de  3Iaiibeuge;  le  P.  Urbain  de  Sticker, 
jésuite,  né  à  Dunkerque  le  11  septembre  1707.  —  L’infati- 


—  8  — 

gable  archiviste  de  Douai  a  ainsi  écrit  un  bien  curieux 
chapitre  de  Thistoire  littéraire  de  la  région  du  Nord. 

Mémoire  sur  les  Etablissements  religieux  du  clergé  sécu¬ 
lier  et  du  clergé  régulier  qui  ont  existé  à  Douai  avant  la 
Révolution,  par  M.  l’abbé  Dancoisne.  —  La  Société  d’agri¬ 
culture,  sciences  et  arts  de  Douai ,  dans  sa  séance  publique 
du  12  novembre  1865,  a  honoré  d’une  médaille  d’or  cet 
important  mémoire  dont  elle  publie  aujourd’hui  la  pre¬ 
mière  partie.  L’ouvrage  est  précédé  d’une  substantielle  in¬ 
troduction  où  l’auteur  passe  en  revue  tous  les  établissements 
religieux  d’hommes  qui  existaient  à  Douai  avant  1789  et 
où  il  esquisse  à  grands  traits  l’histoire  ecclésiastique  de 
cette  ville.  Ce  tableau  d’ensemble  figure  d’autant  plus  heu¬ 
reusement  en  tête  du  livre  que  M.  l’abbé  Dancoisne ,  déses¬ 
pérant  de  pouvoir  faire  marcher  de  front  l’histoire  des  diffé¬ 
rentes  maisons,  va  se  borner  à  nous  présenter  isolément , 
dans  le  corps  de  son  ouvrage ,  la  monographie  de  chacune 
d’elles. 

Il  commence  naturellement  par  les  deux  établissements 
les  plus  anciens  de  Douai ,  à  savoir  les  collégiales  de  Saint- 
Amé  et  de  Saint-Pierre.  L’origine  du  chapitre  de  Saint- 
Amé  se  confond  avec  celle  même  de  la  ville.  M.  Dancoisne 
la  retrace;  puis  il  nous  initie  à  la  composition  de  ce  grand 
corps  capitulaire.;  il  nous  décrit  ses  droits,  ses  privilèges  , 
scs  relations  avec  les  deux  pouvoirs.  Il  cite  les  hommes 
remarquables  que  la  collégiale  de  Saint-Amé  a  produits,  les 
faits  les  plus  saillants  qui  se  sont  accomplis  dans  son  sein. 
Il  nous  dépeint  les  locaux  qu’elle  a  occupés  et  son  église 
plusieurs  fois  rcconstruite. 

Même  méthode  pour  le  chapitre  de  Saint-Pierre  avec  qui 
on  sait  que  le  chapitre  de  Saint-Amé  ne  vécut  pas  toujours 
en  parfaite  intimité. 

L’ordre  des  temps  amène  ensuite  M.  Dancoisne  à  parler 


—  9  — 

des  Templiers  qui  eurent  deux  maisons  à  Douai  et  qui , 
après  avoir  soutenu  divers  procès  contre  lechevinage,  furent 
compris  dans  la  proscription  générale  que  Philippe-le-Bel 
organisa  contre  eux.  Les  frères  de  Saint-Jean  de  Jérusalem 
leur  succédèrent  dans  leur  maison  Notre-Dame,  comme 
dans  la  direction  de  l’hôpital  Saint-Samson  qui  ne  fit  que 
dépérir  sous  eux. 

L’installation  à  Douai  des  Trinitaires ,  ou  pères  de  la 
Rédemption,  eut  lieu  en  1200  et  compléta,  dans  celte  ville, 
le  cercle  des  institutions  qui  avaient  leurs  regards  tournés 
vers  l’Orient.  Là  comme  ailleurs ,  elle  rendit  de  véritables 
services  que  31.  l’abbé  Dancoisne  enregistre  avec  orgueil 
pour  l’Eglise. 

Dans  les  portions  subséquentes ,  et  non  encore  publiées , 
de  son  livre,  l’auteur  nous  entretiendra  des  deux  grands 
ordres  du  xiii.®  siècle  ,  Dominicains  et  Franciscains.  Puis, 
franchissant  un  grand  espace  de  temps ,  il  nous  fera  assister 
à  la  création  de  l’Université ,  à  l’établissement  dans  Douai 
des  jésuites  et  des  religieux  anglais. 

Dès  maintenant ,  et  par  ce  que  nous  connaissons  de  l’ou¬ 
vrage  ,  nous  pouvons  assurer  qu’on  y  trouvera  une  série  de 
faits  bien  choisis,  habilement  groupés  et  judicieusement 
entremêlés  de  fines  remarques ,  le  tout  conçu  dans  un  style 
d  une  irréprochable  pureté  et  d’une  simplicité  de  bon  aloi. 
Nous  retrouvons  bien  ici,  avec  toutes  ses  qualités,  l’écrivain 
dont  notre  ville  est  légilimement  fière  et  à  qui  la  Société 
des  sciences  de  Lille  ,  elle  aussi ,  décernait  récemment  l’une 
de  ses  plus  hautes  récompenses. 

Quelques  lettres  inédites  de  Collot  d'Herhois,  par  31.  A. 
Preux.  —  En  procédant  au  dépouillement,  qu’il  a  entrepris 
avec  31.  Brassart,  des  archives  de  l’ancien  Parlement  de 
Flandre ,  31.  Preux  a  mis  la  main  sur  un  paquet  de  lettres 
écrites ,  d’avril  1772  à  juillet  1774 ,  par  un  homme  destiné 


—  10  — 

à  acquérir  une  sinistre  renommée.  En  avril  1772  ,  Collot 
d’Herbois  encore  fort  jeune  (il  était  né  vers  17ol)  se  trouve 
momentanément  à  Paris  ;  il  attend  un  ordre  de  début  pour 
la  Comédie-Française.  Mais  jusque-là  il  s’appartient  et  il 
offre  à  son  correspondant  Armand  Desroziers ,  alors  direc¬ 
teur  du  théâtre  d’Amiens,  de  s’engager  pour  deux  mois  dans 
sa  troupe. 

Au  mois  de  juillet  suivant ,  d’Herbois  est  retourné  à  Bor¬ 
deaux  ;  c’est  la  troisième  année  qu’il  y  passe  et  il  se  déclare 
bien  décidé  à  n’y  point  rester  une  quatrième.  Le  28  août 
ses  espérances  du  côté  du  Théâtre-Français  sont  ajournées, 
sinon  totalement  détruites.  «  Il  a  été  malade;  il  a  fait  des 
dettes;  il  lui  faut  des  avances  pour  se  libérer:  or,  des 
avances  on  n’en  obtient  que  des  directeurs  de  province  ou 
de  l’Etranger.  Adéfaut  de  Marseille  ou  de  Brest,  il  se  déci¬ 
derait  pour  Saint-Pétersbourg  ;  mais  s’il  est  encore  en  vie  , 
il  retournera  sûrement  à  Paris  en  1774.  » 

Dans  une  de  ces  cinq  lettres  (celle  du 28  août  1772)  Collot 
parle  d’une  pièce,  intitulée  Lucie,  qu’il  a  composée;  il 
remercie  son  ami  de  s’y  intéresser ,  elle  vient  d’être  repré¬ 
sentée,  non  sans  succès  ;  ce  qui  est  vrai  :  car  Fréron,  dans 
son  année  littéraire,  la  mentionne  très- honorablement. 
Pour  épuiser  ce  qui  se  rattache  à  la  carrière  théâtrale  de 
Collot  d’Herbois,  au  moins  dans  nos  contrées,  M.  Preux 
rappelle  que,  le  20  septembre  1779  ,  Collot  fit  représenter 
simultanément ,  à  Douai  et  à  Lille  ,  une  pièce  de  circons¬ 
tance  ayant  pour  titre  :  les  Français  à  la  Grenade  ou  Vlm- 
promptu  de  la  Guerre  et  de  V Amour.  Cette  improvisation  se 
recommande  par  un  ardent  royalisme.  Jugeons-èn  par  quel¬ 
ques  extraits  : 

Tout  Français  au  nom  de  Louis 
Devient  terrible  aux  ennemis  ; 

Mais  pour  les  cœurs  c’est  une  fête 
D'entendre  celui  d'Anloinelle! . . . 


—  n  — 

Vivent  not’  Reine  et  notre  Roi , 

Viv’  les  Princes  du  sang  de  France  ,  etc. 

Chantons  Bourbon  ,  fêtons  les  Lys ,  etc. 

Au  moyen  d’inductions  tirées  des  papiers  de  Desroziers , 
M.  Preux  remet  Collot  d’Herbois  à  son  vrai  rang  comme 
artiste  dramatique.  Il  n’est  pas  certain  que  les  excès  révo¬ 
lutionnaires  du  proconsul  de  Lyon  aient  été  la  vengeance 
des  sifflets  jadis  prodigués  à  l’acteur  en  cette  ville  :  «  Si  le 
futur  membre  du  Comité  de  Salut  public  ne  fut  pas  un  comé¬ 
dien  hors  ligne ,  du  moins  il  était  supérieur  au  portrait 
qu’une  horreur  légitime  en  a  tracé.  »• 

Laissons  à  M.  Preux  le  soin  de  résumer  l’impression  que 
l’on  retire  de  la  lecture  des  lettres  inédites  qu’il  a  retrouvées 
et  qu’il  vient  de  mettre  en  lumière. 

Il  règne  dans  l’ensemble  de  la  correspondance  un  ton 
honnête  et  sérieux.  Les  bonnes  mœurs  n’y  sont  jamais 
offensées;  pas  un  de  ces  détails  de  coulisses,  pas  un  récit 
de  ces  petits  scandales  de  théâtre  ,  comme  on  s’attendrait  à 
en  trouver  dans  les  confidences  de  deux  acteurs.  Une  gravité 
précoce  ,  et  qui  ne  se  déride  jamais  qu’à  demi,  l’amour  de 
l’étude  ,  la  régularité  de  la  conduite ,  telles  sont  encore  les 
qualités  que  ces  lettres  semblent  attester  chez  celui  que 
plus  tard  cependant  le  Xoël  de  la  Gironde  appelait  par  déri¬ 
sion  le  sobre  Collot.  Mais  quelles  ombres  à  ce  tableau 
favorable  î  La  vanité  et  l’amour-propre,  un  dégoût  profond 
de  saprofession,  l’amertume  du  cœurméléeà  une  sensiblerie 
maladive,  la  haine  des  classes  aisées,  qu’il  exhale  contre 
ces  riches  bourgeois  de  Bordeaux  qui  ne  consentent  pas  à 
le  traiter  comme  un  égal  :  combien  nous  découvrons  de 
symptômes  naissants  de  ces  mauvais  sentiments  qui,  déve¬ 
loppés  par  des  influences  que  nous  ignorons ,  feront  de  l’ac¬ 
teur  ambitieux  ,  de  l’écrivain  médiocre  ,  d’abord  un  révo¬ 
lutionnaire  ardent,  puis  un  tyran  avide  de  sang,  jusqu’au 
jour  où  la  peinture  de  ses  cruautés  viendra  remplacer  sur  le 
théâtre  les  drames  vertueux  de  son  propre  répertoire. 

A.  Desplaxque. 


12  — 


SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES  ,  DE  l’AGRICULÏURE  ET  DES  ARTS  DE  LILLE 

Personnel. 

Les  modifications  apportées  dans  la  composition  du 
bureau  et  de  la  Société  pour  1869  sont  les  suivantes  : 

Pj'ésident  :  M.  Menche  de  Loisne; 

Vice-Président  :  M.  Blanquart-Evrard. 

Membre  titulaire  élu  en  1869  : 

M.  Raillard,  ingénieur  en  chef  des  ponts-et-chaussées. 

Séance  solennelle  du  26  décembre. 

M.  Chon ,  président  de  la  Société ,  a  ouvert  la  séance  par 
un  discours  très-applaudi  où  il  a  montré  que  la  Société 
devait  sa  longue  et  paisible  existence  à  ce  qu’elle  avait  su 
écarter  de  son  sein  toutes  les  questions  irritantes:  «  ces  cho¬ 
ses  qu’il  n’est  pas  nécessaire  de  nommer,  dit  l’orateur,  qui 
apportent  la  discorde  en  suscitant  de  stériles  débats,  qui 
irritent  les  âmes  sans  les  convertir ,  qui  ruinent  enfin  les 
édifices  les  plus  solidement  cimentés.  » 

Après  le  compte-rendu  ,  par  le  secrétaire-général ,  des 
travaux  de  la  Société,  on  a  procédé  à  la  lecture  des  rap¬ 
ports  sur  la  distribution  des  récompenses. 

Prix  Wicar  (1,000  francs)  :  \  S  Architecture;  M.  Arnold, 
ancien  élève  des  Ecoles  académiques  de  Lille.  Projet  d’un 
palais  des  beaux-arts  et  de  l’industrie  à  Lille. 

2.°  Géologie;  MM.  Chelloneix  et  Ortlieb.  Etude  sur  les 
collines  tertiaires  du  département  du  Nord  comparées  à 
celles  de  la  Belgique. 

Médaille  d’Or  :  l.«  M.  J.  Leblan  :  Avertisseur  d’incendie; 
—  2.°  M.  Dutert,  architecte  à  Paris  :  Palais  des  beaux-arts 
et  de  l’industrie  à  Lille  ;  —  S.'’  M.  Steinküler  :  Services 
rendus  à  l’art  musical  à  Lille. 

Médaille  d’Argent  ;  1.®  M.  l’abbé  Desilve,  curé  de  Ba- 
suel  :  Elude  historique  sur  le  village  de  Noyelles-sur-Selle  ; 


—  15  — 

—  2.°M.  Delhaye,  ancien  notaire  à  Bavai  :  Elude  histori¬ 
que  sur  la  ville  de  Bavai  :  —  3.°  M.  le  docteur  de  Smyttère  : 
Etude  sur  la  vie  de  Robert  de  Flandre ,  seigneur  de  Cassel  ; 

—  4.°  M.  Nicole  :  Examen  architectural  des  édifices  bâtis  en 
brique  ;  M.  Albert  Darcq  :  Statue  de  Jeanne  de  Cons¬ 
tantinople;  —  6.®  M.  Tribout  :  Maquette  de  médaille;  — 
7.®  M.  Clerc,  chef  d’escadron  d’artillerie  à  Saint-Omer: 
Discours  du  Flanime  de  Jupiter  au  Sénat  romain  (Poésie). 

La  séance  a  été  terminée  par  le  compte-rendu  des  exa¬ 
mens  des  Elèves  des  Ecoles  de  chauffeurs  et  par  la  distri¬ 
bution  des  prix  aux  vieux  serviteurs. 

Cette  année  la  Société  avait  à  donner  pour  la  première 
fois  la  prime  Parnot,  fondée  récemment  par  M.™®  Kind- 
Parnot  en  faveur  du  chauffeur  le  plus  méritant. 

N’ayant  pu  encore  déterminer  et  faire  connaître  les  con¬ 
ditions  propres  à  l’obtention  de  cette  prime ,  elle  y  a  associé 
le  corps  entier  des  chauffeurs  en  la  personne  de  leur  doyen , 
M.  Augustin  Desmettre. 

La  séance  a  été  terminée  par  la  remise ,  au  jeune  Auguste 
Prouvost ,  né  à  Bourghelles ,  d’une  récompense  qui  lui  a 
été  décernée  par  M.  le  conseiller  d’État,  administrateur  du 
département ,  pour  un  acte  de  courage.  J.  G. 

Travaux  courants. 

Analyse  de  la  Châtaigne  du  Brésil.,  fruit  du  Bertholletia 
excelsa  ,  par  M.  Corenwinder.  —  L’auteur  commence  par 
indiquer  les  raisons  qui  ont  déterminé  ces  recherches  : 
«  L’intérêt  qui  s’attache  aux  productions  tropicales  aux- 
»  quelles,  à  mon  avis,  l’industrie  européenne  doit  deman- 
»  der  de  plus  en  plus  des  éléments  de  travail,  m’a  fait 
®  entreprendre  une  série  de  recherches  sur  les  graines 
ï  oléagineuses  de  ces  contrées  où  un  soleil  ardent  imprime 
»  à  la  végétation  une  vigueur  incomparable.  » 


—  14  — 

Déjà  M.  Corenwiiuler  a  fait  connaître  les  résultats  de  ses 
analyses  de  la  graine  d’Arachide  (’) ,  aujourd’hui  c’est  le 
tour  de  la  Châtaigne  du  Brésil. 

C’est  au  célèbre  Humholdt  que  l’on  doit  l’origine  du  pré¬ 
sent  travail .  M.  Coren’svinder  étant  allé  à  Berlin  rendre  visite 
à  cet  illustre  naturaliste  ,  celui-ci  lui  conseilla  d’entrepren¬ 
dre  l’étude  chimique  des  productions  tropicales  et  lui  cita 
entr’aulres  le  fruit  du  Bertholletia  excelsa. 

Ce  végétal,  découvert  par  Humholdt  lui-même,  habite  les 
forêts  de  rOrénoque.  C’est  un  grand  arbre  de  33  mètres  de 
hauteur  appartenant  à  la  famille  des  Myrtacés.  Son  fruit 
est  une  noix  sphérique  de  la  grosseur  d’une  tête  d’enfant  ; 
il  est  divisé  en  4  loges  qui  renferment  chacune  de  6  à  8 
graines  triangulaires.  Elles  sont  formées  d’un  péricarpe 
ligneux  qui  contient  une  amande  huileuse.  Des  navires 
apportent  souvent  ces  fruits  en  Europe,  surtout  à  Bordeaux. 
On  les  vend  dans  les  rues  et  dans  les  foires  sous  le  nom  de 
Châtaignes  du  Brésil,  noix  de  Para.  Frais  ils  ont  une  saveur 
très-agréable,  mais  ils  rancissent  fort  vite;  c’est  peut-être 
la  raison  qui  s’est  opposée  jusqu’à  présent  à  leur  emploi. 
M.  Corenwinder  pense  cependant  qu’ils  pourraient  être 
utilisés  sinon  pour  l’alimentation  au  moins  pour  l’industrie 
et  l’agriculture,  et  cela  avec  d’autant  plus  d’avantage  qu’ils 
sont  très-riches  en  matière  huileuse. 

Voici  leur  analyse  comparée  à  celle  de  la  graine  d’ara- 


chide  : 

Chalaigne  du  Brésil 

Arachide 

Eau . 

.  .  8 

6 

76 

Huile . 

.  .  65  GO 

51 

75 

Substances  azotées . 

21 

80 

Matières  organiques  non  azotées 

7  39 

17 

66 

Acide  phosphorique  .... 

1  35 

0 

64 

Chaux,  alcalis,  silice  ,  etc.  . 

2  35 

1 

39 

100 

100 

(1)  Archives  de  V Agriculture  du  jSord  de  la  France ,  t.  xviii ,  p. 

G04. 

—  15  — 

Expériences  sur  un  point  de  Chimie  organique  :  Conser¬ 
vation  des  Œufs,  par  M.  Bachy.  —  L’auteur  de  ce  travail 
a  expérimenté  les  divers  modes  de  conservation  des  œufs. 
L’eau  de  chaux  employée  par  une  foule  de  personnes  donne 
aux  œufs  un  goût  spécial  qui  ne  permet  plus  de  les  manger 
sous  forme  d’œufs  à  la  coque.  Le  vernissage  doit  être  aban¬ 
donné  également  à  cause  du  goût  et  de  l’odeur  qu’il  com¬ 
munique.  L’huile  de  lin  n’empêche  pas  toujours  l’altération. 
M.  Bachy  propose  d’immerger  pendant  12  heures  les  œufs 
dans  l’eau  de  chaux,  puis  de  les  exposer  à  l’air  et  de 
répéter  deux  ou  trois  fois  cette  manipulation ,  de  manière  à 
ce  qu’il  se  forme  dans  les  pores  de  la  coquille  un  ciment  qui 
intercepte  tout  passage  soit  aux  gaz  de  l’intérieur  de  Bœuf, 
soit  à  l’air  ambiant. 

Notice  sur  la  Craie  de  Lezennes,  par  M.  Gosselet. — 
L’auteur  cite  les  fossiles  rencontrés  dans  cette  craie  : 


REPTILES 

Cbelocia 

POISSONS 

Famille  des  Bequins 

Corax . 

..T. R. 

Notidamus . 

...T.R. 

Lamna . 

. H. 

Olodus . 

...T.ll. 

Phvchodus . 

CRUSTACÉS 

Uoploparia  ? 

MOLLUSQUES 

Beleninües  verus. . . 

...T.R. 

Inoceramus  cuvicri . 

...Ï.Ab 

Inoceraaïus  (plat).. . . 

...T. Ab 

MOLLUSQUES  ^SUÜe) 
Inoceramu3(voism  de  invoIatus)....A.C. 


Ostrea  semi  plana? . R. 

Ostrea . T. Ab 

Lima . T.  R. 

Spondylus . A.C. 

Pecien  (2  espèces) . R. 

Terebraïula  semi  globosa . A.C. 

Rhynchonclla . R. 

EGIILNODERMES 

Micraster  cor  lestudinarium . ^VJj 

Micraster  gibbus . R. 

Echinocorys  gibbus . R. 

Echinoconus  conicus . T. R. 

Cidaris  sepiifera . T. R. 


M.  Gosselet  donne  ensuite  des  indications  sur  les  bancs 
de  tun,  ou  phosphate  de  chaux  que  l’on  trouve  à  plusieurs 
niveaux  dans  la  craie  des  environs  de  Lille. 


La  Tortue  de  la  craie  de  Lezennes  a  été  étudiée  d’une 
manière  spéciale  par  M3I.  Chelloneix  et  Ortlieb  ;  elle  se 


—  16  — 

rapproche  de  la  Chelonia  Benstedi  du  terrain  crétacé  (middle 
chalk)  d’Angleterre. 

Le  Crustacé  [Hoploparia  ?)  a  été  l’objet  d’un  travail  par¬ 
ticulier  de  M.  Hallez.  Les  pattes  de  ce  crustacé  ont  seules 
été  trouvées ,  elles  indiquent  des  rapports  intimes  avec  les 
Homards  et  surtout  avec  le  genre  fossile  Hoploparia. 

Avertisseur  d"' incendie ^  par  M.  J.  Leblan.  —  Les  appa¬ 
reils  de  ce  genre  étaient  jusqu’à  présent  des  thermomètres 
réglés  pour  sonner  aune  température  fixe,  d’une  marche 
lente  en  hiver  et  trop  rapide  en  été.  M.  Leblan  a  construit 
un  thermomètre  différentiel  :  ce  qui  détermine  la  détente 
d’une  sonnerie  électrique.  C’est  la  différence  entre  les  deux 
branches  de  l’appareil  dont  l’une  est  très-sensible  et  l’autre 
au  contraire  s’impressionne  beaucoup  plus  difficilement. 
Une  vis  permet  de  régler  l’appareil  de  manière  à  ce  qu’il 
sonne  pour  une  élévation  déterminée  de  température  en  un 
temps  donné.  M.  Leblan  a  construit  deux  sortes  d’appareils  : 
les  uns  sont  des  thermomètres  à  mercure,  les  autres  des 
thermomètres  métalliques  formés  de  deux  barres  de  zinc 
(on  a  donné  la  préférence  à  ce  métal  à  cause  de  sa  grande 
dilatabilité)  l’une  mince ,  l’autre  plus  épaisse. 

ff  Ces  thermomètres  métalliques,  d’un  petit  volume,  d’un 
coût  peu  élevé,  facilement  transportables,  dont  la  pose 
n’exige  que  l’attache  à  deux  clous  dans  le  haut  du  local  et 
l’installation  d’une  faible  pile,  ne  donnent  lieu  qu’à  une 
minime  dépense ,  et  sont  fondés  sur  la  propriété  permanente 
de  la  dilatation  d’un  métal  qui  ne  s’altère  pas  à  l’air.  Ils 
ont  paru  à  la  Société  des  Sciences  la  meilleure  solution 
connue  du  problème  (^)  » 

31.  Leblan  a  expérimenté  son  appareil  devant  la  Société, 
malgré  les  conditions  défavorables  où  se  trouvait  la  salle 
des  séances  par  suite  de  l’ouverture  fréquente  des  portes,  le 


P)  Rapport  de  M.  Mendie  de  Loisne.  M.  Leblan  a  reçu  une  médaille 
d'or  à  la  distribution  des  prix  de  la  Société  (voir  p.  12  "de  ce  volume). 


—  17  — 


timbre  a  sonné  au  bout  de  3  minutes  1/2  sous  l’action  de 
l’incendie  expérimental  produit  parla  combustion  de  700 
grammes  d’alcool. 

Purification  du  Gaz  d'éclairage  par  les  résidus  des  P\j~ 
rites,  par  M.  Guermonprez,  directeur  du  gaz  de  Wazemmes. 
—  Voici  en  quels  termes  31.  3Ienche  de  Loisne  a  rendu 
compte  du  procédé  présenté  à  la  Société  par  l’auteur  : 

«  On  sait  depuis  longtemps  que  le  peroxyde  de  fer  a  la 
propriété  d’absorber  l’hydrogène  sulfuré.  On  sait  aussi  qu’on 
peut  régénérer  plusieurs  fois  par  le  contact  avec  l’air  l’oxyde 
de  fer  qui  a  servi  à  l’épuration.  Cette  propriété  a  été  déjà 
appliquée,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  à  Paris  et  un  assez  grand 
nombre  de  brevets  relatifs  à  des  variations  de  détail  ont  été 
pris  en  Angleterre. 

»»  31.  Guermonprez  a  eu  l’idée  de  substituer  au  peroxyde 
de  fer  des  pyrites,  résidus  de  la  fabrique  d’acide  sulfurique 
de  Loos.  Ces  résidus,  d’après  les  essais  faits  au  laboratoire 
de  la  Faculté,  absorbent  130  fois  leur  volume  d’hydrogène 
sulfuré  ;  et  la  Commission  a  constaté  au  papier  de  plomb 
que  le  gaz  préparé  à  3Yazemmes  est  bien  épuré. 

0  L’action  des  pyrites  de  fer  s’explique  facilement ,  leurs 
résidus  étant  principalement  composés  de  peroxide  de  fer. 

»  Il  y  a  là  un  procédé  applicable  avec  économie ,  dans  le 
voisinage  des  fabriques  d’acide  sulfurique,  et  pour  des 
usines  à  gaz  dont  la  fabrication  a  une  importance  moyenne.» 

Note  sur  la  conservation  des  objets  d'art  en  pierre  cal¬ 
caire  exposés  à  l'humidité,  par  31.  Kuhlmann.  —  L’auteur 
entre  dans  quelques  développements  concernant  la  préser¬ 
vation  des  statues  et  des  sculptures  monumentales  contre 


les  altérations  que  leur  fait  éprouver  le  développement , 
à  leur  surface ,  de  certains  cryptogames  et  en  particulier  du 
Lepra  antiquitatis.  Dans  ce  but  il  a  déjà  proposé  de  dis¬ 
soudre  de  l’acide  arsénieux  dans  les  silicates  qui  servent  au 

4 

durcissement  des  pierres.  Son  attention  a  été  rappelée  sur 
celte  question  par  une  publication  d’Eug.  Robert  dans  le 
dernier  numéro  des  Mondes. 


31.  Robert  ayant  remarqué  que  les  infiltrations  cuivreu- 


—  18  — 

ses,  qui  imprègnent  le  piédestal  en  pierre  calcaire  d’un 
grand  nombre  des  statues  en  bronze  de  nos  places  publiques, 
semblent  préserver  ces  matières  de  l’altération  produite 
par  les  végétaux  parasites  dont  il  vient  d’être  question , 
propose  d’incruster  des  lames  ou  lingots  de  cuivre  dans  la 
partie  supérieure  des  objets  d’art  de  cette  nature  qu’il, 
s’agirait  de  conserver. 

M.  Kulilmann  a  analysé  la  réaction  cbimique  qui  se  pro¬ 
duit  dans  ces  infiltrations  cuivrées  et  il  est  parvenu  à  dé¬ 
poser  sur  la  pierre  calcaire  une  véritable  teinture  verte.  Il 
pense  qu’au  procédé  proposé  par  M.  Robert  qui  donne  au 
marbre ,  il  faut  bien  le  reconnaître ,  une  teinte  inégale  et 
désagréable  à  l’œil ,  il  convient  de  substituer  des  aspersions 
à  froid  d’acide  arsénique,  ou  de  soumettre,  lorsque  cela  est 
possible  ,  les  objets  sculptés  à  l’ébullition  dans  une  dissolu¬ 
tion  de  sulfate  de  zinc  privé  de  fer  ou  mieux  encore  d’acide 
arsénieux  ou  d’arséniate  de  potasse.  Il  y  a  là  des  résultats 
bien  autrement  efficaces  à  espérer  que  ceux  que  peut  pro¬ 
mettre  le  procédé  de  M.  le  docteur  E.  Robert 

J.  Gosselet. 

COURS  PUBLICS. 

Cours  de  Géologie  professé  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille , 

par  M.  Gosselet. 

L’histoire  de  la  terre  peut  être  comparée  à  celle  d’une 
nation. 

L’histoire  d’un  peuple  présente  toujours  quatre  grandes 
périodes  :  l’une  contemporaine  qui  se  passe  sous  nos  yeux  ; 
une  autre  historique  que  nous  connaissons  par  les  écrits  de 
témoins  oculaires  ;  une  troisième  antérieure  à  la  précédente 
et  pour  laquelle  les  documents  sont  rares  et  incomplets  , 
c’est  la  période  légendaire;  une  quatrième  enfin,  la  plus 


—  19  — 

ancienne  de  toutes ,  qui  n’est  connue  que  par  les  inventions 
des  poètes  ou  les  présomptions  des  historiens ,  ce  sont  les 
temps  fabuleux. 

L’histoire  de  la  terre  nous  présente  de  même  une  période 
contemporaine  dont  l’homme  et  les  êtres  qui  vivent  main¬ 
tenant  avec  lui  ont  été  les  témoins  ;  une  période  plus 
ancienne  que  l’on  peut  appeler  paléonionique  et  que  l’on 
connaît  par  des  documents  positifs  tirés  de  la  géologie  ;  une 
période  originaire  entièrement  hypothétique ,  ce  sont  les 
iemi^s  cosmiques  ;  enfin  une  période  intermédiaire  aux  deux 
précédentes  au  sujet  de  laquelle  règne  encore  beaucoup 
d’incertitude  ;  elle  paraît  antérieure  à  la  création  des  êtres 
vivants,  aussi  lui  a-t-on  donné  le  nom  d’azoïque. 

L’histoire  de  la  terre  se  divise  donc  en  Temps  cosmiques^ 
Tempts  a.zoïques  ,  Temps  paléontoniques Temp)s  contempo¬ 
rains. 

Temps  cosmiques.  On  a  fait  plusieurs  hypothèses  pour 
expliquer  l’origine  de  la  terre.  Celle  qui  est  la  plus  géné¬ 
ralement  adoptée  suppose  que  notre  globe  passa  par  l’état 
de  nébuleuse  et  de  soleil  avant  de  devenir  une  planète 
entourée  d’une  enveloppe  solide  non  lumineuse. 

On  admetaussi  généralement  que  cette  première  envelop¬ 
pe  que  nous  avons  déjà  nommée  sol  primitif  est  le  granité , 
roche  grenue  grisâtre  composée  de  trois  minéraux:  leFelds- 
path  ,  le  Quarz  et  le  Mica  ;  on  en  fait  des  dalles  pour  les 
trottoirs  et  les  belles  variétés  sont  employées  dans  la  déco¬ 
ration  des  édifices.  Malgré  sa  dureté  le  granité  s’altère  à 
l’air.  Le  feldspath  ,  qui  est  un  silicate  de  potasse  et  d’alu¬ 
mine,  commence  par  éprouver  un  phénomène  de  fendille¬ 
ment  qui  désagrège  toute  la  roche  et  la  transforme  en 
arène,  puis  il  subit  une  décomposition  chimique.  Le 
silicate  de  potasse  se  sépare  du  silicate  d’alumine  et  se  dis- 
soud  dans  l’eau  de  pluie  qui  l’entraîne  au  loin  ;  quant  au 


—  20  — 

silicate  d’alumine  il  reste  à  l’état  terreux  et  constitue  le 
kaolin  ou  terre  à  porcelaine. 

Temps  azoiques.  Après  la  formation  du  sol  primitif  l’eau 
qui  le  recouvrait  était  encore  à  une  température  très- 
élevée,  les  premiers  sédiments  qui  se  formèrent  par  voie 
de  sédimentation  et  dans  des  conditions  analogues  à  celles 
où  s’était  produit  le  granité ,  durent  acquérir  une  compo¬ 
sition  et  une  structure  analogue.  C’est  le  gneiss  ou  granité 
stratifié  et  le  micachiste  qui  diffèrent  du  gneiss  par  l’ab¬ 
sence  de  feldspath. 

Puis  à  mesure  que  notre  globe  se  refroidissait  la  nature 
des  dépôts  se  rapprochait  de  celle  des  sédiments  actuels  ; 
mais  depuis  leur  formation  ces  anciens  terrains  ont  subi 
des  métamorphoses  qui  en  ont  complètement  changé  la 
structure  et  la  composition,  et  qui  laissent,  par  conséquent, 
planer  encore  beaucoup  d’obscurité  sur  leur  origine.  De 
nombreuses  dislocations  ont  plissé  ces  couches ,  les  ont  con¬ 
tournées  dans  tous  les  sens  et  leur  ont  communiqué  la  struc¬ 
ture  schisteuse;  par  les  fentes  sortaient  de  la  matière 
interne  encore  liquide  et  des  vapeurs  qui  modifiaient  la 
composition  des  roches  stratifiées  et  déterminaient  la  forma¬ 
tion  de  nouveaux  minéraux. 

Les  argiles  prenaient  une  structure  feuilletée  comme  l’ar¬ 
doise  et  se  chargeaient  de  paillettes  de  mica  brillantes 
comme  de  l’or  ;  les  calcaires  se  transformaient  en  marbres 
saccharoides  et  se  remplissaient  de  cristaux  de  grenat,  d’ido- 
crase  et  d’autres.  C’est  de  cette  époque  que  datent  presque 
toutes  les  pierres  précieuses  :  le  diamant,  le  rubis,  l’éme¬ 
raude  ,  le  topaze,  etc. 

Le  terrain  azoïque  uni  au  granité  primitif  forme  le  sol 
d’une  région  considérable  qui  occupe  le  centre  de  la  France 
et  qui  en  forme  en  quelque  sorte  le  noyau. 

Le  Plateau  central  est  la  portion  de  notre  patrie  qui  sortit 


—  21  — 

la  première  du  sein  des  eaux  et  autour  de  laquelle  les  autres 
vinrent  peu  à  peu  se  grouper.  Ses  limites  passent  près  de 
A  vallon,  Confolens ,  Castres  ,  Privas  et  Lyon.  Son  élévation 
est  d’environ  2o0  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Il 
est  surmonté  de  plusieurs  chaînes  montagneuses  qui  s’élè¬ 
vent  comme  des  îles  sur  cette  mer  de  granité  et  de  gneiss, 
et  qui  sont  formées  de  roches  éruptives  de  date  plus  récente, 
tels,  par  exemple,  les  volcans  éteints  de  l’Auvergne.  Ces 
sommités  sont  dépourvues  de  terre  végétale  et  souvent  in¬ 
cultes.  Le  plateau  recouvert  d’arène  convient  à  la  culture 
du  Châtaignier  ;  mais  dans  de  trop  nombreux  endroits ,  où 
l’écoulement  des  eaux  ne  peut  s’opérer,  il  y  a  des  marécages. 
Les  vallées  offrent  un  peu  de  terre  végétale  :  on  y  cultive  le 
Seigle  et  le  Sarrazin  ;  il  y  a  même  d’excellentes  prairies. 


MUSÉES  ET  COLLECTIONS 

Une  lettre ,  signée  des  initiales  d’un  de  nos  amateurs 
lillois  les  plus  distingués  ,  et  insérée  dans  le  Mémorial  de 
Lille,  du  24  décembre  1869 ,  donne  des  renseignements 
circonstanciés  sur  la  vente  Hochart  que  nous  annoncions 
dans  notre  numéro  de  novembre.  Nous  en  reproduisons  ici 
les  principaux  passages.  A.  D. 

Les  suites  de  vignettes  se  sont  vendues  très-cher.  Je 
citerai  entr’autres  plusieurs  suites  destinées  à  une  édition 
de  Don  Quichotte ,  et  plusieurs  très-belles  suites  pour 
Lafontaine. 

Parmi  les  grandes  estampes  ,  remarquons ,  en  passant , 
quelques  ravissantes  pièces  de  De  Launay,  de  R.  Slrange,  et 
une  très-curieuse  gravure  en  manière  noire,  de  ^y  aller  and 
Vaillant ,  un  Lillois  dont  je  vous  entretiendrai  quelque 
jour,  si  vous  le  permettez.  Cette  gravure  reste  à  Lille,  je 
vous  en  puis  donner  l’assurance. 

Les  estampes  encadrées  étaient  en  grand  nombre. 

Beauvarlet ,  Visscher  et  TUi//e  ont  eu  les  honneurs  dè  la 


—  22  — 

séance.  J’hésite  à  vous  donner  des  prix  ,  ma  lettre  ressem¬ 
blerait  trop  à  un  bordereau  de  commissaire-priseur.  Qu’il 
me  suffise  de  vous  dire  que  l’bisloire  d’Eslber  d’après  F.  de 
Troy  (7  pièces  en  largeur)  a  été  adjugée  à  82  fr.,  que  les 
deux  pendants  de  Wille,  les  Musiciens  ambulants  et  les 
Offres  réciproques,  ont  atteint  le  chiffre  de  100  fr.  les  deux, 
et  que  le  portrait  de  Gellius  de  Biima  ,  par  C.  Visscher  , 
s’est  vendu  56  fr. 

Les  eaux  fortes  et  les  photographies  étaient  en  trop  petit 
nombre ,  pour  nous  y  arrêter. 

Arrivons  de  suite  à  la  seconde  partie ,  la  plus  intéres¬ 
sante  assurément. 

Les  portraits  étaient  rangés  par  écoles.  Dans  l’école  alle¬ 
mande,  Schmidt  (né  à  Berlin  ,  en  1712)  est  le  maître  dont 
les  œuvres  ont  atteint  les  plus  hauts  prix.  Un  magnifique 
portrait  de  Saint-Albin,  archevêque  de  Cambrai  ,  a  été 
acheté  16  fr.  ,  par  un  jeune  amateur  ,  auquel  nous  souhai¬ 
tons  la  bienvenue  ;  un  portrait  du  peintre  Mignard,  chef- 
d’œuvre  du  maître  allemand ,  23  fr.  ;  une  très-rare  épreuve 
du  portrait  de  Nicolas  Esterhazi,  16  fr.  50. 

Des  eaux-fortes ,  pleines  de  vigueur,  du  même  artiste 
ont  atteint  des  prix  très-élevés:  un  portrait  de  la  princesse 
d’Orange  ,  d’après  Rembrandt,  16  fr.  50  ,  et  un  portrait  de 
Rembrandt,  8  fr.  50. 

Quoique  manquant  d’attraits,  les  portraits  en  manière 
noire  de  fécole  anglaisé ,  se  sont  bien  vendus.  Smith  (né  à 
Londres,  en  1654)  est  l’artiste  dont  les  œuvres  ont  été  les 
plus  appréciées. 

Je  ne  m’appesantirai  pas  sur  l’école  italienne  ,  j’ai  hâte 
d’arriver  à  l’école  des  Pays-Bas  et  aux  maîtres  françaîs. 

Ecole  des  Pays-Bas  :  Sîgnalons  d’abord  dix  pièces  de 
Blosiceert ,  et  cinq  portraits  du  même  ,  de  beaux  portraits 
de  Galle  et  de  Goltzius ,  pour  arriver  bien  vite  à  un  des 
maîtres  que  préférait  M.  Hochart  :  Houbraken  (Jacob  ,  né 
à  Dordrecht,  en  1698.)  Plus  de  trois  cents  portraits  dont 
le  détail  m’entraînerait  trop  loin  ,  ont  été  mis  en  vente  et 
ont  atteint  de  fort  beaux  prix.  Puis  sont  venus:  Peter  de 
Jode  ,  le  jeune  ,  Pontiiis  ,  Sadeler  ,  Pierre  Van  Schuppen  , 
Pierre  Tanjé  ,  les  frères  Vailkmt ,  Lucas  V orsterman  ,  et 
les  trois  Wierix.  Un  portrait  d’André  d’Autriche  par  Jean 
TUimx  a  été  vendu  17  fr.  ;  un  magnitique  portrait  d’Henri 
III,  par  Jerome  Wierix,  45  fr.  ;  les  portraits  d’Albert, 


archiduc  d’Autriche  et  d’Isabelle-Claire-Eugénie  d’Autriche, 
par  Antoine  Wierix  ,  41  fr.  ,  les  deux. 

Ecole  Française  :  Je  vous  demanderai  la  permission  de 
passer  rapidement  sur  les  portraits  gravés  par  Audran , 
Cars ,  Cheîxau  ,  Desrochers  ,  Brevet,  Duflos ,  Th.  de  Leu., 
Marcenay  de  Ghuy  ,  l’artiste  amateur ,  (une  de  mes  prédi¬ 
lections  pourtant  )  Masson  ,  Cl.  Mellan,  Montcornet ,  pour 
vous  parler  de  trois  graveurs  dont  le  burin  est  consacré  aux 
illustrations  du  grand  siècle  :  Morin,  Edelinck  et  Nanteuil. 

Les  portraits  de  Morin  ont  été  très-recherchés  ,  et  les 
belles  épreuves  vendues  entre  lo  et  20  francs. 

Il  y  avait  135  portraits  d'Edelinck  :  n.°"  1271 ,  Louis  , 
duc  de  Bourgogne  ,  très-belle  épreuve  du  2.'’  état ,  grandes 
marges,  15  fr. —  1276,  Philippe  de  Champagne  ,  belle 
épreuve  du  l.‘'‘’élat,  16  fr.  —  1280,  Charles  Albert, 
marquis  de  Croissy,  21  fr. — 1284 ,  D’Hozier. — 1321, 20  fr  ; 
Frédéric  Léonard,  premier  imprimeur  du  roi,  2^  état, 
très-belle  épreuve  ,  25  francs. 

Les  portraits  gravés  par  Nanteuil ,  au  nombre  de  200  , 
en  très-bel  état ,  ont  été  chaudement  disputés.  La  moyenne 
était  de  20  à  30  francs.  En  voyant  passer  ces  gravures 
admirables,  on  ne  pouvait  s’empêcher  de  songer  que  le 
burin  de  ce  maître  est  à  la  hauteur  des  célébrités  dont 
il  retrace  les  traits  et  que  le  siècle  de  Louis  XIV  fut  bien 
l’âge  d’or  de  la  taille-douce. 

En  terminant,  nous  avons  à  vous  parler  deFicquet, 
Savart ,  Saint  Aubin  et  ^yille,  ces  délicieux  graveurs  dont 
le  burin  ,  moins  sévère  que  celui  des  maîtres  précédents  , 
gagne  en  finesse  et  en  grâce  ce  qu’il  perd  en  vigueur. 
Parmi  les  portraits  de  Ficquet,  je  remarque  un  Montaigne 
(19  fr.  50),  un  Charles  Eisen  (15  fr.).  Les  portraits  de 
Colbert  et  de  Louis  XVI ,  par  Savart ,  ont  été  poussés  trop 
loin,  l’un  19  francs  et  l’autre  59.  Jamais  les  portraits  de 
Saint  Aubin  n’ont  été  vendus  si  cher:  trois  francs  en 
moyenne.  Le  n.o  1961 ,  quatre  pièces  :  Louis  XII  ,  Henri 
IV  ,  Louis  XV  ,  portraits  en  un  médaillon.  Louis  XVI  , 
Marie-Antoinette  et  le  "Dauphin  ,  portraits  réunis  en  un  mé¬ 
daillon.  Marie  de  Médicis ,  d’après  Pourhus ,  et  Madame  , 
fille  de  Louis  XV  ,  adjugé  56  francs.  —  Le  n.''  1968  ,  ti  ois 
portraits  in-folio  :  La  baronne  de  Rebecque  à  sa  dernière 
heure  ;  la  baronne  de  ***(Loiiise-Emélie);  la  marquise  de  *** 
(Adrienne-Sophie) ,  pièce  de  toute  rareté  ,  153  francs. 


—  24  — 

Un  dernier  mot  à  propos  des  graveurs  nés  à  Lille. 

Les  frères  Vaillant  étaient  représentés  par  la  rarissime 
gravure  citée  plus  haut  et  par  de  très-beaux  portraits  en 
manière  noire,  acquis  par  la  bibliothèque  communale. 

Les  petits  portraits  gravés  par  Deèrawic  (né  à  Lille  enlToO) 
au  nombre  de  24  ,  d’une  finesse  remarquable  ,  ont  atteint 
le  prix  très-élevé  de  51  francs.  Cinq  portraits  de  Masquelier 
(né  à  Cysoing) ,  ont  été  adjugés  22  francs,  prix  inconnu 
jusqu’à  ce  jour. 

Le  marchand  de  lunettes,  ù'Helman  ,  15  fr.  50.  Deux 
petits  paysages  d’après  Lantara  ,  très-finement  gravés  par 
Liénard  ,  15  fr.  Deux  jolies  suites  pour  la  Henriade  ,  par 
Longueil  et  quelques  portraits  du  même,  terminent  la  série 
lilloise. 

Voici,  trop  brièvement.  Monsieur  le  Rédacteur,  le 
résultat  d’une  vente  qui  laissera  d’aussi  durables  souvenirs 
que  les  ventes  de  l’abbé  Favier  et  Libert  de  Beaumont. 

Le  total  des  adjudications  s’élève  à  17,500  fr.  dépassant 
de  moitié  les  prévisions  des  experts.  Ce  chiffre  n’a  rien  de 
surprenant  :  les  principaux  marchands  de  Paris  et  de  la 
Belgique  s’étaient  donné  rendez-vous,  et  les  amateurs  lillois 
leur  ont  disputé  avec  acharnement  les  plus  belles  pièces  de 
la  vente.  C.  V.  S. 


BIBLIOGRAPHIE 

CONCORDAT  CAMBRÉSIEN  DE  1446. 

texte  et  en- tète  calligraphique  Je  ce  curieux  document  publies  avec 
une  introduction,  par  L.  Dancoisne,  Maire  d'Hénin-Liétard  (i) 

L’opuscule  que  nous  annonçons ,  n’ayant  été  tiré  qu  a 
20  exemplaires,  deviendra,  aux  mains  des  bibliophiles,  un 
joyau  rarissime.  M.  Lefebvre-Ducrocq  l'a  édité  avec  un  soin 
et  un  luxe  qui  rappellent  les  plus  beaux  produits  des  Fume 
et  des  Perrin.  M.  Dancoisne  n'y  a,  de  son  côté,  épargné 
ni  la  peine,  ni  la  dépense.  Il  a  fait  précéder  le  texte  du 
Concordat  Cambrésien  d’une  Introduction  où  il  rappelle  en 

(0  Lille,  Lefehvre-Ducrocq,  18G9  ;  in-4.”  de  xvi-24  pages  sur  fort 
papier  de  L'ollande ,  avec  texte  encadré  et  vignette. 


—  25  — 

quelles  circonstances  cet  acte  fut  passé  et  où  il  s’attache 
surtout  à  décrire  le  magnifique  en-tête  qui  le  décore. 
Donner  une  idée  de  ce  chef-d’œuvre  calligraphique  aux» 
personnes  qui  ne  l’ont  point  vu  aux  Archives  départemen¬ 
tales  du  Nord  ,  ou  qui  n’ont  point  sous  les  yeux  la  repro¬ 
duction  lithographique  qu’en  a  fait  exécuter  M.  Dancoisne 
pour  la  joindre  à  sa  brochure  ,  est  chose  au-dessus  de  nos 
forces.  Bornons-nous  à  dire  que  le  mot  initial  NOUS  autour 
duquel  le  génie  artistique  du  xv.®  siècle  a  prodigué  ses  plus 
riches  ornements ,  rinceaux,  branches  feuillagées  ,  cordons 
d’enroulement ,  se  revêt  d’emblèmes  concourant  tous  à 
exprimer  l’idée  de  paix  :  idée  fort  bien  à  sa  place  ici , 
puisque  le  Concordat  de  1446  avait  pour  objet  de  couper 
court  à  quelques-uns  des  interminables  démêlés  entre 
l’Evêque ,  la  Ville  et  le  Chapitre. 

Frappé  de  la  beauté  d’exécution  de  cet  en-tête  ,  31.  Dan¬ 
coisne  n’hésite  pas  à  l’attribuer  aux  plus  grands  maîtres  : 

Au  XV.®  siècle,  l’art  de  la  miniature  se  trouvait  à  son 
apogée  ,  notamment  dans  la  Flandre  où  il  était  noblement 
encouragé  parles  ducs  de  Bourgogne  et ,  à  leur  exemple  , 
par  les  grands  de  la  cour.  Dans  la  première  moitié  de  ce 
siècle  ,  florissaient  à  Bruges  les  frères  Hubert  et  Jean  Van 
Eyck  qui  y  fondèrent  l’école  flamande.  On  sait  que  ces  pein¬ 
tres  célèbres  ne  dédaignèrent  pas  d’illustrer  de  miniatures 
splendides  les  manuscrits  destinés  à  leur  protecteurs  et  à  de 
puissants  personnages.  L’évêque  de  Cambrai,  Jean  de 
Bourgogne  ,  qui  aimait  et  cultivait  les  arts  et  les  belles- 
lettres,  connut  les  frères  Van  Eyck  non-seulement  à  la  cour 
de  Philippe  le  Bon  ,  mais  encore  à  Bruges  où  il  exerça  la 
charge  de  prévôt  avant  de  recevoir  la  mitre.  Il  est  donc 
permis  de  supposer  que  l’un  ou  l’autre  de  ces  éminents 
artistes  a  pu  contribuer  à  l’illustration  du  Concordat  Cam- 
brésien.  Ce  qui  est  indubitable,  c’est  que  ce  travail  est 
l’œuvre  d’un  miniaturiste  des  plus  habiles. 

31.  Dancoisne  a  fait  suivre  le  texte,  depuis  longtemps 
connu,  du  Concordat  du  9  juin,  de  celui,  absolument  inédit, 


—  26  — 

d’un  concordat  antérieur  (26  mars)  inséré  dans  une  pro¬ 
testation  du  22  avril.  Ce  document,  récemment  retrouvé 
•  dans  les  Archives  municipales  de  Cambrai  par  M.  Lefebvre, 
archiviste  de  la  ville  ,  a  été  communiqué  par  lui  au  savant 
antiquaire  d’Hénin-Liétard.  A.  Desplanque. 


LES  RACES  HUMAINES  OU  ÉLÉMENTS  d’eTHNOGRAPHIE 
par  M.  d'Oraalius  d’Halloy  (h 

Le  premier  mémoire  scientifique  de  M.  d’Omalius  d’Hal¬ 
loy  date  de  1808 ,  c’est  assez  dire  que  son  auteur  appartient 
à  cette  génération  de  savants  qui  ont  vu  naître  et  se  déve¬ 
lopper  les  sciences  naturelles.  Son  esprit  éminemment  phi¬ 
losophique  s’est  trouvé  particulièrement  attiré  vers  les 
questions  qui  offrent  à  l’homme  les  problèmes  les  plus 
vastes  :  l’origine  du  monde  et  celle  de  l’humanité.  L’annee 
dernière  il  nous  donnait  sa  8.®  édition  du  Précis  élémentaire 
de  Géologie.  Cette  année  il  offre  au  public  sa  6.®  édition  des 
Eléments  cV Ethnographie.  M.  d’Omalius  a  toujours  pris 
l’observation  comme  guide  sans  se  laisser  entraîner  dans  les 
théories  abstraites  qui  ne  comptent  dans  la  science  que  par 
les  erreurs  qu’elles  y  apportent.  Néanmoins  il  ne  s’est 
jamais  astreint  à  adopter  les  idées  et  les  opinions  toutes 
faites,  fussent-elles  même  appuyées  d’un  grand  nom.  Il 
règne  dans  tous  ses  écrits  une  originalité  qui  en  fait  le 
charme  et  qui  marque  sa  place  parmi  les  maîtres  de  la 
science. 

M.  d’Omalius  définit  l’ethnographie,  la  description  des 
peuples.  Il  divise  le  genre  humain  d’abord  d’après  les 
caractères  naturels  tels  que  les  formes  et  la  couleur,  en¬ 
suite  d’après  les  caractères  sociaux  :  langage ,  filiation  his¬ 
torique,  mœurs  et  religion.  Il  distingue  5  races  :  la  race 


(î)  5.'  édition;  Bruxelles,  Mucqiiardt,  rue  Royale,  2;  in-8.° 


—  2/  — 

blanche,  la  race  jaune,  la  race  brune,  la  race  rouge  et  la 
race  noire. 

Ne  pouvant  entrer  dans  tous  les  détails  des  subdivisions, 
nous  nous  contenterons  d’indiquer  à  nos  lecteurs  quelques- 
uns  des  points  les  plus  marquants  de  ce  livre. 

Contrairement  à  l’opinion  généralement  admise,  l’auteur 
sépare  les  Hindous  de  la  race  blanche  et  les  range  dans  la 
race  brune  avec  les  Ethiopiens,  les  Indo-Chinois,  les 
Malais  et  les  Polynésiens.  Il  admet  que  des  peuples  de  la 
race  blanche  originaires  du  plateau  Persan  ,  les  Aryas,  ont 
envahi  à  une  époque  reculée  la  Péninsule  indienne,  et  ont 
imposé  leur  religion  et  leur  langue  à  des  populations  d’une 
race  différente ,  presque  noire  ,  avec  lesquelles  ils  se  sont 
mêlés.  Ainsi  s’expliquent  les  observations  de  M.  de  Ravisi 
sur  les  rapports  du  Védisme,  ou  antique  religion  de  l’Inde, 
avec  le  Zoroastrisme  persan  (^). 

M.  d’Omalius  n’admet  pas  non  plus ,  conformément  à 
l’opinion  régnante,  que  les  peuples  européens  descendent 
des  mêmes  Aryas.  Il  pense  au  contraire  que  ce  sont  des 
Européens  qui  ont  envahi  la  Perse,  s’y  sont  civilisés,  mais 
par  contre  ont  imposé  leur  langue  à  la  population  anté¬ 
rieure. 

Le  type  de  la  race  blanche  c’est  la  Famille  teutonne 
(Allemands,  Hollandais,  Flamands,  Suédois,  Danois,  Nor¬ 
végiens ,  Anglais)  au  teint  clair,  aux  yeux  bleus,  aux 
cheveux  blonds ,  à  la  taille  élevée ,  aux  membres  bien  pro¬ 
portionnés  ;  féconde ,  énergique,  entreprenante,  plus  apte 
que  toutes  les  autres  à  fonder  des  conquêtes  stables. 

Les  Celtes  qui  appartenaient  à  cette  Famille  trouvèrent, 
lorsqu’ils  envahirent  la  Gaule  ,  une  population  également 
de  race  blanche  ,  mais  à  cheveux  noirs,  et  c’est  de  la  fusion 


(D  Bulletin  ,  1. 1,  p.  333. 


—  28  — 

des  conquérants  et  des  peuples  conquis  que  sortirent  les 
Gaulois  et  ensuite  la  nation  française.  Au  nord  de  la  Loire 
domine  le  sang  celtique  ,  tandis  que  la  chevelure  noire  est 
prépondérante  au  sud.  Les  Bas-Bretons  et  les  Basques  se¬ 
raient  des  représentants  plus  purs  de  cette  famille  à  cheveux 
noirs  qui  se  liait  de  la  manière  la  plus  intime  aux  Berbères 
et  aux  autres  populations  africaines. 

M.  d’Omalius  d’Halloy  a  fait  suivre  son  ethnographie 
d’appendices  qui  ne  constituent  pas  la  partie  la  moins  inté¬ 
ressante  de  son  livre.  C’est  d’abord  une  classification  des 
connaissances  humaines,  puis  un  article  sur  l’espèce  où 
l’auteur  se  montre  partisan  de  la  transformation  des  êtres 
sous  l’influence  de  changements  causés  dans  les  milieux 
par  les  révolutions  géologiques  ;  et  enfin  ,  comme  conclu¬ 
sion  ,  quelques  considérations  sur  l’accord  entre  les  sciences 
naturelles  et  les  récits  bibliques. Sur  ces  questions  délicates, 
M.  d’Omalius  donne  de  nouvelles  preuves  de  son  esprit 
sincèrement  religieux  et  libéral.  Il  montre  que  les  incerti¬ 
tudes  sont  trop  grandes  dans  les  théories  scientifiques  et 
dans  les  interprétations  bibliques  pour  que  l’on  puisse  les 
opposer  les  unes  aux  autres.  Qu’il  nous  soit  permis  d’ajouter 
que  M.  d’Omalius  a  joint  l’exemple  aux  préceptes  et  que 
tout  en  conservant  de  profondes  convictions  religieuses  (^), 
on  l’a  vu  en  toutes  circonstances  marcher  à  l’avant-garde  de 
la  science.  J.  Gosselet. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

Lamartine  ^  député  du  Nord.  —  Parmi  tous  les  grands 
morts  de  l’année  1869  ,  il  n’en  est  pas  dont  le  nom  soit 
appelé  à  vivre  plus  longtemps  que  celui  de  Lamartine.  Un 
homme  qui  s’honore  de  l’avoir  connu  de  près ,  M.  Ch.  de 


(9  II  est  un  des  chefs  du  parti  catholique  au  Sénat  belge. 


—  29  — 

La  Roïère ,  ancien  maire  de  Bergues  ,  nous  a  fourni ,  sur 
les  relations  de  l’illustre  défunt  avec  l’arrondissement  de 
Dunkerque  ,  des  renseignements  sobres  et  précis  que  nous 
sommes  heureux  de  pouvoir  consigner  dans  notre  Bulletin. 

M.  De  Lamartine ,  avant  d’effectuer  le  voyage  en  Orient 
qu’il  avait  projeté  après  la  Révolution  de  1830  ,  est  venu 
passer  quelque  temps  à  Hondschoote,  chez  Madame  de 
Coppens-d’Hondschoote  ,  sa  sœur  ;  sa  réputation  ,  qui  l’y 
avait  devancé ,  lui  attira  un  grand  nombre  de  visiteurs  ; 
des  relations  s’établirent  entre  lui  et  beaucoup  de  sommités 
de  l’arrondissement;  l’étendue  de  son  génie,  l’élévation  de 
son  caractère  et  cet  esprit  bienveillant  pour  tous  qu’il  a 
conservé  jusqu’à  la  fin  de  sa  vie,  lui  donnèrent  non  seule¬ 
ment  des  admirateurs ,  mais  des  amis  enthousiastes  ;  la  can¬ 
didature  du  2.“®  arrondissement  électoral  de  Dunkerque  lui 
fut  offerte ,  et ,  après  quelque  hésitation  ,  il  l’accepta  fran¬ 
chement. 

Il  fit  sa  profession  de  foi  le  15  juin  1831.  Il  y  mit  toute 
son  âme  à  découvert  ;  il  aurait  pu  la  reproduire  plus  tard 
après  la  Révolution  de  1848  ,  et  parvenu  alors  au  pouvoir, 
il  n’aurait  eu  rien  à  en  retrancher. Peu  d’hommes  politiques 
pourraient  en  dire  autant. 

Celte  profession  de  foi ,  comme  toutes  les  professions,  fut 
attaquée  ;  il  donna ,  le  24  juin ,  aux  objections  qui  y  avaient 
été  faites,  une  réponse  calme  et  digne. 

On  lui  suscita  pour  concurrent  M.  Paul  Lemaire  ,  prési¬ 
dent  de  la  4.™®  section  des  Watteringues  ,  membre  du  Con¬ 
seil-Général  du  Nord  et  grand  propriétaire  à  Dunkerque  ; 
c’était  le  seul  homme  qu’on  pouvait  lui  opposer  avec  succès. 
M.I  œmaire  avait  longtemps  refusé  de  se  porter  sur  les  rangs 
et  n’avait  fini  par  y  consentir  qu’avec  l’intention  de  se 
démettre  aussitôt  que  les  circonsteii-ces  paraîtraient  favora¬ 
bles  à  une  candidature  autre  que  celle  de  M.  de  Lamartine. 

La  lutte  fut  vive,  ardente.  La  Némésis.,  journal  de  Mar¬ 
seille,  fit  paraître  une  satire,  aussi  injuste  qu’amère,  contre 
la  double  candidature  de  M.  de  Lamartine  dans  le  Nord  et 
dans  le  Var.  Une  réponse  à  cette  satire,  improvisée  par 
M.  de  Lamartine,  à  Bergues,  le  jour  même  de  l’élection, 
fut  imprimée  depuis  ;  nous  ne  citerons  de  cette  réponse 
qu’une  strophe  : 


—  50  — 

Honte  à  qui  peut  chanter  pendant  que  les  sicaires 
En  secouant  leur  torche  aiguisent  leurs  poignards, 

Jettent  les  dieux  proscrits  aux  rires  populaires 
Ou  traînent  aux  égouts  les  bustes  des  Césars  !... 

C’est  l'heure  de  combattre  avec  l'arme  qui  reste!. . .• 

C'est  l’heure  de  monter  au  Rostre  ensanglanté 
Et  de  défendre  au  moins  de  la  voix  et  du  geste 
Rome ,  les  Dieux ,  la  Liberté  !... 

Le  résultat  de  la  lutte,  quoique  matériellement  désavan¬ 
tageux  pour  le  poète  homme  d’Etat,  lui  fut  neanmoins 
honorable;  sur  380  votants ,  M.  de  Lamartine  obtint  181 
suffrages  et  M.  Paul  Lemaire  198. 

Le  7  juillet  1831,  M.  de  Lamartine ,  dans  une  lettre 
rendue  publique,  exprima  aux  électeurs  sa  reconnaissance 
pour  les  témoignages  de  cou  fiance  qu’ils  lui  avaient  donnés. 
Cette  lettre  ne  fit  qu’augmenter  les  regrets  éprouvés  par 
ses  amis  de  voir  la  Chambre  privée  d’un  homme  de  cœur  et 
de  génie.  Il  reprit  ensuite  les  préparatifs  de  son  voyage  en 
Orient  et  s’embarqua  à  Marseille  le  10  juillet  1832 ,  pour 
ne  rentrer  en  France  que  vers  la  fin  de  1833. 

A  peine  s’était-il  installé  à  Beyrout  que  M.  Paul  Lemaire 
donna  sa  démission  de  député.  Une  nouvelle  élection  eut 
lieu  ;  la  lutte  ne  fut  pas  moins  chaude  que  la  fois  précé¬ 
dente  :  sur  349  votants  M.  de  Lamartine  obtint  190  suf¬ 
frages.  Les  voix  se  répartirent  comme  suit  sur  ses  trois  con¬ 
currents  :  M.  Debaillon,  80  ;  M.  Colombier ,  60  ;  M.  Gui- 
nard,  13.  M.  de  Lamartine  reçut  la  nouvelle  de  sa  nomination 
pendant  son  séjour  à  Constantinople. 

Aux  trois  renouvellements  successifs  de  la  Chambre  M.  de 
Lamartine  fut  réélu  chez  nous  à  l’unanimité  ;  en  1838 ,  au 
grand  regret  du  2."’® arrondissement  électoral  de  Dunkerque, 
il  opta  en  faveur  de  son  pays  natal ,  Mâcon ,  où  il  était  élu 
pour  la  deuxième  fois. 

Son  premier  discours  à  la  Chambre  ,  comme  député  de 
Bergues  ,  fut  prononcé  le  4  janvier  1834,  sur  le  projet  d’a¬ 
dresse  ;  le  second ,  le  8  janvier ,  pour  développer  un  amen¬ 
dement  au  projet  d’adresse  ;  le  troisième ,  du  3  février  1834, 
sur  la  Vendée  ;  le  quatrième  ,  du  13  février  1834,  sur  les 
Frères  des  Ecoles  chrétiennes  ;  le  cinquième  ,  du  13  mars 
1834,  sur  les  Associations;  le  sixième,  du  1."  avril  1834, 
sur  la  dette  américaine;  le  septième,  du  24  avril  1834 ,  sur 
les  évêchés;  le  huitième,  du  2  mai  1834,  sur  Alger  ;  le 
neuvième,  du  8  mai  1834  ,  sur  rinstructioii  publique;  le 
dixième,  du  13  mai  1834,  sur  les  crédits  additionnels  ;  le 


—  51  — 

onzième,  du  14  mai  1834,  contre  la  peine  de  mort;  les 
douzième  et  treizième,  des  30  décembre  1834  et  4 janvier 
183o,  sur  l’amnistie;  le  quatorzième,  du  23  août  1835,  sur 
la  loi  de  la  presse  ;  les  quinzième  et  seizième ,  des  5  février 
et  22  mars  1836,  sur  la  conversion  des  rentes;  le  dix- 
septième  ,  du  14  avril  1838 ,  sur  la  liberté  du  commerce  ;  le 
dix-huitième,  du  18  avril  1836,  prononcé  à  l’Hôtel-de-Ville 
à  Paris,  sur  l’abolition  de  la  peine  de  mort  ;  le  dix-neuvième, 
prononcé  à  la  Chambre  le  25  mai  1836  ,  sur  les  colonies  ;  le 
vingtième,  du  8  mars  1837 ,  sur  la  juridiction  militaire  ;  le 
vingt-unième,  du  24  mars  1837,  sur  l’enseignement;  le 
vingt-deuxième,  à  rHôtel-de-Yille  à  Paris,  le  17  avril 
1837,  sur  labolition  de  la  peine  de  mort;  le  vingt-troisième, 
à  la  Chambre  des  députés,  le  26  avril  1837  ,  sur  Alger, 
et  le  vingt-quatrième,  du  5  mai  1836,  sur  les  fonds  secrets. 

La  Chambre  ne  tarda  pas  à  être  dissoute,  et  ce  fut  après 
l’élection  suivante  que  M.  de  Lamartine  opta  pour  3Iâcon. 
Ses  rapports  dès  lors  ne  furent  plus  continués  qu’avec  quel¬ 
ques-uns  de  ses  amis  de  Flandre  qui ,  tout  en  regrettant 
sa  détermination ,  ont  voulu  conserver  jusqu’à  la  fin  des 
relations  qu’il  avait  su  rendre  constamment  agréables. 

En  nous  transmettant  ces  précieux  détails  ,  M.  Charles  de 
La  Roïère  n’a  omis  qu’une  chose  qui  est  de  rappeler  quels 
liens  étroits  d’estime  et  d’amitié  unissaient  feu  Jean  de  La 
Roïère,  son  frère ,  à  l’éminent  député  de  la  2.^"  circonscrip¬ 
tion.  Nous  tenons  à  réparer ,  sans  en  prévenir  notre  hono¬ 
rable  correspondant,  une  omission  qu’il  ne  faut  attribuer 
qu’au  sentiment  de  modestie  commun  aux  deux  frères. 

M.  Jean  de  La  Roïère  accompagna  en  Orient  M.  de  La¬ 
martine  qui ,  en  tête  de  son  Voyage,  trace  de  lui  le  portrait 
le  plus  flatteur  et  à  la  fois  le  plus  sincère  : 

L’autre  de  nos  compagnons  est  un  médecin  d’Honds- 
cboote,  M.  de  la  Roïère.  Je  l’ai  connu  chez  ma  sœur  à 
l’époque  où  je  méditais  ce  départ.  La  pureté  de  son  âme  , 
la  grâce  originale  et  naïve  de  son  esprit,  l’élévation  de  ses 
sentiments  politiques  et  religieux,  me  frappèrent.  Je  désirai 
l’emmener  avec  moi  bien  plus  comme  ressource  morale,  que 
comme  providence  de  santé  ;  je  m’en  suis  félicité  depuis  ; 
je  mets  bien  plus  de  prix  à  son  caractère  et  à  son  esprit 


—  52  — 

qu’à  ses  talents,  quoiqu’il  en  ait  de  très-constatés.  Nous 
causons  ensemole  de  politique  bien  plus  que  de  médecine. 
Ses  vues  et  ses  idées  sur  le  présent  et  l’avenir  de  la  France 
sont  larges  et  nullement  bornées  par  des  affections  ou  des 
répugnances  de  personnes.  Il  sait  que  la  Providence  ne  fait 
point  acception  de  parti  dans  son  œuvre,  et  il  voit ,  comme 
moi ,  dans  la  politique  humaine,  des  idées  et  non  pas  des 
noms  propres.  Sa  pensée  va  au  but  sans  s’inquiéter  par  qui 
ou  par  où  il  faut  passer;  et  son  esprit  n’a  aucun  préjugé  , 
aucune  prévention  ,  pas  même  ceux  de  sa  foi  religieuse,  qui 
est  sincère  et  fervente. 

Né  à  Hondsclioote  ,  le  1.®’’  février  1793  ,  M.  Jean-Vaast 
de  La  Roïère,  après  avoir  terminé  ses  études  médicales, 
servit  sous  les  armes  la  première  et  la  seconde  Restauration. 
En  1816,  il  s’engagea  dans  la  médecine  militaire  et,  en 
1822,  il  rentra  dans  ses  foyers  pour  n’en  plus  sortir.  Les 
suffrages  de  ses  compatriotes  l’envoyèrent  siéger  au  Conseil 
d’arrondissement  de  1833  à  1848  et  au  Conseil  Général  de 
1848  à  18oo.  Lui  aussi  a  écrit  son  Voyage  en  Orient  dont  le 
ton  austère  contraste  avec  les  riches  couleurs  imaginatives 
prodiguées  par  son  illustre  compagnon  de  route.  On  doit  au 
meme  auteur  un  Exposé  de  la  Philosophie  physiologique  de 
l'Homme  (1843)  ;  un  Traité  analytique  de  T  Etre  en  général 
et  de  VHomme  en  particulier  (1863) ,  et  des  Etudes  sur  la 
Décentralisation  publiées  en  partie  par  le  Propagateur  de 
Lille.  M.  Victor  Derode  ,  dans  le  discours  qu’il  a  prononcé, 
comme  président  de  la  Société  Dunkerquoise,  le  20  novem¬ 
bre  186o ,  a  parfaitement  apprécié  le  caractère  et  le  talent 
de  M.  Jean  de  La  Roïère.  A.  Desplax’que. 


UN  MÉDECIN  HAINUYER  AU  XV®  SIÈCLE. 

La  revue  :  la  Flandre  ,  que  publient  à  Rruges  quatre 
collaborateurs  actifs  et  intelligents,  contient,  dans  son 
dernier  numéro  ,  une  Généalogie  de  la  famille  Despars  par 
M.  W.  H.  James  Weale.  Nous  y  remarquons  l’article 


—  55  — 

consacré  à  Jacques  Despars,  l’une  des  célébrités  médicales 
du  commencement  du  XV®  siècle.  Nous  croyons  être 
agréable  à  nos  lecteurs  en  plaçant  sous  leurs  yeux  quelques 
extraits  de  cet  article  ,  choisis  parmi  ceux  qui  intéressent  le 
plus  directement  nos  contrées.  A.  D. 

Jacques  Despars ,  né  à  Tournai  vers  1380 ,  maître  ès-arts, 
un  des  plus  anciens  médecins  originaires  du  Hainaut ,  com¬ 
mença  ses  études  en  médecine  à  l’université  de  Montpellier 
et  alla  les  terminer  à  Paris ,  où  il  se  mit  sur  les  bancs  en 
1408.  Il  fut  reçu  en  1409....  En  1414 ,  PUniversité  de  Paris 
donna  une  marque  de  confiance  à  Despars  en  le  nommant 
membre  de  l’ambassade  qu’elle  députa  au  Concile  de  Cons¬ 
tance...  La  même  année,  il  devint  chanoine  de  Péglise 
collégiale  de  Saint-Donatien  à  Bruges...  Vers  cette  époque, 
il  obtint  une  chapellenie  perpétuelle  dans  l’église  de  Cuvil- 
1ers ,  diocèse  de  Cambrai.  Il  fut  aussi  chanoine  et  trésorier 
du  chapitre  de  Notre-Dame  de  Tournai.  Il  habitait  en  cette 
ville  la  maison  de  la  rue  des  Choraux  qui  porte  le  numéro 
15.  En  octobre  1423,  les  magistrats  de  Tournai  envoyèrent 
Despars  à  Lille  pour  les  excuser  de  ne  pas  s’être  représentés 
à  la  réunion  des  quatre  membres  de  Flandre  tenue  à  Gand. 
Le  premier  février  1426,  Despars  échangea  sa  chapellenie 
à  Cuvillers  contre  la  prébende  canoniale  de  Jean  de 
Moncheaux  à  l’église  métropolilaine  de  Cambrai.  Le  6 
février  ,  il  prêta  le  serment  usuel ,  et  fut  admis  au  baiser 
de  paix.  Le  18  février,  par  un  acte  passé  pardevant  notaire 
à  Cambrai ,  il  nomma  pour  son  vicaire-trésorier  à  Tournai, 
Guillaume  Bernard. 

Despars  fut  aussi  chanoine  de  l’église  métropolitaine  de 
Notre-Dame  de  Paris.  Il  devint  médecin  et  conseiller  d’Etat 
de  Charles  VII  ,  roi  de  France  ,  et  archiâtre  de  Philippe 
l’Asseuré ,  duc  de  Bourgogne.  De  1426  à  1436,  il  paraît 
avoir  habité  la  ville  de  Cambrai.  A  la  fin  d’avril  1427  ,  il 
se  rendit  de  là  à  Zevemberghe ,  pour  visiter  le  duc  qui 
était  malade  et,  en  1436 ,  à  Gand ,  pour  visiter  le  comte  de 
Charolais.  En  mars  1436,  il  résigna  sa  prébende  canoniale 
à  Cambrai.  A  dater  de  ce  temps  il  paraît  avoir  établi  sa 
résidence  habituelle  à  Paris. 

Nous  devons  ajouter  ici  que  Jacques  Despars  fit  partie  de 
l’ambassade  qui  accompagna  Catherine,  fille  de  Charles  VII, 
roi  de  France  ,  lorsqu’elle  se  rendit  à  Cambrai  en  juin 


—  34  — 

1438  ,  pour  épouser  le  comte  de  Charolais.  En  1440 ,  il  alla 
à  Gravelines  avec  le  duc  de  Bourgogne  ,  rarchevêque  de 
Rheims,  etc.  à  la  rencontre  de  Charles ,  duc  d’Orléans ,  qui 
revenait  en  France  après  avoir  été  longtemps  retenu  pri¬ 
sonnier  en  Angleterre. 

Despars  fut  le  premier  qui  écrivit  sur  la  scarlatine,  pour 
le  traitement  de  laquelle  il  adopte  la  saignée  et  les  vomitifs 
et  diminue  les  cordiaux.  Il  voulut  persuader  aux  magistrats 
de  fermer ,  en  temps  de  peste ,  les  bains  chauds  et  les 
étuves  ;  il  craignait  la  chaleur ,  la  raréfaction  de  l’air , 
l’ouverture  des  pores  de  la  peau  et  les  assemblées  du  peuple 
par  rapport  à  la  contagion.  Les  étuvisles ,  animés  par  la 
cupidité  ,  voulurent  attenter  à  sa  vie  ,  mais  Despars  eût  le 
bonheur  d’échapper.  Il  trépassa  à  Paris,  le 3  janvier  1438, 
dans  sa  maison  canoniale  et  fut  enseveli  en  la  chapelle  de 
Saint  Jacques  derrière  le  chœur  de  Notre-Dame. 

Jacques  Despars  a  beaucoup  écrit.  Son  principal  ouvrage 
est  un  Commentaire  en  latin  sur  les  canons  d’Avicenne.  Ce 
fut  à  Cambrai  qu’il  le  commença  en  1432,  mais  déjà  alors 
il  avait  corrigé  la  traduction  latine ,  faite  par  Gérard  de 
Crémone  au  xiF  siècle  d’après  le  texte  arabe  ;  ensuite  il 
avait  fait  copier  cette  traduction  revue  et  rectifiée  ,  sur  par¬ 
chemin  en  grosses  lettres  [de  littera  grossa  in  pergameno) . 

Ses  commentaires ,  très-longs  mais  assez  insignifiants , 
sont  un  tissu  d’extraits  pris  des  ouvrages  de  Galien,  de 
Rhasès  et  de  Hali-Abbas.  A  la  fin  du  commentaire  sur  le 
troisième  canon ,  Despars  assure  qu’il  n’a  rien  extrait  des 
traductions  latines,  mais  des  textes  originaux  grecs  ou 
arabes. 

Le  manuscrit  autographe  des  commentaires  de  Despars 
sur  la  troisième  fen  (section  ou  division)  du  premier  canon 
est  conservé  (sauf  les  derniers  feuillets)  à  la  bibliothèque 
de  Lille  (n"  343  du  Catalogne.)  Le  manuscrit  autographe 
des  commentaires  sur  la  treizième  fen  du  troisième  canon 
se  trouve  dans  la  meme  bibliothèque  (n°  344.) 

L’ouvrage  fut  imprimé  à  Lyon  en  1498  ;  il  forme  4  vol. 
in-f.“  W.  H.  James  Weale. 


CHRONIQUE. 

Géologie.  Sondage  à  Radinghem.  —  M  .  Galloo,  notaire 
et  maire  de  Radinghem ,  canton  d’Haubourdin ,  nous  corn- 


—  35  — 


munîque  le  résultat  suivant  d’un  forage  effectué  chez  M. 
Lefebvre-Wattelle,  clans  le  bourg  même  de  Radinghem  : 


1 

2 

3 

4 

5 

6 

7 

8 
9 

10 

11 

12 


Profondeurs 
des  couches 


1.60 

18 


26 

26.60 

28.40 

29 

42 


Epaisseurs 


Terre  végétale . 

Argile  à  brique  Limon . 

O  O 

1  1.60 

Sable  vert  noirâtre  avec  modules 

de  pyrite . 

16.40 

Grès  argileux  vert  (Tuffeau). . . . 

0.20 

Sable  vert  aquifère . 

0.30  1 

Grès  argileux  vert  (Tuffeau) .... 

0.20 

Sable  gris  très-dur . 

7.45  < 

'  11... 

Grès  argileux  vert . 

0.45 

Sable  gris . 

1.80 

Grès . 

0.60 

Argile  plastique  (Glaise) . 

^  13... 

Marne . 

Ce  sondage  est  intéressant  à  plus  d’un  litre  ;  d’abord  il 


nous  montre  à  la  base  de  l’assise  landénienne  une  épaisseur 
considérable  de  glaise  ,  fait  qui  n’a  rien  de  surprenaiU  ,  car 
cette  argile  existe  à  Lomme  et  à  Marquette,  mais  qu’il  est  uti¬ 
le  de  constater  à  Radinghem.  A  Santés  la  même  couche  est 


représentée  par  dessables  argileux  remplis  de  silex.  On  voit 
aussi  que  contrairement  aux  indications  de  la  carte  géolo¬ 
gique  du  département  l’argile  d’Ypres  n’existe  pas  sous  le 
bourg  de  Radinghem.  Sous  le  limon,  on  trouve  immédiate¬ 
ment  du  sable  vert  qui  représente  les  sables  d’Ostricourt  ou 
même  appartient  peut-être  au  tuffeau. 


On  peut  classer  ces  couches  de  la  manière  suivante  : 


Terrain  diluvien  (l  et  2). 

i  Assise  sables  d'Ostricourt  (3) 

Assise  landénienne  inférieure 
Terrain  crétacé  (12). 


J  Zone  tuffeau  (4-10) 
I  Zone  argile  (11) 


Bfistoire  littéraire  —  Un  souvenir  des  Cours  de  la 
Faculté  des  lettres  de  Douai.  —  En  rendant  compte  des  Nou¬ 
velles  Etudes  morales  sur  le  temps  présent  par  M.  Caro,  M. 
Paul  Raymond  ,  critique  littéraire  du  Popagateur  du  Nord 
et  du  Pas-de-Calais,  nous  reporte  aux  premiers  temps  de  la 


—  36  — 

faculté  des  lettres  de  Douai.  Nous  reproduisons  ici ,  à  titre 
de  renseignement  pour  l’histoire  littéraire  de  nos  contrées, 
la  vive  et  fine  esquisse  qu’il  en  trace. 

Il  y  a  quatorze  ou  quinze  ans,  à  Douai,  notre  nouvelle 
Faculté  des  lettres  s’enorgueillissait  de  jeunes  talents  pleins 
de  promesses ,  assez  complets  déjà  dans  le  présent  pour 
offrir ,  aux  auditeurs  charmés ,  des  fleurs  d’éloquence  et  de 
poésie.  Nul  de  ceux  qui  y  prirent  part  n’a  oublié  ces  jours 
où  une  foule  d’avocats ,  d’officiers  distingués  ,  de  femmes 
élégantes,  mêlés  à  la  jeunesse  studieuse,  se  pressaient 
autour  de  la  chaire  de  MM.  Caro  et  Martlia.  Parfois,  à 
cet  auditoire  habituel ,  se  joignait  quelque  nom  bien  connu  : 
c’était  Armand  de  Pontmartin,  c’était  Guillaume  Guizot , 
presque  adolescent  ;  d’autres  encore ,  attirés  par  des 
relations  amicales  ,  ou  la  seule  curiosité  littéraire  qui  s’at¬ 
tachait  à  ces  leçons  d’une  Faculté  de  province. 

Le  local  était  alors  bien  mesquin,  bien  mal  distribué  , 
bien  défavorable  aux  lois  de  l’acoustique  ;  mais  qu’importe? 
Il  y  avait  comme  un  courant  de  sympathie  entre  l’orateur 
et  ce  public  intelligent.  Et ,  s’il  était  quelque  peu  troublé, 
le  professeur  s’enhardissait  à  ces  témoignages  ;  ou  ,  s’il  se 
sentait  déjà  sûr  de  lui-même ,  il  élevait  parfois  son  élo¬ 
quence  jusqu’à  l’enthousiasme. 

M.  Martba  s’est ,  depuis  lors,  fait  connaitre  par  ses  belles 
études  sur  Moralistes  de  V Empire  romain  et  sur  le  poème 
de  Lucrèce.  M.  Caro  a  donné  la  mesure  de  son  talent  par 
une  séried’ouvrages  philosophiques  qui  sont  aux  mains  de 
tout  le  monde  et  dont  le  plus  récent  forme  le  digne  couron¬ 
nement.  '  A.  D. 

nécrologie.  M.  de  Pongerville  ,  M.  Anselin.  —  M.  de 
Pongerville ,  membre  de  l’Académie  française ,  est  mort 
subitement  dans  la  nuit  du  22  au  23  janvier  1870. 

Né  à  Abbeville  en  1792,  il  termina  ses  études  de  bonne 
heure  et  s’exerça  à  de  nombreux  travaux  littéraires. 

A  vingt  ans,  il  se  passionna  pour  la  lecture  de  Lucrèce  et 
consacra  dix  années  à  sa  traduction  en  vers ,  qu’il  publia  en 
1823 ,  et  qui  fit  aussitôt  sa  réputation. 


—  57  — 

Quelques  années  après,  Charles  Panckouke  lui  confia  la 
traduction  en  prose  du  même  auteur  pour  sa  Bibliothèque 
latine  française^  et ,  par  ce  double  travail,  M.  de  Ponger- 
ville  montra,  comme  poète  et  comme  prosateur,  autant 
d’exactitude  que  d’élégance. 

Après  avoir  échoué  trois  fois,  faute  d’une  voix,  aux 
élections  de  l’Académie,  il  y  entra  en  avril  1820  ,  en  rem¬ 
placement  de  Lally-Tollendal. 

En  1846,  il  fut  nommé  conservateur  à  la  bibliothèque 
Sainte-Geneviève  et  passa  ,  en  1851 ,  à  la  bibliothèque  im¬ 
périale.  11  obtint  la  rosette  d’officier  de  la  Légion  d’honneur 
en  avril  1845. 

M.  de  Pongerville  laisse ,  outre  sa  traduction  du  poème 
de  Lucrèce  en  vers  [1822]  et  en  prose  [1829] ,  les  Amours 
mythologiques,  version  poétique  des  Métamorphoses  d'O- 
vide  [1827]  ;  le  Paradis  perdu,  de  Milton,  en  prose  [1838]; 
VEnèide,  de  Virgile  ,  en  prose  [1846]  ;  puis  une  série  d’épî- 
tres  et  de  fragments ,  entre  autres  :  Epitre  aux  Belges 
[1832] ,  au  Boi  de  Bavière  [1834] ,  de  Y  Indépendance  de 
PHomme  de  lettres  [1838],  Epitre  au  Menuisier-Poète  de 
Fontainebleau  [1839],  à  Une  Femme  poète  [1840],  Sur  la 
Folie,  fragment  d’un  poème  inédit  [1846],  A  Ingres  [1849], 
Sur  rabolilion  de  la  peine  de  mort  [1849]  ;  les  Poètes  ,  dia¬ 
logue  [1856]. 

M.  de  Pongerville  a  publié  en  outre  ,  dans  diverses  Bé¬ 
vues,  des  articles  de  critique  littéraire  justement  remarqués. 

La  mort  de  M.  de  Pongerville  porte  à  trois  le  nombre  des 
fauteuils  vacants  à  l’Académie  française  ;  on  sait  en  effet 
que  MM.  de  Lamartine  et  Sainte-Beuve  sont  encore  sans 
successeurs  sous  la  coupole  de  l’Institut. 

—  L’année  1869  a  vu  s’éteindre  ,  au  commencement 
d’octobre,  M.  Anselin ,  secrétaire-perpétuel  de  l’Académie 
d’Amiens.  Le  discours  que  M.  Bobn ,  président  de  cette 


—  o8  — 

savante  compagnie ,  a  prononcé  sur  la  tombe  de  ce  zélé 
confrère ,  nous  est  parvenu  trop  tard  pour  que  nous  ayons 
pu  en  rendre  compte  à  sa  date.  Nous  tenons  à  réparer  cette 
omission  au  débùt  de  l’année  où  nous  entrons.  «  Ce  qui 
formait  le  trait  dominant  de  celte  nature  si  diverse  par  ses 
aptitudes,  a  dit  M.  Bohn  en  parlant  de  M.  Anselin  ,  c’était 
une  énergie  invincible  au  travail.  Je  ne  sais  pas  s’il  se  re¬ 
posait  autrement  que  lord  Brougham  ,  qui  ne  se  délassait 
qu’en  changeant  d’occupation;  mais,  pour  mà  part,  et 
quoique  je  n’aie  connu  M.  Anselin  que  dans  son  extrême 
vieillesse ,  je  ne  l’ai  jamais  trouvé  se  reposant  d’une  autre 
manière ...  Il  me  disait  un  jour  :  «  En  dépit  de  tout ,  il  y  a 
en  moi  une  puissance  de  vitalité  que  je  ne  comprends  pas.  » 
Je  crois  qu’il  ne  se  rendait  pas  justice,  et  que  c’était  lui  qui, 
par  cette  indomptable  volonté  d’agir ,  faisait  celte  vitalité. 
Les  lettres  ,  les  arts ,  les  sciences ,  rien  ne  lui  était  étranger. 
On  le  trouvait  prêt  sur  toute  chose  ,  et  je  suis  sûr  qu’il  a 
souvent  étonné  les  hommes  spéciaux  par  la  netteté  de  ses 
informations  et  la  précision  de  ses  jugements  dans  des  ma¬ 
tières  qui  ne  lui  étaient  point ,  à  lui ,  spéciales.  » 


llétéorologie.  Mois  de  Décembre  1869  : 

DÉCEMBRE 

1869 


Température  moyenne . 

.  3.«  16 

» 

B  des  maxima . 

.  4.*^  71 

»  des  minima . 

.  1 61 

» 

extrême  maxima,  le  18. 

.  13."  80 

» 

»  minima,  le  27 ... . 

.—6.*^  20 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.°. . . 

.  755T143 

»  hauteur  extrême  inaxima,  le  7 . .  767 -‘"‘TS 
»  j>  B  minima,  le  14. .  747"‘"‘30 
Tension  moy.  de  la  vapeur  almosphér.  4'““78 

Humidité  relative  moyenne .  87  7„ 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  59“"T6 

»  de  couche  d’eau  évaporée. . . .  15"‘'"49 


DÉCEMBRE 
année  moy. 
3.“  84 


760r  883 


8"'"  39 
87.207 
82""  69 
18”"  79 


—  59 


Les  59  mill.  16  d’eau  météorique  sont  composés  de  47 
mill.  65  d’eau  de  pluie,  11  mill.  51  d’eau  de  neige  ,  ayant 
avant  la  fonte  une  épaisseur  de  10  cent.  5  et  4  mill.  00 
d’eau  de  grêle. 

-  Pendant  ce  mois  on  observa  deux  périodes  de  gelée  :  la 
première  du  2  au  9  exclusivement,  la  seconde  du  25  au  31, 
jour  où  commença  le  dégel  dans  la  matinée. 

La  terre  était  couverte  d’une  couche  de  neige  d’une  épais¬ 
seur  de  10  centimètres. 

Entre  ces  deux  périodes  il  y  eut  16  jours  dont  la  tempé¬ 
rature  moyenne  fut  relativement  assez  élevée. 

.  L’état  électrique  de  l’atmosphère  a  été  très-prononcé  et 
s’est  surtout  manifesté  parles  tempêtes  des  15, 16,  17, 19, 
30.  Le  15  de  10  h.  35  du  matin  à  11  h.  orage  O. -S. -O  ac¬ 
compagné  de  pluie  et  de  grêle.  Le  19  à  11  h.  5  du  soir  éclairs 
sans  tonnerre  à  l’horizon  S.-O.  Dans  la  nuit  du  11  au  12 
nombreuses  étoiles  filantes.  Dans  la  soirée  du  17  magnifique 
halo  lunaire. 

Il  y  eut  30  jours  de  brouillard  ,  19  de  rosée,  8  de  gelée 
blanche,  14  de  gelée  ,  22  de  pluie,  9  de  neige,  3  de  grêle , 
1  d’orage. 

14  jours  le  ciel  fut  couvert  de  nuages  et  pendant  17  jours  à 
demi-couvert. 

Les  vents  régnants  soufflèrent  avec  force  du  S.-O.  et  du 
S.-E.  Meurein. 

Découvertes  de  Monnaies.  —  On  a  dé¬ 
couvert,  dans  le  courant  de  l’année  1869,  à  Moulins-Lille, 
un  Ecu  d’or  au  Soleil  de  François  1.^’’  ;  à  La  Madeleine  lez- 
Lille ,  une  Chaise  d’or  de  Jean  de  Bavière  pour  la  Hollande. 
Cette  pièce  copie  des  Chaises  d’or  frappées  par  les  comtes 
de  Flandre,  devait  circuler  facilement  dans  leurs  états; 
toutefois  comme  toutes  les  imitations  elle  est  d’un  or  moins 
pur  :  ces  deux  pièces  sont  entrées  dans  ma  collection. 


— .  40  — 

Une  autre  trouvaille  ,  que  Ton  est  venu  m’apporter  der¬ 
nièrement  ,  a  été  faite  non  plus  en  terre  mais  dans  le  fond 
d’une  armoire  ,  chez  l’une  des  anciennes  familles  de  notre 
ville.  Elle  se  composait  de  cent  soixante  Méreaux  ohituaires, 
tous  au  même  tijpe^  à  savoir  :  au  droit  saint  Etienne  age¬ 
nouillé,  au  revers  le  chiffre  3  ou  4  avec  la  date  1636.  Ces 
pièces  décrites  dans  Van  Hende,  numéros  592  et  593,  n’ont 
malheureusement  aucune  rareté.  Toutefois ,  trouvées  en 
aussi  grand  nombre  dans  notre  ville ,  elles  ont  cela  d’inté¬ 
ressant  qu’elles  viennent  confirmer  la  revendication  faite 
par  notre  numismate  lillois ,  pour  la  paroisse  Saint-Etienne 
à  Lille  ,  de  ces  pièces  aulrefois  attribuées  à  la  ville  de  Metz. 

H.  Rigaux  fils. 

—  Les  journaux  annoncent  qu’une  trouvaille  fort  inté¬ 
ressante  a  été  faite  ces  jours  derniers  par  un  cultivateur  de 
Rumes,  près  Tournai.  C’est  une  slatère  du  père  d’Alexandre- 

le-Grand  ;  Philippe  II,  roi  de  Macédoine.  Celle  monnaie  a 

0 

donc  plus  de  2,000  ans  ;  elle  est  en  or,  et  pèse  8  grammes, 
25  centigrammes.  D’un  côté ,  elle  porte  la  tête  d’Apollon 
couronnée  de  lauriers  ,  et  au  revers  un  personnage  dans  un 
bige  ou  char  traîné  par  deux  chevaux ,  au-dessous  un  diosa, 
sorte  de  vase  ;  on  lit  en  exergue  le  mot  Pilippo  ,  en  carac¬ 
tères  grecs.  On  sait  qu’avant  l’invasion  Romaine  les  mon¬ 
naies  grecques  avaient  cours  dans  les  Gaules,  où  elles  furent 
imitées.  A.  D. 


Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQUEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2/  Année.  —  N.°  2.  —  Février  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 


COMMISSION  HISTORIQUE  DU  NORD 

Travaux  courants 

Dans  un  de  nos  derniers  Bulletins  (t.i,p.  33o) ,  nous  indi¬ 
quions  ,  comme  figurant  au  nombre  des  travaux  collectifs 
inscrits  au  programme  de  la  Commission  historique  du  Nord, 
un  Inventaire  des  objets  d’art  et  d’archéologie  contenus  dans 
les  églises  et  chapelles  du  département.  Les  difficultés  que 
soulevait  cet  important  travail  ont  été  examinées  dans  un 
rapport  lu  à  la  Commission  par  M.  l’abbé  Carnel  dans  la 
séance  du  13  janvier  1870.  La  Commission  a  adopté  les 
conclusions  de  ce  rapport  que  nous  sommes  autorisés  à 

placer ,  dès-maintenant ,  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs. 

A.  D. 


Messieurs , 

L’utilité  du  travail  dont  je  vais  vous  entretenir  a  été  re¬ 
connue  depuis  longtemps  par  la  Commission  historique  ; 
et,  si  elle  en  a  retardé  jusqu’à  présent  la  mise  à  exécution, 
c’est  qu’il  fallait  au  préalable  examiner  et  mûrement  dis¬ 
cuter  les  principales  questions  que  soulevait  une  publica¬ 
tion  de  cette  nature. 

Il  était  nécessaire  avant  tout  de  préparer  pour  des  colla¬ 
borateurs  nombreux  et  disséminés  un  programme  bien 
défini ,  qui  pût  d’avance  garantir  l’uniformité  du  travail 
d’ensemble  tout  en  facilitant  celui  de  chacun. 

Ce  programme  qui  a  été  élaboré,  lu  et  arrêté  au  sein 
d’un  Sous-Comité  désigné  à  cet  effet  par  la  Commission 
historique  ,  nous  avons  aujourd’hui  l’honneur  ,  Messieurs, 
de  le  soumettre  à  votre  approbation. 

I.  —  D’après  le  titre  de  la  publication  projetée,  il  s’agit  de 


—  42  — 

mentionner  les  objets  qui  constituent  le  mobilier  d’une 
église  ou  d’une  chapelle  et  qui  ont  un  caractère  archéolo¬ 
gique. 

Dans  le  cas  présent,  cette  dénomination  s’applique  à  tous 
les  objets  anciens  auxquels  l’art  a  donné  des  formes  plasti¬ 
ques  ,  c’est-à-dire  où  il  entre  du  dessin. 

IL  —  Conformément  à  cette  règle  il  faudrait  exclure  : 

1. °  Ce  qui  n'est  pas  ancien.,  —  prenant  ce  caractère  dans 
son  acception  la  plus  restreinte,  celle  qui  s’adapte  à  l’épo¬ 
que  contemporaine. 

Il  ne  faudrait  donc  relever  que  les  objets  antérieurs  à  la 
Révolution  ou  qui  ont  été  faits  par  des  artistes  qui  étaient 
déjà  connus  à  cette  époque. 

Nous  avons  pensé  en  effet  que  c’est  là  une  limite  natu¬ 
relle  dans  l’histoire  de  l’art  appliqué  au  culte  chrétien. 
Chacun  sait  qu’il  y  eut  alors  un  long  point  d’arrêt ,  pendant 
lequel  il  n’était  pas  question  de  décorer  nos  églises  fermées 
ou  détruites;  et  que  plus  tard,  quand  le  culte  fut  rétabli 
chez  nous ,  le  goût  et  l’inspiration  artistiques  avaient  depuis 
longtemps  disparu.  D’ailleurs,  à  partir  de  notre  époque 
contemporaine ,  l’industrie  avec  ses  procédés  mécaniques  a 
pris  une  grande  extension  ;  l’art  a  été  envahi ,  souvent  rem¬ 
placé  ,  de  sorte  que  beaucoup  de  nos  produits  modernes 
participent  de  cette  hyhîHdité  qu’il  serait  parfois  difficile  de 
distinguer  de  l’art  véritable. 

2. °  Ce  c^ui  n'est  pas  remarquable , —  soit  au  point  de  vue 
de  l’art  considéré  en  lui-meme;  soit  au  point  de  vue  de 
l’art  appliqué  à  l’histoire;  soit  enfin  au  point  de  vue  de 
l’histoire  de  l’art. 

Ainsi  il  faudrait  être  plussévère  pour  une  copie  de  tableau 
que  pour  un  original  ;  pour  un  objet  moderne  que  pour  un 
objet  ancien.  Il  se  peut  aussi  qu’une  peinture  ou  une  sculp¬ 
ture  esthétiquement  mauvaise  se  rapporte  à  un  point  d’his- 


—  45  — 

toire  locale  ;  dans  ce  cas  on  devrait  bien  se  garder  de  la 
négliger. 

3.®  Les  inscriptions  tombales  ou  autres ,  —  cette  matière 
devant  faire  l’objet  d’une  publication  spéciale.  Il  va  sans 
dire  toutefois  que  cette  exclusion  ne  s’adresse  qu’aux  seules 
inscriptions  et  non  aux  objets  qui  les  supportent  ni  aux 
sujets  qui  les  accompagnent. 

III.  —  Afin  de  procéder  avec  ordre ,  il  faudrait  : 

l.°  Signaler  d’abord  les  objets  faisant  partie  du  gros  mo¬ 
bilier  :  chaires  de  vérité,  fonts  baptismaux,  confessionnaux, 
stalles  et  boiseries ,  bancs  de  communion  ,  autels  et  reta¬ 
bles  ,  etc. 

En  second  lieu ,  les  tableaux ,  statues ,  bas-reliefs  et 
autres  ornements  sculptés ,  vitraux  peints  ou  incolores  , 
etc. ,  ayant  soin  de  suivre  l’ordre  selon  lequel  ces  objets 
sont  placés. 

3.°  Enfin ,  les  objets  servant  plus  immédiatement  au  culte 
et  qui  ne  sont  pas  ordinairement  fixés  en  leur  place ,  tels 
que:  croix,  chandeliers,  calices,  ciboires,  ostensoirs, 
châsses  ou  reliquaires ,  plats  et  instruments  de  paix ,  encen¬ 
soirs  ,  vêtements  sacerdotaux. . .  et  autres  objets  contenus 
dans  les  trésors  ou  dans  les  sacristies. 

IV.  —  Tout  en  donnant  à  cet  inventaire  une  forme  con¬ 
cise,  il  vaut  mieux  énumérer  trop  que  trop  peu.  En  archéo¬ 
logie  comme  en  histoire,  bien  des  éclaircissements  sont  dus 
à  des  faits  ou  à  des  détails  qui  avaient  pu  paraître  insigni¬ 
fiants  au  premier  abord.  Toutefois  il  faut  que  ces  faits 
soient  positifs,  que  les  indications  soient  exactes,  donnant, 
aussi  bien  que  possible  ,  la  description  des  objets,  la  ma¬ 
tière  dont  ils  sont  faits ,  leur  provenance ,  etc.  De  cette 
manière  rien  ne  sera  sec  ni  superflu  :  car,  bien  que  ces 
détails ,  dans  un  grand  nombre  de  cas ,  puissent  ne  pré¬ 
senter  aucun  intérêt  par  eux-mêmes  ;  réunis ,  coordonnés , 


—  44  — 

ils  seront  peut-être  pour  l’historien  ou  l’archéologue  de  la 
plus  grande  importance  ou  tout  au  moins  du  plus  grand 
intérêt.  _ 

ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE 

Classe  des  Sciences 
rersonnel 

Les  directeurs  des  trois  classes  désignés  pour  l’année  1870 
sont  : 

Sciences  :  M.  De'v\'alque,  profess.  à  l’IIniversité  de  Liège; 

Lettres  :  M.  Defacqz,  de  Bruxelles  ; 

Beaux-Arts  :  31.  Fraikin  ,  sculpteur  à  Bruxelles. 

Séance  publique  du  16  décembre  1869 
Cette  séance,  honorée  de  la  présence  du  roi  et  du  ministre 
de  l’intérieur,  s’est  ouverte  par  un  discours  de  31.  Nyst, 
directeur  de  la  classe  ,  qui  a  exposé  les  résultats  palèonto- 
logiques  obtenus^  sous  lerapport  des  animaux  inférieurs^  à 
la  suite  des  travaux  considérables  exécutés  aux  fortifica¬ 
tions  d'Anvers.  Les  sables  des  environs  d’Anvers  sont  rem¬ 
plis  de  coquilles  dont  quelques-unes  vivent  encore  dans  la 
mer  de  la  3Ianche,  mais  dont  d’autres  ont  disparu,  ou  ont 
émigré  dans  d’autres  régions. Chaque  pelletée  de  terre  sou¬ 
levée  pour  l’établissement  des  fortifications  a  mis  à  décou¬ 
vert  des  débris  fossiles  que  l’on  a  recueillis  dans  les  collec¬ 
tions  de  l’Etat  et  qui  ont  donné  lieu  à  de  nombreuses 
études.  Personne  ne  pouvait  s’en  faire  l’historien  avec  plus 
d’autorité  que  31.  Nyst,  lui ,  qui  dès  183o  ,  commençait  la 
description  des  fossiles  d’Anvers,  et  qui  depuis  lors  a 
continué  à  faire  connaître  les  richesses  de  cette  localité. 
Lors  de  la  construction  des  forts  détachés,  des  fouilles  faites 
dans  une  briqueterie ,  à  Edeghem ,  lui  ont  permis  d’en¬ 
richir  d’un  grand  nombre  d’espèces  nouvelles  la  liste  des 
fossiles  belges.  Cette  faune  d’Edeghem  présentait  en  outre 


—  45  — 

la  particularité  remarquable  d’être  intermédiaire  entre  celle 
des  sables  d’Anvers  proprement  dits  et  celle  des  terrains 
tertiaires  de  la  Touraine  et  des  environs  de  Bordeaux.  M. 
Nyst  a  terminé  son  discours  en  remerciant  le  gouvernement 
des  encouragements  sérieux  qu’il  accorde  aux  recherches 
géologiques  et  paléontologiques. 

M.  Van  Beneden  a  fait  ensuite  une  de  ces  charmantes 
lectures  dont  il  a  le  secret  sur  les  mœurs  des  animaux  infé¬ 
rieurs.  Il  a  parlé  de  ce  qu’il  appelle  les  commensaux  ,  c’est- 
à-dire  les  êtres  qui  s’allient  les  uns  aux  autres  dans  un  but 
d’intérêt  ou  «  par  des  motifs,  dit-il,  à  eux  connus.  »  Un 
petit  Crabe,  le  Pinnothère,  de  la  grosseur  d’une  jeune 
araignée,  vit  dans  les  Moules  comestibles,  et  on  l’a  accusé 
bien  à  tort  de  causer  les  empoisonnements  que  produisent 
parfois  ces  mollusques.  Pourquoi  se  loge-t-il  ainsi  dans  la 
coquille  de  la  Moule  ?  Pour  y  trouver  un  gîte  commode  , 
un  repaire  d’où  il  s’élance  sur  sa  proie  ;  il  revient  ensuite 
la  dévorer  dans  sa  retraite,  et  la  Moule  profite  des  reliefs  de 
son  festin. 

D’autres  crustacés  se  fixent  sur  la  peau  des  Baleines  et 
voyagent  en  compagnie  de  ces  géants  des  mers. 

«  Ainsi  parmi  les  commensaux  nous  en  voyons  qui  conser- 
servent  toujours  leur  indépendance,  et  ceux-ci,  peu  importe 
leur  associé,  rompent  au  premier  signe  de  mécontentement 
pour  aller  chercher  fortune  ailleurs  ;  on  les  reconnaît  à 
leur  attirail  de  pêche  et  de  voyage  dont  ils  ne  se  dépouillent 
jamais.  Ce  sont  des  commensaux  libres.  Ils  se  mettent  en 
croupe  tantôt  sur  le  dos  d’un  voisin  tantôt  à  l’entrée  de  la 
bouche,  au  passage  des  vivres,  ou  bien,  par  un  goût  que  l’on 
pourrait  trouver  peu  délicat,  à  la  sortie  des  déchets  ;  tantôt 
enfin  ils  se  mettent  à  l’abri  sous  le  manteau  de  leur  hôte 
dont  ils  reçoivent  aide  et  protection.  A  côté  d’eux  nous  en 
voyons  qui  ne  sont  libres  que  pendant  le  jeune  âge  :  dés 
que  l’époque  de  la  puberté  approclie,  ils  font  choix  d’un 
hôte,  se  dépouillent  de  tout  leur  attirail  de  voyage,  y  com¬ 
pris  leurs  appareils  oculaires,  changent  de  costume  et  de- 


^  46  — 

viennent  complètement  dépendants  de  celui  qui  les  porte.  » 

Cette  citation  suffit  pour  montrer  quel  a  été  l’intérét  de 
la  lecture  deM.  Van  Beneden  et  combien  nous  regrettons 
de  ne  pouvoir  en  offrir  un  plus  long  extrait  à  nos  lecteurs. 

Elle  a  été  suivie  de  la  proclamation  des  résultats  des  con¬ 
cours  et  des  élections. 

CONCOURS 

Le  prix  quinquennal  de  o,000  francs  devait  échoir  cette 
année  aux  sciences  mathématiques:  il  a  été  attribué  à  BI. 
Plateau  ,  membre  de  l’Académie ,  pour  ses  Fiecherches  sur 
les  figures  d'équilibre  d'une  masse  liquide  sans  pesanteur. 
Nous  avons  déjà  donné  l’analyse  de  ces  remarquables  mé¬ 
moires  (^).  On  jugera  combien  l’Académie  de  Belgique  tient 
en  haute  estime  les  Becberches  de  BI.  Plateau  puisque  ce 
savant  avait  comme  concurrents  Staas ,  le  chimiste  ,  et 
Gloesener ,  le  physicien. 

L'Académie  a  décerné  une  Blédaille  d’or  à  BI.  Blalaise  , 
professeur  à  l’Institut  agricole  de  Gembloux  ,  pour  un 
Mémoire  sur  le  terrain  silurien  du  Brabant.  Ce  terrain 
forme ,  au  Sud  de  Bruxelles  et  au  Nord  du  bassin  bouiller, 
une  bande  assez  large  qui  s’étend  depuis  les  environs  de 
Liège  jusqu’à  ceux  de  Charleroy  ;  mais  il  n’est  visible  que 
dans  quelques  points.  BI.  D’Omalius  d’Halloy  a  parfaitement 
décrit  sa  situation  dans  une  phrase  que  BI.  Blalaise  a  prise 
pour  épigraphe. 

«  Les  terrains  porphyriques  et  ardoisiers  du  Brabant  ne 
paraissent  au  jour  que  dans  le  fond  des  vallées,  ou  sur  quel¬ 
ques  points  isolés  qui  sont  comme  les  sommités  d  un  ancien 
monde  enseveli  sous  des  dépôts  plus  nouveaux.  » 

On  comprend  tout  ce  qu’une  semblable  disposition  doit 
offrir  de  difficultés  au  géologue.  Aussi  BI.  Blalaise  n’a-t-il 


Bulletin  ,  t.I ,  p.  98. 


—  Al  — 

pu  mettre  à  l’abri  de  toute  critique  les  divisions  qu’il  y  a 
établies  ;  néanmoins  son  mémoire  fait  faire  de  grands  pro¬ 
grès  à  la  stratigraphie  de  ce  terrain ,  et  y  révèle  l’existence 
d’une  faune  de  o2  espèces  qui  sont  décrites  et  figurées  dans 
le  mémoire. 

31.  3Ialaise  distingue  4  assises  : 

1. °  les  Quarzites  blanchâtres  et  verdâtres  de  Blaimont  ; 

2. °  les  Quarzites  et  Phyllades  aimantifères  de  Tubize  ; 

3. °  les  Phyllades  bigarrées  d’Oisquerque  ; 

4. °  les  Phyllades  fossilifères  de  Gembloux. 

Cette  dernière  assise  ,  la  seule  qui  renferme  des  fossiles , 
est  rapportée  par  l’auteur  ainsi  que  les  trois  précédentes , 
au  terrain  silurien  moyen. 

31.  3Ialaise  a  ajouté  à  la  question  que  l’Académie  avait 
posée  la  description  de  l’étroite  bande  de  terrain  silurien 
que  l’on  trouve  dans  l’Entre  Sambre-et-3Ieuse  ,  et  celle  du 
petit  lambeau  silurien  de  Dour ,  près  3Ions. 

ÉLECTIONS 

31.  Dupont,  directeur  du  3Iusée  d’histoire  naturelle  de 
Bruxelles ,  a  été  élu  membre  de  l’Académie  (  section  des 
sciences  naturelles  ) ,  en  remplacement  de  31.  Van  der  3Ia- 
len.  Le  monde  savant  applaudira  à  la  nomination  de  ce  na¬ 
turaliste,  qui,  bien  jeune  encore,  s’est  acquis  une  réputation 
universelle  par  ses  recherches  sur  les  grottes  de  l’âge  de 
pierre.  Il  y  a  quelques  mois,  les  savants  de  tous  les  pays , 
réunis  à  Copenhague  en  un  Congrès  universel  pour  s'oc¬ 
cuper  des  âges  primitifs  de  l’humanité,  rendaient  hommage 
au  talent  de  31.  Dupont  en  l’élisant  un  des  vice-présidents 
de  la  réunion. Rappelons  aussi  que  31.  Dupont  a  publié,  il  y 
a  quelques  années,  une  notice  géologique  sur  le  calcaire 
carbonifère  du  département  du  Nord. 

Une  autre  élection  a  été  faite  dans  la  section  des  sciences 
mathématiques  et  physiques.  Le  colonel  Brialmont ,  bien 


—  48  — 

connu  par  ses  travaux  de  balistique,  remplace  feu  le  général 
Nérenburger. 

Travaux  courants 

Les  11.®  et  12.®  Bulletins  de  TAcadémie  pour  1869  con¬ 
tiennent  des  observations  sur  les  orages  faites  en  1869  ,  à 
Bouillon ,  par  M.  Brauch,  professeur  au  collège  communal  ; 
à  Gembloux,  par  M.  Malaise  ;  à  Liège ,  par  M.  Dewalque  et 
par  M.  Leclercq,  directeur  honoraire  de  l’Ecole  indus¬ 
trielle.  Ce  dernier  observateur  constate  qu’en  1869  les 
orages  ont  été  moins  nombreux,  moins  durables,  plus  loca¬ 
lisés  qu’en  1868.  Il  admet  que  les  orages  sont  des  phéno¬ 
mènes  de  même  ordre  que  les  ouragans  et  les  tempêtes, 
qu’ils  se  produisent  sous  des  conditions  analogues  de  pres¬ 
sions  barométriques  et  de  successions  de  vents.  Ils  ne  sont 
que  des  transformations  en  chaleur  et  en  électricité  des 
mouvements  de  l’atmosphère. 

M.  Adolphe  Quetelet  a  donné  quelques  détails  sur  une 
aurore  boréale  observée  à  Bruxelles  et  à  Louvain  le  6 
octobre  1869  et  sur  les  étoiles  filantes  du  mois  de  novembre 
1869. 

M.  de  Montigny  a  présenté  une  note  sur  les  phénomènes 
de  coloration  des  bords  du  disque  solaire  près  de  l'horizon. 
Par  suite  de  la  dispersion  atmosphérique  les  bords  supé¬ 
rieurs  sont  colorés  en  bleu  et  en  violet,  et  les  bords  inférieurs 
en  orange  et  rouge  ;  dans  l’arc  bleu  on  voit  parfois  des 
teintes  rosées  jusqu’à  présent  inexplicables. 

De  la  cire  de  la  paille,  par  M.  Radziszewski,  répétiteur 
de  chimie  à  PUniversité  de  Louvain.  —  Cette  substance 
cireuse  ,  obtenue  dans  une  fabrique  de  papier  de  paille  , 
paraît  assez  analogue  à  la  cire  que  l’on  a  extraite  de  l’herbe 
des  prairies  et  à  celle  qui  existe  dans  la  canne  à  sucre , 
mais  elle  fond  à  42. tandis  que  la  cire  de  la  canne  fond  à 
82.®. 


—  49  — 

La  Chimie  théorique  est  représentée  par  la  continuation 
des  Recherches  sur  les  dérivés  éthérés  des  acides  et  alcools 
polyatomiques ,  par  M.  Henry  ;  la  Physique  par  une  note  de 
M.  Pérard  sur  une  modification  de  la  machine  électrique  de 
N  aime. 

En  Zoologie  nous  remarquons  un  article  de  M.  Ed.  Van 
Beneden  sur  la  Gregarina  Gigantea.  Les  Gregarines  sont 
des  êtres  composés  d’une  cellule  unique  qui  vivent  en  para¬ 
sites  ,  soit  dans  l’intestin ,  soit  dans  la  cavité  préviscérale, 
soit  dans  les  organes  reproducteurs  des  animaux  inférieurs 
des  différentes  classes.  L’espèce  nouvelle  découverte  par 
‘  M.  Ed.  Van  Beneden  provient  de  l’intestin  grêle  du  Homard. 
Grâce  à  sa  taille  relativement  considérable  ,  16  mill.  de 
long  sur  0  mill.  15  de  large  ,  il  a  pu  y  constater  des  faits 
intéressants  sur  le  développement  de  ces  animaux  et  pour 
la  théorie  cellulaire. 

Contagion  de  la  Panachure^  par  M.  Ed.  Morren.  —  La 
Panachure  c’est-à-dire  la  décoloration  partielle  du  feuillage  • 
des  végétaux  est  un  état  maladif  que  l’on  cherche  souvent 
à  produire  dans  les  jardins  dans  un  but  d’ornementation. 
La  mauvaise  qualité  des  graines,  l’humidité  du  sol ,  l’in¬ 
suffisance  de  lumière  la  produisent.  Les  variétés  panachées 
peuvent  aussi  se  multiplier  par  bouture  et  par  greffe. 

M.  Morren  a  remarqué  dans  ce  dernier  cas  que  non  seule¬ 
ment  la  branche  greffée  conserve  la  panachure  mais  que  le 
sujet  greffé  l’acquiert  également.  Il  a  même  constaté  que 
dans  le  cas  où  le  greffon  venait  à  périr  au  bout  de  quelques 
jours,  le  sujet  pouvait  néanmoins  être  frappé  de  la  pana- 
ebure.  Il  suffit  même  que  l’on  insinue  un  pétiole  de  feuille 
panachée  dans  l’écorce  d’un  jeune  sujet  pour  lui  communi¬ 
quer  la  maladie.  M.  Morren  pense  qu’il  y  a  là  un  cas  d’in¬ 
fection  semblable  aux  infections  morbides  du  règne  animal, 
lien  conclut  que  la  chlorophylle,  ou  matière  colorante  verte 


^so¬ 
dés  plantes,  joue  chez  les  végétaux  un  rôle  comparable  à 
celui  que  remplissent  chez  les  animaux  les  globules  rouges 
du  sang. 

M.  de  Koninck  a  décrit  et  figuré  quelques  Echinodermes 
fossiles  des  terrains  primaires ,  savoir  :  deux  Encrines 
d’Angleterre  et  un  Oursin  ,  Palœchinus  sphœricus  que  l’on 
trouve  dans  le  calcaire  carbonifère  en  Angleterre  et  à 
Tournai.  Il  a  profité  de  l’occasion  pour  rectifier  le  nom 
d’un  autre  Oursin  provenant  du  même  calcaire  de  Tournai  : 
le  Cidaris  Munsterianus  devient  le  Lepidocentrus  Munste- 
rianus.  J.  G. 

COURS  PUBLICS. 

Cours  de  Géologie  professé  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille, 

par  M.  Gosselet.  (b 

Temps  paléontoîniques.  On  les  divise  en  trois  âges  que 
l’on  distingue  par  des  numéros  d’ordre  :  Age  primaire. 
Age  secondaire  ,  Age  tertiaire. 

Age  primaire  —  Ère  des  Trilobites.  Les  terrains  primaires 
sont  au  nombre  de  trois  :  silurien ,  dévonien ,  car^bonifèi'e. 

Par  suite  des  émanations  volcaniques  venues  de  l’intérieur 
de  la  terre ,  et  des  nombreuses  dislocations  qui  les  ont  affec¬ 
tées  ,  les  roches  des  terrains  primaires  ont  subi  des  modifi¬ 
cations  profondes.  Les  calcaires  se  sont  transformés  en 
marbre  ,  les  argiles  et  les  grès  argileux  sont  devenus  des 
schistes  et  des  gramvaches ,  c’est-à-dire  qu’ils  ont  pris  une 
structure  feuilletée  dont  l’ardoise  nous  offre  le  type  le  plus 
parfait.  Souvent  ils  se  sont  imprégnés  de  silice  au  point  de 
constituer  une  roche  compacte  d’une  extrême  dùreté,  le 
quarzite.  D’autrefois  ils  se  sont  chargés  de  cristaux  d’ai¬ 
mant  ,  de  pyrite  ,  etc. ,  ou  de  paillettes  de  mica.  Les  grès 
argileux  et  scbistoïdes  si  abondants  dans  les  environs  d’A- 


d)  Bulletin  t.I ,  p.  392  ,  t.  II,  p.  18. 


—  51  — 

vesnes  et  dans  le  Condroz  belge  portent ,  lorsqu’ils  sont 
remplis  de  petites  écailles  de  mica,  le  nom  de  Psammites. 

Ajoutons  pour  compléter  la  liste  des  principales  roches 
sédimentairesdes  terrains  primaires  :  la  houille  elle  minerai 
de  fer  soit  à  l’état  de  carbonate,  sidérose^  comme  les  nodules 
disséminés  au  milieu  des  schistes  houillers,  soit  à  l’état 
d’oxide  rouge  ,  oligiste  ,  comme  le  minerai  de  Glageon  et 
d’Isne-les-Dames. 

De  nombreuses  éruptions  ont  eu  lieu  pendant  l’âge  pri¬ 
maire  ;  les  principales  roches  qu’elles  ont  produites  sont  des 
granités  ,  des  syénites ,  variétés  de  granité  dont  est  formé 
l’obélisque  de  Louqsor ,  et  des  porphyres  ;  ceux  -ci  contien¬ 
nent,  dans  une  pâte  feldspathique  homogène  et  non  cristal¬ 
lisée,  des  cristaux  de  feldspath ,  de  quarz  et  d’autres  subs¬ 
tances  ;  c’est  leur  pâte  homogène  et  compacte  qui  les 
distingue  essentiellement  des  granités  dont  tous  les  élé¬ 
ments  sont  cristallisés.  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  feldspath 
variables  par  leur  composition  chimique  ;  à  chacune  d’elles 
correspond  une  ou  plusieurs  espèces  de  porphyres.  Les 
terrains  primaires  sont  en  outre  fréquemment  traversés  de 
filons  de  quarz  gras  d’un  blanc  laiteux. 

Les  fossiles  qui  caractérisent  le  mieux  les  terrains  pri¬ 
maires  sont  les  Trilohites ,  les  Spirifer  et  les  Productus. 

Les  Trilobites  sont  des  crustacés  ayant  certaine  analogie 
avecnos  cloportes,  mais  vivant  dans  l’eau  où  ils  se  mouvaient 
à  l’aide  de  pattes  membraneuses.  La  division  de  leur  corps 
en  trois  lobes  longitudinaux  leur  a  valu  leur  nom.  Ils  pullu¬ 
laient  dans  les  mers  de  l’époque  silurienne  ,  et  depuis  lors 
leur  nombre  a  constamment  diminué  ;  la  famille  s’est  éteinte 
avant  la  fin  de  l’âge  primaire. 

Les  Spirifer  et  les  Productus  sont  des  mollusques  de  la 
classe  des  Brachiopodes  ,  enfermés  dans  une  coquille  à 
deux  valves  comme  l’huître,  et  munis  de  longs  bras  enroulés 


—  52  — 

en  spirale  qu’ils  pouvaient  en  quelques  circonstances  dé¬ 
rouler  et  passer  entre  les  valves  de  leur  coquille.  Cette 
classe,  représentée  de  nos  jours  par  un  très-petit  nombre 
d’espèces,  était  au  contraire  très-abondante  dans  les  mers  de 
l’àge  primaire. 

Le  terrain  dévonien  renferme  une  très-grande  quantité 
de  Spirifer  tandis  que  le  terrain  carbonifère  est  beaucoup 
plus  riche  en  Productus. 

Les  seuls  vertébrés  de  l’âge  primaire  étaient  des  poissons 
et  des  reptiles.  Les  premiers  appartiennent  aux  ordres  des 
Sélaciens  (  Requins  et  Raies  )  ou  des  Ganoïdes  ;  les  se¬ 
conds  se  rapprochent  des  Grenouilles  et  des  Salamandres, 
mais  ils  avaient  certains  détails  d’organisation  plus  déve¬ 
loppés  rappelant  ceux  du  Crocodile. 

Les  végétaux  des  terrains  primaires  appartiennent  tous 
soit  aux  Cryptogames  ,  soit  aux  Dicotyledonés  Gymnosper¬ 
mes.  Ceux-ci  sont  représentés  de  nos  jours  par  la  famille 
des  Conifères  ou  arbres  verts  et  résineux  eCpar  celle  des 
Cycadées  ;  à  l’âge  primaire  outre  ces  deux  familles,  il  y  en 
avait  une  autre,  celle  Sigillaires  ^  dont  les  troncs,  plus 
gros  que  ceux  de  nos  pins  et  de  nos  sapins,  se  rencontrent 
en  abondance  dans  la  houille.  Ils  y  sont  accompagnés  de 
Calamites,  grandes  prèles  de  10  mètres  de  haut,  et  de  Lepi- 
dodendron,  dont  la  taille  est  la  même  et  qui  représentent 
nos  humbles  mais  élégants  Lycopodes. 

Les  diverses  couches  des  terrains  primaires  ne  sont  plus 
dans  la  position  où  elles  se  sont  formées  ;  elles  ont  été  re¬ 
dressées,  plissées,  contournées,  traversées  par  des  fentes 
(failles)  et  par  des  veines  (filons)  de  quarz,  de  carbonate  de 
chaux  cristallisé  ou  d’autres  substances. 

Elles  constituent  plusieurs  massifs  élevés,  isolés  les  uns 
des  autres  par  des  terrains  plus  récents  :  l’Ardenne,  la  Bre¬ 
tagne,  les  Vosges,  etc.  ;  elles  forment  également  une  lisière 


—  55  — 

sur  le  pourtour  du  Plateau  central.  Dans  notre  région,  on 
Yoit  les  terrains  primaires  dans  rarrondissement  d’Avesnes, 
près  de  Marquise  (Pas-de-Calais) ,  dans  le  Nord  du  départe¬ 
ment  des  Ardennes  et  dans  toute  la  partie  de  la  Belgique 
située  au  sud-est  de  laSambre-Meuse.  C’est  aussi  aux  terrains 
primaires  que  l’on  doit  rapporter  notre  riche  bassin  liouiller. 

MUSÉES  ET  COLLECTIONS 

MUSÉE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  DOUAI  (suito) 

Antiquités  gallo-romaines.  —  Sans  arrêter  nos  lecteurs 
devant  l’armoire  n.°I3  ,  dont  les  vitrines  offrent  quelques 
vases  étrusques  provenant  pour  la  plupart  du  musée  Cam- 
pana,  nous  attirerons  leur  attention  sur  les  antiquités  gallo- 
romaines.  Le  musée  de  Douai  offre  une  importante  collec¬ 
tion  d’objets  provenant  de  Bavai  pour  la  plupart  et  recueillis, 
comme  nous  l’avons  déjà  dit ,  par  M.  Carlier,  curé  de  cette 
ville  ;  les  archéologues  et  les  amateurs  peuvent  y  faire  de 
sérieuses  études  sur  l’art  chez  les  Gallo-Romains,  aux  points 
de  vue  des  monuments  publics ,  du  culte  et  de  la  vie  privée. 

Monuments  publics.  Le  monument  historique  le  plus 
curieux  peut-être  du  musée  de  Douai  est  une  pierre  dont 
l’inscription  constate  le  passage  de  Tibère  à  Bavai  (n."  728). 
Cette  pierre ,  en  granit  grisâtre ,  est  large  de  1  m.  45  et 
haute  de  70  cent.  ;  l’inscription  rappelle  qu’un  monument  a 
été  consacré  pour  l’arrivée  de  Tibère  (*), 


(h  Voici  l’insciiption  suivie  de  la  traduction  récemment  donnée  par 
un  savant  membre  de  l’Institut  ^  M.  Ernest  Desjardins  ;  Tiberio  Cœsari , 
Âugusii  fxlio ,  Dm  nepoti ,  advenlu  ejus  sacrum.  Gnœus  Licinius  Gaiifilius, 
Voltinia  tribu,  Nœvus.  A  Tibère  César,  fils  d’Auguste,  petit-fils  du  divin 
César.  Monument  consacré  à  célébrer  son  arrivée  par  Cn.  Licinius 
Névus,  fils  de  C.  Licinius,  inscrit  dans  la  tribu  Voltinia.  •— M.  Desjar- 
dius  prouve  que  cette  inscription  date  de  l'an  10 ,  11  ou  12  de  notre  ère. 


—  su¬ 
cette  pierre  fui  trouvée  en  1706  à  Bavai  :  elle  constate 
que  cette  ville  avait  déjà  quelque  importance  dix  ou  douze 
ans  après  Jésus-Christ.  L’inscription  rappelle  sans  doute 
la  marche  triomphale  de  Tibère  à  travers  les  Gaules  ,  dont 
il  est  parlé  dans  Velleius  Paterculus  (i). 

Auprès  de  celte  pierre,  qui  est  placée  dans  le  fond  de 
la  salle  d’archéologie ,  sont  superposés  dix  chapiteaux  en 
pierre ,  dont  les  dimensions  prouvent  l’existence  à  Bavai 
d’un  monument  supporté  par  de  hautes  colonnes  ;  l’archi¬ 
tecture  appartient  à  l’ordre  corinthien  dégénéré.  Les  deux 
plus  importants  de  ces  chapiteaux  offrent,  au  milieu  de  feuil¬ 
les  d’acanthe ,  l’un  le  buste  de  Jupiter  portant  un  sceptre 
(n.®  721),  et  l’autre  le  buste  de  Junon  tenant  aussi  le  sceptre 
(724)  :  ces  chapiteaux  n’ont  pas  moins  de  67  centimètres  de 
hauteur. 

Les  visiteurs  remarqueront  aussi  avec  intérêt  plusieurs 
petits  pilastres  en  granit  bleu,  de  forme  ovoïde,  alignés  et 
adhérents  entre  eux  sur  une  base  unique  :  ce  sont  des  bor¬ 
nes,  qui  étaient  établies  dans  les  cirques  pour  marquer  les 
distances  ou  le  terme  des  courses.  On  sait  que  l’on  voit 
encore  aujourd’hui  à  Bavai,  dans  les  anciennes  fortifica¬ 
tions,  les  ruines  d’un  cirque  long  de  277  mètres  et  large  de 
92  mètres  33  centimètres  (2). 

Dans  le  vestibule  du  Musée  se  trouve  une  borne  milliaire, 
datant  de  1766  comme  l’indique  un  chronogramme  ;  mais 
sur  lequel  est  indiquée  la  direction  du  septemvium  qui  abou¬ 
tissait  à  Bavai. 

Ces  monuments  ont  une  importance  historique  pour  le 
Nord  de  la  France  :  ils  prouvent  que  les  Romains  avaient 


(M  De  Bast.  Deuxième  supplément  au  Recueil  d'antiquités  romaines.  Gand  , 
1815.  —  Velleius  Paterculus ,  Ed.  Panckouke ,  p.  290.  —  Voir  une  Note 
de  M.  Ernest  Desjardins  :  Mémoires  de  la  Société  d' Agriculture  de  Douai , 
1866-G7,  p.  G47. 

(2;  Lebeau.  Bavai;  p.  149. 


—  55  — 

établi' à  Bavai,  dès  le  siècle  d’Auguste  ,  une  grande  cité  , 
sans  doute  afin  de  dominer  sur  ces  Nerviens  qui  avaient 
résisté  à  César  avec  tant  d’habileté  et  d’énergie. 

Culte.  Sacrifices  et  autels;  honneurs  rendus  aux  morts.  — 
Fouillé  avec  un  soin  minutieux  par  l’abbé  Carlier  et  par 
quelques  autres  archéologues ,  le  sol  antique  de  Bavai  a 
offert  un  nombre  considérable  d’objets  qui  se  trouvaient 
dans  les  temples  et  dans  les  tombeaux  de  cette  capitale  des 
Nerviens.  La  pièce  la  plus  importante  est  un  trépied  en 
bronze,  découvert  avec  plusieurs  autres  objets  en  1790.  En 
voici  la  description  faite  avec  le  plus  grand  soin  par  M.  A. 
Cahier  :  «  Trois  montants  ou  supports ,  terminés  chacun  à 
»  son  extrémité  supérieure  par  un  buste  de  bacchante  dont 
»  la  tête  est  ornée  de  pampres  et  de  grappes  de  raisin , 
>  reçoivent  une  cuvette  dont  le  diamètre  est  de  25  centimè- 

a 

i>  très  et  la  profondeur  ,  à  son  milieu,  de  74  à  76  millimè- 
»  très.  Celte  cuvette  s’appuie  sur  trois  crochets  sortant 
»  derrière  chaque  buste  de  bacchante.  Les  supports  ont 
»  81  centimètres  de  hauteur  ;  leur  extrémité  inférieure  se 
»  terminait  en  patte  de  panthère.  Trois  paires  de  plates- 
»  bandes  en  bronze  s’étendent  d’un  support  à  l’autre  et  se 
»  croisent  en  forme  d’X. . .  A  l’un  des  supports,  à  celui  que 
»  nous  pouvons  appeler  le  montant  principal,  vers  une 
»  hauteur  de  54  centimètres  à  partir  du  pied  ,  la  ligne  cesse 
»  d’être  perpendiculaire  ;  elle  se  courbe  avec  élégance  ,  et 
»  cette  courbure  se  rattache  à  la  partie  supérieure  du  .sup- 
»  port  par  une  tête  de  panthère  d’un  très-beau  style...  Au 
P  milieu  de  cette  courbure ,  on  voit  briller  un  vase  ciselé 
»  sur  une  mince  lame  d’argent  ajustée  sur  le  bronze.  La 
»  courbure  se  termine  par  un  ornement  en  forme  de  feuille, 

»  dont  la  pointe  va  quelque  peu  se  relevant.  En  présence 
»  des  attributs,  dont  est  décoré  ce  trépied  ,  il  est  hors  de 
»  doute  qu’il  était  consacré  à  Bacchus  et  servait  aux  sacri- 


—  oG  — 

»  fices  que  réclamait  le  culte  de  cette  divinité.  (^)  »  Une 
baguette  autour  de  laquelle  s’enroule  un  ruban  de  cuivre 
qui  rappelle  le  Thyrse,  et  une  pomme  de  pin  naturelle,  trou¬ 
vées  avec  le  trépied,  rappellent  aussi  le  culte  deBacchus. 

Sur  la  grande  pierre  dont  l’inscription  a  été  tracée  pour 
l’arrivée  de  Tibère  se  trouvent  deux  petits  autels  votifs, 
l’un  consacré  à  Apollon  par  Timenlius ,  comme  l’indique 
Vinscription ,  et  l’autre  ayant  servi  de  support  à  une  statue 
dont  il  ne  reste  que  les  plis  des  vêtements  sur  la  base.  Dans 
les  armoires,  l’on  trouve  un  grand  nombre  d’objets  qui 
servaient  aux  sacrifices  :  la  Dolabra  ou  couteau  avec  lequel 
étaient  démembrées  les  victimes  (n.°  374)  ;  leDiscus,  bassin 
plat  en  bronze  dans  lequel  on  mettait  quelquefois  les  entrail¬ 
les  des  victimes ,  quelquefois  du  sang  et  de  la  farine ,  quel¬ 
quefois  de  la  chair  rôtie  (n.°"  382,  38o  et  386);  le  simpulum, 
instrument  dont  on  se  servait  pour  faire  les  libations  du 
vin  (n.o  373)  ;  les  Paterœ  ou  Patellœ ,  tasses  ou  coupes  dans 
lesquelles  on  recevait  le  sang  des  victimes  ou  le  vin  offert 
aux  dieux  (n.®"  383,  384  ,  401 ,  402,  403,  412,  etc.)  ;  les 
Ligulœ  ou  Lingiilœ,  sortes  de  spatules  que  l’on  croit  avoir 
servi  à  fouiller  dans  les  entrailles  des  victimes  (n.®®  388  et 
389)  ;  des  Cuillers  les  unes  en  argent ,  les  autres  en  bronze, 
à  l’aide  desquelles  l’on  jetait  l’encens  dans  le  feu  de  l’autel 
(n."®  390  à  397)  ;  l’extrémité  supérieure  d’un  lituus  ou  bâton 
augurai  (n.°  377)  ;  une  coupe  destinée  à  brûler  les  entrailles 
des  victimes  qui  était  posée  sur  un  trépied  et  plusieurs  autres 
fragments  de  trépied  (n.“"  37o  ,  376 , 378 , 379 , 380  et  381)  : 
la  nomenclature  de  ces  objets  suffit  pour  faire  comprendre 
l’intérêt  que  présente,  au  point  de  vue  des  objets  ayant  servi 
aux  sacrifices ,  le  musée  de  Douai  (-}. 

(1)  A.  Cahier.  Coup  d'œil  sur  quelques  par  lies  du  musée  di  Douai)  p.  ‘ÎOl. 
Nous  avons  déjà  cité  cet  excellent  travail  qui  nous  a  été  très-utile 
pour  ces  courtes  notices. 

P)  V.  Moxtfauco.n.  VAnliquiU  expliquée;  passim. 


Au  sujet  du  culte  des  morts,  nous  trouvons  un  nombre 
très-considérable  d’objets.  Nous  appellerons  d’abord  l’atten¬ 
tion  de  nos  lecteurs  sur  quelques  pierres  tumulaires  avec 
inscriptions  dont  les  unes  sont  consacrées  par  Marcus  Pom- 
péius  Victor  ,  gouverneur  des  Nerviens ,  à  ses  parents  et  à 
son  épouse  Ogratia,  et  dont  une  autre,  rappelant  le  souvenir 
de  Julia  Felicuîa ,  a  été  trouvée  sur  une  urne  en  plomb 
remplie  de  cendres  et  d’ossements  calcinés  (n.'*  2o8).  Les 
urnes  funéraires  abondent;  du  n."  290  au  n.”  340,  nous  en 
rencontrons  de  toutes  les  dimensions  et  de  toutes  les  formes, 
en  terre  noirâtre  ,  en  terre  grise,  en  terre  rouge,  en  terre 
jaunâtre  ;  l’on  trouve  aussi  des  urnes  lacrymatoires  non 
moins  variées  dans  leur  forme ,  leur  couleur  et  leur  dimen¬ 
sion  ;  plusieurs  sont  peintes  ou  vernissées  ;  le  n.®  349  re¬ 
présente  un  lapin  accroupi  et  rongeant  une  racine  qui  forme 
le  foyer  de  la  mèche.  Au  nombre  des  curiosités,  nous  cite¬ 
rons  les  fioles  ou  urnes  lacrymatoires  en  verre ,  dans  les¬ 
quelles  les  anciens  allumaient  des  flammes  parfumées ,  le 
n.®  346  ,  petite  fiole  en  verre  blanc  très-fin,  sur  les  flancs 
de  laquelle  serpentent  des  ornements  en  verre  bleu  et  en 
verre  blanc,  et  le  n.°  347  autre  fiole  en  verre  de  couleur 
amaranthe,  qui  est  aussi  une  pièce  remarquable.  Sur  quel¬ 
ques-unes  des  coupes  en  terre  cuite ,  se  trouvent  la  marque 
et  le  nom  du  fabricant  (n.®"  348,  364,  365  et  366).  Plus  de 
quatre-vingts  pièces  différentes ,  provenant  pour  la  plupart 
de  Bavai,  peuvent  servir  à  l’étude  du  culte  des  morts  de  l’an¬ 
tiquité  ,  et  en  même  temps  à  celle  de  la  céramique  et  de  la 
fabrication  des  objets  en  verre  chez  les  Gallo-Romains. 

L’abbé  Ch.  Dehaisnes. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

A>'>»UAIRE  DE  l’académie  DE  BELGIQUE  POUR  1870. 

Nous  remarquons  dans  ce  volume  une  Notice  sur  l’un  des 


—  58  — 

membres  correspondants  J.  E.  Buschman  ,  et  sur  deux 
membres  effectifs  de  l’Académie ,  Baguet  et  Moke ,  décédés 
dans  ces  dernières  années. 

Poète,  romancier  et  critique  d’art,  Buschman  a  obtenu 
de  brillants  succès  en  ces  différents  genres.  Il  ne  fut  pas 
étranger  à  quelques-uns  des  perfectionnements  de  la  pho¬ 
tographie  et  il  a  introduit  en  Belgique  le  procédé  de  gra¬ 
vure  connu  sous  le  nom  de  stylographie.  Il  fonda  à 
Anvers  une  imprimerie  ,  dans  le  but  avoué  de  faire  revivre 
en  cette  ville  la  gloire  des  Plantin.  Son  étude  sur  Rubens , 
splendidement  illustrée,  son  ode  :  N otre-Rame-cr Anvers  et 
sa  poésie  intitulée  :  VArt  flamand  seront  les  meilleurs  titres 
de  Buschman  auprès  de  la  postérité. 

Elève  de  Bekker  qui  lui-même  était  disciple  du  célèbre 
Creuzer,  F.  Baguet  puisa,  comme  on  le  voit,  aux  meilleu¬ 
res  sources,  la  science  des  deux  antiquités  grecque  et  ro¬ 
maine.  Il  fut  le  premier  docteur  reçu  dans  l’IIniversité  de 
Louvain  depuis  sa  réouverture  en  1817.  Plus  tard,  il  con¬ 
courut  activement  à  la  reconstitution  ,  sur  ses  bases  actuel¬ 
les  ,  de  ce  corps  enseignant.  Feu  Mgr.  de  Ram  trouva  en 
lui  un  de  ses  plus  utiles  auxiliaires.  Malheureusement  les 
soins  administratifs,  auxquels  se  voua  Baguet  avec  la  plus 
complète  abnégation ,  l’enlevèrent  aux  travaux  d’érudition 
classique.  Les  vrais  savants  n’ont  pourtant  pas  perdu  le 
souvenir  du  Mémoire  sur  Chrysippe  et  de  l’édition  du  Dis- 
cours  de  Dion  Chrysostôme  qui  ont  fondé  la  réputation  et 
perpétueront,  dans  le  monde  des  lettres,  la  mémoire  de 
M.  Baguet. 

C’est  M.  Roulez,  de  l’Université  de  Gand,  qui  s’est  plu  à 
rendre  cet  hommage  aux  travaux  de  son  collègue  de  Lou¬ 
vain.  M.  Baguet  ne  pouvait  être  apprécié  par  un  juge  à  la 
fois  plus  équitable  et  plus  compétent.  La  Notice  sur  M. 
Moke  est  d’un  écrivain  belge  ,  bien  connu  du  public  fran- 


—  59  — 

çais ,  M.  Emile  de  Laveleye ,  Tun  des  rédacteurs  habituels 
de  la  Revue  des  Deux-Mondes. 

Né  au  Havre  en  1803 ,  M.  H. -G.  Moke  ,  qui  eut  une  Alle¬ 
mande  pour  mère  ,  réunissait  en  sa  personne ,  par  un  heu¬ 
reux  privilège,  les  dons,  si  contrastants,  de  la  race  fran¬ 
çaise  et  de  la  race  germanique.  Il  avait  de  celle-ci  le  génie 
patient  et  profond  ,  le  tour  d’imagination  rêveur  et  mélan¬ 
colique  :  il  retenait,  de  celle-là,  l’esprit  net  et  lucide, 
l’amour  de  la  clarté,  de  la  méthode  et  du  style.  M.  de  La¬ 
veleye  lui  rend  ce  témoignage  qu’il  fut  l’un  des  belges  qui 
ont  écrit  le  plus  purement  en  français,  quoique  sa  vie  se 
soit  écoulée  dans  les  provinces  flamandes.  Par  suite  du 
renouvellement  perpétuel  auquel  sont  assujetties  les  études 
d’ethnographie  transcendante ,  il  est  permis  de  prévoir  que 
le  dernier  ouvrage  de  M.  Moke,  celui  qui  a  mis  le  sceau  à 
sa  réputation  scientifique  ,  la  Belgique  ancienne  et  ses  origi¬ 
nes  gauloises  ,  sera  rapidement  dépassé  ,  comme  l’est  déjà 
son  Histoire  des  Francs.  La  postérité  ,  de  moins  en  moins 
soucieuse  du  roman  historique ,  négligera  les  Gueux  des 
Bois  ^  les  Gueux  des  Mers.,  Philippe-de-Flandre,  Hermann., 
etc.  Mais  elle  ne  dédaignera  aucun  des  mémoires  que  M. 
Moke  a  consacrés  àl’histoire  positive  des  belges,  aux  splen¬ 
deurs  de  leur  art,  à  la  description  de  leurs  usages  et  de 
leurs  mœurs.  Nous,  Français  ,  nous  n’oublierons  pas  com¬ 
bien  son  Histovx  de  la  Littérature  française  a  contribué  à 
répandre,  dans  les  écoles  belges,  la  connaissance  et  l’amour 
de  nos  grands  écrivains.  A.  D. 


GALERIE  DÉPARTEMENTALE  DU  NORD 
2.®  série  ,  n."  i 

M.  A.  Desplanque  vient  de  publier  une  Etude  sur  les 
travaux  d'histoire  et  d' Archéologie  de  M.  E.  de  Coussemaker. 


—  60  — 

C’est  la  première  notice  d’une  série  nouvelle  de  sa  Galerie 
départementale.  Après  le  portrait  des  érudits  décédés 
récemment  :  MM.  Le  Glay  ,  Dinaux  ,  Derode  et  de  la  Fons- 
Mélicocq ,  il  compte  donner  ceux  des  érudits  vivants  ,  et 
nous  le  louons  d’avoir  commencé  par  celui  de  M.  de  Gous- 
semaker ,  qui  indépendamment  du  juste  renom  que  lui  ont 
valu ,  dans  le  pays ,  des  travaux  importants  sur  l’ethno¬ 
graphie  ,  la  philologie ,  la  législation  et  les  heaux-arts  de 
notre  Flandre ,  s’est  acquis  une  réputation  européenne 
comme  historien  de  la  musique  religieuse  et  profane  au 
moyen-  âge. 

Il  est  difficile  d’analyser  la  notice  de  M.  Desplanque. 
Le  nombre  des  travaux  qu’elle  décrit  et  sur  lesquels  elle 
porte  un  jugement  raisonné  est  si  considérable  et  leur 
importance  est  si  grande  que ,  malgré  l’étendue  de  cette 
notice,  on  doit  reconnaître  qu’elle  ne  contient  rien  de  trop, 
ni  rien  qui  puisse  être  utilement  abrégé.  Tout  ce  que  nous 
pouvons  faire  c’est,  en  suivant  la  marche  de  son  biographe, 
d’indiquer  aux  lecteurs  du  Bulletin  les  principaux  écrits  de 
M.  de  Coussemaker,  et  de  renvoyer  pour  les  détails  à  la 
notice  ,  ou  mieux  encore  ,  aux  ouvrages  même  de  l’auteur. 
Ils  verront  là  quel  fut  son  goût  précoce  pour  la  musique , 
quelles  aptitudes  il  manifesta  pour  la  composition  et 
comment  il  fut  amené  à  quitter  la  pratique  proprement  dite 
de  l’art ,  pour  se  livrer  entièrement  à  l’étude  de  son  histoire. 
Ils  comprendront  aussi  que  ,  dirigé  par  le  goût  et  pénétré 
de  bonne  heure  de  toutes  les  règles  de  rharmonie,  il  ait  été 
plus  loin  dans  l’intelligence  des  écrits  des  vieux  musiciens 
qu’un  érudit  ordinaire  privé  des  connaissances  techniques 
qu’il  avait  eu  soin  d’acquérir. 

Le  Mémoire  sur  Hucbald ,  moine  de  Saint-Amand  au  IX« 
siècle  ,  et  sur  ses  traités  de  musique  ;  la  Notice  sur  les 
collections  musicales  du  Nord ,  remplie  de  consciencieuses 


—  61  — 

recherches  précédèrent,  en  1841  et  1843,  YHistoire  de 
rHarmonie  au  moyen-âge  dont  l’apparilion  fut  un  événe¬ 
ment  dans  la  science. 

Ce  livre,  qui  parut  en  1852,  est  une  œuvre  de  longue 
étendue  et  toute  de  rédaction.  Elle  se  compose  de  trois 
traités  :  le  premier  sur  l’harmonie ,  le  second  sur  la  musique 
mesurée  et  rhythmée,  le  troisième  sur  la  notation.  Elle 
valut  à  son  auteur  d’abord  une  médaille  de  l’Institut, 
ensuite  son  admission  au  titre  de  membre  correspondant  de 
cette  illustre  compagnie.  Tous  les  travaux  d’archéologie 
musicale  auxquels  M.  de  Coussemaker  a ,  depuis  1852  , 
attaché  son  nom  devenu  célèbre  et  tous  ceux  qu’il  poursuit 
ou  prépare  en  ce  moment ,  s’y  trouvent  renfermés  comme 
dans  leur  germe.  «  Qu’est-ce  en  effet,  dit  M.  Desplanque  , 
»  que  VArt  harmonique  aux  XIl^  et  XIII^  siècles  ,  ouvrage 
»  déjà  paru  et  auquel  doit  bientôt  succéder  VArt  harmo- 
»  nique  au  XIV^  siècle  ,  qu’est-ce  sinon  la  reprise ,  sur  une 
»  plus  vaste  échelle  et  d’après  des  documents  nouveaux,  de 
»  la  première  partie  deVHistoirede  Vharmonie?  L’idée- 
»  mère  des  Drames  liturgiques  se  découvre  dans  la  pre- 
»  mière  et  la  troisième  partie  de  ce  même  ouvrage  ,  et  la 
»  deuxième  partie  (documents)  de  VHistoùx  de  Vharmonie 
j>  n’inaugurait-elle  pas  en  quelque  sorte  ledition  monu- 
»  mentale  des  Scriptores  de  musica  medii  œci  ?  » 

Les  Chants  populaires  des  Flamands  de  Finance  et 
l’édition  des  Œuvres  complètes  d'Adam  de  la  Haie  ,  dont 
l’intérêt  littéraire  et  philologique  balance  l’importance 
musicographique ,  doivent  se  joindre  aux  ouvrages  que 
nous  venons  de  citer  ,  si  l’on  veut  se  former  une  juste  idée 
des  recherches  et  des  labeurs  que  s’est  imposés  M.  de  Cous¬ 
semaker  pour  conquérir  le  vaste  et  magnifique  domaine 
dont  il  est  aujourd’hui,  de  Taveu  de  toute  l’Europe  savante, 
le  maître  incontesté . 


—  62  — 

Dans  le  quatrième  paragraphe  de  son  Etude ,  M.  Des¬ 
planque  passe  en  revue  les  œuvres  d’histoire  et  d’archéo¬ 
logie  locales  de  M.  de  Coussemaker ,  son  active  partici¬ 
pation  aux  travaux  de  la  Commission  historique  du  Nord , 
dont  il  est  Président  ;  de  la  Société  des  Sciences  de  Lille 
qu’il  a  présidé  en  1861  ;  de  la  Société  dunkerquoise  ,  dont 
il  fut  un  des  premiers  adhérents ,  et  dont  il  a  eu  à  deux 
reprises  la  présidence  ;  et  du  Comité  flamand  de  France  , 
qu’il  fonda  et  qu’il  préside  depuis  sa  création  en  1853. 
Les  limites  qui  nous  sont  imposées  nous  empêchent  de 
donner  les  titres  des  innombrables  dissertations  qu’il  a 
insérées  dans  les  mèmones  de  ces  différentes  sociétés. 

«  Comme  on  le  voit ,  on  peut ,  sans  flatterie  et  par  une 
>»  justice  anticipée  ,  appliquer  à  M.  de  Coussemaker  l’éloge 
»  que  lui-même  a  fait  de  M.  Le  Glay ,  défunt.  Lui  aussi 
«  mourra  avec  la  conscience  d’avoir  bien  rempli  sa  vie. 
»  Chez  lui  aussi  la  postérité  admirera  «  cette  infatigable 
y)  activité  qui  embrassait  à  la  fois  les  plus  hautes  généralités 
»  et  les  détails  les  plus  circonstanciés.  » 

Nous  souscrivons  de  tout  cœur  à  cette  conclusion  de 
M.  Desplanque  et  nous  attendons  avec  impatience  les  autres 
portraits  de  la  série  nouvelle  de  sa  Galerie  départementale. 

Ch.  Paeile. 


LA  PHOTOGRAPHIE 

SES  ORIGINES  ,  SES  PROGRÈS  ,  SES  TRANSFORMATIONS 

par  M.  Blanquart -Evrard 

Ce  magnifique  volume  comptera  certes  parmi  les  publica¬ 
tions  les  plus  importantes  qui  aient  été  imprimées  à  Lille  en 
1869.  Mais  nous  n’avons  pas  ici  à  faire  l’éloge  de  la  typogra¬ 
phie,  nous  n’insis  terons  même  pas  sur  les  nombreuses  plan- 


—  63  — 

elles  photographiques  insérées  dans  le  volume  et  qui  sont 
destinées  à  montrer  les  divers  états  de  l’art.  Nous  préférons 
entretenir  nos  lecteurs  du  côté  scientifique  de  la  question. 

Nul  mieux  que  M.  Blanquart  ne  pouvait  faire  l’histoire  de 

f 

la  photographie.  Dès  l’apparition  de  cet  art  merveilleux, 
il  en  a  compris  toute  la  valeur;  il  y  a  successivement 
apporté  plusieurs  perfectionnements  et  a  toujours  publié  ses 
découvertes  avec  un  désintéressement  complet  :  conduite 
bien  naturelle  chez  un  savant  et  chez  un  artiste,  mais  bien 
digne  d’éloge  assurément  si  on  songe  que  la  photographie 
a  donné  lieu  à  une  foule  de  brevets  d’invention  qui  furent 
et  qui  sont  encore  autant  d’obstacles  à  ses  progrès. 

L’histoire  des  premières  découvertes  photographiques  est 
trop  connue  pour  que  nous  les  rappelions  ici ,  contentons- 
nous  de  dire  que,  si  la  photographie  sur  papier  fut  inventée 
par  Talbot,  ce  fut  M.  Blanquart-Evrard  qui  en  divulguâtes 
procédés  après  les  avoir  notablement  perfectionnés. 

Jusqu’en  1851  la  photographie  se  bornait  presque  à  faire 
des  portraits.  C’est  alors  que  M.  Blanquart-Evrard  proposa 
un  procédé  par  lequel  chaque  cliché  pouvait  facilement 
fournir  en  un  jour  2  à  300  épreuves  dont  le  prix  de  revient 
était  de  5  à  15  centimes ,  c’est-à-dire  que  les  photographies 
étaient  produites  à  un  prix  assez  modéré  pour  que  la  li¬ 
brairie  put  y  avoir  recours  pour  illustrer  ses  publications, 
A  l’incrédulité  qui  accueillit  cette  proposition,  M.  Blanquart 
répondit  par  l’eT^écution.  Il  établit  à  Loos  ,  près  de  Lille  , 
une  imprimerie  photographique  où  se  publièrent  le  Voyage 
en  Orient  de  M.  Maxime  du  Camp,  ei  Jérusalem  de  M.  Aug. 
Salzmann. 

Son  exemple  fut  suivi  par  plusieurs  savants  et  amateurs 
qui  reproduisirent  par  ce  moyen  les  gravures  de  Marc 
Antoine,  d’Albert  Durer  ,  de  Rembrandt ,  etc. 

Il  y  avait  cependant  un  progrès  plus  complet  à  réaliser. 


—  64  — 

Il  fallait  convertir  l’épreuve  négative ,  impressionnée  direc¬ 
tement  par  le  soleil ,  en  une  planche  à  graver  dont  on  pour¬ 
rait  tirer  des  épreuves  positives  avec  l’encre  d’imprimerie. 

Dès  1824,  Nicéphore  Niepte,  un  des  inventeurs  de  la 
photographie  ,  avait  découvert  un  procédé  de  gravure.  Il 
recouvrait  une  plaque  métallique  de  bitume  de  judée  et 
l’exposait  à  la  chambre  noire.  Les  parties  du  bitume  im¬ 
pressionnées  par  la  lumière  devenaient  insolubles;  on  en¬ 
levait  le  reste  par  un  dissolvant ,  on  gravait  à  l’eau  forte  les 
parties  du  métal  mis  à  nu  et  l’on  passait  au  rouleau  :  l’encre 
prenait  partout  où  le  bitume  devenu  insoluble  sous  l’in¬ 
fluence  de  la  lumière  avait  préservé  la  plaque  de  l’action 
de  l’acide. 

Ce  procédé  héliographique  longtemps  négligé  par  suite 
des  brillants  résultats  de  la  photographie  sur  plaque  et  sur 
papier,  fut  repris,  depuis  1852,  par  plusieurs  artistes. 

En  1855,  M.  Poitevin  en  proposa  un  autre  :  il  recouvrait 
une  pierre  lithographique  d’une  solution  d’albumine  mé¬ 
langée  de  bichromate  de  potasse ,  puis  l’exposait  à  la 
lumière.  Sous  le  contact  d’une  épreuve  négative  il  ne  se 
produisait  aucune  image,  mais  si  on  passait  dessus  la  pierre 
le  rouleau  d’imprimerie  enduit  d’une  encre  savonneuse, 
cette  encre  ne  se  fixait  que  sur  les  parties  qui  avaient  été 
impressionnées  par  la  lumière  ,  et  l’image  obtenue  pouvait 
servir  comme  celle  d’une  pierre  lithographique  ordinaire. 

M.  Poitevin  fit  une  autre  découverte  non  moins  impor¬ 
tante  :  «  Lorsqu’une  couche  de  gélatine  mélangée  de  bichro- 
»  mate  alcalin  a  été  impressionnée  par  la  lumière  sous  le 
î  contact  d’une  épreuve  photographique  ,  et  qu’on  la  dé- 
»  pose  dans  l’eau  froide,  les  parties  solarisées  restent  im- 
»  perméables  tandis  que  celles  qui  ont  été  soustraites  à 
B  l’impression  lumineuse  se  gonflent  plus  ou  moins  selon 
P  qu’elles  ont  été  plus  ou  moins  préservées.  »  La  plaque  de 


—  65  — 

gélatine  présentant  des  épaisseurs  différentes  peut ,  selon 
qu’on  s’est  servi  d’une  épreuve  négative  ou  positive  ,  don¬ 
ner  des  moulages ,  dont  on  obtient  par  la  galvanoplastie 
des  planches  en  creux  ou  en  relief.  (  à  suivre).  J.  G. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

Histoire  naturelle.  Cerfs  ,  Daims  ,  Chevreuils.  —  Les 
lecteurs  du  Bulletin  n’ont  peut-être  pas  oublié  les  notes 
insérées  aux  mois  de  mars  et  d’avril  derniers  ,  sur  la  pré¬ 
sence  dans  nos  régions  du  Nord  de  la  France ,  des  Loups 
et  des  Sangliers.  Nous  continuons  ces  observations  sur 
notre  gros  gibier  par  quelques  remarques  au  sujet  des 
grands  ruminants  :  Cerfs,  Daims,  Chevreuils. 

Cerfs.  —  Les  Cerfs  étaient  très-communs  autrefois  dans 
le  département  du  Nord,  dans  les  Ardennes  ,  et  dans  toutes 
les  forêts  de  l’Artois  et  de  la  Picardie. Ils  y  furent,  pendant 
plus  de  12  siècles ,  le  Fauve  par  excellence  des  chasses  sei¬ 
gneuriales.  C’était  même  le  vaste  pays  boisé  s’étendant  de 
l’Escaut  supérieur  au  Rhin  qui  était  regardé  comme  la  vé¬ 
ritable  patrie  de  cet  animal ,  ou  tout  au  moins  de  ce  qu’on 
croyait  être  sa  plus  remarquable  variété.  Le  Cerf  des  Arden¬ 
nes  avait  conquis  une  grande  célébrité  parmi  les  veneurs  du 
moyen-âge;  la  fameuse  légende  de  saint  Hubert  y  était 
sans  doute  pour  quelque  chose. 

On  le  supposait  d’une  espèce  particulière ,  plus  grande  , 
plus  cendrée  sur  le  dos ,  plus  foncée  sous  le  ventre  et  ayant 
les  poils  du  cou  plus  allongés.  Brisson  le  distinguait  sous  le 
nom  de  Cervus  germanicus ;  c’était  probablement  le  Tra- 
gelaphus  et  VHippelaphus  de  Gessner  ,  d’Aldrovande  et  de 
quelques  autres  naturalistes  prélinnéens,  le  Rangier  de 
beaucoup  d’auteurs  cynégétiques.  Ces  dénominations  , 
d’ailleurs  difüciles  à  vérifier ,  doivent  disparaître ,  car  il 


—  66  — 

est  bien  constaté  que  le  Cerf  des  Ardennes  ne  différait  pas 
spécifiquement  du  Cerf  ordinaire  (Cervus  elaphus,  Linné) 
dont  le  type  est  encore  commun  dans  le  centre  de  la  France. 

La  disparition  du  Cerf  dans  nos  régions  semble  s’être 
opérée  par  voie  de  refoulement  de  l’Ouest  à  l’Est.  Déjà 
avant  la  Révolution  de  1792  il  n’existait  plus  dans  la  foret 
de  Crécy  où  il  avait  été  célèbre  par  la  vigueur  de  ses  jar-  ' 
rets.  Ce  fut  cette  Révolution  qui  l’éloigna  du  département 
du  Nord.  («  La  liberté  illimitée  de  la  chasse,  dît  V Almanach 
statistique  de  Fan  xi,  le  tumulte  des  armes  à  l’époque  de 
l’invasion ,  le  braconnage  des  armées  autrichiennes ,  ont 
fait  disparaître  Daims,  Cerfs  et  Chevreuils,  on  n’en  retrouve 
plus  que  dans  la  forêt  Mormal,  en  petite  quantité.  » 

Les  Cerfs  abandonnèrent  bientôt  cette  dernière  localité  , 
et  les  captures  qu’on  y  a  faites  depuis  sont  devenues  de  plus 
en  plus  rares.  Il  y  a  quelques  années  il  en  fut  tué  un  à 
Avesnes-lez-Aubert ,  mais  peut-être  était-il  échappé  d’un 
parc  ou  égaré  de  la  foret  de  Compiègne. 

En  Belgique  il  n’en  restait  plus  en  1842  que  quelques-uns 
dans  les  bois  de  Saint-Hubert  ;  mais  depuis  l’acquisition  du 
domaine  deMirwart  par  le  Baron  d’Hooghworst,  ils  s’y  sont 
beaucoup  multipliés  et  ne  sont  pas  rares  aujourd’hui  dans 
les  bois  de  Tellin  ,  Solder  ,  Wellin  ,  Herbeumont.  Dans  le 
Grand-Duché  de  Luxembourg ,  d’après  M.  de  la  Fontaine  , 
il  s’en  est  tué  quelques  individus  isolés  en  1856  ,  1859  , 
1864.  Un  couple  a  été  vu  dans  les  bois  d’Hiffingen  en  1866, 
d’où  il  a  disparu. 

Daims.  —  Le  Daim  devait  être  aussi  commun  que  le 
Cerf  dans  l’Europe  tempérée,  mais  sa  chasse  offrant  moins 
d’attraits ,  il  en  est  beaucoup  moins  question  dans  les  traités 
spéciaux.  Plus  faible,  plus  facile  à  forcer,  et,  d’un  autre 
côté  ,  offrant  une  chair  beaucoup  plus  succulente,  il  devait 
diminuer  avant  son  congénère  et  disparaître  bien  plus  vite  ; 


—  G7  — 

aussi  est-il  devenu  rare  dans  toute  la  France,  et  d’après  M. 
Toussenel,  il  ne  s’en  rencontre  pas  oOO  sur  tout  le  territoire 
de  l’Empire,  à  l’état  sauvage.  En  Angleterre  il  est  resté 
beaucoup  plus  commun. 

En  Belgique  ils  sont  encore  assez  communs  dans  les  bois 
de  31.  de  Cunchy  près  Rochefort ,  et  dans  ceux  de  3Iirwart. 
En  1856  ,  le  Prince  Henri  des  Pavs-Bas  lâcha  un  Daim  et 
trois  Daines  dans  son  domaine  de  Berg  (Grand-Duché)  mais 
ils  n’ont  pu  s’y  acclimater  grâce  aux  nombreux  chiens  cou¬ 
rants  de  ces  localités. 

On  en  connaît,  dit-on  ,  quelques-uns  dans  les  bois  de  la 
marquise  de  Castellane,  à  Sains(arrondissement  d’Avesnes); 
mais  y  sont-ils  réellement  indigènes  et  ne  proviendraient- 
ils  pas  d’individus  lâchés  ? 

Le  Daim  vit  et  se  propage  très-aisément  dans  un  état  de 
demi-captivité,  c’esi-à-dire  dans  les  grands  enclos  où  il 
trouve  une  nourriture  convenable  ;  c’est  un  animal  semi- 
domestique,  doux  et  timide,  très-facile  à  apprivoiser,  préfé¬ 
rant  les  bois  couverts ,  entrecoupés  de  clairières ,  aux  gran¬ 
des  forêts  ;  aussi  est-il  étonnant  que ,  par  le  temps  d’accli¬ 
matation  qui  court ,  on  ne  fasse  pas  d’efforts  plus  sérieux 
pour  le  multiplier  en  le  domestiquant  ;  sa  venaison  exquise 
et  l’utilité  de  sa  peau,  comme  objet  de  chamoiserie,  mérite¬ 
raient  des  essais  en  grand. 

Chevreuils.  —  Le  Cerf  et  le  Daim  étaient  un  gibier  aris¬ 
tocratique  qui  devaient  subir  le  sort  du  régime  dont  ils 
faisaient  partie.  La  chasse  en  se  démocratisant  ne  pouvait 
plus  s’en  servir  ,  leur  temps  était  fini.  Il  n’en  est  pas  tout  à 
fait  de  même  du  Chevreuil  ;  placé  sur  la  limite  de  la  grande 
et  de  la  petite  chasse,  pouvant  être  chassé  sans  équipages, 
sans  chevaux  et  au  fusil ,  il  a  été  conservé  dans  quelques- 
uns  de  nos  grands  bois  et  même  assez  ménagé  pour  y  rester 


commun. 


—  68  — 

Les  bois  de  Raismes  et  de  Trélon  en  contiennent  passa¬ 
blement.  Dans  la  forêt  de  Grécy  (Somme)  sa  chasse  offre 
encore  quelque  attrait,  mais  il  est  surtout  nombreux  dans 
les  bois  de  Regnières-Ecluse  qui  y  confinent. 

Quant  à  la  forêt  de  Mormal ,  d’après  de  récents  rapports 
on  n’en  connaît  plus  que  deux  dans  toute  son  étendue ,  sans 
doute  ils  n’y  resteront  pas  longtemps. 

Ils  sont  encore  assez  communs  dans  l’Ardenne  belge , 
dans  l’Herzogenwald  et  le  Condroz ,  mais  M.  de  Selys  dans 
sa  Faune  belge  (1842)  se  plaignait  déjà  du  braconnage  qui 
les  décimait.  Depuis  cette  époque  leur  nombre  n  a  pu  que 
diminuer. 

En  somme  ,  le  Chevreuil  ne  se  conserve  chez  nous  que 
grâce  à  une  garderie  sévère  et  à  une  chasse  modérée  ;  le 
jour  où  ces  deux  conditions  cesseraient  d’exister ,  il  dis¬ 
paraîtra  comme  le  Cerf  et  le  Daim ,  faute  de  pouvoir  répa¬ 
rer  ses  pertes.  A.  de  Norguet. 

Le  prétendu  Homme  fossile  de  Villers-Plouich. — Le  4  mai 
1868  on  annonça  à  la  Société  géologique  de  France  qu’on 
venait  de  découvrir  à  Villers-Plouich ,  près  de  Cambrai  , 
dans  un  terrain  meuble,  un  sacrum  humain  associé  à  des 
ossements  d’Eléphant.  Cette  dernière  phrase  fut  reproduite 
soulignée  dans  une  Heoue  (^)  qui  s’occupe  spécialement  des 
premiers  âges  de  l’humanité.  La  nouvelle  avait  réellement 
une  importance  capitale ,  car  bien  que  la  co  existence  de 
l’homme  et  des  espèces  perdues  ne  puisse  plus  faire  l’objet 
d’un  doute  pour  ceux  qui  cherchent  la  vérité  sans  esprit  de 
système,  néanmoins  la  présence  d’un  os  humain  trouvé 
dans  le  diluvium  n’est  pas  un  fait  ordinaire  et  suscite  pres¬ 
que  toujours  de  vives  discussions.  La  mâchoire  de  moulin 
Quignon  en  est  la  preuve. 


(q  Matériaux  pour  THisloire  de  rHomme,  2.*  série ,  v.'  vol.  p.  146. 


—  69  — 

A  la  première  vue  du  sacrum  de  Villers-Plouich ,  son 
origine  humaine  m’a  paru  très-douteuse,  mais  peu  confiant 
dans  mes  propres  lumières,  je  l’ai  remis  à  MM.  Delplanque, 
directeur  du  Musée  de  Douai ,  et  Dareste  de  la  Chavanne, 
professeur  à  la  Faculté  de  Lille ,  tous  deux  ont  été  d’avis 
qu’il  n’avait  rien  d’humain  et  devait  appartenir  à  un  grand 
carnassier  (i). 

Cet  ossement  provient  d’une  carrière  ouverte  dans  la 
partie  supérieure  d’une  petite  vallée  torrentielle  qui  se 
rend  dans  l’Escaut. 

Le  trou  a  4  mètres  de  profondeur  ;  il  présente  dans  le 
haut  du  limon  sableux  jaune-clair  contenant  de  petits  no¬ 
dules  de  craie  roulés  qui  sont  disposés  par  lignes.  Ces 
nodules  gros  d’abord  comme  des  noyaux  de  cerise  augmen¬ 
tent  avec  la  profondeur  ;  au  bout  de  2  mètres  ils  se  mélan¬ 
gent  de  fragments  de  silex  cassés  qui  s’accroissent  en  nombre 


(D  Au  moment  de  mettre  sous  presse  nous  recevons  la  lettre  sui¬ 
vante  de  M.  Lartet ,  professeur  de  paléontologie  au  Muséum  dliistoire 
naturelle ,  à  qui  nous  avions  envoyé  l’ossement  en  question  : 

«  J'ai  reçu  votre  lettre  et,  peu  après ,  la  boîte  renfermant  le  Sacrum 
fossile.  11  a  d’abord  été  examiné  par  M.  Gaudry ,  M.  Fischer  et  moi. 
Nous  avons  été  unanimes  pour  exclure  tout  rapprochement  avec  un 
sacrum  humain.  Malgré  la  température  sibérienne  qui  régne  dans 
notre  galerie  d'anatomie ,  M.  Fischer  a  bien  voulu  en  aller  faire  la 
comparaison  directe,  quoique  assez  difficile ,  avec  les  sacrums  de  nos 
squelettes  montés ,  et  je  me  suis  résigné  à  l’accompagner  dans  un 
second  examen  comparatif  qu'il  a  fait  de  cette  pièce,  lien  est  résulté, 
à  notre  avis ,  que  votre  sacrum  fossile  du  Diluvium ,  se  rapprocherait 
de  celui  du  lion  actuel  plus  que  de  tout  autre  type  auquel  nous  ayons 
pû  le  comparer.  Peut-être  serait-il  bien  un  sacrum  de  Fétis  spalœa 
(lion  des  Casernes) ,  car  les  dimensions  sont  plus  fortes  que  dans  nos 
plus  grands  lions.  Malheureusement  nos  collections  ne  sont  pas  assez 
riches  pour  que  nous  ayons  pu  faire  la  vérification  directe  des  rap¬ 
prochements  que  nous  proposons. 


—  70  — 

et  en  grosseur,  à  mesure  que  l’on  descend  ;  dans  le  fond  les 
silex  sont  si  abondants  qu’ils  valent  la  peine  d’être  exploités 
pour  l’empierrement  des  chemins.  Ce  terrain  doit  être  rap¬ 
porté  au  Diluvium  des  géologues. 

C’est  au  fond  du  trou  que  l’on  a  trouvé  le  sacrum  accom¬ 
pagné  d’autres  ossements  :  une  molaire  de  Mammouth 
(  Elephas  primigenius  ) ,  et  un  humérus  de  Rhinocéros 
{Rhinocéros  tichorliinus)  m’ont  été  remis  par  M.  Farez, 
vétérinaire  en  chef  de  la  compagnie  d’Anzin. 

M.  l’Abbé  Rogie  ,  curé  à  Villers-Plouich  ,  m’a  montré 
quelques  débris  d’Eléphant ,  une  dent  molaire  supé¬ 
rieure  de  Rhinocéros ,  des  dents  de  Cheval  et  de  Bœuf  et 
un  os  canon  de  ce  dernier  animal ,  provenant  du  même 
endroit. 

M.  Petit-Courtin ,  ancien  maire  de  Cambrai,  possède 
aussi  quelques  ossements  qui  lui  ont  été  donnés  par  M. 
Pusch  ,  de  Villers-Plouich.  J’y  ai  remarqué  des  fragments 
de  squelette  de  l’Eléphant  et  du  Rhinocéros ,  et  trois  dents 
molaires  inférieures  de  ce  dernier  animal. 

Enfin,  M.  Rigaux,  jeune  amateur  de  Lille,  déjà  connu 
par  le  zèle  avec  lequel  il  poursuit  ses  recherches  archéolo¬ 
giques  ,  m’a  donné  une  a-stragale  de  Bœuf ,  venant  éga¬ 
lement  du  diluvium  de  Villers-Plouich. 

A  Vendhuile ,  village  près  du  Catelet ,  sur  la  limite  des 
départements  de  l’Aisne  et  du  Nord,  on  exploite,  dans  la 
vallée  de  l’Escaut,  un  diluvium  semblable  à  celui  de  Villers- 
Plouich.  M.  Albert  Cornailles ,  maire  de  Vendhuile,  y  a 
recueilli  des  dents  d’Eléphant  et  des  os  assez  nombreux 
provenant  du  squelette  d’un  Rhinocéros ,  vertèbres ,  côtes, 
radius  ;  malheureusement  les  ouvriers  avaient  tout  brisé. 
Ces  débris  osseux  sont  au  Musée  de  Lille.  J.  G. 


71  — 


CHRONIQUE. 

Alécéorologèe.  Mois  de  Janvier  1870  : 

JANVIER 

1870 

Température  moyen  ne .  3.°  16 

»  j>  (les  maxima .  3.'^  42 

»  »  des  minima .  0."  90 

i  extrême  maxima,  les  4,  8  10."  60 

»  »  minima, . — 5.°  40 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.°. . . .  760"‘'“980 
»  hauteur  extrême  maxima,  le  18.  775"‘”49 
J  D  K  minima,  le 8...  747^14 
Tension  moy.  de  la  vapeur  atmosphér.  4"‘"’63 

Humidité  relative  moyenne . 82.0  % 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  4o"‘“47 

D  de  couche  d’eau  évaporée. . . .  18”‘“0o 


JANVIER 
année  moy. 
2.°  94 


7o9r  398 


S"""  02 
86.7  7„ 
56™”  13 
14r  98 


Au  point  de  vue  de  la  température  atmosphérique  le 
mois  de  janvier  1870  a  été  partagé  en  deux  périodes;  les 
16  premiers  jours  se  sont  passés  sans  gelée  et  la  moyenne 
de  leur  température  a  été  de  3."  9  ;  les  13  derniers  ont  été 
froids  et  la  moyenne  de  leur  température  n’a  été  que  de 
0."  23.  12  jours  le  thermomètre  à  minima  descendit  au- 
dessous  de  0.®.  Il  y  eut  9  gelées  blanches. 

Quoiqu’il  en  soit  de  cette  répartition  inégale  de  la  tempé¬ 
rature  ,  la  moyenne  générale  mensuelle  a  été  supérieure  à 
celle  du  mois  correspondant  année  moyenne. 

Après  la  température  le  caractère  dominant  du  mois  a  été 
la  sécheresse ,  non  seulement  des  couches  atmosphériques 
inférieures  ,  mais  encore  de  celles  des  hautes  régions. 
La  hauteur  moyenne  de  la  colonne  barométrique  fut  supé¬ 
rieure  à  celle  d’une  année  moyenne,  par  suite  la  quantité 
de  pluie  fut  moindre,  ainsi  que  la  nébulosité  du  ciel. 

Les  43  mill.  47  d’eau  météorique  se  décomposent  ainsi  : 
41  mill.  23  d’eau  de  pluie ,  2  mill.  30  d’eau  de  grêle ,  1  mill. 
74  d’eau  de  neige. 


—  72  — 

Dans  ces  conditions  de  clialeur  relative  et  de  sécheresse 
l’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  fut  plus  grande  que 
celle  d’une  année  moyenne. 

Pendant  la  première  moitié  du  mois  le  vent  souffla  du 
S.-O.  etduN.-E.  pendant  la  seconde. 

On  observa  29  jours  de  brouillard,  11  de  rosée,  9  de  gelée 
blanche,  23  de  pluie,  10  de  neige,  2  de  grêle  et  12  de  gelée. 

13  jours  le  ciel  fut  complètement  couvert  de  nuages  pen¬ 
dant  24  heures  ;  13  jours  demi-couvert  ;  3  jours  serein 
pendant  24  heures.  V.  Meürein. 

Géologie.  Mammouth.  —  On  vient  de  découvrir  dans 
le  gravier  du  diluvium  de  Blandecques ,  près  de  Saint- 
Omer  ,  les  restes  d'un  Mammouth  presque  entier.  Peut-être 
est-ce  l’individu  dont  on  avait  déjà  trouvé  une  défense 
l’année  passée  (^).  Il  paraît  que  les  ouvriers  ont  voulu , 
selon  leur  habitude,  rançonner  les  amateurs  ;  des  pourpar¬ 
lers  se  sont  engagés,  et,  comme  ils  ont  duré  quelque  temps, 
ces  ossements  qui  provenaient  d’un  endroit  humide  se  sont 
entièrement  détruits.  J.  G. 

Personnel  du  Corps  enseignant.  —  M.  Paiiivin, 
professeur  de  mathématiques  spéciales  au  lycée  de  Douai , 
quitte  notre  pays  pour  aller  à  Lyon.  Tout  en  applaudissant 
à  cet  avancement  mérité ,  nous  regrettons  pour  notre  pays 
le  départ  de  M.  Painvin.  Ses  importants  travaux  de  mathé¬ 
matiques  lui  ont  valu  une  renommée  qui  s’étend  à  l’Etranger 
et  dont  une  partie  rejaillissait  sur  l’établissement  auquel  il 
était  attaché.  Il  est  remplacé  au  Lycée  de  Douai  par  M. 
Gourcelles.  J.  G. 

(h  Bulletin ,  t.  i,  p.  120 

Le  Gérant  :  E.  Gâstiaux. 


TYP.  DE  BLOCQÜEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2/  Année.  —  N.°  3.  —  Mars  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  SCIE>^CES  DE  LILLE 

Travaux  courants. 

Note  sur  une  nouvelle  espèce  de  Thermomètre  par  3/. 
Lamy ,  membre  correspondant.  —  Nos  lecteurs  se  rappel¬ 
lent  le  Pyromètre  à  marbre  proposé  par  M.  Lamy  (^),  son 
Thermomètre  repose  sur  le  même  principe.  Comme  l’appa¬ 
reil  est  destiné  à  mesurer  des  températures  ordinaires  ,  la 
substance  dont  la  dissociation  doit  produire  les  indications 
thermométriques  est  choisie  parmi  celles  qui  se  décompo¬ 
sent  très-facilement ,  c’est  le  chlorure  de  calcium  et  d’am¬ 
moniaque  :  Ca  Cl  ,  4  Az  H  Quand  ce  corps  passe  d  une 
température  de  0°  à  celle  de  46° ,  la  tension  du  gaz  ammo¬ 
niaque  varie  depuis  141  jusqu’à  1561  millimètres,  il  peut 
donc  déterminer  dans  un  Manomètre  l’ascension  d’une 
colonne  de  mercure  de  1  m.  410.  Ainsi  le  nouveau  thermo¬ 
mètre  fournit  des  indications  très-apparentes  ;  il  a  de  plus 
le  grand  avantage  de  pouvoir  transmettre  ses  indications 
à  une  grande  distance  du  point  où  est  placé  le  réservoir. 
Donc  le  météorologiste  et  le  physicien  pourront  suivre  de 
leur  cabinet  les  variations  de  température  de  l’air  extérieur 
soit  même  celles  d’une  couche  plus  ou  moins  profonde  du 
sol,  de  l’océan  ou  de  l’atmosphère. 

De  Vaction  des  coups  de  feu  tirés  à  bout  portant  et  à 
distance^  par  31.  Houzé  de  l’Aulnoit,  docteur  en  médecine. 
—  Selon  l’auteur,  les  premiers  ont  moins  de  force  de  péné¬ 
tration.  Ainsi  une  femme  avant  reçu  dans  la  tête  un  coup  de 
revolver  à  bout  portant,  la  balle  a  été  retrouvée  dans  l’inté- 


C)  BuUelin ,  t.I,  p.  260. 


—  74  — 

rieur  du  crâne,  tandis  qu’elle  l’eut  certainement  percé  de 
part  en  part  si  elle  avait  été  tirée  à  quelque  distance.  La 
peau  offrait  une  perforation  arrondie  beaucoup  plus  petite 
que  la  balle  et  entourée  d’un  petit  cercle  brunâtre  formé 
par  une  eschare.  Le  trou  de  sortie  au-dessous  de  la  peau 
était  le  double  du  trou  d’entrée.  La  perforation  du  crâne 
dépassait  le  diamètre  de  la  balle  et  le  trou  de  la  dure-mère, 
plus  large  encore  que  celui  des  parois  osseuses,  avait  une 
forme  étoilée  par  déchirement. 

Dans  un  autre  cas  datant  du  12  janvier  1870,  une  balle 
de  revolver  tirée  à  bout  portant ,  après  avoir  sillonné  le  bras 
et  traversé  onze  couches  de  vêtements,  alla  s’amortir  contre 
la  chemise  en  contusionnant  les  parois  abdominales.  Elle 
les  eut  certainement  traversées  si  le  coup  avait  été  tiré  à  une 
distance  de  plusieurs  mètres. 

Si  un  coup  de  feu  est  tiré  à  bout  portant  sur  une  étoffe  de 
drap  pliée  en  deux  il  détermine  sur  la  première  paroi  un 
orifice  circulaire  du  diamètre  d’une  grosse  tête  d’épingle, 
tandis  que  sur  la  seconde  paroi  le  trou  est  plus  grand. 
Lorsque  le  coup  est  tiré  à  une  distance  de  deux  pas ,  l’étoffe 
est  percée  d’un  trou  ovalaire  de  10  mill.  de  long  sur  5  de 
large.  De  plus  ,  à  bout  portant ,  on  remarque  toujours  , 
outre  une  très-petite  perforation  pour  le  passage  de  la 
balle,  une  auréole  noircie  par  la  brûlure  et  par  les  grains 
de  poudre  ,  ce  qui  n’existe  pas  dans  un  coup  tiré  à  distance. 

Ces  faits  n’intéressent  pas  seulement  le  médecin  légiste  , 
ils  doivent  aussi  préoccuper  les  savants ,  car  ils  semblent 
contredire  un  axiome  généralement  reçu  en  balistique ,  que 
le  projectile  a  son  maximum  de  vitesse  au  sortir  du  canon. 
Quant  à  ce  qui  est  de  la  largeur  croissante  des  ouvertures 
successivement  produites  par  une  même  balle,  on  l’attribue 
au  mouvement  de  rotation  du  projectile  dont  l’amplitude 
va  en  croissant  à  partir  de  sa  sortie. 


—  75  — 

Considérations  sur  les  circonvolutions  du  cerveau.  —  M. 
Dareste  de  la  Chavanne  rappelle  que ,  dans  un  mémoire 
publié  il  y  a  de  longues  années,  il  a  posé  le  principe  suivant  : 

<r  Quand  on  compare  les  espèces  animales  d’un  même  groupe 
naturel ,  on  voit  que  les  circonvolutions  du  cerveau  man¬ 
quent  complètement  ou  du  moins  sont  très-simples  dans  les 
espèces  de  petite  taille,  tandis  qu’elles  augmentent  en  nom¬ 
bre  et  en  complication  à  mesure  que  la  taille  augmente.  » 
Des  travaux  récents  sur  l’anatomie  des  Edentés  sont  venus 
confirmer  cette  loi. 

Voici  l’explication  que  le  savantphysiologiste  de  la  Faculté 
de  Lille  donne  de  ce  fait  :  Le  cerveau  est  composé  de  deux 
substances  :  la  substance  blanche  qui  en  forme  le  noyau  et 
la  substance  grise  qui  enveloppe  la  précédente.  On  peut 
admettre  que  dans  un  meme  groupe  le  rapport  de  ces  deux 
substances  doit  être  constant.  Si  le  cerveau  grandit  avec  la 
taille  de  l’animal ,  la  surface  de  la  substance  grise  doit 
s’accroître  dans  le  même  rapport  que  la  substance  blanche; 
mais  les  volumes  des  corps  croissant  proportionnellement 
aux  cubes  de  leurs  dimensions  analogues  tandis  que  les 
surfaces  ne  croissent  que  proportionnellement  aux  carrés 
de  ces  mêmes  dimensions ,  pour  que  la  substance  grise 
reste  dans  le  même  rapport  de  quantité  avec  la  substance 
blanche,  il  faut  que  la  surface  du  cerveau  se  plisse  à  mesure 
que  son  volume  augmente.  J.  G. 

SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  BOULOGNE-SUR-MER 
Bulletin  1868  ;  Mémoires  t.  iii,  l.’’®  partie 

Nous  n’avons  à  nous  occuper  ni  des  procès-verbaux  des 
séances  de  l’année  1868,  ni  des  rapports  sur  les  concours 
de  1867 ,  concours  qui  n’ont  eu  d’autre  résultat  que  de  dé¬ 
cerner  une  médaille  d’or  de  100  francs  à  M.  Achille  Millien  , 
lauréat  de  tous  les  concours  de  poésie  de  France. 


^  76  — 

Le  Bulletin  contient,  en  outre,  plusieurs  documents 
historiques ,  mis  en  lumière  par  M.  l’abhé  Haigneré  ,  ar¬ 
chiviste  municipal  de  Boulogne ,  secrétaire  perpétuel  de 
la  société.  Ce  sont  d’abord  Quelques  lettres  inédites  de 
Henri  IV  adressées  par  ce  prince  à  l’un  de  ses  fidèles  com¬ 
pagnons  le  seigneur  de  Palcheux.  Ce  sont  ensuite  Trois 
chartes ,  également  inédites  ,  des  Comtes  de  Boulogne  :  la 
première  d’Eustache  III  (1121)  ;  la  seconde  de  Renaud  de 
Dammartin  et  d’Ide,  sa  femme  (1219);  la  troisième  de 
Philippe  Hurepel  et  de  la  comtesse  Mahaut  (1230).  De  ces 
trois  pièces,  la  première  est  sans  contredit  la  plus  intéres¬ 
sante  ;  elle  offrait  des  difficultés  d’interprétation  que  M. 
Haigneré  a  habilement  résolues. 

Le  fascicule  des  Mémoires  est  consacré  à  un  travail  pa- 
léontologique  de3IM.  Rigaux  et  Sauvage. 

Desciûption  de  quelques  espèces  nouvelles  de  T  étage  Ba- 
thonien  du  Bas-Boulonnais ,  par  3IM.  Rigaux  et  Sauvage. 
—  En  1867,  M.  Rigaux  a  publié  une  étude  géologique  du 
Bas-Boulonnais  qui  a  fait  connaître  d’une  manière  très- 
exacte  les  diverses  couches  du  terrain  jurassique  de  ce  pays. 
Nos  lecteurs  connaissent  déjà  M.  Sauvage  par  son  travail 
sur  les  poissons  fossiles  du  Boulonnais  (^).  Le  mémoire 
actuel  dû  à  la  collaboration  de  ces  deux  géologues  est  con¬ 
sacré  à  la  description  de  o3  espèces  nouvelles  de  mollus¬ 
ques  fossiles  que  les  recherches  persévérantes  des  auteurs 
sont  parvenues  à  découvrir  dans  une  assise  du  terrain 
jurassique,  la  Grande  Oolite  (étage  Bathonien),  avec  180 
autres  espèces  déjà  connues.  Ce  travail  descriptif  non  sus¬ 
ceptible  d’analyse  est  précédé  d’une  étude  stratigraphique 
sur  les  couches  qui  leur  ont  fourni  ces  fossiles.  Ils  y  distin¬ 
guent  de  bas  en  haut  4  zônes  caractérisées  par  les  espèces 


P)  Bulletin ,  t.  [  f  J).  11. 


—  77  — 

suivantes  :  l.°  Clypeus  Plotii,  2.^  Rhynchonella  Hopkinsii^ 
3.^  Rh.  elegantula,  ^°Rh.  Badensis.  J.  G. 

SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES,  DES  ARTS  ET  DES  LETTRES  DU  HAINAUT. 

Mémoires,  3.'  série ,  t.  iii  (i) 

Celte  Société  fut  fondée  en  1833 ,  elle  compte  maintenant 
65  membres  effectifs  et  un  très-grand  nombre  de  correspon¬ 
dants.  Les  membres  du  bureau  sont  : 

MM.  De  Puydt  ,  Président. 

Devillez  ,  direc.  de  l’Ecole  des  mines  ;  Vice-Président. 

Glesse  ,  littérateur  ;  Vice-Président. 

Le  Hardy  de  Beaulieu,  professeur  honoraire  à  l’Ecole 
des  Mines;  Secrétawe-Général. 

Houzeau  de  Lehaie  ,  bourgmestre  à  Hyon  ;  Secrétaire. 

Rouvez  ,  Bibliothécaire. 

Devillers,  conservateur  adjoint  des  Archives  de  l’Etat; 
Archiviste. 

Manceaux  ,  libraire  éditeur  ;  Trésorier. 

Le  3.®  volume  des  Mémoires  s’ouvre  avec  le  discours 
prononcé  par  le  vice-président,  M.  Antoine  Clesse,  lors  de 
la  séance  solennelle  du  13  avril  1868.  L’orateur  traite  de 
la  Chanson.  «  La  chanson  est  vieille  comme  le  monde  ,  » 
dit-il  en  commençant;  et  il  la  suit  dans  ses  diverses  trans¬ 
formations  depuis  Tyrtée  et  Anacréon  jusqu  a  Désaugiers  et 
Béranger.  En  terminant  cette  revue,  il  insiste  un  peu  sur  la 
chanson  populaire  qui  «  cherche,  dit-il,  à  réaliser  tout  ce 
qui  physiquement  et  moralement  peut  améliorer  le  sort  de 
l’ouvrier ,  »  et  qu’il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  chanson 
en  vogue  souvent  dépourvue  d’esprit  et  de  moralité.  M. 
Antoine  Clesse  a  fait  aussi  imprimer  dans  ce  volume  une 
pièce  de  vers  intitulée  le  Pauvre  artiste. 

M.  Laroche,  littérateur  à  Mons,  est  l’auteur  d’une  autre 
poésie  ,  une  épître  à  la  Science  ;  quelques  fahles  sont  dues 
à  M.  Marcel  Grenier,  commissaire  d’arrondissement,  et 


V)  Mous;  1869.  442  p. 


—  78  — 

M.  Dumont  a  trouvé  des  accents  pleins  à  la  fois  de  poésie  et 
de  patriotisme  pour  déplorer  la  mort  de  l’héritier  du  trône 
de  Belgique. 

Depuis  plusieurs  années  déjà,  quelques  membres  de  la 
Société  avaient  entrepris  de  dresser  la  liste  des  livres  et 
brochures  imprimés  à  Mons.  M.  Devillers,  président  du 
Cercle  archéologique,  a  ajouté,  un  nouveau  supplément  à  la 
Bibliographie  montoise. 

Des  bases  d'un  système  grammatical  fondé  sur  l’idéologie 
et  le  génie  de  la  langue  française  ,  ou  p)réambule  d'un  cours 
analytique^  pratique  et  théorique  de  grammaire  appli¬ 
quée  ,  par  M.  Valentin  Vau  der  Elst  ,  ingénieur  civil  à 
Cuesmes.  —  Après  avoir  fait  l’historique  des  sciences  gram¬ 
maticales  l’auteur  arrive  à  exposer  une  classification  des 
parties  du  discours.  Il  déduit  de  considérations  psychologi¬ 
ques  qu’il  n’y  a  que  des  idées  substantives  et  des  idées  mo¬ 
dificatives  ,  et  par  conséquent,  qu’il  n’y  a  que  deux  sortes 
essentielles  de  mots  :  les  substantifs  et  les  modificatifs  ou 
adjectifs.  C’est  parmi  ces  derniers  qu’il  place  les  verbes 
sous  le  nom  d’adjectifs  affirmatifs.  Vient  ensuite  une  troi¬ 
sième  catégorie  de  mots  pour  les  invariables  qui  ne  sont 
que  des  substantifs  ou  des  adjectifs  altérés  dans  leur  forme. 

Cet  exposé  d’un  nouveau  système  grammatical  n’est 
qu’une  introduction  à  une  Grammaire  dont  M.  Van  der 
Elst  a  détaché  quelques  pages.  Ainsi,  il  montre  par  une 
savante  discussion  que  il  ,  U  ,  lie  mouillés  doivent  se  pro¬ 
noncer  /i,  comme  le  gli  italien  et  le  II  espagnol,  et  non 
pas  comme  un  ï  ainsi  que  le  veullent  certains  grammairiens 
de  Paris.  L’auteur  cherche  aussi  à  établir ,  mais  avec  moins 
de  succès  suivant  nous,  que  1  auxiliarité  n’existe  pas  dans 
les  conjugaisons  françaises  et  que  les  temps  dits  composés 
sont  des  fragments  de  propositions  formés  d’un  verbe  ordi¬ 
naire  et  d’un  adjectif  passif. 


^  79  ^ 

Nous  devons  nous  borner  à  mentionner  le  Mémoire  de 
M.  Lehardy  de  Beaulieu  :  du  Progrès  économique  et  des 
obstacles  quil  rencontre  et  nous  passons  aux  travaux  scien¬ 
tifiques.  Le  même  auteur  donne  des  détails  sur  Quelques 
amas  de  coquillages  trouvés  dans  diverses  contrées  du  globe 
et  pouvant  comme  le  Kjokkenmoddings  du  Danemarck  re¬ 
monter  à  une  antiquité  antéhistorique. 

M.  Thielens  ,  déjà  connu  de  nos  lecteurs  (^)  ,  cite  comme 
ayant  été  tués  en  Belgique ,  deux  oiseaux  très-rares  VIbis 
falcinelle  et  VElanion  ou  Faucon  mélanoptère.  Le  premier 
habite  l’Europe  ,  mais  il  n’a  encore  été  vu  que  trois  fois  en 
Belgique;  le  second,  très-commun  en  Afrique,  est  pris 
pour  la  seconde  fois  en  Belgique. 

Si  on  en  juge  par  le  présent  volume ,  la  Botanique  serait 
en  faveur  au  sein  de  la  Société  du  Hainaut.  Nous  devons 
l’en  féliciter,  et  espérer  que  l’exemple  de  nos  voisins  excitera 
chez  nous  quelque  vocation  au  profit  de  cette  belle  science. 
Car ,  s’il  existe  dans  notre  département  des  successeurs  aux 
Lestiboudois ,  aux  Desmazières  ,  aux  Vandamme,  etc.,  ils 
poussent  l’excès  de  modestie  jusqu’à  ne  pas  faire  part  à  leurs 
concitoyens  des  résultats  de  leurs  découvertes. 

De  la  place  des  Gijmnospermes  dans  la  série  naturelle 
des  végétaux ^  par  M.  Jean  Ghalon. —  Les  conifères  qui 
comprennent  les  arbres  verts  et  résineux  de  nos  climats 
avaient  été  placés  par  Jussieu  parmi  les  Dicotylédones. 
M.  Ad.  Brongniart ,  tout  en  les  laissant  dans  l’embrancbe- 
ment  des  Dicotylédones,  en  fit  avec  quelques  autres  familles 
un  sous-embranchement  spécial  sous  le  nom  de  Gymnos¬ 
permes  parce  que  leurs  ovules  sont  dépourvus  des  enve¬ 
loppes  qui  les  entourent  chez  les  autres  plantes  phanéro¬ 
games.  M.  Chalon  énumère  tous  les  caractères  anatomi- 


(t)  Bulletin,  t.  I ,  p.  56  et  83. 


—  to¬ 
ques  et  organograpliiques  qui  séparent  les  Gymnospermes 
des  Dicotylédones,  et  propose  d’en  faire  une  division  spéciale 
intermédiaire  entre  les  Phanérogames  et  les  Cryptogames. 
Il  ne  cite  aucun  fait  nouveau ,  la  thèse  qu’il  soutient  n’est 
pas  neuve,  mais  il  expose  très-clairement  toutes  les  raisons 
qui  lui  sont  favorables. 

Les  géologues  qui  aiment  à  voir  les  êtres  se  perfectionner 
dans  la  série  des  temps  géologiques  accueilleront  avec  plaisir 
cette  opinion  ,  car  les  Gymnospermes  auxquels  on  rapporte 
maintenant  les  Sigillaria ,  datent  des  premiers  âges  du 
monde  ;  on  les  voit  apparaître  presque  en  môme  temps  que 
les  Cryptogames  et  bien  avant  les  Monocotylédones  et  les 
vrais  Dicotylédones. 

Monographie  des  Peupliers^  par  M.  Alfred  Wesmael.  — 
M.  Wesmael  a  reçu  la  mission  de  rédiger  l’article  Populns 
pour  le  Prodrome.  Il  a  eu  en  sa  possession  tous  les  maté¬ 
riaux  amassés  depuis  un  demi-siècle  par  les  botanistes  du 
monde  entier  qui  tiennent  à  honneur  de  coopérer  à  l’œuvre 
collective  commencée  par  Auguste-Pyrame  Decandolle ,  et 
continuée  avec  tant  de  piété  filiale  par  M.  Alphonse  Decan¬ 
dolle.  Le  plan  du  Proc/rome  écartant  tous  les  détails,  M. 
Wesmael  n’a  pu  y  insérer  ses  nombreuses  observations  ; 
mais  il  a  eu  la  bonne  inspiration  de  ne  pas  en  priver  la 
science ,  et  de  les  réunir  sous  forme  d’une  monographie  qui 
complète  son  premier  article.  Une  première  partie  est  con¬ 
sacrée  à  l’étude  comparative  des  organes  dans  les  diverses 
espèces,  une  seconde  comprend  la  description  des  espèces. 
L’auteur  admet  19  espèces  de  Peupliers  dont  4  sont  origi¬ 
naires  de  nos  pays. 

Nous  reviendrons  ultérieurement  sur  cet  important  Mé¬ 
moire,  nous  préférons  pour  le  moment  parler  d’un  autre 
travail  du  même  auteur  intitulé  :  Notice  sur  la  plantation  des 
jardins  publics.  M.  Wesmael  voudrait  voir  ces  parcs  et  ces 


—  81  — 

squares  ,  que  les  villes  élèvent  maintenant  partout  et  à  si 
grands  frais ,  servir  en  même  temps  à  l’enseignement  de  la 
botanique.  On  s’imagine  qu’un  jardin  botanique  doit  tou¬ 
jours  offrir  un  grand  nombre  de  plates-bandes  étroites , 
séparées  par  des  chemins  plus  étroits  encore ,  plantées 
d’herbes  sans  fleurs ,  et  souvent  même  simplement  d’éti¬ 
quettes.  Cependant  rien  n’est  plus  facile  que  de  disposer 
un  jardin  botanique  comme  un  jardin  d’agrément,  rien  de 
plus  facile  aussi  que  de  faire  servir  un  jardin  d’agrément  à 
l’utilité  de  la  science.  Ce  serait  déjà  un  progrès  considé¬ 
rable  que  d’avoir  pour  chaque  espèce  de  plante  une  étiquette 
où  fussent  marqués  le  nom  et  la  patrie.  M.  Wesmael  croit 
qu’on  peut  faire  plus  encore  :  il  voudrait  que  lesplantes 
d’un  même  massif  fussent  choisies  de  manière  à  représenter 
soit  une  famille  naturelle  ,  soit  la  üore  d’une  région.  Après 
avoir  traversé  les  forêts  américaines  de  Magnolia  et  de  Tu¬ 
lipiers  entrelacés  de  Lianes,  on  irait  quelques  pas  plus  loin 
se  promener  dans  les  bois  sans  ombre  de  l’Australie  ou 
dans  un  parterre  auquel  le  Japon  aurait  fourni  l’Hortensia, 
le  Camélia  ,  le  Bégonia  et  tant  d’autres  ;  l’œil  n’y  perdrait 
rien  et  la  science  y  gagnerait  beaucoup. 

Comme  exemple,  M.  Wesmaeldonne  le  plan  d’un  jardin 
botanique  de  4  hectares ,  planté  d’une  manière  scientifique 
tout  en  lui  conservant  l’aspect  pittoresque  que  l’on  aime  à 
trouver  dans  les  parcs  publics.  Puissent  nos  édiles  et  ceux 
qui  ont  la  charge  de  nos  jardins  s’inspirer  des  idées  de 
M.  Wesmael;  ce  serait  le  meilleur  moyen  de  relever  un  peu 
les  études  botaniques  dont  nous  déplorions  tout  à  l’heure  le 
déclin.  A  notre  époque,  la  science  doit  se  faire  amusante  , 
comme  aussi  le  plaisir  doit  être  instructif.  J.  G. 

SOCIÉTÉ  INDUSTRIELLE  DE  SA.I1NT-QUENTIN  ET  DE  L’AISNE 
Ballelin,  N.°  2;  Janvier  1870 

La  Société  industrielle  de  Saint-Quentin  a  été  fondée  en 


—  82  — 

1869,  elle  se  divise  en  quatre  comités  :  1.®  Physique  et 
Mécanique,  2.°  Chimie  et  industrie  agricoles,  3.o  Commerce 
et  industrie  de  fils  et  tissus,  4.°  Economie  politique  et 
sociale.  Elle  ouvre  des  concours  et  établit  des  cours  dans 
ces  diverses  spécialités,  fait  des  rapports  sur  les  nouvelles 
inventions  et  organise  des  expériences  agricoles. 

Le  second  Bulletin  publié  par  la  Société  contient  les 
programmes  des  cours  et  des  concours  ;  ils  sont  rédigés  dans 
un  sens  essentiellement  pratique  qui  témoigne  de  l’esprit 
judicieux  qui  préside  aux  décisions  de  la  Société. 

Nous  n’insisterons  pas  sur  les  travaux  contenus  dans  ce 
Bulletin  :  un  rapport  sur  le  Régulateur  à  gaz  Giroud  et 
l’exposé  d’expériences  faites  sur  la  valeur  agricole  de  dif¬ 
férents  engrais  pour  la  culture  de  la  betterave.  Le  pre¬ 
mier  a  un  caractère  spécial  que  nous  ne  pouvons  ni  ne 
voulons  introduire  dans  notre  recueil  ;  le  second  pourrait 
donner  lieu  à  quelques  réflexions  scientifiques ,  mais  nous 
attendrons  pour  les  présenter  la  discussion  des  expériences 
que  la  Société  industrielle  nous  promet  dans  son  prochain 
Bulletin.  J.  G. 


BIBLIOGRAPHIE. 

LA  PHOTOGRAPHIE 

SES  ORIGINES,  SES  PROGRÈS  ,  SES  TRANSFORMATIONS 
par  M.  Blanquart-Evrard.  Suile  (i). 

Depuis  quelques  années,  un  procédé  nouveau,  découvert 
par  M.  Poitevin  ,  la  Photographie  au  charbon  ,  tend  à  se 
substituer  à  l’emploi  du  sel  d’argent  parce  qu’il  fournit  des 
épreuves  d’une  inaltérabilité  absolue.  Il  repose  sur  ce  fait 


(9  Bulletin,  t.ii,  p.  G2. 


—  85  — 

que  les  sels  de  chrome  mélangés  à  de  la  gélatine  la  rendent 
insoluble  sous  l’action  de  la  lumière. 

On  étend  sur  une  feuille  de  papier  une  dissolution  de 
gélatine  mélangée  de  charbon  porphyrisé  ,  et  après  l’avoir 
desséchée  on  l’immerge  dans  un  bain  de  bichromate  d’am¬ 
moniaque.  On  obtient  ainsi  un  papier  sensible  sur  lequel  on 
tire  les  épreuves  positives ,  puis  on  enlève  les  parties  non 
impressionnées  par  la  lumière  en  les  lavant  à  l’eau  chaude. 

Le  charbon  jouant  le  rôle  d’un  corps  inerte  et  colorant, 
on  peut  le  remplacer  par  du  graphite ,  de  la  sanguine  ou 
toute  autre  matière  colorante  également  inerte.  C’est  par  ce 
moyen  que  M.  Braun  de  Dornach  a  entrepris  de  publier, 
avec  leur  coloration  primitive,  les  dessins  de  maîtres  con¬ 
servés  dans  les  principales  galeries  de  l’Europe. 

C’est  encore  la  gélatine  bichromatée  qui  a  donné  nais¬ 
sance  à  l’Imprimerie  photoglyptique  exploitée  par  la  maison 
Goupil  de  Paris.  On  étend  sur  une  plaque  de  verre  une  dis¬ 
solution  de  gélatine  mélangée  de  bichromate  de  potasse  ; 
quand  elle  est  sèche ,  on  l’expose  sous  un  cliché  négatif 
pour  recevoir  une  épreuve  positive,  puis  on  la  plonge  dans 
un  bain  d’eau  chaude  qui  mord  la  feuille  de  gélatine  en 
dissolvant  plus  ou  moins  profondément,  selon  la  durée  de 
l’immersion  ,  toutes  les  parties  non  impressionnées.  Non 
seulement  la  gélatine  altérée  par  la  lumière  persiste  et 
dessine  un  relief,  mais  encore  elle  acquiert  une  dureté 
extrême.  On  la  détache  de  la  plaque  de  verre ,  on  la 
place  sur  une  planche  de  métal  d’imprimerie  et  on  com¬ 
prime  avec  un  bloc  d’acier  à  ^  ou  300,000  kilogrammes. 
Le  relief  de  la  gélatine  s’impressionne  dans  le  métal 
d’imprimerie  et  donne  une  planche  en  creux  avec  laquelle 
on  imprime  par  un  moyen  assez  analogue  à  celui  de  l’im¬ 
pression  en  taille  douce. 

Ce  qu’il  y  a  de  plus  remarquable  peut-être ,  c’est  que  la 


—  84  — 

feuille  de  gélatine  formant  relief  n’est  pas  écrasée  par 
l’énorme  pression  qu’elle  a  subie ,  et  qu’elle  est  capable 
defournir  10  à  12  planches  métalliques  aussi  bonnes  que  la 
première. 

'  Mais  il  y  a  quelque  chose  qui  dépasse  encore  toutes  ces 
merveilles.  Cette  image  photographique  si  altérable ,  si 
fugace  ,  on  la  fixe  par  le  feu  ,  on  la  transforme  en  émail  , 
•on  l’imprime  dans  le  verre.  Prodigieux  exemples  de  la 
puissance  du  génie  humain  qui  semble  prendre  à  tâche 
d’effacer  du  Dictionnaire  de  toutes  les  langues  civilisées  le 
mot  impossible. 

Nous  ne  pouvons  suivre  l’auteur  dans  les  détails  où  il 
entre  sur  les  manipulations  assez  complexes  de  cet  art 
nouveau  ;  nous  n’indiquerons  pas  non  plus  les  expériences 
récentes  qui  permettent  d’espérer  qu’on  va  arriver  à  résou¬ 
dre  un  problème  en  apparence  aussi  insoluble  ,  celui  de 
fixer  les  couleurs  à  l’aide  de  la  photographie. 

Nos  lecteurs  en  connaissent  assez  pour  pouvoir  main¬ 
tenant  apprécier  le  service  que  M.  Blanquart-Evrard  a 
rendu  en  exposant ,  avec  la  clarté  ,  la  science  et  l’autorité 
qui  lui  appartiennent ,  les  progrès  que  la  photographie  a 
accomplis  et  les  grandes  choses  que  nous  devons  encore  en 
attendre.  _  J.  G. 

RECHERCHES  SUR  l’eMPLOI  AGRICOLE  DES  RÉSIDUS 
DE  QUELQUES  USINES 

par  M.  Kivoit,  ingénieur  des  mines  ,  et  Edouard Letrange 

ingénieur  civil,  (q 

Il  est  une  foule  de  débris  industriels  qui  peuvent  être 
utilisés  en  agriculture,  tels  sont  les  résidus  de  la  fabrication 
de  la  colle ,  du  sucre ,  de  la  bière  ,  du  cuir  ,  du  gaz  ,  etc, 
MM.  Nivoit  et  Letrange  ont  entrepris,  au  laboratoire  dépar- 


^  (q  In-8°  de  71  pag.  Extrait  des  annales  des  Mines,  XVI.  1860. 


—  85  — 

temenlal  de  chimie  de  Mézières,  l’analyse  de  ces  divers 
engrais  que  Ton  trouve  assez  facilement  à  se  procurer  dans 
nos  régions;  ils  rendent  compte  également  de  quelques 
expériences  destinées  à  faire  connaître  leur  valeur  agricole. 

Au  point  de  vue  de  la  science  pure ,  nous  signalons  leurs 
analyses  des  cendres  minérales  pyriteuses  que  l’on  trouve  à 
plusieurs  niveaux  géologiques  dans  le  département  des 
Ardennes.  Les  auteurs  trouvent  qu’elles  pourraient  être  em¬ 
ployées  avec  avantage  à  la  fixation  des  principes  fertilisants 
contenus  dans  un  grand  nombre  d’engrais  tels  que  eaux  de 
lavage  des  sucreries,  eaux  de  rouissage,  eaux  de  dégrais¬ 
sage  des  laines,  etc.  Déjà  à  Reims  on  épure  les  eaux 
d’égouts  à  l’aide  de  cendres  pyriteuses  et  on  obtient  d’une 
part  un  liquide  parfaitement  clair  que  l’on  peut  verser 
dans  les  rivières ,  d’autre  part  des  boues  qui  constituent  un 
excellent  engrais ,  parce  que  les  cendres  ont  fixé  et  con¬ 
densé  l’ammoniaque  qui  était  en  dissolution  dans  le  liquide. 
Nous  livrons  ces  réflexions  aux  filateurs  de  laine  de  Sains 
et  de  Solre-le-Cbâteau  qui  ont  à  leur  porte  des  dépôts 
assez  importants  de  cendres  pyriteuses.  J.  G. 

EXPOSÉ  DE  LA  LÉGISLATION  COUTUMIÈRE  DE  l’ARTOIS. 
parE.  Lecesne,  avocat,  membre  de  l’académie  d’Arras,  tq. 

L’élude  de  l’ancien  droit,  dépourvue  de  l’intérêt  pratique 
que  présente  une  législation  encore  en  vigueur ,  se  recom¬ 
mande  néanmoins  par  divers  motifs  à  l’attention  de  l’his¬ 
torien  et  du  philosophe.  C’est  surtout  dans  les  lois  d’un 
peuple  que  l’on  découvre  la  physionomie  véritable  qui  lui 
appartient,  et  les  caractères  distinctifs  de  chacune  des 
époques  entre  lesquelles  se  partage  son  existence.  Les  lois 
sont,  à  vrai  dire ,  l’expression  des  mœurs.  Si  l’on  examine 


d)  In -8'*  de  618  pages. 


—  86  — 

les  monuments  juridiques  du  passé,  non-seulement  avec 
une  légitime  curiosité ,  mais  pour  les  comparer  aux  ins¬ 
titutions  qui  les  ont  remplacés ,  que  de  lumières  ces  re¬ 
cherches  impartiales  ne  répandent-elles  pas  sur  la  marche 
de  riiumanilé  ,  en  progrès  sur  un  point ,  en  décadence  sur 
un  autre,  détruisant  très-souvent,  hélas!  au  lieu  d’améliorer. 

Sous  tous  .ces  rapports,  le  droit  coutumier  de  l’Artois 
méritait  une  attention  particulière.  Il  est  peu  de  provinces 
qui  aient  passé  sous  des  dominations  plus  variées  et  qui , 
cependant,  aient  conservé  un  cachet  d’originalité  aussi 
marqué,  singulier  mélange  d’organisation  féodale  et  d’esprit 
de  liberté. 

M.  Lecesne  a  compris  quel  attrait  présentait  un  pareil 
sujet  ;  sans  se  laisser  rebuter  par  la  difficulté  que  des  esprits 
moins  familiarisés  avec  le  droit  auraient  jugées  insurmon¬ 
tables,  il  a  entrepris  de  sauver  de  l’oubli  la  législation  de 
nos  pères.  De  patientes  méditations  lui  ont  permis  de  s’assi¬ 
miler  les  volumineux  in-folio  des  commentateurs  de  la  cou¬ 
tume,  les  ordonnances  des  rois  de  France  et  d’Espagne 
spéciales  à  l’Artois  ,  les  règlements  et  arrêts  du  Conseil  pro¬ 
vincial.  Une  fois  engagé  dans  une  carrière  aussi  vaste ,  il 
était  à  craindre  que  M.  Lecesne  se  laissât  entrainer  à  des 
recherches  de  pure  érudition  qui  auraient  détruit  l’harmo¬ 
nie  d’un  simple  résumé.  Il  a  su  se  borner ,  et  ne  s’est  pro¬ 
posé  de  faire  connaître  la  législation  de  l’Artois  que  par¬ 
venue  à  son  dernier  état,  c’est-à-dire  pendant  la  période  de 
deux  siècles  qui  sépare  la  rédaction  de  la  Coutume  et  la 
Révolution  française. 

O 

Nous  n’entreprendrons  pas  de  suivre  M.  Lecesne  dans 
les  différentes  parties  de  son  travail  ;  ce  serait  substituer  la 
sécheresse  de  l’analyse  à  un  exposé  qui  séduit  l’attention  du 
lecteur,  tant  la  méthode  et  la  clarté  y  abondent.  Constatons 
seulement  que  non  content  d’envisager  les  questions  si 


—  87  — 

variées  et  si  peu  connues  qui  se  rattachent  à  l’état  des  per¬ 
sonnes  ,  à  la  nature  et  à  la  transmission  des  biens ,  à  l’orga¬ 
nisation  judiciaire  et  à  la  procédure,  l’auteur  a  jeté  un 
rapide  coup  d’œil  sur  notre  législation  criminelle,  au  double 
point  de  vue  de  l’instruction  et  des  pénalités.  Il  s’est  ainsi 
montré,  comme  il  le  désirait,  «  aussi  complet  que  possible, 
tout  en  ne  prenant  que  le  sommaire  de  chaque  sujet.  » 

Est-ce  à  dire  que  «  l’exposé  de  la  législation  coutumière 
de  l’Artois  »  soit  tellement  irréprochable  qu’aucune  amélio¬ 
ration  ne  puisse  y  être  introduite  ?  On  n’arrive  point ,  du 
premier  jet ,  à  la  perfection.  Nous  manquerions  aux  devoirs 
d’une  critique  amicale  en  ne  signalant  pas  à  M.  Lecesne 
certains  traits  d’esprit  qui  contrastent  ça  et  là  avec  la  gra¬ 
vité  de  son  style  et  parfois  même  avec  l’impartialité  de  ses 
appréciations  ;  en  ne  lui  disant  pas  qu’à  notre  avis  les  cha¬ 
pitres  si  intéressants  où  il  se  livre  à  l’examen  des  droits 
seigneuriaux  se  rattacheraient  mieux  au  livre  des  biens 
qu’à  celui  des  personnes;  que  dans  ce  dernier  livre ,  il 
conviendrait  de  consacrer  un  chapitre  aux  ecclésiastiques, 
tant  réguliers  que  séculiers  ,  et  de  ne  point  omettre  les 
statuts  qui  régissaient  cet  ordre  privilégié  ;  qu’enfm  à  côté 
des  dispositions  de  la  Coutume  générale  de  l’Artois ,  il  y 
aurait  lieu  de  placer  plus  fréquemment  les  exceptions  tirées 
des  coutumes  locales. 

Ces  légères  critiques  ,  en  les  supposant  fondées  ,  n’en¬ 
lèvent  rien  au  mérite  du  livre  de  M.  Lecesne  :  il  a  sa  place 
marquée  dans  toutes  les  bibliothèques  où  le  Droit  et  l’His¬ 
toire  sont  représentées.  J.  A.  Paris, 

Licencié  ès-lettres ,  docteur  en  droit. 


—  88  — 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

LE  VALMUSE  ET  LES  ROSATI 

Les  bons  habitants  du  Nord  pourront-ils  jamais  croire 
que,  dans  leurs  contrées  peu  favorisées  du  soleil,  ils  ont 
eu  jadis  des  bosquets  hantés  par  les  Muses  et  même  que  ces 
filles  du  ciel  de  la  Grèce  ont  donné  un  nom  aux  impercep¬ 
tibles  vallées  traversées  par  les  canaux  de  la  Scarpe  et  de 
l’Escaut?  La  chaude  mythologie  qui  a  son  berceau  sur  les 
bords  du  Pénée  ou  sur  les  sommets  du  Parnasse  semble , 
au  premier  abord,  assez  dépaysée  par  ici,  et  cependant  il  est 
certain  qu’elle  a  eu  de  fervents  adeptes  parmi  nos  popula¬ 
tions  si  prosaïques  en  apparence  ;  les  preuves  authentiques 
de  ce  fait  ont  été  fournies  dans  plusieurs  publications  qui 
doivent  intéresser  nos  lecteurs. 

M.  le  docteur  Maugin  [Mémoires  de  la  Société  impériale 
d'agriculture^  des  sciences  et  arts  de  Douai  —  année  1866- 
1867  )  nous  parle  de  V Académie  hocagère  du  Valmuse  de 
manière  à  nous  faire  supposer  qu’il  y  a  eu  en  effet ,  vers 
1789,  de  frais  vallons,  des  rivières  ombreuses,  des  prai¬ 
ries  émaillées  que  fréquentaient  des  favoris ,  voire  des 
favorites  d’Apollon ,  domiciliés  dans  le  futur  département 
du  Nord.  Arthur  Dinaux  nous  avait  bien  déjà  dit  quelque 
chose  du  Val  des  Muses  (Valmuse)  dans  ses  Archives  histo¬ 
riques ,  mais  il  était  réservé  au  docteur  Maugin  de  nous 
faire  connaître  plus  intimement  cette  aimable  et  hocagère 
Académie.  Il  en  place  le  siège  à  mi-chemin  de  Douai  et  de 
Cambrai,  dans  la  commune  de  Brunémont,  au  pied  d’un 
petit  coteau  que  surmonte  le  clocher  du  village  et  parmi  les 
détours  de  la  Sensée,  charmant  ruisseau  qui  court  en  ser¬ 
pentant  comme  une  couleuvre  sous  les  saules  ,  les  aulnes  et 
les  peupliers.  Voilà  donc  le  Parnasse  et  voilà  le  Pénée!  Il 


—  89  — 

n’y  manque  plus  que  des  dieux  et  des  poètes.  Ils  y  sont 
venus ,  paraît-il  ;  on  a  raffiné  des  vers  aux  lieux  où  peut- 
être,  si  nous  en  croyons  l’auteur,  on  raffine  autre  chose 
aujourd’hui...!  La  poésie  indigène  y  fleurissait  tant  bien  que 
mal ,  mais  c’était. . .  avant  la  Révolution  ! 

M.  de  Wavrechin  réunissait  dans  son  château,  sous  la 
présidence  de  l’abbé  Roman ,  une  Compagnie  de  Valmu- 
siens  et  de  Valmusiennes  qui,  le  jour  de  leur  réception  , 
abandonnaient  leur  nom  de  famille  pour  prendre  celui 
d’un  arbre  ou  d’une  plante ,  le  Chêne ,  la  Sensitive  ,  VA- 
cacia  ^  le  Chèvrefeuille ,  etc.  On  reconnaît  là  l’influence 
de  la  Rotanique  de  J. -J.  Rousseau.  Chacun  apportait,  soit 
aux  séances  ordinaires  sous  les  bosquets,  soit  dans  la 
grotte  des  divinités  protectrices,  une  pièce  de  vers  qu’on 
signait  du  pseudonyme  convenu.  Sans  doute  c’était  un  jour 
de  douce  émotion  lorsque  la  belle  demoiselle  de  Wavrechin, 
le  Cerisier  ,  devenue  ensuite  M.™®  de  l’Estang,  s'avançait 
les  joues  colorées  par  une  marche  rapide  et  luttant  de  fraî¬ 
cheur  avec  les  cerises  purpurines  qui  ornaient  sa  chevelure 
noire ,  et  lorsqu’elle  était  proclamée  membre  du  Valmuse , 
en  vertu  de  sa  grâce,  je  le  soupçonne,  plus  encore  qiie 
pour  son  talent  poétique.  Ne  recherchons  pas  trop  si 
l’Académie  de  Brunémont  a  beaucoup  gagné  à  findiscrétion 
qui  s’est  permis  d’ouvrir  son  portefeuille  et  de  révéler  ses 
œuvres  ;  mais  admirons  cet  insouci ,  ou  cette  ignorance  du 
lendemain,  qui  s’attache  à  d’innocentes  distractions  juste  à 
la  veille  des  plus  épouvantables  catastrophes.  Il  s’agit  bien 
de  madrigaux  et  de  chansons!  Est-ce  qu’ils  n’entendent  pas 
le  tocsin  qui  sonne  ? 

M.  Maugin,  non  content  de  nous  donner  la  liste  de  la 
plupart  des  sociétaires  du  Valmuse  avec  les  noms  des  végé¬ 
taux  sous  lesquels  ils  étaient  désignés ,  y  joint  de  courtes 
notices  biographiques,  qui  nous  disent  leur  destinée  après 


—  90  — 

la  dispersion  de  la  joyeuse  Académie.  Nous  y  avons  retrouvé 
avec  plaisir  l’excellent  docteur  André-Etienne-Louis  Ta- 
ranget^  dont  la  mémoire  est  chère  à  TUniversité  et  qui,  si 
nos  souvenirs  nous  servent  bien ,  fut  le  premier  Recteur  de 
l’Académie  de  Douai. 

Ici,  au  Valmuse,  il  n’y  a  guère  que  d’obscurs  amoureux 
des  neufs  Sœurs  qui,  pendant  la  tourmente  révolutionnaire, 
ont  été  assez  heureux  pour  passer  inaperçus  ;  à  Arras  il 
n’en  est  pas  de  même.  Anacréon  s’est  fait  Jacobin  ;  le 
chantre  du  rire  et  de  la  joie  à  pris  place  au  Comité  de  Salut 
public.  Si  une  critique  minutieuse  peut  reprocher  à  M.  J.-A. 
Paris ,  dans  son  remarquable  ouvrage  intitulé  la  Jeunesse 
de  Robespierre  et  la  Convocation  des  Etats  -  Générauœ  (^) , 
d’avoir  donné  à  son  vi.^  livre  les  proportions  d’un  hors- 
d’œuvre,  il  faut  avouer  néanmoins  que  ce  chapitre  offre  des 
pages  curieuses  qui  sont  le  complément  de  l’article  d’Arthur 
Dinaux  [Archives  du  Nord  .,  1850).  Les  Rosati  d’Arras  sont 
les  contemporains  du  Valmuse;  l’Association  artésienne  n’a 
peut-être  pas  plus  d’importance ,  mais  quelle  fortune  pour 
elle  d’avoir  eu  le  terrible  Maximilien  dans  ses  rangs  !  Cela 
suffit  pour  la  tirer  du  vulgaire. 

Un  membre  des  Rosati  a  raconté  la  naissance  de  sa  Com¬ 
pagnie  ; 

<r  En  1778,  quelques  jeunes  fous...  projetèrent  une 
»  partie  bachique.  Ils  étaient  encore  pleins  de  la  lecture  de 
»  Chapelle  et  de  Chaulieu;  ils  perdaient  leur  temps,  pour 
»  parler  le  langage  de  ceux  qui  croient  bien  employer  le 
»  leur  auprès  d’une  table  verte,  dans  l’attente  pénible 
»  d’un  hasard  heureux,. . .  ils  faisaient  des  vers.  Il  y  eut 
»  donc  des  couplets  entre  les  rasades  et  des  couplets  en 


(1)  Ouvrage  qui  a  obtenu  le  prix  académique,  partagé  avec  VEütoire 
de  Sénac  de  Mtilhan,  par  M.  Legrand,  de  Valenciennes. 


—  01  ~ 

»  l’honneur  de  Bacchus.  Le  sextuor  bachique  s’exécutait  à 
»  quelque  distance  de  la  ville  sous  un  berceau,  à  côté 
»  d’une  source  qui  baignait  des  Rosiers  fleuris.  L’on  en 
»  dépouilla  quelques-uns  ; . . .  l’ernblême. . .  de  tout  ce  qui 
0  brille  au  monde  nous  inspira  des  impromptus;  ils  furent 
»  gais. . .  Nous  n’abandonncimes  le  théâtre  de  nos  plaisirs 
»  qu’après  nous  être  juré  d’y  revenir  chaque  année,  chanter, 
»  le  verre  à  la  main ,  des  hymnes  à  Flore.  Cette  espèce  de 
»  vœu  fut  religieusement  accompli. . .  et  la  Société  des  Rosati 
»  fut  fondée.  » 

C’est  ainsi  que,  en  1786  ,  M.  Le  Gay ,  avocat  et  membre 
de  l’Académie  d’Arras  ,  faisait  connaître  à  M.  Pierre  Cot  la 
Société  dans  laquelle  il  l’introduisait. 

Si  nous  avions  à  choisir  entre  les  poètes  des  Rosati  et 
ceux  du  Valmuse,  nous  décernerions  certainement  la  palme 
aux  premiers  ;  ceux-ci  ont  parfois  le  souffle  et  l’inspiration, 
les  autres  sont  ordinairement  bien  fades  !  Et  puis  les  Valmu- 
siens  n’ont  pas  un  seul  nom  qui  puisse  lutter  avec  Robes¬ 
pierre  et  Carnot.  Voyez-vous  d’ici  Robespierre,  le  verre  en 
main,  couronné  de  fleurs  ,  célébrant  la  Rose  au  milieu  de 
joyeux  convives,  et  récitant  ces  vers  d’un  Chaulieu  très- 
affaibli  : 


La  rose  était  pâle  jadis 
Et  moins  chère  à  Zéphire , 
Alors  des  parterres  fleuris 
iS’obtenait  point  l'empire. 
Mais  un  jour  Bacchus , 

Au  sein  de  Vénus  , 

Prend  la  fille  de  Flore  ; 
Dans  dos  flots  de  vin 
La  plongeant  soudain 
De  pourpre  il  la  colore. 


Sur  le  visage  de  Cypris 
Quelques  gouttes  coulèrent, 

Et  lors,  parmi  les  tendres  lys 
Deux  roses  se  placèrent  ; 
Grâce  à  ses  couleurs, 

La  rose  ,  des  fleurs 
Désormais  fut  la  reine. 

Cypris,  dans  les  cieux. 
Aussitôt  des  Dieux 
Devint  la  souveraine. 


Remarquons  en  passant  que  Robespierre  avait  la  répu¬ 
tation  (Tun  buveur . (Reau ,  ce  qui  n’avait  pas  empêché 

l’abbé  Herbet ,  en  lui  remettant  le  diplôme  de  Rosati ,  de 
dire  : 


—  9-2  -- 

Vu  qu’il  existe  un  avocat 
Brillant  de  plus  d’une  manière , 

Que  l’on  nomme  de  Robespierre  ; 

Vu  que  d’un  esprit  délicat 
.  Il  a  donné  preuve  très-claire , 

Que  très-souvent  il  sait  lâcher 
Mot  sémillant ,  point  satirique  , 

Quelquefois  décemment  caustique, 

Tel  qu’on  ne  saurait  s’en  fâcher  ; 

Vu  (la  chose  est  facile  à  croire) 

Qu’il  sait  chanter  et  rire  et  boire ,  etc. 

Un  autre  abbé,  le  chanoine  Dumarquez ,  dans  la  descrip¬ 
tion  versifiée  d’une  fête  annuelle  desRosati,  lui  a  consacré 
une  stance  qui  ne  manque  pas  d’originalité,  eu  égard  au 
personnage  qui  en  est  l’objet  : 

Ah  1  redoublez  d’attention  1 
J’entends  la  voix  de  Robespierre  : 

Ce  jeune  émule  d’Amphion 
AUendnrait  une  Panthère  I 

Amphion  vient  ici  bien  à  propos  !  Du  reste ,  quoique 
Maximilien  tournât  le  vers  assez  galamment ,  il  était  loin 
de  posséder  ,  à  en  Juger  par  ceux  que  M.  J. -A.  Paris  a  cités, 
cette  franche  gaîté  ,  cette  verve  spirituelle  qui  convenaient 
à  l’épicurienne  académie  ,  et ,  involontairement ,  en  lisant 
ces  petites  rimes  pas  toujours  riches,  mais  parfumées  et  en- 
rubanées  ,  on  pense  à  93  ;  on  pense  à  M.  Foacier  de  Ruzé  , 
honorable  conseiller  d’Artois,  reçu  le  22  juin  1787  parmi 
les  Rosati ,  chanté  par  la  voix  détonnante  de  Robespierre , 
puis  ,  cinq  ans  après,  figurant  le  premier  sur  la’ liste  des 
suspects  et  mourant  dans  les  prisons  d’Arras  ;  on  pense 
aussi  à  sa  fille  Marie-Thérèse  ,  la  jeune  déesse  à  laquelle 
Robespierre  prodiguait  ses  compliments  affectés ,  finissant 
avec  sa  sœur  Edith  ,  dans  le  même  cachot ,  une  vie  dont  le 
début  avait  été  si  riant. 

Carnot —  officier  du  Génie  à  Arras,  depuis  1783  —  n’est 
pas  un  poète  à  dédaigner  ;  il  y  a  de  f  entrain  et  de  la  grâce 
dans  ses  chansons.  Chez  lui  le  rire  ne  semble  pas  forcé 
comme  chez  son  bilieux  confrère  ;  s’il  boit  le  vin  des  Rosali, 


—  95  — 

c'est  qu’il  l’aime  véritablement  et  non  pas  seulement  pour 
la  forme.  Nous  recommandons  en  parliculier  ses  Couplets  à 
la  fête  des  Roses  de  1787  : 

«  Buvons  outre  mesure,  »  etc. 

Merci  donc  à  M.  J.  A.  Paris  de  son  intéressante  disrression 

O 

qu’il  serait  trop  sévère  de  condamner  dans  son  livre  :  felix 
culpa  î  —  nous  n’avions  pas  cà  nous  occuper  de  la  partie  la 
plus  sérieuse  ;  car  la  Jeunesse  de  Robespierre  a  été  appréciée 
à  sa  juste  valeur  par  un  tribunal  compétent  et  ce  n’est  pas 
nous  qui  nous  inscririons  contre  son  arrêt  ;  il  ne  nous 
appartenait  que  de  montrer  à  nos  lecteurs,  avec  l’aide  du 
docteur  Maugin  et  de  M.  Paris,  deux  curieuses  manifes¬ 
tations  de  l’esprit  poétique  qui  animait  nos  pères,  et  que  la 
Révolution  a  si  brusquement  étouffé.  F.  Chox. 

HISTOIRE  XATURELLE.  —  Oiseüux  amenés  par  les  froids. — 
La  période  de  froid  assez  rude  que  nous  avons  traversée  en 
février  dernier  a  amené,  dans  tous  nos  marais  et  sur  nos 
côtes  maritimes  ,  une  quantité  innombrable  d’oiseaux, 
échassiers  et  palmipèdes,  qui  ont  été  poursuivis  avec 
acharnement  par  une  nuée  non  moins  épaisse  de  chasseurs. 

Pendant  tout  ce  temps,  le  marché  de  Lille  et  nos  mar¬ 
chands  de  gibiers  en  ont  été  abondamment  pourvus  ;  voici 
quelques  notes  résultant  de  l’examen  des  espèces  que  nous 
y  avons  rencontrées. 

Faisons  d  abord  observer  que,  contrairement  à  ce  qui 
arrive  souvent  en  pareilles  circonstances,  aucun  oiseau 
réellement  rare  ne  nous  est  apparu ,  et  nous  n’avons  pas 
entendu  dire  que,  dans  nos  environs,  aucun  amateur  ait 
fait  des  captures  à  citer. 

Le  public  peu  ornithologiste  qui  s’en  rapporte  aux  articles 
de  journaux  sera  peut-être  d’un  avis  contraire,  mais  nous 
l’engageons  à  se  tenir  sur  ses  gardes  au  sujet  des  faits  divers 


—  94  — 

zoologiques  des  feuilles  non  scientifiques.  Le  terme  canard 
doit  provenir  de  quelque  bourde  ornilhologique  inventée 
par  Tune  d’elles. 

Le  Journal  du  Havre  vient  de  se  signaler  en  ce  genre  par 
l’annonce  de  la  capture  d’un  oiseau  très-rare  ,  gros  comme 
un  oie,  ayant  1  mètre  80  d’envergure,  le  premier  de  cette 
espèce  qui  ait  jamais  paru  sur  les  côtes  de  France  !  C’était 
un  Fou  de  Bassan(Su/rt  bassana],  si  peu  rare  sur  nos  rivages 
qu’il  s’y  montre  chaque  année ,  quelquefois  en  grand 
nombre,  et  vient  se  faire  tuer,  à  la  suite  d’ouragans, 
jusqu’aux  environs  de  Lille.  Bâillon  en  recueillit  un  jour  , 
dans  la  baie  de  Somme,  plus  de  deux  cents,  après  un 
violent  coup  de  vent.  Les  côtiers  picards  riraient  bien  s’ils 
lisaient  que  leur  Margot  est  un  oiseau  qui  n’a  jamais  été 
vu  sur  les  côtes  de  France. 

Il  y  a  eu  aussi  dernièrement  l'histoire  de  cet  Aigle  tué 
dans  les  fortifications  de  Lille  ,  et  qui  s’est  trouvé  être  une 
Buse.  Mais  revenons  à  nos  observations. 

Parmi  les  échassiers,  j’ai  remarqué  beaucoup  de  Hérons 
(Ardea  cinerea),  adultes  et  semi  adultes  en  nombre  égal. 
Plusieurs  avaient  la  robe  de  printemps  presque  parfaite. 
Cette  apparition  de  Hérons  n’est  pas  un  passage  propre¬ 
ment  dit,  c’est  plutôt  un  déplacement.  Beaucoup  de  ces 
oiseaux  séjournent  l’biver  dans  les  marais  de  nos  régions 
tempérées.  Ils  y  vivent  solitaires ,  méfiants  et  peu  remuants; 
mais  vienne  une  gelée  qui  les  empêche  de  pécher  leur  pro¬ 
vende  habituelle  ,  ils  se  mettent  en  petites  bandes  et  volent 
çà  et  là  à  la  recherche  des  eaux  non  glacées. 

La  disette  de  poissons  les  affame  quelquefois  au  point 
de  leur  ôter  la  force  de  fuir.  Plusieurs  de  ceux  qui  sont  venus 
à  ]jille  avaient  été  assommés  à  coups  de  bâton. 

Les  Courlis  cendrés  (  Numenius  arcualus  )  n’étaient  pas 
rares,  la  plupart  provenaient  des  côtes.  D’après  les  traités 


—  95  — 

d’ornilliologie ,  ces  oiseaux  seraient  des  passagers  réguliers 
passant  du  Nord  au  Sud  en  novembre,  et  repassant  du  Sud 
au  Nord  en  mars.  Celte  assertion  est  trop  absolue,  une 
portion  reste  dans  les  pays  tempérés  ;  c’est  du  reste  une 
remarque  qui  doit  être  faite  pour  la  plupart  des  oiseaux 
migrateurs ,  échassiers  et  palmipèdes. 

Le  bec  du  Courlis  cendré  varie  beaucoup  en  longueur. 
M.y  anv  ickevort  {Remarques  sur  la  Faune  ornithologique 
de  la  Hollande)  cite  comme  extraordinaire  le  bec  d’un 
individu  mesurant  io  centimètres  1/2,  or  je  viens  d’en 
mesurer  un  de  18  centimètres;  le  plumage  était  en  tout  sem¬ 
blable  à  ceux  des  autres  sujets. 

J’ai  trouvé  quelques  Barges  rousses  (Liniosa  rufa),  tous 
mâles  en  robe  parfaite  d’hiver.  Ceci  infirme  une  obser¬ 
vation  de  M.  de  Meezemacker ,  mentionnée  dans  mon  Cata¬ 
logue  des  oiseaux  du  Nord  de  la  France^  que  jamais  cette 
espèce  ne  se  voyait  pendant  les  grands  froids  ; 

Quelques  Chevaliers  bruns  {Totanus  fiiscus).  Noir  bouil- 
lard  des  chasseurs  picards.  Il  est  à  remarquer  que  cette 
espèce  a  les  pieds  d’un  beau  rouge  en  hiver  et  qu’ils  passent 
au  brun  au  printemps  ;  c’est  le  contraire  de  ce  qui  s’observe 
généralement ,  l’éclat  des  couleurs  augmentant  à  mesure 
qu  approche  l’époque  de  la  pariade  ; 

Bon  nombre  de  Bécasseaux  maubéches  {Tringa  canutus) 
en  robe  complète  d’hiver.  Toujours  même  observation  : 
il  n’est  pas  juste  de  considérer  cet  oiseau  comme  rigoureu¬ 
sement  migrateur; 

Des  Bécasseaux  cincles  (Pelidna  cinclus)  ,  bien  distincts 
de  la  prétendue  race  torquatus  par  leurs  becs  longs  et 
courbés.  Quelque  soit  l’opinion  que  l’on  adopte  dans  la 
controverse  soulevée  au  sujet  de  ces  Pelidna ,  il  reste  bien 
certain  que  les  captures  d’hiver  ne  nous  montrent  jamais 
la  forme  à  becs  courts  et  droits  qui  passe  au  printemps. 


>  —  9G  — 

Beaucoup  d’Huitriers  ou  Pies  de  mer  {  Hœmatopus 

ostralegus  )  ont  été  envoyés  à  nos  marchands ,  des  côtes 

• 

maritimes.  C’est  un  oiseau  sédentaire  qui  trouve  sa  nourri¬ 
ture  à  portée  en  toutes  saisons,  on  ne  peut  expliquer  le 
massacre  plus  grand  qui  s’en  fait  par  les  grands  froids, 
qu’en  supposant  que  l’abaissement  de  température  le 
rend  moins  défiant,  ou  qu’alors  les  chasseurs  sont  plus 
nombreux. 

Je  ne  dirai  rien ,  bien  entendu,  d’une  foule  d’autres  espè¬ 
ces  d’échassiers  qui  se  voient  plus  ou  moins  abondamment 
tous  les  hivers  et  qui  alimentent  régulièrement  les 
marchés,  tels  que  Bécassines,  Raies  d’eau,  Poules  d’eau, 
Foulques,  etc. 

Parmi  les  palmipèdes,  citons  des  Cormorans  (  Phalocro- 
corax  carbo  ) ,  quelques  Cygnes  sauvages  [Cygniis  férus) 
aperçus  au-dessus  de  plusieurs  marais,  sans  direction  déter¬ 
minée,  volant  à  la  recherche  des  eaux  libres. 

Lors  des  premières  gelées  ,  à  la  fin  de  décembre,  deux 
Cygnes  ont  été  apportés  au  marché  de  Lille.  A  en  juger  par 
la  nuance  grise  des  pieds,  ils  appartiendraient  à  l’espèce 
mimutahilis ,  caractérisée  par  la  couleur  des  jeunes  qui 
naissent  blancs  et  par  la  teinte  pâle  des  pieds.  Je  n’ai  pu 
m’assurer  de  leur  provenance  exacte,  mais  le  sable  marin 
que  contenaient  leurs  jabots  prouve  qu’ils  avaient  séjourné 
au  bord  de  la  mer. 

Le  genre  Oie  a  fourni  deux  exemplaires  de  VAnser  bra- 
chy7'hynchus^  Oie  à  bec  court,  mêlés  à  des  Oies  sauvages  et 
à  des  Oies  cendrées.  Cette  espèce  de  l’Oie  à  bec  court,  long¬ 
temps  admise  sans  contestation,  vient  d’être  l’objet  d’une 
note  de  M.  \d.n\N\cke\ooY[(A7xhives  néerlandaises,  tome 
IV).  Cet  ornithologiste  en  fait  une  simple  variété  de  taille 
de  VAnser  segetum;  l’examen  de  plusieurs  centaines  de 
ces  Oies  lui  aurait  démontré  que  l’on  trouve  tous  les  pas- 


—  97  — 

sages  intermediaires  entre  les  plus  grands  individus  à  longs 
becs  et  les  plus  petits  à  becs  courts  et  épais.  Ce  raison¬ 
nement  est  spécieux; mais  il  estime  autre  différence  dont  M. 
Van  Wickevoort  ne  parle  pas  et  qui  sautait  aux  yeux  dans 
l’examen  que  je  viens  de  faire,  c’est  la  couleur  des  pieds. 
Ils  sont  d’un  rouge  rose  dans  le  hrachyrynchiis ,  d’un 
rouge  orangé  bien  caractérisé  dans  le  segetum  ;  la  question 
ne  me  parait  donc  pas  résolue. 

Nous  avons  encore  trouvé  des  Gravants  {Bernicla  hrenta); 
toujours  les  froids  rigoureux  en  amènent  ;  des  Bernaches 
(Bernicla  leucopsis) ,  bien  plus  rares  que  les  premiers.  Je 
ne  sais  pourquoi  VOrnithologie  européenne  de  Degland 
donne  le  leucopsis  comme  plus  commun  que  le  hrenta  dans 
nos  départements  du  Nord.  J’ai  toujours  observé  le  con¬ 
traire;  pour  dix  hrenta  il  vient  à  peine  un  leucopsis. 

Les  Canards  que  j’ai  trouvés  en  plus  grand  nombre  sont, 
comme  toujours,  les  Siffleurs  (Mareca  penelope).  C’est 
invariablement  le  plus  commun  des  douze  ou  quinze 
espèces  qui  alimentent  les  marchés.  Il  descend  en  octobre, 
et  si  l’hiver  n’a  ni  gelée  ni  neige,  on  ne  le  voit  plus  qu’à 
la  remonte ,  en  Mars  ;  mais  si  le  froid  se  déclare  un  peu 
fortement,  ou  si  la  neige  tient,  aussitôt  il  apparaît  en 
masse.  J’ai  observé  cette  année  une  proportion  égale  de 
mâles  et  de  femelles  ;  les  très-adultes  sont  toujours  rares. 
Degland  indique  chez  le  mâle  adulte  des  mouchetures  tirant 
sur  le  pourpre  à  la  poitrine  ;  ce  sont  plutôt  des  restes  de  la 
grivelure  du  jeune  ,  je  n’en  ai  jamais  vu  aux  individus  tout 
à  fait  vieux  ayant  les  autres  indices  d’un  âge  avancé. 

Viennent  ensuite ,  en  nombre  à  peu  près  égal ,  le  Canard 
garot  (Clangula  glaucion)  presque  tous  jeunes  mâles  ou 
femelles;  le  Canard  sauvage  (Anas  hoschas) ,  le  Canard 
morillon  (Fuligula  cristata),  plus  de  jeunes  que  d’adultes  ; 
le  Canard  pilet  {Dafila  acuta)  ;  le  Canard  milouin  {Fuligula 


—  98  — 

ferina)^  offrant  tous  les  passages  de  plumage  du  jeune  au 
vieux  des  deux  sexes ,  mais  jamais  avec  la  netteté  de  nuance 
dans  le  roux  de  la  tête  et  le  noir  du  cou  que  Ton  voit  en 
mai  aux  individus  des  jardins  zoologiques. 

'L'Ornithologie  européenne  dit  de  cette  espèce  :  elle  dispa¬ 
rait  avec  les  gelées  ;  le  contraire  eut  été  bien  plus  vrai. 

La  Sarcelle  d’hiver  [Querquedula  crecca)  a  fourni  un 
fort  contingent  ;  la  Sarcelle  d’été  [Querquedula  circia)  s’est 
montrée,  comme  habituellement,  moins  nombreuse. 

Le  Souchet  et  le  Chipeau  (  Spatula  clypeata  et  Chau- 
lelasmus  strepera)  étaient  presque  rares  ,  bien  que  dans  les 
passages  normaux  d’automne  et  de  printemps  nous  les 
voyons  souvent  communs. 

En  revanche  le  Milouinan  (  Fuligula  marila  )  abondait , 
bien  qu’il  soit  quelquefois  plusieurs  années  sans  paraître 
à  Lille ,  ce  qui  s’explique  par  ses  mœu?s  presque  exclusi¬ 
vement  maritimes. 

J’ai  trouvé  un  seul  Canard  de  Miquelon  (  Harelda  gla- 
cialis)  et  deux  Tadornes  (Tadorna  Bellonï). 

On  a  tué  beaucoup  de  Harles  bièvres  (Mergus  mer- 
ganser)  ;  plusieurs  mâles  avaient  la  livrée  parfaite  ;  les 
femelles  étaient  plus  communes.  Même  remarque  pour  le 
Harle  huppé  [Mergus  serrator).  La  comparaison  que  je 
viens  de  faire  de  beaucoup  de  femelles  de  ces  deux  espèces 
m’a  prouvé  que  la  différence  tirée  du  miroir  blanc  des  ailes 
est  à  rejeter ,  la  barre  noire  ou  grise  se  montre  chez  l’un  et 
chez  l’autre  avec  plus  ou  moins  de  netteté. 

Le  Harle  piette  (  Mergus  albellus  )  était  aussi  commun  , 
il  y  avait  moins  d’adultes  que  de  jeunes. 

Enfin  citons  en  terminant  deux  Grèbes  esc]avons(Poc?^cep5 
auritus),  en  livrée  d’hiver  ,  trouvés  par  M.  Deschodt  au 
marché  St-Nicolas ,  c’est  une  capture  intéressante  qui  ne  se 
renouvelle  que  de  loin  en  loin ,  d’ailleurs  sauf  le  Castagneux 


—  99  — 

toutes  les  espèces  de  Grèbes  deviennent  déplus  en  plus  rares 
dans  nos  environs ,  les  passages  ont  sans  doute  pris  une 
autre  direction.  •  A.  de  Norguet. 


CHRONIQUE. 

Cliansoii  de  ]fIadoulet.  —  A  propos  des  considé¬ 
rations  présentées  par  notre  collaborateur  M.  Chon  sur  les 
Chants  et  les  Chansons  du  Gambrésis,  recueillis  par  M. 
Durieux  (^)  ,  cet  auteur  nous  communique  les  réflexions 
suivantes  : 

«  Je  ne  connais  pas  le  journal  de  l’infortuné  lieutenant 
Bellot  et  le  fait  que  vous  me  signalez  corrobore  l’opinion 
émise  dans  rintroduction  de  ma  deuxième  série  ,  touchant 
l’origine  commune  —  je  devrais  dire  unique  —  de  chants 
différents  semblables  par  le  fond  et  dont  l’identité  de  forme 
n’est  point  parfaite. 

Si  Madoulet  en  valait  la  peine,  bien  que  l’on  m’en  eût 
indiqué  l’auteur ,  ou  l’un  des  auteurs ,  né  à  Cambrai  même, 
je  n’hésiterais  pas ,  sur  votre  observation ,  à  reconnaître  à 
Lille  des  titres  à  la  paternité  de  cette  sottise,  le  mot  sergent 
ayant  trop  rarement  chez  nous  le  sens  que  lui  donne  la 
chanson.  Mais,  en  y  réfléchissant,  peut-être  Douai  viendrait- 
il  à  son  tour  réclamer  une  part  aussi  de  cette  paternité  à 
cause  de  ce  vers  ; 

«  In  jiirrot  ch'riionime  dTier  !  » 

comparaison  évidemment  empruntée  à  une  enseigne  in¬ 
connue  dans  la  cité  de  Martin  et  3Iartine,  et  que  l’on  retrouve 
dans  l’une  des  rues  de  la  ville  de  Gayant. 

Pourvu,  ce  que  j’ignore,  que  Lille  n’ait  point  eu  aussi  , 
ou  n’ait  point  encore  son  «  homme  de  fer?  »  En  tous  cas 
l’idiome  de  mon  Madoulet  est  bien  du  Cambrésien  pur.  » 


(b  Bulletin  ,  t.  I ,  p.  401 . 


—  100  — 

Nos  lecteurs  nous  sauront  peut-être  gré  de  leur  donner  la 
Chanson  de  Madoulet  dans  l’idiome  Gambrésien  : 

J’ai  vu  à  Kimbré  demie  r’mint, 

A  Saint- Sépurque  un  gros  sergint, 

Quand  j’y  pins’  je  m’  grinche  G); 

J’barbotos  tout  bas  dins  min  cœur, 

N’est-jou  point  là  un  gros  signeur, 

Ou  bin  un  gros  princlie  ? 

A  tous  ches  gins  j’ai  demindé  : 

Gh’ti-là  là-bas,  qui  porte  épée, 
l’paraît  ben  riche  ? 
l’s  m’ont  répondu  si  clrôl’mint  : 

«  C’hest  Madoulet  qu’il  encaclie  ches  quiens 
»  Hore  d’no  églisse.  » 

Il  a  un  biau  habit  tout  bleu , 

Qu’i  n’y  a  pas  grimment  d’monsieu’s 
Pou’  n’avoir  un  pareile  : 

Il  est  tout  couvert  d'rubins  d’sus , 
l’n’y  en  a  tout  d’qu’à  sin  c. . . 

In  dirot  c’biut’nint-colonele  (2). 

II  a  des  maron’s  a  sin  c. . . 

All’s  sont  tout’s  couleure  d’ fu , 
l’n’a  bin  à  rire  ; 
l’peut  aller  a  ch’bos  tout  seu , 

I  n’arot  pas  peure  d’cbes  leups  : 

ries  f’rot  tous  infuire. 

Quind  i’marcbe  in  procession  , 
l’fait  ringer  tous  ches  garcbons , 

Aveuque  s’n’all’barte  ; 

Et  si  qu’i’  savincb’tent  d’trop  près , 

Vite  i  met  s’main  eu’d’ssus  s’n’épée  : 

Ils  s’enfuit’nt  au  pu  rate  (3)  1 

Quind  cli’l’homm’là  qu’il  est  d'gardc  à  ch'chœur 

II  est  r’wétié  eiid’sin  pasteur 
Et  d’ses  deux  vicaires  ; 

Alors  y  fait  l’doubel  minton, 

I  s’tient  rait’  tout  comme  un  bâton  : 

In  jurrot  clEPhomme  d’fierôl  (?) 

Quind  y  vos  marche  l’pas  frinçais 
N’dirot-on  point  qu’il  a  été 
Longtimps  au  service  ? 

Vos  s’rot’s  pourtint  bin  attrapé , 

Car  y  n’a  mi  jamais  été 
Soldat  de  milice. 


(1)  Frissonne;  —  (2)  Lieutenant-Colonel  ;  —  (3)  Vite  ;  —  (^)  Regardé. 


s 

9 

D 

t 


FEVRIER 
année  moy. 
3.°  0o8 


—  101  — 

llécéorolog^ie.  Mois  de  Février  1870  : 

FÉVRIER 
1870 

Température  moyenne .  0.°  443 

2)  des  minima . — 2.°  38 

2)  des  maxima .  3.°  27 

extrême  minima,  le  12. — 13."  00 
»  maxima,  le  28.  14.°  70 
Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.°. . . .  7o7™“489 
»  hauteur  extrême  minima ,  le  24.  748”'“73 
î  D  D  maxima ,  le  12. .  766““70 

Tension  de  la  vapeur  atmosphêr .  3”'”83 

Humidité  relative  moyenne .  79.0  7„ 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  18““12 

2)  de  couche  d’eau  évaporée. . . .  28““76 

La  température  atmosphérique  fut  assez  douce  pendant 
les  sept  premiers  jours  de  février  ;  le  vent  soufflait  avec 
force  du  S.-S.-E.  ;  le  8  après  une  neige  continue  mais  peu 
abondante  ,  nous  la  voyons  tomber,  à  minuit ,  à  —  3.°  3, 
vent  d’E.  fort.  Dès  le  9  le  vent  passe  au  N.-E.  et  souffle 
avec  une  grande  énergie ,  il  conserve  la  même  direction  et 
la  même  force  jusqu’au  20.  Pendant  ces  onze  jours  la  gelée 
fut  très-intense. 


760?’”  379 


4?“  388 
83. 9X 

43?“  07 
20?“  82 


Le  20  le  vent  passe  au  N.-N.-O  et  successivement  incline 
vers  le  S. ,  où  il  reste  jusqu’à  la  fin  du  mois.  • 

Il  gèle  encore  un  peu  la  nuit,  mais  pendant  le  jour  la 
température  ne  cesse  de  s’accroître ,  et  le  28 ,  atteint  le 
maximum  14."  7  ;  différence  27.°  7  entre  cette  dernière  et 
le  minimum  du  12  ,  —  13.°  0. 

Pendant  la  période  de  gelée  et  de  vent  N.-E.  le  baro¬ 
mètre  resta  généralement  au  dessus  de  760.“*"  00  ;  aussi  y 
eut-il  absence  de  neige  ;  on  n’observa  une  dépression  de  la 
colonne  barométrique  que  pendant  le  premier  et  le  dernier 
septénaire ,  alors  que  les  courants  supérieurs  venaient  du 
S.-O. ,  néanmoins  les  oscillations  furent  brusques  comme  on 
le  remarque  ordinairement  en  février. 


—  102  — 

Malgré  l’abaissement  de  la  température,  l’évaporation 
fut  singulièrement  activée  par  la  sécheresse  et  la  force  du 
vent  N.-E.  ;  aussi  la  voyons-nous  atteindre  un  chiffre  bien 
supérieur  à  celui  du  mois  correspondant ,  année  moyenne , 
avec  une  température  plus  élevée. 

Dans  ces  conditions  météoriques  la  tension  de  la 
vapeur  d’eau  atmosphérique  fut  au-dessus  de  la  moyenne 
ainsi  que  l’humidité  relative.  Les  brouillards ,  quoique  au 
nombre  de  vingt-cinq  ,  furent  très-légers  et  les  rosées  rares 
et  très-faibles  ;  il  n’y  eut  que  cinq  gelées  blanches. 

La  quantité  de  neige  tombée  en  quatre  jours  a  four¬ 
ni  après  la  fonte  une  couche  d’eau  d’une  épaisseur  de 
8.""“  3.  Pendant  toute  la  gelée  ,  la  terre  resta  découverte, 
le  21  seulement  de  dix  heures  du  soir  à  minuit ,  elle  reçut 
une  couche  de  neige  d’une  épaisseur  de  deux  centimètres 
qui  se  fondit  le  lendemain  23,  jour  où  le  dégel  se  prononça. 

Il  ne  tomba  de  la  grêle  qu’une  seule  fois  ,  le  8  ,  dans  la 
matinée.  V.  Meurein. 

Température  observée  à  Landrecies  pendant  le  mois  de 
février  1870.  —  Sur  les  28  jours  composant  le  mois  de 
février,  la  température  observée  le  matin  entre  6  et  7 
heures  n’est  restée  supérieure  au  point  de  congélation  que 
pendant  8  jours  ;  la  température  0.°  a  été  observée  4  jours  ; 
et  pendant  16  jours  elle  s’est  maintenue  au-dessous  de  0.° 

Le  froid  a  paru  d’autant  plus  vif  que  la  température , 
assez  douce  pendant  les  o  premiers  jours  du  mois ,  s’est 
abaissé  subitement  de  —  3.°  o  à  —  12.  ’  o  (  les  9  et  10)  ;  le 
lendemain  11,  on  n’a  eu  que  —  10.°  o  ;  mais  le  12,  la  tem¬ 
pérature  atteignait  —  14.°  C’est  le  maximum  observé.  Les 
jours  suivants  le  froid  a  diminué  pour  se  relever  de  nouveau 
le  17  et  atteindre  —  10.°  o.  Enfin  après  quelques  variations, 
le  thermomètre  s’est  élevé  au-dessus  de  0.°,  et  a  atteint  en  3 
jours ,  du  26  au  28  ,  une  température  chaude  ,  + 


—  103  — 


Si  on  compare  ce  mois  à  celui  des  années  antérieures  on 
lui  trouve  de  très-grands  rapports  avec  février  18oo.  Et 
d’abord  ,  je  ferai  remarquer  qu’en  1870 ,  il  y  a  eu  en  janvier 
une  période  de  15  jours  (  du  17  au  31  )  pendant  laquelle  le 
thermomètre  a  varié  de  0.°  à  —  9.»  5. 

En  janvier  1855,  le  thermomètre  a  varié  de  O.^à  —  7.° 5 
pendant  16  jours  et  en  février  de  0."  à  —  14.%  pendant  17 
jours.  Ce  minima  —  14.°  s’est  présenté  deux  fois  en  février 
1855,  les  17  et  19. 

Il  y  a  comme  on  le  voit ,  une  très-grande  analogie  entre  la 
température  du  mois  de  février  des  années  1870  et  1855. 


FÉVRIER 

FÉVRIER 

FÉVRIER 

1870 

1855 

moyenne  de 
24  ans 
1847-70 

Température  moyenne 

1 

O 

© 

QO 

1 

0 

3.0 10 

ï  maxima 

O 

20 

O 

7. 

14.0  50 

D  minima 

-14.0 

-14.° 

-14.0 

Moyenne 

annuelle 


10.û23 
33.0  50 
—20. 0 


Quoique  rigoureux  les  hivers  de  1855  et  de  1870  ne  sont 
pas  ceux  où  la  température  la  plus  basse  a  été  observée. 

De  1847  à  1869  la  température  s’est  abaissée  3  fois  à  —  20 
degrés  et  6  fois  au  dessous  de  12.° ,  la  moyenne  des  minima 
sur  les  22  années  étant  —  11.°  1 . 


Le  26  décembre  1853  —  20. 
Le  19  id.  1859—  20. 
Le  9  janvier  1861  —  20. 
Le  22  id.  1867  —  17. 
Le  19  id.  1855—  15. 


Le  7  janvier  1868 —  14.® 
Le  28  id,  1848  -  13.°  5 
Le  27  décembre  1864  — 13.® 
Le  7  janvier  1858  —  12.o 


Le  plus  grand  écart  entre  les  températures  d’hiver  et  d’été 
est  de  53  degrés  centigrades  ;  on  l’a  observé  en  1859  : 

Le  18  juillet  le  thermomètre  marquait  +33.°,  et  le  19 
décembre  -20."  :  différence  53. o 


L’écart  le  plus  faible  a  été  constaté  en  1851  ;  il  est  de  32.° 
L’écart  moyen  des  températures  d’hiver  et  d’été  sur  les 
23  années  est  de  41."  5. 


—  104  — 

Je  termine  cette  note  en  disant  que  les  quantités  de  pluies 
annuelles  varient  de  0.""  399  à  1."™  141  ;  et  que  la  moyenne 
des  23  années  est  0.™  778  ,  l’altitude  du  lieu  d’observation 

étant  à  139.“  66  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

L.  Brochet. 

La  dernière  phrase  de  la  note  de  M.  Brochet  mérite  quel- 
qu’attention.  La  moyenne  d’eau  pluviale  de  Landrecies , 
778  mil. ,  est  bien  supérieure  à  celle  de  Lille  ,  676  mil. ,  et 
même  à  celle  de  Douai.  Dans  le  compte-rendu  des  obser¬ 
vations  météorologiques  de  M.  Offret  (^) ,  on  a  vu  que  la 
quantité  moyenne  de  pluie  tombée  à  Douai  d’après  le 
résultat  de  3  années  (1865-67)  est  de  687  mil.  Mais  ces  3 
années  furent  relativement  très-pluvieuses ,  leur  moyenne 
à  Lille  est  de  753  mil.  ;  si  on  applique  la  même  pro¬ 
portion  pour  calculer  la  moyenne  générale  de  Douai ,  on 
trouve  614  mil. ,  presque  la  même  quantité  qu’à  Londres. 
Le  climat  de  Douai  serait  donc  moins  pluvieux  que  celui  de 
Lille ,  c’est  ce  que  démontrent  du  reste  les  quantités  de 
pluies  annuelles. 

La  même  explication  ne  peut  pas  servir  pour  Landrecies. 
Les  observations  de  M.  Brochet,  datent  de  23  ans  ,  et  les 
quantités  de  pluies  annuelles  sont  de  beaucoup  supérieures 
à  celles  de  Lille  et  de  Douai.  Si  on  compare  les  quantités  de 
pluies  annuelles  ,  on  trouve  que  c’est  l’hiver  qui  est  parti¬ 
culièrement  plus  humide  à  Landrecies  qu’à  Lille ,  car  le 
rapport  des  moyennes  annuelles  est  de  1  , 15  à  1 ,  tandis 
que  le  rapport  des  pluies  hibernales  est  pour  1867-68  de 
1,4  à  1  et  pour  1868-69  de  1 ,  7  à  1.  C’est-à-dire  que  pendant 
l’hiver  dernier  il  est  tombé  presque  le  double  plus  d’eau  à 
Landrecies  qu’à  Lille.  Quelle  en  est  la  cause  ?  Serait-ce  le 
voisinage  de  la  foret  de  Mormale  ?  C’est  une  question  qui 
nous  semble  devoir  intéresser  les  météorologistes.  J.  G. 


(9  Bulletin ,  t.  i.  ,  p.  378. 


Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQUEL -CASTIAUX  ;  GRANDE  PLACE;  13 


2.'  Année.  —  N.”  4.—  Avril  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  HISTORIQUE,  ARCHÉOLOGIQUE  ET  LITTÉRAIRE 
DE  LA  VILLE  d’yPRES  ET  DE  l’aNCIENNE  WEST  -  FLANDRE, 
Annales,  t.  iv,  l."* et 2.* livraisons. 

Fondée,  il  y  a  neuf  ans  à  peine,  celte  Société  a  déjà  pleine¬ 
ment  justifié  sa  raison  d’être  que  M.  Diegerick  avait  si  bien 
expliquée  lors  de  la  Séance  solennelle  où  elle  fut  définiti¬ 
vement  constituée  (^).  <r  De  toute  la  Flandre,  disait  le 
savant  archiviste  d’Ypres,  la  partie  connue  sous  le  nom  de 
West-Fland  re  est  celle  qui  a  été  le  moins  explorée  ;  et  cepen¬ 
dant  elle  est  loin  d  etre  la  moins  importante  sous  le  rapport 
de  ses  institutions  et  de  ses  souvenirs  historiques.  Ses  ar¬ 
chives  peuvent  compter  parmi  les  plus  importantes  du  pays 
entier  ;  sa  position  géographique  en  a  fait  de  tout  temps 
un  boulevard  avancé  contre  la  France,  et  ses  luttes  héroïques 
contre  celte  puissance  ,  au  moyen  -âge  ,  ont  plus  d’une  fois 
sauvé  le  reste  du  pays  d’une  ruine  complète  ;  prise  et  re¬ 
prise  tour-à-tour ,  elle  a  constamment  subi  toutes  les  vicis¬ 
situdes  de  la  guerre  et  de  la  conquête  ;  et ,  nous  ne  crai¬ 
gnons  pas  deFavancer,  nulle  partie  de  la  Flandre  n’est 
plus  riche  en  épisodes  dramatiques,  en  souvenirs  de  gloire 
et  de  deuil.  Oui,  toute  cette  partie  de  la  Flandre  est  un 
terrain  vierge  pour  l’historien  ;  le  champ  des  découvertes 
est  vaste ,  immense ,  et  nulle  part  les  documents  ne  sont 
plus  nombreux.  » 

Les  talents  et  les  volontés  n’ont  pas  fait  défaut  à  cet  appel 
au  travail.  Aujourd’hui  le  personnel  administratif  de  la 
Société  est  composé  comme  suit  : 


d)  Le  4  avril  1861. 


—  106  — 

Président:  M.  Vandenpeereboom ,  Alphonse,  ministre 
d’Etat ,  membre  de  la  Chambre  des  Représentants; 

Vice-Président  :  M.  Bœdt,  Pierre,  conseiller  communal , 
chevalier  de  l’Ordre  de  Léopold; 

Secrétaire-général:  M.  Diegérick,  Isidore,  archiviste  de 
la  ville,  chevalier  des  Ordres  de  Léopold  et  de  la  Couronne 
de  Chêne  des  Pays-Bas  ; 

Membres  du  Conseil  d' Administration  : 

M.  Beke,  Joseph,  Avocat  ; 

M.  Beke,  Pierre,  membre  de  la  Chambre  des  Repré¬ 
sentants,  bourgmestre  d’Ypres,  chevalier  de  l’Ordre  de 
Léopold  ; 

M.  Coppieters  ,  Henri ,  chevalier  de  l’Ordre  de  Léopold  ; 

M.  Van  Heule,  Louis ,  échevin  de  la  ville  d’Ypres. 

Le  volume  que  nous  avons  sous  les  yeux  contient  les 
travaux  suivants  : 

Le  Noordsche  Balk  du  Musée  communal  d'Ypres,  par 
M.  Edmond  Vanderstraeten  ,  avec  une  planche.  —  C’est  la 
description  d’un  instrument  de  musique  généralement  in¬ 
connu  de  nos  jours;  l’auteur  le  croit  originaire  des  Pays- 
Bas  septentrionaux.  C’est  une  sorte  de  guitare  de  forme 
rectangulaire  ,  longue  de  1  m.  SO  et  large  de  0  m.  15.  Il 
possède  huit  cordes  dont  quatre  donnent  à  vide  ,  à  titre  de 
pédales  basses  ;  les  autres  sont  tendues  au-dessus  d  un  clavier 
de  vingl-et-une  touches  et  paraissent  destinées  à  exécuter  la 
mélodie.  L’instrument  se  pinçait  exclusivement  à  l’aide  du 
pouce  ou  d’un  plectrum.  Il  y  a  un  siècle ,  il  se  trouvait 
encore  entre  les  mains  des  ménétriers  flamands ,  et  ses 
vibrations  d’un  caractère  âpre  et  strident  s’accommodaient 
fort  bien  d’une  fêle  tapageuse  ou  d’une  kermesse. 

M.®  Jehan  Yperman ,  le  père  de  la  chirurgie  flamande 
(1297-1329) ,  parM.  I.  Diegerick.  —  C’est  la  reproduction 
complétée  d’un  article  qui  avait  déjà  paru  en  1859  dans  les 


—  107  — 

Annales  de  la  Société  de  Bruges.  M.  le  docteur  Snellaert 
s’était  aussi  occupé  de  la  biographie  de  ce  célèbre  médecin, 
né  à  Ypres  ou  tout  au  moins  fils  d’un  poorter  de  cette  ville. 
Il  écrivit  un  Traité  de  chirurgie,  que  M.  le  docteur  Carolus 
a  réédité  il  y  a  quelques  années ,  et  dans  lequel  il  nous 
apprend  lui-même  qu’il  pratiquait  la  chirurgie  à  Ypres  et 
dans  les  environs,  et  qu’il  étudia  son  art ,  sous  Lanfranc, 
de  Milan  ,  qui  professait  en  129o  avec  éclat  à  Paris.  —  La 
notice  de  M.  Diegerick  est  suivie  d’une  ode  en  vers  fla¬ 
mands  sur  ce  même  personnage,  écrite  par  M.  Lafaut,  pro¬ 
fesseur  au  collège  communal  d’Ypres. 

Entrée  du  Prince  de  Ligne  à  Ypres  (1749),  par  M.  Ed. 
Vandenbogaerde.  —  A  l’issue  de  nombreuses  contestations 
politiques,  plus  ou  moins  désastreuses  pour  le  pays,  les 
Pays-Bas  échurent,  par  le  traité  d’Aix-la-Chapelle,  à  Marie- 
Thérèse  d’Autriche  et  peu  après  que  le  duc  Charles  de  Lor¬ 
raine  eût  fait  sa  rentrée  à  Bruxelles,  le  Prince  de  Ligne, 
monseigneur  Claude  Lamoral,  vint  à  Ypres  prendre  pos¬ 
session  de  la  ^Yest-Flandre,  au  nom  de  l’Impératrice  [le  1." 
octobre  1749).  L’allégresse  était  générale.  L’auteur  décrit, 
dans  ses  plus  minutieux  détails,  le  cérémonial  de  la  fête 
et  la  prestation  du  serment  qu’il  fait  suivre  de  quelques 
réflexions  fort  justes  sur  la  portée  de  cet  acte  si  différent 
alors  de  ce  qu’il  était  au  moyen-âge  du  temps  des  com¬ 
munes  et  de  ce  qu’il  est  devenu  depuis. 

L'atelier  monétaire  d’Ypres,  par  M.  Ch.  Piot  (avec 
deux  planches).  La  ville  d’Ypres  eut-elle  son  ateliermc- 
nétaire  dès  l’an  1127,  époque  où  elle  obtint  un  marché? 
l’auteur  penche  pour  l’affirmative ,  du  moins  il  croit  pouvoir 
faire  remonter  la  numismatique  de  cette  cité  au  delà  du 
règne  de  Philippe  d’Alsace,  comte  de  Flandre.  Il  examine 
et  discute  ensuite  une  monnaie  qu’il  attribue  à  ce  prince  ; 
puis  il  envisage  successivement  celles  de  Marguerite  d’Al- 


108  — 

sace  et  de  son  époux  Baudouin  VIII  (1191-1194);  de  Bau¬ 
douin  IX  (1194-1206)  ;  de  Jeanne  et  Fernand  de  Portugal 
(1206-1244)  ;  de  Marguerite  de  Constantinople  (1244-1280)  ; 
de  Gui  de  Dainpierre  (1280-1305)  ;  de  Jean  de  Namur 
(1302-1303)  et  de  Philippe  de  Thiette  (1303-1304)  ;  ces 
deux  derniers  étaient  les  fils  de  Gui  et  administrèrent  le  pays 
pendant  la  captivité  de  leur  père. 

Le  théâtre  villageois  en  Flandre,  par  M.  Edm.  Vanders- 
Iraeten  (avec  une  planche).—  Ce  travail  est  le  plus  considé¬ 
rable  du  volume  qui  nous  occupe  ,  et  encore  n’y  est-il  pas 
renfermé  tout  entier.  L’auteur,  croyons-nous,  a  raison  de  lui 
donner  toute  l’étendue  qu’il  promet  ;  son  champ  est  vaste  , 
et  en  pareille  matière  l’intérêt  consiste  surtout  dans  les 
détails  et  les  faits  locaux.  M.  Vanderstraeten  embrasse 
dans  son  étude  la  portion  territoriale  qui  forme  la 
Flandre  actuelle.  Semblable  travail  concernant  la  partie 
flamande  de  la  France  avait  été  produit  il  y  a  une  dizaine 
d’années  par  M.  l’abbé  Carnel  (^).  Nous  posséderons  donc 
une  monographie  assez  complète  de  l’Art  dramatique  popu¬ 
laire  étudié  sur  les  lieux  mêmes  où,  dès  le  moyen-âge 
jusqu’à  nos  jours,  il  n’a  cessé  d’être,  plus  que  partout 
ailleurs  ,  une  tradition  visible  des  instincts  d’une  nation,  et 
un  véhicule  puissant  de  l’idée  patriotique. 

.  En  Flandre  ce  furent  les  Sociétés  de  Rhétorique  qui ,  dès 
le  XV.®  siècle,  s’emparèrent  de  l’élément  théâtral  alors  qu’il 
sortit  des  églises  où  longtemps  auparavant  il  avait  pris 
naissance.  Il  tomba  en  bonnes  mains,  et  se  sauva  ainsi  de 
la  boue  des  rues  et  des  places  publiques  dans  laquelle,  en 
France  et  à  Paris  même ,  il  continua  de  se  vautrer  long¬ 
temps  encore.  Les  Sociétés  ou  Chambres  de  Rhétorique,  en 
se  constituant  fortement  elles-mêmes,  constituèrent  le 


C)  Annales  du  Comité  flamand  de  France,  t.  v. 


—  109  — 

théâtre  et  en  firent  non-seulement  un  moyen  d’amusement, 
mais  d’émulation  et  de  progès  national. 

Déjà  au  XVI. «  siècle,  presque  tous  les  bourgs  et  les 
villages  du  pays  avaient,  comme  les  villes,  leurs  Sociétés 
de  Rhétorique  et  leur  théâtre.  Il  y  avait  des  concours  où  se 
déployait  parfois  une  pompe  grandiose.  Mais  des  revers 
alternèrent  avec  ces  succès.  Le  gouvernement  espagnol  usa 
souvent  de  rigueur  contre  ces  manifestations  de  l’esprit 
national  ;  ce  fut  une  époque  fatale.  Enfin,  lorsque  en  1714, 
à  la  suite  de  la  Convention  de  Rastadt,  le  pays  fut  placé 
sous  la  domination  de  l’Autriche  ,  les  sociétés-mères  se 
redressèrent,  et  le  mouvement  théâtral  se  communiqua 
jusque  dans  les  plus  petites  localités  pendant  toute  la  durée 
du  XVIII.^^  siècle. 

C’est  particulièrement  cette  époque  qu’envisage  M.  Van- 
derstraeten  ;  et  la  partie  la  plus  originale  de  son  travail  est 
celle  où  il  trace  les  portraits  de  ces  artistes  dramatiques  de 
village ,  à  commencer  par  Vimpresario  qu’on  appelait 
facteur  ou  factor  de  la  chambre  jusqu’au  fou  de  la  ghilde , 
sorte  de  triboulet  qui  égayait  l’assemblée  de  ses  farces.  Le 
facteur  était  un  vrai  personnage,  mais  des  plus  pittoresques  : 
il  était  à  la  fois ,  selon  la  circonstance ,  auteur,  comédien  , 
directeur,  régisseur,  répétiteur,  metteur  en  scène,  cos¬ 
tumier,  machiniste,  magasinier,  souffleur  et  chef  d’or¬ 
chestre,  car  il  y  avait  un  semblant  d’orchestre  à  la  plupart 
des  représentations.  C’était  en  somme  la  cheville  ouvrière 
de  toute  l’association  et  le  terme  de  factotum,  substitué  à 
celui  de  facteur,  lui  eût  convenu  à  bien  plus  juste  titre. 

Quant  aux  acteurs  ordinaires,  s’imagine-t-on  des  cam¬ 
pagnards  en  veste  et  en  sabots ,  quittant  la  bêche  et  la 
charrue  pour  aller  étaler  sur  la  scène  leur  figure  brunie 
parle  soleil  et  leurs  mains  gercées  parle  travail?  Et  ce 
n’était  pas  seulement  pour  la  farce  et  la  comédie  que  ces 


—  KO  — 

braves  gens  montaientsur  les  planches.  Chose  incroyable! 
ils  affectionnaient  surtout  la  tragédie  ;  et ,  quand  lancien 
répertoire  national  faisait  défaut,  ils  interprétaient  en  vers 
flamands  les  œuvres  classiques  de  la  scène  française ,  ou 
plutôt  ils  mélangeaient  le  tout  de  sorte  que  telle  comédie  de 
Molière,  par  exemple,  servait  à  relever  l’édifiant  sujet  de 
la  Passion  du  Christ  ou  de  sa  Naissance  à  Bethléem  et  les 
personnages  de  Zaïre  et  de  Chimène  étaient  remplacés  sur 
le  même  théâtre  par  la  Foi,  l’Espérance  et  la  Charité. 

Quant  à  la  mise  en  scène  de  ces  œuvres  dramatiques,  elle 
était  des  plus  uniformes  et  des  plus  primitives.  Souvent  une 
salle  d’auberge  ou  de  cabaret  constituait  la  salle  de  spec¬ 
tacle  :  aussi  quelques  colonnades  et  deux  ou  trois  fonds  de 
toile  peinte  ou  même  de  papier  peint  faisaient  tous  les  frais 
de  décoration  pour  n’importe  quelle  pièce.  Quant  aux  cos¬ 
tumes,  on  n’en  connaissait  que  trois  espèces  :  le  costume 
romain  ou  turc  pour  la  tragédie  et  l’habit  moderne  pour 
les  pièces  comiques.  Les  comparses  surtout  offraient  les  plus 
singuliers  anachronismes.  On  se  servait  de  ce  que  l’on 
avait ,  voilà  la  grande  raison  de  ces  pauvretés  théâtrales  ; 
les  cœurs  de  ces  braves  gens  étaient  plus  riches  que  leur 
bourse  ;  s’amuser  par  le  moyen  de  l’art  était  leur  but. 
Avouons  que  ce  n’est  pas  là  un  mince  honneur  pour  la 
contrée  flamande  d’avoir  si  longtemps  conservé  le  senti¬ 
ment  populaire  à  l’abri  des  jouissances  grossières  et  ma¬ 
térielles. 

L’auteur  termine  par  un  chapitre  contenant  une  série  de 
courtes  biographies  destinées  aux  auteurs  ,  acteurs  et  direc¬ 
teurs  dramatiques  de  la  circonscription  territoriale  qui 
l’occupe.  André  Forestier. 


111 


SOCIÉTÉ  DES  ANTIQUAIRES  DE  PICARDIE. 

Bulletin  des  Sciences,  année  1869  ,  N.“  3. 

Ce  fascicule  contient  les  procès-verbaux  des  séances , 
pendant  le  troisième  trimestre  de  Tannée.  Il  s’ouvre  par  la 
déclaration  suivante  : 

M.  le  Président  annonce  que  la  question  du  Musée  Napo¬ 
léon  est  terminée  et  que  le  Conseil  municipal,  dans  sa  séance 
du  3  juillet  1869,  a  de  nouveau  maintenu  et  confirmé  sa 
délibération  du  3  octobre  1868 ,  par  laquelle  la  ville  accepte 
le  Musée  Napoléon,  comme  devant  être  toujours  le  Musée 
communal  d’Amiens. 

Nous  félicitons  vivement  la  Société  des  Antiquaires  de 
Picardie  et  le  Conseil  municipal  d’Amiens  de  cette  solution. 
La  Société ,  débarrassée  de  ces  soucis ,  peut  s’occuper  main¬ 
tenant  de  ses  travaux  et  la  ville  d’Amiens  possède  un  musée 
qui  sera  un  vrai  musée  provincial ,  le  point  de  réunion  de 
toutes  les  richesses  archéologiques  et  artistiques  de  la  Pi¬ 
cardie.  Ce  sera  à  la  fois  plus  utile  et  plus  honorable  pour  le 
pays,  que  de  voir  ce  bel  édifice  devenir  la  succursale  ou  , 
selon  l’expression  piquante  d’un  des  membres  de  la  Société, 
le  grenier  du  Louvre. 

Cette  histoire  d’un  palais  d’une  valeur  de  près  de  2  millions 
de  fr. ,  que  personne  ne  veut  accepter  ,  offre  cependant  un 
enseignement.  C’est  que ,  si  les  péristyles ,  les  escaliers ,  les 
colonnades  font  la  gloire  des  architectes  ,  ils  sont  la  frayeur 
des  budjets  chargés  de  les  entretenir,  en  attendant  qu’ils 
deviennent  le  désespoir  des  directeurs  de  musée.  Ce  qu’il 
faut  à  ceux-ci  c’est  de  la  place ,  encore  de  la  place ,  toujours 
de  la  place.  Sous  ce  rapport  le  directeur  du  Musée  com¬ 
munal  d’Amiens  n’a  pas  à  s’inquiéter  ;  mais ,  à  un  certain 
moment,  ses  successeurs  se  trouveront  à  l’étroit,  et  ce 
moment  viendra  plus  tôt  qu’on  ne  le  pense,  le  zèle  de  la 
Société  des  Antiquaires  nous  en  est  un  sûr  garant. 


—  112  — 

Elle  vient  défaire  faire  à  ses  frais,  des  fouilles  dans  le 
Cimetière  mérovingien  de  Framerville.M.  l’abbé  Poirié,  qui 
les  a  dirigées,  y  a  trouvé  de  nombreux  vases  en  terre  noire, 
des  épées ,  des  fers  de  lance ,  des  agrafes  de  ceinturon ,  des 
boucliers,  des  bijoux,  etc.  ;  il  se  propose  d’explorer  un 
autre  cimetière  à  Fay  ,  près  Framerville.  A  ce  sujet  on  fit 
remarquer  dans  le  sein  de  la  Société  que  presque  toujours 
les  sépultures  mérovingiennes  ont  été  violées  à  une  époque 
très-ancienne  ,  probablement  dans  le  siècle  où  eurent  lieu 
les  inhumations.  Ces  spoliations  constituaient  sans  doute 
une  espèce  d’industrie,  puisqu’il  y  avait  des  peines  sévères 
contre  les  violateurs  de  sépulture. 

Etudes  historiques  sur  Amiens^  par  M.  Dubois.  —  L’au¬ 
teur  commence  par  rectifier  quelques  faits  de  l’histoire 
particulière  de  la  ville  d’Amiens,  puis  il  donne  des 
détails  sur  des  usages  locaux  curieux  et  peu  connus. 
Citons-en  un  :  * 

Dans  le  xv.«  siècle ,  les  hommes  et  les  femmes  qui 
se  remariaient  devaient  payer  aux  princes  et  compagnons 
de  la  Confrérie  de  Saint-Firmin  ,  une  gracieuse  somme 
d’argent,  laquelle  somme  était  employée  à  faire  les  dépenses 
nécessaires  au  port  de  la  châsse  de  saint  Firmin,  le  jour 
.  de  l’Ascension,  et  pour  boire  et  manger  ensemble  et  faire 
danser  les  demoiselles  après  diner,  ledit  jour,  pour  l’hon¬ 
neur  du  benoist  corps  du  saint  martyr,  comme  de  longtemps 
est  accoutumé.  » 

Jacques  Beauciiant  ,  sergent  d’armes ,  bibliophile  à 
Saint-Quentin  ,  par  M.  Ch.  Demaze  ,  conseiller  à  la  Cour 
impériale  de  Paris.  —  Jacques  Beauchant,  mort  en  1396, 
fut  un  des  savants  que  protégea  Charles  V  dit  le  Sage. 

M.  Léopold  Delisle  (  de  l’Institut  )  révéla  récemment  son 
nom  d’après  deux  traductions  qu’il  avait  trouvées  dans  les 
manuscrits  de  l’Académie  impériale  et  dont  Jacques  Beau- 
chant  était  Fauteur.  L’une  de  ces  traductions  est  un  livre  de 
Sénèque  et  l’autre  est  intitulée  les  Voies  de  Dieu. 


—  115  — 

A  l’aide  des  prologues  composés  par  l’auteur  et  des  mi¬ 
niatures  qui  accompagnent  le  manuscrit,  M.  Demaze 
cherche  à  faire  connaître  Beauchant  :  «  Beauchant  était 
»  humhle  de  cœur ,  dit-il  ;  son  langage  est  plein  de  recon- 
»  naissance  pour  le  roi  son  bienfaiteur,  et  les  pourtraictures 
*  nous  le  montrent  toujours  agenouillé  devant  son  redouté 
K  seigneur.  » 

La  Maison^  par  Ch.  Lucas,  architecte.  —  Dans  une 
publication  récente,  un  célèbre  économiste  écrivait  que  la 
Maison  était  une  des  bases  de  l’ordre  social.  Malgré  les 
habitudes  de  cosmopolitisme  et  de  vie  errante  qui  tendent 
de  plus  en  plus  à  prévaloir  dans  nos  mœurs,  combien  de 
personnes  encore  ne  peuvent  songer  sans  émotion  à  la 
maison  paternelle  ,  cette  patrie  de  la  famille.  C’est  bien  là 
l’idée  que  M.  Lucas  se  fait  de  la  maison  ,  et  il  pense  avec 
raison  nous  intéresser  en  nous  montrant  ce  qu’étaient  les 
habitations  de  nos  ancêtres. 

Après  quelques  mots  consacrés  aux  premiers  abris  de 
notre  race  :  les  cavernes ,  la  tente ,  la  cabane  de  bran¬ 
chages,  etc.  ;  il  parle  de  la  maison  romaine  ,  si  exiguë,  que 
nous  nous  figurons  à  peine  comment  le  père  de  famille 
pouvait  y  loger  les  siens. 

Les  maisons  Gallo-Romaines  consistaient  en  un  simple 
rez-de-chaussée  surmonté  quelquefois  d’un  tout  petit  étage, 
le  tout  sans  fenêtres  sur  la  rue.  Les  appariements  étaient 
groupés  autour  de  deux  cours  intérieures  destinées ,  l’une 
aux  étrangers,  l’autre  à  la  vie  d’intérieur.  LesFrancs-Méro- 
vingiens  exhaussèrent  l’étage  et  fortifièrent  la  maison,  pour 
résister  aux  brigandages  si  communs  à  cette  époque. 

Au  moyen  âge,  les  maisons  bourgeoises  prirent  leur 
jour  sur  la  rue.  La  porte  d’entrée,  s’ouvrant  également  sur 
la  rue,  donnait  accès  à  la  Grande  salle  où  l’on  festoyait. 
Les  chambres  à  coucher  étaient  à  l’étage.  A  mesure  que  la 


¥ 


—  114  — 

population  augmente,  le  nombre  des  étages  s’accroît  ;  on 
les  construit  en  bois  et  on  les  fait  avancer  au-dessus  de 
la  rue. 

Ce  mode  de  construction  ,  uni  aux  décorations  artis¬ 
tiques ,  sculptures,  fayences ,  verres  dérouleur,  etc., 
donne  aux  maisons  de  cette  époque  un  cachet  tout  par¬ 
ticulier.  J.  G. 

AC.\DÉM1E  ROYALE  DE  BELGIQUE.  —  CLASSE  DES  SCIENCES  (^) 

Travaux  courants 

Les  communications  présentées  à  l’Académie  pendant 
les  mois  de  janvier  et  février  18T0  comprennent  quelques 
renseignements  sur  V Aurore  boréale  observée  à  Bruxelles 
et  à  Louvain  ,  le  3  janvier  1870  ;  des  considérations  mathé¬ 
matiques  et  physiques ,  sur  la  Scintillation  des  étoiles ,  par 
M.  Montigny;  une  nouvelle  note  sur  le  développement  de 
Vœuf  et  de  Vembryon  des  Sacculines  ^  petits  crustacés  para¬ 
sites  qui  vivent  fixés  sur  la  queue  des  Crabes,  par  M.  Ed. 
Van  Beneden  ;  la  description  d\ine  nouvelle  espèce  de 
lézard  du  genre  Varan  qui  existe  au  Musée  de  Bruxelles, 
par  M. -P^eudomme  de  Borre  ;  la  description  d’une  dent 
d’un  nouveau  genre  de  poisson  fossile  trouvé  dans  la  craie 
de  Meudon  [Ankistrodus  splendens)^  par  M.  de  Koninck. 

31.  le  baron  de  Ryckolt  a  trouvé  à  Woncq,  village  du 
Limbourg,  sur  le  Geer,  un  dépôt  d’argile  identique  sous 
tous  les  rapports  avec  celui  de  Boom ,  près  Anvers.  Les 
fossiles  sont  encroûtés  de  pyrite  et  présentent  extérieure¬ 
ment  le  même  aspect  que  ceux  de  Boom. 

iVofe  sur  VOrgane  reproducteur  du  Psilotum  triquetrum , 
par  31.  Kickx ,  professeur  de  botanique  à  Füniversité  de 
Gand.  —  Le  Psilotum  triquetrum  est  une  plante  d’un  port 
étrange,  très-répandue  dans  toute  la  zone  intertropicale  de 


(q  Bulletin,  2.*  série,  t.  xxix  ,  p.  1  et  suiv. 


—  115  — 

l’hémisphère  austral  et  cultivée  depuis  quelque  temps 
par  M.  Kickx,  dans  les  serres  du  jardin  botanique  de 
rUniversilé  de  Gand.  Heureuse  Université  de  Gand,  qui 
n’est  peut-être  pas  la  première  de  Belgique,  mais  qui  pos¬ 
sède  néanmoins  un  jardin  botanique  et  des  serres,  où 
peuvent  travailler  professeurs  et  élèves.  Combien  de  Fa¬ 
cultés  de  notre  beau  pays  de  France  sont  dans  ce  cas  ? 
Et  l’on  s’étonne  que  l’Enseignement  supérieur  soit  plus 
florissant  à  l’étranger  que  chez  nous  ! 

Le  Psilotum  appartient  à  la  petite  famille  des  Lycopo- 
diacées  composée  de  4  genres  dont  un  seul ,  celui  des 
Sélaginelles ,  était  complètement  connu  sous  le  rapport  de 
son  mode  de  reproduction.  M.  Kickx  a  entrepris  de  combler 
une  lacune  de  la  science ,  en  étudiant  celte  importante  fonc¬ 
tion  chez  les  Psilotum  triquetrum. 

Chez  les  Sélaginelles,  on  constate  deux  ordres  d’organes 
reproducteurs:  les  microspores,  qui  paraissent  jouer  le 
rôle  d’élément  mâle  ,  et  les  macrospores  ou  graines  ,  qui 
germent  en  donnant  immédiatement  naissance  à  une  petite 
Selaginelle. 

Chez  les  Fougères ,  dont  la  famille  des  Lycopodiacées  est 
si  voisine ,  il  n’existe  qu’une  seule  espèce  de  spores:  elles 
sont  neutres  et  au  lieu  de  produire  une  jeune  Fougère,  elles 
donnent  naissance  à  une  forme  végétale  embryonnaire  que 
l’on  a  appelée  protothale  et  sur  laquelle  poussent  les  organes 
reproducteurs  mâles  et  femelles.  Il  y  a  donc  chez  les  Fou¬ 
gères  un  mode  de  reproduction  alternante  ,  analogue  à 
celui  des  Ténias  dans  le  règne  animal. 

Les  Psilotum  n’ont  aussi  qu’une  seule  espèce  de  spore. 
M.  Kickx,  malgré  ses  expériences  réitérées,  n’est  pas  par¬ 
venu  à  les  faire  germer  et  par  conséquent  à  résoudre  direc¬ 
tement  la  question  de  leur  analogie  avec  les  spores  de  Fou¬ 
gères  ,  mais  il  a  constaté  qu’elles  se  formaient  de  la  même 


—  116  — 

manière  et  il  en  conclut  avec  beaucoup  de  vraisemblance 
qu’elles  doivent  jouer  le  même  rôle. 

Les  Psilotum  seraient  donc  intermédiaires  entre  les  Sela- 
ginelles  auxquelles  ils  ressemblent  pour  la  forme  et  les 
Fougères  dont  ils  ont  le  mode  de  reproduction. 

M.  Tabbé  Coemans,  membre  de  l’Académie,  dans  le 
savant  rapport  qu’il  fait  sur  le  travail  de  M.  Kickx,  trouve 
ce  rapprochement  d’autant  plus  heureux  que  les  Psilotum 
ont  un  rhizome  qui  se  distingue  de  celui  des  autres  Lyco- 
podiacées  pour  se  rapprocher  du  rhizome  des  Fougères  dont 
les  tiges  dichotomes  et  presque  sans  feuilles  ressemblent  à 
celles  des  Psilotum. 

M.  l’abbé  Coemans  termine  son  remarquable  rapport  en 
signalant  de  nombreux  traits  d’analogie  entre  les  Fougères 
et  les  Lycopodiacées  fossiles  des  terrains  les  plus  anciens  ^ 
et  qui  ne  se  retrouvent  plus  chez  les  représentants  actuels 
de  ces  familles. 

«  Il  y  a  là  comme  un  souvenir  d’une  origine  commune, 
»  qui  impliquerait  une  dichotomation  de  filiation  à  une 
»  époque  antérieure ,  et,  par  conséquent,  la  formation  de 
»  groupes  intermédiaires.  »  J.  G. 

COURS  PUBLICS. 

Cours  de  Géologie  professé  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille , 

par  M.  Gosselet. 

Age  secondaire  —  Ère  des  Reptiles.  Les  terrains  secon¬ 
daires  sont  au  nombre  de  trois  :  triasique ,  jurassique  et 
crétacé. 

Ils  sont  composés  de  calcaires,  de  grès  et  d’argile,  qui 
dans  nos  contrées  ont  été  peu  modifiés  postérieurement  à  leur 
dépôt.  Dans  le  terrain  triasique  sont  situés  les  sels  gemmes 
de  la  Lorraine.  Les  calcaires  jurassiques  sont  souvent 
oolitiques,  c’est-à-dire  qu’ils  sont  formés  depetits  grains 


—  iir  — 

arrondis  de  la  grosseur  des  œufs  de  poissons.  De  nos  jours, 
il  se  forme  encore  des  calcaires  oolitiques ,  sur  les  rivages 
de  la  Floride  par  exemple,  là  où  des  eaux  marines,  chaudes 
et  riches  en  calcaire  ,  viennent  battre  contre  des  récifs  de 
polypiers.  Le  terrain  crétacé  doit  son  nom  à  ce  que  une 
grande  partie  de  ses  calcaires  est  à  l’état  de  craie ,  c’est-à- 
dire  tendres,  terreux  ,  tachant  les  doigts.  Mais  il  n’est  pas 
composé  uniquement  de  craie,  il  renferme,  comme  le  terrain 
triasique  et  le  terrain  jurassique,  des  sables  et  des  argiles. 
La  limonite  ou  sesqui-oxide  de  fer  hydraté  forme  souvent 
des  bancs  dans  les  terrains  secondaires  ;  c’est  le  gisement 
des  minerais  de  fer  du  Nord  de  la  France  et  de  presque  tous 
ceux  de  la  Belgique. 

Les  éruptions  ont  été  relativement  peu  nombreuses' pen¬ 
dant  l’âge  secondaire. Les  serpentines,  roches  vertes  compo¬ 
sées  de  silicate  de  magnésie,  datent  en  partie  de  cette  époque. 

Les  fossiles  les  plus  caractéristiques  des  terrains  secon¬ 
daires  sont  les  Ammonites  et  les  Bélemnites,  Les  premières 
sont  des  mollusques  céphalopodes  voisins  des  Nautiles  ac¬ 
tuels.  Elles  avaient  une  coquille  cloisonnée  ,  enroulée  sur 
elle-même  dans  un  même  plan ,  et  la  suture  des  cloisons  avec 
l’enveloppe  extérieure  de  la  coquille  se  faisait  par  une  ligne 
très-sinueuse,  simulant  des  découpures  aussi  élégantes  que 
celles  des  feuilles  du  Persil.  Il  y  a  des  Ammonites  de  toutes 
tailles  depuis  celle  d’une  lentille  jusqu’à  celle  d’une  grande 
roue  de  charrette.  Au  Musée  de  Lille  on  voit  une  Ammonite 
qui  vient  des  falaises  du  Blanc-Nez  et  qui  a  65  cent,  de 
diamètre.  Les  Bélemnites  sont  aussi  des  céphalopodes  ; 
mais  leur  coquille  était  intérieure  et  cartilagineuse.  Elle 
ressemblait  à  l’os  de  la  Seiche  ou  plutôt  à  la  plume  du 
Calmar.  Il  n’en  reste  que  l’extrémité  qui  seule  était  calcaire; 
sa  forme  cylindrique  terminée  en  pointe  est  celle  d’un 
cigare.  Les  Belemnites  comme  les  Seiches  possédaient  une 


—  118  — 

poche  à  encre.  On  a  retrouvé  une  de  ces  poches  dans  une 
couche  de  calcaire  ;  on  a  pu  délayer  de  nouveau  l’encre ,  et 
s’en  servir  pour  dessiner  l’animal  restauré  de  la  Belemnite. 

Les  poissons  de  l’âge  secondaire  appartiennent  en  partie 
aux  mêmes  ordres  que  ceux  de  l’âge  primaire,  mais  on  voit 
apparaître  beaucoup  de  formes  qui  rappellent  nos  poissons 
actuels.  Les  reptiles  se  présentent  au  contraire  avec  une 
organisation  bien  plus  variée  et  bien  supérieure  à  leur 
organisation  actuelle.  Parmi  ces  formes  aujourd’hui  perdues 
on  peut  citer  les  Ptérodactyles —  reptiles  volants  —  qui  rap¬ 
pelaient  nos  Chauves-Souris  par  leur  structure  et  par  leurs 
mœurs  ;  les  Iguanodons ,  herbivores  amphibies  comme 
l’Hippopotame,  d’une  taille  voisine  de  celle  de  l’Eléphant , 
etdont  les  jambes  étaient  assez  longues  pour  que  leur  corps 
ne  traînât  pas  sur  le  sol  ;  les  Mégalosaures  qui  avaient  la 
même  forme  et  presque  la  même  taille  que  les  précédents  , 
mais  dont  le  régime  était  uniquement  carnivore  ;  les  Ichtyo¬ 
saures  ,  reptiles-poissons ,  comparables  à  nos  crétacés  ;  les 
Lahyrintodons ,  batraciens  dont  quelques  -  uns  acquéraient 
une  taille  gigantesque. 

Les  plus  anciens  mammifères  connus  remontent  aussi  à 
l’âge  primaire.  C’était  de  petits  animaux  insectivores  de  la 
grandeur  de  l’Ecureuil  et  appartenant  à  la  sous-classe  des 
Marsupiaux  que  l’on  voit  reléguée  maintenant  en  Australie. 

Pendant  les  périodes  triasique ,  jurassique  et  le  commen¬ 
cement  de  la  période  crétacée ,  la  Flore  fut  la  continuation 
apauvrie  de  la  Flore  primaire,  les  Lepidodendron  avaient 
disparu  ,  les  Calamites  avaient  fait  place  à  de  véritables 
Prèles  qui  d’abord  de  grande  taille  ne  tardèrent  pas  à  dé¬ 
croître,  les  dicotylédonées  gymnospermes  régnaient  sans 
rivaux  dans  les  forêts  de  cette  époque.  Si  les  Sigillaires 
avaient  disparu,  les  Conifères  et  les  Cycadés  s’étaient  con¬ 
sidérablement  multipliés. 


—  119  — 

Dans  la  seconde  partie  de  l’époque  crétacée  d’autres  dico- 
tylédonées  appartenant  au  groupe  des  Apétales  viennent  se 
substituer  aux  Gymnospermes.  Ce  sont  surtout  des  Protéacés 
qui  de  nos  jours  habitent  l’Australie  ,  et  que  l’on  cherche  à 
acclimater  dans  nosjardins  [Gremllea,  Banksia,  Hakea). 

Au  commencement  de  l’âge  secondaire  ,  presque  toute  la 
France  était  exondée,  tandis  que  la  mer  couvrait  l’Allemagne 
et  venait  battre  les  rivages  des  Vosges.  Peu  à  peu  elle 
s’avança  vers  l’ouest.  Pendant  la  période  triasique,  elle 
recouvrit  le  Luxembourg  et  pénétra  peut-être  jusque  près 
de  Spa.  Pendant  la  période  jurassique,  elle  avança  progres¬ 
sivement  le  long  du  bord  méridional  de  l’Ardenne,  recou¬ 
vrant  les  lieux  où  sont  situés  maintenant  Sedan  ,  Mezières, 
Hirson.  De  ce  dernier  endroit  le  rivage  s’étendait  jusqu’à 
Boulogne-sur-Mer  en  passant  au  nord  d’Arras.  La  période 
crétacée  vit  la  mer  dépasser  ces  limites  et  gagner  vers  le 
nord  recouvrant  la  Picardie,  le  Cambrésis,  le  Hainaut  et 
la  Flandre.  Elle  formait  aux  environs  de  Mons  un  golfe  qui 
pénétrait  assez  avant  dans  l’intérieur  du  continent,  con¬ 
tournait  au  nord  les  terrains  anciens  du  Brabant,  et  revenait 
baigner  la  Hesbaye  et  le  pays  de  Liège ,  pour  s’étendre 
ensuite  en  Allemagne  et  dans  le  nord  de  l’Europe. 


BIBLIOGRAPHIE 

HISTOIRE  DES  ÉTATS  DE  LILLE 
par  M.  de  Melun  (*) 

Les  institutions  modernes  ne  peuvent  être  bien  comprises, 
croyons-nous,  que  lorsqu’on  les  suit ,  depuis  leur  origine ,  à 
travers  les  transformations  qu’elles  ont  subies  avant  d’ar¬ 
river  au  point  où  nous  les  voyons  aujourd’hui. 

Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences,  eic. ,  de  Lille,  ' 
1860-  1869. 


—  120  — 

Ces  considérations  nous  sont  suggérées  par  le  travail  de 
M.  de  Melun  ,  qui  nous  montre  ,  dans  les  Etats  de  Lille  , 
le  premier  modèle  des  Conseils  généraux  actuels^  mais  avec 
des  attributions  plus  larges  quant  au  maniement  des 
finances. 

Dans  un  autre  ordre  d’idées  ,  l’étude  qu’en  a  faite  M.  de 
Melun  est  une  page  de  notre  histoire  nationale.  En  mettant 
au  jour  le  mécanisme  des  assemblées  de  Flandre,  il  nous  fait 
connaître,  par  cela  même,  ce  qui  se  passait  dans  les  diverses 
parties  de  la  France,  connues  jadis  sous  le  nom  de  Pays 
d'Etats ,  pays  qui  conservaient ,  pour  la  répartition  et  la 
levée  des  impôts,  pour  les  travaux  publics  de  la  province, 
pour  les  établissements  d’instruction  et  de  charité,  une 
administration  libre,  sous  la  direction  d’une  assemblée 
d’évêques,  de  seigneurs  propriétaires,  de  représentants 
des  villes,  (i) 

A  Lille ,  par  exception ,  les  Etats  n’étaient  composés  que 
du  Magistrat  ou  corps  municipal  de  la  ville,  et  des  députés 
de  Douai  et  Orchies. 

En  publiant  le  résultat  de  ses  études,  M.  de  Melun  a  eu 
encore  une  autre  pensée  :  «  Plusieurs  fois  ,  dit-il  (2) ,  en 
lisant  les  chartes  qui  ont  fondé  dans  les  Flandres  les 
libertés  communales ,  en  nous  rendant  compte  de  ses  ins¬ 
titutions  politiques  et  civiles ,  nous  avons  été  frappé  des 
franchises  dont  jouissaient  nos  pères  à  une  époque  reculée, 
et  nous  nous  sommes  demandé  si  la  liberté,  si  généralement 
réclamée  de  nos  jours,  n’existait  pas  sous  sa  forme  la  plus 
pratique  et  avec  ses  éléments  les  plus  essentiels  dans  un 
temps  que  l’on  se  représente  trop  souvent  comme  livré  à  la 
confusion  et  à  l’arbitraire.  C’est  la  réponse  à  cette  question 

(h  M.  F.  Laferriôre.  Cours  de  droit  public  et  administratif;  introd. 

p.  XXXIV. 

(2)  Mémoires,  1860,  p.  237. 


—  (21  — 

que  nous  nous  proposons  de  rechercher  dans  l’étude  d’une 
province  qui,  malgré  son  peu  d’élendue,  offre  un  curieux 
spécimen  de  l’administration  de  toute  la  Flandre.  > 

Maintenant  que  nous  connaissons  le  triple  but  qu’a  voulu 
atteindre  M.  de  3Ielun ,  nous  allons  donner  un  aperçu  de 
cette  période  de  cinq  siècles  traversée  par  les  Etats  de  Lille, 
sans  rien  perdre  de  leur  liberté  d’action,  sauf  peut-être  sous 
la  monarchie  absolue. 

On  sait  en  effet  que  Louis  XIV  voulait  détruire  partout  le 
le  système  administratif  des  Etats  provinciaux ,  pour  établir 
définitivement  l’autorité  de  ses  intendants ,  et  que  s’il  ne 
mit  pas  à  exécution,  dans  nos  pays  ,  ses  projets  de  centrali¬ 
sation  ,  c’est  uniquement  dans  son  intérêt  personnel,  <r  c’est 
qu’il  se  vit  obligé  ,  dans  l’intérêt  même  de  sa  force  contre 
l’étranger ,  de  maintenir  les  Etats  dans  les  provinces  fron¬ 
tières.  ï  (^) 

Qu’étaient-ce  que  les  Etats  de  Lille  ? 

Au  commencement  du  XIV. *  siècle,  les  villes  de  Lille, 
Douai  et  Orchies  et  les  terres  qui  en  dépendaient  étaient  dé¬ 
membrées  du  comté  de  Flandre  pour  devenir  la  toute  pro¬ 
priété  du  roi  de  France  ;  ces  villes  et  terres ,  désignées  sous 
le  nom  de  Châtellenie  de  Lille,  formaient  seules  les  Etats. 

A  l’origine ,  ceux-ci  étaient  composés  du  Magistrat  de  Lille 
et  des  députés  des  deux  autres  villes.  Plus  tard  les  grands 
seigneurs  féodaux  ,  qui  prétendaient  qu’on  ne  pouvait 
imposer  leurs  vassaux  sans  leur  permission,  «  éprouvèrent 
le  besoin  de  se  concerter  avec  les  magistrats  des  villes , 
pour  se  défendre  contre  le  fisc  ,  ennemi  commun  des  con¬ 
tribuables.  »  De  là  leur  incorporation  dans  les  Etats  qui  res¬ 
tèrent  tels  jusqu’au  moment  où  la  Révolution  de  1789  vint 
faire  table  rase  des  anciennes  institutions. 


(9  M.  F.  Laferrière;  ibidem.  Introduction. 


—  1-22  — 

Dans  Ions  nos  pays  le  droit  de  se  gouverner  soi-même 
existait  de  temps  immémorial.  Partout  nous  voyons  des  com¬ 
munautés  d’habitants  (  derniers  vestiges  ,  peut-être  ,  des 
anciennes  confédérations  germaniques  appelées  Ghildes) , 
nommant  leurs  magistrats  et  jouissant  par  conséquent  de 
franchises  et  privilèges  dont  le  maintien  était  confié  aux 
magistrats  élus. 

Mais  la  brigue  ,  la  cabale  ,  la  corruption  ne  se  mêlaient- 
elles  pas  aux  élections  d’alors? 

Il  s’agissait,  comme  on  le  sait,  de  fonctions  qui  mettaient 
aux  mains  des  administrateurs ,  aux  mains  des  riches,  faciles 
les  uns  à  l’égard  des  autres,  comme  dit  Beaumanoir,  toute 
la  fortune  des  municipalités. 

Quoi  qu’il  en  soit,  il  est  curieux  de  voir  les  précautions 
pri.«ies  à  Lille  pour  le  renouvellement  de  la  loi ,  c’est-à-dire 
pour  la  nomination  de  nouveaux  magistrats. 

Comme  le  Magistrat  de  Lille  tenaille  premier  rang  aux 
Etats,  nous  allons  le  faire  connaître  en  extrayant,  du  livre 
de  M.  de  Melun,  quelques  renseignements  qui  nous  permet¬ 
tront  de  juger  si ,  en  dehors  même  des  élections  ,  des  ga¬ 
ranties  d’indépendance  et  de  lumière  n’assuraient  pas  une 
bonne  administration. 

«  Cette  nomination  avait  lieu  chaque  année  par  l’inter¬ 
médiaire  des  commissaires  du  prince. 

»  Le  gouverneur  et  le  premier  président  de  la  Cour  des 
Comptes  furent  longtemps  les  deux  premiers  commissaires 
nommés.  Ce  dernier  fut  remplacé  par  Vîntendanl  sous  la 
domination  française. 

i  Avant  de  faire  connaître  leur  choix  ,  ils  juraient  qu’ils 
n’éliraient  que  des  gens  capables  et  sans  reproche  qui ,  par 
eux-mêmes  et  par  leurs  parents  et  amis ,  n’avaient  fait 
aucun  présent  ou  promesse.  Apres  ce  serment ,  les  rewart , 


-  .  125  — 

mayeurs  et  échevins  juraient  à  leur  tour  de  dire  sincè¬ 
rement  leur  avis  sur  les  personnes  nommées  dont  la  liste 
leur  était  remise.  Ils  examinaient  alors  si  celte  liste  ne  pré¬ 
sentait  rien  de  contraire  aux  règles  et  aux  coutumes  en 
vigueur  et  faisaient  k  ce  sujet  leurs  observations  qui  devaient 
être  écoulées. 

»  Dès  que  Ton  était  d’accord  ,  le  premier  commissaire 
proclamait  les  nouveaux  magistrats  ,  qui  prêtaient  aussi  le 
serment  de  n’avoir  pas  usé  de  prières  ,  dons  ou  promesses 
par  eux-mêmes  ou  par  autrui ,  pour  se  faire  élire  ,  et  s’en¬ 
gageaient  à  être  échevins  ,  droituriers  et  loyaux,  à  garder 
les  droits  de  Dieu  ,  de  l’Eglise  et  des  orphelins ,  les  fran¬ 
chises  et  privilèges  de  la  ville  et  à  ne  juger  ,  ni  par  amour , 
ni  par  haine ,  ni  pour  gain  ,  ni  pour  perte...  » 

Au  commencement  du  XIV.® siècle,  les  membres  des  Etats 
se  réunissaient  à  Lille,  en  présence  du  gouverneur,  et 
votaient  les  Impôts  toujours  très-considérables,  puisque  sans 
parler  de  la  guerre,  les  Etats  avaient  encore  à  pourvoir  aux 
demandes  de  subsides  pour  cause  de  joyeux  avènements  , 
de  mariages  ,  de  rançons ,  etc. 

Les  princes  qui  se  sont  succédé  dans  le  gouvernement  de 
la  Flandre  étaient  toujours  besoigneux  d’argent  et  aug¬ 
mentaient  volontiers ,  moyennant  finances ,  les  franchises 
des  communes. 

Les  assemblées  délibérantes  se  ressentaient  de  cet  état 
de  choses  ;  «  les  souverains  qui  les  flattent  et  les  caressent, 
a  dit  Vanderhaer  ,  historien  des  châtelains  de  Lille  ,  sont 
ceux  qui  ont  le  plus  besoin  de  subsides  «  et  il  ajoute  : 
«  Les  Etals  de  Lille  s’assemblèrent  à  part,  et  à  la  faveur 
desdites  assemblées  sont  introduites  diverses  façons  de  pro¬ 
céder  inconnues  au  temps  passé,  étant  d’ordinaire  que  celui 
qui  paie  a  souvent  liberté  de  dire  et  faire  choses  extraor- 


—  124  — 

dinaires  ,  et  que  les  princes  souffi'ent  les  caquets  des  gèlines 
pour  en  retirer  les  œufs.  » 

Celte  observation  critique  a  été  applicable  dans  tous  les 
temps  ,  et  l’auteur,  qui  croit  que  les  libertés  ne  sauraient 
se  payer  trop  cher  ,  nous  fait  voir  Gharles-Quint  lui-méme, 
demandant  à  Lille  un  emprunt  en  échange  de  l’extention  des 
anciennes  coutumes.  » 

Pendant  cette  première  partie  de  leur  existence,  c’est-à- 
dire  depuis  1302  jusqu’à  la  domination  espagnole,  les 
Etats,  depuis  que  le  roi  de  France  avait  la  souveraineté 
absolue  sur  les  trois  villes  de  Lille ,  Douai  et  Orcliies , 
n’avaient  de  compte  à  régler  qu’avec  le  Prince;  mais  sous  les 
ducs  de  Bourgogne ,  et  plus  tard  sous  les  rois  d’Espagne  , 
ils  participèrent  aux  impôts  généraux  de  la  Flandre  dont 
ils  payaient  le  l/8.e.  Cependant  les  Etats  de  Lille  s’assem¬ 
blèrent  toujours  à  part  et  le  Prince  avait  un  revenu  parti¬ 
culier.  Par  suite  de  cette  disposition ,  les  habitants  de  la 
province  étaient  plus  grevés  que  les  autres  sujets ,  mais  cette 
charge  avait  bien  ses  compensations.  Vanderbaer  remarque 
que  «  grâce  à  sacrifice,  il  est  libre  au  paysan  et  même  au  plus 
pauvre  mendiant ,  de  se  loger  où  bon  lui  semble ,  d’ap¬ 
prendre  métier  et  sciences ,  d’acheter  biens  et  héritages 
allodiaux  sans  autre  droit  que  doit  l’acheteur  noble ,  de 
disposer  librement  de  ses  biens  et  de  tout  autre  par  contrats 
et  testaments,  selon  que  fait  le  gentilhomme ,  comme  aussi  il 
lui  est  permis  de  se  mêler  à  la  guerre  sans  congé  du  seigneur 
du  village.  »  (  à  suivre  )  Lecocq. 

?<OTICE  SUR  NOYELLES-SUR-SELLE  ET  SES  BARONS 

par  M.  1  abbé  Desilve,  curé  de  Basuel.  (B 

A  cinq  kilomètres  de  Bouchain ,  dans  une  vallée  profonde 


(1)  Brocb,  in-8.”  de  39  p.  avec  plan  (extrait  du  t.  vu,  3.' série). 


—  125  — 

entourée  d’un  cercle  de  collines  qui  s’ouvre  au  sud  et  au 
nord  pour  donner  passage  au  cours  de  la  Selle,  est  situé  le 
joli  village  de  Noyelles  ,  dont  il  est  ici  question.  On  trouve 
des  mentions  fort  anciennes  de  ce  village  où  le  monastère 
de  Saint-Pierre  de  Gand  et  celui  de  Saint-Amand  possé¬ 
daient  des  biens  dès  le  temps  de  Charlemagne  et  de 
Gharles-le-Chauve. 

Dans  sa  courte,  mais  très-bonne  notice,  accompagnée 
d’un  plan  qui  en  augmente  encore  la  valeur ,  l’auteur  énu-  • 
mère  d’abord  les  différentes  formes  du  nom  de  Noyelles , 
Niella,  Nigella,  etc.,  dont  l’étymologie  Noda,  Noa,  en 
roman  Noue,  proposée  par  M.  Mannier  et  signifiant  prairie 
basse  et  humide,  ne  lui  sourit  point.  Il  donne  ensuite 
quelques  détails  topographiques  et  statistiques ,  dit  un  mot 
des  archives,  fort  pauvres  du  reste,  dont  il  a  disposé  et, 
son  cadre  ainsi  préparé ,  il  aborde  l’histoire  du  village  et 
celle  des  familles  de  Gondel,  de  Montigny  et  de  Carondelet 
qui  ont  successivement  possédé  la  seigneurie  de  Noyelles- 
sur-Selle. —  L’illustre  maison  de  Carondelet,  originaire 
de  Bourgogne,  eut  pour  berceau,  dans  la  Flandre  et  le 
Hainaut,  le  château  de  Potelles,  près  du  Quesnoy ,  qui  est 
peut-être  le  plus  beau  monument  de  l’architecture  féodale 
dans  nos  contrées  ,  dont  il  est  fait  ici  une  description  fort 
intéressante  et  d’une  tournure  littéraire  qui  est  loin  de  la 
déparer. 

Enfin,  quelques  actes  transcrits  ou  renseignés  dans  un  ap¬ 
pendice  terminent  cette  excellente  monographie  qui  se  re¬ 
commande  autant  par  les  sérieuses  recherches  qu’elle  a  coû¬ 
tées,  que  par  la  netteté  du  style,  et  dont  la  Société  impériale 
des  sciences,  de  l’agriculture  et  des  arts  de  Lille,  a  voté  l’im¬ 
pression  dans  ses  mémoires  après  l’avoir  couronnée  d’une 
médaille  d’argent. —  L’histoire  de  Noyelles-sur-Selle,  petite 
commune  qui  n’eut  jamais  plus  de  700  habitants,  estun  sujet 


—  126  — 

de  trop  mince  importance  pour  que  cette  compagnie  ait  pu 
lui  accorder  une  plus  haute  récompense  ;  mais  ce  n’est , 
croyons-nous,  que  partie  remise.  M.  l'abbé  Desilve,  homme 
dégoût  et  d’érudilion  ,  vient  de  donner  la  preuve  qu’il 
pourrait  traiter  et  traiter  en  maître  un  sujet  beaucoup  plus 
considérable.  ïh.  Leuridan, 

bibliolhécaire-arcliiviste  de  Roubaix. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

Histoire  naturelle.  Les  Hirondelles.  —  Lorsque  paraîtra 
le  présent  numéro  du  Bulletin,  les  Hirondelles  auront  fait 
leur  apparition  à  Lille  et  ce  petit  événement,  commenté 
comme  chaque  année,  aura  été  accueilli  avec  un  gai  sou¬ 
rire  par  toutes  les  personnes  qui  voient  fuir  l’hiver  avec 
plaisir.  C’est  que  l’arrivée  des  Hirondelles  et  celle  du  prin¬ 
temps  ont  une  telle  connexité  que  de  tout  temps  on  a 
regardé  le  gentil  oiseau  comme  le  messager  fidèle  de  la 
belle  saison. 

Cette  concordance,  pour  être  fréquente,  n’en  est  pas 
moins  quelquefois  en  défaut ,  et  il  arrive  des  années  où  les 
premières  Hirondelles  du  commencement  d’avril  sont  sur¬ 
prises  dans  leNord  par  des  retours  de  frimas  qu’elles  étaient 
certes  loin  d’avoir  prévus.  Le  vieux  proverbe  latin  :  una 
hirundo  non  facit  ver,  n’a  jamais  cessé  d’être  vrai. 

En  parcourant  dernièrement  les  Tableaux  des  phéno¬ 
mènes  périodiques  publiés  par  l’Académie  royale  de  Bel¬ 
gique  ,  j’ai  trouvé  une  série  complète  d’observations  sur 
l’arrivée  des  Hirondelles  en  Belgique,  depuis  1841.  Elles  ont 
été  faites  à  Ostende ,  Gand  ,  Bruxelles,  Liège,  et,  moins 
régulièrement,  sur  quelques  autres  points  intermédiaires. 
La  distance  entre  notre  latitude  à  Lille  et  celle  de  cette 
ligne  d’observations  est  trop  peu  importante  pour  qu’on 


—  127  — 

doive  en  tenir  compte,  quand  il  s’agit  d’oiseaux  aussi  fins 
voiliers  que  les  Hirondelles  ;  on  peut  donc  admettre  que  les 
dates  d’apparition  sont  sensiblement  les  mêmes. 

Mais  avant  de  parler  de  l’arrivée ,  disons  un  mot  du 
voyage.  D’où  viennent  les  Hirondelles  ?  Cette  question  a 
donné  lieu  pendant  bien  longtemps  à  des  fables  et  à  des 
incertitudes  qui  n’ont  été  réfutées  et  résolues  qu’au  siècle 
dernier.  Aristote  annonça  qu’elles  gagnaient  en  automne 
les  pays  chauds ,  s’ils  étaient  proches ,  mais  que  s’ils  étaient 
éloignés,  elles  restaient  et  se  cachaient;  ce  fut  le  thème 
sur  lequel,  pendant  plus  de  vingt  siècles,  brodèrent  les  dis¬ 
ciples  du  grand  maître. 

Pline  rapporte  qu’on  trouve  en  hiver  les  Hirondelles  en¬ 
gourdies  ,  nues  et  sans  plumes  dans  le  creux  des  rochers. 
Albei’t-le-Grand  parle  de  chênes  creux  du  nord  de  l’Alle¬ 
magne,  pleins  d’Hirondelles  ;  elles  s’y  pelotonnaient  si  bien 
qu’elles  y  conservaient  par  leur  contact  la  température 
nécessaire  pour  ne  pas  mourir  de  froid. 

L’évêque  Olaus  Magnus  raconte  que  souvent ,  dans  les 
contrées  septentrionales,  les  pêcheurs  retiraient  du  fond 
de  l’eau  en  hiver  des  groupes  d’Hirondelles  entrelacées,  qui 
s’y  étaient  laissé  tomber  au  commencement  de  l’automne, 
pour  en  ressortir  en  avril ,  et  regagner  leurs  anciens  nids  ; 
d’autres  auteurs  affirment  en  avoir  vu  retirer  ainsi  des  puits 
et  des  citernes. 

Ces  croyances ,  qui  généralisaient  quelques  faits  isolés 
et  mal  interprétés  ,  furent  accueillies ,  jusqu’à  un  certain 
point ,  par  Buffon  lui-même  qui  n’osa  pas  les  révo¬ 
quer  tout  à  fait  en  doute  ;  mais  aujourd'hui  il  est  reconnu  par 
I  tout  le  monde,  que  nos  Hirondelles  vont  passer  l’hiver  dans 
,  les  contrées  inlertropicales  de  l’Afrique.  C’est  du  reste  la 
;  seule  chose  que  nous  sachions  pertinemment  sur  leurs  faits 
et  gestes  pendant  les  six  mois  de  leur  éloignement.  Leur 


—  128  — 

genre  de  vie  est-il  le  même ,  se  montrent-elles  là-bas  aussi 
familières  avec  l’homme  qu’elles  le  sont  en  Europe,  à  quelle 
époque  y  a  lieu  leur  mue  ?  Tout  cela  n’est  pas  éclairci  et  ne 
pourra  l’être  que  lorsque  ces  contrées  seront  suflisamment 
explorées. 

Il  est  probable  que  celles  qui  séjournent  dans  la  partie  la 
plus  septentrionale  de  leur  zône  d’hivernement  sont  aussi 
celles  qui  à  leur  retour  s’avance  le  plus  haut  en  Europe, 
et  qu’au  contraire  ,  les  plus  méridionales  ,  qui  auraient  à 
traverser  un  bien  plus  grand  espace,  restent  dans  les  pays 
circa-méditerranéens  ;  mais  ceci  non  plus  n’est  pas  prouvé. 

Il  ne  paraît  pas  clair  non  plus  que  chaque  couple  revienne 
au  nid  de  l’année  précédente  ;  c’est  là  une  croyance  popu¬ 
laire,  appuyée  sur  des  récits  qui  manquent  d’authenticité. 
Le  fait  pourrait  avoir  lieu  quelquefois  sans  qu’il  soit  pour 
cela  habituel  ;  c’est ,  je  crois ,  une  exception  plutôt  qu’une 
règle. 

Voici  la  moyenne  des  dates  de  l’arrivée  des  Hiron¬ 
delles  en  Belgique,  prises  sur  quatre  ou  cinq  points 
différents.  Elles  ne  s’appliquent  qu'à  l’Hirondelle  de  che¬ 
minée  [Hirundo  rusiica  ) ,  qui  arrive  toujours  la  première  : 


1841 

15 

avril 

1854 

8 

avril 

1842 

9 

avril 

1855 

9 

avril 

1843 

11 

avril 

1856 

12 

avril 

1844 

7 

avril 

1857 

13 

avril 

1845 

1 

avril 

1858 

9 

avril 

1846 

30 

mars 

1859 

11 

avril 

1847 

6 

avril 

1860 

8 

avril 

1848 

3 

avril 

1861 

4 

avril 

1849 

8 

avril 

1862 

6 

avril 

1850 

5 

avril 

1863 

3 

avril 

1851 

6 

avril 

1864 

4 

avril 

1852 

2 

avril 

1865 

7 

avril 

1853 

10 

avril 

1866 

13 

avril 

Moyenne  générale  :  7  avril. 

Dates  extrêmes  :  30  mars  (1846). 

13  avril  (1857). 


Je  dois  faire  observer  que  presqu’invariablement  les 


—  1-29  - 

observations  faites  à  Bruxelles  donnent  une  date  d’arrivée 
plus  précoce  que  les  autres,  ce  qui  provient  sans  doute  de 
ce  que  les  notes  y  sont  prises  plus  exactement ,  par  des 
personnes  placées  ad  hoc  ,  sous  les  yeux  de  l’organisateur, 
M.  Quetelet.  Elles  nous  donnent  très-probablement  la  date 
d’apparition  des  premières  Hirondelles,  arrivant  isolé¬ 
ment,  et  comme  avant-garde,  tandis  que  les  autres  ne 
relatent  que  l’arrivée  plus  apparente  du  corps  d’armée. 
La  moyenne  de  ces  observations  de  Bruxelles  porte  le  2 
avril,  d’où  nous  pouvons  conclure  que  dans  nos  contrées, 
la  moyenne  d’arrivée  des  premières  Hirondelles  est  le  2 
avril,  la  moyenne  d’arrivée  des  bandes  plus  nombreuses  , 
destinées  à  se  fixer  pour  l’été ,  le  7  avril. 

Les  mêmes  Tableaux  des  phénomènes  périodiques  enre¬ 
gistrent  les  époques  d’apparition  de  nos  deux  autres  espèces 
d’Hirondelles  :  l’Hirondelle  de  fenêtres ,  {Chelidon  urbica) 
et  THirondelle  de  rivage,  [Cotijle  riparia)  ;  il  en  résulte  que 
la  première  arrive,  en  moyenne,  douze  jours  plus  lard  que 
l’Hirondelle  de  cheminée,  le  19  avril,  et  l'autre  cinq  jours 
après ,  le  24  avril. 

Quant  au  Martinet  noir  [Cypselus  apus)  on  peut  fixer  sa 
date  moyenne  d’arrivée  au  1.®^  mai.  . 

Je  crois  intéressant  de  terminer  cette  note,  en  trans¬ 
crivant  un  journal  d’observations  que  je  trouve  dans  le 
même  ouvrage,  sur  la  nidification  d’un  couple  d’Hiron¬ 
delles  de  cheminée  qui,  en  1854,  à  Ostende,  avait  élu 
domicile  dans  le  corridor  d’une  maison  : 

10  mai.  —  Deux  Hirundo  rxislica  s’engagent  dans  le 
long  corridor  d'une  maison  habitée  ;  elles  visitent  les  ap¬ 
partements  et  se  reposent  sur  les  meubles  élevés. 

18.  —  Elles  reviennent ,  passent  la  nuit  cramponnées 
sur  une  îïrosse  tête  de  clou,  à  8  centimètres  environ  du 
plafond. 

19.  —  Première  apparition  d’un  peu  d'argile  contre 
le  clou. 


—  150  — 

20,  21,  22. —  Apport  de  matériaux,  limons  de  prove¬ 
nances  diverses,  argile,  brins  d’herbe.  Elles  laissent  tomber 
sous  le  nid  une  panicule  de  Bromus  sterilis.  C’est  surtout  le 
malin  que  se  fait  la  besogne. 

23.  —  Les  Hirondelles  ne  font  rien.  Il  faut  que  les  maté¬ 
riaux  sèchent. 

24.  —  Le  gros  clou  est  presqu’entièrement  engagé  dans 
largile  ;  la  base  du  nid ,  plus  épaisse ,  forme  une  portion  de 
cercle  ;  quelques  brins  de  graminées  pendent  hors  de  la 
terre  ;  l’oiseau  se  place  à  l’intérieur  pour  appliquer  le  limon. 

26.  —  Le  bord  supérieur  est  achevé  d’un  côté;  les  deux 
oiseaux  passent  la  nuit  dans  le  nid. 

27.  —  Le  nid  est  achevé  extérieurement.  Une  troisième 
Hirondelle  s’y  introduit,  elle  est  chassée  à  coups  de  bec. 

28.  —  Le  nid  se  garnit  à  l’intérieur  de  brins  d’herbe. 

29.  —  Nouvel  apport  de  brins  d’herbe,  Bromus  sterilis, 
Poa  pratensis  ;  les  deux  oiseaux  passent  la  nuit  posés  au 
bord  du  nid. 

juin.  —  La  femelle  pond.  Elle  reste  longtemps  au 
nid ,  le  mâle  gazouille  près  de  là ,  sur  une  porte. 

2,3,4.  —  Second,  troisième  et  quatrième  œuf;  ce 
nombre  n’est  pas  dépassé  ;  le  mâle  chante  dès  3  heures  et 
demie  du  matin. 

5  et  Jours  suivants.  —  Couvaison. 

23.  —  Un  œuf  clair  est  jeté  hors  du  nid. 

26.  —  On  entend  les  cris  de  trois  jeunes  qui  reçoivent  la 
becquée. 

6  juillet.  —  Les  plumes  ont  poussé,  le  duvet  gris  perce 
encore. 

8.  —  Des  abeilles  apportées  par  les  parents  gisent  à  terre 
sous  le  nid  ,  à  demi  mortes. 

13.  —  Un  des  jeunes  s’envole  ;  il  reçoit  la  becquée  sur 
une  corde. 

14.  —  Les  trois  oiseaux  volent.  Toute  la  famille  couche 

dehors.  Les  jours  suivants  ils  font  ensemble  ou  séparément 
quelques  visites  au  nid.  A.  de  Norguet. 


Archéologie  préhistorique.  —  Dolmen.  —  Dans  un  des 
faubourgs  de  Namur ,  nommé  Jambes ,  sur  la  rive  droite  de 
la  Meuse ,  entre  le  fleuve  et  les  rochers  qui  le  bordent , 
s’élevait,  il  y  a  50  ans,  une  table  de  pierre  calcaire,  rec- 


—  131  — 

tangulaire,  de  6  mètres  carrés,  portée  à  2  mètres  du  sol  par 
deux  supports  de  même  nature  :  on  la  nommait  la  Pierre 
du  Diable. 

Selon  une  tradition  répandue  dans  le  pa^s,  la  pierre  du 
diable  serait  l’autel  d’une  idole  du  nom  de  Nam ,  renversée 
par  saint  Materne,  premier  prédicateur  du  Christianisme 
dans  le  pays  de  Naniur.  Mais  il  est  évident  que  cette  pierre 
est  un  Dolmen. 

Quel  est  l’âge  des  Dolmens?  à  quel  peuple  doit-on  les 
rapporter?  d’où  venait  ce  peuple?  et  que  devint-il?  Ce 
sont  autant  de  questions  que  la  science  n’est  pas  encore 
parvenue  à  résoudre.  Le  seul  point  certain  ,  c’est  que  les 
Dolmens  ne  sont  pas  dûs  aux  Celtes  de  César  et  qu’ils  ne 
jouaient  aucun  rôle  dans  la  religion  des  Druides. 

Avant  1753  la  pierre  du  diable  était  complètement  isolée. 
A  cette  époque  un  Italien  construisit  dans  le  voisinage  une 
petite  maison  ,  enferma  la  pierre  du  diable  dans  sa  cour  et 
fouilla  le  sol  tout  autour  pour  l’aplanir  ;  il  trouva  les 
débris  d’une  enceinte  formée  de  pierres  levées  semblables 
au  support  de  la  table  ;  il  y  retrouva  aussi  des  briques 
romaines  et  des  monnaies  de  cuivre  des  siècles  de  l’ère 
chrétienne. 

La  pierre  du  diable  fut  détruite  en  1820  ;  on  doit  le 
regretter  et  espérer  qu’il  n’en  serait  plus  de  même  de  nos 
jours  :  il  n’est  pas  un  gouvernement  qui  n’employât  tous 
les  moyens  que  la  loi  lui  confère  pour  conserver  un  monu¬ 
ment  aussi  intéressant  pour  l’histoire  nationale. 

Nous  avons  extrait  ces  détails  d’un  long  mémoire  sur 
les  Dolmens,  publié  récemment  par  M.  Schuermans ,  con¬ 
seiller  à  la  cour  de  Liège.  L’existence  de  semblables  monu¬ 
ments  dans  nos  contrées  est  si  rare  que  le  fait  nous  a  paru 
intéressant  à  signaler.  J.  G. 


—  152  — 


CHRONIQUE. 

il^umisitiaticiue.  Médaille  égyptienne.  —  Dans  le 
compte-rendu  analytique  de  la  séance  tenue  le  4  août  par 
la  Société  d’émulation  de  Cambrai,  on  lit  la  description  de 
trois  médailles  antiques  trouvées  en  terre,  à  deux  mètres 
de  profondeur ,  dans  le  faubourg  du  Cateau. 

La  première  médaille  porte  sur  la  pile,  dit  le  compte¬ 
rendu,  un  Aigle  tourné  à  gauche,  entouré  de  ces  mots 
tracés  par  un  grènetis  :  AAESA.N  basiaeos.  . .  Au  revers  , 
est  une  Tête  d’homme  ceinte  d’une  bandelette  et  tournée  à 
droite. 

Sans  avoir  vu  la  pièce,  nous  croyons  que,  sur  cette 
donnée  ,  il  est  impossible  de  l’attribuer  à  aucun  Alexandre 
de  Macédoine  ou  de  l’Empire  romain.  Puisque  les  carac¬ 
tères  sont  formés  par  un  grènetis,  la  médaille  doit  être 
égyptienne.  Au  lieu  d’AAESAN,  il  faudrait  lire  :  htoAEMAIoY, 
et  tout  s’expliqaerait  parfaitement  ;  ce  serait  Piolémée  Lagus 
ou  Ptolémée  Evergète.  La  légende  est  peut-être  fruste  ; 
l’omicron  toujours  petit,  est  sans  doute  peu  lisible,  et  la 
place  occupée  par  les  lettres  ae.a  aura  trompé  le  lecteur. 

Rien  à  dire  de  la  pièce  grecque  à  légende  incomplète  ni 
de  la  médaille  d’Aurélien,  sinon  que  celle-ci  étant  posté¬ 
rieure  à  la  première  de  cinq  siècles  au  moins,  l’enfouisse¬ 
ment  doit  être  relativement  peu  ancien  ,  et  qu’on  ne  peut 
tirer  de  leur  réunion  aucun  indice  historique.  On  ne  trouve 
guère  de  médailles  grecques  gisant  avec  des  médailles 
romaines  d’époque  différente  ,  mais. . .  le  vrai  peut  quel¬ 
quefois  n’être  pas  vraisemblable.  E.  Van  Rende. 

IVaniisiBfiiatlque.  Découverte  de  monnaies,  —  Je  vous 
parlais,  tome  ii,  p.  40,  de  160  méreaux  trouvés  à  Lille 
dans  le  fond  d’une  armoire  ;  voici  une  autre  trouvaille  du 


—  153  — 

même  genre  faite  dans  des  conditions  identiques,  et  que  je 
dois  à  la  gracieuseté  d’une  personne  de  ladite  ville.  La  tota¬ 


lité  de  ces  méreaux  se  décompose  ainsi  : 

1. ®  Saint  Etienne  debout;  bractéate  décrite  dans 

Van  Rende  (Numismatique  lilloise)^  n.'’  594  G.  939 

2. ®  La  tête  du  Sauveur  entourée  d’une  auréole  ; 

bractéate  ;  inédite.  G.  170 

3. ®  La  lettre  R  accostée  de  deux  couronnes  et  en 

contremarque  une  R  couronnée  ;  Revers  :  la  let¬ 
tre  S  ;  inédite.  PL  18 

4. “  Tête  de  mort  sur  deux  humérus  entourée  de 

trois  petites  fleurs  de  lis  ;  Rev.  les  initiales  d’un 
nom  de  famille  ;  inédite.  PI.  1 

5. ®  Mitre  accostée  de  trois  étoiles  ,  le  tout  frappé  en 

creux  ;  Rev.  mêmes  initiales  ;  inédite.  PL  2 

6. ®  Le  buste  de  saint  Etienne  accosté  des  lettres  S.  E. 

et  de  deux  étoiles,  en  dessous  une  fleur  de  lis  ; 

Rev.  mêmes  initiales  ;  inédite.  PL  1 

7. ®  Grande  étoile  accostée  des  lettres  S.  E.  et  en¬ 

tourée  de  rosaces;  R.  mêmes  initiales;  inédite.  PL  1 

8. ®  Sainte  Gatherine  debout  ;  uniface.  Van  Rende, 

n.»  602.  PI.  -  1 

9. ®  Saint  Nimbé  tourné  à  gauche  ;  Rev.  ces  mots  eu 

trois  lignes  :  A  Sainte  Catherine  ;  inédite.  PL  1 


Total.  .  1134 

Cette  découverte  m’a  fourni  un  certain  nombre  de  pièces 
très-curieuses  pour  notre  série  lilloise  ;  qui  sait  si  les 
armoires  de  notre  ville  ne  nous  réservent  pas  encore  d’autres 
surprises  agréables  ?  H.  Rigaux  fils, 

Biograpliic.  Simon  Stevin  s  est-il  fait  protestant?  — 
Philosophe,  mathématicien,  ingénieur  civil  et  militaire, 
Simon  Stevin  est  l’une  des  illustrations  de  la  Belgique  au 


—  in4  — 

XVI.*  siècle.  Son  œuvre  scientifique  a  été  décrite ,  dans 
toutes  ses  parties,  par  les  hommes  les  plus  compétents. 
Mais  on  n’est  point  fixé  sur  quelques-uns  des  points  les  plus 
essentiels  de  sa  biographie  ,  tels  que  le  lieu  et  la  date  de  sa 
naissance  et  de  sa  mort ,  la  profession  qu’exerçait  sa 
famille ,  etc.  Enfin  et  surtout  on  se  demande  s’il  abjura ,  ou 
non,  le  catholicisme,  lorsqu’il  eut  quitté  la  Belgique  pour 
se  soustraire  à  l’intolérable  despotisme  du  duc  d’Albe.  Ce 
qui  porte  à  croire  qu’il  a  adopté  le  protestantisme,  c’est 
l’accueil  empressé  qu’il  reçut  de  Maurice  de  Nassau  et  les 
honneurs  dont  ce  prince  le  combla. 

Il  y  a  quelque  dix  ans,  les  journaux  belges  ont  fait  grand 
bruit  d’un  extrait  des  comptes  de  la  paroisse  de  AVestkerke 
près  Ghistelles.  De  ce  passage,  alors  produit  pour  la  pre¬ 
mière  fois ,  il  résultait,  assurait-on,  qu’en  1619,  c’est-à- 
dire  une  année  avant  sa  mort ,  Simon  Stevin  aurait  fait ,  en 
ladite  église,  une  fondation  de  84  messes.  Cette  découverte 
semblait  mettre  hors  de  doute  l’orthodoxie  du  savant  belge. 
Dans  une  brochure  toute  récente ,  M.  Van  den  Bussche, 
archiviste  de  la  Flandre  occidentale ,  prouve  que  la  fon¬ 
dation  dont  il  est  parlé  dans  le  compte  de  1619  remonte  à 
1434,  qu’elle  n’a  pas  eu  pour  auteur  un  Simon  Stevin  ou 
Stevens  ,  mais  qu’elle  a  été  faite  en  vue  d’expier  le  meurtre 
d’un  obscur  personnage  de  ce  nom. 

La  question  de  l’abjuration  du  savant  belge  reste  donc 
entière  et  ne  recevra  de  solution  que  si  l’on  parvient  à  dé¬ 
couvrir  des  textes  plus  explicites  que  ceux  jusqu’ici  allégués. 

A.  D. 

liang^iac  française. —  Dans  le  Mémorial  d'Amiens  du 
4  mars  1870,  M.  Michel  Vion ,  chef  d’institution  ,  appelle 
l’attention  sur  un  mouvement  de  réforme  qui  se  produit, 
surtout  chez  les  peuples  voisins,  pour  modifier  l’ortho¬ 
graphe  de  notre  langue.  Il  en  donne  comme  exemple 


—  155  — 

l’article  suivant  extrait  d’un  journal  belge  le  Progrès  : 

Un  évènement  dans  la  langue  française.  —  On  sait  avec 
quelle  prudence  agit  l’Académie  française,  dans  la  réforme 
qu’elle  introduit  tous  les  demi-siècles  dans  le  remaniement 
de  son  dictionnaire  ;  elle  n’admet  que  les  idées  qui  ont  été 
acceptées  par  l’opinion  éclairée  de  la  population  depuis 
vingt  et  trente  ans.  Cela  n’empêche  pas  qu’elle  doit  sous 
peu  étonner  beaucoup  de  monde.  Nous  croyons  savoir  que 
son  nouveau  dictionnaire ,  qui  doit  apparaître  sous  peu, 
contiendra  les  réformes  ci-dessous  : 

Substitution  1."  de  c  tà  ch  dur:  caos ,  éco,  arcange, 
clore,  politecnique  ;  2.“  de  f  k  pli  dans  filosofe ,  fosfore, 
fotogratie  ;  3.°  de  j  à  g  doux  :  gnjiire,  rejimber,  jesier  ; 
4.”  de  c,  s  à  H  dans  ambicieux,  démocracie,  facécie  ;  5."  de 
s  kx  dans  :  chous,  caillons,  verrous,  etc.  ;  6.“  de  i  simple  à 
y  dans  slile,  juri,  tilburi  ;  7.®  de  ance  à  ence  k  la  fin  des 
mots  :  providance,  existance  ;  8."  de  ant  à  ent  pour  les  ad¬ 
jectifs  et  les  substantifs  verbaux  :  présidant,  courant. 

Suppression  1.®  de  /i  muet  :  orizon,  onneur ,  omme , 
abit  ;  2.°  de  h  après  r  et  f  :  rume  ,  rinocéros ,  rubarbe  , 
absinte ,  catolique  ;  3.”  des  consonnes  doubles  qu’une  bonne 
prononciation  ne  doit  pas  faire  entendre  :  patroner,  charue, 
j’apèle  ;  4.®  des  traits  d’union  :  c’estàdire ,  bassecour. 

M.  Vion  est  plus  radical  encore;  il  voudrait  voir  adopter 
un  alphabet  international  et  une  méthode  rationnelle  d’écri¬ 
ture  fondée  sur  la  phonographie.  J.  G. 


AfétéorologSe  :  MARS 

1870 

Température  moyenne .  4.®  167 

»  »  des  minima .  1.'’  638 

ï  »  des  maxima .  6."  697 

JJ  extrême  minima,  le  14. —  2."  30 

»  »  maxima,  le  2..  17."  60 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.". . . .  760"’"'330 
»  hauteur  extrême  minima,  le  12.  75l""’‘20 
»  j>  »  maxima ,  le  20. .  772"’"'32 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  4"‘'“9o 

Humidité  relative  moyenne  °/o .  80.0 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  55'.""‘81 

»  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  39“"! 7 


MARS 

aimée  moy. 
5."  4o4 


758r  566 


5““  35 
77.71 
45r  857 
46r  32 


—  136  — . 

Le  mois  de  mars,  premier  mois  du  printemps  météoro¬ 
logique  ,  fut  froid  et  humide  :  le  ciel  fut  très-nébuleux  et  la 
tension  électrique  considérable. 

Plusieurs  halos  solaires  et  lunaires  furent  observés  et 
toujours  leur  apparition  fut  suivie  de  pluie  ou  de  neige 
dans  les  24  heures. 

Le  3  vers  3  heures  du  soir ,  le  vent  qui  ,  pendant  toute  la 
journée  avait  soufflé  du  S. -O.  ,  saute  au  N.-E.  ;  à  9  heures, 
il  tombe  un  peu  de  pluie.  De  iO  h.  43  à  11  h.  éclairs  sans 
tonnerre,  11  h.  petite  pluie,  11  h.  30,  éclairs,  tonnerre, 
forte  pluie  fournie  par  les  nuages  et  la  deuxième  coucbe 
venant  lentement  du  S.  ;  vent  N. -E.  fort,  l’orage  dure  peu; 
à  minuit  le  ciel  est  couvert  par  de  grands  cumulus  de  la 
couche  inférieure,  la  pluie  tombe  encore. 

Il  y  eut  10  jours  de  neige  et  l’eau  provenant  de  la  fonte 
forma  une  couche  d’une  épaisseur  de  26'”'“  80  ,  la  coucbe  de 
pluie  fut  de  28”“  71 ,  celle  de  l’eau  de  grêle  0””  30. 

Le  23  pendant  toute  la  matinée  et  une  partie  de  l’après- 
midi  ,  il  tomba  de  temps  en  temps  de  la  neige  avec  plus  ou 
moins  d’abondance,  mais  de  4  h.  30  à  minuit,  elle  fut 
continue  ,  vent  N.  Une  partie  de  cette  neige  se  fondit  au  fur 
et  à  mesure  de  sa  chute  ,  caria  température  atmosphérique 
était  au-dessus  de  0°  ;  mais  peu-à-peu  l’air  se  refroidit,  la 
fonte  cesse  de  se  produire  et  à  minuit  les  toits  et  les  places 
publiques  sont  couverts  d’une  couche  de  3  centimètres. 
Le  28  la  fonte  de  la  neige  ,  sur  les  toits  d’ardoises  surtout  et 
dans  les  goutières  ,  n’était  pas  encore  achevée. 

Le  nombre  des  jours  de  pluie  fut  de  23  ce  qui  contribua  à 
maintenir  les  couches  d’air  en  contact  avec  le  sol  dans  un 
état  d’humidité  défavorable  à  l’évaporation.  Cette  humi¬ 
dité  causa  encore  des  brouillards  permanents  et  des  rosées 
assez  fréquentes  et  abondantes. 

Les  vents  dominants  fui  ent  ceux  de  N.-E.  et  N. -O.  froids 
et  forts  qui  régnèrent  pendant  29  jours.  V.  Meürein. 


Le  Gérant  :  Ë.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQCEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2.®  Année.  —  N.°  5.  —  Mai  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DUNKERQÜOISE 
Mémoires  t.  xiv  ;  1869. 

L’année  1869  a  privé  la  Société  dunkerquoise  de  plusieurs 
de  ses  membres  les  plus  actifs.  MM.  L’Hote,  vice-président, 
Gütblin ,  secrétaire  perpétuel,  et  Delègue  ont  quitté  le  pays. 

M.  L’Hote  s’occupait  des  questions  artistiques  et  littéraires 
en  les  envisageant  de  haut. Ses  nombreuses  publications,  par 
leur  généralité  même ,  intéressent  si  peu  notre  région  que 
nous  nous  bornerons  à  mentionner  le  titre  de  celles  qu’il  a 
insérées  dans  le  présent  volume  : 

Philosophie  de  Part  (suite)  :  Les  maîtres  naïfs  ;  Cimahue 
et  Giotto;  Raphaël  Sanzio. — Erreurs  et  préjugés  historiques', 
La  mer  a-t-elle  baigné  les  murs  d' Aigues-Mortes?  —  Les 
femmes  de  Vantiquité  :  Cléopâtre.  —  Son  voyage  dans  les 
Ardennes  françaises  nous  faisait  espérer  par  le  titre  une 
étude  locale,  mais  ce  n’est  guère  qu’une  variation  sur 
quelque  guide  de  voyage. 

M.  Delègue  a  pris  Pascal  pour  son  héros  et  on  ne  pouvait 
certes-mieux  choisir.  Dans  une  première  note  qui  a  déjà 
été  insérée  dans  les  Nouvelles  annales  de  mathématiques  ^ 
il  montre  que  le  Binôme  de  Newton  a  été  inventé  par 
Pascal  et ,  dans  un  second  mémoire,  il  revendique,  pour  le 
même  savant,  l’honneur  d’avoir  pris  une  part  considérable 
au  développement  des  méthodes  infinitésimales.  Tous  les 
mathématiciens  sont  maintenant  d’accord  sur  ce  point  et 
rendent  un  hommage  complet  au  prodigieux  génie  de  l’in¬ 
venteur  de  la  vinaigrette  et  du  baquet. 

M.  Gütblin  a  publié  une  étude  très-intéressante  sur 


—  (38  — 

Schiller  considère  comme  poète  lyrique.  Il  commence  par 
caractériser  la  poésie  lyrique  qui  est  l’image  intime 
des  poètes.  C’est  donc  par  ses  poésies  lyriques  que  nous 
pouvons  le  mieux  apprécier  le  caractère  et  les  sentiments 
de  Schiller.  Nous  y  trouvons  partout  «  le  même  respect  du 
talent  et  le  même  culte  de  l’art ,  la  même  sincérité  ,  la  même 
estime  de  la  force  de  volonté,  le  même  soin  de  la  dignité 
humaine  basée  sur  le  libre  choix  du  bien  ,  sous  le  rayon  de 
clarté  du  vrai  et  sous  le  rayon  de  chaleur  du  beau.  » 

, Après  avoir  résumé  les  circonstances  de  la  vie  de  Schiller, 
M.  Güthlin  passe  en  revue  ses  principales  œuvres  lyriques 
et  il  termine  par  une  traduction  en  vers  du  poème  de  la 
Cloche.  Cilons-en  une  strophe  qui  montrera  que  le  poète 
n’a  pas  à  se  plaindre  de  son  traducteur  : 

L’homme  doit  combattre, 

Assaillir,  abattre, 

Dompter  p  r  ses  coups, 

Le  Destin  jaloux. 

Il  laboure ,  il  plante , 

Court  et  se  tourmente 
Du  malin  au  soir. 

Il  pense  et  calcule, 

Hasarde  et  spécule, 

Augmente  et  cumule 
Toujouis  son  avoir. 

Aussi  la  fortune  afflue  et  s'amasse  ; 

Aux  vastes  greniers ,  bien  sur  bien  s’entasse  ; 

La  maison  s’accroit ,  envahit  l'espace  ; 

El  dans  la  maison. 

L’épouse  fidèle 
Travaille  avec  zèle  ; 

Et  par  la  raison, 

Guide  la  aniille , 

Instruit  la  fille , 

Gronde  le  garçon  ; 

Et,  sans  re  âche  ; 

Poursuit  sa  tache , 

Et,  par  mille  efforts , 

Grossit  les  trésors  ; 

De  riches  atours  emplit  ses  cassettes  , 

Recouvre  de  fil  le  bruyant  fuseau  ; 

Et ,  dans  son  armoire  aux  cases  proprettes  , 

Joint  la  blanche  laine  au  lin  le  plus  beau  ; 

Unit  l’abondance 


—  139  — 

Et  les  doux  attraits  ; 

Et  sa  diligence 

Ne  faiblit  jamais  ! 

M.  Güthlin  n’était  pas  le  seul  poète  de  la  Société  dunker- 
quoise.  M.  Mordacq  continue  à  célébrer  les  gloires  du  pays. 
Cette  année,  il  s’adresse  à  la  Tour  de  Dunkerque  : 

Ce  roi  des  clochers  d  alentour  ! 

M.  Everhaert  est  poète  aussi  et  de  plus  improvisateur. 
Parmi  ses  impromptus  ^  citons  le  suivant  remarquable  par 
la  difficulté  des  rimes  qui  ont  été  imposées  à  l’auteur.  Il  fut 
néanmoins  composé  en  sept  minutes  et  demie  et  au  milieu 
d’un  bal  : 

Que  de  la  liberté ,  l’odieux  renégat 
De  ses  lèvres  jamais  n’effleure  le  nougat , 

Que  tout  lui  semble  amer,  même  les  confitures-, 

Que  ses  pieds  torturés  d'horribles  engelures 
Le  livrent  sans  réserve  au  féroce  bedoum  ; 

Quïl  plonge  vainement  sous  l'eau  ,  comme  un  marsouin. 

Que  saisi  néanmoius  captif  d'une  mégère, 

11  traine  un  char  pesant  dans  une  horrible  ornière. 

MM.  Everhaert  et  Herbewyn  ont  apprécié,  au  point  de 
vue  musical ,  une  opérette  composée  par  un  de  leurs  com¬ 
patriotes,  M.  Neerman  fils,  et  représentée  sur  le  théâtre  de 
Dunkerque ,  le  14  janvier  1869. 

M.  Alard ,  autre  poète  ,  traducteur  en  vers  du  pèlerinage 
de  Childe-Harold ,  a  donné  cette  fois  la  traduction  d’un 
travail  économique  de  M.  ^Yykettam-Martin  :  Essai  sur  la 
théorie  du  prix. 

Le  volume  dont  nous  rendons  compte  contient  encore 
quelques  travaux  de  feu  Victor  Derode.  C’est  d’abord  une 
conférence  faite ,  le  22  février  1866  ,  sur  la  lillérature  dra¬ 
matique  contemporaine  dont  il  déplore  les  tendances  im¬ 
morales.  Comme  modèle  il  propose  Scribe  et  Molière.  Il 
compare  ces  deux  auteurs  et  termine  par  ces  mots  :  «  Scribe 
est  un  homme  d’esprit,  Molière  un  écrivain  de  génie.  » 

Sous  le  titre  de  Bribes  historiques  nous  trouvons  aussi 


—  140  — 

des  renseignements  du  même  auteur  sur  quelques  Fonc¬ 
tionnaires  et  agents  publics  à  Dunkerque. 

Derniers  éclaircissements  sur  remplacement  de  Quentovic^ 
par  M.  Cousin.  L’appréciation  de  ce  travail  par  notre  colla¬ 
borateur  M.  Desplanque  prendra  place  dans  un  de  nos 
plus  prochains  numéros. 

Excursions  et  fouilles  archéologiques  faites  en  1868  dans 
V arrondissement  de  Boulogne-sur-Mer ,  par  M.  Cousin. — 
Il  y  a  plusieurs  années  déjà  que  l’auteur  a  entrepris  des 
fouilles  sur  les  anciennes  sépultures  des  environs  de  Calais 
et  de  Boulogne.  Plusieurs  de  celles  qu’il  a  exécutées  dans  le 
courant  de  l’année  1868  ont  été  couronnées  de  succès ,  ce 
qui  devait  être ,  car  elles  étaient  conduites  avec  tout  le  soin 
désirable  et  l’emplacement  en  était  choisi  avec  la  plus 
grande  sagacité. 

Signalons  d’abord  la  découverte  de  plusieurs  haches  en 
silex,  probablement  polies  —  l’auteur  ne  le  dit  pas  —  à 
Hervelinghem ,  Leulinghem  et  Sangatte. 

Sur  le  Mont-de-Coupe  à  Audembert,  à  Bazinghem,  à 
Escalles,  des  mottes  ou  tumulus  d’une  hauteur  moyenne  de  1 
mètre  et  de  10  à  15  mètres  de  diamètre  ,  lui  ont  fourni  des 
squelettes  couchés  sur  un  lit  de  gravier  ou  recouverts  de 
cailloux.  Le  plus  remarquable,  celui  du  Mont-de-Coupe, 
contenait  un  squelette  de  guerrier  ayant  à  ses  pieds  une 
hache  en  silex  et  près  de  lui  deux  poinçons  en  os,  un 
squelette  de  femme,  ainsi  que  ceux  de  trois  enfants  et  d’un 
petit  chien.  C’est  évidemment  une  sépulture  de  famille  re¬ 
montant  à  l’époque  de  la  pierre  polie  ou  au  commencement 
de  l’âge  de  bronze  ;  car ,  dans  la  motte  de  Bazinghem  ,  les 
ossements  étaient  accompagnés  de  morceaux  de  poteries  et 
de  parcelles  de  cuivre  rouge. 

D’autres  tumulus ,  de  plus  grandes  dimensions ,  situés  à 
Rety  ,  à  Saint-Tnglevertet  à  Marck  paraissent  être  plus  ré- 


—  141  — 

cents:  ils  ont  fourni  des  restes  d’armures.  Le  dernier,  entre 
autres ,  selon  M.  Cousin  est  dû  à  une  station  de  soldats  bar¬ 
bares  au  service  des  Romains.  (*) 

Le  long  du  chemin  de  grande  communication  de  Wissant 
à  Guines,  on  a  trouvé  deux  petits  tombeaux  romains  con¬ 
tenant  des  pots  en  terre  remplis  de  cendres  :  ce  qui  les  fait 
remonter  à  l’époque  où  on  pratiquait  encore  l’incinération. 

L’auteur  a  visité  ,  en  outre  ,  plusieurs  cimetières  méro¬ 
vingiens  qui  avaient  déjà  été  exploités  avant  lui ,  fouillé 
le  cimetière  de  Saint-Martin  de  Sclive  à  Sangatte  ,  re¬ 
connu  remplacement  de  l’ancienne  église  de  ce  nom  dé¬ 
truite  depuis  plusieurs  siècles ,  etc. 

Le  même  village  de  Sangatte  lui  a  donné  occasion  de 
faire  une  observation  très-importante. 

«  La  plage,  bien  que  couverte  par  la  mer  à  chaque  marée, 
contient  cependant  quantités  de  murs  de  fondations,  restes 
d’anciennes  maisons  d’où  on  a  retiré  des  médailles  gau¬ 
loises  et  romaines.  Comment  comprendre  que  ces  maisons 
aient  été  construites  et  habitées  dans  un  pareil  endroit  ? 
Doit-on  appliquer  ici  la  théorie  de  l’exhaussement  ou  de 
l’abaissement  des  côtes  ?  » 

M.  Cousin  a  parfaitement  raison  :  Les  preuves  de  l’abais. 
sement  des  côtes  de  notre  littoral  depuis  l’époque  romaine 
ne  sont  plus  à  donner.  Le  temple  de  Nehalennia  situé  à 
l’extrémité  de  nie  de  Walcheren  fut  recouvert  et  enseveli 
par  les  dunes  à  une  époque  indéterminée  ;  puis  comme  ces 
monticules  de  sable  reculent  constamment  vers  l’intérieur 
du  continent,  il  fut  découvert  en  1647,  mais  celte  fois 
entre  la  dune  et  le  rivage.  En  1 695  ,  il  était  à  900  mètres  en 
pleine  mer.  Ainsi ,  pendant  cette  période  ,  la  mer  gagnait 
environ  14  mètres  non  point  comme  dans  bien  d’autres  cas 
par  érosion  de  la  côte,  mais  par  simple  submersion.  Autre 
exemple  :  En  1520,  par  des  marées  très-basses,  on  découvrit 


{})  Bulletin  1. 1.  ,  p.  226. 


—  142  — 

vis-à-vis  Katwyk ,  à  l’embouchure  du  Vieux -Rhin ,  à  un 
kilomètre  en  mer,  des  murailles  de  8  pieds  de  hauteur, 
reste  de  Brittenboug(arx Britannica)  fondée  parles Piomains 
à  l’embouchure  du  Rhin.  En  1752,  ces  restes  de  murailles 
avaient  été  détruits  par  les  vagues  et  les  pilotis  sur  lesquels 
elles  étaient  fondées  cessaient  d’être  visibles. 

On  pouvait  par  des  considérations  géologiques  prouver 
que  l’affaissement  de  toute  la  côte  s’étendait  à  l’ouest  jus¬ 
qu’au  cap  Blanc-Nez.  Nous  devons  à  M.  Cousin  de  le  dé¬ 
montrer  à  l’aide  des- monuments  historiques.  C’est  d’autant 
plus  heureux  que  M.Belpaire  supposait ,  par  suite  d’un  rai¬ 
sonnement  vicieux,  que  la  mer  ne  gagnait  sur  le  continent 
qu’à  l’est  de  Nieuport,  tandis  qu’elle  se  retirait  à  l’ouest  de 
cette  ville,  c’est-à-dire  sur  le  littoral  français. 

Il  y  a  encore  bien  des  questions  à  résoudre  au  sujet  de 
ce  phénomène  :  Les  terrains  jurassiques  et  crétacés  du 
Boulonnais,  participent-ils  au  mouvement  d’affaissement, 
ou  ne  forment-ils  pas  une  sorte  de  charnière  immobile?  Des 
observations  faites  par  M.  Cousin  à  Wissant  permettraient 
peut-être  de  résoudre  la  question  ,  mais  je  ne  les  connais 
pas  assez  pour  me  former  sur  ce  point  une  opinion. 

L’affaissement  se  continue-t-il  encore  de  nos  jours  ? 
question  capitale  pour  nos  voisins  les  Hollandais.  C’est  cer¬ 
tainement  à  cet  abaissement  séculaire  et  insensible  du 
continent ,  qu’est  dûe  la  situation  de  leur  sol  au-dessous  du 
niveau  de  la  mer.  Si  le  mouvement  se  continue ,  fatalement, 
nécessairement,  les  digues  seront  vaincues  et  la  Hollande 
presque  toute  entière  passera  sous  les  flots. 

Le  volume  des  mémoires  de  la  Société  dunkerquoise  se 
termine  par  les  observations  météorologiques  du  docteur 
Zandyck  pour  1867.  Nous  y  constatons  pour  Dunkerque 
une  quantité  de  pluie  inférieure  de  près  de  moitié  à  celle 
qui  est  tombée  à  Lille  dans  la  même  période.  J.Gosselet. 


143 


Travaux  courants 

Dans  sa  séance  du  3  février  dernier,  la  Société  dunker- 
quoise  a  entendu  le  rapport  de  la  Commission  chargée 
d’examiner  le  manuscrit  que  M.  Derode  avait  terminé  peu 
de  temps  avant  sa  mort,  pour  une  seconde  édition  de  son 
histoire  de  Dunkerque:  il  y  a  eu  unanimité,  parmi  les 
membres ,  pour  déclarer  qu’il  est  fort  désirable  que  ce 
manuscrit  de  1  ancien  président  de  la  Société  Dunkerquoise 
soit  imprimé  ;  car  il  contient  beaucoup  de  détails  intéres¬ 
sants  qui  manquent  à  la  première  édition  laquelle  est 
d’ailleurs  épuisée, 

M.  Bonvarlet  a  lu  ensuite  un  travail  de  M.  Carlier,  de 
Paris.  Ce  travail  concerne  l’honorable  famille  Thugghe  de 
Dunkerque,  famille  alliée  à  celle  de  Jean-Bart. 

Une  seconde  lecture  a  été  faite  par  M.  Epinay,  vice- 
président  de  la  Société  ;  elle  a  pour  sujet  ;  La  féodalité  , 
dont  l’origine ,  la  cause  et  les  principaux  résultats  sont 
successivement  expliqués  par  l’auteur. 

Enfin  ,  M.  le  président  a  lu  la  première  partie  d’un  mé¬ 
moire  intitulé  :  L'abbaye  de  Steneland ,  étude  sur  le  nom 
actuel  du  lieu  où  elle  était  située  et  sur  l’emplacement 
d’autres  communes  dans  lesquelles  elle  avait  des  biens. 

Une  controverse  s’étant  élevée  dans  le  monde  érudit  sur 
la  situation  de  ces  localités ,  M.  Cousin  a  cherché  à  se 
former  une  opinion  délinitive  à  cet  égard  ;  il  développe  des 
considérations  qui  concourent  à  placer  à  Steenkerque  près 
de  Fumes  (  Belgique  ) ,  c’est-à-dire  à  quelques  lieues  de 
Dunkerque  ,  l’abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Steneland,  que 
des  savants  mettaient  en  France  dans  l’arrondissement  de 
Béthune  et  d’autres  dans  le  voisinage  d’Anvers. 

Vu  l’heure  avancée,  la  lecture  de  la  seconde  partie  du 
mémoire  qui  concerne  la  situation  de  trente-deux  autres 


144 

localités  est  renvoyée  à  une  prochaine  séance  mensuelle. 

_  A.  D. 

SOCIÉTÉ  d’émulation  DE  CAMBRAI 
Mémoires ,  t.  xxx.  (2.*  partie)  1869. 

Plusieurs  des  travaux  renfermés  dans  ce  volume  sont 
déjà  connus  de  nos  lecteurs  par  l’analyse  anticipée  que  nous 
en  avons  donnée  {Bulletin,  t.  i ,  pages  92 ,  111 ,  262,  384.) 
Ainsi  nous  ne  reviendrons  ni  sur  les  Souvenirs  du  Mexique, 
de  M.  Fégueux  ,  ni  sur  l’étude  de  M.  ^Yilbert  ayant  pour 
titre  :  Cambrai  sous  la  domination  espagnole ,  ni  sur  le 
rapport  de  M.  Blin,  relatif  à  V Etat  actuel  de  V Agricul¬ 
ture  en  France  ,  ni  sur  YExamen  critique  d'une  page  de 
Le  Carpentier  (Notice  sur  Elincourt) ,  par  le  même  auteur  , 
ni  enfin  sur  les  discours  prononcés  par  le  Président  et  le 
Secrétaire  perpétuel  de  la  Société  d’Emulation  à  la  séance 
publique  du  18  août  1868. 

Nous  rendrons  compte  séparément  de  la  Biographie  du 
baron  de  Vuorden,  par  M.  de  Vendegies,  œuvre  considé¬ 
rable  ,  dont  nous  avons  été  Pun  des  premiers  à  saluer  l’ap¬ 
parition  (Bulletin,  t.  i,  p.  91.) 

Enfin  ,  notre  incompétence  en  pareille  matière,  jointe  à 
un  sentiment  d’extrême  modestie  de  la  part  de  notre  colla¬ 
borateur  M.  Gosselet ,  nous  oblige  à  ne  rappeler  que  pour 
mémoire  la  deuxième  partie  de  son  étude  sur  la  Constitution 
géologique  de  l’ancien  Camhrèsis.  La  première  partie  traitait 
du  canton  de  Solesmes  :  celle-ci  a  pour  objet  le  canton  du 
Gâteau. 

Au  moment  où  l’attention  des  esprits  est  dirigée  vers  le 
Pôle-Nord ,  M.  Ladureau ,  médecin  en  chef  de  l’hôpital 
militaire  de  Cambrai ,  a  eu  l’beureuse  idée  de  retracer,  sous 
une  forme  bumoristique ,  un  voyage  aux  abords  du  Pôle- 
Sud  qu’il  a  fait,  il  y  a  plus  de  30  années,  <r  presque  sans. 


—  145  — 

autre  but  que  d’émousser ,  au  souffle  des  tempêtes  ,  l’avi¬ 
dité  dévorante  de  voir  et  de  connaîlre  qui  fermente  souvent 
dans  un  cœur  de  vingt  ans.  »  Et  plus  loin  il  ajoute  :  «  Si 
nous  avions  été  sur  VAstrolabe  avec  l’inforluné  Dumont 
d’Urville  ,  nous  nous  fussions  approchés  davantage  du 
Pôle-Sud  ;  mais  d’autres  intérêts  poussaient  nos  compa¬ 
gnons  sur  les  rivages  du  Pacifique  ;  et  quand  un  ouragan 
nous  eut  jetés  brisés  sur  les  côtes  du  Chili,  des  nouveautés 
plus  attrayantes  ne  nous  permirent  pas  de  regretter  le  cap 
Horn.  »  L’esquisse  de  M.  Ladureau  se  recommande  par  des 
observations  neuves  et  des  récits  pleins  d’intérêt. 

La  notice  de  M.  Durieux  sur  le  village  de  Quéant  nous 
ramène  dans  l’ancien  Gambrésis.  Aidé  de  sa  plume  élé¬ 
gante  et  de  son  habile  crayon ,  l’auteur  nous  dépeint  les 
fonds  baptismaux  de  cette  paroisse  (ils  sont  de  la  fin  du  xvi.« 
siècle) ,  ainsi  qu’une  belle  pierre  tumulaire ,  encastrée  près 
du  baptistère  et  qui  porte  la  date  de  1358. 11  fait  suivre  cette 
notice  d’une  seconde  sur  un  autre  village  de  fancien  Gam¬ 
brésis  (celui de  Vaux,  Pas-de-Galais) ,  où  l’on  remarque  la 
pierre  tombale  de  Jean  de  Longueval,  seigneur  de  Vaux, 
gouverneur  d’Arras  sous  Charles-Quint,  et  de  Jeanne  de 
Rosimboz,  sa  femme. 

Les  travaux  exécutés  en  1868  au  Moulin  de  Selles,  pour 
permettre  aux  barques  du  commerce  remontant  l’Escaut 
d’aborder  au  pied  même  du  moulin  ,  ont  fait  retrouver 
dans  le  lit  du  fleuve  une  ancienne  arme  à  feu  que  M.  Cor¬ 
naille-Leroy ,  propriétaire  de  l’usine,  a  offerte  à  la  Société 
d’Emulalion  par  l’intermediaire  de  son  Président.  A  la  suite 
d’un  scrupuleux  examen  ,  M.  Durieux  s’est  convaincu  que 
cette  arme  est  une  pièce  de  rempart ,  qu’elle  a  dû  appartenir 
à  la  défense  du  château  de  Selles  au  pied  duquel  elle 
a  été  recueillie  et  où  les  meurtrières  que  l’on  remarque 
dans  les  murailles  en  permettaient  f emploi. 


—  146  ~ 

Sous  le  litre  :  La  disette  à  Cambrai  en  1789  ,  M.  Durieux 
a  raconté  les  scènes  de  désordre  qui  eurent  lieu  dans  sa  ville 
natale,  les  6  et  7  mai  de  cette  année-là.  Le  lendemain  même 
de  la  convocation  des  Etats-Généraux  du  Royaume ,  la 
populace  de  Cambrai  se  porta  chez  trois  marchands  de 
grains,  réputés  accapareurs  ;  elle  commit  dans  leur  domicile 
d’odieuses  violences,  ne  respecta  pas  même  la  clôture  des 
Dames  hospitalières  de  Saint-Lazare  et  se  rua  sur  l’abbaye 
de  Prémy.  Le  Parlement  de  Flandre  évoqua  à  lui  sans  délai 
cette  affaire  et  il  prononça  de  graves  peines  contre  les 
hommes  et  les  femmes  qui  s’y  trouvaient  impliqués.  L’exé¬ 
cution  de  la  sentence  ne  coupa  point  court  aux  difficultés 
auxquelles  le  Magistrat  de  Cambrai  se  trouvait  en  proie , 
difficultés  encore  accrues  par  la  nécessité  où  il  était  de 
référer  de  chacun  de  ses  actes  à  l’Intendant  et  au  Gouver¬ 
neur  de  la  province  de  Rainant.  L’initiative  municipale 
se  trouvait  paralysée,  en  d’aussi  critiques  conjonctures,  par 
les  lenteurs  et  l’impéritie  de  l’autorité  supérieure. 

Nous  n’en  n’avons  point  fini  avec  l’énumération  des 
travaux  du  docte  secrétaire  de  la  Société  d’Emulation  de 
Cambrai  et  il  nous  reste ,  avant  de  prendre  congé  de  lui ,  à 
dire  un  mot  du  recueil  des  Inscriptions  tumulaires  anté¬ 
rieures  à  1793  encore  existantes  dans  V arrondissement. 

Plusieurs  de  ces  inscriptions  avaient  déjà  été  publiées 
par  MM.  Le  Glay,  Wilbert ,  Bruyelle,  Delattre,  etc.;  il 
n’en  est  pas  moins  intéressant  de  les  trouver  toutes  réunies 
dans  le  répertoire  formé  par  M.  Durieux  en  collaboration 
avec  M  Bruyelle.  Elles  sont  accompagnées  d’un  très-grand 
nombre  d’épitaphes  inédites.  Ces  deux  messieurs  ont,  les 
premiers ,  relevé  celles  qui  se  trouvent  dans  le  caveau  funé¬ 
raire,  au-dessous  de  la  sacristie  de  l’église  Saint-Géry.  Ils 
en  ont  aussi  copié,  à  l’abbaye  de  Vaucelles,  qui  n’avaient 
point  encore  obtenu  les  honneurs  de  l’impression. 


—  147  — 

Dans  les  églises  rurales  de  l’ancien  Cambrésis,  la  moisson 
de  MM  Durieux  et  Bruyelle  n’a  pas  été  moins  abondante. 
Sans  parler  d’une  multitude  de  dalles  tumulaires  de  curés, 
de  censiers,  de  baillis  ou  de  mayeurs  ,  les  deux  auteurs  du 
Recueil  signalent  à  Abancourl  la  sépulture  de  Jean-Baptiste- 
Joseph  de  Francqueville,  seigneur  d’Abancourt,  pair  du 
Cambrésis,  procureur  syndic  de  la  province,  et  de  Marie- 
Catherine  de  Francqueville,  son  épouse;  à  Briàtre,  la 
sépulture  de  Marie-Angélique  Bernard  de  Rasoir,  baronne 
douairière  de  Noyelles-sur-Selle ,  vicomtesse  du  pays  de 
Langle  ,  veuve  de  Jean-Louis  de  Carondelet,  seigneur 
dudit  Briâtre  et  d’Hayne-Saint-Pierre  ;  —  à  Escaudœuvres  , 
sur  le  seuil  de  la  porte  de  l’église,  l’inscription  tumulaire 
d’Ambroise  et  de  Dominique-François  de  Villavicencio , 
seigneurs  du  lieu  ;  —  à  Vertain,  au  milieu  du  chœur,  la 
sépulture  de  Philippe  de  Rubempré,  gouverneur  de  la 
Flandre  wallonne. 

MM.  Durieux  et  Bruyelle  ne  se  bornent  pas  à  transcrire 
les  inscriptions  qu’ils  rencontrent  :  ils  recueillent,  en  outre, 
avec  soin  ,  les  renseignements  qui  se  rattachent  à  chacune 
d’elles.  Voici,  par  exemple,  ce  que  la  tradition  locale  leur  a 
appris  touchant  la  famille  de  Louis  Voisin,  de  Bévillers, 
décédé  en  cette  paroisse,  le  o  juillet  1769,  à  l’âge  de  97 
ans ,  après  avoir  donné  le  jour  à  dix-sept  enfants  dont  deux 
furent  prêtres. 

Les  dix-sept  enfants  des  époux  Voisin,  bien  qu’élevés 
tous  dans  les  mêmes  principes  d’une  saine  morale,  n’eurent 
pas  tous  une  vie  également  calme. 

Jean  ,  l’un  d’eux  ,  esprit  aventureux,  épris  de  l’attrait 
de  l’inconnu,  quitta  la  maison  paternelle  pour  courir  le 
monde.  Après  diverses  vicissitudes  et  une  fortune  constam¬ 
ment  contraire  ,  il  entra  comme  palfrenier  au  service  d'un 
général  des  armées  de  Louis  XV. 

Voisin  était  intelligent  :  de  palfrenier  il  devint  cui¬ 
sinier  habile  et ,  par  ses  progrès  dans  la  science  des  Vatel , 


—  148  — 

s’attira  la  bienveillance  delà  femme  de  son  maître.  Celui-ci 
ayant  été  tué  dans  une  bataille,  sa  veuve  ,  d’abord  incon¬ 
solable  ,  fit  une  trêve  cependant  à  ses  regrets  pour  retenir 
son  serviteur  qui  ,  las  d’appeler  à  son  aide  toutes  les  res¬ 
sources  de  l’art  culinaire  pour  essayer  de  distraire  sa  maî¬ 
tresse  et  n’y  pouvant  réussir  ,  parlait  de  la  quitter. 

Comment  s’y  prit-elle  pour  retenir  le  jeune  homme? 
c’est  ce  que  la  tradition  ne  dit  pas  ;  mais  elle  ajoute  que  peu 
de  temps  après  ,  la  veuve  du  général  lit  succéder  à  tous  les 
droits  de  son  premier  mari  son  maître-queux ,  en  lui  don¬ 
nant  son  cœur,  sa  fortune  et  sa  main. 

Au  sein  du  bonheur  que  lui  procurait  cette  union  ines¬ 
pérée,  Jean  se  rappela  bientôt  sa  famille.  Il  songea  non 
sans  quelques  remords  à  son  vieux  père,  à  sa  bonne  mère 
à  qui  son  départ  avait  coûté  tant  de  larmes.  L’un  de  ses 
frères ,  Joseph,  s’était  fait  prêtre,  il  desservait  la  paroisse 
natale  ;  Jean  le  choisit  comme  intermédiaire  pour  renouer 
avec  les  siens  des  liens  rompus  depuis  quinze  ans. 

Un  certain  jour  le  prêtre  réunit  dans  un  repas  modeste  , 
au  presbytère,  ses  vieux  parents  et  leurs  enfants.  Au 
moment  où  ils  allaient  s’asseoir  à  la  table  commune ,  un 
riche  équipage  amena  deux  convives,  un  jeune  seigneur  et 
sa  femme.  Ils  prirent  place  au  milieu  des  bons  paysans,  les 
intriguant  par  des  questions  qui  provoquaient  chez  tous  le 
souvenir  d’un  enfant  prodigue,  fils  ou  frère ,  qu’on  n’espé¬ 
rait  plus  revoir.  A  la  tin,  le  jeune  seigneur  n’y  tenant  plus 
se  jeta  en  pleurant  dans  les  bras  de  la  mère  puis  du  père 
Voisin  ,  placés  à  ses  côtés.  Il  se  fit  alors  reconnaître  pour  ce 
Jean  qu’ils  n’avaient  pas  cessé  d’aimer,  qu’ils  aimaient  plus 
encore  peut-être  à  cause  du  tourment  qu’il  leur  avait  causé 
et  qui  lui  accordèrent  facilement  le  pardon  qu’il  sollicitait. 
Il  présenta  ensuite  sa  femme  à  sa  nouvelle  famille  que 
désormais  l’un  et  l’autre  ne  cessèrent  plus  de  voir. 

L*e  Bulletin  archéologique  de  Varrondissementde  Cambrai 
pour  les  années  1868  et  1869  ,  dressé  par  les  soins  de 
M.  Bruyelle,  porte  à  la  connaissance  du  public  un  certain 
nombre  de  faits  dont  nous  citerons  les  plus  intéressants. 

En  démolissant  l’église  de  la  Neuville-Saint-Remi ,  on  a 
retrouvé,  noyés  dans  le  mortier  des  murailles,  plusieurs 
cbapitaux  romans,  du  genre  de  ceux  qu’on  appelle  cliapi- 


—  149  — 

laux  Godronnés.  —  A  Beauvois ,  en  creiisanl  les  fondalions 
de  la  nouvelle  église,  les  ouvriers  ont  recueilli  plusieurs 
coupes  en  grés,  en  forme  de  patères,  et  d’origine  Gallo-Ro¬ 
maine.  —  A  Bélhencourt,  on  a  découvert,  sous  les  flancs 
delà  colline  où  s’élevait  l’ancienne  église,  deux  voies  sou¬ 
terraines  prenant  naissance  aux  abords  du  clocher  pour 
aboutir,  sous  les  rues  adjacentes  ,  à  deux  puits  voisins. 

A.  Desplaïnque. 

RÉÜMOX  GÉNÉRALE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

Le  20  avril  1870  ,  s  est  ouverte  en  Sorbonne  la  neuvième 
réunion  annuelle  des  Sociétés  savantes  des  départements. 
Les  communications  faites  par  des  personnes  domiciliées 
dans  le  ressort  académique  de  Douai  ont  été ,  cette  année, 
moins  nombreuses  que  de  coutume. 

SECTION  d’histoire  ET  DE  PHILOLOGIE, 

Président  :  M.  Amédée  Thierry,  sénateur,  membre  de 
l’Institut. 

Séance  du  20  avril.  —  M.  Barbey,  bibliothécaire-archi¬ 
viste  de  la  Société  archéologique  et  historique  de  Château- 
Thierry ,  a  lu  une  Notice  historique  sur  la  maison  natale  de 
Jean  de  la  Fontaine  ,  à  Château-Thierry. 

Cette  ville  a  la  double  et  rare  fortune  de  n’avoir  aucun 
doute  sur  la  maison  qui  a  vu  naître  notre  inimitable  fabu¬ 
liste,  et  de  pouvoir  encore  la  montrer  à  ses  admirateurs, 
telle  à  peu  près  qu’elle  existait  à  l’époque  où  il  a  vu  le  jour. 

Elle  se  trouve  au  pied  du  vieux  château  qui  couronne  la 
ville  de  Château-Thierry,  dans  une  rue  tortueuse  à  laquelle 
a  été  donné  le  nom  du  poète ,  et  qui  conserve  son  ancienne 
apparence. 

M.  Barbey  fait  connaître  toutes  les  particularités  relatives 
à  cette  maison  ,  que  s’empressa  de  vendre  le  poète  ,  qui  se 
vantait  démanger  son  fonds  avec  son  revenu.  Acquise  tout 


—  150  — 

récemment,  grâce  au  concours  du  Gouvernement,  des  ad¬ 
ministrations  locales  et  des  particuliers ,  la  maison  de  La 
Fontaine  recevra  un  musée  local  et  une  bibliothèque  ,  qui 
témoigneront  de  l’admiration  que  ses  compatriotes  ont 
toujours  montrée  pour  l’un  des  génies  les  plus  originaux  qui 
aient  illustré  la  France, 

SECTION  d’archéologie. 

Président:  M.  le  marquis  de  La  Grange,  sénateur, 
de  l’Institut. 

Séance  du  avril.  —  M.  l’abbé  Poquet ,  membre  de  la 
Société  académique  de  Laon,  lit  une  Notice  archéologique 
sur  la  Ferté-Milon.  La  description  des  monuments  de  la 
patrie  de  Racine,  que  l’on  doit  à  M.  l’abbé  Poquet,  témoigne 
d’un  excellent  esprit  de  critique.  Le  savant  ecclésiastique  y 
propose  une  nouvelle  explication  d’un  bas-relief  qui  décore 
l’entrée  de  la  Ferté  ou  du  château  féodal  de  cette  curieuse 
cité.  C’est,  suivant  lui ,  le  couronnement  de  la  Vierge,  et 
l’examen  du  dessin,  mis  sous  les  yeux  de  l’assemblée,  lui 
a  fait  partager  cette  opinion.  Le  savant  abbé  a  décrit  et  ex¬ 
pliqué  avec  autant  de  bonheur  la  verrière  de  l’église  Notre- 
Dame  de  la  Ferté-Milon ,  qu’on  a  souvent  comparée  à  celle 
de  Notre-Dame  de  Paris, 

M.  Textor  de  Ravisi ,  membre  de  la  Société  académique 
de  Saint-Quentin ,  ancien  commandant  de  Karikal,  dans 
l’Inde  fiançaise,  donne  lecture  d’un  travail  sur  l'Architec¬ 
ture  dans  Vlndoustan.  Cette  lecture  est  interrompue  par 
l’arrivée  de  Son  Exc.  M.  le  ministre  des  beaux-arts  chargé 
par  intérim  du  portefeuille  de  l’instruction  publique ,  qui 
prend  place  au  fauteuil  du  président. 

Avec  une  entraînante  conviction  ,  M.  Textor  de  Ravisi 
a  fait  riiistoire  abrégée  ,  presque  le  panégyrique  de  l’archi¬ 
tecture  de  rindoustan. 

Ce  travail  sera  publié  avec  un  atlas  dans  lequel  seront 


—  I5(  -- 

reproduites  de  nombreuses  photographies  recueillies  dans 
rinde.  On  pourra  enfin  connaître  plus  exactement  que 
jamais  ces  temples  gigantesques  dont  les  plus  remarquables 
édifices  de  l’Occident  ne  sont  que  de  lointaines  copies. 

Après  avoir  entendu  les  conclusions  de  M.  Textor  de 
Ravisi,  le  ministre  adresse  aux  délégués  des  sociétés  sa¬ 
vantes  une  cordiale  et  chaleureuse  allocution.  Il  les  félicite 
des  progrès  qu’ils  font  faire  à  la  science  ,  et  les  remercie  de 
leur  zèle  à  poursuivre  des  études  sérieuses  et  désintéressées, 
qui  sont  une  partie  importante  de  la  gloire  nationale. 

Séance  du  22  avril.  —  M.  Textor  de  Ravisi  lit  une  Notice 
sur  les  dolmen  dans  Vînde.  Les  premiers  monuments  de 
l’Inde,  dit  l’ancien  commandant  de  Karikal,  furent  des 
pierres  brutes ,  comme  les  monuments  dits  druidiques. 
Encore  maintenant,  on  élève  de  véritables  dolmen  dans 
l’Inde  ,  avec  des  procédés  qui  expliqueraient  comment  nos 
ancêtres  construisaient  ceux  qui  nous  étonnent  aujourd’hui. 

SECTION  DES  SCIENCES 

Président  :  M.  Leverrier,  sénateur,  membre  de  l’Institut. 
Séance  du  21  avril.  -  M.  H.  Joos ,  lieutenant  au  75.®  de 
ligne,  en  résidence  à  Lille,  présente  une  méthode  d’expé¬ 
rimentation  pour  déterminer  les  lois  générales  de  la  résis¬ 
tance  de  l’air  dans  les  cas  de  grandes  vitesses. 

SÉANCE  SOLENNELLE  DU  23  AVRIL 
Dans  cette  séance  que  présidait  Son  Exc.  M.  le  ministre 
de  l’Instruction  publique,  ont  été  proclamés  : 

Chevalier  de  la  Légion  d’Honneur  :  M.  François  Morand  , 
membre  non  résidant  du  Comité  des  Travaux  histori- 
({ues  ,  à  Boulogne-sur-Mer  ; 

Ofliciers  de  l’Instruction  publique  :  M.  Ch.  de  Linas,  mem¬ 
bre  non  résidant  du  même  comité,  à  Arras,  et  M.  Matton, 
archiviste  du  département  de  l’Aisne,  correspondant  du 
Ministère  pour  les  travaux  historiques ,  à  Laon. 


—  152  — 

Officier  d’Académie  :  M.  Tabbé  Pécheur,  correspondant 
pour  les  travaux  historiques ,  à  Soissoiis  ;  lauréat  de 
l’Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 

A.  D. 


COURS  PUBLICS. 

.t 

Cours  de  Géologie  professé  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille, 

par  M.  Gosseletl  Suite  ). 

Age  tertiaire  —  Ère  des  Ongulés.  Les  terrains  tertiaires 
sont  aussi  au  nombre  de  trois  :  Eocène,  Miocène^  Pliocène. 

Ils  sont  formés  de  calcaire  grossier  comme  la  pierre  à 
bâtir  de  Paris ,  de  sable ,  d’argile ,  de  gypse  ou  pierre  à 
plâtre  ,  de  meulière  ou  silex  propre  à  faire  des  meules  de 
moulin  ,  etc.  Les  volcans  de  l’Auvergne ,  de  l’Eifel  et  des 
environs  de  Rome  datent  aussi  de  ces  époques. 

Les  terrains  tertiaires  ne  renferment  plus  ni  Ammonites , 
ni  Bélemnites .  Les  mollusques  gastéropodes  y  présentent  une 
supériorité  d’organisation  inconnue  dans  les  âges  précé¬ 
dents,  et  on  y  rencontre  de  grands  foraminifères,  les  Num- 
mulites ,  qui ,  par  leur  abondance  ,  ont  mérité  au  terrain 
éocène  le  nom  de  terrain  nummulitique. 

Les  Numraulites  sont  des  corps  discoides,  lenticulaires, 
ressemblant  assez,  pour  quelques  grandes  espèces,  à  des 
pièces  de  monnaies,  ce  qui  leur  a  valu  leur  nom.  Dans  l’in¬ 
térieur  on  voit  une  chambre  cloisonnée  divisée  en  spirale. 
Quelque  complexe  que  soit  cette  coquille,  l’animal  qui  y 
logeait  était  d’une  simplicité  extrême. 

Ce  qui  caractérise  surtout  les  terrains  tertiaires  c’est 
le  développement  de  la  faune  mammalogique  et  particu¬ 
lièrement  de  l’ordre  des  Ongulés.  Tandis  que  de  nos  jours 
ces  animaux  ne  sont  plus  représentés  que  par  quelques 
espèces  sans  liaisons  entr’elles ,  on  constate  pendant  l’âge 


—  im-^' 

tertiaire  l’existence  d’espèces  nombreuses  formant  entrë- 
nos  types  actuels  des  passages  presque  insensibles.  Pendant 
la  période  éocène  c’est  la  famille  des  Tapirs  ou  Pachyder¬ 
mes  à  3  doigts  qui  domine;  elle  diminue  ensuite  et  se 
trouve  remplacée  par  la  famille  des  Cochons  ou  Pachyder¬ 
mes  à  pied  fourchu.  Vers  la  fin  de  la  période  miocène , 
celle-ci  est  à  son  tour  en  décroissance  et  la  famille  des 
Ruminants  devient  prépondérante  comme  elle  l’est  encore 
de  nos  jours. 

A  la  même  époque  on  voit  apparaître  un  ordre  qui  lui 
aussi  est  isolé  dans  la  création  actuelle,  celui  des  Probosci- 
diens.  Les  Mastodontes  et  les  Dinothérium  se  montrent 
pendant  la  période  miocène  tandis  que  les  Eléphants  datent 
seulement  de  la  période  pliocène. 

La  Flore  tertiaire  présente  une  série  de  modifications  qui 
font  passer  de  la  flore  crétacée  caractérisée  par  les  apétales 
fusqu’à  la  Flore  actuelle.  A  l’époque  miocène  notre  climat 
était  encore  suh-tropical  comme  le  constate  les  Palmiers , 
les  Camphriers ,  les  Chênes  verts  que  l’on  trouve  mélangés 
aux  Erables ,  aux  Platanes ,  aux  Peupliers ,  dans  les  forêts 
de  cette  époque. 

Au  commencement  de  l’âge  tertiaire  notre  région ,  à 
l’exception  de  l’x\rdenne,  faisait  partie  du  grand  golfe 
anglo-parisien  qui  avait  son  embouchure  vers  le  nord. 
Une  crête  saillante  ,  dirigée  suivant  l’ancien  rivage  ju¬ 
rassique  d’Hirson  à  Boulogne,  séparait  le  fond  du  golfe 
de  son  entrée  ,  aussi  la  composition  minéralogique  des 
roches  et  en  partie  la  nature  des  fossiles  sont  différentes 
dans  les  Flandres  et  en  Angleterre  de  ce  qu’elles  sont  dans 
les  environs  de  Paris  et  dans  le  sud  du  département  de 
l’Aisne. 

Vers  la  fin  de  la  période  éocène  ,  le  littoral  tlamand 
fut  momentanément  abandonné  par  les  eaux  de  la 


154  ^ 

mer  ;  elles  n’y  revinrent  que  plus  tard  au  commencement 
de  la  période  miocène  pour  s’en  éloigner  de  nouveau 
dès  le  milieu  de  cette  période  et  y  revenir  encore  déposer 
les  sables  pliocènes  de  Diest  et  d’Anvers  qui  terminent  la 
série  des  dépôts  géologiques. 

Les  sables  d’Anvers  renferment  de  nombreuses  coquilles 
fossiles  dont  la  moitié  environ  se  retrouve  dans  les  mers 
actuelles.  Parmi  celles-ci  un  grand  nombre  vit  dans  la  mer 
de  la  Manche  et  la  mer  du  Nord,  d’autres  sont  propres  aux 
mers  chaudes  et  quelques-unes  ne  vivent  plus  que  dans  les 
mers  arctiques;  sur  les  côtes  du  Finmark,  du  Groenland ,  du 
Spitzberg.  Pendant  la  période  pliocène  le  nombre  de  ces 
espèces  boréales  augmente  de  plus  en  plus.  On  en  a  conclu 
que  le  froid  gagnait  notre  hémisphère  et  qu’à  une  période 
où  le  climat  était  sub-tropical  allait  en  succéder  une  où  il 
deviendrait  semblable  à  celui  des  contrées  polaires. 

Temps  contemporains.  —  On  les  divise  en  deux  périodes  : 
la  période  diluvienne  et  la  période  actuelle. 

La  période  diluvienne  correspond  à  cette  durée  de  froid 
intense  qui  sévissait  sinon  sur  toute  la  terre  au  moins  sur 
notre  atmosphère.  Elle  fut  marquée  par  des  ravinements 
considérables  qui  ont  façonné  la  surface  du  sol  en  plaines, 
vallées  et  collines,  parle  développement  de  glaciers  sur 
toutes  les  montagnes ,  par  un  débit  des  cours  d’eau  bien 
plus  considérable  que  celui  des  fleuves  actuels. 

Dans  nos  contrées,  la  période  diluvienne  a  eu  pour  effet 
de  remplir  les  vallées  d’un  dépôt  de  cailloux  roulés  ou  galets 
désigné  sous  le  nom  de  diluvium  et  de  déposer  sur  les  pla¬ 
teaux  une  couche  épaisse  de  limon. 

Dans  le  diluvium  comme  dans  le  limon  on  trouve  des 
restes  de  mammifères  que  l’on  peut  diviser  en  trois  catégo¬ 
ries,  les  uns  existent  encore  dans  le  pays  :  Blaireau,  Loup, 
Renard,  Sanglier,  Cheval,  Cerf,  etc. ,  tandis  que  d’autres 


—  155  — 

sont  anéantis  :  l’Eléphant  mammouth ,  le  Rhinocéros  à 
narines  cloisonnées,  l’Ours  des  cavernes,  le  Lion  des  ca¬ 
vernes,  la  Hyène  des  cavernes,  ou  émigrés  dans  les  contrées 
froides:  le  Renne  ,  le  Bœuf  musqué ,  l’Antilope  saïga,  etc. 

Les  preuves  abondent  que  l’homme  a  vécu  avec  des  ani¬ 
maux  perdus  ou  émigrés.  Non-seulement  on  rencontre  pêle- 
mêle  avec  leurs  débris ,  des  silex  taillés,  des  os  travaillés, 
des  traces  de  foyers ,  tous  indices  certains  de  l’existence  de 
l’homme,  mais  nos  ancêtres  de  l’âge  de  pierre  ont  eu  soin 
de  nous  laisser  des  témoignages  écrits  dont  l’authenticité  ne 
peut  être  révoquée  en  doute  par  les  plus  incrédules.  Ils  ont 
gravé  ou  sculpté  les  animaux  qu’ils  chassaient  avec  une  pré¬ 
cision  anatomique  des  plus  remarquables;  et ,  pour  que  l’af¬ 
firmation  eut  plus  de  valeur  encore,  ils  l’ont  inscrite  sur  les 
débris  osseux  de  ces  animaux.  Ainsi  M.  Lartet  a  trouvé  dans 
la  Charente,  un  poignard  en  bois  de  Renne  sur  le  manche 
duquel  était  sculpté  un  Renne ,  et  un  dessin  de  Mammouth 
gravé  sur  une  plaque  d’ivoire  venant  du  Mammouth  lui- 
même. 

L’homme  n’est-il  même  pas  plus  ancien?  Des  découvertes 
récentes  dues  à  M.  l’abbé  Bourgeois ,  professeur  à  Pont- 
Leroy  portent  à  croire  qu’il  existait  déjà  vers  le  milieu  do 
l’époque  miocène.  _ 

BIBLIOGRAPHIE 

LA  HALLE  ÉCHEMXALE  DE  LA  VILLE  DE  LILLE  (123o-1663) 

par  M.  Cil.  Houdoy  (ij. 

Cambrai,  Douai,  Valenciennes  ont  conservé  leurs  anciens 
hôtels  de  ville.  On  n’en  peut  dire  autant  de  Lille  où  les 
derniers  vestiges  de  la  Halle  échevinale  viennent  de  dispa- 
raitre  et  où  ce  qui  subsiste  du  palais  de  Rihoiir  suffit  à 

(q  l  vol.  in  8."  de  1 14  pages,  avec  planches.  Paris  ,  Aubry  ;  Lille , 
Danel ,  1870. 


—  1S6  — 

peine  à  indiquer  remplacement,  à  rappeler  le  carac¬ 
tère  de  cette  somptueuse  demeure  des  ducs  de  Bourgogne, 
devenue  plus  lard  le  siège  de  la  municipalité  lilloise. 

Jusqu’en  1664  ,  époque  où  le  Gouvernement  espagnol,  à 
bout  de  ressources  pécuniaires,  fit  à  la  ville  de  Lille  abandon 
du  palais  de  Rihour ,  le  Magistrat  tint  ses  séances  dans  la 
Halle  échevinale,  dont  l’origine  première  remonte  au-delà 
de  1235.  Notre  concitoyen  M.  Houdoy  a  tenu  à  nous 
retracer  les  transformations  successives  de  ce  dernier  édifice, 
si  oublié  avant  même  qu’il  ne  fût  totalement  détruit ,  et 
néanmoins  si  mémorable. 

L’histoire  des  monuments  d’une  ville  pourrail ,  nous 
dit-il ,  être  l’histoire  de  ses  institutions.  Au  moyen-âge 
surtout ,  la  Maison-Commune  c’est  la  cité  tout  entière. 
Quand,  au  xiv."  siècle,  les  hasards  de  la  guerre  nous  sépai’è- 
rent  violemment  du  comté  de  Flandre  pour  nous  réunir 
directement  à  la  couronne  de  France,  c’est  dans  notre  vieille 
Halle  échevinale  que  Philippe  le  Bel  et  ses  successeurs, 
soit  par  eux-mêmes,  soit  par  leurs  délégués ,  jurèrent  le 
maintien  des  privilèges  de  la  ville,  avant  de  recevoir  le  ser¬ 
ment  du  Magistral  et  du  peuple.  Sous  la  domination  fran¬ 
çaise  ,  comme  plus  tard  sous  celle  des  maisons  de  Bour¬ 
gogne  et  d’Autriche ,  c’est  là  que  le  Magistrat  lutta  pendant 
des  siècles ,  et  souvent  avec  succès ,  pour  la  défense  de  ces 
privilèges,  de  ces  franchises  qui ,  au  moyen-âge,  étaient 
la  forme,  la  substance  même  de  la  liberté,  et  qui  firent  si 
longtemps  la  fortune  et  la  renommée  des  grandes  communes 
flamandes.  C’est  dans  cet  antique  éditice ,  forteresse  du 
droit  municipal,  que  se  conservait  le  trésor  des  chartes, 
reconnaissances  officielles  des  droits  de  la  cité  ;  et  chez 
nous,  par  une  coïncidence  singulière,  la  fortune  de  nos 
libertés  municipales  semble  liée  au  sort  du  monument , 
dont  tant  de  souvenirs  nous  ont  engagé  à  écrire  l’histoire. 

M.  Houdoy  ne  néglige  aucun  détail  se  rapportant  à  son 
sujet  et  il  emprunte  la  plupart  de  ses  indications  à  la  belle 
série  des  Comptes  de  la  ville  de  Lille  dont ,  à  la  suite  de 
sa  Notice,  il  imprime  d’abondants  extraits. 

En  1344,  il  voit  apparaître,  pour  la  première  fois,  la 


^  157  — 

mention  d’une  dépense  d’ornementation  :  on  dore ,  cette 

t 

année-là  ,  la  lance  et  la  fleur  de  lys  qui  surmontaient  la 
Halle.  Vers  1370,  Pierre  Demileville,  horloger  lillois, 
place  au  beffroi  une  horloge  avec  sonnerie.  En  1397 ,  on 
reconstruit  entièrement  le  bâtiment  qui  renfermait  la 
grande  salle  des  échevins ,  et  l’on  décore  cette  salle  de 
peintures  si  remarquables  que  le  Magistrat  de  Douai 
envoie  des  délégués  à  l’effQt  de  les  examiner  ;  autres 
travaux  de  restauration  en  1424.  La  Halle,  à  cette  époque , 
n’est  point  seulement  le  théâtre  des  fêtes  échevinales  :  les 
ducs  de  Bourgogne  l’utilisent  aussi  pour  leurs  banquets  et 
pour  leurs  danses  auxquelles  ils  invitent  les  dames  et  demoi¬ 
selles  de  la  ville. 

En  1442  ,  pour  compléter  k  Maison-Commune ,  le  Magis¬ 
trat  résolut  la  construction  d  un  nouveau  beffroi  ou  plutôt 
de  deux  beffrois  Vun  sur  Vautre,  comme  dit  le  procès-verbal 
d’adjudication.  En  1508 , 1509,  on  s’occupe  des  sculptures 
extérieures  ,  des  statues  de  saints  et  de  princes  ,  qui  sont  le 
principal  ornement  de  la  façade.  En  1565,  achat  d’un 
carillon.  En  1594,  reconstruction  complète  de  l’édifice, 
sous  la  direction  de  l’architecte  Jean  Fayet.  La  Halle  éche- 
vinale  prit  alors  un  aspect  tout  nouveau.  Ceux-là  peuvent 
s’en  faire  une  idée ,  à  la  vérité  bien  incomplète  ,  qui , 
avant  le  percement  tout  récent  de  la  rue  de  la  Gare,  ont 
remarqué  la  devanture  des  cafés  faisant  face  au  Théâtre. 
Pour  mieux  se  rendre  compte  de  la  distribution  et  de  la 
physionomie  de  l’édifice  en  1594,  ils  n’ont  qu’à  jeter  les 
yeux  sur  le  plan  et  la  magnifique  gravure  qui  accompagnent 
le  livre  de  M.  Houdoy  ,  livre  à  la  valeur  intrinsèque  duquel 
s’ajoute  le  mérite  d’une  exécution  typographique  élégante 
et  soignée.  A.  Despl.\inqüe.  , 


—  158  — 


LE  BAIION  DE  VUORDEN. 

Sa  vie ,  ses  écrits 
par  M.  le  comte  Ch.  de  Vendegies.  *) 

Nous  possédons  enfin  dans  son  entier  ce  livre  attendu 
avec  une  si  vive  impatience  par  les  érudits  de  notre  pro¬ 
vince.  La  meilleure  manière  de  le  louer  est,  suivant  nous, 
de  l’analyser  avec  soin.  Dans  le  résumé  que  nous  allons  en 
faire,  nous  insisterons  particulièrement  sur  les  circonstances 
de  la  vie  de  Vuorden ,  sur  les  événements  de  son  époque  , 
qui  ont  eu  pour  théâtre  l’extréme-Nord  de  la  France,  c’est-à- 
dire  les  vastes  portions  de  la  Flandre  et  du  Hainaut  que 
Louis  NIV  a  réunies,  dans  ce  temps-là  même,  à  son  royaume. 

I. 

Michel-Ange  de  Vuorden  descendait  d’une  famille  qui, 
après  avoir  occupé  les  plus  hauts  emplois  dans  le  comté  de 
Hollande,  au  xiii.®  siècle,  en  fut  violemment  expulsée.  Il 
naquit  à  Chièvres  au  mois  de  février  1629.  Les  jésuites  de 
Courtrai  ,  ses  premiers  maîtres  ,  firent  de  lui  un  latiniste 
distingué  et  il  contracta,  de  bonne  heure,  l’habitude  de 
rimer  facilement  de  médiocres  vers  français.  Ces  divers 
talents  ne  laissèrent  pas  d’aider,  dès  lors  et  par  la  suite  , 
aux  succès  de  sa  carrière.  En  1648,  il  passa  de  l’Université 
de  Louvain  à  celle  de  Douai.  En  1650,  nous  le  trouvons  à 
Lille ,  mêlé  v  au  plus  beau  monde  qui  se  pût  voir  dans  une 
ville  de  province.  »  La  comtesse  de  Rœux,  épouse  du  Gou¬ 
verneur,  y  tenait  une  sorte  de  cour  où  se  distinguait,  parmi 
beaucoup  de  cavaliers  ,  Henri  de  Melun  ,  marquis  de  Riche- 
bourg.  Celui-ci  emmena  avec  lui  à  Bruxelles,  en  1651, 
M.  de  Vuorden  qui  se  logea  chez  la  duchesse  d’Havré,  amie 

(1)  Biographie  et  fragiiicnls  inédils  extraits  des  manuscrits  du  baron 
de  Viiordcn  ,  diplomate  attaché  à  l’ambassade  d'Espagne  auprès  de 
Louis  XIV,  plus  tard  grand-bailli  des  Etats  de  Lille,  etc.  Paris,  Aubry; 
Cambrai,  Simon,  1  vol.  iu-8°de2b4  pages.  1870. 


—  159  — 

de  sa  mère,  et  qui  ne  larda  pas  à  recevoir  les  confidences  du 
marquis  de  Renty,  fils  aîné  de  celle  princesse.  M.  de 
Renty  brûlait  d’une  vive  flamme  pour  la  veuve  du  comie 
d’Hoogstraële,  mais  sa  mère  se  montrait  hostile  à  ce  projet 
de  mariage.  Il  résolut  de  se  soustraire  à  la  dépendance  de 
la  duchesse  en  se  rendant  à  la  cour  de  Madrid.  Il  s’occupa 
donc  de  réunir  les  fonds  nécessaires  pour  les  frais  du 
voyage:  accompagné  du  baron  de  Hérissem  et  de  M.  de 
Vuorden,  il  vint  en  Arlois  recouvrer  quelques  arrérages; 

Si  grand  prince  qu’on  fût,  on  ne  se  transportait  pas  alors, 
des  terres  d'Espagne  sur  celles  de  France,  sans  courir  des 
.  risques.  Entre  Eperlecques  et  Bourbourg,  nos  voyageurs 
furent  sérieusement  inquiétés  pour  une  question  de  passe¬ 
port  :  on  emmena  même  M.  de  Vuorden  prisonnier  à  Gra¬ 
velines.  Heureusement  fi  ncident  n’eut  pas  de  suites  et  bientôt 
les  trois  jeunes  gens  purent  se  diriger,  de  Saint-Omer,  sur 
Paris  qu’ils  trouvèrent  en  proie  à  toutes  les  agitations  de  la 
Fronde.  La  protection  de  M.""®  de  Longueville,  liée  depuis 
longtemps  avec  la  duchesse  d’Havré,  leur  permit  de  traverser 
sûrement  le  pays  des  Landes  et  d’arriver  à  Bayonne  sans 
accident.  A  Madrid  ,  M.  de  Renty  reçut  du  roi  d’Espagne, 
qui  avait  beaucoup  connu  son  père,  l’accueil  flatteur  sur 
lequel  il  comptait.  Les  plaisirs  de  la  cour  lui  eurent  bientôt 
fait  oublier  M.“*  d’Hoogstraëte  et  il  s’éprit  de  passion  pour 
M.“®  de  Carvajal ,  l’une  des  filles  d’honneur  de  la  reine.  Ce 
ne  fut  pas  trop  de  l’influence  de  M.  de  Vuorden  pour  le  dé¬ 
tourner  de  cette  union  encore  plus  disproportionnée  que  la 

[  première.  Le  jeune  marquis  finit  par  s’éloigner  de  Madrid , 
muni  d’un  brevet  de  colonel ,  et  avec  ordre  d’aller  lever  un 

I 

■  régiment  en  Allemagne. 

i  Les  trois  compagnons  quittèrent  l’Espagne  dans  les  pre¬ 
miers  jours  de  Mars  1653.  A  Saint-Sébastien,  ils  furent 
fêtés  par  le  célèbre  amiral  dunkerquois  Mathieu  Maës  aui 


~  160  — 

se  disposait  à  venir  en  aide  aux  frondeurs  assiégés  dans 
Bordeaux.  Eux-méraes,  à  travers  bien  des  périls,  gagnèrent 
cette  dernière  ville  où  on  les  reçut  comme  des  envoyés 
d’Espagne  chargés  de  promettre  de  prompts  et  efficaces 
secours.  La  complaisance  avec  laquelle  ils  se  prêtèrent  à  ce 
rôle  d’emprunt,  dans  le  but  de  ranimer  le  courage  d’une 
population  aux  abois ,  faillit  leur  coûter  cher  :  car  ,  sans 
l’intervention  d’un  officier  français  que  la  famille  d’Havré 
'avait  eu  autrefois  l’occasion  d’obliger,  ils  fussent  restés 
aux  mains  des  chefs  royalistes  ,  à  la  merci  des  vengeances 
de  Mazarin. 

Ils  vinrent  ensuite  à  Paris  d’où,  sur  l’avis  charitable 
d’un  banquier  d’origine  valenciennoise ,  ils  gagnèrent 
Cambrai  en  toute  hâte.  Bien  leur  en  prit  :  le  cardinal  qui , 
en  souvenir  de  l’équipée  de  Bordeaux ,  leur  réservait  un 
logement  dans  la  Bastille,  venait  de  donner  ordre  de  les 
arrêter. 

Ici  finit  la  première  période  des  aventures  de  jeunesse  de 
M.  de  Vuorden.  En  mai  16o3 ,  il  entre  ,  avec  M.  de  Renty , 
au  service  militaire  de  l’Espagne,  sous  le  commandement 
du  comte  de  Fuensaldagne.  Il  est  témoin  des  vives  discus- 
sions  qui  s’engagent  entre  cet  homme  de  guerre  et  le  prince 
de  Condé  ,  discussions  qui ,  en  même  temps  qu’elles  para¬ 
lysent  l’action  des  armées  du  Roi  catholique,  favorisent  les 
mouvements  de  Turenne.  La  versatilité  du  duc  Charles  de 
Lorraine  ajoute  encore  aux  embarras  du  parti  espagnol. 
M.  de  Vuorden  nous  fournit  un  récit  détaillé  de  l’arrestation 

de  ce  prince.  Il  parle  ensuite  de  l’investissement  d’Arras 
* 

par  les  troupes  de  Philippe  IV  (3  juillet  1634),  et  de 
l’habile  diversion  qu’opéra  Turenne  en  marchant,  avec 
1300  hommes,  sur  Monchy-le-Preux.  Puis  il  dépeint  la  levée 
du  siège ,  ainsi  que  la  retraite  des  assiégeants  sur  Cambrai 
et  Douai, 


—  161 

Le  régiment  dontM.  deHérissem  était  le  chef,  et  où  M.  de 
Vuorden  servait  en  qualité  de  capitaine,  reçut  ordre  de 
prendre  ses  quartiers  d’hiver  à  Bavai.  Cette  ville,  ruinée 
par  les  guerres ,  ne  contenait  plus  que  25  maisons  habi¬ 
tables  et  elle  était,  en  outre,  incommodée  par  le  voisinage 
d’une  forte  garnison  française  établie  au  Quesnoy.  Chargé 
d’aller  exposer  au  comte  de  Fuensaldagne  la  triste  situation 
des  soldats  de  ce  régiment  qui ,  logés  dans  des  caves  et 
manquant  trop  souvent  de  nourriture,  périssaient  au 
nombre  de  25  par  jour,  Vuorden  s’exprima  avec  une 
rude  franchise  qui  blessa  d’abord  la  susceptibilité  du  gé¬ 
néral  espagnol ,  mais  qui  finit  par  le  subjuguer.  Dès  lors , 
notre  jeune  capitaine  n’eut  pas  de  plus  chaud  protecteur 
que  M.  de  Fuensaldagne. 

Quand ,  en  1656 ,  ce  dernier  fut  nommé  gouverneur 
général  du  Milanais,  il  attacha  à  sa  maison  M.  de  Vuorden, 
pour  qui  ce  fut  une  occasion  de  se  rendre  en  Italie  par 
l’Allemagne.  Vuorden  nous  a  laissé,  de  ce  voyage  qu’il  fit 
avec  son  nouveau  maître,  une  peinture  attrayante,  animée. 
Il  nous  initie  également  aux  difficultés  sans  nombre  contre 
lesquelles  Fuensaldagne  eut  à  lutter  dès  qu’il  fut  à  son 
poste.  Cet  homme  d’un  esprit  supérieur  ne  se  faisait  pas 
illusion  sur  l’épuisement  de  l’Espagne  et ,  quoique  souvent 
victorieux  sur  les  champs  de  bataille,  il  était  un  ardent 
promoteur  des  idées  de  paix  avec  la  France.  Aussi  ne  fut-on 
pas  surpris  de  le  voir  envoyer  comme  ambassadeur  extraor¬ 
dinaire  auprès  de  la  cour  de  Paris  ,  en  mars  1660 ,  à  l’occa¬ 
sion  du  mariage  de  Louis  XIV  avec  l’infante  Marie-Thérèse. 
Vuorden  le  suivit  dans,  sa  solennelle  mission.  Quelle  bonne 
fortune  pour  notre  intarissable  chroniqueur  !  Les  rensei¬ 
gnements  qu’il  donne  sur  la  première  entrevue  des  royaux 
époux,  sur  la  cérémonie  nuptiale,  sur  les  manifestations 
d’allégresse  qui  se  produisirent  en  cette  circonstance , 


—  (6-2  — 

complètent,  sur  plus  d’un  point,  les  Mémoires  du  temps. 

II. 

Les  divertissements  de  la  cour  ne  faisaient  pas  perdre  de 
vue  à  Fuensaldagne  les  négociations  dont  il  était  chargé  , 
relatives ,  pour  la  plupart,  à  l’exécution  du  traité  des  Pyré¬ 
nées.  Mais  il  se  reposait  volontiers  sur  Vuorden  du  soin  de 
les  poursuivre  en  détail.  Vuorden  y  gagnait  de  s’insinuer 
dans  la  faveur  des  ministres  de  France.  MM.  de  Lionne  et 
Le  Tellier  l’écoutaient  avec  plaisir.  Louvois  lui  tendait  déjà 
une  oreille  bienveillante.  L’affaire  des  abbés  d’Artois  fut 
l’une  des  premières  qui  s’arrangea ,  grâce  à  l’initiative  de 
Vuorden.  Les  entreprises  d’ofticiers  inférieurs  venaient 
trop  souvent  altérer  les  bons  rapports  entre  les  deux  cou¬ 
ronnes.  Un  jour ,  c’est  la  garnison  française  de  Saint-Ve¬ 
nant  qui  se  permet  d’effectuer  des  abattis  d’arbres  dans  la 
forêt  de  Nieppe  appartenant  à  l’Espagne.  Le  Gouverneur- 
général  des  Pays-Bas  ,  marquis  de  Caracène ,  fait  saisir  les 
délinquants  et  les  constitue  prisonniers  à  Aire  :  sur  quoi , 
l’autre  partie  use  de  représailles  et  ainsi  se  continue  une 
petite  guerre ,  au  mépris  de  la  paix  générale  récemment 
conclue.  Une  autre  fois,  par  ordre  du  marquis  de  Caracène, 
le  Gouverneur  d’Armentières  se  jette  sur  le  pays  de  l'Alleu, 
l’une  des  terres  contestées  entre  la  France  et  l’Espagne  :  il 
s’y  empare  de  onze  habitants  comme  otages  du  paiement 
d’une  contribution  qu’on  lui  refuse.  A  celte  nouvelle,  grande 
colère  de  Louvois  :  à  rien  ne  tient  qu’on  ne  précipite 
sur  Armentières  la  soldatesque  française  qui  désire  vive¬ 
ment  s’y  livrer  au  pillage. 

M.  de  Vuorden  apaise  encore  ce  conflit.  Mais  bientôt 
éclate  une  autre  affaire  pour  laquelle  ce  n’est  point  trop  , 
c’est  à  peine  assez  de  l’intervention  directe  et  active  de  son 
maître.  Une  question  de  préséance  entre  les  ambassadeurs 
de  France  et  d’Espagne  à  Londres  menace  de  rallumer  la 


—  163  — 

guerre  entre  les  deux  pays.  Louis  XIV  ,  sans  pitié  pour  sa 
jeune  femme  alors  en  état  de  grossesse  avancée  et  dont  les 
affections  sont  attirées  en  sens  contraire,  exige  une  prompte 
satisfaction  de  ce  qu’il  considère  comme  une  insulte  faite  à 
son  représentant.  Sur  cet  orage  diplomatique  comme  sur  les 
derniers  jours  et  la  mort  de  Mazarin  ,  le  Journal  de  Vuor-'»'. 
den  abonde  en  révélations  curieuses  et  en  informations 
puisées  aux  meilleures  sources. 

Malgré  le  crédit  dont  il  jouit  auprès  des  deux  reines, 
M.  de  Fuensaldagne  se  voit  contraint  de  s’éloigner  de  la 
France. Mais  il  y  laisse,  revêtu  d’un  caractère  plus  ou  moins 
officiel,  son  fidèle  agent  Vuorden,  qui  se  trouve  à  Paris 
juste  à  point  pour  assister  à  la  naissance  du  grand 
dauphin. 

Fuensaldagne ,  durant  ce  temps ,  a  gagné  Cambrai  où 
toute  la  noblesse  des  Pays-Bas  accourt  pour  lui  faire  hon¬ 
neur.  C’est  en  vain  qu’il  a  écrit  à  Fernando  Solis , 
gouverneur  de  la  place,  pour  le  prier  de  «  supprimer  toute 
pompe  à  son  arrivée  :  />  il  ne  peut  empêcher  que  «  le 
peuple  et  la  garnison  n’emportent  presque  son  carosse ,  en 
bénissant  tout  haut  sa  venue.  »  Cette  éclatante  manifes¬ 
tation  ,  ajoute  Vuorden ,  ne  surprendra  personne ,  lorsqu’on 
« 

saura  que  «  le  comte  de  Fuensaldagne  avoit  été  six  ans  gou¬ 
verneur  de  Cambrai,  qu’il  avoit  su  défendre  contre  le  comte 
d’Harcourt  en  1647,  et  où  ses  bienfaits  et  son  mérite  lui 
avoient  valu,  de  la  part  des  habitants,  le 'nom  de  père  de 
leur  ville.  » 

L’ex-ambassadeur  d’Espagne  en  France  arrivait  à  Cam¬ 
brai  avec  les  pleins  pouvoirs  de  Gouverneur-général  des 
Pays-Bas,  pouvoirs  qu’il  avait  en  grande  partie  exercés  du 
temps  de  l’archiduc  Léopold-Guillaume.  Cette  fois,  il  allait 
unir  le  titre  aux  fonctions.  Mais  il  ne  jouit  pas  longtemps  de 
ces  honneurs  tardifs  et  mérités  :  la  mort  le  surprit  à  Cam- 


—  164  — 

brai ,  le  21  novembre  1661 ,  au  bout  de  quelques  jours  qu’il 
y  avait  passés  en  faisant  le  bien  autour  de  lui. 

Cet  événement ,  auquel  la  cour  de  France  affecta  de  se 
monirer  très-sensible,  dérangea  tous  les  projets  d’avenir  de 
Vuorden.  N’attendant  que  rien  ou  peu  de  chose  du  marquis 
de  Caracène  qui ,  par  le  fait  du  décès  de  Fuensaldagne, 
restait  à  la  tête  du  gouvernement  des  Pays-Bas ,  fatigué  de 
son  séjour  à  la  cour  de  France  où  il  n’avait  acquis,  nous  dit- 
il  ,  «  que  de  la  réputation  et  des  dettes ,  »  il  résolut  de  s’en 
tenir  à  sa  charge  de  grand-bailli  des  Etats  du  Tournaisis, 
charge  dont  son  dernier  maître  l’avait  obligeamment 
pourvu  durant  leur  séjour  en  Italie.  En  fait,  c’était  rentrer 
dans  la  vie  privée  et,  de  là,  à  contracter  mariage  il  n’y 
avait  qu’un  pas.  Il  fut  d’abord  question  pour  Vuorden  d’une 
fille  de  chancelier  de  Gueldre,  «qui  lui  plaisoit  assez.  »  Mais 
M.™®  de  Vuorden  mère  n’aimant  pas  les  femmes  de  pays 
étranger,  son  fils  très-respectueux  et  soumis,  quoique  alors 
âgé  de  33  ans  ,  se  tourna  vers  une  de  ses  cousines,  domi¬ 
ciliée  à  Saint-Omer,  M.®**®  Jacqueline-Thérèse  Desmaizières 
de  Sarteau ,  et  il  l’épousa,  avec  dispense  de  Rome,  le 
dimanche-gras  de  l’année  1664. 

Le  17  mai  suivant,  les  deux  époux  achetèrent  la  sei¬ 
gneurie  de  Campagne  et  Blaringhem.  Ils  furent  en  prendre 
possession  le  22  du  même  mois.  Puis,  après  quelques  visites 
de  famille ,  ils  se  transportèrent  dans  une  maison  de  cam¬ 
pagne  que  Vuorden  avait  à  Ruines,  en  Tournaisis.  Le  6 
juin ,  ils  reçurent  à  Tournai  les  congratulations  de  leurs 
amis.  Le  26,  ils  partirent  pour  Chièvres  où  vivaient  retirées 
la  mère  et  la  sœur  de  Vuorden  qui  firent  à  sa  «  chère  petite 
femme ,  »  comme  il  l’appelle  toujours  dans  ses  Mémoires , 
l’accueil  auquel  elle  avait  droit.  De  Chièvres ,  les  voyageurs 
revinrent  à  Tournai  par  Bruxelles  où  le  comte  d’Egmont 

tint  à  les  faire  assister  au  somptueux  baptême  de  son  fils. 

(Sera  continué.)  A.  Desplanque. 


LES  FOSSES  DE  NOS  FORÊTS 
par  l’abbé  Cochet. 

Un  des  derniers  numéros  de  la  Revue  de  Picardie  (^)  con¬ 
tient  un  article  qu’il  nous  semble  utile  de  signaler  aux  ar¬ 
chéologues.  Depuis  quelquesannées  l’abbé  Cochet  a  entrepris 
des  fouilles  dans  des  fosses  profondes  qu’il  a  observées  dans 
la  forêt  d’Eu.  Elles  ont  plus  de  5  mètres  de  profondeur  et  2 
à  3  mètres  de  large  ;  elles  ont  dû  être  à  pic  et  le  sol  est  par¬ 
faitement  nivelé  tout  autour.  Selon  le  savant  archéologue 
normand,  ces  fosses  sont  des  trappes  destinées  à  la  chasse 
et  à  la  destruction  des  bêtes  fauves  et  il  semble  les  faire 
remonter  à  l’homme  primitif.  Cependant  les  seuls  débris 
qu’on  y  ait  rencontrés  sont  du  charbon ,  des  pierres,  des 
poteries  gallo-romaines,  rien  en  un  mot  qui  puisse  faire 
croire  à  une  haute  antiquité.  On  a  trouvé  de  ces  fosses  dans 
les  forêts  du  Berry  et  de  la  Lorraine.  Rien  ne  prouve  qu’il 
ne  s’en  rencontre  pas  dans  celles  de  notre  région  ,  mais 
l’attention  n’a  peut-être  pas  été  suffisamment  appelée  sur 
ce  sujet.  J.  G. 

CHRONIQUE 

IVécrolog^ie.  —  Le  dernier  numéro  des  Annales  de  la 
Société  entomologique  de  France  renferme  une  notice  né¬ 
crologique  sur  un  naturaliste  qui  par  sa  naissance  se  rat¬ 
tache  à  notre  région. 

M.  Auguste-Simon  Paris  était  né  à  Mézières  en  septembre 
1794;  il  était  le  frère  d’un  archéologue  bien  connu,  membre 
de  l’Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  M.  Paulin 
Paris. 

Sa  modestie  et  la  spécialité  de  ses  goûts  et  de  ses  études, 
l’ont  empêché  d’acquérir  une  notoriété  étendue,  mais  il (*) 


(*)  Tome  XV  ,  p.  333-336. 


—  166  -« 

était  très  apprécié  parmi  les  adeptes  de  la  Lépidoptérologie, 
science  qu’il  cultiva  avec  passion;  il  y  joignit  plus  tard 
l’étude  des  Coléoptères,  et  se  fit  dans  ces  deux  branches 
des  collections  très-remarquables.  Il  publia  dans  les  An¬ 
nales  de  la  Société  quelques  notes  entomologiques,  mais  se 
rendit  surtout  utile  à  ses  collègues  par  une  table  générale 
des  publications  de  la  Société ,  éminent  recueil,  véritable 
œuvre  de  bénédictin  ,  fait  avec  un  soin  infini. 

D’un  esprit  vif  et  pénétrant,  dit  en  terminant  fauteur 
de  la  notice  ,  M.  Paris  était  en  même  temps  d’une  aménité 
et  d’une  égalité  de  caractère  constantes  ;  il  n’avait  que  des 
amis  qui  longtemps  déploreront  sa  perte.  A.  de  N. 


llétéorologîe  :  AVRIL 

1870 

Température  moyenne .  10.®  03 

ï  »  des  minima .  S.*"  06 

»  »  des  maxima .  15.®  01 

»  extrême  minima,  le  !.. .  0.”  00 

>  »  maxima,  le  21 .  26.®  50 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.® -  764”'"681 

»  hauteur  extrême  minima ,  le  9 . .  751  “"'44 
D  ï  maxima,  le4...  773"'"‘50 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  6'?''"13 

Humidité  relative  moyenne  % .  67.0 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  8"'"'16 

»  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  112r‘71 


AVRIL 
année  moy. 
9.®  19 


760r  333 


6«.n.  3g 

69.74 
37r  70 
90r  69 


D’après  ce  qui  précède  nous  voyons  que  la  température 

atmosphérique  de  ce  mois  fut  de  0.«  84  plus  élevée  que  celle 

du  mois  correspondant  d’une  année  moyenne ,  mais  elle  fat 

inférieure  à  celle  d’avril -1869  qui  avait  été  de  11.°  79. 

L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  atteignit  112.®  71, 

tandis  que  fannée  dernière  elle  n’avait  été  que  de  94.°  95, 

% 

la  fréquente  sérénité  du  ciel,  les  vents  violents  du  N. -E. 
qui  soufflèrent  pendant  7  jours,  la  sécheresse  de  l’air,  la  ra¬ 
reté  de  la  pluie,  contribuèrent  à  laproduction  de  ce  résultat. 


—  167  — 

Année  moyenne  il  tombe  en  avril  37"'‘”'70  de  pluie,  Tannée 
dernière  il  en  était  tombé  ,  cette  année  la  quantité 

ne  fut  que  de  8'”'"1G  en  8  jours.  Les  27,  28  et  29  la  pluie  fut 
accompagnée  de  grêle  et  de  neige. 

Cette  faible  quantité  de  pluie  laissa  les  couches  d’air  en 
contact  avec  le  sol  dans  un  grand  état  de  sécheresse.  Année 
moyenne  Thumidité  de  Tair  en  avril  est  de  G9.  74  O/q,  en 
avril  18G9 ,  elle  avait  été  de  7o.  2  O/q,  cette  année  elle  ne  fut 
que  de  G7  O/q. 

La  ten^sion  de  la  vapeur  d’eau  atmosphérique  qui  est  or¬ 
dinairement  de  G"™"'3o ,  n’a  été  cette  année  que  de  G"'"’13 
elle  avait  été  de  8'”"'0G  en  avril  18G9. 

Une  pareille  sécheresse  compromit  beaucoup  de  récoltes 
et  empêcha  la  production  des  rosées  dont  le  nombre,  malgré 
la  sérénité  des  nuits,  ne  fut  que  de  13. 

Les  hautes  régions  de  l’atmosphère  furent  aussi  très- 
sèches  ;  ce  qu’indiquèrent  l’absence  des  nuages  et  l’augmen¬ 
tation  de  la  pression  sur  la  colonne  barométrique  qui  eut 
une  hauteur  moyenne  de  7G4““G81  à  la  température  de  0."  et 
à  22.™  3  au  dessus  du  niveau  de  la  mer.  V.  Meurein. 

Xniiiisiiiatique,  Découverte  de  monnaies.  —  Un  vient 
d’exposer  au  Musée  de  Lille  22  pièces  de  monnaies  d’ar¬ 
gent  trouvées,  au  commencement  d’Avril,  dans  les  fouilles 
nécessitées  par  la  construction  de  l’aqueduc  de  la  rue  de  la 
Gare,  sur  l’emplacement  de  l’ancien  estaminet  du  Comte 
d'Estaing.  Ces  monnaies,  du  xiii.^  et  du  xiv.®  siècle,  ont 
dû  être  enfouies  pendant  l’occupation  française ,  c’est-à- 
dire  sous  le  règne  de  Philippe  le  Bel ,  dont  le  monnayage  a 
fourni  la  moitié  du  dépôt  en  six  espèces  variées. 

Ces  pièces  sont  par  ordre  d’ancienneté  :  un  denier  tour¬ 
nois  de  Philippe-Auguste ,  un  autre  de  saint  Louis  avec 
caractères  archaïques  et  un  denier  semi-muet  de  Vendôme. 
Les  monnaies  du  xiv.®  siècle  sont  :  2  deniers  tournois ,  1 


—  168  ^ 

obole  tournois,  1  denier  bourgeois  fort,  2  deniers  bour¬ 
geois  nouveau ,  3  oboles  bourgeois  nouveau  et  2  exem¬ 
plaires  du  double  royal,  de  Philippe-le-Bel ,  avec  5  ester- 
lings  de  Louvain  et  d’Anvers  frappés  pour  Jean  II  de 
Brabant.  Il  y  a  enfin  deux  monnaies  qui  donnent  un 
certain  relief  cà  la  trouvaille  ;  Un  Wallerand  de  Ligny,  gros 
au  cavalier  frappé  à  Serain,  et  un  autre,  frappé  à  Vieuville, 
pour  Jean  de  Namur,  le  fils  ainô  de  Gui  de  Dampierre.  Les 
réserves  introduites  dans  le  cahier  des  charges  garantis¬ 
saient  à  la  ville  la  possession  des  objets  anciens  prouvés 
dans  le  cours  des  travaux. 

Médaille  égyptienne.  —  M.  A.  Durieux  ,  secrétaire  de  la 
Société  d’Emulation  de  Cambrai,  a  bien  voulu  ,  en  réponse 
à  la  note  insérée  dans  le  dernier  numéro  du  Bulletin  ,  nous 
envoyer  un  dessin  de  la  médaille  portant  au  revers  une 
légende  grecque  dont  la  lecture  nous  avait  paru  incorrecte. 
Cette  communication  nous  permet  de  classer  affirmative¬ 
ment  la  médaille  trouvée  au  Cateau.  Elle  porte  à  l’avers  la 
tête  diadêmée  d’Alexandre  Bala  i.",  roi  de  Syrie  (151  à 
146  ans  avant  J.-C.) ,  et  au  revers  cette  légende  :  aaesan- 
APO'F  BA2IAE02,  autour  d’un  aigle  à  gauche.  M.  C.  Rollin  à 
qui  nous  avons  à  notre  tour  communiqué  le  dessin  a  re¬ 
connu  que  la  pièce  a  été  frappée  à  Tyr.  E.  Van  Hende. 

Arehéolo^ie.  Sépultures  anciennes. —  Le  17  mars  der¬ 
nier  on  a  découvert  à  Thim  l’Evêque,  en  creusant  les  fon¬ 
dations  d’une  maison  ,  un  cercueil  en  pierre  contenant  un 
squelette  assez  bien  conservé.  Huit  autres  cadavres  dépour¬ 
vus  de  cercueils  reposaient  à  côté  du  premier.  On  a  dispersé 
les  ossements  et  on  a  brisé  le  cercueil  pour  employer  la 
pierre  aux  fondations.  J.  G. 

Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQIJEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2/  Année.  —  N.°  6.  —  Juin  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  d’émulation  DE  ROUBAIX 
Travaux  courants. 

«  La  formation  à  Roubaix  d’une  société  qui  a  pour  but 
d’y  développer  les  progrès  des  Sciences ,  des  Lettres  et  des 
Arts,  d’y  seconder  le  mouvement  intellectuel ,  est  presque 
un  événement,  tant  les  choses  de  Tesprit  y  paraissent  peu 
compatibles  avec  celles  de  l’industrie  locale.  »  C’est  en  ces 
termes  que  M.  Leuridan  ,  alors  président  de  la  Société  nais¬ 
sante  ,  ouvrait  la  séance  publique  du  17  décembre  1869. 
Sans  se  dissimuler  les  difficultés  de  l’entreprise,  il  en  assi¬ 
gnait  le  but  et  en  déterminait  le  caractère.  «  Ce  but  est 
étendu:  les  Lettres,  l’Histoire,  les  Sciences,  les  Arts, 
l’Industrie  même ,  que  malgré  ses  exigences  ou  plutôt  à 
cause  d’elles ,  nous  sommes  loin  de  répudier ,  l’Hygiène , 
l’Économie  sociale  ,  tout  enfin  peut  devenir  notre  lot.  Pour 
nous ,  pas  d’autre  exclusion  que  ce  qui  serait  la  négation  de 
l’honnête ,  de  l’utile  et  du  beau.  » 

De  nombreuses  adhésions  n’ont  pas  tardé  à  répondre  à 
l’appel  des  fondateurs.  Aujourd’hui  la  Société  comprend, 
outre  une  série  de  membres  honoraires,  de  membres  associés 
libres  et  de  membres  correspondants ,  21  membres  titu¬ 
laires  dont  nous  allons  donner  la  liste,  après  avoir  fait 
connaître  la  composition  du  bureau  pour  1870. 

Bureau  : 

MM.  Bonnier,  juge  de  paix  du  canton  ;  Président. 

Leuridan,  archiviste- bibliothécaire  de  la  ville; 

Vice-Président. 

Legrand  ,  industriel  ;  Secrétaire. 

Deleporte,  membre  du  Comice  agricole  de  Lille  ; 

Bibliothécaire-Archiviste. 


—  170  — 

Faidherbe  (  Alexandre  ) ,  instituteur  communal  ; 
Trésorier. 

Membres  titulaires  : 

MM.  Motte-Motte  (Pierre),  Président  du  Tribunal  de 
Commerce  de  Roubaix. 

Toulemo>de-Nollet,  membre  du  Conseil  municipal 
et  de  la  Chambre  consultative  des  Arts  et  Manu¬ 
factures. 

Dubar-Ferrier ,  industriel,  membre  du  Conseil 
municipal. 

Brüx-Lavaixxe ,  secrétaire  de  la  Mairie,  membre  de 
la  Commission  historique  du  Nord. 

Liagre  (Edouard),  docteur  en  médecine. 

Vassart  (l’abbé) ,  professeur  de  Sciences  à  l’Insti¬ 
tution  de  Notre-Dame-des-Victoires. 

Grimoxprez  (Eugène),  industriel,  membre  de  la 
Chambre  syndicale. 

Faidherbe  (Aristide)  ,  instituteur  adjoint. 

Scrépel-Chrétiex  ,  industriel. 

3I0TTE-B0SSUT,  ^  industriel.  Président  de  la  Chambre 
syndicale. 

1/ 

Erxoult-Delattre,  industriel,  membre  de  la  Chambre 
syndicale. 

Baucarxe-Leroux  ;  ^  Maire  de  Croix ,  Président  du 
Comice  agricole  de  Lille. 

Eeckmax  (Louis) ,  négociant ,  membre  du  Conseil 
municipal  et  de  la  Chambre  consultative. 

Bossut  (Jean-Baptiste) ,  négociant. 

Bossut  (Henri),  négociant,  Juge  au  Tribunal  de 
Commerce ,  membre  de  la  Chambre  syndicale. 

Delattre  (  Carlos  ) ,  industriel ,  ancien  élève  de 
l’École  polytechnique. 

Laumoxier  (Emmanuel) ,  employé  de  commerce. 

Verxier-Blaxquart ,  directeur  delà  Caisse  commer¬ 
ciale,  Juge  au  Tribunal  de  Commerce. 

Ferrier,  industriel,  membre  de  la  Chambre  syndicale. 

Bulteau-Lexglet  ,  industriel ,  Juge  au  Tribunal  de 
Commerce,  membre  de  la  Chambre  syndicale. 

Les  travaux  courants  de  la  Société  d’Emulation  de 
Roubaix  ont  été  résumés  par  31.  L.  Legrand,  secrétaire,  dans 
la  même  séance  solennelle  du  17  décembre. 


—  171  — 

Nous  avons  eu,  a-t-il  dit,  dès  cette  année,  des  travaux 
de  genres  bien  différents.  La  Poésie,  l’Histoire,  les 
Sciences,  les  Arts ,  la  moralisation  des  classes  ouvrières 
sont  venus  tour  à  tour  intéresser  nos  séances.  M.  Alex. 
Faidherbe,  dans  une  ode  intitulée  :  A  mon  premier  né,  nous 
a  dépeint  tous  les  dangers  que  l’enfant  rencontrera  ;  mais 
il  a  dit  aussi  les  secours  que  Dieu  lui  a  ménagés.  A  son 
entrée  dans  la  vie  ,  il  trouve  une  mère 

Qui ,  sous  mille  baisers ,  étouffe  tous  nos  pleurs , 

Ecarte  de  nos  mains  les  épines  des  fleurs, 

La  pierre  du  sentier  de  nos  pieds  encor  frêles  ; 

il  trouve  l’Eglise,  mère  aussi,  qui  reçoit  l’enfant  au  berceau, 
et  le  suit  par  tous  les  degrés  de  la  vie  jusqu’au  seuil  du 
tombeau.  Là  encore  ,  par  des  promesses  divines  et  de 
sublimes  espérances,  elle  adoucit  ses  derniers  instants. 
M.  Pierre  Motte  nous  a  lu  une  Oo?e  sur  la  mort  du  jeune 
chrétien  qui  peint  bien  le  rôle  consolateur  de  l’Eglise  au  lit 
de  mort  de  ses  enfants. 

J’ai  maintenant  à  vous  entretenir ,  Messieurs ,  d’une 
œuvre  poétique  de  plus  longue  haleine,  où  l’histoire,  sans 
rien  perdre  de  sa  vérité,  s’est  voilée  sous  une  ingénieuse  allé¬ 
gorie.  Je  veux  parler  des  Quatre  âges  del'Escautde  M.  Brun- 
Lavainne.  L’Escaut,  fleuve  bien  ignoré  jadis ,  et  dont  les 
bords  n’étaient  habités  que  par  les  sauvages  Nerviens, 
l’Escaut  vit  se  développer  sur  ses  rives  un  des  peuples  les 
plus  riches  et  les  plus  industrieux  du  monde  entier.  Le 
poëme  de  M.  Brun-Lavainne  contient,  tracée  à  grands 
traits,  l’histoire  de  cette  Flandre  dont  nous  pouvons  être  fiers 
d’être  les  fils.  11  se  termine  par  le  tableau  de  sa  prospérité 
actuelle  ,  due  tout  entière  à  l’Industrie.  Quelques  aperçus 
sur  les  faits  les  plus  saillants  de  Thistoire  générale  com¬ 
plètent  cette  œuvre  aussi  bien  pensée  que  bien  écrite  et  qui 
fera  honneur  à  nos  mémoires. 

Me  voici  amené  tout  naturellement  sur  le  domaine  de 
l’Histoire  ,  mine  toujours  explorée  et  toujours  inépuisable 
et  qui  fournit  un  large  tribut  aux  travaux  des  sociétés  litté¬ 
raires.  —  VHistoire  religieuse  de  la  Flandî'e  Wallojine  ^ 
de  M.  Leuridan,  contient  le  récit  des  travaux  évangéliques 
des  premiers  apôtres  de  nos  contrées.  La  barbarie  de  nos 
sauvages  ancêtres,  que  le  contact  de  la  civilisation  romaine 
n’avait  pu  adoucir,  fut  domptée  et  vaincue  par  la  religion 
chrétienne.  Le  sang  des  martyrs  féconda  la  bonne  semence 
jetée  par  St.  Fiat,  St.  Chrysole,  St.  Eleuthère,  St.  Vaast 


—  172  — 

et  d’autres  saints  non  moins  illustres.  Les  abbayes ,  qui 
s’élevèrent  de  toutes  parts,  continuèrent  l’œuvre  de  ces 
premiers  pasteurs  et  ont  droit  aussi  à  une  grande  part  de 
notre  reconnaissance.  Je  ne  puis  les  citer  :  car  la  nomen¬ 
clature  de  ces  écoles  de  science  et  de  vertu  sortirait  des 
bornes  imposées  à  ce  travail.  M.  Leuridan  s’est  arrêté  cette 
année  au  moment  où  commence  le  grand  mouvement  des 
Croisades  qui  porte  les  peuples  de  l’Occident  à  la  conquête 
et  à  la  défense  du  tombeau  du  Christ.  Dans  ces  nobles 
combats ,  la  Flandre  ne  resta  pas  en  arrière  ;  elle  sut  verser 
son  sang  et  prodiguer  ses  trésors. 

Dans  la  même  séance,  M.  Bonnier  a  émis  le  projet  de 
création  d’une  Galerie  rouhaisienne  à  l’instar  de  celle 
organisée  par  la  Société  des  sciences  de  Valenciennes. 

Charles-Quint ,  à  la  requête  de  la  princesse  douairière 
d’Espinoy ,  fixant  l’heure  matinale  des  plaids  à  la  Halle , 
pour  que  les  justiciables  fussent  dans  un  état  de  sobriété 
dont  les  séances  après  diner  n’offraient  pas  toujours  le  spec¬ 
tacle  ;  —  Philippe  II  octroyant  «  le  scel  armorié  aux  causes 
ï  pour  le  bien  et  entretenement  de  la  république  dans  la 
»  ville  et  terre  de  Roubaix,  grande,  spacieuse  et  fort 
»  peuplée  »  ;  —  le  comte  de  Flandre  accordant  aux  habitants 
de  Roubaix  le  privilège  de  «  licitement  drapper  et  faire 
»  draps  de  toutes  laines  ;  »  ■—  Jean,  duc  de  Bourgogne,  con¬ 
cédant  la  charte  échevinale  de  Roubaix  ;  —  de  nos  jours ,  la 
bénédiction  inaugurale  des  eaux  distribuées  à  Roubaix  ;  — 
la  présentation  des  autorités  à  L.L.  M.M.  l’Empereur  Napo¬ 
léon  III  et  à  l’Impératrice  Eugénie  ,  à  l’Hôtel-de-Ville  ;  — 
l’audience  aux  Tuileries  par  S.  M.  l’Empereur  des  délégués 
des  Chambres  consultatives  de  Roubaix  et  Tourcoing;  — 
tout  récemment  ,  l’inauguration  du  Tribunal  de  Com¬ 
merce  et  maints  autres  faits  de  la  vie  religieuse ,  civile , 
politique  ,  commerciale  et  industrielle  de  Roubaix  repré¬ 
sentés  sur  la  toile,  seraient  utilement  offerts  à  la  curiosité 
publique  et  apprendraient  aux  hommes  des  générations 
nouvelles  comment  dans  une  commune  se  fonde  la  pros¬ 
périté  particulière  et  générale  et  se  conquièrent  les  titres 
d’honneur  de  la  cité. 

Les  portraits  des  hommes  célèbres  ou  utiles,  des  prêtres, 
des  religieux,  des  baillis,  des  échevins,  des  maires,  des 
magistrats  et  de  tous  les  personnages  qui  trouvent  une  place 


—  175  — 

distinguée  dans  l’iiistoire  de  Roubaix  entreraient  aussi 
naturellement  dans  la  galerie. 

Enfin  un  médailler  et  tous  les  objets  qui  se  rattachent  à 
riiistoire  de  la  ville  et  de  la  fabrique  de  Roubaix  forme¬ 
raient  l’utile  complément  de  la  nouvelle  institution. 

M.  l’abbé  Vassart  a  ensuite  exposé  les  progrès  des  doctrines 
et  des  méthodes  chimiques;  il  a  commencé  par  rendre  un 
•  juste  hommage  aux  découvertes  des  alchimistes,  tout  en  dé¬ 
plorant  qu’ils  aient  perdu  tant  de  temps  et  d’intelligence  à 
poursuivre  de  puériles  rêveries.  Puis  il  est  arrivé  à  Lavoi¬ 
sier,  le  créateur  et  le  législateur  de  la  chimie  moderne  ;  il 
a  retracé  ses  longues  luttes  contre  les  plus  grands  chimistes 
de  l’époque,  Cavendish,  Rerthollet,  Scheele,  Priestleye,  qui 
soutenaient  la  théorie  du  phlogistique  ;  il  a  dit  quelle  fut  sa 
part  dans  la  création  de  la  nomenclature  chimique  dont 
l’idée  première  revient  à  Guyton  de  Morveau.  Puis  il  a 
montré  la  théorie  atomistique  venant  se  substituer  sous 
nos  yeux  à  la  théorie  dualistique  de  Lavoisier. 

Les  méthodes  aussi  se  multiplient  et  se  perfectionnent. 
La  Balance,  entre  les  mains  de  Lavoisier,  créa  l’analyse  chi¬ 
mique;  puis  vint  l’Eudiomètre  et  enfin  le  Spectroscope  ,  cet 
instrument  merveilleux  qui  nous  a  relevé  la  composition  du 
soleil  aussi  bien  que  si  un  chimiste  l’avait  tenu  dans  son 
creuset. 

Le  résultat  de  ces  théories  et  de  ces  méthodes,  c’est  la 
chimie  industrielle  avec  toutes  les  merveilles  que  l’industrie 
étale  autour  de  nous.  M.  l’abbé  Vassart  rappelle  que  chaque 
progrès  dans  l’ordre  des  sciences  est  aussi  un  pas  fait  vers 
une  connaissance  plus  parfaite  de  l’Auteur  de  l’univers. 

M.  Faidherbe  a  terminé  la  séance  par  d’excellents  conseils 
relatifs  au  patronage  des  écoles  primaires  : 

Ah!  s’est-il  écrié,  si  vos  instituteurs  étaient  moins  ab¬ 
sorbés  par  l’enseignement,  par  la  préparation  des  leçons  et 
des  devoirs,  quel  bien  ne  feraient-ils  pas  en  consacrant. 


—  174  — 

chaque  semaine ,  quelques  heures  à  visiter  les  parents  de 
leurs  élèves  !  En  voici  une  preuve  palpable  :  20  enfants , 
dont  j’ai  vu  les  parents  ou  auxquels  J’ai  écrit,  n’avaient  su, 
pendant  le  mois  d’Octobre ,  que  95  leçons  ;  ils  en  ont  su  136 
dans  la  première  moitié  de  Novembre.  Il  n’y  en  a  que  trois 
qui  soient  restés  stationnaires.  Je  me  suis  également  trouvé 
bien  de  procéder,  en  présence  des  parents,  à  un  examen 
détaillé  sur  telle  ou  telle  partie  de  l’enseignement.  Ils  sui¬ 
vaient,  avec  un  intérêt  qui  m’a  supris  bien  des  fois,  les 
réponses  de  leurs  enfants.  Quelques-uns  y  perdaient  de 
dangereuses  illusions,  et  tous  s’éloignaient  résolus  à  me 
seconder. 

Doutez-vous ,  Messieurs ,  que  cet  examen  ne  fût  encore 
plus  profitable,  s’il  avait  lieu  en  présence  de  quelques  per¬ 
sonnes  haut  placées  dans  l’industrie ,  et  dont  les  enfants 
croiraient  pouvoir  attendre  au  besoin  un  utile  appui  ? 

Nous  ne  finirons  pas  cet  article  ,  sans  souhaiter  la  bien¬ 
venue  à  la  Société  d’Emulation  de  Roubaix  qui  nous  parait 
comprendre  parfaitement  son  rôle  et  qui  nous  semble  ap¬ 
pelée  à  occuper  un  rang  très-honorable  parmi  les  autres 
compagnies  savantes  du  ressort  académique. 

J.  G.  et  A.  D. 


SOCIÉTÉ  d’émulation  DE  CAMBRAI. 

Travaux  courants. 

M.  Bruyelle,  qui  rédige  annuellement  depuis  1852  le 
précieux  Bulletin  archéologique  de  V arrondissement  de 
Cambrai  dont  nous  avons  souvent  parlé ,  a  eu  l’heureuse 
idée  de  l’étendre  rétrospectivement  jusqu’à  1800.  Dans  la 
séance  du  10  novembre  dernier,  il  a  communiqué  à  ses 
collègues  ce  nouveau  travail  qui  ne  peut  manquer  d’être 
accueilli  du  public  avec  une  légitime  faveur. 

Le  29  novembre  ,  M.  Fégueux  a  lu  à  la  Société  un  mé¬ 
moire  sur  :  La  position  sociale  de  la  femme  au  Mexique. 
Dans  ce  récit  semé  d’anecdotes  piquantes  ,  l’auteur  trace 
des  habitudes  d’une  population  au  milieu  de  laquelle  il  a 


—  175  — 

longtemps  vécu,  une  peinture  rarement  à  l’avantage  du 
sens  moral  de  ceux  dont  il  s’occupe. 

«  Travaillant  le  moins  possible  et  dévorée  d’un  désir 
insatiable  de  paraître ,  indienne ,  mexicaine  ou  de  sang 
mêlé  ,  mariée  ou  libre  ,  la  femmeau  Mexique  se  livre  trop 
facilement  en  général  à  des  plaisirs  défendus,  que  rechercbe 
et  provoque  une  population  masculine  possédée  des  mêmes 
goûts ,  à  quelque  rang  qu’appartiennent  ceux  qui  la  com¬ 
posent,  et  quel  que  soit  leur  état  social. 

Le  2  février,  M.  Fégueux  a  donné  lecture  d’un  autre 
mémoire  où  il  traite  des  eaux  de  Baréges.  «  En  s’appuyant 
sur  des  expériences  journalières  par  lui  faites  durant  trois 
mois  de  l’été  de  1869,  il  a  prouvé  que  ces  eaux  n'ont  pas 
une  température  et  une  sulfuration  constantes  ;  que  les 
changements  qui  s’opèrent  en  elles  ne  tiennent  pas  à  des 
causes  extérieures  :  pression  de  l’atmosphère  ,  quantité 
d’eau  tombée ,  phénomènes  météorologiques  dus  à  l’élec¬ 
tricité  ,  température  ambiante.  » 

«  Il  a  fait  aussi  deux  analyses  quantitatives,  et  pour  Tune 
d’elles  ,  celle  de  la  piscine  militaire ,  il  a  pu  établir  les 
preuves  que  l’aménagement  actuel  a  des  résultats  favorables 
en  ce  sens  qu’il  a  diminué  ,  depuis  1862  ,  la  quantité  de 
composés  oxigénés  du  soufre  se  formant  au  détriment  du 
sulfure  de  sodium,  principe  actif  des  eaux  de  Baréges.  » 
Dans  la  même  séance ,  M.  Durieux  a  lu  un  chapitre  d’his¬ 
toire  locale  intitulé  :  Les  Dinars  de  Monsieur  VEvêque  du 
Nord  à  Cambrai  en  1791. 

«  En  rapportant  un  fait  anecdotique  inédit ,  relatif  à 
l’évêque  Primat ,  l’auteur  a  eu  pour  but  de  mettre  en  relief 
le  prix  des  denrées  alimentaires  en  1791 ,  époque  où  ce 
prix  était  déjà  relativement  élevé,  bien  qu’il  ait  doublé  au¬ 
jourd’hui.  M.  Durieux  a  en  conséquence  reproduit  l’état 
officiel  des  frais  payés  par  la  municipalité  pour  le  vivre 


—  176  — 

du  prélat  constitutionnel  et  de  sa  suite  ,  du  20  au  25  avril 
de  cette  même  année.  Il  a  accompagné  ce  document,  trouvé 
par  lui  aux  archives  de  la  ville  en  1866,  de  détails  peu 
connus  sur  la  vie  de  celui  qui  devint,  en  1802,  archevêque 
de  Toulouse  où  sa  patience  et  sa  charité  triomphèrent  de 
tous  les  obstacles.  » 

Le  16  février,  M.  Durieux  a  entretenu  l’assistance  d’un 
autre  épisode  des  annales  cambrésiennes  à  l’époque  révo¬ 
lutionnaire. 

«  En  juin  1791 ,  une  religieuse  de  Sainte-Agnès  étant 
morte,  le  bruit  courut  qu’elle  avait  été  inhumée  dans  le  ca¬ 
veau  de  sa  communauté,  au  mépris  des  lois  et  arrêtés 
municipaux ,  et  que  son  cercueil ,  transporte  néanmoins  au 
cimetière  commun  de  la  porte  Notre-Dame ,  ne  contenait 
que  des  pierres  et  de  la  terre.  Ces  troubles  prirent  fin  après 
la  satisfaction  donnée  forcément  aux  mutins  par  la  muni¬ 
cipalité  ,  qui  fit  exhumer  le  cadavre  le  soir  même  de  l’enter¬ 
rement.  » 

Le  9  Mars,  M.  Durieux  a  communiqué  à  la  Société  une 
étude  historique  et  artistique ,  accompagnée  de  dessins  à 
l’aquarelle,  ayant  pour  sujet  «  le  faubourg  Saint-Druon,  sa 
chapelle,  un  reliquaire  en  argent  du  XVII.®  siècle,  qu’on 
y  voit  encore,  et  une  décoration  ou  enseigne  d’archers,  éga¬ 
lement  encore  en  la  possession  et  à  l’usage  de  la  compagnie 
de  l’arc  de  cette  partie  de  la  banlieue.  » 

Le  23  Mars,  M.  Ch.  Aimé  Lefebvre  a  lu  un  travail  sur  la 
Bourgeoisie  cambrésicnne  au  XVI. ^  siècle. 

«  Les  diverses  façons  de  servir  le  progrès,  entre  autres 
en  concourantà compléter  riiistoire locale  par  la  description 
de  détails  destinés ,  dans  certaines  parties ,  à  corroborer 
l’ensemble  des  faits,  fournissent  à  M.  Lefebvre  la  matière 
d’un  préambule  développé  qu’il  fait  suivre  de  la  peinture 
minutieuse  de  l’intérieur  d’une  maison  à  Cambrai  de  1521 


—  177  — 

à  1526.  Les  documents  qu’il  met  en  œuvre,  tirés  des  ar¬ 
chives  communales,  sont  puisés  dans  ce  que  nous  nomme¬ 
rions  aujourd’hui  un  inventaire  après  décès.  L’auteur  passe 
en  revue,  en  les  décrivant  le  plus  possible,  les  meubles,  les 
armes,  les  bijoux,  les  vêtements ,  jusqu’aux  ustensiles  de 
ménage,  (caudrelats  ou  cauderlats)  et  donne  la  distribution 
du  logis  habité  par  un  riche  bourgeois  de  notre  ville, 
M.®  Hustin  (Hutin) ,  procureur  et  accidentellement  ambassa¬ 
deur  pour  la  cité.  Cette  monographie  est  accompagnée  de 
curieuses  indications  sur  les  mœurs ,  les  coutumes ,  les 
usages  religieux ,  civils ,  mortuaires  et  autres ,  les  façons 
d’être  envers  les  domestiques  (mesquines  ou  méquaines) 
etc.  »  On  retrouve ,  dans  toute  cette  nomenclature  ,  des 
expressions  encore  employées  aujourd’hui  dans  le  patois 
Cambrésien.  A.  D. 

SOCIÉTÉ  IMPÉRIALE  DES  SCIENCES,  DE  L’aGRICULTüRE 
ET  DES  ARTS  DE  LILLE 

Travaux  courants. 

Observations  sur  le  tam-tam  des  Chinois par  M.  Bachy. 
Depuis  Darcet  on  répétait  dans  tous  les  cours  de  chimie, 
que  le  métal  avec  lequel  est  fait  le  lô  ou  tam-tam  des  chinois 
présente  des  propriétés  exceptionnelles  sous  le  rapport  de 
la  trempe.  Tandis  que  lacier  trempé  se  brise  au  moindre 
choc,  l’alliage  de  cuivre  et  d’étain  qui  sert  à  faire  les  tam-tam 
deviendrait  beaucoup  plus  malléable  après  avoir  été  trempé. 
En  janvier  dernier,  MM.  Riche  et  Champion  annoncèrent 
que  cette  opinion  était  erronée  et  que  le  bronze  des  tam-tam 
se  martèle  et  même  se  lamine  à  chaud.  M.  Champion  qui 
avait  pu  suivre  les  phases  de  la  fabrication  des  tam-tam  à 
Sang-haï,  avait  constaté  que  le  travail  ne  consiste  que 
dans  un  martelage  à  chaud  suivi  plus  tard  de  la  trempe.  Ces 


—  178  — 

auteurs  sont  parvenus  par  ce  procédé  à  fabriquer  des  cym¬ 
bales  en  tout  semblables  aux  tam-tam.  Cette  observation  a 
appelé  l’attention  de  M.  Bachy  sur  le  passage  d’un  livre 
publié  en  1820  et  intitulé  :  De  la  Chine  ou  desciHption  géné¬ 
rale  de  cet  empire.  C’est  une  lettre  écrite  par  un  mission¬ 
naire,  le  P.  Amiot,  en  1784  et  où  sont  exposés,  dans  les  plus 
grands  détails,  les  procédés  de  fabrication  du  lô.  On  y  voit 
que  le  martelage  se  fait  alors  que  la  pièce  est  chaude  et 
même  portée  au  rouge.  D’après  ce  document  l’alliage  des 
tam-tam  est  de  10  livres  de  cuivre  ,  3  d’étain  et  1  de 
bismuth. 

M.  Testelin  a  offert,  pour  le  musée  de  la  ville  de  Lille,  le 
bassin  d'une  femme  rachitique  qui  a  subi  deux  fois  avec 
succès  l’opération  césarienne.  C’est  un  fait  assez  rare  pour 
être  signalé  ;  car  le  savant  docteur  estime  que  les  chances  de 
mort  par  suite  de  cette  opération  sont  à  peu-près  de  98  O/q. 
Nous  ne  pouvons  suivre  l’auteur  dans  la  dissertation  médi¬ 
cale  dont  il  a  accompagné  cette  présentation. 

M.  Cb.  Viollette  a  reconnu  la  présence  du  Sélénium  dans 
du  cuivre  provenant  de  l’usine  de  Biache-Saint-Waast  par 
Arras.  Le  minerai  qui  a  servi  à  la  fabrication  est  celui  du 
Chili. 

M.  Dareste  (*)  est  parvenu  à  produire  à  volonté  l’in¬ 
version  des  viscères  dans  de  jeunes  poulets  qu’il  développe 
avec  sa  couveuse  artificielle.  On  désigne  sous  le  nom  d’m- 
version  du  viscère  une  monstruosité  assez  rare  qui  consiste 
en  ce  que  le  cœur  est  à  droite ,  le  foie  à  gauche  et  tous  les 
autres  viscères  disposés  symétriquement  du  côté  opposé  où 
ils  le  sont  à  l’état  normal.  Pour  obtenir  cette  anomalie , 
M.  Dareste  maintient  sa  couveuse  à  une  température  uni¬ 
forme  de  41  à  42.®  Malheureusement  les  embryons  de  pou- 


(1)  Bulletin ,  t.  i ,  p.  259. 


—  179  — 

lets ,  en  même  temps  qu’ils  sont  affectés  de  l’inversion  des 
viscères,  contractent  une  altération  du  sang,  une  sorte  d’hy- 
dropisie  qui  les  empêche  d’arriver  jusqu’à  l’éclosion. 

J.  G. 


BIBLIOGRAPHIE. 

MÉMOIRE  SUR  LA  POLITIQUE  EXTÉRIEURE  DE  LOUIS  XI 
ET  SUR  SES  RAPPORTS  AVEC  l’iTALIE, 
par  M.  Abel  Desjardms(q. 

11  n’est  pas  un  historien  quelque  peu  jaloux  de  la  vérité, 
qui  n’éprouve  un  vif  sentiment  de  satisfaction  lorsqu’un 
antique  préjugé  vient  à  disparaître  devant  la  pleine  lumière 
de  l’évidence  :  c’est  le  plaisir  que  nous  avons  ressenti  à  lire 
le  Mémoire  sur  la  Politique  extérieure  de  Louis  XI  et  sur 
ses  Rapports  avec  ritalie,  présenté  à  l’Institut  par  le  savant 
professeur  et  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Douai , 
M.  Abel  Desjardins.  S’il  y  a  une  opinion  stéréotypée  dans 
les  livres,  enracinée  dans  les  esprits,  que  nous  ayons  émise 
plus  ou  moins  à  l’occasion,  c’est  celle  qui  attribue  à  Louis  XI 
un  désintéressement  complet  des  affaires  de  l’Italie  au 
XV.®  siècle,  une  sorte  de  parti-pris  de  ne  pas  s’en  occuper, 
un  système  d’abstention  bien  arrêté  ;  on  s’appuie  au  besoin 
du  mot  brutal  vulgairement  prêté  au  roi  de  France  à  l’en¬ 
contre  de  la  ville  de  Gênes  qui  aurait  voulu  se  donner  à 
lui  et  qu’il  aurait  refusée.  Il  faut  résolument  rayer  cela  de 
nos  papiers  et  de  notre  enseignement  ;  la  lecture  du  Mé¬ 
moire  de  M.  Abel  Desjardins  nous  en  fait  une  obligation  de 
conscience:  car  il  est  désormais  établi  que  Louis  XI,  loin  de 
rester  étranger  aux  affaires  italiennes,  y  a  recberché  une 
part  d’influence  proportionnée  à  l’importance  même  de  la 
monarchie  française  en  Europe  à  cette  époque. (*) 


(*)  Paris,  imprimerie  impériale,  1868. 


—  180  — 

L’auteur  a  exploité  habilement  les  Documents  extraits  des 
Archives  de  la  Toscane  et  qui  sont  réunis  dans  le  premier 
volume  de  l’ouvrage  ayant  pour  titre  :  Négociations  diplo¬ 
matiques  de  la  France  avec  la  Toscane.  Cet  ouvrage  est 
compris  dans  la  Collection  des  Documents  inédits  publiés 
par  le  Ministère  de  Tlnstruction  publique.  Des  pièces  très- 
curieuses  consultées  et  citées  par  M.  Abel  Desjardins  il 
ressort  que  Louis  XI ,  avant  même  son  avènement ,  puis  au 
commencement  de  son  règne  ,  a  pris  un  intérêt  sérieux  aux 
affaires  de  l’Italie.  On  oppose  volontiers  l’étourderie  de 
Charles  VIII  se  lançant  dans  l’aventure  de  la  conquête  de 
Naples,  à  la  sagesse  de  Louis  XI  qui  n’aurait  jamais  songé 
à  soutenir  les  droits  de  la  maison  d’Anjou;  la  vérité  est 
qu’il  y  songea  de  bonne  heure  et  ses  lettres  en  font  foi.  Il 
n’a  pas  toujours  ,  comme  on  le  croit ,  dédaigné  la  possession 
de  Gênes:  car,  au  contraire,  il  y  a  dans  ses  communications 
avec  la  Seigneurie  florentine  des  traces  positives  de  ses  pré¬ 
tentions  sur  cette  grande  cité  commerçante  et  maritime.  Il 
soutient  vigoureusement  les  Sforce  à  Milan  ;  il  intervient 
entre  Florence  et  le  Pape  ;  il  veut  la  réconciliation  des  puis¬ 
sances  de  la  Péninsule  pour  combattre  le  Turc.  Qui  se  serait 
douté  que  Louis  XI  ait  projeté  une  Croisade?  On  lit  cepen¬ 
dant  en  toutes  lettres ,  dans  sa  correspondance  diploma¬ 
tique ,  qu’il  considérait  la  coalition  de  toute  la  chrétienté 
contre  le  Turc  comme  un  objet  de  premier  ordre.  Sans 
doute  la  réflexion  et  les  circonstances  l’ont  conduit  à 
modifier  ses  idées  ;  mais  il  n’est  plus  possible ,  après  le 
Mémoire  de  M.  Abel  Desjardins,  de  maintenir  cette  vieille 
assertion  dont  nous  parlions  plus  haut,  qui  consiste  à 
présenter  Louis  XI  comme  indifférent  à  la  politique  ita¬ 
lienne.  Parmi  les  documents  cités  il  en  est  qui  jettent  uu 
jour  nouveau  sur  le  caractère  de  ce  prince,  sur  ses  goûts, 
sur  ses  sentiments  fraternels.  Si  l’Etude  dont  nous  donnons 


—  181  — 

ici  la  substance  se  rattachait  plus  directement  à  nos  régions 
du  Nord,  nous  nous  ferions  un  devoir  d’entrer  dans  quel¬ 
ques  développements  ;  retenus  parles  nécessités  du  cadre 
de  notre  Bulletin  ,  nous  sommes  forcés  de  nous  borner 
à  recommander  le  travail  de  M.  Abel  Desjardins  aux  ama¬ 
teurs  de  la  science  historique;  ils  y  trouveront,  avec  le 
style  élégant ,  discret ,  limpide  auquel  nous  a  accoutumés 
réminent  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres ,  une  critique 
toujours  fine,  des  aperçus  toujours  ingénieux,  une  érudition 
toujours  exacte ,  et  ce  ton  de  sincérité  scientifique  qui  part 
naturellement  d’un  esprit  bien  doué  sous  ce  rapport. 

F.  Chon . 

RAPPORT  SUR  LA  SITUATION  DE  l’iNDUSTRIE  MINÉRALE 
DANS  LE  DÉPARTEMENT  DU  PAS-DE-CALAIS, 
par  M.  Coince  ,  ingénieur  des  mines. 

Ce  rapport,  tiré  des  procès-verbaux  du  Conseil  général 
du  Pas-de-Calais,  est  essentiellement  administratif  et  indus¬ 
triel.  Nous  pouvons  cependant  en  extraire  plusieurs  rensei¬ 
gnements  scientifiques  importants.  Sous  le  rapport  de  la 
statistique ,  nous  trouvons  que  le  département  du  Pas-de- 
Calais  renferme  20  concessions  houillères ,  33  fosses  en  ac¬ 
tivité  et  3  en  creusement.  En  1868,  il  a  produit  19,488,367 
hectolitres  de  houille  :  ce  qui  fait  une  augmentation  de 
1,316,303  hectolitres  sur  1867.  En  1867  ,  les  houillères 
ont  occupé  11,376  ouvriers  gagnant ,  en  moyenne,  3  fr.  06 
par  jour. 

Au  point  de  vue  scientifique ,  signalons  que  la  fosse  n.°  3 
de  Bruay  a  atteint  le  terrain  houiller  à  une  profondeur  de 
124  m.  30  c.  ,  la  fosse  n.“  3  de  Maries,  à  la  profondeur  de 
133  m.  On  a  repris  des  travaux  de  recherches  commencés 
jadis  sur  le  territoire  de  Courcelles-lez-Lens  à  la  limite  des 
départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais.  On  a  traversé  , 


—  182  — 

sous  les  terrains  morts ,  à  138  mètres  de  profondeur,  21 
mètres  de  schistes  calcarifères ,  sans  atteindre  la  houille. 

Le  minerai  de  fer  du  Boulonnais  a  occupé,  en  1867,  pour 
son  extraction  et  son  lavage,  7  à  800  ouvriers. La  production 
a  été  de  131,293  tonnes  avec  une  diminution  de  16,033 
tonnes  sur  1866. 

La  présence  du  minerai  de  fer  dans  le  Boulonnais  y  a 
développé  l’industrie  métallurgique.  Les  deux  hauts-four¬ 
neaux  d’Outreau  ont  produit,  en  1868, 314,726  quintaux  de 
fonte  d’affinage,  et  les  trois  hauts-fourneaux  de  Marquise 
172,703  quintaux. 

L’usine  métallurgique  de  Biache-Saint-Vaast  a  produit,  en 
1868,  4,219  quintaux  de  cuivre  laminé  ,  1,933  quintaux  de 
cuivres  en  tubes  sans  soudure  ,  24,321  quintaux  de  bronze 
monétaire,  1,710  de  plomb  pauvre,  239  kilogr.  d’argent  et 
9  kilogr.  d’or. 

Le  cuivre  provient  de  minerais  naturels  du  Chili  et  de 
cuivres  noirs  ou  cuivres  impurs  ayant  subi  un  premier 
traitement  métallurgique.  Parmi  les  nombreux  produits 
sortant  de  cette  usine  ,  on  peut  citer  des  flans  de  bronze 
prêts  à  être  frappés  et  destinés  à  la  refonte  générale  des 
monnaies  de  billons  espagnols  et  des  ailettes  en  zinc  pour 
les  projectiles  des  canons  rayés.  J.  Gosselet. 


BAVAI  ET  LA  COXTRÉE  QUI  l’EISVIROXNE  ,  HISTOIRE  POPULAIRE  , 

par  L.  Delliaye.  (0 

Cette  Histoire  de  Bavai  est  une  œuvre  volumineuse  où 
l’intérêt ,  il  faut  le  dire,  ne  se  soutient  pas  également  dans 
toutes  lesparties.  Sous  le  prétexte ,  louable  après  tout ,  d’in¬ 
struire  ses  concitoyens  sur  les  vicissitudes  de  la  contrée  qui 
environne  Bavai ,  l’auteur  donne  un  résumé  complet,  mais 


(9  Douai ,  Dechristé ,  in -8."  de  500  p. 


—  185  — 

peu  utile  ici ,  des  annales  du  Hainaut  durant  les  diverses 
dominations  que  cette  province  a  traversées.  Je  passe  rapi¬ 
dement  sur  les  nombreuses  pages  de  ce  résumé,  fort  bien 
élaboré  d'ailleui's  et  dont  je  n’accuse  que  l’inopportunité, 
pour  signaler  dans  l'bistoire  locale  seize  ou  dix-buit  para¬ 
graphes  groupés  sous  ces  titres:  Bavai  ancien.  Bavai  moyen- 
âge  et  moderne,  Bavai  contemporain ,  chapitres  intéressants, 
pleins  de  patientes  recherches ,  de  documents  et  de  détails 
curieux ,  exhumés  et  réunis  avec  un  zèle  filial  que  rien  n’a 
rebuté  et  qu’on  ne  saurait  trop  louer. 

On  trouve  dans  cette  partie ,  outre  des  notions  déve¬ 
loppées  sur  la  topographie ,  sur  les  coutumes ,  les  mœurs  et 
les  usages ,  sur  la  biographie ,  une  foule  de  renseignements 
neufs  et  puisés  aux  sources  authentiques ,  une  loi  de  la 
Franche-rue  de  Bavai ,  des  comptes  de  la  Prévôté  ,  des 
aperçus  sur  les  institutions  civiles  et  religieuses  et  enfin  des 
notices  sur  les  communes  du  canton  de  Bavai. 

Tout  cela  est  modestement  donné  par  l’auteur  à  titre 
d’essai  ;  mais  cet  essai  a  le  mérite  de  réunir  d’excellentes 
qualités  que  la  Société  impériale  des  sciences  de  Lille  a 
distinguées  en  décernant  à  l’auteur  une  médaille  d’argent  en 
décembre  dernier ,  heureuse  de  récompenser  ainsi  les  efforts 
d’un  homme  de  goût  qui  honore  ses  loisirs  en  les  consa¬ 
crant  au  culte  des  choses  de  l’esprit.  Th.  Leurid.vn. 

LE  BARON  DE  VUORDEN, 

Sa  vie ,  ses  écrits  , 
par  M.  le  comte  Ch.  de  Veudegies.  J) 

m. 

Vuorden  semblait  presque  entièrement  ^erdu  pour  la  vie 
publique,  lorsque  les  événements  se  cliargèrent  de  le 


(1)  Voir  6u/ie/jn,  t.  Il ,  p.  158-164. 


—  184  — 

remettre  en  évidence.  Le  27  avril  1667,  parvint  dans  les 
Pays-Bas  la  nouvelle  certaine  d’une  rupture  entre  la  France 
et  l’Espagne.  «  La  cour  (de  Bruxelles)  fut  fort  troublée  , 
quoique  le  gouverneur  (Castel-Rodrigo)  témoignât  grande 
confiance  et  fit  bonne  mine  à  mauvais  jeu...  Tout  le  mois 
de  mai  se  passa  en  apprêts  très-lents ,  les  fonds  manquant 
tant  pour  payer  les  vieilles  troupes  que  pour  en  lever  de 
nouvelles...  On  résolut  quantité  de  choses  ,  entr’autres  de 
faire  sauter  Charleroy ,  La  Bassée  et  Armentières  :  ce  qui 
s’exécuta  du  20  au  25  mai.  Sur  la  fin  du  mois,  le  roi  de 
France  parut  sur  la  frontière,  se  dirigeant  vers  Avesnes  avec 
40,000  hommes  ;  il  fit  prendre  possession  de  Charleroy  le  5 
juin  et  s’y  rendit  le  8.  Pendant  sa  marche,  le  maréchal 
d’Aumont  fut  chargé  d’attaquer  Bergues-Saint-Winoc  qu’il 
prit  en  deux  jours  et  Fumes  peu  après.  Le  19 ,  le  ma¬ 
réchal  se  rapprocha  d’Ypres  où  le  comte  de  Solre  et  moi 
étions  pour  renouveler  la  loi  ;  nous  crûmes  être  pris ,  mais 
il  (  le  maréchal  )  passa  à  Armentières  qu’il  fortifia.  » 
Vuorden  n’échappa  à  cette  alerte  que  pour  en  éprouver 
bientôt  une  autre  plus  vive.  Le  20  mai ,  Louis  XIV  investit 
Tournai  ;  le  24 ,  il  réduisit  la  ville  à  capitulation  ;  il  y  entra 
le  lendemain ,  et  y  revint  le  26  juillet  avec  la  reine  Marie- 
Thérèse,  au  nom  de  qui  se  faisait  cette  guerre.  «  Le  soir 
même,  dit  le  bon  Vuorden,  j’eus  l’honneur  de  voir  la 
Reine  dans  sa  chambre  ;  elle  me  reconnut  et  me  promit  sa 
protection.  Le  lendemain,  je  haranguai  le  Roi  et  la  Reine 
au  nom  des  Etats.  »  Jusque-là  tout  allait  bien  pour  la  for¬ 
tune  de  notre  ami  comme  pour  le  succès  des  armes  de  Louis 
XIV  qui,  en  août,  couronnait  ses  conquêtes  par  la  prise  de 
l’importante  place  de  Lille.  Mais  voilà  qu’en  septembre  , 
arrive  à  Tournai,. en  qualité  de  lieutenant-général ,  le  comte 
de  Duras ,  dont  l’un  des  premiers  soins  fut  de  mettre  la 
main  sur  M.  de  Vuorden.  Il  l’envoya  quérir  par  le  major 


—  185  — 

de  Saint-Aubin  et ,  en  présence  de  deux  autres  officiers ,  il 
lui  dit  qu'il  avait  un  «  compliment  fâcheux  »  à  lui  faire  de 
la  part  du  Roi ,  «  qui  étoit  que  je  sortisse  de  la  ville  où  je 
devenois  suspect  pour  des  raisons  qu’il  ne  savoit  pas.  » 

A  quoi  donc  servait  à  M.  de  Vuorden  de  s'être  ,  ainsi 
qu’il  le  déclare,  tenu,  autant  que  possible  ,  depuis  la  nou¬ 
velle  guerre,  à  l’écart  des  seigneurs  influents  du  pays, 
bornant  ses  soins  à  cultiver  sa  campagne  de  Rumes,  à 
acheter  des  livres,  à  attirer  d’obscurs  amis  dans  sa  maison 
de  ville  dont  «  sa  jolie  petite  femme  »  faisait  si  bien  les 
'honneurs  ,  —  à  quoi  lui  servait-il  même  de  s’être  mis  en 
frais  d’éloquence  auprès  du  monarque  conquérant  et  de  sa 
pacifique  compagne  ,  puisqu’on  fin  de  compte,  en  dépit  de 
si  sages  précautions  et  de  démarches  si  habilement  calculées, 
il  se  voyait  classé  par  S.  M.  T.  G.  au  premier  rang  des  sus¬ 
pects?  Les  instructions  du  Roi  à  M.  de  Duras  étaient  for¬ 
melles  en  ce  qui  concernait  Vuorden  :  «  quoique  la  Reine  ^ 
y  lisait-on  ,  vous  ait  recommandé  ce  gentilhomme  ^  si  est-ce 
que  vous  ne  laisserez  de  luy  commander  qu’il  sorte  inces¬ 
samment  de  Tournay.  » 

Dans  le  premier  moment ,  l’inculpé  crut  qu’on  l’avait 
noirci  auprès  du  Roi  par  d’atroces  calomnies:  il  insista 
pour  qu’on  lui  fit  régulièrement  son  procès.  Les  officiers 
devant  qui  il  comparaissait  n’avaient  point  de  pouvoirs 
pour  instruire  sa  cause  :  ils  consentirent  néanmoins ,  sur 
ses  vives  instances  ,  à  visiter  ses  papiers  où  ils  ne  trouvè¬ 
rent  rien  de  compromettant  et  qu’ils  détinrent  provisoire¬ 
ment.  Après  s’être  concerté  avec  >1.  de  Duras  sur  le  lieu  de 
sa  retraite ,  Vuorden  s’en  alla  passer  quelques  temps  à 
Rumes.  Avant  son  départ  il  écrivit  force  lettres  à  tout  ce 
qu’il  avait  connu  dans  le  monde  de  la  cour,  à  M.  Le  Tellier, 
à  M.  le  marquis  de  Louvois,  à  M.  Courtin,  à  M.  de  Turenne, 
à  la  senora  Molina,  à  M.  le  marquis  de  Dangeau ,  etc.  » 


—  186  — 

L’intrépide  solliciteur  était  loin  de  se  douter  que  les  prin¬ 
cipaux  de  ces  gens-là  travaillaient,  dans  ce  moment  même, 
en  sa  faveur.  Turenne,  plus  tard,  enfitTaveu.  Ils  voulaient, 
par  un  coup  d’éclat ,  détacher  irrévocablement  de  l’Espagne 
un  agent  qui  avait  rendu  à  cette  puissance  des  services 
dont  elle  l’avait  mal  récompensé.  Une  telle  explication  était 
trop  du  goût  de  Vuorden  pour  qu’il  ne  l’accueillît  avec 
autant  d’empressement  que  de  satisfaction. 

Ce  qu’il  y  a  de  certain,  c’est  qu’à  partir  de  ce  jour  nous 
voyons  les  grâces  et  les  faveurs  pleuvoir  sur  lui.  Non-seule¬ 
ment  Louvois  lui  écrit  pour  l’autoriser  à  rentrer  dans 
Tournai  ;  mais  une  des  deux  places  de  chevalier  d’honneur 
qu’on  vient  de  créer  au  parlement  de  cette  ville  lui  est 
attribuée;  bientôt  et  par  la  volonté  du  Roi,  il  entrera, 
comme  Grand-Bailli ,  aux  Etats  de  Lille.  Remarquons 
qu’aucun  de  ces  emplois  ne  l’enlève  à  sa  province,  que  tous, 
au  contraire ,  concourent  à  l’v  retenir  :  c’est  évidemment 
sur  ce  théâtre-là  que  Louis  XIV  et  son  ministre,  qui  se  con¬ 
naissent  en  hommes  et  qui  ont  besoin  de  gens  sûrs  dans 
les  pays  de  conquête ,  tiennent  à  utiliser  son  zèle  et  ses 
aptitudes. 

Les  Etats  du  Tournaisis ,  sachant  qu’ils  ne  peuvent  dé¬ 
puter  en  cour  de  sujet  plus  agréable  ,  l’y  envoient  avec  leur 
conseiller  pensionnaire ,  «  pour  y  faire  quantité  de  remon¬ 
trances.  *  Les  députés  de  la  ville  ,  MM.  du  Quesnoy  et  de 
La  Hamaïde  ,  se  joignent  à  ceux  du  plat  pays.  Le  Roi  les 
reçoit  à  Saint-Germain  le  18  août  1668.  Il  leur  promet  de 
prendre  en  sérieuse  considération  leurs  doléances  et  de  leur 
«  faire  goûter  la  différence  de  la  domination  de  France  à 
celle  d’Espagne  ,  »  intention  qui  entrait  effectivement  dans 
le  programme  politique  de  Louis  XIV  et  à  laquelle  il  n’a  pas 
dépendu  de  lui  qu’il  ne  restât  toujours  fidèle. 

M.  de  Louvois,  qui  avait  servi  d’introducteur  en  cour 


—  187  — 

aux  députés  de  Tournai  et  de  Tournaisis ,  leur  annonça 
qu’il  serait,  le  30,  dans  leur  ville  où  il  leur  rendrait  leurs 
cahiers  favorablement  apostillés. 

Il  ne  restait  plus  aux  députés  qu’cù  aller  saluer,  selon 
l’usage  ,  les  autres  ministres  et  les  princes.  Peu  avares  de 
leurs  pas ,  ils  vont  donc  porter  leurs  hommages  au  grand 
Dauphin  ,  au  duc  d’Anjou  et  à  la  petite  Madame  :  ils  visi¬ 
tent  ensuite  le  duc  d’Orléans ,  Le  Tellier ,  Colbert ,  Lionne 
et  le  maréchal  de  Turenne. 

C’est  dans  ce  même  voyage  que  Vuorden  obtient  l’une  des 
quatre  charges  de  Grand-Bailli  des  Etats  de  Lille ,  celle  à  la 
nomination  du  prince  d’Epinoy  et  dont  Louis  XIV  dispose 
comme  s’il  lui  eût  appartenu  de  la  conférer.  La  senora 
3Iolina ,  camériste  de  la  Reine ,  fournit  à  Vuorden  l’occasion 
de  remercier  directement  le  Roi  de  cette  nouvelle  faveur  ; 
elle  fait  plus  :  elle  l’introduit,  contre  toutes  les  règles  de 
l’étiquette  ,  dans  l’appartement  de  Marie-Thérèse  qui  rele¬ 
vait  alors  de  couches.  La  reine  le  reçoit  étant  encore  au  lit  ; 
elle  le  présente  au  dauphin  qui  déclare  reconnaître  l’ora¬ 
teur  par  qui  il  a  été  autrefois  harangué  à  Tournai.  Convenez, 
d’après  ce  récit  qui  gonfle  d’un  naïf  et  touchant  orgueil 
celui  qui  en  est  à  la  fois  l’auteur  et  le  héros  ,  que  Marie- 
Thérèse  faisait  dignement  les  affaires  de  sa  seconde  patrie 
et  qu’elle  s’entendait  à  enchaîner  par  le  cœur  au  service 
de  la  France  ceux  que  la  fortune  des  armes  et  l’intérét  poli¬ 
tique  détachaient  de  l’Espagne. 

IV. 

Le  nouveau  Grand-Bailli  des  Etats  de  Lille  ne  tarda  pas  à 
prendre  une  position  importants  au  sein  de  cette  assemblée. 
«  Le  corps  des  baillis  avoit  mérité  un  blâme  sévère  pour  la 
manière  dont  la  justice  avoit  été  administrée  pendant  la 


—  188  — 

domination  d’Espagne,  principalement  dans  le  paiement 
des  rentes  où  le  puissant  et  le  recommandé ,  sans  parler 
des  corrupteurs,  avoienl  été  payés  exactement ,  tandis  que 
l’indigent,  la  veuve  et  l’orphelin  se  trouvoient  n’avoir 
rien  reçu  depuis  six  ,  dix  et  jusqu’à  quatorze  ans.  J’en  lis 
des  plaintes  secrètes ,  mais  fortes  ,  à  l’intendant  de  la  pro¬ 
vince,  M.  Le  Pelletier,  homme  sage  et  ferme ,  qui  obtint 
un  arrêt  pour  mettre  tous  tes  rentiers  sur  un  pied  d’éga¬ 
lité.  Il  y  eut  beaucoup  de  bénédictions  pour  le  Roi  de  la 
part  des  misérables  qui  reçurent  ainsi  de  gros  arrérages  et 
purent  se  tirer  des  embarras  où  ces  injustices  les  avoient 
plongés.  L’arrêt  fut  exécuté  à  la  rigueur.  » 

Afin  d’obtenir  le  redressement  de  divers  autres  griefs,  le 
maréchal  d’Humières,  gouverneur  de  la  province,  et  M.  Le 
Pelletier  jugèrent  opportun  d’envoyer  Vuorden  une  seconde 
fois  en  députation  à  la  cour.  Ils  l’insinuèrent  à  Messieurs  des 
Etats  de  Lille  :  «  mais  ceux  qui  craignoient  que  je  n’ac¬ 
quisse  plus  d’autorité  firent  ce  qu’ils  purent  pour  s’opposer 
à  ce  dessein.  »  Le  projet  n’en  aboutit  pas  moins ,  et  Vuorden 
ne  doute  pas  que  le  séjour  qu’il  fit,  en  conséquence,  à  Paris, 
du  6  Février  au  24  avril  1669,  n’ait  été  «  très-utile.  » 

Nous  serons  assez  de  son  avis  si  nous  tenons  compte  des 
résultats  de  sa  mission  :  «  J’obtins,  nous  dit-il,  l’expédition 
des  cahiers  généraux  et  particuliers  des  Etats  de  la  pro¬ 
vince  et  de  la  châtellenie  de  Lille  ;  l’homologation  et  la 
capitulation  de  la  ville  et  des  quatre  baillis,  celle  de  la  ville 
et  Etats  de  Tournai  ;  la  réunion  à  la  châtellenie  de  Lille  des 
cinq  villages  :  Avelin,  Provin  ,  Bauvin,  Ennevelin  et  Mons- 
en-Pévèle  qui  en  avoient  été  détachés  lors  du  Traité  des 
Pyrénées.  Ceci ,  ajoute-t-il ,  fut  fait  par  M.  de  Louvois  à  ma 
seule  considération  ,  pour  me  donner  lieu  de  faire  bien  et 
plaisir  dans  le  corps  où  je  suis  entré  avec  ce  seul  but.  » 
Vuorden  profita  de  sa  présentation  au  Roi  pour  faire 


—  189  — 

ressortir  les  inconvénients  du  bureau  des  traites,  «  source 
d’entraves  pour  le  négoce  ,  de  vexations  pour  le  bourgeois 
et  d’incommodité  pour  les  gens  de  la  campagne.  »  Le  Roi 
répondit  que  le  bureau  des  traites  de  Lille  serait  aboli  ’ 
dès  que  les  Espagnols  supprimeraient  les  leurs,  ne  voulant 
pas  que  «  ses  nouveaux  sujets  eussent  rien  à  envier  à  ceux 
d’Espagne.  » 

Le  maréchal  d’Humières  était,  à  cette  époque  ,  très-bien 
avec  M.  de  Turenne  avec  qui  il  se  brouilla  en  1672.  Vuorden, 
à  la  faveur  de  laccbrd  alors  régnant  entre  les  deux  hommes 
de  guerre  ,  s’introduisit  plus  avant  que  jamais  dans  la  con¬ 
fiance  du  plus  illustre  d’entre  eux.  Laissons  au  député  des 
Etats  de  Lille  et  de  Tournai  le  soin  de  nous  dire  comment 
Turenne  l’accueillait  quotidiennement:  *  Il  quittoit  tout  le 
monde  dès  que  j’arrivois,  faisoit  mettre  sa  petite  table  entre 
nous  deux  et  me  demandoit  des  détails  très-complets  sur  les 
choses  les  plus  importantes,  même  sur  le  bureau  des  traites 
et  les  nouvelles  charges  subies  par  les  marchandises.  MM. 
Gautier  et  Boussemaer  ,  députés  du  Magistrat  de  Lille ,  me 
tenoient  au  courant  de  tout  et  je  pus  ainsi  rendre  de  très- 
bons  offices  à  tout  notre  pays.  » 

De  retour  dans  la  région  du  Nord,  Vuorden  fut  choisi  par 
Louvois  pour  régler,  de  concert  avec  un  commissaire  d’Es- 
qiagne  ,  des  difficultés  au  sujet  de  la  redoute  de  Warneton. 
Le  22  mai  167o,  Louis  XIV,  étant  de  passage  à  Lille,  lui 
adresse  de  publiques  félicitations  pour  la  manière  dont  il 
s’acquitte  en  tout  de  son  service.  MM.  de  Duras  et  Vauban 
l’assurent,  au  sortir  de  celte  réception,  qu’«il  n’y  avoit  pas 
de  gentilhomme  en  France  que  le  Roi  eût  traité  plus 
favorablement.  » 

Au  mois  d’octobre  suivant,  les  vicissitudes  de  la  guerre 
ramènent  l’ennemi  au  plein  cœur  de  la  châtellenie  de  Lille. 
L’armée  d’occupation  forme ,  des  quartiers  de  Weppe  et 


—  190  — 

Ferrain ,  d’une  part ,  Pévèle-Mélantois  et  Carembault , 
d’autre  part,  deux  départements  auxquels  elle  prépose  des 
intendants,  les  sieurs  d’Ophem  et  Delvaux  ,  qui  réclament 
du  pays  une  énorme  contribution  de  guerre. Les  Grands  Bail- 
lis ,  après  avoir  inutilement  essayé  d’adoucir  d’aussi  rudes 
exigences,  «  laissèrent  chaque  communauté  traiter  pour  son 
propre  compte,  jugeant  que  les  paysans  trouveroient  plus 
facilement  500,000  florins  pour  les  Espagnols  qui  lesdeman- 
doient  la  torche  à  la  main  ,  que  pour  eux-mêmes  en  usant 
d’une  sévérité  qui  les  rendroit  odieux  dans  le  pays.  » 

(Sera  continué)  A.  Desplanque. 


HISTOIRE  DES  ÉTATS  DE  LILLE  (  Suite  ) 
par  M.  de  Melun  (') 

Nous  sommes  arrivé  à  l’époque  de  Charles-Quint,  époque 
justement  célèbre  comme  on  le  sait  et  de  laquelle  date  peut- 
être  le  premier  mouvement  qui  devait  aboutir  à  1789.  Les 
Etats  suivaient  toujours  les  traditions  du  passé. 

Mais  avec  l’austère  Philippe  II,  l’ennemi  acharné  des  doc¬ 
trines  religieuses  qui  se  développèrent  sous  son  règne,  quel¬ 
ques  éléments  inconnus  jusque-là  étaient  venus  s’ajouter, 
pour  le  vote  des  subsides  extraordinaires,  aux  députés  que 
nous  connaissons. C’est  ainsi  que,  pour  des  levées  d’argent  qui 
furent  exigées  plus  d’une  fois  par  le  Lieutenant  du  roi  d’Es¬ 
pagne  ,  on  assemblait  à  la  Halle ,  outre  les  membres  ordi¬ 
naires,  «  les  prélats,  les  gens  d’églises,  les  représentants 
des  nobles  de  la  province  et  même  plusieurs  manants  de 
la  ville.  » 

Il  conviendrait  de  s’arrêter  un  instant  sur  le  règne  mou¬ 
vementé  de  Philippe  II ,  pour  voir  fonctionner  les  Etats 


(1)  Voir  Bullelin,  t.  II,  p.  119-124. 


—  191  — 

dont  le  rôle  était  devenu  beaucoup  plus  actif,  par  suite  des 
agitations  du  pays ,  contre-coup  du  soulèvement  de  toute 
la  partie  occidentale  des  Pays-Bas ,  par  suite  surtout  des 
impôts  nouvellement  établis  qu’il  fallait  percevoir  sur  des 
populations  mécontentes  des  charges  qu’elles  supportaient 
déjà.  Malheureusement  le  temps  nous  fait  défaut  et  nous  ne 
pouvons  plus  que  traverser  rapidement  l’espace  qui  sépare 
la  domination  espagnole  de  la  disparition  des  Etats  de  Lille, 
en  nous  arrêtant  toutefois  sur  quelques  points  saillants  du 
gouvernement  de  Louis  XIV  et  de  ses  successeurs. 

Et  d’abord  rappelons  que  les  Etats  étaient  composés 
du  magistrat  de  Lille,  des  quatre  seigneurs  hauts  justiciers, 
qui  avaient  maintenant  la  préséance,  et  des  députés  des 
magistrats  de  Douai  et  d’Orcbies. 

Les  membres  des  Etats  se  réunissaient  chaque  année,  et  le 
jour  de  louverture  des  séances,  l’Intendant  adressait  une 
harangue  à  l’assemblée. 

«  Ces  discours,  dit  M.  de  Melun  (*),  par  leur  solennité  et 
aussi  par  l’exposé  qu’ils  présentaient  de  tous  les  actes  inté¬ 
rieurs  et  extérieurs  du  gouvernement,  ressemblaient  assez  à 
ce  que  nous  appelons  de  nos  jours  un  discours  du  trône,  et 
se  terminaient  toujours  par  une  demande  de  subsides.  Les 
éloges  et  les  promesses  étaient  prodigués  suivant  les  besoins 
à  ceux  qui  devaient  se  montrer  généreux  envers  la  cou¬ 
ronne. 

a  II  était  rare  que  les  impôts  réclamés  par  le  gouverne¬ 
ment  fussent  entièrement  accordés.  Les  Etats  faisaient  subir 
une  diminution  à  des  demandes  qui  probablement  étaient 
calculées  en  conséquence.  C’était  comme  une  convention 
tacite  entre  les  deux  partis,  attestant  d’une  part  l’exercice 
d’un  droit  et  de  l’autre  le  respect  de  la  foi  jurée.  Les 


0)  1868,  p.  376. 


—  192  — 

exigences  de  la  guerre  obligèrent  quelquefois  de  déroger 
à  ces  vieilles  coutumes;  mais  pour  faire  oublier  des  néces¬ 
sités  qu’il  avait  bien  fallu  subir,  le  représentant  du  roi  a  soin 
de  louer  outre  mesure  la  générosité  plus  ou  moins  volon¬ 
taire  des  Etats.  Il  déclare  dans  certaines  circonstances  que 
la  province  de  Lille  servira  de  modèle  à  tous  ses  voisins  et 
ajoute  que  le  roi  et  les  ministres  sont  très-satisfaits  de  son 
zèle  et  de  son  application  aux  affaires ,  surtout  à  celles  qui 
regardent  le  service  de  Sa  Majesté. 

.  Au  moment  de  la  conquête  de  la  Flandre ,  Louis  XIV 
allait  atteindre  l’apogée  de  la  puissance  ;  il  pouvait  se 
montrer  conciliant. 

Le  grand  roi  avait  consenti  à  jurer  l’observance  des  droits, 
stils,  usages  et  anciens  privilèges  de  la  ville  et  de  la  pro¬ 
vince,  et  le  parlement  avait  ratifié  le  maintien  des  fran¬ 
chises  assurées  par  la  capitulation  qui ,  entre  autres  clau¬ 
ses,  garantissait  la  liberté  individuelle. 

En  1678  la  province,  érigée  en  gouvernement  particulier 
avec  Lille  pour  capitale  ,  n’avait  encore  qu’à  se  féliciter  de 
son  annexion  à  la  France  ,  mais  les  succès  ne  devaient  pas 
larder  à  disparaître...  Les  nécessités  de  la  guerre  allaient 
rendre  le  vieux  roi  beaucoup  moins  scrupuleux  que  jadis , 
et  les  exigences  de  la  cour  allaient  donner  naissance  aux 
conflits  qui  plus  tard  enlèveront  aux  Etats  les  franchises  et 
libertés  dont  ils  jouissaient. 

Les  Etats  étaient  chargés  de  faire  exécuter  les  canaux  et 
autres  voies  de  communication  ;  la  construction  et  l’en¬ 
tretien  des  routes  figuraient  aussi  dans  leurs  budgets,  ainsi 
que  l’entretien  des  fortifications  pour  la  construction  des¬ 
quelles  la  ville  et  les  Etats  avaient  dû  payer  un  subside  de 
60,000  florins  pendant  quatre  années.  Ils  supportaient 
encore  les  charges  propres  aux  pays  frontières  où  les  troupes 
se  rassemblaient  avant  d’entrer  en  campagne. 


—  1Ü3  — 

Ce  n’est  pas  tout.  «  A  l’impôt  annuel  que  l’on  appelait 
les  aides,  se  joignaient  trop  souvent  les  aides  extraordi¬ 
naires  dont  le  chiffre  était  plus  vivement  contesté...  Il  y 
avait  en  outre  le  don  gratuit  qui  d’abord  n’avait  été  accordé 
que  dans  des  circonstances  spéciales  telles  que  l’avènement 
du  souverain ,  la  naissance  d’un  prince ,  etc.  etc.  Plus  tard 
il  devint  presqu’annuel  et  fit  partie  des  revenus  sur  lesquels 
l’Etat  pouvait  compter.  »  (^) 

Et  il  fallait  faire  face  à  tous  les  besoins.  —  Comment? 
Par  des  impôts  ?  Mais  le  poids  en  était  accablant  et  la  mul¬ 
tiplicité  des  taxes  de  toutes  sortes  ne  pouvaient  que  fatiguer 
les  conliibuables  sans  grand  profit  pour  le  Trésor  qui ,  par 
suite  d’une  perception  compliquée,  n’en  retirait  qu’une  faible 
quotité. 

A  latin  du  siècle,  les  impôts,  et  les  quelques  gros  bénéfices 
qu’avait  procurés  l’altération  des  monnaies ,  ne  suffisant 
plus,  la  Cour  escomptait  la  vanité  des  hommes  en  décrétant 
la  vénalité  des  charges,  voir  même  des  charges  municipales. 

Que  dire  des  Etats  sous  Louis  XV 

Ils  n’étaient  plus  que  l’ombre  d’eux-mêmes.  Les  orgies 
de  la  Régence  avaient  pâli  devant  la  dégradation  dece  roi 
flasque  et  corrompu,  et  l’exemple  se  réfléchissait  dans 
toute  l’administration. 

Les  Etats  de  Lille  n’avaient  plus  d’influence:  «  on  discutait 
à  peine  la  quantité  des  aides  jadis  si  vivement  contestés  ,  et 
l’on  votait  sans  opposition  les  sommes  demandées  par  la 
couronne.  Les  aides  extraordinaires  deviennent  ordinaires, 
on  ajoute  encore  à  tous  les  impôts  le  sol  par  livre.  » 

Sous  Louis  XVI ,  le  clergé  et  la  noblesse  de  la  province, 
qui  depuis  longtemps  protestaient  contre  leur  éloignement 
des  affaires  publiques,  étaient  enfin  parvenus  à  faire  partie 
des  Etats  ;  seulement  leur  participation  au  règlement  des 


(1)  1868,  p.  379. 


—  194  — 

intérêts  légaux  du  pays  fut  de  courte  durée  puisque  bientôt 
ces  derniers  allaient  être  absorbés  dans  les  Etats  généraux, 
suivis  presqu’immédiatement  de  cette  autre  assemblée 
qui  devait  rendre  sa  gloire  impérissable  en  nous  donnant 
1  ere  de  la  liberté. 

Ainsi  ont  fini  les  Etats  de  Lille,  dont  nous  aurions 
voulu  rendre  l’entière  physionomie  dans  toutes  les  phases- 
qu’ils  ont  traversées. 

Comme  tout  ce  qui  tenait  à  la  vieille  société ,  les  pays 
d’Etats,  frappés  de  mort  par  les  réformes  de  Turgot,  se  dis¬ 
solvaient  et  la  Révolution  n’est  venue  que  hâter  le  moment 
où  ,  d’eux-mêmes,  ils  auraient  réclamé  un  nouvel  état  de 
choses.  L’égalité  proclamée  en  1789  n’était-elle  pas  déjà 
dans  tous  les  esprits  ?  Lecocq. 

SÉPULTURES  ANCIENNES  DE  FERRIÈRE-LA-GRANDE 

par  M.  Dombret.  (b 

Cette  brochure,  ornée  de  22  planches  coloriées,  fait  con¬ 
naître  de  la  manière  la  plus  succincte  le  résultat  des  fouilles 
opérées  à  Ferrière-la-Grande  par  l’auteur,  ancien  ouvrier 
armurier,  qui  s’instruisant  lui-même,  par  ses  observations, 
par  ses  lectures,  par  ses  réflexions,  en  est  arrivé  à  acquérir 
de  nombreuses  connaissances  en  archéologie  et  en  géologie. 

En  publiant  ces  recherches ,  M.  Van  Rende  ,  chargé  de 
diriger  l’impression ,  a  tenu  à  leur  laisser  le  style  naïf  qui 
en  démontre  l’authenticité  et  fait  ressortir  toute  la  sagacité 
de  l’auteur;  il  les  a  fait  simplement  précéder  d’une  petite 
introduction  dont  nous  extrayons  les  lignes  suivantes. 

Un  habitant  du  village  eut  l’idée  de  suivre  des  travaux 
d’excavations  entrepris  en  1865  et  1866  auprès  d’un  em¬ 
placement  où  des  squelettes  avaient  déjà  été  trouvés  en 
1835  ,  dans  une  circonstance  analogue. 

Ces  fouilles  opérées  pour  établir  des  constructions  ou  pour 


(b  Lille,  Dancl,  br.  in-8.°,  avec  planches  coloriées. 


—  195  — 

extraire  des  pierres  sur  un  terrain  communal  récemment 
vendu ,  mirent  à  jour  de  nouvelles  sépultures,  et,  dans 
l’espace  de  deux  ans ,  M.  Dombret  explora  environ  soixante- 
quinze  tombes  parmi  lesquelles  il  eût  le  bonheur  d’en  trou¬ 
ver  une  dizaine  complètes  et  garnies  d’armes  et  de  bijoux. 

Cet  heureux  chercheur  conserva  dans  des  casiers  séparés 
le  produit  de  chaque  tombe  et  en  fit  un  album  remarquable 
par  la  précision  des  notes  et  l’exactitude  des  dessins.  Il 
était  bien  inspiré  car  sa  découverte  est  la  plus  considérable 
en  ce  genre  qui  eut  été  faite  dans  nos  contrées. 

La  Société  des  Sciences,  appréciant  ce  bon  exemple  donné 
par  ce  modeste  villageois  et  l’importance  de  sa  découverte, 
lui  a  décerné  une  médaille  d’or  dans  sa  séance  du  27  dé¬ 
cembre  1868,  et  a  résolu  d’insérer  le  travail  du  lauréat 
dans  ses  Mémoires. 

Nous  n’essayerons  pas  de  préciser  l’époque  de  l’enfouis¬ 
sement  des  armes  et  des  bijoux  remis  au  jour  par  M.  Dom¬ 
bret.  L’existence  de  Ferrière-la-Grande  et  de  Ferrière-la- 
Petite  au  temps  des  Romains  est  probable  et  sera  peut- 
être  bientôt  prouvée.  L’emplacement  de  son  minerai  de  fer 
sur  la  limite  de  la  contrée  couverte  de  terrain  calcaire  qui 
s’étend  de  Maubeuge  à  la  mer,  a  dû  aider  puissamment  à 
l’activité  de  l’industrie  des  hauts  fourneaux  désignés  par 
César  sous  le  nom  de  ferrières. 

Mais  les  sépultures  exhumées  paraissent  postérieures  à 
l’époque  gauloise  et  à  l’occupation  romaine  ;  elles  doivent 
être  franques,  et  il  n’est  pas  impossible  qu’elles  provien¬ 
nent  de  la  fin  de  la  période  Mérovingienne.  J.  G. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES 

Histoire  naturelle.  Isopodes. —  Cloportes. —  Le  Bulletin 
de  l’Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux- 
arts  de  Belgique,  39.®  année  ,  n."  2,  contient  la  liste  des 
crustacés  isopodes  terrestres  de  la  Belgique,  par  M.  Félix 
Plateau.  En  l’absence  d’un  travail  du  même  genre ,  fait 
pour  le  département  du  Nord  ,  il  n’est  pas  sans  intérêt  de 
donner  un  aperçu  de  cette  courte  notice  à  laquelle  proba¬ 
blement  il  y  aurait  peu  de  choses  à  ajouter  pour  l’appliquer 
à  nos  contrées . 


—  196  — 

Les  Isopodes  sont  un  ordre  de  la  classe  des  crustacés  que 
l’on  ne  peut  mieux  caractériser  qu’en  disant  qu’un  de  ses 
types  est  le  cloporte. 

Pour  les  personnes  qui  ne  sont  pas  naturalistes,  ce  rap¬ 
prochement  dans  une  même  classe  des  grands  crustacés 
comestibles,  tels  que  le  homard,  et  du  cloporte,  peut 
paraître  singulier,  mais  il  n’en  est  pas  moins  très-naturel 

i 

pour  quiconque  étudie  les  caractères  et  les  dispositions 
particulières  des  organes ,  et  quand  on  suit  la  gradation  qui 
mène  de  l’un  à  l’autre  par  les  genres  crevette,  thalitre  et 
cymodocée. 

Les  Isopodes  sont  très-nombreux;  M.  Milne  Edwards, 
(Crustacés  des  suites  à  Buffon)  n’en  compte  pas  moins  de 
49  genres  et  plus  de  deux  cents  espèces,  vivant  dans  l’eau 
ou  sur  terre. 

En  1861 ,  M.  Van  Beneden  s’était  occupé  des  Isopodes 
marins  des  côtes  de  Belgique  (Mémoires  de  V Académie  de 
Belgique  ,  1861  ).  Il  en  comptait  sept  espèces. 

Aujourd’hui  ce  sont  les  espèces  terrestres  que  passe  en 
revue  M.  Plateau  ;  il  en  enregistre  dix,  appartenant  toutes  à 
la  famille  des  cloportides.  Sept  sont  communs  et  bien 
connus  : 

Armadillidium  vulgare^  le  cloporte  armadille; 

Oniscus  murarius ,  le  cloporte  ordinaire  ; 

Porcellio  scaber ^  le  cloporte  ordinaire,  variété  C.  de 
Geoffroy  (Insectes  des  environs  de  Paris)  ; 

Porcellio  dilatatus,  regardé  par  plusieurs  naturalistes 
comme  simple  variété  du  précédent  ; 

Porcellio  pictus  ; 

Lygidium  Personnii  ; 

Philoscia  muscorum  ,  le  cloporte  des  mousses. 

Les  trois  autres  espèces  sont  : 

Armadillidium  triviale  ^\Yhs-y ohin  du  espèce 


—  197  — 

d’une  valeur  secondaire ,  selon  l’expression  même  de 
M.  Plateau ,  destinée  ,  sans  doute  ^  à  disparaître  parmi  les 
variétés  de  l’Armadille  commun  ; 

Armadillidium  pictum ,  un  seul  exemplaire  des  bords  de 
la  Meuse  ; 

Porcellio  lœvis ,  le  cloporte  ordinaire,  variété  B.  de 
Geoffroy ,  un  seul  exemplaire  des  environs  de  Gand. 

Ces  deux  derniers  ne  sont  pas  très  >rares  en  France  et  se 
retrouveraient  sans  doute  ici  plus  abondamment. 

Nous  félicitons  M.  Plateau  des  scrupules  qui  Font  em¬ 
pêché  d’admettre  les  espèces  hasardées  des  Allemands , 
créées  sur  de  simples  différences  de  couleur.il  eut  pu,  par  ce 
moyen  ,  enrichir  le  genre  Porcellion ,  tout  au  moins  des 
espèces  adoptées  par  M.  Lereboullet  dans  sa  notice  sur  les 
Cloportides  des  environs  de  Strasbourg,  trivittatus  ^  mon- 
ticola^  intermedius ,  frontatis ,  etc. ,  mais  ce  n’est  pas  faire 
progresser  la  science  que  de  grossir  une  Faune  locale  aux 
dépens  d’une  rigoureuse  critique.  A.  de  Norguet. 


CHRONIQUE 

Areliéoloj^ie.  Cimetière  franc  à  Lille.  —  MM.  Van 
Rende  et  Rigaux  fils  ont  découvert  à  Lille  (  section  d’Es- 
quermes),  en  décembre  1869  et  en  mars  1870 ,  un  cimetière 
franc  mérovingien. 

Quelques  fragments  de  poterie  donnés  au  musée  par 
M.  Du  Rieux  fils,  dont  on  ne  peut  trop  louer  la  perspicacité, 
ont  mis  sur  la  voie  de  cette  trouvaille. 

Quinze  sépultures  ont  été  fouillées  par  M.  Rigaux.  Elles 
ont  fourni  plusieurs  vases  en  terre ,  les  uns  rappelant  le 
faire  Gallo-Romain,  les  autres  lourds  et  grossiers  ;  quelques 
vases  en  verre  dont  l’un ,  en  forme  de  cornet  sans  pied ,  est 
orné  de  filets  de  pâte  de  verre  blanc  ;  un  grand  nombre  de 


—  198  — 

perles  multicolores  pour  colliers,  parmi  lesquelles  plusieurs 
petites  comme  la  tête  d’une  épingle  ;  une  monnaie  romaine 
de  Julia  Mœsa  ou  Mamœa  ;  des  armes  en  fer,  une  hacbe,  un 
umbo  de  bouclier,  une  épée  renfermée  dans  un  fourreau  de 
bois  garni  à  son  extrémité  d’une  mince  plaque  d’argent;  des 
couteaux  ;  un  seau  en  bois  avec  cercles  en  cuivre  ;  plusieurs 
boucles  de  ceinturon  ;  deux  jolies  fibules  en  argent  ornées 
chacune  de  cinq  verroteries  rouges  ;  enfin  un  charmant  petit 
cure-oreille  et  un  cure-dent  en  argent ,  d’un  travail  très- 
délicat.  Malheureusement  la  mauvaise  qualité  du  terrain  a 
détérioré  un  certain  nombre  d’objets  ;  ils  n’ont  pu  être 
retirés  qu’en  morceaux.  Cette  découverte  est  néanmoins 
très-précieuse  au  point  de  vue  historique:  ces  inhuma¬ 
tions  paraissant  remonter  au  vu.®  siècle ,  c’est-à-dire  à 
cette  époque  si  ignorée  de  notre  histoire  locale ,  et  même 
regardée  trop  généralement  comme  fabuleuse.  Le  terrain 
sur  lequel  se  trouvaient  ces  sépultures  est  situé  sur  le  bou¬ 
levard  du  maréchal  Vaillant,  en  face  de  la  raffinerie  deM.  Du 
Rieux.  Les  fouilles  sont  aujourd’hui  suspendues,  mais  il  est 
probable  que  de  nouvelles  explorations  compléteront  cette 
découverte  aussi  intéressante  qu’inattendue.  J.  G. 


lléféorologple  : 


MAI 

1870 


Température  moyenne .  12.®  33 

*  j>  des  maxima . . .  17.®  32 

»  D  des  minima .  7.®  34 

»  extrême  minima,  le  4. . .  1."  70 

»  »  maxima,  le  21.  27.®  70 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.® _  762““716 

»  hauteur  extrême  minima ,  le  1 . .  751“™26 
»  »  maxima,  le 26..  771“”90 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  88 

Humidité  relative  moyenne  ®/o .  69.0 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  29'.’*“’37 

de  la  couche  d’eau  évaporée. .  135™‘“75 


MAI 

année  moy. 
12.®  45 


758““  984 


7“"  94 
68.39 
60““77 
116^18 


—  199  — 

Le  caractère  dominant  du  mois  de  mai  1870  a  été  la 
sécheresse  ;  la  tension  de  la  vapeur  d’eau  et  l’humidité 
relative  des  couches  d’air  en  contact  avec  le  sol  sont  en  effet 
bien  moindres  que  dans  une  année  moyenne  ;  la  même 
sécheresse  existe  également  dans  les  régions  élevées  de  l’at¬ 
mosphère,  ce  que  démontrent:  l.°  la  grande  pression 
exercée  sur  la  colonne  barométrique  ;  2.®  la  faible  nébulosité 
du  ciel  ;  3.®  la  rareté  et  le  peu  d’abondance  de  la  pluie. 

Sous  l’influence  de  cette  sécheresse  l’évaporation  a  été 
très-active  et  a  de  beaucoup  dépassé  la  moyenne.  Ce  n’est 
pas  la  température  atmosphérique  qui  l’a  surtout  favorisée, 
car  elle  a  été  à  peu  près  égale  à  la  moyenne  générale  ,  mais 
l’action  directe  des  rayons  solaires  traversant  un  ciel  peu 
nébuleux  et  celle  des  vents  secs  et  forts  des  régions  E.  et  N. 
qui  ont  été  prédominants. 

Cette  sécheresse  a  été  préjudiciable  à  toutes  les  récoltes  et 
comme  elle  a  été  assez  générale  en  France  ,  nous  en  subi¬ 
rons  les  désastreuses  conséquences. 

Le 22  la  nuit  avait  été  sereine,  le  vent  était  au  S.-E., 
une  faible  rosée  mouillait  les  plantes.  Le  matin  le  ciel  se 
couvrit  peu  à  peu  de  petits  cumulus  qui  constituèrent  bientôt 
des  stratus  appartenant  à  la  couche  moyenne  ,  au-dessous 
quelques  grands  cumulus  de  la  couche  inférieure  se  déta¬ 
chaient  d’une  manière  sensible  ,  à  9  h.  22  un  coup  de  ton¬ 
nerre  se  fît  entendre,  le  ventS.-S.-O.  était  faible  et  la  marche 
des  nuages  des  différentes  couches  venant  de  S.-S.-O.  était 
lente  ;  à  9  h.  40,  larges  gouttes  de  pluie,  suivies  d’une  pluie 
assez  forte  mais  de  peu  de  durée  ,  vent  E.-N.-E.  ;  9  h.  33  , 
vent  S.-E.  pluie,  tonnerre,  éclairs  rougeâtres;  10  h., 
forte  pluie  ,  tonnerre  ;  10  h.  13  ,  fin  de  l’orage  ;  10  h.  30  , 
fin  de  la  pluie  (8“™0)  ;  à  midi  il  tomba  encore  une  petite 
pluie.  Après-midi,  le  ciel  s’éclaircit;  10  h.  éclairs  sans 
tonnerre. 


—  200  — 

■  Le  18" à  11  heures  du  soir  par  un  ciel  serein  on  observa 
aussi  à  riiorizon  S.,  des  éclairs  sans  tonnerre,  le  vent 
soufflait  du  N.-N.-O. 

Pendant  le  mois ,  malgré  la  sécheresse  il  y  eut  22  jours 
de  rosée ,  29  de  brouillard  ,  6  de  gelée  blanche  ;  le  3  il 
tomba  de  la  neige  et  de  la  grêle.  V.  Meurei>\ 

Nouvelles  de  laljîftératm’e  et  «Ses  Arts. —  Ceux 
de  nos  lecteurs  ,  qui  n’en  sont  pas  encore  informés ,  ap¬ 
prendront  avec  plaisir  que  l’Académie  des  Sciences  mo¬ 
rales  et  politiques  a  décerné,  dans  sa  séance  du  28  mai, 

à  M.  Louis  Legrand  ,  avocat  à  Valenciennes  ,  le  prix  fondé 
par  le  D."  Beunaiche  de  la  Corbière,  et  dont  le  sujet  était: 
Du  mariage  considéré  au  point  de  vue  moral  et  religieux  , 
légal  et  social.  A.  D. 

Arclftcologic  i»réliîstoi*î«j«e.  Instruments  en  silex 
taillé.  —  En  Belgique  ,  dans  les  départements  du  Pas-de- 
Calais,  de  la  Somme  et  de  l’Aisne  ,  on  trouve  des  silex  tail¬ 
lés  de  l’âge  du  Mammouth  ;  seul  le  département  du  Nord 
semble  faire  exception.  Dernièrement  31.  Ortlieh  a  ren¬ 
contré  au  sommet  du  31ont  des  Chats  ,  au  milieu  d’un 
dépôt  de  cailloux  roulés  rapporté  au  diluvium  des  pla¬ 
teaux  ,  un  silex  qui  parait  taillé  de  main  d’homme  :  il 
appartient  à  la  forme  que  l’on  a  désignée  sous  le  nom  de 
grattoirs.  J’ai  trouvé  également ,  au  sommet  de  la  butte  de 
Fontaine-au-Pire  ,  près  de  Cambrai ,  à  la  base  du  limon  , 
un  silex  que  des  savants  habitués  à  ces  études  considèrent 
comme  taillé.  Ce  ne  sont  pas  encore  des  preuves  authen¬ 
tiques  ,  mais  ce  sont  des  présomptions  qui  portent  à  penser 
que  prochainement  on  arrivera  à  reconnaître,  dans  le  dépar¬ 
tement  du  Nord,  des  traces  de  l’humanité  antédiluvienne. 

J.  G. 

Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQÜEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2.‘  Année.  —  N.°  7.  —  Juillet  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

ACADÉMIE  DE  BELGIQUE. 

Séance  solennelle  de  la  classe  des  Lettres. 

La  classe  des  Lettres  de  l’Académie  royale  de  Belgique  a 
tenu,  le  11  mai  dernier,  sa  séance  publique  annuelle. 
M.  E.  Defacqz ,  directeur,  a  prononcé  un  remarquable 
discours  sur  la  Féodalité. 

Dans  le  sens  propre  et  restreint  (a-t-il  dit) ,  la  Féodalité 
se  compose  de  deux  éléments  principaux  souvent  unis, 
quelquefois  séparés ,  mais  toujours  distincts  dans  leur  es¬ 
sence  et  dans  leur  action  :  ces  éléments  sont  le  fief  et  la 
justice.  11  en  est  un  troisième  qui  est  loin  de  l’importance 
des  premiers,  c’est  la  censive.  Cette  trinité  se  personnifie, 
savoir  :  le  fief  dans  le  seigneur  féodal  et  le  vassal,  la  censive 
dans  le  seigneur  censier  et  le  censitaire  ,  la  justice  dans  le 
seigneur  justicier  et  les  sujets.  C’est  cette  dernière  surtout, 
c’est  la  justice  seigneuriale  qui  a  rendu  la  féodalité  si 
odieuse.  C’est  elle  qui  ajoutait  aux  violences  de  la  tyrannie 
l’indignité  de  transformer  la  sainte  mission  de  juger  les 
hommes  en  un  droit  de  famille,  en  une  propriété  privée 
dont  on  hérite,  qui  se  vend,  qui  se  troque  comme  un  article 
de  commerce. 

M.  Henri  Conscience,  le  romancier  national  de  la  Bel¬ 
gique  ,  a  fait  ensuite  une  lecture  en  flamand  où  il  a  habile¬ 
ment  groupé  ce  qu’on  possède  de  données  historiques  sur 
les  Kerles  de  Flandre ,  cette  classe  d’agriculteurs  et  de 
marins,  d’origine  anglo-saxonne,  qui  puisait,  dans  l’énergie 
du  travail  et  dans  la  libre  association ,  la  force  nécessaire 
pour  lutter  avantageusement  contre  la  caste  féodale  à  qui 
elle  était  souverainement  odieuse. 

La  séance  a  été  terminée  par  une  lecture  en  vers  de 
M.  Matthieu. 


—  202  — 

Au  nombre  des  questions  inscrites  pour  le  concours  de 
cette  année,  figurait  un  Essai  sur  la  vie  et  le  règne  de  Sep- 
time-Sévère.  Des  trois  mémoires  présentés  sur  ce  sujet, 
aucun  n’ayant  été,  malgré  de  sérieux  mérites,  jugé  digne 
du  prix,  la  question  est  maintenue  au  programme. 

Une  autre  question  a  reçu  une  solution  définitive.  Il 
s’agissait  de  rechercher  les  causes  qui  amenèrent ,  pendant 
le  XII.®  et  le  xm.®  siècle,  l’établissement  de  colonies  belges 
en  Hongrie  et  en  Transylvanie.  Le  concurrent  devait,  en 
outre  ,  exposer  l’organisation  de  ces  colonies  et  l’influence 
qu’elles  ont  exercée  sur  les  institutions  politiques  et  civiles, 
ainsi  que  sur  les  mœurs  et  les  usages  des  pays  où  elles  furent 
fondées. 

L’auteur  du  Mémoire  couronné  divise  son  travail  en  six 
chapitres ,  ayant  pour  titres  :  De  la  colonie  belge  fondée 
dans  le  diocèse  d’Erlau;  de  la  colonie  belge  fondée 
dans  la  Zips  ;  les  Flamands  dans  le  district  de  Batar  ;  des 
colonies  belges  fondées  en  Transylvanie  ;  des  droits  et  des 
privilèges  accordés  aux  Belges  en  Hongrie  et  en  Tran¬ 
sylvanie  ;  de  la  langue  parlée  dans  les  colonies  belges  en 
Hongrie  et  en  Transylvanie. 

En  1447 ,  des  pèlerins  de  Liège  qui  s’étaient  rendus  à 
Aix-la-Chapelle  pour  assister  à  l’exposition  des  célèbres 
reliques  conservées  dans  cette  ville ,  furent  très-surpris 
d’y  rencontrer  une  troupe  de  pèlerins  de  Hongrie  qui , 
malgré  leur  nationalité  étrangère,  parlaient  très-correcte¬ 
ment  le  wallon  liégeois.  Interrogés  sur  ce  fait  en  apparence 
inexplicable,  les  Hongrois  répondirent  que,  suivant  une 
tradition  conservée  dans  leurs  familles,  leurs  ancêtres 
kaient  originaires  du  pays  de  Liège ,  qu’ils  avaient  quitté 
ce  pays  à  cause  du  manque  de  vivres  et  qu’ils  s’étaient  fixés 
en  Hongrie. 

Cette  tradition  était,  à  tous  égards,  conforme  à  la  vérité 
historique.  Sous  le  règne  de  l’évêque  Wazon ,  plusieurs 
centaines  de  Liégeois,  fuyant  la  famine  qui  sévissait  sur  les 
bords  de  la  Meuse,  avaient  traversé  l’Allemagne  et, 


—  203  — 

d’étape  en  étape,  étaient  arrivés  en  Hongrie  où,  en  1046, 
le  roi  André  I/"  leur  avait  assigné ,  à  perpétuité  ,  un  terri¬ 
toire  fertile  situé  dans  le  diocèse  d’Erlau.  Leur  nombre 
s’accrut  avec  une  telle  rapidité  qu’ils  occupèrent ,  quelques 
années  plus  tard  ,  plusieurs  villages  connus  sous  le  nom  de 
loca  gallica  ,  vici  Wallonorum. 

Après  avoir  discuté  ces  faits  et  toutes  les  circonstances  qui 
s’y  rattachent,  l’auteur  du  mémoire  croit  pouvoir  affirmer 
que  les  Liégeois  de  la  vallée  d’Erlau  vécurent,  dès  leur 
arrivée ,  sous  une  administration  propre  tant  au  spirituel 
qu’au  temporel.  H  prouve  au  moins,  très-clairement,  qu’ils 
conservèrent ,  pendant  cinq  siècles,  à  travers  toutes  les 
vicissitudes ,  le  souvenir  et  la  langue  de  leur  patrie  origi¬ 
naire.  Des  documents  authentiques  et  irrécusables  attestent 
que  ces  Wallons  hongrois  formaient,  au  xv.®  siècle,  une 
province  ecclésiastique  séparée.  Au  siècle  suivant,  le 
célèbre  Nicolas  Olah ,  secrétaire  de  la  reine  Marie  de  Hon¬ 
grie,  mentionne  encore  les  colonies  èhuronnes  du  diocèse 
d’Erlau  ,  «  où  l’on  parle  un  langage  français  ;  »  mais,  cin¬ 
quante  ans  après,  réduits  à  la  misère  et  décimés  par  le 
cimeterre  des  Turcs ,  les  colons  cessent  de  vivre  en  commu¬ 
nautés  séparées  et  se  confondent  avec  la  population  indi¬ 
gène.  Aujourd’hui  le  souvenir  même  des  vaillants  défri¬ 
cheurs  liégeois  s’est  perdu  dans  la  vallée  qui  fut  le  théâtre 
de  leur  activité  industrieuse. 

Les  historiens  hongrois  sont  unanimes  à  attribuer  à  la 
reine  régente  Hélène  et  à  l’évêque  d’Erlau,  Lucas  Banffi  , 
l’établissement  de  nombreux  colons  étrangers  dans  le 
Comitat  de  Zips.  Les  plus  anciens  documents  donnent  à  ces 
colons  le  nom  de  flamands  (flandrenses) .  Plus  tard  ,  on  leur 
applique  le  titre,  presque  identique,  de  saxons  [saxones). 

Les  flamands  du  Comitat  de  Zips  ne  conservèrent  pas, 
aussi  longtemps  que  les  vallons  de  la  ville  d’Erlau,  leur 
langue  nationale ,  leurs  mœurs  primitives  et  leurs  usages 
particuliers.  Ils  prospérèrent  et  se  multiplièrent  au  point 
qu’une  tradition  locale  leur  attribue  une  large  part  dans  la 
fondation  des  vingt-quatre  villes  qui  ,  en  1204  ,  formèrent 
la  confédération  que  les  chroniqueurs  hongrois  désignent 
sous  le  nom  de  Fraternitas  plebanarum  xxiv  regalium; 
mais  ,  dès  le  xiii.®  siècle  ,  à  la  suite  d’une  violente  invasion 


—  204  — 

(les  Mongols ,  ils  furent  rapidement  envahis  et  absorbés  par 
un  courant  sans  cesse  croissant  de  colons  accourus  de 
diverses  parties  de  l’empire  germanique.  La  libre  prévôté 
ecclésiastique  de  la  Zips  est  peut-être  la  seule  trace  qu’ils 
aient  laissée  de  leur  passage. 

Au  chapitre  III,  l’auteur  du  mémoire  nous  entretient 
d’une  Colonie  flamande  établie  dans  le  Gomitat  d’Ugocsa. 
Il  est  pr(3bable  que  cette  colonie  fut  anéantie  dans  la  grande 
invasion  tartare  de  1241.  Par  leur  importance,  de  même 
que  par  l’influence  heureuse  qu’elles  exercèrent  sur  les  des¬ 
tinées  du  pays  qui  leur  fut  assigné ,  les  colonies  flamandes 
de  la  Transylvanie ,  auxquelles  l’auteur  consacre  le  4.®  cha¬ 
pitre  de  son  mémoire  ,  méritent  une  attention  particulière. 
Attirés  par  la  reine  régente  Hélène,  l’évêque  Banffi  et  le  han 
Belus  ,  oncle  maternel  du  roi  Geiza  II,  les  colons  fondèrent 
leurs  premiers  établissements  entre  1141  et  1161. 

D’après  ce  que  nous  venons  d’en  dire,  on  n’hésitera  pas 
à  reconnaître  ,  avec  le  rapporteur  de  l’Académie ,  M.  Tho- 
nissen,  que  «  ce  mémoire  est  une  œuvre  sérieuse,  une  mono¬ 
graphie  savante  et  aussi  complète  que  la  matière  le  comporte 
dans  l’état  actuel  de  nos  connaissances  historiques.  »  L’au¬ 
teur,  M.  Emile  de  Borchgrave,  secrétaire  de  légation  de 
première  classe  et  déjà  lauréat  de  l’Académie,  a  reçu,  dans 
la  séance  du  11  mai,  la  médaille  d’or  de  1,200  francs  attri¬ 
buée  à  son  travail. 

Dans  la  même  séance  a  été  proclamé  l’arrêté  qui  décerne 
le  prix  quinquennal  de  littérature  flamande  (période  de 
1866-1869),  à  M.  Henri  Conscience,  pour  son  ouvrage 
intitulé  :  Bavo  en  Lieveken.  A.  D. 

Classe  des  sciences 

Les  derniers  Bulletins  de  l’Académie  renferment  un 
mémoire  mathématique  de  M.  Catalan  ,  sur  V équation 
X _ 1  =  0  ;  une  note  sur  la  Bryonicine  ,  nouvelle  subs- 


—  205  — 

tance  azotée  extraite  de  Bryonia  dioïca,  par  MM.  Louis  de 
Koninck  et  Macquart  ;  une  note  de  M.  Van  der  Mens- 
brugghe  continuant  les  expériences  de  M.  Plateau  sur  la 
différence  de  viscosité  entre  la  couche  superficielle  des 
liquides  et  la  couche  interne  ;  la  suite  des  recherches  sur 
VEmbryogénie  des  crustacés^  par  M.  Van  Beneden  fils; 
quelques  observations  nouvelles  sur  le  commensalisme  dans 
le  règne  animal  et  la  liste  des  animaux  parasites  que  l’on  a 
rencontrés  dans  le  corps  des  cétacés  ou  à  leur  surface ,  par 
M.  le  professeur  Van  Beneden. 

Les  Aurores  boréales  ont  eu  l’honneur  de  deux  commu¬ 
nications.  M.  Quetelet  a  donné  la  liste  de  celles  qui  ont  eu 
lieu  pendant  les  mois  de  janvier  et  de  février  ,  et  M.  Ch. 
Montigny  observe  que  la  scintillation  des  étoiles  s’est 
beaucoup  accrue  pendant  la  belle  aurore  du  5  avril  1870. 
Quelle  peut  en  être  la  cause  ?  La  nature  des  aurores  boréales 
n’est  pas  elle-même  bien  connue.  On  sait  que  ce  sont  des 
phénomènes  électriques  en  relation  avec  le  magnétisme  ter¬ 
restre,  et  qui  sont  souvent  les  précurseurs  de  mouvements 
dans  les  régions  supérieures  de  l’atmosphère.  Car  on 
a  remarqué  que  les  aurores  boréales  les  plus  brillantes  sont 
les  avant-coureurs  de  coups  de  vents  et  de  mauvais  temps. 
Selon  Humboldt,  le  magnétisme  terrestre  condense  les  va¬ 
peurs  qui  se  trouvent  en  suspension  dans  l’atmosphère;  il  en 
résulte  la  formation  de  petits  cristaux  de  glace  analogues  à 
ceux  qui  composent  les  nuages  nommés  Cirrhi.  Ces  petits 
cristaux  sont  nécessaires,  d’après  M.  Davy,  à  la  production 
des  aurores  boréales.  Leur  présence  dans  les  régions  supé¬ 
rieures  de  l’air  au  commencement  d’avril ,  a  encore  été 
manifestée  par  un  halo  solaire  observé  à  Louvain  par 
M.  ïerby  peu  de  jours  après  l’apparition  de  l’aurore.  Car  ce 
phénomène  s’explique  aussi  par  la  présence  d’aiguilles  ou  de 
lames  cristallines  flottant  dans  l’atmosphère. 


—  206  — 

Sur  la  pierre  météorique  tombée  à  Saint-Benis-Westrem 
près  de  Gand,  le  7  juin  1855,  par  M.  Stanislas  Meunier. 
—  L’auteur  a  reconnu  que  ladite  pierre  ressemble 
complètement  à  un  groupe  météorique  qu’il  a  désigné 
sous  le  nom  de  Lucéite  et  qui  présente  avec  une  couleur 
grise,  une  structure  grenue,  âpre  au  toucher,  émi¬ 
nemment  cristalline. 

D’autres  aéroiites  ont  une  structure  brechiforme  :  ils  pré¬ 
sentent  des  fragments  de  Lucéite  empalés  dans  une  roche  de 
couleur  sombre.  Il  en  est  encore  d’autres  qui,  dans  la  même 
pâte  foncée  que  les  précédentes,  renferment  des  fragments 
de  roche  grisâtre,  oolitique,  toute  différente  de  laprécédente. 
Enfin  la  matière  oolitique  forme  à  elle  seule  des  météorites 
que  M.  Meunier  appelle  Montrejite.  Il  en  conclut  que  la  Lu¬ 
céite,  la  Montrejite  et  les  roches  brechiformes  qui  les  con¬ 
tiennent  l’une  et  l’autre  étaient  en  relation  stratigraphique 
dans  un  astre  qui  a  été  démoli  à  une  époque  indéterminée. 

La  cause  de  la  destruction  de  l’astre  est  le  résultat  du 
développement  normal  des  corps  sidéraux.  Par  suite  du 
refroidissement  de  la  matière  cosmique,  ils  passent  succes¬ 
sivement  par  les  états  de  nébuleuse,  de  soleil,  de  planète  et 
de  lune  pour  arriver  enfin  à  l’état  de  météorite. 

En  se  contractant  par  l’effet  du  refroidissement,  les  astres 
tendent  d’eux-mêmes  à  se  fendre  et  à  se  briser.  Tant  qu’ils 
contiennent  encore  un  noyau  de  matière  fondue ,  celle-ci 
pénètre  dans  les  fentes  et  les  resoude  ;  mais  lorsque 
le  liquide  interne  s’est  complètement  solidifié,  les  fentes 
s’élargissent  continuellement  et  finissent  par  diviser  l’astre 
en  fragments  de  grosseur  et  de  forme  variable. 

Dans  la  Lune,  ces  phénomènes  de  rupture  commencent  à 
se  manifester  par  les  rainures  ou  crevasses  gigantesques 
dont  sa  surface  est  sillonnée.  Un  satellite  plus  petit  que  la 
Lune  serait  arrivé  plus  vite  à  cette  période  de  son  existence 


—  207  — 

et  serait  aujourd’hui  brisé  ;  ce  sont  ses  débris  qui  nous 
arrivent  sous  forme  de  météorite. 

Note  sur  la  nature  du  Soleil,  par  M.  Bernaerts.  —  Modi¬ 
fiant  un  peu  les  théories  de  M.  Roye  et  du  P.  Secchi , 
l’auteur  suppose  que  le  Soleil  est  formé  par  un  c  noyau 
gazeux  recouvert  d’une  couche  liquide  incandescente ,  de 
faible  épaisseur,  enveloppée  à  son  tour  de  nuages  incan¬ 
descents  et  lumineux.  » 

Découverte  d’un  gisement  de  phosphate  de  chaux  au- 
dessous  de  la  ville  de  Louvain,  par  M.  G.  Lambert.  —  On 
creuse,  place  du  Peuple  à  Louvain,  un  puits  artésien  qui  est 
arrivé  pour  le  moment  à  la  profondeur  de  120  m.  Les 
couches  traversées  sont  les  suivantes  ; 

Système  hruxellien  :  sable  gris  verdâtre  très-glauconifère , 
à  grains  de  quarz  assez  gros ,  avec  plaques  de  grès  cal¬ 
caire  et  degrés  lustré,  31  m.  80. 

Système  yprésien  :  argile  sableuse ,  verdâtre  renfermant  des 
lits  minces  d’argile  plastique,  78  m.  70  (jusqu’à  110  m.  50). 
Système  landénien  :  sable  à  grains  assez  gros,  9  m.  50 
(jusqu’à  120  m.) 

De  100  à  105  m.  on  trouva  en  grand  nombre  des  pyrites 
et  de  108  à  110  m.  des  nodules  noirâtres  de  la  grosseur  d’un 
œuf,  qui  sont  du  phosphate  de  chaux  renfermant  28  à 
29  0/0  d’acide  phosphorique.  M.  Lambert  espère  qu’on 
trouvera,  dans  le  système  yprésien  d’autres  localités,  des 
nodules  de  même  nature  qui  pourraient  être  utilisés  comme 
en  Angleterre  pour  amender  les  terres. 

Gm'  des  environs  de  Tirlemont ,  par  M.  J.  Moreau.  —  On 
se  rappelle  (^)  que  l’on  avait  cru  voir,  dans  les  surfaces  usées 
et  striées  de  ces  grès  des  preuves  de  l’existence  d’anciens 
glaciers.  Ces  conclusions,  déjà  combattues  par  M.  d’Omalius 
d’Halloy,  puis  par  M.  Malaise,  le  sont  encore  parM.  Moreau 


(D  Bulletin  I.  p.  230. 


—  208  — 

Les  faces  luisantes  et  polies  correspondent  à  des  fissures 
très-étroites  par  lesquelles  eurent  lieu  des  éjections  sili¬ 
ceuses  qui  les  recouvrirent  d’un  vernis  siliceux  souvent 
coloré  par  du  fer.  Le  grès  lui-même  est  dû,  selon  l’auteur, 
à  des  éjections  siliceuses  qui  ont  aggloméré  et  solidifié  le 
sable.  Il  a  observé  aussi  dans  le  grès  de  nombreuses  ramifi¬ 
cations  ligneuses  silicifiées  qui  paraissent  des  racines,  d’où 
il  conclut  que  des  arbres  avaient  poussé  leurs  racines  dans 
le  sable  avant  qu’il  fût  en  grès. 

Les  Puits  naturels  du  terrain  houilleï\  par  M.  Cornet  et 
Briart. —  Cette  communication  a  tant  d'importance  que  nous 
nous  réservons  d’en  entretenir  plus  tard  nos  lecteurs. 

Le  Byrsax  {Bolitophagus)  gibbifei\  par  M.  Preudhomme 
de  Borre.  —  En  1836,  M.  Wesmael,  le  vénérable  doyen  de 
l’entomologie  belge,  décrivit,  d’après  deux  individus  ré¬ 
coltés  à  Java,  cetinsecte  tellement  rare  qu’on  n’en  a  plus  revu 
depuis,  et  faisant  partie  de  la  collection  de  M.  le  vicomte 
Du  Bus  de  Gisignies.  Lorsque  cette  collection  fut  achetée  par 
le  Musée  de  Bruxelles  en  1847,  l’insecte  fut  perdu  dans  les 
nombreux  tiroirs  de  l’établissement.  Grâce  au  zèle  du  jeune 
Directeur,  qui  est  depuis  quelques  années  à  la  tête  du  Musée, 
ces  tiroirs  furent  enfin  ouverts  et  on  y  trouva,  au  milieu 
d’insectes  non  classés  ,  un  des  individus  qui  avaient  servi 
de  type  à  M.  Wesmael,  mais  hélas ,  il  n’était  plus  que  la 
moitié  de  lui-même:  il  lui  manquait  son  abdomen  et  ses 
pattes  postérieures  ;  néanmoins  M.  Preudhomme  de  Borre  a 
pu  établir  sa  distinction  de  toutes  les  espèces  voisines. 

Du  travail  fonctionnel  chez  Vhomme^  par  M.  Poelmann , 
professeur  à  l’Université  de  Gand.  —  L’auteur,  répondant  à 
une  interpellation  de  M.  d’Omalius,  expose  les  principes  qui 
le  guident  dans  son  cours  de  physiologie  :  il  base  cet  ensei¬ 
gnement  sur  l’observation  et  l’expérience  ;  il  admet  pour 
expliquer  le  travail  fonctionnel  chez  l’homme  vivant ,  l’in- 


—  209  — 

dispensable  nécessité  du  concours  de  deux  ordres  de  forces, 
les  unes  physiques,  chimiques,  mécaniques,  inhérentes  à  la 
matière*et  une  force  d’un  ordre  distinct  qui  n’agit  que  sur 
les  organismes ,  pour  diriger  et  régulariser  le  travail  fonc¬ 
tionnel.  C’est  la  force  vitale  mieux  appelée  intelligence 
fonctionnelle.  J.  G. 


SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES  DE  LILLE 

Travaux  courants 

Recherches  chimiques  sui\  la  betterave  à  sucre ,  par 
M.  Gorenwinder.  —  L’auteur  présente  les  analyses  de 
betteraves  qui  ont  été  cultivées  en  France  et  en  Italie. 

Les  betteraves  originaires  de  ce  dernier  pays  étaient 
pauvres  en  sucre  et  riches  en  sels.  Le  rapport  constaté 
entre  ces  substances  était  tel  qu’on  peut  affirmer  que  leur 
jus,  soumis  aux  opérations  ordinaires  de  l’industrie  sucrière, 
ne  donnerait  pas  de  sucre  par  cristallisation. 

Les  espèces  françaises,  au  contraire,  contenaient  une 
proportion  de  sucre  plus  élevée  et  beaucoup  moins  de  sels. 

Dans  les  premières,  les  densités  desjus  étaient  influencées 
notablement  par  la  prédominance  des  matières  salines  ; 
dans  les  secondes ,  le  rapport  existant  entre  les  matières  et 
le  sucre  était  celui  qu’on  observe  dans  les  conditions  ordi¬ 
naires. 

Ces  faits  prouvent  une  fois  de  plus  qu’on  ne  saurait  juger 
de  la  qualité  d’un  jus  de  betteraves,  au  point  de  vue  du 
sucre ,  en  se  bornant  à  en  prendre  la  densité. 

Des  analyses  des  substances  minérales  contenues  dans  ces 
diverses  betteraves,  l’auteur  tire  plusieurs  conséquences 
importantes.  Nous  en  résumons  les  principales  : 

1.®  Les  sels  minéraux  et  organiques  varient  beaucoup 
dans  les  betteraves  suivant  le  milieu  dans  lequel  elles  ont 
végété. 


—  210  — 

Ainsi  les  quantités  de  chlorures  alcalins  peuvent  osciller 
entre  les  nombres  1  et  10.  Ils  prédominent  surtout  dans  les 
betteraves  cultivées  dans  des  terrains  humides,  marécageux 
ou  que  Ton  arrose  avec  des  engrais  liquides. 

2.”  Contrairement  à  une  doctrine  fort  répandue  ,  on  ne 
peut  admettre  que  la  potasse  ait  la  moindre  influence  sur  la 
sécrétion  du  sucre  dans  les  betteraves.  M.  Gorenwinder  a 
déjà  affirmé  ce  fait  par  des  expériences  antérieures.  Dans  le 
présent  Mémoire ,  il  met  en  regard  dans  un  tableau  les 
proportions  de  sucre  et  de  potasse  qu’il  a  trouvées  dans  les 
betteraves  analysées  et  l’on  ne  remarque  pas  le  moindre  rap¬ 
port  entre  ces  éléments.  x4u  contraire  les  chiffres  constatés 
présentent  cette  particularité  remarquable  que  ce  sont  pré¬ 
cisément  les  betteraves  les  plus  pauvres. en  sucre  qui  con¬ 
tenaient  le  plus  de  potasse.  Tl  ne  faudrait  pas  conclure 
toutefois  de  cette  coïncidence  que  cette  règle  soit  absolue. 

S."  La  soude  pénètre  dans  le  tissu  de  la  betterave ,  par¬ 
ticulièrement  sous  forme  de  chlorure  de  sodium,  mais  il  ne 
serait  pas  exact  d’affirmer  que  cette  base  alcaline  ne  peut 
pas  être  absorbée  par  cette  racine  dans  un  autre  état  de 
combinaison. 

4.°  Si  l’on  cultive  des  betteraves  dans  un  même  terrain 
divisé  en  plusieurs  parcelles  dont  l’une  ne  reçoit  pas  de  fu¬ 
mure  et  dont  les  autres  soiit  fertilisées  soit  avec  des  tour¬ 
teaux,  soit  avec  des  engrais  chimiques  (nitrate  de  potasse, 
nitrate  de  soude,  plâtre,  phosphate  de  chaux),  on  remarque 
que  les  betteraves  obtenues  renferment  dans  les  trois  cas 
absolument  les  mêmes  proportions  d’alcalis  (soude  et 
potasse). 

Cette  dernière  expérience  a  eu  lieu  dans  l’arrondissement 
de  Lille.  Les  résultats  qu’elle  a  donnés  ,  quant  aux  alcalis , 
ne  seraient  probablement  pas  les  mêmes  dans  des  localités 
dont  le  sol  ne  contiendrait  pas  autant  darrîère-/M?m/m  que 


—  211  — 

le  nôtre.  Ils  prouvent  que  lorsqu’un  champ  renferme  des 
alcalis  en  quantités  suffisantes  pour  les  besoins  des  bette¬ 
raves  ,  ceux  qui  leur  sont  fournis  par  des  engrais  nouveaux 
ne  sont  pas  utilisés,  ou  que  plutôt  ils  concourent  avec  les 
alcalis  préexistants  à  la  nutrition  de  ces  racines  jusqu’à  une 
limite  maxima  qui  dépend  des  conditions  physiques  et  chi¬ 
miques  du  sol,  de  son  état  d’humidité  et  d’autres  circons¬ 
tances  qui  échappent  a  l’observation. 

Dans  son  Mémoire ,  l’auteur  fait  connaître  aussi  les  ren¬ 
dements  en  poids  de  betteraves  obtenus  dans  la  dernière 
expérience.  Pour  la  même  dépense  les  tourteaux  d’ara¬ 
chides  ont  donné  une  récolte  plus  abondante  que  les  engrais 
chimiques,  J.  G. 

SOCIÉTÉ  d’enseignement  MUTUELS  DES  TRAVAILLEURS 

DE  ROUBAIX. 

La  ville  de  Roubaix,  dont  le  nom  est  synonyme  de  travail 
et  industrie,  ne  peut  cependant  pas  être  accusée  de  se  laisser 
absorber  complètement  par  les  intérêts  matériels.  Notre 
dernier  bulletin  signalait  la  fondation  d’une  Société  acadé¬ 
mique  qui  devait  servir  de  point  de  ralliement  à  tous  les 
hommes  d’étude  ;  aujourd’hui  nous  avons  à  entretenir  nos 
lecteurs  d’une  autre  association  scientilique  :  la  Société  d’en- 
seignement  mutuel  des  travailleurs.  Son  but  est  différent: 
elle  établit  des  conférences  et  des  cours  publics  destinés  à 
répandre  dans  la  classe  ouvrière  les  notions  des  sciences  les 
plus  indispensables  :  la  géographie  ,  l’arithmétique,  la  mé¬ 
canique  pratique,  la  géométrie  ,  l’histoire  naturelle,  l’hy¬ 
giène.  Deux  fois  par  semaine,  des  conférences  sur  des  sujets 
variés  élargiront  la  .sphère  de  l’enseignement  ;  et  une  biblio¬ 
thèque,  formée  en  grande  partie  de  dons,  doit  fournir  un 
utile  supplément  aux  leçons  des  professeurs  et  des  confé¬ 
renciers. 


—  212  — 

Le  28  avril  dernier,  la  Société  a  tenu  une  séance  publique 
où  le  président,  M.  Junker,  a  exposé  son  but  et  les  moyens 
dont  elle  dispose.  M.  A.  Philippe  a  remercié  au  nom  des 
travailleurs  les  fondateurs  et  les  organisateurs  de  la  société  ; 
il  a  fait  ressortir  toute  la  reconnaissance  qu’on  leur  devait 
en  entretenant  le  public  de  VUtilité  de  Vinstruction. 

Il  l’envisage  sous  un  double  point  de  vue  :  il  rappelle  que 
si  elle  apprend  à  l’homme  à  perfectionner  ses  instruments 
de  travail,  à  gagner  largement  et  honorablement  sa  vie  , 
elle  lui  enseigne  aussi  ses  droits  et  ses  devoirs,  et  infiltre 
dans  tout  son  être  les  sentiments  de  fraternité  et  de  tolé¬ 
rance. 

M.  Du  Breuil,  professeur  de  mécanique,  et  M.  Huguenin, 
professeur  de  géographie,  ont  exposé  en  quelques  mots  la 
nature  de  leur  enseignement.  La  séance  a  été  close  par  une 
conférence  sur  la  géologie,  improvisée,  sur  la  demande  du 
président ,  par  M.  J.  Ortlieb,  chimiste  à  Lille.  L’orateur 
commence  par  montrer  comment  tout  le  monde  fait  de  la 
géologie  sans  s’en  douter: 

En  effet  nos  cultivateurs  ont  tous  distingué  que  le  sol  de 
leurs  champs  n’est  pas  toujours  le  même  d’un  canton  à 
l’autre  et  qu’il  varie  quelquefois  dans  un  même  canton;  de 
là,  les  désignations  de  terre  grasse,  terre  sableuse, 
terre  caillouteuse  données  à  ces  différents  sols.  Les  maçons, 
les  briquetiers  et  les  terrassiers  ont  des  notions  plus  éten¬ 
dues.  Creusant  la  terre  plus  profondément,  ils  sont  à 
même  d’observer  ce  que  l’on  peut  appeler  le  sous-sol.  Les 
foreurs  de  puits  sont  encore  plus  avancés  ;  ils  sont  souvent 
obligés,  pour  trouver  l’eau,  de  traverser  une  quantité  de 
couches  très-diverses  par  leur  nature.  Mais  parmi  toutes 
ces  corporations ,  ce  sont  encore  les  mineurs  qui  sont  des¬ 
cendu  le  plus  avant  dans  l’intérieur  du  sol.  Dans  certaines 
exploitations  de  Mons  par  exemple,  la  houille  est  retirée 
d’une  profondeur  variant  de  400  à  500  mètres. 

M.  Ortlieb  s’est  ensuite  élevé  à  des  considérations  géné¬ 
rales  sur  l’origine  du  sol  et  il  a  terminé  en  rappelant 


—  :ül5  — 

comment  la  géologie  se  relie  intimement  à  d’autres  sciences: 
la  géographie,  la  zoologie,  la  botanique,  l’astronomie, 
l’archéologie  et  l’histoire. 

Nous  ne  pouvons  que  souhaiter  le  succès  aux  hommes 
généreux  qui  consacrent  leur  temps  et  leur  savoir  à  faire 
goûter  les  jouissances  intellecluelles  aux  classes  de  la 
société  qui  en  sont  le  plus  déshéritées.  C’est  le  meilleur 
moyen  de  leur  inspirer  les  sentiments  de  dignité  et  de 
respect  de  soi-même  qui  font  si  souvent  défaut  dans  nos 
populations  industrielles  du  Nord.  J.  G. 

COMMISSION  HISTORIQUE  DU  DÉPARTEMENT  DU  NORD 
SOUS-COMITÉ  DE  DOUAI 

Travaux  courants 

Vitry  et  Lambres  à  propos  du  roi  Sigebert,  par  M.  Tailliar. 
—  M.  Tailliar  met  sous  les  yeux  du  Comité  un  plan  du 
village  de  Vitry  sur  la  Scarpe  ,  montrant  l’emplacement  de 
l’ancien  château ,  entouré  de  fossés  remplis  d’eau ,  avec 
pont-levis ,  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière  ;  l’église  est 
également  sur  la  rive  gauche.  Il  y  a  un  pont  sur  la  Scarpe. 

A  Vitry,  V ictoriacum  ^  dit  M.  Tailliar,  était  un  ancien 
château-fort,  près  de  la  Scarpe,  construit  probablement 
vers  la  fin  du  iv.®  siècle  en  même  temps  que  d’autres  ch⬠
teaux  du  Nord  de  la  France. 

En  57o ,  Sigebert ,  roi  d’Australie ,  était  en  guerre 
avec  son  frère  Chilpéric,  roi  de  Neustrie  :  celui-ci  se 
réfugia  à  Tournai ,  et  Sigebert  convoqua  à  Vitry  les  troupes 
franques ,  (notamment  les  Francs  de  Térouane  et  de 
Cambrai.) 

Il  paraît  avoir  choisi  Vitry  pour  plusieurs  raisons  : 

1.®  Parce  que  c’était  un  point  central  où  pouvaient  se 
rendre  les  troupes  franques  cantonnées  à  des  distances  plus 
ou  moins  rapprochées  ; 


—  214  — 

2. °  Parce  qu’au  printemps  la  Scarpe  grossie  et  rendue 
navigable  permettait  de  t)*ansporter  (sur  l’Escaut)  jusqu’à 
Tournai  les  approvisionnements  et  les  ustensiles  de  guerre; 

3. ®  Parce  que  cetendroit  n’était  peut-être  pas  éloigné  d’une 
voie  romaine  aboutissant  à  Tournai. 

Sigebert ,  au  milieu  des  tribus  franques  réunies  à  Vitry  , 
est  élevé  sur  le  pavoi  et  salué  roi  aux  acclamations  des 
assistants.  Après  la  solennité ,  il  est  frappé  de  plusieurs 
coups  de  Scrama-sax  (couteaux  pointus)  par  deux  émis¬ 
saires  de  Frédégonde  venus  de  Tournai  et  il  meurt. 

Son  corps  est  transporté  à  Lambres  et  de  là  à  St-Médard 
de  Soissons. 

M.  Tailliar  présente  aussi  un  plan  du  village  de  Lambres 
dressé  pour  l’intelligence  du  récit  de  Grégoire  de  Tours. 

Des  érudits  du  commencement  de  ce  siècle  ont  cherché 
à  Lambres  la  sépulture  du  roi  Sigebert;  ils  ont  signalé  le 
lieu  dit  les  Tourbes,  déjà  cité  en  1219  ;  mais  s’ils  avaient  lu 
plus  attentivement  notre  vieil  historien,  ils  auraient  vu  que 
Sigebert  avait  été  seulement  enseveli  (sepultus)  et  non  in¬ 
humé  (inhumatus)  à  Lambres;  ils  auraient  vu  aussi ,  quel¬ 
ques  lignes  plus  bas,  que  le  corps  fut  transporté  peu  après 
à  Soissons,  dans  la  basilique  de  Saint-Médard,  dernière 
demeure  de  la  rovale  victime. 

t/ 

Avant  la  Révolution ,  il  existait  à  Lambres  une  grande 
cense  ou  court  (curtis)  de  l’abbaye  de  St-André  du  Cateau- 
Gambrésis  et  les  restes  d’un  château  féodal. 

La  cense,  appelée  communément  F  Abbaye  de  Lambres, 
est  située  à  gauche  de  la  Scarpe,  en  face  de  la  rue  des¬ 
cendant  de  l’ancien  Pont  de  Lambres ,  près  de  l’église  et 
du  cimetière.  Ce  domaine  fut  donné  à  Saint-André  du 
Gateau  par  un  évêque  de  Cambrai  (avant  la  séparation  des 
diocèses  de  Cambrai  et  d’Arras).  C’est  probablement  là 
que  descendit  en  1076  l’évêque  Gérard  II,  quand  il  séjourna 


—  215  — 


quelque  teuips  à  Lambres.  (Chronique  de  Saint-André  du 
Cateau;  commencement  du  siècle)  Ce /?sc  avait 
été  détaché  de  la  couronne  en  916  par  le  roi  Charles-le- 
Simple,  au  profit  de  Févêque. 

Quant  au  château  féodal,  élevé  vers  le  xi.®  siècle  parle 
sire  d’Oisy,  qui  s’était  fait  seigneur  d’une  partie  de  Lambres, 
il  était  placé  de  l’autre  côté  de  la  Scarpe.  Avant  la  canali¬ 
sation  et  l’établissement  d’un  chemin  de  hallage ,  il  était 
baigné  par  la  rivière  ,  qui  fournissait  de  l’eau  à  ses  fossés 
circulaires.  Aujourd'hui  on  y  remarque  encore  les  vestiges 
de  fossés  et  de  la  motte  castrale. 

Les  membres  du  Sous-Comité  recherchent  quelle  pou¬ 
vait  être  la  voie  romaine  la  plus  rapprochée  de  Vitry  : 
c’était ,  semble-t-il ,  celle  d’Arras  à  Tournai ,  qui  passait  à 
Hénin-Liétard  ,  où  elle  a  été  retrouvée  par  M.  Dancoisne 
(voir  page  179  de  son  ouvrage)  ;  elle  y  est  encore  appelée 
chemin  de  Tournai  ;  elle  sert  de  limite  aux  terroirs  d’Hénin 
et  de  Noyelle-Godaut  sur  une  longueur  d’environ  600 
mètres  :  d’après  sa  construction  ce  n’était  qu’une  voie 
secondaire. 

Selon  une  opinion  émise  par  Guilmot  au  commen¬ 
cement  de  ce  siècle,  à  la  voie  directe  d’Arras  à  Tournai 
venait  se  raccorder  une  autre  voie  romaine  partie  de  Cam¬ 
brai  ,  passant  par  Sauchy-l’Estrée ,  Sauchy-Cauchie ,  fran¬ 
chissant  les  marais  d’Ecourt  et  de  Palœil  au  moyen  du 
Long-Pont  décrit  par  Caylus ,  passant  par  Hamel  ou  Estrées, 
et  se  dirigeant  de  là  sur  Vitry,  où  était  le  pont  sur  la  Scarpe  ; 
le  point  de  jonction  aurait  été  vers  Beaucourt.  Dans  cette 
hypothèse ,  ce  serait  là  la  voie  romaine  de  Cambrai  à 
Tournai. 

Ces  conjectures  paraissent  aux  membres  du  Sous-Comité 
avoir  encore  grand  besoin  de  confirmation. 

Notice  sur  le  Couvent  des  Augustines  de  Marchiennes  et 


—  216  — 

note  sur  la  ville  de  Mar  chiennes  en  1770 ,  d’après  des  ren¬ 
seignements  puisés  dans  les  travaux  de  Dom  Queinsert, 
conservés  dans  la  collection  Moreau  à  la  Bibliothèque  im¬ 
périale,  par  M.  Brassart.  —  Ce  couvent,  très-peu  connu,  fut 
fondé  en  1649  par  trois  religieuses  de  l’abbaye  de  Beaulieu 
de  Douai ,  pour  l’instruction  des  jeunes  filles  et  notamment 
des  filles  pauvres  ;  il  était  situé  sur  le  Marché  ou  Place  de 
Marchiennes.  En  1770  ,  il  y  avait  environ  vingt  religieuses, 
observant  la  clôture.  Dom  Queinsert,  dans  une  note  sur  la 
ville  de  Marchiennes,  donne  quelques  détails  sur  la  situation 
financière  et  administrative  de  cette  localité  ,  dont  le  sei¬ 
gneur  était  l’abbé  et  dont  le  revenu  montait  à  16  ou  17,000 
livres,  somme  que  les  magistrats  municipaux  employaient 
très-mal,  si  nous  en  croyons  notre  religieux.  Les  indigents 
y  étaient  nombreux  ;  pour  leur  soulagement ,  Dom  Quein¬ 
sert  propose  d’établir ,  avec  les  ressources  qu’il  indique  ,  un 
Hôtel-Dieu  dans  le  couvent  des  Augustines,  projet  qui  n’eut 
point  de  suites.  Le  Sous-Comité  note  en  passant  l’étymo¬ 
logie  bizarre  de  Marais  des  chiens  donné  à  Marchiennes.  M. 
Tailliar  reconnait  dans  le  nom  de  cette  localité  la  racine 
Marca,  Marche,  frontière  ;  en  effet,  Marchiennes  formait 
l’extrême  limite  du  diocèse  d’Arras ,  correspondant  à  l’an¬ 
cienne  contrée  des  Atrébates. 

BIBLIOGRAPHIE 

LE  BARON  DE  VUORDEN, 

Sa  vie ,  ses  écrits  , 
par  M.  le  comte  Cli.  de  Yendegies.  d) 

V. 

Sur  ces  entrefaites ,  Vuorden  eut  la  douleur  de  perdre 
sa  femme  (26  mars  1676).  Les  funérailles  qu’il  lui  fit,  et  dont 


(h  \oïr  Bulletin,  t.II,p.  158-164. 


—  217  — 

il  nous  a  conservé  le  récit  circonstancié,  témoignèrent 
assez  de  l’affection  qui  l’unissait  à  la  défunte.  Mais  sa  nature 
gaie  et  mobile  ,  n’était  point  de  celles  sur  lesquelles  le  cha¬ 
grin  exerce  un  empire  durable.  En  partie  pour  tromper  sa 
tristesse  présente  ,  en  partie  pour  satisfaire  un  sentiment 
nouveau,  il  épousa,  le  5  juin  suivant,  dans  l’église  de  Saint- 
Etienne,  à  Lille,  Marie-Catherine  deCroix,  sœur  de  son  meil¬ 
leur  ami,  le  comte  de  Wasquehal.  Le  maréchal  d’Humières 
et  rintendant  Le  Pelletier  voulurent  être  de  la  noce,  à 
laquelle  assistèrent  également  le  sieur  Godefroy,  direc¬ 
teur  des  archives  delà  Chambre  des  Comptes ,  savant  et 
homme  du  monde,  les  dames  de  Van  der  Haër,  de  la 
Riandrie  ,  de  Carnoy ,  parentes  ou  amies  de  la  mariée. 

C’est  dans  ce  cercle  de  hauts  protecteurs,  ou  de  connais¬ 
sances  intimes,  que  Vuorden  achèvera  ses  jours:  ce  qui  ne 
l’empêchera  pas  de  sortir  de  temps  à  autre  de  sa  demi- 
obscurité.  Louvois,  qui  lui  a  fait  l’honneur  de  tenir  sur  les 
fonts  baptismaux  le  premier  fils  né  de  son  second  mariage, 
emploie  le  Grand-Bailli  des  Etats  de  Lille  et  de  Tournai 
comme  commissaire  aux  conférences  de  Deynze  (septembre 
1676)  ;  plus  tard,  il  le  désignera  pour  assister  à  celles  de 
Courtrai,  tenues  en  exécution  du  Traité  de  Nimègue.  Entre 
temps,  le  tout-puissant  ministre  l’invite  à  réunir  en  corps 
de  volume  les  Inscriptions  latines  qu’il  a  composées  pour 
célébrer  chacune  des  victoires  et  évènements  mémorables  du 
grand  règne.  Ne  soyons  point  surpris  si,  après  cela,  le 
brevet  de  baron  est  décerné  à  Vuorden. 

Pour  accompagner  le  texte  de  ses  Inscriptions  et  leur  servir 
de  liaison ,  Vuorden  a  rédigé  une  sorte  de  Journal  histo¬ 
rique  dont  il  brûle  de  présenter  un  exemplaire  au  Roi  : 
«Sire,  »  dit-il  en  le  lui  offrant  lors  du  voyage  à  Versailles  qu’il 
fit  en  1685  ,  <r  je  n’aurais  pas  cru  remplir  le  devoir  d’un  bon 
sujet  de  votre  majesté,  si  travaillant,  comme  j’ai  fait,  de 


—  218  — 

toute  ma  force  pour  son  service  ,  je  n  eusse  travaillé  aussi 
pour  sa  gloire.  »  k  un  tel  compliment  le  Roi  ne  pouvait 
manquer  de  répondre  qu’il  connaissait  Vuordenponr  un  des 
plus  savants  dans  Vhistoire  et  qui  Vécrivoit  le  plus  à  son 
gré.  Vuorden  ,  nous  le  savons  déjà  ,  prenait  volontiers  au 
pied  de  la  lettre  les  félicitations  de  ce  genre. 

De  Versailles,  il  fut  à  Chantilly  où  le  grand  Condé,  chargé 
d’ans  et  de  lauriers ,  lui  ménagea  la  réception  la  plus  sym¬ 
pathique  :  «  il  me  fit  approcher  de  lui  pour  m’embrasser  et 
me  pressa  avec  ses  mains  affaiblies  par  la  goutte ,  disant 
qu’il  avoit  bien  de  la  joie  de  me  voir...  Je  lui  présentai 
M.  de  Wasquehal  et  mon  frère,  il  reconnut  très-bien  l’un 
et  l’autre.  Je  lui  remis  aussi  le  2.®  volume  du  Journal  histo¬ 
rique.  Il  me  dit  qu’il  avoit  lu  avec  plaisir  le  1.®’’  et  en  avoit 
même  fait  un  peu  la  censure  :  ce  qui  ne  l’empêcha  pas,  par 
bonté  ,  de  me  donner  des  éloges  dont  je  fus  confus.  Après 
avoir  pendant  une  heure  parlé  de  la  Flandre,  on  lui  apporta 
son  lait ,  des  fraises  et  du  biscuit ,  sa  seule  nourriture ,  qu’il 
prit  avec  grand  appétit.  Je  lui  remis  une  copie  des  mémoires, 
en  espagnol ,  du  comte  de  Fuensaldagne,  de  1646  à  1656  , 
et  ceux  des  quatre  dernières  années  jusqu’au  traité  des 
Pyrénées.  Son  Altesse  reçut  ce  présent  avec  joie  ,  et  nous 
ayant  dit  d’aller  souper ,  il  ordonna  qu’on  nous  donnât  à 
chacun  un  appartement.  Lorsque  nous  rentrâmes  du  souper. 
Son  Altesse  avoit  déjà  lu  trois  de  ces  mémoires  ;  il  dit  que 
cela  étoit  beau,  mais  trop  abrégé,  et  qu’il  ne  trouvoit  qu’une 
erreur,  c’est  que  l’auteur  indiquoit  le  duc  de  Navailles 
comme  ayant  été  chargé  parle  cardinal  Mazarin  de  conduire 
les  trois  princes  au  Havre  de  Grâce  ,  tandis  que  cette  com¬ 
mission  avoit  été  donnée  au  comte  d’Harcourt.  Il  continua 
ainsi  jusqu’à  minuit  à  donner  les  détails  qu’il  auroit  voulu 
trouver  dans  ces  mémoires.  Enfin  ,  sur  ma  demande ,  MM. 
Sanguin  et  le  baron  de  Rivière  lui  firent  observer  que  cette 


—  219  — 

tension  d’esprit  pourroit  le  fatiguer  et  il  nous  dit  qu’il  nous 
recevroit  de  nouveau  le  lendemain,  quand  nous  aurions  vu 
Chantilly.  » 

Dans  ce  même  voyage  ,  Louvois  retint  Vuorden  à  diner  : 
autant  en  fit  le  Contrôleur-général  Le  Pelletier  ,  frère  de 
Pex-intendant  de  la  province  de  Lille,  La  faveur  du  baron 
était  à  son  comble  ,  lorsque  la  mort  subite  de  Louvois  (16 
juillet  1691)  vint  lui  porter  un  coup  dont  elle  ne  se  releva 
point.  Depuis  lors ,  Vuorden  ,  à  défaut  d’un  protecteur  qui 
s’appliquât  à  le  faire  valoir  en  cour  ,  vit  ses  services  moins 
appréciés.  Tout  changeait  autour  de  lui,  les  principes  aussi 
bien  que  les  hommes  :  «  M.'  de  Louvois ,  écrit-il  dans 
un  accès  de  découragement,  «  avoit  de  l’affection  pour  notre 
pays  ,  qu’il  vouloit ,  disoit-il ,  entretenir  et  engraisser  à  la 
manière  d\ine  bonne  vache  qu'il  faut  traire  et  non  pas 
écorcher.  Aujourd’hui  ,  en  1696,  on  a  des  maximes  bien 
différentes  et  auxquelles  ni  mon  âge ,  ni  la  situation  des 
affaires  ne  me  donnent  pas  lieu  de  remédier.  Dieu  veuille 
que  les  traitants  n’abimentpas  et  mon  pays  et  le  royaume  !  » 

Survivant  à  la  génération  de  grands  hommes  dans  la  con¬ 
fiance  desquels  il  avait  eu  l’honneur  d’être  admis ,  le  baron 
de  Vuorden  n’échappait  point  aux  influences  de  la  vieil¬ 
lesse.  «  Dans  les  derniers  jours  de  juillet  1699,  il  se  sentit 
souffrant  et  sa  femme  voulut  veiller  près  de  lui  ;  après  trois 
nuits  ainsi  passées ,  elle  alla  se  coucher  pour  satisfaire  son 
mari,  dont  l’état  paraissait  n’offrir  aucun  danger  immédiat  : 
quelques  heures  plus  lard  cependant,  il  se  sentit  atteint 
d’apoplexie  et  demanda  lui-méme  les  remèdes  qu’il  croyait 
propres  à  son  état  ;  mais  voyant  l’inutilité  des  efforts  tentés 
pour  conjurer  le  mal  ,  il  fit  appeler  sa  femme  et  lui  dit  : 
«  Madame  ,  il  faut  nous  séparer  ;  faisons-le  dans  un  esprit 
»  de  résignation  à  la  volonté  de  Dieu  ;  je  vous  laisse  la 
»  famille,  elle  ne  peut-être  en  de  meilleures  mains.  »  Sa 


—  220  — 

femme  ne  répondit  que  par  des  larmes.  Afin  de  calmer  sa 
peine,  il  prit  le  prétexte  de  ses  devoirs  de  conscience  pour 
la  faire  retirer.  Son  curé  étant  venu,  il  le  pressa  de  lui  dire 
ce  qu’il  pensait  de  son  état  et  comme  ce  dernier  hésitait  : 

«  Monsieur  ,  lui  dit-il ,  j’ai  toujours  dit  que  je  bénirai  Dieu 
»  dans  la  vie  et  dans  la  mort ,  j’espère  beaucoup  dans  sa 
»  miséricorde.  »  Après  avoir  vu  son  confesseur ,  il  fit  venir 
ses  deux  fils,  leur  donna  longuement  ses  instructions  ,  leur 
recommanda  de  conserver  un  grand  respect  pour  leur  mère, 
de  vivre  unis,  de  fuir  les  écueils  du  monde  et  surtout  les 
jeux  de  hasard  ,  source  de  tant  de  ruines.  Il  leur  donna  sa 
bénédiction  et  la  donna  aussi  à  ses  trois  filles  absentes.  Il 
reçut  les  derniers  sacrements  avec  une  grande  piété  et  s’en¬ 
tretint  ensuite  avec  sa  femme,  l’esprit  libre  et  gai  comme  si 
le  danger  fut  disparu.  Après  quelques  jours  passés  ainsi ,  il 
s'éteignit  doucement  le  3  août  1699,  dans  sa  71.®  année  , 
ayant  vécu  en  honnête  homme  et  en  chrétien  plein  de  foi. 
Souvent  il  rappelait  à  ses  enfants  la  protection  que  Dieu  lui 
avait  accordée  et  qu’il  attribuait  au  sacrifice  que  ses  parents 
avaient  fait  de  leurs  biens  en  Hollande  plutôt  que  de 
renoncer  à  leur  croyance.  «  Mes  enfants  reposez-vous  en 
Dieu,  et  notre  maison,  établie  sur  cette  pierre  solide,  ne 
périra  point.  »  Ainsi  finit  Michel-Ange  de  Vuorden  qui 
ne  cessa  de  prendre  le  devoir  pour  guide  dans  un  temps  et 
un  milieu  témoins  de  tant  de  défaillances.  Dans  son  âge  mûr 
il  sut,  nous  dit  sa  fille,  se  préserver  d’une  ambition  avide 
comme  il  avait  su  éviter  le  désordre  dans  sa  jeunesse.  Usant 
de  son  influence  en  faveur  du  bien  général,  obligeant,  dé¬ 
sintéressé ,  affable  à  l’égard  de  ses  inférieurs,  respectueux 
sans  bassesse  envers  les  grands,  il  se  concilia  l’affection  et 
l’estime  de  tous.  » 

Arrêtons-nous  sur  cette  citation  qui ,  en  même  temps 
qu’elle  achève  de  nous  faire  connaître  l’estimable  baron  de 


—  221  — 

Vuorden  ,  nous  initie  aux  qualités  d’esprit  et  de  style  de 
son  nouvel  historien.  A.  Desplanque. 


HOMMAGE  A  LA  MÉMOIRE  DE  M.  DELEZENNE 

Examen  analytique  de  ses  précieuses  expériences 

d'acoustique  musicale 

par  M.  Cb,  Méereiis.  P) 

Les  sciences  exactes  appliquées  à  la  théorie  musicale 
demeuraient  depuis  la  plus  haute  antiquité  rebelles  aux 
investigations  des  savants,  c’est  parmi  toutes  les  connais¬ 
sances  humaines  celle  qui  se  dérobait  constamment  à  des 
données  précises  et  sérieuses  tout  en  nous  montrant  une 
foule  de  rapprochements  illusoires.  Egarée  ainsi  pendant 
des  siècles  dans  les  régions  spéculatives  de  vaines  théories, 
cette  science  a  été  ramenée  dans  la  voie  expérimentale  par 
le  physicien  Delezenne. 

M.  Méerens  commente  les  expériences  du  savant  Lillois 
et  en  fait  ressortir  toute  l’utilité  au  point  de  vue  de  l’art 
musical  ;  ainsi  il  explique  le  sentiment  de  la  tonalité,  les 
attractions  des  sons,  la  qualité  consonnante  ou  disson¬ 
nante  d’un  même  intervalle,  les  accents  mélancoliques  du 
mode  mineur,  tous  phénomènes  autrefois  énigmatiques 
et  qui  devaient  souvent  embarrasser  le  professeur  n’ayant 
que  la  volonté  ou  le  plaisir  de  l’oreille  à  invoquer  pour  en 
donner  la  raison  d’être. 

«  Quelle  science  attrayante  »  ,  dit  M.  Méerens,  «  quelles 
conquêtes  de  l’esprit  d’investigation  et  d’observation  que 
d’apprécier,  par  des  raisonnements  fondés  sur  les  chiffres  , 
ce  que  l’instinct  a  découvert  et  ce  que  le  génie  a  fécondé  î 
Il  y  a  bien  là  de  quoi  remuer  les  espri  ts  les  plus  indifférents, 

(^)  Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  de  Lille ,  3.* 
série,  tome  vu. 


—  222  — 

el  l’on  ne  doit  pas  s’étonner  de  cette  multitude  d’essais  in¬ 
fructueux  qui  en  ont  été  l’objet.  » 

Aujourd’hui  que  la  théorie  musicale  est  basée  sur  des 
chiffres  immuables  et  sur  des  faits  certains,  il  serait  à 
désirer  que  cette  science  fasse  dorénavant  partie  de  l’édu¬ 
cation  des  artistes  :  ce  développement  donné  à  l’instruction 
musicale  amènerait,  nous  en  sommes  sûrs,  des  résultats 
heureux  pour  le  perfectionnement  de  l’art  et  de  la  science. 


DE  l’origine  du  LANGAGE  d’aPRÈS  LA  GENÈSE 
par  M.  Louis  de  Backer(*) 

L’homme  est-il  apparu  sur  la  terre  dans  toute  la  force 
de  la  virilité  et  en  possession  de  toute  son  intelligence? 

C’est  la  question  que  l’auteur  résoud  d’une  manière 
affirmative  dans  le  livre  que  nous  allons  analyser  suc¬ 
cinctement. 

Comme  ce  titre  l’indique,  M.  Louis  de  Backer  s’appuie 
sur  le  récit  de  Moïse  : 

«  Dieu  ayant  formé  de  la  terre  tous  les  animaux  terres- 
»  très  et  les  oiseaux  du  ciel,  il  les  amena  devant  Adam 
»  afin  qu’il  vit  comment  il  les  appellerait  et  le  nom 
»  qu’Adam  donna  à  chacun  des  animaux  était  celui  qui  lui 
»  convenait.  »  (Gen.  ch.  ii ,  v.  19). 

L’homme  a  donc  fait  usage  de  ses  facultés  intellectuelles 
dès  son  apparition  sur  la  scène  du  monde.  «  11  a  parlé 
sans  avoir  passé  par  le  mutisme  et  le  bégaiement  de  l’en¬ 
fance,  sa  parole  est  spontanée;  elle  n’est  pas  le  résultat 
d’une  délibération,  ni  d’une  convention,  ni  de  l’inven¬ 
tion.  » 

Autrement  dit  l’homme  du  commencement  a  reçu  ensem¬ 
ble  l’être  et  la  parole  ;  il  a  créé  spontanément  sa  langue 


C)  Paris,  Ernest  Thorin ,  éditeur -libraire,  7,  rue  de  Médicis;  1869. 


—  225  — 

sans  effort  et  sans  réflexion,  et,  grâce  à  un  coup  d’œil 
devinatoire,  il  a  trouvé  sans  tâtonnement  le  rapport  exact, 
le  son  et  l’idée, 

Telle  est  la  tradition  conservée  par  la  Genèse  sur  l’ori¬ 
gine  du  langage,  tradition  qui,  selon  M.  Louis  de  Backer, 
n’est  pas  en  désaccord  avec  la  philosophie  moderne. 

L'auteur  examine  ensuite  quel  a  été  le  procédé  employé 
pour  créer  le  vocabulaire  et  cherche  à  démontrer  que  les 
sons  primordiaux  n’ont  pu  être  produits  par  l’imitation  des 
bruits  de  la  nature,  c’est-à-dire  par  o/iomafopees ,  ainsi  que 
le  croient  MM.  Ch.  Nodier  et  Renan  ;  qu’ils  ne  proviennent 
pas  non  plus  ^^interjections  comme  le  pensent  quelques' 
philosophes  parmi  lesquels  il  faut  placer  Condillac. 

Mais  si  les  éléments  constitutifs  du  langage  ne  sont  ni  des 
onomatopées  ni  des  interjections ,  que  sont-ils  ? 

et  Ce  sont,  répond  l'auteur  avec  31.  3Iax  Muller,  des 
types  phonétiques  produits  par  une  puissance  inhérente  à 
l’esprit  humain;  c’est-à-dire  des  sons  élémentaires  expri¬ 
mant  des  idées  générales,  et  semblables,  par  cela  même,  aux 
racines  de  toutes  nos  langues  connues  »  ;  et  l’auteur  en  trouve 
la  preuve  dans  l’analyse  des  noms  imposés,  suivant  la 
Genèse,  aux  êtres  primitifs  avec  lesquels  l’homme  a  été  mis 
en  contact ,  noms  qu’il  cite  et  qu’il  prend  dans  l’hébreu  et  le 
sanscrit  où  les  racines  ont  été  le  mieux  conservées. 

Ce  n’est  pas  tout ,  31.  Louis  de  Backer  a  découvert  dans 
l’idéographisme  une  nouvelle  preuve  du  caractère  synthéti¬ 
que  du  langage  primitif. 

Qu’est-ce  que  l’idéographisrae?  Des  images  représentant 
l’idée  en  masse ,  l’écriture  à  l’état  rudimentaire ,  en  un  mot 
«  le  système  hiéroglyphique  dont  l’Egypte  nous  a  conservé 
les  plus  beaux  spécimens,  d 

En  résumé,  pour  l’auteur,  l’homme  est  apparu  complet  ;  il 
a  fait  usage  de  la  parole  et  de  son  intelligence  en  donnant 


— .  224  — 

un  nom  à  tout  ce  qui  l’entourait,  et ,  quand  il  sentit  le  be- 
soin  de  conserver  ou  de  transmettre  le  souvenir  d’un  objet 
qui  l’avait  frappé,  il  inventa  l’écriture. 

Or ,  si  les  linguistes  sont  unanimes  sur  ce  dernier  point , 
il  n’en  est  pas  de  même  du  langage  qui  fait  encore  l'objet 
de  grandes  discussions.  Certains,  en  effet,  admettent,  et 
nous  sommes  de  leur  avis,  que  le  langage  comme  l’écriture 
aurait  été  formé  graduellement,  et  que,  par  analogie, 
l’homme  en  aurait  trouvé  le  modèle  dans  la  nature. 

Quoiqu’il  en  soit ,  le  langage  primitif  a  dû  donner  nais¬ 
sance  à  un  idiôme  et  cet  idiôme  issu  de  sons  ou  types  pho¬ 
nétiques,  on  ne  le  connaît  pas  et  on  ne  le  connaîtra  jamais. 

«  La  langue,  a  dit  M.  de  Humboldt  (’),  est  quelque  chose 
d’essentiellement  et  de  constamment  passager,  car  elle 
n’est  que  le  travail  de  l’esprit ,  travail  sans  cesse  renouvelé 
pour  approprier  le  signe  ou  le  son  articulé  à  l’expression  de 
la  pensée;  »  et  M.  Max  Muller  «  les  changements  histo¬ 
riques  du  langage  peuvent  être  plus  ou  moins  rapides, 
mais  ils  existent  à  toutes  les  époques,  dans  tous  les  pays.... 
On  a  trouvé  que  chez  les  tribus  sauvages  et  illetrées ,  deux 
ou  trois  générations  suffisent  pour  changer  tout  l’aspect  de 
leurs  dialectes.  Les  langues  des  nations  civilisées  au  con¬ 
traire  deviennent  de  plus  en  plus  stationnaires  et  semblent 
quelquefois  perdre  pour  ainsi  dire  la  faculté  de  se  modifier. 
Néanmoins  des  changements  d’accents  et  de  sons,  l’intro¬ 
duction  de  nouveaux  mots  et  la  disparition  graduelle  de 
mots  anciens,  voilà  ce  que  nous  pouvons  encore  voir  sous 
nos  yeux.  » 

Dire  maintenant  par  quelles  innombrables  transforma¬ 
tions  sont  passées  les  langues  en  germe  pour  arriver  «  à 
cette  perfection  que  nous  admirons  dans  l’idiôme  de  la 

(1)  Uber  die  verschiedenheit  des  menscblichen  sprachbaues. 

(2)  Science  du  langage,  —  Revue  des  Cours  litt. ,  1."*  année  p.  568. 


—  225  — 

Bible,  des  Védas,  du  Koran.  »  C’est  impossible  et  cela  nous 
explique  pourquoi  les  linguistes  ont  enfin  renoncé  à  les 
retrouver.  Nous  avons  dit  les  langues  en  germe  parce  que 
toutes  celles  qui  sont  ou  ont  été  parlées  sur  la  surface  de  la 
terre  «  se  divisent  en  famille  absolument  irréductibles 
l’une  à  l’autre  (^)  »  et  qu’elles  témoignent  d’ailleurs  des  in¬ 
fluences  diverses  et  opposées  qui  ont  présidé  à  leur  élabo¬ 
ration. 

Nous  n’avons  pas  besoin  d’ajouter  que  cette  irréductibilité 
de  certaines  familles  de  langues  n’implique  pas  nécessaire¬ 
ment  la  pluralité  des  espèces  du  genre  humain  et  qu’elle 
laisse  entière  Topinion  de  chacun  sur  la  dispersion  des 
peuples. 

Revenons  au  livre  de  M.  L.  de  Backer.  Nous  y  avons  vu 
que  le  langage  primitif  se  composait  de  sons  élémentaires 
exprimant  des  idées  générales ,  d’où  cette  conclusion  géné¬ 
ralement  admise  (car  après  avoir  avoué  leur  ignorance  les 
linguistes  ont  fait  des  hypothèses) ,  que  la  langue  première 
a  été  une  juxtaposition  de  ces  mêmes  sons,  c’est-à-dire  «  le 
monosyllabisme  diversifié  par  l’accent  et  soutenu  par  le 
geste.  » 

Il  s’agissait  de  se  faire  comprendre  d’une  manière  quel¬ 
conque. 

«  Au  surplus,  dit  l’auteur,  le  système  de  faire  succéder 
ou  de  juxtaposer  les  mots  sans  aucune  marque  de  rapport 
n’est  pas  perdu  ,  et  nos  langues  indo-européennes  possèdent 
encore  des  constructions  où  le  sens  se  détermine  d’après  la 
place  que  les  termes  occupent  :  c’est  ce  que  dans  toutes  les 
langues  on  nomme  mots  composés.  Du  reste  dirons  nous  à 
notre  tour  le  monosyllabisme  est  encore  la  structure  du 
Chinois  et  de  la  plupart  des  dialectes  de  l’Inde  orientale  ; 

d)  M.  Renan  ,  —  de  l’origine  du  Langage  ;  3.«  édition  ,  pages  302  et 
305  — '  cité  par  l’auteur,  page  32 . 


—  226  — 

mais  comme  dans  ce  système  de  langues  il  fallait  qu’une 
indication  quelconque  marquât  les  différents  sens  d’un 
mot,  on  s’est  servi  de  l’accent  ;  et  cet  accent  joue  un  tel  rôle, 
que  si  l’on  donne  ,  par  exemple ,  k  ba,  bà,  hâ  ,  ba  (dans  le 
chinois)  les  intonations  convenables ,  cette  phrase  signifie 
Trois  dames  ont  donné  un  soufflet  au  favori  du  Prince  (i). 

Après  avoir  développé  longuement  la  méthode  suivie 
pour  la  formation  de  nos  langues  parlées ,  M.  Louis  de 
Backer  termine  en  les  ramenant  toutes  aux  trois  procédés 
suivants  : 

«  1 Visolement ,  c’est-à-dire  le  procédé  par  lequel  toute 
la  pensée,  objet  et  forme,  est  exprimée  par  des  racines 
indépendantes  ou  isolées,  qui  sont  employées  comme  mots 
et  conservent  une  signification  propre.  » 

A  cette  classe  appartiennent  les  langues  monosyllabiques. 

2."  Vagglutination  ^  c’est-à-dire  la  formation  de  mots 
par  la  juxtaposition  de  plusieurs  racines  dont  l’une  perd 
son  indépendance.  » 

Cette  classe  comprend  le  groupe  touranieii. 

<  3.°  La  flexion  ,  c’est-à-dire  la  désignation  de  la  forme 
par  un  changement  phonétique  interne  de  la  racine ,  ou  la 
formation  du  mot  par  la  réunion  de  deux  ou  plusieurs 
racines.  » 

A  cette  classe  appartiennent  les  langues  sémitiques  et 
indo-européennes.  _ _  Lecocq. 

HISTOIRE  DE  l’ANCIENNE  CONFRÉRIE  D’AMATEURS  DE  FLEURS 

Etablie  aux  Récollets- Anglais  à  Douai 
sous  le  vocable  de  Sainte  Dorothée 
parle  chevalier  Amédée  de  Ternas  (2). 

«  Au  XVII.®  siècle,  Douai  possédait,  comme  presque  toutes 

(1)  M.  Max  Muller,  —  Revue  des  Cours  litt. ,  3."  année  ,  p.  602. 

(2)  Douai ,  Decliristé,  1870,  br.  in-8.°  de  54  p.  avec  planches  d’ar¬ 
moiries.—  Se  trouve  en  vente  chez  M.  Quarré,  libraire,  Grand’Place 
à  Lille  ;  prix  ;  3  francs. 


—  227  — 

les  villes  de  Flandre,  un  grand  nombre  de  confréries  dont 
les  membres  avaient  pour  but  d’bonorer  Dieu  tout  en  se  ré¬ 
créant.  C’est  vers  la  fin  de  ce  siècle,  en  1663  ,  que  nous 
voyons  se  former  la  Confrérie  de  Sainte  Dorothée  dont  il  va 
être  question.  Cette  confrérie,  érigée  en  l’église  Saint  Jac¬ 
ques,  puis  transportée  aux  Récollets-Anglais  en  1716  ,  se 
divisa  vers  celte  époque  en  deux  sections.  L’une  d’elles  se 
fixa  d’abord  à  Saint-Pierre,  fut  transférée  ,  en  1720,  aux 
Récollets-Wallons,  et  cessa  d’exister  en  1737.  L’autre, 
dont  nous  allons  nous  occuper,  se  maintint  jusqu’en  1797  et 
vécut  en  bonne  intelligence  avec  la  seconde,  car  nous 
voyons  que  chaque  année  ces  deux  sections ,  qui  formaient 
deux  Confréries  distinctes ,  s’envoient  à  tour  de  rôles  les 
vins  qui  doivent  servir  au  banquet,  fin  ordinaire  de  ces 
réunions.  » 

Les  statuts  de  la  Confrérie  de  Sainte  Dorothée  de  Douai 
furent  approuvés  par  le  siège  épiscopal  d’Arras  le  13  janvier 
1664.  Le  2  décembre  suivant,  le  pape  Alexandre  vu, 
voulant  témoigner  l’intérêt  qu’il  attachait  à  la  nouvelle  asso¬ 
ciation,  accorda  des  indulgences  à  tous  ceux  qui  en  faisaient 
partie. 

Le  nombre  des  confrères  était  fixé  à  12.  Chaque 
année ,  le  6  février,  ils  s’assemblaient  pour  élire  un  préfet 
ou  prince.  Le  jour  de  la  fête  de  sainte  Dorothée ,  ils  assis¬ 
taient  à  la  messe  et  aux  offices  avec  un  bouquet  de  fleurs 
naturelles  à  leurs  boutonnières. 

M.  de  Ternas  publie  un  Mémoire  de  ce  qui  s  est  fait  pour 
la  Solennité  séculaire  de  la  patronne  de  la  Confrérie ,  le 
6  Février  1767.  Il  donne  ensuite  la  liste  des  princes  de  cette 
association  et  celle  des  principaux  membres,  avec  notices 
biographiques  et  planches  d’armoiries- 

En  1807  et  1808,  les  jardiniers  de  Douai,  secondés  par  les 
amateurs  de  fleurs  et  encouragés  par  l’administration  muni- 


—  228  — 

cipale  ,  élevaient  encore  des  buffets  à  sainte  Dorothée  dans 
l’église  actuelle  de  Saint-Jacques.  Jusqu’en  1823  ,  ils  célé¬ 
braient  la  fête  de  leur  patronne  avec  une  grande  magni¬ 
ficence. 

M.  de  Ternas  termine  sa  curieuse  Notice  en  exprimant  le 
vœu  de  voir  la  confrérie  de  sainte  Dorothée  se  relever  par 
les  soins  des  dames  patronessesdela  Société  d’Horticulture, 
fondée  à  Douai  le  10  septembre  18o2.  A.  D. 


CHRONIQUE 

Archéologie.  Milliaire  romain  à  Etrœungt.  —  Dans 
une  lettre  écrite  à  la  Commission  historique,  M.  Lebeau, 
d’Avesnes,  annonce  la  découverte  d’un  milliaire  ou  borne 
itinéraire  le  long  de  la  chaussée  romaine  de  Bavai  à 
Reims,  au  hameau  de  la  Pérée  à  Etrœungt.  La  colonne  et 
le  socle  hauts  ensemble  de  1  m.  12,  sont  en  pierre  blanche 
du  Laonnais  ;  malheureusement  la  partie  supérieure  de  la 
colonne  qui  portait  l’inscription  a  été  brisée  et  n’a  pu  être 
retrouvée.  M.  Lebeau  suppose  que  c’est  la  douzième  borne  à 
partir  de  Bavai  ;  la  quatrième  avait  été  trouvée  à  Pont-sur- 
Sambre  en  1777  par  Dom  Bévy. 

Cette  nouvelle  découverte  vient  confirmer  l’opinion  qui 
plaçait  à  Etrœungt ,  la  station  romaine  désignée  sous  le 
nom  de  Duronum.  Seulement  la  Commission  de  la  carte  des 
Gaules  plaçait  Duronum  au  hameau  de  Warpont  à  1  kil.  au 
nord  de  borne  milliaire,  tandis  que  M.  Lebeau  se  fondant 
sur  ce  que  les  débris  romains  tels  que  monnaies,  tuiles , 
poteries,  sont  en  général  trouvés  au  hameau  de  La  Pérée, 
préfère  voir  en  ce  lieu  la  station  romaine. 

Sépulture  Gallo-Romaine  et  Hache  en  silex  polie,  à  Lille. 
—  M.  Rigaux  fils  a  fait  à  Esquermes ,  le  23  mai  dernier, 
une  seconde  découverte  non  moins  intéressante  que 
celle  dont  nous  avons  parlé  dans  notre  dernier  numéro.  Elle 


—  229  — 

est  due  aux  bienveillantes  indications  fournies  par  MM.  Ben- 
vignat  et  Durieux,  raffmeurs.  Cette  découverte  consiste  en 
divers  objets  remontant  à  l’époque  gallo-romaine,  et  qui 
composaient  une  sépulture  à  incinération.  Huit  vases  ont 
été  retirés  de  terre.  On  remarque  dans  ce  groupe  lurne  ci¬ 
néraire,  la  cruche  à  la  boisson,  un  bol  avec  sa  soucoupe, 
les  vases  aux  libations  et  aux  offrandes.  Deux  avaient  une 
couverte  rouge  très-brillante ,  et  sur  l’un  se  voit  l’estampille 
du  potier,  un  troisième  de  forme  gracieuse,  est  orné  de  des¬ 
sins  en  creux,  les  autres  sont  en  poterie  commune.  Cette  sé¬ 
pulture  renfermait  déplus  deux  fibules  de  forme  variée,  une 
épingle  brisée,  une  sorte  de  cure-oreille,  le  tout  en  cuivre. 

Un  fragment  de  tuile  romaine  ramassé  par  M.  Rigaux 
dans  le  fond  d’une  des  sépultures  franques  d’Esquermes 
lui  avait  déjà  fait  prévoir  la  rencontre  dans  un  rayon  rap¬ 
proché,  d’antiquités  gallo-romaines. 

La  précédente  trouvaille  faisait  remonter  l’origine  d’Es¬ 
quermes  aux  environs  du  vu.®  siècle,  celle-ci  la  reporte  à 
une  époque  certainement  antérieure  au  règne  de  Cons- 

r 

tantin-le-Grand. 

C’est  donc  un  renseignement  très-important  pour  la  sta¬ 
tistique  archéologique  de  notre  arrondissement  de  Lille. 

Il  nous  reste  à  signaler  un  autre  objet  provenant  de  la 
même  excavation  ;  c’est  une  hache  en  silex  qui  a  été  polie. 
La  présence  de  cette  hache  dans  un  endroit  non  remué 
depuis  l’époque  gallo-romaine  peut  faire  espérer  que  l’on 
retrouvera  un  jour  à  Esquermes  des  antiquités  qui  permet¬ 
tront  de  reculer  encore  son  origine.  Tous  les  objets  précités 
sont  déposés  au  Musée  de  Lille. 

Bourgade  gallo-romaine  à  Elewyt^  près  Bruxelles. — 
M.  Van  Dessel ,  géomètre  à  Elewyt ,  a  entrepris  des  fouilles 
sur  remplacement  d’une  bourgade  gallo-romaine  qui  a 
existé  en  cette  commune.  Il  a  trouvé  des  substructions 


—  230  — 

porlanl  des  traces  d’incendie  qui  attestent  une  œuvre  de 
destruction  probablement  accomplie  à  main  armée.  On  y  a 
recueilli  des  poteries,  des  morceaux  de  verre,  des  anneaux, 
des  fibules,  des  monnaies  qui  s’étendent  depuis  Fère  con¬ 
sulaire,  jusqu’aux  derniers  empereurs  et  un  anneau  en  fer 
portant  une  petite  pierre  bleue  sur  laquelle  est  gravé  un 
centaure  attaqué  par  un  lion.  D’après  M.  Wauters,  Elewyt 
aurait  été  habitée  par  les  colons  et  les  serfs  d’une  villa 
romaine  qu’il  place  à  Perck.  [Communication  de  M.  Gales- 
loot  à  V Académie  de  Belgic/ue). 

Bague  romaine. —  M.  Cools,  bourgmestre  à  Becquevoort, 
vient  de  rencontrer  prés  de  son  habitation ,  une  magnifique 
bague  en  or  ciselé;  le  chaton  porte  une  pierre  fine  sur 
laquelle  est  gravé  un  guerrier  qui  étend  la  main  droite  sur 
un  brasier  ardent.  Il  est  facile  d’y  reconnaître  Mucius 
Sœvola.  Cet  anneau  comme  celui  d’Elewyt,  servait  de  cachet 
pour  sceller.  On  les  fit  d’abord  en  fer,  puis  en  or;  mais 
l’usage  de  ce  dernier  métal  fut  restreint  à  Rome  aux  séna¬ 
teurs  et  aux  principaux  magistrats,  [id.)  J.  G. 

Arcliéolog^ie  prclis&itoric|ue.  Sépulture  de  Vâge  de 
la  pierre  polie  à  Bumigny . —  Près  de  Rumigny,  dépar¬ 
tement  des  Ardennes,  au  confins  du  département  de  l’Aisne, 
se  voit  un  mamelon,  la  côte  de  l’Hopitât,  qui  parait  avoir  été 
fréquentée  par  une  tribu  de  l’époque  de  la  pierre  polie.  On 
y  a  trouvé  un  tombeau  en  pierre  brute  qui  contenait  une 
quinzaine  de  squelettes  rangés  sur  deux  rangs.  Près  d’un 
des  crânes  se  trouvait  d’épais  cheveux  roux  de  20  centi¬ 
mètres  de  longueur.  On  a  recueilli  aussi  dans  cette  sépulture 
7  haches  en  silex  poli ,  dont  une  était  encore  enfoncée  dans 
sa  gaine  en  corne  de  cerf  et  un  bouton  en  os  poli  ayant 
beaucoup  d’analogie  avec  certains  boutons  actuels.  Autour 
de  ce  gisement ,  on  a  trouvé  à  la  surface  du  sol ,  des  haches 
en  silex  taillées  et  non  encore  polies.  (Ex.  d’une  note  de  M.''® 


—  231  — 

Piette  el  de  Ferry  dans  les  Matériaux  pour  Vhistoire  primi¬ 
tive  et  naturelle  de  l'Homme.  2.®  sé.  VI,  n.‘’4,  1870).  J.  G. 


Météorologie  : 


JUIN 

1870 


Température  moyen  ne .  lo.®  o8 

>  J  des  maxima .  10.'’  o9 

t  i  des  mininia . 20.®  b6 

»  extrême  miniina,  le  9. . .  6."  70 

>  »  maxima,  le  14.  30.®  40 
Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.®. . . .  763“'“386 

»  hauteur  extrême  minima ,  le  9 . .  7o9“"'22 
>  j>  >  maxima ,  le  6. .  773““62 

Tension  de  la  vapeur  atmosphêr .  9“"’  19 

Humidité  relative  moyenne  % .  64.0 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  15“"86 

»  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  134T77 


JUIN 

année  moy 
15.®  94 


759^“  749 


10”'"26 

69.85 

63^064 

128T"52 


D’après  ce  qui  précède  ,  nous  voyons  que  la  température 
atmosphérique  du  mois  de  juin  ne  fut  inférieure  à  celle  du 
même  mois  déduite  de  15  années,  que  de  0®,  36;  l’épaisseur 
de  la  couche  d’eau  évaporée  ne  fut  pas  non  plus  très- 
différente. 

Mais  ce  qui  donne  à  juin  1870  son  caractère  dominant, 
c’est  sa  grande  sécheresse.  Tandis  que,  année  moyenne,  il 
tombe  pendant  ce  mois  63  millimètres  de  pluie,  il  n’en  est 
tombé  cette  année  que  15”“.  86  en  11  jours.  Si  de  cette 
quantité  déjà  si  faible,  on  retranche  les  8””.  0  du  1.",  il 
ne  reste  que  7””.  86  pour  tout  le  mois.  Aussi  les  prairies 
sont-elles  partout  desséchées,  les  récoltes  très-compromises, 
et  les  bestiaux  sans  nourriture. 

La  tension  de  la  vapeur  d’eau  fut  inférieure  de  1““  07.  à 
celle  d’une  année  moyenne  et  l’humidité  de  l’air  ne  fut  que 
de  64  7„  au  lieu  de  69.  87  ®/o. 

La  même  sécheresse  exista  dans  les  régions  élevées  de 
l’atmosphère,  car  la  hauteur  de  la  colonne  barométrique  fut 
de  3“”.  637  supérieure  à  celle  du  mois  correspondant  année 
moyenne. 


—  252  — 

Malgré  la  sérénité  des  nuits  les  rosées  ne  furent  qu’au 
nombre  de  13. 

Les  vents  dominants  soufflèrent  du  S.»0.  et  du  N.-O. 

Le  17 ,  à  4  h.  45  minutes  du  matin,  il  éclata  un  orage 
amené  par  les  nuages  de  la  couche  moyenne  venant  du  S, 
avec  une  marche  très-lente,  le  vent  soufflant  de  S.-S.-O;  la 
pluie  fut  très-peu  abondante  et  de  courte  durée  (1"™"'.  50);  à 
5  h.  43  tout  était  dissipé  et  le  ciel  reprenait  son  calme  et  sa 
sérénité  ordinaires.  V.  Meurein. 

:N'écrolo^ie.  Le  27  Juin  dernier  s’est  éteint,  dans  sa 
cellule,  à  Lille,  le  R.  P.  Possoz  de  la  Compagnie  de  Jésus. 
Né  à  Douai  en  avril  1803  ,  il  fut  ordonné  prêtre  en  1826  et 
entra  dans  l’Institut  de  Saint  Ignace  en  septembre  1833 , 
après  avoir  professé  successivement  la  rhétorique  et  la  phi¬ 
losophie  au  séminaire  de  Cambrai.  Il  a  fait  paraître  un 
grand  nombre  d’ouvrages  principalement  consacrés  à  l’his- 
toire  religieuse  de  nos  contrées  :  Les  Sanctuaires  de  la  Mère 
de  Dieu  dans  les  diocèses  de  Cambrai  et  d'Arras;  La  vie  du 
P.  Edmond  Campian  ,  celle  du  P.  Henri  Walpole^  celle  du 
P.  Robert  Southivell ,  tous  trois  martyrisés  en  Angleterre 
après  avoir  étudié  dans  les  couvents  anglais  fondés  à  Douai  ; 
la  vie  de  Van  der  Burch ,  le  pieux  évêque  de  Cambrai  qui 
créa  tant  d’œuvres  de  charité  ;  la  vie  de  Jean  Vendeville, 
professeur  de  Droit  à  l’Université  de  Douai  et  plus  tard 
évêque  de  Tournai  ;  la  vie  du  P.  Ignace  Chômé  ^  jésuite,  né 
à  Douai  et  mort  dans  la  mission  du  Paraguay.  A.  D. 

IVouvelles  de  la  Littérature  et  dest  Arts».  Par 
une  distinction  bien  justifiée ,  M.  Louis  Cousin ,  président 
de  la  Société  dunkerquoise ,  vient  d’être  fait  chevalier  de 
Saint  Grégoire  le  Grand.  A.  D. 

Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQUEL-CASTIAUX ,  GRANDE  PLACE,  13 


2/  Année.  —  N.“  8.  —  Août  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  HISTORIQUE  ET  LITTÉRAIRE  DE  TOURNAI. 

Bulletins,  t.  xiii,  1868-1869. 

La  Société  historique  et  littéraire  de  Tournai ,  fondée  en 
1846,  se  compose  de  15  membres  effectifs  ;  elle  est  admi¬ 
nistrée  par  un  comité  permanent  dont  les  membres  sont 
aujourd’hui  : 

MM.  Dubus  (François) ,  président  émérite  du  Tribunal 
civil  de  Tournai,  ancien  membre  du  Congrès, 
commandeur  de  l’Ordre  de  Léopold  ;  Président, 

Voisin  (Charles-Joseph) ,  vicaire-général ,  doyen  du 
Chapitre  ,  prélat  domestique  de  Sa  Sainteté ,  che¬ 
valier  de  l’Ordre  de  Léopold  ;  Vice-Président  et 
Trésorier. 

De  Nedonchel  (le  comte  Georges),  chevalier  de 
l’Ordre  de  Saint-Grégoire-le-Grand  ;  Bibliothécaire- 
Archiviste. 

Wacquez  (Jules) ,  avocat  ;  Secrétaire. 

Dans  cette  petite  phalange  d’archéologues ,  d’historiens 
et  de  littérateurs,  les  talents  et  les  bonnes  volontés 
suppléent  au  nombre  ;  aussi  compte-t-elle  autant  de  vo¬ 
lumes  (  de  bulletins  et  de  mémoires  )  que  d’années 
d’existence  ;  volumes  en  majeure  partie  consacrés  à  l’his¬ 
toire  locale  étudiée  et  traitée  dans  toutes  ses  branches  et  à 
tous  les  points  de  vue.  Le  tome  xiii  des  Bulletins  que  j’ai 
sous  les  yeux  renferme  des  communications  nombreuses 
et  diverses ,  peu  étendues  (car  sans  cela  leur  place  serait 
dans  les  mémoires) ,  mais  toutes  pleines  d’intérêt  et  dont  je 
vais  essayer  de  donner  une  idée  succincte. 

Voici  d’abord  des  notes  intitulées:  de  l’Orgue,  des 
Cloches  et  du  Carillon.  En  communiquant  à  la  Société  des 


—  234  — 

documents  trouvés  dans  les  archives  de  la  cathédrale,  et 
relatifs  à  ces  trois  objets ,  M.  le  vicaire-général  Voisin  y 
joint  quelques  réflexions.  Le  sort  de  ces  instruments  a  été 
bien  différent  et  leur  rôle  est  bien  changé  :  tandis  que 
l’orgue  a  pris  une  importance  qui  le  rend  méconnaissable 
et  un  volume  qui  a  forcé  de  l’éloigner  du  sanctuaire, 
l’usage  de  la  sonnerie  est  devenu  fort  modeste,  les  cloches 
sont  en  petit  nombre  et*  les  carillons  sont  le  partage  de 
quelques  villes  privilégiées.  Anciennement  on  faisait  grand 
bruit  à  l’extérieur  du  temple  ;  on  croyait  que  le  son  de 
l’airain  ne  pouvait  avoir  ni  trop  de  force,  ni  trop  de  charmes, 
pour  attirer  au  lieu  saint ,  où  les  voix  devaient  chanter  les 
louanges  du  Créateur,  avec  les  seuls  accompagnements  qui 
pouvaient  les  rendre  plus  harmonieuses  et  plus  agréables , 
tandis  que  maintenant  le  bruit  se  fait  dans  l’église  et ,  bien 
souvent,  il  empêche  qu’on  ne  comprenne  les  paroles  de  la 
liturgie.  Est-ce  mieux  ?  «  Non  seulement  nous  ne  le  pen¬ 
sons  pas,  ditM.  Voisin,  mais  nous  le  déplorons.  » 

Vient  ensuite,  par  le  même  auteur,  la  description  de 
deux  verrières  à  sujets  légendaires  où  sont  représentées  des 
scènes  de  la  vie  de  saint  Médard  ,  dans  l’un  des  bas-côtés 
du  chœur  de  la  cathédrale.  L’un  de  ces  vitraux  est  un  don 
de  M.“®  Olislagers  de  Meerssenhoven,  née  comtesse  du 
Parc.  Une  notice  sur  ces  deux  familles  Olislagers  et  du  Parc 
précède  la  description  du  vitrail.  L’autre  est  un  don  de 
M.  le  baron  Jules  de  Rasse  et  de  M.  le  baron  Alphonse  de 
Rasse  ,  son  frère ,  bourgmestre  de  Tournai.  Une  notice  bio¬ 
graphique  sur  Cbarles-Henri-Joseph  de  Rasse ,  père  des 
donateurs ,  est  insérée  dans  le  3.®  volume  des  Bulletins  de 
la  Société. 

Dans  une  autre  communication,  M.  Voisin  détermine,  avec 
plus  de  précision  qu’on  n’avait  pu  le  faire  jusqu’à  présent, 


—  235  — 

la  date  de  la  naissance  du  chanoine  Cousin  d’après  un  pas¬ 
sage  où  l’historien  de  Tournai  (p.  271  du  4.®  livre)  rappelle 
une  particularité  de  sa  jeunesse.  Jean  Cousin  serait  né  vers 
1556  et  aurait  eu  à  sa  mort,  arrivée  en  1636 ,  quatre-vingts 
ans. 

Le  savant  vicaire-général  s'était  déjà  occupé ,  dans  le 
volume  précédent,  d’une  question  d’archéologie  chrétienne 
jusqu’à  présent  négligée.  Selon  lui  la  couronne  crénelée 
qu’on  a  donnée  au  Christ  sur  la  croix  aux  x.®  et  xi.®  siècles, 
aurait  une  signification  mystique  particulière.  Cette  cou¬ 
ronne,  que  les  Romains  décernaient  à  ceux  qui  avaient 
sauté  les  premiers  sur  les  murs  crénelés  d’une  ville,  rap¬ 
pellerait,  sur  la  tête  du  sauveur,  la  victoire  qui  a  ouvert 
le  ciel  à  l’homme.  Jésus-Christ,  vainqueur  de  la  mort  par 
sa  résurrection,  est  entré  le  premier  avec  la  chair  de  son 
humanité  dans  la  Jérusalem  céleste  où  nous  pouvons  main¬ 
tenant  entrer  après  lui.  M.  Voisin  corrobore  ici  son  opinion 
par  cette  considération,  appuyée  d’un  exemple,  qu’à  l’époque 
où  l’on  donnait  cette  couronne  au  Christ,  on  représentait 
communément  la  Jérusalem  céleste  comme  une  ville  en¬ 
tourée  de  murailles  crénelées.  Il  y  a  évidemment  corré¬ 
lation  entre  la  couronne  crénelée  du  Christ  et  les  créneaux 
de  la  cité  céleste. 

Sous  le  titre  :  Archéologie  chrétienne,  M.  l’abbé  Huguet 
fait  le  récit  d’une  excursion  dans  l’est  de  la  France,  et  par¬ 
ticulièrement  en  Savoie  et  en  Suisse  où  il  allait  chercher 
autre  chose  que  des  sites ,  des  lacs  et  des  montagnes,  et  où 
il  a  recueilli  des  notes  intéressantes  sur  les  édifices  religieux. 

Dans  un  utile  travail  tout  à  la  fois  bibliographique  et 
historique  ,  M.  le  Président  Du  Bus  produit  une  liste  rai¬ 
sonnée  des  Ouvrages  de  Gilbert  de  Choiseul ,  évêque  de 
Tournai.  Les  écrits  du  prélat  sont  nombreux  ;  cette  liste , 


—  236  — 

qu’on  ne  croit  pas  encore  complète,  en  signale  cinquante- 
neuf.  M.  Du  Bus  donne  de  chacun  d’eux  une  analyse  suffi¬ 
sante  pour  en  faire  apprécier  le  contenu  et  l’esprit  ;  il  fait 
aussi  connaître  les  divers  écrits  qui  ont  été  opposés  au 
prélat  dans  les  luttes  qu’il  a  eu  à  soutenir  ;  l’auteur  de 
cette  liste  expose  et  ne  juge  pas. 

Méreaux  de  Tournai  (avec  planches).  Deux  articles ,  l’un 
de  M.  Renier  Ghalon,  déjà  publié  dans  la  Revue  de  la 
numismatique  belge  ,  l’autre ,  complétant  le  premier ,  par 
M.  le  comte  de  Nédonchel,  traitent  de  ces  petits  monuments 
métalliques  si  intéressants.  Les  méreaux  de  Tournai,  assez 
nombreux,  mais  la  plupart  restés  inédits,  ne  sont  pas, 
comme  dans  beaucoup  de  villes,  des  plombs  plus  ou  moins 
grossièrement  coulés  :  ce  sont  en  général  de  jolies  pièces 
en  cuivre  imitant  le  style  et  les  types  des  monnaies  véritables. 
Ce  fait  s’explique  par  la  présence  à  Tournai,  jusqu’à  la 
conquête  de  cette  ville  par  Louis  XIV ,  d’un  atelier  consi¬ 
dérable  de  monnayage.  On  avait  ainsi  sous  la  main  des 
graveurs  et  des  ouvriers  habiles  et  l’on  s’en  servait. 

Note  sur  l'église  de  Saint-Nicolas  à  Tournai^  par 
M.  Voisin.  L’auteur  précise  l’époque  et  les  circonstances 
de  la  construction  de  cette,  curieuse  église  ;  discute  plusieurs 
questions  qui  se  rattachent  à  l’origine  de  la  paroisse  et  aux 
limites  des  deux  diocèses  de  Cambrai  et  de  Tournai , 
séparés  par  un  bras  de  l’Escaut  ;  puis  il  parcourt  les  diffé¬ 
rentes  parties  de  ledifice  pour  en  déterminer  l’état  pri¬ 
mitif,  signaler  les  changements  qu’il  a  subis  et  émettre  son 
opinion  sur  ce  qu’il  serait  convenable  d’y  faire  pour  le 
restaurer.  Cinq  dessins  dûs  à  M.  l’arcliitecte  Bruyenne  et 
des  pièces  justificatives  embrassant  les  xiii.®  et  xiv.®  siècles 
accompagnent  cette  importante  étude. 

Obligé  de  me  borner,  je  ne  puis  plus  que  mentionner  les 


237  — 

notes  sur  Jean  et  Simon  Bu  Portail,  anciens  chanoines  de  la 
cathédrale  de  Tournai ,  par  M.  Voisin,  —  et  un  rapport 
de  M.  Vos  ,  curé  d’Ère  ,  sur  une  notice  intitulée  :  Quelques 
détails  sur  Véglise  paroissiale  de  Chièvres  ,  par  M.  le  d/ 
Père.  L’auteur  a  relevé  un  grand  nombre  d’inscriptions  tu- 
mulaires  qui  décorent  l’intérieur  de  cette  église,  parmi 
lesquelles  celle  de  Martin  de  Vuorden ,  père  du  célèbre 
baron  Michel-Ange  de  Vuorden  qui  naquit  à  Chièvres  en 
1629  et  mourut  à  Lille  en  1699.  A  ce  rapport  sont  jointes 
des  recherches  intéressantes  sur  ce  même  baron  de  Vuor¬ 
den,  par  M.  le  Président  Du  Bus. 

Je  veux  pourtant  signaler  encore  deux  jolies  pièces  de 
vers  de  M.  Wacquez  :  le  cheval  et  son  maître,  fable,  et 
Laissons  voler  les  papillons. 

Que  de  fois  pauvres  enfants  d'Eve, 

On  nous  voit  courir  ici-bas 
Après  une  ombre  ,  après  un  rêve  ! 

En  vain ,  nous  lui  tendons  les  bras  ; 

11  fuit  !  nous  ne  l’atteignons  pas _ 

Pauvres  fous ,  nous  courons  encore  ; 

Epuisés,  enfin,  nous  tombons, 

Et  le  beau  rêve  s’évapore . 

Laissons  voler  les  papillons. 

T.*'®  Leuridan, 

Archiviste -bibliothécaire  de  Roubaix. 


BIBLIOGRAPHIE 

LA  MAGISTRATURE  TOURNAISIENNE  (1789-1870)  , 
par  H.  Vandenbroeck.  P) 

Déjà,  au  moyen  du  dépouillement  des  chirographes  et  des 
documents  transcrits  dans  les  anciens  cartulaires,  on  avait 
pu  établir ,  d’une  manière  à  peu  près  complète ,  la  liste  des 
magistrats  de  Tournai  de  1198  à  1313.  —  De  1313  à  1792  , 
les  noms  des  magistrats  de  cette  ville  sont  inscrits  dans  les 


P)  Tournai,  Malo  et  Levasseur ,  1870,  1  vol.  in-8.® 


—  238  — 

18  registres  dits  de  la  Loi^  précieuse  collection  que  possè¬ 
dent  les  Archives  communales.  En  1851,  après  plusieurs 
années  de  recherches  que  la  mauvaise  tenue  des  registres  et 
le  désordre  qui  règne  dans  les  papiers  de  l’époque  républi¬ 
caine  rendaient  difficiles  et  ardues ,  M.  Vandenbroeck  avait 
pu  soumettre  au  Conseil  la  chronologie  des  magistrats 
communaux  depuis  1792  et  c’est  ce  travail  complété  jus¬ 
qu’à  nos  jours  que  le  laborieux  archiviste  livre  à  la  pu¬ 
blicité. 

Il  ne  s’agh  point  ici  d’un  simple  assemblage  de  noms. 
Après  un  aperçu  rapide  sur  l’organisation  communale 
pendant  les  grandes  périodes  qui  ont  précédé  l’ère  républi¬ 
caine,  l’auteur  explique  sobrement,  mais  suffisamment,  les 
changements  successifs  auxquels  les  événements  politiques 
ont  soumis  cette  organisation  à  partir  de  la  Révolution  bra¬ 
bançonne  ;  changements  fréquents ,  amenés  par  les  restau¬ 
rations  autrichiennes  alternant  avec  les  invasions  fran¬ 
çaises  ,  par  la  réunion  de  la  Belgique  à  la  France ,  par  la 
domination  hollandaise  et  enfin  par  l’indépendance  natio¬ 
nale.  Quelques-uns  de  ces  noms  rappellent  certaines  natures 
d’élite  qui  ont  fait  preuve  de  talents  administratifs  des  plus 
remarquables  ;  les  notes  biographiques  ou  historiques  qui 
les  accompagnent  ont  bien  aussi  leur  valeur. 

Du  reste,  en  dehors  de  l’intérêt  qui  s’attache  historique¬ 
ment  à  ces  listes,  il  y  a  parfois  le  côté  pratiquement  utile  : 
dans  ce  cas  se  trouve  la  liste  alphabétique  des  magistrats 
de  Tournai  depuis  la  réforme  opérée  par  Gharles-Quint,  en 
1521  ,  dans  la  composition  du  corps  communal.  Ce  précieux 
document  préparé  par  M.  Vandenbroeck  et  publié  comme 
appendice  à  son  beau  travail,  sera  consulté  souvent  et  avec 
fruit  par  ceux  de  ses  concitoyens  qui  appartiennent  aux 
familles  de  l’ancienne  magistrature  et  qui ,  à  ce  litre , 
peuvent  prétendre  à  la  fondation  faite,  en  1858,  par  le 


—  259  — 

chevalier  Adolphe  de  Ferrare,  en  faveur  des  descendants 
des  magistrats  de  Tournai  avant  1790. 

De  quelque  côté  qu’on  examine  ce  livre  ,  on  ne  peut  que 
le  louer ,  et  je  le  fais  avec  d’autant  plus  de  sincérité  que  je 
sais  par  état  combien  ces  sortes  de  travaux  sont  arides  et 
ingrats.  Th."  Leuridan. 


LES  BIBLIOGRAPHES  PICARDS 

par  M.  Pour  ,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  (*) 

M.  Pouy  fait  figurer  en  tête  de  sa  liste  un  chanoine 
d’Amiens,  Richard  de  Fournival ,  qui  dressa,  au  xiii.® 
siècle,  sous  le  titre  de  Biblionomia,  un  catalogue  de  sa  propre 
bibliothèque,  aujourd’hui  conservé  à  la  Sorbonne.  Il 
inscrit  ensuite  le  nom  du  célèbre  Vincent  de  Beauvais  dont 
la  Bibliotheca  mundi  est  une  encyclopédie  des  sciences  et 
des  lettres  à  la  même  époque. 

La  Bibliothèque  d’un  magistrat  picard^  décrite  par 
Roger ,  offre  un  spécimen  de  la  manière  confuse  et  peu 
méthodique  dont  on  rédigeait  un  inventaire  de  livres 
au  commencementdu  xvii.®  siècle.  Passant  aux  bibliographes 
vraiment®  dignes  de  ce  nom  »,  M.  Pouy  rappelle  que  Gabriel 
Naudé  mourut  à  Abbeville  ,  le  29  juillet  1 653  ,  et  qu’il  y  fut 
inhumé.  Adrien  Baillet ,  à  qui  ses  Jugements  des  savants 
donnent  rang  parmi  les  bibliographes ,  appartient  plus 
directement  à  la  Picardie,  puisqu’il  vit  le  jour  à  la  Neuville- 
en-Hez  ,  près  Beauvais.  C’est  à  Guise  que  naquit  en  1678 
le  libraire  érudit,  Prosper  Marchand,  qui  fonda  et  rédigea 
en  Hollande  le  Journal  littéraire,  l’un  des  meilleurs  pério¬ 
diques  du  temps.  Amiens  vit  naitre,  en  1758,  un  autre 
libraire,  Louis  Gaudefroy,  auteur  de  nombreux  catalogues. 


P)  Paris,  Baur  et  Détaille  ,  1869,  br.  in-S.®  de  16  pages. 


—  240  — 

qui  devint,  en  1810,  inspecteur  de  l’imprimerie  et  delà 
librairie  à  Paris.  Son  emploi  ayant  été  supprimé  en  1815,  il 
collabora  jusqu’en  1823  à  la  Revue  bibliographique  des 
Pays-Bas ,  publiée  à  Bruxelles  ,  par  Dernat. 

L’espace  nous  manque  pour  citer  tous  les  autres  collec¬ 
tionneurs,  descripteurs  ou  amateurs  de  livres ,  qu’énumère 
M.  Pouy  comme  se  rattachant  à  la  Picardie,  soit  par  leur 
origine,  soit  par  leur  résidence,  soit  par  la  spécialité  de 
leurs  études.  A.  D. 


COLLECTION  COMPLÈTE  DES  INSCRIPTIONS  NUMIDIQUES(/^6iqi/es) 
par  le  général  Faidherbe  ,  ancien  Gouverneur  du  Sénégal. 

Les  inscriptions  dont  il  est  question  sont  au  nombre  de 
162,  figurées  sur  les  5  premières  planches.  Ce  sont  des  épi¬ 
taphes  funéraires  gravées  sur  pierre  et  trouvées,  pour  la 
plupart,  pêle-mêle  avec  des  inscriptions  latines.  Il  y  en  a 
même  un  certain  nombre  qui  renferment  à  la  fois  une 
partie  latine  et  une  partie  numidique,  aussi  l’auteur  les 
rapporte  à  l’époque  romaine  et  à  la  langue  parlée  par 
les  anciens  Numides,  langue  que  saint  Augustin  désigne 
sous  le  nom  de  punique.  Cette  écriture  qui  s’est  conservée 
en  se  modifiant  chez  les  Touaregs,  n’a  probablement  jamais 
servi  qu’à  l’épigraphie ,  comme  cela  a  également  lieu  de 
nos  jours  chez  les  mêmes  peuples.  En  tête  de  la  1."®  planche 
est  une  inscription  punico-lybique  probablement  plus  an¬ 
cienne  que  les  autres  et  due  aux  Lybiens  qui  avaient  subi 
l’influence  carthaginoise ,  car  elle  contient  des  lettres  phé¬ 
niciennes.  La  VI.®  planche  est  consacrée  à  34  inscriptions 
rupestres  originaires  du  Sahara  et  à  6  inscriptions  touaregs. 

A  l’aide  des  inscriptions  bilingues  latino -numides  et  en 
s’aidant  de  comparaisons  avec  le  Touareg,  M.  Faidherbe 
essaie  de  reconstituer  l’alphabet  numide  et  de  déchiffrer 


241  — 

quelques  inscriptions.  Il  conclut  qu'en  somme  «  Tépigra- 
phie  numidique  n’offre  pas  un  bien  grand  intérêt;  elle 
peut  exciter  la  curiosité  de  ceux  qui  ont  le  goût  de  ce  genre 
d'études,  mais  elle  n’est  pas  destinée  à  nous  apprendre 
grand  chose  »  Mais  si  ces  inscriptions  sont  par  elles-mêmes 
peu  importantes,  elles  ont  fourni  à  l’auteur  l’occasion  de 
publier  des  considérations  très-remarquables  sur  l’ethno¬ 
graphie. 

Le  général  Faidherbe  a  mis  à  profit  son  long  séjour  en 
Afrique  et  ses  rapports  avec  les  tribus  qui  peuplent  ces 
contrées  ,  pour  soulever  un  coin  du  voile  épais  qui  couvre 
leur  origine. 

Il  y  a  deux  ans,  dans  le  Bulletin  de  V Académie  d'Hippone, 
le  savant  général  rendait  compte  de  ses  recherches  sur  les 
dolmens  de  Roknia,  localité  située  dans  la  province  de 
Gonstantine,  près  des  sôurces  d’eau  chaude  d’Hammon 
Mascoutin  ,  où  les  Romains  avaient  établi  une  station 
thermale.  Peut-être  ces  sources  chaudes  avaient  attiré 
aussi  les  anciennes  populations  de  l’Afrique.  Car  dans  les 
escarpements  de  l’Oued  Roknia,  M.  Faidherhe  a  trouvé  3 
à  400  grottes  dont  le?  trois  quarts  ont,  selon  lui,  servi 
d’habitations.  Sur  le  plateau  se  dressent  plus  de  3,000  sé¬ 
pultures  formées  de  pierres  brutes.  Les  plus  grandes  ne 
contiennent  que  1  ou  2  squelettes;  les  plus  petites  en  con¬ 
tiennent  jusqu’à  7  ;  c’étaient  en  quelque  sorte  les  fosses 
communes  de  l’époque.  Dans  ces  tombeaux  on  trouve  des 
poteries  grossières ,  des  ornements  en  bronze  et  quelques 
uns  en  argent  doré. 

L’année  passée,  le  même  savant  signalait  à  Mazela,  dans 
la  même  province  ,  environ  2,000  tombeaux  semblables  à 
ceux  de  Roknia.  Ces  dolmens  ne  sont  jamais  recouverts  de 
tumulus  ,  mais  ils  sont  parfois  entourés  d’une  enceinte  de 
pierre  levée  ou  Cromlech. 


—  242  — 

-  Selon  toutes  probabilités ,  ces  tombeaux  sont  l’œuvre 
d’une  race  blonde  venue  d’Europe  et  dont  il  reste  encore  de 
nombreux  descendants  parmi  les  populations  indigènes 
de  l’Algérie  et  du  Maroc.  Au  milieu  d’une  grande  majorité 
aux  cheveux  et  aux  yeux  noirs  ,  on  y  reconnait  encore  un 
certain  nombre  d’individus  aux  cheveux  blonds  et  aux  yeux 
bleus.  L'opinion  la  plus  vulgaire  fait  de  ces  hommes  blonds 
les  descendants  des  Vandales  qui  envahirent  le  nord  de 
l’Afrique  au  v.®  siècle  de  l’ère  chrétienne  ;  mais  un  auteur 
du  IV.®  siècle  avant  notre  ère ,  Scylax ,  dit ,  en  parlant  des 
Lybiens,  qu’ils  sont  tous  beaux  et  blonds  Bien  plus,  M.  Ma¬ 
riette  a  déchiffré  le  document  suivant  qui  remonte  à  la  xix.® 
dynastie  égyptienne,  environ  1,400  ans  avant  J. -G.  «  Des 
»  déserts  situés  à  l’occident  du  Delta  un  flot  de  nomades 
D  aux  yeux  bleus  et  cheveux  blonds  descend  des  îles  de  la 
»  Méditerranée  sur  le  continent  africain  ,  menace  les  pro- 
*  vinces  du  nord  de  l’Egypte  et  n’est  contenu  qu’avec  de 
»  grands  efforts  par  les  armées  égyptiennes.  » 

Quoique  vaincus,  ces  nomades  blonds  aux  yeux  bleus  que 
les  Egyptiens  désignaient  sous  le  nom  générique  de  Ta- 
mehou,  finirent  par  s’introduire  dans  l’armée  égyptienne 
comme  auxiliaires  et  devinrent  bientôt  les  véritables  maîtres 
de  la  Basse  Egypte.  M.  Faidherbe  pense  que  Psammeticus, 
qui  rétablit  l’empire  égyptien  en  chassant  les  rois  éthiopiens 
et  devint  le  chef  delaxxvi.®  dynastie  (665  ans  avant  J. -G.), 
appartient  à  cette  race  Taraehou. 

Les  rapports  de  celle-ci  avec  les  Egyptiens  paraissent 
remonter  plus  haut  encore,  car  la  reine  Taia,  mère  d’Araen- 
holep  IV  ,  de  la  xviii.®  dynastie  ,  est  représentée  avec  les 
cheveux  blonds ,  les  yeux  bleus  et  les  chairs  roses  ;  elle 
avait  été  épousée  pour  sa  beauté  par  le  roi  Ainenhotep  III. 
.  Ainsi  à  l'époque  où  les  Phéniciens  établissaient  leurs 
premiers  comptoirs  sur  la  côte  africaine,  une  race  blonde 


^  245  — 

couverte  de  peaux  de  bêles,  enterrant  ses  morts  dans  des 
dolmens,  envahissait  le  nord  de  l’Afrique  et  pénétrait 
jusqu’en  Egypte.  D’où  venait-elle?  Le  général  Faidherbe  la 
fait  arriver  d’Europe  par  les  trois  péninsules  Hibérique , 
Italique  et  Hellénique.  En  remarquant  qu'on  ne  trouve  pas 
de  dolmens  en  Italie  et  qu’ils  sont  très-fréquents  en  Es¬ 
pagne  ,  il  me  semble  plus  probable  que  la  race  blonde  tra¬ 
versa  le  détroit  de  Gibraltar  qui,  à  cette  époque  n’était 
peut-être  qu  un  étroit  fossé. 

Ces  blonds  envahisseurs  trouvèrent  l’Afrique  déjà  ha¬ 
bitée  par  une  race  brune  probablement  identique  à  celle 
que  les  nouvelles  découvertes  pale-éthnographiques  nous 
font  voir  comme  les  populations  primitives  de  l'Europe. 
Les  deux  races  se  mêlèrent  l’une  à  l'autre,  mais  la  race 
blonde  conserva  longtemps  la  suprématie  comme  le  montre 
le  témoignage  de  Scylax.  Il  est  probable  selon  le  savant 
général  que  la  royale  famille  de  Masinissa  était  blonde. 
C’est  de  cette  alliance  des  deux  races  que  sont  sortis  les 
Kabyles  de  l’Algérie,  les  Chaouïas  de  l’Aurès,  les  Touaregs 
du  Sahara  oriental,  les  Zenayas  du  Sahara  occidental,  etc. 
Tous  parlaient  la  même  langue  dhisée  en  plusieurs  dia¬ 
lectes.  Cette  langue  est-elle  celle  des  Lybiens  indigènes  ou 
celle  des  blonds  du  Nord  ?  M.  Faidherbe  admet  la  première 
hypothèse  et  il  déclare  en  même  temps  que,  dans  l’ignorance 
où  l’on  est  encore  de  la  langue  berbère,  on  ne  peut  indiquer 
ses  véritables  affinités. 

C’est  en  cette  langue  plus  ou  moins  modifiée  par  un  in¬ 
tervalle  de  10  siècles  et  par  l’influence  des  idiomes,  des 
blonds  Tamehous,  des  Phéniciens  et  ensuite  des  Romains, 
que  seraienfécrites  les  inscriptions  numidiques  qui  font  le 
sujet  du  livre.  J.  G. 


^  244  — 


LE  CRUCIFIX  BLASPHÉMATOIRE  DU  PALATIW 

Considérations  nouvelles  sur  cette  image 

par  le  d/  F.  X.  Kraus ,  traduit  de  rallemand  par  M.  Charles  de  Linas , 
avec  notes  et  appendice  du  traducteur.  (* *) 

En  novembre  1856,  le  déblaiement  de  deux  murs  d’un 
appartement  situé  dans  la  vigne  Nusiner,  à  l’angle  occi¬ 
dental  du  mont  Palatin,  mil  à  jour  des  figures  et  inscrip¬ 
tions  tracées  à  la  pointe.  L’un  de  ces  graffiti  représentait  un 
corps  humain  habillé ,  dont  la  partie  supérieure  finit  en 
tête  de  cheval  ou  d’âne  :  le  monstre  est  appliqué  sur  une 
croix  en  forme  de  T  ;  ses  mains  sont  visiblement  attachées 
à  de  grandes  traverses  ;  ses  pieds  reposent  l’un  près  de 
Tautre  sur  une  traverse  inférieure  qui  lient  lieu  de  suppe- 
daneum.  A  gauche  du  spectateur ,  on  voit  un  homme  éga¬ 
lement  habillé,  dans  l’attitude  d’un  adorateur.  Entre  les 
deux  figures  et  au-dessous,  se  trouve  une  inscription 
grecque  divisée  en  quatre  lignes  et  ayant  pour  sens  : 
Alexamenos  adore  [son)  Dieu. 

Le  P.  Raphaël  Garucci  (^)  qui  a,  le  premier,  décrit  ce 
singulier  crucifix,  l’a  regardé  comme  une  marque  de  la  haine 
et  des  préjugés  païens  envers  la  religion  chrétienne  et  son 
fondateur.  Suivant  lui,  le  graffito  romain  correspond  à  une 
autre  représentation  insultante  du  Christ  dont  Tertullien 
parle  dans  le  ch.  xvi  de  son  Apologétique  :  «  Deus  Christia- 
norum  ovoxotT>3o-.  (®)  »  Des  témoignages  rassemblés  par 
Garucci  et,  depuis  lors,  par  Becker,  (4)  il  résulte  que, 
jusqu’au  111. ®siècle  inclusivement,  les  païens  infligèrent,  aux 

(b  Arras  ,  V.*  Rousseau-Leroy,  ls70  ,  br.  in-8.°  de  35  pages 
(  Extrait  de  la  Revue  de  l'Art  chrélîm  ,  xiv.'  année  ,  n.®3  ). 

(2)  Civilla  cailoHca ,  1856  ,  Il  crocifisso  graffilo  ,  Rome ,  1857. 

(*)  Sur  la  valeur  de  ce  terme,  voir  Apulée,  Métamorph.  liv,  x  et 
JüvÉNAL ,  Salir,  vi. 

Das  Spollcrucifw  des  rom.  Kaisers  païaste,  Breslau  ,  1866. 


—  245  — 

juifs  comme  aux  chrétiens,  le  blâme  ridicule  d’adorer  un 
Dieu  à  tête  d’âne. 

C’est  cette  interprétation  que  repousse  un  érudit  autri¬ 
chien,  M.  Haupt,  (')  et  que  défend  M.  le  docteur  Kraus. 

M.  Haupt  ne  veut  voir  aucune  allusion  au  christianisme 
dans  le  crucifix  onocéphale.  Il  pose  en  thèse  que  les  païens 
ont  connu  un  dieu-âne,  la  Selh  ou  Smy  des  Egyptiens, 
identifié  parles  Grecs  avec  leur  Typhon  et  adoré  sous  cette 
forme.  L’image  du  Palatin  serait  donc  un  monument  sérieux 
du  culte  de  Typhon. 

M.  Kraus,  lui,  persiste  à  y  voir  une  caricature  du  Dieu 
des  chrétiens  ,  et  il  appuie  son  opinion  d’excellentes  raisons 
que  notre  compatriote  M.  de  Linas ,  non  content  de  les 
faire  passer  dans  notre  langue ,  développe  et  fortifie.  Etant 
admis  (et  les  savantes  recherches  de  M.  Lenormant  ont  mis 
depuis  longtemps  ce  point  hors  de  doute)  que  la  portion  du 
Palatin  où  fut  découvert  le  crucifix  servait,  sous  les  Empe¬ 
reurs,  de  Pædagogium  pour  les  jeunes  esclaves  nés  dans  la 
maison ,  vernæ ,  et  destinés  à  devenir  pages ,  pueri  pœda- 
gogiani ,  on  ne  sera  pas  éloigné  de  reconnaître  ,  avec  M.  de 
Linas,  dans  Alexamenos,  «  un  malheureux  surveillant,  un 
pion,  passez-moi  le  mot,  soupçonné  ou  convaincu  de  chris¬ 
tianisme,  et  tourné  publiquemement  en  ridicule,  lui  et  son 
Dieu,  par  l’impitoyable  rancune  d’un  jeune  vaurien.  » 

Une  autre  hypothèse  se  présente,  que  justifie  la  grossiè¬ 
reté  du  dessin  objet  de  cette  étude.  Le  geste  du  baise-main , 
signe  caractéristique  de  l’adoration  et  qui  fait  qu’on  a  long¬ 
temps  pris  Alexamenos  pour  un  sectateur  du  Christ ,  ne 
ressemble-t-il  pas  étonnamment  à  un  autre  geste  beaucoup 
moins  respectueux  «  et  que  l’on  nomme  vulgairement pïecf  de 
nezl  »  Dès  lors  la  caricature  changerait  de  sens,  sans  cesser * (*) 


(î)  Rapports  et  communications  de  la  Société  archéologique  de  Vienne,  t.  Xlir. 

(*)  OsUrr.  Yierleljahresschrift  fur  Kath.  Théologie ,  vin  .Tahrg. ,  2  heft. 


—  246  — 

d’être  injurieuse  pour  les  chrétiens ,  et  en  le  devenant 
même  davantage. 

Quanta  la  date  du  crucifix  blasphématoire,  M.  de  Linas, 
serrant  les  conclusions  du  P.  Garucci ,  n’hésite  pas  à  la 
placer  sous  le  règne  de  Septime-Sévère  (192-211).  A.  D. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

RÉORGANISATION  DE  L’HÔPITAL  DE  SAINT-OMER  , 

DIT  DE  SAINT  LOUIS  OU  DU  CHEVAL  d’OR  OU  BRULÉ. 

Le  peu  d’espace  dont  nous  disposons  dans  notre  Bulletin 
nous  a  fait  jusqu’ici  hésiter,  malgré  les  vives  instances  de 
quelques-uns  de  nos  abonnés ,  à  y  introduire  des  documents 
inédits.  Encore  maintenant  nous  sommes  résolus  à  n’ad¬ 
mettre,  en  ce  genre,  que  des  pièces  courtes  et  d’un  intérêt 
réel.  Celle  que  nous  communique  M.  E.  Fourdin,  archiviste 
de  la  ville  d’Ath ,  et  que  nous  sommes  heureux  de  placer 
aujourd’hui  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs,  nous  paraît 
réunir  cette  double  qualité. 

M.  H.  de  La  Plane  ,  secrétaire  perpétuel  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  la  Morinie ,  a  publié  dans  le  t.  i  du  Bulletin 
de  cette  société  (p.  222-234),  un  règlement  pour  les  hôpitaux 
réunis  de  N.  D.  de  Vescoterie  et  de  Saint-Louis,  dit  du  Cheval 
d'or,  en  date  du  18  Mars  1427  (v.  st.)  La  pièce  produite  par 
M.  Fourdin  est  antérieure  à  cette  réunion.  A.D. 

«  A  tous  cenlx  qui  ces  lettres  verront ,  Mayeurs  et 
Eschevins  de  la  ville  Saint-Omer  ,  salut.  Sçavoir  faisons 
que  nous  tous  assamblez ,  tant  de  l’une  année  ,  comme  de 
l’aultre,  avecq  nostre  Conseil,  par  grande  et  meure  délibé¬ 
ration,  considérées  les  ruines  qiiy  esloient  en  la  maison  et 
hospital  de  SaintLouys,  que  on  distdu  Cheval  d’or  ou  briislé, 
par  quoy  il  estoiten  adventure  de  estre  du  tout  à  déselation, 
car  il  n’y  avoit  revenues  quy  le  peuissent  soustenir ,  et  sy 
estoit  et  est  chargé  de  rentes,  et  peu  d’aulmosnes  s’y  fai- 
soient  par  deffaulte  de  ceulx  quy  demqré  y  avoient. 


—  247  -- 

Nous  désirans  à  ce  pouveoir,  a  certifyez  de  la  bonne 
vie  et  honneste  conversation  de  plusieurs  jeusnes  femmes  , 
quy  par  pure  dévotion  se  y  ont  vollut  et  vœullent  applic- 
quer,  vivans  de  labeur  et  gardans  les  povres  malades, 
autant  que  soustenir  en  peuent,  par  le  faict  et  moyens  des¬ 
quelles  ledit  hospital  a  esté  et  est  réparé  et  en  bon  estât, 
nous  avons  déclaré  et  déclarons,  par  ces  présentes, 
ladicte  maison  et  touttes  les  renies  et  revenues  à  icelle 
appertenantes  ou  escheues,  et  quy  en  temps  advenir  y  apper- 
liendronl  et  escherront,  estre  perpétuel  hospital  et  maison 
aux  povres  avecq  les  dictes  revenues,  pour  la  sustentation  et 
gouvernement  d’iceulx  et  des  sœurs  quy  à  présent  y  sont  et 
seront  en  temps  advenir,  de  nostre  auctorité,  pour  ledit 
hospital  garder  et  ausdis  povres  minislrer  des  choses  que 
lesdictes  sœurs  aronl  le  gouvernement  et  proffit ,  pour  em¬ 
ployer  esdis  usages,  tant  que  à  ce  voldront,  en  bonne  vie  et 
honneste  conversation,  vacquer  et  entendre,  sans  à  elle  estre 
baillié  ,  par  nous,  noz  sucesseurs  ou  aultre,  empesche- 
ment  aucun,  ledit  hospital  tousjours  demorant  soubz  nostre 
justice  et  gouvernement.  En  lesmoing  de  ce ,  nous  avons 
mis  le  seel  aux  causes  de  la  dicte  ville  à  ces  présentes  faicles 
et  données  le  xvij.®  jour  de  septembre.  Tan  mil  et 
seize.  » 

Copie  du  XVII.®  siècle,  insérée  au  registre  des  Privilèges 
de  la  ville  d'Ath ,  n.°  1 ,  fol.  83  Em.  Fourdin. 


l'emplacemext  de  qüextovic. 

Un  vif  intérêt  s'attache  au  souvenir  de  Quentovic  ,  ville 
autrefois  florissante,  maintenant  enfouie  sous  les  bords 
ensablés  de  la  Canche. 

Quoiqu’il  remonte  indubitablement  à  l’époque  gallo-ro¬ 
maine  ,  Quentovic  n’est  pas  mentionné  avant  le  vu.®  siècle. 
Bède  dit  que  saint  Théodore,  le  futur  archevêque  de  Can- 
torbéry  ,  s’y  embarqua  ,  en  668  ,  pour  se  rendre  en  Angle¬ 
terre.  Eddius  Stephanus,  auteur  d’une  Vie  de  saint  Wilfrid, 
évêque  d’York,  affirme  que  le  zélé  personnage  dont  il  écrit 
l’histoire  eût  été  arrêté  par  ses  ennemis  à  Quentovic  en 
679,  si,  comme  on  s’y  attendait ,  il  fût  passé  par  ce  port  en 


—  248  — 

allant  à  Rome.  Le  biographe  de  saint  Boniface  fait  sé¬ 
journer  son  héros  à  Quenlovic  en  718.  Ce  port ,  au\iii.® 
siècle  ,  attirait  tant  de  marchands  étrangers  qu’on  se  faisait 
une  règle  de  ne  point  le  comprendre  dans  les  exemptions 
générales  de  tonlieu  qu’on  accordait  alors  par  privilège  à 
certaines  églises.  Louis  le  Débonnaire  ,  dans  le  fameux  acte 
de  partage  de  ses  Etats ,  nomme  Quentovic  parmi  les  pagi 
circonvoisins:  ce  qui  était  attribuer  à  cette  ville  l’importance 
d’une  province.  Un  officier  royal  y  présidait  à  la  levée  des 
droits  d’importation  et  d’exportation.  Quentovic  possédait, 
en  outre,  un  atelier  monétaire  que  Charles  le  Chauve  qua¬ 
lifie  d'anlique  en  864  et  dont  les  produits  ont  justement  fixé 
l’attention  des  numismates.  Telle  était  la  \ille  que  les  Nor¬ 
mands  livrèrent  aux  flammes  après  l’avoir  plusieurs  fois 
pillée  ,  et  dont  on  est  réduil  à  rechercher  aujourd’hui  l’em¬ 
placement  :  Canipos  ubi  fuit  ! 

Pour  la  solution  du  problème  topographique  qui  va  nous 
occuper,  on  n’a  eu  recours  pendant  longtemps  qu’à  des 
textes  mal  assemblés ,  et  souvent  mal  compris ,  ou  à  des 
inductions  purement  étymologiques.  La  question  a  fait  un 
grand  pas  lorsqu’on  1841-1842  des  fouilles  furent  entre¬ 
prises  sur  le  territoire  d’Etaples  aux  frais  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  la  Morinie ,  par  les  soins  du  Comité  de  Bou¬ 
logne.  L’archéologie  vint  ainsi  en  aide  à  l’érudition ,  se¬ 
condée  qu’elle  fut  elle-même  par  une  heureuse  circonstance. 
M.  le  comte  de  Rocquigny,  propriétaire  de  la  garenne 
d’Etaples  ,  venait  de  rendre  à  la  culture  une  portion  de  ce 
vaste  terrain  jusque  là  couverte  de  dunes.  Les  labours 
successifs  nécessités  par  cette  opération  mirent  les  anti¬ 
quaires  sur  la  trace  d’importantes  trouvailles.  Ils  en  vinrent 
à  découvrir  dans  les  lieux  dits  le  Puits  à  liards  ou  le  Ruis¬ 
seau  d'argent,  non  loin  de  la  ferme  de  la  Folie,  outre  des 
poteries,  médailles,  fibules  et  statuettes,  les  fondations  de 


—  249  — 

103  maisons,  un  puits  et  un  cimetière  qu’ils  n’hésitèrent 
pas  à  rapporter  à  l’ère  gallo-romaine.  (’)  L’opinion  que  ce 
centre  d’habitations,  auxquelles  on  accédait  jadis  par  un 
chemin  encore  aisément  reconnaissable,  faisait  partie  de 
remplacement  de  Quentovic,  ne  pouvait  manquer  de  se 
produire.au  sein  de  la  Commission  des  fouilles.  Elle  fut,  dès 
lors,  émise  par  l’un  des  commissaires,  M.  Louis  Cousin.  La 
Commission,  sans  s’y  rallier  absolument,  ne  s’y  montra  pas 
hostile.  Elle  laissa  seulement,  à  celui  de  ses  membres  qui 
l’avait  énoncée,  le  soin  de  l’étayer  de  nouvelles  preuves,  (^j 

Que  Quentovic  fût  sur  l’un  des  bords  de  la  Canche  et 
qu’il  ne  faille  chercher  cette  ville,  comme  l’ont  fait  certains 
auteurs,  ni  à  Caen  en  Normandie,  ni  à  Quen-le-vieil  sur’ 
l’Authie ,  c’est  ce  que  démontre  suffisamment  le  nom  même 
du  lieu  :  viens  ad  Quantiam.  Mais  sur  laquelle  des  deux  rives 
s’élevait  la  ville  en  question  ?  Ceux  qui  tiennent  pour  la 
rive  gauche  établissent  Quentovic  soit  au  hameau  du  Tré¬ 
pied  (commune  de  Cucq)  ;  soit  à  la  Caloterie ,  entre  la 
ferme  d’ülbise  et  le  hameau  de  Valencendre;  soit  enfin  à 
Saint-Josse,  en  un  lieu  plus  on  moins  voisin  de  l’abbaye. 

En  1850,  l’un  des  collègues  de  M.  Cousin  à  la  Société  des 
Antiquaires  de  la  Morinie,  M.  l’abbé  Robert,  se  prononça 
hautement  pour  cette  dernière  opinion,  (s)  Il  posa  en  fait 
que  la  ville  de  Quentovic  était  distincte  du  port  situé  à  l’em¬ 
bouchure  de  la  Canche  et  qu’elle  existait  où  s’éleva,  depuis, 
l’abbaye  de  Saint-Josse.  Basant  cette  distinction  sur  un 
extrait  de  la  vie  de  saint  Boniface,  il  essayait  de  la  confir- 

(1)  V  oir  le  Rapport  de  M.  Marguet  ,  ingénieur,  sur  les  fouilles  faites,  en 
1841 ,  à  Etaples.  (  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie,  t.  vi , 
p.  191-215.1 

(2)  Rapport  de  M.  L.  Cousin  à  la  Société  des  Antiquaires  de  la 
Morinie,  sur  les  fouilles  archéologiques  que  son,  Comité  de  Boulogne  a  fait 
executer  en  1842 .  Saint-Omer  ,  Chauvin  .  in-8.°  de  32  p. 

(3)  Mémoire  sur  Quentovic,  par  M.  l’abbé  Robert,  curé  de  Merck 
Saint-Liévin  {Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie,  t.  viiï , 
p.  511-534  ). 


—  250  — 

mer  par  un  passage  des  lettres  d’Alcuin  où  il  est  dit  :  Mar- 
tinus  in  toico  apud  S.  Judocum  infirmus  remansit.  Ne  s’en 
tenant  pas  à  cet  ordre  d’arguments,  M.  Robert  s’inscrivait 
contre  les  conclusions  du  principal  explorateur  des  garennes 
d’Etaples:  l’uniforme  simplicité  des  maisons  exhumées  par 
M.  Cousin  et  ses  collègues  ne  rappelait,  en  rien  suivant 
M.  Robert ,  la  splendeur  que  devaient  avoir  les  construc¬ 
tions  publiques  et  particulières  dans  un  centre  commercial 
aussi  considérable  que  Quentovic.  Quant  aux  bijoux  et 
autres  objets  précieux  trouvés  dans  le  cimetière,  leur  pré¬ 
sence  en  cet  endroit  s’expliquait  par  le  voisinage  d’Etaples , 
ville  à  laquelle  M.  Robert  ne  conteste  pas  toute  importance 
en  ces  temps  reculés  puisque,  s’il  se  refuse  à  y  voir  Quen¬ 
tovic,  il  consent  à  en  faire  le  port  sur  la  Canche  dont  il 
est  parlé  dans  la  Vie  de  saint  Boniface. 

L’argumentation  de  M.  l’abbé  Robert  ne  prit  pas  au  dé¬ 
pourvu  M.  Cousin  qui ,  en  18o4,  y  répliqua  par  de  solides 
raisons.  (*)  Entamant  d’abord  la  guerre  de  textes,  il 
démontra  que  le  point  où  saint  Boniface  et  ses  compagnons 
débarquèrent,  suivant  le  récit  de  leur  historien  Willibaud, 
ne  se  distingue  pas  de  Quentovic,  «  ou  ne  s’en  distingue 
que  par  un  bien  faible  intervalle ,  »  tel  à  peu  près  que  celui 
qui  sépare  habituellement  une  ville  de  l’embouchure  de  son 
propre  port.  Pour  ce  qui  est  du  wicus  où  Alcuin  nous 
apprend  qu’un  certain  Martin  fut  malade ,  rien  ne  prouve 
son  identité  avec  Quentovic.  D’ailleurs,  dans  le  latin  du 
moyen-âge ,  apud  signifie  plus  souvent  auprès  que  chez. 
L’identité  de  Ty^cusavec  Quentovic  étant  donc  admise,  il  ne 
faudrait  pas  en  conclure  que  Quentovic  fût  situé  à  Saint- 
Josse  :  tout  au  plus  pourrait-on  dire  qu’il  était  dans  le  voi¬ 
sinage  de  Saint-Josse. 


(})  Emplacement  de  Quentovic,  par  M.  Louis  Cousi.n  {Mémoires  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  lûMorinie,  t.  ix,  p.  255-340). 


—  251  — 

La  co-existence  de  la  célèbre  abbaye  de  ce  nom  avec  la 
ville  de  Quentovic,  pendant  le  viii.®  siècle  entier  et  la  ma¬ 
jeure  partie  du  ix.®,  s’oppose,  du  reste,  à  ce  qu’on  confonde 
leur  emplacement.  Nulle  part  enfin  on  ne  voit  que  l’abbaye 
ait  été  fondée  sur  le  territoire  de  Quentovic.  Le  livre 
des  Miracles  de  saint  Wandrille  distingue  positivement  la 
ville  de  l’abbaye.  En  revanche ,  aucun  auteur  ne  sépare  la 
ville  de  son  port  ou  emporium.  Poser  celui-ci  à  Etaples 
comme  fait  M.  l’abbé  Robert,  c’est  être  bien  près  d’asseoir 
aussi  la  ville  sur  la  rive  droite  de  la  Canche. 

Qu’Etaples  ait  succédé  au  nom  et  à  l’importance  de  Quen¬ 
tovic,  cela  est  si  certain  que  telle  propriété  de  l’abbaye  de 
Saint-Bertin  mentionnée  dans  les  actes  du  ix.®  siècle  comme 
située  w  Quintovico  se  retrouve,  en  1026,  comme  située  in 
villâ  Stapulas.  Etaples  fait  son  entrée  dans  l’histoire  le 
jour  où  Quentovic  en  disparait.  Il  est,  d’ailleurs,  à  remar¬ 
quer  que  le  mot  Stapula  est  le  strict  équivalent  du  mot 
emporium. 

La  conclusion,  peut-être  prématurée,  que  M.  Cousin 
tirait  du  résultat  des  fouilles  de  1841 ,  a  été,  depuis  lors, 
inopinément  corroborée.  En  1847,  des  travaux  occasionnés 
par  le  percement  du  chemin  de  fer  d’Amiens  à  Boulogne 
mirent  à  jour  les  substructions  de  l’ancien  château  d’Etaples, 
dans  lesquelles  on  remarqua  deux  systèmes  de  fondations 
superposées.  La  fondation  supérieure  était  du  moyen-âge 
tandis  que  la  fondation  inférieure  remontait  à  l’époque 
gallo-romaine  (i)  A  deux  mètres  au-dessous  du  sol  actuel 
du  château  existait  un  cimetière  aussi  gallo-romain. 

P)  Histoire  et  description  du  château  d' Etaples,  par  M.  G.  Soüquet  , 
membre  de  la  Commission  des  Antiquités  départementales  du  Pas-de- 
Calais  et  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie.  Amiens,  Duval  et 
Herment,  1855,  in-8.”  de  32  p. —  Ces  faits  et  beaucoup  d'autres 
venant  à  i’appui  du  système  de  M.  Cousin  ont  été  reproduits  ulté¬ 
rieurement  par  M.  Souqnct  dans  son  Histoire  chronologique  de  Quentovic  et 
d'Elaples.  Amiens,  Lenoël  -  Hérouart ,  1863,  in-S.®  de  188  p.  avec  plan. 


—  252  — 

M.  Cousin  l’appelle  le  cimetière  du  sud  par  opposition  à 
celui  des  dunes,  situé  au  nord.  Entre  ces  deux  points  ex¬ 
trêmes  ,  (le  château  d’Etaples  et  le  hameau  de  la  Folie) , 
s’étendait  donc  Quentovic  qui ,  comme  beaucoup  de  villes 
maritimes ,  avait  son  développement  surtout  en  longueur. 

Ainsi  présentée  ,  la  preuve  fournie  par  M.  Cousin  parut 
assez  concluante  pour  que  l’Académie  des  Inscriptions  s’y 
ralliât.  (^)  M.  Robert  n’en  persista  pas  moins  dans  la 
défense  de  son  opinion.  En  1862,  il  publia  une  nouvelle 
brochure  (2)  dans  laquelle  il  s’appliqua  à  démontrer  que 
Quentovic  faisait  partie  du  Ponthieu  :  ce  qui  était  attaquer 
par  la  base  le  système  de  son  adversaire  puisque  le  Pon¬ 
thieu  avait  anciennement  la  Canche  pour  limite  septentrio¬ 
nale.  Malheureusement  le  texte  dont  M.  Robert  faisait  son 
point  d’appui  principal  était,  de  son  propre  aveu ,  dénué 
d’exactitude.  M.  Robert  avait  entre  les  mains  copie  d’une 
charte  de  Charles  le  Chauve,  dont  l’original  existait  dans  le 
Loiret,  copie  dans  laquelle  on  rapporte  que  Louis  le  Débon¬ 
naire  donna  à  l’abbaye  de  Ferrières  le  prieurédeSaint-Josse  : 
cellam  S.Judoci  sitam  in  pago  Pontiu,  super  fluvium  Quan- 
tiam ,  in  loco  qui  dicitur  Quantovico.  L’argument  eût  été 
péremptoire  si  la  lecture  sur  lequel  il  reposait  se  fût  trouvée 
bonne.  Mais  l’original  ne  concorde  point  avec  la  copie  allé¬ 
guée  par  M.  Robert  et  que  lui-même  suspectait  non  sans 
raison.  Au  lieu  de  Quantovico  ,  on  lit  sur  la  charte  :  Scha- 
derias  ou  Schalerias. 

p)  M.  Louis  Cousin  a  mis  beaucoup  d’attention  à  constater  quel 
était  remplacement  de  l’ancienne  ville  de  Quentovic  dont  les  traces 
se  perdent  dès  une  époque  reculée.  U  démontre  d'une  manière  satisfai¬ 
sante  que  la  ville  d'Elaples  ,  où  l’on  connaissait  depuis  longtemps  des 
ruines  romaines,  a  remplacé  Quentovic  qui  eut  une  certaine  impor¬ 
tance  sous  la  seconde  race  de  nos  rois.  (Rapport  lu  à  l’Académie  des 
Inscriptions ,  au  nom  de  la  Commission  des  antiquités  nationales , 
par  M.  Berger  de  Xivrev,  dans  la  séance  publique  annuelle  du  18  août 
1854). 

(2)  Nouveau  mémoire  sur  Quentovic  par  M.  l’abbé  Robert.  Amiens  , 
Lenoël-Hérouart,  extrait  de  la  Revue  La  Picardie. 


—  255  — 

M.  l’abbé  Laurent,  alors  curé  de  Saint-Josse,  qui  avait 
fourni  à  M.  l’abbé  Robert  plusieurs  indications  au  profit  de 
sa  thèse,  la  reprit  pour  son  propre  compte  en  1864.  (*) 
Partant  de  ce  principe  queQuentovic  était  situé  au  hameau 
de  Val-en-cendre,  dont  le  nom  lui  semble  une  révélation  his¬ 
torique  ,  il  demande  ce  qui  s’oppose  à  ce  qu’une  ville  ait 
existé  en  cet  endroit  pendant  qu’il  y  avait  un  entrepôt  à 
Etaples.  Etaples,  suivant  lui,  correspond  non  à  Quentovic, 
mais  à  l’antique  Gravinum.  Si  une  voie  romaine  abou¬ 
tissait  à  Etaples  comme  l’a  prouvé  M.  Cousin  ,  une  autre 
(la  2.®  branche  du  Septemvium)  se  dirigeait  par  Attin  sur 
Valencendre. 

M.  Laurent,  on  le  voit,  ne  s’obstine  pas  à  placer  Quen¬ 
tovic  au  lieu  même  où  existait,  en  1786  ,  l’abbaye  de  Saint- 
Josse.  Déjà  ,  avant  lui ,  M.  Robert  s’était  montré  accommo¬ 
dant  sous  ce  rapport  et  il  avait  reconnu  qu’il  fallait  plutôt 
chercher  l’emplacement  de  la  ville  détruite  au  bas  de  Villers- 
Saint-Josse  et  de  La  Caloterie.  M.  Laurent,  dans  son  pre¬ 
mier  écrit  bientôt  suivi  d’un  second ,  {^)  ne  manque  pas 
d’insister  sur  la  rareté  des  objets  gallo-francs  trouvés  à 
Etaples.  Les  objets  purement  romains  y  abondent,  tandis 
qu’on  devrait  y  rencontrer  surtout  ceux  de  la  période  mé¬ 
rovingienne  et  carlovingienne  ,  si  l’on  était  vaiment  là  sur 
le  sol  de  Quentovic.  Cette  objection  est  la  seule,  que  sui¬ 
vant  nous,  M.  Cousin  ne  s’attache  pas  suffisamment  à  ré¬ 
soudre  dans  ses  Nouveaux  et  ses  Derniers  éclaircissements 
sur  remplacement  de  Quentovic.  (3) 


(1)  Un  mot  sur  l'emplacement  de  Quentovic  par  M.  l’abbé  Laurent. 
Amiens,  Lenoël-Uérouart ,  1864  ,  extrait  de  la  Revue  La  Picardie. 

{^)  Examen  des  nouveaux  éclaircissements  de  M.  L.  Cousin  sur  Remplacement 
de  Quentovic  par  M.  l’abbé  Laurent.  Amiens,  Lenoël Hérouart,  1865, 
extrait  de  la  Revue  La  Picardie. 

(3)  Nouveaux  éclaircissements  sur  Remplacement  de  Quentovic  ^  par  M.  L. 
Cousin  (  Mémoires  de  la  Société  dunkerquoise ,  t.  ix  ).  —  Derniers  éclair¬ 
cissements  ,  etc.  {Mémoires  de  la  même  Société ,  t.  xiv). 


^  254  — 

L’archéologie  »  s’il  faut  en  croire  les  contradicteurs  de 
M.  Cousin  ,  n’a  pas  dit ,  en  tout  ceci ,  son  dernier  mot. 
Peut-être  les  fouilles  que  l’on  se  propose  d’opérer  sur  la  rive 
gauche  de  la  Candie ,  (i)  donneront-elles  un  démenti  aux 
partisans  d’Etaples.  Personnellement ,  nous  ne  le  pensons 
pas  :  car,  si  l’autorité  des  textes  en  est  une ,  M.  Cousin  l’a 
incontestablement  pour  lui.  Avec  lui  et  tant  d’autres  sa¬ 
vants  qui  ont  déjà  adhéré  à  son  système  (2),  nous  conclurons 
donc  ,  jusqu’à  ce  que  les  antiquaires  nous  fournissent  la 
démonstration  rigoureuse  du  contraire  ; 

1. "  Que  la  ville  de  Quentovic  n’était  point  distincte  de  ce 
qu’on  appelait  le  port  de  la  Canche  ; 

2. ®  Que  Tune  et  l’autre  se  trouvaient  sur  la  rive  droite  de 
ce  fleuve  ; 

3. ®  Que,  ces  prémisses  admises,  et  dans  l’état  actuel  de 
nos  connaissances  ,  Etaples  est  l’emplacement  qui  corres-  ^ 
pond  le  mieux  à  celui  de  Quentovic.  A.  Desplanque. 


NIDIFICATION  DE  l’HIRONDELLE  DE  FENÊTRES 

Dans  sa  séance  du  7  mars  dernier,  l’Académie  des 
Sciences  a  reçu  communication  d’une  note  de  M.  Pouchet, 
de  Rouen,  sur  la  nidification  de  l’Hirondelle  de  fenêtres 
(Hirundo  urbica).  A  peine  cette  note  eut-elle  paru  dans  les 


(•)  Un  homme  dont  le  savoir  égale  l’obligeance  et  la  modestie  , 
M.  Ch.  HENiNEGUiER,  de  Montreuil,  estime  que  ces  fouilles,  au  projet 
desquelles  on  ne  peut,  en  tout  état  de  cause,  manquer  d'applaudir, 
devraient  être  exécutées  d'abord  au-dessus  du  hameau  du  Molmel , 
commune  de  Saint-.losse.  «  Là  pouvait  être  la  ville  proprement  dite. 
L'emporium  devait  nécessairement  se  trouver  plus  bas,  vers  la  Canche, 
et  avoir  une  très-grande  etendue.  Voir,  pour  plus  amples  détails  ,  le 
Bulletin  de  la  Société  de  la  Morinie,  t.  iv ,  p.  308,  Juillet-Décembre  1869. 

(2)  Au  nombre  des  plus  précieuses  adhésions  qu’ait  recueillies 
M.  Cousin,  tant  en  province  qu'à  Paris,  nous  nous  permettrons  de 
citer  celle  de  M.  Pabbé  Haïgxeré,  le  savant  archiviste  de  Boulogne. 
Voirie  Rapport  swr  les  Nouveaux  éclaircissements  qu’il  a  lu,  en  1865, 
à  l’Académie  de  cette  ville  et  qui  a  été  reproduit  dans  le  journal  : 
Vaulorité  de  Dunkerque,  n.°  du  6 juillet. 


—  255  — 

Comptes-rendus  hebdomadaires ,  que  les  idées  qu’elle  con¬ 
tenait  ont  été  discutées  ;  plusieurs  personnes  les  ont  ap¬ 
puyées  ,  d’autres  ont  révoqué  en  doute  les  observations  sur 
lesquelles  elles  étaient  basées,  et  la  discussion  ne  paraît  pas 
près  de  finir. 

Je  vais  essayer  d’apporter  dans  le  débat  ma  part  de 
recherches  et  chercher  sans  prévention  où  est  la  vérité. 

M.  Pouchet  commence  par  établir  qu’il  est  faux  que 
chaque  espèce  d’oiseaux  ait  pour  son  nid  une  forme  inva¬ 
riable,  une  architecture  qui  ne  change  jamais;  il  en  donne 
pour  preuve  les  nids  de  l’Hirondelle  de  fenêtres  qui  n’au¬ 
raient  plus  aujourd’hui  la  même  forme  qu’autrefois.  Le 
nouveau  mode  de  construction  cependant  ne  serait  pas 
encore  toul-à-fait  adopté,  il  y  aurait  des  retardataires 
qui  ne  marchent  pas  avec  leur  siècle ,  mais  très-probable¬ 
ment  ils  ne  tarderont  pas  à  se  mettre  à  l’unisson. 

D’après  les  observations  du  naturaliste  normand ,  ces 
nids  autrefois  globuleux,  demi-sphériques  ,  ayant  une  en¬ 
trée  petite  et  arrondie  ,  ont  pris  la  forme  d’un  demi-ovoïde 
couché;  l’entrée  en  est  linéaire,  en  fente,  et  permet  aux 
jeunes  de  venir  mettre  le  nez  à  la  fenêtre  et  respirer  le 
grand  air.  Il  y  a  donc  progrès,  les  petits  ont  plus  d’espace, 
plus  d’air,  et  en  même  temps,  ils  sont  mieux  protégés 
contre  la  pluie;  bref,  selon  l’expression  de  31.  Dumas 
rendant  compte  du  travail  de  31.  Pouchet,  les  Hirondelles 
auraient  eu  connaissance  de  la  loi  sur  les  logements  insa¬ 
lubres  et  s’y  seraient  conformées. 

On  comprend  toute  l’importance  philosophique  d’un 
pareil  fait,  s’il  était  avéré,  et  les  hautes  déductions  que 
l’on  pourrait  en  tirer  sur  l’intelligence  des  animaux,  le  dé¬ 
veloppement  de  leur  raison,  leur  transformation  morale. 
La  doctrine  Darwinienne  de  la  mutabilité  aurait  là  un 
nouvel  argument  ,  car  comment  nier  le  progrès  dans 


—  256  — 

l’ordre  physique  s’il  était  prouvé  dans’  l’ordre  intellectuel? 

Malheureusement  ces  beaux  raisonnements  me  paraissent 
devoir  tomber  d’eux-mêmes,  car  l’observation  de  M.  Pou- 
chet  n’a  pour  moi  aucune  valeur. 

Et  d’abord  ,  avant  toute  véritication’du  fait,  n’est-il  pas 
évident  que  ce  changement  de  construction  n’a  aucune 
raison  d’être?  L’air  et  l’espace  ne  sont  pas  des  besoins  pour 
les  jeunes  oiseaux,  au  contraire  nous  voyons  beaucoup 
d’espèces  pondre  dans  des  trous  profonds  et  étroits ,  ou 
fabriquer  leur  nid  de  telle  sorte  que  la  communication  avec 
l’extérieur  soit  la  plus  petite  possible.  Sans  sortir  de  la 
famille  des  Hirondelles  ,  l’Hirondelle  de  rivage  ne  fait-elle 
pas  son  nid  au  fond  de  boyaux  profonds  et  sinueux  qui  ont 
souvent  de  40  à  oO  centimètres  de  longueur  et  le  Martinet 
qui  niche  dans  nos  toits ,  ne  prépare-t-il  pas  le  berceau  de 
ses  jeunes  sous  des  poutres  quelquefois  très- éloignées  de 
l’ouverture  par  où  l'oiseau  pénètre? 

Ce  n’est  pas  l’air  que  recherchent  les  oiseaux  pour  leurs 
petits,  c’est  avant  tout  la  chaleur  et  la  sécurité. 

Je  suis  loin  de  nier  qu’ils  obéissent  dans  la  fabrication  de 
leur  nid  à  une  espèce  de  raisonnement  individuel. Ils  savent 
changer,  par  exemple,  de  matériaux  selon  les  circonstances; 
comme  l’observe  M.  Pouchet,  avant  que  la  Cigogne  ne 
trouvât  des  cheminées  ,  elle  bâtissait  son  nid  ailleurs  et 
autrement  ;  avant  que  le  Loriot  ne  trouvât  des  bouts  de 
ficelle  et  des  étoupes ,  il  liait  son  nid  aux  branches  avec 
d’autres  liens.  Le  Pinson  tapisse  l’extérieur  de  son  nid  avec 
les  mêmes  mousses  ou  lichens  qui  garnissent  l’arbre  aux 
alentours,  pour  le  dissimuler  ainsi  aux  regards  ;  le  Moi¬ 
neau  ne  donne  pas  au  sien  la  même  forme  quand  il  le  place 
sur  un  arbre  que  quand  il  le  pose  dans  un  trou  de  mur. 

Il  n’y  aurait  donc  rien  que  de  très-naturel  à  supposer  que 
l’Hirondelle  diversifie  la  construction  de  son  habitation 


—  257  — 

selon  les  circonstances  et  les  localités  ;  mais  ce  qui  doit 
paraître  invraisemblable  c’est  que  l’espèce  ait  conçu  un  beau 
jour  le  dessein  de  faire  un  changement  de  parti-pris,  pour 
apporter  une  soi-disant  amélioration  qui  supposerait  que 
jusqu’aujourd’hui  son  instinct  l’a  trompée. 

Aussitôt  que  la  note  de  M.  Pouchet  fut  publiée,  je  me 
promis  de  vérifier  par  moi-même  son  assertion  en  temps 
opportun ,  mais  dès  lors  ma  mémoire  me  montrait  les  nids 
observés  depuis  mon  enfance  semblables  à  ceux  décrits  dans 
la  note  comme  affectant  la  forme  nouvelle.  Pour  corroborer 
mes  souvenirs  je  voulus  chercher  dans  les  vieux  auteurs  ce 
qu’ils  en  disaient.  J’ouvris  Pline  et  je  trouvai  qu’il  avait 
décrit  les  nids  de  l’Hirondelle  de  fenêtres  avec  une  précision 
qui  ne  laisse  aucun  doute. 

En  parlant  de  VHirundo  agresiis  ou  sylvestris  qui  est 
notre  urbica  il  dit  :  totos  supinos  faucibus  porrectis  in 
angustum,  utero  capaci  ;  ils  sont  couchés  (étendus  dans  leur 
sens  horizontal),  ayant  leur  ouverture  allongée  et  étroite, 
leur  circonférence  spacieuse.  N’est-ce  pas  à  peu-près  la 
phrase  de  M.  Pouchet  ?  Nous  voila  donc  avertis  que  sa  pré¬ 
tendue  amélioration  date  d’au  moins  1800  ans. 

Dès  que  la  saison  des  nids  d’Hirondelles  fut  arrivée  je  me 
mis  à  les  observer  à  Lille  et  aux  environs  et  voici  ce  que  je 
vis  :  à  Lille  l’Hirondelle  de  fenêtres  choisit  de  préférence  les 
maisons,  encore  assez  nombreuses  dans  les  anciens  quartiers, 
dont  la  façade  est  ornée  de  sculptures  et  qui  ont  sous  leur 
corniche  des  ornements  en  console.  Elle  aime  à  fixer  son 
nid  dans  les  angles  que  forment  les  enroulements,  l’édifice 
peut  avoir  ainsi  un  point  d’appui  pour  sa  base.  On  com¬ 
prend  dès  lors  que  la  forme  de  ces  nids  varie  beaucoup 
puisqu’elle  dépend  de  la  manière  dont  ils  sont  fixés  sur 
leur  appui  ;  même  quand  ils  sont  isolés,  ils  offrent  dans 
leur  circonférence  toutes  les  figures  depuis  la  demi-coupe 


—  258  — 

jusqu’au  demi-sphéroïde  allongé  dans  l’axe  horizontal  ; 
leur  entrée  est  presque  toujours  en  fente  oblongue ,  mais 
quelquefois  elle  s’arrondit  et  tend  à  affecter  la  forme  ronde 
appelée  par  M.  Pouchet  l’ancien  système. 

Faut-il  y  voir  l’œuvre  d’un  couple  retardataire,  qui  n’a 
pas  encore  compris  tout  les  bienfaits  du  progrès?  ce  serait 
tout  simplement  ridicule  ;  ces  entrées  plus  ou  moins  arron¬ 
dies  sont  généralement  placées  dans  les  coins,  aux  angles 
que  fait  l’extrémité  du  nid  avec  le  mur  ;  on  comprend  qu’en 
plaçant  en  cet  endroit  l’entrée  de  son  nid  l’oiseau  ne  peut  la 
prolonger  en  fente  et  qu’il  doit  nécessairement  l’arrondir 
pour  qu’elle  soit  suffisante. 

Dans  la  campagne  où  j’ai  aussi  examiné  beaucoup  de  nids, 
l’entrée  ronde  se  montre  plus  fréquente  ;  il  est  très-probable 
que  les  jeunes  étant  plus  exposés  aux  influences  de  la  tem¬ 
pérature  extérieure ,  les  parents  cherchent  à  les  leur  faire 
éviter  en  restreignant  le  plus  possible  l’ouverture  des  nids. 

En  somme,  mon  examen  m’a  persuadé  qu’il  n’y  a  rien  de 
tout  à  fait  absolu  dans  l’architecture  de  l’Hirondelle  de 
fenêtres  et  que  comme  la  plupart  des  autres  espèces  d’oi¬ 
seaux  ,  elle  la  varie  légèrement  d’après  certaines  circons¬ 
tances  que  nous  ne  pouvons  pas  toujours  apprécier  ;  mais 
ce  qu’elle  fait  aujourd’hui  elle  l’a  toujours  fait  dans  les 
mêmes  limites. 

Plusieurs  de  ceux  qui  ont  critiqué  les  observations  de 
M.  Pouchet  pensent  qu’il  s’est  trompé  pour  avoir  confondu 
les  nids  de  l’Hirondelle  de  fenêtres  et  ceux  de  l’Hirondelle  de 
cheminée.  Il  est  très-possible  en  effet  que  les  nids  à  ouver¬ 
ture  ronde  déposés  depuis  40  ans  au  Musée  de  Rouen 
appartiennent  à  cette  seconde  espèce  ;  cependant  H  est  bon 
de  faire  observer  que  l’Hirondelle  de  cheminée  varie  ses 
constructions  bien  plus  encore  que  l’autre  espèce ,  et  que 
chez  elle  les  ouvertures  rondes  font  généralement  exception. 


—  259  — 

Très -souvent  elle  donne  à  son  nid  une  forme  en  bénitier 
laissant  entre  le  bord  supérieur  et  le  plancher  ou  la  poutre 
qui  le  domine ,  un  intervalle  circulaire  régnant  sur  tout  le 
pourtour;  dans  les  cheminées,  il  est  tout  à  fait  découvert  ; 
plus  le  nid  est  préservé  de  l’air  extérieur  moins  il  est  fermé; 
j’en  ai  vu  d’ailleurs  qu’il  eut  été  bien  difficile  de  distinguer 
de  ceux  de  l’Hirondelle  de  fenêtres,  si  les  habitants  n’avaient 
pu  être  observés. 

Il  y  a  donc  dans  les  deux  espèces  d’Hirondelles,  la  même 
diversité  dans  la  forme,  et  si  M.  Pouchet  avait  porté  son 
attention  sur  THirondelle  de  cheminée,  il  eût  certes  trouvé 
tout  autant  de  motifs  d’émettre  son  système  de  perfection- 
nement. 

La  prétendue  découverte  de  M.  Pouchet  ne  change  donc 
rien  à  la  notion  généralement  admise  de  l’action  instinctive 
chez  les  animaux  ;  elle  ne  détruitpas  la  doctrine  de  Flourens: 
qu’il  n’y  a  point  d’instinct  général ,  que  par  conséquent  si 
l’individu  peut  progresser  par  l’éducation ,  l’espèce  ne  fait 
point  de  progrès,  et  que  la  génération  d’aujourdhui  n’est  pas 
supérieure  à  celle  qui  l’a  précédée,  pas  plus  que  la  géné¬ 
ration  qui  doit  suivre  ne  surpassera  celle  d’aujourd’hui. 

A.  DE  Norguet. 

NOTICE  SUR  LA  DÉCOUVERTE  DES  INSTRUMENTS  EN  SILEX 
DANS  l’arrondissement  DE  VALENCIENNES. 

Il  y  a  longtemps  que  des  instruments  en  silex  ont  été 
recueillis  dans  l’arrondissement  de  Valenciennes. 

La  collection  Bénézech  aujourd’hui  au  Musée  de  Valen¬ 
ciennes  renfermait  plusieurs  échantillons  de  haches  en 
silex  poli  ;  mais  sans  indication  des  localités  où  ces  vestiges 
des  anciens  travaux  de  l’humanité  avaient  été  trouvés. 

M.  Leflan,  employé  au  bureau  des  Hospices  de  Valen¬ 
ciennes,  possède  aussi  depuis  nombre  d’années  quelques 


—  260  — 

échantillons  de  haches  polies  trouvées  dans  la  forêt  de 
Raisinés,  en  creusant  des  fossés. 

J’ai  recueilli  il  y  a  une  douzaine  d’années  ,  au  faubourg 
de  Paris,  un  bel  échantillon  de  hache  en  silex  poli;  jus¬ 
que  là  les  découvertes  se  bornaient  à  quelques  instruments 
épars  et  dont  l’origine  n’était  pas  bien  constatée. 

Il  y  a  deux  ans  le  physicien  prestidigitateur,  Antoine 
Lassubez  vint  donner  à  Valenciennes  quelques  représen¬ 
tations. 

Lassubez  s’était  livré  depuis  plusieurs  années  à  la  recher¬ 
che  des  instruments  en  pierre  taillée  ;  dans  un  de  ses  voya¬ 
ges  ,  il  fit  dans  la  forêt  de  Nemours  une  découverte  assez 
importante  d’instruments  de  toutes  espèces  ;  cette  décou¬ 
verte  enflamma  son  zèle  et  lui  donna  la  fièvre  des  re¬ 
cherches. 

A  peine  arrivé  à  Valenciennes,  il  s’enquit  des  endroits 
qui  avaient  pu  être  fréquentés  par  les  Romains;  on  lui 
désigna  le  mont  Jovis,  situé  près  de  Famars,  où  Lassubez 
découvrit  une  assez  grande  quantité  de  fragments  parmi 
lesquels  je  dois  citer  tout  particulièrement  un  échantillon 
de  grattoir  entièrement  semblable  à  celui  qui  est  figuré 
dans  les  promenades  préhistoriques  de  Mortillet,  page  104, 
fig.  52. 

Lassubez  me  fit  part  de  sa  découverte  et  quelques  jours 
après  je  me  rendis  au  mont  Jovis  où  je  ramassais  quelques 
échantillons  insignifiants. 

Je  fus  plus  heureux  à  une  seconde  excursion ,  je  trou¬ 
vai  à  200  mètres  à  l’est  du  sommet  du  mont ,  au  milieu 
d’un  tas  de  cailloux  ramassés  sur  le  terrain ,  un  fragment 
de  marteau  hache  en  très-mauvais  état  il  est  vrai,  mais 
suffisamment  conservé  encore  pour  reconnaître  la  trace  du 
trou  d’emmanchure  ,  la  situation  du  taillant ,  etc. 

Dans  diverses  explorations  ,  nous  avons  trouvé  en  outre 


—  261  — 

de  nombreux  fragments  dits  couteaux  ,  des  racloirs  et  deux 
silex  arrondis ,  connus  sous  le  nom  de  marteaux. 

M.  Cellier,  rédacteur  du  Courrier  du  Nord  ^  s’est  livré 
également  à  des  explorations  très-fructueuses  et-a  conservé 
un  grand  nombre  de  fragments  de  silex  taillés,  trouvés  à 
Famars. 

Enfin  il  y  a  peu  de  temps ,  M.  Duriez  a  trouvé  un  tran¬ 
chant  détérioré  de  hache  en  silex  à  peu  de  distance  de  la 
route  de  Famars. 

Les  silex  trouvés  au  mont  Jovis  paraissent  susceptibles 
d’être  divisés  en  deux  catégories  :  on  y  trouve  du  silex  noir 
couvert  d’une  patine  blanche  très-épaisse  et  du  silex  gris , 
dépourvu  de  patine,  complètement  étranger  à  notre  contrée. 
Ce  dernier  entre  surtout  dans  la  confection  des  instruments 
polis,  le  premier  au  contraire  constitue  communément  les 
grattoirs  ,  couteaux  et  autres  éclats  plus  ou  moins  im¬ 
portants. 

Ce  qui  m’a  frappé  dans  ces  recherches,  c’est  que  ces  ins¬ 
truments  sont  surtout  répandus  sur  les  sommets  les  plus 

élevés  de  la  vallée  de  l’Escaut.  Farez  , 

professeur  d’histoire  naturelle  au  Collège  de  Valenciennes. 


CHRONIQUE 

ivéerologîe. —  M.  Charles  Gaudelet,  peintre-verrier, 
à  Lille ,  est  décédé  le  3  août  dernier.  M.  Gaudelet  était  un 
artiste  habile.  La  Société  impériale  des  Sciences  et  des  Arts 
de  Lille  lui  a  décerné,  dans  sa  séance  publique  de  1860, 
une  médaille  d’or.  L’église  de  Saint-Maurice  à  Lille  doit  aux 
pinceaux  de  M.  Gaudelet  ses  meilleurs  vitraux.  Il  a  tra¬ 
vaillé  à  ceux  de  la  cathédrale  de  Cologne  et  il  a  exécuté  à 
Paris  les  six  verrières  de  l’église  Saint-Louis.  M.  Gaudelet 
était  membre  de  la  Commission  du  Musée  d’archéologie. 


—  262  — 

Collectionneur  éclairé ,  il  laisse  un  cabinet  curieux  et  fort 
apprécié  des  connaisseurs.  A.  D. 

—  L’Entomologie  vient  de  perdre  un  de  ses  plus  grands 
maîtres.  M.  Théodore  Lacordaire,  professeur  de  zoologie  et 
recteur  à  l’Université  de  Liège,  est  mort  le  18  juillet,  à 
l’âge  de  69  ans. 

Il  était  né  à  Recey-sur-Ource  (Côte  d’or)  et  était  frère  de 
l’illustre  prédicateur. 

Son  goût  prononcé  pour  l’histoire  naturelle  lui  fit  entre¬ 
prendre  de  1825  à  1832,  quatre  voyages  successifs  dans 
l’Amérique  du  Sud  ;  il  en  rapporta  d’innombrables  insec¬ 
tes  ,  en  grande  partie  nouveaux. 

En  1835,  il  devint  professeur  à  l’Université  de  Liège, 
qu’il  n’a  plus  quittée.  Ses  travaux  enlomologiques  sont  très- 
nombreux  ;  il  publia  une  foule  de  Mémoires  dans  les  Revues 
spéciales,  une  Monographie  des  Erotyliens^  une  Mono¬ 
graphie  des  Coléoptères  subpentaméres  de  la  famille  des 
Phytophages  et  un  Généra  des  Coléoptères  dont  neuf  vo¬ 
lumes  ont  paru.  Ce  dernier  ouvrage,  malheureusement 
inachevé ,  absorba  tous  ses  loisirs  pendant  plus  de  quinze 
années  ;  c’est  certainement  le  travail  général  le  plus  com¬ 
plet  et  le  mieux  fait  sur  l’ordre  immense  des  coléoptères.  Il 
fait  partie  des  Suites  à  Buffon  de  l’éditeur  Roret.  Cette 
même  collection  a  publié  de  lui  en  1834,  une  Introduction 
à  r Entomologie^  en  deux  volumes. 

Lacordaire  a  succombé  aux  fatigues  incessantes  que  lui 
imposait  son  opiniâtreté  au  travail ,  et  plus  encore  peut-être 
au  chagrin  que  lui  causa  la  perte  d’une  fille  chérie  qui 
avait  succombé  le  2  juillet  dernier,  à  l’âge  de  24  ans.  La 
science  entomologique  pleure  en  lui  un  maître ,  tous  les 
entomologistes,  un  ami,  et  tous  ceux  qui  l’on  connu,  un 
homme  de  cœur.  A.  de  Norguet. 


—  265  — 


Météorologie  :  JUILLET 

1870 

Température  moyen  ne .  18.®  98 

»  »  des  maxima .  23.“  96 

J»  B  des  minima . 14.®  01 

1  extrême  minima,  le  !.. .  9.”  30 

»  »  maxima,  le  2o.  31.®  40 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.® _  760““00 

»  hauteur  extrême  minima ,  le  11 .  734^60 
IBB  maxima ,  le  20.  769f"60 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  1 1”“28 

Humidité  relative  moyenne  % .  66.0 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie . 100^39 

B  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  14oT"40 


JUILLET 
année  moy. 
17.®  72 


760?"  32 


11?“08 

69.72 

60?"71 

140?"98 


Le  mois  de  juillet  met  un  terme  aux  longs  jours  de  séche¬ 
resse  observés  pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin.  La  tem¬ 
pérature  de  l’air  est  au-dessus  de  la  moyenne ,  mais  des 
pluies  assez  fréquentes  (1o)  viennent  rafraichir  la  terre,  les 
rosées  et  les  brouillards  sont  nombreux,  néanmoins  l’humi¬ 
dité  des  couches  atmosphériques  voisines  du  sol  est  encore 
inférieure  à  la  moyenne.  La  pression  barométrique  indique 
une  humidité  moyenne  des  couches  élevées ,  la  nébulosité 
du  ciel  est  tout  à  fait  en  harmonie  avec  les  indications 
barométriques. 

Le  H ,  commence  une  série  d’orages  (8)  qui  se  succèdent 
à  de  cours  intervalles  jusqu’à  la  fin  du  mois. 

Parmi  ces  orages  qui  n’offrirent  rien  de  particulier,  je  ne 
puis  m’empêcher  de  signaler  celui  du  27 ,  remarquable  par 
l’énorme  quantité  de  pluie  recueillie  à  Lille  et  dans  beau¬ 
coup  de  localités  voisines  de  la  ville. 

Pendant  la  nuit  le  ciel  avait  été  serein  et  il  y  avait  eu  une 
rosée  abondante  ;  le  matin  le  ciel  se  couvrit  de  nuages ,  cet 
état  dura  toute  la  matinée  ;  un  vent  faible  soufflait  du 
N.-N.-O.  ;  à  1  heure  30  m.  il  tomba  de  larges  gouttes  de 
pluie  ;  2  h.  35  ,  premier  coup  de  tonnerre  accompagné  de 


264  — 

pluie,  les  nuages  orageux  appartenant  à  la  2.®  couche 
venaient  très-lentement  du  N.-E.  ;  vers  3  h.  IS,  le  vent 
passe  au  S. -O,  puis  au  S. ,  une  couche  vaporeuse  suit  la 
même  direction ,  l’orage  continue ,  les  nuages  électriques 
viennent  du  S.-S.-O ,  la  2.®  couche,  électrique  aussi,  venant 
toujours  du  N.-E.  ;  pluie  torrentielle  mêlée  d’un  peu  de 
grêle.  4  h.  15,  fin  de  l’orage  et  de  la  pluie.  5  h.,  nouvel 
orage  ,  vent  N.-O  faible  ,  nuages  ,  2.®  couche  E.-N.-E. 
marche  très-lente.  6  h.  15 ,  fin  de  cet  orage.  6  h.  30  petite 
pluie.  7  h.  45,  ciel  couvert  de  nuages  jaunes  aurores,  E.- 
N.-E.,  2.®  couche.  La  pluie  cesse  à  8  h.  10.  A  10  h.  le  ciel 
est  couvert  de  grands  cumulo-stratus,  des  éclairs  sans  ton¬ 
nerre  se  succèdent  avec  rapidité  à  l’hozizon  E.  Minuit, 
brouillard  ,  vent  assez  fort  N.  Pendant  cet  orage  il  est 
tombé  en  1  heure  30  m.  54“™  45  de  pluie. 

Depuis  20  ans ,  la  plus  grande  quantité  de  pluie  recueillie 
en  24  heures  n’avait  été  que  de  40““. 71,  le  18  octobre 
1854  ,  bien  moindre  on  le  voit  que  celle  du  27  juillet  1870. 

La  température  atmosphérique  moyenne  du  mois  a  été 
supérieure  à  celle  du  mois  correspondant  d’une  année 
moyenne,  aussi  l’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  fut- 
elle  plus  grande  que  la  moyenne. 

Les  vents  dominants  soufflèrent  du  S. -O.  et  du  N.  Le 
nombre  des  brouillards  fut  de  29  ;  celui  des  rosées  de  24  ; 
celui  des  jours  de  pluie  de  15  et  grâce  à  la  quantité  excessive 
recueillie  le  27 ,  l’épaisseur  totale  de  la  couche  d’eau  plu¬ 
viale  dépassa  de  beaucoup  la  moyenne. 

A  la  période  de  sécheresse  a  succédé  une  période  d’humi¬ 
dité  qui  pourrait  être ,  pour  nos  récoltes  du  Nord ,  aussi  pré¬ 
judiciable  que  le  fut  le  manque  d’eau  pour  les  prairies  et  les 
jardins.  V.  Meurein. 

Le  Gérant  :  E.  Gastiaux. 


TYP.  DE  BLOCQUEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2.'  Année.  —  N.°  9.  —  Septembre  1870. 


'  '  TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

ACADÉMIE  DE  LA  SOMME. 

Mémoires,  t.  vu  (2.*  série). 

Ce  volume  commence  par  le  Compte-rendu  de  la  Séance 
publique  du  8  novembre  1868. 

M.  le  docteur  Lenoël  ,  directeur  de  l’Académie,  après 
avoir  rappelé  comment  les  découvertes  purement  scien¬ 
tifiques  amènent  des  résultats  pratiques  qu’on  ne  pouvait 
d’abord  soupçonner,  parle  de  l’influence  que  doivent 
exercer  les  Académies  sur  les  études  scientifiques.  Aux 
rapports  ordinaires  sur  les  travaux  de  l’Académie  et  sur  les 
concours  ,  est  venue  s’ajouter  la  lecture  de  deux  pièces 
de  poésie.  Sous  le  titre  de  Mes  Voyages,  feu  M.  Berville,  an¬ 
cien  membre  de  l’Académie,  a  exprimé  en  vers  harmonieux 
son  affection  pour  Amiens ,  sa  ville  natale.  Les  Deux  direc¬ 
teurs  de  M.  Yvert  sont  une  critique  spirituelle  des  mœurs 
théâtrales.  Le  directeur  d’un  petit  théâtre  de  Paris  ren¬ 
contre  son  confrère  de  Carpentras  et  ils  se  font  mutuel¬ 
lement  confidence  de  leurs  ennuis. 

Le  volume  renferme  en  outre  quelques  vers  du  docteur 
Courtillier. 

C’est  encore  faire  de  la  poésie  que  de  s’occuper  d’Hélène , 
non  pas  de  la  Belle  Hélène,  dont  M.  Y>ert  déplore  la  substi¬ 
tution  aux  chefs-d’œuvre  de  Corneille,  mais  de  l’Hélène  qui 
inspira  Homère.  M.  H.  Dauphin  voit  en  Hélène,  le  type  du 
beau  dans  l'art  grec.  Tandis  que  beaucoup  d’auteurs  repré¬ 
sentent  la  fille  de  Léda  comme  une  femme  sans  pudeur,  pas- 


—  266  — 

sant  des  bras  d’illustres  et  nombreux  amants  dans  ceux  de 
son  mari,  les  quittant  pour  s’enfuir  avec  Paris,  se  faisant 
pardonner  sa  faute  par  Ménélas  en  lui  livrant  Deiophobe  qui 
avait  succédé  à  Paris  dans  sa  couche ,  trouvant  enfin  une 
mort  ignominieuse  et  bien  méritée  ,  Homère  au  contraire , 
nous  la  peint  comme  digne  de  sa  beauté  ;  enlevée  de  force 
par  Paris,  elle  trouve  dans  son  repentir  le  pardon  d’un 
moment  de  faiblesse  et  retourne  à  Sparte  remplir,  auprès  de 
Ménélas,  les  devoirs  de  la  plus  tendre  épouse.  A  cette  étude, 
M.  Dauphin  a  joint  une  traduction  de  l’éloge  d’Hélène 
par  Isocrate. 

M.  Durieux,  président  de  la  Société  philharmonique  a 
consacré  quelques  pages  à  la  biographie  de  deux  artistes 
qui  se  sont  fait  entendre  à  Amiens  :  le  violoniste  Sivori  et 
la  célèbre  cantatrice  M.*"®  Sontag  ^  devenue  depuis  com¬ 
tesse  de  Rossi. 

L’Académie  d’Amiens  s’occupe  volontiers  de  philosophie: 
elle  aborde  les  problèmes  les  plus  ardus  et  les  plus  difficiles, 
tels  que  l’origine  des  êtres ,  la  nature  de  la  vie ,  la  cause  de 
la  mort  naturelle ,  etc.  Nous  ne  la  suivrons  pas  sur  ce 
terrain  brûlant,  où  le  penseur,  quoiqu’il  fasse,  se  laisse  tou¬ 
jours  guider  par  des  idées  préconçues  et  où  on  passe  insen¬ 
siblement,  de  la  discussion  académique  aux  polémiques  les 
plus  ardentes  et  les  plus  passionnées. 

Les  questions  générales  ont  été  traitées  par  M.  Guillon , 
ingénieur  du  chemin  de  fer  du  Nord ,  dans  son  discours  de 
réception,  parM.  Lenoël  dans  la  réponse  à  ce  discours  et  par 
M.  Martial-Roussel.  La  discussion  s’est  ensuite  spécialisée 
sur  les  causes  de  la  mort  naturelle  ,  entre  MM.  Lenoël , 
Martial-Roussel  et  Daussy. 

Sur  la  cause  de  la  chaleur, — M.  Mathieu  combat  la  théorie 
qui  attribue  la  chaleur  à  un  mouvement  particulier  des 
atômes  ;  il  préfère  l’ancienne  théorie  du  calorique. 


—  267  — 

Jéhovah  et  Agni  ;  Etude  biblico-védique ,  par  M.  Obry.  — 
L’auteur  recherche  quelle  est  la  véritahle  prononciation  du 
tétragramme  hébraïque  IHUH,  (*)  ce  nom  mystérieux  de 
Dieu,  entouré  de  tant  de  respect  qu’il  fut  interdit  aux  juifs 
de  le  prononcer.  Nous  ne  pouvons  le  suivre  dans  ses  savantes 
et  fort  longues  considérations  :  sa  conclusion  est  qu’il  y  a 
quatre  prononciations  :  Yahuh  ,  Yahô ,  Yahvah  ,  Yahvô  , 
les  deux  premières  sacerdotales  et  sacrées ,  les  deux  autres 
populaires  et  profanes. 

Enfin  M.  Garnier  a  détaché  de  son  Histoire  de  V Académie 
d’Amiens  un  chapitre,  et  ce  n’est  pas  le  moins  important , 
concernant  les  finances  de  la  Compagnie.  Il  montre  l’Aca¬ 
démie  jouissant ,  antérieurement  à  la  Révolution ,  d’une 
situation  prospère  qu’elle  devait  à  la  générosité  des  grands 
seigneurs ,  ses  protecteurs  ;  elle  recevait ,  en  outre  ,  une 
somme  de  2000  livres  sur  l’octroi  de  la  province. Après  avoir 
été  supprimée  avec  toutes  les  autres  académies  ou  sociétés 
littéraires,  le  8  août  1793,  elle  se  reconstitua  comme 
Société  d’agriculture,  le  16  ventôse,  an  vu.  Mais  ses  res¬ 
sources  furent  alors  limitées  à  une  subvention  du  Conseil 
Général ,  qui  de  1000  fr.  fut  réduite  en  1847  à  la  somme  de 
500  fr.  M.  Garnier  termine  en  se  demandant  c<  si  les  aca¬ 
démies  d’autrefois  n’étaient  pas  dans  une  meilleure  position 
que  celles  d’aujourd’hui  ;  si  elles  n’avaient  pas  sur  des 
budgets  généralement  fort  restreints,  une  plus  large  part.  » 

L’Académie  d’Amiens  a  acquis  ,  en  1869 ,  trois  nouveaux 
membres  : 

MM.  De  Beaussire  ,  Conservateurs  de  Forêts  ; 

Leleu  ,  Professeur  d'histoire  au  Lycée  ; 

Kolb  ,  Directeur  de  l'Usine  de  Produits  chimiques. 

J.  Gosselet. 


(*)  Bulletin  i ,  p .  62 . 


268 


.  ‘  .  V  SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  LAON. 

"  Bulletin,  t.  xviii. 

La  Société  académique  de  Laon  ,  dont  nous  avons  déjà 
fait  connaître  l’origine  et  la  composition  (Bulletin^  t.  i, 
p.  127)  compte  actuellement  vingt  années  d’existence.  Son 
Secrétaire-général,  M.  Ed.  Fleury,  résume,  avec  un 
légitime  orgueil,  les  travaux  de  cette  compagnie.  Depuis 
1850,  date  de  sa  fondation,  elle  a. publié  19  volumes, 
dont  18  de  Bulletins  ^  et  un'  de  Mémoires  contemporains 
de  la  Ligue.  Ce  dernier  volume ,  qui  ne  le  cède  pas  en 
intérêt  aux  mémoires  du  baron  de  Vuorden,  dont  j’ai 
récemment  achevé  l’analyse,  sera  prochainement  ici  l’objet 
d’un  compte-rendu  analogue. 

Pour  aujourd’hui ,  je  ne  m’occuperai  que  du  tome  xviii 
des  Bulletins. 

Deux  des  travaux  renfermés  dans  le  présent  volume  sont 
déjà  connus  de  nos  lecteurs  par  la  succincte  analyse  que 
nous  en  avons  faite. 

En  rendant  compte  de  la  réunion  générale  des  Sociétés 
savantes  de  ndars-avril  1869  (Bulletin,  t.  i,  p.  114) ,  nous 
avx)ns  signalé  l’opinion  de  M.  Ed.  Fleury  relativement  à  la 
date  des  chapiteaux  de  l’église  de  Chivy  (Aisne). 

Partant  de  ce  principe  «  que  l’art ,  à  toute  époque  histo¬ 
rique  donnée,  est  un  et  conduit  dans  les  mêmes  voies, 
dans  les  mêmes  habitudes  de  l’œil  et  de  la  main ,  tous  ceux 
qu’il  inspire,  qu’ils  manient  ou  le  crayon  du  dessinateur, 
ou  le  pinceau  du  peintre,  ou  l’ébauchoir  du  sculpteur,  ou  le 
burin  du  ciseleur  ,  »  M.  Fleury  interroge  les  œuvres  des  bi¬ 
joutiers  et  des  potiers  exhumées  des  fouilles  qui  ont  été  fai¬ 
tes,  depuis  quelques  années ,  dans  un  grand  nombre  de  sé¬ 
pultures  dites  mérovingiennes;  il  en  compare  le  mode  et  les 
détails  d’ornementation  avec  les  sculptures  des  chapiteaux 


—  269  — 

de  Chivy,  y  trouve  d’assez  nombreuses  analogies  et  conclut 
que  ces  chapiteaux  remontent  aux  temps  mérovingiens. 

Comme  toute  idée  neuve  et  hardie,  celle  émise  par 
M.  Fleury  ne  pouvait  manquer  de  soulever  la  contradiction. 
M.  Déy  admet  volontiers  «  l’intimité  de  tous  les  arts  entre 
eux ,  leur  union  fraternelle  et ,  en  quelque  sorte ,  solidaire, 
à  une  époque  quelconque  ;  »  mais  il  nié  «  qu’aussitôt  qu’un 
genre  d’ornementation,  une  création  de  forme,  une  com¬ 
binaison  de  lignes  ont  été  imaginés,  même  par  un  ciseleur 
ou  un  potier,  ces  détails  passent  immédiatement  d’un  art  à 
un  autre.  » 

Les  arts  d’imitation  (  ajoute-t-il  )  peuvent  certainement 
saisir  ces  formes  nouvelles  du  jour  au  lendemain  et  les 
reproduire  ;  mais  l’architecture,  qui  est  un  art  créateur,  ne 
s’associe  point  ainsi  à  tous  les  caprices  du  jour  :  elle  va  len¬ 
tement  parce  que  ces  œuvres  sont  chères  et  durables,  et  son 
but,  avant  tout,  étant  de  satisfaire  à  des  besoins,  elle 
n’adopte  que  ce  qui  convient  à  la  gravité  de  son  caractère. 
Conservatrice  de  sa  nature,  elle  garde  longtemps  enfin  les 
formes  qu’elle  a  une  fois  admises.  Pendant  des  siècles,  le 
plein-cintre  a  protesté  contre  l’ogive  ,  et ,  quand  il  a  cédé , 
l’arcature  ogivale ,  par  une  sorte  de  transaction ,  a  reçu  de 
lui  la  plus  grande  partie  de  ses  moyens  décoratifs. 

Si  donc  on  se  demande,  d’une  part,  combien  de  temps 
peut  mettre  un  architecte  à  s’approprier  certains  ornements 
du  potier  et  du  ciseleur  et ,  d’autre  part ,  combien  de  temps 
il  peut  les  retenir  avant  de  les  abandonner ,  on  ne  saurait 
considérer  comme  étant  nécessairement  contemporains  les 
similaires  des  uns  et  des  autres. 

La  similitude,  dans  ce  cas,  prouve  seulement  que  l’imi¬ 
tation  n’est  pas  antérieure  au  type:  car  elle  peut  toujours 
indéfiniment  descendre. 

En  fait ,  M.  Déy  conteste  que  l’ornementation  des  chapi¬ 
teaux  de  Chivy  date  de  l’époque  mérovingienne  :  il  affirme 
même  que  cette  époque  n’a  pas  eu  d’art  architectural  qui 
lui  fût  propre. 

On  voit ,  par  ces  simples  indications ,  quelle  est  la  portée 


—  270  — 

du  problème  archéologique  qui  se  discute  au  sein  de  la 
Société  académique  de  Laon. 

Dans  la  même  session  des  sociétés  savantes  où  M.  Fleury 
faisait  part  aux  archéologues  de  ses  vues  sur  les  chapiteaux 
de  Chivy ,  M.  Matton ,  archiviste  de  l’Aisne ,  lisait  sa  notice 
sur  les  enseignes  et  les  lavages  de  Saint-Firmin  de  la  F  ère. 
Vers  la  fin  du  xv.«  siècle,  les  pèlerins  affluaient  dans  la 
maladrerie  de  La  Fère  :  ils  y  achetaient  des  enseignes  (mé¬ 
dailles)  à  l’image  du  saint,  et  des  fioles  contenant  de  l’eau 
dans  laquelle  ses  ossements  avaient  été  plongés.  Les  en¬ 
seignes  métalliques  étaient  affectées  à  deux  usages  :  les 
grandes  se  portaient  au  bonnet,  les  petites  au  cou.  L’auteur 
indique  le  prix  auquel  se  vendaient  les  unes  et  les  autres , 
ainsi  que  leur  mode  de  fabrication.  Elles  étaient  générale¬ 
ment  de  plomb  ou  d’étain  ;  mais  il  y  en  avait  dans  la  compo¬ 
sition  desquelles  entrait  de  l’argent.  Une  image  de  saint 
Firmin^  coudée  à  façon  de  houlette,  valait  un  sou  en  1510. 
En  1503,  un  marchand  de  La  Fère,  Percheval  Bourgeois , 
livre  en  deux  fois  «  trois  quarterons  de  bouteilles  à  mettre 
les  lavemens  du  saint.  »  Pierre  Duflos ,  son  compatriote  et 
concurrent ,  donne ,  moyennant  trois  sous ,  «  une  douzaine 
de  fyoles  de  voire  affectées  à  pareille  destination.  i>  63  bou¬ 
teilles  coûtent,  en  1515,  7  sous,  6  deniers.  La  maladrerie  en 
achetait  encore  132 ,  deux  ans  après.  La  réforme  et  les 
guerres  de  religion  portèrent  un  grand  préjudice  au  culte 
de  saint  Firmin  de  la  Fère. 

Nous  retrouvons,  dans  le  t.  xviii  des  Bulletins  de  l’Aca¬ 
démie  de  Laon,  à  côté  de  la  curieuse  notice  que  nous 
venons  d’analyser ,  des  notes  du  même  auteur  sur  le  lot , 
les  présents  ,  les  obligations  verbales ,  la  chasse  et  les  chiens 
dans  le  Nord  de  la  France.  M.  Matton  excelle  à  recueillir 
les  traits  de  mœurs ,  les  faits  piquants  ,  les  habitudes  de  la 
vie  de  nos  pères.  Voici  comment  la  Revue  des  Sociétés  sa- 


--  271  — 

vantes  (4.®  série,  t.  vi ,  p.  79)  rendait  compte  de  ce  dernier 
mémoire  lu  en  Sorbonne  à  la  session  d’avril  1867. 

Puisé  sans  commentaires  dans  différents  dépôts  d’archives 
du  Nord  de  la  France,  ce  travail  fait  connaître  des  us  et  cou¬ 
tumes  échappés  aux  savantes  recherches  d’Alexis  Monteil  et 
de  Legrand  d’Aussy.  Il  traite  de  la  mesure  de  capacité  que 
l’on  appelait  le  lot  et  de  son  usage  habituel  dans  toutes  les 
conventions,  usage  dont  nous  retrouvons  aujourd’hui  la 
trace  dans  le  pot-de-vin.  De  cette  habitude  du  lot,  qui 
amenait  la  franchise  entre  les  contractants,  M.  Matton  passe 
à  l’usage  de  la  conclusion  de  traités  à  main  ouverte,  où  l’on 
se  présentait  et  se  serrait  la  main  fortement  en  signe  de 
parfait  accord.  C’était  ainsi  que  se  contractaient  les  obliga¬ 
tions  verbales,  où  le  gant  restait  parfois  à  l’une  des  parties 
en  signe  d’investiture.  Cette  main  tendue  réparait  au  xv.® 
siècle  en  filigranes  sur  les  papiers  qui  servaient  à  recevoir 
les  actes. 

Un  autre  usage  très-curieux  ,  relaté  par  M.  Matton,  c’est 
celui  de  la  destruction  périodique  d’une  multitude  de  chiens 
errants  qui,  trouvant  leur  pâture  dans  les  villes,  y  rendaient 
de  grands  services  pour  l’assainissement  des  voies  publiques, 
dont  la  propreté  était  trop  négligée  par  nos  pères.  Mais  la 
multiplication  illimitée  de  ces  animaux  et  les  dégâts  qu’ils 
causaient  aux  environs  forçaient  à  les  détruire  et  avaient 
donné  naissance  au  métier  de  tueur  de  chiens.  Les  tueurs 
allaient  de  ville  en  ville,  traitant  partout  avec  les  prévôts 
et  gouverneurs ,  moyennant  24  deniers  la  douzaine  de  vic¬ 
times,  avec  condition  de  les  enfouir. 

Le  travail  de  M.  Matton  est  accompagné  de  citations  très- 
intéressantes ,  extraites  des  comptes  de  diverses  munici¬ 
palités.  On  y  voit  les  présents  de  perdreaux,  de  bécasses, 
de  fromages,  de  pommes,  de  vin,  etc.,  que  les  villes 
offraient  aux  magistrats  et  gouverneurs  dont  elles  pouvaient 
espérer  une  intervention  efficace  dans  leurs  affaires. 

M.  Matton  a  encore  enrichi  le  t.  xviii  des  Bulletins  de 
l’Académie  de  Laon  d’un  notice  sur  la  prévôté  de  Ribémont, 
dont  les  archives  remontent  à  la  première  moitié  du  xvii.® 
siècle.  En  ces  temps  calamiteux,  l’autorité  du  prévôt  n  était 
pas  très-grande.  Des  étrangers  réfugiés  dans  son  ressort 
osaient  dire  hautement  que  la  justice  n’y  régnait  pas  et 


—  272  — 

«  que  les  officiers  de  Ribémont  avaient  les  ailes  coupées.  »  — 
Le  prévôt  n’en  rendait  pas  moins  de  fréquentes  ordon¬ 
nances  de  police,  défendant,  tantôt  de  cueillir  des  herbes 
dans  les  blés  verts  ou  d’y  mener  paître  les  bestiaux ,  tantôt 
de  faire  cbampier  plus  d’un  bête  ovine  par  arpent  de  terre , 
tantôt  enfin  de  se  déguiser  en  habit  de  religion ,  de  contre¬ 
faire  l’ermite,  etc. —  Des  usages  assez  bizarres  étaient  tolérés  : 
la  jeunesse  de  chaque  village  se  réunissait  dans  un  cabaret, 
le  jour  de  saint  Nicolas  ,  sous  la  présidence  du  maire,  pour 
élire  un  prince.  Le  prince  acquérait  le  droit  de  faire  la  révé¬ 
rence  au  seigneur  et  d’ouvrir  la  danse;  on  l’ornait  de 
rubans  de  couleur  pour  cette  cérémonie.  D’autres  fois,  on  se 
procurait  de  la  poudre  et  de  mauvais  pistolets,  avec 
lesquels  on  célébrait  tapageusement  les  baptêmes ,  sauf  à 
exiger  la  bienvenue  des  parrains  et  marraines. —  La  prévôté 
de  Ribémont  donnait  dans  les  mêmes  erreurs  économiques 
que  la  plupart  des  justices  royales  du  temps  :  elle  inter¬ 
disait  au  moissonneur  l’usage  de  la  faux  et  ne  lui  accordait 
que  celui  de  la  faucille  :  elle  l’empêchait  de  disposer  libre¬ 
ment  de  ses  chaumes,  ne  lui  laissant  que  la  stricte  provision 
nécessaire  pour  la  couverture  de  ses  bâtiments,  les  besoins 
de  sa  famille  et  de  ses  bestiaux.  —  De  fréquents  conflits  de 
juridiction  ayant  éclaté  entre  la  prévôté  et  le  bailliage  de 
Ribémont,  la  réunion  des  deux  sièges  fut  prononcée  en  1742. 

M.  l’abbé  Poquet  rend  compte,  dans  le  t.  xviii  des 
Bulletins ,  de  l’excursion  que  la  Société  académique  de 
Laon  a  faite  aux  ruines  de  Saint-Lambert  et  de  Saint-Ni- 
colas-aux-Bois ,  le  9  juin  1867. 

Le  même  auteur  donne  ensuite  une  monographie  com¬ 
plète  de  V Abbaye  de  Longpont  en  Soissonnais. 

Fille  de  Citeaux ,  l’abbaye  de  Longpont  doit  son  origine  à 
l’action  combinée  de  saint  Bernard  et  de  Joscelin,  évêque  de 
Soissons ,  ainsi  qu’aux  bienfaits  de  Gérard  de  Chérisy  et  de 


—  273  — 

Raoul  IV,  comte  de  Vermandois.  Raoul  V,  successeur  de  ce 
dernier,  le  grand  ministre  Suger,  Louis  VII  et  Philippe- 
Auguste,  Thibaud  de  Champagne  et  Raoul  de  Soissons 
contribuèrent  à  enrichir  ce  monastère  dont  les  possessions 
furent  successivement  confirmées  par  les  papes  Innocent  II, 
Eugène  III,  Alexandre  III ,  Célestin  III  et  Grégoire  IX. 
Saint  Louis ,  à  peine  âgé  de  quinze  ans  ,  visita  l’abbaye  de 
Longpont  et  lui  fit  plus  tard  de  nouveaux  dons. 

Fondée  dans  un  lieu  humide  et  malsain,  suivant  les  pres¬ 
criptions  de  la  règle  cistercienne,  l’abbaye  de  Longpont 
exerça  autour  d’elle  une  influence  salutaire  :  elle  présida  à 
la  transformation  morale  et  matérielle  du  vallon  sauvage  où 
elle  se  trouvait  encaissée.  Les  guerres  des  xiv.®  et  xv.® 
siècles  lui  furent  funestes ,  moins  toutefois  que  les  agita¬ 
tions  religieuses  du  xvi.®  et  les  scandaleux  abus  de  la  Com- 
mende.  La  Révolution  française  lui  porta  le  dernier  coup. 

La  basilique  de  Longpont,  bâtie  au  xii.®  siècle  sur  le 
plan  des  grandes  cathédrales  avec  quelques  modifications 
dues  aux  exigences  monastiques  ,  comptait  parmi  les  plus 
beaux  édifices  du  Royaume.  M.  l’abbé  Poquet  la  décrit  en 
archéologue  consommé  :  il  nous  introduit  ensuite  dans  les 
cloîtres  et  autres  bâtiments  ;  puis  il  nous  mène  dans  l’église 
actuelle  ,  où  il  nous  fait  admirer  les  châsses  contenant  une 
partie  des  reliques  de  saint  Denis  l’Aréopagite  que  Bau- 
duin  IX,  comte  de  Flandre ,  devenu  empereur  de  Constan¬ 
tinople  ,  envoya  à  Nivelon  de  Ghérisy ,  évêque  de  Laon. 
Non  loin  de  cette  châsse,  on  remarque  la  cassette  reliquaire 
du  bienheureux  Jean  de  Montmirail ,  l’une  des  gloires  de 
l’ancienne  abbaye.  On  conservait  aussi  à  Longpont  les 
deux  couteaux  dont  le  comte  de  Soissons  se  servit  pour 
dépecer  les  viandes  le  jour  où  saint  Louis  dina  dans  le 
monastère  ;  l’un  de  ces  couteaux  a  été  heureusement  re¬ 
trouvé  dans  ces  derniers  temps. 


^  274  — 

Une  partie  des  bâtiments  de  l’abbaye  est  aujourd’hui 
transformée  en  une  demeure  artistique  et  princière  dont 
M.  l’abbé  Poquet  nous  fait  également  les  honneurs.  Il  ter¬ 
mine  son  mémoire  ,  qui  a  les  dimensions  d’un  livre ,  par  un 
catalogue  des  abbés  de  Longpont  ;  par  une  nomenclature 
des  saints  personnages  qu’elle  a  produits  (Pierre-le-chantre, 
Grégoire  de  Plaisance,  Jean  de  Montmirail)  ;  par  un  cha¬ 
pitre  sur  les  sépultures  et  inscriptions  funéraires  de  l’église, 
du  chapitre  et  des  cloîtres,  enfin  par  une  énumération  des 
possessions  de  l’abbaye  de  Longpont,  fermes,  vignes,  bois, 
pâturages,  dont  il  détermine  la  provenance  et  l’empla¬ 
cement. 

Cet  important  travail  est  suivi ,  dans  le  volume  que  nous 
analysons,  de  deux  communications  dues  à  M.  Arthur 
Demarsy,  secrétaire  de  la  Société  de  l’Ecole  des  chartes  : 
la  l.*"®  contenant  des  extraits  (en  ce  qui  concerne  le  Laon- 
nais  )  du  Cartulaire  du  Comté  de  Réthel  si  soigneusement 
décrit  par  M.  Léopold  Delisle  ,  de  l’Institut  ;  la  2.®  inti¬ 
tulée  :  Breve  chronicon  abbatiœ  Buciliensis  ,  chronique 
abrégée  de  l’abbaye  de  Bucilly,  rédigée,  vers  la  fin  du  xvii.® 
siècle,  par  Casimir  Oudin, 

Le  Cartulaire  de  Bucilly  est  aujourd’hui  déposé  à  la 
bibliothèque  impériale  (fonds  latin,  n.®  10121),  et  l’a¬ 
nalyse  qu’en  a  donnée  M.  Cocheris  suffit  pour  le  faire 
connaître  aux  personnes  qui  s’intéressent  à  l’histoire  du 
pays.  Quant  à  la  chronique  qui  termine  ce  manuscrit,  elle 
n’avait  pas  encore  été  imprimée.  M.  Demarsy  a  cru  utile 
de  la  publier.  Faite  avec  soin  d’après  les  actes  du  cartulaire, 
elle  en  forme  en  quelque  sorte  une  table  chronologique. 
Pour  le  xvii.®  siècle,  le  rédacteur,  parlant  de  visu,  entre 
dans  de  grands  détails  sur  Fhistoire  de  l’abbaye  pendant 
cette  période. 

M.  Charles  Gomart  dans  le  même  volume  des  Bulletins, 


—  275  — 

publié  une  Notice  sur  Vahbaye  de  Saint-Martin  de  Laon. 
Réformée  au  commencement  du  xii.®  siècle,  par  l’évêque 
Barthélémy  de  Vir ,  et  soumise  par  lui  à  la  règle  de  Pré- 
monlré ,  cette  église  eut  une  longue  suite  d’abbés  dont 
M.  Gomart  esquisse  la  biographie,  en  s’aidant  des  travaux 
antérieurs  de  Dom  Grenier  et  des  documents  conservés  aux 
archives  de  l’Aisne.  Il  accompagne  sa  publication  d’une  Vue 
à  vol  d'oiseau  du  monument  dont  il  écrit  l’histoire. 

Déjà ,  dans  le  t.  xvi  des  Bulletins ,  M.  Gomart  avait 
reproduit ,  d’après  la  gravure  de  Janssonius ,  un  plan  de 
la  ville  de  Laon  auxvii.®  siècle,  plan  où  l’artiste  a  laissé 
glisser  quelques  erreurs  topographiques  que  M.  de 
Beauvillé ,  membre  titulaire  ,  rectifie  dans  le  présent 
volume. 

La  note  de  M.  Filliette  sur  la  Translation  du  cime¬ 
tière  de  r hôpital  de  Laon  en  1783  est  aussi  d’un  intérêt 
tout  local. 

Il  nous  reste  à  signaler  ,  dans  le  volume  que  nous  ana¬ 
lysons  : 

1. ®  VEtude  de  M.  Combler  sur  une  Erreur  judiciaire^ 
affaire  Lèlye  et  Puré  ,  accusés  d’assassinat  à  Laon  en  1778. 

2. ®  Une  notice  sur  le  conventionnel  Armand-Joseph 
Tellier,  par  M.  Am.  Piette  ; 

3. ®  Un  autre  morceau  d’histoire,  presque  contemporaine, 

ayant  pour  litre  :  La  noblesse  du  département  de  V Aisne 
pendant  la  Révolution ,  fragment  d’un  livre  en  cours  de 
préparation,  par  M.  Ed.  Fleury.  Nous  espérons  pouvoir 
rendre  compte  bientôt  de  ce  livre  qui ,  si  nous  en  jugeons 
d’après  l’extrait  que  nous  avons  sous  les  yeux  ,  se  recom¬ 
mandera  par  un  heureux  ensemble  de  qualités  :  modération 
dans  les  idées ,  sagesse  dans  les  appréciations ,  élégante 
simplicité  dans  le  style.  A.  Desplaxque. 


—  276 


BIBLIOGRAPHIE. 

ÉTUDE  SUR  l'aTRÉBATIE  AVANT  LE  VI.«  SIÈCLE 
par  M.  Terninck.  (^) 

En  1869  ,  M.  Terninck  a  ajouté  quelques  pages  à  cette 
importante  publication  dont  la  première  partie  a  été  livrée 
au  public,  il  y  a  plusieurs  années.  Nos  lecteurs  nous  sau¬ 
ront  gré  de  reprendre  à  leur  début  ces  études  si  intéres¬ 
santes  pour  la  région  septentrionale  de  la  France. 

Avant  la  conquête  romaine,  l’iiistoire  écrite  de  nos 
contrées  ne  se  compose  guère  que  de  quelques  phrases 
éparses  ça  et  là  dans  les  auteurs  anciens;  on  ne  peut  espérer 
la  compléter  que  par  l’étude  raisonnée  des  découvertes  ar¬ 
chéologiques.  M.  Terninck  s’est  donc  attaché  à  la  recherche 
des  constructions  anciennes,  des  armes,  des  bijoux,  et  grâce 
à  son  zèle,  grâce  surtout  à  ce  qu’il  nous  permettra  d’appeler 
son  flair  merveilleux  d’archéologue,  il  a  pu  réunir  une  foule 
de  notions  intéressantes  sur  les  mœurs  des  habitants  pri¬ 
mitifs  de  la  Gaule. 

Il  rapporte  les  Dolmen  et  les  Tumulus  aux  diverses  races 

V 

celtiques  qui  sont  venues  successivement  d’outre  Rhin 
envahir  et  occuper  nos  provinces.  La  pluralité  de  ces  émi¬ 
grations  explique  les  différences  que  l’on  observe  dans  ces 
sépultures  ,  soit  sous  le  rapport  de  la  structure,  soit  sous  le 
rapport  de  l’état  de  civilisation  qu’elles  annoncent. 

Les  deux  dolmen  qui  restent  dans  l’Atrébatie  sont  ceux 
du  Hamel  à  la  limite  du  département  du  Nord  et  la  Table 
des  fées  de  Fresnicourt  dans  le  canton  de  Houdain.  Ce 
dernier  a  été  décrit  par  M.  Tailliar,  d’après  les  indica¬ 
tions  de  M.  Lequien  ,  ancien  Sous-Préfet  de  Béthune. 
Il  se  composait  de  6  pierres,  dont  5  dressées  servent  de  sup- 

(1)  Celte  étude  se  compose  d’articles  successivement  publiés  dans 
la  Revue  :  La  Picardie. 


—  277  — 

port  et  la  sixième  forme  une  table.  Auprès  de  ce  dolmen 
s’en  trouvaient  primitivement  3  autres  ,  ainsi  qu’un  double 
tumulus  haut  de  10  m.  60  ,  formé  de  blocs  de  grés,  rejoints 
sans  ciment  ni  mortier.  Dans  le  parc  de  Liévin ,  près  de 
Lens,  il  y  avait  un  tumulus  en  silex  que  l’on  détruisit,  il  y  a 
quelques  années  ,  et  sous  lequel  on  trouva  les  restes  d’un 
squelette  avec  des  objets  en  cuivre.  Un  autre  tumulus,  situé  à 
Vimy,  nivelé  en  1835,  a  été  étudié  avec  soin  par  M.  Ter- 
ninck.  Il  avait  une  largeur  de  110  mètres  et  une  hauteur  de 
13.  Sur  son  sommet,  les  seigneurs  de  Vimy  avaient  construit 
leur  château  et  on  y  trouva  le  caveau  qui  renfermait  leurs 
dépouilles.  Au-dessous,  on  rencontra  trois  couches  de  sque¬ 
lettes  ,  séparées  par  2  mètres  de  terre.  Au  centre  ils  étaient 
très-nombreux ,  disposés  en  cercle ,  tandis  qu’à  la  circon¬ 
férence  ils  étaient  épars  irrégulièrement.  Les  cadavres 
avaient  été  entourés  de  pierres  qui  leur  formaient  à  chacun 
une  sorte  de  tombe.  A  une  exception  près ,  c’étaient  des 
hommes  dans  la  force  de  l’âge  et  l’un  d’eux  avait  la  poitrine 
traversée  d’un  fer  de  javelot.  Dans  cette  sépulture  avaient 
été  évidemment  ensevelies  les  nombreuses  victimes  d’un 
combat. 

Le  sol  qui  portait  le  tumulus  de  Vimy  est  creusé  de 
galeries  souterraines  qui  servaient  de  refuge  aux  popula¬ 
tions  pendant  la  guerre.  Ces  souterrains  si  nombreux  dans 
l’Artois  et  dans  le  Cambrésis  remontent,  selon  l’auteur,  jus¬ 
qu’aux  Gaulois  et  furent  utilisés  par  eux  lors  de  la  conquête 
romaine.  A  Betricourt  il  y  a  rencontré  des  haches  en  silex. 

Les  instruments  rapportés  par  M.  Terninck  à  l’époque 
gauloise  ,  quoique  plusieurs  d’entr’eux  soient  certainement 
plus  anciens ,  sont  très-joliment  figurés  sur  des  planches 
photographiques  qui  accompagnent  le  texte. 

On  y  voit  des  couteaux  et  des  haches  en  silex  taillé  de 
l’époque  diluvienne  trouvés  à  Vaudricourt,  près  de  Béthune. 


—  278  — 

La  pierre  polie  y  est  représentée  par  deux  haches  en 
pierre  noire  trouvées  à  Beuvry  et  à  Labourse ,  près  de 
Béthune  ;  une  autre  petite  hache  en  silex  poli  vient  de  la 
même  localité.  Des  instruments  de  même  nature  ont  encore 
été  rencontrés  en  beaucoup  d’autres  points  ,  particulière¬ 
ment  à  Izel-les-Esquerchin ,  canton  de  Vimy  ,  où  auraient 
été  trouvées,  selon  M.  Terninck,  les  deux  haches  gravées  du 
Musée  de  Douai. (^)  On  a  un  grand  nombre  d’autres  objets  de 
la  même  époque  ,  des  pointes  de  flèches,  des  marteaux  ,  des 
pierres  de  fronde,  des  instruments  en  os,  une  pointe  en  corne 
de  cerf  taillée  sur  le  côté  en  dent  de  scie  (Beuvry),  des  gaines 
également  en  corne  de  cerf  pour  emmancher  les  haches,  etc. 

Des  haches  de  bronze  ont  été  trouvées  à  Billy,  Labourse, 
Hénin  ,  Vaudricourt  :  cette  dernière  localité  a  fourni  égale¬ 
ment  des  bouts  de  lance ,  une  épée  et  des  ornements. 

L’auteur  rappelle  ,  à  ce  propos ,  l’intéressante  trouvaille 
d’objets  de  l’âge  de  bronze  ,  à  Lysel ,  près  de  Saint-Omer, 
trouvaille  si  bien  décrite  par  M.  Louis  Deschamps  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  des  Antiquailles  de  la  Morinie.  {^) 

On  y  découvrit  des  coins  creux  dont  l’emmanchure  était 
parallèle  à  l’axe  de  l’instrument  et  que  M.  Terninck  consi¬ 
dérerait  volontiers  comme  des  bouts  de  pieux  ou  de  lances, 
des  bracelets  tournés  en  spirale,  des  anneaux  ,  des  bagues  , 
des  armilles ,  une  pince  à  épiler,  une  agraffe  et  un  couteau. 
Tous  ces  instruments  sont  en  bronze  ou  en  cuivre  ;  quelques- 
uns  sont  dorés. 

Un  bracelet  en  or  massif  a  été  trouvé  en  1851  dans  te  bois 
de  Picquendal ,  près  Fauquembergues  (Pas-de-Calais)  et 
M.  Terninck  a  découvert  lui-même  près  de  Béthune,  une 
sorte  de  boucle  d’oreilles  ornée  de  verres  colorés  qui  doit 
être  d’un  âge  plus  récent. 


(1)  Bulletin  ,  t.  i ,  p.  186. 

(2)  T.  VIII,  p.  403. 


—  279  — 

C’est  probablerneiil  à  l’époque  de  bronze  que  l’on  doit 
rapporter  les  poteries  grossières  trouvées  dans  la  mer  de 
Flines  :  aucune  d’elles  n’a  été  façonnée  au  tour. 

L’examen  des  statuettes  et  des  monnaies, rencontrées  dans 
l’Atrébatie  ,  entraîne  Tauleur  à  étudier  le  culte  des  Gaulois. 
La  principale  statuette  est  un  cheval  en  bronze  trouvé  à 
Avion,  canton  de  Vimy  ;  quant  aux  monnaies,  M,  Ter- 
ninck  s’en  rapporte  à  la  description  donnée  par  M.  Dan- 
coisne  dans  le  Bulletin  de  la  Commission  des  Antiquités 
départementales  du  Pas-de-Calais. 

<r  On  sait  qu’avec  le  produit  de  ses  abondantes  mines 
d’or ,  Philippe  II  de  Macédoine  avait  fait  fabriquer  une  im¬ 
mense  quantité  de  statères  ,  monnaies  aussi  remarquables 
par  rexcellence  du  titre  que  par  la  pureté  et  la  beauté  du 
dessin.  Les  conquêtes  de  son  fils  Alexandre-le-Grand ,  et 
les  relations  qui  s’ensuivirent,  firent  pénétrer  et  circuler 
ces  monnaies  dans  les  Gaules. 

«  De  là  les  nombreuses  imitations  gauloises  quelquefois 
assez  fidèles,  mais  presque  toujours  grossières  et  informes, 
de  ces  belles  statères  grecques. 

«  Il  y  a  toute  apparence  que  les  Atrébates,  dont  la  cité 
commençait  à  devenir  industrieuse  et  commerçante,  frap¬ 
pèrent,  comme  beaucoup  d’autres  peuplades  voisines,  des 
monnaies  imitées  des  Philippe  de  Macédoine. 

«  J’attribue  à  l’Atrébatie  certaines  imitations  d’une 
fabrique  particulière,  que  je  n’ai  jamais  découvertes  que 
dans  les  arrondissements  d’Arras  et  de  Béthune,  où  elles  se 
rencontrent  assez  fréquemment.  Ces  monnaies  d’or,  d’un 
module  assez  petit,  représentent  d’un  côté,  le  bige  macé¬ 
donien  défiguré  allant  à  gauche  (circonstance  digne  de 
remarque)  ;  sous  le  cheval ,  une  espèce  de  lyre ,  ce  symbole 
des  Bardes  qu’on  retrouve  surtout  sur  les  imitations  de 
la  trouvaille  de  l’île  de  Jersey.  Le  revers,  au  lieu  d’une 
tête  laurée  ou  à  longue  chevelure ,  n  offre  que  des  lignes 
placées  en  divers  sens  ,  et  figurant  ainsi ,  par  leurs  disposi¬ 
tions  bizarres,  tantôt  la  lettre  A  (initiale  des  atrébates)  , 
tantôt  une  plante,  sans  doute  une  branche  du  gui  sacré. 

«  La  fabrication  de  ces  monnaies  dut  être  du  reste  , 
d’assez  courte  durée.  Bientôt  apparaissait  dans  nos  contrées 


—  280  — 

comine  type  national  des  monnaies  belges,  le  cheval  libre 
galopant  au  milieu  des  divers  emblèmes  druidiques  ,  et  les 
monnaies  unifaces  d’or  à  ce  type  se  répandaient  en  abon¬ 
dance  dans'  toutes  nos  contrées  où  elles  eurent  un  cours 
très-suivi  jusque  dans  les  premiers  siècles  de  la  domination 
romaine.  La  quantité  considérable  de  ces  pièces  trouvée  en 
Artois,  permettrait  peut-être  de  supposer  qu’on  en  a  aussi 
frappé  dans  l’Atrébatie. 

«  Ce  qui  paraît  plus  probable ,  c’est  que  les  Atrébates 
émirent  une  nouvelle  monnaie  d’or  offrant  d’un  côté  le 
même  type,  et  de  l’autre  une  tête  grossière  couronnée  de 
feuilles.  On  leur  attribue  encore  plusieurs  autres  monnaies 
du  même  métal,  ayant  de  grandes  analogies  avec  la  pré¬ 
cédente,  dont  elle  diffère  surtout  par  l’adjonction  d’une 
rouelle  placée  sous  le  cheval  ou  au-dessus.  Cette  dernière 
attribution  est  corroborée  par  la  découverte  faite,  en  1846, 
à  Aubigny,  près  d’Arras,  d’un  millier  de  ces  pièces. 

«  Jusqu’ici  nous  ne  trouvons  pas  de  monnaies  en  argent, 
en  cuivre,  ou  électrum  ;  mais  je  viens  d’enrichir  ma  série 
atrébate  d’une  pièce  unique  d’une  haute  importance.  Il 
s’agit  d’une  monnaie  en  verre  uniface ,  au  type  du  cheval 
libre  surmonté  d’une  rouelle,  trouvée  dernièrement  à Fres- 
nicourt  près  de  Béthune,  (  à  suivre  )  J.  Gosselet. 


HAGIOGRAPHIE  DU  DIOCÈSE  d’AMIEiNS 
par  M.  Pabbé  J.  Corblet,  historiograplie  du  diocèse, 
directeur  de  la  Rtmt  de  Varl  chrétien.  (*) 

Les  deux  volumes  dont  nous  venons  entretenir  nos 
lecteurs  forment  la  première  moitié  de  l’important  ouvrage 
auquel  M.  l’abbé  Corblet  travaille  depuis  plusieurs  années  , 

sans  s'en  laisser  distraire  par  les  soins  absorbants  de  la 

« 

direction  d’une  Revue  et  par  diverses  autres  entreprises. 

Son  Hagiographie  du  diocèse  d'Amiens  est  une  œuvre  de 
haute  érudition.  Supérieure  sous  ce  rapport  aux  essais  du 
même  genre  qui  ont  été  tentés  dans  d’autres  diocèses ,  elle 
ne  le  cède  à  aucun  d’eux ,  ni  quant  au  charme,  ni  quant  à 


(^)  Amiens,  Prévost-Allo ,  1869-1870,  2  forts  vol.  in-8.® 


—  281  — 

la  variété  du  style.  M.  l’abbé  Corblet  emploie,  tour  à  tour 
et  avec  un  bonheur  égal,  les  tons  propres  à  la  dissertation 
scientifique,  au  récit  imagé,  à  l’enseignement  moral  et 
religieux. 

Dans  son  Introduction  ,  il  pose  les  règles  de  ci*i tique 
saine  et  large  qui  doivent  présider  à  la  rédaction  de  son 
livre.  Ces  règles,  il  fait  mieux  que  les  énoncer:  il  les  applique, 
dans  le  corps  de  l’ouvrage  ,  avec  une  sagacité  rarement  en 
défaut. 

Au  point  de  vue  de  la  disposition  des  matières,  beaucoup 
d’historiens  regretteront  comme  moi  que  M.  l’abbé  Corblet, 
au  lieu  de  nous  faire  parcourir  le  cercle  du  Calendrier 
liturgique  ,  n’ait  point  suivi  l’ordre  chronologique  qui ,  en 
permettant  de  grouper  par  dates  les  vies  des  saints ,  en  fait 
mieux  saisir  renchaînement. 

M.  l’abbé  Corblet,  qui  ne  se  dissimule  pas  l’inconvénient 
du  système  auquel  il  s’est  tenu ,  nous  en  dédommage  par 
l’annonce  d’une  Histoire  du  diocèse  d'Amiens  qu’il  lui 
appartient  d’écrire ,  et  où  les  faits  tirés  des  vieux  légen¬ 
daires  sont  naturellement  consignés  suivant  l’ordre  dans 
lequel  ils  se  sont  produits. 

Voici,  du  reste,  comment  le  savant  historiographe  du 
diocèse  d’Amiens  procède  pour  chaque  saint  figurant  dans 
son  recueil.  D’abord  il  donne  la  biographie  du  personnage 
d’après  les  contemporains  ou,  à  leur  défaut,  d’après  les 
auteurs  les  plus  anciens  qui  en  ont  parlé.  Puis  il  consacre  à  la 
mémoire  du  saint  une  série  de  notices  intitulées  :  Reliques, 
culte  et  liturgie,  iconographie,  bibliographie.  De  cette 
manière,  aucun  détail  n’est  laissé  dans  l'ombre  et  le  lec¬ 
teur  sait  toujours  où  chercher  les  faits  précis  dont  il  a 
besoin. 

M.  l’abbé  Corblet  se  fait  une  joie  bien  louable  de  com¬ 
prendre,  dans  son  Hagiographie ,  ceux  qu’il  appelle  spiri- 


—  282  — 

tuellement  les  «  oubliés  de  la  liturgie ,  »  c’est-à-dire  les 
saints  locaux  qui ,  exclus,  il  y  a  deux  siècles,  du  bréviaire 
diocésain,  par  le  sombre  esprit  janséniste,  n’ont  pas  obtenu 
gain  de  cause  devant  la  cour  romaine  ,  lors  de  la  révision 
récente  du  propre  :  il  s’attache  à  eux  avec  ce  sentiment  de 
sympathie,  touchant  et  légitime,  qu’inspirent  les  mé¬ 
connus  et  les  déshérités. 

Nous  allons  maintenant ,  pour  achever  de  donner  à  notre 
public  une  idée  du  contenu  du  livre  de  M.  l’abbé  Gorblet, 
énumérer,  suivant  l’ordre  que  nous  eûssions  voulu  voir 
adopter  par  lui ,  les  principaux  saints  dont  il  s’occupe  dans 
ses  deux  premiers  volumes. 

L’église  d’Amiens  doit,  comme  on  le  sait ,  sa  création  à 
saint  Firmin  dont  les  uns  placent  le  martyre  sous  Dioclétien, 
d’autres  sous  Valérien,  d’autres  dans  un  temps  beaucoup 
plus  reculé  :  sous  Trajan  ou  ses  premiers  successeurs.  Cette 
question,  qui  se  rattache  à  celle  des  origines  chrétiennes 
de  la  Gaule  entière,  a  soulevé,  dans  ces  derniers  temps , 
d’ardentes  polémiques  auxquelles  nous  avons  vu  mêlés  des 
noms  d’une  grande  autorité. 

Pour  ne  parler  ici  que  des  historiens  amiénois  qui  sont 
entrés  en  lice,  nous  rappellerons  que  naguère  M.  Dufour, 
président  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Picardie, 
rompait  une  lance  avec  M.  Ch.  Salmon,  vice-président  de 
la  même  compagnie,  au  sujet  de  la  date  de  l’apostolat  de 
saint  Firmin  en  particulier ,  et  de  l’évangélisation  de  la 
Gaule  en  général. 

M.  Salmon,  qui  tient  pour  l’apostolicité  des  plus  an¬ 
ciennes  églises  de  France,  croit  fermement  que  saint  Fir¬ 
min  a  prêche  et  qu’il  est  mort  dans  la  première  moitié  du 
11.6  siècle.  M.  l’abbé  Gorblet  a  eu  le  mérite  d’entrer,  sans 
parti-pris,  dans  l’étude  de  cette  question  qui,  autour  de  lui, 
passionnait  si  vivement  les  esprits  :  il  s’est  environné  de 


—  283  — 

tous  les  auteurs  qui ,  depuis  Launoy  jusqu’à  l’abbé  Paillon, 
et  depuis  l’abbé  Paillon  jusqu’aux  intrépides  controver- 
sistes  actuels ,  ont  pris  part  à  une  polémique  dont  les 
éléments  ne  peuvent  être  disjoints,  tant  ils  offrent  de 
connexité.  Après  avoir  consacré  huit  mois  à  l’examen 
approfondi  d’ouvrages  qui,  réunis,  forment  une  biblio¬ 
thèque,  M.  Corblet  est  arrivé  à  se  faire  une  opinion  abso¬ 
lument  identique  à  celle  de  son  collègue  M.  Salmon. 

Ce  n’est  pas  incidemment  que  nous  pouvons  et  voulons 
traiter  une  question  aussi  ardue  ,  aussi  vaste  que  celle  dont 
il  s’agit  ici.  A  notre  sens ,  elle  aurait,  depuis  longtemps , 
cessé  de  diviser  les  meilleurs  esprits  si  elle  était  susceptible 
d’une  solution  rigoureuse  et  vraiment  scientifique.  Bor¬ 
nons-nous  à  dire  que  la  Dissertation  de  31.  l’abbé  Corblet 
sur  les  origines  de  la  foi  chrétienne  dans  les  Gaules  se 
recommande  par  la  lucidité  de  l’exposition ,  par  l’habile 
enchaînement  des  preuves  et  par  un  ton  d’exquise  urbanité 
qui  a  trop  souvent  fait  défaut  aux  partisans  de  la  même  doc¬ 
trine.  Si  la  thèse  savamment  plaidée,  depuis  le  décès  de 
l’abbé  Paillon,  par  3131.  Arbellot,  Darras,  Bougaud,  Sal¬ 
mon  ,  Richard ,  etc.  ,  combattue  ,  depuis  lors  et  avec  non 
moins  d’éclat,  par  3131.  Du  3Iéril  et  Jules  Lair,  Huilliard- 
Bréholles  et  d’Ozouville,  Dufour  et  Tailliar,  si  cette  thèse  , 
disons-nous,  prévalait  un  jour  en  histoire,  31.  l’abbé 
Corblet  pourrait  se  flatter  d’avoir  puissamment  contribué  à 
en  assurer  le  triomphe. 

A  côté  du  nom  de  saint  Pirmin ,  martyr,  se  range  ,  dans 
son  livre,  celui  de  saint  Pirmin  le  confesseur,  sur  la  vie 
duquel  on  manque  de  renseignements  précis.  On  en  peut 
dire  autant  de  saint  Ache  et  de  saint  Acheul  dont  les  actes  ne 
nous  ont  pas  été  conservés. 

Dans  son  étude  sur  saint  Pirmin ,  martyr ,  31.  l’abbé 
Corblet  avait  été  devancé,  comme  il  se  plaît  à  le  reconnaître, 


—  284  — 

par  M.  Salmon  :  il  a  pris  le  même  auteur  pour  guide  dans 
ses  recherches  sur  saint  Fuscien  et  saint  Victoric  qui  com¬ 
plètent  la  liste  des  premiers  apôtres  de  TAmiénois. 

Gomme  ces  derniers  martyrs ,  saint  Gratien  ,  sainte  Ele- 
\are  et  sainte  Sponsare  furent  mis  à  mort  par  les  ordres  du 
proconsul  Rictiovare,  de  sinistre  mémoire. 

Dans  le  milieu  du  iv.®  siècle,  lorsque  la  foi  chrétienne  est 
devenue  celle  de  l’Empereur  et  de  l’Empire  ,  nous  voyons 
installé  sur  le  siège  d’Amiens,  saint  Euloge,  à  qui  M.  l’abbé 
Corblet  consacre  également  une  notice. 

Au  V.®  siècle,  saint  Germain  d’Ecosse  trouve  la  mort  en  se 
dirigeant  vers  l’Amiénois  où  de  nombreuses  conversions 
restent  à  opérer  par  suite  du  retour  des  populations  à  un 
état  voisin  de  la  barbarie. 

La  fin  du  vi.®  siècle  vit  mourir  deux  autres  missionnaires 
venus  des  îles,  saint  Gaïdoc  et  saint  Fricor,  qui,  en  débar¬ 
quant  sur  les  côtes  de  Picardie ,  conquirent  à  Dieu  le  grand 
homme  appelé  à  devenir  saint  Riquier. 

Vers  le  même  temps  s’éteignit  saint  Evrols,  abbé  de 

Saint-Fuscien-au-Rois.  Saint  Rerebond ,  successeur  de  saint 

% 

Salve  sur  le  siège  d’Amiens  ,  saint  Blimont ,  deuxième  abbé 
de  Saint-Valéry-sur-Somme,  saint  Gondéde,  ermite  de  la 
Fontaine-Saint-Valéry,  sainte  Godeberte,  l’une  des  reli¬ 
gieuses  du  monastère  de  Noyon  fondé  par  saint  Eloi , 
remplissent  le  vu.®  siècle  qu’on  a  si  justement  nommé  l’âge 
d’or  de  la  vie  monastique. 

A  ce  groupe  de  saints  de  la  Picardie  ,  M.  l’abbé  Gorblet 
rattache  deux  autres  figures  qui  appartiennent  plus  parti¬ 
culièrement  à  l’Artois.  Ge  sont  celles  de  sainte  Framechilde 
et  de  sainte  Austreberthe,  sa  fille,  qui  ont  embaumé  de  leur 
vertus  le  canton  de  Marconne. 

Entre  toutes  ces  légendes  dont  l’uniformité  de  ton  diminue 
parfois  l’intérêt,  se  détache  celle  de  saint  Fursy,  d’un  tour 


—  285  — 

éminemment  celtique ,  où  le  merveilleux  coule  à  pleins 
bords,  où  l’on  esta  chaque  instant  transporté  dans  les  ré¬ 
gions  du  monde  invisible.  M.  l’abbé  Corblet  emprunte  les 
traits  les  plus  curieux  de  cette  vie  à  la  naïve  traduction 
qu’en  a  donnée,  en  1468  ,  Jean  Miélot,  chanoine  de  Saint- 
Pierre  de  Lille  ,  aumônier  de  Philippe-le-Bon. 

Avec  sainte  Aurée  ,  supérieure  de  religieuses  à  Amiens  , 
nous  entrons  dans  le  viii.®  siècle  ;  nous  en  sortons  avec  le 
B.  Alcuin ,  que  M.  Corblet  revendique  pour  la  Picardie 
comme  ayant  été  abbé  de  Saint-Josse-sur-Mer. 

Les  noms  qui  se  présentent  ensuite  dans  l’hagiographie 
du  diocèse  d’Amiens  sont  des  plus  illustres:  comme  ils 
appartiennent  à  l’histoire  profane  presqu’autant  qu’à  l’his¬ 
toire  ecclésiastique,  nous  nous  bornerons  à  les  citer.  Ce 
sont  :  saint  Angilbert,  gendre  de  Charlemagne  et  plus  tard 
abbé  de  Centule  ;  saint  Adélard ,  cousin  germain  du  même 
prince  et  que  ses  fonctions  d’abbé  de  Corbie  n’enlevaient 
point  à  la  direction  des  affaires  politiques  du  temps  ;  son 
frère  saint  Bernaire  et  son  neveu  saint  Adélard  le  Jeune  ; 
saint  Anschaire  enfin  qui ,  de  Corbie  ,  lieu  de  rencontre  de 
ces  grands  esprits  et  de  ces  généreux  cœurs ,  s’élança  sur  la 
Basse-Saxe  et  le  Danemarck  pour  y  porter  la  foi  du  Christ. 

La  sainteté  et  le  savoir  semblent  ensuite  s*e  retirer,  pour  un 
moment ,  du  monde.  Ce  n’est  qu’après  l’expiration  du  x.® 
siècle  que  nous  rencontrons ,  dans  l’école  capitulaire  de 
Saint-Quentin  de  Vermand,  saint  Gilbert,  futur  évêque  de 
Meaux,  et,  —  à  la  tête  de  l’abbaye  de  Centule ,  —  le  véné¬ 
rable  Enguerrand,  «  savant  en  grammaire,  en  musique, 
en  dialectique,  »  charitable  à  l’égard  des  pauvres,  ferme 
envers  les  puissants  de  la  terre.  Saint  Gervin  lui  succède  : 
comme  lui ,  il  défend  les  intérêts  spirituels  et  temporels  de 
son  couvent  au  milieu  des  agitations  de  la  Société  féodale. 

Au  déclin  du  xi.®  siècle,  l’abbaye  de  Saint-Martin  de 


—  286  — 

Pontoise  possédait  pour  chef  saint  Gautier,  qui  lui  donnait 
l’exemple  de  toutes  les  vertus  religieuses.  Alors  aussi  se 
formait  à  Gorbie  saint  Gérard  ,  le  fondateur  de  la  Grande- 
Sauve. 

Dans  les  premières  années  du  xii.®  siècle  ,  le  comté  et  le 
diocèse  d’Amiens  étaient,  chacun,  aux  mains  d’un  saint;  le 
bienheureux  Charles-le-Bon  et  saint  Geoffroi,  évêque. 

Saint  Bernard  d’Abbeville,  rivalisant  avec  saint  Gérard  de 
Gorbie,  faisait  rayonner  en  Aquitaine  l’éclat  et  la  puissance 
de  la  foi  picarde.  Le  bienheureux  Adam ,  deuxième  abbé  de 
Saint-Josse-au-Bois,et  le  bienheureux  Godefroi  de  Péronne, 
cinquième  prieurde  Glairvaux,  appartiennent  à  celte  meme 
génération  de  grands  saints  du  xii.®  siècle. 

Il  ne  nous  reste  plus,  pour  être  complet,  qu’à  men¬ 
tionner  saint  Félix  de  Valois  qui  a  bien  mérité  de  l’huma¬ 
nité  par  la  part 'qu’il  prit  à  la  fondation  de  l’ordre  des 
Trinitaires ,  destiné  au  rachat  des  captifs  (xiii.®  siècle)  ; 
sainte  Golette,  réformatrice  des  trois  ordres  franciscains 
(xiv.®  siècle)  ;  saint  François  de  Roye  ,  l’un  des  martyrs  de 
Gorcum  (xvi.®  siècle).  A.  Desplanque. 

souv’nirs  d’ux  homme  d’douai 
par  L.  Dechrîsté.  (3.^  vol.)  (b 

L’auteur  a  fait,  en  prose,  pour  Douai,  ce  que  M.  Des¬ 
rousseaux  a  rimé  en  couplets  pour  Lille,  et  une  facile 
chanson  de  l’auteur  des  Pasquilles  lilloises  sert  d’intro¬ 
duction  aux  nouveaux  Souvenirs  d’un  homme  d’Douai. 
Histoire  locale,  études  de  mœurs,  fêtes  et  coutumes,  per¬ 
sonnages  remarquables  ou  originaux ,  tous  ont  trouvé 
place  dans  cette  sorte  de  chronique  au  jour  le  jour  qui  lient 
du  tableau  en  même  temps  que  du  livre  ,  par  le  pittoresque 
des  descriptions.  Eune  fiète  des  Wios-Saint- Albin  (l’une  des 


(1)  Douai,  Dechristé,  1870,  in-12  de  216  p. 


—  287  — 

paroisses  de  Douai  ).  —  Les  salles  d’asile  —  Les  vieux  airs 
populaires  de  la  cité  (connus  aussi  dans  presque  toutes  les 
villes  du  Nord)  —  La  fête  de  Gayant  —  L’exposition  des  Amis 
des  Arts  —  Le  beffroi  communal ,  sa  restauration ,  ses 
cloches  du  xv.®  siècle  —  Les  cris  des  petits  métiers  de  ta 
rue  —  L’historique  de  la  musique  municipale,  depuis  son 
organisation  par  Pierre  Lecomte,  en  1806,  tels  sont  les 
chapitres  principaux  de  ce  livre  où  il  est  aussi  question  des 
Incas  de  Valenciennes  ,  etc.  Ajoutez-y  ,  pour  complément , 
des  anecdotes  dans  l’esprit  de  la  publication. 

Ces  récits  sont  en  patois  douaisien,  lequel  a  de  nom¬ 
breuses  affinités  avec  le  langage  populaire  de  Lille  et  de 
Valenciennes  surtout,  et  celui  de  Cambrai  dont  il  ne  diffère 
le  plus  souvent,  sauf  quelques  expressions  sui  generis ,  que 
par  la  façon  de  prononcer  ou  d’élider  deux  ou  trois  lettres. 
Tout  cela  est  écrit  avec  une  facilité  apparente  et  une  cer¬ 
taine  causticité.  Le  coup  de  patte  s’y  fait  sentir  à  propos  et 
le  patriotisme  local  y  abonde  :  les  gins  d' Douai  ne  s’en 
plaindront  pas.  Je  recommande  le  parallèle  entre  les  salles 
d’asile  elles  écoles  d’enfants  d’autrefois,  et  des  conseils  sur 
l’hygiène  et  la  sobriété ,  d’autant  plus  justes  que  l’idiome 
dans  lequel  ils  sont  formulés,  excluant  tout  pédantisme,  les 
fait  arriver  sûrement  à  leur  adresse.  Je  regrette  de  man¬ 
quer  d’espace  pour  les  transcrire. 

Il  y  a  un  point  capital ,  eu  égard  à  l’effet  qu’il  produit 
sur  le  lecteur,  c’est  cette  saveur  toute  gauloise ,  ce  gros  sel 
qui  est  peut-être  ici  du  piment  tant  il  pique.  Mais  l’auteur, 
lui  non  plus,  n’écrit  pas  pour  l’Académie  et,  somme  toute  , 
je  crois  qu’il  est  facile  en  considérant  l’ensemble  de  passer 
condamnation  sur  ce  qu’il  y  a  d’un  peu  cru  dans  quelques 
tons  de  la  peinture.  A.  Durieux. 


288  — 


NOTICE  SUR  LES  TERRAINS  TERTIAIRES  DE  LA  BELGIQUE 

par  M.  le  D/  De  Koe\e\,  professeur  à  FUniversité  de  Marbourg, 
traduit  de  l'anglais  par  M.  A.  Thielens. 

Cette  notice,  insérée  dans  le  Geological  magazine  7F,  est 
essentiellement  consacrée  à  la  critique  de  deux  mémoires 
publiés  par  des  savants  anglais,  sur  les  sables  des  environs 
d’Anvers.  M."®  Nyst  et  Dumont  avaient  établi  dans  les 
sables  d’Anvers  deux  grandes  divisions  subdivisées  cbacune 
en  deux  parties. 


(  sable  jaune 
(  sable  gris 
^  sable  vert 
I  sable  noir 


Système  scaldisien 


Système  diestien 


M.  de  Kœnen  frappé  de  l’analogie  des  fossiles  que  l’on 
rencontre  dans  les  sables  noirs  avec  ceux  que  l’on  trouve 
dans  les  couches  supérieures  du  terrain  miocène  du  bassin 
de  Vienne,  proposa  de  ranger  le  système  diestien  dans  le 
terrain  miocène  en  ne  laissant  dans  le  pliocène  que  le  sys¬ 
tème  scaldisien. 

M.  Lankester  (^) ,  en  se  basant  sur  la  ressemblance  qui 
existe  entre  la  faune  du  système  diestien  et  celle  du  système 
scaldisien,  pense  qu’on  ne  peut  pas  les  séparer  ;  il  les  place 
tous  deux  dans  le  terrain  pliocène  ;  mais  il  se  voit  alors 
forcé  de  scinder  en  deux  les  couches  devienne  pour  en  faire 
rentrer  la  partie  supérieure  dans  le  terrain  pliocène. 

M.  de  Kœnen  ne  peut  admettre  celte  classification  ;  il  fait 
observer  que  chaque  période  tertiaire  a  une  grande  quantité, 
environ  40  O/o ,  d’espèces  communes  avec  la  période  qui  la 
précède  et  avec  cefie  qui  la  suit,  c’est-à-dire  que  si  ces 

(1)  On  tlic  tertiaries  in  tlic  neiglibourhood  of  Antwerp.  ^Geological 
magazine,  1865). 


—  289  — 

périodes  sont  des  dépôts  de  même  nature  il  n’y  a  pas  entre 
elles  de  lignes  de  division  nettement  tranchées. 

M.  Godwin  Austen ,  dans  un  travail  publié  en  1867  {^) 
admet  que  les  systèmes  diestien  et  scaldisien  sont  contempo¬ 
rains  :  il  explique  la  différence  de  coquilles  qu’ils  renfer¬ 
ment  parce  que  le  premier  se  serait  déposé  à  une  profondeur 
de  30  à  40  brasses,  tandis  que  le  second  se  serait  formé  à 
de  très-petites  profondeurs  et  renfermerait  un  grand 
nombre  de  coquilles  roulées  qui  n’auraient  pas  vécu  aux 
endroits  où  on  les  trouve  actuellement. 

M.  de  Kœnen  combat  cette  manière  de  voir  en  se  basant 
sur  l’épaisseur  des  couches  scaldisiennes,  qui  est  de  5  mètres 
pour  le  sable  jaune  et  de  10  mètres  pour  le  sable  gris,  ainsi 
que  sur  la  parfaite  conservation  des  fossiles  qu’on  y  trouve. 

J’adopte  pleinement  les  considérations  présentées  par 
M.  de  Kœnen  en  ce  qui  concerne  la  distinction  d’âge  entre 
les  systèmes  diestiens  et  scaldisiens  ;  comme  lui  je  pense 
qu’il  y  a  des  passages  insensibles  entre  les  couches  tertiaires 
successives  et  que  l'on  ne  peut  nulle  part  tracer  de  lignes 
de  séparation  bien  nettes.  En  tenant  compte  de  ce  fait,  il 
me  semble  qu’on  peut  émettre  une  opinion  intermédiaire 
entre  celles  de  M.'’®  Lankester  et  de  Kœnen.  On  confond  gé¬ 
néralement  dans  les  sables  noirs  les  couches  d’un  vert 
foncé  que  l’on  trouve  sous  la  ville  d’Anvers  et  celles  qu’a 
mis  à  découvert  la  construction  d’un  fort  à  Edeghem.  Elles 
présentent  cependant  des  différences  sensibles  dans  leur 
faune  :  tandis  que  les  premières  paraissent  pliocènes ,  les 
secondes  ont  un  caractère  franchement  miocène,  qu’elles 
partagent  avec  la  couche  fossilifère  du  Bolderberg.  J’es¬ 
père  du  reste  que  le  temps  est  prochain  où  l’on  cessera 
d’établir  une  division  de  premier  ordre  entre  les  couches 
dites  actuellement  pliocènes  et  miocènes. 


(Ù  On  the  Kainozoic  formations  of  Bel^ium . 


—  290  — 

En  attendant,  remercions  M.  Thielens  d’avoir  traduit  en 
notre  langue  un  mémoire  aussi  intéressant  que  celui  de  son 
ami  le  professeur  Von  Kœnen.  J.  G. 

HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

LA  PEINE  DE  MORT  A  LILLE  DE  1565  A  1574.  (') 

Le  bourreau  de  Lille,  Robert  Cambier,  recevait  un  traite¬ 
ment  fixe  de  96  livres  parisis  ;  l’évêque  de  Mende,  intendant 
du  roi  de  Navarre,  augmenta  ses  gages  de  24  livres  ou  12 
florins,  le  14  mai  1563.  Le  bourreau  avait  en  outre  le  loge¬ 
ment  elles  bénéfices  du  métier.  Il  reçoit  9  livres,  17  sols, 
6  deniers  «  pour  ses  sallaires  et  déboursements  faictz  pour 
l’exécution  par  le  feu,  de  Pol  Chevalier ,  condempné  par 
les  eschevins  de  Lille  et  lieutenant  de  la  Gouvernance,  le 
XII.®  jour  de  décembre  1564,  par  main  commune  d’estre 
bruslé  vif  et  consumé  en  cendres.  »  (^) 

Le  supplice  par  le  feu  n’était  guère  offert  en  spectacle 
qu’une  fois  par  an  ;  il  était  réservé  surtout  aux  hérétiques  : 
les  honoraires  du  bourreau  augmentent  alors  d’une  façon 
sensible.  Il  reçoit  en  1574  ,  12  livres  ,  14  sols  ,  pour  l’exé¬ 
cution  d’Annette  Delerue,  veuve  de  Jehan  Dubosquet,  bon¬ 
netier,  «  laquelle  pour  avoir  dit,  proféré  et  soustenu  plu¬ 
sieurs  propos  hérétiques  et  erronneulx  contre  la  saincteFoy 
catholique  et  sainct  Sacrement  de  l’autel  et  en  iceulx  per¬ 
sisté,  a  esté  condempnée  d’estre  vifve  bruslée  et  consommée 
en  cendres  et  ses  biens  confisquez  à  Sa  Majesté  ,  par  senten¬ 
ce  des  eschevins  du  xvii.®  jour  de  juin  1569  ;  payé  pour 
trois  quartrons  de  bourrées,  6  livres  ;  pour  deux  cent  de 

(1)  Les  extraits  qu’on  va  lire  et  qui  nous  ont  été  communiqués,  en 
des  temps  meilleurs ,  par  notre  excellent  collègue  M.  Matton ,  sont 
empruntés  à  des  séries  de  comptes  existant  aux  archives  de  f Aisne. 

A.  D. 

(2)  Voir  V Eglise  sous  la  croix  'pendant  la  domination  espagnole  ,  par  le  pas¬ 
teur  Frossard,  p.  63  et  suivantes. 


—  291  — 

fasseaux  ,  4  livres,  8  sols  ;  pour  estrain  ,  12  sols  ;  pour  son 
sallaire  de  l’avoir  lyé  à  l’estacque  (poteau)  et  achevé  ladite 
exécution,  20  sols  ,  et  pour  ses  cordes  ,  14  sols.  > 

M.®  Robert  recevait  en  1565,  «  pour  avoir  mis  sur  la  tor¬ 
ture  Nicolas  Bouvel ,  5  sols  ;  pour  luy  avoir  mis  des  œufs 
chauldz  soulz  les  aisselles  des  bras,  5  sols  ;  pour  l’avoir 
pendu  par  les  poings  ,  5  sols  ;  pour  l’avoir  fustigé  de  verges 
en  prison ,  5  sols  ;  pour  l’avoir  fustigé  par  les  carrefours,  5 
sols  ;  pour  l’avoir  mené  depuis  la  porte  jusques  au  lieu  deu, 
5  sols  ;  pour  avoir  hurté  sa  teste  contre  l’un  des  pilliers  du 
gibet,  5  sols  ;  pour  lui  avoir  mis  la  hart  au  col,  5  sols  ;  pour 
l’avoir  marqué  de  la  marque  de  la  ville  ,  5  sols  ;  pour 
toutes  les  cordes  et  licol,  28  sols,  et  qu’il  a  payé  au  chartier 
l’ayant  mené  au  lieu  deu ,  40  sols.  » 

Denis  Tournemine  ,  qui  avait  employé  tous  ses  artifices 
avec  d’autres  individus  de  sa  sorte,  armés  comme  lui,  pour 
s’emparer  des  cappes  et  manteaux  des  gens  circulant  dans 
les  rues,  et  qui ,  en  outre  ,  s’était  rendu  coupable  d’ho¬ 
micide,  doit  mourir  à  la  potence.  Le  bourreau  reçoit  «  pour 
avoir  pendu  le  coupable ,  5  sols  ;  pour  l’avoir  dépendu , 
autant  ;  pour  l’avoir  mené  au  lieu  deu  hors  la  ville,  5  sols  ; 
pour  l’avoir  illecq  rependu,  5  sols;  pour  ses  cordes,  14 
sols  ;  pour  estrain,  5  sols.  » 

Le  supplice  de  la  pendaison  n’était  pas  rare.  Le  bourreau 
de  Lille  pend  7  personnes,  en  1565:  cette  même  année 
il  n’en  décapite  que  deux.  Guillaume  Desbailles,  qui  avait 
tiré  contre  l’armée  du  Roi  campée  devant  la  ville ,  périt 
par  le  glaive.  Le  bourreau  reçoit  «  pour  l’avoir  lyé  sur  le 
bourd ,  5  sols  ;  pour  exécution ,  5  sols  ;  pour  avoir  mis  le 
corps  en  une  bière,  5  sols  ;  pour  faire  racoustrer  son  espée, 
5  sols,  et  pour  ses  cordes  ,  14  sols.  » 

Le  bourreau  exécute  aussi  Nicolas  Prévost  ;  il  reçoit 
«  pour  lui  trancher  la  tête  devant  la  halle ,  5  sols  ;  lui 


—  292  — 

couper  le  poing  ,  autant  ;  clouer  ce  poing  au  pilori ,  S 
sols;  faire  rappointer  son  épée,  4  sols,  et  pour  ses  cordes, 
14  sols.  »  —  Il  reçoit  pour  avoir  tranché  la  tête  de  Marc 
Coffin ,  sergent  de  la  prévôté  de  Lille ,  o  sols.;  «  pour  faire 
racoustrer  son  baston,  4  sols;  pour  avoir  mené  son  corps  au 
lieu  deu  ,  o  sols  ;  pour  couvrir  le  corps  de  paille  sur  le 
charriot,  4  sols  ;  pour  l’avoir  mis  sur  une  roue ,  5  sols  ; 
pour  avoir  mis  la  tête  au  beffroi  de  Lille  sur  un  fust  de 
lance,  5  sols  ;  pour  ses  cordes ,  14,  et  40  sols  pour  celui  qui 
a  conduit  le  corps  sur  un  cbarriot.  »  A.  Matton  , 

Archiviste  de  l’Aisne. 


FAILLES  ET  PUITS  NATURELS  DANS  LE  TERRAIN  HOUILLER 

La  houille  exploitée  en  Belgique  et  dans  le  Nord  de  k 
France  est  disposée  en  veines  plus  ou  moins  épaisses 
intercalées  dans  un  vaste  ensemble  de  schistes  et  de  grès. 
Toutes  ces  couches  schiste ,  grès  et  houille  sont  parallèles 
les  unes  aux  autres ,  mais  leur  ensemble  présente  souvent 
des  plissements,  des  contournements  et  d’autres  irrégularités 
dont  les  plus  importantes  ,  au  point  de  vue  géologique 
comme  au  point  de  vue  de  l'exploitation ,  sont  les  failles. 

Les  failles  sont  des  fentes  qui  coupent  les  couches  sur 
une  longueur  plus  ou  moins  considérable  et  qui  sont 
-presque  toujours  accompagnées  d  un  rejet;  c’est-à-dire  que 
les  couches  se  retrouvent  de  l’autre  côté  de  la  fente  à  un 
niveau  plus  élevé  ou  plus  bas.  Tantôt  les  deux  parois  de  la 
faille  sont  contiguës,  tantôt  elles  sont  écartées  et  leur  in¬ 
tervalle  est  rempli  par  des  débris  de  roches  houillères 
mélangés  parfois  à  des  roches  de  terrain  crétacé  qui  dans 
nos  pays  recouvre  immédiatement  le  terrain  houiller. 

Les  failles,  très-fréquentes  dans  le  terrain  houiller  comme 
dans  tous  les  terrains  primaires,  sont  dûs  à  la  dislocation  du 
sol ,  à  des  fendillements  de  l’écorce  terrestre  tels  qu’jl  s’en 


—  295  — 

produit  encore  de  nos  jours  dans  les  tremblements  de  terre. 
Elles  sont  une  cause  incessante  de  difficultés  pour  l’exploi¬ 
tation  des  districts  houillers  qui  en  sont  affectés;  car 
non-seulement  elles  obligent  à  faire  des  recherches  pour 
retrouver  la  veine  de  houille  qui  a  été  rejetée  ,  mais  lors¬ 
qu’elles  sont  larges,  elles  permettent  l’infiltration  des  eaux 
contenues  dans  le  terrain  crétacé  :  il  faut  exécuter  alors  des 
travaux  considérables  pour  contenir  la  source  et  l’empêcher 
de  noyer  la  mine. 

Les  puits  naturels  dont  l’existence  vient  d’être  révélée 
par  MM.  Cornet  et  Briart  (^) ,  pourraient  au  premier 
abord  se  confondre  avec  les  failles  dont  ils  ont  en  partie  les 
inconvénients.  Ce  sont  de  vastes  cavités  cylindriques  dont 
la  profondeur  est  inconnue  et  qui  traversent  plus  ou  moins 
obliquement  le  terrain  boiiiller  sans  modifier  en  aucune 
manière  l’allure  des  couches.  Elles  sont  remplies  de  débris^ 
de  roches  du  terrain  houiller  et  du  terrain  crétacé  confusé¬ 
ment  mélangés  et  laissant  entr’eux  de  nombreux  vides 
remplis  d’eau  qui  affluent  dans  la  mine  dès  qu’une  galerie 
vient  à  rencontrer  un  puits  naturel.  Le  danger  est  d’autant 
plus  grave ,  que  l’on  n’est  pas  prévenu  de  l’approche  de  ces 
,  accidents  ,  tandis  que  le  voisinage  des  failles  est  générale¬ 
ment  annoncée  par  le  plissement  des  couches  et  l’altération 
;  des  roches,  celle  de  la  houille  en  particulier. 

«  Vers  la  fin  de  l’année  1864,  disent  les  auteurs,  la 
Société  charbonnière  de  Bascoup  avait  poussé  ses  travaux 
d’exploitation  dans  la  veine  de  l’Olive  jusqu’à  1200  m. 

:  environ  de  l’Est  des  puits  d’extraction  Sainte-Catherine, 
i  La  couche  se  trouvait  en  allure  très-régulière  et  rien  n’in- 
[  diquait  le  voisinage  d’un  dérangement  quelconque ,  quand , 

I  tout-à-coup  ,  les  eaux  firent  irruption  au  front  de  la  galerie 
!  principale  avec  une  telle  violence,  que  les  ouvriers  eurent 
i  à  peine  le  temps  de  se  sauver  croyant  avoir  atteint  d’anciens 
1  ^ravaux  d’exploitation  abandonnés  et  inondés.  » 

(1)  Bulletin  de  l'Académie -de  Belgique ,  t.  XXIX,  p.  477. 


—  294  — 

MM.  Cornet  et  Briart  sont  parvenus  à  constater  la  nature 
de  ces  cavités  et  aies  distinguer  des  failles  en  les  contour- 
nant  par  des  galeries.  Ils  ont  reconnu  l’existence  de  huit 
puits  dans  les  environs  de  Mons.  Celui  de  Bascoup  coupe 
presque  perpendiculairement  les  couches  houillères,  sa 
section  est  une  ellipse  irrégulière  ,  dont  le  grand  axe  a  de 
36  à  52  mètres  et  le  petit  axe,  19.  Un  autre  puits  naturel, 
reconnu  dans  le  charbonnage  de  Sars  Lonchamps ,  a  90  m. 
de  large  dans  un  sens  et  63  dans  l’autre.  Au  Grand  Hornu , 
on  a  découvert  deux  de  ces  puits  distants  de  75  mètres  et 
larges  de  130  et  de  50  m.  Ils  ont  été  reconnus  par  deux 
galeries,  l’un  a  399  m.,  l’autre  à  130  m.  de  profondeur. 

Quelle  est  l’étendue  de  ces  puits  en  profondeur  et  jusqu’à 
quelle  hauteur  remontent-ils  dans  le  terrain  crétacé?  c’est 
ce  qu’on  ne  connait  pas  encore  ;  leur  mode  de  formation 
est  également  inexpliqué.  J.  G. 


CHRONIQUE 


Météorologie  :  AOUT 

1870 

Température  moyenne .  16.*  33 

>  K  des  maxima .  19.°  90 

»  »  desminima .  12.®  76 

>  extrême  minima,  30  et 31  8."  40 

»  »  maxima,  le  5..  25.®  10 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.® _  758”'“564 

»  hauteur  extrême  minima ,  le  28.  752””62 
J  »  B  maxima ,  le  31.  769““00 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  1 0“'“83 

Humidité  relative  moyenne  % .  73.0 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  90““79 

»  de  la  couclie  d’eau  évaporée. .  96““08 


AOUT 


année  moy. 
17.®  782 


759““  426 


11“"16 
71.  55 
63r069 
123T"95 


Comme  nous  le  voyons  ci-dessus  le  mois  d’août  fut  moins 
chaud  qu’en  année  moyenne.  Cet  abaissement  de  tempé- 


—  295  — 

rature  est  dû  à  plusieurs  causes  :  d’abord  la  direction  per¬ 
sistante  des  courants  atmosphériques  qui ,  pendant  20  jours 
sont  venus  du  N.  et  du  N.-O.  ;  la  rapidité  de  leur  marche, 
l’état  de  nébulosité  du  ciel  qui  s’opposa  à  l’action  directe 
des  rayons  solaires,  enfin  la  fréquence  de  la  pluie,  25  jours. 

L’abaissement  de  la  température  se  fit  surtout  remarquer 
pendant  le  jour,  aussi  la  moyenne  des  maxima  ne  fut-elle 
que  de  19.°  9,  inférieure  à  la  moyenne  générale  ;  celle  des 
minima  au  contraire  lui  fut  supérieure  de  12.°  76. 

La  nébulosité  du  ciel  fut  un  écran  qui  arrêta  la  chaleur 
solaire ,  mais  qui ,  en  compensation  ,  s’opposa  au  rayonne¬ 
ment  nocturne. 

Cette  grande  nébulosité  indice  de  la  saturation  des  cou¬ 
ches  élevées  de  l’atmosphère  détermina  un  grand  abaisse¬ 
ment  de  la  colonne  barométrique  et  des  pluies  très-fréquentes 
qui  entretinrent  dans  les  couches  d’air  en  contact  avec  le 
sol  une  humidité  défavorable  à  l’évaporation  ,  laquelle  fut 
bien  moindre  celte  année  que  l’année  dernière  ,  quoique  la 
température  ,  cause  la  plus  active  de  ce  phénomène  météo¬ 
rique,  ait  été  en  août  1870  supérieure  à  celle  du  mois  cor¬ 
respondant  de  1869. 

Cette  grande  humidité  atmosphérique  donna  lieu  aux 
orages  des  5,  9,  19  et  26,  qui  vinrent  de  la  région  N.  Celui 
du  26 ,  fut  accompagné  d’une  grêle  abondante ,  mais  le 
volume  des  grêlons  ne  fut  pas  assez  fort  pour  qu’ils  causas¬ 
sent  des  dégâts  aux  végétaux.  V.  Meurein, 

Archéoloi^ie  préhistorique.  Haches  en  silex  poli, 
—  Une  très-belle  hache  polie  en  silex  gris  vient  d’être  dé¬ 
couverte  à  Vendhuile,  près  du  Catelet,  sur  le  bord  du 
canal.  Elle  a  été  donnée  au  Musée  de  Lille  par  M.  Albert 
Cornailles.  J.  G. 

Archéologie.  Sépulture  gauloise.  —  On  lit  dans  le 
Courrier  de  V Aisne  : 

Les  fouilles  faites  depuis  un  mois  dans  l’antique  cimetière 


—  296  — 

de  Chassemy  ont  été  très-fructueuses  :  les  bracelets,  les  tor¬ 
ques  en  bronze,  les  pendants  d’oreilles  en  os ,  les  fibules  en 
bronze  ou  en  fer,  les  javelots ,  les  poignards,  les  lances  , 
les  coutelas  en  fer,  les  vases  aux  formes  les  plus  variées,  aux 
ornements  les  plus  divers  ,  font  de  la  maison  du  sieur  Taté, 
propriétaire  du  cbamp  d’où  l’on  tire  toutes  ces  richesses  ar¬ 
chéologiques,  un  musée  des  plus  intéressants.  Dernièrement 
il  a  trouvé  des  meules  en  grès  de  la  forme  la  plus  primitive  : 
ce  sont  tout  simplement  des  pierres  que  l’on  frottait  l’une 
contre  l’autre  pour  écraser  le  grain. 

La  découverte  la  plus  belle  qu’aient  amenée  les  fouilles 
est  celle  d’un  char  enterré  au-dessus  du  guerrier  auquel  il 
a  appartenu.  Le  bois  a  disparu;  mais  les  cercles  en  fer  des 
roues ,  ceux  des  moyeux ,  les  mors  des  deux  chevaux ,  les 
ferrements  des  palonniers ,  les  nombreuses  plaques  en 
bronze  dont  les  harnais  et  la  voiture  étaient  ornés,  sont 
restés  intacts  dans  le  sable. 

Les  roues,  hautes  de  1  mètre  4  cent. ,  n’avaient  pas  plus 
de  2  centimètres  de  largeur.  Les  mors ,  très-puissants  ,  sont 
de  ceux  que  les  modernes,  qui  s’en  croient  sans  doute  les  in¬ 
venteurs  ,  appellent  «  mors  brisés  ou  mors  anglais.  »  Les  an¬ 
neaux  en  bronze  sont  au  nombre  de  dix-huit.  Les  plaques  de 
même  métal,  larges  et  richement  ornementées,  sont  au 
nombre  de  vingt.  Le  char,  à  en  juger  par  l’écartement  des 
roues ,  devait  avoir  à  peu  près  1  mètre  20  cent,  de  largeur. 

C’était  évidemment  un  char  de  guerre  ou  de  luxe  ;  les 
roues  étaient  trop  étroites  pour  supporter  le  poids  de  pesants 
fardeaux  dans  des  chemins  assurément  peu  praticables.  Il 
devait  être  très-léger. 

Au  pied  du  guerrier  étaient  de  beaux  vases ,  à  dessins 
composés  de  lignes  brisées,  des  javelots,  une  lance.  A  son 
côté  droit  était  une  courte  épée  à  deux  tranchants.  Sur  son 
corps  on  avait  jeté  quelques  éclats  de  silex. 

D'eux  grosses  pici’ies  blanches,  non  taillées,  étaient 
appuyées  l’une  contre  l’autre  à  sa  gauche.  A  8  mètres  de 
celte  sépulture  gisait  un  cheval  de  petite  taille,  à  grosse  tête,, 
dont  le  squelette  présente  un  sujet  d’étude  des  plus  intéres¬ 
sants.  Le  second  cheval  n’a  pas  encore  été  retrouvé.  J.  G. 

'  '  "  Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


■nP.  DE  RLOCQUEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2.®  Année.  —  N.“  10.  —  Octobre  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

ACADÉMIE  DE  BELGIQUE,  CLASSE  DES  SCIENCES 

Travaux  courants 

La  discussion  au  sujet  de  l’existence  d’une  force  vitale 
spéciale  ,  discussion  que  nous  avons  déjà  mentionnée 
a  continué  pendant  les  séances  suivantes.  La  nature  de 
la  question ,  son  importance  et  la  crainte  de  ne  pas  saisir 
exactement  l’opinion  des  savants  académiciens ,  nous  enga¬ 
gent  à  renvoyer  nos  lecteurs  aux  bulletins  de  l’Académie. 

M.  Quetelet  présente  le  plan  d’un  nouvel  ouvrage  qu’il  va 
publier  sous  le  nom  (T Anthropométrie.  Il  traitera  des  rela¬ 
tions  de  forme  et  de  grandeur  des  diverses  parties  du  corps 
humain  ,  de  la  taille  moyenne  de  l’bomme,  de  son  poids  et 
de  sa  force  aux  différents  âges. 

M.  Melsens  a  fait ,  à  l’aide  de  manomètres  métalliques  , 
quelques  expériences  pour  déterminer  la  force  élastique  des 
gaz  liquéfiables.  Les  résultats  obtenus  concordent  avec  ceux 
que  fournissent  les  formules  adoptées  par  M.  Régnault  ; 
dans  d’autres  expériences,  il  a  maintenu  pendant  plus  d’une 
heure  à  un  froid  de  —  80.°  du  virus  viccin  d’origine  jéne- 
rienne  et  ce  virus  conserva  toute  son  efficacité. 

M.  Van  Beneden  décrit,  sous  le  rapport  zoologique  et 
anatomique ,  le  Macrostomum  viride  ,  ver  tubellarié  qu’il 
a  trouvé  dans  un  fossé  des  environs  de  Louvain. 

M.  Van  Bambeke  a  remarqué,  à  la  surface  du  vitellus  des 
œufs  fécondés  des  Amphibiens  (grenouilles,  tritons,  axolots 

(0  Bulletin  de  l’Académie  royale  de  Belgique,  t.  xxix,  n.®  G  — 
t.  XXX  ,  n.°  7  et  8. 

(‘■‘)  Page  208. 


—  298  — 

et  autres) ,  des  trous  qui  sont  les  ouvertures  de  conduits 
microscopiques  pénétrant  à  une  certaine  profondeur  dans 
l’œuf  et  se  terminant  par  une  dilatation  en  cul  de  sac.  Selon 
l’auteur,  ces  trous  et  ces  conduits  sont  l’œuvre  des  sperma¬ 
tozoïdes.  Déjà  un  savant  anglais,  New  port,  avait  vu  les 
spermatozoïdes  pénétrer  par  des  mouvements  actifs  à 
travers  les  diverses  couches  enveloppant  l’œuf  des  Batra¬ 
ciens  jusqu’à  la  membrane  vitelline,  puis  traverser  cette 
membrane  et  disparaître.  Il  ne  semble  cependant  pas  à 
M.  Van  Bambeke  que  la  pénétration  des  spermatozoïdes 
soit  une  condition  indispensable  de  la  fécondation ,  car  il  a 
constaté  le  développement  d’œufs  de  grenouille  complè¬ 
tement  privés  de  ces  trous  vitellins. 

M.  Mourlon ,  aide-naturaliste  du  Musée  de  Bruxelles, 
donne  quelques  détails  sur  la  géologie  du  Maroc  d’après 
un  collection  de  roches  et  de  fossiles  recueillis  dans  ce  pays 
par  31.  l’ingénieur  Desguin  et  déposée  au  3Iusée  de  Bruxelles. 

M.  de  Koninck  change  le  nom  qu’il  avait  donné  à  un 
poisson  de  la  craie  de  àleudon  (^)  :  il  s’appellera  Ancistro- 
gnathus  ^  au  lieu  de  Ankistrodus  ^  nom  déjà  employé. 

Puits  naturels  dans  la  craie  du  Brabant ,  par  31.  Van 
Horen,  docteur  en  sciences  naturelles  àSaint-Trond. —  Ces 
puits  ou  orgues  géologiques  sont  des  cavités  coniques 
creusées  dans  la  craie  et  s’ouvrant  à  la  surface  de  cette  roche 
en  un  entonnoir  de  60  centimètres  de  diamètre  au  maximum. 
Ils  descendent  en  s’atténuant  avec  une  grande  régularité  et, 
lorsque  leur  extrémité  inférieure  est  accessible ,  l’on  peut 
constater  qu’ils  se  terminent  en  pointe  émoussée. 

Une  mince  couche  d’argile  brune  recouvre  partout  la  sur¬ 
face  de  la  craie  et  tapisse  les  parois  des  puits  jusqu’au  fond. 

L’argile  est  recouverte  de  sables  brunâtres  entremêlés  de 


P)  Bulletin,  t.  ii,  p.  114. 


—  !299  — 

petites  bandes  d’argile  et  descendant  dans  les  poches  de  la 
craie.  Plus  haut ,  le  sable  devient  jaunâtre  et  à  sa  partie  su¬ 
périeure  il  est  rempli  de  débris  de  tuffeau  qui  doivent  être 
rapportés  au  tuffeau  de  Lincent.  Ces  sables,  dont  l’épaisseur 
est  de  1  mètre ,  sont  surmontés  par  un  diluvium  de  gros 
silex  brisés  et  par  une  couche  peu  puissante  de  Limon  brun. 

L’auteur  n’exprime  pas  son  opinion  au  sujet  de  la  forma¬ 
tion  de  ces  cavités  ,  mais  on  trouve ,  dans  les  rapports  de 
M.*"®  d’Omalius  d’Halloy  et  Dewalque  sur  le  travail  de  M.  Van 
Horen,  des  considérations  intéressantes  sur  la  manière  dont 
elles  se  sont  remplies. 

Selon  M.  d’Omalius  ,  quelques-unes  de  ces  cavités  pour¬ 
raient  bien  être  des  poches  creusées  et  remplies  de  haut  en 
bas  par  des  causes  extérieures  tandis  que  les  autres  sont 
certainement  des  puits  naturels  que  le  savant  académicien 
suppose  formés  par  des  émanations  sorties  de  l’intérieur  de 
la  terre.  11  en  voit  une  preuve  dans  la  couche  d’argile  brune 
qui  se  prolonge  le  long  des  parois  comme  les  salbandes 
des  filons  ;  des  éjaculations  sableuses  auraient  suivi  les  éja¬ 
culations  argileuses  et  se  seraient  fait  jour  au  milieu  de 
l’argile. 

Pour  M.  Dewalque,  toutes  ces  cavités  ,  quelles  que  soient 
leurs  formes  et  leurs  dimensions  ,  se  sont  comblées  de  haut 
en  bas.  Voici  comment  il  explique  la  formation  de  la  couche 
d’argile  : 

Cetle  argile  ne  se  borne  pas  à  revêtir  l’intérieur  des 
cavités  creusées  dans  la  craie,  en  passant  sui*  toutes  ses 
inégalités;  elle  recouvre  même  toute  la  surface  supérieure 
de  cette  roche.  Sa  formation  résulte  de  l’intiltration  des  eaux 
superficielles  ,  qui  arrivent  à  la  craie  chargées  de  particules 
limoneuses  en  suspension ,  lesquelles  s’arrêtent  à  la  surface 
de  la  craie,  roche  infiniment  moins  perméable  que  les  sables 
qui  la  recouvrent,  et  y  forment  lentement  la  couche  argi¬ 
leuse  dont  il  s’agit,  tandis  que  la  craie  est  dissoute  par 
l’acide  carbonique. 


—  300  — 

Si  je  comprends  bien  l’idée  de  M.  DeAvalque,  il  admet 
que  la  couche  d’argile  est  postérieure  non-seulement  aux 
cavités  qu’elle  tapisse,  mais  encore  aux  sables  a  travers 
lesquels  elle  a  filtré. 

L’âge  des  sables  était  à  déterminer.  M.  Van  Horen 
s’est  abstenu  de  le  faire  ;  il  se  borne  à  combattre  l’opinion  de 
Dumont  qui  les  rangeait  dans  l’étage  inférieur  du  système 
landenien.  J’avoue  que  Dumont  me  paraît  être  dans  le  vrai  : 
l’abondance  des  fragments  de  tuffeau  à  la  partie  supérieure 
des  sables  me  semble  indiquer  une  couche  démantelée  et 
remaniée  sur  place.  Comme  ce  tuffeau  appartient  indubita¬ 
blement  au  système  landenien  inférieur,  les  sables  qui  leur 
sont  associés  à  la  partie  inférieure  ne  peuvent  être  consi¬ 
dérés  comme  plus  récents. 

Observations  sur  la  meule  de  Bracquegnies  (^) ,  par 
M.^  Horion ,  docteur  à  Liège  ,  et  Gosselet ,  professeur  à  la 
Faculté  des  Sciences  de  Lille. 

Depuis  les  recherches  de  Cornet  et  Briart  sur  la 
meule  de  Bracquegnies,  on  est  d’accord  pour  admettre  que 
cet  étage  représente  le  grés  vert  de  Blackdow  n;  mais  on  n’est 
plus  unanime  sur  la  place  à  assigner  à  l’un  ou  à  l’autre 
dépôt  dans  nos  classifications. 

On  admet  généralement  que  le  grés  vert  de  Blackdovn  se 
rapporte  au  green  sancl  ou  étage  cénomanien  ;  néanmoins 
M.  Sharpe  a  suggéré  l’idée  qu’il  représenterait  la  forme  lit¬ 
torale  des  dépôts  de  la  mer  du  gault,  et  S.  Ch.  Lyel 
semble  pencher  vers  celte  opinion.  D’un  autre  côté, 
M.""  Horion  et  Gosselet  avaient  rapporté  la  meule  au  Gault 
et  la  notice  qu’ils  présentent  en  commun  à  l’Académie  a 
pour  but  d’établir  que  la  meule  deBracquegnies,  comme  le 
grés  vert  deBlackdowu  ,  doit  rentrer  dans  l’étage  du  Gault. 
J’ajoute  qu’ils  placent  au  même  niveau,  comme  M."®  Meugy 
et  de  Lapparenl,  auxquels  j’ajouterai  Dumont,  la  gaize  de 
Vouziers;  en  quoi  je  me  range  volontiers  de  leur  avis. 
[Extrait  du  Rapport  de  M.  Detvalque  à  V Académie.) 


(1)  Bulletin  ,  t.  i ,  p.  18. 


301  — 


SOCIÉTÉ  d’émulation  DE  CAMBRAI 
Mémoires,  t.  xxxi  (1."  partie)  ,  1870. 

Nous  retrouvons  dans  ce  volume ,  qui  vient  de  paraître , 
plusieurs  des  articles  que  nous  annoncions  il  y  a  quelques 
mois  [Bulletin^  t.  ii,  p.  174).  Tels  sont  les  Mémoires 
de  M.  Fégueux  sur  les  eaux  de  Barèges  ;  la  Notice  de 
M.  Durieux  sur  les  dîners  de  l’évêque-constitulionnel 
Primat  ;  son  chapitre  d’histoire  locale  intitulé  :  Une  alerte 
à  Cambrai  en  1791  ;  enfin  sa  monographie  du  faubourg  et 
de  la  chapelle  Saint-Druon. 

Nous  remarquons  dans  le  même  volume  :  les  discours  et 
rapports  lus  à  la  séance  publique  du  21  novembre  1869 
(voir  Bulletin ,  1. 1,  p.  384)  ;  l'Essai  historique  sur  la  ville 
de  Solesmes  en  Hainaut ,  couronné  dans  ladite  séance  ;  la 
3.®  partie  (canton  de  Clary)  de  l’étude  de  M.  Gosselet  sur 
la  Constitution  géologique  de  l’ancien  Camhrésis  ,  et  divers 
autres  travaux  sur  lesquels  nous  nous  proposons  de  nous 
étendre. 

Au  premier  rang  citons  Vïlistoire  de  Cambrai  à  l’époque 
féodale  ,  par  M.  Wilbert ,  président  de  la  Société.  Ce  mor¬ 
ceau  fait  partie  d’un  ouvrage  considérable  dont  M.  Wilbert 
a  déjà  publié  deux  chapitres  :  Histoire  de  Cambrai  sous 
la  domination  espagnole;  les  coi'ps  de  métiers  et  le  commerce 
de  Cambrai  du  xi.®  au  xix.®  siècle  (voir  Bulletin ,  t.  i,  p. 
111,  176.) 

Dans  le  nouveau  chapitre  qu’il  détache  de  son  volumi¬ 
neux  manuscrit,  Thistorien  des  institutions  de  Cambrai 
esquisse  brièvement  les  invasions  normandes  et  hongroises  : 
il  retrace  ensuite  les  luttes  continuelles  soutenues  par  les 
évêques  contre  les  châtelains;  il  montre  le  Camhrésis  se 
hérissant  de  forteresses  aux  xi.®  et  xii.®  siècles  ;  il  décrit  les 
résidences  épiscopales  de  Thun-l’Evêque ,  du  Câteau  et  de 


s 


—  302  — 

la  Malmaison  ;  il  traite  ensuite  de  l’introduction  ,  dans  le 
Cambrésis,  de  la  trêve  de  Dieu  et  des  institutions  de  paix  ; 
il  expose  la  part  que  des  chevaliers  cambrésiens  prirent  à 
l’expédition  de  Guillaume-le-Conquérant  en  Angleterre  et 
aux  croisades  ;  il  s’occupe  ensuite  des  tournois  et  autres 
plaisirs  nobiliaires,  parmi  lesquels  il  ne  manque  pas  défaire 
figurer  la  gaie  science  qui  compta  tant  d’adeptes  dans  la 
caste  féodale  du  Cambrésis.  Quelques  mots  sur  les  cours 
d’amours  et  sur  le  service  des  fiefs  terminent  cet  exposé 
des  institutions  de  Cambrai  et  du  Cambrésis  au  moyen-âge. 

Plusieurs  fois  déjà  nous  avons  rendu  justice  aux  qualités 
qui  distinguent  le  Bulletin  archéologique  de  l'arrondisse- 
ment  de  Cambrai  annuellement  rédigé,  depuis  1860,  par 
M.  Ad.  Bruyelle.  Naguère  nous  étions  heureux  d’annoncer 
que  l’auteursongeait  à  étendre  rétrospectivement  son  travail 
jusqu’à  l’an  1800.  M.  Bruyelle  a  mieux  fait  que  de  tenir  sa 
promesse,  il  l’a  dépassée  :  car,  dans  une  introduction  très- 
soignée,  il  énumère,  suivant  l’ordre  des  temps,  tous  les 
faits  archéologiques  qui  se  sont  produits  dans  le  Cambrésis, 
antérieurement  aux  premières  années  du  xix.®  siècle.  Nous 
assistons  donc  avec  lui  à  la  fondation  des  églises  Notre- 
Dame  et  de  Saint-Pierre  à  Cambrai ,  à  l’érection  de  l’abbaye 
de  Saint-Céry-bors-des-murs ,  à  celle  de  l’abbaye  d’Hon- 
necourt  et  de  l’église  paroissiale  de  Saint-Martin ,  à  l’agran¬ 
dissement  de  l’enceinte  de  Cambrai  par  l’évêque  Dodilon  , 
à  l’achèvement  du  palais  épiscopal  par  l’évêque  Herluin ,  à 
la  fondation  de  Saint-André  du  Câteau  et  de  l’abbaye  de 
Saint-Sépulcre,  au  rétablissement  des  églises  de  Sainte- 
Croix  et  de  Saint-Vaast,  à  cet  épanouissement  de  forteresses 
féodales  dont  M.  Wilbert  nous  entretenait  tout  à  l’heure  : 
châteaux  de  Vincy-Crèvecœur ,  deRumilly,  deBusigny, 
d’Oisy  et  de  Bousies,  d’Estrun ,  de  Marcoing,  de  Palluel  et 
d’Inchy,  de  Noyelles-sur-l’Escaut  et  de  Clermont. 


—  303  — 

Pendant  que  s’élèvent  sur  leur  plan  définitif  l’église  abba¬ 
tiale  de  Vaucelles  et  la  cathédrale  de  Cambrai ,  les  maisons 
hospitalières  se  multiplient,  l’hotel-de-ville  prend  nais¬ 
sance  ,  le  système  de  fortifications  se  transforme.  Un  jour  , 
Charles-Quint  le  complétera  par  l’érection  de  lacitadelle,et 
Louis  XIV  lui  imprimera  sa  physionomie  actuelle.  Puis 
l’ouragan  révolutionnaire  s’abattra  sur  les  monuments  reli¬ 
gieux  du  passé. 

La  notice  de  M.  Durieux  sur  les  pierres  tumulaires  de 
Vancienne  église  Saint-Nicolas  à  Cambrai  forme  un  pre¬ 
mier  appendice  à  son  recueil  des  Inscriptions  funéraires  et 
monumentales  dont  nous  rendions  compte  ici-même  [Bul¬ 
letin  ^  t.  Il,  p.  146-148). 

Dès  l’année  dernière  (voir  Bulletin^  t.  i,  p.  261)  nous 
signalions  les  précieux  matériaux  pour  Vhistoire  des  arts 
que  M.  Ch.  A.  Lefebvre,  archiviste  et  bibliothécaire  de 
Cambrai,  a  recueillis  dans  les  manuscrits  ou  dans  les 
comptes  de  la  ville.  Une  de  ses  découvertes  a  surtout  fixé 
l’attention  des  érudits.  Il  s’agissait  d’une  note  recueillie  sur 
un  feuillet  de  garde  d’où  il  résulte  que  Charles-le-Témé- 
raire,  qu’on  croyait  jusqu’ici  livré  à  de  tout  autres  goûts, 
ambitionnait,  au  moins  dans  sa  jeunesse,  la  gloire  de  com¬ 
positeur  musical.  Cette  note,  que  l’on  était  justement  im¬ 
patient  de  connaître  et  qui  est,  à  n’en  point  douter,  d’une 
main  contemporaine  de  l’évènement,  M.  Lefebvre  nous  la 
livre  aujourd’hui  en  entier.  La  voici  telle  qu’il  nous  la 
donne  : 

Charles ,  comte  de  Charolois ,  fils  de  Philippe  ,  duc  de 
Bourgoigne,  etc.  fist  ung  mottet  et  tout  le  chant,  lequel 
fust  chanté  en  se  présence  après  messe  dicte  en  le  vénérable 
église  de  Cambrai  par  le  maistre  et  les  enfans  en  l’an  1460, 
le  23.®  jour  d’octobre ,  qui  est  le  jour  de  saint  Séverin. 

Il  n’est  pas  facile  d’analyser  le  reste  du  travail  communi¬ 
qué  par  M.  Lefebvre  à  la  Société  d’Emulation  de  Cambrai 


—  304  — 

et  inséré  dans  le  t.  xxxi  des  Mémoires.  Ses  matériaux  , 
comme  il  les  appelle ,  sont  si  variés ,  si  abondants ,  si 
touffus ,  qu’on  est  mal  à  l’aise  pour  les  embrasser  d’un  seul 
coup  d’œil. 

Bornons-nous  à  en  extraire  quelques  indications  en  les 
disposant  par  ordre  chronologique  :  elles  donneront  une 
idée  du  reste  : 

136o-1370.  Lot  de  vin  présenté,  le  dimanche  repu 
(dimanche  gras)  aux  ménétriers  qui  tenaient  les  écoles  ;  — 
peinture  des  lo  enseignes  des  capiteaux  et  des  montées  de  la 
maison  de  paix  ;  —  frais  de  plaquage  de  la  halle  aux  sou¬ 
liers,  où  l’on  met  les  seaux  contre  l’incendie  ;  —  confection 
d’un  poinçon  pour  marquer  les  arcs  de  la  ville  ;  —  méné¬ 
triers  mandés  de  Saint-Quentin  pour  l’entrée  du  roi 
Charles  V  à  Cambrai  ;  —  deux  douzaines  de  hanaps  d’ar¬ 
gent  offerts  à  l’évêque  Robert  de  Genève  à  sa  nouvelle 
venue  en  sa  cité  épiscopale  ;  —  annonce  par  cri  public , 
dans  Cambrai ,  des  fêtes  du  «  noble  forestier  »  de  Lille. 

i371-1380.  Ornementation  de  la  fierte  (reliquaire)  de 
Notre-Dame  de  Cambrai. 

1390-1400.  Subventions  accordées  par  la  ville  à  M.  de 
Saint-Pol  pour  l’aider  dans  ses  joutes  et  pour  l’éducation  de 
trois  de  ses  ménestrels.  —  1401  :  Installation  de  la  librairie 
(bibliothèque)  du  chapitre.  —  1445  :  gratification  à  Guil¬ 
laume  Dufay,  célèbre  compositeur.  —  1448  :  présent  fait  à 
la  fille  d’Enguerrand  de  Monstrelet,  prévôt  de  la  ville  ,  le 
soir  de  ses  noces;  vins  d’honneurprésentés  à  Jean  de  Condé, 
dit  petit  Jean ,  et  à  ses  compagnons  cambrésiens  qui  ont 
gagné  un  très-beau  prix  d’argent  au  Puy  Notre-Dame  à 
Valenciennes. 

1450.  Décision  du  chapitre  de  la  cathédrale  sur  la  place 
à  donner  à  l’image  de  la  sainte  Vierge  ,  léguée  par  Fursy 
Dubruille ,  archidiacre  de  Valenciennes. 

En  août  1478,  on  sauve  à  Valenciennes,  par  crainte  de 
la  guerre,  les  objets  composant  le  trésor  du  chapitre, 
entre  autres  le  prétendu  original  de  l’acte  de  cession  du 
comté  de  Gambrésis.  —  Le  6  août  1482,  entrée  de  l’évêque 
Henri  de  Berghes  à  Cambrai  :  description  de  la  coupe  dans 
laquelle  il  a  bu  en  cette  circonstance  et  qu’il  a  remise,  selon 
l’usage,  au  bailli  du  chapitre. 


—  oOj  — 

loi 0-1 511.  Fonte  des  Martins  de  Cambrai;  — -  négocia¬ 
tions  entre  le  chapitre  cathédral  et  rilliistre  Jean  Belle- 
gambe  ,  pour  travaux  d  art  à  exécuter. 

1552-1 553.  Confection  de  la  statue  de  Jean  de  Bove 
(voir  Bulletin  ,  1. 1 ,  p.  314). 

1582-1595.  Fêtes  données  à  Balagny;  honneurs  à  lui 
rendus  ainsi  qu’au  duc  d’Alençon  ;  entrée  de  Henri  tV  à 
Cambrai,  etc. 

Forcés  de  nous  borner,  nous  ne  suivrons  pas  M.  Lefebvre 
dans  les  temps  plus  modernes  :  ses  extraits  se  continuent, 
sur  le  même  plan  ,  jusqu’à  la  Révolution. 

Il  nous  reste  à  examiner  l’œuvre  à  laquelle  la  Société 
d’Emulation  a  décerné  une  médaille  d’argent  dans  sa  der¬ 
nière  séance  annuelle.  VEssai  historique  sur  la  ville  et 
l'ahhaije  de  Solesmes  en  Hainaut  par  M.  V.  Rufün  ,  ori¬ 
ginaire  de  cette  localité  ,  se  divise  en  trois  parties  :  la  1 
traitant  de  l’origine  de  Solesmes;  la  2.®  de  Solesmes,  pro¬ 
priété  des  bénédictins  de  Saint-Denis  (705-1605)  ;  la  3.®  de 
Solesmes,  seigneurie  du  Cambrésis  (1605-1789). 

La  partie  est  incontestablement  la  plus  faible  de  tout 
l’ouvrage.  L’auteur  s’y  montre  fort  au  dessous  des  progrès 
de  la  critique  en  ce  qui  touche  aux  questions  d’origines.  Il 
se  relève  dans  la  2.®  partie,  la  plus  intéressante  des  trois. 
Comme  il  est  à  portée  des  riches  archives  de  l’abbaye  de 
Saint-Denis  en  France ,  il  y  a  abondamment  puisé  :  il  a 
aussi  fouillé  celles  de  sa  ville  natale.  Mais  il  a  trop  négligé 
le  dépôt  du  Nord  dont  il  ne  parle  une  fois  que  pour  com¬ 
mettre  une  erreur  de  fait.  Il  n’est  point  vrai  que  nous 
conservions  l’original  de  l’acte  par  lequel  Childebert  III 
donne  à  l’abbaye  de  Saint-Denis  la  villa  de  Solesmes.  Le 
texte  que  nous  en  possédons  et  qu’a  publié  M.  Le  Glay  est 
rapporté  sur  un  rouleau  de  parchemin  de  la  fin  du  xiii.®  ou 
du  commencement  du  xiv.®  siècle. 

A  cela  près,  l’histoire  du  prieuré  de  Solesmes  est  traitée 


—  306  — 

par  M.  Ruffin  avec  ampleur  et  fermeté.  On  sent ,  à  la  lire  , 
un  auteur  versé  dans  la  langue  et  l’étude  du  droit,  qualité 
Irès-précieuse  pour  retracer  les  conllits  séculaires  du  couvent 
et  des  sires  de  Bousies ,  ses  avoués ,  les  relations  juridiques 
des  moines  avec  les  habitants  ,  etc. 

L’épuisement  du  trésor  de  Saint-Denis  à  la  suite  des 
guerres  de  religion  obligea  cette  célèbre  abbaye  à  aliéner 
son  prieuré  de  Solesmes.  Elle  le  vendit,  en  1603,  à  Tar- 
cbevêque  de  Cambrai,  moyennant  33000  livres.  «  Ce  chan¬ 
gement  de  maître,  »  dit  M.  Ruffin,  «  fut,  pour  les  habitants 
de  Solesmes,  une  véritable  révolution  :  ils  rentraient  dans  le 
droit  commun,  et  l’histoire  de  leur  ville,  dès  cette  époque  , 
est  intimement  liée  à  celle  du  Cambrésis.  »  A.  Desplanque. 


BIBLIOGRAPHIE. 

LES  FOURBUS 

par  M.  Kervyn  de  Yolkaersbeke  (^) 

Une  étude  sur  la  famille  des  Fourbus  intéresse  l’Europe 
artistique  tout  entière  :  originaire  de  la  Hollande ,  cette 
famille  s’est  établie  en  Belgique ,  puis  en  France  ;  elle  a 
fait  école  dans  les  autres  contrées  :  le  château  de  Hampton- 
Court ,  comme  le  palais  Pitti ,  possède  des  toiles  signées  par 
les  Fourbus  ;  l’on  en  trouve  dans  le  musée  de  Berlin  et  la 
pinacothèque  de  Munich  comme  dans  la  galerie  royale  de 
Madrid.  Le  nord  de  la  France  en  possède  plusieurs ,  entre 
autres  le  Martyre  de  Saint-Georges,  exécuté  pour  une  con¬ 
frérie  de  Dunkerque.  Les  musées  de  Valenciennes  et  de 
Douai  offrent  plusieurs  portraits  attribués  avec  vraisem¬ 
blance  à  divers  membres  de  la  famille  Fourbus.  Le  tra¬ 
vail  de  M.  Kervyn  de  Yolkaersbeke  doit  être  accueilli  avec 

(q  ln-8.“  de  63  pages,  avec  planches.  (Extrait  du  Messager  des  Sciences 
historiques  de  Belgique). 


—  507  — 

faveur  par  tous  ceux  qui  s’occupent  de  l’histoire  de  lart  et 
en  particulier  par  ceux  qui  1  etudient  dans  notre  contrée. 
Les  érudits  attacheront  de  l’importance  à  cette  notice, 
quand  ils  sauront  que,  sans  avoir  par  lui-même  consulté 
les  sources  originales ,  l’auteur  a  réuni  les  documents  dis¬ 
persés  dans  un  grand  nombre  de  savants  ouvrages ,  dans 
les  écrits  de  l’anglais  James  Weale,  le  plus  remarquable  de 
tous  les  investigateurs  qui  s’occupent  de  lart  primitif  en 
Belgique,  dans  les  travaux  de  M.  de  La  Borde,  souvent  trop 
dédaignés  par  nos  voisins  les  belges ,  et  dans  les  livres 
sérieux  publiés  par  M.  Em.  de  Busschere  et  M.  P.  Génard. 
Peut-être  l’auteur  a-t-il  attaché  trop  d’importance  kVHistoire 
de  la  peinture  flamande^  par  M.  Alfred  Micbiels  ,  ouvrage 
dans  lequel  des  idées  fausses  sur  l’influence  du  climat  et 
des  systèmes  préconçus  gâtent  une  science  incontestable 
sur  tout  ce  qui  touche  aux  procédés  employés  par  les 
artistes.  Nos  lecteurs  pourront  juger  cette  notice  par  l’ana¬ 
lyse  que  nous  allons  leur  présenter. 

L’origine  hollandaise  de  la  famille  des  Pourbus  fournit  à 
M.  Kervyn  de  Volkaersbeke  l’occasion  de  signaler,  dès  le 
commencement  de  son  travail ,  les  différences  qui  existent 
entre  l’école  hollandaise  et  l’école  flamande.  Après  avoir 
indiqué,  d’après  M.  Micbiels,  les  influences  qui  proviennent 
du  climat,  il  veut  bien  emprunter,  au  livre  que  nous  avons 
autrefois  publié  sur  ÏArt  chrétien  en  Flandre,  des  consi¬ 
dérations  qui  établissent  que  le  sentiment  religieux,  la 
vraie  piété  et  le  culte  catholique  ont  exercé  sur  les  artistes 
des  influences  plus  sérieuses  que  le  sol  et  la  température. 

Abandonnant  les  considérations  générales,  l’auteur 
arrive  au  sujet  même  de  son  étude.  Le  premier  peintre  de 
la  famille  dont  il  écrit  l’histoire  est  Pierre  ou  Jean  Pourbus 
le  vieux,  qui  naquit  à  Gouda  en  Hollande  ,  peut-être  vers 
1465  :  l’on  peut  mettre  en  doute  l’authenticité  des  œuvres 


—  508  — 

qu’on  lui  attribue. Son  ï\\s,PierrePourbus  le  jeune,  né  proba¬ 
blement  à  Gouda  entre  1500  et  1513  ,  étudia  la  peinture  à 
Bruges,  dans  l’atelier  du  célèbre  peintre  Lancelot  Blondeel, 
et  surtout  devant  les  œuvres  des  Van  Eyck  et  de  Memling, 
auprès  desquelles  il  passait  des  heures  entières  durant  les 
jours  où  elles  étaient  exposées  à  la  vénération  des  fidèles. 
Retenu  dans  Bruges  par  son  mariage  avec  la  fille  de  Lan¬ 
celot  Blondeel,  il  devint  bourgeois  de  la  ville  et  membre  de 
la  confrérie  de  Saint-Luc  dont  il  fut  doyen  à  plusieurs 
reprises;  il  exécuta,  par  ordre  du  Magistrat,  la  célèbre 
carte  sur  laquelle  était  représenté  le  territoire  du  Franc, 
avec  ses  villages,  ses  hameaux,  ses  églises  ,  ses  chapelles, 
ses  rivières,  avec  les  ruisseaux  qui  l’arrosent  et  les  dunes 
qui  le  protègent  contre  les  flots  de  la  mer.  Pour  apprécier 
l’importance  de  ce  travail,  dont  Bruges  possède  encore  une 
reproduction  due  au  pinceau  de  Pierre  Glaeyssens,  il  suffit 
de  savoir  que  le  Magistrat  le  lui  paya  2617  florins,  65  cts. 
soit ,  en  monnaie  de  nos  jours  ,  22,092  fr.  96  centimes. 
L’on  se  tromperait  si  l’on  croyait  que  l’auteur  de  cette  carte 
géographique  enluminée  n’était  point  capable  de  s’occuper 
de  la  grande  peinture.  Pierre  Pourbus  le  jeune  excellait 
dans  les  tableaux  d’histoire  et  le  portrait.  L’auteur  le 
prouve  en  conduisant  ses  lecteurs  dans  deux  églises  de 
Bruges  ,  celle  de  Saint-Sauveur  où  se  trouve  un  admirable 
triptyque  représentant  la  Cène,  et  celle  de  Notre-Dame  où 
il  donne  des  éloges  mérités  à  plusieurs  œuvres  du  maître. 

C’est  dans  cette  ville  de  Bruges,  la  capitale  artistique  de 
la  Flandre,  qu’avait  vu  le  jour,  en  1540,  François  Pourbus 
le  Dieux ,  fils  de  Pierre  Pourbus  le  jeune.  Après  avoir  été 
élève  de  son  père  et  avoir  travaillé  dans  l’atelier  de  Fran¬ 
çois  de  Vriend  ou  Franz  Floris,  le  jeune  artiste  se  préparait 
à  partir  pour  l’Italie,  quand  son  mariage  avec  la  nièce  de 
son  maître  le  retint  à  Anvers  ;  il  y  mourut  à  l’âge  de  35  ans. 


—  509  — 

d’une  fièvre  qu’il  contracta  pour  avoir  exercé  avec  trop 
d’ardeur  les  fonctions  de  porte-drapeau  dans  la  milice 
citoyenne.  Les  principales  villes  de  la  Belgique,  Bruxelles, 
Bruges ,  Courtrai  et  Gand  possèdent  des  compositions  de 
ce  maître;  dans  la  dernière  de  ces  villes,  l’on  vante  avec  rai¬ 
son  le  Jésus  enseignant  au  temple  ,  dont  M.  Kervyn  donne 
une  description  détaillée  et  une  gravure  dùe  au  gracieux 
burin  de  M.  Charles  Onghena.  Courtrai  possède  aussi  un 
chef-d’œuvre  de  François  Fourbus  le  vieux,  la  Descente  du 
Saint-Esprit,  conservé  dans  l’église  Saint-Martin. 

Le  dernier  artiste  de  cette  famille  est  François  Fourbus 
le  jeune,  fils  du  précédent,  né  à  Anvers  en  lo70.  Plus  illustre 
encore  que  ses  ancêtres,  il  reçut  de  nombreuses  commandes 
de  toute  la  Flandre  et  travailla  surtout  pour  les  archiducs 
Albert  et  Isabelle.  Cependant,  il  alla  plus  tard  se  fixer  à 
Paris ,  d’où  sa  renommée  se  répandit  bientôt  dans  toutes  les 
cours  de  l’Europe.  Peintre  de  Henri  IV  et  de  Marie  de 
Médicis,  il  reproduisit  leurs  traits  à  diverses  reprises,  avec 
une  vérité  qui  les  a  gravés  dans  la  mémoire  des  peuples. 
Il  était  surtout  représenté  au  Louvre  et  à  l’Hôtel  de  Ville 
par  un  grand  nombre  de  portraits  dont  plusieurs  existent 
encore  et  par  des  compositions  allégoriques  dont  il  avait 
orné  les  plafonds  de  la  galerie  royale  du  Louvre  et  plusieurs 
salles  de  l’Hôtel  de  Ville.  Il  était  considéré  comme  le  pre¬ 
mier  portraitiste  de  l’époque  ;  presque  toutes  les  illustra¬ 
tions  du  commencement  du  xvii.®  siècle  ont  posé  devant  lui  ; 
plusieurs  auteurs  s’accordent  à  dire  que  les  têtes  de  ses 
portraits  sont  aussi  belles  que  celles  de  Van  Dyck.  Au 
nombre  de  ses  tableaux  religieux  les  plus  remarquables  , 
l’on  cite  la  Cène  et  Saint-François  recevant  les  stigmates, 
œuvres  aujourd’hui  conservées  dans  le  musée  du  Louvre. 
François  Fourbus  le  jeune  alla  en  Italie  où  la  protection  de 
Vincent  de  Gonzague  le  mit  en  honneur  ;  sa  prodigieuse 


—  510  — 

facilité  lui  permit  d’y  laisser  des  chefs-d’œuvre  dans  plusieurs 
villes.  Après  être  revenu  en  France,  il  se  prépai’ait  à  fran¬ 
chir  de  nouveau  les  Alpes  pour  se  rendre  à  la  cour  de 
Mantoue,  quand  il  mourut  à  Paris  en  1622,  à  l’âge  de  52 
ans.  Avec  François  Fourbus  le  jeune  s’éteignit  une  illustre 
lignée  artistique. 

L’auteur  donne  ensuite  le  catalogue  d’œuvres  de  tous  les 
membres  de  la  famille  des  Fourbus.  Il  dit  en  terminant 
qu’il  s’estimera  heureux  et  récompensé  de  ses  peines  si  les 
pages  qu’il  a  écrites  sont  lues  avec  intérêt  par  ceux  qui  ne 
restent  pas  froids  devant  les  splendides  produits  de  l’an¬ 
cienne  école  flamande.  Son  désir  £i  été  exaucé,  nous  n’en 
doutons  pas  :  l’on  ne  peut  lire  sans  fruit  et  sans  plaisir  la 
notice  dans  laquelle  M.  Kervyn  de  Volkaersbeke  a  réuni  et 
groupé  tant  de  faits  et  de  documents  sur  l’une  des  familles 
les  plus  connues  de  l’iiistoire  de  l’art. 

G.  Dehaisnes. 


SUR  des  espèces  rsOUVELLES  DU  DÉVOXIEX  DE  BELGIQUE 

par  M.  Lehon  (i) 

M.  Lebon  ,  à  la  suite  de  recherches  persévérantes  dans  le 
terrain  dévonien  de  Belgique,  est  parvenu  à  réunir  185 
espèces  fossiles  dont  9  sont  nouvelles. 

La  note  que  nous  citons  a  pour  objet  de  décrire  et  de 
ligurer  ces  espèces ,  remarquables  par  leur  forme,  comme 
par  leur  parfaite  conservation  :  la  plupart  viennent  du  cal¬ 
caire  à  strigocépbale  de  Nîmes  ,  les  autres  des  couches  qui 
lui  sont  supérieures.  J.  G. 


(b  Bulletin  de  la  société  géologique  de  France,  2.*  série ,  t.xxvii , 
p.  492,  juillet  1870  ;  61  p.  2  pl. 


HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

TROIS  CHEVALIERS  d’hESDIN  AU  XI.®  SIÈCLE. 

L’étude  du  haut  moyen-âge  ,  réputée  si  aride  et  qui  l’est 
effectivement  beaucoup,  réserve-  néanmoins  d’agréables 
surprises  à  ceux  qui  s’y  adonnent.  Quel  plaisir  n’y  a-t-il 
point,  par  exemple,  à  saisir,  au  milieu  de  la  séche¬ 
resse  et  de  la  monotonie  des  documents  de  l’époque  ,  quel¬ 
ques  traits,  plus  ou  moins  effacés,  qui  permettent  de 
reconstituer  un  caractère  ;  une  physionomie  ?  Quel  charme 
de  pouvoir,  à  la  lueur  d’un  rapide  éclair  perçant  les 
ténèbres  d’un  passé  si  lointain ,  découvrir  le  contre-coup 
des  évènements  généraux  sur  telle  ou  telle  existence 
individuelle  ? 

Sans  doute  l’histoire  anecdotique  des  rois  et  des  grands  feu- 
dataires  d’alors  est  faite  et  bien  faite,  et  il  ne  reste  que  rien 
ou  peu  de  chose  à  y  ajouter.  Mais  peut-on  en  dire  autant  de 
celle  des  arrière-vassaux  ,  qui  touche  pourtant  de  si  près  à 
l’histoire  de  nos  villages  et  de  nos  villes,  et  qui  est  si  propre 
à  y  répandre  un  peu  d’animation?  Les  aventures  mêmes  de 
certains  particuliers  qui  ne  furent,  par  droit  de  naissance , 
ni  comtes,  ni  seigneurs  dominants,  mais  qui  s’honorèrent 
dans  la  carrière  des  armes  à  une  époque  où  cette  carrière 
menait  à  tout,  ces  aventures  mêmes  (  si  sommaire,  si 
écourté  qu’en  soit  nécessairement  le  récit)  ont  chance  de 
nous  intéresser  à  cause  de  leur  ancienneté,  du  caractère 
fortement  héroïque  de  l’âge  où  elles  se  sont  produites,  à 
cause  enfin  des  attaches  sociales  qui  reliaient  leurs  auteurs 
à  des  lieux  connus  et  aimés  de  nous.  (^) 

(1)  Pour  cette  éhauclie ,  comme  pour  toutes  celles  qu'il  nous  arri¬ 
vera  de  publier  d'après  les  documents  contenus  ou  rappelés  dans 
notre  Cartulaire  du  Nord  actuellement  en  cours  d’impression,  nous 
réclamons  l’indulgence  des  vrais  connaisseurs.  Chacun  des  essais  de 


—  312  — 

C’est  à  ce  litre  que  nous  allons,  —  pour  autant  que  la 
bi'iéveté  des  documents  le  comporte,  —  esquisser  la  biogra¬ 
phie  de  trois  chevaliers  d’Hesdin  dont  nous  ne  croyons  pas 
qu’aucun  historien  se  soit  occupe  avant  nous.  Auparavant 
disons  un  mot  de  l’endroit  où  le  premier  naquit  certai¬ 
nement  et  où  les  deux  autres  eurent  longtemps  leur 
résidence. 

I. 

Sans  s’arrêter  à  la  question  de  savoir  si  Hesdin  est  le 
Vicus  Helena  de  Sidoine-Apollinaire ,  on  ne  peut  nier  que 
celle  ville  n’eût  au  xi.®  siècle  une  réelle  importance.  En 
l’an  1000 ,  Rameric  ,  abbé  de  Saint-Saulve  de  Montreuil, 
choisit  pour  avoué  de  son  église  Alulf  ou  Alolf ,  tige  des 
comtes  d’Hesdin  (^).  Cet  Alulf  donnele  jour  à  Gautier  I.®*"  qui 
commence  la  restauration  de  l’abbaye  d’Auchy  en  laissant  à 
son  lils  et  successeur  Enguerrand  le  soin  de  l’achever  (-). 
Sous  Enguerrand ,  le  castrum  d’Hesdin  renferme ,  outre 
un  certain  nombre  de  brasseries ,  deux  édifices  religieux, 
la  collégiale  de  Saint-Martin  et  l’église  paroissiale  de  Saint- 
Fuscien  :  ce  qui  accuse  un  noyau  de  population  assez  con¬ 
sidérable  P).  Aux  portes  mêmes  de  la  ville,  s’élève  une  troi¬ 
sième  église ,  celle  de  Saint-Georges.  Robert-le-Frison, 
comte  de  Flandre,  au  moment  où  il  s’apprête  à  porter  secours 
au  roi  Canut  contre  les  Normands  d’Angleterre,  confirme 

ce  genre  que  nous  nous  proposons  d'insérer  ici  sera  susceptible  de 
retouches  plus  ou  moins  considérables  et  nous  saurons  gré  aux  per¬ 
sonnes  qui  voudront  bien  nous  signaler  les  améliorations  qu'il  y 
aurait  lieu  d’y  introduire.  A.  D. 

(1)  Gall.  christ,  nov.  t.  x. ,  instrum.  col.  283  ;  béte.nxourt  ,  Carlul.  de 
S^-Silvin  d’Auchy,  n.°  iv. 

(2)  Voir  la  charte  de  restauration  de  l'abhaye  de  S.-Silvin  d’Auchy 
dans  BÉTENCOüRT  ,  n.”  v;  dans  ciiESQurÈRE  ,  t.  vi ,  p.  465;  dans 
iiENNEBERT,  t.  I,  p.  333;  dans  danvlx  ,  Heur  et  malheur  du  Vieil  Hesdin, 
pr.  p.  7;  dans  fromextin  ,  Hesdin  ,  p.  40. 

(3)  Voir  Pacte  de  donation  du  prieuré  de  S. -Georges  à  Pahbaye 
d’Anchin ,  dans  bétexcourt,  n.”  vi  his  ;  dans  daxvix  ,  pr.  p.  8. 


à  cette  dernière  église,  en  1086,  la  libre  possession  de  ce 
qu’elle  a  reçu,  ou  de  ce  qu’elle  pourra  recevoir  en  don ,  du 
comte  Enguerrand  et  de  ses  vassaux  (i). 

La  ville  d’Hesdin  ne  contenait  pas  seulement  dans  son 
sein  des  clercs  et  des  artisans  :  elle  était  aussi  une  pépinière 
de  vaillants  guerriers. 

Un  personnage  nommé  Foulques ,  originaire  du  castrum 
Hisdinii ,  fit  le  voyage  de  Jérusalem  avec  l’une  des  bandes 
de  pèlerins  armés  qui,  dès  le  milieu  du  xi.®  siècle,  mon¬ 
trèrent  aux  futurs  croisés  le  chemin  de  l’Orient.  Foulques, 
s’il  ne  l’avait  pas  au  départ,  rapporta  de  cette  expédition 
périlleuse  le  baudrier  de  chevalier  qu’à  son  retour  il  dé¬ 
posa  devant  le  principal  autel  de  1  abbaye  de  Saint-Josse- 
sur-Mer  où  il  voulut  finir  ses  jours  (2).  Il  avait  un  fils  unique 
du  nom  de  Bauduin,  encore  en  bas  âge  :  il  l’amena  avec  lui 
à  Saint-Jûsse,  l’offrit  à  Dieu  suivant  les  formes  prescrites  et 
le  confia  aux  moines  pour  qu’ils  l’instruisissent  (3).  Puis  il 
se  dépouilla  de  tous  ses  biens  au  profit  de  l’abbaye.  Ces 
biens  se  composaient  d’une  portion  d’aleux  à  Rumilly  et 
d’un  aleu  entier  à  Montreuil ,  sur  lequel  les  sergents  du 
comte  de  Ponthieu  prélevaient  violemment  des  coutumes 
indues.  Foulques,  accompagné  de  Warin  ,  abbé  de  son  cou¬ 
vent,  alla  trouver  à  Montreuil  le  comte  Gui  au  nom 


(1)  BÉTE>xouRT  ,  11."  VI  )  Bulkl  de  la  Corn.  R.  d'hisl.  de  Belgique, 
série,  l.  iii ,  p.  285.  cf.  le  Messager  des  sc.  hist.  de  Gand ,  année  1842, 
p.  248. 

(2)  Miles  quidam  Hisdinii  castri  indigena  ,  Fulco  nomine  ,  Deo 
sanctoque  Judoco  sua  alodia,  adepla  mililia  ,  tradere  studuit.  Carlul. 
de  S.-Josse-sur-mer ,  f."  2  r." —  On  dit  ici  que  Foulques  vient  d'acquérir 
la  chevalerie  :  un  peu  plus  loin ,  dans  la  même  pièce  ,  on  parle  de 
son  voyage  à  Jérusalem  comme  d'un  fait  encore  récent.  N’est-il  pas 
naturel ,  dès  lors  ,  de  supposer  que  notre  héros  gagna  en  Terre  Sainte 
ses  insignes  de  chevalier?  Nous  donnons,  du  reste  ,  cette  conjecture 
pour  ce  qu’elle  vaut,  sans  y  insister  davantage. 

^5)  Hahehat  siquidem  vir  prcdictiis  filium  parvulum  ,  qui  et  unicus 
ei  erat ,  nomine  Balduinus ,  quem  ad  monasterium  secum  deducens, 
accepte  a  nohis  monacho  hahitu  ,  Deo  per  nostras  manus  imbuendum 
divinis  ministeriis  obtulit.  Carlul.  de  S.-Josse ,  loc.  cit. 


—  314  — 

de  qui  ces  exactions  s’opéraient  et,  pour  le  déterminer  à  y 
renoncer,  il  lui  fit  cadeau  d’un  mulet  de  grand  prix  qu’il 
avait  ramené  de  la  Terre-Sainte,  (i) 

Le  pélérinage  de  Foulques  d’Hesdin  à  Jérusalem  venait 
d’avoir  lieu  en  1067  :  il  suivit  donc  de  peu  d’années  l’en¬ 
treprise  analogue  que  tenta ,  en  10o4,  le  saint  évêque  de 
Cambrai  et  d’Arras,  Lietbert,  et  il  est  de  beaucoup  antérieur 
à  l’expédition  de  Robert-le-Frison  en  Orient,  qui  s’accomplit 
en  108o. 

Foulques  d’Hesdin  a  frayé  la  route  du  tombeau  du  Christ 
à  beaucoup  de  ses  compatriotes  parmi  lesquels  nous  nous 
bornerons  à  citer  aujourd’hui:  Lizon  ,  neveu  de  Rainier; 
Lizon  ,  fils  d’Udon  ;  Hugues,  fils  de  Tiecelin  ;  Walon  de 
Nœux;  Gui  d’Ailly.  (2), 

Mais  ceux-ci  ne  paraissent  pas  s’être  mis  en  marche 
avant  1096  ,  date  de  la  première  croisade. 

II. 

La  vie  de  Foulques  d’Hesdin  nous  offre  un  type  de  ces 
existences  pures  et  désintéressées  comme  il  y  en  eut  au 
XI.®  siècle  :  on  n’en  peut  dire  autant  de  celle  d’un  autre 

(0  Detiinc  ,  pro  sua  flUique  susceptione  ,  partem  alodiorum  in  villa 
Runabiliaca  et  aliiid  alodiura ,  in  Castro  Monsterolo ,  in  quo  quidam 
Rügerus,  Audefridi  filius,  manebat,  sancto  contulit  Judoco,  testamen- 
tum,  ut  moris  est,  exinde  faciens.  Gum  autem  istorum  alodiorum  con- 
suetudincs  ministri  Widouis  cornitis  exigèrent ,  et  frequenler  homines 
qui  in  illis  manebant  perturbarentur,  ego  (  Warinus,  abbas),  nimiiim 
graviter  ferens  ,  comitem  Widonem,  assumpto  mecum  Fulcone  ,  adii 
et  ut  bas  consuetudines,  pro  anima  sua  et  aniecessorum  suorum  salule, 
sancto  conferret  Judoco  obnixe  postulavi.  Quam  postulationem  cornes 
suscipiens  lîeri  annuit  atque  de  caritate  sancti ,  una  argenti  marca 
et  mulo  valde  bono  accepta,  quem  Fuleo  ab  Jerosolimis  deduxerat ,  confirmavit 
et  ne  amplius  preslite  consuetudines  acciperentur  prohibuit.  Acta  sunt 
bec  in  Castro  Monsterolo  anno  dominice  incarnationis  millesimo  lx." 
VII, etc.  Ibid. 

(2)  Lizo,  Raineri  defuncti  nepos,  tendens  Jérusalem. ..  Lizo,  fllius 
Udonis  ,  dum  Jherusalem  pergeret...  Hugo,  filius  Ticelini ,  dum 
Jherusalem  pergeret...  Walo  de  Xuuz,  dum  iter  carperet  Jérusalem, . . 
Widone  sepedicto  (  de  Asli  )  Jherusalem  migrante. . .  Codex  Iradilionum 
S.-Georgii  Uisdiniensis ,  f."*  17  v.“,  24  v.”  ,  18  r.° ,  20  v.® ,  25  r.° 


9 


—  515  — 

personnage  dont  nous  allons  maintenant  parler,  et  qui 
s’il  ne  le  céda  point  en  vaillance  k  son  fervent  et  généreux 
concitoyen  ,  ne  se  fit  pas  comme  lui  le  chevalier  d’une  ar¬ 
dente  conviction  religieuse.  Loin  de  se  vouer  avec  Foulques, 
à  une  vie  d’obscurité  et  de  renoncement,  Arnould  d’Hesdin, 

(i) —  c’est  le  nom  que  prend  notre  guerrier  dans  les  actes ,  — 
spéculera  sur  son  épée  pour  s’enrichir.  Quelque  position  de 
naissance  et  de  fortune  patrimoniale  (^)  qu’on  lui  suppose  ,  il 
s’élèvera ,  par  ses  faits  d’armes ,  assez  au-dessus  de  sa  con¬ 
dition  première  pour  mériter  de  figurer  parmi  les  grands 
aventuriers  de  son  temps. 

Une  charte  inédite  nous  apprend  qu’il  suivit  Guillaume- 
le-Conquérant  de  Normandie  en  Angleterre  [^).  Fit-il  partie 
de  la  première  expédition  qui  eut  pour  couronnement  la 
bataille  d’Hastings  ?  ou  ne  s’attacha-t-il  à  celui  qu’il  appelle 
son  roi  qu’à  la  faveur  d’une  des  réapparitions  du  vainqueur 
des  Anglais  dans  son  duché  de  Normandie  ?  c’est  ce  qu’on 
ne  peut  rigoureusement  déterminer,  quoique  la  seconde 
supposition  semble  la  plus  vraisemblable  (^).  Ce  qu’il  y  a 
de  certain  ,  c’est  que  ,  de  1080  à  1086  ,  Arnould  d’Hesdin 
jouissait  d’un  grand  établissement  territorial  en  Angleterre. 
he  Bomesday  Book,  rédigé  durant  ces  années-là,  nous  le 

(q  Dans  le  Domesday-Book ,  où  il  revient  souvent ,  ce  nom  s’écrit  : 
Arnulphus  ou  Ernulfus  de  Ilasdang  ,  Ha'iding ,  Ilersdinc  ,  Hesdinc ,  Besding. 

(2)  Sa  fortune  patrimoniale  peut  se  mesurer  à  l’importance  des 
immeubles  qu’il  aliéna  lors  de  son  entrée  en  campagne(voir  ci-dessous 
p.sn^  :  elle  était  modeste  ,  comme  sans  doute  aussi  sa  naissance,  sur 
laquelle  nous  sommes  absolument  dépourvu  de  renseignements. 

(3)  Domnus  Arnulfus  de  Hesdin  ,  dum  cum  rege  revertentc  de 
Normandia  pergeret  Angliam...  Codex  tradilionum,  f.°  14  v.°.  be  roi 
dont  on  parle  ici  est,  à  n’en  point  douter  ,  Guillaume-le  Conquérant 
à  qui  nous  verrons  qu’Arnould  d’Hesdin  dut  son  établissement  ter¬ 
ritorial  en  Angleterre. 

(■*)  L’expression  reverlente  de  Normandia  vient  à  l’appui  de  cette 
présomption  :  on  n’eût  apparemment  pas  employé  ce  terme ,  s’il  se 
fût  agi  du  premier  départ  du  Conquérant  pour  la  Grande  Bretagne. 
Dans  tous  les  cas,  l’établissement  d’Arnould  d’ilesdin  au  delà  du 
détroit  est  nécessairement  antérieur  à  la  rédaction  du  Domesday-Book. 


—  5(6  — 

montre  à  la  tête  d’immenses  possessions  situées  dans  le 
Hantescire,  dans  le  Berchscire,  dans  le  Wiltescire,  dans  le 
Dorset  et  le  Somerset,  dans  le  Middlesex  et  le  comté  d’Ox- 
ford ,  dans  le  Huntedscire ,  dans  les  comtés  de  Glocester  et 
de  Bedford  (^). 

Arnould  d’Hesdin ,  aux  termes  du  dénombrement  pré¬ 
cité,  possédait  une  grande  quantité  de  fermiers  ou  régis¬ 
seurs,  de  serfs  et  de  têtes  de  bétail.  Certains  bourgeois  lui 
devaient  des  rentes  (^'j.  11  avait  des  prairies  d’une  lieue  de 
long  et  de  large ,  des  forêts  suffisantes  pour  nourrir  cha¬ 
cune  des  milliers  de  porcs,  un  vaste  parc  où,  à  l’exemple 
du  roi,  il  entretenait  des  bêtes  sauvages  pour  le  plaisir 
de  la  chasse  (3).  —  Tous  ces  biens,  l’heureux  soldat  de 
fortune  les  avait  reçus  en  don  de  Guillaume  :  si  l’on  juge  de 
l’importance  des  services  qu’il  rendit  au  Conquérant  par 
l’étendue  de  la  récompense  qu’il  en  obtint,  ces  services, 
convenons-en,  furent  de  l’ordre  le  plus  élevé.  — 
Arnould  semble  s’être  surtout  enrichi  de  la  dépouille  du 
saxon  Edric  dont  les  domaines  lui  furent,  pour  une  bonne 
part,  attribués.  Edith,  femme  du  vaincu,  conserva  quelques 
débris  du  patrimoine  de  son  mari,  sauf  à  les  tenir  en  fief 
de  son  spoliateur  (^). 


(B  Domesday-Book  ,  t.  i,  p.  46  6,  62  b,  69  b,  80  98  a ,  129  b,  160  a , 

169  û,  205  b,  212  a. 

(2)  In  Glowecscire ,  vu  biirgenses  reddunt  ii  solidos.  Domesday-Book  , 
t,  I  p.  169  a. 

(3)  (  Apud  Chivele  )  silva  r  leugæ  longa  et  ii  quaitariorum  lata. 
Ibid.  69  h.  (  Âpud  Maperetone  ) ,  pastura  leugæ  longa  et  i:ii  quar- 
tariorum  lata  Ibid.  80  6.  (Apud  Nortone  )  pasturæ  una  leiiga  longa 
et  lata.  Ibid.  160  a.  (  Apud  Rislepe)  parcus  est  ferarum  silvaticarum.. . 

silva  raille  (juingenta  porcorura .  In  Cliingesberie  ,  silva  raille 

porcorura.  Ibid.  i29  6  ,  130  a. 

(•î)  In  Esseburne  hundied ,  Erniilfns  de  Hesding  tenet  de  rege 
Curabe.  Hedricus  teniiit  etc, /6«d.  46  6,  In  Ecesatingetone  ,  sunt  n 
bidae ,  terra  imius  carruçæ.  Edricus  tennit  :  uxor  ejus  tenet  rao  lo 
de  Arnnlfo...  Eadita ,  uxor  Edrici,  tenet  de  Arnulfo  Calestone  :  vir 
ejus  tenuit.  Ibid.  69  6.  et  alibi,  in  eodem  volumine  ,  'passim. 


317  — 

Bien  moins  riche  au  départ  qu’il  ne  le  devint  après  son 
arrivée  en  Angleterre,  Arnould,  lorsqu’il  séjournait  en  Nor¬ 
mandie  avec  le  roi,  abandonna  aux  religieux  de  Saint- 
Georges-lez-Hesdin  ce  qu’il  possédait  en  propre  dans  leurs 
parages,  c’est  à  savoir  :  un  moulin ,  deux  brasseries,  deux 
pièces  de  terre  en  culture  et  un  courtil  (jardin).  (^).  Puis, 
avant  de  mettre  à  la  voile  pour  le  pays  où  l’attendaient  de 
séduisantes  destinées  ,  il  revint  dire  un  dernier  adieu  à  ses 
bons  amis  les  moines  :  il  leur  confirma  l’abandon  qu’il  leur 
avait  fait  à  distance,  en  y  joignant  certaines  choses  qu’il 
tenait  en  fief  d’Enguerrand ,  comte  d’Hesdin  ,  en  présence 
de  qui  se  passait  la  scène  des  adieux  et  qui,  comme  seigneur 
suzerain,  s’empressa  de  ratifier  cet  accord  (^). 

Quoique  les  actes  ne  le  disent  point,  il  est  plus  que  pro¬ 
bable  que  la  cession  consentie,  en  ces  deux  rencontres,  par 
Arnould  d’Hesdin  n’eut  pas  lieu  à  titre  gratuit.  Ce  person¬ 
nage  ,  dont  nous  savons  que  le  désintéressement  n’était 
point  la  vertu  dominante,  ne  se  trouvait  d’ailleurs  certaine¬ 
ment  pas  à  même,  lors  de  son  embarquement,  de  faire  aux 
moines  d’aussi  grandes  largesses  en  pure  aumône.  Si  donc 
il  leur  livre  son  avoir  aux  environs  d’Hesdin,  c’est  pour, 
avec  la  somme  qu’il  en  retirera  ,  jeter  les  fondements  de  sa 
future  fortune  :  le  prix  de  ses  biens  l’aidera  à  couvrir  les 
frais  de  son  équipement  et  de  son  transport  au  delà  du 
détroit. 

Plus  tard  ,  parvenu  au  faîte  de  la  grandeur  et  des  pros- 

(1)  Partem  liiijus  beneficü ,  scilicet  molendinum  ,  duas  cambas , 
cuUuras  duas  apud  Punpri  et  ciirtile  i ,  que  omnia  suo  dominio 
libéré  possidebal ,  dum  per  Normandiam  cum  rege  domino  suo  demorarelur , 
antea  donaverat.  Codex  tradilionum ,  f.°  14  v." 

(2)  Dum  cum  rege  renrtenle  de  JSormandia  pergeret  Anglîam ,  (otum 
suum  casimeutum  ,  quod  a  domno  Engelranno  in  feodum  apud 
Uesdin  possidebat ,  saiicto  Georgio  monacbisque  ibidem  Deo  ser- 
vientibus  coram  testibus  contulit..  ,  Tandem  valedicens  fralribus  , 
cuncta  simili  ilia  et  alia,ut  predixi,  largilus  est:  affuit enim domnus 
Engelrannus  ,  cujus  assensu  et  consilio  hoc  totum  factum  est.  Ibid. 


—  51.S 

pérités,  Arnoald  d’Hesdin  réunit  en  sa  maison  de  Nortone, 
le  jour  de  l’Ascension  ,  les  chevaliers  de  sa  suite  et  là,  en 
présence  de  sa  femme ,  de  ses  fils  et  de  ses  filles,  qui  re¬ 
vêtent  cet  acte  de  leur  consentement,  il  réitéré  solennelle¬ 
ment  l’abandon  qu’il  a  jadis  fait  à  deux  reprises ,  au 
prieuré  de  Saint-Georges ,  de  ses  immeubles  situés  dans  le 
comté  d’Hesdin  (i).  Arnould  ne  devait  pas  moins  aux  reli- 
gieuxqui  l’avaient  aidé  de  leur  argent  au  débutdesa  carrière. 

Comblé  par  le  roi ,  le  chevalier  d’Hesdin  fit  preuve  de  gé¬ 
nérosité  envers  ses  compagnons  de  fortune.  Qu’on  en  juge 
par  le  nombre  de  bénéfices  qu’il  conféra  à  son  chapelain 
Théodard  dont  l’origine  hesdinoise  nous  semble  incontes¬ 
table  :  il  lui  donna  les  églises  de  Nortone  dans  le  comté 
d’Oxford  ,  de  Westone  dans  le  Somerset ,  et  d’Estone  dans 
le  Wiltescire.  Théodard  reçut,  en  outre,  de  son  maitre , 
deux  chapelles  dans  la  cité  de  Bath  avec  une  dime  et  une 
courtil  à  Newbury. 

Tranquille  sur  son  sort  pour  le  reste  de  ses  jours,  le 
chapelain  du  sire  Arnould  voulut  s’assurer  qu’après  sa  mort 
ses  bénéfices  ecclésiastiques  resteraient  entre  des  mains 
amies  :  aussi  les  transféra-t-il  à  ses  chers  compatriotes ,  les 
religieux  de  Saint-Georges,  en  s’en  réservant  la  jouissance 
viagère.  Ce  transfert,  qui  eut  lieu  d’abord  à  Cumbes  en  pré¬ 
sence  d’Osmond ,  évêque  de  Salisbury,  fut  renouvelé  par 
son  auteur  dans  la  même  séance  solennelle  qu’Arnould  tint 
à  Nortone  ,  le  jour  de  l’Ascension  (2). 

(b  Postea  quoque  donio  sua  apud  Nortonam  in  Anglia  .  in  die  Ascen- 
s’onis  domini ,  cuminnUi  de  familia  sna  milites  convenissent,  coram 
filiis  etfjlia,cum  uxoresna,  hoc  ipsum  quod  jam  fecerat  doniim  , 
cnnclis  assensum  prehenlibus,  iteravit.  Codex  iradilionum  ,  14  y.° 

(2)  At  vero  Tiieodardus  ,  capellanus  ejus  ,  doniim  quod  apud 
Cumbam,  présenté  episcopo  de  Sarebiiia  Odmundo  et  clericis  ejus, 
dederat,  scilicet  æcclesias  de  Nortona  et  Westona  et  Estona ,  et  duas 
capellas  in  civilate  Batba  ,  et  terras  ad  ipsas  pertinentes  ,  cum  ædi- 
ficiis  suis,  et  decimam  omnera  ,  et  unum  curtile  apud  iNhveberiam,  ibi¬ 
dem  confirmavit  coram  testibus ,  eo  tenore  ut  ipse ,  quamdiu  in  babitu 


—  319  — 

Dans  celte  séance  ,  espèce  de  cour  plénière  où  le  déten¬ 
teur  de  tant  de  domaines  ravis  aux  saxons  s’environne  de 
tout  l’appareil  de  sa  puissance  ,  on  voit  figurer  ,  à  côté  de 
son  sénéchal  Arnould,  Bauduin  de  Quatre-Vaux  et  de  Oïlard 
Fauquembergues,  originaires  de  la  même  province  qu’Ar- 
nould  d’Hesdin  (i). 

Le  propre  frère  d’Arnould ,  Ilbold  ,  obtint  de  Guillaume- 
le-Conquérant  une  concession  territoriale  dans  le  comté 
d’Oxford  et  peut-être  dans  l’Essex  (2). 

Orderic  Vital  raconte  la  triste  fin  d’un  Arnould  d’Hesdin 
qu’il  appelle  «  chevalier  belliqueux  et  téméraire.  »  Si  c’est 
du  nôtre  qu’il  veut  parler  et  non  d’un  de  ses  fils ,  il  faut 
conclure  que  le  compagnon  de  Guillaume-le-Conquérant 
parvint  à  une  vieillesse  avancée  qui ,  sans  éteindre  son 
ardeur  guerrière,  diminua  la  prudence  et  la  sagesse  dont 
il  avait  autrefois  donné  des  preuves.  L’Arnould  mentionné 
par  Orderic  prit  étourdiment  parti,  en  1137,  contre  Etienne 
de  Blois,  troisième  successeur  de  Guillaume  I/L  II  soutint 
contre  lui  un  siège,  au  bout  duquel  il  dut  se  rendre  prison¬ 
nier.  Etienne  ,  dans  un  accès  de  fureur ,  le  condamna  à 
mort  et  le  fit  périr  avec  quatre-vingt-seize  de  ses  com¬ 
plices.  Arnould ,  au  dernier  moment ,  avait ,  pour  sauver 


clcricali  viveret,  hoc  ipso  bono  uteretur  ,  et  æcclesiæ  sancti  Georgii 
pro  respectu  quoi  annis  dimidiam  unciam  auri  largiretur,  et  post 
Simm  discessuîn  monachi  ipsius  æcclesiæ  omnium  siioriim  domina- 
rentur.  Ibid.  Des  biens  à  Nortone  (Oxenefscire),  Estone  (Wiltescire) ,  et 
Westone  (Sumersete) ,  sont  formellement  attribués  à  Arnould  d’Hesdin 
par  le  Domesday-Booh. 

(1)  Ad  utrumquevero  boc  doniim,  videlicet  domni  Arnulfi  et  Tbeo- 
dardi,  iixor  domni  Arniilfi,  et  fllius  ejns  Willelnms  et  fîlia  Ava  nomine, 
assensnm  prebuerunt.  Atîuerunt  bnic  rei  testes  idonei  :  Arnulfus 
dapifer  ,  . . .  Robertus  Malconent ,  . . .  Oilardus  de  Falchemberga ,  . . 
Ralduinus  de  Qiiattiior- Vallibns  ,  etc.  Codex  tradilionum ,  f.°  14  v.° 

(2)  Ilboldus ,  frater  Arnulfi  de  Hesding ,  tenet  de  rege  iv  hidos  in 
Bereford.  Domesday-Book  .  t.  i,  p.  IGO  a.  On  ne  peut  affirmer  avec  cer¬ 
titude  que  Vllbodo  à  qui  de  grands  biens  ont  été  conférés  dans  l’Essex, 
i^lhid.  t.  Il ,  p.  9j  ),  fût  le  frère  d’Arnould  d’Hesdin. 


—  320  — 

ses  jours  offert  au  Roi  une  riche  rançon  qui  ne  fut  pas 
acceptée  (^). 

III. 

Arnould  d’Hesdin  eut  un  neveu,  Robert  Fretel,  élevé 
comme  lui  sur  les  bords  de  la  Ternoise ,  et  qui ,  lui  aussi , 
servit  les  princes  anglo-normands. 

Nous  ne  connaissons  de  sa  vie  que  la  manière  dont  elle  se 
termina.  Une  charte  non  datée  ,  mais  antérieure  à  1101  ,  (a) 
nous  le  représente  comme  gisant  blessé  dans  Vahbaye 
du  Tréporl.  (s)  Cette  blessure,  Robert  Fretel  l’avait  reçue, 
semble-t-il,  en  combattant  pour  ou  contre  Robert Courte- 
beuse,  à  qui  son  père  d’abord,  son  frère  ensuite,  disputèrent 
le  duché  de  Normandie.  Les  présomptions  sont  qu’au  moment 
où  il  tomba  sur  le  champ  de  bataille,  le  neveu  d’Arnould 
d’Hesdin  tenait  parti  pour  le  roi  contre  le  duc,  et  que  ce 
roi  était  Guillaume-le-Roux  qui ,  en  1087  ,  avait  succédé  à 
Guillaume- le-Conquérant  sur  le  trône  d’Angleterre.  La 


GUIZOT,  Mém.  sur  VHisl.  de  France,  t.  xxviii ,  p.  514.  —  N'ayaiit 
sous  la  main,  au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes,  aucune  col¬ 
lection  de  chroniques  anglo-normandes  ,  nous  devons  ajourner  toute 
discussion  sérieuse  sur  l'identité  de  l'Arnould  d’Orderic  vital  avec  le 
notre.  Cette  identité  semblera  peu  probable  si  l’on  songe  que  le  héros 
dont  nous  avons  retracé  la  brillante  carrière  avait  au  moins  vingt  ans  en 
1080,  année  où  s’ouvrit  l'enquête  pour  la  confection  du  Domesday-Book. 
11  aurait  donc  été  presque  octogénaire  lorsqu’il  entra  en  révolte  contre 
Etienne  de  Blois.  Il  est  vrai  que  l’on  fait  des  sottises  à  tout  âge  et  que 
l’âge  même  sert  d'extuse  à  celles  que  Ton  commet  quand  on  devient 
vieux.  Il  est  vrai  aussi  que  ,  parmi  lés  enfants  de  l’heureux  aventurier 
qui  figurent  comme  témoins  de  l’acte  solennel  passé  à  Nortone ,  on 
n’en  voit  pas  du  nom  d' Arnould  :  celui  qu’on  cite  s’appelle  Guillaume, 
évidemment  en  souvenir  du  prince  à  qui  le  seigneur  de  Nortone  et 
autres  lieux  devait  sa  haute  fortune.  Mais  le  même  acte  parle  de  plusieurs 
fils  qu’avait  le  compagnon  du  Conquérant  :  coram  filiis  el  filiâ. 
fourquoi  l’un  d’eux  ,  le  cadet  si  l’on  veut ,  n’aurait-il  pas  pris  le  nom 
de  son  père'?  Et  ne  serait-ce  pas  lui  qui ,  mécontent  de  sa  situation 
secondaire  ,  aurait  commis  la  faute  de  se  brouiller  avec  son  souverain  ? 

(2)  On  y  voit  figurer ,  au  rang  des  témoins  ,  Norbert ,  abbé  de 
S.-Silvin  d’Âuchy  ,  mort  cette  année-là. 

(3)  Robertus  Fretellus  ,  nepos  supramemorati  Arnulfi ,  dum  apiid 

cenobium  Autresport  dolore  vulneris  aggravatus  jaceret _  Codex 

Iradionum,  f.”  15  v.". 


—  32(  -- 

mise  hors-combat  de  Robert  Fretel  se  placerait  donc  entre 
cette  dernière  date  et  l’année  1096  où  se  consomma  la  ré¬ 
conciliation  entre  les  deux  frères. 

De  son  lit  de  douleur,  Robert  Fretel  eut  un  souvenir 
pour  les  religieux  de  Saint-Georges  ,  comme  son  oncle  et  le 
chapelain  de  son  oncle  en  avaient  eu  un,  du  sein  de  leur 
opulence  :  il  donna  à  ces  moines  une  terre  qu’il  possédait  à 
Hesdin  (i)  et ,  ayant  ensuite  repris  des  forces  inespérées,  il 
revint  en  cette  ville  ;  à  peine  y  fut-il  arrivé  qu’un  mal  vio¬ 
lent,  cette  fois  incurable,  se  saisit  de  lui.  Sentant  sa  fin 
imminente  étayant,  comme  beaucoup  de  ses  contemporains, 
nombre  de  crimes  à  se  reprocher,  il  redoubla,  pour  les 
expier,  de  générosité  envers  les  moines  :  il  leur  confirma  , 
avec  accroissements,  le  don  qu’il  leur  avait  fait  étant  alité 
auTréport(2;.  Puis  il  voulut  être  transporté  au  milieu  d’eux 
pour  y  recevoir  l’habit  monastique.  Mais  sa  femme ,  et 
ce  qu’il  avait  de  parents  autour  de  lui ,  mirent  peu  d’em¬ 
pressement  à  obtempérer  à  son  désir.  Lorsque  les  reli¬ 
gieux  de  Saint-Georges  le  reçurent  dans  leur  église  vêtu 
du  costume  de  leur  ordre  ,  Robert  Fretel  n’était  plus  qu’un 
cadavre.  Sa  sœur  Milesende,  qui  ignorait  sa  maladie,  arriva 
le  jour  même  et  ne  fut  pas  médiocrement  surprise  de  le 
trouver  mort  :  elle  manda  sur  le  champ  Hugues ,  son  mari , 
qui  se  présenta  le  lendemain  matin  pour  ensevelir  le  corps. 
Dès  le  soir  du  décès  ,  Milesende  avait ,  comme  héritière  du 

(D  Qiiandam  terrain  apud  Hesdin  scilicet  pomérium,  pratum,  terre 
jectiim  de  Wastenois,  et  quicquid  in  terris  S.-Georgio  ante  datis  terre 
jectipossidebat,  æcclesiæ  sancti  Gcorgii  coram  teslibus  donabat.  Ihid. 

(2)  Infirmilate  deniqiie  üla  meîioratus  ,  majori  et  intolerabili ,  pro 
dolor  !  egritiidine,  ut  pote  morte  vicina,  apud  Hesdin  pregravatus  est. 
Qui  etiain  suorum  mole  peccatorum  compunctus  ,  ad  medlcum  occul- 
tornm  recucurrit  omnium.  Monacbos  quippe  sancti  Georgii  man- 
davit  ,  ac  confltendo  lacrimis  sordes  facinoris ,  se  monaclium  fieri 
ab  eis  miserabiliter  postiilans ,  quod  etiam  apud  Autresport  conccs- 
serat  rccognovit,  adiciens  quoque  incrementa  ,  videlicct  terrejeclum 
omne  quod  apud  Hesdin  circumquaquc  habuerat.  Ihid. 


^  522  — 

défunt,  ratifié  les  dons  par  lui  faits  à  Saint-Georges:  son 
mari ,  lorsqu’il  fut  survenu ,  donna  son  assentiment  à  cette 
mesure.  Les  deux  époux ,  après  avoir  énuméré  les  biens 
attribués  par  Robert  Fretel  au  couvent,  y  renoncèrent  de 
vive  voix  sur  l’autel  (i). 

La  Milesende ,  donnée  ici  comme  sœur  et  héritière  du 
défunt,  est  présentée  ailleurs  comme  sa  fille.  Mais  nous 
croyons  que  c’est  par  erreur  (2).  Milesende  ,  épouse  d’Hu¬ 
gues,  donna  le  jour  à  un  fils,  appelé  Robert  Fretel  en 
souvenir  de  son  oncle,  dont  il  perpétua  le  nom  et  la 
vaillance  (3). 

IV. 

Foulques  d’Hesdin  ,  Arnould  d’Hesdin  et  son  neveu 
Robert  Fretel ,  m’ont  paru  résiimer  assez  fidèlement ,  dans 
leur  vie  et  dans  leur  mort,  les  principaux  traits  de  la  société 


(b  Qui  ad  extrema  usque  producliis  ,  in  recipiendo  liabitum  S. 
Benedicti,  propter  inprobitatem  feminæ  suæ  parentumque  suorum 
moram  patiens  ,  tandem  recepit ,  et  ita  ad  æccîesiam  S.  Georgii  de- 
portatus  est  mortuus.  Denique  soror  ejiis ,  Milesendis  ,  quæ  ei  in 
iiereditatem  jure  paterne  successit ,  mortis  ejus  omniumque  supra- 
dictorum  ignara ,  ipso  die  supervenit  et  bénéficia  quæ  frater  dona- 
verat,  a  matre  sua  et  fratribus  et  cæteris  fidelibus  agnoscens ,  libenter 
annuit,  moxque  manu  sua  omnium  quæ  supra  memoravi  donum,  pro 
redemplione  aniraæ  fratris  sui,  super  altare  S.  Georgii  fecit.  Domiiius 
itaque  Hugo,  maritus  ejus  ,  hoc  audiens,  primo  mane  ad  sepeliendum 
corpus  occurrit.  Ut  autem  cognovit  donum  quod  fecerat  uxor  ejus 
vespere  pro  anima  ,  asseusum  prebuit ,  et  enumeratis  singillatim 
cunctis  corara  testibus  sicut  super  eniimeravi ,  xidelicet  prato  ,  po- 
merio ,  tcrrejectoque  omni ,  nbicumque  infra  parrochiam  Hesdi- 
nensem  in  agris ,  vel  silvis ,  Fretellus  tenebat ,  ipse  uxorque  ejus 
iterum  viva  voce  cuncta  simul  super  altare  donaverunt.  Ibid. 

(2)  Milesendis ,  fdia  Roberti  Fretelis ,  pro  anima  Hiigonis  ,  mariti 
sui,  S.  Georgio  contulit  etc.  Codex  tradilionum ,  f.°  18  r.°.  — Cet  Hugues, 
tour-à-tour  présenté  comme  beau-frère  et  comme  gendre  du  premier 
Robert  Fretel,  s’appelle  en  un  autre  endroit  Hugues  Fretel  et  il  va  à  la 
croisade  :  Hugo  Fretel ,  dum  Jherusalem  tenderel ,  monachos  S.  Georgii  ad  se 
venire  fecit.  Ibid,  f.”  26  v.“. 

(3)  Postea  veroipsa  Mlesenàls  et  filius  ejus  Roberlus ,  in  die  solemp- 
pilatis  S.  Georgii,  ii  curtilia  apud  Bonires,  cumappendiciis  suis,  conces- 
serunt.  Codex,  f.°  18  r.°  —  Le  second  Robert  Fretel  est  nommé,  au  f.'’ 
26  v.“,  comme  Faîné  des  fils  d'Hugues  Fretel  :  fdiis  suis  Roberio ,  Hugone , 
Rorgone  assensum  prœbentibus.  Nous  aurons  peut-être  l’occasion  de  re¬ 
venir  sur  les  faits  principaux  de  la  vie  de  Robert  ii  Fretel. 


—  323  — 

féodale  auxi.®  siècle:  c’est  pourquoi  j’ai  essayé  de  sauver 
leur  mémoire  de  l’oubli.  A  leurs  trois  noms,  j’en  eusse  pu 
ajouter  un  quatrième  ,  celui  de  Gautier  Tirel ,  si  connu  par 
la  part  plus  ou  moins  directe  qu’il  prit  au  funeste  accident 
de  chasse  dont  fut  victime,  en  l’an  1100,  le  roi  Guillaume- 
le-Roux. —  Gautier  Tirel,  à  qui  les  chroniqueurs  anglo-nor¬ 
mands  attribuent  de  grandes  possessions  dans  le  pays  de 
Poix  et  dans  le  Pontbieu ,  en  avait  aussi  quelques-unes  aux 
environs  d’Hesdin  :  il  est  mentionné ,  dans  le  Cartulaire  de 
Saint-Georges  (auquel  nous  avons  emprunté  beaucoup  des 
éléments  de  notre  notice) ,  comme  l’un  des  bienfaiteurs  de 
cette  maison  :  il  lui  donne ,  en  effet ,  outre  un  hôte  et  10 
muids  de  sel  à  Verton  ,  des  franchises  et  privilèges  à  Berle 
et  à  Aubin  Saint-Vaast  (i).  La  possession  de  cet  hôte  fut 
confirmée  au  prieuré  de  Saint  Georges,  par  Eustacbe  III , 
comte  de  Boulogne  (^).  Plus  tard ,  Gautier  Tirel  ratifia 
une  donation  faite  par  un  de  ses  vassaux  audit  prieuré  (5). 
Gautier  Tirel  est  aussi  nommé  dans  un  jugement  par  lequel 
'  Enguerrand,  évêque  d’Amiens  (1107-1127),  le  déboute  de 
ses  prétentions  sur  l’autel  de  Verton  qu’il  adjuge  à  l’abbaye 
de  Saint-Josse-sur-mer  (^). 

Ces  détails  nous  ont  paru  mériter  d’être  relevés  ;  mais  ils 
sont  de  trop  minime  importance  pour  nous  autoriser  à 
introduire  Gautier  Tirel  dans  le  cadre  de  la  présente  étude. 
Son  nom,  du  reste,  n’a  garde  de  sortir  de  la  mémoire  des 
hommes  ,  attaché  qu’il  est  au  souvenir  du  tragique  épisode 
de  la  forêt  de  Winchester.  A.  Desplanque. 

LES  PEUPLIERS 

Le  temps  est  opportun  pour  parler  du  Peuplier ,  car 
cet  arbre  a  souvent  été  pris  comme  emblème  des  insti- (*) 

(*)  Codex  Iraditionum,  î°  Il  Y.° — (2)  Ibid.  f.°  2t  v.°  —  (3)  Ibid, 
f  o  22  r.°  —  (4)  Cartul.  de  S.  Josse-sur-mer ,  f.°  12  r.°. 


—  524  — 

tutions  républicaines.  Il  le  doit  probablement  à  son 
nom ,  et  ce  nom  lui  vient,  selon  les  uns,  de  ce  que  l’on 
plantait  de  peupliers  les  places  de  l’ancienne  Rome  ,  selon 
d’autres,  parce  que  la  mobilité  de  ses  feuilles  représente  le 
mouvement  incessant  de  la  foule.  Quoiqu’il  en  soit,  nous 
n’avons  à  nous  en  occuper  que  sous  le  rapport  botanique. 

Le  genre  Peuplier  (populus)  faisait  partie  de  l’ordre  des 
Amentacées  d’Antoine-Laurent  de  Jussieu.  Lors  du  démem¬ 
brement  de  ce  groupe  par  les  botanistes  modernes ,  il  a  été 
réuni  avec  le  Saule  en  une  petite  famille,  celle  desSalicinées, 
caractérisée  essentiellement  par  la  structure  de  l’ovaire. 
Cet  organe  n’a  qu’une  seule  loge  et  renferme  un  grand 
nombre  d’ovules  fixées  sur  deux  placentas  pariétaux.  Le 
fruit  est  une  capsule  s’ouvrant  en  deux  valves  ;  les  graines 
sont  nombreuses  et  recouvertes  de  duvet.  Les  fleurs  n’ont 
ni  calice,  ni  corolle  ;  elles  sont  simplement  entourées  à  la  base 
d’une  petite  cupule;  elles  sont  dioïques  c’est-à-dire  que  les 
fleurs  mâles  et  les  fleurs  femelles  sont  sur  des  pieds 
différents. 

Le  bois  de  peuplier  est  le  type  du  bois  blanc,  tendre  et 
léger  ;  sa  pesanteur  est  d’environ  0,50  lorsqu’il  est  sec,  celle 
du  hêtre  dans  les  mômes  conditions,  étant  de  0,80  ;  pour 
le  même  volume,  il  donne  en  brûlant  à  peu  près  la  moitié 
moins  de  chaleur.  On  en  fait  des  planches  pour  la  toiture, 
des  caisses,  des  malles  et  quelques  autres  boiseries  com¬ 
munes.  Le  duvet  qui  entoure  les  graines  a  une  apparence 
cotonneuse  qui  a  donné  l’idée  de  l’employer  comme  matière 
textile  ,  mais  il  se  file  mal  et  les  tissus  qu’on  en  fait  n’ont 
pas  de  résistance.  Il  ne  sert  guère  qu’aux  petits  oiseaux  qui 
en  tapissent  leurs  nids  pour  garantir  du  froid  leur  tendre 
progéniture.  Les  graines  sont  facilement  entraînées  par  le 
vent,  et  germent  rapidement;  mais  l’arbre  se  multiplie 
mieux  encore  par  ses  racines  qui  s’étendent  au  loin  en 


—  325  — 

émettant  de  nombreux  bourgeons.  Ces  nœuds  souterrains 
conservent  si  longtemps  leur  vitalité,  qu’on  les  voit  parfois 
surgir  plusieurs  années  après  que  le  tronc  a  été  abattu. 

Les  peupliers  aiment  les  lieux  humides  et  les  sols  argi¬ 
leux.  On  en  trouve  dans  tout  l’hémisphère  septentrional 
de  l’ancien  continent.  M.Wesrnael  de  Mons,  dans  la  savante 
monographie  qui  sert  de  guide  à  cette  notice  (i) ,  énumère 
19  espèces  dont  4  sont  originaires  de  notre  pays ,  ou  y  sont 
acclimatées  depuis  longtemps.  Ce  sont  :  le  peuplier  blanc, 
le  tremble,  le  grisard  et  le  peuplier  noir. 

Le  peuplier  blanc  {populus  alha]  a  la  face  inférieure  des 
feuilles  et  les  jeunes  rameaux  couverts  d’un  duvet  coton¬ 
neux  blanc.  Il  est  très-abondant  dans  les  plaines  humides 
de  la  Flandre,  aux  environs  d’Ypres,  ce  qui  lui  a  valu  le 
surnom  d’Ypréau.  Rosier  raconte  que  dans  ce  pays  lors¬ 
qu’une  fille  vient  au  monde,  son  père  plante  un  certain 
nombre  de  peupliers  qui  auront  pris  leur  croissance  et  four¬ 
niront  la  dot  lorsque  la  fille  sera  en  âge  de  se  marier.  Les 
feuilles  de  la  variété  type  (P.  alla  ^  var.  genuina)  sont 
divisées  en  trois  lobes  triangulaires ,  aigus  et  dentés,  mais 
dont  les  deux  latéraux  sont  peu  marqués.  Celles  d’une 
seconde  variété  (P.  alba^  var.  nivea)  ont  les  dents  plus 
aigues  et  les  lobes  plus  profondément  divisés,  tandis  que 
dans  une  troisième  variété  (P.  alha,  var.  denudata)  les 
lobes  sont  à  peine  indiqués  ,  les  feuilles  sont  rhomboïdales 
et  limitées  simplement  par  un  bord  sinué.  Ces  trois  varié¬ 
tés  sont  presque  les  seules  cultivées  chez  nous  ;  selon 
M.Wesrnael,  la  variété  nivea  serait  la  plus  fréquente,  bien 
qu’elle  soit  en  même  temps  celle  qui  a  le  moins  de  valeur. 

Le  tremble  (P.  tremula)  a  le  pétiole  grêle ,  long  et 
comprimé  latéralement  :  ce  qui  fait  que  les  feuilles  ne  peu- 


(1)  Bulletin ,  t.  ii,  p.  80, 


—  32G  — 

vent  se  tenir  en  équilibre  et  s’agitent  au  moindre  vent.  Elles 
sont  ovales  ou  arrondies,  simplement  sinuées  sur  le  bord; 
leur  face  inférieure  cotonneuse  dans  lejeune  âge  perd  ensuite 
son  duvet.  On  cultive  parfois  dans  les  jardins  une  variété  à 
rameaux  pendants  comme  ceux  des  saules  pleureurs.  Le 
tremble  supporte  parfaitement  l’humidité,  il  vient  même 
dans  les  tourbières. 

Le  grisard  ou  grisaille  (P.  canescens)  ne  mériterait  pas 
d’être  compté  parmi  les  véritables  espèces ,  car  ce  n’est 
qu’un  hybride  du  tremble  et  du  peuplier  blanc.  Par  tous 
ses  caractères,  il  est  intermédiaire  entre  ces  deux  espèces 
se  rapprochant  plus,  tantôt  de  l’une  ,  tantôt  de  l’autre. 

Le  peuplier  noir  (P.  nigra  )  diffère  beaucoup  des  précé¬ 
dents.  Ses  bourgeons  et  ses  jeunes  pousses  sont  enduits 
d’un  suc  visqueux  et  résineux,  d’une  odeur  assez  agréable. 
Les  pharmaciens  se  servent  de  ces  bourgeons  résineux  pour 
faire  un  onguent  employé  en  médecine  vétérinaire.  Ses 
feuilles  sont  lisses,  dépourvues  de  duvet,  de  forme  trian¬ 
gulaire,  terminées  en  pointes  aigues  et  dentelées  sur  le 
pourtour.  Le  peuplier  d’Italie  ou  peuplier  pyramidal  n’est 
qu’une  variété  du  peuplier  noir  (P.  nigra  var.  pyrami- 
clalis).  Il  s’en  distingue  facilement  par  sa  taille  plus  élevée, 
ses  rameaux  grêles ,  effilés  ,  dressés  contre  la  tige.  Cette 
variété  qui  a  été  apportée  d’Italie  en  France  pendant  le 
XVIII.®  siècle  ,  paraît  originaire  de  l’Asie.  Chose  curieuse  , 
il  n’y  a  en  Europe  que  des  individus  mâles,  M.  Wesmael 
cite  cependant ,  avec  doute  ,  l’existence  de  pieds  fe¬ 
melles  dans  l’allée  de  Durlaclier ,  près  Carlsrbue.  Le  peu¬ 
plier  d’Italie  est  dans  notre  région  humide  du  Nord  un  des 
plus  beaux  arbres  que  l’on  puisse  employer  pour  faire  des 
avenues.  A  l’élégance  de  son  port,  il  joint  l’avanlage  de 
pousser  rapidement  et  de  donner  peu  d’ombre. 

Les  seules  espèces  étrangères  fréquemment  cultivées 


--  327  ~ 

dans  notre  pays  sont  :  le  peuplier  du  Canada  et  le  peuplier 
de  la  Caroline  qui  tous  deux  ont,  comme  le  peuplier  noir, 
les  feuilles  glabres  et  les  bourgeons  couverts  d’un  enduit 
résineux. 

Le  peuplier  du  Canada  (P.  canadensis)  est  le  plus  grand 
de  l’espèce  ;  il  peut  atteindre  jusqu’à  40  mètres  de  hauteur. 
Ses  feuilles  ont  sensiblement  la  même  forme  que  celles  du 
peuplier  noir,  cependant  elles  sont  écliancrées  en  cœur  ou 
tronquées  à  la  base,  tandis  que  les  autres  s’atténuent  ou 
s’arrondissent  vers  l’insertion  du  pétiole.  Une  particularité 
de  l’espèce  en  question,  c’est  qu’il  y  a  entre  les  deux  sexes 
des  différences  si  considérables  que  les  botanistes  en  ont 
fait  des  espèces  distinctes.  Ils  ont  nommé  les  mâles  peu¬ 
plier  du  Canada  (  P.  canadensis  )  et  les  femelles  ,  peuplier 
de  Virginie  (  P.  monilifera  ).  Celles-ci  ont  les  feuilles 
écliancrées  en  cœur  à  la  base  et  fortement  acuminées  à 
la  pointe  ;  les  premiers  les  ont  plus  grandes,  tronquées  à  la 
base  et  terminées  par  une  pointe  mousse.  Chez  tous  deux , 
on  rencontre  des  rameaux  anguleux  associés  à  des  rameaux 
arrondis  ;  toutefois  ce  fait  est  plus  fréquent  chez  les  femelles 
que  chez  les  mâles.  Une  variété  de  cette  espèce  a  la  forme 
pyramidale  du  peuplier  d’Italie. 

Le  peuplier  de  la  Caroline  (P.  angulata)  possède  des 
rameaux  toujours  anguleux  et  des  feuilles  plus  grandes  et 
plus  arrondies  que  le  précédent ,  on  le  rencontre  moins 
fréquemment.  _ _ _  J.  G. 

CHRONIQUE 

Méfcorologîe.  —  Le  mois  de  Septembre  1870  fut  froid 
et  sec.  Les  températures  maxima  diurnes  furent  presque 
constantes  et  très -peu  au-dessus  ou  au-dessous  de  la 
moyenne  18.°  6 ,  il  y  eut  plus  de  différence  entre  les  mini- 
ma  ,  qui  allèrent  de  o.®  30  à  13.®  3. 

La  température  moyenne  du  mois  fut  de  1.®  28  inférieure 


—  o2S  — 


à  la  moyenRe  générale  ,  et  de  2.°  86  inférieure  à  celle  du 
mois  de  Septembre  1869. 

Cet  abaissement  de  température  atténua  l’épaisseur  de 
la  couche  d’eau  évaporée  qui  ne  fut  que  de  SS.™*"  12  ,  tandis 
qu’elle  avait  été  de  103. 56 ,  en  Septembre  1869,  toutefois 
elle  fut  encore  plus  grande  que  la  moyenne  générale 
80. mm  4g  ^  1^  conséquence  de  la  sécheresse  de  l’air  qui 

ne  contint  à  l’état  de  dissolution  que  les  0,75  delà  quantité 
d’eau  qui  l’eût  saturé  à  sa  température  moyenne. 

Pendant  les  quinze  premiers  jours  le  vent  souffla  du  S.-O., 
la  hauteur  movenne  du  baromètre  fut  de  758."™  848  et  la 
pluie  fut  assez  fréquente  ;  mais  pendant  les  quinze  derniers, 
les  courants  atmosphériques  vinrent  du  N.-E.  ;  le  ciel  fut 
presque  serein  ,  la  moyenne  barométrique  fut  de  770. '"'"958, 
et  la  pluie  fît  complètement  défaut. 

Malgré  la  sécheresse  de  l’air  durant  cette  seconde  période, 
il  y  eut  des  rosées  toutes  les  nuits  et  souvent  des  brouillards 
assez  épais. 

La  quantité  de  pluie  recueillie  en  12  jours,  fut  inférieure 
de  31."™  42  à  la  moyenne  générale  de  Septembre. 

Le  24  de  10  à  11  heures  du  soir  on  observa  une  magni¬ 
fique  aurore  boréale  dont  les  franges  colorées  en  rouge 
vif  et  perpendiculaires  à  l’horizon  se  déplaçaient  lentement 
vers  rO. 


SEPTEMBRE 


1870 

Température  moyenne .  13.®  99 

»  D  des  maxima .  18."  60 

»  »  desminima .  9.®  38 

»  extrême  minima,  le  17. .  5.”  30 

*  »  maxima,  le  28.  21.®  70 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.®. . . .  763““045 
»  hauteur  extrême  minima ,  le  7. .  750-‘"'86 
»  ^  »  maxima,  le  16.  774“‘"33 

Tension  de  la  ^apeui’atmosphér .  8“”49 

Humidité  relative  moyenne  "/o .  75.00 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  39"‘"'17 

ï  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  88T”12 


SEPTEMBRE 
année  moy. 
15.®  271 


760r  143 


lOT-17 
77.  44 
70r597 
80r48 


Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


V.  Meureix. 


TYP.  DE  BLOCQUEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2.'  Année. —  N.°  11. —  Novembre  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  SCIENCES  ,  DES  ARTS  ET  DES  LETTRES  DU  HAINAUT. 

Mémoires,  3.*  série,  t.  iv. 

Fondée  en  1833,  la  Société  des  Sciences  du  Hainaut 
soutient  sa  vieille  réputation.  Naguères  elle  couronnait  et 
publiait  dans  ses  Mémoires  les  Recherches  sur  le  Hainaut 
ancien  de  M.  Duvivier  ,  ouvrage  qui  fait  le  plus  grand  hon¬ 
neur  à  l’érudition  belge.  Aujourd’hui  elle  nous  offre,  après 
lui  avoir  décerné  une  médaille  d’or,  le  Mémoire  historique 
de  M.  Théophile  Lejeune  sur  Vancienne  ville  de  Soignies. 
Le  cadre  de  cette  monographie  est  complet  et  i!  peut  être 
présenté  comme  un  modèle. 

Quoiqu’il  y  ait  eu  à  Soignies  quelques  habitations  gallo- 
romaines,  l’importance  de  cette  localité  ne  date  que  du  vu.® 
siècle ,  époque  où  le  comte  Madelgaire  y  fonda  un  cou¬ 
vent.  Ce  monastère  ayant  été  ruiné  par  les  Normands  fut , 
au  X.®  siècle  ,  transformé  en  un  chapitre  qui  prit  le  nom  de 
Saint-Vincent,  nom  adopté  par  Madelgaire  après  son  entrée 
en  religion.  Constitué  sous  la  triple  protection  du  Souverain 
Pontife,  de  l’empereur  d’Allemagne  et  du  duc  de  Lotha¬ 
ringie,  le  chapitre  de  Saint-Vincent  commença  à  se  qua¬ 
lifier  de  royal.  Par  la  suite,  les  évêques  de  Cambrai,  les 
comtes  de  Hainaut ,  les  ducs  de  Bourgogne  et  les  souverains 
de  la  maison  d’Autriche ,  le  comblèrent  de  privilèges  et  de 
faveurs.  M.  Lejeune  énumère  tous  les  dons  faits  à  cet  éta¬ 
blissement  et  il  entre  dans  de  grands  détails  sur  la  compo¬ 
sition  du  corps  capitulaire. 

Des  paragraphes  spéciaux  traitent  des  revenus  du  cha¬ 
pitre,  des  fondations  pieuses,  de  l’église  à  la  fois  parois- 


—  550  — 

siale  et  canonicale ,  du  trésor  de  la  collégiale  dont  le 
principal  ornement  était  la  châsse  de  Saint-Vincent. 

L'auteur  s’occupe  ensuite  de  la  paroisse  de  Soignies  et  des 
communautés  religieuses  qui  s’établirent  à  côté  du  chapitre  : 
sœurs  grises,  capucins,  pères  de  l’Oratoire.  Il  en  vient  ainsi 
à  parler  des  fondations  charitables.  Un  chapitre  sur 
l’avouerie  de  Soignies  le  fait  passer,  par  une  transition 
toute  naturelle,  de  l’histoire  religieuse  à  l’histoire  civile. 
Celle-ci  embrasse:  l’organisation  judiciaire,  le  pouvoir 
communal,  les  compagnies  et  confréries  laïques,  les  corps 
de  métiers. 

Quelques  renseignements  topographiques  et  statistiques 
servent  d’introduction  à  un  chapitre  d’annales  dans  lequel 
M.  Lejeune  retrace  les  vicissitudes  de  la  ville  dont  il  s’est 
jusqu’ici  appliqué  à  décrire  les  institutions.  Ce  chapitre  est 
suivi  d’études  sur  les  hommes  marquants  de  Soignies,  sur 
les  établissements  d’instruction  publique  aux  différentes 
époques,  sur  les  fêtes  civiles  et  religieuses  qu’on  y  a 
célébrées  ou  qu’on  y  célèbre  encore. 

L’ouvrage  se  termine  par  des  jnèces  justificatives  qui  en 
doublent  l’importance  et  l’étendue. 

A  la  suite  du  Mémoire  que  nous  venons  d’analyser ,  nous 
remarquons ,  dans  le  nouveau  volume  de  la  Société  du 
Hainaut,  une  Notice  sur  le  corps  du  génie  en  Belgique 
pendant  le  xviii.®  siècle,  par  le  général  Guillaume,  au¬ 
jourd’hui  ministre  de  la  Guerre  en  Belgique. 

Lorsque  l’empereur  Charles  VI  réorganisa  les  troupes 
nationales  dans  les  Pays-Bas  Autrichiens ,  il  reconnut  la 
nécessité  de  créer  un  corps  spécial  du  Génie  qui  pût 
remettre  en  bon  état  de  défense  les  fortifications  endom¬ 
magées  par  les  dernières  guerres.  Le  maréchal  Daun  proposa 
de  créer  trois  brigades  de  sept  officiers  chacune.  Celle  or¬ 
ganisation  ,  devant  occasionner  une  dépense  annuelle  de 


—  531  — 

14,532  florins,  ne  fut  adoptée  qu’en  partie  :  on  se  borna  à 
créer  deux  brigades  du  génie,  qu’on  plaça  sous  le  comman¬ 
dement  immédiat  d’un  lieutenant-colonel  et  sous  l'autorité 
supérieure  d’un  directeur  en  chef  du  rang  de  général. 

M.  Guillaume  donne  la  composition  de  ce  corps  de  génie 
tel  qu’il  fut  créé  en  1732,  et  il  nous  fait  connaître  les  modifi¬ 
cations  qu’il  a  subies  jusqu’en  1770 ,  époque  de  son  dernier 
remaniement  ou ,  pour  mieux  dire  ,  de  son  absorption  par 
le  génie  autrichien.  Il  nous  retrace  aussi  la  carrière  mili¬ 
taire  des  officiers  belges  qui  se  sont  distingués  dans  cette 
arme.  A.  Desplanque. 

CERCLE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  MONS. 

Annales,  t.  viii. 

L’année  dernière  (voir  Bulletin  ,  t.  i ,  p.  29) ,  nous  fai¬ 
sions  connaître  l’origine  du  Cercle  archéologique  de  Mons 
et  la  direction  de  ses  travaux.  Depuis  lors,  un  nouveau 
volume  d'annales  est  venu  s’ajouter  aux  précédents. 

Ce  volume  s’ouvre  par  une  Notice  historique  sur  le  vil- 
lage  de  Boussoit-sur-Haine.  L’auteur ,  M.  Théophile  Le¬ 
jeune,  après  avoir  discuté  l’étymologie  du  nom  de  cette 
commune,  indique  sa  situation  topographique,  son  étendue 
territoriale  et  le  chiffre  de  sa  population.  Il  se  livre  ensuite 
à  l’examen  d’une  question  fort  controversée  :  savoir  si  le 
castrum  de  Bussut  ou  Buxidis^  dans  lequel  les  fils  de 
Rainier  III  se  retranchèrent  après  la  défaite  de  leurs  com¬ 
pétiteurs  Garnier  et  Renaud ,  est  Roussoit  ou  Roussu-sur- 
Haine. 

Le  chapitre  de  M.  Lejeune  sur  la  seigneurie  de  Roussoit 
est  plein  de  faits  intéressants  pour  l’histoire  du  château  et 
des  seigneurs.  Au  xvii.®  siècle ,  cette  seigneurie  échut  à  une 
famille  qui  a  laissé  bien  des  souvenirs  dans  le  Nord  de  la 
France.  Marie  Du  Chastel  de  la  Hovardrie,  «  religieuse 
pénitente  à  Armentières,  »  seconde  fille  de  Robert  Du 


—  o32  — 

Chastel  et  de  Jeanne  de  La  Croix,  dame  de  Boussoit,  érigea, 
en  1637  ,  dans  leglise  dudit  Boussoit ,  un  monument  funé¬ 
raire  dont  l’inscription  nous  a  été  conservée.  Des  Du  Ghas- 
tel ,  la  seigneurie  de  Boussoit  passa  dans  les  maisons  de 
Rodoanet  de  Nédonchel. 

M.  Lejeune  traite  ensuite  des  institutions  ecclésiastiques 
et  charitables  du  village  dont  il  s’occupe ,  et  il  donne  en 
appendice  un  armorial  de  Boussoit-sur-Haine.  Il  le  fait 
suivre  de  pièces  justificatives  principalement  empruntées  au 
cartulaire  de  Saint-Denis-en-Broqueroie. 

La  Notice  sur  le  village  et  la  procession  de  Wasmes  ,  par 
M.  l’abbé  Petit,  est  très-digne  de  figurer  à  côté  du  mémoire 
précité.  M.  Petit  rappelle  que  l’autel  de  Wasmes  fut  donné 
en  1095  à  l’abbaye  de  Saint-Ghislain  par  Gaucher  ,  évêque 
de  Cambrai ,  et  confirmé  à  ladite  abbaye  ,  avec  ses  dépen¬ 
dances  Wasmüel  et  Résignies,  par  le  pape  Gélase  II ,  le  12 
avril  1118.11  raconte  ensuite  l’éclatante  victoire  remportée, 
vers  1133  ,  par  le  chevaleresque  Gilles  de  Chin ,  seigneur 
de  Berlaimont,  sur  un  affreux  dragon  qui  désolait  la  con¬ 
trée  :  l’auteur  énumère  les  dons  faits  par  le  vainqueur ,  en 
accomplissement  de  son  vœu,  à  la  vierge  de  Wasmes  qu’il 
était  venu  implorer  avant  de  livrer  bataille  au  monstre.  De 
là  date  l’institution  de  la  procession  annuelle  de  Wasmes 
dont  le  tour  est  de  quatre  lieues.  Lorsque  le  dragon  fut 
attaqué  dans  son  repaire  par  Gilles  de  Chin  ,  il  tenait  en 
sa  gueule  ,  dit  la  légende,  une  jeune  fille  qu’il  allait  dé¬ 
vorer.  C’est  en  souvenir  de  cette  enfant  miraculeusement 
délivrée  que,  chaque  année,  le  curé  de  Wasmes  choisit, 
pour  figurer  avec  grand  honneur  à  la  Procession ,  une 
Pucelette^  petite  fille  âgée  de  quatre  à  cinq  ans.  —  Suivant 
le  costume  traditionnel,  la  pucelette  est  vêtue  d’une  robe 
de  soie  bleu  de  ciel  et  d’un  manteau  tout  pareil.  On  lui  met 
devant  la  poitrine  un  grand  cœur  blanc  sur  lequel  brillent 


pm  ^ 

-  DÜO  - 

des  bijoux  d’or  el  des  diamants  ;  on  ceint  sa  tête  d’une  cou¬ 
ronne  surmontée  de  trois  plumes  d’autruche  recourbées  :  sa 
suivante  ,  qui  porte  la  queue  de  son  manteau  ,  est  mise  en 
blanc. 

Le  lundi  de  la  Pentecôte ,  le  curé  va  chercher  en  cortège 
la  Pucelette  chez  ses  parents  et  il  l’amène  aux  vêpres  : 
après  les  vêpres  il  la  conduit  au  presbytère.  Le  lendemain , 
jour  de  la  grande  procession ,  l’enfant  assiste  à  la  messe  qui 
se  célèbre  dès  trois  heures  du  matin  ;  puis  ,  elle  suit  le  par¬ 
cours  de  la  procession  ,  de  l’église  de  Wasmes  au  Calvaire  , 
du  Calvaire  à  l’église  de  Warquinies,  de  là  à  celles  d’Hornu 
etdeWasmûel.  La  Pucelette  dot  la  marche,  entre  deux  haies 
de  jeunes  filles  en  blanc  et  sous  l’escorte  des  autorités  com¬ 
munales.  Durant  le  trajet,  elle  donne  la  main  au  curé  de 
Wasmes  et  à  un  autre  prêtre. 

La  chapelle  primitive  de  Notre-Dame  de  Wasmes  était 
bâtie  sur  le  versant  d’une  colline.  Depuis  elle  a  fait  place  à 
une  église  ogivale  dont  il  reste  quelques  souvenirs ,  deux 
pinacles  ,  une  cuve  baptismale;  etc.  M.  l’abbé  Petit  décrit 
fort  soigneusement  l’église  actuelle.  Il  dit  aussi  un  mot  des 
fiefs  de  Fontenoy  et  de  Fontenich  qui  existaient  jadis  à 
Wasmes. 

Sous  le  titre  d'analectes^  M.  Devillers,  archiviste  de 
l’Etat  à  Mons  et  président  du  Cercle,  continue  de  publier 
une  série  de  documents  relatifs  à  des  localités  du  Hainaut. 
Citons  comme  intéressant  la  portion  aujourd’hui  française 
de  cette  ancienne  province  : 

1,®  Une  charte  de  Jeanne  de  Constantinople  ,  réglant  le 
droit  de  vinage  à  Berlaimont  et  Pont-sur-Sambre.  (Le 
Quesnoy  ,  6  octobre  121  o). 

2.0  Des  lettres  par  lesquelles  Odon ,  évêque  de  Cambrai, 
contirme  l’abbaye  d’Haumont  dans  la  possession  de  ses 
biens  (1110). 


—  534  — 

3.0  D’autres  lettres  par  lesquelles  Gautier  IV ,  abbé  ,  et 
les  religieux  de  Saint-Amand  donnent ,  en  arrentement 
héréditaire ,  à  Arnould  d’Audenarde  leur  bois  de  Saint- 
Sauveur  (Décembre  1219). 

4.0  Procuration  du  chapitre  de  Denain  pour  servir  dans 
une  instance  contre  le  seigneur  de  Bury  (23  février  1723). 

L'Esquisse  historique  sur  le  collège  d'Ath  ,  qui  vient  à  la 
suite  des  travaux  ci-dessus  énumérés,  est  un  discours  pro¬ 
noncé  à  la  distribution  des  prix,  le  15  août  1867 ,  par  M.  E. 
Fourdin,  professeur  en  cet  établissement ,  bibliothécaire- 
archiviste  de  la  ville.  On  célébrait ,  ce  jour-là  ,  le  451.6  an¬ 
niversaire  de  la  fondation  du  collège  d’Ath  ,  créé  dix  ans 
avant  l’Université  de  Louvain ,  sous  le  nom  d'école  latine  , 
protégé  par  Philippe-le-Bon ,  successivement  doté  et  enri¬ 
chi  par  quelques-uns  des  anciens  élèves  de  cette  maison , 
tels  que  Frédéric  d’Ives ,  le  célèbre  abbé  de  Maroilles, 
Robert  d’Hoslart,  abbé  de  Gambron,  Jean-Joseph  Mas- 
selot ,  religieux  de  Vaucelles  ,  etc.  Nicolas  de  Rebbe  ,  ori¬ 
ginaire  d’Ath,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  Lille,  obtint  du 
pape  Clément  VIII ,  pour  le  collège  de  sa  ville  ,  des  indul¬ 
gences  et  immunités  qui  y  attirèrent  longtemps  la  foule  des 
fidèles.  Dans  les  premières  années  du  xvii.®  siècle  ,  ce  col¬ 
lège  avait  fourni,  aux  divers  diocèses  de  Belgique  ,  plus  de 
3000  théologiens,  tous  pourvus  de  riches  prébendes. 
M.  Fourdin  énumère  les  hommes  marquants  qui  en  sont 
sortis.  Il  montre ,  par  un  curieux  exemple ,  combien  les 
bourgeois  d’Ath  honoraient  ceux  de  leurs  concitoyens  qui 
se  distinguaient  dans  les  arts ,  dans  les  lettres  et  dans  les 
les  sciences.  L’un  d’eux  avait-il  obtenu,  soit  à  Louvain,  soit 
à  Douai ,  le  titre  de  primus  in  artibus ,  les  autorités 
athoises  lui  ménageaient  une  brillante  réception  officielle: 
elles  allaient  à  sa  rencontre,  corps  de  métiers  en  tête,  au  son 
du  carillon ,  au  bruit  des  salves  d’artillerie  ;  elles  le  me- 


—  335  — 

naient  à  cheval  ou  en  carosse,  et  couronné  de  lauriers ,  à  un 
Te  Deiim  solennel.  La  journée  se  terminait  par  un  banquet 
à  rHôtel-de-Ville  et  par  la  remise  au  lauréat  d’une  pièce 
d’argenterie,  commémorative  de  son  glorieux  succès. 

La  Notice  sur  le  village  de  Sars-la-Bruyère  par 
M.  Bernier  est  rédigée  sur  un  plan  très-analogue  à  celui  de 
la  monographie  du  village  de  Boussoit  par  M.  Lejeune  :  éty¬ 
mologie  ,  situation,  sceau  de  la  commune,  église,  pro¬ 
priétés  de  l’ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  à  Sars  ,  ins¬ 
criptions  recueillies  dans  l’église,  chronologie  des  seigneurs  : 
on  y  voit  succéder  à  la  famille  de  Sars  celles  de  Harchies  et 
de  Bournonville.  Ce  fut  dans  le  bois  de  Sars  que  commença 
la  célèbre  bataille  de  Malplaquet ,  livrée  le  11  septembre 
1709. 

Le  volume  que  nous  venons  d’analyser  se  termine  par  les 
Souvenirs  d'une  excursion  archéologique  à  Elouges  ;  par  le 
résumé  de  découvertes  faites  à  Lessines ,  à  Rouveroy ,  à 
Spiennes  ,  à  Estines-au-Val  ;  par  divers  articles  de  variétés 
montoises.  Ne  pouvant  les  citer  tous,  reproduisons  celui  qui 
a  pour  titre  :  Le  chien  en  pierre  à  Naast  et  pour  auteur 
M.  A.  Tricot. 

Vers  le  milieu  du  xviii.®  siècle,  la  race  canine  s’était  con¬ 
sidérablement  accrue  dans  certaines  localités  du  pays ,  au 
détriment  du  gibier.  Dans  des  vues  tout  à  la  fois  fiscales  et 
prohibitives ,  les  Etats  du  Hainaut  imposèrent  les  déten¬ 
teurs  de  ces  quadrupèdes  d’une  taxe  de  dix  patars  par  chaque 
tête,  au  profit  du  souverain  :  ce  qui  n’en  fit  guère  diminuer 
le  nombre. 

Se  souciant  plus  de  la  conservation  de  sa  chasse  que  de 
jouir  d’une  légitime  popularité  parmi  ses  vassaux,  un  sire  de 
Naast  s’avisa,  à  cette  époque,  d’un  expédient  pour  diminuer 
la  destruction  de  son  gibier.  Il  prescrivit  que  tout  chien 
parcourant  sa  seigneurie,  dépourvu  d’un  biu,  serait  impi¬ 
toyablement  exterminé.  Ce  biu  consistait  en  un  morceau  de 
bois,  peu  gros  et  long  d  une  cinquantaine  de  centimètres, 
assujetti  par  un  bout  au  collier ,  au  moyen  d’une  courte 


—  356  — 

lanière,  de  telle  sorte  que  l’animal  astreint  à  trainer  cet 
engin  entre  les  pattes  avait  la  marche  entravée  et  un  air 
hébété  très-piteux. 

Cette  prescription,  intempestive  et  ridicule,  mécontenta 
extrêmement  une  partie  de  la  population  contre  le  malen¬ 
contreux  seigneur. 

A  la  suite  d’une  brusque  altercation  soulevée  par  un  fer¬ 
mier  de  l’endroit  avec  le  messire  en  question ,  relativement 
à  ses  innovations  féodales,  ce  fermier  lui  annonça  qu’il 
aurait  bientôt  un  chien  qui  ne  paierait  point  ta  taxe  et,  sans 
être  tenu  à  l’attache,  ne  porterait  jamais  l’humiliant  biu. 
Des  paris  furent  engagés  à  cette  occasion,  et  avant  que 
l’année  fût  révolue,  il  avait  fait  placer  au-dessus  de  la  porte 
d’entrée  de  sa  basse-cour,  située  près  de  l’église,  un  chien 
en  pierre  calcaire,  de  taille  moyenne,  aux  formes  bien 
prises ,  et  qui  semble  avoir  lair  de  narguer  les  passants 
très-sournoîsement.  Cette  sculpture  a  encore  aujourd’hui  le 
privilège  d’attirer  l’attention  des  étrangers. 

A.  Desplanque. 


BIBLIOGRAPHIE. 

OBSERV.ATIONS  SUR  LE  JURASSIQUE  SUPERIEUR  DU  BOULONNAIS 

par  M.  Ed.  Pellat  (D 

Il  y  a  déjà  plusieurs  années  que  M.  Ed.  Pellat  consacre  ses 
loisirs  à  l’étude  du  terrain  jurassique  du  Bas-Boulonnais. 
Ce  terrain  qui  forme  le  long  de  la  côte  depuis  le  cap  Gris-Nez, 
jusqu’au  delà  du  cap  d’Alprech  ,  une  série  de  falaises  très- 
intéressantes  ,  s’étend  ,  en  outre ,  vers  l’Est  formant  un 
îlot  au  milieu  des  collines  crayeuses  de  la  Picardie.  Les 
premiers  mémoires  (^)  de  M.  Pellat  furent  consacrés  aux 
couches  qui  affleurent  dans  les  falaises  et  qui  appartiennent 
aux  étages  Portlandien  et  Kimméridien  ;  il  en  fit  une  des¬ 
cription  détaillée  pour  la  joindre  à  la  monographie  paléon- 

(h  Bulletin  de  la  société' géologique  de  France  ,  2.*  série,  t.xxvi, 
p.  684-687  (1870). 

(2)  Bulletin,  t.xxiii,  p  193  (1865)  et  t.xxiv,  p.  181  (1867). 


—  537  — 

tologique  des  fossiles  du  même  terrain,  par  M.  de  Loriol  0). 
Depuis  (2)  il  s’est  occupé  des  assises  inférieures  ,  qui  ne 
sont  plus  visibles  dans  la  falaise  ,  mais  qui  peuvent  être  étu¬ 
diées  dans  l’intérieur  du  pays. 

Il  touchait  là  à  une  des  questions  qui  divisent  actuelle¬ 
ment  les  géologues ,  celle  des  limites  qui  séparent  1  etage 
Kimméridiende  l’étage  Corallien,  et  celui-ci  de  l’étage  oxfor- 
dien.  Ses  études  le  conduisirent  à  conserver  l’étage  Corallien 
que  plusieurs  savants  voulaient  supprimer.  Il  lui  donne 
pour  base  des  calcaires  remplis  de  polypiers  et  de  baguettes 
d’oursin  {Cidaris  florigemma)^  visibles  au  mont  des  Bou- 
cards  et  dans  quelques  petits  ravins,  tels  que  ceux  du  petit 
Hourecq ,  près  de  Carly.  Cette  couche  à  polypiers  et  à 
Cidaris  florigemma  ne  diffère  que  peu  d’autres  calcaires 
compactes  qui  lui  sont  superposés  au  mont  des  Boucards. 
Dans  la  dernière  note  dont  le  titre  est  en  tête  de  cet  article, 
M.  Pellat  admet  qu’elle  n’est  qu’un  dépôt  accidentel  rempla¬ 
çant  plus  ou  moins  complètement  les  calcaires  compacts. 

«  Pendant  que  sur  quelques  points  des  amas  de  polypiers, 
s’élevant  sans  doute  sous  forme  de  pitons  comme  les  récifs 
des  mers  actuelles ,  formaient  l’assise  ,  il  se  déposait  ailleurs 
des  sédiments  fins,  plus  ou  moins  crayeux,  renfermant  une 
autre  faune  ,  et  qui  sont  devenus  les  calcaires  compacts.  » 

_  J.  G. 

HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

ARNOULD  d’hESDIN. 

Dans  sa  curieuse, étude  sur  Trois  chevaliers  d'Hesdin  au 
siècle  ,  M.  Desplanque,  archiviste  du  Nord  ,  fait  appel 
au  bon  vouloir  de  ceux  qui  pourraient  fournir  quelques 

(1)  Mémoires  de  ia  société  de  Physique  et  d’histoire  naturelle  de 
Génève ,  t.xix. 

(2)  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  Frauce,  2.*  série,  t.  xxv, 
p.  I96a867). 


—  338  — 

renseignements  sur  ces  trois  personnages,  dont  l’histoire 
n  avait  pas  même  retenu  les  noms.  L’intérêt  avec  lequel 
nous  avons  lu  le  travail  de  M.  Desplanque  nous  a  porté  à 
faire  quelques  recherches  sur  le  même  sujet  ;  nous  nous 
sommes  dit  que  l’on  devait  trouver  quelques  mentions  con¬ 
cernant  Arnould  d’Hesdin  dans  les  riches  collections  de 
chroniqueurs  anglo-saxons  et  d’ouvrages  consacrés  aux 
antiquités  de  l’Angleterre ,  que  possède  la  Bibliothèque 
publique  de  Douai.  Voici  le  résultat  de  nos  recherches. 

I. 

Rien  dans  les  chroniques  anglo-normandes  ni  dans  les 
Scriptores  rerum  Britannicarum  ;  la  savante  édition  d’Or- 
deric  Vital  publiée  par  la  Société  de  rHistoire  de  France 
n’ajoute  au  nom  d’Arnould  d’Hesdin  qu’une  conjecture  sans 
importance  et  dénuée  de  preuves  ;  nous  avons  été  plus 
heureux  en  compulsant  le  Monasticon  Angîicanum  de 
William  Dugdale ,  ouvrage  si  important  pour  l’étude  du 
moyen-âge  en  Angleterre.  Le  Codex  traditionum  S.  Georgii 
Hisdiniensis  et  le  Domesday-book  avaient  permis  àM.  Des¬ 
planque  de  montrer  Arnould  d’Hesdin  faisant  partager  à 
son  chapelain  et  à  ses  compatriotes  ,  les  religieux  de  Saint- 
Georges  d’Hesdin,  les  richesses  qu’il  devait  sans  doute  à  son 
épée  et  à  la  bienveillance  de  Guillaume-le-Conquérant  ; 
plusieurs  passages  du  Monasticon  Angîicanum  prouvent 
qu’il  a  usé  de  la  même  générosité  envers  des  abbayes  de 
l’Angleterre  et  de  la  Normandie. 

En  1081 ,  le  jour  de  la  Purification  ,  se  trouvant  à  Salis- 
bury  ,  Arnould  d’Hesdin  octroya  à  l’abbaye  de  Saint-Pierre 
de  Glocester ,  le  domaine  de  Lynkeholt.  (^)  Déjà  auparavant 
il  avait  donné  au  même  monastère  l’église  de  Heythrop , 

(0  M.  Wauters,  daiis  la  Table  chronologique  des  Charles  et  diplômes  im¬ 
primés  concernant  T  histoire  de  Belgique,  1. 1 ,  p,  682  ,  cite  cette  donaition  , 
d'après  Hart,  Eisloria  et  Carlularium  S.  Pétri  Glouceslriœ ,  et  la  place 
SOUS  le  règne  de  Guillaume-le-Gonquérant  (1066- 1087). 


—  o39  — 

celle  (le  Lynkeholt  et  un  moulin  avec  les  terres  du  prêtre,  et 
l’église  de  Kynemerforde  aussi  avec  les  terres  du  prêtre.  Le 
prieuré  de  Tolft  avait  reçu  de  lui  l’église  de  Newbury 
avec  tous  les  revenus  qui  pouvaient  provenir  du  moulin ,  du 
tonlieu  et  de  tout  ce  qui  était  matière  à  dîme.  Aux  religieux 
de  Shaftesbury,  dans  le  Dorset,  il  avait  donné  le  monastère 
de  Kievelia  avec  la  terre  et  la  dîme  qui  en  dépendaient.  Ses 
libéralités  allèrent  même  demander  des  prières  de  l’autre 
côté  de  la  Manche  ,  en  Normandie  :  la  célèbre  abbaye  du 
Bec  reçut  de  lui  le  Rullepe ,  et  d’Ameline  ,  sa  femme ,  le 
manoir  de  Cumbe.  (^) 

L’Arnould  d’Hesdin  qui  fait  les  donations  mentionnées 
dans  le  Monasticon  Anglicanum  est  bien  le  même  que  celui 
dont  il  est  parlé  dans  le  Bomesday-book  et  le  Codex  tradi- 
tionum  S.  Georgii  Hisdmiensis.  Il  y  a  contemporanéité:  le 
Monasticon  Anglicanum  n’offre  qu’une  seule  date  (1081)  et 
les  mentions  du  Domesday-book  sont  comprises  entre  1080 
et  1086.  L’Arnould  d’Hesdin  du  Domesday-book  et  celui 
du  Monasticon  possèdent  tous  deux  des  biens  à  Kievèle  et  à 
Rullepe  ou  Rislepe  :  l’un  de  ces  ouvrages  l’appelle  seigneur 
de  Newbury  et  dit  qu’il  y  possède  des  édifices,  l’autre  dit  que 
la  dîme  de  cette  ville  lui  appartient  ;  d’après  le  Codex  tra- 
ditionum,\di  donation  au  chapelain  se  fait  à  Cumbe,  en 
présence  de  toute  la  famille  d’Arnould,  et,  d’après  le  Monas- 
ticon ,  Ameline ,  sa  femme ,  donne  à  l’abbaye  du  Bec  le 
manoir  de  Cumbe.  Ces  indications  suffisent  pour  établir 
qu’il  y  a  identité  entre  les  deux  Arnould  d’Hesdin  et  que  le 
chevalier  dont  le  Monasticon  Anglicanum  mentionne  les 
pieuses  libéralités  était  originaire  d’Hesdin  en  Artois. 

A  ces  détails  le  Monasticon  ajoute  sur  ce  personnage 
quelques  particularités  qui  peuvent  avoir  leur  intérêt.  Sa 


(b  Monasticon  Anglicanum,  per  Rogerum  DodsAvortli  et  GuUelmum 
Dugdale.  London,  1682,  t.  i,  p.  116  ,  117,  599  et  983;  t.  ii,  p.  954. 


—  340  — 

femme  portait  le  nom  Amelina ,  et,  comme  elle  fait  une 
donation  à  l’abbaye  du  Bec,  on  peut  croire  qu’elle  était 
originaire  de  la  Normandie.  Lui-même ,  il  était  comte  du 
Perche  (i)  et  seigneur  de  Newbury. 

IL 

Nous  avions  espéré  que  les  indications  fournies  par  le 
savant  ouvrage  de  Dugdale  nous  serviraient  de  point  de 
départ  pour  arriver  à  retrouver  l’origine  d’Arnould  d’Hesdin 
et  le  nom  de  la  famille  à  laquelle  il  s’est  allié ,  et  à  cons¬ 
tater  s’il  y  a  identité  entre  le  personnage  dont  nous  venons 
de  parler  et  l’Arnould  d’Hesdin,  oncle  ou  grand-oncle  de 
Guillaume ,  vicomte  de  Shrewsbury,  qui  fut  mis  à  mort ,  en 
1138  ,  par  le  roi  Etienne  de  Blois  ,  contre  lequel  il  s’était 
révolté.  Nos  recherches  n’ont  pu  aboutirqu’à  des  hypothèses, 
à  des  déductions  ,  manquant  de  base  en  plusieurs  points  ; 
nous  les  faisons  cependant  connaître,  convaincu  qu’elles 
pourront  être  utiles  à  ceux  qui  seraient  assez  heureux  pour 
retrouver  et  consulter  en  Angleterre  le  texte  des  chartes 
mentionnées  dans  le  Monasiicon. 

Arnould  d’Hesdin  était  comte  du  Perche.  Pour  posséder 
ce  titre ,  le  chevalier  artésien  devait  nécessairement  s’être 
uni  par  un  mariage  à  la  famille  des  comtes  d’Alençon  et  du 
Perche  :  la  donation  faite  par  sa  femme  Ameline  et  par  lui- 
même  à  l’abbaye  du  Bec  portent  d’ailleurs  à  croire  ,  comme 
nous  l’avons  déjà  dit,  qu’il  s’était  allié  à  une  famille  de  Nor¬ 
mandie.  Un  voisinage  amené  par  la  conquête  pouvait  avoir 
déterminé  l’alliance  dont  nous  parlons  :  Roger  de  Montgom- 
mery ,  chef  de  la  famille  d’Alençon  et  du  Perche ,  avait  reçu 
de  Guillaume-le-Gonquérant,  en  1067,  les  comtés  d’Arun- 
dell  et  de  Shrewsbury,  qui  sont  très-rapprochés  de  ceux  où 
l’Arnould  d’Hesdin  du  Domesday-hook  et  du  Monasiicon 


(1)  Nous  croyons  que  c’est  bien  la  signification  des  mots  cornes  del 
Perch  qui  se  trouvent  dans  le  Monasiicon. 


_  341  ^ 

possédait  ses  domaines.  En  supposant  que  ce  dernier  épousa 
une  fille  ,  une  nièce  ou  une  petite  fille  de  Roger  de  Mont- 
gommery ,  nous  avons  l’explication  des  mots  Arnould 
d'Hesdin- ,  comte  du  Perche. 

La  même  hypothèse  nous  ferait  comprendre  le  récit  d’Or- 
deric  Vital  et  établirait  l'identité  entre  le  personnage  qu’il 
mentionne  et  celui  dont  nous  venons  de  parler.  Ce  chroni¬ 
queur  nous  apprend  qu’en  1135,  Guillaume,  vicomte  de 
Shrewsbury ,  qui  avait  épousé  la  nièce  de  Robert  de  Glocester , 
se  révolta,  pour  favoriser  ce  dernier,  contre  le  roi  Etienne  de 
Rlois,  et  qu’Arnould  d’Hesdin,  l’oncle  du  jeune  Guillaume, 
chevalier  belliqueux  et  téméraire ,  soutint  un  siège  opi¬ 
niâtre  dans  le  château  de  Shrewsbury  et  fut  ensuite  égorgé 
par  le  roi  avec  un  grand  nombre  de  ses  complices.  Robert 
de  Glocester  ,  fils  illégitime  de  Henri  I.®’' ,  roi  d’Angleterre  , 
ne  pouvant  avoir  de  nièce  que  du  côté  de  sa  femme  Habille  et 
celle-ci  n’ayant  pas  eu  de  frère  et  n’ayant  eu  qu’une  sœur 
mariée ,  Amicia  ou  Améria ,  qui  épousa  successivement 
Garin- le -Chauve  et  Renaud  de  Bailleul ,  vicomtes  de 
Shrewsbury ,  il  faut  conclure  que  Guillaume  ,  vicomte  de 
Shrewsbury  ,  avait  épousé  la  fille  d’Amicia.  Habille  et 
Amicia  étaient  elles-mêmes  les  petites-filles  de  Roger  de 
Hontgommery ,  chef  de  la  famille  d’Alençon  et  du  Perche. 
Par  conséquent,  en  supposant  qu’Arnould  d’Hesdin  a  épousé 
une  fille  ou  petite-fille  de  Roger  de  Hontgommery,ron  s’expli¬ 
querait  très-bien  comment  il  était  fonde  ou  le  grand-oncle 
(avunculus)  de  Guillaume.  Cette  supposition  ferait  com¬ 
prendre  les  mots  cornes  del  Perch  et  les  mots  Guilelmi  avun¬ 
culus;  elle  ferait  comprendre  pourquoi  Arnould  d’Hesdin 
s’unit  à  Robert  de  Glocester  contre  Etienne  de  Blois  et  occupa 
le  château  de  Shrewsbury;  pourquoi  PArnould  d’Hesdin  du 
Monasticon  fit  une  donation  au  monastère  de  Shaftesbury  où 
se  trouvait  une  fille  de  Robert  de  Glocester  et  de  Habille  ; 


—  342  — 

pourquoi  le  même  Arnould  et  sa  femme  onl  fait  des  donations 
à  une  abbaye  de  Normandie. 

Mais  ce  mariage  d’Arnould  d’Hesdin  avec  une  fille  ,  une 
petite-fille ,  une  nièce  de  Roger  de  Montgommery ,  qui 
arrangerait  si  bien  toutes  choses,  a-t-il  eu  lieu  ?  Nous  ne 
pouvons  l’établir.  Roger  de  Montgommery  eut  une  fille  du 
nom  d’Emma  ;  mais  elle  entra  dans  un  monastère  en  Norman¬ 
die.  Quant  au  nom  des  petites-filles  et  des  nièces  de  ce  chef  de 
la  famille  d’Alençon  et  du  Perche ,  nous  ne  les  trouvons  pas 
dans  les  auteurs  qui  ont  traité  longuement  les  questions  gé¬ 
néalogiques  en  Angleterre  et  en  Normandie. 

Au  sujet  de  l’identité  de  l’Arnould  d’Hesdin  du 
Domesday-book  et  de  celui  d’Orderic  Vital ,  M.  Desplanque 
s’est  fait  une  objection  tirée  de  l’âge  de  ce  dernier  per¬ 
sonnage  qui  aurait  été  presque  octogénaire  au  moment  de  sa 
révolte  contre  Etienne  de  Rlois.  Il  a  d’ailleurs  lui-même 
répondu  à  son  objection  en  disant  que  l’on  fait  des  sottises  à 
tout  âge  ;  nous  ajouterons  que  nous  voyons,  dans  Orderic 
Vital,  Robert  de  Bellesme,  comte  d’Alençon,  l’un  des  fils  de 
Roger  de  Montgommery,  faire  la  guerre,  vers  la  même 
époque  et  peut-être  en  1140,  contre  Etienne  de  Blois;  et  ce¬ 
pendant  Robert  de  Bellesme  devait  être  aussi  avancé  en  âge 
qu’ Arnould  d’Hesdin. 

A  cette  première  conjecture,  nous  en  ajouterons  une 
seconde  qui ,  nous  tenons  à  le  dire ,  nous  paraît  réunir 
moins  de  probabilités.  Il  pourrait  y  avoir  identité  entre 
Arnould  d’Hesdin  et  Raoul  de  Bournonville,  baron  d’Itfort. 
Les  mots  Arnulfus  ,  Arnaldus  ,  Arnoldus  ont  été  plus  d’une 
fois  confondus  avec  Radulfus  :  les  tables  des  Historiens  des 
Gaules  et  de  France  en  font  foi.  Raoul  de  Bournonville 
appartenait  à  une  famille  de  l’Artois  ;  son  père  Gérard,  mort 
en  1084,  avait  eu  pour  mère  Adélaïde  d’Hesdin ,  fille  de 
Gérard  ,  seigneur  d’Hesdin  :  cette  origine  et  cette  alliance 


—  543  — 

pourraient  expliquer  le  nom  de  Hesdingo,  qui  aurait  été  por¬ 
té  par  Raoul  avant  qu’il  n’eût  été  créé  baron  d’Itfort.  Raoul 
de  Rournonville  passa  en  Angleterre  à  une  époque  que  nous 
ne  connaissons  pas  exactement  ;  mais  il  pouvait  y  être  en 
1080,  puisque  son  père  mourut  déjà  assez  âgé  en  1084.  L’on 
sait  que  plus  tard  il  reçutde  Geoffroi  Plantagenet  la  baron¬ 
nie  d’Itfort  et  qu’il  épousa  Cécile,  tille  de  Robert,  comte  de 
Glocester,  dont  parle  Orderic  Vital  ;  il  était,  par  conséquent, 
beau-frère  ou  oncle  de  Guillaume  ,  vicomte  de  Shrewsbury, 
selon  que  l’on  entend  par  neptem,  nièce  ou  petite-fille  ;  pour 
qu’il  y  eût  identité  entre  Raoul  et  les  deux  Arnould  il  faudrait 
lui  supposer  un  premier  mariage  avec  une  femme  du  nom 
d’Ameline.  Un  autre  trait  rapproche  Raoul  de  l’Arnould 
d’Orderic  Vital  :  c’est  qu’il  périt  aussi  en  combattant  contre 
Etienne  de  Blois;  sans  doute  l’on  place  sa  mort  en  1140  et 
celle  d’Arnould  en  1138  ;  mais  cette  différence  de  deux  ans, 
que  l’on  trouve  entre  un  chroniqueur  et  des  auteurs  de  gé¬ 
néalogie  ,  ne  pourrait  être  une  raison  de  refuser  d’admettre 
une  identité,  si  d’ailleurs  elle  avait  été  suffisamment  établie. 

Dans  les  lignes  que  nous  venons  d’écrire  ,  il  y  a  une  pre¬ 
mière  partie  offrant  des  mentions  historiques  certaines,  qui 
ont  pu  jeter  quelque  jour  sur  l’histoire  du  chevalier  Arnould 
d’Hesdin  et  contribuer  à  compléter  l’intéressant  travail  de 
l’un  des  directeurs  du  Bulletin  ;  il  y  a  aussi  une  seconde 
partie  complètement  hypothétique  ,  qui  pourrait  être  ren¬ 
versée  par  une  phrase  ,  un  mot ,  d’une  des  chartes  qui  doi¬ 
vent  être  conservées  en  Angleterre.  Nous  ne  l’ignorons  pas , 
et  nous  regretterions  que  la  partie  historique  eût  à  souffrir 
de  sa  juxtaposition  à  des  conjectures.  Cette  crainte  ne  nous 
a  cependant  pas  empêché  d’exposer  les  suppositions  qu’a¬ 
vaient  éveillées  en  nous  de  longues  recherches.  L’histoire 
n’a  pas  encore  prononcé  sur  Arnould  d’Hesdin  : 

Hislorici  cerlant  et  adtiuc  sub  judice  lis  est. 

G.  Dehaisnes. 


—  344  — 

LE  BAILLIAGE  d’aIRE  AU  XIV.®  SIÈCLE.  (’) 

(  Extraits  des  comptes  de  cette  juridiction  ). 

Entre  les  diverses  séries  de  documents  reposant  aux  Ar-  ' 
chives  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Lille ,  il  n’en  est  pas 
qui  aient  été  jusqu’ici  moins  consultées  que  les  comptes  des 
juridictions  secondaires,  telles  que  bailliages ,  prévôtés, 
châtellenies.  Si  ces  énumérations  de  recettes  eide  dépenses 
offrent  moins  d’intérêt  que  celles  des  comptes  de  la  Recette 
Générale  des  anciennes  provinces  du  ressort  de  la  Chambre, 
elles  fournissent  néanmoins  un  contingent  notable  de  ren- 
,seignements  curieux  pour  l’histoire  des  mœurs ,  des  lettres, 
des  arts  et  des  institutions  :  elles  peuvent  aussi  aider  à 
mettre  en  lumière  certains  faits  de  guerre  et  de  diplomatie. 

Nous  avons  entrepris  de  résumer  celles  de  ces  séries  de 
comptes  qui  se  rapportent  aux  temps  les  plus  reculés  ,  c’est- 
à-dire  au  XIV.®  siècle.  On  ne  peut  creuser  trop  profondé¬ 
ment,  ni  dans  trop  de  sens  différents  ,  l’histoire  du  temps 
et  du  pays  de  Froissart. 

Nous  plaçons  aujourd’hui  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  un 
spécimen  de  ce  travail.  S’ils  l’accueillent  avec  plaisir,  nous 
pourrons  leur  en  présenter  d’autres,  empruntés  alternative¬ 
ment  aux  différentes  provinces  du  ressort  :  Artois,  Flandre, 
Hainaut ,  etc. 

Notre  méthode  d’analyse  consiste ,  comme  on  le  verra,  à 
éviter  de  fastidieuses  redites,  sans  omettre  aucun  fait 
essentiel  ou  carastéristique. 

Les  comptes  sur  lesquels  porte  notre  étude  sont  rendus, 
tantôt  au  nom  du  chef  de  la  juridiction  (prévôt,  bailli ,  ou 
châtelain) ,  tantôt  et  pour  lui ,  par  le  receveur  du  ressort. 
Nous  indiquons,  toutes  les  fois  que  nous  le  pouvons,  le  nom 
de  l’un  et  de  l’autre  officier.  A.  Desplaxque. 

(1)  La  série  des  comptes  du  Lailliage  d'Aire  ,  de  1347  à  1400,  se 
compose  de  quatre  registres  in*f. "'côtés  A.  115 , 499,  503,  116  dans 
l’ancien  classement  de  la  Chambre  des  Comptes. 


—  345  — 


Hugues  de  Dourier  ,  bailli. 

Compte  de  V Ascension  à  la  Toussaint  1347. 

Recettes  :  l.°  Parties  du  domaine  affermées  :  Chaussée 
de  Wittes,  forages  d’Aire  et  de  Mentque  ;  pêcheries  de 
Mentque  et  de  la  Lys  ;  herbes  et  eaux  du  manoir  de  Com- 
mines  ;  moulin  de  La  Laquette  à  Renty  ,  dit  le  xMolinel  ; 
moulins  le  Comte,  dits  du  Grand  Vivier;  terre  de  Roque- 
toire  ;  rentes  du  bois  de  Wasselau  ;  herbes  entre  le  pont 
Alard  et  la  porte  du  Molinel  à  Aire,  entre  ledit  pont  Alard 
et  la  porte  Saint-Omer  ;  eaux  des  fossés  d’Aire  ;  travers  et 
châtellenie  d’Aire  ;  tourage  du  château  d’Aire  et  herbage 
des  changles  (fossés)  ;  manoir  des  Crakelins  en  la  rue  Saint- 
Martin  à  Aire  ;  tonlieu  et  travers  de  Mentque  ;  connins 
(lapins)  de  la  garenne  du  bois  de  Wasselau;  prés  du  sei¬ 
gneur  «  que  on  dist  les  prés  le  Conte;  »  mairie  de  Bléty  ; 
draperie  de  Belette  «  qui  du  tamps  passé  a  esté  achensé,  si 
est  ad  présent  le  plus  grant  jmrtie  de  le  ville  ivasté  et  ont 
esté  les  gens  escachiet  pour  les  guerres ,  si  on  a  pau  drappé 
en  le  ville ,  et  de  chou  que  drappé  y  fu,  en  est  rechupt  en  ce 
terme,  9  s.  4.  d.  pour  le  Roy;  item,  au  duc  17  s.  »  — 
2.0  forfaitures  et  échéances  de  bâtards.  —  3.®  blés  et 
avoines.  —  4.®  exploits  du  bailliage. 

Dépenses  ;  1.®  enterrement  d’un  bâtard  dont  les  biens  ont 
été  dévolus  au  domaine:  frais  des  obsèques,  pain  donné 
aux  pauvres ,  coût  de  la  fosse ,  de  Verche  (cercueil)  et  du 
linceul. 

2. *  Gages  et  aumônes  ;  gros  des  6  prébendes  du  chapitre 
d’Aire  ;  tiers  des  gages  du  bailli  ;  gages  du  forestier  de  bois  ; 
robes  des  quatre  sergents  héréditaires  ;  gages  du  concierge 
de  la  salle  ,  du  chapelain  qui  chante  à  la  salle  ,  du  ivaite 
(guetteur)  et  du  portier  du  château ,  du  pendeur;  rente  à 
l’abbé  et  au  couvent  de  Ham  pour  l’anniversaire  du  comte 
d’Artois  ;  don  que  madame  d’Artois  (Mahaut)  fit  aux  pauvres 
du  bailliage  d’Aire  d’une  rente  annuelle  de  70  livres  tournois 
«  pour  accater  et  donner  18  cottes  de  drap  de  couleur  à  18 
povres  gentils  femmes  de  ledicte  baillie  ,  et ,  de  le  demeure 
(du reste)  de  l’argent,  doit-on  accater  de  buriel  (drap  de 
bure)  et  saulers  (souliers)  à  départir  as  communs  povres  de 
ledicte  baillie.  » 

3. ®  Dépenses  diverses:  Foin  et  bûches  fournis  à  M.  de 
Séchelles ,  gouverneur  d’Artois  ;  voitures  commandées  pour 


—  346  — 

mener  100  rasières  de  blé  d’Aire  à  Eperlecques  et  à  la  Mon- 
toire  ;  les  voituriers  n’osant  se  risquer  dans  cette  expédi¬ 
tion  ,  on  leur  donne  une  escorte  de  gens  d’armes. 

4. ®  Mises  du  bailliage  :  plaintes  adressées  à  MM.  les  gou¬ 
verneurs  à  Arras  sur  les  dégâts  causés  par  les  gens  d’armes 
de  la  garnison  d’Aire. —  Les  châtelains  de  Béthune,  Gosnay, 
Chocques  et  La  Buissiére,  sont  invités  à  se  rendre  vers  le  roi 
(Philippe  de  Valois)  à  Hesdin,  le  8  août  1347,  pour  avoir 
argent.  »  (b  —  Lettres  du  bailli  et  du  sire  de  Fosseux,  au  sujet 
du  trépas  de  madame  d’Artois  (Jeanne  II,  épouse  d’Eudes  IV, 
duc  de  Bourgogne).  —  L’official  de  Térouane  revendique, 
comme  étant  de  sa  juridiction ,  un  clerc  laïc  qui ,  au  mépris 
des  trêves ,  s’était  rendu  coupable  d’homicide  sur  la  per¬ 
sonne  d’un  flamand.  —  Le  bailli  d’Aire  représente  au  gou¬ 
verneur  d’Artois  et  au  bailli  de  Saint-Omer  les  dégâts  et 
excès  commis  par  les  sergents  de  ce  dernier  à  Belettes  et 
dans  le  bailliage  d’Aire. 

5. °  Réparation  et  entretien  des  bâtiments  domaniaux.  — 
Les  chevaux  du  moulin  Molant  (l’un  des  moulins  du  Grand 
Vivier)  furent  retenus  en  leur  gîte  le  jour  où  le  comte  de 
Northampton  vint  devant  Aire  (en  août  1347). 

Compte  de  la  Toussaint  1347  à  la  Chandeleur  1348. 

Dépenses:  Gages  de  Raoul  de  Cremery,  châtelain 
d’Aire.  —  Enquête  sur  les  délits  commis  à  Belettes  par  les 
sergents  du  bailliage  de  Saint-Omer.  —  Injures  faites  au 
bailli  d’Aire  de  passage  à  Rely. 

Jacques  de  Lompré  ,  bailli. 

Compte  de  la  Chandeleur  à  V Ascension  1348. 

Dépenses  :  Emprisonnement  d’une  femme  soupçonnée  de 


(b  En  ce  temps  enhorta  tant  U  rois  d’Engleterre  les  flamens  ,. . .  que 
il  issirent  hors  de  Flandres  bien  cent  mille  ,  et  s’en  vinrent  mettre  le 
siège  devant  le  bonne  ville  d’Aire.  Froissart  ,  édition  Kervyn,  t.  v  , 
p.  183.  —  Quand  li  flamench  furent  retrait ,  li  rois  de  France  se  dé¬ 
parti  d'Amiens  et  vint  à  üèdxn ,  et  là  s’aresta  pour  atendre  ses  lioos, 
et  avoit  peuple  sans  nombre.  Ibid.  p.  185. 

(2)  Tandis  que  li  roy  de  France  séjournoit  au  Pont-Saint-Maissence... 
et  que  le  roy  d'Engleterre  estoit  encore  devant  Calais,  tîst  le  conle 
Derby  qu’on  dist  deLencastre,  et  ses  gens,  une  chevauchie  et  course  à 
plenté  de  gens  d'armes  et  d'archiers  ,  et  de  par  le  roy  d’Engleterre  , 
pardevers  Saint-Omer  et  Aire  ,  ardant ,  gastant  et  pillant  le  pays  tout 
environ,  dont  il  y  eult  maints  hommes  prins  ,  mors  et  nayrés.  Chroni¬ 
queur  anonyme  de  Valenciennes  cité  dans  le  Froissart-Kervyn  ,  t.  v,  p. 
505.  Le  comte  de  Northampton  avait  un  commandement  dans  le  corps 
expédilionnaiic  du  comte  Derby. 


—  347  — 

sorcellerie.  —  Vente  de  bois  «  wastés  par  les  gens  de  l’host 
(armée)  qui  furent  à  Ayre  en  Testé  1347.  »  —  La  femme  du 
Gouverneur  d’Artois  s’enquiert  si  le  bailli  d’Aire  a  fait  pu¬ 
blier  la  trêve  conclue  entre  la  France  et  l’Angleterre. 

Engüerrand,  Seigneur  de  Louvencourt,  bailli. 

Compte  de  V Ascension  à  la  Toussaint  1348. 

Dépenses:  Mandement  du  Gouverneur  d’Artois  au  bailli 
de  Saint-Omer  «  contenant  que  cascuns  fust  près  et  appa- 
reilliés  en  armes  et  en  chevaux  selonc  son  estât.  » 

Compte  de  la  Toussaint  1348  à  la  Chandeleur  1349. 

Recettes:  Jean  et  Robin  Cadart  condamnés  chacun  à 
60  s.  d’amende  à  la  franche  vérité  de  belettes,  r  pour  bataille 
de  puings,  »  composent  avec  le  bailliage  «  pour  che  qu’il 
avoient  esté  ars  de  le  wère  et  qu’il  ne  tenaient  riens  du 
signeur  (comte  d’Artois) ,  mais  demouroient  dessoux  Tabbé 
de  Saint-Jehan  ou  Mont.  »  —  Composition  entre  le  bailliage 
et  Pierre  Du  Croc ,  drapier  de  Delettes  ,  qui  a  contrevenu  à 
l’article  du  réglement  de  la  draperie  de  cette  localité ,  ainsi 
conçu  :  «  Quiconques  fait  ungdrap,  s’il  ne  le  porte  parde- 
vant  eswardeurs  esleus  par  le  bailliu  et  par  les  drapiers,  il 
est  à  9  s.  d’amende  pour  cascun  drap,  dont  li  sires  en  a  3  et  li 
candelle  du  mestier  3,  etli  eswardeur  3.  »  —  Rente  con¬ 
fisquée  sur  Gilles  de Morbecque  qui,  pendant  les  dernières 
guerres ,  «  fu  pardelà  en  Flandres  ,  avœc  les  ennemis  du 
Roy.  ï 

Compte  de  V Ascension  à  la  Chandeleur  1349. 

Recettes  :  Amende  perçue  sur  Havot  le  Saunier  pour 
che  qu’il  jua  as  dés ,  oultre  le  deffense  et  les  bans  de  le  ville 
d’Ayre.  »  —  Le  nommé  Blancpain  ,  accusé  d’avoir  donné 
une  huffe  (souftlet)  à  un  valet  de  Molinghem,  et  ne  pouvant 
être  convaincu  de  ce  fait,  compose  moyennant  30  s. — 
Produit  de  la  vente,  par  autorité  de  justice,  des  armes 
saisies  chez  Andrieu  Simon ,  soupçonné  de  larcin  et  fugitif. 

Dépenses:  Le  seigneur  de  Cresecques  revendique,  comme 
son  homme  «  couchant  et  levant  en  sa  haute  justice ,  » 
Colin  Waslinel ,  emprisonné  au  château  d’Aire  «  pour 
murdre  et  ruberie  ;  »  le  Gouverneur  d’Artois ,  consulté  à  ce 
sujet,  ordonne  qu’on  procède  à  l’exécution ,  nonobstant  la 
requête  dudit  seigneur  ;  frais  de  la  pendaison  du  coupable. 
—  Margot  Haveronne,  auteur  de  «  plusieurs  mallefachons 


—  348  — 

et  larchins,  »  est  condamnée  «  à  estre  enfouie  toute  vive  :  » 
17  hommes  assistent  à  son  jugement  qui  fut  prononcé  «  hors 
jour  de  court  ;  et  pour  ce  «  eurent  leurs  despens  selonc  le 
coustume  de  ledicte  court,  par  cascun  homme  4  s.  » 

Compte  de  V Ascension  à  la  Toussaint  1349. 

Dépenses  :  Procès  ,  au  sujet  de  la  justice  de  Roquetoire  , 
entre  le  hailliage  d’Aire  et  labbé  de  Saint-Bertin  ;  le  procu¬ 
reur  du  bailliage ,  qui  est  venu  défendre  la  cause  aux  plaids 
de  Montreuil ,  sollicite  un  délai  4  pour  che  qu’il  disoit  que 
madame  (d’Artois)  venroit  tost  u  pays  et  qu’elle  en  orde- 
neroit.  » 

Compte  de  la  Toussaint  1349  à  la  Chandeleur  1350. 

Recettes  :  Andrieu  Agache  compose  avec  le  bailliage 
pour  avoir  «  drappé  en  le  ville  d’Ayre ,  sans  che  qu’il  fust 
bourgois.  »  -  -  HavotLeleu  ,  coupable  d’avoir  maltraité  un 
valet,  compose ,  moyennant  25  sous  ,  «  pour  che  qu’il  estoit 
povre  et  qu’il  estoit  as  saudées  (  à  solde)  u  castel  d’Aire.  » 

Guillaume  de  Wailli  ,  receveur. 

Compte  de  la  Chandeleur  à  l'Ascension  1351. 

Recette  :  Jacques  de  Bailleulet,  écuyer,  ayant  été  constitué 
prisonnier  jusqu’à  paiement  d’une  amende  de  60  livres 
4  pour  che  qu’il  avoit  laidement  batu  et  navré  Jean  Le 
Brun  d’Inghem  ,  »  est  mis  en  liberté,  messire  de  Bourbon , 
lieutenant  du  Roi ,  lui  ayant  fait  remise  de  cette  amende. 

Dépenses:  Le  Gouverneur  d’Artois,  alors  à  Aire, 
mande  au  châtelain  d’Hesdin  de  se  tenir  sur  ses  gardes 
(contre  l’ennemi).  —  Construction  de  nouvelles  bretèques. 

Guillaume  de  Wailli,  rec.  —  Jean  du  Ploich  ,  bailli. 

Compte  de  la  Chandeleur  à  la  Toussaint  1355. 

Dépenses  :  Le  clerc  du  bailliage  d’Aire  se  rend  à  Tournai, 
afin  de  conférer  des  affaires  de  son  bailliage  avec  les  gou¬ 
verneurs  d’Artois  qui  devaient  se  trouver  pardevers  le  Roi 
en  ladite  ville. 

Compte  de  la  Toussaint  1355  à  la  Chandeleur  1356. 

Recettes  :  Amendes  encourues  par  Wautier  Foulkier  , 
«  pour  avoir  karyet  warissons  (grains  sur  pied)  d’aoust, 
après  soleil  ;  y>  par  Robert  Dolique  ,  pour  injures  dites  à 
Jacques  de  Galonné  ,  juré  de  la  halle  d’Aire  ;  par  Maroie 
Le  Brune  ,  pour  un  horion  qu’elle  donna. 


—  349  — 

Dépenses  :  Messager  dirigé  sur  Arras  et  Cambrai  vers  les 
gouverneurs  d’Artois,  par  le  bailli  d’Aire,  «  en  le  sepmaine 
que  li  roys  Englés  (Edouard  lïl)  fu  devant  Aire,  (b  »  —  Dé¬ 
penses  faites  par  le  procureur  du  bailliage  lorsqu’il  «  ïnena 
8  ouvriers  d’Aire  à  le  Bœverière  ,  où  il  y  a  5  lieues ,  et 
pluisseurs  gens  à  keval  armez  ,  pour  avoir  poissance  à  faire 
abatre  l’estoc  d’un  arbre  séant  en  le  dicte  baillie,  liquel  li 
prieux  de  le  Bœverière  avoit  fait  esbrankier  pour  le  juris- 
diction  du  signeur,  et  ledit  arbre  voloit  atribuer  à  luy  et, 
adfin  qu’il  ne  se  peust  vanter  de  saisine,  fist  ledit  procureur 
abatre  ledit  estoc.  Item,  ledit  estoc  mis  et  abatu,  lidis  prieux 
le  fist  hoster  et  mener  à  se  maison.  »  Débats  qui  s’en  sont 
suivi. 

Compte  de  la  Chandeleur  à  V Ascension  1356. 

Dépenses  :  Paiement  des  arrérages  dûs  aux  chanoines 
d’Aire  et  aux  officiers  du  château  dont  le  traitement  n’a  pas 
été  payé  à  la  Toussaint  13o5,  «  pour  ce  que  li  Roys  avoit  pris 
respit  de  ses  debtes.  »  —  Le  procureur  du  bailliage  d’Aire 
va  à  Hesdin  ,  par  devers  les  gouverneurs  d’Artois,  «  pour 
pluiseurs  besoinges  secrètes  touckans  l’iretaige  de  le  conté 
d’Artois.  »  —  Saisie  du  temporel  du  prieuré  de  La  Beuvrière. 
Le  prieur  est  ajourné  au  Parlement. 

Compte  de  V Ascension  à  la  Toussaint  13o6. 

Dépenses  :  Le  bailli  d’Aire  fait  annuler  des  lettres  de 
rémission  qu’avait  obtenues  du  prévôt  des  maréchaux  Pierre 
Wallon ,  «  saudoyer  du  chastel  d’Aire,  liquelx  avoit  navré 
d’un  coutel  une  femme  en  ledicte  ville.  » 

Guillaume  de  Wailli  ,  rec. —  Jean  de  Hallenghes  ,  bailli. 

Compte  de  la  Toussaint  1356  à  la  Chandeleur  1357. 

Recettes  :  Un  valet  appelé  Cornillot  compose  avec  le 
bailli  d’Aire  «  pour  ce  que  se  femme  entra  en  le  maison  d’un 
bourgois  de  ledicte  ville  et  prist,  en  ycelli  maison  ,  coses  à 
li  appartenans  ,  si  comme  elle  disoit  pour  li  faire  payer  de 
ce  que  li  bourgois  li  devoit.  » 

Compte  de  l'Ascension  à  la  Toussaint  1358. 

Recettes  :  Composition  entre  le  bailliage  d’Aire  et 

(^)  Sur  rexpédilion  d'Edouard  III  en  Artois  en  1354,  cff.  Jean  Le 
Bel,  édition  Polain  ,  t.  ii ,  p.  177-188;  Froissart-Kervyn  ,  t.  v, 
p.  314-323  ,  et  te  Chroniqueur  anonyme  de  Valenciennes,  même  volume  , 
p.  518. 


—  350  — 

Mathieu  Daiche  ,  qui  a  battu  un  enfant  «  menre  d’ans  ;  » 
entre  le  même  bailliage  et  Jean  Sainte ,  de  Delettes ,  dont  la 
femme  était  soupçonnée  «  de  avoir  fait  battre  Denis  le 
Barbier,  p 

Dépenses  :  Procès  entre  le  bailliage  d’Aire  et  le  chapitre 
de  Térouane,  qui  a  fait  planter  «  une  soif  (haie)  sur  le  flégart 
et  sur  le  quemin  du  seigneur.  » 

Compte  de  l'Ascension  à  la  Toussaint  1361. 

Dépenses  :  Gages  de  Guillaume  de  Le  Bevrene  ,  dit  Tri- 
boul,  écuyer  ,  nommé  châtelain  d’Aire  le  22  juillet  1361. 

Compte  de  la  Chandeleur  à  l'Ascension  1362. 

Dépenses  :  Gaucher  de  Chatillon ,  seigneur  de  La  Ferté , 
et  Mathurin  Boger,  lieutenant  de  madame  d’Artois  (Mar¬ 
guerite  de  France) ,  viennent  à  Saint-Omer  «  pour  prendre 
le  conté  d’Artois  en  le  main  de  ma  dicte  dame.  »  —  Dépenses 
des  deux  clercs  qui  ont  «  renouvelé  les  escrips  des  rentes  de 
le  baillie  d’Ayre  pour  ce  que  li  viez  papiers  estoit  tous 
deskirés  ,  et  les  gens  si  mort  et  entracangiet  et  les  héritages 
en  tant  de  manières  départis  que  on  ne  povoit  plus  recevoir 
lesdictes  rentes  sur  le  viez  papier.  j> 

Compte  de  V Ascension  à  la  Toussaint  1362. 

Dépenses  :  Gages  de  Basse  de  Lincourt,  écuyer ,  institué 
châtelain  d’Aire  le  2  juillet  1362.  —  Paiement  d’une  rente 
sur  le  bois  de  Wasselau,  jadis  donnée  au  couvent  de  Long- 
champ  par  madame  Blanche  de  France  amortie  par  Phi¬ 
lippe  de  Bouvre  ,  et  Marguerite  de  France  ,  comte  et  com¬ 
tesse  d’Artois.  (  Sera  continué  ). 


ORNITHOLOGIE  DU  NORD  DE  LA  FRANCE. 

L’Ornithologie  est,  de  toutes  les  parties  de  l’histoire  na¬ 
turelle,  la  plus  populaire  et  la  plus  cultivée  ;  mais,  malgré 
le  grand  nombre  de  personnes  qui  s’intéressent  aux  oiseaux 
ou  qui  les  collectionnent  plus  ou  moins  scientifiquement , 
combien  de  monde  encore  ne  se  rend  pas  compte  des 
richesses  locales  en  ce  genre,  et  ne  se  doute  pas  des  res¬ 
sources  que  chaque  région  offre  à  l’étude. 

Ainsi  on  ignore  généralement  chez  nous  que  sur  520  à 
530  espèces  d’oiseaux  européens,  330  peuvent  figurer  sur 


—  351  — 

le  catalogue  ornithologique  du  Nord  de  la  France.  N’esl-ce 
pas  là  une  proportion  considérable  et  bien  faite  pour  encou¬ 
rager  les  amateurs? 

On  ne  saurait  trop  répéter  que  la  base  de  toute  collection 
d’histoire  naturelle  publique  ou  privée  devrait  être  la 
réunion  des  faunes  locales.  Les  plus  riches  collections,  celles 
qui  ont  le  plus  fait  avancer  la  science,  n’ont  eu  d’autre  point 
de  départ  que  la  recherche  de  quelques  objets  qui  tombaient 
les  premiers  sous  la  main  d’un  jeune  amateur  ;  pour  les 
oiseaux  ce  furent  les  premiers  sujets  tués  à  la  chasse,  et  em¬ 
paillés  comme  trophées  d’adresse. 

Prié  par  MM.  les  directeurs  du  Bulletin  de  donner  à 
leurs  lecteurs  un  aperçu  de  l’ornithologie  de  nos  contrées , 
je  ne  puis  mieux  faire  que  de  résumer  ici  le  catalogue 
inséré  en  1865  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  sciences 
de  Lille ,  avec  quelques  légères  modifications  amenées  par 
cinq  nouvelles  années  d’études.  Dans  ces  sortes  de  recher¬ 
ches,  chaque  jour  apporte  son  contingent,  et  ce  n’est  pas 
la  moindre  utilité  de  ces  relevés  locaux  que  de  former  un 
cadre  dans  lequel  viennent  s’insérer  jour  par  jour,  à  leur 
place,  les  découvertes  et  les  observations. 

Indépendamment  de  toute  classification  scientifique , 
on  peut  diviser  les  oiseaux  d’une  région  en  quatre  caté¬ 
gories  :  Ceux  qui  y  habitent  toute  l’année  ;  ceux  qui  y 
séjournent  au  moins  une  saison  ;  ceux  qui  y  passent  plus  ou 
moins  régulièrement  et  enfin  ceux  qui  ne  s’y  capturent 
qu’accidentellement  ;  c’est-à-dire  les  sédentaires ,  les  sé¬ 
journants  ,  les  passagers  et  les  fortuits. 

Dans  cet  ordre  d’idées  ,  nous  comptons ,  dans  le  départe¬ 
ment  du  Nord  et  sur  ses  confins ,  les  frontières  belges  d’une 
part ,  le  Pas-de-Calais  et  la  Somme ,  jusqu’à  l’embouchure 
de  cette  rivière  ,  d’autre  part,  49  espèces  sédentaires  ,  54 
séjournants,  125  passagers  et  102  fortuits. 


352  — 

Bien  entendu  ,  il  n’y  a  rien  de  tout-à-fait  absolu  dans 
celle  division.  Il  arrive  quelquefois  qu’une  espèce  regardée 
comme  passagère  niche  exceptionnellement  dans  le  pays  ; 
telle  autre  qui  y  a  longtemps  séjourné  ,  à  l’époque  des  nids, 
cesse  de  s’y  reproduire.  De  même  il  arrive  qu’une  espèce  peut 
être  à  la  fois  sédentaire  et  émigrante  ,  car  certains  oiseaux, 
après  s’être  reproduits  dans  une  contrée,  forment  à  l’au¬ 
tomne  des  volées  nombreuses  qui  émigrent ,  tandis  qu’une 
autre  portion  reste  pendant  l’hiver.  La  Chouette  Effraie,  le 
Pinson,  l’Etourneau,  le  Ramier  sont  dans  ce  cas  ;  maismalgré 
ces  exceptions ,  la  division  précédente  n’en  est  pas  moins 
aussi  exacte  que  peuvent  l’être  ces  sortes  de  classifications 
basées  sur  les  mœurs. 

Les  espèces  sédentaires  dans  le  Nord  sont  généralement 
bien  connues.  Nous  n’ajouterons  que  peu  de  choses  à  la 
liste  que  voici  : 

Buse  [Buteo  cinereus  ,  Bp.)  —  Bondrée  (Pernis  apivorus, 
Guv.)  —  Cresserelle  (  Tinnunculus  alaudarius  ,  Br.)  — 
Epervier  {Accipiter  nisus,  Pallas.)  —  Busard  harpaye 
(Circus  œruginosus^  Bp.)  —  Chevêche  [Athene  noctua,  Bp.) 
—  Hulotte  ou  Chat-huant  (Sî/rmum  aluco^  Lin.)  —  Effraie 
[Strix  flammea  ,  Lin.)  —  Pic  vert  [Picus  viridis^  Lin.)  — 
Martin  pêcheur  (Alcedo  hispida ,  Lin.)  —  Troglodyte  (Tro- 
glodijtes  europœus,  Cuv.) —  Grimpereau  (Certhia  fami- 
Maris ,  Temm. ,  bi'achydactijla ,  Brehm.)  —  Mésange  char¬ 
bonnière  {Parus  major  ^  Lin.)  —  Mésange  bleue  {Cyanistes 
cœruleus,  Kaup.)  —  Mésange  huppée  [Lophophanes  cris- 
tatus,  Kaup.)  —  Mésange  nonette  {Pœcila  palustris , 
Kaup.) —  Mésange  à  longue  queue  {Mecistura  caudata, 
Leach.)  —  Alouette  des  champs  [Alauda  arvensis ,  Lin.)  — 
Alouette  cochevis  [Gelerida  cristata ,  Boié.)  —  Grive  draine 
(Turdus  viscivorus  ,  Lin.)  —  Merle  noir  (Turdus  merula , 
Lin.)  —  Accenteur  mouchet  [Accentor  modularis  ,  Cuv.)  — 


—  353  — 

Rouge-gorge  [Erijthacus  rubecula ,  Giiv.)  —  Pie-grièche 
grise  (Lanius  excubitor  ^  Lin.)  —  Geai  [Garrulus  glanda- 
rius ,  Br.)  —  Pie  {Pica  caudata ,  Ray.)  —  Grand  corbeau 
[Corvus  corax,  Lin.)  —  Choucas  [Lycos  monedula  ,  Boié.) 
—  Freux  [Corvus  frugilegus  ^  Lin.)  —  Corneille  [Corvus 
corone,  Lin.) —  Etourneau  (Sturnus  vulgaris^  Lin.)  — 
Bruuni imne  [Emberiza  citrinella ,  Lin.) —  Proyer  [Cyn- 
chramus  miliaria  ,,  Bp.) —  Gros  bec  [Coccothraustes  vulga- 
ris,  Br.) —  Pinson  [Fringilla  cœlebs^  Lin.) —  Moineau  [Pas¬ 
ser  domesticus ,  Br.)  —  Friquet  [Passer  montanus  ^  Br.)  — 
\ erdiier  {Chlorospiza  flavigaster.  Lin). —  Chardonneret 
[Carduelis  elegans^  Br.)  —  Bouvreuil  [Pyrrhula  vulgaris , 
Br.)  —  Linotte  ordinaire  [Linota  cannabina  ,  Bp.)  —  Ru- 
mier  [Columba  palumbus  ^  Lin.)  —  Faisan  [Phasianus  col- 
chicus  f  Lin.) —  Perdrix  grise  [Perdix  cinerea^  Br.)  — 
Raie  d’eau  [Rallus  aquaticus^  Lin.)  —  Poule  d’eau  [Gai- 
linula  chloropus^  Lath.)  —  Foulque  [Fulica  atra,  Lin.)  — 
Héron  [Ardea  cinerea,  Lin.)  —  Grèbe  castagneux  [Podiceps 
minor ,  Lath.) 

On  pourrait  peut-être  ajouter  quelques  espèces  dont  les 
nids  se  trouvent  de  temps  en  temps,  isolément,  et  qui  de¬ 
viendraient  ainsi  sédentaires  au  moins  cette  année-là  :  Le 
Faucon  pèlerin  qui,  d’après  Degland,  aurait  niché  quelque¬ 
fois  dans  les  falaises  du  Pas-de-Calais  ;  le  Canard  sauvage 
qui  niche  çà  et  là  dans  nos  grands  marais  ;  les  Hirondelles 
de  mer  Caugek  ,  Pierre  Garin ,  minule  et  épouvantail ,  et 
la  Mouette  rieuse ,  dont  les  œufs  se  rencontrent  parfois  sur 
les  grèves  et  dans  les  dunes. 

Il  y  a  dans  cette  liste  quelques  espèces  dont  les  habitudes 
sédentaires  ne  sont  pas  régulières.  Ainsi  la  Bondrée,  qui  se 
reproduit  dans  plusieurs  de  nos  grands  bois,  ne  reste  guère 
dans  le  Nord  en  hiver;  elle  y  est  surtout  commune  en 
automne.  Cependant  plusieurs  captures  faites  en  décembre 


—  554  — 

et  janvier,  dans  les  environs  de  Lille,  m’engagent  à  la 
maintenir. 

Il  en  est  de  même  de  la  Hulotte. 

La  Mésange  huppée  est  toujours  rare  ;  je  ne  l’ai  guère 
observée  dans  le  département  du  Nord ,  mais  d’après  Mar¬ 
cotte  [Animaux  vertébrés  de  V arrondissement  d'Abbeville) 
elle  est  sédentaire  dans  la  forêt  de  Crécy ,  et  d’après  Degland, 
dans  la  forêt  de  Mormal,  ce  qui  aurait  peut-être  besoin  de 
confirmation. 

Le  Bruant  proyer  est  une  de  ces  espèces  qui  émigrent, 
mais  qui  laissent  derrière  elles  quelques  individus.  Chaque 
hiver,  on  en  trouve  dans  les  paquets  d’Alouettes  qui  arri¬ 
vent  à  Lille  de  Calais  et  de  Dunkerque  au  moment  des 
neiges.  Il  parait  au  reste  nicher  moins  volontiers  dans 
nos  plaines  qu’autrefois. 

Le  Bouvreuil,  quoiqu’il  niche  encore  chaque  année  dans 
quelques-uns  de  nos  bois ,  entr’autres  à  Hollebeke  (Bel¬ 
gique) ,  devient  de  plus  en  plus  rare  en  automne  et  en 
hiver.  Les  oiseleurs  ne  le  prennent  plus  qu’accidentelle- 
ment ,  mais ,  même  à  l’époque  où  il  était  plus  commun,  ses 
apparitions  d’hiver  étaient  plutôt  de  petits  passages  suc¬ 
cessifs  que  des  séjours  prolongés. 

La  seconde  catégorie  de  notre  ornithologie  locale  com- 
prend  les  séjournants ,  54  espèces.  La  plupart  sont  des 
oiseaux  qui  arrivent  dans  le  Nord  pour  y  nicher  et  y  élever 
leurs  jeunes,  et  qui  vont  ensuite  passer  la  mauvaise  saison 
dans  des  climats  plus  méridionaux  ;  quelques-uns  font  le 
contraire  :  ils  viennent  du  Nord  en  automne  et  passent 
l’hiver  ici ,  tels  sont  la  Corneille  mantelée  et  le  Pinson 
d’Ardennes. 

Voici  ces  cinquante-quatre  espèces. 

Hobereau  (Dendrofalco  subbuteo ,  Bp.)  —  Emérillon 


—  355  — 

[Æsalon  lithofalco  ,  Kaup.)  —  Busard  Saint^Martin  {Stri- 
giceps  cyaneus ,  Bp.) —  Busard  moutagu  {Strigiceps  cine- 
rascens ,  Bp.)  —  Moyen-duc  [Otus  vulgaris  ,  Flém.)  — 
Engoulevent  [Caprimulgus  europœus ,  Lin.)  —  Martinet 
noir  (Cypselus  apus,  III.)  —  Coucou  (Cuculus  canorus , 
Lin.)  —  Pic  épeiche  {Picus  major ,  Lin.)  —  Pipit  des  prés 
(Anthus  pratensis  ,  Lin.)  —  Pipit  des  arbres  (Anthiis  ar- 
boreus,  Lin.)  —  Bergeronnette  printanière  {Budytes  flava^ 
Bp.)  —  Bergeronnette  grise  (Motacilla  alba^  Lin.)  — 
Grive  vulgaire  (Turdus  musiciis  ,  Lin.)  —  Rousserolle  tur- 
doïde  (Calamoherpe  turdoïdes ,  Bp.)  —  Effarvatte  [Cala- 
moherpe  arundinacea^  Boié.) —  Verderolle  [Calamoherpe 
palustris ,  Boié.)  —  Phragmite  des  joncs  {Calamodyta 
phragmitis  ^  Bp.)  —  Phragmite  aquatique  [Calamodyta 
aquatica.  Bp.) —  Hypolais  contrefaisant  [Hypolais  sali- 
caria^  Bp.)  —  Pouillot  fitis  (Phyllopneuste  trochilus,  Beg.) 

—  Pouillot  veloce  (Phyllopneuste  rufa  ,  Lin.)  —  Pouillot 
siffleur  [Phyllop.  sibüatrix  ^  Bp.)  —  Fauvette  babillarde 
[Sylvia  curruca^  Lath.) —  Fauvette  grisette  (Sylvia  cine- 
rea ,  Br.)  —  Fauvette  des  jardins  [Curruca  hortensis) 
Penin.) —  Fauvette  à  tête  noire  [Curruca  atricapilla  ,  Br.) 

—  Rossignol  [Philomela  luscinia^  Br.)  —  Rouge  queue  des 
murailles  (Ruticilla  phænicura ,  Bp.)  —  Rouge  queue 
tythys  (Ruticilla  erythaca^  Bp.)  —  Tarier  (Pratincola  ru- 
betra,  Kaup.)  —  Gobe-mouche  gris  [Butalis  grisola,  Boié.) 

—  Hirondelle  de  cheminée  (Hirundo  rustica ,  Lin.)  — 
Hirondelle  de  rivage  [Cotyle  riparia  ,  Boié.)  —  Hirondelle 
de  fenêtres  [Chelidon  urbica,  Boié.)  —  Pie  grièche  rousse 
[Enneoctonus  rufus^  Boié.)  —  Pie  grièche  écorcheur  [Enn. 
collurio,  Boié.)  —  Corneille  mantelée  [Corvus  cornix , 
Lin.)  —  Loriot  [Oriolus  galbula  ,  Lin.)  —  Bruant  des  ro¬ 
seaux  (Schœnicola  arundinacea.  Bp.) —  Bruant  ortolan 
[Emb.  hortulana  ^  Lin.)  —  'Bruant  zizi  [Emb.  cirlus,  Lin.) 


—  oo6  — 

—  Pinson  d’Ardennes  (F7’m^t7/a  montifiingilla^  Lin.)  — 
Tarin  [Chrysomitris  spinus,  Boié.)  —  Tourterelle  des  bois 
(Turtur  auritus ,  Ray.) —  Caille  [Coturnix  communis, 
Bonn.)  —  Marouelte  vulgaire  {Porzana  maruetta,  Gr.)  — 
Marouetle  de  Bâillon  (Maruetta  pygmœa.  Bp.)  —  Raie  de 
genêt  {Ortygometra  crex,  Gray.)  —  QEdicnème  criard 
(Œdicnemus  crepitans  ^  Temon.)  —  Vanneau  huppé  {Va- 
nellus  mstatus ,  Lin.) —  Pluvier  à  collier  interrompu 
(Charadrius  cantiamts ,  Lath.)  —  Pluvier  à  collier  [Chara- 
drius  hiaticula ,  Lin.)  —  Blongios  {Ardeola  minuta Bp.) 

Le  Hobereau  ne  niche  que  rarement  ici  ;  j’en  ai  observé 
une  nichée  de  trois  jeunes ,  il  y  a  quelques  années ,  à  Ques- 
noy.  Je  n’en  connais  pas  de  capture  faite  l’hiver  ;  néanmoins 
M.  Marcotte  l’indique  comme  sédentaire  dans  l’arrondisse¬ 
ment  d’Abbeville. 

Le  Busard  Saint-Martin  est  aussi  assez  rare  au  moment  de 
la  reproduction  ;  il  a  niché  quelquefois  aux  environs  de 
Lille  ,  plus  souvent  dans  les  marais  qui  longent  les  côtes 
maritimes  du  Pas-de-Calais  ;  ce  n’est  cependant  pas  une 
espèce  exclusivement  marécageuse  :  dans  le  centre  de  la 
France  il  niche  quelquefois  dans  des  bruyères  très-sèches. 

Le  Moyen-duc,  que  je  range  parmi  les  séjournants,  pour¬ 
rait  à  la  rigueur  être  placé  parmi  les  sédentaires  et  aussi 
parmi  les  passagers  ;  mais  ses  captures  d’hiver  sont  si  rares 
que  je  les  regarde  comme  exceptionnelles  ,  au  moins  dans 
notre  département.  En  revanche  son  passage  d’automne , 
en  bandes  quelquefois  nombreuses ,  est  assez  régulier. 

Le  Pic  épeiche  qui  niche  fréquemment  ici,  nous  quitte-t-il 
régulièrement  l’hiver  ?  Je  le  crois ,  cependant  il  est  signalé 
comme  sédentaire  à  Abbeville. 

L’Hypolais  polyglotte  ou  lusciniole  {Hypolais  polyglotta  , 
Bp.),  longtemps  si  mal  connu,  et  qui  est  encore  aujourd'hui 
une  pierre  d’achoppement  pour  bien  des  naturalistes ,  doit 


—  oo7  — 

être  rayé  de  la  liste  des  séjournants  où  je  l’avais  mis  en  1865. 
Ses  apparitions  sont  accidentelles.  Je  crois  en  posséder  les 
œufs  ,  trouvés  à  Quesnoy ,  mais  n’ayant  pas  vu  l’oiseau  qui 
les  avait  pondus  ,  je  ne  puis  les  rapporter  à  cette  espèce  que 
d’après  la  description  des  auteurs.  Cette  nidification  serait 
d’ailleurs  un  fait  isolé. 

Le  Bruant  zizi  pourrait  être  regardé  comme  sédentaire , 
au  même  titre  que  le  Proyer ,  car  il  se  prend  quelquefois  en 
hiver,  mais  je  crois  ces  captures  moins  fréquentes.  Cet  oi¬ 
seau  affectionne  certains  cantons  où  il  revient  nicher  exclu¬ 
sivement  à  d’autres  qui  paraissent  être  dans  les  mêmes  con¬ 
ditions.  Je  n’en  ai  jamais  vu  autour  de  Lille  au  printemps  , 
tandis  qu’ils  sont  communs  aux  environs  de  Saint-Omer. 

Le  Raie  ou  la  Marouette  poussin  se  reproduit  si  peu  régu¬ 
lièrement  dans  le  Nord,  qu’il  faut,  je  crois,  la  retrancher  de 
la  liste  des  séjournants  où  je  l’avais  mise,  pour  la  placer 
parmi  les  passagers.  Plusieurs  autres  espèces  d’échassiers 
s’éloigneront  ainsi  progressivement  à  mesure  que  le  dessè¬ 
chement  des  marais  s’étendra  de  plus  en  plus. 

Il  faudra  sans  doute  aussi  rejeter  bientôt  parmi  les  passa¬ 
gers  rCEdicnème  criard;  il  a  disparu  de  la  localité  qu’il 
affectionnait  le  plus  dans  nos  environs,  cette  fameuse  plaine 
de  Lens,  longtemps  si  célèbre  par  l’abondance  de  son  gibier, 
aujourd’hui  envahie  par  les  houillères  et  où  les  oiseaux 
sont  moins  nombreux  que  les  mineurs. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.)  A.  DE  Norgüet. 


CHRONIQUE 

Arelicologic  préhistorique.  Atelier  de  l’âge  de 
la  pierre  polie.  —  M.  Laloy,  d’Haubourdin ,  vient  de 
trouver  près  de  la  citadelle  d’Arras ,  entre  les  routes  de 
Doullens  et  d’Arras,  de  nombreux  débris  de  silex  taillés. 


—  358  — 

Quelques-uns  ont  la  forme  de  lance  ,  caractéristique  de 
l’époque  de  la  pierre  polie  ;  et,  d’ailleurs ,  un  fragment  a 
été  parfaitement  poli. 


IVlétéorologie.  OCTOBRE 

1870 

Température  moyenne .  10.°  36 

ï  »  des  maxima .  14.®  12 

»  »  desminima .  6.°  60 

*  extrême  maxima ,  le  2. .  20.”  70 

»  »  minima ,  le  12  .  3.°  00 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.° _ 7S5“™090 

»  hauteur  extrême  maxima,  le  1 . .  773“"‘60 
»  r>  ï  minima,  le 23.  737“”13 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  7“"’47 

Humidité  relative  moyenne  ®/o .  81.00 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie . 166"‘'"35 

ï  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  43T"’91 


OCTOBRE 
année  moy. 

11.0  44 


757r  913 


8””‘49 
83.  38 
67^75 
4ir99 


Le  manque  de  pluie  qui  se  faisait  sentir  depuis  le  18  sep¬ 
tembre  ne  cessa  que  le  8  octobre,  mais  dès  ce  moment  la 
chùte  d’eau  météorique  fut  presque  continue  jusqu’à  la  fin 
du  mois. 


L’épaisseur  de  la  couche  d’eau  recueillie  en  21  jours  fut 
de  166.“® 33.  Jamais,  depuis  vingt  ans,  il  n’était  tombé 
autant  de  pluie  en  un  mois. 

La  quantité  de  vapeur  d’eau  dissoute  dans  lair  était 
énorme  ,  car  la  hauteur  moyenne  du  baromètre  fut  de  l.““ 
823  inférieure  à  la  moyenne  générale  d’octobre  et  de  4.““ 
321  à  la  moyenne  annuelle. 

Cependant,  à  la  suiface  du  sol,  malgré  les  nombreux 
brouillards  (27)  et  les  rosées  fréquentes  (22),  l’air  fut  moins 
humide  qu’il  ne  l’est  ordinairement  pendant  ce  mois  :  aussi 
l’épaisseur  de  la  couche  d’eau  évaporée  fut-elle  un  peu  plus 
grande  qu’en  octobre  année  moyenne. 

Cela  lient  à  l’intermittence  de  la  pluie  et  de  la  sécheresse 
du  vent  qui  produisit  les  tempêtes  des  12 ,  13  ,  16  et  23. 


—  559  — 

L’énorme  quantité  de  vapeur  d’eau  répandue  dans  l’air 
y  amena  une  masse  d’électricité  qui  se  manifesta  par  les 
grandes  condensations  des  20  ,  26  et  31 ,  les  tempêtes  pré¬ 
citées,  les  éclairs  sans  tonnerre  des  23,  26,  27,  28,  la 
grêle  du  28 ,  les  aurores  boréales  des  24  et  23  ,  et  au  point 
de  vue  physiologique  par  l’exacerbation  de  toutes  les  dou¬ 
leurs  nerveuses.  V.  Meurein. 

Qéoloj^ie.  Terrain  silurien  du  Boulonnais. —  «  Un  son¬ 
dage  exécuté  àCaffiers  vers  1834  a  rencontré,  au  lieu  du  ter¬ 
rain  houiller,  des  schistes  phylladiformes  contenantdes  em¬ 
preintes  que  l’on  a  rapportées  avec  doute  à  des  graptolites 
(^).  Ces  schistes  ont  été  classés  ,  par  M.  Marchison  ,  dans  le 
terrain  silurien  et  M.  Gosselet  les  a  considérés  comme  le 
prolongement  de  la  bande  silurienne  de  Gembloux,  tout  en 
disant  que  les  échantillons  recueillis  au  moment  du  sondage 
n’étaient  pas  assez  bien  conservés  pour  que  l’on  put  les 
déterminer  même  génériquement.  Plusieurs  géologues  ont 
au  contraire  rattaché  ces  schistes  au  terrain  dévonien  supé¬ 
rieur.  M.  Triger  qui  a  exploré,  en  1867,  les  terrains  paléo¬ 
zoïques  du  Boulonnais  et  qu’une  mort  si  imprévue  a  enlevé 
avant  qu’il  ait  eu  le  temps  de  publier  ses  observations ,  a 
retrouvé,  dans  les  déblais  dupuits  de  Caffiers,  des  graptolites 
et  j’ai  moi-même  recueilli,  au  même  endroit,  des  exemplaires 
très-nets  dans  lesquels  M.  de  Verneuil  a  reconnu  le  grap- 
tolytes  colonus  û\i  terrain  silurien  moyen  de  Bohême.  C’est 
donc  bien  à  ce  terrain  qu’appartiennent  les  schistes  de  Caf¬ 
fiers.  y>  (  Communication  de  M.  Ed.  Pellat  à  la  Société  géo¬ 
logique  de  France  ,  dans  la  séance  du  '^0  juin  1870 ). 

J.  G. 


(b  Les  graptolites  sont  des  fossiles  de  nature  fort  problématique; 
on  les  rapproche  des  sertulaires  ou  nicduses  coralliformes.  Ils  sont 
caractéristiques  du  terrain  silurien  moyeu. 


—  360  — 

IWoovelles  «Ses  Seiences  et  des  Lettres.  — 

L’Académie  d’Arras  n’ayant  pu  tenir  de  séance  publique 
cette  année  à  cause  des  événements ,  et  ses  divers  concours 
étant  terminés  depuis  longtemps ,  elle  a  procédé  le  21  octo¬ 
bre  à  l’ouverture  des  plis  cachetés  ,  et  les  lauréats  ont  été 
proclamés  ainsi  qu’il  suit  : 

Histoire.  —  M.  Louis  Gavrois ,  auditeur  au  Conseil 
d’Etat,  médaille  d’or  de  100  francs  pour  son  travail  sur 
Jean  de  la  Vacquerie,  sujet  proposé  par  l’Académie. 

Mémoire  hors  concours.  —  M.  Ad.  de  Cardevacque  , 
médaille  d’argent  à  titre  de  mention  et  encouragement , 
pour  son  Histoire  des  évêques  d’Arras. 

Poésie.  —  M.  Delphis  de  la  Cour,  à  Loches,  médaille 
d’argent,  constatant  une  mention ,  pour  sa  pièce  de  poésie 
ntitulée  :  Souvenirs  de  Couzières. 

Peinture. — M.  Dubois ,  artiste  peintre  à  Arras,  prix  inté¬ 
gral  de  oOO  francs ,  fondation  d’un  membre  de  l’Académie. 

Faculté  «les  IScieoceis  de  Lille.  [Cours  publics  du 
2Jremier  semestre  1869-70  ouverts  le  l.®*"  Décembre  1870). 

—  Mécanique  rationelle mardi  et  samedi  à  neuf  heures  : 
M.  Guiraudet ,  professeur ,  exposera  les  principes  de  la 
dynamique  ;  il  traitera  principalement  du  mouvement  d’un 
point  et  de  la  statique.  — Astronomie  descriptive  ,  les  mer¬ 
credis  à  huit  heures  du  soir  :  M.  Guiraudet ,  professeur , 
continuera  à  exposer  les  faits  principaux  de  l’astronomie. 

—  Physique  ,  les  lundis  et  vendredis  à  huit  heures  du 

soir  :  M.  Hanriot ,  professeur  ,  traitera  de  l’acoustique  et 
de  l’optique.  —  Chimie  ,  les  mardis  et  jeudis  à  huit  heures 
du  soir:  M.  Ch.  Viollelte  ,  professeur,  traitera  de  la  chimie 
minérale.  —  Zoologie  ,  les  mardis  et  jeudis  à  six  heures  et 
demie  du  soir:  31.  Dareste  de  la  Chavanne,  professeur  , 
traitera  de  la  reproduction  et  du  développement  des  ani¬ 
maux.  —  Minéralogie ,  les  mercredis  à  cinq  heures  :  M. 
Gosselet ,  professeur  ,  traitera  des  métaux  et  des  minerais 
métalliques.  —  Géologie ,  les  samedis  à  huit  heures  du  soir: 
31.  Gosselet,  professeur,  traitera  de  la  constitution  géolo¬ 
gique  du  département  du  Nord  et  des  pays  voisins.  —  Litté¬ 
rature  française  ,  les  mercredis  à  six  heures  et  demie  :  — 
Histoire,  les  samedis  ,  à  six  heures  et  demie. —  Dessin  ap¬ 
pliqué  aux  Arts  industriels  ,  le  dimanche  à  huit  heures  et 
demie  du  matin.  Gérant  :  E.  Gastiaux. 


TYP.  DE  BLOCQIIEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2/  Année. —  N.°  12. —  Décembre  1870. 


TRAVAUX  DES  SOCIÉTÉS. 

SOCIÉTÉ  DES  ANTIQUAIRES  DE  LA  MORINIE. 

Travaux  courants. 

Nous  avons  rendu  compte  (Bulletin ,  1. 1 ,  p.  249)  du  xiii.® 
volume  des  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la 
Morinie  dans  lequel  le  Dictionnaire  topographique  de  Var- 
rondissement  de  Saint-Omer  ^  rédigé  par  feu  M.  Courtois, 
occupe  une  grande  place.  Ce  volume  était  imprimé  et  livré 
au  public  lorsqu’un  heureux  hasard  fit  découvrir,  dans  les 
papiers  du  défunt,  Vîntroduction  qu’il  se  proposait  de  placer 
en  tête  de  son  travail.  Cette  introduction,  que  la  Société  de 
la  Morinie  vient  de  publier  et  de  distribuer  à  ses  corres¬ 
pondants  pour  être  insérée  en  son  lieu  dans  le  t.  xiii  des 
Mémoires ,  se  compose  de  trois  parties  :  la  l."®  traçant  le 
plan  du  Dictionnaire  topographicjue  ;  la  2.™®  fournissant 
l’indication  bibliographique  des  sources  ;  la  3.*"®  contenant 
une  Notice  géographique  sur  V arrondissement  de  Saint- 
Omer. 

Nous  extrayons  de  celle-ci  les  principaux  passages: 

L’arrondissement  de  Saint-Omer  correspond  à  peu  près 
au  centre  et  au  nord  du  Pagus  Taruennensis  ou  Thérouen- 
nais  ,  dont  Thérouanne  ,  la  cité  des  Morins,  était  le  chef- 
lieu.  L  abbaye  de  Saint-Bertin  est  encore  désignée,  dans  une 
charte  du  roi  Lolbaire  de  962,  comme  étant  située  in pago 
Taruenensi.  Ce  pagus  faisait  partie  de  la  Regio  Taruennica 
qui,  avec  la  Flandre  et  la  cité  de  Boulogne  ,  composait  la 
Marche  ou  marquisat,  Marka,  prématurément  désignée  par 
les  historiens  postérieurs  sous  le  nom  de  comté  de  Flandre. 
C’est  seulement  après  la  mort  d’Arnould  le  Vieux  (964)  et 
pendant  la  minorité  de  son  petit-fils  Arnould  le  Jeune ,  que 
la  Marche  a  été  démembrée  et  qu’on  voit  se  former ,  à  ses 


—  362  — 

dépens,  les  comtés  de  Boulogne,  de  Saint-Pol  et  de  Guînes, 
ainsi  que  le  temporel  de  l’évêché  de  Thérouanne.  Par  suite, 
la  partie  de  la  Marche  qui  était  restée  à  Arnould  le  Jeune 
commença  à  être  désignée  de  son  côté  sous  le  nom  de 
marquisat  ou  comté  de  Flandre,  Par  suite  encore,  les  deux 
villes  de  Saint-Omer  et  d’Aire  qui  étaient  membres  de  ce 
comté  devinrent  les  chefs-lieux  de  deux  châtellenies,  c’est- 
à-dire  de  deux  grands  fiefs  dominants  dont  relevaient  les 
domaines  particuliers  compris  dans  leurs  circonscriptions  : 
Castellania  Sancti  Audomari  memhrum  fuit  Flandriæ. 

Ici  se  présente  une  question  qui  paraît  avoir  échappé  à 
tous  les  historiens.  C’est  celle  de  savoir  pourquoi  et  com¬ 
ment  la  ville  de  Thérouanne  ,  le  chef-lieu  de  la  Morinie  , 
dont  le  Boulonnais ,  le  Ternois ,  le  Thérouannais  et  le 
Mempiscon  (les  arrondissements  de  Dunkerque  et  d’Ha- 
zebrouck  et  la  partie  de  la  lisière  de  la  Belgique  où  sont  les 
villes  d’Ypres  ,  de  Nieuport  et  de  Fumes)  n’étaient  que  les 
cantons ,  n’est  pas  restée  du  moins  le  chef-lieu  du  Thé¬ 
rouannais  ,  comme  Boulogne  et  Saint-Pol  sont  restés  ceux 
du  Boulonnais  et  du  Ternois. 

La  cause  de  cette  anomalie  ,  de  celte  exception  la  voici  : 

Thérouanne  était  la  ville  épiscopale  de  la  Morinie. 

Or,  d’après  le  principe  de  l’hérédité  des  fiefs  ou  bénéfices , 
proclamé  par  la  révolution  féodale  ,  sanctionné  par  l’avé- 
nement  au  trône  de  Hugues  Capet  et  passé  ,  au  xi.®  siècle  , 
à  l’état  de  fait  accompli ,  la  ville  épiscopale  de  Thérouanne 
fut  considérée  comme  un  fief  de  l'évêché  ,  comme  une  sei¬ 
gneurie  particulière  relevant  du  comte  de  Flandre.  Il  en 
fut  de  même  de  toutes  les  possessions  qui  appartenaient  à 
l’église  et  au  chapitre. 

Les  comtes  de  Flandre ,  tout  en  respectant  cet  état  de 
choses  établi  par  l’usage,  ne  laissaient  pas  que  d’exercer 
leur  droit  de  suzeraineté  sur  la  ville  de  Thérouanne  ,  en 
intervenant  notamment  dans  les  élections  d’évêque  ,  qui  se 
faisaient  parle  haut  clergé  du  diocèse,  joints  à  eux  les  ha¬ 
bitants  de  Thérouanne  eux-mêmes.  Afin  de  se  soustraire  à 
cette  sujétion,  l’évêque  Milon  II  s’était  adressé  au  roi  de 
France ,  Louis  VI ,  et  il  en  avait  facilement  obtenu ,  en 
1156,  des  lettres  d’amortissement  qui  consacraient  la  liberté 
de  l’église  de  Thérouanne  et  mettaient  toutes  ses  possessions 
sous  la  protection  royale.  De  là  le  titre  de  Régale  de  Thé¬ 
rouanne  qui  prit ,  dès  lors,  la  circonscription  territoriale 
qui  formait  le  temporel  de  l’église  cathédrale  des  Morins 


—  363  — 

et  de  l’évêché.  De  là  aussi  le  droit  de  souveraineté  directe 
qu’exercèrent  toujours  les  rois  de  France  sur  Thérouanne 
et  sur  le  territoire  qui  en  dépendait. 

Ces  faits  nous  expliquent  à  suffisance  pourquoi  la  ville 
de  Thérouanne ,  malgré  son  titre  de  cité ,  s’est  trouvée  tout 
à  coup  déchue  même  de  celui  de  chef-lieu  de  l’ancien  Thé- 
rouannais. 

Puisque  nous  en  sommes  aux  études  topographiques  sur 
l’ancienne  Morinie ,  disons  un  mot  du  Mémoire  sur  le  Pagus 
Bononensis  et  le  Pagus  Teruanensis  que  M.  A.  Longnon 
publiait  naguère  dans  le  2.®  fascicule  de  la  Bibliothèque  de 
VEcole  des  hautes  Edudes,  pour  faire  suite  à  ses  précédentes 
recherches  sur  divers  pagi  de  la  Gaule.  Ce  travail  nous  a 
été  signalé  par  une  remarquable  analyse  qu’en  a  donnée 
M.  Giry ,  ancien  élève  de  l’Ecole  des  Chartes ,  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie  (Juillet- 
Décembre  1869).  M.  Giry  est  mieux  à  même  que  personne 
de  nous  initier  à  la  pensée  de  l’auteur  qu’il  résume.  Ses 
longs  séjours  à  Saint-Omer,  ses  travaux  d’exploration  dans 
les  archives  de  cette  ville,  l’ont  familiarisé  avec  la  topo¬ 
graphie  du  pays  :  ils  lui  fournissent  le  moyen  de  contrôler, 
de  rectifier  au  besoin  les  assertions  de  M.  Longnon. 

M.  Longnon  commence  par  dégager  l’une  de  l’autre  les 
deux  cités  de  Boulogne  et  de  Thérouanne. 

Neuf  documents  antérieurs  à  l’an  mil  l’aident  à  recons¬ 
tituer  le  Pagus  Bononensis  et  lui  permettent  d’attribuer  à  ce 
territoire  les  localités  suivantes  : 

1. °  776,  Loningaheim,  Leulinghen,  canton  de  Marquise. 

2. ®  807  ,  Gisna  ^  Guines  ;  Totingetun  super  fluvium 
Wasconingawalay  Todincthun,  hameau  d’Audinghem,  sur 
le  ruisseau  qu’on  appelle  t  ru  de  Guiptun  ;  *  Ecloum , 
Eclemy,  hameau  de  Sanghen. 

3. ®  ,  Curmontium  super  fluvium  Edivinia ,  Cor- 

mont  sur  la  Dordonne. 

4. ®  853,  Mighem^  Inghem,  hameau  de  Terdinghem  ; 
Cafitmere ,  Caffiers. 


—  364  — 

5. °  863  ,  Diortcaldingaiiin  ,  Wadenthun ,  hameau  de 
SainMnglevert. 

6. °  867,  Quertliaco  ^  Clerques;  Broma,  Brèmes;  Min- 
thiaco  super  fluvio  Elna  ^  Menlque  sur  l’Hem,  affluent  de 
l’Aa  ;  Uphem  super  ^uvium  Helicbruna,  lieu  indéterminé 
sur  le  ruisseau  du  A\Mmereux  ;  Wileria  ,  Wierre-Effroy. 

7. °  868,  Walhodeghem  \  probablement  Outreau  ;  Wacho- 
nisvillare,  Le  Wast  ;  Turbodinghem,  Turbingen,  ferme  de 
la  commune  d’Outreau  ;  HeiHngen  ,  lieu  inconnu. 

8. ®  917  ,  Atliniacum  ,  Autingues  ;  ISigella,  ISielles-lez- 
Ardres. 

9. ®  962  ,  Wachimmllare ,  encore  Le  Wast. 

Nous  laissons  à  notre  savant  confrère  ,  M.  Haigneré  ,  le 
soin  de  se  prononcer  en  dernier  ressort  sur  la  valeur  de 
ces  attributions.  (^) 

M.  Longnon ,  après  avoir  épuisé  toutes  les  questions 
relatives  à  la  géographie  du  pagus  Bononensis,  s’applique  à 
*  déterminer  les  localités  comprises  dans  le  Teruanensis 
pagus.  Il  se  trouve  d’abord  en  face  de  la  célèbre  donation 
d’Adroald  en  648.  M.  Giry  fait  remarquer  qu’on  ne  s’est 
pas  assez  préoccupé  jusqu’ici  de  faire  rentrer  les  villages 
primitivement  donnés  à  Saint-Bertin  dans  les  limites  ter- 


(1)  Toutefois  exprimons,  dès  maintenant,  une  surprise  et  un 
regret.  M.  Longnon,  qui  cite  avec  des  égards  mérités  le  travail  de 
l’archiviste  de  Boulogne  sur  l'existence  d’un  siège  épiscopal  en  cette 
ville  avant  le  vu.*  siècle,  parait  ignorer  que  le  m('me  érudit  a  composé 
un  Dicïionmire  topographique  de  VarrondUsemenl  de  Boulogne,  qui  a  obtenu 
le  second  prix  en  1861  au  Concours  de  la  Sorbonne  :  il  ne  semble  pas 
connaître  davantage  le  travail  analogue  auc;ucl  M.  Courtois  s'est  livré 
pour  l  arrondissement  de  Saint-Omer  et  qui  a  valu  à  son  auteur  une 
mention  honorable  au  Concours  de  1863;  ce  dernier  ouvrage  est, 
depuis  l'année  dernière,  entre  les  mains  du  public.  —  Nous  ne  dou¬ 
tons  pas  que  si  M .  Longnon  se  lût  m.'.s  en  rapport ,  en  temps  utile,  avec 
ces  deux  topographes  dont  le  nom  a  acquis  une  légitime  autorité ,  il 
n’eût  modifié  la  rigueur  du  jugement  qu'ii  porte  sur  les  attributions  de 
lieux  O  proposées  par  les  érudits  de  la  contrée,  »  attributions  qu’il 
déclare  très-inlérieures  à  celles  adoptées  parM.  Le  Prévost  dans  sa 
Table  du  Carlulaire  de  Saint-Bertin.  Si  M.  Longnon  veut  faire  ici  allusion 
aux  travaux  de  feu  M.  Harbaville  et  des  rares  survivants  de  son 
école  ,  nous  sommes  prêt  à  lui  donner  raison  ;  mais  nous  pensons 
qu'il  aurait  tort  d'envelopper  dans  la  même  condamnation  les  deux 
répertoires,  de  date  encore  récente ,  que  nous  venons  de  lui  signaler. 


—  365  — 

ritoriales  que  leur  assigne  la  charte  du  donateur.  Auchy , 
Fontaine-lez-Hermans ,  Landrethun  sont,  suivant  lui,  trop 
éloignés  de  la  villa  de  Sithiu  pour  avoir  jamais  pu  faire 
partie  de  ses  dépendances.  M.  Longnon  traduit  Wiciacum 
par  Wisques ,  Tatinga  villa  par  Tatinghem,  Alciacum 
par  Zudausques.  M.  Giry  accepte  ces  attributions  et,  après 
en  avoir  discuté  quelques  autres,  il  conclut  comme  suit  : 

Quand  on  est  absolument  sûr  de  quatre  des  localités  de 
la  charte  :  Saint-Omer ,  Wittes ,  Zudausques  ,  Tatinghem , 
et  qu’on  a  parcouru  à  pied  leur  territoire  ,  on  peut  parfai¬ 
tement  par  la  pensée  reconstituer  ce  domaine  d’Adroald 
donné  à  Saint-Bertin  ;  on  en  mesurerait  presque  la  con¬ 
tenance.  C’est  une  vallée  qui  s’étend  le  long  du  plateau  des 
Bruyères  qui  domine  Saint-Omer  et  dont  le  fond  extrême 
était  un  peu  plus  bas  que  Longuenesse  ,  l’endroit  où  s’éta¬ 
blirent  plus  tard  les  Chartreux  dits  du  Val  Sainte-Alde- 
gonde.  C’est  dans  ce  territoire  qu’il  faut  chercher  tous  les 
lieux  désignés  dans  la  donation. 

M.  Giry  n’est  même  pas  éloigné  de  voir  dans  Zudausques 
l’endroit  où  a  été  donnée  la  charte  d’Adroald  :  Actum  Ascio 
villa  dominicâ. 

Vingt  textes  contenant  des  mentions  de  localités  posté¬ 
rieures  à  la  fondation  de  Saint-Bertin  ,  et  se  renfermant 
dans  un  espace  de  trois  siècles  ,  (de  704  à  1002)  ,  per¬ 
mettent  à  M.  Longnon  et,  après  lui,  à  M.  Giry,  de 
reconstituer  intégralement  le  Pagus  Teruanensis  comme 
ils  ont  fait  pour  le  Bononensis, 

Ne  pouvant  discuter  un  à  un  chacun  de  ces  textes,  nous 
allons  indiquer  celles  des  attributions  proposées  par  M.  Lon¬ 
gnon  qui  s’écartent  des  interprétations  admises  par  M.  Le 
Prévost ,  dans  la  Table  du  Cartulaire  de  Saint-Bertin, 

A. O  723.  Strato  :  au  lieu  d’Estrée,  canton  d’Etaples , 
M.  Longnon  propose  Austra,  hameau  d’Esquerdes.  —  Leo- 
dringas  mansiones:  Lederzeele  suivant  M.  Le  Prévost; 
Ledringhem  d’après  M.  Longnon,  d’accord  en  cela  avec 
M.  Mannier. 


—  566  — 

A.°  800.  Ascio  super  fluvio  Widolaci  :  M.  Longnon  lient 
pour  Aix-en-Issart  plutôt  que  pour  Aix-en-Ergny  ;  Aix-en- 
Issart  est  situé  sur  le  ruisseau  nommé  actuellement  Bras-de- 
Brône.  —  Sanctum:  M.  Le  Prévost  ne  savait  s’il  fallait  in¬ 
terpréter  ce  nom  ancien  par  Sains-lez-Fressin  ou  par  Sains- 
lez-Pernes.  M.  Longnon  se  prononce  pour  Sains-lez-Fressin. 

A.®  811.  Bagingatun:  M.  Le  Prévost  hésitait  entre 
Bainclhun  ou  Bayenghem-lez-Eperlecques.  M.  Longnon  se 
prononce  pour  Baincthun. 

M.  Longnon  définit  trois  autres  localités  anciennes  dont 
M.  Le  Prévost  renonçait  à  retrouver  le  nom  moderne. 

A.®  868.  Humbaldingahem  que  M.  Mannier  traduit  par 
Eblinghem  (Nord)  est,  suivant  M.  Longnon,  Boisdinghem 
(Pas-de-Calais). 

A.®  877.  Turringahem  semble  bien  être,  comme  le  dit 
M.  Longnon,  la  même  chose  que  Turnehem^  aujourd’hui 
Tournehem. 

Vers  93o ,  Falcoberg ,  Fauquembergues. 

M.  Longnon  s’abstient  de  définir  les  localités  suivantes, 
qui ,  avant  lui ,  à  l’exception  de  la  dernière,  avaient  arrêté 
également  M.  Le  Prévost  : 

A.®  800.  Hildwalcurt  et  Lonastum  super  fluvio  Abbun- 
funtana  :  On  a  souvent  inierprèié  Lonastum  par  Loon, 
auquel  cas  le  fluvius  Abbunfuntana  serait  le  Mardick. 

A.®  867.  Heingasele  sur  l’Tser.  —  Mekeriæ,  locus  in 
pago  Teruanense ,  infra  Mempiscum.  Pourquoi  ne  serait-ce 
pas  Merckeghem ,  comme  le  veulent  beaucoup  d’auteurs  ? 

A.®  877.  In  pago  Ternensi,  in  Menolvingahem...  et  in 
Vertuno.  —  Vertuno ,  venant  à  la  suite  d’une  assez  longue 
énumération  de  localités,  peut,  à  la  rigueur,  être  considéré 
comme  n’appartenant  pas  au  pagus  Ternensis  :  car  il  arrive 
souvent,  dans  ces  sortes  de  dénombrements,  que  les  pre¬ 
miers  noms  cités  se  trouvent  seuls  compris  dans  la  circons¬ 
cription  à  laquelle  on  les  rapporte.  Le  rédacteur  de  l’acte 
passe  alors,  par  inadvertence  et  sans  en  prévenir  son  lec¬ 
teur  ,  d’un  pagus  dans  un  autre.  Si  l’on  admet  que  le  cas 
s’est  produit  ici ,  on  ne  sera  plus  empêché  d’assimiler  Ver- 
tunum  à  Verlon ,  localité  de  l’ancien  Ponthieu. 

En  dehors  des  documents  renfermés  dans  le  Cartulaire 
de  Saint-Bertin  ,  publié  par  Guérard ,  M.  Longnon  cite  six 


—  367  — 

extraits  de  chartes  où  sont  mentionnées  des  localités  appar¬ 
tenant  au  pagus  Teruanensis. 

A.®  831.  Botritium,  Bouret-sur-Canche. 

A.®  877.  Auciacum  super  finvium  Wellula.  M.  Longnon 
adopte,  faute  de  mieux,  l’opinion  de  Malbrancq  qui  traduit 
par  Auchy-au-Bois  sur  le  ruisseau  de  La  Laquette. 

A. O  974.  Botritium  et  Bollenicurtis :  Bouret-sur-Canche 
et  Rollencourt. 

A. O  980.  Rumingehem  et  Keremberg  ;  Ruminghem  et 

embergues  ,  hameau  de  Nordausques. 

A. O  982.  Businghim ,  Boëseghem  :  l’église  de  ce  village  a 
encore  aujourd’hui  pour  patron  saint  Léger,  comme  au  temps 
de  la  rédaction  de  la  charte  qui  nous  occupe. 

A. 0  1002.  Terdenghem^  Terdeghem. 

Les  légendaires  lui  fournissent  deux  autres  mentions  : 

1. ®  Amaniacum  [ex  Miraculis  S.  Wandregisili.)  Mencas, 
canton  de  Fruges  ,  suivant  M.  Longnon. 

2. ®  Herlerum  [ex  Vita  S.  Walherti.)  Les  Bollandistes 
l’ont  traduit  par  Herly ,  canton  de  Hucqueliers.  M.  Longnon 
croit  que  ce  village  ,  ayant  été  donné  par  S.  Walbert  à  l’ab¬ 
baye  de  Luxeuil ,  a  pris  le  nom  de  son  donateur  et  est 
devenu  Wambercourt. 


Depuis  que  l’article  qu’on  vient  de  lire  est  rédigé  ,  nous 
avons  reçu  de  M.  l’abbé  Haigneré  ,  archiviste  de  Boulogne, 
une  série  d’observations  que  nous  croyons  devoir  reproduire 
ici ,  en  leur  conservant  la  forme  épistolaire  adoptée  par 
l’auteur.  Les  numéros  de  paragraphes  de  la  lettre  M.  Hai¬ 
gneré  correspondent  aux  divisions  du  Mémoire  de  M.  Lon¬ 
gnon  sur  le  pagus  Bononensis. 

Les  études  de  M.  Longnon  sont  sérieuses;  mais  elles 
devaient  être  et  elles  sont  nécessairement  défectueuses  et 
incomplètes.  Je  vais  passer  en  revue  celles  de  ses  attributions 
qu’il  est  impossible  d’admettre. 

Pagus  Boînonensis.  2.®  Totingetun.  Malgré  la  présence 
d’un  Todincthun  à  Audinghem,  je  pense  que  l’alliance  qui 


—  568  — 

est  faite  de  ce  nom  avec  Gisna,  par  la  conjonction  sive,  ne 
permet  pas  de  les  confondre.  Totingetun  doit  être  une  loca¬ 
lité  perdue ,  autrefois  située  dans  le  voisinage  de  Guines , 
sur  l’un  des  cours  d’eau  qui  sortent  des  marais  ou  des  iva- 
tines  (ivasconing)  des  environs.  IVasconingaivala  ne  peut 
être  le  ruisseau  de  Guiptun  (Gibbingatun  des  chartes  d’An- 
dres).  Ecloum  aussi  est  perdu.  Est-ce  Eclémy-sur-Sanghen  ? 
est-ce  VEclogne,  vulgairement  les  Clognes ,  sur  Wirwignes  ? 
je  ne  saurais  le  dire. 

4.0  Quant  à  Cafitmere^  c’est  Camiers ,  Casmera ,  Garnir, 
Caput  Maris,  des  chartes  de  Saint-Josse  et  de  Samer.  Il  y 
a  là  une  mœre  ,  un  étang ,  dont  le  nom  se  retrouve  dans  la 
formation  de  celui  du  village.  Mighem  est  resté  dans  Le 
Minghem ,  terroir  situé  entre  Camiers  et  Etaples,  qui  se  re¬ 
marque  sur  les  cartes  dressées  par  M.  Marguet,  ingénieur 
de  Boulogne,  dans  son  rapport  sur  les  fouilles  de  Quentovic. 

5.0  Diorivaldirgatun  est  pris  pour  Verlincthun  ,  par 
tous  nos  historiens  boulonnais ,  à  la  suite  de  Malbrancq.  Il  a 
pourtant  existé  un  hameau  de  Dirlinghetun,  sur  Hames- 
Boucres,  et  il  en  est  parlé  dans  la  chronique  d’Andres.  Wa- 
dentun  n’a  rien  de  commun  avec  ce  lieu. 

6.0  Quertliaco  velBroma  sive  Menthiaco super  fluvio  Elna, 
c’est  Carly  et  Menty  sur  la  Liane,  Menty,  hameau  de  Ver¬ 
lincthun.  Broma  est  perdu  ,  à  moins  qiLon  ne  le  retrouve 
dans  quelqu’un  des  Bronne  qui  terminent  le  nom  de  localités 
environnantes ,  telles  que  Liemhronne,  hameau  de  Tingry. 
Ai-je  besoin  de  vous  donner  la  preuve  qu’E/na  est  la  Liane? 
Beportez-vous  à  la  Vie  de  saint  Orner ,  où  vous  trouverez 
(Ghesqüiére,  Act.  SS.  Belg.  t.  ni,  p.  626*627),  que  c’est 
le  nom  du  petit  fleuve  qui  à  Boulogne  se  rend  à  la  mer  : 
Parvum  [lumen  quod  accolœ  nominatur  ipsis  in  parlibus 
Elna...  prædictus  rivulus  Elna  intrat  in  mare. — ElnafLi- 
vius  est  encore  cité  dans  le  diplôme  de  1199  pour  l’abbaye 
de  Samer  que  Migne  a  publié  dans  le  t.  ccxvii  de  sa  Patro- 
logie  latine,  p.  41.  Uphem  est  la  ferme  d'Upen  ,  fief  ainsi 
désigné  en  1553  dans  un  état  des  fiefs  du  Boulonnais  iHupen), 
sur  la  commune  de  Wierre-Effroy.  On  l’appelle  aujourd’hui 
le  Paon,  par  corruption  ;  mais  les  paysans  continuent  de 
dire  le  Pen,  quoique  dans  leur  idiôme  ils  prononcent  le  nom 
de  l’oiseau  d 'Argus  avec  le  même  son  qu’on  lui  donne  en 
français.  Dans  leur  idée  ,  il  n’y  a  donc  entre  ces  deux  mots 
aucune  synonymie.  H elichbruna  est  un  des  noms  de  la  Slack, 
et  Wileria  n’est  autre  que  Wierre-Effroy.  Des  titres  de  1569 


--  569  — 

que  j’ai  consultés  dans  les  minutes  de  M.®  Bary ,  notaire  à 
Boulogne ,  mentionnent  à  Rety ,  à  peu  de  distance  de  la 
ferme  du  Peu  et  près  de  la  Rebertingue ,  un  lieu  de  Helle- 
bronne  vers  lequel  coulait  un  rieu  qui  partait  du  bois  de 
Gontay. 

7.0  Jfalbodeghem  d’après  les  Bollandistes  ,  JValbodin- 
gehem ,  d’après  Mabillon  {Act.  SS.  0.  S.  B.)  est  le  nom  du 
hameau  central  de  l’aggrégation  de  lieux-dits  qui  porte  au¬ 
jourd’hui  la  dénomination  générale  d’Outreau  ,  (  ultra 
aquam) ,  canton  de  Samer  ,  près  Boulogne.  Ce  nom  existait 
encore  dans  les  terriers  du  siècle  dernier  sous  la  forme  Wa- 
binghen.  Turbodinghem ,  aujourd’hui  Turbinghen ,  ferme 
du  hameau  de  la  Salle ,  à  Outreau ,  était  là  tout  auprès. 
L’église  d’Outreau  a  dû  perdre  son  vocable  primitif  de 
Saint-Quentin  ,  pour  prendre  celui  de  Saint-Wandrille  qui 
est  venu  éclipser  son  premier  patron.  La  villa  Heringem  ne 
m’est  pas  connue  :  ce  qui  est  sûr,  c’est  que  ce  n’est  pas  ce  que 
M.  Longnon  a  cru  lire  sur  la  carte  de  l’Etat-major  ,  dans  la 
commune  de  Saint-Etienne,  où  il  n’y  a  pas  Eringhen,  mais 
Fnn^ùe/i ,  lieu  appelé  Froingehem  en  1208  ,  dans  la  bulle 
d’innocent  III  pour  Notre-Dame  de  Boulogne. 

8.°  L’/lf?miumdeCharles-le-Simple  doit  être  Attin,  elNi- 
gella  n’est  pas  indiqué  comme  étant  sûrement  en  Boulonnais, 
où  il  y  a  cependant  Nelles,  près  de  Neufchâtel.  Pourquoi 
ne  serait-ce  pas  Noyelles  (Tigny-Noyelles) ,  pas  bien  loin 
d’Attin  ? 

Pagus  Terüanensis.  —  Je  ne  m’étendrai  pas  autant  sur 
ce  second  pagus ,  la  matière  m’étant  moins  familière.  Tou¬ 
tefois,  et  puisque  le  regrettable  M.  Courtois  n’est  plus  là 
pour  protester  contre  quelques-unes  des  assertions  hasardées 
du  jeune  érudit  parisien ,  je  noterai  les  points  suivants  : 
Pourquoi  Auslra  plutôt  qu’Etrehem?  Il  vaut  mieux  inter¬ 
préter  Rumliacum  par  Remilly-Wirquin  que  par  Rombly. 
Je  repousse  l’assimilation  d' Humbaldingahem diYecBoisdm- 
ghem.  Amaniacum  ne  peut  être  Mencas.  H eiderum  on  mieux 
Herleium  est  bien  Herly. 

Vous  me  consultez  aussi,  mon  cher  ami,  sur  l’analyse 
qu’a  donnée  M.  Giry  du  Mémoire  de  M.  Longnon,  analyse 
où  se  rencontrent,  à  côté  de  vues  très-souvent  ingénieuses, 
certaines  affirmations  dont  vous  me  permettrez  de  contester 
l’exactitude. 

M.  Giry  insiste  avec  raison  sur  la  persistance  des  anciennes 


—  o70  — 

divisions  civiles ,  et  il  voudrait  retrouver  les  limites  du 
Pagus  Bononensis  en  dehors  de  la  circonscription  civile  de 
l’ancien  Boulonnais.  Je  crois  que  rien  n’autorise ,  au  con¬ 
traire  ,  à  sortir  de  cette  circonscription ,  si  ce  n’est  pour 
Guînes,  qui  a  dû  en  être  détaché  par  Sifrid-le-Danois  ; 
mais  il  n’y  a  pas  lieu  d’aller  jusqu’à  Ardres,  et  je  penche  à 
regarder  la  terre  de  Merck  comme  n’y  ayant  été  jointe  que 
plus  tard.  Aucune  localité ,  citée  comme  étant  du  Pagus 
Bononensis,  ne  se  trouve  en  effet,  si  ce  n’est  Totingatum 
sive  Gisna  ,  hors  de  l’ancien  Gouvernement  du  Boulonnais, 
tel  qu’il  subsistait  encore  en  1789. 

M.  Giry  commet  une  erreur  qu’il  faut  lui  signaler,  lors¬ 
qu’il  place  à  Remilly-Wirquin  ,  un  prieuré  de  l’ordre  de 
Cluny  ,  au  xiii.®  siècle.  Ce  prieuré,  en  effet,  était  à  Ru- 
milly-le-Gomte,  dans  le  canton  d’Hucqiieliers,  et  il  était  déjà 
soumis  à  l’ordre  de  Cluny ,  lorsque,  vers  l’an  1125,  le  comte 
de  Boulogne ,  Eustache  III ,  s’y  retira  pour  y  mourir  quel¬ 
ques  années  plus  tard  sous  l’habit  religieux. 

Quant  à  Remilly-Wirquin,  le  patron  de  la  paroisse  était 
saint  Orner,  et  le  chapitre  de  la  collégiale  de  ce  nom  y  avait 
des  dîmes  dont  il  jouissait  encore  au  xviii.®  siècle,  et  dont 
il  est  fait  mention  déjà  dans  unecbarte  de  1139.  (V.  Cour¬ 
tois.)  Cela  suffit  pour  présumer  que ,  lors  d’un  partage 
entre  l’abbaye  et  le  cliapitre.  Remil ly  ait  pu  être  attribué  à 
ce  dernier.  D’ailleurs  la  forme  ancienne  du  mot  est  iden¬ 
tique  :  Rumeliaco. 

J e  trouve  très-ingénieuse  l’idée  de  rechercher  dans  la  vallée 
de  Sithiu  la  trace  des  localités  mentionnées  dans  la  charte 
d’Adroald  ;  mais  cependant  j’en  suis  détourné  par  cette  con¬ 
sidération  que  les  anciens  fiefs  avaient  des  dépendances 
souvent  fort  éloignées  de  leur  chef-lieu.  Par  exemple ,  la 
baronnie  de  Bellebrune,  une  des  douze  de  l’ancien  comté  de 
Boulogne  ,  avait  des  arrière-fiefs  situés  à  de  grandes  dis¬ 
tances  ,  puisqu’on  en  retrouve  à  trois  lieues  de  là,  dans  la 
vallée  de  Billioville  ,  prés  Boulogne,  et  que  la  seigneurie  de 
Zoteux,  à  6  kilomètres  d’Hucqueliers ,  en  était  une  dépen¬ 
dance. 

L’ancienne  châtellenie  de  Fiennes  comptait. un  grand 
nombre  d’arrière-fiefs  ,  disséminés  sur  tous  les  villages  qui 
s’étendent  depuis  celte  localité  jusqu’à  Wimille  ,  près  Bou¬ 
logne.  Le  fief  de  la  Maréchalerie  du  Boulonnais  étendait  sa 
juridiction  sur  diverses  terres ,  depuis  Conteville  jusqu’à 
Neufchâtelo 


—  371  — 

S’il  en  était  ainsi  des  possessions  des  petits  hobereaux  de 
notre  ancien  comté  ;  si  le  fameux  Goibert  englobait  dans 
ses  propriétés  des  villages  qu’il  faut  aller  chercher  depuis 
les  bords  delà  Canche  jusque  sur  le  territoire  belge,  pour¬ 
quoi  les  appartenances 'de  la  seigneurie  de  Sitbiu  ne  se 
seraient-elles  pas  étendues  jusqu’à  Frencq  ,  dont  on  s’est 
accordé  jusqu’ici  à  faire  le  Franciliaco  de  la  charte 
d’Adroalcl  ?  Pourquoi  n’y  comprendrait-on  pas  Rumilly-Ie- 
Comte  ,  si  on  le  veut ,  comme  il  semble  assez  qu’on  doive 
le  faire,  d’après  ce  qui  en  est  dit  dans  le  cartulaire  de 
Simon,  touchant  les  démêlés  desBertiniens  avec  les  Cluni- 
siens  ?  Allons  plus  loin  :  }!asto  n’est-il  pas  pour  Wasto  ,  ce 
Wachimvillare  que  nous  retrouvons  entre  les  mains  des 
Bertiniens  au  x.®  siecle,  lorsque  l’abbé  Ragenold  y  va 
purger  son  elephantiasis  ?  Pourquoi  Laudardiaca  même  ne 
deviendrait-il  pas  le  Laudacj^e  d’Hesdin-l’Abbê,  Hisdennel^!) 
passé  plus  tard  aux  mains  des  abbés  de  Samer  ? 

Je  vous  livre  ces  réflexions  pour  ce  qu’elles  valent;  mais, 
puisque  l’occasion  s’en  présente  ,  je  ne  crois  pas  inutile  de 
les  jeter  au  vent  de  la  discussion. 

Agréez,  etc.  D.  Hâigxeré. 

Nous  accueillons  avec  bien  du  plaisir  les  remarques  de 
M.  Haigneré ,  ne  désirant  rien  tant  que  de  voir  notre  Bulle¬ 
tin  ,  quand  nous  serons  sortis  des  graves  préoccupations  ac¬ 
tuelles,  devenir  un  lieu  de  rencontre  où  les  hommes  d’étude 
échangeraient  leurs  vues  sur  les  divers  points  d’érudition 
intéressant  l’histoire  de  la  contrée.  A.  Desplanqüe. 


BIBLIOGRAPHIE. 

JEAN  BART, 

So7i  influence ,  son  époque , 
par  le  docteur  A.  Lebleu,  de  Dunkerque.  P) 

On  est  toujours  sûr  d’être  bien  accueilli  du  public  ,  lors¬ 
qu’on  a  à  lui  parler  de  Jean  Bart.  Peu  de  noms  sont  envi- 


(1)  Br.  in-8.°  de  130  p.  Dunkerque,  Kien,  1870.  —  Cette  étude 
est  destiné  à  figurer  dans  le  t.  xv  des  Mémoires  de  la  Société  dun- 
herquoise. 


—  572  — 

ronnés  d’une  popularité  aussi  étendue ,  aussi  légitime,  et 
peu  d’époques  ont  été ,  au  même  degré  que  la  sienne ,  mar¬ 
quées  du  sceau  de  la  vraie  grandeur.  Les  épreuves  du  temps 
présent  nous  aident  à  mieux  comprendre  combien  fut  large, 
prévoyante  et  élevée  ,  la  politique  extérieure  de  Louis  XIV  ; 
elles  donnent  ainsi  un  surprenant  caractère  d’actualité  à 
l’étude  de  M.  A.  Lebleu  sur  Jean  Bart. 

M.  A.  Lebleu  est  frère  de  l’ancien  commandant  du  Génie 
dont  nous  signalions  ici  même ,  l’année  dernière  (voir  Bul¬ 
letin,  t.  I,  p.  143),  \di  Notice  historique  sur  Dunkerque. 
M.  A.  Lebleu  a  traité ,  avec  tous  les  Séveloppements  néces¬ 
saires  ,  le  plus  important  chapitre  du  sujet  si  heureusement 
esquissé  dans  son  ensemble  par  M.  son  frère.  L’auteur  de  la 
nouvelle  étude  sur  Jean  Bart  ne  se  borne  pas  à  résumer  tous 
les  faits  positifs  qu’on  a  recueillis  sur  la  carrière  deTillustre 
marin.  Ils  applique  à  le  replacer  dans  son  milieu  historique  ; 
sans  se  laisser  aucunement  dominer  par  la  doctrine  du  fata¬ 
lisme  des  races ,  il  étudie  physiologiquement  et  moralement 
les  origines  de  son  héros.  Le  père  et  le  grand-père  de  Jean 
Bart  furent  tous  deux  corsaires  et  tous  deux  moururent  de 
blessures  qu’ils  avaient  reçues  en  combattant  contre  les 
Anglais.  Sa  grand’mère  était  Agnès  Lacobsen  ,  fille  du  glo¬ 
rieux  capitaine  du  Saint-Vincent ,  qui ,  enveloppé  par  huit 
navires  hollandais ,  fit  sauter  son  vaisseau  plutôt  que  de  se 
rendre. 

N’est-il  pas  vrai  qu’ici  le  caractère  des  ancêtres  explique 
celui  du  descendant  ?  Quand  on  sait  de  qui  Jean  Bart  était 
fils  et  petit-fils,  on  n’en  est  plus  à  se  demander  où  il  avait 
puisé  ses  trésors  d’énergique  audace ,  de  mâle  fermeté. 

L’année  16o0,  date  de  la  naissance  de  Jean  Bart,  est , 
comme  l’observe  M.  Lebleu,  un  moment  solennel  dans 
l’histoire.  Elle  vit  naître  Guillaume  d’Orange  à  la  marine 
duquel  le  héros  dunkerquois  devait  porter  de  si  terribles 


—  575  — 

coups  :  elle  vit  Louis  XIV  s'acheminer  vers  sa  majorité  ;  elle 
ménagea  enfin  la  transition  entre  la  première  et  la  seconde 
moitié  du  siècle,  si  différentes  l’une  de  l’autre.  Dans  la  pre¬ 
mière,  Richelieu  et  Mazarin  posent  laborieusement  les  fon¬ 
dements  de  notre  grandeur  nationale.  Dans  la  seconde , 
Louis  XIV  ,  recueillant  le  fruit  de  leurs  efforts  ,  impose  à 
l’Europe,  comme  un  double  fait  accompli,  la  prépondérance 
de  la  couronne  de  France,  l’abaissement  de  la  maison 
d’Autriche. 

Pour  le  précis  de  la  vie  et  des  exploits  de  Jean  Bart, 
M.  Lebleu  s’en  rapporte  volontiers  à  la  Notice  de  M.  Van- 
derest.  Il  ne  fait  qu’un  reproche  à  son  estimable  devancier  : 
c’est  d’avoir  admis,  dans  son  livre,  à  côté  de  faits  de  guerre 
avérés ,  indiscutables ,  des  anecdotes  dénuées  de  preuves, 
souvent  grotesques ,  et  qui  tendent  à  faire  disparaître  le 
grand  homme  dont  la  vie  est  acquise  à  l’histoire,  sous  le 
héros  de  je  ne  sais  quelle  épopée  burlesque.  Ces  anecdotes, 
mises  en  circulation  par  les  Mémoires  de  Forhin  où  perce 
à  l’égard  de  Jean  Bart  une  mesquine  jalousie  ,  reprises  et 
amplifiées  150  ans  plus  tard,  par  le  fantaisiste  Richer, 
accréditées  auprès  de  nos  contemporains  par  Eugène  Sue  , 
paraissent  à  M.  Lebleu  éminemment  suspectes.  Elles  ca¬ 
drent  mal  avec  ce  qu’on  sait ,  par  ailleurs ,  du  caractère 
modeste  et  réservé  de  Jean  Bart,  de  ses  vertus  domestiques 
et  de  ses  sentiments  religieux.  L’historien  dunkerquois 
Faulconnier  et  le  poète  flamand  De  Swaën  ,  qui  tous  deux 
l’ont  connu  de  près ,  nous  le  dépeignent  tout  autre  qu’on  ne 
l’entrevoit  à  travers  les  brumes  de  la  Légende  française.  (*) 

{})  Nous  disons  la  Légende  française  ;  car ,  dans  la  Flandre  espa¬ 
gnole  ,  il  s’en  est  formée  une  autre  d’un  tour  plus  sombre  et  dont  le 
fond  semble  emprunté  au  mythe  germanique  du  Vaisseau-Fantôme. 
Ecoutons  à  cet  égard  M .  L .  de  Baecker  ,  {Mémoires  de  la  Société  dunker- 
quoise,  années  1854-1855,  p.  380.)  «  A  Wenduyne  (Belgique)  le  long 
des  côtes,  entre  les  dîmes  et  le  Graef-Jansdyck,  il  se  trouve  quelques 
huttes  habitées  par  des  pêcheuses  de  grenades.  Ces  bonnes  femmes 


—  374  — 

Non ,  Jean  Bart  ne  fut  pas  le  grossier  capitan  qu’on  se 
figure.  Sans  doute,  ce  rude  marin ,  ce  flamand  flegmatique, 
put  se  trouver  dépaysé  parmi  les  courtisans  de  l’OEil  de 
bœuf;  mais  il  ne  commit,  dans  rantichambre  du  Roi, 
aucune  des  inconvenances  qu’on  lui  prête.  Louis  XIV,  qui 
se  connaissait  en  hommes  et  qui  haïssait  d’instinct  les 
«  magots  de  Téniers,  »  n’eût  pas  eu  pour  notre  compatriote 
les  délicates  attentions  qu’il  lui  témoigna:  il  l’eût  payé  en 
monnaie  plus  grossière ,  s’il  eût  jugé  que  ses  manières 
fissent  sérieusement  tort  à  son  caractère. 

M.  Lebleu  s’inscrit  contre  la  double  qualité  de  t  simple 
pêcheur  »  et  de  c  génie  de  second  ordre  »  que  la  plupart 
des  biographes  appliquent  à  Jean  Bart.  Nous  savons  déjà 
quelle  était  sa  naissance  :  elle  le  plaçait  hors  de  la  classe  du 
peuple  ,  dans  les  rangs  de  la  bonne  bourgeoisie  dunker- 
quoise.  Les  deux  unions  qu’il  contracta  successivement  le 
maintinrent  dans  cette  catégorie  sociale.  Sa  seconde  femme 
appartenait  à  la  famille  Tugghe  sur  laquelle  un  autre  his¬ 
torien  duiikerquois ,  M.  Cartier,  prépare  une  utile  notice. 

Engagé ,  comme  simple  mousse ,  dès  l’âge  de  douze  ans, 
dans  la  marine  hollandaise,  Jean  Bart  avait  trouvé  le  temps 
de  s’y  faire  distinguer  par  le  célèbre  amiral  Ruyter,  mais 
non  d’acquérir  une  instruction  régulière. 

Il  ne  manquait  pourtant  pas  de  connaissances  mathéma¬ 
tiques.  Il  parlait  le  flamand ,  l’anglais ,  peut-être  aussi  le 
norwégien ,  et  c’était  précisément  sa  familiarité  avec  ces 
diverses  langues  qui  nuisait  à  son  français.  Aux  archives  de 

racontent  aux  étrangers  qui  visitent  ces  parages ,  qu’il  leur  est  arrivé 
plus  d’une  fois  de  voir,  la  nuit ,  errer  sur  les  flots  un  navire  de  feu. 
Elles  disent  que  ce  vaisseau  est  celui  que  montait  Jean  Bart,  l’illustre 
marin,  lorsqu’il  battait  ses  ennemis  ,  et  que  cette  apparition  est  son 
ombre  qui  parcourt  le  théâtre  de  ses  anciens  exploits.  Elles  préten¬ 
dent  que  ce  fantôme  est  parfaitement  reconnaissable  :  car  l’ombre  de 
sa  forte  stature  est  dessinée  par  les  flammes  da  navire  qui  serpentent 
et  ondoient  autour  d’elle;  Cette  tradition  ne  prouve -t-elle  pas  l’épou¬ 
vante  qu’a  laissée  le  nom  de  Jean  Bart  dans  ce  pays  ?  » 


—  375  — 

la  Marine  ,  on  ne  conserve  guère  de  lui  que  des  signatures, 
pas  plus  mal  tracées,  du  reste,  que  celles  de  ses  glorieux 
contemporains,  Duquesne,  Saint-Pol  et  autres,  qui,  comme 
lui ,  dictaient  toutes  leurs  lettres  ou  notes  de  service. 

Nous  savons  maintenant  à  quoi  nous  en  tenir  sur  la  vile 
extraction  et  l’ignorance  crasse  dont  les  historiens  d'une 
certaine  école  font  autant  de  titres  de  gloire  pour  Jean 
Bart.  Nous  allons  voir  que  l’homme  privé  n’avait  rien  de 
vulgaire.  Le  désintéressement  et  la  modestie  formaient  les 
deux  bases  essentielles  de  son  caractère.  Celui  qui  donna  de 
si  grands  développements  à  la  guerre  de  course ,  et  qui 
aurait  pu  légitimement  s’attribuer  une  part  importante  de 
tant  et  de  si  riches  captures,  mourut  pauvre,  ou,  du  moins, 
sans  avoir  sensiblement  accru  sa  fortune  patrimoniale. 
Chose  non  moins  remarquable  !  Le  héros  qui  jamais  ne 
trembla  devant  l’ennemi  et  qui ,  suivant  la  remarque  de 
M.  Lebleu ,  exerçait  sur  ses  compagnons  d’exploits  ce  solide 
ascendant  que  donne  seule  l’habitude  de  se  commander  à 
soi-même,  ce  foudre  de  guerre,  rendu  à  ses  amis,  à  sa 
famille  ,  devenait  d’une  timidité,  d’une  douceur  presque 
enfantines  ,  à  moins  que  ses  devoirs  de  citoyen  ou  de  père 
ne  l’obligeassent  à  se  montrer  rigide.  Quand  on  le  félicitait 
des  succès  de  sa  carrière ,  il  les  attribuait  à  sa  bonne  for¬ 
tune,  ou  mieux  encore  à  la  protection  divine.  Il  offrait  à  la 
Sainte  Vierge  les  pavillons  qu’il  enlevait  à  l’ennemi  :  »  Ver¬ 
tueux,  dit  De  Swaën,  causant  familièrement  avec  tous, 
secourable  aux  indigents,  il  ne  laissa  jamais  sortir  quel¬ 
qu’un  sans  une  satisfaction  ,  sinon  entière ,  au  moins  par¬ 
tielle.  J» 

Quand  il  était  de  loisir  sur  la  terre  ferme,  il  allait  sou¬ 
vent  passer  des  semaines  entières  avec  sa  femme  et  ses 
enfants  chez  son  parent,  le  curé  de  Drincham,  homme  de 
mérite ,  avec  qui  il  était  intimement  lié  :  «  Je  ne  veux 


—  576  — 

point  vous  être  à  charge ,  disail-il  en  arrivant,  c’est  moi 
qui  ferai  ici  toute  la  dépense.  >  (M 

Les  sentiments  religieux  de  Jean  Bart  ne  peuvent  faire 
doute  pour  quiconque  examine  la  question  sans  parti-pris. 
Le  célèbre  marin  n’eût  pas  été  de  son  temps ,  de  sa  pro¬ 
vince  et  de  sa  ville,  s’il  n’eût  professé  pour  le  catholicisme 
un  attachement  sincère  et  pratique.  Le  curé  de  sa  paroisse 
et  quatre  de  ses  notables  concitoyens,  consultés  sur  sa  foi  et 
sur  ses  mœurs ,  lorsqu’il  s’agit  de  conférer  à  Jean  Bart 
des  lettres  de  noblesse ,  attestent  que  sa  foi  se  traduit  par 
des  actes  de  piété ,  par  la  fréquentation  des  Sacrements. 
Ses  mœurs,  ajoutent-ils ,  sont  en  rapport  avec  la  pureté  de 
ses  croyances. 

Laissons  l’homme  privé  et  revenons  à  l’homme  public , 
ou ,  pour  mieux  dire,  à  l’homme  de  mer.  M.  Lebleu  trouve 
qu’on  ne  rend  pas  assez  justice_  à  Jean  Bart  lorsqu’on  le 
considère  comme  un  hardi  et  heureux  aventurier ,  dans  la 
tête  duquel  ne  seraient  jamais  entrés  aucun  plan  général, 
aucune  conception  grandiose.  Après  avoir  justifié,  au  point 
de  vue  du  droit  des  gens ,  la  guerre  de  course  telle  que 
l’avait  réglementée  Louis  XIV,  après  avoir  surtout  démontré 
que  Jean  Bart  demeura  constamment  étranger  aux  basses 
cupidités  et  aux  ruses  perfides  d’un  forban,  M.  Lebleu 
prouve  que  le  grand  marin  dunkerquois  fit  faire  des  progrès 
considérables,  quoique  peu  remarqués,  à  cette  branche  im- 


(q  Un  zélé  chercheur,  au  savoir  et  cà  l’obligeance  duquel  je  ne 
recours  jamais  on  vain  ,  M.  David  ,  du  Comité  flamand  de  France,  me 
communique  sur  ce  curé  de  Drincham  ,  une  note  ainsi  conçue:  «  N. 
(Xicolas  ou  Xorberl)  Bart  fut  vicaire  de  Brouckerke  du  1  octobre 
1675  au  13  octobre  1676.  Le  Cameracum  chrislianum  le  dit  curé  de  Drin¬ 
cham  de  1677  à  1704.  Il  desservit  accessoirement  la  cure  d'Eringhem 
du  4  février  au  5  mars  1690.  Il  remplit  les  fonctions  de  promoteur  du 
district  de  chrétienté  de  '\Vatten,  du  25  janvier  1680  au  4  juillet  1694. 
Il  exerçait,  depuis  seize  ans,  celles  de  supérieur  du  séminaire  de 
Cupere*  à  Bergues,  lorsque  la  mort  le  surprit  en  cette  ville,  le  25 
août  1720.  » 


—  37r  — 

portante  de  l’art  maritime.  Jean  Bart,  suivant  M.  Lebleu, 
inventa  la  division  de  course  : 

Cette  division  de  course  consistait  en  escadres  de  6  à  8 
frégates  légères  ,  fines  voilières ,  d’une  marche  supérieure, 
à  manœuvres  faciles ,  armées  d’un  équipage  nombreux  et 
aguerri.  Jean  Bart  pressentait  fort  bien  les  coups  inces¬ 
sants  et  irréparables  qu’il  porterait  au  commerce  ennemi, 
lui  qui,  d’une  part,  pendant  son  séjour  chez  les  Hollandais, 
avait  pénétré  les  secrets  de  leur  commerce,  et  qui,  de  l’autre, 
depuis  son  retour  à  Dunkerque ,  avait  étudié  à  fond  ,  — 
avec  son  tact  de  vieux  pilote  et  sa  grande  mémoire  locale  , 
—  les  faits  nautiques  ou  astronomiques  ,  les  courants  ,  les 
marées ,  les  bancs ,  les  rochers  ,  les  hauts  ou  bas-fonds  de 
tous  ces  parages,  et  ce  labyrinthe  de  passes  que  nous  avons 
signalé  en  face  de  Dunkerque.  C’est  ainsi  qu’il  échappera 
insaisissable  par  la  vitesse  de  sa  marche  ;  harcelant  sans 
cesse  l’ennemi,  tenant  en  échec  des  flottes  de  trente  à  qua¬ 
rante  vaisseaux  de  guerre  rendues  impuissantes,  et  à  travers 
lesquelles  il  s’esquivera  audacieusement  ;  les  intimidant 
même  quelquefois  le  boute-feu  à  la  main  par  une  adresse 
plus  grande  encore,  pour  courir  les  mers ,  qu’il  s’agisse  de 
détruire  les  ennemis,  ou  d’assurer  l’approvisionnement  de 
la  France. 

Ce  fut  en  1691  que  Jean  Bart  parvint  à  faire  goûter  au 
ministre  Pontchartrain  son  système  d’excursions  maritimes. 
Dès  lors  ,  ses  entreprises  acquirent  un  degré  d’importance 
et  d’efficacité  qu’elles  n’avaient  pas  eu  jusque-là.  Par  le 
rapprochement  imprévu  des  faits  et  des  dates ,  M.  Lebleu 
prouve  que  la  conclusion  du  traité  de  Ryswick,  si  avanta¬ 
geux  pour  la  France,  est  due  en  grande  partie  à  ce  que 
Jean  Bart  tenait  la  mer  du  Nord.  En  ruinant  dans  ces  pa¬ 
rages  le  commerce  anglais  et  hollandais  ,  il  suscita  indirec¬ 
tement  les  émeutes  de  Londres  et  d’Amsterdam.  Quand  le 
peuple  de  ces  deux  villes  se  sentit  affamé ,  il  voulut  la  paix 
à  tout  prix  et  il  l’imposa  à  ses  gouvernants. 

N’est-ce  pas  là  un  résultat  vraiment  digne  d’admiration  ? 
Si  le  chef  de  corsaires  dunkerquois  ne  mit  pas  en  ligne  de 


—  378  — 

bataille  d’immenses  flottes  comme  en  faisaient  manœuvrer, 
pour  le  compte  du  Roi,  Tourville,  Duquesne  et  d’Estrées  , 
ne  dépensa-t-il  point,  dans  sa  sphère  d’action  relativement 
obscure ,  nécessairement  ingrate  ,  un  génie  aussi  inventif , 
aussi  fécond  que  le  leur  ?  Voilà  pourquoi  M.  Lebleu  ne  se 
console  point  de  voir  son  glorieux  compatriote  relégué  au 
second  rang  parmi  les  grands  hommes  du  xvii.®  siècle.  La 
fable  et  la  comédie  sont  en  elles-mêmes,  dit-il,  des  genres 
inférieurs  à  la  tragédie  :  La  Fontaine  et  Molière  ne  sont-ils 
pas  admis  pourtant  à  marcher  de  pair  avec  Corneille  et 
Racine? 

Jean  Rart,  qui  avait  emprunté  aux  hollandais  le  secret  de 
leur  grandeur  maritime  et  qui  voulait  y  initier  la  France,  fit 
école  autour  de  lui,  moins  par  ses  enseignements  que  par 
ses  exemples.  Saint-Pol,  de  Tourouvre,  Saus,  Forbin  aussi, 
furent  ses  élèves,  comme  lui-même  l’avait  été  de  Ruyter. 
Quant  il  mourut  en  1702  dans  sa  ville  natale ,  emporté  par 
une  pleurésie  qu’il  avait  contractée  au  service  du  Roi,  il  eut 
la  consolation  de  pressentir  que  son  idée  capitale  lui  survi¬ 
vrait.  La  guerre  de  course  fut  continuée  après  lui ,  avec  des 
succès  qui  nous  dédommagèrent  en  partie  de  la  ruine  de  notre 
grande  marine.  Ces  succès  eurent  une  notable  influence  sur 
la  conclusion  du  Traité  d’Utrecht  (^)  qui  sauva  la  France  et 
lui  donna  ses  limites  actuelles  (moins  la  Lorraine  et  les 

(1)  A  propos  des  négociations  qui  précédèrent  la  conclusion  du 
Traité  d’Utrecht ,  M.  Lebleu  a  écrit  un  chapitre  trop  intéressant  pour 
que  nous  nous  résignions  à  le  qualifier  de  digression.  L’auteur  s’est 
surtout  aidé,  pour  éclaircir  ce  point  d’histoire* diplomatique,  du  livre 
de  M.  Marius  Topin,  intitulé  L'Europe  el  les  Bourbons  sous  Louis  XIV. 
Dans  ce  livre,  M.  Topin  ,  digne  neveu  de  M.  Mignet,  a  mis  en  pleine 
lumière  le  caractère  du  cardinal  de  Polignac,  diplomate  dont  la  dignité 
ferme  et  soutenue  mérite  d’être  appréciée.  Aux  hollandais  qui,  lors 
des  conférences  de  Gertruydenberg  se  montraient  intraitables,  il 
disait  :  «  Vous  parlez  comme  des  gens  qui  n’êtes  pas  habitués  à 
vaincre  !  »  et ,  plus  tard ,  rompant  toute  négociation  avec  eux  k 
cause  de  leur  mauvais  vouloir,  il  déclarait  se  placer,  «lui  et  son 
roi ,  sous  la  protection  du  Dieu  qui  sait  humilier ,  quand  il  lui  plait , 
ceux  qu’une  prospérité  inouïe  aveugle  !  » 


~  379  — • 

annexes  récentes.)  Les  anglais  ne  mirent  à  cette  paix  qu’une 
condition  sine  quâ  non  :  ce  fut  le  démantèlement  de  Dun¬ 
kerque,  ayant  pour  corollaire  l’ensablement  de  son  port. 
Pouvaient-ils  convenir  plus  ouvertement  du  préjudice  que 
Jean  Bart  et  ses  hardis  compatriotes  leur  avaient  occasionné, 
de  la  terreur  que  le  souvenir  de  l’un  et  l’audacieuse  ini¬ 
tiative  des  autres  leur  causaient  encore  ?  —  Ce  fut  l’honneur 
de  Dunkerque  de  servir ,  par  son  abaissement  momentané, 
de  rançon  à  la  France  !  A.  Desplanque. 


DIVISION  DE  LA  CRAIE  BLANCHE  DU  HAINAUT  EN  QUATRE  ASSISSES 

par  MM.  Cornet  et  Briart  d) 

Malgré  la  grande  épaisseur  de  la  craie  blanche  du  Hai- 
naut  (326  m.  à  Nimy) ,  on  n’avait  pu  jusqu’à  présent  y 
établir  de  divisions.  MM.  Cornet  et  Briart,  dont  nos  lecteurs 
connaissent  déjà  toute  la  sagacité  ,  sont  arrivés  à  résoudre 
ce  problème  géologique. 

Ils  ont  divisé  la  craie  blanche  en  quatre  assisses  qui  sont 
de  bas  en  haut  : 

1.®  Craie  de  Saint-Waast  qui  contient  dans  le  bas  de 
nombreux  rognons  de  silex ,  mais  qui  en  est  complètement 
dépourvue  dans  le  haut.  Elle  renferme  peu  de  fossiles  sauf 
des  polypiers  dans  sa  partie  supérieure.  Son  épaisseur  est 
de  51  mètres  au  maximum. 

2.0  La  Craie  d'Obourg  qui  contient  par  place  de  volumi¬ 
neux  silex  noirs.  Elle  est  séparée  de  l’assisse  inférieure  par 
un  conglomérat  de  fragments  de  craie  roulés,  de  débris 
d’Inocérames  et  de  poissons.  Elle  est  divisée  en  deux  parties 
inégales  par  un  conglomérat  de  même  nature  ;  son  épais¬ 
seur  maximum  est  de  150  mètres.  Belemnites  quadratus  , 

(D  Mémoires  couronnés  de  l’Académie  des  sciences  de  Belgique, 
t.  XXXV,  26  p.  in-4.°,  2  pl. 


—  580  — 

Belemnites  mucronatus^  Echinocory s  gibbus  sont  ses  îossües 
les  plus  abondants. 

3. ®  Craie  de  Nouvelles  qui  est  d’un  blanc  si  parfait,  qu’elle 
fait  paraître  grises  les  autres  craies.  C’est  la  plus  pure  de 
toutes  :  on  l’emploie  pour  la  fabrication  du  blanc  d’Espagne 
et  pour  la  production  de  l’acide  carbonique  dans  les  sucre¬ 
ries.  Elle  renferme  de  gros  silex  noirs  très-volumineux  ;  son 
épaisseur  est  d’environ  20  mètres  ;  on  y  trouve  :  Belemnites 
mucronatus  ,  Echinocorys  ovatus ,  Magas  pumilus. 

4. ®  Craie  de  Spiennes.  Elle  se  distingue  des  autres  assisses 
parce  qu’elle  est  légèrement  grisâtre,  non  traçante,  rude  au 
toucher ,  disposée  en  bancs  épais  et  réguliers.  Elle  exige 
pour  la  cuisson  une  grande  quantité  de  combustible,  aussi  ne 
s’en  sert-on  pas  à  la  fabrication  de  la  chaux.  On  a  tenté  de 
remployer  comme  pierre  de  construction.  Elle  renferme 
d’abondants  silex  bruns  qui  sont  utilisés  par  la  couverte  des 
faïences  et  que  l’on  exploitait  déjà  à  l’époque  de  l’âge  de 
pierre  polie  pour  la  confection  des  haches. 

Dans  un  travail  précédent ,  MM.  Cornet  et  Briart  ont  fait 
connaître  des  puits  de  cet  âge  qui  ont  servi  à  l’extraction 
des  silex.  Dans  les  champs  voisins  on  rencontre  une  grande 
quantité  d’éclats  de  silex  et  de  haches  plus  ou  moins  im¬ 
parfaites  :  il  y  avait  là  un  vaste  atelier  de  fabrication . 

La  craie  de  Spiennes  a  une  épaisseur  d’environ  150  m.  ; 
elle  commence  par  un  conglomérat  de  fragments  de  craie  , 
de  nodules  de  phosphate  de  chaux  ,  de  silex ,  de  débris  de 
fossiles,  etc.  qui  repose  sur  la  surface  profondément  durcie, 
jaunie  et  perforée  de  la  craie  de  Nouvelles.  Ses  principaux 
fossiles  sont  :  Belemnites  mucronatus ,  Baculites  Faujasii, 
Fissurirostra  Palissii ,  Echinocorys  ovatus. 

Au-dessus  de  la  craie  de  Spiennes,  vient  la  craie  bru¬ 
nâtre  de  Ciply  que  MM.  Cornet  et  Briart,  à  l’exemple  de 
tous  les  géologues ,  rapportent  à  l’étage  de  la  craie  supé- 


—  581  — 

rieure.  Elle  renferme  presque  tous  les  fossiles  de  la  craie 
de  Spiennes ,  sauf  Echinocorys  ovatus  ;  elle  en  contient 
en  outre  beaucoup  d’autres  propres  à  la  craie  supérieure. 

_ J.  G. 

HISTOIRE  ET  SCIENCES  LOCALES. 

ORNITHOLOGIE  DU  NORD  DE  LA  FRANCE  {suite). 

Nos  oiseaux  passagers ,  c’est-à-dire  ceux  qui ,  dans  leurs 
migrations  périodiques ,  passent  à  peu  près  régulièrement 
dans  nos  contrées ,  sont  au  nombre  de  125.  Je  n’en  dé¬ 
taillerai  pas  la  liste  qui  donnerait  à  ce  simple  aperçu  une 
dimension  exagérée  ;  mais ,  dans  cette  catégorie  comme 
dans  les  deux  premières ,  il  y  a  des  espèces  qui  forment 
quelquefois  exception  ,  en  se  propageant  accidentellement 
dans  le  pays ,  et  d’autres  qui ,  passagères  pour  une 
grande  partie ,  se  montrent  en  plein  hiver  ,  quand  le  froid 
devient  très-vif  et  que  la  neige  couvre  la  terre, Je  m’arrê¬ 
terai  à  quelques-unes  de  ces  espèces. 

La  Huppe  {Upupa  epops^  Lin.)  a  niché  plusieurs  fois 
à  ma  connaissance  dans  le  département  du  Nord  ;  j’en  ai  eu 
des  œufs  de  Verlinghem ,  près  Lille  ;  elle  s’est  aussi  pro¬ 
pagée  dans  la  Somme.  Elle  paraît  séjournante  en  Belgique 
dans  la  vallée  de  la  Meuse  ;  je  ne  l’ai  vue  nulle  part 
aussi  abondante  au  printemps ,  que  dans  les  jardins 
d’Aranjuez ,  en  Espagne. 

Le  Torcol  [Yunx  torquilla  ,  Lin.  )  est  dans  le  même  cas. 
Ses  passages  d'automne  ^ont  assez  réguliers  et  quelquefois 
nombreux ,  mais  ses  nichées  ici  sont  tout  à  fait  excep¬ 
tionnelles. 

La  Grive  litorne  {Turdus  pilaris.  Lin.)  aurait  niché  aux 
environs  de  Bergues  d’après  Degland  qui  tenait  sans  doute 
cette  observation  de  M.  de  Meezemaker.  C’est  un  oiseau 


—  582  — 

migrateur  en  ce  sens  qu’il  arrive  au  commencement  de 
l’hiver,  en  volées  quelquefois  immenses ,  dans  les  parties 
marécageuses  de  nos  plaines.  Ces  bandes  disparaissent  si 
l’hiver  est  doux,  mais  si  la  neige  tient ,  elles  reparaissent, 
et  alors  ces  oiseaux  naturellement  méfiants  se  laissent 
prendre  au  filet  en  grande  quantité  ;  tous  les  marchés  en 
sont  pourvus. 

Le  Merle  à  plastron  {Turdus  torquatus ,  Lin.)  nicherait 
quelquefois  dans  l’Ardenne  belge  d’après  M.  de  Selys  ;  dans 
le  département  du  Nord  il  est  purement  passager. 

Le  Roitelet  huppé  {Regulus  cristatus  ^  Ray.)  a  fait  son 
nid ,  il  y  a  deux  ans ,  dans  un  if ,  à  Niellesdez-Ardres  (Pas- 
de-Calais). 

Le  Traquet  rubicole  (Pratincola  rubicola  ,  Kaup.)  se  voit 
assez  souvent  en  automne  sous  sa  livrée  de  jeune  ;  il  niche 
en  petite  quantité  aux  environs  d’Abbeville  ;  je  l’ai  vu  en 
juin  dans  les  bruyères  de  Racquinghem  (Pas-de-Calais). 

D’après  Degland  (Catalogue  des  Oiseaux  observés  en  Eu¬ 
rope,  1840),  le  Traquet  motteux  (Saxicola  œnanihe ,  Redit.) 
niche  dans  les  terrains  arides  et  élevés  de  l’arrondissement 
de  Lille.  Ce  fait  qui  n’est  pas  reproduit  dans  YOrnithologie 
européenne  me  paraît  peu  probable.  Il  faudrait  tout 
d’abord  trouver  dans  l’arrondissement  de  Lille  des  terrains 
arides  et  élevés. 

Le  Gohe-monche  noir  (Muscicapa  atricapilla ,  Lin.)  se 
reproduirait  aussi ,  d’après  Degland,  dans  le  Boulonnais  ;  je 
n’en  ai  jamais  eu  la  preuve.  Il  est  probable  que  le  fait  a  été 
isolé  s’il  a  eu  lieu. 

Le  Pigeon  colombin  (Columha  cenas,  Lin.)  qui  séjourne 
dans  tous  les  grands  bois  des  environs  de  Paris  ne  peut 
compter  ici  que  comme  passager  ;  ses  nids  y  sont  très-rares. 
J’en  ai  connu  deux  années  de  suite  dans  un  parc.de  Wam- 
brechies. 


—  385  — 

La  Bécasse  {Scolopax  rusiicula^  Lin.),  oiseau  passager 
par  excellence  ,  laisse  de  temps  en  temps  quelques  couples 
dans  les  bois  du  Nord  de  la  France.  J’en  ai  vu  des  œufs  de 
la  forêt  de  Clairmarais  ,  des  bois  de  Warneton  (Belgique)  ; 
on  cite  aussi  des  nids  trouvés  dans  les  forêts  de  Pbalempin 
et  de  Crécy. 

La  Bécassine  {Gallinago  scolopacinus ,  Bp.)  pond  aussi 
de  temps  en  temps  dans  nos  marais,  mais  les  exemples  en 
deviennent  de  plus  en  plus  rares. 

Le  Bécasseau  cinclQ  (P elidna  cinclus^  Cuv.),  le  Com¬ 
battant  {M achetés  pugnax,  Cuv.),  la  Guignette  (Actitis 
hypoleucos  ,  Boié) ,  sont  dans  le  même  cas. 

J’ai  déjà  cité  le  Canard  sauvage ,  et  quelques  Lariens 
comme  se  reproduisant  quelquefois  dans  les  marais  et  les 
dunes  ;  j’y  ajouterai  le  Canard  morillon  (Fuligula  cristata , 
Step.)  qui  a  nicbé  une  fois,  à  ma  connaissance,  dans  le 
marais  de  Clairmarais  (Pas-de-Calais). 

Parmi  les  espèces  qui,  tout  en  exécutant  leurs  passages 
normaux  d’automne  et  de  printemps  ,  se  montrent  encore 
pendant  les  grands  froids  d’hiver  ,  citons  :  Le  Héron  cen¬ 
dré  ,  les  Courlis ,  le  Chevalier  brun ,  le  Pluvier  doré,  le 
Pluvier  à  collier  et  le  Pluvier  de  Kent,  laMaubèche,  le 
Bécasseau  cincle,  les  Barges ,  l’Avocette ,  la  Foulque ,  le 
Cygne  sauvage  ,  le  Cygne  de  Bewyck ,  la  plupart  des  Ansé- 
riens  et  des  Anatiniens. 

Nous  en  avons  déjà  fait  la  remarque  dans  une  note  sur  le 
passage  des  Oies  sauvages  [Bulletin ,  1869  ,  page  356) ,  ces 
apparitions  d’hiver  proviennent  d’oiseaux  qui  se  sont  éche¬ 
lonnés  sur  la  route  qui  conduit  des  marais  arctiques  aux 
plages  de  la  Méditerranée ,  ou  de  ceux  qui  ont  niché  dans 
les  contrées  tempérées  des  bords  de  la  Baltique  et  de  la  Hol¬ 
lande.  Tant  que  le  froid  n’est  pas  assez  rigoureux  pour  les 
gêner  dans  la  recherche  de  leur  nourriture ,  ils  séjournent 


—  384  — 

sans  trop  se  déplacer  ;  mais  si  la  gelée  devient  forte  et  que  le 
vent  leur  soit  favorable ,  ils  gagnent  par  groupes  les  côtes 
maritimes  plus  méridionales  ou  cherchent  les  eaux  libres. 
Plus  le  froid  dure ,  plus  nous  voyons  arriver  d'espèces  sep¬ 
tentrionales  ;  c'est  alors  que  nos  grèves  et  nos  rivières  se 
peuplent  de  gibier  de  toute  sorte  et  que  se  font  les  captures 
précieuses;  bon  nombre  d'espèces  accidentelles  ne  sont 
jamais  prises  que  dans  ces  circonstances. 

Quant  aux  passages  habituels  d'octobre  et  d'avril,  il  y  a 
dans  la  manière  dont  ils  s’effectuent  une  diversité  égale  au 
nombre  des  espèces. 

Les  unes  passent  pour  ainsi  dire  inaperçues ,  isolément, 
à  des  intervalles  irréguliers,  les  autres  en  bandes  nom¬ 
breuses,  avec  des  cris  retentissants,  quelquefois  en  suivant 
un  ordre  déterminé  comme  les  Grues  et  certains  Canards. 

Il  en  est  qui  voyagent  par  étapes ,  ne  s'arrêtant  que  rare¬ 
ment  quand  la  faim  les  presse  ;  d'autres  qui  semblent  ne  pas 
avoir  de  but  fixe  et  qui  errent  çà  et  là  de  station  en  station. 
Certains  oiseaux  cherchent  le  calme  des  belles  nuits,  d’autres 
choisissent  le  vent  oblique,  c'est-à-dire  de  l'est  à  l’ouest;  il 
n'est  pas  de  chasseur  quelque  peu  [exercé  qui  ne  prédise  à 
peu  près  sûrement  le  passage  des  Bécassines  d'après  la  di¬ 
rection  du  vent.  Sur  les  côtes  maritimes,  tout  le  monde  sait, 
en  observant  le  vent,  quelle  chance  il  y  a  de  rencontrer  les 
passages  d'Echassiers  et  de  Palmipèdes  qui  sont  attendus 
chaque  printemps. 

Très-souvent  un  marais  se  trouve  peuplé  tout-à-coup  , 
sans  que  l’on  y  ait  vu  s’abattre  un  seul  oiseau  ;  c'est  que  le 
passage  a  eu  lieu  pendant  la  nuit ,  et  ce  n’est  pas  une  des 
moindres  singularités  de  ces  voyages  instinctifs  que  devoir 
des  oiseaux  essentiellement  diurnes  pendant  tout  le  reste  de 
l’année,  prendre  sur  leur  sommeil  le  temps  de  leurs  mi¬ 
grations. 


—  585  — 

Il  existe  au  phare  de  Calais  une  collection  formée  de  tous 
les  oiseaux  qui  sont  venus  la  nuit  se  heurter  contre  le  gril¬ 
lage  qui  protège  la  lanterne.  La  plus  grande  partie  sont  des 
passagers  qui  dans  leurs  voyages  de  nuit  ont  été  attirés  vers 
la  lumière.  On  y  trouve  presque  toutes  les  espèces  voya¬ 
geuses  qui  affectionnent  dans  leurs  passages  les  côtes  de  la 
mer,  et  aussi  beaucoup  d’oiseaux  sylvains  comme  les  Fau¬ 
vettes  et  les  Grives. 

D’ailleurs  il  suffit  de  prêter  l’oreille  pendant  certaines 
nuits  d’automne ,  pour  entendre  les  cris  d’une  foule  d’oi¬ 
seaux  qui  passent,  quelquefois  en  bandes  innombrables ,  et 
qui  donneraient  un  curieux  spectacle  si  l’on  pouvait  les  aper¬ 
cevoir.  Les  volées  de  Macreuses  qui  rasent  la  mer  pendant 
des  jours  entiers,  devant  les  ports  de  Calais  et  de  Dunkerque, 
peuvent  en  donner  une  idée. 

La  quatrième  section  est  celle  des  oiseaux  qui  n’appa¬ 
raissent  qu’accidentellement ,  ou  les  fortuits.  Il  sont  au 
nombre  de  102  espèces. 

Ici  l’intérêt  n’est  plus  le  même;  il  n’y  a  plus  d’étude 
locale  proprement  dite ,  puisqu’il  s’agit  de  faits  exception¬ 
nels  ,  amenés  par  des  causes  très-diverses  et  très-souvent  ne 
se  renouvelant  pas  ;  mais  ces  captures  d’oiseaux  rares  ont 
un  autre  mérite ,  celui  de  la  curiosité  et  de  l’extraordinaire. 
Elles  font  époque  dans  la  carrière  d’un  collectionneur ,  et 
rien  ne  lui  paraît  plus  agréable  que  de  montrer  une  pièce 
réputée  lout-à-fait  étrangère  à  la  localité ,  et  qu’il  a  eu  la 
bonne  fortune  de  rencontrer  une  seule  fois. 

Il  n’est  pas  possible  de  donner  une  explication  générale 
de  ces  apparitions  fortuites  :  pour  les  oiseaux  de  l’extrême 
Nord,  elles  s’expliquent  par  un  abaissement  considérable 
de  température  avec  lequel  elles  correspondent  presque 
toujours  ;  pour  les  espèces  orientales  et  méridionales,  la 
cause  en  est  souvent  dans  des  coups  de  vent ,  qui  dépaysent 


—  586  — 

les  oiseaux  et  les  entraînent  hors  de  leur  sphère  habituelle. 
Les  Rapaces  peuvent  être  emportés  par  la  poursuite  de  leur 
proie  ;  les  passagers  sont  quelquefois  entraînés  au  milieu 
d’une  émigration  d’espèce  congénère.  Il  peut  arriver  qu’un 
oiseau  se  désoriente  en  suivant  le  cours  d’un  fleuve ,  ou  les 
grèves  de  la  mer;  mais  dans  beaucoup  de  cas,  il  est  im¬ 
possible  de  trouver  une  explication  et  puéril  de  s  y  arrêter. 

Voici  la  liste  de  nos  espèces  fortuites,  avec  les  localités  où 
elles  ont  été  prises  et  la  date  autant  que  possible;  je  l’ai 
extraite  des  observations  de  Degland,  Bâillon,  Marcotte, 
de  Selys ,  Delhomel ,  de  Vilmaretz ,  de  Meezemaker  , 
Deschodt  et  de  mes  propres  recherches. 

Vautour  fauve  Gray. )Armentières  1818,  Abbeville. 

Neophronpercnoptère  {Neophron  percnopterus  ^  Sav.)  Maroilles 
(Nord). 

Aigle  royal  [Aquila  chysaetos^  Lin.)  Dunkerque  1830,  Abbeville, 
Winendael  (Belgique)  1823. 

Aigle  criard  {Aquila  nævia  Bris.)  Lille  octobre  1814,  Tem- 
pleuve  1834  ,  Bergues,  Montreuil. 

Circaète  Jean  Le  Blanc  {Circaetos  g  allions ,  Gm.)  Gœulzin 
(Nord)  31  octobre  1853. 

Milan  royal  [Milvus  regalis  ^  Briss.)  Lille  1837,  Gouy-en- 
Artois  janvier  1852. 

Milan  noir  {Mulvus  niger ,  Br.)  Bergues. 

Elanion  blac  {Elanus  melanopterus  ^  Leacb.)  Gassel  1830, 
Aerschot  juin  1869. 

Faucon  gerfaut  {Falco  gyrfalco  ,  Schl.)  Abbeville. 

Autour  {Astur  palumbarius ,  Becht.)  Lille ,  Saint-Omer  dé¬ 
cembre  1870. 

Busard  pâle  {Strigiceps  Suminsoni^  Bp.)  Raimbeaucourt  (Nord) 
1835 ,  Abbeville. 

Chouette  caparacocb  (Sîi?’wm  ulula  ^  Bp.)  Tournai  1830. 
Chouette  harfang  (N^c^^æ  nævia ,  Bp.)  Abbeville  1802. 

Scops  petit  duc  {Scops  zorca  ,  Sav.)  Belgique ,  Ardennes. 

Grand  duc  {Bubo  atheniensis,  Daud.)  Pecquencourt  (Nord), 
Dunkerque. 

Pic  mar  {Ficus  médius  ^  Lin.)  Boulogne  (Observation  douteuse.) 
Pic  épeicbette  {Ficus  minor ,  Lin.)  Phalempin ,  Saint-Omer , 
Abbeville. 

Guêpier  (Merops  apiaster Montreuil, Pont-Remi (Somme). 
RoWier (Cor acias g arrula ,  Lin.)  Lille,  Douai,  Flandres  belges. 
Tichodrome  échelette  (Tichodroma  muraria^  111.)  Somme, 
Rocroy. 


—  587  — 

Sittelle  {Sitta  europœa ,  Lin.)  Forêt  de  Mormal ,  Avesnes. 

Remiz  penduline  {Ægithalus  pendulinus ,  Boié.)  Amiens  1830. 

Alouette  calandrelle  iAlauda  brachydactyla ,  Leisler.)  Etaples. 

Alouette  hausse-col  [Otocoris  alpestris.  Bp.)  Dunkerque,  Calais. 

Pipit  Richard  [Corydalla  Pdchardi^  Vigors.)  Lille ,  Dunkerque, 
Calais,  Bergues. 

Pipit  rousselin  [Agrodroma  cdmpestre,  Sw.)  Dunes  de  Tem- 
Douchure  de  la  Somme  ,  environs  de  Lille,  Ardennes. 

Bergeronnette  flaveole  [Budytes  Rayi,  Bp.)  Lille,  Saint-Omer, 
Abbeville. 

Bergeronnette  à  tête  grise  [Budytes  cinereocephala ,  Bp.)  Lille. 

Bergeronnette  mélanocêphale  [Budytes  melanocephala ,  Savi.) 
Lille  mai  1839. 

Lavandière  d’Yarrell  [Motacüla  Yarrellii^  Gould.)  Lille, 
Abbeville. 

Cincle  plongeur  [Cinclus  aquaticus^  Becht.)  Esquerraes-lez- 
Lille,  1860. 

Merle  à  gorge  noire  [Turdus  atrigularis^  Tem. )  Abbeville 
[Observation  douteuse). 

Locustelle  tachetée  [Locustella  Rayi^  Gould.)  Lille  1829, 
Abbeville. 

Hypolais  polyglotte  [Hypolais  polyglotta ,  Bp.)  Lille. 

Cèttie  bouscarle  [Cettia  sericea,  Bp.)  St-Gilles,  près  Abbeville. 

Pouillot  Bonelli  [Phyllopneuste  Bonellii ^  Bp.)  Abbeville. 

Pitchou  de  Provence  [Melizophilus  provincialis  ^  Leach.)  Mon¬ 
treuil,  Abbeville. 

Fauvette  Orphée  [Curruca  orphea^  Boié.)  Env.  de  Boulogne. 

Accenteur  alpin  [Accentor  alpinus ,  Bechst.)  Bergues ,  Saint- 
Omer. 

Gorge  bleue  [Cyanecula  suecica ,  Boié.)  Fortifications  de  Lille, 
Douai  avril  1836,  Abbeville. 

Pétrocincle  de  roche  [Petrocincla  saxatilis ,  Vigors.)  Calais , 
Tournai ,  1841. 

Gobe-mouche  à  collier  [Muscicapa  albicollis^  Tem.)  Lille  mai 
1832. 

Jaseur  [Ampelis  garrulus^  Lin.)  Lille  janvier  1829  ,  1834, 
décembre  1862. 

Casse  noix  [Nucifraga  caryocatactes ,  Cuv.)  Lambersart  (Nord) 
5  octobre  1850,  Douai,  Dunkerque,  Abbeville,  Lille,  sep¬ 
tembre  1844  ,  septembre  1850. 

Crave  à  bec  rouge  [Fregilus  graculus,  Cuv.)  Lille  1825,  Ab¬ 
beville. 

Martin  roselin  [Pastor  roseus^  Tem.)  Bergues,  Douai,  Abbeville, 
Tournai  automne  1837. 

Bruant  montain  [Plectrophanes  lapponicus ,  Selby.)  Lille  1826, 
Calais,  Dunkerque,  pendant  les  grands  froids. 

Bruant  fou  [Emberiza  cia.  Lin.)  Montreuil. 

Bruant  à  sourcils  jaunes  [Emè.  chrysophrys ,  Pallas.)  Glacis  du 
fort  Saint-Sauveur  à  Lille,  1828.  Oiseau  de  la  Daourie  et  de 


—  588  — 

la  Sibérie  orientale.  L’exemplaire  pris  à  Lille  est  le  seul  nui 
ait  jamais  été  capturé  en  Europe.  Peu  de  collections  possé¬ 
daient  cette  espèce  jusqu’à  ces  dernières  années  où  il  a  été 
envoyé  de  la  Chine  septentrionale  par  un  missionnaire  na¬ 
turaliste,  le  Père  David. 

Soulcie  iPetronia  rupestris  Lille  octobre  1839  ,  Abbeville. 

Venturon  [Citrinella  alpina,  Bp.)  Lille  octobre  1848. 

Cini  {Serimis  flavescens  ,  Gould.)  Abbeville. 

Bec  croisé  perroquet  {Loxia pityopsittaciis^  Bechst.)  Bersée,  près 
Lille ,  en  mai. 

Erythrine  cramoisi  {Carpodacus  erythrinus^  Kaup.)  Lille  17 
septembre  1849  ,  Abbeville  ,  Tournai. 

Niverolle  [Montifringilla  nivalis^  Brehm.)  Amiens. 

Siserin  blanchâtre  (Acanthis  canesçens ^  Brehm.)  Lille,  Ab¬ 
beville. 

Ganga  cata  (Pterocles  alchata^  Step.)  La  Bassée  (Nord),  Dûnes 
de  la  Somme. 

Syrrhapte  hétéroclite  [Syrrhaptes  heteroclüus ,  Vieill.)  Douai, 
Calais,  Dunkerque,  Boulogne,  Dûnes  de  la  Somme,  1863. 

Gelinotte  [Bonasia  sylvestris\  Br.)  Ardennes  1830,  Avesnes. 

Perdrix  rouge  [Peràix  rubra^Bv.)  Saint-Pol  (Pas-de-Calais) , 
Tournai. 

Outarde  barbue  [Otis  torda.  Lin.)  Berck  fPas-de-Calais) ,  Tem- 
plemars  (Nord)  1842,  Bouvines  1830,  Phalempin,  Sainghin, 
Cambrai,  Béthune. 

Outarde  cannepetière  {Otistetrax^  Lin.) Berck  (Pas-de-Calais), 
Dûnes  de  la  Somme. 

Court-vite  isabelle  [Cursoritis  gallicîis  ^  Bp.)  Dunkerque,  Saint- 
Omer,  Abbeville. 

Glaréoie  à  collier  {Glareola  pratincola^  Lin.)  Bergues,  garennes 
de  Saint-Quentin  (Somme.) 

Phalarope  hvperboré  (Lobipes  hyperboreus ,  Cuv.)  Dunkerque 
novembre  ‘1852. 

Echasse  {Himantopus  candidits ,  Bonn.)  Baie  de  Somme , 
Tournai. 

Bécasseau  platyrhynque  (Limicolapygmœa^  Koch.)  Dunkerque, 
embouchure  delà  Somme. 

Bécasseau  rousset  {Actiturus  rufescens^  Bp.)  Dunkerque,  Ab¬ 
beville. 

Chevalier  semipalmé  (Catoptrophorus  semipalmatus^  Bp.)  men¬ 
tionné  par  Degland  comme  pris  à  Abbeville,  cependant 
M.  Marcotte  n’en  parle  pas. 

Chevalier  stagnatile  [Totanus  stagnatilis  ^  Bechst.)  Dunkerque, 
Saint-Omer ,  Le  Crotoy. 

Barge  terek  {Xenus  cinereus^  Kaup.)  Cayeux,  à  l’embouchure 
de  la  Somme,  en  mai. 

Courlis  à  bec  grêle  (Numenius  temiirostris ,  Vieillot.)  Calais , 
Dunkerque,  Noyelles-sur-mer,  Montreuil ,  Lille  mai  1849. 

Ibis  falcinelie  [Plegadis  falcinellus^  Kaup.)  Verton ,  marais 


—  389  — 

d’Airon,  Bergues,  Lille  décembre  1840,  Montreuil  octobre 
1852 ,  Tournai ,  ïirlemont  6  octobre  1869. 

Egrette  garzeîte  {Egretta  garzetta ,  Bp.)  Abbeville. 

Egrette  melanorhynque  (Eg.  melanorhiincha.  Vagi.)  Marais 
d’Airon  (Pas-de-Calais.) 

Crabier  de  Mahon  {Bupkus  ralloïdes^  Bp.)  Calais,  Verton, 
Tournai. 

Flanimant  rose  [Phœnicopterus  roseus^  Pallas.)  Dunkerque, 
Abbeville. 

Cygne  tuberculé  [Cijgmis  olor  ^  Lin.)  Dunkerque. 

Canard  siflleur  huppé  [Branla  riifina,  Boié.)  Lille,  Bergues, 
embouchure  de  la  Somme  hiver  1835. 

Canard  de  Barrow  [Clangiila  islandica,  Bp.)  Lille  1829,  1834, 
Bergues. 

Canard  histrion  [Harelda  histrionica,  Keys.)  Gravelines. 

Canard  à  tête  grise  [Somateria  spectabüis ,  Leach.)  Boulogne , 
baie  de  Somme. 

Canard  disparate  [Stelleria  dispar ,  Bp.)  Audinghem  (Pas-de- 
Calais),  25  février  1855. 

Canard  marchand  [Oïdemia  perspicillata ,  Flém.)  Calais  hiver 
1855,  Boulogne  ,  baie  de  Somme. 

Canard  couronné  [Erismatura  mersa^  Bp.)  Camiers  (Pas-de- 
Calais)  ,  janvier  1867. 

Cormoran  largup  [Phalacrocorax  gracuhis ,  Dum.)  Côtes  de 
Flandres  et  de  Picardie  ,  Lille  novembre  1818. 

Hirondelle  de  mer  tschegrava  [Hydroprogne  caspia^  Kaup.) 
Douai  19  février  1827  ,  Tournai. 

Hirondelle  de  mer  moustac  [Hydrochelidon  hybrida ,  Br.)  Le 
Crotoy ,  avril  1868. 

Hirondelle  de  mer  leucoptère  [Hydrochelidon  leucoptera^  Br.) 
Côtes  du  Nord  et  de  la  Somme. 

Goéland  sénateur  [Pagophila  ebiirnea^  Boié.)  Baie  de  Somme. 

Goéland  leucoptère  [Leiicus  leucopterus ,  Bp.)  Dunkerque  1829. 

Mouette  de  Sabine  [Xema  S abinii  ^  Le^ch.)  Dunkerque  1847, 
baie  de  Somme. 

Mouette  pygmée  [Xemaminutum,  Boié.)  Dunkerque,  Abbeville, 
Amiens,  Tournai. 

Petrel  fulmar  [Fulmariis  glacialis,  Leach.)  Côtes  de  Flandres 
et  du  Pas-de-Calais. 

Talassidrome  de  Leach  [Procellaria  Leachii  ^Tèm.)  Dunkerque 
1843  ,  baie  de  Somme. 

Talassidrome  de  Wilson  [Procellaria  oceanica,  Sch.)  Merlimont 
(Pas-de-Calais) ,  janvier  1862. 

PutTm  major  [Puffinus  major ^  Faber.)  Baie  de  Somme. 

Puffin  cendré  [Puftïnus  cinereus,  Stéph.)  Baie  de  Somme. 

Putlin  manks  [Pufjinus  anglorum^  Bay.)  Côtes  de  la  Manche. 

Puilin  obscur  (Puffinus  obscurus,  Stéph.)  Baie  de  Somme. 

Guillemot  bridé  [Uriarhingvia,  Brunn.)  Dunkerque,  Boulogne, 
baie  de  Somme. 


—  590  — 

Grèbe  cornu  (Podiceps  cornutus,  Lin.)  Lille  mai  ^841,  décembre 
1852,  février  1870,  Deûlémont  1853,  Tournai. 

A.  DE  Norgüet. 


CHRONIQUE 

Géolog^ie.  Coupe  dans  la  craie  à  Carxnn.  —  Dans 
notred  épartement  si  peu  accidenté ,  les  couches  profondes 
de  la  craie  qui  n’affleurent  que  dans  un  très-petit  nombre  de 
localités  étaient  à  peine  connues  sous  le  rapport  géologique. 
Cependant  peu  de  pays  sont  aussi  favorisés  pour  de  pareilles 
études  ;  car  dans  une  foule  de  points  les  fosses  à  charbon 
sont  obligées  de  traverser  toute  l’épaisseur  du  terrain  cré¬ 
tacé.  C’est  que  jusqu’à  présent  on  avait  négligé  de  ramasser 
les  fossiles  ramenés  par  les  avaleresses,  ou  on  n’en  avait  pris 
que  les  plus  gros. 

Il  y  a  deux  ans  j’ai  pu  recueillir  les  fossiles  trouvés  dans 
le  puits  de  Guesnain,  près  de  Douai,  et  je  les  ai  fait  connaître 
en  indiquant  tes  couches  dont  ils  provenaient. 

A  la  même  époque  on  commençait  un  puits  près  de  la  gare 
de  Carvin.  L’ingénieur ,  M.  Daubresse  ,  a  eu  l’obligeance  de 
me  conserver  un  échantillon  de  toutes  les  couches,  mètre 
par  mètre  :  Il  a  ramassé  avec  soin  tous  les  petits  fossiles 
qu’il  m’a  également  envoyés.  Aussi  la  fosse  de  Carvin,  en 
confirmant  les  faits  que  l’on  avait  observés  à  Guesnain  et  en 
y  ajoutant  des  indications  précieuses,  nous  fait  faire  un 
■grand  pas  dans  la  connaissance  géologique  de  notre  contrée. 
Il  serait  à  désirer  que  quelques-uns  des  ingénieurs  qui  diri¬ 
gent  les  nombreuses  fosses  du  Pas-de-Calais  voulûssent  bien 
s’inspirer  à  l’occasion  du  zèle  scientifique  de  M.  Daubresse 
et  profiter  de  leurs  recherches  industrielles  pour  faire 
avancer  la  science. 

[Voir  le  tableau ,  page  suivante). 


J.  Gosselet. 


Terrains  traversés  par  la  Fosse  3,  à  Carvin 


PROFON¬ 

DEUR 


m. 


1.95 

5.30 


7.70 


43.80 


58.73 


62  23 


82.70 


103 


125.70 


136.10 


138.40 


DESIGNATION  DE  LA  COUCHE 


Terre  végétale.  .  .  . 

Limon  (terre  à  briques)  . 
Limon  mélangé  de  craie. 


Sable  vert  et  argile  .  . 

Craie  tendre  Irés-divisée. 


Craie  blanche 


Craie  blanche  avec  silex 


Craie  dure  ,  siliceuse  et  alumi¬ 
neuse  avec  grains  de  glau¬ 
conie  et  rognons  de  p^hosphate 
de  chaux.  (Meule  ou  Tun.) 


Craie  marneuse  j  la  quantité  d’ar¬ 
gile  augmente  dans  le  bas. 

(Faux  bleus) . 

(Bons  bleus) . 

(Bleus  ordinaires) . 

Marne  dure  plus  ou  moins  argi¬ 
leuse  ,  verte  lorsqu’elle  est 
humide.  (Dièves  vertes).  . 

Argile  verte  ou  jaunâtre  deve¬ 
nant  bleue  en  se  desséchant,  se 
délitant  à  la  pluie,  certains 
bancs  sont  plastiques,  d’autres 
plus  durs. 

(Diéves  vertes) . 

(Dièves  jaunes) . 

(Diéves  (trés-jaunes)  .... 

Marne  blanche  dure  .... 

(Dièves  blanches). 

Argile  bleue  (Dièves  bleues) .  . 

Marne  blanche  dure  .... 

(Dièves  blanches.) 

Conglomérat  glauconifère  avec 
galets  (Tourtia)  .  .  ,  .  ^ 

Terrain  houiller. 


EPAIS¬ 

SEUR 


m. 

0.30 

1.05 

0.60 


1.35 

4.40 


36.10 


14.93 


3.50 


5.45 

11.58 

5.44 


20.50 


9  40 
8.80 
2.50 

4.60 


3.40 

4.40 

2.30 


FOSSILES 


Inoceramus  n.»  9(à  37  m.) 
Bois  charbonnisés  (37  m.  70) 


Corax  (à  57  m.) 
Pleurolomaria  (55  m.) 

Lima  (55  ra.) 

Inoceramus  Lamarkii  (46  m) 
Inoceramus  n.»  1  (46  m.) 
Inoceramus  n.®  5  (46  m.) 
Inoceramus  n.»  6  {52  m.) 
Micraster  cortestudinarium. 

Pleurolomaria. 

Turbo. 

Inoceramus  Cuvieri. 
Inocéramus  n.®  10. 

Lima. 

Terebratula  semiglobosa. 
Rhyncbonella  Cuvieri. 
Micraster  breviporus. 
Micraster  cortestudinarium. 
Echinoconus  vulgaris. 
Echinocorys  vulgaris. 
Cidaris. 

Terebratula  semiglobosa(64). 
Terebratulina  gracilis  (80  m) 
Spondylus  spinosus{80  m.) 
Bois  charbonnisé  (64  m.) 

Inoceramus  annulatus  7  (84). 


Nautilus  elegans  (115  m.) 
Spondylus  spinosus  (120  m.) 
Inoceramus  labiatus  (119, 
121,  125  m.) 

Terebratulina  striata  (120  ?) 
Rhynchonella  plicatilis  (120). 
Rhyncbonella  Cuvieri  (120). 

Ammontes  Mantelli  ?  (125  m) 
Rhynchonella  plicatilis  (125.) 

Ammonites  Rothomagcnsis 
(156  m.) 

Ammonites  sussexiensis 
{134  m.  50.) 

Nautilus  elegans  ?  (156  m.) 
Ammonites  varians  (137  m.) 


ACCIDENTS 

minéralogiques 


Niveau  d’eau  des 
puis  à  5  m.  3o. 

Cette  masse  de  craie 
est  traversée  de  petits 
bancs  plus  durs  bien 
stratifiés  situées  à  17 
m.  80,  25  m.  90, 28m. 
93, 33  m.  33, 36  m.  65, 
37  m.  70.  A  17  ra.  : 
28,000hect.  d’eau  par 
jour;  à  36  m.  :  24,000 
hect. 

Marcassite  (38  m. 80) 
Marcassite(48  m.80) 
A  49  m  :  20,000 hect. 
d’eau.  De  53  m.  à  57 
m.  on  rencontre  une 
faille  inclinée  vers  le 
S.  de  53  0  1j2.  Dans 
cette  faille  la  venue 
d’eau  est  de  50,(X)0h. 
par  jour.  Dans  le 
bas  à  partir  de  58  m. 
50  la  craie  contient 
des  nodules  de  phos¬ 
phate  de  chaux  rou¬ 
lés,  usés,  corrodés 
et  verdis,  provenant 
de  la  couche  sous- 
jacente. 

A  59  m.  :  30,000  h. 
d’eau.  A  62  m.  10,000 
h.  d’eau. 

Marcassite. 


Marcassite. 


Marcassite. 


592  — 


Météorologie.  NOVEMBRE 

1870 

Température  moyenne .  5.°  77 

»  »  des  maxima .  8.°  21 

»  -  0)  desminima .  3."  34 

»  extrême  maxima ,  le  25.  13.®  70 
»  minima  ,  le  30 — -  l.°  50 

Baromètre  hauteur  moyenne  à  0.°. . . .  756“"'052 
»  hauteur  extrême  maxima,  le  2. .  773"'"‘45 
»  ))  »  minima,  le  15.  740™“92 

Tension  de  la  vapeur  atmosphér .  5“'“78 

Humidité  relative  moyenne  % .  84.60 

Epaisseur  de  la  couche  de  pluie .  40"‘"‘46 

»  de  la  couche  d’eau  évaporée. .  17"’‘’‘58 


NOVEMBRE 
année  moy. 

5.°  69 


759r‘  275 


5””’96 
85.  66 
50““40 
20r28 


Le  mois  de  novembre  1870  n’offrit  rien  de  particulier  ; 
sous  tous  les  rapports  il  se  rapprocha  beaucoup  des  condi¬ 
tions  météoriques  du  même  mois  année  moyenne. 

Pendant  les  5  premiers  et  les  5  derniers  jours  le  vent  souf¬ 
fla  du  N.-E.  et  du  S. -O.  pendant  la  période  intermédiaire. 

Il  n’y  eut  qu’un  seul  jour  de  neige ,  le  10  ;  et  quoiqu’il  en 
soit  tombé  une  quantité  équivalente  à  une  couche  d’eau 
d’une  épaisseur  de  8.“"’  20  ,  elle  ne  tarde  pas  à  se  fondre 
parce  que  la  température  de  l’air  restait  au-dessus  de  0. 

Les  40.’"'”  46  d’eau  météorique  se  décomposent  ainsi  : 
Eau  de  pluie  31.’"’"  06  ,  de  neige  8.’"'"  20  ,  de  grêle  l,"""  20 

Quoique  la  température  ,  l’état  hygrométrique  de  l’air  et 
la  pression  barométrique  aient  été  favorables  à  l’évapo¬ 
ration  ,  ce  phénomène  météorique  fut  cependant  moins  pro¬ 
noncé  qu’en  année  moyenne  :  la  cause  de  cette  infériorité 
doit  être  attribuée  à  la  fréquence  et  à  l’abondance  des  rosées 
et  à  la  nébulosité  du  ciel  qui  indiqua  la  présence  d’une 
grande  quantité  de  vapeurs  précipitées  dans  les  hautes  ré¬ 
gions  atmosphériques ,  indice  d  une  saturation  accusée  par 
la  dépression  de  la  colonne  barométrique. 

La  tension  éiectrique  fut  assez  prononcée  ;  elle  se  mani¬ 
festa  par  rinlensité  des  courants  atmosphériques  et  par  les 
éclairs  sans  tonneiTe  du  23  au  matin  avant  le  jour.  Les 
rhumatisants  et  les  névralgiques  ressentirent  sa  fâcheuse 
influence.  V.  Meurein. 

'Le  Gérant  :  E.  Castiaux. 


TYP.  DE  BLOCQIJEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE,  13 


2."  ANNÉE —  1870 


TABLE  GÉNÉRALE 


Table  des  Sociétés 

Amiens.  Société  des  Antiquaires  de  Picardie  à  —  111. 

—  Académie  d’  —  265. 

Arras.  Académie  d’ —  360. 

Belgique.  Académie  royale  de  —  44,  57,  114,  201;  297. 
Boulogne-sur-Mer.  Société  académique  de  —  75. 

Cambrai.  SOciété  d’Emulatiou  de  —  144,  174,  301. 

Douai.  Société  d’Agriculture  ,  etc.  de  —  1. 

Dunkerque.  Société  de  —  137. 

Laon .  Société  académique  de  —  268. 

Iiille.  Société  des  Sciences  de  —  12,  73,  177,  209. 

—  Faculté  des  Sciences  de  —  360. 

Mons.  Cercle  archéologique  de  —  331  ; 

—  Société  des  Sciences,  etc.  du  Hainaut  —  77 ,  329. 

Nord.  Commission  historique  du  département  du  —  41 , 213. 
Roubaix.  Société  d’Emulatiou  de  —  169  ; 

—  Association  d’enseignement  mutuel  des  travailleurs  de  —  211 . 
Saint-Omer.  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie  —  361. 
Saint-Quentin.  Société  industrielle  de  —  81. 

Sorbonne.  Réunion  des  Sociétés  savantes  à  la  —  149. 

Tournai.  Société  historique  et  littéraire  de  —  233. 

Ypres.  Société  historique  de  la  ville  d’  —  105. 


Table  des  Xoms  d’Aiitenrs 

dont  les  ouvrages  ont  été  analysés  ou  cités  : 


Alard.  139 
Bachy.  15.117 
Backer  (de) .  222 
Barbey.  149 
Beauvillé.  275 
Bernaerts.  207 
Bernier.  335 
Berville.  265 
Blanquart-Evrard.  62. 

82 


Blin.  144 
Bonnier.  172 
Bonvarlet.  143 
Borgrave  (de).  204 
Brassart.  216 
Brialmont.  47 
Briart.  208.293.379 
Brochet.  104 
Brun-Lavainne.  171 
Bruyelle.  148.174.302 


Cahier.  6 

Carnel  (l’ahbé) .  41 
Catalan.  204 
Chalon  (Jean).  79 
Chalon  ^Renier) .  236 
Chellonneix.  15 
Chon.  12.93.181 

plpççp  77 

Cochet  (l’abbé).  165 
Cœmans  (Tabbé).  116 


2  — 

Coince.  181  iGosselet.  15.18.50.116 

Combier.  275  144.152.300.301.390 

Conscience.  201.204  Guermonprez.  17 
Cools.  230  Guillaume  (le  gén.)  330 

Corblet  (l’abbé).  280  Guillon.  266 
Corenwinder.  13.209.  Gùthlin.  137 
Corne.  4  Haigneré  (l’abbé).  76. 

Cornet.  208.293.379  367 

Courtin.  2  Hallez.  16 

Courtois.  361  Herberwyn.  139 

Cousin.  140.143.232.  Horion.  300 
249  Houdoy.  155 

Dancoisne  (l’abbé).  8  Houzé  de  l’Aulnoit.  73 
Dancoisne  (L.) 24  Huguet  (l’abbé).  235. 
Dareste  delà  Chavanne  Kerwyn  de  Yolkærs- 


beke.  306 
iKickx.  114.298 
Kœnen  (de).  288 
Konninck  (de)  50.114. 
Konninck  (Louis  de). 
205 

iKraus.  244 
Kulhmann.  17 
Ladureau.  144 
Laloy.  357 
Lambert.  207 
Lamy.  73 
Laroche.  77 
Lebeau.  228 


75.178 

Dauphin.  265 
Daussy.  266 
Dechristé.  286 
Defacqz.  201 
Dehaisne  (l’abbé). 2. 7 
57.310.343 
Delègue.  137 
Delhaye.  182 
Demarsy.  274. 

Demaze.  112 
Derode.  139 
Desilve  (l’abbé) .  124. 

Desjardins.  3.6.179  _ 

Desplanques.  164.190.  Leblan.  16 
221.254.323.344.  iLebleu.  371 
Devillers.  78.333 
Dewalque.  299 
Dey.  269 
Diegerick.  106 
Dombret.  194 
Durieux  145.175.266. 

301.302 
Dupont.  1 

Dupont  (Edouard).  47|Lenoel.265.266 
Epinay.  143  Letrange.  84 

Everhaert.  139  Leuridan.  126.171.183 

Faidherbe  (le  général)  237.239 
240  L’Hote.  137 

Faidherbe  (Alex.)  171.  Linas  (de)  151.244 
173  Longnon.  363 

Farez.  261  Lucas.  113 

Fégueux.  144.174  Macquart.  205 

Fleury.  268.275  I Malaise.  46 


Lecesne.  85 
Lecocq.  124.194.226 
Lefebvre.  176.303 
Legrand.  200 
Le  Hardy  de  Beaulieu. 
79 

Lehon.  310 
Lejeune.  329.331 


Forestier.  110 
Fourdin.  246.334 
Garnier.  267 
Giry.  363 
Gomart.  274 


Mathieu.  266 
Matton.  151.270.292 
Maugin.  2.88 
Meerens.  221 
Melsens.  297 


ilelun  (de)  119 
deunier.  206 
Meurein.  39.72.102.136 
167.200.232.264.295 
327.359.392 
Montigny  (de).  48.114 
205 
Morand.  151 
(lordacq.  139 
Moreau.  207 
Morren.  49 
Motte.  171 
Mourlon.  298 
Nédonchel  (de).  236 
Nivoit.  84 

Norguet  (de).  68.99. 
126.197.259.262.357 
390 
Nyst.  44.  . 

Obry.  267 

Omalius  d’Halloy.  26. 
299 

Ortlieb.  15.200.212 
Paeile.  62. 

Painvin.  72 
Paris.  87.92 
Pécheur  (l’abbé).  152 
Père.  237 
Pellat.  336.359 
Petit  (l’abbé).  332 
Philippe.  212 
Piette,  Ed.  230 
Piette ,  Aim.  275 
Piot.  107 
Plateau.  46 
Poiré  (l’abbé).  42 
Poquet  (l’abbé).  150. 
272 

Pouy.  239 

Preudhomme  de  Borre 
114.208 
Preux.  9 

Quetelet.  48.205.297 
Radziszewski.  48 
Ravisi(de).  150 
Rigaux.  76. 

Rigaux  (Henri).  133. 
197  228 

Roussel  (Martial).  166 
Ruffîn.  305 
Ryckolk  (de)  114 
Sauvage.  76 
Schuermans.  131 
Taillar.  213 


Ternas  (de).  226 
Terninck.  276 
Testelin.  178 
Thielens.  79.288 
Tricot.  335 
Van  Bambeke.  297 
Van  Beneden.  45.205. 
297 

Van  Beneden  fils.  48. 
114.205 

Vandenbogaerde.  107 


— .  5  — 

Vandenbroeck.  237 
VanderElst.  78 
Van  der  Mensbrugghe. 
205 

Vanderstræten.  106.108 
Van  Dessel.  229 
Van  Rende.  132.197. 
168 

VanHoren.  298 
Vassart  (l'abbé).  173 


Vendegies  (de)  158.183 
216 

Viollette.  178 
Vion.  134 

Voisin  (l'abbé)  234.230 
Vos  (l’abbé).  237 
Wacquez.  237 
Wesmael.  80.325 
Wilbert.  144.301 
Yvert.  265 
Zandyck.  142 


Table  desi  Titres»  des»  Articles» 

insérés ,  analysés  ou  cités. 


Abbaye  de  Steneland ,  143  ;  —  de 
Longpont ,  272  ;  —  de  Bucilly  , 
274  ;  —  de  Saint-Martin  de 
Laon,  275;  —  de  Solesmes , 
305  ;  —  d’Raumont ,  333  ;  —  de 
Saint-Amand  ,  334 
Académie  d’Amiens.  Histoire 
de  r  —  267 

Acta  sanctorum.  —  Origine  des 
—  7 

Aire  (P).  Le  baillage  d’  —  au 
XIV.*  siècle,  344 
Amiens  (S) .  Musée  d’  —  1 1 1  ; 
Etudes  historiques  sur  —  112  ; 
Hagiographie  du  diocèse  d’  — 
280  ^ 

Anselin.  37 
Anthropométrie.  297 
Arachide.  Aiialysj  de  la  graine 
d’  — 13^ 

Archéologie.  Fouilles  archéolo¬ 
giques  dans  le  Boulonnais, 
140  ;  —  chrétienne  ,  235 
Ath  (B).  Collège  d’ —  334 
Attrébatie.  L’  —  avant  le  VI.® 
siècle,  276 
Baguet.  5  S 
Bart(Jean).  371 
Bavai  (N)  Histoire  de  —  182 
Beauchant  (Jacques).  112 
Bcauvois  ^N).  149 
Belges.  Colonies  des  —  en  Tran¬ 
sylvanie,  202 
Herïaimont  (A) .  333 


Be'thencourt{^).  149 
Betteraves.  Recherches  chimi¬ 
ques  sur  la  —  209 
Bibliographes  picards.  239 
Bibliographie.  Supplément  à  la 

—  montoise ,  78 
Blandecques  (P).  72 
Bollandistes.  Protecteur  des  — 

dans  le  Nord  de  la  France,  7 
Bonononsis.  PagUS  —  363.367 
Botanique.  Organes  reproduc¬ 
teurs  du  Psilotum  triquetrum , 
114;  Place  des  Gymnospermes 
dans  la  série  naturelle,  79 
Boulonnais.  Fossiles  de  l'étage 
bathonien  du  —  176  ;  Fouilles 
archéologiques  dans  le —  140; 
Terrain  jurassique  supérieur 
du  —  337  ;  Terrain  silurien  du 

—  359 

Boussoit-sur -Haine  (B).  Notice 
historique  sur  —  331 
Bronze.  Objets  de— 279 
Buccilly  (A).  Chronique  de  l'ab¬ 
baye  de  —  274 
Buschmann.  58 
Cambrai  (N).  Etudes  sur  le  fau¬ 
bourg  de  Saint-Druon  ,  176  ;  La 
bourgeoisie  de  — 176  ;  Fusil  de 
rempart  trouvé  à  —  145;  La 
disette  à  —  146  ;  Une  alerte  à  — 
301  ;  Histoire  de  —  à  l’époque 
féodale,  301;  Pierres  tumu- 
laires  de  l’église  Saint-Nicolas  à 


—  4 


—  303  ;  Matériaux  pour  l’His- 
toire  des  Arts  à  —  303 
Cambrésis.  Inscriptious  tumu- 
laires  du  —  146.301  ;  Bulle¬ 
tin  archéologique  du —  148. 
174.302 

Capelle  (l’abbé).  1 
Cartulaire,  Chartres  des  COIUtes 
de  Boulogne ,  76  ;  —  du  comté 
de  Béthel ,  274  ;  —  de  l'abbaye 
d’Haumont,  333 

Cateau  (N).  Géologie  du  canton 
du  —  144 

Cerf,  65 

Cerveau.  Circonvolution  du  — 
75 

Chaleur.  Cause  de  la  —  266 
Chanson.  Dissertation  sur  la  — 
77 

Charles-le-Téméraire  ,  compo¬ 
siteur  musical ,  303 
Châtaigne  du  Brésil.  Analyse 
de  la  —  13 

Chateau-Thierry  (A).  Maison  de 
La. Fontaine  à  —  149 
Chevaliers.  Trois  —  d'Hesdin  au 
XI.'  si(' de  ,  314.337 

Chevreuil.  67 

Chien.  —  en  pierre  de  Naast , 
335  ;  Chasse  aux  —  271 
Chièvres  (B).  237 
Chimiques.  Méthodes  —  173 
ChivY  (A).  268 
Ghoiseul.  Gilbert  de  —  235 
Christ.  Couronne  du  —  235 
Clary  (N).  Géologie  du  canton 
de  — 301 
Cloches.  233 

Collot  d’Herhois .  Lettres  de  —  9 
Commensaux.  Les  —  45 
Concordat  oamhrésien  de  1446 
—  24 

Confrérie  de  Sainte  Dorothée , 
226 

Crucifîx  blasphématoire  du  Pa¬ 
latin.  244 

Coups  de  feu, De  Faction  des— 73 
Cousin.  Jean  —  235 
Coussemaker  (de)  ,  59 
Daim.  66 

Denain  (N).  Chapitre  de  —  334. 
Despars.  Jacques  —  33 
Diners.  Les  —  de  Févêque  de 
Cambrai,  175 


Dolmens  et  Tumulus.  130.140. 

151.276 

Douai  (N).  Musées  .53  ;  Etablis¬ 
sements  religieux  ,  8  ;  Con¬ 
frérie  de  Sainte  Dorothée,  226  ; 
Souv’nirs  d’un  homme  d’Douai, 
286 

Eaux  de  Barrèges ,  175 
Eglises.  Saint-Nicolas  de  Tournai, 
236  ;  —  de  Chièvres,  237  ;  —  de 
Chivy.  268 

Egyptienne.  Médaille,  132.168 
Elewyt  (B) .  229 
Elouges  (B) .  335 
Erreur  judiciaire.  275 
Estampes.  Collection  d’  —  Ho- 
chard.  21 

Etats  de  Lille.  Histoire  des  — 
119.190 

Etnographie.  Eléments  d’  —  26 
Etrœungt  {N) .  228 
Faculté.  Souvenirs,  de  la —  des 
lettres  de  Douai.  35 
Femme.  La  —  au  Mexique.  174 
Féodalité.  La  —  201 
Fère  (La)  (A)  Enseignes  de  saint 
Firmin  à  —  270 

Ferrières- la-Grande .  (N).  194 
Ferté -Millon  (La)  (A).  150 
Fosses.  Les  —  de  nos  forêts,  165 
Gallo-romain.  Milliaire  —  228  J 
Sépultures,  141 .228  ;  Bourgade 
—  229;  Bague  —  230;  Anti¬ 
quités  —  du  musée  de  Douai  ; 
53 

Gaudelet  (GhaiTêS).  261 
Gaulois.  Cimetière  —  295 
Gar,  Purification  du —  17 
Génie.  Gorps  du  —  en  Belgique, 
330 

Géologie .  Conférences  sur  la  — 
212;  Cours  de  —  18.50.116. 
152  ; —du  Cambrésis,  144.301  ; 
Terrain  silurien  de  Belgique, 
46;  Id.  du  Boulonnais,  359; 
Nouvelles  espèces  fossiles  du 
terrain  dévonien  de  Belgique  , 
310;  Echinodermes  des  terrains 
primaires ,  50  ;  Puits  naturels 
et  failles  du  terrain  hoiiiller, 
208.292;  Fossiles  de  Fétage 
'  bathonien  du  Boulonnais ,  76  ; 
Terrain  jurassique  supérieur 
du  Boulonnais,  336 ;  La  Meule 


—  5 


de  Bracquegnies ,  300  ;  Craie  de 
Lezennes,  15;  Division  de  la 
craie  blanche  du  Hainaut  en  4 
assises ,  379  ;  Coupe  dans  la 
craie  à  Carvin ,  390  ;  Puits  natu¬ 
rels  dans  la  craie  du  Brabant , 
298  ;  Sondage  à  Radinghem,  34; 
Grés  de  Tirlemont ,  207  ;  Phos¬ 
phate  de  chaux  à  Louvain,  207; 
Argile  de  Woncq,  114  ;  Terrain 
pliocène  de  Belgique,  288  ;  Fos¬ 
siles  des  sables  d’Anvers ,  44  ; 
Diluvium,  68.72 
Grammatical.  Système  —  78  ; 
Réforme  —  135 

Hagiographie  du  diOCèse  d’A- 
miens  ,  280 

Hébreux.  Mœurs  des  —  14 
Hélène.  Type  du  beau  ,  265 
Henri  IV.  Lettres  de  —  76 
Hesdins  (P).  Trois  chevaliers  d’ 

—  311.337 

Hirondelles.  Les —  126.254 
Homme  fossile.  68 
H  onoré ,  I 

Hôpital  de  Saint-Omer  ,  246 
Incendie.  Avertisseur  d’ —  16 
Indianisme.  Dolmens  dans 
rinde,  151;  Architecture  in¬ 
dienne,  150  ;  Jéhovah  et  Agni, 
267 

Industrie  minérale  du  Pas-de- 
Calais,  181 

Inscriptions  latines  du  Musée 
de  Douai,  6;  —  numidiques, 
240 

Insectes.  Byrsax  gibbifer,  208 
Instruction.  Utilité  de  1’  —212 
Instrument  de  musique  du 
Musée  d’Ypres ,  106 
Inventaire  des  objets  d’art  et 
d’archéologie  contenus  dans 
les  églises  et  chapelles  du 
département  du  Nord ,  41 
Jambes  (Bl.  Dolmeus  de  —  130 
Jardins  publics.  Plantation  des 

—  80 

BLerles.  Les — 201 
liacordaire.  Théodore — 2G2 
Z.a  Fontaine.  Maison  de  —  149 

Ziamartine.  28 
La  Roïère.  31 
Lambres  (N).  213 
langage.  Origine  du  —  222 


Laon  (A).  Abbaye  de  Saint- 
Martin,  275;  Hôpital,  275; 
Plan  de  la  ville ,  275 
Législation  coutumière  de  l’Ar¬ 
tois,  85 

Lezennes  (N).  15 
Liessies  (N) .  7 

Lille  (N).  Découvertes  de  mon¬ 
naies  à  —  39.132  ;  Etats  de  — 
119.190;  Cimetière  mérovin¬ 
gien,  197;  la  Halle  échevinale, 
155  ;  Sépulture  gallo-romaine, 
228  ;  Hache  en  silex  poli ,  228 
Longpont  (A),  abbaye  de  —  273 
Lot.  Le —  dans  le  nord  de  la 
France  ,271 

Xiouis  XI.  Politique  extérieure 
de  —  179 
Louvain  (B)  207 

Magistrature  tournaisienne,  257 
Maison.  La  —  113 
Mammouth.  72 

Marrhiennes  (N) .  215 
Médecin  hainuyer  au  xv.®  siècle, 
32 

Mérovingien.  Cimetière  —  112. 

194.197  ;  Chapiteaux  —  268 
Météorologie  38  71.101.135. 166 
198.142.231.263.294.327.358. 
392  ;  Orages  ,  48  ;  Etoiles  fi¬ 
lantes  ,  48  ;  Aurores  boréales  , 
48.114.205;  Météorites,  206 
Miliaire  romain,  228 
Moke  ,  9 

Monstruosités  ,  178 
Mouvements  de  la  plage  de  la 
mer  du  Nord  ,  141 
Mort.  Causes  de  la  —  naturelle , 
266  ;  La  peine  de  —  à  Lille,  290 
Musicale.  Théorie  —  221 
Musées  de  Douai,  6 . 53  ;  d  \ près, 
106  ;  d’Amiens  ,111 
Naast  (B).  335 

Neuville-Saînt-Remy  (N).  Notice 
sur  —  148 

Noblesse .  La  —  du  département 
de  l’Aisne  pendant  la  Révolu¬ 
tion  ,  275 

Noyelles-sur-Selle  (N)  Notice  sur 
—  124 

Numismatique.  Découvertes  de 
monnaies,  39.40.167.132.133; 
Atelier  monétaire  d’Ypres,  107  ; 
Méreaux  de  Tournai ,  236  ;  n- 


6  — 


seignes  de  Saint-Firmin ,  de  La 
Fère ,  270  ;  Monnaies  attré- 
bates,  279  ;  Médaille  égyp¬ 
tienne.  132.168 

Objets  d’art.  Conservation  des 
—  en  pierre  calcaire ,  17 
Œufs,  Conservation  des  —  15 
Oiseaux.  Ibis  falcinelle,  79; 
Faucon  mélanoptère,  79;  — 
amenés  par  le  froid ,  93  ;  Les 
Hirondelles.  126  ;  Ornithologie 
du  Nord  de  la  France,-  350.381 
Orgue,  de  r  —  233 
Paille.  La  cire  de  —  48 
Panaohure.  Contagion  de  la  — 
49 

Paris.  165 

Pascal.  137 

Peupliers.  80.323 

Pierre.  Instruments  en  —  140. 

200.228.259.278.295.357 
Phonographie.  134 
Photographie.  62.82 
Poésies.  Loi  Grammont,  2  ;  Mo¬ 
nument  de  Vercingétorix,  3; 
Madoulet ,  99  ;  La  cloche ,  138  ; 
La  Tour  de  Dunkerque  ,  139; 
Impromptus ,  139  ;  A  mon  pre¬ 
mier  né,  171  ;  Les  quatre  âges 
de  l’Escaut,  171  ;  Les  papillons, 
237  ;  Mes  voyages ,  265  ;  Les 
deux  directeurs ,  265 
Pôle  sud.  Voyage  au  —  145 
Pongerville  (de).  36 
P  ont -sur -S  ambre  (N).  333 
Portail  (Jean  et  Simon  du) ,  237 
Possoz  (le  Père) ,  232 
Pourbus  (les)  ,  306 
Quéant  (P) ,  145 

Quentflvic.  Emplacement  de  — 
140.247 

Radinghem  (N).  Sondage  à  —  34 
ReligUux.  Etablissement  —  à 
Douai  ,  8  ;  Histoire  —  de  la 
Flandre  wallonne  ,171 
Résidus.  Emploi  agricole  des  — 
d’usine ,  .84 

Re'fhel  (Ar).  Cartulaire  du  comté 
de  —  274 

Ribemont{k).  La  prévosté  de  — 
271  ^ 

Romain.  Voir  Gallo-Romain 

Roubaix  (N).  Galerie  roubai- 
sienne ,  172 


Rosati .  Les  —  88 
Roulez.  58 

Roïère  (Jean  de  la)  ,  31 
Rumigny  (A) .  230 
Sandgatte  (P).  141 
Saint-Omer  (P).  Notice  géogra¬ 
phique  sur  Farrond.  de  —  361 
Sars-la-Bruyère  (B).  335 
Schiller.  Etudes  sur  —  138 
Sélénium.  Présence  du  —  dans 
le  cuivre ,  178 

Sépultures  et  Cimetières  méro¬ 
vingiens,  112  .  141  .  194  .  197  ; 
Gallo-romains  ,  141 .228  ;  Gau¬ 
lois  ,  295;  anciens,  168.277; 
de  l’âge  de  pierre ,  230 
Sivori.  266 

Soleil.  Coloration  du  disque  du 
—  48  ;  Nature  du  —  207 
Solesmes  (N) .  Histoire  de  ~  305  ; 
Soignies  (B).  Histoire  de  —  329 
Soutag  (E).  266 
Steneland.  Abbaye  de —  143 
Stévin  (Simon) ,  133 
Tarn  tam  des  Chinois ,  177 
Tellier  (Armand-Joscph)  ,  275 
Teruanensis  (Pagus).  363 
Théâtre  villageois  en  Flandre.  1 08 
Thermomètre.  73 
Thun-VEvèque  (N)’  Sépulture  an¬ 
cienne,  168 

Tirlemont  (B) .  Grés  de  —  207 
Tournai  (B).  Eglise  de  Saint-Ni¬ 
colas  de  —  236  ;  Magistrature 
tournaisienne ,  237 
Valmuse  (Le)  88 
Vaux  (  P) ,  145 
Vendhuile  (A)  ,  70.295 
Villers-Plouich  (N),  68 
Vitellus.  Trous  du  — 297 
Vitraux.  Description  de  —  234 
Vitry  (P) ,  213 

Vuorden  (Le  baron  de)  ,158.183 
216 

Wasmes  (B) ,  332 
Woncq  (B) ,  114 
Ypermann  (Jehan) ,  106 
Ypres  (B).  Musée,  106;  Entrée  du 
prince  de  Ligne  à  —  107;  Ate¬ 
lier  monétaire  cl’  —  107 
Zoologie.  Les  commensaux  ,  45  ; 
Gregarina  gigantea,  49;  Les 
isopodes  ou  cloportes  ,  195 


—  r  — 


Les  noms  de  localités  sont  accompagnés  d’initiales  désignant  les 
divisions  géographiques  où  elles  sont  situées;  (A)  Aisne,  (Ar)  Ar¬ 
dennes  ,  (N)  Nord ,  (P)  Pas-de-Calais,  (S)  Somme ,  (B)  Belgique. 


LILLE  ,  IMP.  BLOCQUEL-CASTIAUX  ,  GRANDE  PLACE  ,  13. 


BULLETIN 

SCIENTIFIQUE  ,  HISTORIQUE 

ET  LITTÉRAIRE 

DU  DÉPARTEMENT  DU  NORD 

et  des  pays  voisins 

(  Pas-de-Calais,  Somme,  Aisne,  Ardennes,  Belgique  ) 
PUBLIÉ  sous  LA  DIRECTION  DE  MM. 

GOSSLLET  ,  Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille  et 
DESPLANQUE  ,  Archiviste  du  Département  du  Nord. 

Tome  IL —  1870. 

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LILLE 

imprimerie  de  Blocquel-Castiaüx  ,  grande  place  ,  13 

1870 


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